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Full text of "Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français, de 1792 à 1815"

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VICTOIRES     ^^"^ 

CONQUÊTES 

UKS ASTRES,  REVERS  ET  (lUKRRKS  CIVILES 

DES  FRANÇAIS 

DEPUIS  4792 


m'OGRii'iiii-:  Di:  ii.  iirmin  ninor    —  Mt;sMi.  (likk). 


VICTOIRES   ;^" 

CONQUÊTÉS^ 

DÉSASTRES,  REVERS  ET  GUERRES  CIVILES 

DES   FRANÇAIS 

DEPUIS  1792 


El®  81^  S  (LIS  âiDiTo^fi)  ^^'■::iuZs\<^-^ 


-offo- 


TOME  DIXIÈME 


-oMo- 


PARIS 

{  LIBRAIRIE  DE  FIRHIN  DIDOT  FRÈRES,  FILS  ET  C" 

■■irrlaMan-Ubralres  «e  l'Iaattlnt 

KUE     JACOB,     .%6 

1858 


VICTOIRES, 

CONQUÊTES, 

SnASTRBS,  B£V£R8  ET  GUERRES  CIVILES 

DES  FRANÇAIS 


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LIVRE  CINQUIÈME. 


GUERRE  D'ESPAGNE. 

CHAPITRE  V. 

80ITB  DE  l'année   1809. 

lie  martebal  Soult  eotre  en  Portugal  ;  combat  de  Mooterey  ;  prûe  de  CluiTés  ; 
batûUe  de  Canralbo-da-Este  ;  comtMt  de  GaimaraeiM  ;  combat  et  priae 
d'Oporto;  combat  d'Amarante,  etc.  —  Suite  des  opérations  militaires  ea 
Espagne;  bataille  de  Medellin;  combat  de  Ciudad-Réal,  etc.  —  Suite  des 
opérations  en  Portugal  ;  l'armée  anglaise  s'avance  sur  Oporto  ;  retraite 
du  maréchal  Soult  sur  la  Galice,  etc. 

A  aucune  autre  époque  de  la  guerre  de  la  révolution  française 
le  gouvernement  anglais  n'avait  déployé  autant  d'activité  et 
d'énergie  que  dans  la  circonstance  présente ,  où  il  s'agissait 
d^arracher  les  Espagnes  au  Joug  du  vainqueur  des  coalitions  ; 
jamais  aussi  les  démarches  et  les  intrigues  du  cabinet  de  la 
Grande-Bretagne  n'avaient  eu  de  prétextes  plus  spécieux,  plus 
légitimes  en  quelque  sorte,  pour  appeler  l'attention  nationale 
sur  les  projets  gigantesques  de  Napoléon ,  et  provoquer  les  ef- 


2  tlVBE    CINQUIBMB. 

i8oe.      forts  de  l'Europe  entière  contre  cet  imprudent  violateur  des 
droits^des  peuples  et  des  souverains. 

L'ouverture  du  j^rlement  lyritannique  avaiteu  lieu  le  }9}an- 
vier;  de  vives  discussions  s'y  étaient  élevées  au  sujet  des  àe- 
cotlrs  infructueux  accordés  à  la  Suède  dans  le  cours  de  l^année 
précédente,  de  l'expédition  de  Portugal,  de  la  convention  de 
Cintra,  dés  désastres  de  l^Espagne ,  et  du  bill  du  éengrès  amé- 
ricain ,  par  lequel  l'entrée  des  ports  des  États-Unis  était  inter^ 
dite  à  tous  les  bâtiments  appartenant  à  l'Angleterre,  à  la  France 
ou  aux  payssoumfs  à  l'influence  de  ces  deux  gouvernements, 
et  naviguant  sous  les  restrictions  imposées ,  soit  par  le  décret 
de  Berlin,  soit  par  Tordre  du  conseil  britannique.  Les  plus  in>- 
tiÉnessants  deces  débats  furent  relatifs  aux  affaires  de  Portugal 
et  d'Espagne.  Dans  la  chambre  haute,  les  lords  Saint- Vincent , 
Moira  et  Grenvilte  parièrent  contre  l'envoi  d'une  armée  en  Por- 
tugal ,  tandis  que  l'Espagne  se  trouvait  dans  ûii  danger  aussi 
imminent.  Le  premier  fit  observer  qu'il  était  dérisoire  de  faire 
débarquer  des  troupes  à  l'extrémité  méridionale  de  la  Péninsule 
lorsqu'il  s'agissait  de  porter  des  forces  au  nord,  où  un  prompt 
secours  était  devenu  urgent  pour  les  Espagnols.  Lord  Moira 
chercha  à  démontrer  que  l'indépendance^de  l'Angleterre ,  me- 
nacée par  Napoléon, devait  être  décidée  en  Espagne;  que  la 
chute  de  cette  dernière  puissance  ne  pouvait  qu'entraîner  celle 
de  la  Grande-Bretagne  ;  qu'enfin,  si  le  ministère  se  fût  hâté 
d'envoyer,  en  temps  utile ,  un  habile  négociateur  pour  se  con- 
certer avec  la  nation  espagnole,  et  s'expliquer  franchement  sur 
la  conduite  que  la  Grande-Bretagne  désirait  tenir  à  l'égard  d'un 
pays  si  injustement  envahi ,  les  insurgés  n'auraient  jamais  douté 
de  l'efficacité  des  secours  qu'on  leur  avait  offerts  trop  tard.  Lord 
Grenville  soutint  que  ce  n'était  qu'au  nord  de  l'Espagne  ;  sur 
les  frontières  des  Pyrénées,  qu'une  armée  anglaise  eût  pu  réel- 
lement être  utile ,  et  que  si,  après  l'évacuation  de  Madrid  par 
i^  Français  (au  mois  d'août  1808) ,  et  leur  retraite  au  delà  de 
l'Èbre ,  il  eût  été  possible  d'envoyer  une  armée  anglaise  sur  ce 
point  avimt  l'arrivée  des  renforts  de  la  grande  armée  d'Allema^ 
gne ,  peut-être  fût- on  parvenu  à  chasser  Joseph  et  ses  troupes 
au  delà  de  la  Bidasaoa,  et  même  à  ouvrir  aux  Espagnols  l'entrée 
de  la  France.  M.  Ponsomby  parla  dans  le  même  sens. à  la 


GUBBEB   0*fiSPÀONB.  S 

diambre  des  Commîmes.  Le  miDÎsIère  répondit ,  par  l'organe  iMt. 
des  lords  Hawkesbary  et  Gastlereagh,  qQ*en  envoyant  une 
armée  en  Portugal  plutôt  qu'en  Espagne  on  avait  agi  confor- 
mément au  désir  manifesté  par  les  diverses  Juntes  espagnoles. 
M.  Canning,  autre  orateur  ministériel ,  s'efforça  de  Justifier  les 
motifii  qui  avaient  déterminé  les  ministres  du  roi ,  en  exposant 
la  situation  des  choses  en  Espagne  au  commencement  du  pre- 
mier mouvement  insurrectionnel,  oc  Lorsque  toute  la  naticm  es- 
pagnole ,  dit-il ,  se  leva  spontanément  et  avec  un  accord  pour 
ainsi  dire  surnaturel,  on  vit  se  former  différentes  autorités  lo- 
cales indépendantes ,  et  jalouses  à  Texcès  de  toute  tentative  que 
Tune  aurait  pu  faire  pour  obtenir  quelque  suprématie  sur  Fau^ 
tre.  B  La  junte  suprême  n'avait  été  établie,  comme  nous  l'avons 
dit  9  qu'à  la  fin  de  septembre ,  et  c'est  à  ce  retard  dans  la  con- 
centration du  gouvernement  insurrectionnel  que  M.  Ganning 
attribuait  la  direction  donnée  à  Texpédition  anglaise,  et  la  len- 
teur de  la  marche  de  sir  John  Moore  depuis  Lisbonne. 

Les  événements  venaient  de  prouver  la  justesse  des  obser- 
vations faites  par  les  orateurs  du  parti  de  l'opposition. 

Cependant  la  consternation  et  Teffroi  s'étaient  répandus  dans 
tout  le  Portugal ,  lorsqu'on  y  avait  appris  qu'à  la  suite  d'un 
grand  nombre  de  succès  sur  les  armées  espagnoles  les  Fran- 
çais, marchant  d'un  côté  sur  T armée  anglaise  commandée  par 
sir  John  Moore ,  avaient  contraint  ce  dernier  à  se  retirer  pré- 
cipitamment sur  la  Galice,  et  que,  s'avançant  de  l'autre  vers  la 
haute  Estramadure ,  ils  avaient  complètement  battu  et  dispersé 
l'armée  du  général  Galluzzo,  dont  la  position  sur  le  Tage  cou- 
vrait Usbonne.  Les  troupes  anglaises  que  le  général  Moore  avait 
laissées  dans  ce  royaume  ne  songèrent  alors  qu'aux  moyens 
d'écliapper  plus  promptement  et  plus  sûrement  au  danger  qui 
les  menaçait.  La  garnison  d'Almeida  abandonna  cette  place; 
tous  les  magasins  formés  dans  l'intérieur  furent  évacués  à  la 
hâte  ;  les  forts  et  les  batteries  sur  le  Tage  furent  démantelés ,  et 
tous  les  différents  corps  se  concentrèrent  autour  de  Lisbonne 
pour  s'y  embarquer  sans  délai. 

Toutefois,  cette  terreur,  qui  provenait,  en  grande  partie, 
de  la  certitude  acquise  que  iSapoléon  dirigeait  en  personne  la 
guerre  de  la  Péninsule  diminua  sensiblement  lorsqu'on  fut  in- 


4  LIVBB  CllIQUlkMB. 

formé  qoeeet  empereur  était  parti  précipitamment  d'Astorga 
pour  retourner  en  France. 

Cette  circonstance ,  heureuse  pour  les  Portugais ,  ranima  Fé- 
nergie  de  la  Junte  de  gouvernement  établie  à  Lisbonne  depuis 
l'évacuation  du  royaume  par  l'armée  française  du  général  Ju- 
not;  die  eut  assez  de  pr^ence  d'esprit  pour  Juger  que  tout 
n'était  point  encore  désespéré.  Convaincue  de  la  faiblesse  de 
ses  ressources ,  et  comptant  toujours  sur  le  constant  appui  du 
ministère  britannique ,  elle  lui  remit  avec  confiance  et  sans  res- 
triction le  soin  de  réorganiser  et  de  guider  ses  forces  nationa- 
les. Le  général  Beresford ,  qui  commandait  le  petit  nombre  de 
troupes  anglaises  restées  en  Portugal  après  le  départ  du  géné- 
ral Moore ,  fut  nommé ,  en  février,  avec  l'agrément  de  sa  cour, 
maréchal  et  chef  suprême  de  l'armée  portugaise.  Les  gradçs 
supérieurs ,  dans  chaque  corps  de  cette  armée ,  jusqu'à  celui 
de  capitaine  inclusivement,  furent  donnés  aux  officiers  anglais. 
Cette  mesure  salutaire  introduisit  promptement  un  système 
général  de  discipline  et>de  subordination  qui  pouvait  seul  don- 
ner aux  forces  nationales  une  consistance  formidable.  On  sui^ 
vit  en  cela  l'exemple  déjà  donné  par  le  colonel  sir  Robert  Wil- 
son.  Cet  officier,  au  moment  même  où  régnait  la  plus  grande 
épouvante, dans  le  royaume,  était  le  seul  qui  n'eût  point  cédé 
au  sentiment  d'effroi  qui  portait  tous  ses  compatriotes  à  se 
rapprocher  de  Lisbonne  pour  s'y  embarquer.  Il  était  resté  dans 
la  province  de  Beira,  pour  y  organiser  une  légion  nationale  sous 
le  nom  de  légion  lusitanienne^  forte  de  2,500  hommes  auxquels 
il  joignit  bientôt  environ  500  tratneurs  de  l'armée  de  sir  John 
Moore,  qui,  pour  échapper  à  la  poursuite  des  Français,  s'é- 
taient Jetés  vers  cette  partie  de  la  frontière  portugaise.  Sir  Ro- 
bert ,  en  réoccupant  de  son  propre  mouvement  Almeida  aban- 
donnée par  la  garnison  anglaise,  avait  ainsi  conservé  cette  place 
importante  à  la  nation  portugaise. 

Dans  le  courant  de  février,  Tarmée  nationale  montait  déjà  à 
plus  de  40,000  hommes,  qui,  réunis  aut  10  à  12,000  Anglais 
alors  rassemblés  près  de  Lisbonne ,  présentaient  une  masse  as- 
sez imposante  pour  retarder  les  progrès  de  l'invasion  combi- 
née des  Français  au  nord  et  à  l'est  du  royaume  \ 

*  CTest  id  le  lien  de  rappeler  ce  que  imiis  avens  d^à  dit  en  parlant  de 


etlBBBS  Ih*KSPAIINE.  S 

D'après  le  plan  de  Napoléoo,  dtmi  armées  étaient  destinées  isosu 
à  envahir  le  Fortaga)  :  Tune,  aux  ordres  du  maréchal  Victor, 
devait  y  pénétrer  en  descendant  le  Tage  et  traversant  la  hante 
Estramadore  ;  cette  armée  était  £bnquée  à  gauche  par  le  4*  corps^ 
dont  le  général  Sâ>astiani  prit  le  commandement.  Entre  cette 
armée  et  le  4^  corps,  ladivbion  Lapisse,  forte  de  10,000  hom- 
mes, devait  déboucher  par  Zamora  et  Ciudad-Rodrigo.  L^armée 
conduite  par  le  maréchal  Soult  (  2*  et  8®  corps ,  sous  le  nom  de 
3^ corps  ),  que  Ney  remplaça  dans  la  Galice,  devait  passer  le 
Minhoà  Tuy»  et  s'avancer  ensuite  dans  riotérieur  du  royaume 
par  Braga  et  Oporto. 

Nous  allons  d*abord  présenter  le  détail  des  opérations  de 
cette  dernière  armée,  et  nous  dirons  plus  tard  quels  furent 
les  obstacles  qui  arrêtèrent  la  marche  du  maréchal  duc  de  Bel- 
lune. 

Le  maréchal  SauU  entre  en  Portugal;  combat  de  Monierey  ;  PortiiRni . 
prûe  de  Chavés;  bataille  de  Carvallûhda'Este;  combat  dcGui" 
maraens;  bataille  et  prise  d'Oportù;  combat  ^Amarante,  etc. 
—  Le  maréchal  Ney,  étant  arrivé  en  Galice  avec  son  corps 
d'armée,  dans  les  derniers  jours  du  mois  de  Janvier,  occupa 
successivement  Lugo,  laCorogne,  le  Férol  et  Santiago.  Le 
maréchal  Soult  put  alors  concentrer  ses  troupes  vers  Yigo,  et 
s*occuper  immédiatement  des  préparatiii»  de  Texpédition  qui 
lui  était  confiée.  Il  arriva  le  3  février  1809  à  Santiago,  précédé 
par  les  divisions  de  cavalerie  des  généraux  Lahoossaye  et  Fran- 
ceschi.  Le  premier  se  dirigea  sur  Riltadavia  et  Salvatierra,  et 
le  second  prit  la  route  de  Tuy ,  villes  situées  sur  la  rive  droite 
du  Minho.  Cette  cavalerie  était  soutenue  par  la  division  d*in- 
fimterie  du  général  Merle,  qui  marchait  sur  Pontévédra.  Le 
maréchal  Soult  partit  le  8  de  Santiago,  avec  les  autres  divi- 
sions ,  et  arriva  le  10  à  Tuy»  point  sur  lequel  devait  s'elDfectaer 
le  passage  du  Minho,  et  où  il  établit  son  quartier  général  ; 


l'embarqaemeDt  de  rarmée  anglaîM  à  la  Coiegae.  Si  le  géaéraLMoorè  eût 
fait  directement  sa  retraite  sur  la  provioce  de  Tras^oa-Moates,  godhimi  il  en 
avait  la  facilité  en  quittant  Benavente,  le  maréchal  Soult  n*eûft  point  osé  en- 
▼aliir  le  nord  do  Portugal  avec  son  fiirble  corpe  d*arniée,  puisqo^alors  les 
Anglais  auraient  eu  à  lui  opposer,  indépendamment  dès  troupes  nationales 
portugaises,  une  armée  de  pins  de  35,000  hommes. 


6  UVAB  CINQUIÈUB. 

11109.  la  difficulté  de  conduire  et  de  tran^^rter  les  embarcations  né- 
Portugai.  QQgggjji^  ^  ^i  p|Q3  encore  le  danger  d'une  pareille  opération 
sous  le  canon  de  la  forteresse  portugaise  de  Yalença ,  située  en 
face  de  Tuy,  sur  la  rive  gauche  du  fleuve ,  firent  prendre  au 
duc  de  Dalmatie  la  résolution  de  remonter  le  Minho  jusqu  à 
Orensé ,  où  il  existe  un  pont  sur  le  fleuve ,  pour  tenter,  dans  ce 
dernier  endroit,  un  passage  plus  facile  et  moins  périlleux.  L'ar- 
mée commença  ce  mouvement  le  17  février.  Elle  se  composait 
de  quatre  divisions  d*infanterie  (  1 7,870  hommes } ,  de  trois  di- 
visions de  cavalerie  (4,200  chevaux),  et  d*un  personnel  d'artil- 
lerie fort  de  1,130  hommes  '.  A  Texception  du  duc  d'Abrantès 

'  Kn  Yoici  le  tableau  : 

Le  maréchal  dac  de  Dalmatie,  commandant  en  chef; 

Le  général  de  brigade  Ricard,  chef  d'état-major-générai  ; 

Le  général  de  division  Dulauloy,  commandant  en  chef  l'artillerie; 

Le  colonel  Garbé,  commandant  Tarme  du  génie  ; 

Le  commissaire  ordonnateur  Lenoble ,  chef  de  Padministration. 

INFANTERIE. 

Première  division.  Le  général  Merle,  commandant. 

Reynaud,  Sarrut,  Thomières,  généraux  de  brigade. 

Quatre  régiments  :  2*,  4*  légers  ;  15*,  36'  de  ligne  ;  5,9?0  hommes. 

Beuxième  division.  Le  général  Mermet,  commandant. 

Jardon,  Ferey,  Lefebvre,  généraux  de  brigade. 

Six  régiments  :  31*  léger,  47*  et  122«  de  ligne;  2%  3«  et  4«  Suisses; 
4,S00  hommes. 

Troisième  division.  Le  général  Delabbrde,  commandant. 

Foy,  Arnaud,  généraux  de  brigade. 

Trois  régiments  :  17'  léger,  70"  et  86*  de  ligne  ;  3,950  hommes. 

Quatrième  division.  Le  général  Heudelet,  commandant. 

Graindorge,  Maransin,  généraux  de  brigade. 

Cinq  régiments  :  15*  et  32*^  légers;  26*,  66*  et  82*  de  ligne;  légions  du 
Midi  ethanoYriennc;  voltigeurs  des  régiments  de  la  garde  de  Paris.  Tous  ces 
corps  n'étaient  que  des  détachements  ou  des  cadres,  dont  la  force  totale 
ne  s'élevait  pas  à  plus  de  3,200  hommes. 

CAVALERIE. 

Première  division  de  dragons.  Le  général  Lahoussaye,  conmiandant. 
Marisy,  Caulaincourt,  généraux  de  brigade. 
Régiments:  17%  18%  19* et  27*  dragons;  1,900  clievaux. 
Deujûième  division  de  dragons.  Le  général  Longes,  commandant 
Vialannes,  Foumier,  généraux  de  brigade. 

Régiments  :  13*  et  22*  dragons  (la  brigade  Foumier  détachée  au  6* 
corps)  ;  1,000  chevaux. 


GUBtBI  B*ESPJj&afB.  t 

tt#u  générsl  Tbiébault ,  son  dief  d'élat-major,  tous  le»  «utref  ^lep. 
officiers-généraux,  supérieurs  et  particuliers,  sans  troupes ,  ^<*«'^«»l 
du  corps  d'armée  employé  il  la  première  expédition ,  Aurent 
mis  à  la  disposition  du  maréchal  Soult.  Napoléon  avait  pensé 
que  des  offlders  et  des  soldats  qui  avalent  déjà  fait  la  guerre 
dans  ce  pays  difficile  seraient  plus  propres  à  la  recommen*^ 
cer;  mus  il  se  trompa  à  Fégârd  de  quelques-uns  des  géoé* 
reux,  coipme  on  pourra  le  vcrir  à  la  suite  de  ee  récit.  La  pre- 
mière campagne  ayant  été  marquée  par  des  insurrections, 
des  cruautés  de  la  part  des  Portugais ,  et  par  la  perte  de  la 
bataille  de  Yimeiro ,  l^empereur  français  aurait  dû  craindre , 
d'ailleurs,  que  l'esprit  des  corps  qui  avalent  formé  Tarmée  de 
Junot  ne  fût  ft*appé  de  ces  tristes  résultats  de  son  expédition, 
et  que  les  soldats,  par  leurs  récits  exagérés ,  n'attaquassent  le 
moral  de  leurs  camarades  du  2^  corps  d'armée  avec  lequel  ils 
allaient  entreprendre  une  nouvelle  campagne  '• 

Cependant  le  marquis  de  la  Romana ,  après  avoir  évité  ha- 
bilement la  rencontre  des  colonnes  françaises,  en  abandonnant 
aux  Anglais  la  grande  route  de  la  Galice  pour  effectuer  leur  re- 
traite ,  s^êtait  jeté ,  par  un  mouvement  de  flanc ,  dans  les  mon- 
tagnes situées  à  gauche  du  cours  de  la  Sil ,  pour  tâcher  de 
gagner  Orensé.  Ce  mouvement  hardi  avait  dérobé  le  corps  es^ 
pagnol  à  la  poursuite  du  maréchal  Ney,  et  avait  mis  le  marquis 
de  la  Romana  à  même ,  en  réorganisant  l'insurrection  des  Ga- 
liciens, de  préparer  au  maréclial  assez  de  besogne  pour  l'em- 
pêcher de  prêter  aucun  secours  au  duc  de  Dalmatie  dans  la 
campagne  difficile  qui  allait  s'ouvrir  sur  le  territoire  portu- 
gais. 

Le  maréchal  Soutt  avait  ordonné  à  une  forte  colonne  de  ca- 
valerie de  longer  la  rive  droite  du  Minho,  pour  flanquer  la 

.    Division  de  cavalerie  légère.  Le  général  Francesclii^  commandant. 

Debelle,  général  de  brigade. 

'Résiroents  :  1*'  de  hussards,  22*  de  chasseurs,  8*  de  dragons,  chasseur» 
liaDovriens  ;  1,300  clievaux. 

'  Par  Teffet  de  cette  mesure,  les  g^ëraux  de  division  Loison  et  Quesnel, 
le  général  de  brigade  Booyère,  plusieurs  officiers  d'état-major,  et  un  grand 
nombre  d*emplo)és  d'administration  de  la  première  armée  de  Portugal,  se 
trooYèrent  à  la  suite  de  Tétat  major  général  di?  duc  de  Dalmatie  et  de  l'ad- 
minMration  de  la  nouvelle  armé«* 


8  Livas  CIRQUIÈIIB. 

1909,     marche  du  corps  d'armée  qui  suivait  la  granae  route  de  Tuy 
***'^'-  àOrensé. 

w  Arrivés  près  du  village  de  Mourenlan,  les  Français  furent 
informés  qu'un  rassemblement  considérable  de  paysans  gali- 
ciens se  disposait  à  leur  disputer  le  passage.  Ils  étaient  com- 
mandés par  le  curé  du  village  de  Gouto,  nommé  Troncoso , 
qui  s'était  mis  à  la  tète  de  ses  paroissiens,  auxquels  d'autres 
bandes  s'étaient  réunies.  Pour  parvenir  jusqu'au  village,  il  fal- 
lait traverser  un  défilé  étroit,  bordé  de  haies,  coupé  par  des  ro- 
chers, et  terminé  par  la  rivière  torrentueuse  de  las  Hachas,  qui, 
en  cet  endroit,  se  jette  dans  le  Minho.  1,200  hommes  défen- 
daient  un  pont  barricadé  et  hérissé  de  chevaux  de  frise.  Le 
gros]  de  la  colonne  se  forma  en  bataille  derrière  le  d^lé,  et 
200  dragons,  mettant  pied  à  terre,  s'avancèrent  vers  le  village. 
Les  Galiciens  firent  d'abord  mine  de  mardier  à  la  rencontre 
de  ces  assaillants;  mais,  voyant  les  dragons  armés  de  fusils, 
ils  lâchèrent  pied  et  s'enfuirent  dans  Mourentan.  Le  pont  fut 
forcé,  le  village  enlevé  et  brûlé  ;  plus  de  400  paysans  perdirent 
la  vie  dans  cet  engagement ,  où  les  Français  n'eurent  que  deux 
dragons  hors  de  combat. 

Dans  cette  marche  de  Tuy  sur  Orensé ,  Tarmée  rencontra 
encore  un  rassemblement  d'msurgés  galiciens  qui  voulaient  dé- 
fendre l'approche  de  la  petite  ville  de  Ribadavia.  Leur  gauche 
s'appuyait  au  Minho,  leur  droite  à  une  ehatne  de  montagnes  ari- 
des et  escarpées  ;  leur  centre  était  couvert  par  le  village  deFran- 
celos,  qu'ils  occupaient  en  force ,  et  en  avant  duquel  coule  un 
ruisseau  qui  baigne  le  {àed  de  la  montagne,  par  où  les  colonnes 
françaises  arrivaient. 

Le  maréchal  ordonna  au  major  Dulong,  commandant  un  ré- 
giment provisoire,  composé  d'un  bataillon  de  chacun  des  là^ 
et  32*  légers,  et  formant  avant^garde,  d'attaquer  de  front  la 
ligne  ennemie,  tandis  que  la  brigade  du  général  Graindorge 
tournerait  la  droite,  en  passant  le  ruisseau  qui  descend  à  gau- 
che du  chemin  de  Melone,  et  longeant  ensuite  la  montagne. 
Xe  mouvement  devait  être  soutenu  par  la  brigade  Maransiii. 
Le  major  Dulong  emporta  d'abord  le  village  de  Francelos,  et 
bientôt  après  Ribadavia,  malgré  la  plus  vive  résistance,  que  fa- 
vorisaient les  maisons  et  les  jardins. 


GUIABB  B*UVAOIIJI.  9 

la  nmle  deTiiy  a  Bibadavia  pvéwnte,  dans  sa  plus  ffftmà» 
partie,  de  grandes  difficultés  pour  l'artillerie  ;  elle  est  étroite ,  '«><^«8^ 
inégale,  cahotante,  et  d'one  péite  rapide  et  dangareose  en 
phuîeBrs  endroits.  Cette  considération  détermina  le  maréehal 
àiédnire,  de  concert  ayee  les  généraux  d'artillerie  Dalanloy  et 
Boorgeat ,  le  matériel  d'artillerie  qui  devait  sniYre  Tannée  à 
qoatre  pièces  des,  douze  pièces  de  4 ,  quatre  obosiers  de  6 
pouces ,  et  un  certain  nombre  de  caissons  rôifermant  trois  mille 
gargoosses  et  cinquante  miUe  cartouches  d'infimterie.  Tout  le 
reste ,  ainsi  que  le  grand  pare  et  les  voitures  d'équipages ,  dut 
rétrograder  sur  Tuy. 

Le  maréchal  confia  le  commandement  de  cette  dernière  ville, 
qitt  devenait  un  point  important»  au  général  Lamartinière, 
offider  d'une  bravomre  et  d'un  mérite  éprouvés. 

L'ennemi  fut  encore  culbuté,  le  lendemain  du  ccmibat  de 
Bibadavia ,  par  les  brigades  Graindorge  et  Maransin  et  l'avant- 
garde  que  commandait  le  major  Dulong  ;  celui-ci,  avec  400  hom- 
mes, mit  en  fuite  3,000  insurgés  qui  avaient  voulu  l'envelop- 
per, et  dont  le  chef  lui  fit  la  ridicule  sommation  de  capituler. 

Le  gros  de  l'armée,  qui  avait  marché,  comme  nous  l'avons 
dit,  par  la  grande  route  de  Tuy  à  Orensé ,  arriva  le  4  mars  de* 
vant  cette  ville  et  y  traversa  le  Minho  sans  obstacle. 

Informé  du  mouvement  du  maréchal  Soult ,  le  marquis  de 
la  Bomana  était  venu,  sur  ces  ^trefaites,  occuper  les  hauteurs 
d'Orsona» près  dé  Monterey,  avec  «iviron  25,000  hommes,  tant 
des  troupes  qu'il  avait  réorganisées  à  Léon  que  des  nouvelles 
levées  qu'il  venait  de  faire  en  Galice. 

Le  maréchal  se  porta  sur  cette  position  le  6  avec  une  partie 
de  ses  forces ,  la  fit  reconnaître ,  et  donna  immédiatement  l'or- 
dre d'attaquer.  Les  Espagnols  se  défendirent  d'abord  avec  quel- 
que résolution  contre  les  tirallleors  français;  mais,  lorsqu'ils 
virent  les  colonnes  d'attaque  s'avancer  sur  eux  au  pas  de 
charge  et  à  la  baïonnette,  ils  se  débandèrent  dans  le  plus  grand 
désordre.  Les  Français  restèrent  maîtres  des  hauteurs  d'Or- 
suna ,  de  dix  pièces  de  canon ,  sept  drapeaux,  et  d'une  grande 
quantité  de  ronnitlODs.  Les  fuyards  fuirent  vivement  poursui- 
vis et  ne  réussirent  à  s'échapper  qu'en  se  jetant  dans  les  mon- 
tagnes. On  avait  fait  plus  de  2,600  prisonniers  dans  le  com* 


•10  LIVBB  CINQUIBHB. 

bat;  loais ,  eraljsnaiit  de  s'a£Eaiblir  en  les  faisant  condoire  «ur 
ses  derrières,  le  maréchal  Soolt  préféra  relâcher  ces  Espa- 
gnol», en  exigeant  d*eux  le  serment  de  ne  point  reprendre  les 
armes  eontre  la  France  et  le  roi  Joseph.  Précaution  illnsoire  l 
car  les  Espagnols  prou  vèrent,  dans  tout  le  cours  de  cette  guerre^ 
qu'ils  ne  se  croyaient  point  liés  par  ce  serment.  Quinze  Jours 
après  leur  délivrance,  ces  prisonniers  avaient  déjè  rejoint  les 
rangs  de  Farmée  du  générai  la  Romana. 

Le  lendemain  du  combat  de  Monterey^  Favant-garde  fran* 
çaise,  composée  de  la  division  de  cavalerie  légère  aux  ordres 
du  général  Franceschi ,  qui  se  trouvait  renforcée  du  régiment 
provisoire  que  commandait  le  major  Dulong»  atteignit^  au  delà 
de  Yéifn ,  rarrière*garde  espagnole  commandée  par  le  générail 
Mahy ,  lieutenant  de  la  Romana,  et  la  força  de  recevoir  le  com-^ 
bat  qu'elle  voulait  éviter.  Attaqué  de  front  par  Tinfanterie  du 
major  Dulong»  l'ennemi,  mis  en  désordre,  se  retirait  avec 
perte  de  100  tués  et  d'un  pardi  nombre  de  prisonniers ,  lors^ 
qu'un  mouvement  Mt  sur  sa  droite  par  la  cavalerie  le  força 
de  s'arrêter  à  un  tertre  élevé  qae  couronnaient  des  rochers  jt 
pic ,  et  autour  duquel  il  essaya  de  se  former  en  carré.  Le  gé- 
néral Franceschi  désigna  un  côté  à  chacun  de  ses  régiments 
et  ordonna  une  charge  générale.  Le  23^  de  chasseurs  entama 
le  premier  les  rangs  espagnols,  puis  le  8^  de  dragons  ;  ainsi  piies- 
ses  par  les  régiments  français,  les  bataillons  ennemis  furent 
taillés  en  pièces.  Le  major  Dulong ,  arrivé  snr  ces  entrefaites 
au  pas  de  course,  avec  une  seule  compagnie  de  voltigeurs,  aU 
teignit  ceux  qui  cherchaient  à  s'échapper  par  les  rochers  et 
dans  la  direction  de  San-Gypriano,  jusqu'où  ils  furent  poursui- 
vis. 1,300  Espagnols  restèrent  sur  le  champ  de  bataille;  400 
ftirent  faits  prisonniers  ;  trois  drapeaux  et  toute  l'artUlerie 
tombèrent  au  pouvoir  des  vainqueurs.  Cette  affaire  ne  dura 
qu'une  demi-heure. 

A  la  sortie  de  Vérin  commence  un  .défilé  qui  conduit  à  la 
frontière  de  la  province  portugaise  de  Xnis-os-Montes,  et  bordé 
à  droite  et  à  gsMicbe  par  deux  chaînes  de  montagnes.  Pendant 
que  Tavant-garde  française  remportait  cet  avantage ,  la  division 
Delaborde,  qui  suivait  la  division  Heudelet,  était  aux  prisea 
avec  un  parti  portugais;  celui-ci,  posté  dans  le^  montagne» 


de  Baiot-y-Frio8»  avait  laissé  passer  ravfuiit^^rde  et  la  4''  _im^, 
division  (Heudelet);  mais  ses  tHrallieurs  attaquèrent  la  8' 
(Belaborde);  ils  farent  bientôt  repousses,  et  l'on  reconnut 
qu*ils  appartenaient  à  un  petit  corps  de  3,000  Portugais  en  po- 
sition près  du  village  de  Yillaza,  sur  la  droite  de  la  route.  Ces 
troapes  étaient  c(»Bniandées  par  le  général  portugais  Silveira. 

Le  général  Belaborde  ordonna  au  général  Foy  de  marcher 
sur  l'ennemi  avtié  le  17^  d'infanterie  légère,  et  le  fit  appuyer 
par  la  brigade  du  général  Arnaud.  La  position  lut  enlevée  après 
une  assez  vive  résistance.  Les  Portugais,  mis  en  déroute,  abaur 
dcmnèrent  deux  pièces  de  canon  qu'ils  avaient  avec  eux  ;  un 
escadron  du  19^  de  dragons,  ^voyé  pour  poursuivre  Tennemî 
dans  sa  retraite,  lui  fit  beaucoup  de  mal.  Le  général  Foy  sui- 
vit ce  mouvement  avec  le  17^  léger,  et  explora  les  bois  et  les 
rochers  où  les  dragons  ne  pouvaient  pas  pénétrer. 

Ces  deux  affaires  lurent  glorieuses  pour  les  troupes  françai- 
ses. Les  rapports  citèrent  nommément  les  colonels  Defossey^ 
Gîrardin,  le  major  Dulong,  le  chef  d'escadron  Lameth ,  le  ca- 
pitaine Brassard ,  aide-de-camp  du  général  Foy ,  le  lieutenant 
Vainoni,  le  sous-lieutenant  Marcognet,  le  caporal  Goloms,et 
les  vdtigeurs  Balille,  Demars  et  Dagny. 

Les  Portugais  avaient  fait  trois  lieues  sur  les  terres  d'Espagne 
pour  venir  attaquer  l'armée  française  engagée  avec  le  marquis 
de  la  Boniana ,  et  ce  mouvement  avait  été  concerté  avec  ce 
dernier  pour  faciliter  sa  retraite. 

Le  7  mars,  Tarmée  française  passa  le  défilé  sans  rencontrer 
d'autre  obstacle ,  et ,  entrant  dans  la  plaine  où  est  situé  San^ 
Cypriano,  fut  bivouaquer  en  vue  de  Villarelo,  sur  la  frontière 
de  Portugal.  L'avant-garde,  s'étant  approchée  de  cette  dernière 
irille,  occupée  par  un  gros  de  troupes  portugaises,  reçut  quel- 
ques boulets  envoyés  par  de  gros  canons  en  fonte  et  sans  affûts 
qui  avaient  été  établis  à  la  hâte  sur  les  rochers  qui  entourent  ce 
poste.  Toutefois ,  la  dispersion  de  Tavant-garde  ennemie  dans 
le  défilé  de  Vérin  avait  dc^à  tellement  iimmidé  les  troupes  qui 
défendaient  Villarelo  qu'il  suffit  d'un  seul  bataillon  pour  les 
en  chasser.  Le  maréchal  attendit  en  cet  endroit  la  réunion  de 
ses  troupes,  et  se  dispbsa  à  entrer  dans  la  province  de  Tras-oa* 
Montes. 


12  LITBB  CIRQUIÂMB. 

mi.  Le  corps  d*armée  firançais  comptait  alors  22^000  combat- 
PoMasai.  lanig^  ^oQt  8,000  de  cavalerie.  Le  plus  grand  nombre  avait 
lait  les  dernières  campagnes  d'Allemagne  et  de  Pologne,  et 
s'était  couvert  de  gloire  à  Austerlitz,  à  léna,  sur  la  Passarge 
et  à  Friedland  ;  tous  avaient  la  plus  grande  confiance  dans  l'ex- 
périence et  les  talents  du  chef  qui  les  menait  à  la  conquête  du 
Portugal. 

Le  10  mars,  Tavant-garde  se  mit  en  mouvement,  et  ren- 
contra auprès  du  village  de  Fèces  de  Abaxo,  sur  la  rive  gau- 
che de  la  Taméga,  un  détachement  ennemi  fort  de  2,000  hom- 
mes et  occupant  une  belle  position.  Cette  troupe  faisait  partie 
d'un  corps  d'armée  que  le  général  Freire  avait  réuni  et  orga- 
nisé dans  la  province  de  Tras-os-Montès.  Les  Français  travers 
sèrent  la  Taméga  pour  marcher  sur  leurs  adversaires ,  et,  après 
une  charge  vigoureuse ,  ces  derniers  fiirNit  mis  en  déroute  et 
se  dispersèrent  dans  les  montagnes.  Pendant  ce  temps,  un  au- 
tre détachement  de  la  garnison  de  Chavés ,  une  des  principales 
ville  de  la  province,  s'était  avancé,  au  nombre  de  8,000  hom- 
mes, sur  le  flanc  droit  de  Tavant-^arde  française,  tandis 
qu'une  nuée  de  tirailleurs,  embusqués  dans  des  rochers  inac- 
cessibles à  la  cavalerie ,  faisaient  un  feu  très-meurtrier.  50  dra- 
gons du  19®  régiment  mirent  pied  à  terre  et  chassèrent  ces  ti- 
railleurs. La  garnison  de  Chavés ,  attaquée  de  front  par  le  17® 
d'infanterie  légère ,  et  tournée  sur  son  flanc  droit  par  le  19®  de 
dragons,  se  débanda  entièrement  à  la  première  charge;  6oe 
hommes  restèrent  sur  le  champ  de  bataille ,  un  grand  nombre 
fut  fait  prisonnier,  et  le  reste  fut  poursuivi  jusque  sous  les  murs 
de  Chavés. 

Le  général  Freire,  chargé  de  la  défense  de  cette  partie  du 
Portugal ,  avait  ordre  de  ne  point  s'engager  imprudemment , 
et  de  se  retirer  avec  lenteur  devant  le  maréchal  Soult ,  jusqu*& 
ce  que,  réuni  à  un  autre  corps  d'armée  qui  était  chargé  décou- 
vrir Oporto,  il  pût,  de  concert  avec  ces  dernières  troupes ,  ten- 
ter plus  sûrement  d'arrêter  les  progrès  de  Tarmée  française. 
Cette  mesure  était  sage  et  conforme  à  la  tactique  prudente  des 
généraux  anglais  ;  mais  les  Portugais ,  surtout  ceux  des  pro- 
vinces frontières  de  la  Galice  et  du  royaume  de  Léon ,  qui 
étaient  encore  mal  disciplinés ,  et  qui  se  croyaient,  en  raisoa 


GUIBHB  D*I8PAQIIB.  13 

de  leur  nombre,  presque  asenrés  d'être  victorieux,  reAitaient  iMt, 
opiniâtrement  de  céder  le  terrain  sans  combattre.  C'est  ainsi 
qu'après  avoir  été  iMittns  dans  les  défilés  de  Vérin  et  à  Fèces 
de  AImulo  ,  ils  voulaient  encore  se  défendre  dans  Chavés,  et 
que  la  division  entière  du  générai  portugais  Silveira  se  mutina 
à  ce  sujet. 

La  gamlsopi  de  Chavés  était  forte  d'environ  C,000  hommes, 
parmi  lesquels  on  en  comptait  1,600  appartenant  à  Tancienne 
armée  de  ligne  portugaise. 

Le  10  mars,  le  maréchal  Soult  s'approcha  de  cette  ville  et 
la  fit  sommer  d'ouvrir  ses  portes;  mais,  d'après  les  disposi- 
tions dont  nous  venons  de  parler,  cette  sommatioo  fut  sans 
effet.  Du  haut  des  remparts  les  Portugais  provoquaient  les 
soldats  français  par  des  injures  »  et  menaçaient  de  la  mort  la 
plus  cruelle  tous  ceux  que  le  sort  ferait  tomber  entre  leurs 
mains.  L'avant-garde  resta  jusqu'à  la  nuit  à  portée  de  canon 
de  la  place,  et  fût  ensuite  bivouaquer  près  du  village  de  Bus- 
telio. 

Le  11,  à  la  pointe  du  jour,  le  maréchal  fit  intercepter  par  la 
division  de  cavalerie  du  général  Lorge  toutes  les  communica- 
tions de  Chavés  sur  la  rive  droite  de  la  Taméga,  tandis  que  le 
général  Franoeschi,  avec  sa  cavalerie  légère  et  une  des  divi- 
sions d'infanterie ,  complétait  l'investissement  sur  la  rive  gau- 
che. Ces  mouvements ,  loin  d'effrayer  la  garnison  de  la  place , 
ne  firent  qu'augmenter  son  exaspération.  Les  remparts  étaient 
couverts  de  troupes,  le  canon  tirait  jusque  sur  les  vedettes  fran- 
çaises, et  les  vociférations  étaient  encore  plus  horribles  que  la 
veille.  La  populace  se  trouvait  dans  un  tel  état  d'irritation  que 
le  gouverneur  eut  beaucoup  de  peine  à  arracher  de  ses  mains 
un  officier  d'état-major  envoyé  en  parlementaire  ;  il  était  por- 
teur d'une  dernière  sommation,  dans  laquelle  le  duc  de  Dal- 
matie  menaçait  les  habitants  d'un  assaut  et  de  passer  la  gar* 
nlson  an  fil  de l'épée,  si,  le  13,  àsix  heures  du  matin,  on  ne  lui 
disait  point  de  proposition  de  capitulation. 

Cette  démarche  produisit  enfin  l'efTet  qu'en  attendait  le  ma- 
rédial  ;  le  1 3 ,  Chavés  ouvrit  ses  portes  ;  une  partie  de  la  gar- 
nison en  était  sortie  pendant  la  nuit.  On  trouva  dans  la  place 
beaucoup  de  munitions  et  d'artillerie.  Le  maréchal  Soult  passa 


14  LIYBB  ClNQUIBlfB.  . 

4floo.  ®°  revue  ce  qui  restait  de  troupes  de  ligne  et  de  milioes  for- 
Portugal,  iq^^qi;  {^^  gamison  :  ees  derniers  soldats  étaient  vétns  et  armés 
de  mille  manières,  et  présentaient  l'assemblage  le  j^os  bizarre  ; 
ils  furent  tons  renvoyés,  ehez  eux  après -avoir  été  désarmés. 
Le  maréchal  organisa  en  compagnies  les  soldats  de  la  ligne 
portugaise  qui  voulurent  prendre  du  service,  et  leur  donna  pour 
officiers  quelques  gentilshommes  de  leur  nation  qui,  proscrits 
ou  exilés  volontairement  après  la  retraite  de  Tarmée  du. gé- 
néral Junot ,  se  trouvaient  alors  à  la  suite  du  quartier  général 
Français. 

L'armée  séjourna  trois  jours  à  Chavés  pour  se  reposer  de  ses 
premières  fatigues  et  se  munir  de  vivres  ;  car  on  savait  que  la 
province  de  Tras-os^Montès  que  l'on  allait  traverser  était  peu 
fertile,*  et  qu'en  outre  les  habitants  avaient  emporté  avec  eux 
dans  les  montagnes  toutes  les  ressources  que  l'on  aurait  pu  ren* 
contrer  dans  les  villages.  Les  malades,  les  blessés  et  tous  les 
hommes  inutiles  furent  laissés  dans  la  place,  sous  la  protection 
d'une  faible  garnison,  et  les  troupes  se  dirigèrent  le  13  sur 
Braga.  Le  15  au  soir  elles  bivouaquèrent  à  Saltouras,  sur  la 
crête  des  montagnes  à  l'ouest  de  Chavés.  Les  Portugais  occu- 
paient sur  cette  route  tous  les  points  susceptibles  de  quelque 
défense ,  et  à  chaque  pas  il  fallait  employer  la  force  pour  s'ou- 
vrir un  passage.  Les  défilés  de  Ruivaens,  de  Yandanova,  dé 
Salamonde,  etc.,  furent  ainsi  emportés  à  la  baïonnette.  Le  17, 
l'armée  vint  prendre  position  sur  les  hauteurs  de  Carvalho  ;  de 
ses  bivouacs  elle  put  apercevoir  l'armée  portugaise  rangée  en 
bataille  sur  les  montagnes  qui  sont  en  avant  de  Braga.  Les 
avant-postes  français  furent  poussés  jusqu'à  San-Joao  dei  Rey. 
L'armée  ennemie  se  composait  de  toutes  les  troupes  aux  or- 
dres du  général  Freire,  et  des  nombreuses  levées  faites  tout 
récemment  dans  les  provinces  de  Tras-os-Montès  et  d'Entre- 
Buero-et-Minho.  A  la  vue  de  l'armée  française,  le  général  Freire 
voulut,  suivant  ses  instructions,  lever  son  camp  et  se  retirer 
sur  Oporto  ;  mais  les  paysans,  qui  formaient  la  plus  grande 
masse  de  ses  foi*ces ,  demandèrent  à  grands  cris  qu'on  attendit 
l'attaque.  En  voyant  que  le  général  paraissait  décidé  à  com- 
mencer avec  ses  troupes  régulières  le  mouvement  rétrograde 
qui  lui  était  prescrit,  ies  plus  furieux  se  précipitèrent  sur  lui  et 


OOBBAB  D'BSPJlGNS.  !& 

le  massaerèreiit,  ainsi  que  le  plus  grand  nenibre  des  offleiérs  de  iiîm. 
son  état-major,  en  s'éerisnt  que  tel  serait  le  sort  de  tous  les  ^i^^^vi^ 
ehe6  qui  trahiraient  la  cause  sacrée  de  la  patrie.  Cependant 
le  besoin  dNrn  dief  qui  pût  ériger  leurs  mouvements  leur  fit 
oflHr  le  commandement  à  un  officier  hanovrien,  nommé  le  hà^ 
ran  d'Ëben ,  qu'ils  forcèrent ,  sous  pdne  de  la  vie ,  à  accepter 
ce  poste  périlleux. 

Le  nouveau  général  en  chef,  qui  venait  d'apprendre  par 
Texemple  de  son  prédécesseur  combien  il  serait  fâcheux  pour 
lui  de  s'opposer  aux  vœux  d'une  multitude  mutinée,  ne  tarda 
pas  à  les  remplir.  Le  18  mars  il  mit  ses  troupes  en  mouvement, 
et  fit  débordear  sa  droite  pour  faire  reculer  la  gauche  des  Fran- 
çais, qui  était  adossée  à  des  rochers  près  du  village  de  Lan- 
hoso.  tfne  colonne  de  3,000  Portugais  attaqua  ce  dernier  poste 
et  releva.  Le  maréchal  Soûl t,  qui  ne  parut  pas  s'inquiéter 
beaucoup  de  ce  mouvement,  se  borna  à  faire  resserrer  ses  trou- 
pes ;  mais  le  lendemain,  à  la  pointe  du  jour,  il  fit  reprendre  le 
village  de  Lanhoso  par  le  31*  régiment  de  ligne ,  soutenu  par 
deux  escadrons  de  dragons  aux  ordres  du  major  Montigny. 
Le  maréchal  venait  d'être  informé  que  les  Portugais  se  dispo- 
saient à  une  attaque  générale  pour  le  jour  suivant,  et  il  résolut 
de  les  prévenir  en  marchant  lui-même  à  eux  avec  toutes  ses 
forces. 

Le  20  mars,  à  sept  heures  du  matin,  l'armée  française  se 
déploya  en  ligne  de  bataille  sur  les  hauteurs  de  Garvalho-da- 
Este.  La  division  du  générai  Deiaborde  formait  le  centre , 
ayant  derrière  elle  la  division  de  dragons  du  général  Lorge.  La 
division  du  général  Mermet ,  soutenue  par  la  division  de  ca- 
valerie légère  du  général  Franceschi ,  était  à  Taile  gauche ,  et 
l'aile  droite  était  formée  par  la  division  du  général  Heudelet. 
Le  maréchal  duc  de  Dalmatie  lit  commencer  l'attaque  à  sept 
heures  et  demie  :  une  batterie  placée  en  avant  de  la  ligne  donna 
le  signal,  La  division  Deiaborde,  s'ébranlant  aussitôt,  s'avança. 
Tanne  au  bras ,  sans  riposter  au  fèu  qui  partait  de  la  Hgne  en- 
nemie. Cette  marche  audacieuse ,  Tordre  et  la  régularité  des 
mouvementsde  la  troupe  française,  commencèrent  à  intimider 
4es  PorCugads  et  à  leur  faire  perdre  de  leur  eanfianoe  prétomp- 
tueuse.  Sur  le  point  d'être  joints  par  leurs  Impassibles  adver^ 


16  LIVBB  ClNQUlàXB. 

8alr«89  ils  se  débandèrent  et  prirent  la  fuite.  La  caTalerie  se 
•  ^^^^"^'  mit  à  leur  poursuite,  les  atteignit,  et  en  lit  un  grand  carnage. 
Les  Français  entrèrent  pèle-mèleavec  les  fuyards  dans  Braga, 
traversèrent  cette  ville,  et  continuèrent  leur  poursuite  Jusqu'à 
deux  lieues  au  delà,  en  sorte  que  la  cavalerie  fit  quatre  lieues 
au  galop,  sans  donner  de  relâche  à  l'ennemi.  La  perte  de  celui- 
ci  fut  considérable  ;  son  artillerie,  ses  bagages,  ses  caisses  mi- 
litaires et  plusieurs  drapeaux  tombèrent  au  pouvoir  des  vain- 
queurs. . 

Maître  de  Braga ,  l*une  des  principales  et  des  plus  influentes 
villes  du  Portugal)  le  maréchal  Soult  y  établit  son  quartier 
général.  L'infanterie  bivouaqua  autour  de  la  place,  et  la  ca- 
valerie prit  position  à  Tabossa ,  à  trois  lieues  eu  avant ,  sur  la 
route  d'Oporto. 

Du  20  au  26,  le  maréchal  fit  assurer  ses  communications, 
en  envoyant  sur  divers  points  des  colonnes  d*infanterie  et  de 
cavalerie.  Les  villes  de  Barcelos  et  de  Guimaraens  furent  oc- 
cupées. La  dernière  était  défendue  par  un  fort  détachement  de 
Tarroée  battue  à  Carvalho,  et  ce  ne  fut  qu'après  un  combat 
très^piniàtre  et  très-meurtrier  que  les  Français  parvinrent  à 
s'en  emparer.  Le  général  Jardon,  l'un  des  plus  anciens  et  des 
plus  braves  officiers  de  l'armée  française ,  perdit  la  vie  à  cette 
attaque,  en  faisant  le  coup  de  fusil  avec  les  tirailleurs  du  17^ 
régiment  d'infanterie  légère  '• 

Dès  le  24  f  la  division  du  général  Lorge  avait  eu  ordre  de 
forcer  le  passage  de  l'Ave,  rivière  qui  traverse  la  province 
d'£ntre-Duero-et-Minho  dans  sa  largeur,  et  qut  se  jette  dans 

'  Ce  général,  né  à  Liège,  s'était  enrôlé  comme  volontaire  dans  les  batail- 
lons belges  qui  prirent  serrice  pour  la  France  en  1792.  Il  se  distingua  si 
bien  par  sa  bravoure  et  sa  rare  intrépidité  que,  dès  l'année  suivante,  on  vit 
son  nom  figurer  parmi  ceux  des  officiers  généraux  de  la  république.  Jardon 
parut  prendre  à  tàcbe  de  prouver  quMl  n'avait  point  cessé  d'être  soldat  en 
devenant  général.  Aussi  oombatteit-il  toujours  aux  avant-postes  avec  toute 
la  témérité  d'un  simple  grenadier.  Être  choisi  par  loi  poor  aide-de-eamp, 
citait  recevoir  un  brevet  de  mort  Le  nombre  de  ceux  tués  à  ses  côtés  était 
devenu  si  considérable  que,  dans  les  derniers  temps,  il  n'avait  plus  au- 
près de  lui  que  des  sergents  d'in&nterie  pour  ce  service.  Les  soldats,  dont  il 
était  le  compagnon  inséparable,  dont  il  partageait  toujours  les  fiitigues  et  les 
privations,  comme  tous  les  dangers,  l'atmaleat  comme  on  père,  et  donnè- 
rent des  larmes  abondantes  à  sa  mémoire. 


GUEBBE    D*ESPAGNE  17 

la  'm«r  aa-dessons  de  Villa-de-Conde  ;  mais  l'ennemi  avait  ism. 
rompn  le  pont  en  bois  du  booi^  de  Villa-Nova ,  et  le  gué  qui  '•«•""«^ 
est  au-dessous  avait  été  rendu  impraticable,  au  moyen  de  trous 
i^lts  dans  le  lit  de  la  rivière  et  par  des  chevaux  de  frise.  Toutes 
les  Bvenues  étant  d'ailleurs  coupées  et  barricadées ,  il  fallait 
le  secours  de  Tinfanterie  pour  surmonter  ces  obstacles.  La  di- 
vision du  général  Franceschi  ayant  passé  TAve ,  le  26,  près 
de  GuimaraenSy  vint  prendre  en  queue  Fennemi,  posté  à  TrofTa 
sur  la  rive  gauche.  Dans  le  même  moment  une  colonne  d*in- 
fanterie  attaqua  de  front  par  la  rive  droite,  tandis  que  la  division 
de  dragons  du  général  Lorge  passait  au  pont  de  Léoncino ,  que 
Tennemi  n'avait  point  coupé.  Ce  triple  mouvement  eut  tout  le 
succès  qu'on  pouvait  en  espérer.  Les  Portugais  furent  mis  en 
déroute  et  poursuivis  Jusqu'à  la  nuit.  Ceux  qui  gardaient  le 
dé  Aie  de  Sidreira  en  furent  également  chassés  et  contraints  de 
se  retirer  sur  les  hauteurs  d'Oporto. 

Cette  dernière  ville ,  dont  les  Français  n'étaient  plus  qu*à 
quelque  distance ,  est ,  après  Lisbonne ,  la  plus  importante  du 
Portugal.  Elle  est  située  sur  la  rive  droite  du  Duero,  à  une  lieue 
de  l'embouchure  de  ce  fleuve ,  et  avait  alors  une  population 
de  70,000  âmes.  Les  Anglais  étaient  particulièrement  intéres* 
ses  à  sa  conservation ,  parce  qu'elle  est  l'entrepôt  général  de 
tous  les  vins  qu'ils  tirent  de  cette  partie  du  royaume  pour 
la  consommation  de  la  Grande-Bretagne  et  de  ses  établissements 
à  Vextérieur;  aussi  rien  n'avait  été  négligé  pour  la  mettre  en 
état  de  défense.  L'enceinte  avait  été  réparée  et  fortifiée  avec 
soin  ;  des  ouvrages  détachés  et  étendus  en  avant  de  la  place  se 
trouvaient  armés  de  deux  cents  pièces  de  canon  ;  une  garnison 
de  20,000  hommes  de  troupes  régulières  avait  été  mise  par  le 
maréchal  Beresford  à  la  disposition  de  l'évéque  ,  nommé  gou- 
verneur de  cette  ville.  Les  Portugais  et  leurs  alliés  se  flattaient 
d'autant  mieux  de  l'espoir  d'arrêter  les  progrès  de  l'armée  fran- 
çaise qu'indépendamment  de  ce  déploiement  de  forces  impo- 
santes ils  pouvaient  encore  compter  sur  l'utile  coopération 
des  nombreuses  milices  qui  venaient  de  toutes  parts  se  réunir 
sous  les  murs  d'Oporto. 

Pour  opérer  ce  rassemblement  on  avait  établi  sur  différents 
points  des  signaux,  qui  furent  mis  en  activité  à  l'approche  des 


.  I 


tè  LIVA8  GinQUlkUB.  • 

ig09.  colonnes  françaises  :  tantôt  c'étaient  des  arbres  de  cinquante  à 
Porru^i.  géante  pieds  de  haut ,  élevés  sur  le  sommet  des  montagnes, 
'  et  tantôt  des  feux  allumés  sur  les  mêmes  points ,  et  dont  ré- 
paisse fumée  s'apercevait  à  de  grandes  distances.  Si  Ton  vou- 
lait avoir  des  renseignements  plus  positifs,  des  jeunes  gens 
lestes  et  vigoureux  ^  placés  de  distance  en  distance ,  se  trans- 
mettaient de  main  en  main  les  dépèches  dont  ils  étaient  por- 
teurs, et,  partant  comme  un  trait  en  suivant  des  sentiers  qu'eux 
seuls  connaissaient,  ces  courriers  apportaient  aux  corrégidors 
ou  aux  autorités  militaires  les  avis  sur  la  marche  des  Français 
avec  plus  de  célérité  que  ne  l'eussent  pu  faire  des  exprès  à  che- 
val. C'est  ainsi  que  la  population  entière  s'était  repliée  sur 
Oporto,  à  mesure  que  les  colonnes  françaises  avançaient,  et 
que  celles-ci  traversaient  des  bourgs  et  des  villages  sans  y  ren- 
contrer un  seul  habitant. 

Les  forces  réunies  autour  d'Oporto  et  dans  cette  place  pré- 
sentaient ,  en  troupes  régulières  et  irrégulières ,  une  masse  de 
60,000  hommes,  commandés  en  partie  par  des  offîclers  supé- 
rieurs anglais»  sous  la  direction  de  Tévéque  d'Oporto.  La  droite 
de  cette  armée  occupait  des  rochers  escarpés  qui  se  prolongent 
jusqu'au  Duero  ;  la  gauche  était  appuyée  À  la  mer;  le  centre 
était  dans  une  position  qui  dominait  le  point  par  où  l'armée 
française  devait  déboucher,  et  sur  laquelle  l'ennemi  avait  établi 
une  forte  redoute,  garnie  d'une  artillerie  nombreuse. 

Dès  le  2G  au  soir  Tavant-garde  française  s'approcha  Jusqu'à 
portée  de  canon  de  la  position  que  nous  venons  d'indiquer. 
^  Toutefois ,  comme  deux  divisions  se  trouvaient  encore  en  ar- 
rière, la  journée  du  27  se  passa  en  escarmouches  ou  dans  de 
simples  attaques  d'avant-postes.  Pendant  la  nuit,  l'ennemi  tira 
sans  discontinuer  sur  les  bivouacs  français.  Il  avait  garni  ses 
ouvrages  d'un  grand  nombre  de  pièces  de  marine  du  plus  gros 
calibre,  dont  les  boulets  tombaient  Jusque  dans  les  bivouacs 
de  la  cavalerie,  établis  à  près  d'une  lieue  en  arrière  des  premiers 
postes.  Le  maréchal  Soult  fit  rapprocher  son  infanterie  de  ma- 
nière à  ce  que  toutes  ces  décharges  passassent  au-dessus  de  sa 
première  ligne,  et  l'ennemi  n'obtint  d'autre  résultat  d'un  feu 
aiussl  violent  que  de  consommer  en  pure  perte  une  partie  de 
ses  munitions. 


CURRBE   D^ESPAGNE.  l^ 

Le  jour  suivant ,  le  maréchal,  ne  se  trouTant  pas  encore  en  laoa. 
mesure  d'ordonner  Tattagne  générale  et  voulant  gagner  du  '*^'^"»"* 
temps ,  fit  sommer  l'évèque  d^Qporto  d'ouvrir  les  portes  de 
cette  ville.  Le  générai  Foy ,  chargé  de  cette  mission,  faillit  per- 
dre la  vie.  Horriblement  maltraité  par  les  milices  portugaises,  il 
fut  dépouillé  de  tous  ses  vêtements  et  jeté  dans  un  cachot,  d'où 
il  parvint  toutefois  à  s'échapper  le  lendemain  ,  au  moment  où 
les  Français  attaquèrent  Oporto.  La  veille  Tévéque  quitta  la 
ville,  et  laissa  à  sa  place  le  général  Parreiras. 

Pendant  la  nuit  du  28  au  29 ,  le  désordre  et  la  confusion 
furent  à  leur  comble  dans  le  camp  ennemi  et  dans  Oporto 
même.  Les  paysans  armés,  ne  voulant  plus  se  soumettre  à  au- 
cune discipline ,  méconnaissaient  la  voix  des  chefs  et  se  li- 
vraient à  tons  les  excès  ;  les  cloches  de  la  ville  étaient  en  mou- 
vement, et  le  tocsin  sonnait  dans  les  campagnes  environnantes. 
.   A  sept  heures  du  matin ,  une  forte  canonnade  et  la  fusillade 
s'engagèrent  sur  toute  la  ligne.  Le  maréchal  Soult  dirigea  sa 
première  attaque  de  manière  à  tourner  l'aile  droite  des  Portu- 
gais. La  division  du  général  Delaborde  aborda  le  centre  en- 
nemi Tarme  au  bras.  Les  70*  et  86«  régiments  de  ligne ,  après 
avoir  franchi  les  retranchements  et  les  ouvrages  avancés,  en- 
foncèrent la  ligne  portugaise  et  la  mirent  dans  une  débandade 
complète.  Aussitôt  que  le  passage  fut  ouvert,  la  cavalerie  se 
précipita  à  la  poursuite  des  vaincus,  en  Ht  un  grand  carnage, 
entra  avec  eux  dans  Oporto,  et  les  chargea  jusqu'au  Duero, 
qui  traverse  la  ville.  La  foule  était  si  grande  sur  le  pont  qu'il  se 
rompît  dans  le  moment  où  les  Portugais  travaillaient  à  le  cou- 
per. Un  grand  nombre  fut  écrasé  sous  cet  éboulement  ;  mais  la 
majeure  partie ,  arrêtée  sur  ce  qui  restait  encore  du  pont ,  et 
refoulée  par  les  fuyards ,  dont  le  nombre  allait  toujours  crois-- 
sans,  fut  impitoyablement  mitraillée  par  le  canon,  qui ,  de  la 
rive  gauche ,  tirait  sur  la  tête  de  colonne  française.  Tout  ee 
qui  se  trouva  ainsi  pressé  entre  cette  cavalerie  et  le  canon  en- 
nemi périt  écrasé  par  les  boulets  et  la  mitraille ,  ou  ftit  sabré 
et  jeté  dans  le  fleuve. 

On  se  battit  encore  pendant  quelques  instants  dans  les  rues 
de  la  ville;  mais  à  la  fin  les  Français  triomphèrent  de  toute 
résistance.  Vingt  drapeaux,  trois  cents  milliers  de  poudre, 

2. 


20  LIVBB  CINQUliMB. 

f  909.      beaucoup  de  munitions  confectionnées,  des  tentes  dressées  pour 
Portugal.  piQg  ^^  50,000  boiumes ,  trente  bâtiments  anglais  chargés  de 
vin,  furent  les  trophées  de  la  journée  ;  il  n'y  eut  de  ihits  que 
250  prisonniers ,  parmi  lesquels  25  Anglais ,  dont  3  officiers 
nouvellement  arrivés  de  Lisbonne.  Il  fat  impossible  au  maré- 
chal Soult ,  aux  généraux  et  aux  officiers  supérieurs  d'arrêter 
les  premiers  effets  delà  foreur  et  de  Tanimosité  des  soldats  ;  mais 
dans  la  soirée  Tordre  commença  à  s^établir,  et  les  habitants, 
qui  presque  tous  s'étaient  enfuis  ou  cachés  pour  se  soustraire 
aux  horreurs  d'un  assaut ,  rassurés  par  les  mesures  sévères  que 
le   maréchal  Soult  venait  de   prendre,  rentrèrent  en  foule 
dans  leurs  maisons.  A  huit  heures  du  soir  le  pont  sur  le  Daero 
était  déjà  réparé,  et  l'infanterie  put  se  porter  sur  la  rive  gauche. 
Le  général  Franceschi,  avec  la  cavalerie  légère,  fut  prendre 
position  à  Abergarla-Nova ,  et  poussa  des  reconnaissances  sur 
la  Vouga.  Le  maréchal  détacha  une  brigade  de  dragons,  qui 
passa  la  Souza  le  31  mars ,  et  vint  s'établir  à  Penafiel ,  petite 
ville  bâtie  sur  le  penchant  d'une  montagne  escarpée  ;  tous  les 
habitants  s'étaient  enfuis ,  emportant  avec  eux  leurs  effets  les 
plus  précieux.  Le  lendemain,  le  général  Gaullncourt,  qui  com- 
mandait la  brigade  de  dragons,  Ût  un  détachement  de  500  che- 
vaux pour  s'emparer  de  Canavezes,  sur  la  Taméga,  ville  que 
Ton  savait  occupée  par  une  division  ennemie.  Cette  expédition 
manqua  par  les  difOcultés  qu'offrait  le  terrain  et  par  l'infé- 
riorité des  forces  attaquantes.  Le  détachement  fiit  obligé  de  se 
replier  sur  Penafiel,  sans  avoir  pu  chasser  l'ennemi  de  Cana- 
vezes, et  après  avoir  perdu  plus  de  60  dragons ,  sans  compter 
les  blessés.  Cet  échec  enhardit  même  les  Portugais  au  point 
qu'ils  vinrent  attaquer  le  général  Caulincourt  à  Penafiel.  Il  fal- 
lut que  le  maréchal  envoyât  d'Oporto  le  général  Loison  avec 
un  régiment  d'infanterie  et  deux  pièces  de  canon,  pour  aider 
la  cavalerie  à  se  maintenir  dans  cette  position  sur  la  Souza. 

Les  nouvelles  que  le  duc  de  Dalmatie  ne  tarda  pas  à  recevoir 
dans  son  quartier  général  d'Oporto  durent  nécessairement  le 
forcer  à  suspendre  sa  marche  vers  l'intérieur  du  Portugal.  Il 
apprit  que  le  général  Silveîra ,  après  avoir  quitté  Cbavés,  s'é- 
tait jeté  avec  sa  division  dans  les  montagnes  qui  séparent  la 
province  espagnole  de  Galice  de  celle  de  Tras-os-Montès  ;  qu'a- 


6IJMBB  D'ESPAGNE.  31 

près  avoir  augmenté  ses  forces  d'un  grand  nombre  d'insurgés,  ims. 
formant  le  population  des  villages  portugais  abandonnés,  ce  ^^''^"S^** 
général  avait  marché  successivement  sur  Chavés,  Braga  et 
Guimaraens,  à  mesure  que  l'armé  française  s'était  éloignée  de 
ces  villes ,  et  qu'il  avait  forcé  les  faibles  garnisons  qui  s'y  trou- 
vaient à  se  rendre  prisonnières;  enfin  qu'il  s'était  dirigé  vers 
Amarante  avec  un  corps  composé  de  Q,000  soldats  r^liers 
^  de  15,600  paysans  armés.  A  cette  nouvelle,  déjà  très-fà- 
chenseet  très-inquiétante,  était  venue  se  joindre  celle  de  l'oc- 
cupation de  Yigo,  où  étaient  les  dépôts  et  les  caisses  de  l'ar- 
mée française ,  par  une  division  de  l'armée  du  marquis  de  la 
Romaua,  commandée  parle  général  Morillo. 

Cependant  le  général  Loison,  envoyé,  comme  nous  l'avons 
dit  pins  haut,  pour  commander  la  ligne  de  la  Souza,  résolut 
de  faire  une  reconnaissance  vers  Amarante  avec  800  hommes 
d'infanterie  et  600  chevaux.  Il  rencontra  les  avant-postes  en- 
nemis à  trois  lieues  de  Penaflel,  dans  le  village  de  Villa-Mania, 
et,  après  les  avoir  repoussés  jusqu'à  une  lieue  d'Amarante,  il 
se  trouva  en  présence  du  géqéral  Silveira,  qui,  avec  10,000 
hommes  d'infanterie,  était  en  position  sur  une  montagne,  en 
anîèredu  village  de  Pedrilla.  Après  avoir  ainsi  reconnu  les 
forces  qu'il  avait  devant  lui ,  le  général  Loison  revint  sur  Pe- 
fiafiel ,  suivi  seulement  par  quelques  tirailleurs ,  et  s'empressa 
de  donner  avis  au  maréchal  Soult  de  la  découverte  quli  venait 
de  faire. 

Le  12  avril  à  midi ,  le  général  Silveïra  vint  attaquer  sur  trois 
points  la  ligne  des  Français  sur  la  Souza.  Son  intention  était 
de  s'emparer  du  pont  de  cette  rivière  et  de  couper  la  retraite 
aux  troupes  qui  étaient  dans  Penafiei  ;  mais  le  générarLoiÈon* 
s'aperçut  assez  à  temps  de  ce  dessein ,  et  évacua  Ysl  ville  pour 
venir  prendre  position  sur  la  rive  droite ,  devant  îe  viHage  de 
Baltar.  L'ennemi^  content  de  ce  premier  succès,  ne  dépassa 
point  PenafieK 

Le  maréchal  duc  dcDalmatie,  arrêté  sur  les  bords  du  Duero 
par  la  crainte  de  voir  ses  communications  avec  la  Galice  com- 
promises, en  pénétrant  plus  avant  dans  l'intérieur  du  Portugal, 
attendait  avec  impatience  des  nouvelles  du  maréchal  Victor, 
dont  le  corps  d'armée  devait ,  ainsi  qu'on  l'a  vu  dans  le  cha- 


3t  LIYBB   CINQUIÈMB. 

iiwn.  pitre  précédeni ,  envahir  ce  royaume  par  les  frontières  de  l'E»- 
PortusaL  tramadure  espagnole  II  lui  importait  de  connaître  si  cette  in- 
vasion avait  eu  lieu ,  et  la  position  où  se  trouvaient  alors  les 
troupes  du  duc  de  Bellune  ;  dans  cette  conjoncture,  et  après 
,  avoir  reçu  le  rapport  de  la  reconnaissance  faite  sur  Amarante , 
il  envoya  au  général  Loison  deux  autres  régiments  avec  une 
batterie  d'artillerie,  en  lui  donnant  Tordre  de  se  porter  de  nou- 
veau sur  le  général  Silveîra,  et  de  pousser  le  plus  loin  possible, 
afin  d'obtenir  quelques  renseignements  sur  la  marche  du  pre- 
mier corps  (  celui  du  maréchal  Victor). 

Ce  renfort  étant  arrivé  sur  la  Souza,  le  général  Loison  repassa 
cette  rivière  et  s'avança,  le  16,  sur  Penaûel,  d'où  il  chassa  un 
détachement  de  cavalerie  ennemie.  Le  lendemain  il  continua 
son  mouvement  sur  Amarante ,  et  retrouva  les  troupes  du  gé- 
nérai Silveira  dans  la  position  où  il  les  avait  reconnues  sept 
jours  auparavant;  quelques  volées  d»  canon  tirées  sur  les 
masses  ennemies  suffirent  pour  les  disperser.  La  cavalerie  se 
mit  à  leur  poursuite  sur  la  route  ,  et  Tinfanterie  par  les  mon- 
tagnes. Les  fuyards  voulurent  s'arrêter  derrière  le  village  de 
Fregi,  à  l'entrée  d'un  bois  de  sapins;  mais,  pressés  de  toutes 
parts,  ils  abandonnèrent  bientôt  cette  nouvelle  position ,  et  les 
Français  entrèrent  pêle-mêle  avec  eux  dans  Amarante.  Si  l'in- 
fanterie eût  pu  arriver  à  temps ,  le  général  Loison  se  serait 
emparé  alors  du  pont  bâti  sur  la  Taméga ,  dont  la  possession 
coûta  plus  tard  beaucoup  d'efforts  et  la  perte  d'un  grand  nom- 
bre d'hommes.  Un  bataillon  portugais  se  jeta  dans  un  couvent 
situé  en  face  d'une  rue  par  où  la  cavalerie  française  devait  dé- 
boucher. Tout  ce  qui  se  présentait  dans  ce  passage,  qui  n'a- 
vait pas  plus  de  huit  à  neuf  pieds  de  large,  était  renversé  par 
la  fusillade  qui  partait  du  couvent ,  ou  par  la  mitraille  de  trois 
bouches  à  feu  placées  en  batterie  sur  une  hauteur  de  la  rive 
gauche,  qui  domine  la  ville. 

Ce  feu  meurtrier  ayant  donné  le  temps  à  Tennemi  de  se  re- 
tirer derrière  les  fortifications ,  il  fut  reconnu  qu'il  était  impos- 
sible d'enlever  le  pont  sans  perdre  beaucoup  de  monde.  Aus- 
sitôt que  l'infanterie  fut  arrivée,  le  général  Loison  fit  attaquer 
le  couvent,  dont  l'ennemi  ne  fut  chassé  qu'après  une  résistance 
opiniAtre.  Deux  compagnies  de  voltigeurs  s*y  logèrent.  Le  1 7* 


d'infanterie  légère  occupa  la  ville  jusqu'au  pont;  le  70*  et  le  jj 
96*  de  ligne  s'établirent  avec  la  cavalerie  sur  des  hauteurs  hors 
de  la  ville ,  dans  des  bosquets  d'orangers  et  de  citronniers.  Le 
général  Lolson  fût  obligé  de  faire  élever  des  épaulements  sur 
la  rive  droite  de  la  Taméga,  pour  mettre  ses  postes  d'infante- 
rie à  couvert  du  feu  des  Portugais ,  qui ,  disposés  sur  la  rite 
gauche ,  n'apercevaient  point  une  seule  sentinelle  sans  tirer 
dessus. 

L'occupation  d'Amarante  remplit  en  partie  l'objet  que  s'était 
proposé  le  maréchal  Soult.  On  trouva  dans  cette  ville  des  pa- 
piers anglais  et  portugais /{ui  firent  connaître  enfin  la  situation 
des  affaires  en  Espagne  et  dans  le  midi  du  Portugal.  La  nou- 
velle la  plus  importante ,  que  le  général  Loison  s'empressa  de 
transmettre  au  maréchal ,  fut  la  détresse  où  se  trouvait  alors 
le  maréchal  Ney  en  Galice,  et  l'impossibilité  où  il  était  de 
prêter  secours  à  Tarmée  d'invasion.  Dès  le  80  mars ,  le  mar- 
quis de  la  Romana ,  après  avoir  allumé  l'insurrection  de  la 
majeure  partie  de  la  province ,  était  descendu  des  montagnes 
de  Puebla  de  Sanabrla,  s'était  porté  sur  Ponferrada,  où  il  avait 
finit  prisonnier  un  détachement  français  qui  s'y  trouvait  ;  de  là^ 
traversant  la  grande  route  d'Âstorga  à  la  Gorogne,  le  général 
espagnol  avait  marché  sur  Villafranca ,  dont  la  garnison ,  forte 
de  800  hommes ,  s'était  vue  forcée  de  mettre  bas  les  armes. 
Ces  succès ,  exagérés  par  la  renommée ,  ayant  fait  accourir 
sous  les  drapeaux  de  la  Romana  plus  de  30,000  Galiciens  bien 
armés,  le  maréchal  Ney,  harcelé ,  pressé  de  toutes  parts ,  avait 
été  obligé  de  concentrer  une  partie  de  ses  forces  sur  Lugo.  Un 
corps  de  12,000  hommes ,  tant  Galiciens  que  Portugais,  assié- 
geait Tuy ,  où  se  trouvait  le  grand  parc  d'artillerie  de  l'armée 
entrée  en  Portugal. 

L«  maréchal  Soult,  en  recevant  ces  nouvelles,  détacha  sur- 
le-champ  la  division  du  général. Heudetet  pour  secourir  le  gé* 
Bëral  Lamartinière,  qui  commandait  à  Tuy  et  qui  défendait 
vaillamment  cette  place  non  fortifiée.  Après  avoir  traversé  la 
province  d*Entre-Buero-et-Minho,  le  général  Heudelet  arriva 
devant  Yalença,  et  s'empara  de  cette  forteresse  par  un  coup  de 
main.  Dès  le  lendemain  11  traversa  leMinho,  battit  et  dis- 
persa le  corps  ennemi ,  et  débloqua  la  ville  de  Tuy.  Ayant  fMt 


Portustf. 


34  LIVftB  CINQUIÈME. 

IM9:     lauter  ensuite  le&  fortifications  de  Yalança,  il  rejoignit  le  ma- 
Portugal.  réchalàOporto. 

La  colonne  da 'général  Heudelet  eut  souvent  à  combattre 
dans  cette  expédition  ;  le  nMû<»^  Dulong  fut  chargé  de  s'empa- 
rer de  la  ville  et  du  pont  de  Ponte-Lima«  Les  Portugais  dé- 
fendaient ce  poste  avec  S,aoo  hommes  de  troupes  de  ligne  et 
une  nombreuse  artillerie;  le  major  avait  à  peine  1,500  com- 
battants sous  ordres.  Ce  fut  lui  qui  s'embarqua  sur  le  Minho 
pour  annoncer  au  général  Lamartinière  qu'il  était  débloqué. 

Cependant  les  succès  obtenus  par  général  Heudelet  n'avaient 
fait  évanouir  qu'une  partie  du  danger  qui  menaçait  Tarroée 
française ,  et  celle-ci  se  trouvait  encore  dans  la  sîtuaticm  la  plus 
critique.  Isolée,  pour  ainsi  diie^  à  Oporto,  au  milieu  de  Tin- 
surrection  des  provinces  du  nord  du  Portugal,  elle  était  mena- 
cée  au  sud  par  une  nouvelle  armée  anglaise  qui  venait  de  dé- 
barquer, au  nombre  de  18  à  20,000  hommes,  à  Tembouchure 
du  Tage,  et  qui  se  dirigeait  déjà  sur  Coîmbre.  Sir  Arthur 
Wellesley,  qui  commandait  ces  troupes,  avait  pris  la  direction 
que  nous  venons  d'indiquer  après  avoir  reconnu  que  l'armée 
portugaise  était  suffisante  pour  défendre  Lisbonne  et  garder 
les  défUés  d'Abrautès,  dans  le  cas  où  le  maréchal  Victor,  ce  qui 
n'était  guère  probable  alors,  tenterait  de  franchir  la  frontière 
orientale  du  Portugal. 

?ioufr  devons  maintenant  faire  eOnnattre  les  circonstances 
qui  avaient  empêché  le  maréchal  duc  de  Bellune  d'entrer  en 
Portugal  à  l'époque  qui  lui  avait  été  prescrite  par  les  instruc- 
tions de  Napoléon. 
Emagne.  Suite  des  événements  militaires  en  Espagne;  bcUaiUe  de 
"'''  Medellin;  combat  de  Ciudad'Real,  etc. —  Le  premier  corps 
d'armée,  sous  les  ordres  du  maréchal  Victor,  duc  de  Bellune, 
était  resté  eantonné  dans  la  province  de  la  Manche  pendant 
tout  le  eours  du  mois  de  février,  lorsque ,  d'après  le  plan  de 
l'empereur,  ce  maréchal  dut  entrer  en  Portugal.  Le  général  Sé- 
bastian! ,  qui  avait  succédé  au  maréchal  Lefebvre,  duc  de  Dant- 
zig ,  dans  le  commandement  du  4?  corps  d'armée ,  reçut  l'or- 
dre de  quitter ,  avec  une  partie  de  ses  troupes ,  ses  cantonne- 
ments vers  la  haute  Estr'amadure ,  afin  de  venir  remplacer  les 
troupes  du  premier  corps,  qui,  de  leur  cûté,  s  avancèrent  sur 


GHBftBS  D'BSPAeilB.  S5 

TalaTërt  de  la  Beîna ,  Puente  del  Araobispo  et  Almaniz  ^  pour  «se». 
aeheTer  d'anéantir  ks  d^ris  de  rarmée  espagnole  d'Ettrama-  ^v^^^ 
dure,  que  le  maréchal  Lefebvre  avait  défiedlte,  comme  on  l'a 
vu  y  le  34  décembre.  Une  division  d'infimterieda  4*^  corps  resta 
sous  les  ordres  du  maréchal  Victor,  ainsi  que  la  division  de  ca- 
valerie légère  du  général  Lasalle.  L*armée  ennemie  était  alors 
commandée  par  le  général  don  Grégorlo  de  la  Cuesta»  qui 
était  parti  le  25  janvier  de  Badajbz  et  avait  porté  son  camp  à 
Traxillo.  Cette  armée ,  réorganisée  depuis  sa  dernière  défaite , 
rraiforoée  par  de  nombreuses  levées»  s'était  emparée  le  29  jan- 
vier du  pont  d'Almaraz  et  en  avait  lait  sauter  une  arche.  Cette 
circonstance  contrariait  la  marche  des  troupes  du  maréchal 
Victor  vers  les  frontières  du  Portugal ,  et ,  pour  passer  le  Tage, 
il  était  de  toute  nécessité  de  construire  un  nouveau  pont  sous 
le  feu  des  Espagnols ,  qui  s'étaient  étendus  sur  la  rive  gauche 
et  gardaient  avec  soin  tous  les  endroits  favorables  au  passage 
projeté.  Il  y  avait  bien  deux  autres  ponts  à  Arasobispo  et  à  Ta* 
lavera  ;  mais  les  routes  qui  y  conduisaient  étaient  alors  impra- 
ticables pour  Fartillerie.  Le  maréchal  Victor  se  décida  donc  à 
faire  établir  un  pont  de  bateaux  à  Almaraz,  et  vers  le  milieu 
de  mars  fixa  son  quartier  général  dans  cette  ville»  afin  d'être 
plus  à  portée  de  surveiller  et  d*accélérer  les  travaux.  L'armée 
de  Cuesta  occupait  alors  les  positions  suivantes  :  5,000  hommes 
formant  l'avant-garde,  commandée  par  don  Juan  de  Henestrosa. 
étflulent  en  face  d'Almaraz;  la  l**^  division»  aux  ordres  du  duc 
dd  Parque,  occupait  las  Mesas  de  Ibor  ;  le  seconde  division,  com- 
mandée par  don  Francisco  Trias,  à  FVesnedoso,  et  la  troisième 
à  Deleitosa  avec  le  quartier  général.  Cette  armée  était  forte  de 
30,000  h(»nmes  d'inHuiterie,  4»oao  chevaux  et  trente  pièces 
de  canon. 

Le  1^  corps  comprenait  les  divisions  Kuffîn  (5,000  hommes)  » 
Yiliatte  (6»000  hommes),  Levai  (3,500  hommes  de  troupes 
allemandes)»  la  division  de  dragons  du  général  Latour-Mau- 
boarg  (a,400  chevaux),  la  division  de  cavalerie  légère  du  gé- 
néral Lasalle  (1,800  chevaux);  en  tout  14,500  hommes d'in- 
fimterie,  4»200  chevaux»  et  quarante-huit  bouches  à  feu  bien 
servies  et  bien  attelées. 

Quelques  troupes  légères  passèrent  sur  la  rive  gauche»  par 


1 


2S  tIVBB  CINQUIÈME^ 

te  pont  ÛB  VàmMaipo ,  pour  observer  renoemi  et  faire  defi  re- 
^mn«-  comaiAMoioes  ren  mu  finie  droit,  sur  la  petite  rivière  dlbor 
qai  se  Jclle  dans  le  Tage  aa-demis  d'AImafaL 

Le  14  mars  les  radeaux  étaient  aclievés;  mais  eMme  on 
reconnut  qu'il  était  impossible  de  les  lancer  à  Teau  et  de  com- 
mencer la  construction  du  pont  sous  le  feu  de  l'ennemi ,  le  ma- 
réchal résolut  de  chasser  d'abord  ceiui^  de  la  forte  position 
qu'il  occupait  en  Ihoe  d'Alm'araz,  au  confluent  de  Tlbor  et  do 
Tage. 

Le  15  ,  la  division  Levai  passa  le  Tage  à  Talavéra,  ainsi  que 
le  général  Lasalle,  avec  le  2*  de  hussards  et  les  5®  et  10*  de 
chasseurs  à  cheval.  La  division  Yillatte  prit  position  à  Puente 
del  Aneoblspo,  où  s'établit  le  quartier  général .  La  division  Ruffln 
occupa  Yaldeviéja  et  Torrijo. 

Dans  la  nuit  du  15  au  16,  te  doc  de  Bellone  eut  avis  que  l'en- 
nemi occupait  la  position  de  las  Mesas  de  Iboravec  6,000  hom* 
mes  ;  un  autre  corps  de  3,000  hommes  occupait  le  débouché 
de  Fresnedoso ,  et  1 ,500  hommes  tenaient  le  pays  depuis  Fres- 
nedoso  Jusqu'à  Guadalupe.  Le  maréchal  donna  l'ordre  à  la  di- 
vision allemande  du  général  Levai  de  se  diriger  sur  la  position 
de  Mesas  de  Ibor,  et  il  la  fit  soutenir  par  la  division  RufÛn.  Le 
général  Villatte  dut  se  porter  avec  sa  division  et  la  cavalerie 
légère  sur  Fresnedoso. 

Le  17,  à  dix  heures  du  matin ,  le  général  Levai  attaqua  l'en- 
nemi, dont  il  ne  put  atteindre  que  la  queue  de  la  colonne  parce 
que  le  duc  del  Parque  s'était  déjà  mis  en  retraite;  150  chevaux 
commandés  par  le  colonel  Blanchevilie  firent  une  centaine  de 
prisonniers  et  sabrèrent  3  à  300  hommes.  Les  troupes  espa- 
gnoles se  retirèrent  dans  le  camp  retranché  de  Mesas  de  Ibor, 
défendu  par  plusieurs  redoutes  garnies  d'artillerie.  Le  général 
Levai  fit  attaquer  la  position ,  que  l'ennemi  abandonna  bientôt 
avec  perte  de  800  hommes  hors  de  combat,  1,000  prisonniers, 
sept  pièces  de  canon,  ses  bagages  et  ses  magasins. 

Tandis  que  le  général  Levai  chassait  l'ennemi  de  la  position  de 
Mesas  de  Ibor,  le  général  Yillatte  le  forçait  à  Fresnedoso.  L'en- 
nemi avait  déployé  ses  troupes,  au  nombre  de  3,000  hommes, 
sur  la  gauche  del'lboretparaissait  vouloirtenirdans  cette  posi- 
tion. Le  général  Yillatte  fit  déborder  sa  droite  par  un  bataillon  de 


GUEBftK   D^BSPAGIIE.  27 

voltigeiin,  sa  gaache  par  le  27*  d'infanterie  légère  et  le  6S*  de     im^  . 
ligne,  et  ordonna^ an  94^  de  i'attaqoer  de  front ,  ayant  en  ré-    '^^'i*^*^- 
9flr?e  le  95«.  L'engagement  ne  dnra  que  quelques  instants  :  les 
Espagnols  se  retirèrent  en  déscMrdre,  laissant  300  prisonniers.  On 
trouva  à  Fresnedoso  un  magasin  d*armes  considérable  et  une 
grande  quantité  de  poudre. 

Le  18,  le  duc  de  Bellune  ordonna  à  la  division  Levai  de  mar- 
eher  sur  Valdecanas ,  d'attaquer  et  de  culbuter  l'ennemi  dans 
les  positions  qu'il  occupait  encore  sur  les  crêtes  des  montagnes 
Jusqu'au  col  de  Miravete.  La  division  Ruffin  remplaça  la  divi- 
sion Yiilatte  À  las Mesas  de  Ibor,  et  legénéral  Yillatte  eut  l'ordre 
de  pousser  la  tète  de  ses  troupes  jusqu'à  Deldtosa ,  d'attaquer 
Tennemi  s'il  se  trouvait  sur  ce  point,  et  de  continuer  à  garder 
fortement  Fresnedoso.  Le  maréchal  dirigea  lui-même  le  mou- 
vement de  la  division  allemande.  Son  Intention  était  de  net- 
toyer entièrement  la  rive  gauche  du  Tage  Jusqu'à  Almaraz , 
afin  de  pouvoir  Jeter  le  pont  et  faire  passer  son  artillerie  et  sa 
cavalerie. 

L'ennemi  fut  bientôt  chassé  de  ses  positions.  Attaqué  à  la 
fois  sur  ses  flancs  et  de  front  par  les  troupes  allemandes,  sa  dé- 
route lût  complète.  On  loi  fit  quelques  centaines  de  prisonniers 
et  on  le  poursuivit  Jusqu'à  la  nuit.  Cette  affaire  établit  la  com- 
munication avec  le  pont  d' Almaraz,  qui  fut  Jeté  de  suite.  Cette 
opération  étant  terminée  dans  la  soirée  du  19,  la  division  du 
général  Latour-Maubourg  passa  sur  la  rive  gauche.  Le  len- 
demain la  cavalerie  légère  suivit  rennemi,  qui  se  retirait  sur 
Truxillo.  Le  6*  de  chasseurs,  conduitpar  le  colonel  Bonnemains, 
atteignit  la  queue  de  la  colonne  ennemie  à  quelque  distance  de 
cette  ville ,  la  chargea  et  la  mena  au  galop  pendant  une  lieue, 
jusqu'à  ce  qu'elle  eût  rejoint  le  gros  de  ses  troupes.  L'ennemi 
perdit  dans  cette  retraite  100  hommes  tués  ou  blessés  et  60 
chevaux.  Le  &•  de  chasseurs  eut  8  hommes  tués  et  10  blessés. 

Le  20,  le  i*'  corps  arriva  à  Tmxillo  à  deux  heures  du  soir. 
l£S  ennemis^  en  quittant  cette  ville,  avaient  continué  leur  re- 
traite par  la  route  de  Mérida.  Leur  arrière-garde,  composée 
d'environ  8,000  hommes  d'infanterie,  2,000  chevaux  et  douze 
pièces  de  canon,  occupait  les  hauteurs  de  Santa-Crnz  de  la 
Sierra.  Le  corps  d'armée  était  encore  trop  éloigné  pour  pou- 


28  LIVRE   CINQUliXB. 

1809.  voir  attaquer  avant  la  nuit.  Le  général  Lasalle  alla  reconnaître 
Espagne.  ^^  arrière-garde  avec  sa  cavalerie.  Le  S^  de  chasseurs  eut 
encore  un  engagement  assez  sérieux ,  culbuta  500  à  600  che- 
vaux et  tua  200  cavaliers  espagnols. 

Les  deux  armées  passèrent  la  nuit  du  20  au  31  e&  présence. 
Le  général  Guesta  paraissait  d'abord  vouloir  accepter  la  ba- 
taille ;  mais  il  leva  son  camp  dans  la  matinée  et  continua  son 
mouvement  rétrogarde.  Il  fut  promptement  suivi  par  Tavant- 
garde  française ,  formée  par  la  division  de  cavalerie  légère  du 
général  Lasalle,  qui  poussa  sur  Miajadas  une  reconnaissance 
commandée  par  le  général  Bordesoulle.  Celui-ci  avait  dépassé, 
avec  le  1 0^  régiment  de  chasseurs  à  cheval ,  les  défilés  qui  se 
trouvent  entre  Villamésia  et  Miajadas,  lorsqu'il  aperçut  quel- 
ques escadrons  ennemis  qu'il  crut  pouvoir  facilement  enfoncer. 
Sa  charge  était  franchement  entamée  quand  il  se  vit  débordé, 
à  sa  droite  et  à  sa  gauche,  par  1 ,000  à  1 ,200  chevaux  qui  ma- 
nœuvraient pour  lui  couper  la  retraite;  mais  Bordesoulle ,  fai- 
sant un  mouvement  par  la  gauche  de  sa  colonne ,  passa  au 
travers  de  la  cavalerie  ennemie.  Le  général  Lasalle  avait  jugé 
de  loin  que  Bordesoulle  s'engageait  trop;  il  se  porta  en  avant 
avec  le  5®  de  chasseurs,  et  arriva  assez  à  temps  pour  dégager 
entièrement  le  10^,  qui  perdit  dans  cette  échauffourée  environ 
100  cavaliers  ;  les  Espagnols  en  massacrèrent  une  partie  de  la 
manière  la  plus  atroce.  Le  général  Lasalle,  après  avoir  reconnu 
rennemi,  qui  occupait  Miajadas  avec  4,000  chevaux  et  10,000 
hommes  d'infanterie ,  alla  s'établir  à  Villamésia.  De  son  côté 
la  cavalerie  ennemie,  composée  du  régiment  de  l'Infant  et 
de  celui  des  dragons  d'Almanza,  satisfaite  de  son  succès ,  re- 
joignit au  galop  le  gros  de  son  armée. 

Le  22,  la  cavalerieiégèreseportaà  Miajadas,  et  12  compagnies 
de  voltigeurs  furent  mises  à  la  disposition  du  général  Lasalle. 
Le  même  jour  Guesta ,  continuant  sa  retraite ,  traversa  la  Gua- 
diana  sur  le  pont  de  Médellin,  découvrant  ainsi  la  grande  route 
de  Séville  et  de  Badajoz.  Il  sortit  immédiatement  de  Médellin, 
voulant  éviter  toute  collision  avec  les  troupes  françaises  avant 
sa  jonction  avec  le  duc  d'Albuquerque,  qui  venait  delà  Manche 
pour  se  réunir  à  l'armée  d'Estremadure. 

Le  pont  de  bateaux  d'Almaraz  étant  terminé,  Tartillerie  da 


oniBBB  d'bspaonb.  3f 

réservjB  et  le  parc  passèrent  sur  la  rive  gauche  du  Tage  et  fu-      190a. 
reBtf^onisle  24  à  Truxillo,  ainsi  que  la  division  de  dragons    ^'^''sim* 
du  général  Latour-Maubourg,  qui  rejoignit  l'armée  aux  en- 
virons de  Miajadas,  où  le  maréchal  avait  établi  ses  troupes 
pour  attendre  son  artillerie.  Le  26  la  cavalerie  légère  marcha 
sur  Mérida  y  où  eile  arriva  le  lendemain  au  soir. 

Le  27 ,  Âlbuquerque  ayant  opéré  sa  Jonction  avec  Guesta  9  à 
Yillanuévade  laSéréna,  ce  dernier  revint  le  lendemain  matin 
à  Médellin  avec  toutes  ses  forces  réunies ,  s*élevant  alors  à 
25,000  hommes  dlnfanterie,  4,000  chevaux  et  trente  pièces  de 
canon.  Cette  ville  est  située  entre  la  rive  gauche  de  la  Guadlana 
et  le  versant  occidental  d'une  colline  dont  le  pied  est  baigné  par 
les  eaux  du  fleuve.  C'est  la  patrie  du  célèbre  Femand  Cortez.  On 
y  arrive,  en  venant  de  Truxillo,  par  un  pont  fort  long,  et 
de  Tautre  c6té  s'ouvre  une  plaine  spacieuse  entièrement  dé- 
pourvue d'arbres ,  qui  s'étend ,  en  remontant  la  Guadlana ,  en- 
tre le  lit  de  ce  fleuve  et  le  petit  torrent  de  l'Ortigosa,  qui  s'y  Jette 
au-dessus  de  Médellin,  près  du  bourg  de  Don  Bénitoet  du  viN 
lage  de  Mingabril. 

Le  champ  de  bataille  avait  été  choisi  Judicieusement  par  le  gé- 
néral Cuesta.  C'est  un  plateau  situé  entre  Don  Bénito  et  Médel- 
lin ,  dont  la  pente  est  insensiblement  inclinée  vers  ce  dernier 
endroit,  d'un  développement  de  plus  d'une  lieue,  très-uni,  of- 
firant  par  conséquent  au  général  espagnol  l'avantage  de  fiiire . 
BQanœuvrer  ses  troupes  selon  les  occurrences.  Les  ennemis  oc* 
cupèrent  d*abord  les  hauteurs  qui  s'étendent  entre  Don  Bé- 
nito et  Mingabril  ;  mais  Cuesta  jugea  ensuite  à  propos  de  dé* 
ptoyer  son  armée  en  forme  d'arc  sur  une  ligne  d'une  lieue 
d'étendue  et  sans  garder  de  réserve.  L'aile  gauche  ,  placée  à 
Mingabril,  était  composée  de  Tavant-garde  et  de  la  1^^ divi- 
sion ,  conduites  par  don  Juan  de  Henestrosa  et  par  le  duc  det 
Parque;  le  centre ,  en  avant  et  vis-à-vis  de  Don  Bénito ,  était 
fcM-mé  de  la  2*^  division ,  commandée  par  le  général  Trias;  et 
l'aile  droite,  appuyée  à  la  Guadlana,  comprenait  la  8®  divi- 
sion, aux  ordres  du  marquis  de  Portago,  et  les  troupes  ame- 
nées par  le  duc  d' Albuquerque ,.  le  tout  commandé  par  le  lieu- 
tenant général  don  Francisco  de  Egnia.  Presque  toute  la  cava- 
lerie fut  placée  sur  la  gauche. 


36  LIVRE   CINQUIBMS. 

Le  27,  la  dl^ion  Ruffin  était  à  Miajadas.  La  diviaic»  Vil* 
latte ,  (lai ,  à  trois  heures  du  soir,  avait  traversé  la  (hiadiana  à 
Médellin,  que  les  Espagnols  avaient  évacué,  fut  suivie  de  la  divi- 
sion Levai,  et  était  venue  bivouaquer  en  avant  de  cette  ville  sur 
le  chemin  de  Mingabril ,  et  la  division  Levai  sur  le  chemin  de 
Don  Bénito.  La  division  de  dragons  était  à  Zorita,  ayant  une 
brigade  de  réserve  à  l'Escorial.  Le  2'  régiment  de  dragons 
avait  seul  suivi  la  division  allemande. 

Le  28,  à  dix  heures  du  matin,  le  1^'  corps  se  trouvait  réuni 
à  Médellin.  Par  suite  des  divers  détachements  d'infanterie  et 
de  cavalerie  que  le  maréchal  avait  été  obligé  de  faire  pour  ob- 
server la  route  de  Mérida  et  les  montagnes  de  Guadalupe,  les  di- 
visions Euffln,  Yillatte  et  Levai  ne  se  composaient  que  d'environ 
12,000  combattants.  La  cavalerie  légère  et  les  5  escadrons  de 
dragons  qui  avaient  suivi  la  division  Levai  formaient  un  total 
de  2,000  à  2,400  chevaux.  Cest  avec  ce  petit  corps,  sou* 
tenu  par  quarante-six  bouches  à  feu,  que  le  maréchal  détmu- 
cha  à  une  heure  de  Médellin  pour  attaquer  Tarmée  de  Cuesta. 
Sa  position  présentait  beaucoup  de  difficultés  :  il  avait  la  Gua- 
diana  à  dos ,  et  ne  pouvait  marcher  à  rennemi  que  par  le 
pont  étroit  de  FOrtigosa  et  sous  le  feu  des  batteries  adverses. 
L'armée  espagnole ,  deux  fois  plus  nombreuse  que  la  sienne , 
avait  encore  sur  lui  l'avantage  de  la  position  ;  mais,  confiant 
dans  la  valeur  de  ses  troupes ,  le  duc  de  Bellune  n'hésita  pas 
à  se  porter  en  avant.  Toutefois  il  ne  voulut  pas  les  engager 
dans  la  plaine  sans  avoir  d'abord  reconnu  celles  de  l'ennemi. 
Rn  conséquence ,  il  fit  avancer  sa  cavalerie  légère  par  la  route 
de  Don  Bénito ,  avec  une  batterie  d'artillerie  à  cheval  et  deux 
bataillons  de  la  division  allemande,  formés  en  colonnes  serrées 
par  divisions,  sur  le  flanc  et  en  arrière  de  la  cavalerie.  Le  gé- 
néral Latour-Maubourg ,  avec  ô  escadrons  de  dragons  «  huit 
bouches  à  feu  et  deux  bataillons  de  la  division  allemande  for- 
mes  en  colonnes  sur  l'extrême  droite  de  la  ligne  de  bataille, 
se  dirigea  sur  le  plateau  dit  de  Retamosa,  laissant  le  torrent 
de  rOrtIgosa  à  sa  droite. 

La  division  Yillatte  fut  établie  :  une  brigade  à  cheval  sur  la 
route  de  Don  Bénito,  ayant  à  sa  gauche  le  reste  de  la  division 
allemande;  une  autre  brigade  sur  la  route  de  Mingabril,  toutes 


OUBKAB  D*BSPAeilS.  3t 

les  deux  en  avant  de  Médellin.  La  diviaton  RufiBa  fat  laiuée  en 
réserve  sur  le  rideau  situé  à  Test  de  Médellin,  ayant  an  ba- 
'  taiUon  au  pont  de  la  Gusdiana  pour  la  garde  des  équipages.  Un 
batailkm  de  grenadiers  et  une  batterie  de  dix  bouebes  à  feu  ap* 
payaient  la  droite  du  générai  Latour-Maubourg,  longeant  le  tor^ 
rent  de  l'Ortigosa  sur  sa  rive  gaudie. 

D'après  cet  ordre  de  bataille»  la  division  de  cavalerie  légère 
du  génâral  Lasalle  formait  Taile  gaucbe  ;  les  troupes  allmnan-^ 
des  de  la  division  Levai  occupaient  le  eentre;  les  dragons  du 
général  Latour-Maubourg  formaient  Taile  droite ,  et  les  divi* 
sions  Yillatte  et  RufQn  étaient  en  réserve,  en  seconde  ligne. 

La  cavalerie  ennemie  était  en  position  dans  la  plaine  au  pied 
du  plateau  ^  qui ,  à  gaucbe  de  Médellin,  domine  toute  la  pleine* 
Uinfiinterie  était  cachée  derrière  le  rideau  qui  s'étend  long  de 
la  Guadiana,  à  l*est  de  la  ville. 

•  L'action  s'engagea  par  un  échange  de  boulets  entre  l'artilierie 
da  général  Latour-M aubourg  et  celle  de  la  cavalerie  espagnole, 
qui  commençait  à  se  reployer  sur  le  plateau.  Les  généraux  La- 
tour-Maubourg  et  Lasalle  continuèrent  leur  mouvement.  Déjà 
le  premier,  qui  avait  moins  de  chemin  à  parcourir,  était  arrivé 
à  la  naissance  du  plateau  lorsqu'on  vit  Tennemi  le  couronner. 

Le  général  Cuesta  ayant  compris  les  intentions  du  maréchal , 
d'après  son  ordre  de  bataille ,  Jugea ,  avec  raisim ,  que  le  géné<> 
rai  français  voulait  l'entamer  par  sa  droite,  que  commandait  le 
le  lieutoumt  général  Eguia ,  et  y  porta  rapidement  les  deux 
tiers  de  ses  forces,  dont  une  partie  déborda  la  gauche  française, 
eberchant  à  se  porter  sur  la  communication  de  Médellin,  Le 
maréchal  ordonna  sur-le-champ  au  général  Lasalle  de  se  replier 
lentement  sur  cette  ville,  en  reCÔsant  continuellement  sa  gaoche, 
et  au  général  Latour-Maubourg  de  continuer  son  mouvement 
sur  le  plateau  de  Retamosa  et  d'en  culbuter  l'ennemi;  il  le  fit 
soutenir  par  le  bataillon  de  grenadiera,  une  batterie  de  dix  piè» 
ces  et  le  94®  de  ligne.  L'ennemi  s'avança  avec  8,000  hommes 
d'Inihnterie  et  2,000  chevaux  pour  arrêter  le  mouvement  de 
Latour-Maubourg.  Un  régiment  de  hussards  espagnols  chargea 
le  batailloa  de  grenadiers,  qui  l'aoeuelUit  par  une  décharge  de 
nioQsqueterie  des  plus  vives  et  un  feu  de  mitraille  qui  l'arrêta, 
tandis  que  ce  régiment  était  chargé  en  flanc  par  un  escadron 


32  LIVBB  CIIfQUtàMB. 

lioa  de  dragons  qui  acheva  de  le  calbuter.  Mais  rinfiintene  ennemie^ 
fificSDA-  soutenue  de  près  par  le  reste  de  la  cavalerie ,  s'avança  avec  ré- 
solution sur  les  dragons  de  Latour-Maubonrg  et  les  repoussa 
avec  perte^  La  cavalerie  espagnole  voulut  profiter  de  cet  échec 
pour  enibncer  Taile  droite  française ,  lorsque  les  2*  et  26*  régi* 
ments  de  dragons  et  un  escadron  du  1 4®  exécutèrent  une  charge 
à  fond  sur  Tinfanterie  ennemie,  qui  en  moins  de  cinq  minutes 
fut  renversée.  La  cavalerie  chargée  de  la  soutenir  tourna  bride, 
et  les  cavaliers,  se  heurtant  les  uns  les  autres,  s'enfuirent  au 
galop  dans  le  plus  grand  désordre ,  et  abandonnèrent  honteu- 
sement Tinfanterie.  G*esten  vain  que  les  généraux  espagnols 
firent  les  plus  grands  efforts  pour  arrêter  cette  cavalerie  en  dé- 
route :  les  fuyards  n'écoutaient  rien  ;  la  frayeur  les  rendait 
sourds  à  la  voix  de  leurs  chefis.  Le  général  Cuesta  lui-même  ac* 
courut  pour  rétablir  Tordre  ;  mais ,  heurté  et  renversé  de  che- 
val ,  il  faillit  être  pris  par  les  cavaliers  français,  qui,  passant 
outre  dans  la  rapidité  de  leur  charge,  ne  le  remarquèrent  pas 
et  lui  laissèrent  le  temps  de  se  remettre  en  selle  et  de  leur 
échapper. 

En  refusant  son  aile  gauche  et  en  faisant  avancer  sa  droite , 
le  maréchal  avait  opéré  un  changement  de  firont  sur  son  centre. 
Sa  droite  appuyant  au  plateau  de  Retamosa  et  sa  gauche  à 
la  Guadiana,il  resserrait  sa  ligne  de  bataille,  paralysait  le 
gros  des  forces  de  Tennemi ,  tandis  qu'il  écrasait  sa  gauche. 
Ce  mouvement  fut  exécuté  par  les  troupes  françaises  avec  un 
ordre  et  un  ensemble  qui  n'appartiennent  qu'à  elles.  Le  général 
Latoup-Maubourg  avançait  sa  droite  de  manière  à  prendre  l'en- 
nemi àrevers.  Les  grenadiers,  ainsi  que  les  deux  bataillons  de  la 
division  allemande,  le  27*  d'infanterie  légère,  le  94'  de  ligne 
et  la  batterie  de  dix  pièces,  appuyaient  ce  mouvement.  Toute  la 
ligne  pivotait  sur  l'aile  gauche.  Les  6S^  et  95*  de  ligne,  laissés 
au  centre,  se  conformaient  au  changement  de  front.  Le  24*  et 
le  96*  étaient  en  seconde  ligne  derrière  le  centre.  Ce  dernier 
régiment  était  au  pont  de  l'Ortigosa. 

Cependant  le  général  Cuesta  ne  croyant  pas,  malgré  l'échec  es- 
suyé par  sa  gauche,  devoir  céder  le  terrain  qu'il  avait  gagné  par 
sa  droite ,  s'y  défendait  avec  beaucoup  d'acharnement.  Il  avait 
envoyé  un  parti  de  4,000  hommes  d'infanterie  et  2,000  che* 


GUBABB  B^ESPAGNl.  33 

faux  par  one  gorge -pour  déboacher  sur  les  derrières  et  par  la 
droite  de  rarmée  française.  Le  maréchal,  s'étant  aperça  du 
jQQoavementde  cette  colonne^  flt  porter  à  sa  rencontre  le  9*  ré- 
giment d'infenterie  légère  avec  quatre  bouches  à  feu.  Ce  brave 
régiment,  formé  en  carré,  son  colonel  au  milieu  (  Meunier),  suf- 
fit à  lui  seul  pour  repousser  toutes  les  attaques  de  Tennemi.  Pen- 
dent ce  temps  le  maréchal  avait  ordonné  à  la  cavalerie  légère 
du  général  Lasalle  de  démasquer  Tinfanterie  du  centre ,  qui  se 
porta  sur  Tennemi  et  Tattaqua  par  un  grand  feu  »  tandis  que  le 
général  Latour-Maubourg  et  toute  Tinfanterie  de  la  droite  le 
chargeaient  à  revers.  En  même  temps  le  général  Lasalle,  qui 
avait  arrêté  son  mouvement  rétrc^ade  et  repris  l'offensive,  se 
précipita  sur  les  lignes  de  Tarmée  de  Cuesta,  qui,  s'étant  enga- 
gée inconsidérément  dans  la  plaine,  ne  put  résister  à  cette 
charge  généi'ale  de  toute  !a  cavalerie  et  de  la  division  Vil- 
latte. 

En  peu  pL'lnstants  elle  fut  mise  dans  une  déroute  complète; 
les  soldats  jetaient  leurs  armes  pour  fuir  avec  plus  de  vitesse 
devant  toute  la  cavalerie  française,  qui  se  mit  alors  à  leur  pour- 
suite. Irrités  par  une  résistance  de  cinq  heures,  par  les  provo- 
cations menaçantes  qulls  n'avaient  point  cessé  d'entendre  peu- 
dant  le  mouvement  rétrograde  qu'ils  avaient  d'abord  été  obligés 
de  lâire,  les  hussards,  les  chasseurs  et  les  dragons  français, 
voulant  d'ailleurs  th*er  vengeance  du  massacre  des  chasseurs 
du  to^  régiment,  ne  fireut  point  de  quartier  dans  les  premiers 
moments  de  cette  poursuite  acharnée,  et  sabrèrent  impitoyable- 
ment tout  ce  qui  ne  put  pas  fuir.  L'infanterie,  qui  suivait  de 
loin  la  cavalerie,  achevait  les  blessés  à  coups  de  baïonnette.  La 
fureur  des  soldats  s'exerçait  particulièrement  sur  ceux  d'entre 
les  Espagnols  qui  ne  portaient  point  d'uniforme. 

La  cavalerie  suivit  ainsi  l'ennemi  Jusqu'à  la  nuit.  A  chaque 
instant  on  voyait  revenir  des  pelotons,  escortant  de  nombreu- 
ses cokmnes  de  prisonniers  qu'ils  remettaieot  à  Tinfonterie,  pour 
tes  conduire  à  Médellin.  Ces  malheureux  Espagtfols,  si  mena- 
çants pendant  la  bataille,  marchaient  alors  tête  baissée  et  avec 
la  précipitation  de  la  crainte. 

Cuesta  perdit  dans  cette  journée  10,000  hommes,  tant  tué» 
que  blessées,  4,000  prisonniers,  seize  pièces  de  canon  et  six  dra- 


Eipagne. 


34  LIVBB  CINQUIÈME. 

peaux.  Parmi  les  blessés  restés  sut  le  champ  de  bataille  on 
tixMiTa  le  Ueatenant  général  Trias,  qni  Ait  porté  au  logement 
du  maréchal  pour  y  être  pansé.  Les  Françab  eurent  moins  de 
4,000  hommes  hors  de  combat.  Cette  sanglante  bataille ,  dans 
laquelle  l'armée  d*Estremadure  et  une  partie  de  celle  d'Anda- 
lousie furent  presque  anéanties ,  est  un  des  plus  brillants  faits 
d'armes  deTarmée  française  dans  la  guerre  de  la  Péninsule.  Le 
maréchal  Victor  cita,  avec  de  justes  éloges,  les  généraux  La- 
salle,  Latonr-Maubourg,  Bordesoulle,  Villatte,  Levai  et  Rufiin, 
le  colonel  Meunier,  du  9^  d'infanterie  légère,  et  un  grand  nom- 
bre d'autres  officiers  de  cavalerie  et  d'infanterie,  qui  tous 
avaient  mérité  une  distinction  particulière.  Guesta,  avec  les  dé- 
bris de  son  armée,  se  retira  à  Monasterio,  sur  les  limites  de 
l'Estremadure  et  de  TAndalousie. 

La  veille  du  Jour  de  la  bataille  de  Médelllo,  c'est-à-dire 
le  27  mars,  le  général  Sébastiani  avait  également  remporté  un 
avantage  signalé  sur  le  corps  d'armée  commandé  précédemment 
par  le  duc  de  l'Infantado,  qui,  après  la  bataille  d'Udès,  avait 
rallié  ses  troupes  et  s'était  porté  dans  la  Manche,  pour  couvrir 
«t  garder  les  dédiés  de  la  Sierra-Morena,  qui  conduisent  en 
Andalousie. 

La  junte  de  Séville^  mécontente  de  la  conduite  du  duc  de 
rinfantado  à  l'alEaire  d'Uclès,  lui  avait  ôté  son  commandement 
de  l'armée  dite  du  centre ,  et  l'avait  remplacé  par  le  comte  de 
Gartaojal ,  qui  réunit  à  cette  armée  les  troupes  rassemblées  à 
la  Caroline  par  le  marquis  del  Palacio.  Cette  nouvelle  armée, 
forte  de  1 6,000  hommes  d'infanterie  et  plus  de  3,000  chevaux, 
avait  pris  le  nom  d'armée  de  la  Manche.  Cartaojal  avait  établi 
son  quartier  général  à  Ciudad-Réal.  Sa  cavalerie  s'étendait 
jusqu'à  Ms^nzanarès,  occupant  Daymiel,  Torralba  et  Carrion; 
l'infanterie  était  cantonnée  à  la  gauche  et  sur  les  derrières  de 
Valdepeîîas. 

Le  4^  corps,  fort  de  12  à  13,000  hommes  d'infanterie  et  de 

ea  Valérie,  se  Composait  de  la  division  Sébastiani,  des  Polonais 

du  général  Valence  et  de  la  division  de  dragons  du  général 

Milhaud*  Ce  corps  avait  quitté,  le  23  mars,  les  positions  qu'il 

\  occupait  sur  le  Tage.  La  division  Valence  avait  marché  le  même 

I  jour  sur  Mora  et  Yébenès ,  la  division  Sébastiani  sur  Temblè- 


GDSBBB  D*B8PÀG1IB.  85 

que,  SBDS  rencontrer  Teiuieini.  Le.  34»  la  division  Valence  se  itog. 
dirigea  sur  GonSuégra.  Un  régiment  de  lanciers  polonais,  qui,  ^^hm^m* 
la  veille,  avait  pris  position  à  Yél)enè8,  fat  attaqué  par  Tavantr 
garde  espagnole ,  commandée  par  don  Juan  Bemuy.  Cette 
avant-garde ,  forte  de  2,000  hommes  de  cavalerie,  suivie  de 
quelques  pièces  d'artillerie,  cernait  les  Polonais  de  toutes  parts. 
Ceux-ci  cherchèrent  à  se  retirer  sur  Orgaz;  mais  ils  étaient 
déjà  coupés  par  une  colonne  de  cavalerie  commandée  par  le 
Vicomte  de  Zolina»  qui  s'était  emparé  de  la  grande  route.  Il  ne 
leur  restait  d*autre  moyen  de  salut  que  de  se  faire  jour  à  tra- 
vers les  escadrons  ennemis,  ce  qu'ils  exécutèrent  avec  une 
rare  intrépidité,  et  parvinrent  à  rejoindre  la  division  à  hauteur 
de  Manzanesque,  en  perdant  30  lanciers  et  3  officiers. 

La  division  Valence  occupa  le  même  jour  Consuégra.  Le  gé- 
néral Sébastiani,  informé  de  l'afTaire  d'Yébenès,  avait  déjà 
dirigé  sur  Consuégra  le  82*  régiment  d'infanterie  de  ligne  et  un 
escadron  du  16*  régiment  de  dragons ,  et  fait  pousser  des  recon- 
naissances sur  Urda,  Villaharta  et  Fuente  del  Fresno.  Le  reste 
de  la  division  Sébastiani  avait  pris  position  à  Madriléjos  et  Co- 
munas.  Le  25  les  lanciers  polonais  se  portèrent  de  nouveau  sur 
Yéhenès  pour  reconnaître  l'ennemi.  En  même  temps  le  général 
Milhaud,  à  la  tète  des  12%  16*  et  20*  régiments  de  dragons 
et  des  hussards  hollandais,  se  porta  à  Fuente  del  Fresno  et  suivit 
l'ennemi  jusqu'au  pont  de  la  Guadiana.  Ce  détachement  était 
suivi  par  le  38*  régiment  de  ligne  et  par  le  7*  régiment  polo- 
nais, qui  lurent  plates  en  échelons  à  deux  lieues  de  Madriléjos 
pour  soutenir  la  cavalerie.  Le  général  Milhaud  passa  la  nuit 
du  25  à  Fuente  del  Fresno.  Le  lendemain  l'ennemi  repassa  la 
Guadiana,  après  s'être  retiré  la  veille  d'Yébenès  à  Malagon 
par  Arda.  L'armée  fut  aussitôt  dirigée  sur  Malagon,  et  les  qua- 
tre régiments  de  cavalerie  du  général  Milhaud,  avec  deux  pièces 
d^artillerie  légère,  se  portèrent  rapidement  sur  Femancabal- 
lero,  et  de  ce  point  au  pont  de  la  Guadiana,  que  deux  escadrons 
do  1 3*  r^iment  de  dragons  traversèrent.         « 

Cartaojal,  apprenant  que  les  Français  marchaient  à  sa  ren- 
contre, avait  voulu  vainement  se  replier  sur  Consuégra  :  la 
Tille  était  déjà  au  pouvoir  de  la  division  Valence.  Surpris  de 
se  voir  ainsi  couper  le  passage ,  il  retourna  précipitamment  par 

5. 


36  LIVRB  CINQUIÈMB. 

«m.     Malagon  à  Ciadad-Réal,  où  il  rentra  le  26,  trois  joan  après 
^^P**  sa  sortie  et  ayant  inutilement  fiitigaé  ses  troupes. 

Dans  la  nuit  du  26  au  27,  le  4^  corps  se  porta  de  Malagon 
à  Femancaballero,  et  à  cinq  heures  du  matin  il  se  trouva  sur 
la  Guadiana.  De  son  côté  l'ennemi  avait  fait  avancer  plusieurs 
bataillons ,  dont  il  avait  garni  les  hauteurs  situées  à  droite  et  à 
gauche  de  la  route  de  Giudad-Réal  qui  conduit  au  pont.  La 
cavalerie  était  en  bataille  dans  la  plaine»  sur  deux  lignes,  oc- 
cupant un  front  très-étendu  et  se  prolongeant  dans  la  direc- 
tion de  Qudad-Réal.  L*ennemi  avait  aussi  plusieurs  pièces 
d'artillerie  et  un  corps  d'infanterie  en  colonnes  sur  la  grande 
route. 

Le  4*  corps  passa  le  pont  et  s'ébranla  dans  l'ordre  suivant  : 
la  première  brigade,  formée  des  28*'  et  32^ de  ligne,  marchant 
en  colonnes  serrées  par  section ,  était  suivie  par  quatre  pièces 
d'artillerie  légère,  par  les  lanciers  polonais,  les  hussards  hol- 
landais, et  par  les  12®  et  16®  régiments  de  dragons.  Toute  la 
division  polonaise,  avec  son  artillerie,  et  le  20®  régiment  de 
dragons  marchaient  ensuite,  et  les  58®  et  75®  de  ligne,  avec  l'ar- 
tillerie de  la  division  Sébastian],  formaient  la  réserve.  L'armée 
passa  ainsi  le  pont  sôus  le  feu  des  batteries  ennemies,  et  reçut 
plusieurs  décharges  de  mousqueterie  auxquelles  elle  ne  répon- 
dit pas.  On  plaça  seulement  dix  bouches  à  feu  sur  les  hauteurs 
de  la  rive  droite,  qui  furent  très-bien  servies.  L'infanterie  qui 
gardait  la  chaussée  du  pont  fut  chargée  par  l'infanterie  fran- 
çaise, qui  venait  de  déboucher,  et  mise  en  déroute.  Quelques 
escadrons  ennemis  s'étaient  avancés  pour  la  soutenir;  mais  les 
lanciers  polonais  et  les  hussards  hollandais  tombèrent  sur  cette 
cavalerie,  qui  fut  à  l'instant  culbutée.  Les  cavaliers  français, 
continuant  leur  charge  sur  tout  ce  qui  restait  dans  la  plaine , 
firent  un  grand  carnage  de  tout  ce  qui  ne  put  gagner  les  mon- 
tagnes; ceux  qui  parvinrent  à  s'échapper  furent  encore  pour- 
suivis et  sabrés  par  les  dragons  des  12®  et  16®  régiments.  On 
-  poussa  le  reste  de  l'armée  ennemie  jusqu'aux  portes  de  Giudad- 
Real.  Cette  ville  fut  évacuée  à  la  hâte,  et  le  soir  le  4®  corps 
prit  position  à  Almagro.  Cette  affaire  coûta  à  Cartaojal  2,000 
hommes  tués  ou  blessés ,  plus  de  2,000  prisonniers ,  cinq  pièces 
de  canon ,  trois  drapeaux ,  plusieurs  caissons  et  chariots  d'équi- 


GDBBU  d'BSPÂORB.  ^7 

pagety  et  toQslesmagasiQS  qa'il  avaitàQudad-Réal,  Migoelturra 
et  Almagro. 

La  déroute  de  rennemi  était  complète;  mais  le  général  Sé- 
bastian!, ne  voulant  pas  lui  laisser  le  temps  de  se  reconnaître  et 
apprenant  qu*ii  se  retirait  sur  le  VisiUo  par  Santa-Gruz-de- 
Modela,  partit  le  lendemain  au  point  du  Jour,  à  la  tète  de  toute 
sa  cavalerie,  avee  quatre  pièces  d'artillerie  légère.  Il  Joignit  les 
colonnes  en  retraite  à  un  quart  de  lieue  au  delà  deSanta-Cruz  ; 
les  landers  polonais  et  les  hussards  hollandais  les  chargèrent 
et  renversèrent  hi  première  Ugne  sur  la  seconde,  qui,  chargée  à 
son  tour  par  les  dragons  des  1 3®  et  1 6*  régiments,  fat  Jetée  en 
désordre  sur  la  grande  route  et  menée  battant  Jusqu'au  village 
du  Tisillo.  L'ennemi  perdit  encore  dans  cette  poursuite  1,500 
prisonniers,  dont  26  officiers,  cinq  pièces  de  canon  attelées, 
vingt  caissons  et  soixante  chariots  de  bagages,  le  marquis  de 
Galles  fut  trouvé  parmi  les  morts.  Les  carabiniers  royaux  furent 
presque  entièrement  détruits.  Si  l'infanterie  du  4*  corps  avait  pu 
suivre  la  cavalerie,  l'armée  de  Gartaojal  eût  été  anéantie.  Les 
débris  de  cette  armée  allèrent  chercher  un  abri  dans  la  Sierra- 
If  orena  et  se  rallièrent  à  Despenaperroa.  Le  quartier  général 
espagnol  fut  établi  à  Santa-Éléna  et  celui  de&Françaisà  Santa- 
Cruz-de-Mudela. 

Cette  victoire  de  Qudad-Réal,  et  la  victoire  encore  plus  mé- 
flMrable  remportée  par  le  maréchal  duc  de  Bellune  à  Médel- 
lin,  connues  presqu'en  même  temps  dana  T Andalousie,  y  ré- 
pandiroit  la  terreur.  Toutefois,  le  gouvernement  central, 
réfiigjé  à  Séville,  ne  perdit  rien  de  son  énergie  dans  des  cir- 
constances aussi  critiques  :  ainsi  que  le  sénat  romain,  qui, 
après  la  désastreuse  Journée  de  Cannes,  remercia  le  consul 
Yarron  de  n'avoir  point  désefq^ré  du  salut  de  la  république , 
la  Junte  suprême  déclara,  par  un  décret,  que  le  général  Cnesta 
et  son  armée  avaient  bien  mérité  de  la  patrie,  et  leur  vota  des 
récompenses  comme  s'ils  eussent  remporté  la  victoire.  Les  Es- 
pagnols dévoués  pensèrent  avee  raison  qu'en  agissant  autre- 
ment la  Junte  eût  confessé  l'impuissance  de  résistera  la  domi- 
nation finançaise,  et ,  par  conséquent ,  eût  enlevé  à  la  cause  de 
Tindépendance  tout  le  prestige  qui  pouvait  la  fortifier.  Cuesta , 
général  plus  que  médiocre  et  presque  toujours  malheureux  > 


3$  LTVEB  GIlfQUIÈlII. 

189.  Alt  continué  dans  le  eommandement  en  chef,  et  l'assorance 
que  témoignait  le  gouvernement  en  cette  occasion  imposa  tel- 
lement à  l'opinion  publique  que,  vers  le  milieu  d'avril,  Par* 
mée  d'Estremadure,  recrutée  par  de  nouvelles  levées  et  par  les 
hommes  dispersés  qui  rejoignirent  leurs  rangs  »  se  trouva  forte 
de  plus  de  80,000  combattants ,  et  en  mesure  de  venir  occuper 
devant  l'armée  française  tous  les  débouchés  des  montagnes. 

Le  maréchal  Victor,  après  la  bataille  de  Médeliin ,  avait 
pris  des  cantonnements  dans  la  haute  Estremadnre^  entre  le 
Tage  et  la  Guadiana*  Le  général  Sébastian!  ne  crut  pas  devoir 
s'avancer  au  delà  de  Santa-Cruz  de  Mudela,  au  pied  de  cette 
partie  de  la  Sierra-Moréna  que  les  Espagnols  appellent  las 
Navas  de  Tolosa,  lieux  célèbres  par  la  victoire  que  le  roi  de 
Gastille  don  Alphonse  IX  remporta  sur  les  Maures»  le  16  juil- 
letl212. 

A  cette  époque,  ces  deux  corps  d'armée  s'afhibUssaient 
chaque  jour  par  les  maladies  et  les  combats  partiels  que  les  dé- 
tachements avaient  à  soutenir  contre  les  différentes  bandes  qui 
infestaient  les  provinces ,  indépendamment  des  armées  réguliè- 
res. Le  maréchal  Victor  ne  pouvait  point  hasarder  de  s'éloigner 
de  la  Guadiana  sans  s'exposer  à  voir  de  nombreux  rassemble-» 
ments  se  former  sur  ses  derrières  et  intercepter  ses  communi* 
cations  avec  Madrid  par  le  pont  d'Almaraz.  Il  était  d'ailleurs 
informé  que  les  Anglais,  réunis  à  l'armée  portugaise  réorga- 
nisée, portaient  toute  leur  attention  vers  le  Tage;  que  7,000 
hommes  de  leurs  troupes  occupaient  déjà  Abrantès;  qu'un  au- 
tre corps  plus  considérable  était  à  Leiria,  prêt  à  se  porter  sur 
Goïmbre  ou  vers  les  frontières  du  Beira;  enfin  que  le  gros  des 
forces  portugaises  chargées  de  couvrir  Lisbonne  avait  pris  po- 
sition à  Thomar.  D'un  autre  côté,  le  royaume  de  Léon,  Jus- 
qu'au Duero ,  n'était  contenu  que  par  une  seule  division  aux 
ordres  du  général  Lapisse ,  qui  avait  son  quartier  général  à 
Salamanque.  Dans  cet  état  de  choses ,  le  duc  de  Bellune , 
qui  ne  pouvait  pas  disposer  de  plus  de  30^000  hommes  pour 
s'avancer  vers  le  Portugal ,  jugea  qu'il  serait  imprudent  de 
faire  un  mouvement  pendant  lequel  il  se  trouverait  peut-être 
dans  la  nécessité  de  combattre  à  la  fois  de  front ,  sur  ses  flancs 
et  sur  ses  derrières.  Ignorant  d'ailleurs  la  position  du  mare* 


einuin  d'ufaonb.  39 

clial  SovH  en  Portugal ,  il  attendait  loi^niéiiie  quelques  nouvel-      im. 
les  des  progrès  que  ce  corps  d'armée  avait  pu  faire,  afin  de    ^^sne. 
eonnattre  au  moios  le  pdat  vers  lequel  11  était  convenable  de 
diriger  ses  propres  troupes» 

Tdles  étalait  les  causes  qui  empêchèrent  le  maréchal  Yidor 
de  pénétrer  dans  le  Portugal  du  côté  du  Tage,  tandis  que  le 
maréchal  Soult  restait  forcément  stationnaire  sur  les  bords  du 
Duero;  et  certes  »  quand  on  verra  par  la  suite  combien  il  eut 
de  peine  à  se  maintenir  dans  TEstremadure  espagnole,  on  le 
louera  de  ne  s'être  point  aventuré  plus  loin.  Il  avait  trop  d'en- 
nemis à  combattre  sur  le  point  par  lequel  il  était  obligé  de  s'a- 
vancer pour  qu'il  pàt  espérer  qu'un  premier  succès  lui  ouvrit 
la  route  de  lisbonne;  et,  en  cas  d*échec,  sa  retraite  eût  été 
presque  impraticable. 

Suiie  des  opéraUom  en  Portugal  ;  l'armée  anglaise  s'avance  ^^'^^' 
sur  Oporio;  retraite  du  maréchal  Soult  sur  la  Galice  9  etc. 
—  Chaque  jour  rendait  la  situation  de  l'armée  du  maréchal 
Soult  sar  les  bords  du  Duero  plus  dUBdle  et  plus  fâcheuse. 
Immédiatement  après  l'expédition  du  général  Heudelet  sur 
Yalença  et  Tuy,  les  communications  aved  la  Galice  avaient 
élé interceptées  de  nouveau.  Les  forces  françaises,  qui  ne  s'é- 
levaient point  alors  à  plus  de  33,000  hommes,  étaient  insufii- 
santés  pour  garder  à  la  fois  les  deux  provinces  déjà  envahies 
(  Tras-os-Montes  et  Entre-Duero-et-Minho  )  et  s'avancer  dans 
Ffaitérleur  du  Beira.  L'occupation  d'Oporto  était  d'ailleurs  ttog 
importante  pour  que  le  maréchal  pût  hasarder  d'en  confier 
la  défense  à  une  simple  garnison,  qui,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  eût  été  toujours  trop  faible  pour  résister  à  une  attaque 
un  peu  sérieuse  dirigée  sur  une  ville  ouverte  et  en  communicar- 
tlon  avec  la  mer.  D'un  autre  côté,  le  duc  de  Didmatie,  doué 
d'un  caractère  ferme  et  persévérant ,  avait  à  cœur  de  prouver 
qu'il  ne  dépendait  pas  de  ses  efforts,  de  son  expérience  mill* 
taire  et  de  la  valeur  de  ses  troupes,  qae  Texpédition  qui  lui  avait 
été  confiée  ne  réussit  au  gré  des  désirs  de  Napoléon.  Dans  cette 
idée,  il  avait  rescinde  garder  les  positions  qu'il  occupait  jus- 
qu'à ce  que  des  événements  sur  lesquels  il  ne  pouvait  former, 
au  surplus,  que  des  conjectures  vagues,  le  missent  dans  le 
cas  ^  ou  de  continuer  son  mouvement  offensif,  ou  de  se  retirée 


40  LIVBB    CINQUIBMB. 

4909.  ^  Galice,  en  abandonnant  t»ut  le  territoire  déjà  oonquii. 
Portugal.  p^^j,  mieux  assurer  l'état  de  défensive  dans  lequel  il  se  trou- 
vait contraint  de  demeurer,  te  maréchal  essaya  de  changer  les 
dispositions  morales  de  la  population  portugaise  qui  Tentourait. 
Il  se  flatta  qu*en  présentant  avec  adresse  Tinvasion  des  Fran- 
çais dans  le  pays  sous  un  aspect  moins  défavorable  aux  inté- 
rêts nationaux  que  les  habitants  ne  le  pensaient,  il  parviendrait 
peut-être  à  calmer  reffervesoenoe  des  esprits.  Son  premier  soin 
fut  de  recommander  et  d'établir  une  exacte  discipline  dans 
les  cantonnements  occupés  par  Tarmée.  11  réunit  ensuite  au- 
près de  lui,  à  Oporto,  les  Portugais  les  plus  considérables  de  la 
province  par  leur  rang,  leurs  richesses  et  leurs  emplois.  |£n 
leur  remettant  sous  les  yeux  les  funeste  résultats  «de  l'abandon 
où  les  avait  laissés  le  départ  de  la  Emilie  royale  pour  le  Brésil, 
lors  de  la  première  invasion  du  général  Junot  ;  l'absence  d'un 
gouvernement  stable  et  régulier;  le  projet  des  Anglais  de  trai- 
ter le  Portugal  comme  une  de  leurs  colonies  ;  l'état  de  guerre 
continuel  où  cet  ordre  de  choses  plaçait  nécessairement  le 
royaume,  il  leur  fit  entrevoir  la  possibilité  d'un  meilleur  avenir 
s'ils  voulaient  seconder  les  intentions  de  l'empereur  français  en 
leur  fiiveur.  Il  leur  rappela  à  ce  sujet  l'article  l'*^  du  traité  de 
Fontainebleau,  dont  nous  avons  déjà  rapporté  les  principales 
dispositions ,  lequel  article  stipulait  a  que  la  ville  d'Oporto  et 
toute  la  province  d'Entre-Duero-et-Minho  formaient  une  sou- 
veraineté indépendante,  sous  la  dénomination  du  royaume  de 
la  Lusltanie  septentrionale,  »  et  il  les  engagea  à  solliciter  de 
Napoléon  la  mise  à  exécution  de  cette  clause  bienveillante, 
qui  préserverait  de  suite  leur  pays  des  maux  qu'entraîne  une 
occupation  militaire. 

La  conduite  que  tint  le  maréchal  Soult  pendant  tout  le  temps 
de  son  séjour  à  Oporto  fut  en  harmonie  avec  ces  sages  insi- 
nuations, et^es  Anglais  eux-mêmes  n'ont  pu  s'empêcher  de  lui 
rendre  justice  à  cet  égard.  Il  se  concilia  l'esthne  et  l'afifection 
d'un  grand  nombre  de  Portugais,  a  II  était  aimé,  dit  une  relation, 
dureste«peu  impartiale,  autant  que  pouvait  l'être  un  Fran- 
çais. »  Mjbôs  le  bruit  se  répandit  tout  à  coup  dans  l'armée  firan- 

*  Mémoires  sur  la  guerre  d'Espagne,  par  de  Naylies. 


GDEBBE  ]>*BSPA6IVB.  4f 

çalse  <pie  le  maréchal,  à  l'exemple  de  Junot,  sollicitait  pour  lui  igog, 
la  soQTeralneté  de  la  Lusitanie  septentrionale.  Le  soin  qu'il  Pofi"fi^ 
prenait  de  complaire  aux  Portugais  avait  fait  naître  ce  soup- 
çoD,  qu'entretenaient  plusieurs  publications  imprimées,  dans 
lesquelles  les  signataires  témoignaient  le  désir  que  l'empereur 
nommât  le  maréchal  roi  de  Portugal  ;  mais  l'approche  des  trou- 
pes anglaises  mit  bientôt  un  terme  à  ces  manifestations,  qui, 
tout  en  répondant  peut-être  aux  désirs  et  aux  vœux  du  maré- 
chal ,  ne  pouvaient  les  réaliser  dans  la  situation  où  les  circon- 
stances de  la  guerre  l'avaient  placé. 

Cependant,  le  général  sir  Arthur  ^eilesley  était  débarqué 
le  i3  avril  à  Lisbonne  avec  un  renfort  de  troupes  anglaises, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit,  et  il  avait  pris  le  commandement  en 
dief  de  toutes  les  forces  anglo-portugaises.  Cette  dernière  me- 
sure allait  mettre  dans  les  opérations  des  deux  nations  alliées 
un  ensemble  qui  n'existait  point  dans  celles  des  Français. 
D'après  ce  qu'on  a  lu  plus  haut,  il  est  facile  de  remarquer  que 
la  campagne  ne  pouvait  plus  avoir  l'issue  qu'en  attendait  Na- 
poléon, tandis  qu'au  contraire  si  les  corps  des  maréchaux 
Sonlt  et  Victor  et  la  division  Lapisse  avaient  été  réunis  sous 
la  direction  d'un  chef  suprême ,  les  choses  eussent  changé  de 
ilice. 

Le  29  avril ,  sept  Jours  après  son  débarquement,  sir  Arthur 
Wellesley  se  mit  en  mouvement  de  Leiria ,  où  il  avait  établi 
son  quartier  général,  avec  un  corps  de  16,000  hommes  de  trou- 
pes anglaises,  et  se  dirigea  par  Coîmbre  et  Braganza-Nova  ou 
Aveiro  sur  Oporto ,  tandis  qu'un  autre  corps ,  composé  de  trou- 
pes portugaises,  sous  les  ordres  du  maréchal  Beresford,  s'a- 
vançait par  Yiseu  pour  passer  le  Duero  à  Lamégo,  aiin  de  cou- 
per au  maréchal  Soult  la  retraite  sur  Amarante.  Le  gros  de 
rarmée  portugaise,  réuni  à  un  détachement  de  troupes  an- 
glaises, restait  à  Abrantès,  pour  s'opposer  aumouvement  of- 
fensif qu'aurait  pu  tenter  le  maréchal  Victor. 

De  son  c6té,  le  maréchal  Soult ,  informé  de  la  position  cri- 
tique où  se  trouvait  le  maréchal  Ney  en  Galice,  et  ne  pouvant 
plus  compter  sur  la  coopération  du  maréchal  Victor,  présu- 
mait bien,  sans  avoir  d'ailleurs  des  renseignements  précis  sur 
la  marche  de  l'armée  anglaise ,  qu'il  ne  tarderait  pas  à  être  at- 


1 


PortogaL 


42  LITRB  CIRQniÀICB. 

«80».  taqoé  da  c6té  da  Beira  i  il  songeait  déjà  à  se  retirer  par  Miran* 
délia  et Braganza;  mais,  poar  opérer  cette  retraite,  il  fallait 
être  maître  du  pont  d'Amarante.  On  a  m ,  dans  le  paragraphe 
précédent,  que  le  général  Loison,  après  la  prise  de  cette  ville, 
avait  Jugé  convenable  de  suspendre  l'attaque  de  ce  pont,  trop 
fortement  défendu  pour  qu'on  pût  espérer  de  Fenlever  sans 
une  grande  perte  d'hommes.  Le  2  mai,  Tofflcier  du  génie  at- 
taché à  la  division  Loison  ût  pratiquer  une  fougasse  sous  les 
retranchements  qui  défendaient  les  abords  du  passage ,  et,  aus- 
sitôt après  son  explosion,  le  17^  d'infanterie  légère,  formé  en 
cotonne  serrée ,  se  précipita,  la  baïonnette  en  avant,  sur  le 
pont  9  malgré  le  feu  violent  d'artillerie  et  de  mousqueterie  qui 
partait  de  la  rive  gauche,  et  culbuta  les  troupes  du  général 
Silveîra,  qai  se  dispersèrent  dans  les  montagnes  environnan- 
tes. La  cavalerie  poursuivit  un  gros  de  fuyards  jusqu'à  Yilla- 
Eéal,  dont  elle  s'empara.  La  poste  de  Lisbonne  venait  d'y  ar- 
river :  les  gazettes  et  des  lettres  particulières  apprirent  aux 
Français  le  commencement  des  hostilités  en  Allemagne,  et  les 
levées  extraordinaires  faites  en  Portugal  pour  repousser  Tin- 
vasion,  de  concert  avec  l'armée  anglaise. 

Nous  venons  de  dire  que  le  maréchal  Soult  n'avait  que  des 
données  très-incertaines  sur  la  marche  du  corps  d'armée  que 
sir  Arthur  Wellesley  dirigeait  alors  en  personne  sur  Oporto; 
bien  que  le  passage  de  la  Taméga  fût  ouvert  à  ses  propres 
troupes  par  Amarante ,  il  ne  put  se  résoudre  à  quitter  les  bords 
du  Duero  avant  d'y  être  forcé  par  une  démonstration  sérieuse 
qui  le  convainquit  qu'il  fallait  absolument  renoncer  à  l'espoir 
de  la  coopération  des  troupes  du  maréchal  Victor  en  Portugal. 
Toutefois  le  maréchal,  ne  se  dissimulant  point  le  danger  de 
la  position  où  se  trouvait  l'armée  française,  avait  résolu  de 
réunir  ses  troupes  dans  la  province  de  Tras-os-Montes  pour  se 
couvrir  du  Duero  et  de  la  Taméga.  Le  9 ,  l'ordre  fat  expédié  au 
général  Lorges  de  rallier  sa  division  avec  la  garnison  d'infan- 
terie de  Viàna ,  et  de  se  rendre  à  Amarante  par  Guimaraens. 
Pour  que  cet  ordre  parvint  à  sa  destination ,  qu'il  fût  com- 
muniqué ,  et  que  les  troupes  de  Yiana ,  qui  étalait  les  plus 
éloignées,  pussent  arriver  à  Amarante,  l'état-major  général 
calcula  qu'il  fallait  cinq  à  six  jours,  c'est-à-dire  qu'elles  arrive- 


enSRRB   D  ESPAGNE.  43 

raient  sur  la  Tamë^  da  f  4  au  1 5  ;  ainsi  il  fallait  occuper  Oporto      1809. 
Jusqu'à  cette  épocpie  pour  couvrir  le  mouvement  du  général    ''^'^s«L 
Lorges. 

Le  10  mai,  la  division  de  cavalerie  légère  du  général  Fran- 
oeschi  fut  attaquée  sur  la  Youga  par  Tavant-garde  anglaise , 
et  se  replia  sur  Oporto.  Le  maréchal  fit  aussitôt  détruire  le 
pont  de  bateaux  établi  sur  le  Duero.  Le  même  jour,  le  général 
Loison  fut  informé  par  ses  avant-postes^  que  le  maréchal  Be- 
resford,  ayant  passé  le  Duero  à  Lamégo,  avait  rejoint  le  gé- 
néral Silvelra  avec  le  corps  détaché  qu'il  commandait. 

Le  11,  le  duc  de  Dalmatie  chargea  le  colonel'  Garbéde 
préparer  la  rupture  du  pont,  afin  qu'elle  eût  lieu  aussitôt  que 
les  divisions  Franceschi  et  Mermet  auraient  passé  sur  la  rive 
droite  du  Duero.  Le  général  Dulauloy  fut  prévenu  de  l'incen- 
die du  pont;  il  devait  faire  partir  pour  Amarante  autant  de 
voitures  qu'il  le  pourrait,  fttire  sortir  le  parc  d'artillerie  d'O- 
porto  et  l'arrêter  au  delà  du  faubourg  de  Vallongo,  route  d'A- 
marante; toute  l'artillerie  qu'on  ne  pouvait  pas  emmener  de- 
Tait  être  mise  hors  de  service.  Les  généraux  Merle  et  Delaborde 
forent  prévenus  de  la  retraite  des  divisions  d'avant-garde  et 
de  la  rupture  du  pont  ;  ils  eurent  ordre  de  tenir  leurs  régiments 
aux  casernes ,  prêts  à  marcher. 

Le  général  Quesnel,  gouverneur  d'Oporto,  fut  informé  par 
rétat-major  général  que  les  divisions  qui  étaient  sur  la  rive 
gauche  fadsaient  leur  retraite  sur  la  rive  droite,  et  qu'aussitôt 
après  le  pont  serait  détruit.  Il  lui  fut  également  prescrit  de 
faire  amener  sur  la  rive  droite  tous  les  bateaux  qui  étaient  sur 
la  rive  gauche,  et  de  les  faire  réunir  sur  un  point,  afin  que 
la  garde  en  fût  plus  aisée;  cet  ordre  exécuté,  il  devait  empê- 
cher qu'aucun  passage  eût  lieu.  On  le  prévint  encore  que  les  qua- 
tre régiments  des  divisions  Merle  et  Delaborde  avaient  l'ordre 
de  se  tenir  dans  leurs  quartiers,  prêts  à  marcher  ;  qu'il  devait 
donner  parefis  ordres  aux  troupes  sous  son  commandement^ 
à  Texception  d'un  bataillon ,  qu'il  devait  poster  sur  le  quai 
avec  de  Tartillerie,  pour  le  service,  et  pour  protéger  le  mou- 
venaent  des  divisions  d'avant-garde.  Tous  les  bagages  devaient 
sortir  de  la  ville  et  s'établir  hors  du  faubourg  de  Vallongo, 

De  son  côté,  l'intendant  général  de  l'armée,  M.  Lenoble, 


44  UVRB  GINQUIBMB. 

«909.  adaiioistrateur  aussi  zélé  qu'actif,  fit  transporter  sur  la  riye 
Portugal  ^fQi^  i^  magasius  qui  existaient  à  ia  rive  gauche;  il  fit  aussi 
distribuer  le  biscuit ,  verser  dans  ia  caisse  du  payeur  de  Tarmée 
œqu'il  y  avait  dans  les  caisses  publiques,  et  reconnaître  les 
malades  en  état  de  service.  Le  nombre  de  ceux  qui  parurent 
incapables  d'être  déplacés  se  trouva  être  de  900. 

Les  soldats  d'in£anterie  durent  être  pourvus  de  cent  cartou- 
ches, et  ceux  de  cavalerie  de  cinquante.  On  fut  prévenu  que 
le  quartier  général  s'établirait  dans  la  nuit  au  faubourg  d'O- 
porto ,  route  de  Yallongo. 

Le  même  jour,  il ,  vers  midi,  les  {Anglais  se  présentèrent 
devant  Grejo  (entre  la  Vouga  et  le  Duero ,  à  peu  de  distance 
de  la  mer)  avec  2,000  chevaux  et  15,000  hommes  d'infimterle  ; 
eu  même  temps,  une  seconde  colonne,  sous  les  ordres  du  gé- 
néral Hill,  longeait  la  mer,  et  une  troisième ,  commandée  par 
le  général  Murray,  fut  dirigée  sur  le  Duero,  au-dessus  d'Oporto, 
pour  réunir  des  barques. 

Cependant  les  généraux  Franceschi  et  Merraet  continuaient 
.  leur  mouvement  de  retraite  ;  il  y  eut  qudques  engagements 
d'arrière-garde,  dans  lesquels  le  47®  régiment,  qui  marchait  le 
dernier,  se  conduisit  avec  distinction.  Ces  divisions  vinrent  pren- 
dre position  en  avant  de  Villa-Nova ,  et  à  huit  heures  du  soir 
elles  commencèrent  à  passer  le  Duero.  Le  général  Mermet  eut 
ordre  de  diriger  sa  division  à  Textrémité  du  faubourg,  sur  la 
route  de  Yallongo  à  Amarante,  où  il  devait  la  faire  rentrer  en  co- 
lonne ,  par  régiments,  Jusqu'au  lendemain  matin,  pour  lui  ûûre 
prendre  une  position  militaire  sur  deux  lignes. 

A  deux  heures  après  minuit  le  pont  sauta ,  et  les  pontons 
désunis  achevèrent  de  brûler  au  milieu  du  fleuve. 

Dans  la  soirée,  le  maréclial  s'était  transporté  sur  le  quai, 
afin  de  voir  par  lui-même  si  l'ennemi  suivrait  Tarrière-garde 
et  se  présenterait  sur  le  bord  du  fleuve  pour  forcer  le  passage 
et  cherchera  s'opposer  à  la  destruction  du  pont.  A  quatre  heu- 
res du  matin  il  rentra  à  son  quartier  général  et  expédia  de  suite 
un  ordre  qui  contenait  les  dispositions  suivantes  : 

Le  général  Franceschi  fût  chargé  de  garder  la  cête  et  de 
former  l'arrière-garde  avec  la  brigade  Reynaud  ,  de  la  division 
Merle. 


GUBBIB  D'BSPA0!«B.  4fi 

Le  général  Delaborde  était  chargé  de  soutenir  Tarrière-garde;  isog. 
le  général  Mennet  devait,  dans  le  Jonr,  établir  une  de  ses  brt-  ^<>rtof(^ 
gades  à  Tallongo,  et  les  deux  autres  à  Baltar.  11  lui  était  re« 
commandé  d'avoir,  jusqu'à  nouyel  ordre ,  de  fréquents  partis 
sur  sa  droite,  pour  savoir  tout  ce  qui  se  passait  sur  le  Duero, 
et  flûre  en  sorte  de  détruire  tous  les  bateaux  dont  on  pourrait 
s'emparer.  Le  général  Gaulaincourt  devait  aller  s'établir  à  Ama- 
rante avec  le  86*  de  ligne  et  le  19^  de  dragons,  et  laisser  le  18* 
entre  Baltar  et  le  pont  de  Paredes  sur  la  Souza. 

Par  ces  dispositions  tout  le  cours  du  Duero ,  où  pouvaient 
se  présenter  les  Anglais,  était  observé,  et  si  l'ennemi  venait 
à  passer,  ce  ne  pouvait  être  que  par  la  faute  de  ceux  qui  étaient 
chargés  de  le  surveiller  et  de  s'opposer  à  son  passage. 

Il  fut  écrit  au  général  Loison ,  qui  n'avait  pas  donné  de  ses 
nouvelles  depuis  le  7,  veille  de  son  départ  d'Amarante,  pour 
le  prévenir  des  événements  et  du  dessein  qu*avait  le  maréchal 
de  porter  l'armée  dans  la  province  de  Tras-os-Montes.  Il  avait 
ordre  de  tenir  poste  à  Mezenfrio  et  Povoa-da-Ragoa,  pour  em- 
pêcher l'ennemi  d'entreprendre  le  passage  sur  ces  deux  points; 
il  devait,  dans  le  cas  où  il  lui  paraîtrait  impossible  d'opérer 
dans  la  province  de  Tras-os-Montes ,  de  revenir  à  Amarante, 
et  d'envoyer  au  maréchal,  en  toute  hâte,  un  officier  pour  Ten 
instruire  et  le  mettre  dans  le  cas  de  donner  de  nouveaux  or- 
dres. M.  de  Tholozé ,  aide  de  camp  du  duc  de  Damaltie,  fut 
chargé  par  lui  de  se  rendre  auprès  du  général  Loison ,  et,  in- 
dépendamment de  la  lettre  dont  nous  venons  de  rendre  compte, 
de  lui  donner  tous  les  détails  sur  les  opérations  et  la  situation 
des  années. 

Le  duc  de  Dalmatie  pouvait  raisonnablement  croire ,  après 
avoir  pris  toutes  ces  mesures,  que  la  ligne  du  Duero  était  une 
banière  qui  ne  pouvait  être  franchie  qu'avec  de  grands  prépa- 
ratiCs ,  et  qu'il  aurait  le  loisir  de  rester  en  position  défensive 
assez  de  temps  pour  que  le  général  Lorges  pût  opérer  son  mou- 
Yement  sur  Amarante. 

Vers  six  heures  du  matin ,  le  général  Mermet  fût  informé 
par  un  of&der  d'état-major  que  les  Anglais  passaient  le  Duero; 
eet  avis  ftit  négligé,  parce  que,  dit  une  relation,  le  général 
supposa  sans  doute  que  les  reconnaissances  envoyées  par  lui 


46  LIVAB  CINQDIÀMB. 

1809.  ^^  '^  t^orcU  da  fleave  n'aaraieiit  pas  manqué  de  le  prévenir 
Portugal  ^^  passage,  s'il  eût  été  réel.  Toutefois  la  même  nouvelle 
parvint  au  maréchal ,  qui  envoya  Tun  de  ses  aide&4e-camp  au 
général  Quesnel,  pour  lui  donner  l'ordre  de  vérifier  par  lui- 
même  ce  qui  se  passait  sur  le  fleuve. 

Le  gouverneur  d'Oporto,  après  avoir  obéi  à  cet  ordre,  en 
vint  rendre  compte  au  duc  de  Daimatie,  et  lui  dit  qu'aucun 
passage  des  Anglais  n'avait  lieu;  qu'on  n'en  voyait  pas  même 
sur  la  rive  opposée ,  et  que>  ce  qui  avait  donné  lieu  au  bruit  de 
cette  tentative ,  c'est  que  des  tralneurs ,  arrivés  après  la  rupture 
du  pon^ ,  avaient  appelé,  et  que  l'on  avait  forcé  des  bateliers  à 
aller  les  chercher;  mais  que  lui,  général  Quesnel,  avait  défendu, 
sous  quelque  prétexte  que  ce  fût ,  de  conduire  des  barques  à 
la  rive  gaudie.  Le  maréchal  dut  s'en  rapporter  à  une  assurance 
aussi  positive. 

Cependant  le  passage  des  Anglais  sur  la  rive  droite  n'était 
que  trop  réel.  Le  général  Murray,  secondé  par  les  habitants 
de  ia  rive  gauche  du  haut-Duero,  avait  fait  descendre  au-dessus 
d'un  couvent,  dit  de  la  Serra,  tous  les  bateaux  dont  il  avait 
>  pu  disposer  ;  il  parait  même  qu'un  bac ,  placé  habituellement 
dans  cet  endroit  ;  y  avait  été  laissé,  contre  les  ordres  du  maré- 
chal ,  et  que  le  général  Quesnel  n'avait  placé  le  bataillon  de 
garde  que  sur  les  quais  au-dessous  du  pont,  sans  envoyer  le 
plus  petit  poste  au-dessus.  Cette  négligence  favorisa  l'entre- 
prise de  l'ennemi.  Les  troupes  anglaises  commencèrent  à  passer 
dans  la  nuit  du  11  au  12  ;  les  premiers  débarqués  se  formèrent 
dansunenclosappelé  le  Prado,  et  dansleparc  du  palais  épiscopal. 

A  dix  heures  et  demie,  le  général  Foy  monta  sur  une  émi- 
nence  en  face  du  couvent  de  la  Serra  ;  il  vit  sur  le  fleuve,  vis- 
à-vis  du  faubourg,  des  barques  en  mouvement  remplies  de 
soldats  qui  avaient  été  leurs  habits ,  et,  sur  la  rive  droite ,  il 
remarqua  en  même  temps  des  hommes  montés  sur  des  murs 
de  clôture ,  faisant  des  signaux  aux  arrivants.  Il  courut  sur- 
le-champ  à  la  caserne  du  17"  régiment,  et  fit  prévenir  le  géné- 
ral Delaborde.  Celoi-d  avertit  le  duc  de  Dalmatie,  qui  monta 
à  cheval  et  se  porta  au  faubourg  de  Vallongo.  La  générale  battit, 
et  les  troupes,  qui  avaient  ordre  de  se  tenir  prêtes,  furent  à 
l'instant  sous  les  armes. 


1 


OUBEBB  D'SflPAQIlB.  47 

Le  géDéml  Foy,  à  la  tête  da  17%  se  porte  sur  le  point  qu'il  1109. 
a  obsenré,  et  trouve  l'ennemi  à  rentrée  du  fanbou^,  entre  ^«^^sai- 
la  route  de  Yallongo  et  le  Duero.  11  Tattaque  avec  vigueur,  et 
le  général  Delaborde  arrive  à  son  soutien  avec  le  70*,  à  la  tête 
duquel  marchait  le  général  Arnaud.  Le  combat  fut  des  plus 
vife;  les  générant  Delaborde  et  Foy  furent  cernés  un  moment 
et  dégagés  ;  le  général  anglais  Paget  fut  blessé ,  pris ,  et  bientôt 
délivré.  L'ennemi  se  trouva  arrêté,  et  ne  put  s'emparer  de  la 
route.  Lorsque  les  troupes  françaises ,  attirées  vers  le  faubourg 
de  Vallongo  pour  combattre,  quittèrent  le  quai,  des  mariniers 
purent  amener,  de  la  rive  droite ,  des  barques  aux  troupes  en- 
nemies qui  étaient  encore  sur  la  rive  gauche ,  et  celles-ci  effec- 
tuèrent divers  antres  passages  dans  le  prolongement  des  quais  ; 
le  4*  d*infiinterie  légère  et  le  iS^  de  ligne  furent  alors  engagés, 
et  se  battirent  dans  la  ville. 

Le  général  Foy  fiit  blessé ,  le  général  Delaborde  fut  renversé  ' 
de  son  cheval  et  eut  de  fortes  contusions  ;  300  hommes  fu- 
rent tués  ou  pris*  Une  compagnie  d'artillerie  légère,  qui  soute- 
nait la  retraite,  ayant  eu  tous  les  chevaux  de  sa  première  pièce 
tnés  dans  une  rue  étroite  du  faubourg,  dut  abandonner  ses  bat- 
teries, qui  ne  pouvaient  plus  passer. 

Le  combat  cessa  à  une  demi-lieue  d'Oporto.  Le  général  Fran- 
eeschi ,  qui  soutenait  la  retraite  avec  le  général  Reynaud ,  ar- 
rêta Tarrière- garde  à  Yallongo.  Les  troupes  des  généraux 
Delaborde  et  Merle  prireot  position  à  Baltar;  la  division  Mer- 
met  poussa  Jusqu'à  la  Souza  ;  le  parc  d'artillerie  et  les  bagages 
avaient  déjà  passé  cette  rivière  »  et  la  brigade  de  dragons  du 
général  Caulaincourt,  ainsi  que  le  86* de  ligne,  occupaient 
Baltar  et  Paredes.  Ainsi  l'armée  était  sur  la  route  d'Amarante, 
où  l'on  devait  passer  la  Taméga,  pour  se  réunir  aux  troupes 
que  commandait  le  général  Loison,  qui  devait  occuper,  d'après 
ses  instructions ,  les  points  importants  de  Mezenfrio  et  Povoa- 
da-Ragoa,  dans  la  province  de  Tras-os-Montes. 

Nom  avons  dit  que  le  capitaine  Tholozé  était  parti  le  matin 
d'Oporto  j^ur  se  rendre  auprès  du  général  Loison.  Il  arriva  à 
quatre  heures  du  soir  à  Amarante ,  où  il  trouva  ce  général  qui 
y  était  entré  la  veille,  sans  avoir  adressé  de  rapport  au  maré- 
chal ;  même  après  avoir  lu  la  lettre  de  ce  dernier,  écrite  à  cinq 


48  LIVBB  CINQUIÀMB. 

IM9.  benres  du  matin,  il  croyait  encore  inutile 'd'écrire ;  il  en- 
Portusai.  gagea  M.  de  Tholozé  à  rester  avec  lui,  parce  que  le  duc  de  Dal- 
matie  deyait,  selon  toute  apparence,  être  en  retraite  sur  firaga; 
il  lui  dit  qu'il  dirigerait  lui-même,  dans  la  nuit,  ses  troupes 
par  Guimaraens  ,  pour  rejoindre  le  maréchal  sur  le  Cavado.  En 
vain  Taide-de-camp  du  duc  fit  observer  au  général  Loison  que 
son  général  en  chef,  le  croyant  maître  de  la  province  de  Tris- 
. os-Montes,  se  retirait  sur  lui,  qu'il  n'y  avait  pas  un  moment 
à  perdre  pour  le  prévenir  de  l'état  des  choses,  et  qu'il  le 
conjurait  de  garder  le  pont  d'Amarante  Jusqu'au  lendemain 
matin. 

Dans  ce  même  temps  les  Portugais  attaquent  les  troupes 
du  général  Loison  surlaTaméga.  Le  36*  régiment,  sous  les 
ordres  du  colonel  Berlier,  repousse  seul  cette  agression.  Alors 
le  capitaine  Tholozé  insiste  pour  qu'il  lui  soit  permis  de  re- 
tourner vers  le  maréchal,  et  le  général  Loison  écrit  à  ce  dernier 
que,  parti  d'Amarante  le  8,  il  s'était  porté  sur  Mezenfrio; 
que ,  le  9 ,  il  avait  marché  sur  Povoa-da-Bagoa ,  où  était  l'en- 
nemi ,  occupant  en  force  une  tète  du  pont  bien  retranchée  et 
garnie  d'artillerie;  qu'il  avait  aussi  remarqué  beaucoup  de  mou- 
vement sur  la  rive  gauche  du  Duero,  et  un  passage  très-fré- 
quent de  troupes  sur  la  rive  droite  ;  que ,  le  10 ,  il  avait  fait 
attaquer  Povoa-da-Ragoa  sans  succès-,  et  que ,  l'ennemi  aug- 
mentant incessamment,  il  avait  cru  devoir  ordonner  la  retraite  ; 
que,  le  même  jour  10,  il  avait  ramené  ses  troupes  à  Mezen- 
frio ,  et  le  lendemain  lia  Amarante.  Il  ajoutait  qu'il  était 
poursuivi  par  10  à  1 2,000  hommes  ;  que  ie  36*^  régiment  venait 
de  soutenir  un  combat  très-brillant  contre  l'avant-garde  de  cette 
troupe;  mais  que,  malgré  cet  avantage,  il  devait  évacuer  la 
rive  gauche  de  la  Taméga,  et  même  se  retirer,  dans  la  nuit, 
d'Amarante  sur  Guimaraens ,  pour  éviter  d'être  enveloppé.  Le 
capitaine  Tholozé  remit  ce  rapport  au  maréchal^  à  une  heure 
et  demie  du  matin,  au  quartier  général  de  Baltar. 

L'abandon  du  pont  de  la  Taméga  par  le  général  Loison  met- 
tait l'armée  dans  la  position  la  plus  critique.  A  l'ouest ,  l'armée 
anglaise;  au  midi,  le  Duero;  à  l'est,  la  Taméga,  les  corps  de 
Siiveîra ,  de  Bacellar,  de  Wilson,  et  l'armée  du  maréchal  Be- 
resford ,  maîtresse  du  pont  d'Amarante;  au  nord,  la  chaîne  des 


GUBBKB  d'bSPAGHB*  49 

monts  Santa-<]ataliiia ,  sans  un  seul  chemin  praticable  pour 

les  voitures.  '•^''*^'- 

La  décision  du'duc  de  Dalroatie  fut  prompte  et  digue  de  sa 
réputation.  Sans  rassembier  de  conseil  de  guerre ,  ce  qui  eût 
entraîné  {trop  de  temps,  il  prit,  sur  sa  responsabilité,  les  dis- 
positions suivantes  :  ^  ^ 

i""  L'infanterie  et  la  cavalerie  devaient  prendre  autant  de 
cartouches  qu'elles  pouvaient  en  porter;  le  surplus  devait  être 
chargé  sur  les  chevaux  du  train  d'artillerie. 

2®  Les  sapeurs  [et  l'artillerie  devaient  prendre  les  outils  ju- 
gés indispensables. 

3"^  On  devait  mettre  le  feu  à  toutes  les  voitures  du  parc  des 
bagages. 

4»  Ce  qui  restait  d'artillerie  devait  être  détruit. 

S*  L'armée,  ainsi  allégée  de  tout  ce  qui  pouvait  gêner  sa 
marche ,  devait  remonter  la  vallée  de  la  Souza  par  un  sentier 
pratiqué  sur  la  rive  droite. 

Ces  dispositions  furent  exécutées.  L'armée  suivit  ensuite 
des  chemins  impraticables  à  rartill'erie,  pour  gagner  les  hau- 
tCQrs  de  Pombeiro ,  où  Ton  rejoignit  le  corps  du  général  Loi- 
son.  De  là  on  se  dirigea  sur  les  hauteurs  de  Guimaraens,  où  le 
maréchal  descendit,  et  fut  rejoint  pendant  la  nuit  par  deux  ré- 
giments de  dragons  du  général  Lorge  et  la  garnison  de  Viana, 
œ  qui  compléta  la  réupioo  de  toutes  les  troupes  de  l'armée.  Au 
lien  de  suivre  la  route  de  Guimaraens  à  Braga,  le  duc  de  Dal- 
matie ,  foiisant  encore  détruire  l'artillerie  des  généraux  Loison 
et  Lorge,  gagoa  les  hauteurs,  et  mit  en  marche  la  colonne ,  en 
la  dirigeant  sur  Povoa-di-Lanhozo  et  Garvalho-da-Ëste,  où  s'é- 
tait livrée  la  bataille  du  20  mars.  Le  14  au  soir,  le  maréchal 
arriva  avec  Tavant-garde  à  Povoa-di-Lanhozo.  Le  lendemain , 
il  envoya  sur  Braga  une  forte  reconnaissance  de  dragons ,  qui 
eut  avis  d'une  avant-garde  ennemie  à  une  lieue  de  cette  ville  ; 
mais,  comme  l'armée  française  occupait  la  route,  elle  avait  ga- 
gné une  marche  sur  l'armée  anglaise. 

Le  maréchal ,  prévoyant  que  l'armée  pouvait  être  dans  le 
eas  d'en  venir  aux  mains  à  l'arrière-garde  avec  les  Anglais , 
et  en  tête  avec  les  Portugais ,  fit  faire  halte ,  et  forma  toutes 
les,  divisions  sur  les  mamelons  qui  s'élèvent  en  amphithéâtre, 


1 


60  iifVSB  aNQOltMI« 

it(M^.  depuis  le  ratesean  de  Lanhose  Jnsqu^-an-deisus  de  San-Joao- 
''^^''^''^  del-Rey  ;  il  donna  ensuite  aux  troapes  une  nou^le  organir 
satioD. 

La  gauche,  mwdiaBt  en  retraite  la  première,  ftit  eompwée 
de  la  brigade  de  dragons  du  général  Vialaiines  et  de  la  divi- 
sion d'infanterie  du  général  Heudelet  :  le  eommandement  en 
fut  confié  au  générai  Leison.  Le  centre  était  formé  du  per- 
sonnel de  rartillerie  et  des  chevaux  du  train,  avec  quelques 
troupes  ;  le  tout  sous  les  ordres  du  général  d'artillerie  Bour- 
geat.  La  droite  devant  soutenir  la  retraite  contre  l'armée  an- 
glaise*^ le  maréchal  s'en  réserva  le  commandement  direct  Les 
'  divisions  qui  la  composaient  marchaient  dans  l'ordre  suivant  : 
la  division  de  dragons  du  général  Lahoussaye,.  les  divisions 
d'in&nterie  Delaborde  et  Mermet,  celle  du  général  Merle; 
enfin  la  cavalerie  légère,  formant  l'arrière-garde;  le  général 
Franceschi  ^  qui  la  commandait,  devait  ae  concerter  avec  le 
général  Merle. 

L'armée  arriva,  le  15  au  soir,  au  village  de  Salamonde*  Là, 
le  maréchal  apprit  que  lepont  de  Rûyvaens,  sur  le  Gavado,  était 
coupé  et  gardé  par  5  à  6,000  hommes  ayant  du  canon;  que , 
depuis  le  matin ,  on  travaillait  à  détruire  le  Ponte-Nuovo  sur 
le  Gavado ,  par  où  passe  la  petite  route  de  Montalegre ,  et  qu'il 
était  faiblement  gardé. 

La  situation  de  l'armée  était  des  plus  critiques  :  les  soldats 
étaimt  pieds  nus,  et  les  chevaux  presque  tous  déferrés  ;  les  uns 
etles  autres  n'avaient  point  pris  de  nourriture  depuis  trois  Jours  ; 
une  piuie  continuelle  avait  rouillé  les  armes  et  mouillé  les  car- 
tDuches«On  s'avançait  dans  des  défilés  et  sur  des  revers  de  mon- 
tagnes dont  les  chemins  souvent  n'avaient  qu'un  pied  de  lar- 
geur. Les  Anglais  pressaient  alors  l'arrière-garde  du  maréchal. 
A  droite  étaient  des  rochers  à  pic  et  des  montagnes  inaecessi* 
blés,  il  gauche  des  ravins  et  des  précipices  affreux.  Le  maréchal 
aasembta  ses  généraux  et  tint  conseH,  à  l'issue  duquel  il  fit  ap- 
peler le  m^or  Dulong  (il  était  neuf  heures  du  soir  ).  a  Je  vous 
ai  choisi. dans  l'armée,  dit-il  h  ce'brave  officier,  pour  que  vous 
«vous  emparies  du  Ponte-Nuovo,  que  l'ennemi  coupe  en  ce  mo- 
ineilt..«  Vous  chercherez  à  surprendre  l'ennemi  :  le  temps  vous 
ftivorise  ;  vous  l'attaquerez  vivemait  et  à  la  baïonnette;  vous 


GUSBRS  d'BSPAOMB.  61 

I,  on  voM  mourrez.  Je  ne  veux  d*aatre  nouvelle  (pie  im9l 
celle  du  mooès  ;  poiut  d'autre  rapport  :  votre  sUence  m'en  tien-  ^^^^}^^ 
dra  lieu.  Prenez  cent  hommes  d*éUte  où  voua  voudrez  :  cela  doit 
vous  snlIGre;  vous  y  ayouterez  vîQigt«cUM|  drAgous,  dont  vous 
tuerez  les  chevaux,  s*il  en  est  besoin,  pour  vous  ûdre  un  rem-  * 
part  au  milieu  du  pont,  soutenir  et  rester  maître  du  passage,  s  Le 
major  partit  avec  des  soldats  déterminés  et  un  guide  portugais, 
que  Ton  tînt  attaché  avec  des  bretelles  de  fusil.  Arrivé  à  portée  ' 
de  pistolet  du  pont,  il  vit  que  renneml  en  coupait  la  dernière 
solive.  Il  était  alors  une  heure  du  ipatin  ;  la  pluie  tombait  à 
flots.  Harassés  de  fatigue,  les  travailleurs  ennemis  crurent  pou- 
voir prendre  quelque  repos  avant  d'achever  leur  tâche.  Les 
torrents  qui  descendaient  des  montagoes  e.t  le  Gavado  lui-même 
occasionnaient  un  bruit  tel  que  \a  marche  de  la  petite  colonne 
française  ne  fut  point  entendue.  En  un  moment ,  la  sentinelle 
placée  au  pont  est  surprise  et  égorgée  avant  de  pouvoir  don* 
ner  Talarme.  25  grenadiers  et  le  major  Dulong  passent  à  plat 
Tcntre  sur  la  solive;  un  d'eux  tombe  dans  le  Cavado,  et  sa 
chute  ne  prodoit  heureusement  aucun  effet  Le  poste  avancé  de 
J'ennemiy  fort  de  24  hommes,  est  surpris,  et  tombe  sous  les 
coups  de  baïonnette  sans  qu*un  seul  cri  soit  proféré;  cela 
était  de  la  plus  haute  importance.  Le  reste  de  la  colonne  fran- 
çaise ,  demeuré  sur  la  rive  opposée,  commence  alors  une  fusil- 
^  lade  très«vive,  en  même  temps  que  le  ms^or  et  ses  24  grena- 
diers se  précipitent,  au  cri  dVn  avant!  vers  une  hauteur 
voisine,  que  renneipi,  épouvanté  de  cette  attaque  soudaine, 
abandonne  avec  une  partie  de  ses  armes. 

Le  maréchal ,  informé  sur-le-champ  de  cet  heureux  évéoe- 
jnent ,  accourut  en  toute  hâte  avec  les  premières  troupes  qu'il  . 
trouva,  afin  de  faire  réparer  le  pont  et  accélérer  le  passage  de 
Farmée  ;  mais  cette  réparation  ne  fut  ni  assez  prompte  ni  as- 
sez solide  pour  empêcher  qu'il  ne  périt  plusieurs  soldats.  Le 
maréchal  embrassa  le  miyor  Dulong  et  lui  dit  :  a  Je  vous  re- 
mercie au  nom  de  la  France ,  brave  major  ;  vous  avez  sauvé 
l'armée  :  si  J^occupe  une  page  dans  Thistoire,  votre  nom  y  sera 
inscrit  à  côté  du  mien;  mais 'la  Journée  n'est  pas  encore  termi- 
née pour  vous.  » 

L'année  continua  sa  marche  en  bon  ordre.  A  neuf  heures 

4. 


53  L1YBB  CINQUIÈME. 

1909,  du  matin ,  ravant-garde  (ùt  arrêtée  par  on  nouvel  obstacle  qui 
portnpi.  .3eini)|a{|;  insurmontable.  Le  défilé  formait  un  coude  assez  long, 
dans  lequel  on  découvrait  le  flanc  gauche  jusqu'au  pont  de 
Misarella.  Ce  pont,  qu*il  fallait  franchir,  était  sur  un  torrent 
dont  les  bords  étaient  très-escarpés;  il  n^était  pas  coupé,  mais 
Tennemi  Tavait  embarrassé  par  des  arbres ,  des  quartiers  de 
roc  et  autres  moyens  obstruants,  derrière  lesquels  11  s'était  re- 
tranché. La  chaîne  de  rochers  qui  dominait  ce  passage  inter- 
cepté, ainsi  que  toute  la  rive  opposée ,  était  garnie  de  tirailleurs 
portugais ,  dont  on  apercevait  à  peine  le  bout  des  fusils.  La  tête 
de  colonne  ne  put  pas  s'avancer  plus  loin.  Le  major  Dulong 
s'y  trouvait  ;  il  dirigea  d'abord  ses  voltigeurs  vers  le  pont , 
mais  ils  furent  repousses  avec  perte;  il  revint  à  la  charge,  sou- 
tenu par  un  liataillon  du  32®  régiment;  ce  fut  encore  sans  suc- 
cès. L'ennemi  ne  perdait  pas  une  seule  de  ses  balles.  Voyant 
les  Français  arrêtés  ainsi  devant  lui ,  il  poussait  déjà  des  cris 
de  Joie  ;  un  instant  de  l'ctard  et  d^hésitation  perdait  tout  ;  enfin 
Il  fallait  "vaincre  ou  mettre  bas  les  armes.  Le  major  Dulong 
r^nlt  ce  qu'il  put  des  voltigeurs  de  la  garde  de  Paris  et  du  ba- 
taillon du  32^,  et,  se  mettante  la  tête  des  grenadiers  du  15® 
léger,  il  s'élance,  au  pas  de  charge,  au  milieu  d'un  feu  terrible  ; 
mais,  près  d'arriver  au  pont,  frappé  d'une  balle  à  la  tête,  il 
tombe ,  ainsi  que  bon  nombre  de  ses  intrépides  soldats  '.  Sans 
perdre  courage ,  les  voltigeurs  et  les  grenadiers  gravissent , 
sous  une  grêle  de  balles ,  les  arbres  qui  embarrassent  le  pont, 
escaladent  les  quartiers  de  rocher,  et  parviennent  enfin  de  l'au- 
tre côté.  En  un  moment,  l'ennemi,  qui  regardait  ce  passage 
comme  inexpugnable ,  saisi  d'épouvante  et  se  croyant  perdu , 
cesse  son  feu  et  prend  la  fuite.  L'armée,  dont  l'arrière-garde 
était  dans  le  même  temps  vivement  poussée ,  put  continuer  sa 
marche  et  fut  sauvée;  car  dès  lors  elle  ne  trouva  plus  d'em- 
pêchement à  sortir  du  Portugal. 

L'armée  atteignit  Montalegre  dans  la  soirée  du  1 7 ,  et  le  ma- 
réchal ^ut  lieu  de  s'applaudir  de  sa  prévoyance ,  qui  lui  avait 
fait  devancer  les  troupes  portugaises  sur  ce  point.  La  cavale- 
rie prit  position,  avec  l'arrière-garde ,  en  avant  de  la  ville,  sur 

'  Le  mtiot  Dulong  tarvéeat  à  cette  Messure  presqae  mortelle. 


GUSHBB  D*88PAeifB.  63 

la  rive  gauehe ,  et  le  gros  des  troupes  débouchiv  dans  la  plaine  «m». 
qoi  est  sur  la  rive  droite ,  poar  y  camper  en  ordre  de  bataille.  ^^^''Nsai* 
La  Tille  de  Montalegre,  qui  tire  son  nom  de  la  position  c[a*eUe 
oocape  aatoor  d'nne  montagne  isolée  au  milieu  d*une  plaine  assez 
étendue ,  est  la  dernière  ville  de  Portugal  sur  cette  partie  de  la 
frontière.  A  une  lieue  plus  loin  on  entre  sur  le  territoire  de  Ga- 
lice. Ce  voisinage  rendit  à  i'armée  toute  son  énergie  et  sa  con- 
fiance. Pendant  la  nuit  du  1 7  au  18 ,  on  aperçut  sur  le  sommet 
des  montagnes,  dans  la  direction  de  Chavés  et  dans  celle  de 
la  ronteque  Ton  venait  de  parcourir,  les  feux  de  Fennemi; 
mais  il  arrivait  trop  tard  pour  atteindre  le  but  qu'il  s'était 
proposé. 

Le  18  au  matin  Tarmée  française  s'avança  vers  la  frontière 
de  Galice,  dans  la  direction  d'Orensé.  Toute  la  cavalerie  resta 
en  bataille  dans  la  plaine  de  Montalegre  jusqu'à  midi,  pour  re- 
pousser les  Portugais ,  s'il  leur  avait  pris  fantaisie  d'attaquer; 
mais  comme  les  deux  divisions  des  généraux  Lorge  et  Frances; 
cbi  présentaient  une  masse  de  plus  de  2,000  chevaux ,  le  gé* 
néral  Silv^ra  ne  Ji^ea  pas  prodent  de  sortir  du  défilé  où  il  se 
trouvait  avant  le  départ  de  ces  redoutables  adversaires.  Les 
troupes  françaises  entrèrent  en  Galice  par  le  village  de  Santiago 
de  Bubias.  Aux  transports  de  joie  qui  agitaient  tous  les 
soldats  y  on  eût  dit  qu'ils  touctiaient  le  sol  de  la  partie.  Ces 
sentiments  étaient  bien  naturels ,  puisqu'ils  allaient  enfin  se 
trouver  en  communication  avec  les  autres  corps  d'armée^  et 
reeevo^,  a^^  un  intervalle  de  sept  mois ,  de&  nouvelles  de 
France. 

Le  19,  le  3®  régiment  suisse ,  qoi  marchait  à  Favant^garde, 
entra  dans  le  bourg  d' Allaritz  ;  l'uniforme  rouge  de  cette  troupe 
occasionna  une  singuiièro  méprise  :  les  habitants,  auxquels  on 
avait  dit  que  l'armée  du  maréchal  Soult  était  anéantie ,  et  que 
les  Anglais  allaient  entrer  en  Espagne ,  prirent  les  Suisses  pour 
des  soldats  de  l'armée  britannique,  et  s'empressèrent  de  leur 
apporter  des  Tivres ,  du  vin ,  en  maudissant  les  Français.  Plu- 
sieurs d*entre  eux  se  vantaient  même  d'avoir  assassiné  des  sol- 
dats isolés,  et  voulaient,  disaient-ils,  marcher  à  la  suite  du 
régiment,  afin  d'achever  avec  lui  la  destruction  de  tous  ceux 
cpû  résument  encore  en  Galice  ;  mais  bientôt  parurent  d'autres. 


1 


à4  tIVBB  GINQUIÀMB. 

1109.     bataniom  reTètns  de  Taniforme  français.  A  leur  vue ,  tons  eei 

PortogaL  fnatawun'ei  gatidens  coararent  se  cacher,  et  attendirent  une 

meilleare  occasion  pour  donner  des  preuTes  de  leur  bravoure* 

L'armée  arriva  le  30  à  Orenséy  où,  pour  la  première  fois  de« 
puls sa  pénitrfe retraite 9 eUe  trouva  des sol)slBtances  préparées; 
le  maréchal  accorda  la  journée  du  ai  pour  le  repos  des  troupes. 
Toutefois,  Tavant-garde  maieha  aussiuyt  sur  Lugo,  afin  de 
délivrer  eétte  ville,  alors  resserrée  vivement  par  un  corps  de 
ts  à  20^000  hommes ,  tant  du  corps  de  ligne  de  la  Bomana  que 
de  rinsurrection  galidenne,  sous  les  ordres  du  général  MahU 
Le  général  de  brigade  Foumier,  qui  commandait  dans  Lugo, 
avait  résisté  jusqu*  alors  aux  efforts  de  ses  nombreux  adversai*- 
reSy  malgté  la  feiblesse  de  sa  garnison  ;  mais,  a3rant  épuisé  tous 
ses  moyens  de  subsistance,  il  était  sur  le  point  de  capituler, 
lorsque  Tavant-garde  du  maréchal  Soult  se  présenta,  le  22,  de- 
vant les  troupes  assiégeantes.  Un  léger  engagement  sufQt  seul 
pour  dissiper  les  bandes  du  général  Mahi«  La  garnison  de  Lugo 
fut  d'autant  plus  étonnée  de  voir  arriver  ce  secours  qu'elle 
partageait  Terreur  des  Galiciens,  et  croyait  le  corps  d'armée 
du  maréchal  Soult  entièrement  perdu  pour  la  France. 

Telle  fût  l'issue  d'une  campagne  sur  le  succès  de  laquelle 
Napoléon  avait  fondé  de  grandes  espérances ,  et  que  tout  con* 
courut  à  faire  échouer.  L'empereur,  dans  son  plan  d'invasion , 
n'avait  point  assez  calculé  les  moyens  de  résistance  des  Por-- 
tugais ,  et  lés  obstacles  que  rencontreraient  les  deux  mare* 
chauxy  séparés  d'ailleurs  par  un  trop  grand  intervalle  pour 
pouvoir  mettre  quelque  ensemble  dans  leurs  opérations»  En 
effet,  quoique  le  maréchal  Victor  eût  battu  le  général  Guesta 
à  Médellin,  on  a  vu  qu'il  ne  put  abandonner  le  pays  entre  le 
Tage  et  la  Guadiana,  ni  se  mettre  en  communication  avec  le 
corps  d'armée  qui  avait  franchi  le  Minho. 

Livré  à  ses  propres  forces,  le  maréchal  Soult  s'était  trouvé 
dans  l'impossibilité  de  tenir  tète  aux  deux  armées  anglaise  et 
portugaise»  et  à  la  population  du  nord  du  Portugal  hisurgée 
tout  entière.  Si  l'on  peut  reprocher  à  cet  habile  capitaine  de 
s'être  laissé  surprendre^  pour  ainsi  dire,  par  l'armée  anglaise 
dans  Oporto,  au  moins  e<mviettdfa-t*on  qu'il  sut  réparer  glo- 
rieusement cette  faute  par  sa  belle  retraite*  L'armée  avait  con- 


OUBUtt.  D^XiOPAGIIB.  5^ 

florré  Mdnpoon,  seBarmes,  «o  ch«?an;  eito  était  prèle  à  im. 
mirer  m  canvagoe  :  il  c«t  élé  «iffieile  d»  Mre  mlaav  m  i^oc««8>i* 
pardUe  droonatanoe.  Les  Anglaia  et  les  Portngala  n'a^alealr 
poiM  êbfOÊÊé  Montatogra;  en  togranlqulli  ae  poavateaC  phis 
attaiadre  la  maréclial  Smdt,  les  géaéramiL  eaoearia  ranomèpem 
rafMeaMBt  svr  le Tage,  où  lea  appelaient  les  démoBstratlDM 
que  Atait  alors  le  mavéebal  Yletor  sur  Aleantar»» 

Noas  «▼et»  dit  qn'à  Tépoqueoù  le  oorpa  alarmée  da  maré^  . 
abat  Sooit  se  trsvYafi  aar  les  Imdi  du  Doero  le  maréchal 
Fley  était  oeeapéà  seiaaioteiilrcoatre  les  teataltveadii  mar^ 
quis  delà  Romana,  qui ,  souvent  ?aiaca ,  revenait  à  la  charge 
aprèsaToIr  rallié  ses  tranpes  dans  les  montagnes. 

Vers  le  so  avril,  ia  Romana,  flattant  hrasqnement  la  Gi^ 
liœ,  s'était  reporté  dans  les  Astnries,  poor  casser  et  renmjrer 
la  Jnnte  eentnde  de  cette  proyinee,  lénade  à  OvIédOi  Cette 
insnneeelionneUe  entravait»  par  ses  dissensions  tn* 
I,  lanardedes  opératians  miUtairea.  La  Romana  en 
i  one antre,  composée  de  membres,  pins  aettfr  et  ploa 
dévonés  à  la  oaoae  nationale. 

En  apprenant  ce  monvement  dn  général  espagnol,  le  ma- 
réchal Mey  s'était  eonoerté  avec  le  général  Kellermann,  qôi 
se  Irsovait  dans  le  nord  dn  royanme  de  Léon  avec  nn  corps  ée 
tronpes ,  et  il  avait  été  convenu  qu'ils  marcheraient  en  même 
temps ,  âmean  de  lenr  c6té ,  snr  la  prfndpanté  des  Astarfes, 
pour  envdopper  et  écraser  l'armée  dn  marqnis  de  la  Romana  « 
alors  conenitrée  antonr  d*Oviédo.  En  conséquence  de  ce  plan  y 
le  maréchal  Ney  avait  quitté  Lago  au  commencement  de  mai, 
ialssmit  dans  cette  place  un  détachement  de  sea  troupes  sous 
les  ordres  dn  général  Foomier,  auqud  il  recommanda  de  tenir 
Jusqu'à  la  dernière  extrémité,  et  il  s'était  dirigé,  avec  la  pres- 
que totalité  de  ses  forces ,  sur  O viédo ,  par  la  partie  occidentale 
des  Asturies,  tandis  que  le  général  Kellermann  franchissait, 
de  son  côté ,  les  montagnes  qui  séparent  cette  principauté  du 
rojraume  de  Léon.  Ce  mouvement  combiné  amena ^  le  18  mai, 
trois  fortes  colonnes  françaises  devant  Oviédo.  Après  plusieurs 
engagements,  dans  lesquels  les  Espagnols  furent  constamment 
repousses ,  à  la  vue  des  forces  imposantes  qui  le  menaçaient, 
le  marquis  de  la  Romana  se  hÀta  d'évacuer  ses  positions  et  de 


56  UVBB  CIRQUliMB. 

III09  «e  i»lirer  à  6^ ,  où  il  s*embarqua  avec  quelquM-uiies  de 
Poriiisai.  g^  troupes  pour  revenir  ensuite  en  GaUce ,  ainsi  que  nous  le 
dirons  plus  tard. 

Cette  expédition  avait  eu  lieu,  comme  on  peut  le  remarquer, 
pendant  que  le  maréchal  Soult  efTeetuait  sa  retraite  du  Por- 
tugal. Le  général  Kellermann  restant  dans  les  Asturies  pour 
contenir  les  insurgés  de  cette  province ,  le  maréchal  Ney  jugea 
qu'il  était  urgent  de  revenir  en  Galice,  oà  il  présunMdt  bien 
que  les  habitants,  réunis  à  des  colonnes  du  corps  de  la  Romana, 
lesquelles ,  par  une  marche  de  flanc ,  s'étaient  déjà  reportées 
dans  cette  province,  auraient  profité  de  son  absence  pour  in- 
quiéter fortement  le  général  Foumier  dans  Lugo.  Ses  trmipes 
opérèrent,  le  80  mai ,  leur  réunion  ayec  celles  du  maréchal 
Soult ,  devant  cette  ville. 

Les  deux  maréchaux  Soult  et  Ney  étaient  convenus ,  le  29 
mai  :  1^  que  le  dernier  agirait  contre  un  corps  espagnol  oomman- 
dé'par  les  généraux  Llerano,  Morillo  et  Carrera,  qui  occupaient 
la  basse  Galice ,  et  qu'après  les  avoir  battus  et  s'être  emparé  de 
Vigo  il  enverrait  une  colonne  sur  Orensé  ;  2^  que  le  duc  de 
Daimatte  se  porterait  contre  Ja  Romana ,  dans  la  vallée  du  Sil  ; 
qu'après  avoir  dispersé  cette  armée  ennemie  il  se  dirigerait 
sur  Puebla-d^Sanabria,  observant  les  débouchés  du  Portugal^ 
menaçant  d'y  rentrer,  se  mettant  en  communication  avec  le 
6'  corps  par  Orensé,  et  avec  le  1^'  corps  (maréchal  Victor  ) 
par  Zamora. 

Biais ,  avant  de  pousser  plus  loin  le  récit  des  événementa  de 
la  guerre  d'Espagne,  nous  croyons  devoir  rappeler  l'attention 
de  nos  lecteurs  sur  ce  qui  se  passait  alors  en  Allemagne,  où 
avaient  commencé  les  hostilités  entre  la  France  et  rÂutriehe, 
vers  le  milieu  d'avril. 


Totne  Jo  /*a^*»  S^ . 


LIVRE  SIXIÈME. 


GUERRE  D'ALLEMAGNE. 

CHAPITRE   I. 

soms  BS  l'ai^n^e  1809. 

tinene  de  la  France  arec  l'Autriche  ;  préparatifs  des  dçux  puissances  pour  en> 
trer  en  campagne  ;  commencement  des  tiostilités  ;'  batailles  de  Tann,  d^A- 
bensberg;  combat  de  Landshut;  bataille  d'Eckiiiûbl;  combat  devant  Ra- 
tisbonne;  prise  de  cette  Tille,  etc. 

Noos  avom  dit,  an  oommencement  de  ce  volqme,  que  la  im9. 
France  n'avait  Jamais  fourni  à  T Angleterre,  son  étiemelle  ri-  ^^o^' 
vale,  d'occasion  plus  favorable  pour  renouer  les  fils  de  la  coa- 
lition européenne  qu'à  l'époque  où  la  guerre  entreprise  par 
Napoléon  en  Espagne,  nécessitait  remploi  de  la  majeure  par- 
tie des  forées  de  l'empire  dans  la  Péninsule.  A  la  vérité,  iV 
droite  politique  de  l'empereur  des  Français  avait  paru  con- 
jurer à  Erf  urt  Forage  que  le  cabinet  de  Londres  se  disposait 
à  ftdre  éelaterune  dnquième  fois  sur  la  nation  victorieuse 
des  rois  coalisés  ;  mais  les  événements  de  Yimeiro  et  de  Bay- 
len,  l'insurrection  générale  du  Portugal  et  de  FËspagne,  le 
départ  successif  de  presque  touiï  les  corps  de  la  grande  armée 
d'Allemagne  pour  les  Pyrénées ,  et  la  certitude  que  les  forces 
britanniques  allaient  enfin  coopérer  de  la  manière  la  plus 
puissante  à  la  guerre  commencée  dans  le  midi  de  l'Europe 
sous  des  auspices  aussi  favorables  que  les  deux  capitulations 
de  Qntra  et  de  Baylen ,  toutes  ces  causes  réunies  fixèrent 
l'irrésolution  de  T Autriche.  Cette  puissance,  qui  n'avait 
point,  pour  rester  neutre  dans  cette  nouvelle  querelle,  les 
mêmes  motifii  que  la  Russie  et  la  Prusse ,  et  qui  depuis  quatre 
ans  dévorait  en  silence  rhumiliatiou  du  traité  de  Presburg, 
séduite  d'ailleurs  par  l'appât  des  subsides  anglais  et  i»ar  la 

67 


58  *  LIVBB  SIXlèHB. 

4to9.     promesse  formelle  d'uir  corps  auxiliaire ,  se  décida  à  tenter  en- 

AUcmagne.  ^^  ^^^  f^^  ]^.  fo^tmie  des  armes ,  en  profitant  des  leçons  de 

Texpérience  pour  combiner  un  nouveau  plan  d'agression  dont 

les  chances  fussent  plus  heureuses  que  celles  des  campagnes 

précédentes. 

Avant  de  prendre  cette  détermination,  l'empereur  Fran- 
çois H  avait  déjà  manifesté  de» dispositions  presque  hostiles.  La 
marche  des  différente  corps  de  troupes  françaises  cantonnées 
en  Allemagne  avait  donné  lieu  à  des  explications  assez  aigres, 
dans  les  premiers  mois  de  l'année  1808.  De  nombreux  arme- 
ments avaient  été  ordonnés  en  Hongrie,  en  Autriche  et  en 
Bohème;  les  milices  nationales ,  désignées  sous  le  nom  géné- 
rique de  landwehr,  avalent  été  levées  et  oi^nlsées  en  batail- 
lons; on  s'occupait  avee  activité  de  la  réparation  des  places 
fortes;  des  agents  secrets  provoqmieivt  dans  le  Tyrol  une  in- 
surrection générale.  Sollicité  par  le  ministre  des  relations  exté- 
rieures,  M.  de  Champagny,  de  s'expliquer  franchemeat  sur 
des  préparatifs  aussi  extraordinaires,  le  comte  de  Hettemich , 
ministre  autrichien,  répondit  que  son  gouvernement  n'avait 
point  d*autre  Intention  que  celle  de  prendre  une  attitude  défen- 
sive, tant  pour  sa  sûreté  intérieure  que  pour  se  garantir,  du  c6té 
de  la  Servie ,  des  attaques  des  Turcs,  qui ,  sous  le  prétexte  de 
soumettre  Czemi  Georges,  paraissaient  menacer  les  frontières  de 
Hongrie.  A  l'appui  de  cette  explication,  François  II  crut  devoir 
écrire  à  Napoléon,  pendant  le  séjour  de  celui-ci  à  Ërfurt,  une 
lettre  affectueuse  et  confidentielle,  dans  laquelle,  après  avoir  pro- 
testé de  ses  bonnes  dispositions  et  du  désir  qu'il  avait  de  main- 
tenir rharmonle  qui  régnait  entre  les  deux  gouvememœts, 
il  finissait  par  dire  :  «  Je  me  flatte  que  V.  M.  n'a  jamais  cessé 
d*en  être  convaincue  (de  ses  dispositions  pacifiques),  et  que,  si 
defiiusses  interprétations  qu'on  a  répandues  sur  des  institutions 
intérieures  organiques  que  J'ai  établies  dans  ma  monarclkie  loi 
ont  laissé,  pendant  un  moment,  des  doutes  sur  la  persévérance 
de  mes  intentions,  les  explications  que  le  comte  de  Mettemich 
a  données  à  son  ministre  les  auront  entièrement  dissipés.  >  Le 
baron  de  Vincent,  porteur  de  cette  lettre  de  l'empereur  d'Au* 
triche,  f\it  en  outre  chargé  de  promettre  tentes  les  garantice 
qui  pourraient  sembler  nécessaires  au  monarque  français. 


G0BIBB  d'aLLBHAGIIB.  69 

Cert^n  qne  la  Kmsfe  et  la  Prasse  resteraient  fidèles  au  hk». 
traité  de  Tîteit,  et  ne  ponvant  pas  croire,  qnelle  qne  lût  d'ail-  A"«>n««n«- 
leurs  rinflnence  des  démarehes  de  TAngleterre  auprès  du  gon- 
Temement  autriclden)  qae  ee  dernier  osât  soutenir  seul  le  poids 
d*ane  nouvelle  guerre  en  Allemagne,  Napoléon  parut  satisfait 
des  explications  qu*on  hii  donnait,  et  se  livra  tout  entier  à 
Texécution  du  plan  qn*il  avait  Ibraié  pour  soumettre  TEspagne. 

Mais  à  peine  Temperenr  des  Français  avalt«>il  franchi  les 
Pyrénées  que  le  cabinet  de  S«int4ames ,  redoublant  ses  in- 
stances auprès  de  Itf  cour  de  Vienne,  lui  démontra  que  le 
moment  était  enfin  venu  de  reprendre  les  armes  pour  venger 
rhomiliation  des  campagnes  précédentes  et  s'affranchir  des 
flcheuses  stipulation^  du  traité  de  Presburg.  Les  préparatifs 
de  guerre  recommencèrent  alors  avec  une  nouvelle  activité  ; 
des  proclamations  semi-ofttdelles,  répandues  avec  profusion 
dans  les  États  héréditaires,  appelèrent  le»  peuples  à  s*armer 
de  nouveau  pour  assurer  IMndépendancede  leur  patrie  et  con- 
quérir celle  de  l'Allemagne  entière;  et  cet  état  de  choses,  dont 
Napoléon  fat  promptement  informé,  lui  parut  si  grave  qu'il 
crut  devoir  quitter  la  direction  des  opérations  en  Espagne  pour 
revenir  à  Paris  avec  la  rapidité  de  Téclair. 

Cette  guerre  avec  l'Autriche  contrariait  trop  alofs  les  des- 
seins de  Tempereur  des  Français  pour  qu'il  ne  tentât  pas 
toutes  les  voies  possibles  de  conciliation  ;  il  alla  Jusqu'à  pro- 
poser à  François  II  la  médiation  de  la  Russie.  Le  comte  de  Ro- 
manzow,  ministre  des  affaires  étrangères  de  cette  dernière  «oor, 
et  qui  se  trouvait  à  Paris  à  cette  époque ,  fut  chargé  par  Na« 
poléon  de  proposer  A  l'ambassadeur  d'Autriche  un  arrange^ 
ment  qui  unirait  les  trois  empires  par  les  liens  d'une  triple 
garantie ,  c'est-à-dire  qui  donnerait  à  T Autriche,  pour  sûreté 
de  Fintégilté  de  son  territoire,  la  garantie  de  la  Russie  contre 
les  entreprises  de  la  France ,  celle  de  la  France  contre  les  en- 
treprises dé  la  Russie ,  et  enfin  celle  de  l'Autriche  contre  les  en- 
treprises sépale  des  deux  autres  puissances.  Cette  ouverture 
fraiiche,  et  qui  démontrait  que  Napoléon  voulait  rester  en  paix 
avec  l'empereur  François  II ,  fût  rejetée  d'après  les  conseils  du 
gouvernement  britannique.  Le  ministère  autrichien  tergiversa 
dans  ses  réponses,  chercha  à  traîner  les  pourparlers  en  Ion- 


60  L1VBE   SIXièUB. 

1809.     gueur,  et  finit  par  démasquer  tout  à  coup  ses  véritables  inten- 
AUemaftoe.  ^^j^  ^  ^y^  ^^  s'unir  avec  l'Angleterre  et  de  recommmcer  la 
guerre  en  Allemagne,  en  mettant  à  profit  la  puissante  diver- 
sion qui  s'opérait  alors  dans  la  Péninsule. 

Les  efforts  de  la  cour  de  Vienne  pour  mettre  sur  pied  une 
armée  qui  pût  seconder  ses  desseins  n'avaient  point  été  sans 
succès.  Au  mois  de  février  1809 ,  ses  forces  disponibles  s'éle- 
vaient déjà  à  500,000  hommes ,  tandis  que  Tempereur,  dans 
la  situation  présente  des  choses  en  Espagne ,  pouvait  à  peine 
compter  sur  200,000  hommes  pour  ouvrir  la  campagne  en  Al- 
lemagne^ et  dans  ce  nombre  étaient  comprises  les  troupes  de 
la  Confédération  du  Rhin.  En  Italie ,  on  a  vu  que ,  dès  l'année 
1 808,  Napoléon  avait  distrait  de  Tarmée  du  vice-roi  et  de  celle 
du  royaume  de  Naples  des  troupes  destinées  à  former  le  corps 
d'armée  qui  devait  agir  en  Catalogne.  Depuis,  et  sur  les  in- 
stances de  Murât,  qui  avait  remplacé  Joseph  sur  le  tr<>ne  de 
Naples,  le  monarque  français  avait  arrêté  qu'une  partie  des 
troupes  de  l'armée  d'Italie  renforcerait  l'armée  napolitaine ,  pour 
mettre  le  roi  Joachim  en  mesure  de  faire  la  conquête  de  là  Si- 
cile. Toutefois,  àla  première  nouvelle  des  armements  de  l'Au- 
triche, cette  dernière  expédition  fut  contremandée,  et,  loin 
d'affaiblir  Tarml^e  du  prince  Eugène ,  Napoléon  songea  au  con- 
traire à  l'augmenter,  afin  d'en  pouvoir  disposer  selon  les  com- 
Mnaisons  de  son  plan  d'opérations. 

Les  cours  de  Paris  et  de  Vienne  avaient  continué  jusqu'à  la 
fin  de  mars  d'échanger  des  notes  illusoires  ;  mais,  le  6  avril, 
une  proclamation  de  l'archiduc  Charles ,  nommé  généralissime 
des  armées  autrichiennes,  fit  cesser  toutes  les  incertitudes. 
Elle  était  conçue  en  ces  termes  : 

ff  Le  salut  de  la  patrie  nous  appelle  à  de  nouveaux  exploits. 

a  Aussi  longtemps  qu'il  a  été  possible  de  conserver  la  paix 
par  des  sacrifices ,  et  aussi  longtemps  que  ces  sacrifices  ont 
été  compatibles  avec  l'honneur  du  trêne ,  avec  la  sûreté  de 
l'État  et  avec  la  prospérité  de  la  nation,  notre  monarque  chéri 
a  imposé  silence  à  tout  sentiment  pénible  è  son  cœur;  mais 
quand  tous  nos  efforts  sont  inutiles  pour  garantir  notre  heu- 
reuse indépendancecontre  l'ambition  insatiable  d'un  couquérant 
étranger  ;  quand  d'autres  nations  tombent  autour  de  nous ,  el 


'  GUSBftB  D*ÀLLVMAONB.  €1 

que  des  souverains  légitimes  sont  arraehés  des  ooeurs  de  leurs  ^iwa^ 
sujets;  quand  le  danger  d*an  assujettissement  générai  menace 
aussi  les  États  heureux  de  rAutriche  et  ses  habitants  paisibles , 
alors  la  patrie  demande  de  nous  son  salut,  et  nous  sommes 
prêts  à  la  protéger. 

.  «  Sur  vous ,  mes  chers  compagnons  d'armes ,  sont  fixés  les 
yeux  du  monde  entier  et  de  tous  ceux  qui  chérissent  encore 
rhonneur  national  et  la  prospérité  publique.  Vous  ne  parta- 
gerez «jamais  la  honte  de  devenir  lès  instruments  de  l'oppres- 
sion ;  vous  ne  ferez  jamais  dans  des  climats  lointains  des  guerres 
sans  fin  pour  satisfaire  à  une  ambition  dévastatrice;  vous  ne 
verserez  jamais  vôtre  sang  pour  un  intérêt  étranger  et  pour  l'a- 
vidité d'autrui  ;  sur  vous  ne  tombera  jamais  la  malédiction  d'a- 
voir exterminé  des  peuples  innocents,  et  d'avoir  frayé  le  chemin 
à  un  étranger  à  travers  les  cadavres  des  défenseurs  de  leur 
patrie,  pour  atteindre  au  trône  usurpé. 

«  Un  sort  plus  propice  vous  attend.  La  liberté  de  l'Europe 
s'est  réfugiée  sous  vos  drapeaux  ;  vos  victoires  feront  tomber 
ses  chaînes ,  et  vos  frères  de  la  Germanie  (  encore  aujourd'hui 
dans  les  rangs  ennemis)  attendent  de  vous  leur  délivrance.  La 
lutte  est  juste,  sans  quoi  je  ne  serais  pas  aujourd'hui  à  votre 
tête. 

ff  Nous  renouvellerons  dans  les  environs  d'Uim  et  de  Ma- 
rengOy  que  l'ennemi  nous  rappelle  si  souvent  avec  jactance, 
les  exploits  glorieux  de  Wùrtzburgetd'Ostrach,  de  Leiptin- 
gm  et  de  Zurich,  de  Vérone,  de  la  Trebia  et  de  Novi;  nos 
armes  donneront  à  notre  chère  patrie  une  paix  durable.  Hais 
nous  ne  pouvons  attemdre  ce  noble  but  que  par  de  grandes 
vertus.  L'obéissance  absolue,  la  discipline  la  plus  sévère,  le 
courage  persévérant  et  la  fermeté  inébranlable  dans  les  dan- 
gers sont  les  compagnons  de  la  véritable  bravoure.  L'unité 
de  la  volonté  et  les  opérations  combinées  de  la  masse  entière 
amenait  la  victoire. 

«  Sa  Majesté,  mon  souverain  et  frère ,  m'a  donné  des  pou- 
voirs étendus  tant- pour  récompenser  que  pour  punir.  Je  serai 
toujours  au  milieu  de  vous,  et  c'est  de  vos  chefs  qae  vous  re*- 
cevrez  sur  le  champ  de  bataille  les  premiers  remerctments  de 
la  patrie. 


69  LITBB   SIXtiVB. 

tm.  «  Kentôt  des  troufpes  étrangèMs  se  joindrant  conUatement 
'AHemasne.  ^  ^^^  ^^^^  eoBubattre  un  ennemi  commun  ;  oe  sùot  de  turaves 
compagnons  d*annes ,  respectez^es  comme  vos  frères,  de  n'est 
pas  «me  vidne  jactance,  mais  ce  sont  de  nobles  faits  d'armes 
qui  honorent  le  guerrier  :  c'est  par  votre  valeur  en  préacMO 
de  l'ennemi  que  vous  devez  prouver  que  vous  6tes  les  premieci 
soldats  du  monde. 

a  C'est  ainsi  que  Je  vous  reconduirai  un  jour  dans  la  patrie  » 
accompagnés  de  l'estime  de  nos  ennemis  et  de  la  reconnaissance 
des  nations  étrangères ,  après  avoir  obtenu  par  nos  annes  une 
paix  honorable»  C'est  alors  que  vous  jouirez  de  la  satisfaction 
de  notre  monarque,  de  l'approbation  du  monde  entier,  qui  sont 
la  récompense  de  la  valeur,  enfin  des  bénédictions  de  vos  con* 
citoyens ,  et  du  sentiment  d'avoir  mérité  le  repos  qui  vous  at- 
tend, s 

Cette  proclamation  fut  suivie ,  deux  Jours  après,  d'un  ma* 
nifeste  adressé  par  l'empereur  François  II  à  ses  soj^.  Ce  mo- 
narque reproduisait  les  idées  de  l'archiduc,  etprotestait,  selon 
l'usage ,  que  c'était  bien  malgré  lui  qu'il  se  voyait  forcé  de  n>- 
commencer  la  guerre. 

Jamais  T Autriche  n'avait  mis  sur  pied  des  forées  aussi  con- 
sidérables que  celles  qui  se  trouvaient  alors  réunies  pour  entrer 
en  campagne  contre  la  France.  61  régiments  de  ligne,  17  régi- 
ments de  frontières ,  quatre  corps  francs  ou  légions,  portés  an 
grand  complet;  cent  soixante-huit  bataillons  de  milices  (Lund- 
wehr)  de  1,000  hommes  diaeun,  commandés  par  d'fflicieos 
officiers  et  exercés  depuis  dix  mois;  54,000  hommes  de  l'in- 
surrection hongroise;  enfin,  60,000  hommes  de  troupes  de 
cavalerie,  d'artillerie  et  du  génie ,  tel  était  l'ensemble  de  ces 
forces,  qui  présentaient  un  effectif  de  560,000  combattants  \ 
Instruit  par  l'expérience  des  campagnes  précédentes ,  et  investi 

*  L'archidoc  Oharies  avait  travaillé  avec  activité  à  TorgHiiaatioB  deeelts 
année,  snrtoHt  à  «sllede  Tinfanterie  et  de  l'aiiUlerie  :  l'efiéstif  dm  eompa- 
giiea  dlnfiuiterie  fut  augmenté  ;  le  S*  bataiii(Mi  de  cliaque  ré^gimeot  de  iigiie 
fut  porté  à  un  eiTectif  ^l  à  ceiui  des  deux  premiers,  ce  qui  éleva  la  force 
'  de  cette  arme  k  279,972  hommes.  Cliaque  régiment  se  composait  de  2  corn* 
pagnies  de  grenadiers  et  de  3  bataillons  chacun  de  S  compagnies,  et  s*élevalt 
à  8,732  sous-oOiciers  et  soldais.  Ces  régiments  étaient  au  nombre  de  M. 


€UB11B  d'aLUBMAGNB.  63 

de  poQToirs  Illimités,  Tarehiduc  Charles  avait  era  devoir  don- 
ner à  Tarmée  auUiehienne  la  même  organfeation  que  celle  dont 
l'empereur  des  Français  avait  tiré  tant  d'avantages  poar  ses 
opérations  en  Allemagne,  en  Italie,  et  toat  réeemment  en 
Espagne.  En  conséquence,  les  troupes  dont  nous  venons  de 
fiiire  r  énnmération  étaient  partagées  en  neuf  corps  d'armée  prin- 
dpauxy  et  deux  autres  de  réserve,  Chaeun  de  ces  corps,  com- 
posé des  différentes  armes ,  et  fort  d'environ  30,000  hommes, 
avait  un  état-major  partieulier,  une  administration  intérieure; 
séparés,  Ils  pouvaient  agir  par  eux-mêmes;  réunis,  ils  offraient 
une  subdivision  commode  pour  tous  les  mouvements  partiels  et 
le  détail  des  subsistances. 

Les  six  premiers  de  ces  corps ,  ainsi  que  les  deux  de  réserve, 
formant  Farmée  principale ,  sous  les  ordres  inmiédiats  de  Far- 
chiduc  Charles,  étaient  destinés  À  agir  en  Allemagne.  Us  étaient 
commandés  par  les  généraux  comte  de  Bellegarde,  le  comte 
Kollowrathy  le  prince  de  tioheneoUem,  leprineedeRosenbei^, 
Tarchiduc  Louis,  frère  de  rempeieur,  et  le  général  baron 
piller  ;  et  les  deux  corps  de  réserve,  par  le  prince  Jean  de  Liech- 
tenstein et  le  général  baron  Klenmayer.  Ces  corps  de  ré- 
serve se  composaient  de  grenadiers^  de  cuirassiers ,  de  dragons 
et  de  chevau-légers.  Le  7^  corps ,  commandé  par  Tarchiduc 

15  régimoits  hongrois  s^evaieBt  obacun  à  4,132  làornines.  Les  grenadiers 
furent  réunis  en  21  bataillons.  Il  existait  en  outse  0  ktataillons  de  cbassenrs 
à  720  hommes  chaenn,  et  17  ré^^meiitBde  frontières. de  deux  bataillons, 
dont  n%  2,400  h^inines  et  4  à  2,160. 

L'artillerie  se  composait  de  791  bouches  à  feu ,  et  la  cavalerie,  forte  de 
36,204  cheTanx,  se  composait  de  8  régiments  de  cuirassiers,  S  régiments  de 
dragons,  chaeun  de  S  escadrons  et  79S  chevaux  ^  de  S  régiments  de  cbetan* 
légera,  12  régiments  de  hussards,  3  régimeals  de  uhlans ,  chacun  à  8  es- 
«adroaseC  1,192  obevanx, 

Bn  outre  nnsurrection  hongroise  devait  fournir,  avec  la  Croatie  et  la 
Slavonie,  37,197  liommes  d'mianterie  et  16,734  hommes  de  cavalerie.  La 
Undwehr  devait  fournir  168  batafHons.  Enfin  162  compagnies  et  84  escadrons 
de  dépôt  étaient  destinés  ànenforcer,  au  beéoin,  Tarméede  réserve.  Gepeo- 
daot  la  rapidité  des  événements  fut  cause  qu'une  partie  de  ces  troupes  na- 
•tieoaies  a*avait  pas  reçu  une  oiganisatloa  définitive,  et  n'était  pas  prèle  au 
combat,  à  Touverture  de  la  campagne;  mais  le  fond  des  diven  corps  exis- 
tait^ et  servit,  dans  le  courant  de  la  guerre,  b  recniter,  compléter  et  grossir 
famée  de  ligne. 


64  LIYBS  SIXIEME. 

1809.  Ferdinand,  était  conèentré  enGaiicie,  poar  se  porter  ensuite 
Allemagne.  ^^  j^  grand-duché  de  Varsovie ,  dont  la  conquête  entrait  dans 
Je  plan  d'opérations  du  cabinet  autrichien;  les  8^  et  9® corps, 
placés  sous  le  commandement  de  l'archiduc  Jean ,  formaient 
l'armée  qui  devait  marcher  sur  l'Italie  par  la  Garinthie  et  la 
Garniole. 

Dans  le  courant  de  mars,  les  cinq  premiers  corps  de  la  grande 
armée  autrichienne  et  le  l*'^  corps  de  réserve  se  rassemblèrent 
en  Bohême,  à  Piisen,  Prague,  Piseck,  Budweiss  et  Iglau.  Le 
6^  corps  et  le  2®  de  réserve  se  réunirent  dans  la  haute  Autriche, 
à  Wels  et  Ens. 

L'armée  de  Tarchiduc  Jean ,  autre  frère  de  Tempereur,  se 
concentra,  le  8*  corps  à  Klagenfurth,  le  9'  ÂLaybach. 

L'armée  de  l'archiduc  Ferdinand ,  cousin  de  l'empereur,  se 
réunit  entre  Gracovie ,  Konskié  et  Radom. 

Le  commencement  des  hostilités ,  de  la  part  de  l'Autriche , 
fut  fixé  au  10  avril. 

Pour  s'opposer  à  un  pareil  dépioyement  de  forces,  les  Fran- 
çais n'avaient  en  Allemagne,  au  i*^**  mars,  que  le  corps  d'ar- 
mée du  maréchal  Davoust,  duc  d'Auerstadt,  un  autre  corph 
commandé  par  le  général  Oudinot ,  les  troupes  de  la  Ck)nfédé* 
ration  du  Rhin;  en  Pologne,  les  troupes  du  grand-duché  de 
Varsovie,  et  en  Italie  trois  faibles  divisions ,  sous  le  comman- 
dement du  prince  vice-roi. 

Toutefois,  au  milieu  des  démarches  que  faisait  Napoléon 
pour  se  maintenir  en  paix  avec  l'Autriche ,  ce  prince  actif  ne 
négligeait  aucune  des  mesures  qui  pouvaient  ie  mettre  à  même 
de  soutenir  avec  succès  la  nouvelle  lutte  où  l'engageait  la  poli- 
que  anglaise. 

Voici  quelle  était  la  répartition  et  la  force  de  l'armée  fran- 
çaise à  l'ouverture  des  hostilités  :  le  corps  d'armée  du  maré- 
chal Davoust ,  le  3^,  se  composait  de  quatre  divisions  d'infan- 
terie, commandées  par  les  généraux  Friant,  Morand,  Gudin 
et  Saint-Hiiaire,  au  total  de  45,000  hommes  environ;  d'une 
division  de  8,400  hommes  commandée  parle  général  Demont, 
et  formée  des  quatrièmes  bataillons  de  divers  régiments  et  d'une 
division  de  cavalerie  légère  aux  ordres  du  général  Montbrun, 
forte  de  4,ooo  et  quelques  chevaux,  non  compris  les  garnisons 


GUEBIV   D'ALLEMAGNE.  65 

de  Daatzig  et  des  plaoes  fortes  de  la  Prusse  encore  -occopées  par  moa. 
les  Français ,  dont  la  force  totale  s'élevait  à  8,750  hommes»  et  ^^^'^'^s»»' 
qui  foisaient  partie  dn  même  corps  d'armée.  Ces  divisions ,  qui 
avaient  passé  Thiver  de  1808  a  1809  dans  la  TliiiriDge  et  la 
principauté  de  Bayreuth,  reçurent ,  vers  la  fin  de  mars,  l'ordre 
de  se  mettre  en  mouvement,  par  Nuremberg  et  Anspach,  vers 
le  Mayn  et  Wùrtaburg  j  pour  de  là  se  porter  sur  logolsladt  et 
y  passer  le  Danube. 

Le  corps  du  général  Oudinot  était  composé  de  deux  divisions 
d'Infanterie ,  aux  ordres  des  généraux  Tharreau  et  Claparède , 
fortes  ensemble  d'environ  13,000  baïonnettes»  et  d'une  brigade 
de  cavalerie  légère^  commandée  par  le  général  Edouard  €k>l- 
bert,  et  forte  de  2,000  chevaux.  Les  divisions  Tharreau  et  Gla* 
parède  avaient  été  formées  de  bataillons  de  grenadiers  et  vol- 
tigeurs tirés  des  régiments  alors  en  Espagne.  Dès  la  fin  de 
février,  tontes  ces  troupes  avaient  quitté  les  environs  de  Uanau, 
on  le  général  Oudinot  avait  établi  son  quartier  général^  pour 
se  diriger,  à  travers  le  grand-duché  de  Bade  et  le  royaume  de 
Wurtemberg ,  sur  le  Danube ,  passer  ensuite  ce  Heuve ,  et  ve- 
nir prendre  des  cantonnements  sur  le  Lech. 

Vers  le  même  temps,  les  divisions  Legrand,  Boudet,  Mo- 
litor  et  Carra  Safnt-Gyr,  qui  étaient  en  marche  pour  se  rendre 
«n  Espagne ,  reçurent  contre-ordre  à  Lyon  et  repassèrent  le 
Rhin  le  1 7  mars.  Ces  quatre  divisions ,  destinées  à  former  un 
nouveau  corps  d'armée,  le  4^,  dont  l'empereur  confia  le  corn* 
jvandement  au  maréchal  Masséna ,  présentaient  un  effectif  de 
35,000  combattants ,  auxquels  se  réunirent  1 2,000  hommes 
des  contingents  de  Bade  et  de  Hesse-Darmstadt,  et  une  division  . 
de  cavalerie  légère  commandée  par  le  général  Marulaz ,  forte 
de  3,200  chevaux. 

La  légion  portugaise ,  forte  de  2,000  hommes ,  dont  400  de 
eavalerie,  fut  dirigée  de  Toulouse,  où  elle  était  cantonnée,  sur 
le  Rhin,  pour  faire  partie,  ainsi  que  la  division  du  général 
Dupas ,  appartenant  au  corps  d'armée  du  prince  de  Ponte- 
Gorvo ,  chargé  de  la  surveillance  des  côtes  de  la  Baltique ,  d*un 
nouveau  corps,  le  2*^,  qui  allait  s'organiser,  et  dont  le  oommaa- 
dement  fnt  donné  plus  tard  au  maréchal  Lannes,  duc  de  Mon- 
'tebello. 

\0  s 


66  UVR£   SIXIÈME. 

4909  ''^'^^^^  divwjons  de  gro$^  cavalerie,  sous  les  ordres  des  gé- 

Aiiniia^ne.  Qéraux  Nansottty,  d'Espagne  et  Saiut-Sulpice,  reçurent  Tordre 
de  quitter  leurs  cantonnements  pour  se  rendre  en  Bavière  et  y 
'  former  un  corps  de  réserve,  dont  le  maréchal  Bessières  prit 
plus  tard  le  commandement.  De  ces  trois  divisions,  composées 
exclusivement  de  carabiniers  et  de  cuirassiers,  le  maréchal 
Davoust  conserva  d*abord  celle  du  général  Saint-Sulpice,  forte 
de  3,200  chevaux;  celle  du  général  Nansouty,de  4,800  che- 
vaux y  resta  en  attendant  entre  Ingoistadt  et  Donau  werth  ;  celle 
du  général  d*Rspague ,  de  3,S00  chevaux,  joignit  les  troupes 
établies  sur  le  Ledi. 

Les  troupes  de  la  Confédération  du  Rhin  présentaient ,  par 
aperçu  et  lorsqu'elles  seraient  réunies,  une  masse  de  76,000 
hommes;  mais,  au  l^*"  avril ,  il  n'y  avait  en  présence  des  Au- 
trichiens que  Tarmée  bavaroise,  forte  d'à  peu  près  40,000 
r  hommes  «  dont  30,000  étaient  formés  en  trois  divisions  de 
1 0,000  hommes  chaque  :  la  première ,  sous  les  ordres  du  prince 
royal,  à  Munich;  la  seconde,  sous  les  ordres  du  général  Deroi, 
à  Freising,  et  la  troisième,  commandée  par  le  général  de 
\Vi*ede,  à  Straubing  ;  les  auti*es  1 0,000  hommes  étaient  répartis 
tant  dans  les  places  de  la  Bavière  que  du  Tyrol.  La  totalité  de 
cette  armée  l)avaroise  forma  le  V  corps  de  la  grande  armée 
française  À  l'ouverture  de  la  campagne,  et  Tempereur,  de  con- 
cert avec  le  roi  de  Bavière,  en  donna  le  commandement  au  ma> 
réehal  Lefebvre»  duc  de  Dantzig. 

'  Le  contingent  du  roi  de  Wurtemberg,  fort  de  10,000  hom* 
mes,  se  rendit  à  Heidenheim,  et  dot  former,  sous  les  ordres 
du  général  Yandamme ,  le  8®  corps  de  la  grande  armée. 

Le  maréchal  prince  de  Ponte-Corvo  reçut  l'ordre  de  pren- 
dre le  commandement  de  l'armée  saxonne ,  forte  d'eâviron 
20,000  hommes ,  et  de  s'approcher  du  Danube ,  en  observant 
dans  sa  marche  les  frontières  de  la  Bohème. 

On  voit,  par  la  récapitulation  de  toutes  les  forces  dont  nous 
venons  de  présenter  la  situation  séparée,  que  Napoléon  pou- 
vait compter  sur  une  masse  de  180,000  hommes  pour  entrer 
en  campagne;  mais  il  faut  remarquer  aussi  que  ces  troupes 
n'étaient  point  toutes  en  mesure  d'opérer  immédiatement.  Les 
corps  qui  se  trouvaient  sur  la  rive  droite  du  Danube,  dans  les 


«UERAE    0*AC.tEMÀGNB.  67 

premiers  jours  d'avril ,  disséminés  entre  le  Lecli  et  Tlsir,  à  11109. 
trente  ou  quarante  lieues  de  distance  les  uns  des  autres,  loin  *"««»«'«• 
d'avoir  une  attitude  offensive,  ne  présentaient  nulle  part  «ne 
forte  résistance ,  lorsque  au  contraire  l'armée  de  l'archiduc 
Charles,  rassemblée  sur  les  bords  de  t'Ens,  au  nombre  de 
160,000  hommes,  pouvait  commencer  les  hostilités  avec  les 
plus  grandes  chances  de  succès. 

Un  des  généraux  de  Parméc  autrichienne,  Mayer,  avait  pré- 
senté, dit-on,  à  Tarchiduc  Charles  un  plan  de  campagne,  dont 
ce  prince  parut  d'abord  vouloir  tenter  l'exécution  :  il  s'agis- 
sait de  prendre  la  Bohême  pour  base  des  opérations  de  la 
principale  armée.  En  débouchant  de  ce  pays  avec  toutes  les 
forces  qui  y  étaient  réunies  dès  le  mois  de  février,  et  entrant 
en  Saxe  vers  la  lin  de  mars,  au  Heu  d'attendre  au  10  avril 
pour  ouvrir  la  campagne ,   le  prince  Charles ,  à  la  tète  de 
160,000  hommes,  pouvait  écraser  le  corps  du  maréchal  Da- 
voust.  Soit  qu'il  le  surprit  encore  dans  ses  cantonnements,  soit 
qu'il  l'attaquât  dans  sa  marche  oblique  pour  gagner  le  Danube, 
il  le  dispersait  dans  le  haut  Palatinat,  et  l'éldignait  du  point 
de  rassemblement  indiqué  à  la  grande  armée  française.  Par 
cette  même  manœuvre,  il  coupait  aussi  ou  arrêtait  dans  leur 
marche  toutes  les  \;oIonnes  françaises  ou  alliées,  en  Saxe,  en 
Hanovre,  dans  le  nord  de  l'Allemagne,  et  établissait  ainsi, 
dès  le  commencement  de  la  campagne ,  le  théâtre  de  la  guerre 
sur  leBhin.  Dans  cet  état  de  choses,  on  pouvait  espérer  de 
voir  changer  les  dispositions  de  la  Russie,  qui  se  serait  trouvée 
alors  plus  indépendante  par  l'éloignement  des  troupes  fran- 
çaises ;  les  côtes  de  la  Baltique ,  débarrassées  d'une  surveillance 
fâcheuse,  restaient  ouvertes  aux  Anglais  ;  l'Autriche  reprenait, 
par  ces  premiers  succès  et  la  présence  de  son  armée  formidable, 
son  influence  sur  les  princes  de  la  Confédération  et  dans  le  nord 
de  l'Allemagne;  l'archiduc  tombait  alors  sur  tous  les  corps 
français  nouvellement  en  marche  pour  gagner  le  Danube,  tan- 
dis qu'un  autre  corps  d'armée  autrichien  aurait  tourné  la  posi- 
tion du  Lech  par  Innsbrûck ,  Kempten  et  le  Vorarlberg.  Pri- 
ses ainsi  à  dos  et  resserrées  par  l'insurrection  du  Tyrol,  les 
troupes  françaises  et  alliées  déjà  rassemblées  sur  la  rive  droite 
clu  Danube,  se  trouvant  d'ailleurs  en  présence  du  6*^  corps  d'ar- 


08  UVAE  stxikiu. 

f 

iMw.  mée  et  du  2«  de  réserve ,  réunis  sous  le  commandement  du  gé- 
Aïkiiiagne.  ^^^^  EïWer,  auraient  éprouvé  les  plus  grandes  difûcultés  en 
cherchant  à  se  concentrer  dans  une  position  en  arrière,  et  se 
seraient  vues  forcées  d'opérer  leur  retraite  par  la  Souabe  et  les 
frontières  de  la  Suisse.  Pendant  ce  temps,  Tarchiduc  Jean,  ou- 
vrant quinze  jours  plus  tôt  la  campagne  sur  les  frontières  des 
États  ci-devant  vénitiens^  se  trouvait  en  mesure  de  faire  des 
prc^^rès  rapides  sans  craindre  de  s'aventurer,  puisquMl  aurait 
eu  alors  son  flanc  droit  couvert  par  Tinsurrection  du  Tyrol, 
et  son  flanc  gauche  soutenu  par  l'insurrection  de  Tlstrie  et 
de  la  Croatie,  dont  quelques  corps  auraient  pu  venir  observer 
risonzo. 

Tel  était  le  plan  du  général  Mayer,  et ,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  l'archiduc  se  disposa  d'abord  à  l'exécuter,  puisque  les 
cinq  premiers  corps  d'armée  se  trouvaient  réunis  en  Bohème 
vers  la  fin  de  mars,  et  qu'à  la  même  époque  le  1^'  corps  de 
réserve  s*était  approché  d'Iglau  et  de  Neuhaus ,  tandis  que  le 
6®  corps  était  campé  près  de  Wels,  et  le  2^  de  réserve  près  de 
la  ville  d'Eus  ;«  mais,  réfléchissant  ensuite  que  la  défense  des 
États  héréditaires  allait  se  trouver,  par  ce  mouvement  hardi , 
abandonnée  à  ces  deux  derniers  corps ,  et  consultant  d'ailleurs 
toutes  les  chances  de  l'entreprise,  l'archiduç,  admettant  le  pro- 
jet du  général  Grunn,  préféra  les  dispositions  plus  méthodi- 
ques de  ce  second  j^lan,  et  résolut  de  se  porter,  parallèlement  à 
4es  adversaires,  vers  les  points  que  ceux-ci  cherchaient  à 
gagner. 

Ce  qui  affermit  encore  plus  le  généralissime  autrichien  dans 
cette  détermination  fut  les  nouvelles  qu'il  reçut  successivement  , 
de  la  marche  du  corps  du  général  Oudinot  sur  le  Lech ,  du 
mouvement  des  troupes  du  maréchal  Davoust ,  du  rassemble- 
ment de  l'armée  bavaroise,  du  passage  du  Rhin  par  les  quatre 
divisions  précédemment  destinées  pour  l'Espagne,  enflu  des 
ordres  donnés  aux  différents  contingents  de  la  Confédération 
rhénane  de  venir  Joindre  la  grande  armée  sur  le  Danube,  (c  Ces 
nouvelles ,  dit  un  général  autrichien  qui  a  écrit  la  relation  de 
cette  campagne  ' ,  firent  Juger  que  le  projet  de  Napoléon  était 

f  Le  tMron  de  Stutterheim. 


GUBRBB    D*ALLEWÀGNE.  ^  69 

de  concentrer  son  armée  sur  la  rive  droite  de  ce  fleuve  (  le  Da>-  4«mi. 
Dube) ,  afin  de  mettre  du  retard  dans  le  mouvement  de  la  ^  *®*~*™^* 
grande  armée  autrichienne,  dans  le  cas  où  celle-ci  voudrait, 
après  avoir  débouché  de  la  Bohème ,  passer  de  la  rive  gauche 
sur  cette  même  rive  droite.  On  crut  que  les  Français  pouvaient 
arrêter  ce  mouvement  en  laissant  un  corps  d'observation  sur  le 
Danube,  tandis  qu'ils Vassureraient  des  moyens  d'attaquer,  avec 
des  forces  supérieures ,  le  corps  du  général  Hiller,  destiné  à  * 
passer  Tlnn  et  à  entrer  en  Bavière.  On  voulut  ne  pas  s'exposer 
à  des  revers  en  détail ,  dès  l'ouverture  de  la  campagne  ;  on  ju* 
gea  Important  de  rapprocher  les  opérations  de  la  grande  armée 
de  celles  du  Tyrol  et  de  l'Italie,  et  il  fut  décidé  de  porter  la 
majeure  partie  des  forces  également  sur  la  rive  droite  du  Da- 
nube ,  d'autant  que^  le  commencement  des  hostilités  ayant  été 
ajourné  au  1 0  avril,  on  crut  pouvoir  faire  ce  grand  mouvement 
sans  qu'il  entraînAt  une  perte  de  temps  plus  considérable  que 
celle  qu'on  s'était  fixée.  » 

En  conséquence,  les  deux  premiers  corps  de  la  grande  ar- 
mée autrichienne  restèrent  en  Bohême,  sous  les  ordres  des 
généraux  comte  de  Bellegarde  et  comte  KoUowratb,  afin 
d'observer  la  mairche  du  corps  d'armée  du  maréchal  Davoust,  et 
d'occuper  progressivement  les  routes  qui  aboutissent  à  Bâtis- 
bonne,  Ingolstadt  et  Neuburg ,  tandis  que  les  3®,  4*  et  5*  corps, 
ainsi  que  le  1^'  de  réserve,  durent  passer  le  Danube  h  Lintz, 
pour  se  réunir  aux  deux  corps  que  le  général  Hitler  commandait, 
et  qui  étaient  cantonnés  entre  l'Ens  et  la  Traun ,  et  s'avancer 
ensuite  avec  eux  sur  l'Inn.  Ce  mouvement  fut  achevé  le  8  avril, 
et  le  gros  de  l'armée  autrichienne  se  trouva  ainsi  prêt  à  enva- 
hir la  Bavière. 

Voici  quelle  était  à  cette  époque  la  force  et  la  distribution  de 
cette  armée.  Le  i*'  corps,  comte  de  Bellegarde,  27,500»  hom- 
mes, était  à  Plan  ;  le  2*  corps ,  comte  de  Kollowrath,  23,300 
hommes,  se  trouvait  entre  Frauenberg  et  Pilsen.  Ces  deux  pre- 
miers corps  devaient  traverser  le  haut  Palatinat  et  opérer,  sur 
le  Danube,  leur  jonction  avec  le  gros  de  l'armée,  qui  se  dispo- 
sait à  passer  l'Inn  sur  trois  colonnes  formée  des  3' ,  4' ,  5^ ,  6^ 
corps  et  des  deux  corps  de  réserve,  savoir  :  le  S^  corps,  prince  de 
flobenzollern   23,900  hommes ,  à  Mûhlheim ,  en  partant  d'An- 


70  LIVRE    SIXIEME. 

t 

lllll^  dieseDhofen  ;  le  4*  coips,  prhice  Rosenberg,  24,90a  hommes^ 
Aiiiiiugne.  giig  |er  corpsdc  réserve,  prkice  Jean  de  Liechtenstein,  ia,000 
hommes,  à  Schârding,  en  partant  de  ce  lien  et  de  Taufkirchen; 
les  5^,  archiduc  Louis,  24,400  hommes;  6^,  général  Hiller, 
23,300  hommes,  et  le  2^  corps  de  réserve,  général  Kienmayer, 
6^960  hommes ,  entre  Braunau  et  Obemberg.  L'aile  gauche 
de  Tarmée  était  couverte  par  le  général  Jellachich,  qui  y  avec 
9,900  hommes  du  6^  corps ,  eut  Tordre  de  la  flanquer  par 
Wasserburg.  Quelques  détachements  de  troupes  de  ligne,  ap- 
poyés  par  douze  bataillons  de  landwehr  bohémienne,  obser-» 
valent,  sur  le^ittelgefairg  et  à  Carlsbad,  les  firontières  de  la  Saxe. 

Le  9  avril ,  Tarchiduc  Chartes  fit  parvenir  à  Munich  la  note 
suivante  adressée  au  général  en  chef  de  Tannée  française  : 

ff  D'après  une  déclaration  de  S.  M*  Tempereur  d* Autriche 
à  Tempereur  Napoléon ,  Je  proviens  monsieur  le  général  en  chef 
de  Tannée  française  que  j*ai  Tordre  de  me  porter  en  avant  avec 
les  troupes  sous  mon  commandement ,  et  de  traiter  en  enne- 
mies toutes  celles  qui  me  feront  résistance.  » 

Le  même  Jour,  Tavant-garde  autrichienne  effectua  le  pas- 
sage de  Tlim ,  et  les  hostilités  commencèrent  dès  le  lendemain , 
pendant  que  le  gros  de  l'armée  suivait  le  mouvement  de  Ta- 
vant-garde;  mais  ce  mouvement,  commencé  le  lo,  s'exécuta 
avec  plus  de  lenteur  que  ne  le  comportaient  les  dispositions 
arrêtées  par  le  prince  généralissime;  car  le  16  le  général  Hit- 
ler ne  se  trouvait  encore  qu*à  Velden  ;  Tarchiduc  Louis,  entre 
Geisenhausen  et  Vilsbiburg  ;  le  prince  de  Hohenzollern,  en  ar- 
rière de  ce  dernier  lieu  ;  le  prince  de  Liechtenstein  »  à  Binabi- 
burg;  Kienmayer,  à  Eckelhofen,  et  le  prince  Rosenberg,  à 
Frontenhausen.  A  gauche,  un  détachement  composé  d'un  ba- 
taillon et  trois  escadrons,  sous  le  major  Scheibler,  sVmpara  du 
pont  de  TIsar  à  Mosburg;  à  droite,  le  général  Veczay ,  avec 
trois  bataillons  et  huit  escadrons  du  4*^  corps  ,  avait  déjà  passé 
TIsar  à  Landau  et  atteint  Trieching  ;  Passau  fut  occupé  par 
trois  bataillons  et  un  escadron  du  même  corps,  qui,  avec  quel- 
ques bataillons  de  landwehr,  bloquèrent  le  petit  fort  d'Ober- 
haus. 

Dans  le  même  temps,  c'est-à-dire  le  10  avril,  les  opérations 
eorrespondantes  eurent  lieu  sur  tous    les  points.  Les  i"  et  2*^ 


GUBBES   D*ÀLLBiiA6NB.  7t 

corps,  qid  fornudeiit  comme  Taile  droite  de  l'année  db  Tarehl-  ifio. 
due  Charles,  quittèrent  la  Bohème ,  sons  les  ordres  da  comte 
de  Bellegarde,  l'un  par  Tirsehenreath  et  Neastadt,  Pantre  par 
Braauetsried,  et  se  réunirent  à  Wernberg,  ritué  à  Tembran* 
ciiement  des  deux  routes  qu'ils  venaient  de  suivre.  L'arehfdoe 
Ferdinand,  à  la  tète  du  7®  corps,  fbrmant  une  armée  séparée  et 
qui  s'était  avancé  Jusque  sur  la  frontière  qui  séparait  la  Pologne 
autrichienne  du  territoire  cédé  à  la  Saxe  par  le  traité  de  Tilsit , 
passa  la  Pilica  (  rivière  qui  se  Jette  dans  la  Yistule)  auprès  de 
Novemiasto,  et  déboucha  sans  obstacle  dans  le  grand-duché  de 
Varsovie.  Les  8^  et  9*  corps,  formant,  sous  les  ordres  [de  Tar-» 
chidoc  Jean ,  l'armée  autrichienne  d'Italie,  se  portèrent  rapi« 
dément  sur  le  TagliAmento.  Le  marquis  de  Ghasteler,  détaché 
avec  7,000  hommes  du  8^  corps ,  entra  dans  le  Tyrol  par  la 
viciée  dite  Pusterthal,  et  arriva  dès  le  12  près  de  Brixen;  un 
autre  détachement,  à  peu  près  d'égale  force  et  tiré  du  9*^  corps» 
fut  envoyé  en  Dalmatie,  sous  les  ordres  du  général  Stoichevrieh, 
pour  agir  contre  le  corps  d'armée  que  le  général  Marmont,  duc 
de  Raguse,  commandait  dans  ce  pays. 

La  disposition  adoptée  par  le  prince  Charles  pour  le  passage 
de  rinn  présentait  l'ordre  de  bataille  que  l'armée  autrichienne 
conserva  pendant  ses  premières  opérations  ;  ainsi ,  les  5*  et  e^ 
corps  formaient  la  gauclie;  le  3^,  le  centre;  le  4®  corps  et  le  2' 
de  réserve ,  la  droite.  L'archiduc  marcha  avec  cette  dernière 
aile. 

Les  troupes  bavaroises,  qui  se  trouvaient  en  première  ligne, 
avalent  reçu  Tordre  de  se  replier  sur  l'Isar.  La  cour  de  Ba- 
vière  venait  de  quitter  Munich  pour  se  rendre  à  Dillingen. 
Le  roi  Maximilien ,  en  se  séparant  de  ses  sujets  de  la  capitale, 
leur  adressa  une  proclamation  touchante,  dans  laquelle  il  leur 
rappelait  tous  les  efforts  qu'il  avait  faits  poar  assurer  leur  bon- 
heur, et  leur  donnait  Tespoir  que  son  illustre  allié,  l'empereur 
Napoléon ,  ne  laisserait  pas  longtemps  imptfni^  l'injuste  agres- 
sion des  Autrichiens.  La  première  division  bavaroise,  aux  ordres 
du  prince  royal,  occupait  encore  Munich;  le  général  Deroi,  avec 
la  seconde ,  était  a  Freising ,  et  le  général  de  Wrede  occupait, 
avec  la  troisième ,  une  position  en  arrière  du  col  dé  Straubiog. 
Cependant,  le  t5»  la  division  du  prince  royal  se  porta  à  Preising, 


73  UVftB  SIXISIIB. 

laoB-  ^''^  ^  général  Deroi,  de  là  à  Lancbhttt»  tamàm  que  le.  générri 
Aiieuugne.  ^  Wre4^>  afnrèsqttelque»  mouvements  entre  Eggmùhl  et  Abea- 
ftberg,  8'étal^lit  àBiborg,  sur  rAbeos. 

Biei^  que  Tempereur  Napoléon  crût  que  les  hostilités-  ne  com- 
menceraient pas  avant  la  fin  d'avril ,  il  avait  pris  des  précau- 
tions pour  ne  pas  être  surpris  si  la  guerre  éclatait  avant  cette 
époque.  I>onauwerth  et  Augsburg  avaient  été  mis  en  état  de 
défense  et  désignés  comme  principaux  point»  de  dép^.  Toutes 
les  troupes  venant  de  Touest  devaient  se  réunir  derrière  le  LecU  ; 
en  attendant,  les  Bavarois  devaient  observer  l'ennemi  entre 
risar  et  le  Danube.  Davoust  devait  prendre  positi<m  sar  la  rive 
gauche  de  ce  fleuve  et  diriger  un  fort  détachement  de  sea  trou- 
pes sur  Ratisbonne.  Le  la  avril,  Masaéna»  venant  d'Uim,  se 
rénnit  à  Oudinot,  qui,  depuis  le  commencement  du  mois,  can- 
tonnait dans  les  environs  d'Augsburg.  Le  contingent  wortcfn^ 
bergeois  arriva  en  même  temps  à  Donautrerth ,  et  la  division 
Rooyer,  formée  des  troupes  princiëres  de  Saxe,  au  nombre  de 
'  6,000  hommes^  arriva  à  logolstadt» 

Les  différentes  colonnes  de  Tarmée  autrichienne,  marchant 
dans  la  direction  de  l'Isar  et  parallèlement  à  cette  rivière, 
avaient  employé  six  jours  entiers  à  faire  un  trajet  d'une  ving- 
taine de  lieues  communes  de  France,  et  cette  lenteur,  dans  un 
mouvement  d*où  dépendait  le  succès  de  la  campagne,  allait 
avoir  des  suites  bien  graves  pour  les  intérêts  de  TAutriche.  Pen- 
dant ce  temps,  le  maréchal  Davoust,  qui  s*était  avancé  à  mar- 
ches forcées  sur  le  Danube^  passait  ce  fleuve  à  Ratisbonne  ;  la 
division  Deroi  se  formait  et  entrait  en  ligne  près  de  Vilsburg  ; 
le  corps  wurtembergeois  accourait  renforcer  Tarmée  bavaroise  ; 
le  général  Oudinot,  bientôt  suivi  par  le  maréchal  Masséna,  s'ap- 
prochait de  Pfaffenhofen,  sur  le  flanc  gauche  de  Tarmée  au- 
trichienne ;  enfin  Napoléon  lui-même  arrivait  pour  diriger  les 
opérations. 

Dès  le  10,  Bertiiier,  prince  de  Neuchâtel,  nommé  de  nou- 
veau major  général  de  Tarmée  française  en  Allemagne ,  était 
parti  de  Paris  pour  presser  la  réunion  des  différents  corps  et 
la  marche  des  contingents  de  la  Confédération  rhénane.  Le 
point  de  rassemblement  avait  été  fixé  à  Ratisbonne;  mais  cet 
ordre,  donné  par  Tempereur  dans  la  supposition  que  Tarmée 


AUeniais*^. 


OUftBRi  1>*ALLB1IA0NE.  73 

aotrkiiîeBne  ne  s'ébranteraft  point  immédiatenkent  après  U  dé-  ^,^9^ 
daratioo  de  guerre,  ne  pouvait  plus  recevoir  son  exécution 
alors  que  Tarchldue  s'avançait  sur  llsar.  Le  maréchal  Lefeb- 
vre,  commandant  Tarmée  bavaroise,  s'apercevant,  le  premier, 
dn  grave  inconvénient  qu'il  y  aurait  à  porter  ses  troupes  sur 
le  point  de  réunion  indiqué,  crut  plus  convenable  de  se  former 
derrière  risar,  pour  retarder  au  moins  les  progrès  de  Tarmée 
autrichienne.  Par  les  mêmes  considérations ,  le  corps  du  général 
Oudinot  et  celui  du  maréchal  Masséna  furent  dirigés  vers  la 
droite  de  l'armée  bavaroise ,  pour  la  soutenir  dans  ses  efforts. 
Le  maréchal  Davoust  suivit  seul  le  mouvement  qui  lui  était 
prescrit;  et,  n'ayant  point  reçu  de  contre-ordre,  il  descendit 
.  du  iiaut  Palatinat  vers  fiatislwnne,  en  faisant  couvrir  sa  gauche 
par  la  division  do  général  Friant,  qui  marcha  de  manière  à 
ot»erver  les  1^'  et  3^  corps  autrichiens,  débouchant  alors  de 
la  Bohème,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut.  L'avant-garde  du  corps 
d'armée  français  arriva  le  13  à  Hemau,  village  distant  de  six 
lieues  de  Ratisbonne.  Le  maréchal  Lefebvre,  dans  le  but  de  ga- 
gner du  temps,  et  de  donner  aux  troupes  du  maréchal  Masséna 
et  du  général  Oudinot  la  facilité  de  se  Joindre,  avait  ordonné  au 
général  Deroi  de  défendre  le  passage  de  J'Isar  près  de  Landshut. 
La  rive  droite  domine  en  cet  endroit  la  gauche,  et  rend  le  passage 
plus  fiicile.  Le  16,  au  matin,  les  colonnes  du  5*  corps  d'armée  au- 
trichien, où  l'archidue Charles  se  trouvait  en  personne,  se  pré- 
sentèrent devant  ce  point.  Les  troupes  i)avaroises ,  retirées  sur 
la  rive  gauche,  opposèrent  d'atrard  la  plus  vigoureuse  résistance 
à  la  tentative  de  l'ennemi;  mais,  foudroyées  par  les  nombreu- 
ses liatteries  de  ce  dernier,  elles  ne  purent  empêcher  la  recon- 
struction du  pont  de  Landshut.  Pendant  ce  temps,  l'avant-garde 
du  4®  corps  ennemi  passait  Tlsar  à  Dingolftngen  et  poussait 
ses  postes  vers  Straubhig.  La  gauche  de  la  division  ]>avaroise 
se  trouvant  débordée  par  ce  mouvement,  le  général  Deroi 
crut  devoir  ordonner  la  retraite,  qui  s'effectua  dans  le  meil- 
leur ordre.  Deux  régiments  de  cavalerie  et  deux  bataillons  d'in 
fiinterle  bavaroise  formaient  Tarrière -'garde,  et  la  division 
se  retira  d'abord  sur  Weihmicbel  et  Pfeflènhausen ,  et,  pen- 
dant la  nuit,  sur  Siegenburg,  derrière  l'Abens,  tandis  que 
la  division  du  prince  royal  se  retirait  jusqu'à  Pfaffenhofen. 


Ar>mi4gne. 


74  LIYBB  SlXlàlift. 

fmg.  Maft^  des  deu  rives  de  Tlaar,  et  voyant  se  retirer  devant 
lui  ies  Bavarois ,  rarchidiie  Gliarlea  conçut  le  prajet  de  pousser 
ces  troupes  sur  le  Danobe  y  de  les  inquiéter  dans  lenr  passage  » 
et  de  les  couper  du  corps  du  maréchal  Davoust,  en  traversant 
loi-méme  le  Danube  entre  BatJsbonne  et  Ingolstadt,  et  en  fiusant 
appuyer  ce  mouvement  par  les  l*"*^  et  2«  corps,  qaï  étaient  sur 
la  rive  gauche;  c*est-àHlire  en  portant  le  premier  par  Neu- 
markt ,  et  le  deuxième  par  Hemau ,  sur  Ratisbonne.  En  effet , 
le  17 ,  le  comte  de  Bellegarde  reçut  Tordre  de  diriger  le  l""'  et 
le  2'  corps  d'armée  À  Eichstâdt ,  ce  qui  fait  supposer  que  Far- 
chiduc  Charles ,  peosant  surprendre  les  colonnes  françaises  pen- 
dant leur  marche ,  avait  Tintention  de  franchir  le  Danube  entre 
Ingolstadt  et  Ratisbonne,  «t  de  concentrer  son  armée  à  Eicb- 
stfidt.  En  conséquence,  toutes  les  troupes  campées  dans  les  en- 
virons de  Landshut  s*avancèrent  sur  les  routes  de  Neustadt  et 
de  Kehlheim  Jusque  entre  Weihmichel  et  Aitdorf,  Hohenthann 
et  ErgoldiDg  ;  à  droite  le  géoéral  Veczay  se  porta  à  Geiselhôriog  ; 
à  gauche  le  général  Hiller  marcha  à  Mosburg  avec  le  gros 
des  troupes  :  la  tête  de  son  avant-garde  fut  dirigée  sur  Pfaf- 
fenhofen.  Si  ce  plan  eût  été  suivi  avec  activité  immédiatement 
après  le  passage  de  Tlsar,  les  Bavarois  étalent  acculés  au  Da- 
nube ,  les  deux  corps  du  général  Oudinot  et  du  maréchal  Mas- 
s^a  restaient  isolés  sur  la  rive  droite ,  et  Tarchiduc  Charles  y 
avec  plus  de  1 00,000  hommes ,  se  trouvait  sur  le  flan<ï  droit  et 
sur  les  derrières  du  maréchal  Davoust,  qui ,  ayant  en  tète  le» 
1«'  et  2^  corps ,  plus  nombreux  que  le  sien ,  ne  pouvait  effectuer 
sa  retraite  qu'avec  les  plus  grandes  difficultés. 

Toutesles  dispositions  furent  faites  pour  l'exécution  de  ce  plan, 
d'après  lequel,  comme  on  vient  de  le  voir,  les  3^,  4^  et  5^  corps,, 
et  le  1*^'  de  réserve  de  la  grande  armée  autrichienne ,  devaient 
marcher  sur  Siegenburg.  Le  6^  corps,  destiné  à  couvrir  ce  mou- 
vement par  la  gauche ,  devait  observer  Pfaffenhofen ,  pour  te- 
nir en  échec  le  général  Oudinot,  dont  le  corps  était  encore  aux 
environs  d'Augsburg.  Le  général  Hiller  avait  ordre  également 
d'attirer  à  lui  le  détachement  avec  lequel  le  général  Jellachich 
s'était  dirigé  sur  Munich,  où  il  était  entré,  le  16,  sans  éprouver 
de  résistance. 

Mais,  sur  ces  entrefaites,  et  pendant  que  l'armée  autrichienne 


GUEBRB   DALLKlfAeNÉ.  7$ 

eonUniiait  son  moavemeBt  vers  Pfeffenhaasen  el  Boltenbarg,  iso<). 
rarchiduc  Charles  fut  informé  qoe  le  maréchal  Davoast  Tenait  ^>«"-*s<>c 
d'arriver,  avec  son  corps  d*arniée,  à  Ratlsbonne  et  anx  envi^  . 
roDs,  et  qa*il  se  préparait  à  se  réanir  aux  Bavarois  sur  la  rivière 
d* Abens.  Cette  circonstance  détermina  le  prince  à  chan^^  ses 
pronlères  dispositions  et  a  marcher  directement  snr  le  maré- 
chal ,  ponr  Tattaqner  an  moment  où  il  déboncherait  de  Ratis- 
bonne  y  et  il  dot  se  borner  à  laisser  senlement  un  corps  d'ob- 
servation devant  les  Bavarois,  an  lieu  de  les  accoler  au  Danube, 
comme  c'était  son  intention  première.  En  conséquence,  le  gé- 
néral Yeczay  fut  dirigé  sur  Eggmâhl ,  les  corps  des  princes  de 
Bohenzoliern ,  de  Rosenberg  et  de  Liechtenstein,  renforcés 
par  de  nombreux  détachements  tirés  des  autres  corps ,  furent 
réunis  à  Rohr»  pour  marcher  contre  le  maréchal  Davoust  ^  que 
le  comte  Kollowrath  eut  l'ordre  d'occuper  sur  la  rive  gauche 
du  Danube.  Pour  couvrir  le  flanc  gauche  et  les  derrières  des 
corps  qui  se  portaient  en  avant,  le  général  Kienmayer  prit 
position  à  Pfeffenhausen ,  l'archiduc  Louis  à  Ludmannsdorf  » 
ayant  son  avant-garde  à  Siegenburg ,  et  un  détachement  se 
porta  à  Mainburg,  pour  établir  la  communication  avec  HiUer, 
qui  eut  Tordre  de  rester  encore  à  Mosburg  pour  y  attendre  la 
division  du  général  Jellachich.  Ces  dispositions  furent  exécu- 
tées le  18.  Toutes  les  chances  de  succès  étaient  en  faveur  de 
l'armée  autrichienne,  dont  les  forces  présentaient  une  masse 
de  90,000  hommes,  auxquels  il  convient  d'ajouter  encore  les 
i«r  £t  2^  corps,  qui,  placés  sur  la  rive  gauche  du  Danube  y.  au- 
raient pu  d'autant  mieux  prendre  part  à  l'attaque  principale 
qu'ils  se  trouvaient  sur  les  derrières  du  maréchal  Davoust, 
qu'ils  avaient  ordre  de  suivre  et  de  serrer  de  près.  Dans  la  po- 
sition présente  des  différents  corps  de  l'armée  française ,  il 
leur  devenait  impossible  de  combiner  leurs  mouvements.  Le  ma- 
réchal Davoust  était  à  Ratisbonne  avec  un  peu  plus  de  40,000 
hommes,  éloigné  des  Bavarois,  alors  rassemblés  sur  l'Abens,  au 
nombre  de  27,000  hommes;  le  corps  wurtembergeois,  qui  de- 
vait se  réunir  avec  ces  derniers,  et  qui  comptait  12,000  combat- 
tants ,  ne  pouvait  faire  sa  Jonction  que  le  19  au  soir,  en  mettant 
la  plus  grande  célérité  dans  sa  marche;  le  corps  du  général 
Oudinot,  fort  de  15,000  hommes,  en  marche  sur  Pfaifen- 


n 


76  LIVBK  SIXliVE. 

iimo.  hofen ,  ne*  devait  y  arriver  que  le  19  dans  la  soirée;  celui  dir 
Aieniagnc.  ,Tf,j|,^ijj||  Masséua ,  dont  les  quatre  divisions  formaient  un  ef- 
'  fectif  de  vingt-cinq  mille  baïonnettes ,  n'avait  point  encore  dé- 
passé Augsburg»  et  nous  venons  de  dire  plus  haut  que  ces  deux 
corps  français  pouvaient  être  contenus  par  le  6*^  corps  autri- 
cliien,  que  nous  n'avons  pas  compris  dans  la  masse  des  90,000 
liommes  concentrés  à  Rohr  et  à  Siegenburg. 

Avant  de  faire  connaître  les  suites  de  ce  grand  mouvement 
de  l'armée  autrichienne ,  nous  devons  appeler  l'attention  de  nos 
lecteurs  sur  les  dispositions  que  faisait  alors  l'empereur  des 
Français  pour  repousser  la  yigooreuse  agression  de  son  ennemi. 

Dans  la  soirée  du  12  avril,  Napoléon  avait  été  informé  à 
Paris  »  par  une  dépêche  télégraphique  »  du  commencement  des 
hostilités  en  Allemagne  :  ce  fut  le  signal  de  son  départ.  Il  arriva 
le  16  à  Dillingen,  sur  le  Danube,  et  y  trouva  le  roi  de  Bavière,  ■ 
qui ,  de  Munich,  s^était  retiré  sur  cette  ville,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut.  Accueilli  par  la  cour  de  Bavière  comme 
un  libérateur,  Napoléon  promit  à  Maximilien  de  le  ramener 
avant  quinze  jours  dans  sa  capitale.  Le  17 ,  il  se  rendit  à  Do-- 
nauwerth ,  où  le  quartier  général  impérial  se  trouvait  déjà  éta- 
bli, et  il  s'occupa  sur-le-champ  à  donnerions  les  ordres  que 
les  circonstance^  rendaient  nécessaires.  Afin  de  dissiper  l'in- 
quiétude que  l'infériorité  numérique  actuelle  de  l'armée  fran- 
çaise pouvait  lui  donner,  il  fit  mettre  à  l'ordre  la  proclamation 
suivante  : 

cr.  Soldats  I  le  territoire  de  la  Confédération  du  Rhin  a  été 
violé.  Le  général  autrichien  veut  que  nous  fuyions  à  l'aspect  de 
ses  armes  et  que  nous  lui  abandonnions  nos  alliés;  H  arrive 
avec  la  rapidité  de  l'éclair. 

a  Soldats!  j'étais  entouré  de  vous  lorsque  le  souverain  de 
l'Autriche  vint  à  mon  bivouac  de  Moravie;  vous  Tavez  enteudu 
implorer  ma  clémence,  et  me  jurer  une  amitié  éternelle.  Yain- 
k  queurs  dans  trois  guerres ,  l'Autriche  a  dû  tout  à  notre  géné- 
rosité;, trois  fois  elle  a  été  parjure  III  Nos  succès  passés  nous 
sont  un  sûr  garant  de  la  victoire  qui  nous  attend.  Marchons 
donc,  et  qu'à  notre  aspect  l'ennemi  reconnaisse  son  vain- 
queur. » 

Devinant  en  partie  Tintention  de  l'archiduc  Charles ,  Napo- 


GUEBBB    D*ALIJLifA6NB.  77 

léoo  réiolttide  prendre  Ini-méme  l^offeosive  sans  attendre  plus      («tg. 
longtemps,  et,  'pour  cet  effet ,  transportant  son  quartier  gène-  ^"«^n^sne 
rai  à  Ingolstadt,  il  ât  porter,  le  18»  par  Taide  de  camp  du 
prince  de  Nenchétel,  Galbols,  Tordre  au  maréchal  Davonst  de 
déboucher  sur-le-champ  de  Ratisbonne ,  pour  venir  se  réunir  à 
l'année  bavaroise  sur  TAbens. 

Pressé  par  la  rapidité  des  événements,  nous  avons  négligé 
d'entrer  dans  les  détails  de  la  marche  du  corps  de  Davoust 
vers  le  Danube;  mais,  comme  cette  marche  se  lie  aux  mouve- 
ments dont  nous  allons  rendre  compte,  il  convient  maintenant 
de  la  faire  connattre.  £p  se  portant  sur  Ratisbonne^  confor- 
mément à  Tordre  qu'il  en  avait  reçu  du  prince  de  NeuchâteU 
le  maréchal  duc  d'Auerstfidt  avait  cru  devoir  masquer  ce  mou- 
vement, et  faire  supposer  à  Teonemi  que  son  intention  était  de 
gagner  Ingolstadt ,  pour  venir  s'établir  sur  le  Lech  avec  les 
corps  d'Oudinot  et  de  Masséna.  En  conséquence,  il  donna  Tor- 
dre an  général  Priant ,  dont  la  division  était  encore  le  8  à  Bay- 
renth ,  de  marcher  sur  sa  gauche  pour  contenir  les  avant-gardes 
des  l^"*  et  2®  corps  autrichiens  déboueliant  alors  de  la  Bohème , 
ainsi  qu'on  Ta  vu  plus  haut.  Dans  ce  mouvement  partiel ,  le 
général  Priant  fut  constamment  aux  prises  avec  l'ennemi ,  qu'il 
sut  repousser  avec  sa  fermeté  et  son  habileté  ordinaires,  tandis 
que  les  divisions  Gudin ,  Morand  et  Saint-Hilaire  s'avançaient 
tranquillement  sur  le  point  qui  leur  était  indiqué.  Ainsi,  l<i 
plus  grande  partie  du  corps  d'armée  était  déjà,  le  12,  aux  en- 
viions de  Heroau ,  à  une  marche  de  Ratisbonne,  lorsque  la  di- 
vision Priant  quittait  à  peine  Amberg  pour  passer  la  Vils,  dont 
elle  détruisit  tous  les  ponts ,  et  venir  ensuite  pi-endre  position  à 
Neumarkt.  Par  ce  moyen,  et  grâce  à  Textrème  circonspection 
du  général  Bellegarde ,  qui  commandait  en  chef  les  deux  corps 
autridiiens,  ceux-ci  se  trouvaient  à  une  trop  grande  distance 
du  Danui>e  pour  contrarier  le  mouvement  du  maréchal  Da- 
voust. 

Le  16,  la  division  Priant  se  dirigea  sur  Dasvang,  où  elle 
prit  position  ;  deux  jours  après ,  elle  reçut  Tordre  de  s'avancer 
sur  Ratisbonne  et  d'y  passer  le  Danube.  Le  maréchal,  qui 
avait  l'ordre  de  partir  de  cette  ville  le  18,  ne  put'  se  mettre 
en  marche  que  le  lendemain  à  la  pointe  du  jour,  les  dernières 


78  LTVBB   SIXIÈME. 

1800.      troupes  de  la  division  Priant,  venant  de  Hemau,  n'étant  arri* 
Allemagne,  ^^esque  le  18  au  soir. 

En  portant  la  plus  grande  partie  de  ses  troupes  sur  la  rive 
droite  du  Danulie ,  le  maréchal  Davoust  avait  eu  la  précaution 
de  laisser  sur  la  rive  gauche  des  forces  suffisantes  pour  occuper 
les  hauteurs  devant  Ratisbonne,  et  assurer  ainsi  la  retraite  de 
la  division  Priant  et  de  quelques  autres  détachements  qui  étaient 
en  marche  sur  ce  point.  De  cette  manière,  le  fauhourg  de  Ra- 
tisbonne  appelé  Stadt-am-Hoff  formait  comme  une  tête  de 
pont,  devant  laqueiLe  les  troupes  étaient  postées,  ayant  leur 
droite  sur  le  mont  de  la  Trinité,  et  leur  gauche  sur  les  hauteurs 
dites  Karrerhôhen.        ^ 

Le  général  Klenau ,  commandant  l'avant-garde  du  2^  oorps 
autrichien ,  était  arrivé  le  16 ,  par  Kirn ,  sur  les  hauteurs  de 
Reinhausen  près  de  Ratisbonne.  Le  17,  il  attaqua  les  postes 
français  sur  la  Regen ,  s'empara  des  villages  de  Salem  et  de 
Weichs^  et  établit  des  batteries  sur  la  hauteur  au-dessus  de 
Reinhausen  et  au  confluent  de  la  Regen  et  du  Danube ,  d*où 
il  enfilait  les  batteries  que  les  Prançais  avaient  élevées  sur  le 
Steinweg,  devant  le  fauhourg  de  Stadt-am-Hoff.  Cette  disposi- 
tion hâta  le  passage  des  troupes  françaises.  Le  18 ,  le  2"  corps 
autrichien- se  réunit  âKirn^  pour  attaquer,  le  lendemain,  le 
mont  de  la  Trinité ,  et  dans  Fespoir  d'empêcher  la  division 
Priant  de  passer  le  Danube;  mais  un  pareil  mouvement  était 
déjà  trop  tardif,  puisque ,  ce  même  jour,  ce  corps  prenait  po- 
sition sur  la  rive  droite. 

Le  19 ,  le  général  Kollov^'rath ,  commandant  le  2®  corps  en* 
nemi,  s'avança,  à  la  tête  de  10  bataillons  et  de  12  escadrons, 
sur  les  hauteurs  de  Karrei*hôhen ,  qu'il  trouva  abandonnées. 
Peu  de  temps  après,  ayant  entendu  une  forte  canonnade  dans 
•  la  direction  d'Abensberg,  il  jugea  que  le  maréchal  Davoust  se 
trouvait  aux  prises  avec  l'armée  de  Tarchiduc.  Dans  cette  con- 
joncture, le  général  autrichien  n'hésita  point  à  attaquer  la  ville 
de  Ratisbonne,  où  le  maréchal  Davoust  avait  laissé  le  65^  ré- 
giment de  ligne,  sous  les  ordres  du  colonel  Coutai*d.  Après  une 
canonnade  assez  vive,  le  faubourg  de  Stadt-nm-Hoff  fut  em- 
porté par  un  bataillon  de  la  colonne  autrichienne;  mais  les 
Français ,  qui  avalent  barricadé  la  porte  du  pont,  s'y  défend!- 


Tonu?  10 .  Pitçr 


. GUEBas   DALLEMÀeNB.  39 

rent  si  opiniAtrément  que  le  général  ennemi  cnii  doToir  atten*  imo. 
dre  jusqu*aQ  lendemain  pour  renouveler  Une  attaque  où  il  avait  ^*'"**«"«* 
déjà  perdu  i>eaacoup  de  monde.  Le  30 ,  il  envoya  un  parlemen- 
taire pour  sommer  le  colonel  Coutard  d'évacuer  la  ville,  et  lui 
accorda  à  cette  effet  un  délai  de  dix  heures  ;  mais ,  sur  ces  en- 
trefaites, le  prinoie  de  Liechtenstein^  commandant  le  1^'  corps 
de  réserve  de  l*armée  autrichienne,  étant  arrivé  sur  la  rive  droite, 
s'avança  vers  la  ville,  et,  sans  avoir  égard  à  la  négociation  en- 
tamée ,  il  menaça  de  donner  l'assaut.  Dans  cette  situation  cri- 
tique, le  colonel  Coutard,  ayant  épuisé  toutes  ses  munitions, 
capitula  aux  conditions  que  lui  imposa  Tennemi ,  et  les  batail- 
lons du  65^  régiment  restèrent  prisonniers  de  guerre. 

L'abandon  de  ce  régiment  dans  Batisbonne  était  un  sacrîAce 
que  le  maréchal  Davoust  avait  jugé  nécessaire  pour  retarder  la 
marche  des  corps  autrichiens  qui  étaient  sur  la  rive  gauche  du 
Danul>e.  En  effet,  le  temps  que  l'attaque  de  la  ville  fit  perdre 
aux  colonnes  ennemies,  servit  beaucoup  les  opérations  sur  la  rive 
droite  ;  mais  ce  n'était  point  assez  d'un  régiment  pour  défendre  la 
vaste  enceinte  de  Ratisbonne ,  et  la  perte  de  cette  place  altérait 
la  partie  la  plus  décisive  du  plan  de  l'empereur. 

Jonction  du  corps  d'armée  du  maréchal  Davousi  avec  l'aT"  i9  avril. 
mée  bavaroise;  bataille  de  Tann  ;  combats  d'Amhofen  ei  de 
Pfaffenhofen.  —  Nous  avons  dit  que  l'empereur  Napoléon , 
d'après  les  premiers  rapports  qui  lui  avaient  été  faits  sur  les  ma- 
manœuvres  de  Tarmée  ennemie,  avait  envoyé  au  maréchal  Da- 
voust l'ordre  de  se  mettre  en  marche  sur-le-champ  pour  venir 
joindre  l'armée  bavaroise  sur  l'Abens. 

Le  maréchal  duc  de  Dantzig  devait  faciliter  ce  mouvement 
en  attaquant  les  troupes  ennemies  qu'il  avait  devant  lui^  tandis 
que  le  général  Oudinot  s'avancerait  sur  Pfhffenhofen ,  afin  de 
se  placer  entre  la  gauche  dé  l'armée  principale ,  postée  à  Main- 
bargy  et  le  corps  détaché  du  général  Jdlachich,  qui  était  à 
Munich.  Ce  dernier  mouvement  devait  être  appuyé  par  le  corps 
d'armée  du  maréchal  Masséna,  alors  en  marche  sur  Augsburg 
et  près  d'atteindre  cette  ville.  Toutes  ces  dispositions  tendaient 
à  effectuer  la  réunion  prompte  et  complète  'des  forces  dont  Na- 
poléon pouvait  disposer  en  ce  moment  pour  repousser  l'armée 
de  l'archiduc  Charles  et  délivrer  la  Bavière.  Le  corps  wurtem* 


80  UVBB    SIXIBUR. 

190».     bergeoH»,  commandé  par  le  général  Vandamrae,  était  alors  sur 
Afipoiasiie.  |g  point  d'arriver  à  Abensberg. 

Ckminie  on  l'a  déjà  vu,  le  maréchal  Davoust  commença 
son  mouvement  le  19  avril,  à  la  pointe  du  Jour,  et  se  diri- 
gea vers  Abensl)erg,  les  troupes  marchant  sur  trois  colonnes. 
Tout  son  corps  d'armée  était  alo»  réuni ,  à  Texception  du  Oâ"-* 
régiment,  laissé  à  Ratist)onne.  Indépendamment  des  quatre 
divisions  d'infanterie  Priant,  Gudin,  Morand  et  Saint-Hilai- 
re,  le  maréchal  avait  encore  sous  ses  ordres  la  division  de 
cuirassiers  commandée  par  le  générai  Bonardi-Saint-Sul- 
pice,  et  celle  de  cavalerie  légère  aux  ordres  du  général  Mont- 
brun. 

La  première  colonne,  composée  de  la  division  de  cuirassiers, 
des  équipages  et  du  parc  d^artiilerie,  marcha  parla  chaussée 
sur  Abbach  et  Ober-Saal ,  en  longeant  le  Danube;  la  2^,  for- 
mée des  deux  divisions  Morand  et  Salnt-Uilaire,  par  Hohen- 
Gebraching,  Sudorf,  Peising,  Teugen  et  Mittel-Feking,  et  la  3"", 
formée  des  deux  divisions  Gudin  et  Priant,  par  Hinkofen,  Weil- 
lolie,  Saaihaupt  et  Gber-Peking. 

La  division  de  cavalerie  légère  du  général  Montbrun  et 
quelques  bataillons  d'infanterie  légère  faisaient  L'arrière-garde 
et  couvraient  la  marche  des  trois  colonnes  par  Alten-Egglofs- 
helni,  Luckenpoint  et  Dinziing. 

Le  rnsyréchal  Davoust  avait  dépassé  le  village  de  Gaiisbach 
lorsqu'il  apprit  que  l'armée  ennemie  s'avançait  sur  lui  par  Lang- 
quald  et  Tann.  Il  flt  arrêter  de  suite  la  marche  de  la  division 
Saint- Hilaire,  qui  arrivait  à  Teugen',  et  lui  ftt  prendre  posi- 
tion sur  la  lisière  d'un  bois  en  avant  de  ce  village  et  derrière 
celui  de  Hausen,  qui  fut  occupé  par  une  avant-garde. 

Le  général  Priant ,  qui  se  trouvait  en  avant  de  Schmithof , 
arrêta  également  sa  division;  et  fit  les  dispositions  nécessaires 
pour  soutenir  celle  du  générai  SaintrHilaire. 

Les  divisions  Morand  et  Gudin  eurent  ordre  de  continuer 
leur  marche,  par  Buchdorf,  sur  Arnhofen,  où  elles  devaient 
joindre  la  gauche  de  l'armée  bavaroise.  La  division  du  gcncral 
Montbrun  couvrait  le  délllé  d* Abbach,  et  s*appuyait,  comme 
on  l'a  vu  y  à  la  gauche  du  général  Priant.  Tout  le  tcrrciin, 
coupé  de  bois,  de  ravins,  de  monticules  et  de  déniés ,  est  sin- 


«OKBRB   D*ALLEIfAGnE.  81 

gaHèrement  flivorable  à  la  défensive ,  et  propre  à  déguiser  le      im». 
nombre  des  troupes  dont  on  peut  disposer.  Aiicin.iRnc. 

Nous  devons  faire  oomiattre  maintenant  le  mouvement  de 
l'armée  ennemie. 

Les  troupes  que  l'ardiiduc  Charles  avait  réunies  autour  de 
Rohr  s'étaient  mises  en  marche  à  trois  heures  du  matin  sur 
trois  eolonnes  principaie»,  dans  la  direction  de  Batisfoonne, 
pour  attaquer  le  marédial  DavoQst  et  empêcher  sa  réunion 
avec  l'armée  bavaroise.  La  première ,  formée  par  le  3^  corps  de 
la  grande  armée ,  s'avançait  parTeugen»  Bacheiet  Grossmus, 
snrHausen;  le  prince  de  Hohenzollern  devait  détacher  une 
forte  brigade,  commandée  par  ie  général  Thierry,  sur  les  hauteurs 
de  Kirchdorf ,  afin  d*ol)server  les  Bavarois  vers  Biburg  sur  TA- 
bens  et  assurer  en  même  temps  la  communication  avec  le  5^  corps 
d'armée,  porté,  comme  nons  l'avons  dit  plus  haut,  près  de  Sic- 
genburg  et  Ludmannsdorf .  La  moitié  de  cette  première  colonne 
devait  attaquer  Abbach ,  où  le  maréchal  Davoust  avait  envoyé 
an  bataillon  ;  l'autre  moitié  devait  se  porter  à  Peising  au  soutien 
de  la  première.  Pour  assurer  Hohenzollern  contre  une  attaque  du 
maréchal  Lefebvre,  il  devait  être  renforcé  parle  6* corps  rappelé 
de  Mosburg.  La  3^  colonne,  qui  se  composait  du  4"  corps  et  de 
douze  bataillons  de  grenadiers,  tirés  du  corps  de  réserve ,  s'a- 
vançait par  Langquaid  sur  Dinzling  et  Weiilohe  ;  enfin  »  la  S^ 
formée  du  reste  de  la  réserve^  s'avançait  également,  par  Lang- 
quaid, Schierling  et  Eggmùhl,  sur  la  route  de  Ratisbonne^  ayant 
pour  avant-garde  la  brigade  du  général  Yeczay.  Le  général 
Kienmayer,  avec  cinq  bataillons  et  six  escadrons^  se  trouvait  à 
Pleffenhansen  en  arrière  de  l'archiduc  Louis.  Le  général  Messko 
était  à  Mainburg,  avec  deux  t>ataillons  et  deux  escadrons,  pour 
établir  la  communication  avec  le  6*  corps,  qui  avait  un  bataillon 
et  trois  escadrons  à  Pfaffenhofen,  d'où  le  prince  royal  de 
Bavière  s'était  retiré  le  19  au  matin  pour  se  réunir,  par  Rei- 
chevtshofen,  aux  divisions  Deroi  et  de  Wrede,  derrière  l'A- 


On  voit  par  ces  dispositions  que  les  deux  dernières  colonnes 
ennemies  avaient  une  direction  trop  à  droite,  et  allaient  néces- 
sairement se  trouver  tropéloignées  du  véritable  point  de  rencon- 
tre, qui  devait  être  entre  Abbach  et  Abensberg,  pour  que  Tarchi- 

I.  6 


82  LIVBE    SlXlàMB. 

iw\      due  pût  rénnait  dans  te  dessein  qu'il  avait  formé  d'éeraser  le 
Aiirniasiic.  ç^ppg  ^^  maréchal  Davonst. 

Les  premiers  engagements  entre  les  deni  partis  earent  lieu 
vers  neuf  heures  du  matin.  Un  détachement  qui  éclairait  la 
gauche  de  la  2®  colonne  autrichienne,  en  marche  sur  Dinzling, 
rencontra  les  Français  au  village  de  Sdineidart  et  tirailla  avec 
eux.  L'archiduc  Charles,  qui  mardiait  avec  cette  deuȏme  co- 
lonne, la  fit  former  de  suite  sur  les  hauteurs  de  Gruh,  pour  at- 
tendre la  première  colonne ,  qui  devait  déboucher  sur  Hausen. 
Aussitèt  que  la  tète  de  cette  colonne  parut ,  la  deuxième  conti- 
nua à  s'avancer  vers  Dinzling,  à  l'ejceeption  des  douze  batail- 
lons de  grenadiers  de  réserve,  que  l'archiduc  garda  avec  lui 
sur  les  hauteurs  de  Grub  pour  observer  l'attaque  et  être  à  même 
de  se  porter  sur  le  point  le  plus  critique. 

La  première  colonne  ennemie,  en  s'approehant  de  Hausen , 
trouva  ce  village  occupé ,  comme  nous  l'avons  dit ,  par  un  dé- 
tachement de  la  division  Saint-HUaire.  Le  prince  de  Hohenzol* 
lem,  commandant  le  z^  corps  d'armée»  rangea  ses  troupes  en 
bataille  de  manière  à  fidre  face  aux  divisions  Salnt-Hilaire  et 
Frianty  disposées  sur  toute  la  lisière  du  bois»  en  avant  du  vil- 
lage de  Teugen.  Les  deux  troupes  qui  se  trouvaient  ainsi  en  pré- 
sence étaient  àpeu  près  d'égale  force*  Le  général  Wukassov^ich» 
soutenu  par  la  division  du  général  Lusignan ,  emporta  d'abord 
le  village  de  Hausen^  et  passa  le  défilé  pour  venir  attaquer  la 
division  Saint-Hilaire  dans  le  bois  de  Teugen.  Ce  bois,  qui  s'a- 
vance en  pointe  vers  Hausen,  s'élève  et  s'étend  en  amphithéâtre 
vers  le  village  dont  il  porte  le  nom  ;  les  Autrichiens  cherchèrent 
à  pénétrer  par  le  chemin  qui  le  traverse  :  six  régiments  s'y  pré- 
sentèrent successivement  ;  mais»  constamment  accablés  par  le  feu 
croisé  des  bataillons  de  la  division  Saint^ilaire ,  il  leur  fût  im- 
possible de  (aire  des  progrès  dans  l'intérieur  du  bois. 

Pendant  ce  temps ,  une  nuée  de  tirailleurs  détachés  de  la 
droite  de  la  ligne  autrichienne  attaquait  Textrème  gauche  dn 
général  Priant ,  formée  par  un  bataillon  du  1 5^  régiment  d'in^ 
fsnterie  légère,  que  commandait  le  colonel  Desailly,  sous  les 
ordres  du  général  Gilly.  Celui-ci,  avec  la  poignée  de  braves 
qu*il  avait,  opposa  la  plus  vigoureuse  résistance  aux  efforts  de 
4ses  adversaires,  et  donna  le  temps  au  général  Priant  de  te&ire 


GVBBRt   D'ALLEMAGNE.  83 

seednrirpar  us  iyartftHlon  du  48^  L'ennemi  fut  ainsd  contenu      ijtog. 
sur  tout  le  fhmt  de  la  division  Friant  et  éprouva  une  perte  cou-  a"'^"»**»^*- 
sidérable.  Le  général  Oflly,  le  colonel  Desallly  et  le  chef  de 
bataillon  Schmith  se  distinguèrent  particulièrement. 

La  journée  se  passa  dans  ces  attaques  meurtrières  et  néité- 
rées.  La  réserve ,  que  Tarcliidnc  avait  gardée  sur  les  hauteurs 
de  Otub,  et  qui  s'avança  ou  soutien  de  la  première  colonne , 
fit  des  efforts  aussi  vains  que  ceux  du  S^  eorps  ;  robscurité  et 
un  orage  terrible  qui  éelarta  vers  sept  heures  du  soir  mirent  fin 
h  ce  combat  opiniâtre.  Les  divisions  Saint-Hilaire  et  Friant  bi- 
vouaquèrent sur  le  champ  de  bataille ,  les  divisions  Morand  et 
Gudin,  à  Amhofen,  et  la  cavalerie  du  général  Saint^Sulpice 
s'arrêta  près  d'Ober-Saal. 

Les  Autrichiens,  dans  cette  lutte  si  infructueuse  pour  eux , 
avaient  perdu  beaucoup  plos  de  monde  que  leurs  adversaires; 
plusieurs  de  leurs  généraux ,  entre  autres  les  princes  Louis  et 
Maurice  de  Liechtenstein  et  le  général  de  Lusignan,  un  grand 
nombre  d'offtciers  et  de  soldats  étalent  blessés;  près  de  3,000 
morts  restaient  sur  le  champ  de  bataille. 

Les  Français  avaient  fiiits  700  prisonniers  ;  ils  obtenaient 
d'ailleurs  par  Ce  combat ,  qui  couvrait  de  gloire  les  divisions 
Saint-Hilaire  "  et  Friant,  Timmense  avantage  d'opérer  leur 
Jonction  avec  Tarmée  bavaroise,  et  de  se  trouver  plus  en  force 
sur  l'extrême  gauche  de  l*archiduc  Charles  et  l'extrémité  droite 
du  5®  corps,  commandé  par  Farchiduc  Louis  ;  enfin  ils  allaient 
être  en  mesure  de  prendre  l'offensive  au  moment  même  où  la 
défensive  semblait  leur  présenter  les  chances  les  plus  hasar- 
deuses. Cette  série  de  combats  entre  les  villages  de  Schneid- 
harty  Hausen  et  Teugen ,  prit  le  nom  de  bataille  de  Tann,  petite 
ville  en  avant  de  laquelle  ils  furent  livrés. 

Pendant  rengagement  que  nous  venons  de  rapporter,  les 
deux  autres  colonnes  de  Tarmée  ennemie  avaient  continué  leur 
mouvement.  La  deuxième ,  commandée  par  le  prince  de  Ro- 
senberg,  avait  pris  position  à  DInzIing,  suivant  les  Instructions 
de  Tarchiduc,  après  avoir  poussé  devant  elle  quelques  déta- 

■  Lé  Bollelni  oîMà  eite  le  7î*  régimeat  de  ligne  de  cette  division  comme 
s'étaot  |ilus  particulièrement  distingué  dms  cette  acUon. 


84  LIVBE  SIXIÈMS,  • 

1009.  chemeuts  de  la  division  du  générai  Montbciuiy  qui,  eomne 
AUetiiasoe.  j^^yg  l'avons  dit,  couvrait  la  marche  du  maréchal  ûavoust 
La  3^  colonne ,  commandée  par  le  prince  Jean  de  Liechten- 
stein, s'avançait  d'Ë^gmùhi  sur  Ratisbonne  ^ 

Les  deux  divisions  Morand  et  Gudin  avaient  également  con- 
tinué leur  marche  vers  Abensberg. 

Nous  avons  dit  que  le  maréchal  Lefebvre  avait  ordre  de  &- 
dliter  la  Jonction  du  maréchal  Davoust,  en  faisant  attaquer 
par  les  Bavarois  les  troupes  du  général  Thierry^  qui  étaient  en 
observation  devant  lui,  et  qui  consistaient  seulement  en  cinq 
bataillons  et  six  escadrons  distraits  de  la  première  colonne  ou 
plutôt  du  8®  cx>rps  de  l'armée  autrichienne,  ainsi  qu^on  l'a  vu 
plus  haut.  Ce  détachement  se  trouvait  isolé  et  ne  pouvait  être 
soutenu  ni  par  le  3®  corps,  alors  engagé  en  avant  de  Tann, 
ni  par  le  5^  corps,  posté  à  Siegenburg  pour  observer  la  droite  de 
Tarméc  bavaroise  sur  TAbens. 

Les  colonnes  bavaroises  repoussèrent  sans  beaucoup  de  peine 
les  troupes  du  général  Thierry,  qui  les  avait  éparpillées  entre 
les  villages  d'Arnhofcn,  de  Pruck  et  de  KIrchdorf,  sur  une  ligne 
de  plus  d'une  lieue  et  demie  d'étendue.  La  division  Morand,  par- 
venue au  village  d*Arnhofen ,  au  moment  même  où  les  Bavarois 
commençaient  à  s'engager,  contribua  au  succès  de  l'action  en 
culbutant  la  troupe  qui  se  trouva  devant  elle.  Le  régiment  au- 
trichien de  Lôvenher  (dragons),  entouré  par  les  chevau-légers 
bavarois,  fut  presque  entièrement  détruit  et  perdit  son  colonel. 
Thierry  se  retira  ensuite  à  Offenstetten. 

Dans  le  même  temps,  Je  général  Oudlnot,  parti  le  18  d'Augs- 
burg,  rencontrait  à  Pfalfenhofen  un  détachement  du  6^  corps 
de  l'armée  autrichienne,  le  culbutait  et  faisait  occuper  le  vil- 
lage. Le  major  Scheibler,  qui  commandait  la  troupe  ennemie, 
se  replia  en  désordre  sur  le  gros  du  6*^  corps,  alors  en  marche 
sur  Mainburg. 

'  On  a  TU  plus  liauft  qu^elle  y  arriva,  le  20,  assez  à  temps  poar  rompre  la 
première  négociation  que  le  colonel  du  65*  régiment  de  ligne,  Coutard,  avait 
entamée  avec  le  général  Kollowratli,  négociation  par  laquelle  le  régiment 
français  aurait  eu  la  faculté  d'évacuer  la  ville  et  de  suivre  le  mouvement 
du  maréchal  Davoust,  au  lieu  d'être  forcé  h  déposer  ses  armes,  comme  l'exi- 
gea le  prince  de  Lieclitenslein. 


OITBBBB   d'aLLEHAGNB.  85 

Le  général  Vandainme  arriva  dans  la  soirée  du  19  à  Abens-      «sog. 
berg ,  avec  le  corps  wurtembergeois.  AUcmagiic 

Batailie  dFAbensberg;  combat  et  prise  de  LandshtU,  e^cr.  —  aoetaiarru. 
Pendant  ie^événements  qui  tenaient  de  se  passer  aux  environs 
de  Tann  et  snr  l*Abens  Fempereur  Napoléon  était  acooura 
d*lngolstadt  à  Abensberg,  accompagné  da  major-général  prince 
de  NeoebÂtel ,  du  marécbal  Lannes  et  d*une  partie  du  grand 
état-major  général.  Jugeant,  d'après  les  différents  rapports  qu'il 
rèçQt  dan»  la  soirée,  la  position  de  Tarmée  ennemie,  il  pensa  qu'il 
ne  M  serait  pas  difScile  de  traverser  le  centre  de  sa  ligne.  En 
etkXf  on  a  vu  que  cette  armée,  si  formidable  par  le  nombre,  se 
trouvait  divisée  en  deux  parties  presque  isolées  ;  car  Taile  droite, 
ou  les  corps  dea  généraux  Hobenzollem,  Rosenberg  et  Jean  de 
Liechstentdn,  sous  la  direction  spéciale  de  Tarcbiduc  Charles  » 
et  Faile  gauche,  ou  les  corps  de  l'archiduc  Louis  (cinquième)  et 
du  général  Hiller  (sixième],  ne  communiquaient  entre  elles  que 
par  le  fidble  corps  détaché  sous  les  ordres  du  général  Thierry, 
que  les  Bavarois  venaient  de  battre.  LMntervalle  entrç  ces  deux 
ailes,  s'accrut  encore,  dans  lanuFt  du  19  au  20,  par  un  mouve- 
ment rétrograde  que  l'archiduc  fit  faire  aux  troupes  qui  avaient 
donné  dans  la  journée  '. 

Opposer ,  sur  la  droite  et  sur  la  gauche,  des  forces  suffisantes 
pour  attirer  l'attention  des  ailes  ennemies ,  et  porter  entre  elles 
deux  une  masse  principale,  pour  les  pousser  ensuite  dans  des  di- 
rections divergentes,  afin  d'empêcher  leur  réunion,  et  de  les 
accabler,  l'une  après  l'autre ,  par  la  supériorité  du  nombre  et 
par  l'effet  moral  que  produit  en  semblable  cas  l'isolement  où 
se  trouve  le  corps  attaqué ,  tel  fiit  le  plan  qu'arrêt^  Napoléon, 
et  l'exécution  en  fût  aussi  rapide  que  la  pensée. 

La  route  de  Rohr  à  Landshut  était  la  ligne  intermédiaire 
qui  séparait  les  deux  ailes  de  l'armée  autrichienne,^  et  c'est  sur 
les  différentes  positions  que  pourrait  offrir  cette  ligne  que  Na- 
poléon dirigea  son  opération  principale. 

Par  suite  de  leur  dispersion,  les  corps  autrichiens  a'étaient 
pas  en  mesure  d'attaquer  avec  succès,  ni  d'opposer  beaucoup 
de  résistance,  si  les  Français  pénétraient  par  un  point  de  leur 

■  Elles  abandonnèrent,  par  ce  mouvement,  les  haoteurs  de  Haasen,  et 
tout  le  pays^  près  de  l'Abens,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin. 


86  UVBC    SIXIÈMB. 

«1109.  longue  ligne.  Le  prince  de  Liechtenstein  se  trouvait  aux  envi- 
Allemagne,  ^.^j^g  d'Egglofsheim ,  avec  seize  bataillons  et  quarante-quatre 
escadrons.  Les  douze  bataillons  de  Rosenberg,  restés  en  ré- 
serve à  Grub ,  s'étaient  portés  dans  la  nuit  à  H^heberg;  le 
prince  était  de  fia  personne  à  Dinzling»  avec  quinze  bataillons  et 
quatorze  escadrons ,  communiquant  par  Schneidart  avec  la  co- 
lonne du  prince  de  Hohenzollern»  forte  de  dix-hult  bataillons  et 
huit  escadrons  établis  derrière  Hausen.  Le^  dispositions  n'é- 
taient pas  meilleures  à  Taile  gauche  :  deux  bataillons  et  quatre 
escadrons  étaient  postés  à  Rohr;  le  général  Thierry  se  trouvait 
à  OfTenstetten  avec  trois  bataillons  et  cinq  escadrons;  Bianchi  à 
Biburg,  avec  huit  bataillons  et  deux  escadrons.  Pour  appuyer  ce 
dernier,  l'archiduc  Louis  avait  envoyé  deux  bataillons  à  Kireh- 
dorf ,  et  il  ne  lui  restait  par  conséquent  à  Siegenbui^  que 
huit  bataillons  et  dix-huit  escadrons»  y  compris  les  troupes  de 
Kienmayer,  qui  s'étaient  retirées  dans  cette  position.  Hiller, 
qui  y  depuis  le  point  du  jour,  était  en  marche  sur  Pfeffenhau- 
sén ,  y  arriva  vers  huit  heures. 

Il  parait  que  Tarchiduc  Charles,  qui  ne  pouvait  ignorer  la 
présence  du  maréchal  Davoust  à  Teugen  et  celle  d'un  rassem- 
blement considérable  de  troupes  françaises  entre  Amhofen  et 
Abensberg  y  n'avait  cependant  pas  renoncé  à  son  projet  de  ma- 
nœuvrer sur  les  deux  rives  du  Danube ,  croyant  avoir  assez  de 
temps  pour  opérer  sa  jonction  avec  les  corps  qui  étaient  restés 
sur  la  rive  gauche  de  ce  fleuve.  C'est  pourquoi  le  prince  de 
Liechtenstein  avait  reçu  l'ordre  de  s'emparer  de  Batisbonne , 
ce  qu'il  exécuta  dans  la  journée  du  20,  comme  on  le  sait  déjà; 
Rosenberg  dut  rester  à  Dinzling ,  et  Hoheozollern  se  retirer 
derrière  la  grande  Laber,  en  attendant  l'arrivée  du  6^  corps,  qui 
devait  se  réunir  aux  deux  précédents. 

L'empereur  ne  pouvait  pas  connaître  en  détail  ces  dispositions 
de  l'archiduc,  mais  il  savait  en  général  que  l'ennemi  s'étendait 
de  la  rive  gauche  du  Danube  jusqu'aux  environs  de  PMfenho- 
fen ,  et  des  reconnaissances  avaient  fait  connaître  que  ses  for- 
ces sur  TAbens  étaient  très-disséminées.  £n  pénétrant  à  travers 
ces  forces  ainsi  dispersées ,  Landshut,  le  pripcipal  point  de  re- 
traite et  de  dépôt  de  l'armée  autrichienne,  tombait  au  pouvoir 
du  vainqueur,  et  les  troupes  battues  couraient  le  risque  d'être 


détraites  si  le  maréchal  Masaéna  arrivait  oo  même  temps  à  ito9. 
Landshut.  Alors  un  mouvement  rapide  contre  Taile  droite  en-  ^*^"^°«' 
nemie  la  mettait  dans  une  situ$ition  désespérée,  si  la  garnison 
de  RatislxNuie  tenait  encore  quelques  jours.  C'est  pourquoi  le 
maréchal  Davoust ,  avec  les  deux  divisions  Saint-Hilaire  et 
Priant  et  la  divison  de  cavalerie  légère  du  général  Montbrun , 
environ  36,000  hommes,  avait  reçu  Tordre  de  garder  les  po-* 
sitioQS  qu'il  occupait,  vers  Hausen,  ii  Saalhanpt  eVTengen,  pour 
tenir  en  échec  les  corps  autrichiens  des  princes  de  Hohenzol- 
lera,  de  Rosenberg  et  Jean  de  Liechtenstein.  Les  cuirassiers  du 
général  Salnt-Sulpiœ  étaient  en  arrière  aux  environ^  d*01)er- 
Saal.  Le  maréchal  Masséna  devait  marcher  rapidement  sur 
Landshut,  et  envoyer  à  gauche,  dans  la  direction  de  Neustadt, 
les  deux  divisions  du  général  Oudinot,  pour  appuyer,  au  be- 
soin, le  centre  que  l'empereur  avait  l'intention  de  porter  snr 
Rohr. 

La  masse  que  Napoléon  allait  mettre  en  mouvement  se  com- 
posait donc  :  des  deux  divisions  Morand  et  Gudin ,  environ 
28,000  hommes,  mises  provisoirement  sous  les  ordres  du  ma- 
réchal Lannes,  et  formant  la  gauche  entre  Ober-Saal  et  Am- 
hofen  ;  du  corps  wurtembei^ois ,  formant  le  centre ,  à  la  tète 
duquel  l'empereur  voulut  marcher  lui-même,  et  des  deux  di- 
visions bavaroises  aux  ordres  du  prince  royal  et  du  général  De- 
roi,8ous la directiondu maréchal Lefebvre;  environ  30,000 hom- 
mes. Ces  troupes  alliées  formaient  la  droite  et  étaient  établies 
en  avant  d'Abensberg  avec  les  cuirassiers  du  général  Nansou- 
ty.  La  division  du  général  de  Wrede  restait  en  observation 
devant  le  corps  de  Tarch/duc  Louis ,  posté  à  Siegenburg ,  et  ne 
devait  se  mettre  ea  mouvement  que  selon  les  circonstances. 

Le  20,  cette  armée,  forte  de  ôO,ooo  combattants,  s'ébranla  dè& 
la  pointe  du  Jour.  L'empereur  parcourut  le  front  des  troupes 
wurtembergoises  et  bavaroises^  et ,  réunissant  en  cercle  autour 
de  lui  leurs  principaux  officiers,  il  les  harangua  avec  cette  élo* 
queaoe  mâle  et  vigoureuse  dont  il  connaissait  si  bien  tous  le& 
ressorts  sur  le  champ  de  bataille.  Il  leur  rappela  tous  les  sou- 
venirs de  gloire  quf  pouvaient  exalter  l'orgueil  national  dea 
deux  peuples ,  et  finit  par  leur  dire  que ,  ne  mettant  aucune- 
différence  entre  eux  et  les  Français,  il  se  confiait  à  leur  cou-^ 


88  UYBB  SIXlàHB. 

iMi,  rage^  et  voulait  combattre  à  leur  tète  dans  cette  journée.  Le 
Allemagne,  prince  royal  de  Bavière  traduisait  en  allemand  les  paroles  de 
l'empereur,  pour  que  les  différents  chefs  pussent  les  r^ter  à 
leurs  corps.  La  certitude  de  coml>attre  sous  les  yeux  du  pre- 
mier guerrier  de  FEurope  excita  les  transports  du  plus  vif  en- 
thousiasme dans  le  cœur  de  tous  les  ofQciers,  et  ils  surent  com- 
muniquer à  leurs  soldats  l'impression  qu'ils  venaient  de  recevoir. 
Le  corps  de  Rosenberg  et  la  division  de  grenadiers  postés 
à  Dinzlittg  et  à  Hdheberg,pas8èrent  sans  événements  la  Journée 
du  20  avril.  Le  prince  de  Hohensollern  passa  sur  la  rive  droite 
de  la  grande  Laber  à  Unter-Leierndorf  ;  son  arrière-garde  seule 
eut  quelques  engagements  avec  les  troupes  du  maréchal  Da- 
voust. 

Pendant  ce  temps,  le  maréchal  Lannes,  auquel  se  réunit  la  di- 
vision de  cuirassiers  du  général  Nansouty,  eut  L'ordre  dese  porter 
à  Rohr  sur  la  route  de  Kelheim  à  Landshut  ;  l'empereur  marcha  à 
la  tète  des  deux  divisions  bavaroises  (  prince  royal  et  ]>eroi  ),  par 
Amhofen,  surOffenstettra;  les  TVurtembergeois  se  portèrent  à 
droite  sur  Prock  ;  de  Wrede  marchasur  Siegenburg.  Le  maréchal 
Lannes  s'avançant,  avec  ses  deux  divisions»  sur  la  route  de 
Rohr,  par  Darling,  Buchdorf  et  Ober-Schambach,  culbuta^  dé- 
truisit ou  (il  prisonniers  les  faibles  détachements  de  la  division 
Thierry,  que  l'archiduc  Louis  avait  renforcés,  la  veille,  de  quel- 
ques escadrons,  et  qui  se  présentèrent  successivement  ;  il  en- 
tra dans  Rohr  avec  une  partie  des  fuyards.  Le  général  Vandam- 
me,  à  la  tète  des  NYurtembergeois,  et  le  duc  de  DanUlg»  avec  les 
deux  divisions  du  prince  royal  et  de  Deroi ,  marchèrent  dans 
la  même  direction,  battant  et  poussant  également  devant  eux  les 
détachements  du  général  Thierry,  d'abord  à  Offenstetten,  et 
ensuite  auprès  de  Rohr,  de  concert  avec  la  colonne  du  maré- 
chal Lannes.  Un  troisième  engagement  eut  encore  lieu  près  de 
Rottenburg,  et  décida  la  dispersion  de  cette  partie  de  troupes, 
qui  formait  la  communication  entre  Farchidac  Charles  et  Tar- 
chiduc  Louis. 

Celui-ci ,  informé  dès  le  matin  du  mouvement  qu'opérait 
l'empereur  Napoléon ,  avait  porté  sur  sa  droite  les  brigades  des 
généraux  Blanchi  et  de  Reuss;  mais,  bientôt  attaqué  lui-même 
à  Siegenburg  par  le  général -de  Wrede,  apprenant  d'ailleurs 


6UBBBI  D'ALLBlIAeNB.  89 

lesftoeeèB  obtenus  par  les  Français  et  leurs  àlKés  sur  cette  droite,  ^  igo9. 
le  pcinee  crat  devoir,  après  une  longue  et  honorable  résistance, 
faire  sa  retraite  en  assez  bon  ordre  ^  par  le  défilé  de  Birgwang, 
SOT  PfeiSenhaiisen.  Il  se  réunit  auprès  de  ce  bourg  avec  les 
troupes  du  6*  corps  de  Parmée  autrichienne ,  commandées  par 
le  général  HiUer. 

Ce  dernier  général,  suivant  les  premières  instructtons  que 
hil  avait  données  l'archiduc  Charles,  s'était  avancé  lentement 
de  M ainburg,  pour  se  rapprocher  du  corps  de  Tarchlduc  Louis  ; 
Il  s'était  arrêté,  dans  la  soirée  du  19,  au  village  d'Au,  pour 
observer  l'arrivée  sur  PfafTenhofen  du  corps  du  maréchal  Ou- 
dinot,  dont  l'avant-garde  avait  été,  ainsi  que  nous  l'avons  dit, 
engagée  avec  le  détachement  du  major  Scheibier.  Il  reçut,  dans 
cette  position,  l'ordre  de  l'archiduc  Charles  de  hâter  sa  marche 
sur  Pfeffenhausen,  afin  de  se  réunir  au  5*^  corps  et  au  a*^  de 
réserve,  dont  il  devait  prendre  le  commandement  en  chef.  Ar- 
rivé le  20,  à  huit  heures  du  matin ,  au  village  de  Hombadi, 
près  de  Pfeilfenhausen ,  au  lieu  de  continuer  à  faire  avancer  ses 
troupes,  il  les  avait  arrêtées  en  cet  endroit,  et  s'était  rendu,  de 
sa  personne,  auprès  de  Tarehiduc  Louis,  à  Siegenburg.  Dans  la 
position  critique  où  il  avait  trouvé  le  prince,  il  s'était  empressé 
d'envoyer  au  général  Vincent,  à  Hombach ,  Tordre  de  se  por- 
ter sur-l&-champ  sur  Rottenburg,  avec  deux  brigades,  pour 
tâcher  d'arrêter  la  marche  des  colonnes  françaises  qui  s'avan- 
çaient de  ce  cÀté  et  sont^ir  les  troupes  en  retraite.  Cette  me- 
sure était  tardive  ;  déjà  le  troi^ème  engagement,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  avait  eu  lieu.  La  division  Thierry  et  les 
détachements  du  5^  corps  qui  avaient  marché  pour  la  soute- 
nir étaient  en  pldne  déroute;  les  chemins  étaient  couverts  de 
ftiyards ,  d*artillerie,  de  voitures  de  bagages  et  de  munitions , 
dans  le  plus  grand  désordre.  Toutefois,  le  général  Vincent 
»3rant  pris  position  avec  ses  troupes  sur  la  hauteur  de  Rotten- 
burg, les  colonnes  victorieuses  s'arrêtèrent  sur  les  bords  de  la 
grande  Laber.  La  nuit  mit  fin  à  cette  suite  de  combats  par- 
tiels, auxquels  les  relations  du  temps  ont  donné  le  nom  de 
bataille  d'Abensberg.  Les  Autrichiens  y  perdirent  environ  7,000 
hommes,  tués,  blessés  ou  faits  prisonniers,  huit  drapeaux  et 
douze  pièces  d'artillerie.  La  promptitude  du  mouvement  de  Na< 


AWemafljp.  Qjgm  ^  ^  p,.j^çç  ^^jjj  «pprw,  le  1»,  Uidél«yi|e,  par  les  B4iv«- 
rois,  du  p^  cgirp»  détaché  aous  les  ordres  4u  générai  Ttûerry, 
Il  aurait  44  enypjrer  dépêches  «qr  dépêches  au  géoéral  Qiller 
pour  i*wgager  h  aooéiér^  sa  marche  et  À.$e  rapprocha  de  li|i, 
afin  d'avoir  la  faciiité  de  se  prolonger  sur  le  point  entamé,  d*ap- 
piqrer  te  mouvement  de  Tarchiduc  son  frère,  et,  en  cas  de  re- 
Viers,  de  pouvoir  faire  plus  sûrement  une  retraite  commune 
(iui^  arctÂdiic  Louis,  H  le  général  Hiller)  sur  JLandshut,  base 
dfis  opérations  générales,  ^t  point  sur  lequel  se  trouvaient  les 
amhulaooesy  les  ponts  et  les  gros  bagages  de  Tannée. 

Tandis  que  les  événements  que  nous  venons  de  décrire  sa 
passaient  à  la  gauche  de  Tarmée  ennemie,  le  maréchal  Davoost 
était  resté  avec  moinsde  36,000  hommes  dans  sa  position  du  19, 
pour  tenir  tète  à  la  droite  de  cette  armée ,  forte  de  70,000  bornâ- 
mes, sans  compter  les  60,000  envinm  qui  formaient  les  deujL 
corps  des  généraux  Bellegarde  et  Kollowrath,  lesquels  auraient 
PU|  dès  ie  1 9  au  soir,  passer  sur  la  rive  droite  du  Danube  et  pren- 
dre part  aux  opérations.  Ainsi,  par  les  marches  divergentes  de 
ses  colonnes  et  le  dé&ut  de  reisselgoements  sur  la  position  de 
'  Tannée  de  Napoléon,  Tarchiduc  Charles  avait  d'un  côté  1 30,000 
hommes  paralysés  par  2^,000,  et  de  l'autre  so,ooo  accablés 
par  60,000. 

Pour  masquer  le  mouvement  qui  s'opérait  sur  sa  droite,  le 
maréchal  Davoust  Qt  habilement  avanœr  un  détadiement, 
comme  si  sou  intention  eût  été  d'attaquer  hardiment  les  trou- 
pes qu'il  avait  devant  lui  ;  mais  il  fut  étonné  du  peu  de  résis* 
tance  que  eette'avant-garde  éprouva.  On  ne  peut  expliquer  Ta- 
bandon  des  hauteurs  de  Hausen  par  le  prince  de  Hohensol- 
lern,  sa  retraite  derrière  la  Laber,  et  celle,de  la  réserve  de 
grenadiers  sur  Hoheberg,  que  par  la  crainte  de  Tarchidue 
Charles  d'être  attaqué  sur  sa  gauche ,  ou  simplement  parce 
qu'il  était  incertain  des  opérations  de  cette  aile ,  ou  enfin  pour 
se  rapprocher  du  point  sur  lequel  il  espérait  voir  arriver  les. 
5*  et  6^  oorps.  L'archidua  avait  alors  son  quartier  générai  à  Eg- 
glofsheim ,  sur  la  grande  route  de  Ratisbonne  à  Landshut  '. 

^  Il  est  difticiie  da  se  readj'e  c^Mnpie  de  ce  mouvement  rétrograde,  qui 


GUBIAB  9*AL|.gll4GIIB.  91 

Gfll»  Situation  timUle  ^  liiacttve  de  VM»  droiU  eimeiol£  i». 
p9fidADt  la  jooniée  d«  20  iwrvlt  merveUlensamaDl  le»  desseiiiB  ^v*'^^"'* 
dç  Napoléon,  A  L'exeeption  do  quelque»  efcannondieB,  les  trou- 
pes restèrent  dans  leur  position,  ee  qui  donna  à  remperenr, 
oomme  on  le  verra  bientôt»  le  temps  d*enyoyer  le  maréebal 
Lefebvre,  avee  les  deux  divislens  tevarobscs  du  prinee  royal  et 
dv  fénéral  Deroi ,  loutenir  le  maréebal  Davooit  dans  sss  opé- 
rations ultérieures, 

Nap<4éen  et  le  général  Hitler  *  se  trouvaient  en  présence  sur 
lesbofdsdelagiandeLaber^versPfeffenhaasen;  raiieganobe 
de  Tarmée  autrieUenne,  larte  alors  de  45,oao  bonnes  envl^ 
ran,  oouvndt  les  deux  rentes  qui  conduisent  à  Landsbm  par 
PfelRenbauico  et  Rottenburg.  L*amiée  française,  renloreéede 
la  division  de  Wrede,  et  fiirtede  60,ooo  bommes,  attendait  avee 
Impatience  le  retour  du  jour  pour  continuer  son  mouvement  si 
bien  calculé  par  l'empereur,  et  qui  devait  être  encore  secondé 
le  lendemain  par  Tapprodie  du  cinrps  d'Oudbiot  et  de  Masséna» 
arrivant  au  nombre  de  40,000  bommes  du  c6té  de  Pfaffenbo- 
fen  et  de  Mosburg,  et  pouvant  entamer  le  flanc  gaucbe  des 
Antriefaiens  si  eeux-d  ne  bâtaient  point  leur  retraite. 

Dans  la  yositlon  présente  de  l'aile  gaucbe  ennemie,  le  gé- 
néral Hiller  pouvait  encore  tenter  de  se  réunir  promptement 
avec  rarcbiduc  Gbarles.  Les  avant- postes  du  due  de  Monte* 
belU>,  dont  le  corps  était  pbicé  à  la  gauebe  de  l'armée  firanç9lse, 
s^étendaient  bien  Jusqu'à  la  Laber,  mais  ne  la  dépassaient 
point  Les  troupes  du  3*  corps  autrichien  occupaient ,  |e  20  au 
soir,  comme  on  le  verra  plus  loin ,  les  postes  d'Addsbausen  et 
de  Langquaid,  sur  la  rive  gauche  de  la  Laber  ;  par  conséquent^ 
en  abandonnnant  le  chemin  de  Landshut  et  prenant  pour  point 
de  direction  le  village  d*£ggmûbl,  les  6^  et  6*  corps  ennemis, 
par  une  marche  de  nuit  ibrcée,  se  réunissaient  à  l'armée  de  Tar* 

n'était  point  motivé  par  les  événements  de  la  veille.  Sans  doute  les  Fran- 
çais avaient  fait  une  glorieuse  résistaBce  ea  avant  de  Teugen  ;  mais  on  os 
pouvait  considérer  le  combat  de  Tann  comme  nse  victoire,  et  il  était  pres- 
que évident  que  le  maréclial  Davonst  n'avait  là  d'autre  but  que  de  défendis 
sa  marclie  de  Oanc,  et  de  protéger  Injonction  de  ses  colonnes  avec  Tarmée 
bavaroise  sur  TAbens. 

'  H  faut  se  rappeler  que  l'archiduc  Charles  avait  (ont  récemment  confié 
le  commandement  en  chef  des  cinqnième  et  siilème  corps  k  ce  général. 


93  LITBE   8IXIBHB. 

1909,  ehidiic  Charles ,  sans  courir  d'ailleurs  de  chance  trop  hasardeu- 
Aiienuigne.  ge,  sl  ce  tfcst  pcut-ètre  la  perte  d'une  partie  des  hagages,  qoi 
se  trouvaient  encombrés  sur  la  route  de  Landshut  ;  '  mais  cet  in- 
convénient aurait  été  balancé  par  l'avantage  de  la  JonctioB 
opérée,  et  Tarchiduc  Charles  se  fût  trouvé  à  même  de  pouvoir 
arrêter  la  marche  victorieuse  de  son  illustre  adversaire  en  se 
portant  sur  le  flanc  gauche  de  celui-ci ,  dans  le  cas  où  i)  eût 
voulu  continuer  son  mouvement  sur  la  route  de  Landshut  à 
Munich.  Ce  projet  hardi  était  hors  de  ta  portée  des  vues  du  gé- 
néral Hitler,  qui,  croyant  d'ailleurs  n'avoir afhireqo^à  une  par- 
tie de  Tarmée  de  Napoléon,  continua  sa  retraite  sur  Landshut 
pendant  la  nuit.  Il  plaça  ses  troupes  sur  les  deux  routes  qu{ 
conduisent  à  cette  ville  par  Welhmichel  et  Tûrkenfeld,  et  at- 
Jtendlt  le  Jour,  sans  hâter  d'ailleurs  par  des  ordres  sévères  la 
marche  des  caissons  et  des  ambulances. 

Pour  renforcer  le  maréchal  Davoust,  l'empereur  détacha  la 
division  Demont,  dix-neuf  bataillons  et  huit  escadrons  bavarois, 
sous  le  prince  royal  et  le  général  Deroi ,  avec  une  brigade  de 
cuirassiers,  et  le  21 ,  à  cinq  heures  du  matin,  il  fit  marcher  sur 
Landshut  les  troupes  du  maréchal  Lannes,  les  cuirassiers  de 
Saint-Sulpice  et  huit  escadrons  bavarois,  par  la  route  de  Rot- 
tenburg,  et  la  division  de  Wrede  et  le  corps  vurtembergeois 
par  celle  de  Pfeffenhauseu. 

L*avant-garde  française,  impatiente  de  poursuivre  les  avan- 
tages de  la  veille,  se  Jeta  sur  les  troupes  ennemies  les  plus  à 
portée  et  les  força  de  se  replier.  L'arrière-garde  du  5®  corps 
opposa  une  résistance  assez  vive  aux  Bavarois,  qui  la  suivaient 
par  la  route  de  Pfeffenhausen.  Le  général  autrichien  Vincent, 
couvrant  sur  l'autre  route  la  marche  du  6*  corps ,  tint  tête  à 
la  cavalerie  qui  le  poursuivait.  Ces  deux  arrière-gardes  se  trou- 
vèrent réunies  entre  Altdorf  et  Ergoldingen  vers  neuf  heures 
du  matin,  ayant  alors  devant  elles  toute  l'armée  française,  qui 
s'avançait  sur  deux  fortes  colonnes. 

La  ville  de  Landshut,  derrière  laquelle  le  général  Hiller  se 
proposait  de  former  ses  troupes  en  bataille,  est  en  partie  placée 
entre  deux  bras  de  l'Isar  ;  on  y  arrive  du  côté  de  Pfefîenhausen 
par  un  défilé  très-étroit  et  par  des  plaines  marécageuses.  Là  se 
trouvaient  alors  encombrés  les  caissons ,  les  bagases  de  toute 


GUBUS  D  ALLIMÀONB.  03 

rarmée  ennemie,  ainei  qn'ttn  équipage  de  pont.  Il  eat  aisé  de  im». 
se  figurer  la  position  de  troupes  en  retraite  poorsuivies  par  une  ^'>»*^n'* 
armée'  Tietoriense,  lorsqu'elles  se  trouvent  arrêtées  par  un  pa- 
reil obstade  au  pauage  d'une  rivière  ;  aussi  s'eosuivit-il  le 
plus  épouvantable  désordre.  Hommes,  chevaux,  canons,  ba- 
gages, caissons,  pontons,  tout  se  confondit  dans  les  défilés  et 
près  du  Jknbourg  de  Seeiigentbal.  Ce  désordre,  qui  ne  pouvait 
point  échapper  à  Napoléon ,  lui  fit  presser  ses  attaques.  Il  di- 
rigea d'abord  le  maréchal  fiessières,  duc  distrie,  avec  la  cava- 
lerie française,  sur  un  gros  de  cavalerie  ennemie  qui  fut  sabré 
et  culbuté*  Bientôt  après,  le  général  Mouton^  aide  de  camp  de 
l'empereur,  marcha  avec  le  17®  régiment  d'infanterie  de  ligne 
sur  le  ûiubouif  de  Seeiigentbal,  dont  il  s'empara,  et,  passant 
ensuite  au  pas  de  charge  le  pont  sur  le  premier  bras  de  Flsar, 
il  pénétra  dans  la  ville,  où  régnait  déjà  la  concision  la  plus 
complète.  Sur  ces  entrefaites,  la  division  Tharreau,  du  corps  du 
général  Oudinot,  arriva  de  Pfaffenhofen  par  Nandelstadt,  et 
fit  sa  jonction  avec  l'armée.  Les  Autrichiens  se  défendirent  d'a- 
bord avec  résolution  dans  Landshut  ;  mais  ils  durent  céder  aux 
efforts  du  17®  régiment,  qui  s'empara  de  toutes  les  issues  et 
tenta  même  de  déboucher  en  attaquant  les  hauteurs  de  l'autre 
cèté  de  risar.  Tout  ce  qui  se  trouvait  dans  la  ville  et  qui  n'a- 
vait pas  pu  passer  le  défilé  fût  fedt  prisonnier;  quelques  batail- 
lons de  grenadiers  autrichiens ,  formés  sur  la  hauteur,  proté- 
gèrent la  retraite.  Le  général  Hiller  apprenait  alors  que  le  corps 
d'armée  du  maréchal  Masséna,  qui,  suivant  les  instructions  de 
remperenr,  avait  marché  d'Augsburg  par  Freising  sur  M oabu<g 
pour  y  passer  Tlsar,  après  avoir  rétabli  le  pont  détruit  par  les 
Autridiiens,  s'avançait  par  la  rive  droite  pour  joindre  Napo- 
léon. Cette  nouvelle  fit  hâter  la  retraite  des  Autrichiens  sur 
rinn ,  par  Neumarkt  et  Alt-OEtting.  L'empereur  chargea  le 
maréchal  Bessières  de  poursuivre  l'ennemi  avec  la  division  du 
généra!  Molitor,  la  brigade  de  cavalerie  légère  du  général  Ma- 
rulaz,  du  corps  du  maréchal  Masséna,  et  la  division  bavaroise 
du  général  de  Wrede.  Ces  troupes  suivirent  l'arrière-garde  au- 
trichienne Jusqu'à  Geisenhausen . 

Ainsi  finirent  deux  journées  bien  remarquables ,  qui  déci- 
dèrent de  la  séparation  de  la  grande  armée  autridiienneen  deux 


94  uvmi  srxiBm. 

f m.  pÊttkê ,  H  loi  flMiii  éprouter  «ne  p«rta  qm  les  relatkMi»  aatri- 
Aiieinagne.  ^ny^mn  portent  eUe8-iaènMs  à  pU»  de  id,ooo  homdicfi  ^  tués , 
blegsëÉ  ou  ftdtB.  prisonniers  j  dnqnnnte  plàœs  de  «sanon,  trois 
équipages  de  pont  ^  des  mtinitioQS^  des  magMîns  considérables, 
et  plus  de  six  eents  toitures  de  bagages  et  de  auditions  toutes 
attelées.  Dès  ee  moment  les  troupes  dn  général  HiUer  ne  fu- 
rent plus  comprisee  dans  Teffeetif  de  la  grande  armée  ontri- 
chienne.  Toujours  incertain  sur  le  nombre  de  troupes  qui  I* 
suivaient,  ce  générai  ne  pema  plus  qu'à  gagner  les  États  hé- 
réditaires, et|  par  ce  mouvement,  il  laissa  à  découvert  le  centre 
de  Tarmée  de  Tarchiduc  (^arleS)  dont  il  avait  formé  jusqu'alors 
railé  gauche. 

Tandis  que  Napoléon  poossaàt  devant  lui  Taile  gauche  de 
Tarmée  ennemie  sur  la  route  de  Landshut,  le  maréchal  Da- 
voust,  suivant  ses  instructions»  avait  mis  ses  troupes  en  mou- 
vement dès  cinq  heures  du  matin  pour  les  porter  sur  la  grande 
Laber.  Les  divisions  Saint-fiilidre  eC  Priant,  marchant  à  une 
demi-heure  de  distance  Tune  de  Tautre,  rencontrèrent  les  trou- 
pes ennemies  postées  entre  le  village  de  Leiemdorf  et  celui  de 
Paerlng,  en  avant  de  la  Laber,  les  culbutèrent  et  leur  firent  5 
à  600  prisonniers*  Cette  attaque  vigoureuse  eommeoçant  à 
donner  à  l'archiduc  Charles  de  sérieuses  inquiétudes  sur  le  sort 
de  sa  gauche,  os  prince  crut  devoir  feire  sur4e^hamp  les  dis- 
positions suivantes  :  il  envoya  au  général  Kollowrath»  com- 
mandant le  a^  corps  d'armée,  Tordre  de  passer  le  Danube  à 
Ratisbonne,  pour  se  réunir»  près  duGalgenberg,  aux  troupes  de 
la  rive  droite,  et  an  général  Bellegarde,  commandant  le  i^*^  corps, 
l'ordre  de  remplacer  le  général  KoUowrath  entre  Hemau  et 
Batisbonne,  enfin  le  prince  de  Liechtenstein  dut  s'avancer  avec 
te  1^'  corps  de  réserve  sur  Abbach,  ponr  rester  en  oommuni- 
eatlon  avec  ie  4*  corps ,  placé  derrière  Dinziing,  et  se  liant  lui- 
même  avee  le  8^  eorps,  qui,  après  s'être  retiré  de  Langquaid, 
venait  prendre  position  sur  les  hauteurs  derrière  Unter-Lai- 
efaling. 

Comme  on  vient  de  le  voir,  l'empereur,  prévoyant  que  le 
maréchal  Davoust  aurait  besoin  d'être  soutenu  dans  le  mouve- 
ment ofténsif  qu'il  faisait  actuellement  sur  Tarmée  de  rarchl- 
dne  Charles,  et  pour  empêcher  encore  plus  celui-ci  de  feûre  au- 


GUEABB  D'ALLBIfA«NB.  ft& 

Cime  tentative  en  fiveiir  du  général  Hilleir^  atalt  fait  ttarcher      im9. 
dans  cette  direotion  une  partie  des  troupes  bai^roiees  sous  les  ^**^e"^ 
ordres  da  maréchal  Lefei^vfe. 

Le  4^  eorps  autriefaieD  avait  apposé  Me  assez  vive  résistatiee 
aux  efforts  de  ta  division  Priant;  mais,  n*étant  sontean  ni  à 
gavctie  par  le  3^  corps,  ((ui»  poossé  par  la  division  Saint-Hi- 
laire,  déjà  appuyée  par  les  Bavarois,  avait  alMuidonné  Sehier- 
llng,  ni  à  droite  par  les  troupes  da  l^'  corps  de  réserve ,  qui 
eommençait  à  peine  le  ittootement  que  venait  de  lui  ordonner 
Tarchiduc  Charles,  le  prince  Rosenberg,  commandant  ce  corps, 
fut  forcé  de  se  replier  et  de  prendre  position  sur  les  hauteurs  en 
arrière  de  Unter-Lûcbling.  C'est  à  la  (In  de  cet  engagement 
de  la  division  Priant  avec  le  4®  corps  ennemi  que  fut  tué  le  gé^ 
néral  de  brigade  Hervo,  (bâcler  d'une  grande  distinction,  et 
qui  s'était  particulièrement  signalé  dans  cette  journée,  où  le 
générai  Priant  eut  un  cheval  tué  sous  lui. 

L'armée  autrichienne  (c'est«à-dire  les  S^  et  4*  corps  et  la  ré- 
serve de  grenadiers)  formait  alors  une  ligne  entre  la  Laber  et 
le  Danube»  depuis  Ëggmûhl  jusqu'à  deux  lieues  en  deçà  de 
Ratisbonne;  vis^-à-vis  d'elle  se  trouvaient,  à  gauche,  les  divisions 
Saint-Hilaire  et  Priant,  soutenues  par  la  cavalerie  du  général 
Montbnm;  à  droite,  les  Bavarois,  commandés  par  le  duc  de 
Dantzig  :  ceux-ci  venaient  d'occuper  Schlerling  et  un  plateau 
entre  ce  village  et  le  bois  de  Hdhev^ald  ;  les  troupes  réunies  des 
deux  maréehaux  français  formaient  à  peine  un  total  de  80,000 
hommes. 

L'archiduc,  soupçonnant  enfin  qu'il  n'avait  affidre  qu'à  une 
partiede  l'armée  française,  qu'il  aurait  pu  anéantir  depuis  deux 
jomrs»  ordonna  pendant  la  nuit  du  2 1  an  33  les  dispositions  d'une 
attaque  générale  de  toutes  ses  troupes.  Le  général  Kollowrath 
dut  marcher  avec  son  corps  sur  la  chaussée  d' Abbach  ;  le  prince 
Jean  de  Liechtenstein,  avec  le  l"^'  de  réserve,  par  Weillohe  sur 
Peising;  les  s""  et  4*  corps  et  les  dou2e  batallkms  des  grena- 
diers de  réserve  restèrent  dans  les  positions  qu'ils  occupaient. 

La  détermination  que  venait  de  prendre  le  pHnee  Charles 
entrait  précisément  dans  les  vues  de  Napoléon.  En  effet,  la 
marche  des  colonnes  ennemies  sur  la  droite  reportait  lés  Fran- 
çais sur  leur  centre,  et  fiusilitatt  à  l'empereur  rexécution  du 


96  LIVRB   StXlBKB, 

11109.  plan  qa^il  avait  fermé,  celui  de  8*avanoer  avec  toutes  ses  tron- 
Aikiiiiai;ii&  p^  (moins  celles  qui  poussai^t  le  général  Hiller  vers  Tlnn] 
sur  le  flanc  gauche  de  rarcbidoc,  et  de  rejeter  cette  armée  sur 
la  rive  gauche  du  I>anQl>e,  comme  ii  venait  de  chasser  l'autre 
bien  au  delà  de  Tlsar. 
22et23  avril.  Bataille  (FEggmiUil  ou  d'EchmiM;  eatnbat  et  prUe  de  Ra- 
tisbcnne  ;  retraite  de  V armée  autriehienne  sur  la  Bohême,  etc. 
—  Pendant  que  le  maréchal  Bessières  suivait  le  corps  de  Hiller 
en  retraite  dans  la  direction  de  Vilshiburg,  i'empereur  partit 
de  lAndshut  le  32  au  matin,  se  dirigeant  sur  Ratisbonne,  pour 
exécuter  la  seconde  partie  de  ses  belles  combinaisons,  qui  pro- 
mettaient les  plus  brillants  résultats  si  la  garnison  de  cette 
ville  eût  pu  tenir  Jusqu'au  23.  Après  avoir  fourni  le  détache- 
ment du  maréchal  Bessières,  l'armée  conduite  par  rerapereur 
en  personne  se  composait  des  deux  divisions  Morand  et  Gudin, 
commandées  par  le  maréchal  Lannes,  des  corps  d'Oudinot  et 
de  Masséua,  des  divisions  de  cuirassiers  des  généraux  Nansouty 
et  Saint-Sulpice,  d'une  brigade  de  chasseurs  et  du  corps  wur- 
tembergois.  Toutes  ces  troupes  marchèrent  sur  deux  colonnes, 
par  Bu(Mausen  et  Hannsdorf ,  le  corps  de  Masséna  suivant 
les  autres  à  quelque  distance. 
Par  l'effet  des  mouvements  qui  avaient  eu  lieu  pendant  la 
•^  nuit,  l'armée  autrichienne  se  trouvait  alors  réunie,  au  nom- 
bre de  100»000  combattants,  sur  le  terrain  qui  s'étend  d'Egg- 
mûhl  à  Ratisbonne,  et  cette  force  eut  été  encore  plus  considé- 
rable si  le  prince  Charles  avait  appelé  à  lui ,  sur  la  rive  droite, 
le  1'*'  corps,  qui  n'avait  plus  d'ennemis  devant  lui.  Le  général  * 
•  KoUowrath  avait  pris  position  près  de  la  chaussée  d' Abbach,  au 
village  d'Isling.  Le  prtaice  deXiechtenstdn  était  en  avant  d'Eg- 
glofsheim  avec  l'archiduc  généralissime;  le  prince  de  Hohen- 
zollem  entre  Egglofeheimet  Ëggmûhl^  dont  le  chAteau  était 
occupé  ;  le  prince  de  Rosenberg  à  Unter-Laichiing.  C'était  sur 
ce  4*  corps,  soutenu  par  les  douze  bataillons  de  grenadiers  de 
réserve,  que  devait  pivoter  l'armée.  Tout  le  terrain  compris 
entre  Eggmiihl  et  Egglo&heim  est  entrecoupé  de  hauteurs,  de 
vallées,  de  torrents  et  de  bois.  Le  terrain  que  traverse  la  chaus- 
sée de  Ratisbonne  à  E^lo&heim  est  montueux  sur  la  gauche, 
mais  à  droite  il  présente  une  plaine  marécageuse. 


GUEBEI   D*ALLBMA6N1.  97 

L'archidac  Charles  espérait  pouvoir  facilement  se  rendre  \W9, 
maître  du  défilé  d'Abbach  et  du  poste  d'Abensberg,  et  venir  ^"*"''«"*' 
ensuite  opérer  sur  les  derrières  de  Varmée  de  Napoléon,  qu'il 
supposait  marchant  sur  la  Bavière,  après  avoir  battu  les  &"*  et 
6^  corps  y  dont  on  ne  recevait  pas  de  nouvelles;  mais  ce  prince 
aurait  dû  mieux  Juger  de  la  prévoyance  et  de  l'activité  de  son 
habile  adversaire. 

Le  chemin  que  le  général  Kollo^rath  avait  à  faire  pour  en- 
trer en  ligne  retarda  longtemps  l'attaque  projetée  par  rarchiduc, 
et  il  était  midi  lorsque  les  colonnes  autrichiennes  s'ébranlèrent 
sur  tous  les  points.  Le  maréchal  Davoust,  bien  préparé  à  défen- 
dre la  position  qu'il  occupait,  et  dont  il  connaissait  toute  Tlm- 
portance,  manœuvra  avec  tant  de  justesse  et  de  précision,  et  sut 
ménager  si  bien  ses  forces  ^  en  les  développant,  qu'il  donna  de 
vives  inquiétudes  au  prince  de  Rosenbei^  sur  sa  droite  et  sur 
sa  gauche,  et  parvint  à  empêcher  ses  colonnes  de  faire  un  pas 
en  avant. 

A  une  heure,  le  canon  se  fit  entendre  sur  la  route  de  Lands- 
hut,  et  l'archiduc  apprit  alors ,  à  son  grand  étonnemeut,  qu'il 
allait  avoir  à  combattre,  sur  son  flanc  gauche,  l'armée  comman- 
dée par  Napoléon  en  personne.  A  rapproche  de  ces  nouvelles 
colonnes,  le  prince  de  Rosenberg  fit  prolonger  sa  gauche  par 
les  réserves  placées  derrière  lui,  de  manière  à  former  un  crochet  *' 
de  Vautre  côté  de  la  chaussée  d'Eggmûhl  à  Ratisbonne.  Il  dut 
abandonner  les  hauteurs  d*Ober-Laichling,  et  se  borner  à  dé- 
fendre le  bois  de  Hôheberg,  à  la  tête  duquel  il  fit  placer  une 
forte  batterie  de  canons.  Les  troupes  françaises  commencèrent 
alors  à  s'avancer  vigoureusement.  Le  maréchal  Davoust,  dé- 
bouchant de  Schierling  par  sa  droite,  attaqua  les  hauteurs  d'O- 
ber  et  Unter-Laichling;  son  artillerie,  placée  sur  les  hauteurs 
en  avant  de  Paering,  fit  taire  la  batterie  autrichienne  placée 
sur  le  plateau  d'Unter-Laichling.  Les  Autrichiens  cherchèrent 
à  défendre  le  village  et  le  bois  en  arrière  ;  mais  fis  forent  bientôt 
dëposiéspar  le  lO""  d'infanterie  légère,  de  la  division  Saln^Hi-^ 
laire. 

Dans  le  même  temps  Napoléon  dirigeait  une  attaque  non 

*  Les  Bavarois  se  trouTaient  alors,  avec  les  divisions  Saint-Hilaire  et 
Friant,  sous  le  commandement  sopérieur  du  maréchal  Davoust. 

1.  7 


98  LIVBB  SlXlÈHEi. 

4M9.     moinB  vive  sar  Eggmûhl  ;  les  colonnes  qui  avalent  débouché 
AUeinagne.  ^^  Buchhauscn  et  Mannsdorf  s'étaient  réonîes  près  de  Lindach. 
Le  maréchal  doc  de  Montebéllo  reçoit  ordre  de  passer  la  Laber 
nu-dessus  deSchierHng  avec  les  divisions  Gudin  et  Morand,  et 
de  déborder  l'aile  gauche  de  Tennemi.  Ce  mouvernent  est  sou- 
tenu par  toute  la  cavalerie,  au  nombre  de  1 6  régiments^  savoir  : 
les  deux  régiments  decarabiniers  et  les  six  de  cuirassiers,  sous  les 
ordres  des  généraux  Saint-Sulpice  et  Nansouty,  les  chevau-lé- 
gers  wuitembergeois  et  la  Cavalerie  bavaroise.  Toute  Tinfan- 
terie  wurtembergeoise  se  porte  directement  sur  Eggmûhl.  Cette 
attaque ,  combinée  avec  cdle  du  maréchal  Davoust,  obtient  un 
succès  complet.  La  cavalerie  bavaroise  tourne  une  batterie  de 
seize  pièces  de  canon  etisabre  )a  troupe  qui  veut  la  défendre; 
.    les  Wurtembergeois,  conduits  par  le  général  Vandamme ,  em- 
portent le  village  d'Eggmfthl  et  son  château  à  la  baïonnette. 
Jjes  Autrichiens,   pressés  vivement  sur  leur  centre  et  menacés 
d'être  débordés  sur  leur  gauche  et  sur  leur  droite,  battent  alors 
en  retraite  vers  les  autres  colonnes  de  leur  armée,  sur  la  droite  ; 
mais  ils  sont  suivis  par  la  cavalerie  française,  qui  débouche 
à  droite  sur  Hagelstadt^  et  à  gauche  par  les  défilés  d'Ober  et 
d'Unter-Sanding.  La  cavalerie  marche  par  Rocking,  Fellkofen 
et  Gailsbach,  pour  regagner  ensuite  la  route  de  Ratisbonne  et 
prendre  à  revers  l'aile  gauche  de  renneraî. 
.  il  était  sept  heures  du  seir;  les  divisions  Nansouty  et  Saint- 
Sulpice  se  formèrent  alors  en  masse  et  s'avancèrent  dans  la  plai- 
ne, des  deux  côtés  de  la  chaussée,  entre  Hagelstadt  et  Ëgglofs- 
hdm.  Les  dragons  bavarois  et  la  cavalerie  légère  suivirent  ce 
mouvement  et  s'étendirent  Jusqu'à  la  chaussée  de  Ratisbonne  à 
Straubing.  Pour  arrêter  cette  masse  de  cavalerie,  les  Autrichiens 
n'avaient  en  ce  moment  que  deux  régiments  de  cuirassiers  placés 
en  avait  d'Egglo&heim,  auxquels  se  rallièrent  quelques  dé- 
bris de  régiments  de  hussards;  les  efforts  de  cette  faible  troupe 
durent  échouer  CMitre  la  masse  des  carabiniers  et  des  cuirassiers 
français.  Ceux-ci,  continuant  à  pousser  devant  eux  les  escadrons 
ennemis,  les  rompirent  et  les  mirent  dans  une  déroute  complète; 
tous  cherchèrent  à  gagner  la  chaussée  pour  éviter  le  terrain  ma- 
récageux de  la  plaine,  et  renversèrent  dans  leur  fuite  plusieurs 
bataillons  de  leur  propre  Infanterie.  Ce  désordre  aurait  entraîné 


la  perte  de  tout  ce  qui  se  trouvait  sur  la  route  de  Ra^i^Mvie,  41100. 
si  le  priDce  Jean  de  Liedxtenstein,  revenant  avec  sa  colonne  ^•*"««™'- 
de  cavalerie  pour  prendre  une  position  en  arrière ,  d'après  l'or- 
dre que  venait  de  lui  donner  rarchiduc,  ne  fût  tombé  à  ce 
moment  sur  le  flanc  des  cuirassiers  français.  Une  charge  du  ré* 
giment  du  duc  Aliiert,  cuirassiers,  arrêta  la  poursuite,  etTob- 
scurité  mit  fin  au  combat.  L*armée  autrichienne  put  se  reformer 
pendant  la  nuit  et  rétablir  les  communications  entre  les  diffé- 
rents corps.  Déjà  dans  la  soirée  Tarchidac,  apprenant  les  re* 
vers  de  sa  gauche  et  convaincu  à  la  fin  qu*il  avait  toute  l'ar- 
mée de  Napoléon  en  présence,  avait  suspendu  les  mouvements 
des  corps  qui  se  portaient  vers  Abensberg.  Pour  couvrir  sa  re- 
traite et  le  point  de  Ratisbonne,  il  donna  au  général  KoUowrath 
Tordre  d'abandonner  Abfoach  et  de  reprendre  sa  position  sous 
les  murs  de  Ratisbonney  entre  cette  ville  et  le  village  dlsling. 
Le  1^^  corps  de  réserve  et  les  débris  des  3"  et  4*  furent  réunis 
entre  Scheumassing  et  Gebelkofen. 

Quinze  mille  prisonniers ,  douze  drapeaux ,  seize  pièces  de 
canon,  tels  furent  pour  les  Français  les  résultats  matériels  de 
cette  journée  mémorable,  qui  enleva  en  outre  à  Tarmée  au  tri* 
chienne  près  de  5,000  hommes  tués  on  blessés  '. 

La  perte  des  Français  et  de  leurs  alliés  s'élevait  à  2,000 
hommes,  tant  tués  que  blessés.  Le  général  de  divisimi  Cervooi, 
chef  d'état-m^jor  du  corps  du  maréchal  duc  de  Montebello ,  fut 
tué  par  un  boulet.  Cétait  un  des  officiers  généraux  les  ptas 
anciens  et  les  plus  distingués  de  l'armée  française.  Le  général 
Qément  de  la  Boncière ,  commandant  une  brigade  de  cuiras- 
siers ,  avait  eu  un  bras  emporté  ;  le  général  Schramm  était 
également  au  mmibre  des  blessés  ;  le  1 4«  régiment  de  chasseurs 
avait  perdu  son  colonel ,  tué  dans  une  charge. 

L'armée  française  bivouaqua  dans  la  plaine  en  avant  d'Eg- 
glofsfaeim;  la  cavalerie  légère  s'étendait  Jusqu'au  Danube. 

L'archiduc  Charles  comptait  «icore  près  de  80,000  combat- 
tants dans  ses  rangs  après  le  revers  qu^il  venait  d'essuyer  ;  mais, 

'  Le  marécbal  DaTOust,  duc  d'Auerstaedf,  dont  la  fermeté  et  les  dispo- 
sitiens  savantes  avaient  contribué  puissamment  au  succès  obtenu,  reçut  de 
^empereur  le  n<Hiveaa  titre  de  prince  é^EckmûM,  nom  du  principal  champ 
de  bataille. 

7. 


AUisnngne. 


100  LITBB  SIXIBMB. 

m^  ixtgtmt  qu'il  serait  improdent  de  tenter  le  hMird  d'une  seeonde 
bataille  dans  mie  plaine  qoi  n'offrait  aucune  position  feivorablc, 
le  Danube  à  dos,  et  avec  une  armée  fetiguée  et  découragée,  il 
prit  le  parti  de  se  retirer  sur  la  rive  gauche,  et  ût  à  cet  effet 
construire  un  pont  à  Weichs ,  un  peu  au-dessous  de  Ratisbonne , 
pour  faciliter  d'autant  le  passage  du  fleuve  et  éviter  rencom- 
brement  qui  résulterait  si  Ton  se  bornait  à  la  seule  communi- 
cation de  la  ville.  Ce  pont ,  auquel  on  travailla  pendant  la  nuit , 
ftit  achevé  le  28  vers  huit  heures  du  matin.  Déjà  les  3^  et  4''  corps 
avaient  traversé  le  pont  dé  Ratisbonne ,  lorsque ,  à  la  pointe  du 
Jour,  le  reste  de  l'armée  (c'est-à-dire  le  corps  entier  du  général 
Kollowrath ,  la  réserve  de  grenadiers  et  toute  la  cavalerie)  se 
fbrma  en  bataille  entre  le  petit  vilhige  de  Burgweinting  et  Ra- 
tisbonne. Bientôt  après,  Tinfonterie  commença  sa  retraite  par 
Ratisbonne,  et»  dès  que  le  nouveau  pont  se  trouva  terminé, 
les  réserves  le  traversèrent. 

Napoléon  avait  également  mis  ses  troupes  en  mouvement; 
la  cavalerie  des  généraux  Nansouty  et  SaintrSulpice,  s'avançant 
sur  plusieurs  colonnes  par  Ober-Traubling  et  Ainthal ,  culbuta 
les  hulans  et  les  hussards  ennemis  et  les  mit  en  fuite.  Elle 
continuait  à  s'avancer  vers  le  Danube  sur  la  droite  de  Ratis- 
bonne ,  lorsqu'elle  reçut  dans  son  flanc  la  charge  du  régiment 
de  cuirassiers  de  l'archiduc  Ferdinand  ;  l'ennemi ,  par  cette  ma- 
nœuvre, réussit  à  masquer  le  pont  de  bateaux  sur  lequel  le 
eorps  de  réserve  autrichien»  avec  son  train  d'artillerie,  avait 
commencé  son  passage.  La  cavalerie  française  s*éloigna  de  ce 
point  en  poursuivant  principalement  sur  sa  gauche  les  régiments 
qu'elle  avait  culbutés;  elle  en  rencontra  d'autres  qui  tinrent 
tète  et  firent  gagner  du  temps  aux  troupes  qui  défilaient.  Ce 
dernier  mouvement  finit  cependant  par  être  découvert  :  le  ma- 
réchal Lannes,  qui  avait  suivi  la  cavalerie  française  avec  les 
divisionB  Morand  et  Gudin,  se  dirigea  sur  le  pont  et  vint  at- 
taquer l'ennemi  entre  la  chaussée  qui  conduit  à  Straubing  et 
le  village  de  Burgweinting.  Le  maréchal  Davoust  se  plaça  sur 
la  gauche  avec  les  divisions  Friant  et  Saint-Hilaire,  et  le  ma- 
réchal Masséna  en  réserve  derrière  les  deux  corps.  Le  prince 
Jean  de  Liechtenstein ,  avec  deux  régiments,  se  porta  alors  en 
avant  du  pont  pour  protéger  le  passage  de  ce  qui  restait  encore 


OUEB&B   D*ALLBIIA0NB.  101 

de  troupes ,  tandis  que  des  batteries  établies  sur  la  rive  gauche 
par  les  soins  de  l'archidue  Charles  faisaient,  dans  le  mémo 
dessein ,  un  feu  très-violent  sur  les  colonnes  françaises.  Le  pas- 
sage à  peu  près  terminé»  les  pontonniers  autrichiens  coupèrent 
le  pont  et  le  laissèrent  flotter  :  une  partie  des  bateaux  Ait 
brûlée,  l'autre  tomba  au  pouvoir  de  l'armée  française. 

Cependant  la  mêlée  de  cavalerie  continuait  txiujours  sous  Ra- 
tisbonne»  dont  les  portes  avaient  été  barricadées,  à  Texceptioa 
de  celle  de  la  chaussée  d'Abbach.  Les  Autrichiens  combattirent 
encore  quelque  temps  avec  beaucoup  de  résolution;  il  était 
midi  lorsque  les  dernières  troupes  entrèrent  dans  la  ville.  Dès 
le  matin  rarchiduc  Charles  avait  ordonné  au  général  Bellegarde 
de  se  porter  avec  le  premier  corps,  qui  était  resté  constamment 
sur  la  rive  gauche,  sur  les  défilés  de  Cham ,  derrière  la  Regen , 
afin  de  les  occuper;  le  2^ corps ,  formant  Farriére^garde  et  cou* 
vrant  la  retraite,  prit  position  sur  les  hauteurs  de  Stadt-Am- 
boff ,  et  six  régiments  occupèrent  la  ville  de  Ratisbonne,  devant 
laquelle  le  duc  de  Montebello  vint  former  «es  troupes  en  ba- 
taille, à  huit  cents  pas  des  portes. 

Le  général  qui  commandait  dans  Ratisbonne  avait  ordre  de 
tenir  Jusqu'à  la  nuit  et  de  se  retirer  «nsuite  avec  sa  troupe,  et 
la  ville,  enveloppée  d'une  muraille  fortifiée ,  avec  un  fossé  et 
une  contrescarpe^  présentait  assez  de  défense  pour  que  les  in- 
tentions de  l'archiduc  fussent  remplies  »  si  un  incidentrn'eût  pas 
favorisé  Tattaque  que  commencèrent  les  Français  presque  ausi 
sitôt  leur  arrivée.  En  examinant  renceinte,  des  officiers  remar- 
quèrent une  brèche  entre  les  deux  portes  et  en  firent  le  rap- 
port au  maréchal  Lannes.  Celui-ci  se  met  de  suite  à  la  tète  d'un 
bataillon ,  et ,  descendant  dans  le  fossé  sous  le  feu  meurtrier  de 
l'ennemi,  aborde  la  brèche,  pénètre  dans  la  ville  et  fait  ouvrir 
la  porte  dite  Jacobsthor.  Alors  plusieurs  autres  bataillons  en- 
trent de  ce  c6té  et  gagnent  le  pont,  pour  fermer  la  retraite  à  la 
garnison,  qui  met  bas  les  armes  au  nombre  de  7  à  8,000  hommes. 

Le  duc  de  Montebello  tenta  de  faire  forcer  le  pont  ;  mais  le 
général  KoUowrath  arrêta  les  troupes  françaises  par  le  feu  de 
ses  batteries,  placées  sur  le  mont  de  la  Trinité  :  il  ne  fit  sa 
retraite  que  vers  le  matin. 

La  précipitation  avec  laquelle  les  Autrichiens  avaient  opéré 


AUemi^e 


109  MVBB  SIXIÈIIR. 

IMOL  ^^r  retraite  par  Ratisbonne  ne  leur  avait  pas  permis  d'em- 
mener avec  eux  la  plus  grande  partie  du  65*  régiment,  fait  pri- 
sonnier dans  cette  ville  trois  jours  auparavant.  Ces  braves  se 
trouvèrent  ainsi  promptement  délivrés ,  et  cette  circonstance 
rendit  plus  agréable  enooire  le  succès  que  le  duc  de  Montebello 
venait  d'obtenir.  Le  colonel  du  Oô*,  Coutard,  avait  réussi,  par 
ruse,  à  soustraire  Taigle  de  son  régiment  aux  recherches  de 
L'ennemi  ;  11  le  présenta  lui-même  à  l'empereur,  lorsque  celui-ci 
entra  dans  la  ville'. 

Le  maréchal  Davoust  fut  chargé  d'observer  l'archiduc  Charles, 
que  Tempereur  ne  jugea  pdnt  à  propos  de  poursuivre  sur  Cham, 
où  toutes  les  troupes  venues  de  Ratisbonne  avaient  l'ordre  de  se 
rassembler.  Si  l'on  considère  que  l'armée  autrichienne  qui  ve- 
nait d'envahir  la  Bavière  s'élevait  à  plus  de  167,000  hommes»  et 
que  les  forces  réunies  à  Chamn'étaient  plus  que  de  1 09,000  com- 
battants» y  compris  les  troupes  que  Hiller  avait  sur  l'Inn^  il 
résulte  que  dans  une  courte  campagne,  sans  bataille  consi- 
dérable ,  cette  armée  avait  éprouvé  la  perte  énorme  de  5S,ooo 
hommes. 

Ainsi,  dans  l'espace  de  cinq  jours  seulement,  tous  signalés 
par  une  victoire,  Napoléon  venait  d'anéantir  les  efforts  de  la 
maison  d'Autriche ,  auxquels  se  rattachaient  peut-être  les  vœux 
d'une  grande  partie  de  l'Allemagne  çt  même  ceux  des  troupes 
alliées ,  et  une  guerre  défensive  sur  son  propre  territoire  était 
la  seule  ressource  qui  restât  à  cette  puissance,  naguère  si  con- 
fiante dans  le  nombre  et  la  bonne  disposition  de  ses  troupes.  A 
aucune  autre  époque  de  sa  glorieuse  carrière  l'empereur  des 
Français  ne  s'était  montré  plus  actif  et  plus  habile  ;  comme 

'  Napoléon  avait  été  blessé,  poar  la  première  fois  de  sa  vie,  pendant 
Faction  sous  Ratisbonne.  Assis  sor  un  tertre  coiiveit  de  gazon ,  à  une  dis- 
tance presque  hors  de  portée  du  feu  de  l*ennenii,  il  causait  avec  le  maréchal 
do  palais  Duroc,  lorsqu'une  balle  amortie  vint  le  frapper  au  pied  droit  et 
lui  lit  uno  forte  contusion.  «  Ce  ne  peut  être,  dit-il,  qu'on  Tyrolien  qui  m'ait 
ajusté  de  si  loin  ;  ces  gens  sont  fort  adroits.  »  Le  premier  chirurgien  Ivan  était 
auprès  de  lui  et  le  pansa  ;  mais  Tempereur  était  si  impatient  qu*il  monta 
à  cheval  avant  que  l'appareil  fût  entièrement  placé.  Quelques  courtisans  lui 
ayant  représenté  qu'il  s'exposait  souvent  avec  trop  de  témérité,  il  leur  ré- 
pondit en  som'iant  :  «  Que  voulez-vous?  il  faut  bien  que  je  voie  ce  qui  se 


AlltDuigiié- 


GUEBRB  D'aLLEMAGNB.  103 

dans  ses  campagnes  d'Italie ,  il  avait  développé  ces  admirables  jm. 
calculs  du  temps  qui  donnèrent  aux  mouvements  combinés  de 
ses  forces ,  bien  inférieures  à  celles  de  Tennemi ,  toute  la  préci- 
sion nécessaire  pour  rétablir  Téqnilibre  et  se  trouver  même  en 
mesure  de  vaincre.  Son  habileté  à  épier  tous  les  mouvements  de 
rarchiduc,  à  découvrir  des  intervalles,  à  s'y  introduire  et  à 
les  agrandir,  n*^  rien  de  comparable  dans  l'histoire  militaire 
des  plus  grands  capitaines. 

L'empereur  passa  une  grande  revue  de  ses  trompes  devant 
Ratisboooe ,  prodigua  les  éloges  k  tous  les  corps  qui  s*«taieut 
distingués,  et  donna  de  l'avanoement,  des  décorations,  des 
titres  et  des  dotations  à  un  grand  nombre  de  soldats ,  d'offiders 
et  de  généraux.  Ce  même  jour,  24  avril,  la  proclamation  sui- 
vante fut  miS|B  à  Tordre  de  i*armée  : 

a  Soldats  I  vous  avez  Justifié  mon  attente;  vous  avez  suppléé 
au  nombre  par  la  bravoure  ;  vous  avez  glorieusement  marqué 
la  différence  qui  existe  entre  les  soldats  de  César  et  les  cohues 
armées  de  Xerxès. 

a  En  peu  de  Jours  nous  avons  triomphé  dans  les  trois  batailles 
de  Tann,  d'Abensberg  et  d'Eckmùhl,  dans  les  combats  de 
Peising,  de  Landshut  et  de  Batisbonne.  Cent  pièces  de  canon, 
quarante  drapeaux,  50,000  prisonniers,  trois  équipages  de  pont, 
trois  mille  voitures  attelées  portant  les  bagages,  toutes  les 
caisses  des  régiments,  voilà  les  résultats  de  la  rapidité  de  vos 
marches  et  de  votre  courage. 

a  L'ennemi,  enivré  par  un  cabinet  parjure,  paraissait  ne 
plus  conserver  aucun  souvenir  de  vous  ;  son  réveil  a  été  prompt  : 
vous  lui  avez  apparu  plus  terribles  que  jamais.  Naguère  il  a 
traversé  l'Inn  et  envahi  le  territoire  de  nos  alliés;  naguère  il  se 
promettait  de  porter  ses  armes  au  sein  de  notre  patrie;  aujour- 
d'hui, défait,  épouvanté,  il  fuit  en  désordre  ;  déjà  mon  avant- 
^rde  a  passé  Tlnn.  Avant  un  mois  nous  serons  à  Vienne,  » 


CHAPITRE  II. 

SUITE  DE  L^ARIIÉE  1809. 

LaroBée  ftançaise  s'iTuice  sur  Vienne  ;  combiAs  de  Neumarkt,  d'EbeIsberg; 
Napoléon  an  cbàtean  de  Seboenbrana;  bombardement  et  capitulation  de 
Vienne  ;  préparatifs  des  français  pour  passer  le  Danube  à  l'Ile  de  Lobau  ; 
mouvement  de  Parmée  autrichienne  sur  la  rive  gauche;  bataille  d^Essling; 
roplure  des  ponts  du  Danube;  l'armée  française  se  i^re  dans  Hle  de 
Loban;  mort  do  maréchal  Lannes,  dnc  de  Montebello.  Opérations  mili- 
taires «n  Pologne;  combat  de  Gora  ;  piiae  de  Sandomir,  de  Zamose;  mar- 
che des  troupes  russes  sur  la  Gaiicie,  etc. 

isoa.  Ikxïx  plans  d'opérations  s'offraient  aux  méditations  de  Tem- 
Allemagne,  pereuf  des  Français  après  la  retraite  de  la  plus  grande  partie  de 
Tarmée  autrichienne  sur  la  rive'gauche  du  Danube  :  celui  de 
rejeter  Tarchiduc  Charles  et  ses  troupes  dans  les  montagnes  de 
la  Bohème  en  lui  enlevant,  par  la  poursuite  la  plus  instante  » 
ses  bagages ,  son  artillerie,  ses  magasins,  et,  par  là ,  de  mettre 
ce  prince  hors  d*état  de  continuer  la  campagne  ;  ou  bien  de 
marcher  vivement  sur  la  capitale  de  TAutriche ,  et  d'arrêter  par 
ce  mouvement  les  dispositions  qui  étaient  déjà  prises  pour  l'or- 
ganisation de  nouvelles  forces.  Napoléon  pouvait  espérer,  par 
l'exécution  du  premier  de  ces  plans ,  d'anéantir  les  principales 
forces  de  l'ennemi  ;  mais  cette  opération  aurait  traîné  trop  en 
longueur  dans  un  pays  difQcile,  où  les  subsistances  seraient  de- 
venues très-rares ,  surtout  après  le  passage  de  Tarmée  vaincue, 
qui  aurait  elle-même  contribué  à  cet  épuisement ,  où  la  cava- 
lerie perdait  l'avantage  d'une  poursuite  accélérée ,  où  les  ren- 
forts seraient  arrivés  difficilement,  enfin  où  l'on  se  fût  trouvé 
trop  éloigné  de  l'armée  dltalie.  Outre  ces  inconvénients,  on  de- 
vait craindre  que  le  gouvernement  autrichien ,  plus  rassuré  sur 
le  sort  de  Vienne,  n'eût  le  temps  nécessaire  pour  organiser  la 
défense  de  cette  ville  et  y  former  le  noyau  d^nne  nouvelle  armée. 
Napoléon  s'arrêta  au  dernier  parti.  Il  conservait  sa  ligne 
d'opérations  principale  en  s*avançant  ainsi  vers  le  centre  de  la 

104 


GOSHmE   D'ALLEMAGNE.  105 

monarcfaJe  autrichienne»  et  il  faisait  entrer  dans  son  calcul  isq^. 
l'effet  que  ce  mouvement  rapide  allait  produire  sur  les  esprits  ^"««M«n«- 
^tens  le  nord  de  l'Allemagne.  11  pensa  qu'il  atteindrait  égale- 
ment le  but  du  premier  plan,  en  passant  le  t)anube  près  de 
Vienne  après  s'être  emparé  de  cette  capitale  et  avant  que  Far- 
ehiduc  fût  en  mesure  de  s'y  opposer  sur  la  rive  gauche.  A 
cet  effet  le  maréchal  Davoust,  auquel  nous  donnerons  désor- 
mais son  glorieux  titre  de  prince  d'Ëcicmûhl,  eut  ordre  de 
suivre  les  mouvements  du  prince  Charles  du  côté  de  la  Bohème 
et  de  Tempécher  de  se  rapprocher  du  Danube. 

Le  maréchal  Masséna,  duc  de  Rivoli»  dut  se  porter  par 
Straubing  sur  Passau ,  en  descendant  le  Danube ,  afin  de  longer 
ainsi  le  flanc  gauche  de  l'archiduc  et  de  le  tenir  en  respect,  en 
même  temps  qu'il  forcerait  les  troupes  ennemies  qui  étaient  à 
Passau  d'abandonner  cette  position. 

On  a  vu  dans  le  chapitre  précédent  que  le  maréchal  duc 
d'Tstrie  avait  été  détaché  avec  la  division  bavaroise  du  général 
de  Wrede,  celle  du  général  Molitor  et  quelque  cavalerie»  afin 
de  poursuivre  dans  la  direction  de  l'Inn  les  5®  et, 6®  corps  au- 
trichiens, commandés  par  le  général  Hiller. 

Le  corps  français  traversa  successivement  Vilsbiburg  et  Neu- 
mariLt»  et  il  s'empara  dans  cette  dernière  ville  du  reste  des 
gros  bagages ,  des  caissons  et  des  pontons  qui  avaient  échappé 
à  la  déroute  de  Landshut  ;  la  cavalerie  ramassa  encore  dans 
cette  mardie  15  à  1,800  traineurs  de  l'ennemi. 

Cependant,  comme  Hiller  avait  un  peu  d'avance,  il  était  ar- 
rivé le  2a  au  soir  aux  bords  de  l'Inn;  le  lendemain  il  prit  posi- 
tion entre  Alt  et  Neu*Œtting.  Jugeant' bientôt,  d'après  les  rap- 
ports de  ses  reconnaissances,  qu'il  n'était  pas  suivi  par  toutes  les 
forces  qui  l'avaient  attaqué  et  battu  à  Landshut»  ce  général  dut 
penser  que  Napoléon  s'était  reporté  avec  la  plus  grande  partie 
de  Farmée  sur  l'archiduc,  et  il  résolut  de  reprendre  l'offensive 
pour  opérer  du  moins  une  diversion  en  faveur  du  généralissime. 

En  conséquence»  il  commença  par  former  trois  fortes  avant- 
gardes  »  l'une  se  dirigeant  par  la  route  d'Eggenfelden  vers 
Landau  et  Dingolfingen,  sur  l'Isar;  la  seconde  occupant  les 
hauteurs  le  long  de  Tlj^n,  et  la  troisième  prenant  position  vers 
Mûhldorf  .  Un  détachement  de  cette  dernière  partit  pour  établir 


106  LIVRB   SIXIÈME. 

fm9.      la  coinmunicatioD,  du  côté  de  Wasserburfr,  avec  le  général  Jél* 
Allemagne,  jachlch,  qui,  le  28  avril,  avait  évacué  Munich. 

Le  maréchal  duc  d'Istrie ,  en  prenant  position  à  Nenmarkt 
le  23  dans  la  soirée,  arrêta  le  mouvement  de  la  deuxième  avant- 
garde  ennemie  sur  cette  ville. 

Le  général  Hfller  avaitégalement  divisé  le  gros  de  ses  troupes 
en  trois  colonnes,  qui  s^ébranlèrent  le  24  au  matin  :  la  première, 
marchant  à  doite  de  la  chaussée  de  Neumarkt,  prit  la  direction 
de  Klebing  ;  la  deuxième  suivit  la  chaussée,  devant  ^'avancer  sur 
.  Neumarkt  à  mesure  que  la  première  gagnerait  du  terrain  ;  la 
troisième  marcha  parNleder-Bergkirchen  sur  la  rivière  de  Bott. 
Ces  trois  colonnes  étaient  soutenues  par  une  réserve  de  cinq 
bataillons  de  grenadiers  et  quatre  escadrons  de  dragons ,  et ,  en 
y  comprenant  les  avant-gardes,  le  tout  présentait  un  effectif  de 
32,000  combattants. 
Mafrii.  Combat  de  Neumarkt.  —  Le  maréchal  Bessières  avait  à 
peine  20,ooo  honunes  à  opposer  à  ces  forces.  La  division  de 
Wrede  était  en  position  en  avant  de  Neumarkt,  comme  non» 
l'avons  dit,  ayant  à  dos  le  défilé  de  cette  petite  ville  et  la  ri- 
vière de  Bott,  qui,  bien  que  guéable  en  cet  endroit^  a  ses  bords 
très-marécageux.  La  division  Molitor  s'avançait  de  Viisbiborg, 
mais  était  encore  assez  éloignée. 

Au  moment  où  il  aperçut  les  tètes  de  colonnes  ennemies ,  le 
général  de  Wrede  mit  sa  division  en  bataille,  et,  pour  assurer 
sa  gauche,  il  fit  occuper  le  village  d'Ober-Schemetles  bois  qui 
sont  en  avant.  Les  Autrichiens  attaquèrent  avec  impétuosité 
cette  gauche  des  Bavarois ,  cherchèrent  à  la  tourner,  et  réus^ 
sirent  à  la  pousser  de  hauteur  en  hauteur  Jusque  derrière  Neu- 
markt. Le  général  bavarois,  voyant  sa  gauche  tournée,  voulut, 
pour  la  soutenir,  retirer  son  centre  et  sa  droite  pour  les  re- 
mettre en  ligne  de  Tautre  c6té  de  Neumarkt;  mais,  forcé  de 
passer  le  défilé  de  cette  ville,  ces  troupes  ne  purent  se  main- 
tenir en  ordre  et  perdirent  du  monde.  Toutefois ,  la  division 
bavaroise  put  venir  s*appuyer  à  celle  du  général  Molitor,  et  le 
maréchal  duc  d'Istrie  leur  fit  prendre  une  position  en  avant  de 
Vilsbiburg,  sur  la  Vils. 

Le  but  de  Tempereur  étant  d'atteio4re  Vienne  avant  T ar- 
chiduc Chartes,  tout  en  s*opposant  é^  son  retour  sur  la  rive  droite 


GUBBBE   D'ALLBMAOIfE.  107 

du  Danube^  il  manœuvra  dans  la  direetion  de  Liotz  avec  la      mog. 
.majeure  partie  de  ses  forces,  pour  prévenir  le  généralissime  ^*«"'8ne. 
sur  ce  point  et  sur  Mauthausen  et  Mautern,  où  aboutissent  les 
débouchés  de  la  Bohême  et  où  Ton  trouve  des  ponts. 

Le  maréchal  duc  de  Montebelk) ,  ayant  sous  ses  ordres ,  in- 
dépendamment  de  la  division  Saint<-Hllaire,  les  deux  divi- 
sions dn  général  Ondinot  et  la  légion  portugaise,  devait  faire 
Tavant-garde  de  la  grande  armée  Jusqu'à  Vienne,  et  les  trois 
divisions  de  grosse  cavalerie,  ainsi  qu'une  autre  de  cavalerie 
légère,  réunies  en  corps  de  réserve  sous  les  ordres  du  maréchal 
duc  d'Istrie,  devaient  suivre  cette  avant-garde.  Le  maréchal 
duc  de  Bivoli  avait  ordre  de  marcher  en  seconde  ligne  par  la 
route  de  Passau,  et  le  maréchal  prince  d'Eckmûhl,  après  avoir 
rempli  sa  mission ,  qui  était  de  rejeter  les  troupes  de  l'archiduc 
dans  la  Bohême,  était  destiné  à  former  l'arrière-garde. 

Le  maréchal  Masséna ,  qui,  dès  le  28  avril ,  avait  été  dirigé 
sur  Straubing,  arriva  le  26  à  Passau  par  Plattling  et  Yilshofen  ; 
un  corps  qui  flanquait  sa  droite  s'avança  jusqu'en  face  de 
Schaerding.  La  division  Boudet,  qui  précédemment  avait  été 
détachée  du  4*^  corps,  suivait  dans  la  même  direction  que  ce 
corps^  sur  la  chaussée  de  Straubing  à  Lintz,  où  elle  aboutit  en 
ligne  droite.  Le  maréchal  Launes ,  avec  le  corps  d'Oudinot, 
réuni  à  la  division  SaintrHilaire ,  fit  sa  jonction  le  26 ,  à  Neu- 
markt,  avec  Bessières,  dont  Tavant-garde ,  sous  le  général  de 
Wrede,  atteignit  l'Inn  à  Mûhldorf.  Les  Wûrtembergeois  et  les 
deux  divisions  de  grosse  cavalerie  des  généraux  Nansouty  et 
Saint-Sulpice  se  trouvaient  dans  les  environs  de  Landshut,  où  la 
garde  impériale  arriva.  Le  général  Deroi  se  porta  à  Erding  et 
le  prince  royal  à  Munich.  Davonst  manœuvrait  encore  entre  le 
Danube  et  la  Regen,  et  devait;  quelques  jours  après,  marcher  h 
Straubing  et  être  remplacé  par  la  division  Dupas,  venant  du 
nord,  et  celledu  général  Rouyer,  venant  dlngolstadt,  qui  avaient 
l'ordre  de  se  porter  à  Batisbonne.  Enfin  le  prince  dé  Ponte- 
Gorvo,  qui,  le  26,  se  trouvait  dans  les  environs  de  Rudolstadt 
avec  17,000  hommes  de  troupes  saxonnes,  avait  Tordre  de  s'a- 
vancer entre  les  frontières  de  la  Bohème  et  le  Danube.  Ce  corps 
saxon,  fort  de  vingt-trois  bataillons  et  vingtescadrons,  étaitparti 
le  23  avril  de  Dresde,  et  avaitmarchéparAltenburgaux  environs 


1 

I 


108  CITBB  SIMlàHB. 

IS09.  d*Erfurt.  En  conséquence  de  cet  ordre  et  de  celai  qu'il  reçut 
Allemagne,  ^j^^  ^^^^  .j  jj^^^ç^iiSL  jusqu'au  7  mai  à  Retz,  par  Plauen ,  Hof , 
Kemnat,  Naaburg,  et  du  7  au  1 7  à  Lintz,  par  Gham,  Straubing, 
Passau  et  Efferding.  En  même  temps  l'empereur  ordonna  la 
formation  d'une  division  de  réserve  à  Au|s;sburg,  et,  quelque 
temps  après,  d'un  corps  d'observation  de  TElbe,  qui,  au  nombre 
d'environ  14,000  bommes,  se  rassembla  dans  les  environs  de 
Hanau,  sous  les  ordres  du  duc  d'Abrantès. 

Tandis  que  l'empereur  faisait  ses  dipositions  pour  marcber 
rapidement  sur  Vienne,  l'arcbidoc,  dont  Tarmée  avait  été  ren- 
forcée de  11  à  12,000  hommes  depuis  son  arrivée  à  Gham ,  se 
disposait  àmarcher  à  Lintz,  pour  se  réunir  aux  30,000  hommes 
de  Hilier  et  reprendre  l'offensive  sur  la  rive  droite  du  Danube. 
En  conséquence,  dès  le  26  avril  le  général  Klenau  se  porta  à 
Winterberg  par  Neumarkt ,  Eisenstein  et  Ausser-Oefild,  avec 
neuf  bataillons  et  un  escadron,  pour  s'assurer  les  passages  des 
montagnes  de  la  Bohème.  Enmémetemps,  quinzeescadrons,  sous 
le  général  Stutterheim,  s'avancèrent  sur  Freystadt ,  par  la  route 
de  Klattauetde  Budweis,  avec  Tordre  de  réunir  tous  les  bateaux 
du  Danube  sur  la  rive  gauche  et  de  couvrir  le  passage  de  ce 
fleuve  à  Lintz  et  à  Mauthausen  Jusqu'à  l'arrivée  de  Tarinée ,  et, 
dans  le  cas  où  cette  mesure  ne  pourrait  pas  être  mise  à  exé- 
cution, de  détruire  le  pont  de  Lintz  et  de  feire  descendre  à 
Krems  le  pont  de  bateaux  de  Mauthausen.  Le  général  Stut- 
terhdm  arriva  à  Freystadt  le  2  mai  ;  le  gros  de  l'armée  atteignit 
le  28  avril  les  environs  deStrakonitz  et  de  Sedlitz;  le  prince 
de  Rosenberg ,  qui  couvrait  à  droite  la  marche  de  Tarmée  ^ 
arriva  à  Winterberg  par  Bistrzicze  et  Reichenstein. 

Gomme,  à  cette  époque,  les  mouvements  des  troupes  saxonnes 
à  la  partie  nord-ouest  de  la  Bohème  paraissaient  menacer  ce  pays, 
le  général  KoUowrath  marcha  aux  environs  de  Pilsen  avec  vingt- 
trois  bataillons  et  seize  escadrons  des  troupes  du  prince  de  Ho- 
henasoUem,  qui  prit  alors  le  commandement  du  2*  corps  d'armée. 
Dès  le  26  le  général  de  Wrede  avait  reçu  Tordre  de  passer 
TInn  à  Mùhldorf  et  d'attaquer  le  corps  autrichien  du  général 
Jellachich;  mais  celui-ci,  prévenu  le  même  jour  de  la  présence 
de  Tennemi  sur  la  rive  droite  de  cette  rivière ,  s'était  retiré  de 
Wasserburg  à  Sabsburg ,  par  Stain  et  Waging.  Jellachich  prit 


GUSBBB  d'aLLBMAGNB.  109 

position  entre  Llefering  et  Vfiehhausen ,  et  fit  occuper  ïjonkn  im». 
par  deux  compagnies  et  quatre  escadrons.  Le  général  bavarois»  ^'^^^^^m- 
ayant  troQYéle  pont  de  l'Alzadétniit  à  Unter-Gr&aing,  passa  cette 
rivière  y  après  une  nuit  de  marclie,  à  Trostl)erg ,  et  atteignit,  le 
28  à  midi,  Dittmaning,  d'où  cinq  escadrons  cliassèrent  un  déta- 
chement autrichien  qui  en  se  retirant  brûla  le  pont  de  la  Salza , 
mais  n'eut  pas  le  temps  de  détruire  les  bateaux,  de  sorte  qde  le 
lendemain  le  général  de  Wrede  put  rétablir  ce  pont  et  continuer 
sa  marche  sur  Salzburg.  La  résistance  opiniâtre  de  deux  batail- 
lons et  quatre  escadrons  postés  à  Bergheim  donna  le  temps  à 
Jellachich  d'évacuer  Salzburg  et  de  continuer  sa  retraite  sur 
Halleîn.  Les  Bavarois  firent  beaucoup  de  prisonniers  en  entrant 
à  Salzburg,  et  s'emparèrent  des  magasins  que  les  Autrichiens  y 
avaient  formés.  Leur  arrière-garde  fut  entamée,  et  perdit  encore 
7  officiers  et  260  hommes.  Jellachich  se  retira  par  Goiling  sur 
Radstadt.  De  Wrède  ne  le  suivit  pas ,  et  marcha  le  30  à  Strass- 
viralchen  et  le  3  mai  à  Vôcklabruck. 

Pendant  ce  temps  le  maréchal  duc  de  Dantzig ,  après  avoir 
accompagné  à  Munich  le  roi  Maximilien ,  impatient  de  se 
montrer  à  ses  sujets ,  s'avançait  également  sur  Salzburg ,  par 
Wasserburg  et  Altenmarkt,  avec  les  deux  autres  divisions  ba- 
varoises. Il  avait  ordre  de  pénétrer  dans  le  Tyrol  avec  tout 
son  corps  d'armée ,  pour  en  chasser  les  Autrichiens  et  assurer 
de  ce  côté  les  derrières  de  la  grande  armée  contre  les  diversions 
de  l'ennemi. 

En  arrivant  devant  Passau»  le  26,  le  maréchal  duc  de  Rivoli 
avait  fkit  300  prisonniers  et  débloqué  la  citadelle,  où  les  Ba- 
varois s'étaient  maintenus  depuis  le  1 0  contre  les  efforts  du 
général  Dedowich.  Le  même  jour  l'empereur  était  parti  de  Ra- 
tisbonneet  était  ^rivé  le  lendemain  dans  la  soirée  à  Mûhldorf, 
où  il  avait  fixé  son  quartier  général.  Le  général  Hiller  avait 
trouvé  sur  l'Inn  quelques  renforts  qui  étaient  arrivés  de  l'inté- 
rieur de  l'empire;  il  reçut  en  même  temps  le  commandement 
en  chef  de  toutes  les  forces  réunies  sur  ce  point  et  aux  environs, 
avec  lesquelles  il  espérait  pouvoir  défendre  les  frontières  pen- 
dant quelque  temps.  La  marche  du  maréchal  Masséna  ayant 
fait  lever  le  blocus  du  fort  d'Oberhaus,  le  général  Richter  se  re- 
tira de  l'autre  c6té  du  Danube  avec  trois  bataillons  de  landwehr, 


110  UTBB  SIXIEME. 

igo9.  et  le  général  Dedowich  à  Schaerdiag  avec  douze  tataiUons,  dont 
Aitemasne.  ^  moitié  de  laodwehr;  le  général  Hiller  lui  confia  la  défense 
de  ce  point  de  passage ,  et  mit,  le  26,  son  corps  en  mouvement 
pour  le  réunir  dans  la  position  centrale  d*Altheim;  ce  corps  ar- 
riva le  lendemain  entre  Altheim  et  Braunau.  Jellachich,  qui  s*é^ 
tait  retiré  k  Wasserburg ,  devait  défendre  l'intervalle  qui  se 
trouve  entre  les  frontières  du  Tyrol  et  \e  confluent  de  la  Salza 
et  de  rinn,  et,  à  cet  ejQfet,  devait  occuper  fortement  les  points  de 
Traunstein ,  Waging  et  Dittmanlng ,  observant  seulement  la 
ligne  de  FÂlza  et  de  llnn. 

Le  corps  qui  flanquait  la  droite  du  duc  de  Rivoli»  et  qui  s'était 
présenté  le  26  avril  en  face  de  Scbaerding ,  ayant  trouvé  les 
ponts  de  llnn  détruits,  canonna  la  ville  et  força  le  général  De- 
dowich  à  se  retirer  de  ce  point  important  ;  celui-ci  abandonna, 
contrairement  à  ses  instructions ,  la  route  de  Lintz,  et  se  retira 
dans  la  direction  de  Ried.  Hiller,  qui  reçut  avis  de  cette  retraite 
le  27  au  matin,  ignorant  la  force  des  troupes  françaises  qui  se 
trouvaient  à  Scbaerding,  se  contenta  d'envoyer  son  ayant-garde 
sur  TAndiesenbacb,  etde  faire  marcber  à  Ried  le  2^  corps  de 
réserve  pour  couvrir  sa  'ligne  de  retraite;  le  lendemain  toute 
son  armée  fut  réunie  à  Ried,  et  le  général  Schustekb  fut  dirigé 
à  Obembergavec  1 0,000  hommes  pour  attaquer  Tennemi  si  cela 
était  possible;  mais  celui-ci  ayant  jugé  cet  ordre  inexécutable, 
et  comme  dans  la  soirée  du  28  on  reçut  l'avis  certain  que  la 
majeure  partie  de  l'armée  française  passait  la  Salza  à  Burg- 
hansen,  la  retraite  fut  continuée  sur  Lintz  jusqu'au  2  mai^  par 
Haag,  Lambach  et  Wels. 

Le  27,  les  maréchaux  Lannes  et  Bessières  commencèrent  leur 
mouvement  en  avant  deTInn,  qu'ils  passèrent  à  Mùhldorf,  ainsi 
que  la  garde  impériale;  le  30,  Tempereur  Napoléon  se  porta 
avec  toute  sa  garde  sur  Burghausen.  Les  Autrichiens  avaient 
détruit  le  pont  de  cette  ville  sur  la  Salza;  le  général  Bertrand, 
aide  de  oamp  de  l'empereur  et  commandant  l'arme  du  génie, 
le  fit  rétablir.  Vivement  poursuivis,  les  Autrichiens  ne  faisaient 
point  leur  retraite  avec  l'ordre  convenable.  Le  chef  d'escadron 
Margaron,  avec  cinquante  chasseurs  seulement,  Ût  mettre  bas 
les  armes  à  un  bataillon  de  la  landwehr  qui  voulut  défendre 
le  pont  de  Dittmanlng. 


GUE£a£   D'ALLEMAGNE.  11| 

Dq  30  avril  au  2  mai  l^arraée  française  continua  sa  marclie  i»». 
progressive,  par  Bied  et  JLainl)acii.  Le  général  Oudinot  s'em-  AUcmagnc. 
para  de  Bied ,  où  il  trouva  plus  de  vingt  mille  quintaux  de  fa- 
rine et  fit  1,500  prisoimiers.  Les  maréchaux  duc  de  Monte- 
bdlo  et  duc  dlstrie  occupèrent  Wels,  qui  renfermait  égale- 
ment des  magasins  considérables  de  vivres  et  de  munitions;  à 
la  droite,  le  marédial  duc  de  Bantzig  dirigeait  une  colonne  sur 
Kufstein»  et  une  autre  sur  Badstadt,  sur  TEns,  occupant  ainsi 
"^  les  deux  routes  qui  conduisent  en  Italie  à  travers  le  Tyrol.  Une 
troisième  colonne,  suivant  la  retraite  du  général  Jellachich  sur 
laStyrie,  atteignait  Tennemi  à  Golliug  et  lui  faisait  éprouver 
de  nouvelles  pertes;  à  la  gauche,  le  maréchal  duc  de  Bivoli 
suivait  la  route  de  Scbaerding  à  Efferding.  L'adjudant  comman- 
dant Trinqualye,  commandant  Tavant-garde  de  la  division 
Carra  Saint-Cyr,  rencontra,  le  i"  mai,  un  petit  corps  autrichien 
sur  le  chemin  de  Biedau  à  Neumarkt.  Les  chevau-légers  virur- 
tembergeois,  les  dragons  badois  et  trois  compagnies  du  4^  régi- 
ment de  ligne,  qui  composaient  cette  avant-garde,  attaquèrent 
la  troupe  ennemie  avec  tant  d*impétuosité  qu'ils  la  mirent  en 
déroute  au  premier  choc  et  lui  firent  500  prisonniers  :  les  dra- 
gons badois  se  distinguèrent  plus  particulièrement.  Le  major 
Descorches  Sainte-Croix ,  aide  de  camp  du  duc  de  Bivoli,  s'em- 
para d'un  drapeau. 

Dans  la  nuit  du  2  au  3  mai,  le  général  Hiller  reçut  à  Lintz 
Tordre  de  se  retirer  derrière  la  Traun,  et  ensuite  derrière  FEns, 
si  le  7  mai  il  était  repoussé  de  cette  ville,  et  de  chercher  à 
gagner  du  temps  pour  opérer  à  Mauthausen  sa  jonction  avec 
Tarchiduc;  mais,  dans  le  cas  où  il  serait  forcé  d'abandonner 
Untz  avant  le  7,  son  corps  d'armée  devait  y  passer  le  Danube 
et  détruire  le  pont  de  cette  ville  et  celui  de  Mauthausen.  Dans 
chaque  hypbthèse  il  devait  envoyer  10,000  hommes  sur  la 
route  de  Vienne,  pour  arrêter  l'ennemi  le  plus  longtemps  pos- 
sible et  lui  6ter  tout  moyen  de  passage  sur  la  rive  gauche.  Lors- 
que Hiller  reçut  cet  ordre  du  généralissime,  il  était  suivi  de 
trop  près  par  l'armée  française  pour  songer  à  rester  seulement 
vingt-quatre  heures  à  Lintz  sans  y  courir  le  plus  grand  danger; 
il  ne  lui  était  pas  moins  impossible  de  passer  le  fleuve  sur  un 
seul  pont  sans  y  être  attaqué  ;  aussi  prit-il  le  parti  de  Tincen- 


112  UVBB  SIXIÀMl. 

«Md.     dier,  et,  le  3,  à  quatre  heures  du  matiu,  il  se  retira  derrière  la 
Aii«nasic.  Xraun,  dans  la  position  d'Ebelsberg ',  où  il  s'établit  forte- 
ment. 

Le  même  Jour,  les  ponts  de  la  Traun  étant  rétablis,  le  maré- 
chal Lannes  se  porta  immédiatement  de  Web  à  Steyer.  Le 
corps  de  Yandamme  passa  l'Inn  à  Braunau ,  et  fut  dirigé  sur 
Grieskirchen  pour  entretenir  la  communication  avec  le  corps  du 
duc  de  Rivoli.  Gelui-ci,  qui,  depuis  le  37  avril,  se  trouvait  aux 
environs  de  Schaerding,  s'avança  le  l''  et  le  2.  mai  entre 
AIkoven  et  Efferding,  et  arriva  le  3,  au  point  du  Jour,  devant 
Lintz,  précédé  de  la  cavalerie  légère  du  général  Marulaz,  et  suivi 
de  la  division  Ciaparède,  du  corps  d'Oudinot.  Le  corps  de  Hiller 
était  alors  en  marche  de  Lintz  àEbelsherg.  Les  convois  du  train 
et  des  équipages,  qui  furent  rencontrés  près  de  Kldn-Mûochen, 
arrêtèrent  assez  longtemps  les  colonnes  autrichiennes  pour  que 
les  dernières  troupes  n'atteignissent  qu'entre  huit  et  neuf  heures 
la  rive  droite  de  la  Traun.  Le  6^  et  le  6*^  corps  restèrent  immé- 
diatement derrière  Ëbelsberg  ;  le  général  Kienmayer  se  porta  Jus- 
qu'à Asten.  On  n'avait  alors  aucune  nouvelle  du  détachement 
du  général  Schustekh,  qui  formait  l'arrière-garde. 
^  La  position  d'Ebelsberg  avait  l'avantage  de  ne  pouvoir  être 
tournée  par  sa  droite  ;  du  côté  de  Wels ,  la  Krems,  afQuent  de 
la  Traun,  et  le  ruisseau  de  Gottschalling,  qui  en  est  peu  éloigné, 
rendent  la  gauche  d'une  défense  facile.  Une  attaque  de  front 
n'est  possible  que  par  le  pont  de  la  Traun,  d'une  longueur  de 
plus  de  deux  cents  toises.  Ëbelsberg  est  une  petite  ville  sur  la 
Traun,  adossée  au  nord-est  à  des  hauteurs  boisées.  Elle  est 
commandée  par  un  château,  entouré  d'un  double  fossé,  que  dé- 
fendaient trois  compagnies.  Une  batterie  de  pièces  de  €,  établie 
au  pied  ouest  de  la  hauteur  du  château,  ^  deux  bataillons  défen- 
daient les  abords  de  la  rivière.  Huit  bataillons  et  seize  escadrons 
de  l'arrière-garde  du  général  Schustekh  arrivèrent  dans  la  ma- 

'  Tontes  les  relations  françaises  écrivent  Sbersberpiuoui  avons  préféré 
adopter  l'orthographe  de  la  carte  de  Vempire  d'Autriche  dresaée  par  Té- 
tat-major  impérial  et  royal,  en  1822. 

Shersberg  est  un  bourg  de  Bavière,  cercle  de  l'Isar,  à  6  lieues  E.  S.  E.  de 
Munich.  Ëbelsberg  est  une  petite  ville  d'Autriche  sur  la  Traun,  à  1  mille 
S.  E.  de  Lintz. 


Uhée  à  KldA-Mânclieii  et  à  SduMiliiig»  où  il»  s*arrâtèrent  pour     not. 
attendre  ce  général»  qui  était  encore  en  arrière  avec  six  batail-  ^''^^^i" 
Ions  et  huit  escadrons. 

Combat  d'Eôelsberg.  L'empereur  Napoléon ,  qui  aya&t  son  s  mn. 
quartier  à  Lam)>acli,  inetndt  de  la  portion  des  troupes  enne- 
mies, avait  donné  au  général  Ondinot  et  au  maréchal  duc  d'Is- 
trie  l'ordre  de  s'avancer  dans  la  direction  d'Ebelsberg ,  afin 
d'ai^uyer  le  mouvement  du  doc  de  Rivoli,  qui»  n'ayant  pas 
trouvé  d'ennemis  àLiutz,  s*était  porté  en  avant. 

Entre  neuf  et  dix  heures,  les  avant-postes  de  rarrière^arde  au- 
tridiienne  furent  attaqués  en  même  temps  sur  la  route  de  Lintz 
par  la  division  Glaparède  et  sur  celle  de  Wels  par  le  maréchal 
Bessières^  qui,  étant  parti  le  matin  de  cette  dernière  ville  avec 
quelques  brigades  de  cavalerie  légère,  s*était  avancé  par  la  rive 
gauche  de  la  Traun.  A  Tinstant  où  le  maréchal  commençait  son 
attaque,  le  général  Sdiustekh,  débouchant  de  Hart,  atteignit 
la  chaussée»  et  parvint,  après  un  léger  engagement ,  à  franchir 
la  Traun  avec  ses  huit  escadrons.  Un  bataillon  d'arrière-garde, . 
qui  suivait  de  loin,  fut  pris.  Le  reste  des  troupes,  couvert  par 
six  bataillons  postés  à  Klein-lf ûnchen ,  commença  alors  à 
passer  le  pont  de  la  Traun^  Tandis  que  ce  passage  s'opéri^^ , 
non  sans  quelque  désordre ,  sous  le  feu  violent  des  premières 
troupes  du  corps  du  duc  de  Bivoli»  qui,  en  peu  d*instants,  mit 
000  Autrichiens  hors  de  combat,  le  général  Goehorn,  de  la  di- 
viuon  Glaparède,  8*élançantà  la  tète  des  bataillons  des  tirailleurs 
du  P^  et  des  voltigeurs  corses»  aborda  hardiment  l'ennemi  au 
moment  où  celui-ci  défilait  sur  le  pont  sous  la  protection  des 
batteries  placées  sur  la  rive  droite.  Ge  pont  se  prolonge  sur  plu- 
sîeumllotaetbras  que  forme  la  rivière»  et  présente  un  trigetassez 
considérable  à  parcourir.  Plusieurs  fois  les  braves  tirailleurs  et 
voltigeurs  s'y  précipitèrent  avec  l'élan  le  plus  impétueux  ;  au- 
tant de  lois  leur  tète  de  colonne  fut  arrêtée  par  la  violence  du 
feu  de  l'ennemL  Le  général  Glaparède  s'avança  alors  avec  le 
reste  de  sa  division.  Gette  masse  poussant  la  brigade  Goehorn, 
qui  ftisalt  des  prodiges  de  valeur,  en  un  moment  canons»  cais- 
sons, chariots,  himimes»  chevalix^furent  culbutés.dans  la  Traun» 
et  les  Français  entrèrent  dansEbelsberg;  ils  traversèrent  rapide- 
ment le  faubourg  situé  au  sud-ouest^  où  s'appuyait  Taile  gauche 


114  unu  «Liiko. 

1109.  de  Bilter  ;  mais,  attaqoég  par  ks  troupes  ptaflAéi  i  l'eftlté»  dm 
âiieinaiine.  fguboorg^  {{9  furent  reponsséB  avee  perte^  jiuqiie  dan»  la  YiMe  et 
ensuite  Jusqu'au  pont.  Mais  le  général  Legrand^  arrivant  alors 
à  la  tète  du  16*  régiment  d*inûmterie  légère  et  du  la*  de  ligne, 
3*avança  en  colonnes  serrées  sur  le  pont  et  arrêta  les  Autri- 
chiens, qui,  renonçant  dès  lovs  à«e  mainteDir^  mirent  le  feu  à 
lË  tille  pour  arrêter  les  colonnes  françaises.  En  effet  Tinoendie 
s*étant  répandu  rapidement  erapéefaa  la«avalerie  et  TartlUerle 
de  d^oucher  du  pont  ;  car,  le  feu  ayant  pris  aux  «Aisons  qui 
avolsininent  «e  pont ,  les  premières  arehes  de  ce  c6té  furent 
brûlées,  en  sorte  que  les  troupes  françalsesqui  avaient  déjà  passé 
se  trouvèrent  séparées -des  autres,  et  foroées  de  lutter  contre 
les  80,000  Autrichiens  que  le  général  fliller  avaitlomiés  en  ba- 
'  taille  sur  les  hauteurs  en  arrière  de  la  ville.  La  division  Clapap» 
rède ,  à  peine  forte  de  7,000  combattants,  eiiA  seule  à  soutenir 
pendant  trois  heures  un  engagementaussi  inégal,  et  eUe  le  fit  avec 
une  résolution  et  une  intrépidité  dignes  des  plus  frands  éloges. 
ToutefOiSMeette  poignée  de  braves  aundt  toi  par  sucoombersi 
les  autres  divisions ,  accourant  à  sen  seoours,  n*étatent  par»> 
venues  à  4étoumer  4es  'flammes  et  à  rétablir  -les  oommuoi«- 
cations.  Le  général  Legrandfle  joignant  ators  au  générai  Du- 
rôsnel,  qui  arrivait  de  Wels,  par  la  rive  droKe  de  la  Traun,  avec 
1  ,oeo  chevaux,  ils  se  portèrent  ensemble  an  secours  du  général 
Ciaparède,  au  moment  oè  Hiller,  craignant  d*étre  débordé  par 
sa  gauche,  se  retirait  sur  l'Ens,  dont  it  détruisit  le  pont.  Aus- 
sitôt que  rempereur  avait  entendu  le  canon  dans  la  direction 
â*Ebelsberg,  il  s'était  avancé  par  la  rive  droke  avec  les  dlvislens 
Molitor  et  Nansouty?  mais  il  n'arriva  qu'après  la  retraite  de 
l'ennemi,  qui  laissa  quatre  canons,  deux  drapeauxetun  monceau 
de  morts  dans  cette  malheureuse  ville  d'Ebelsberg ,  dont  les 
ruines  fumaient  encore  huit  Jours  après  le  combat.  IM  mai- 
sons, les  rues,  les  bords  dé  la  Traun  étaient  encombrés  dé  ca- 
davres à  demibrâiés.  Cette  joarnée  coûta  encore  aux  AiM- 
chiens  4,500  hommes  tués  ou  blessés,  et  6  à  7,000  prisonniers. 
La  division  du  général  Claparède,  qui  venait  de  se  distinguer 
d'une  manière  si  spéciale,  avait  perdu  plus  de  300  hommes 
tués  et  près  de  700  blessés  grièvement;  le  général  Goehom, 
officier  d'une  rare  valeur,  avait  eu  un  cheval  tué  sous  lui  ;  tes 


«oioBflb  Gardcoml  et  Lsody  fMmA  i^téft  siM-  le  champ  de  bn^      im. 
tÉille;  une  eomptgnle  de  Y«lti§0iira  conet,  «a  poorsiiivaikt  fen- 
nemi,  fit  à  eUeseole  loo  prisonnien  dans  nu  b^is. 

Pendant  ee  glorieax  oombat  d'EMsberg,  le  due  de  Monte- 
Jidio  arrivait  à  Steyer  et  y  faisait  rétabHr»  le  4,  le  pont  qne  le 
général  Nordmann ,  eoupé  dn  reste  de  TariBée ,  avait  brûlé  en 
se  retirant  sur  Vienne  par  Gamlng  et  Lllienfeld.  Napoléen 
coadia  le  même  aoir  à  Ens  et  y  reçut  les  dépatéa  du  cercle 
de  fa  bante  Antriefae* 

Sar  ces  entrefaites,  les  antres  corps  qoi  devaient  faire  partie 
de  la  grande  armée  française  s'avançaient  rapidement  pour 
opérer  leur  jonction  avec  ceux  qui  étaient  déjà  en  ligne.  Le 
9*  corps,  commandé  par  le  maréchal  prince  de  Ponte*Gorvo  et 
composé  en  entier  dn  contingent  da  roi  de  Saxe,  an  nombre 
de  30,000  hommes ,  avait  longé  la  frontière  oeddentale  de  la 
Bohème  et  venait  de  s'emparer  d'Égra^  Hprès  avoir  dissipé  nn 
corps  assez  considérable  de  landwefar,  qui  s'y  était  rassemblé. 
Le  6  mai ,  le  prince  de  Ponte-Gorvo  avait  son  quartier  géné- 
ral à  Betz,  sur  la  grande  route  de  Botisbonne  à  Prague. 

Le  lendemain,  le  duc  de  M^tebello  arriva  avec  ses  troupes 
à  MOlk,  pendant  que  le  duc  dé  Bivoll  le  remplaçait  avec  les 
siennes  à  Amstetten*. 

Aaeun  obstacle  sérieux  n'arrèti^t  plus  désormais  la  marche 
de  Napoléon  sur  Vienne  »  et  le  mouvement  des  troupes  fran- 
çatoessuf  la  rive  droite  du  Danube  était  d'autant  mieux  a»- 
snré  qu'à  cette  époque  le  maréchal  prinoe  d'Eckmâbl  venait 
de  prendre  position  avec  son  corps  devant  Lintz ,  où  se  dlrt»* 
geaient  également  les  Wurleroberget^  sous  les  ordres  du  gêné- 
lal  Vandamme. 

Depuis  le  24  avril  jusqu'au  30,,  le  prinoe  d^Gckmûhl  avait 

'  La  Teille,  PaTaot-garde  du  2*  corps  (celoî  de  Lauiea)  ayait  attaqué 
une  arrière-garde  autrichienne  près  d*Amstetten.  Le  général  Edouard  Col- 
bert,  chargeant  à  la  tête  du  29*  régiment  de  chasseurs,  écrasa  la  cavalerie 
ennemie,  et  fit  500  hulans  prisonnion.  te  jeune  Laurtston,  Sla  du  gé^ 
Déral  de  oe  nom,  âgé  de  dix-huit  ans,  et  sorti  des  pages  depuis  six  moi», 
lutta  aeui  coatra  le  colonel  des  huLans  et  lui  fit  remettre  son  sabre.  L'em- 
pereur, informé  de  ce  trait  de  Taillance,  accorda  sur-le-champ  la  décora- 
tion de  la  Légion  au  jeune  sous-lieutenant  qui  débutait  d'une  manière  aussi 
glorieuse. 


1 16  urmi  sixiàvi. 

flW9.  mâvi  l'ardildue  Oiartei  dans  la  direottoii  de  la  Bohèine,  et 
s'était  avancé  Jasqv^àNittenau,  où  les  reeonnaissaiiees  en- 
voyées sur  les  frontières  lui  apprirent  qoe  rennemt  s'enfonçait 
déeidément  dans  oe  royanme.  Le  marédial  mareha  atora  sur 
Stranbing,  et  suivit  le  mouvement  de  la  grande  armée  par 
Passau  et  Ldntz ,  où  il  arriva  le  S  mai.  il  eut  alors  l'ordre .  de 
rester  dans  cette  position  pour  observer  le  mouvement  de 
l'armée  de  l'archiduc  Charles,' qui  paraissait  se  porter  sur 
Vienne  par  les  routes  qui  y  conduisent  de  la  Bohème,  et  dont 
les  avant-postes  se  montraient  déjà  sur  la  rive  gauche  du  Da- 
nube. 

Le  Jour  même  du  combat  d*Ebelsberg,  deux  trains  de  bois 
lourdement  chargés  et  emportés  par  la  rapidité  du  courant 
contre  le  pont  de  bateaux  de  Mauthausen  Pavaient  détruit,  ee 
qui  força  le  général  Hiller  à  se  diriger  sur  Mautem,  où  U  ar- 
riva le  7  mai  par  Amstetten,  Kemmelbach  et  MOlk.  Le  lende- 
main il  passa  sur  la  rive  gauche  du  Danube  avec  la  majeure 
partie  de  ses  troupes»  après  avoir  dirigé  sur  la  grande  route  de 
Vienne  le  général  Dedowich  avec  vlngt-deui  bataillons  et  faijt 
escadrons,  pour  aider  à  la  défense  de  cette  ville  jusqu'à  l'arrivée 
de  l'arobiduc  Charles ,  qui  espérait  encore  pouvoir  opérer  sur 
les  deux  rives  du  Danube. 

Les  corps  des  maréchaux  Masséna  et  Lannes  se  réunirent 
le  9  auprès  deSieghardskirchen,  à  quatre  lieues  de  la  capitale 
de  ^Autriche.  Ce  même  jour  l'empereur  Napoléon  avait  son 
quartier  général  à  Saint-Pôiten  ;  le  marédial  prince  d'Eck- 
mkhl  quittait  Lintz  pour  se  porter  sur  MôIk.  Les  troupes  vrur- 
tembeiigeoises  remplaçaient  le  3*  corps  à  Lintz;  le  prince 'de 
Ponte-Corvo  s'avançait  sur  les  derrières  de  rarchiducCharles^ 
rinquiétant  par  diverses  démonstrations  et  l'obligeant  à  par- 
tager ses  forces;  enfin  le  maréchal  duc  de  Dantzig,  continuant 
à  marcher  vers  le  Tyrol  avec  le  corps  bavarois,  arrivait  sur 
Innsbrûck,  afin  de  prendre  à  revers  les  détachements  autrichiens 
qui  occupaient  encore  le.pays  et  inquiétaient  cette  partie  des 
frontières  de  la  Bavière. 

Le  10 ,  à  neuf  heures  du  matin ,  Napoléon  parut  aux  portes 
de  Vienne  avec  le  corps  du  duc  de  Montebello.  a  C'était,  dit 
le  bulletin  officiel ,  à  la  même  heure,  le  même  Jour,  et  un  mois 


6U£BBB  I>  ALLB1U.G1IS.  117 

Juste  après  que  Tarmée  aatriAtenne  aurait  passé  Vlun  poii(      isos. 
envahir  la  Bavière.  »  AUemagn*. 

Bombardement  et  eapitultUion  de  Vienne.  —  L'empereur  if-ismai. 
avait  eoQcfaé  la  veille  au  chAteau  impérial  de  Schônbrunn,  situé 
à  une  demi*lteue  vers  le  midi,  et  dans  Une  position  très-fa- 
vorable à  la  direction  des  opérations  autour  de  cette  capitale 
de  r  Autriche ,  dont  Tarchidac  Maximilien  devait  diriger  la  dé- 
fense. La  garnison  se  composait  de  quinze  bataillons  de  land- 
wehr,  auxquds  se  réunirent  les  détadiementa  des  généraux 
Dedov?ich  et  Nordmann,  ce  qui  composait  une  force  de  35,000 
hommes,  dont  plus  de  la  moitié  formée  de  soldats  peu  exercés 
et  peu  propres  à  défendre  des  ûiuboorgs  entourés  d'un  simple 
boulevard;  on  se  borna  donc  à  occuper  les  ouvrages  de  la  ville 
proprement  dite,  ainsi  que  la  grande  lie  située  au  nord,  qui  ren- 
ferme le  Prater,  les  plaines  de  Leopoldstadt  et  de  Brigittenaue. 
Cette  lie,  importante  par  sa  communication  avec  le  pont  de 
Tabor,  devait  être  armée  de  redoutes;  mais  il  n'était  déjà  plus 
temps  d'exécuter  ees  travaux,  au  moment  où  Ton  songea  à  les 
entreprendre.  La  présence  de  ces  troupes  et  la  pensée  d'être 
promptement  secourus  par  Tarmée  de  Farchiduc  CliarleSy  à  la- 
quelle venait  de  se  Joindre  le  général  Hiller,  avaient  excité  les 
Viennois  à  se  défendre  Jusqu'à  la  dernière  extrémité  :  les  fau- 
bourgs, qui  ne  lynt  pas  fortifiés,  et  qui  contiennent  les  deux 
tiers  de  la  population,  se  rendirent  sans  résistance  aux  troupes 
du  général  Oudinot;  mais,  lorsque  le  général  Tharreau,  com- 
mandant l'avant-garde,  s'avança  sur  l'esplanade  qui  sépare  les 
faubourgs  de  la  cité,  les  canons  des  remparts  tirèr^t  à  mi* 
trallle  sur  lui  et  le  forcèrent  à  s'éloigner;  ce  général  reçut  en 
cette  occasion  une  blessure  assez  légère. 

Le  duc  de  Montebello,  par  ordre  de  l'empereur  Napoléon , 
envoya  alors  le  colonel  Lagrange  pour  sommer  la  ville  d'ou- 
vrir ses  portes^  Ce  parlementaire  fui  introduit;  mais  à  peine 
avait-il  fait  quelques  pas  dans  la  ville  que  la  populace  ameutée 
se  jeta  sur  lui  pour  le  massacrer.  Il  était  déjà  couvert  de  bles- 
sures lorsque  le  général  O'Reilly  fit  avancer  un  piquet  de 
troupes  de  ligne  pour  le  retirer  des  mains  de  ces  furieux ,  et 
épargner  au  peuple  de  Vienne  le  crime  de  violer  le  droit  le 
plus  sacré  de  la  guerre.  Mais,  tandis  que  le  colonel  Lagrang» 


fis  LiTBB  siiikm. 

leet.  échappait  ainsi  à  une  mort  certaine,  une  partie  de  la  mllioe 
urbaine  promenait  en  triomplie  un  garçon  bouclier  qui  avait 
porté  les  premiers  coups  à  cet  ofQcler. 

Maître  des  dehors  de  Vienne ,  l'empereur  avait  nommé  sur- 
le-champ  le  général  Andréossy  gouverneur  de  la  ville;  celui-ci 
•réunit  en  députation  un  certain  nombre  des  principaux  habi- 
tants des  faubourgs,  et  les  envoya  au  château  de  Sch6nbrunn. 
Napoléon  accueillit  ces  députés  avec  beaucoup  de  bienveillance, 
et  les  chargea  de  porter  à  rarchidoc  la  lettre  suivante,  qu'écri- 
vit le  mi^or  général  prince  de  Neuchfttel  : 

«  S.  M.  Tempereur  et  roi  désire  épargner  à  cette  grande  et 
intéressante  population  les  calamités  dont  elle  est  menacée ,  et 
me  charge  de  représenter  à  V.  A.  que,  si  elle  continue  à  vou- 
loir défendre  la  place ,  elle  causera  la  destruction  d*une  des 
plus  belles  villes  de  TEurope.  Dans  tous  les  pays  où  la  guerre 
l'a  porté,  mon  souverain  a  fait  connaître  sa  sollicitude  pour 
écarter  ces  désastres  des  populations  désarmées.  Y.  A.  doit 
être  persuadée  que  S.  M.  est  sensiblement  affectée  de  voir,  au 
momoit  de  sa  ruine,  une  ville  qu'elle  tient  à  gloire  d*avoir  déjà 
sauvée;  cependant,  contre  l'usage  établi  dans  les  forteresses , 
V.  A.  a  fait  tirer  le  canon  du  côté  de  la  ville,  et  ce  canon  pou- 
vait tuer,  non  un  ennemi  de  votre  souverain ,  mais  la  femme 
ou  l'enfant  de  ses  plus  zélés  s^viteurs.  Si  jf.  A.  continue  à 
vouloir  défendre  la  place,  S.  M.  sera  forcée  de  faire  commencer 
les  travaux  d*attaque ,  et  la  ruine  de  cette  immense  capitale 
sera  consommée  en  trente-six  heures  par  le  feu  des  obus  et  des 
bombes  de  nos  batteries  ,  comme  la  ville  extérieure  sera  dé- 
truite par  le  feu  des  vôtres.  S.  M.  ne  doute  pas  que  ces  con- 
sidérations n'engagent  Y.  A.  à  renoncer  à  une  détermination 
.qui  ne  retarderait  que  de  quelques  instants  la  prise  de  la  place. 
Knfln ,  si  Y.  A.  ne  se  décide  pas  à  prendre  un  parti  qui  sauve 
'  la  ville ,  sa  population ,  plongée  par  votre  fttute  dans  des  mal- 
heurs aussi  affreux ,  deviendra,  de  9ujets fidèles ,  ennemie  de 
votre  maison.  »  La  députation  qui  portait  cette  nouvelle  som- 
mation entra  le  il ,  à  neuf  heures  du  matin,  dans  la  cité  ;'mais, 
une  heure  après,  le  feu  des  remparts  recommença  sur  tous  les 
points  :  c'était  la  seule  réponse  que  voulut  faire  l'archiduc; 
tiuinze  habitants  et  deux  soldats  français  forent  tués. 


Eédnit^  malgré  loi  y  à  la  dore  néeesHté  de  faire  bombarder  itoe^ 
Vimne,  Kapoiéoa  8o  porta  avec  le  duc  >de  Rivoli  sur  le  bra9  ^"^^"*^'*- 
du  Danube  qui  sépare  la  pronieiiade  appelée  le  Praterde^  fau- 
bourgs,  et  fit  oecaper  par  deux  compagnies  de  voltigeurs,  sous 
le  «aomroaodemait  du  chef  d'eseadrou  Talbouet,  officier  d'or*^ 
dounaiice»  un  petit  pavUioQ  sur  la  rive  gauche,  afin  de  proté» 
ger  la  construction  d'un  pont  en  cet  endroit.  Un  bataillon  de 
grenadiers  ennemia  »  qui  défendait  ce  passage ,  fut  chassé  par 
ces  denx  compagnies,  protégées  par  le  feu  de  quinze  pièces  d'ar- 
tillerie ;  à  huit  heures  du  soir  lés  matériaux  pour  la  construction 
dû  pont  étaient  déjà  réunis.  Le  capitaine  Pourtalès,  aide  de 
camp  du  prince  de  Neucbâtel  ^  et  l'aide  de  camp  du  générai 
Boudet  ^  Susaldi,  s'étaient  jetés  des  premiers  à  la  nage  pour  ra- 
mener deux  bateaux  qui  étaient  sur  la  rive  opposée,  et  qui  ser- 
virent au  passage  des  voltigeur»  du  commandant  Talhouet. 

Les  troupes  françaises  formaient  alors  un  cercle  autour  des 
remparts ,  la  gauche  appuyée  au  Danube ,  près  de  Dobling ,  la 
droite  à  Simring ,  le  centre  aux  environs  de  SchOnbrunn. 

Le  général  du  génie  Bertrand  et  le  général  d'artillerie  Navelet  • 
clioisirent,  pour  élever  une  batterie  de  vingt  obusiers»  destinée 
à  bombarder  la  ville,  le  même  emplacement  où  les  Turcs  avaient 
ouvert  leur  tranchée  dans  le  siège  de  1683,  et  qui  n'était  éloi- 
gné que  de  cent  toises  de  la  place. 

Cette  batterie,  couverte  par  les  écuries  de  l'empereur  d*Au- 
trlehe,  bâties  sur  le  même  terrain,  commença  à  neuf  heures 
du  soir  un  bombardement  que  ne  pouvait  point  contrarier  le 
feu  des  remparts;  dix-huit  cents  obus  furent  lancés  en  peu 
de  temps;  plusieurs  hôtels  et  grands  bâtiments  dans  Tintérleur 
de  la  ville  devinrent  la  proie  des  flammes.  Cet  incendie  répan<- 
dit  le  plus  grand  trouble  au  milieu  de  l'Immense  population  qui 
se  trouvait  encombrée  dans  un  espace  beaucoup  trop  resserré 
pour  elle.  Un  parlementaire  sortit  de  la  ville  sur  ces  entrefaites» 
pour  annoncer  que  la  Jeune  archiduchesse  Marie-Louise,  alors 
malade  de  la  petite  vérole ,  n'ayant  pu  suivre  son  père  et  sa 
famille,  se  trouvait  dans  le  palais  impérial ,  exposée  au  feu  de 
rartillerie  française;  Napoléon,  par  égard  pour  cette  princesse; 
fH  changer  la  direction  des  batteries,  de  manière  à  ce  que  le 
palais  fût  épargné. 


130  LITEB  SIXiteB* 

iMO,  •  Â  Qoe  beure  du  matin,  Tarehidiic  Maximilien  fit  Hiardier 
AUtuiagnf.  deux  batalllous  pour  reprendre  le  pavillon  qui  protégeait  la  ocm- 
struction  du  pont  par  lequel  l'empereur  voulait  pénétrer  dans  le 
Prater.  Les  deux  compagnies  de  voltigeurs  logées  dans  ce  petit 
bâtiment  l'avaient  crénelé;  elles  reçurent  rennemi  à  bout  por- 
tant. Leur  feu,  et  celui  de  la  batterie  de  quinze  pièces  de  canon 
établie  sur  l'autre  rive ,  ayant  renversé  une  partie  de  la  colonne 
autrichienne  y  le  reste  se  sauva  dans  le  plus  grand  désordre. 

Immédiatement  après  cet  événement,  un  conseil  de  guerre 
assemblé  par  Farchiduc  ayant  déclaré  qu*il  était  Impossible  de 
se  maintenir  dans  la  ville  jusqu'à  l'arrivée  de  l'armée  principale^ 
la  retraite  sur  la  rive  gauche  du  Danube  fût  résolue  et  exécutée 
le  13  au  matin.  L'archiduc  ne  laissa  dans  Vienne  que  quelques 
centaines  d'hommes,  sous  les  ordres  du  général  O'Reiily ,  qu'il 
autorisa  à  traiter  de  la  capitulation. 

Le  même  Jour,  ce  général  envoya  un  offlcier  aux  avant-postes 
français  pour  demander  qu'on  cessât  le  feu,  et  pour  prévenir 
qu'une  députation  allait  se  rendre  auprès  de  l'empereur  Napo- 
*  léon.  En  effet,  peu  de  temps  après,  cette  députation,  com- 
posée des  personnes  les  plus  distinguées  de  la  ville ,  se  rendit  au 
château  de  Schônbrunn,  où  le  monarque  français  lui  promit 
d'accorder  A  la  capitale  des  États  autridiiens  la  même  capitu- 
lation que  celle  qu'il  lui  avait  octroyée  en  1805.  Les  articles 
en  furent  signés  dans  la  soirée,  et,  le  lendemain  13,  les  troupes 
du  général  Oudinot  occupèrent  la  ville ,  dont  la  garnison  resta 
prisonnière  de  guerre, 
is-si  mal.  .  Passage  du  Danube  par  une  partie  de  larmée  française; 
mouvements  de  l'année  autrichienne  sur  la  rive  gauche  de  ce 
fleuve.  —  Napoléon  ne  fit  point  d'entrée  dans  Vienne;  le  jour 
même  où  la  garnison  autrichienoe  mit  bas  les  armes ,  il  adressa» 
du  château  de  Schônbrunn,  la  proolamation  suivante  à  son 
armée  : 

«  Soldats!  un  mois  après  que  l'ennemi  passa  l'Inn ,  au  même 
Jour,  à  la  même  heure,  nous  sommes  entrés  dans  Vienne. 

«  Ses  landvrehrs  ou  levées  en  masse ,  ses  remparts  créés  par 
la  rage  impuissante  de  la  maison  de  Lorraine,  n'ont  poiut  son- 
tenu  nos  regards.  Les  princes  de  cette  maison  ont  abandonné  la 
capitale,  non  comme  des  soldats  d'honneur  qui  cèdent  aux  cir- 


GUSKBE  d'àLLEMJLGMB.  121 

constances  y  mais  comme  des  parjures  qae  poursuivent  leurs      tw». 
propres  remords.  En  fuyant  de  Vienne,  leurs  adieux  à  ses  ha* 
bitants  ont  été  le  meurtre  et  l'incendie  ;  comme  Médée,  ils  ont, 
de  leurs  propres  mains,  égorgé  leurs  enfants. 

<t  Le  peuple  de  Vienne ,  selon  l'expression  de  la  députation 
de  ses  foubourgs ,  délaissé ,  abandonné  y  veuf»  sera  Tobjet  de  voâ. 
égards  ;  J'en  prends  les  bons  habitants  sous  ma  spéciale  protec- 
tion ;  quant  aux  hommes  turbulents  et  mécliantSy  J'en  ferai  une 
justice  exemplaire. 

<r  Soldats I  soyons  bons  pour  les  pauvres  paysans,  pour  ce 
bon  peuple  qui  a  tant  de  droits  à  votre  estime  ;  ne  conservons 
aucun  orgueil  de  nos  succès  ;  voyons-y  une  preuve  de  cette  Jus* 
tice  divine  qui  punit  Vingrat  et  le  parjure.  » 

Les  corps  des  ducs  de  Rivoli^  de  Montebello  et  dlstrle  furent 
cantonnés  dans  les  environs  de  Vienne ,  et  la  garde  impériale 
auprès  du  château  de  Schônbrunn.  L'empereur  passa  les  troupes 
en  revue  à  mesure  qu'elles  arrivaient ,  distribua  des  récompenses 
à  ceux  qui  s'étaient  distingués  dans  les  dernières  affaires^  et 
ordonna  les  préparati&  pour  le  passage  du  Danube. 

De  son  côté  l'archiduc  généralissime  n'avait  pas  encore  re-* 
nonce  à  son  projet  de  passer  le  Danube  sur  les  derrières  de 
l'armée  française  et  de  porter  le  théâtre  de  la  guerre  sur  la  rive 
droite.  Il  était  arrivé  le  4  mai  dans  les  environs  de  Budweis  et 
d'Ochsbrunn,  où,  ayant  appris  les  événements  d'Ebelslierg  et  de 
Mauthausen,  il  avait  donné  l'ordre  à  Hiller  de  ne  pas  détruire 
complètement  le  pont  de  Mautem,  et  de  le  mettre  dans  un  état 
a  pouvoir  être  rétabli  promptement  s'il  devait  servir  au  passage 
de  l'armée.  Immédiatement  après  avoir  donné  cet  ordre,  il  reçut 
l'avis  qu'un  détachement  wurteml)ergeois  embarqué  â  Lintz 
avait  culbuté,  le  5 ,  les  land-wehrs  du  général  Richter,  et  qu'il 
avait  aussitôt  commencé  à  travailler  au  rétablissement  du  pont 
et  des  retranchements  d'Urfahr-Lintz.  Enfin,  le  Jour  où  l'em- 
pereur parut  devant  Vienne,  l'armée  autrichienne,  qui  était 
restée  deux  Jours  à  Budweis ,  n'avait  encore  marché  que  Jusqu^à 
Zwettel.  Le  généralissime,  craignant  que  l'empereur  ne  passât 
rapidement  de  Nussdorf  sur  la  rive  gauche  du  Danube ,  ordonna 
à  Hiller  d'observer  le  cours  du  fleuve  depuis  ce  point  de  passage 
lusqu'à  Tuin  et  de  laisser  8,000  hommes  à  Krems  pour  s'assurer 


1S2  Liv£«  srxitiis» 

itao.  du  pont;  mais  quand  retordre  lui  parvint ,  dam  b  xmli  4a  9  ao 
Aiiemagiie.  |  ^^  ^  général  avait  déjà  dirigé  le  2*  corps  de  réservé  sur  Kircb- 
I)ergf  et,  contiDuant  sa  marche,  il  était  parvenu  avec  ses  pre- 
mières divisions  à  Jedler8d(H*f-am-Spitz,  le  1 1  à  sept  heures  du 
matin,  d'où  cinq  iwtaillons  avaient  été  détachés  pour  renforcer 
Ja  garnison  de  Vienne. 

Après  le  départ  de  i'archiduc  Maximilien  et  la  capitulation 
de  la  capitale  y  le  général  Eiiller  avait  pris  le  commandement  ea 
chef  de  tontes  les  troupes  ;  11  fit  incendier  le  pont  de  Tahor,  éta- 
blit un  camp  près  de  Stammersdorf  ^  et  assura  la  communica- 
tion avec  la  division  de  Krems  par  l'envoi  d'un  détachement 
à  Stockeran.  Il  lui  restait  alors  quarante-deux  bataillons  et 
trente-huit  escadrons,  y  compris  cinq  bataUlons  répartis  entre 
Stadelao ,  Gross-Aspem ,  Essling  et  Gross-Enzersdorf ,  pour  ob- 
server la  rive  gauche  du  Danube.  L'opération  la  plus  Impor* 
tante  pour  Tarmée  française  était  de  passer  sur  cette  rive  avant 
Tarrivée  de  Tannée  de  rarchiduc. 

Trois  points  s'offraient  poiir  cette  opération  :  le  premier,  à 
gauche  de  la  ville ,  près  du  village  de  Nussdorf  et  au-dessous 
du  Bisamberg,  avait  l'avantage  d'une  position  excellente  sur 
l'autre  rive,  si  l'on  pouvait  traverser  d'abord  le  fleuve  en  assez 
grandes  forces  pour  l'occuper  avant  l'ennemi  et  s'y  maintenir. 

Le  second  point  était  à  droite,  entre  l'ile  de  liObau  et  Près- 
borg.  Le  Danube ,  en  cet  endroit ,  n'est  point  divisé  en  plusieurs 
bras,  et  les  hauteurs  qui  sont  sur  la  rive  droite  donnent  la  fa- 
cilité de  protéger  les  travaux  par  des  batteries  plongeantes. 

Le  troisième,  auquel  l'empereur  donna  la  préférence,  était 
nie  de  Lobau',  située  à  une  lieue  et  demie  à  l'est  de  Vienne^ 
non  loin  de  Kaiser-EbersdorL  Cette  île  est  couverte  de  bois  et 
entourée  de  tous  c^és  de  broussailles  qui  cachent  la  vue  de 
l'intérieur,  même  des  lieux  les  plus  élevés. 

Dès  le  12 ,  le  corps  du  duc  de  Rivoli  fut  dirigé  sur  ce  point. 
Le  maréchal  Lannes  se  porta  à  Nussdorf.  Les  hauteurs  qui  s'é- 
lèvent immédiatement  en  arrière  de  ce  lieu  favorisaient  l'empla- 
cement de  l'artillerie  destinée  à  faciliter  la  construction  des 

'  La  plupart  des  nombreuses  Iles  que  le  Danube  foime  à  TE.  et  au  S.  E. 
de  Vienne  sont  appelées  Aue  en  allemand ,  mot  qui  signifie  plaine  fertila,. 
pré,  prairie.  Die  Lob  Àtte,  la  plaine  de  Lob  ov  Lobaue, 


GQBIBI   D^ALLBHAGRB.  128 

ponts  spf  le  bras  principal  du  fleuve.  Ce  bras,  d'une  largeur  d'en»  i^q, 
-vlron  six  cents  pas ,  se  trouvait  protégé  contre  le  feu  des  bat-  AiicmaKiie. 
teries  de  la  rive  gauche  par  l'tle  de  Jedelsee  {JedeUeer  Aue). 
Cette  Ile»  boisée  en  grande  partie.,  pouvait  contenir  un  corps 
notnbreux  de  troupes,  auxquelles  un  bras  mort  de  peu  de  lar^ 
geur,  appelé  la  Sckwarze  Loche,  n'aurait  opposé  qu'un  faible 
obstacle  pour  passer  dans  la  plaine  du  Marcbfeld.  La  réussite 
de  cette  entreprise  offrait  surtout  le  grand  avantage  de  pouvoir 
rétablir  le  pont  de  Tabor^  au  moyen  duquel  Tarmée  française 
s'emparait  de  rembranchement  des  deux  routes  de  Bohème  et 
de  Moravie  ;  mais  la  tentative  échoua.  Plusieurs  compagnies  de 
voltigeurs,  embarquées  le  1 3  mai  dès  le  matin,  furent  attaquées 
en  alM>rdant  par  quelques  détachements  de  landwehr,  au  se- 
cours desquels  Hiller  envoya  six  bataillons  du  régiment  de 
kerpen.  Ceux-ci  s'avancèrent  sur  trois  colonnes  contre  les  vol* 
tueurs,  qui,  après  avoir  combattu  avec  opiniâtreté,  furent  re- 
foulés à  la  partie  sud-est  de  l'Ile,  avec  perte  de  280  hommes 
tués  et  385  prisonniers,  dont  15  ofilciers.  Les  Autricliiens  per* 
dirent  368  hommes  tués  ou  blessés,  dont  0  ofilciers.  Hiller  fit 
occuper  fortement  toute  Tile ,  et  Ton  dut  renoncer  pour  l'instant 
à  renouveler  Tentreprise  du  passage  sur  ce  point. 

Le  pont  de  Mautern  ayant  été  brûlé,  le  10 ,  par  le  général 
Schustekh,  qui  commandait  la  division  laissée  à  Krems,  le  gêné* 
raltssime  partit  de  Zwettel  et  marcha,  du  1 1  au  13,  par  Neu* 
Pôlla  et  Horn ,  à  Gross-Weickersdorf ,  où  il  apprit,  le  14,  le  ré* 
snltat  du  combat  livré  la  veille  dans  Ttie  de  Jedelsee.  La  direct 
tJon  suivie  par  ce  prince  semblait  indiquer  l'intention  de  passer 
le  Danube  à  Toln;  mais  la  tentative  des  Français  pour  pénétrer 
immédiatement  dans  la  plaine  du  Marchfeld  lui  fit  prendre  la 
résolution  de  s'y  porter  avec  toute  son  armée  pour  les  arrêter 
ei|  leur  livrant  une  grande  bataille.  Le  même  Jour  il  atteignit 
Gôllersdorf ,  et  «  dans  la  nuit  du  16  au  16 ,  il  arriva  en  arrière 
du  Bisamberg,  où  il  établit  un  camp  entre  Saint-Yeit  et  Hagen- 
brunn,  ainsi  qu'à  Enzesfeld,  Ebersdorf  et  Pillichsdorf.  Le  gé* 
néral  Hofmdster  fut  envoyé  avec  trois  bataillons  à  Presburg, 
où  l'on  commença  la  construction  d'une  tète  de  pont  sur  la  rive 
droite  du  Danube. 

Depuis  l'arrivée  de  l'armée  autrichienne  dans  le  Mirchfeld, 


124  LIYfll   SIXISIIK.' 

iMo^  il  ne  pouvait  plos  être  question  de  tenter  de  nouveau  le  passage 
du  Danube  à  Nussdorf  ;  on  fit  donc  les  dispositions  nécessaires 
pour  Feffectuer  au  point  que  l'empereur  avait  choisi ,  en  fiice 
de  Kalser-Ëbersdorf. 

Ce  point  de  passage  bien  reconnu  par  les  officiers  du  géilie> 
Tempereur  fit  avancer,  le  1 7 ,  1^  division  Molitor  entre  le  village 
d'Ebersdorf  et  le  bord  du  Danube,  vers  un  petit  bois  autour 
duquel  se  rangèrent  les  troupes,  et  il  se  rendit  lui-même  sur  ce 
terrain  vers  six  heures  du  soir.  Bientôt  après  il  fit  embarquer 
les  compagnies  de  voltigeurs  de  la  division  sur  des  bateaux  réunis 
à  cet  effet.  Un  faible  détachement  ennemi,  qui  gardait  Tlle 
de  LobaU;  en  fut  chassé  sans  peine. 

L'empereur  voulut  présidera  l'embarquement  des  troupes^ 
et  il  s'occupa  des  moindres  détails.  Pendant  ce  temps ,  le  gé- 
néral Bertrand  préparait,  à  une  portée  de  canon  de  Tendroit 
de  passage,  les  deux  ponts  qui  devaient  être  établis  pour  arriver 
dans  rtle  de  Lobau ,  attendu  qu'entre  cette  Ile  et  la  rive  droite 
se  trouve  un  petit  Ilot  appelé  Schneiderhaufen ,  qui  divise  ce 
bras  du  fleuve  en  deux.  Napoléon  établit  son  quartier  général 
à  Ebersdorf . 

Le  19  les  deux  ponts  furent  terminés,  et  les  troupes,  qui 
arrivaient  de  tous  côtés,  prenant  successivement  position  aux 
environs  d'Ebersdorf,  purent  commencer  à  passer  dans  File  de 
Lobau ,  lieu  de  rassemblement  et  place  d'armes  en  quelque  sorte 
des  opérations.  Pendant  tous  ces  préparatifs,  c'est-à-dire  du 
13  au  20  mai ,  les  corps  d'armée  du  prince  d'Eckmûhl  et  du 
prince  de  Ponte-Corvo  s'étaient  rapprochés  de  l'armée  princi- 
pale ;  le  premier  s'était  porté  de  Môlk  sur  Saint-Pôlten ,  et  avait 
cantonné  ses  troupes  entre  ce  dernier  bourg  et  Siegardskircheo. 
Le  maréchal  pjrince  de  Ponte-Corvo  était  descendu  par  la  rive 
gauche  sur  Lintz ,  pour  se  réunir  au  corps  wurtembergeois  qui 
occupait  cette  ville,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit. 

Napoléon  passa  le  20  dans  Tlie  de  Lobau,  et  fit  établir  un 
nouveau  pont  sur  le  troisième  bras  du  fleuve ,  entre  les  villages 
de  Gross-Aspem  et  d'EssIing.  Ce  bras  n'ayant  que  soixante- 
dix  toises  de  largeur,  quinze  pontons  suffirent  pour  former  le 
pont ,  qui  fut  achevé  en  trois  heures  par  les  soins  et  sous  la  di- 
rection iiu  colonel  d'artillerie  Aubry.  Le   major  Descorches 


GUEBBB   D  ALLBMAGEIB.  125 

Sftinte-Grdix ,  aide  de  camp  du  maréchal  duc  de  Rivoli,  était  iiooi 
passé  le  premier  en  bateau  sur  la  rive  gauche  avec  200  voIU-  ^"•™«»«- 
genrs  de  la  division  Molitor,  pour  favoriser  rétablissement  du 
pont ,  sur  lequel  la  division  Molitor  déboucha  à  six  heures  du 
soir.  La  division  de  cavalerie  légère ,  commandée  par  le  gé- 
néral Lasatle ,  suivit,  et  eut ,  presque  aussitôt  après  son  passage, 
un  engagement  avec  quelques  régiments  de  cavalerie  ennemie. 
A  six  heures  les  troupes  françaises  occupèrent  sans  opposition 
sérieuse  les  villages  d*Âspem  et  d*£s8ling. 

La  division  Marulaz  suivait  celle  de  Lasalle,  lorsque  le  pont 
se^roropit,  et  ce  ne  fut  que  le  lendemain,  à  trois  heures  du  matin, 
que  le  4®  corps  put  continuer  à  défiler.  Dès  la  pointe  du  Jour 
reropereur,  aecompagné  du  prince  de  Neuchàtel  et  des  maré- 
chaux ducs  de  Rivoli  et  de  Montebello,  reconnut  la  position, 
et  établit  sur-le-champ  son  ordre  de  bataille  à  l'entrée  de  la 
plaine  du  Marchfeld,  la  gauche  appuyée  au  village  de  Gross- 
Aspem,  le  centre  à  Essiing,  et  la  droite  vis-à-vis  de  Gross- 
Enasersdorf ,  à  un  petit  bois  au  bord  du  Danube.  Les  deux  vil* 
iages  de  Gross-Aspem  et  d'EssIing  sont  naturellement  retran- 
chés par  des  murs  de  maisons  en  pierre ,  et  se  trouvent  liés  entre 
eux  par  nne  double  ligne  de  fossés ,  pratiqués  pour  Técoulement 
des  eaux  lorsque  le  Danube  déborde;  Gross-Aspem  s'appuie  en 
outre  contre  un  petit  bras  du  Danube ,  formé  par  une  lie  qui 
est  précisément  derrière  le  village.  C'est  dans  cette  position  que 
r^apoléon  attendait  le  reste  de  son  armée,  pour  la  conduire  a 
une  attaque  générale. 

Rendons  compte  maintenant  des  mouvements  de  Tarmée  au- 
trichienne sur  la  rive  gauche  du  Danube. 

On  a  déjà  vu  querarchiduc  Charles,  après  avoir  fiiit  un  long 
circuit  par  la  Bohème ,  s'était  rapproché  du  Danube  et  avait 
rallié  à  son  armée  les  troupes  du  général  Hillcr,  passées  dès 
le  7  mai  sur  la  rive  gauche.  Le  corps  du  général  Kollowrath 
était  resté  en  observation  sur  les  frontières  de  Bohème ,  pour 
s^opposer  aux  entreprises  que  le  prince  de  Ponte-Corvo  et  le 
général  Yandamme  pourraient  faire  de  ce  côté,  en  partant 
du  point  de  Lintz,  où  ils  étaient  placés  l'un  et  l'autre.  Dix-sept 
bataillons  delandv^ehr  occupaient  Pilsen  lorsque  le  général  Kol- 
lowrath arriva  dans  cette  ville  le  6  mai   où  il  reçut  de  Tarchl- 


136  UVBK   SIXlàMB. 

1609.  duc  Tordre  de  se  porter  à  Budweis.  Son  corps  se  cpnqposalt  d» 
AHeiDagne.  p|^g  ^^  30,000  hommes.  Pendant  la  marche  de  ce  corps  snr 
Radwcis,  le  général  Radiwoje^rich  fut  dirigé  snr  Klattau  pour 
observer  le  marédial  Bemadotte,  qui  marchait  sur  Straubing 
en  longeant  les  frontières  de  la  Bohème.  A  Budweis,  Kollowrath 
reçut  l'ordre  de  rejeter  sur  la  rive  droite  du  Danube  les  Wur- 
tembergeois  qui  occupaient  Urfahr-Lintz;  mais,  mal  secondé  par 
les  généraux  SainWulien  et  Sommariva,  et  vaUlamment contenu 
par  les  troupes  de  Vandamme ,  il  fut  forcé  de  se  retirer  avec 
perte  à  l'arrivée  de  la  première  division  des  troupes  saxonnes 
du  maréchal  Bemadotte. 

Arrivé  depuis  le  1 6  au  pied  du  Bisamberg,  Tardiiduc  ne  pou- 
vait point  douter  que  i'empereur  ne  se  préparât  à  passer  le  Da^ 
nube;  mais  il  résolut  de  ne  point  s*y  opposer,  afin  de  livrer  ba- 
taille à  Farmlée  firançaise  ayant  à. dos  le  Danube,  qui,  dans 
cette  saison ,  est  sujet  à  des  débordements. 

Dès  le  19  il  apprit,  par  les  avant-postes,  l'occupation  de  l'Ile 
de  Lobau,  et,  le  lendemain,  la  construction  du  pont  sur  le  troi; 
sième  bras  du  Danube.  Afin  de  donner  plus  de  sécurité  en  quel* 
que  sorte  à  son  adversaire ,  il  ordonna  alors  à  son  avant-garde, 
commandée  par  le  général  Klenau,  de  se  replier  à  mesure  que 
les  troupes  françaises  se  déploieraient,  et  en  même  temps  il 
s'occupa  de  faire  réunir  et  préparer  tous  les  moyens  propres^  à 
opérer  la  destruction  des  ponts,  ainsi  que  nous  le  dirons  plut 
loin. 
21  et  22  mai.  Bataille  d'Essling. — Dans  la  nuit  du  1 9  au  20  maU'ardiiduc 
avait  fait  avancer  seize  escadrons  à  Raschdorf,  et  le  lendemain 
la  majeure  partie  de  son  infanterie  campa  entre  Gerasdorf  et 
S&uring;  la  cavalerie  se  porta  à  Aderklaa.  Le  5*  corps  d'ar- 
mée, échelonné  entre  Strebersdorf  et  Korneuburg,  devait  obser- 
ver le  Danube  et  reltcr  en  communication  avec  le  général 
Schustekh.  Pendant  la  nuit,  les  1^',  2^  et  4^  corps  d'armée  fà-- 
rent  formés  sur  deux  lignes  entre  Gerasdorf  et  Deutsch-Wa^'am. 
Seize  bataillons  de  grenadiers,  composant  la  réserve  d'infanterie, 
commandée  par  le  général  d'Aspre,  se  portèrent  à  Sânring,  et 
la  réserve  de  cavalerie,  aux  ordres  du  prince  Jean  de  Liech- 
tenstein, resta  à  Aderklaa;  le  G""  corps  fut  placé  à  Stammers* 
dori'. 


Ihme  jo  ^a^«  iàf . 


GVEBBB   D*ALLE1IA0ÏIE.  127 

C'est  deecs  positions  que,  le  2  i ,  à  midi,  Tamiée  autridiienne 
se  porta  à  I  attaque  de  celles  qu'occupait  la  partie  de  Tarmëe  ^"•^■s'** 
Ihmçaise  qui  avait  atteint  la  rive  gauche  du  Danube.  L'arcld' 
doc  forma  ses  troupes  s«r  cinq  colonnes  :  la  i^,  forte  de  dix-neuf 
bataillons  et  vingt-deux  escadrons ,  sous  les  ordres  du  général . 
Hiller,  devait,  en  partant  de  Stammersdorf,  côtoyer  le  Danube 
et  se  diriger,  par  Stadelau,  surGross-Aspern  ;  la  S'',  de  vingt  ba- 
taillons et  seize  escadrons,  conduite  par  le  comte  Bellegarde,  àe^ 
vait  marcher,  par  Léopoldau,  sur  Hirschstetten,  et  se  lier  à  gau* 
cheà  la  S*^  colonne,  formée  de  vingt-deux  bataillons  et  huit  es- 
cadrons, aux  ordres  do  prince  de  Hohenzollem ,  et  marchant 
sur  Gross-Aspern  par  Breitenlee.  Le  prince  de  Liechtenstein , 
à  la  tète  de  soixante-dix-huit  escadrons  de  la  réserve ,  avait 
ordre  de  se  porter,  en  deux  colonnes,  par  Breitenlee  et  Rasch- 
dorf,  à  la  hauteur  des  3°  et  \'^  colonnes,  en  conservant  la  com« 
munication  avec  le  corps  du  prince  de  Bosenberg,  composé  de 
vingt-six  bataillons  et  vingt-quatre  escadrons;  qui  formaient 
les  4*  et  5^  colonnes.  Il  était  prescrit  à  la  4*  de  se  diriger  sur 
Essiing  par  Aderklaa  et  Raschdorf ,  et  à  la  5*  de  passer  le  Russ- 
bach  à  Baumersdorf ,  de  tourner  Gross-Enzersdorf  par  sa  gau- 
che, et  de  marcher  sur  Esslbig.  Les  grenadiers  furent  dirigés 
sur  Gerasdorf  pour  y  remplacer  les  troupes  de  Bellegarde.  Le 
général  RIenau  formait  les  avant-gardes  des  4*  et  5*  colonnes. 
Les  directions  suivies  par  les  corps  autrichiens  avaient  pour  but 
de  renfermer  Farmée  française  dans  un  cercle  étroit ,  de  l'at- 
taquer ensuite  avec  vigueur  pour  la  rejeter  au  delà  du  Danube, 
et  de  détruire  les  ponts.  L'armée  ennemie  présentait  alors  un 
total  de  90,000  combattants,  avec  deux  cent  vingt-huit  pièces 
d*artillerie  de  tout  calibre.  Pour  résister  à  un  aussi  grand  dé' 
ploiement  de  forces,  Napoléon  n*avait  alors  avec  lui  qu'environ 
S0,000  hommes.  C'étaient  les  divisions  d'infanterie  fioudet, 
Molitor,  Legrand ,  sous  les  ordres  des  maréchaux  Masséna  et 
Lannes;  les  divisions  de  cavalerie  des  généraux  d^Espagne, 
Lasalle  et  Marulas ,  sous  le  commandement  du  maréchal  Bes^ 
sières.  Le  reste  des  troupes  continuait  à  défiler,  mais  avec  len-^ 
teur  ;  la  plus  grande  partie  de  rartillerle  était  encore  dans  l'ilé 
de  Lobau.  Un  bataillon  du  67^  de  ligne  occupait  le  village  d'As* 
pem,  en  arrière  duquel  la  division  Molitor  était  rangée  en  ba^^ 


\ 

12S  L1VBB  SfXlèllE.v 

41109.  taille.  La  division  Boudet  était /onnée  en.deç&  d'EssUog;  edie 
Aiu^agne.  ^^  Legrand  en  arrière,  d^ns  rintervalie  de  celles-là,  et  laissant 
à  sa  droite  la  place  de  la  divisioa  Carra  Saint-Cyr,  qui  ne  pot 
entrer  en  ligne  qqe  plus  tard.  La  cavalerie  légère  se  forma  en 
première  ligne  dans  Tintervalle,  qui  sépare  les  deux  villages,  et 
les  cuirassiers  du  général  d'Espagne  en  seconde  ligne. 

Essling,  éloigné  d'environ  douzecentspas  de  la  rive  gaudiedu 
Panube,  est  traversé  de  Test  à  Toiuest  par  une  rue  d'à  peu  près 
huit  cents  pas  de  longueur,  dans  laquelle  débouche  une  autre  rue 
venant  du  sud,  qui  comprend  l'église.  Dans  diverses  relations 
de  la  bataille,  on  a  attaché  beaucoup  plus  d'importance  qu'il 
n'en  mérite  au  grenier  public ,  construction  massive  à  trois 
étages  et  de  quarante-trois  pas  de  long  sur  vingt  de  large.  Bien 
que  par  leur  épaisseur  les  murs  de  ce  bâtiment  soient  à  l'abri 
du  canon,  il  ne  peut  être  considéré  comme  un  poste  d'utile  dé- 
fense, puisque  ses  feux  n' enfilent^  pas  les  rues  et  qu'il  se  trouve 
isolé  à  l'est  du  village,  près  du  chemin  d'£sslinger-Hof.  Gross- 
Aspern ,  à  dix-huit  cents  pas  à  l'ouest  d'£s$ling,  a  une  longueur 
d'environ  mille  pas,  dans  la  même  direction  qu'EssUng,  et  deux 
rues  principales,  qui  se  joignent  à  l'issue  ouest  du  village,  où  se  | 

trouvent  l'église  et  le  cimetière ,  dont  les  murs,  d'une  hauteur 
moyenne,  offîrent  un  abri  contre  les  feux  de  l'infanterie.  Les 
maisons  sont  généralement  construites  en  pierre,  comme  toutes 
celles  de  cette  contrée.  Au  sud,  le  village,  dans  presque  toute 
sa  longueur,  s'appuie  au  bras  mort  du  Danube,  qui  le  sépare  de 
l'Ile  dont  il  a  déjà  lété  fait  mention.  Gross-Enzersdoif,  à  environ 
quinze  cents  pas,  un  peu  au-dessous  et  à  l'est  d'Essling,  est 
une  petite  ville  de  2,000  âmes,  entourée  d'une  muraille  cré- 
nelée; elle  formé  pour  ainsi  dire  l'avancée  d'Essling.  Pour  ac- 
culer l'armée  française  au  troisième  pont,  il  fallait  s'emparer  de 
Gross-Aspern  et  d'Essling,  qui  en  protègent  k  débouché  ;  ce  fut 
aussi  sur  ces  deux  villages  que  l'archiduc  dirigea  tous  ses  efforts. 
A  une  heure,  le  général  Nordmann^  avec  deux  bataillons  et 
un  régiment  de  hussards  formant  l'avant-garde  de  HUler ,  atta- 
qua, aux  environs  de  Stadelau ,  les  troupes  avancées  de  la  di- 
vision Molitor  et  les  repoussa  dans  Aspern,  où  le  général  GoU 
loredo  pénétra  ensuite  avec  trois  bataillons  d'infanterie  l^re  ; 
mais  le  général  Molitor,  à  la  tète  des  37^  et  O?""  de  ligne,  en  délo- 


GOïng  ]ft*ALUIfâeifB.  199 

gn  tes  AvtrieUeiis  rt  les  força  de  s^éloigner,  à  l'aUte  d'une  bat-  «os. 
terie  étaMte  à  gauelie  dn  vHlàge.  V«s  deux  haares,  la  ootonne  ^i^^"»*»^ 
de  Biiier  airfva  en  Tue  d'Aspern.  Son  avant^garde,  léonie  à 
eelte  de  la  eolonne  de  BeUegarde,  qoi  déboochal tde  Hirseliatetlen , 
elaux  troapes  de  Golloredo ,  attaqaa  de  noavean  te  village  et 
repoussa  le  S7*  et  le  67^  ]nsqa'à  FégUse.  Les  deax  preodères  eo- 
lonnesaatridiiennesy  se  tronvaat  remîtes,  dirigèrent  le  An  de  leur 
artfllerie  sur  les  troupes  de  Molltor  et  sar  eelles  de  Ifaralasi  qai 
étateaC  vennesee  placera  la gandie  de  rinfioiterie.  Foudroyé  par 
cette  canonnade,  Molltor  abandonna  une  partie-d'Aspem,  tan- 
dis qoeMarulaz  se  portait  contre  l*avant-garde  de  la  colonne  du 
prineede  Hahenaoltem,  qui  s'était  arrêtée  près  de  Hirsehstetten. 

Cest  à  œ  moment,  ters  trote  heures ,  que  Ton  apprit  que  te 
grand  pont,  d^  ébranlé  par  une  eraç  subite  du  Danube,  avait 
été  rompu  par  des  moulins  flottants,  des  débris  de  maisons  en* 
itemmés,  des  bateaux  diargés  de  pierres  que  Tennemi  livrait 
au  courant  rapide  du  fleuve  et  qu'ainsi  la  cavalerie  et  le  pare 
d*artillerte  ne  pouvaient  plus  passer  sur  te  rive  gauche.  Réduit 
par  cet  accident  à  S4,000  hommes  d*tailknterfe  et  S,000  de  ca» 
Valérie,  remperenrse  trouvait  à  quatre  heures  en  préseneed'en- 
viron  80,000  AutridiieBs,  sans  munitions,  sans  espdr  de  re- 
traite ,  acculé  à  un  grand  fleuve  croissant  continueliement  et 
qu^li  ne  pouvait  plus  franchir.  Cependant,  entre  quatre  et  cinq 
heures»  les  généraux  Hiller  et  Bellegarde  redoubtent  d'efforts 
pour  enlever  Téglise  et  te  cimetière  que  les  Français  avaient 
conservés ,  le  duc  de  Rivoli  se  vit  obligé  de  leur  opposer  près* 
que  toute  te  division  Molitor.  Alors  te  comte  deBellegarde  ayant 
dli^  la  brigade  du  général  Yacquant  sur  la  gauche  du  village, 
ceiui-d  réussit  à  s*emparer  de  Textréndté  de  te  grande  rue  oà 
est  située  l'église  ;  mais  Molltor  te  contint  avec  te  2^  de  ligne, 
qui  éuit  resté  en  réserve,  et  Tempècha  ainsi  de  se  rendre  maître 
du  cimetière  et  de  l'église. 

Les  colonnes  de  Hiller  et  de  Rellcgarde  comptaient  au  moins 
30,000  hommes  contre  les  7,000  de  Molitor.  Pour  les  contenir, 
le  général  Marotoz  reçut  l'ordre  de  les  charger  avec  ses  six  régi- 
ments de  cavalerie  légère.  Cette  charge  exécutée  avec  vigueor 
enfonce  d'abord  plusieurs  carrés,  ce  qui  oblige  rartillerie  autri- 
chienne à  se  retirer  rapidement^  abandonnant  ainsi  Tififanterie 

X.  9 


I9#  LITBB   »»B«B. 

•M9.     à  «es  propres  forces  ;  mais  celle^d  fait  bonne  eoMeDaaèe,  laisse 
AUetiagqo.  |^jqpiio^e|.||t  cavalerie  dsMarolaB  à  poQ  de  distant 

il  l'aeenettl»  par  «a  feu  taUemeiit  meurtriec  qu'elle  la  ibroe  à 
tourner  bride,  laissant  sur  le  ebooipde  batalUe  nn  gnmdnombre 
d'bommes  et  de  che¥âux*  Bans  eetta  efaarge  le  général  Mara« 
k»;  ont  trois  ckevanx  tués  sooa  hii ,  et  l'a^udant  comnumdaiit 
Aanseiuiet  »  son  ohef  d'état-^sgor,  fnl  tué  à  ses  cdtés. 

C*flBt.à  ce  moment  <f n'arrivait  la  3^  eoLonne,  commandée  par 
le  prince  do  Hobensdlern.  Précédée  d'une  nombreuse  artillerie, 
elle  s'avançait  sur  deux  lignes  dans  rintervalle  qui  sépare  les 
deux  villages,  son  aile  ^ite  déployée  vers  le  ebemin  de  Brel- 
tenlee^  aa  gandbte  formée  en  masse  par  bataillons  et  soutenue 
par  la  cavalerie  de  réserve  d«  prince  de  Liechtenstein.  Celui-ci, 
étant  arrivé  à  banteur  de  la  ferme  de  Neu-WirthshauSt  dirigea 
plus  à  gauohe  quatre  régiments  de  sa  réserve  poar  appuyer  la 
4*  colonne,  conduite  par  Dedowlcb,  qui  marcliait  assez  lente* 
ment  pour  arrivar  en  môme  temps  que  la  5'  en  présence  d'Ess- 
Ung;  cai:  cette  dernière,  à  la  tête  de  laquelle  était  le  prince  de 
Rosenbe^»  (Usait  un  long  détour  par  Ënaersdorf,  qui  était  gardé 
par  une  centaine  d*bommes  de  la  brigade  du  général  Fririon» 
dont  la  droite  s'appuyait  à  cette  petite  ville«  Ro^ienbeig  s'en  em- 
para sans  obstacle,  et»  se  Joignante  Bedowicb,  les  deux  colonnes 
marchèrentenaemble  à  l'attaque  d'Essling.  L'empereur  ordonne 
alors  augénéralLasalledecbargQr  la  premlèreiigneautrichienne  ; 
mais  les  chasseurs  français»  pris  en  flanc  par  deux  régiments  de 
cuirassiers^  sont  ramenés  avec  perte.  Les  généraux  Durosnei  et 
Fouler  furent  blessés  et  pris  dans  cette  diarge.  Cependant  les 
masses  autrichiennes  continuaient  leur  marche  sur  EssFmg,  que 
défendait  la  seule  division  Boudet,  sous  les  ordres  du  duc  de 
Montebello.  La  4*  colonne  s'avançant  fièrement  sous  la  proteG-> 
tî(m  d'une  nombreuse  artillerie ,  l'empereur  la  fit  charger  par 
les  cuirassiers  du  général  d'Espagne.  Repoussé  une  première 
fois  à  la  tète  de  sa  l*^  brigade,  par  le  feu  soutenu  et  nourri  des 
carrés  autrichiens,  ce  brave  général  revient  à  la  charge  avec 
sa  2^  brigade ,  et  échoue  encore  contre  les  masses  profondes  de 
l'infanterie  ennemie. 

Vers  sept  heures  du  soir,  les  cinq  colonnes  autrichiennes  et 
leur  réserve  de  cavalerie  avaient  resserré  les  Français  dans  re^-> 


taUESBE  B^ALLEHAGNE.  181 

pMe  compris  entre  Asperii ,  Esaling  et  le  Danube.  A  rextréme  «iiot 
droite,  les  traupesde  flUleretdeBellegarde,  engagées  dans  ^^"'^^' 
Asperoy  dispntaieiit  avec  aeltaraeraent  diaqiie  me,  chaque  niai« 
son,  chaque  grange,  à  celtes  du  duc  de  Rivoli  ;  mais,  au  milieu 
de  la  mptore  et  de  Fenoombiftteat  des  ponts,  la  brigade  Saki^ 
Germain  de  la  dlirisiou  Nansouty  et  la  division  Carra  Saint>Cyr, 
4^  du  cocps  du  maréchal  Masaéna,  parviennent  à  passer  sur 
la  rive  gauche.  Alors  la  division  L^and,  restée  en  réserve  der- 
rière Aspera,  reçoit  Tordre  de  s'avancer  sur  la  droite  du  vil- 
lage, et  est  remplacée  dans  la  position  qu'elle  occupait  par  la 
1'*  brigade  de  Carra  Sainl-Cyr.  Dans  ce  moment  le  comte  de 
BeUegarde  donne  Tordre  au  général  Yacquaot  d'emporter  As* 
pemà  tout  prix.  Celui-ci,  à  la  tète  de  trois  régiments  de  la  2^  co- 
fonne,  soutenus  par  la  brigade  du  général  Mayer  de  la  3^,  par-  . 
vint  enin,  après  une  lutte  sanglante  de  cinq  heures,  à  s'emparer 
du  village;  mais  le  général  Legrand,  à  la  tète  du  S6®  léger  et 
du  1 8*  de  ligne»  forée  Vaequant  à  se  retirer  dans  Féglise  et  dans 
le  cimetière.  Le  reste  du  village  est  dévoré  par  riocendie  qu'ont 
«ilttmé  les  ebtt»  de  l'ennenri,  et  vers  dix  heures  du  soir  le  com- 
bat oesse  «ir  ce  point* 

Pendant  que  les  deux  partis  combattaient  dans  les  deux  vil- 
lages avec  des  diances  variées,  la  cavalerie  française,  placée  au 
centre,  esêuyait  un  fou  d'artillerie  si  meurtrier  que  les  cuiras- 
siers étaient  déjà  réduits  d'un  tiers  par  la  mitraille,  à  laquellc^'il 
leur  était  impossible  de  se  soustraire.  C'est  alors  que  le  maréchal 
Bessières  entreprit  une  charge  générale  avec  toute  sa  cavalerie 
sur  l'aile  gaucbe  de  hi  2^  colonne,  sur  la  3^  et  sur  une  partie 
de  la  réserve  du  prince  de  Liechtenstein;  mais,  arrivés  à  dix 
pas  des  bataillons  ennemis,  les  cuirassiers  furent  reçus  par  un 
feu  de  mousqueterie  si  violent  qu'ils  ne  purent  pénétrer  dans 
ces  masses  d'infanterie.  Chargés  presque  en  même  temps  par  la 
cavalerie  autrichienne,  ils  furent  rejetés  avec  des  pertes  énormes 
sur  leur  première  position.  C'est  au  milieu  de  cette  retraite  tu- 
multueuse que  le  général  d'Espagne,  l'honneur  de  l'armée, 
tomba  pereéde  coups,  ainsi  que  trois  de  ses  colonels.  Le  général 
Lasalle,  qui  s'était  porté  avec  sa  cavalerie  légère  sur  la  droite 
du  prince  de  Liechtenstein,  fut  également  repoussé  avec  perte 
d'une  grande  partie  du  24^  régiment  de  chasseurs,  qui  fut  pris  en 


139  UVMSIXIÀVB. 

IM0.  flanc  et  laissa  de  nombreux  prisonniers  au  ponvoir  de  rennenl. 
Aitomagfie.  |j||eiioaYelle  attaque  dirigée  sarraUegBqcheda  pHnoe  de  Uoch- 
tenstein  avec  la  brigade  de  coirassiei»  da  général  Saint-Ger- 
main n*eat  pas  plos  de  sncoès  qne  Ut  première* 

Les  4''  et  5^  colonnes  réonies  sor  la  droite  faisaient  de  vains 
.  efforts  pour  s'emparer  d'Essling,  Les  troupes  de  la  division 
Boodet»  assaillies  de  lh>nt  et  sur  leur  droite  par  six.  bataiHons 
et  quatre  i^ments  de  caTalerie  ^  résistent  avec  fermeté  à  ces 
attaques  et  repoussent  plusieurs  fois  les  Autrichiens.  Ce  n'est 
qu'après  deux  heures  d*un  combat  opiniâtre,  soutenn  avec  in- 
trépidité contredes  forces  très-supérieures,  quek  maréchal  Lang- 
ues abandonna  la  partie  basse  d'Essttqgf  que  Fennen^  teit  même 
par  évacuer  à  rentrée  de  la  nuft,  pour  se  retirer  à  qudqnes 
centaines  de  pasiflu  viHa^. 

Le  nombre  des  morts  et  des  blessés  étalent  eoowdérable  de 
part  et  d*autre.  Les  deux  armées,  égalementharassées  de  iiiitigae» 
passèrent  la  nuit  dans  les  posilions  où  elles  se  trouvèrent  à  la 
fin  du  combat. 

C'était,  pour  les  troupes  françaises,  éprouver  un  échec  que  de 
n'avoir  pas  pu  élargir  leur  champ  de  bataille  dans  eelte  journée 
meurtrière  y  et  d'être  acculées  dans  une  impasse,  entre  deux 
villages  encore  menacés  par  rennemi  resté  en-présence.  La  va- 
leur héroïque  des  soldats  et  de  leurs  chefr  avait  seule  contenu 
pendant  dix  heures  cet  ennemi  trois  fois  supériew  en  nombre, 
mais  qui»  malgré  sa  circonspection ,  pouvait,  le  lendemain, 
mettra  i*armée  dans  une  situatien  désespéréesides  renforts  n'ar- 
rivaient pas  à  temps  ;  henrausemenl  le  grand  pont  avait  été  ré- 
tabli, et  une  partie  de  la  vieille  et  de  la  Jeune  garde,  les  corps 
d*Oudinot  el  du  duc  de  Montebello,  la  division  Demont,  sept 
bataillons  badois  fiiisant  partie  de  la  division  Legrand,  la  2*  bri- 
gade de  la  division  Nansouty  et  un  convoi  dVirtlIlerie  passèrent 
pendant  la  nuit.  On  attendait  aussi  le  corps  du  maréchal  Da- 
voust,  la  division  de  cuirassiers  du  général  Saint-Sulpice  et  la 
plus  grande  partie  de  la  cavalerie  de  la  garde  et  des  troupes 
alliées,  qui  étaientencore  sur  la  rive  droite.  Les  renforts  quiétaient 
arrivés  portaient  l'armée  française  à  environ  50,H)00  hommes, 
avec  cent  bouches  à  feu. 

Pendant  la  nuit  du  21  au  22,  où  les  deux  armées  avaient 


GUIBRB   B  ALLKIIA61IK.  138 

fris  à  peine  trois  heures  de  repos,  les  seize  bataillons  de  gre-      lao». 
nadiers  de  la  réserve,  encore  intacts,  fàrent  avancés  de  Géras-  ^it^n**"»- 
doff  à  Breitenlee.  Gomme  les  troupes  autrichiennes  destinées 
à  agir  le  jour  de  la  bataille  comptaient  80,000  hommes,  il  en 
pouvait  rester  alors  71,000  de  disponibles. 

Suivant  les  dispositions  prises  par  Tempereur,  le  général 
Boudet,  appuyé  par  la  réserve  du  général  Demont,  devait  se 
tenir  sur  la  défensive  à  Essling,  tandis  que  le  duc  de  Monte- 
bello,  chargé  de  la  principale  attaque  avec  la  division  Saint- 
Hilaire  et  le  corps  d*Oudinot,  se  porterait  sur  Breitenlee,  soutenu 
par  la  cavalerie  et  la  garde  impériale.  Le  duc  de  Rivoli,  avec 
les  divisions  Legrand  et  Carra  Saint-Gyr,  et  la  cavalerie  de 
Marulaz,  devait  à  tout  prix  conserver  le  point  important  de 
Gross-Aspem^  après  en  avoir  chassé  Tennemi.  La  division  Mo- 
iltor,  réduite  de  7,000  hommes  à  4,000,  fût  chargée  de  défendre 
nie  en  arrière  du  village. 

Ces  dispositions  n*étaient  pas  entièrementterminées  lorsqu'au 
point  du  jour  le  combat  recommença  dans  les  villages  avec  un 
nouvel  acharnement.  Le  maréchal  Masséna,  reprenant  TofTen- 
sfv^  repousse,  après  une  vive  résistance,  les  huit  bataillons  du 
général  Vacquant  qui  occupaient  Aspem;  mais  ceux-ci  sont 
aussitôt  remplacés  par  trois  régiments  de  la  1*^  colonne  qui  pé- 
nètrent dans  le  village  jusqu'au  cimetière,  et,  soutenus  par  un 
renfort  que  leur  amène  le  général  Blanchi,  ils  pénètrent  plus 
avant  et  parviennent  k  se  loger  dans  les  premières  maisons  si- 
tuées à  l'issue  de  la  route  de  Vienne.  En  même  temps  deux  ba- 
taillons soutenus  par  de  l'artillerie  attaquent  Molitor  dans  l'Ile 
dont  la  garde  lui  était  confiée.  Mais  le  général  Legrand ,  à  la 
tête  du  24*  régiment  d'infonterie  légère  et  du  4*  de  ligne,  ren^ 
tre  dans  le  village,  tandis  que  le  reste  de  sa  division  et  celle 
de  Carra  Saint-Cyr  se  dirigeift  contre  le  centre  de  BeUegarde. 
Le  34*^  coupe  une  colonne  autrichienne ,  s'empare  de  six  pièces 
d'artillerie  et  fttit  des  prisonniers  au  nombre  desquels  se  trouve 
le  général  Weber.  BeUegarde  envoie  de  nouveaux  renforts  dans 
Aspem  ;  un  combat  furieux  s'engage  alors  dans  le  village,,  pris  et 
perdu  tour  à  tour  par  le  4*  et  le  46^  de  ligne  et  par  un  régiment 
badois  qui  en  restent  définitivement  maîtres  à  sept  heures. 

Pendant  que  ceci  se  passait  à  la  gauche  de  la  ligne  française,. 


134  LITRE  SIXIÀHK 

ffiA9.      les  Autriiliiens  n'attaquaient  pas  avec  moins  de  vigueur  le 
'  village  d*Essling,  toujours  défendu  avec  la  même  opiniâtreté 
par  fa  âivfefon  Bondet. 

NapoléoD,  qui,  vers  sept  heures  du  matin,  placé  sur  un  tertre 
en  arrière  de  la  ligne,  examinait  les  mouvements  des  deux  ar- 
mées, remarqua  que  ie  centre  ennemi,  composé  de  ta  a^  co- 
lonne, d*ime  partie  de  la  2*  et  de  la  réserve  de  cavalerie, 
ooeopaH,  au-dessous  d*E8slinger-Hof,  on  front  fort  étendu,  il 
conçut  alors  le  projet  de  partager  i*armée  autrichienne  en 
traversant  son  eentre,  et  chargea  le  duc  de  Montebello  de  cette 
opération.  €e  maréehal  échelonna  par  régiments,  la  droite  en 
tête,  les  divisions  Saint-Hiiaire,  Tharreau  et  Claparède;  la  ca- 
valerie déployée  suit  en  seconde  ligne,  et  l'artillerie  précède 
rinfanterie  dans  les  intervalles  des  brigades. 

Oette  ligne  s'avançait  dans  le  meilleur  ordre,  son  front 
garni  d'une  nombreuse  artillerie,  dont  le  feu,  parfaitement  bien 
dirigé  par  le  général  Lariboissière,  répondait  avec  avantage  à 
eehii  de  l*ennemi ,  et  causait  du  ravage  dans  ses  rangs,  quand 
I*archiduc,  voyant  le  danger  qui  le  menaçait,  renforça  son  cen- 
tre et  s'y  porta  lui-même.  Les  vingt-deux  bataillons  du  prince 
de  Uohenzollern  ne  suffisant  pas  pour  résister  longtemps  à  une 
masse  de  25,000  fantassins  et  6,000  cavaliers ,  le  prinrce  de 
Liechtenstein  échelonna  l'aile  droite  de  sa  cavalerie  derrière  la 
gauche  de  l'infanterie  et  tint  sa  gaudie  en  réserve.  Le  maréchal 
Lannes,  Jugeant  l'ennemi  suffisamment  ébranlé  par  le  feu  violent 
de  son  artillerie ,  s'avance  résolument  sur  le  point  où  le  corps 
de  Liechtenstein  se  liait  à  celui  de  Hohenzollem.  Les  efforts  de 
l'ennemi  sont  vains  pour  arrêter  les  colonnes  françaises  ;  elles 
continuent  à  s'avancer  aux  cris  de  vive  Vempereurî  Bientôt  la 
ligne  autrichienne  est  rompue,  culbutée,  mise  en  déroute;  la 
cavalerie  firançaise,  qui  avait  pénétré  par  les  intervalles,  charge 
avec  la  plus  grande  valeur  celle  du  prince  de  Liechtenstein , 
poursuit,  sabre  les  fuyards.  C'est  en  vain  que  l'archiduc,  saisis- 
sant, au  milieu  de  ce  désordre ,  un  drapeau  du  régiment  de 
Zach ,  essaye  de  rallier  et  de  ramener  au  combat  ses  soldats 
démoralisés  :  la  plupart  de  ceux  qui  se  groupent  autour  de  ce 
prince  sont  tués  ou  blessés ,  et  lui-même  est  entraîné  dans  le' 
mouvement  rétrograde. 


Il  était  huit  brans  da  iMiClii,  et  tiéjà  la  cavalerie  française       ,^ 


atteignait  le  petit  ytOêgê  de  Bratleniee^  quartier  fjdoènà  de  AUemagné. 
l'areMdne.  Encore  qnelqiies  efforts,  et  50,000  F^moçais  allaient 
avoir  la  gMrede  trionitor  de OO^ooo  ennemis,  lorBqne  l'em- 
l^ieor  apprit  par  nn  «vis  dn  général  Bertrand  que  le  gnnd 
pont  da  dannbe  avait  élé  rompu  penr  la  deuxième  fois  par 
des  balesRix  oÉargésde  plerrss  et  lancés  des  lits  dn  flemre  an- 
dessus  de  cette  do  Lotran;  qu^M  est  maintenant  impossiMean 
reste  de  l*amiée,  oomposé  de  plus  de  40,000  hommes,  à  quatre- 
vingts  pièces  d*artillerieet  aux  munitions  de  réierve  de  passée 
dans  nie  ainsi  qoe  sur  la  rive  gauche  du  fleuve.  Une  pareille 
nouvelle  eût  déconcerté  tout  autre  chef;  Napoléon,  sans  mon- 
trer la  moindre  altération  dans  ses  tndts  et  avec  le  sang-froid 
le  plus  héroïque,  cniroie  au  maréchal  Lames  l'ordre  de  ra- 
lentir son  mouvement  et  de  reprendre  lentement  position  entre 
Aspem  et  Essling. 

Divers  historiens  i^lemands,  tout  en  reconnaissant  la  féstfffté 
de  la  rupture  du  grand  pont,  {unétendcut  qu'elle  avait  eu  lieu 
plus  tôt  qu'on  ne  le  disait  dans  les  rapports  français,  et  que 
rempereor  en  était  instruit  avant  d'ordonner  l'attaque  dirigée 
contre  le  centre  de  l'année  de  Tarchiduc  ;  mais  qu'il  s'y  était 
décidé  parce  qu'en  prenant  rinitlative  il  y  avait  pour  lui  moins 
à  perdre  que  de  rester  resserré  dans  un  espace  étroit  pour  at- 
tendre ce  qu'il  plairait  à  rennemi  d'entreprrâdre  ;  que  d'ailleurs, 
ayant  réossi  dans  ocftte  attaque  sans  le  secours  des  troupes  res- 
tées sur  la  rive  droite,  il  n'était  pas  dans  le  caractère  entrepre- 
nant de  Napoléon  de  renoncer  suhltem^t  à  l'avantage  qu'Ali 
venait  détenir  parce  que  ces  troupes  ne  pouvaient  plus  arrV 
ver;  qu'enfin  ce  fut  la  présence  de  rarchiduc  et  son  exemple 
qui  nmlilièrent  ses  soldats  et  les  ramenèrent  au  combat;  qu» 
trois  nouveaux  botainoiis  vinrent  remplir  le  vide  laissé  dans 
l'aile  gauche  du  corps  de  Hohenaollem  et  repoussèrent  une- 
nouveile  charge  de  cavalerie  et  d'Infanterie^  et  qu'à  ce  moment, 
les  Autrichiens  reprenant  l'offensive,  le  maréchal  Lannes  jugea 
devoir  r^ier  lentement  ses  troupes  jusque  dans  leur  pi^mlère 
position  entre  les  deux  villages. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  assertions  diverses,  l'archiduc,  aper^ 
cevant  les  colonnes  françaises  s'arrêter  dans  leur  marche  vieto-^ 


Allemagne. 


1S6  M^munAmmv^^ 

jm.  rieoie^  te  fn4ioilpiier-€teyiTanitf  ^  dflYiia  mm  j^atae  «ne 
les  mtifam  awUWre»  et  pcttt-étn.dédilh^^'fl  andt  préparés 
venaient  de  produire  Teffet  qa'il  ea  attmdilt.  La  Jigae  anlii- 
.  chienne  se  cefonne,  elle  est  leotaraéeper  la  léMrvede  gfoui* 
dien  renée  Joflva'elore  à  Bretlentee;  la  eavakiie  revient  à  la 
ebaige,  et Tartillerie^  cpiiétait en  retraite^  se  renetcn  peiritioo. 

L'arcfaUney  pntftant  de  la  tantewr  avee  laqneile  le  duc  de 
HontAello  se  retirait,  le  fit  suivre  par  tonte  eon  infont^rie*  La 
cavalerie  dn  roaréehel  Beaeièfei  i'élfMce  sur  eesmasas  profon- 
ddytouB  un  fen  croisé  d'artfllerie  et  de  monscpieterie,  et  eiiiq 
fols  cette  brave  troupe,  règne  à  te  Ntonette  et  par  one  vive 
fnsiltede^  est  finrcée  de  rétrograder.  G*est  alors  que  te  général 
Mamlaz  est  blessé  à  te  cuisae»  et  cpie  te  division  Saint^Hilaire, 
éeharpéepy  te  canonnade  et  chargée  par  te  cavalerie  du  prince 
de  Liechtenstein,  perd  son  brave  général,  qui  tombe  frappé  d'un 
biscaien.  Après  des  efforts  de  valeur  inouis^  les  troupes  fran- 
çaises, presque  découragées  et  manquant  de  munitions,  arri- 
vent enfin  à  hauteur  d*EssUng«  to^ioun  occupé  par  le  général 
Boudet,  qui  s'y  était  maintenu  pendant  toute  te  matinée  con- 
tre les  attaques  combinées  du  prince  de  Bosenberg  et  do  géné- 
ral Dedowldi.  Vers  dix  heures  rarchiduc  ordonna  au  baron 
d'Aspres  d'attaquer  Essling  par  iagauche  àte  tète  de  quatre  - 
bataillons  de  grenadiers  de  te  réserve.  Ceux-ci  s'avancèrent 
l'arme  au  bras  Jusque  sur  une  batterie  établie  en  tète  du  vil- 
lage; accueillis  de  Iront  et  sur  leur  flanc  gauche  par  des  déchar- 
ges meurtrières,  ils  furent  culbutés  et  mis  en  déroute.  Une 
nouvelte  attaque  tentée  à  onze  heures  par  le  prince  de  Bosen- 
berg et  le  général  Dedovricb  échoua  également  contre  l'éner- 
gique résistance  de  Boudet 

A  Gross-Aspem,  le  maréchal  Masséna  se  maintenait  diffi- 
cilement contre  les  efforts  constamment  renouvelés  des  1**  et 
3*  colonnes  autrichiennes.  La  division  L^prand,  assaillie  de 
toutes  parts,  avait  éprouvé  des  pertes  énormes  et  résistait  en- 
core, lorsque  vers  midi  elle  fut  rqK>u88ée  Jusqu'à  la  portte 
E.  du  village,  qu'elle  conserva  jusqu'à  la  nuit.  A  l'instant  où 
I^egrand  se  retirait ,  un  mouvement  opéré  par  les  Autrichiens 
entre  Aspern  et  le  Danube  pouvait  avoir  les  conséquences  les 
plus  désastreuses  pour  Tarmée  française,  s*il  eût  réusn  :  il  les 


i  Al  foirt  et  «oaftttt  la  retraite  ;flMds  le  doc  deB^ 
yM,  avee  les  biigidee  faeHolBe  et  iMidoiee,  appttyées  par  les 
trcNqpesâii  gèlerai  Molilor,  lesléea  en  réserve  dans  Ttle,  par- 
vint tel  heureQaemeDt  à  faire  éehoaer  cette  tentative. 

Vers  le  même  tempe,  ParehUtae,  résolu  d'enfoncer  le  centre 
de  Tannée  feançaitet  fit  avancer  son  infanterie  et  sa  cavale- 
rie aerréea  enmaÉMset  préoédéee  de  deux  oenti  pièces  de  ca- 
non. L'empereur  réônit  alova  tonte  son  artillerie  dispoidble  et 
lit  appnyerlee  tioopes  d'Ondinot  par  la  vieille  garde.  Le  prince 
de  Hohemollem  attaque  la  ganclie  du  maréchal  Lannes  ;  mais 
mie  finillade  et  an  feu  de  mitraille  terribles  arrêtent  ses  colon- 
nes, qui  refusent  d'avancer.  La  réserve  de  grenadiers  qui  rem- 
place les  troupes  de  Hf^iencoHemertégalen^ent  repoussée  par 
la  mitraille  et  les  charges  de  la  cavalerie  du  maréchal  Bessières. 
La  cavalerie  autrichienne  tente  vaineoient  de  pénétrer  ;  elle 
échoue  aussi  contre  les  troupes  d'Oudinot  et  ccmtre  les  V  et  03* 
de  ligne  de  la  brigade  Fririon.  Arrêté  au  centre,  l'archiduc  se 
rejette  sur  Essling,  où  le  baron  d'Aapres  venait  de  pénétrer  avec 
quatre  bataillons  de  grenadiers  que  culbutent  à  la  baïonnette 
le  régiment  des  fésiliers  de  la  garde  conduit  par  le  général 
Mouton  et  celui  des  tirailleurs  que  commande  le  général  Rapp. 
Des  troupes  fraléhes  reviennent  plusieurs  fols  à  la  charge,  mais 
sont  toujours  arrêtées  par  la  contenance  ferme  et  inébranlable 
de  ces  Jeunes  corps  d*élite.  Dès  lors  Farchiduc,  forcé  de  renon- 
cer à  s'empara*  d'EssIing,  dont  la  possession  lui  eftt  livré  les 
prats,  fit  avancer  toute  son  artillerie,  dont  le  feu  concentrique 
foudroyait  les  troupes  firançaises  resserrées  dans  l'étroit  espace 
qui  sépare  Aspem  d*Es8ling. 

Il  n'y  avait  plus  de  remède  :  la  bataille  était  perdue.  Pour 
éviter  de  plus  grahdff  désastres ,  le  seul  parti  à  prendre  était  de 
rentrer  dans  l'Ile  de  Lobau  ;  d'ailleurs  les  munitions,  ne  pou- 
vant plus  être  renouvelées,  commençaient  à  manquer  sur 
toute  la  ligne.  Les  troupes  françaises,  l'arme  au  bras  sous  le 
feu  dévorant  de  l'artillerie  autrichienne,  ne  tiraient  que  lorsque 
les  colonnes  d'attaque  arrivaient  à  la  distance  de  quarante  pas. 
Enfin,  vers  deux  heures,  l'empereur  fit  appeler  ses  maréchaux 
et  les  généraux  de  sa  garde,  et  leur  donna  des  Instructions  pour 
la  retraite.  La  cavalerie  devait  passer  la  première,  et  ensuite 


im. 


iM$.  .  les  dfTi8ioiisi!l'hifimfeiHe»  suivi»  pÉiredle  tte  la  vMIte  ^suéei 
Arcmagne.  Le  diK  de  Kvm  M  chargé  de  diriger  ee  moavcBieBt.  Aprèi 
ft voir  donné  ses  ordres,  fempeteiMr  passa  dans  l'Ile  de  Loban  et 
y  fit  établir  des  batteries  dèstlAées  k  protéger  le  passage  4es 
troupes.  Déjà  Hnter^tlie  oonfpris  entre  4es  divers  tnrps  de  l'ar- 
mée et  le  pont  était  enoombré  de  pièces  démonlées,  de  ealssoiis 
vides  y  dliommes  et  de  dievaux  Messes  qa*ii  iUlot  d'abord  kds^ 
ser  passer.  Pendant  ce  temps  ie  combat  conlinnait  snr  tonte 
la  ligne,  que  précédaient  de  nonteftax  tlraiilenrs.  Le  maréchal 
Lannes  se  trouvait  h  pied  dertfère  eeox-«i)  lorscpt^na  lionkl 
vînt  lai  fracasser  les  deux  jamlieB  :  on  le  transporta  nnoranft 
dansi'tle  de  Lobau. 

Le  maréchal  Masséna ,  invité  par  l'empereur  à  se  rendre  en- 
près  de  lui ,  arriva  dans  Hle  vers  wft  heures  du  soir,  et  assista 
à  un  conseil  dans  lequel  le  prince  de  Neuchâtel  et  pluslean  au* 
très  généraux  furent  d*avis  de  continuer  ia  retraite  jusqu'en 
arrière  deYienne.  Masséna  émittme  opinion  contraire;  c'était 
*  aussi  celle  de  Tempereur,  qui  avait  dé|à  pris  la  résolution  de  ne 
point  rétrograder  au  delà  de  i'tle  de  Loiuiu,  et  d'aller  chercher 
une  éclatante  revanche  sur  le  terrain  même  que  la  fortune  le 
forçait  d'abandonner.  Le  dac  de  Dant»ig,  le  prince  Eugène  et 
Marmont  allaient  être  appelés  à  cette  grande  lutte.  Bfasséoa 
retourna  à  son  poste  sur  la  rive  gauche,  et,  à  la  nuit  tombante, 
hi  retraite  commença  sans  être  troublée  par  l'ennemi,  comme 
on  avait  lieu  de  le  craindre. 

Depuis  dix  heures  du  matin ,  les  oÇQeievs  du  génie  et  de  l'ar- 
tjttorie  restés  dans  l'Ile  de  Lobau  avaient  été  occupés  à  fiiire 
réparer  avec  la  plus  grande  activité  le  désastre  de-s  ponts,  et 
surtout  de  celui  qui  servait  à  la  MMnuaicatlon  avec  la  rive 
gauche  du  fleuve.  I.es  pontonniers  et  eeux*qul  étaient  emplo^yés 
à  ce  travail  si  urgent  avalent  à  lutter  contre  les  brûlots,  qui  des- 
cendaient incessamment  sur  les  débris  du  passage,  et  contre  la 
violence  des  eaux  du  fleuve,  qu'une  fonte  subite  et  extraordl-> 
nalre  des  neiges  dans  les  montagnes  venait  d'élever  de  huit  pieds 
dans  Tespace  de  quelques  heures.  Les  oftbies  rompaient,  les  ba* 
teaux  étaient  entraînés  et  avaient  la  .plus  grande  difilculté  à 
remonter  le  courant  ;  à  peine  replacés  avec  des  peines  Inouïes, 
ils  étaient  brisés  ou  entraînés  de  nouveau.  Chaque  fois  que  le 


GUBRBB   D'ALLBMÀGHS.  139 

pont  «e  tnsiâvait  à  p^  près  rétabK,  on  se  hâtait  d'y  ftire  passer  ^m. , 
des  hommes  et  quelques  munitions,  qoi  mirent  les  Français  ^^i^k'^^** 
à  même  de  m  maintmiit,  eomme  on  Ta  vu,  Jusqu'à  la  nuit. 
QiMfque  rengafement généiïd  eéft  cessé  à  neuf  heunes,  oneon- 
tinna  eqMidanl  de  tiraiiier  sur  la  ligne  des  postes  « vanoés  Jus- 
qu'à minnlt)  heure  à  laqiuAle  les  deux  partis  éprouvèrent  éga- 
lement le  hesoln  de  prsndre  quelque  repos. 

Sur  ces  entrefblles ,  tdas  les  blessés  qui  s'étaieirt  trainés  vers 
le  point  de  passage  se  trouvaient  amoncelés  à  rentrée  du  pont, 
en  attendant  qu'il  fût  réparé.  Bien  plus  fragile  que  «eux  qui  se 
trouvaient  à  fautre  côté  de  ttle,  ce  pont  était  couvert  d'ouvriers 
qui  travaillaient  à  le  consoMder  contre  Usa  arbres,  les  radeaux  et 
les  bflfteanx  entraînés  par  le  courant,  et  rompant  les  câbles  des 
pontons.  10  à  12,000  hommes  blessés,  la  plupart  presque 
morteHement,  mais  soutenus  encore  par  leur  courage  et  TespoDr 
de  venger  bientôt  les  malheun  de  cette  Journée,  où  des  accidents 
imprévus  avaient  invorîsé  l'ennemi,  cherchaient  alors  àaccélérer, 
soit  par  leurs  vceux,  soit  par  leurs  cris  déchirants  et  leurs  gé- 
missements plainte,  le  moment  où  il  leur  serait  permis  de  pas- 
ser dans  rile.  Un  grand  nombre  s'étaient  avancés  jusque  dans 
l'eau  :  le  fleuve  grossissait  sous  leurs  pas  chancelante,  et  la  foule, 
qui  s'augmentait  derrière  eux,  les  empêchant  de  reculer  devant 
ce  nouveau  danger,  ils  étaient  entraînés;  d'autres  les  rempla- 
çaient à  Vinstant  et  subissaient  le  même  sort  :  les  hommes, 
les  chevaux  périssaient  arrêtés  dans  les  cordages. 

Napoléon  avait  passé  le  premier,  avant  que  le  pont  fût  en- 
oore  en  état  de  supporter  la  masse  des  blessés  qui  s'y  portaient. 
Lorsqu'il  fut  dans  l'Ile  de  Lobau,  il  vit  enoore  bi^m  mieux  la  dif- 
IkïQlté  de  vaincre  les  obstacles  que  la  nature  opposait  au  courage 
de  ses  troupes  et  au  xèle  des  travailleurs.  I^ayant  plus  rien  à 
ttllendre  quedu  temps,  il  s'occupa  exclusivement  des  ordres  à 
donner  pour  faciliter  le  passage  des  blessés.  B  se  trouvait  pres- 
que seul  à  quelque  distance  du  dâwuché  du  pont,  se  promenant 
à  grands  pas,  absorbé  dans  les  réflexions  pénibles  que  lui  suggé- 
raient les'drccmstanoes  ;  ses  traits  offhdent  en  cet  inétant  l'ex- 
pression de  la  douleur,  et  ses  yeux,  mornes  et  couverts,  ne 
cessaient  par  intervalles  de  fixer  la  terre  que  pour  se  porter  sur 
la  longue  file  de  malheureux  mutilés  qui  s'efforçaient  de  gagner 


140  LIVRB  SIXIÈUI. 

ft».  leslwisfloiisdeFlle,  pcMirycheidieroaabri  et  qoelqQe  toi^ 
A«einagne.  tagenjent  à  leiin  maux. 

Ce  f ot  en  soivaDt  de  TobU  cette  marche  f unttwe  qu'il  vit 
s^avaneer  le  gnxipe  qui  portait  le  marfehal  Lamiei*  Dôme  de 
ces  yieox  grenadiersi  rhoonear  des  arméei  françaises,  tout 
couverts  de  sang  et  de  poussière,  noircis  par  la  poudre,  avaient 
formé,  en  croisant  leurs  fusils  et  quelques  branches  de  chêne, 
le  brancard  sur  lequel  reposait  l'illustre  guerrier.  Dès  que  rem- 
pereur  put  reconnaître  le  duc  de  Montebello,  il  pressa  le  pas 
pour  venir  au-devant  de  lui.  Les  grenadiers  s'arrêtent,  et  Na- 
poléon, se  précipitant  sur  le  sdn  de  son  vieux  compagnon  d'ar- 
mes, en  ce  moment  presque  évanoid  par  la  perte  de  son  sang, 
lui  exprime  vivement,  d'une  voix  étouffée  par  les  larmes,  tous 
ses  regrets  et  toute  son  affliction»  La  crainte  d'épuiser  par  trop 
d'émotion  le  peu  de  vie  qui  reste  au  maréchal  d^rmine  l'em- 
pereur à  s'éloigner,  et  l'on  continue  de  porter  le  mourant  vers 
un  lieu  où  il  puisse  recevoir  des  soins,  malheureusement  im- 
puissants '• 

On  fit  passer  ou  l'on  transporta  ainsi  dans  l'Ile  le  plus  de 
blessés  qu'il  fut  possible,  et,  lorsqu'ils  s'y  trouvèrent  réunis 
presque  tous,  le  colonel  Lacune' ,  aide  de  camp  du  prince  de 
Neuchàtel ,  fit  préparer  une  barque  pour  que  l'empereur  pût 
traverser  le  grand  bras  du  Danube  et  Joindre  les  troupes  qui 
étaient  restées  sur  la  rive  droite. 

Le  33,  à  une  heure  du  matin,  Napoléon  arriva  au  point  où  il 
devait  s'embarquer;  mais,  avant  de  quitter  le  rivage,  il  fit  écrire 
au  maréchal  Masséna  d'opérer  sa  retraite  sur  l'Ile  de  Lobau 
dans  le  plus  grand  silence ,  après  avoir  alimenté  et  augmenté 
ses  feux  de  bivouacs,  afin  de  donner  le  change  à  renneml. 
L'empereur,  accompagné  du  prince  de  Neuchàtel  et  d'un  seul 
ofQder  d'ordonnance,  M.  Edmond  de  Périgord,  monta  ensuite 
dans  le  bateau  qui  l'attendait.  Les  flots  rapides  du  Danube 
agités  par  un  vent  impétueux ,  les  arbres  et  les  débris  entraînés 
par  le  courant,  l'obscurité  profonde  de  la  nuit,  tout  contri- 
buait à  rendre  cette  traversée  très-périlleuse;  mais,  ainsi  que 
César,  Napoléon  se  confiait  à  sa  fortune. 

■  Le  maréclMl  Lannei  mourut  à  VieoM  qud«|aM  leurs  spr^. 
'  Depuis  maréchal  de  camp. 


GUKIlt  D*ALLBICAONft¥  t41 

Ainsi  Sun»  aprà  deux  jouniées  de  carnage,  la  terrible  tNitaille 
dTsaling»  on  d*Aspem,  selon  \m  Allemands.  Les  deox  années  ^ 
avaient  épnniTé des  pertes  à  pen  près  égales:  15  à ia,000  faonn 
mes  taés  on  blessés  de  part  et  d'antre,  etl,M>o  à  3,000  prison* 
niers  de  chaque  oôté.  D'ailleors  ces  diiflires  ne  peuvent  être  yé- 
riilés  qu'approximativement;  car  on  n*a  pas  d'étati  exacts  des 
pertes  de  l'année  française  ;  ceux  des  Autrichiens  sont  empreints 
d'exagération  :  ils  portent  les  pertes  des  Français  à  44,000  hom- 
mes, y  compris  2,000  prisonniers,  de  sorte  qu'H  ne  serait  rentré 
que  6,000  hommes  dans  File  de  Lobau.  D'un  autre  côté,  les 
documents  du  Dépôt  de  la  Guerre  portent  les  pertes  des  Autrl*^ 
diiens  à  26  ou  27,000  tués  et  blessés,  et  celles  des  Français 
seulement  à  f5  ou  16,0007? 

L'armée  française  exécuta  son  mouvement  rétrograde  et  le 
passage  du  pont  avec  un  ordre  admirable,  sans  que  Tenneml 
y  apportât  le  moindre  obstacle.  Vers  six  heures  du  matin ,  il  ne 
restait  plus  sur  la  rive  gaudie  que  l'infanterie  de  la  vieille  garde 
et  la  division  Legrand,  qui  défilèrent  successivement.  Masséna 
passa  le  dernier,  et  prit  le  commandement  de  toutes  les  troupes 
réunies  dans  Tlle.  Le  pont  ensuite  Ait  replié. 

Il  était  impossible  de  conquérir  plus  glorieusement  une  re* 
traite  qu'un  Ihtal  contre-temps  avait  rendue  nécessaire  ;  mais  on  < 
avait  reculé,  et,  dans  la  situation  forcée  où  Ton  se^  trouvait, 
diaque  pas  rétrograde  était  un  échec.  Heureusement  le  génie 
de  l'empereur  allait  tout  réparer.  Toutefois  il  ne  put  empêcher 
le  contre-coup  de  ce  premier  et  unique  succès  des  armes  autri- 
chiennes de  retentir  dans  l'Europe  entière,  surtout  en  Alle- 
magne. Le  "Tyrol ,  le  Wurtemberg ,  la  Westphalie  furent  trou;- 
blés  par  des  insurrections.  Le  duc  de  Brunswick-Oels  et  le  major 
prussien  Schill ,  dont  nous  aurons  occasion  de  parler  plus  tard, 
opérèrent  une  levée  de  boucliers  dans  le  Nord ,  et  cinq  petits 
princes  de  la  Confédération  du  Rhin  jugèrent  le  moment  favo- 
rable pour  s'affranchir  du  joug  impérial.  Les  réserves  éche- 
lonnées sur  le  Lech ,  sur  le  Weser  et  sur  la  Rednitz  réduisirent 
aisément  les  hisurgés  de  la  Confédération;  mais  ceux  du  Tyrol 
et  de  la  Souabe  tinrent  jusqu'à  la  paix. 

Après  leur  retour  sur  le  sol  inculte  de  Plie  de  Lobau,  les 
troupes  intrépides  qui  venaient  de  soutenir  pendant  près  de  qua- 


142  UVRB  SI\|à||S. 

4808.  Nttto-hilit  hflora»  le  eonbat  le  plas  opwAtre  et  le  plus  meur* 
ANetMRM.  f,^  nstÀmit  livrées  à  KhiIw  les  hmewrsdcf  te  faim.  Ce  fet 
sealement  m  boBt  de  qoel4«ei  Jooce.  el  qua^d  elles  eurent 
meiigé  une  partie  des  dieveugi.  de  Initt  et  de  seUe^  qu'elles  vi- 
rent arriver  de  la  rive  droite  des  bateaux  chargés  de  vivres , 
qui  servirent  à  ranimer  un  peu  plue  de  la  moitié  des  hommes 
blessés  dans  les  deux  aoHonA  da  li  et  du  22  ;  les  autres  n'a- 
vaient point  survécu. 

Au  bruit  rappiodié  du  eanon  »  le  eorps  du  maréchal  Oavoust, 
la  division  de  carabiniers  et  de  cuirassiers  du  général  Saint- 
Sulpioe,  et  quelques  autres  troupes  placées  sur  la  rive  droite  du 
Danul>e,  avaient  pu  juger  eomblen  leur  coopération  devenait 
nécessaire  ;  leur  désespoir  fut  extrême  lorsqu'ils  virent  que  tout 
moyen  de  passage  leur  était  enlevé.  Dans  le  même  temps,  la  po- 
pulalien  entière  de  Vienne,  inquiète,  agitée,  rassemblée  sur 
les  bords  du  fleuve,  avait  cberohé  à  deviner,  par  la  direction 
des  feux,  les  chances  d'un  ocHubat  dont  Tissue  pouvait  avoir 
une  si  grande  inflnenoe  sur  leqr  sort  et  sur  celui  de  la  monar- 
chie autrichienne. 

Toutefois,  quelle  que  fût  leur  arrière-pensée,  ils  ne  s'en 
mentrèrent  pas  moins  empressés  à  secourir  les  premiers  blessés 
qui  avaient  atteint  la  rive  droite  avant  la  rupture  des  ponts  qui 
y  conduisaient  de  Ttle  de  Lobau.  On  vit  aussi  des  villageois 
conduire  plusieurs  soldats  dans  leurs  propres  maisons,  en  por- 
tant eux-mêmes  les  fusils  et  les  sacs  de  ceux  qui  se  trouvaient 
estropiés  ou  trqp  affaiblis.  Ces  traits  d'humanité  font  le  plus 
grand  honneur  au  caractère  du  peuple  autrichien. 

L'archiduc  Charles  ne  profita  point  de  Favantage  que  lui 
donnaient  la  retraite  ^t  Tlsolement  d'une  partie  de  l'armée  fran- 
çaise dans  l'Ile  de  I/)bau  ;  les  écrivains  allemands  qui  ont  voulu 
Justifier  Tinaetion  de  ce  prince  insistent  beaucoup  sur  les  dif- 
ficultés qu'il  eût  rencontrées  en  entreprenant  de  passer  sur  la 
rive  droite  du  fleuve.  L'armée  autrichienne,  disent^ils ,  avait 
éprouvé  une  porte  plus  considérable  encore  que  celle  des  Fran- 
çais ;  elle  était  réduite  de  près  d'un  tiers  ;  ses  munitions  étaient 
presque  épuisées  et  ne  pouvaient  être  remplacées  promptement  ; 
les  équipages  de  pont  étaient  à  deux  ou  trois  marches  en  arrière. 
Le  seul  passage  que  l'archiduc  eût  pu  hasarder  se  trouvait  vis- 


I 


GUMtt   »*ALUMA01«B.  148 

t^yiB  de  Presimig ,  où  las  Antriehieiia  eoimratait  eneore  une  mog. 
tét&de  pont  sur  la  rive  4i^l0;niÉi8alof8leitmap6sqiiioco^  Aflemasiie 
jfàhNA  Vile  de  I^bau  avraiei^  eherehé  à  repesMr  sm  la  rive 
ganehe  an  moyen  du  pont  qu'elks  avalent  replié  de  leur  edté  ; 
dtas  fle  aéraient  étendim  anr  leor  ganehe ,  et  enraient  pn  pro- 
téger laeonstmction  d'nnpont  vla^vis  de  Jedlersdorf-am^Spltz 
et  Floriadorf,  on  anr  tovt  antre  peint;  par  là  les  Français 
eussent  été  maîtres  des  deux  rives.  Bans  cet  état  de  choses, 
Napoléon ,  rénnissaDt  an  eerpa  dn  maréchal  Davoust  et  aax  au- 
tres tronpes  disponibles antonr de  Vienne  oeUes  de  Lintzà  Krems 
(ies  Saxons  et  les  Wnrtembergeols) ,  se  portait  sor  Parroée  de 
1-archidue,  qui,  attaqné  tant  à  la  Ms  de  front,  sur  son  flanc 
et  presqne  snr  ses  derrières,  n'avait  plus  diantre  point  de  retraite 
qne  la  Bongrie. 

En  seconde  hypothèse,  slTardiidue,  partageant  son  armée 
m  deux  corps,  en  eût  laissé  nn  devant  IMIe  de  Loban  et 
qo'avee  Tântre  il  eût  tenté  le  passage  vl»4-vis  de  Presbnrg ,  son 
entreprise  aurait  été  encore  plus  hasardée ,  puisque ,  avec  moins 
de  forées  dlspoidblee,  Il  rencontrait  les  mêmes  obstacles  sur  la 
ilve  droite. 

Nous  n'entreprendrons  point  de  prononcer  sur  la  validité  de 
ces  raisonnements  JnsMcatife  ;  mais  nous  dirons  que  le  chef  de 
l'armée  française,  dans  la  position  de  l'arehiduc Charles,  eût 
prisnne  détermination  audadense,  dont  son  génie  et  la  valeur 
de  ses  troupes  eussent  assuré  le  succès. 

Comme  les  opérations  de  l'armée  française  commandée  par 
le  prince  Eugtoe,  viee-rol  d^Italie,  vont  se  lier  désormais  avec 
celles  de  Parmée  principale  snr  le  Danube,  H  convient  de  rap- 
porter maintenant  les  événements  militaires  qui  avaient  eu  lieu 
sur  les  frontières  des  provinces  méridionales  de  l'empire  autri- 
chien pendant  la  période  qu'on  vient  de  lire;  mais,  avant  de 
commencer  ce  récit  dans  le  chapitre  suivant ,  nous  devons  Jeter 
nn  coup  d'œil  rapide  sur  ce  qui  se  passait  en  Pologne  à  la  même 
époque. 

Opérations  militaires  en  Pologne;  combat  de  Gora;  prise    Pologne. 
de  Sandomir^  de  Zamosc  ;  marche  d'un  corps  d'armée  russe  sur  ^^"'"*»**- 
ta  Galicie.  —  L'arehiduc  Ferdinand,  commandant  le  7«  corps 
de  Tannée  autrichienne,  destiné  à  agir  contre  le  duché  de  Yarr 


H  4  LIVBt  ftlXltoS. 

iml     sovie,  avait  ourert  la  cantpagiie ,  ainii  qne  nous  ravmis  dit, 
FoiogM.  ^  l'époque  où  la  boatiiltés  coftiaieiiçaleiit  sur  l'Inn  et  sar  les 
frontlèrea  da  roy&ame  d'Italie.  Un  premier  eondMit  eat  lieu 
le  19  avril  en  avant  de  Failenty. 

Les  troupes  polonaises,  sous  les  ordres  dv  prince  Joseph  Po- 
niatowski ,  ministre  de  la  guerre  du  grand-duché ,  malgré  leur 
infériorité  nomérkpie ,  se  maintinreirt  pendant  trds  Jours  dans 
les  positions  qu'elles  oocupaient  ;  mais  les  mouvem^ts  des  Au- 
tridiiens  décidèrent  le  général  polonais  à  se  replier  sur  Var- 
sovie, pour  ne  pas  être  coupé  de  cette  capitale;  il  y  tnt  suivi 
par  l'archiduc,  qui  arriva  en  vue  de  cette  ville  le  30.  Peu  de  Jours 
après,  les  deux  partis  signèrent  une  convention  en  vertu  de  la- 
quelle la  villede  Varsovie  ftit  déclarée  neutre.  Getacte  singulier 
était  tout  à  l'avantage  du  prince  Poniato wsld ,  puisqu'il  conser- 
vait le  iiAubourg  fortifié  de  Praga ,  Modlin ,  Sierock  et  toutes  les 
excellentes  positions  de  la  rive  droite  de  la  Vistule  ;  aussi,  dès  le 
36,  les  troupes  polonaises  manouvrèrenl-ellesbientAi  sur  cettn 
même  rive  pour  reprendre  l'offensive.  Les  Autrichiens,  attar 
taqués  à  la  fois  à  Badsimin  et  à  Grodmw,  lurent  culbutés,  et 
essuyèrent  une  perte  considérable  en  hommes  tués ,  blessés  ou 
Cidts  prisonniers.  Ce  succès  eut  pouriésultatprfocipal  de  rendre 
aux  Polonais  la  confiance  que  leur  premier  mouvement  rétro- 
grade avidt  beaucoup  aflUblie. 

Le  s  mai,  après  avoir  fsit  tedre  plusieurs  fortes  leeonnais- 
sances  sur  le  fh>nt  de  la  ligne  ennemie ,  afin  de  masquer  son 
dcssdn  véritable,  le  prince  Poniatoireki  attaqua  à  i'improviste 
une  tète  de  pont  construite  par  les  Autridiiens  à  Gora  et  s'en 
rendit  maître  après  un  combat  opiniâtre,  où  l'ennemi  perdit 
près  de  3,ooo  hommes  en  tués,  blessés  ou  faits  prisonniers^ 
trois  pièces  de  canon,  deux  drapeaux.  Le  générai  Schauroth» 
qui  défendait  Gora ,  avait  MU  être  &it  prisonnier  ;  il  n'eut  que 
le  temps  de  sauter  dans  une  barque  pour  traverser  la  Vistule. 

Cet  échec  ayant  déterminé  l'archiduc  Ferdinand  à  opérer  un 
mouvement  rétrograde ,  l'armée  polonaise  continua  à  s'avancer 
vers  la  Galicie ,  et  occupa  les  cercles  de  Stanislawow ,  Salu  et 
Biala. 

La  nouvelle  des  premières  victoires  remportées  par  rarméa 
française  sur  le  Danube  acheva  d'exalter  l'ardeur  et  l'enthoo- 


GUBBU  D*Al.IiBllAGNE.  14  o 

siasme  do  pespe  polMiaie.  De  nombpevses  levées  vinrent  aug-      im. 
menter  les  forces  qs'M  avait  d^à  miaes  en  mouvement.  poIosm. 

Après  rafiUre  de  Gpna  ^  le  prinoe  Poniatowskl  avait  .divisé 
son  armée  en  deux  colonnes  prindpales  :  à  la  tète  de  la  pre- 
mière il  remonta  la  Vistule  Jusqu'à  Pnlawy ,  occupa  Lublin 
le  14  mai ,  et  marelia  le  lendemain  sur  Sandomir.  La  seconde 
colonne  s'avança,  par  Osiec,  Zelechov^»  Jusqu'à  Kock.  Un  corps 
détaché  sur  Przelaw  coupa  aux  Autrichiens  la  communication 
de  Lemberg  avec  Craoovie;  le  général  Rosniecki  fit,  en  difle- 
restes  rencontres,  près  de  800  prisonniers,  et  s'empara  d'un 
convoi  d'armes  et  d'objets  d'équipement 

L'archiduc  Ferdinand  concentra  la  plus  grande  partie  de  ses 
troupes  sur  la  Bznra;  le  prince  Pouiatowski,  profitant  de  l'i- 
naction et  de  réioignement  de  son  adversaire ,  fit  attaquer  à 
la  fois  la  tète  de  pont  et  la  vflle  de  Sandomir»  que  les  Autrf- 
cbiens  avaient  fortifiés  avec  quelque  soin.  La  tète  de  pont  fot 
enlevée  le  1 8  mai  à  la  baïonnette  par  le  chef  d'escadron  Wla- 
dimir  Protocki,  et  la  ville,  vivement  attaquée  par  le  général 
Sokolnicki ,  se  rendit  par  capitulation  dans  la  soirée  du  même 
jour.  Les  Autrichiens  perdirent  encore  dans  cette  dernière  affaire 
t  ,000  hommes  tués ,  1 ,200  prisonniers ,  vingt  pièces  de  canon 
et  des  magasins  conridérables.  La  cavalerie  polonaise  s'étendit 
Jusqu'à  Léopold  et  poussa  des  reconnaissances  jusqu'auprès  de 
Gracovie. 

Pendant  que  ces  événements  se  passaient  en  Galide,  le  gé- 
néral Dombro^ski ,  commandant  un  corps  détaché  sur  la  basse 
Vistule,  repoussait  l'emiemi  qu'il  avait  devant  lui.  Les  Autri- 
chiens ,  ayant  tenté  une  pointe  sur  Thom  pour  s'emparer  de 
cette  place  par  un  coup  de  main ,  attaquèrent ,  le  24 ,  la  tète  de 
pont  située  sur  la  rive  droite ,  et  qui  n'avait  pas  pu  être  mise 
en  état  complet  de  défense.  La  garnison  brûla  une  partie  du 
pont,  et  se  retira  dans  l'ile  qui  est  entre  l'ouvrage  et  la  ville , 
après  un  engagement  très- vif ,  dans  lequel  les  Autrichiens  per- 
dirent beaucoup  le  monde.  I^'ayant  aucun  moyen  prêt  pour 
traverser  la  Vistule  sur  ce  point ,  et  voyant  d'ailleurs  que  la 
place  serait  défendue  avec  vigueur,  le  général  ennemi  renonça 
à  son  entreprise.  Les  Autrichiens  voulurent  tenter,  le  lende- 
main 1  s ,  le  passage  du  fleuve  vis-à-vis  de  Plock  ;  mais  ils  fprent 

1.  10 


1 


146  LITBS  BlXlàlfB, 

1909.  repousses  avec  perte  et  obligés  de  hrMer  les  bateaux  qu'ils 
Poiosm.  nyg^jçQi;  rassemblés,  pour  empêcber  les  Polonais  de  s'en  servir 
eux-mêmes.  Du  1 6  au  33  mai,  l'Iniktigable  Dombro^vski  attaqua 
Tennemi  depuis  Bromberg  jusqu'à  Czeutoehow,  le  repoussa 
en  avant  de  la  première <le  ces  villes,  mit  la  seconde,  ainsi  que 
la  tête  de  pont  de  Tborn ,  à  l'abri  de  toute  entreprise  y.  et  assura 
ses  communications  avec  cette  dernière  et  importante  place  par 
le  point  dlnowraklaw.  . 

Du  18  au  25  mai  les  troupes  polonaises  poursuivirent  leurs 
succès  sur  tous  les  points  de  la  ligne  étendue  qu'occupait  en- 
core l'armée  de  l'archiduc  Ferdinand.  Le  général  Dombrowski 
8*avanca  sur  la  Bzura  ;  le  général  Kosiuski  repoussa  sur  IL.owicz 
la  division  autrichienne  du  général  M ohr  ;  le  général  Haug^Le, 
passant  la  Vistule  à  Plock ,  poursuivit  un  autre  corps  ennemi 
sur  Sochaczew  et  vers  la  Pilica  ;  enfin,  le  général  en  chef  prince 
Poniatowski,  maître  de  Sandomir^  marcha  sur  la  forteresse 
de  Zamosc.  Cette  place,  ïÀen  armée,  approviMonnée ,  avec  une 
garnison  suffisante  pour  sa  défense ,  se  rendit  presque  sans 
coup  férir  après  un  ou  deux  Jours  d'investissement.  8,000  Au- 
trichiens mirent  bas  les  armes;  les  Polonais  trouvèrent  dans 
la  place  quarante  pièces  de  canon  et  des  magasins  considé- 
rables. 

L'archiduc  Ferdinand  se  trouvait  alors  dans  une  situation 
d'autant  plus  critique  que  l'empereur  Alexandre  ,  après  une 
longueirrésolution,  venait  enfin  de  mettre  en  mouv^nent  le  corps 
auxiliaire  qu'il  avait  promis  à  Napoléon.  Toutefois  ce  corps,  d'en- 
viron 15,000  hommes,  paraissait  plutèt  destiné  à  surveiller  les 
Polonais  qu'à  opérer  contre  les  Autrichiens.  Il  faillit  même  en 
venir  aux  mains  avec  les  premiers,  aux  portes  de  Gracovie,  dont 
les  Busses  voulurent  s'emparer.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  pre- 
miers succès  de  Tarmée  française  sur  le  Danube  avaient  sans 
doute  hâté  le  détermination  du  monarque  russe,  et  il  est  permis 
de  supposer,  d'après  la  lenteur  apportée  dans  le  rassemblement 
de  ces  troupes,  que,  si  la  fortune  se  fût  déclarée  d'abord  en  fa- 
veur de  l'archiduc  Charles ,  la  cour  de  Saint-Pétersboorg  eût 
différé  la  publicatton  de  Tespèce  de  manifeste  que  leprlnce  Serge 
Galitzin ,  commandant  en  dhtt  le  corps  auxiliaire  russe ,  fut 
chargé  de  répandre  avant  de  commencer  les  hostilités  avec  l' Au- 


GUBRBl   D'ALLEMAGNE,  147 

triche^  Noos  citerons  quelques  passages  de  cet  écrit ,  qui  por-      ims. 
tait  le  atre  de  prodamatlon.  Poio%n^ 

a  La  guerre  qui  a  éclaté  entre  la  France  et  TAutriche  ne 
pouvait  être  Tued*un  ceil  indifférent  par  la  Russie.  Toute  sorte  de 
soins  et  d'efforts  ont  été  employés  de  notre  côté  aiin  d'étouffer  ce 
feu  avant  qu^il  s'allumât  entièrement;  il  fut  déclaré  du  pre- 
mier moment  à  TAutridie  qu'en  vertu  des  traités  et  des  engage- 
ments les  plus  étroits»  qui  subsistent  entre  les  deux  empereurs 
de  Russie  et  des  Français,  la  Russie  agirait  conjointement  avec 
la  France. 

«  L'Autriche  ne  voulut  pas  avoir  égard  à  ces  représenta* 
tioiis ,  qui  auraient  dû  être  d'un  si  grand  poids  pour  elle  ;  mais 
elle  masqua  du  prétexte  d'une  défense  propre  ses  préparatifs 
guerriers,  jusqu'à  ce  qu'enfin ,  par  des  démarclies  agressives» 
elle  découvrit  les  desseins  orgueilleux  de  son  ambition  et  alluma 
le  flambeau  de  la  guerre.  Les  Russes,  en  conséquence,  ne  pou- 
vaient pas  se  dispenser  de  prendre  à  eette  guerre  une  part  qui 
était  loadée  sur  des  traités  solenneis.  A  la  première  nouvetie 
qui  lui  parvint,  eHe  womtfit  tous  les  liens  qui  existaient  entre 
elle  et  l'Autridie,  et  ordonna  à  son  armée  de  s*approclMr  des 
fipontières  de  la  GaUde»  ete.,  ete....  d 

Cette  déclaration  de  la  Russie  précipita  encore  la  retraite 
de  rarehiduc  Ferdinand;  à  la  fin  de  mai ,  les  troupea  autri- 
chiennes avaient  presque  entièrement  évacué  la  Galide  ooei- 
dentale  et  partie  de  Torientale.  Le  quartier  général  du  prince 
Poniatowski  était  le  sa  mai  à  Brody ,  ville  de  cette  dernière 
province,  vers  la  fl^ontière  de  la  Wolhynie. 


fO. 


ilalie. 


CHAPITRE  m. 

SUITE  DE  l'aNNÉS  1809. 

OuTerture  de  la  campagne  dans  le  nord  de  Tltalie;  batailles  de  Saeile,  de  la 
Pia?e;  retraite  de  l'année  autrichtenoe  sur  la  Carinthie;  combats  de  San- 
Daniele,  de  Prewald,  de  Tar?is,  de  Laybadh,  de  San-Mlcbele;  jonction  de 
famée  d'Italie  ayec  la  grande  armée.  —  Opérations  da  général  Marmont 
en  Dalraatle  et  en  Croatie.  —  L'année  dn  prince  Eugtee  entre  en  Hon- 
grie; bataille  de  Raab.  —  Combats  de  KlagenforUi»  deKahlsdorf,  de 
Gr&tZy  etc.  —  Réunion  définitive  des  troupes  do  prince  Eugène  à  la 
grande  armée  près  de  Vienne  et  dans  Tlle  de  Lobau. 

4M0.  L'arehidac  Jean  s'était  avancé,  comme  nons  Tavons  dit,  à  la 
léte  des  6*  et  9«  corps  de  la  grande  armée  autrichienne,  vers  les 
frontières  du  royaume  dltalie.  Il  allait  tenter  de  remettre  ce 
beau  pays  sons  la  domination  de  la  conr  de  Vienne  en  fcNrçant, 
s'il  était  possible,  par  une  agression  vigoorense,  Tarmée  do 
prince  vice-roi  Eugène-Napoléon  de  se  retirer  an  delà  do  P6,  et 
peut-être  même  de  l'autre  côté  des  Alpes. 

Les  troupes  ennemies  étaient  nombreuses,  aguerries,  et  poor^ 
vues  de  tout  ce  qui  pouvait  assurer  le  succès  d'une  pareille  en- 
treprise. Aveuglé  par  ses  illusions,  le  cabinet  autrichien  se  flat- 
tait que  les  peuples  d'Italie,  fatigués  du  joug  des  Français,  se- 
conderaient par  un  grand  mouvement  national  les  efftfrts  de 
ses  troupes. 

En  effet,  à  la  suite  des  bagages  de  cette  même  armée,  des- 
tinée à  la  conquête,  marchaient  une  foule  d'émigrés  et  de  mé- 
contents ,  la  plupart  nobles  et  prêtres,  qui  s'étaient  volontaire- 
ment exilés  de  leur  patrie  depuis  que  la  présence  des  Français 
et  la  nouvelle  constitution  du  royaume  leur  avaient  enlevé , 
avec  leur  influence  première ,  la  jouissance  de  leurs  antiques 
privilèges.  On  espérait  à  Vienne  que  ces  transfuges  organi- 
seraient promptemeut  un  parti  nombreux  en  faveur  de  la  mo- 
narchie autrichienne ,  et  détermineraient  sans  peine  les  Véni- 
tiens ,  les  Milanais,  les  Toscans,  et,  par  suite,  tous  les  autres 


GUBBBB   D^ALBBHAGNI.  >49 

peuples  de  Tltalie,  à  se  lever  contre  Toppressear  qui  M  avait 
leunrés  d'une  indépendance  illusoire. 

C'est  dans  cette  persuasion  que  Tarchiduc  Jean ,  d' ailleurs 
plein  de  oonfiance  en  la  valeur  de  ses  troupes ,  publia  la  pror 
clamation  suivante,  quîpréeéda  Ventrée  de  Tannée  ennemie  sut 
le  territoire  du  royaume  d'Italie  : 

a  Italiens!  écoutez  la  vérité  et  la  raison;  elles  vous  disent 
que  vous  êtes  les  esclaves  de  la  France ,  que  vous  prodiguez 
pour  elle  votre  or  et  votre  sang.  Le  royaume  d'Italie  n'est 
qu'un  songe,  un  vain  nom;  la  conscription,  les  charges ,  les 
oppressions  de  tout  genre  ^  la  nullité  de  votre  existence  poli^ 
tique,  voilà  des  faits.  La  raison  vous  dit  encore  que,  dans  un 
tel  état  d'ai>ajssement,  vous  ne  pouvez  être  ni  respectés»  ni 
tranquilles,  ni  Iteliens.  Voulez-vous  l'être  une  fois?  Uiyasez 
vœ  forces,  vos.  bras  et  vos  cœurs  aux  armes  généreuses  de  Tem* 
pereur  François.  En  ce  moment  il  fait  descendre  une  armée 
imposante  en  Italie;  il  Venvoie,  non  pour  satisfaire^ «ne  vaine 
soif  de  eonquétes,  mais  pour  se  défendre  lui«même,  et  assurer 
Tindépendance  de  toutes  les  nations  de  TEurope  menacée  par 
une  série  d'opération»  consécutives  qui. ne  permettent  pas  de 
révoquer  en  doute  un  esclavage  inévitable.  Si  Dieu  protège  lee 
vertueux  efforts  de  l'empereur  François  et  ceux  de  ses  puis- 
sants alliés,  ritalie  redeviendra  heureuse  et  respectée  en  Eu- 
rope ;  le  cheC  de  la  religion  recouvrera  sa  liberté ,  ses  États ,  et 
une  constitution  fondée  sur  la  nature  et  la  véritable  politique 
rendra  le  sol  itaiie»>  fortuné  et  inaceessibleà  toute  force  étrau- 
gèrc. 

tf  C'est  François  qui  vous  promet  une  si  heureuse,  une  si 
brillante  existence;  l'Europe  sait  que  la  parole  de  ce  prince 
est  sacrée>  immuable  autant  que  pure.  Éveillez*vous  donc.  Ita- 
liens! levezrvous.  Ile  quelque  parti  que  vous  ayez  été  ou  que 
vous  soyez,  ne  craignez  rien,  pourvu  que  vous  soyez  Italiens  : 
nous  ne  venons  pas  à  vous  pour  rechercher,  pour  punir,  mais 
poar  vous  secourir,  pour  vous  délivrer.  Voudriez-vous  rester 
dans  l'état  abject  où  vous  êtes?  Ferez-vous  moins  que  les  F^s- 
pagnols,  que  cette  nation  de  héros ,  chez  lesquels  les  faits  ont 
céppndn  aux  paroles?  Aimez-vous  moins  (fu'elle  vos  fils ,  votre 
suinte  religion,  l'honneur  et  le  nom  de  votre  nation?  Abhorrez- 


thê  UVU   SIXIÉMI. 

iMiL  VOUS  moiiia  qà'Me  la  iioiitetiie  «errllude  qu'on  a  voola  vous 
imposer  avec  des  paroles  engi^eaiites  et  des  dispositions  si  con- 
traires à  ces  paroles  ?  Italiens  1  la  nlson  »  la  vérité  vous  disent 
qa'wnt  occasion  aossi  ûtvoralde  de  secouer  le  joug  étendu  sar 
l'Italie  ne  se  représentera  pins  jaoMds  ;  elles  toqs  disent  que»  si 
vous  ne  les  écoutes^  pas,  vous  courez  les  risques,  quelle  que  soit 
ramée  victorieuse,  de  n*ètre  autrechose  qu\in  peuple  conquis* 
un  peuple  sans  npm  et  sans  droits;  que  si,  au  contraire»  vous 
vous  unissez  fortement  à  vos  libérateurs ,  que  si  vous  êtes  avec 
eux  victorieux,  l'Italie  renaît;  ^e  reprend  sa  place  parmi  les 
grandes  nations  du  monde,  et»  coqu'elle  ftit  déjà,  elle  peut  re^ 
devoir  la  première^ 

«  Italiens!  un  meilleur  sort  est  entre  vos  mains,  dans  ces 
mains  qui  portèrent  le  flambeau  des  lumières  dans  toutes  les  par« 
tics  du  monde»  et  rendirent  à  rOurope  tombée  dans  la  barbarie 
lessdeaces»  les  arts  et  les  moeurs. 

«  Milamiis»  Toscans,  Vénitiens^  Plémontais,  et  vous,  peuples 
deritalifS  entière,  rappelez- vous  bien  le  temps  de  votre  ancienne 
existence.  Ces  Jouis  de  paix  et  de  prospérité  peuvent  revenir 
plus  beaux  que  Jamais,  si  votre  conduite  vous  rend  lUgnes  de 
cet  beureux  changement 

«  Italiens  !  vous  n'aurez  qu'à  le  vouloir»  et  vous  serez  Italiens, 
aossi  glorieux  que  vos  ancêtres»  heureux  et  satisftJts  autant 
que  vous  l'avez  Jamais  été  à  la  plus  belle  époque  de  votre 
histoire.  » 

On  a  vu»  dans  l'avant-detnier  chapitre,  que  le  gouvernement 
autrichien  avait  fixé  au  1 0  avril  le  commencement  des  hostilités 
suf  toute  la  vaste  ligne  des  opérations  desesarmées.  Dès  le  9,  Tar- 
çhiduc  Jean,  dont  \e%  troupes  étaieirt  réimies  entre  la  Save  et 
legokfe  Adriatique,  envoya  aux  avant-postes  du  prince  Eugène, 
à  Ponteba  »  un  officier  porteur  d^one  déclaration  pareille  à 
celle  que  l'archiduc  Charles  faisait  parvenir  le  même  Jour  à 
Munich. 

De  même  que  l'armée  d'Allemagne,  cello  d'Italie  ne  se  trou^ 
vait  point  encore  en  mesure  de  repousser  vivement  une  pre- 
ml^  agression  ;  on  en  Jugera  par  Tétat  suivant  des  cantonne- 
ments qu'occupaient  les  différents  corps  qui  la  formaient  à  Vé- 
yoque  dont  nous  parlons. 


lUIle. 


GUBUB    D'ALI^HàGHB.  16t 

La  pramière  division  d^iiiftuiterie,  eommandée  par  le  général      «m. 
Séraa»  à  Patma^Nova,  Qviâale  et  Veine; 

La  deuxième  (  général  Brouaier  )  à  Artegna,  Gemona ,  Os- 
pidaletto,  Yeaicne,  Sa»*Daiiieie,  Majano  et  Osopo^  pouesant 
des  détachementa  dana  la  Tallée  de  la  Fella  Jusqu'à  Ponteba , 
aor  la  route  de  Tanria; 

La  troisièiiie  (  général  Grenier)  en  arrière  des  deux  premières^ 
à  Pordenone,  Soeile  et  Gonegliano. 

Le  général  Lamarqne»  commandant  la  quatrième  division^ 
venait  d'arriver  à  Vérone  avec  une  partie  de  ses  troupes  ;  l'autre- 
était  en  marclie  de  la  Toscane  pour  le  rejoindre. 

La  cinquième  (général  Barbou)  était  à  Tré vise,  Gitadella, 
Bassano  et  Feltre. 

La  sixième  (ou  première  division  italienne»  sous  les  ordres 
du  général  Severoli)  occupait  Padoue,  Este  et  quelques  autres 
p<^nts  près  de  ces  deux  villes. 

La  septième  (deuxième  italienne,  commandée  par  te  général 
F^Nitanelli  )  se  rBsaeml>iait  an  camp  de  Monteehiaro  ;  une  par^ 
tie  de  cette  diviaion  était  en  marche  du  royaume  de  Naples 
pour  venir  Joindre  Tannée. 

Le  général  Saliuc ,  commandant  une  division  de  cavalerie 
légère,  avak  son  quartier  général  à  ITâine;  sa  première  brigade 
occupait  dercière  la  Torre  (rivière  qui  se  jatte  dans  l'isonzo) 
une  ligne  qui  s'étendait  de  Nogaretto  à  Vilese  ;.  la  seconde  bri- 
gade était  détachée  à  Gcneda,  Pordenone,  Gonegliano,  Yicence 
et  Padoœ. 

Deux  division»  da  dragons,  sous  les  ordres  des  généraux 
firouchy  et  Puliy  ^  étaient  diaséminéea  à  VHla-Franca,  Rovigo , 
laola  délia  Scala,  B^verbeila»  Gastellaro,  Sanguinetto,  Hantoue 
et  Ferraore. 

Le  grand  parc  d'artillerio  était  à  Yérone,  où  il  resta  Jus- 
qu'aa  1 9  mai,  le  nombre  des  chevaux  néeessairea  au  train 
n'ayant  été  réuni  qu'à  cette  époque. 

Le»  grenadiers  de  la  garde  royale  italienne  étaient  à  Pa- 
doœ; les  carafaiBiers ,  les  véUtes,  les  dragons^  les  gendarmes 
d'élite,  l'artillerie  à  cheval  et  le  train  de  cette  garde,  à  Milan 
»a  aux  envirena.  La  Imrce  de  eette  armée  s'élevait  à  envhron 
Myùoo  hommes. 


lUUe. 


153  UVES   SIXIÉMB. 

IM9.  ^  prlDce  vice-roi,  qui  se  trouvait  à  Udine  lorsque  l'ardiiduc 

fit  remettre  aux  avant-postes  de  la  division  Broussfer  la  décla- 
ration de  guerre  dont  nous  venons  de  parler,  rétrograda  sur- 
le-champ  sur  Mestre,  pour  activer  la  concentration  de  ses  troupes 
sur  la  ligne ,  qui  n'était  alors  gardée,  ainsi  qu'on  a  pu  le  re- 
marquer, que  par  les  deux  divisions  d'infiinterie  Seras  et  Brous- 
sier,  et  une  des  brigades  de  cavalerie  légère  du  général  Sahuc. 
L*armée  autrichienne  se  trouvait  alors  répartie  ainsi  qu*ll  soit  : 

8^  corps,  feld-maréchal-Heutenant  Albert  Giulay , 

LeopoldsklrchenetTarvIs...... 20,192  h. 

9«  corps,  feld-maréchal-lieutenant  Ignace  Giulay, 

à  Wurzen,  Karfireid  et  Gôrz ,.  28,758 

Landwehr 26,600 

Kn  Croatie^  division  du  général-major  Stoichewich.  7,300 

82,850  h. 

Le  10,  à  six  heures  du  matin,  le»  Autrichiens,  marchant  sur 
plusieurs  colonnes,  attaquèrent  les  avant-postes  du  général 
Broqssier  dans  la  vallée  de  la  Fella.  Le  capitaine  Schneider, 
chargé  de  la  défense  du  poste  de  la  Ghiusa ,  y  fit  une  longue 
et  honorable  résistance;  mais,  accablé  par  le  nombre  et  cerné 
de  toutes  parts  ^  il  fut  foreé  de  se  rendre  prisonnier  avec 
57  hommes;  le  reste  de  son  détachement  parvint  à  se  retirer 
par  les  montagnes. 

Le  généial  Broussier,  promptement  informé  de  cette  attaque, 
réunit  sa  division  à  Ospidaletto ,  en  laissant  seulement  deux 
bataUlops  à  Osopo.  Ges  troupes  firent  une  marche  de  nuit  pour 
venir,  le  1 1  au  matin,  se  ranger  en  bataille  sur  ua  mamelon  qui 
domine  la  grande  route  et  le  lit  du  TagUamento,  en  avant  d'Os- 
pidaletto.  A  huit  heures,  la  troupe  ennemie,  soutenue  d'une 
nombreuse  artillerie,  parut  devant  cette  position  ;  la  division 
Ihmçaise,  moins  nombreuse  que  les  attaqiumtB  de  près  de  moitié, 
soutint  ave&  vigueur  leurs  efforts  réitérés.  A  trois  heures  après 
midi ,  le  général  Broussier  reçut  du  prince  vice-ioi  Tordie  de 
passer  le  Tagliamento  au  pont  de  Dignano.;  mais  il  était  alors 
trop  vivement  pressé  pour  pouvoir  exécuter  ce  mouvement 
sans  danger  ;  au  lieu  donc  d'effectuer  de  suite  ce  passage,  le  gé^ 
tkéral  Broussier  resta  sur  la  rive  gauche  pour  couvrir  le  pont  d^ 


GUEEBB   D'ALLEBIàGNB.  1S3 

Dignano,  el  continua  à  maintenir  Tennemi  avee  autant  d*intré-      mie. 
pidlté  que  de  bonheur.  La  nuit  mit  iln  à  ce  combat  opiniâtre,      '^'*^ 
I  dans  lequel  les  Autrichiens  perdirent  plus  de  1  »000  hommes 

I  tués  ou  blessés,  et  300  prisonniers  environ.  Du  côté  des  Fran- 

çais, la  perte  était  moins  considérable;  le  général  Desaix  avait 
reçu  deux  coups  de  tea  qui  le  mirent  hors  de  combat  vers 
quatre  heures  du  soir. 
Tandis  qu'un  fort  détachement  de  Tarmée  ennemie  attaquait 

ainsi  la  division  Broussier,  l'archiduc  Jean  faisait  traverser 

I 

I  risonzo  au  gros  de  ses  troupes,  et  le  prince  Eugène  se  hâtait 

'  d'envoyer  de  nouveaux  ordres,  afin  d'accélérer  la  marche  des 

autres  divisions  sur  le  Tagliamento. 

Le  général  Broussier  passa  cette  rivière  dans  la  nuit  du  11  au 
13,  et  établit  ses  troupes  sur  la  rive  droite,  laissant  un  ba- 
taillon du  9^  régiment  en  position  à  Dignano;  la  division  Seras 
dut  obéir,  de  son  côté,  à  ce  mouvement  rétrograde.  Le  vice-roi, 
qui  avait  déjà  pris  des  mesures  pour  mettre  la  place  de  Palma- 
Nova  en  état  de  défense ,  ordonna  au  général  Schilt  de  s'y 
renfermer  avec  3,260  hommes. 

Mais  bientôt  les  coureurs  de  cavalerie  légère  annonçant  que 
rarchiduc  Jean  s'avançait  avec  des  masses  imposantes,  le  prince 
Eugène  reconnut  qu'il  lui  serait  difficile  de  se  maintenir  sur  le 
I  Tagliamento  avee  les  seules  forces  qui  s'y  trouvaient  en  ce  mo- 

I  ment;  c^est  pourquoi  il  envoya  au  général  Broussier  Tordre  de 

rompre  les  ponts  de  Dignano  et  de  Spilimbergo ,  et  de  venir 
prendre  position  sur  la  Livenza  avec  la  division  Grenier,  qui 
s'y  trouvait  déjà ,  le  reste  de  la  division  Seras,  de  laquelle  fai- 
saient partie  les  troupes  laissées  à  Palma-Nova,  et  les  autres 
divisions  qui  accouraient  pour  se  mettre  en  ligne. 

Le  14  avril  au  soir,  le  quartier  général  du  vice-roi  était  à 
Sadle;  le  général  Seras  avait  le  sien  à  Brugnera,  le  général 
Broussier  à  Gardaso,  le  général  Grenier  à  Fontana-Eredda , 
occupant  les  hauteurs  de  Sadle;  le  général  Barbou  à  Fretta,  le 
général  Severoli  à  Blbano ,  enfin  le  général  Sahuc  à  Pordenone. 
Les  autres  divisions  étaient  encore  en  marche. 

Le  1&,  au  matin,  les  grand'gardes  du  général  Sahuc»  en 
avant  de  la  Livenza,  furent  attaquées  par  l'ennemi,  dont  l'in- 
leQtion  était  de  tourner  tous  les  postes  français  à  gauche  de  Por- 


1S4  LIVBB  SlXlàlU. 

iiNMi.  deno&e,  pour  prendre  la  ligne  française  en  flanc.  Ce  dernier 
itaue.  villi^e  et  celui  de  San-YKo  S  qui  est  en  avant,  furent  évacnéi; 
la  cavalerie  légère  se  replia  sur  Fontana-Fredda  et  sur  SacUe, 
non  sans  éprouver  quelque  perte,  ce  que  le  général  Salmc  eût 
pu  éviter  s*il  eût  reçu  à  temps  Tordre  ^e  lui  donnait  le  vioe- 
roi  de  se  replier  promptement  sur  Sacile. 

Cet  engagement  n*était  an  reste  que  le  prélude  de  l'action  phis 
sérieuse  qui  allait  avoir  lieu  le  lendemain.  En  effet,  le  prince 
Eugène,  sentant  la  nécessité  d'arrêter  les  progrès  de  l'armée 
ennemie  avant  la  complète  réunion  de  ses  forces,  avait  résolu 
d'attaquer  celles  qui  s'avançaient  sur  lui. 
16  arriL  Bataille  de  Sacile,  —  Les  dispositions  pour  cette  attaque  fu- 
rent flEiites  dans  la  nuit  du  15  au  16  :  les  deux  divisicMas  Seras 
et  Severoll  ibrmaient  la  droite  ;  celles  des  généraux  Grenier  et 
Barbott  le  centre  ,  et  la  division  Broossîer  la  gauche  de  l'ar- 
mée. Le  vice-roi  garda  en  réserve  la  cavalerie  légère  du  gén^ 
rai  Sahuc  pour  la  porter  au  besoin  sur  le  point  convenable. 
Le  1 6,  à  neuf  heures  du  matin ,  les  divisions  s'avancèrent  par 
échelons  sur  les  troupes  ennemies ,  qui  étaient  en  position  sur 
les  hauteurs  de  Palse.  La  division  Seras ,  soutenue  par  celle  du 
général  Severoli,  commença  l'attaque.  Le  village  de  Palse,  où 
se  trouvait  une  avant-garde  autrichienne,  fut  enlevé  au  pas  de 
chaire  et  à  la  baïonnette  par  la  brigade  du  général  Garreau  : 
celui-ci  reçut  un  coup  de  feu;  toutefois»  la  troupe  ennemie, 

*  Le  35^  régiment  de  ligne,  attaqué  dans  Pordenone  par  plus  de  4,000 
liommes ,  se  distingua  par  la  belle  résistance  quil  opposa  pendant  cinq 
heures  aux  efTorts  de  rennemî  ;  toutefois  le  colonel  Breissand  et  environ 
400  hommes  furent  faits  prisonnien.  L*ârchidttc  Jean  dit  à  œt  oCfider, 
dont  la  valeur  avait  frappé  d'admiration  ses  adversaires  :  «  Colonel ,  un 
brave  tel  que  vous  ne  saurait  rester  désarmé  ;  je  vais  faire  cbercber  votre 
épée  sur  le  champ  de  bataille;  si  elle  ne  se  retrouve  pas,  je  vous  donnerai 
h  mienne.  »  (Le  colonel  Breissand,  devenu  depuis  général,  a  élé  tué  au  siège 
deDuitiigenfSia.) 

Dent  jeunes  officien,  les  lieutenants  Hvotet  Richard  de  Tussac,  spéciale- 
ment diacgés  de  la  défense  des  deux  portes  de  Pordoione,  avaient  soutenu, 
chacun  avec  un  détachement  de  20  hommes,  les  charges  réitérées  de  deux 
régiments  de  cavalerie  ennemie  qui  voulaient  traverser  la  ville  pour  couper 
la  retraite  à  rinAmterie  française;  quoique  blessés  l'un  et  1'm(i«,  ils  ne 
quitterai  les  postes  qui  leur  étaient  confiés  que  lorsqve  la  vilelomba  au. 
(louvoir  des  Attirichleus. 


GUBBIB  D'ALLEMAGNE.  155 

)  de  Paise,  ayaot  élé  renforcée  par  une  colonne  qui  s'a- 
vançait de  Pofcia,  reprit  bientèl  Toffensive  et  vint  se  jeter  brus-  '^^' 
quementsur  les  échelons  du  général  Severoli.  Les  bataillons  ita- 
liens soutinrent  d'abord  le  ehoe  avec  beaucoup  de  fermeté  ;  mais, 
ayant  afRûre  à  des  forces  supérieures,  ils  finirent  par  céder  le 
terrain,  pour  venir  s'appuyer  à  la  brigade  du  général  Roussel, 
de  la  division  Seras ,  que  ce  dernier  avait  tenue  en  réserve. 

Par  suite  de  se  mouvement  rétrograde ,  la  brigade  Carreau 
abandonna  levHIage  de  Palse»  et  l'ennemi  profita  de  cet  avan- 
tage pour  pousser  vigoureusement  les  deux  divisions  que  le  géné- 
ral Seras  reformait  dans  une  position  plus  favorable.  Sur  ces  en- 
trefaites ,  trois  bataillons  de  la  division  Barbou  arrivèrent  au 
soutien  des  troupes  ainsi  pressées,  et  donnèrent  au  général  Seras 
les  moyens  de  revenir  à  la  charge.  Une  généreuse  émulation 
animant  les  Français  et  les  Italiens,  les  Autrichiens  plièrent  à 
leur  tour,  et  furent  ramenés  au  pas  de  charge  jusqu'à  la  posi- 
tion de  Porcia,  où  ils  essayèrent  de  se  maintenir,  mais  d'où  ils 
Ibrent  promptement  dépostés  avec  perte  de  bon  nombre  de  tués 
et  blessés. 

Jusqu'à  ce  moment  le  centre  et  la  gauche  de  l'armée  fran- 
çaise n'avalent  point  été  engagés;  mais,  après  que  le  général 
Seras  eut  occupé  Porcla,  le  général  Grenier,  s'aperce vant  d'un 
mouvement  que  les  troupes  ennemies  qu'il  avait  devant  lui  fai" 
salent  dans  le  dessein  de  soutenir  celles  qui  venaient  d'être  re- 
pouflsées  de  Porcia^  s'avança  lai*méme  pour  menacer  leur  flanc  ; 
cette  diversion,  exécutée  très  à  propos,  dégagea  le  général  Se- 
ras ,  qui  déjà  se  trouvait  réattaqué  dans  Porcia  par  des  forces 
supérieures  aux  siennes.  Les  deux  brigades  des  généraux  Teste 
et  Abbé,  formant  la  division  Grenier,  attirèrent  l'attention  de 
Tennemi,  réussirent  à  le  tenir  éloigné  de  Porcia,  et  lui  firent 
même  des  prisonniers.  C'est 'alors  que  le  général  Teste  reçut  une 
blesBUfe  qui  le  mit  hors  de  combat.  Le  colonel  Gilflenga,  à  la 
tète  d'un  escadron  de  dragons  de  la  garde  italienne,  chargea 
plusieurs  fois  la  cavalerie  autrichienne  et  lui  fit  plus  de  150 
prisonniers. 

Pendant  ce  temps,  les  divisions  Barbou  etBroussier  s'étaient 
avancées  sur  Fontana-Fredda,  à  la  hauteur  du  général  Grenier; 
La  dernière  de  ces  divisions  marchait  sur  trois  colonnes,  h  quel- 


lUUe. 


1^6  UV£E   SIXIÈME. 

que  distance  Tune  de  Tautre,  son  artillerie  placée  dans  les  in* 
tervalles;  le  général  fiarbou  avait  pris  position  en  avant  du 
village. 

Le  prince  Eugène,  informé  que  les  Aatrichiras  faisaient  un 
troisième  elTort  pour  reprendre  Porcia,  ordonna  au  général  Brous- 
sier  de  déborder  Fontana-Fredda,  et  de  poster  sa  réserve  sur 
les  mamelons  qui  sont  à  gauche  et  en  arrière  de  cette  position. 
Le  général  Barbou  appuya  alors  sur  la  division  Grenier. 

Le  combat  était  devenu  général  sur  toute  la  ligne  ;  mais  l'en- 
nemi ayant  mis  toutes  ses  troupes  en  mouvement,  cette  lutte 
ne  pouvait  plus  être  qu'inégale.  Pendant  six  heures  les  Fran- 
çais eurent  à  soutenir  le  choc  de  masses  considérables,  et  se  main- 
tinrent dans  leurs  positions  avec  une  opiniâtreté  sans  exemple. 
A  la  fin,  comme  les  Autrichiens  se  renforçaient  de  plus  en  plus 
et  renouvelaient  leurs  attaques  avec  des  troupes  fraîches,  le 
prince  vice-roi  crut  devoir  faire  rétrograder  ses  divisions  sur 
Sacile»  pour  reprendre  les  positions  qu^elles  occupaient  la  veille. 
Ce  mouvement  s'exécuta  avec  tout  Tordre  et  le  sang- froid  con- 
venables. La  cavalerie  du  général  Sahuc  ayant  été  repoussée 
dans  plusieurs  charges^  la  division  Broussier  couvrit  seule  ja 
retraite  de  l'armée,  soutint  à  plusieurs  reprises  et  avec  le  plus 
grand  succès  le  choc  de  la  cavalerie,  ainsi  que  le  feu  de  TartiU 
lerie  ennemie,  sans  qu'aucun  de  ses  carrés  fût  entamé  ;  11  était 
nuit  lorsque  l'ennemi  cessa  sa  poursuite. 

Cette  affoire,  à  laquelle  les  deux  partis  donnèrent  le  nom  de 
bataille  de  Sacile,  quoique  perdue  par  les  Français,  n'était  point 
sans  honneur  pour  les  troupes  du  prince  Eugène;  car  elles  avaient 
combattu  avec  la  plus  rare  valeur  pendant  plus  de  neuf  heures 
contre  des  forces  doubles',  et  leur  perte,  en  tués,  blessés  et  pri- 
sonniers, était  moindre  que  celle  des  Autrichiens. 


'  Parmi  les  traits  Bombreux  que  peut  fournir  cetle  iatte  mémorable,  nous, 
citerons  celui-ci  :  le  leutenant  Pellegrin,  du  si*"  régiment,  venait  d^avoir 
une  jambe  emportée  par  un  boulet.  Comme  quelques  Toltigeurs  de  la  com- 
pagnie s'empressaient  de  Tenlever  du  champ  de  bataille,  il  leur  dit  avec 
énergie  :  «  Non,  mes  amis,  laissez-moi  dans  cette  place  et  retournez  à  voa 
rangs,  où  votre  présence  est  bien  plus  nécessaire  ;  il  ne  faut  pas  que  le  ré- 
giment perde  sept  hommes  au.  Ueu  d!an  seul.  Si  l'ennemi  est  généreux,  ik 
prendra  soia  d'uiv brave..  •• 


GITSBBE   d'ALLEMAGRB.  157 

Le  Yîce-roi  »  convaincu  par  la  grande  supériorité  des  forces. 
qu*il  venait  de  combattre  que  toute  I*amiée  de  l'archiduc  Jean 
était  devant  lui ,  ne  voulut  point  compromettre  davantage  les 
seules  troupes  qu'il  eût  alors  à  sa  disposition  pour  couvrir  le 
royaume  dltalle,  et  il  se  détermina  à  venir  prendre  sur-le- 
champ  la  ligne  de  TAdige ,  en  ordonnant  la  retraite  sur  Cal- 
diero;  il  avait  d'ailleurs  l'espoir  fondé  d*étre  bientôt  renforcé 
sur  ce  point  par  les  troupes  qui  étaient  en  marche  tant  de  l'in- 
térieur du  royaume  d'Italie  que  de  la  Toscane  et  du  royaume 
de  Naples.  Du  17  au  19  l'armée  continua  son  mouvement  ré- 
trograde et  passa  la  Plave  sans  être  inquiétée  par  l'ennemi. 
Le  22  elle  s'établit  sur  l'Âdige,  où  la  division  d'infanterie  du 
général  Lamarque  et  celle  de  dragons  du  général  Pully  étaient 
déjà  réunies.  Les  places  d'Osopo,  Palma-Nova  et  Venise  res- 
taient occupées  par  de  fortes  garnisons.  Dans  une  rencontre  de 
cavalerie  qui  eut  lieu  près  de  Padoue ,  les  Français  firent  pri- 
sonnier l'intendant  général  de  l'armée  autrichienne ,  comte  de 
Gœss,  dans  le  portefeuille  duquel  on  trouva  des  instructions 
et  les  pleins  pouvoirs  de  la  cour  de  Vienne  pour  l'organisation 
politique  et  administrative  du  royaume  d'Italie.  Levioe-roi 
envoya  ce  gouverneur  général  provisoire  au  fort  de  Fene»- 
trelle. 

La  lenteur  que  les  Autrichiens  mettent  presque  toujours  dans 
leurs  grands  mouvements  offensifs  donna  au  prince  Eugène 
tout  le  temps  nécessaire  pour  réunir  et  concentrer  ses  troupes. 
L'armée,  renforcée  par  tous  les  corps  disponibles,  reçut  une 
nouvelle  oi^anisation  ;  au  28  avril  elle  occupait  les  positions 
suivantes  : 

L'aile  droite ,  sous  les  ordres  du  général  Maedonald ,  envoyé 
par  l'empereur  Napoléon  pour  commander  un  des  corps  prin- 
cipaux de  l'armée  du  prince  vice-roi,  était  formée  par  les  deux 
divisions  Broussier  et  Lamarque,  et  une  brigade  de  dragons  sous 
les  ordres  du  général  Guérin  ;  elle  gardait  une  partie  de  la  ligne 
de  l'Adige  depuis  Ronco  Jusqu'à  Gaidiero. 

Le  centre ,  commandé  par  le  général  Grenier,  et  composé  de 
Ja  division  de  ce  général  (confiée  provisoirement  au  général 
Abl>é)y  de  la  division  Seras  et  de  quatre  escadrons  du  8^  régi- 
ment de  hussards,  s'étendait  depuis  Gaidiero ,  occupé  par  le 


itille. 


Italie. 


tâft  LIVRB   SIXIÈMB. 

général  Seras,  jusqu'au  village  de  San-Biartîno^  où  étaimt  éta- 
bUs  les  S2«  et  lor  r^ments. 

L'aile  gauche,  commandée  par  le  général  Baraguey  d'Hîl* 
liersy  se  composait  des  divisions  Severoli  et  Fontanelli,  et  de 
celle  du  général  Rusca»  qui ,  momentanément  détachée  dans  le 
Tyrol,  venait  de  rejoindre  l'armée;  ces  troupes  étaient  en  posi- 
tion devant  Vérone. 

La  division  d'in&nterie  du  général  Dorutte,  formée  de  trou- 
pes récemment  arrivées  de  la  Toscane  ;  celle  de  dragons  du  gé- 
néral PuUy,  celle  de  cavalerie  légère  du  général  Sahuc,  enfin 
la  garde  royale  italienne  formaient  la  réserve.  Le  général  Sa- 
huc  était  en  avant  de  Caldiero,  à  cheval  sur  la  route  de  Vioenoe  ; 
la  garde  royale  à  San-Martino  ;  le  général  Pully  à  Vago,  ob- 
servant le  cours  de  l'Adige  Jusqu'à  Roverchiara  ;  le  général  Do- 
mtte,  dont  la  division  n'était  point  encore  entièrement  réunie, 
à  Isola  délia  Scala,  couvrant  la  forteresse  de  Mantoue. 

Le  grand  parc  d'artillerie  était  à  Vérone,  et  le  prince  Eugène 
avait  son  quartier  général  à  Vago. 

Nous  avons  dit  que  le  vice-roi  avait  pris  la  précaution  de  Je- 
ter dans  Palma-Nova  une  garnison  de  3,000  et  quelques  cents 
hommes,  sous  les  ordres  du  général  Sdiilt.  Dès  le  1  s  avril ,  le 
général  Bretfeld,  commandant  l'aile  gauche  de  l'armée  aatrir 
chienne,  fit  sommer  cette  forteresse;  mais,  comme  il  n'obtint 
qu'une  réponse  négative,  il  suivit  le  mouvement  de  l'archidue 
sur  Pordenone,  ne  laissant  devant  Palma-Nova  qu'un  faiMe 
corps  d'investissement.  Du  18  au  26  le  général  Schilt  fit  quel- 
ques sorties  dans  lesquelles  il  obtint  presque  toujours  Tavan- 
tage,  l'ennemi  se  bornant  à  garder  soigneusement  tous  les 
al)ords  de  la  place,  pour  couper  les  communications  extérieures. 

Dans  une  nouvelle  sortie  effectuée  le  i^  nuii,  la  garnison 
française  ftat  très-étonnée  de  ne  plus  trouver  de  troupes  devant 
elle.  Cette  droonstance  permit  au  général  Sehiit  de  fèm  entier 
dans  Palma-Nova  des  vivres,  dont  il  commençait  déjà  à  éprou- 
ver la  disette. 

Le  vice-roi  avait  également  chargé  le  général  Baiiioa  d'oc- 
cuper Venise  avec  une  partie  de  sa  division;  cette  ville,  ses 
lagunes  et  ses  passes  étalent  défendues  par  quatre-vingt-dix- 
sept  fortins  et  huit  forts  plus  considérables  ;  mais  les  travaux  en 


I 


Italie. 


GUBRKB  D'ALLEMAGNE.  159 

terre  ée  edni  dit  de  Ma1|^ra  se  trouvaient  à  peiae  ébauchés  ims». 
dans  certaines  parties ,  dont  plusienrs  présentaient  un  abord  fa- 
cile à  roinenii.  On  était  déddé  à  l'abandonner ,  lorsque  le 
prince  Eugène  Jugea  que  ce  poste,  qui  unit  Venise  au  conti- 
nent,  pouvait  servir  à  appuyer  les  opérations  de  Tarmée;  il  or- 
donna en  conséquence  qu'on  s'occupAt  sur-le-champ  de  l'armer 
et  d*achever  les  travaux.  Quelque  célérité  que  Ton  pût  met* 
tre  dans  Texécution  de  l'ordre  du  prince,  ce  fort  n'était  point 
encore  en  état  de  défense  lorsque,  le  23  avril,  un  parlemen- 
taire se  présenta  pour  demander  qu'on  le  remit  aux  troupes  de 
rarchiduc;  le  général  Barbou  dit  qu'il  répondrait  à  cette  som- 
mation sur  la  brèche. 

Le  fort  fut  investi,  deux  heures  après  le  retour  du  parlemen- 
taire, par  un  corps  nombreux  détaché  de  l'armée  autrichienne 
(alors  sur  la  Piave) ,  et  pourvu d*une  artillerie  formidable,  qui 
fut  sur-le-champ  mise  en  batterie  contre  les  parties  les  plus  fai- 
bles. L'artillerie  du  fort  répondit  avec  vivacité  aux  premières 
décharges  et  réussit  à  démonter  plusieurs  des  pièces  ennemies; 
les  Autrichiens  s'avancèrent  alors  sur  plusieurs  colonnes  pour 
donner  l'assaut  au  front  de  l'ouest.  Ils  étaient  parvenus  jusqu'au 
bord  du  fossé,  qu'ils  sedisposaient  à  franchir,  lorsqu'une  décharge 
subite  de  la  plupart  des  pièces  du  fort,  que  Ton  avait  réunies  sur 
ce  point,  porta  un  désordre  tel  dans  les  rangs  de  l'ennemi  quMl 
lui  fut  impossible  de  reformer  ses  colonnes  pour  tenter  le  pas- 
sage du  fossé.  L'archiduc  Jean  commandait  en  personne  cette 
attaque,  où  il  perdit  pins  de  800  hommes  de  ses  meilleures  trou- 
pes. Cette  échec  découragea  les  Autrichiens,  et  le  prince,  n'es- 
pérant plus  emporter  Malghera  de  vive  force,  se  contenta  de  le 
tenir  étroitement  bloqué. 

Sur  ces  entrefaites ,  l'archiduc  Jean  reçut  des  dépêches  du 
conseil  aulique,  qui  lui  apprirent  les  premiers  échecs  éprouvés 
par  Tannée  principale  sur  le  Danube,  et  qui  lui  prescrivaient 
de  suspendre  son  mouvement  progressif  en  manœuvrant  de  ma- 
nière à  ne  point  trop  s'éloigner  des  États  héréditaires.  Dès  le 
28  avril  l'archiduc  avait  arrêté  la  marche  de  ses  colonnes,  et 
se  disposait  à  rappeler  ses  avant-gardes ,  qui  s'étaient  avancées 
jusqu'au  delà  de  Vicence,  en  suivant  le  mouvement  rétrograde 
de  l'armée  française. 


Italie. 


ICO  LIYBE  SIXIÈME. 

««Op.  Le  prince  Eugène,  averti  que  les  patrouilles  ennemies  ces- 
saient de  se  montrer  sur  la  ligne  de  ses  avant-postes,  ordonna, 
le  29 ,  une  reconnaissance  générale  sur  toute  cette  ligne,  afin 
de  connaître  les  forces  qu'il  pouvait  avoir  encore  devant  lui  sur 
la  rive  gauche  de  TAIpon.  Le  gros  des  troupes  de  Taile  droite 
s*avança  sur  Villa-Nova,  où  l*ennemi  démasqua  vingt  pièces  et 
déployasur  T  Alpon  un  corps  assez  considérable  en  infanterie  et  en 
cavalerie.  Le  général  Grenier,  avec  les  deux  divisions  du  cen- 
tre et  le  8^  de  hussards,  marcha  sur  Soave,  et  se  borna  à 
échanger  quelques  coups  de  canon  avec  Tavant-garde  autri- 
chienne^ qu*il  y  trouva  retranchée.  Les  troupes  de  Taile  gauche 
repoussèrent  les  Autrichiens  de  quelques  postes  qu'ils  occupaient 
dans  les  montagnes  au  nord  de  Vérone ,  et  notamment  sur  les 
hauteurs  de  Bastia ,  où  les  brigades  Sorbier  et  Bonfanti  s'éta- 
blirent; les  autres  troupes  reprirent,  dans  la  soirée,  leurs  posi- 
tions premières. 

Uennemi,  contrarié  dans  ses  desseins  par  la  perte  des  postes  de 
Bastia,  reparut  le  lendemain,  au  nombre  de  9  à  10,000  hommes 
partagés  en  deux  colonnes,  devant  ces  positions.  Le  r^'régi- 
ment  de  ligne  italien ,  attaqué  à  Castel-Cerino ,  s*y  maintint 
jusqu'à  midi ,  heure  à  laquelle  le  général  Sorbier  lui  envoya 
Tordre  de  se  replier  sur  Illasi.  Les  Autrichiens,  enhardis  par 
ce  premier  avantage ,  s*avançaient  avec  confiance  pour  enlever 
les  autres  positions,  lorsque  le  général  Sorbier,  à  la  tête  d'un 
bataillon  de  grenadiers  de  la  garde  italienne,  tomba  sur  le  flanc 
d'une  de  leurs  colonnes  et  arrêta  sa  marche.  L'ennemi  fit  de 
nouveaux  efforts  pour  s'emparer  des  hauteurs  de  Bastia;'  le 
général  Sorbier,  renforcé  par  les  deux  autres  bataillons  de  la 
garde,  s'y  maintint  longtemps  avec  succès;  mais,  se  voyant  sur 
le  point  d'être  tourné,  il  fit  sa  retraite  sur  Bastia  et  sur  Illasi. 
Ce  mouvement  était  déjà  devenu  fort  difficile;  il  s'effectua  ce- 
pendant avec  autant  de  bonheur  que  de  précision.  Poursuivis 
par  des  forces  supérieures,  les  bataillons  de  la  garde  italienne 
n'auraient  éprouvé  qu'une  perte  peu  sensible  si  malheureuse- 
ment le  brave  général  Sorbier  n'eût  pas  été  blessé  grièvemf nt 
dans  cette  action. 

Cette  attaque  vigoureuse  des  Autrichiens  n'avait  eu  lien  que 
pour  donner  le  change  au  prince  Eugène  sur  le  mouvement  ré- 


GUEBBB   D^ALLElfAGlIB.  16t 

trograde  ordonné  par  Farchlduc  Jean.  En  effet,  pendant  la  nuit  ii 
do  SO  avril  au  T' mal,  Tennemi  évacua  toute  la  ligne  de  TAI- 
pon  et  se  retira  sur  Vicence.  Du  moment  que  le  vive-roi  en  eut 
connaissance,  il  se  prépara  à  suivre  cette  retraite;  le  {^éral 
Maodonald  fit  réparer  les  ponts  sur  1*  Alpon,  et,  cette  opération 
ayant  été  proroptement  terminée,  toute  Tarmée  s*ébranla  pour 
s^porAr  en  avant.  Le  2,  à  cinq  heures  du  matin,  Tavant- 
garde  française,  qui  avait  passé  l*Alpon  la  veille,  rencon- 
tra une  arrière-garde  ennemie  près  de  Montebello  et  la  mena 
battant  jusqu'à  Olmo ,  dont  le  9'  régiment  de  ligne  s*empara 
après  avoir  forcé  le  pont  qui  est  en  avant  de  ce  village.  Les  Au- 
tdcbiens  se  retirèrent  sous  les  murs  de  Vicence.  Le  général  De- 
broc  Ait  dangereusement  blessé  dans  cette  action. 

L'anière-garde  autrichienne  se  retirait  avec  rapidité;  elle 
traversa  la  Brenta  dans  la  nuit  du  2  au  3 ,  et  Joignit  le  gros 
de  l'armée  sur  les  hauteurs  d'Armeola. 

Le  prince  Eugène  fit  avancer  ses  colonnes  dans  les  deux  di- 
recticms  de  Bassano  et  de  Citadella  ;  mais  le  passage  de  la  Brenta, 
-dont  Tarrière-garde  ennemie  avait  détruit  les  ponts,  fut  long 
et  difficile. 

L'avant-garde,  qui  ne  parvint  sur  la  rive  gauche  que  le  5,  se 
d^ea  aussitôt  sur  Castel-Franco  et  Fossa-Lunga.  Bassano, 
défendu  par  quelques  bataillons  ennemis ,  fut  emporté  de  vive 
forée  dans  la  soirée  par  la  division  Seras,  qui  fit,  tant  dans  cette 
action  que  dans  sa  marche  de  Vicence  à  Bassano  »  1,500  pri- 
sonniers: un  bataillon ,  surpris  dans  Marostica,  s'était  rendu 
sans  coup  férir. 

Pendant  que  le»  autres  divisions  de  Tarmée  effectuaient  ainsi 
le  passage  de  la  Brenta  »  celle  du  général  Durutte  avait  eu  ordre 
de  se  porter  sur  Trévise  par  la  route  de  Mestre.  Arrivés  devant 
^tte  ville,  les  Français  attaquèrent  le  faubourg  de  San- Antonio 
et  remportèrent  dès  le  soir  même.  Les  Autrichiens  évacuèrent 
Trévise  pendant  la  nuit»  abandonnant  des  magasins  considérables 
de  farine,  de  grains  et  de  fourrages»  que  l'archiduc  avait  formés. 

Le  1 6  mai ,  Tarmée  autrichienne ,  réunie  et  en  position  sur  la 
rive  gauche  de  la  Piave,  paraissait  vouloir  disputer  vigoureu- 
sement le  passage.  Le  prince  Eugène ,  avant  de  tenter  cette  der- 
nière entreprise,  ordonna  les  dispositions  suivantes  : 


Itaiir. 


'16:3  lIVAB  SIXIBHI. 

1809.  L*a van t- garde  )  soutenue  par  les  divIsioDS  de  cavalerie  des 
Italie,  gén^fjm^  Sahuc ,  Grouchy  et  Pully  y  dot  prendre  la  direction 
de  Postuma  ^  et  s'avancer  rapidement  sur  la  Plave,  pour  em- 
p^her,  sMl  était  possible,  Tennemi de  oooper  le  pont  de  Lova- 
dina;  mais  l'archiduc  avait  déjà  ihit  détruire  ce  moyen  de  pas- 
sage. 

Le  général  Macdonald  dut  s'avancer  également  dans  h  même 
direction  avec  les  deux  divisions  de  Taile  droite. 

Le  général  Grenier  eut  ordre  de  faire  marcher  sur  San-Por- 
ciano  et  Sprisiano  la  division  du  général  Abbé ,  en  même  temps 
quMl  porterait  la  division  Seras  sur  Narvedesa. 

Le  général  Baraguey  d'HillierSy-avec  les  troupes  de  l'aile 
gauche  (à  l'exception  de  la  division  Rusca,  laissée  sur  le  liant 
Adige),  dut  traverser  Yisnadel  pour  venir  prendre  position 
en  arrière  de  Lovadina  et  de  Sprisiano. 

Ces  divers  mouvements  s'exécutèrent  dans  la  journée  et  pen- 
dant la  nuit  du  6  ail  7. 

Le  7 ,  au  matin,  l'armée  se  trouvait  ainri  établie  :  Favant* 
garde  sur  les  bords  de  la  Piave;  la  cavalerie  légère  et  les  dra- 
gons à  Maserada ,  San-Biaggio  et  en  avant  de  Lovadina  ;  les 
deux  divisions  de  F-aile  droite  à  Lovadina  et  Yisnadel  ;  celles 
du  centre  en  avant  d*  Arcade  et  à  Narvedesa  ;  les  troupes  de  l'aile 
gauche  un  peu  en  arrière  de  cette  ligne ,  et  enfin  la  garde  royale 
en  réserve  A  San-Artieno ,  où  le  vice-roi  avait  son  quartier  gé- 
néral. La  journée  du  7  fut  employée  à  reconnaître  les  bords  de 
la  Piave ,  pour  mieux  assurer  le  succès  du  passage  et  de  l'at- 
taque ,  fixés  au  lendemain. 

Il  fut  décidé  que  le  passage  de  la  Piave  s'eflfectnerait  au  gué 
dit  de  la  Grande-Maison  ou  dé" Lovadina,  et  à  celui  de  San- 
Michele.  Le  général  Dessaix ,  h  la  tète  de  l*avaiit«-garde,  flormée 
de  détachements  de  cavalerie  légère  et  de  compagnies  de  volti- 
geurs, devait  se  porter  le  premier  sur  la  rive  gaudie ,  afin  de 
protéger  le  passage  des  divisions  d*infantale  au  gué  de  lova- 
dina; les  trois  divisions  do  cavalerie»  passant  dans  le  même 
temps  au  gué  de  San-Michel« ,  avaient  ordre  d'aider  le  général 
Dessaix  à  se  maintenir  contre  les  efforts  que  pourrait  tenter 
l'ennemi.  ^■ 

«  nul.         Bataille  de  la  Piave.  —  Les  Autrichiens  occupaient  sur  la 


Italie. 


GUBRBB  J>*ÀLLEMAGNE«  163 

rive  gauebe  de  la  Plave  les  positions  les  plus  avantageuses  pour  im. 
.recevoir  Tattaque  de  leurs  adversaires  et  défendre  longt^nps 
le  passage  de  cette  rivière.  Leur  droite  s'appuyait  au  pont  de 
Priuli ,  qae  Tarchiduc  avait  fait  brûler,  et  leur  gauche  se  pro- 
longeait sur  Bocca  di  Strada,  où  se  réunissent  les  deux  routes 
qui  conduisent  à  Conegliano  ;  leur  front,  garni  d'une  artillerie 
Ibraiidable*  s'étendait  sur  un  rideau  de  collines,  en  avant  du- 
quel ils  présentaient  des  grand'gardes  de  cavalerie  très-rappro- 
ebées* 

Le  8  mai,  à  quatre  heures  du  matin,  le  général  Dessaix  fit 
sonder  le  gué  de  Lovadina ,  à  deux  milles  au-dessous  du  pont 
de  Priuli,  par  une  compagnie  de  voltigeurs  aux  ordres  du  ca- 
pitaine Traverse,  du  84""  régiment.  Ces  braves,  ayant  de  Teau 
jusqu'aux  aisselles,  passèrent  la  Piave  en  peu  d'instants  et  se 
formèrent  sans  difficulté  sur  la  rive  gauche.  Ils  furent  suivis  du 
reste  de  l'avant-garde,  qui  se  trouva  réunie  vers  sept  heures  du 
matin.  L'archiduc  Jean ,  désirant  sans  doute  que  l'armée  fran- 
çaise combattit  ayant  la  rivière  à  dos,  ne  fit  faire  aucun 
mouvement  à  ses  troupes  pour  s'opposer  à  ce  passage;  les 
grand'gardes  aotriehiennes  se  relièrent  même  assez  précipitam- 
ment sur  leur  ligne,  dans  le  dessein  d'attirer  de  plus  en  plus  les 
premières  troupes  françaises  sous  le  feu  des  batteries,  qui  com- 
mençaient déjà  à  tirer,  mais  qui  se  trouvaient  trop  éloignées' 
pour  atteindre  les  colonnes  :  cette /use  de  l'ennemi  lui  réusait 
en  partie. 

Quelques  pelotona  de  cavalerie  légère,  s'étant  avancés  en  effet 
avec  plusieurs  compagnies  de  voltigeurs  de  l'avant-garde  à  la 
poursuite  de  la  cavalerie  ennemie ,  furent  aceueiUis  par  les  dé- 
charges d'une  batterie  de  vingt-quatre  pièces  de  canon,  que 
l'ennemi  démasqua  tout  à  coup  ;  en  même  temps ,  les  eavaliers 
autrichiens,  faisant  volte-foce,  chargèrent  les  assaillants  et  les 
ramenèrent  en  désordre. 

Le  général  Bessaix  fit  sur-le-champ  ses  dispositions  pour 
repousser  llennemi,  qui  avait  renforcé  ses  premiers  pdotims 
de  plusieurs  autres  régiments  de  cavalerie;  il  forma  son  infim* 
terie  eu  deux  carrés ,  dans  l'intervalle  desquels  il  plaça  son  ar^ 
tîUerie ,  et  disposa  sa  cavalerie  de  manière  à  charger  le  flanc 
gauche  de  celle  des  Autrichiens. 

«I. 


lUIie. 


164  UTBE  SIXIÈME. 

iMP».  Ceux-ci^  contiDuant  à  s'avancer,  abordèrent  bient^  la 
troupe  française ,  qm  eut  à  soutenir  le  choc  le  plus  terrible. 
Malgré  l'extrême  disproportion  du  nombre,  le  général  Dessaix 
réussit  à  se  maintenir,  et  donna  au  vice-roi,  qui  venait  de  passer 
la  Piave  avec  les  trois  divisions  de  cavalerie,  le  temps  de  faire 
avancer  celle  du  général  Sahuc,  pour  arrêter  les  progrès  de 
l'ennemi. 

A  dix  heures,  les  deux  divisions  Broussier  et  Lamarque,  après 
avoir  éprouvé  beaucoup  de  difficultés  dans  le  passage  de  la 
Piave,  considérablement  grossie  depuis  le  matin,  parvinrent 
enfin  à  se  former  sur  la  rive  gauche ,  malgré  les  efforts  de  quel- 
ques détachements  de  cavalerie  ennemie ,  qui ,  ayant  filé  der- 
rière les  corps  déjà  engagés,  essayèrent  de  charger  les  bataillons 
au  moment  de  leur  formation. 

Jusqu'alors  le  prince  Eugène  s'était  borné  à  manœuvrer  de 
manière  à  couvrir  le  passage  du  reste  de  ses  troupes ,  retardé, 
comme  on  vient  de  le  voir,  par  la  crue  subite  de  la  rivière; 
mais,  se  voyant  en  mesure  de  commencer  l'attaque  de  la  ligne 
autrichienne,  il  donna  l'ordre  au  général  Pully  de  charger  sur 
les  vhigt^-quatre  bouches  à  feu  que  l'ennemi  avait  démasquées 
au  commencement  de  l'action ,  tandis  que  le  général  Sahuc  re- 
nouvellerait de  son  côté  ses  charges  sur  la  portion  de  cavalerie 
ennemie  qui  ne  cessait  point  de  harceler  le  général  Dessaix  dans 
la  position  qu*il  avait  prise. 

Le  général  Pully ,  qui  s'était  déjà  préparé  an  mouvement  que 
lui  prescrivait  le  prince,  fit  avancer  sur-le-champ  le  28*  régiment 
de  dragons ,  conduit  par  le  générd  Poinçot ,  et  se  mit  à  la  tète 
du  39*  régiment  de  ht  même  arme,  pour  soutenir  ce  mouvement. 

Les  dragons  arrivèrent  au.trot  jusqu'au  bord  d*un  fossé  large 
et  profond  qui  couvrait  la  batterie  ennemie,  protégée  en  outre 
par  plusieurs  escadrons,  formés  en  bataille  derrière  elle  sur  trois 
lignes. 

Une  décharge  générale  à  mitraille  des  vingt-quatre  pièces, 
faite  à  demi-portée,  n'arrêta  point  l'élan  des  assaillants ,  et  Us 
frandiirent  le  fossé  avec  autant  de  sang-froid  que  d'intrépidité. 
Le  28*  régiment  entama  la  charge  avec  la  plus  grande  vigueur, 
sabra  les  canonniers  ennemis  sur  leurs  pièces ,  et  s'empara  en  un 
moment  de  quatorze  de  ces  pièces. 


lUlie. 


GVBRBB   D*ALLBMAGNV.  165 

Le  général  folly,  à  la  tète  des  deux  régiments  réunis,  se  pré-  i mn. 
dpita  ensuite  sur  la  cavalerie  autrichienne,  forte  de  deux  mille 
chevaux  environ,  la  rompit  et  la  ramena  en  désordre  jusqu'à 
un  mille  de  Gonegliano ,  où  se  trouvait  un  corps  d'infanterie 
qui  seul  put  arrêter  la  poursuite  des  Français,  en  donnant  aux 
Âiyards  la  fecilité  de  se  rallier  derrière  lui.  Un  escadron  du 
29^  de  dragons»  emporté  par  trop  d'ardeur,  se  trouva  un  instant 
an  milieu  de  cette  infanterie  ennemie,  dont  il  reçut  le.  feu  à 
bout  portant;  mais  il  parvint  à  se  dégager.  Trois  généraux, 
un  aide  de  camp  de  rarchiduc  Jean  et  bon  nombre  d'officiers 
et  de  cavaliers  ennemis  furent  faits  prisonniers  dans  cette 
charge  brillante;  le  colonel  du  régiment  de  Savoie  (dragons) 
et  celui  des  hussards  d*Ott  se  trouvèrent  parmi  les  morts. 

Le  général  Sahuc  n'avait  pas  obtenu  moins  de  suceès  contre 
la  cavalerie  qui  tenait  en  échec  la  troupe  du  général  Dessaix. 
Les  6*,  8®  et  25*  de  chasseurs  exécutèrent  successivement 
plusieurs  charges  qui  complétèrent  sur  ce  point  la  déroute  de 
l'ennemi;  celui-ci  perdit  encore  beaucoup  de  monde ,  quelques 
pièces  d'artillerie  légère ,  *et  fut  rejeté  sur  la  route  de  Gone- 
gliano. Le  général  Dessaix ,  entièrement  dégagé  par  les  mou- 
vements qu'on  vient  de  voir,  put  continuer  à  se  porter  en  avant. 
Le  9^  régiment  de  chasseurs  culbuta  encore  quelques  escadrons 
ennemis  qui  s'étaient  dirige  vers  le  gué  de  Sati-M ichele ,  où  la 
division  Abbé  effectuait  alors  son  passage. 

A  trois  heures  du  soir,  l'armée  française  se  trouvait  sur  la 
rive  gauche ,  à  l'exception  toutefois  d'une  brigade  de  la  divi- 
sion Broussier,  qui  n'avait  pu  triompher  du  courant  de  la  Piave , 
devenu  plus  fort  et  plus  rapide ,  et  des  divisions  du  général  Ba- 
raguey  d'Hilliers,  que  le  prince  Eugène  laissait  provisoirement 
en  réserve  sur  la  rive  droite. 

Le  vice-roi  forma  ses  troupes  en  ligne  de  bataille  à  deux  cents 
toises  en  avant  de  la  rive  gauche  :  la  division  Grenier  (com- 
mandée par  le  général  Abbé]  à  droite,  et  celle  du  général  La- 
marque  à  gauche.  Cette  dernière  se  trouvait  flanquée  par  la  ca- 
valerie légère  du  général  Sahuc.  Sept  bataillons  de  la  division 
Broussier  et  un  régiment  de  la  division  Durutte  étaient  au 
centre  ;  les  deux  divisions  Pully  et  Gronchy  un  peu  en  arrière, 
dans  l'intervalle  du  centre  e%  de  la  divi^on  de  droite  ;  l'avant- 


Itidie. 


166  LIVBI  SIXIÈMB. 

1909.      garde  du  général  Dessaix  se  trouvait  plaeée  à  rextréme  gauche 
de  la  ligne. 

De  son  côté ,  Tardildue  Jean ,  après  avoir  recueilli  et  reformé 
les  troupes  déjà  battues,  venait  de  ranger  son  armée  en  bataille 
entre  la  Piave  et  Gonegliano ,  derrière  des  digues  élevées  à  droite 
et  à  gauche  de  la  route  qui  conduit  à  cette  ville. 

La  division  Abbé  commença  à  s*ébranler  la  première,  et 
manœuvra  de  manière  à  déborder  la  gauche  de  la  ligne  en- 
nemie ;  le  général  Grouchy  appuya  ce  mouvement  avec  sa  di-* 
vision.  Les  deux  divisions  Broussieret  Laraarque  se  portèrent 
presque  en  même  temps  sur  le  centre  et  la  droite  des  Autri- 
chiens, en  marchant  à  la  hauteur  de  la  division  Abbé,  dont  la 
première  brigade,  commandée  par  le  colonel  Gifflenga»  qui 
remphiçait  provisoirement  le  général  Teste,  blessé  au  combat 
de  Sacile,  attaqua  sur-le-champ  le  village  de  Cima  d'Olme;  le 
général  Grouchy  entoura  de  son  côté  le  village  de  Teze.  Les 
Autrichiens  essayèrent  en  vain  de  se  maintenir  dans  ces  deux 
postes  ;  ils  furent  dépostés  et  poussés  sur  Gonegliano  par  les 
trois  divisions  d'infanterie  Abbé,  Broussier  et  Lamarque,  et  par 
les  dragons  du  général  Grouchy. 

Par  ce  mouvement,  continué  avec 'toute  Tardeur  et  l'impé- 
tuosité dont  les  Français  sont  susceptibles,  rinfanterie  ennemie 
fut  promptement  mise  en  déroute.  Une  forte  colonne  de  cava- 
lerie s'était  ébranlée  pour  charger  Fartillerie  de  la  division 
Broussier,  qui  s'était  trop  avancée  ;  mais ,  intimidée  par  la  con- 
tenance de  deux  bataillons  qui  s'avancèrent  au  pas  de  charge 
pour  soutenir  et  défendre  ces  pièces ,  elle  tourna  bride  aussitôt. 

Le  prince  Eugène,  parcourant  les  rangs  au  milieu  du  feu  le 
plus  vif,  excitait  par  sa  présence  Tenthousiasme  général  et* 
redoublait  Ténergie  des  soldats  :  le  champ  de  bataille  se  cou* 
vrait  de  morts  et  de  blessés. 

Cependant,  une  position  très-importante,  celle  du  moulin 
de  la  Capanna,  était  encore  occupée  par  six  bataillons  ennemis, 
qui.  Jusqu'à  ce  moment,  avalent  résisté  aux  attaques  dirigées 
contre  eux  par  les  troupes  du  général  Lamarque;  un  fossé  pro- 
fond couvrait  leur  front,  et  les  Français  n'avaient  pu  réussir 
à  le  fraucbirw  Le  général  Lamarque,  réunissant  à  rartillerie  de 
sa  division  celte  du  général  Durutte,  que  celui-ci  venait  de  lui 


GU1B«1  B*A1LBI1A0NE.  167 

«ttvojrar,  il  mk  damto  effovt  :  piotégés  par  le  feu  redoutable 
de  ecB  deux  batteriet,  les  bataillons  fraiiçds  traversèrent  te 
foasé  an  pas  de  charge  et  emportèrent  le  moulin  à  la  baïon- 


KaUe. 


H  était  huit  heures  et  demie  du  soir,  et  l'ennemi,  déposté 
sur  toute  sa  Bgne,  se  retirait  assez  en  désordre  sur  Conegliano. 
Le  viee-n>i  fit  a?aaeer  vingt-quatre  pièces  de  canon  sur  son 
front,  et  ordonna  aux  deux  divisions  Grouchy  et  PuHy  de  char- 
ger en  masse  une  réserve  d'infimterie  derrière  laquelle  Tarchi* 
due  essayait  de  rallier  ses  colonnes  vaincues.  Cette  dernière 
manœuvre  décida  le  suceès  et  termina  glorieusement  la  jour- 
née. L'armée  française  prit  position  en  avant  du  champ  de  ba- 
taille, À  uu  mille  de  ConegUano,  vers  le  village  dé  Bona  di 
Strada  ;  les  Autrichiens  profitèrent  de  l'obscurité  de  la  nuit  pour 
évacuer  Cooegllano  et  se  retirer  sur  Sacile* 

La  bataille  de  la  Piave ,  dont  le  grand  résultat  devait  être  dq 
foreer  les  Autrichiens  à  quitter  ritalie,  comme  la  bataille  d'Eck- 
nauhl  les  avait  chassés  de  la  Bavière ,  coûta  aux  vaincus 
7,000  hommes  tués,  blessés  ou  faits  prisonniers,  plusieurs  dra- 
peaux» quinse  pièces  de  canon,  trente  caissons  et  un  grand 
nombre  de  voitures  de  munitions  et  de  bi^sages»  Parmi  les  morts 
se  trouvaient  trois  généraux,  et,  entre  autres,  le  feld-maréchal- 
lieutenant  Wolfiritehl ;  les  généraux  Reisuer  et  Hager  (le pre- 
mier de  rartillerie>  le  second  commandant  une  division  de 
dragons)  étirient  au  nombre  des  prisonniers.  La  perte  des  Fran- 
çais ne  éoA  pas  en  proportion  de  celle  de  leurs  adversaires  ;  on 
comptait  à  peine  3,400  hoojmes  tués  ou  blessés. 

RetraUe  et  poursuite  de  l'armée  autrichienne,  etc.  <-*  Le  len-  s  au  si  m». 
demain,  9  mai,  l'armée  française  prit  les  armes  avant  quatre 
heures  du  matin»  pour  marcher  à  la  poursuite  de  Tennemi.  Le 
général  Dessaix  s'avança  sans  obstacles  jusqu'aux  bords  de  la 
IJvensa»  et  trouva  l'arrière-garde  autrichienne  en  position  sur 
la  rive  gauche.  Culbutée  presque  aussitôt  qu'attaquée,  cette 
dernière  troupe  continua  sa  retraite  sur  Pordenone,  et  de  là 
sur  Viganosa,  où  le  général  Dessaix  arrêta  sa  poursuite.  Cet 
engagement  valut  encore  aux  vainqueurs  600  prisonniers  enr 
viron. 

L'armée  française  suivit  le  mouvement  de  son  avant-garde 


168  'UVJLl>SIXlilll. 

1909.      pendant  la  journéeda  to^  et,  le  1 1  an  matin,  le  viee-roi  < 

lès  dispositions  nécessaires  pour  le  passage  du  TagUamento , 
afin  de  se  porter  surSan-Daniele,  ojii  Tarmée  ennemie  parais- 
sait vouloir  se  concentrer.  Dès  la  veille  on  avait  reconnu  4leuz. 
gués;  mais  une  crue  extraordinaire  des  eaux,  survenue  pen- 
dant la  nuit,  ayant  rendu  ces  deux  passages  (en  face  de  Val- 
vasone]  impraticables»  la  cavalerie  fut  obligée  de  remonter  le 
torrent  pour  chorcber  un  nouveau  gué  au-dessus  de  ce  village. 
L'ennemi  ne  mit  aucune  entrave  À  ostle  opération  :  à  deux 
heures  après  midi',  les  divisions  Sahuc,  Groucby  et  partie  de 
celle  du  général  Pully,  se  trouvaient  établies  sur  la  rive  gauche 
du  fleuve. 

Le  général  Grouchy,  faisant  marcher  ses  dragons  sur  dnq 
colonnes  à  différentes  hauteurs,  balaya  avec  rapidité  toute  la 
plaine  entre  le  Tagtiamento,  Udine  et  Palma*Nova.  Godrolpo 
ftit  occupé  par  une  colonne  de  la  division  Pully,  que  le  vice-roi 
avait  portée  la  veille  à  San-Yito,  et  qui  avait  passé  leTagliamento 
sur  ce  foint;  le  général  Dessaix  mareha  par  Torrlda  et  Di- 
gnano  sur  Villa-Nova.  Une  partie  del'arrière-garde  ennemie, 
qui  se  trouvait  en  position  à  ce  dernier  village,  s'y  défendit  avec 
opiniâtreté,  et  ne  l'abandonna  que  lorsqu'elle  vit  s'avancer  an 
soutien  de  Favant-garde  française  la  division  Abhéj  précédée 
du  35*  régiment  de  chasseurs  à  cheval. 

Le  général  Grenier,  qui  venait  d'appuyer  ainsi  le  général 
Dessaix,  n*hésita  point  à  se  porter  sur-le-champ  sur  San-Da- 
niete,  où  se  trouvait  le  gros  de  l'arrière-garde  ennemie.  Ces 
troupes  opposèrent  la  plus  vive  résistance;  mais  elles  durent 
céder  à  Timpétuosité  de  leurs  adversaires,  et  surtout  aux  belles 
dispositions  que  fit  le  général  Grenier,  et  elles  se  retirèrent 
précipitamment  sur  Majano  :  2,000  prisonniers  et  deux  dra- 
peaux furent  pour  les  Français  les  trophées  de  ce  dernier 
combat. 

Le  général  Dessaix  poursuivit  les  Autrichiens  Jusqu'à  Ma- 
jano, et  s'établit  dans  ce  dernier  village.  T>e  général  Grenier 
fit  prendre  position  à  ses  troupes  sur  la  route  de  San-Daniefe 
à  Udine.  Ce  même  Jour,  la  cavalerie  française ,  qui  venait  de 
ramasser  1,500  prisonniers,  occupa  Udine ,  Cividale,  et  ^éga*. 
gea  les  places  d'Osopo  et  de  Palma-Nova.  Cette  dernière  cir- 


Italie. 


GUBIU  '  D*Al.L£lf  AORB.  1 89 

coDitaiiee  remetlAit  à  la  âbpodtion  du  vice^roi  tes  4  à  5,ooo     im. 
hommes  de  troupes  qui  formaient  la  garnison  de  ces  deax 
places. 

Cependant  Tardildnc  lean ,  d'après  les  dépèches  qaUl  rece* 
Tait  incessamment  dn  généralissime  son  frère,  accélérait  la 
retraite  de  son  armée  sar  la  Carinthie,  se  b<Nmant  à  disputer 
les  points  prindpaox  qoi  pouvaient  retarder  les  progrès  du  vice*' 
roi»  afin  d'avoir  le  temps  de  faire  filer  son  artillerie  et  d'éva- 
cuer ou  de  détruire  ses  magasins. 

Le  12  mal,  le  général  Dessaix  marcha  sur  Venzone  ;  Farrière^ 
garde  ennemie,  qui  venait  de  se  retrancher  dans  cette  petite 
ville,  en  ftit  chassée  et  poursuivie  au  delà  de  Portis,  où  Tavant- 
garde  française  prit  position. 

L'occupation  de  Venzone  ouvrait  à  l'armée  française  l'en- 
trée des  principales  gorges  des  Alpes  Gamiennes.  Les  troupes 
à  cheval  devenant  bien  moins  utiles  sur  le  nouveau  théâtre 
où  l'armée  allait  opérer,  le  prince  Eugène  leur  fit  prendre  des 
cantonnements  à  Artegna  et  sur  le  Tagliamento.  Les  divisions 
d'infàntorie  Abhé  et  Seras  occupèrent  Osopo  et  Ospidaletto  ; 
la  division  Broussier  bivouaqua  le  13  et  le  1 3  sur  les  glacis  de 
Palma-Nova,  et  celle  du  général  Lamarque  à  Udine. 

Le  13,  Tavant-garde  de  l'armée,  toujours  sous  les  ordres  du 
général  Dessaix,  se  porta  sur  Ghiusa-Veneta.  Le  lendemain,  le 
prince  Eugène  ordonna  au  général  Macdonald  de  passer  Tlsonzo 
avec  les  deux  divisions  Broussier  et  Lamarque,  vers  le  point  de 
San*Pietro«  Ce  mouvement  avait  pour  but  d'établir  la  oommu- 
m'cation  avec  le  corps  d'armée  que  commandait  le  général  Mar- 
mont  en  Dalmatie,  et  qui  s'avançait  alors  vers  Fiume,  ainsi  que 
nous  le  dirons  plus  loin.  Le  passage  de  l'Isonzo,  à  la  vue  des 
troupes  ennemies  qui  étaient  en  force  sur  l'autre  rive,  était  une 
opération  assez  diffîdle;  on  avait  reconnu  qu'il  n'existait  aucun 
gué  praticable ,  et  les  Autrichiens  avaient  fait  descendre  toutes 
les  barques  jusqu'à  la  mer.  Quelques  nageurs  de  la  division 
Broussier  réussirent  pourtant  à  amener  sur  la  rive  droite  un  ba- 
teau qui  pouvait  contenir  une  compagnie.  Le  1 5,  à  cinq  heures 
du  matin ,  une  compagnie  de  grenadiers  du  84^  régiment  passa 
la  première,  malgré  le  feu  d'un  bataillon  ennemi  qu'elle  mit  en 
fuite.  Les  autres  trpupes  traversèrent  successivement  Tlsonzo, 


KaHc 


170  LivBB  siusn. 

im.  et  le  général  MaedoDald  les  dirigea  sur  GoritEîa,  où  elles  prirait 
position  dans  la  soirée*  L'artillerie  ayant  décoavert  un  gué  as- 
sez mauvais  au-dessus  de  San-Pietro ,  elle  y  passa  ;  mais  Teaii 
entra  dans  plusieurs  caissons,  et  il  y  eut  des  munitions  avariées. 
On  trouva  à  Goritzia  onze  bouches  à  feu  do  gros  calibre  et  leurs 
affttts,  une  certaine  quantité  de  boulets  et  de  bombes  déposés 
dans  cette  ville,  et  destinés  an  siège  de  Palma-Nova. 

Le  1 6,  les  deux  divisions  firoussler  et  Lamarque  continuèrent 
de  se  porter  en  avant  et  poussèrent  devant  elles  tous  les  déta- 
chements ennemis.  Parvenu  jusqu'à  Prewald,  excellente  posi- 
tion que  les  Autrichiens  avaient  eneore  améliorée  en  rétablissant 
à  la  hâte  les  anciennes  fortifications  de  cette  petite  ville ,  le  gé- 
néral  Macdonald  dirigea  la  division  Lamarque  par  Podeweihl  et 
Schwartzenberg,  afin  de  tourner  Tennerai,  tandis  que  la  divi- 
sion du  général  Broossier  ferait  des  démoustrations  et  cherche- 
rait à  déborder  la  ville  par  les  flancs  de  la  grande  route. 

Le  général  Lamarque  culbuta  tous  les  postes  ennemis  depuis 
Podeweihl  Jusqu'à  Podgray  ;  le  général  Broussier  engagea  suc- 
cessivement ses  compagnies  de  voltigeurs  soutenues  par  leurs 
bataillons.  Les  Autrichiens  firent  un  feu  très-vif  de  mousque* 
terie ,  mais  ne  démasquèrent  que  cinq  pièces  de  canon  ;  ils  oc- 
cupaient une  ligne  retranchée  en  avant  de  la  ville,  et  protégée 
par  des  forts  en  maçonnerie  et  en  terre.  Quatre  bataillons  fran- 
çais, après  des  efforts  incroyables  et  une  perte  assez  forte, 
réussirent  k  déborder  à  droite  et  à  gauche  cette  espèce  de  con- 
trevallation.  L'ennemi,  abandonnant  alors  Prewald,  jeta  quel- 
ques troupes  dans  les  forts,  pour  retarder  la  poursuite  de  ses 
adversaires;  mais  le  général  Broussier  les  fit  sommer,  et  ils  se 
rendirent  presque  aussitôt. 

Le  corps  autrichien  chargé  de  la  défense  de  Prewald  était  sous 
les  ordres  do  général  baron  de  Zach,  le  même  qui,  en  1 800,  com- 
mandait la  colonne  de  grenadiers  culbutée  à  Marengo  par  le  gé- 
néral Kellermann  et  faite  prisonnière  en  totalité. 

L'occupation  de  Prewald  donna  aux  Français  plus  de  3,000 
prisonniers  et  quinze  pièces  de  canon. 

Au  moment  du  passage  de  Tlsonzo,  le  général  Macdonald 
avaitdétachésur  Trieste,  par  Montefalcone  et  Duino,  une  colonne 
de  1 ,500  hommes  avec  deux  pièces  de  canon  sous  les  ordres  du 


1 


ItoHe. 


GUEBBI  D*ALLEN40NE.  171 

g^ral  Scbllt.  Les  troupes  autrichiennes  qui  se  trouvaient  dans-  ^$aê. 
cette  direction,  s'étant  repliées  soccessivement  sur  Trieste, 
l'abandonnèrent  lorsqu'elles  apprirent  la  retraite  du  général 
de  Zach.  Trieste  Ait  oecupé  le  16  par  les  Français;  le  général 
Schilt  y  trouva  un  dép6t  de  vingt-deux  ndlie  fusils,  plusieurs 
magasins  d'équipements,  et  deux  cents  bâtiments  de  com- 
merœ,  sur  lesquels  il  fit  mettre  Tembargo. 

Sur  ces  entrefaites,  le  prince  Eugène,  avec  le  reste  de  Tar*» 
mée,  poursuivait  de  son  c6té  les  troupes  du  centre  et  de  la  droite 
de  l'archiduc  Jean.  L*avant-garde  française  et  les  corps  des 
généraux  Grenier  et  Baraguey  d'Hiilîers  s'avançaient  de  mabière 
à  suivre  les  Autrichiens  dans  les  différentes  directions  qu'ils 
avaient  prises.  Les  vallées  de  Ponteba,  de  Pradel ,  de  la  Fella 
et  de  la  Dogna  farent  ainsi  envahies  en  même  temps,  et  ba- 
layées dans  toute  leur  étendue. 

Le  gros  de  l'armée  ennemie,  en  pleine  retraite  sur  Tarvis, 
évitait  avec  soin  toutes  les  occasions  de  s'engager  avec  les  trou- 
pes victorieuses.  L'intention  de  l'archiduc  était  d'atteindre  le 
plus  promptement  possible  les  États  héréditaires;  il  se  bornait 
à  lalaer  quelques  bataillons  dans  les  forts  ou  dans  les  autres 
postes  susceptibles  de  quelque  résistance,  afin  de  retarder, 
comme  nous  l'avons  dit,  la  marche  des  colonnes  françaises. 

Les  forts  de  Malborghetto  et  du  Pedril ,  après  s'être  défen- 
dus pendant  trois  Jours,  furent  emportés  d'assaut  le  18  mai, 
le  premier  par  l'avant-garde,  où  le  vice^roi  se  trouvait  de  sa 
personne,  et  le  second  par  la  division  Seras. 

L'archiduc ,  comptant  sur  une  résistance  plus  prolongée  de 
la  part  des  garnisons  des  deux  forts,  s'était  arrêté  dans  les  belles 
positions  qui  se  trouvent  au-dessus  de  Tarvis,  afin  de  rallier  ses 
colonnes  et  de  donner  quelque  repos  a  ses  troupes  après  une 
marche  aussi  pénible  à  travers  les  montagnes. 

Le  prince  Eugène  s'y  porta  rapidement,  et,  convaincu  qu'une 
attaque  de  front  serait  trop  périlleuse,  il  résolut  de  manœuvrer 
de  manière  à  tourner  son  adversaire,  pour  l'obliger  à  continuer 
sa  retraite  sans  en  venir  aux  mains.  En  conséquence,  la  division 
italienne  du  général  Fontanelli  reçut  ordre  de  se  porter  sur  la 
gauche  des  Autrichiens,  et  de  gagner  leurs  derrières  pour  leur 
couper  la  retraite  sur  Veisenfels,  tandis  que  le  général  Dessaix, 


173  LIVBI  SIXIAmI. 

jm.  aoutena  par  la  divisioD  Broussier,  lies  meaacerait  de  front  par 
la  route  de  Tarvû,  et  que  le  général  Baraguey  d*Hillier8,  avec 
les  autres  troupes  de  Taile  gauehe,  chercherait  également  à  dé- 
border Tennemi  sur  la  route  de  Villach.  Ces  divers  mouvements 
ftirent  exécutés  avec  autant  de  promptitude  que  de  succès  : 
les  troupes  du  général  Dessaix,  obligées  de  défiler  homme  par 
homme  sur  un  pont ,  et  sous  le  feu  de  rartillerie  ennemie ,  n'en 
attaquèrent  pas  avec  moins  de  vigueur  les  retranchements 
qu'elles  avaient  devant  elles.  Les  Âutridiiens>  se  voyant  sur 
le  point  d'être  débordés  à  droite  et  à  gauche ,  abandonnèrent 
leur  position  après  un  engagement  qui  leur  coûta  un  bon 
nombre  de  tués ,  blessés  et  prisonniers  :  ils  furent  poursuivis 
Jusqu'à  la  nuit. 

Ce  combat,  qui  eut  lien  le  18  mal,  immédiatement  après  la 
prise  du  fort  de  Malborghetto,  acheva  de  porter  le  décourage- 
ment dans  les  troupes  de  l'archiduc  :  la  division  Fontanelll  s'é- 
tait emparée  de  dix-huit  pièces  de  canon,  et  la  défiiite  de  l'en- 
nemi avait  été  si  promptement  décidée  que  le  général  Grenier, 
qui  devait  y  prendre  part  avec  ses  deux  divisions  (Abbé  et 
Seras],  n'arriva  sur  le  champ  de  bataille  qu'après  Taction  ter- 
minée. 

La  victoire  de  Tarvis ,  due  à  l'activité  du  prhice  Eugène  et 
aux  belles  dispositions  qu'il  sut  prendre ,  achevait  de  rendre 
l'armée  française  maîtresse  de  toutes  les  positions  sur  le  ver- 
sant des  montagnes  de  la  Carinthie. 

A  l'aile  droite,  le  général  Macdonald  dirigea  les  divisions  La- 
marque  et  Pully  sur  la  route  de  Laybach ,  à  la  poursuite  des 
troupes  de  l'aile  gauche  autrichienne.  Le  30,  le  général  La- 
marque  prit  position  devant  Ober-Laybach  avec  sa  première 
brigade.  Dès  le  lendemain  il  fit  occuper  la  partie  de  la  ville 
qui  est  en  deçà  de  la  rivière  du  même  nom,  et  plaça  sa  seconde 
brigade  dans  la  partie  gauche  d'un  camp  retranché  que  l'en- 
nemi avait  abandonné  la  veille;  le  général  Pully  prit  poste  à 
Weiss. 

Ce  même  Jour,  21  mai,  la  partie  droite  du  camp  retranché 
fyt  reconnue  par  le  général  Macdonald  ;  cette  position ,  oc- 
cupée par  4,000  hommes  d'élite,  sous  les  ordres  do  général 
Merfeld ,  formant  l'arrière-garde  de  l'aile  gauche  ennemie^ 


GUBBBE  d'âLLIM AeNI.  1 7S 

était  couverte  par  one  ligne  de  redoutes  bien  armées,  fraisées 
et  palissadées  par  des  blockhaus  et  par  un  fossé  profond,  qui 
s^étendait  depuis  le  château  de  LaylMch  Jusqu'à  des  ooliines , 
bordant  la  route  de  Weichselburg  ou  de  la  Croatie,  par  laquelle 
se  retirait  le  corps  du  général  Ignace  Giulay  avec  le  grand  pare 
d'artillerie  et  une  partie  des  bagages  de  Tannée  autricliienne. 

Les  deux  revers  de  la  côte  sur  laquelle  s'étendait  le  camp 
retranclié  étaient  également  hérissés  de  redoutes  avec  des  che- 
mins couverts ,  pour  fiiciliter  les  communications.  Le  versant 
de  droite' se  trouvait  en  outre  protégé  par  un  marais  d'une 
grande  étendue,  formé  par  la  Laybach,  et  le  versant  de  gauche 
par  cette  même  rivière  et  par  un  large  caual  de  dérivation* 

Jugeant  qu'une  attaque  immédiate  exigeait  de  longs  et  meur- 
triers efforts ,  le  général  Macdonald ,  après  être  entré  avec  le 
général  Merfeld  dans  des  pourpariers  sans  résultat,  résolut  de 
manœuvrer  de  manière  à  tourner  le  camp  ennemi  et  à  tenir  blo- 
quées les  troupes  qu'il  renfermait. 

En  conséquence,  le  33,  il  porta  la  division  Pully  parla  route 
de  Klagenfùrt  sur  Tscheroitz,  avec  ordre  de  descendre  la  Save 
pour  tourner  les  versants  du  camp  r^ranché  en  foce  de  cette 
rivière;  le  général  Lamarque  longea  en  même  temps  la  gauche 
du  camp  retranché,  comme  pour  menacer  le  château  de  I^ybach, 
en  traversant  la  ville,  mais  pour  se  diriger  réellement  sur  la 
route  de  Klagenfùrt;  le  général  Broussier,  arrivé  le  matin  par 
la  route  deLobitsch,  s'étendit  le  long  de  laLaybach,  fit  traverser 
le  grand  marais  par  une  de  ses  brigades,  tandis  que  l'autre , 
longeant  le  bas  des  collines,  se  portait  sur  la  route  de  Weich- 
selburg, seul  dâ)ouché  qui  rostât  à  l'ennemi  pour  opérer  sa  re- 
traite. 

Cette  demièro  disposition  parut  surtout  effrayer  le  géné- 
ral Merfeld  :  craignant  de  se  voir  enlevé  de  vive  force  dans 
son  camp  retranché ,  il  demanda  à  capituler  dans  la  soirée 
même  du  33.  Le  général  Lamarque,  chargé  par  Macdonald  de 
suivre  cette  négociation,  exigea  que  le  général  ennemi  se  rendit 
prisonnier  ainsi  que  tout  son  monde,  (Mmdition  qui  fut  acceptée 
sans  difficulté.  Trois  drapeaux ,  soixante-trois  bouches  à  feu, 
desmagasins  considérables,  4,000  prisonniers  restèrent  au  pou- 
voir des  troupes  de  Taile  droîle.  L'occupation  de  Laybach  com- 


lUIie. 


Italie. 


174  LIVBK  SlXlklIB. 

pléCait  la  conquête  de  la  Caroiole,  ouvrait  au  prince  Eugène  les 
débouchés  de  la  Styrie,  et  facilitait  les  opérations  du  corps 
d'année  de  Dalmatie  aux  ordres  du  général  Marmont,  avec  le- 
quel le  général  Macdonald  allait  se  mettre  en  communleatlmi, 
tout  en  poursuivant  Taiie  gauche  ennemie  sur  Grâtz. 

Depuis  le  combat  de  Tarvis  jusqu'au  34  mai,  Tavant-garde, 
les  corps  des  généraux  Grenier  et  Baraguey  d*Hilliers  (centre 
et  aile  gauche)  et  la  garde  royale»  continuèrent  de  suivre 
le  gros  deFarmée  autrichienne  dans  la  direction  de  Judenbuig. 
Le  prince  Eugène  manœuvrait  de  manière  à  s'opposer  aux 
mouvements  des  corps  des  généraux  Ghasteler  '  et  Jellachich, 
surtout  de  ce  dernier,  qui,  pressé  par  un  des  corps  de  la  grande 
armée  (celui  du  maréchal  LeM>vre),  cherchait  alors  à  se  réunir 
aux  troupes  de  l'archiduc  Jean. 

Combat  de  SanrMiehele.  —  Le  vice-roi,  informé  que  le  gé- 
gérai  Jellachich  se  dirigeait  sur  Léoben  par  Rottemann,  Mautem, 
Trabach  etSan-Michele,  ordonna  au  général  Grenier  de  liiire 
occuper  ce  dernier  poste,  seul  débouché  qui  pût  conduire  le  corps 
autrichien  au  but  proposé.  La  division  Seras,  étant  la  plus  rap- 
prochée, marcha  la  première  pour  exécuter  le  mouvement;  elle 
rencontra,  le  25  mai,  la  colonne  ennemie  au  moment  même  où 
celle-ci  débouchait  sur  le  plateau  de  San-Micbele. 

Le  général  Jellachich,  qui  ne  s'attendait  pas  à  trouver  les 
Français  sur  ce  point,  n'eut  que  le  temps  de  former  ses  troupes 
en  bataille ,  appuyant  sa  droite  à  des  montagnes  escarpées  et 
boisées,  sur  lesquelles  il  plaça  cinq  bataillons,  et  sa  gauche  à 
la  Mur  ;  deux  bataillons  prirent  poste  dans  un  bols  sur  la  rive 
gauche  de  la  rivière ,  afln  d*lnquiéter  la  droite  du  général  Se- 
ras ,  tout  en  «ouvrant  la  gauche  de  leur  ligne  de  bataille.  Le 
centre  de  celle-ci  était  sur  le  plateau,  ayant  sur  son  front 
sept  pièces  de  canon  en  batterie,  et  quelques  escadrons  se  trou- 
vaient en  seconde  ligne. 

Le  général  Seras,  après  avoir  reconnu  cette  position  de  l'en- 
nemi, fit  former  sa  division  en  Cace  du  plateau  ;  mais,  trop  in- 
férieur en  forces  pour  commencer  seul  l'attaque,  il  dot  se  borner 
à  tirailler  et  à  échanger  quelques  coups  de  canon  avec  la  ligne 

*  Le  général  Chasteler  était  à  la  tète  des  TyroHeos;  nous  parisroni 
plus  tard  de  ses  entreprises. 


GUlMttl   l>*ALtftMAGNB.  175 

«nnemfie,  jusqu'à  ce  q«e  le  général  Grenier  fftt  arrivé  avec  la      laoa. 
division  Doratte.  ^^^ 

Cependant;  le  prince  vice-roi,  Jugeant  cette  opération  assez 
importante  pour  en  prendre  Ini-roéme  la  direction,  s'était 
avancé  en  même  temps  qne  le  générai  Grenier,  avec  une  bri- 
gade de  cavalerie  légère  de  la  division  Sahuc.  Le  25,  à  onze 
heures  dn  matin ,  la  division  Seras  -s'ébranla  tout  entière ,  et 
aborda  le  platean  de  San-MIchele  à  la  baïonnette ,  tandis  que 
la  division  Dunitte  marchait  sur  la  droite  de  l'ennemi,  et  que 
les  6*  et  9*  régiments  de  chasseurs  a  cheval»  sous  les  ordres  des 
colonels  Triaire  et  Lacroix  (  l'un  et  l'autre  aides  de  camp  du 
Tice*roi  ),  manœuvraient  sur  la  gauche. 

Les  troupes  du  général  Jetlachich,  composées  en  grande  par* 
Ue  de  soldats  de  nouvelle  levée,  soutinrent  mal  le  choc  de  la 
division  Seras  ;  leur  désordre  fut  complet  lorsque  la  division  Du* 
rutte  et  la  cavalerie  débordèrent  la  droite  et  la  gauche.  Une 
partie  des  fuyards,  s'étant  imprudemment  Jetée  sur  la  route  de 
E<lttemann,se  trouva  coupée  par  la  brigade  du  général  Va- 
lentiii  et  mit  bas  les  armes.  Le  reste  du  corps  ennemi  se  Jeta 
dans  la  plus  grande  confusion  dans  le  village  de  San-Michele» 
derrière  lequel  le  général  Jelladiich  fit  de  vains  efforts  pour 
rallier  ses  bataillons ,  afin  de  gagner  le  chemin  de  Léoben  : 
une  terreur  panique  s'était  emparée  de  tous  ses  soldats.  Quatre 
hataillons,  entourés  dans  le  village  même  de  San-Michele, 
furent  faits  prisonniers  par  les  colonels  Triaire  et  Lacroix. 

Le  prince  Eugène  fit  poursuivre  avec  vivacité  Tennemi  sur 
Léoben ,  afin  de  Tempécher  de  brûler  le  pont  sur  la  Mur.  Le 
général  Jellachich  tenta  de  nouveau  de  rallier  les  troupes  qui 
lui  restaient,  pour  défendre  ce  pont  et  donner  à  son  artillerie 
et  à  ses  bagages  le  temps  de  filer  sur  Bruck  ;  mais  il  ne  put  em- 
pêcher le  général  Seras  de  se  rendre  maître  de  Léoben  et  d'y 
faiïre  600  prisonniers.  Il  eut  lui-même  peine  à  échapper  à  la 
poursuite  des  chasseurs  français,  avec  une  quarantaine  de  dra» 
gons  qui  lui  servaient  d'escorte. 

L'ennemi  éprouva  dans  ce  combat  de  San-Michele  une  perle 
totale  de  800  hommes  tués,  i  ,200  blessés  et  6,000  prisonniers. 
Bruck  fut  occupé  deux  Jours  après  par  l'avant-garde  de  la  divi- 
sion Seras. 


ItaUe. 


176  Ll?BE  31XltlIB. 

4MB.  Pendant  que  ceei  se  passait  près  de  Léoben,  le  général  Mae- 
donald  s'avançait  toujours  avec  Taile  droite  dans  la  direetkm 
de  Gràtz,  où  rarebiduc  venait  de  jeter  une  garnison*  Les  divi- 
sions de  dragons  des  généraux  GrcMicliy  et  Pully  investirent 
cette  place  dims  la  Journée  du  as. 

Le  8O9  le  commandant  auUichleD,  sommé  d'ouvrir  les  portes 
de.Gr&tz ,  y  consentit,  sous  la  condition  de  pouvoir  se  retirer 
avec  ses  troupes  dans  le  fort  de  Scheisberg,  qui  domine  la  ville  ; 
rarebiduc  en  était  parti  le  28  au  matin,  etcontinuait  sa  retraite 
par  Gleisdorf  et  Fùrstenfeid,  pour  venir  s'établir  derrière  la 
Raab. 

Le  général  Macdonald  resta  à  Gràtz  avec  les  troupes  de  Taile 
droite,  tant  pour  faire  rendre  le  fort  de  Scbelsberg  que  pour 
attendre  l'arrivée  du  corps  du  général  Bfarmout,  qui  devait 
opérer  sur  ce  point  sa  réunion  avec  l'armée  d'Italie. 

Le  prince  Eugène,  avec  les  troupes  de  l'aile  gancbe,  du  centre 
et  de  la  réserve ,  poursuivit  sa  marcbe  vers  les  frontières  de  la 
Hongrie.  Le  31  mai,  le  général  Seras,  qui  s'était  avancé  jusqu'à 
Scbottwien,  sur  Ja  grande  route  de  Vienne,  au  delà  du  Somme- 
ring,  rencontra  les  patrouilles  de  la  brigade  de  hussards  aux 
ordres  du  général  Colbert,  de  la  division  Montbmn,  et  effectoa 
ainsi  la  jonction  des  troupes  du  prince  vice-ioi  avec  la  grande 
armée.  Napoléon;  informé  sur-le-cbamp  de  cet  heureux  événe* 
ment,  adressa  à  l'armée  d'ItaUe  laprodamation  suivante,  datée 
de  Schoenbrunn  : 

ff  Soldats  de  l'armée  d'Italie  I  vous  avez  glorieusement  at- 
tdnt  le  but  que  je  vous  avais  marqué  :  le  Sommering  a  été  lé- 
moin  de  votre  jonction  avec  la  grande  armée. 

«  Soyez  les  bienvenus.  Je  suis  content  de  vousl  Surpris  par 
un  ennemi  perfide  avant  que  vos  colonnes  fussent  réunies,  vous 
avez  dû  rétn^ader  jusqu'à  TAdige  ;  mais  lorsque  vous  reçûtes 
l'ordre  démarcher  en  avant,  vous  étiez  sur  le  champ  mémorable 
d'Arcole,  et  là  vous  jurâtes,  sur  les  mânes  de  nos  héros,  de 
triompher.  Vous  avez  tenu  parole  à  la  bataille  delà  Piave,  aux 
combaU  de  San-Daniele,  de  Tarvis,  deGoritzia,  etc.  Vous 
avez  pris  d'assaut  les  forts  de  Malborghetto,  de  Pedril,  et  ftdt 
capituler  la  division  ennemie  retranchée  dans  Prewald  et  dans 
Laybach.  Vous  n'aviez  pas  encore  passé  la  Drave,  et  déjà  25,000 


GUSBBit   D'ALLEMAGNE.  177 

prisonniers,  six  cents  pièces  de  bataille,  dix  drapeaux  avaient  «tait 
signalé  votre  valeur.  Depuis,  la  Drave ,  la  Save,  la  Mur  n'ont  '^'^ 
pas  retardé  votre  marche. 

<x  La  colonne  autrichienne  de  Jellachich,  qui  la  première  en«> 
ira  dans  Munich ,  qui  donna  le  signal  des  massacres  dans  le 
Tyrol ,  environnée  à  San-*Miehele,  est  tombée  sous  vos  baIon-> 
nettes  ;  vous  avez  fait  une  prompte  Justice  de  ces  débris  dérobés 
à  la  colère  de  la  grande  année.  ' 

«  Soldats!  cette  armée  autrichienne  dltalie,  qui  un  roo«* 
ment  souilla  par  sa  présence  mes  provinces,  battue,  dispersée, 
anéantie,  grâces.à  vous,  sera  un  exemple  de  la  vérité  de  cette 
divise  :  Dio  la  mi  diede,  guai  a  chi  la  tocea;  Dieu  me  l'a  don- 
née, malheur  à  qui  la  touche  !  » 

'  Opérations  du  général  Marmont  en  Dalmalie  et  en  Croor-  Daimatie. 
lie.  —  Dans  le  plan  général  d'opérations  arrêté  par  Napoléon,  ^^*^ 
les  deux  divisions  d'infanterie  Clausel  et  Montrichard,  quio&> 
cupaient  la  Daimatie  et  la  partie  de  Tlllyrie  cédée  à  la  France 
par  les  traités  de  Gampo-Formio  et  de  Presbourg ,  devaient 
£^er  Textrème  droite  de  la  grande  armée ,  lorsque  le  prince 
Eugène  aurait  opéré  sa  jonction  avec  celle-ci.  £n  conséquence, 
le  général  Marmont,  qui  commandait  ce  corps  d'armée  d'en- 
viron 11,000  hommes,  reçut  Fordre  de  suivre  les  mouvements 
de  Tarmée  d'Italie  pour  se  trouver  à  sa  hauteur  vers  les  fh>n« 
tièresde  la  Garnioleetde  Tlstrie.  L'archiduc  Jean  avait  détaché, 
de  son  côté,  un  corps  chargé  d'observer  la  Daimatie  et  d'empè^ 
cher  la  jonction  projetée  entre  le  général  Marmont  et  le  prince 
vice-roi.  Les  deux  partis  restèrent  en  présence  jusqu'au  mo- 
ment où,  la  retraite  de  l'armée  autrichienne  étant  décidée ,  le 
détachement  autrichien  dut  suivre  le  mouvement  général. 

C'est  alors  que  le  général  Marmont  s'avança  vers  la  Croatie, 
poussant  devant  loi  le  corps  autrichien  commandé  par  le  géné- 
ral Stoichevich ,  qui  fut  battu  successivement  au  mont  Kitta 
et  devant  Grachaez,  bien  que  les  Français  fussent  inférieurs  en 
nombre  à  leurs  adversaires. 

L'ennemi,  renforcé  par  plusieurs  régiments  croates  et  deux 
hataillons  du  Bannat  de  Temeswar,  avait  pris  à  Gospich  une 
position  avantageuse ,  dans  laquelle  il  espérait  d'autant  mieux 
arrêter  les  progrès  des  Français  que  toute  la  population  du  pays 

X.  13 


Dalmatie. 


178  tlYBE  SUliMf. 

4S00.     ^talt  SOUS  les  armes  pour  soutenir  les  efforts  des  troupes  de 
ligne. 

Gospich  se  trouve  entouré  par  plusieurs  rivières  qui  en  dé- 
fendent les  approches.  Le  général  Marmont,  arrivé  en  vue  de 
cette  ville  ^  Jugea  qu'il  pouvait  tourner  la  position  des  Autri- 
chiens sans  être  forcé  à  l'attaquer  de  front.  Pour  l'exécution 
de  ce  dessein ,  il  &llait,  ou  passer  une  des  rivières  { la  Licea) . 
presque  sous  le  feu  des  batteries  formidables  étalilies  sur  la  rive 
droite ,  ou  bien  traverser  des  montagnes  dans  lesquelles  il  y 
avait  à  craindre  de  trouver  les  Croates  embusqués  et  disposés 
à  une  résistance  aussi  longue  que  vigoureuse.  Le  général  Mar* 
mont  s'étant  arrêté  au  premier  parti ,  le  capitaine  Bourillon , 
à  la  tète  de  deux  compagnies  de  voltigeurs  du  8^  régiment,  eut 
ordre  de  passer  au  gué  la  rivière,  de  culbuter  les  postes  qu'il 
trouverait  devant  lui,  et  de  faciliter  le  rétablissement  d'un  pont 
que  Tennemi  avait  coupé. 

Mais ,  pendant  cette  opération,  l'ennemi,  ayant  débouché  par 
un  autre  pont  plus  éloigné,  s'avança,  sur  trois  colonnes,  contre 
la  division  Montrichard,  qui  formait  la  gauche  de  la  ligne  friyir 
çalse.  Le  général  Marmont  fit  attaquer  sur-le-champ  ces  colonnes 
par  les  deux  brigades  Soyez  et  Dclaunay  :  le  79^  régiment  de 
ligne,  conduit  par  son  colonel  Godard,  marcha  sur  celle  de 
droite  ;  le  général  Soyez,  avec  le  1 8*  d'infanterie  légère,  se  porta 
sur  celle  du  centre,  et  le  colonel  Plauzonne,  avec  le  6*^  de  ligne, 
sur  celle  de  gauche.  Le  18^  aborda  Tennemi  avec  une  au-» 
dace  surprenante,  le  culbuta  et  lui  pril  trois  pièces  de  canon. 
Le  général  Soyez  reçut  une  blessure  grave  dans  cette  charge. 
Le  colonel  Plauzonne  avait  d'abord  réussi  à  faire  plier  la  colonne 
qui  lui  était  opposée  3  mais,  celle-ci  ayant  reçu  quelque  renfort, 
le  5*  régiment  fut  bientôt  obligé  de  disputer  lui-même  le  terrain 
pied  à  pied.  Toutefois,  les  succès  obtenus  par  le  1 8*  et  le  7u*  sur 
les  colonnes  du  centre  et  de  la  droite  déterminèrent  la  retraite 
de  la  gauche.  Les  Autrichiens,  acculés  à  la  rivière,  s'y  noyèrent 
en  grand  nombre. 

Pendant  que  ceci  se  passait  à  la  gauche  de  la  ligne  française, 
six  bataillons  ennemis  attaquaient  le  8^  régiment  dans  la  posi- 
tion que  le  général  Clause!  lui  avait  fait  prendre.  Le  colonel 
Bertrand,  qui  commandait  cette  troupe^  se  défendit  avec  intré- 


GUBBBE   II*ÂLLElfÀONB,  179 

pidflé;  mnh  pedt-^étre  auralt-fl  été  forcé  de  céder  le  terrain  i\      im^, 
le  général  Delzons,  acconni  à  son  secours  avec  les  trois  batail-  ^*"""*- 
lonsda  11^  régiment,  n*eât  forcé  les  Autrichiens  à  seretirei*. 

Le  2Î ,  le  général  ennemi^  ayant  rallié  ses  troupes  battues  et 
ftttt  avancer  ses  réserves  avec  une  artillerie  assez  nombreuse, 
voulut  empéchei'  les  Français  de  déboucher  dans  la  plaine;  /riais 
il  futeulbuté  de  nouveau.  Ce  dernier  engagement  décida  la  vic- 
toire et  la  retraite  définitive  des  Autrichiens. 

Le  général  Marmoot  entra  dans  Gospich  le  28  mai.  Leè  • 
Jours  suivants ,  il  battit  l'arrière-garde  ennemie  près  des  ma- 
rais d'Ottochatz,  et  occupa  successivement  Segua  et  Fiume. 
Enfin  f  le  31 ,  le  corps  d'armée  de  Dalmatie  se  mit  en  marche 
dans  la  direction  de  Grâtz  pour  opérer  sa  jonction  définitive  avec 
Tarmée  du  prince  Eugène,  qui,  ce  même  jour,  se  réunissait 
aussi ,  comme  on  Ta  vu ,  à  la  grande  armée  d'Allemagne. 

Suite  des  opérations  de  l'armée  d'Italie.  Le  prince  Eugène  Hongrie 
entre  en  Hongrie,  — Le  prince  Eugène,  dont  les  troupes  for- 
maient Vaile  droite  de  la  grande  armée  depuis  la  Jonction  opé- 
ré» au  delà  du  Sommering,  reçut  de  Napoléon  Tordre  de  con- 
tinuer à  poursuivre  Tarchiduc  Jean  en  Hongrie  et  de  faire  les 
plus  grands  efforts  pour  empêcher  la  réunion  du  8*  et  du  9^ 
corps  autrichien  avec  Tarmée  principale  sous  les  ordres  directs 
de  rarchiduc  Charles. 

En  s'avançant,  comme  on  Ta  vu,  sur  les  frontières  du  cercle 
d'Autriche  et  de  la  Hongrie,  le  vice-bi  d*Italie  avait  laissé  en 
Carinthîe  la  division  du  général  Rusca,  pour  observer  et  conte- 
nir le  corps  tyrolien  du  général  Chasteler  vers  la  Drave.  Le 
général  Macdonald,  qui  était  resté  à  Orâtz  avec  les  divisions 
Brodssier  et  Lamarque,  pour  achever  la  réduction  de  la  Styrie 
et  focititer  la  Jonction  du  corps  d'armée  de  Dalmatie ,  re^ 
joignit  le  gros  de  l*armée  d'Italie  vers  le  10  Juin,  emmenant 
avec  lui  la  dernière  de  ces  divisions  et  deux  bataillons  de  lA 
première. 

Conformément  à  ses  instructions ,  le  prince  Eugène  dirigea 
la  division  Seras  de  Schottwien  sur  (Ddenburg,  première  ville 
frontière  de  Hongrie,  du  côté  du  cercle  d'Autriche.  Cette 
place  fut  occupée  le  5  juin.  Deux  Jours  après ,  le  prince  vint 
établir  son  quartier  général  à  Giinz,  d'où  il  envoya  le  gé* 

la. 


1 


180  LIVBB  SfXlàMI. 

fKQ9.  néral  Grovchy  avec  sa  division  et  celle  da  général  Sahnedans 
ïionjçna.  j^  direction  de  Stein-am-Anger,  pour  satyre  les  mouvements 
de  rarchiduc  Jean  sur  la  rivière  de  Raab*  L'arrlère-garde  au- 
trichienne,  repoussée  de  position  en  position,  fût  encore  forcée 
d*évacuer  Stein-am-Anger  après  un  engagement  qui  lui  causa 
nne  perte  assez  considérable.  Le  7  et  le  9  juin,  le  général  Lau- 
riston,  avec  un  corps  d*observation  détaché  de  la  grande  armée, 
ainsi  que  le  général  Montbrun,  avec  sa  division  de  cavalerie  lé- 
gère, vinrent  Tun  et  Tautre  renforcer  Tarmée  du  vice- roi»  après 
avoir  forcé  le  passage  de  la  Raabnitz  auprès  de  Sovenbyaga,  en 
culbutant  an  corps  de  cavalerie  de  Tinsurrection  hongroise. 
Cette  augmentation  de  troupes  mettait  désormais  le  prince  Eu- 
gène à  même  de  pousser  avec  vigueur  les  opérations  qui  lui 
étaient  confiées. 

Le  10 ,  le  général  Grouchy  battit  de  nouveau  Tarrière-garde 
de  rarchiduc  à  Vasvar  et  lui  fit  un  grand  nombre  de  prison- 
niers. Le  quartier  général  du  vice-roi  s*établR  le  même  jour  à 
Vasvar,  et  le  général  Macdonald  prit  position  à  Kôrmondavee 
les  troupes  qu'il  amenait  de  la  Styrie. 

Les  Autrichiens,  en  se  retirant  sur  la  rive  gauche  de  la  Har- 
czal  t  avaient  barricadé  le  pont  de  Karako  ;  mais,  le  1 1 ,  le  gé- 
néral Grenier,  avec  la  division  Abbé,  emporta  ce  pcmt  de  vive 
force  et  culbuta  les  troupes  chargées  de  sa  défense. 

Le  colonel  Gauthrin',  du  9^  de  hussards,  reçut  l'ordre  de  s'a- 
vancer avec  son  régiment  sur  un  corps  de  cavalerie  légère  fort 
de  1^600  chevaux.  Gomme  ce  mouvement  s'opérait  sur  une 
chaussée,  le  colonel  le  fit  par  compagnie ,  et  commença  lui- 
^lèmela  charge  avec  la  compagnie  d'élite,  et  successivement 
avec  le  régiment  réuni,  quand  il  eut  franchi  le  défilé.  Ces  dif- 
férentes charges  lurent  brillantes  et  le  succès  complet.  Le  9^  de 
hussards  fit  un  grand  nombre  de  prisonniers ,  et  mit  les  1^600 
chevaux  ennemis  dans  une  entière  déroute. 

Toute  Tarmée  s'avança,  le  12,  dans  la  direction  de  Papa, 
et  cette  ville  fut  occupée  après  un  vif  engagement  dans  lequel 
le  général  Grouchy  fit  encore  600  prisonniers.  Le  vioe-roi  cou- 
cha ce  même  jour  à  Papa. 
14  Juin.  Bataille  de  Raab.  —  L'archiduc  Jean  avait  précipité  la  re- 
traite de  ses  troupes  pour  les  réunir  au  corps  d^insurrection  que 


CtUERBE   d'ALLEUAGNB.  18t 

Tarchiduc  palatin  Joseph  avait  organisé  en  Hongrie.  Cette  jonc-      t5W9. 
tion  venait  de  s'opérer,  et  ces  deux  princes,  d'après  l'ordre    "**"»'*• 
dn  généralissime  leur  fr^e,  se  préparaient  à  tenter  les  chances 
d'on  engagement  général. 

Le  13  au  matin,  Tarmée  française  s'ébranla  pour  se  porter 
sur  la  Baab ,  dans  la  direction  de  la  ville  de  ce  nom.  Le  géné- 
ral Montbrun,  qui  marchait  à  Tavant-garde,  ayant  rencontré 
nn  corps  de  cavalerie  ennemie  an  village  de  Csanak ,  se  laissa 
emporter  par  son  zèle  et  Tardeor  de  ses  troupes,  et  fut  un  mo- 
ment enveloppé  par  des  forces  supérieures  ;  mais  le  général  Bu- 
nitte  arriva  fort  heureusement  avec  sa  division  assez  à  temps 
pour  le  dégager. 

Cependant  Tannée  autrichienne  était  en  position  sur  les  hau- 
teurs qui  masquent  la  ville  de  Baab.  Sa  droite  était  appuyée  au 
village  de  Szabadhegy  et  sa  gauche  à  des  marais ,  dans  la  di- 
rection de  Wesprim.  Le  centre  était  établi  à  la  ferme  de  Kis- 
Megyer.  Une  nombreuse  cavalerie  légère  était  disposée  sur  le 
front  de  cette  ligne,  et  1 ,  300  hommes  de  troupes  d*élite  occupaient 
comme  avant-poste  une  ferme  ou  grand  bâtiment  carré,  qu'on 
avait  crénelé  et  retranché  avec  quelque  soin.  Un  ruisseau  pro- 
fond ,  qui  ferme  les  marais  où  s'appuyait  la  gauche,  mouille  les 
murs  de  cette  ferme  et  augmente  la  difficulté  de  ses  abords. 
La  cavalerie  était  disposée  sur  les  ailes,  ki  moyenne  partie  dé- 
ployée sur  la  gauche,  en  avant  de  la  route  de  Wesprim  à  Baab, 
appuyée  d'un  côté  au  mamelon  de  Kis-Megyer,  où  se  trouvaient 
un  grand  nombre  de  pièces  en  batterie,  et  de  l'autre  sur  le  pro- 
longement et  à  l'intersection  des  routes  de  Baab  et  de  Kis-Bartah 
à  Wesprim. 

Le  revers  de  cette  formidable  position  était  hérissé  d'artillerie, 
et  le  versant  de  gauche  couvert  par  des  retranchements  naturels 
qui  se  trouvent  en  avant  de  Szabadhegy  et  qui  se  prolongent 
dans  la  direction  de  Baab.  Cette  dernière  ville  était  gardée  par 
un  corps  de  4,000  hommes  et  armée  d'une  artillerie  nom- 
breuse. 

Le  prince  Eugène ,  après  avoir  fait  reconnaître  toute  la  ligne 
ennemie  pendant  le  reste  de  la  journée ,  ordonna  les  disposi- 
tions de  l'attaque,  qui  fut  fixée  au  lendemain  14. 
Le  général  Grenier,  avec  les  deux  divisions  Seras  et  Durutte^ 


.IS3  tiVBB  SllLltKE. 

I W9.  •  formées  en  oolonnes ,  devait  se  porter  sur  la  fenne  éa  Us^lle- 
Hungrit.  ^^^  ^  ^^  1^  partie  du  centre  de  l'armée  eanemlé  qoi  se  trou- 
:valt  placée  entre  cette  ferme  et  Szabadhegy  ;  le  général  Bara- 
guey  d'Hilliers  avait  ordre  de  marcher  sur  ee  dernier  village 
avec  la  division  Severoli,  disposée  sur  dm\  colonnes ,  et,  s'ap* 
puyant  ensuite  en  ligne  de  bataille  &  la  gauche  de  la  division 
Durutte,  d'attaquer  le  village  au  point  d'embranchement  des 
routes  de  Wesprim  et  d'Eisenburg»  pendant  que  la  division 
Pacthod  resterait  en  réserve  en  face  de  Kis-Megyer  et  en  arrière 
de  la  division  Durutte. 

Le  générai  Montbrun,  manceuvraut  à  la  droite  de  la  ligne 
française,  devait  appuyer  le  mouvement  de  la  division  Seras, 
et  contenir,  avee  ses  deux  .brigades  de  cavalerie  légère  aux  or* 
dres  des  généraux  Ck)lbert  et  Jacquinot ,  la  nombreuse  cavalerie 
autrichienne,  tandis  que  le  général  Grouchy ,  avec  sa  division 
de  dragons,  cherdierait  à  déborder  cette  cavalerie  en  filant 
derrière  les  divisions  Durutte  et  Montbrun  jusqu'à  rextrème 
droite  de  la  ligne,  de  manière  à  tourner  la  gauche  de  Tennemi. 
La  division  du  général  Sahuc  avait  son  poste  à  gauche  et  en 
arrière  de  la  division  Severoli,  se  liant  avec  la  division  badoise  ', 
qui  formait  Textrôme  gauche  de  Tarmée.  (Cette  dernière  di- 
vision et  celle  du  général  Sahuc  étaient  chfirgées  d*obscrver  la 
place  de  Raabi  )  La  division  de  dragons  du  général  Pully ,  en 
débouchant  de  Myfa,  où  elle  se  trouvait  le  1 S  au  soir,  avait 
ordre  de  venir  se  former  ea  arrière  et  un  peu  À  la  droite  de  la 
division  Sahuc;  la  garde  royale  italienne,  placée  en  arrière  de 
Indivision  Pacthod,  devait  former  la  grande  réserve  de  l'armée. 
Enfin,  le  général  Macdonald,  qui  était  encore  à  une  marche 
en  arrière,  reçut  ordre  de  précipiter  le  mouvement  de  la  divi- 
sion Lamarque  et  du  détachement  de  la  division  Broossier, 
pour  venir  se  placer  en  ligne  avec  la  division  badoise. 

Toutes  ces  dispositions  s'exécutèrent  dans  la  matinée  du 
14  Juin.  Les  troupes  françaises,  heureuses  de  se  mesurer  avec 
un  ennemi  qui  avait  si  longtemps  évité  un  engagement  géné- 
ral, ne  s'entretenaient  que  de  la  victoire  qu'elles  se  promet- 
talent  bien  de  rempoiter.  L'idée  de  solenniscr  à  leur  tour  une 

*  C'était  celle  divnioD  que  le  gtûiéral  Lëuri$C<m  venait  d'aoïeoer  de  la 
grande  armée  an  prince  Ëi^ne. 


époqœ  déjà  si  remarquable  par  tes  deax  suocès  de  Maiengo  et     laot. 
de  Frf ediand  '  leur  i&spirait  le  plus  vif  eoUioasiasine  et  leur  ^^'^^ 
donnait  une  confiance  qni  devait  oumbler  tous  les  vqmix  du 
prince  Eugène. 

A  once  henres  do  matm  »  le  vice-roi,  qui  avait  attendu  Jus- 
qu*à  ce  moment  l*arrivée  du  générai  Macdqpald  et  de  ses 
troupes,  donna  enfin  le  signal  de  Tattaque.  Ses  forces  totales 
ne  s'élevaient  pas  au  delà  de  ae,000  hommes,  tandis  que  l'ar- 
chiduc Jean  lui  en  opposait  plus  de  40,000,  savoir  :  20,000,  reste 
de  cette  armée  formidable  avec  laquelle  ce  prince  s'était  flatté 
de  conquérir  toute  Tltalfe;  10,000  tirés  des  garnisons  des 
places  fortes  de  la  Hongrie ,  et  commandés  par  le  général  Had- 
dick;  S  h  6,00<>  des  ^lébrîs  du  corps  do  général  Jellachich  et 
d'autres  colonnes  du  Tyrol,  échappées  aux  mouvements  de  Tar- 
mée  française  par  les  gorgesdelaCariuthie;  enfin  1 5,000  hommes 
environ  de  l'iasurrection  hongroise,  infanterie  et\;avalene. 
Toutefois,  rhétérogénéité  des  éléments  qui  composaient  cette 
masse  compensait  suffisamment  l'infériorité  numérique  de 
l'armée  française. 

L'attaque  commença  à  la  droite  et  vers  le  centre  de  la  ligne 
française.  Pendant  que  le  général  Seras  s'avançait  sur  la  ferme 
de  la  maison  carrée,  le  général  Montbrun,  opérant  son  mou- 
vement par  la  droite  des  troupes  légères  de  Tennemi  »  les  obligea 
de  démasquer  le  front  de  leur  infanterie  et  de  se  Jeter  préci- 
pitamment vers  la  gauche  de  leur  ligne.  Le  général  Golbert 
reçut  ensuite  pour  instructions  de  présenter  constamment  la 
charge ,  tandis  qne  le  général  Jaoquihot  marcherait  en  colonne 
serrée  par  escadron  pour  le  soutenir. 

Parvenu  auprès  de  la  ferme,  le  général  Seras  se  disposa  à 
l'emporter  de  vive  force;  mais,  arrêtées  par  le  ruisseau  dont 
BOUS  avons  parlé ,  ses  troupes  ne  purent  réusrir  à  franchir  cet 
obstacle.  Marchimt  sur  un  terrain  marécageux  couvert  d'une 
herbe  trompeuse ,  les  soldats  enfonçaient  souvent  Jusqu'à  la 
cdnture,  et  ne  se  dégageaient  qu'avec  la  plus  grande  peine  de 
cette  fondrière,  où  plusieurs  périrent  d'une  nM>rt  d'autant  pb» 
€]éplorable  qu'elle  était  sans  gloire  et  sans  utilité  pour  l'armée. 

*  Le  lecteur  doit  se  rappeler  qnc  ces  deux  balatlles  furent  en  eRd  gagnées 
le  14  juin  des  années  1800  et  1807. 


1 


184  LITBB  SIXIBMB. 

iMig.  Dans  le  même  temps  qoe  œci  se  passait  devant  le  poste  de 
'^°^'^'  la  maison  earrée ,  le  général  Yalentin  attaquait  avec  le  23*  ré- 
giment de  ligne  (de  la  division  Danitte)  les  troupes  ennemies 
qui  défendaient  le  front  de  Kis-Megyer,  et  le  général  Durutte 
se  portait  avec  trois  bataillons  entre  cette  ferme  et  le  village 
de  Szabadhegy«,  devant  être  soutenu  par  la  division  Severoii , 
qui  s'avançait  sur  Szabadiiegy ,  que  le  général  Baraguey  d'Hil- 
liers  était  chargé  d*attaquer,  ainsi  que  nous  l'avons  dit.  Mais 
l'ennemi,  placé  en  arrière  des  fossés  qui  couvrent  ce  village, 
et  protégé  par  le  feu  d'une  batterie  de  douze  pièces,  arrêta  la 
marche  de  la  division  Severoii.  Profitant  de  ce  premier  avan- 
tagé, les  Autrichiens  tombèrent  brusquement  sur  les  bataillons 
du  général  Durutte,  qui  déjà  se  trouvaient  a  la  hauteur  du  vil- 
lage, et  les  replièrent.  Le  général  Grenier  ût  avancer  alors  le 
63*  régiment,  qu'il  avait  gardé  en  réserve,  pour  soutenir  le  gé- 
néral Durutte.  De  son  côté  le  général  Baraguey  d' H  ilUers, 
ayant  appelé  à  lui  la  réserve  de  la  division  Severoii ,  se  trouva 
bientôt  en  mesure  de  recommencer  son  attaque  sur  Szabad- 
hegy ,  et  le  général  Durutte  réussit  à  repousser  Tennemi  sur  la 
droite  de  ce  village. 

Cependant  le  général  Seras,  s'étant  enfin  dégagé  du  terrain 
marécageux  qui  l'avait  arrêté,  attaquait  avec  vigueur  les  troupes 
qui  se  trouvaient  à  la  droite  de  la  maison  carrée,  tandis  que 
le  9*  de  hussards ,  de  la  brigade  Golbert ,  culbutait  les  hussards 
de  Ott  et  plusieurs  escadrons  de  l'insurrection  hongroise.  Pour 
réparer  ce  dernier  écbec>  l'archiduc  fit  avancer  deux  régiments 
sur  le  9*  de  hussards  ;  mais  le  général  Golbert,  étant  accouru 
pour  soutenir  ce  régiment  avec  le  7^,  reçut  la  ciiarge  avec  fer- 
meté et  réussit  à  la  repousser. 

Presque  toute  la  cavalerie  ennemie  s'ébranla  alors  pour  pa^ 
ralyser  une  attaque  dont  l'archiduc  prévoyait  le  fâcheux  ré- 
sultat. Le  général  Montbrun,  assailli  par  des  forces  aussi  con- 
sidérables, se  replhi  sur  la  division  de  dragons  du  général 
Grouchy ,  qui  rétablit  bientôt  le  combat.  Plusieui*s  charges  ha- 
bilement conduites  et  parfaitement  exécutées  mirent  le  général 
Montbrun  à  même  de  se  porter,  par  un  mouvement  de  flanc , 
sur  la  gauche  de  la  cavalerie  autrichienne,  dans  le  but  de  séparer 
celle-ci  de  son  infanterie,  alors  pressée  vivement  par  les  troupes 


GUEBBI   d'aXLEIIAORE.  185 

dn  général  Seras.  Cette  manœuvre  réussit  :  Tinfanterie  autri-      fsosL 
diienne,  effrayée  de  Tapparitkm  de  la  cavalerie  du  général    ^^'^^s^ 
Montbnin  sur  sa  droite,  fit  un  mouvement  rétrograde. 

Malgré  ce  sneeès  obtenu  sur  les  troupes  ennemies  qui  proté- 
geaient la  maison  carrée ,  le  général  Seras  n'était  pas  encore 
maître  de  ce  poste  après  trois  attaques  consécutives ,  auxqudles 
les  soldats  français  s^étaient  portés  avec  toute  l'ardeur  qui  les 
animait.  Il  devenait  cependant  indispensable  de  Tenlever,  pour 
assurer  le  succès  de  la  Journée  :  le  vice-roi  envoya  une  brigade 
de  renfort  au  général  Seras»  avec  ordre  de  renouveler  sur-le^ 
champ  son  attaque. 

La  brigade  commandée  par  le  général  Roussel  s'avança  donc 
pour  attaquer  de  front  cette  espèce  de  forteresse,  qui  avait  jus* 
qu'alors  résisté  aux  efforts  des  bataillons  du  général  Seras,  pen- 
dant que  celui-ci  tournait  la  position  pour  la  menacer  à  revers; 
mais,  quels  que  dissent  le  dévouement  et  l'intrépidité  des  nou** 
veaux  attaquants,  ils  ne  purent  tenir  contre  le  feu  terrible  de 
mousqueterie  et  de  mitraille  que  les  Autrichiens  dirigèrent  contre 
eux.  En  peu  d'instants  la  brigade  Roussel  eut  676  hommes» 
dont  36  officiers  y  hors  de  combat;  et  ce  général ,  pour  éviter 
une  plus  grande  perte ,  fut  forcé  d'appuyer  à  droite. 

Le  •général  Seras,  d^espéré  du  peu  de  succès  de  cette  pre- 
mière tentative,  prit  alors  la  résolution  de  recommencer  un  as* 
saut  général  avec  toutes  ses  troupes.  Après  avoir  parcouru  les 
rangs  et  ranimé  le  courage  des  soldats  en  leur  représentant 
que  le  succès  de  la  bataille  dépendait  entièrement  du  dernier 
effort  qu'ils  allaient-faire,  il  fit  battre  la  charge  et  se  précipita 
à  leur  tète  sur  la  fatale  position.  Les  expressions  nous  man- 
quent pour  rendre  les  détails  de  cette  terrible  attaque.  En  quel- 
ques minutes  la  maison  carrée  est  abordée  malgré  tous  les 
obstacles  qui  l'environnent  ;  les  murs  sont  escaladés ,  les  portes 
enfoncées  par  les  sapeurs  ;  les  Français ,  couverts  de  sang  et  de 
boue,  pénètrent  dans  l'enceinte.  C'est  en  vain  que  les  grena- 
diers autrichiens  demandent  quartier  en  se  jetant  aux  genoux  ^ 
d'un  vainqueur  dont  la  fureur  ne  connaît  plus  de  borne;  la 
maison  est  incendiée,  et  tous  ceux  que  le  fer  a  pu  épargner 
deviennent  la  proie  des  flammes  ;  pas  un  Autrichien  n'échappe 
a  cet  horrible  désastre. 


180  Lr?BB  SlUlàKK. 

im.  PeDdàiit  ee  temps,  Iq  général  MootiHrun  avait  coatteoé  de 
iiongrie.  ^^^^  ^  ^^^  lUnfanterie  enneinie ,  et  Ta? ait  empéeliée  de  ro- 
venir  au  secours  du  poste  de  la  maison  earrée.  Au  moment  de 
Toecupation  de  ce  poste,  ce  général,  ayant  disposé  son  artflleriè 
légère,  et  eelle  que  le  général  Grouchy  Yenait  de  lui  envoyer, 
de  manière  à  prendre  en  éeharpe  les  iNitaillons  autrichiens  dans 
la  position  qu'ils  avaient  prise  en  arrière,  profita  du  désordre 
que  cette  canonnade  mit  d*afoord  dans  leurs  rangs,  pour  en^ 
tamer  une  charge  vigoureuse  à  la  tète  du  t^  régiment  de  chas- 
seurs, de  la  brigade  Jacquinot.  Cette  double  manoeuvre  décida 
enAn  l'ennemi  à  accélérer  son  mouvement  de  retraite  sur  Sant- 
Yvan. 

Le  général  Seras,  maître  de  la  maison  carrée,  s'étant  avancé 
sur  ces  entrefaites,  se  chargea  de  poursuivre  l'infanterie  en- 
nemie  dans  cette  direction  (Sant-Yvan),  et  le  général  Mont- 
brun  put  se  porter  alors  sur  la  cavalerie,  qui ,  s'étant  ralliée 
pendant  le  combat,  se  retirait  en  bon  ordre  dans  la  direction 
de  Bony. 

Disons  maintenant  ce  qui  se  passait  alors  sur  l'autre  partie 
du  centre  et  sur  la  gauche  de  la  ligne. 

L'ennemi,  repoussé  sur  la  droite  de  Kls-Megyer,  avait  porté 
tous  ses  efforts  au  village  de  Szabadhe^y ,  où  il  avait  réuni  une 
grande  partie  de  son  artillerie.  L'archiduc  Jean  venait  lui-même 
de  reprendre  ce  poste  sur  la  division  SeveroH,  qui  s'en  était  em- 
parée après  la  seconde  attaque  dont  nous  avcms  parlé  plus  haut. 
Réattaqué  et  défendu  avec  une  égale  opiniâtreté,  Szabadhegy, 
d'où  dépendait  le  sort  de  la  bataille,  fut  perdu  et  repris  jusqu'à 
trois  fois. 

Le  général  Durutte,  qui  s'y  était  porté  après  la  division  Se- 
veroli,  venait  d'évacuer  ce  village  pour  la  seconde  fois ,  et  ses 
troupes  se  retiraient  même  assez  en  désordre,  lorsque  le  prince 
Eugène  fit  marcher  pour  le  soutenir  la  division  Pacthod,  faisant 
partie,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  de  la  réserve  de  l'armée.  Ce  renfort 
rendit  aux  bataillons  du  général  Durutte  toute  leur  énergie,  et 
les  deux  divisions  réunies  se  précipitèrent  à  l'envi  sur  les  co- 
lonnes ennemies,  qui  s'avançaient  alors  avec  la  confiance,  sou- 
vent imprudente ,  que  donne  un  premier  suooès.  L'élan  des 
soldats  français  était  si  général  et  si  impétueux  que  les  Autri- 


GUEUIIB  I>*ALI.«MAGRE.  487 

ehleiw  perdirent  eo  un  moment  tout  le  terrain  qulh  venaient     mo». 
^e  gagner,  et  abandonnirent  définitivement,  après  quatre  heures   ''^'^^ 
d'un  combat  sans  relâche,  les  deux  postes  de  Szabadhegy  et 
Kis-Megyer. 

Le  S' r^iraent  de  chasseurs  à  cheval  (  de  la  division  Sahuc,  qui 
était  en  observation  vers  Baab),  dirigé  sur  Ssabadhegy,  tra- 
versa rapidement  ce  village  et  fondit  sur  les  troupes  de  l'aile 
droite  ennemie,  qui  se  reliraient  asses  en  désordre  par  la  route 
^e  Sant-Yvan.  Le  colonel  de  ce  régiment,  emporté  par  son  ar- 
deur, et  sans  consulter  la  grande  inégalité  de  ses  forces,  char- 
gea imprudemment  sur  des  carrés  que  Tennemi  venait  de  former 
pour  faciliter  le  ralliement  des  troupes  désorganisées.  La  ter- 
reur des  vaincus  était  en  effet  si  grande  qu*un  grand  nombre 
de  fuyards,  croyant  avoir  toute  la  cavalerie  française  à  leura 
trousses,  avaient  déjà  mis  bas  les  armes;  mais  le  général  en- 
nemi s'apercevant  qu'il  n'avait  affaire  qu'à  quelques  escadrons 
qui  n'étaient  point  soutenus,  et  ayant  fait  former  les  carrés 
dont  nous  parions,  la  plupart  de  ceux  qui  venaient  de  se  rendre 
réussirent  à  s'échapper  en  se  Jetant  dans  les  marais  qui  sont  à 
droite  et  à  gauche  de  la  chaussée.  Le  8^  régiment ,  accueilli  par 
le  feu  des  carrés,  allait  se  trouver  forcé  de  rétrograder  et  d'a- 
bandonner ]  ,600  prisonniers  qui  lui  restaient  encore ,  ainsi  que 
quatre  mille  fusils  déposés  ou  Jetés  par  les  fuyards,  lorsque  le 
général  Sahuc  accourut  avec  ses  autres  régiments  par  la  gauche 
de  Szabadhegy.  Toute  la  division  se  mit  alors  à  la  poursuite  de 
l'infanterie  autrichienne  sur  la  route  de  Gomorn,  parce  que 
celle  de  Sant^Yvan  venait  d'être  coupée  par  la  cavalerie  du  gé- 
néral Montbrun,  ainsi  qu'on  va  le  voir. 

Ce  général,  après  avoir  longtemps  poursuivi  la  cavalerie  autri- 
chienne sur  la  route  de  Bouy,  et  voyant  qu'il  ne  pouvait  l'at* 
teindre ,  avait  laissé  la  brigade  Colbert  en  observation  de  ce 
e6té,  et  s'était  rabattu  rapidement  avec  la  brigade  Jacquinot  sur 
sa  gauche,  afin  de  couper  la  retraite  de  Tinfanterie  ennemie  sur 
Sant-Yvan;  mais,  pendant  qu'il  exécutait  ce  mouvement,  les 
Autrichiens,  qui  le  virent  descendre  de  la  hauteur,  se  jetèrent 
vers  le  Danube  pour  suivre  la  route  de  Raab  à  Gomom. 

La  nuit  mit  fin  à  la  poursuite  de  l'armée  ennemie. 

Telle  fut  lissue  de  la  bataille  de  Raab ,  ainsi  appelée  parce 


188  LTVRB  STXIBHB* 

1909.  qu'elle  fut  livrée  non  loin  de  la  ville  de  ce  nom,  dont  rartlllerie 
Hongrie.  ^^  position  ne  cessa  de  canonner,  pendant  toute  la  journée , 
les  troupes  françaises  qui  étaient  en  observation  sur  ce  point, 
pour  empêcher  Tennemi  de  venir  occuper  le  camp  retranché 
établi  sousRaab.  La  perte  des  Autrichiens  s'éleva  à  3,000  pri- 
sonniers et  à  4,000  morts  ou  blessés.  Parmi  les  premiers  se 
trouvaient  le  général  Mardani  et  plusieurs  officiers  de  marque. 
Les  Français  eurent  6  à  7  00  hommes  tués,  et  près  de  1 ,500  bles^ 
ses.  Xe  colonel  Thierry,  du  23^  régiment  d'infanterie  légère, 
fut  au  nombre  des  morts.  Cet  officier  distingué  emporta  les 
regrets  de  toute  Tacmée^  Le  général  de  brigade  Yalentin,  le  co- 
lonel Expert  et  le  chef  d'escadron  Henry  avaient  reçu  des  blcs- 
sures  graves.  Les  généraux  Grenier,  Montbrun,  Seras,  Grouehy 
Golbert  et  Dauthouars  furent  cités  comme  ayant  particulière- 
ment contribué  au  succès  de  la  journée.  Le  prince  Eugène  y 
donna  les  preuves  de  la  plus  grande  bravoure  et  d*un  sang  froid 
remarquable',  en  se  trouvant  constamment  au  mUieu  de  la 
mêlée  et  se  portant  sur  tous  les  points  où  il  jugeait  sa  présence 
nécessaire  pour  maintenir  l'ardeur  et  le  dévouement  des  troupes. 
Quatre  de  ses  aides  de  camp  avaient  été  blessés  à  ses  côtés. 
L'artillerie,  commandée  par  le  général  de  division  Sorbier,  s'é- 
tait couverte  de  gloire  en  compensant ,  par  la  belle  précision 
de  ses  manœuvres  et  la  justesse  de  son  tir,  la  grande  supériorité 
de  celle  des  Autrichiens.  Enfin  toute  l'armée  avait  fait  com- 
plétetement  son  devoir. 

La  bataille  avait  été  gagnée  avec  les  seules  troupes  qui  se 
trouvaient  en  ligne  au  commencement  de  la  journée.  Le  gé- 
néral Macdonald,  impatiemment  attendu  par  le  prince  vtce-roi, 
ne  put  arriver  devant  Raab  qu'à  quatre  heures  après  midi,  et  à 
ce  moment  la  défaite  de  l'armée  ennemie  était  déjà  décidée. 
La  division  de  dragons  du  général  Pully  s'était  portée,  pendant 
le  combat,  en  avant  du  village  d'Acs,  appuyant  sa  droite  à  la 
hauteur  de  la  division  Grouehy  et  sa  gauche  à  la  chaussée  qui 
conduit  à  Raab.  Vers  la  fin  de  la  journée  elle  se  jeta  sur  la 
droite,  suivit  le  mouvement  de  la  division  Montbrun,  et  reprit  le 
soir  sa  position  du  matin.  Toute  l'armée  s'établit  en  avant  et 
en  arrière  du  village  de  Szabadhegy,  dans  les  positions  qu'avait 
occupées  l'armée  autrichienne  pendant  une  partie  de  la  journée. 


GUEBES   d'ALLEHAGRE.  189 

Dès  le  lendemain  de  la  victoire  de  Raab ,  tandis  que  le  gros  mog. 
de  Tannée  marchait  à  la  poursuite  de  l'archiduc,  le  prince  Eu-  ^^s^^- 
gène  fit  commencer  l'investissement  de  la  place  de  Raab  par 
les  troupes  de  i*aile  gauche,  aux  ordres  du  général  Baragney 
d*Hilliers.  Cette  opération  futsecondée  et  continuée  par  le  général 
Lauriston,  qui  commandait  la  division  badoise  dont  nous  avons 
déjà  parlé ,  et  par  les  généraux  Lasalle  et  Marulaz,  que  le  ma- 
réchal prince  d'Ëckmuhl  détacha  à  cet  effet  de  son  corps  d'ar- 
mée, avec  la  cavalerie  légère  qu'ils  commandaient.  Les  troupes 
de  l'aile  gauche  s'établirent  devant  le  corps  de  la  place,  en 
avant  du  village  de  Szabadhegy  ;  le  général  Lauriston  prit  poste 
dans  le  faubourg  de  Wieselburg  ;  le  général  Lasalle  dans  celui 
dit  de  Vienne,  entre  la  Raab  et  la  Raabnitz;  et  enfin  le  général 
Marulaz  dans  le  faubourg  de  Sieget. 

Le  général  Lauriston ,  chargé  par  Tempereur  de  la  direction 
du  siège  de  Raab,  fit  d'abord  sommer  le  gouverneur  d'ouvrir 
ses  portes,  et,  sur  la  réponse  négative  de  celui-ci,  il  s'occupa 
sur-le-champ  des  préparatifs  nécessaires  pour  une  attaque  ré- 
gulière. 

La  place  de  Raab  est  revêtue  d'une  enceinte  bastionnée,  en- 
tourée de  fossés  pleins  d'eau  dont  on  peut  étendre  l'inondation. 
L'archiduc  Joseph  y  avait  fait  faire  de  grands  travaux,  et  elle 
devait  être  défendue  par  une  nombreuse  garnison  ;  mais  la  ra- 
pidité de  la  marche  des  Français  et  l'issue  de  la  dernière  ba- 
taille n'avaient  point  permis  d'y  jeter  plus  de  2,000  hommes. 
Du  15  au  22  juin,  le  général  Lauriston  fit  canonner  cette  place 
avec  tant  d'activité  que  le  gouverneur  se  crut  enfin  obligé  de 
demander  à  capituler.  Les  Français  entrèrent  dans  Raab 
le  24,  et  la  garnison  fut  conduite  aux  avant-postes  de  l'archiduc 
Jean,  après  avoir  signé  l'engagement  de  ne  point  servir  contre 
la  France  jusqu'à  parfait  échange.  On  trouva  dans  la  place  dix- 
huit  pièces  d'artillerie  de  gros  calibre,  et  des  magasina  consi- 
dérables de  vivres  et  d'habillements. 

Opérations  en  Carinthie  et  en  Styrie;  combats  de  Klagen-  c^nthie 
furt,  de  Kalsdorf,  etc.  —  Avant  de  suivre  la  marche  de  l'ar-  ^^./ufiî?*" 
mée  du  vice-roi  jusqu'à  sa  réunion  définitive  à  la  grande  ar- 
mée, nous  devons  reprendre  le  récit  des  opérations  qui  eurent 
Uw  en  Carinthie  et  en  Styrie  avant  et  depuis  la  bataille  de 


100  LIYBE  StXlàUE. 

tM9.  Raab,  où  le  priiiee  avait  laissé  les  divisions  Riisca  et  Broossier, 
a  st)Ti^  détachées^  ooniroe  nous  ravoûs  déjà  dit,  la  première  ^  de  Taile 
gauche,  la  deuxième,  de  Faile  droite  de  Tarmée. 

Le  général  Rusca,  qui  était  spémlement  chargé  de  main- 
tenir la  sûreté  des  communicatioiks  de  l'armée,  menacées  par  le 
corps  de  partisans  tyroliens  aux  ordres  du  marquis  de  Ghasieler) 
avait  concentré  sa  division  autour  de  Klageniurt,  d'où  il  en- 
voyait, selon  les  circonstances ,  des  colonnes  contre  les  partis 
ennemis.  Le  5  juin  au  matin,  étant  informé  que  son  adversaire, 
après  avoir  rassemblé  des  forces  nombreuses,  faisait  des  dispo* 
tions  pour  venir  l'attaquer  lui-même  dans  sa  position,  le  gé- 
néral français  prit  la  résolution  de  marcher  au-devant  de  la 
masse  ennemie,  dont  il  rencontra  Tavant-garde  sur  la  route  de 
Villach.  Ce  premier  engagement  valut  a  la  dividon  française 
plus  de  500  prisonniers,  qui  restèrent  entre  ses  mains. 

Le  6,  le  général  Rusca  trouva  le  marquis  de  Gbasteler  en  po- 
sition sur  la  route,  le  culbuta,  lui  fit  encore  600  prisonniers  et 
ramassa  trois  mille  fusils  jetés  par  les  fuyards  ;  une  partie  du 
corps  ennemi  coupée  d'une  autre  colonne  passa  la  Drave  au 
pont  de  Stein,  qu'elle  Incendia  après  avoir  pris  position  sur  la 
rive  opposée.  La  colonne  tyrolienne  sous  les  ordres  du  général 
Schmidt ,  qui  avait  réussi  à  gagner  Villach ,  rompit  également 
tous  les  ponts  de  ce  côté,  et  se  hâta  de  continuer  sa  retraite  sur 
le  Tyrol  par  les  routes  de  Paternion  et  de  Sachsenburg. 

La  retraite  de  ces  troupes  ennemies  fut  si  précipitée  que  le 
général  Rusca,  ne  pouvant  atteindre  leur  arrière-garàe ,  prit 
le  parti  de  rentrer  dans  Klagenfurt ,  où  il  resta  jusqu'à  la  con- 
clusion de  l'armistice  de  Znaim ,  accordé  par  l'empereur  à  l'Au- 
triche le  17  juillet,  ainsi  qu*on  le  verra  plus  bas. 

Du  1^'  au  19  juin,  le  général  Broussier,  maître  de  Gr&ts, 
avait  tenu  bloqué  le  fort  de  Schelsberg,  qui  est  comme  la  ci- 
tadelle de  cette  capitale  de  la  basse  Styrie^  et  il  s'attendait  à 
voir  bientôt  le  commandait  autrichien  ouvrir  ses  portes,  lors- 
qu'il fut  informé  qu'un  corps  considérable,  commandé  par  le 
général  Giulay ,  s'avançait  par  la  route  de  Marburg  pour  lui 
faire  lever  le  siège.  Cette  troupe  ennemie,  faisant  partie  de  Taile 
.  gauche  de  l'armée  de  l'archiduc  Jean,  se  composait  des  déta- 
chements laissés  par  ce  prince  dans  dilffércnts  postes  de  Tlstrie, 


GCEBBS  D*ALLKKA6KE.  191 

de  la  Garniote,  lors  de  sa  retraite  sur  la  Hongrie ,  et  des  débris      i«os. 
du  corps  d'armée  de  Croatie,  que  le  général  Marmont  avait  efsiyr!^ 
battu  et  dispersé,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut. 

Le  général  Broussier  se  trouva  alors  dans  une  position  très-dif- 
ficile. Eloigné  de  plus  de  cinquante  lieues  des  deux  armées  d'AI* 
lemagne  et  d'Italie,  n'ayant  pas  de  nouvelles  du  général  Mar- 
mont, qui  devait  k  la  vérité  venir  le  Joindre  à  Grfttr,  mais  qui 
paraissait  encore  éloigné,  il  ne  pouvait  espérer  ni  point  d'appui 
ni  secours  d'aucune  troupe  française.  L'ennemi  occupait  toutes 
les  routes,  à  l'exception  de  celle  de  Bruck.  Dans  cet  état  de 
choeesy  le  général  Broussier  se  décida  à  évacuer  Grâtz  et  à  lever 
le  siège  de  Scheisberg,  pour  prendre  une  position  concentrée  sur 
la  rive  droite  de  la  Mur,  au  débouché  de  la  vallée  de  Bruck.  Il 
exécuta  ce  mouvement  dans  la  nuit  du  30  au  31 ,  dans  le  plus 
^rand  silence,  emmenant  ses  malades  et  ses  blessés,  qu'il  plaça 
dans  Goesting,  position  qui  le  rendait  maître  du  pont  de  Wein- 
zerlbruck»  du  débouché  de  la  vallée  de  Bruck  et  des  mouvements 
ultérieurs  que  les  circonstances  pouvaient  amener.  L'évacuation 
de  Grfttz  était  d'autant  plus  urgente  que  cette  ville  n'est  point 
tenable  quand  on  n'est  pas  maître  du  fort  de  Scheisberg,  bâti 
sur  un  rocber  qui  domine  toute  la  ville,  les  hauteurs  voisines, 
les  deux  ponts  sur  la  Mur  et  les  faubourgs. 

La  certitude  de  la  marche  du  général  Giulay,  la  nécessité  de 
prévenir  ses  attaques  et  ses  manœuvres  pour  ne  pas  être  cerné, 
déterminèrent  le  général  Broussier  à  tenir  la  campagne,  parce 
qu'il  était  sûr,  avec  les  huit  bataillons  qu'il  avait  sous  ses  or- 
dres, de  combattre  avantageusement  son  adversaire,  quelles 
que  fussent  les  forces  de  celui-ci ,  et  encore  parce  qu'il  dépendait 
de  lui  de  livrer  ou  de  refuser  le  combat.  Une  dernière  considé- 
ration doit  être  ajoutée  à  celles  que  nous  venons  d'exposer  :  le 
général  Broussier  avait  ordre  de  rester  en  mesure  de  seconder 
le  général  Marmont  dans  sa  marche  sur  Gr&tz^  et  cette  partie 
de  ses  instructions  ne  se  trouvait  point  contrariée  par  la  déter* 
mination  qu'il  venait  de  prendre. 

La  division  française  fut  placée  en  arrière  des  faubourgs,  hors 
la  portée  de  canon  du  fort,  sur  la  rive  droite  de  la  Mur  et  sur 
deux  lignes,  la  gauche  appuyant  à  cette  rivière,  et  la  droite 
aux  montagnes  couvrant  le  débouché  et  la  gorge  de  Bruck,  un 


192  LIVAB  SIXIBHE. 

1809.  bataillon  gardant  les  poots  dans  tes  faubourgs,  et  Tavant-garde 
^^styrie.  ^^  avant  des  faubourgs,  poussant  des  palrouîiles  sur  la  route  de 
Marburg. 

Dans  la  matinée  du  2  i ,  les  coureurs  ennemis  s'étant  retirés 
à  la  vue  de  Tavant-garde,  le  général  Broussler  résolut  de  se 
porter  en  avant  à  la  rencontre  du  générai  Giulay.  Il  avait  jugé 
qa*il  était  plus  avantageux  pour  lui  de  donnef  le  combat  que  de 
le  recevoir,  et  il  ne  voulait  pas  Téviter,  parce  que  c*eût  été  per- 
dre la  Styrie  et  laisser  le  général  Marmont  dans  uu  grand  enn 
barras.  La  division  prit  position  dans  la  soirée  à  Wildon. 

Cependant,  ayant  su  par  ses  reconnaissances  que  le  général 
Giulay  s'était  porté  sur  Ëhrenhausen ,  où  se  trouvait  déjà  une 
de  ses  colonnes  commandée  par  le  général  Spleeny,  le  général 
Broussier  crut  devoir  venir  reprendre  ses  anciennes  positions 
dans  la  ville  et  autour  du  fort ,  sur  lequel  il  fit  recommencer  un 
feu  très-vif  pour  bâter  sa  reddition. 

Mais,  le  24,  les  avant-postes  français  sur  la  rive  droite  de  la 
Mur  furent  attaqués  à  trois  heures  du  matin  par  Tavant-garde 
enaemle.  Le  général  Broussier  pensa  d'abord  que  ce  pouvait 
être  une  démonstration  du  général  Giulay  pour  masquer  son 
mouvement  véritable  sur  le  corps  de  Dalmatie ,  qui  s'appro- 
chait peut-être  de  Grâtz  en  ce  moment.  Gomme  Tattaque  ne 
pouvait  être  réelle  que  lorsqu'elle  aurait  lieu  sur  les  deux  rives 
de  la  Mur,  l'intention  de  l'ennemi  parut  bientôt  évidente  par  la 
fusillade  qui  s'engagea  sur  la  rive  gauche  vers  dix  heures  du 
matin.  Le  général  sortit  alors  de  Gr&tz  pour  se  porter  à  Gôs- 
ting  en  passant  la  Mur  à  Weinzerlbruck.  Ce  fut  là  qu'ayant 
reçu  l'avis  de  l'arrivée  du  corps  de  Marmont ,  dont  la  tète  de 
colonne  était  à  Voitsberg,  il  se  décida,  pour  attirer  de  son  côté 
l'attention  de  Tennemi,  à  faire  une  diversion  et  à  attaquer  ce 
jour  même  une  avant-garde  qui  se  trouvait  àFeldkirchen. 

La  cavalerie  ennemie  qui  inondait  la  plaine  se  retirait  à  me- 
.  sure  que  les  colonnes  françaises  se  portaiait  en  avant.  Ayant 
dépassé  le  village  de  Feldkirchen,  la  division  fit  un  change-- 
ment  de  direction  pour  couper  Tennemi  de  ce  poste  et  le  jeter 
dans  la  Mur  ;  mais  Tavant^garde  autrichienne  se  retira  en  lon- 
geant la  rive  droite,  et  se  réunit  au  gros  du  corps  de  Giulay, 
qui  cherchait  à  s'établir  à  Kalsdorf.  Le  général  Broussier  ne  lui 


«OSBÉB   D'ALLEMAdlIK.  I9S 

en  doniift  pas  le  temps  ;  à  huit  heures  du  soir  il  fit  attaquer  iso9 
fe  Tillage  par  le  9*^  régiment  de  ligne,  soutenu  par  le  64^.  Le  9^  ^sc^rie! 
renversa  à  la  baïonnette  tont  œ  qui  se  trouva  devant  lui,  s'em- 
para  de  Kalsdorf,  et  poussa  en  avant  Jusqu'à  la  première  ligne 
ennemie,  formée  à  quelque  distance  du  village.  Cette  ligne, 
après  un  feu  mal  assuré,  se  débanda,  se  renversa  sur  la  seconde 
ligne,  et  bientôt  après  celle-ci  sur  la  troisième.  Il  est  impossi- 
ble de  rendre  la  rapidité  de  ce  mouvement  admirable  du  9^  ré* 
glment  de  ligne.  Le  corps  autrichien,  fort  de  20*000  hommes, 
ayant  trente  bouches  à  feu  avec  2,000  chevaux,  fut  mis,  en 
moins  d'une  demi-heure,  en  pleine  déroute  par  quatre  batail- 
lons. Généraux,  artillerie,  infanterie,  bagage,  tout  fuit  pèle-méle, 
sans  s'arrêter,  jusqu'à  Wildon.  Un  régiment  de  cavalerie  s*é- 
tant  rallié  tenta,  pour  couvrir  la  retraite,  une  charge  sur  le  9*  . 
régiment,  qui  l'attendit  à  bout  portant ,  et  lui  fit,  par  cette  fu- 
^llade,  un  mal  considérable.  Bientôt  ces  escadrons  ennemis  se 
mirent  en  déroute  comme  le  reste  des  troupes.  Le  combat  cessa 
à  dix  benres  et  demie  du  soir.  Le  9®  s'arrêta  à  deux  milles  au 
ddà  de  Kalsdorf;  il  avait  fait  peu  de  prisonniers,  passant  à  la 
baïonnette  tout  ce  qu'il  rencontrait.  C'en  était  fait  du  corps  d'ar- 
mée autrichien  ;  si  Taction  n*eût  pas  eu  lieu  dans  Tobscurité 
huit  bataillons  en  auraient  pris  ou  détruit  vingt-sept.  La  perte 
des  Français  fut  à  peine  d'une  quarantaine  d'hommes  tués  ou 
blessés.  Ce  combat  extraordinaire  couvrit  de  gloire  le  9*  régi- 
ment d'infanterie,  dont  on  ne  saurait  trop  louer  Tintrépidité, 
Tordre,  le  silence  et  le  sang-froid  pendant  l'attaque.  Le  corps  de 
Giolay  se  composait  de  trois  régiments  de  ligne,  des  débris  de 
différents  corps  croates ,  et  de  quelques  bataillons  de  landwehr. 
L'ennemi,  battu  à  Kalsdorf,  avait  renoncé  au  projet  d'opé- 
rer son  mouvement  sur  Grfttz  par  la  rive  droite  de  la  Mur.  Après 
avoir  rallié  ses  troupes ,  le  général  Giulay  leur  fit  passer  cette 
rivière  sur  le  pont  de  Wildon,  pour  marcher  ensuite  sur  Gràtz 
par  la  rive  gauche.  On  ne  pouvait  guère  supposer  qu'une  masse 
aussi  considérable  que  celle  qui  restait  encore  au  général  en- 
nemi dtt  faire  un  semblable  détour  pour  éviter  un  nouveau 
choc  des  3,600  hommes  qu'elle  avait  en  face.  Le  général  Mar- 
mont,  croyant  le  coirps  d'armée  de  Giulay  en  position  en  arrière 
de  Wildon ,  dans  la  plaine  de  Lebringen,  envoya  au  général 

I.  13 


1 


194  UVXB   SIXIBMB* 

im.  BjoussMr  rinYitation  de  se  porter  avec  tout»  ao  tr<Ni|ie»  dto- 
etst^îc!  P<>nible9  à  la  hauteur  de  LIboch,  où  se  trouvait  le  corps  de 
Dalraatîe,  d'attaquer  et  de  reprendre  GrAtx  en  même  temps t 
en  y  laissant  le  moins  de  monde  possible.  Le  général  Marmont 
se  proposait  d'attaquer  Tennemi,  le  lendemain  26,  dana  la  po- 
sition où  U  présumait  qu'il  devait  être  naturellement.  En  effet» 
le  26,  à  sept  heures  du  sohr,  GrAts  n'était  encore  occupé  que 
par  ]  60  hussards  et  autant  de  Croates,  sans  compter  toutefois 
les  1 ,000  hommes  de  garnison  que  renfermait  le  fort  de  Scheb-. 
berg.  Le  gàiéral  Broussier,  jugeant  que  deux  bataillons  soifi- 
raient  pour  chasser  les  piquets  ennemis ,  rentrer  dans  Grfttz  et 
y  reprendre  position ,  envoya  sur  eette  ville  le  colonel  Gambin 
avec  les  deux  premiers  bataillons  de  son  régiment»  et  donna 
^  pour  instructions  à  cet  offider  de  s'avancer  avec  précaution  et 
de  n'entrer  dans  Grfttz  que  dans  le  cas  où  il  ne  rencoitrerait  pas» 
pour  y  arriver,  des  forces  supérieures.  Il  mit  à  sa  cUspositioii 
deux  pièces  de  S.  Cette  mission  du  colonel  Gambin  donna  lieu  à 
un  des  faits  d'armes  des  plus  remarquables,  que  nous  croyons 
devoir  consigner  ici  avec  ses  prineipanx  détails, 
«et  '26  Juin.  Combat  de  Grûis^  —  Le  colonel  Gambin,  après  avoir  reçu 
les  instructions  verbales  du  général  Broussier,  partit  du  pont  de 
Weinzerlbruck  vers  sept  heures  du  soir,  avec  les  deux  premiers 
bataillons  du  34*^  de  ligne,  au  nombre  de  i,tO0  combattants  en- 
vhxm,  et  les  deux  pièces  de  3  qui  lui  avaient  été  données. 
Comme  il  savait,  par  une  reconnaissance  qu'il  avait  fait  &ire 
dansTaprès^-midi,  que  l'ennemi  n'était  point  éloigné,  U  forma 
son  avant-garde  de  la  compagnie  de  voltigeurs  du  premier  ba- 
taillon, en  donnant  l'ordre  au  capitaine  de  Mre  fouiller  la 
droite  et  la  gauche  avant  de  s'engager  dans  le  chemin*,  qu'il 
avait  à  parcourir.  Il  dirigea  en  même  temps  la  compagnie  de 
voltigeurs  et  une  demi-compagnie  du  centre  du  2*  bataillon  par 
le  chemin  qui,  longeant  la  Mur,  conduit  directement  à  Grâtz. 
Ce  détachement,  qui  avait  ordre  de  passer  sous  les  murs  de  la 
ville  pour  gagner  une  place  où  les  deux  bs^taillons  devaient  se 
réunir,  fut  arrêté  le  premier  dans  sa  marche  par  une  colonne 
ennemie  tellement  supérieure  en  nombre  qu'il  se  trouva \en 
un  moment  cerné  de  toutes  parts  '• 
■  Après  ^Toir  résisté  pendant  teste  la  naît  aux  attaqncsde  l*< 


49 


GDttlB  I>*ALUMAfiNB.  194 

L'aTanHSarde  tt  In  deta  batailloiM  prirart  le  chemin  de 
ISiimehe,  afin  dedérober  leur  marche  au  fort  de  Schekberg,  en  vue  m  MyrS^ 
duquel  il  ne  convenait  pas  de  paaatr  pour  arriver  au  point  dn 
mâfn^yom.  A  peine  Favant-garde  avait-elle  lait  un  tri\}et  de 
denuL-henre  qu'elle  rencontra  des  grand'gardee  de  cavalerie 
ennemie ,  qui  furent  proroptement  repoossées  avec  perte  de 
^uiieure  hommee  et  de  quelques  chevaux.  Cette  troupe  se  re« 
tira  sur  le  faubourg  de  Grfttz,  dit  de  Graben,  où  le  colonel 
Gambin  trouva  retranché  dans  un  clos  un  détachement  asses 
considérable  d'infbaterie  et  de  cavalerie.  Il  le  fit  attaquer  sur* 
le-ehamp  par  la  compagnie  d*avant-f;arde  que  soutenaient  les 
deux  compagnies  de  grenadiers  des  premier  et  deuxième  ba- 
taillons. L'enncflrii  débusqué  de  ce  poste  se  replia  sur  un  autre 
détachement  plus  fort  que  le  premier,  et  qui  s*était  également 
retranché  dans  un  cimetière  dont  toutes  les  issues  se  trouvaienf 
soigneusement  gardées. 

U  était  alors  minuit.  Jugeant  avec  raison  qu'il  n*y  avait  pas 
un  instant  à  perdre,  et  qu'il  fallait  profiter  de  l'obscurité  pour 
culbuter  des  forées  aussi  considérables  que  celles  que  présentait 
l'ennemi,  avant  que  celui-ci  ne  pût  reconnaître  le  petit  nombre 
d'assaillants  auxquels  il  avait  aflsire,  le  colonel  Gambfai  fit  at« 
taquer  sur-le-champ  le  cimetière.  Le  choc  des  Français  fut  si 
fanpétneux  que  toutes  les  avenues  furent  babyées  en  un  mo^ 
ment.  Tout  ce  qui  ne  put  rentrer  dans  le  cimetière  fut  tué  à 
coups  de  baïonnette;  le  nombre  des  morts  était  si  considérable 
que  les  grenadiers^  pour  aborder  ce  poste ,  se  virent  obligés 
d'enlever  les  cadavres  ennemis  et  de  les  Jeter  de  c4té.  Toute- 
MSj  il  devint  impossible  an  84*  régiment  d'emporter  de  prime 
abord  le  retranchement  naturel  où  l'ennemi  se  trouvait  en  force  ; 
il  était  d'ailleurs  protégé  par  le  fen  d'autres  troupes  occupant 
les  hauteurs  qui  environnent  l'église  de  Saint-Léonard,  è  la- 
quelle appartenait  le  cimetière  attaqué.  Les  murs  de  ce  dernier 
étalent  crénelés  ;  11  en  partait  un  feu  tellement  vif  et  meurtrier 
que  le  ocrfonel  Gambin  crut  devoir  changer  la  directioli  de  son 
attaque.  Ayant  reconnu  lui-même  un  passage  mal  gardé ,  il  y 
fit  mareher  une  compagnie,  conduite  par  Tadjudant-miyor  dâ 

détâdiement  réuMlt,  dans  la  matinée  du  26,  i'  se  dégager  et  à  gagner 
Weinaerlbnick  sans  avoir  perdo  besoeoep  dlioemies. 

is. 


I9S  XIVBE  SIXlÈlfS.       > 

4M§.  ptemler  iMitatlfon.  Le  reste  de  lu  colonne  ^  qui  s^était  rapproèhé 
efsjSriu  ^^  l*églf8e  pooT  éviter  le  feu  des  créneaux  du  dmetiëre,  M4at 
se  porter  en  avant  qu'au  moment  où  la  compagnie  détachée 
commencerait  son  feu.  Ce  mouvement  combiné  fut  parfaitement 
exécuté.  En  moins  de  dix  minutes  les  troupes  qui  occupaient 
le  cimetière  furent  chassées  et  mises  dans  une  déroute  complète^ 
jetant  fusils,  munitions,  et  laissant  sur  la  place  un  nombre  con^ 
sidérable  de  morts  et  de  blessés.  Les  Français  firent  dans  cette 
attaque  135  prisonniers,  dont  deux  ofQciers.  Les  munitions  que 
Ton  ramassa  furent  d*un  grand  secours  pour  le  84',  qui  avait 
d^'à  consommé  une  grande  partie  des  siennes* 
*  Cependant  des  troupes  nombreuses  occupaient  toujours  les 
hauteurs  de  Saint-Léonard,  et  le  colonel  Gambin,  pensant  qu*ii 
y  aurait  trop  de  témérité  à  se  porter  sur  elles,  résolut  de  passer 
le  reste  de  la  nuit  daos  le  cimetière  et  de  se  bornw  à  placer 
quelques  tirailleurs  en  avant  de  cette  position  pour  riposter  h 
ceux  de  l'ennemi.  Au  lever  de  Taurore,  les  Français  purent  jre- 
eonnaitre  qu'ils  allaient  avoir  à  coml)attre  des  forces  encore 
plus  considérables  que  la  veille,  et  qu'ils  étaient  cernés  de  tousi 
les  c6tés  par  Fennemi.  Le  colonel  fit  sur-le-champ  ses  disposi- 
tions* Les  deux  pièces  de  3,  dont  il  n'avait  point  encore  £aiit 
usage,  furent  mises  en  batterie  et  jouèrent  avec  succès;  mais, 
Fennemi  recevant  sans  cesse  de  nouveaux  renforts,  le  84*  ré* 
giment  ne  put  quitter  la  position  du  cimetière,  où  il  se  trouvait 
comme  bloqué. 

<  Cet  engagement  opiniâtre  dora  une  grande  partie  de  la  jour- 
née du  26.  A  cinq  heures  du  soir,  les  deux  faibles  bataillons 
fîrançais  avaient  épuisé  toutes  leurs  cartouches,  et  les  deux,  pièces 
de  S  éUient  réduites  au  silence,  faute  de  munitions.  Le  colonel 
Gambin  prit  alors  la  généreuse  détermination  de  se  faire  jour  à 
la  baïonnette  dans  les  rangs  ennemis  qui  le  pressaient.  Il  (ait 
battre  la  charge,  et  sa  troupe  se  précipite  sur  les  Autrichiens 
dans  la  direction  du  chemin  de  Weincerlbruck,  par  où  elle  était 
venue.  La  trouée  était  déjà  effectuée  lorsque  le  84^  se  trouva 
en  présence  d'une  colonne  française,  qui,  de  son  c6té ,  venait 
dé  renverser  une  seconde  ligne  ennemie  pour  venir  au  secours^ 
d^  deux  bataillons  si*  vivement  pressés  dans  Gr&tz.  Nous  de- 
vons expliquer  ce  dernier  mouvement» 


G1IBiB«.]»*JLLLBMA6III.  197 

'  Le  gé«éml  Broassier  avait  opéré  h  fanit  heures  do  nàtio  »  im. 
jonetioQ  airec  le  oopps  de  Dalmatle  dans  lei  bois  de  Libocli ,  od  ^^^S 
le  général  Marroont  loi  avait  donné  rendes-vons,  et  il  avait  été 
eonyena  que  le  premier  retournerait  sor  Grftts  pour  dégager  le 
colonel  Gambin ,  qu'on  devait  supposer  dans  une  situation  fort 
critique ,  en  raison  du  feu  très-vif  qui  s'était  fiait  entendre  tonte 
la  nuit  et  qui  durait  encore  sur  ce  point.  Le  générai  Broussier  sa 
mit  au8Sit6t  en  marche,  et,  lorsqu'il  eut  débouché  dans  la  plaine 
au  sortir  du  bois  de  Liboch ,  il  put  remarquer»  par  la  directtcua 
des  feux,  que  le  $4"^  était  dans  le  faubourg  de  Saint-Léonard, 
sor  le  chemin  de  Fùrstenfeld ,  serré  de  près  et  coupé  par  des 
troupes  nombreuses.  Ayant  alors  la  presque  certitude  que  tout 
le  corps  de  Giulay  s'était  Jeté  dans  Gr&tz  après  le  combat  d» 
Kalsdorf ,  le  général  Broussier  fit  prévenir  le  général  Marmont 
de  cette  circonstance ,  en  le  priant  de  lui  prêter  secours.  Il  se 
porta  ensuite  en  toute  hâte  au  pont  de  Weinzerlbruck,  on  il  ar- 
riva à  une  heure  après  midi  ;  mais,  sa  colonne  ayant  marché  sans 
S^arrèter  un  seul  Instant,  il  loi  fallut  faire  halte  en  cet  en  droit 
pour  la  réunir.  Toutefois,  il  forma  sur-le-champ  le  S*  bataillon 
du  84*^  et  les  deux  premiers  du  93%  sous  les  ordres  du  colonel 
riagle  S  pour  aller  au  pas  de  course  dégager  lecolonel  Gambin^ 
et  il  se  disposa  à  soutenir,  avec  le  reste  de  ses  troupes,  cette 
colonne  d'attaque,  pour  empêcher  Tennenii  de  la  tourner  et  de 
la  prendre  à  dos. 

Les  trois  bataillons  du  colonel  Nagle,  tels  qu'un  torrent  qui 
déborde  et  renverse  tout  ce  qu'il  rencontre,  se  précipitèrent  sor 
la  ligne  ennemie,  qui  voulut  arrêter  leur  élan.  Joindre  leurs  ad^ 
versaires ,  les  rompre ,  les  mettre  en  i^ite  et  marcher  droit  am 
a4^,  fut  pour  ces  braver  troupes  ra/falre  de  peu  d'instants.  Les 
soldats  des  deux  colonnes  françaises  s'embrassèrent  sur  un 
iDbamp  de  bataille  couvert  des  cadavres  de  l'ennemi.  > 

Sans  perdre  de  temps,  le  colonel  Nagle  partagea  avec  le  co- 
lonel Gambin  les  cartouches  de  ses  trois  bataillons,  et  ces  deux 
cheft  marchèrent  sur  le  faubourg  de  Saint-Léonard,  d'où  l'en- 
nemi flit  repoussé,  avec  une  perte  énorme,  Jusque  sous  les  murs 
de  la  ville.  Mais,  comme  le  général  Broussier  avait  enjoint  aij 

*  Depois  maréchal-de-cafDp,  inspecteur  d'infanterie. 


198  LIVBI  ftlXlÉHB. 

coJoiid  Naglede  ratouiner  an  pontâe  WebuoibradL  Mroe  te 
S4*,  dans  le  eas  où  ii  réoistrait  à  dégager  ce  Tégitnent,  les  éiûq 
batailtons  durent  rétrograder  sur  oe  point. 

Td  fut  le  mémorable  combat  d^  Grfttx.  Le  84*  régtanent,  qiA 
i'jr  comporta  d'une  manière  Êi  brillante ,  avait  Adt  460  pri»»-^* 
nieri ,  dont  8  officiers  et  1  major;  deux  drapeaux  ennemis 
avaient  été  enlevés  par  18  bomities.  Le  corps  de  Glulay  eut 
1,^00  hommes  tués  sur  le  champ  de  bataille.  Le  nombre  de  ses 
bleaiés  était  immense;  les  hôpitaux  de  Orats ,  les  maisons  de» 
(ànboorgs  en  étalent  encombrés,  le  V  au  matta,  quoiqu'une 
grande  quantité  eût  été  évacuée  pendant  la  nuit  du  36  vers  la 
bosse  Hongrie,  ai  descendant  la  Mur.  La  perte  du  84*  régiment 
se  montait  à  98  morts,  I63  blessés  et  58  prisonniers.  Le 
9J*  n'avait  eu  que  1  homme  tué  et  18  blessés. 

On  ne  saurait  trop  louer  le  colonel  Cambln ,  dont  la  valeur, 
le  sang-froid  et  les  sages  dispositions  contribuèrent  si  puissam- 
ment à  rétonnante  résistance  de  sa  troupe*.  Le  colonel  Nagl€ 
s'était  également  distingué  à  la  tète  du  09^  et  du  t*  bataillott 
du  84«. 

Le  général  Marmont  avait  décidé,  dans  la  soirée  du  26,  qtie 
le  générai  Glulay  serait  attaqué  le  lendemain  dans  les  positions 
qu*il  occupait  sous  GrAtz.  En  conséquence,  la  division  Bronssier; 
qui  formait  alors  Tavant-garde  du  corps  dVmée  de  Dalmatie, 
marcha  (  le  37  )  dans  cette  direction ,  et  fut  appuyée  par  les 
deux  divislonB  Ctausel  et  Montricbard.  Mais  Tennemi,  fatigué 
du  combat  de  la  veilie,  «t  efArayé  de  la  perte  énorme  qu'il  avait 
ftite,  s'était  retiré  asses  en  désordf>e  pendant  la  nuit ,  Jugeant 
à  propos  de  ne  pas  recevoir  la  bataille  qu'allaient  lui  présenter 
les  trois  divisions  françaises  réunies.  Le  général  Broussier 
rentra  dans  G  râla  à  une  heure  après  midi»  et  y  reprit  ses  an- 
ciennes positions,  ainsi  que  le  blocus  du  fort.  Les  troupes  du  gé« 

^  Le  7  juillet  soi?afit,  Tempereur  Napoléon,  |>assant  le  S4*  en  revue  dans 
Me  de  I^o,  prit  soin  de  réeompenser  par  ses  éloges  le  déyouemeot  de 
cette  troupe  iotrépide,  et,  après  TaToir  donnée  en  exemple  è  toéle  l'attnée; 
U  fit  mettre  à  Tordre  du  jour  ^oe  it  devise  suhrante  sendt  gravée  sar 
le  support  de  Taigle  du  réginwnt  :  un  Gomaa  na\  Le  cselonel  Qmohkt  M 
aommé  comte  de  Teropire  et  reçut  oae  dotation  considérable;  quatre* 
vingi-quinr^  décoratîoBS  de  la  Légion  d'honneur  forent  distribuées  aux  ofll- 
ders  et  aux  soldats. 


tmiCla.  et  Styrte. 

Le  l«  juiiet,  te  AlYMmi  Brousater  raçvcrardra  46  njoiiiM 
rarmée  4'fMte»  et  le  «éoéral  Mamont,  qol  dat  flrfvM  la  i 
deettoatioB,  toitaa  ea  Styrfe  un  fort  d^^taehcasettt  pont  i 
le  géaéral  «fotaj  et  héter  la  reidttloo  da  ehâleau  de  Orftti,  qirt 
vdiaK  eiieot^e» 

Mimlofi  (/«  IVirm^  liit  jirîa<^  £M§èné  à  ia  grâmde  armée,  Aiifnuinie. 
ifMM  rUê  de  LôlMm.  ~  Nous  avoaa  dit  ^'apH«  la  bataflie  da  ^'^'^ 
fiaab  le  prinoe  Eagène  s'était  «Ris  à  la  pounuile  de  Taidildiié 
Jean  sur  la  route  de  Comom.  La  cavalerie  française ftt  encore,- 
dans  ertte  mareke,  une  grande  quantité  de  {iriSonien.  Le 
1^  Juin,  les  deux  divisions  Seras  et  Durutte,  et  la  garde  royale; 
a^établirent  à  Gonyo^  où  le  vioe-ral  transféra  son  quaitler  gé* 
nëral.  Le  général  Maedonald  prit  poste  à  Bony  avec  la  division 
Lamarque;  la  division  du  géoéiml  Puity  ocenpa  Bana.  Legé«* 
néral  Montbrun ,  après  avoir  poussé  une  reeonnaissance  sur 
GMnom,  croyait  avoir  acquis  ia  certitude  que  l'armée  ennemie, 
ayant  traversé  le  ÀanulMS  sur  ce  point,  se  trouvait  étaMie  tout 
entière  sur  la  rive  gauche  ;  mais  à  huit  lieures  du  soir  «n  déta- 
clMment  de  ooo  chevmix ,  soutenu  par  quelque  iniluiCerley  vint 
attaquer  iMinqueflaent  à  Acs  les  postes  de  la  cavalerie  légèm 
française.  Le  général  Montbrun  se  mit  à  la  tète  d*nn  régi- 
ment qu'il  réunit  en  toute  héte ,  et,  fondant  avec  son  impétuo- 
sité ordinaire eur  les  assaillants,  lés  culbuta  et  les  ranlena,  le 
sabre  dans  les  reins ,  Jusqu'à  Gomom.  Les  hussards  français 
firent  dans  cet  engagement  un  certain  nombre  de  prisonniers. 

l^i^yhi  prince  JKugène  reconnut  lui-même  la  tête  de  pont  et 
la  place  de  GuBom  ;  mais,  comme  son  artillerie  de  position  étaitr 
alors  employée  au  siège  de  Raab,  il  crut  devoir,  en  rapprodiant 
ses  troupes^  se  borner  à  les  distribuer  de  manière  A  être  en  me^ 
auee  d*agir  suivait  les  circonstances.  ^ 

Iki  10  Juin  au  1^  Juillet  rarmée  d'Italie  raila  ainsi  en  posi- 
tion sur  la  rive  droite  du  Danube.  Dans  cet  intervalle,  M  n*y 
eut  d'autre  engagement  entre  les  deux  partis  que  rechange  de 
quelquMconps  de  canon. 

Le  s  Juillet ,  le  prince  fingène  reçut  du  quartier  impérial 
tordre  de  se  mettre  en  mouvement  pour  Joindre  la  grainde  année 


900  L1VAE  sixiàm* 

m»,  dans  Tlle de  Lobao,  Afln^de  déroberia  niairehe  à  Teitfieoii»  le 
vloe-roi  prescrivit  au  général  Montbron  de  ne  quitter  aa  posi^ 
tion  d*Ac9  qa*à  la  nuit  elose,  et  ao  général  Grenier  de  suivre 
la  route  de  Rohrau  en  s*éloignant  du  Danube.  Les  autres  divi-> 
sions  de  l'armée ,  ainsi  que  le  grand  parc  d*artillerie,  mar- 
chèrent par  'Wieselburg  et  Neudorf ,  et  se  réunirent  le  4  à 
Schwachat,  à  Texception  de  la  division  Severoli,  qui  fut  laissée 
pn  observation  devant  Presbourg,  et  de  quelques  bataillons  for- 
mant la  garnison  de  Baab,  place  dont  Napoléon  venait  de  confier 
le  gouvernement  à  Tun  de  ses  aides  de  camp,  le  général  comte 
de  Narbonne. 

L'armée  dltalie  quitta  Schwâchat  dans  la  nuit  du  4  au  6  pour 
se  rendre  dans  Pile  de  Lobau  »  où  elle  se  réunit  le  lendemain 
aux  troupes  de  la  grande  armée,  qui  y  étaient  en  position. 

L'activité  du  vice-roi  pendant  la  campagne  que  nous  venons 
de  retracer  aingna  dès  lors  à  ce  prince  un  rang  distingué  parmi 
les  premiers  généraux  de  l'armée  française.  En  se  portant, 
4ans  l'espace  de  deux  mois,  des  bords  de  l'Âdige  aux  bords  da 
Danube,  l'armée  d*ltalie  avait  ^écuté  plusieurs  passages  de 
rivière  en  présence  de  Tennemi,  livré  trois  batailles  rangées  et 
plusieurs  combats  mémorables,  notamment  celui  de  San-Bli- 
chele,  où  le  corps  du  général  Jellachicb  fut  détruit  en  entier*. 

'  ■  Nou8deToDseonngiieridunrait8iDguUèreinentreiiiarqntblA,q«iA'apv 
trouver  plaise  àua  le  iMt  qu'on  a'déjà  lu  de  ce  heau  corabstde  San-Michele. 

Apràs  la  défaite  daoorpB  de  Jellacliich,  le  capitaine  d'état-m^or  Mathieu 
(depab  colonel  dans  le  même  corps)  fat  envoyé  par  le  prince  Eugène  en 
reconnaissance  dans  la  direction  de  Sabburg.  Cet  officier,  accompagné  d^mi 
seul  dragon,  était  panrebu,  à  la  nuit,  jusqu'aux  posittons  de  Bottemma, 
tonqn'U  tombe  dans  on  poste  ennemi  et  fut  fait  prisonnier;  mais ,  par  une 
présence  d'esprit  admirable,  il  se  donne  pour  pariementeire,  se  dit  envoyé 
par  te  vice-rot  pour  annoncer  au  corps  ennemi  entre  les  mains  duquel  il  se 
tnwve  IVntière  défaite  du  général  Jéllachicli ,  et  réussit  à  faire  déposer  les 
armes  à  trois  mille  hommes  sons  tes  ordres  du  général-major  Plunkett.  Oeti« 
troupe  avait  avec  elte  plusteur»  pièces  d'artillerie,  des  caissons,  des  fourgons. 
Le  capitaine  Mathteu  fut  nommé  quelque  temps  après  baron  de  Rotte- 
wann^  viUe  sous  les  murs  de  laquelle  il  avait  vu  défiler  les  nombreux  prison- 
niers que  son  audacieuse  sommation  mit  entre  le»  mains  du  prince  Eugène. 

Ce  trait,  rapporté  dans  le  quatonième  bultetin  de  te  grande  armée  (cam- 
pagne de  t809  ),  est  de  la  plus  exacte  vérité. 

U  cohnie»  Matltieu  a  conservé  te  reçu  du  général  d'araHcrte  SorMer  pour 


GUSBBE   D^ALLEMAGIIE.  301 

37  »000  piiflooniers,  douze  drapeaux,  cent  quatre-vingt-dix-huit  i%o^, 
bouches  à  feu  [dont  cent  dix-neuf  de  position  et  soixante-dix-  ^styite! 
neuf  de  campagne),  quarante-cinq  mille  ftisiis,  des  magasins 
considérables  de  munitions  et  de  vivres ,  tels  étaient  les  trophées 
que  le  prince  Eugène  présentait  à  Tempereur  Napoléon  en 
venant  contribuer,  avec  ses  vaillantes  troupes ,  aux  derniers 
succès  de  la  grande  armée, 

Im  arniM  et  eanoiiSy  doot  la  loi  ordonnait  le  paiement  à  présentation  d*acte 
de  dép^  paiement  qtt*l!  refusa,  ne  roulant  point  qu*DBe  somme  d'argent 
IM  le  prii  de  sa  belle  conduite. 


1 


CHAPITRE  IV. 

SUITE  DB  lUnnCE  1809. 

Suite  dtt  opérations  de  la  grande  armée;  bataille  de  Gross-Eioersdorf  ; 
iMtaUh)  de  Wegmni;  anniatioe  de  Zoain;  paii  de  Vieniie.  —  tevwkw 
du  major  Sehill,  ftartisaA  ^maelca,  deas  le  nord  de  rAllenagne.  --0i. 
Torsion  des  Anglais  en  faTeor  de  rAutrichei  expéditions  do  génécal  Stnail 
sur  les  côtes  de  Naples,  et  do  général  lord  Ctiatam  à  reniboudiore  de 
l'£scaat. 

fW9.  Depuis  la  bataille  d'EssIing,  les  deux  grandes  années  fran- 
çaise et  autrichienne  étaient  restées,  sinon  inactives,  da  moins 
sans  rien  entreprendre  de  bien  offensif  Tune  contre  Tantr^ 

L'armée  de  Tarchiduc  Charles,  considérablement  augmentée 
par  de  nombreuses  levées  faites  en  Hongrie ,  en  Moravie  et  en 
Bohème,  comptait  dans  ses  rangs,  sur  la  rive  gauche  du  Danube, 
1 30  à  1 40,000  hommes,  avec  plus  de  cinq  cents  pièces  d'artillerie. 
Toutefois,  cette  masse  de  combattants  et  ee  matériel  immense  ne 
rendaient  point  encore  au  généralissime  autrichien  la  confiance 
que  lui  avaient  fait  perdre  les  batailles  de  Tann ,  d^Abensberg 
et  d*Eckmûhl ,  et  que  n'avait  pas  ranimée  la  Journée  douteuse 
d'EssIing.  Le  génie  militaire  de  Tarchiduc  ne  le  portait  point 
aux  entreprises  hardies  et  d'éclat,  et,  bien  que  doué  de  talents 
supérieurs,  ce  prince  faisait  voir  alors  que  son  caractère  métho- 
dique le  rendait  plus  propre  à  la  guerre  défensive  qu'à  celle 
d'agression^  en  gardant  aussi  longtemps  la  position  centrale 
qu'il  avait  cru  devoir  prendre  pour  couvrir  à  la  fois  la  Bohème, 
la  Moravie  et  la  haute  Hongrie. 

Il  parait  cependant  que,  dans  les  conseils  de  ce  prince,  il  fut 
d'abord  question  de  passer  le  Danube  dans  les  environs  de  Tuln  , 
mais  qu'ensuite  on  jugea  préférable  de  concentrer  le  plus  de 
troupes  possible  sur  le  point  principal  des  opérations.  En  con- 
séquence le  général  Schustekh  reçut  l'ordre  d'y  envoyer  quatre 
bataillons  et  le  comte  Kollowrath  d'y  marcher  avec  la  majeure 
partie  de  son  corps.  Ce  dernier  arriva  dans  la  plaine  du  Mareh- 

202 


GU£BBK  B'àLLBHAGIIK.  SOt 

Md  te  •  Juki.  Oo  ooi6ptoit  mxèsA  tur  un  reaftrt  coBsidéittte 
mntmé  par  Tanshidde  Jom,  gni  avait  reça  Voritfi  d'occiqier  Vile 
da  Sdittt  et  Pretbaiirg.  Mais  cetei-d  avait  épitm vé  de  ai  grandaa 
pertes  da»  sa  retraite  d'Italie  que  son  armée»  y  compris  la  d^. 
Ylsion  de  Dalnnatie,  les  restes  de  la  divl8i<m  Jdlachich  et  la 
landwelir)  mm  cooiptait  plus  qa'envlnm  I6,doo  owibattants* 
Pttts  de  14,000  hommes  de  cette  année»  aax  ordres  da  camta 
Igoaee  Gialay^  eetniQVaient  sur  les  ftimttères  de  Croatie;  le 
leste,  eomraanâé  par  le  prince  en  persomie,  était  le  1^  Jiiia  à 
KOrmend.  Cebil*43l,  oeoapé  d'autres  entreprises,  au  Ueu  fexé-* 
euser  sor^le^hamp  l'oidni  qu'U  recevait,  livra  la  bataille  de 
Baais  qui  fut  désastreuse,  et  n'arriva  que  le  2S  Juin  à  Preslioarg 
avee  IMOO  hommes. 

Ces  événements  contrarièrent  protiabiement  les  projeta  d*of- 
thoiUve  de  Tarchlduc  Charles ,  qui  dès  lors  parut  se  résigner  A  la 
défensive.  G«uss*Aspem  et  Essling  furent  mis  en  état  de  dé^ 
fease;  rentrée  d'Enxersdorf  (ut  eouverte  par  quelques  flèchea, 
et  tes  trois  points  ftirent  reliés  par  des  ouvrages  de  campagne 
PU  avant  desiipieis  on  éleva  des  redoutes.  Au  sud  d*Euzersdarf , 
dans  la  direction  de  Probstdorf,  au  delà  da  M Wleuten,  on  éta- 
blit également  quelques  ouvrages. 

Dans  la  nuit  du  33  au  34  l'empereur  avait  fixé  son  quartier 
généftti  à  Kaiser-Ebersdorf,  oà  il  fit  ses  dispositions  pour  re~ 
prendre  ToCfensive  et  mettre ,  en  attendant,  son  armée  à  t'abri 
de  toute  sarprise.  A  partir  du  34  mai,  les  ponts  étant  rétablis, 
les  troupes  commencèrent  à  passer  sur  la  rive  droite  et  prirent 
de  nouvelles  positions.  Les  Wortembergeois  s'avancèrent  de 
LSaU  à  MOlk,  Saiat-POltea  et  Maotem  ;.les  deux  divisions  du 
prince  royal  de  Bavière  et  du  comte  de  Wrede,  qui  étaient  à 
Salzburg,  remplacèrent  à  Lintz  lecorpsdu  asaréchal  Bernadette^ 
c|Oi  paittt  le  a  1  et  se  porta  par  SalntrPdlten  à  Sieghardakirchen. 
fom  umpédierles  Autrichiens  de  déboucher  de  Presboncg, 
ranpereur  ordonna  au  maréchal  DavouA  de  s*établhr  à  Halm- 
burg  «vue  la  division  Gudin ,  la  brigade  hcssolse  et  la  cavalerie 
légèsa  des  généraux  Lasalle  et  Mamiaz.  Le  s  Juin  le  général 
Petit ,  avec  le  1 3"^  de  ligne  et  les  Hessois  ^  enleva  le  viilage4'£n- 
ffonm,  où  11  ât  400  prisonniers;  mais  ce  général  ayant  voulu 
franoMr  le  bras  du  Iliauube  qui  couvrait  les  ouvrages  de  Ten* 


M4  .'   LlT&t  iIXtàH. 

nmAf  sa  tentative  échoua  et  laf  coûta  te  vie.  Le  iliaréchkil  fif 
élever  des  iMtteries  âaas  Eageran  pour  loterdire  le  dâwaelié 
da  pont*  Le  géoéral  Montbnin  se  porta  ayeesa  division  à  Bruck* 
sur  te  Lettha;  le  général  Lauriston  et  le  général  Golbert  forent 
dirigés  sûr  Wienerlsch-Neostadt  an-devant  du  vice-roi,  qui  ar- 
riva dans  cette  ville  le  .4.  Les  trois  divisions  de  cuirassiers  ean» 
tonnèreift  entre  Fischaniont  et  Bruck.  Oudinot  s'établit  soiui 
Vienne ,  et  te  garde  entre  Vienne  et  Ebersdorf .  Le  maréchal 
Masséna,  avec  le  4^  corps,  resta  dans  Tlle  de  Loban.  Le  général 
Maodonaldétaità  GrAtZ)  où  il  avait  rordre  d'attendre  le  corptf 
du  général  Marmont,  qui  venait  seulement  d'atteindre  Laybach. 

De  nombreux  renforts  arrivant  journellement  de  rintérieur» 
et  un  cartel  d'échange  ayant  procuré  la  rentrée  des  prisonnien 
de  guerre,  la  force  de  l'armée  de  Tcmpereur,  y  compris  celle 
d'Italie,  était  de  130^000  hommes  d'infanterie  et  29,000  d^ 
cavalerie,  sans  compter  les  1 1,000  hommes  du  oorp9  de  Mar> 
mont,  qui  allaient  la  porter  170,000  combattants.  Elle  devait 
se  composer  ainsi  qu'il  suit ,  après  l'arrivée  du  9*  corps,  du  corps 
de  Dalmatie  et  de  la  division  bavaroise  du  comte  de  Wrede  : 
•  Garde  impériale  :  divisions  d'infanterie,  Gurfal  et  Dorsenne  ; 
division  de  cavalerie,  Walther  :  11,000  hommes. 
'  3*  corps.  Générai  Oudinot  :  divisions  Tharreau,  Glaparède  ^ 
Grandjean;  brigade  portugaise;  divistonde  cavalerie  légère, 
Colbert  :  23,000  hommes. 

.  3'  corps.  Maréchal  Davoust  :  divisions  Horand ,  Priant , 
Gudin,  Pothod;  division  de  cavalerie  légère,  Montbnm  : 
86,000  hommes. 

4*  corps.  Maréchal  Masséna  :  divisions  Legrand,  Carra 
Saint-Cyr,  Molitor,  Boudet;  division  de  cavalerie  légère,  La- 
salle  :  24,000  hommes. 

9*  corps.  Maréchal  Bemadotte  :  divisions  Zeschvitz ,  Polenta, 
Dupas;  division  de  cavalerie,  Gutschmidt  :  20,000  hommes. 
'  1 1®  corps.Général  MarmontrdivisionsMontrichard,  Qausel^; 
3*  et  24*  régiments  de  chasseurs  à  cheval  :  1  i  ,000  hommes. 
'  Division  bavaioise.  Comte  de  Wrede  :  neuf  bataillons»  boit 
escadrons^  :  e^ooo  hommes. 

Armée  d'Italie.  Prince  Eugène  :  garde  italienne;  divisions 
Brous^r,  Lamarque.  Seras,.  Dunitte,  Paethod;  diVislMis  de 


21,693, 

dont  801 

26,951 

517 

16,696 

667 

18,187 

792 

9,154 

798 

13,740 

1,275 

dragons,  Gro<idiy  ^  Pally  ;  cavalerie  légère ^  division Sebuc.  Le     ^^ 
tout  divisé  en  deux  corps  so«s  les  généraux  M aedoêald  et  Gre^  ^^^^^s"^' 
nier  :  33,000  hommes. 

Réserve  de  cavalerie.  Blaréchal  Bessières  :  divisions  de  coi-* 
rassiers,  Nansonty,  Saint-Solpiee,  Arriglii  :  7|000  hommes. 

L'armée  antrichienne ,  divisée  en  six  corps  d*armée,  était 
forte  de  137,632  hommes,  dont  15,432  de  cavalerie,  avfc  • 

quatre  cent  cinquante-deux  pièces  d'artillerie  de  tons  calibres^ 
Elle  se  composait  comme  il  suit  : 

Avant -garde,  fdd-maréclial  UeHlenant  Nordmànn  :  14,365  liommes, 
dont  2,528  de  eavilerie. 

Corpi.  Bommec.      Cafalerte. 

i^  Géntel  de  cavalerie,  comte  de  Bèllegarde, 
2*    F.  M.  L.,  priAoedeHolienzolieni, 
3*    Générai  d'artillerie,  comte  KoUovfTatb , 
4*     F.  M.  L.,priiicede  Rosenberg, 
5*    Général  d'artillerie ,  prince  de  Reuaa, 
6*     F.  M.  L.,  comte  Klenaa , 
Bëserve.  Général  de  cavalerie,  prince  de  Uechtensiein,  17,936        8,054 

Pendant  tout  le  mois  de  juin  cette  armée  occupa  les  empla-^ 
céments  suivants  :  le  prince  de  Beuss  entre  Koroeuburg  et  Flo- 
Yisdorf,  pour  observer  le  Danube;  Klenau  ,  qui  avait  remplacé 
Biller  dans  le  commandement  du  6*  corps ,  entre  Gross-Aspem 
et  Gross^Ensersdorf  ;  Nordmànn  entre  cette  ville  et  Orth  ;  plus 
en  arrière,  la  cavalerie  de  réserve  à  Breitenlee,  Sûsseiibninn, 
Baschdorf  et  Aderkiaa;  les  grenadiers  entre  Gerasdorf  et  Sftu-- 
ring;  le  corps  de  Kollowrath  à  Hagenbrunn;  ceux  du  comte  de 
Beliegarde,  et  des  princes  de  Hohenzollern  et  de  Bosenberg, 
entre  Deutsch- Wagram  et  Markgrafen-Neusiedel. 

L'empereur  ne  se  dissimulait  pas  la  difficulté  de  transporter 
une  seconde  fols  son  armée  au  delà  d'un  fleuve  d'une  largeur  de 
cinq  cents  toises,  d'un  cours  profond  et  rapide,  couvert  d'une 
armée  de  force  égale  à  la  sienne.  Il  fallait  d'abord  assurer  ta- 
oomraonlcatioir'avec  la  rive  droite,  séparée  de  l'Ile  par  le  bras 
principal,  établir  des  communications  sûres  et  faciles  entre 
toutes  les  parties  de  cette  Ile,  et  déterminer  les  points  où  se- 
raient élevés  des  retranchements  ou  des  batteries  pour  battre 
celles  de  la  rive  gauche  et  s'assurer  un  passage  dans  les  Iles 


1 


%Ù9  .      LIVSB  SUtlÉKB. 

a^jacentas.  Le  génénl  d^artillc rk  Fondier  et  le  général  dv 
génie  Rognial  fuient  diargésde  cestraTaax,  et  le  général  d'artil- 
lerie Lariboissière,  ainsi  que  le  général  du  génie  Bertrand,  8*06* 
eupèrent  de  la  oonstmctîon  dès  ponts.  Pour  les  distinguer  entre 
elles,  on  donna  aux  principales  lies  voisines  de  celle  de  Lobau 
les  noms  de  plusieurs  généraux.  Ainsi  l'Ile  située  vis-à-vis  d*As- 
pem  prit  le  nom  de  Masséna  ;  à  partir  de  celle-ci  et  en  deseeiH 
dant  le  cours  du  fleuve  Jusqu'à  hauteur  de  Hùhlleuten ,  let 
neuf  plus  grandes  s'appelèrent  :  de  Saint-Hilalre,  Besslères^ 
Petit,  des  Moulins,  d'Espagne,  Pouzet,  Lannes,  Alexandre 
et  Hanselgrund.  Ces  lies  sont  séparées  entre  elles  par  des  ca- 
naux de  5  à  10  toises.  Des  batteries  furent  établies  dans  cha- 
cune d'elles  (excepté  Tile  des  Moulins»  occupée  par  Tennemi) 
pour  balayer  la  plaine  d'Essling ,  pour  battre  Enzersdorf  et  pour 
protéger  les  ponts.  Le  grand  pont  d*Ebersdorf,  qui  avait  été 
rompu  quatre  fois ,  fut  mis,  au  moyen  d'estacades ,  à  l'abri  des 
atteintes  des  corps  flottants  que  Pennemi  envoyait  de  Kloster- 
neuburg ,  de  Nussdorf  et  de  Jedlersdor f  am  Spitz.  A  vingt  tolsea 
au-dessus  de  celui-ci  on  en  construisit  un  autre  sur  pilotis.  Du  1 3 
au  15  Juin ,  quatre  autres  ponts  mirent  l'Ile  de  Lobau  en  com- 
munication avec  les  lies  Saint-Hilaire,  Masséna  et  d'Espagne. 
En  moins  de  six  semaines  File  de  Lobau  avait  été  convertie  en 
une  vaste  place  d'armes,  avec  un  arsenal,  des  chantiers,  des 
ateliers  de  toute  espèce,  une  boulangerie,  des  magasins  et  un 
hôpital.  Une  grande  et  belle  chaussée  traversa  l'Ile  dans  toute 
sa  longueur.  Les  points  les  plus  importants  du  périmètre  de  cette 
grande  enceinte  furent  fortiflés  et  armés,  en  grande  partie, 
avec  les  pièces  de  position  tirées  de  l'arsenal  de  Vienne.  Lee 
pièces  de  campagne  trouvées  dans  le  même  établissement  furent 
données  à  Tinfanterie  à  raison  de  deux  pièces  de  a  ou  de  4 
par  régiment.  Une  flottille,  montée  par  un  bataillon  de  maie* 
lots  et  un  bataillon  d'ouvriers  de  la  marine,  commandée  par 
le  capitaine  de  vaisseau  Baste,  rendit  de  grands  services  dana 
l'exécution  des  travaux  entrepris  pour  assurer  à  l'armée  un 
passage  prompt  et  facile  sur  la  rive  gauche. 

Pendant  que  l'empereur  prenait  toutes  ces  dispositions  dans 
nie  de  Lobau  et  aux  environs,  le  prince  Eugène  battait  l'ar- 
chiduc Jean  à  Raab  et  le  repoussait  jusqu'à  Comom;  le  mare- 


fhfil  DaYoml,  denenâaiit  fc  Damibe  et  empèehuit  les  Aitrf-  im. 
Mens  de  débooeher  de  lear  tète^de  poat,  av«tt  bombardé  Près-  ^"'""^^ 
bourg  du  36  au  29»  et  empècbé  ainsi  Tannée  autridilenue  d*(- 
falle  d'opérer  sa  Jonction  avee  celle  du  généralissime.  Marmont 
airlvait  suivi  de  la  division  Broassier.  Le  maréchal  Bernadotte 
marchait  sur  Vienne  à  la  tête  de  13,000  Saxons ,  et  le  roaré* 
ebal  Ldfebvre  recevait  Tordre  de  faire  partir  sur-le-champ  la 
division  bavaroise  du  comte  de  Wrede. 
'  Comme  Ton  n'avait  plus  de  diversion  à  craindre  sur  la  rive 
droite  et  que  tous  les  travaux  y  avaient  acquis  une  solidité  suf- 
fisante pour  le  passage  de  Tarmée  dans  Tlle  de  Lobau ,  Tempe- 
reur  s'occupa  du  rétablissement  de  Tanden  pont  sur  le  dernier 
bras  du  Danube ,  en  &oe  des  retranchements  de  l*archlduc ,  afin 
de  détourner  l'attentioii  de  l'ennemi  sur  le  véritable  point  de 
passage»  qui  se  trouvait  en  face  d'Enzersdorf.  Cette  opération  M 
confiée  au  maréchal  Masséna.  Le  80,  à  4  heures  du  soir,  le  ^é- 
béral  Ledru»  de  là  ^vision  Legrand ,  passe  sur  la  rive  gauche 
avec  sa  brigade  portée  sur  des  barques ,  sous  la  protection  d'un 
grand  feu  d'artillerie,  et  par  sa  bonne  contenance  donne  le  temps 
aux  pontonniers  de  rétablir  le  pont  sur  Tanden  emplacement. 
Le  2  juillet,  600  voltigeurs,  commandés  par  un  aide  de 
camp  du  maréchal  Masséna,  passèrent  dans  Tile  des  Moulins, 
sur  des  barques,  enlevèrent  une  centaine  d'Autrichiens  qui 
Toceupaient ,  malgré  un  feu  violent  de  moosqueterie  et  d'artil- 
lerie partant  de  la  rive  gauche,  et  s'y  établirent.  En  moins 
de  quatre  heures  de  travail  un  pont  de  bateaux  de  soixante- 
quinze  toises  de  longueur  Joignit  cette  tle  à  celle  de  Lobau.  On 
y  établit  sur-le-champ  un  retranchement  relié  par  un  pont 
de  radeaux  A  une  Iflèche  élevée  sur  la  rive  gauche.  Le  3,  Tem« 
pereur,  qui  était  resté  Jusqu'alors  à  Kaiser-Ebersdorf ,  transféra 
son  quartier  général  dans  Tile  de  Lobau.  L'armée  se  réunit, 
pendant  la  Journée  du  4 ,  tant  dans  Tlle  qu'aux  environs  d'Ë* 
bersdorf.  A  dix  heures  et  demie  du  soir,  le  général  Oudinot 
fit  emtiarquer  sur  le  grand  bras  du  Danube  1 ,500  hommes  com- 
mandés par  le  général  Gonroux,  protégés  par  le  feu  de  six  pièces 
de  Tlle  de  Lobau  et  par  l'escadrille  du  capitaine  de  vaisseau 
Basic,  composée  de  huit  barques  canonnièresetde  deuxchaloupes 
armées.  A  onze  lieures  Conroux  aborde  Tlle  de  Hanselgrunà, 


208-  UVSB.  SllliMX. 

im.  où  il  est  bientôt  soivi  par  le  reste  de  la  divisioà  TharreaO.  Ua> 
Aiietiiagoe,  ^^upes  qul  occupaient  nie  sont  bicatôt  eollHitées  avec  perte 
de  trois  pièces  de  canou  et  do  nombreux  prisonniers.  La  divi- 
sion  franchit  ensuite  sur  des  ponts  de  chevalets  le  canal  qui 
sépare  l*ile  de  la  rive  gauche ,  et  repoussa  les  postes  autriehiens 
jusqu'au  village  de  Mûhlleuten. 

A  onze  heures  du  soir,  une  terrible  canonnade  s'engagea  sur 
une  partie  du  front  des.  retranchements  de  la  rive  gauche.  Le 
feu  des  batteries  françaises  était  particulièrement  dirigé  sur 
Enzersdorf,  où  s'appuyait ,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit»  la 
gauche  des  retranchements  ennemis. 

Les  obus  ne  tardèrent  point  à  mettre  le  feu  aux  maisons  de 
oette  petite  ville;  rartillerie  ennemie  rendait  avec  la  plus 
grande  vigueur  à  celle  des  ouvrages  français.  Le  ciel  avait  été 
couvert  une  partie  de  la  Journée ,  et  des  symptômes  d'un  grand 
orage  s'étaient  déjà  manifestés  avant  la  nuit  ;  dans  le  moment 
dont  nous  parlons,  cet  orage  avait  éclaté  avec  une  violence 
extraordinaire.  Tous  les  vents  étaient  dédialnés ,  la  pluie  tom- 
bait par  torrents,  les  coups  de  canon  et  les  coups  de  tonnerre 
se  succédaient  avec  une  telle  rapidité  qu'il  était  presque  im* 
possible  de  les  distinguer  ;  le  terrain  des  lies  du  Danube  était 
inondé  et  rendu  presque  impraticable. 

Toutefois  rien  n'était  capable  d'arrêter  les  préparatlfe  du 
passage  de  l'armée  française;  tandis  que  les  batteries  des  lies 
de  Montebello  et  d'Espagne ,  et  une  partie  de  celles  de  l'Ile  de 
Lobau ,  écrasaient  Enzersdorf ,  le  colonel  Descorches-Sainte- 
Groix,  aide,  de  camp  du  maréchal  Masséna,  à  la  tête  de 
1 ,500  hommes  de  la  division  Boudet ,  traversait  sur  des  barques 
le  petit  bras  du  Danube  et  abordait  la  rive  gauche  au-dessous 
de  cette  petite  ville.  Aussitôt  le  génie  traça  en  cet  endroit  une  tête 
de  pont  de  quinze  cents  à  seize  cents  toises  de  développemoit* 
Dans  le  même  temps,  le  chef  de  bataillon  d'artillerie  Victor 
Dessale,  directeur  des  équipages  de  pont,  faisait  accrocher 
d'ime  rive  à  l'autre  un  pont  de  quatre-vingt-une  toises  de  Ion-» 
gueur  sur  plus  d'une  toise  de  largeur,  tout  d'une  seule  pièce, 
et  construit  sur  les  dessins  de  cet  officier.  L'infanterie  y  passa 
au  pas  de  charge,  et,  pour  ainsi  dire,  sous  une  voûte  d'obus  et 
de  boulets  qui,  partant  des  deux  rives,  secroisaient  sur  sa  tète. 


Gl/EffiUlZ   D*AL£€MAGIilB.  209 

Quelques  instants  après ,  trois  autres  ponts  furent  jetés  à  peu      itoo. 
de  dMmeedu  premier,  déserte  que,  le  5  juillet,  à  trois  heures  ^"«"«R™»- 
du  matin,  Tartnée  fhineaise  avait  débouché  par  cinq  ponts,  la 
gaudie  à  quinze  cents  toises  au-dessous  d*Enzersdorf ,  et  la 
droite  sur  l^^ftau. 

Le  rétablissement  de  l'ancien  pont,  dans  la  nuit  du  30  juin 
au  t*""  juillet,  et  Toccupation  de  l'Ile  des  Moulins,  dans  la  nuit 
du  2,  avaient  déterminé  Tarchiduc  à  faire  occuper  les  re- 
trandiements  de  la  rive  gauche  par  les  troupes  du  général 
Kienau.  Les  corps  de  Kollowrath,  de  Bellegarde  et  de  Hohen- 
zollem  se  retirèrent  entre  Breitenlee  et  Pisdorf  ;  celui  de  Ro- 
soiberg  à  Wittau  ;  la  cavalerie  fàt  concentrée  à  Haschdorf. 
Instruit  le  4,  à  sept  heures  du  soir,  des  mouvements  de  l'ar- 
mée française  autour  de  Kaiser-Ebersdorf  et  de  sa  concentra- 
tiott  dans  Hle  de  Lobau,  l'archiduc  prescrivit  au  prince  Jean 
de  ne  laisser  qu'une  faible  garnison  dans  la  tête  de  pont  de 
Presbourg  et  de  se  porter  à  Marchegg  avec  le  reste  de  ses  trou- 
pes disponibles,  pour  tomber  sur  le  flanc  de  rennemi,  qui  me- 
nacerait l'aile  gauche  de  Tarmée  principale.  En  même  temps 
des  pièces  de  gros  calibre  furent  mises  en  batterie  dans  les  re- 
tranchements les  plus  rapprochés  de  Pile  de  Lobau,  pour  in-  . 
quiéter  les  masses  de  troupes  qui  s'y  rassemblaient  ;  mais  l'ar- 
chiduc Jean  mit  tant  de  lenteiïr  dans  Texécution  des  ordres  de 
son  frère  que  celui-ci  dut  renoncer  à  l'espoir  d'opérer  une  puis- 
sante diversion  sur  les  derrières  de  l'armée  française. 

Cependant  cette  armée  continuait  à  défiler  sur  les  ponts  à 
mesure  qu'ils  étaient  établis  sous  la  protection  du  feu  de  toutes 
les  batteries  de  File  de  Lobau  et  des  lies  voisines.  La  division 
Legrand,  qui  avait  franchi  l'ancien  pont,  se  porta  au  point  du 
jour  surEsslinger-Hof.  Les  avant-postes  du  général  Nordmann, 
attaqués  par  les  voltigeurs  de  la  division  Tharreau,  qui  s'empa- 
rèrent de  Mûhlleuten,  se  replièrent  partie  sur  Presburg,  partie 
sur  Markgafbi-Neusiedel.  Ce  ne  fut  toutefois  qu'à  huit  heures 
que  la  division  parvint  à  emporter  le  château  de  Sachsengang, 
où  elle  prit  900  hommes  et  une  pièce  de  canon. 

La  droite  de  l'armée  française,  formée  par  le  corps  du  maré- 
chal Davoust  et  les  divisions  de  cavalerie  Grouchy,  Pully  et 
Monthrun,  s'étendait  jusqu'à  Wittau;  la  gauche,  formée  par 

I.  44 


1 


210  f.lVBB  SIXIÈME. 

fR09.  le  corps  du  maréchal  Masséna  eUes  divlBioBS  de  cavalerie  1er 
AiieiTuiçne.  g^p^  j^^  géaéra«ix  Lasaileet  Mar^Maz,  s'étendait  |a3qa*att  Da* 
nube  ;  le  génécal  Oudiaot  ocoupait  le  centre,  ie  r^te  de  Tar- 
mée  continuait  sans  interruption  de  passer  sur  la  rive  gauche. 
Après  le  passage  de  l'armée  d'Italie,  du  d^corps  et  de  la  réserve^ 
il  ne  resta  plus  $ur4a  rive  droite  quedeuii  bataillons  du  3^  corps» 
deux  du  4*^  et  deux  du  9**,  pour  la  garde  4e  la  tête  de  pont  et 
de  nie  de  Lobau.  Tous  les  corps  de  rarmée  étaient  formés  en 
masses  par  bataillons,  rartillerie  de  pétition  en  tête  et  l'artille- 
rie régimentaire  entre  les  bataillona. 

A  la  sortie  de  Ftle  de  Loban  s'étend  la  vaste  plaine  du  Uwfhr 
feld,  longue  de  dix  lieues  sur  quatre  à  cinq  de  largeur,  couverte 
de  grands  et  riches  villages.  Elle  est  bornée  au  sud  par  le  dernier 
brasdu  Danube,  au  nord  par  le  Russhacb,  ruisseau  bourbeux  qni 
vient  du  Mannhartsbei^ ,  se  Jette  dans  le  Danube  vis-4-vis  de 
Deutsch-Altenburg,  et  qui  est  encaissé  sur  sa  rive  gauche  parune 
chaîne  de  collines  ;  à  Festpar  la  Marché  ei  à  Tonest  par  la  hauteur 
du  Bisamberg»  dont  les  derniers  mamelons  unissent  àTembraii* 
chement  des  roules  de  Brïinn  et  de  Znaim.  Au  bord  ^u  Danube 
s'élèvent  les  villages  d^à  «ités  de  Gross-Enzersdorf,  d'EssIing , 
d'Aspem;  sur  le  Bussbach,  «eux  de  Markgrafen-Neusîedel , 
de  Baumersdorfy  et  le  bourg  de  Deatsch-Vi^agraro.  La  route 
de  PresbourgÀ  Vienne  passe  «u  milieu  de  la  plaine  à  travers 
Baschdorf  y  Breilenlee  et  Leopoidau,  où  elle  se  joint  au  chemin 
de  Deutsch-Wagram.  Entre  Leopoldau  et  Wagram  se  trpuvent 
Sûssenbrunn  et  Aderkiaa;  enfin,  au  pied  du  Bisamberg  est 
bâti  Stammersdorf. 

Eu  attendant  que  l'empereur  ait  développé  son  plan  de  ba- 
taille ,  l'archiduc  se  borna  à  diriger  sur  Rutzendorf  une  divi- 
sion composée  de  vingt-deux  escadrons  de  la  réserve  de  cavalerie 
au  soutien  du  générai  Nordmann;  le  reste  de  cette  cavalerie  lut 
réuni,  en  grande  partie,  à  Rascbdorf.  A  cinq  heures  et  dénia  du 
matin,  une  lettre  avait  été  adressée  à  l'archiduc  Jean  pour  l'ins- 
truire de  ce  qui  se  passait  dans  le  Marchfeld^  lui  prescrire  de  se 
mettre  en  marche  après  une  halte  de  trois  heures  à  Marchegg^ 
et  de  se  porter  par  ^chônfeld  pour  rejoindw  le  gros  de  l'armée 
à  Unter-Siebenhrunn. 
Vers  neuf  heures ,  rarchid«c ,  s'aperœvant  qu'Enaoersdorf 


GÙEBBB   D'ALLElfAO:fE.  911 

^talt  ibrtaiiait  metiaeé  par  Its  troupes  du  4'  corps,  «tiToya  une  i^gg 
eoloiiBe  au  secours  de  ee  poste*  Tandis  que  le  général  Mamlaa  Ai>ana8n«* 
coBtenaît  cette  colotine  avec  sa  cavalerie,  le  maréchal  Masséna 
fit  attaquer  Enzersdorf  par  le  46**  de  ligne  conduit  par  son  aide 
de  camp,  le  colonel  SiJnte-Croix.  Un  i)ataillon  du  régiment  de 
Bellegarde,  qui  défendait  cette  petite  ville,  fut  repoussé Jusqu^au 
diAtean.  Là,  sommé  de  se  rendre,  il  déposa  les  armes  pour 
éviter  d'être  enlevé  d*assaut.  Cette  troupe  8*élevait  à  400 
hommes. 

De  midi  à  une  heure  Tarmée  française  se  déploya  en  éven*  - 
tay  dans  Tordre  suivant  :  Davoust  vers  KûmmerleinadcMf ,  Ou- 
dlnot  à  sa  gauche ,  Masséna  dans  la  direction  de  Breltenlee  ; 
dans  rintervalle  laissé  par  ces  deux  derniers ,  les  troupes  du 
viee-roi,  et  plus  tard  le  corps  de  Bemadotte.  La  garde,  Mar 
mont  et  la  cavalerie  de  réserve  suivaient  à  quelque  distance, 
en  arrière  du  eentre. 

Oudlnot  fut  arrêté  longtempspar  le  général  Nordmann,  qui 
défendit  la  position  de  Rntzendorf  dans  htquelle  il  s*était  retiré 
après  avoir  été  chassé  de  Mùhlleiiten  par  les  voltigeurs  do  gé- 
néral Tharreau  ;  mais,  menacé  sur  ses  deux  flancs  par  Davoust 
et  la  division  Dupas,  do  9*  corps ,  il  fut  fbrcé  de  continuer  sa 
retraite  Jusqu'à  Markgralen-Neusiedel.  La  cavalerie  du  prince, 
de  Liechtenstein,  qui  avait  essayé  vainement  de  le  sopteoir,  se 
retira  également  dans  cette  direction  et  alla  se  placer  à  la  gau- 
che de  Famée.  Le  prince  de  Ponte-Corvo  trouva  à  Rascbdorf 
un  détachement  ennemi  composé  de  troupes  de  toutes  armes, 
qui,  après  quelque  résistance ,  fut  repoussé  de  ce  village  par 
le  6'  léger,  de  la  division  Dupas,  et  plus  tard  d'AderkIaa.  Le 
génécal  Klenau^  pris  en  flanc  par  le  doc  de  klvoK,  se  hâta 
d'évacuer  les  retranchements  entre  Gross-Aspem  et  Essiing, 
et  d'en  enlever  Tarflllerie.  Successivement  repoussé  de  Hirseh- 
atett  et  de  Kagaran,  il  se  retira  à  Stammersdorf^  où  il  ne  parvint 
qn'à  l'entrée  de  la  nnit 

Les  entonnes  françaises,  n'arrivèrent  qu'après  six  heures  du 
soir  en  fhee  de  l'armée  autrichienne.  Le  corps  du  maréchal  Da« 
vMsty  avec  les  divisions  de  dragons  Grouchy  et  Pully,  se  trou- 
vait entre  Grosshofen  et  GUnzendorf  ;  le  corps  du  général  Ou--: 
dinot,  avec  lea  neuf  baMUms  de  lu  divislen  Dupas,  en  faee 

14. 


212  .         LIVBB  SIXIBMV. 

.4800.     àt  BauimersdoFf ,  et  à  sa  gauche  trente-hnît  bataillons  et  yfngt 

Aïkncasoe.  esqadrpDS  de  Tarroée  dltalie  ;  le  corps  saxon  du  prince  de  Ponte- 

Corvo  en  avant  d'AderlLlaa;  celui  du  duc  de  Rivoli  entre  Breî- 

^eniee  et  Hirschstett  ;  la  garde,  les  cuirassiers  en  avant  de  Rasch> 

dorf,  .      • 

Le  corps  du  prince  de  Roseçberg  occupait  les  hauteurs  qui 
tordent  la  rive  gauche  du  Russbach ,  en  arrière  de  Markgra- 
fcn-Neusiedel;  Tavant^garde  du  général  Nordmann  se  trou- 
vait en  avant  de  ce  village.  Les  corps  du  prince  de  Hohenzol- 
lem  et  du  comte  de  Bell^arde  élaient  à  di'oite  du  prince  de 
Rosenberg,  le  dernier  s*étendant  jusqu'à  Deutsch-Wagram,  qui 
était  occupé ,  ainsi  que  Baumersdorf  et  Markgrafen-Neusiedel. 
A  rapproche  de  Tarmée  française,  un  combat  de  tirailleurs 
commença  entre  ces  deux  villages.  Le  prince  de  Liechtenstein 
avait  réuni  sa  réserve  de  cavalerie  À  droite  de  Wagram  et  établi 
les  grenadiers  du  général  d*Aspre  en  avant  de  SAuring.  Le 
corps  de  Koliowrath  campait  en  arrière  de  Hagenbrunn,  et  ce- 
lui de  KlenaUy  qui  continuait  son  mouvement  rétrograde,  n'ar- 
riva  que  plus  tard  à  hauteur  de  Stammersdorf.  Les  troupes  du 
prince  de  Reuss ,  dispersées  sur  le  Bisamberg  et  chargées  d'ob- 
server le  Danube ,  ne  prûrent  aucune  part  à  la  bataille. 

L'empereur  comprit,  au  premier  coup  d'œil ,  qu'en  perçant 
la  ligne  ennemie  entre  Wagram  et  Markgrafen-Neusiedel  il  ob- 
tiendrait un  avantage  décisif  sur  son  adversaire.  Le  moment 
était  d'autant  plus  favorable  qu'un  tiers  de  l'armée  autrichienne 
était  trop  éloigné  pour  prendre  part  au  combat.  En  conséquence, 
il  ordonna  à  sept  heures  du  soir  un  attaque  générale  contre  la 
ligne  ennemie  par  toutes  les  troupes  françaises  réunies  sur  ce 
point;  90,000  hommes  d'infanterie  et  environ  7,000  hommes  de 
cavalerie  se  trouvaient  alors  sous  sa  main ,  sans  compter  la  ré- 
serve établie  en  avant  de  Raschdorf.  Le  prince  de  Ponte-Gôrvo 
_eut  l'ordre  d'attaquer  Wagram;  le  général  Oudinot  fut  chargé 
de  Tattaque  de  la  position  au-dessus  de  Baumersdorf;  le  prince 
Eugène,  de  celle  qui  était  en  face  et  au-dessous  de  ce  village, 
et  le  maréchal  Davoust,  de  l'attaque  de  Markgrafen-Neusiedel. 

Mais  ces  quatre  attaques  se  firent  sans  ensemble  et  sans  di- 
rection supérieure;  chacun  agit  pour  son  compte.  Oudinot  aborda 
la  position  au-dessus  de  Baumersdorf  avec  la  division  Frère, 


GtJIBBE   D*ALLE1CAG1IB.  21^- 

suivie  des  divisions  Grandjeao  et  Tharreau,  (jui  se  portaient  snr      imo. 
raile  gaoche  da  »*  corps  antrichlen.  Sa  colonne  franchit  le  a^***"^"- 
Rttssl>ach  et  gravit  la  hautear  ;  mais,  vivement  repoussée  par 
le  comte  de  Bellegarde ,  elle  se  retirait  en  ordre ,  lorsque  le 
prince^  de  Hohenzollem ,  à  la  tète  de  six  escadrons ,  la  rejeta 
au  delà  du  RusslMch.  Presque  en  même  temps  les  divisions 
Dopas  et  Laroarque,  soutenues  par  vingt-trois  bataillons  des 
divisions  Seras  et  Durutte  et  seize  escadrons  du  général  Sahue, 
atteignirent  le  plateau  à  Fouestde  Bàumersdorf,  en  face  de  l'in- 
tervalle qui  séparait  les  1*^'  et  3^  corps  autrichiens.  Déployées 
rapidement,  ces  deux  divisions  commencèrent,  à  courte  distance, 
un  violent  feu  de  mousqueterie,  suivi  immédiatement  d'une 
attaque  à  la  baïonnette ,  au  moment  où  les  troupes  de  Seras  et 
de  Durutte  arrivaient.  Quelques  bataillons  de  l'aile  droite  de 
Hobenzollern  et  sept  i>ataillons  de  Taile  gauche  de  Bellegarde» 
repoussés  de  la  première  ligne,  tombèrent  sur  la  seconde  quils 
entraînèrent ,  et  les  vainqueurs,  continuant  d*avancer,  parvin- 
rent jusqu^au  delà  du  camp  ennemi.  L*archiduc  reconnaissant 
le  danger  accourut  sur  le  point  menacé  et  s'efforça  de  rallier 
les  fuyards.  Sa  présence  n*e<kt  peut-être  pas  suffi  pour  réta- 
blir Tordre  dans  cet  instant  de  crise  si  le  général  Sahuc  fbt 
arrivé  à  temps  avec  sa  cavalerie  ;  mais  les  hauteurs  peu  consi- 
dérables qui  formaient  la  position  étaient  tellement  escarpées 
que  cette  arme  et  Tartillerie  ne  pquvaient  les  gravir  qu*avec  len- 
teur. Le  régiment  d*Erbach ,  form^en  masses  par  divi^ions^ 
s'avança  alors  de  la  2*  ligne ,  rallia  les  bataillons  qui  venaient 
d^étre  culbutés,  et,  appuyées  par  les  six  escadrons  du  prince 
de  Hohenzollem,  ces  troupes  attaquèrent  rinf^nterie  victo- 
rieuse ,  qui,  prise  en  flanc  par  la  cavalerie  autrichienne,  fut  cul- 
butée sur  le  Russbach  ,  oti  elle  eût  été  détruite  en  partie  sans 
Tarrivée  de  la  division  Sahuc,  qui  arrêta  la  cavalerie  ennemie 
et  protégea  la  retraite  jusque  sur  la  rive  droite  du  ruisseau.  Le 
colonel  Huin,  du  1  S*  de  ligne,  fiit  tué  dans  cette  affaire,  et  les 
générifux  Grenier,  Seras  et  Vignoles  furent  blessés. 

L'attaque  dirigée  sur  Markgrafen-Neusiedel  par  le  maréchal 
Davoust  ne  réussit  pas  plus  que  celle  du  général  Oudinot  sur 
Baumersdorf.  Le  prince  de  Rosenberg  repoussa  d'abord  les 
divisions  Morand  et  Priant ,  et  ensuite  les  divisions  Gudin  et 


1 


314  UVBB  BlXlftlU. 

i$oa.  Puthod,  qui  avaient  travené  le  Russbaeh»  et  qiii,  à  la  mitt  loin* 
AiiemagM.  j^^^^^  bivoaaqoèrent  sur  la  rive  droite  en  ftîee  de  Neaeied^l.  . 
Ce  ne  fut  que  vers  neuf  heores  que  le  prlnee  de  P<M)le-Gorvo 
fit  attaquer  Wagram  par  onze  bataillona  saxons  ;  c*est^-dire 
ail  moment  où  le  combat  avait  cessé  sur  tous  les  autres  points 
du  champ  de  bataille  «  et  où ,  même  en  cas  de  succès,  ce  nia^ 
réchal  ne  pouvait  compter  sur  lua  résultat  avantageux.  La  oo- 
lonne  saxonne  était  disposée  en  édbueloos  par  régiments..  Les 
deux  premiers  échelons,  eondoits  par  le  général  Zeschau,  de 
ha  diwion  Polenti,  pénétrèrent  dans  le  village  malgré  un  feu 
violent  de  mitraille,  mais  ne  purent  arriver  jusqu'à  la  grande 
place,  qu'une  réserve  autrichienne  occupait  avec  quelques  pièces 
de  canon.  Assaillis  par  une  vive  fosiliade  qui  partait  des  mai- 
sons, le  désordre  se  mit  dans  les  rangs  saxons  et  fut  bientôt 
aoraru  par  rarrivée  do  troisième  échelon  qui,  à  rentrée  sud  du 
village,  commença  son  feu,  et  fit  croire  aux  deux  autres  quHls 
étaient  pris  à  dos  par  Teimemi  ;  les  troupes  du  comte  de  Belle^ 
garde,  profitant  de  cette  circonstance,  expulsèrent  le^  Saxons 
de  Wagram.  A  dix  heures,  ce  village,  déjà  en  flammes,  fut 
évacué,  et  une  retraite  confuse  ramena  les  troupes  dn  9*^  corps 
Jusqu'à  Aderklaa.  Le  prince  de  Ponte-Corvo,  éloigné  du  théâtre 
du  combat  qu'il  n'avait  pu  diriger,  connaissait  si  peu  l'état  des 
choses  qu*à  la  même  heure  il  envoyait  à  Deutsch-Wagram 
une  reconnaissance  de  cavalerie  pour  s'informer  si  ce  village 
était  an  pouvoir  des  Saxons  ou  entre  les  mains  de  Tennenii* 
Les  troupes  françaises ,  repoussées  dans  toutes  leurs  attaques 
sur  la  position  centrale  de  l'ennemi,  bivouaquèrent  :  le  3^  corps 
en  face  de  Markgrafen-Neusiedel,  à  hauteur  de  Glinsendoif , 
ayant  les  divisions  Morand  et  Priant  en  première  ligne,  Gudin 
et  Puthod  en  secondé,  et  la  cavalerie  à  droite;  l'armée  dltsiie 
derrière  le  Bussbach,  au<dessousde  Baumersdorf  ,  sur  deux  lignes, 
la  premièreà  une  demi-portée  de  canon  de  rennemi  ;  le  1 1*  corps 
entre  cette  armée  et  le  3^  ;  le  2^  corps  entre  Baumersdorf  et  Wa-^ 
gram  ;  le  9^  en  arrière  d' Aderklaa  ;  le  4'  à  Breitenlee  ;  la  garde 
impériale  et  les  Bavarois  du  comte  de  Wrede,  qui  marchaient 
avec  elle,  ainsi  que  le  quartier  général,  entre  Grosshofen  et 
Baschdorf  ;  la  réserve  de  cavalerie  en  arrière  du  quartier  iBi« 
périal. 


GUBBBC  b^ALLSIlAGNE.  2l5 

Do  oôlé  de  l'eniienii  le  eorps  de  Klenao  campait  sur  les  hau-  tiK^^. 
d«  Staimneradorf,  appuyant  sa  galichê  'à  6ehi8dorf;  la  ^*'**"*8n«. 
féeenre  de  cavalerie  entre  ce  dernier  poînt  et  Wâgram  .Xes  corps 
de  Bellègarde ,  de  Hobenzollern  et  de  Bosenbèrg  s'éttendaient 
de  Wagram  à  Markgrafen-Neusiedel ,  derrière  le  Itnssbach  ; 
les  grenadiers  da  générai  d'Aspre  étaient  à  Sânring;  le  corps 
de  Kollovrath  était  h  Bagentnrunn,  et  celui  du  prince  de  Reuss 
dans  sa  position  du  Bisamberg,  pour  observer  le  bàmibe  depofs 
lediersdorf  am  Spitz  jnsqn^à  KreroS  '  • 

Les  éténements  de  ce  jour  avalent  donné  à  rarchidac  Tes- 
poir  de  remporter  Té  lendemain  une  victoire  signalée,  si,  en  réu- 
nissant toutes  ses  forces  disponibles ,  il  parvenait  à  enlever  1*1- 
nitiative  à  son  adversaire.  D'après  les  ordres  ddniiés  a  minuit, 
de  Deutscb-Wagram ,  il  était  prescrit  :  au  général  Klenau, 
de  se  porter  immédiatement  à  la  rive  gauche  du  Danube  et  de 
se  lifr  étroitement  au  comte  Kollowrath,  qui  avait  i*ordre  de 
marcher  dans  la  direction  de  Breitenlee  après  avoir  laissé  une 
brigade  sur  les  hauteurs  deStammersdorf  ;  au  général  d^Aspre, 
de  se  lier  étroitement  à  la  gauche  du  3*^  corps  et  de  prendre  avec 
ses  grenadiers  la  direction  de  Sûssenbrunn  ;  au  prince  dcLiech- 
tenstein,  de  se  tenir,  avec  la  cavalerie  de  réserve,  A  hauteur 
du  général  d*Aspre  et  du  comte  de  Bellègarde,  qui  devait  atta- 
quer Aderkiaa  à  quatre  heures;  au  prince  de  Hoheuzollern ,  de 
défendre  la  position  en  arrière  du  Russbach'  et  de  passer  ce 
ruisseau  pour  se  lier  au  l^  corps  si  celui-cf  gagnait  du  terrain^ 
enfin,  au  prince  de  Rosenberg,  de  se  porter,  pendant  Tatta- 
que  d'AderkIaa,  contre Taile  droite  de  Tarmée  française,  tan- 
dis que  l'archiduc  Jean  l'attaquerait  à  dos.  Le  mouvement  de 
Kollowrath  devait  commencer  à  une  heure  du  matin  ,  et  celui 
des  grenadiers  deux  heures  plus  tard.  En  conséquence  de  ces- 
dispositions  ,  Tarchiduc  Jean  reçut  à  cinq  heures  du  matin  Tor- 
dre de  ne  pas  s'arrêter  a  Marchegg,  et  de  marcher  sans  retard 
à  Loibersdorf  par  Unter-Siebenbrunn  ;  en  même  temps  deux 
bataillons  du  corps  de  Roseni)erg  furent  dirigés  sur  Marchegg 

■  La  jouriK'e  que  nom  venons  de  décrire  a  reçu,  di|B&  quelques  rela- 
tions, le  nom  de  àaiaille  tFEnsersdorf;  mais  les  engagements  du  &  juiiiet 
n'étaient  réellement  que  le  prélude  de  la  grande  bataille  qui  fat  livrée  le 
lendemain. 


1 


216  UVAB  SIXlBHt. 

1800.  et  Schlossdorf.  Ainsi  le  projet  de  l'archidac  Charles  était  d*atta- 
AUemagne.  ^^  simuitaoémcnt  les  ailes  de  l*année  française»  dlnteroepter 
ses  communications  avec  les  ponts,  et  de  pousser  sur  cette  ar- 
mée son  centre  à  mesure  que  ses  ailes  feraient  des  progrès.  On 
va  voir  comment  ces  combinaisons  écliouèrent  devant  les  dispos 
sitions  prises  par  Tempereur. 

BiUaille  de  Wagram.  —  Napoléon  avait  employé  une  partie 
de  la  nuit  à  rassembler  nue  forte  masse  en  face  du  centre  de 
la  ligne  ennemie,  à  une  portée  de  canon  du  village  de  Wagram. 
Lo  maréclial  Masséoa  devait  marcher  sur  AderlLlaa  à  l*aube  du 
Jour,  en  laissant  sur  Gross-Aspem  la  division  du  générai  Boudet 
pour  protéger  les  ponts,  avec  ordre  de  se  replier,  au  besoin,  sur 
nie  de  Lobau;  le  maréchal  Davoust  dut  dépasser  le  village  de 
Grosshofen  pour  se  rapprocher  du  centre  français.  D*après  les 
mouvements  de  la  veille  »  Tarcbiduc  avait  au  contraire  dégarni 
son  centre  pour  renforcer  ses  ailes»  auxquelles  11  donnait  en- 
core une  plus  grande  étendue.  La  droite  de  la  ligue  ^nemie» 
sur  le  front  de  laquelle  on  avait  commencé  à  élever  de  nouvel- 
les redoutes,  appuyée  au  Danube,  s*étendait  de  Stadelau  à 
Gerasdorf,  le  centre  à  Wagram ,  et  la  gauche  depuis  ce  dernier 
village  jusqu^à  celui  de  Markgrafen-Neusiedel. 

A  la  pointe  du  jour  Tarmée  française  prit  les  armes  et  se 
rangea  en  bataille  ;  le  prince  de  Ponte-Gorvo  et  le  maréchal 
Masséna  tenant  la  gauche  ;  le  prince  Eugène  au  centre,  avec  les 
troupes  de  Tarmée  d*ltalle»  renforcées  de  la  division  Broussier^ 
qui  arrivait  à  Tinstant  de  Ttle  de  Lobau  ;  le  corps  de  Dalmatie , 
commandé  par  le  général  Marmont;  celui  du  général  Oudinot; 
derrière  ces  corps»  la  garde  impériale  et  les  divisions  de  grosse 
cavalerie,  disposées  sur  plusieurs  lignes  ;  enfin  le  corps  du  ma- 
réchal Davoust  formait  la  droite. 

Le  terrain  sur  lequel  les  deux  armées  se  trouvaient  en  pré- 
sence avait  deux  lieues  d'étendue.  Les  troupes  les  plus  rappro- 
chées du  Danube  n'étaient  qu^à  douze  cents  toises  de  la  ville 
de  Vienne ,  de  sorte  que  la  nombreuse  population  de  cette  ca- 
pitale, couvrant  les  tours,  les  clochers,  les  toits  des  maisons 
les  plus  élevées  »  et  dominant  ainsi  toute  la  plaine  d'Enzersdorf, 
allait  assister  au  spectacle  imposant  et  terrible  qui  se  prépa- 
rait, et  juger  par  ses  propres  yeux  si  les  défenseurs  de  la  monar- 


T^me  to  J'tu^  Mt^ 


GUEBIB   D  ALLEMAGNE.  217 

chte  antrieUemie  étaient  dignes  de  la  cause  confiée  à  leor  valeur,      isos. 

La  canonnade  s'engagea  sar  les  deux  lignes  an  lever  du  ^^'^°'*s^* 
soleil.  A  quatre  heures,  la  gauche  de  Tarmée  autrichienne» 
sous  les  ordres  du  prince  de  Rosenberg,  déboucha  de  Markgra- 
fen-Neusiedel ,  pendant  que  la  droite  «  composée  des  corps  des 
généraux  Belle^irde,  Kollowrath,  Liechstenstein  et  Klenau» 
commençait  son  mouvement  sur  Aderkiaa,  Breitenlee  et  Sùsseu- 
bronn,  pour  déborder  la  gauche  de  l'armée  française,  et  que  le 
prince  de  Hohenzollern,  dont  le  corps  formait  seul  le  centre 
ennehil,  restait  dans  .sa  position  à  Wagram.  LUnfanterie  de 
Rosenberg,  (brmée  sur  deux  colonnes,  s'avançait  dans  la  direc- 
tion de  Grosshofen  et  de  (rlinzendorf ,  sa  gauche  protégée  par 
une  colonne  de  cavalerie.  Le  maréchal  Davoust»  qui  commençait 
alors  son  mouvement  pour  se  rapprocher  du  centre,  comme  il 
en  avait  Tordre,  s'arrêta  et  dirigea  la  division  Gnùm  sur  Loi- 
bersdorf,  pensant  que  cette  attaque  était  combinée  avec  celle 
d'un  corps  de  troupes  venant  de  Presburg  pour  tomber  sur  son 
flanc  droit.  L'empereur  le  crut  aussi  et  accourut,  aux  premiers 
coups  de  canon,  avec  la  garde,  les  cuirassiers  de  Nansouty  et 
ceux  du  général  Arrighi,  duc  de  Padoue  ',  qui  arrêtèrent  la 
marche  des  Autrichiens.  De  son  côté,  l'arcbiduc,  apprenant  que 
les  corps  de  sa  droite  ne  pouvaient  entrer  en  ligne  que  plus  tard, 
envoya  an  prince  de  Roscnberg  l'ordre  de  suspendre  son  mou* 
▼ement.  Ce  prince,  sans  s'engager  plus  avant,  s'empressa  de 
retourner  dans  sa  première  position ,  vivement  ramené  par  les 
trou{^  du  S*  corps,  et  après  avoir  éprouvé  une  perte  assez  con- 
sidérable par  le  feu  de  rartillerie.  Rassuré  sur  ce  point,  où  il 
n'y  avait  plus  de  danger  à  redouter,  l'empereur  renvoya  la 
garde  à  Rascbdorf  et  se  porta  à  Taiie  gauche  avec  la  division 
Nansouty.  Il  arriva  à  neuf  heures  devant  Aderklaa. 

Pendant  que  ceci  se  passait  à  l'aile  droite  française,  le  1*^ 
corps  autrichien ,  qui  s'était  ébranlé  à  l'heure  prescrite,  avait 
trouvé  Aderklaa  évacué  par  les  Saxons,  qui  se  replièrent  à  l'ap- 
proche de  i'avant-garde  du  général  Stutterhelm.  Maître  de  ses 
mouvements  après  l'occupation  de  ce  poste,  Bellegarde  s'était 
déployé  sur  deux  lignes  entre  Aderklaa  et  Deutsch- Wagram. 

'  !«  duc  de  Padoue  avait  remplacé  le  gt^ral  d'Espagne. 


1 


218  Lf\ÉB  9»ltal. 

IS09.     Le  maréchat  BernadoMe»  peu  sÉr  ëe  ses  ti^vpu^  s^élBil  re- 
AUemagiic.  |j^  TotontairenaeBt  à  douze  ceat»  ptt.  FM  tard ,  ke  diiviaiaiis 
Mofttor  et  Carra  Saint-Cyr,  do  eorpe  du  inaréehfal  MâsaéB* , 
proloDgèrcnt  At  gauche  datw  la  àtrH^km  un  D^iibe. 

L<f8  circoiistanee&  seiâblaieiil  alors  ètra  ftirorablcs  à  Farmée 
française  ;  car,  ail  elle  enlevait  Aderkiaa»  efie  perçait  ao  oeBlire 
la  ligne  autricfaienne,  qui  avait  pKia  de  den  Heaes  d*étoiid«e» 
sans  que  cette  ligne  puisse  é^re  rétablie  aptes  la  défedte  du  corps 
isolé  de  Beltegarde ,  et  une  éclatante  vidoite  était  presque  cer- 
taine. Il  importait  donc  de  profiter  sans  retard  de  Foccasioa 
qui  s'offrait  ;  c*est  aussi  ce  que  fit  l'empereur  en  ordonnant 
aux  maréchaux  Bernadette  et  Masaéna  de  reprendre  AderlLlaK. 
Les  troupes  saxonnes ,  encore  sous  rfmpresskm  du  combat  de 
fa  veille,  ne  pouvaient  être  d'un  gHHid  seeoars;  elles  prirent 
néanmoins  part  à  l'attaque  ;  mais  la  principale  impulsion  fut 
donnée  par  la  division  Carra  Saint-Cyr.  Le  24^  régiment  d'in- 
fanterie légère  et  le  4^  de  ligne,  suivis  du  46*,  pénètrent  dans  le 
village,  sous  une  grêle  de  mitraille,  s'en  emparent  et  rejettent 
en  désordre  les  premiers  bataillons  ennemis,  qu'ils  poursuivent 
Jusqu'à  leur  seconde  ligne.  C'était  le  moment  de  mettre  à  pro- 
fit ce  premier  succès  en  agissant  promptement  et  avec  vigueur, 
si  ia  cavalerie  française  ett  étéen  mesure  de  prendre  part  à  l'ac- 
tion ;  an  lieu  de  cela  on  s'arrête,  on  tergiverse,  on  donne  le  terapa 
d'arriver  aux  premiers' bataillons  de  grenadiers,  flanqués  par  la 
réserve  du  prince  de  Liechtenstein ,  et  une  vigoureuse  attaque 
de  ces  troupes  d'élite  arrache  Aderkiaa  aux  régiments  fradçai». 
La  division  Carra  Saint-Cyr  avait  perdu  presque  un  tiers 
de  son  effectif  dans  cette  affaire,  oii  les  24^  et  4*  régiments  lais- 
sèrent leurs  aigles.  Elle  fét  remplacée  par  la  divialcm  du  géné- 
ral Molitor,  qui  fit  attaquer  le  village  par  les  2®,  16*  et  67^ 
régiments.  Ces  troupes  s'en  emparèrent  et  s'y  maintinrent  Jus- 
qu'au moment  où  elles  reçurent  Tonlre  de  l'évacuer  pour  être 
employées  ailleurs.  La  combinaison  avait  complètement  échoué, 
et  l'archiduc  resta  maître  de  ce  poste  important,  en  avant  du- 
quel il  forma  sa  ligne  et  dont  il  confia  la  défense  à  i'arehlduc 
Louis  avec  deux  brigades  de  grenadier».  Les  denx  autres  bri- 
gades, établies  dans  la  direction  de  Sùssenbrunn,  convergèrent 
à  gauche  pour  entrer  en  Kgne  à  Breitenlee^  où  le  corps  deKol- 


ODEBBB  D*1LLUIA6NË.  219 

kywrtifc  appuya  «m  aile  gauche.  Le  comte  Klenaii  se  porta  daos  im. 
Itotarralle  de  ce  village  et  de  Grosa-Aspeni,  après  avoir  firît  ^"«^S"<^* 
repousser  par  son  avantrf;arde  la  divkloii  Boodet,  laissée  sur 
ce  point  par  le  maréchal  Masséna,  et  avoir  oœapé  Essllng,  ainsi 
que  les  letmncbementa  élevés  à  proximité.  Le  général  Boudet, 
attaqné  par  des  farces  supérleores,  avait  été  refoulé  sur  la  tête 
de  pont  avec  perte  de  dix  pièces  de  canon. 

D'après  les  dispositions  prisas  par  l'ardildac,  fl  éUtt  évident 
qtt*il  se  propooait  de  resserrer  Farmée  françatoe  oontre  le  Rnss* 
baeh  et  de  Tiaoler  de  ses  ponts.  Four  atteindre  ce  bat  il  avait 
disposé  7S«000  hommes  sur  nne  ligne  de  plus  de  dooie  mille  pas 
qui  s'étendait  de  Wagram  à  Gross- Aspem ,  mais  sans  réserves, 
et  séparée  de  plnsd*one  dcmi-liene  des  60»000  hommes  des  corps 
de  Hohenaollem  et  de  Rosenberg,  restés  derrière  le  Rosshacfa. 
Il  est  inutile  defiiire  remarquer  les  Inconvénients  d*an  pareil  or- 
dre de  bataille,  que  Tempereor  fit  bient6t  tourner  à  son  avantage. 

Après  avoir  prescrit  au  maréchal  Masséna  d*Kttirer  l'attention 
de  rextrème  droite  de  Tennemi  en  faisant  un  à  gauche  et  en 
ss  dirigeant  sur  Gross-Aspem,  tandis  que  les  réserves  aborde- 
ndent  la  position  entre  Wagram  et  Aderkiaa ,  et  de  reprendre 
hrasqnenient  roffensive  lorsque  le  coup  dédsif  serait  port^  con- 
tre le  centre  de  la  ligne  autrichleone,  Tempereur  retourna  h 
Wagram,  d'où  il  envoya  l'ordre  à  Maedonald  de  fiiire  demi-tour 
avec  ses  trois  divisions  et  de  marcher  sur  Sûssenbrunn  y  et  au 
viee^rst  de  soutenir  ce  mouvement  avec  le  reste  de  l'armée  d*I-> 
talle.  Il  fat  en  même  temps  prescrit  au  maréchal  Davoust  d^en- 
lever  Marfcgraflsn-Nensiedel,  dont  la  prise  devait  servir  de  si- 
gnal à  l'attaqué  décisive  entre  Wagram  et  Aderkhia.  La  garde, 
qnl  avait  reçu  l'ordre  de  partir  de  Baschdorf  et  de  venir  se  pla- 
cer derrière  l'armée  d'Italie,  arriva  précédée  de  soixante  bouches 
à  fea  de  S  et  de  t2,  qni  furent  bientôt  augmentées  de  vingt- 
quatre  autres  pièces  appartenant  à  l'armée  du  vice-roi. 

Pour  gagner  du  tunps  et  élargir  le  champ  de  bataille,  le  ma- 
raebal  Bessièrea,  saos> attendre  la  cavalerie  de  la  garde,  s^était 
porté  en  avant  avec  les  cuirassiers  de  Nansouty ,  et  avait  atta- 
qné»  à  phuicnm  rsprises,  le  corps  des  grenadiers  autrichiens; 
aucune  de  ses  charg»  ne  réussit  ;  il  fut  renversé  sous  son  cheval 
frappé  d'un  boulet,  et  on  le  crut  mort  ;  toutefois  le  but  de  cette 


l 


330  LIVmB  SIXIÈMS. 

iflog.     attaque  était  atteint  ;  et^  aussitôt  qoe  la  grande  batterie  Ait  1 
Allemagne.  ^^  ^^^  |^  ordres  du  géiiéral  Lanriston,  la  cavalerie  se  relira 
sur  les  deux  ailes  de  rinfanterie. 

Pendant  que  rempereur  faisait  ses  dispositions  d'attaque  con- 
tre le  centre  de  la  ligne  ennemie ,  le  maréchal  Davoust  se  met- 
tait en  mesure  d*enlever  la  position  do  Russbadi,  défendue  par 
ie  prince  de  Rosenberg  et  protégée  par  cinquante  pièces  decawyn 
en  batterie.  L'infanterie  autrichienne ,  formée  en  masse  par  ba- 
taillons, couronnait  le  plateau  qui  s*élève  sur  la  rive  gauche  du 
Russbach  entre  Wagram  et-Markgrafen-Neusiedel;  la  cavalerie 
était  en  majeure  partie  en  seconde  ligne;  le  reste  occupait  le 
pied  des  hauteurs.  L*infiinterie  française,  disposée  sur  deux  li- 
gnes à  la  rive  droite  et  en  face  du  ruisseau,  occupait  là  gauche , 
la  cavalerie,  la  droite,  dans  la  direction  de  Loibersdoif.  Gelle-d 
passa  sur  la  rive  gauche  dès  le  matin,  replia  quelques  escadrons 
ennemis  postés  en  avant  d*Ober-Siebenbronn,  et  occupa  tout 
l'espace  compris  entre  ce  village  et  Markgrafen-Neusiedel. 
Les  quatre  divisions  passèrent  ensuite,  chacune  devant  son 
front  :  celles  des  généraux  Morand  et  Priant  à  droite;  celles  des 
généraux  Gudin  et  Pothod,  devant  le  front  de  la  position.  Les 
ûeax  premières,  protégées  par  leur  artillerie  et  soutenues  par  les 
cuirassiers  du  duc  de  Padoue  et  les  dragons  du  général  Grouchy, 
parvinrent  jusqu'au  pied  des  hauteurs,  sur  le  flanc  gauche  des 
ouvrages  élevés  en  avant  de  la  tour  de  Neusiedel.  En  arrivant, 
le  général  Morand  gravit  la  colline  et  aborde  ces  retranchements  ; 
repoussé  d'abord  par  une  vive  fusillade»  il  revient  à  la  chai^ie, 
appuyé  par  une  brigade  de  la  division  Priant,  et  s* empare  des 
ouvrages.  Le  général  autrichien  Veczey  fut  blessé  mortdlement 
dans  cette  deuxième  attaque.  De  son  c6té  le  général  Priant» 
qui  avait  disposé  ses  troupes  en  échelons  par  bataillons,  ayant 
à  gauche  l'artillerie  de  sa  division,  renforcéede  sept  pièces  de  l!r 
que  l'empereur  venait  d'envoyer  au  3*  corps,  s'avance  au  pas 
de  charge  contre  les  Autrichiens  qui  occupent  la  crête  des  Jmo- 
teurs,  les  culbute,  et,  en  quelques  minutes,  couronne  ces  hau» 
teurs  ' .  Tourné  ainsi  sur  son  aile  gauche,  le  prince  de  Rosenberg 
y  disposa  en  crochet  sept  bataillons  et  douze  escadrons.  Plus^ 

*  Ce  l)eau  mouvement  appartient  au  général  Priant  senl ,  et  lui  valut  Isr 
éloges  de  l'empeFenr. 


GUBBBB  D*ALLBMâGNB»  22f 

tard  le  reste  de  la  caTalerf  e,  qui  s'était  mainteno  au  pied  du  pla-      ims. 
teaa,  se  retira  à  la  gauehe  de  ees  troupes. 

Le  maréchal  dirigea  lui-mèrae  l'attaque  de  firent  avec  les  dl- 
YlsIoDsGudin  et  Puthod,  qui  enlevèrent  Neusiedel.  Le  prince  de 
Hobenzollera,  que,  Jusque-là,  le  général  Oudinot  s'était  borné 
à  canonner  vigoureusement,  détacha  au  secoursde  Rosenberg  un 
renfort  de  cinq  batidllons  et  quatre  escadrons.  A  ce  moment  les 
Autrichiens  occupaient  encore  la  colline  en  arrière  du  village; 
le  maréchal ,  à  la  tète  des  deux  dernières  divisions,  gravit  Tes- 
carpementet  mit  en  désordre  ces  troupes,  que  la  brigade  Rey- 
naud,  de  la  division  dudue  de  Padoue,  reçut  Tordre  de  charger  ; 
mais  Rosenberg  fit  avancer  deux  carrés  qui  repoussèrent  l'at- 
taque des  cuirassiers.  Cependant  les  divisions  Morand  et  Priant 
s'avançaient  sur  les  derrières.de  Fennemi ,  tandis  que  les  esca- 
drons de  Montbrun  et  de  Grouchy  faisaient  replier  la  cavalerie 
du  général  Wartensleben  et  du  prince  de  Gobourg.  Quelques 
pièces  établies  sur  la  hauteur,  près  de  la  tour  de  Neusiedel , 
prolongeant  dans  toute  sa  longueur  la  ligne  autrichienne,  les 
troupes  de  Rosenberg ,  menacées  d'une  nouvelle  attaque  par  la 
division  Priant,  évacuèrent  la  position  qu'elles  venaient  de 
défendre  avec  tant  d'opiniâtreté;  leur  retraite  commença  vers 
midi  ;  car  ce  fût  le  feu  de  la  colonne  qui  tournait  l'aile  gauche 
de  l'armée  autrichienne  qui  donna  le  signal  de  la  grande  attaque 
sur  son  centre.  Le  général  Gudin,  du  côté  des  Français,  les  gé- 
néraux Mayer  et  Nordmann,  du  côté  des  Autrichiens,  furent 
mis  hors  de  combat;  le  dernier  mourut  de  ses  blessures.  Le 
feld-maréchal  Nordmann,  que  ses  talents  et  sa  bravoure  signa- 
laient dans  l'armée  autrichienne,  était  né  en  Alsace,  et  avait  été, 
Jusqu'en  1792,  au  service  de  Prance.  Il  rendit  le  dernier  soupir 
au  milieu  de  ses  compatriotes,  qui  honoraient  sa  valeur. 

Suivant  ce  que  lui  avait  prescrit  TempereiH*,  le  maréchal 
Masséna  marcha  à  gauche,  longea  Neue-WirtlishAus  et  Esslin- 
ger-Hof ,  précédé  par  sa  cavalerie  l^re  et  flanqué  par  les  cui- 
rassiers du  général  Saint-Sulpice.  Dans  cette  marche  de  flanc, 
le  V  corps,  arrêté  à  chaque  instant  par  la  cavalerie  du  prince 
de  Liechtenstein,  à  laquelle  il  opposait  ses  carrés ,  et  sillonné 
parles  boulets  ennemis,  flt  des  pertes  énormes.  Arrivé  au  delà 
de  Rreltenlee,  le  maréchal  trouva  devant  lui  une  masse  de  plus 


1 


223  uvBi  sixjkm. 

fM9.  ^  se,000  hmnmet  qui  le  séparait  do  DtMbe»  et  il  apprit  cd 
AïknagB*.  iD^nae  temps  Téchec  éproaTé  par  le  générai  Bondet,  qui  venait 
d*6tre  refoulé  dans  la  tète  de  pont.  Il  dépéclie  aussitôt  un  aide 
de  eamp  vers  Tempereur  p<Hir  loi  faire  connaître  les  jNrogrëa 
de  rennemi  et  pour  lui  demander  des  ordres.  Cet  oCflciertrottvo 
Napoléon  en  observation  près  du  corps  de  Maodooald.  «r  Sire, 
or  lui  dit-il ,  le  due  de  Rivoli  me  charge  d'annonoer  à  Votre 
a  Majesté  que  Fennemi  a  fiait  de  grands  progrès  sur  notre  gau* 
c(  che,  rejeté  la  division  Boudet  dans  la  tète  de  pont  et  pris 
cr  son  artillerie,  a 

L'empereur,  les  yeux  flicésvers  la  drc^te,  ne  répondit  rien* 
L*officier  étonné  ajouta  :  «r  Sire,  la  forte  canonnade  que  vous  ei^ 
«tendez  part  de  nie  de  Lobau...  La  tète  de  pont  est  en  danger... 
«  Des  masses  innombrables  s'interposent  entre  elle  et  le  4^  corps  ; 
or  nos  derrières  sont  menacés...  »  L'empereur  continua  à  garder 
le  silence.  Les  généraux  de  sa  suite  se  regardent  et  partagent 
rétonnement  de  Taide  de  camp.  Tout  à  coup  Napoléon  se  tour- 
nant vers  celui-ci  :  a  Tout  cela  n*est  qu'un  vain  bruit»  dlt-il  ;  la 
((  bataille  est  gagnée  ;  courea  l'annoncer  au  due  de  Rivoli  ;  ditea- 
a  lui  que  la  perte  deVartillerie  de  Boudet  n'est  rien,  e(  que, 
«  sans  s'en  inquiéter,  il  fasse  un  à  droite  et  poursuive  le  pk» 
«r  loin  possible  les  troupes  placées  devant  lui;  Je  vais  idr» 
<i  frapper  le  coup  décisif*,  i» 

Il  était  midi.  L'empereur  venait  d'apercevoir  que  les  feux  de 
Davoust  avaient  dépassé  Neusiedel,  et  que  l'aile  gaudie  de  l'ar- 
chiduc était  tournée.  Aussitôt  il  donna  Perdre  à  Maodonald  de 
se  porter  en  avant. 

Ce  général  avait  déployé  huit  bataittons  des  divisions  Brous- 
sîer  et  Lamarque,  soutenus  sur  les  ailes  par  huit  autres  baball- 
loDS  en  colonne  par  division.  La  division  Seras  suivait  à  dis- 
tance en  réserve ,  flanquée  à  gauche  par  quatre  escadrons  de 
cuirassiers.  Cette  colonne  prit  la  direction  de  Téglise  de  Sûssen- 
brunn  et  arriva  au  milieu  de  la  plaine,  criblée  par  les  feux 
croisés  des  batteries  de  Koliowrath  et  du  prince  de  Liechten- 
stein. Cependant  elle  avançait  toujours  sans  être  rompue,  quoi- 
que battue  en  tous  sens  par  l'artillerie  de  Beliegavde,  et  la  ^rèle 

*  Ménoin»  de  Maména,  par  la  général  Kocb,  fecM  VI,  p.  323. 


GOBBBB  D*ALLIIfAOKB.  S2S 

de  prejeckileB  cpii  tonteit  nr  cette  sorte  de  carré  ne  ralentiisait  «gog. 
pas  m  marctie.  Cependant,  menacé  d*ètre  pris  en  écharpe  mf  ^'i^nHM- 
seedeox  flaocs,  Maodnnald  appelle  à  lui  la  division  Seras,  cott-« 
diiite  par  le  général  de  brigade  Moi«a«,  loi  ftiit  former  la  qua- 
tri^me  flae  dn  carte,  et  rspoosse  par  an  videat  fco  de  nioiia<- 
t  tovies  les  sttaqnes  de  Tinâmterie  et  de  la  cavalerie 
Dana  os  moment  le  général  Wokassowich^  Tan  dca 
plus  vaillants  généraux  de  l'armée  autrichienne»  fat  taé  à  la 
tète  dB  trois  bataillons  de  grenadiers  qui  chargeaient  la  gauche 
dn  carré.  La  colonne  française  était  arrivée  à  mille  toises  de 
Sûssenbnmn,  quand  Macdonald,  s'aperoevant  que  de  7,5oo 
hommes  elle  était  réduite  à  moins  de  3,000,  fut  forcé  de  s'arrê- 
ter, en  se  couvrant  de  sa  cavalerie,  et  de  demander  du  secours 
à  l'empereur. 

Pendant  ce  temps,  le  maréchal  Davoust ,  maître  de  Mark- 
grafen-NeusIedel,  prenait  à  revers  le  corps  de  Rosenberg  et  le 
forçait  de  se  retirer  vers  Bockflùss,  taudis  que  le  général  Ou- 
dinot,  qui  avait  passé  le  Russbach  à  Baumersdorf,  attaquait  le 
prince  de  Hobensollera,  emportait  le  village  de'  Wagram,  sur 
lequel ee  prince  s'était  replié,  et  le  forçait  à  suivre  le  mouvement 
de  retraite  de  Rosenberg,  avec  perte  de  800  prisonniers,  d'un 
dnsfma  et  de  plusieurs  pièces  de  canon.  De  son  côté  le  prince 
Eugène,  suivant  le  mouvement  des  trois  divisiims  Broussier, 
Laeuurque  et  Seras,  venait  4'ordonner  au  général  Durutte  de 
se  porter  rapidement  sur  la  gauche  PQur  arrêter  la  marche  d'une 
col(MAne  qui  pen^^salt.  menacer  le  flanc  du  général  Macdonald , 
et  au  général  Pacthod  d'occuper  les  hauteurs  de  Baumersdorf, 
que  l'ennemi  évacuait  en  ce  moment  pour  éviter  d'être  tourné 
par  les  troupes  du  maréchal  Davoust 

^u  même  temp«  la  grande  batterie  dirigée  par  le  général 
LauristoQ  sur  une  partie  de  la  droite  de  Tennemi  semait  la 
mort  dans  «es  rangs  et  réduisait  son  artillerie  au  sUenee;  mais 
les  diversionS'Opérées  sur  les  deux  flancs  de  la  colonne  de  Mae- 
donald  ne  remplissant  qu'imparfaitement  leur  <rf>jet,  l'empereur 
fit  avance!  la  dlvisiop  du  comte  de  Wrede  avec  24  bouches  à 
feu  et  la  cavalerie,  les  fusiliers  et  les  tirailleurs  de  la  garde,  ee«^ 
mandés  par  le  généraux  Walther  et  Reille. 

Ainsi  renfoteé,  et  flanqué  sur  sa  droite  par  la  cavalerie  de  h 


1 


231  UTSB    SlXIÙiS. 

1800.  garde  et  sup  sa  gauche  par  les  escadrons  saxons  eondoits  par  le 
Allemagne,  g^^f^i  Gérard,  Maodonald  se  porta  sur  le  Tiliage  deSûsae»- 
bnin»  où  Tennemi  paraissait  vouloir  tcair.  Le  général  Gérard 
eut  ordre  de  tourner  ta  droite  de  ce  village,  tandis  que  les  trois 
divisions  Broussier,  Seras  et  Lamarque  attaqueraient  de  front; 
mais  les  Autrichiens  n'attendirent  point  le  choe  des  colonnes 
françaises  et  se  replièrent  sur  Gerasdorf,  qui,  comme  point  in- 
termédiaire du  centre  et  de  Talle  droite  de  la  ligne  ennemie , 
était  retranché  et  hérissé  d'artillerie.  Ge  village  se  trouvait  en 
outre  protégé  par  les  hauteurs  dites  du  R^ndes-vous,  que  Ten- 
nemi  occupait  eu  force  avec  de  l'artillerie  de  position. 

Gerasdorf  fut  attaqué  et  défendu  avec  une  égale  résolution  ; 
pendant  plus  d'une  heure  l'avantage  resta  indécis  ;  mais  une 
dernière  charge  des  Français  triompha  de  la  longue  et  opiniâtre 
résistance  de  leurs  adversaires;  les  bataillons  ennemis,  ébranlés, 
mais  non  entièrement  rompus ,  cédèrent,  et  le  village  fut  oc* 
eupé  par  les  vainqueurs.  Les  chevau-légers  polonais  et  les  chas- 
seurs de  la  garde  s'élancèrent  à  la  poursuite  de  l'Infanterie  au- 
trichienne, et  essayèrent,  mais  en  vain,  d'en  disperser  la  masse. 
Trois  fois  ces  intrépides  escadrons  chargèrent  les  carrés  en- 
nemis, et  trois  fois  ils  furent  ramenés  sur  l'infanterie  française^ 
Les  Autrichiens  se  repliaient ,  mais  avec  gloiro  et  d'une  ma- 
nière digne  des  vaillantes  troupes  qui  leseontraignaient  àce  mou- 
vement. Le  corps  de  Bellegarde  se  retira  sur  Hagenbrunn,  tandis 
que  Macdonald  s'établissait  sur  la  route  de  Brûnn. 

Le  village  de  Gerasdorf  étant  enlevé ,  le  centre  ennemi  ne 
dut  plus  songer  qu'à  assurer  sa  retraite.  Déjà  son  aile  gauche 
s'était  entièrement  repliée  devant  les  corps  du  maréchal  Davoust 
et  du  général  Oudinot,  et  l'aile  droite,  après  s'être  longtemps 
maintenue  contre  le  maréchal  Masséna,  qui,  vers  une  heure, 
avait  repris  le  village  de  Gross-Aspern,  et  n'étant  plus  appuyée 
par  le  centre  et  se  trouvant  en  l'air,  s'était  repliée  dans  la  direc- 
tion de  Leopoldau.  Le  bruit  de  la  canonnade  dans  la  direction  de 
Sùssenbrunn  annonçant  à  Masséna  l'attaque  du  centre  de  l'en- 
nemi par  l'empereur,  ce  maréchal  tourna  à  droite  la  tète  de  ses 
colonnes,  qui  marehèrent  sur  Kagaran  et  sur  Leopoldau.  Entre 
ces  deux  villages,  la  cavalerie  des  généraux  Marulaz  et  Lasalle 
tombasurdeuxcarrésformésparKIenauponrarréterlapoursolte. 


GUEBftfi  ]>*ALLBMAGNE.  22» 

Le  premier  fut  sabré  et  dispersé;  nais,  à  TatUique  du  second ,  ika. 
l'armée  française  perdit  ie  brave  et  vaillant  général  Lasalle,  qui  ^""^S"'- 
fut  atteint  mortellement  d'un  coup  de  feu  à  la  tête.  Marulaz, 
après  avoir  rallié  les  deux  divisions ,  continua  de  poursuivre 
l'ennemi  et  culbuta  son  arrière  garde  entre  Jediersdorf  et  Stre- 
bersdorf.  Là  finit  la  poursuite,  et,  vers  six  heures  du  soir,  Tar- 
niée  autrichienne,  formée  par  bataillons  en  masse  et  en  échi- 
quier, se  retira  par  la  route  de  Vienne  à  Brûnn,  sous  laprotection 
de  son  artillerie.  L*archidoc  lui  fit  prendre  la  route  de  Znaim  ; 
le  corps  de  Klenau  continua  à  former  Tarrière-garde  et  passa 
la  nuit  sorle^  hauteurs  de  Stammersdorf ,  tandis  que  ceux  de 
Bellegarde  et  de  KoUowrath  et  la  réserve  mcirchèrent  à  Komeu- 
burg,  où  le  prince  de  Reuss  les  rejoignit.  Le  prince  de  HoheazoU 
lern  marcha  à  Enzesfeld,  et  le  priuce  de  Rosenberg  sur  les  hau- 
teurs de  Hohenleiten,  derrière  Wolkersdorf ,  et  couvrit  ainsi  la 
grande  route  de  Brunn. 

L'archiduc  Jean,  qui  n'était  arrivé  qu*à  5  heures  du  soir  à 
Ober-Siebenbrunn,  avec  vingt  bataillons,  vingtetun  escadronset 
trente-six  pièces  de  canon,  jugeant  sa  présence  inutile,  retourna 
à  la  chute  du  jour  à  Marchegg.  L'archiduc  Charles  comptait 
sur  lui  dès  le  4,  et,  en  n'arrivant  même  que  dans  la  nuit  du  5  au 
6,  il  pouvait  changer  la  face  des  affaires  et  retarder  peut-être 
le  succès  du  maréchal  Davoust  àMàrkgrafen-Neusiedel.  L'em- 
pereur s'établit  à  Raschdorf  avec  la  garde,  le  vice-roi  au  delà 
de  Gerasdorf,  Masséna  et  le  princede  Ponte-Corvo  à  Leopoldau, 
Davoust  à  Deutsch-Wagram  avec  ses  deux  dernières  divisions, 
les  deux  premières  aux  environs  de  Bockfluss  et  d'Âuerstall, 
ainsi  que  la  cavalerie  de  Grouchy ,  celle  de  Montbrun  derrière 
Wolkersdorf,  Oudinot  aux  environs  de  Sauiing. 

Ainsi  se  termina  la  sanglante  bataille  de  Wagram,  dans  la- 
quelle les  deux  armées  firent  des  pertes  énormes.  Celte  des 
Français  fut  d'environ  25,000  hommes  tués,  blessés  ou  prison- 
niers, au  nombre  desquels  3  généraux  tués  et  1G  blessés.  Les 
Autrichiens  avouèrent  une  perte  de  22  à  24,000  hommes,  dont 
4  généraux  tués  et  16  blessés.  Les  trophées  étaient  compensés  ; 
car  le  nombre  de  pièces  de  canon  et  de  drapeaux  ou  d'aigles  en- 
levés fut  à  peu  près  le  même  de  part  et  d'autre. 

Les  feld-maréchaux  lieutenants  Nordmann,  d'Aspre,  Wu- 


326  LIYBX  sixiÉm. 

fm;     kassowlch  et  le  gënéraUmaJor  P.  Veeiay  avaient  été  tués. 

ÀHemagM.      L'archldnc  Chartes,  les  feld-maréchaux  Bouvroy  et  Noetitx, 

les  généraux-majors  prince  de  Hesse-Homboarg»  Mayer,  Vae- 

quant,  Matzen,  Statterheim,  Henneberg,  Mervilteet  Rothldrch, 

avaient  été  blessés. 

Parmi  les  blessés  français  on  remarquait  le  maréchal  Bes- 
sières»  dont  le  cheval  avait  été  emporté  par  un  boulet  an  mo- 
ment de  la  grande  charge  de  la  cavalerie  ;  les  généraux  Grenier, 
Seras,  Yignolle,  Sahuc,  Frère,  Defrance;  les  majors  Gorlûneaii 
et  Daumesnil  ;  les  colonels  Sainte-Croix  et  Aldobrandinl*Bor- 
gfaèse.  L'armée  française  eut  à  déplorer  la  mort  du  vaillant 
Lasalle,  le  premier  de  ses  généraux  de  cavalerie  légère.  Le  co- 
lonel Oudet,  du  d""  de  ligne,  nommé  général  la  veille  de  la  ba- 
taille, frappé  à  mort  dans  une  embuscade  où  périrent  23  officiers 
de  son  régiment,  ne  survécut  que  trois  Jours'. 

L'empereur,  témoin  des  derniers  et  incroyables  efforts  des 
troupes  de  Farmée  d'Italie,  si  bien  dirigées  par  le  général  Macdo- 
nald,  en  fut  tellement  satisfait  qu'il  crut  devoir  sur  le  champ  de 
bataille  même  récompenser  tous  ces  braves  en  la  personne  de 
leur  digne  chef.  Le  lendemain  de  la  victoire,  et  avant  que  l'armée 
se  mit  en  mouvement  pour  suivre  les  vaincus,  Napoléon  em- 
brassa le  général  Macdonald'  et  le  nomma  maréchal  de  l'em- 
piré. Le  même  Jour  les  généraux  Oudinot  et  Marmont  reçurent 
également  le  bâton  de  maréchal. 

Toutes  les  armes  avaient  rivalisé  d'intrépidité  et  de  glc^re  dans 
cette  mémorable  Journée;  Napoléon  lui-même  s*étalt  plusieurs 
fois  exposé  au  milieu  du  feu  le  plus  terrible.  Dès  le  matin  il 
avait  parcouru  les  différentes  lignes ,  encourageant  les  troupes 

'  On  a  fait  d'étranges  récits  sur  la  mort  de  ce  brave  officier,  prétendu 
ebefd*iine association  secrète,  dont  un  écrÎTain  (M.  Charles  Nodier)  a  ré- 
vélé Texistenoe  sous  la  dénomination  de  Société  des  Philadelphes,  et  qui 
avait  pour  but,  suivant  ce  même  écrivain,  la  destmctwe  de  la  tyrannie  im- 
périale. 

>  Macdonald,  ami  de  Moreau,  avait  embrassé  la  cause  de  ce  général  lors 
du  fameux  prooès  de  Georges  Cadoudal  et  consorts.  Il  était  tombé  en  dis- 
grâce auprès  de  Napoléon,  qui  ne  Tavait  plus  employé  depuis  celte  époque, 
jusqu'au  moment  où  la  guerre  avec  PAutriclie  lui  fit  sentir  le  besoin  d'otl- 
liser,  en  Italie,  les  talens  et  Texpérienoe  du  guerrier  habile  qui  avait  dirigé 
les  opérations  de  la  petite  armée  des  Grisons,  dans  la  campagne  de  isoo. 


par  sa  pféseaceet  son  éloquenœiiicitftDte.  Les  bouleto  tuèreat  oq  i««. 
blessèrent  plasienrs  personnes  autour  de  lai .  Qa  s'aperçut  même  ^ 
que  rennemi  dirigeait  prineipalement  son  feu  sur  le  groupe  qui 
environnait  Teaipereur*  Le  major-^général  prince  de  NeuehAlel 
ordonna  aux  aides  de  camp  et  aux  officiers  d*état*m9gor  de  se 
tenir  à  quelque  distance,  et  fit  défendre  aux  r^ments  de  saluer 
Tempereor  par  leurs  acclamations  au  moment  de  son  passage. 

L'empereur,  en  raison  de  la  fatigue  extraordinaire  de  sc^ 
ti*oupes,  qui  venaient  de  combattre,  presque  sans  interruption, 
pendant  plus  de  quarante  heures,  avait  ordonné  de  cesser  tonte 
poursuite,  et  Tarmée  entière  établissait  ses  bivouacs  dans  la 
vaste  plaine  de  Wagrara,  lorsque  la  sécurité  générale  fut  trou* 
blée  tout  à  coup  par  des  cris  d'alerte.  Il  était  neuf  heures  du  soir. 
La  générale  fut  battue  sur  tous  les  pwnts;  en  un  moment  les 
troupes  furent  sous  les  armes  ;  Tinfiintene  se  forma  en  bataillons 
carrés.  Au  milieu  du  désordre  qu'entraînait  un  pareil  mouve- 
ment,  chacun  s'en  demandait  la  cause.  L'empereur  lui-même, 
tout  aussi  surpris  que  les  autres ,  s'élançait  sur  won  dieval  ; 
puis,  ayant  envoyé  des  ofticiers  en  reconnaissance  pendant 
qu'on  se  préparait  au  combat,  il  attendit  leur  retour. 

Sur  les  derrières  de  l'armée  française,  les  équipages,  les 
vivres  et  tous  les  autres  attirails  de  guerre,  qui  s'avançaient  avec 
confiance  en  voyant  la  bataille  gagnée,  effrayés  du  tumulte  du 
camp,  rétrogradèrent  en  désordre  et  présentèrent  en  un  moment 
l'aspect  d'une  véritable  déroute  ;  mais  ce  fut  particulièremaU  à 
l'entrée  des  ponts  que  l'épouvante  régna  parmi  les  non^censbat-* 
tants.  Beaucoup  de  ceux*-là  mêmes  qui  avaient  le  Danube  entre 
eux  et  l'ennemi  s'enfuirent  en  aliandonnant  leurs  voitures  et 
leurs  bagages,  et  ne  se  crurent  en  sûreté  que  derrière  les  rem- 
parts de  Vienne. 

Cependant  on  vint  rapporter  à  Tempereur  que  l'ennemi  ne 
se  présentait  sur  aucun  p<HOt,  et  le  calme  se  rétiJiiit  sans  qu'on 
pût  connaître  d'abord  ce  qui  l'avait  si  étrangement  troublé.  On 
apprit  plus  tard  qu'un  escadron  ennemi  dont  la  retraite  se 
trouvait  coupée  sur  la  grande  armée ,  cherchant  à  gagner  la 
route  de  Presburg,  avait  traversé  un  vilta^e  où  des  maraudeurs 
étalent  allés  sans  armes.  Ceux-ci,  surpris  et  sabrés  par  les  oa« 
valiers  autrichiens,  revinrent  en  toute  hête,  en  jetant  des  cris 

13. 


2)8  LITlt  SIXiilfX. 

ff«io.  d*alanne,  qui  se  propagèrent,  comme  on  vient  de  le  voir»  avee 
une  rapidité  incroyable. 

Le  lendemain  '(  7  Juillet  ),  à  la  pointe  du  Jour,  Tempereor  sor- 
tit de  la  tente  qu'on  lai  avait  dressëe  sur  le  champ  de  bataille, 
et  y  se  promenant  autour  des  bivouacs  du  quartier  général ,  à 
pied,  sans  chapeau,  sans  épée,  et  les  mains  croisées  derrière  le 
dos,  suivant  son  habitude  ordinaire,  il  s'entretint  fieunilièrement 
avec  les  soldats  de  sa  garde.  Sa  figure  exprimait  la  satisfaction 
et  la  confiance.  Peu  de  temps  après,  Tarmée  se  remit  en  marehe 
pour  suivre  l'ennemi.  Cest  avant  ce  mouvement  que  Napoléon 
domia  au  général  Macdonald  la  belle  et  nationale  récompense 
dont  nous  avons  déjà  parlé.  Le  général  Oudinot  reçut  aussi , 
avec  le  bftton  de  maréciial,  le  titre  de  duc  de  Re^io ,  et  beau- 
coup d'autres  promotions  eurent  lieu  dans  le  même  moment. 

Le  soir,  la  garde  se  rendit  à  Wolkersdorf,  où  Napoléon  établit 
son  quartier  général  dans  la  maison  que  l'empereur  d'Autridie 
avait  occupée  la  veille.  Pendant  que  le  maréchal  Massénapour- 
aoivait'Klenau,  qui  se  retirait  par  la  route  de  Stockerau  à  Ober- 
Hollabivnn,  le  maréchal  Marmont,  due  de  Raguse,  après  avoir 
suivi  quelque  temps  la  route  de  Brûnn,  se  rabattit  sur  celle  de 
Ziiaim,par  où  s'était  dirigé  l'empereur  François,  Timpéra- 
triœ,  Tarddduc  Antoine,  et  une  suite  de  plus  de  deux  cents  voi- 
tures de  la  cour. 

L'intention  de  l'arcUduc  Charles  était  de  conduire  son  armée 
dans  l'excellente  position  des  hauteurs  d'iglau  et  d'y  courir 
«Doore  une  fois  les  chances  d'une  bataille.  La  route,  dans  cette 
direction,  présentait  de  grandes  difficultés  au  passage  de  Tar- 
tillerie  et  des  équipages.  Pour  leur  donner  le  temps  de  gagner 
de  l'avance,  la  marehe  de  l'année  devait  être  ralentie.  Cest 
pourquoi  les  i^,  8*^  et  5^  corps  et  la  réserve  se  portèrent,  le 
7  Juillet^à  une  petitedistance  au  delà  de  Komeuburg,  et,  en  deux 
mardies  de  nuit,  à  Halibem  et  à  SchOngraben.  L'arrière-garde, 
conduite  par  Klenau ,  que  le  maréchal  Masséna  fit  attaquer  dans 
Komeuburg  par  la  l^  brigade  de  la  division  Legrand,  s'y  dé- 
fendit Jusqu'à  la  nuit  et  se  retira  entre  Unter-Hautzenthal  et 
Simdorf,  où ,  le  8  au  matin,  elle  fût  attaquée  par  la  cavalerie 
du  4*  corps;  mais,  après  un  court  engagement,  Klenau  se  re- 
tira sur  Obe^Hollabrunn.  kfasséna  le  suivit  de  près  avec  sa 


GUEBRÉ   D'ALLBlTAGlflf.  32^ 

cavalerie  légère  et  prit  possession  de  Stoekerao  le  mènie  soir.      1 809. 

Le  prince  de  HoheDzollern  avait  marché  par  Emstibnum  à 
Kamersdorf,  où  il  s'arrêta  ie  9.  Le  prince  de  Bosenberg  nardia^ 
le  8,  à  Laa  par  Mistelbadi,  et  y  reçut  l'ordre  de  couvrir  la 
roQte  de  Brûnn.  Le  lendemain  il  occupa  Muschan,  à  la  rlive 
droite  de  la  Taya.  Le  9  au  soir,  l'archiduc^  ayant  eu  avi»  qu'une 
colonne  ennemie  s*avançant  par  Laa  sur  la  rive  gauche  de  la 
Taya  avait  atteint  Erdberg^  dirigea  immédiatement  sur  Znalm 
le  prince  de  Liechtenstein  avec  la  réserve  de  cavalerie  et  les 
grenadiers;  les  corps  de  Beliegarde,  Koltowrath ,  Klenau  et  de 
Hohenzollem  durent,  au  point  du  jour,  suivre  la  même  di- 
rection. Le  prince  de  Reuss  fût  laissé  à  Schôngraben.  Son  ar- 
rière-garde n'évacua  ce  poste  que  le  10 ,  pour  se  retirer  sur 
Jetzelsdorf. 

L'empereur  avait  prescrit  au  maréchal  Blarmont  de  suivre 
les  traces  de  l'ennemt  sur  la  route  de  Nieoteburg,  avec  la  ca* 
Valérie  de  Montbrun,  ses  deux  divisions  et  celle  du  comte  de 
Wrede.  Il  était  soutenu  par  le  3*^  corps,  avec  les  dragons  dé 
Grouchy  et  les  cuirassiers  du  duc  de  Padoue.  Masséna  devait 
s'avancer  sur  Znaim.  Marmont,  ayant  appris ,  dans*  la  Journée 
du  8,  à  Wilfersdorf,  que  le  gros  des  troupes  autrichiennes  se 
retirait  surZnaim,  laissa  le  maréchal  Davoust  continuer  sa 
marehe  vers  Nicolsbu]^,  se  porta  à  Mistelbach,  et  le  lendemain 
à  Staatz,  où  il  rejeta  sur  la  rive  gauche  de  la  Taya  un  déta- 
chement autrichien  qui  se  retira  à  Ruhhof.  Ce  détachement, 
commandé  par  le  général  Alstem ,  avait  été  envoyé  sur  ce  point 
par  le  prince  de  Hohenzollern  pour  lier  son  corps  d'armée  à 
celui  du  prince  de  Roscnberg.  Les  ponts  avaient  été  coupés  et 
ne  fhrent  réparés  que  le  1 0.  Pendant  ce  temps  le  corps  du  ma- 
réchal Davoust,  qui  continuait  h  s^avancer  sur  la  route  de  Mo- 
ravie, trouva  Nicolsburg  occupé  par  l'extrême  arrière-garde  de 
Bosenberg,  qu'il  fit  chasser  par  l'avant-garde  de  la  division 
Grouchy,  et  le  S®  corps  continuait  le  lendemain  sa  mardie  sur 
Muschau  lorsquUl  reçut  l'ordre  de  se  rabattre  sur  Znaim, 
tandis  que  l'ennemi  serait  poussé  l'épée  dans  les  reins  par  le 
maréchal  Marmont,  que  l'empereur  allait  soutenir  avec  la  garde 
et  le  corps  du  maréchal  Oudinot.  De  son  côté  le  maréchal  Mas- 
séna devait  acculer  à  la  rive  droite  de  la  Taya^ les  troupes  qu'il 


1 


S30  LIVBE  SIXIÈME. 

488».     avait  devant  lui»  L'empereur  venait  d'arriver  à  Wiifersdorf 
Al  inagne.  ^^^  ^^  cavalerie  de  la  garde  et  deux  divisions  de  cuirassiers.  Il 
était  suivi  de  loin  par  l'infanterie  de  la  garde  et  le  corps  d'Où- 
dinot. 

Lorsque  le  prince  de  Liechtenstein  arriva  près  de  Znaim,  dans 
la  matinée  du  10»  il  At  occuper  les  hauteurs  de  Pumlitz^  à  la 
rive  droite  de  la  Taya,  par  une  des  quatre  brigades  de  grena- 
diers qui  l'avaient  suivi;  à  la  rive  gaudie ,  une  seconde  brigade 
s'avança  jusqu'en  arrière  de  Teswitz  sur  la  route  de  Brùnn  ;  les 
deux  autres  furent  établies  à  gauche  sur  cette  route.  La  cava- 
lerie resta  en  réserve.  Protêts  par  ces  dispositions,  rartillerie 
et  les  équipages  commencèrent  à  traverser  la  ville.  Le  maréchal 
Marmont,  parvenu  alors  sur  les  hauteurs  de  Znaim ,  ftt  atta- 
quer, vers  onze  heures  du  matin,  les  troupes  qui  occupaient  Pum- 
iiti  et  Teswitz.  Ce  dernier  village  fut  enlevé  par  trois  bataillons 
bavarois  conduits  par  le  général  Becker,  de  la  division  du  comte 
de  Wrede.  A  ce  moment  un  parlementaire  de  Bellegarde  se  pré- 
senta aux  avant-postes  du  général  Pajol  pour  annoncer  que 
Fempereur  d'Autriche  allait  envoyer  le  prince  Jean  de  Liech- 
tenskehi  au  quartier  général  de  Napoléon  pour  traiter  d'un  ar- 
Hitstice..Le  maréchal  répondit  que,  n'ayant  reçu  aucune  instruc- 
tion à  cet  égard ,  il  ne  pouvait  qu'informer  l'empereur  Napoléon 
de  la  disposition  où  se  trouvait  la  cour  d'Autriche»  et  qu'ayant 
ordie  d'attaquer  il  ne  pouvait  pas  accorder  d'armistice  même 
d'un  quart  d'heure.  En  effet  le  maréchal  se  disposait  à  pousser 
devant  lui  pour  se  mettre  ensuite  à  cheval  sur  la  route  d'Iglau 
et  eouper  la  retraite  au  prince  de  Reuss ,  lorsque  le  général 
Henneberg,  qui,  avec  six  bataillons  ^  avait  passé  le  gué  au-des- 
sous du  pont  de  la  T«^a  l>arricadé  avec  des  pierres  v  attaqua  le 
général  bavarois  dans  Teswitz,  d*où  il  le  chassa  après  une  ré- 
sistance opiniAtre,  ce  qjdi  permit  à  Bellegarde  de  passer  tran- 
quîllement  la  rivière  avec  le  reste  de  son  corps  et  de  s'étendre 
jusqu'à  Brenditz»  dont  il  s'empara.. 

Le  général  Montbrun,  qui  se  trouvait  à  Taile  droite,  s^étant 
avancé  sur  la  route  d'Iglau ,  culbuta  deux  régiments  de  dragons 
qu'il  poursuivait  à  outrance  ^  quand  l'archiduc  accourut  avec 
vingtrquatre  escadrons  de  cuirassiers  qui  rarrêtèrent  de  front» 
tandis  que  l'artillerie  de  Bellegarde  canounait  son  flanc  gauche  > 


GUBESE   D'ALLSMAGNB.  231 

forcé  de  reeakr,  Htaiibran  se  retira  sur  les  haoteurs  de  Zoc-  img. 
kerhaBdei.  Le  général  aatriehien  déploya  ses  troupes  devant  ^i<«"»snt 
BrendftK,  et  jka  dans  les  lignes,  en  deçà  de  Znckerhandel,  des 
pelotoDS  dlnfonterfe  qui  prolongèrent  le  combat  Jasqn'au  soir. 
Les  eorps  de  Kollowratli  et  de  Klenaa  étaient  arrivés  dans  le 
voisinage  de  Brenditz  ;  le  prince  de  Hohenzollem  avait  atteint 
dans  la  matinée  les  hanteors  de  Pnmlitz,  y  avait  pris  position 
et  oeeupa  Naschetitz,  ee  qni  assurait  la  rive  droite  de  la  Taya  ; 
enfin  le  prince  de  Reuss  arriva  vers  le  sohr  et  campa  entre  Znaint 
et  la  rivière. 

Les  18,000  hommes  de  Marmontse  trouvèrent  alors  en  pré» 
sence  de  tonte  Farmée  autrichienne,  forte  de  plus  de  100,000 
hommes,  ne  devant  compter  pendant  vingt-quatre  heures  que 
sor  la  cavalerie  qu'amenait  Tempereur;  car  les  corps  de  Da- 
voust  et  d^Oudinol  ne  pouvaient  arriver  que  le  lendemain.  Il  est 
vrai  que  Masséna  était  près  de  Jetzebdovf  avec  environ  12^000 
hommes  dMnfànterie  et  3,000  de  cavalerie  ^  mais  sa  présence 
n'aurait  porté  la  fbrce  des  troupes  françaises  qu'à  33,000  hom- 
mes. Malgré  sa  situation  précaire,  le  maréchal  Marmont,  comp-^ 
tant  sur  la  prochaine  arrivée  de  Fempereur,  n*hésita  pas  à  at- 
taquer le  11  au  matin.  Bientôt  un  féu  de  tirailleurs  vif  et 
soutenu  s*alluma  aux  environs  de  Teswitz ,  et  les  troupes  franr 
çaises  tentèrent  plusieurs  fois  d'emporter  la.  position  de  Bren- 
ditz ,  ou  de  gagner  les  vignes  qui  garnissaient  le  versant  de  ces 
hauteurs  ;  mais  toutes  leurs  attaques  furent  repoussées  par  l'in- 
fanterie de  Bellegarde  et  par  le  feu  meurtrier  de  son  artillerie. 
Enfin ,  à  dix  heures  du  matin,  Tempereur  arriva  sur  le  champ 
de  bataille  avec  la  cavalerie  de  la  garde  et  deux  divisions  de 
cuirassiers,  dont  il  dirigea  la  majeure  partie  à  droite  par  Ku- 
krowitz,  où  elle  fit  halte. 

Pendant  ce  temps  le  maréchal  Masséna  arriva  à  Oblas,.  et 
tenta  d'enlever  le  pont  barricadé  de  .la  Taya  sur  la  route  de 
Vienne ,  ce  qui  ne  lui  réussit  qu'après  avoir  fait  placer  une  ferte 
batterie  près  du  village  d'EdeIspitz,  dans  un  coude  formé  par  la 
rivière.  L'ennemi,  pris  en  flanc  sur  les  ponts  et  à  revers  sur  la 
rive.gauche ,  fût  obligé  de  se  retirer  sous  les  murs  de  la  ville  et 
sur  les  hauteurs  qui  bordent  la  vallée.  Alors  la  division  Legrand 
et  neuf  bataillons  des  troupes  de  Carra  Saint-Cyr  passèrent  le 


2aS  IIVBE  SIXIÈME. 

1809.  poDt  et  débouchèrent  sur  Znaim.  Les  18^  et  2r/  régîments  gra- 
Aiiemagne.  -yi^g^icnt  déjà  les  hauteurs  voisiiies  lorsque  rarebîduc  envoya 
plusieurs  bataillons  de  grenadiers  à  Tappui  des  trou^  du  prince 
de  Reuss,  qui  refoulèrent  les  Français  sur  le  pont.  A  ce  moment 
un  violent  orage  vint  suspendre  le  combat.  Les  troupes  fran- 
çaises se  débandent  pour  chercher  un  abri  contre  la  pluie  qui 
tombe  par  torrents.  Le  prince  de  Reuss,  profitant  de  la  circons- 
tance, où  la  cavalerie  et  rartillcrie  ne  peuvent  plus  agir,  lance 
sur  la  chaussée  un  bataillon  de  grenadiers  pour  charger  les. 
Français  dispersés  par  Taverse.  Les  grenadiers,  sans  être  aperçus, 
se  dirigent  sur  le  pont  de  la  Taya ,  en  coupant  les  tirailleurs 
répendus  dans  les  vignes,  et  font  des  prisonniers»  au  nombre 
desquels  se  trouvent  les  généraux  Stabenrath  et  Lazowski.  Mais 
cet  avantage  fut  de  courte  durée  :  le  maréchal  Masséna  ordonna 
au  colonel  Lfaériiier,  du  10^  de  cuirassiers,  de  charger  i*ennemi. 
A  l'instant  le  régiment  s*élance  sur  le  flanc  gauche  des  grena- 
diers autrichiens ,  coupe  leur  colonne  en  deux ,  sabre  et  fait  pri- 
sonniers tous  ceux  qui  n'ont  pu  fuir,  poursuit  les  autres  Jus- 
qu'aux portes  de  Znaim  et  délivre  tous  les  Français  pris  dans 
le  premier  moment  de  Tattaque.  Après  ce  combat,  le  maréchal 
fit  passer  la  rivière  à  trois  bataillons  restés  jusqu'alors  en  ré- 
serve, et  les  dirigea  à  TesvvitK  sur  le  front  de  la  ligne  du  duc 
de  Raguse  ;  leur  mouvement  n'étant  pas  remarqué  par  Tennemi^ 
ils  occupèrent  ce  village  sans  éprouver  de  résistance. 

Cependant  l'empereur  attendait  toujours  avec  impatience  les 
corps  des  maréchaux  Davoust  et  Oudinot;  mais,  quelque  dili- 
gence qu'ils  fissent,  ils  ne  pouvaient  arriver  sur  le  champ  de 
bataille  que  le  lendemain,  1 2,  à  huit  heures  du  matin.  Aussitôt 
que  le  temps  fut  éclairci,  le  combat  recommença  sur  toute  la 
ligne ,  et  les  troupes  envoyées  par  le  maréchal  Masséna  dans 
les  vignes  au  nord-ouest  de  Tesvkritz  avaient  gagné  assez  de 
terrain  pour  séparer  complètement  Bellegarde  du  prince  de 
Reuss,  lorsque  des  parlementaires  vinrent,  vers  sept  heures, 
annoncer  la  cessation  des  hostilités.  Eu  effet  le  prince  Jean  de 
Liechtenstein ,  général  de  cavalerie,  qui  peudant  toute  la  cam- 
pagne avait  commandé  le  corps  de  réserve ,  était  enfin  parvenu 
à  se  rendre  au  quartier  général  de  l'empereur.  C'était  le  même 
officier  qui,  dans  la  campagne  de  1805,  avait  été  déjà  chargé 


GUEBIIB   D*ALLEMAGRB.  33S 

d'une  mission  pareille  auprès  de  Napoléon.  L'empereur  des      im». 
Français  aecueiilit  favorablement  cet  envoyé  et  ordonna  sur-le-  ^^^«^"■^b^' 
champ  qu'on  cessât  le  feu. 

L'armistioe  fut  conclu  dans  la  nuit  du  11  au  12.  Les  princi- 
paux articles  stipulaient  que  les  citadelles  ou  forts  de  Brûnn  et 
de  Gratz  seraient  évacués  immédiatement  par  les  troupes  au- 
trichiennes ;  que  celles-ci  abandonneraient  le  Tyrol  et  le  Vor- 
arlberg^  et  remettraient  le  fort  de  Sachsenburg  aux  Français. 

La  ligne  de  démarcation  était,  du  côté  de  la  haute  Autriche, 
la  frontière  qui  sépare  TAutriche  de  la  Bohème,  le  cercle  de 
Znaim,  celui  de  Brûnn»  et  une  ligne  tracée  de  la  frontière  de 
Moravie  sur  Raab»  qui  commençait  au  point  où  la  frontière  du 
eercle  de  Brunn  touche  à  la  March,  et  en  descendant  la  March 
jusqu'au  confluent  de  la  Taya  ;  de  là  à  Saint-Johann,  et  la  route 
jusqu'à  Presburg;  Presburg  et  une  lieue  autour  de  cette  ville; 
la  Raab  jusqu'à  la  frontière  de  Styrie;  la  Styrie  »  la  Camiole , 
ristrie  et  Fiume. 

Au  26  juillet,  l'armée  française  se  trouvait  répartie  de  la  ma- 
nière suivante  : 

Le  corps  du  maréchal  prince  d'ËssIing  occupait  le  cei'de  de 
Znaim;  le  maréchal  prince  d'Eckmûhl,  le  cercle  de  Brùnn; 
le  duc  de  Raguse,  Komeuburg  et  ses  environs.  Le  maréchal 
Oudlnot,  duc  de  Reggio,  était  à  Spitz;  l'armée  d'Italie,  à  Pres- 
burg et  à  Grâtz  ; 

Enfin,  la  garde  impériale  autoar  du  château  de  Schônbrunn^ 
où  Napoléon  avait  reporté  son  quartier  général. 

Après  l'armistice ,  l'empereur,  voulant  récompenser  géné- 
reusement les  généraux  qui  Tavaient  le  mieux  secondé  dans 
cette  mémorable  campagne,  conféra  au  prince  de  Neuchàtel  le 
titre  de  prince  de  Wagram,  au  duc  d'Auerstaedt  celui  de  prince 
d*£ckmûhl,  au  duc  de  Rivoli  celui  de  prince  d'Essling,  et  il  af- 
fecta des  dotations  considérables  à  ces  titres.  Des  pensions 
furent  assurées  aux  militaires  amputés  de  tous  grades ,  et  des 
places  firent  réservées  dans  les  maisons  d'Écouen  et  de  Saint- 
Denis  aux  orphelines  des  membres  de  la  Légion  d'honneur  morts 
dans  la  campagne. 

L'armistice  de  Znaim ,  qui  ne  devait  durer  qu'un  mois ,  fut 
prolongé  jusqu'au  mois  d'octobre.  Le  prince  Jean  de  Liechten- 


234  LlYME  SIXiImB 

iM».  stdn  et  M.  de  GhampagDy»  mloittredeft  relations  cxtériewefl, 
AUemagiM.  8*ooeupèreiit,  dans  cet  espaee  de  temps,  delà  eoncliMioii  de  It 
paix  définitive  entre  les  deox  nations.  De  grandes  difflonltés 
arrêtèrent  sans  donte  les  denx  plénipotentiaires,  puisque  le  traité 
ne  fut  signé  que  le  14  octobre ,  trois  mois  après  la  eonveation 
d'annistioe.  Voici  le  texte  de  ce  traité,  qui  rendait  encore  une 
fois  Napoléon  l'arlrftre  de  TEurope. 

Traité  de  Vienne, 

a  Art  1^.  Il  y  aura,  à  compter  do  Jour  de  rechange  des  ra- 
tiflcations  do  présent  traité ,  paix  et  amitié  entre  S.  M.  Fem- 
rereur  des  Français,  roi  d'Italie,  protecteur  de  la  Confédération 
du  Rhin,  et  S.  M.  l'empereur  d'Autriche,  roi  de  Hongrie  et  de 
Bohème,  leurs  héritiers  et  successeurs,  leurs  États  et  sujets  res- 
pectifs, à  perpétuité. 

ff  3.  La  présente  paix  est  déclarée  commune  à  S.  M.  le  roi 
d'Espagne ,  S.  M.  le  roi  de  Hollande ,  S.  M.  le  roi  de  Naples» 
S.  M.  le  roi  de  Bavière,  S.  M.  le  n^  de  Wurtemberg,  S.  M.  le 
roi  de  Westphalie,  S.  M.  le  roi  de  Saxe,  S.  A.  Em.  le  prince 
primat,  à  LL.  AA.  RR.  le  grand-duc  de  Bade,  le  grand-duc  de 
Berg,  le  grand«duc  de  Hesse-Darmstadt,  le  grand-dne  de 
Wûrtzbourg,  et  à  tous  les  princes  et  membres  de  la  Confédéra- 
tion du  Rhin,  alliés  de  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi  d'I- 
talie, protecteur  de  la  Confédération  du  Rhin,  dans  la  présente 
guerre. 

«  3.  S.  M.  l'empereur  d'Autriche,  roi  de  Hongrie  et  de  Bo- 
hême, tant  pour  lui ,  ses  héritiers  et  successeurs,  que  pour  les 
princes  de  sa  maison,  leurs  héritiers  et  successeurs  respeetiC^ 
ren<Hice  aux  principautés,  seigneuries,  domaines  et  territoires 
ci-après  désignés,  ainsi  qu'à  tout  titre  quelconque  qui  pourrait 
dériver  de  leur  possession ,  et  aux  propriétés  soit  domaniales , 
soit  possédées  par  eux  à  titre  particulier,  que  ces  pays  ren- 
ferment. 

a  i""  Il  cède  et  abandonne  à  S.  M.  l'empereur  des  Français, 
pour  faire  partie  de  la  Confédération  du  Rhin,  et  en  être  disposé^ 
eu  faveur  des  souverains  de  la  Confédération  : 

«[  Les  pays  de  Salzbourg  et  Berchtesgadèn;  la  partie  de  la 
haute  Autriche  située  au  delà  d'une  ligne  partant  du  Danube 


GDBfiRK  D'ALLEMAGNE.  235 

auprès  do  Tiilage  de  Stross,  et  oompris  Weissenkirchen ,  Wie-      law. 
derodorf,  Michelbach^  Cretot,  Muckenbofen,  Holst,  Jeding  ;  de  ' 
là  la  route  jusqu'à  Schwanstadt ,  la  ville  de  Schwanstadt,  sur 
rAlter,  et  continuant,  en  remontant  le  cours  de  cette  rivière  et 
du  lac  de  ce  nom ,  jusqu'au  point  où  ce  lac  touche  la  frontière 
du  pays  de  Salzbourg. 

a  S.  M.  Tempereur  d'Autriche  conservera  la  propriété  seule- 
ment du  bois  dépendant  de  Salz-Cammer-6ut,  et  faisant  partie 
de  la  terre  de  Mondsée,  et  la  faculté  d'en  exploiter  la  coupe, 
sans  avoir  aucun  droit  de  souveraineté  sur  ce  territoire. . 

a  2^  Il  cède  également  à  S.  M.  l'empereur  des  Français ,  roi 
d'Italie,  le  comté  de  Gorîce,  le  territoire  de  Montefalcone,  le 
gouvernement  et  la  ville  de  Trieste,  la  Carniole  avec  ses  enclaves 
sur  le  golfe  de  Trieste;  le  cercle  de  Villach,  en  Carinthie,  et  tous 
les  pays  situés  à  la  droite  de  la  Save,  en  partant  du  point  où 
cette  rivière  sort  de  la  Carniole,  et  la  suivant  jusqu'à  la  frontière 
de  la  Bosnie^  savoir  :  partie  de  la  Croatie  provinciale,  six  districts 
de  la  Croatie  militaire,  Flume  et  le  littoral  hongrois,  l'Istrie  au- 
trichienne ou  district  de  Castua,  les  lies  dépendantes  des  pays 
cédés ,  et  tous  autres  pays ,  sous  quelque  dénomination  que  ce 
soit,  sur  la  rive  droite  de  la  Save,  le  thalweg  de  cette  rivière 
servant  de  limite  entre  les  deux  États  ; 

«  Enfin,  la  seigneurie  de  Radznnd,  enclavée  dans  le  pays  des 
Grisons. 

«  30  II  cède  et  abandonne  à  S.  M.  le  roi  de  Saxe  les  enclaves 
dépendantes  de  la  Bohême  et  comprises  dans  le  territoire  du 
royaume  de  Saxe,  savoir  :  les  paroisses  et  villages  de  Guntcrs- 
dorf,  Taubentranke,  Gerlachsheim,  Lenkersdorf,  Schirgiswal- 
de,  Winckel,  etc. 

cr  4®  11  cède  et  abandonne  à  S.  M.  le  roi  de  Saxe,  pour  être 
réuni  au  duché  de  Varsovie,  toute  la  Gallicie  occidentale  ou  la 
Nouvelle-GajlîciCjUn  arrondissement  autour  de  Gracovîe,  sur 
la  rive  droite  de  la  Vistule,  qui  sera  ci-après  déterminé ,  et  le 
cercle  de  Zamosc,  dans  la  Gallicie  orientale. 

cr  L^arrondissement  autour  de  Cracovie,  sur  la  rive  droite  de 
la  Vistule ,  en  avant  de  Podgorze ,  aura  pour  tout  rayon  la 
distance  de  Podgorze  à  Wieliczka;  la  ligne  de  démarcation 
passera  par  Wieliczka,  et  s'appuiera,  à  l'ouest,  sur  la  Scawina, 


236  UVBB  SIXIEME. 

1809.  et  à  Test  sur  le  ruisseau  qui  se  jette  dans  la  Yislule  à  Bazdagy . 
Allemagne.  ^  Wieliczka  et  tout  le  territoire  des  mines  de  sel  appartien- 
dront en  commun  à  Tempereur  d'Autriche  et  au  roi  de  Saxe; 
la  justice  y  sera  rendue  au  nom  de  Tautorité  municipale  ;  il  n'y 
aura  de  troupes  que  pour  la  police ,  et  elles  seront  en  égal 
nombre  de  cliacune  des  deux  nations.  Les  sels  autrichiens  de 
Wieliczka  pourront  être  transportés  sur  la  Yistule,  à  travers  le 
duché  de  Varsovie,  sans  être  tenus  à  aucun  droit  de  péage.  Les 
grains  provenant  de  la  Gallicie  autrichienne  pourront  être 
exportés  par  la  Yistule. 

a  ïl  pourra  être  fait  entre  S.  M.  Tempereur  d'Autriche  et 
S.  M.  le  roi  de  Saxe  une  fixation  de  limites,  telle  que  le  San , 
depuis  le  point  où  il  toudie  le  cercle  de  Zamosc  jusqu'à  son 
confluent  dans  la  Yistule,  qui  serve  de  limites  aux  deux  États. 

«  S""  Il  cède  et  abandonne  à  S.  M.  l'empereur  de  Russie,  dans 
)a  partie  la  plus  orientale  de  Tancienne  Gallicie,  un  territoire  ren- 
fermant quatre  cent  mille  âmes  de  population,  dans  lequel  la 
.  ville  de  Brody  ne  pourra  être  comprise.  Ce  territoire  sera  dé- 
terminé à  l'amiable  entre  les  commissaires  des  deux  empires. 

a  4.  L'ordre  Teutonique  ayant  été  supprimé  dans  les  États 
de  la  confédération  du  Rhin ,  S.  M.  Fempereur  d* Autriche  re- 
nonce, pour  S.  A.  L  l'archiduc  Antoine,  à  la  grande  maîtrise 
de  cet  ordre  dans  ses  États,  et  reconnaît  la  disposition  faite  des 
biens  de  Tordre  situés  hors  du  territoire  de  l'Autriche.  Il  sera 
accordé  des  pensions  aux  employés  de  Tordre. 

<K  â.  Les  dettes  hypothéquées  sur  le  sol  des  provinces  cé- 
dées, et  consenties  par  les  états  de  ces  provinces  ou  résultant  des 
dépenses  feites  pour  leur  administration,  suivront  seules  le  sort 
de  ces  provinces. 

a  6.  Les  provinces  restituées  à  S.  M.  Temperenr  d'Autriche 
seront  administrées  à  son  compte  par  les  autorités  autrichien- 
nes ,  à  partir  du  jour  de  l'échange  des  ratifications  du  présent 
traité,  et  les  domaines  impériaux  à  compter  du  1^'  novembre 
prochain,  quelque  part  qu'ils  soient  situés.  Il  est  bien  entendu, 
toutefois,  que  l'armée  française  prendra  dans  le  pays  ce  que  ses 
magasins  ne  pourront  lui  fournir  pour  la  nourriture  des  trou- 
pes ,  Tentretien  des  hôpitaux ,  ainsi  que  ce  qui  sera  nécessaire 
pour  l'évacuation  de  ses  malades  et  de  ses  magasins. 


GUBBBV   1>*ALI.BHA0NB,  )37 

c  II  flera  fait,  par  les  hautes  parties  contractantes ,  un  ar-  im».  ^ 
rangement  relatif  à  tontes  les  contributions  quelconques  de  ^>'*""*k^* 
guerre  précédemment  imposées  sur  les  provinces  autrichiennes 
occupées  par  les  armées  françaises  et  alliées;  arrangement 
en  eonséquence  duquel  la  levée  desdites  contributions  ces- 
sera entièrement  à  compter  du  Jour  de  réchange  des  ratifica- 
tions. 

a  7.  S.  M.  Tempereur  des  Français,  roi  dltalie,  s'engage  à 
ne  mettre  aucun  empêchement  au  commerce  d'importation  et 
d'exportation  de  l'Autriche  par  le  port  de  Fiume,  sans  que  cela 
puisse  s'entendre  des  marchandises  anglaises  ou  provenant  du 
commerce  anglais.  Les  droits  de  transit  seront  moindres  pour 
les  marchandises  ainsi  importées  ou  exportées  que  pour  celles 
de  toute  autre  nation  que  la  nation  italienne.  i 

€  On  examinera  s'il  peut  être  accordé  quelques  avantages  au 
eommerœ  autrichien  dans  les  autres  ports  cédés  par  le  présent 
traité. 

«  8.  Les  titres  domaniaux ,  archives,  les  plans  et  cartes  des 
pays,  villes  et  forteresses  cédés ,  seront  remis  dans  l'espace  de 
deux  mois  après  rechange  des  ratifications. 

o  9.  S.  M.  l'empereur  d'Autriche,  roi  de  Hongrie  et  de  Bo- 
hème, s'engage  à  acquitter  les  intérêts  annuels  et  arriérés  des 
capitaux  placés ,  soit  sur  le  gouvernement,  soit  sur  les  états , 
la  banque,  la  loterie,  et  autres  établissements  publics,  par  les 
sujets,  corps  et  corporations  de  la  France,  du  royaume  d'Italie 
et  du  grand-duché  de  Berg. 

cr  Des  mesures  seront  prises  pour  acquitter  aussi  ce  qui  est  j 

dû  an  Mont-Sainte-Thérèse ,  devenu  le  Mont-Napoléon ,  à  | 

Milan. 

(V  10.  S.  M.  l'empereur  des  Français  s'engage  à  accorder  un 
pardon  plein  et  entier  aux  habitants  du  Tyrol  et  du  Yorarlberg 
qui  ont  pris  part  à  l'insurrection,  lesquels  ne  pourront  être  re- 
dierchés  ni  dans  leurs  personnes  ni  dans  leurs  biens. 

«  S.  M.  l'empereur  d'Autriche  s'engage  également  à  accor-   . 
der  un  pardon  plein  et  entier  à  ceux  des  habitants  des  pays 
dont  il  recouvre  la  possession  en  Gallicie,  soit  militaires,  soit 
civils,  soit  fonctionnaires  publics,  soit  particuliers ,  qui  au- 
raient pris  part  aux  levées  de  troupes  ou  à  l'organisation  des 


238  LlVBl  SmtaB. 

,3^^     tribunaux  et  admiuistraUaitf ,  oa  à  qiiekpie  aete  cpie  ce  toit 
Aitemagiie.  qai  ait  eu  lieu  pendant  la  guerre;  teaqvels  habîtantaae  powr* 
ront  être  recherchés  ni  dana  lew»  penaaneB  ni  dans  leucs 
biens. 

a  Us  auront,  pendant  six  ans,  la  liberté  de  disposer  de 
leurs  propriétés,  de  quelque  nature  qu'elles  soient  »  de  vendre 
leurs  terres,  même  celles  qui  sont  censées  inaliénables,  comme 
les  ildéicommis  et  les  majorats  ;  de  quitter  le  pays  et  d*expor- 
ter  le  produit  de  ces  ventes  ou  dispositions  en  argent  comptant 
ou  en  fonds  d'une  autre  nature,  sans  payer  aucun  droit  sur 
leur  sortie  et  sans  éprouver  ni  difficulté  ni  empéeliement. 

a  La  même  faculté  est  réciproquement  réservée  aux  habitants 
et  propriétaires  des  pays  cédés  par  le  présent  traité,  et  pour  le 
môme  espace  de  temps. 

a  Les  habitants  du  duché  de  Varsovie  possessionnés  dans  la 
Gallicie  autricliienne,  soit  fonctionnaires  publics,  soit  particu- 
liers, pourront  en  tirer  leurs  revenus  sans  avoir  aucun  droit  à 
payer  et  sans  éprouver  d*empûchement. 

ail.  Dans  les  six  semaines  qui  suivront  réchange  des  rati- 
fications du  présent  traité,  des  poteaux  seront  placés  pour  mar- 
quer Tarrondissement  de  Gracovie,  sur  la  rive  droite  de  la  Vis- 
tule.  Des  commissaires  autrichiens,  français  ou  saxons,  seront 
nommés  à  cet  effet. 

a  II  en  sera  également  placé,  daas  un  délai  semblable,  sur 
la  frontière  de  la  haute  Autriche,  sur  celle  de  Salzbourg  »  de 
Villacii  et  de  la  Gamiole,  jusqu'à  la  Save.  Les  tles  de  la  Save 
qui  doivent  appartenir  à  l'une  ou  a  l'autre  puissance  seront  dé- 
terminées d'après  le  thalv^eg  de  la  Save.  Des  commissaires  fran- 
çais et  autrichiens  seront  nommés  à  cet  effet. 

c  12,  Il  sera  conclu  immédiatement  une  convention  militaire 
pour  régler  les  termes  respectifs  de  l'évacuation  des  différen- 
tes provinces  restituées  à  S.  M.  l'empereur  d'Autriche.  Ladite 
convention  sera  calculée  de  manière  à  ce  que  la  Moravie  soit 
évacuée  dans  quinze  joui^s;  la  Hongrie,  la  partie  de  la  Gallicie 
que  conserve  TAutriche,  la  ville  de  Vienne  et  ses  environs, 
dans  un  mois;  la  basse  Autriche,  dans  deux  mois ,  et  le  sur- 
plus des  provinces  et  districts  non  eédés  par  le  présent  traité 
dans  deux  mois  et  demi,  et  plus  tôt  si  faire  se  peut,  à 


GOEBBK   D'ALLKMàOIIE.  S19 

conifAer  do  jour  de  réehHii§e  de»  ratifieatioDB,  tant  par  les  txwï*     im». 
pes  firancftitai  que  par  «Iles  des  alliés  de  la  France.  AUcmasne. 

a  La  mtee  convetttkm  réglera  tout  ce  qui  est  relatif  à  Té- 
vacoatioii  des  hôpitaux  et  des  magasins  de  Tannée  française» 
et  à  rentrée  des  troopes  antridiiennes  snr  le  territu^re  aban- 
donné par  les  troopes  françaises  et  alliées^  ainsi  qu'à  Tévacoa- 
tion  de  la  partie  de  la  Croatie  cédée  à  S.  M.  l'empereor  des 
Français  par  le  présent  traité. 

«  IS.  Les  prisonniers  deguerrè  faits  par  la  Franee  et  ses 
alliés  snr  rAotriehe,  et  par  rAotriche  sur  la  Franee  et  ses 
alliés,  et  qui  n*ont  pas  encore  été  restitoés^  le  sei^t  dansqoa- 
ranle  joors»  à  dater  de  rechange  des  ratifications  du  présent 
traité. 

«  14.  S.  M.  l'empereur  des  Français^  roi  dltaile,  protec- 
teur de  la  Confédération  du  Rhin,  garantit  Tintégrité  des  pos- 
sessions de  S.  M.  Tempereur  d'Autriche,  roi  de  Hongrie  et 
de  Bohême,  dans  l'état  où  elles  se  trouvent  d'après  le  présent 
traité. 

«  15.  S.  M.  l'empereur  d'Autriche  reconnaît  tous  les  chan- 
gements survenus  ou  qui  pourraient  survenir  en  Espagne,  en 
Portugal  et  en  Italie. 

«  16.  S.  M.  l'empereur  d' Autriche,  voulant  concourir  au  re- 
tour de  la  paix  maritime ,  adhère  au  système  prohibitif  adopté 
par  la  France  et  la  Russie  vis-à-vis  de  l'Angleterre  pendant  la 
guerre  maritime  actuelle.  S.  M.  1.  fera  cesser  toute  relation 
avec  la  Grande-Bretagie,  et  se  mettra,  à  l'égard  du  gouver- 
nement anglais ,  dans  la  même  position  où  elle  était  avant  la 
guerre  présente. 

«  17.  S.  M.  l'empereur  des  Français,  roi  d'Italie,  et  S.  M. 
l'en^pereur  d'Autriche,  roi  de  Hongrie  et  de  Bohème ,  conser* 
veront  entre  eux  le  même  cérémonial ,  quant  au  rang  et  autres 
étiquettes ,  que  celui  qui  a  été  observé  avant  la  présente  goerre« 

«  18.  Les  ratifications  du  présent  traité  seront  échangées 
dans  Tespace  de  six  Jours,  ou  plus  têt  si  faire  se  peut,  j 

Deux  jours  avant  la  ratification  du  traité  qu'on  vient  de  lire , 
Napoléon  courut  le  danger  d'être  assassiné  par  un  étudiant ,  en 
passant,  le  1 3  octobre,  la  revue  de  sa  garde  sur  la  place  d'armes 
du  château  de  Scfacmbninn.  Un  jeune  homme  nommé  Frédéric' 


340  LIVftg  3lX.tB«B* 

Stapsz,  âgé  de  dix^huit  ans»  d*ane  igore  intéressante,  douce  et 
régulière,  qui8*étaît  tenu  caché  dans  la  foule  des  spectateurs, 
s*élançant  brusquement,  demanda  à  parler  à  l'empereur,  qui 
se  trouvait  entre  le  prince  de  JNeudiâtel  et  le  général  Rapp; 
celni-ci  le  repoussa ,  en  lui  disant  d'attendre  la  fin  de  la  revue  ; 
mais  le  regard,  le  ton  et  la  contenance  de  ce  jeune  homme 
inspirant  de  la  méfiance  au  général ,  il  le  fit  arrêter  et  conduire 
au  poste  du  château.  En  le  fouillant  on  le  trouva  armé  d'un 
grand  couteau  caché  sous  sa'redingoie«  Il  n'avait  du  reste  sur 
lui  qu'un  petit  livre  de  poche  ^  un  portrait  de  jeune  femme  et 
une  bourse  contenant  quelques  pièces  d*or. 

Le  général  Savary ,  duc  de  Rovigo,  riaterrogea  ,  mais  il  ne 
répondit  que  par  ces  mots  :  «  Je  voulais  parler  à  Tempereur.  b 
Informé  de  ce  silence  obstiné ,  Napoléon  fit  venir  le  coupable 
dans  son  iq>partement,  après  la  parade,  afin  de  Tinterroger 
lui-même.  Les  maréchaux  Bernadette,  Berthier,  Duroc,  eties 
généraux  Savary  et  Rapp  étaient  présents. 

a  D'où  êtes- vous,  et  depuis  quand  êtes-vous  à  Vienne,  de- 
manda l'empereur?  —  Je  suis  de  Naumburg^  et  j'habite  Vienne 
depuis  dix  jours.  —  Que  me  voulies-vous?  —  Vous  demander 
la  paix ,  et  vous  prouver  qu'elle  est  indispensable.  —  Pensez- 
vous  que  j'eusse  voulu  écouter  un  homme  sans  caractère  et  sans 
mission?  —  £n  ce  cas,  je  vous  aurais  poignardé.  — •  Quel  mal 
vous  ai-je  fait?  —  Vous  opprimez  ma  patrie  et  le  monde  entier  ; 
si  vous  ne  faites  point  la  paix ,  votre  mort  est  nécessaire  au 
bonheur  de  l'humanité;  en  vous  tuant,  j'aurais  fait  la  plus 
belle  action  qu'un  homme  d'honneur  puisse,  entreprendre... 
Mais  j'admire  vos  talents;  je  comptais  sur  votre  raison,  et, 
avant  de  vous  frapper,  je  voulais  vous  convaincre.  —  Estrce  la 
religion  qui  a  pu  vous  déterminer?  — *  Non;  mon  père,  ministre 
protestant,  ignore  mon  projet;  je  ne  l'ai  communiqué  à  per- 
sonne ;  je  n'ai  reçu  de  conseils  de  qui  que  ce  soit  ;  seul ,  depuis 
deux  ans ,  je  médite  votre  changement  ou  votre  mort.  —  Étiez- 
vous  à  Erfùrth  quand  j'y  suis  allé  Tannée  dernière?  —  Je  vous 
y  ai  vu  trois  fois.  —  Pourquoi  ne  m'avez- vous  pas  tué  alors?  — 
Vous  laissiez  respirer  mon  pays  ;  je  croyais  la  paix  assurée,  et 
je  ne  voyais  en  vous  qu'un  grand  homme.  —  Gonnaissez-vous 
Schneider  et  Schill?  —  Non.  — Êtes- vous  franc-maçon,  illo- 


GUSaU  D*ALLBMA6in:.  941 

miné?  ^  Non.  —  Vous  ecfùbakseï  DûsUnre  de  Brutns?  —  U  1109. 
y  eut  deux  Romains  de  oe  nom  ;  le  dernier  est  mort  pour  la  U-  ^'<^''>^(^* 
berté.  —  Avez-vous  en  connaissance  de  la  conspiration  de  Mo- 
reaa  et  de  Pichegni?  *-^  Les  papiers  pnl>lics  m'en  <mt  instruit. 
— '  Que  pensez-vous  de  ces  hommes?  —  Us  ne  travaillaient  que 
pour  eux  et  craignaient  de  mourir.  -^  On  a  trouvé  sur  vous  un 
portrait  :  quelle  est  cette  femme?  —  Ma  meilleure  amie ,  |a 
fille  adoptive  de  mon  vertueux  père.  — ^  Quoil  votre  cœur  est 
.  ouvert  à  des  sentimens  si  doux  ^  et  vous  n*aves  pas  craint  d'af^ 
fliger,  de  perdre  les  êtres  que  vous  aimez  >  en  devoiant  un  as- 
sassin? ^^  J'ai  cédé  à  une  voix  plus  forte  que  ma  tendresse» 
'—  Mais,  en  me  Arappant  au  milieu  de  mon  armée,  pensies-vous 
échapper?  «—  Je  suis  étonné ,  en  effet >  d'exister  encore.  —  Si  je 
vous  faisais  grâce,  quel  usage  feriez- vous  de  votre  liberté?  — 
Mdn  projeta  échoué  ^  vous  êtes  sur  vos  gardes»...  Je  m'en  re-^ 
tournerais  paisiblement  dans  ma  famille.  » 

Napoléon  fit  appeler  alors  son  premier  médecin,  Gonisart, 
et  lui  demanda  s'il  ne  trouvait  pas  dans  ce  jeune  homme  quelque 
signe^le  démence.  Après  Tavoir  examiné  avec  soin,  le  médecin 
répondit  qu'il  ne  trouvait  pas  même  en  lui  les  signes  d'une  forte 
émotion.  L'empereur  songea  un  instant  à  faire  grâce  au  cou- 
pable ;  puis,  réfléchissant  qu'il  follait  efTrayer  les  jeunes  fanati* 
ques  allemands,  Il  livra  Stspsz  à  une  commission  militaire,  qui 
le  condamna  à  mort. 

Le  malheureux  resta  deux  jours  dans  une  salle  avec  deux 
gendarmes;  il  se  promenait  avec  tranquillité,  et  s'agenouillait 
de  temps  en  temps  pour  prier  Dieu.  On  lui  avait  apporté ,  avec 
son  dtner,  un  couteau  de  table.  Il  le  prit  et  le  considéra  froide- 
ment; un  gendarme  voulut  le  lui  6ter  des  mains;  il  le  rendit 
en  disant  :  a  Ne  craignez  rien  ;  je  me  ferais  plus  de  mai  que 
vous  ne  m'en  ferez,  o  Le  lendemain  il  entendit  tirer  le  canon 
et  en  demanda  la  cause,  a  C'est  la  paix ,  lui  dit-on.  —  La  paix  I 
Ne  me  trompez- vous  point?  j»  On  l'assura  que  rien  n'était  plus 
véritable.  11  se  livra  alors  à  des  transports  de  joîe;  des  larmes 
s'échappèrent  ensuite  de  ses  yeux;  il  se  jeta  à  genoux,  pria 
avec  ferveur,  et  se  relevant  :  a  Je  mourrai  plus  tranquille.  » 
Le  27  octobre,  à  sept  heures  du  matin,  on  vint  le  chercher  pour 
être  fusillé  ;  il  dit  à  l'ofllcier  qui  lui  annonça  son  sort  :  «  Mon- 


1 


243  LtTBB  SlXIÈMâ. 

iro.  slettr.  Je  ne  tous  deoiaiide qu'une* gfiœ  :  c'est  de  n*èfare  point 
AiifliDagtie.  lié.  »  OU  ta  loi  accorda,  U  maidui  Hbrement  et  mourut  ame 
calme*. 

Napoléen  quitta  le  cbAteau  de  Sokônbnmn  dans  la  nuit 
du  15  octobre»  et  arriva  le  26  au  palais  de  Fontainebiean.  Trois 
jours  après,  la  paix  aveé  F  Autriche  fut  publiée  dans  Paris  avec 
le  oérémoniai  et  les  solennités  d'usage  en  pareille  drconstaoce. 
Il  est  inutile  de  dire  avec  quel  enthousiasnie  cette  paix  fut  ac- 
cueillie par  lés  Français  de  toutes  les  classes.  Déjà  la  nation 
commençait  à  se  lasser  des  guerres  où  la  politique  de  son  sou- 
vendn  reatratnait  sans  cesse  ;  elle  espérait  que  la  dernière  leçon 
donnée  à  l' Autriehe  serait  pour  les  autres  puissances  de  l'Europe 
un  avertissement  de  rester  en  paix;  que  Napoléon,  pouvant 
désormais  disposer  de  toutes  ses  forces  y  terminerait  en  peu  de 
temps  la  guerre  d'Espagne ,  déjà  si  meurtrière ,  et  contraindrait 
enfin  l'Angleterre  à  entrer  en  négociations.  Flatteuse  illusion  « 
que  l'ambition  toujours  croissante  de  JNapoléon  et  la  haine 
constamment  active  que  lui  portait  la  Grande-Bretagne  ne  de- 
talent  pas  tarder  à  foire  évanouir  I 

A  son  retour  à  Pfris,  l'empereur  prit  la  résolution  de  divorcer, 
Joséphine  ne  pouvant  pas  lui  donner  un  héritier  direct  de  la 
couronne  impériale.' Un  mariage  avec  la  cour  de  Russie  semblait 
te  parti  le  plus  convenable  dans  les  circonstances  où  se  trouvait 
la  France  depuis  l'alliance  de  Tilsitt,  et  à  Erfiirth,  où  il  fût  déjà 
question  d'un  divorce,  l'empereur  Alexandre  avait  paru  tout 
disposé  à  oons^tir  à  l'union  de  Napoléon  avec  sa  sœur  la 
grande-duchesse  Anne,  qui  restait  à  marier.  11  n'avait  paru  pré- 
voir de  difficultés  quede  la  part  de  sa  mère  ;  mais  il  avait  promis 
ses  bons  offices  en  cas  d'opposition  à  ses  sentiments  personnels. 

Le  16  décembre  1809,  un  sénatus-consulte  déclara  dissous 
le  mariage  de  Napoléon  avec  Josépliine.  L'Eglise  fléchit  à  son 
tour;  l'offlcialité  de  Paris  prononça  la  nullité  du  mariage  reli- 
gieux. La  victime  de  cet  événement,  à  qui  sa  juste  douleur  au- 
rait éà  sauver  l'humiliation  de  figurer  dans  les  apprêts  de  sa 

■  Cette  tentative  d^assassinat,  sur  laquelle  les  journanx  français  du  temps 
«nt  gardé  un  profond  silence,  a  été  racontée  bien  diTerseaient  ;  les  détails 
qu^on  rient  de  lire  paraisseot  être  ce  qu'il  y  a  de  plus  authentique  nir  e^ 
éténenient. 


UUBKBB   d'aLLSHAGNB.  343 

chute,  fut  elle-même  forcée  de  venir  déclurer,  en  prëeenoe  de      «m». 
tous  les  membres  de  la  famille  Bonaparte  présents  à  Paris  et  ^"*™*«^- 
réunis  dans  le  cabinet  de  l'empereur  aux  Tuileries ,  «  que^  ne 
«  conservant  aucun  espoir  d'avoir  des  enfknts  qui  puissent  sa- 
«  tisfaire  les  besoins  de  la  politique  de  son  époux  et  l'intérêt  * 
«  de  la  France ,  elle  se  platt  à  lui  donner  la  plus  grande  preuve 
d  d^attacbement  et  de  dévouement  qui  ait  été  donnée  sur  la 
a  terre.  »  . 
L'empereur  était  donc  libre  de  choisir  une  nouvelle  épouse. 
.  Dès  le  22  novembre,  M.  de  Caulaineourt^  ambassadeur  de 
France  à  Saint-Pétersbourg ,  fut  chargé  de  demander  confident 
tiellement  à  l'empereur  Alexandre  si  l'on  pouvait  compter  sur 
sa  sœur,  la  grande-duchesSe  Anne.  Napoléon  attendait  avec 
impatience  la  réponse  d'Alexandre,  qui  présentait  à  l'ambassa» 
denr  français  comme  à  peu  près  certain  le  consentement  de 
rimpératrice  mère  et  comme  assuré  celui  de  sa  sœur  ;  mais  il 
demandait  encore  quelque  temps  pour  s'expliquer  d'une  ma* 
nière  définitive,  et,  l'époque  écoulée,  il  réclamait  encore  des 
délais.  Ces  lenteurs  calculées  finirent  par  impatienter  Napoléon» 
Il  avait  alors  à  choisir  entre  les  maisons  de  Saxe  et  d'Autriche, 
qui  éprouvaient  le  plus  vif  désir  de  s'allier  à  lui.  Il  finit  donc 
par  rompre  avec  la  Russie,  dont  l'hésitation  vraie  ou  calculée 
blessait  son  orgueil ,  et  avait  pour  motif  manifeste  la  crainte  de 
voir  rétablir  un  jour  le  royaume  de  Pologne.  Avant  de  s'engager 
définitivement  quant  au  mariage,  la  cour  de  Russie  exigeait 
une  convention  stipuhmt  que  la  Pologne  ne  serait  jamais  re* 
constituée  en  royaume  indépendant,  et  que  les  noms  de  Pologne 
et  de  Polonais  seraient  effoeés  de  la  langue  des  nations.  Napo- 
léon repoussa  avec  Indignation  de  pareilles  exigences.  Les 
dernières  dépêches  de  M.  de  Caulaincourt  étaient  arrivées 
le  6  février  1610;  le  soir  même  on  fit  demander  à  l'ambassa- 
deur d'Autriche ,  te  prince  de  Sohwarzenberg ,  s'il  était  prêt  à 
signer  un  contrat  de  mariage.  Sur  sa  réponse  affirmative,  le  con- 
trat de  mariage  de  Napoléon  avec  l'archiduchesse  Marie- Louise, 
fille  atnée  de  l'empereur  François  II,  fut  signé  le  lendemain  7  aux 
Tuileries. 

Nous  croyons  devoir  terminer  ce  dernier  chapitre  de  la  guerre 
d'Autriche  par  le  précis  de  quelques  événements  épisodiques 

is. 


244  LITBB  SlXlioaU 

fsoo.     qui  n'ont  pu  trouver  place,  à  leor  date^  dans  le  cours  de  notre 
A!iciiia«iic.  narration  principale. 

Ineursim  du  major  SchiU^  chef  de  partisans, dam  le  nord 
de  r  Allemagne  ;  il  est  défait  et  tué  dans  Stralsund  (  l).  —  Le 

■  Scbill  était  né,  en  1773,  à  Sothof,  près  de  Josephstadt,  dans  te  hante  Si- 
lésie.  Son  père,  habile  partisan,  s'était  distingué  dans  la  guerre  de  Sept-Ans, 
d'abord  au  serrice  de  rAutricbe,  ensuite  à  cdoî  de  Saxe ,  et  plus  tard  à  ce- 
lui de  Ffédéric  II.  Le  jeune  Schlll  entra  de  bonne  heure  dans  le  régiment 
de  dragons  d'Anspach-Bajrenth,  doTenn  ensuite  dragons  de  la  reine.  Son 
avancement  ne  fut  pas  rapide  :  Il  n*était  encore  que  second  lieutenant  à  Té- 
poque  de  la  guerre  de  1806.  Blessé  à  la  bataille  d*Auerstaedt  et  entraîné 
dans  la  déroute  générale,  il  gagna  avec  peine  Magdeburg  et  ensuite  Col- 
berg.  Cette  place  était  menacée  d'un  siège  auquel  elle  n'était  pas  préparée. 
Sans  attendre  son  entière  guérison,  SchUI  s'offirit  an  gouTemeur,  le  colonel 
de  Loucadou ,  pour  entreprendre  quelques  courses  aux  euTlrons  de  la  for- 
teresse, dans  le  but  d'inquiéter  Tennemi,  d'apprendre  des  nouTélles,  et 
d'enlerer  divers  objets  des  magasins  du  roi ,  les  caisses  publiques  et  autres 
approYisionnements  pour  les  besoins  de  la  place.  Il  obtient  avec  peine 
quelques  hommes  de  bonne  volonté  avec  lesquels  11  commença  une  série  de 
sorties  qui  réussirent  presque  toujours  et  procurèrent  un  riche  butin.  Sa 
troupe  s'étant  accrue  rapidement  d'un  grand  nombre  de  volontaires,  Schill 
étendit  ses  courses  jusqu'à  l'Oder.  Vers  la  fm  de  janvier  1807,  il  obtint  du 
roi  de  Prusse  rautorisatiou  de  former  un  corps  franc  placé  sous  ses  ordres 
immédiats  pour  faire  la  guerre  de  partisans  dans  toute  la  Poméranie.  En 
moins  d'un  mois,  son  Infatigable  activité  parvint  à  organiser,  équiper,  ar- 
mer, monter  et  mettre  en  campagne  quatre  escadrons  de  hussards,  une  com- 
pagnie de  chasseurs  à  cheval  et  quelques  troupes  d'infanterie  légère,  en 
tout  environ  1,000  hommes,  commandés  par  dliabiles  officiers,  avec  quel- 
ques petites  pièces  de  campagne.  Mais  le  moment  n'était  plus  favorable  aux 
courses  ni  aux  entreprises  des  partisans  ;  car  non-eeulement  plusleors  déta- 
chemento  français  s'avançaient  de  Stettin ,  mais  la  division  TeoUé,  forte  de 
«,000  hommes  venant  d'Italie,  s'approchait  de  l'Oder  et  marchait  sur 
Colbenr,  pour  rejeter  dans  cette  place. les  détachements  prussiens  qui  s'a- 
vançaient jusque  sur  le  bas  Oder.  Le  14  février  Schill  se  porta  sur  U  petite 
ville  de  Naugard,  où  il  s'établit  avec  sa  troupe.  Le  16,  il  attaqua  l'avant- 
garde  de  la  division  Teulié;  le  général  Bonfanti  repoussa  vivement  ceUe 
attaque  et  força  Schill  à  se  retirer  sur  Naugard.  Les  Prussiens  avairat  pris 
une  benne  position  et  construit  une  redoute  au  jnilieu  d'un  marais;  mais, 
attaqués  le  tô  par  le  gros  de  la  division,  la  redoute  fut  emportée  par  les 
ftisiliers  de  la  garde.  Chargé  par  la  cavalerie,  Schill  perdit  ses  canons,  plus 
de  7.00  prisonniers ,  et  laissa  une  centaine  de  morts  sur  le  champ  de  bn- 
Uille.  11  se  retira,  par  Greifenberg  et  Neubrttck,  à  SeUnow,  près  de  Col- 
betg.  Le  général  Teulié  forma  le  blocus  de  cette  place  sur  les  deux  rives  de 
4a  Persante  et  s'empara  Je  19  mars  du  village  de  Selinow ,  ce  qui  força  les 


GUBBBE   D'ALLEMAGNE.  345 

régimoit  de  hussards  que  commandait  le  major  Schlll  ftiinit 
partie  de  la  gamiton  de  Berlin  depuis  le  mois  de  décembre  1 808. 
Pendant  son  séjour  dans  cette  capitale,  SdilU ,  entouré  d'une 
Jeunesse  exaltée  et  enthousiaste,  de  ce  que  Ton  appelait  alors 
.  les  tlhtminés,  prit  une  part  active  à  la  formation  de  la  secte  du 
Tugenhund.  Cette  société  secrète  ^  qui  vouait  une  haine  impla- 
cable à  Napoléon ,  n'attendait  qu'une  occasion  favorable  dont 
la  Prusse  profiterait  pour  se  déclarer  de  nouveau  contre  le  do- 
minateur de  l'Allemagne.  Cette  occasion  parut  enfin  se  présenter 
en  avril  1809,  lors  de  la  déclaration  de  guerre  de  l'Autriche. 
Mais  l'épuisement  de  la  Prusse  commandait  alors  une  politique 
trop  circonspecte  pour  que  le  gouYcmement  adoptât  les  idées 
de  ce  parti>  qui ,  comptant  sur  le  mécontentement  général  en 
Allemagne,  prétendait  que,  malgré  la  conviction  .qu'elle  avait 
de  sa  fidblesse,  la  Prusse  devait  prendre  une  part  active  à  cette 
guerre.  Schill  se  montrait  un  des  plus  zélés  promoteurs  de  ces 
idées  exaltées.  Il  avait  alors  trente*six  ans;  il  était  sans  ins- 
truction ,  sans  grands  talents  militaires^  n'ayant  pas  même ,  au 
dire  de  ceux  qui  l'ont  connu  particulièrement,  la  capacité  d'un 
bon  chef  de  partisans;  mais  il  était  très-brave  et  d'une  audace 
extraordinaire.  Quelque  temps  auparavant,  il  avait  été  invité 
et  même  sommé  par  les  paysans  de  plusieurs  communes  du 
comté  de  Ravensberg  de  les  aider  dans  l'insurrection  qu'ils 
méditaient.  H  savait  qu'un  semblable  mouvement  était  préparé 
dans  la  Hesse  par  le  colonel  Dômberg ,  et  qu'un  sourd  mécon- 
tentement fermentait  dans  tout  le  royaume  de  Westpbalie.  De*^ 
KônigBlierg  même,  où  résidait  encore  la  cour  de  Prusse,  Il  re- 
cevait des  communications  indirectes  qui  insinuaient  que  le  mo- 
ment était  venu  de  tenter  quelque  chose  de  décisif.  Sans  plus 

9 

troapes  de  Schill  à  gagner  le  bois  de  Maikulile,  situé  à  l^embouchure  et  sur 
la  rive  gauche  de  la  Persante;  elles  y  restèrent  pendant  le  siëge,  dont  le 
maréebal  Mortier  ?lnt  prendre  le  commandement  dans  les  premien  jonra 
de  mai ,  et;  auquel  nut  fin  la  paix  de  Tilsitt.  Le  roi  de  Prusse,  voulant  i^ 
compenser  les  services  de  Schill,  le  promut  au  grade  de  major  et  foi-ma 
de  ses  troupes  un  régiment  de  hussards  dont  Schill  prit  le  commande- 
ment. On  verra,  cinlessus,  ce  hardi  partisan  compromettre  de  brillants  et 
«lorieui  antécédents  dans  nne  folle  et  ridicule  entreprise  oui  lui  coAta 
l^tie. 


94A  LIVBE   S1XIÈMS« 

1809.  délibérer,  Schili  prit  sur-le-champ  son  parti.  Soos  le  prétexte  de 
Allemagne,  ^^i^  mauoeavrer  son  régimeat,  ii  le  fit  sortir  de  Berlin  le 
38  ayrll  et  ne  revint  plus.  Ce  ne  fut  que  sor  le  champ  de  ma* 
nœuvre  que,  dans  une  chaleureuse  allocution,  il  dévoila  à  ses 
officiers  le  vrai  motilde  sa  sortie  de  Berlin,  motif  auquel  S.  M. 
ne  refuserait  pas  son  approbation  tacite.  Tous  l'approuvèrent 
sans  restriction  et  même  avec  enthousiasme.  Une  compagnie 
d'infanterie  légère  courut  le  rejoindre  par  des  chemins  dé* 
tournés,  et  plusieurs  offlciers  en  non  activité  vinrent  se  réunir 
à  lui.  Sans  plus  tarder,  SchiU  se  mit  en  marche  vers  l'Ëlbe , 
prit,  par  Briick  et  Niemeck,  la  direction  de  Wittenberg,  et 
arriva  le  l^*"  mai  devant  cette  place,  qui  n*avait  pour  garnison 
qu'un  dépôt  de  troupea  saxonnes  et  qui  renfermait  plusieurs» 
millions  dans  ses  caisses  ainsi  qu'un  nombreux  matériel  d'ar- 
tillerie  de  campagne.  Le  commandant  de  la  place,  instruit  le 
matin  de  bonne  heure  qu'un  détachement  de  troupes  prus- 
siennes avait  franchi  la  frontière^  s'était  mis  en  défense,  avait 
luit  remplird'eau  les  fossés,  et  refusa  le  passage  à  travers  la  ville  ; 
U  permit  seulement  aux  Prussiens  de  longer  le  glacis  jusqu'au 
pont  de  TEIbe ,  ce  que,  sans  cette  permission,  ils  n'auraient  pu 
obtenir  qu'au  prix  d'une  perte  d'hommes  qui  aurait  peut-^re 
été  fort  considérable.,  Cette  froide  réception  prouva  à  Schill 
quil  ne  Ihllait  pas  compter  sur  l'appui  des  Saxons.  Il  se  di^ 
figea  de  là  sur  Dessau,  Kôthen  et  Bernburg,  où  il  apprit,  le  4  mai> 
cpie  rinsorreetlon  des  Qessois  avait  été  comprimée  et  que  Na- 
poléon avait  déjà  battu  et  dispersé  l'armée  autrichienne  à  Tann  ^ 
Abensbei^,  £^;mnhl  et  RatisbcMHie.  Cette  dernière  nouvelle 
le  consterna  et  ébranla  fbrtement  la  confiance  qu'il  avait  con-^ 
servée  jusqu'alors.  Sommé  de  s'expliquer  sur  une  levée  de  bou^ 
cllers  aussi  inattendue,  le  gouvememenf  prussien  déclina  sa 
participation  aux  entreprises  de  Schill ,  le  déclara  déserteur  et 
proscrit.  Il  fallait  cependant  prendre  un  parti  après  s'être  au-, 
tant  compromis.  Le  4  mai  SehiH  assembla  ses  officiers  à  Bem- 
burg ,  et  leur  demanda  s'il  convenait  de  repasser  à  la  rive  droite 
de  l'EIhe  et  de  renoncer  à  l'entreprise.  Cette  ouverture  donna 
Ueu  à  de  vives  contestations  :  tout  ne  paraissait)  pa&encore  perdu 
dans  la  Hesse;  l'esprit  public  en  Westpbalie  offrait  un  vaste 
champ  aux  espérances;  le  nord  de  T Allemagne  paraissait  aft^ 


O0£Ift8  I>*ALLBHA01IB.  )47 

franchi  dttrùbpf s  élraiigères,  et  le  mMMBt  semblait  favorable      im^ 
an  eoones  de  partinâs  ;  TOsl-Frtee  sortoat ,  pays  riche  et  dV  ^^'^'v*** 
boDdaatee  resBonrees  »  poav^t  être  ftcUeoieot  oecapé,  et,  qaoi< 
qa'll  pût  arriver,  assandt  une  retraite  Jnaqu'è  i{i  mer  ponr- 
paaser  en  Angteterre.  II  fat  donc  résolu  qu'on  poursuivndt  la 


Le  gouverneoBent  westphallen.  Informé  par  le  général  Ml- 
éhaudy  gouverneur  de  Magdeburg,  de  l'ineurslon  de  Schill,  prit 
saHe-duunp  des  mesures  pour  en  arrêter  les  progrès.  Le  1*^  ré- 
giment de  ligne  westphalien  partit  en  poste  de  Casse!  pour  Mag- 
deburg«  Sans  s*ètre  encore  décidé  pour  aucun  des  partis  proposés 
dans  le  conseil  tenu  avec  ses^ffiders,  Schill  se  dirigea  sur  Borna. 
A  deux  lieues  de  cette  ville  il  arriva  en  présence  d'un  détacbement 
que  le  général  Michaud  avait  fait  sortir  de  Magdeburg  pour  aller 
en  reconnaissance.  Ce  détachement  se  composait  de  deux  com- 
pagnies de  voltigeurs  firançais,  commandées  par  le  colonel  Wau- 
tliier,  et  de  quatre  compagnies  de  Westphaliens,  conduites  par  le  • 
général  Uslar,  aide  de  camp  du  roi  Jéréme,  avec  deux  pièces  de 
canon.  Le  général  Udar,  arrivé  au  village  de  Dodendorf,  au  lieu 
de  s'y  arrêter  et  de  prendre  position  derrière  le  ruisseau  maréca- 
geux du  Sûlsbach ,  s*avança  sans  précaution  jusqu'au  delà  du 
village  y  à  la  rencontre  de  la  cavalerie  de  Schill.  Le  5  les  deux 
troupes  se  tmuvèrent  en  présence.  Schill  essaya  de  parlementer 
pour  attirer  à  loi  les  soldats  westphaliens;  mais  ses  envoyés  fu- 
rent reçus  par  une  décharge  à  bout  portant  de  la  part  des  volti- 
geurs français ,  qui  lear  tua  un  officier.  L'aide  de  camp  du  roi 
Jérôme ,  qui  ne  s'aperçut  pas  de  la  ruse  de  Schill ,  or(k)Dna  de 
cesser  le  feu.  Cen  était  fait  des  cinq  compagnies  de  la  garnison 
de  Magdeburg  sans  le  courage  et  la  présence  d'esprit  du  oo* 
lonel  Wauthier,  qui   forma  sur-le-champ  ses  compagnies  en 
carré ,  déclara  au  général  Usiar  qu'il  ne  le  reconnaissait  plus 
pour  chef,  et  fit  commencer  un  feu  roulant  si  iilen  dirigé  qu'il 
obligea  d'abord  fennemi  à  reculer  avec  une  perte  considé- 
rable. De  leur  côté  les  Westphaliens,  suivant  l'exemple  des 
Français,  se  formèrent  en  deux  carrés.  Schill,  ne  pouvant  plus 
reculer  dans  tes  circonstances  où  il  se  trouvait,  cliargea  les 
deux  carrés  westphaliens,  qu'il  enfonça,  tandis  que  les  Français 
se  retiraient  en  ordre  sur  Dodendorf,  qu'ils  occupèrent.  Le  oo- 


1 


348  LIVEE  SiXIBEt. 

tM».      lonel  Wauthîer  fût  blessé  mortellement  dans  cette  activa.  Ln 
AUtma^e.  Westphaliens  y  laissèrent  environ  J  70  prisonniers  et  leur  arlH^ 
lerie,  qae  l'ennemi  ne  put  emmener.  Ce  stérile  avantage  coûta 
cher  à  Sehill,  qui  perdit  9>  ofUeiers  et  70  hommes. 

Immédiatement  après  oe  combat ,  Sehlli,  en  décrivant  mi 
demi-cercle  autour  de  Magdeburg,  se  porta  sur  Wanzleben,  e( 
de  là ,  au  lieu  de  continuer  sa  marche  sur  Brmiswlck  »  il  se  di- 
rigea sur  Tangermûnde  et  dans  TÂltmark,  où  il  tenta  vainement 
de  soulever  le  peuple  au  moyen  de  proclamatioBS  qui  ne  sédui-r 
sirent  personne.  Dans  les  journées  du  6  au 8  mai,  il  atteignit 
par  Neuhaldeusleben  les  environs  de  Stendal  et  d^Amebai^, 
où  il  s'arrêta  pendant  six  jours.  Ce  fut  là  qu'il  apprit  que  le 
gouvernement  westphatten,  par  un  manifeste  affiché  à  Gassel, 
le  déclarait,  lui  et  sa  troupe,  voleurs  de  grands  chemins,  pertur- 
bateurs du  repos  publie,  et  mettait  sa  tète  à  prix,  et  qu'enfin  le 
gouvernement  prussien  avait  décliné  sa  participation  à  son  en- 
treprise. Bien  qu'il  vit  arriver  de  divers  points  de  nombreux 
renforts  en  cavalerie  et  en  inianterie,  Sehill  ne  pouvait  plus  se 
feire  iUusion  sur  sa  position ,  qui  de  jour  en  jour  devenait  plus 
précaire.  Son  intention  était  de  se  retirer  à  Dôraitz  et  de  faire 
de  ce  petit  fort  un  poste  assuré  pour  ses  opérations  ultérieures, 
il  y  marcha  en  effet  le  13,  par  Werden  et  Gardow ,  et,  deux 
jours  après,  un  détachement  qui  descendit  TElbe  enleva  ce 
poste  gardé  par  60  soldats  mecklenbourgeoia;  mais»  abandon- 
nant bientôt  ce  premier  plan ,  il  résolut  de  gagner  les  côtes  de 
ta  Baltiqtie  pour  se  mettre  en  communication  avec  la  flott^  an- 
glaise. G*est  alors  qu'il  se  dirigea  sur  Stralsund.  Il  ne  devait 
pas  éprouver  l)eaucoup  de  résistance  en  se  portant  dans  cette 
direction  ;  car^  avec  le  faible  contingent  mecKlenbourgeois  de 
la  Confédération  rhénane,  il  ne  se  trouvait  dans  la  Poméranie 
suédoise  qu'un  escadron  de  lanciers  polonais  et  une  centaine 
d'artilleurs  français.  Mais,  d'un  autre  côté,  une  division  west- 
phalienne,  aux  ordres  du  général  d'Albigoac,  marchait  sur  Dô-. 
mitz^  où  Sehill  avait  laissé  une  garnison  de  400  hommes,  et  le 
général  Gxatien ,  avec  une  division  hollandaise,  se  dirigeait  sur 
\e  hsA  Elbe.  Un  corps  danois  qui  était  dans  le  Holstein,  aux  or^ 
dres  du  général Ewald,  devait  au;ssiprendrepart  ^ cette gueicre 
contre  le  major  Scbill . 


GUBBBB   d'aLLBMAGNE.  249 

Gelui-d  marcha  y  du  18  au  20  mai,  à  Wisroar;  deux  jours  1809. 
après,  à  Bostock,  et  le  24  à  Damgarten.  Le  général  Candras,  ^'*^^sne. 
gouverneur  de  la  Poméranie  suédoise,  avait  réj[>arU  ses  troupes 
à  Tribsees,  Bichtenberg  et  Damgarten,  où  700  hommes  mal 
armés  et  mal  approvisionnés ,  avec  deux  pièces  de  canon ,  dé- 
valait défendre  le  passage  de  la  Recknitz,  dont  le  pont  avait  été 
rompu.  C'est  aussi  ce  qu'ils  firent  pendant  quelques  heures  ; 
mais  une  compagnie  de  Schill,  ayant  gagné  la  rive  droite  à 
Freudenberg,  parut  inopinément  sur  le  flanc  de  la  troupe  de 
Gandras  et  la  força  à  se  retirer.  Le  pont  fut  rétabli  sur-le-champ, 
et  cette  troupe ,  poursuivie  à  outrance,  fut  forcée  de  déposer  les 
armes.  Celles  qui  étaient  à  Tribsees  et  à  Richtenberg  se  retirè- 
rent jusqu'à  la  frontière  prussienne  avec  le  général  Candras.  Le 
2&,  le  corps  de  Schill  arriva  à  Straisund ,  occupé  seulement  par 
150  canonniers  français,  qui,  retranchés  dans  leur  caserne,  se 
firent  tuer  jusqu'au  dernier  homme  plutôt  que  de  se  rendre. 
Sur-le-champ  Schill  fit  élever  des  redoutes  sur  les  ruines  des 
anciennes  fortifications  que  le  maréchal  Brune  avait  fait  dé- 
molir; mais  le  développement  des  ouvrages  de  la  place  n'était 
pas  en  rapport  avec  le  petit  nombre  de  leurs  défenseurs,  qui  ne 
dépassait  pas  2,000  hommes.  Diverses  tentatives  pour  établir 
des  relations  avec  la  flotte  anglaise  échouèrent,  car  elle  avait 
disparu  de  ces  parages. 

Dès  le  20  mai ,  l'avant-garde  de  la  colonne  westphalienne  du 
général  d'Albignac  s'était  montrée  à  la  rive  gauche  de  l'Elbe , 
en  face  de  Domitz,  et  avait  tenu  depuis  lors  la  garnison  en  ha- 
leine. Le  24  le  général  westphalien  fit  traverser  le  fleuve  à  ses 
troupes  sous  la  protection  de  son  artillerie  et  occupa  le  fort  de 
Dômitz,  que  les  400  hommes  de  Schill  évacuèrent  après  une 
vive  résistance.  Ils  se  retirèrent,  presque  sans  perte,  sur  Rostock, 
par  Grabow,  Kriwitz  et  Lùtzow,  et  s'embarquèrent  le  27  à  War- 
nemûnde,  à  la  nouvelle  de  l'approche  de  la  division  Gratien. 
Celle-ci ,  qui  venait  de  Lûneburg,  passa  l'Elbe  le  23  à  ZoUens- 
piker,  etmarchaà  Ratzeburg,  où  elle  fut  jointe  par  1 ,500  Danois. 
Ce  renfort  porta  à  7,000  hommes  le  corps  expéditionnaire  du 
général  Gratien ,  qui  se  dirigea  immédiatement,  par  Wismar, 
Rostock  et  Richtenberg ,  sur  Stri^lsund ,  où  il  arriva  le  3 1  mat  • 
ILvànt  midi. 


2*>0  LIVAB  SIXliUE. 

f80b.         ^u  ^^  ^^  '^  ^'''^  ferme,  Stralsund,  entouré  des   lacs 
AUenugne.  ^ûieper  et  Franken ,  n'est  abordable  que  par  trois  digues  :  celle 
du  sud,  qui  conduit  à  la  porte  dite  Fraokenthor  ;  celle  de  l'ouest, 
qui  conduit  à  la  porte  dite  Tribseerthor ,  et  celle  du  nord ,  qui 
mène  à  la  porte  appelée  Knieperthor.  Les  deux  premières  étaient 
à  Tabri  d'un  coup  de  main  ;  mais  la  dernière  nécessitait  encore 
plusieurs  jours  de  travail  pour  être  mise  en  état  de  résister  à 
une  attaque  de  vive  force.  Le  gros  de  Tinfonterie  de  Schill  oc- 
cupait la  porte  de  Knieper,  où  il  s'attendait  bien  à  être  attaqué  ; 
la  cavalerie  était  en  réserve  sur  la  place  appelée  Alten  Markt. 
Les  dispositions  prises  par  le  général  Gratien  prouvèrent  quMl 
connaissait  l'état  de  la  place;  car,  tandis  qu'un  faible  détache- 
ment faisait  des  démonstrations  au  côté  sud,  un  autre  détache- 
ment plus  considérable  attaqua  la  porte  de  Tribsees.  Le  reste 
de  la  division,  couvert,  autant  que  possible,  par  quelques  mou- 
vements de  terrain,  s'avança  le  long  de  la  côte,  pour  porter  le 
coup  dédsif  sur  la  porte  de  Knieper.  Arrêtés  pendant  quelque 
temps  par  le  feu  de  douze  pièces ,  6,000  Hollandais  et  Danois 
enlevèrent  d'assaut  les  ouvrages  encore  imparfaits *de  ee  côté, 
et  pénétrèrent  dans  la  ville  malgré  la  plus  vive  résistance.  On 
se  battit  avec  fureur  dans  les  rues.  La  réserve  de  Schill,  surprise 
tout  à  coup  par  la  cavalerie  danoise,  était  aux  prises  avec  elle 
quand,  instruit  de  ce  qui  se  passait  sur  1* Alten  Markt,  il  ac- 
courut de  la  porte  de  Knieper.  C'est  idors  que  commença  un 
combat  à  outrance.  Schill  était  partout  où  la  mêlée  s'engageait 
avec  le  plus  d'opiniâtreté,  et  d'un  coup  de  sabre  renversa  de  son 
cheval  le  général  hollandais  Carteret.Mais,  blessé  déjà  plusieurs 
fois,  exténué  et  d'une  p&leur  mortelle,  se  tenant  à  peine  à 
cheval,  il  fut  atteint,  en  se  retirant  par  une  rue  latérale,  de 
plusieurs  coups  de  feu  qui  le  renversèrent.  11  fut  achevé  par 
des  chasseurs  hollandais  qui  le  taillèrent  en  pièces  et  le  rendi- 
rent méconnaissable.  Environ  600  hommes  de  son  corps  res- 
tèrent prisonniers,  16  officiers  et  170  cavaliers  s'onvrirent  un 
passage  le  sabre  à  la  main ,  et  parvinrent  k  gagner  la  frontière, 
d'où  le  gouvernement  prussien  les  fit  interner.  Les  oflldcars  fu- 
rent cassés  de  leurs  grades  et  enfermés,  pour  plus  ou  moins  de 
.  temps,  dans  des  forteresses.  Ceux  qui  avaient  été  foits  prison- 
niers furent  fusillés  à  Wesel  au  nombre  de  douze ,  et  les  soldats- 


GUEBBB   d'aLLBUâÔNE.  251 

envoyés  au  bagne  de  Tovloo'.  L'identité  de  Schlll  fut  difll-  tm. 
cilement  constatée^  tant  il  était  défiguré.  Sa  tête,  conservée  dans  ^**™*"*' 
de  l'esprit  de  vin,  fat  envoyée  à  Gassel  ;  plus  tard  elle  fut  portée 
en  Hollande  et  placée  dans  un  musée  d'histoire  naturelle  de 
Leyde,  où  elle  se  trouvait  encore  quinze  ans  après  l'affaire 
de  Stralsund.  La  mort  de  Schlll  dispersa  le  reste  de  ses  parti- 
sansy  et  dissipa  les  vives  Inquiétudes  que  ce  chef  de  bande  avait 
lait  nattreen  Saxe  et  en  Westphalie. 

II  est  vraisemblable  que  cette  entreprise  du  major  prussien 
tenait  à  une  vaste  conspiration  qui  embrassait  tout  le  nord  de 
l'Allemagne,  et  que  sa  maladresse  fit  avorter.  Quoiqu'on  n'ait 
jamais  eu  de  renseignements  bien  positife  à  cet  égard ,  les  es- 
prits étaient  montés,  et  l'on  paraissait  disposé  sur  beaucoup  de 
points  à  renoQveler,  à  l'égard  des  Français ,  la  catastrophe  des 
vêpres  siciliennes. 

Les  Hessols étaient,  à  la  même  époque,  en  pleine  insurrec- 
tion. Le  tocsin  sonnait  dans  un  grand  nombre  de  villages ,  et 
20,000  paysans  armés  marchaient,  dans  différentes  directions, 
sur  la  ville  de  Gassel.  Mais  le  général  français  Eblé ,  alors  mi- 
nistre de  la  guerre  du  roi  de  Westphalie ,  réussit ,  par  ses  sages 
mesures  et  son  activité,  à  étouffer  ce  mouvement  avant  qu'il 
n'eût  pris  de  grands  développements.  i^^^.^ 

JHverswn  tentée  par  les  Anglais  pendant  la  guerre  avec  Juin  -Juiiieu 
l* Autriche;  expédition  du  général  Stuart  sur  les  côtes  du 
royaume  de  Naples.  -r  On  a  vu  dans  la  proclamation  adres- 
sée par  l'archiduc  Chartes  aux  peuples  de  la  monarchie  autri- 
chienne, à  l'ouverture  de  la  campagne,  qne  la  cour  de  Vienne 
donnait  à  entendre  qu'elle  serait  secondée  dans  cette  nouvelle 
hitte  par  Tune  des  grandes  puissances  de  l'Europe  * .  C'était  dé- 
signer assex  clairement  TAngleterre,  puisque  la  France  se  trou- 
vait alors  en  paix  avec  les  autres  gouvernements.  Toutefois, 
l'arohiduc  avait  enveloppé  d'un  certain  mystère  cette  déclara- 
tion encourageante ,  soit  parce  que  les  bases  de  cette  alliance 


■  Ils  farent  mis  en  liberté  au  mois  de  mai  1814,  après  rabdication  de 
Napoléon,  et  rendus  au  roi  de  Prusse. 

>  «  Bientôt  des  troupes  étrangères  se  joindront  à  nous  pour  combattre 
Tennenii  commun.  »  (Voyez  page  62.  ) 


252  LIVBB  SlXltaS. 

n*étaient  pas  eooore  arrêtées ,  soit  peut-être»  aiasi  qu'oo  Ta  pensé 
dans  le  temps,  que  le  eabinet  de  Yieiwe  Yoakkt  laisser  suppo- 
ser que  la  coopération  annoncée  viendrait  de  la  Russie  ou  de 
la  Prusse,  bien  plus  en  position  l'une  et  rautre'-de  secourir 
rAutriche  dans  ses  efforts  amtre  Napoléon. 

Les  événements  ne  tardèrent  pas  à  démontrer  que  la  Russie 
et  la  Prusse  ne  prendraient  point  parti  pour  rAutricbe  dans  la 
nouvelle  guerre.  L^empereur  Alexandre,  fidèle  an  traité^de 
Tilsitt  et  aux  conventions  d'Ërfurtb,  crut  même  devoir  armer, 
en  faveur  de  son  allié,  l'empereur  des  Oançais,  pour  arrêter 
Tinvasion  du  grand-duché  de  Varsovie  par  les  troupes  autri- 
chiennes ,  et  Ton  vit  le  cabinet  de  SaintJames  se  préparer  seul 
à  agir  dans  les  intérêts  de  celui  de  Vienne. 

Il  fut  arrêté  entre  les  deux  gouvernements  que,  tandis  que 
TAutriche  mettrait  en  mouvement  toutes  ses  forces  en  Allema- 
gne, en  Pologne  et  en  Italie,  pour  combattre  l'ennemi  conunnn, 
TAngleterre  chercherait  à  diviser  celles  de  la  France  en  les  at- 
tirant à  la  fois  sur  les  cêtes  des  royaumes  de  Naples  et  de  Hol- 
lande et  des  départements  septentrionaux  de  l'empire,  qu'elle 
menacerait  pas  des  armements  formidables.  Les  deux  cabinets 
comptaient  d'autant  mieux  sur  le  succès  de  ces  diversions  qœ 
leurs  agents ,  dans  les  pays  dont  nous  parlons ,  leur  avaient 
encore  exagéré  les  dispositions  particulières  des  habitants,  qu'ils 
désignaient,  en  masse,  comme  impatients  de  secouer  le  joug 
tyrannique  imposé  par  Napoléon.  En  effet ,  au  moment  même 
où  l'alliance  entre  l'Autriche  et  l'Angleterre  se  renouait  ainsi, 
les  deux  provinces  des  Abruzses  et  de  la  Calabre,  dans  le 
royaume  de  Naples,  étaient  de  nouveau  en  insurrection  contre 
le  roi  Joachim  Murât ,  et  Ton  pouvait  croire  avec  quelque 
raison  que ,  si  les  mécontents  se  voyaient  une  fois  assurés  d'une 
forte  protection,  ils  auraient  forcé  l'empereur  des  Français  à 
distraire  une  grande  partie  des  troupes  sous  les  ordres  du  prince 
vice-roi  d'Italie  pour  maintenir  son  beau*frère  sur  le  trêne 
qu'il  lui  avait  donné. 

'  On  trouve  dans  le  tome  septième  de  la  Correspondance  inédite  de  Kapo^ 
léony  imprimée  chez  C.-L.-F.  Panckoncke,  plosienrs  lettres  qui  jettent  im 
grand  jour  sur  les  dispositions  dn  cabinet  de  Berlin  àcette  ^x>qae,  et  qui  confir- 
ment notre  assertion.  (Voyez  p.  395  et  snir.,  jusqu^à  la  p.  420  de  oe^Toluine.> 


GUBBIK  D'ALLEMAGNE.  2&S 

Les  eEpénnees  que  âônoatt  TexpédHioii  projetée  sar  les  côtes 
de  la  '  II<^iande  et  à  reiiii)oi]chiire  de  l'Escant  étaient  encore 
phis  positives  :  on  savait  qae  la  Hollande  se  plaignait  haute- 
ment d^étre  soumise  ao  système  prohibitif  imposé  par  le  mo- 
narque français  ;  et,  quoique  la  masse  du  peaple  parût  attachée 
au  roi  qui  la  gouvernait  avec  une  douceur  exemplaire^  un 
grand  nombre  d'habitants  étaient  disposés,  par  calcul,  à  se  join- 
dre au  parti  qui  promettait  de  rétablir  les  bases  de  l'ancienne 
prospérité  nationale . 

Le  port  d'Anvers  et  une  partie  des  côtes  du  nord  de  la  France 
étaient  sans  défense  ;  presque  toutes  les  places  frontières  étaient 
désarmées  et  sans  garnisons  ;  tous  les  dépôts  étaient  vides,  et 
il  fallait  un  laps  de  temps  assez  considérable  pour  que  le  gou- 
vernement français  pût  réunir  les  moyens  de  s'opposer  aux  pro- 
grès d'une  invasion  vivement  exécutée. 

Ces  considérations  avaient  décidé  l'Angleterre  à  tenter  les 
deux  expéditions  dont  nous  parlons ,  et  où  elle  trouvait  d'ail- 
leurs, pour  elle-même,  un  avantage  réel. 

Le  général  Stuart,  qui  commandait  les  troupes  que  le  cabi- 
net de  Saint-James  n'avait  point  cessé  d'entretenir  en  Sicile , 
autant  pour  la  défense  de  cette  lie  que  dans  l'espoir  de  recon- 
quérir un  jour  le  royaume  de  Naples,  eut  ordre  de  se  concerter 
avec  1aTM>ur  de  Palerme  pour  les  préparatifs  de  la  première  de 
ces  expéditions,  tandis  que  le  ministère  britannique  accélérait, 
de  son  côté,  l'armement  destiné  contre  les  côtes  de  la  Hollande. 
Rien  ne  fat  négligé  pour  que  celui-ci  répondit  à  l'importance  des 
résultats  qu'on  en  attendait.  L'or,  les  hommes,  les  navires  furent 
prodigués  ;  mais,  par  une  suite  de  cette  espèce  de  fatalité  qui  sem- 
blait s'attacher  aux  entreprises  de  ce  genre  tentées  jusqu'alors 
par  la  Grande-Bretagne,  on  va  voir  ces  deux  expéditions  échouer 
malgré  toutes  les  mesures  prises  pour  en  assurer  le  succès. 

Le  général  Stuart  et  le  çommodore  Martin  employèrent  plus 
de  quatre  mois  à  foire  leurs  préparatifs  en  Sicile  ;  le  roi  Joachim 
en  fut  informé  ;  longtemps  avant  que  les  Anglais  fussent  en 
état  d'agir,  il  connaissait  déjà  tout  le  secret  de  l'entreprise  et 
faisait  ses  dispositions  pour  la  repousser.  Les  troupes  françaises 
stationnées  dans  le  royaume  de  Naples,  après  avoir  rétabli  la 
tranquillité  dans  la  Calabre  et  dans  les  Abruzzes,  eurent  ordre 


ItaUe 


1 


luUe, 


254  LITBB  SiXISHB. 

1M0.  de.  se  concentrer  el  de  venir  ooe«per  les  edtes  ;  d^ levées  ex^ 
traordinaires  furent  ordonnée»  et  exéeatéce  avec  fignevr;  on 
établit  plusieurs  camps  autour  de  la  capitale,  et  le  ro|i  qui  con- 
naissait la  guerre  et  qui  l'avait  faite  avec  dlstinetion»  s'oceupa 
du  soin  de  donner  à  ses  nouvelles  troupes  l'organisation  et  la 
discipline  ^ui  assurent  le  sueoës  des  armes.  Ami  du  faste  et  de 
la  représentation,  Morat  s*était  déjà  entouré  d'une  garde  d'hon- 
neur composée  de  tous  les  fils  des  plus  riches  seigneurs ,  pro- 
priétaires et  négociants  de  son  royaume.  La  politique  était  entrée 
aussi  pour  beaucoup  dans  la  création  de  ce  corps  d'élite;  le 
roi  avait  voulu  s'assurer  des  dispositions  des  personnages  les 
plus  marquants  entre  ses  sujets ,  et  les  fils  étaient  comme  des 
otages  qui  répondaient  de  la  fidélité  des-pères.  Murât,  entouré 
de  ces  gardes»  magnifiquement  équipés,  passait  de  fréquentes 
revues ,  et  cherchait,  par  l'appât  des  titres  et  des  récompenses 
militaires,  à  exciter  l'ardeur  des  officiers  et  des  soldats.  En 
même  temps  la  plus  grande  activité  régnait  dans  les^arsenauji 
et  dans  les  autres  établissements  militaires  ;  la  capitale,  deve- 
nue le  centre  de  tous  les  préparatifs  de  défense»  paraissait  une 
ville  de  guerre.  Il  était  difficile  que  le  général  Stuart  pût  sur- 
prendre un  adversaire  qui  se  tenait  aussi  bien  sur  ses  gardes. 
L'expédition  anglaise  apparut  enfin  au  commencement  du 
mois  de  juin  y  et  les  vigies  napolitaines  la  signalèrent  en  pleine 
n^er  le  12.  Lorsqu'elle  arriva*  en  vue  de  Naples,  la  marine  du 
roi  Joaclnm  put  facilement  en  i-econnattre  la  force.  Elle  était  de 
deux  cents  voiles,  parmi  lesquelles  deux  vaisseaux  de  ligne, 
cinq  frégates,  plusieurs  bricks  et  cutters,  et  un  grand  nombre 
de  chaloupes  canonnières.  Le  surplus  se  composait  de  bâtiments 
de  transport,  chargés  de  troupes,  de  clievaux,  de  munitions, 
et  de  tout  l'attirail  d'un  grand  débarquement.  L'armée  d'ex- 
pédition, forte  de  16,000  combattants,  était  composée  de 
troupes  anglaises  et  siciliennes,  dans  une  proportion  à  peu  près 
égale.  11  y  avait  en  outre  un  grand  nombre  d'officiers  isolés  et 
à  la  suite,  qui,  tous  brevetés  par  le  roi  Feixiinand ,  devaient , 
aussitôt  après  le  débarquement,  s'occuper  d'enrégimenter  les 
habitants,  qu'on  supposait  prêts  à  se  lever  en  foule  à  l'appari- 
tion de  la  flotte.  Le  gouvernement  britannique  avait  même  fait 
confectionner  vingt  mille  habits  pour  cette  milice  future. 


lUHe. 


GIIEBBB   d'ALLSMAONB.  355 

Uamiral  anglais  longea  d'abord  la  c6te  de  Calàbre,  eherchant  imo. 
an  poini  fiivorable  pour  te  débarquement,  et  épiant  les  signaux 
Gonvenusqul  devaient  lui  être  feits  de  l'intérieur  du  pays  ;  mais  le 
général  de  division  Partonneanx,  quicommandaitdans  œtte  par- 
tie, avait  su  prendre  des  précautions  si  sévères  et  si  bien  oonœr- 
tées  qu'aneun  mécontent  n'osa  remuer.  Quelques  débarquements 
partiels ,  opérés  par  les  bâtiments  légers  de  la  flotte»  n'obtin- 
rent aucun  résultat ,  et  fèrent  tous  rqwussés  avec  perte  par  les 
postes  français  disposés  sur  la  côte .  Ces  débarquements  avaient, 
au  reste ,  pour  but  principal,  de  répandre  dans  le  pays  des  pre- 
damatioDS  incendiaires,  qui  furent  presque  toutes  ramassées 
par  les  patrouilles  fhinco-napolitaines.  Enfin  la  flotte,  après 
avoir  louvoyé  pendant  dix  Jours ,  se  rabattit  tout  à  coup  sur 
la  petite  fie  d'Isehia,  à  quelques  milles  de  Naples,  et  parut  vou- 
loir y  opérer  un  débarquement.  Le  25  Juin ,  au  moment  où 
Pavant-garde  de  la  flotte  ennemie  s'avançait  dans  le  canal , 
entre  l'Ile  d'Ischia  et  celle  de  Procida ,  plusieurs  chaloupes  ca<» 
nonnières  de  la  marine  napolitaine,  soutenues  par  une  corvette 
et  par  la  frégate  la  Cérès,  commandée  par  le  capitaine  Bauzan, 
se  détachèrent  de  la  côte  pour  reconoattre  ces  i>étiments;  mais 
elles  furent  bientôt  entourées  par  des  forces  supérieures.  L^action 
s'engagea  à  neuf  heures  du  matin ,  et  la  flottille  napolitaine 
soutint  pendant  longtemps  avec  avantage  le  fëu  très-violent 
des  Anglais.  Une  de  leurs  frégates  fût  tellement  endommagée 
qu'elle  se  vit  forcée  de  prendre  le  large.  Les  bâtiments  napo- 
litains réussirent  à  se  dégager  et  à  se  mettre  sous  la  protection 
des  batteries  de  Poz2uolo  et  de  Baja. 

La  corvette  et  la  frégate,  ayant  reçu  du  roi  Joachim  l'ordre 
de  rentrer  dans  le  port  de  Naples,  remirent  bientôt  à  la  voile, 
et,  trompant,  par  des  manœuvres  hardies,  la  vigilance  de  l'en- 
nemi ,  elles  traversèrent  une  partie  de  l'escadre  et  gagnèrent 
le  large  pour  se  diriger  ensuite  sur  Naples.  La  corvette  napoli- 
taine ,  meilleure  voilière ,  précédait  la  frégate ,  qui  suivait  plus 
lentement;  ces  deux  bâtiments  furent  joints  par  une  frégate, 
une  corvette  et  dix-huit  canonnières  portant  du  24 ,  et  deux 
galiotes.  Un  nouvel  engagement  eut  lieu,  à  quatre  heures  et 
demie  du  soir,  à  la  pointe  de  Pausilippe  et  en  présence  de  toute 
la  population  de  Naples.  Le  vent  étant  venu  à  manquer,'  les 


7 


Italie. 


250  LivBE  sixièm* 

4ft».  Anglais  tentèrent  de  prendre  les  Napolitains  à  Tabordage  ;  mais 
œux-d  se  défendirent  avee  la  plus  grande  résolution,  et,  après 
trois  heures  de  combat  dans  une  position  désavantageuse,  la  fré- 
gate et  la  corvette  ^  criblées  de  coups  de  canon  et  presque  dé- 
semparées, parvinrent  cependant  à  entrer  dans  le  port  de  Na- 
pies,  aux  cris  répétérde  vivent  le  roi  Joachim  et  l'empereur 
Napoléon I  Murât,  qui  n'avait  point  quitté  le  fort  de  rUovo 
(l'Œuf)  pendant  toute  l'action,  descendit  au  port,  se  fit  con- 
duire à  bord  de  la  frégate ,  et  combla  d'éloges  et  de  récom- 
penses les  marins  qui  venaient  de  soutenir  si  glorieusement 
rhonneur  de  son  pavillon.  L'une  des  frégates  ennemies  avait 
été  mise  hors  de  combat ,  et  le  capitaine  avait  eu  le  bras  droit 
emporté  par  un  boulet.  Ce  succès,  car  c'en  était  un  d'avoir 
i*ési8té  à  des  forces  aussi  supérieures,  coûta  à  la  marine  napo* 
litaine  60  hommes  tués  et  près  de.  120  blessés. 

Sur  ces  entrefiaites ,  les  troupes  anglo-siciliennes  débarquè- 
rent dans  l'Ile  de  Procida  et  s'en  emparèrent  sans  coup  férir. 
Le  lendemain  26,  une  division  de  trente  chaloupes  canonnières 
napolitaines,  revenant  de  Gaête  à  Naples,  suivant  Tordre  qu'elles 
en  avaient  reçu,  parurent  dans  le  canal  qui  sépare  Tile  de  Pro- 
cida de  celle  d'fschia.  Ces  chaloupes,  ne  pouvant  plus  être  pro^ 
tégées  par  les  batteries  basses  de  Procida,  dont  le  feu  se  croise 
avec  celui  de  terre  ferme  de  Meliscola  et  du  cap  Misène,  se  trou- 
vèrent entourées  par  les  bâtiments  ennemis.  Le  combat  s'enga- 
gea dès  quatre  heures  du  matin.  Les  Napolitains  se  défendirent 
avec  un  courage  égal  à  celui  que  leurs  camarades  avaient  dé- 
ployé la  veille  devant  Naples.  Un  brick  anglais  fut  brûlé  par 
la  batterie  de  Meliscola,  une  canonnière  anglaise  fût  coulée  bas 
et  plusieurs  autres  très-endommagées;  mais  bientôt  six  cha- 
loupes napolitaines  sombrèrent  sous  la  bordée  des  vaisseaux 
ennemis ,  trois  furent  incendiées ,  et  cinq  obligées  de  s'échouer 
sur  la  côte  ;  les  seize  autres  rentrèrent  glorieusement  dans  le 
port. 

A  la  suite  de  ce  combat,  les  Anglo-Siciliens  opérèrent  un 
nouveau  débarquement  dans  l'île  d'Ischia.  Six  mille  hommes 
prirent  terre  entre  huit  et  neuf  heures  du  matin ,  et  n'eurent 
pas  de  peine  à  contraindre  la  faible  garnison  qui  gardait  les 
batteries  de  Tlle  à  se  réfugier  dans  le  fort  du  château ,  qui  fut 


\t\yeM  sôr-le-champ.  Le  commandant  napolitain  »  généra!  Co*  ibm. 
lonna ,  sommé  d'ouvrir  ses  portes ,  répondit  qu'il  se  défendrail^  "^'''' 
jQ^u'à  la  dernière  extrémité* 

Quelques  fours  après ,  le  générai  Stuart ,  informé  que  quel^ 
ques  démonitrations  faites  par  ses  ordres  dans  le  golfe  de  ¥c^U 
Castro  avaient  attiré  sur.ee  point  le  général  Partouneaux  avec 
une  grande  partie  des  forces  qu'il  avait  à  sa  disposition,  résolut 
de  tenter  un  troisième  débarquement  aux  environs  de  Scylla 
Les  troupes  qui  y  furent  envoyées  abordèrent  sans  résistance, 
et  déjà  elles  se  préparaient  à  attaquer  le  fort  de  Scylla  lorsque 
te  général  Partouneaux  accourut  brusquement  du  point  on  il 
s'était  d'abord  porté ,  ailn  de  s'opposer  à  cette  nouvelle  entre* 
.prise.  Les  Anglo-Siciliens,  ne  se  croyant  pas  assez  nombreux 
pour  résister  à  cet  adversaire ,  se  rembarquèrent  avec  tant  de 
précipitation  qu'ils  abandonnèrent  sur  le  rivage  tout  leur  at- 
-Urall  de  siège»  tine  grande  quantité  de  projectiles^  des  muni- 
tions, des  tonneaux  de  biscuit  et  de  viande  salée,  etc.  Deux 
cents  cavaliers  anglais,  détachés  dans  Tintérieur  des  terres, 
furent  coupés  et  faits  prisonniers  par  le  général  Gavaignac. 

L'occupation  des  lies  de  Prôdda  et  d'fscbia  et  la  tentative 
sur  Scylla  furent  à  peu  près  les  seules  opérations  du  général 
Stuart.  Depuis  le  1^  jusqu'au  32  juillet,  la  flotte  anglaise  con* 
tinua  à  croiser  sur  les  c6tes  du  royaume  de  Naples  et  tint  en 
haleine  les  troupes  chargées  de  les  défendre.  De  temps  à.  autre 
elle  faisait  des  démonstrations  de  débarquement,  qui  se  bornaient 
toujours  à  jeter  sur  le  rivage  quelques-uns  de  ces  bandits  ou 
gens  sans  aveu  qui  s'étaient  signalés  dans  les  campagnes  pré- 
cédentes par  leurs  brigandages,  par  la  dévastation  des  propriétés 
et  par  des  assassinats  partiels.  On  sait  que  l'emploi  de  ces  moyens 
auxiliaires  était  familier  au  gouvernement  sicilien,  et  que  les 
Anglais  s'y  prêtaient  avec  complaisance'.  Ces  misérables  ^  ainsi 
débarqués  sur  les  côtes  de  la  Calabre,  s'occupaient  bien  mieux 
de  iéur  ancien  métier  de  voleurs  ou  de  sicaires  que  d'accroître 
le  nombre  des  partisans  du  roi  Ferdinand,  Ils  ne  réussirent  qu'à 
rassembler  quelques  hommes  de  leur  trempe,  et  les  excès  com- 
mis par  cette  association  de  brigands  furent  plus  favorables  aux 
intérêts  du  roi  Joaehim  que  ne  l'auraient  été  quelques  milliers 
de  soldats  de  plus  dans  son  armée.  Ils  inspirèrent  ai;x  habitants 

X.  47 


^ÙÈ  LIVBH    SI1XIÈVS. 


«m.  pi^i^iUes  tm  grand  élolgriëinént  pour  le  retour  de  l'abdeDiiedy^ 
^^^'  basUlè  et  vn  attachement  née!  pour  le  nouveau  gouTemeiiieiit» 
qui  s'étudiait  à  rétablir  partout  Tordre  et  la  tranquilUté,.  et  à 
protéger  constamment  les  personnes  et  les  proiMîétés.  Les  An- 
glais eux-mêmes  finirent  par  être  honteux  de  la  conduite  atroce 
de  ces  indignes  agents  d'insurrection.  Le  général  Stnart  et  le 
Commodore  Martin  se  crurent  obligés  de  publier  une  proclama- 
tion pour  les  désavouer*. 

Enfin ,  le  22  Juillet,  le  général  Stuart^  désespérant  de  pou- 
V<rfr  atteindre  le  but  de  Texpéditlon,  se  décida  à  retourner  en 
Sicile.  Les  troupes  anglo-sldliennes  évacuèrent  les  lies  de  Pnn 
cida  et  d'Ischia ,  et  le  24  »  à  cinq  heures  du  matin ,  quatre  fré* 
gâtes  protjégeaient  les  dernières  embarcations.  Le  26 ,  la  ville 
de  Naples  perdit  entièrement  de  vue  cette  flotte  de  deux  cents 
voilés,  dont  la  première  apparition  avait  d'abord  causé  beaueoiïp 
d'inquiétude.  Ce  même  Jour,  des  dépotations  des  deux  lies  viih 
rent  confirmer  l'entière  évacuation  de  l'ennemL  Le  général  Co* 
tonna,  commandant  le  château  d*iscliia,  avait  conservé  oe  poste 
intact, 

La  retraite  inopinée  des  Anglo-Sicîliens,  cette  détermination 
prise  de  renoncer  si  promptement  à  une  entreprise  dont  les 
préparatifs  avaient  exigé  tant  de  frais,  et  sur  laquelle  les  deux 
cours  de  Londres  et  de  Paleme  avaient  fondé  de  si  grandes  es- 
pérances, paraissent  avoir  été  amenées  par  deux  causes  prin- 
cipales. D'abord,  il  est  de  fait  (et  tout  avait  été  calculé  dans 
cette  supposition  )  que  l'on  comptait  puissamment  sur  le  sou- 
lèvement des  provinces,  et  nulle  part  il  n'y  eut  d'insurrection  ; 
partout ,  au  contraire,  les  habitants  s'étaient  joints  aux  troupes 
de  ligne  pour  s'opposer  à  toute  tentative  de  descente.  En  second 
lieu,  les  Anglais  ne  pouvaient  se  maintenir  dans  les  deux  Iles 
de  Prodda  et  d'Ischia  qu'en  j  formant  des  magasins  de  yiyres 
considérables,  tant  pour  les  troupes  que  pour  les  habitants,  qui 
n'avaient  pas  même  d'eau  douce.  Il  fallait  faire  venir  ces  vi- 
vres et  cette  eau  de  la  Sicile,  et  les  distances  rendaient  les  ap* 

'  Ils  ivaient  un  meilleur  moyen  de  coufrir  leur  Uonneur:  c^étaît  de  ne 
l>as  se  charger  du  débarquement  de  ces  hommes.  Lear  rrfusvût  démontré 
bien  plus  évidemment  à  lii^urope  que  la  loyale  nation  aaglaiiè  dédaignait 
le  secours  maciiiavélique  de  Toieurs  et  d^asaaMins  de  profession. 


6UKRBB  D>U.IMÀGKB.  3S9 

proYisiôADcmefito  difficiles.  Une  maladie  ëpIdéfniqQe  8*était»      itm. 
d'atileo»,  maaifetlée  rar  la  flotte  et  exerçait  de  grands  rava-      '^''^'    . 
ges  parmi  les  équipages.  Cette  dernière  circonstance  contribua 
peut-être  j^us  que  les  autres  motiilB  à  faire  abandonner  une 
entreprise  qu'il  aurait  fallu  brusquer  pour  obtenir  le  succès 
désiré. 

Expédiiion  du  général  lord  Chùiam  à  fembauehure  de  Hollande 
r  Escaut  et  dan»  Vile  de  Walcheren.  —  An  moment  où  Tex-  Août-sq^u 
pédltion  dirigée  contre  le  royaume  de  Ifaplesse  terminait  sans 
autre  résultat  pour  les  Anglais  que  la  honte  de  Ta  voir  entre* 
prise,  celle  qu'ils  avaient  projetée  sur  les  côtes  de  la  Hollande, 
vers  l'embouchure  de  TEscaut»  allait  commencer.  Croyant,  ainsi 
que  nous  Tavons  dit ,  à  l'existence  d'un  parti  nombreux  dans 
le  provinces  bataves,  le  ministèro  britannique  ne  doutait  p<rint 
qu'avec  cet  appui  il  ne  parvint  à  renverser  te  gouvernement 
du  frère  de  Napoléon.  Une  attaque  contre  Anvers  promettait 
d'ailleurs  à  l'Angleterre  un  succès  qui  était  dans  son  intérêt 
beaucoup  pins  que  dans  celui  des  alliés,  et  la  destruction  de 
ce  beau  port,  principal  chantier  et  arsenal  de  la  marine  fran- 
çaise dans  le  Nord,  paraissait,  aux  yeux  des  ministres  de  cette 
puissance,  le  moyen  le  plus  prompt  et  le  plus  certain  d'opérer 
une  diversion  utile  en  faveur  de  l'armée  autrichienne ,  déjà 
battue  dès  l'ouverture  de  la  campagne. 

Trente-cinq  mille  hommes  furent  destinés  à  cette  expé- 
dition, sous  les  ordres  de  lord  Chatam';  l'amiral  Strachan 
commandait  les  forces  de  mer,  qui  consistaient  en  vingt-deux 
vaisseaux  de  ligne,  cent  vingt  autres  bâtiments  de  guerre  de 
différentes  grandeurs ,  et  plus  de  quatre  cents  transports.  Cet 
armement ,  auquel  on  travaillait  depuis  le  commencement  du 
mois  de  mai,  ne  fut  prêt  qu'à  la  fin  de  Juillet,  à  l'époque  où 
Ton  connaissait  déjà  à  Londres  le  résultat  de  la  bataille  de 
Wagram.  Le  plan  du  cabinet  de  Saint  James  perdait  dès  lors 
son  importance;  le  but  en  était  même  manqué,  puisque  Teffet 
moral  de  la  victoire  obtenue,  par  Napoléon,  le  6  Juillet,  devait  • 
être  et  était  en  effet  d'interdire  aux  Hollandais  et  aux  Belges 

■  Frère  aîné  du  ftmeax  miaistre  Pitt  L'expédttioïKle  l'Escaut  a  proeuvé 
à  œ  général,  jusqu'alors  peu  connu»  une  Irisie  célébrité. 

IT. 


1 


260  L1YA£  SIXIBMB. 

laoo.  toute  coopération  avec  les  ennemis  de  la  France.  Il  n'y  avait 
r^S^^w.  P^^  4^'^  tenter  un  oonp  de  main  sur  Anvers.  La  prudence  et 
la  politique  couseiHaient  de  désarmer;  mais  Vorgueii  britanni- 
que se  refusa  à  cette  démarche,  et  l'expédition  sur  le  bas- 
Escaut  eut  lieu.  Ainsi  détournée  de  sa  destination  primitive, 
Tarmée  anglaise  devenait,  à  la  vérité,  une  troupe  formidable 
d*incendiaireg  qui  devait  servir  à  appuyer  les  batteries  de  fu- 
sées à  la  Con^rève;  mais  elle  a*en  avait  pas  moins  de  grands 
obstacles  à  vaincre  :  pour  agir,  elle  manquait  de  temps  et 
d'espace. 

Une  opinion  qui  doit  ôtre  constamment  populaire  en  France, 
c*est  que  les  Anglais  seuls,  quel  que  soit  leur  nombre,  ne  peu- 
vent se  maintenir  sur  son  sol  :  il  se  soulève  pour  les  repousser. 
Convaincu  de  cette  vérité,  le  caUnet  de  Saint-James  avait  pris, 
toutefois,  une  enUère  confiance  dans  les  sentiments  des  Belges, 
qu'il  supposait  mécontents  du  joug  firauçais.  11  ne  pensait  nul- 
lement à  un  siège  régulier  d'Anvers,  place  du  premier  rang, 
et  par  conséquent  il  n'en  avait  pas  mis  les  moyens  à  la  dispo- 
sition de  lord  Chatam ,  le  plus  temperiseur  des  généraux  de 
i'armée  biitannique.  Un  commencement  d'exécution  a  prouvé 
que  le  projet  consistait  à- refouler  dans  TËseaut  Tescadre  fran- 
çaise mouillée  À  Tembouchure  de  ce  fleuve,  au  sud'^t  du  banc 
appelé  le  Caloot,  à  l'atteindre  en  la  poursuivant  jusque  devant 
Anvers,  et  à  ramener  sous  les  batteries  de  l'armée  de  terre , 
maltresse  des  deux  rives.  L*escadre  détruite,  on  débarquait  sur 
les  quais  de  la  ville ,  situés  eutièreroent  sur  la  rive  droite  ;  on 
incendiait  les  cbantters,  les  arsenaux,  les  casernes,  le  bagne, 
les  magasins;  on  fidsait  sauter  les  cales,  les  écluses  et  les  for- 
tifications; on  essayait  de  porter  le  peuple  à  la  révolte;  on  in- 
troduisait une  immense  quantité  de  produits  coloniaux  et  ma- 
nufacturés ;  enfin,  à  rapproche  des  Français,  on  se  retirait  dans 
nie  de  Sud-Beveland,  ensuite  dans  celle  de  Walcheren,  oti 
10,000  hommes,  et,  au  besoin,  des  troupes  plus  nombreuses , 
devaient  faire  le  siège  de  Flessingue. 

Ce  projet  était  basé  sur  l'occupation  immédiate  :  t*^  du  sas 
de  Gand,  qui  couvre  le  pays  d'Axel  ;  2°  de  la  redoute  de  Bathz, 
à  Textrémité  orientale  de  Tilede  Sud-Beveland  ;  a^  des  forts 
de  Lillo  et  de  LIeflienshoeck,  construits  à  douze  cents  mètres  et 


GUEBBB   d'ALLBXAGNE.  261 

«B  fiice  l'on  de  Tautre,  à  deux  Keoes  et  demie  au-dessous  d'An-  nwg. 
ven;  4"  do  fort  dit  la  Téie  de  Flandre,  qui  protège  renibar-en£^t|Jqli^ 
cadère  de  eette  place  (Anvers),  sur  la  rive  gauche.  Tous  ces 
postes,  à  peine  gardés  et  mal  entretenus,  pouvaient^  en  quel- 
ques Jours»  être  mis  par  les  Anglais  à  Tabri  d'insultes  en 
débarquant  une  partie  des  hommes  et  de  l'armement  de  la 
flottille.  Mais  une  ehance  à  peu  prèsxsertaine  de  revers,  que  les 
marins  anglais,  d'ailleurs  si  expérimentés,  n'avaient  pas  caU 
culée,  était,  pour  leur  escadre,  une  navigation  de  vingt  lieues» 
en  un  temps  donné,  sur  un  fleuve  dont  le  chenal  sinueux,  que 
les  bouées  n'auraient  plus  balisé,  a  souvent  moins  de  six  cents 
mètres  de  largeur,  et  peut  matériellement  être  rendu  imprati- 
cable entre  les  deux  forts  Liefkenshoeck  et  Ullo. 

Une  résolution  ferme  et  prompte  était  l'unique  moyen  do 
diminuer  le  danger  qu'offraient  les  difficultés  que  nous  venons 
de  décrire.  Au  lieu  de  remonter  lentement  les  bords  de  l'Escaut 
comme  le  général  anglais  le  flt^  il  devait,  par  une  marche  ra- 
pide et  par  l'attaque  de  vive  force  du  fort  Liefkenshoeck  et 
de  la  Téie  de  Flandre,  prévenir  la  retraite  de  l'escadre  fran-^ 
çaise  devant  Anvers;  celle«i  eût  perdu  alors ^ un  des  points  de 
sa  ligne  de  défense,  et  ne  pouvait  plus  tenir  la  position  qu'on 
loi  laissa  le  loisir  de  fortifier.  Dans  ce  cas  seulement  elle  au« 
rait  eu  tout  à  craindre  de  la  poursuite  de  l'ennemi.  Quelques 
détails  topographiques  démontrerontencore  mieux  qu'il  y  avait 
beaucoup  de  probabilités  en  faveur  deFentreprise  des  Anglais. 

Blankenbei^  est  le  point  de  la  côte  le  plus  convenablement 
situé  pour  le  débarquement  d'un  corps  de  troupes-  destiné  à 
une  invasion  en  Flandre .  De  ce  point,  une  chaussée  pavéeeon- 
duit  directement  à  Anvers;  sa  longueur  est  de  vingt-six  lieues 
de  poste;  elle  travo^e  Bruges  et  Gand.  Ces  deux  grandes  vil- 
les, alors  chefs-lieux  de  départements  riches  et  populeux»  que 
les  impôts  indirect»  fatiguaient  plus  encore  que  la  conscription^ 
auraient  fourni  peu  de  transièges;  mais,  en  y  prenant  poste» 
l'armée  anglaise  donnait  à  ses  desseins  une  apparence  de  gran- 
deur; elle  employait  à  son  usage  les  ressources  de  cette  contrée 
fertile,  elle  répandait  momentanément  l'inquiétude  et  la  crainte 
et  paralysait  le  zèle  de  ceux  des  Belges  qui»  par  intérêt,  étaient 
dévoués  à  la  France. 


t63  '    LITBB  SIXifti&B. 

laogi  De  la  rade  des  Dunes  à  Blankcnbarg  il  y  a  viagt  Hanaa;  ca 
et^BtlsTiittL  ^M  pottvidt  être  effectaé  de  maDière  à  ce  que  la  flotte  arilTàt 
ao  point  da  jour  :  le  débarquement  8*opératt  sans  ooap  ftrir, 
et  firages  était  immédiatement  occupé*  Des  détachements  de 
troopes  légères  se  dirigeaient  aloro  sur  rÉdase,  fort  démantelé, 
et  sur  le  sas  de  Gand^  par  Moldeghem  et  Gaprike  ;  une  division 
de  10  à  13)000  hommes  marchait  sur  Courtray,  avec  ordre  de 
pousser  des  partis  et  de  rester  en  comnaunication  avec  Gand 
par  la  grande  chaussée  de  Menin  ;  enfin  le  gros  de  Famée  ar- 
rivait, à  marches  forcées,  sur  la  Tète  de  Flandre  et  LIefhens-» 
hoeckf  qu'il  emportait  d'emblée.  Alors  l'escadre  anglaise  parais-» 
sait  à  Tembouchure  de  TEscaut,  et  pouvait  commencer,  avec 
espoir  de  succès,  ses  opérations,  qu'elle  liait  à  celles  de  Tarmée 
de  terre.  On  se  convaincrafiicilement,  d'après  la  carte  ci'^contre, 
que  ce  but  eût  pu  être  atteint  (  en  ce  qui  concerne  ritlnéraire  ) 
soixante-douze  heures  après  le  débarquement  effectué  à  Blan-* 
kenberg*. 

A  la  vérité,  la  Tète  de  Flandre  et  LIefkenshoeck »  quoique 
non  revêtus,  étaient  des  forts  bastionnés,  avec  fossés  remplis 
d*eau  ;  le  vaste  dépôt  d'Anvers  permettait  d'y  Jeter,  h  la  pre« 
mière  nouvelle  de  la  descente  des  Anglais,  une  garnison  sufQ- 
sante,  et  d'en  ébaucher  l'armement;  par  conséquent  le  succès 
de  l'insulte,  comme  celui  de  toute  action  de  vigueur,  pouvait 
être  au  moins  incertain.  En  admettant  cette  hypothèse  et  une 
autre  plus  défovorable  encore,  celle  de  plusieurs  assauts  re* 
poussés ,  toujours  est-il  que  la  posltkm  de  Tennemi  n'en  deve- 
nait pas  plus  critique  qu'elle  ne  l'aurait  été  par  suite  du  plan 
qui  fut  adopté  par  les  chefs  de  l'armée.  Au  contraire,  ceux-d, 
dans  le  projet  dont  nous  parlons,  avaient  devant  eux  douze 
ou  quinze  Jours  dont  ils  pouvaient  disposer  pour  causer  de  no- 
tables dommages  au  port  et  à  la  ville  d'Anvers,  en  établissant, 
en  amont  et  en  aval  de  la  Tête  de  Flandre,  des  batteries  d'obo-* 
siers  et  à  la  Congrève.  Leur  retraite  était  assurée,  en  temps 
utile,  dans  les  pays  d'Axel  et  de  Cadzand,  faciles  à  défendre, 

'  Les  généraux  commandant  les  16*  et  24*  divisions  militaires  dn  ter- 
iHoire  fraaçais  n'étaient  point  en  immte ,  dans  ce  coart  espace  de  temps, 
d'organiser  la  moindre  défense. 


GUEOOB'O'ALLBIlAeilE.  (69 

OÙ  les  bavKs  et  iée  criques  de  ki  bouche  oedctentale  de  rKs-  lao». 
€aut  offrent  des  iiMqreos  de  rembarquement»  entre  Temeusf  et^î£[!5j<[!fc. 
et  rÉctuse,  sur  on  développement  de  douze  lieues.  Dans  une 
telle  conjoncture,  le  gouvernement  anglais,  voyant  ses  espé* 
rances  déçues,  aurait  fidt  sagement  de  rappeler  ses  troupes  9ur 
son  territoire,  au  Heu  de  les  transporter  dans  Tlle  de  Walche- 
ren  ;  il  était  de  sa  di^^ité  de  renoncer  à  son  entreprise,  au  lieu 
de  s'aheurter  à  la  prise  de  Flessingue,  en  cberchant  rindemoité 
d*un  grand  appareil  et  de  ses  frais  énormes  dans  une  conquête 
à  peu  près  inutile ,  et  qyi,  d*aillenrs ,  devait  être  clvèremenl 
achetée. 

A  ce  mouvement  par  Bruges  et  Gand ,  qui  eût  démontré  de 
la  frandiise  et  de  Taudaee»  les  Anglais  préférèrent  le  débarque- 
ment à  Cadzand  et  le  système  d'une  poursuite  timide.  Ils 
avaient,  à  dix  lieues  sur  leur  droite,  une  chaussée  pavée,  et,  ils 
crurent  qu'il  vaudrait  mienx  suivre  à  travers  champs  des  che- 
mins vicinaux,  entrecoupés  de  flaques,  de  digues  et  de  marais. 
Cette  idée  des  généraux  ennemis  est  d'autant  plus  inconceva- 
ble que,  pour  parvenir  à  la  Tête  de  Flandre,  ils  étaient  forcés 
de  rejoindre  la  chaussée  pavée  à  Beveren ,  à  deux  lieues  d'An- 
vers'. 

Le  39  juillet,  vers  neuf  heures  du  matin ,  Tavant-garde  et 

■  U  est  en  effet  bien  étonnant  qae  les  généraux  et  lea  ingénienra  anglais 
•nrioat  ne  eonniiMent  pas  uiieox  un  pays  si  voisin  de  la  Grande-Bretagne. 

Une  comparaison  entre  TexpédiUon  de  TEscaut  et  celle  du  Helder  en 
1799  se  pi^sente  Ici  naturellement.  Les  Anglais,  qui  avaient  des  întellîgen- 
ces  sur  la  flotte  hollandaise,  qui  leur  fut  livr^^e,  débarquèrent  k  Kallants- 
Oog,  et  concentrèrent  leurs  forces  sur  la  digne  du  Zyp,  qu'ils  forlifièrent 
par  un  grand  nombre  de  Iwtterics.  Sortis  de  leurs  retranchemenls,  ils  pri- 
rent possession  d^Alkmaar,  après  la  seconde  affaire  de  Berghen ,  et,  s^obsti- 
nant  à  combattre  entre  la  mer  du  nord  et  le  Euyderaée,  sur  un  terrain  ré- 
tréci, oii  leur  immense  supériorité  iramériquene  leardoonaitanciiB  avantage, 
ils  furent  arrêtés  à  Castrkum,  en  avant  de  fieverwjrk.  filetée  dana  leZyp, 
Tarmée  anglo-russe  se  trouvait,  k  la  fia  d'octobre,  dans  une  sitoalkm  près» 
que  désespérée ,  et,  sans  une  capitulation  peut-être  trop  généreusement  ac^ 
cordée,  elle  se  voyait  à  la  veHIe  de  mettre  bas  les  armes.  Cependant,  si 
une  division  de  cette  armée  eût  opéré  sa  descente ,  non  pas  k  Kallants** 
Oog,  mais  sur  la  cAte  comprise  entre  Maas-Sluyta  et  Scliiwenlngen ,  elle 
serait  entrée  à  La  Haye,  et,  en  deux  Joors  de  marche,  eUe  «oraît  tourné» 
par  Harlem,  ces  mêmes  positions  où  les  Bataves,  fidèles  à  leur  pays,  et 


~1 


264  LtVBB  SIXliMB,        » 

igo^,  succes^vemeut  toutes  les  divisioos  d%  la  flotte  anglaise  furent 
«oMciqiM.  Bîgnalées  aux  généraux  Monnet^  gouverneur  de  Fiessingue,  et 
Rousseau,  commandant  supérieur  du  paysdeCadzand,  A  midi 
elles  se  rallièrent  à  quatre  lieues  dans  Touest  du  banc  CElboog^ 
à  l'eiitrée  de  la  passe  dite  le  Deurloo;  à  trois  heures,  quatre 
fk^ates  et  cent  ti^ute  autres  voiles  de  transport  vinrent  ranger 
la  côte  de  Gadzand,  à  une  demi-Jieue  au  large  du  SwarU-Pol' 
der,  et  elles  y  mouillèrent.  Cette  {division  portait  les  troupes 
destinées  à  agir  sur  la  rive  gauche  de  TEscaut,  sous  les  ordres 
do  général-major  Huntley.  Le  restç  de  la  flotte  fit  voile  au 
nord  de  l'Ile  de  Walcheren.  Le  général  Rousseau  expédia  sur- 
le-champ  des  estafettes  au  ministre  de  la  guerre  à  Paris  et  aux 
généraux  commandant  la  24'  division  militaire  et  les  dépar- 
tements de  la  Lys  et  de  T  Escaut.  Son  quartier  général  était  à 
Rreskens;  il  n*avait  alors  près  de  lui  qu'une  cohorte  de  garde 
nationale  soldée,  forte  de  doo  hommes  ;  mais  il  pouvait  disposer 
d'un  régiment  provisoire  et  d*un  bataillon  du  65^,  qu'il  tenait 
casernes  à  Gand,  afin  de  les  préserver  de  Tinsalubrité  du  climat 
de  Gadzand  et  de  cette  partie  de  la  côte.  Des  ordres  furent  don- 
nés pour  que  ces  troupes  se  dirigeassent  à  marches  forcées, 
par  Ecloo  et  Ysendick,  sur  Grode. 

Le  pays  de  Gadzand  '  n^avait  point  de  sûreté  ;  un  ingénieur 
s'y  était  rendu  au  mois  de  juin  pour  projeter  les  grands  travaux 
qui  depuis  y  ont  été  exécutés.  Il  avait  à  peine  eu  le  temps,  en 
quarante  jours,  d^agrandir  et  de  donner  quelque  consistance  à 
la  principale  batterie  de  côte,  située  sur  les  dunes,  à  un  quart 
de  lieue  et  à  l'ouest  de  fireskens.  Ce  point  correspond  au  rem- 


réunis  à  douze  mille  Français  environ ,  triomphèrent  de  rennemi  commun. 
Ainsi,  («s  Anglais,  si  fiers  de  leur  science  militaire,  ont  prouvé  deux 
fois  en  dix  ans  qu^ils  avaient  encore  beaucoup  à  apprendre.  En  Nord-Hol- 
lande comme  sur  les  bords  de  VEscaut,  on  retrouve  cette  défiance  et  cette 
hésitation  d'une  armée  insulaire ,  qui  se  croit  compromise  dès  qu*elle  perd 
de  vue  les  m&U  de  ses  vaisseaux. 

'  C^est  à  tort  que,  dans  des  géographies  françaises  et  étrangères ,  on  dé- 
signe ce  pays  comme  une  Ile;  depuis  i7&4 ,  il  est  joint  an  continent  par  les 
digues  de  Biervliet  et  de^BakkersPolder.  Un  autre  barrage  a  été  construit 
dans  le  Swin ,  à  uue demi-lieue  au-dessus  de  la  ville  de  l'Écluse.  Cette  cons- 
truction est  de  1806. 


GUEBRB   D*ALLEliAGRE.  265 

jpart  dé  Fiessiogue  »  dont  il  est  éloigué  de  quatre  mille  sept  1M9. 
cents  mètres,  distance  qui  mesure  la  plus  petite  largeur  deTEs-  etBei^^!^. 
eaut.  La  batterie  était  armée  de  vingt  canons  sur  affûts  de  côtes 
et  de  six  mortiers  à  longue  poitée;  quatre  autres  batteries  étaient 
ouvertes  et  moins  fortement  armées.  Ysendick»  petit  fort  hexa- 
gone, en  terre,  dont  le  site  est  d'ailleurs  avantageux,  n*était. 
point  compris  au  nombre  des  postes  de  guerre;  le  terrain  de 
ses  fortifications  avait  été  aliéné  en  1804. 

Bans  cette  situation  pi*écaire,  le  général  Rousseau  se  porta 
ao  Svirarte-Polder  ;  il  y  reconnut  la  division  ennemie,  qui  met- 
tait ses  chaloupes  à  la  mer  ;  quelques  bâtiments  armés  s'étaient 
encore  approchés  de  terre  et  lançaient  des  obus  sur  le  rivage. 
Il  ne  voyait  aucune  possibilité  de  s*opposer  au  débarquement, 
qui,  selon  les  apparences»  devait  être  effectué  le  lendemain, 
30  juillet,  vers  trois  heures  du  matin,  la  marée  étant  favorable 
h  ce  moment.  11  employa  le  reste  de  la  journée  à  faire  parader 
ses  300  hommes  de  garde  nationale  dans  la  campagne ,  et  si- 
mula des  mouvements  dont  Tobjet  était  de  donner  le  change 
sur  le  nombre  de  cette  troupe.  A  l'entrée  de  la  nuit,  il  jeta  dans 
la  grande  batterie  deux  compagnies,  quarante  canonniers  de 
ligue ,  et  ce  qull  y  avait  de  plus  solide  dans  la  compagnie  de 
gardes-cOtes.  Il  espérait,  en  prenant  position  avec  le  reste  de 
son  monde  près  deGrode,  tirer  parti  des  moyens  de  chicane 
qu'offre  Je  pays,  pour  maintenir  sa  communication  avec  les 
secours  qu'il  attendait  impatiemment.  Mais  il  perdit  bientôt 
eet  espoir;  les  soldats^  s'étant  presque  tous  enivrés  pendant  la 
nuit^  se  débandèrent ,  et  plusieurs  poussèrent  même  l'infamie 
jusqu'à  briser  leurs  armes.  Le  général  Rousseau  passa  quatre 
heures  dans  la  plus  cruelle  anxiété ,  entouré  seulement  de 
quelques  officiera.  Enfin  le  jour  parut,  et,  chose  étonnante  1 
on  vit  la  flotte  ennemie  immobile.  Dès  cet  instant  le  sort  de 
l'expédition  fut  irrévocablement  fixé. 

C'était  déjà  une  faute  capitale  de  n'avoir  destiné  que  le  tiers 
de  Tarmée  à  Tattaque  de  la  rive  gauche ,  parce  que  là  était  le 
chemin  d'Anvers;  ce  fut  une  seconde  faute  plus  grave  encore 
de  ne  pas  brusquer  le  débarquement  ' . 

^  i<ors  de  Tenquéte  ordonnée  à  ce  sujet  par  le  parlement  britannique ,  lé 


366  LIVAB  ilXltlU. 

iw».  Le  S0,  à  midi»  deux  bataîHoos  do  6^  réglaieot  piDylaGire^ 
M  BdISqiK.  conduits  par  le  major  Gauthier,  et  le  bataillon  du  66^,  sous  k» 
ordres  du  major  LevaTasseor,  arrivèrent  à  Grode.  Ces  brave» 
gens  y  qui  avaient  fait,  sans  lialte,  seixe  lieues  de  poste»  furent 
placés  y  le  8*^  sur  le  développement  de  la  côte,  le  06^  en  ré* 
serve.  Ces  dispositioDS  avaient  été  aperçues  des  liunes  de  la 
flotte ,  et  ce  fut  pour  les  chefs  ennemis  un  nouveau  prétexte 
de  différer  le  débarquement.  Il  paraît  que  le  lendemain,  SI ,  le 
eonmiodore  0  weu  et  le  générai  Huntley ,  persuadés  que  les  obs- 
tacles se  multiplîeraicDt  dans  le  pays  de  Cadzaod ,  adressèrent 
à  ce  sujet  un  rapport  aux  commandants  en  chef  de  terre  et  de 
mer,  et  que ,  par  suite ,  ils  en  reçurent  Tordre  de  ne  point  at- 
taquer la  rive  gauche.  En  effet ,  la  division  appareilla  le  l^**  août 
pour  rejoindre  farmée  ;  le  sol  de  Templre  français,  qui,  pendant 
trois  jours ,  avait  été  menacé ,  fût  ainsi  respecté.  Le  général 
Rousseau  laissa  ses  2,000  hommes  en  position,  et  revint  à 
BreskenSy  pour  se  mettre  en  communication  avec  le  général 
Monnet,  gouverneur  de  Flessingue. 

Napoléon ,  ne  croyant  pas  le  port  d'Anvers  assez  profond 
pour  qu'on  pût  y  armer  des  vaisseaux  de  haut  bord,  ou  bien, 
plutôt,  voulant  rester  entièrement  maître  de  l'embouchure  de 
TEscaut,  avait,  en  1807,  forcé  son  frère  Louis ,  roi  de  Hol- 
lande ,  à  céder,  par  un  traité ,  le  port  de  Flessingue  à  la  France. 
Cette  place ,  regardée  comme  la  plus  forte  de  la  Zeelande ,  est 
située  dans  File  de  Walchercn ,  à  treize  lieues  d'Anvers  et  au 
point  où  le  bras  occidental  de  l'Kscaut  se  jette  dans  la  mer  du 
Nord.  Elle  était  devenue  un  arsenal  supplémentaire  où  s'ar- 
maient les  vaisseaux  construits  à  Anvers. 

L'Ile  de  Walcheren ,  qui  a  quarante  mille  habitants  etdou» 
lieues  de  circonférence,  renferme  trois  villes  :  au  centre,  Mid* 
delburg,  capitale  de  la  Zeelande;  à  l'est,  Vcere,  petit  poste  mal 

Commodore  Owen ,  qui  commandait  la  division  devant  la  côte  de  Cadaand, 
allégua,  pour  justiûer  celte  lenteur  «  peu  lionorable  pour  la  marine  et  Par- 
mée  anglaise  :  r  la  nécessité  de  réunir  les  péniches  qu^ll  avait  demandées  à 
Pescadre,  afin  de  jeter  sur  le  rivage  au  moins  trois  mille  hommes  à  la  fois; 
2»  plusieurs  autres  circonstances  nautiques.  Cependant  la  mer  était  très- 
belle  et  ne  contrariait  nullement  la  descente,  qui  s'efleetuait  alors ,  de 
l'autre  partie  de  Parmée  dans  Pfle  de  Walcheren. 


Ibrtifié,  en  fhoe  de  Tlie  de  M»i4fBevelaDd ,  sur  le  bras  de  mer  im. 
dit  le  Veere-Gat;  mrad,  FIttftingue»  qui,  avec  unesone  de^^JJSSÎÎS. 
dix^buit  cents  m^res  de  rayon ,  appartenait  À  ia  France^  comme 
nous  venons  de  le  dire.  An  nord  de  File»  en  avant  de  dunes  peu 
élevées,  se  trouve  une  plage  nommée  le  Bree-Zand^  qui  pré* 
sente  les  plus  grandes  facilités  pour  un  débarquement.  Sa  forme 
est  celle  d'un  segment  de  cercle  qui  aurait  six  cents  mètres  de 
flèche  et  deux  cents  mètres  de  cercle.  Il  y  a  partout^  à  une  petite 
distance  de  ses  bords ,  même  à  mer  basse,  trois»  six  et  huit 
brasses  d*eau,  en  sorte  que  des  frégates  et  des  bricks,  en  se 
plaçant  aux  extrémités  de  la  corde,  flanquent  de  leurs  feux  un 
espace  sur  lequel  6,000  hommes  peuvent  être  rangés  en  ba- 
taille. La  proximité  des  dunes,  auxquelles  cette  plage  se  rnt-* 
tache,  permet  en  outre  à  Fassaillant  de  tourner  la  droite  et  la 
gauche  des  troupes  chargées  de  la  défense  de  la  côte.  Ce  fut  sur 
le  Bree-Zand  que  les  Anglais  prirent  terre,  le  30  juillet  au 
matin. 

Nous  avons  dit  que,  dès  le  39,  entre  huit  et  neuf  heures  du 
matin ,  les  vigies  de  l'Ile  de  Walcheren ,  comme  celles  de  la  rive 
gauche  de  TEseant ,  avaient  signalé  l'apparition  de  la  flotte  en* 
nemie.  Le  général  Monnet,  qui  était  alors  à  Middelburg,  or* 
donna  au  général  de  brigade  Osten  de  se  porter  sur^lenihamp 
au  camp  de  West-Gappelle  et  d*y  faire  des  dispositions  pour 
empêcher  le  débarquement. 

Les  troupes  françaises  chargées  de  ia  défense  de  Tile ,  et  Ibr- 
mant  la  garnison  de  Flessingue ,  se  composaient  du  t^'  foataiU 
Ion  colonial,  du  i*^  bataillon  irlandais,  d'un  Imtaillon  dit  des 
déserteurs  rentrés»  enfin  d'un  régiment  étranger,  désigné 
sous  le  nom  de  1*^'  régiment  de  Prusse,  de  trois  bataillons, 
et  fort  de  1^300  hommes,  dont  quelques-uns  désertèrent  dès 
lés  premiers  coups  de  Aisil.  Il  y  avait  en  outre  un  détachement 
de  canonniers  français  et  trois  compagnies  d'artillerie  hol« 
landaise,  exercées  et  animées  d'un  bon  esprit. 

Le  général  Osten ,  né  en  Belgique ,  et  l'un  des  bons  officiers 
de  l'armée  française,  ayant  réuni  trois  bataillons,  qui  présen- 
taientun  total  de  1 ,200  combattants,  s'avança  avec  eux  et  quatre 
pièces  de  canon  sur  le  Bree-Zand,;  mais  il  ne  put  empêcher  les 
Anglais  de  débarquer  au  nombre  de  I5  à  1 8,000  hommes,  soas 


1 


368  LIVBI  SIXlèHI» 

1109.  les  ordres  da  lieutenant  général  sir  David  Dundas.  Toutefob  » 
«i  Bdsiqvâ.  H  défendit  le  terrain  pied  à  pied  et  tiia  beouceup  de  monde  à 
l'ennemi.  Se  voyant  débordé  à  la  fols  par  la  chaussée  de  Veere 
et  le  chemin  pavé  de  Serooskercke,  il  se  retira  d*abord  sur 
Middelburg,  et  pins  tard  sons  Flesslngue,  où  il  était  rendu  l€ 
81  Juillet  au  soir.  Le  général-major  hollandais  Bruce,  qui 
commandait  pour  le  roi  Louis  enZeelande»  était  à  Veere  avce 
une  faible  garnison  ;  il  abandonna  ce  poste  à  rapproche  d*une 
colonne  ennemie,  pour  se  porter  an  fort  de  Bathz.  Les  Anglais, 
maîtres  de  Veere,  firent  entrer  leor  flottille  dans  leVeere-Gat  et 
dans  le  Sloe.  INx  vaisseaux  de  ligne  français  ftdsant  partie  de  la 
flotte  d*Ânvers  >  sous  les  ordres  du  viee^amiral  Burgues-Mis- 
siessy ,  étaient  stationnés  aux  deux  embouchures  de  l'Escaut. 
Ces  bâtiments  y  en  se  retirant  à  l'approche  des  voiles  ennemies  » 
leur  enseignèrent  les  passes  dangereuses  d*un  fleuve  qui  coale 
sur  un  fond  sablonneux  et  mouvant.  Le  30 ,  a  la  marée  du  soir, 
six  des  vaisseaux  français  avaient  dépassé  Testacade  :  c'étaient 
ie  Pttltusk,  TAnversoiiy  le  Commerce  de  Lyon ,  leDanizig, 
le  Dalmate  et  le  Duguesclin;  le  Charlemagne  eât  pu  en  faire 
autant,  mais  V  Albanais  y  le  César  et  la  Ville  de  Berlin^ 
ayant  été  obligés  de  mouiller  entre  Bathz  et  Waerden ,  Tamiral 
Missiessy  préféra  de  rester  dans  Test  de  l'estacade ,  afin  de  pou- 
voir toujours  conserver  en  vue  ces  quatre  vaisseaux  et  leur 
porter  des  secours  s*fls  en  avaient  besoin. 

Le  l^**  août,  le  général  Rousseau ,  prévoyant  la  position  dif* 
ficile  dans  laquelle  Flessingue  allait  se  trouver,  profita  d'un 
vent  du  sud  pour  y  envoyer,  sur  les  péniches  qu'il  avait  à  Bres- 
kens,  le  bataillon  du  65^  régiment,  sous  la  conduite  du  com- 
mandant Bousmard.  La  traversée  ftat  courte;  ce  bataillon ,  dé- 
bris du  régiment  qui  s'était  couvert  de  gloire  à  Rattsbenne ,  fut 
placé ,  à  trois  heures  du. soir,  en  avant  du  faubourg  du  Vieux- 
Flessingue,  à  six  cents  mètres  de  la  place,  où  il  releva  les 
troupes  du  général  Osten,  qui  combattaient,  depuis  le  matin, 
à  découvert  et  corps  à  corps,  contre  les  soldats  anglais,  bien 
supérieurs  en  nombre.  Avant  la  fin  du  jour,  le  85^,  fort  de 

<  Presque  tous  ces  vaisaesni  avaient  été  construits  sur  les  chanlio^ 
d*AiiTcrs. 


OUMRB   D^ALLnfAORB.  269 

ISDO  hommis  à  peu  près,  en  eut  150  hors  de  eomoat.  Ce      ison 
système  de  défense,  qu'adopta   le  général  Monnet  et  qn'il  etMigiqw' 
suivit  constamment,  était  déplorable;  car,  trop  faible  pour 
vaincre  les  masses  ennemies ,  il  n'atteignit  aucun  but  «n  sacri-^ 
fiant  ainsi  Félite  de  la  garnison ,  et  ne  retarda  pas  d'un  instant 
rétablissement  des  batteries. 

Le  chef  de  bataillon  du  génie  Gnilley  %  employé  dans  le 
pays  de  Cadzand,  s'était  rendu  à  Flessingue  en  même  temps 
que  le  65^;  il  avait  ordre  de  conférer  avec  le  général  Monnet, 
d'observer  les  progrès  des  troupes  ennemies  employées'au  siège, 
et  de  rendre  compte  des  ressources  de  la  place. 

Le  2  ;  les  Anglais  débarquèrent  dans  Tile  de  Sud-Beveland 
et  occupèrent  la  petite  ville  de  Goes ,  qui  en  est  le  chef-lieu.  Le 
général  Bruce,  retiré,  comme  nous  Tavons  dit,  au  fort  de 
Batbz,  révacna  sans  tirer  un  seul  coup  de  canon,  et  mit  tant 
de  précipitation  dans  sa  retraite  qu'une  petite  reconnaissance 
envoyée  par  l'amiral  Missiessy ,  trouvant  les  canons  encore  sur 
leurs  affûts ,  eut  le  temps  de  les  jeter  dans  les  fossés  pour  les 
soustraire  aux  Anglais.  Une  patrouille  de  30  hommes,  que  le 
général  ennemi ,  Hope»  avait  envoyée  uniquement  pour  re- 
connaître la  plage  méridionale  de  l'Ile ,  prit  possession  du  fort 
abandonné.  Le  général  Bruce,  après  cet  acte  de  lâcheté,  osa 
se  présenter  devant  Berg-op-Zoom  et  demanda  à  y  entrer; 
mais  le  général  français  Tarayre,  alors  au  service  de  Hollande 
et  gouverneur  de  cette  place ,  refusa  d'ouvrir  ses  portes  au  gé- 
néral fugitif. 

L^occupation  du  fort  de  Bathz  par  l'ennemi  était  d'autant 
plus  fâcheuse  que  la  sûreté  de  la  flotte  française  se  trouvait 
par  là  compromise.  En  effet,  les  batteries  de  Bathz  pouvaient 
seules  empêcher  la  communication  de  la  branche  occidentale  dé 
l'Escaut,  ou  étaient  les  vaisseaux  Aranfai^,  avec  la  branche 
orientale,  que  tenaient  les  bâtiments  eni^mis.  Cette  même  oc- 
cupation assurait  aux  Anglais  la  possession  de  la  baie  de  Saef- 

'  Cet  officier,  aoqnel  nous  devons  une  partie  des  détails  de  cette  reCa* 
tion,  rendit  d'importants  services  pendant  la  campagne  de  Walcberea,  et 
fot  toujours  honorablement  cité  dans  les  rapports  officiels.  C*e&t  à  lui  que 
le  royaume  des  pays-Bas  doit  les  beaux  ouvrages  de  fortifications  de  Bres- 
kens  et  du  pays  de  Cadzand. 


1 


S70  L1TBI  SlXltlfV. 

tfl09.  tingen,  seul  mouillage  dans  le  fleuve,  près  d'Anvns, 
etDâsSiÎMb  ^'^^^^  ^^^  ^'^^  P'**  y  rassembler  de  grandes  forces  de  mer, 
hors  de  la  portée  des  batteries  de  la  rive  opposée.  Uemiemi  poa* 
vait,  en  outre  ^  sous  la  protection  de  Bathz,  passer  le  canal  qui 
sépare  Sud-Beveland  du  continent,  et  arriver  par  terre  en  très* 
peu  d'heures  sous  les  murs  d'Anvers  :  fort  heureusement  les 
Anglais  ne  tentèrent  point  ce  moyen  d'attaque.  La  place  d'An- 
vers, mal  défendue  et  paralysée  dans  un  premier  moment  d'é* 
pouvante,  eût  pu  céder  facilement  à  des  efforts  brusques. 

Cependant  les  gouvernements  français  et  hollandais  venaient 
d'être  prévenus  de  la  soudaine  apparition  des  Anglais  sur  les 
côtes  de  la  Zeelande.  Le  roi  de  Hollande  en  fut  Informé  le 
1  "^  août  à  Aix-la-Chapelle ,  où  il  se  trouvait  alors ,  et  partit  aus- 
sitôt pour  Amsterdam ,  afin  de  prendre  les  mesures  que  les 
circonstances  exigeaient.  D'Aix-la-Chapelle  même,  des  cour- 
riers furent  expédiés  aux  généraux  commandant  les  divisions 
militaires  françaises  34*  et  16',  pour  qu'ils  dirigeassent  en 
toute  hâte  sur  Anvers  les  troupes  et  les  dépôts  dont  ils  pou- 
vaient disposer. 

Le  8,  au  retour  du  chef  de  bataillon  du  génie  Guilley  à 
Breskens ,  le  général  Rousseau  adressa  au  ministre  de  la  guerre, 
H.  Clarke ,  un  premier  rapport  qui  Axa  les  idées  sur  la  nature 
et  les  résultats  probables  de  l'expédition  eunemie.  Le  4 ,  il  fit 
passer  à  Flessingue  les  deux  bataillons  du  8®  régiment  provi- 
soire; les,  un  bataillon  du  48%  venu  d'Anvers,  et,  le  G,  un 
détachement  de  divers  corps,  fort  de  240  hommes.  Tous  ces 
passages  réussirent,  parce  que  la  flotte  anglaise,  qui  avait 
débouché  du  Sloe,  se  tenait  devant  Ramekens ,  à  remboucbure 
du  canal  de  MIddelburg,  et  ne  s'était  pas  encore  réunie  aux 
bâtiments  stationnés  à  Touest  et  en  aval  de  Flessingue;  mais, 
après  le  6  août,  cette  réunion  ayant  eu  h'eu  pour  achever  le 
blocus  de  Flessingue,  toute  communication  devint  impossible. 
Les  embarcations  que  Ton  expédia  tombèrent  dans  la  ligne  des 
chaloupes  anglaises ,  qui,  pendant  la  nuit ,  croisaient  à  l'en- 
trée du  port. 

Du  3  au  8  août,  l'ennemi  construisit  des  batteries  devant  la 
place  et  retrancha  sa  ligne  de  contrevallation ,  pendant  que 
les  troupes  de  la  garnison ,  sous  les  ordres  de  l'infatigable  gé- 


OUBBRB   D*ALLEMAGIVE.  271 

néral  Osten»  cbntintiaieiit  à  Kvrer  au  dehors  des  combats  meur-  iws. 
triers.  Le  rempart  tirait  sans  interruption  comme  sans  avantage  etHei^t||aft« 
sur  tous  les  points  où  l*on  remuait  de  la  terre.  La  batterie  en*- 
nemie ,  qui ,  par  son  étendue  et  son  commandement ,  devait  le 
plus  inquiéter  les  assiégés,  était  établie  sur  la  dune  dite  du 
NoUcy  au  saillant  de  la  digue  de  mer,  en  aval  et  à  neuf  cents 
mètres  de  la  place.  Elle  n'était  point  encore  complètement 
armée;  mais  le  général  Monnet ,  supposant  au  contraire  qu'elle 
était  prête  à  Jouer,  résolut  de  la  faire  enlever,  et  ordonna  une 
gi*ande  sortie  pour  le  8  août  au  point  du  Jour.  Flessingue 
n*ayant  ni  chemin  couvert  ni  ouvrages  extérieurs,  les  troupes 
iuréht  rassemblées  derrière  les  courtines;  on  déboucha  par  les 
deux  ponts  Jetés  sur  le  fossé  qui  entoure  la  place  du  côté  de  la 
terre ,  et  on  fit  une  fausse  attaqué  sur  la  chaussée  de  Middel- 
burg.  Uennemi  ne  résista  point  a  ce  premier  choc ,  ses  avant- 
postes  furent  surpris  et  passés  au  fil  de  Tépée;  mais  il  découvrit 
bientôt  le  but  de  la  sortie  :  il  porta  au  Noile  ses  meilleurs  ba- 
taillons et  sa  réserve  y  et  là  les  Français  (commandés  par  le 
général  Osten  )  eurent  à  soutenir,  contre  des  forces  décuples , 
un  combat  opiniâtre  et  sanglant.  Il  était  impossible  d*emporter 
la  batterie  ;  on  s*y  acharna  cependant ,  et  quelques  hommes  par- 
vinrent Jusqu'à  l'épaulement ,  où  ils  se  firent  tuer.  Enfin,  après 
des  prodiges  de  valeur,  il  fallut  songer  à  la  retraite,  qui  deve* 
liait  difficile  à  une  si  grande  distance  de  la  place;  elle  s'ef- 
fectua toutefois  en  bon  ordre.  Les  Anglais  poursuivirent  à 
peine  I*arrière-garde  ;  quelques  blessés  seulement  restèrent  entre 
leurs  mains. 

De  leur  aveu,  leur  perte  s'éleva  à  1,500  hommes;  les  Fran- 
çais en  eurent  800  hors  de  combat.  Le  bataillon  du  48^  avait 
été  le  plus  maltraité;  sa  compagnie  de  grenadiers  était  détruite. 
Cette  affaire ,  brillante  et  malheureuse  tout  à  la  fois ,  devait 
décourager  les  assiégés ,  dont  le  nombre  diminuait  chaque  jour. 

Les  troupes  n'avaient  point  compris  d'abord  pourquoi  on  les 
lançait  sans  cesse  contre  la  ligne  ennemie  ;  plus  tard ,  elles  s'i- 
maginèrent que  l'entêtement  que  le  général  Monnet  mettait 
à  renverser  les  travaux  des  batteries  provenait  de  la  crainte 
dans  laquelle  il  était  de  les  voir  commencer  le  feu ,  et,  par  suite 
de  cette  réflexion,  les  ofllciers  subaltemes   princinalement  les 


272  LIYBB   SIXIÀMB. 

tfi09.      étrangers ,  forent  persuadés  que  la  plaee  par  eUe-méme  a*était 
ctBeËljiie.  P^'  tenabie  et  que  sa  défense  ne  pourrait, être  prolongée  pen- 
dant le  bombardement. 

Mais,  avant  de  pousser  plus  loin  le  récit  des  opérations  du 
siège  de  Flessingue ,  nous  devons  faire  connaître  ce  qui  se  pas- 
sait dans  le  même  temps  sur  le  continent. 

A  la  réception  des  premières  dépèches  du  général  Rousseau , 
le  ministre  de  la  guerre  s*était  hÂté  d'informer  Tempereur  Na- 
poléon ,  alors  au  cliftteau  de  Schônbrunn ,  de  l'apparition  de  la 
flotte  britannique  à  Tembouchure  de  TEscaut;  mais,  comme  la 
^rconstance  était  trop  critique  pour  attendre  avant  d*agir  les 
ordres  du  monarque,  le  comte  de  Hûnebourg  (c'était  alors  le 
nouveau  titre  du  ministre  Clarke  ] ,  après  avoir  pris  ceux  du 
prince  archichancelier^  crut  devoir  s'occuper  immédiatement 
des  mesures  qui  pouvaient  accélérer  la  défense  d'Anvers  et  des 
autres  points  menacés.  Tout  ce  qui  se  trouvait  de  disponibie  en 
troupes  dans  les  dépôts  et  dans  les  places  des  départements  du 
nord  fut  dirigé  sur  Anvers.  Les  gardes  nationales  furent  mises 
en  activité  y  et  le  général  sénateur  Rampon  eut  ordre  de  se 
rendre  à  Anvers  pour  y  commander  en  attendant  que  l'empe^ 
reur  eût  désigné  un  général  en  chef.  Plusieurs  détachements 
de  la  garnison  de  Paris ,  des  généraux ,  des  officiers  supérieurs 
de  toute  arme,  rappelés  au  service  ou  employés  dans  Tintérieur, 
se  rendirent  en  poste  à  la  même  destination. 

Le  roi  de  Hollande  arriva  le  12  à  Anvers,  amenant  avec  lui 
un  corps  de  6,000  hommes,  composé  en  partie  de  sa  garde, 
et  qui  prit  poste  aux  environs  de  cette  place. 

A  cette  époque,  environ  6  à  7,000  combattants  français, 
valides  ou  non  valides,  se  réunissaient  sous  les  ordres  des  gé- 
néraux Rampon,  Ghambarlhac  et  Dallemagne.  Le  mouvement 
de  ces  troupes,  qui  couvraient  toutes  les  routes,  trompant  les 
espions  de  l'ennemi,  ceux-ci  firent  des  rapports  exagérés,  qui 
contribuèrent  sans  doute  beaucoup  à  rendre  les  Anglais  encore 
plus  circonspects  dans  leurs  opérations  sur  l'Escaut  et  sur  le 
continent. 

Le  1 3  au  matin,  les  Anglais  démasquèrent  devant  Flessingue 
six  batteries,  armées  de  quatorze  mortiers,  seize  obusiers  et  dix 
pièces  de  canon  de  36,  opposées  aux  batteriesdu  i-empart  dites  le 


BftHf 


»P 


GUEBBE  VALLEHAOns.  279 

Wiie-Maur^UPlatten-Dick.ljdîtxi  fut  entretenu  pendant  qua-  hm. 
rante-deax  heures,  Jusque  vers  le  milieu  de  la  nuit  du  1 4  au  16.  tnMgUim. 
Une  grande  quantité  de  fusées  à  la  Congrève  faisaient  partie 
des  projectiles  de  l*enneaii.  Le  général  Monnet ,  ayant  repoussé 
la  sommation  qui  lui  Ait  faite  à  ce  moment,  le  feu  recommença 
dans  la  matinée  du  1 5  avec  la  même  vivadté  de  la  part  des  as- 
'  ^géants,  et  trèshmollement  du  o6té  de  la  place.  L*incendie  causé 

' .  par  les  fusées  incendiaires  s'était  manifesté  dans  plusieurs  quar- 

tiers à  la  fois.  Les  canonniers  étaient  exténués  de  fatigue,  et 
ies  affûts  se  trouvaient  en  grande  partie  hors  de  service.  Enfin 
les  hostilités  cessèrent  tout  à  fait  le  16,  et  la  capitulation  fut 
signée  dans  la  matinée,  bien  qu'elle  porte  la  date  du  15.  La 
garnison  obtint  les  honneurs  de  la  guerre,  mais  elle  resta  pri- 
sonnière pour  être  conduite  dans  la  Grande-Bretagne.  Cette  der- 
nière condition ,  à  laquelle  les  troupes  françaises  étaient  bien 
loin  de  s'attendre ,  leur  causa  une  vive  douleur,  et  elles  mani- 
festèrent la  résolution  de  se  défendre  lorsqu'elles  connurent  leur 
sort;  mais  il  n'était  plus  temps  :  déjà  les  Anglais  occupaient 
les  portes.  4,000  hommes  mirent  bas  les  armes  et  furent 
conduits  à  Yeere  pour  y  être  embarqués  immédiatement  ;  lord 
Chatam  ne  voulut  pas  même  en  excepter  les  généraux  et  les  of- 
'  flders. 

Quelques  habitants  avalent  été  victimes  du  bombardement. 
L'incendie  avait  détruit  le  beau  bâtiment  de  Thôtel-de-ville  et 
soixante-dix  maisons;  un  plus  grand  nombre  étaient  fortement 
endommagées. 

La  reddition  de  Flessingue  causa  un  vif  mécontentement  à 
Napoléon  et  lui  laissa  des  doutes  sur  la  conduite  du  gouverneur 
de  cette  place.  Il  soumit  les  circonstances  du  siège  à  un  conseil 
d'enquête  qui  se  prononça  contre  le  général  Monnet  '. 

'  Cela  devait  être  ainsi,  ce  conseil  n'ayant  pu  entendre  l'accusé,  ni  re- 
chercher aucnn  de  ses  moyens  de  justification ,  et  n^ant  entendu  au  con- 
traire que  des  témoins  à  charge,  qui  avaient  des  intérêts  opposés  au  général 
Monnet.  Pendant  les  cinq  années  qu'a  doré  sa  captivité  chez  les  Anglais ,  il 
D*a  cessé  de  solliciter  son  échange,  ou  son  renvoi  momenfanë  en  France 
pour  s'y  faire  juger,  ainsi  que  le  prouvent  les  lettres  qu*il  a  adressées,  à  ce 
sujet ,  à  l'amirauté  britannique  et  au  gouvernement  français.  Il  ne  put  obr 
tenir  cette  faveur;  mais  il  ne  fut  pas  plus  tôt  rentré  en  France  (avec  tous  les 
antres  prisonniers  de  guerre,  après  la  paix  de  1814  )  quMI  sollicita  sa  mise 
au  « 


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974  LIVBB  SIXIÈME. 

ttM.        Le  général  Monnet  n'est  plus,  il  importe ,  en  lendanl  him^ 

cuM^^  inage  h  ta  vérité ,  de  later  sa  mémoire  de  la  tache  odieuse  dont 

le  couvrit  la  décision  du  conseil  d'enquête.  La  discussion  à  ce 

sujet  n*est  pas  seulement,  pour  l'historien,  une  bienséanee, 

elle  est  un  devoir. 

Flessingue  était  une  mauvaise  place,  sans  autre  dehors  qu'une 
flèche,  et  sans  chemin  couvert.  Son  rempart,  non  revêtu  et 
d'un  foibte  commandement,  avait,  pour  être  à  l'abri  d'insulte, 
on  fossé  plein  d'eau ,  de  trente-six  à  quarante  mètres  de  lar* 
geur,  mais  peu  profond.  Le  seul  bâtiment  voûté  à  l'épreuve  était 
un  magasin  à  poudre  nouvellement  construit.  Le  gouverneur 
d'une  telle  place,  en  résistant  seize  Jours  à  l'attaque  réglée  de 
25,000  hommes,  satisfaisait  sans  doute  à  toutes  les  obligations 
qu'impose  l'honneur.  Cette  idée  trompa  le  général  Monnet 
et  le  perdit.  Il  se  persuada  qu'il  avait  été  assiégé.  L'impéritie 
des  Anglais  et  leur  résolution  de  prendre  Flessingue  en  minant 
ses  habitants  ne  pouvaient  réellement  lui  servir  d'excuse;  on  le 
Jugea  sur  ce  qu'il  avait  fait  et  sur  ce  qu'il  aurait  pu  faire. 

Il  commandait  à  Flessingue  depuis  1803  ;  il  avait  passé  ces 
six  années  dans  une  entière  sécurité ,  et ,  n'ajoutant  pas  foi  à 
ce  que  Ton  publiait  touchant  rarroeraent  de  l'Angleterre,  il 
n'avait  rien  préparé  de  longue  maio.  L'enquête  a  prouvé  qu'il 
exerçait  un  monopole  scandaleux  sur  l'exportation  des  eaux* 
de-vie  de  grains ,  et  il  fut  dénoncé  pour  ce  fait  au  roi  de  Hol- 
lande par  les  notables  et  les  commerçants  de  l'Ile  de  Walcheren  '. 

en  jugement.  Le  général  Dupont,  alors  ministre  de  la  guerre,  trouva  quHl 
n'y  avait  pas  lieu  à  réhabiliter  le  général  Monnet,  puisqu'il  n'avait  été  ni 
condamné  ni  jugé ^  et  quMlne  pouvait  même  être  mis  en  jugement,  dV 
près  la  connaissanoe  quMl  <  le  ministre  )  avait  prise  de  Taffaire  de  Flessin- 
gue. Il  se  tx>ma  donc  à  mettre  sous  les  yeux  du  roi  un  rapport  détaillé, 
par  suite  duquel  fut  rendue  une  ordonnance  de  S.  M.,  en  date  du  24  juillet 
1SI4,  qui  réteblit  le  général  Monnet  dans  ses  droits,  titres,  grades  et  hon- 
neurs ;  ce  qu^on  n'eût  point  fait  s'il  y  eût  eu  apparence  de  lâcheté  ou  de  tra- 
hison à  loi  reprocher.  Ce  général  mourut  en  1SI9. 

*  Ldrsque  le  générai  Monnet  fut  nommé  par  Napoléon,  en  1803,  coomian- 
ilant  supéFÈenr  de  Pile  de  Walclieren,  il  reçut  la  mission  expresse  et  ae- 
«rèle  de  lui  procurer  (  à  Napoléon  ) ,  à  tel  prix  que  ce  fût*  les  gazettes  et 
toutes  les  nouvelles  cartes  anglaises,  l'état  de  leurs  fabriques  d^annes,  arse* 
natra  et  chantiers  de  construction ,  de  leurs  escadres  en  armement,  en  par- 


Il  ne  ngDonét  poiaft ,  et  cette  eertttode  le  tenait  dans  «ne  sorte      im». 
de  dép^idaiiee ,  qui  augmentait  rembarras  de  sa  posHIon  inUi-  et  '£i£q1^. 
taire.  Si,  dès  le  ao  Juttiet,  le  géaéral  Moimet  eût  envoyé  à 
Middeilraig  les  vieillards,  les  feinmeset  les  «ifisnts  de Flessia^ 
si,  mettant  à  profit  ce  long  intervalle  de  treize  Jours  qne  Im 
Ang^  employèrent  à  conetniire  leurs  batteries  ^  il  eât  blindé 
sa  manutention,  ses  magasins  et  Tarsenai  de  la  marine  ;  enfin 
s'il  eât  ménagé  sa  garnison ,  an  lien  de  la  compromettre  en  nm 

iiùnce  et  en  «telioa.  a  YaosoMiiidéreres  tout  cela»  était-Il  dit  dans  les  insfanio- 
'tioiwda  pienier  coosqI,  comme  secret  d*£ut,  et  en  correspondrez  directe- 
ment avec  moi,  par  L'intennédiaire  du  secrétaire  d^État  Maret  exclusUvement.  » 

LoA  frais  de  cet  espionnage  difficile  et  très-dispendieux,  qull  fallait  en- 
tretenir dans  les  Trois-Royaumes ,  ne  purent  être  payés  qu'avec  le  produit 
d'un  don  qne  des  armateurs  hollandais  offrirent  volontairement,  qui  ne  leur 
AU  jamais  imposé^  pour  être  tolérés  dans  le  commerce  interlope  par  leqiiel 
ils  exportaient  leur»  genièvres  sur  lea  côtes  anglaises.  Le  premier  consul, 
étant  venu  à  Flessingue  (  six  mois  après  que  le  général  Monnet  en  avait 
pris  le  commandement),  fut  prévenu  du  moyen  qui  s'était  présenté  pour 
payer  les  fnU  de  la  mission  dont  il  est  question.  Napoléon  Tappronva,  et, 
quinie  jours  après  avoir  quitté  Tlie  de  Walclieren,  il  promut  le  général  Mou- 
net  au  grade  de  divisionnaire. 

Un  des  principaux  chefs  de  la  police  française,  qui  n^avait  et  ne  pouvait 
avoir  aucune  connaissance  de  ces  détails ,  regardant  le  don  volontaire  que 
le  général  Monnet  recevait  du  commerce  interlope  comme  un  abus  d^an- 
torilé,  Tavait  plusieurs  fois  signalé  sur  les  bulletins  qn*il  était  danal'usage 
de  remettre  à  Napoléon ,  et  chaque  fow  celui-ci  raya  cet  article  de  sa  main, 
saut  doBserd^aulres  éclaircissements.  On  peut  remarquer  en  eflet  que,  dans 
sa  lettre  close  au  ministre  de  la  guerre,  Clarke,  en  date  du  7  septembre,  qui 
cliarge  un  conseil  d^enquéte  d'examiner  la  conduite  du  général  Monnet  à  Fles- 
singue, Tempereur  ne  dit  pas  un  mot  du  chef  de  concussion.  Une  lettre  du 
ministre  de  la  marine  >  qui  nous  a  été  communiquée  en  original ,  lève  toute 
espèce  de  doute  à  ce  sujet  ;  elle  est  datée  du  15  décembre  180C  et  adressée 
au  général  Monnet.  On  y  reconnaît  que  des  smogleurs  étaient  l'eçus  depuis 
1803  dans  les  ports  de  Tlle  de  Walcheren  par  une  exception  qui  avait  lien 
en  vertu  (Tune  décision  particulih-e,  dont  le  ministre  n'avait  pas  connais- 
sance. Napoléon  n*ayant  point  donné  de  nouvelle  autorisation  en  faveur  du 
comaoeroe  interiope,  il  cessa  à  cette  époque,  comme  le  prouve  une  lettre  du 
roi  de  Hollande,  à  la  date  du  C  mars  1807,  par  laquelle  ce  souverain  re- 
merde spécialement  le  génc^ral  des  mesures  qu'il  a  prises  comme  entiè' 
rement  conformes  à  ses  intentions,  par  rapport  au  commerce  interlope. 
Des  témoignages  aussi  authentiques  démontrent  assez  que  le  général  Monnet 
n'a  Jamais  agi  que  d*après  des  ordres  supérieurs,  alors  légaux ,  et  doivent 
faire  évanom'r  le  soupçon  de  concussion  élevé  par  le  conseil  d'enquête. 

fs. 


S76  LIVRE  SIXIEME. 

1809.  campagne,  sans  doate  les  anglais,  hcmteiix  d'avoir  lirùlé  des 
et'^^qilc.  ionisons  povr  leur  bon  plaisir,  auraient  été  forcés  de  rapprocher 
leurs  batteries  et  de  commenoer  les  opérations  d'an  siège  plus 
bonorable  et  plus  périlleux  ;  mais  la  place  n'en  aurait  pas  moins 
succombé,  parce  que,  privée  de  Tespoir  d*ètre  secourue,  elle  était 
naturellement  à  la  merci  d'un  ennemi  qui  pouvait  réparer  ses 
pertes.  On  a^it  que  le  général  Monnet  n'avait  pas  voulu  tendre 
l'inondation  :  il  est  vrai  que,  n'étant  moaacé  que  d'un  bombar- 
dement, il  devait  peu  songer  à  ce  moyen  de  défense  toujours 
désastreux.  Toutefois  le  r^roche  n'est  pas  fondé,  car  il  essaya 
de  rompre  la  digue  de  mer  en  amont  et  à  deux  cent  cinquante 
mètres  du  batardeau  du  fossé  ;  si  l'eau  ne  trouva  pas  d'issue  vers 
l'intérieur  de  Tlle,  c'est  que  le  flux  ,  à  cette  époque,  ne  s'éleva 
pas  à  la  hauteur  du  sol.  Cependant,  Tbiver,  les  crues  extraor- 
dinaires des  rivières  et  les  flots  soulevés  par  les  tempêtes  rom- 
pent ou  surpassent  les  digues  et  causent  des  inondations;  mais, 
dans  la  belle  saison ,  et  surtiout  lorsqu'il  règne  des  vents  d'est , 
qui,  sur  les  c6tes  de  la  Hollande,  contrarient  le  mouvement 
du  flux ,  il  arrive  souvent  que  les  marées ,  même  celles  des 
syzygies  (  nouvelle  ou  pleine  lune  ) ,  ne  s'élèvent  pas  au  niveau 
du  sol.  Cette  circonstance  était  applicable  à  Flessingue  en  août 

La  faute  la  plus  grave  du  général  Monnet  fut  tout  entière 
dans  la  capitulation.  Puisqu'il  ne  dépendait  plus  de  lui  de  sauver 
la  place ,  il  fallait  sauver  l'honneur.  Il  choisit  pour  parlemen- 
taires deux  jeunes  capitaines,  offlders  d'espérance  et  personnel- 
lement recommandables,  mais  qui  étaient  encore  sans  habitude 
des  affaires  de  guerre  et  sans  vigueur  d^esprit.  Placés  contre 
leur  gré  dans  la  plus  pénible  situation ,  en  face  de  généraux  an- 
glais qui  avaient  sur  eux  une  grande  supériorité  de  grade,  d*ftge 
et  de  jactance ,  ils  n'obtinrent  rien ,  et  seuls  ils  signèrent  cette 
convention  si  dure,  pour  laquelle  le  général. Osten  et  le  colonel 
'dief  d'état-major  Weikel  n'avaient  point  été  consultés.  L'homme 
à  envoyer. aux  Anglais  était  ce  même  général  Osten,  qpi'ils 
avaient  vu  à  la  tête  des  soldats ,  et  dont  ils  avaient  pu  apprécier 
toute  rénergie.  Guerrier  intrépide,  d'une  stature  colossale, 
étranger  aux  formes  des  discours,  mais  ayant  Téloquence  du  cou- 
rage, Ost^  aurait  dit  aux  généraux  ennemis  :  aNousson&mesen- 


'     OUBBBE  D*A.LLBMÂGNE.  377 

tore  4^000  soldats;  nous  ne  voalons  pas  être  vos  prisonniers,      ma 
Laisses-noos  rentrer  en  France;  autrement  neos  irons  braver ^,'S^Sjg!^ 
la  mort  dans  vos  carrés,  et  Dlea  sait  ce  qu'il  vous  en  coûtera,  a 

Nul  doute  qu'un  pareil  langage  eût  imposé  au  lord  Ohatam, 
qui  n'aimait  pas  les  moyens  extrêmes ,  et  il  est  probable  que  la 
garnison  de  Flessingue  n'eût  pas  été  plus  maltraitée  que  ces 
12,000  Français  qui,  n'ayaat  d'autre  ressource  que  la  fer> 
meté  de  leur  dief  et  l'éloquence  énergique  du  général  pléni* 
potentiaire,  Kellermann,  forent  ramenés  par  les  Anglais  de 
Lisbonne  à  Qoiberou.  Le  générai  Monnet  ne  suivit  point  le 
noble  exemple  de  Jonot  :  il  n*avait  pas  l'énergie  que  réclanuat 
sa  position  ;  mais  il  ne  fut  pas  traître. 

On  peut  dire  pour  la  Justification  du  général  Monnet ,  sur  le 
Mt  de  la  capitulation ,  que  cet  acte  fut  signé  de  l'avis  du  conseil 
de  défense»  La  place  de  Flessingue,  battue  du  côté  de  la  mer  par 
onze  cents  bouches  à  feu  et  par  une  pluie  de  fusées  incendiaires,  ' 
ne  pouvait  plus  voir  s'écouler  que  fort  peu  d'heures  avant  d'être 
enti^ment  détruite  par  l'incendie ,  et  immédiatement  prise  du 
côté  de  la  mer,  où  le  général  Munnet  n'avait  jamais  eu  à  op- 
poser à  Tennemi  un  seul  bâtiment  de  guerre  et  n'avait  plus 
une  seule  pièoe  d'artillerie  qui  ne  lût  démontée.  Le  générai 
Monnet,  avec  les  plus  pauvres  éléments  de  défense,  a  cepen- 
dant arrêté  pendant  dix-sept  jours  la  plus  formidable  expédi- 
tion qui  fût  Jamais  sortie  des  ports  d'Angleterre ,  et  par  cette 
résistance  il  a  contribué  puissamment  à  foire  échouer  le  projet 
sur  Anvers. 

Flessingue  pris,  la  majeure  partie  des  troupes  anglaises 
passa  dansrile  de  Sud-Bevelanà,  pour  af^uyer,  sur  la  rive  droite 
de  TEscaut,  les  opérations  de  la  marine.  La  flottille  y  était  déjà 
entrée,  ainsi  que  onze  frégates,  qui  avaient  eu»  le  2,  avec  la 
grande  Imtterie  de  Cadzand»  un  engagement  insignifiant,  pen- 
dant lequel  chacune  d'elles  avait  tiré  plus  de  deux  cents  coups 
de  canon.  Le  14,  huit  vaisseaux,  dont  un  de  SO,  avant  de 
suivre  la  flottille  et  les  frégates  dans  l'Escaut,  s'étaient  emboa- 
ses  à  dix-huit  cents  mètres  de  l'entrée  du  port  de  Flessingue  » 
et  avaient  téii  contre  la  place  un  feu  très^vif,  auquel  on  ne 
lépiondit  point.  , 

En  remontant  le  fleuve  avec  son^cadre,  Tamiral  Stranohan 


978  LITBE  «XlteE. 

m9.  a^^t  la  ^comeimœ  de  la  nuliné  de  ses  eSarts.  Après  de  grandaa 
i«tl!^i^*qal  ^Ufflcoltés  dé  naTigatkm,  il  parvint  Jasqa'au  delà  de  Bi^u, 
d'où,  voyant  les dispositkms  prises  par  l'aoïlral  Miasieasy,  il 
Jigea  que  la  ligne  française  était  inattaquable.  EHéctivenient 
elle  pouvait  être  comparée  à  nn  vaste  finmt  de  fartiûcatk>&s. 
Les  forts  de  L4llo  et  de  Liefkenehoeek ,  armés  ebaean  de  qua- 
rante bonclies  à  feu  de  gros  calibre,  âgoraient  les  ba8ti(Nu;  les 
vaisseaux  embossés,  la  courtine ,  et  k»  canonuières,  les  ou- 
vrages extérieurs.  Les  Anglais  échangèrent  donc  quelques  coupa 
dé  oanon  pour  la  fonne,  et  se  disposèrent  à  sortir  de  l'Eseaut 
Ixmiaie  ils  y  étaient  entrés.  ToûtefMs,  un  événement  malheu* 
reux  avait  signalé ,  sur  la  rive  gaudie ,  cette  tentative  de  Ven- 
nerni.  Une  frégate  ayant  lâehé  sa  bordée,  devant  la  batterie  de 
Teraeuse,  dans  le  pays  d'Axel ,  un  obus  vint  éclater  près  du 
magasin  de  la  batterie,  qui  eontenait  trois  milliers  de  poudre 
en  baril  et  une  grande  quantité  de  gargousses.  L*exirioaloD 
tua  ou  mutila  75  hommes  qui  appartenaient  à  rartillerie,  à  la 
eohorte  de  la  Somme  et  à  une  compagnie  suisse. 

Cependant  le  maréchal  prince  de  Ponte-Garvo  était  arrivé 
à  Anvers  le  jour  même  de  la  capitulation  de  Flessingue.  Il  ne 
ftiliait  pas  moins  que  l'activité  de  ce  chelt  pour  organiser  Tar* 
mée ,  ou  plutôt  la  masse  confuse  qui  s'était  amoncelée  dans  les 
^  environs  de  cette  place ,  pour  débrouiller,  dans  deseirconstances 
aussi  critiques,  le  ehaoe  inextricable  dans  lequel  le  service  pu- 
blie était  encore  plongé.  Xe  maréehal ,  malgré  les  efforts  anté* 
rieurs  du  général  Rampon  et  des  autres  généraux,  trouva  tout 
À  créer.  Les  travaux  de  défense  étafem  à  peine  commencés  ;  on 
avait  peu  de  munitions  d'artillerie,  et  Vota  manquait  de  canon^ 
niers  ;  la  plupart  des  détachements  qui  arrivaient  journellement 
de  Klfttérieor  étaient,  par  le  défaut  de  magasina,  obligés  de 
vivr»  de  réquisitions,  comme  en  paya  ennemi. 

Accompagné  du  roi  de  HoUande,  qui  se  trouvait  encore  à 
Anvers,  le  prince  de  Ponte^Gorvo  passa  en  revue  toutes  les 
troupes  qui  composaient  l'armée^  A  l'exceptioD  de  la  garde  hoi* 
landaise,  qui  se  faisait  remarquer  par  sa  brillante  toiue,  tous 
les  outres  eoi-ps  présentaient  l'aspeçt^'un  rassemblement  Jn* 
cohérent ,  mal  armé  et  sans  discipline.  On  y  voyait  des  mate- 
lots, des  chasseurs,  des  huasards ,  desdiagons ,  même  des  cul- 


GUEBaft  d'jjllkmagne.  779 

ranlOTS ,  Un»  ■mateamé»  ensemble  et  focmant  âes  eompagnies  i m. 
de  fentassnie*  BBiift  ce  mélange  confus  et  blsarre  de  soldats  de  etBeisiqoe. 
tontes  les  armes ,  il  y  avait  de&  détachements  de  Polonais,  de 
Hanovriens  et  detontes les  différentes  raeesd'hommes  alors  com- 
prises sons  la  dénominatkm  de  Français  ;  des  prisonniers  prus- 
sieBs  et  espagnols  avaient  même  été  employés  à  la  défense  de 
TEseavl.  Mais,  tont  en  déptonmt  le  désofdre  d'une  telle  armée, 
le  prioee  de  Ponte-Gorvo  songeidt  d^  an  moyen  de  le  feure 
cesser,  et  il  n'épargna  rien  potir  inspirer  de  k  confiance  et  ânA 
dévonement  à  ces  différentes  troupes ,  étonnées  de  se  trouver 
ensemble.  Le  roi  de  Hollande  partit  iesoir  même  de  cette  re^ 
vue  pour  Amsterdam. 

Le  maréchal  parcourut  ensuite  la  ligne  de  défense  avec  des 
itt^nienrs,  pour  reconnaître  les  divers  emplacements  où  il  de-^ 
venait  néeessaire  de  construire  de  nouvelles  batteries.  11  dis-' 
tribua  les  troupes  de  la  manière  qui  lui  parut  la  plus  convena- 
ble. Une  division  fut  placée  à  Berendreeht,  occupant  SandvUet 
et  gardant  les  digues  depuis  la  frontière  de  la  Hollande  jusqu'au 
Ibrt  de  Lillo.  Tout  ce  qui  existait  de  cavalerie  légère  prit  poste 
en  dixième  ligne,  à  Stabroeck,  pour  se  porter  avec  rapidité 
au  secours  des  avanirgardes  en  cas  d  attaque  et  soutenir  leur 
retraite  sur  Anvers  ,  si  elles  étaient  repousaées.  Une  autre  di- 
vision fut  placée  en  éelielons  entre  Capelle  et  Anvers,  paral- 
lèlemeiil  au  cours  de  l'Escaut.  Les  bataillons  hollandais  que  le 
roi  avait  laissés  sous  les  ordres  du  lieutenant  général  Dui^oo- 
éeau  occupèrent  Woensdrecbt  et  Ossendrecht.  Des  cohortes 
de  gardes  nationales,  réunies  à  Bruges,  furent  placées  à  Oost- 
burg-tt  à  Ysendick.  Ces  troupes  devaient  servir  de  réserve  à 
celles  que  commandait  le  général  Rousseau ,  dans  le  pays  de 
Cadzand.  Une  seconde  réserve  fut  placée  à  Hulst.  On  formait 
à  Gand  un  corps  d'observation»  dent  le  maréchal  Moncey,  4ne 
de  Gonegliano,  prit  plus  tard  le  commandement» 

Les  officiers  du  génie  qui  avaient  accompagné  le-  prince  de 
Pottte-Gorvo  dans  sa  reconnaissance  eurent  ordre  (te  suivre 
-sans  relâche  la  construetion  ou  plutêt  les  réparations  du  fort 
Frédérle^Henri,  de  tracer  un  nouveau  fort  à  Ysendick,  et  d'é- 
lever diverses  autres  batteries  sur  les  deu^i  rives  du  fleuve.  Le 
prince  empêcha  qu'on  ne  fit  couler  à  fond ,  dans  la  passe  de 


380  LIVftB   aiXlBIfAi 

1909.     TEscaut,  un  vaisseau  rempli  de  pierres  et  éé  table.  Cétait  une 

f  t^giqae.  mesure  absurde,  ordonnée  par  le  roi  de  Hollande»  et  qui  aurait 

rendu ,  pour  plusieurs  années ,  le  port  d* Anvers  inaccessible 

même  aux  bâtiments  marchands.  La  révocation  de  cet  ordre 

ranima  les  esprits  abattus  des  commerçants  d'Anvers. 

On  inonda  les  fossés  d'Anvers  et  des  forts  LIlio  et  Liefkens- 
hoecky  et  les  troupes  qu'on  avait  fait  baraquer  sur  les  deux 
rives  de  i*£scaut  se  tinrent  prêtes  à  se  porter  partout  où  l'en- 
nemi essayerait  de  tenter  un  débarquement. 

Au  18  août  l'armée  avait  à  peu  près  12,000  hommes  en  état 
de  combattre.  Les  cohortes  de  la  garde  'nationale ,  qui  arri- 
vaient Journellement  de  l'intérieur,  étaient  sans  uniformes,  sans 
gibernes ,  et  la  plupait  sans  armes.  Il  ne  se  trouvait ,  à  cette 
époque,  que  quatre  pièces  de  campagne  en  état  de  servir;  ce 
ne  fut  que  le  22  qu'on  parvint  à  en  organiser  une  vingtaine  ; 
encore  ces  pièces  n'avaient-elles  qu'un  seul  caisson  de  muni- 
tions chacune;  elles  étaient  traînées  par  des  chevaux  de  réqui- 
sition. L'artillerie  de  la  place  d'Anvers  était  dans  un  grand  dé- 
labrement et  manquait  de  poudre  et  de  projectiles. 

Les  travaux  ordonnés  furent  poussés  avec  vigueur  ;  chaque 
jour,  chaque  nuit,  un  retranchement  était  terminé  ou  une  nou- 
velle batterie  se  trouvait  armée.  Le  24,  des  moyens  respecta- 
bles de  défense  protégeaient  déjà  le  défilé  tortueux  que  présente 
l'Escaut  entre  Lillo  et  Anvers.  Les  inondations  furent  augmen- 
tées pour  empêcher  que  les  forts  et  les  batteries  situés  sur  les 
digues  ne  pussent  être  pris  à  revers,  et  les  commandants  de 
ces  postes  eurent  ordre  de  les  défendre  jusqu'à  la  dernière  ex- 
trémité. ♦ 

Les  troupes  prenaient  les  armes  avant  le  jour,  ou  bien  dès 
qu'on  apercevait  quelques  mouvements  dans  la  ligne  des  vais- 
seaux ennemis.  Les  chefe  de  corps  employaient  ces  moments 
d'attente  à  exercer  leurs  soldats  aux  évolutions,  et  les  gardes 
avancées  ne  remettaient  Jamais  leurs  armes  en  faisceaux  avant 
d'avoir  manœuvré  plusieurs  heures.  La  lenteur  et  l'inaction 
des  Anglais  donnèrent  ainsi  le  temps  et  les  occasions  d'aguerrir 
l'armée  et  d'instruire  les  recrues  qu'on  envoyait  journellement. 

Dans  la  soirée  du  26,  l'ennemi  rangea  tous  les  bâtimeuts  de 
transport  chargés  de  troupes  dans^le  canal  de  Berg-op^^Zoom^ 


GUEMBi   D-ALLBMAGNE.  381 

i  la  hauteur  d'Ofisendredit;  le  reste  de  son  armée  était  en  ba-  nos. 
taille  derrière  le  fort  de  Batiiz.  Tout  semblait  annoncer  un  dé-  et  BcËq^ 
barquement  sur  la  rive  droite  et  une  attaque  générale  pendant 
la  nuit.  On  fit  rentrer  tes  trois  vaisseaux  d'avant-garde  de  Tes* 
cadre  française  entre  la  citadelle  et  le  bassin  d'Anvers.  Aucune 
attaque  n*eut  lieu.  On  vit  dès  lors  diminuer  chaque  jour  le 
nombre  des  vaisseaux  ennemis. 

Il  parait  que ,  en  perdant  Tespoir  de  réussir  dans  leur  entre- 
prise sur  Anvers,  les  Anglais  avaient  eu  le  projet  de  lancer 
contre  la  flotte  et  les  estacades  des  brûlota  et  des  machines  in- 
fernales y  et  de  fermer  TEscaut  en  coulant  dans  les  passes  des 
carcasses  pleines  de  pierres  ou  de  blocs  de  maçonnerie.  Le  prince 
de  Ponte-Gorvo,  instruit  deeedessein,  prit  sagement  d'avance 
les  mesures  qui  pouvaient  le  faire  échouer  ;  mais,  l'ennemi  ayant 
renoncé  au  projet  d*incendier  la  flotte,  comme  à  celui  de  l'at- 
taque ,  les  préparatifs  du  maréchal  restèrent  sans  effet  à  cet 
égard,  comme  pour  les  débarquements  présumés. 

Le  30 ,  U  ne  restait  plus  que  soixante  voiles  devant  Batliz. 
L'ennemi,  en  abandonnant  cette  station ,  fit  penser  qu'il  allait 
porter  ses  forces  sur  des  pointa  où  l'on  fût  moins  bien  préparé 
à  le  recevoir.  On  le  vit  menacer  à  la  fois  la  Hollande,  les  pays 
d'HuIst,  d'Axel  et  de  Gadzand,  et  les  c^tes  de  Flandre.  Mais 
du  côté  de  la  Hollande  il  devait  trouver  la  division  du  général 
Gratien,  arrivant  d'Allemagne,  et  les  Hollandais  s'armant  de 
toutes  parts  pour  la  défense  de  leur  territoire  et  de  leur  roi  ; 
dans  les  pays  d'HuIst,  d'Axel  et  de  Gadzand,  une  armée  nou- 
vellement réanie  sous  les  ordres  du  maréchal  Moncey.  Le  mi- 
nistre directeur  de  la  guerre,  Dejean,  premier  inspecteur  de 
Farme  du  génie ,  faisait  mettre  à  l'abri  d'insulte  toutes  les  pla- 
ces de  la  Flandre  hollandaise,  depuis  Hulst  jusqu'à  Nieuport. 

Le  4  septembre,  on  ne  vit  plus  un  seul  bâtiment  ennemi  dans  ' 
la  rade  de  Saefllngen.  Les  Anglais  avaient  évacué  successive- 
ment Bathz  et  Tile  de  Sud-Beveland ,  pour  réunir  leurs  forces 
à  Walcheren ,  dont  la  garnison  fut  fixée  à  10,000  hommes.  Le 
reste  de  l'expédition  se  rembarqua  à  Yeere,  à  Flessingue  et  à 
Ramekens,  sur  les  bâtimenta  de  transport,  qui  mirent  à  la 
voile  pour  l'Angleterre.  Le  prince  de  Ponte-Gorvo,  qui  fut  rem- 
placé bientôt  après  par  le  maréchal  Bessièrcs,  duc  d'Istrie,  fit 


282  L1VEB  SIXiAmB. 

1809.      occuper  Sad-Beveiand  ;  on  eonstraislt  sur  la  rivo  du  Sloe  ■  pla* 

et  B^iglq^.  ^^^^"  batteries,  qui  eiutïDt  de  frégoents  eogagemeiitaaveeoelte 

de  Fennemi,  placées  sur  Tautre  rive.  C^t  état  de  choses  dara 

Jusqu'au  moment  de  l*évaeuatioa  de  Walchereo  ;  la  ftottille 

anglaise  prît  souvent  part  à  ces  enneigements* 

Les  maladies  caosées  par  Tinsalubrité  de  la  Zeelande  avaient 
déjà  commencé  à  fiiire  de  grands  ravages  dans  Tannée  enne- 
mie. Quelques  jours  après  la  prise  de  Flessiugue^  une  natadie 
endémique,  appelée  dans  le  pays  fièvre  des  polders ^  se  ma- 
nifesta parmi  les  soldats  avec  une  intensité  qui  alla  to^jonra 
«n  croissant  dans  une  progression  effirayauta.  I«,âia.«aét,  les 
Anglais  avaient  déjà  i  ,600  et  quelques  malades;  le  36, 8,000  ; 
le  28,  4,000  ;  enfin  le  S  septembre  le  nombre  des  fiévreux  s'é- 
levait à  10,948.  L*ennemi  était  obligé  de  vivre  dans  Flessii^ue 
au  milieu  des  ruines  qu'il  avait  faites*  Les  vapeurs  d'un  in- 
cendie mal  éteint  et  les  exhalaisons  des  cadavres  a  peine  en- 
terrés dans  le  sable  autour  des  remparts  auraient  seules  ocea* 
sionné/des  maladies,  alors  même  que  Tinfluence  délétère  du 
climat  n'eût  pas  été  suffisante.  Ces  deux  causes  réunies  avaient^ 
dès  le  30  août ,  tellement  agi  sur  la  garnison  que  les  généraux 
ennemis  s'étaient  vus  dans  l*obligatio&  de  faire  relever  les  gar- 
des deux  fois  dans  le  même  jour.  La  mortalité  fut  si  grande 
qu'on  n*enterra  les  morts  que  la  nuit;  mesure  terrible,  qui  ne 
se  prend  que  pour  la  peste ,  dans  la  crainte  de  frapper  de  ter- 
reur les  survivants  et  d'accroître  ainsi  le  mal.  Les  diirugiens  ai^ 
glais,  désespérés  et  succombant  eux-mêmes  au  fléau  communy 
demandaient  leur  remplacement  et  leur  retour  en  Angleterre. 

Lord  Chatam,  déjà  avancé  en  âge  et  ordinairement  valétu- 
dinaire ^  était  tombé  malade  presque  en  arrivant  dans  l*ile  de 
Walcheren.  Ses  compatriotes  lui  ont  fait  le  reprodie  de  s'être 
occupé  presque  exclusivement  de  sa  santé  et  du  soin  d'avoir  de 
bon  bouillon  de  torlue,  au  lieu  de  se  livrer  aux  détails  de  l'ex- 
pédition qui  lui  était  confiée. 

Conquête  des  Anglais ,  l'ile  de  Walcheren  était  devenue  na* 
turellement  l'entrepôt  de  leurs  marchandises,  qui  devaient  être 
introduites  frauduleusement  en  Hollande  et  en  France.  Cet 

'  Canal  qui  sépare  Hic  de  Siid-AefeUmd  4e  celle  de  WaldiercD^ 


avantage  ne  compensait  point  les  sacrifices  qu'exigeait  la  con-  ^  jm 
sirratloD  du  pays,  et  le  gouvernement,  sur  ks  représentations  et 
de  ses  généraux,  ordonna  qu'il  serait  évacué.  5,ooo  Anglais 
«talent  été  tués  ou  l^lessés  lors  de  la  descente  et  pendant 
le  bombardement;  9,ooo  périrent  de  la  fièvre  des  polders,  à 
laquelle  rintempéranoe  avait  donné  on  caractère  encore  plus 
grave.  Mais,  avant  de  se  rembarquer,  et  pour  obéir  aux  ordres 
de  lord  Liverpoot,  les  malbeureux  soldats,  que  ponnnivalt  une 
mort  presque  certaine,  furent  encore  d^Hgés  d'achever  la  des- 
truction des  fortifications  de  Flessingue.  Le  ministère  britan* 
nique  ne  voulut  point  que  Tarmée  évacuât  rile  de  Walchcron 
sans  y  laisser  les  trace»  de  son  séfoiir,  la  dévastation  et  des 
ruines.  Un  plan  conçu  par  le  colonel  du  génie  Pilkington ,  et 
diaprés  lequel  on  pouvait  détruire  de  fond  en  comble  tout  ce 
qui  restait  des  établlueroents  maritimes  et  militaires  des  Fran* 
cals,  furent  remis  au  général  en  cbef  Chatam,  qui  le  fit  exé- 
cuter. Le  31  septembre,  Jour  du  départ  définitif  de  Texpédition 
anglaise,  il.  n'existait  plus  à  Fiessingue  aucun  vestige  du  port 
«t  des  fortifications.  Tout  aviMété  anéanti  par  les  mines  ou  Ti- 
noadation  de  la  mer. 

La  dernière  frégate  ennemie  mit  à  la  voile  le  24.  Le  général 
Rmisseau  envoya  aussitèt  à  Fiessingoe  une  chaloupe  et  trente 
hommes,  qui  prirent  possession  do  port  marchand.  En  même 
temps  le  maréchal  duc  d'Istric  ordonnait  au  général  Gilly  de 
traverser  leSloeavceune  division  et  démarcher  sur  Middelburg. 

Les  Anglais  avaient  embarqué  les  munitions  navales  de  Fies- 
singue, tous  les  bois  des  chantiers  et  ceux  provenant  du  dépè- 
eement  d'une  frégate  et  d*un  brick  en  construction.  L'arsenal 
de  la  marine  était  incendié  ;  les  murs  des  magasins  à  poudre, 
le  revêtement  des  quais  du  port  militaire,  les  bajoyers  du  sas , 
qui  donnait  entrée  aux  vaisseaux  de  ligne  dans  les  bassins , 
n'existaient  plus.  Ces  dégâts  indiquent  suffisamment  ceux  qui 
auraient  eu  Ueu  à  Anvers  :  on  les  évalua  à  2  millions. 

Cest  ainsi  que  se  termina  presque  sans  combat  et  honteuse- 
ment pour  les  Anglais  une  campagne  où  peu  de  ceux-ci  suc- 
combèrent sous  les  coups  des  Français,  mais  qui  fut,  pour  leur 
armée,  aussi  funeste  que  si  elle  eût  livré  des  batailles  et  éprouvé 
de  grands  revers* 


384  LIYBB  SlZlfclIB* 

I909.  Ce  triste  résultat,  alors  qtt*on  en  avait  annoncé  emphatiqae- 

•t^Bd£iqwï.  ™^°^  ^^  autre  tout  opposé,  excita  en  Angleterre  un  mécon-» 
tentement  général  et  defortes  récriminations; blâmés  hautement 
par  la  nation»  les  ministres  forent  accusés  par  le  parlement  d'a- 
voir été  les  auteurs  du  désastre  de  Walcberen  par  les  fausses 
mesures  qu'ils  avaient  prises  pour  le  succès  de  Texpédition. 
Une  commission  d*enquète  fut  nommée  au  sein  même  de  la  , 
chambre  des  Communes  pour  examiner  la  conduite  du  minis- 
^  tère  dans  cette  funeste  entreprise.  Le  parti  de  Topposition  re* 
prochait  surtout  aux  ministres  d'avoir  prolongé inutilementroo- 
cupation  de  Walcheren,  et  d'être  devenus,  par  leur  entêtement 
à  cet  égard,  les  assassins  de  plusieurs  milliers  de  leurs  compa- 
triotes. Cette  accusation  parut  si  grave  et  si  bien  fondée 
qu'elle  entraîna  la  majorité  des  suffrages.  En  effet,  dans  le  vote 
émis  par  la  chambre  des  Communes  sur  la  question  de  savoir 
si  les  ministres  seraient  blâmés  pour  avoir  conservé  Walcheren 
si  longtemps,  TafQrmative  fut  de  deux  centsoixante-quinze  voix 
contre  deux  cent  vingt-quatre'. 

L'histoire,  en  sanctionnant  cette  dédsion  de  la  nujorité  de  la 
chambre  des  Communes^  doit  aussi  signaler  la  conduite  du  gé- 
néral chargé  de  diriger  une  expédition  aussi  importante.  An- 
vers était  le  but  principal  de  l'entreprise;  centre  et  place  d'ar- 
mes du  système  de  défense  de  l'Escaut,  cette  ville  devenait  un 
point  d'appui  précieux  pour  les  opérations  ultérieures.  Les  An- 
glais, par  rirrésolution  et  i'impéritie  de  lord  Ghatam,  perdirent 
la  plus  belle  occasion  que  la  fortune  leur  eût  offerte  d^uis 
longtemps  de  causer  un  dommage  notable  à  leur  ennemi  ;  An- 
vers ne  serait  peut-être  pas  devenu,  entre  les  mains  de  Napo- 
lémi,  un  des  plus  beaux  ports  de  l'Europe,  et  la  jaloose  Angle- 
terre eàt  pu  voir  cinq  ans  plus  t6t  la  destructian  de  l'arsenal 
maritime  qu'elle  redoutait. 

'  Tous  les  détails  de  ce  débat  ont  été  insérés  dans  le  journal  officieL  If 
Moniteur,  Napoléon  était  bien  aise  que  la  honte  de  ses  ennemis  fût  ainsi 
mise  à  découTert. 


LIVRE  SEPTIÈME. 


GUERRE  D'ESPAGNE. 

CHAPITRE   I. 

SUITE  DE  l'année    1809. 

Suite  des  opérations  militaires  en  Espagne;  Bataille  de  Talavera  de  la  Reina  ; 
combat  de  PAnobispo;  batailles  d^Almonacid,  d'Ocana  ;  combat  de  Tama- 
mes  et  d^Alba  de  Termes.  —  Opérations  du  général  Sucbet  en  Aragon; 
combats  d' Alcaniz,  de  Maria,  de  Belcbite,  etc.  —  Opérations  militaires  en 
Catalogne  ;  siège  et  prise  de  Glronoe. 

Tandis  que  Napoléon ,  cfa&tiant  l'imprudente  Autriche ,  con-  isoo. 
tinuait  d'étonner  l'Europe  par  la  rapidité  de  ses  triomphes  et  ^^s°®' 
par  le  déploiement  des  ressources  de  son  génie  militaire  et 
politique ,  disséminées  sur  un  terrain  immense,  livrées  à  elles- 
mêmes,  affiiiblies  par  les  maladies  endémiques,  par  des  com- 
bats partiels  et  sans  résultats ,  ne  recevant  d'ailleurs  aucun  ren* 
fort  de  Fintérieur  de  Tempire ,  les  armées  françaises  en  Es- 
pagne luttaient  péniblement  contre  les  nombreux  et  puissants 
obstacles  qui  s'opposaient  à  l'entière  conquête  de  ce  royaume. 
Pendant  tout  le  cours  de  la  campagne  d'Autriche ,  elles  n'a- 
valent pu  que  se  maintenir  dans  les  positions  où  elles  se  trou- 
vaient à  la  fin  d'avril ,  et ,  si  la  valeur  des  troupes  procura  aux 
généraux  qui  les  commandaient  de  f^quentes  occasions  de 
vaincre ,  ces  succès  isolés  ne  découragèrent  point  un  ennemi 
actif  et  persévérant. 

La  suite  des  événements  de  la  campagne  de  1809  en  Es- 
pagne prouva  en  effet  que  les  lieutenants  de  l'empereur  des 
Français  ne  pouvaient  plus  achever  la  soumission  de  ce 
royaume ,  parce  que  le  défaut  d'ensemble  dans  les  opérations 
et  l'absence  d'un  directeur  suprême  devaient  nécessairement 
rendre  illusoires  les  avantages  remportés  par  chacun  d'eux. 

Personne  n'admire  plus  que  nous  le  grand  et  noble  caractère 

285 


386  LlVaB  SBPnftMl« 

1809.  que  les  habitante  de  la  FéaintQtB  outdéplgsré  dans  la  guerre  de 
Espagne,  i^^^  indépendance  ;  personne  ne  reconnaît  mien  la  légitimité 
de  leur  cause  ^  et  la  généreuse  constanee  avec  laijuelle  ils  ont 
combattu  pour  raffranchissement  de  leur  sol  ;  mais,  en  exami- 
nant sans  prévention  et  avec  une  rigourf  us^  impartialité  les  di- 
vers événements  de  la  guerre  d'Espagne  en  1809 ,  on  rec(A- 
naîtra  que  le  grand  œuvre  de  la  libération  de  ce  pays  doit  son 
élaboration  à  d*autres  éléments. 

Supposons  que  TAutriclie,  résistant  aux  séductions  de  TAn- 
gleterre ,  fût  restée  en  paix  avec  la  France  ;  pourrions-nous 
affirmer  que  la  nation  espagnole,  soutenue  par  les  armes  bri- 
tanniques encore  plus  efficacement  qu'elle  ne  l*a  été,  eût  réussi 
à  sortir  victorieuse  et  libre  de  la  lutte  ou  elle  s'était  engagée 
avec  le  dominateur  de  l'Europe?  Malgré  son  héroïsme,  sa  rési- 
gnation à  tous  les  sacrifices ,  sa  devise  patriotique  de  vaincre 
ou  mourir,  n'est-il  pas  probable  au  contraire  qu'elle  aurait  cédé 
une  seconde  fois  dans  l'espace  d'un  siècle  à  la  force  des  armes , 
qu'elle  aurait  reçu  un  souverain  des  mains  de  Napoléon ,  comme 
autrefois  elle  avait  accepté  un  maître  de  celles  de  Louis  XIV  ? 
Au  commencement  de  1809.  un  monarque  guerrier,  entouré 
de  tous  les  prestiges  de  la  victoire ,  de  l'appareil  d'une  puissance 
indomptable,  commandait  les  armées  françaises  en  Espagne. 
Il  venait  de  vaincre  et  de  détruire  en  quatre  batailles  rangées 
les  forces  que  la  nation  insurgée  en  masse  avait  voulu  lui  op- 
poser. La  terreur  que  son  nom  inspirait  était  telle  qu'une  armée 
anglaise,  accourue  du  Portugal  au  secours  de  ses  alliés,  s'était 
arrêtée  tout  à  coup ,  incertaine  si  elle  continuerait  de  marcher 
contre  un  ennemi  déjà  victorieux  et  avide  de  nouveaux  triom- 
phes. Cette  armée  de  secours»  aguerrie,  bien  disciplinée,  était 
la  seule  ressource  qui  pût  ranimer  la  constance,  alors  forte^ 
ment  ébranlée,  dès  partisans  de  l'indépendance  espagnole; 
toutefois ,  le  prudent  général  qui  la  commandait  n'hésita  pas 
longtemps ,  comme  on  l'a  vu ,  sur  le  parti  qu'il  avait  à  prendre. 
Au  premier  bruit  de  l'approche  de  Napoléon  ^  il  se  hâta  d'é* 
viter  un  engagement  dont  il  prévoyait  l'issue ,  en  fuyant  par 
des  sentiers  vers  lesquels  la  peur  seule  avait  pu  diriger  sa 
marche.  L'Espagne,  privée  de  cet  appui ,  et  ne  pensant  même 
plus  à  réclamer  des  auxiliaires  aussi  timides,  se  trouvait  donc 


GtrnEB  d'bspaoiie.  387 

désMnais  presque  à  la  merci  de  son  Taiiiqiieur  et  sur  le  point  j9a$, 
d^ètre  réduite  à  implorer  «a  générosité.  Plosienrs  irilies  avaient 
déjà  donné  Fexemple,  en  envoyant  dés  dépntations  au  quartier 
g^ral  de  Napoléon.  Quelques  victoires  encore ,  et  cette  nation 
il  fière  subissait,  au  moins  pendant  un  certain  temps»  le  Joug 
d'une  conquête  complète* 

Cest  dans  de  telles  droonstances ,  et  lorsqu'un  grand  nombre 
d'Espagnols  étaient  déjà  persuadés  que  la  révolution  opérée 
par  les  événements  de  Bayoone  et  Finvasion  de  la  Péninsule 
par  les  armées  françaises  pourrait  avec  le  temps  amener  la 
consécration  des  principes  d*une  sage  liberté;  c'est  alors  que 
r Autriche  fait  tout  à  eoup  des  menaces  de  guerre ,  et  que  Na- 
poléon se  voit  contraint  de  songer  à  la  défense  du  territoire  de 
ses  alliés  et  de  son  empire.  Le  monarque  finançais,  cessant  de 
poursuivre  lui-même  l'armée  fugitiVe  de  sir  John  Moore,  tra- 
yon l'Espagne  avec  la  rapidité  de  l'aigle,  et  vole  aux  lieux  où 
l'appellent  un  danger  imminent  et  de  nouveaux  triomphes. 
Dès  ce  moment  les  patriotes  espagnols  peuvent  rouvrir  leur 
eœnr  à  respérance.  Napoléon  emmène  avec  loi  sa  garde,  cette 
imposante  réserve  de  l'armée;  il  laisse  après  lui  un  roi  faible, 
aussi  incapable  de  garder  une  conquête  que  d'en  entreprendre 
de  nouvelles,  et  des  lieutenants  qui,  n'étant  plus  reteous  par 
la  présence  d'un  chef  suprême  inflexible ,  se  livrerout,  pour  la 
plupart,  aux  écarts  de  leur  amour^propre,  à  la  fougue  de  leurs 
passions  haineuses. 

Que  de  moyens  vont  militer  maintenant  en  faveur  de  la  dé- 
livrance du  sol  espagnol  1  Une  alliance  plus  frandie,  plus  in- 
time, s'établira  entre  l'Angleterre  et  les  patriotes;  ceux«ci ,  dé- 
barrassés de  l'ascendant  terrible  que  Napoléon  savait  prendre 
sur  tout  ce  qui  l'entourait ,  rappelleront  dans  leurs  rangs  cette 
foule  d'hommes  timides ,  sans  caractère ,  qui,  dans  toutes  les  ré- 
volutions, se  rangent  du  côté  où  ils  croient  voir  la  force,  le 
snenès ,  et  d'où  ila  attendent  des  avantages  personnels.  Les 
armées  nationales,  dispersées,  anéanties  ^grande  partie  par 
Napoléon,  «e  reformeront  comme  par  enchantement;  le  véri- 
table patriotisme  viendra  se  confondre  avec  le  ûmatisme ,  qui  a 
d^  armé  tant  de  bras. 

On  a  dû  remarquer,  dans  les  premiers  événements  que 


288  ^  LIVRE   SBPTliklS. 

\w^  avons  déerits  de  cette  campagne  de  1 80d ,'  que  tels  furent  en 
E^Mgne.  ç^ç^  j^  résnltats  presque  immédiats  du  départ  imprévu  de 
Napoléon  :  plus  d*aeoord  entre  les  généraux ,  plus  d^opérations 
combinées.  Chacun  cherche  à  faire  la  guerre  pour  son  propre 
compte ,  s'il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi ,  et  nul  d'entre  eux 
n'est  assez  désintéressé  pour  faille,  en  faveur  d'un  autre,  le 
sacrifice  de  sa  gloire  personnelle.  De  là  les  malheurs  de  la  se- 
conde expédition  de  Portugal»  les  échecs  éprouvés  en  Galice 
et  dans  les  Âsturies ,  échecs  que  ne  compensait  point  quelques 
succès  partiels,  insignifiants,  et  souvent  presque- aussi  con- 
traires au  but  général  de  l'invasion  que  des  défaites  réelles;  de 
là  la  confiance  des  Espagnols,  la  formation  subite  de  nouvelles 
armées  aussi  nombreuses  et  plus  dévouées  que  les  premières. 

Les  troupes  nationales ,  réunies  avec  les  troupes  anglaises  , 
osent  défier  encore  les  Français  eu  bataille  rangée  et  disputer 
la  victoire  assez  longtemps  pour  qu'elle  paraisse  indécise. 
Sans  le  retour  de  Napoléon  en  France,  où  le  rappelaient  les 
préparatifs  menaçants  de  l'Autriche ,  un  pareil  ordre  de  choses 
n'eût  pas  existé.  C'est  donc  à  la  diversion  opérée  par  la  puis- 
sance britannique,  bien  plus  qu'à  sa  propre  énergie,  que  la 
nation  espagnole  allait  devoir  plus  tard  l'avantage  de  triompher 
de  ses  dominateurs  et  de  pouvoir  asseoir  les  bases  d'un  gou- 
vernement libéral. 

La  funeste  issue  de  la  campagne  du  maréchal  duc  de  DaL- 
matle  en  Portugal  n'était  point  compensée  par  les  victoires  de 
Médellin  et  de  Ciudad-Réal,  puisqu'elle  devait  attirer,  ainsi 
qu'on  va  le  voir,  l'armée  anglaise  sur  le  territoire  espagnol ,  et 
provoquer  une  réunion  de  forces  plus  imposantes  et  plus  redou- 
tables que  celles  qui  venaient  d'être  défaites  par  le  maréchal  duc 
de  Bellune  et  par  le  général  Sébastiani. 

On  se  rappelle  que  le  maréchal  Soult ,  en  se  retirant  du  Por- 
tugal ,  s'était  dirigé  sur  Logo,  où  il  arriva  le  23  mai  et  fit  sa 
jonction  avec  le  maréchal  Ney ,  qui ,  aidé  par  le  général  Keller- 
mann ,  avait  chassé  la  Romana  des  Asturies.  A  l'approche  des 
troupes  du  2^  corps,  le  général  Maby,  qui  assiégeait  le  général 
Fournier  dans  Lugo ,  s'était  replié  sur  Mondonedo,  où ,  le  24 , 
il  rencontra  la  Romana.  Celui-ci  venait  de  Ribadeo ,  où  il  avait 
débarqué  après  s'être  enfui  des  Asturies,  et  était  parvenu  à 


GtrSMB  0*B8ràG(I.B.  389 

réonir  m  corps  de  1 5  à  t  s^ooo  hommes.  Malgré  la  préseiiee  des  \m^ 
deux  maréchaux  à  Uigo ,  les  généraux  espagnols,  voulant  sortir  "  ~ 
à  tout  prix  de  leur  périlleuse  position,  se  portèrent  sur  le  Sil, 
au  moyen  d'une  marche  hardie ,  et  gagnèrent  Orensé  par  Mon- 
forte»  Quelque  peu  nombreuses  que  fussent  les  troupes  de  la  Ro- 
manâ  »  en  s*unissant  à  celles^qui  étaient  aux  environs  de  Pon- 
tevedra  et  fomentant  Finsurrection  au  milieu  du  pays,  elles 
mettaient  les  troupes  françaises  en  danger  et  gênaient  leurs 
mouvements.  Il  importait  donc  de  détruire  le  plus  tôt  possible 
ces  rassemblements  d'insurgés.  G*est  ce  qu'avaient  résolu  les 
maréchaux  Soult  et  Mey  par  leur  convention  du  39  mai ,  dont 
il  a  été  fait  mention  à  la  page  56*  Les  deux  corps  d*armée 
réunis  à  Lugo,  bien  que  considérablement  réduits,  compo- 
saient encore  une  force  d'environ  30,000  hommes,  aguerris, 
endurcis  aux  fatigues,  avec  lesquels  les  deux  maréchaux ,  s'ils 
eussent  été  en  bonne  intelligence  et  n'eussent  éprouvé  aucun 
sentiment  de  rivalité,  pouvaient  achever  la  soumission  de  la 
Galice  et  des  Asturies,  exterminer  les  insurgés,  accabler  les 
Anglais  et  les  acculer  à  la  mer  s'ils  osaient  passer  le  Minho; 
ou  bien ,  s'ils  se  dirigeaient  sur  le  Tage,  comme  ils  le  firent, 
les  3^  et  6®  corps ,  se  rapprochant  du  maréchal  Victor,  pouvaient 
tomber  avec  lui  sur  l'armée  de  sir  Arthur  Wellesley  et  ter- 
miner d'un  seul  coup  la  guerre  avec  les  Anglais  dans  la  Pénin- 
sule. 

Au  lieu  d'adopter  l'un  ou  l'autre  de  ces  partis ,  les  deux  ma- 
récliaux  se  séparèrent.  Le  maréchal  Soult,  qui  devait  se  porter 
sur  Orensé  par  la  vallée  du  SU ,  pour  y  disperser  les  troupes  de 
laRomana,  s'arrêta  le  5  juin  à  Monforte.  A  l'approche  du  ma- 
réchal, la  Romana  se  retira  à  Celanova,  puisàBaltat^  bien  qu'il 
ne  fftt  pas  poursuivi.  De  son  côté,  le  maréchal  Mey  se  mit  en 
marche  avec  dix-huit  bataillons,  et  arriva  le  7  Juin  an  pont  de 
San-Payo,  près  de  Vigo,  où  il  fut  arrètéparladivision  du  Minho, 
commandée  par  le  comte  de  Norona.  De  nombreux  ouvrages, 
élevés  en  avant  de  Vigo  par  les  Anglais  et  les  Espagnols ,  en 
rendaient  les  approches  d'un  accès  difficile.  Le  maréchal  ne 
pouvait  attaquer  cette  formidable  position  que  quand  Soult 
aurait  dispersé  le  rassemblement  de  la  Romana,  qui  pouvait 
l'assaillir  sur  ses  flancs  ou  sur  ses  derrières.  11  attendit  Jus* 

I.  4» 


>9d  tlVAB  SB^riÈIIS. 

qu'an  It);  mais,  voyant  que  Soult  restait  immoblla  à  Mouforte, 
il  lui  écrivit  pour  l'informer  de  sa  situation  périlleuse.  Ne  re- 
cevant pas  de  réponse,  Il  rétrograda  sur  Santiago ,  où  il  apprit 
quelSouTt  se  rendait  à  Zamora  par  le  Pnebla  de  Sanabria  et  Be- 
navente.  En  effet  celui-ci,  après  être  resté  six  jours  à  Monforte^ 
impatient  de  quitter  la  Galice  pour  rentrer  dans  la  Vieille-Cas- 
tille ,  avait  pris  le  chemin  de  las  PortiUas  sans  donner  avis 
de  son  départ ,  ce  qui  était  une  trahison  manifeste,  et  il  arriva 
le  3S  juin  à  la  Puebla  de  Sanabria ,  dont  la  petite  garnison  es- 
pagnole s*était  retirée  à  Ciudad-Rodrigo.  A  peine  instruit  du 
départ  du  maréchal  Soult ,  laRomana  revint  sur  Orensé,  d*oii 
il  pouvait  désormais  se  Joindre  sans  obstacle  au  comte  de  No- 
rona ,  et  rendre  très-critique  la  position  du  maréchal  Ney.  Aiosl 
abandonné  à  ses  propres  forces,  trop  laible  pour  faire  face,  à 
la  fois,  à  la  population  soulevée  contre  lui  et  aux  deux  corps 
réunis  de  la  Romana  et  de  Norona ,  ce  maréchal  se  vit  forcé 
d'évacuer  la  Galice.  H  remonta  lentement  vers  Lugo,  où  il  ar- 
riva dans  les  premiers  Jours  de  Juillet.  De  là  il  atteignit  Astorga, 
au  moment  où  le  maréchal  Soult  entrait  à  Zamora.  Celui-ci  n*a 
jamais  fait  connaître  le  motif  qui  Tavait  porté  à  ne  pas  exé- 
cuter la  convention  de  Lugo.  On  a  prétendu  que,  fatigué  de 
poursuivre  un  ennemi  qui ,  protégé  par  les  habitants ,  savait 
éviter  toute  rencontre,  tandis  que  les  paysans  insurgés  harce- 
laient les  colonnes  françaises,  tantôt  sur  leurs  flancs,  tantôt 
sur  leurs  derrières ,  le  maréchal  Soult ,  ennuyé  d'ailleurs  d*un 
genre  de  guerre  aussi  peu  profitable ,  avait  pris  la  résolution  de 
quitter  la  Galice,  pensant  avoir  suffisamment  rempli  les  condi- 
tions de  la  convention  en  éloignant  la  Romana  de  la  vallée  du 
Sil.  Quoi  qu'il  en  soit ,  la  retraite  des  maréchaux  Soult  et  Ney 
ramena  immédiatement  les  généraux  espagnols  sur  lés  points 
oecttpés  depuis  cinq  mois  par  les  troupes  françaises ,  et  entraîna 
pour  la  France  et  pour  le  rot  Joseph  la  perte  irrévocable  des 
ports  de  ta  Gon^ne  et  du  Ferrol,  où  la  marine  espagnole  res- 
tait à  la  disposition  des  Anglais*.  Versée  temps  le  maréchal 

■  Il  «4  vraisemblable  que,  «Ile  roaréchal  HVey  se  fût  obstiné  à  rester  en 
Galice,  les  délilés du  Sil  et  de  Ponferrada  auraient  pa  devenir  ses  foorclies 
Caudines.  Les  grandes  routes  propres  à  servir  de  ligne  d'opérations  étant 
peu  multipliées  en  Espagne,  celui  qui  a  rofTensive,  en  menaçant  de  couprr 


[ 


RMrtier,  èûiiàé  Trérise,  se  rapp^rc^lia'  ât  Vàllaâolfd  avec  les      id^ 
troupes  dti  6*  corps  ^ut  avaient  fait  lé  slëgie  de  Saràgosse,  et  scf   e^p^ri»** 
mit  €D  Omnifiuiiicatloii  avec  le  maréchal  Ney. 

Arrivé  à  Zàmora,  le  maréchal  Sonlt  envoya  à  Madrid  le  gé-^ 
Aérai  Franceschl,  pour  informer  te  roi  Joseph  de  Fétat  de  sotf 
Corps  d'armée;  mais,  an  delàMe  Toro,  Franeeschi,  qnl  voyageai 
à  cheval  sans  escorte ,  ftat  pris  par  la  guérilla  du  capucin  Fray 
Jnlian  de  Détfca,  et  ses  dépêches  firent  connaître,  rabattement 
et  la  misère  des  troupes  du  2®  corps  et  la  mauvaise  intelligence 
qui  régnait  entre  tes  deux  maréchaux.  Soult  demandait  au  rbi 
^'on  dirigeât  sur  Zamora  tin  parc  d'artillerie  pour  remplacer 
eetoi  que  son  trop  long  séjour  à  Oporto  t*avait  forcé  de  détruire 
ain  d'alléger  sa  marche  liélrograde  à  travers  les  cols  et  les 
défilés,  presque  impraticables,  du  Portugal.  Il  demandait  de 
l'argent,  des  tobsistances,  des  effets  d'habillement  et  d'équipe- 
ment pour  son  corps  d'armée,  et  nourrissait  l'espoir  de  rentrer 
bientôt  dans  ce  pays ,  tant  il  était  encore  préoccupé ,  malgré  ses 
revers,  des  manifestations  de  quelques  Portugais  qui  avaient 
fiatté  son  ambition. 

Nous  ne  parlerons  des  opérations  isolées  des  généraux  Suchet 
et  Gouvion  Saint-Cyr  en  Aragon  et  en  Catalogne ,  à  la  même 
époque,  qu'après  avoir  achevé  de  retracer  celles  des  corps  d'ar- 
mée des  maréchaux  Ney,  Soult,  Mortier,  Victor^  et  du  général 
SâNistiani,  qui  vont  se  trouver  à  peu  près  liées  entre  elles  jus- 
qu'à la  fin  de  cette  campagne. 

Les  Anglo-Portugais,  après  l'évacuation  du  Portugal  et  de  la 
Galice  par  les  maréchaux  Soult  et  Ney,  conçurent  un  plan  dont 
la  hardiesse  contrastait  avec  la  circonspection  ordinaire  aux 
généraux  de  la  Grande-Bretagne,  mais  qui  S'explique  par  la 
eonfiânoe  qu'avaient  inspirée  à  ceùx-d  les  derniers  événements 
de  la  campagne  de  Portugal. 


les  chemins,  fait  abandonner  lé  pays  à  celui  qui  garde  ia  défensîTe,  à 
moins  que  ce  dernier  n*aît  des  places  fortes  où  il  puisse  déposer  son  ar- 
tillerie et  se»  bagiges  ;  dans  ce  cas ,  de  simples  sentiers  deviennent  des  li- 
gnes d^opérations.  Si  le  eénécalDupont  avait  en  cette  r«Mowrce,  débarrasaé 
de  ses  gros  bagages  (  si  bien  nommés  par  les  Romains  impedimenta  ) ,  it 
eût  évité  sans  doute  la  capitulation  de  Itoyien  ;  car  il  pouvait  alors  effectuer 
sa  retraite  par  les  sentiers  qne  hii  offrait  la  Sierra  Morena. 

ISp 


301  UTM  SBPTlkÉB.  ^ 

nw.  Ceplan,  coneertéatec  les  Espagnols^  oonaistait  à  marcher 
'^'"^  directement  sur  Madrid .  Les  géoéranx  anglais  nesoupçoonèrent 
pas  qae  le  duc  de  Dalmatie,  retiré  à  Zamora,  mettrait  autant 
d'activité  à  réarmer  et  à  renouveler  l'équipement  des  troupes 
qu'il  avait  ramenées  du  Portugal  dans  un  état  de  dénuement 
qui  démontrait  bien  les  périls  de  cette  retraite  ;  ils  comptèrent 
aussi  beaucoup  trop  sur  la  coopération  de  leurs  alliés.  Après  la 
bataille  deMédellin,  le  quartier  générai  du  f*'  corps  avait  été 
établi  à  Mérida  avec  les  divisions  RofAn  et  Villatte.  La  division 
Levai  s'établit  à  Médellin,  et  la  cavalerie  s*étendit  de  Lobon  à 
Hingrabil,  occupant  Talavéra-la^Viéja,  Almendraléjo,  Fuentedel 
Maestre,  YillaAnnea  et  Rifoera.  Le  duc  de  Béllnne  avait  formé 
des  magasins  et  créé  un  hôpital  à  Mérida,  et  avait  réussi,  dès 
son  arrivée  dans  cette  ville,  à  se  procurer  des  intelligences  dans 
Badajoz.  Il  savait  que  la  garnison  ne  se  composait  que  de  trois 
bataillons  ;  que  les  habitants  de  la  classse  aisée  prieraient  se 
rendre  à  soutenir  un  siège ,  mais  qu'ils  étaient  contenus  par  la 
populace,  qui  était  nombreuse,  armée,  et  dirigée  par  un  moine 
qui  avait  entrée  dans  le  conseil  du*  gonvemenent  et  Tinitiative 
des  mesures  adoptées  pour  la  défense  de  lii  place.  Badajoz  était 
bien  armé,  bien  approvisionné  de  vivres  et  de  munitions.  Ses 
fortifications  avaient  été  mises  en  bon  état,  et  l'on  travaillait 
journellement  à  les  augmenter  et  à  les  perfectionner.  Pour  en* 
treprendre  Tattaque  de  cette  place,  le  maréchal  ne  pouvait 
disposer  que  de  douze  bouches  à  feu  mal  attelées  et  mal  appro* 
visionnées,  qui  étaient  en  route  pour  venir  à  Truxillo.  Il  était 
donc  impossible  de  songer  sérieusement  à  réussir  dans  une 
telle  entreprise.  D'un  autre  côté,  la  division  Lapisse,  après  une 
démonstration  inutile  sur  €iudad-Rodrigo,  avait  reçu  l'ordre 
de  la  cour  d*Espagne  de  se  mettre  en  marche  pour  rejoindre  le 
1^'  corps,  en  débouchant  par  Alcantara.  Celte  division  pouvait 
être  arrêtée  sur  le  Tage,  et,  dans  ce  cas,  le  l^**  corps  pouvait  être 
forcé  de  faire  un  mouvement  pour  lui  ouvrir  cette  communica- 
tion. Il  était  encore  plus  probable  que  ce  corps  d*armée  serait 
dans  le  cas  d'opérer  une  diversion  en  faveur  du  maréchal  Soult, 
en  se  portant  sur  Abrantès.  On  ne  pouvait  donc  s'engager 
dans  un  siège  dont  le  résultat  était  plus  que  douteux.  Dailleurs 
la  junte  fit  arrêter  les  personnes  qu'elle  supposait  être  d^intel-. 


6DEftB&  D'SSPAGNt.  393 

ligom  avec  les  Français  pour  leur  livrer  la  place,  ce  qui  dé-      nog, 
truîsit  tout  espoir  de  s*en  emparer  par  ce  moyen.  Cbimhpm. 

Le  duc  de  fieHune  avait  dirigé  un  parti  de  cavalerie  sur  Al- 
cantara  pour  avoir  des  nouvelles  du  général  Lapisse;  mais  déjà 
on  répandait  des  bruits  inquiétants  sur  Tissue  de  l'expédition 
du  duc  de  Dalmatie  en  Portugal.  La  présence  de  la  division  La- 
pisse sous  les  murs  de  Qudad-Bodrigo  avait  été  le  signal  du 
soulèvement  de  tout  le  pays,  depuis  cette  place  Jusqu'à  Alcan- 
tara  et  de  Tamamès  à  Béjar  ;  et  quand  le  général  Lapisse  vou- 
hit  commencer  son  mouvement  pour  se  Joindre  au  maréchal 
Victor,  il  trouva  les  habitants  en  armes  sur  toute  la  frontière 
de  Portugal.  Un  détachement  de  3  à  3,000  hommes  sortit  de 
Ciudad-Rodrigo,  se  réunit  aux  partisans  de  sir  Robert  Wilson 
et  le  suivit  pas  à  pas  ;  une  colonne  commandée  par  le  colonel 
Grant,  et  composée  de  Portugais  et  d'Anglais,  se  présenta  sur 
son  flanc  droit  ;  enfin  un  rassemblement  considérable  se  plaça 
sur  son  front  et  lui  disputa  audacieusement  le  passage  au  pont 
d'Alcantara,  qui  fat  franchi  au  pas  de  charge  par  la  brigade 
Darrieau  sous  la  mitraille  d'une  pièce  qui  enfilait  le  pont  dans 
toute  sa  longueur.  Malgré  un  double  mur  d'encehite,  la  vltle 
fut  emportée  d'assaut,  et  la  garnison,  forte  de  3,000  hommes, 
s'enfuit  en  désordre^  poursuivie  vivement  par  la  cavalerie,'  qui 
sabra  plus  de  300  hommes  dans  les  chemins  qui  conduisent  à  ' 
Alcantara.  Tous  les  habitants  pris  les  armes  à  la  main  furent 
passés  au  fil  de  l'épée.  Le  général  Lapisse,  continuant  ensuite 
sa  marche,  arriva  à  Mérida  le  19  avriU 

Six  semaines  s'étaient  écoulées  depuis  la  bataille  de  Hédellin, 
et  le  duc  deBellunese  trouvait  encore  arrêté  sur  les  bords  de 
la  Guadiana.  Les  chaleurs  augmentaient  Journellement  et  cau- 
saient beaucoup  de  maladies  parmi  ses  troupes.  Guesta  avait 
profité  de  l'inaction  des  Français  pour  renforcer  son  armée  de 
tout  ce  que  la  Junte  de  Séville  avait  pu  réunir.  Cette  armée, 
forte  de  plus  de  20,000  hommes  d'infanterie  et  d'une  cavalerie 
nombreuse,  continuait  à  occuper  ses  mêmes  positions  depuis  Mo- 
nastério  Jusqu'à  LosSantos.  Ôe  son  c6té,  le  duc  deBellune  met- 
tait à  profit  le  temps  de  son  repos  pour  compléter  les  défenses 
de  la  forteresse  de  Truxlllo,  où  il  avait  fait  entrer  400  hommes; 
celles  des  ponts  d'Almaraz  et  de  l' Arsobispo,  qull  avait  couverts 


EipigM. 


294  ilVa£  SBPTtÈXI.     ' 

IM9.  do  bons  retranchements.  Le  fort  de  Mérida  avait  été  i^aré  et 
mis  à  Tabri  d*un  coup  de  main.  Il  envoyait  fréquemment  des 
reconnaissances  sur  les  frontières  de  Portugal,  pour  avoir  des 
nouvelles  du  duc  de  Dalmatie  ;  mais  il  n'avait  pu  encore  obtenir 
aucun  renseignement  à  cet  égard;  seulement  il  apprit  par  ses 
coureurs  et  ses  émissaires  qu'un  corps  de  Portugais  commandés 
par  des  ofQciers  anglais,  néunl  à  quelques  milices  espagnoles^ 
occupait  Alcantara.  U  résolut  de  se  porter  sur  ce  point  avec  son 
corps  d'armée  pour  ouvrir  cette  communication  et  avoir  des  nou- 
velles de  Portugal.  Cette  expédition  se  fit  du  12  au  18  mai. 
L'ennemi  lîit  chassé  une  seconde  fois  d' Alcantara  par  la  division 
Lapisse,  qui  le  poussa  si  vivement  qu'elle  ne  lui  donna  pas  le 
temps  de  détruire  Je  pont.  Arrivé  à  Brozas,  le  maréchal  avait 
appris  que  ce  mouvement  de  l'ennemi  était  concerté  avec  Cuesta^ 
qui,  au  moyen  de  cette  diversion,  devait  attaquer  le  i  ^  corps  sur 
la  Guadiana.  Le  général  Lapisse  ayant  fait  poursuivre  le  corps 
portugais  jusqu*au  delà  de  Salvatierra,  le  duc  de  Bellune  reçut 
de  là  des  nouvelles  de  la  situation  où  se  trouvait  le  duc  de  Dal- 
matie, alors  aux  prises  avec  l'armée  de  sir  Arthur  Wellesley,  ce 
qui  lui  fit  perdre  l'espoir  de  comn^uniquer  avec  le  2®  corps ,  et  ^^ 
instruit  du  projet  de  Cuesta,  il  revint  promptement  sur  la  Gua- 
diana pour  combattre  le  général  espagnol  s'il  passait  ce  fleuve, 
ce  que  celui-ci  fit  en  effet  pour  se  rapprocher  de  Mérida,  aus- 
sitôt qu'il  fut  instruit  de  l'élolgnement  du  1^'  corps.  Il  fit  ca- 
uonner  le  fort,  mais  se  retira  sur  la  rive  gauche  le  18  mai,  à 
l'approche  de  Tavant-garde  du  corps  d'armée. 

Le  rassemblement  d'un  corps  anglo- portugais  dans  les  en- 
virons de  Castello-Branco  déterminale  duc  de  Bellune  à  ne  point 
reprendre  sa  position  sur  la  Guadiana.  Il  concentra  son  infan- 
terie à  Tôrrémocha,  observant  avec  sa  cavalerie  les  débouchés 
de  la  Guadiana  et  ceux  du  Tage  dans  la  direction  d' Alcantara. 
Par  cette  nouvelle  position  il  se  trouvait  en  mesure  de  surveiller 
les  mouvements  des  Anglo-Portugais  que  l'on  annonçait  devoir 
s'avancer  par  Alcantara,  ceux  de  Cuesta  sur  le  Tage,  et  de  com- 
battre ces  deux  armées  séparément  si  elles  se  présentaient.  Il 
était  aussi  plus  rapproché  du  pont  de  bateaux  d'Almaraz  et 
pouvait  le  surveiller. 

L'insurrection  de  la  vallée  du  Tiétar,  fon^entée  par  la  junte 


GUBB'&E   D*£SPâGllB.  395 

et  Stimulée  par  de$  officiers  anglais  qui  aononçaient  la  défaite  it09. 
dies  troupes  françaises  en  Portogd ,  prenait  chaque  jour  un  ^'^^*^**^ 
earactère  plus  sérieux;  déjà  les  communications  avec  Madrid 
étaient  difficiles,  quoiqu'elles  fussent  protégées  par  un  corps  de 
1 ,200  hommes  que  lé  roiJoseph  avait  envoyé  entre  le  Tage  et 
le  Tiétar,  sbûs  le  commandement  de  Tadjudant-commandant 
Baguérls.  Le  duc  de  Bellune  n'était  pas  sans  inquiétude  au  sujet 
du  pont  d'Almarac;  c'était  son  seul  débouché  pour  le  passage 
de  ses  voitures ,  et  ce  pont  se  trouvait  fortement  menacé  par 
les  insurgés,  dont  le  nombre  augmentait  chaque  jour.  Les  gué- 
rillas réussirent  même  à  intercepter  tout  à  fait  les  communir 
cations  avec  la  caprtale.  Potir  les  rétablir,  la  division  allemande 
du  général  Levai  repassa  le  2!B  mai  sur  la  rive  droite  du  Tage. 

Le  1**  avril,  le  4^  corps  d^armée  avait  reçu  l'ordre  de  prendre 
les  cantonnements  suivants  :  la  f^  brigade  de  la  division  fran<- 
çaise  à  la  Solana  ;  la  2^  brigade  à  jDaimiel,  avec  le  quartier  gé- 
néral ;  une  brigade  de  la  division  polonaise,  avec  l*état-major 
de  la  division ,  à  Manzanarès;  Fautre  brigade  à  Membrilta;  les 
lanciers  polonais  et  les  hussards  hollandais  à  Valdepénas; 
le  1 3^  régiment  de  dragons  à  Et-Moral  ;  le  IC*  à  Ciudad-Béal  ; 
le  20*  à  Granatala,  et  le  2l«â  Almagro. 

L'hiaetion  du  1^'  corps  sur  la  Gnadiana  et  celle  du  4«  corps 
avaient  relevé  la  confiance  du  peuple  d'Andalousie,  qui,  pour  se 
venger  des  revers  de  Médellin  et  de  Giudad-Eéal,  avait  massacré 
les  généraux  Urbina  et  Abadia,  en  les  accusant  de  trahison,  et 
la  junte  les  avait  remplacés  par  les  généraux  Vénégas  et  la 
Pena.  Le  premier,  chargé  du  commandement  en  chef,  à  la  place 
du  comte  de  Gartaojai,  s'occupa  exclusivement  de  la  réorgani- 
sation et  du  recrutement  de  son  armée  de  la  Manche,  et,  proft-  . 
tant  du  repos  dans  lequel  on  le  laissait,  put,  à  l'exemple  de 
Cuesta,  reprendre  peu  à  peu  une  attitude  menaçante  et  fiure 
des  démonstrations  sur  la  ligne  des  avant-postes  firançais. 

Fatigué  de  ces  mouvements,  le  général  Sébastian!  voulut  sa- 
voir quels  projets  l'ennemi  cachait.  Les  généraux  MHhaud 
et  Dijon  reçurent  l*prdre  de  diriger  des  partis  de  manière  à 
surprendre  et  enlever  à  l'ennemi  ses  reconnaissances  et  ses 
postes  sur  les  points  qu'il  occupait  le  plus  souvent  Get  ordre  fut 
tKirfaitement  exécuté  par  des  détachements  du  1.6'  et  du  20«  de 


~^ 


296  IIVU  SIPTliu. 

1800.     dittgons,  et  Ton  apprit  qu'an  corps  de  10,000  liomoMS  ve- 
V'i'affDt.   ^^i  jQ  Yalenoe  iinivait  à  Aksazar  de  Saa-Jiiaii  pour  80  Joiadn: 
à  rarmée  de  Vénégas.  Les  dispoirftioiiB  de  TeBiieiiii  sendtlaieiit 
annoncer  an  mouvement  général  contre  te  4"  corps;  mais  du  8 
au  15  mai  il  n'y  eut  des  deux  côtés  que  des  rencontres  et  des  i 

escarraoodies  entre  les  reconnaissances.  Cependant  le  roi  Joseph,  j 

Jugeant  que  le  moment  était  vena  de  soutenir  le  géoérai  Se- 
bastiani  dans  sa  position  avancée ,  partit  de  Madrid  avec 
1,600  hommes  de  la^rde  royale  et  le  12*  régiment  d*in&n- 
terie  légère»  faisant  partie  de  la  division  du  général  JDessoUes,  et 
arriva  le  1 5  mai  à  Aranjuez. 

Le  roi)  en  arrivant  dans  cette  résidence  royale,  avait  fait  por- 
ter des  détadiements  à  Ocana  et  à  Arganda  pour  se  lier  avec 
le  4*  corps.  Il  rappela  et  fit  replier  sur  Guadalijara  tous  les 
postes  de  la  route  de  T  Aragon  qui  étaient  destinés  à  maintenir 
les  communications  entre  Madrid  et  Saragoase.  Par  cette  me- 
sure on  rendait  disponible  quelque  cavalerie  dont  le  général 
Séhastiani  avait  le  plus  grand  besoin,  et  on  DEiisait  arriver  à 
Aranjuez  Ie65*'  régiment  de  ligne.  Le  roi  prescrivait  en  même 
temps  au  général  Belliardy  gouverneur  de  Madrid,  de  renvoyer 
aux  1^'  et  4'  corps  tons  les  détachements  d'infanterie  et  de  ca- 
valerie qui  leur  appartenaient,  et  dont  la  présence  ne  serait  pas 
indispensable  dans  la  capitale.  Tout  semblait  annoncer  Tinteo- 
tion  du  rd  de  concourir  aux  opérations  du  général  Sâuistiani  ; 
cependant,  après  ^voir  (kit  annoncer  son  départ  pour  Tolède 
avec  la  garde  royale  et  toutes  les  troupes  qui  se  trouvaient  à 
Aranjuez,  il  changea  tout  à  coupd*avis  et  rentra  subitement  à 
Madrid  le  35,  sans  qu*il  soit  possible  d'expliquer  ce  change- 
ment de  dispositions. 

Le  1*'  juin,  le  roi  Joseph  ignorait  encore  Tévacuation  du 
Portugal  par  le  maréchal  Soult,  et  tenait  à  mettre  le  maréchal 
Victor  dans  Tobllgation  de  se  porter  sur  Castello-Branco.  Dans 
la  correspondance  qui  avait  eu  Heu  au  sujet  des  opérations  du 
l*'  corps,  le  maréchal  avait  dit  que  le  défaut  de  vivres  ne  lui 
avait  pas  permis  de  séjourner  a  Alcantara.  Joseph,  voulant 
lever  cet  obstacle,  ordonna  d'envoyer  de  Bfadrid  300,000  ra- 
ilùDS  de  biscuit  au  duc  de  Beliune  et  de  iaire  évacuer  tous  les 
malades  du  l^'  corps  sur  la  capitale.  Le  maréchal  Jourdan  qui 


remplissait  près  do  n^  ks  ftiocUons  de  major  général,  prévint 
ledac deBellane  de cês^dlspositlôns ;  inai»celul-cJ  fitde  noQveIftes  *'>*^"^ 
représentations  sur  les  dfffleoltés  qu'il  trouvait  à  opérer  nn  mou- 
vement sur  Alcantara.  En  même  temps  le  roi  apprenait  que  l*ar^ 
méede  Guesta  était  sur  la  Gtiadiana,  et  que  même  Médellin  était 
occupé  par  5,000  hommes.  Joseph  araitignoré  Jusqu'alors  que 
l'armée  de  Guesta  se  luttant  avancée.  Le  ducde  Bellune  reçut  en 
conséquence  l'ordre  de  marcher  sur  Tarmée  espagnole  et  delà 
combattre;  mais  ce  raaréehal  ne  jugea  pas  à  propos  d'exécuter 
Tordre  qu'il  recerdlt,  donna  pour  motif  le  manque  de  subsis* 
tances  et  demanda  de  nouveaux  ordres.  Ainsi  le  duc  de  Bellune 
perdait  son  temps  à  solliciter  des  ordres,  et  quand  il  les  avait 
reçus  il  trouvait  de  nouveaux  prétextes  pour  ne  pas  les  exécu- 
ter. Il  demandait  d'être  autorisé  à  poursuivre  l'ennemi,  et  il  in- 
diquait des  mouvements  sur  la  fh>ntière  qui  paralysaient  les 
efforts  qu'il  aurait  pu  fiiire  et  les  ordres  qu'il  recevait.  On  verra  ^ 
Mentôt  quelles  furent  les  conséquences  de  l'inactivité  de  ce  ma- 
réchal et  du  peu  d'(d)stacles  que  Tennemi  rencontra  dans  l'exé- 
cution de  ses  plans.  Get  état  de  choses  ne  permettait  pas  au 
1^  corps  de  se  mafaitenir  plus  longtemps  entre  le  Tage  et  la 
Onadiana,  surtout  lorsqu'on  apprit  qu'un  corps  de  10,000  Por- 
tugais était  arrivé  près  d'Âlcantara  sur  la  rive  droite  du  Tage, 
que  le  pont  de  cette  ville  était  détruit ,  et  que  ces  Portugais  se 
^posaient  à  attaquer  Almaraz.  Un  fort  détachement  devenait 
né^saire  pour  couvrir  le  pont  d' Almaraz  sur  la  rive  gauche 
du  Tage,  menacée  par  les  insurgés  qui  se  répandaient  dans  les 
montagnes  de  Guadaloupe  et  communiquaient,  d'une  rive  à 
l'autre  du  Tage,  avec  les  rassemblements  du  Tiétar.  On  pou- 
vait avoir  à  combattre  à  la  fois  les  Anglo-Portugais  et  l'ar- 
mée de  Guesta.  Les  premiers  pouvaient,  à  la  faveur  de  l'insur- 
rection de  la  partie  de  Plasenda,  masquer  leur  mouvement 
sur  cette  ville  et  arriver  sur  le  Tiétar  sans  qu'on  eût  connais- 
sance de  leur  marche.  D'un  autre  côté  on  venait  de  recevoir 
des  nouvelles  peu  favorables  de  Texpédition  du  maréchal  Soult. 
Dans  ces  circonstances,  le  roi  Joseph  ordonna,  le  10  Juin,  an 
duc  de  Bellune  de  se  porter  sur  la  rive  droite  du  Tage  par 
Almaraz,  de  désarmer  et  de  détruire  les  châteaux  de  Mérida  et 
de  Truxillo,  et  d'évacuer  sur  Madrid  ses  malades  et  ses  équi- 


206  LiTftB  simTfim. 

im.  pagei^de  siège;  de  se  porter  sur  la  rive  droite  du  Tiétar  avee 
£ti»8iie.  ^j^  ^rpg  ii*anDée  pour  disperser  les  rassemblemeAts  qui  s'é* 
taieut  CennésdueôlédePlaMiida^etde  diriger  sur  Tolède  la 
divisioD  Levai  et  quatre  régiments  de  cavalerie  sous  les  ordres  du 
générai  Merlin.  Cette  fois^  ces  différents  ordres  Airent  ezéeutés. 
L'empereur  était  très-méeuntent  de  l'état  dans  lequel  se  trou* 
valent  les  opérations  militaires  en  Espagne.  Sacorrespondanoe 
avec  le  général  Glarke,  ministre  de  la  guerre ,  éteit  remplie  de 
blême  et  de  reprodies  sur  le  temps  ^qu'oa  avait  perdu  ^  et  sur  le 
mauvais  emploi  des  forces  qu'il  avait  laissées  dans  la  Péninsule^ 
à  son  départ  pour  rAllei|iagne«  Il  aurait  eu  bien  plus  de  motifr 
de  mécontentement  s'il  eût  connu  toutoe  qui  se  passait  en  Es- 
pagne, la  conduite,  les  rivalités,  les  querelles  de  ses  lieutenants. 
Il  s'en  prenait  au  roi ,  qui  ne  pouvaR  se  faire  obéir  des  mare* 
cbaux,  et  au  raaréebal  Jourdan,  envers  lequel  il  avait  été  tou- 
/-  Jours  injuste  depuis  le  18  brumaire.  On  venait  d*apprendre  à 
Madrid  la  retraite  du  maréchal  Soult  d'Oporto  ;  Guesta  s'était 
mis  bors de  l'atteinte  du  maréchal  Victor,  et  le  roi  avait  fait 
repasser  le  Tage  au  1^  corps  et  se  disposait  à  le  porter  e^  par- 
tie sur  le  Tiétar.  Il  pensait  aussi  à  faire  revenir  le  4*  corps  sur 
Madridejos  et  Gonsuégra.  Tous  ces  mouvements  plaçaient  rar<- 
mée  sur  la  défensive,  ce  qui  était  contraire  aux  volontés  de  l'em- 
pereur. 

La  position  du  roi  devenait  de  plus  en  plus  difficile.  De  l'A- 
ragon,  de  la  Galice,  de  la  Manche,  on  lui  demandait  des  se- 
cours. L'empereur  ordonnait  d'envoyer  des  troupes  an  3*  corps, 
commandé  par  le  général  Suchet.  Les  1 1 6*  et  1 1 7*  régiments  de 
ligne,  qui  Jusqu'alors  avaient  été  sous  les  ordres  du  général 
Kelleitnann ,  reçurent  l'ordre  de  se  rendre  à  Saragosse;  mais  U 
se  bornaient  les  renforts  qu'on  pouvaitenvoyer  en  Aragon.  L'ex- 
pédition des  Arturiesn'était  pas  terminée  et  occupait  les  troupes 
du  général  Kellermann ,  celles  du  général  Bonnet  et  une  partit 
du  6®  corps.  D'un  autre  côté  la  présence  de  la  deuxième  division 
du  &®  corps  était  indispensable  à  Salamanque  pour  contenir  les 
insurgés  de  Oudad-Rodrigo^  dont  le  nombre  était  considérable. 
Tandis  que  le  maréchal  Victor  prenait  des  positions  ou  il  allait 
être  bientôt  forcé  à  rester  en  observation ,  le  général  Sébastiani 
écrivait  que  l'ennemi  présentait  devant  lui  de  grandes  forces 


OVEMMM    I>*BSPA0BI|l«  29$ 

datts  la  Slerra-MoreiMif  Eofln  le  roi  Joseph  était  à  MadrM  avec  11109. 
la  seule  cUvisioD  DesaoUes,  qui  foumissait  des  détaçiiemeiits  k  ^"^^^ 
Guadali^lara,  à  Ségovie  et  à  Buitrago,  pour  protéger  les  oommu* 
nicatloos  et  Farrivage  des  aulisistaooes.  On  ne  pouvait  donc  re- 
tirer des  troupes  d'aœune  des  positions  ci-dessus  pour  les  en- 
voyer au  général  Sucliet.  La  confiance  du  8^  corps  avait  éténn 
peu  ébranlée  par  quelques  échecs,  ce  qui  avait  appelé  particu- 
lièrement l'attention  de  l'empereur  de  ce  côté» 

Le  roi  apprit,  le  ts  Juin»  par  des  lettres  du  duc  de  Dalmatie» 
révacuation  du  Portugal  et  la  rentrée  du  2"  corps  en  Galice. 
L'ordre  avait  été  donné  au  maréchal  Ney ,  duc  d'Elcbingen ,  de 
se  porter  sur  le  Minho  avec  douze  bataillons.  A  la  réception  des 
lettres  du  maréchal  Soult,  le  roi  renouvela  cet  ordre  et  enjoignit 
au  maréchal  Ney  de  se  mettre  immédiatement  en  communica- 
tion avec  le  2*^  corps.  En  même  temps  des  ordres  étalent  adres- 
sés au  maréchal  Mortier,  duc  de  Trévise  ^  pour  qu'il  rappelât 
près  de  lui  les  troupes  du  6^  corps  qui  avaient  été  détachées 
pour  Texpédition  des  Asturies.  Après  ces  premières  dispositions, 
le  roi  Joseph  attendait  avec  la  plus  vive  impatience  des  rapports 
des  maréchaux  Soult  et  Ney,  qui  le  missent  à  même  d'arrêter 
un  plan  de  campagne  approprié  aux  circonstances. 

Cependant  l'inaction  des  r^,  4"^  et  5"  corps  était  connue  à 
Schœnbrunn ,  et  le  temps  qu*on  avait  perdu  et  que  Ton  perdait 
encore  en  Espagne  contrariait  d'autant  plus  vivement  Tempereur 
qu'il  avait  l'intention  de  rappeler  de  la  Péninsule  les  troupes  qui 
n'y  étalent  pas  strictement  nécessaires.  La  bataille  d'Essling 
avait  dérangé  ses  projets ,  et  il  voulait  se  préparer,  avec  cette 
prévoyance  qui  était  un  des  traits  remarquables  de  son  génie, 
des  ressources  pour  continuer  la  guerre  en  Allemagne.  Dans  ce 
but  il  avait  demandé  un  rapport  au  général  Clarke  sur  le  nombre 
de  troupes  qu'il  pourrait  retirer  d'Espagne;  mais  ce  ministre, 
n'osant  pas  émettre  un  avis  sur  un  sujet  aussi. délicat,  adressa 
à  l'empereur  un  rapport  sur  la  force  de  l'armée  française  en 
Espagne  et  sur  l'emplaeement  des  corps  dont  elle  était  composée. 
Suivant  ce  rapport,  daté  dii  18  juin,  cette  armée  se  composait 
encore  d'environ  200,000  hommes  présents  sous  les  armes. 
Elleïivaitdéjà  au  mois  précédent  58, 000  hommes  aux  hôpitaux. 

Aussitôt  que  le  duc  de  Bellune  eut  repassé  le  Tage,  le  général 


300  LIVBB  SEPTIÈME. 

iw)9.  Sëbastfanl  porta  son  quartier  général  de  Manzanarès  à  Madri- 
Kipagnc.  ^gj^ .  ^^^  Pennemi  ayant  paru  disposé  à  marcher  sur  lai  avec 
des  forces  supérienres,  le  roi,  qui  avait  prévu  ce  mouvement, 
avait  ordonné  au  maréchal  Victor»  comme  on  l'a  déjà  vn ,  d'en- 
voyer au  général  Sébastiani  quatre  régiments  de  cavalerie  légère 
et  la  division  Levai  ;  mais^  la  marche  de  ces  troupes  ayant  été  ar- 
rêtée par  des  circonstances  imprévues,  le  roi  partit  de  Madrid 
avec  6^000  hommes  et  arriva  à  Madridejos  te  25  Juin.  L'ennemi 
instruit  de  ce  mouvement  opéra  de  suite  sa  retraite.  Les  ren- 
seignements qu'on  avait  au  quartier  général  du  4^  corps  s'ac- 
cordaient à  donner  à  l'ennemi  une  force  de  plus  de  30,000  hom- 
mes, dont  une  partie  avait  déjà  passé  la  Guadiana. 

Le  14  Juin,  le  général  Sébastiani,  se  conformant  aux  ordres 
du  roi,  qui  ne  voulait  pas  permettre  à  l'ennemi  de  s'avancer  en 
deçà  de  la  Guadiana ,  se  porta  sur  ce  fleuve,  et  fit  prendre  posi- 
tion à  ses  troupes  à  Yillarubia,  Madridejos,  Herencia,  Gonsue- 
gra,  Feman-Caballéro^  Malagon,  Puerto-Lapice^  et  Alcazar  de 
San- Juan.  Les  troupes  avec  lesquelles  le  roi  s^était  porté  à  l'ap* 
pui  du  4^  corps  se  composaient  de  2,000  hommes  de  sa  garde, 
une  brigade,  forte  de  3,600  hommes,  de  la  division  Dessolles, 
et  seize  pièces  de  canon.  Avant  de  partir  de  Madrid,  le  roi  avait 
donné  l'ordre  aux  divisions  Levai  et  Merlin'  (que le  maréchal 
Victor  avait  envoyées  sur  le  Tiétar  au  lieu  de  les  diriger  sur 
Tolède)  de  se  porter  à  marches  forcées  sur  cette  ville  pour  se 
réunir  au  4^  corps.  Le  maréchal  reçut  en  même  temps  l'ordre 
d'envoyer  un  bataillon  et  un  escadron  entre  Talavéra  de  la  Reina 
et  Gasarubia ,  pour  assurer  les  communications  entre  Talavéra 
et  Madrid.  La  division  Merlin  ayant  rejoint  le  4^  corps  le  2S  Juin 
et  la  division  Levai  le  28,  le  roi  Joseph  se  porta  sur  Tolède 
dans  les  premiers  jours  de  Juillet ,  avec  sa  garde  et  la  brigade 
du  général  Godinot,  quMl  avait  amenée  de  Madrid.  Vénégas  sut 
se  replier  à  temps  et  retourna  à  Santa-Éléna.  Le  roi  pénétra 
Jusqu'à  Almagro  et  retourna  ensuite  à  Madrid»  après  avoir  ren- 
voyé au  maréchal  Victor  les  troupes  qu'il  avait  détachées  de  son 
corps  d'armée. 

<  Ce  géoéral  avait  remplacé  le  général  Lasalle;  qoe  l'empereur  avait  a(F- 
pelé  &  Tarmée  d'Allemagne. 


GUIRftS   D*8SPA61II.  901 

Le  général  Sébastlani ,  à  la  tète  de  trois  divitioiis  d*liiJtlMiterJe ,      ima. 
d*une  division  de  cavalerie  légère  et  d*une  division  de  dragons,    KH»agiie 
formant  un  total  de  10,473  hommes,  était  assez  fort  pour  résis- 
ter à  l'armée  de  la  Manche ,  si  elle  quittait  la  Sierra- Moréna 
pour  Tattaquer ,  et  pour  la  ftdre  repentir  de  ce  mouvement  of- 
fensif. 

De  son  côté ,  sir  Arthur  Wellesley,  qui  n*avait  pas  poursuivi 
le  maréchal  Soult  au  delà  des  frontières  de  Portugal ,  s'était  ar- 
rêté à  Montalëgre.  11  revint  ensuite  à  Abrantès,  où  il  entra  le 
7  juin.  Il  s'occupa  immédiatement  des  opérations  à  entreprendre 
contre  le  1^  corps,  de  concert  avec  les  Espagnols.  Guesta» 
comme  tous  les  généraux  de  la  Junte,  voulait  qu'on  opérât  de 
manière  à  tourner  les  armées  françaises,  croyant  pouvoir  renou- 
veler les  Journées  de  Baylen;  le  général  anglais  voulait  au  con- 
traire attaquer  de  front  avec  toutes  les  forces  réunies  des  trois 
nations.  Pondant  la  discussion  des  différents  plans  proposés  de 
part  et  d'autre,  l'armée  de  sir  Arthur  s'approchait  du  Tage. 
Le  10  une  division  était  arrivée  à  Alcantara.  Une  reconnais- 
sance poussée  dans  cette  direction  par  le  maréchal  Victor  se 
présenta  au  pont;  l'ennemi  craignant  d'être  forcé  fit  sauter 
préclf^tamment  une  arche.  Quelques  heures  après ,  Tordre  de 
conserver  le  pont  arriva  ;  mais  il  n'était  plus  temps.  A  cette 
époque  le  général  anglais  reçut  de  son  gouvernement  l'autori- 
sation d'agir  en  Espagne;  mais  il  manquait  d'argent,  et  il  fut 
forcé  d'attendre  qu*il  lui  en  arrivât  de  Londres  ou  de  Cadix. 
Forcé  dès  lors  de  suspendre  ses  opérations,  sir  Arthur  ne  ces- 
sait de  recommander  au  général  Cuesta  de  ne  faire  aucune  at- 
taque avant  que  l'armée  britannique  fftt  prête  à  entrer  en 
ligne ,  de  prendre  une  forte  podtion  on  il  resterait  sur  la  défen- 
sive Jusqu^à  l'instant  d'exécuter  les  mouvements  combinés.  Le 
plan  auquel  les  alliés  s'étaient  arrêtés  consistait  à  réunir  à 
Cuesta  la  plus  grande  partie  de  l'armée  mvl&ise  pour  opérer 
entre  le  Tage  et  la  Guadiana ,  tandis  que  le  maréchal  Beres-  ' 
ford ,  avec  un  corps  composé  d'Anglais  et  de  Vortugais ,  se  por- 
terait sur  Plasencia  et  de  là  franchirait  le  Tiétar. 

Le  maréchal  Victor  n'avait  point  inquiété  les  alliés  dans  leurs 
préparatifis ,  et ,  comptant  sans  doute  sur  la  force  de  son  corps 
d'armée  qui,  à  cette  époque,  s'élevait  à  plus  de  30,000  hommes 


30Sf  BFVKV  BtPTitm, 

fm.  pnbeiits  sous  les  armeg,  s^était  endormi  dans  une  séeurUé  Ib- 
«MM«ne-  ooDoerabla  chez  un  HeuleDant  de  Tempereor,  formé  à  une  éeolë 
ai  remarquable  ^r  l'aetHrité  qu'ott  y  finiMmait  aux  opérations 
militaires.  Tout  en  reconnaissant  que  cette  droonspectîon  u^é- 
tait  pas  dans  les  iiabitudes  du  duc  de  Bellune,  on  doit  la  trouver 
inexplicable  dans  cette  circonstance,  à  tel  point  que  les  Anglais 
eux-mêmes  en  ftirent  fi^appés'. 

Sir  Arthur  Wellesley  était  resté  dans  son  camp  d'Abrantèë 
jusqu'à  lafln  dejuin;  il  yavaitreçu un  renfort  de 5,000  hommes, 
et  l'armée  qu'il  oonmiandait  se  composait  de  23,ooo  hommes  de 
troupes  anglaises  préseï^  sous  tes  armes,  sans  comprendre  les 
officiers  et  les  sous-offiders,  et  unoutre  renfort  de  8,000  hommes 
était  à  hauteur  de  Lisbonne.  Cette  armée  était  appuyée  par 
15,000  Portugais  et  en  communication  avec  Tarmée  espagnole 
d'Estramadure^  commandée  pardon  Grégorio  de  hiCuesta,  forte 
de  38,000  hommes,  et  celle  de  la  Manche,  sous  les  ordres  de 

'  Il  ne  fut  (Taucun  secours  poor  l^invasion  du  Portugal.  Il  ne  conserra 
pas  rEstramadnre,  ne  s'empara  pas  de  Se  ville,  laissa  Cvesta  prendre  denx 
Ibis  roiïensive,  et  resta  dans  ime  posiUoo  aialsaiBê  jusqu'à  oe  qu'il  eût  perdo 
plus  dliommes  par  les  maladies  que  ne  loi  en  eussent  coûté  trois  batailles 
comme  celle  de  Médellin.  Les  aCbires  de  Médellinetde  Ciudad-Réal,  qui  dé- 
truisirent entièrement  les  armées  de  Cuesta  et  de  Cartaojal,  ne  produisirent 
aucun  résultat  favorable  aux  vainqueurs.  Sébastian!  était  bien  disposé  à  pé- 
nétrer dans  la  Sierra-Moiéna;mai8  Jo«cph,  eraiffiaat  les  Valendèai ,  le  re- 
tint, tandis  quMI  voulait  faire  marcher  Vic9tor,qni  s'obstinait  à  ne  pas  s'avancer 
dans  l^Alentéjo ,  alors  même  qu'il  était  renforcé  par  Lapisse.  Cette  obstina- 
tion fut  fatale  à  Soult ,  car  toutes  les  troufies  anglaises  et  portugaises  purent 
agir  contre  lui ,  tandis  que  Victor,  au  lieu  de  chercher  à  se  conformer  aux 
instructions  de  Pempereur,  résistait  aox  ordres  ihi  roi  et  m  faisait  rien  d'n- 
tlle  pour  lui-même.  On  trouve  peu  d'exemples  qu'un  général  ayant  30,000 
hommes  de  bonnes  troupes  soit  resté  aussi  longtemps  dans  une  inaction  si 
peu  motivée.  Certainement  la  réputation  militaire  du  ducdeBellune  empêche 
d'attribuer  cette  conduite  h  toute  autre  cause  qu'au  peu  de  penchant  qu'il 
avait  à  seconder  les  opérations  do  maréchal  Soult;  mais  on  ignore  encore  si 
cette  opposition  provenait  d'on  sentiment  de  rivalité  el  de  jatouste,  ou  de  la 
ferme  volonté  de  ne  pas  obéir  anx  ordres  du  roi ,  ou  enfin  d'une  fausse  ap« 
prédation  de  l'état  des  aflaires  dans  la  Péninsule.  Baiis  ces  deux  derniers 
cas,  il  faut  reconnaître  que  le  maréchal  Victor  n'avait  rien  à  voir  dans  la 
direcUon  générale  des  affaires  d'Espagne,  et  quil  était  de  son  devoir  d'obéir 
aux  ordres  que  le  roi  recevait  lui-même  de  l'empereur.  Voir  Nafier,  Hiê- 
Mre  de  la  guerre  de  la  PénimKle,  etc. 


OUBBBB   I>£9PAflH<*  30S 

YéDégas,  qfoi  dépassait  Zh^OùO  hommes  bien  armés  et  bien      tm. 
équipés,  '^^s''* 

ïjt  27  Juin,  l*arméè  anglaise,  formée  en  4  divisions  d*infon- 
terie,  commandées  par  les  généraux  SherbroolLe,  Hill ,  Màdcen* 
zie  et  Campiieli ,  leva  son  camp  d* Abrantès  et  suivit  les  deox 
rives  du  Tage;  une  colonne  passa  parSobrdra-Formosa  et  i*aatre 
par  Villa-Yelha,  où  Ton  établit  un  pont  de  bateaux.  Le  i^'  juillet 
le  quartier  général  anglais  fut  porté  à  Gastello-Branco.  De  là 
les  troupes  anglaises  continuèrent  leur  marebe  sur  une  seule 
colonne  par  Moraléjo  et  Goria.  Une  brigade ,  commandée  par  le 
général  Donkin,  fut  envoyée  par  Tôrr^ncUlo  et  Cedavin  pouf 
reconnaître  le  pays  entre  Zarza  la  Mayor  et  le  Tage.  Le  8  le 
quartier  général  arriva  à  Plasencia.  Le  10  toute  Tarmée  était 
réunie  aux  environs  de  cette  ville.  A  cette  époque  Cuesta  était 
à  Almaraz.  Le  20  il  opéra  sa  Jonction  à  Oropesa  avec  Farmée 
britannique,  et  le  33  cette  armée  combinée  continua  son  mou* 
vement  en  avant,  et  repoussa  les  avant-postes  français  de  Ta- 
lavéra.  Le  lendemain  die  arriva  sur  TAlbercbe,  où  elle  prit  po- 
sition, la  droite  appuyée  au  Tage,  et  la  gauche  couverte  par  le 
corps  de  Wilson,  qui  était  arrivé  la  veille  à  Esealona ,  d'où  il  s  V 
vança  même  Jusqu'à  NavalcBPnéro,^à  8  lieues  de  Madrid. 

Bataille  de  Talavéra  de  la  Reina.  A  la  première  nouvelle  37-2»  juUtet 
de  Finvasion  de  l*£stramadure  espagnole  par  Farmée  angio* 
portugaise,  le  roi  Joseph  conçut  les  plus  vives  alarmes;  dès  le 
32  Juillet  il  envoya  au  maréchal  Soult  Fordre  de  réunir  en 
toute  hâte  à  son  corps  d*armée  ceux  des  maréchaux  Mey  et 
Mortier,  dont  l'empereur  lui  avait  donné  le  commandement  en 
chef  y  et  de  se  porter  à  marches  forcées  sur  Plasenda ,  afin  d'y 
couper  la  ligne  de  communication  de  Farmée  anglo-portugaise, 
ou  du  moins  de  la  forcer  à  ralentir  sa  marche  sur  Madrid.  Ce 
mouvement  du  maréchal  Soult  devait  être  décisif,  puisqu'il  pla^- 
eait  le  général  anglais  entre  deux  armées,  et  l'on  pouvait  d'au-* 
tant  mieux  compter  sur  sa  réussite  que  l'ennemi  n'avait  pour 
couvrir  son  flâne  gauofae  et  ses  derrières  que  les  détachements 
laissés  par  le  général  Cuesta  aux  cols  de  Péralés  et  de  Bailos, 
points  par  lesquels  les  Français  devaient  déboucher  en  venant 
de  Saiamanque.  Vb  premier  onke  de  Joseph  avait  fixé  Fêta- 
blissement  du  5^  corps  à  Vîllacastin,  ce  qui  le  rapprochait  de 


804  LITEB  SBPTlillB*     . 

ifl09.  Madrid,  d*oû  il  eût  opéré  avec  les  i**^  et  4*  corps ,  q[ui  allaleotae- 
Ctpa^ne.  ^i^^yy^j.  engagés  avec  des  forces  supérieures  qu'on  évaluait  à 
70,000  hommes,  dont  environ  40,000  Espagnols.  Le  roi  regret- 
tait alors  vivement  d'avoir  cédé  aux  instances  réitérées  du. 
maréchal  Soult,  qui  avait  demandé  que  le  5^  corps  le  Joignit  à 
Salamanque. 

Dans  la  nuit  du  22  au  23  juillet^  le  roi  Joseph,  accompagné 
du  maréchal  Jourdan ,  partit  de  Madrid  avec  sa  garde,  une  bri- 
gade de  la  division  française  du  général  Dessolles ,  deux  esca- 
drons du  27^  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  formant  une  ré- . 
serve  de  5,000  hommes,  et  quatorze  .  bouches  à  feu, dont  le 
général  Dessolles  prit  le  commandement,  et  se  dirigea  sur  FAl- 
berche  pour  se  réunir  au  maréchal  Victor  et  tenter  d'arrêter 
Tennemi  assez  longtemps  pour  attendre  l'arrivée  du  général  Se- 
bastiani  et  le  résultat  du  mouvement  ordonné  au  maréchal  duc 
de  Dalmatie. 

L'inaction  des  alliés  pendant  la  Journée  du  23  prouvait  qu'ils 
manœuvraient  par  leur  gauche ,  et  le  pays  leur  indiquait  oe 
mouvement,  puisque  par  le  débouché  de  Pélagos  ils  pouvaient 
gagner  deux  Jours  de  marche  sur  Tarmée  fran^^ûse  pour  se 
rendre  à  Madrid  ou  à  i'Escurial,  et  par  celui  d'Escalona  Ils 
n'avaient  que  trois  lieues  pour  se  porter  à  Maquéda  et  couper 
la  grande  communication  entre  le  1"  corps  et  Madrid*  Ces  con- 
sidérations déterminèrent  le  maréchal  Victor  à  quitter  sa  posi* 
tion  sur  l'Albercheet  à  se  replier  derrière  le  Guadarrama.  Dans 
la  nuit  du  23  au  24 ,  les  troupes  se  mirent  en  marche  :  l'infan- 
terie, l'artillerie  et  la  cavalerie  légère  furent  dirigées  par  Santa- 
Olallaet  Alcabon  sur  Torrijos;  la  division  de  dragons,  par 
Gebolla ,  également  sur  Torr^os.  Le  24  au  soir  toute  l'infanterie 
fût  en  position  sur  la  rive  gauche  du  Guadarrama ,  au  pont  de 
Tolède;  Ja  cavalerie  légère  occupa  Alcabon  et  les  dragons  Tor- 
rijos. Ce  mouvement,  qui  semblait  découvrir  Madrid,  puisqu'on 
paraissait  abandonner  la  granderoute ,  avait  pour  but  de  se  rap- 
procher du  4^  corps,  qui  couvrait  Madrid  du  c6té  de  la  Manche. 
Le  lendemain  le  1^'  corps  resta  en  position  sur  la  rive  gauche  du 
Guadarrama  ;  la  cavalerie  se  replia  sur  Rlclvès*  Pendant  ces 
mouvements,  l'ennemi  fit  surveiller  Tarmée  française  par 
quelques  cavaliers  seulement.  Le  même  Jour  le  roi  donna  l'ordre 


GUEBBB   d'eSPâGNE.  ,806 

an  général  Séiiastiànl  d'envoyer  au  i^**  corps  la  division  de  ea- 
Yalerie  légère  da  général  Merlin ,  et  de  partir  à  onze  heures  du 
soir  avec  le  reste  du  4^  corps  pour  se  rendre  au  pont  de  Gua- 
darramay  à  une  lieue  et  demie  de  Tolède»  où  ce  général  arriva 
le  25 ,  après  avoir  habilement  masqué  son  mouyeibent  au  gé- 
néral Vénégas.  Le  roi  Joseph  fit  ce  même  Jour  sa  jonction  par 
Vargas  avec  les  deux  corps  français  et  leur  fit  prendre  position 
sur  la  rive  gauche  du  Guadarrama.  I.es  troupes  françaises  ainsi 
concentrées  ne  s'élevaient  guère  au  delà  de  quarante  et  quelques 
mille  hommes.  Ces  forces  étaient  sans  doute  insuffisantes  pour 
couvrir  Madrid  -,  il  eût  été  plus  convenable  de  se  tenir  sur  la 
défensive,  et  de  &ire  une  guerre  de  chicane  pour  donner  au  ma- 
réchal Soult  le  temps  d'opérer  la  puissante  diversion  dont  il 
était  chargé  ;  mais,  en  laissant  s'engager  davantage  l'armée 
anglo-espagnole,  qui  déjà  avait  poussé  un  parti  considérable»  sous 
les  ordres  de  sir  Robert  Wilson,  par  la  rive  droite  de  FAIberche, 
Jusqu'à  huit  lieues  de  Madrid,  on  parut  craindre  que  cette  ar- 
.mée  ne  tournât  celle  des  Français  et  ne  la  prévint  dans  sa  re- 
traite sur  Madrid.  D'un  autre  côté ,  le  général  Vénégas  pouvait 
arriver  sur  le  Tage  »  et  ce  fieuve  »  qui  est  guéable  en  plusieurs 
endroits  aux  environs  d*ÂranJuez,  lui  offrait  un  libre  pasflj^e, 
que  les  Français ,  par  suite  de  leur  faiblesse  numérique,  étaient 
.hors  d'état  de  défendre.  Dans  cette  circonstance  difficile,  le  roi 
.Joseph  crut  devoir  risquer  les  chances  de  l'offensive^  et  mar- 
cher directement  sur  Tarmée  ennemie;  3,000  hommes  furent 
laissés  à  Tolède  pour  garder  les  ponts  sur  le  Tage»  et  forcer  le 
général  Vénégas  à  remonter  ce  fleuve  Jusqu'à  Â.ranjuez,  ce  qui 
.  retardait  sa  marche  de  trois  jours.  Un  ré^ment  de  dragons  fut 
envoyé  par  la  rive  droite  dans  la  direction  de  cette  résidence 
royale,  afin  d'observer  le  mouvement  présumé  de  Vénégas  çt 
d'en  rendre  compte  au  général  Belliard ,  qui  était  chargé  de  la 
mission .  épineuse  de  contenir  la  nombreuse  population  de  la 
capitale»  qu'une  fenâentation  alarmante  agitait  depuis  l'ap- 
proche des  armées  combinées.  Il  n'était  resté  au  général  Bel- 
liard qu'environ  4»000  hommes.  En  cas  de  soulèvement,  cette 
garnison  devait  se  renfermer  dans  le  Retiro»  où  |c>us  les  per- 
sonnages  de  la  nouvelle  cour,  qui  craignaient  nne  réaction  po- 
.  pulaire,  avaient  cherché  nn  refuge. 

X.  20 


lie. 


t06  LIVBE  SEPTiillB. 

im.  Après  la  Jonction  des  t^  et  4^  corps  la  cavalerie  légère  do 
général  Merlin  fût  mise  sous  les  ordres  du  général  Latour- 
Mauboi^^  avec  la  l'^  division  de  dragons  et  toute  l'avant- 
garde.  Le  26^  à  deux  heures  du  matin ,  Tarmée  passa  le  Gua- 
darrama.  Le  i*''  corps  marchait  en  tète ,  le  4*  venait  ensuite  ; 
"puis  la  réserve  et  la  garde  du  roi.  L*avant-garde  rencontra 
quelque  cavalerie  espagnole  à  Torrijos;  cette  cavalerie  fut 
chassée  et  se  replia  sur  Alcabon.  Au  débouché  des  oliviers  qui 
couvrent  Torrijos ,  on  trouva  l'ennemi  formé  en  bataille  dans 
la  plaine  d*  Alcabon ,  sa  droite  appuyée  au  chemin  de  Domingo- 
Perez  et  sa  gauche  à  la  chapelle  de  Santo- Domingo.  11  présen- 
tait en  ligne  4,000  hommes  d'infanterie,  2,000  chevaux  et  huit 
bouches  à  feu ,  aux  ordres  du  général  Zayas.  La  cavalerie  du 
général  Latour-Maubourg  se  forma  successivement  et  parallè- 
lement à  la  ligne  ennemie,  qui  parut  d'abord  vouloir  tenir;  la 
canonnade  était  déjà  vivement  engagée  lorsque  la  tète  de  Tin- 
fanterie  du  1^  corps  déboucha  sur  le  champ  de  bataille.  Les 
Espagnols  se  replièrent  en  toute  hâte  à  la  vue  de  Finfanterie 
française  et  gagnèrent  Alcabon.  Le  général  Latour-Maubourg 
les  pressa  vivement  au  défilé,  et  le  régiment  des  dragons  de 
Villaviciosa  fut  atteint  et  presque  entièrement  détruit  par  le 
T  régiment  de  hussards  et  un  escadron  du  5'  de  chasseurs 
commandés  par  le  général  Beaumont.  A  la  sortie  d'Alcabon 
cette  cavalerie  culbuta  un  régiment  dinfanterie  dont  peu 
d^hommes  échappèrent.  Cette  charge  fit  honneur  au  général 
Beaumont ,  qui  fut  parfaitement  secondé  par  le  colonel  Bonne- 
main.  Le  colonel  du  régiment  de  Tillaviciosa  fut  fait  prisonnier. 
L'ennemi  continua  sa  retraite  avec  précipitation ,  favorisé  par 
un  terrain  coupé  de  ravins  sur  lequel  la  cavalerie  ne  pouvait 
pas  agir. 

Le  roi  fit  continuer  le  mouvement  dcTarmée  sur  Santa- 
Olalla,  où  elle  prit  position  le  soir  :  la  cavalerie  du  général 
Latour-Maubourg  à  Domingo-Perez ,  Oléra  et  El  Bravo  ;  le 
1^'  corps  en  avant  de  Santa-Olalla ,  sur  la  route  deTalavéra. 
On  apprit  à  Santa-Olalla  que  Cuesta  y  était  arrivé  le  25  au  soir 
avec  son  aAfnée ,  mais  qu*aussit6t  qu'il  avait  entendu  la  canon- 
nade d'Alcabon  il  s'était  replié  sur  Talavéra. 
Le  lendemain  27,  l'armée  partit  à  deux  heures  du  matin,  se 


âlJEBBt  D^ISPAGNE,  307 

•dirigeant  sur  Talavéra.  La  tête  de  la  colonne  était  tovraée  par  iio9. 
le  l*'  corps,  précédé  par  la  cavalerie  du  général  Latour-Man-  b^s''^. 
bourg,  qui  atteignit  rarrière-garde  de  Cuesta  à  la  llauteur  de 
Casalégas  ;  elle  était  composée  de  troupes  anglaises ,  d'un 
corps  de  10,000  hommes,  qui  avait  passé  la  journée  du  26  à 
Casalégas  ;  elle  se  replia  rapidement  sur  l'Alberche  et  repassa 
cet  affluent  du  Tage* 

A  une  heure  après  midi  le  i^**  corps  était  réuni  sur  le  plateau 
qui  domine  rAlberche.  On  apercevait  sur  la  rive  droite  quel- 
ques escadrons  ennemis  sans  infanterie ,  et ,  .sur  les  plateaux 
en  arrière  et  au  nord  de  Talavéra  y  on  distinguait  des  mouve- 
ments de  troupes;  mais  on  ne  pouvait  reconnaître  Farmée  al- 
liée y  ses  forces  et  ses  dispositions.  Le  terrain  qui  s'étend  de 
r  Alberche  à  Talavéra  et  aux  plateaux  qui  dominent  cette  ville 
est  couvert  de  plantations  d'oliviers  et  de  forêts  de  chênes; 
c'était  à  la  faveur  de  ces  bois  que  rennemi  masquait  ses  mou- 
vements et  se  formait  pour  recevoir  la  bataille. 

L*armée  alliée,  disposée  sur  deux  lignes,  était  établie  sur  un 
beau  plateau  qui  s'étend  depuis  Talavéra  jusqu'au  delà  des  co- 
teaux dits  de  Médellin,  et  d'un  développement  de  trois  quarts  de 
lieue  ;  les  Espagnols  occupaient  la  droite,  qui  s'étendait  devant 
Talavéra  et  s*appuyait  au  Tage«  Une  forte  batterie  établie  sur 
le  front  de  leur  ligne  était  destinée  à  balayer  la  grande  route 
qui  conduit  au  pont  de  l'Alberche.  A  leur  gauche  ,  sur  une 
hauteur  qui  les  séparait  des  Anglais ,  se  trouvait  une  redoute 
armée  de  pièces  de  gros  calibre.  Cette  position  était  couverte 
par  de  vieilles  murailles  et  des  clôtures  de  jardins  qui  avoisi- 
nent  et  entourent  la  ville  de  Talavéra  ,  et  de  vastes  champk 
d'oliviers  contribuaient  à  en  rendre  l'approche  plus  dlfûdle. 
Au  reste  tous  les  accidents  du  terrain  avaient  été  mis  à  profit 
à  cette  droite,  soit  en  y  élevant  des  ouvrages  de  campagne, 
soit  en  y  faisant  des  abatis.  A  gauche  de  cette  position ,  un 
mamelon  s'élève  à  Test  par  une  rampe  très-rapide  et  se  lie  à 
une  continuité  de  petits  mamelons  qui  se- prolongent  dans  la 
direction  d'El  Casar  de  Talavéra.  Cette  hauteur,  qui  comman- 
dait la  plus  grande  partie  du  champ  de  bataille ,  et  les  petits 
mamelons  auxquels  elle  se  lie,  étaient  occupés  par  les  Anglo- 
Portugais,  qui  formaient  le  centre  et  la  gauche  de  l'armée  com- 

20. 


iOS  LIVBt  SB^tàill. 

binée.  Cette  positk>Dy  eooYeite  devant  son  firent  par  un  profond 
ravin  formé  par  le  cours  de  la  petite  rivière  de  Fortifia^  était 
séparée,  %  gaueliey  do  prolongement  des  montagnes  castillanes 
de  TAtalaya  par  nn  vallon  de  trois  cents  toises  de  développe- 
ment. Deux  routes  praticables  poar  Tartlllerie  conduisaient  de 
rAlbercheàla  position  des  alliés  :  Tune  est  la  grande  route  de 
Talavéra,  et  Tautre  se  rencontre  à  la  Casa  del  Campo  de  Sati- 
nas. Pour  arriver  à  cette  dernière  route,  on  passe  l'Alberche  à 
nn  gué  et  on  la  suit  pendant  une  demi-lieue  à  travers  une 
forêt  de  chênes. 

Uarmée  espagnole 9  fèrte  d'environ  34,000  hommes,  dont 
6,000  de  cavalerie,  se  composait  de  cinq  divisions  d'infimterie, 
commandées  par  le  marquis  de  Zayas,  don  Ylcente  Iglesias,  le 
marquis  de  Portage,  don  Rafeêl  Manglano  et  don  Luis  Alejandro 
Bassecourt,  et  de  deux  divisions  de  cavalerie,  sous  les  ordres  de 
don  Juan  de  Henestrosa  et  du  duc  d*A1buquerque,  sans  com- 
prendre la  réserve  ni  l'avant-garde,  commandera  par  don  Juan 
Berthuy  et  don  José  de  Zayas.  Les  Anglais  avaient  de  leur  côté 
plus  de  16,000  hommes  d'infanterie  et  3,000  hommes  de  ca- 
valerie, répartis  dans  les  quatre  divisions  commandées  par  les 
généraux  Sherbrooke,  Hill,  Mackenzie  et  Campbell.  La  dernière, 
suivie  de  celle  de  Shert>rooke,  venait  immédiatement  aprte  là 
redoute  armée  de  pièces  de  gros  calibre  qui  était  à  la  droite  des 
troupes  anglaises.  La  gauche  était  couverte  par  la  division  du 
général  Hill.  La  division  Mackenzie  restait  en  position  près 
de  TAlherche,  avec  ordre  de  se  placer  en  seconde  ligne  derrière 
Sherbrooke,  dès  que  le  combat  serait  engagé. 

La  poussière  qui  s'élevait  au-dessus  de  la  forêt  de  chênes , 
que,  du  sommet  du  plateau  qui  domine  TAIberche,  on  aperce- 
vait sur  la  rive  droite  de  ce  cours  d'eau,  prouvait  que  les  trou- 
pe^  espagnoles  battues  la  veille  étaient  en  retraite  à  travers 
cette  forêt,  et  le  maréchal  Victor  espérait  les  Joindre  avant 
qu'elles  n'eussent  atteint  la  position  retranchée  de  l'armée  an- 
glaise. Il  ordonna  en  conséquence  au  général  Lapisse  de  passer 
l'Alberche,  de  se  diriger  sur  la  Casa  de  Salinas  et  d'en  chasser 
l'ennemi  ;  au  général  Buffin ,  de  passer  rAlberehe  avec  son  in«* 
fonterie  seulement  et  d'appuyer  par  la  droite  le  mouvement  du 
général  Lapisse.  Il  était  environ  trois  heures  de  raprès-midi. 


OUBHBB  D*BIPA6NB.  809 

Le  16*  rëglmeol  d'infaoterie  légère,  qui  était  en  lète  de  la  dl« 
visioa  Lapbse,  engagea  bientôt  la  fosilladeaTee  les  avant^ipoetes 
de  la  division  MaclLenzIe^  qui  oeco^wit  la  Casa  de  SalinaSt  sar 
laquelle  il  se  porta  si  rapidement  que  sir  Arthar  WeUesley,  qni 
s*y  trouvait,  faillit  être  pris*  Les  AnglaiSy  qui  avaient  environ 
1,000  hommes  sur  oe  p(^t,  se  retirèrent  précipitamment  sur  le 
gros  de  leur  armée,  qui  était  en  position  près  de  Talavéra  en- 
tre le  Tage  et  les  montagnes.  Les  87*  et  88*  régiments  anglais, 
qui  avaient  soutenu  les  premiers  le  choc  de  l'inAmterie  ihuiçaise^ 
furent  rompus  et  mis  en  déroute.  La  retraite  fut  couverte  par 
les  31*  et  4â*  régiments,  soutenus  par  le  60*.  Les  Anglais  per* 
dirent  400  hommes  dans  cet  engagement. 

Le  duc  de  Bellune,  qui  avait  suivi  l'attaque  du  général  La« 
pisse,  envoya  Tordre  au  général  Villatte  de  passer  rAlberehe 
et  de  suivre  la  direction  du  général  Rufftn  ;  au  général  Lalour* 
Maubourg  de  passer  la  rivière  et  de  former  sa  cavalerie  entre 
la  grande  route  de  Talavéra  et  celle  de  la  Casa  de  Salinas;  et 
enfin  À  Fartillerie  des  divisions  et  de  la  réserve  de  passer  au  gué 
et  de  suivre  par  le  chemin  de  Casa  de  Salinas  le  mouvement 
de  rinfanterie. 

Les  Anglais  qui  se  retiraient  se  portèrent  à  la  gauche  de  leur 
ligne  de  bataille.  Le  général  Mackenzie ,  avec  une  brigade ,  se 
plaça  en  seconde  ligne  derrière  la  brigade  des  gardes.  Le  gé« 
néral  Donkin,  qui  commandait  l'autre  brigade,  voyant  que  la 
montagne  n'était  pas  occupée  à  gauche,  se  porta  sur  ce  point  et  ' 
acheva  ainsi  de  garnir  la  position.  La  cavalerie  fut  formée  en 
colonne  derrière  la  gauche  de  la  ligne  anglaise. 

Les  divisions  Lapisse  et  Ruffln  débouchaient  de  la  forêt  de 
4^hênes  sur  trois  colonnes.  Le  pays  commençait  à  s'ouvrir;  on 
aurait  pu  distinguer  les  mouvements  de  Tennemi  s'il  n'eût  pas 
été  aussi  tard.  Cependant  on  apercevait  un  corps  de  1 1  à  13,000 
hommes  qui  se  pressait  d'arriver  à  sa  position.  L'artillerie  fraur 
çaise,  qui  avait  débouché  sur  le  plateau  aussitèt  que  les  divi« 
sions,  fit  un  feu  meurtrier  sur  ces  troupes  et  y  porta  le  désor^. 
Pour  aborder  la  position  des  alliés,  il  fallait  fhmchir  le  ravin 
creusé  par  le  cours  de  la  Portina,  qui  les  séparait  du  plateau  suc 
lequel  les  troupes  françaises  s'étaient  formées  en  sortant  de  la 
forêt.  Déjà  les  divisions  Huffin ,  VillaUe  et  Lapisse  n'étaient 


9^  UTEB  «BPTlBMt. 

«m.^  plii9  qa'à  oAe  demf'*portée  de  eanon  de  cette  position  ;  mais  il 
n'était  piM  Theoiv  d'engager  une  actidn^  :  ii  faisait  nait,  et  une 
attaque  de  noit  ne  produit  ordinairement  qu'erreur  et  oonfd- 
sion.  dépendant  le  maréchal  Victor  s'imagina  que  si  ^  à  la  &- 
veur  de  robseurité  et  du  désordreque  son  attaque  vive  et  ra- 
pide avait  oecftsionné  dans  les  rangs  ennemis ,  11  parvenait  h 
enlever  le  niameloQ  qui  était  à  sa  droite ,  «t  qu'on  devait  re- 
garder coflsme  la  clef  de  la  position,  les  Anglais  ne  pourraient 
plua  tenir  sans  s'exposer  à  une  déHsûte  complète.  £n  consé-* 
qoence,  le  maréchal  ordonna,  entre  neuf  et  dix  heures,  au 
général  RufBn  d'emporter  le  mamelon  avee  ses  trois  régiments 
le  9"  léger,  les  24®  et  05®  de  ligne;  au  général  Villatte  de  sou* 
tenir  cette  attaque,  et  au  général  Lapisse  â*opérer  une  diver- 
sion sur  le  centre  de  la  ligne  ennemie,  sans  cependant  s'engager. 
Le  9*  léger  descendit  le  premier  du  plateau  dans  le  ravin,  et 
aborda  de  firent  le  mamelon  sous  le  feu  de  la  brigade  du  gé- 
néral Doukin,  que  le  général  Hill  avait  Tordre  de  soutenir.  Ce 
brave  régiment  arriva  seul  à  mi-cùte^ous  le  feu  meurtrier  des 
Anglais,  qui  ne  pot  l'arrêter,  et  là,  ne  consultant  que  son  ar- 
deur, il  s'élança  jusqu'au  sommet  du  mamelon ,  culbutant  à  la 
baïonnette  les  premières  troupes  qui  voulurent  l'arrêter.  Mais 
le  général  Hill ,  qui  était  accouru  à  la  tête  des  29*  et  48®  régi- 
ments anglais ,  voyant  que  l'assaillant  n'était  pas  soutenu ,  le 
fit  attaquer  en  flanc,  et  le  9®  léger,  épuisé  par  l'effort  vigoureux 
qu'il  venait  de  faire ,  l\it  forcé  de  rétrograder  jusqu'au  pied  de 
la  position  avec  perte  de  300  hommes  hors  de  combat.  Son 
brave  chef,  le  colonel  Meunier,  avait  reçu  trois  coups  de  feu 
dans  ce  court  engagement,  où  son  régiment  se  couvrit  de  gloire 
et  n'échoua  que  parce  qu'il  ne  fut  pas  soutenu  à  temps.  Le 
24%  trompépar  l'obscurité,  prit  une  fausse  direction.  Le  96*  fut 
retardé  dans  sa  marche  par  le  passage  du  ravin,  où  il  rencontra 
des  obstacles  imprévus.  Les  Anglais  ont  avoué  une  perte  de 
800  hommes  dans  cet  engagement  nocturne. 

Il  était  dix  heures  du  soir;  les  troupes  françaises,  en  marche 
depuis  deus  heures  du  matin ,  étaient  harassées  de  fetigue  et 
éprouvaient  le  plus  grand  besoin  de  repos.  Le  combat  cessa , 
et  les  deux  armées  passèrent  la  nuit  à  se  préparer  à  une  ba- 
taille générale.  Le  général  Ruffin  orit  position  au  pied  du  ma- 


GUEBM  B*fi8PAailX.  Eli 

meloD  avec  les  34*  et  M*  régimento,  qui  y  éuient  arrivés  au      im. 
moment  où  le  9*  léger  se  retirait.  Ce  dernier  régiment  resta  dans    ^*^** 
la  position  où  il  s'était  arrêté.  La  division  Villatte  fat  placée 
en  réserve  derrière  l'artillerie.  La  division  Lapisse,  en  eolonues. 
par  régiments,  resta  sar  le  plateau  en  faee  du  centre  de  Ten- 
nemi;  la  cavalerie  do  général  Latoor-Maubourg  en  réserve 
derrière  cette  division.  La  brigade  du  général  Beanmont  fut 
placée  derrière  la  division  Roffin.  A  gauche  la  cavalerie  liait 
les  troupes  du  1***  corps  avec  celles  du  4^  et  de  la  réserve,  cpii 
venaient  de  passer  T Albcrche.  Il  y  eut  dans  Tarmée  espagnole» 
à  onze  heures  du  soir  k  k  deux  heures  du  matin»  une  fusil- 
lade qui  se  prolongea  delà  droite  à  la  gauche  et  qui  fut  occa- 
sionnée par  une  de  ces  terreurs  paniques  si  communes  à  la 
guerre. 

Le  9*  régiment  d*infanterie  légère  avait  pris  à  Tattaque  du 
mamelon  4  officiers  et  loo  soldats  de  la  légion  hanovrienne; 
on  apprit  d'eux  seulement  quelle  était  la  véritable  position  de 
i*armée  alliée,  et  Ton  sut  d'une  manière  positive  que  les  Espa- 
gnols occupaient  fortement  Talavéra. 

La  tentative  infructueuse  de  la  division  RufSn  contre  le 
grand  mamelon  eut  le  grave  inconvénient  d'indiquer  à  Ten** 
nemi  le  projet  d'attaque  du  lendemain ,  et  de  lui  faire  sentir 
toute  rimportance  de  fai  forte  position  qu'il  occupait;  les  An- 
glais employèrent  une  partie  de  la  nuit  à  la  garnir  d'une  ar- 
tillerie formidable,  soutenue  à  gauche  par  la  5^  division  espagnole 
aux  ordres  du  général  Bassecourt,  qui  fut  placée  à  la  gauche  de 
la  ligne  anglaise,  de  manière  à  couvrir  le  vallon  qui  la  aépa-^ 
rait  des  rameaux  rocheux  de  la  Sierra  de  Ségurilla. 

Le  lendemain  28,  au  lever  du  soleil,  les  deux  armées  étaient 
rangées  en  bataille,  et  la  canonnade  s'engagea  presque  aussitôt. 
L'action  qui  allait  avoir  lieu  devut  décider  du  sort  du  Portu- 
gal, que  l'armée  anglaise  était  chargée  de  défendre,  et  peut-être 
même  aussi  de  celui  de  toute  la  Péninsule.  Les  vieilles  bandes 
qui  composaient  les  i*'  et  4®  corps  de  l'armée  française,  accou- 
tumées depuis  tant  d'années  à  vaincre  les  troupes  de  l'Europe 
coalisée ,  et  à  voir  leur  ardeur  constamment  secondée  par  les 
habiles  combinaisons  d'un  grand  capitaine ,  attendaient  impa* 
tiemment  le  moment  de  isombattre ,  et  comptaient  que  le  géi^^ 


313-  tiVBV  StPTital. 

1809.     ^®  Napoléon  dirigerait  encore  une  fois  les  efforts  générepx. 
ehmsm*  qu*el]es  allaient  faire  pour  le  triomphe  de  sa  cause. 

Le  maréchal  Victor,  contre  l'avis  du  maréchal  Jourdan,. 
voulait,  au  point  du  jour,  recommencer  l'attaque  du  mam^on. 
Victor,  qui  était  resté  longtemps  aux  environs  de  Talavéra , 
devait  connaître  parfaitement  son  terrain,  et  paraissait  si  sAr 
du  succès  que  le  roi  le  laissa  libre  d'agir,  comme  il  le  voudrait*. 
Dès  Taurore,  le  maréchal  fit  une  reconnaissance  de  tout  le 
front  de  la  ligne  ennemie.  Les  Anglais  qui  couronnaient  le  ma- 
melon y  avaient  placé  quatre  pièces  de  canon.  Une  ligne  d'in- 
.  fanterie,  appuyant  sa  gauche  au  mamelon  et  sa  droite  au  bois 
d'oliviers,  était  soutenue  par  une  ligne  de  cavalerie.  Derrière 
le  mamelon ,  et  dans  le  prolongement  d'£l  Gasar  de  Talavéra,. 
on  comptait  cinq  ou  six  lignes  d'infanterie  etde  cavalerie.  Quel- 
ques escadrons  observaient  à  gauche  le  vallon  et  étaient  ap- 
puyés par  deux  ou  trois  bataillons.  Quant  à  la  droite,  il  était 
impossible  de  juger,  à  cause  des  oliviejcs,  du  nombre  de  troupes, 
dont  elle  était  composée.  On  apercevait  seulement  7  à  8,000 
hommes  dlnfanterie  et  de  cavalerie  en  avant  de  Talavéra.  Les 
Anglais  occupaient  la  ligne  depuis  la  montagne  où  s'appuyait 
la  gauche  Jusqu'à  la  cassine  dite  Pajar  de  fiergara,  dans  la  val-, 
léede  Talavéra,  où  se  trouvait  leur  droite.  Un  ouvrage  avait 
été  construit  en  avant  de  la  cassine  pour  couvrir  cette  aile. 

De  retour  de  sa  reconnaissance ,  le  duc  de  Bellune  distribua 
ses  ordres.  Le  général  Bufiln  plaça  le  Q''  léger  à  droite,  le  24- 
de  ligne  au  centre  et  le  96*  À  gauche,  chaque  bataillon  en 
colonne  serrée  par  division.  La  division  Villatte  suivit  en  se- 
conde ligne.  En  même  temps  le  duc  de  Bellune  demanda  au 
roi  Joseph  de  faire  agir  le  4®  corps  et  la  réserve  contre  la  droite 
de  l'ennemi,  tandis  que  le  général  Lapisse,  ayant  les  dragons  du 
général  Latour-Maubourg  en  seconde  ligne ,  menacerait  le 
centre.  Le  24«  de  ligne  et  le  9*^  léger  franchirent  les  premières 
pentes  avec  un  élan  admirable  sous  le  feu  de  la  division  du 
général  Hill.  Le  24%  toujours  soutenu  par  le  9«  et  le  9^"^ ,  et 
continuant  à  gravir  la  hauteur,  était  prêt  d*en  atteindre  le 
sommet,  lorsque  sir  Arthur  Wellesley  dirigea  sur  les  trois  régi; 
ments  français  une  partie  de  son  centre,  composée  des  troupes 
du  général  Sherbrooke.  Ces  régiments,  pris  à  la  fois  en  flanc  et 


OnftBHt  D*ÉSPAGli*.  3f9' 

attaqués  de  fronts  furent  contrainfs  de  rétrograder,  épuf ses  par  ,^ 
des  pertes  énormes;  mais  ils  le  firent  lentement  et  avec  le  plus  Eapagiîe.' 
grand  ordre ,  donnant  par  leur  belle  contenance  le  temps  aux 
blessés  de  s*éloigner .  L^ennemi  avait  fiiit  aussi  de  grandes  pertes 
et  le  général  Hilt  était  blessé;  mais  celles  de  la  division  Ruffln* 
s'élevaient  à  plus  de  500  hommes  par  régiment,  et  les  deux 
tiers  des  officiers  étalent  hors  de  combat. 

Il  était  dix  heures  du  matin.  Après  avoir  reconnu  la  position 
de  Tenuemi ,  le  roi  réunit  les  maréchaux  Jourdan,  Victor  et  le* 
général  Sébastiani,  pour  décider  en  conseil  si  Ton  devait  tenter 
une  attaque  générale.  Le  maréchal  Jourdan  se  prononça  contre 
une  telle  résolution,  et  son  avis  fut  que,  Tennemi  étant  instruit, 
par  les  deux  tentatives  précédentesr,  de  Timpoitance  de  sa  po- 
sition, et  prévenu  du  point  où  il  serait  de  nouveau  assailH,  il 
fallait  se  tenir  sur  la  défensive,  rétrograder  même  derrière  1*AI- 
berche  et  y  attendre  que  le  maréchal  Soult  eût  achevé  son  mou- 
vement sur  les  derrières  de  Tannée  alliée ,  ce  qui  ne  pouvait 
tarder  d'avoir  lieu.  Le  maréchal  Victor,  au  contraire,  insistait  • 
pour  qu'on  continuât  Tattaque,  et  dit  que,  si  le  roi  faisait  mar- 
cher le  4^  corps  contre  la  droite  et  contre  le  centre  de  la  posi- 
tion  des  alliés,  il  s'engageait,  avec  ses  trois  divisions,  à  enlever 
la  hauteur  contre  laquelle  il  avait  échoué  deux  fois,  ajoutant  que, 
s'il  ne  réussissait  pas,  a  il  faudrait  renoncer  à  faire  la  guerre.  » 
Le  roi,  placé  entre  deux  avis  si  opposés ,  hésitait ,  ne  sachant 
quel  parti  prendre,  lorsqu'il  reçut  du  maréchal  Soult  une  lettre 
annonçant  que  son  armée  ne  serait  réunie  à  Plasenda  que  du 
3  au  5  août.  Cette  circonstance  dérangeait  tous  les  calculs.  On 
savait  que  Vénégas  menaçait  déjà  Tolède  et  que  son  avant- 
garde  s'approchait  d'AranJuez.  Il  fallait  avant  tout  sauver  la  ca^ 
pitale ,  et  pour  cela  diviser  les  forces  qui  étaient  en  présence  des 
années  anglaise  et  espagnole.  U  fut  donc  résolu  qu'avant  de 
prendre  ce  dernier  parti  on  tenterait  une  attaque  générale  sur 
tout  le  front  de  la  ligne  ennemie,  comme  le  proposait  le  maré- 
chal Victor.  En  conséquence,  des  dispositions  forent  arrêtées  sur^ 
le-champ  et  transmises  aux  généraux  commandant  les  divisions. 
Le  temps  s'écoula  pendant  qu'on  faisait  ces  dispositions  d'ofléi^ 
sive  ;  la  canonnade  annonçait  seulement  que  les  deux  partis 
étaient  encore  aux  prises  ;  mais  elle  cessa  bientôt  graduellement  : 


314  LIT&B  tBPTlém. 

ffM9.  Ift  ehaleor  du  Jour  à  nidi  força  les  armées  à  aaspendre  matuel- 
Evpagne.  jeuieiil  le  oombaU  Les  deux  partis  profitèrent  de  celte  espèce 
de  trêve  pour  enleyer  lears  Iti^sés. 

Le  général  en  chef  eoBeini,  placé  sur  la  luuitenr  qui  dominait 
tout  le  diamp  de  batailie,  était  à  même  d*apercevoir  les  mouve- 
ments de  Tarmée  française,  et  avait  ainsi  le.  temps  de  les  pré* 
'  venir  et  de  foire  à  l'avance  les  dispositions  eontraires.  La  posi- 
tion qu'occupait  Tarmée  anglaise,  d'un  abord  difficile  en  avant 
de  son  front  et  sur  ses  flancs  y  était  accessible  en  arrière  de  sa 
ligne,  et  permettait  à  sir  Wellesley  de  porter  rapidement  des 
renforts  sur  les  points  les  plus  menacés. 

Pour  aborder  la  ligne  anglaise,  les  colonnes  françaises  avaient 
à  passer  le  ravin  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  ;  elles  ne  pou- 
vaient conserver  entièrement  leur  formation,  en  s'avançant  dans 
un  terrain  coupé,  raboteux,  inégal,  qui  mettait  nécessairement 
quelque  désordre  dans  leur  marche.  D'un  autre  c6té,  le  mame- 
lon occupé  par  l'ennemi  dérobait  Â  bi  gauche  de  l'armée  assall- 
«  lante  les  mouvements  des  colonnes  de  droite.  Ainsi,  bien  que 
dana  cette  Journée  chaque  corps  de  l'armée  ait  combattu  avec 
une  bravoure  sans  égale,  il  n'y  eut  aucun  ensemble  dans  leurs 
efforts.  L'expérience  d'un  général  habile  aurait  pu  seule  suppléer 
aux  avantages  que  la  nature  du  terrain  refusait  aux  Français 
et  donnait  si  libéralement  à  leurs  adversaires. 

Le  général  Ruffln  avait  reçu  l'ordre  de  pénétrer,  à  l'extrême 
droite,  dans  le  vallon  qui  séparait  la  position  de  renuemi  des 
montagnes,  de  longer  le  pied  de  ces  hauteurs ,  d'aborder  par 
sa  gauche  la  division  espagnole  du  général  Bassecourt,  qui  venait 
d'arriver ,  et  de  n'escalader  le  mamelon  que  lorequ'ii  l'aurait 
tourné.  Le  général  Yillatte  devait  menacer  cette  hauteur  avec 
une  brigade,  en  attendant  que  la  brigade  de  droite  du  général 
Lapisse,  dont  la  division  formait  la  gauche  du  1""^  corps,  fàt  en 
mesure  de  gravir  l'escarpement  pour  attaquer  de  coucert  le 
centre  de  hi  position  anglaise.  L'autre  brigade  de  la  division 
Villatte  fut  placée  à  l'entrée  du  vallon,  pour  soutenir  la  division 
Ruffln  contre  la  cavalerie  ennemie.  Le  4*^  corps,  placé  sur  deux, 
lignes  à  la  gauche  de  la  division  Lapisse ,  dev^  attaquer  la 
droite  de  l'ennemi  au  point  de  jonction  des  Anglais  et  des  Es- 
pagnols. La  cavalerie  légère  du  général  Merlin  et  les  dragons 


GUEUE  J>*fiSPiM»IKB.  ^|â 

4u  géoéràl  LaUmr-Manboarg  se  formèrenl  derrière  rin&Dterie      im. 
du  1^^  corps  pour  la  soBtenir  et  pouvoir  déboucher  dans  la    ^^^«^ 
plaine  lorsque  le  mamelon  sérail  enlevé.  Les  dragons  du  gé- 
nérai Milhand,  portés  àTeitréme  gauche,  devaient  observer 
ïalavéra  et  la  droite  des  Espagnols.  La  réserve  resta  en  troisième 
ligne  derrière  les  troupes  du  4^  corps. 

11  était  deux  heures  de  Taprès-midi  quand  ces  dispositions 
d'attaque  furent  achevées.  C'est  aussi  à  cette  heure  que  Tennemi 
reçut  un  renfort  de  toutes  les  troupes  anglaises  qui  faisaient 
partie  du  corps  commandé  par  sir  Robert  Wilson.  Elles  débou- 
chèrent par  le  chemin  de  Méjorada  et  allèrent  se  former  en  qua- 
trième ligBB  sur  le  prolongement  du  grand  mamelon»  dans  la 
direction  d'El  Casar  de  Talavéra.  Le  maréchal  Victor  attendit 
pour  agir  que  le  4*  corps  arrivât  à  sa  hauteur  »  et,  aussitôt  que 
ce  eorps  fût  engagé,  les  généraux  Lapisse ,  Yillatte  et  Ruffin 
commencèrent  leur  mouvement. 

Le  général  Lapisse  passa  le  ravin.  Il  était  soutenu  par  la  ca- 
valerie du  général  Latour-Manbourg  et  appuyé  par  deux  bat- 
teries de  8  bouches  à  feu  chacune.  Le  général  Yillatte  roanœu» 
vra  au  pied  du  mamelon,  et  le  général  Ruffin  suivit  la  direction 
qui  lui  avait  été  donnée.  Les  deux  divisions  d'infanterie  du  gé- 
néral Sébastiani  opérèrent  leur  mouvement  avec  calme  et  pré* 
dsion,  bien  qu'il  eût  lieu  sous  la  mitraille  de  la  redoute  qui  était 
entre  la  droite  des  Anglais  et  la  gaudie  des  Espagnols.  Le  géné- 
ral Levai  n'avait  pas  eu  le  temps  de  déployer  sa  division  alle- 
mande, qui,  s'étent  avancée  à  travers  le  bois  d'oliviers,  se  vit 
bient6t  entourée  par  plus  de  1S,000  hommes.  G'éteit  la  division 
Campbell,  soutenue  par  une  brigade  du  général  Mackeozie  et 
quelques  bataillons  espagnols.  Le  général  Levai  appuya  sa  gau- 
che par  un  carré  et  marcha  au-devant  de  Tennemi,  qui  recula  en 
laissant  le  champ  de  bataille  couvert  de  ses  morts.  Un  régiment 
anglais  avait  déposé  les  armes  et  s'éteit  rendu ,  lorsque  le  co- 
lonel de  Porbeck,  commandant  les  troupes  badolses,  fut  tué  d'un 
eoup  de  feu.  Il  y  eut  à  ce  moment  de  l'hésitetion  parmi  ces 
troupes,  et  le  régiment  anglais  se  trouva  dégagé.  On  ne  put  con* 
server  qu'environ  100  hommes,  le  miijor,  le  lieutenant-colonel 
et  le  colonel  ;  ce  dernier  mourut  de  ses  blessures.  L'ennemi  ayant 
porté  de  nouvelles  forces  contre  la  division  Levai ,  le  général 


816  LIVBR   SEPTlàlIB. 

ind.  SébastUtni  déploya  derrière  elle  la  ^  brigade  de  la  division 
•feipagnd.  ffiinçaise  et  donna  Tordre  au  général  Levai  de  se  retirer  en  se- 
condé ligne.  Au  reste  le  commandant  du  4^  corps  avait  pour 
instruction  de  ne  se  porter  sur  l'ennemi  que  ]ors(iue  le  duc  de 
Bellune  aurait  commencé  son  attaque  ;  mais,  les  chevaux  de  Tar- 
tillerie  ayant  été  tués  dans  les  oliviers ,  on  ftit  forcé  d'aban- 
donner sept  pièces. 

Pendant  ce  temps  le  général  Lapisse  avait  attaqué  le  centre 
de  Tennemi  avec  le  te®  léger  et  le  45*  de  ligne,  déployés  et  sui- 
vis des  8*  et  5*  de  ligne  en  colonne  serrée,  et  avait  porté  d*abord 
.  le  désordre  dans  les  troupes  de  la  division  Sherlnrooke.  Cette 
attaque  avait  été  puissamment  secondée  par  rartillerie  comman- 
dée par  le  colonel  d'Aboville  ;  mais,  repoussée  à  son  tour  par  un 
violent  feu  d'artillerie  et  de  moosqueterie,  la  division  française 
avait  déjà  cédé  du  terrain  lorsque  la  brigade  des  gardes  anglaises 
sortit  inconsidérément  de  la  ligne  pour  achever  la  défeite  des 
Français;  mais,  ceux-ci  revenant  à  la  chai^,  les  régiments  des 
gardes,  pris  en  flanc  par  Tartillerie  et  l'infanterie  françaises, 
Airent  vivement  repoussés  et  se  retirèrent  dans  le  plus  grand 
désordre.  Cette  terreur  gagna  la  légion  allemande,  et  tout  pa- 
raissait perdu  au  centre  de  Tannée  anglaise ,  lorsque  le  général 
Lapisse  tomba  mortellement  blessé.  Bans  ce  moment  le  48*  ré- 
giment anglais,  commandé  par  le  colonel  Donellan ,  qui  était 
resté  en  réserve  sur  la  hauteur,  s'avança  pour  rétablir  le  combat 
ou  pour  couvrir  les  fuyards.  Il  ouvrit  le  feu  et  réussit  à  arrêter 
les  colonnes  de  la  division  Lapisse.  La  légion  allemande  se  ral- 
lia au  48*,  la  brigade  de  cavalerie  légère  du  général  Cotton  ar- 
riva au  galop,  et  une  batterie  vint  battre  les  Français  en  écharpe. 
Ceux-ci  ftirent  repoussés  avec  perte  d'un  grand  nombre  d'offi- 
ders  et  de  soldats  hors  de  combat.  Le  maréchal  Victor  rallia 
cette  division  aii  pied  du  mamelon,  dont  il  renonça  à  s'emparer 
de  front  pour  ne  plus  s'occuper  que  des  moyens  de  le  toamor. 
En  conséquence  la  brigade  du  général  Yillatte  destinée  à  cou* 
vrir  le  vallon  y  pénétra,  tandis  que  la  ^vision  Buffin  eontbiuaità 
suivre  le  pied  des  montagnes.  La  division  de  cavalerie  légère  dn 
général  Moulin,  placée  en  seconde  ligne,  se  tint  prête  à  déboucher 
dans  la  plaine  à  la  suite  de  l'infanterie  ;  mais,  ce  mouvement 
ayant  été  aperçu  par  sir  Arthur  Wellesley ,  celui-ci  fit  charger 


Otite  in&mterie  pHr  le  19*  régfaieat  de  dragms  légers  anglai»  laœ. 
•t  le  l*'  régbnent  de  dmgotts  allemandg  de  la  brigade  Aneon. 
Les  Ang^  forent  reços  avee  le  plus  grand  sang-firofld  par  vu 
batailloii  de  grenadiers  a«ix  ordres  du  oomniandant  Bigex  et 
par  le  37*  léger  ;  une  qoÉntlIé  d'hommes  et  de  cfaeranx  Tinrent 
.  tomber  aux  pieds  de  l'intaiterie  firançaise.  Malgré  la  fusillade, 
';  h  33*  de  dragons  légers,  qni  tenait  la  tète  de  la  charge,  «'engagea 
'  entre  les  troopes  do  gé»6ral  Villatte  et  hi  division  RuiBn.  La 
brigade  du  général  Strolz,  composée  des  10*  et  36*  régiments 
de  chasseurs  à  dieyal,  se  porta  à  sa  rencontre.  Ce  général  ma- 
ninnrra  pour  laisser  passer  les  Anglais  et  les  diarger  en  qneoe. 
Bientôt  la  mêlée  Ait  complète.  Le  maréchal  Victor,  qui,  de  la  po* 
sition  où  il  était,  près  de  Fartillerie,  ayaitTu  la  cavalerie  ennemie 
se  lancer  aussi  témérairement,  fit  avancer  les  landen  polonais 
et  lés  dievau-légers  westphaliens  :  il  ne  s'échappa  qu'un  petit 
nombre  d'hommes  du  33*  de  dragons  légers;  tout  le  reste  fut 
prisavecses  étmdardsouftit  tué*  L'autre  régiment  se  dispersa. 
Pendant  l'attaque  du  centre,  le  4*  corps  avait  été  vivement 
engagé.  Il  eut  à  soutenir  de  nouveaux  efforts  de  la  part  des  en* 
nemis  après  le  mouvement  rétrograde  de  la  division  Lapisse.  Le 
général  Rey,  à  la  tète  des  3S*  et  33*  de  ligne,  les  chargea  et  les 
arrêta  dans  leur  poursuite.  En  même  temps  la  droite  de  l'armée 
anglo-espagnole  se  porta  tout  entière  sur  la  brigade  de  gauche, 
commandée  par  le  général  LIger-Belair,  et  composée  des  5S*  et 
7S*  de  ligne.  Le  choc  fût  terrible  :  4,000  hommes  combattaient 
contre  30,000,  sous  le  feu  d'une  nombreuse  artillerie,  dans  un 
terrain  fort  difficile  et  tout  à  l'avantage  de  l'ennemi.  Le  75*  de 
ligne  était  parvenue  déboucher  dans  la  plaine,  lorsqo'unecharge 
de  trois  régiments  de  cavalerie  anglaise  et  espagnole  arrêta  son 
mouvement  et  enleva  au  4*  corps  dix  pièces,  qui.  Jointes  aux 
sept  pièces  abandonnées  dans  les  oliviers  par  la  division  Levai, 
constituent  une  perte  totalede  dix-sept  bouchesà  feu.  Le  général 
Levai,  formant  un  carré  à  la  gauche  de  sa  ligne  avec  la  brigade 
de  Darmstadt  et  Prince-Primat,  donna  à  la  8*  brigade  française 
te  temps  de  se  reformer  en  colonne  et  de  contenir  l'ennemi.  Le 
colonel  Buqnet,  du  75*,  grièvement  blessé  dans  cette  aâUre^ 
fàt  pris,  un  des  chefis  de  bataillon  fût  tué  et  les  autres  furent 
blessés. 


918  UVM  SEFTIÉaBK. 

,90^  Dans  le  vallon,  le  gënéial  Rol&i  oontiiMiait  son  monveinelit» 
et  déjÀ  la  tète  de  sa  eoicmne  détwrdail  la  gaoelie  de  la  dlvtrimi 
espagnole  dn  général  Basseoomt,  loraqafM  Teçat  Tordre  des*ar* 
réter  et  de  se  maintenir  dans  la  pMllieE  où  il  se  troayait.  Il 
était  cinq  heures  du  soir.  Le  maréchal  Victor,  croyant  qu'en  ral- 
liant le  4*  corps  pour  le  porter  en  avant  avee  la  réMnre  on  pour- 
rait encore  obtenir  Tavantage  sur  un  eanemi  dont  le  fbu  parais- 
saitsejalentir  et  qu'on  supposait  fiiiredesdispoiitionsderetraite» 
fit  prier  le  roi  d'ordonner  ce  mouvement.  Le  roi  approuva  la 
proposition,  et  le  4^  eorps  avec  sa  réserve  allaient  s'â>ranler  pour 
marcher  à  Tenneffli ,  et  Ton  attendait  beaucoup  de  ce  dernier 
effort,  lorsque  le  roi  fut  prévenu  qu'mie  colonne  ennemie  dé- 
bouchait de  Talavéra  et  paraiasaitse  diriger,  par  la  granderoute^ 
sur  le  pont  de  l'Alberehe,  pour  déborder  la  gauche  de  Famée 
fnmçalse.  Cette  nouvelle  obligea  Joseph  à  changer  ses  premières 
dispositions  et  à  diriger  l'armée  du  côté  que  l'ennemi  semblait 
vouloir  menacer.  La  nuit  approchait  :  il  fallutrenonoer  à  entre- 
prendre une  nouvelle  attaqne  générale.  Le  roi  expédia  au  duc 
de  Bellunerordre  de  se  retirer  derrière  l'Âlberehe  àson.ancienne 
position,  et  de  prévenir  le  général  SébasHani  du  moment  où  il 
commencerait  son  mouvement  rétrograde. 

Le  duc  de  Bdlune  ne  yoy^M  rien  sur  le  champ  de  bataille 
qui  l'obligeât  à  se  retirer»  et  ignorimt  les  motils  de  l'ordre  du 
roi,  lui  dépèehason  premier  aide  de  camp  pour  lui  représenter 
que  l'ennemi,  déconcerté  par  les  pertes  qu'il  avait  éprouvées» 
fiaraissait  songer  à  la  retraite ,  et  qu'il  pensait  <pi*on  pouvait 
sans  inconvénient  se  maintenir  sur  le  champ  de  bataille.  Depuis 
qu'il  s'était  décidé  à  opérer  sa  retraite,  le  roi.  avait  été  prévenu 
que  Yénégas  marchait  sur  Madrid  et  que  son  avant-garde  avait 
déjà  passé  le  Tage. 

Il  répondit  donc  au  maréchal  Victor  que  le  salut  de  la  capi- 
tale ,  celui.des  blessés  et  laconservation  des  approvisionnements 
de  Tannée  ne  permettaient  pas  qu'on  s'arrêtât  plus  longtemps 
devant  Talavéra,  et  qu'il  fallait  se  retirer  pour  aller  combattre 
l'armée  de  la  Manche.  D'après  cette  décision  du  roi,  la  retraite 
de  toute  Tarmée  commença  immédiatement.  Le  général  Sébas- 
tiani,  prévenu  par  le  maréchal  Victor  qu'il  se  retirerait  vers  mi-* 
nuit,  fit  son  mouvement  le  premier.  Le  maréchal  partit  le  dfr* 


nier.  Le  l^wrfB  se  mit  en-marehe  dflE&s  le  plus  grand  ordre  «too. 
entre  une  et  deux  henrcsdo  isaftin»  sans  laisser  ni  blessés  ni  ba-  '^«s'^- 
gage  sur  le  ebamp  de  bataille.  Le  S9,A  six  benresdu  matin,  tontes 
les  troupes  françaises  se  trouvaient  en  position  sur  la  rive  gauche 
de  rAlberche,  dans  le  même  ordre  que  celui  du  27,  quand  elles 
marchèrent  sur  Talavéra.  L'auiemi,  qui  s'était  préparé  à  rece- 
voir une  nouvelle  attaque,  lut  très-surpris  lorsque,  le  39  au 
matin,  il  s'aperçut  que  les  Français n^élaient  plus  devant  lui. 

Les  pertes  s'élevaient  de  part  et  d'autre  à  7  ou  8,000  hommes 
hors  de  combat.  Les  généraux  anglais  Madienzie ,  Langworth 
et  plusieurs  officiers  supérieurs  avaient  été  tués,  et ,  du  côté  des 
Français,  le  général  Lafdsse  mourot  de  ses  blessures  à  Santa- 
Olallale  81  Juillet.  Les  généraux  anglais  Hill,  Campbell  et  le 
général  espagnol  Manglano  étaient  au  nombre  des  blessés.  Les 
Espagnols  avouèrent  une  perte  de  1 ,300  hommes.  Les  Français 
avaient  fait  660  prisiHiniers ,  et  les  alliés,  156  ;  mais  les  pre- 
miers avaient  perdu  dix-^ept  pièces  de  canon. 

Nous  avons  cru  devoir  donner  avec  quelques  détails  la  rela- 
tion de  la  bataille  de  Talavéra,  parce  que ,  mieux  dirigée,  cette 
1)ataille  pouvait  avoir  d'immenses  résultats  et  terminer,  peut- 
être  d'un  seul  coup,  la  guerre  de  la  Péninsule.  Elle  resta  indé- 
eise,  parce  qu'on  ne  ftdsalt  rien  de  bien  là  où  rempereûr  n'était 
pas,  là  surtout  où  des  généraux  insubordonnés  prenaient  à 
tAche  de  faire  échouer  les  plans  les  mieux  conçus.  Le  maréchal 
Jourdan,  qui  avait  compris  Timportance  de  concentrer  les  forces 
françaises  sur  le  point  le  plus  menacé  par  l'armée  anglo-espa- 
gnole, désapprouvait,  avec  raison,  tout  mouvement  offensif 
avant  l'arrivée  du  maréchal  Soult.  On  ne  l'écouta  pas  ;  on  en- 
traîna le  roi  par  des  promesses  de  succès,  et  ce  prince,  sans 
expérience  de  la  guerre,  et  craignant  les  reproches  de  l'empe- 
reur, laissa  agir,  peut- être  malgré  lui ,  ceux  qui  le  conseillaient 
le  plus  mal.  Jamais  les  troupes  françaises  n'avaient  combattu 
avec  plus  de  valeur  qu'à  Talavéra  ;  jamais  elles  n'avaient  montré 
plus  d'ardeur  pour  joindre  l'ennemi  ;  mais  des  attaques  décou- 
sues et  mal  dirigées  contre  une  position  formidable,  et  une 
grande  supériorité  numérique  chez  l'ennemi,  ne  pouvaient  ame- 
ner que  des  revers.  Avec  l'empereur  les  chances  de  succès  de- 
venaient incalculables. 


310  UVAB  SOVlAtfB. 

IM9  Le  foi  nuureha  en  tome  faàte  «vee  le  opfpadu  général  Séba»- 

^'^^ff^'  liani,  sa  garde  et  la  réserve,  pour  dépgMT  Tolède;  ilyJeMume 
diviskm  d'infonterle,  et  se  perla  Jedi  Juillet,  avee  le  reste  de 
ses  troupes,  à  Uleseas,  d*oà  il  pourrait  également  marcher  au 
seeoors  du  i^  eorps  sur  TAlberefae,' s'opposer  aux  progrès  de 
sir  Robert  Wllson ,  et  eonlienir  au  besoin  les  habituits  de  Ma- 
drid; mais  le  maréchal  YMor»  era^pMftt  un  mouvement  du 
.général  Wilson  sur  son  flâne»  se  retira  le  l^'  août  du  oMé  de 
Alaquéda  et  de  Santa-Gruz  dei  Retamar. 
s  août.  Combat  du  pont  del  Arzobiipo^  —  Sir  Arthur  Wellesley»  au 
lieu  de  poursuivre  Tariqée  française  sur  rAlberche,  et  de  prou- 
ver ainsi  qu'il  avait  réellement  vaincu  ses  adversaires  comme  il 
Tannonçait  pompeusement  duis  ses  rapports,  resta  immobile 
dans  sa  position  de  Talavéra  jusqu'au  3  août,  jour  où  il  apprit 
le  mouvement  du  maréchal  Soult.  Celui-ci,  qui  n'avait  reçu  que 
le  34  juillet  l'ordre  de  s'avancer  ^ur  les  derrières  de  l'armée  an- 
glo-espagnole, arrivait  sur  le  Tage,  avec  les  3',  S*  et  6^  corps, 
par  le  col  de  Banos ,  Plasencia  et  Navalmoral ,  se  plaçant  ainsi 
.  entre  l'armée  anglo-espagnole  et  le  pont  d'Almaraz,  seul  point 
.  par  lequel  le  général  ennemi  pouvait  rentrer  en  Portugal.  Il  ne 
.  restait  à  ce  général  que  deux  partis  à  prendre  :  rouvrir  ses  com- 
munications, tout  en  contenant  Victor,  ou  se  porter  à  la  rive 
gauche  du  Tage.  Le  premier  parti  était  sans  doute  celui  qu'il 
fedlait  préférer»  et  les  généraux  alliés  convinrent  que  l'armée 
anglaise  irait  à  la  rencontre  du  maréchal  Soult,  tandis  que  les 
Espagnols  resteraient  à  Talavéra  pour  tenir  tète  à  Joseph  et  au 
maréchal  Victor,  s'ils  revenaient  de  ce  côté;  mais  sir  Arthur,  qui 
avait  aussi  peu  de  confiance  en  Guesta  qu'en  son  armée,  se  dé- 
cida pour  le  second  parti ,  et  résolut  de  passer  le  pont  del  Ar- 
zobispo  et  d'établir  sa  ligne  de  défense  derrière  le  Tage.  Il  pensa 
qu'il  n'avait  pas  un  moment  à  perdre  pour  échapper  au  danger 
qui  le  menaçait  et  quitta  précipitamment  Talavéra,  où  il  aban- 
donna SyOOO  blessés  ou  malades,  qu'il  recommanda  à  la  gé* 
nérosité  française;  et,  laissant  au  général  Guesta  le  soin  de 
soutenir  sa  retraite ,  il  s'avança  en  toute  hAte  par  Oropesa  vers 
le  pont  del  Arzobispo»  et  le  4  août  l'armée  anglaise  se  trouva 
sur  la  rive  gauche  du  Tage.  Sir  Arthur  établit  son  quartier  gé- 
néral à  Deleitosa  et  posta  son  arrière-garde  à  las  Mesas  de  Ibor. 


GUBBBE  0*BSFA6II1«  391 

De  son  o6té,  Cutsta»  ii*osant  pas  attendre  seul  à  Talavéra  Jo- 
seph el  Victor,  qui  a'wussaiait  de  nouveau»  abandanna  œlte 
ville  et  alla  Joindre  l'armée  anglaise  à  Oropesa,  avant  qu'elle 
a>ùt  passé  le  Tage.  Cette  détermination  prématurée  indi^^osa 
sir  Arthur  WeUesl^,  qui  se  plaignit  surtout  du  peu  de  soin  que 
Cuesta  avait  mis  à  sauver  les  blessés  anglais  qui  se  trouvaient 
à  Talavéra,  où  le  maréchal  Victor  revint  le  6.  Cuesta,  forcé  de 
suivre  Tarmée  anglaise,  avait  passé,  le  ô,  le  pont  del  Arzobispo, 
et  s'était  dirigé  sur  las  Mesas  de  Ibor ,  laissant  à  Guarda  del 
Puente  la  $^  division,  commandée  par  le  général  Baasecourt,.  et 
le  duc  d^Albuquerque  à  Asutan,  pour  surveiller  les  gués,  à  la 
tète  de  3,000  chevaux.  Le  maréchal  Mortier,  avec  le  6^  corps, 
avait  pris  position  à  la  Puebla  de  Naciados  ;  le  maréchal  Ney, 
avec  le  6^,  était  à  Navalmoral ,  et  le  maréchal  Soult  au  Gordo, 
avec  le  2^  Le  maréchal  Victor  devait  appeler  l'attention  des  Es- 
pagnols au  pont  de  l>ois  de  Talavéra  et  les  attaquer  même  en 
suivant  la  gauche  du  Tage.  Le  8  août,  à  deux  heures  de  Taprès- 
midi,  par  une  dialeur  étouffante,  une  division  du  5^  corps, 
aux  ordres  du  maréchal  Mortier,  occupa  le  plant  d'oliviers 
qui  touchait  au  faubourg  de  l'Arzobispo,  une  autre  s'échelonna 
sur  la  grande  route ,  et  une  brigade  fut  placée  derrière  la  cava« 
lerie  du  maréchal  Soult,  qui  se  forma  en  face  d*un  gué  que  Ton 
venait  de  reconnaître  au-dessus  du  pont;  les  autres  troupes 
couronnèrent  toutes  les  hauteurs  de  la  rive  droite.  La  cavalerie 
devait  passer  le  gué  pour  prendre  l'ennemi  en  flanc  ;  quelques 
sapeurs  portés  en  croupe  par  les  cavaliers  avaient  ordre  d'en- 
lever les  barricades  et  d'ouvrir  \in  chemin  à  Tinfiinterie.  Les 
18^  et  19*  régiments  de  dragons ,  conduits  par  le  général  Cao- 
laincourt,  passèrent  les  premiers,  s'élancèrent  sur  les  batteries 
ennemies,  entrèrent  dans  les  redoutes  et  s'en  emparèrent 
Un  grand  nombre  de  canonniers  espagnols  furent  tués  sur 
leurs  pièces ,  d'autres  furent  contraints  de  tirer  sur  leurs  ca- 
marades eu  fuite.  L'infanterie  espagnole,  forte  de  7  à  8,000 
hommes,  chercha  vainement  à  se  former  en  bataille  :  char- 
gée par  les  deux  régiments  de  dragons  français,  elle  i^t  cul- 
butée et  mise  dans  une  déroute  complète.  Pendant  ce  temps, 
les  sapeurs  qui  avaient  passé  en  croupe  des  dragons  gagnèrent 
le  pont,  coupèrent  les  palissades,  enlevèrent  les  chevaux  de 

I.  21 


S29  LIYAB  SBPTIÈME. 

tara,  frise  qui  tes  défendaient,  et  ouvrirent  mi  passage  à  la  division 
du  gâiëml  6lrard  *  ;  mais,  an  moment  où  cette  dernière  troupe 
se  réunissait  aux  dragons,  on  vit  accourir  à  toute  bride  un  corps 
de  quatre  mille  chevaux,  commandé  par  le  duc  d'Albuquerque, 
et  composé  en  grande  partie  de  régiments  d'élite,  parmi  les- 
quels se  trouvaient  les  carabiniers  royaux  et  les  gardes  du  corps. 
Cette  troupe  se  forma  sur  trois  lignes,  et  chacune  de  ses  ailes 
débordait  de  plus  de  cent  toises  les  deux  faibles  régiments  fran- 
çais qui  hii  faisaient  face.  Bientôt  le  génâral  ennemi  fit  sonner 
la  charge  ;  les  Espagnols,  poussant  de  grands  cris,  s'ébranlèrent 
et  manœuvrèrent  pour  envelopper  leurs  adversaires;  les  dra- 
gons leur  épargnèrent  la  moitié  du  chemin  en  allant  à  leur  ren- 
contre. La  mêlée  devint  générale,  et  fut  un  instant  si  terrible 
que  le  maréchal  Soult  hésita  s*il  ne  ferait  pas  tirer  à  mitraille  sur 
le  tourbillon  de  poussière  qui  enveloppait  les  combattants , 
comme  le  seul  moyen  d'arrêter  l'ennemi.  D'après  la  force  des 
Espagnols  et  le  petit  nombre  des  Français,  il  est  probable  que 
la  perte  des  premiers  eût  été  six  fois  plus  forte  que  celle  des  se- 
conds ;  mais  ce  moyen  extrême  ne  fut  pas  employé,  car  au  bout 
de  quelques  minutes  la  victoire  se  déclara  pour  les  dragons. 
Les  Espagnols  se  débandèrent  de  toutes  parts  en  apercevant  le 
reste  de  la  cavalerie  française,  qui^  après  avoir  passé  le  Tage, 
se  formait  sur  la  rive  gauche.  Une  batterie  d'artillerie  légère 

*  La  promière  brigade  de  la  division  Girard ,  composée  des  34*  et  40* 
de  ligne,  et  oommandée  par  le  général  Cliauvcl,  atait  reçu  Tordre  direct 
da  maréclial  Mortier  de  se  tenir  prête  à  passer  le  Tage  à  un  gué  qai  avait 
été  reconnu  la  veille.  Cet  ordre  reçut  son  exécution  à  cinq  heures  du  matin, 
les  tiataillons  formés  en  colonnes  serrées  par  peloton,  chaque  soldat  portant 
fion  Tusil  et  sa  giberne  sur  sa  tète.  Les  18*  et  19*  de  dragons  passèrent 
presque  en  môme  temps  que  IMnfanlerie.  Parvenues  sur  la  rive  gaudie ,  ces 
tfoupea  fiirent  obligées  de  se  former  sous  le  feu  d^une  batterie  ennemie  de 
six  iMNicbes  à  feu  qni  les  inquiétait  beaucoup.  Le  colonel  LafiUe ,  du  18* 
de  dragoBS,  réunit  quelques  braves  de  son  régiment,  se  jette  sur  tes  canon - 
niers  et  enlève  la  batterie.  11  remit  au  général  Chauvel  rofficler  espagnol  qui 
la  commandait.  Ce  général  envoya  un  bataillon  du  34f  régiment  pour  rom- 
pre les  barricades  du  pont,  et  détruire  une  maçonnerie  nouvellement  prati- 
quée sous  les  arcades  des  tows  qui  le  défendent.  C*est  alors  que  le  gé> 
néral  Girard  avec  la  deuxième  brigade ,  vint  se  réunir  à  la  première.  Le 
résultat  de  ce  combat  fut  bon  nombre  de  prisonniers  et  trente  pièces  de 


D-Bft1>A0llB.  939 

planée  «ir  le  bord  da  flenve  feur  fit  mi  mitl      i^oau 
o(Misidéf«ble»  Les  iiiyjirds  furent  poursuivis  Jusqu'à  deux  Heiies    £^*^?»<^ 
du  Tage.  La  perle  dos  Sspagnolafat  de  $00  hommes,  trente 
pièces  de  canoo  et  tous  les.éqnîpages  ;  celle  des  Praeçais  ne  fbt 
que  de  quelques  hommes  tués  et  blessés. 

L*iQfanterle  du  maréchal  Mortier  oeeupa  la  tète  du  i»oiit  del 
Arzobispo  et  garda  la  rrve  droite  Jusqu'à  Talavéra;  le  maré- 
chal Ney  j  doBt  la  ppésenoe  devenait  superiue  depuis  la  retitrfte 
des  deux  armées  anglaise  et  espagnole,  se  mit  en  marche  vers 
SalamanqnCy  pour  s'opposer  aux  progrès  d'un  corps  espagnol 
commandé  par  le  doc  del  Parque ,  qui  se  trouvait  aux  environs 
de  cette  ville;  le  corps  du  maréchal  Soult  fut  destiné  à  couvrir 
le  pajTS  entre  Akantara,  Goria,  Plasencia ,  etc.,  et  à  faire  face 
à  l'armée  anglo-portugalse.  Les  Espagnols  vaincus  à  TArzebispo 
firent  leur  retraite  par  les  montagnes  de  Deleitosa  pour  se  réu- 
nir à  l'at mée  anglaise ,  et  une  autre  partie  alla  Joindre  le  général 
Vénégasdans  la  Manche.  L'armée  anglaise  et  le  corps  espagnol 
aux  ordres  du  duc  d'Albuquerque  restèrent  en  position  derrière 
le  Tage.  Le  maréehal  Soult  ne  crut  pas  devoir  s'engager  davan* 
tage  en  poursuivant  les  alliés  et  en  profitant  du  désordre  qui  ré* 
goait  dans  leurs  colonnes.  Il  pensait  laisser  cette  tâche  au  ma- 
réchal Victor,  tèehe  d'autant  plus  difficile  qu'il  fallait  faire 
passer  l'artillerie  sur  le  pont  d'Almaraz  pour  gagner  la  grande 
route  d'Estremadure,  et  une  arche  de  ce  pont  était  détruite  ;  on 
manquait  d'ailleurs  de  bateaux  et  des  premiers  matériaux  néces- 
saires pour  construire  un  autre  pont  ;  il  aurait  donc  fallu  faire  la 
guerre  sans  artillerie.  D'un  autre  c6té ,  le  pays  entre  le  Tage  et 
la  Guadiana  était  entièrement  ruiné  par  le  séjour  des  armées , 
et  les  chaleurs  accablantes  de  la  saison  ne  permettaient  pas 
pour  l'instant  de  continuer  les  opérations  en  Estremadure. 

Les  Angkiis  s'établirent  sur  la  gauche,  vfs-à-vîs  d'Almara^/ 
leur  quartier  générale  Jareicejo;  les  Espagnols  prirent  position 
sur  la  droite,  avec  leur  quartier  général  à  Deleitosa,  survefflant 
en  même  temps  las  Mesas  de  Ibor  par  Fresnedoso.  Le  1 2  août, 
don  Gregorlo  de  laCuesta,  brouillé  avec  Wellesley,  accablé  de 
dégoût»  et  de  fatigues,  donna  sa  démission  de  commandant  en 
chef,  à  la  grande  satisfaction  du  général  anglais;  il  fbt  rem- 
placé par  don  Francisco  de  Eguia.  Le  défaut  de  subsistances, 

31. 


4S4  .    WnM  SBPnÉHl. 

ffoiL  les  oiabdfe»  4es  homineB,  le  dépédasenieQt  des  'dieiranx  dé- 
■HMgne.  eidèreDt  eDAn  sir  Arthur  Welksley  àsediriger  yers  le  Ptortogal. 
Il  s'était  déjà  reUré  préoédenuneiit  Jusqu'à  Trmillo.  Le  90  H 
marcliA  à  Mérida,  où  il  arrêta  son  mouvenieat  i*étrograde ,  et 
ensuite  à  Badajoz.  Au  commencenuait  de  septembre  II  prit  des 
cantonnements  sur  la  frontière  de  Portugal. 

Ainsi  se  termina  l'expédition  du  général  sir  Arthur  Welles- 
ley  dans  TEstremadure  espagnole,  expédition  au  moins  aussi 
hasardée  que  celle  qu'avait  tentée  le  géaénd  Moore  vers  la  fin 
de  Tannée  précédente.  L*armée  anglo<€spagnoie  serait  entière- 
ment tombée  au  pouvoir  des  Français  si  les  corps  des  maréchaux 
Soult,  Ney  et  Mortier  fussent  arrivés  deux  Jours  plus  tôt  en 
Ertremadùre;  mais  le  roi  Joseph  n*avait^voyé  que  le  32  Juil- 
let au  due  de  Dalmatie  Tordre  de  concentrer  les  trois  corps 
d'armée  à  Salamanque  et  de  s'avancer  sur  les  derrières  de  l'ar- 
mée ennemie.  Le  maréchal  avait  reçu  cet  oidre  le  24  ;  le  5* 
corps  ne  s'était  mis  en  route  que  le  27,  le  2®  corps  le  30,  et  le 
6'  le  i^  août,  et  Tarmée  n'avait  pu  arriver  que  le  5  août  à  Pla- 
sencia.  Ahisi  le  général  anglais  ne  devait  son  salut  qu'à  l'im- 
patience du  roi  Joseph  de  combattre  à  Talavénu  Le  début  de  ce 
héros,  que  la  cour  de  Londres  éleva  à  la  dignité  de  pair  sous 
le  titre  de  lord  Wellington  et  de  vicomte  d^Talavéra,  pour 
la  prétendue  victoire  de  ce  nom,  était  loin  d'annoncer  cette 
haute  réputation  que  d'autres  circonstanoes  également  heureuses 
lui  ont  donnée.  S'il  ne  fut  pas  entièrement  délait  à  Talavéra , 
il  faut  l'attribuer  aux  mauvaises  dispositions  arrêtées  par  l'état- 
major  fîunçais,  qui ,  au  lieu  de  faire  attaquer  sur-le-champ  la 
gauche  des  Anglais  avec  de  grandes  masses,  morcela  le  corps 
du  maréchal  Victor  en  petites  colonnes ,  et  les  fit  écraser  sans 
aucun  résultat  dans  les  Journées  des  27  et  23.  Le  général  «n- 
gUdsa  osé  dire  dans  ses  rapports  sur  cette  bataille  que,  s'il  ne 
poursuivit  pas  les  Français  sur  TAlberehe,  où  ceux-ci  restèrent 
plusieurs  Jours  en  position»  ce  fut  parce  que  la  junte  espagnole 
ne  lui  fournit  pas  des  transports  suffisants  ^  supposition  d'autant 
plus  ridicule  que»  en  Jetant  les  yeux  sur  la  carte,  on  verra 
le  peu  de  distance  que  Tarmée  anglaise  avait  à  parcourir  pour 
Joindre  les  Groupes  du  maréchal  Victor. 

Il  aoèt.        Bataille  d'Almonaeid.  —  On  se  rappelle  4ue  le  général  Se- 


hmmni  ^\mnM  raméede  ta  Màticbe  a«  qn?lroM  dePainrid  iio». 
ipund  il  reçut  du  foi  Joaeph  Torâye  de  se  rappfoeher  à  isaidKS 
foraées  de  Tolède  ponr  n  fémir  ao  l*''^eorps  gwr  TAlberelie.  il 
avait  été  suivi  dès  le  M  Jaillet  par  le  général  Yénégas ,  qui  ar- 
riva à  AraDjoes  dans  la  mallDée  du  Sth  Ce  dernier  ann^t  pu 
alors  entrer  à  Madrid ,  cette  ville  étant  presque  dégarnie  de 
tronpes;  mais,  hésitant  encore  de  s'avancer  vers  la  Gapitale, 
Yénéga» Vêtait  borné  à  eoneentrftr  à  Aranjiiez  son'  armée,  qui 
se  composidt  de  cinq  divisions  d*lni)iilterie  et  de  3  à  4,000  che- 
vaux, fermant  en  tout  environ  SO,ooo  hommes.  Le  3  aoAt,  il 
ftit  lalbnné  par  Guesta  q«e  l'armée  alliée  abandonnait  Talavéra. 
Au  lieu  de  se  retirer  à  cette  nouvelle,  Vénégas  prit  le  5  des  me- 
sures pour  défendre  le  passage  du  Tage,  et  fit  passer  sur  la  rive 
droite  les  3*  et  3*  divisions,  changées  de  surveiller  les  gués  et  les 
trois  ponts  Verdé  y  de  Barcas  et  de  ht  R^na« 

Le  roi,  instruit  de  la  présence,  des  troupes  espagnole»  sur  la 
rive  droite,  et  ayant  appris  que  laeavalerie  de  Vénégas  s'éf  ail 
présentéele  3  et  le  4  près  de  Yaidemoro,  à  cinq  lieues  de  Madrid; 
partit  d'Illeseas,  ou  il  s'était  établi  ea  revenant  des  bords  de 
rAlberche,  et  transporta,  le  S ,  son  quartier  général  à  Yaide- 
moro^ où  il-  réunit  le  4^  corps  et  la  réserve.  Il  y  arriva  dans  la 
soirée ,  fit  attaquer  immédiatement  la  partie  de  l'armée  espa-» 
gnole  qui  avait  passé  le  Tage  et  la  forç»  à  regagner  la  rive  gau* 
che;  mais  en  se  retirant  l^nemi  coupa  les  ponts.  Dans  l'im- 
possibilité d'efTectner  son  passage  à  Aranjuez,  dont-  le  pont 
était  détruit,  Joseph  se  dirigea  sur  Tblède.  En  débouchant  par 
le  pont  de  cette  ville  le  9-  à  la  pointe  du-  Jour,  le  4<  corps  cuN 
buta  3  à  1 0,000  hommes  qui  défendaient  le»  hauteurs  environ- 
nantes et  s'établit  au  viHage  de^Nembroca,  à  une  lieue  et  demie 
de  Tolède ,  d'où  foi  cavalerie  légère-  du  général  Merlin  chassa 
un  parti  ennemi  qu'elle  sabra  esprit  presque  en  entier. 

Yénégas  n'en  conserva  pas  moins  ses  postes  à  Aranjuez^  et 
échelonna  ses  autres  divisions  à  Ocana,  Guardia  et  TemMèque , 
bien  résolu  à  ne  pas  abandonner  la  Manche.  Dans  ce  but  ii 
concentra  son  armée  sur  les  hauteurs  d'Almonacid.  Le  10 ,  à 
la  pointe  du  Jour,  la  division  de  dragons  du  général  Milhaud 
passa  le  Tage  au  gué  de  Villamayor,  enti^  Aranjuez  et  Tolède, 
à  trois  lieues  au-dessus  de  cette  dernière  ville,  lin  bataillon  et. 


ZHê  uvms  fiErriiiif. 

trois  escwkoiw  qui  défaïklaieBl  ce  gué  faient  taillés  en  pièMS 
.iBiNisut.  ^^  fyiji^  prlaoBBler».  Le  lendemain ,  cette  division  se  réunit  au 
4""  eerfs,  qui  se  mit  en  marche  sur  Aimonaeid)  où  le  générai 
Vénéga?  paraissait  vouloir  tenter  le  sort  d'un  engagement  gé- 
nérai. Les  Ei^agnols  y  étalent  en  position ,  leur  gauche  cou* 
vraot  la  route  de  Vom  et  8*iq[ipuyant  i  un  mamelon  détaché 
de  la  chaîne  des  mcMitagnes  qui  courent  des  lx>rds  du  Tage  à 
ceux  de  la  Guadiana ,  leur  centre  sur  un  plateau  enavant  dn 
hourg  d'Almonacid«  et  leur  droite  s*étendant  sur  des  hauteurs 
et  couvrant  la  roule  de  Teroblèque  ;  une  réserve  était  placée 
en  arrière  sur  une  montagne  très-élevée  ^  d'un  escarpement  ra- 
pide, où  se  trouve  situé  le  (^teau  d'Almonaoid,  et  sur  laquelle 
étaient  plaeées  quarante  pièces  de  canon.  Le  général  espagnol 
avait  distribué  sa  cavalerie  sur  ses  deux  ailes.  La  2"  division 
tenait  la  droite;  la  1*^ occupait  la  gauche;  les  4^  et  5®  étaient  au 
centre.  Le  4®  corps  «  après  les  pertes  de  Talavéra ,  ne  comptait 
pas  plus  de  lâ^ooo  hommes,  qui»  réunis  aux  â«000  de  la  ré- 
serve ,  portaient  l'armée  du  roi  tout  au  plus  à  20,000  hommes. 
Outre  la  supériorité  du  nombre,  l'ennemi  avait  Tavanliage  de 
la  position  dominante  qu'il  occupait. 

Le  général  Sébastiani  reconnut  la  position  de  Vénégas,  et, 
jugeant  que  le  gain  de  la  bataille  dépendait  de  la  possession  du 
mamelon  ou  e'appuyait  sa  gauche»  formée  de  10,000  hommes 
dos  mineures  troupes  e^pAgnoles,  aveb  sept  pièces  de  canon, 
il  résolut  d'attaquer  sw^le-champ,  bienquela  réserve»  venant  de 
Tolède  et  conduite  par  le  roi  en  personne  ^  ne  fût  pas  encore 
arrivée; et,  dans  l'intention  d'ailleurs  de  couper  la  route  de 
Moin,  qui  est  la  communication  la  plus  directe  pour  gagner  la 
Siem-Morena,  le  général  Levai  eut  Tordre  de  former  en  coloa- 
nés  serrées  par  brigade  les  divisions  polonaise  et  allemande ,  de 
longer  la  montagne  qui  descend  de  Tolède»  d*appoyer  sa  droite 
par  un  carré  au  point  où  les  montagnes  ilaissent  et  à  la  base 
du  mameloD,  de  le  déborder  par  sa  droite  avec  la  division  alie^ 
mande  et  de  frire  attaquer  de  front  par  la  division  polonaise. 
Cet  ordre  fut  exécuté  avec  un  calme  et  une  précision  admira- 
bles. Le  général  prince  Sulkowsky^  s'élançant  à  la  tète  des 
Polonais  sous  un  feu  terrible  d'artillerie  et  de  mousqueterie  » 
aborda  les  Espagnols  au  pas  de  change,  les  culbuta»  eu  fit  uu 


OUBtn  B'B8»46IA.  tSY 

grand  eânmge,  et  se  reoâft  maître  dn  mameioQ ,  pendaiit  que 
la  division  allemande,  ayant  égakment  réussi  dans  son  attaque 
de  droite,  contraignait  l*enneaii  à  praidre  la  ftrite.  Le  eolonel 
Soboksky,  du  7*  l'égiment  polonais,  officier  de  mérite  et  de  la 
pins  brillante  bravoure,  tronva  la  mort  au  mlllen  des  rangs 
ennemis,  qu*il  avait  enfoncés.  Snr  le  oenire  de  l'armée  espa-^ 
gnole,  les  générant  Liger-Belairet  Bey,  à  la  tète  dea  deux  htU 
gades  françaises  de  la  division  Sébastian!^  composée  des  98*, 
32*^,  58«  et  75*  de  ligne,  attaquèrent  le  plateau  et  le  village 
d'Almonacid,  défendus  par  12,000  bommes.  Les  Eispagniris 
furent  encore  enfoncés  ^nr  ce  point  et  obligés  de  prendre  la 
Alite ,  laissant  le  champ  de  bataille  couvert  de  leur»  morts  et 
de  leur  blessés.  Dans  cet  engagement,  le  82*  régiment  soutint 
sa  haute  réputation;  le  chef  de  bataillon  La  Martinièfe,  qui  le 
commandait ,  fut  grièvement  blessé,  et  en  remit  la  direotlon  au 
chef  de  bataillon  Bausset,  par  lequel  il  fiit  dignement  remplacé. 
Le  général  Vénégas  ;  ainsi  culbuté  sur  sa  gauche  et  sur  son 
centre,  essaya  de  rétablir  le  combat  en  portant  sa  cavalerie 
sur  Textrème  droite  des  Français;  ce  mouvement,  exécuté 
avec  assez  de  précision,  réussit,  et  les  cavaliers  espagnols^,  dé« 
bordant  en  effet  la  droite  du  général  Sébastian! ,  lui  donaèeent 
un  instant  de  l'inquiétude  sur  ce  point.  Le  61^  régiment  de 
ligne,  appartenant  à  la  division  Bessolies,  qui  arrivait  en  ee 
moment  sur  le  champ  de  bataille,  se  forma  en  carré  sur  un 
plateau,  en  arrière  de  la  Kgne  des  Français  ;  mais  quelques  es* 
cadrons  et  quatre  pièces  d'artillerie  titrent  portés  également 
sur  ce  point  par  le  général  Merlin;  le  colonel  Sparre,  avec  le 
.5*  de  dragons,  cliargea  vigoureusement  la  cavalerie  enn^nie  an 
moment  même  où  celle-ci  venait  d*ètre  repoussée  à  bout  p^r* 
tant  par  le  7^  régiment  d'infanterie  polonaise  ;  cette  diavge 
acheva  de  mettre  les  Espagnols  en  déroute.  Les  régiments  d'AI- 
cantara  et  de  Ferdinand  VII  ibrent  presque  entièrement  dé- 
truits. Le  général  Vénégas ,  chassé  de  sa  première  posittai , 
se  retirait  sur  la  hauteur  où  était  placée  sa  réserve  et  eberebalt 
à  s'y  maintenir,  lorque  le  général  Sébastiani ,  ayant  été  Joteft 
par  les  autres  régiments  de  la  réserve,  à  la  tète  de  laqoeHe  ee 
trouvaient  le  roi  Joseph  et  le  maréchal  Jourdan,  ordonnaun» 
nouvelle  attaque.  Le  général  Levai  se  porta  avec  les  divisktos- 


tu  .  LtVBI  SSPTIBMI. 

polonattè  et  allemande  sur  le  flaDc  gaviche  des  Espagnols;  le 
général  Rey,  avec  les  2%^  et  82"^  régiments,  soutenns  par  deux 
bataillons  du  58*  et  on  bataillon  du  13*  d*inftinterie  légère,  que 
oondalaoit  le  général  Oodinot,  attaqua  de  front,  et  gravit  la 
hauteur  occupée  par  les  Espagnols  sous  un  feu  violent  de  mi- 
traille. Le  général  LIger-Belair,  avec  le  75*,  deux  bataillons  du 
13*^  léger  et  un  bataillon  du  58*,  mardia  sur  la  droite  de  Ten- 
nemi  et  la  força.  En  peu  d'instants  les  Français  furent  maîtres 
dé  toutes  les  hauteurs  et  du  château.  Les  troupes  espagnoles, 
poussées  dans  la  plaine,  tentèrent  encore  de  s*y  rallier;  mais, 
avant  que  le  général  Vénégas  eût  réussi  à  rassembler  ses  ba- 
taillons épars,  il  fut  chargé  avec  tant  d'impétuosité  par  les  deux 
divisions  des  généraux  Milbaud  et  Merlin  qu'en  moins  de 
dix  minutes  il  sfi  trouva  enfoncé  sur  tous  les  points  et  mis  dans 
la  déroute  la  plus  complète  :  infanterie,  cavalerie,  artillerie, 
s*enAiirent  dans  toutes  les  directions  à  travers  champs.  Les 
ftmtassins  jetaient  armes  et  bagages  pour  échapper  plus  rapi- 
dement aux  poursuites  de  la  cavalerie  française.  Les  débris  de 
Tarmée  espagnole  ne  trouvèrent  leur  salut  que  derrière  les  mon- 
tagnes de  la  Guadiana. 

Hans  cette  journée,  qui  fit  honneur  au  général  Sébastiani , 
et  qnl  couvrit  de  gloire  les  troupes  qu'il  commandait,  les  Es- 
pagnols eurent  3,000  hommes  tués  sur  le  champ  de  bataille , 
une  quantité  plus  considérable  de  blessés,  et  3  à  4,ooo  prison- 
niers; seise  pièces  de  canon  »  plusieurs  drapeaux ,  trente  et  on 
caissons,  deux  œnts  voitures  de  bagages  restèrent  au  pouvoir 
des  vainqueurs  ;  ceux-ci  perdirent  500  hommes  tués  et  7  à  800 
blciés,  dont  69  officiera.  Le  général  Sébastiani  cita  avec  éloge 
dans  son  rapport  les  colonels  Doguereau,  chef  d'état-major  de 
l'arlUlerle;  Legrand,  du  58*  régiment  de  ligne;  les  chefs  d'es- 
cadron de  Tracy  et  de  Lastour,  ses  aides  de  camp  ;  les  capi- 
taines LavoBStine ,  Savolsy^  Bonne  et  Miel  :  ces  trois  dernière 
avalent  été  grièvement  blessés.  La  bataille  d*Almonacid  ter- 
minait la  grande  expédition  combinée  entre  les  généraux  sir 
Arthur  WeUesley,  Cuestaet  Vénégas,  dans  l'intention  de  s'em- 
parer de  Madrid  et  d'y  établir  la  junte  générale  du  gouver- 
nement. 

Le  4*  corps  étabttt  son  quartier  général  à  Aranjuez;  le  t^^ 


corps  élaUtt  le  sien  ft  Tcè^»  où  U  avait  ea  Toidre  de  mareher,  ism. 
et  le  roi  Joseph ,  que  la  valeur  des  France  venait  ainsi  de  sau-  "H^sne. 
ver  d'un  danger  imminent,  rentra  triomphant  dans  sa  capitale, 
qu'il  avait  été  sur  le  point  de  voir  tomber  au  pouvoir  de  ses 
ennemis.  Jamais  sans  doute  il  ne  put  se  flatter  avec,  autant  de 
raison  de  jouir  en  paix  du  trône  où  l'avait  placé  son  frère.  A 
cette  époque ,  l'armée  française  était  victorieuse  sur  presque 
tous  les  points,  les  Espagnols  paniiasalent  abattus  par  tant  de 
revers,  et  les  plus  dangereux  ennemis  de  la  nouvelle  dynastie 
venaient  de  se  retirer  de  nouveau  vers  le  Portugal.  On  aurait 
pu  mettre  à  profit  ces  heureuses  circonstances  :  il  ne  s^agissait 
que  de  fermer  d'une  manière  solide  Feutrée  de  l'Espagne  à 
l'armée  anglaise  et  de  distribuer  les  troupes  de  manière  à 
étouffer  les  insurrections  dans  l'intérieur  ;  mais  le  roi  Joseph 
ne  pouvait  point  obtenir  un  pareil  résultat  avec  1»  seuls  moyens 
qui  étaient  alors  à  sa  dispo^tlon. 

Combat  du  col  de  Banos.  —-  Ce  fut  pendant  son  retour  vers  <3août. 
Madrid  que  le  roi  apprit  que  la  colonne  de  sir  Bobert  Wilson 
venait  d'être  mise  en  déroute  le  lendemain  de  la  bataille  d'Aï- 
roonaeid.  Nous  avons  dit  que,  après  le  combat  de  l'Arzobispo, 
le  maréchal  Ney  s'était  dirigé  sur  Salamanque.  Sir  Robert 
Wilson,  qui  s'était  montré  pendant  quelque  temps  aux  portes 
de  Madrid,  restant  isolé  après  la  retraite  des  alliés ,  avait  re- 
passé le  Tiétar,  s'était  replié  sur  Béjar,  qu'il  atteignit  en  fran- 
chissant les  montagnes  de  Gredos,  et,  par  une  contre^macdie, 
se  dirigeait  vers  Plasencia  par  le  col  de  Banos,  pour  opérer  sa 
jonction  avec  les  Anglais.  Son  détachement  se  composait  de 
4,000  hommes,  tant  Espagnols  que  Portugais.  Le  12  août,  le 
général  Lorcet,  commandant  i'avant-garde  du  6"  corps,  ren- 
contra le  général  Wilson  à  Aldea-Nueva-del-Camino,  à  l'entrée 
du  col  de  Banos.  La  position  de  l'ennemi,  quoique  très- forte, 
fut  emportée  au  premier  choc.  Le  3*"  régiment  de  hussards 
exécuta  une  belle  charge,  dans  laquelle  l)on  nombre  d'ennemis 
Airent  sabrés  et  faits  prisonniers.  Ces  derniers  se  rallièrent  sur 
les  hauteurs  de  Banos,  dans  une  position  presque  inexpugna- 
ble; aux  difûcultés  déjà  très-grandes  du  terrain  le  général 
WUson  avait  ajouté  des  abatis,  de  profondes  coupures,  et  avait 
fait  séparer  des  quartiers  de  rocher  pour  fermer  tous  les  se»- 


330     '  UVBIS  SBPTIÉlffi. 

1809.  tî«rs  par  lempidlB  on  pottvafi  arriver  Jusqu'à  lui.  Ces  préeauliODs 
aaBooçaicnt  au-reste  un  ennemi  qui  comptait  peu  sur  la  valeur 
de  ses  trcNipcs  ;  aussi  les  Français,  oul>liant  les  fatigues  d'une 
mardie  de  neuf  lieues  par  une  dbaleur  excessive,  ne  balancè- 
i«nt  point  à  attaquer  les  retranchements  derrière  lesquels  les 
milices  de  Wilson  se  croyaient  en  sûreté.  Les  50®  et  59®  régi- 
ments de  ligne  s'avancèrent  avec  une  grande  résolotion,  gra- 
virent les  liautenrs  en  poussant  à  l'avance  des  cris  de  victoire, 
et  s'emparèrent  des  ouvrages  ennemis  malgré  un  feu  très-vff 
d'artillerie.  Le  générai  Wilson  essaya  vainement  de  rallier  cette 
troupe  culiHitée  et  dispersée.  Le  8°  régiment  de  hussards  et  le 
15® de  chasseurs  achevèrent  la  déroute  de  l'ennemi,  qui  eut 
beaucoup  de  peine  à  trouver  son  salut  dans  les  rochers  d^ 
Montémayor  et  de  la  Gàlzada. 

Les  Espagnols  et  les  Portugais  laissèrent  1,300  tués  et  un 
pareil  nombre  de  blessés  sur  le  champ  de  bataille.  La  perte  des 
Français  ne  s'éleva  pas  à  plus  de  200  hommes  tués  et  blessés. 
Le  colonel  La  Perrière,  du  8®  de  hussards,  et  le  colonel  Goste, 
du  59*  riment  d'infanterie ,  s'étalent  distingués  particulière- 
ment par  leur  brillante  valeur  et  l'habileté  de  leurs  dispositions. 
Tartre ,  soldat  au  59®,  enleva  un  drapeau  après  avoir  tué  ou. 
dispersé  le  groupe  d'ennends  qui  le  défendait.  Ce  trait  de  cou* 
rage  yalat  à  ce  brave  la  décoration  de  la  Légion  d'honneur. 

Les  événements  qui  avaient  eu  lieu  dans  la  vallée  du  Tage , 
la  marehe  sur  Madrid  du  corps  de  Wilson  et  de  l'armée  de 
Vénégas ,  l'espérance  fondée  de  la  coopération  d'une  armée 
anglaise  dans  la  lutte  soutenue  par  les  armées  espagnoles ,  en- 
fin l'éloignemeat  de  la  plus  grande  partie  de  la  garnison  de 
Madrid,  avaient  été  plusieurs  fois  sur  le  point  de  provoquer  un 
soulèvement  du  peuple  de  la  capitale  ;  mais  ,  pendant  cette 
crise,  le  général  Bdliard,  qui  n'avait  pas  au  delà  de  1 ,500  hom- 
mes disponibles ,  était  parvenu,  par  une  contenance  ferme,  à 
maintenir  la  tranquillité  dans  Madrid  en  imposant  aux  mal- 
veillants  et  en  rassurant  les  amis  de  Tordre.  Cependant  il  était 
temps  que  cet  état  de  choses  cessât.  Les  premières  nouvelles 
des  combats  de  Talavéra  jetèrent  quelque  inèertibade  dans, 
l'esprit  public,  et  des  rapports  favorables  de  l'armée  crAMema^ 
gne,  arrivés  en  même  temps,  avaient  concouru  à  calmer  un  ins^ 


tant  r«ffervMoeiice  populaire;  mais  la  retraite  du  l*'  oorpa  sur     ui^. 
Naval^Carneroy  et  celle  cla  kà  avec  le  4^  eorps  sar  Blostolès  »    ^p*sm- 
avaient  été  sar  le  point  de  tout  perdre.  Heareiisement  la  retraite 
précipitée  des  armées  alliées  et  la  victoire  d* Almonacid  vinreiU 
détruire  les  espérances  des  partiscms  de  la  junte  de  Séville  et 
relever  celles  des  Espagnols  attachés  à  la  fortune  de  Joseph. 

Le  1 5  août,  le  roi  publia  une  proclamation  qui  apprit  aux  ha* 
bitanisde  Madrid  qu'ils  s'étaient  bercésd*un  vain  espoir  en  comp- 
tant voir  les  années  alliées  entrer  victorieuses  dans  la  capitale. 

Cependant  les  nouvelles  des  affaires  qui  avaient  eu  lieu 
en  Espagne  dans  le  mois  de  juillet  étaient  arrivées  à  Schôn- 
brunn,  et  l'empereur  avait  appris  avec  le  plus  vif  mécontente- 
ment les  résultats  de  la  bataille  de  Talavéra.  Cette  affaire,  ainsi 
que  les  manœuvres  des  différents  eorps  d'armée,  avaient  été  de 
sa  part  l'objet  d'une  criliqoe  amère.  11  se  plaignait  avec  raison 
des  faux  rapports  qu'on  lui  avait  faits  en  écrivant  que  le  2s 
on  s'était  emparé  du  champ  de  bataille,  tandis  qu'on  n'avait 
pris  ni  Talavéra  ni  le  platean  occupé  par  l'armée  anglaise.  Il 
faisait  le  reproche  au  maréchal  Jourdan  d'avoir  mal  dirigé  les 
affiiires,  de  n'avoir  pas  <Ut  reconnaître  le  plateau  de  Talavéra 
pour  s'assurer  s'il  pouvait  être  tourné,  et  ajoutait  qu'on  avait 
conduit  ses  troupes  sans  discernement  et  comme  à  la  bouche- 
rie. L'empereur  exprimait  aussiun  vif  mécontentement  à  l'égard 
du  rapport  do  général  Sébastiani,  qui  ne  mentionnait  que  la 
perte  de  deux  pièces  de  canon  de  la  division  Levai,  tandis  que 
la  relation  anglaise  du  général  Weilesley  annonçait  la  prise 
de  dix  pièces  pendant  Tactlon  et  de  s^t  autres  pièces  abandon- 
nées dans  les  bois. 

Le  16  août  les  corps  français  occupaient  les  positions  sui* 
vantes  :  le  l*''  corps  avait  porté  son  quartier  général  de  Tolède 
à  Madridejos  ;  le  4*^  corps  était  toujours  cantonné  sur  la  rive 
droite  du  Tage,  depuis  Aranjuez  jusqu'à  Fuentedoenas;  la  ca- 
valerie légère  était  sur  le  haut  Tiétar;  le  b^  corps  observait  le 
Tage,  depuis  Talavéra  jusqu'à  Almaraz,  et  avait  son  quartier 
général  à  Orepesa  ;  la  garde  royale  et  la  division  'Desselles 
étaient  rentrées  à  Madrid. 

Vénégas ,  battu  à  Âlmonacid ,  s'était  eaclié  dans  la  Sierra- 
Morena,  et  Wilson,donl  le  corps  volant  avait  été  di^rsé  sur 


3S9  •   LIVSB  SSenàliB, 

iset».  les  firontièm  de  Pertagal ,  cherchait  à  le  réeigiuiiser.  On  au- 
rait pn  tirer  parti  de  cet  état  de  choses  pour  achever  de  dis* 
penser  les  enaeniis  ;  mais  on  8*«7^»  on  prit  des  positions  d'ob: 
servation,  et  bientôt  le  bruit  se  répandit  que  les  alliés,  après 
avoir  réparé  leurs  pertes,  s'apprêtaient  à  rq^rendre  de  nouveau 
une  attitude  hostile.  La  posidon  de  Tannée  française,  nuilgré 
ses  succès ,  devenait  de  jour  en  jour  plus  inquiétante.  Des 
bruits  contradictoires  étaientrépandus  à  dessein  par  les  gens  du 
pays  sur  les  mouvements  des  armées  alliées ,  et  mettaient  les 
généraux  français  dans  Tobligation  d'être  sans  cesse  sur  le  qui- 
vive.  Les  bandes  de  guérillas  agissaient  en  même  temps  d*une 
manière  fort  active  sur  les  communications  des  corps  d*armée 
et  interceptaient  les  correspondances.  Il  fallait  dpnc  tout  à  la 
fois  se  prémunir  contre  les  fausses  nouvelles  et  porter  re- 
mède au  mal  réel  que  faisaient  ces  bandes  d'insurgés,  qui  volti- 
geaient constamment  autour,  des  cantonnements  de .  Tarmée 
française. 

D*un  autre  côté  on  annonçait  que  le  corps  du  marquis  de  la 
Romana  manœuvrait  sur  ValladoM,  tandis  que  d'autres  trou-> 
pes,  commandées  par  Ballesteros,  march|dent  sur  Santander» 
En  môme  temps  le  duc  de  Trévise,  se  croyant  bien  informé» 
annonçait  que  Tarmée  de  Vénégas  marchait  sur  Giudad-Réal^ 
que  celle  de  Goesta  était  entrée  dans  la  Manche ,  et  que  lea 
Anglais  se  rapprochaient  du  Tage.  Cependant  les  avis  qui  se 
suoeédaient  paraissaient  si  peu  fondés,  que  l'on  commençait  à 
croire  que  ceux  qui  les  communiquaient  pouvaient  être  mal 
informés  ;  mais,  Inen  que  les  mouvements  de  l'ennemi  n'eussent 
pas  rimportance  qu'on  leur  donnait ,  il  était  certain  quil  s'en 
faisait  quelques-uns  parmi  les  armées  alliées.  Les  AngUds,  dé- 
cimés par  les  fièvres  pestilentielles  particulières  à  la.  vailé& 
de  la  Guadiana,. avaient  rapproché. des  troupes  de  Truxillo 
et  poussaient  des  reconnaissances  vers  le  Tage.  Les  Espa•^ 
gnols,  après  avoir  jeté  une  partie  de  l'armée  d'Estremadure 
dans  Ift  Manche ,  poussaient  des  troupes  sur  les  différents  dé- 
bouchés de  cette  province  et  menaçaient  Aran juez  et  Fuente- 
duenas.  EnconséquenceleducdeBeiluttereçutJe37  sq[)tembra 
l'ordre  de  réunir  le  i^'  corps  à  Tolède,  et  d'avoir  des  avant- 
postes  sur  la  rive  gauche  du  Tage,  tandis  que  la  division  aile** 


GCtBtl  B*KSFA6VB.  9S3 

mande  etla  dWMon  de  ctTalerie  légère  du  4^  oorps  se  porte- 

rid^t  sar  AraDjttez.  B>j>aênc. 

Cependant  rempereur,  débarrassé  de  la  guerre  d'Autriche  » 
s'oceapait  activement  de  l'année  d*Espagne.  Désordres  avaient 
été  donnés  au  ministre  de  la  guerre  pour  fiifre  rentrer  en  France 
les  cadres  des  3^  ou  4*  bataillons  de  dix-neuf  régiments  d'in- 
fanterie destinés  à  recevoir  13,000  hommes,  tandis  que  tous 
les  bataillons  de  marche  qui  étaient  sur  les  derrières  de  l'armée 
étaient  remplacés  par  d'autres  et  pouvaient  rejoindre  leurs 
corps.  Malgré  les  afbfres  d*Oporto  et  la  malheureuse  retraite 
de  Portugal ,  Teropereur  avait  encore  tant  de  confiance  dans 
le  maréchal  Soolt  que,  le  26  septembre,  il  écrivit  de  Schôn- 
brtinn  au  ministre  de  la  guerre  Glarke  de  donner  au  maréchal 
Jourdan  l'autorisation,  que  celui-ci  avait  demandée,  de  ren- 
trer en  France,  et  de  faire  connaître  au  roi  qu'il  nommait  pour 
major-général  de  l'armée  d'Espagne  le  duc  de  Dalmatie ,  et 
pour  commandant  du  2^  corps  le  général  Laborde. 

Sir  Arthur  Wellesley,  avait  été  si  mécontent  de  la  conduite 
des  Espagnols  à  la  journée  de  Talavéra  qu'il  ne  voulait  plus 
s'exposer  à  entrer  en  ligne  avec  d'aussi. mauvaises  troupes. 
«  Dans  cette  bataille,  disait-il,  où  les  Espagnols  n'ont  presque 
c  pas  donné ,  des  corps  entiers  ont  jeté  leurs  armes  et  se  sont 
«  enfuis,  bien  qu'ils  ne  fussent  pas  attaqués  ni  menacés.  Dans 
«  leur  fuite,  ces  lâches  soldats  pillaient  tout  ce  qui  leur  tom- 
a  beit  sous  la  main  ;  à  Talavéra  ils  saccagèrent  les  bagages  de 
c  l'armée  anglaise,  qui  était  bravement  engagée  pour  le  soutien 
c  de  leur  cause.  »  Telle  était  son  indignation  à  lear  égard  qu'on 
ne  le  verra  revenir  à  de  meilleurs  sentiments  qu'après  plusieurs 
'  campagnes.  En  arrivant  à  Badajoz,  il  était  décidé  à  aller  «ar- 
cher en  Portugal  le  seul  appui  sérieux  sur  lequel  il  croyait 
pouvoir  désormais  compter.  Le  maréchal  Beresford  venait  d'en- 
treprendre Forganisation  des  milices  portugaises  et  parvint  en 
peu  de  temps  à  en  fiiire  une  excellente  armée 

Sur  ces  entrefaites,  le  marquis  de  Wellesley,  frère  de  sir 
Arthur,  arriva  à  Sévilleen  qualité  d'ambassadeui  de  la  Grande- 
Bretagne  en  Espagne.  Témoin  de  la  grave  mésintelligence  qui 
régnait  entre  la  junte  centrale  et  le  général  anglais,  et  des  ré- 
criminations offensantes  qui  en  étaient  la  conséquence,  l'ambas- 


f  109  sadenr  s'interposa  poor  ftdre  eentr  me  dëtoBleii  dont  les  sirites 
pouvaient  devenir  fanegtes  aux  deux  parti».  Tevtes  les  dëTaites» 
tous  ies  revers  récofits  de  Méddlin,  de  Qndad-Réal,  d'Almo- 
Dacidf  étaient  attribués  au  mauvais  esprit  et  à  Fincapaeité  de 
la  junte  centrale ,  et  les  juntes  provinciales  de  Séville,  de  Ba* 
ûa^z  et  de  Valence,  jalouses  de  sa  prépondérance,  voulaient  la 
renverser,  sans  s'entendre  toutefois  sur  ia  forme  de  gouverna 
ment  qu'il  conviendrait  de  lui  substituer.  C'était  surtout  h  Sé^ 
ville  que  se  croisaient  les  menées  et  les  secrètes  intriguei. 
L'annonce  officielle  du  départ  de  l'armée  anglaise  jeta  la  cons- 
ternation parmi  le  peuple,  tout  prêt  à  s'insurger  contrôla  junte 
centrale,  qui  jusqu'alors  si  fière  et  si  arrogante  voyait  avec  ter- 
reur approcher  l'instant  où  une  révolution  allait  éclater.  Le 
marquis  de  Wellesley  redoubla  d'efforts  pour  calmer  Tirrita- 
tion  de  son  frère  et  concilier  les  divers  partis.  Le  plan  inter- 
médiaire qu'il  proposait  consistait  à  prendre  position  sur  la 
Guadiana  et  à  étendre  Tarmée  sur  la  frontière.portugaise^  de 
manière  à  appuyer  la  gauche  à  l'armée  espagnole  et  à  couvrir 
l'Andalousie  par  sa  droite.  La  junte  s^engageait  à  pourvoir  à  tous 
les  besoins  des  alliés.  11  étale  difflciie  de  se  fier  à  ces  promesses, 
car,  depuis  son  entrée  en  Espagne,  sir  Arthur  WeHesley  n'a- 
vait eu  que  trop  de  raisons  de  se  convaincre  de  leur  peu  de 
valeur.  Cependant  le  puissant  appui  de  l'ambassadeur;  la  fer- 
tilité des  environs  de  Mérida,  l'excellence  des  positions  qu'on 
l'engageait  à  prendre,  sa  gauche  à  Badajoz,  sa  droite  à  Mérida, 
son  front  couvert  par  un  grand  fleuve,  la  proximité  des  placses 
de  Lisbonne,  Abrantèset  Santarem,  où  il  avait  des  magasins 
considérables,  tout  cela  décida  sir  Arthur  à  renoncer  à  son 
projet  de  rentrer  en  Portugal  et  à  répartir  son  armée  dans  les  « 
places  de  Badajoz,  Mérida ,  Talavéra  la  Béai ,  Campomayor, 
Albuquerque,  Montijo  et  Elvas. 

Il  était  toutefois  bien  difficile  au  général  anglais  de  s'enten- 
dre avec  un  gouvernement  livré  à  l'intrigue  et  a  la  confusion 
tel  que  l'était  alors  celui  de  la  junte  centrale.  Dès  qu'il  s'agis- 
sait de  traiter  oificiellement  avec  elle  de  quelque  affeire  im- 
portante, ses  membres  r^renaient  tonte  leur  morgue.  Cependant 
ceux-ci  n'ignoraient  pas  que  la  voix  publique  attribuait  à  leur 
impéritie  les  résultats  fftcheux  de  Talavéra;  car,  bien  que  les 


GDBftlS    d'ESPÀ«NB.  385 

Français,  par  leurs  mauvaises  disposlUam,  eussent  été  forcés 
de  se  retirer  du  champ  de  bataille,  leurs  manoeuvres  postérieures, 
en  fbrçant  les  alliés  à  repasser  le  Tage,  nVn  avaient  pas  moins 
fait  éprouver  à  J'armée  espagnole ,  au  pont  de  l'Arzobispo ,  la 
perte  de  presque  tonte  son  artillerie  et  de  ses  bagages.  Le 
remplacement  de  Guesta  par  Eguia  fut  une  des  conséquen- 
ces de  cette  dernière  défaite,  mais  ne  suffit  pas  pour  calmer  le 
ressentiment  général.  Séyllle  était  le  foyer  principal  d'un  mé- 
contentement qui  s'augmentait  du  froissement  des  intérêts 
particuliers  et  des  plaintes  incessantes  des  Anglais.  Chacun  se 
faisait  une  arme  des  derniers  événements  pour  attaquer  le  pou- 
voir existant,  le  renverser  et  en  établir  un  nouveau. 

Parmi  les  mécontents  se  faisaient  remarquer,  d'un  côté ,  les 
partisans  deTancien  régime  et  de  l'inquisition;  de  Tautre,  le 
parti  des  hommes  éclairés,  qui  demandaient  une  réforme  com- 
plète des  andennes  institutions  et  la  liberté  de  la  presse.  Au 
nombre  des  premiers  figuraient  le  duc  de  l'Infentado,  don 
Francisco  Palafox,  frère  du  défenseur  de  Saragosse,  et  le  comte 
delMontljo,personnaged'uncaraetère  inquiet  et  turbulent.  Celui- 
ci  qui  avait  des  partisans  à  Grenade,  et  qui  fomentait  secrète- 
ment tous  les*  désordres,  était  parvenu  à  faire  éclater  le  1 6  avril 
une  révolte  contre  les  autorités  de  la  ville  ;  mais  la  Junte  pro*- 
vlndale,  agissant  avecénergie,  avait  fuit  saisir  les  principaux  ins- 
tigateurs. Le  comte  se  sauva  à  San  Lucar-de-Barrameda,  d*où 
plus  tard  il  gagna  Badajoz,  pour  y  renouer  de  nouvelles  intrigues  ; 
mais,  la  Junte  centrale  ayant  donné  Tordre  de  Tarpèter,  il  s'en- 
fuit en  Portugal.  Don  Francisco  Palafox,  homme  borné  et  sans 
consistance,  était  devenu  le  principal  instrument  des  ennemis 
de  toute  innovation.  Le2i  août,  il  vint  au  sein  de  l'assemblée 
proposer  la  concentration  du  pouvoir  entre  les  mains  d'un  seul 
régent,  comme  unique  moyen  de  remédier  aux  maux  de  la 
patrie.  Sa  motion  ayant  été  repoussée ,  il  revint  le  lendemain 
parler  contre  la  légitimité  d*origine  de  la  junte  centrale  et  des 
Juntes  provinciales,  demandant  l'abolition  de  celles-ci,  le  ré- 
tablissement de  l'ancien  ordre  de  choses,  et  la  nomination  d*une 
régence  royale.  Enfin  les  mécontents  de  Séville,  ne  gardant  plus 
aucun  ménagement,  résolurent  d'employer  la  force.  On  avait 
gagné   quelques  régiments ,  distribué  de  Fargent  et  promis 


Û|a«oe. 


S36  LIVJtB    SEPTIEME. 

même  de  ecMiToquer  les  Gortès.  Dès  les  premiers  Jours  de  sep- 
tembre toat  était  prêt  pour  mettre  à  exécation  le  projet  d'at- 
taquer et  de  dissoudre  la  Junte  eeutrale,  lorsque  le  duc  de  l'In- 
fantado,  voulant  mettre  sa  responsabilité  et  Vabri  de  tout  événe- 
ment, confia  à  Tambassadenr  anglais  tout  ce  quf  se  tramait.  Le 
marquis  de  Wellesley,  effrayé  des  conséquences  d*nne  subite 
dissolution  du  gouvernement  dans  des  circonstances  aussi  graves, 
avertit  loyalement  les  principaux  membres  de  la  Junte,  sans 
toutefois  nommer  personne.  Geux-d  prirent  sur-le-champ  des 
mesures  qui  firent  échouer  le  plan  des  conjurés  ;  mais  la  junte, 
jugeant  prudent  d'éviter  à  Tavenir  de  nouveaux  conflits  et 
sentant  Timpossibilité  de  se  maintenir  plus  IcHigtemps,  se 
résigna  et  arrêta  ia  création  d'une  commission  executive  com- 
posée de  six  membres  «t  du  président  de  la  junte  centrale.  Cette 
commission  devait  être  renouvelée  en  partie  tous  les  deux  mois 
par  la  voie  du  sort.  11  fut  arrêté  en  même  temps  que  les  Cortès 
seraient  convoquées  le  1^'  janvier  1810  et  entreraient  en  fonc- 
tions le  l^**  mars  suivant.  Le  marquis  de  la  Bomana,  nouvelle- 
ment arrivé  de  rarmée»  fat  chargé  par  la  junte  de  composer  la 
commission  executive;  celle-d  était  chargée  de  rexpédition  de 
de  toutes  les  affaires  de  gouvernement,  et  du  renvoi  à  la  junte 
de  toutes  celles  qui  nécessiteraient  une  délibération  préalable. 
Cette  décision  fut  annoncée  par  un  décret  du  28  octobre,  publié 
à  la  date  du  4  novembre.  La  commission  executive  s'installa 
te  1  «r  de  ce  mois.  La  junte  ne  traita  plus  que  d'affaires  générales, 
de  contributions  et  de  matières  légistatives,  jusqu'à  la  réunion 
des  Cortès,  qui  devait  amener  son  entière  dissolution. 

Dès  que  l'armée  anglaise  fut  cantonnée,  sir  Arthur  Wellesley 
s'occupa  de  réparer  les  pertes  qu'elle  avait  laites,  tant  sur  le 
champ  de  bataille  que  sur  la  ligne  de  retraite  qu'elle  avait  sui- 
vie depuis  Jareicejo ,  à  travers  un  pays  extrêmement  difficile 
et  dépourvu  de  ressources.  Les  1 7,000  hommes  qui  lui  restaient 
étaient  épuisés  par  la  fatigue  et  par  des  privations  de  toute  na- 
ture ;  la  cavalerie  surtout  avait  beaucoup  souffert  et  était  à  moitié 
démontée.  Avec  une  armée  à  refaire,  sir  Arthur  ne  pouvait  céder 
aux  sdllicitations  |de  la  junte  de  Séville,  qui  le  pressait  de  pren- 
dre le  commandement  en  chef  des  armées  réunies,  et  d'exécuter 
à  leur  tête  un  retour  offensif  sur  les  Français  que  dans  sa  folle 


GIIEBBI   D'ESPAGNE.  S87 

présomption,  elle  prétendait  refouler  aisément  Juscpi'aiix  Pyré- 
nées. Pour  le  flatter,  la  Junte  le  nommait  capitaine  général , 
assignait  un  traitement  considérable  à  cette  dttgnité^  mettait 
sous  ses  ordres  les  armées  de  Yénégas,  d*Egaia,  et  les  12|Oao 
hommes  que  commandait  le  duc  d'Albuquerque  ;  mais  de  tout 
cela  sir  Arthur  n'accepta  que  le  titre  de  capitaine  général*  Ou- 
tre raffaiblissement  moral  et  numérique  de  son  aram»  ee  gé- 
néral avait  d'autres  motifs  puissants  pour  redoubler  de  pmdenoe 
et  craindre  de  se  compromettre  dans  les  circcMistanees  nouvel- 
les où  la  paix ,  qui  se  traitait  alors  à  Vienne,  allait  plaeer  les 
puissances  belligérantes.  Aussi  laissa-t-il  la  junte  centmle  exé- 
cuter à  elle  seule  un  plan  de  campagne  dont  le  triste  résultat 
prouve  rimprudence. 

L'empereur  Napoléon  n'avait  pas  attendu  que  la  paix  avec 
rAutriche  fût  signée  pour  diriger  sur  Bayonne  une  partie  de 
ses  équipages  et  de  sa  maison  :  c'était  un. indice  de  sa  pro- 
chaine arrivée  et  de  Timportance  qu'il  mettait  à  conduire  en 
personne  les  opérations  de  la  guerre  d'Espagne.  Sa  première  in- 
tention avait  été  en  effet  de  se  rendre  sur-le-champ  dans  la 
Péninsule  pour  en  expulser  les  Anglais;  mais  ses  projets  de 
mariage  et  d'autres  circonstances  politiques  l'empêchèrent  de 
mettre  à  exécution  le  plan  de  campagne  que  depuis  longtemps 
il  méditait,  et  lui  firent  modifler  ses  premières  dispositions. 

A  l'époque  du  1^^  octobre,  il  résultait  des  rensdgnements 
parvenus  au  quartier  général  du  roi  Joseph  sur  les  mouvements 
des  armées  ennemies  qu^une  majeure  partie  de  l'armée  de  Cuesta 
se  dirigeait  sur  la  Manche.  Le  duc  de  Bellune  reçut  l'ordre  à 
Tolède  d'aller  s'établir  avec  le  l«'  corps  à  Gonsuegra  et  à  Ma- 
dridejos  et  d'en  chasser  l'ennemi.  Le  général  Sébastiani  occupa 
Tolède  et  la  rive  gauche  du  Tage  par  une  de  ses  divisions  et  la 
cavalerie  légère;  l'antre  division  et  les  dragons  du  général  Mil- 
haud  durent  continuer  à.occuper  le  pays  depuis  Aranjuez  jus- 
qu'à Temblèque.  Ces  mouii^ements  s'exécutèrent  le  10.  Peu  de 
temps  après,  le  5^  corps  alla  se  placer  à  Puébla  de  Montalban 
et  tira  ses  vivres  de  la  rive  gauche  du  Tage.  Le  2"  corps  rem- 
plaça le  S^  à  Talavéra.  Il  résultait  de  ces  nouvelles  dispositions 
que»  si  l'ennemi  débouchait  par  Almaraz,  trois  corps  d'armée, 
les  2^,  4^  et  S%  se  réunissaient  à  Talavéra  et  marchaient  à  lui 

1.  22 


338  LITBB  ssirrtftM& 

tandis  qne  le  1^'  corps  oonvrait  la  capitale,  et  que ,  dans  le  cas 
plus  probable,  d*après  les  derniers  mouvements  observés,  où 
les  Espagnols'se  concentreraient  dans  la  Manche  pour  repren- 
dre leur  première  position,  les  l^,  2^  et  4*  corps  se  réuniraient 
contre  eux,  tandis  que  le  5*  corps  resterait  en  observation  sur 
la  rive  droite  du  Tage. 

Ces  dispositions,  qui  devaient  conduire  à  des  mouvements 
offensif^,  furent  arrêtées  par  un  événement  inattendu  arrivé 
dans  le  nord.  Le  maréchal  Ney,  qui  avait  reçu  Tautorisation  de 
rentrer  en  France ,  par  suite  de  la  mésintelligence  qui  régnait 
entre  lui  et  le  maréchal  Soult ,  avait  remis  le  commandement 
du  6**  corps  au  général  Marchand.  Ce  corps  occupait  Salaman- 
que  et  les  environs ,  et  se  trouvait  en  'présence  de  Tarmée  de 
Galice,  dite  armée  de  gauche,  commandée  par  le  duc  del  Par- 
que, depuis  le  départ  du  marquis  de  la  Komana  pour  l'Estre- 
madure.  Cette  armée  se  composait  de  quatre  divisions  et  d'une 
avant-garde  aux  ordres  de  don  Martin  de  la  Carrera.  Les  deux 
premières  divisions  étaient  commandées  par  don  Francisco- 
Xavier  de  Losada  et  par  le  comte  de  Belveder  ;  la  3^,  aux  or- 
dres de  don  Francisco  Ballesteros,  et  forte  de  10,000  hommes, 
était  aux  environs  de  Léon  et  avait  reçu  récemment  Tordre 
de  rejoindre  Tarmée  '  ;  la  4®  division,  commandée  par  don  Juan- 

>  ▲  Pépoque  des  déroutes  d'Espioosa  et  de  celles  qui  suivirent  cette  af- 
faire, la  junte  des  Asturies  avait  pris  d'éner^ques  mesures  pour  recom- 
poser et  augmenter  les  forces  nécessaires  à  la  défense  de  la  principauté.  Le 
peu  de  troupes  qui  restaient  furent  réunies  sons  les  ordres  de  don  Francisco 
BallesterM,  qui,  de  capitaine  retraité  et  dHnspecteur  de  tabacs,  avait  été  élevé 
an  gride  de  maréchal  de  camp.  Des  renforts  étant  arrivés,  on  forma,  sous 
les  ordres  de  ce  généra),  une  division  qui  dès  les  premiers  jours  de  fé- 
vrier 1809  était  forte  de  5,000  liommes.  Ballesteros  s'avança  alors  au  delà 
de  la  Efeva,  et  pénétra  dans  la  province  de  Santander,  gardée  par  le  général 
Bonnet,  qui  lui  livra  de  fréquents  combats.  Attaqué  dans  Santander,  où  il 
était  entré  le  10  juin  par  surprise,  Ballesteros  s^était  saové  dans  une  cha- 
loQpe,  abandonnant  ainsi  ses  troopes,  qui  s'enAiirentdans  le  plus  grand  dé- 
rordre.  Malgré  une  telle  conduite ,  le  marquis  de  la  Bomana ,  qui  avait  reçu 
pleins  pouvoirs  de  la  junte  centrale,  remit  à  Ballesteros  le  commandement 
d'une  division  asturienne  de  10,000  hommes,  avec  laquelle  ce  général  prit 
position  aux  environs  de  Léon.  Celte  division  devint  la  3*  de  Parmée  de  la 
gsuche,  eonmiandée  par  le  duc  del  Parque,  qui  avait  succédé  au  marquis  de 
Ja  Romann, 


GUEAIE  d'eSFAGNB.  330 

José  Garcia ,  gardait  les  cols  de  Manzanal  et  de  Fueacebadon      im^) 
dans  le  Vierzo.  L'avant-garde  et  les  deux  premières  divisions,    »i«3««. 
composées  de  10,000  hommes  d'infanterie  1,800  chevaux  oc* 
cupaient  San-FeliceS|  à  quatre  lieues  sur  la  gauche  de  Ciudad* 
Rodrigo. 

Combat  de  Tamamès.  —  En  quittant  Tarmée  vers  la  fln  is  octobR^ 
de  septembre  pour  se  rendre  à  Madrid,  le  maréchal  Ncy 
avait  organisé  une  forte  avant-garde  pour  aller  reconnaître 
rennemi.  Le  premier  soin  du  général  Marchand  fut  d'exécuter 
les  dispositions  du  maréchal  :  le  général  Maucune  8*avança 
dans  la  direction  de  Ciudad-Rodrigo  avec  trois  régiments  d'in- 
fanterie et  1,200  chevaux.  En  approchant  de  San-FelicQS,  il 
vit  un  corps  de  10,000  hommes  qui  se  retirait  sur  Giudad-Bo- 
drigo,  et  rentra  à  Salamanque  sans  rapporter  d'autres  rensei* 
gnements;  mais  on  apprit  bientôt  qu'une  colonne  de  12  à  1  ,&oo 
chevaux,  venant  d'Andalousie,  rejoignait  l'armée  espagnole; 
que  le  duc  del  Parque ,  se  rapprociiant  de  la  route  d'Estrema- 
dure,  poussait  des  partis  jusqu'à  quatre  lieues  de  Salamanque, 
et  qu'il  concentrait  ses  forces  à  Tamamès.  Le  14  octobre ,  une 
forte  reconnaissance,  sortie  de  Salamanque  à  la  pointe  du  jour, 
rencontra  l'ennemi  en  deçà  de  Matilla,  fit  quelques  prisonniers, 
et  rendit  compte  le  lendemain  15  que  toute  l'armée  espagnole^ 
forte,  disait-on,  de  25  à  30,000  hommes,  était  en  position  entre 
Matilla  et  Tamamès. 

Ce  dernier  bourg,  à  neuf  lieues  sud-ouest  de  Salamanque  et 
sur  la  route  de  cette  ville  à  Ciudad-Rodrigo ,  est  situé  sur  le 
versant  septentrional  d'un  rameau  de  la  Sierra  de  Francia.  En 
s'y  concentrant,  l'ennemi  occupait  sur  ces  hauteurs  une  crête 
très-escarpée  à  une  petite  portée  de  canon  de  Tamamès.  Le  centre 
et  la  droite,  d'un  difficile  accès^  étaient  occupés  par  la  1'^'^  di- 
vision. L'avant-garde  occupait  la  gauche  sur  un  plateau,  un  peu 
en  arrière  du  centre,  où  fut  réunie  toute  la  cavalerie,  ce  point 
étant  le  plus  accessible  de  toute  la  position.  La  2^  division 
resta  en  réserve,  et  Tamamès  fut  occupé  par  1,500  hommes. 
En  réduisant  même  à  20,000  hommes  l'armée  du  duc  del 
Parque,  elle  réunissait  encore  à  l'avantage  de  sa  position  celui 
du  nombre,  qui  peut  suppléer  à  la  valeur.  En  effet,  le  général 
Marchand  pouvait  tout  au  plus  disposer  de  10,000  hommes 

22 


Z40  LTVHB  SEPTIÈME. 

f ao9.     dlnfimterie  et  de  mo  chevaux,  avec  dix-huit  pièces  d'artillerie; 
^^'^P^^^  mais»  sans  attendre  les  secours  qu'il  avait  demandés  au  géné- 
ral Kdiermann,  Marchand  partit  de  Salamanque  le  1 7  octobre, 
et  se  présenta  le  lendemain  devant  la  position  de  Tennemly  qu'il 
attaqua  en  arrivant,  selon  l'usage  de  l'époque. 

Le  général  Maucune,  à  la  tête  du  6*  léger,  du  69^  de'  ligne 
et  d'un  bataillon  de  voltigeurs  avec  cinq  pièces  de  canon»  ai>orda 
la  gauche,  côté  le  plus  faible  de  la  position.  Cette  colonne  d*at- 
taque  était  appuya  par  le  général  Lorcet,  avec  le  3*  régiment 
de  hussards  et  le  16"°  régiment  de  chasseurs,  ajant  en  réserve 
le  15®  régiment  de  dragons.  Le  général  Marcognet,  avec  les  39" 
et  76®  de  ligne,  formant  deux  autres  colonnes,  marcha  contre 
le  centre.  L'attaque  de  la  droite  était  dirigée  par  le  générai 
Labassée,  à  la  tète  du  35®  régiment  d'infanterie  légère.  Les  37® 
et  59®  de  ligne  et  le  36®  ré^ment  de  dragons  formaient  la  ré- 
serve. 

L'avant*garde  du  général  Carrera  ne  put  résister  au  choc  de 
la  colonne  du  général  Maucune,  non  plus  que  la  cavalerie  qui 
couvrait  l'artillerie  ennemie.  Cette  cavalerie,  chargée  par  le 
3®  de  hussards  et  le  tb^  de  chasseurs,  fût  mise  en  désordre  et 
abandonna  sept  pièces  de  canon.  Le  généralMaucune  avançait 
toujours  et  n'était  plus  qu'à  trente  pas  de  la  ligne  ennemie; 
mais  le  duc  del  Parque,  accouru  sur  ce  point,  parvint  à  rallier 
ses  troupes  d'abord  ébranlées.  Celles-ci,  renforcées  par  la  ré- 
serve du  comte  de  Belveder  et  un  corps  de  cavalerie  conduit 
par  le  prince  d'Anglona,  revinrent  à  la  charge  et  reprirent  les 
canons  enlevés  par  la  cavalerie  légère.  C'est  alors  que  commença 
le  mouvement  rétrograde  de  cette  colonne  trop  faible  pour  ré- 
sister à  une  masse  de  15,000  hommes  qui  lui  fut  opposée.  Les 
colonnes  chargées  de  l'attaque  du  centre  et  de  la  droite  n'eu- 
rent pas  plus  de  succès  que  celle  du  général  Maucune.  Gravis- 
sant avec  peine  la  hauteur  hérissée  de.rochers  derrière  lesquels 
était  embusquée  rinfanterîe  ennemie ,  qui  tirait  à  coup  si^r, 
elles  perdaient  beaucoup  de  monde  sans  pouvoir  atteindre  leurs 
adversaires.  Enfin  le  général  Marchand ,  ne  voulant  pas  com- 
promettre en  pure  perte  la  vie  de  ses  soldats ,  qui  Jusqu'alors 
avaient  fait  preuve  d'un  sang-froid  admirable  au  milieu  des 
obstacles  insurmontables  qu'ils  avaient  rencontrés  à  cSiacune 


GUKRBB  ^  BSP4GNB .  34 1 

des  attaques,  fit  rétregrader  ses  colonnes  Juscfa'au  point  d'où 
elles  étaient  parties,  et  ce  ne  fut  que  deux  heures  après  être 
resté  en  présence  de  l'ennemi  que  le  corps  d'armée  effectua 
sa  retraite  sur  Salaroanque.  Elle  commença  à  trois  heures  après, 
midi  y  et  fut  soutenue  par  les  27^  et  ô9f  de  ligne  qui  formaient 
la  réserve^.  Les  troupes  françaises  furent  suivies  par  lesticail- 
leurs  eunemis  pendant  deux  lieues>à  travers  dea  i)ois  et  desdé-^ 
filés;  elles  avaient  perdu  1,300  hommes  tués  ou.  blessés.  L'en- 
nemi avoua  713  hommes  tués.  Le  général  Marchand  avait  eu 
le  temps  d'emmener  tous  ses  blessés  ;  il  avait  perdu  une  pièce 
de  canon  et  en  avait  conservé  une  des  sept  qui  avaient  été  en- 
levées d'abord  et  l'ennemi.  Le  6^  corps  arriva  le  19  au  soir  à 
Salamanqne,.  où  il  s'arrêta  pendant  cinq  Jours  pour  attendre 
les  renforts  demandés  au  général  Kellermann,  qui  n'arrivèrent 
pas,  tandis  que  Ballesteros  opérait  dès  le  lendemain  du  combat 
deTàmamès  sa  jonction  avec  l'armée  espagnole.  Le  duc  del 
Parque  détacha  un  corps  de  1 5,000  hommes  sur  Ledesma  ;  lui- 
même  arriva  à  Matilla  avec  le  reste  de  l'armée.  Le  24  M  vint 
prendre  position  à  deux  lieues  et  demie  de  Salamanque,  tandis 
que  des  détadiements  de  la  première  colonne  se  montraient 
dans  les  environs  de  Valverde  et  de  Zamora.  Le  général  Mar- 
chand, inquiet  de  sa  posltioa  en  présence  de  forces  supérieures 
qui  menaçaient  de  l'attaquer  sur  deux  points. à  la  fois,  se  dé- 
MsL  à  évacuer  Salamanque  dans  la  nuit  du  24  au  25.et  à  aller 
prendre  position  à  Toro,  ce  qui  le  rappro(^ait  du  puerai  Kel- 
lermann.  Celui-ci,  ayant  réuni  une  brigade  de  dragons  et 
3,000  hommes  de  la  division  d'infanterie  du  général  Ferrey, 
mapcbait  sur  Salamanque  alors  que  l'empressement  du  général 
Marchand  à  éva<;uer  cette  ville  rendait  tout  secours  inutile. 

L'échec  de  Tamamès  fut  dû  d'une  part  au  peu  de  cas  que  les 
généraux  français  faisaient  des  troupes  espagnoles,  quel  qu'en 
fût  le  nombre,  et  d*antce  part  è^  la  résolution  prise  par  le  gé- 
néral Marchand  d'attaquer  l'ennemi  dans  une  position  avanta- 
geuse, sur  un  terrain  montueux ,  coupé  de  ravins,  couvert  de 
hoiaet  de  rochers,  et  d'une  défense  facile  même  avec  des  trou- 
pes peu  aguerries  et  de  médiocre  qualité  comme  l'étaient  celles 
du  duc  del  Parque.  La  nouvellede  ceflicheux  événement  alarma 
le  Gpi  Joseph»  qui  iit  partir  su^-le-champ  de  Madrid,  la  bdgade 


342  LIVBB  SSYTlÈm. 

du  général  Godinot,  de  la  division  da  général  Dessolles ,  forte 
de  3,d00  hommes ,  pour  te  Joindre  au  6^  corps.  Cependant  la 
joie  causée  par  le  léger  succès  de  Tamamès  ne  fût  pas  de  lon- 
gue durée,  oomme  on  va  le  voir.  Un  mots  ne  s'Âait  pas  écoulé 
depuis  rentrée  triomphante  du  duc  del  Parque  h  Salamanque, 
après  sa  jonction  avec  la  division  asturlenne  que  lui  avait  ame* 
née  .Ballesteros ,  qu'un  grand  désastre,  arrivé  dans  le  midi 
de  TËspagne,  vint  encore  une  fois  renverser  pour  longtemps  les 
plans  conçus  par  le  gouvernement  central  de  Séville  pour  af- 
franchir la  patrie  du  joug  de  Tétranger. 

Tandis  que  les  environs  de  Salamanque  étaient  le  théâtre  des 
événements  que  nous  venons  de  rapporter,  les  corps  de  l*armée 
française  échelonnée  sur  les  rives  du  Tage  se  préparaient  à  pé* 
nétrer  plus  avant  dans  la  Manche.  Le  duc  de  Beilune,  ayant  ob- 
tenu l'autorisation  de  pousser  jusqu*à  la  Guadiana,  gagna  le  plus 
de  terrain  qu'il  putvers  la  Sierra- Moréna  et  se  trouva  bientôt  de- 
vant l'armée  commandée  par  don  Francisco  Eguia,  qui  avait  rem- 
placé le  général  Guesta  après  l'affaire  de  l'Arzobispo.  Les  rap- 
ports du  maréchal  Victor  faisaient  monter  cette  armée  à  50,000 
hommes  d'infanterie,  10,000  chevaux  et  quatre-vingts  bouches 
à  feu  ;  et  ce  maréchal  demandait  des  renforts,  qui  lui  furent  ac- 
cordés à  condition  quUI  livrerait  bataille  si  l'ennemi  l'attendait. 
Le  roi  lui  envoya  la  division  polonaise  du  4^  corps  et  la  divi- 
sion de  dragons  du  général  Milhaud  ;  il  avait  déjà  la  division 
allemande  du  général  Levai.  Le  14  octobre  le  maréchal  réunit 
les  deux  divisions  du  4*  corps  à  Villahaila,  et  les  dirigea  sur 
ManzanarèSy  où  il  savait  que  l'ennemi  avait  un  fort  parti  de  ca- 
valerie; mais  le  lendemain  au  point  du  jour  ces  escadrons  dis- 
parurent. La  cavalerie  légère  d'avant-garde,  continuant  son 
mouvement,  entra  le  16  dans  Valdepenas,  après  en  avoir  chassé 
7  à  800  chevaux.  Le  17  elle  envoyait  des  éclairears  à  Santa- 
Gruz  de  Mudela  et  à  Villanueva  de  los  Infantes.  L'infonterle  du 
l"*  corps  se  conctotrait  pendant  ce  temps  sur  la  droite,  à  Dai- 
roiel  ;  la  cavalerie  était  établie ,  une  partie  en  réserve  derrière 
celle  du  4^  corps  :  c'était  la  division  du  général  Latour-Maubourg, 
l'autre  partie  à  Almagro,  El  Moral  et  Granatula^  voyant  les  dé- 
bouchés de  Ciodad-Réal,  Coral  de  Caraques^  Aldéa  del  Bey  et 
la  route  d*EI  Viso  del  Marques.  L'infanterie  n'attendait  que 


GUEABK  D*SSPAGM£.  348 

Tarrivée  des  dragons  du  général  Milhaud  pour  rejoindre  le  4*^ 
corps;  mais  la  disparitioa  subite  de  toute  l'armée  espagnole 
rendit  ce  dernier  mouvement  inutile. 

Ainsi  Eguia,  après  s*étre  avancé  quelque  peu  dans  la  Manche 
à  la  tête  déplus  50,000  hommes,  avait  regagné  en  tonte  hâte  la 
Sierra-Moréna,  du  moment  où  il  s*  était  vu  à  portée  d'une  armée 
française  qui  comptait  à  peine  26,000  hommes.  Une  semblable 
retraite  déplut  extrêmement  à  Séville ,  où  Ton  ne  rêvait  rien 
moins  que  la  reprise  de  Madrid  ;  elle  contrastait  trop  avec  l'ar- 
rogance des  promesses  faites  par  Eguia  au  début  de  cette  ex- 
pédition. Le  gouvernement  central,  désabusé,  6ta  le  commande- 
ment de  l'armée  à  ce  général  trop  timide  pour  le  donner  à  don 
Juan-Carlos  de  Areizaga,  jeune  officier  qui  s'était  distinguée» 
combat  d'Aicaniz  contre  les  troupes  du  général  Suchet.  Le  duc 
de  Bellune  se  trouvait  au  pied  de  la  Sierra-Moréna,  incertala 
de  la  tournure  que  prendraient  les  hostilités,  lorsque  le  maré- 
chal Jourdan  lui  annonça  l'échec  de  Tamamès,  qui  avait  pro- 
duit une  assez  forte  impression  au  quartier  royal  pour  que  le 
rappel  des  deux  divisions  du  4Vcorps  fût  immédiatement  dé- 
cidé. En  conséquence  il  fut  prescrit  au  duc  de  Bellune  d'envoyer 
sur-le-champ  la  division  allemande  à  Tolède,  la  division  polo- 
naise à  Aranjuez  et  les  dragons  du  général  Milhaud  à  Ocana. 
Mora  et  même  Tolède  étaient  indiqués  au  l^**  corps  comme  les 
points  sur  lesquels  il  devait  se  retirer  dans  le  cas  où  l'ennemi 
reprendrait  l'offensive. 

Le  2  octobre  le  ministre  de  la  guerre  Clarke  avait  Informé  le 
roi  d'Espagne  que  l'empereur,  par  une  lettre  datée  de  Schôn- 
brunn ,  du  26  septembre ,  autorisait  le  maré(^l  Jourdan  à 
rentrer  en  France ,  et  qu'il  nommait  major-général  le  duc  de 
Dalmatie.  Celui-ci  entra  en  fonctions  le  5  novembre,  après  le 
départ  du  maréchal  Jourdan.  Le  2®  corps,  que  le  maréchal  Souit 
avaitcommandé  jusqu'alors,  fut  mis  sous  les  ordres  du  général 
Heudelet,  qui  remplaça,  pour  motif  de  santé,  le  général  Dda- 
borde^  que  l'empereur  avait  désigné  pour  commander  provisol- 
ronent  ce  corps  d'armée. 

A  cette  époque,  6  novembre,  les  différents  corps  de  l'armée 
française  étaient  répartis  de  la  manière  suivante  :  le  1**"  corps^ 
à  Yebenès  et  Mora;  la  cavalerie  à  Consuégra  et^  Madrldejes; 


944  LIVBB  8BPTIÈHB. 

le  3'  corps  àOropézaet  au  pont  derArzobispo,ayant  une  avant- 
garde  à  la  Galzada  poar  édairer  Navalmoral  et  les  bords  du 
Tiétar;  le  5**  corps  à  Talavéra  de  la  Reinaet  aux  environs  de 
cette  ville  ;  le  4*  corpsavait  une  division  à  Tolède,  une  à  Ocana  ; 
l'autre  division  avait  une  brigade  à  Madrid  et  une  brigade  sur 
la  Tajuna^  gardant  les  défilés  qui  mènent  par  la  gauche  à  Ma- 
drid; la  division  de  dragons  du  général  Milhaud  était  k  Tem- 
bièque  ;  une  brigade  de  la  division  Dessolles  formant  la  réserve 
avait  été  envoyée  au  soutien  du  G^  corps,  comme  on  Ta  déjà 
dit  :  c*était  la  brigade  Godinot  ;  -le  6*  corps  et  les  troupes  du  gé- 
néral Kellermann  se  réunissaient  le  6  à  Salamanque,  que  Ten- 
nemi  venait  d*évacuer;  la  brigade  Godinot  resta  attachée  au 
6*  corps  Jusqu'au  1  &,  époque  où  elle  fut  rappelée  à  Madrid. 

Les  forces  de  rennemi  comprenaient  :  Tarmée  de  la  Manche, 
aux  ordres  du  général  Âreizaga  ;  elle  se  composait  de  s^t  di- 
visions d*inftinterie  et  trois  de  cavalerie  :  le  générai  don  Ma- 
nuel Freire  commandait  ces  tlemières  ;  le  corps  d' Albuquei^ 
que,  établi  sur  la  rive  gauche  du  Tage,  entre  Almarax  et  le  pont 
de  TAnsoblspo  ;  Tarmée  anglaise»  sur  la  Guadiana  ;  Tarmée  du 
duc  del  Parque^  aux  environs  de  Salamanque,  et  bientôt  après 
dans  la  Sierra  de  Gâta.  Outre  ces  armées,  le  général  Caro  en- 
treprenait du  côté  de  Cuenoa  Torganisation  d*un  corps  assea 
«ombreux  quUl  prenait  dans  les  levées  de  Murcie  et  de  Valence. 
Toutes  ces  forces  pouvaient  présenter  un  effectif  de  I50,ooa 
hommes. 

L*armée  de  la  Manche,  la  plus  importante  par  sa  force  et  sa 
Gompositioii,  fut  la  première  à  donner  le  signal  de  Fattaque. 
Le  mouvement  d*Areizaga  commença  le  3  novembre.  Son  ar- 
mée était  divisée  en  deux  grands  corps;  Tun  s'avança  par 
Maozanarès  et  l'autre  par  Valdepenas.  Don  José  Zayas  com- 
mandait l'avant-garde^  appuyée  par  la  l*^^  division  aux  ordres 
de  don  LuisLacy.  6»000  chevaux,  suivis  d'un  gros  corps  d'in- 
faaterie  se  présentèrent  le  6  devant  Madridejos  par  la  route  de 
Berencia»  et  forcèrent  le  général  Latour-Mauboui^  à  se  replier 
sur  Mora.  Un  autre  corps  de  cavalerie  débouchait  en  même 
temps  par  Puerto-Lapioe  et  attaquait  la  cavalerie  légère  du 
général  Paris  à  Gonsuégra;  cdui-ci  se  relira  sur  Yebenès.  Le 
général  Beaumont  étant  alors  à  Manzanèque ,  toute  la  cavalerie 


GUEKB8   D*£SPAGNE.  345 

se  trouva,  dans  la  soirée  de  ce  jour,  en  ligne  avec  le  l"^*^  corps.  _  1009. 
A  la  nouvelle  de  cette  attaque,  le  roi  rappela  les  divisions  alle- 
mande et  polonaise,  ainsi  que  les  dragons  du  général  Milhaud , 
et  les  envoya  soutenir  le  duc  de  Bel  lune  ;  il  ordonna  en  même 
temps  au  duc  de  Trévise  de  tenir  une  de  ses  divisions  prête  à 
s'avancer  de  Taiavéra  sur  Tolède. 

Cependant  Fenneml  paraissait  prononcer  de  plus  en  plus  son 
mouvement  sur  Aranjuez,  où  la  gauche  deTarmée  française  était 
appuyée.  Le  8,  un  corps  de  4,000  chevaux  vint  attaquer  le  5* 
régiment  de  dragons  à  la  Guardia  et  le  força  à  se  replier  sur 
Ocana  et  de  là  sur  Aranjuez.  Ce  régiment  soutint  plusieurs  char- 
ges, tua  du  monde  et  fit  9  prisonniers,  dont  un  capitaine;  mais 
il  eut  25  hommes  tués  ou  blessés  et  perdit  autant  de  chevaux. 
Le  9,  le  général  Milhaud,  appuyé  par  Tinfanterie  polonaise,  s'a- 
vança sur  Ocana,  où  il  prit  position,  et  envoya  des  reconnais- 
sances qui  annoncèrent  qu'Ariezaga  avait  réuni  de  fortes  masses 
à  Dos  Barrios  et  à  Temhlèque. 

Le  duc  de  Bellune  ne  fut  point  inquiété  dans  les  journées 
des  7,  8  et  9;  il  laissa  son  infanterie  en  position  à  Ajofrin  et 
sa  cavalerie  à  Yebenès  et  à  Mora.  Le  1 1 ,  une  de  ses  reconnais- 
sance, partie  dans  la  direction  de  Muscaraque  et  d'Almonacid, 
aperçut  un  gros  corps  d'infanterie  et  de  cavalerie  aux  environs 
de  cette  dernière  ville,  et  apprit  par  les  prisonniers  que  ce  corps 
était  destiné  à  tourner  la  gauche  de  Tarmée  française  en  passant 
le  Tage  au-dessus  d'Aranjuez.  Tous  les  rapports  venant  ctm- 
tlrmer  ce  mouvement  général  de  Tennemi,  ie  roi  ordonna  un 
mouvement  semblable  sur  la  rive  droite  :  le  duc  de  Bellune 
marcha  sur  Aranjuez  ;  une  division  du  5°  corps  vint  le  relever 
à  Tolède  ;  cette  division  fut  couverte  par  la  cavalerie  légère  du 
général  Paris. 

L'ennemi  continuant  à  pousser  ses  colonnes  sur  sa  droite ,  le 
général  Sébastiani  allait  avoir  le  premier  choc  à  soutenir.  Le 
10  il  envoya  six  escadrons  de  dragons  à  la  Guardia.  Les  Espa- 
gnols s*y  trouvaient  avec  une  division  d*infanterie  et  un  corps 
de  3  à  4,000  chevaux.  Les  dragons,  s*étaut  trop  avancés,  fu- 
rent menacés  d'une  attaque  par  cette  nombreuse  cavalerie,  et 
se  retirèrent  jusqu'à  Dos  Barrios^  s'appuyant  sur  le  reste  de 
leur  division  et  sur  un  bataillon  polonais  qui  servait  de  réserve. 


Eapagoe. 


34G  UVftB  StPTI*MB« 

iitg.  Les  Espagnols  charp;èreiit  avec  vigueur  et  perdirent  du  monde 
élevant  le  front  des  Polonais,  qui  s'étaient  formés  en  carré.  Les 
16'  et  30*^  régiments  de  dragons  firent  plusieurs  cliarges  bril- 
lantes et  ramenèrent  deux  pièces  de  canon  et  200  prisonniers. 
Toutefois  les  forces  étaient  trop  disproportionnées  pour  que  les 
Français  continuassent  le  combat  sans  péril  ;  Milhaud  aban- 
donna le  terrain  et  se  retira  sur  Ocana>  emmenant  tous  ses 
blessés. 

Fiers  de  cet  avantage ,  les  Espagnols  reprirent  l'offensive  le 
1  \  et  semblèrent  se  préparer  à  attaquer  le  4'  corps  sur  les  hau- 
teurs qu'il  occupait  en  avant  d*ÂranJuez.  Sébastiani  les  atten- 
dait sur  ce  point  avec  toutes  ses  forces,  moins  t, 500  hom- 
mes placés  en  réserve  au  pont  de  Bayonna,  et  la  brigade  du 
général  Liger-Belair,  chargé  d*éclairer  les  débouchés  de  la  Ta- 
juna.  La  journée  du  12  fut  employée  à  manœuvrer  de  part  et 
d*autre.  Les  Espagnols  concentraient  leurs  forces  devant  le  4^ 
corps;  le  duc  de  Bellune  était. en  marche  pour  se  lier  avec  Sé- 
bastiani; le  ô*  corps  entrait  à  Tolède  ;  le  2'  partait  de  Puente 
del  Arzobispo  pour  Talavéra,  d*où  il  devait  continuer  son  mou- 
vement suivant  Tordre  qu'il  recevrait.  Le  1 3  on  continua  le 
mouvement  général,  qui  fut  terminé  le  lendemain.  Le  roi  s'at- 
tendait à  une  grande  bataille  pour  le  15,  lorsque  la  disparition 
subite  de  toute  l'armée  ennemie  vint  dévoiler  de  nouveaux  pr<H 
Jets.  Les  Espagnols  ne  paraissaient  donc  avoir  manœuvré  jus- 
qu'alors sur  Aranjuez  que  pour  masquer  Leur  attaque  véritable 
sur  la  Zarza,  en  remontant  le  Tage. 

f^  première  démonstration  un  peu  importante  d*Areizaga 
avait  eu  lieu  le  6,  et  la  seconde  le  10.  Jusque-là  sa  marche 
avait  été  rapide.  Il  ne  s'était  pas  arrêté  depuis  son  départ  de  la 
Sierra-Moréna  ;  mais,  quand  il  fut  arrivé  sur  les  bords  du  Tage, 
il  sembla  frappé  d'immobilité.  Il  passa  trois  jours  à  Dos  Bar- 
rios,  du  10  au  13  ;  puis,  s'étant  remis  de  sa  première  frayeur, 
il  commença  le  14  une  marche  de  flanc  sur  sa  droite  par  Santa- 
Cruz  et  la  Zarza,  espérant  passer  le  Tage  à  Yillamanrique,  tour- 
ner la  gauche  des  Français  et  arriver  sur  la  capitale  par  le 
côté  de  Test;  mais  ceux-ci  avaient  profité  de  son  inaction  à 
Dos  Barrios  pour  se  renforcer  sur  tous  les  points  menacés. 

Le  16,  dans  la  soirée,  on  apprit  que  la  division  Lacy  avait 


GUCBBE    D^ESPAGNE.  S47 

passé  le  Tage  à  Yinamanrique  et  à  Golmenar  de  Oréja,  où  des  ^  fw. 
ponts  avaient  été  Jet^.  Le  duc  de  Belluneeut  ordre  d*aller  sor- 
le-cbamp  à  la  rencontre  de  Tannée  ennemie,  avec  le  t^'  et  le  4* 
corps,  moins  une  brigade  qui  devait  couvrir  Ara^jues ,  et  de 
manœuvrer  sur  la  rive  droite  de  manière  à  arrêter  ce  passage 
et  de  forcer  Areizaga  À  recevoir  la  bataille.  D*après  ces  dispo- 
sitions, le  t^'*'  corps  s'établit  à  Morata,  ayant  sa  cavalerie  à  Pé- 
ralès^  et  le  4®  corps  à  Bayonna,  ayant  sa  cavalerie  à  Chinchon. 

Le  maréchal  MorIJer  laissa  une  brigade  d^infisnterie  et  une 
brigade  de  cavalerie  au  général  Gazan,  pour  couvrir  le  débou- 
ché de  Tolède,  et  se  rendit  à  Aranjuez  avec  le  reste  du  S^  corps. 
Cependant  le  duc  de  Trévise  n*arriva  sur  ce  point  que  par  une 
contre-marche  ;  car,  lorsqu'on  sut  qu'AreIzaga  avait  déjà  lait 
porter  une  forte  colonne  au  delà  du  Tage  à  Villamanrique ,  le 
5®  corps  fut  dirigé  en  toute  hâte  sur  Madrid,  qu'il  fallait  couvrir, 
et  dont  ce  corps  n*éta!t  qu'à  deux  marches.  Le  duc  de  Trévise 
partit  dans  la  nuit  du  16  au  17,  atteignit  Valdemoro,  où  il  ve- 
nait de  prendre  position ,  prêt  à  se  porter  sur  Madrid  ou  à  la 
rencontre  de  Tennemi ,  lorsqu'il  fut  rappelé  sur  Aranjuez.  La 
présence  du  i  ^^  corps  à  Morata  et  à  Viliarejo  de  Salvarès,  sur  la 
route  directe  de  Villamanrique  à  Madrid  par  Arganda,  avait  forcé 
Areizaga  à  renoncer  à  son  dessein  ;  il  rappela  les  troupes  qui 
avaient  déjà  passé  le  Tage,  détruisit  ses  ponts ,  et  s'avança  sur 
le  4^  corps,  dont  une  partie  était  restée  à  Aranjuez.  Ce  second 
mouvement  nécessita  le  rétablissement  des  ponts  d'Aranjuez^ 
que  les  Français  avaient  coupés ,  parce  qu'on  avait  désiré  que 
Tennemi  s'engageât  en  deçà  du  fleuve  »  et  qu'on  avait  espéré, 
par  cette  mesure  d'une  timidité  apparente,  lui  faire  croire  que 
l'armée  impériale  se  tenidt  sur  la  défensive.  L'activité  du  gé- 
nérai Sénarmont  eut  bientôt  fourni  les  matériaux  nécessaires  ; 
en  deux  heures  le  passage  fut  rétabli,  et  le  1 8,  à  trois  heures  do 
soir,  les  4®  et  ô**  corps,  la  réserve,  la  garde  royale,  le  roi  à  leur 
tète»  commencèrent  à  déboucher  sur  la  rive  gauche.  Le  pont 
de  la  Reina  avait  été  rétabli  par  les  soins  du  général  Sébastian!. 

Après  le  départ  de  la  garde  royale  et  de  la  réserve  du  géné- 
ral Dessolies  ,*  composée  des  43°  et  55«  régiments  de  ligne  et 
de  deux  bataillons  de  troupes  espagnoles  de  nouvelle  forma- 
tion, la  défense  de  Madrid  resta  confiée  comme  toujours  au  gé^ 


348  LIVBB  8EPTIBHB. 

1109.     néral  Belliard ,  qui  avait  soos  ses  ordres  la  brigade  du  général 

K^pagne.  Qodinot,  qui  revenait  de  Salamanque ,  la  brigade  du  générai 

Rey,  composée  des  38<^et  32^  régiments;  le  7  5«  était  établi  dans 

les  environs  de  la  capitale,  à  Alcala,  Guadalajara  et  Baytrago. 

Tandis  que,  le  18,  Tinfenterie  attendait  le  rétablissement  des 
ponts,  le  général  Sébastian!  profita  d*un  gué,  qui  se  trouvait 
à  proximité,  pour  passer  avec  trois  régiments  de  la  division  du 
général  Milhaud.  Les  dragons  joignirent  bientôt,  au  delà  d'A- 
ranjuez,  une  reconnaissance  de  cavalerie  espagnole  quMIs  pous- 
sèrent vivement  au  delà  d*Ocana,  jusqu'à  ce  qu'ils  l'eurent  re- 
jetée sur  une  forte  division  de  même  arme  dont  cette  reconnais- 
sance faisait  partie.  Le  duc  de  Trévise,  qui  débouchait  en  ce 
moment,  ayant  été  informé  de  la  bonne  contenance  des  dragons 
devant  la  ligne  espagnole ,  envoya  à  leur  aide  la  brigade  du 
général  Paris,  composée  du  10®  régiment  de  chasseurs  et  des 
lanciers  polonais.  La  division  ennemie,  forte  de  plus  de  4,000 
chevaux ,  occupait  un  plateau  entre  Ocana  et  Ontigola  ;  pour 
l'atteindre  il  fallait  passer  un  ravin  difficile.  Le  général  Paris 
profita  d*un  chemin  qu*ll  découvrit  à  gauche  pour  tomber  brus- 
quement sur  la  droite  de  cette  division,  tandis  que  les  dragons 
la  menaçaient  de  front.  Le  moment  était  critique;  les  Espa- 
gnols montraient  beaucoup  d'assurance ,  et  les  forces  étalent 
disproportionnées.  Toutefois  les  lanciers  polonais,  ayant  entamé 
la  charge  avec  la  plus  grande  intrépidité,  eurent  bientôt  cul- 
buté et  détruit  un  régiment  espagnol.  Effrayé  de  cet  assaut  sur 
sa  droite,  l'ennemi  ploya  une  partie  de  sa  ligne  en  colonne 
pour  la  soutenir,  tandis  que  quatre  régiments  s'avançaient  au  trot 
sur  les  dragons  français.  Le  général  Sébastiani  profita  de  ce  mo- 
mentpour  ordonner  une  charge  générale  ;  les  quatre  régiments 
espagnols  furent  culbutés  et  renversés  sur  la  colonne  qui  venait 
de  se  former,  et  toute  cette  cavalerie  s'enfuit  en  désordre.  Elle 
fut  poursuivie  pendant  trois  quarts  de  lieue  et  perdit  400  hom« 
mes  tués,  lOO  prisonniers  et  600  chevaux.  Les  Français  n*eu- 
rent  que  15  à  30  hommes  tués  ou  blessés,  au  nombre  desquels 
se  trouva  malheureusement  le  général  Paris,  qui  périt  d'un  coup 
de  sabre  en  pénétrant  au  milieu  des  rangs  ennends. 

Cette  rencontre  de  près  de  5,000  hommes  de  cavalerie  es- 
pagnole sur  le  plateau  d'Ocana,  où  quatre  jours  auparavant 


GDBRBB   D*ESPAGIfS.  349 

l'ennerai  D*avait  laissé  personne,  donna  lieu  de  penser  qn'Arei-  imo. 
zaga  s'était  aperçu  de  la  faute  qu'il  avait  commise  en  dégar-  ^n»K«- 
nissant  la  grande  route  qui  formait  sa  base  d'opérations ,  et 
qu'il  voulait  chercher  à  la  reprendre.  Bientôt  tous  les  rensei- 
gnements qu'on  putse  procurer  vinrent  confirmer  cette  opinion  ; 
les  prisonniers  dirent  qu'ils  étaient  la  veille  du  côté  de  Santa- 
Gruz  de  la  Zarza ,  qu'ils  étaient  partis  le  matin  de  Villarubia 
et  de  Noblejas,  et  qu'on  attendait  le  soir  même  deux  divisions 
à  Ocana.  Les  rapports  du  duc  de  Bellune  et  celui  du  colonel 
du  12"  régiment  de  dragons»  qui  avait  été  envoyé  en  reconnais- 
sance sur  Villamanrfque  par  la  droite  du  Tage ,  ne  laissèrent 
plus  de  doute  sur  le  mouvement  qui  s'opérait.  Ils  portaient 
que  l'armée  ennemie  marchait  par  sa  gauche  et  qu'on  aperce- 
vait peu  de  monde  sur  les  hauteurs  de  Santa-Gruz  de  la  Zarza. 
Dès  lors  le  maréchal  Soult  eut  la  certitude  de  joindre  le  lende- 
main l'armée  ennemie  et  de  la  combattre;  il  fit  en  conséquence 
ses  dispositions  et  prit  de  promptes  et  décisives  mesures. 

Le  commandement  de  la  cavalerie  fut  confié  au  général  Sé- 
bastiani  :  il  avait  sous  ses  ordres  la  division  du  général  Milhaud, 
composée  des  5*,  12%  16»,  20"  et  21*  régiments  de  dragons  ; 
delà  brigade  du  général  Paris,  formée  du  10*^  régiment  de  chas- 
seurs et  des  lanciers  polonais,  et  de  la  brigade  de  général  Beaui-e- 
gard,  du  ô^corps  composéedu  10* régiment  de  hussardset  du  2 1" 
de  chasseurs.  Le  duc  dcTrévise  eut  le  commandement  de  toute 
l'infanterie,  composée  delà  l'* division  du  5*  corps,  commandée 
par  le  général  Girard,  et  formée  des  84*,  40*,  64*  et  88«  régi- 
ments de  ligne;  de  la  division  du  général  Bcssolies,  formée 
dans  la  nuit  d'une  brigade  de  la  2«  division  du  5"  corps,  des  55" 
et  58"  de  ligne,  et  de  deux  bataillons  d'infanterie  espagnole;  des 
divisions  allemande  et  polonaise  du  4"  corps.  La  garde  royale 
était  commandée  par  le  général  Merlin ,  capitaine  général ,  et 
par  le  général  Bigarré,  aide  de  camp  du  rof.  Le  43"  de  ligne 
eut  ordre  de  rester  à  Aranjuez  pour  garder  les  ponts  et  assurer 
les  communications. 

Bataille  éTOcafia.  —  Le  19,  à  la  pointe  dujour,  l'armée  w  norcmbr. 
se  mit  en  marche  et  se  dirigea  sur  Ocana.  Elle  était  com- 
mandée par  le  duc  de  Balmatie,  major  général,  sous  les  or- 
dres du  roi,  et  quitta  à  Ontigola  la  grande  route.  Elle  prit 


850  LIYBR   SBPTIBI». 

à  gaache  un  chemin  qui  débouche  sur  le  plateau  d*Ocana,  ou 
E>p«suc-  i^Yait  eu  lieu  Taffaire  de  cavalerie  de  la  veille.  Le  général  Se- 
bastiani  forma  ses  escadrons  sur  ce  plateau,  et,  à  mesure  que  les 
divisions  d'infanterie  arrivèrent,  le  duc  de  Trévise  les  développa 
sur  plusieurs  lignes.  Les  postes  ennemis  furent  facilement  re- 
poussés, et  il  s'engagea  un  tiraillement  qui  fat  soutenu  de  part 
et  d'autre  jusqu'à  onze  heures  du  matin.  La  petite  villed'Ocana, 
autour  de  laquelle  s'était  concentrée  Farmée  d' Areizaga,  est  si- 
tuée au  bord  du  plateau  élevé  de  la  Manche,  vaste  plaine  en- 
tièrement découverte.  La  position  de  l'ennemi  était  couverte  an 
nord  par  un  ravin,  qui,  prenant  naissance  à  quatre  ou  cinq  cents 
toises  à  Test,  devient  insensiblement  une  cavité  très-profonde, 
et  forme  un  fossé  naturel  très-difflcile  à  franchir.  Ce  ravin,  tour- 
nant ensuite  au  nord-ouest,  s'eocbaine  avec  d'autres  vallons  dont 
les  eaux  se  rendent  au  Tage.  Au  midi  et  à  l'est,  la  ville  est 
entourée  de  très-belles  plaines  qui  ne  présentent  aucun  accident 
de  terrain  remarquable,  si  ce  n'est  un  léger  rideau  qu'occupaient 
les  lignes  ennemies.  De  belles  plantations  d'oliviers  bordent 
à  l'est  rhorizon  de  ces  plaines  à  une  distance  de  huit  cents 
toises ,  et  coupent  le  chemin  de  Santa-Gruz  de  la  Zarza,  qui 
conduit  à  Ocana.  C'était  par  ce  chemin  que  l'ennemi  venait 
d'arriver  ;  il  avait  intérêt  à  le  couvrir  et  à  le  défendre ,  parce 
que  ses  bagages  y  étaient  encore  engagés. 

L'armée  espagnole  était  formée  sur  plusieurs  lignes  :  la  droite 
se  prolongeait  parallèlement  à  la  route  et  occupait  le  rideau  ; 
la  gauche  de  son  centre  s'appuyait  à  Ocana  :  quelque  infanterie 
était  dans  cette  ville  pour  en  défendre  les  approches;  l'aile  gau- 
che, composée  d'à  peu  près  1 5,000  honmies ,  était  établie  en 
arrière  du  ravin,  appuyant  sa  droite  à  Ocana  et  paraissant  n'a- 
voir pour  objet  que  de  défendre  la  grande  route  d'Aranjuez 
à  Ocana,  mesure  assez  inutile  puisqu'aucun  Français  ne  fut  di- 
rigé par  cette  route.  Cette  disposition  était  évidemment  mau- 
vaise, car  Areizaga  neutralisa  ainsi  une  partie  de  ses  troupes, 
qu'ensuite  il  n'eut  pas  le  temps  de  ramener  à  sa  droite  lors- 
que les  efforts  des  Français  se  portèrent  sur  cette  aile. 

A  dix  heures  du  matin ,  les  divisions  étant  formées  sur  le 
plateau,  le  maréchal  Soult  détermina  que  l'attaque  aurait  lieu 
par  la  droite  de  l'ennemi  ;  en  conséquence  le  général  Sébastiani 


GU81IBE   D'ESPAGNE.  35 1 

se  prolongea  à  gauche  pour  détiorder  celte  aile.  Le  maréchal  mog. 
Mortier  disposa  en  même  temps  les  divisions  allemande  et  polo-  ^*P>sne. 
nalse  en  colonne  par  régiment,  ayant  chacune  un  bataillon  dé- 
ployé. Par  son  premier  mouvement,  il  s*empara  du  bois  d'oli- 
viers, que  jusqu'alors  Tennemi  avait  défendu.  La  1'''  division 
du  5«  corps  suivit  dans  le  même  ordre  en  seconde  ligne,  tandis 
que  la  division  Bessolles  vint  se  former  en  face  d'Ocana  et  en 
deçà  du  ravin  pour  contenir  la  gauche  de  l'ennemi.  Le  général 
Sénarmont ,  ayant  reçu  Tordre  de  disposer  de  toute  l'artillerie 
des  4»  et  5*corps,  forma  une  batterie  de  trente  bouches  à  feu 
devant  le  centre  et  devant  la  droite  de  Tarmée  espagnole  ;  une 
batterie  de  six  pièces  seulement  fut  laissée  pour  occuper  la  gau- 
che et  entretenir  son  feu.  L'attaque  ne  tarda  pas  à  commencer, 
^  le  canon  français  porta  la  mort  et  la  terreur  dans  les  batail- 
lons ennemis.  Six  pièces  furent  destinées  vers  la  droite  à  net- 
toyer le  revers  du  ravin,  dans  lequel  s'étaient  embusqués  des 
tirailleurs.  L'ennemi  avait  démasqué  entre  son  centre  et  sa 
gauche  seize  pièces,  qui  faisaient  un  feu  vif  et  bien  dirigé  ;  mais 
une  élévation  de  terrain  qui  se  trouvait  à  ia  naissance  du  ra- 
vin servit  à  y  établir  de  rartillerie  qui  força  celle  de  l'ennemi 
à  se  replier. 

Pendant  cette  canonnade,  le  général  Levai,  qui  avait  eu  ordre 
d'appuyer  à  gauche  avec  les  divisions  allemande  et  polonaise, 
obligea  par  ce  mouvement  l'ennemi  à  un  changement  de  front, 
l'aile  droite  en  arrière,,  et  le  poussa  jusqu'au  ravin  qui,  tournant 
antour  d'Ocana,  venait  se  reproduire  en  avant  de  ce  front.  Cette 
nouvelle  position  était  défendue  par  Téiite  des  troupes  espa- 
gnoles. S'appuyant  sur  le  nombre  et  sur  l'avantage  du  terrain, 
ces  masses  s'ébranlèrent  et  voulurent  reprendre  l'offensive. 
Deux  pièces  furent  démontées  ;  le  général  Levai  fut  blessé  et 
perdit  un  de  ses  aides  de  camp;  le  duc  de  Trévise  reçut  une 
légère  contusion  au  bras  droit.  La  1'^  division  du  5°  corps  était 
déployée  par  bataillons  en  masse  et  suivait  en  seconde  ligne.  Le 
duc  de  Trévise,  voyant  un  peu  d'hésitation  dans  la  première , 
fit  exécuter  à  cette  division  le  passage  des  lignes  en  avant;  les 
bataillons  se  portèrent  sur  l'ennemi  par  les  intervalles  de  la 
première  ligne,  se  déployèi-ent  avec  le  plus  grand  sang-froid , 
et  commencèrent  un  feu  de  deux  rangs  qui,  réuni  à  celui  du  ca- 


3^2  LIYBE   SEPTIÈME. 

iw».  non ,  ne  tarda  pas  à  jeter  du  désordre  dans  l'armée  espagnole. 
*^*"**  Le  SS''  de  ligne,  qui  tenait  la  gauche  de  cette  division,  resta 
formé  en  masse  devant  la  cavalerie  ennemie ,  qui  était  en  bà" 
taille  dans  la  plaine  et  contre  laquelle  le  général  Sébastian! 
manœuvrait.  Le  général  Dessolles  avait  reçu  i*ordre  de  gagner 
du  terrain  à  gauche  avec  sa  division  pour  appuyer  le  mouve- 
ment offensif  du  général  Girard,  et  de  marcher  en  colonne  par 
échelons ,  Faile  droite  en  arrière  ;  eu  même  temps  il  avait  été 
prévenu  qu'aussitôt  qu'il  verrait  l'aile  droite  de  l'armée  espa- 
gnole ébranlée  il  devait  faire  attaquer  Ocana,  s'emparer  de 
cette  ville  et  déployer  sa  division  en  avant  Ces  dispositl<Mis 
furent  exécutées  avec  la  plus  grande  précision.  Les  cbevau-lé- 
gers  de  la  garde  royale,  qui  eurent  ordre  de  déboucher  en  même 
temps,  se  portèrent  sur  l'aile  gauche  de  l'ennemi,  Tentamèrent, 
firent  des  prisonniers  et  enlevèrent  du  canon.  Les  bataillons 
espagnols  de  la  division  Dessolles,  dans  lesquels  on  n'avait  pas 
grande  confiance,  tinrent  ferme  et  firent  bonne  contenance. 

Le  général  Sébastiani  devait  manœuvrer  de  manière  à  soute- 
nir l'infanterie,  en  avançant  toujours  vers  la  gauche  pour  dé- 
border l'aile  droite  de  l'armée  espagnole;. il  ne  put  s'engager 
qu'après  que  cette  aile  fut  ébranlée;  mais,  lorsque  l'enùemi  fit 
son  changement  de  front,  l'aile  droite  en  arrière,  le  générai 
Sébastiani  saisit  le  moment,  serra  son  mouvement  et  fit  chaîner 
le  1 0®  de  hussards  et  les  lanciers  polonais,  qui  couplent  l'extra 
mité  de  cette  aile  et  obligèrent  6,ooo  hommes  à  mettre  bas  les 
armes.  Pendant  une  demi-heure  l'ennemi  manœuvra  dans  la 
plaine  entre  Ocana  et  Dos  Barrios  pour  regagner  la  route  qui  passe 
par  ce  dernier  endroit  ;  mais  ce  fut  en  vain.  Les  divisions  des  gé- 
néraux Girard  et  Dessolles,  ayant  en  seconde  ligne  les  divisions 
allemande  et  polonaise  et  la  garde  royale,  le  serrèrent  de  si 
près  qu'il  lui  fut  impossible  de  rétablir  sa  ligne.  Le  10®  de  chas- 
seurs  et  les  lanciers  polonais  continuèrent  à  déborder  la  droite 
et  se  présentèrent  de  nouveau  sur  son  flanc,  en  même  temps 
que  le  général  Sébastiani  l'attaquait  de  front  avec  les  dragons 
du  général  Mflhaud,  le  10"  de  hussards  et  le  21'  de  chasseurs. 
En  un  instant  tout  fut  enfoncé  et  mis  dans  la  plus  horrible 
confusion.  Tout  ce  qui  se  trouva  entre  la  grande  route  et  le 
ravin  qui  s'étend  de  Dos  Barrios  à  Yepès  fut  pris;  le  reste  de 


GDERBB  D*ESPAGliE.  3^3 

eeite  armée  espagnole  se  sauva  dans  tontes  les  directions.  L^en-  isw. 
.  aemi  avait  &ï  ligne ,  au  eommenceraent  de  la  bataille,  55,000  ^^'^' 
hommes,  dont  S^OOO  de  cavaterie^  et  de  pins  l'avantage  de  la 
position,  etAreizaga  n'en  sat  tirer  aucun  parti  ;il  neutralisa  nn 
quart  de  ses  forces,  ne  fit  aucun  usage  de  sa  cavalerie,  et  justifia, 
ainsi  que  ses  généraux,  le  reproche,  qui  leur  a  été  fait  tant  de 
fois,  d'ignorer  jusqu'aux  premiers  éléments  de  l'art  de  la 
guerre. 

A  deux  heures  après  midi,  18,000  prisonniers,  trente  pièces 
de  canon,  cent  vingt  caissons  ou  voitures  d'artillerie,  trente 
raille  fusils,  vingt-cinq  drapeaux ,  600  officiers,  3  généraux 
étaient  déjà  au  pouvoir  de  l'armée  française.  Le  désordre  que 
le  dernier  choc  avait  produit  dans  l'armée  espagnole  faisait  es- 
pérer encore  de  plus  grands  résultats. 

Le  duc  de  Bellune,  qui  avait  l'ordre  de  passer  le  même  jour 
le  Tage  à  Villamanrique  et  d'attaquer  l'ennemi  sur  les  hauteurs 
de  Santa-Cruz  de  la  Zansa ,  trouva  les  ponts  rompus  à  Yilla- 
manrique;  mais  il  fit  passera  gué  sa  cavalerie  et  une  partie  de 
son  infanterie.  Le  pont  se  rétablissait  pendant  ce  temps,  et  à 
dix  heures  du  matin  la  totalité  du  i^^  corps  était  sur  la  rive 
gauche.  Le  maréchal  se  mit  sur-le-champ  à  la  poursuite  de 
l'ennemi,  qui,  dès  la  veille,  avait  évacué  la  position  de  Santa- 
Cruz.  Il  aperçut  près  de  Yillatobas  beaucoup  de  fuyards  et 
une  grande  quantité  de  bagages  qu'il  fit  enlever  par  sa  cavale- 
rie légère;  celle-ci  prit  huit  cents  voitures  et  fit  1,000  à  1,200 
prisonniers.  Le  duc  de  Bellune  apprit  par  ces  derniers  le  résul- 
tat de  la  bataille  d'Ocana  ;  il  arrêta  alors  son  infanterie  à  Yil- 
latobas et  fit  porter  sa  cavalerie  en  avant.  La  division  de  dra- 
gons du  général  Latour-Maubourg  alla  joindre  la  cavalerie  du 
général  SébasUanl  à  la  Guardia,  et  la  brigade  de  cavalerie  lé- 
gère du  général  Beaumont  marcha  à Lillo,  où  elle  enveloppa 
un  parti  ennemi  et  prit  500  hommes  et  300  chevaux. 
.  Telle  fut  l'issue  de  la  mémorable  bataille  d'Ocana,  où  65,000 
Espagnols  furent  dispersés  et  anéantis  par  moins  de  34,00Q 
Français.  L'armée  de  la  Manche,  une  des  plus  belles  et  des  plus 
nombreuses  qu'eût  réunies  jusqu'alors  le  gouvernement  de 
Séville,  perdit  dans  cette  journée  30,000  hommes,  dont  26^000 
prisonniers  et  4,000  hommes  tués  ou  blessés,  3,000  chevaux 


354  UYKR  snpnftttft; 

fK09.  Inontés  et  de  trait,  et  qaftrante-six  pfèees  de  canon.  Les  armées 
Espasnc  espagnoles  n'avaient  point  eneore  ^roiiTé-ùne  d^ite  pios  san- 
glante et  plus  complète.  Poursuivis  à  outrance  Jusqu'à  la  Guar- 
'dia  parla  cavalerie  iirançaise,  les  fuyards  ne  s'arrêtèrent  qu'au 
pied  de  la  Sierra-Moréna,  où  ils  ne  purent  être  ralliés  que 
deux  mois  après  cette  terrible  catastrophe,  dont  la  nouvelle  ré- 
pandit la  terreur  et  le  découragement  dans  tout  le  royaume.  La 
perte  des  Français  fut  évaluée  à  moins  de  2,000  hommes,  tant 
tués  que  blessés. 

La  liste  des  braves  qui  se  distinguèreht  dans  cette  Journée 
est  nombreuse;  le  maréchal  Mortier,  empi'esséde  rendre  Justice 
à  tous  ceux  qui  avaient  combattu  sous  ses  ordres,  recommanda 
dans  son  rapport  à  la  bienveillance  de  Tempereur  le  général 
Girard,  blessé  en  chargeant  à  la  tète  de  sa  division  ;  les  géné^ 
raux  de  brigade  Beauregard  et  Chauvel  (  les  deux  aides  de 
camp  de  ce  dernier,  Boirai  et  Bargevin,  avaient  été  blessés  à 
ses  côtés);  les  colonels  Raymond,  du  S4^  régiment;  Chasse- 
reau,  du  40*;  Pécheux,  du  64«;  Weilande,  du  88*^;  Briche,  du 
10*  de  hussards  ;  Steemhault ,  du  21^  de  chasseurs  ;  Bonchu, 
commandant  rartillerie  du  5''  corps;  Gouré,  premier  aide  de 
camp  du  maréchal;  les  colonels  d'état-mnjor  I>8imbo>vsky  et 
Delaage;  les  chefs  de  bataillon  Meusnlei*,  Pichard  et  Astme, 
du  64"*;  Millet  et  Lechasset,  du  40^;  Marqoet  et  Monot,  du 
88®;  Camus,  du  28'  dMnfanterie  légère  ;  Fruehard,  de  rartille- 
rie; les  chefs  d'escadron  Delapointe  et  Saint-Léger,  du  10«  de 
chasseurs;  Délavai,  du  10®  de  hussards;  Hudry,  de  Tétat-major 
général  ;  les  capitaines  Hul)é,  des  lanciers  polonais  ;  Bouvier, 
du  28*  d*infanterie  légère;  Beaunier,  Choisy  et  Durivaux, 
aides  de  camp  du  maréchal  ;  Mesclop,  aide  de  camp  du  général 
Girard  ;  Mahon,  de Tétat-maJor  général  ;  Pcinel,  du  34*;Mouil- 
lard,  du  64*  ;  Lambert,  de  rartillerie  ;  Girard,  du  génie  ;  le  lieu- 
tenant Bret,  du  64' ,  et  ^uron ,  aide  de  camp  du  général  Gi- 
rard; le  sous-lieutenant  Collet  et  le  sergent  Romblat,  du  64* , 
qui  avait  enlevé  un  drapeau  à  Tennemi. 

L'armée  IVançaise,  à  Ocana,  était  des  deux  tiers  moins  nom- 
breuse que  celle  d'Arei»iga,  et  ai  les  Espagnols  eussent  mis, 
le  matin,  plus  de  vigueur  dans  leur  retour  à  l'offensive,  ils  au- 
raient pu  placer  leurs  adversaires  dans  une  position  très-criti^ 


GUERRE  D*C8PAGNB.  3^5 

qjue  ;  car  les  Français  avaient  le  Tage  à  dos  et  ne  pouvaient  se.  'imo. 
retirer  que  par  des  déûlés  et  des  escarpements  tout  à  Tavantage  ^^"^' 
de  rennemi.  Mais  la  plus  grande  faute  du  général  espagnol 
consista  dans  ses  hésitations  lorsqu'il  fut  arrivé  sur  les  bords 
du  Tage.  Dès  le  1  i  novembre  son  armée  était  réunie  à  Ocana, 
et  au  lieu  de  poursuivre  sa  marche  sur  Arapjuez,  et  d'y  atta- 
quer en  forces  le  4®  corps»  établi  sur  les  hauteurs  en  avant  de 
cette  résidence  royale,  il  hésita  encore  et  donna  le  temps  aux 
1^^  et  4^  corps  de  se  réunir,  tandis  que  lui  perdait  le  sien  en 
marches  et  contre-marches  »  en  tâtonnements  qui  dorèrent  Jus- 
qu'au 18,  jour  où  il  concentra  de  nouveau  son  armée  à  Ocana, 
où  enfin  il  se  décida ,  m.ais  trop  tard,  à  accepter  une  bataille , 
aprèsavoirpermis,  pendant  une  semaine,  aux  troupes  françaises 
de  se  réunir  et  de  se  présenter  en  masse  devant  lui  le  19  au 
matin. 

Le  duc  d' Albuquerque  s'était  avancé ,  le  1 7 ,  avec  1 2,000  hom- 
mes, jusqu'au  pont  de  l'Arsobispo,  pour  opérer  de  ce  c6té  une 
diversion  en  faveur  de  l'armée  de  la  Manche;  mais,  à  la  nou- 
velle de  la  déroute  d'Oeana,  il  rétrograda,  sans  s'arrêter,  Jus- 
qu'à Truxillo. 

La  bataille  d'Oeana  est,  dîe  toutes  les  affaires  qui  ont  en 
lieu  en  Espagne,  celle  qui  a  présenté  à  l'instant  même  les  plus 
grands  résultats.  Pour  la  première  fois  on  vit  en  Espagne  les 
habitants  diriger  les  soldats  français  sur  les  traces  des  iîiyards 
et  les  livrer  eux-mêmes,  pour  se  venger  des  maux  qu'attiraient 
sur  eux  les  auteurs  de  la  guerre  et  éviter  qu'à  l'avenir  leur 
pays  fût  encore  le  théâtre  des  combats. 

Combat  d'Alba  de  Tormès.  —  Neuf  Jours  après  la  bataille  as  notembr. 
d'Oeana,  le  général  Kellermann  remporta  un  avantage  remar- 
quable dans  la  province  de  Salamanque,  près  de  la  ville  d' Alba 
de  Termes. 

On  se  raj^lle  que  le  duc  dei  Parque,  après  le  combat  de  Ta- 
marnés,  était  entré  le  2  j»  octobre  à  Salamanque,  que  le  général 
Marchand  avait  évacué  afin  de  se  rapprocher  du  général  Keller*- 
mann,  qui  s'était  rois  enmarche  deValiadolid  et  venait  au  secours 
du  6^  corps.  Comroeil  était  important  de  récupérer  leterrain  perdu 
et  de  reprendre  la  position  deSalamanque,  le  maréchal  Soui  t  avait 
envoyé  la  division  Gaun  sur  la  route  d'Avila  pour  menacer  le 

33.. 


'flâpiisne. 


356  LTV'bc  SEPTltifS. 

1  Mg.  flanc  droit  de  l*année  espagnole,  tandis  que  le  généra!  Keller- 
mann  réunissait  de  toutes  parts  des  troupes  et  se  reportait  en 
avant.  Ces  démonstrations  déterminèrent  le  duc  del  Parque  à 
regagner  son  asile  habituel  dans  la  Sierra  de  Gâta.  Tandis  qn*ll 
s'y  retirait  tranquillement,  le  6^  corps  rentrait  le  6  novembre  & 
Salamanque,  et,  toutes  les  reconnaissances  envoyées  dans  la 
direction  de  ces  montagnes  n'ayant  découvert  aucune  trace  de 
Fennemi,  le  général  Kellermann,  qui  avait  pris  le  commande- 
ment supérieur  de  toutes  les  troupes  réunies  dans  la  province , 
y  compris  celtes  du  6*  corps ,  reprit  le  chemin  de  Yalladolid. 
Sa  présence  y  était  devenue  indispensable,  à  cause  des  nom- 
breux partisans  que  son  absence  avait  enhardis  à  se  montrer 
et  qui  Infestaient  le  pays.  Rassuré  sur  la  position  du  6*  corps , 
le  roi  avait  rappelé  à  Madrid  la  brigade  du  général  Godinot  et 
même  celle  du  général  Marcognet,  du  6®  corps,  ce  qui  affaiblit 
considérablement  ce  corps  d*armée,  qui  ne  compta  plus  de  dis- 
ponibles que  9,000  hommes  d'infonterie  et  1 ,300  chevaux.  Le 
général  Marchand,  Justement  alarmé  de  se  voir  de  nouveau  ex- 
posé à  une  attaque  du  duc  del  Parque,  qui  pouvait  disposer 
d'une  armée  d'au  moins  97,000  hommes,  n'hésita  pas  à  pré- 
venir le  général  Kellermann  que,  dès  qu'il  serait  assuré  que  le 
duc  del  Parque  s'approcherait  de  lui,  il  abandonnerût  Sala- 
manque  et  se  retirerait  sur  Médina  del  Gampo.  Les  événements 
Justifièrent  bientôt  les  craintes  du  général  Marchand. 

Sitdt  que  le  duc  del  Parque  fut  informé  du  départ  des  bri- 
gades <7odinot  et  Marcognet,  qui  avait  en  lieu  le  15  novembre, 
il  quitta  Banos  et  Bejar.  Le-17  il  s'avança  Jusqu'à  deux  lieues 
d'Alba  de  Tormès,  où  était  le  colonel  Ornano  avec  le  35*r^i- 
ment  de  dragons  et  un  bataillon  d'infanterie ,  et  le  18  il  enga- 
gea avec  ces  troupes  une  fusillade  qui  ne  cessa  qu'à  l'arrivée 
du  général  Mermet,  qui  accourait  avec  deux  régiments  d'infan- 
terie «t  un  régiment  de  eavalerie.  A  minait  les  avuit-postes  se 
touchaient,  et  les  rapports  apprirent  que  toute  l'armée  ennemie 
était  réunie  à  Salvatierra  et  à  Piedrahita.  Il  parut  dès  lors  évi- 
dent que  l'ennemi  cherchait  à  tourner  la  ganche  du  6«  corps. 
Le  général  Marchand  se  décida  aussitôt  à  évacuer  Salamanque. 
Le  19,  à  deux  heures  du  soir,  Tarmée  opéra  sa  retraite  :  c'était 
la  seconde  fois  en  moins  d'un  mois.  Une  colonpe  ennemie  en* 


GUSUS  J>*fiSPAGNB.  367 

tra  presque  aossltèt  û&os  la  ville  et  tirailla  avec  Tarrière-garâe^  _  ijo^. 
Pendant  la  première  Jouriiée,  le  général  Mermçt  soutint  les 
efforts  de  Tennemi,  particulièrement  ceux  d'une  nombreuse  ca** 
Valérie,  sans  se  laisser  entamer.  Le  soir  le  6*^  corps  prit  position 
à  Arcédiano  et  y  passa  la  nuit.  Le  20,  il  arriva  à  Toro  sans  être 
inquiété,  et,  tournant  à  droite,  en  repartit  le  21  pour  Torde- 
sillas.  Le  22 ,  il  s*avança  sur  Médina  del  Gampo ,  où  il  fut  re- 
joint le  23  par  la  brigade  du  général  Marcogniet,  revenue  de 
Ségovie ,  au  moment  même  où  la  cavalerie  du  général  Keller-* 
mann,  qui  s*était  avancée  en  reconnaissance  sur  El  Carpio^ 
ayant  trouvé  Tennemi  en  force  »  venait  d*étre  assez  vivement 
repoussée  jusqu'à  Médina.  Le  24 ,  le  6"  corps,  renforcé  par  la 
2^  division  de  dragons,  prit  position  à  Valdestillaft«  Le  25  fut 
employée  prendre  des  dispositions  pour  couvrir  Valladolid  :  une 
partie  de  Tarmée  prit,  en  conséquence  la  direction  de  Siman* 
cas;  l'autre,  celle  de Puente-Duero.. 

Del  Parque  n'avait  fait  aucun  mouvement  depuis  l'escar- 
mouche d'Ei  Garpio.  Le  général  Kellermann,  se  trouvant  alor» 
en  mesure  de  reprendre  l'offensive,  s'avança  le  26,  précédé  de 
toute  sa  cavalerie,  et  prit  position  à  deux  lieues  en  avant  de 
Médina  del  Gampo,  en  face  de  l'armée  espagnole.  11  voulait 
L'attaquer  le  lendemain-;  mais  ce  même  jour  le  duc  del  Parque 
recevait  la  nouvelle  du  désastre- d'Ocana,  nouvelle  qui  jeta  le 
découragement  dans  son  armée.  La  junte  lui  ordonna  de  se  re^ 
tirer  immédiatement;  il  attendit  cependant  jusqu'à  la  nuit 
pour  commencer  un  mouvement  qu'H  fut  bientôt  obligé  de  pré* 
cipiter,  afin  de  gagner  une  marche  sur  les  Français.  Le  générai 
Kellermann  n'attendit  plus  dès  lors,  pour  commencer  la  pour- 
suite, l'arrivée  de  la  division  Gazan,  qui  était  à  Avila.  Parti  le 
27  de  grand  matin ,  son  avant-garde  ne  put  atteindre  l'armée 
espagnole  que  le  28  au  soir,  à  Albade  Termes,  où  elle  était  ar«* 
rivée  le  matin.  Gette  ville,  située  à  cinq  lieues  de  Salamanque, 
sur  la  rive  droite  du  Termes,  communique  avec  la  rive  opposée 
par  un  pont  de  pierre  sur  lequel  deux  divisions  espagnoles 
avalent  d^à  passé.  Le  reste  de  l'armée,  l'artillerie,  les  bagages 
et  le  quartier  général  étaient  dans  la  ville.  Gette  négligence 
du  duc  del  Parque,  qui  devait  s'atiendre  à  une  poursuite  vi- 
goureuse par.  la  cavalerie  française,  parut  inexplicable.  L'avant- 


t^B  uTftt  sErritvB. 

isofi  gurde,  eondaitè  par  le  général  Lorcet,.  ne  se  composait  que  de 
460  chevaux  du  8^  de  hussards  et  du  15^  de  chasseurs.  Elle 
arriva  à  trois  heures  du  soir  sur  le  plateau  qui  est  eu  avant 
d'Alba,  sur  la  rive  droite ,  et  aperçut  une  grande  confusion 
dans  l^armée  espagnole.  Des  troupes  de  la  rive  gauciie  repas- 
saient le  pont  déjà  encombré  d'hommes,  de  voitures  et  de  ba-* 
^ges,  qui  s'y  étaient  précipités  à  l*approche  des  Français.  Jje 
ëocdel  Parque,  ne  laissant  alors  qu'une  seule  division  sur  la 
rive  gauche,  disposa  les  autres,'  ainsi  que  toute  son  artillerie, 
sur  les  hauteurs  qui  couronnent  la  ville  d'Aiba. 

Les  Espagnols,  voyant  quMIs  n'avaient  aflliire  qu'à  une  avant- 
garde,  commencèrent  eux*mêmes  l'attaque  ;  le  général  Lorcet, 
beaucoup  trop  faible  pour  résister,  rétrograda  vers  le  gros  de 
la  cavalerie  qui  le  suivait.  La  confiance  d^  l'ennemi  s'accrut 
par  ce  mouvement  des  Français ,  et  il  lit  occuper  les  revers  du 
plateau  par  des  tirailleurs,  que  soutenaient  quelques  pelotons  de 
cavalerie.  Le  général  Keliermann  lit  alors  avancer  les  S^  et  6^ 
régiments  de  dragons  commandés  par  le  générai  Millet ,  en  lui 
donnant  ordre  de  se  diriger,  à  la  faveur  d'un  rideau  qui  couvrait 
sa  marche,  sur  la  droite  du  plateau ,  tandis  que,  avec  le  reste 
de  la  cavalerie ,  H  s'y  portait  lui*méme  directement. 

L'attaque  générale  de  toute  la  ligne  ennemie  ne  tarda  pas 
a  avoir  lieu,  et  fut  exécutée  avec  tant  de  vigueur  et  d'impétuo- 
sité que  le&  Espagnols  lâchèrent  pied  presque  aussitôt  ;  leur 
cavalet le  tourna  bride  sans  même  échanger  un  conp  de  sabre 
et  repassa  la  rivière  en  désordre*  L'injhnterie  fat  sabrée  et 
abandonna  cinq  pièces  de  canon. 

Il  restait  au  général  ennemi  une  seconde  Kgne  d'infanterie  ; 
la  cavalerie  française,  arrivant  sur  elle  avec  toute  la  confiance 
qu.'inspire  un  premier  succès,  fut  aoeueillfe  par  un  feu  très- 
meurtrier,  qui  l'obligea  de  se  retirer.  Ce  mouvement  rétrograde 
s'exécuta  au  pas,  et  les  cavaliers,  achevant  de  sabrer  les  fan- 
tassins qu'ils  avaient  d'aborddépassés,  allèrent  se  reformer  der- 
rière de  nouvelles  brigades  qui  s'avançaient  pour  prendre  part 
au  combat.  Le  général  Keliermann  disposa  les  15*^  et  SS^  régi- 
ments de  dragons  en  colonne  pour  charger  la  cavalerie  espa- 
gnole, qui  était  revenue  pour  soutenir  son  infanterie.  La  seconde 
Ugne  de  l'ennemi  se  trouva  débordée  par  ce  mouvement,  dont 


le  suooèaftit  ooniplel,  et  la  eavalarle  «spagnote  prit  eneore  tme  ««og. 
fois  la  ftiile  pour  ne  plar  reparaître.  Le  ocrfmel  Ornano,  à  la.  ""i^sne. 
tète  dn  2^*  de  âragoM^  chargea  en  flaoc  rtnftaiterle  esneinle 
et  lui  enleva  quatre  pièces  de  eaBèn.  Les  Espagnols  s'étant  re« 
tirés  sur  une  liautear,  la  catateie  française  se  borna  à  les  tenir 
en  échec  en  attendant  l'arrivée  de  la  brigade  d'inlisnterie  du 
général  Maueune*  Il  étaft  nuit  lorsqœ  œlui^  tat  en  mesure 
de  seconder  les  effort&de  la  cavalerie  ;  cependant,  malgré  lV>bs- 
curlté,  qui  permettait  à  i»eine  de  se  diriger  par  des  chemins  et 
des  passages  inconnus,  le  général  Kellermann  n*bésita  point  à 
ftdre  exécuter  rattaifoe  qui  devait  terminer  la  Journée.  Elle  fut 
si  terrible  et  si  bien  soutenue  que  les  Espagnols ,  qui  s'étaient 
formés  en  carré,  Iftehèrent  pied  au  premier  choc,  et  se  précipi- 
tèrent dans  les  ravins  pour  échapper  plus  promptement  à  la 
poursuite  de  leurs  adversaires.  Le  général  Maucune,  trouvant 
le  plateau  abandonné,  suivit  les  fuyards  au  bruit  confus  des 
voix,  et  entra  presque  aussitôt  qu'eux  dans  la  ville  d'Âlba  de^ 
Tonnés.  Là,  tombant  sur  la  queue  de  la  colonne  ennemie  sans 
tirer  un  coup  de  fusil ,  il  lui  tua  300  hommes  à  la  baïonnette , 
se  rendit  maître  dn  pont  et  enleva  Tartillerie  qui  le  défendait. 
La  nuit  était  si  obscure  que  Tinfanterie  française  ne  dépassa 
point  la  ville  d'Âli>a  ;  les  Espagnols ,  profitant  des  ténèbres  y  se 
dispersèrent  dans  les  bois  et  dans  les  vignes  voisines,  de  ma« 
nière  que  le  lendemain  il  fût  impossible  au  général  Kellermann 
de  suivre  leurs  traces  et  d'achever  leur  destruction,  comme  il 
se  l'était  proposé.  Le  jour  même  de  ce  combat  les  Français 
entrèrent  dans  Salamanque ,  que  l'ennemi  avait  entièrement 
évacué.  Le  duc  del  Parque  se  retira  d'abord  à  Guidad-Rodrigo  et 
ensuite  derrière  la  Sierra  de  Gâta  avec  les  débris  de  son  armée. 
Il  avait  perdu  3,000  hommes»  son  artillerie  et  ses  bagages. 

II  nous  reste  maintenant ,  pour  terminer  le  rédt  des  événe^ 
menlB  militaires  en  Espagne  dans  le  cours  de  Vannée  1800,  à 
rapporter  les  opérations  des  corps  d'armée  qui  occupaient  le» 
provinces  d'Aragon  et  de  Catalogne. 

Suite  des  opération*  militaires  dans  le  royaume  ou  pro^finee^j^i^fy^m. 
d* Aragon;  combats  d'AlcafUz^y  de  Maria,  de  BelehiU;  eœpé^ 
ditions  et  autres  combats  partiels,  etc.  —  Nous  avons  dit ,  à 
la  fin  du  volume  précédent,  que  le  général  Suchet  avait  été 


)6I>  LIYHB  SBtTftoB.' 

«m.  appelé  au  comoiàQdement  du  3^  coi^  de  rarmée  firimçalse  en 
Espagne  immédiatemeiit  après  la  redditioii  de  Saragosse.  Dès 
les  premières  ean^tagnes,  el  oomne  ofiefer  supérieur,  Sncliet 
avait  signalé  son  début  dans  la  carrière  des  armes  par  des  ac- 
tions d*éclat  qui  attestaient  autant  de  talent  que  de  valeur. 
Élevé  au  grade  de  général,  il  avait  Justifié  cet  avanomnent  soit 
en  remplissant  les  fonctions  de  chef  d'état-major,  soit  en  coo- 
pérant à  la  tête  d*une  division  aux  succès  ou  aux  glorieux  ef- 
forts des  armées  françaises  en  Italie.  Lieutenant  du  maréchal 
Massénadans  la  célèbre  campagne  de  Gènes,  on  t'a  vu  contenir, 
avcô  une  poignée  de  soldats  sans  vivres  et  sans  vêtements,  les 
nombreuses  troupes  autrichiennes  qui  menaçaient  d'envahir  les 
départements  du  midi  de  la  France.  Il  avait  alors  non-seule- 
ment protégé  les  frontières  de  sa  patrie,  mais  encore  préparé, 
par  une  utile  diversion ,  le  passage  des  Alpes ,  la  victoire  de 
Marengo  et  la  rapide  et  seconde  conquête  de  l'Italie. 

Ainsi ,  depuis  longtemps ,  le  général  Suchet  s'était  montré 
digne  du  choix  que  Napoléon  Élisait  de  lui  pour  remplacer  Ju^ 
not,  duc  d'Abrantès,  dans  le  commandement  du  3®  corps.  Avec 
des  troupes  peu  nombreuses,  affaiblies  par  les  pertes  d'an  siège 
aussi  long  que  meurtrier  et  par  les  maladies.  On  va  le  voir  arré* 
1er,  battre  et  disperser  des  forces  considérables,  dirigées  par  de& 
chefe  entreprenants  et  expérimentés,  et,  plus  tard,  prendre  des 
places  devant  lesquelles  avaient  échoué  déjà  des  généraux  ha- 
biles', protégées  par  des  ouvrages  redoutables,  défendues  avec 
toute  la  valeur  et  i'opinlÂtreté  que  donnent  t' amour  de  la  patrie 
et  la  crainte  de  l'esclavage.  Enfin,  non  moins  bon  administra- 
teur que  général  consommé ,  par  Tordre  et  la  discipline  qu'il 
maintiendra  dans  sa  petite  armée,  par  son  caractère  conciliant, 
ses  formes  nobles  et  affectueuses,  ses  soins  paternels ,  Sociiet 
saura  conquérir  la  bienveillance  et  le  respect  des  peuples ,  et 
exciter  au  plus  haut  degré  Tamour,  la  confiance  et  la  reconnais- 
sance des  soldats. 

Le  3®  corps  était  formé,  au  mois  de  mai  1809,  de  trois  di-^ 
visions  d'infonterie,  commandées  par  les  généraux  Laval,  Mus- 
nier  et  Habert;  de  huit  escadrons  de  cuirassiers,  de  hussards. 

^  Entre  aalres  Lérida ,  que  le  Grand  Coadé  oe  put  parvenir  à  soumeltre. 


GUEBBB  J»'£SFA01IB.  361 

et  de  lanciera  poloiMift»  oonunaiidés  par  le  général  Wattier^  et  ^  im. 
de  viagt  bouches  à^leu.  MaîB  les  pertes  oonsldérahles  éprouvées 
pendant  le  siège  de  Saragosse,  le  grand  nombre  de  malades  et 
de  blessés,  la  dissémination  en  Navarre  de  nombreux  détache- 
ments, et  surtout  rétoignanent  de  la  3*^  division,  envoyée  en 
Gastille,  réduisaient  les  cdmbattants  présents  sons  les  armes  à 
environ  10,000  hommes,  non  compris  les  troupes  de  TartUlerie 
et]du  génie.  Dans  un  état  voisin  du  découragement ,  oe  corps 
d'armée  était  loin  de  eompenser,  par  sa  forée  morale ,  la  fai- 
blesse de  sa  forœ  numérique*  Arrivé  le  19  mai  à  Saragosse 
avec  Tarrière-garde  de  sa  division,  composée  d*une  compagnie 
de  voltigeurs  du  40*^  de  ligne  et  d*un  bataillon  du  64^,  le  général 
Suchet  nUgnorait  aucune  de  ces  circonstances ,  mais  n*en  con* 
eut  pas  moins  Tespoir  de  vaincre  les  difficultés  de  sa  nouvelle 
position,  de  relever  le  moral  de  ses  troupes,  de  ranimer  leur 
confiance,  et  de  rétablir  l'ordre,  que  compromettait  un  sensible 
relâchement  dans  la  discipline.  Rien  n'annonçant  encore  l'en- 
trée prochaine  d'une  armée  espagnole  en  Aragon ,  le  général 
Suchet  croyait  avoir  le  temps  de  procéder  à  Torganisation  dé* 
finitive  du  3*  corps ,  de  passer  ses  troupes  en  revue,  de  les 
exercer  et  de  s'en  faire  connaître  avant  de  les  conduire  contre 
rennemi  ;  malheureusement  il  se  trompait. 

Vers  le  milieu  d'avril,  la  junte  centrale  avait  rendu  un  décret 
qui  ordonnait  la  formation  d'une  seconde  armée  de  la  droite  % 
sous  la  dénomination  d'armée  d'Aragon  et  de  Valence,  dont  le 
commandement  fut  donné  au  général  don  Joaquin  Biake,  qui 
se  trouvait  alors  à  Tortose,  à  la  tète  de  la  division  du  marquis 
de  Lazan.  Informé  que  les  troupes  françaises  eu  Aragon  étaient 
réduites  an  Z^  corps,  dont  il  connaissait  la  faiblesse,  Blake  con- 
çut le  projet  de  les  rejeter  en  Navarre  et  sur  les  Pyrénées ,  et 
de  s'emparer  de  la  grande  communication  de  Bayonne  à  Ma- 
drid, afin  de  séparer  de  leur  base  d'opération  les  armées  fran* 
çaises  enfoncées  dans  la  Péninsule.  Il  se  prépara  à  ce  mouve- 
ment en  soulevant  et  en  armant  de  nouveau  les  populations 
sur  les  deux  rives  de  TÈbre,  et  ses  efforts  eurent  un  plein  suc- 
cès :  de  nombreux  partisans  s'organisèrent,  de  toutes  parts,  et 
commencèrent  une  guerre  de  détail  qui  ne  cessa  plus  de  harce- 
ler le  3^  corps  d'ans  toutes  ses  opérations.. 


363  LlTBft  SBPTltel. 

im.  A  l'époque  de  rarrivée  du  gûiéral  Sudiél  à  Saragosse,  la  f  ^^'^ 
^""'^  division ,  oommandée  par  le  général  Laval ,  forte  tout  au  plus 
de  4»000  hommes^  était  établie  perpendicolairement  à  TËbre , 
de  Barbastro  à  Aicaniz,  et  occupait^  le  long  de  la  Cinca  et  du 
Guadalope,  une  ligne  de  plus  de  vingt  lieues  d'étendue,  coupée 
endeux  par  le  fleuve,  qu'on  nepoovaitpassersurnnpoAt  qu'àSa- 
ragosse,  c'est-à*dire  à  vingtdeux  lieues  en  arrière.  Cette  division 
ne  pouvantpar  conséquent  être  secourue  à  temps  par  la  2^,  qui 
était  à  Saragosse,  le  générai  Blake  partit  de  Tortose  le  7  mal , 
avec  ladivision  Lazan,  forte  de  4  à  5,000  hommes,  et  huit  ba«- 
taillons  de  troupes  valenciennes.  Après  avoir  repoussé  les  pos- 
tes avancés  de  la  f^  division  à  Beceyte  et  à  Val  de  Alforga,  il 
attaqua  le  Id  le  général  Laval  à  Alcaniz,  le  força  à  évacuer  cette 
ville  et  le  rejeta  sur  Hijar  et  Samper  de  Calanda.  Dans  le  même 
temps  le  général  Habert  avait  reçu  du  duc  d'Abrantès  l'ordre 
de  reprendre  Monzon.  Au  commencement  de  mars,  cette  place 
était  tombée  au  pouvoir  d'une  brigade  du  &^  corps,  commandée 
par  le  général  Girard  ;  mais»  après  le  départ  de  ce  corps  d'armée, 
la  garnison  française ,  se  trouvant  réduite  à  environ  300  hom- 
mes.  Ait  chassée  par  les  habitants,  qui  des  premiers  se  soule- 
vèrent, excitéspar  les  proclamations  et  les  agents  de  Blake.  Ha- 
bert, se  conformant  aux  ordres  qu'il  venait  de  recevoir,  fit 
passer  le  16  mal  huit  compagnies  d'élite  et  SO  cuirassiers  sur 
la  rive  gauche  de  la  Cinca.  Bepoussé  dans  une  première  atta» 
que  sur  Monzon,  ce  détachement  demanda  du  renfort  à  Bar- 
bastro; mais,  n'en  pouvant  pas  recevoir  par  suite  d'une  crue 
subite  des  eaux  de  la  Cinca,  qui  le  sépara  de  la  brigade  Habert, 
les  huit  compagnies  d*élite ,  dépourvues  de  vivres  et  de  muni- 
tions, entourées  par  une  population  en  armes  et  par  des  troupes 
sorties  de  Lérida,  qui  les  empêchèrent  de  gagner  le  pont  de 
Fraga,  furent  forcées  de  se  rendre  le  3i  mai,  au  nombre  d'en- 
viron 600  hommes.  Les  cuirassiers  seuls  repassèrent  la  Gnca 
à  la  nage,  avec  perte  de  la  moitié  des  hommes  et  des  chevaux^ 
qui  disparurent  dans  les  flots  de  cette  rivière  torrentueuse, 
ptrossie  par  les  pluies  et  la  fonte  des  neiges  des  montagnes  où 
elle  prend  sa  source. 
23  mai.  .  Combat  d'Alcaûiz.  —  Ces  événements  ne  furent  connus 
à  Saragosse  que  le  20  mai,  au  moment  même  où  le  général 


GUtBBK   D'ESPAGNE.  363 

Sucbet  venait  prendre  le  cemmandement  du  8«  corps.  Forcé  isoa. 
de  renoncer,  dès  son  arrivée,  à  son  projet  de  réorganiser  son  ^^^^' 
corps  d-armée  avant  de  le  mettre  en  monvement,  ce  général 
dut  songer  d'abord  à  marcher  au  secours  de  sa  1'^  division,  qui 
s*était  ralliée  sur  les  hauteurs  de  Hijar.  Il  sortit  de  Saragosse 
le  21  mai,  a^ec  la  majeure  partie  de  la  2*  division,  et  se  réunit 
au  général  Laval  en  arrière  de  Hijar.  Les  deux  divisions  pou- 
vaient s^élever  ensemble  h  environ  8,000  hommes,  dont  600  de 
cavalerie.  Peu  confiant  en  ses  nouvelles  troupes,  le  général  Su- 
chet  les  passa  en  revue,  leur  rappela  la  gloire  qu'elles  avaient 
acquise  dans  les  tranchées  de  Saragosse,  leur  parla  de  Tespoir 
que  la  patrie  mettait  dans  leur  valeur,  et,  tout  à  la  fois  inquiet 
et  empressé  de  les  essayer,  il  se  mit  en  marche  dans  la  nuit  du 
22 ,  et  le  23,  à  six  heures  du  matin,  il  se  présenta  devant  Al- 
caniz,  où  Blake  avait  pris  position.  La  droite  espagnole  était 
commandée  par  don  Juan-Carlos  d'Areizaga  ;  la  gauche ,  com- 
posé des  Valenciens,  était  aux  ordres  de  don  Pedro  Roca  ;  Blake 
commandait  le  centre  avec  le  marquis  Lazan.  Cette  armée  était 
adossée  au  cours  de  la  rivière  de  Guadalope,  en  face  d'Alcaniz. 
En  arrivant,  les  Français  replièrent  l'avant-garde  espagnole  et 
lui  firent  une  trentaine  de  prisonniers.  Un  mamelon ,  dit  de 
Las  Horcas,  situé  devant  le  déifié  du  pont  et  les  débouchés  de 
la  ville,  couvrait  le  centre  de  la  ligne  ennemie  ;  il  était  défendu 
par  du  canon  et  une  ligne  d'infanterie.  Le  général  Suchet  es- 
pérait qu'en  s'eraparant  de  cette  colline  la  défense  des  ailes 
tomberait  sans  effort.  En  conséquence,  deux  attaques  furent 
dirigées  contre  les  deux  ailes  pour  les  contenir,  tandis  que  le 
général  Fabre,  à  la  t6te  du  1 1 4®  de  ligne  et  du  M'*  régiment  de 
l'a  Vistule,  se  portait  en  colonne  d'attaque  sur  le  mamelon,  au 
pied  duquel  il  arriva  sous  un  feu  violent  de  mitraille  et  de  mous- 
queterie.  Là  une  large  coupure  arrêta  la  colonne,  qui  alors  com- 
mença à  flotter,  et  bientôt  après  se  replia  en  désordre,  sans  qu'il 
fût  possible  de  la  ramener  au  combat.  Pendant  ce  temps  l'attaque 
de  ladroiteespagnole,  établie  sur  la  colline  de  l'ermitage  de  For- 
nolès ,  avait  également  échoué  contre  la  vigoureuse  résistance 
du  général  Areizaga.  Peu  satisfait  de  l'expérience  qu'il  venait  ^ 

de  faire  de  la  valeur  de  ses  troupes,  le  général  en  chef  suspeu" 
dit  l'action ,  maïs  ne  se  relira  qu'à  la  nuit,  laissant  en  arrière- 


364  LIYBM  SVPTIÈMR. 

ig09.     garde  le  bataillon  du  64*  de  ligne,  appartenant  à  son  ancienne 
Espagne,   division.  L'eunemi,  se  contentant  de  son  succès,  ne  suivit  pas  le 
raouvicment  rétrograde  des  deux  divisions  françaises,  qui  le  30 
prirent  position  sous  Saragosse. 

Si  après  Taffaire  d^Alcaûiz  le  général  Blake  se  fût  porté  ra- 
pidement en  avant,  sans  laisser  au  3«  corps  le  teiçps  de  se  re- 
mettre,  il  Taurait  forcé  peut-être  à  évacuer  l'Aragon  et  se  se- 
rait emparé  de  Saragosse  ;  mais  ce  général  avait  aussi  une  armée 
composée,  en  grande  partie ,  de  corps  de  nouvelle  formation  et 
sans  expérience  de  la  guerre  ;  il  se  borna  donc  pendant  quelques 
jours  à  exercer  ses  troupes  aux  marches  et  aux  manœuvres , 
et  attendit  les  renforts  que  la  junte  de  Valence  s'empressa  de 
lui  envoyer.  De  son  côté  le  général  Suchet  sut  aussi  mettre  à 
profit  le  temps  que  Blake  lui  laissa.  En  s*  arrêtant  devant  Sa- 
ragosse ,  il  concentra  sa  petite  armée  sur  ce  point  unique,  eu 
attendant  Parrivée  de  la  3*  division,  composée  des  116*  et  1 17^ 
régiments  de  ligne,  qui  venait  de  Tudéla.  La  l'*  division  fut 
placée  en  avant  de  la  chartreuse  de  la  Conception  ;  la  2^ ,  sur 
les  hauteurs  du  mont  Torréro,  où  le  général  en  chef  fit  cons- 
truire des  retranchements  et  des  redoutes.  Le  iioiubourg  fut 
barricadé  ;  les  fortiûcations  de  TAljaféria  ou  couvent  de  llnqui- 
sition  furent  réparées.  Le  général  Suchet  s'attacha  surtout  à  re^ 
lever  le  moral  de  ses  soldats,  en  même  temps qu*il  s'occupait 
de  leur  bien-être.  Des  revues  fréquentes,  des  exercices  à  feu  et 
de  grandes  manœuvres,  dont  on  occupait  leurs  journées  comme 
en  pleine  paix,  le  rappel  à  la  tenue  et  à  la  discipline  leur  ren- 
daient la  confiance  en  eux-mêmes  et  en  leurs  chefs ,  et  firent 
renaître  dans  leurs  cœurs  le  sentiment  presque  éteint  de  leur 
valeur.  Quinze  jours  suffirent  pour  obtenir  ces  importants  ré^- 
sultats. 
15 Juin.  Combat  de  Maria.  —  Dans  les  premiers  jours  de  juin,  le 
général  Blake  mit  son  armée  en  marche  et  se  dirigea  du  côté 
de  Belchite,  à  la  tête  d'environ  20,000  hommes  de  troupes, 
régulières,  sans  compter  de  nombreuses  bandes  de  miquelets 
qui  devaient  protéger  ses  flancs  et  harceler  les  troupes  du  3* 
corps  sur  tous  les  points.  Le  13,  la  division  du  général  Areizaga 
était  arri vée  jusqu'à  Botorrita,  tandis  que  le  général  Blake  était 
à  Fuendetodos  avec  le  reste  de  l'armée.  Le  général  Suchet,  qut 


QUEBRE   d'eSPAGNE.  S65 

Tattendait  de  pied  ferme,  avait  laissé  sa  cavalerie  à  El  Burgo  et      ime. 
partagé  son  infanterie  entre  le  mont  Torréro  et  le  monastère  de 
Santa^Fé,  snr  la  roule  de  Saragosse  à  Madrid.  En  même  temps 
il  détachait  le  général  Fabre  à  Villa-de-Muel  avec  1,200  hom- 
mes pour  éclairer  la  droite  de  Tarmée.  Blake,  informé  que  Fa- 
bre s'était  avancé  de  Muel  à  Lougarès  ,  se  porta  le  même  soir 
dans  cette  direction;  mais  le  général  français,  se  voyant  coupé 
de  Saragosse  par  Areizaga,  qui  avait  passé  la  Huerba,  abandonna 
un  convoi  de  vivres  et  se  retira  sans  autre  perte  à  Plasencia  de 
Jalon.  Le  général  Suchet  ordonna  à  la  2*  division,  commandée 
par  le  général  Musnier,  de  s'avancer  au  soutien  du  général  Fa- 
bre ;  mais  cette  division,  qui  chercha  le  14  à  s'emparer  de  la  po- 
sition d*  Areizaga  à  Botorrita,  pour  rouvrir  la  communication , 
fht  bientôt  forcée  de  se  replier  à  l'approche  du  gros  de  l'armée 
espagnole,  que  Blake  amenait  de  Villa-de-Muel.  Pendant  ce 
temps  le  général  Fabre,  qui,  de  Plasencia,  avait  descendu  le  long 
des  bords  du  Jalon,  rejoignait  le  1 5  par  la  route  de  Tudéla.  I^e 
même  jour  le  général  Blake  arrivaà  Maria,  à  deux  lieues  et  demie 
déSaragosse,  et  déploya  son  armée  en  avant  de  la  petite  rivière 
que  la  grande  route  traverse  par  un  poat  près  de  ce  village.  11 
appuya  sa  droite  à  la  Uuerba^  dont  il  occupa  les  deux  rives,  et 
prolongea  son  centre  et  sa  gauche  sur  les  hauteurs,  quMl  garnit 
dMnfanterie  formée  sur  deux  lignes  et  d'artillerie.  La  première 
ligne  était  commandée  par  don  Pedro  Roca  et  la  2^  par  le  mar- 
quisdeLazan.  La  cavalerie,  aux  ordres  du  général  O'Donoju,  était 
placée  à  la  droite  avec  quelque  infanterie.  Cette  armée  se  com- 
posait d'environ  14,000  hommes,  non  compris  la  division  d'A- 
reizaga,  forte  de  5,000  hommes,  qui  était  détachée  à  Botorrita. 
Le  général  Suchet,  qui,  le  matin,  ne  pouvait  disposer  que  de 
treize  bataillons ,  sept  escadrons  et  douze  pièces  de  canon ,  en 
tout  moins  de  9,000  hommes,  cherchait  à  gagner  du  temps  jus- 
qu'à Tarrivée  du  détachement  du  général  Fabre  et  de  la  3*^  divi- 
sion, et  ne  se  pressait  pas  d'engager  l'action.  D'après  un  nouvel 
ordre  de  bataille  adopté  pour  la  journée  du  16,  le  44®  de. ligne 
et  le  3*  régiment  de  la  Yistule ,  de  la  i'*'  division ,  restèrent 
dans  le  camp  du  mont  Torréro,  observant  la  route  de  Fuentès, 
La  brigade  Habert  et  la  2^  division  furent  mises  en  ligne,  et  cam- 
pèrent, partie  au  monastère  de  Santa-Fé ,  partie  sur  les  hau- 


366  UVRB  SBPTI;ÈliB. 

tMo.  teurs  k  droite.  Le  bataillon  du  64®  était  placé  en  arrière  sur  ta 
^*i^°^  grande  route,  auprès  de  la  brigade  de  cavalerie  du  général  Wat- 
tier«  Le  colonel  du  génie  Haxo,  avec  les  troupes  de  son  arnie 
et  i^QOO  boinmes  d'infanterie^  resta  dans  Saragosse  pour  con- 
tenir la  population  de  cette  ville  en  cas  de  soulèvement.  Vers 
midi  les  1 1 6*  et  1 1 7^  régiments,  conduits  par  le  colonel  Robert» 
arrivèrent  à  hauteur  de  Saragosse ,  et  reçurent  Tordre  de  se 
porter,  sans  faire  halte,  vers  fe  monastère  de  Santa-Fé.  Ce  ren- 
fort de  sept  bataillons  et  du  détachement  du  général  Fabre 
qui  rentrait  à  Saragosse,  rendant  la  partie  moins  inégale,  le 
^néral  Suchet  fit  aussitôt  avancer  en  ligne  la  première  réserve, 
et  le  général  Wattier  fut  rapproché  de  la  gauche,  commandée 
par  le  général  Habert.  La  2'  division  s*étendit  sur  les  hauteurs, 
formant  le  centre  et  la  droite  dont  Textrémité  fut  flanquée  par 
l'escadron  de  lanciers  polonais  commandé  par  le  colonel  Kliski* 
Jusqu'alors  les  Espagnols  étaient  restés  dans  l'immobilité  après 
leur  formation,  qui  s'opéra  lentement. 

A  deux  heures,  Tattaque  commença  sur  toute  la  ligne.  L'ar- 
mée espagnole  ût  d'abord  un  mouvement  par  sa  gauche  contre 
la  droite  française,  menaçant  de  la  déborder  ;  mais  le  général 
Suchet  détacha  aussitôt  sur  le  flanc  gauche  de  l'ennemi  les  lan- 
ciers polonais  et  300  voltigeurs,  tandis  qu'on  bataillon  du  114® 
de  ligne  marcha  directement  en  colonne  d'attaque  contre  cette 
aile,  ce  qui  força  les  bataillons  espagnols  à  se  replier  sur  leur 
ligne  de  bataille.  Le  général  en  chef  fit  alors  attaquer  la  gauche 
et  le  centre  de  Blake ,  et  ordonna  au  géiiéi*al  Musnier  de  fran- 
chir un  ravin  qui  séparait  les  deux  armées*  Le  colonel  Chlo*. 
picki,  À  la  tête  du  l""'  régiment  delà  Vistule,  et  les  1 14^  et  lia'' 
régiments  déployés  se  portent  aussitôt  contre  la  position  des 
Espagnols,  sous  un  feu  meurtrier  d'artillerie.  Cettx:-ci,  après 
avoir  renforcé  leur  gauche,  résistent  à  cette  attaque  et  arrêtent 
le  115''  au  bord  do  ravin;  mais  l'intrépide  général  Harispe, 
chef  d'état-roajor  du  S*^  corps,  &e  précipite  dans  le  ravin  à  la 
tète  de  100  grenadiers,  et,  quoique  blessé  d'abord,  rétablit  le 
combat.  Dans  ce  moment  un  violent  orage,  mêlé  de  vent  et  de 
pluie ,  éclata  sur  les  combattants,  qui  ne  purent  plus  se  voir, 
bien  que  très-rapprochés.  Aussitôt  que  le  temps  fut  éclairci,  le 
général  Suchet,  refusant  sa  gauche,  pendant  que  son  centre  et 


GDRRBB   o'BSPAOIfS.  367 

sa  droite  étaient  aox  prises  avec  le  centre  des  Espagnols ,  or-  im» 
donna  au  géoéral  Babert  de  porter  en  avant  le  14®  de  ligne 
précédé  dn  bataillon  du  S""  léger  en  tiraillenrs,  et  au  général 
Wattier  de  devancer  Tinfanterie  avec  le  4^  régiment  de  hus- 
sards et  le  1 3*^  de  cuirassiers,  d'enfoncer  la  droite  ennemie  par 
une  charge  rapide,  et  de  s'emparer  du  petit  pont  de  Maria,  en 
arrière  de  Textréme  droite  de  la  ligne  espagnole.  Ce  mouvement 
fût  exécuté  avec  tant  de  promptitude  et  de  précision  que  la 
droite  de  Biake  fut  rompue  et  sa  cavalerie  culbutée  ;  le  petit 
pont  fut  enlevé,  ainsi  qu'une  batterie  qui  appuyait  cette  cava- 
lerie. Le  général  espagnol,  quoique  privé  de  sa  droite,  n'aban* 
donna  cependant  pas  sa  position ,  dans  laquelle  il  se  maintint 
de  pied  ferme  ;  mais,  bientôt  assaillies  en  flanc  par  le  général 
Habert  et  de  front  par  le  général  Musnier,  les  masses  d'infan- 
terie des  généraux  Lazan  et  Roca  furent  enfoncées ,  se  préci- 
pitèrent en  désordre  dans  les  ravins  pleins  d'eau  qui  sillonnaient 
les  derrières  de  leur  position  et  ne  s'échappèrent  qu'à  la  faveur 
de  la  nuit. 

yingt-<;inq  pièces  de  canon  avec  leurs  caissons ,  trois  dra-» 
peaux,  le  général  ODonoJu,  8  officiers  supérieurs,  400  soldats 
prisonniers,  tels  furent  les  trophées  de  ce  combat,  où  les  Espa- 
gnols avaient  eu  en  outre  plus  de  1,200  hommes  tués.  La  perte 
des  Français  fut  de  600  à  700  hommes  tués  ou  blessés.  Le  géné- 
ral Suchet  eut  à  se  louer  de  la  tranquillité  des  habitants  de  Sa- 
ragosse  en  cette  circonstance.  Ils  voyaient  combattre  sous  leurs 
yeux  une  armée  nombreuse  accourue  dans  Tintention  de  les 
délivrer,  et  qui,  probablement,  comptait  sur  leur  coopération  ; 
mais  ils  ne  firent  aucun  mouvement  en  sa  faveur,  soit  que 
les  terribles  et  récents  malheurs  du  siège  qu'ils  avaient  eu  à 
soutenir  eussent  glacé  de  crainte  le  petit  nombre  d'entre  eux 
encore  disposés  à  tenter  un  nouvel  effort ,  soit  qu'ils  fussent 
contenus  par  l'ascendant  d'un  chef  dont  ils  redoutaient  la  va- 
leur, et  qui,  par  sa  modération,  leur  inspirait  déjà  une  grande 
confiance. 

Le  combat  de  Maria  venait  de  sauver  Saragosse.  Le  général 
Suchet  sentit  qu'il  fallait  suivre  cet  avantage  avec  toute  l'ac- 
tivité possible ,  afin  d'expulser  entièrement  de  l'Aragcm  une 
armée  encore  bien  redoutable  malgré  sa  défaite.  Il  se  mit  donc 


3Gft  LIVBE   SEPTIÈHB. 

ig09.      sur-le-champ  à  la  poursuite  de  Blake,  l'atteignit,  à  Botorrfla, 

"^s*^*   où  il  avait  rallié  ses  troupes  à  la  division  du  général  Areizaga, 

et  le  força  à  continuer  jusqu'à  BelcMte  son  mouvement  rétro* 

grade.  Les  Français  firent  prisonniers,  dans  cette  roardie ,  un 

bataillon  de  marins  et  enlevèrent  cpelques  équipages. 

«s  juin.  Combat  de  Belchite.  — Le  18,  le  général  Suchet  trouva 
l'armée  espagnole  rangée  en  bataille  devant  Belchite^  bourg 
situé  à  neuf  lieues  au  sud  deSaragosse.  Ayant  reçu  pendant 
la  nuit  un  renfort  de  4,000  hommes  de  troupes  valendennes, 
et  se  fiant  d'ailleurs  aux  bonnes  positions  qu'occupaient 
ses  troupes,  le  général  Blake  avait  cru  pouvoir  tenter  le  sort 
d'un  nouveau  combat,  afin  d'arrêter  la  marche  victorieuse  de 
son  adversaire.  Le  centre  de  la  ligne  espagnole  s'appuyait  à 
Belchite  et  au  couvent  de  Santa-Barbara  ;  la  droite  était  sur 
une  hauteur  appelée  le  Calvaire,  défendu  par  un  fossé  et  protégé 
par  le  bourg ,  qui  a  une  enceinte  et  des  portes;  la  gauche  s'é- 
tendait» derrière  des  espèces  de  retranchements  naturels,  jus- 
qu'à l'ermitage  de  Nuestra-Senora  del  Pueyo.  Des  plants  d'o- 
liviers qui  garnissaient  le  terrain  en  avant  du  front  de  l'ennemi 
étaient  occupés  par  de  nombreux  tirailleurs,  et  la  cavalerie 
était  postée  sur  la  route  de  Saragosse. 

Le  général  Suchet,  ayant  déployé  ses  troupes  dans  la  plaine 
en  avant  de  Belchite,  fit  avancer  un  bataillon  d'infanterie  lé- 
gère vers  le  centre  ennemi,  pour  l'occuper  sur  ce  point,  tandis 
que  le  général  Habert  se  portait  en  colonne  serrée  sur  les  hau- 
teurs à  droite  de  Belchite  et  que  le  général  Musnier  marchait 
en  colonne  par  bataillon  sur  la  gauche  des  Espagnols,  pour  les 
déborder  et  les  charger  ensuite  vigoureusement.  Ces  mouvements 
furent  exéeutés  avec  la  plus  grande  précision.  Le  114^  régi- 
ment et  le  1*"^  régiment  de  la  Yistule  abordèrent  l'ennemi  avec 
impétuosité,  sous  un  feu  terrible  de  mitraille,  tandis  que  le  115* 
prenait  plus  à  gauche.  Blake  tenta  vainement  défaire  soutenir 
son  infanterie  par  quelques  escadrons.  Le  colonel  Burthe ,  à  la 
tête  du  4®  régiment  de  hussards,  eut  bon  marché  de  cette  mau- 
vaise cavalerie,  qui  tourna  bride  au  premier  choc.  Un  obus  de 
l'artillerie  française ,  ayant  fait  sauter  un  des  caissons  espa- 
gnols, mit  la  plus  grande  confusion  dans  les  rangs  ennemis. 
Bientôttoutes  les  positions  furent  enlevées  ;  Tennemi  abondonna 


IM9. 


•     GUEBU  d'ESPAGRB.  360 

neuf  iilëees  decauon»  les  dernières  qui  loi  étaient  restées  de  Taf- 
faire  de  Maria,  et  tontes  ses  munitions.  Les  soldats,  en  fuyant ,  e^Ûa, 
jetaient  leur»  sacs  et  leurs  fusils  pour  courir  plus  vite.  Les  hus- 
sards iirançaia  sabrèrent  presqa*en  entier  le  1*^'  régiment  de 
Valence»  qui  voulut  se  rallier  a  quelque  distance  du  champ  de 
bataille;  tout  ce  qui  put  échapper  à  la  mort  fut  fait  prisonnier. 
Ce  combat,  dans  lequel  les  Français  eurent  à  peine  40  morts  et 
200  blessés,  tant  leur  attaque  avait  été  brusque  et  bien  diri- 
gée, leur  valut,  outre  les  neuf  derniers  canons  de  Tarmée  espa- 
gnole, un  drapeau^  vingtrtrois  caissons,  des  voitures  de  baga- 
ges, une  grande  quantité  de  fusils  et  plus  de  4,000  prisonniers  ; 
7  à  800  Espagnols  avaient  été  tués.  Les  troupes  Victorieuses 
campèrent  le  soir  à  Alcaniz. 

Ainsi,  quelques  Jours  avaient  suffi  au  général  Suchet  pour 
détruire  ou  disperser  entièrement  l'armée  de  Blake.  En  rap- 
pelant à  ses  troupes  les  brillants  avantages  qu'elles  venaient 
de  remporter,  il  leur  disait  dans  son  ordre  du  jour  du  21  juin  : 
«  Soldats!  quecessuccèsvousapprennent  à  juger  de  votre  force. 
Lorsque  la  confiance  en  vous-mêmes  et  la  discipline  vous  con- 
duiront, vous  serez  tou\jours  invincibles.  Nous  habiterons  des 
camps;  nous  nous  y  exercerons;  nous  y  formerons  les  jeunes 
gens  qui  arrivent  dans  nos  rangs,  et  nous  conserverons  cette 
mâle  énergie  qui  constitue  les  armées  françaises.  Je  veillerai  à 
votre  l^en-étre  ;  le  pays  fournira  à  votre  subsistance,  et  vous« 
par  votre  discipline,  vous  rendrez  la  sécurité  aux  liabitants. 
Vous  ramènerez  à  la  soumission  et  à  la  paix  les  hommes  égarés, 
victlmesde  quelques  chefs  ambitieux  et  des  intrigues  anglaises; 
vous  ferez  aimer  par  votre  conduite  le  gouvernement  du  frère 
de  notre  empereur.  x> 

Après  le  combat  de  Bdchite,  le  général  Suchet  traversa  l'Èbre 
à  Gaspe,  le  as  jum,  fit  reconnaître  Mequinenza,  se  porta  sur 
Fraga,  passa  la  Qnca  et  reprit  possession  de  Monzon.  Le  i*^ 
juillet,  il  revint  étabir  son  quartier  général  à  Saragosse  pour 
y  préparer  les  moyens  nécessaires  à  ses  opérations  subséquentes. 
Il  s'occupa  d*abord  d'améliorer  l'organisation  de  son  corps  d'ar- 
mée et  de  mettre  à  profit  les  ressources  du  pays,  afin  de  pour- 
voir constamment  à  l'entretien ,  à  la  nourriture  et  à  la  solde 
des  troupes;  il  créa  des  magasins  de  vivres,  de  munitions, 


Z70  LIVRB  SEPTIBMB. 

no9.  d*habillement ,  d^équipemeot  et  d'armement  en  tout  genre  '. 
Enngne.  j^^^  ^^  remplissant  avec  un  plein  succès  cette  tâche  impor- 
tante, le  général  Suchet  disposa  ses  troupes  de  manière  à  ob- 
server des  communications  faciles  avec  la  France,  et  à  hire 
une  guerre  active  aux  nombreuses  bandes  qui  désolaient  sur 
tous  les  points  les  frontières  de  l'Aragon.  Pour  jouir  de  quelque 
sécurité  dans  l'intérieur  de  cette  vaste  province ,  pour  pouvoir 
y  lever  des  contributions  en  argent  et  en  nature,  et  pour  en  as- 
surer la  rentrée  dans  Saragosse,  il  fallait  que  des  soldats  aguer- 
ris, conduits  par  des  chefs  expérimentés ,  et  tout  à  la  fois  au- 
dacieux et  prudents^  fussent  presque  toujours  en  campagne.  Ces 
sortes  d'expéditions  ne  demandaient  pas  moins  de  force  physi- 
que et  de  patience  que  de  valeur  et  d'intelligence  ;  les  hommes 
qui  y  étaient  destinés  tour  à  tour  avaient  à  supporter  les  mar- 
ches les  plus  pénibles  et  les  plos  rudes  fiitigues  ;  car,  à  peine 
battus  et  dispersés  sur  un  point,  les  insurgés,  souvent  plus  hardis 
après  une  défaite  qu'avant  le  combat ,  se  présentaient  sur  un 
autre  avec  une  persévérance  infatigable.  Le  général  Suchet , 
obligé  de  mettre  à  de  fréquentes  et  périlleuses  épreuves  le  dé- 
vouement de  ses  troupes,  savait  soutenir  et  ranimer  leur  zèle 
par  des  ordres  du  jour  où  le  soldat,  comme  l'offider,  lisait  la 
mention  honorable  de  ses  actions,  et  où  tous  les  traits  de  ooa- 
rage  étaient  recueillis  avec  une  exactitude  scrupuleuse,  qui  ex- 
citait l'enthousiasme  et  maintenait  l'ardeur  génén^.  Qiacnn 


■  La  prévoyance  et  la  sollicitude  da  général  Sachet  aur  des  objets  aussi 
importants,  secondées  par  son  chef  d*état-miû<^le  gteéral  Saint'Cy^•KagueB» 
qui  airait  succédé  au  général  Harispe,  blessé  au  combat  de  Maria,  et  par 
l'ordonnateur  en  chef  Dondurand,  furent  telles  que,  dans  les  circonstan- 
ces les  plus  critiques,  le  3*  corps,  deTenu  depuis  armée  d'Aragon,  ne 
cessa  jamais  de  recevoir  ses  distributions  de  vivrcit,  et  que  le  payeoMBt  de 
la  solde  n'éprouva  pas  un  mots  de  retard.  Cependant  les  ressources,  dans 
un  pays  ravagé  presque  sur  tous  les  points  et  épuisé  par  un  siège  ruineus, 
étaient  bien  rares ,  sorlout  pendant  les  prenûers  mois  du  Gommandement 
du  général  Sueliet.  L'ordre  de  l'administration,  l'exacte  discipline  observée 
par  les  soldats,  la  confiance  inspirée  an  habitants  semblèrent  multiplier 
«es  mêmes  ressources,  et  elles  fournirent  au  général,  prompt  et  sévère 
dans  U  répression  des  abus ,  les  moyens  d'alfanealer  et  de  payer  ses  troupes 
sans  ttre  à  charge  à  la  France,  d'oft  il  ne  (ira  jamais ,  e»  ancoo  temps,  ni 
argent,  ni  provisions. 


GUCAEfi  d'eSÇAONB.  371 

voulait  mériter  la  même  distiDction ,  d'autant  plus  ^ohattée  iao». 
qu'elle  était  presque  toujours  suivie  ou  de  la  décoration  des  ^t'^^**^ 
brav^  ou  de  ravaneemait  à  un  grade  supéf leur.  Dans  ces  ex- 
péditions partielles»  où  tant  de  dévouement  et  d'actions  d'éclat 
restent  presque  toujours  ignorées,  les  troupes  ne  sont  pas  moins 
dignes  de  Testime  et  de  la  reconnaissance  de  leur  pays  que 
sur  ees  vastes  champs  de  bataille  arrosés  du  sang  de  plusieurs 
milliers  d'hommes,  dans  ces  actions  dont  les  bouches  de  la  re- 
nommée se  fatiguent  à  redire  les  moindres  particularités  \ 

Les  paysans  qui  avaient  marché  sous  les  drapeaux  de  Bjake^ 
n'ayant  plus  de  point  de  rassemblement  après  la  déroute  de 
Belchite^  s'étaient  éparpillés  dans  les  montagnes  pour  recruter 
les  anciennes  bandes  de  miqueiets  ou  en  former  de  nouvelles^ 

C'est  ainsi  que  les  Espagnols^  toujours  vaincus  et  Jamais  sou^ 
mis,  animés  parce  courage  que  rien  ne  peut  abattre,  parce  que 
l'amour  de  la  patrie  en  est  le  moteur,  opposèrent  aux  Français 
dans  toute  la  Péninsule,  mais  surtout  en  Aragon  et  en  Catalo^ 
gne,  la  même  résistance  que  leurs  fiers  aïeux  avaient  Jadis  op- 
posée  aux  Carthaginois,  aux  Romains,  aux  Goths,aux  Maures» 
à  Charlemagne  et  à  Louis  XIV. 

Dès  le  commencement  de  juillet,  ces  bandes,  bien  que  sans 
espoir  d'être  secourues  par  des  troupes  régulières ,  ne  se  mon* 
traient  pas  avec  moins  d'audace  sur  les  frontières  de  la  Navarre, 
de  la  Vleille-Castille,  du  royaume  de  Valence  et  de  la  Gatalo* 
gne.  Une  d'entre  elles,  commandée  par  un  nommé  Pédrosa, 
avait  osé  s'avancer  près  de  Barbastro,  où  était  campé  le  colonel 
Bobert  avec  une  brigade  d'infanterie.  Le»  grenadiers  et  volti* 
geursdes  116*  et  117*  régiments  culbutèrent  jG^ilement  cette 
masse  d'insurgés,  et  la  mirent  en  fuite  avec  perte  de  ses  canons> 
de  ses  muniUons  et  de  ses  bagages*  Le  colonel  Rouelle  et  le» 
chefs  de  bataillon  Dandifredi  et  Mathis,  à  la  tête  de  plusiettra 

'  «  11  est  peu  d*éTénement8  à  la  guerre  où  des  officiers  et  de  simples 
soldats  ne  fassent  de  ces  prodiges  de  valeur  qui  étonnent  ceux  qui  en  sont 
témoins ,  et  qui  ensuite  restent  ponr  Jamais  dans  Toubti.  Si  un  généré! ,  un 
prince,  an  monarqa«  e«t  feic  nnede  ees  actions,  eHa  semH  eonaaei^  à  la 
posUrité  s  mais  la  mniiande  de  ce»  faits  militaires  se  nuit  à  elle-mêiM,  eC» 
en  tout  genre,  ii  n'y  a  qva  les  choses  principales  qui  restent  d«Mis  la  mé* 
moire  dos  hommes.  »  (  Voltaire  ,  Siècle  de  Louis  XV. 

24. 


372  LITHB  SEPTIÈMB. 

colonnes  de  cette  même  brigade  Robert,  achevèrent  de  disper- 
^^^f^'    ser  toas  les  rassemblements  des  environs. 

Dans  le  même  temps ,  le  général  Hab^ ,  ayant  sons  ses  or- 
dres deux  bataillons  et  50  hussards  du  4*,  attaquait  à  Paiengaa 
la  bande  de  Péréna,  lui  tuait  800  hommes  et  la  poursuivait  Jus- 
quedanslesmontagnesinaccessiblesoùelleparvintàse  réfugier. 

Un  parti  plus  redoutable  que  ces  bandes  s'était  formé  des 
débris  de  l'armée  de  Blake  et  se  montrait  à  la  même  époque 
du  côté  de  Daroca;  le  brigadier  général  Villacampa  en  avait 
pris  le  commandement.  Ce  chef,  pldn  d'activité,  de  ressources, 
expérimenté,  infatigable,  était  très^ropre  au  genre  de  guerre 
qu'il  avait  embrassé ,  surtout  dans  un  pays  où  il  exerçait  une 
très-grande  influence,  et  où  il  pouvait  à  son  gré  appeler  la  po- 
puUtion  des  villages  sous  ses  drapeaux.  11  avait  d'abord  cher- 
ché à  surprendre  quatre  compagnies  polonaises  postées  à 
GaHocanta;  mais  ce  projet  avait  échoué  par  la  vigilance  du  gé- 
néral Chlopleki  et  par  la  fermeté  du  colonel  Kosinowski.  De- 
puis, il  fit  successivement  d'autres  tentatives,  qui  furent  éga- 
lement sans  succès.  Battu  pendant  deux  mois  et  poursuivi  de 
village  en  village  par  le  colonel  Henriod ,  du  14*  régiment  de 
Hgse,  dont  les  forces  ne  s'élevaient  pas  à  plus  de  2,000  hom- 
mes, Villacampa  était  venu  se  réfugier  dans  la  grande  chaîne 
des  monts  de  Gastille,  qui  s'étend  Jusqu'en  Aragon;  il  avait 
Mt  du  couvent  de  Nuestra-Senora  del  Tremendal  sa  principale 
place  d'armes  et  le  dépôt  de  toutes  ses  munitions. 

Ce  monastère  est  bâti  sur  le  sommet  d'une  montagne  de  trois 
quarts  de  lieue  d'étendue,  détachée  de  la  chaîne  des  monts  de 
la  Gastille  9  dont  elle  couvre  en  quelque  sorte  les  communica- 
tions. Aux  pieds  ramifiés  de  ce  Saint-Gohard  des  Castilles  nais- 
sent les  fleuves  du  Tage,  du  Jucar,  du  Guadalaviar  et  de  dix 
à  douze  autres  rivières  accroissant  ces  trois  fleuves,  qui  versent 
leurs  eaux  dans  la  Méditerranée.  Les  sources  de  la  Guadiana 
sont  éloignées  de  ce  départ  principal  d'environ  vingt  lieues. 

Villacampa  avait  avec  lui  environ  4,000  hommes  de  troupes 
de  ligne  et  beaucoup  de  paysan^;  des  prêtres  et  des  moines  de  la 
Gastille,  portant  une  croix  rouge  sur  leurs  vêtements,  s'étaient 
Joints  à  cette  petite  armée  pour  exciter  le  fanatisme  et  fomenter 
l'insurrection. 


GUBBBB  D'iSPàOlIB.  87S 

Le  général  Suchet,  sentant  combien  les  insurgés,  maîtres 
d*un  poste  aussi  formidable  et  aussi  inaocessiblOy  pouTaient  ap- 
porter d'obstacles  à  ses  projets,  ordonna  au  colonel  Henriod  de 
reconnaître  la  position,  mais  de  ne  rien  compromettre,  attendu 
rinsuffisanoe  des  moyens  qu'il  avait  à  sa  disposilioDu  Gel  offi- 
cier, obligé  de  laisser  quelques  détacbements  pour  la  steelé  du 
territoire  dont  il  avait  le  commandement  %  partit  le  3$  noven»- 
bre  de  Daroca.  distant  de  quinze  lieues  de  TremendaJ»  à  la  tdle 
du  14^  ré(^ment  de  ligne,  du  1 3^  de  cuirassiers,  de  quatre  com- 
pagnies d'élite,  et  d'un  bataillon  du  3^  régiment  de  la  Ylstnlo, 
avec  deux  pièces  de  canon  et  un  obusier.  Arrivé  le  15  au  pied 
du  mont  Tremendal,  le  colonel  Henriod  fit  ses  dispositions  d'at- 
taque, et,  après  buit  heures  d'un  combat  opiniâtre,  il  s'empara 
du  couvent,  qui  fût  livré  aux  flammes.  Il  avait  fallu  enlever 
chaque  mamelon  à  la  baïonnette ,  et  gravir  une  montapie  de  la 
plus  liante  élévation  par  des  chemins  en  zigzags,  étroits  et  es- 
carpés, qui  fournissaient  aux  Espagnol»  to  moyens  d'arrêter  à 
chaque  pas  leurs  adversaires.  Toutefois,  la  perte  des  premiers 
fut  de  600  hommes  tués  ou  blessés  et  quelques  prisonniers; 
celle  des  Français  n'alla  pas  au  delà  de  1 2  hommes,  dont  1  tués. 
Ceci  serait  incroyable  si  l'on  ne  connaissait  pas  tout  l'avantage 
du  tir  de  bas  en  haut.  Les  colonels  Daigremont  et  Kosinowskî, 
le  chef  de  bataillon  Petit ,  le  chef  d'escadron  Saint^jeorges,  le 
capitaine  d'artillerie  Camp,  et  surtout  le  colonel  Henriod,  qui 
avait  si  habilement  dirigé  cette  audacieuse  expédition,  reçurent 
en  cette  occasion  les  Justes  témoignages  de  la  satisfaction  du 
général  Suchet. 

Pendant  que  ces  diverses  actions  se  passaient  vers  les  mon- 
tagnes de  Gastille  qui  forment  au,  sud-ouest  les  limites  de  l'A- 
ragon,  les  bandes  de  Pédrosa,  de  Péréna  et  du  colonel  Baget, 
chassées  des  vallées  du  Yero-  et  de  TAlcanadre,  s'étalent  réunies 
de  l'autre  côté  de  la  Ginca  et  faisaient  des  excursions  jusqu'aux 
bords  à»  la  Sègre.  Le  colonel  Burthe ,  avec  ses  hussards  et  un 
bataillon  du  tl6*de  ligne,  surprit  un  de  ces.  partis  à  Torrede 
Sègre,  lui  tua  150  hommes  et  fit  50  prisonniers,  parmi  lesquels 


'  C'étaient  tes  districts  ou  corregimientos  de  Calatayud,  de  Dsroca» 
d'AlbarrafiîD.et  partie  de<»slQi  deTeruel. 


374  LIVBÏ  SEPtlÉMB. 

«lao.  se  trouvaient  le  colonel  Baget  et  deux  capitaines.  Le  général 
Uai>crt,  ne  laissant  point  de  repos  aux  autre»  bandes,  les  défit 
égâlemeut  en  plosleurs  rencontres ,  dont  la  plus  remarquable 
ftit  celle  qoi  eut  lieu  près  do  village  de  Pons ,  où  les  insurgés 
eurent  300  hommes  tués  et  un  plus  grand  nombre  de  blessés. 

I^  colonel  Dupeyroux,  posté  à  Gaspe,  battit,  avec  un  batail- 
lon de  son  régiment  (le  115^)  un  corps  de  1,400  hommes,  qui , 
deBatea,  s*étalt  avancé  sur  le  cantonnement  français.  L'ennemi 
s'enfùlt  précipitamment  après  avoir  laissé  plus  de  80  hommes 
sur  le  champ  de  bataille. 

L'adjudant-icommandant  Plique  opérait  vers  ce  temps  le  dé- 
sarmement et  la  soumission  du  territoire  de  Cinco-Yillas,  dans 
le  haut  Aragon,  et  le  général  Buget,  après  avoir  parcouru  avec 
le  8«  régiment  de  la  Yistule  une  partie  des  montagnes  qui  sé- 
parât t' Aragon  de  la  Castille  et  de  la  Navarre,  communiquait 
avec  les  troupes  qui  occupaient  Soria,  dans  la  Nouvelle-Gastille. 
11  avait,  dans  cette  excursion,  dispersé  les  bandes  qui  infestaient 
le  paj^,  rétabli  Tordre,  et  fait  rentrer  la  contribution  en  nature. 

Mais  l'honneur  d'un  combat  plus  périlleux  que  ces  derniers 
était  réservé,  vers  les  frontières  de  la  Catalogne,  au  chef  de 
bataillon  Lapeyrolerie,  du  i  il*  régiment.  Une  bande  de  2,000 
homfoes ,  en  grande  partie  Catalans ,  s*étmt  rassemblée  depuis 
peu  vers  Colona,  au  nord-est  de  T  Aragon.  Nous  avons  déjà 
fait  remarquer  que  les  Catalans ,  ainsi  que  les  Aragonais,  com- 
battant dans  lea  montagnes,  ne  le  cédaient  point  aux  meilleures 
troupes  légères  des  peuples  les  plus  guerriers  '. 

*  Le  paysan  catalan ,  en  général ,  est  grand ,  bien  fait ,  fortement  cons- 
titué; sa  figure  est  mile  et  fière  ;  une  jamJK  nerreose  et  bien  proportionnée 
le  rend  propre  à  courir  dans  ies  montagnes ,  et  son  habillement  Tadlite  en- 
core sa  l^èreté  naturelle.  Il  iK>rte  des  espardilles,  ou  espèce  de  ootliunie» 
des  bas  de  peau  qui  prennent  depuis  les  malléoles  jusqu^au  pli  du  genou , 
une  culotte  courte  et  une  veste  à  manches.  Pendant  les  froids  rigoureux ,  il 
ajoute  à  ces  vêlements  un  manteau  court  et  très-léger,  qui  sert  à  lui  couvrir 
le  corps.  Sa  tête  est  oonverte  d*un  large  bonnet  de  laine.  Toujours  armé 
d'un  (usil  de  chasse,  il  porte  ses  cartouches  dans  une  ceiuture,  dont  le  de- 
vant est  disposé  à  cet  effet  en  petits  compartiments,  comme  ceux  d^une 
giberne.  Ainsi  vêtu  et  armé  à  la  légère ,  et  attendant  presque  toujours  son 
adversaire  sur  la  cime  des  plus  hautes  montagnes,  combien  le  Catalan  on 
TArogonais  n'avait-il  pas  d^avanta^  sur  le  soldat  français,  écn^sé  sous  le. 


OUBIIB  D^BSPAGUB.  S7$ 

Le  dief  de  bataillon  Lapeyrolerie,  menaeé  dans  ses  eanton-      iiqil 
nements  de  Benavaire,  marcha  au-devant  de  Tennemi  en  re*    ^^s"*- 
montant  la  rivière  d'Isavena.  Il  le  rencontra  an  village  de  Rodav 
et  le  fit  attaquer  svr  ses  flancs  par  deux  colonnes  aux  ordres 
du  chef  de  bataillon  Desorties  et  du  capitaine  Gressart,  tandis 
que  lui-même»  À  la  tète  d'un  bataillon,  soutenu  de  deux  obu- 
siers  de  montagnes,  attaquait  le  centre.  Les  insurgés^  prévenant 
cette  attaque,  descendent  des  hauteurs  qu*Us  occupent  et  se 
Jettent  avec  impétuosité  sur  les  tirailleurs  qui  précèdent  les  co- 
lonnes ;  mais  quelques  obus  lancés  sur  cette  masse  désordonnée 
et  une  charge  à  la  baïonnette  l'arrêtent  dans  son  élan  :  les    . 
Espagnols,  mis  en  déroute,  laissent  40  morts  sur  le  terrain.  Le 
lieutenant  Goutanceau  enlève  leur  drapeau ,  et  ils  sont  menés 
battant  Jusqu'à  deux  lieues  plus  loin. 

Le  lendemain,  le  dief  de  bataillon  Lapeyrolerie  prit  position 
au  delà  de  fionanza  et  de  Galvéra.  A  neuf  heures  du  soir,  pré- 
sumant  que  Tennemi  se  gardait  mal,  il  le  fit  entourer  par  quatre 
compagnies  d'élite.  Plus  de  200  Catalans  furent  tués  à  coups 
de  baïonnette  dans  cette  surprise  de  nuit;  un  plus  grand  nom- 
bre resta  prisonnier  ;  le  Jour  seul  mit  fin  au  carnage.  Cette  ex- 
pédition avait  été  exécutée  avec  tant  de  prudence  et  de  celé- 
rite  qu'elle  ne  coûta  aux  Français  que  4  tués  et  I  blessés.  Elle 
valut  au  brave  Lapeyrolerie  le  grade  de  colonel,  déjà  sollicité 
pour  lui  longtemps  avant  Taffaire. 

Le  général  Blake,  commandant  alors  l'armée  espagnole  en 
Catalogne,  venait  d'échouer  dans  les  tentatives  qu'il  avait  suc- 
cessivement faites,  dans  le  courant  de  novembre  et  de  décembre, 
soit  pour  ravitailler  Gironne ,  soit  pour  en  faire  lever  le  siège. 
N'osant  plus  tenir  la  campagne  avec  des  troupes  tant  de  fois 
battues ,  ii  prit  le  parti  de  les  disséminer  Jusqu'à  nouvel  ordre 
dans  les  places  de  Balaguer,  Lérida^  Tarragone  et  Tortose.  Les 

poids  d'un  énorme  sac ,  d'une  giberne  géante ,  d\ui  fusil  trop  pesant,  soa- 
vflDt  liors  de  proportion  avec  la  taille  de  odoi  qui  s'en  sert ,  et  enfin  sous 
l'attirail  d'on  habillement  inoonmode!.  LHastitation  des  ?oltigears  dans  nos 
bataillons  d'infanterie  fut  sans  doute  une  des  meilleures  innovations  mo- 
demas  ;  elle  a  causé  beaucoup  de  mal  à  Tenneml  ;  mais  en  donnant  à  cette 
troupe ,  dans  Tori^ne ,  un  armement ,  un  équipement  et  un  babilleBient  plus 
analogues  an  but  de  sa  fonneKon,  oa  en  eût  tiré  un  bien  mefllsur  parti. 


376  LIVKB  SBPTIÈIIB. 

1909.  bandes  se  trouvaient  ainsi  appuyées  par  des  gatnisôns  nom- 
Espagne,  j^pegg^^  qui  pouvaient  leur  foumir  des  iiffieien  expérimeiités  « 
des  renforts  agoerria  et  des  secours  de  toute  espèce..  Elles  te^ 
parurent  alors  avec  plus  d'audaee  sur  les  bords  de  l'Èbre,  de 
laSègre,  et  dans  les  vallées  qui  eonfinent  la  Catalogne;  mais  la 
prévoyance  du  général  Suchet  et  riefatigable  activité  de  ses 
soldats  surent  confondre,  sur  tous  les  points ^  les  projets  de 
rennemi.  Le  colonel  Robert,  déployant  toi^loars  la  méoie  intelli- 
gence et  kl  même  valeur,  l'attaqua  deux  fois  vors  Alcarras,  sur 
les  rives  de  la  Noguéra,  le  chassa  des  hauteurs  environnantes^ 
.  lui  tua  beaucoup  de  monde,  s'empara  d'une  quantité  d'armes  et 
de  munitions.  Le  colonel  Lapeyrolerîe  repoussa  près  de  Bernèa 
le  partisan  Seratu ,  qui ,  sorti  de  Lérida ,  était  parvenu  à  réunir 
une  nouvelle  masse  de  1 ,600  à  2,000  paysans*  Il  le  battit  à  Je- 
nova  et  lui  fit  loa  prisonniers.  Le  général  Habert  passa  la 
Sègre  sur  troia  colonnes  et  contraignit  le  reste  de  cette  bande 
à  chercher  son  salut  dans  Lérida.  Le  28  novembre,  l'adjudant- 
major  Berry,  n'ayant  avec  lui  que  200  hommes»  défendit  la 
ville  de  Tudéla,  attaquée  et  presque  envahie  par  un  corps  de 
1,300  hommes.  Retranché  sur  le  pont  de  l'Ëbre,  que  rennemi 
n'avait  plus  qu'à  forcer  pour  être  maitre  de  la  vilie^  Berry,  ave& 
sa  poignée  de  braves ,  non-seulement  repoussa  tous  les  elTorta 
de  ses  nombreux  adversaires,  mais  contraignit  ceux-ci  d'aban*. 
donner  Tudéla  après  avoir  perdu  près  de  lOO  hommes  morts  et 
un  plus  gflmds  nombre  de  blessés,  qui  restèrent  prisonniers. 
Le  39^  la  fhible  garnison  de  Belehite  repassait  un  autre  déta- 
chement ennemi  de  400  hommes.  Enfln,  le  6  décembre,  le  gé-» 
néral  Musnier,  s'étant  porté  sur  Batéa  avec  le  tts^  de  ligne  et 
le  1^'  régiment  de  la  Yistule,  pour  en  chasser  un  rassemble- 
ment de  5  à  6,000  paysans,  leur  fit  éprouver  une  perte  de  120 
hommes,  s'empara  de  plusieurs  magasins  de  vivres  et  de  quatre 
cent  mille  cartouches.  Tous  ces  insurgés  étaient  armés  de  fusils 
anglais. 

Pour  dégager  les  liioDtIères  de  Franee,  le  général  Suchet  fit 
désarmer  à  cette  époque  les  vallées  de  Bielsa  et  deGislain.  Une 
colonne  française,  qui  pénétra  dans  la  vallée  de  Yenasque,  en 
chassa  t,600  miquelels  qui  s'y  étaient  réunis.  Le  fort  de  Ye- 
nasque, armé  de  neut^uches  à  feu  et  bien  approvi;ûouné  en 


GUEllB   D  KSPAGHC.  377 

viyjre»  et  en  roanitians»  tombii  au  pouvoir  des  vainqueurs  à  la      1009. 
suite  de  cette  expédition.  Espagne. 

Ainsi  se  termina  la  campagne  de  I809  en  Aragon,  Les 
opérations  du  général  Sudiet  présentent  en  résultat  une  armée 
détruite,  une  vaste  province  conquise  dans  l'espace  de  quelques 
jours,  des  bandes  de  miquelets,  sinon  anéanties,  du  moins  dis- 
persées sur  tous  les  points,  miiws  hors  d'état  d*agir  de  concert,  et 
pareonêéquent  de  pouvoir  rien  entreprendre  d^inquiétant.  Ge  ré- 
sultat est  obtenu  par  un  corps  d*armée  dont  Teffectif  est  à  peine 
de  16,000  bommes,  oUigé  de  faire  face  à  la  fois  sur  toos  les 
points  i^des  ennemis  persévérants  dans  leurs  attaques,  Inébran- 
lables dans  les  sentiments  de  liaine  et  de  vengeance  que  leur 
inspirent  lefanatisme  religieux  et  Tamour  de  la  patrie,  et  qu'ex- 
dte  constamment  l'active  protection  de  TAngleterre ,  prodigue 
.de  ses  armes,  de  ses  munitions ,  de  son  or  même ,  en  Aragon 
comme  dans  les  autres  provinces  de  la  Péninsule. 
.  Suite  des  événements  militaires  en  Catalogne;  combat  de 
Valls;  le  maréchal  Augereau  remplace  le  général  Saint-Cyr 
dans  le  commandement  de  l'armée  de  Catalogne;  prise  de  la 
ville  d*HosUUrich;  siège  et  prise  de  Gironne,  etc.,  etc.  — 
Nous  avons  laissé  le  corps  d'armée  de  Catalogne,  que  comman- 
dait le  général  Gouvion  Saint-Cyr,  cantonné  entre  les  places  de 
Tarragone  et  de  Barcelone  '.  Les  ressources  en  vivres  qu'offrait 
le  pays  furent  bientôt  épuisées.  Dès  la  fin  de  Janvier  1809  il 
fallait,  pour  se  procurer  des  subsistances,  que  les  troupes  fran- 
çaises se  répandissent  dans  les  contrées  montagneuses  qui  sont 
au  nord-ouest  du  littoral  de  la  Catalogne,  entre  ces  deux  places, 
et  chacune  de  ces  fréquentes  incursions  occasionnait  des  pertes 
considérables.  Le  général  en  chef  des  Espagnols,  Reding,  n'o- 
sant pas  encore  hasarder  une  affaire  générale^  harcelait  les  four- 
rageurs  et  postait  des  détachements  dans  tous  les  défilés  afin 
de  multiplier  les  obataeles.  C'est  ainsi  qu'il  cherchait  d'un  o6té 
à  décourager  ses  adversaires  et  de  l'autre  à  ranimer  la  con- 
fiance de  ses  troupes.  Certain  que  la  disette- devenait  extrême 
dans  le  cantonnement  français,  il  fit  camper  un  régiment  suisse 
au  coldeSanta-Christina,  pour  fermer  les  débouchés  des  plai- 

«  Voyez  tome  IX,  page  517. 


378  LIVAt  SBPTlàlU. 

1909.  Des  de  VaUs  et]  da  pays  fertile  qoe  les  Espagnds  BOffiment  ei 
Espagne.  Campo  de  Tarragoiia.les  troupes  franfaises  étaieot  continuel- 
leraeot  aux  prises  avec  ce  détachement  ennemi;  dans  un  de 
ces  engagements,  le  capitaine  Looyot,  à  la  t6te  d'un  escadron 
du  24«  de  dragons,  fit  prisonnier  un  détachement  de  so  Suisses, 
posté  sur  le  chemin  de  Tarragone ,  et  sabra  un  escadron  espa- 
gnol jusque  sous  les  murs  de  cette  plaee. 

Le  général  Saint-Cyr,  réduit  aux  plus  dvs  expédients  par  le 
manque  absolu  de  vivres ,  mit  ses  troupes  en  mouvement  da 
1  ô  au  30  février,  pour  occuper  le  pays  entre  les  rivières  de  Gaya 
et  de  Franooli.  La  division  Sooiuim ,  qui  se  dirigeait  par  le  col 
de  Santa-Christina,  trouva  cette  position  évacuée  par  les  Suisses, 
qui  avaient  craint  d*étre  tournés  par  la  division  italienne  aux 
ordres  du  général  Pino.  Celui-ci  tenta  inutilement  dans  sa  mar- 
che de  s'emparer  du  monastère  deSantas-Cruces;  des  paysans 
insurgés ,  au  nombre  de  8  à  900 ,  s*y  étaient  retranchés  et  ne 
voulurent  consentir  à  aucune  capitulation.  Le  général  Salnt- 
Cyr  fut  fort  étonné  de  parvenir  sans  résistance  sur  les  rives  du 
Francoli  :  il  avait  cru  que  l'ennemi  lui  disputerait  le  terrain , 
et  cette  absence  déconcertait  tous  ses  calculs.  Il  établit  la  di- 
vision italienne  à  Pia  et  la  division  française  à  Vails,  petite  ville 
sur  la  rive  gauche  du  Francoli ,  pour  observer  l'entrée  des  dé- 
filés de  Montbianch* 

Dans  la  nuit  du  34  au  35  févri^,  le  général  Reding  sortit 
de  ces  défilés  et  déboucha  par  le  pont  de  Ooy  ;  au  point  du  Jour 
l'armée  espagnole  était  rangée  en  bataille  sur  la  rive  droite  du 
Francoli,  dans  une  position  fort  avalitagease  :  sa  gauche  s^ap-» 
puyait  aux  montagnes  d'Alcover,  que  couronnaient  de  nom- 
breuses bandes  de  miquelets;  son  centre  et  sa  droite,  qui  s'é^^ 
tendait  près  de  Yillalonga,  étaient  protégés  par  l'escarpement 
de  la  rivière,  qui  coule  dans  cette  partie  au  milieu  de  rochers 
taillés  à  pic.  Une  nuée  de  miquelets  débordait  le  flanc  droit 
de  la  division  française  et  commença  Tattaque  par  une  fusil* 
lade  des  plus  vives.  Le  général  Reding ,  sachant  qu'il  n'avait 
devant  lui  qu'une  seule  division ,  fit  passer  le  Francoli  à  ses 
meilleures  troupes.  Un  combat  acharné  s'engagea  bient6t  en- 
tre les  Suisses  de  l'armée  espagnole ,  le  1'''  régiment  d'infan- 
terie légère  et  le  42°  de  ligne.  De  part  et  d'autre  on  déploya. 


GUBBRB   d'ESPAONE.  379 

des  efforts  inoois  et  um  r«re  valair .  Le  ^4*  régiment  de  dragons,  {^09, 
quoique  placé  sur  un  terrain  diffbile ,  arrêta  i'ennemi  par  plu-  ^v^s^- 
sieui*»  charges  décisives ,  et  son  brave  eolonel  Delort  fut  griè- 
vement blessé.  Le  projet  du  général  espagnol  était  de  brosquer 
Tattaque  pour  éeraser  la  division  Souham,  s*eroparer  de  Valls 
et  se  porter  ensuite  rapidement  sur  la  division  italienne ,  se 
flattant  d*un  succès  complet,  et  de  renouveler,  ainsi  quMl  l'an- 
nonça hautement  à  ses  ofRders,  la  catastrophe  de  Bayleu  ;  mais 
les  bonnes  dispositions  du  général  Souham  et  la  vigueur  de  ses 
troupes  firent  échouer  cette  entreprise.  Les  Espagnols ,  après 
un  combat  qui  dura  six  heures,  étaient  rejetés  sur  la  rive  droite 
du  Franeoli ,  lorsque  la  division  italienne ,  conduite  par  le  gé- 
néral Saint*Cyr  en  personne,  arriva  sur  le  champ  de  bataille. 
Vers  deux  heures  du  soir,  les  troupes  françaises  prirent  à  leur 
tour  roffensive;  Tennemi  fut  tourné  à  sa  gauche  par  un  ba- 
taillon du  1^*^  régiment  d*infanterie  légère,  qui  traversa  le  Fran- 
eoli ayant  de  Teàu  jusqu'aux  aisselles,  et  par  le  24^  de  dragons. 
Voyant  sa  droite  menacée  par  les  chasseurs  royaux  italiens  et 
par  les  dragons  Napoléon ,  rebuté  non  moins  qu'afTaibli  par 
ses  efforts  infructueux  contre  une  seule  division,  Tennemi  fut 
bientôt  enfoncé  et  mis  en  pleine  déroute.  Le  24*  de  dragons  le 
poursuivit  à  outrance;  un  dragon  nommé  Bouzon  blessa  griè- 
vement le  général  Beding  d'un  coup  de  sabre,  et  le  lieutenant 
Bertinot,  ofAeier  de  la  plus  belle  espérance,  était  au  moment 
de  faire  le  général  ennemi  prisonnier  lorsqu'il  fut  tué  d'un  coup 
de  fea  à  bout  portant  '. 

On  suivit  les  Espagnols  Tépée  dans  les  reins  jusque  sous  le 
canon  de  Tarragone ,  où  ils  rentrèrent  dans  le  plus  grand  dé- 
sordre; ils  perdirent  leur  ariillerie  et  leurs  bagages ,  et  on  leur 


'  Ce  fait  a  été  consigné  dans  le»  Fastes  de  la  Nation  française  en  ces 

termes  :  « Le  jeune  Bertinot,  à  la  tête  de  son  peloton,  dans  le 

moment  le  plus  critique  et  sor  le  terrain  le  plus  difficile ,  exécuta  une  charge 
vigouretwe,  qui  eut  ie  plus  grand  succès.  Son  elieval  fut  tué  soos  lui, 
percé  de  sept  balles  ;  mais  cet  intrépide  officier,  remontant  aussitôt  sur  on 
autre  qu'un  dragon  de  sa  compagnie  venait  de  prendre,  chargea  de  nouveau, 
cuHmta  avec  son  pdoton  les  ennemis  qui  se  trouvaient  sur  son  passage ,  et 
il  allait  se  saisir  do  général  en  chef  fiedlng ,  déjà  blessé  iMir  le  dragon  Bouzon, 
lorsqu'il  reçut  lui-même  le  coup  mortel. 


380  LIVHE   SBPTlèttE^ 

1809.  <^t  1 9^00  prisonniers.  Le  générai  Redkig,  dont  tout  l'état-major 
Eipagnc.  fut  g^pé  par  les  dragons  du  24«,  mourut  le  23  avril  des  suites 
de  ses  blessures,  et  du  ehagrin  profond  que  lui  causait  sa  dé- 
faite, d'autant  plus  humiliante  qu'il  s'était  vanté  d'une  victoire 
décisive.  C'est  ainsi  que  le  général  Saint-Gyr  eut  la  gloire  de 
laver  l'affront  fait  aux  armes  françaises  dans  la  désastreuse 
journée  deBaylen  '. 

Le  général  Saint-Cyr,  après  cette  victcMre,  fit  occuper  la  ville 
de  Reus,  la  seconde  ville  de  la  Catalogne  pour  la  population, 
l'industrie,  le  commerce  et  la  richesse,  mais  alors  entièrement 
dépourvue  de  grains  et  n'offrant  que  des  ressources  pécuniaires. 
Les  troupes  françaises  purent  à  peine  y  séjourner  un  mois,  parce 
que  le  général  en  chef  s'y  trouvait  sans  communication,  non- 
seulement  avec  la  France,  mais  encore  avec  Barcelone. 

Avant  de  quitter  Reus  et  Valls  pour  revenir  prendre  des  can- 
tonnements auprès  de  Barcelone,  le  générai  Saint^yr  conclut 
avec  le  général  en  chef  espagnol  Blake ,  successeur  de  Reding, 
une  convention,  d'après  laquelle  les  malades  et  les  blessés  hois 
d'état  d'être  transportés  étaient  mis  sous  la  protection  dés  trou- 
pes qui  reprenaient  possession  du  pays  et  confiés  à  la  générosité 
espagnole  sans  pouvoir  être  considérés  comme  prisonniers  de 
guerre.  Ce  traité,  qui  honore  la  sagesse  autant  que  l'humanité 
du  général  Saint-Cyr,  fut  religieusement  observé  de  part  et 
d'autre  ;  les  deux  armées  furent  souvent  dans  le  cas  de  profiter 
de  cet  accord  généreux.  La  division  Souham,  ayant  trouvé  à 
son  arrivée  à  Reus  un  grand  nombre  de  malades  et  de  blessés 
espagnols,  avait  donné  l'exemple  d'une  telle  conduite ,  inq^irée 
par  la  modération,  la  loyauté  et  l'humanité,  et  qui  apporta  de 
grands  adoucissements  aux  calamités  de  cette  guerre  funeste. 

Les  insurgés ,  de  plus  en  plus  opiniâtres,  avaient  profité  de 
l'éloignement  de  l'armée  française  pour  bloquer  une  seconde 


*  Pour  consacrer  le  souvenir  de  la  capitulation  de  Baylen,  la  junte  tuprfime. 
avait  créé  un  ordre  militaire  ayant  pour  décoration  deux  épéea  en  sautoir, 
au  bas  desquelles  on  voyait  un  aigle  suspendu  par  les  serres;  on  y  lisait  en 
exergue  :  Journée  du  22juilUê  180S.  Le  général  Reding  a^ait  été  nommé 
immédiatement  un  des  grands-officiers  de  cet  ordre;  les  Français,  dans  le 
combat  de  Valls,  firent  pcisonoiers  un  grand  nombre  d*offiders  revêtus  de 
lette  décoration. 


GUBBBB  II*B8PAGN«.  381 

fois  la  place  de  Baroelone.  Ils  étaient  reveans  se  (wster  au      ,gQ^ 
Puente  del  Rey  et  aa  col  d'Ordal ,  d'où  le  général  Urbin  Be- 
vanx  les  avait  chassés  avee  cette  intrépidité  qui  entratae  le  sol* 
dat,  et  dont  il  donnait  souvent  rezempie. 

Qaelqne  temps  après  cette  affiûre,  le  même  général ,  chargé 
défaire  une  reconnaissanoe  auprès  du  Mont  Serrât,  se  laissa 
emporter  par  trop  d*ardeur,  et,  dépassant  ses  instructions,  il 
gravit  la  montagne  jusqu'au  sommet  pour  s'emparer  du  monas- 
tère,  où  il  eut  l'imprudence  de  laisser  ses  soldats  reposer  et  vi- 
vre à  discrétion  pendant  deux  Jours.  Les  moines,  là  cwnme 
ailleurs,  ennemis  toujours  implacahles  et  dangereux^  couvrant 
leur  perfidie  de  toutes  les  démonstrations  d'un  accueil  bienveil- 
lant, se  concertèrent  avec  les  insurgés,  qui  accoururent  aussitôt 
pour  garnir  les  défilés  et  couper  la  retraite  au  détachement  fran- 
çais; ce  ne  fut  qu'après  une  grande  perte  en  tués  et  en  blessés 
que  le  téméraire  général»  après  des  efforts  inouïs,  parvint  à  se 
faire  Jour  à  travers  les  bandes  qui  le  fusillèrent  presqu'à  bout 
'  portant.  Cette  faute  de  discipline  fut  punie  par  un  mois  de  dé- 
tention au  fort  de  Moiifuieh  de  Barcelone  et  par  sa  mention 
dans  l'ordre  du  Jour  de  l'armée.  Un  pareil  châtiment,  exigé 
par  la  subordination,  et  auquel  le  général  en  chef  ne  souscrivit 
qu'à  regret,  loin  de  nuire,  i^joota,  par  sa  cause  même,  à  la  ré- 
putation du  brave  Devaux  dans  l'esprit  des  troupes. 

A  cette  époque ,  la  place  de  Saragosse  ayant  été  enfin  sou- 
mise,  un  détachement  de  l'année  qui  l'assiégeait,  composé  du 
1 0^  régiment  de  hussards  et  de  deux  bataillons  sous  les  ordres 
du  colonel  Bridie,  vint  communiquer  avec  les  troupes  de  l'ar- 
mée de  Catalogne.  Il  avait  percé  avec  des  peines  incroyidiles  ^ 
travers  les  montagnes  les  plus  escarpées,  et  successivement  dé- 
fendues par  des  miquelets  depuis  Fraga,  sur  les  frontières  de  la 
Catalogne,  jusqu'à  Yalls.  Les  soldats  éprouvés  par  une  telle 
expédition  étaient  de  trop  bons  auxiliaires  pour  que  le  général 
Saint-Cyr  ne  les  retint  pas  quelque  temps  auprès  de  lui. 

Au  commencement  d'avril ,  l'armée  de  Catalogne  occupait 
auprès  de  Barcelone  Sabadell  et  Tarrasa,  d'où  elle  se  mit 
bientôt  en  marche  pour  Vich.  Le  général  Saint-Cyr  dirigea  les 
divisions  Pino  et  Souham  à  travers  les  hautes  montagnes  de 
Caldas,  San-Féliu-de-Cudinas  et  Centellas^  pour  couvrir  le  dé- 


382  LIYAB   SBPTlàVB. 

iMO.  fiié  de  la  Garriga  et  d'Agoa-Freda,  par  où  marchèfent  le  quar- 
tier général  »  rartillerie  et  les  bagages.  Dans  œs  monvements , 
habilemefit  ordonnés  et  non  nunns  inen  exécutés ,  les  troupes 
italiennes,  placées  à  i'avant^garde)  chassèrent  l'ennemi  des  for- 
midables positions  ou  il  se  trouvait  embusqué,  et  se  moutrèreut 
dignes  du  poste  honorable  qui  leur  était  confié. 

La  ville  de  Vieh,  où  Tarmée  française  vint  prendre  portion, 
est  située  .dans  un  vallon  fertile,  mais  resserré  de  tons  côtés 
par  des  montagnes  presque  inaeoess&bles  ;  elle  est  bâtie  réguUè- 
reraent  et  coutîenjt  une  population  de  12,000  âmes.  Tous  ses 
habitants,  heomies,  femmes,  vieillards,  enfants,  s'étalent  enftiis 
à  rapproche  des  Français  ;  l'évoque  seul  et  un  de  ses  grands  vioai* 
res  étaient  restés.  Ce  prélat  était  nn  de  ces  hommes  rsspeetables 
qm  honorent  un  saint  ministère ,  alliant  à  des  sentin^ents  mo- 
dérés, à  une  instructiou  solide,  à  des  mœurs  pures,  le  plus  ar- 
dent patriotisme;  recevant  avec  égard  les  Français  et  leurs 
chefe,  mais  invariablement  attaché  à  la  cause  de  son  pays,  et 
ne  dissimulant  point  les  vœux  qu'il  formait  pour  le  succès  dc« 
armes  espagncdes.  La  haute  conaidératioa  que  ses  qualités  et 
ses  vertus  inspiraient  aux  généraux  irançais  ne  se  démentît 
point  un  seul  instant ,  et ,  lorsque  plus  tard  l'armée  fut  foreée 
d'abandonner  ses  blessés  et  ses  malades  dans  Vich,  ce  digne 
évéque  leur  fit  on  rempart  de  son  corps  contre  les  fanatiques 
habitants  qui,  dans  nn  transport  de  fureur,  voulaient  les  égor- 
ger. Il  avait  eu  la  précaution  de  les  réunir  dans  nne  salle  de 
son  palais,  pour  répondre  non-seulement  de  leur  sûreté,  mais 
encore  pour  les  faire  traiter  sons  ses  yeux  aveo  tous  les  soins 
que  réclament  à  la  fols  l'humanité  et  la  religion.  La  plus  vive 
reconnaissance,  comme  le  sentiment  d'une  vénération  profonde, 
nous  ont  fait  un  devoir  de  consigner  ici  cet  hommage  mérité 
pour  l'un  des  plus  vertueux  ministres  de  la  religion  chrétenne. 
An  bout  de  deux  mois  de  séjour,  toutes  les  ressources  de  la 
vallée  de  Vich  furent  consommées.  Les  chevaux  avaient  mangé 
les  blés  en  herbe,  et  le  pins  cruel  spectacle  était,  à  son  retour, 
réservé  à  cette  population  expatriée,  qui,  pour  prix  de  son  dé* 
vouement,  se  trouva  menacée  de  la  plus  horrible  famine;  mais 
les  Catalans  supportaient  tous  ces  maux  avec  une  admirable 
résignation ,  en  songeant  que  tous  ces  sacrifices  seraient  plus 


GUBABl   d'eSPÀGNE.  333 

i|ae  ctMQpensés  s'ils  ûboutîssaieot  à  maintenir  intact»  kur  hou** 
neur^  leur  gloire ,  leurs  droits  et  leur  indépendance.  A  Vich , 
eoname  dans  les  autres  cantonnements  occupés  précédemoient 
par  Tarmée  française,  la  disette  forçait  les  soldats  à  se  répandre 
an  loin  dans  le  pays  ;  les  subsistances  qu'ils  achetaient  par  ces 
excursions  pénibles  étalent  toujours  t^tes  de  leur  sang;  ils 
ne  les  obtenaient  guère  sans  livrer  des  combats  qui  à  la 
vérité  coûtaient  cher  aux  Espagnols ,  mais  qui,  réitérés  pres- 
que tous  les  jours ,  affaiblissaient  sensiblement  les  bataillons 
français. 

Pour  donner  une  juste  idée  de  la  nature  de  cette  guerre,  il 
suffira  de  remarquer  que,  depuis  le  mois  de  novembre  1808, 
rétat-mi^or  n'avait  fait  expédier  ni  reçu  aucun  courrier  ;  que 
le  général  en  chef  n'avait  pu  donner  de  ses  nouvelles  qu'en  ris* 
quant  une  firèle  barque  au  travers  des  croisières  anglaises  et 
espagnoles,  et  que ,  pour  assurer  le  retour  d'un  aide  de  camp , 
porteur  des  premiers  rapports  officiels  au  prince  major-général 
Berthier,  il  avait  été  nécessaire  d'envoyer  à  la  rencontre  de  cet 
officier  jusqu'aux  frontières  de  France  un  corps  de  3,000  hom- 
mes. Ce  détachement,  attaqué  en  allant  et  en  revenant,  avait 
essuyé  des  pertes  considérables.  Le  l^'  régiment  d'infanterie 
légère  avait  été  surtout  fort  maltraité  ;  mais  il  prouva  en  cette 
occasion,  comme  en  toutes  les  autres,  le  plus  généreux  dévoue- 
ment et  la  plus  rare  intrépidité.  Que  de  braves  soldats  dont 
les  derniers  instants  ne  furent  pas  même  adoucis  par  la  conso- 
lation de  recevoir  des  nouvelles  de  leur  famille,  et  qui  se  bat- 
tirent cependant  avee  d*autant  plus  d'ardeur  pour  jouir  de  cette 
satisAtction,  si  vive  pour  un  cœur  attaché  à  son  pays,  qu'ils  en 
étaient  privés  depuis  plos  de  six  moisi 

Le  général  Sidnt-Gyr,  autant  par  le  manque  de  vivres  que 
pour  se  rapprocher  de  Gironne ,  dont  le  siège  était  déjà  com- 
mencé y  quitta  Vich,  passa  les  défilés  de  San-Hilario,  et  vint 
établir  son  corps  d*armée  dans  les  plaines  du  Ter,  sa  droite  à 
l'étang  de  Sils  et  sa  gauche  à  Bascano  ;  et  le  20  juin  il  porta 
son  quartier  général  à  Caldas.  Le  général  Rellle  était  arrivé, 
dès  le  6  mal,  en  vue  de  Gironne,  sur  les  hauteurs  de  Gosta-Roja, 
et  avait  été  remplacé  le  ta  par  le  général  Yerdier^  qui  resta  à 
la  tète  des  troupes  pendant  toute  la  durée  du  siège.  Des  renforts 


384  ^        LIVBS  SIPTrtMS.  • 

1009.     étant  arrivés  successiTement ,  le  général  Verdier  acheva  le  4 
juin  rinvestlfieement  de  la  place. 

Gironne ,  bâtie  an  confluent  du  Ter  et  de  TOna,  dans  l'angle 
saillant  que  forment  ces  deux  rivières,  est  adossée  k  une  chaîne 
de  montagnes  qui  la  commande  au  nord,  à  l'est  et  au  sud-est. 
Cette  ville  est  traversée  pas  l'Ona,  qui  la  divise  en  deux  parties  : 
la  ville  proprement  dite,  qui  se  prolonge  sur  la  rive  droite  jus- 
qu'à Fendroit  où  cette  rivière  se  jette  dans  le  Ter ,  et  le  Mer- 
cadal,  situé  sur  la  rive  gauche.  Ces  deux  parties  de  la  ville  com- 
muniquent entre  elles  par  un  beau  pont  de  pierre.  L'enceinte, 
flanquée  de  plusieurs  grosses  tours,  a  sept  bastions  sûr  la  rive 
gauche  et  deux  sur  la  rive  droite  ;  mais  il  n'existe  de  fossés  et 
de  chemin  couvert  que  du  côté  de  la  pc^te  de  France.  Sur  les 
hauteurs  qui  dominent  Gironne,  à  la  rive  droite  de  l'Ona,  s'élè* 
vent  plusieurs  forts  qui  se  prêtent  un  secours  mutuel.  Le  plus 
important  est  le  Monjuich  '  ;  ce  château  est  bâti  sur  un.  rocher 
escarpé,  avec  quatre  ouvrages  avancés,  et  commande  4a  ville 
au  nord.  Les  autres  sont  les  forts  du  Gondestable,  de  la  reine 
Anne,  des  Capucins,  et  les  redoutes  du  Calvaire,  du  Cabildo  et 
de  la  Qudad  ;  mais,  ces  forts  une  fois  enlevés,  surtout  Le  Mon- 
juich, la  ville  reste  presque  sans  défense.  La  garnison  tant  de 
la  place  que  des  forts  était  de  8,000  hommes,  sous  les  ordres 
du  général  don  Mariano  Alvarez  de  Castro.  Ce  gouvei!neur  se 
montra  le  digne  émule  de  celui  de  Saragosse,  et  comme  lui  se 
couvrit  de  gloire  par  une  bdle  défense;  son  dévouement  était 
bien  secondé  par  les  habitants,  résolus  de  défendre  l<Éir  ville 
jusqu'à  la  dernière  extrémité,  et  de  s'ensevelir,  à  l'exemple  des 
Sagontins,  sous  des  monceaux  de  ruines  et  de  cadavres.  Des 
proclamations  énergiques,  des  écrits  Incendiaires,  des  carica- 
tures, des  chanscms  burlesques,  des  fêtes  patriotiques,  des  pro- 
cessions solennelles,  des  prières  publiques,  l'expositioin  de  la 
châsse  de  saint  Narcisse,  patron  de  la  ville,  au  nom  duquel  les 
prêtres  et  les  moines  promettaient  des  miracles,  la  délivrance 
de  la  place  ou  l'extermination  des  assiégeants;  enfiu  tout  ce 
qui  pouvait  exciter  contre  les  Français  la  haine,  la  dérision  » 

'  Mons  JovU.  Plasieura  positions  ont  une  pareitle  dénominatioB,  parce 
que  Von  y  avait  probablement  élevé  autrefois  un  temple  à  Jupiter. 


Toétie    to  Ptu/t^  ^fS4' 


OUERBB   D'ESPAGNE.  386 

le  mépris  et  l'iDdigoation,  fût  mis  en  usage.  Les  prêtres  et  les  ^^iq, 
moines  passaient  snocessivement  du  pied  des  autels  sur  les  rem-  Eipasn«« 
parts  et  dans  les  tranchées  »  où  Ils  cherchaient  les  postes  les 
plus  périlleux.  L'exaltation  des  esprits  était  telle  enfin  que 
les  dames  de  la  ville ,  pour  porter  des  vivres  et  des  munitions 
aux  combattants,  des  secours  aux  blessés,  formèrent  une  com- 
pagnie militaire  sous  la  dénomination  de  Sainte-Barbe  ;  elles 
remplirent  leurs  généreuses  et  volontaires  obligations  avec  un 
courage  bien  au-dessus  de  la  faiblesse  de  leur  sexe. 

Les  troupes  destinées  au  siège  de  la  place  se  composaient  de 
la  division  française  aux  ordres  du  général  Soqham,  de  la  di- 
vision italienne  commandée  par  le  général  PIno,  et  d'une  8" 
division  formée  de  trois  régiments  de  la  confédération  du  Rhin,  , 

sous  le  commandement  du  général  Yerdier  ;  le  général  Samson 
commandait  le  génie,  et  le  général  Taviel  l'artillerie.  Le  8  juin, 
la  place  étant  totalement  investie,  on  commença  deux  attaques 
principales,  l'une  à  la  rive  gauche  du  Ter,  l'autre  contre  le 
Monjuich  et  les  redoutes  détachées  qui  le  défendaient;  car  indé- 
pendamment des  forts  dits  du  Monjuich,  du  Condestable  et  des 
Capucins,  le  gouverneur  Alvarez  avait  fait  construire  des  redou- 
tes, soit  pour  défendre  l'approche  de  ces  forts,  soit  pour  lier  et 
protéger  leur  communication  avec  lui. 

La  tranchée  fut  ouverte  dans  la  nuit  du  8  au  9  juin  ;  une 
parallèle  fut  établie  sur  la  hauteur  de  Tramon,  à  six  cents  toi- 
ses des  tours  de  San-Luis  et  de  San-Narcisso,  dépendantes  du 
Monjuich.  Une  batterie  dehuit  pièces  de  vingt-quatre  et  de  deux 
obusiers  fut  placée  devant  une  tranchée  qui  s'embranchait  à 
l'extrémité  de  cette  parallèle.  Une  autre  batterie  de  mortiers 
fut  établie  derrière  la  hauteur  de  Denroca,  à  trois  cent  soixante 
toises  du  rempart  de  San-Pedro,  situé  à  la  droite  de  l'Ona, 
près  de  la  porte  de  France.  Une  première  sommation,  faite  le  . 
12  ,  ayant  été  repoussée  par  le  gouverneur  de  la  place,  le  feu 
commença  le  14  au  point  du  jour,  et  fut  si  vif  et  si  bien  dirigé 
que  l'artillerie  des  redoutes  se  trouva  démontée ,  pendant  que 
les  bombes  lancées  de  la  batterie  placée  sur  la  rive  gauche  du 
Ter  portaient  lincendie  et  la  destruction  dans  les  principaux 
quartiers  de  la  ville.  Pendant  la  nuit  du  13  au  14  on  s'était 
emparé  du  MouUn-Neuf  et  du  faubourg  de  Pedreto,  ce  qui  mit 

X.  23 


886  LIVBI  SBPTIÉMB. 

fsoo.     tes  airant-postes  des  assiégeaiitsà  demi-portée  de  taàï  des  oo^ 
**'*^  Trages  de  la  place. 

Le  17,  à  sept  heures  du  matin,  les  assiégés  firent  une  sertie 
sur  le  faubourg  de  Pedreto,  avec  i^oco  hommes  tiréi  du  Mon- 
juich  et  600  tirés  de  la  gamisonde  la  place.  Les  avant-postes  se 
replièrent  sur  un  bataillon  du  16*  régiment  de  ligne  pbcé  au 
Moulin-Neuf.  Ce  bataillon  s'étant  formé,  marcha  à  l'ennemi 
et  le  rejeta,  la  baïonnette  aux  reins,  jusque  dans  les  fossés  du 
Monjuich,  tandis  que  le  colonel  Legras,  du  8*  régiment  de  ligne 
westphalien,  marchait  avec  quatre  compagnies  sur  les  bords 
du  Ter,  et  ftisillait  à  bout  portant  la  colonne  sortie  de  la 
ville.  Cette  dernière  troupe  se  déeida  btentAt  à  la  retraite,  en 
laissant  une  centaine  de  morts  sur  le  champ  de  bataille  ;  on  lui 
lit  quelques  prisonniers,  dont  deux  officiers. 

Le  19,  les  batteries  recommencèrent  leur  feu  sur  les  redoutes 
qui  défendaient  le  Monjuich  ;  des  colonnes  s'avancèrent  sur  les 
glacis  de  ces  ouvrages,  malgré  le  feu  de  mitraille ,  et  les  Es- 
pagnols, effirayés  de  Taudace  des  assaillants,  abandonnèrent  les 
redoutes,  bien  qu'elles  ne  fussent  entamées  par  aucune  brèche. 
Ces  ouvrages  ainsi  enlevés,  le  général  Taviel  fit  établir  le  ti 
une  nouvelle  batterie  contre  la  redoute  San-Danlel,  que  Ten- 
nemi  prit  le  parti  d'évacuer  en  mettant  le  feu  à  une  fougasse, 
pour  faire  sauter  Touvrage;  on  trouva  sept  bouches  à  feu  dans 
les  trois  redoutes. 

L'attaque  du  Monjuich  commença  immédiatement.  Cette  en- 
treprise sur  un  roc  vif  et  escarpé  nécessitait  de  grands  travaux 
et  devenait  très-difficile;  mais  on  pensa  que  ce  fort,  qui  peut 
en  quelque  sorte  être  considéré  comme  la  citadelle  de  Gironne, 
une  fois  pris,  amènerait  la  reddition  de  ia  place.  Ce  calcul,  qui 
eût  été  vrai  dans  un  autre  temps,  ne  l'était  pas  dans  les  cir- 
constances présentes;  on  aurait  vraisemblablement  obtenu  des 
résultats  plus  décisifs  en  emportant  d'abord  la  place,  qui  était 
un  centre  de  conmiunlcation  indispensable  pour  les  forts ,  le 
dép4l  général  des  vivres  et  des  munitions,  et  le  foyer  d'une  ré- 
sistance opiniâtre.  Outre  les  obstacles  qu  opposait  le  terrain, 
les  assiégeants  eurent  encore  à  lutter  contre  de  violents  orages 
et  des  pluies  continuelles,  qui,  tombant  par  torrents,  dégra- 
daient les  ouvrages  et  rendaient  leur  achèvement  impraticable. 


GU.UUIB    D*ISFA9IIV.  SS7 

llalgié  taiteieciOfBtffarUtés,  dès  le  36jii&o  une  tMitteiiede 
mortien  fut  mise  en  état  de  jouer,  et  l'on  coostnilMt  avec  acti- 
vité d*aotres  batteries  de  brècbe;  l'artillerie  y  déploya  un  zèle 
inlàligable. 

Le  S  Juillet,  à  Tanbe  du  joar,  en  commeàça  Tattaque,  ^ 
dirigeant  «or  le  Monjuich  le  feu  de  plusieurs  batteries,  et  par- 
ticulièrement de  celle  qui  était  établie  à  gauche  de  la  tour  de 
San-Luis.  Dans  le  courant  de  la  Journée,  la  fhce  droite  du  rem- 
part du  nord  fiit  entamée,  et  la  garnison,  forte  de  900  hommes^ 
s'empressa  d'élever  un  retrancbement  derrière  la  brèche.  Le  4» 
à  dix  heures  et  demie  du  soir,  un  assaut  fut  tenté  infiruotoeus^ 
ment  ;  Il  fut  reneuirelé  le  8  sans  plus  de  succès.  Trois  fois  de 
suite,  les  troupes  françaises,  commandées  par  le  colonel  Muff, 
s'élancèrent  en  colonne  serrée  sur  la  brèche»  aussi  intrépidement 
défendue  qu'elle  était  attaquée;  trois  fois  de  suite  elles  furent 
repoussées  avec  une  perte  énorme  ;  entre  autres,  un  bataillon  de 
vélites  de  la  garde  royale  italienne  tut  presque  totalement  dé- 
truit Cette  belle  troupe,  depuis  son  entrée  en  campagne  avec  le 
générai  Duhesme,  l'année  précédente,  s'était  battue,  dans  toutes 
ks  rencontres,  avec  un  courage  digne  des  grenadiers  français. 

Après  l'échee  éprouvé  au  Monjuich ,  le  général  Samson  pro- 
tongea  la  ligne  des  travaux  de  siège,  qui  embrassèrent  à  la  ibis 
les  deux  fronts  des  fortifications  du  nord-est  et  du  nord-ouest,  et 
les  assiégeants  s'avancèrent  jusqu'à  la  crête  du  glacis.  Uséle*^ 
vèrent  en  même  temps  de  nouvelles  batteries,  sans  être  arrêtés 
par  le  feu  et  les  sorties  de  l'ennemi. 

Bans  les  premiers  jours  de  juillet,  le  général  Saint-Cyr^  qoi 
attendait  Impatiemment  l'issue  des  mesures  qu'il  avait  prises 
pour  aooélécer  la  reddition  de  la  place ,  reçut  l'avis  qu'il  sUait 
être  remplaeé  dans  le  commandement  de  l'armée  de  Catalogue 
par  le.marécbal  Augerean ,  duc  de  Castiglione,  qui ,  vers  cette 
époque,  arriva  à  Perpigna|A  ;  mais^  en  attendant  ce  successeur,  il 
continua  de  repousser  avec  sueoès  les  tentatives  faites  par  Ten- 
nemi  pour  ravitailler  Gironne,  tant  à  Brunolas  et  Bascano  qf^ 
sur  la  montagne  dite  de  los  Angeles,  à  Palamos,  San*Féliu  dé 
Guijols  et  près  de  Fornells.  Le  i""'  régiment  d'infanterie  légère 
et  le  34''  de  dragons ,  formant  la  brigade  du  général  Bessièirs, 
le  42*  régiment,  commandé  par  le  colonel  Espert-Latour,  les 

2S. 


tMS. 


«HlHigoe. 


388  LIYBB  SBPTIÈlfB. 

brigades  italiennes  des  généraux  Mazzaehelli  et  Fontana  se 
distinguèrent  particulièrement  dans  ces  différentes  actions. 

Le  général  Pino,  par  de  promptes  et  habiles  manœuvres, 
enveloppa,  le  lo  juillet,  le  colonel  Marshall,  Irlandais  d'origine, 
qui,  avec  une  colonne  de  1,400  hommes  commandés  par  de 
bons  officiers,  espérait,  à  la  faveur  des  bois  dont  le  pays  est 
couvert,  pénétrer  dans  Gironne  avec  un  convoi  de  vivres.  Cette 
colonne  ennemie ,  arrêtée  à  Gastellar  après  l'échange  de  quel- 
ques coups  de  fusil,  fut  réduite  à  mettre  bas  les  armes.  Le 
eolonel  irlandais,  sous  le  prétexte  de  porter  à  ses  soldats  la 
convention  qu'il  venait  de  signer,  se  sauva  à  toute  bride,  d>an- 
donnant  ainsi  sa  troupe  à  la  discrétion  du  vainqueur,  et  rentra 
dans  Gironne  avec  ceux  de  ses  gens  qui  purent  s'échapper. 
Dans  la  nuit  du  3  au  4  août  les  Français  attaquèrent  le  ravelin 
placé  sur  le  front  de  Tattaque ,  mais  ne  parvinrent  à  enlever 
eet  ouvrage  que  le  lendemain  et  se  logèrent  sur  la  crête  de  la 
brèche.  Prévoyant  qu'il  ne  pourrait  se  maintenir  plus  longtemps 
le  gouverneur  du  ch&teau  l'évacua  le  12^  à  six  heures  du  soir, 
après  avoir  endoué  son  artillerie  et  détruit  ses  munitions.  Les 
Français  occupèrent  enfin  les  décombres  de  ce  château,  au  bout 
de  deux  mois  de  siège,  après  avoir  ouvert  plusieurs  brèches 
dans  ses  murs  et  perdu  plus  de  3,000  hommes.  De  900  combat- 
tants qui  composaient  là  garnison  de  ce  fort,  il  mourut  18  offi- 
ciers et  51 1  soldats ,  sans  qu'il  restât  à  peine  un  seul  homme 
qui  ne  fût  blessé.  Ceux  qui  restèrent  firent  leur  retraite  si  à 
propos  qu'on  ne  put  les  empêcher,  du  moins  en  grande  partie» 
de  se  réfugier  dans  Gironne.  Les  Français  regardaient  la  red- 
dition du  Monjuich  comme  tellement  importante  que  le  général 
Verdier  affirmait  que  la  ville  se  rendrait  sous  huit  ou  dix  jours. 
Dans  son  rapport  officiel  au  ministre  de  la  guerre,  fl  faisait  ob- 
server que  c'était  la  première  fois  qu^une  opération  aussi  pé- 
rilleuse avait  été  faite  dans  le  cours  de  la  guerre  depuis  quinze 
ans.  «  Elle  a,  disait-il,  présenté  d'autant  plus  de  difficultés* 
que  nous  avons  été  forcés  de  travailler  sur  le  roc ,  et  que  tous 
ces  travaux  ont  été  artificiels  et  faits  à  la  sape  volante,  devant 
un  ennemi  des  plus  acharnés,  n 

On  ne  trouva  dans  le  fort  que  dix-huit  bouches  à  feu,  pres^' 
4ue  toutes  hors  de  service.  L'attaque  audacieuse  qui  avait  rendu 


GUBftBE   D*BSPAGNE.  %S9. 

les  Français  maîtres  da  Monjufch  n'imposa  point  anx  défensenni  «no» 
de  Gironne;  elle  ne  fit  au  contraire  que  redoubler  leur  foreur. 
En  yain  des  milliers  de  bombes  et  d*obus  écrasaient  les  mai* 
sons,  en  vain  des  soldats  intrépides  et  dévoués  chevcbalent  & 
pénétrer  par  des  brèches  déjà  praticables;  la  résistaînee  des  as- 
siégés croissait  en  raison  de  Timminenoe  des  dangers  qui  ren- 
daient partout  inutile  Tintrépidité  des  assiégeants.  Deux  assauts 
furent  successivement  repoussés,  et  laissèrent  les  brècheajon^ 
chées  de  l'élite  des  soldats  français,  italimis  et  westphaliens. 
Trois  colonels,  quatre  officiers  supérieurs  et  beaucoup  d'autres 
officiers  subalternes  furent  tués  en  donnant  l'exemple  de  la  plus 
haute  valeur.  Les  soldats  échappés  au  fer  ou  au  feu  de  rennemi 
succombaient  victimes  de  Tlntempérie  de  la  saison  et  des  exha<< 
laisons  fétides  d'une  terre  couverte  de  cadavres  ;  la  mort  faisait 
surtout  d'afTreux  ravages  dans  quelques  maisons  désertes  de 
Figuières,  qu'on  avait  transformées  en  ambulance,  où  les  mal- 
heureux soldats,  entassés  sur  un  peu  de  paille,  périssaient  par 
milliers,  sans  secours,  sans  soins,  sans  médicaments,  quelque- 
fois même  sans  aliments  et  dans  un  état  d'abandon  bien  dé- 
plorable. 

Cependant  la  perte  du  Monjuich  compromettait  fortement 
ht  place  de  ce  côté ,  où  elle  n'était  couverte  que  par  un  mur 
vieux  et  faible,  qui  n'avait  d'autres  feux  que  ceux  de  la  tour 
de  Girondla  et  de  deux  batteries  placées ,  Tune  au-dessus  dé  la 
porte  de  San*Cristobal ,  l'autre  sur  le  rempart  de  Sarradnos. 
Du  côté  des  assiégeants  trois  batteries  furent  construites,  l'une 
au  Montjuich,  de  quatre  pièce»  de  24  ;  une  au-dessus  du  fau- 
bourg de  San-Pedro,  et  une  autre  sur  le  mont  Denroca.  Le  la 
ces  trois  batteries  ouvrirent  ensemble  leurs  feux  sur  le  rempart 
deSan-Criatobal  etla  porte  de  France*  Le  8t  août  ces  batteries 
continuèrent  à  vomir  la  destruction  et  la  mort  sur  le  rempart  de 
San-Cristobal  et  sur  celui  de  Santa-Luda,  paitie  laplus  fisûble 
et  la  phisélevéede  la  ville.  Les  batteries  de  la  ville  ne  pouvaient 
répondre  que  faiblement  au  feasotttenuâesassiégeants.Dégàbi^ 
fatt>le  en  elle-même ,  réduite  encore  par  les  pertes  essuyées  ao 
Monjuich  et  celles  qu'elle  éprouvait  Journellement  dans  laplace> 
la  garnison  ne  pouvait  plus  opposer  une  assez  vigoureuse  résis- 
tfmce  pour  incommoder  ou  retarder  les  travaux  des  Français^ 


tm      L»  cmbaïras  aNaient  cmiasaiit  dans  nntértovr  de  la  vHIe,  et 
'*i"sne.  u  était  temps  qu'elle  fût  secoofue. 

Dès  le  commeiioeiiieDt  da  siège,  la  ville  de  Gifoone  «Yail 
demandé  des  secoars  aax  aalorîtés  de  Gatalogoe.  Pressé  par 
les  pilos  vives  réclamatioiis,  le  géaéral  Blake^  qai  était  à  Tor- 
tose,  pensa  sériensement  à  secourir  cette  place.  Avant  la  fln 
d'aoèt  il  se  porta  avec  une  divisloa  à  Vieil,  où  il  établit  son 
quartier  général ,  et,  le  SO  au  soir,  il  fit  marciier  don  Enriqae 
O'Donnell  sur  Bnmolas  avec  1,300  hommes,  et  dan  Manaei 
Llander  sor  l'ermitage  de  los  Angeles,  pour  détourner,  parées 
mouvements,  Tattention  des  Français  et  leur  cadier  le  point 
par  où  il  voulait  faire  passer  le  secours.  Le  général  Saint-Qrr, 
qui,  le  10  août,  avait  transféré  son  quartier  général  à  Fomdls , 
avait  pris,  avec  le  général  Verdier,  des  mesures  pour  s'opposer 
aux  desseins  de  Blake,  en  réunissant  ses  troupes ,  qae  la  rareté 
des  subsistances  tenait  disséminées;  mais^  trompé  par  les  rap- 
ports de  ses  espions  et  par  les  mouvements  habiles  du  général 
espagnol,  il  évacua  ses  postes  les  plus  importants  à  conserver 
et  même  à  renforcer,  et  fit  avancer  une  grande  partie  de  la  di* 
vision  Souham ,  employée  à  couvrir  le  siège,  pour  l'opposer  à 
Blake,  que,  contre  toute  probabilité  et  vraisemblance,  il  croyait 
s'être  avancé  pour  lui  livrer  bataille  ;  il  manceuvra  Jusqu'à  trois 
heures  du  soir  du  côté  de  Bruâolas,  qu'O'Donndl  attaquait  hi- 
vernent^ pour  attirer  à  lui  la  mineure  partie  des  forces  flraneai- 
ses,  tandis  que  Llander  s'emparait  de  Termitage  de  los  Angeles. 
Le  général  Blake  recueillit  alors  les  fruits  de  sa  ruse,  en  faisant 
filer  sur  la  rive  droite  du  Ter  un  emivoi  de  3,000  mulets,  es- 
corté par  4,000  hommes  d'infonlerie  et  3^000 chevaux  aux  or- 
dres du  général  don  Jaime-fikarcia  Gonde.  Gehii^ci  culbuta  à 
Sait  la  division  Leochi,  commandée  par  Mitossevita,  <pii  se 
retint  sur  Fomells,  où  le  générai  Saint-Gyr  la  vit  arriver  en 
désordre  ;  pendant  ce  temps  le  convoi  entrait  tranquillement 
dans  Girsnne.  L'erreur  du  général  français,  en  relevant  l'espoir 
des  Espagnols,  retarda  pour  longtemps  la  prise  de  cette  place, 
où  Gonde  laissa,  avec  son  convoi,  un  renfbrt  de  a,aoo  hommes;  . 
après  quoi  il  retourna  à  Hostalrich  et  Blake  à  Ohat. 

Les  vivres  inftrodnitB  dans  Girenne  aveu  un  surcroit  de  trou-* 
pes  pour  les  consommer  ne  remédièrent  pas  à  la  disette  qui  y 


GDEIEI  D^fiSFAGNS.  39t 

régnait.  Dès  le  esepldubre  les  PnœçaiB  rafiiirait  Perodlage  de  iwi. 
los  Angeles,  après  avoir  réoceupé  tons  le»  poste»  qa'ils  avaieDt 
abandonnés.  Le  1 1  le  feu  des  assiégeants  reeommença  avee  va» 
nooyelle  vignenr.  Alvarez,  Toolant  retarder  on  même  détmir» 
leurs  travaux,  ordonna,  le  1 6,  une  sortie  ipii  n*eut  pasde  sueeès  ; 
les  Espagnols ,  repoussés  de  toutes  parts^  furent  forcés  de  se 
réfo^  sous  le  canon  de  la  place.  Enfin,  les  brèches  devenant 
chaque  Jour  plus  grandes  et  les  feux  de  Tennemi  étant  éteints 
sur  tout  le  front  de  Tattaque,  l'assaut  fût  résolu*  Le  1 9  septem- 
bre, quatrecolonnes  de  2,000  hommes  chacune  se  portèrent  sl*^ 
multanément  aux  brèdies  ouvertes  à  Santa^Loda,  à  los  Alma- 
nès ,  à  San-Grisloba]  et  au  Calvaire;  mais  tous  le» efforts  des. 
Français  échouèrent  centre  le  courage  et  la  ténaeité  opiniâtre 
des  troupes  espagnoles,  aidées  par  toute  la  population ,  Jalouso 
d*îmiter  l'exemple  de  cd  le  de  Saragosse.  Les  pertes  furent  con* 
sidérables ,  et  il  faihit  se  résigner  à  attendre  comme  auxIliaires^ 
les  maladies  et  iafamine,  etconvertir  le  siégeen  un  étroit  blocus.. 

I^  général  Blake,  encouragé  par  le  succès  de  sa  tentative  du 
mois  d*août,  épiait  une  nouvelle  occasion  de  ravitailler  0ironne» 
Ayant  préparé  dans  ce  but  un  convoi  à  Hostalrich,  il  se  présenta 
le  26  septembre  sur  les  hauteurs  de  la  Bisbal,  avee  1 3,000  hom- 
mes. L'avant-garde  était  commandée  parO'Donneil,  que  suivait 
Wimpfen  à  la  tète  du  convoi,  composé  d'environ  3,000  bètes 
de  somme  et  de  menu  bétaii.  Blake  resta  sur  les  hauteurs  de  la. 
BIsbai  avee  le  gros  de  Tarmée.  Le  général  Saint-Cyr,  informé 
de  la  marche  du  convoi,  pénétra  entre  WImpfBn  et  O'Donnell  ^ 
qui  marchait  à  une  trop  grande  distance  du  convoi  pour  lui 
porter  secours,  et  le  tout  tomba  au  pouvez  du  générai  Saint* 
Gyr,  ainsi  que  3,000  hommes  de  l'escorte.  QDonneU,  qui  avatt 
de  Tavance,  s^édmppa  a  vecson  avant-garde,  et  se  retira  à  TadM 
des  forts  du  Gondestable  et  des  Capucins. 

Cependant  les  maladies  et  la  disette  augmentaient  a«ee  !»• 
pidité  dans  Gironne.  Far  ce  motif  O'Donndi  conçut  le  projet 
hardi  de  s'éloigner  ée  la  place,  de  traverser  l'armée  française, 
et  de  gagner,  malgré  tous  les  olwtacles,  les  hauteurs  de  Santa* 
Goloma,  pour  se  réunir  à  l'armée  dont  il  frisait  partie.  Le  corps 
qu'il  commandait  était  à  charge  à  la  garnison  qui  manquait  de 
vivres ,  et  le  gouverneur  de  la  place  pressa  lui-même  CK'DuniicIi 


392  LIV2B   SEPTIÈME. 

fMo.  d'exécQter  su  résolution.  Cette  sortie,  conduite  avec  aptant  d'in- 
Kspagoê.  tdiigeuoe  que  de  fermeté,  s'effectua  le  12  octobre,  au  milieu  de 
la  nuit  la  plus  obscure  ;  les  Espagnols,  dirigés  par  de  bons  gui* 
des,  marohant  en  bon  ordre  et  dans  le  plus  profond  silence,  tuè- 
rent à  coups  de  baïonnette  les  sentinelles  et  les  gardes  établies 
sur  leur  passage.  Le  général  Souham  courut  le  danger  d*ôtre  ^ 
pris  et  fut  réduit  à  se  sauvera  travers  champs  sans  savoir  quelle 
direction  il  devait  prendre;  ses  bagages  tombèrent  au  pouvoir 
des  Espagnols,  et  Tun  de  ses  gens  fut  tué  à  la  porte  même  du 
quartier  qu'il  occupait.  La  cavalerie  française,  qui  s*était  for« 
mée  au  premier  bruit,  entendit  les  fantassins  espagnols  marcher 
dans  rintervalle  de  ses  escadrons ,  mais  elle  n*osa  rien  entre-* 
prendre  dans  une  obscurité  aussi  profonde,  par  crainte  des  plus 
funestes  méprises  ;  les  bataillons,  effrayés  et  surpris,  après  s'être 
ralliés  en  désordre ,  furent  près  d'en  venir  aux  mains  les  uns 
contre  les  autres.  La  marche  rapide  des  troupes  espagnoles 
abrégea,  fort  heureusement,  cette  cruelle  incertitude.  Un  piquet 
avancé  du  24^  de  dragons  fit  feu  sur  l'ennemi,  qui  riposta; 
dès  lors  le  régiment  put  suivre  les  traces  de  la  colonne  fugitive; 
mais  il  ne  l'aperçut  qu'au  point  du  jour,  et  lorsqu'elle  gravissait 
les  hauteurs  de  Santa-Coloma.  Gomme  elle  était  déjà  hors  d'at- 
teinte, les  dragons  ne  purent  lui  prendre  qu'environ  deux  cents 
traineurs  harassés  de  fatigue  et  accablés  par  le  sommeil.  Quel- 
ques dames  de  Gironne,  qui  fuyaient  avec  cette  colonne  pour 
échapper  à  la  fomine  et  aux  horreurs  d'un  prochain  assaut,  tom* 
bèrent  également  au  pouvoir  des  cavaliers  français* 

Le  même  jour  le  maréchal  Augereau,  qu'une  attaque  de  goutte 
avait  retenu  deux  mois  à  Perpignan,  arriva  au  camp  français, 
que  le  général  Gouvion  Saint-Gyr  avait  quitté  le  5.  La  disette 
touchait  alors  à  son  dernier  degré.  Les  hôpitaux  de  Gironne 
étaient  encombrés  de  malades  et  la  place  manquait  pour  les 
contenir.  La  garnison  seule  perdit  800  hommes  dans  le  mois 
d'octobre,  et  ce  fut  en  vain  que  le  général  Blake  chercha,  pour 
la  troisième  fois,  à  introduire  des  secours  dans  la  place.  Le  18 
octobre  il  s'avança  d'Hostalrich  sur  Brunolas,  dontil  s'empara  ; 
mais,  voyant  les  préparatifs  faits  pour  le  chasser  de  cette  posi- 
tion, d'où  il  menaçait  tous  les  cantonnements  français,  il  se  dé- 
cida à  l'abandonner  pour  se  placer  à  quelques  lieues  en  arrière. 


GUKABE   d'bSPÀGNB.  393 

sur  les  hauteui-s  de  Santa-Goloma,  avec  ses  troupes  d*élite,  les  «909. 
Suisses  et  les  gardes  wallonnes;  il  occupa  et  fortifia  en  même  ^"t^^s^* 
temps  ce  village;  les  maisons  furent  crénelées  et  toutes  les 
avenues  barricadées  et  retranchées.  L'infanterie  ennemie ,  qui 
pouvait  s'élever  à  0,000  hommes ,  était  appuyée  par  quatre  es- 
cadrons déployés  en  bataille  en  avant  de  Santa-Coloma.  Le  gé- 
néral Souham  forma  le  projet  hardi  d'attaquer  Tennemi  dans 
ce  poste  avantageux»  Le  42^  régiment  le  tourna  par  la  droite, 
en  gravissant  des  hauteurs  très- escarpées,  tandis  que  trois  ba- 
taillons du  1^''  régiment  d'infanterie  légère  s'avançaient  sur 
Santa-Coloma,  etque  deux  bataillons  du  3°  régiment  de  la  même 
arme  menaçaient  de  déborder  Tennemi  par  sa  gauche.  Un  seul 
escadron  du  24^  de  dragons,  sous  les  ordres  du  capitaine  Bré- 
jeaut,étaK  chargé  de  soutenir  le  1^*^  régiment  d'infanterie  légère. 

Les  dragons  espagnols  s'étant  ébranlés  pour  charger  la  co- 
lonne qui  s'avançait  directement  sur  Santa-Coloma ,  celle-ci 
évita  le  choc  en  se  retirant  sur  un  terrain  élevée  et  laissa ,  par 
ce  mouvement  y  l'escadron  du  24^  entièrement  à  découvert. 
Ainsi  réduits  à  se  défendre  contre  une  cavalerie  trois  fois  sopé* 
rieure  en  nombre,  les  dragons  français  n'hésitèrent  point  à  s^é- 
lancer  sur  ieur^  adversaires  ;  ceux-ci  furent  renversés  et  défaits 
complètement,  avec  perte  d'un  grand  nombre  de  chevaux  et  de 
cavaliers  tués,  blessés  ou  pris.  Éiectrisés  par  un  si  bel  exemple, 
les  bataillons  du  3^  léger  emportèrent  le  village»  et  en  peu  d'ins- 
tants toutes  les  positions  de  l'ennemi  fui*ent  occupées  par  les 
autres  colonnes  et  les  camps  brûlés.  Blake  se  retira  du  côté  de 
Wichy  ne  laissant  à  Santa-Goloma  qu'O'Donnell ,  qui  fut  bien- 
tôt forcé  d'abandonner  cette  position,  où  II  perdit  tous  ses  ba- 
gages. Dans  cette  journée  les  Espagnols  laissèrent  sur  le  champ 
de  bataille  1,200  hommes  tués  ou  blessés  grièvement  ;  le  nom- 
bre de  leurs  prisonniers  s'élevait  à  300,  parmi  lesquels  3  lieu- 
tenants-colonels. Ils  ne  revenaient  pas  de  leur  étonnement,  et 
ne  pouvaient  concevoir  comment,  avec  des  forces  si  inférieures, 
opposées  à  des  troupes  d'élite,  ils  avaient  été  débusqués  d'une 
position  inexpugnable/ 

Blake,  malgré  la  dispersion  de  son  armée  dans  les  montagnes 
après  le  brillant  combat  de  Santa-Ck>loma,  ne  crut  pas  devoir 
renoncer  à  Tespoir  de  ravitailler  Gironne  ;  il  rassembla  à  cet 


394  LIVftB  «BPTlteB. 

4M»,  effet  des  magamiB  à  Hostalridi ,  petite  yflle  adossée  an  ftnrt  de 
ce  Dom  et  située  à  mi-eAte  d*ane  montagne.  Qaoiqne  saffisam- 
ment  protégée  par  la  forteresse  qui  la  domine,  il  la  mit  à  Tabri 
d'un  coup  de  main,  et  y  jeta  une  garnison  de  troupes  de  ligne 
sous  les  ordres  du  maréchal  de  camp  Guadrado.  La  place»  fer- 
mée par  un  Inm  mur  et  garnie  de  quelques  tours,  dont  rnne  étaE 
armée  de  deux  pièces  de  canon,  offhdt  tons  les  moyens  de  ùârt 
une  longue  résistance  ;  tous  les  iiabitants  avaient  pris  les  armes 
pour  renforcer  la  garnison.  Ces  difficultés  n'arrêtèrent  point  le 
général  Pino,  chargé  de  s'emparer,  avee  sa  division,  de  ce  poste 
important.  La  brigade  du  général  Massuehelii  esealada  les  murs 
à  l'aide  d'échelles  qu'elle  trouva  dans  les  maisons  du  finibourg  ; 
tous  les  Espagnols  furent  passés  au  fil  de  l'épée^  et  les  magasins 
évacués  ou  détruits. 

Le  mois  de  novembre  se  passa  sans  nouveaux  eombats  ;  nais 
les  maux  et  les  calamités  dont  la  ville  était  afSigée  s'aggra- 
vaient de  Jour  en  Jour.  T..es  pertes  essuyées  par  les  assiégés ,  le 
manque  de  munitions ,  une  disette  affreuse ,  une  épidémie  qui 
exerçait  d'horribles  ravages,  avaient  affaibli  Tardeur  de  la  gar- 
nison et  des  habitants  de  Gironne ,  lorsque  le  maréchal  Auge* 
reau  ordonna  au  général  Pino  d'enlever  le  faubourg  del  Car- 
men ,  ainsi  qu'une  grande  redoute  construite  de  ce  e6té ,  et  au 
général  Verdier  de  pénétrer  de  vive  force  dans  le  faubourg  de 
la  Gironelia.  La  première  de  ces  opérations,  qui  présentait  de 
grandes  difficultés,  fut  dirigée,  le  6  décembre,  par  le  général 
Pino,  avec  une  prudence  et  une  habileté  consommées,  et  exécu- 
tée avec  une  rare  intrépidité  par  les  brigades  des  généraux  Maz- 
zuchelii  et  Fontana.  Le  7  le  général  Verdier  s'empara  de  la  re* 
doute  de  la  Ciudad  et  des  maisons  de  la  Gironelia.  Le  même 
jour  les  assiégés,  ainsi  resserrés  et  réduits  À  la  dernière  extrémité, 
firent  une  sortie  générale,  tant  de  la  ville  que  des  forts  du  Gon- 
destable  et  des  Capucins,  pour  reprendre  les  redoutes  et  les  fau- 
bourgs qu'ils  avaient  perdus  ;  mais  les  grenadiers  du  6^  de  ligne 
et  du  2«  léger  italien  opposèrent,  en  défendant  ces  ouvrages,  une 
résistance  égale  à  l'ardeur  qu'ils  avaient  déployée  pour  s'en 
emparer.  Le  général  Amey,  qui  était  en  position  au-dessous  du 
MoDjuich ,  vint  prendre  l'ennemi  en  flanc  et  le  contraignit  à  se 
retirer  avec  précipitation.  Une  colonne  de  troupes  ltalienDe8,qiii 


GDtm  D^iSPAOMK.  S95 

«giflsait  siiiMiitaiiéHeBit  sur  les  revers  âes  deox  fcrts  da  Gon-      ^m. 
<b«taUeetdes  Gapociiis, se  Joignltau  général  Amey,  el  ils  en-    ^'W^- 
levèrent  ensemble  les  redoutes  du  Calvaire  et  dn  Gabtido. 

Ce  dernier  événement  prépara  et  amena  la  reddition  de  Gi- 
ronne.  Étroitement  bloquée  dès  les  premiers  Jours  de  Juin,  cette 
place  avait  soutenu  aVee  un  admirable  dévouement  un  siège  de 
plus  de  six  mois,  pendant  lequel  les  assiégeants  et  les  troupes 
qui  les  protégeaient  avalent  montré  une  persévérance  et  une  in- 
trépidité au-dessus  de  tout  éloge.  Cette  conquête  coûtait  des 
«ommes  immenses  à  la  France,  obligée  de  fournir  les  munitions 
et  les  vivres,  tant  pour  les  corps  assiégeants  que  pour  Tarmée 
destinée  à  les  appuyer;  à  peine  le  pays  près  des  embouchures 
du  Ter  avait-il  pu  suffire  à  la  subsistance  de  quelques  déta* 
chements.  La  perte  des  Français  peut  être  évaluée  à  20,000 
hommes,  tant  devant  la  place  que  dans  les  hôpitaux.  La  capi- 
tulation de  la  place  et  des  forts,  conçue  en  six  articles ,  fut  si- 
gnée le  10  décembre,  à  sept  heures  du  soir;  elle  mit  au  pouvoir 
de  l'armée  iirançaise  huit  drapeaux,  5,000  hommes  et  deux  cents 
pièces  de  eanon.^  L'article  2  stipulait  que  tous  les  habitants  se» 
raleat  respectés  ;  mais  Pempereur  ordonna  que  tous  les  moines 
seraient  conduits  en  France  avec  la  garnison.  Le  gouverneur 
Alvarez,  malade  au  moment  de  la  capitulation,  fut  envoyé  au 
fort  de  Figuières,  où  il  mourut  peu  de  jours  après.  L*armée  fbt 
la  première  à  regretter  que  ce  respectable  officier  n*eût  pas  été 
traité  par  le  marédial  Augereau  avec  tous  les  égards  dus  à  son 
patriotisme,  à  ses  -vertus  et  à  son  dévouement. 

Immédiatement  après  la  prise  de  Gironne ,  le  maréchal  due 
de  Castiglione  réunit  la  division  Souham,  et  chargea  ce  général 
4le  poursuivre  les  bandes  de  miquelets  retirées  dans  la  haute  Ca-. 
talogne ,  et  de  venger  tout  le  mal  qu'ils  avaiedt  fait  pendant  le 
siège,  en  détruisant  les  convois  venant  de  France  et  en  mas^ 
sacrant  avec  férocité  les  escortes  et  les  hommes  isolés.  Le  gé- 
néral Dumoulin,  en  se  rendant  en  France,  n'avait  échappé  de 
leurs  mains  que  par  miracle  et  dangereusement  blessé  d*un  coup 
de  feu;  le  maréchal  Augereau  lui-même  n'avait  dû  son  salut 
qo*à  la  compagnie  d'élite  du  24'  de  dragons,  qui  lui  servait 
d'eseorte  dans  une  tournée  qu*il  fit  pendant  le  siège. 

Cette  expédition,  Tune  des  plus  difficiles  de  cette  guerre, 


396  UVBB  SEPTlàm. 

iM.      <^nfi^  AU  général  Souham ,  fat  condaHe  avee  habileté  et  exé- 

E^»(P>e.   cutée  avec  un  grand  eourage.  Gomme  la  prise  de  Gironne  eii<- 

levait  aux  insurgés  un  de  leurs  principaux  pmnts  d*appni,  le 

général  Souham  trouva  dans  les  esprits  des  dispositions  plus 

favorables  qu'il  ne  s'y  était  attendu. 

En  arrivant  à  Besalu  la  division  rencontra  quelques  centaines 
de  miquelets,  qu'elle  dispersa  après  en  avoir  tué  ou  blessé  un 
grand  nombre.  Les  paysans  pris  les  armes  à  la  main  furent 
passés  par  les  'armes.  Après  plusieurs  autres  engagements  du 
même  genre  avec  les  bandes  de  Cherfos,  Claros  et  Rovira ,  k 
Olot,  Garopredon  et  Saint-Pol,  le  général  Souham  se  dirigea 
sur  Rippoll,  ville  célèbre  par  son  abbaye  et  ses  manufectnres 
d'armes,  et  où  s'était  réfugiée  la  bande  de  Glaros,  réduite  à 
1,100  hommes.  La  première  brigade  de  la  division  commandée 
par  le  général  Augereau,  frère  du  maréchal,  marcha  directement 
sur  la  ville,  tandis  que  la  seconde  brigade,  commandée  par 
Tadjudant  général  Devaux,  tournait  cette  position  en  passant 
par  le  pont  de  Ganas.  Ges  mouvements  combinés  eurent  un 
plein  succès.  La  colonne  de  Devaux  gravit  les  hauteurs  qui  do* 
minent  RippoU  au  sud  et  à  l'ouest  et  en  débusqua  l'ennemi. 
La  ville  fut  occupée;  et,  comme  les  insurgés  paraissaient  vouloir 
se  défendre  sur  une  montagne  escarpée,  le  général  Souham  la 
fit  tourner  par  un  bataillon  du  l***  régiment  léger.  L'ennemi , 
qui  s'aperçut  de  ce  mouvement,  se  retira  dans  un  village  au 
bas  de  cette  montagne,  d'où  il  fut  encore  chassé  avec  perte  d'un 
bon  nombre  de  morts  et  de  blessés.  Le  général  Augereau  se 
porta  ensuite  sur  Ribas ,  en  expulsa  un  autre  détachement  de 
roiquelets,  et  reçut  les  soumissions  des  habitants  de  cette  petite 
ville  et  des  villages  environnants.  Le  général  Sonliam  fit  dé- 
truire dans  Ripitoll  tout  oequi  servait  à  la  fabrication  des  fasils, 
comme  forges,  usines^  ateliers,  en  un  mot  tous  les  objets  em- 
ployas à  ces  travaux.  Le  lendemain,  la  division  vint  prendre 
position  à  Olot,  où  elle  devait  rester  cantonnée  provisoirement. 
Le  colonel  Delort,  commandant  l'avant-garde  de  la  division, 
le  chef  de  bataillon  Révérend,  les  capitaines  Rouilly  et  Saint- 
Simon  ,  l'aide  de  camp  Dumas  et  le  sous-lieutenant  Denis  fu- 
rent mentionnés  honorablement  dans  le  rapport  que  le  général 
Souliam  adressa  au  maréchal  Augereau  sur  cette  expédition» 


CHAPITRE  IL 

L*A!«MiE   1810. 

Suite  des  érénements  militaires  ea  Espagne.  L'armée  française  franchit  la 
Sierra-Moréna  etenTabit  TAndalousie  ;  occupation  da  port  de  Malaga  »  etc. 
—  Siège  et  prise  d*Astorga.  —  Opérations  du  3*  corps  eo  Aragon  et  dans 
le  royaume  de  Valence  ;  siège  et  combat  de  Lèrida  ;  cette  place  est  prise 
d*assaut;  siège  et  reddition  de  Mèquinenza.  —  Opérations  en  Catalo- 
gne; combats  de  Mollet,  de  Yicb,  de  Yillafranca;  prise  du  fortd'Hos- 
talrieli ,  etc.  Le  maréchal  Maodonald  remplace  le  maréchal  Augerean  dans 
le  commandement  du  septième  corpSb 

Les  Yictolpes  d'Ocana  et  d*Alba  de  Tormès  avaient  terminé  igto. 
les  opérations  militaires  de  l'année  1 809 ,  et  la  fin  de  cette  cam-  ^i**«"** 
pague,  loin  d'être  aussi  avantageuse  à  la  cause  de  la  Péninsule  - 
qu'elle  l'était  à  la  fortune  particulière  et  à  l'ambition  du  général 
sir  Arthur  Wellesley,  créé  Pair  de  la  Grande-Bretagne  en  ré- 
compense du  succès  contesté  et  sans  résultat  de  la  bataille  de 
Talavéra,  avait  augmenté  la  mésintelligence  qui  régnait  entre 
les  eheih  des  deux  armées.  Ceux-ci  s'accusaient  du  mauvais 
succès  de  leurs  dernières  opérations  ;  les  uns  et  les  autres  se 
plaignaient^  avec  une  égale  raison  peut-être,  de  n'avoir  point 
été  secondés  dans  leurs  efforts.  Guidés  par  des  motifs  plus  ou 
moins  légitimes,  les  généraux  espagnols  étaient  en  rupture  ou- 
verte avec  le  générai  anglais ,  dont  ils  suspectaient  la  prudence 
et  la  bonne  foi.  Le  duc  de  i'Infantado,  Géstanos,  Guesta,  Vé- 
négas  manifestaient  hautement  l'indignation  que  leur  inspiraient 
l'orgueil  insupportable  et  la  déloyauté  de  leurs  alliés.  De  son 
côté,  sir  Arthur  Wellesley,  (fae  nous  appellerons  désormais  lord 
Wellington ,  attribuait  la  non*réttssite  de  l'entreprise  sur  Ma- 
drid à  l'incapacité  et  au  défaut  d'accord  des  présomptueux  dé-' 
fenseurs  de  l'indépendance  espagnole.  Résolu  d'agir  désormais 
pour  son  propre  compte,  le  général  anglais  se  détermina  à  quit* 
ter  le  territoire  espagnol  pour  se  rendre  dans  les  environs  d'AU 
meida.  En  conséquence,  toutes  les  troupes  anglaises  étaient  ren- 
trées en  Portugal  avant  le  i*'*"  janvier  1810. 


39S  LIVBB  SEPTIÀMB.  , 

19,0.  Ea  s*i8olant  aipsi  des  années  espagnoles ,  J'inténtioa  da  gé- 
£>mne.  j^^  anglais  était  de  se  borner  désormais  à  eoQTrir  cette  portion 
précieuse  des  possessions  britanniques.  Des  considérations  pois- 
santés,  puisées  dans  le  caractère  même  des  Portugais ,  renga- 
geaient à  concentrer  toutes  ses  forces  dans  leur  pays.  11  trouvait 
plus  de  douceur  et  de  souplesse  parmi  les  habitants;  il  n'avait 
pas  à  y  lutter,  ainsi  qu^en  Espagne,  contre  des  esprits  indociles, 
fl.ers»  peu  malléables ,  ennemis  de  toute  espèce  de  Joug,  si  ce 
n'est  de  celui  qu'impose  le  fanatisme  religieux  ;  il  trouvait  au. 
contraire  en  Portugal  un  peuple  pour  ainsi  dire  tout  façonné  à 
la  nargue  et  aux  mépris  insultants  de  ses  auxiliaires  d'outre- 
mer. Le  fantôme  de  régence  établi  à  Lisbonne  n'était  qu'un 
objet  de  dérision  pour  les  généreux  anglais»  et  Wellington,  re- 
tiié  en  Portugal,  s'y  considérait  à  bon  droit  comme  dans  une 
de  ces  vastes  provinces  de  l'Inde,  où  la  volonté  des  nijahs  et 
dies  nababs  est  soumise  aux  décisions  d'un  simple  cnqpltaine 
aillais, 
so  Janvier.  L armée  française  franchit  la  Sierra^Maréna  et  envahie 
rAndalamie,  etc.  —  Immédiatement  après  la  victoire  d'Ocana, 
la  junte  centrale  avait  dû  s'attendre  à  voir  les  aigles  françaises 
franchir  la  Sierra-Moréna;  dans  toutes  les  autres  parties  de 
l'Espagne  les  affoires  n'étaient  guère  dans  une  situation  moios 
défavorable  à  la  cause  de  l'indépendanee.  La  prise  de  Giranae 
affermissait  l'établissement  du  7*  eorps  d'armée  en  Catalogne; 
le  général  Suchet  maintenait  la  paix  en  Aragon  et  se  disposait 
à  chasser  l'ennemi  des  places  qu'il  occupait  encore  sur  la  Sègre 
et  sur  l'Èbre;  le  6^  corps  observait  Qudad-Rodrigo  et  lafmir 
tière  de  Portugal  ;  le  général  Bonnet,  avec  la  division  sous  set 
ordres ,  occupait  Santander  et  les  positions  principales  de  la 
.Montana  et  des  Asturies  ;  la  route  de  Bayonne  à  Bladrid  était 


La  paix  conclue  entre  la  France  et  l'Autridie  avait  fait  éva- 
nouir d'autre  part  les  espérances  que  les  Espagnols  et  leurs  alliés 
fondaient  sur  une  puissante  diversion,  et  tout  annonçait  déjà 
que  la  guerre  de  la  Péubisule  allait  être  poussée  avec  une  nou- 
velle vigueur.  Ce  qui  appelait  spécialement  l'attention  de  Na^ 
poléoo,  instruit  de  la  désunion  toujours  croissante  qui  existait 
entre  les  généraux  espagnols  et  le  général  anglais,  et  de  la  i 


GUUftB   D^BSPAONB.  999 

trée  de  ee  dernier  en  Povliigal ,  c*ëtait  de  déimire  rannée  an-      |«io. 
glaise  eu  de  la  forcer  à  se  remlMirqner.  Il  envoya  de»  renforts    >^>m"«* 
oonsidéraUes  en  Espagne,  et  ordonna  la  formation  d'une  armée 
qni,  sous  lea  ordres  de  Masséna,  devait  ftiire  la  conqnète  du 
Portugal. 

De  son  côté,  le  roi  Joseph  songeait  sérieusement  à  la  conquête 
de  TAndalousie.  Deux  projets  se  présentaient  :  le  premier  con- 
sistait à  retarder  cette  expédition  jusqu'après  la  prise  des  places 
de  Tarragone»  de  Tortose  et  de  Badajoz,  ce  qui,  d'un  c6té,  per- 
mettrait à  l'année  de  Catalogne  de  se  porter  snr  Valence,  et,  de 
l'autre,  mettrait  les  forces  destinées  par  l'empereur  &  envahir 
le  Portugal  à  même  d'être  opposées  avec  avantage  à  Tarmée 
anglaise.  Dans  ce  cas,  la  conquête  de  l' Andalousie,  retardée 
pendant  quelque  temps,  pouvait  s'opérer  sans  obstacles  sérieux. 
Le  second  projet  consistait  à  profiter  de  la  terreur  répandue 
dans  tout  le  royaume  par  les  déroutes  d'Ocana,  d'Alba  de  Tor- 
mes  et  par  la  prise  de  Gironne,  à  s'emparer  de  Séville,  et  à  y 
combattre  le  principe  le  plus  actif  de  la  résistance;  A  se  rendre 
maître,  en  même  temps,  de  Cadix,  et  à  enlever  aux  Anglais, 
par  l'occupation  de  cette  place  importante,  tout  moyen  d'ali- 
menter l'insurrection.  Ces  deux  projets  forent  soumis  à  Fem- 
pereur,  qui  ne  répondit  rien  ;  il  Jugeait  qu'avant  de  songer  à  la 
conquête  de  l'Andalousie  il  follait  expulser  les  Anglais  du  Por- 
tugal ,  après  quoi  on  aurait  bon  marché  des  Espagnols  du  midi 
de  la  Péninsule;  car,  si  Texpéditiou  contre  le  Portugal  venait  à 
échouer,  l'armée  anglaise  pourrait  facilement  forcer  le  roi  à 
évacuer  rAndaiousfte,  surtout  s'il  n'était  pas  maître  de  Cadix, 
où  ils  seraient  toujours  libres  de  revenir,  quand  même  ils  au- 
raient été  chassés  de  Lisbonne.  La  conquête  des  provinces  du. 
midi  ne  pouvait  donc  être  assurée  que  par  l'occupation  de  Ba- 
d^^oz  et  par  cdie  de  Cadix.  On  va  voir  comment  forent  remplies 
les  deux  principales  conditions  de  succès  dans  cette  importante 
entreprise. 

L'empereur  ayant  évité  de  se  prononcer  à  l'égard  des  deux 
projets  qui  foi  avaient  été  soumis,  bien  qu'on  ait  dit  qu'il  s'était 
rendu  aux  instances  de  son  frère  appuyées  par  celles  du  maré- 
chal Soult,  le  roi  Joseph  se  décida,  vers  la  fin  de  1809,  à  mettre 
h  exécution  son  projet  favori ,  le  second,  qui,  dans  son  désir 


400  LIVHR  SEPTiàliB. 

1810.  bien  naturel  de  hâter  la  fin  de  la  guerre ,  lui  offrait  Tespoir  de" 
Espagne.  ^ggQ||^[fe  la  junte  centrale  de  Séville,  prineipal  foyer  de  Tin- 
surrection  espagnole.  L'armée  française,  oommandée  par  le  roi 
en  personne  9  avait  réellement  pour  générai  en  ehef  le  duc  de 
Dalmatie,  qui  remplissait  nominalement  les  fonctions  de  chef 
d'état-migor  général.  Elle  se  composait  des  l«%  4^  et  5®  corps, 
de  la  réserve  du  général  DessoUes  et  de  deux  régiments  espa- 
gnob  de  nouvelle  formation ,  en  tout  48,000  hommes  d*infan- 
terie,  6,000  hommes  de  cavalerie,  d'excellentes  troupes,  et 
soixante-quatorze  Inmches  à  feu.  Au  moment  de  commencer 
l'expédition ,  les  i^'  et  4^  corps  se  trouvaient  en  ligne  dans  la 
Manche,  achevant  de  disperser  quelques  bandes  dont  le  pays 
était  infesté.  Des  dép6ts  considérables  en  approvisionnements 
de  toute  espèce  étaient  établis  à  Tolède ,  Consuégra  et  Manza- 
narès,  dont  les  châteaux  avaient  été  relevés  et  mis  en  état  de 
défense.  C'est  dans  ces  places  que  l'artâlerie  avait  réuni  ses 
parcs  et  son  matériel.  La  défense  de  M adridétaitconfiée,  comme 
toujours,  au  général  Belliard,  qui  avait  sous  ses  ordres  la  divi- 
sion Sébastiani,  composée  des  28,  33*",  &8«  et  7ô'  régiments  de 
ligne ,  plus  le  26*  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  le  3*^  ri- 
ment de  hussards  hollandais ,  un  fort  détachement  de  gendar- 
merie et  les  troupes  de  l'artillerie  et  du  génie.  En  arriére  de 
Tarmée  expéditionnaire  se  trouvait  le  2^  corps ,  commandé  pro- 
visoirement par  le  général  Heudelet,  qui  était  répandu  autour 
de  Talavéra  et  devait  prendre  indirectement  part  aux  opérations 
de  cette  armée.  La  brigade  Arnaud,  composée  des  81^  léger  et 
70*  de  ligne,  occupait  Tolède,  couvrant  les  communications  de- 
puis lUescas  jusqu*à  Consuégra.  Le  6®  corps ,  cantonné  à  Sala- 
manque,  Lédesma,  Toro  et  Aiba  de  Tormès,  observait  tous  les 
débouchés  venant  du  Portugal. 

Les  quatre  provinces  andalouses,  celles  de  Jaen,  Cordoue, 
Séville  et  Grenade,  sont  séparées  du  reste  de  l'Espagne  par  la 
longue  chaîne  de  la  Sierra-Moréna  (  monts  Mariani).  Cette 
chaîne,  qui  se  rattache  à  l'est  à  la  Sierra  d*Alcaraz,  s'étend  en- 
tre les  bassins  du  Guadalquivir  et  de  laGuadiana,  et  se  termine 
à  l'embouchure  de  ce  dernier  fleuve.  Ses  rameaux  se  prolongent 
au  levant  et  au  couchant  et  pénètrent  dans  l'intérieur  au  midi,  < 
coupant  r Andalousie  en  différentes  plaioes  par  d'autres  monta- 


eUBBtt  D*SSPAGIIB.  401 

gnes  qui  ae  détachent  de  Ronda  et  de  la-Sierra-Mévada.  La  '^  isio. 
chaîne  principale  est  traversée  par  une  très-belle  route  prati-  ^  ^^^^ 
quée  dans  le  défilé  de  Despenaperros,  passage  redoutable  entre 
deux  rochers  énormes.  Cette  route  met  Madrid  en  communica- 
tion avec  Cadiz  par  Oeana,  Yillaharta ,  la  Caroline,  Andujar, 
Cordoue  et  Séville.  Le  reste  de  la  chaîne  est  ouvert  par  un 
petit  nombre  de  routes,  telles  que  celles  de  Cordoue  à  Badajoz 
par  Lléréna,  de  SévlUe  à  Mérida  par  le  col  de  Monastério,  et 
de  Séville  à  Lisbonne  par  Yalverde,  Serpa,  Béja  et  Âlcacer  do 
Sal.  Par  conséquent  la  seule  ligne  d'opérations  qui  mérite  ce 
nom  est'  celle  qui  passe  par  le  défilé  de  Despenaperros.  Ce  fut 
aussi  cette  direction  que  le  maréchal  Soult  clioisit  pour  passer 
avec  le  gros  de  l'armée,  tandis  que  le  maréchal  Victor  se  diri- 
gerait en  même  temps  par  le  chemin  dit  de  la  Plata  »  commu- 
nication latérale  qui  rapprochait  de  Cordoue,  mais  par  laquelle 
il  était  impossible  de  conduire  de  rartlllerie.  Par  ces  disposi- 
tions, le  général  «d  chef  espérait  tourner  l'ennemi ,  le  forcer  à 
abandonner  ses  positions  dans  la  Sierra-Moréna ,  et  s'opposer 
à  sa  Jonction  avec  le  corps  du  duc  d'Albuquerque,  en  marche 
de  l'Estremadure  pour  rallier  les  troupes  que  réunissait  la  Junte 
de  Séville  ;  car  celle-ci ,  rassemblant  tous  les  débris  dispersés 
de  ses  armées,  les  organisait  pour  la  défense,  appelant  del  Par- 
que, Echevariaet  d'Albuquerque  au  secours  d'Areizaga,  qiM 
restait  encore  revêtu  du  titre  de  commandant  en  chef* 

Depuis  la  dispersion  d'Ocana,  on  n'avait  pas  pu  réunir  plus 
de  25,000  hommes  pour  défendre  le  petit  nombre  de  débouchés 
par  lesquels  une  armée  peut  pénétrer  dans  les  plaines  fertiles 
de  l'Andalousie.  Celle  d'Areizaga  se  composait  de  six  faibles 
divisions  rangées  en  face  des  trois  passages  d' Almaden  de  Azo- 
gué ,  de  Despenaperros  et  de  Yillamanrique.  Le  général  Zerain 
occupait  Almaden  avec  une  division;  le  général  Copons  était  à 
Mestanza  et  San-Lorenzo  avec  une  autre  division  ;  la  S*  divi- 
sion, aux  ordres  du  général  Giron,  était  à  Puerto  del  Rey  ;  l'a- 
vant-garde,  avec  les  t^  et  4*  divisions,  commandées  par  les  gér 
néraux  Zayas,  Lacy  et  Castéjon,  couvraient  la  Venta  de  Cardé- 
nas,  Despenaperros,  le  Collado  de  los  Jardines  et  Santa-Ëléna. 
La  2'  division^  aux  ordres  du  général  Vigodet,  qui  avait  reenelli  . 
les  débris  de  la  6^ ,  prit  position  à  la  Venta-Nuéva ,  à  une 


403  LITBS  SBPTltKB. 

isio.  Hecie  de  MûdUzob.  Des  oonpores ,  des  épanlemeats  avaient  été 
pratiqués  en  travers  des>  o>iitoar8  stnoeax  de  la  grande  route  ; 
trois  fourneaux  de  minesétedent  établisdans  le  passage  étroit  qui 
commence  à  trois  cents  pas  environ  de  la  Venta  de  Cardénas  et 
qui  ne  s'élargit  qu'à  une  lieue  plus  loin.  Par  derrière,  les  Espa- 
gnols avaient  élevé  sur  le  coteau  de  los  Jardines  une  espèce  de 
camp  retranché,  et  ce  débouclié,  armé  d'une  nombreuse  artil- 
ierie,  leur  semblait  Inexpugnable. 

L'ordre  de  mouvement  adressé  au  duc  de  Bellune  lui  prescri- 
vait de  prendre  la  droite  de  Tarmée  À  Ciudad-Béal  ;  le  général 
Sébastiani  eut  Tordre  de  se  mettre  en  ligne  avec  le  l^'  corps  à 
Ylllahermosa  et  Yillanuéva  de  los  Infantes,  de  garder  les  dé- 
bouchés de  la  Sierra-Moréna  par  le  col  de  San-Estevan ,  par  la 
Venta-Qûémada  et  Villamanrique,  ainsi  que  par  Alcaraz.  Tan- 
dis que  les  1*'  et  4*  corps  exécutaient  leurs  mouvements,  le  roi 
Joseph  quitta  Madrid  le  8  janvier  avec  le  5^  corps  et  la  réserve 
du  général  Desselles,  et  arriva  à  Almagro  le  10.  Le  lendemain 
tl ,  le  duc  de  Bellune  fit  ses  dispositions  pour  engager  sa  tète 
de  colonne  sur  la  route  d^Almaden,  de  manière  à  débouchw  sur 
Cordoue,  lorsque  le  passage  de  la  Sierra-Moréna  serait  opéré 
au  centre  de  la  ligne  firançaise,  dont  retendue  était  d'environ 
vingt  lieues.  En  même  temps,  le  duc  de  Trévise  faisait  porter 
une  division  d*inlisuiterieet  deux  brigades  de  cavalerie  à  El  Moral 
de  Galatrava,  Granatula  et  à  la  Galzada  del  Rey,  pour  y  relever 
les  troupes  du  V'  corps  et  garder  la  grande  route  de  la  Caroline  ; 
Tautre  division  et  la  réserve  restèrent  en  colonne  entre.  El  Moral 
et  Manzanarès. 

Le  12  Janvier  Tannée  occupait  les  positions  suivantes  :  le 
1^'  corps  à  Ciodad-Réal,  éclairant  les  débouchés  de  Guada- 
lupé,  d'Almaden  de  Azogué  et  de  Puertollano,  par  Coral  et  Car- 
raques  ;  le  5®  corps  et  la  réserve  à  Almagro ,  observant  les  dé- 
bouchés de  Pucrtotlano ,  par  la  Calzada  del  Rey,  et  ceux  de 
Santa-Éléna,  par  Santa-Cruz  de  Mudéla  ;  le  4^  corps  à  Yilla- 
nuéva de  los  Inibntès,  couvrant  les  chemins  de  Yillamanrique 
et  de  Montizon. 

Le  1*^  corps  arriva  le  15  à  Almaden  de  Azogué,  d*bù  il  re- 
poussa la  division  de  Zerain,  qui  se  replia  précipitamment  dans 
la  direction  de  Cordoue.  Ses  reconnaissances  passèrent  le  Gua- 


dalmes  et  poossèreiit  Jusqu'à  Stnta-EiifitaiiB  et  Belakasir  la      igio. 
divisfon  de  Gopons.Do  16  aa  18 ,  le  due  de  Bellime  «  ayant  re-    ^vasu*. 
connu  Timpossibllité  d'engager  son  artillerie  et  ses  ba^^es  au 
delà  d'Almaden ,  les  renvoya  rejoindre  la  grande  route  royale 
de  Madrid  à  Sévillc  et  prit  par  Torrécampo  le  chemin  de  Poe* 
zoblanco,  où  il  arriva  le  t9;  le  20  il  coucha  à  Villannéva  de  la 
Jara,  et  le  2i  il  atteignit  le  Guadalquivir  à  Montoro,  après 
avoir  surmonté  toutes  les  difAeultés  que  lui  opposait  un  pays 
de  montagnes  escarpées,  arides  et  privées  de  routes.  Maître  du 
pont  du  Gadalquivlr,  qui  Heureusement  n'avait  pas  été  détruit, 
il  attendit  des  nouvelles  du  passage  de  la  Sierm  par  le  &«  corps 
avant  de  continuer  son  mouvement  sur  Ck>rdoiie.  Ces  nouvelles 
ne  se  firent  pas  attendre  :  la  Slerra-*Moréna  était  forcée,  et  l*ar-  * 
mée  française  déployait  ses  longues  lignes  dans  les  plaines  de 
l'Andalousie. 

Depuis  plusieurs  Jours,  les  mouvements  du  l«^  corps  sur  Al- 
rbaden  et  ceux  du  4*  corps  en  avant  de  Villannéva  de  los  In- 
fhntès  avaient  attiré  l'attention  de  l'ennemi  aux  deux  extré- 
mités de  la  ligne;  il  croyait  sa  droite  menacée,  et  dégarnit  son 
centre  pour  la  renforcer.  Les  retranchements  qu'il  avait  élevés 
à  Tenti^e  des  défilés ,  des  coupures  sur  toutes  les  routes,  étales 
mines  qu'il  avait  pratiquées  au  bord  des  précipices  pour  faire 
sauter  des  portions  de  chemin ,  lui  donnaient  la  confiance  de 
ne  pas  être  attaqué;  mais  ces  obstacles  n'étaient  insurmontablcB 
qu*en  apparence.  Le  19 ,  le  roi  Joseph  avait  porté  son  quartiw 
général  à  Santa-Crus  de  Modela,  où  le  5*  corps,  la  garde  royale 
et  la  brigade  espagnole  se  trouvaient  réunis  depuis  le  18  au  soir. 
Le  même  Jour  le  maréchal  Mortier  fit  occuper  El  Viso  et  El 
Visillo,  où  se  pointa  également  la  division  du  général  DessoUes. 
Le  général  Sébastian!  prit  position  avec  la  division  du  général 
Milhaud ,  la  brigade  de  cavalerie  légère ,  le  58^  de  ligne  '  et  la 
division  polonaise ,  à  Yillamanrique  d'où  il  chassa  l'ennemi,  et 
fit  occuper  en  même  temps  Torre^de-Juan-Abad  et  Almédina. 

Le  roi  ayant  résohi  d'attaquer,  dans  la  Journée  du  30,  les  po- 
sitions de  la  Sierra,  le  général  DessoUes  reçut  Tordre  de  partir 

'  '  Ce  régiment ,  qui  de? ait  faire  partie  de  la  garnison  de  Madrid ,  venait  de 
r^oindre  l'armée  avec  la  division  de  dragons  du  général  Milhaud,  prèl  de  h- 
quèile  il  avait  été  délacbé. 

as. 


404  IXVBB  SBVTIÈHE. 

19)0.  ^'^^  Vislllô  avec  sa  division  et  le  3 1''  régiment  de  diasseurs  à 
cheval,  et  de  se  diriger  sor  la  Caroline  »  par  l'anden  chemin 
qui  passe  à  Puerto  del  Rey.  Ce  chemin  rejoint  à  Venta-Nuéva 
la  grande  route  entre  4a  Caroline  et  Santa-Eléna.  Le  maréchal 
Mortier  eut  ordre  de  fietire  attaquer  par  le  6®  corps  la  position  de 
DespenaperroS)  où  les  Espagnols  avaient  coupé  la  route  en  plu- 
sieurs endroits  et  pratiqué  leurs  mines.  Le  général  Sébastiani 
devait  attaquer  l'ennemi  dans  ses  positions  de  Venta-Nuéva  et 
Venta-Quémada,  le  chasser  de  Montizon  et  de  San-Estévan,  et 
lé  poursuivre  «oit  surLinarès,  soit  sur  Baézaet  Ubéda,  suivant 
quV  prendrait  Tune  eu  l'autre  de  ces  directions. 

Le  30,  an  matin,  le  général OessoUcs partit  d*El  Visilio,  comme 
il  en  «vait  Tordre»  et  se  dirigea  sur  Puerto  del  B^.  La  division 
de  Giron,  qui  défendait  ce  passage,  fut  attaquée  à  la  iNtlonnette 
dans  ses  retranchements  et  mise  aussitôt  dans  la  plus  complète 
déroute.  Les  soldats  espagnols  se  sauvèrent  à  travers  les  préci- 
pices et  les  montagnes  et  se  dispersèrent  complètement  aux 
Navas-de-Tolosa,  abandonnant  leurs  armes  et  leurs  provisions. 
Le  général  Dessolles,  continuant  son  mouvement,  ne  tarda  pas 
à  se  réunir  à  la  colonne  du  centre,  entre  San-Estévan  et  las 
Navas-de-Tolosa.  La  division  du  général  Gazan,  du  5*  corps, 
partit  en  même  temps  d*El  Viso»  détacha  la  brigade  du  général 
Brayer,  composée  du  38®  léger  et  du  103®  de  ligne,  pour  forcer 
le  passage  par  le  col  del  Muradal»  qui  suit  un  sentier  difQclle 
et  vient  aboutir  à  la  grande  route  au  tournant  dit  de  Corrédéras, 
par  conséquent  en  arrière  de  tous  les  retranchements,  des  cou- 
pures et  des  mines  de  l'ennemi.  L'autre  brigade  de  la  division, 
fermée  des  31®  léger  et  100®  de  ligne,  et  conduite  par  le  général 
Gazan  en  personne,  gravit  la  montagne  entre  ce  passage  et  Des- 
peiapenros,  pour  soutenir  l'attaque  du  général  Brayer  et  con- 
courir aux  mêmes  résultats. 

La  division  du  général  Girard,  suivie  de  la  garde  royale,  de 
la  brigade  espagnole  et  de  la  cavalerie,  resta  sur  la  grande  route 
et  ne  se  porta  en  avant  qu'à  mesure  que  les  troupes  du  général 
Gazan  obligeaient  l'ennemi  à  évacuer  successivement  toutes  ses 
positions  et  à  abandonner  ses  camps,  ses  retranchements,  son 
'«rtillerie  et  ses  munitions.  Les  trois  mines  destinées  à  enlever 
des  portions  de  la  route,  dans  les  parties  où  elle  est  resserrée 


Bipato«. 


GUEBBK  d'ÊSPAGHB.  406 

entre  des  rochers  à  pic  et  des  escarpements,  de  cinquante  piedt  jm. 
de  hauteur,  firent  explosion  ;  mais  leur  effet  Ait  à  peu  près  nul  ; 
eltes  n'occasionnèrent  pas  le  moindre  accident,  et  les  dégrada- 
tions fbrent  si  peu  considérables  que  le  mouvement  de  la  co- 
lonne ne  fut  arrêté  que  pendant  quelques  minutes.  La  division 
espagnole  postée  sur  la  hauteur  dite  Ck>llado  de  los  Jardines, 
se  voyant  ainsi  prévenue  au  débouché  de  la  route  qui  conduit 
à  Santa-Eléna,  abandonna  avec  précipitation  son  camp  retran- 
ché et  se  sauva  en  désordre  à  travers  les  montagnes.  Le  100* 
de  ligne,  que  le  maréchal  Mortier  détacha  à  la  poursuite  de 
cette  division,  lui  tua  un  grand  nombre  d'hommes,  et  fit  400 
prisonniers,  dont  un  général,  un  lieutenant-oolonel ,  10  autres 
ofHciers,  et  lui  enleva  un  drapeau.  Dès  lors  la  déroute  de  Ten- 
ncmi  devint  générale ,  et  la  nuit  qui  survint  empêcha  de  faire 
plus  de  prisonniers.  Quelques  fuyards  gagnèrent  avec  Castéjon 
du  côté  d'Arguillas;  les  autres  se  dispersèrent  dans  les  mon- 
tagnes. Areizaga,  Lacy,  Giron,  abandonnés  de  leurs  troupes, 
coururent  se  réfugier  à  Jaen ,  derrière  le  Guadalquivir. 

Ainsi ,  en  moins  de  cinq  heures ,  le  passage  si  formidable  de 
Bespenaperros ,  dernier  espoir  de  la  junte,  où  les  Espagnols 
avaient  accumulé  tant  dQ  moyens  de  résistance,  fHit  emporté 
par  une  manœuvre  habile  et  par  la  valeur  des  troupes  françai- 
ses. A  six  heures  du  soir  Tarmée  arriva  à  la  Caroline,  première 
ville  de  TAndalousie  et  chef-lieu  des  colonies  de  la  Sierra-tMo- 
réna,  fondées  en  1767  par  le  célèbre  et  malheureux  Olavidez^ 
qui  peupla  ces  montagnes  Jadis  désertes  et  sauvages,  repaires 
de  brigands ,  qu'on  ne  traversait  qu'avec  effroi.  Le  21,  le  5*^ 
corps  se  porta  à  Baylen,  où  dix-huit  mois  auparavant  un  géné- 
ral, réputé  Jusqu'alors  un  des  plus  habiles  et  des  plus  heureux 
de  Tarmée  française,  avait  été  réduite  déposer  les  armes  devant 
les  troupes  réunies  de  Reding  et  deCastafios.  Le  même  Joar 
le  corps  d-armée  arriva  à  Andujar  et  s'empara  du  pont  de  cette 
viHe.  Le  duc  de  Bellune,  instruit  le  lendemain  du  passage  de 
la  Sierra,  fit  avancer  la  cavalerie  du  général  Latour-Maubourg 
à  Castrodel  Rio,  la  cavalerie  légère  à  El  Carpio  et  au  pont  d'Al- 
eoléa ,  et  passa  le  Guadalquivir  avec  l'infanterie  qu'il  avait 
laissée  à  Adamuz.  Ces  mouvements  avaient  pour  objet  d'empê- 
eher  les  ennemis  de  se  rejeter  suc  Cordoue.ou  sur  SéYille.  C^ 


406  UYBB   SBPTlàHE. 

isio.  même  jour,  23 ,  les  communicatioiis  entre  les  1^  el  5>'  corps 
Eftpagin:.  f^J^g,^t  établies  par  AndDjar,  et  le  duc  de  Bellune  reçut  Tordre 
de  marcher  iramédiatemeat  à  Cordoue.  Le  marédial  Soult  en- 
voya la  réserve  du  général  Dessolles  avec  une  brigade  de  cava- 
lerie sur  Baéza  par  Liuarès,  pour  donner  la  main  au  général 
Sébastiani,  chargé  de  traverser  la  Sierra  par  Montizon. 

Celui-ci  avait  rencontré  plus  de  résistance  à  la  gauche  que 
le  maréchal  Victor  à  la  droite  de  la  ligne  française.  On  a  déjà 
vu  que  les  Espagnols,  se  fiant  aux  retranchements  du  centre, 
qu'ils  jugeaient  luabordables,  les  avaient  dégarnis  pour  reofbr- 
oer  leur  droite,  qu'ils  croyaient  menacée  par  les  mouvements  du 
4"^  corps  en  avant  de  Yillanuéva  de  los  Infantes.  Le  général  Sé- 
bastiani ,  parti  le  20  de  Villamanrique ,  s'était  avaucé  vers  le 
col  de  San-Estévan,  où  il  rencontra  la  division  du  général  Vi- 
godet,  qui  voulut  défendre  les  positions  de  Yenta-Nuéva  et  de 
Venta-Quémada  ;  mais^  attaquées  vigoureusement  et  rejetées 
en  désordre  dans  la  direction  de  Montizon ,  les  troupes  espa- 
gnoles se  dispersèrent  de  tous  c6tés,  abandonnant  leur  artillerie 
et  laissant  3,000  prisonniers  aux  mains  des  Français.  Le  len- 
demain matin,  Vigodet,  resté  presque  seul,  passa  le  Guadalqui- 
vir  et  se  réAigia  près  de  ses  collègues  à  Jaen.  Le  même  jour, 
21,  le  général  Sébastiani  rencontra  près  d*Arguillas  le  général 
Cast^on  en  position  derrière  le  Guadalen  avec  les  débris  de 
troupes  qu'il  avait  pu  rallier  après  la  déroule  du  centre,  au  Des- 
penaperros  et  au  Gollado  de  los  Jardines.  L*engi^ement  ne  dura 
pas  longtemps  ;  en  un  instant  les  troupes  de  Castéjon  ftirent 
culbutées,  et  lui-même  Ait  pris  avec  un  grand  nombre  d*offîciers 
et  de  soldats.  Le  général  Sébastiani,  continuant  son  mouvement 
le  22,  se  mit,  par  sa  droite,  en  communication  avec  le  général 
Desselles,  et  se  rendit  maître  des  ponts  sur  le  Guadalquivir  en 
avant  de  Baéza  et  d'Ubéda.  Le  2S  il  entra  à  Ja^ ,  ou  il  trouva 
une  nombreuse  artillerleet  des  magasins  considérables.  Le  même 
jour  le  duc  de  Bellune  entrait  à  Cordoue,  où  le  roi  et  le  maré- 
chal Soult  arrivèrept  le  26. 

Les  journées  des  20  et  21  janvier  avaient  livré  à  l'armée  iran-> 
çaise,  presque  sans  perte,  les  débouchés  de  la  Sierra-Moréna 
et  les  tètes  de  ponts  sur  le  Guadalquivir;  7  à  8,000  prisonniers, 
dont  2  généraux,  quatre-vingts  pièces  de  canon»  huitdrapeaux. 


O0£UI    o'EStPJLftlIE.  407 

ksaneai^ia  de  ConLoiie  et  de  Jiken»  et  d08  magasins  de  toute  es-  isml 
pèee  étaient  les  trophées  de  oes  deux  Journées.  Après  être  resté 
trois  jours  à  Cordoue ,  pour  y  attendre  son  artillerie,  le  duc  de 
Beliune  se  mit  en  marcl/ieKpar  la  chaussée  royale^  avec  les  di  visicms 
Rufiûn  et  Levai.  Le  ST^le  général  Latour-Maobourg  fltquelques 
prisonniers  sur  Favant^giMrde  du  duc  d*Albuquer|ue,  à  Ecija  ; 
G  à  7 ,000  hommes,  postés  entre  Alcala  de  Guadeira  et  Garmona, 
abandonnèrent  une  pofiîtipn  assez  forte  sans  combattre  et  se 
retirèrent  sur  Utréra*  La  route  royale  étant  entièrement  libre» 
le  duc  de  Beliune  arriva  à  Carmona  le  28, 8*y  arrêta  le  29,  ^ 
parut  le  lendemain  devant  Séviile  qu'il  somma.  Les  membres 
de  la  junte  œntrale,  craignant  de  tomber  aux  mains  des  Fran- 
çais, s'étaient  empressés,  du  20  au  23,  de  quitter  la  capitale  de 
r  Andalousie,  se  dirigeant  sur  l*ile  de  Léon,  indiquée  comme  der* 
nier  refuge  du  gouvernement  insurrectionnel.  Leur  départ  avait 
provoqué  une  sédition  dont  les  principaux  moteurs  étaient  don 
Francisco  Palalbx  et  le  comte  del  Montijo,  que  la  commission 
executive  avait  fait  arrêter  et  mettre  en  prison  comme  fauteurs 
de  troubles.  Aussitôt  que  les  membres  du  gouvernement  furent 
éloignés  de  Séviile,  la  Junte  provinciale  s'était  déclarée  elle- 
même  Junte  suprême  et  nationale ,  et  s'adjoignit  comme  mem- 
bres Palafox  et  Montijo,  qui  sortirent  de  prison.  La  nouvello 
Junte  fit  tous  ses  efforts  pour  exciter  les  liabitants  de  Séviile 
à  se  défendre;  mais,  abandonnée  bientôt  par  ce  gouvernement 
éphémère  et  par  une  faible  garnison  sous  les  ordres  du  vicomte 
de  Gand,  qui  se  retira  dans  le  comté  de  Niébla,  la  populace , 
décidée  à  opposer  une  résistance  opiniâtre ,  fut  contenue  par  la 
partie  saine  des  citoyens.  Le  31 ,  ceux-ci  entrèrent  en  négoda-p 
tiens  avec  le  duc  de  Beliune,  et,  le  1^'  février,  à  trois  heures  du 
soir,  1m  Français  entrèrent  dans  la  ville.  Le  même  Jour  le  roi 
Joseph  y  établit  son  quartier  général  ;  mais  le  désir  de  s'empa- 
rer avant  tout  de  Séviile  fit  manquer  le  but  principal  de  la 
campagne,  qui  était  l'occupation  de  Cadiz. 

On  sait  déjà  qu'après  la  déroute  d'Ocana  le  duc  d'Albuquer- 
que  avait  évacué  les  environs  de  Talavéra  et  s'était  retiré  sur 
Truxillo.  Il  occopait  les  rives  de  la  Guadiana  h  l'époque  de 
l'entrée  des  Français  en  Andalousie,  et  avait  établi  son  quar- 
tier général  à  Don-Bénito.  Ses  troupes,  cantonnées  sur  ee  points 


408  LnrfiB  tSPTtÈlIB. 

itio.  M  composaient  de  8,000  hommes  d'infitnterie  et  eoo  hommes 
.Espagne.  ^^  cavalerie,  non  compris  3,000  hommes  postés  entre  Tru- 
xillo  et  Mérida  et  destinés  à  former  hi  garnison  de  Badajoz. 
Ce  général,  ayant  reçu  de  la  junte  Tordre  de  soutenir^  par 
sa  gauche,  la  division  de  Zerain,  postée  à  Almaden,  s'était 
avancé  Jusqu'à  Agudo;  mais ,  apprenant  la  retraite  de  Zerain , 
Tarrivée  des  rec<mnaissanoes  françaises  à  Hinojosa  del  Du- 
qué,et  rentrée  du  duc  de  Trévise  à  la  Caroline,  il  se  dirigea 
jur  l* Andalousie,  pour  couvrir  le  siège  du  gouvernement,  fit 
marcher  à  Badajoz  le  corps  qui,  sous  les  ordres  des  généraux 
Contreras  et  Ménacho,  devait  former  la  garnison  de  cette  place, 
et  se  porta^  le  33  Janvier,  par  Guadalcanal,  sur  le  Guadalqulvir, 
qu*il  passa  à  CantiUana.  Le  2411  arriva  à  Carmona,  d*oà  H 
envoya  à  EdJa  son  avant-garde,  qui  y  rencontra,  le  28,  celle  dés 
Français,  devant  laquelle  elle  se  replia.  Ce  fot  alors  que,  déses- 
pérant de  pouvoir  secourir  Séville,  il  résolut  de  marcher  rapi- 
dement à  Cadiz  et  d'y  devancer  les  Français.  Il  partit  aussitôt 
de  Carmona,  avant  l'arrivée  des  i*''  et  5*  corps,  envoya  sa  ca- 
valerie et  son  artillerie  par  la  grande  route  de  Séville  à  Xérès 
de  la  Frontéra,  par  Utréra  et  Lébrija ,  el  prit  avec  l'infanterie 
le  chemin  le  plus  direct,  par  los  Palacios,  las  Cabezas  de  San-» 
Juan  et  LébrIJa.  Arrivé  le  2  février  à  Xérès,  il  y  réunit,  le  3, 
toutes  ses  troupes  et  entra  le  lendemain  dans  l'Ile  de  Léon,  rom- 
pit le  pont  deSuazO;  sur  le  canal  Santl-Petri,  qui  sépare  Cadiz 
du  continent,  et  rendit  ainsi  toute  attaque  impossible  par  terre. 
Il  avait  été  peu  inquiété  dans  sa  marche,  sa  cavalerie  seule 
ayant  été  suivie  jusqu'à  Utréra  par  la  brigade  de  dragons  com- 
mandée par  le  colonel  Bouvier  des  Éclats,  du  t4*'régiment.  Après 
un  court  engagement,  cette  brigade  s'était  portée  sur  Séville, 
où  toutes  les  troupes  du  i^*"  corps  avaient  été  rappelées. 

Le  eolonel  Napier  '  fait  observer,  avec  raison ,  que,  malgré 
hi  rapidité  de  sa  marche,  Albuquerque  avait  mis  encore  trop  de 
temps  à  se  décider,  car  la  cavalerie  française  surprit  son  arrière- 
garde  à  Utréra,  et  l*infonterie  eût  pu  entrer  en  même  temps 
que  lui  dans  i*ile  de  L(on,  si  on  ne  Teût  pas  dirigée  sur  Séville* 
En  effet,  on  pouvait,  d'EciJa,  où  les  1*'  et  S^  corps  étaiei^t 

^  M«picr,  HitMre  d€  la  guerre  de  la  Péninsules 


GUBBftS  d'bSPAGMS.  409 

le  28,  [diriger  sans  nul  danger  le  6*  corps  sur  Séville,  dont  isio. 
la  reddition  était  regardée  comme  certaine,  tandis  qne  ie  i*' 
corps  se  serait  avancé  rapidement,  par  Marchéna,  TArahal  et 
Utréra,  sur  Cadiz.  En  suivant,  sans  désemparer,  la.  trace  des 
Espagnols^  les  Frmiçais  auraient  pénétré  péle-méle  avec  eux 
dans  nie  de  Léon;  mais  le  due  de  Bellune,  qui  avait  perdu  un 
Jour  à  Carmona ,  un  Jour  pour  marcher  à  Séviile  et  deux  Jours 
pour  soumettre  cette  ville,  ne  put  partir  que  le  2  février,  et  ne 
se  présenta  que  le  5  devant  Tlle  de  Léon ,  douze  heures  après 
rentrée  des  troupes  du  duc  d'Albuquerque,  qui  attendaient  alors 
sans  crainte  l'arrivée  des  Français.  On  a  reproché  au  roi  Joseph 
de  s'être  formellement  opposé  à  une  marche  rapide  sur  Gadiz  ; 
cependant,  dans  une  réunion  de  généraux  qui  eut  lieu  le  fo 
janvier  à  Carmona,  Tavis  de  se  rendre  maître  de  Sévllle  avant 
tout  avait  prévalu,  et  le  maréchal  Soult ,  loin  d'être  d'une  opi« 
nion  contraire,  s'était  écrié  :  Qu'on  me  réponde  de  Séviile;  je 
réponds  de  Cadiz,  Soult  enviait  surtout  la  possession  de  cette 
vaste  cité,  qui  renfermait  d'immenses  richesses*  N'ayant  plus 
Tespohrde  devenir  roi  du  Portugal,  dont  le  maréchal  Masséna 
allait  être  chargé  de  faire  la  conquête,  il  voulait  être  au  moins 
le  souverain  des  Andalousies,  dont  le  gouvernement  lui  était 
promis.  C'est  ainsi  que  l'ambition  démesurée  des  lieutenants 
de  l'empereur  compromettait  sans  cesse  le  succès  des  opérations 
militaires  destinées  à  mettre  un  terme  aux  difficultés  sans  cesse 
renaissantes  de  cette  funeste  guerre  de  la  Péninsule. 

De  Cordoue,  où  le  duc  de  Bellune  était  entré  le  23  janvier, 
il  n'y  a  que  vingtrhuit  lieues  jusqu'à  Séviile,  et  l'armée  avait 
employé  sept  Jours  pour  franchir  cette  courte  distance.  On  a 
dit  que  le  duc  de  Dalmatie  avait  cru  devoir  ralentir  la  marche 
des  troupes  des  1^  et  5*  corps  de  manière  à  se  trouver  à  portée 
de  soutenir  le  général  Sébastiani  dans  son  expédition  du  royaume 
de  Grenade;  cependant  on  n'ignorait  pas  que  ce  général  n'avait 
devant  lui,  après  la  déroute  du  20,  que  les  faibles  débris  dis- 
persés de  l'armée  du  centre,  composée  de  troupes  inaguerries, 
mal  organisées  et  incapables  d'arrêter  la  marche  rapide  du  4" 
corps  vers  le  midi ,  et  que  d'ailleurs  ce  corps  était,  par  sa  droite, 
en  communicati<m  avec  la  division  Desselles,  chargée  de  garder 
tes  débouchés  de  la  Sierra-Moréna,  de  contenir  les  nombreuses 


Esidgiie, 


410  LITAK  Stratus. 

.*!!?;.  popalations  des  royaumes  de  Jaea  et  de  Gordooe,  et  doDt  on 
pouvait  avoir  joaraellement  des  nouvelles.  Riea  ne  pouvait  donc 
excuser  cette  perte  de  temps,  irréparable  au  moment  où  les  opé- 
rations exigeaient  une  grande  rapidité  de  mouvements.  Les  Es- 
pagnols ont  reconnu  eun-mèmes  que,  si  les  Français  s*étaient 
avancés  avec  leur  célérité  ordinaire ,  ils  auraient  pm  s'interposer 
entre  Tarmce  du  duc  d'Albuquerque  et  Tilede  Léon,  ce  qui  eût 
changé  complètement  le  sort  de  cet  inexpugnable  boulevard  de 
rindépendance  nationale  '.  Une  première  sommation,  adressée 
à  la  Junte  de  Cadiz  le  6  février,  fut  repoussée  par  cette  simple 
réponse  :  a  La  ^ille  de  Cadiz,  fidèle  aux  principes  qu'elle  a  Ju- 
a  rés,  ne  reconnaît  d'autre  roi  que  le  seigneur  Ferdinand  VIL  » 
La  réponse  du  ducd'Albuquerque  à  la  sommation  du  maréchal 
Soult,  datée  de  Chiclana  le  lO,  acheva  d*^r  tout  espoir  de  ré- 
duire Cadiz  autrement  que  par  la  force  ;  mais  comment  attaquer 
une  place  dont  on  était  séparé  par  Tile  de  Léon,  et  qui  commu- 
niquait librement  avec  la  mer?  On  n'en  commença  pas  moins 
les  préparatifs  d'un  investissement  par  terre,  qui  occasionna  des 
dépenses  considérables  et  ne  procura»  pendant  deux  ans,  au- 
cun résultat  avantageux  aux  assaillants. 

Le  général  Sébastiani,  plus  heureux  dans  ses  opérations, 
après  s*ètre  rendu  maître  de  Jaen,  continua  son  mouvement 
dans  la  direction  d' Alcala-la-Réal ,  où  il  atteignit  le  27  janvier 
la  cavalerie  d'Areizagai  aux  ordres  du  général  Frdre.  C*était 
le  reste  de  cette  armée  qui  deux  mois  auparavant  couvrait  les 
plaines  delaManche.  L'engagement  ne  dura  pas  longtemps  ;  en 
un  instant  la  cavalerie  espagnole  fut  culbutée,  dispersée  et  prise 
en  partie.  Le  lendemain  le  général  Sébastiani  fit ,  sans  opposi- 
tion, son  entrée  à  Grenade.  Quarante  pièces  d'artillerie  dirigées 
sur  Guadiz  tombèrent  aux  mains  du  général  Peyremont,  qui, 
le  26,  avait  été  détaché  sur  la  gauche  du  4^  corps  avec  une 
brigade  de  cavalerie  légèi*e. 

Pendant  que  le  roi  Joseph  faisait  la  conquête  de  l'Andalousie, 
Teropereur  lui  retirait  le  commapdement  de  ses  armées  et  leur 
donnait  une  nouvelle  organisation.  Les  neuf  corps  d'armée  qui 

>  Toreno,  Histoire  du  soulèvement»  de  la  guerre. et  de  la  révolution 
d* Espagne,  X.  III,  p.  I7s  ' 


eUU»  D*BSPàGlfB.  41  f 

étaient  en  Espagne  ftireat  mis  soqs  les  ordres  immédiats  des  isia. 
généraux  qui  en  avaient  le  commandement;  ceux-ci,  indépen*  ^p*<^ 
dants  les  uns  des  antres,  recevaient  directement  les  ordres  de 
fempereur.  L'autorité  de  Josepli ,  en  sa  double  qualité  de  roi 
et  de  chef  des  armées  en  Espagne  »  se  trouvait  réduite  au  corn- 
mandement  des  troupes  qui  occupaient  la  Nouvelie-Castilie,  au 
nombre  de  19,000  hommes,  tandis  que  les  troupes  françaises  en 
Espagne  s*élevaient,-au  mois  de  juin  1S10,  à  environ  370,000 
hommes. 

En  général,  les  populations  des  provinces  andalouses  se  mon- 
trèrent moins  luMtiles  aux  Français  que  celles  des  autres  parties 
de  FEspagne.  A  son  entrée  à  Gordoue,  le  roi  Joseph  avait  été 
accueilli  avec  empressement  ;  des  députations  de  la  ville  allèrent 
à  sa  rencontre  pour  le  recevoir  et  le  féliciter;  on  chanta  un  Te 
Deum,  et  des  fêtes  publiques  célébrèrent  son  triomphe.  Le  roi 
profita  du  long  séjour  qu'il  fit  à  Séville  pour  visiter  les  princi- 
pales villes  de  rAndalousie.  Partout  les  populations  accoururent 
sur  son  passageet  raccudllirent  avec  le  plus  grand  enthousiasme. 
Les  autorités  de  ces  villes  protestaient  de  leur  soumission ,  et 
Ton  commençait  à  concevoir  Tespérance  de  rallier  la  nation  à 
la  nouvelle  dynastie;  mais  Tarroganté  prédominance  des  gé- 
néraux français  qui  commandaient  dans  les  provinces,  les  vexa- 
tions dont  les  populations  les  mieux  disposées  étaient  victi- 
mes, refroidissaient  la  bonne  volonté  même  des  gens  les  plus 
dévoués  au  nouveau  gouvernement,  et  cette  désaffection  fut 
encore  accrue  par  un  décret  impérial  du  8  février,  qui  érigeait 
en  gouvernements  militaires  la  Catalogne,  TAragon ,  la  Na- 
varre et  la  Biscaye,  résolution  qui  dévoila  la  pensée  d'incorporer 
à  l'empire  français  les  provinces  de  la  rive  gauche  de  l'Èbre. 
Ces  nouvelles  dispositions  militaires  et  administratives  de  l'em- 
pereur apprirent  aux  Espagnols  que  le  pouvoir  du  roi  ainsi  res- 
treint le  mettait  dans  l'impossibilité  de  tenir  les  promesses  qu'il 
leur  avait  faites  de  ne  s'occuper  désormais  qu'à  assurer  le  bon- 
heur et  la  prospérité  de  la  nation, 

OeeupaHon  de  Malaga.  —  Le  4  février,  l'avant-garde  du    s  février. 
4«  corps ,  commandée  par  le  général  Milhaud ,  eut  un  engage- 
ment très-vif,  entre  Antéquéra  et  Malaga>  avec  la  colonne  en- 
nemie qui  s'était  dirigée  sur  ce  dernier  point.  Les  cavaliers 


'419  .   E.IYBB  SlPTlfaOL 

tffo.  français  sabrèrent  leurs  adversaires  et  sarmontèrent  avec  nne 
rare  constance  tous  les  obstacles  qae  leur  offrait  le  terrain  le 
plus  difficile.  Le  5,  le  général  Sébastian!  poursuivit  sa  marche 
sur  Malaga;  les  Espagnols,  forcés  dans  toutes  leurs  positions, 
furent  mis  en  déroute. 

Ralliés  sous  la  ville,  ils  tentèrent  de  reprendre  VofTensive  et 
attaquèrent  à  leur  tour  la  cavalerie  française ,  sur  laquelle  ils 
avaient  l'avantage  du  nombre;  mais  le  général  Sébastiani, 
étant  arrivé  au  secours  de  son  avant-garde  avec  quelques  ba- 
taillons» obligea  les  Espagnols  à  se  réfugier  dims  Malaga, 
où  il  entra  pèle-mèle  avec  les  fuyards.  La  cavalerie  chargea 
dans  les  mes  et  fut  un  moment  arrêtée  par  le  feu  que  Ton  con- 
tinuait de  dessus  les  toits  et  par  lescroisées  ;  l'arrivée  de  rinfisin- 
terie  française  mit  fin  au  combat,  et  les  habitants  se  soumirent. 
I..es  Français  ne  perdirent  qu'un  petit  nombre  d*hommes  ;  les 
Espagnols,  au  contraire,  eurent  phis  de  8,000  hommes  tués  ou 
blessés.  Le  port  de  Malaga  était  armé  de  cent  quarante  pièces 
de  canon  de  tout  calibre,  qui  tombèrent  au  pouvoir  des  vain- 
queurs, ainsi  qu'un  équipage  de  vingt-trois  plèc»  de  cimipagne 
destiné  pour  Tarmée  de  Catalogne.  Les  magasins  étaient  abon- 
damment fournis  de  munitions  de  guerre.  Au  moment  de  l'en- 
trée des  Français,  cette  malheureuse  ville  était  livrée  au  désordre 
et  à  l'anarehie  ;  un  capucin,  nommé  Berrocal,  avait  été  investi 
du  commandement  suprême  :  on  ne  doit  donc  pas  s'étonner  si) 
sous  l'autorité  d'un  pareil  chef,  on  ne  prit  aucune  mesure  pour 
la  défense  ou  au  moins  pour  l'évacuation  d'un  point  aussi  Im- 
portant ,  mesure  que  le  voisinage  de  la  mer  rendait  très-fiicile. 
Ce  que  nous  ne  croyons  pas  devoir  passer  sous  silence,  c'est  que 
la  "ville  tomba  au  pouvoir  des  Français  sans  que  préalablement 
il  y  eût  eu  aucune  stipulation  faite  en  faveur  des  habitants. 
Toutefbis  ils  n'eurent  qu'à  se  louer  de  la  modération  du  général 
Sébastiani.  Berrocal  et  ses  adkérents  furent  pendus;  un  colonel 
nommé  Abello,  qui  avait  provoqué  Tinsurrection  de  la  populace, 
fut  plus  heureux  et  parvint  à  se  réfugier  à  Gadiz. 

Le  maréchal  duc  de  Trévise  se  dirigea  sur  la  basse  Estréma- 
dure  pour  soumettre  cette  province  et  tâcher  de  s'emparer  de 
Badajoz  ;  il  avait  ordre  de  se  mettre  en  communication  avee  le 
S*  corps,  précédenmicnt  sous  les  ordres  du  maréchal. Soult,  et. 


6UERRB   D'£SPA0NE.  413 

eommandé  alors  par  le  général  Heudelet.  Le  9  février,  les  Fran-  itio. 
çais  étaient  maîtres  de  Zafra  ;  trois  jours  après  Badigoz  fut 
sommée.  D'après  la  réponse  négative  du  gouverneur  e^gnol, 
le  maréchal  Mortier,  qui  n'avait  point  de  grosse  artillerie  pour 
entreprendre  le  siège  de  cette  place,  se  replia'  par  Los-Santos 
sur  Liéréna,  où  il  établit  son  quartiejr  général  et  cantonna  ses 
troupes  entre  les  deux  petites  villes  deLléréna  et  Almendraléjo. 
Des  colonnes  mobiles  dissipèrent  quelques  rassemblements  en^ 
nemis  à  Xérès  de  los  Gavallros  et  à  Yaléverdé.  L'armée  eut  à 
r^retter,  dans  ce  dernier  engagement,  le  général  Beauregard, 
qui  reçut  une  balle  au  cœur  en  chargeant  à  la  tète  de^la  cava* 
lerie. 

Vers  le  même  temps,  le  maréchal  Ney,  qui,  le  16  Janvier, 
avait  repris  le  commandement  du  6®  corps  d'armée ,  toujours 
cantonné  dans  la  province  de  Salamanque,  fit  un  mouvement 
vers  Giudad-Bodrigo.  Le  1 1  février,  les  Français  commencèrent 
à  Jeter  quelques  obus  dans  la  place  et  sommèrent  le  gouver- 
neur de  se  rendre.  Celui-ci  ayant  déclaré  qu'il  n'ouvrirait  les 
portes  de  sa  ville  que  lorsqu'il  se  verrait  réduit  à  la  dernière 
extrémité,  le  duc  d'Ëlchingen  replia  ses  troupes  et  se  cantonna 
entre  Qadad-Rodrlgo  et  Salamanque,  Jusqu*à  ce  qu'il  eût  réuni 
les  moyens  d'agir  plus  efficacement. 

Appelé  par  le  roi  Joseph  à  gouverner  T  Andalousie,  le  maré- 
chal duc  de  Dalmatie  mit  tous  ses  soins  à  y  faire  régner  l'ordre 
et  la  bonne  harmonie  entre  les  troupes  et  les  habitants.  Il  adopta 
le  système  des  colonnes  mobiles  pour  pacifier  les  contrées  mon- 
tueuses  qui  entourent  les  vastes  plaines  de  cette  province,  et 
où  k  junte  réfugiée  à  Gadlz  ne  cessait  d'entretenir  des  foyers 
de  résistance  et  d'insurrection.  Le  général  Desselles,  gouverneur 
de  €ordoue,  informé  que  les  habitants  des  montagnes  qui  sé- 
parent le  royaume  de  laen  de  celui  de  Murde  avaient  pris  les 
armes,  fit  marcher  contre  eux  une  colonne  mobilp  sous  les  or- 
dres du  chef  de  bataillon  Grundner^  du  55*  régiment.  Cet  offi- 
der  chassa  les  inaorgés  de  toutes  les  positions  qu'ils  occupaient 
et  les  dispersa. 

A  peu  près  à  la  même  époque,  le  général  Reynier,  qui  avait 
pris  le  7  mars  le  commandement  du  3"  corps  d'armée>  occupant 
la  haute  Estrémadure,  ordonna  au  général  Foy,  de  la  division 


414  UVHE  8WT1È1I1I. 

f 810.  Headeieè^  de  parcourir  Je  pays  sur  la  rive  dfoHe  ée  ti  GvadiBBa 
^'P^ff^^'  pour  chasser  les  partis  ennemis  qui  se  trouvaient  de  ce  c6té. 
Le  générai  Foy,  appraumt  qu'un  corps  espagnol  fort  de  3  A 
3,000  iiommes  venait  d^oeeuper  Arroyo^det-Poerco ,  se  porta 
rapidement  sur  lui ,  l'attaqua  à  l'improviste  et  lui  fit  éprouver 
une  perte  considérable.  Le  colonel  anglais  Grant,  au  service  de 
Portugal)  et  chargé  par  lord  Wellington  du  rôle  d*explorateor, 
était  dans  Arroyondel-Puerco  au  moment  oii  les  Français  atta- 
quèrent ce  village;  il  n*eot  que  le  temps  de  s'échapper  à  demi 
vêtu  ;  ses  chevaux,  ses  ^ets  et  ses  papiers  tombèrent  au  pou- 
voir de  la  colonne  du  général  Foy.  On  trouva  la  correspondance 
que  cet  officier  entretenait  avec  lord  Wellington ,  le  général 
mil,  commandant  Taile  droite  de  l'armée  anglo-portugaise,  et 
le  maréchal  Beresford. 

Deux  Jour»  après  cet  engagement,  le  général  Foy  fut  atta^ 
près  de  Gacérès  par  une  colonne  formidable  d'infanterie  et  de 
cavalerie.  L'ennemi  s'avançant  par  la  droite  et  sur  les  derrières 
de  la  colonne  française,  forte  seulement  de  dnq  cents  fantassins 
et  de  eent  chevaux,  le  générsil  Foy  prit  la  résolution  de  sere* 
tirer  sur  Mérida.  Il  avait  neuf  lieues  à  faire  pour  gagner  le  pre- 
mier poste  occupé  par  les  troupes  du  2'*  corps ,  et  pour  y  arriver 
il  fallait  marcher  pendant  plus  d'une  heure  ilans  la  Sierra  de 
Gacérès,  formée  de  montagnes  coniques,  nues  et  faciles  pou^  la 
cavalerie.  Le  général  fit  former  son  infanterie  en  carré,  et  s'a- 
vança ainsi  de  crête  en  crête ,  constamment  suivi  et  serré  de 
près  par  plus  de  6,000  hommes  d'inUsnterie,  flanqués  de  quel- 
ques pelotons  de  cavalerie*  Prévenus  au  Pneno*del-Tnisqulllon 
par  une  colonne  de  800  chevaux  ennemis,  les  Français,  loin 
de  se  laisser  intimider,  virent  avec  le  plus  grand  calme  la  nuée 
de  cavalerie  et  de  tirailleurs  qui  les  entouraieut.  Le  carré  con- 
tinua à  marcher  dams  un  terrain  difficile  et  sous  un  feu  Ms- 
vif  ;  plusieurs  fois  hi  cavalerie  espagnole  fit  mine  de  vouloir 
charger;  mais  elle  fut  constamment  arrêtée  par  la  bonne  con- 
tenance de  ses  adversaires.  Le  général  F<^,  sommé  par  des  pai^ 
lementaires  de  mettre  bas  les  armes,  fit  répondre  par  des  coiipb» 
de  fusil  et  par  les  cris  de  Vive  l'empereur  I  La  colonne  fraoçtfso 
fit  ainsi,  sans  se  désunir  et  sans  laisser  un  seul  homme  vivant 
en  arrière,  six  lieues  d'Espagne  en  dnq  heures.  L'ennani  aban* 


doniia  sa  poursuite  au  village  d'Aldéa  del  Cano ,  situé  à  quatre      « gio. 
lieues  de  Cacéièi.  "^'■«^ 

Gette.retraite,  avec  une  poignée  d'hommes ,  fit  le  plus  grand 
honneur  au  général  Foy,  qui  lui-même  donna ,  dans  son  rap- 
port, des  éloges  mérités  aux  officiers  et  aux  troupes  de  sa  co- 
lonne, et  partieaKèrement  au  chef  d'escadron  le  Gentil ,  au  dief 
de  bataillon  du  86'  Bazin,  aux  capitaines  do  même  régiment 
Villemet,  Suffisant  et  Brunet,  aux  lieutenants  Guerlot  et  Per- 
riu. 

Le  13  avril,  le  maréchal  duc  de  Beliune,  en  position  devant 
Gadiz,  se  rendit  mattre  du  fort  de  Matagorda;  les  Anglais,  qui 
le  défendaient,  l'évacuèrent  après  douze  Jours  de  résistance. 
L'occupation  de  Matagorda  permit  à  l'artillerie  de  placer  des 
mortiers  le  long  de  la  côte.  Lorsque  les  batteries  furent  ache- 
vées ,  on  se  disposa  à  bombarder  la  place  ;  celle-ci  était  alors 
en  proie  aux  désordres  de  l'anarchie.  Le  général  Blake,  appelé 
de  la  Catalogne  par  la  Junte,  avait  remplacé  le  duc  d'Albuquer- 
que  dans  le  commandement  des  troupes.  Ses  querelles  avec  la 
Junte  et  d'autres  désagréments  avaient  décidé  celui-ci  à  résigner 
le  commandement  en  chef  vers  la  fin  de  mars,  et  il  avait  été 
nommé  ambassadeur  à  Londres,  où  il  mourut  peu  de  temps  après. 
Les  autorités  civiles,  qui  se  succédaient  rapidement,  ne  son- 
geaient qu'à  mettre  à  profit  leur  existence  éphémère  pour 
s'enrichir  aux  dépens  de  leurs  administrés  '. 

'  L'occupation  du  fort  de  Matagorda  facilita  plus  tard  la  délivraifce  de  qufnze 
eeaU  prisonniers  français,  dont  six  cents  officiers;  ils  faisaient  partie  du 
corps  d'armée  du  général  Dupont,  qui  ayait  capitulé  h  Baylen.  Au  mépris 
d'une  capitulation  aussi  solennelle,  ces  malheureux  avaient  été  placés  sur 
les  pontons  la  Castille  et  V Argonaute,  dans  la  rade  de  Cadiz,  où,  depuis 
plus  de  vingt  mois ,  ils  languissaient  dans  les  angoisses  de  la  plus  liorrible 
captivité.  Quelques-uns  d'entre  eax  résolurent  de  tout  tenter  pour  recouvrer 
leur  liberté.  Le  15  mai,  à  huit  heures  du  soir,  le  vent,  qui  commençait  à  se 
maintenir  au  sud-ouest  depuis  le  matin ,  sembla  tomber  tout  à  coup.  C'était 
cependant  le  moment  choisi  par  le  ponton  la  Castille  comme  le  plus  fli* 
vorable  pour  couper  ses  cibles  et  profiter  du  flot.  Conduits  par  quelques 
jeunes  sou»-Ueutenants,  deux  cuirassiers,  à  coups  de  hache,  coupèrent  les 
cAbles  qui  les  retenaient  au  rivage  ;  dès  lors  plus  d'incertitude,  et  chacun 
se  mit  à  Pouvrage.  Les  officiers  de  marine  dirigèrent  la  manoeuvre  dn  ponton  ; 
les  officiers  de  terre  s'emparèrent  de  la  garnison ,  qu'ils  mirent  à  la  cale,  et 
ae  rangèrent  sur  le  pont.  Avec  les  armes  quils  venaient  d'enlever  à  lean 


Kapagne. 


416  LIVAS  SKPTIÀMB 

jMo.  Le  36  du  même  mois,  le  général  Gèzan  attaqua  à  el  Bon^ 

quillo,  en  Estrémadure,  un  corps  ennemi  commandé  par  le  gé« 

gardiens ,  les  boulets  et  les  gueuses  qu'ils  jetafent  à  la  main  sur  les  embar- 
cations ennemies  qui  les  approchaient,  ils  parvinrent  à  éloigner  les  assaillants 
après  les  avoir  maltraités.  Pendant  ce  temps  le  ponton  continuait  à  dériver, 
quelquefois  dans  une  direction  contraire  lorsque  les  vents  moUissaient  ;  mais 
les  voiles ,  que  Ton  avait  habilenient  disposées  avec  des  haoïacs  et  des  coa- 
vertures,  le  maintinrent  contre  le  courant,  et  il  vint  échouer  à  la  cdte. 

Doria,  capitaine  de  frégate;  Mousseau,  Souque,  Girardin,  lieutenants  de 
vaisseau  ;  Bounac  et  Gâteaux ,  enseignes ,  montrèrent  une  grande  présence 
d'esprit  et  beaucoup  de  fermeté  dans  cette  circonstance  ;  le  lieutenant  Moas- 
sean  fut  tué  d'un  coup  de  mitraille  sur  son  banc  de  quart. 

Lorsque  le  pouton  fut  découvert  à  la  côte  par  les  troupes  françaises  du 
Trocadéro ,  elles  prirent  à  Tinstant  toutes  les  mesures  nécessaires  pour  lui 
porter  secours.  La  situation  des  malheureux  prisonniers  de  la  Castille  ne 
laissait  pas  de  devenir  de  plus  en  plus  critique.  Ils  recevaient  à  quart  do 
portée  le  feu  dn  fort  de  Puntalès ,  celui  de  toutes  les  batteries  qui  sont  sur 
la  côte  entre  le  fort  et  Cadix ,  ainsi  que  les  bordées  d'une  vingtaine  de  ca« 
nonnières  et  d'autant  de  bombardes. 

Des  embarcations  furent  mises  sur  des  voitures ,  et  conduites  au  galop  au 
Trocadéro ,  seul  point  où  la  force  de  la  mer  permit  de  faire  sortir  des  em- 
barcations. Le  déliarquement  s'effectua  sous  l'active  direction  des  généraux 
.  Levai  et  d'Aboville.  Le  lendemain  16 ,  à  huit  heures  du  matin ,  quatre  cents 
hommes  du  ponton  étaient  déjà  à  terre,  et  à  midi  tout  le  monde  était  dé- 
barqué. 

L'opération  du  sauvetage  dura  wfX  heures;  elle  se  fit  sous  un  feu  d'ap- 
tillerie  des  plus  vifs.  C'était  un  spectacle  touchant,  et  dont  on  pent  difficile- 
ment rendre  compte,  que  l'ardeur  que  chacun  mettait  à  sauver  ces  coura- 
geux prisonniers  :  officiers  généraux,  officiers  subalternes ,  pontonniers» 
marins,  canonniers ,  infanterie ,  les  uns  à  la  nage,  les  autres  dans  l'eau  «t 
dans  la  vase  jusqu^aux  épaules,  quelques-uns  sur  des  embarcations,  tous 
s'empressaient  de  donner  des  secours.  Pendant  huit  heures  consécutives, 
deux  mille  individus  du  1**^  corps,  officiers  et  soldats,  se  tinrent  dans  l'eau ^ 
sons  les  coups  de  cent  cinquante  bouches  à  feu ,  pour  sauver  leurs  compa- 
triotes. Le  chef  de  bataillon  Clouet,  le  capitaine  du  génie  Bonpart;  Joubert, 
officier  d'état-m^or;  les  seigents  Deguilhem,  Faillou  ;  le  caporal  Girardin; 
les  pontonniers  Hubert ,  Gabriel ,  Pontarolo  et  Nussbaume ,  montrèrent  le 
pins  grand  courage,  soit  en  sauvant  des  prisonniers  qui  s'étaient  jetés  à  la 
nage  sans  savoir  nager,  soit  en  dirigeant  des  embarcations. 

L'ennemi  parvint,  avec  des  bombes  et  des  obus,  à  mettre  le  feu  au  ponton; 
il  fut  éteint  trois  fois  par  les  Français  qui  restaient  encore  à  bord.  La  Cas- 
tille était  entièrement  évacuée  lorsqu'une  bombe  partie  de  Punlalès  vint 
éclater  sur  son  pont ,  et  bientôt  elle  fut  totalement  consumée. 

Quelques  jours  après,  la  même  entreprise  fut  exécutée  avec  un  égal  succès 
par  les  prisonniers  détenus  sur  V Argonaute. 


JtfMi'  Jo   Paat   4tp. 


PLAN 
DU     SIEGE 


J'ASTORGA 


en  lôio . 


GUERBB  D*lSPAONE.  41  X 

néral  Ballesteros,  Ce  chef  espagnol  était  parvenu  à  réonir  â,ooo      ma 
hommes  d'infanterie  »  600  chevaux ,  et  dix  pièces  de  canon«  Le    ^ 
général  français  marcha  à  la  rencontre  de  ces  troupes,  culbuta 
leur  avant-garde ,  lui  tua  200  hommes  et  fit  un  pareil  nombre 
de  prisonniers. 

Dansleméme  temps^de  nouvelles  troupes  ayant  été  dirigées, 
ainsi  qu'on  le  verra  plus  bas ,  sur  la  province  de  Santander 
et  le  royaume  de  Léon,  le  général  Bonnet»  qui  avait  détaché  le 
général  Jeannin^  avec  les  46®  et  65®régimrats,  sur  Astorga, 
pour  concourir  au  siège  de  cette  place,  et  qui  occupait  San- 
tander, put  alors  concentrer  une  partie  de  sa  division  '  dans  les 
Asturies.  Il  établitsonquartier  général  à  Oviédo,  dont  les  Fran« 
çais  étaient  déjà  maîtres  depuis  le  24  Janvier.  Harcelé  sans  relâche 
par  Tarméede  Galice  et  par  les  bandes  nombreuses  qui  s'étaient 
formées  dans  la  province^  le  général  Bonnet  sut  s'y  maintenir 
en  se  faisant  craindre  de  ses  adversaires  et  estimer  du  plus 
grand  nombre  des  habitants. 

Siège  et  prise  (TÂstorga.  —  Nous  avons  dit  que,  la  paix  avec  *o  avril. 
l'Autriche  rendant  disponible  une  grande  partie  des  troupes 
de  Tannée  d'Allemagne ,  l'empereur  s'était  empressé  de  diriger 
de  nouveaux  renforts  sur  l'Espagne.  Plusieurs  corps  de  la  garde 
impériale  et  quelques  autres  troupes  étaient  entrés  en  Biscaye 
dès  le  commencement  de  l'année,  et  presque  tous  les  corps 
d'armée  dans  la  Péninsule  avaient  été  recrutés  et  renforcés.  Le 
8®,  composé  des  troupes  de  l'ancienne  armée  de  Portugal,  sous 
les  ordres  du  général  Junot,  duc  d'Abrantès,  était  fort  de  trois 
divisions  d'infanterie  '  et  d'une  de  cavalerie.  Depuis  son  retour 
en  Espagne,  ce  corps  d'armée  était  resté  en  Biscaye,  en  Navarre 
et  dans  la  Vieiile-Gastille ,  pour  purger  le  pays  des  bandes  qui 
l'infestaient  ;  mais,  à  l'arrivée  desdétachements  venus  de  France, 
il  dut  se  porter  sur  Valladolid.  Une  partie  s'avança  dans  le 
royaume  de  Léon ,  afin  de  protéger  cette  province  contre  les 
troupes  de  Galice,  commandées  par  le  général  Mahy.  En  posi- 
tion dans  les  environs  de  la  ville  d'Astorga,  ces  troupes  enne- 
mies  se  liaient  avec  un  corps  nombreux  d' Anglo-Portugais  qui 
occupaient  TEsla  et  tout  le  c^é  de  la  frontière  de  Portugal. 

<  Elle  faisait  partie  do  8*  corps. 
^  La  difision  Bonnet  comprise. 


iff. 


418  tlVBB  SBPtiÈlfB. 

iKio.  Ce  Tut  dans  les  derniers  Jours  du  mois  de  mars  qoe  le  due 
B»pagne.  ^»Ab,,antès  rcçut  Tordrc  de  s'emparer  d*Astorga.  Cette  viDc 
avait  été  mise  par  les  Espagnols  snr  un  pied  de  défense  très* 
respectable.  A  une  enceinte  d'une  construction  extrêmement 
solide  on  avait  ajouté  plusieurs  ouvrages  qui  en  défendaient  les 
approches.  On  avait  retranché  et  lié  avec  la  ville  deux  faubourgs 
dont  elle  est  flanquée  au  sud  et  au  nord.  Elle  renfermait  des 
magasins  immenses  de  munitions  de  toute  espèce.  Son  artillerie 
était  très-l)len  servie  par  d'excellents  canonniers  marins  tirés 
de  la  Corogneet  du  Ferrol.  La  garnison  qui  Toccupait  était  brave, 
nombreuse,  et  sous  les  ordres  d'un  gouverneur  nommé  Santo- 
cildès,  Justement  considéré  des  siens  comme  un  général  énergi- 
que et  habile .  L'empereur^  déjà  déterminé  à  cette  époque  à  chasser  * 
les  Anglais  du  Portugal,  avait  jugé  de  quelle  importance  était 
pour  lui  l'occupation  de  cette  place,  qui  ouvrait  un  débouché 
dans  le  nord  du  royaume  qu'il  voulait  reconquérir,  et  proté- 
geait les  bicursions  de  l'ennemi  dans  la  province  de  Léon  et  les 
Asturies. 

L'investissement  d'Astorga  fut  effectué  sans  beaucoup  d'obs^ 
tacles. 

L'armée  ennemie  se  retira  sur  la  route  de  la  Gorogne  pour 
être  à  même  de  Jeter  quelques  secours  dans  la  place  aussitôt 
que  l'occasion  s'en  présenterait;  elle  prit  posltiim  à  Villafranca; 
mais  les  Français  rendirent  cette  disposition  inutile  :  les  troupes 
fiirent  distribuées  de  manière  à  couvrir  le  siège  et  à  repousser 
I*ennemi  s'il  tentait  quelque  diversion. 

Le  général  Junot  détermina  le  point  d'attaque  sur  le  cMéest 
de  la  ville  ;  H  «omprenait  l'espace  qui  sépare  les  deux  faubourgs 
de  la  ville  proprement  dite.  Après  un  premier  combat  où  les 
Français  rencontrèrent  la  plus  vigoureuse  résistance,  le  faubourg 
de  Puerta-Rey  tomba  en  leur  pouvoir.  On  ne  Jugea  point  con- 
venable d'attaquer  alors  le  fauboui^  Rêitibia ,  qui  se  trouvait 
à  droite ,  et  qui,  sans  faciliter  l'acheminement  vers  le  corps  de 
la  place,  devait  infailliblement  coûter  beaucoup  de  monde.  La 
tranchée  fut  ouverte,  et  l'on  éleva  plusieurs  parallèles  en  pea 
de  Jours,  malgré  quelques  sorties  infructueuses  et  le  fen.S0D*« 
tenu  des  assiégés.  L'artillerie  française  n'avait  que  de  très-faibles 
moyens  à  sa  disposition  ;  elle  ne  servait  que  six  pièces  de  siège, 


OUBBBB   D^ESPAGNE.  419 

dont  trote  de  34  et  trois  âe  16,  avec  deux  mortiers,  le  tout  en  isio. 
assez  mauvais  état.  On  suppléa  autant  qu'on  put  aux  pièces  es-  ^'i*^*^- 
sentielles  qui  manquaient  par  des  obusiers  et  de  Partiilerie  de 
campagne.  Au  bout  de  quelques  Jours,  les  boulets  ne  produisant 
presque  aucun  effet  sur  la  vieille  maçonnerie  des  murs  de  la 
place,  et  les  pièces  de  gros  calibre  étant  déjà  hors  de  service, 
l'artillerie  fit  connaître  qu'il  lui  serait  désormais  difficile  de  ren- 
dre la  brèche  plus  praticable.  On  disposa  donc  tout  pour  Tas- 
sant. Un  bataillon  de  grenadiers  et  de  voltigeurs,  sous  les  ordres 
du  chef  d'escadron  Lagrave,  un  des  aides  de  camp  du  général 
Junot,  fut  destiné  pour  cette  périlleuse  expédition. 

C'était  positivement  la  partie  de  Tenceinte  adossée  à  la  ca- 
thédrale que  Ton  avait  assez  maladroitement  choisie  pour  bat- 
tre en  brèche  ;  il  résultait  de  là  que  les  boulets  qui  manquaient 
le  rempai't  allaient  s'amortir  en  pure  perte  dans  le  pignon  de  ce 
vaste  édifice.  En  outre,  poutarriver  à  labrèche,  il  fallait  passer 
sous  le  feu  de  plusieurs  maisons  du  faubourg  Rdtibla,  que  Ten- 
nemi  avait  crénelées  et  remplies  de  ses  meilleurs  tireurs.  Le  gé- 
néral Jeannin,  chargeant  à  la  tète  de  sa  brigade,  formée,  comme 
on  Ta  vu,  des  46"  et  65"  régiments,  essaya  Vainement  de  dé- 
loger les  Espagnols.  Il  perdit  à  cette  attaque  une  partie  de  ses 
Compagnies  d*élite,  auxquelles  il  donnait  l'exemple  de  la  plus 
rare  intrépidité.  On  eût  évité  ces  graves  inconvénients  en  recon* 
naissant  mieux  le  terrain,  et  en  déterminant  la  brèche  quarante 
toises  plus  loin ,  à  gauche ,  en  se  rapprochant  du  faubourg  de 
Puerta-Rey. 

Le  gouverneur  ayant  envoyé  un  de  ses  officiers  en  parlement 
ti^re  avec  les  conditions  les  plus  hautaines  et  les  plus  déplacées, 
on  crut  devoir  le  prévenir  qo*à  quatre  heures  de  i'après-miidi 
l'assaut  serait  livré  ;  que,  si  la  ville  et  la  garnison  s'exposaient  à 
cette  extrémité^  elles  seraient  Tune  et  l'autre  traitées  sans  mé- 
nagement. Pour  toute  réponse  le  général  Santocildès,  un  quart 
d'heure  après,  envoya  un  coup  de  canon,  parfaitement  pointé^ 
sur  l'endroit  de  la  tranchée  où  l'officier  parlementaire  avait  été 
reçu  par  le  général  en  chef  au  milieu  de  son  état-major,  et  où 
l'on  savait  qu'il  était  encore.  Quelquespersonnes  furent  blessées. 
On  peut  juger  par  ce  seul  trait  à  quel  degré  d'exaspération  était 
parvenu  l'ennemi.  Au  signal  donné,  les  intrépides  voltigeurs 

27. 


4iO  LIVBE  SEPTIÈME 

1810.  français  se  prédpitent  au  pas  de  charge  vers  le  rém|Kirt*  Dans 
■■P^**^  le  trajet  de  cent  totees  qull  y  avait  à,  parcourir  iis  perdirent 
l)eaueoiip  de  monde  :  les  Espagnols  noorrir^t  tellement  leur 
fusillade  de  front  et  de  flanc  que  bientôt  la  troupe  qui  donnait 
Tassaut  fut  séparée  de  celle  qui  devait  la  soutenir.  Arrivé  au 
pied  du  rempart  on  n'avait  point  d'échelles  ,  et  à  peine  les  sol- 
datSf  en  s'aidant  réciproquement,  pouvaient-ils  parvenir  sur 
la  brèche,  tant  elle  était  escarpée  ;  elle  ofTrait  d'ailleurs  des 
difficultés  insurmontables  pour  déboucher  dans  la  ville.  Le  rem- 
part dans  cet  endroit  n'avait  que  la  largeur  du  mur,  et  sa  crête, 
aiguisée  par  Téboulement  de  la  maçonnerie^  formait  un  talus 
si  glissant  que  l'on  pouvait  à  peine  s'y  tenir.  Il  s'élargissait  à 
quelques  pas  à  droite  et  à  gauche  ;  mais,  à  droite,  on  était  su- 
bitement arrêté  par  un  mur  de  traverse  d^  dix  pieds  de  haut; 
a  gauche,  par  trois  estacades  construites  à  dix  pas  les  unes  des 
autres,  d'où  renaemi  tirait  avec  un  avantage  certain  surtout 
ce  qui  parvenait  à  déboucher  sur  le  rempart  et  cherchait  à  s'é- 
tablir dans  les  mines.  A  la  droite  de  la  brèche,  c'est-à-dire  dans 
un  espace  de  quarante  pieds  de  long  sur  moins  de  quinze  de 
large,  le  rempart  formait  un  cul-de-sac  ;  les  soldats  français,  à 
mesure  qu'ils  montaient,  se  Jetaient  de  ce  c6té.  Il  est  aisé  de 
juger  quel  ravage  faisait  le  feu  des  Espagnols  sur  une  masse 
ou  tout  coup  portait,  fin  une  heure  les  assaillants  perdirent  de 
cette  manière  plus  de  300  hommes.  Deux  partis  restaient  à 
prendre  pour  se  tirer  d'une  position  qui  n'offrait  qu'une  perte 
certaine  sans  aucune  chance  de  succès  :  il  fallait  ou  enlever  Te»- 
tacade,  d'où  l'ennemi  faisait  tant  de  mal,  ou  se  loger  provi- 
soirement sur  la  brèche  même.  Malgré  la  difficulté  de  l'escar- 
pement, les  voltigeurs  abordèrent  trois  fois  Festacade  avec 
autant  d'audace  que  de  sang-froid,  et  trois  fois,  malgré  tous 
leurs  efforts,  ils  ne  purent  parvenir  à  franchir  ce  terrible  obs- 
tacle. 

Cette  position  critique  durait  depuis  deux  heures,  et  le  dan- 
ger semblait  croître  à  chaque  instant;  mais  l'ardeur  et  l'intel- 
ligence des  soldats  français  dans  ce  péril  imminent  ne  pouvaient 
se  dâneatir.  Gomme  on  voyait  les  difilcultés  qu'ils  éprouvaient 
à  gravir  sur  la  brèche ,  on  leur  At  porter  quelques  échelles  et 
quelques  outils  par^  des  hommes  de  corvée.  Dès  c^  moment  ils 


GUtiaC^  D'BSPAGlItl.  43 1 

ne  s'occopèrent  plu  qu'à  se  loger  sor  la  broche  même.  Toute-  mo. 
fois,  ce  n'était  point  une  chose  fàdle  à  exécuter  sur  la  crête  ^^*P*sne. 
d'un  mur  qui  s'éboulait  sans  cesse,  et  qui  les  laissait  Impuné- 
ment à  découvert  à  vingt  pas  d'un  ennemi  embusqué  dans  les 
maisons  et  hors  d'atteinte.  Les  assaillants  n'avaient  encore  ni 
gabions ,  ni  sacs  à  terre ,  ni  matériaux  pour  se  faire  un  abri. 
Quelques-uns  d'entre  eux  donnèrent  spontanément  un  exemple 
du  plus  ingénieux  désintéressement,  que  tous  s'empressèrent 
de  suivre  ;  ils  se  servirent  de  leur»  sacs  à  effels  pour  établir  la 
base  d*un  petit  retranchement,  qui,  en  moins  d'une  heure,  eut 
assez  d'élévation  pour  les  mettre  à  même  de  riposter  à  l'ennemi 
avec  un  peu  moins  de  désavantage.  La  nuit  qui  survint  ne  Ait 
point  défavorable  aux  assaillants;  le  feu  de  l'ennemi  ne  cessa 
pas  ;  mais ,  dirigé  d'une  manière  moins  certaine.  Il  les  incom- 
moda bien  moins  que  pendant  le  jouf  •  A  dix  heures  ils  reçu- 
rent quelques  sacs  à  terre  qui  leur  servirent  à  donner  à  leur 
retranchement  la  proportion  et  la  solidité  convenables. 

Les  compagnies  de  voltigeurs,  très-iAaltraltées  dans  cet  as- 
saut, furent  remplacées  par  les  grenadiers.  Pendant  qu'une  partie 
d'entre  eux  s'occupait  avec  une^  ardeur  extrême  à  fortifier  le 
retranchement,  à  déblayer  la  brèche,  à  la  rendre  plus  pratica- 
ble et  à  s'ouvrir  une  issue  pour  pénétrer  dans  la  ville  et  s'é- 
tablir dans  une  mafeon  voisine  avec  quelque  sûreté ,  les  autres 
feisaient  le  coup  de  ftisil  et  protégeaient  les  travailleurs.  Pen- 
dant ce  temps,  d'autres  troupes  travaillaient  avec  un  égal  em- 
pressement à  établir  une  communication  entre  le  rempart  et 
la  tranchée,  afin  qu'au  point  du  Jour  les  troupes  déjà  portées 
sur  la  brèche  pussent  être  soutenues  au  besoin.  Une  fusillade 
toujours  très-vive,  qui  partait  du  feubourg  de  droite,  ne  cessait 
d'incommoder  les  tirailleurs  qu'elle  prenait  en  flanc  ;  mais  non- 
obstant la  difficulté  de  l'entreprise,  la  communication  fut  ache- 
vée, imparfaitement  il  est  vrai,  avant  le  lever  du  soleil.  Le  Câ" 
régiment,  cantonné  au  village  de  Val  de  Viéjas,  occupait  la  ligne 
en  avant  du  faubourg  Keitibia.  Chargé  pendant  l'assaut  de 
faire  une  fausse  attaque  sur  ce  point,  il  reçut  l'ordre^  vers  les 
neuf  heures  du  soir,  de  la  convertir  en  une  attaque  réelle  et  de 
s'emparer  du  faubourg  à  quelque  prix  que  ce  fût.  Cette  opéra- 
tion eut  lieu  pendant  la  nuit,  et  le  chef  de  bataillon  Barrai ,  du 


432  Livai  «eptiIme. 

tsfo.     66*,  remplit  cette  mission  périiteose  avec  autant  d^intelligenco 
Esmne.  que  de  bravoure. 

L'emxemi,  déeoneerté  par  Fimperturbable  téuadté  des  assail- 
lants, et  effrayé  d'ailieuis  par  toutes  les  dispositions  prises 
pour  un  assaut  à  outrance ,  jugea  toute  résistance  désormais 
Inutile.  A  la  pointe  du  jour  Santociidès  demanda  à  capituler. 
Le  duc  d*Abrantès  rejeta  toutes  les  conditions  offertes  par  le 
gouverneur  espagnol,  et  exigea  que  la  ville  se  rendit  à  discré- 
tion; ce  qui  eut  Heu  le  même  jour.  Les  troupes  prirent  posses- 
sion d'Astorga  le  lo  avril ,  après  quinze  jçurs  de  ti*anchée  ou* 
verte.  La  garnison,  forte  encore  de  4,600  hommes,  fut  déclarée 
prisonnière  de  guerre  et  conduite  en  France.  Les  habitants 
furent  traités  avec  égard.  Quant  aux  nombreux  paysans  qui 
étaient  venus  s'enfermer  dans  la  place,  on  se  contenta  de  les 
renvoyer  dans  leurs  viHages  sans  les  maltraiter.  D*après  le 
refus  formel  du  général  en  chef  français  de  stipuler  aucune 
condition  en  leur  faveur,  les  uns  et  les  autres  étaient  bien  éloi- 
gnés de  s'attendre  à  tant  de  modération  de  la  part  du  vain- 
queur'. 

Pendant  le  siège  d'Astorga ,  le  corps  espagnol  en  position  à 
Yillafranca  voulut  faire  un  raouvemeut  pour  secourir  la  place; 
mais  il  fut  battu  et  repoussé  jusque  sur  la  Galice  par  le  général 
Clausel,  qui  commandait  une  division  du  8^  corps. 

Après  avoir  terminé  cette  opération ,  le  duc  d*Abrantès  se 
rapprocha  de  Valladolid  avec  la  plus  grande  partie  de  son  corps 
et  remit  la  brigade  du  général  Jeannin  à  la  disposition  du  gé- 
néral Bonnet. 


■  Longtemps  après  la  prise  d'Astorgs,  les  Espagmols  chantaient  encore  une 
chanson  où  toutes  les  particularités  du  siège  étaient  racontées  à  leur  avan- 
tage, et  dont  le  refrain  était  qa^Àstorga  avait  été  le  tombeau  des  Français. 
Bien  que  cet  enthousiasme  fût  naturel  en  pareille  circonstance,  il  est  cer- 
tain que  ce  siège  ne  coûta  pas  au  8*  corps  plus  de  six  cents  hommes 
Inès  ou  blessés.  Cette  perte  eût  sans  doute  été  moindre  encore  si,  en  agis- 
sant moins  précipitamment,  on  eût  suivi  les  conseils  que  dictaient  la  sagesse 
et  l&s  règles  de  la  fortification.  L'armée  vil  avec  peine  rejeter  obstinément 
les  avis  du  commandant  du  génie  Valazé,  qui  voulait  qu'on  attaquât  en 
brèche  plus  à  gauche.  En  elTet,  en  agissant  ainsi  on  simplitiait  l'attaque , 
on  évitait  le  mur  de  la  cathédrale,  et  Ton  obtenait  Timmense  avantage  d*un 
débouché  facile  dans  la  ville. 


GUEftfiE  d'£SPM>IIE.  42% 

Opérations  du  '3*  corps  de  P armée  Jrançaise  en  Aragon  ei  igto. 
dans  le  royaume  de  Valence.  —  Dès  le  commencement  |de  p^lÇSSIÏ;. 
l'année  1810,  le  général  Socket,  à  peu  près  maître  de  tout  TA^ 
ragon^  se  préparait  à  faire  le  siège  de  Lérida,  plaee  forte  située 
sur  la  grande  communication  dé  cette  province  avec  laCatalo-* 
gne,  à  vingt-cinq  ]ieues  de  Barcelone  et  autant  de  Saragosse  ; 
mais,  afin  d'exécuter  avec  plus  de  sécurité  une  opération  aussi 
importante ,  il  avait  formé  le  projet  d'enlever  préalablement 
aux  Espagnols  tous  leurs  points  d^appui  sur  les  frontières  de 
la  Nouvelle-Castille  et  du  royaume  de  Valence,  lorsque  le  Tof 
Joseph ,  voulant  profiter  de  Finfluence  que  devaient  avoir  sur 
Tesprit  des  peuples  les  succès  rapides  obtenus  en  Andalousie  et 
des  intelligences  qu'il  entretenait  dans  la  ville  de  Valence,  Tuii 
des  foyers  les  plus  ardents  de  l'insurrection ,  ordonna  au  chef 
du  3*^  corps  de  marcher  rapidement  sur  cette  capitale,  en  deux 
colonnes.  Tune  par  Téruel  et  Ségorbe,  Tautre  par  lyfforella,  San- 
Matéo  et  la  route  du  bord  de  la  mer.  Quoique  le  succès  de  cette 
expédition  fût  douteux,  puisque  Tarmée  partait  sans  artillerie 
de  siège  et  qu'elle  laissait  sur  ses  derrières  des  partis  prêts  à 
intercepter  ses  communications,  le  général  Suchet  pouvait  sup- 
poser que  Valence  ouvrirait  ses  portes  à  la  vue  d'une  armée 
victorieuse;  dans  le  cas  contraire,  il  s'assurât  de  l'état  actuel 
de  ses  fortifications,  des  dispositions  de  ses  habitants,  des  forces 
renfermées  dans  cette  ville,  en  un  mot  de  tous  ses  moyens  de 
défense.  Cette  excursion,  qui  présentait  de  grandes  difficultés, 
fut  ainsi  exécutée  :  le  général  Laval  eut  ordre  de  partir  de 
Téruel  le  19  février,  pour  s^emparer  de  Villel ,  du  le  générai 
Villacampa  avait  réuni  3,000  hommes,  qu*il  croyait  en  sûreté, 
parce  que  cette  ville  était  entourée  de  fossés  profonds.  Le  gé- 
néral Laval  rencontra,  à  Villastar,  une  avant-garde  forte  de 
800  hommes,  et  la  culbuta  rapidement.  L'enneqii  vint  alors  se 
rallier  dans  la  ville  et  dans  une  redoute  fermée  ;  mais,  un  mou- 
vement opéré  sur  ses  derrières  par  le  général  Laval  ayant 
ébranlé  lecourage  de  cette  troupe,  un  bataillon  du  1 4*  régiment 
entra  de  vive  force  dans  Villel ,  au  moment  même  où  quatre 
compagnies  de  voltigeurs  polonais,  sons  les  ordres  du  colonel 
Kliski,  débordaient  les  Espagnols  par  leur  gauche.  Ces  attaques 
simultanées  et  l^en  exécutées  mirent  l'ennemi  dans  une  déroute 


434  LiVBB  fiBPTlSXB« 

fitw  iM>aiplète.  11  laissa  lOO  morts  sur  le  ehamp  de  bataUle,  et  per- 
dit en  ontre  300  liommes,  dont  plnsieurs  officîen,  qui,  poarsui* 
vis  par  les  vainqueurs,  se  noyèrent  dans  le  Guadalaviar.  Le 
général  Qilopicki,  le  colonel  Kliski  et  le  capitaine  Petit,  qui 
commandait  le  bataillon  du  14^  régiment,  se  cUstluguèrent  émi- 
nemment dans  cette  action. 

Ce  premier  succès  obtenu,  le  général  Suehet  porta,  le'l^ 
mars,  son  quartier  général  à  Sarrion,  pour  diriger  lui-même 
la  suite  d'une  opération  aussi  Importante.  L*année  valendenne 
était  établie  en  force  au  pont  d*Alventosa,  ^ir  le  Mijarès, 
la  droite  à  Puenseca  et  la  gauche  à  Manzanéra.  Des  retran- 
chements pratiqués  daus^une  partie  de  la  ville,  des  hauteurs 
couronnées  de  redoutes,  et  qui  se  flanquaient  mutuellement, 
enfin  les  rives  escarpées  du  Mijarès  offraient  de  grands  obs- 
tacles aux  attaquants.  Le  2  mars,  le  général  Suehet  fit  les  dis- 
positions suivantes  :  tandis  que  les  généraux  Harispe  et  Paris, 
Tun  au  centre  et  Tautre  à  la  gauche,  menaçaient  Tennemi  par 
un  feu  soutenu  sur  Alventosa  et  Puenseca,  le  général  Laval  eut 
ordre  de  forcer,  dès  le  point  du  jour,  le  passage  vers  Manzanéra, 
de  traverser  le  Mijarès  et  de  déborder  la  gauche  des  Espagnols. 
Ce  mouvement  fut  exécuté,  et  Tennemi  contraint  à  une  prompte 
retraite.  Le  colonel  Burthe,  détaché  à  la  poursuite  des  fuyards 
avec  son  régiment,  le  4®  de  hussards,  enleva  quatre  pièces  de 
canon ,  des  munitions  et  des  équipages.  Le  général  Suehet  con- 
tinua sa  mar^she  avec  célérité  dans  la  direction  qu'avait  prise  le 
général  ennemi,  emporta  sans  coup  férir  le  défilé  de  Jérica, 
et  arriva  le  même  jour  à  Ségorbe,  où  une  grande  quantité 
d'armes  et  d'immenses  magasins  tombèrent  en  son  pouvoir. 
Pendant  que  ces  actions  se  passaient  au  centre,  le  générai  Ha- 
bert  jfranchissait  avec  six  bataillons,  malgré  cinq  pieds  de  neige, 
la  chaîne  de  montagnes  qui  séparent  l'Aragon  du  royaume  de 
Valence,  surp  enait  la  ville  de  Morella,  garnie  de  retranche- 
ments et  défendue  par  4,000  hommes  de  l'armée  de  Valence, 
leur  fidsait  éprouver  une  perte  considérable  en  tués  et  blessés, 
et  leur  enlevait  quinze  cents  fusils.  Le  14^  régiment,  formant 
Textréme  gauche  de  la  petite  armée  française ,  descendait  en 
même  temps  le  Guadalaviar  et  rejetait  les  bandes  de  Villacampa 
dans  la  province  de  Gueoca.  L'armée  arriva  le  3  à  Murviédro 


G0BRBB  ]>*£8PAGNB.  435 

(raneienne  Sagontè]^  où  elle  fut  rejointe  par  la  colonne  du  gé-      isia 
néralHabert.        '  *^«^' 

Par  suite  de  ces  mouvements  rapides  et  exécutés  avec  préci- 
sion y  le  3^  corps,'  traversant  les  belles  campagnes  du  royaume 
de  Valence,  arriva  le  5  mars  Jusque  sous  les  murs  de  cette  ca- 
pitale. Le  général  Habert  s*empara  de  son  principal  faubourg 
et  du  port  de  Grao,  qui  touche  aux  embouchures  du  Guadalaviar  ; 
le  général  Suchet  entra  dans  Beniferri,  et  rejeta  dans  la  ville 
tous  les  postes  établis  sur  la  rive  gauche  de  ce  fleuve.  Cette 
marche  mit  de  plus  en  possession  des  vainqueurs  neuf  bouches 
a  feu,  six  caissons,  un  drapeau  et  trois  cents  fusils.  Elle  avait 
coûté  aux  Espagnols  400  tués,  beaucoup  de  blessés,  et  Tentière 
dispersion  d*un  corps  de  15,000  hommes. 

Un  rassemblement  considérable  de  paysans  était  formé  pour 
défendre  Gastellon  de  la  Plana,  petite  ville  sur  les  bords  de  la 
mer  et  près  de  Tembouchure  du  Mijarès.  Le  général  Suchet 
y  envoya  deux  escadrons  de  cuirassiers  et  hussards,  avec  quel- 
ques compagnies  d'élite  d*infhnterie ,  sous  le  commandement 
du  général  Boussard.  Le  pont  de  Gastellon,  encombré  et  barri- 
cadé ,  fut  emporté  après  une  vive  résistance.  Un  cuirassier 
nommé  Yinatier  se  fit  remarquer  dans  cette  action  ;  ayant  mis 
pied  à  terre ,  seul  il  dégagea  le  pont,  sous  une  grêle  de  balles , 
et  ouvrit  le  passage.  Son  intrépidité  fut  récompensée  par  la 
décoration  de  la  Légion  d'honneur. 

Le  général  Suchet  resta  pendant  cinq  Jours  sous  les  murs 
de  Valence,  dans  TespoiiT  que  cette  grande  et  opulente  cité  ou- 
vrirait ses  portes  à  une  armée  victorieuse,  qui  tout  récemment, 
et  pour  ainsi  dire  sous  les  yeux  des  habitants,  avait  triomphé 
de  tant  d'obstacles  ;  mais,  résignée  à  tous  les  sacrifices  et  iné- 
branlable dans  sa  résolution ,  Valence,  que  le  général  français 
ne  pouvait  investir  pi  attaquer,  ne  vouluts*abaisser  à  aucun  acte 
de  soumission.  Dès  lors  le  général  Suchet  prit  la  résolution  de 
rentrer  en  Aragon  ;  et  le  10  mars,  à  l'entrée  de  la  nuit ,  Tar- 
mce  leva  son  camp,  et,  réunie  en  une  seule  colonne,  elle  reprit 
la  route  de  Téruel  et  deSégorbe.  L'expédition  brillante  du  gé- 
néral français,  loin  de  décourager,  fortifia  encore  le  patriotisme 
des  Valenciens.  Dès  ce  moment  leurs  fortifications  forent  ré- 
parées, développées  et  mises  dans  un  état  de  défense  imposant. 


42«  UVEK  8EPTIBUB. 

fftio.     les  remparts  furent  couverts  d^artilleric*  Les  villes  de  Pénis- 
^*&^   cola,  Oropésa  et  Sagonte,  doot  les  antiques  murailles  étaient  à 
moitié  écroulées,  devinrent  en  peu  de  temps  des  forteresses  res- 
pectables et  de  nouveaux  obstacles  à  surmonter  dans  une  se- 
%     coude  invasion. 

Sur  ces  entrefaites,  le  chef  de  bataillon  Renouvier,  oonmnan- 
dant  de  Jaca,  et  le  capitaine  Rauquemaurel ,  commandant  au 
fort  de  Venasque,  donnaient  une  vigoureuse  diasse,  le  premier 
à  la  bande  d'un  chef  nommé  Sarto;  le  second  »  aux  partis  des 
chefs  Sarraza  et  don  Diego  Alvarès,  qui  furent  repoussés  jus- 
qu'en CSatalogne.  Trois  autres  commandants  français,  Passelat» 
Donarche  et  Zimer^  obtinrent  de  pareils  succès  sur  d'antres 
bandes  de  miquelets. 

L'Angleterre  seule  fournissait  à  tous  ces  partis  des  armes  et 
des  munitions;  elle  avait  bien  pensé  que,  dans  une  semblable 
hitte,  il  fallait,  pour  soutenir  le  zèle  des  insurgés  si  souvent 
défaits ,  ne  les  laisser  jamais  au  dépourvu.  Maîtresse  des  rives  de 
l'Océan  et  de  la  Méditerranée,  et  pour  ainsi  dire  de  presque  toutes 
les  places  maritimes  de  la  Péninsule,  elle  pouvait  opérer  et  opé- 
rait en  effet,  à  son  gré  et  sur  tous  les  points,  des  débarquements 
d'armes,  de  munitions,  souvent  même  de  vivres,  sans  que  des 
pertes  immenses  et  journalières  aient  jamais  arrêté  cette  incon- 
cevable prodigalité. 
M  mal.  Siège  et  prise  de  Lérida.  —  Cependant  le  général  Suchet , 
de  retour,  le  17  mars,  de  son  expédition  sur  Valence,  avait  dis- 
posé tous  les  préparatifs  du  siège  de  Lérida.  Cette  entreprise 
offrait  de  grandes  difficultés  et  exigeait  des  forces  imposantes. 
Les  places  de  Tortose,  de  Méquinenza,  de  Tarvagone,  peu  dis-- 
tantes  de  Lérida^  devaient  être  contenues.  De  forts  détaciiements,. 
capables  de  résister  aux  nombreuses  bandes  qui  eherchaient  à 
s*emparer  des  convois ,  étaient  nécessaires  k  leur  escorte.  L» 
nature  du  terrain  exigeait  aussi  de  la  part  des  assiégeants  un 
grand  développement.  En  effet,  Lérida,  situé  sur  la  rive  droite 
de  la  Sëgre,  au  milieu  d'une  vaste  plaine  presque  dépouillée 
d'arbres,  est  une  ville  étendue,  et  dont  la  population,  accrue  de 
celles  des  villages  voisins,  qui  s'étaient  réfugiées  dans  la  place, 
s'élevait  à  près  de  20,000  âmes.  Elle  n'est  entourée  que 
d'une  simple  muraille,  mais  la  Sègre,  fleuve  assez  large  et  ra- 


!f0mr  10   Ptuff  ^iS 


DU   SIEGE 

DE  LERÏBA, 


GUEBBB  d'eSFAOHB.  4SI 

pide»  rarement  guéaUey  la  défend  presque  entièrement  dn  nord  mo. 
au  sud  dans  toute  sa  longueur.  Un  beau  pcmt  en  pierre  établit  ^^'^'"^ 
la  communication  avec  la  rive  gauche,  où  Ton  avait  construit 
une  lunette  formant  tète  de  pont  Deux  forts»  bâtis  sur  deux 
montagnes  auxquelles  la  place  est  adossée,  la  dominent*  Ces 
forts,  celui  du  Château' et  celui  du  Garden»  sont  assez  près  Tun 
de  l'autre  pour  se  prêter  un  appui  réciproque.  C'est  dans  la  prof 
tection  de  ces  forts,  et  surtout  du  château  situé  au  côté  nord, 
au  sommet  d'une  colline  élevée,  que  consiste  la  principale  force 
de  Lérida.  Un  mur  sans  fossé  ni  chemin  couvert  enferme  le 
reste  de  l'enceinte»  La  fortification  qui  entoure  le  château 
forme  un  carré  irréguiier  de  cent  vingt-cinq  toises  du  côté 
extérieur,  flanquéde  bons  bastions  de  six  à  sept  toises  d'escarpe. 
Le  front  de  l'ouest  est  le  seul  qui  ait  des  fossés  ;  ceux  du  sud 
et  de  l'est,  bâtis  sur  des  escarpements  très-roides,  étalent  presr 
que  inattaquables.  Celui  du  nord  était  d'un  accès  diOlcile  à  cause 
du  terrain  formé  presque  entièrement  de  roc.  11  ne  restait 
que  le  front  de  Touest,  d'une  pente  assez  douce,  dont  on  pou- 
vait approcher  par  une  attaque  régulière;  mais  il  fallait  aupa- 
ravant être  maître  du  fort  Garden,  qui  le  protégeait  de  tous  ses 
feux.  Ce  dernier  fort  est  bâti  sur  la  croojie  d'un  plateau  qui 
domine  l'extrémité  ouest  de  la  ville,  à  trois  c^ts  toises.  Il  était 
couvert  par  un  grand  ouvrage  à  cornes  dont  la  droite  bordait 
Tescarpement,  et  la  gauche  se  rattachait  à  une  redoute.  Deux 
autres  grandes  redoutes,  appelées  del  Pilar  et  de  San-Femando, 
avaient  été  élevées  à  l'extrémité  opposée  du  plateau ,  à  plus  de 
sept  cent  cinquante  toises  de  la  ville,  et  à  trois  cent  cinquante 
de  l'ouvrage  à  cornes. 

La  ville  et  ses  forts,  abondamment  pourvus  de  munitions  de 
guerre  et  de  bouche,  d'une  salpètrière  et  d'un  moulin  à  poudre, 
étaient  dans  le  meilleur  état  de  défense  possible.  Cent  cinq  bou- 
ches à  feu  de  tout  calibregarnissaientles  remparts;  10,000  hom- 
mes de  troupes  de  ligne  y  étaient  renfermés  sous  le  commande- 
ment du  maréchal  de  camp  don  Jaime  Garcia  Conde,  le  même 
qui,  au  mois  de  septembre  précédent,  avait  introduit  un  convoi 
dans  GIronne.  Le  maréchal  de  camp  don  José  Gonzalès  était 
gouverneur  de  la  place  et  du  château  ;  enfin  les  habitants  sç 
rappelaient  avec  orgueil  que  leurs  ancêtres  avaient  résisté ,  en 


428  L1VEB  SBPTIBMB. 

1910.  1647,  aux  armes  du  grand  Gondé  ^  Gependuit  ils  durent  aussi 
se  souvenir  que  le  duc  d'Orléans  s'empara  de  cette  place,  en 
1707,  à  la  vue  de  Tannée  de  Tarchiduc  Charles,  commandée 
par  lord  Galloway. 

Le  général  Suchet  osa  entreprendre  un  siège  aussi  dilDdle 
avec  un  corps  d*armée  qui  ne  s'élevait  pas  à  20,000  hommes. 
11  comptait,  à  la  vérité,  que  l'armée  de  Catalogne,  conformé- 
ment aux  ordres  du  gouvernement  français,  resterait,  pendant 
toute  la  durée  du  siège,  dans  les  positions  qu'elle  devait  occuper 
pour  appuyer  les  assiégeants  et  pour  contenir  les  troupes  du 
général  O'Donnell,  placées  dans  le  camp  retranché  sous  Tarra- 
gone.  Mais  on  verra,  dans  le  paragraphe  suivant,  que  le  défaut 
absolu  de  vivres  contraignit  le  maréclial  Augercau  d'évacuer 
la  ville  de  Reus^  et  de  livrer,  en  quelque  sorte,  dans  une  con- 
joncture aussi  délicate,  le  général  Sudiet  à  toutes  les  chances 
d'un  pareil  abandon. 

L'investissement  de  Lérida  fut  formé  au  commencement  d'a- 
vril. Le  général  Musnier  entra  sans  rencontrer  d'obstacles  k 
Flix  et  à  Mora,  sur  les  bords  de  l'Èbre.  Cette  position  était  né- 
cessaire pour  s'opposer  aux  tentatives  de  la  garnison  de  Tortose 
et  pour  communiquer,  par  les  défilés  de  Falset ,  avec  l'armée 
de  Catalogne,  alors  campée  autour  de  Reus.  Le  général  Habert, 
chassant  devant  lui  toutes  les  bandes  qui  infestaient  encore  les 
vallées  de  la  Cinca  et  de  la  Sègre ,  s'empara  de  Balaguer,  ville 
assez  considérable,  au  nord  de  Lérida,  et  que  sa  position  rend 
susceptible  d'une  bonne  défense.  L'ennemi,  frappé  de  terreur  à 
l'approche  de  ces  mêmes  colonnes  qui  l'avaient  si  souvent  battu 
et  dispersé,  abandonna  Balaguer  pendant  la  nuit,  ainsi  que  tous 
les  retranchements  qu'il  avait  construits  sur  les  hauteurs  en- 
vironnantes. 


*  Le  vainqueur  de  Rocroi,  devenu  aussi  redoutable  au  ministre  qu'à 
868 ennemis,  avait  été  envoyé  de  Flandre  en  Catalogne  pour  faire  le  siège 
de  Lérida.  SMl  éclioua  dans  cette  entreprise ,  c'est  principalement  parce 
qu'on  Ini  avait  donné  de  mauvaises  troupes  mal  payées.  Quelques  oonteni<^ 
|K>rain8  rapportent  quMl  ouvrit  la  tranchée  avec  des  violons;  mais  rao- 
teur  du  Siècle  de  Louis  XIV  le  justifie  de  cette  fanfaronnade,  en  disant  que 
cMtait  alors  Tusage  en  Espagne.  (Voyez  Voltaire,  Siècle  de  louis  XIV ^ 
cliap.  III.} 


GUnil  I>'SffAGlfB.  439 

L'invefiUflsemeiit'  de  Lépida  était  à  peine  fini  k>nqiie  le  gé-  «gto. 
néral  Sochetapprit  qaeGampoverdé  s*était  approcbé  de  Gervéra,  ^'9^^* 
par  Maaresa,  aveeune  dfTfslon,  et  que  des  rassemblements  de 
paysans  armés  se  montraient  snr  la  haute  Sègre.  Vonlant  recon- 
naître 1^  pays  et  ehercher  des  nonvelies  du  corps  dn  maréchal 
AugereaUy  le  général  en  chef  fit  marcher,  le  19  avril,  le  général 
Mosnler  à  Balagoer,  où  11  se  porta  en  même  temps.  Après  avoir 
ordonné  quelques  travaux  dans  cette  place  pour  la  défense  du 
pont  et  du  château,  il  s'avança  le  21  jusqu'à  Tarréga,  où  II  ap* 
prit  qu'O'DonneIk  était  parti  de  Tarragone  à  la  tête  de  deux 
divisions  et  qu'il  s?était  porté  sur  Monblanch.  Profitant  de  cet 
avis,  le  général  Suchet  se  hâta,  par  une  marche  rapide,  de  ra- 
mener  sa  colonne  devant  Lérida,  et  le  22  il  plaça  le  général 
Musnier  dans  sa  première  position  à  Alcoletge,  avec  la  cavale- 
.  rie  du  général  Boussard  en  réserve.  En  effet  le  général  don  En- 
rique  O'Donnell,  qui  avait  succédé  au  général  Blake  dans  le 
commandement  de  l'armée  de  Catalogne,  n'étant  plus  contenu 
par  l'armée  du  marédial  Augereau,  avait  osé  concevoir  le  projet 
hardi  de  faire  lever  le  siège  avec  les  débris  d'une  armée  mal 
remise  d'une  déroute  complète  qu'elle  venait  d'essuyer  «  dans 
les  plaines  de  Vich.  Le  général  espagnol  ne  se  disi^mulait  point 
sans  doute  et  les  mauvaises  dispositions  de  ses  troupes,  et  toutes 
les  difficultés  à  surmonter  pour  venir  à  lK>ut  de  son  entreprise  ; 
mais  il  espérait,  d'un  cdté,  que  la  nombreuse  garnison  de  Lé- 
rida favoriserait  son  dessein  par  une  vigoureuse  sortie  et  occu- 
perait ainsi  la  majeure  partie  des  forces  du  général  Suchet;  de 
l'autre,  il  se  flattait  qu'il  pourrait  surprendre  les  troupes  fran- 
çaises par  une  BMrefae  rapide ,  et  réussir  à  écraser  les  postes 
disséminés  sur  la  rive  gandie  de  la  Sègre.  Il  ne  prévit  pas  que  le 
terrain  par  où  il  dirigeait  sa  marche ,  ne  lui  présentant  aucun 
point  d'appui,  donnait  contre  lui,  à  des  troupes  braves  et  par- 
faitement exercées,  quoique  en  petit  nombre,  des  avantages  qui 
leur  assuraiient  un  succès  infaillible.  Aussi  le  général  Suchet, 
certain  d'obtenir,  à  peu  de  frais,  des  résultats  dédsiib,  lalssa^t- 
il  les  Espagnols  pénétrer,  à  travers  une  plaine  immense,  jusque 
sous  le  canon  de  la  place. 

'  Voir  le  paragraphe  svlTaat,  qui  traite  des  opéFatkniB  de  TanDée  de  Ga« 
talogne. 


4  SO  L1VHI  SirriÉHB* 

1810.  0*Doniiell9  parti  dv  camp  de  Tarragoae,  le  19  avril»  avec  un 
corps  d'environ  8,000  hommes d'infimterieetaoo  chevan,  avail 
franchi  rapidement  les  défllés  de  MonUanch,  et  le  Icttâefliain» 
versdeox  heures  do  soir,  il  déboucha  dans  la  plaine  de  Mergalef, 
ses  bataillons  formés  en  colonne  d'attaqne,  et  la  cavalerie  cou* 
vrant  lears  flancs.  Trompé  par  on  avis  du  gouverneur  de  Lérida 
qui  lui  annonçait  qu*une  partie  de  Tinfiinterie  française  et  pres- 
que toute  la  cavalerie  s'étaient  éloignées  de  la  place ,  avis  qui 
n'était  plus  vrai  au  moment  où  il  le  recevait/  O'Donnell  s'avan* 
çait  dans  une  entière  sécurité.  Déjà  son  avant-garde  n'était  plus 
qu'à  une  faible  distance  des  retranchements  à  la  tète  du  pont 
sur  la  Sègre,  lorsque  le  générai  Harispe,  commandant  les  avant* 
postes,  la  fit  charger  par  le  4^  de  hussards.  Cette  chai^  fut 
ordonnée  si  à  propos  et  exécutée  avec  un  tel  élan  par  le  colonel 
Burthe  que  la  moitié  de  cette  avant-garde  fat  forcée  de  mettre 
bas  les  armes. 

La  garnison  de  Lérida,  voyant  les  troupes  d*O'0onnell  si  rap- 
prochées de  ses  remparts ,  crut  l'instant  décisif  pour  effectuer 
une  sortie  et  se  porter  à  leur  rencontre.  Le  canon  tirait,  toutes 
lescloches  de  la  ville  étaient  en  mouvement  ;  les  drapeaux  étaient 
déployés  ;  la  plus  vive  impatience  se  manifestait,  l'enthousiasme 
était  à  son  comble;  et  déjà  un  bataillon  d*élite  débouchait  par 
la  tète  de  pont,  lorsque  le  colonel  Robert,  chargé  de  contenir  les 
assiégés  à  la  tète  du  1 17*  de  ligne,  les  força,  par  un  feu  très-vif 
et  lrès--meurtrier,  à  rentrer  dans  la  place ,  pour  y  être  bientôt 
témoins  inactilii  de  l'entière  déroute  de  l'armée  qui  venait  les 
secourir. 

Cependant,  après  la  déconfiture  de  son  avant-garde,  O'Don- 
nell  s'était  arrêté  et  avait  promptement  rangé  son  armée  en  ba- 
taille, dans  un  ordre  imposant.  Le  général  Musnier,  sortant  d'AI- 
cole^e,  se  mettait  en  marche  pour  l'attaquer  avec  sa  division 
d'infanterie;  mais  le  général  Boussard,  manœuvrant  sur  un 
terrain  favorable,  dans  une  plaine  qui  ne  présentait  pas  le  plus  lé- 
ger obstacle,  ne  donna  ni  à  l'infanterie  ni  à  l'artillerie  le  tempsde 
se  mettre  en  ligne  :  il  déborde  les  Espagnols,  et  lance  sur  leurs 
escadrons  et  sur  leurs  bataillons  le  13"  régiment  de  cuirassiers. 
En  un  instant  l'ennemi  est  culbuté,  enfoncé,  dispersé;  la 
plaine  est  jonchée  de  cadavres;  et  l'infanterie  française,  ce  qui 


ouBBSs  s^bspagns;  431 

«gt  sam  exemple,  ii*a  pas  le  toonps  de  tirer  un  eoup  de  fasil.      «sio. 

Cette  victoire»  remportée  par  l'une  des  plas  brillantes  char-  ^P*S"e. 
ges  de  cavalerie»  ndt  an  pouvoir  des  vainqueurs  le  brigadier 
général  Dupaig,  hnit  ookmds»  371  officiers,  5,337  soldats» 
1,000  chevaux»  trois  bouches  à  feu,  deux  caissons»  trois  éten- 
dards, un  drapeau  et  ehiq  cent  mille  carUraches.  La  célérité  et 
la  vigueur  de  la  charge  du  générai  Boussard  avaient  été  telles 
que  la  perte  totale  des  cuirassiers  ne  iB*élevail  pas  à  plus  de 
23  morts ,  $2  blessés  et  60  chevaux  tués  '. 

Les  généraux  Harfspe»  Boussard  ;  les  colonels  Bobert,  Burthe 
Daigremont  (ce  dernier  commandant  le  18^  de  cuirassiers); 
les  chefs  d'escadron  Devaliant,  Saint-Georges  et  Bubichon  ;  les^ 
capitaines  Scarempi»  Lafarge  et  Destombes;  le  maréchal-des- 
logis  Montons  et  le  cuirassier  Tartarin ,  qui  avait  enlevé  un 
drapeau  au  milieu  d'un  bataillon  ennemi»  reçurent  en  cette  oc- 
casion les  témoignages  les  plus  honorables»  comme  les  mieux 
mérités,  de  la  satisfaction  du  général  Suchet. 

L'entière  défoite  des  troupes  du  général  O'Donnell  produis 
sit  un  grand  découragement  dans  la  garnison  »  qui  »  du  haut 
des  remparts  de  Lérida,  avait  été  spectatrice  du  combat  ;  elle 
se  trouvait  abandonnée  à  ses  propres  forces»  et  Ton  sait  com- 
bien l'espoh*  d'une  prochaine  délivrance  est  un  stimulant  né- 
cessaire pour  déterminer  une  troupe  renfermée  dans  une  place 
à  s'y  défendre  Jusqu'à  la  dernière  extrémité.  La  contenance  des 
assiégés,  presque  certains  de  ne  plus  être  secourus,  semblait 
déjà  présager  leur  sort;  la  même  cause  élevait,  au  contraire, 
au  plus  haut  degré»  l'énergie  des  assiégeants.  Le  général  Suchet 
était  trop  habile  pour  ne  pas  mettre  à  profit  ces  dispositions 
morale ,  qui  décident  presque  tous  les  succès.  Dans  la  nuit 
qui  suivit  le  combat  de  Mergalef,  il  fit  attaquer  les  redoutes  du 
fortdeOarden.  A  minuit  un  bataillon  du  1 14«  de  ligne  surprit, 
presque  sans  combat,  ceUe  del  Pilar.  Un  bataillon  du  121**  fut 

'  Le  jeune  d^Houdetot»  qui  sortait  des  pages  de  rempereur,  et  qui  »  & 
peine  Agé  de  dix-huit  ans»  avait  d^à  obtenii  la  décoration  des  brayes»  Ait 
blessé  de  deux  coups  de  hmonnelte,  dont  il  mourut  le  lendemain.  L'armée 
donna  des  larmes  à  cet  officier  de  la  plus  belle  espérance.  11  était  le  peUt-fils 
de  cetta  femme  aimable  dont  Tauteur  à'Émtle  et  de  la  Nouvelle  Héloise  a 
immortalisé  le  nom  dans  sa  correspondance. 


482  JLITBR  8BPTlàilE. 

itio  moins  heureux  à  la  redoute,  de  San-Feroando ,  déCesdue  par 
Efpagne.  ^^  bommes  détermioés  à  ne  pas  céder.  Forcé  de  se  retirer,  ee 
bataillon  occasionna  aussi  la  retraite  de  celui  qui  occupait  la 
redoute  del  Pilar,  qui  ne  pouvait  pas  tenir  contre  le  feu  domi- 
nant de  San-Femando.  Le  lendemain  le  général  Suchet  écrivit 
à  Garcia  Conde  pour  lui  représenter  rinutillté  de  sa  déiSense; 
le  général  espagnol  lui  répondit  le  même  Jour  que  la  place 
n'avait  jamais  compté  sur  le  secours  d'aucune  armée,  voulant 
prouver  par  cette  réponse  concise  et  énergique  que  Féchec 
éprouvé  par  O'Donnell  devant  Lérida  n'avait  eu  aucune  in- 
fluence sur  sa  détermination  de  se  défendre  jusqu'à  la  dernière 
extrémité.  Heureus^ement  pour  les  assiégeants,  les  faits  nerépon- 
dirent  pas  à  ces  fières  paroles,  comme  à  Saragosse  et  à  Gironne. 

Le  général  Sucbet  vit  donc  qull  fallait  d'autres  moyens  pour 
achever  son  entreprise,  et  ne  songea  plus  qu'à  les  déployer 
promptementetavec  vigueur. 

Dans  la  nuit  du  29  avril,  la  tranchée  fut  ouverte  au  poste  dit 
de  la  Croix,  qui  s'approche  de  la  place  à  environ  quatre  cents 
toises  sur  le  front  qui  regarde  le  nord  ;  le  développement  et  les 
communications  de  cette  tranchée  furent  portés,  dans  cette  nuit 
même,  jusqu'à  cent  quarante  toises  de  la  ville.  Mais  bientôt 
des  orages  inondèrent  les  travaux,  qu'un  terrain  glaiseux  rendit 
impraticables;  les  épaulements  furent  renversés.  L'activité  et 
la  patience  des  ingénieurs  et  des  artilleurs  réparèrent  toutes  ces 
dégradations. 

Dès  le  7  mai,  au  point  du  jour,  deux  batteries  de  brèche  com- 
mencèrent à  tirer  contre  la  place,  tandis  que  trois  autres  Imt- 
teries  lançaient  des  l)ombes  et  des  obus  sur  le  château. 

Le  lendemain  on  ouvrit  une  seconde  parallèle,  à  soixante 
toises,  et  des  boyaux  furent  conduits  jusqu'au  pied  des  murs; 
on  les  garnit  de  tirailleurs  qui ,  faisant  feu  sur  les  embrasures , 
devaient  éteindre  celui  de  l'artillerie  ennemie. 

Le  12,  l'artillerie,  ayant  démasqué  de  nouvelles  batteries , 
commença,  à  neuf  heures  du  matin,  une  attaque  décisive.  Une 
brèche  fut  ouverte  au  bastion  de  l'Ascension,  et  un  magasin^d'o- 
bus  sauta  dans  le  château.  Cette  explosion  fit  en  deux  endroits 
une  brèche  assez  praticable  pour  que  quelques  déserteurs  suisses 
pussent  y  descendre. 


OiftftRB   0*EfiPAfillS.  433 

'  Sor  ces  entrofiaJtes,  le  général  Suehet  se  porta  à  la  droite  de  jm 
la  ligne  pour  diriger  lui-même  une  attaque  combinée  sur  les 
deux  redoutés  de  l'ettrémlté  du  plateau  du  fort  Garden  et  sur 
Touvrage  à  cornes  qui  couvrait  le  milieu  de  ce  plateau.  Cette  ex- 
pédition hardie  avait  pour  but  de  couper  la  communication  en- 
tre les  deux  forts>  de  déjouer  tous  les  calculs  des  assiégés ,  d'a- 
chever leur  découragement,  et  de  brusquer  la  reddition  de  la 
place.  Nous  avons  déjà  dit  que  ces  ouvrages  intermédiaires 
étaient  dans  fétat  de  défense  le  plus  respectable ,  mais  qu'ils 
forçaient  les  assieds  à  un  immense  développement.  Le  général 
Vergés,  avec  un  bataillon  du  f  14^,  quatre  compagmes  d'élite 
du  I3t*  et  100  travailleurs,  planta  des  échelles,  enfonça  les 
barrières  et  enleva  les  deux  redoutes. tous  les  Espagnols  qui 
n'eurent  pas  le  temps  de  se  jeter  en  bas  du  fossé  furent  tués 
à  coQps  de  baïonnette.  Le  capitaine  du  génie  Montanban  ftit 
blessé  mortellement  sur  Téchelte.  L*assautde  ces  deux  redoutes 
coûta  à  Tennemi  300  hommes  ;  la  perte  des  Français  fut  de  25 
morts  et  de  80  bipassés.  Bans  le  même  temps,  le  général  Buget,  à 
la  tête  de  quatre  compagnies  d*élite  du  114^,  deux  du  121*, 
deux  du  3*  régimqit  de  la  Vistule ,  et  400  travailleurs  armés 
de  pelles  et  de  pioches,  escaladait  l'ouvrage  du  centre  et  pé- 
nétrait dans  son  enceinte.  Les  travailleurs  ^  guidés  par  le  chef 
de  bataillon  du  génie  Plagniol ,  quittant  leurs  outils,  poursui- 
virent les  Espagnols  jusqu'aux  palissades  du  Garden ,  sous  an 
feu  des  plus  vifs.  On  profita  de  l'obscurité  de  la  nuit  pour  se 
couvrir  dans  les  ouvrages  enlevés,  et  rétablissement  fut  achevé 
avant  le  jour. 

Ce  succès  devait  avdir  une  grande  influence  sur  le  projet  prin- 
cipal que  le  générai  Suchet  allait  exécuter.  Mattre  de  ces  ou* 
vrages  avancés,  construits  avec  tant  de  peine  et  si  brusquement 
perdus,  il  donnait,  d'une  part,  a  la  garnison  des  inquiétudes 
sérieuses  sur  un  point  essentiel  de  la  défense  ;  de  l'autre,  il  6tait 
à  une  nombreuse  population,  presque  doublée  par  les  paysans 
qui  s'étaient  réfugiés  dans  la  ville ,  une  vaste  et  fàdle  retraite. 
Le  général  espagnol  avait  reconnu  l'urgente  nécessité  de  rentrer 
dans  les  ouvrages  enlevés,  et  déjà  il  se  disposait  à  une  vigou- 
reuse sortie  pour  les  reprendre  ;  mais  la  promptitude  des  événe- 
ments ne  lui  donna  pas  le  temps  de  l'exécuter. 

X.  2S 


4^4  UTIB  «EPYlilIt. 

«gf  0.         La  brèehe  priodpale  bâte  aa  ïmtàou  aipi  d«  firoat  de  U  Ma- 
^'^f'v»».  ^felein^  était  large  et  acoes^Ue  ;  celle  de  la  oontregarde  ^da 
bastion  Tétadt  ans»,  mais  seulement  avec  des  échelles.  Le  13 
avril,  le  feu  des  batteries  assiégeantes  cessa  tout  à  coup  sur 
fous  les  points,  et  le  général  Socbet  flt  donner,  à  sq^t  heures 
du  soir,  le  signal  de  Tossaut  par  quatre  bombes  lancées  à  la 
fois*  Aussitôt  douce  compagnies  d*élite  des  5!"  d*infiBtnterîe  lé- 
gère, 116%   fi6«  et  117'' de  ligne,  et  du  l«'  de  laVistule, 
conduites  parle  général  Habert,  le  colonel  Rouelle  et  le  major 
Barbaroux,  soutenus  de  450  travailleurs  mmis  d'échelles  et  de 
gabions,  franchissent  le  parapet  de  la  tranchée  et  un  ruisseau  qui 
se  trouvait  en  avant,  et  s'élancent  sur  les  deux  brèches.  Ni  le  feu 
terrible  de  toutes  les  batteries  de  Tennemi ,  alors  convergentes 
sur  un  seul  point,  ni  une  vive  fusillade  qui  s'engage  des  mai- 
sons, dans  la  rue,  sur  le  quai,  ne  peuvent  arrêter  l'audace  des 
assaillants,  Ds  surmontent  tous  les  obstacles  au  pas  de  chaire, 
et  forcent,  sous  un  feu  meurtrier,  la  porte  de  la  Madeleine.  Déjà 
les  batteries  de  la  grande  rue  sont  enlevées  ;  mais  les  sapeurs , 
t»nâuits  par  le  capitaine  du  génie  Valentin,  trouvent  le  pas- 
rage  sur  le  quai  fermé  par  un  retranchement.   Un  sergent 
nommé  Baptiste  monte  sur  la  barrière  et  .l'ouvre  ;  les  soldats  se 
précipitent  alors  sur  l'ennemi  et  le  rejettent  près  du  pont ,  dé- 
fendu par  six  pièces  de  canon.  Des  décharges  à  mitraille  ne 
peuvent  réprimer  l'élan  du  1 16^  régiment,  déjà  maître  du  quai 
dans  toute  sa  longueur.  De  la  rive  gauche  de  laSègre  le  générai 
Harispe  presse  en  même  temps  avec  vigueur  la  tète  du  pont. 
Le  1 1 7* ,  qui  marche  sous  les  ordres  de  son  digne  chef,  le  co- 
lonei  Bobert,  mnportetaus  les  retranchements  élevés  sur  cette 
rive.  Les  Espagnols,  ainsi  placés  entre  les  feux  de  deux  colon- 
nes qui  ont  opéré  leur  jonction,  abandonnent  tout  à  coup  leur 
artitlerie  et  leurs  retranchements.  Tout  ce  qui  ne  se  dérobe  pas 
par  une  prompte  fuite  à  la  fureur  des  assaillants  est  massacré 
sur  la  place. 

La  terreur  se  répand  dans  la  ville.  Tous  les  habitants,  hom- 
mes, femmes.,  vieillards,  enfants,  menacés  de  toutes  les  horreurs 
inséparables  d'un  assaut,  oourent  de  toutes  parts  pour  chercher 
un  asile  dans  lechAteau.  Ils  encombrent  les  fossés ,  les  cours*, 
les  bâtiments,  et  mettent  ainsi  le  gouverneur  Gonzalès  dans  la 


fiosa&ts  alterttaUvt  4e  les  renvoyer  ioipitoy^âilenirai  oabieB 
de  les  sauver  en  eapltiilaiit;  rhnmaatté  autant  que  tat  siJUiatieii 
éminemment  critfqne  #&  il  se  trouve  forcent  le  généml  amemi 
à  prendre  ce  dernier  j^aMI.  Le  J  4,  dans  la  matinée,  ilftitarlMNrer 
on.  drapeau  blane  aur  le  prineipal  bastion  du  grand  lort  et  ob* 
tient  de  défiler  avec  les  honneurs  de  la  guerre.  La  prise  de  Lé- 
rida  mettait  au  poov^  des  Français  cent  trente-trois  bouehes 
à  feu ,  un  million  cinq  cnnt  mâle  cartouches,  cent  cinquante 
milliers  de  poudre,  dix  drapeaux  et  8,4M)0  prisonniers,  qni  (à- 
rent  conduits  en  France.  IIS  officiers  de  l'armée  de  Catalogne, 
détenus  dans  le  fort ,  et  notamment  le  colonel  Guéry  et  le  chef 
de  bataillon  Wauthiery  faits  prisonniers  au  funeste  combat  de 
Mollet  '  9  recouvrèrent  leur  liberté.  La  garnison  avait  perdu 
f  ,200  hommes  pendant  le  siège  ;  la  perte  des  assiégeants  ne  s'é* 
levait  pas  au  delà  de  400  morts  et  de  800  blessés.  Les  troupes 
françaises  avaient  creusé,  en  moins  de  quinze  Jours,  malgré 
des  orages  affreux  et  sur  un  terrain  extrêmement  difficile»  trois 
mille  deux  cents  taises  de  tranchées.  L'artillerie,  commandée 
par  le  général  Vallée,  avait  vaincu  tous  les  <d)stacles  avec  une 
courageuse  persévérance ,  et  le  colonel  du  génie  Haxo»  chargé 
de  la  direction  des  travaux  du  siège,  avait  montré  autant  de 
zèle  qoe  de  talent.  Enfin  ce  brillant  fiiit  d'armes,  qui  donnait 
un  nouvel  éekit  à  la  réputation  du  3*  corps  de  l'armée  d'Espagne, 
révélait  à  la  Franee  que  le  générai  en  chef,  Socheft,  était  désor- 
mais appelé  à  prendre  un  rang  distingué  parmi  les  capitaines 
les  plus  illustres  de  cette  époque. 

Siège  et  prise  de  MéqUÊnengaf  etc.  *^  On  n'avait  pu  couper  $  jum. 
les  forts  de  Lérida  que  dans  h,  soirée  du  14  mm ,  d,  le  90  du 
même  mois,  cinq  bataillons  de  la  division  liusnier  arriéraient 
déjà  devant  le  fort  de  Mèquineosa ,  pour  le  cerner  entre  l'Èhre 
et  la  Sègre.  Ceci  peut  donner  une  idée  de  Tafstivitè  que  fe  gé- 
néral Suchet  mettait  à  poursuivre  le  cours  de  ses  opérations.  Il 
était  d'ailleurs  essentiel  pour  lui  de  s'emparer  promptement  de. 
la  ville  et  du  fort,  attendu  que  ce  p^t  feucnissaît  ani  Espagnols^ 
les  moyens  d'intercepter  la  nav^ti<m  de  l'Èbre,  et,  par  con- 
séquent, de  rendre  impossible  ou  du  moins  trèsdiffieile  le  siège 


Voyez  plus  bas ,  page  440. 

as. 


4Z^  UTBl  npntHC. 

jMo.  de  Tortose.  Cétait  en  outre  un  appui  néoessalre  aux  banda 
armées  qui  rôdaient  eontinuellement  sur  les  bords  de  ia  Cinca» 
de  Ja  Sègre  et  de  l*Èbre«  Ces  considérations  étaient  assez  pres- 
santes pour  déterminer  le  général  Suchet  à  ne  pas  perdre  de 
temps.  Toutefois,  cette  nouvelle  entreprise  offrait  encore.de 
grandes  difAcultés. 

La  ville  de  Méquinenza  est  située  au  confluent  de  la  Sègre  et 
dé  Vtbre^  et  au  milieu  d*un  terrain  désert,  vaste  et  montueux  ; 
elle  est  adossée  à  un  rocher  de  six  cents  pieds  de  haut  à  peu 
près,  et  tellement  escarpé  qu*il  laisse  à  peine  un  chemin  suffi- 
sant aux  piétons  pour  aller  de  Méquinenza  à  Fraga  et  à  Pé- 
nailm  ;  elle  est  défendue  par  une  vieille  muraille  qui  descend 
des  contre-forts  Jusqu'aux  deux  rivières,  et  qui  n'est  interrom- 
pue que  dans  les  parties  du  rocher  qui  sont  à  pic.  Entourée  de 
toutes  parts  par  les  eaux  de  TÈbre  et  de  la  Sègre,  et  par  le  ro- 
cher dont  nous  venons  de  parler,  la  ville  avait  été  retranchée, 
barricadée  et  armée  de  quelques  batteries  basses  ;  mais  son 
prindpal  appui  était  dans  le  fèrtqvd  la  domine.  Ge  fort  est  cons- 
truit sur  un  rocher  qui  n'est  accessible  que  sur  un  plateau  pro- 
longé vers  l'ouest  dans  une  largeur  d'environ  treize  cents  toises. 
Cest  le  seul  côté  susceptible  d'une  attaque  régulière,  et  ce  côté 
est  protégé  par  un  ouvrage  à  cornes,  revêtu  en  maçonnerie,  avec 
un  fossé  taillé  dans  le  roc  vif  et  un  chemin  couvert  palissade. 

Ces  obstacles  n'étaient  pas  les  seuls  ;  aucune  route  praticable 
pour  les  voitures  n'existait  alors  depuis  Fraga  jusqu'à  Méqui- 
nenza ;  aussi  les  officiers  précédemment  envoyés  contre  cette 
place  ravaient-ils  présentée  comme  inattaquable  ;  mais  le  général 
Suchel,  cenvaineu  qu'une  volonté  forte  est  la  clef  des  choses 
dilHclles,  ordonna  au  colonel  Haxo  d'ouvrir  à  travers  les  rochers 
un  chemin  pour  rartillerie,  et  cette  tâche  pénible  fût  remplie 
avec  une  célérité  incroyable.  Les  officiers  du  génie  furent  obligés 
en  plusieurs  endroits  de  fifiire  usage  de  la  mine.  Un  des  embran- 
chements de  cette  roule  fût  dirigé  sur  le  plateau ,  et  Tautre  fût 
conduit  du  sommet  du  Monténégro  Jusque  sur  les  bords  de  TË- 
bre,  en  creusant  dans  le  flanc  de  la  montagne  un  espace  de 
deux  mille quatrecents  toises.  Dès  lors  on  put  fedlement  amener 
du  canon  contre  la  ville  et  le  fort,  et  ces  travaux  immenses  fu- 
rent achevés  du  SI  mal  au  1^^  Juin. 


G1ISBBS  D*EtFA6KiE.  437 

rinvestissemeot  oompiet  da  fort  et  de  la  ville  fut  tmoiédlft»      imo. 
tement  formé;  )e$  postes  ennemis  farent  rejelés  dans  la  place, 
et  ceux  des  Français  s^établirent,  à  la  faveur  d'un  couvent,  à 
trois  cents  toises  de  Touvrage à  cornes.  Le  3  juin,  Fennemifit 
plusieurs  sorties  qui  furent  repoussées  avec  perte. 

La  trandiée  fut  ouverte  dans  la  nuit  du  2  au  3,  à  cent  toises 
de  Touvrage  à  comes,  par  700  travailleurs.  UennemI,  averti 
par  le  bruit  des  pioches  sur  un  terrain  rocailleux,  fit  un  feu 
très-vif  de  mousqueterie  qui  tua  ou  blessa  une  soixantaine 
d'hommes  ;  au  jour»  quelques  parties  de  la  parallèle  et  des  com- 
munications où  Ton  avait  trouvé  le  roc  vif  ne  furent  pas  en- 
tièrement à  couvert.  Ou  fut  obligé  d'attacher  le  mineur  pour 
creuser  à  l'aide  du  pétard. 

Dans  la  nuit  suivante  »  la  parallèle  fut  approfondie ,  étendue 
et  perfectionnée  ;  l'artillerie  commença  la  constructicm  de  ses 
batteries  et  travailla  avec  peine  sur  un  terrain  extrêmement 
dur. 

Le  général  Suchet  avait  sagement  prévu  que,  dès  Tiostant 
où  la  brèche  du  fort  serait  accessible,  l'ennemi  tenterait  de  s'é- 
chapper par  les  barques.  En  conséquence,  pour  l'isoles  entière- 
ment des  deux  rivières  et  pour  le  resserrer  davantage,  il  avait 
donné  des  ordres  à  l'effet  d'attaquer  la  villeen  même  temps  que 
le  fort.  Dans  la  nuit  du  4  an  5,  le  2*  batidlion  du  J*'  régiment 
de  la  Vistule,  malgré  d'énormes  blocs  de  pierre  lancés  du  châ- 
teau, enleva  une  tour  carrée,  armée  de  deux  pièces  de  12,  en 
escaladant  les  murs  et  les  retranchements.  On  s'empara  de  la 
ville,  de  huit  pièces  de  canon,  de  quatre  cents  fusils,  de  quinze 
barils  de  poudre  et  de  quatre  grandes  barques.  Le  chef  de  ba- 
taillon polonais  Cblusowitz  et  le  capitaine  de  sapeurs  Foucaud 
conduisirent  cette  attaque  avec  autant  de  bonheur  que  de  bra- 
voure. 

La  ville  prise,  le  général  en  chef  pressa  le  siège  du  fort  ;  dans 
la  nuit  du  &  au  6,  de  nouveaux  boyaux  furent  poussés  à  cin- 
quante toises  du  glacis. 

Enfin ,  dans  la  nuit  du  7  au  8,  l'artillerie,  commandée  par 
le  chef  de  bataillon  Raffron^  finit  â*armer  trois  batteries,  et  le 
feu  de  seixe  pièces  commença  à  jouer  au  point  du  jour.  L'en- 
nemi riposta  avec  vigueur  et  parvint  à  démonter  trois  pièces; 


43lf  LIVIS  SSPTtilK; 

uio.  mais  le  feo  des  asslégeiuits  contlatta  vitemeiity  rasa  ibo  peu 
'^'i^s^  d*iDstaDts  tous  les  raerions  en  maçoQûerie  ;  une  grande  partie 
du  parapet  s'écroulai  Les  bombes  firent  d'énormes  dégâts  dans 
un  fort  aussi  étroit.  Les  tirailleurs  secondèrent  très^bten,  der- 
rière des  créneaux  en  sacs  à  terre,  le  feu  de  Tartillerie.  Le  8, 
à  dix  heures  du  maUn,  l'ennemi,  hors  if  état  d'opposer  une  plus 
longue  résistance,  battit  la  chamade  et  arbora  le  drapeau  blanc. 
La  garnison  obtint ,  pour  toute  capitulation ,  l'honneur  de  dé* 
filer  devant  la  division  du  général  Mnsnier,  et  déposa  ses  armes 
sur  le  glacis,  pour  être  conduite  en  France.  On  remarqua  parmi 
les  troupes  de  cette  garnison ,  forte  de  1 ,500  hommes  à  peu 
près»  un  régiment  levé  par  un  Anglais  nommé  Doyle,  prenant 
le  titre  de  commissaire  général  en  Aragon.  Ce  corps,  armé  et 
vêtu  à  l'anglaise  9  était  formé  d^anciens  contrebandiers  ou  de 
miquelets  navarrais,  aragonais  et  catalans,  ayant  quelques 
aventuriers  anglais  pour  officiers. 

Les  Finançais  trouvèrent  dans  le  fort  de  Méqoinenza  quarante^ 
cinq  bouches  à  feu,  quatre  cent  mille  cartouches  de  fabrication 
anglaise^  trente  milliers  de  poudre,  une  grande  quantité  de 
fer  coulé»  et  des  vivres  pour  3^000  hommes  pendant  trois 
mois. 

Nous  rapporterons  dans  un  autre  chapitre  la  suite  des  bril- 
lantes opérations  du  général  Suchet,  que  le  gouvernement  fran* 
cals  chargea  à  cette  époque  du  soin  de  réduire  Tortose,  place 
située  à  Textrémité  méridionale  de  la  Catalogne,  et  l'un  des 
plus  importants  boulevards  de  cette  province. 
jsiiiv..juin.  Op&atitms  en  Catalogne;  combat  de  Mollet;  combat  de 
Vich;  combat  de  Villafranca  ;  prise  âuforté^Hostalrieh,  etc. 
Le  maréchal  Macdonald  remplace  le  maréchal  Augereau  dan» 
le  commandement  du  7*  corps.  --*  Le  brigadier  don  Enrique 
O'Donnell  venait  de  succéder  au  général  Btake  dans  le  com- 
mandement de  Tarmée  espagnole  en  Catalogne.  Sa  sortie  de 
GIronne  à  travers  l'armée  française,  qui  assiégeait  cette  place, 
avait  ajouté  à  la  réputation  d'audace  et  d'activité  que  cet  offi- 
cier général  s'était  déjà  acquise  dans  les  campagnes  précédentes  ; 
et  la  Junte  centrale,  appelant  Biake  auprès  d'elle  en  Andalousie, 
crut  ne  pas  pouvoir  confier  en  des  mains  plus  sûres  que  celies 
d'Q'Donnell  la  direction  des  opérations  militaires  dans  œtle 


GUBBBE  D*BSPA01lfi.  4SI» 

partie  de  la  Péninsule»  où  la  cause  de  rindépetidance  avait      wo, 
éprouvé  moias  de  revers  que  partout  ailleurs.  et|«giie. 

Nous  avons  laissé  le  général  Souhameantoniié  avecsa  divisloa 
aux  environs  d*01ot ,  dans  les  derniers  jours  de  décembre  1 809. 
Il  n'y  séjourna  pas  longtemps,  et,  renforeéd*u0e  brigade  de  la 
division  italienne  du  général  Pino,  il  eut  ordre  de  se  porter  sur 
Vich.  Les  baudes  qui  venaient  d'être  dispersées  sur  tous  les 
points  étalent  déjà  revenues  sur  leurs  pas  aveo  une  incroyable 
célérité,  dans  le  dessein  d'arrêter  la  division  française  dans  les 
défilés  qui  séparent  Olot  de  Yicb.  Le  43"  régiment  de  ligne  les 
débusqua  de  la  crête  des  montagnes  ayec  son  élan  accoutumé. 
Dans  cette  occurrence,  aucun  habitant  de  Vtch  n*avait  quitté  sa 
demeure,  et  les  Français  se  félicitèrent  de  cette  marqife  de  con- 
fiance qu*ils  avaient  méritée  par  leur  discipline.  A  rapproche 
de  la  division  Souham,  la  ville  fut  évacuée  par  les  troupes  es-' 
pagnoles  qui  y  étaient  stationnées  depuis  quelque  temps;  elles 
se  retirèrent  sur  le  col  de  Sespina.  Le  colonel  Delort,  comman- 
dant Tavant-garde  française,  atteignit  au  delà  deTonaila  queue 
de  la  colonne  ennemie,  enleva  les  bagages  et  l'ambulance,  et 
fit  une  cinquantaine  de  prisonniers.  Le  r*^  régiment  et  un  ba** 
taiilon  du  3*  léger,  encouragés  par  ce  succès,  gravirent  au  pas 
de  charge  les  hauteurs  de  Sespina.  En  avançant  ils  trouvèrent 
les  troupes  espagnoles  rangées  en  bataille  sur  les  montagnes;, 
en  avant  de  Moya,  dans  Tordre  le  plus  imposant  et  dans  des 
positions  formidables.  Le  nouveau  général  en  chef  O'Donnell 
était  à  leur  tète  ;  s*apercevant  qu'il  n'avait  affaire  qu'à  quelques 
bataillons,  il  laissa  une  partie  de  ses  forces  en  réserve  et  fondit 
avec  le  reste  sur  les  Français.  GeuX'^i,  déconcertés  d'abord  par 
une  attaque  aussi  brusque,  se  battirent  toutefois  avec  résolutioD  ; 
mais,  accablés  par  le  nombre.  Ils  furent  oontrainta  de  céder  le 
plateau  et  de  descendre  précipitamment  du  col  de  Sespina. 
O'Donnell,  pour  exciter  l'ardeur  de  ses  soldats ,  combattait  à 
leur  tète  comme  un  simple  grenadier,  et  fit  lui-même  prison- 
niers 3  officiers  du  3*  régiment  dMnfanterie  légère,  qu'H  traita 
avec  toutes  sortes  d^égards  et  de  bienveillance^  Le  généval  Sou- 
ham  réunit  le  mr  toute  sa  division  à  Centellas,  et  marcha  le 
lendemain  au  point  du  jour  pour  attaquer  l'ennemi.  Il  avait  fait 
d'excellentes  dispositions  pour  s'assurer  de  la  victoire  ^  mais 


440  LIVHB  MPTlàUB»    . 

taia     O'Donnell  ne  jogea  pas  à  ^ragas  de  reoey4»r  le  combat.  SoQhàm 
le  suivit  jusqu'à  Moya  et  revint  eiunûte  à  Vicbu 

Le  général  espagnol,  aussi  actif  qu'entreprenant»  épiait  toutes 
les  oecasiims  de  prendre  ses  adversaires  en  défaut  ;  un  déta- 
chement de  la  garnison  de  Barcelone  ne  tarda  pas  à  lui  en  four- 
nir une  signalée.  Cedétachement^  aux  ordres  du  colonel  Guéry, 
fort  de  trois  bataillons  et  de  350  cuirassiers  ' ,  avait  eu  Tordre 
de  venir  au-devant  de  l'armée  du  maréchal  Âugereau,  alors  en 
marche  pour  se  rapprocher  de  Barcelone.  Son  départ  de  cette 
place  aurait  dû  être  combiné  de  manière  à  ce  qu'il  opérât  sa 
jonction  avec  Tannée  le  jour  même,  ou  au  plus  tard  le  lende- 
main de  sa  sortie;  il  devait  surtout  se  garder  avec  une  extrême 
vigilance;  mais  il  parait  que  le  colonel  Guéry  ne  prit  aucune 
précaution,  et  Tenneml  ne  profita  que  trop  de  la  dissémination 
des  troupes,  de  la  sécurité  et  de  la  négligence  de  leur  chef.  Les 
Espagnols  cernèrent  pendant  la  nuit  le  bataillon  du  112"  posté 
dans  Santa-Perpétua,  et  fondirent  sur  lui  au  point  do  jour  avec 
une  grande  vigueur.  Ce  bataillon,  conduit  par  le  commandant 
Wauthier,  fit  une  belle  défense;  mais,  écrasé  par  des  forces  bien 
supérieures,  il  fut  pris  ou  détruit  en  totalité.  Le  marquis  de  Gam- 
poverde,  qu'O'Donnell  avait  chargé  de  cette  expédition,  courut 
avec  une  extrême  célérité  sur  Mollet,  distant  de  Santa-Perpétua 
d*une  forte  lieue,  enleva  rapidement,  avec  des  soldats  enthou- 
siasmés par  un  premier  succès,  les  deux  pièces  de  campagne  qui 
défendaient  Tapproche  de  ce  village,  enfonça  et  mit  en  déroute 
rinftmterie  et  les  cuirassiers.  Le  chef  de  bataillon  Mioque  *^ 
officier  d'une  grande  distinction,  en  rallia  les  débris,  les  reforma 
avec  une  présence  d'esprit  admirable,  repassa  la  rivière  de  Bezos 
sous  une  grêle  de  balles,  et  réussit,  malgré  la  poursuite  d'un 
ennemi  acharné,  à  rentrer  dans  Barcelone.  Le  colonel  Guéry, 
qui  avait  eu  son  cheval  tué  sous  lui,  tomba  au  pouvoir  de  Ten- 
àemi,  malheureux  de  survivre  à  un  désastre  qu'on  pouvait  at- 

*  Ufi  appartenaient  a  un  régiment  pro?iKoire  qui  faisait  partie  du  corps 
d'armée  avec  lequel  le  général  Duliesme  était  entré  en  Catalogne  en 
1S08. 

'  Ce  brave  officier,  destiné  à  un  avancement  rapide  et  mériCé,  fat  tué  au 
siège  de  Tarragone  Tannée  suivante;  il  emporta  au  tcAnbeau  Testime  de 
tonte  l*amiée. 


GUSBU  D*B8PAeN1S.  441 

tribner  à  un  défaot  de  vigilance  et  à  de  mauvaises  dispositioDSJ  mn. 
Il  ne  restait  plus  an  marquis  de  Gampoverde,  pour  compléter  '^'p*^'^ 
sa  Yictoire ,  que  d'attaquer  on  dernier  bataillon  posté  à  Gra- 
DoUers;  mais  cette  troupe,  qd,  heureusement,  était  pourvue  de 
vivres»  s*était  retranchée  dans  un  couvent  très-avantagensemeat 
situé  ^hors  de  la  vflle.  Le  commandant  répondit  par  des  coups 
de  fusil  à  la  proposition  qu'on  lui  ilt  de  se  rendre  Les  troupes 
qui  tinrent  ce  bataillon  bloqué  pendant  trois  jours  se  retirèrent 
à  rapproche  de  Tarmée  française. 

I^e  spectacle  qui  attendait  celle-ci  à  son  passage  à  Mollet  jeta 
les  soldats  et  les  officiers  dans  la  plus  profonde  consternation. 
Les  environs  de  ce  village,  les  rues,  les  maisons  étaient  encom- 
brés de  cadavres  ;  tout  attestait  que  des  hommes  désarmés  avaient 
inutilement  imploré  la  générosité  des  vainqueurs.  Le  soldat  es<- 
pagnol  est  sobre,  patient  à  supporter  les  fatigues  et  les  privations, 
susceptible  d'un  grand  élan  lorsqu'il  est  conduit  par  des  chefs 
qui  ont  mérité  sa  confiance  ;  il  possède  presque  toutes  les  qua- 
lités qui  constituent  le  guerrier  ;  mais,  orgueilieux  et  fanfaron  à 
l'excès,  même  dans  les  revers  les  plus  humiliants,  rarement  gé- 
néreux ,  et  dans  la  victoire  presque  toujours  cruel  jusqu'à  la 
férocité.  Le  petit  nombre  de  Français  échappés  à  cette  bou- 
cherie fût  promené  en  grande  pompe  dans  une  partie  de  la  Ca- 
talogne, précédé  des  deux  canons  pris  à  Mollet.  Ces  canons 
étaient  couverts  d'inscriptions  et  décorés  de  guirlandes  de  lau- 
riers et  de  fleurs.  Une  populace  en  délire,  accueillant  les  vain- 
queurs par  toutes  les  démonstrations  possibles  d'allégresse  et 
de  reconnaissance,  accablait  d'outrages  les  malheureux  prison- 
niers. Cette  espèce  de  fête  triomphale  avait  pour  but  d'exalter 
de  nouveau  les  esprits  et  d'effacer  entièrement  l'impression 
produite  par  la  prise  de  Gîronne. 

Cependant  le  maréchal  Augereau ,  précédé  par  de  glorieux 
souvenirs,  revêtu  de  toutes  ses  décorations,  parmi  lesquelles 
on  distinguait  le  grand-cordon  de  l'ordre  royal  espagnol  de 
Charles  III ,  entra  en  grand  appareil  militaire  dans  Barcelone 
avec  le  titre  de  gouverneur  de  la  Catalogne,  et  vint  prendre  son 
quartier  dans  ce  magnifique  palais  de  gouvernement,  où,  trente 
ans  auparavant,  il  avait  monté  la  garde  comme  simple  garde 
wallone;  offrant  ainsi  dans  sa  personne  un  nouvel  exemple 


44t  V^BE  SVPTiàltB* 

i8fo.  des  Jeax  bisarres  et  des  extrêmes  vicissitudjes  de  la  forliiQe  '. 
£*i>«8m>  On  dénonça  an  maréchal  des  abos  criants  et  des  Texations  o^Uen- 
ses  ;  il  e&  fttt  révolté ,  et  H  renvoya  en  France  le  général  Du* 
hesme,  à  qui  il  reprocha  de  ne  les  avoir  pas  réprimés.  Cet  acte 
de  sévérité»  en  faisant  concevoir  une  opinion  fiavorable  da  carac- 
tère da  chef  de  Tarmée  de  Catalogne,  apaisa  tout  d'on  coup  bien 
des  haines  et  des  ressentiments.  Dans  un  homme  revêtu  de  hau- 
tes dignités  et  dépositaire  d'un  grand  pouvoir^  l'équité  est  le 
moyen,  peut-être  unique,  de  se  concilier  les  esprits  et  de  foire 
respecter  l'autorité. 

L'armée  française  ne  pouvait  pas  rester  longtemps  stationnée 
autour  de  Barcelone,  dont  elle  consommait  les  ressources  d'au- 
tant plus  précieuses  que,  le  pays  étant  entièrement  ravagé,  il 
fallait  désormais  les  tirer  à  grands  Irais  des  magasins  de  France, 
et  que  la  réunion  de  toutes  les  forces  était  nécessaire  pour  escor- 
ter les  convois.  Le  maréchal  retourna  donc  bientôt  à  Gironne|» 
laissant  la  division  italienne  sur  les  hauteurs  de  Masanet  pour 
bloquer  le  fort  d'Hostalrich,  qui  ne  pouvait  être  pris  que  par 
famine  ;  la  division  Souham  fut  renvoyée  à  Vich.  Cette  division» 
munie  seulement  de  trois  pièces  de  campagne,  exécuta  son  mou- 
vement par  les  défllés  de  la  Garriga  presque  sans  être  inquiétée. 
Le  colonel  Delort  avait  fait  occuper  pendant  la  nuit  les  crêtes 
des  montagnes  par  des  bataillons  de  son  avant-garde,  qui,  bien 
disposés  et  se  prêtant  un  appui  mutuel ,  ne  permirent  pas  aux 
mlquelets  d'approcher  du  défilé. 

La  position  du  général  Souham  à  Vich  ne  tarda  pas  à  lui  causer 
de  vives  inquiétudes.  Nous  avons  déjà  dit  que  cette  ville  est  si- 
tuéedansun  vallon  peu  étendu  et  entouré  de  toutes  parts  par  de& 
montagnes  presque  inaccessibles.  Le  défilé  de  la  Garriga  est  le 
seul  qui  soit  praticable  pour  les  voitures,  et  encore  présente-t-il 
à  l'artillerie  de  grandes  difQcultés  ;  ailleurs,  tous  les  transports 
ne  peuvent  avoir  lieu  que  par  mulets.  Déjà  les  mlquelets,  qui 
occupaient  toutes  les  montagnes  environnantes,  tenaient,  pour 

'  L'installation  d'Angereaii  dans  le  palais  dn  gouverneoient  à  Baroelone- 
B*était  pas,  au  reste,  une  chose  plus  extraordinaire  que  Toccupalion  dife 
trône  des  Espagnes  par  Joseph  Bonaparte.  Le  maréchal  avait  conquis  ses 
titres  sur  le  champ  de  bataille;  le  roi  Joseph  ne  devait  les  siens  qm'à  Tan- 
bitieow  générosité  de  son  îHustre  frère. 


GOKHBl  d'SSPAQBII.  4IS 

ainsi  dire ,  les  Français  en  état  de  blocas  dans  leon  cantoMae  «mt. 
ments.  Le  général  0^i>onne11,  introdaisant  dans  ses  troapes  la 
méthode  de  Napoléon ,  prenait  une  marche  tout  opposée  à  celle 
de  ses  prédécesseurs  ;  récompensait  iui-m6me  sur  le  champ  do 
bataille  les  actions  d*éclat,  soit  par  des  grades  «  soit  par  des 
louanges,  qui,  données  à  propos,  électrisent  toii^rs  le  soldat  ; 
ne  comptait  pour  rien  dansTavaneement  ni  la  naissance,  ni  le» 
titres,  ni  les  recommandations,  mais  sealemeat  les  talents,la  va- 
leur et  les  services  personnels,  et  jouissait  dès  lors  au  plus  haut 
degré  de  la  confiance  des  Espagnols  par  ses  deux  expéditions  de 
GIronne  et  de  Mollet.  0*Donnell  avait  réuni  à  Moya  toutes  les 
forces  dont  II  pouvait  disposer. 

Le  général  Souham  Informait  Journellement  le  maréchal 
Augereau  de  sa  position  critique ,  et  lui  demandait  avec  ins* 
tance  des  renforts  ;  mais  on  faisait  peu  de  cas  de  ses  avis  pres- 
sants. 

Dès  les  premiers  jours  de  février,  l'ennemi  avait  été  repoussé 
deux  fois  du  village  de  Malla,  occupé  par  un  bataillon  du  93*. 
Celui-ci,  par  sa  bonne  contenance ,  avait  donné  le  temps  de  le 
secourir.  Dans  cette  occasion ,  un  détachement  du  24*  de  dra- 
gons chargea  avec  vigueur  deux  escadrons  ennemis ,  qui  furent 
mis  en  déroute  avec  perte  d'une  trentaine  d'hommes  et  de  che* 
vaux  ;  le  capitaine  de  dragons  Valeutin  fut  tué.  Vers  le  même 
temps,  le  colonel  Delort,  avec  un  bataillon  du  3*  léger,  battit 
un  corps  nombreux  de  miquelets  qui  était  venu  attaquer  le  viU 
lage  de  Garp.  Ces  actions  furent  le  préludeil'un  combat  remar- 
quable, où  la  division  Souham,  à  peine  forte  de  trois  mille  dnq 
cents  baïonnettes,  eut  la  gloire  de  vaincre  une  armée  de  1 5,000 
hommes. 

Le  20  février,  à  sept  heures  du  matin.  Tannée  que  le  gàaéral 
O'Donuell  avait  réunie  à  Moya  déboucha  dans  la  plaine  de  Ylch 
sur  trois  colonnes.  La  première ,  composée  en  partie  de  cava- 
lerie, avait  marché  par  Tona,  et  elle  se  déploya  en  avant  de  ee 
village  ;  la  deuxième,  descendue  par  le  coi  de  Sespina,  se  forma 
en  ordre  de  bataille  à  la  gauche  de  la  première  ;  la  troisième» 
qui  avait  pénétré  par  Salforas,  occupa  les  montagnes  qui  domi* 
nent  la  plaine  de  Yich  à  Touest. 

Lorsque  te  général  Souham  fut  à  peu  près  certain  des  mou* 


441  Li¥BB  sBPnàai. 

isio.  vements  de  FeDiieiiiî ,  H  rém^  dans  la  piaille^  ImmédialenMBt 
an-dessoQB  de  Vich ,  toutes  aeft  troupes  disponibles  :  le  43*  ré* 
giment  au  centre  ;  le  l^  régiiaent  d'iniknterle  légère  à  dr^te, 
le  03**  af^yant  le  1^  léger;  le  24^  de  dragons,  le  8*  régiment 
provisoire  de  chassears  et  le  régiment  italien  des  dragons  Na- 
poléon ,  soutenant  les  trois  pièces  d'artillerie  et  le»  ailes  de  la 
division. 

L^attaque  de  rennemi  commença  sur  le  village  de  Oarp  avee 
nne  telle  vivadté  qu*il  semblait  que  ce  devait  être  le  point  prfn- 
dpal  où  il  avait  intention  de  faire  effbrt  ;  mais  le  général  Sou- 
ham  ne  prit  pas  le  change.  Le  bataillon  da  S*  léger  qui  gardait 
Garp  se  replia  en  bon  ordre  sur  Vich  sans  être  entamé  et  sans 
perdre  un  seul  homme. 

Une  fasillade  très- vive  s'engagea  incontinent  sur  tout  le  front 
de  la  ligne.  L'ennemi ,  qui  opposait  aux  Français  l'élite  de  ses 
troupes ,  et  notamment  les  deux  régiments  suisses  dont  noua 
avons  déjà  eu  l'occasion  de  parïer^  attaqua  avec  beaucoup  d'au- 
dace, en  même  temps  qu'il  faisait  iUer  sur  sa  droite  toute  sa 
cavalerie  pour  déborder  le  flanc  gauche  de  ses  adversaires»  Le 
général  Souham  fit  alors  charger  le  34*  régiment  de  dragons, 
appuyé  sur  son  flanc  gauche  par  la  compagnie  d'élite  du  régi- 
ment italien  ,  dragons  Napoléon.  Cette  charge,  conduite  par  le 
brave  colonel  Delort,  culbuta  la  cavalerie  espagnole  et  la  mit 
dans  le  plus  grand  désordre.  Un  grand  nombre  de  cavaliers  en- 
nemis furent  tués;  le  reste,  en  se  repliant,  souffrit  beaucoup 
par  le  feu  delà  mousqueterie  et  par  la  mitraille  que  l'artillerie 
dirigeait  sur  elle. 

Le  général  Q'Donnell  disposa  alors  de  toutes  les  forces  qu'il 
avait  en  réserve,  et  chercha  à  pénétrer  par  le  centre  de  la  ligne 
française,  qu'il  réattaqua  avec  furie.  Le  43*  régiment,  commandé 
par  le  colonel  Bspert-Latour,  q^i  eut  ses  habits  criblés  de  balles, 
et  les  bataillons  du  98*  régiment  soutinrent  pendant  trois  heu- 
res le  feu  le  plus  vif  et  le  plus  meurtrier,  sans  que  l'ennemi  pûl 
leur  faire  perîdre  un  pouce  de  terrain. 

Las  de  fiiire  des  efforts  inutiles  pour  enfoncer  le  centre^ 
O'Donnell  voulut  par  une  manœuvre  hardie  déborder  à  la  foi& 
les  Français  par  leur  flanc  droit  et  leur  flanc  gauche  ;  mais,  cette 
seconde  tentatiive  ne  lui  réussit  pas  mieux.  Le  l*<^  régiment  d'in- 


GirilVB  D*19VAGffB.  444 

fantarie  légère,  commandé  par  le  eolonel  Boargeols,  arrêta  Ten-      «mo. 
nemi  sur  la  droite  par  tous  les  points  où  il  voolat  pénétrer.    ■"P^^ne. 
Dans  cette  droonstanee  le  général  Sonham  reçut  un  coup  de 
feu  à  la  tempe  gauche,  et  se  fit  momentanément  remplacer  par 
le  général  de  brigade  Augereau»  frère  du  marédial. 

Pendant  que  les  troupes  placées  au  centre  et  à  la  droite  de 
la  ligne  française  arrêtaient  Tennemi  étonné  d'une  résistance 
qui  déconcertait  tous  ses  calculs  et  qui  rendait  inutile  le  dé- 
ploiement de  toutes  ses  forces,  le  général  O'Donnell  faisait  filer 
de  nouveau  par  sa  droite  une  colonne  d'infanterie  soutenue  de 
toute  sa  cavalerie,  qu'il  avait  ralliée;  mais  une  seconde  charge 
exécutée  à  propos  par  le  24®  de  dragons,  le  3^  provisoire  de 
chasseurs  et  un  escadron  des  dragons  Napoléon,  coupa  entière- 
ment cette  colonne,  composée  de  deux  bataillons  suisses.  1 ,000 
hommes  mirent  bas  les  armes,  et  deux  drapeaux  furent  enlevés. 
Cette  charge  vigoureuse  fut  poursuivie  jusqu'à  Tona,  et  plus  de 
300  chevaux  espagnols  furent  pris.  Les  dragons  et  les  chasseurs 
français  abimèreot  la  cavalerie.  Un  colonel ,  beaucoup  d'offi- 
ciers et  un  grand  nombre  de  soldats  restèrent  sur  le  champ  de 
bataille,  tués  à  coup  de  sabre  \  Tous  les  équipages,  composés 
de  plus  de  cent  mulets,  furent  enlevés. 

La  déroute  des  Espagnols  ne  pouvait  être  plus  complète  ;  la 
terre  était  jonchée  de  morts,  de  blessés ,  d'armes  et  de  débris; 
2,400  prisonniers  restaient  entre  les  mains  des  vainqueurs.  Le 
reste  de  l'armée  d'O'Donnell  chercha  son  salut  dans  les  mon- 
tagnes. 

Dans  le  même  temps  que  le  général  Souham  se  tirait  avec 
autant  de  gloire  que  de  bonheur  d'une  position  difficile ,  la  di- 
vision italienne,  formant  le  blocus  d'Hostalrich,  dispersait  les 
bandes  de  miquelets  aocoiurues  de  divers  points  au  secours  de 
cette  forteresse;  le  général  Guillot  et  le  colonel  Guêtre  repous- 
saient une  colonne  ennemie  qui  s'était  portée  su&Besalu ,  et  le 
général  Verdier  chassait  avec  l  ,600  hommes  les  insurgé»  léunis 
sur  les  bords  de  la  mer,  ainsi  que  la  Junte  provinciale  qui  s'é* 

'  Ce  qui  irriU  an  dernier  point  les  dragons  et  les  chasseurs  français ,  c^est 
que  bon  nombre  de  cavaliers  espagnols  étaient  couverts  de  cuirasses  prises 
an  3*  régiment  provisoire  de  cuirassiers,  si  impitoyablement  massacré  à 
Mollet 


Eipagne 


446  LI¥JIS  SXPXlàllS. 

mo.  tait  noavelleinfliit  inatallée  à  Areiiift4e-ltfar^  pour  actWer  Tia- 
«urrection  géaérale  des  pays  environnants. 

Cas  attaquas»  faites  simultanément  sur  tous  les  points  alors 
eoeupés  par  les  troupes  françaises  en  Catalogne,  peuvent  don- 
per  une  idée  et  de  la  persévérante  opiniâtreté  des  habitants 
et  du  caractère  ainsi  que  de  la  vigueur  du  nouveau  chef  de 
l'armée  espagnole.  £Ues  doivent  faire  concevoir  aussi  une  haute 
opinion  de  la  bravoure  et  de  la  constance  des  soldats  et  officiers 
que  tant  d'obstacles  et  de  dangers  n'ont  jamais  pu  rebuter,  et 
qui  partout  faisaient  échouer  les  entreprises  de  Tennemi. 

Le  maréchal  duc  de  Castiglione,  après  les  succès  dont  nous 
venons  de  rendre  compte,  tranquille  sur  la  haute  Catalogne^ 
crut  l'instant  favorable  pour  se  porter  av^  la  majeure  partie 
de  ses  forces  au  delà  de  Barcelone.  Des  ordres  supérieurs  lai 
prescrivaient  d'ailleurs  ce  mouvement,  dans  le  but  d*appuyer 
le  corps  du  général  Suchet,  qui  se  préparait  à  cette  époque  à 
faire  le  siège  de  Lérida.  Le  maréchal  se  mit  en  marche  avec  son 
armée  dans  le  commencement  du  mois  de  mars»  laissant  à  peu 
près  8,000  hommes  devant  Hostalrich ,  pour  en  continuer  le 
blocus.  La  division  Souham,  commandée  par  le  général  Au- 
gereau  depuis  que  la  blessure  du  premier  l'avait  forcé  de  rentrer 
en  France,  fut  dirigée  par  le  col  de  Sespina  et  par  Maorésa  ;  la 
division  italienne,  alors  commandée  par  le  général  Severoli, 
marcha  par  San-Céioni  et  GranoUers.  Ces  deux  divisions,  par 
suite  de  leurs  mouvements  bien  combinés,  arrivèrent  le  même 
Jour  sur  le  Llobregat ,  à  Poente  del  Rey. 

Les  Italiens  ne  rencontrèrent  aucun  obstacle  ;  mais  la  division 
française  trouva  les  Espagnols,  au  nombre  de  2,000  hommes  à 
peu  près,  au  col  de  Sespina  ;  l'avant-garde ,  aux  ordres  du  co- 
lonel Belort,  les  en  débusqua  au  milieu  de  la  nuit. 

Toute  la  population  de  Manrésa,  ville  de  6,000  Ames,  indus- 
trieuse et  coinmerçante,  se  sauva  précipitamment  à  rapproche 
des  Français  ;  le  camp  établi  sur  le  col  d'Ordal  se  retira  égale- 
ment sur  Tarragone  sans  tirer  un  coup  de  fusil. 

Les  deux  divisons  réunies  arrivèrent  à  Vilhtfranca  ;  l'arrière- 
garde  ennemie ,  forte  de  600  hommes ,  cavaliers  et  Amtassins, 
fut  atteinte  au  delà  de  cette  ville,  chargée  et  mise  en  déroute 
par  une  seule  compagnie  du  24^  de  dragons,  commandée  par 


GtJBBM  D-MPA6HB.  447 

le  eapitane  Croejean.  Gelte  eharge  fut  poarsmifie  à  fimd  Jus-       ufo. 
qu'à  Xorre-d'EiBarrft,  et  mit  au  pooveir  des  Fnskfiçais  une  een- 
laine  de  prisonniefs  et  80  ebevaox.  Le  maréchal  Aii($ereao  flt 
oecuper  Villafraofia  par  lia  badatlloa  et  on  détadiemont  de  ea< 
Valérie. 

Cette  garnison  était  destinée  à  assurer  la  communication  avec 
les  denx  divisions  qui  allaient  cantonner  à  Reus,  derrière  Tarnn 
gone,  et  avec  le  morécbai,  qui  Jugea  convenable  de  rester  de 
sa  personne  dans  Bsaroelone  comme  point  central  de  ses  opéra- 
tions. Ce  détachement  était  évidemment  exposé  à  une  perte  in- 
faillible. On  fit,  à  cet  égard ,  des  représentations  au  maréchal  ; 
non-seulement  il  persista  dans  i  exécution  de  ses  ordres,  mais 
Il  fit  encore  Irës^mprademment  isommer  la  junte  de  Tarragone 
de  lui  livrer  la  place,  par  une  lettre  datée  de  ce  même  poste  de 
Villafrauca,  où  il  était  censé  avoir  établi  son  quartier  général. 

Cette  £Biute  ne  resta  pas  longtemps  impunie;  à  peine  les  di- 
visions française  et  italienne  ét(dent-elles  établies  à  Reus  qu'une 
forte  colonne  de  troupes  d*élite,  partie  de  Tarragone  avec  quel- 
ques pièces  de  cmon,  vint  attaquer  la  garnison  de  Villafranca, 
qui  s'était  retrandiée  dans  une  caserne  isolée,  et  la  força  de  se 
rendre  à  discrétion.  Ce  bataillon  enlevé,  les  Espagnols  se  por- 
tèrent rapidment  sur  la  brigade  du  général  Schwartz,  tout 
aussi  inconsidérément  laissée  à  Manrésa,  la  battirent,  la  mirent 
en  pleine  déroute,  et  la  poursuivirent  la  baïonnette  aux  reins 
jusque  sous  les  redoutes  de  Puente  del  Rey.  Un  parlementaire 
était  alors  immédiatement  envoyé  de  Reus  à  Tarragone  pour 
rechange  de  quelques  prisonniers.  Fort  heureusement  le  géné- 
ral SeveroU  et  le  général  Augereau  avaient  différé  l'envoi  de  la 
sommation  du  marédial  ;  les  prisonniers  faits  à  Yillafranca  et  à 
Manrésa  entrèrent  en  même  temps  que  le  parlementaire  dans 
Tarragone,  aux  acclamations  d'une  populace  en  délire.  Des  cris 
de  mort  se  firent  entendre,  et  le  détachement  qui  escortait  l'of- 
ficier français  parlementaire  chez  legouvemenr  de  la  place  eut 
beaucoup  de  peine  à  le  tirer  des  mains  des  fiirieux,  qui  Tau- 
raient  inévitablement  massacré  sll  eût  été  poneur  d'un  mes- 
sage attestant  la  plus  offensimte  comme  la  plus  méprisable 
jonglerie. 

Les  deux  échecs  que  venait  d'éprouver  le  corps  d'armée  met- 


448  LITBB  tmttet. 

isio^  taiintleiiufédiddaiislasitiiatiimlairfiiMi^ 
critkjpie;  fl  ne  pouYidt  1^  traaniiettro  #èt^ 
ttattomiéeB  àBeos,  et  cependant  ees  ditWeneeongtitiialeatla 
majeure  partie  de  ses  forces.  Les  partis  qaf  sortaient  à  Toloaté 
de  Tarragone,  par  où  passe  la  grande  rente  de  Barcelone  à  Va* 
lenee ,  interceptaient  fadlement  les  coninMinieations  sor  tous 
les  points. 

D*un  antre  c6té,  les  généraux  SeveroM  et  Angerean,  qui 
avaient  leurs  instmctloiis  séparées ,  et  qui  n'étaient  point  su- 
bordonnés l'un  à  l'autre,  quoique  le  second  ne  lût  que  géoéral 
de  brigade,  n'osaient,  ne  voulaient  rien  prendre  sur  eux,  et 
attendaient  sans  cesse  des  ordres  pour  efléetuer  mi  départ  que 
le  manque  de  vivres  rendait  urgent  ;  ils  étalent  obligés  de  tenir 
en  masse  toutes  leurs  forces ,  à  peine  suffisantes  contre  une  ar- 
mée qui  occupait  un  camp  retranché  sous  les  murs  d'une  place 
redoutable,  dont  la  garnison  manifestait  un  vif  enthousiasme, 
et  demandait  à  marcher  contre  les  postes  firançais.  L'arrivée 
d'un  courrier,  hasardé  par  mer  et  échappé  par  miracle  aux 
nombreuses  croisières  de  la  côte,  vint  enta,  en  aj^portant  des 
ordres,  tirer  les  deux  généraux  italien  et  fmnçais  de  leur  posi- 
tion difficile. 

Dès  le  soir  même,  vers  huit  heures,  les  deux  divisions  se  mi* 
rent  en  marche  pour  échapper  à  la  vigilance  de  rennemi;mais 
les  ordres  de  ce  mouvement  rétrograde  avalent  été  mal  donnés 
et  furent  encore  plus  mal  exécutés.  La  colonne/  retardée  par 
les  bagages  et  les  voitures  qui  encombraient  le  chemin  et  par 
la  confusion  qui  régnait  dans  la  mardie,  dâiK>uehait  à  peine  de 
Beus  au  point  du  Jour.  Ce  désordre  fut  aperçu  du  camp  de  Tar- 
ragone,  et  l'ennemi  se  mit  en  devoir  d'en  pn^ter.  Toutefois, 
le  colonel  Delort,  commandant  rarrière-garde,  composée  du 
34®  de  drivons  et  des  compagnies  d'élite  du  l^  léger  et  du  7* 
de  ligne ,  laissa  filer  les  équipages  et  les  troupes ,  marcha  par 
échelons  derrière  cette  grande  colonne  et  observa  nn  tel  ordre 
dans  sa  retraite  qu'il  réussit  non-senlemeot  À  couvrir  les  deux 
divisions,  mais  encore  à  sauver  tous  les  tralneurs  et  les  marau- 
deurs, qui  étaient  en  grand  nombre. 

Cependant  l'impétueux  O'Donnell  brûlait  d'impatience  deti* 
rer  parti  d'une  telle  occasion.  Il  se  mit  lui-même  à  la  poursuite 


des  Fraa^,  et  délacha  te  eokmel  Ony,  l'im  de  ses  meilteun  ^  uio. 
officie»,  pour  ve^v  iasalter  les  deux  divisions  dans  le  camp 
qn^elies  comoMaDiçeient  à  établir  à  Yillafranca  pour  y  passer  la 
nuit  Les  chasseurs  eapngnois  tombaient  déjà  de  tous  côtés  sur 
les  fourrageurs  et  teshommes  isolés^  et  répondaient  l'épouvante 
dans  les  bivouacs,  lorsque  le  colonel  Delort,  réunissant  les  vol- 
tigeurs et  les  carabiniers  du  1*'  régiment  léger>  avec  100  che- 
vaux du  24*  de  dragons  »  tomba  à  son  tour  sur  les  assaillants , 
sans  leur  donner  le  temps  de  se  reconnaître.  Cette  charge  fut 
couronnéed*un  promptsuocès.  Le  colonel  Orry,  percé  d*un  coup 
de  pointe,  et  le  capitaine  commandant  son  infanterie  furent 
pris  avec  10  officiers ,  lOO  chevaux  et  160  hommes,  fantassins 
et  cavaliers,  restèrent  également  au  pouvoir  des  vainqueurs. 
Les  fuyards  furent  poursuivis  pendant  deux  heures,  Jusque  sous 
les  murs  de  la  petite  ville  d'Arbos,  où  le  général  0*Donnell  avait 
pris  position ,  et  d*où  il  fut  témoin  de  Tentière  déroute  de  son 
avant-garde,  qu'il  n'osa  pas  secourir.  Ce  brillant  succès  eut  pour 
résultat  de  venger  les  deux  échecs  que  nous  avons  rapportés 
plus  haut,  et  de  pouvoir  continuer  la  retraite  sur  Barcelone  sans 
être  harcelé  par  un  ennemi  audacieux ,  et  qui  avait  besoin  de 
cette  leçon  pour  être  arrêté  dans  ses  entreprises. 

Immédiatement  après  l'arrivée  des  deux  divisions,  le  ma- 
réchal duc  de  GastigUone  rentra  dans  Gironne ,  et  disposa  ses 
troupes  de  manière  à  assurer  les  communications  avec  la  France 
et  à  empêcher  le  général  ennemi  de  rien  entreprendre  pour  la 
levée  du  blocus  d'Hostalrich,  dont  il  était  si  important  pour  les 
Français  d'être  en  possession,  attendu  qu'il  n'était  plus  possi- 
ble d'approvisionner  la  capitale  de  la  Catalogne  autrement  que 
par  des  vivres  et  des  munitions  tirés  des  magasins  de  France. 

Le  fort  d'Hostalrich,  garni  de  quarante- deux  pièces  de  bronze 
de  gros  calibre,  était  dans  le  meilleur  état  de  défense  ;  entouré 
de  tous  les  côtés  par  des  montagnes  trës-élevées  et.  du  plus  dif- 
flcile  accès,  il  est  situé*sur  un  rocher  à  pic  qui  les  domine  toutes  ; 
il  ne  pouvait  donc  être  réduit  que  par  famine.  La  nature  du 
terrain,  qui  exige  un  grand  développement,  rend  le  blocus 
même  presque  impossible.  Un  grand  nombre  de  miquelets,  sou-^ 
tenus  par  quelques  troupes  régulières ,  tentèrent»  dans  la  nuit 
du  a  au  3  mat ,  d'introduire  dans  la  place  deux  convois  qu'ils  avaient 


460  tVtÈM  SEPTISHE. 

f sto.     mssembMs  dam  les  plein»  de  Yfeh  et  de  Matam.  Cette  entre- 
'^•P'^*'  prise  échotia  par  les  bonnes  dispositions  dn  général  SeveroU, 
^ni  commfflidaît  le  Mocns,  et  par  la  bravonre  des  Italiens  ;  elle 
coûta  aax  insurgés  &  à  eon  blessés  on  tnés  '. 

La  garnison  d'Hostalrich ,  ayant  consommé  tons  ses  fiTres 
et  n'espérant  pfns  être  seconrae ,  voahtt  profiter,  dans  la  nirit 
da  12  mar,  d'an  broofllard  très-épais  ponr  tenter  de  s'é- 
chapper; nne  sentinelle  italienne  ftit  égorgée,  mais  mie  autre, 
phis  vigilante,  ayant  donné^  réveil,  les  brigades  employées  au 
bloctts  eonrorenl  anx  armes,  et  poursuivirent  avec  mie  telte  cé- 
lérité l'ennemi ,  qui  avait  déjà  dépassé  les  avant-postes ,  que  la 
moitié  seulement  de  la  garnison  réussit  à  s'évader.  On' prit  le 
gouverneur,  son  état-major,  lo  officiers,  300  hommes  et  un 
drapeau. 

Au  moment  où  Hostalrich  ouvrait  ses  portes ,  le  marédial 
duc  de  Castigifone  donnait  des  ordres  pour  l'attaque  des  peUtes 
Iles  et  du  fbrt  de  las  Médas ,  Situés  au  sud  de  l'une  des  pointes  du 
golfe  deRosas  et  près  des  embouchures  du  Ter.  La  possession 
de  ces  lies  était  nécessaire  pour  assurer  le  cabotage  le  long  de  la 
c6te  et  pour  Mer  aux  Anglais  un  mouillage  important.  Le  gé- 
néral napolitain  prince  Pignatd9i  fit  toutes  les  dispositions 
nécessaires  pour  s*en  emparer.  Le  général  d'artillerie  Nourrit» 
le  chef  de  bataillon  du  génie  Toumadre  avaient  déjà  commencé 
les  attaqua ,  lorsque  deux  officiers  du  i^  régiment  d^infan- 
terie  légère  napolitain,  Giugliotti  et  deLuva,  par  un  de  ces 
coups  de  main  audacieux  qui  réussissent  quelquefois ,  passèrent, 
avecsept  chasseurs,  dans  Uile  où  est  bâti  te  fort,  et  contraignirent 
le  commandant  à  se  rendre.  D'après  toutes  les  mesures  prises,  il 
était  sans  doute  dans  Timpossibilité  d'opposer  une  longue  ré- 
sistance ;  mais  on  n'en  doit  pas  moins  d'éloges  aux  deux  officiers 

■  Les  deux  «Sonvois ,  que  les  Espagnols  eurent  .soin  de  ne  pas  aventurer 
avant  d'être  tout  à  fait  maîtres  des  positions  par  où  ils  deraient  fîler,  ne 
tombèrent  pas  entre  les  mains  des  n<aaçak.  Nova  fapp«rl«n8.  cette  dr<9Mis« 
tuée  parce  (pi^éto  M  oenoaltre  qm  les  mîfaelets,  eondwit»  par  des  «^ 
licien  exférimeiiiés,  mettaient  dans  leurs  opéralÎQiis  plus  de  méUiode,.  de 
prudence  et  d'art  qu'on  ne  le  supposait  ordinairement,  et  en  cela  ils  rem- 
portaient souvent  sur  leurs  adversaires,  trop  négligents  eu  trop  peu  circon- 
spects. 


GURgftK  D'£SVikGNE.  46 1 

doQl  le  dévosemeptépai^na  la.  perte  de  <pieliiae»  brave».      m^ 

La  prise  d'Hostalcich  et  roccapatiôa  des  tle&  de  b»  Médag.  ^"^^^ 
foreat  les  deraières  opérations  qui  eurent  lieu  en  Catalogue  soas 
lecommandemeot  du  maréchal  Augereau;  son  suooesseur  était 
déjà  Bosimé.  Le  gouvernement  français  lui  faisait  on  crime,  et 
des  revers  partiels  quMl  avait  essii^és,  et  d*avoir  compromis, 
en  effectuant  sa  retraite  de  Beus ,  les  opérations  du  siège  de 
Lérida.  Ikst  facile  de  le  disculper  du  dernier  reproche.  D'abord^ 
les  deux  divisions  campées  à  Reos  ne  pouvaient  plus,  faute  de 
vivres,  y  &ireun  plus  long  ^jour.  En  second  lieu ,  pour  ne  pas 
laisser  au  générai  O'DonneU  l'entrée  desdéfilésdeNUm&lanchaet 
par  suite  la  faculté  de  se  porter^  avee  de  rartUlerie,  au  secours 
de  Lérida,  le  m^échal  compromettait  évidemmeiU  le  blocus 
d'Hostalrich,  que  les  Espagnols  épiaient  Toccasionde  faire  lever, 
comme  Tan  des  moyens  les  plus  essentiels  d'entraver  les  opé- 
rations de  l'armée,  d'affamer  Barcelone,  et  de  retarder  indéfini* 
ment  l'entière  conquête  de  la  Catalogne.  Enfin  »  soit  que  le  ma-* 
réchal  restât  campé  à  Reos^  soit  qu  Ul  mit  (ce  qai  était  pire) 
^tre  lui  et  lea Espagnols  les  défilés  de  MontUanoh  »  il  livrait, 
en  quelque  sortCi  à  la  merci  de  l'ennemi  toute  la  haute  Cata- 
logne^ où  les  insurgés,  n'étant  plus  contenus,  pouvaient  à 
leur  gré  se  répandre  de  toutes  parts  et  faire  encore  dea  in- 
cursions jusque  sur  les  frontières  de  France,  Or,  de  si  graves 
inconvénients  ne  peuvent  être  mis  en  balance  avec  l'avantage 
d'avoir  opéré  une  diversion  en  faveur  de  l'armée  qui  assiégeait 
Lérida  »  diversion  devenue  impossible  à  cause  du  manque  ab- 
solu de  vivres,  il  faut  le  répéter,  parce  que  c'est  la  plus  pé- 
remptoire  des  misons  qui  justifient  le  ducIdeCastiglione.L'exr 
périence  a  prouvé,  d'ailleurs,  que  cette  diversion  n'était  rien 
moins  que  néoeasalre  au  S"*  corps.  Placées  dans  des  plainn 
fertiles ,  où  elles  trouvaient  abondamment  des  vivres,  et  où  nul 
accident  de  terrain  ne  gênait  leurs  manœuvres,  les  troupes  du 
général  Suchet,  aussi  dévouées  qu'habilement  dirigées,  ne  tar- 
dèrent pas  à  arrêter  de  la  manière  la  plus  brillante ,  ainsi 
qu'on  l'a  va  plus  haut,  le  général  Q'Dianndi,  qui^  avec  le» dé* 
bris  de  Fermée  vaincue  à  Yich  par  k  division  Souha»,  avait 
osé  concevoir  l'espérance  de  fhire  lever  le  siège  de  Lérida. 
Ce  qu'on  peut  raisonnablement  reprocher  au  maréchal  ducda 

». 


452  LIVBB   SEPTikMB. 

4ffio.  Gastigifone,  c*est  d'avoir,  au  mépris  des  plos  iDStaotes  et  des 
Espagne.  ^^^  plaasîbics  représentations,  persisté  à  laisser  à  Yillafranca  et 
à  Manrésa  des  détachements  qui  devaient  bientôt  être  victimes 
de  cette  inconcevable  imprudence  ;  c'est  d'être  demeuré  presque 
toujours  séparé,  et  à  de  trop  grandes  distances,  des  divisions 
qui  formaient  !a  principale  force  de  son  armée ,  et  de  les  avoir 
placées  dans  les  situations  ies  plus  extraordinaires  et  les  plus 
périlleuses.  Mais  cet  éloignement  du  maréchal  tenait  au  pi- 
toyableétat  de  sa  santé;  qui  le  forçait  d'être  immobile  dans 
son  quartier  général  de  Gironne  ou  de  Barcelone'. 

Le  maréchal  duc  de  Tarente  vint  remplacer  le  duc  de  Casti- 
gllone  dans  hes  derniers  Jours  du  mois  de  mai.  Il  avait  reçu 
tout  récemment  le  prix  de  ses  anciens  services  et  de  sa  brillante 
coopération  à  la  mémorable  journée  de  Wagram.  Le  comman- 
dement de  la  Catalogne,  et  la  direction  d'opérations  militaires  où 
deux  généraux  renommés  n^avaient  point  répondu  à  l'attente  de 
Napoléon,  étaient  pour  Macdonald  une  preuve  de  confiance  aussi 
flatteuse  que  les  récompenses  éclatantes  qui  lui  avaient  été  dé- 
-cernées.  Toutefois,  on  le  verra  bientôt  arrêté,  comme  ses  pré- 
décesseurs, par  des  obstacles  insurmontables ,  dans  la  soumis- 
sion d^une  Vaste  province,  hérissée,  comme  nous  l'avons  déjà 
fait  observer,  de  montagnes,  de  défilés,  de  postes  fortifiés,  et 
où  toute  la  population  armée  disputait  avec  tant  d'opiniâtreté 
jusqu'aux  moindres  passages. 

Après  la  prise  de  Gironne,  le  maréchal  Augereau  avait  cru 
qu'une  grande  sévérité  était  indispensable  à  la  soumission  de  la 
Catalogne;  aussi  tous  les  paysans  pris  les  armes  à  la  main 
étaient  pendus  sans  miséricorde  à  de  vastes  potences  dressées 
sur  la  grande  route  de  Gironne  à  Figuières.  Le  dUc  de  Tarente, 
adoptant,  dès  son  arrivée,  un  plan  de  conduite  entièrement 
contraire,   voulut  substituer  la  douceur  à  une  cruelle,  mais 

■  L'article  ofliciel  du  Moniteur  relatif  au  remplacement  du  maréchal 
AogereM  est  oonça  en  ces  termes  :  «  Le  duc  de  CastigUone  mande  qull  a  ' 
été  obligé  de  venir  sur  Baroelotte,  laissant  le  général  Lacombe  Saint-Midiel 
Uàn  le  siéfB  d^flostalrich ,  mouvement  qui  pouvait  compromettre  la  divi- 
sion du  corps  du  général  Sucliet,  gui  assiège  L^da.  L'empereur  a  envoya 
le  duc  de  Tarente  pour  remplacer  le  doc  de  CastigUone,  à  cause  de  VéUt 
de  sa  santé.  » 


Eipasnt* 


GTTBBRB   D*BSPAG1fB«  45^ 

justesévérité.  Il  chercha  à  se  concilier  l*esprit  des  habitants  par  uftK 
des  proclamations  qui  toutes  respiraient  des  intentions  loyales 
et  pacifiques.  Il  créa^  comme  principal  moyen  de  rétablir 
Tordre  et  la  discipline,  des  magasins  de  subsistances  pour  as- 
surer aux  troupes  des  distributions  exactes  et  régulières ,  et  iF 
fit  de  grands  efforts  pour  réprimer  tous,  les  abus.  Mais  ni  la 
sévérité,  ni  le  langage  de  la  persuasion,  soutenus  d'une  con- 
duite pleine  d*ëquité-et  de  modération,  ne  pouvaient  rien  sur 
des  esprits  ardents,  exaltés,  indociles,  impatients  non-seulement 
de  tonte  domination  étrangère ,  mais  toujours  enclins  à  la 
sédition  et  à  la  révolte  sous  le  gouvernement  même  de  leur 
prince  légitime  '.  Dès  la  première  expédition  entreprise  par  le 
duc  de  Tarente,  les  Catalans  ne  répondirent  que  par  des  coups 
de  fusil  à  ses  exhortations  bienveillantes  et  amicales.  Cette  ex- 
pédition, qui  avait  pour  but  d'introduire  dans  Barcelone  un 
grand  convoi  d'approvisionnements,  réussit,  le  13  juin,  quoique 
les  bandes  de  miquelets  couvrissent  toutes  les  montagnes  qnJ 
bordent  les  défilés  quMI  fallait  traverser,  et  bien  que  ces  bandes 
fussent  appuyées  d'un  corps  considérable  de  troupes  régulières 
avantageusement  posté. 

Barcelone  ainsi  approvisionné  pour  quelques  mois ,  le  due 
de  Tarente  fhmchlt  les  cols  d*Ordal  et  de  Santa-Cristina , 
campa,  pendant  quelques  jours  à  Reus,  d*où  la  disette  de  vivres 
le  força  bientôt  de  s'éloigner,  et  vint,  en  traversant  les  défilés 
de  Montblanch^  se  réunir,  dans  Lérida,  au  général  Suchet.  fee 
3* corps  était  en  partie  cantonné  autour  de  cette  place,  qu'il 
avait  conquise  tout  récemment,  ainsi  que  nous  Pavons  rapporté, 
et  il  se  préparait  au  siège  de  Tortose,  que  deux  de  ses  divisions 
investissaient  déjà. 

'  liM  lois  d'JËspague  s^ètaioit  souvent  vus.  f^^irci^i.Di^yie  en  temps  de 
paix,  de  n'user  de  leur  autorité  envers  les  Catalans  ou'avee  beaucoup  de 


CHAPITRE  IIL 

SUITE  m  VAmÉZ  ISIO. 

ïreialèine  eipédttioti  des  français  en  Portugal.  Formatioii  dVine  noordl» 
armée  d^inirvéoA  sous  l»«rdi«s  do  maiiéclMlMMséiia.  *•  Siège  de  <%i^ 
Redfigo.  — CenJHOs  de  kaCenceplioB»d'Al«(iéida.  -^  Siège  de  oeUe  der- 
nière place.  ^  LVroée  fraiifaise  pénètre  en  Portugal.  —  Bataille  de  Bu- 
saco.  ^  L*arroée  angloifortugaise  se  retire  dans  ses  lignes  en  avant  de 
Lisbonne —  Les  deux  armées  s'observent  rédpnxioement  ;  retraite  des 
Français  sar  Santarem;  passage  du  Zéiére;  reconnaiMnee  sur  Abran- 
lès,  «te  -^  Le  neuf ièmt  ooepa  vieia  jeiadre  l'éménAmifatee  en  FMn&al. 

mio.  Le»  Français^  mattres  de  TAnâalMisie  et  vainquean  sar 
Eortugai  i^esqae  tous  te  autres  points  où  se  trouvaient  leurs  troupes^ 
cfoyaleiit,  avec  c|ael(|ae  raison ,  api^rocber  du  terme  de  leurs  tra-^ 
vaux.  Cette  oinnîoa  prit  une  nouvelle  force  lorsqu'ils  apprirent 
.  que  Tempereur,  par  décret  du  1 7  avril  {quinae  jours  après  son 
mariage  avec  l'afehidoGbesse  Marie-Lpuise}^  venait  d'ordonner 
le  rassemMement  d^ne  armée  de  60,ooo  bommes  dans  les  en- 
virons de  Salamanque ,  pour  tenter  une  troisième  fois  la  con- 
quête du  Portagal^dont  les  Aqglai^  levaient  fait  un  vaste  cam]^ 
retranebé. 

Le  maiéchal  Masséna»  prinoe  ^Essliog)  était  appelé  à  com- 
mnndev  cette  armée.  L^empereur  ne  pouvait  faire  un  meilleur 
«hoix  :  le  pr^ifie  d'Essling  avait  oommandé  de  grandes  armées 
et  acquis  une  juste  réputation  dans  la  guerre  de  montagnes^ 
Napoléon  avait  donc  raison  de  compter  sur  Masséna  pour  sou-, 
mettre  cette  contrée  aride  et  montagneuse,  n'offrant  sur  pres- 
que tons  les  points  que  d'horribles  défilés  bordés  de  précipices^ 
et  traversée  par  un  petit  nombre  de  routes  mal  entretenues  et 
à  peine  praticables  pendjant  T hiver.  La  frontière  politique  du 
Portugal  semble  une  longue  et  épaisse  m.uraille  qui  ouvre  à, 
peine  quelques  brèches  pour  laisser  passer  des  fleuves  brisés  et 
torrentueux.  D'ailleurs  le  pays  est  presque-sans  agriculture  et 
9an3  lAdustrie,  sans  communications  faciles  pour  lies  traQjBports  ; 


G0KSIB  BESPAOIIB.  445 

les  rhfères  n'ont  ni  ponts  ni  bacs,  sont  avec  aans  Télé,  et  dans 
rhi^er  niTagent  leurs  bords  ;  des  cantons  sont  entièrement  dé-  ^^^^i^m^ 
serts  et  ineultes.  Une  armée  nombreuse  ne  saurait  donc  vivra 
dans  cette  contrée  sans  occuper  les  côtes  et  sans  ime  flotte  des- 
tinée à  loi  amener  ses  sal»<Btances  par  mer.  Tel  était  le  pays 
que  Masséna  devait  conquérir,  après  les  revers  éprouvés  par  les 
ducs  d'AInrantès  et  de  Dalmatie,  qui  avaient  échoué  devant  les 
Ibrees  supérieures  des  Anglais  et  rinsurrection  en  masse  des 
Portugais.  L'armée  dlnvasioQ  devait  ôtro  formée  des  2^,  6°  et 
«*  corps,  et  d'une  forte  division  de  eavaleHe  sous  les  ordics  du 
général  Montbrun.  Le  3*  corps,  sous  les  ordres  du  général  Rey- 
nier,  était  campé  sur  la  Guadiana,  près  dé  la  frontière  de  l'Alen- 
tejo  ;  il  eommuniquait  par  sa  droite,  à  Afeantara,  avec  la  gauche 
du  corps  du  maréchal  Ney ,  menaçait  Badajoz  et  inquiétait  sans 
cesse  l'armée  espagnole  commandée  par  le  générai  La  Romana. 
Le  duc  d*Elchlngen  se  disposait  à  faire  le«lége  de  Ciudad-Ro* 
drfgo,  À  la  tètedu  6*  corps.  Le  8*^,  aux  ordres  du  duc  d'Abraniès, 
se  trouvait  dans  les  environs  de  Yalladoiid ,  et  ne  tarda  ff»  à 
se'4)orter  sur  Salamanque,  afin  d'observer  Tarmée  anglaise  de 
lord  WeMhigton  pendant  le  siège  de  Godad-Rodrigo.  Un  corps 
de  réserve  de  12,000  hommes,  sous  la  dénomination  de  0*  corps, 
se  rassemblait,  en  outre,  à  ValladoM,  sous  les  ordres  du  géné- 
ral Drouet,  comte  d^Erlon ,  pour  renforcer  et  soutenir  au  be- 
soin Tannée  d'Invasion,  en  arrière  de  laquelle  30^000  itoranases 
de  la  Jeune  garde  devaient  garder  le  pays»  tandis  qu'une  divi«- 
skm  aux  oràeeB  du  général  Seras  appuierait  sa  droite  vers  Léon 
et-Astorga. 

Toutefc^ ,  le  premier  mouvement  dn  maréchal  Masséna  Ait 
de  refuser  ce  commandement  en  chef.  Il  oonaaiasait  le  oaraetère 
difilcile  et  rhumeur  Jalouse  du  duc  d'Eichingen,  ainsi  que  la 
vaniteuse  susceptibilité  du  duc  d'Abrantès,  qui  ne  venralt  pas 
sans  envie  un  autre  général  réussir  dans  une  expédition  où  lui- 
même  avait  échoué.  D'un  autre  oèté)  il  représentait  son  âge 
avancé,  sa  santé  affaiblie  par  de  longues  fatigues,  et  qui  exi- 
geait du  repos.  Il  eut  une  entrevue  avec  l'empereur  et  se  laissa 
séduire  par  des  promesses  et  de  flatteuses  paroles.  «  Qui  pour- 
•  raî-je  envoyer  en  Portugal,  lui  dit  l'empereur,  pour  rétablir 
c  mes  affaires  compromises  pardes  maladrofts,  sinon  celui  qui 


496  Ll VRJÎ   SBPTIÈMI. 

mo.  ^  ^^^  toujours  réparées}  Est*ce  (jue  vous  n'êtes  pas  rhomme 
^^*|"^8>^  «  des  cûrconstanees  dllfidles,  des  eas  désespérés?  Et  vous  iriez 
a  rae  faire  défouit  quand  vous  seul  pouvez  me  tirer^d'endMurras  ! 
c  Puis^je  en  effetquitter  Paris  maintenant?  Je  vous  envoie  en 
a  Portugal  à  ma  place,  et  vous  me  refuseriez  sous  de  futiles  et 
«  imaginaifes  prétextes!  »  —  Après  avoir  rassuré  le  marédial 
sur  les  dUsposîtions  de  Ney  et  de  Junot,  qui  ne  pouvaient  lui 
désobéir  impunément  sans  encourir  sa  disgrik»,  i^empereur 
termina  en  lui  disant  :  «  Partez  donc  avec  oonOanee  ;  tout  ira 
«  mieux  que  vous  ne  pensez.  Avec  de  la  prudence  et  de  la  fer- 
«  meté  les  obstaeles  que  Vous  redoutez  s'aplaniront.  Vous  en 
tf  avez  surmonté  de  bien  plus  grands  '.  » 

On  a  dit  qu'en  venant  de  France  pour  reprendre  le  comman- 
dement de  son  corps  d'armée  le  maréchal  Ney  avait  l'espoir 
de  diriger  en  chef  l'expédition  de  Portugal;  ce  fut  peut^tre 
là  le  motif  de  la  mésintelligence  qui  commença  à  régner  entre 
lui  et  le  maréchal  Masséna  dès  le  début  de  la  campagne,  et  qui 
eut  une  si  fâeheuse  influence  sur  les  événements.  Quoi  qu'il  en 
soit,  on  savait  que  le  duc  d'Elohingen  ne  pouvait  servir  que 
sous  les  ordres  immédiats  de  l'empereur  ;  on  l'avait  vu,  l'année 
précédente,  refuser  de  rester  sous  les  ordres  du  maréchal  Soult , 
auquel  l'empereur  avait  donné  le  commandement  en  chef  des 
2«,  5*  et  6®  corps.  Ce  fut  donc  une  faute  grave  que  d'avoir  placé 
deux  chefs  d'un  grade  égal  à  la  tète  de  Tannée  de  Portugal , 
et  d'avoir  rompu  ainsi  l'unité  de  commandejnent.  Ces  deux  il- 
lustres gueiTiers  furent  constamment  d'un  avis  oootraire ,  et  le 
maréchal  Ney  refusa  presque  toujours  d'obéir  aux  ordres  du 
général  en  chef.  Ce  délaut  de  subordinatlOD,  qui  régnait  dans 
la  plupart  des  armées  françaises  d'Espagne ,  excepté  en  Cata- 
logne et  en  Aragon,  eut  plus  tard  de  funestes  conséquences  :  il 
amena  la  confusion ,  et,  par  suite,  de  nombreux  revers. 

Le  prince  d'EssIing  partit  de  Paris  le  2d  airril,  arriva  le  0 
mal  à  Vittoria,  le  lO  à  Yailadolid ,  et  se^rendlt  quelque  temps 
après  devant  Cludad-^Rodrigo,  dont  les  troupes  du  6'  corps  for-^ 
maient  le  bloeus.  Il  y  vit  le  duc  d'Elchingen,  qui  l'accueillit  froi- 
dement, et  eut  lieu  d*ètre  peu  satisfait  de  l'état  des  préparatifs 

*  Général  KiodU^Mémoires  de  Masséna^  voU  VU,  |^.  17  et  soit. 


GUEABB  D  ESPAGNE.  4.S7 

du  siège.  Tout  ms^qquait  à  la  fois^  les  magasins,  les  moyens  de      itis: 
transport,  les  munitions,  uu  parc  suffisant.  Un  tel  état  de  choses    ''^'^'^^ 
Gonvainquit  le  pripce  d'Essling  de  la  nécessité  d'ajourner  le 
siège,  et  il  retourna  à  Salaroanque. 

L*armée  que  commandait  lord  Wellington  comptait  35,000 
Anglais  et  â0,0Q0  Portugais;  ceux-ci,  organisés  en  régiments 
depuis  plus  de  4eux  ans,  bien  armés,  bien  équipés,  ayant  déjà 
acquis  quelque  expérience  de  la  guerre,  et  commandés  par  des 
oflleiers  anglais;  venaient  ensuite  les  milices ,  dont  on  distin- 
guait deux  espèces  :  la  première,  régulièrement  organisée  en 
bataillons,  avec  des  officiers  nationaux  ;  ces  bataillons  n'étaient 
pas,  sans  contredit,  aussi  instruits  que  la  troupe  de  ligne,  mais 
ils  étaient  armés,  soldés,  et  habitués  déjà  à  une  certaine  disci 
pline.  L'autre  partie  de  la  milice  se  composait  du  reste  de  la 
population,  armée ^  quelques  hommes  de  fusil,  mais  le  plus 
grand  nombre  de  piques,  de  faux,  de  bâtons  ferrés;  cette  mi- 
lice existait  dans  chaque  canton,  sous  les  ordres  d'un  chef  qu'on 
nommait  capitan  mor,  et  auquel  tous  les  paysans  devaient  obéir 
sous  peine  de  mort.  Un  messager  transmettait  verbalement  les 
ordres  de  ce  chef  dans  chaque  village;  alors  chacun  s'armait^ 
prenaitdes  vivres  pour  quelques  jours  et  marchait  au  rendez- vous 
indiqué.  Au  reste,  ces  divers  corps  de  milice  ne  devaient  point 
entrer  en  ligne  avec  la  troupe  réglée  ;  ils  étaient  destinés  à  agir 
comme  partisans,  à  se  jeter  tantôt  sur  les  flancs,  tantôt  sur  les 
derrières  de  Tarmée  française ,  à  attaquer  les  convois ,  tomber 
sur  les  tralneurs,  et  intercepter  toute  communication  avec  FEs- 
pagne*  Tous  ces  mouvements  étaient  dirigés  par  des  'officiera 
supérieure  anglais.  Trois  petits  corps,  de  7  à  8,000  hommes  cha- 
cun, avaient  été  formés  de  Télite  de  ces  troupes  nationales.  Le 
colonel  Trant  en  commandait  un,  le  général  portugais  Silveîra  le 
second  ;  le  général  Wilson  était  à  la  tête  du  troisième.  Les  levées 
en  masse  dont  nous  venons  de  parler  plus  haut,  connues  sous  le 
nom  é^ordenanzfls^  n'étaient  évaluées  par  les  Anglais  qu'à 
46^000  hommes.  Il  est  de  fait  qu'elles  se  composaient  réelle- 
ment de  toute  la  population  armée  du  Portugal,  animée  contre 
les  Français  par  ie  patriotisme,  la  haine,  la  vengeance,  et  par 
Ifrsoovenir  récent  des  maux  qu'elle  avait  soufferts  pendant  les 
deux  expédltiona  du  général  Junot  et  du  maréchal  Soglt,  quel- 


4o8  LIVBfi  SBPniHl. 

fgfo.      que  désastreuses  qu'elles  eussent  élé  d'aiUearspoiir  lesFiw- 

roriogal.    ^^ 

La  eampagne  que  nous  allons  décrire  enCmtiia  les  ^ta»  tristes 
résultats  pour  les  Français  ;  eHe  coBMneaça  la  répatation  d'An 
général  anglais  dont  alors  Temperenr  Napoléon  soupçonnait  à 
peine  Texistence,  et  quidev^,  quelques  années  après,  porter  à 
oe  monarque  les  derniers  coups  que  lui  réservait  la  fnrtane.  EAe 
apprit  en  outre  aux  habitants  de  la  Péninsule  que  les  Français 
n'étaient  point  invincibles,  et  amena  poar  ces  demiecs  les  re- 
vers qui  devaient  succéder  à  tant  de  viotoires.  Le  prince  d'fisa- 
ling,  Icnn  d*y  être  aussi  heureux  que  dans  les  champs  de  Zu- 
rich, s'y  montra  pourtant  digne  de  la  gloire  qu*il  «vait  acquise. 
Il  y  conserva  ce  sang-froid  imperturbable  îBt  œtte  opiniâtreté 
dans  le  combat  qui  lui  étaient  propres  ;  mais,  oatre  que  ses  lor- 
ces  physiques  n'étaient  plus  les  mêmes,  la  position  de  son  armée 
était  toute  autre  :  sans  communication  avec  la  Aranoe,  oHe  asan- 
qua  bientôt  de  tout ,  excepté  de  courage.  Le  prince  d'EssUng 
avait  à  combattre  à  la  fois  et  les  difflcuttéa  locales  d*«n  pays 
qu^H  ne  connaissait  qu'imparfaitement,  et  la  haine  nationale  de 
trois  peuples  réunis. 

Lord  Wellington,  au  contraire,  connaissait  à  fond  le  pays; 
il  l'avait  parcouru  plusieurs  fois  et  n'ignorait  aucune  des  res- 
sources qu'il  était  susceptible  d'offrir,  llécontent  des  l^spagnols 
à  Talavéra,  il  s'était  retiré  dans  le  Portugal,  qu'il  avait  orga- 
nisé selon  ses  vues.  Hes  officiers  anglais  commandaient  les 
troupes  de  oe  pays  ;  il  avait  profité  de  six  mds  de  repos  pour 
aguerrir  ses  soidîfts  et  s'assurer  des  vivres  et  des  munitions 
nécessaires.  Fier  d'avoir  à  combattre  un  rival  tel  que  Masséna, 
il  avait  résolu  de  bien  l'étudier  et  de  profiter  des  moindres  fautes 
qui  pourraient  lui  échapper.  Vaincu,  la  réputation  colossale  de 
son  adversaire  mettait  la  sienne  à  l'abri;  vainqueur»  ses  con- 
temporains ne  pouvaient  manquer  de  le  placer  au  pfemler  rang. 
Les  armées  qui  allaient  entrer  en  lice  étaient  animées,  de|iart 
et  d'autre ,  de  ce  désir  de  vaincre ,  de  ce  sentiment  patrioitique 
qui  enihnie  les  grandes  actions.  Si  les  Aaglals  oonsidéraientles 
Françcds  comme  des  ennemis  acharnés»  dont  l'unique  Imt  était 
de  détruhv  le  commerce  et  la  marine  de  la  Grande-Bretagne , 
.  les  Français,  accoutumés  à  ne  voir  dans  bs  Anglais  que  des. 


eOeSSE   D*ESPAG]<IE.  459 

ennemis  perfldesy.remarqiiaient  avec  chagrin  que  leurs  rivaux,     ^gio. 
après  avoir  anéanti  la  poîssanœ  maritime  de  la  France,  s'effor-   ""ortiiçiL 
çaient  encore  de  leur  mAeww  sur  le  conUnent  cette  suprématie 
qu'ils  devaient  à  la  victoire.  Hal»itués  ù  triompher  des  peapies 
du  Nord  et  du  Midi ,  Us  espéraient  n'être  pas  moins  heureux  avec 
ces  implacables  insulaires,  et  les  forcer  à  repasser  la  mer. 

On  ne  peut  nier  que  les  Français  n'eussent  encore  à  cette 
époque  de  nombreux  partisans  en  Portugal.  La  conduite  des 
Anglais  et  rextrèroe  rigueur  des  moyens  employés  par  loid 
Wellington  pour  enlever  à  farmée  du  prince  d'EssIing  toute 
espèce  de  ressources  avaient  singulièrement  refroidi  le  zèle  des 
nationaux  »  qui  n'avaient  vu  d'abord ,  dans  le  noble  duc ,  que 
le  défenseur  de  leur  cause.  Toutefois,  soit  crainte,  soit  véritable 
patriotisme  »  Il  est  de  fait  que  la  majorité  des  habitants,  plus  ou 
moins  éclairée  sut  ses  véritables  intérêts,  avait  pris  les  armes. 
Ces  bandes  indisciplinées  firent  beaucoup  de  mal  tant  qu'elles 
combattirent  entre  les  gorges  de  leurs  montagnes ,  où  elles 
avaient  une  grande  supériorité ,  tant  par  le  nombre  que  par 
la  connaissance  des  lieux  ;  mais  elles  devenaient  inutiles 
hors  de  leur  pays.  C'est  pour  cette  raison  que  Tarmée  ré- 
glée anglo-portugaise  de  lord  Wellington  ne  s'était  plus  éloi- 
gnée, malgré  les  provocations  des  Français,  de  la  ligne  de  dé- 
fense qu'elle  occupait  sur  les  frontières  du  Portugal,  au  nord  et 
au  midi  du  Tage.  Le  général  anglais  redoutait,  d'ailleurs,  de 
livrer  une  bataille  rangée  dans  les  plaines  de  la  province  de  Sa- 
lamanque,  où  il  pensait  que  les  Français  se  seraient  trouvés  à 
même  de  dépioyer^une  cavalerie  nombreuse  et  formidable. 

Mais  la  ihibtesse  de  farmée  ft'ançaise,  composée  seulement 
des  6*  et  8*  corps,  environ  40,000  hommes,  ne  permettant  pas 
au  prince  d'EssIing  de  prendre  l'offensive,  il  dut  se  borner  au 
siège  de  Giudad-Rodrigo.  Toutefois  il  ne  se  dissimulait  pas  le 
danger  de  précipiter  une  entreprise  que  l'empereur  lui-même 
ne  Jugeait  pas  ^  pressée ,  bien  qu'il  lui  eût  prescrit  d'assiéger 
cette  place  et  celle  d'Alméida  et  d*en  faire  ses  places  de  dépêt 
pour  la  conquête  du  Portugal.  Mais,  amené  forcément  à  céder 
aux  désirs  du  duc  d'Elchingen,  qui  avait  déjà  fait  des  prépara- 
tifs de  siège ,  quoique  insuffisants ,  et  qui  ne  comprenait  pas 
q[u*il  s'était  trop  bftté  d'appeler  tout  son  corps  d'armée  autour 


460  LIVAB   SBPTIBMB. 

I8KI.  de  cette  place ,  le  prince  d'ËssIing  résolat  de  le  foire  soatentjr, 
Portugal.  c[0||s  cette  opératiou,  par  deux  divisions  du  8'  corps.  Le  i®**  juin, 
Masséoa  se  rendit  devant  Giudad-Rodrigo,  en  fit  la  reconnais- 
sance, visita  les  camps  et  passa  la  revue  des  troupes.  Le  roaré- 
chai  Ney  profita  de  cette  occasion  pour  lui  démontrer  la  néces- 
sité d'attaquer  les  Anglais  avant  de  commencer  >e  siège,  et  fit 
tous  ses  efforts  pour  le  convaincre  des  avantages  qui  en  résul- 
teraient; mais  Masséna  se  refusa  formellement  à  prendre  œ 
parti  et  retourna  à  Salamanque.  Ney,  piqué  de  ce  refus ,  pro- 
posa au  duc  d*Abrantès  de  marcher  avec  lui  aux  Anglais  et  de 
leur  livrer  bataille  san^  le  concours  du  général  en  chef;  heu- 
reusement Junot  recula  devant  la  responsabilité  d'un  tel  acte 
d*insubordination. 

Tout  portait  à  croire  que  le  prudent  allié  des  Portugais  ne 
verrait  pas  tranquillement  tomber  entre  les  mains  de  ses  enne- 
mis une  ville  que  sa  position  et  sa  force  rendaient  une  excel- 
lente place  d'armes  pour  Tarmée  destinée  à  marcher  en  Portu- 
gal ;  le  mouvement  en  avant  qu'il  fit  faire  à  son  armée  dans 
cette  conjoncture  semblait  encore  Tindiquer.  On  savait  qu'il 
avait  authentiquemcnt  promis  au  gouverneur  de  le  secou- 
rir lorsqu'il  en  serait  temps  ;  il  n  en  fit  rien  cependant,  soit  qu1l 
n'eût  jamais  eu  l'intention  de  remplir  sa  promesse,  ou  qu'il  ju- 
geât la  prise  de  Giudad-Rodrigo  peu  nuisible  à  ses  opérations 
ultérieures ,  d'après  le  système  qu'il  avait  adopté. 
0  juillet.  Siège  et  reddition  de  Ciudad-Rodrigo.  — Situé  sur  la  rive 
droite  de  TAguéda,  affluentde  gauche  duDuéro,  à  la  jonction  des 
routes  de  Goria  et  de  Salamanque  »  Qudad-Rodrigo ,  qui  est  la 
clef  de  la  Vieille-Gastille,  offrait  aux  Anglais  un  fort  bon  point 
d'appui  pour  marcher  sur  Salamanque.  Cette  place  est  assise 
sur  un  mamelon  dont  le  versant  sud-est  se  prolonge  jusqu'à  l'A- 
guéda  ;  elle  est  entourée  d'une  ancienne  muraille  terrassée  et 
assez  haute,  devant  laquelle  se  développe  une  fausse-braie  avec 
fossé  revêtu  et  un  glacis  très-escarpé.  La  ville  a  deux  faubourgs, 
celui  de  Santa-Marina  ou  del  Paente,  bâti  au  sud-est  dans  une 
Ile  formée  par  un  petit  bras  de  l'Aguéda,  et  qui  commu- 
nique avec  la  ville  par  un  pont  de  pierre  de  soixante  toises  de 
longueur;  et  celui  de  San-Francisco,  plus  considérable  et  situé 
au  nord-est,  à  environ  cent  toises  du  corps  de  la  place,  que  dp* 


loJtuî    Jo  Ptii/<;46'o  . 


GUÉBBS  D*ESPAGNE.  46  ( 

mine  au  nord,  et  a  nne  distance  de  plus  de  deux  cent  quatre-  uio. 
vingt-dix  toises,  un  mamelon  appelé  le  grand  Teson.  Cette  ■'^^■'saL 
hauteur  se  trouve  à  rextrémité  du  faubourg,  dont  la  place  est 
séparée  par  un  autre  mamelon  moins  élevé,  appelé  le  petit  Te^ 
son  ou  El  Calvario.  de  faubourg  était  protégé  par  des  retran^ 
chements  en  terre,  appuyés  aux  couvents  de  San-Francisco  et 
de  Santo-Domingo  qui  Ta  voisinent  à  droite  et  à  gauche,  et  dont 
les  murs  sont  à  l'épreuve  du  l^ulet.  Le  couvent  de  Santa-Gruz, 
situé  au  nord-ouest ,  au  pied  de  la  bei^e  de  la  basse  Aguéda , 
avait  été  palissade  et  crénelé,  et  on  avait  ouvert  des  tranchées 
palissadées  et  des  troos-de-loup  entre  la  berge  et  la  rivière  pour 
interdire  Taccës  de  la  vallée. 

La  garnison  se  composait  d'environ  6,000  hommes,  et  la  ville 
renfermait  en  outre  un  grand  nombre  de  paysans  des  environs, 
qui  s'y  étaient  réftigiés  pour  la  défendre.  Ses  magasins  conte- 
naient des  vivres  pour  un  an  ;  il  ne  pouvait  rien  manquer  à  son 
armement^  puisqu'elle  possédait  la  meilleure  école  d'artillerie 
de  l'Espagne,  et  qu'elle  était  en  outre  un  de  ses  dépôts  les  plus 
précieux.  Son  arsenal  était  rempli  d'une  quantité  immense  d'ar- 
mes et  de  munitions,  quatre-vingt-six  bouches  à  feu  garnissaient 
les  remparts.  L'ardeur  de  la  garnison  était  entretenue  par  le 
voisinage  de  l'armée  espagnole  aux  ordres  de  La  Romana  et  de 
celle  de  lord  Wellington.  La  place  avait  pour  gouverneur  don 
Andrès  Pérez  de  Herrasti ,  vieux  militaire ,  plein  d'honneur  et 
de  bravoure. 

Le  6®  corps,  composé  de  trois  divisions  d'infanterie,  comman- 
dées par  les  généraux  Marchand,  Mermet  et  Loison,  et  de  la 
brigade  de  cavalerie  légère  du  général  Lorcet,  était  destiné 
aux  opérations  du  siège.  Ce  qui  ne  fat  point  employé  aux 
attaques  dut  servir  à  compléter  l'investissement  de  la  place 
sur  la  rive  gauche  de  l'Aguéda.  Le  corps  du  général  Reynier 
s^approcha  de  Coria ,  et  celui  du  duc  d'Abrantès  vint  s'établir 
entre  San-Felicès-el-Chlco  et  San-Felicès  de  los  Galiegos.  Ces 
deux  corps  d'armée  couvraient  Tarmée  assiégeante  et  devaient 
se  réunir  pour  recevoir  l'armée  anglo-portugaise,  dans  le  cas 
où  elle  tenterait  de  secourir  la  place.  L'avant-garde  de  lord 
Wellington,  commandée  par  le  général  Crawfurd,  était  alors 
à  Carplo,  entre  l'Aguéda  et  la  Coa,  le  quartier  générale 


463  UYft&  sirriàm. 

4SI0,  ViMi  I  et  le  gro»  de  Tarmée  dans  lei  ei^nme  d'Alméîda. 
portned.  j^  ^  ^1^291  mui^  deuxgraikUcoBvoî&,  cos^poséade  pièoeade 
a&ége,  éè  maaitkiDa  et  d*UDe  partie  de  raUirail  nécessaire,  étant 
partis  de  Salamanque  y  la  doc  d*£ichingen  arriva  devant  Gindad- 
Bodrigo  qii*il  ût  investir  le  6  juin.  Le  générai  &uty  coatmandait 
l'artillerie;  le  chef  de  l»atailloD  Goaehe  dirigeait  les  travaux  dn 
siège.  La  garnison  de  la  place  s'efforça  vainement  d'en  défendre 
les  approches  ;  trompée  par  deux  fausseaattaques ,  faitea,  l'on» 
sur  la  gauche  de  TAguéda,  l'autre  sur  la  droite  de  cette  rivière, 
elle  £ut  culbutée  et  repousaée  dans  les  faubougs*  Dans  la  nuit 
du  15  au  16,  la  tranchée  fut  ouverte  sur  la  hauteur  appelée  le 
grand  Tesan;  la  première  parallèle  s'étendait  entre  le  rêver» 
occidental  de  ce  mamelon  et  l'Aguéda).  et  devait  se  lier  avec 
le  pelit  Tesan*  Elle  fut  ensuite  poussée  adroite  jusqu'au  cou- 
vent de  Santa-Cruz  et  à  plusieurs  maisons  crénelées  où  l'ennemi 
s'était  retranché;  il  en  fut  dépoaté  et  les  troupes  françaises  s'y 
logèrent.  A  gauche  elle  se  prolongeait  jusqu'au  faubourg  San- 
Frandaco,  occupé  en  force  par  la  gamiaon,  et  dans  lequel  se 
trouvaient  lea  couvents  d«  San-Francisco  et  de  Santo-Domingjo^ 
convertis  en  autant  de  forts ,  et  aiuqueU  le  couvent  de  Santa- 
Clara,  situé  au  milieu  du  faubourg,  servait  de  réduit.  Dans  la 
nuit  du  1  a  au  19^  la  gauche  de  la  parallèle  ayant  été  prolongée 
de  manière  à  la  couvrir  contre  les  feux  des  faubourgs,  on  com- 
mença l'établissement  de  six  batteries  sur  les  emplacements 
désignés  par  le  général  Ruty.  Elles  étaient  armées  de  neuf  piè< 
ces  de  24,  sq^tde  16,  douze  de  12^  dix  mortiers  et  huit  obuaiers; 
en  tout  quarante-six  bouches  à  feu.  Les  che&  de  l'artillerie  et 
du  génie,  qui  pensaient  réduire  Qudad-Eodffigo  par  une  aimple 
menace,  ne  songèrent  qu'à  iaire  brèche  et  à  incendier  la  ville 
sans  ricocher  sérieusement  le  front  d'attaque..  Masséna,  qui  s'a- 
perçut de  ce  défaut  de  prévision,  ordoima  plus  tard  les  chan- 
gements nécessaires*  Gomme,  du  couvent  de  Santa-Cruz,  situé 
sur  le  flanc  droit  dea  cheminements  des  assiégeants,  la  gamisoa 
tourmentait  sana  cease  lea  travailleurs^  le  duc  d'Ëlohingen  le  fli 
ineendiar  dans  la  nuit  du  23  au  24. 

Dans  la  soirée  du  24 ,  le  prince  d'Essling  arriva  devant  la 
phice,  visita  les  travaux  et  imprima  une  telle  activité  à  ceux 
des  batteries  que  le  25 ,  à  trois  heures  du  matin  ^  celles-ci  se 


GUBKBB  b'BSPAOKS.  468 

trenvèreni  eomplétoment  armées  et  approvisioDBtéeft.  A  quatre  uio. 
heures  It  donna  l'ordre  de  eemmeneer  le  feu ,  et  les  quarante-  ^^^''^ 
^x  booehee  à  feu ,  en  balterle,  tonnèrent  h  la  fois  eofntse  ka 
]^lace.  Les  parapets  de  l'ene^nte  fisn^nt  détroits  en  partie  y  et 
six  cents  obns  Jetés  Unit  snr  te  rempart  que  dans  la  piace  firent 
sauter  vn  magasin  à  pondre,  doat  l'explosion  causa  de  grands 
ravages.  Un  aoeldent  senAlablé  arriva  dan»  deux  baftteriBs;  des 
assiégeants,  mtoa  we  partie  des  épanlements  et  mit  beaoconp 
de  monde  hors  de  combat.  Le  26,  trois  autres  magasins  à  pou- 
dre de  la  place  sautèrenC  et  incendièrent  phisieurs  malsons. 
Dans  la  nuit  du  2t  au  38  la  vflle  parut  tonte  en  flammes  à  la 
suite  de  Texplosion  d'us  nouveau  magasin  à  poudre  qui  mk  le 
feu  à  une  quantité  considérable  de  boasbes  et  d^obns ,  et  Tin- 
cendie,  alimenté  par  cette  expioston,  se  propagea  de  tontes  parts. 
Toute  la  partie  exposée  aux  attaques  n'offrait  qu*utt  vaste  mon- 
ceau de  mines;  les  projectiles  creux  avaient  aussi  mis  le  fieu 
dans  d'autrea  endroits,  etTincendie  se  développait  aveefurei|r. 
Le  mur  de  la  fansse-braie  était  renversé,  et  il  était  déjà  ques- 
tion de  faire  brèehe  au  corps  de  la  place.  Les  assiégeants  recon- 
nurent alonr  qu'ils  avaient  construit  leurs  batteries  à  une  trop 
grande  distance  de  la  place  pour  qu'elles  pussent  produire 
tout  Teffet  qu*on  en  attendait.  Malgré  les  innombrables  diffi- 
cullés  d*ua  terrain  accidenté,  les  Français  parvinrent  à  trans- 
porter h  bras  lenrs  pièces  à  soixante  toises  dn  rempart.  Le  tra- 
vail qu'exigeait  cette  opération  longue  et  pénible  se  fit  à  une 
distance  très-rapprochée  de  Fennemi,  et  sous  un  grand  feu  de 
mitraille  et  de  mousqueterie,  tandis  que  les  batteries  assiégean- 
tes se  toonvaient  asa  contraire  dans  ia  néeeesité  d'interrompre 
le  leur.  A  la  faveur  de  ce  répit  les  Espagnols  réparèrent  en  partie 
la  brèche  de  la  fausse-braie  et  construisirent  de  nouveaux  ou- 
vrages derrière  ceux  qui  avaient  été  détruits.  Cependant ,  la 
ligne  d'attaque  ainsi  rapprochée  se  trouvant  enfilée  par  le  feu  du 
faubourg  San-Frandsco»  occupé  par  les  Espagnols,  il  était  in- 
dispensidble  de  les  déloger;  mais  ce  ne  ftit  que  dans  la  naît  du 
1*'  au  2  juillet  que  le  général  Simon,  à  la  tète  de  690  homme» 
d'élite,  parvint  à  s'en  rendre  maître,  après  une  assez  vive  ré- 
sistance de  la  part  des  assiégés.  La  garnison  tenta  plusieurs 
sorties,  qoi  toutes  forent  reponssées  avec  un  égal  succès.  L'ar- 


/ 


464  LIYBB   SSPTIÈn. 

4110.  tillerie  dé  la  place  était  sapérieurement  servie»  Les  Français  > 
Porcngai.  p^^p  incommoder  les  eanoimiers  et  les  troupes  qui  gardaient 
les  embrasures  eurent  recours  à  un  expédient  connu,  qui  leur 
réussit  ;  ils  portèrent,  en  avant  du  front  d'attaque,  jusqu'auprès 
de  la  contrescarpe,  plusieurs  détachements,  qui  creusèrent  des 
trous'de-loup ,  où  un  homme  se  trouvait  couvert  Jusqu'à  la 
tête;  quelques  tireurs  adroits,  employés  à  ce  service,  firent  le 
désespoir  des  Espagnols,  qui  n'osaient  presque  plus  se  montrer 
sur  le  rempart. 

Le  28  juin,  le  revêtement  de  Tenoeinte  basse  s'étant  trouvé 
en  partie  renversé,  Tenceinte  supérieure  fort  endommagiée,  et 
les  ouvrages  et  Fintérieur  de  la  place  étant  presque  ruinés,  le 
feu  de  la  place  s'était  sensiblement  ralenti.*  Le  roarédiai  Mas* 
séna  crut  dès  lors  la  brèchepraticable  et  ordonna  de  cesser  le  feu. 
Ce  même  jour,  à  deux  heures  de  l'après-midi ,  le  duc  d*Elchin- 
gen  envoya  le  chef  de  bataillon  Esmenard  en  parlementaire  au 
gouverneur,  avec  sommation  de  cajMtuler.  Tout  en  rendant  Jus- 
tice au  courage  et  à  la  belle  défense  du  général  espagnol,  le 
marédial  Ney  s'efforçait  de  lui  démontrer  combien  l'espérance 
qu'il  gardait  d'être  secouru  par  les  Anglais  était  vaine  et  illu- 
soire". 


'  «  En  effet ,  disait  avec  raison  dans  sa  sommatkm  ce  maréchal  an  gou* 
verneor,  comment  auriez- vous  pu  ne  pas  reconnaître  que,  si  telle  a  été  leur 
intention  (  des  Anglais) ,  ils  n'auraient  pas  attendu  pour  le  faire  que  Ciudad- 
Rodrigo  eût  été  réduit  à  l'état  déplorable  dans  lequel  il  se  trouTe  ?  Votre 
situation ,  soyez  en  bien  convaincu ,  Monsieur  le  Gouverneur,  ne  peut  plus 
qu*empirer.  Vous  avez  à  choisir  entre  une  capitulation  lionorable  et  la  ycd- 
geance  terrible  d'une  armée  victorieuse.  Je  vous  prie  de  me  répondre,  et 
de  me  dire  ce  que  vous  aurez  préféré.  Agréez,  etc.  » 

La  réponse  d'André  Herrasti  fut  celle  d'un  homme  de  cœur;  le  maréchal 
Ney  dit  depuis  qu'il  n'en  avait  jamais  attendu  d'autre  de  lui.  Nous  croyons 
devoir  la  rapporter  textuellement  ici. 

Réponse  de  don  André  Herrasi 

n  Après  quarante-neuf  année  de  service ,  je  connais  ^s  lois  de  bi  guerre  et 
mes  devoirs  militairea. 

«  La  place  de  Ciudad-Rodrigo  n'est  point  réduite  à  capituler  et  n'a  point 
de  brèche  ouverte  qui  Ty  oblige. 

«  En  conséquence ,  je  ne  puis  qu'engager  Votre  Excdlence  à  eoatinuer 
ses  opc^rations  contre  la  place.  Je  saurai  moi-même,  par  ég»rd  pour  Hia* 


GySBBS  d'bspagnb.  4tti 

Les  oavertares  de  capHulatioD  ayant  été  repousées ,  le  feo  i»i(t 
recommença  avec  une  nouvelle  vigueur  dans  la  nuit  do  28  au  .^^*^' 
29.  Chaque  journéanmoins  denouveaux  déserteorsconfirmaient 
que  la  place  était  réduite  à  la  dernière  détresse  ;  mais  la  Junte 
et  le  gouverneur,  les  habitants  mêmes,  exaltés  par  le  flmatlsme 
des  moines,  gardaient  encore  quelque  espérance  de  secours.  Les 
Anglais  avaient  leur  avant-garde  en  vue  de  la  ville  ^  à  deux 
petites  lieues  des  ouvrages.  Pour  s'assurer  de  leurs  intentions, 
le  prince  d*Essling  ordonna  une  grande  reconnaissance  sur  la 
route  d'Alméida.  En  conséquence,  le  duc  d'Abrantès  fit  passer 
TAguéda  à  une  division  d'infanterie  et  à  une  forte  brigade  de 
cavalerie,  et  marcha  sur  l'avant-garde  anglaise. 

Celle-ci  était  avantageusement  postée  surTAzava»  près  du 
village  de  Mariai  va  ;  elle  fut  culbutée  et  ramenée  jusque  sur  les 
hauteurs  de  Gallégos.  Soutenue  par  une  bonne  artillerie ,  elle 
voulut  s'y  arrêter  ;  mais  quelques  charges,  exécutées  par  le 
général  Sainte-Croix ,  la  forcèrent  à  se  réfugier  sous  le  canon 
d*  Alméida.  Le  duc  d'Abrantès,  après  s'être  avancé  Jusqu'au  fort 
de  la  Conception  et  avoir  reconnu  que  l'ennemi  était  toujours 
de  l'autre  côté  de  la  Coa,  fit  rentrer  ces  troupes  ;  il  laissa  toute* 
fois  de  gros  postes  pour  tenir  ceux  de  l'ennemi  plus  éloignés 
qu'auparavant.  Les  Français  eurent  constamment  l'avantage 
dans  ces  diverses  rencontres.' 

Nous  n'omettrons  pas  de  citer  une  compagnie  de  grenadiers 
du  22^  régiment^  commandée  parle  capitaine  Gouache  ;  attaquée 
et  entourée  par  deux  escadrons  de  la  garde  anglaise,  elle  se 
forma  en  carré  et  soutint  ce  combat  inégal  pendantdeux  heures. 
Les  Anglais  exécutèrent  trois  charges ,  et  perdirent  24  hommes 
et  20  chevaux  ;  le  capitaine  Gouache  ne  laissa  pas  un  seul  de 
ses  grenadiers  sur  le  champ  de  bataille. 

Cependant,  Ciudad-Rodrigo,  quoique  entièrement  ruiné  par 
les  bombes  et  incendié  dans  .plusieurs  quartiers,  redoublait  son 
feu.  Dans  la  nuit  du  28  au  29  ,  le  feu  des  assiégeants  recom- 
mença aussi  avec  une  nouvelle  vigueur  et  détermina  de  nou* 

inanité  et  quand  las  drcoDgtanoes  m'en  feront  tin  devoir,  demander  i  ca- 
pituler, après  avoir  mis  à  couTer t  mon  honneur,  qui  m*est  plus  clier  que 

la  vie.  n 

X.  30 


46è  LITBB  SBPTIÈHB. 

1810.  veaux  incendies.  Le  général  enchef  ordonna  divers chaiigenients 
Portugal,  ^ng  i*emplaoeinent  des  anciennes  batteries  et  en  fit  établir  et 
armer  six.  noavelles.  Le.  2  juillet  un  autre  magasin  à  poudre  des 
assiégés  sauta,  tandis  qu'une  l)atterie  de  mortiers  allumait  plu- 
sieurs incendies  dans  le  faubourg  San-Francisco»  dont  on  s*era- 
para  la  nuit  suivante,  ainsi  que  du  couvent  de  Santa-Clara.  Ce- 
lui de  Santo-Domingo  fut  également  pris  dans  la  nuit  du  4  au 
6,  parle  général  Simon.  Jusqu'au  8  on  travailla  à  perfectionner 
la  2®  parallèle,  qui  avait  été  entreprise  dans  la  nuit  du  29  au 
80  juin.  Dans  celle  du  8  au  9  juillet,  le  colonel  Yalazé,  auquel 
le  général  en  chef  avait  donné  la  direction  des  travaux  du  génie 
à  la  place  du  chef  de  bataillon  Goucbe,  fut  blessé  grièvement 
à  la  tète  et  à  Tépaule  par  une  grenade  qui  le  renversa  au  moment 
où  il  présidait  à  l'établissement  des  fourneaux  de  mine  qui  de- 
vaient faire  sauter  la  contrescarpe.  A  deux  heures  du  matin , 
cette  mine,  chargée  de  quatre  cents  kilogrammes  de  poudre»  ren- 
versa une  grande  partie  de  la  contrescarpe  et  ouvrit  à  droite  et 
à  gauche  de  l'entonnoir  un  large  passage  par  lequel  on  pouvait 
arriver  presque  à  découvert  jusqu'au  pied  de  la  brèche.  A  qua- 
tre heures  du  matin,  rartillerie  commença  le  feu.  Les  assiégés  y 
répondirent  mollement  pendant  quelques  heures  et  furent  enfin 
réduits  au  silence.  Hasséna  invita  alors  le  maréchal  Ney  à  or- 
donner les  préparatifs  de  l'assaut. 

A  trois  heures  et  demie ,  le  général  Ruty  et  le  commandant 
Couche  annoncèrent  que  la  brèche  était  praticable  sur  les  deux 
enceintes  dans  une  largeur  de  quinze  à  dix-huit  toises ,  avec 
une  bonne  rampe.  Tout  était  prêt  pour  l'assaut  ;  le  maréchal 
Ney  disposait  lui-même,  dans  les  tranchées,  deux  colonnes  de 
troupes  d'élite  qui  devaient  le  donner.  Le  fossé  était  comblé 
par  la  chute  de  la  contrescarpe ,  et  la  pente  de  la  brèche  pa- 
raissait douée  et  commode.  Afin  de  s'en  assurer,  le  duc  d'EU 
cUngen  demanda  trois  soldats  de  bonne  volonté  pour  en  faire 
l'épreuve,  en  montant  les  premiers  sur  le  haut  du  rempart  :  à 
l'instant  même  plus  de  cent  sortirent  de  leurs  rangs  :  Thirion, 
caporal  de  grenadiers  au  60*  régiment;  Bombois^  carabinier,  et 
BUleret,  chasseur  (ces  deux  derniers  appartenant  au  6*  d'infan- 
terie légère  ),  fàrent  choisis.  Ces  trois  braves,  qui  croyaient  mar- 
cher à  une  mort  certaine,  après  avoir  franchi  en  peu  d'instants 


GUSBBS  B^ESPAGITE..  4€7 

les  deux  brèches  et  être  arrivés  sur  le  seoood  rempart^  firent  uio. 
feu  sur  Tennemi  aux  eris  de  vive  l'empereur,  et  en  descendirent  '*^''^*'^- 
avec  le  même  sang-froid.  Cette  belle  action,  qui  se  passait  sous 
les  yeux  de  Tarmée^  fit  accélérer  le  pas  aux  deux  colonnes  d'at- 
taque :  la|  1'^  composée  du  bataillon  des  chasseurs  du  siège, 
aux  ordres  du  capitaine  Sprunling,  adjoint  à  Tétat-mi^jor ,  de 
trois  compagnies  de  grenadiers  »  commandées  par  Delom ,  chef 
de  bataillon  au  6*  léger;  et  la  2®,  de  six  compagnies  de  vohlr 
geurs,  commandées  par  Dntoyat,  chef  de  bataillon  au  69^  Ces 
troupes,  arrivées  au  pied  de  la  brèche,  allaient  monter  à  Tassant 
lorsque  les  assiégés  arborèrent  le  drapeau  blanc  Le  gonvar-- 
nenr,  conduit  devant  le  maréchal,  offrit  de  rendre  la  place  k 
discrétion. 

Dix-sept  jours  avant  que  la  capitulation  n'eût  été  proposée  et 
acceptée ,  un  détachement  de  340  lanciers,  qui  faisidt  partie  de 
la  garnison  et  que  commandait  l'intrépide  partisan  don  Julian 
Sanchez,  s'ouvrtt,  par  une  sortie  brusque,  un  chemin  à  travers 
les  postes  français  et  s'échappa  en  Portugal.  Don  Julian  avait 
remarqué  que  les  troupes  qui  bloquaient  la  place  sur  la  rive 
gauche  de  TAgoéda  se  gardaient  négligemment  du  côté  de  la 
ville,  d^où  elles  ne  craignaient  aucune  surprise,  parée  qu'elles 
en  étaient  séparées  par  la  rivière.  Ce  fut  par  ce  point  que  ce 
partisan  espagnol  résolut  de  percer;  il  tomba  brusquement 
avec  sa  troupe  sur  le  piquet  qui  gardait  la  route  de  Fuenté*Gui* 
naldo,  et  il  eut  le  temps  de  gagner  les  bois  voisins  pendant  que 
le  piquet  montait  à  cheval  et  se  mettait  en  mesure  de  Tarréter. 

Le  10  juillet  au  soir,  les  troupes  françaises  prirent  posseasioa 
de  la  ville  de  Ciudad^Rodrigo,  après  vingt-quatre  jours  de  tran- 
chée ouverte.  Le  lendemain  3,^00  hommes  de  la  garnison  sor- 
tirent pour  être  conduits  en  France  prisonniers  de  guerre. 
Parmi  eux  se  trouvaient  le  gouverneur  don  Andrès  P^es  de 
Herrasti,  un  brigadier  commandant  rartillerie»  et  denx  officiers 
supérieurs  du  génie.  Quoique  Tincendie  de  Tarsenal  e4t  fait 
perdre  une  quantité  immense  de  munitions ,  on  trouva  dans 
cette  place  importante  cent  cinq  bouches  à  feu  de  tout  calibre, 
deux  cents  milliers  de  poudre,  et  près  d'un  million  de  cartou- 
ches d'infanterie.  Cette  oonquétecoûta  au  6^  corps  t  M  hommes 
tués  et  1,009  blessés. 

M. 


468  *    IIVrE  SBPTIÈMl. 

mo.         Les  généraux  d^artilIerieÉblé  etHaty,  le  général  de  division 
'**o«'*û8^  Loison ,  les  généraux  de  brigade  Simon,  Ferrey,  le  colonel  ^du 
*génie  Valazé ,  le  chef  de  bataillon  Couche,  de  la  même  arme, 
méritèrent  particniièrement  les  éloges  du  général  en  chef. 

Le  maréchal  Masséna  crut  devoir  s'arrêter  dans  les  environs 
de  Ciudad-Rodrigo  jusqu'à  ce  que  le  général  Beynier,  à  la 
tête  du  2*  corps,  eût  repassé  le  Tage  pour  se  porter  vers  Cas- 
teilo-Branco  et  menacer  le  flanc  droit  de  l'armée  anglaise.  Lord 
Wellington,  de  son  c6té,  voulut  prévenir  ce  mouvement,  et  le 
général  Hill,  qui  commandait  un  corps  de  14,000  hommes,  re- 
çut l'ordre  de  couvrir  le  point  menacé. 

  cette  époque  l'armée  anglo-protugaise  se  trouvait  can- 
tonnée en  trois  corps  principaux  :  le  plus  considérable ,  de 
95,000  hommes,  sous  les  ordres  directs  de  lôrd  Wellington, 
occupait  les  villes  de  Yiseu,  Guarda,  etc.  ;  une  division  de  4,000 
hommes  de  troupes  légères,  commandée  par  le  général  Grawfardi 
était  en  avant  d'Alméida;  le  second,  de  14,000  hommes,  sous 
les  ordres  du  lieutenant  général  Hill ,  se  tenait ,  comme  nous 
venons  de  le  dire  tout  à  l'heure ,  sur  la  droite  de  la  frontière, 
pour  observer  le  général  Reynier  ;  le  8®  corps  enfio,  composé 
de  12,000  hommes  de  réserve,  et  commandé  par  le  général 
Leith,  était  en  position  à  Thomar. 
21  jaitiet  Destruction  du  fort  de  la  Conception.  —  Le  21  juillet,  le 
maréchal  duc  d'Elchingen  chargea  le  général  Loison  de  réunir 
à'Gallégos  3,000  hommes  de  sa  division,  la  division  de  cava- 
lerie légère  aux  ordres  du  général  Trdlhard,  et  quelques  pièces 
d'artillerie  légère ,  pour  se  diriger  ensuite,  à  deux  heures  du 
matin,  sur  le  fort  de  la  Conception,  en  passant  par  YlUar  del 
Poerco ,  Castilléjo  et  Dos  Casas.  Le  général  Loison  rencontra 
sur  ce  dernier  point  la  division  légère  du  général  Grawftinl, 
formant  l'avant-garde  de  Tarmée  anglaise.  Vainement  legén^ 
rai  Trellhard  s'efforça  de  rejeter  l'ennemi  dans  Alméida.  Après 
un  combat  sanglant,  livré  sur  le  plateau  même  où  est  établi  le 
fort  de  la  Conception,  le  général  Crawfnrd  effectua  sa  retraite 
sur  laCoa,  parla  route  d'Alverca.  Avant  de  se  retirer  il  flt 
sauter  le  fort  de  la  Conception  ;  néanmobis  les  mines  pratiquées 
ne  produisirent  point  tout  leur  efTet  :  trois  fourneaux  restèrent 
intacts  ;  mais  ceux  qui  avaient  été  allumés  détruisirent  Touvrage 


GÙBBHI    ]>'BSPA61fB.  4f)^ 

à  cornes  et  plusieurs  demi-lunes.  Les  troupes  françaises  arrî*       im«, 
valent  sur  les  glacis  au  moment  où  l'explosion  eut  lieu  ;  elles  ser-   ''^"sab- 
rèrent de  près  la  division  ennemie  qu'elles  avaient  devant  elles/ 
et  lui  firent  un  assez  bon  nombre  de  prisonniers. 

Maître  du  plateau  de  la  Conception,  le  général  Loison  devait 
encore  s'assurer  de  la  position  de  l'armée  ennemie.  Il  fit  tour- 
ner le  village  de  Val  de  la  Mula  par  le  général  Treilhard,  en 
même  temps  qu'il  le  foisait  attaquer  par  le  général  Simon.  Le 
général  Tl-eilhard,  par  son  mouvement,  débusqua  l'infanterie 
et  la  cavalerie  ennemies,  qui  occupaient  la  rive  gauche  du  Tu- 
rones,  et  força  à  la  retraite  600  cavaliers  placés  sur  la  route 
d'Almétda.  L'ennemi  se  retira  d'abord  sur  les  glaci»  de>  cette 
dernière  place,  et  revint  bientôt  après,  avec  deux  bataillons,' 
trois  pièces  de  canon  et  environ  1,800  chevaux,  se  mettre  en 
bataille  sur  la  gauche  du  ravin  qui  sépare  Val  de  la  Mula  d'AU 
méida.  Les  trois  régiments  de  cavalerie  légère  aux  ordres  du 
général  Treilhard  parvinrent  cependant  à  occuper  larivegauehe 
du  ravin  ;  les  Français  ne  poussèrent  pas  plus  loin ,  pour  ne  pas 
attirer  inutilement  le  feu  de  la  plaee,  à  la  portée- duquel  ils 
étaient  et  sous  lequel  l'ennemi  semblait  cherchera  les  faire  ar- 
river. Par  suite  de  ce  mouvement  rétrograde  des  Anglais  $  leur 
droite  se  trouvait  à  Guarda ,  et  leur  gauche  se  prolongeait 
vers  PhiheL 

Le  24  juillet,  le  prince  d'Ëssling  lit  investir  Alméida  ;  les 
troupes  du  0"  corps  furent  réunies  à  cet  effet  en  grande  partie 
au  fort  de  la  Conception,  et  débouchèrent  du  Val  de  la  Mula  le  - 
même  Jour  à  six  heures  du  matin.  La  brigade  de  cavalerie  lé- 
gère, composée  des  3^  régiment  de  hussards  et  i  6**  de  chasseurs; 
sous  les  ordres  du  général  Lamotte ,  précédée  du  bataillon  des 
chasseurs  da  siège,  ouvrait  la  marche.  Elle  était  suivie  des  15* 
et  35*'  de  dragons,  commandés  par  le  général  Gardanne.  Le  gé- 
néral Montbrun  dirigeait  cette  cavalerie. 

La  division  d'infanterie  du  général  Loison  formait  deux  co- 
lonnes'; die  était  soutenue  par  la  division  Mermet,  h  la  tête  de 
laquelle  marchait  le  10®  de  dragons,  et  par  trois  régiments  d'in- 
fanterie de  la  division  Marchand.  Le  duc  d'Elehingen  comman- 
dait lui-même  tous  ces  miouvements. 

La  division  d'avant-garde  de  l'armée  anglaise  sous  les  ordres 


470  UVaS  SBPTIÀKB, 

itio.  du  lieutenant. général  Gravfurd^  se eomposait  de  1,100  hom • 
Portugal.  ^^  ^^  cavalerie,  4,ooo  d'inlanterie ,  et  mx  pièce»  de  canon 
occupant  la  position  à  droite  d'Alméida.  Son  infanterie  légère 
et  plusieurs  escadrons  de  hussards  du  froment  formaient  lea 
postes  en  avant  et  sur  les  flancs  de  ce^te  place.  Les  troupes  fran- 
çaises attaquèrent  vigoureusement  et  dans  le  meilleur  ordre; 
Venneroi  opposa  une  résistance  opiniâtre.  Ou(Mqu'il  défeodit  le 
terrain  pied  à  pied  et  soutint  avec  beaucoup  de  constance  un 
feu  très-vif  de  mousquelerie  et  d*artillerie,  il  fut  cependant 
chassé  successivement  de  ses  postes.  Le  général  Crawfurd  réu- 
nit alors  toute  sa  division  sous  le  canon  de  la  place,  supposant 
^ueles  Français  prendraient  position  sans  oser  l'attaquer  dans 
ee  poste  formidable.  11  se  trouvait  d'ailleurs  protégé  par  une 
forte  réserve  placée  sur  les  hauteurs  de  la  rive  gauclie  de  la  Coa  ; 
mais  les  troupes  françaises,  formées  sur  quatra  colonnes,  raar- 
ehèreni  droit  à  Tennemi  et  Tabordèrent  sans  répondre  à  son 
feu,  Gekti  de  la  place ^  quoique  assez  mal  dirigé,  devint  dans 
te  moment  de  la  plus  grande  vivacité.  Le  3®  de  hussards,  sou* 
lenu  par  le  reste  de  la  cavalerie,  tomba  à  tout^  bride  sur  Tin- 
luiterie  anglaise  et  loi  sabra  beaucoup  de  monde^  La  cavalerie 
de  Crawfurd  se  rallia  sou&  les  remparU  de  la  place  sans  avoir 
donné,  et  repassa  ensuite  la  Goa^ 

Sur  ces  entrefaites,  la  brigade  du  général  Ferrey,  débordant 
déjà  toute  la  droite  de  l'ennemî,  allait  lui  couper  la  retraite  ou 
te  forcer  à  se  jeter  dans  Alméida  Le  général  Crawfurd  profita 
de  la  nuit  qui  survint  pour  se  rapprocher  de  Tarmée  anglaise^ 
Les  Français  le  poursuivirent  jusqu'à  ee  que  les  colonnes  qui 
devaient  former  l'investissement  d'Alméida eussent  exécuté  cette 
opécatioa  saos^difliculté. 

Dan3  cette  affoire,  Tennemi  eut  400  morts  et  700  blessés  y 
parmi  lesquels  il  comptait  ^  officiers  ;  de  ce  nombre  étaient 
te  cotenel  du  43.^^  celui  du  1 6^  de  dragons ,  et  te  ms^or  Bronn  ^ 
du  ^%  On  lui  prit  un  drapeau,  400  hommes  et  deux  pièces 
de  canon.  La  perte  du  côté  des  Français  ne  fut  que  de  â27 
hommes,  tant  tués  que  blessés.. 

Le  lendemain ,  !tâ,  le  duc  d'Elchingea  fit  occuper  Valverdina 
et  chasser  les  Anglais  qui  occupaient  les  hauteurs  en  avant  de 
Pereiro.  Le  26,  il  envoya  un.  détachement  de  la  divisioa  Loisoo. 


GUSRBB   d'BSPAGNH.  471 

sar  Pinheh  La  8« division  anglaise,  sous  les  ordres  au  major      ,g|o 
général  Picton,  en  était  partie  à  deax  lienres  du  matin  pour  ga~    f^»rtnyi, 
gner  les  mootagn»  de  rEstrdia. 

L'armée  anglaise ,  qui  Jusqu'alors  avait  eu  son  centre  vers 
Alméida,  prit  une  nouvelle  position  en  deçà  de  la  Sierra  d'£s- 
trelia,  sa  gauche  à  remlxNichure  de  la  Goa  dans  le  Duero ,  le 
centre  à  Gélorioo,  et  la  droite  à  Sabugal,  par  où  elle  se  liait  avee 
le  corps  portugais,  que  commandait  le  maréchal  Beresford. 

Siéffe  d^Altnéida,  —  Le  prompt  investissement  d'^AIméfda  2»«mt 
fat  dû  à  Tinfatigable  activité  dn  duc  d*Elchingen  et  aux  soins 
du  général  Éblé,  qui  dirigeait  Tartillerie.  Le  6^  corps,  8*étant 
porté  en  avant,  battit  Tarrière-garde  anglaise.  Il  résulta  de  là 
que  Tennemi  »  qui  croyait  les  Français  encore  loin  ,  n'eut  pas 
le  loisir  de  faire  entrer  dans  la  place  la  moisson  qui  était  déjà 
coupée  et  ramassée  en  tas  à  portée  des  glacis.  Ce  fut  sans  con* 
tredit  une  grande  faute  de  la  part  de  lord  Wellington  de  laisser 
pour  ainsi  dire  à  Fentière  disposition  de  ses  adversaires  une  res- 
souree  aussi  essentielle.  Les  blés  qui  restaient  encore  daus  les- 
environs  devaient  nécessairement  être  incendiés.  Mais  si  Ton 
voulait  attribuer  à  des  vues  d^humanité,  à  des  considérations 
philanthropiques,  rarement  à  leurplace  en  temps  de  guerre ,  la 
conduite  du  général  anglais,  il  suffirait  de  rappeler  les  ordres 
sévères,  les  mesures  plus  que  rigoureuses  employées  par  le  no- 
ble lord  pour  forcer  ses  alliés,  les  Portugais,  à  abandonner  leurs 
maisons,  leurs  champs,  et  à  tout  brûler  plutôt  que  de  rien  laisser 
aux  Français.  On  Jugerait  alors  que  la  conduite  de  Wellington 
dans  cette  circonstance  est  plutôt  la  suite  de  sa  négligence  qu*un 
calcul  d'humanité  de  sa  part.  Nous  avons  vu  les  Anglais  ,  se 
bornant  à- de  vaines  démonstrations,  laisser  prendre  Astorga  et 
Giudad-Rodrigo  sans  fournir  le  moindre  secours  à  ces  places  ; 
nous  allons  encore  les  retrouver  plus  fidèles  à  leur  système  qu*à 
leurs  alliés  devant  Alméida. 

Cette  dernière  place,  beaucoup^plus  forte  que  celle  deCiudad- 
Rodrigo,  était  eonséquemment  susceptible  d'une  plus  longue 
défense;  mais  la  possession  de  celle-ci  donnait  aux  Français 
les  moyens  de  déployer  devant  l'autre  un  plus  grand  système 
ë^attaque.  Elle  passait  pour  la  premièi-e  place  de  Portugal. 
Comme  forteresse,. sa  situation  est  admirable;  elle  est  bfttte  sur 


472  LITRE   SEPTIÈUG. 

ijiio.  Textréme  plateau  d'une  ehçiiDe  de  montagnes  que  borde  la  rite 
PortugaL  droite  de  la  Coa,  rivière  dont  le  cours  est  eneaissé  et  très-pro- 
fond. Sa  double  enceinte  était  couverte  par  six  bastions  en  pierre 
et  par  autant  de  ravellns.  Son  cbàte^u»  formant  comme  une 
seconde  citadelle,  pouvait  encore  servir  de  refuge  à  la  garnison 
et  prolonger  sa  résistance  de  plusieurs  jours.  Le  général  anglais 
William  Cox,  avec  4,000  hommes  de  milices  et  1 ,000  hommes 
de  troupes  de  ligne ,  était  chaîné  de  la  défense  de  cette  place, 
qui  était  abondamment  pourvue  d'approvisionnements  de  toute 


Dans  la  journée  du  26  juillet^  la  garnison  tenta  deux  sorties  : 
Tune  de  600  hommes  et  de  60  chevaux,  sur  la  division  Loisou» 
ayant  pour  but  de  détruire  des  maisons  qui  se  trouvaient  à  deux 
cents  toises  des  ouvrages;  l'autre,  de  300  hommes  et  40  che- 
vaux, sur  la  droite  du  général  Marchand,  pour  enlever  quelques 
gerbes  de  blé  qui  se  trouvaient  près  du  faubourg.  Ces  deux  sorties 
demeurèrent  sans  succèset  coûtèrent  50  hommes  aux  assiégés. 

Le  2  7  juillet,  le  maréchal  Masséna  arriva  à  Ciudad-Rodrigo, 
d*où  il  s'était  rendu  à  Salamanque,  après  la  prise  de  cette  place, 
pour  surveiller  et  activer  les  opérations  de  l'administration  de 
son  armée;  il  vint  ensuite  devant  Alméida,  où,  le  28,  il  visita 
les  camps  avec  le  duc  d'Ëlchingen  et  les  généraux  Eblé  et  La- 
zoT^sk,  commandants  de  rartillerie  et  du  génie. 

Le  même  jour  les  assiégés  risquèrent  une  troisième  sortie  plus 
sérieuse;  1,200  hommes,  suivis  de  quatre  pièces  de  canon  et  de 
plusieui's  voitures,  vinrent  pour  enlever  les  mêmes  gerbes  de 
blé  ;  la  grand'garde  française  les  arrêta  assez  longtemps  pour 
qu'on  vint  la  secourir.  Alors  l'ennemi  fut  mené  chaudement 
et  rejeté  en  désordre  dans  la  place  ;  il  fut  même  forcé  d'aban- 
donner ses  voitures.  Le  jeune  Neumayer,  du  6^  d'infanterie 
légère,  se  rendit  maître  d'une  pièce  de  canon  sur  les  glacis. 
Cette  affaire  se  passa  sous  les  yeux  de  Masséna,  qui  par  sa  pré- 
sence, redoublait  Tardeur  des  soldats. 

Cependant  les  autres  corps  de  l'armée  française  se  rappro- 
chèrent du  6^,  chargé  de  poursuivre  les  opérations  du  siège.  Le 
général  Reynier  prit  position  auprès  de  Zarza-la-Mayor,  et  le 
duc  d'Abrantès  quitta  les  bords  du  Tormès  pour  se  porter  sur 
l'Agttéda. 


GUËRAB   d'eSPAGNE.  473 

La  traachée  fat  ouverte  dans  la  nuit  da  1 5  au  1 6  août.  Deux       igio. 
mille  travailleurs  furent  occupés  à  creuser  la  première  parallèle    ^^''^"S'^ 
à  trois  pieds  de  profondeur  sur  un  développement  de  plus  de 
cinq  cents  toises.  Elle  ne  fut  achevée  que  le  19,'  en  raison  des 
difficultés  d*un  terrain  dur  et  rocailleux,  et  de  la  nécessité  de 
se  couvrir  à  chaque  instant  de  gabions. 

Du  30  au  35  on  continua  à  monter  la  tranchée ,  on  poussa 
les  boyaux.  Dans  la  nuit  du  24  au  25  on  ouvrît  la  seconde  pa- 
rallèle, a  moins  de  cent  cinquante  toises  de  la  place,  dans  le  ro- 
cher. Le  feu  terrible  des  assiégés  ne  permit  pas  de  s*y  maintenir 
pendant  le  jour  ;  mais  la  nuit  suivante  les  mineurs  achevèrent 
de  creuser  et  d'élargir  la  tranchée  avec  le  pétard. 

Le  26,  à  cinq  heures  du  matin ,  onze  batteries,  années  de 
soixante-cinq  bouches  à  feu,  commencèrent  à  tirer  sur  la  place, 
qui  riposta  avec  vigueur.  Tandis  que  trois  de  ces  batteries  étalent 
destinées  à  l>attre  en  brèche  le  l>astion  de  San-Pédro,  ainsi  que 
les  demi-lunes  collatérales,  d'autres  enfilaient  et  ricochaient 
les  remparts,  jetaient  des  bombes  et  des  obus  dans  Tintérieur. 
Le  soir  même  du  26,  une  terrible  explosion  se  fit  entendre;  la 
ville  entière  disparut  tout  à  coup  dans  un  nuage  épouvantable  de 
fumée  :  une  l>ombe  venait  de  faire  sauter  la  grande  poudrière,  con* 
tenant  plus decentcinquantemilliers  de  poudre.  Les.fortlfications 
la  cathédrale ,  les  principaux  édifices  et  une  grande  partie  de 
la  population  furent  détruits.  Des  pierres  énormes,  des  rochers 
entiers  furent  lancés  jusque  dans  les  tranchées;  des  pièces  de 
gros  calibre  furent  enlevées  de  la  citadelle  et  jetées  à  plus  de 
deux  cents  toises,  brisées  en  plusieurs  ti*oncons.  Toutes  les  trou- 
pes qui  garnissaient  les  remparts  ce  jour-là  furent  tuées  par  les 
éclats  ou  par  les  pierres.  Heureusement  la  garnison  habitait  des 
casemates  dans  lesquelles  s'étaient  aussi  retirés  quelques  ha- 
bitants. Plusieurs  restèrent  ensevelis  sous  les  décombres,  et 
les  Français  eurent  encore  le  temps  d'en  retirer  quelques*uns 
de  ces  malheureux  après  qu'ils  eurent  pris  possession  de  la  ville. . 
Nous  ne  passerons  point  sous  silence  l'admirable  sang-froid  de 
quelques  canonniers  portugais,  qui,  ayant  eu  le  Iwnheur  mi- 
.racnleux  de  survivre  à  l'explosion,  continuèrent  à  faire  jouer 
leurs  pièces  pendant  que  les  débris  de  la  place  volaient  encore  et 
menaçaient  de  les  écraser. 


474  LITBB   SEPTiiitB. 

isio.  La  destruction  d^ane  grande  fNirtie  de  la  ville  et  la  perte  ab- 
Portuc^.  ^1^  ^^  tontes  les  munitions  rendaient  désormais  toute  résis- 
tance inutile.  Le  27  ,  le  maréchal  Masséna  fit  cesser  le  feu  de 
ses  batteries  et  envoya  à  neuf  heures  du  matin  son  chef  d'état- 
msiioT  sommer  le  général  Cox.  Le  marquis  d^Âloma,  général  de 
division  portugais,  et  plusieurs  officiers  supérieurs  de  la  même 
nation,  qui  suivaient  Farmée  française,  s'approchèrent  des  rem- 
parts peinant  qu'on  négociait,  et,  s*étant'fait  reconnaître  deleufs 
compatriotes,  les  exhortèrent  à  se  soustraire  comme  eux  a  la  do- 
mination britannique  et  à  embrasser  la  même  cause.  Ces  pour- 
parlers demeurèrent  d'abord  sans  succès,  et  le  gouverneur  refusa 
d'accepter  les  conditions  qui  lui  étaient  proposées.  Son  intention 
était  de  se  jeter  dans  le  château,  qui  n'avait  point  été  endommagé, 
et  de  s'y  soutenir  encore  quelques  jours,  dans  l'espoir  gue  l'ar- 
mée alliée  viendrait  au  secours  de  la  plaee.  Le  maréchal  Masséna 
fit  alors  recommencer  le  feu  à  neuf  heures  do  soir  ;  trois  heures 
après  une  émeute,  fomentée  par  le  lieutenant  de  roi  Berh^do- 
de  Costa,  força  Cox  à  capituler.  On  supposa  que  l'influence  des 
Portugais  qui  étalent  dans  le  camp  français  n^étalt  pas  étrangère 
à  la  sédition  de  la  garnison.  Plus  tard  de  Costa  fut  fbsilié  ;  mais 
il  n'était  pas  bien  démontré  qu'il  eût  eu  des  intelligences  avec 
les  Français.  Le  28,  les  Français  entrèrent  dans  Âlmélda.  La 
garnison  sortit  avec  les  honneurs  de  la  guerre,  et,  après  avoir 
déposé  les  armes  sur  les  glacis,  dut  rester  prisonnière  de  guerre,, 
ainsi  que  le  général  anglais  William  Cox  et  deux  officiers  de 
la  même  nation  que  lord  Welihigton  avait  envoyés  avant  le 
siège.  On  trouva  encore  dans  la  place  beaucoup  de  munitions^ 
de  bouche,  six  drapeaux  et  cent  quinze  pièces  d'artillerie,  parmi 
lesquelles  un  petit  équipage  d'artillerie  de  montagne. 

Le  maréelial  Masséna,  par  suite  de  cette  loyauté  qui  faisait 
la  hase  de  son  caractère,  renvoya  les  milices  dans  leurs  fbyers,  ' 
après  leur  avoir  fait  prêter  serment  de  ne  plus  servir  pendant 
cette  guerre  contre  la  France  et  ses  alliés.  Le  marquis  d'Alorna 
et  les  autres  ofQciers  portugais  présents  au  camp  français  fu- 
rent accueillis  avec  acclamations  par  la  garnison.  Les  officiers^ 
et  les  soldats  de  la  ligne,  ainsi  qu'un  millier  de  miliciens,  deman- 
dèrent à  se  ranger  sous  les  drapeaux  de  la  France.  Le  maréchal, 
dans  l'espoir  de  détacher  ainsi  des  Anglais  une  partie  de  la  po* 


GUSaBB   D  BSPAGKE.  475 

pulatîon,  céda  aux  îDstanoes  du  marquis  et  des  généraux  por-  imo. 
tugais ,  qui  se  rendaient  garants  de  la  fidélité. de  ces  troupes,  Portugal 
et  proposaient  d'en  former  un  corps  au  service  de  France  pour 
Topposer  à  ceux  qu'avaient  organisés  les  Anglais,  et  qu'on  sup- 
posait supporter  impatiemment  leur  Joug.  Si  le  maréclial  eût 
mieux  connu  les  mopurs  et  le  caractère  des  peuples  de  la  Pénin- 
sule,  il  se  fût  bien  gardé  de  leur  montrer  autant  de  confiance 
et  de  générosité.  Fiers  et  vindicatifs,  l'Espagnol  et  le  Portugais 
ne  pardonnent  point.  Lors  de  cette  guerre ,  injuste  sans  doute 
dans  son  principe,  ils  ne  se  faisaient  aucun  scrupule  de  sacri- 
fier tout  sentinîent  de  reconnaissance  à  leur  penchant  pour  la 
cruauté.  Dans  les  guerres  les  plus  terribles ,  le  plus  décisives , 
les  peuples  policés  se  font  généralement  une  loi  de  ne  point  user 
de  perfidie  et  de  ménager  leur  ennemi  s'il  tombe  sans  défense 
entre  leurs  mains  ;  aux  yeux  de  l'Espagnol  et  du  Portugais,  tout 
moyen  était  bon  pour  immoler  et  prolonger  le  supplice  de  leurs 
adversaires.  On  pourrait  dire  que  c'est  dans  les  raffinements  de 
la  vengeance  la  plus  atroce,  dans  les  actes  de  la  cruauté  la  plus 
inouïe ,  qu'ils  puisaient  de  nouvelles  forces  de  résistance. 

Les  3,000  hommes  de  milices  renvoyés  par  le  prince  d'Ess- 
ling  ne  rentrèrent  chez  eux  que  pour  y  retrouver  des  armes,  et, 
malgré  le  serment  qui  les  liait,  ce  furent  3,000  ennemis  de  plus 
à  combattre.  Le  reste  de  la  garnison  d'Alméida,  composée  de 
l'ancien  régiment  de  Bragance,  de  1,000  miliciens  et  d'une 
compagnie  de  cavalerie,  accepta  avec  les  plus  vives  démonstra- 
tions de  joie  la  proposition  du  marquis  d'Aloma  de  coopérer  à 
soumettre  le  Portugal.  On  en  forma  une  brigade,  qui  fat  mise 
sous  les  ordres  du  général  portugais  Pamplona;  dès  le  surlen* 
demain,  ils  avaient  tous  déserté. 

Alm^da  s'était  rendu  après  treize  jours  de  tranchée  ouverte. 
Ce  siège  avait  coûté  aux  Français  62  morts  et  439  blessés.  Lord 
Wellington,  qui  s'était  opinlÂtrément  tenu  en  observation  der- 
rière cette  ville ,  ayant  aigris  qu'elle  était  tombée  au  pouvoir 
des  Français^  battit  en  retraite,  et  se  retira  dans  la  vallée  du 
Mondégo,  sur  la  route  de  Lisbonne.  Le  corps  d'armée  du  général 
Reynier  qui  avait  quitté  FEstremadure  espagnole  et  traversé  le 
Tage  prèsd'Alcantara,  se  concentra  sur  les  deux  autres  corps 
flrançais,  le  8*  et  le  6%  dans  les  environs  d'Alméida.  Le  corps 


476  LIVRE    SBPTIÈHB. 

1810.  anglais  du  général  Hlli ,  qui  était  opposé  à  celui  du  général  Bey- 
portiigaJ.  jjjgj.^  ^^g  Ei\as  et  Portalègre,  traversa  de  même,  par  un  mouvez 
ment  correspondant ,  le  Tage  à  Villa-Velha.  Ainsi  ces  deux  corps 
s'étaient  également  rapprochés  de  leurs  armées  respectives. 

L*armée  française,  prête  à  marcher  sur  le  Portugal ,  était  forte 
d'environ  52,000  hommes,  y  compris  6,000  hommes  de  cavale- 
rie. D*autre  part ,  ce  n'est  point  exagérer  que  de  porter  à 
150,000  hommes  le  nombre  des  troupes  anglo-portugaises  de 
toute  espèce  postées  seulement  entre  le  Duéro  et  le  Tage  pour 
combattre  les  Français  ou  pour  les  harceler  dans  leur  marche. 

On  a  dit  que  l'invasion  du  Portugal  fut  une  grande  faute  po- 
litique à  répoque  où  cette  nouvelle  expédition  fut  effectuée  ;  que 
les  Espagnols  commençaient  alors  à  n'être  plus  dupes  de  Té- 
goïsme  et  de  l'astucieuse  conduite  des  Anglais.  Constamment 
abandonnés  par  leur  infidèle  allié  au  moment  da  danger ,  li- 
vrés à  leurs  propres  forces  devant  un  vainqueur  irrité»  ils  com- 
mençaient à  se  lasser  de  la  guerre,  et  maudissaient  ouvertement 
ceux  qui  les  avaient  engagés  à  persévérer  dans  une  lutte  aussi 
inégale.  L'intérêt  et  le  temps  avaient  refroidi  le  zèle  des  parti- 
*  sans  du  fils  de  Charles  IV,  et  augmenté  de  beaucoup  celui  des 
nationaux  qui  avaient  embrassé  la  cause  de  Joseph.  C'était  le 
moment  d'employer  toutes  les  troupes  françaises  répandues  en 
Espagne  à  purger  ce  pays  des  bandes  de  guerrillas  qui  Tinfes* 
talent  et  qui  soutenaient  presque  seules  la  guerre.  On  devait 
alors  redoubler  d'ardeur  pour  rétablir  une  discipline  sévère  parmi 
les  soldats ,  régler  les  administrations  civiles  et  militaires,  ré- 
primer et  punir  les  vexations  dont  les  Espagnols  étaient  victi- 
mes. On  eût  alors  achevé  la  conquête  de  ce  pays ,'  familiarisé 
déjà  avec  son  nouveau  souverain;  en  cas  de  revers,  on  eût  au 
moins  évité  ces  grandes  catastrophes  qui  devaient  en  amener 
de  plus  terribles  encore. 

On  a  répondu  à  cela  que,  pour  soumettre  TEspagne  par  la 
force  des  armes ,  il  fallait,  :avant  tout,  priver  les  Espagnols 
de,  l'appui  de  l'armée  anglaise,  ce  qu'on  ne  pouvait  obtenir 
que  par  la  conquête  du  Portugal.  Il  est  vrai  que  beaucoup 
d'Espagnols ,  fatigués  de  la  guerre ,  mécontents  des  Anglais , 
s'étaient  ralliés  au  gouvernement  du  roi  Joseph,  pensant  que 
c'était  l'unique  mojen  de  conserver  Tindépendance  nationale- 


Portugd. 


GUfiBBE   D*£SPAGNB.  477 

et  Uintégrité  du  royaume;  mais  ces  bonnes  dispositions  igfo. 
étaient  bien .  changées  depuis  le  décret  impérial  du  8  février, 
qnl  avait  érigé  en  gouvernements  militaires  les  provinces  d'£s« 
pagne  les  plus  rapprochées  de  France.  La  régence  de  Gadiz  pré- 
senta aux  Espagnols  rétablissement  de  ces  gouvernements 
comme  violant  Tintrégrité  du  territoire,  les  excita  à  redoubler 
d'énergie  pour  repousser  la  domination  de  Tempereûr,  et  le  ca- 
binet britannique  acquit  dès  lors  une  grande  Influence  dans 
les  affaires  de  TEspagne.  La  nation  répondant  à  Tappel  du 
gouvernement,  bientôt  les  guerrilla^se  multiplièrent  au  point 
qu'il  fallut  employer  une  armée  entière  pour  les  poursuivre  et 
pour  maintenir  les  communications  avec  la  France.  Ainsi  il  n'é- 
tait plus  temps,  à  Tépoque  de  la  troisième  invasion  du  Portugal, 
de  compter  sur  les  nationaux  qui  avaient  embrassé  la  cause  de 
Joseph;  ceux-ci,  déjà  désignés  aux  peuples  sous  le  nom  d*a- 
francesados,  passaient  aux  yeux  de  la  multitude  pour  ennemis 
de  leur  patrie,  qu*ils  avaient  concouru  à  asservir  et  à  placer 
sous  le  joug  de  Tétranger.  Dans  de  telles  circonstances,  le  der- 
nier et  le  meilleur  parti  à  prendre  était  de  chasser  les  Anglais 
de  la  Péninsule;  mais,  pour  assurer  le  succès  d*une  telle  entre- 
prise, il  eût  fallu  déployer  de  phis  grands  moyens  que  ceux 
qui  furent  mis  à  la  disposition  de  Tillustre  maréchal  auquel  elle 
fut  confiée. 

Avant  de  pénétrer  dans  le  Portugal,  le  maréchal  Masséna 
fit  répandre  dans  ce  pays  la  proclamation  suivante  : 

«  Portugais, 

0  Vous  faut-il  d'autres  preuves  de  l'abandon  des  Anglais  que 
leur,  inaction  devant  Alméida?  Pouvez- vous  vous  méprendre 
sur  leurs  véritables  intentions^  et  25,000  hommes. tiendront-ils 
si  longtemps  dans  un  honteux  esclavage  plus  de  deux  milli(His 
d'habitants?  Récapitulez  les  maux  qu'ils  font  peser  sur  vous  1 
Ils  vous  ordonnent  de  quitter  vos  foyers  quand  ils  s'en  éloignent 
eux-mêmes  ;  ils  emportent  les  grains  et  les  bestiaux  destinés  à 
nourrir  vos  familles  ;  ils  détruisent  tout  ce  qui  pouvait  servir  à 
l'habitation  et  aux  besoins  de  la  vie,  et  ils  veulent  que  le  Por- 
tugal ne  soit  plus  qu'un  monceau  de  ruines  dès  qu'ils  seront 
obligés  d'en  sortir.  Est-ce  dans  votre  intérêt  qu'ils  vous  em- 


478  LiTaB  àiPTitaft. 

1810.     mëneat  sur  les  bords  de  la  mer  et  oif  anlseiit  tons  ces  moyens 

Portugal.  ^^  destruction  ?  Ne  Yoyez-vous  pas  qu'en  vous  forçant  à  aocora- 

pagner  vos  enfants  Jusqu'auprès  de  leurs  vaisseaux  ils  veulent 

que  les  vieillards  et  les  femmes,  après  avoir  dit  un  étemel  adieu 

aux  objets  de  leurs  affections,  ne  puissent  pleurer  leur  misère 

et  leur  infortune  que  sur  les  débris  des  chaumières  que  vous 

^  avaient  laissées  vos  aïeux? 

«r  Et  vous,  soldats  portugais,  n'avez-vous  pas  aussi  votre  pari 
dans  les  humiliations  dont  ilsabreuvent  vos  compatriotes?  Quel 
cachet  de  flétrissure  n*ont-ils  pas  imprimé  sur  vos  bataillons  en 
vous  donnant  des  chefs,  comme  si  vous  n'aviesi  pas  parmi  voua 
des  ofAciers  dignes  de  vous  commander  !  Ne  manquez-vous  pas 
de  pain  pendant  qu'ils  consomment  à  satiété  les  ressources 
préparées  pour  vous?  Portugais!  je  vous  l'ai  déjà  dit  :  rentres 
dans  vos  habitations,  et  livrez- vous  à  vos  occupations  domesti- 
ques; et  vous,  soldats  du  Pcurtugal,  donnez-vous  des  chefs,  se- 
couez le  joug  de  ces  alliés  qui  vous  accablent  de  leur  mépris. 
Les  armées  du  grand  Napoléon  sont  là  pour  vous  faire  respec- 
ter et  pour  défendre  vos  personnes,  vos  propriétés,  vos  familles 
et  vos  droits.  Accueillez-les  en  amis  ;  rappelez- vous  qu'elles  ne 
font  la  guerre  qu'à  Tennemi  du  continent,  et  qu'il  est  de  votre 
intérêt  de  vous  joindre  à  elles  pour  l'expulser  de  votre  terri- 
toire. Résistez  toujours  aux  insinuations  perfides  de  ces  hom- 
mes que  l'or  de  la  Grande-Bretagne  a  séduits;  ils  veulent,  à 
l'ombre  de  l'influence  anglaise ,  vous  gouverner  pour  leurs  pio* 
près  intérêts,  et  non  pour  le  bien  de  votre  pays.  Ils  sont  autant 
vos  ennemis  que  ceux  dont  ils  sont  les  agents.  » 

En  même  temps  le  prince  d'Essling  rappela  à  l'armée ,  par 
un  ordre  du  jour,  le  respect  des  personnes  et  des  propriétés. 
Pourvus  de  vivres,  les  soldats  n'avaient  aucun  prétexte  pour 
quitter  leurs  rangs.  Ils  devaient  marcher  en  masse,  car  des  pre- 
mières impressions  que  feur  conduite  donnerait  aux  habitants 
dépendait  celle  que  ceux-ci  tiendraient  à  leur  égard. 

Après  la  conquête  de  Qudad-Bodrigo  et  d'Alméida^  qui  assu* 
rait  à  l'armée  française  une  excellente  base  d'opérations,  le  mo- 
ment était  venu  d'entrer  en  Portugal,  de  marcher  sur  Lisbonne 
et  d'en  chasser  les  Anglais,  but  principal  de  l'expédition  ;  mais 
rien  n'était  encore  prêt  pour  exécuter  cette  importante  entre- 


GUERBB   d'BSPAGKB.  479 

prise.  Le  2  septembre  on  n'avait  pas  pour  quinze  jours  de  vivres,  isio. 
faute  de  moyens  de  transports  ;  la  fatigue,  les  grandes  chaleurs  ■•°f*"««*' 
et  le  manque  de  nourriture  avaient  fait  périr  presque  tous  les  • 
chevaux  des  équipages;  le  peu  qui  en  restait  était  complètement 
hors  de  service.  L'artillerie,  qui  en  avait  pei^u  1,500  pendant 
les  deux  sièges,  avait  besoin  d*étre  remontée  et  réorganisée.  Les 
troupes  manquaient  de  cartouches ,  d*habil1ement  et  de  chaus- 
sure ;  2,000  hommes  avaient  péri  dans  les  tranchées  de  Oudad- 
Kodrigo  et  d*Alméida,  et  6,000  gisaient  dans  les  hôpitaux.  C'é- 
tait donc  avec  une  armée  déjà  affaiblie  »  mal  habillée  et  mal 
chaussée;  dépourvue  de  vivres  et  de  munitions,  sans  réserve  et 
sans  espoir  d'être  secourue  en  cas  de  revers,  que  Masséna  allait 
marcher  à  la  conquête  d'uii  pays  défendu  par  plus  de  150,000 
hommes,  protégé  par  les  difficultés  naturelles  d'un  sol  aride, 
héiCissé  de  montagnes  et  dépourvu  généralement  de  routes  et  de 
chemins  praticables.  Malgré  rinsufSsance  de  ses  moyens,  le 
prince  d'Essling,  confiant  dans  sa  fortune ,  résolut  de  prendre 
l'initiative. 

Comme  on  craignait  au  quartier  général  que  la  Sierra  d'Es* 
trella  fût  impraticable,  et,  d'un  autre  côté,  la  route  directe  de 
Célorico  à  Coîmbre  formant  un  défilé  de  quinze  lieues,  où  Wel- 
lington avait  retranché  des  positions  formidables,  le  maréchal 
Masséna  se  détermina  à  opérer  sur  la  rive  droite  du  Mondégo 
et  à  y  réunir  ses  forces  pour  marcher  sur  Yiseu  et  Coimbre. 
S'il  parvenait  à  battre  Wellington  derrière  cette  dernière  ville, 
il  le  poursuivrait  alors  jusque  dans  Lisbonne  pour  le  forcer  à  se 
rembarquer.  En  arrêtant  ce  plan  d'opérations  fort  simple,  Mas- 
séna ignorait  complètement  Texisteuce  des  lignes  de  Lisbonne. 
Le  général  anglais,  déterminé  à  se  replier  et  à  réunir  toutes  ses 
forces  à  quatoi'ze  lieues  en  avant  de  cette  capitale  aussitôt  que  les 
Français  passeraient  la  Coa  et  s'avanceraient  sur  le  Mondégo , 
avait  fait  travailler  depuis  dix  mois  à  un  vaste  camp  retranché 
dont  la  droite  touchait  au  Tage ,  tandis  que  le  centre  s'étendait 
sur  les  montagnes,  à  Sobral  et  à  Monté- Agraça,  et  la  gauche 
au  delà  de  Torrès-Védras,  à  l'embouchure  du  ZIzambro.  Cette 
position  réunissait  à  l'avantage  de  couvrir  Lisbonne  et  le  mouil- 
lage de  la  flotte  anglaise  celui  de  servir  de  refuge  aux  popula- 
tions refoulées  vers  la  capitale.  On  avait  retranché  en  arrière 


480  L1VBE   SEPTIÈME. 

isio.     de  cette  première  ligne  deux  antres  camps  non  moins  sûrs, 
Portugtu  ^^g  lesquels  l'armée  pouvait  se  retirer  si  le  premier  était  forcé. 
Le  troisième,  établi  à  l'eraboochure  du  Tage»  était  destiné  à  pro- 
téger rembarquement  de  l'armée  en  cas  d'échec. 

Pendant  les  sièges  de  audad-Rodrigo  et  d^Alméida,  Tarmée 
anglaise,  composée  de  cinq  divisions  d'infanterie  et[d*uie  divi- 
sion de  cavalerie,  couvrait  les  positions  suivantes  :  la  l'*^  divi- 
sion, aux  ordres  du  général  Spencer,  était  à  Viseu  ;  la  2*,  celle 
du  général  Hill,  était  à  Âbrantès  ;  la  Z%  commandée  par  le  gé- 
néral Picton,  occupait  Gélorico  ;  le  général  Gole  tenait  Guarda 
Avec  la  4^;  la  6^  division,  composée  des  troupes  légères  aux  or- 
dres de  sir  Robert  Crawfurd ,  campait  derrière  le  Lamégo  ;  la 
division  de  cavalerie ,  sous  les  ordres  du  général  Stappleton 
Cotton,  cantonnait  dans  la  vallée  du  Mondégo.  Le  maréchal 
Beresford  avait  deux  fortes  divisions  portugaises  à  Thomar  et  à 
Abrantès.  Mais,  après  la  prise  d' Alméida,  Wellington  échelonna 
le  gros  de  son  armée  sur  la  route  de  Gélorico  à  Goîmbre,  afin 
de  pouvoir,  au  premier  signal,  défendre  le  passage  de  l'Alva  et 
du  Mondégo.  Il  étendit  les  postes  avancés  de  son  armée,  en  y 
comprenant  les  troupes  de  Hill  et  quelques  autres,  sur  la  droite, 
depuis  le  côté  d'Alméida,  par  la  Sierra  d'Estrella,  jusqu'à 
Guarda  et  Castello-Branco.  En  cas  d'attaque,  toutes  les  divi- 
sions devaient  se  replier  et  se  concentrer  vers  les  lignes.  Cette 
position  avait  l'inconvénient  d'être  trop  étendue  ;  car  l'armée 
française,  tout  en  menaçant  Gélorico,  pouvait  s'interposer,  par 
Belmonté,  entre  Wellington  et  le  général  Hill.  Le  dernier,  en 
suivant  parallèlement,  comme  nous  l'avons  dit,  les  mouvements 
du  général  Reynier,  était  arrivé  à  Castello-Branco  le  21  juil- 
let, et,  d'après  l'ordre  de  Wellington,  il  s'était  porté  jusqu'à 
Sarzedas  avec  16,000  hommes  et  huit  bouches  à  feu.  On  coupa 
la  route  au-dessus  de  Govilha ,  et  une  brigade  portugaise  fut 
postée  à  Fundao.  Une  réserve  formée  àThomar,  forte  de  8,000 
Portugais  et  de  2,000  Anglais,  aux  ordres  du  général  Leith,  fut 
établie  entre  deux  positions  retranchées  derrière  le  Zézère ,  af- 
fluent du  Tage,  et  tout  près  de  l'Alva ,  afQuent  de  Mondégo. 
Wellington  avait,  pour  opérer  sa  retraite  depuis  Gélorico,  le 
choix  de  deux  routes  :  celle  qui  conduit  à  la  Sierra  de  Mur- 
celha  et  celle  de  Viseu.  La  première  parcourt  une  distance  de 


GUERBB  D*E8PÀ0NB.  41)1 

quinxe  lieues  le  long  du  défilé  qui  est  entre  le  Mondégo  et  la  imo. 
Sierra  dT^trella ,  et  se  termine  à  la  Sierra  de  Murcelhâ.  De  là ,  '•*rt"«?'' 
un  chemin  qui  \a  à  Esptnhal  facilitait  les  communications 
avecHiil  et  Leith)  et  par  un  de  ses  embrancliemenls  on  com- 
muniquait avee€k>imbre.  La  seconde  route,  celle  de  Viseu ,  est 
une  des  plus  mauvaises  du  Portugal  ;  elle  est  coupée  par  le  Criz 
et  d'autres  courants,  et  étroitement  resserrée  entre  le  Mondégo 
et' la  Serra  de  Caramula,  qui  se  réunit,  par  un  pays  monta- 
gneux;, à  celle  de  Busaco,  limite,  pour  ainsi  dire,  de  la  vallée, 
et  qui  fait  faceàcelledeMurcelha,  baignée  par  les  eaux  de  TAlva. 
Les  deux  Sierras  sont  séparées  par  le  Mondégo,  qui  coule  à  leur 
pied.  Avant  de  se  décider  Wellington  attendait  que  les  Fran- 
çais prissent  un  parti.  Le  sien  était  déjà  pris  pour  enlever  à 
Tarmée  française  toutes  les  ressources  du  pays  qu'elle  allait 
traverser.  Tout  le  territoire  Jusqu'aux  environs  de  Goîmbre^ 
par  où  le  général  anglais  présumait  que  Masséna  devait  péné- 
trer, fut  dévasté*  Des  ordres  impitoyables  furent  donnés  pour 
obliger  les  habitants  de  tout  âge  et  de  tout  sexe  à  quitter  leurs 
foyers  et  à  se  diriger  sur  Lisbonne.  Les  récoltes  furent  incen- 
diées ,  les  champs  ravagés,  les  moulins,  les  fours,  les  usines, 
les  ponts ,  les  bacs,  les  chariots,  les  instruments  de  culture  fu- 
rent détruits,  ainsi  que  tout  ce  que  les  populations  ne  purent 
emporter  dans  leur  émigration  forcée,  rigueurs  que  Justifierait 
à  peine  la  conquête,  et  qui,  à  l'égard  d'une  nation  alliée ,  étalent 
le  comble  de  la  tyrannie.  On  ne  peut  comparer  cette  manière 
odieuse  et  barbare  d'accomplir  un  plan  de  guerre  à  l'Incendie 
du  Palatinat  par  Turenne,  qui  agissait  alors  en  pays  ennemi. 
Wellington  n'avait  pas  même  cette  triste  excuse;  mais,  égoïste 
et  sourd  à  la  voix  de  l'humanité,  il  se  souciait  peu  des  souffran- 
ces  d'un  pays  qui  n'était  point  le  sien,  et  qu'il  ne  défendait  pas 
dans  l'intérêt  de  ce  pays  même ,  mais  dans  les  intérêts  politi-' 
ques  et  mercantiles  de  sa  propro  nation. 

C'est  en  prenant  conseil  des  généraux  portugais  qu'il  avait  à 
son  état-major,  et  qu'il  supposait  bien  instruits,  que  le  maréchal 
Masséna  s'était  déterminé  à  marcher  sur  Viseu ,  et  de  là  sur 
Coîmbre ,  ces  Portugais  lui  ayant  affirmé  que  cette  route  était 
fiiclle  et  peu  embarrassée  d'obstacles. 

V armée  française  pénètre  en  Portugal.  -—  L«    16  septem-    le  wepL 

z.  3f 


492  UVBS   SBfTlàaiE. 

mo.  bre,  Tarmée  française  commença  son  mouvement  gàiéral  et 
roriug4  q^i^||  Alméida  et  ses  environs.  Elle  se  composait  de  sept  dî- 
visionsf  d*infanterie  (41,649  hommes),  de  denii  divisions  de  ca- 
vaierieattachées  aux  trois  corps  d'armée,  et  d'une  réserve  de  dra- 
gons (6,304  chevaux)  ;  d*on  personnel  d'artillerie,  du  génie  et  des 
équipages  militaires  s'éleyant  à  4,497  bommfs'.  Le  8^  corps 

>  £n  TOiici  te  tableau  : 

Le  maréchal  Masséoa,  prince  d'ËssHng,  général  ^  chef; 

Le  général  de  d vision  Fririon ,  clief  de  Tétat -major  général  ;* 

L'adjudant-commaiMant  Delosne ,  sous-chef  ; 

Le  général  de  division  Eblé ,  commandant  l'utîllcrie; 

Le  général  de  division  Laxowski,  commandi^t  le  génie  ; 

Llnpocteur  au«  revues  Lambert,  intendant  général  de  l'année. 

AILE  DBOITE. 

S""  Corps.  Le  général  de  division  dac  d'Abrantès ,  commandant  en  clief, 

i*'  JHvlsion.  Le  général  Clausel,  commandant. 

Ménard,  Taupin,  Godart^  généraux  de  brigade. 

Infanterie  :  RégimenU  :  15«  léger,  19*,  22%  2&%  2S%  34%  36%  4tt*, 
75*  de  ligne;  6,636  hommes. 

2*  Division.  Le  général  Solignac ,  commandant. 

Gratien ,  Tliomières ,  généraux  de  brigade. 

Infanterie  :  Régiments  :  15",  47*,  6&%  70%  S6*  de  ligne,  bataiUon  de 
Prusse, Irlandais;  7,196 hommes. 

Cavalerie  :  Sainte-Croix,  général  de  brigade,  commandant.  Régi- 
ments: r%  2*,  4*, 9%  14%  26*,  dragons;  1,581  chevaux. 

Artillerie,  génie,  gendarmerie,  équipages  militaires,  mulets  de  bât; 
1,293  hommes,  1,405  chevaux  et  mulets. 

CENTRE. 

6*  Corps.  Le  maréchal  duc  d'Elchingen ,  commandant  en  clie|l 
l*"*  Division.  Le  général  Marchand,  commandant. 
Maucune,  Marcognet ,  généraux  de  brigade. 
Infanterie  :  Régiments  :  6*  léger,   39*,  69*,  76*  de  ligne;  6,547 

hommes. 
2*  Division,  Le  général  Mermet,  commandant 
Bardet ,  Labassée ,  généraux  de  brigade. 
Infanterie  :  Régiments  :  25*  léger,  27*,  50*,  59*  de  iign^;  7,009 

hommes. 
3*  Division.  Le  général  Loison ,  commandant. 
Simon ,  Ferrey,  généraux  de  brigade. 
Infanterie  :  Régiments  :  légion  du  Qiidi,  légion  hanovrienne,  32*  léger, 

26*,  66*,  82*  de  lignç  ;  6,903  hommes. 


OUBBBB    1>*BSFA0II«.  48l 

^ la  Goa  et  màreha  à  Pinhel ,  sidvi  da  pâte  d'artillerie  /      imiil 

des  équipages  et  des  vivres.  La  réserve  de  cavalerie  bivoua-*  '«^•^^ 
qna  sur  la  rive  droite  de  cette  rivière.  L'avant-garde  da  6^ 
corps  s'avança  jusqu'à  Foruos ,  sur  la  rive  droite  do  Moudégo. 
Le  corps  d'armée  bivouaqua  en  avant  de  Gélorico.  Le  a*  corps 
se  porta  sur  le  Mondégo  près  de  Gélorico,  où  il  opéra  sa  Jonction 
avec  le  6*  corps.  La  division  Heodelet  resta  à  Guarda.  L'armée 
ainsi  placée  pouvait  marcher  de  front  sur  le  Mondégo  ou  de 
flanc  sur  le  Zézère,  par  la  route  de  Belmonté.  Ainsi  le  mouve- 
ment général  se  trouva  démasqué  ving^quatre  heures  trop  tôt 
par  la  pointé  du  maréchal  Ney  sur  Gélorico ,  en  portant  son 
avant-garde  à  Fornos  an  delà  du  Mondégo.  Pour  rentrer  en 

Ca?alerie  :  Lamofte,  général  de  brigade,  commandant  Régiments  :  3' 

de  hussards,  15^  de  cliasseurs;  942  hommes. 
Artillerie, génie,  gendarmerie,  équipages  militaires,  mulets  de  bdl  ; 

1,733  hommes,  1,856  chevaux  et  mviets. 

AILE  CACCHE. 

1*  Corps.  Le  général  de  division  Reynier,  commandant  en  cher. 
t*^  Division.  Le  général  Merle,  commandant. 
Sarrut,  Graindorge,  généraux  de  brigade. 

Infanterie  :  Régiments  :  2%  4"  légers,  \à^^  36*  de  Kgpe  ;  5,579  hommes, 
2"  Division,  Le  général  Heudelet,  commandant 
'  Foy,  Arnauld ,  généraux  de  brigade. 
Infanterie  :  Régiments  :  17%  31*"  légers,  47**,  70*>,  80*  de  ligne; 

7,179  liommes. 
Cavalerie  :  SouH,  général  de  brigade,  commandant  RégimenU  : 
l*'  de  hussards,  22*"  de  chasseurs,  chasseurs  hanovrtens ,  8«  de  dra- 
gons; 1,294  chevaux. 
Artillerie,  génie;  1,307  liommes,  2,700  chevaux. 
Réserve  de  cavalerie.  Le  général  de  d^ision  Montbran,  commandant 
en  clief . 
Le  général  de  division  Treilliard. 
Lorcet,  Cavrois,  Gardanne,  généraux  de  hrigade. 
Régiments:  3",  6*,  10*,  11%  15*,  25*  dragons;  3,487  chevaux. 
Artillerie,  164  hommes,  237  chevaux. 
Cequi  donne  pour  les  ^îscorps  d^rmée  et  la  réserve  de  cavalerie  un  total 
(le  58,850  hommes ^de  toutes  armes,  non  compris  les  éta(»>rai(^r8  (  i;094 
hommes  )  ;  mais  de  ce  total  il  faut  déduire  2,400  hommes  restés  à  Ciodad- 
Rodrigo  et  à  Alméida,  3,000  hommes  restés  dans  la  province  de  Salamanque, 
aux  ordres  du  général  Gardanne,  et  1,000  hommes  de  cavalerie  détachés  sur 
divers  points,  ce  qui  réduit  relTectif  de  l'armée  d'invasion  à  52,45a  hommeif 
au  moment  de  rentrée  en  eampa^ie. 

SI. 


484  LIYBB   SSPTlin. 

1810.  ligne  Ney  reçut  Tordre  de  séjourner  le  17  dans  la  posltloti  oftf 
l»ortii8«t.  n  ^  trouvait,  et  Wellington  eut  vingt-quatre  heures  d'avance 
pour  donner  ses  derniers  ordres  et  attirer  à  lui  le  corps  de  Hill. 
Le  1 7,  les  r  et  6""  corps,  réunis  à  la  cavalerie  de  Montbrun,  en- 
trèrent à  Célorico  et  replièrent  les  avant-postes  ennemis  sur 
Cortiza.  Wellington  commença  alors  sa  retraite  sur  TAlva  par 
la  rive  gauche  du  Mondégo. 

Le  général  anglais  supposait  que  le  prince  d'Essling  marche* 
rait  sur  Lisbonne  par  la  direction  la  plus  courte  ;  or,  c'était  évH 
demment  celle  de  Pon^-Murcelha ,  en  laissant  le  Mondégo  à 
droite.  £n  conséquence,  Wellington,  après  avoir  passé  PAlva^ 
avait  fait  sauter  le  pont  de  Murcelha  sur  cette  rivière  et  celui 
de  San-€omba-Dao  sur  le  Dao.  La  position  occupée  par  Ten- 
neml,  de  l'autre  côté  de  la  rivière,  était  déjà  très-forte  par  elle- 
même;  on  y  avait  encore  ajouté  plusieurs  redoutes.  De  là  jus- 
qu'à Pombal,  les  deux  rivières  de  Ceira  et  de  Deuça  présentaient 
de  nouvelles  positions  avantageuses  pour  ralentir  la  marche 
des  Français.  Des  ouvrages  avaient  été  construits  sur  toutes 
les  hauteurs  qui  protègent  les  défilés  ;  Wellington  n*avalt  laissé 
d^ailleurs,  en  avant  de  sa  position,  et  pour  observer  les  mouve- 
ments des  Français,  que  Tavant-garde  aux  ordres  du  général 
Crawfurd,  avec  laquelle  la  cavalerie  française  eut ,  pendant  sa 
marche,  quelques  engagements  de  peu  d'Importance. 

Le  18,  le' 8^ corps  atteignit  Otojal  et  le  grand  parc»  Povoa 
del  Rey  ;  le  6*  corps  arriva  le  même  jour  à  ManguaIdo  et  à  Fre- 
xiosa  ;  mais  le  parc  de  réserve  de  ce  corps  ne  put  dépasser 
Fomos.  Le  19 ,  le  8*  corps  traversa  Yiseu  ;  le  6^  se  porta  sur 
la  route  de  Coimbre,  et  le  3®  s'établit  en  arrière  et  en  avant  de 
ManguaIdo.  Dans  cette  marche  pénible,  que  ralentissait  celle  de 
Tartillerie  arrêtée  sans  cesse  par  des  chemins  affreux,  l'armée 
ne  rencontra  presque  pas  d'habitants  ;  les  campagnes  étaient 
en  feu  et  les  villages  déserts  ou  détruits.  Yiseu ,  ville  de  6  à 
7,000  âmes  ,  dans  une  plaine  fertile,  entre  le  Mondégo  et  la 
Youga ,  et  très-commerçante ,  était  abandonnée  de  ses  habi- 
tants. Tbos  ses  magasins  avalent  été  évacués  ou  brûlés. 

Le  20,  les  trois  corps  composant  Tarmée  de  Portugal  se  trou- 
vèrent réunis  à  Yiseu  et  à  ManguaIdo.  Le  8*  corps  avait  pré- 
cédé les  deux  autres  de  quelques  heures;  son  avant-garde  avait 


GUBBRB   d'BSPAONE.  4BB 

«changé  quelques  eoops  de  fusil  avec  ub  peloton  de  Tarrière-      miki. 
garde  aoglo-portugaîse.  Ponagji. 

On  a  dit  que  lUnteution  du  maréchal  Masséaa  était  de  tour* 
ner  la  Serra  d*Alcoba  par  un  des  nombreux  chemins  qui  rayon* 
nent  sur  Yiaeu  et  d'arriver  sdr  Coïmbre  en  côtoyant  le  revers 
occidental  des  montagnes;  qu'il  avait  recommandé  aux  dacs 
dTAbrantès  et  d'Elchingen  de  s'assurer  s'il  existait  des  chemins 
praticables  de  Viseu  à  travers  la  Serra  de  Garamula,  mais  que 
ses  ordres  furent  mal  exécutés  ou  ne  le  ftarent  pas  du  tout,  et 
qu'on  lui  répondit  qu'il  n'en  existait  pas;  ce  qui  était  faux, 
car  il  en  existait  plusieurs.  Peut-être  doit-on  regretter  que  le 
maréchal  n*ait  pas  imité  son  adversaire»  qui  ne  confiait  à  per- 
sonne le  soin  des  reconnaissances  générales,  dont  il  appréciait 
tonte  l'importance.  Si,  sans  se  fier  entièrement  aux  rapports 
de  ses  états-majors  et  aux  assertions  erronées  des  officiers 
portugais  qui  suivaient  son  quartier  général ,  le  maréchal 
eût  pris-  lui*méme  connaissance  des  voles  de  communication 
entre  les  deux  revers  de  la  Serra  d'Alcoba,  il  eût  appris  vrai- 
semblablement qu'à  six  lieues  sud-ouest  de  VIseu  il  existait  un 
tiiemin  conduisant  de  Mortagoa,  à  travers  la  Serra  de  Cara^ 
mula,  Jusqu'à  la  route  d'Oporto  à  Goïmbpe,  et  la  fatale  rencon- 
tre du  27  n'eût  peut-être  pas  eu  lieu  ;  mais,  persuadé  de  l'exac- 
titude des  rapports  qu'il  avait  reçus ,  Masséna  se  vit  forcé  de 
longer  la  rive  droile  du  Mendége  pour  atteindre  Goimbre. 
'  Le  duc  d'Elchlngen  reçut  en  conséquraee  l'ordre  de  porter 
son  avant-garde  sur  Casai  de  Maria  et  d'échelonner  son  corps 
entre  Tondella  et  Sabugosa.  L'avant-garde  du  ^  corps  fut  di- 
rigée sur  Santa-Gomba-Dao,  et  une  division  occupa  le  pont  d'O- 
Uvelra-do-Condé.  Pendant  ce  temps,  le  parc  d'artillerie  et  les 
équipages 9  qui  s'acheminaient  lentement  sur  Viseu,  furent 
attaqués  par  le  brigadier  anglais  lyant^  du  corps  de  milices 
portugaises  eommandées  par  le  général  Bueoelar^  et  destiné  à 
Inquiéter  le  flanc  droit  et  l'arrière-garde  de  l'armée  française. 
Trant,  qui  venait  de  Molmento-da-Belra  avec  3,000  hommes 
d'infanterie,  loo  chevaux  et  cinq  pièces  de  canon ,  s.e  présenta 
le  20,  à  quatre  heures  du  soir,  sur  la  droite  et  en  avant  du  con- 
voi. Le  chef  d'escadron  qui  le  commandait,  n'ayant  à  sa  dis- 
position qu'une  faible  compagnie  du  75®  de  ligne  et  15  gen- 


486  UVAX  fEPTl^Jil. 

If  «0.  darmeB,  forma  ria&nlerle  ea  carré  ;  la  fiisainde  «'engagea,  et , 
Portngtf.  ^^  s'arrêter,  le  convoi  oontiiiua  sa  route  aveeperte  d'une  ving- 
taiae  d'hommes.  Les  dernières  voltores  .nVrfvèrent  à  Viseu 
que  le  33  au  soir,  oe  qui  fit  perdre  quatre  Jours  à  Masséna ,  et 
Wellington  se  hâta  de  profiter  de  ce  retard.  Éclairé  par  le  rap- 
port de  Trant  sur  la  direction  suivie  par  Tarmée  française,  il 
fit  passer  le  Mond^o  aux  divisiooa  Crawfurd  et  Gole,  qui  re- 
montèrent le  Dao  et  le  Griz  et  rompirent  les  ppnts.  Il  s'établit 
avec  la  division  Piéton  et  la  cavalerie  à  Ponté«Murcelba,  où  il 
appela  d'Es|rftthal  la  division  Hill.  Ijo  général  Spencer  eut  l'or- 
dre de  se  porter  sur  Coïmbre  par  la  rive  gauche  du  Mondégo. 
Wellington  venait  enfin  de  se  résoudre  à  risquer  les  chances 
d'une  balaille  sur  la  Serra  d'Alcoba.  Cette  cbaine,  dont  le  ver- 
sant oriental  est  hérissé  de  rochers  très-escaipés  et  déchiré  par 
de  profonds  ravins>,  n'a  pas  quatre  lieues  et  deipie  de  longueur  ; 
die  se  termine  brusquement  à  la  rive  droite  du  Mondégo  et  se 
confond  de  Tautre  côté  avec  la  Serra  de  Caramula»  qui  9e  réunit 
à  celle  de  Busaeo.  Cette  dernière,  située  entre  la  route  de  Viseu 
à  CoImbre  et  le  chemin  de  traverse  qui  la  quitte  à  peu  de  dis- 
tance de  Ponté  de  Criz ,  pour  gagner  la  route  de  Coïmbre  à 
Oporto,  est  la  partie  la  plus  élevée  de  la  Serra  d'Aksoba  (deusL 
cent  quatre-vingt-dix  toises)  et  n'a  guère  plus  de  deux  lieue» 
du  sud  an  nord.  Elle  est  couronnée  par  un  plateau  longitudinal 
qui  suit  la  même  direction  et  sur  lequel  s^élève  un  couvent  de 
cannes  déchaossés  où  Wellington  établit  son  quartier  général. 
Ce  plateau  est  traversé  vers  le  milieu  par  un  chemin  qui  ratta- 
che ee«x  de  Mortagoa  et  de  Viseu  à  Coirabre,  et  qui  lacilitait 
les  mouvements  de  l'artillerie  d'une  de  ses  extrémités  à  l'autre. 
Au  aord  du  couvent ,  une  gorge  qiie  sait  un  troisième  chemin, 
qui  descend  dans  la  plaine  de  Villanovaen  tournant  rAlcoba,^ 
sépare  celle-d  de  la  Serra  de  Caramula. 

Le  S2,  le  due  d*£lchmgen  fit  passer  le  Criz  à  gué  par  trois 
bataillons  et  le  iV"  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  qui  se  pla-* 
eèrent  sur  les  hauteurs  de  la  rive  droite,  et  le  lendemain  le 
générai  Loison,  avec  une  colonne  de  1,200  hommes  d'infanterie 
et  de  cavalerie,  s'empara  de  Barril,  d'où  il  fut  forcé  de  se  retirer 
devant  des  foroea  supérieures.;,  mai»,  soutenu  par  l'avant-gaede 
du  iP  corps,  il  rentra  dans  Barril,  d'où  il  ehaasa  l'ennemi,  qui 


GUtBBB   D*ESPAGNÉ.  487 

se  retira  par  ks  chemins  de  Basaco,  Motra  et  MéaHiada.  Ainsi,  «^to. 
contrairement  à  l'opinion  de  Masséna,  qui  pensait  que  Welling-  ^^^'^c^Kat 
ton  n'accepterait  la  Imtalite  que  sous  Cdimbré,  celui-ci  s'arrê- 
tait définitivement  dans  la  Serra  de  Busacô  :  cdr,  laissant  lé 
corps  de  Hill  sur  la  rive  gauche  du  Mondégo,  il  donna  ordre  fl 
la  division  de  cavalerie  et  à  deux  divisions  d'infanterie  de  pas- 
ser cette  rivière  à  Ponté-Murcelha.  La  division  Crawfîird  et  là 
brigade  portugaise  du  gâiéral  Pack  marchèrent  à  Mortagoa; 
les  divisions  Cole  et  Picton  se  postèrent  entre  ee  village  et  leai 
dernières  pentes  de  PAIcoba  ;  la  cavalerie  se  déploya  dans  la 
plaine  de  Mortagoa  Jusqu*âu  Mondégo,  et  la  division  Spencer 
entre  Coimbre  et  Méalhada. 

Le  :e4,  le  général  Lolson,  voulant  reconnaître  la  position  des 
alliés  et  les  chemins  qui  conduisent  à  Goimbre ,  se  porta  sur 
Mortagoa  et  jusqu*au  pied  de  la  montagne  d*Aménorà,  dont 
Tennemi  occupait  le  sommet.  Cette  reconnaissance,  dans  laquelle 
le  32*"  de  ligne  et  la  légion  du  Midi  firent  environ  50  prisonniers, 
prouva  que  les  trois  chemins  qui  traversent  la  Serra  d'Aicoba 
étaient  pratieabtes  pour  rartlllerie  et  que  les  alliés  étaient  déci- 
dés â  en  défendre  l'entrée. 

Le  35,  l'avant-garde  du  2«  corps  poussa  Jusqu'à  San-Antonfd 
de  Can^rOy  d'où  vient  Tun  des  trois  chemins  qui  conduisent  à 
Coîmbre,  et  le  corps  d*armée  prit  position  à  Bemfeita.  L'avant- 
garde  dn  6^  corps  se  porta  en  avant  de  Mortagoa,  sur  le  chemin 
qui  conduit  à  Cofmbre  par  le  plateau  de  Bosaco,  et  s'avança 
sur  tes  hauteurs  de  Moira,  d'où  Tennemi  se  retira  après  avoir 
fait  d*abord  mine  de  vouloir  disputer  le  terrain.  Les  trois  divi- 
sions s'établlreni  sur  ces  hauteurs,  à  VHlanova,  Mortagoa  et 
Barril.  Le  8*  corps,  qui  était  resté  à  Viseu  pour  donner  le  temps 
nécessaire  aux  réparations  de  rartlllerie  et  des  équipages ,  et 
qui  suivait  Farm^  à  un  jour  de  marche,  bivouaqua  à  Casai  de 
MariaC  avec  fa  réserve  de  cavalerie. 

Le  36,  lesdéux  armées  se  trouvaient  en  présence.  Un  brouil- 
lard épais,  qui  empêchait  de  distinguer  les  mouvements  de  Fen- 
nemi,  s*étant  dissipé  vers  huit  heures,  le  général  Beynter  aper- 
çût une  batterie  de  cinq  pièces  de  canon,  soutenue  par  de 
Pinfanterie ,  qui  barrait  le  chemin  débouchant  de  San- Antonio^ 
de  Cantaro.  Il  fit  aussitôt  demander  au  duc  d'Elchingen  s'il 


468  LIVSB  SBPTIÈliE» 

itio.  fallait  {Misser  outre.  Le  maréchal  Ney,  toutea  coBvenaot  qu'oo 
p^itaeai.  QQ  pouvait  encore  deviner  les  dessems  de  l'ennemi ,  écrivit  au 
général  Eeynier  que,  s*il  avait  le  commandement,  il  attaquerait 
sans  hésiter.  Il  annonçait,  en  même  temps»  qull  avait  dépéché 
un  aide  de  camp  à  Masséna,  dans  la  matinée ,  pour  le  presser 
de  prendre  un  parti.  Celui-ci  arriva  à  midi  sur  le  front  du  6' 
corps.  Après  une  rapide  reconnaissance  de  la  position  de  Ten- 
nemi ,  Masséna  hésita  à  attaquer  ;  il  n*y  avait  cependant  pas 
d'antre  parti  à  prendre  pour  passer;  d'ailleurs  la  confusion  qui 
régnait  alors  dans  les  mouvements  de  l'armée  alliée  offrait  les 
plus  grandes  chances  de  succès  à  l'armée  française.  Dans  ce 
moment  Leith  passait  le  Mondégo  avec  sa  réserve  ;  Hitl  n*étaît 
pas  encore  arrivé  de  Ponté*Murcelha ,  et  Wellington  avait  à 
peine  en  ligne  25,000  hommes.  S'il  eût  été  attaqué  à  l'instant 
où  le  maréchal  Ney  voulait  le  faire ,  il  est  certain  qu'il  eût  été 
forcé  de  céder  le  terrain;  mais,  lorsque  Leith  et  Hill  parurent, 
Wellington  forma  sa  ligne  de  bataille  de  la  manière  suivante  : 
les  divisions  Hill,  Leith,  Picton  et  Spencer  furent  placées  à  droite 
du  couvent  de  Busaco ,  que  la  brigade  portugaise  du  général 
Golman  fut  chargée  de  défendre;  Uill  occupait  la  droite;  Leith 
était  à  sa  gauche;  ensuite  venait  la  division  Picton,  et  puis  la 
division  Spencer^  qui  était  établie  entre  Picton  et  le  couvent.  La 
division  Gole  se  forma  à  Textrémité  opposée,  pour  couvrir  le 
passage  conduisant  au  village  de  Méalhada,  situé  dans  uniç 
plaine  où  se  posta  la  cavalerie  de  sir  Stappleton  Cotton,  à  l'ex- 
ception du  14"  régiment  de  dragons,  qui  occupait  les  hauteurs. 
La  brigade  portugaise  du  général  Pack ,  formant  Tavant-garde 
de  la  division  Spencer,  était  postée  à  mi-côte  en  avant  du  cou- 
vent. La  division  légère  du  général  Crawfurd  s*établit  sur  la 
pente  de  la  route,  en  face  du  couvent.  Sur  divers  points,  à  Tar- 
rière-garde  de  la  ligne,  étaient  placés  les  Portugais,  pour  soute-: 
nir  le  corps  de  bataille.  Environ  cinquante  pièces  de  canon 
étaient  en  batterie  aux  abords  de  la  ligne,  que  couvrait  une  chaîne 
de  postes  très-rapprochés. 

Une  reconnaissance  plus  complète  de  la  position  de  Tarmée 
anglo-portugaise  fit  reconnaître  qu'elle  était  accessible  sur  plu- 
sieurs points,  surtout  à  la  gauche  de  l'armée  française,  où  elle 
avait  trop  de  développen^ent  et  offrait  de  grandes  lacunes,  et 


GOBIBB   d'BSPAGICC  489 

qu^en  t^énétraiit  dtitis  un  des  intervatles  de  sa  ligne  de  bataille  ^mo. 
il  serait  facile  de  la  couper  en  deux  et  d*en  culbuter  la  droite  i*«>rt°ff>t^ 
ou  la  gauche  en  prenant  en  flanc  Tune  ou  Fautre  de  ces  ailes. 
Dans  un  conseil  où  le  maréchal  réunit,  le  soir,  les  diefs  des 
trois  corps  d*année  et  les  commandants  de  Tartillerie  et  du 
génie,  le  duc  d*ElchiDgen  exprima  le  regret  qu*on  n'eût  pas 
attaqué  la  veille  et  soutint  qu'il  n^était  plus  temps  d'y  songer; 
il  émit  ravis  de  rclouruer  h  Visai  ou  même  sur  TAguéda,  pour 
y  attendre  des  renforts.  Masséna  repoussa  avec  indignation  un 
conseil ,  sinon  pcrflde ,  du  moins  contraire  au  caractère  de  ce- 
lui qui  le  donnait;  et,  déterminé  par  l'assurance  de  Reynier, 
qui  promettait  de  dérober  la  marche  de  ses' colonnes  à  la  vue 
de  l'ennemi,  il  résolut  d'attaquer.  Ainsi  il  est  faux  de  dire  que 
ce  fut  par  amour-propre  qu'il  se  dirigea  dans  cette  occasion,  et 
que,  jaloux  de  conserver  le  titre  d'heureux  que  lui  avaient  valtf 
tant  de  glorieux  comlmts,  il  crut  pour  son  propre  honneur  de- 
voir affronter  un  écueil  qu'un  général  vulgaire  eût  prudemment 
évité.  Tout  le  monde  demandait  une  bataille ,  et  il  l'accorda, 
moins  peut-être  pour  obtenir  de  l'ascendant  sur  l'ennemi  par 
une  victoire  que  pour  forcer  ses  lieutenants  à  la  soumission  ; 
mais  il  flt  la  faute  de  leur  abandonner  l'exécution  de  ses  ordres 
écrits,  et  de  ne  pas  diriger  lui-même  tous  les  détails  des  atta* 
ques.  Ici  se  présente  encore  une  occasion  de  faire  remarquer  la 
différence  des  moyens  employés  par  les  deux  chefs  d'armée. 
Wellington,  impénétrable  dans  ses  desseins,  les  mettait  à  exé* 
cution  sans  consulter  les  généraux  placés  sous  ses  ordres,  bleu 
qu'ils  fussent  d'un  grade  égal  au  sien ,  ou  même  d'un  grade 
supérieur,  tel  que  le  maréchal  Beresford.  Il  était  général  en 
chef,  ne  prenait  conseil  que  de  ses  propres  inspirations,  et  tout 
le  monde  lui  obéissait.  11  n'en  était  malheureusement  pas  de 
même  dans  Tannée  française  :  sous  les  ordres  immédiats  de 
l'empereur,  chacun  obéissait  et  tenait  à  honneur  d*obéir;  sous 
ses  lieutenants  d'ignobles  Jalousies,  de  mesquines  rivalités  de 
comoiandement  amenaient  presque  toujours  des  revers. 

L'attaque  étant  résolue,  le  prince  d'Essling  dicta  ses  ordres 
pour  le  lendemain  27  septembre. 

Bataille  de  Busaco.  t-  C'était  précisément  le  Jour  même  de    ^  «.pt. 
l'arrivée  des  Français  devant  la  position  des  alliés  que  les  gé- 


4^0  unis  «BPTitet. 

isio.  Bémix  Hin  et  Leitb  avaieiit  rejoint  le  priadpri  eorpt  4e  r«r« 
Portsgai.  ^^  anglaisé  à  Bosaco.  Ainsi,  an  momenfliipportaB,  tottléB  lenn 
trottpes  forent  cdneentrées  sur  le  premier  point  faToraUe  qui 
$*offrit  pour  s*opposer  de  tons  4eur9  efforts  aux  vétérans  de 
Tarniée  française.  Le  sommet  de  l*Alooba  ,  occupé  par  eux,  a 
deux  lieues  d'étendue.  Sa  hauteur  interdit  à  peu  près  Tusage 
de  Tartilleiie  aux  assaillants.  Il  forme,  d'alileors,  une  positioe 
presque  inatfaqoal)le ,  quand  il  est  tout  à  ftilt  occupé;  niais  on 
a  besoin  pour  cela  d*one  armée  considérable.  D^autre  part ,  on 
doit  présumer  que,  lorsque  le  prince  d'EssIing  oràohna  l^atta- 
que,  Il  ignorait  eiK*ore  la  Jonction  des  corps  des  généraux  Bill 
et  Leitli,  qui  venait  de  s'effeelner,  à  son  insu ,  par  Tartre  ver- 
sant de  la  position. 

La  crête  de  la  montagne  d'Alcoba  était  alors  occupée ,  dans 
la  longueur  de  plus  d*tfne  lieue»  par  toute  l*armée  de  lord  Wel- 
lington, forte  de  59,000  hommes  d'Infanterie,  dont  27,000  Air^ 
glais  et  S3,000  Portugais;  sa  cavalerie  était  de  S^ooo  hommes; 
son  artillerie  eomptait  quatre-vingts  pièces  de  canion  de  tout 
calibre.  I^cnnenyi  n*avnit  réeliement  que  deux  points  à  défen- 
dre :  la  rouie  dcBusaco,  à  droite,  traversant  te  courent  du  même 
nom,  et  le  chemin  de  gauche,  par  San- Antonio  de  Cnntaro.  Ces 
deux  routes  menaient  également  à  Coïmbrc  ;  elles  gravissaient 
et  suivaient  l'Alcoba  l*espace  d*une  demi<<lieue»  et  des  deux 
c6tès  cette  montagne  était  si  escarpée  et  si  rolde  qu'elle  était 
absolument  impraticable.  Le  générai  anglais  avtit  fait  occuper 
tous  les  iMuquets  de  bois  et  les  hameaux  qui  se  trouvaient  dans 
le  système  de  sa  position.  Les  deux  routes  qui  conduisaient  sur 
le  dos  de  la  montagne  avaient  été  coupées  ou  Imrricadées  dans 
la  nuit;  etles  étaient  défendues  par  une  nombreuse  artillerie 
qui  les  battait  de  front  et  de  ilanc.  Il  était  impossible  aux  Fran- 
çais d'exécuter  un  seul  mouvement  qui  ne  fèt  aperçu  de  Ten* 
nemi;  aussi  se  porta-t-il  en  grande  force  sur  le  chemin  de  Bn* 
saeo,  que  le  prince  d'EssIing  semblait  menacer  davantage.  Le» 
Anglais  se  formèrent  par  échelons  depuis  le  milieu  de  hi  mon- 
tagne Jusqufàn  sommet,  ke  premier  de  ces  échelons . appuyé  à 
un  petit  village  situé  à  mi-côte ,  le  second  à'  deux  cents  toises' 
plu^  iMQt,  et  le  troisième  sur  le  platean  adossé  au  mur  dé  ren- 
dus du  couvent  de  Busaco.  Les  troupes  formant  ce  dernier 


GUEIHB  D'XSPAeVIB.  491 

échelon  se  iKmipoMtieBt  de  fortes  masse»  d'inbiilerie,  placées  itio. 
an  point  où  les  deux  diemias  joignaient  la  crête,  et  destinées  à  ^^^^^'^ 
soutenir  l'artillerte  et  à  repousser  les  Français,  s'ils  appro- 
clmient  du  sommet  après  atoir  enlcTé  les  bois  et  les  hameaux 
qui  fortIflalcBt  la  ligne  ennemie»  Les  commandants  des 
divisions  anglaises,  se  tenant  sur  les  points  les  plus  élevés  de 
leur  ligne  de  bataille^  découvraient  tous  les  mouvements  des 
tloupes  qu'on  était  à  même  de  leur  opposer,  et,  au  besoin,  lord 
WelUngton  pouvait  lUre  jmier  ses  quatre-vingts  pièces  à  la  fois. 
Cette  dernière  dreonstaoce  seule  assurait  déjà  tout  Tavantage 
à  rennemi,  puisque  la  nature  des  lieux  et  du  champ  de  bataille 
ne  permettait  pas  au  générai  français  de  foire  soutenir  ses  co- 
lonnes d'attaque  par  une  seule  pièce  de  canon.  La  réserve  an- 
glaise ne  tarda  pas  à  se  démasquer  et  à  prendre  position  sur  le 
plateau  entre  Busaco  et  San-Antonlo;  le  général  Hill,  qui  la 
commandait ,  se  trouvait  ainsi  à  même  de  se  porter  partout  ou 
son  secours  serait  nécessaire. 

L'armée  française  comptait  .^0,000  fantassins  et  4,ârOO  ca- 
valiers. Diaprés  les  dispositions  prises  par  le  maréchal  Masséna^ 
te  6*  corps  formait  la  droite,  sur  la  route  de  Viseu  à  Coîmbre 
qui  passe  par  Moira,  et  avait  reçu  l'ordre  d'attaquer  le  couvent 
de  Busaco  dan»  cette  direction.  Le  3^  corps  tenait  la  gauche  ^ 
à  ttauteur  de  San- Antonio  de  Cantaro ,  et  devait  pousser  l'en*- 
nemi  sur  le  couvent  en  gravisMunt  la  croupe  de  la  montagne  au 
pied  de  laquelle  était  massée  la  division  du  général  Merle  ;  ce 
corps  d'armée  faisait  face  à  la  droite  des  alliés ,  par  laquelle  it 
élait.délK>rdé.  Lee^  corps  occupait  le  centre  et  servait  de  ré- 
serve. Le-  prince  d*£ssling  se  plaça,  avec  l'état-major  général , 
sur  un  mamelou,  près  de  la  roule,  au  centre  du  maréchal  Neyy 
et  à  portée  de  quelques  batteries  anglaiises.  Derrière  hii  se 
trouvait  hi  cavalerie  du  général  Montbrun.  Quelques  pelotonsi 
de  cavalerie  légère  éclairaient  le  flanc  droit  de  l'armée  française. 
L'artillerie  était  derrière  le  G*  corps,  disposée  à  suivre  l'infan- 
terie aussitôt  que  cell»«i  serait  arrivée  sur  la^  crête  de  l'Aieoba^ 

Le  27,  à  sept  heures  d^  matin,  les  a*  et  e^  corps  ottaquèrettC 
simultanément  avec  une  bravoure  sans  exemple;  l'attaque  du 
générai  Reynier  sur  San-Antonia  eut  pendant  un  instant  un 
succès  complet;  ses  troupes  gravirent  la  montagne  malgré  le 


499  UVAB  SBVTlkMB. 

«sfo.  fcu  nourri  des  Anglais,  qui  hésitèient  un  moment  La  pente 
fortusal.  jq  PAlooba,  quoique  généralement  très-rude,  était  pourtant 
beaucoup  plus  aeeessible  que  du  oôté  de  Busaeo.  La  division 
Merle,  parvenue  jusqu'au  sommet,  commençait  déjà  à  se  former 
sur  le  plateau ,  lorsqu'elle  fut  aussitôt  attaquée  par  le  général 
Pictott,  à  la  tète  des  55*  et  88'  régiments  anglais,  soutenus  par 
le  8*  régiment  portugais.  Ces  régiments,  s'avançant  résolument 
contre  la  brigade  du  général  Graindorge,  firent  à  quinze  pas 
une  décharge  qui  blessa- mortellement  ce  général,  ses  deux  co* 
lonels  et  un  grand  nombre  d*ofllciers.  De  son  côté,  le  général 
Merle,  qui  s'était  établi  avec  sa  i"*  brigade  sur  ki  crête  du  pla* 
teaU;  fut  attaqué  par  le  général  Leith  à  la  tète  des  9«  et  38*  légi- 
ments  anglais.  Abordés  par  un  violent  feu  de  moosqueterie , 
les  2*  léger  et  86*  de  ligne  furent  rejelés  au  bas  du  plateau  avec 
une  perte  énorme.  Le  général  Merie  et  presque  tous  ses  offi* 
ciers  supérieurs  furent  blessés  ou  tués.  Le  eootbat  était  trop  dis- 
proportionné pour  que  les  Français  pussent  le  soutenir  long* 
temps;  ils  étaient  harassés  de  fatigues,  afiaiblis  déjà  par  les 
engagements  qu'ils  avaient  eus  depuis  le  bas  de  la  montagne 
Jusqu'en  haut,  sans  une  seule  pièce  de  canon^  et  tout  au  plus  au 
nombre  de  4,000  combattants.  16»000  hommes  de  troupes  firai* 
cheSy  soutenues  par  une  bonne  artillerie,  marchèrent  rapide- 
ment sur  eux,  déterminèrent  leur  retraite  »  et  les  forcèrent  à  se 
préd^ter.  en  désordre  du  haut  de  la  position.  Cependant  le  gé- 
néral Reynier,  ayant  rallié  sa  i"^  division,  ordonne  au  général 
Sarrut  de  renouveler  l'attaque,  appuyé  par  la  brigade  Foy,  de 
la  3*  division  ;  mais  à  peine  Sarrut  a-t*il  gravi  les  deux  tiers 
de  la  montagne  à  la  tète  de  quatre  r^ments  réduits  de  moitié 
qu'il  est  renversé  par  Picton.  Le  74*  régiment  anglais,  appuyé 
par  les  9*  et  21*  régiments  portugais,  s'élance  ensuite  sur  la 
brigade  Foy  et  la  rejette  avec  perte  jusqu'au  bas  de  la  monta- 
gne, après.avoir  mis  son  général  hors  de  combat 

Fendant  que  le  général  Reynier  attaquait  l'aile  droite  des 
alliés,  la  3*  division  du  duc  d'£lchingen,  formant  tète  de  co^ 
kmne,  et  commandée  par  le  général  Loison,  s'était  aussi  ébran- 
lée. La  seconde  brigade  de  droite  de  cette  division,  celle  du  gé^ 
oéral  Ferrey,  lança  des  tirailleurs  sur  ceux  de  l'ennemi ,  et  suivit 
un  étroit  sentier  qui  la  conduisit  droit  sur  la  route.  L'autre  bri- 


OnBRBV  D*£SPAG1II.  49S 

gade,  oommandée  par  le  général  Simon ,  monta  dans  un  des  tsio. 
endroits  les  plus  élevés  et  les  plus  rapides  et  gravit  les  escar*  '^^^fP^ 
pements  en  face  dn  Yiilage  de  Snl.  Jamais  troupe  ne  fit  preuve 
de  plus  d*élan  et  de  plus  de  courage  que  n'en  montra  cette  bri* 
gade,  dans  une  occasion  aussi  périlleuse.  Artillerie,  mitraille» 
mousqueterie^  charges  à  la  baicmnette^  difficultés  du  terrain, 
elle  surmonta  tout  avec  la  plus  incroyable  audace;  rien  ne  put 
ralentir  sa  marche.  Elle  culbuta  promptement  les  tirailleurs  et 
s'empara  du  village  de  Molra,  et  atteignit  enfin  la  crête  à  la 
place  même  où  étaient  les  pièces,  que  les  canonniers  venaient 
d'emmener  au  galop.  Le  général  Simon ,  marchant  intrépide- 
ment  à  la  tète  de  ses  tirailleurs ,  continuait  de  repousser  ren-" 
nemi  lorsqu'il  fut  grièvement  blessé  de  deux  coups  de  feu. 
Dans  ce  moment,  les  4S^  et  52*  régiments  de  ligne  anglais,  con-* 
duits  par  Crawfùrd  et  presque  masqués  sur  le  versant  opposé,  . 
s'avancèrent  au  pas  de  charge,  et  firent,  à  dix  pas,  un  feu  nourri 
et  meurtrier  sur  la  brigade  française,  qu'ils  prenaient  en  flanc. 
Gelle-ei  l^it  forcée  de  rétrograder  en  toute  hâte  et  d'abandonner 
ses  blessés,  au  nombre  desquels  se  trouvait  le  brave  général 
Simon.  Quant  à  la  brigade  Ferrey,  composée  des  33*  léger,  66* 
et  82*  de  ligne,  qui  luttait  depuis  une  heure  contre  la  brigade 
Colman,  elle  fut  forcée  de  se  retirer  en  arrière  de  Moira,  après 
l'échec  éprouvé  par  la  brigade  Simon. 

La  division  Marchand  (t^du6*  corps),  qui  devait  atta« 
quer  en  même  temps  que  la  8*,  avait  commencé  son  mouvement 
beaucoup  plus  tard.  Elle  devait  suivre  la  route  de  Busaco  pour 
s'emparer  du  passage  ;  elle  s'engagea  précisément  au  moment 
où  la  brigade  Simon  était  repoussée.  L'Instant  était  éminem- 
ment critique;  la  route  de  Busaco  était  battue  de  front  et  de 
flanc  gauche  par  une  bonne  artillerie,  soutenue  de  masses  d'in* 
fiinterie.  Les  troupes  de  la  division  française  marchaient  sur 
trois  files  d'épaisseur;  mais,  comme  les  boulets  creux,  la  mi- 
traille lui  enlevaient  des  files  entières,  et  que  les  bouquets  de 
bruyères  et  de  bois  qui  se  trouvaient  à  quinze  ou  vingt  pas  sur 
la  gauche  étaient  garnis  de  tirailleurs  ennemis,  la  première  bri- 
gade, celle  du  général  Maucune,  se  jeta  de  ce  côté ,  tant  pour 
se  soustraire  à  l'effet  meurtrier  de  l'artillerie ,  que  pour  éloi- 
gner les  tirailleurs  qui  l'incommodaient.  Elle  fut  suivie  par  la 


494  LITBB  SEPTIÈMB. 

j»io.  deu)Lièiiiebrigfule.(>BioQV€iii6atâefla]iceoùtaeheràladWifl^ 
PortufliL  ^^^  ^Q  quoiqim  minutes,  les  e""  Mger  ^  S{^,69<'  et  76*  de  ligDt 
fareat  accablés  de  mitraille  et  de  boulets.  Le  général  Maucone 
fut  grièvement  blessé  et  le  colonel  .^y  fut  tué.  Gependaiit  oq 
repoussa  plusieurs  fois  les  tirailleurs  ennemis  jusqu'à  la  crête; 
quelques  voltigeurs  pénétrèrent  même  dans  lu  retraBdiement 
qui  se  trouvait  au-dessous  du  rocher  de  gauche»  ou  l'ennemi 
avait  une  batterie;  mais  tous  y  furent  tués  ou  en  sortirent  Mcs« 
ses.  Ce  peu  de  succès  n'empêcha  point  le  général  Marchand  de 
former  de  nouvelles  colonnes  d'attaque,  et,  après  quelques  ins- 
tants de  repos»  de  marcher  une  seconde  fois  en  avant.  Les  trou- 
pes s*y  portèrent  avec  la  même  valeur  que  la  première  fois; 
mais  les  mêmes  raisons  de  supériorité  que  la  position  donnait 
aux  alliés  produisirent  les  mêmes  résultats.  Enfin,  Tattaque 
ayant  échoué,  et  Tennemi  s'opiniétrant  à  rester  sur  ses  hauteurs, 
on  ne  fit  plus  que  se  tirailler  jusqu'à  la  nuit.  Les  deux  arméea 
gardèrent  les  positions  qu'elles  occupaient  avant  Tafitaire; 
les  postes  français  furent  même  poussés  un  peu  plus  loin,  pour 
montrer  sans  doute  que  l'armée  n'avait  point  cédé  de  terrain. 
Un  avantage  plus  réel  pour  le  général  anglais  fut  d'être  re* 
haussé  daiis  l'opinion  de  ses  soldats,  et  de  leur  avoir  donné  une 
haute  idée  d'eux-mêmes.  Lord  Wellington  n'omit,  du  reste, 
aucun  moyen  pour  flatter  l'amour-proprenation^d  de  ses  troupes» 
et  Ton  peut  dire  que,  le  lendemain  de  la  bataille  de  Busaco,  leur 
courage  était  accru  de  moitié. 

Les  Anglo-Portugais  occupaient,  sur  la  montagne  d'Alcoba, 
une  position  qui  formait  un  arc  de  cercle  et  embrassait,  par  ses 
deux  extrémités,  le  terrain  sur  lequel  s'avançaient  les  Fran- 
çais. Le  général  ennemi  avait  vu  les  moindres  mouvements  de 
ces  derniers  et  avait  eu  le  temps  de  réunir  d'avance  de  granr 
des  forces  pour  les  recevoir  ;  cette  circonstance  contrikbua  prin- 
cipalement au  succès  qu'il  remporta.  Les  Français  perdirent 
1,800  hommes  dans  leurs  attaques,  et  ils  eurent  2,70u  blessés. 
Au  nombre  des  morls  se  trouvaient  le  général  Graindorge,  les 
colonels  Meunier,  Amy  et  Berlier  ;  parmi  les  blessés ,  les  gé- 
néraux Merle,  Foy,  Maucune,  Simon,  prisonnier;  les  colonels 
Merle,  Desgraviers,  Lavigne,  Bechaud  ;  les  adjudants  comman- 
dants Pinoteau,.  Bouret;  1  a  chefs  de  bataillon,  et  enfin  225  of- 


Portugal. 


OOEAHB    D^SPAON£.  4^S 

QdeiBy  tanfc  (u^  qu^  blessés  et  prisonnier.  Les  Anglais  et  les      isio. 
Portugais,  protégés  p^r|eurposition,n*eurentqueiy600  hommes 
Ikprs  de  epnibat. 

Getéc|iec,  au  début  de  la  campagne,  porta  une  atteinte  pro- 
fonde à  la  confiance  dont  tant  de  glorieux  souvenirs  avaient 
investi  le  vainqueur  de  Zurich ,  et  fit  naître  de  fâcheuses  mé- 
sintelligences entre  le  général  en  chef  et  ses  lieutenants.  Le  ma- 
réchal Ney  surtout  édata  en  propos  irritants,  que  répétèrent  à 
•  l'envi  ceux  qui  blâmaient  les  dispositions  prises  par  Massent^ 
dans  cette  fatale  Joçimée.  Cependant,  à  Busaco  comme  à  Tala- 
véra,  Wellington  n'avait  obtenu  d'autre  avantage  que  celui  de 
conserver  sa  position,  que  vraisemblablement  il  eût  perdue  s*i) 
eût  été  permis  au  général  en  chef  de  diriger  en  personne  et  si- 
multanément les  attaques  de  Reynier  et  du  duc  d'Elchingen  ^ 
ce  que  la  nature  du  champ  de  bataille  rendi^t  impossible. 

Le  lendemain  38)  le  maréchal  Masséna  fit  reconnaître  le  pays, 
à  droite  et  à  gauche  de  la  ligne,  par  le  général  Sainte-Croix , 
pour  chtmit  des  renseignements  sur  les  débouchés  de  la  Serra 
d'Alcoba»  et  apprit  qn*on  pouvait  la  tourner  par  la  droite,  où 
un  chemin  conduisant  de  Mortagoa  à  Boialva  traversiôt  la 
Serra  de  Caramula.  Le  général  Montbrun,  chargé  de  reconnaître 
ce  chemin  dans  toute  son  étendue,  rapporta  qu'une  bonne  route 
joignait  fioialva  à  Avelans  de  Camino,  et  reliait  ce  village  à  la 
chaussée  d'Oporto  À  Coirabre.  Satisfait  de  ces  renseignements, 
qui  lui  permettaient  de  tourner  la  position  des  aillés,  Masséna 
ordonna  au  docd'Abrantès  de  partir^  à  la  nuit  tombante,  dana 
la  direction  de  Sardao,  de  s'arrêter  sur  la  crête  de  la  montagne 
et  d*y  attendre  l'arrivée  dès  autres  corps  d*armée  ;  au  duc  d'El- 
ohingen,  de  se  diriger  sur  les  traces  du  S*'  corps  et  de  s'arrêter  à 
Boialva  ;  au  général  Reynier,  de  suivre  le  6^  corps  par  Mortagoi^ 
et  de  camper  en  arrière  de  Boialva,  Par  cette  disposition ,  le 
8^  corps ,  précédé  de  la  cavalerie,  formait  Tavant-garde ,  le  6° 
le  oorpsde  bataille,  et  le  3^  l'arrière-garde,  quesuivaient  le  parc 
et  les  équipages  sous  la  protection  d'une  partie  de  la  cavalene 
de  réserve. 

Ce  mouvement  de  flanc,  en  présence  de  l'ennemi,  qm^  en 
se  précipitant  sur  les  colonnes  en  marche ,  aurait  pu  y  porter 
le  désordre ,  fut  exécuté  heureusement  pendant  la  nuit.  Les 


496  LIVmB  8EPTIBHB. 

<t(io.  Français ,  à  défaut  de  moyeDs  de  transport  pour  enlever  leun 
Poftuga  i^i^gg^^  firent  aux  uns  des  brancards  de  feuillage ,  noués  avec 
les  bretelles  de  fusil  coupées  par  bandes  ;  les  autres  montèrent 
les  chevaux  de  cavalerie  légère  ou  furent  emportés  à  dos  par 
leurs  camarades.  On  marcha  toute  la  nuit.  La  cavalerie,  préeé* 
dée  par  la  brigade  Sainte-Croix,  ouvrait  la  marche,  qui  ne  Ait 
point  troublée.  Tandis  que  Wellington  formait  sa  ligne  de  ba- 
taille sur  la  Serra  de  Busaco,  11  prescrivit  au  brigadier  Trant 
de  se  porter  avec  sa  brigade  sur  Sardao,  an  débouché  des  mon- 
tagnes, ou  il  prévoyait  que  Masséna  pourrait  tourner  sa  gaudie 
par  le  chemin  de  Mortagoa  à  Oporto.  Trant,  qui  venait  de  San- 
Pedro  de  Sul,  arriva  encore  à  temps  pour  défendre  le  débouché 
de  Sardao;  mais  ses  milices,  peu  nombreuses  et  inaguerries, 
furent  rejetées  au  delà  de  la  Youga  par  Tavant-garde  française, 
et  le  29,  kl  montagne  fut  tournée  par  la  droite.  L'ennemi,  ayant 
alors  aperçu  ce  mouvement ,  qu'il  eût  été  si  facile  d'arrêter» 
opéra  sa  retraite  en  bon  ordre  par  le  revers  opposé  de  T Alcoba  ; 
Hill  repassa  le  Mondégo  et  TAlva ,  avec  ordre  de  se  diriger  sur 
Thomar  par  Espinhal  ;  Wellington,  avec  le  gros  de  son  armée, 
se  dirigea  sur  Méalhada,  tandis  que  rartiilerte,  escortée  par-la 
division  de  troupes  légères  du  général  Grawfurd ,  descendait 
sur  GoSmbre  en  suivant  le  chemin  du  couvent  de  Busaoo. 

Ce  fut  alors  qu'un  blâme  universel  tomba  sur  le  général  en 
chef  français.  On  lui  reprochait  de  n'avoir  pas  exécuté  cette 
manœavre  avant  l'attaque,  et  d'avoir  inutilement  sacrifié  4,000 
de  ses  plus  braves  combattants.  Sans  doute  il  valait  mieux 
chercher  à  tourner  la  position ,  comme  on  fut  forcé  de  le  faire 
après  un  si  grave  échec  ;  ojais  l'armée  voulait  enfin  se  mesurer 
avec  un  ennemi  qui  Jusqu*alors  avait  fui  devant  elle,  et  qui 
paraissait  décidé  à  accepter  la  bataille.  D'ailleurs  l'empereur 
prescrivait  de  marcher  sur  Lisbonne  pour  en  chasser  les  Anglais, 
et  une  victoire  ouvrait  à  l'armée  le  chemin  de  cette  capitale. 
Masséna,  comptant  encore  sur  sa  fortune ,  espérait  que  ce  pre- 
mier essai  de  l'audace  et  de  l'impétuosité  françaises  décourage- 
rait l'ennemi  et  aurait  une  utile  influence  sur  les  suites  de  cette 
campagne.  Il  se  décida  donc  à  attaquer  avec  de  vaillants  soldats 
une  position  formidable,  mais  non  inattaquable,  qu'il  eût  forcée 
s'il  eût  été  mieux  secondé. 


GUBBBB   d'eSPAGHK.  491  ' 

'  Le  30  septembre  Wellington  passa  le  Mondégo  snr  deux  oo-      it lo. 

'  lonnes,  Tone  par  le  pont  de  Coimbre,  Tautre  en  aval,  à  gné.  Il    ^<*r<"ff*i- 

(  oontinua  sa  mardie  rétrograde  le  1**^  et  le  2  octobre^  et  ne  réunit 

I  son  armée  qu'à  Leiria,  où  il  séjourna  jusqu'au  6.  Il  ne  resta 

^  sur  la  rive  drdite  du  Mondégo  que  la  division  Grawfurd  et  la 

i  eavalerie. 

^  Après  avoir  franchi  les  défilés  de  Serdao ,  l'armée  française 

I  marcha  directement  sur  Goîmbre.  Chemin  faisant,  les  dragons 

d'avant-garde  du  général  Sainte-Croix  échangèrent  quelques 
I  coups  de  sabre  avec  un  petit  corps  de  cavalerie  qui  couvrait 

Farrière-garde  ennemie.  La  tète  de  l'armée  française  entra ,  le 
l<^r  octobre,  dans  la  capitale  de  la  province  de  Beira.  Cette  ville 
était  déserte.  Les  habitants»  effrayés  par  les  mesures  de  lord 
Wellington  et  du  maréchal  Beresford,  s'étaient  enfuis  à  la  nou- 
velle de  l'arrivée  des  Français.  Une  proclama^on  des  généraux 
anglais  ordonnait  à  tous  les  Portugais,  habitants  des  cités  et  des 
campagnes,  de  fuir  et  d'emporter  ou  de  détruire  sans  ménage- 
ment tout  ce  qui  aurait  pu  être  utile  aux  Français.  La  veille 
encore  de  nombreuses  arrestations  avaient  eu  lieu  dans  Goîm- 
bre ;  on  avait  enlevé  avec  violenoe  et  condamné  à  la  déporta- 
tion des  personnages  de  marque  qui  refusaient  d'exécuter  les 
ordres  des  généraux  anglais.  Toute  la  population  de  Coîmbre 
et  des  lieux  environnants,  s'enfuyant  en  masse  par  les  défilés 
qui  conduisent  à  Condeixa,  compromit  la  division  de  Grawfurd, 
qui  couvrait  la  retraite  de  l'armée  alliée.  Le  général  Sainte- 
Croix,  à  la  tète  de  cinq  régiments  de  dragons^  venait  de  pousser 
l'arrière-garde  ennemie  jusque  sous  les  murs  de  Goîmbre  ;  celle- 
ciy  forcée  de  traverser  la  ville  pour  gagner  le  pont  du  Mondégo, 
fut  arrêtée  par  la  foule  épardue  des  habitants  qui  encombraient 
les  rues  y  ce  qui  donna  le  temps  aux  dragons  français  d'arriver. 
Leur  apparition  causa  un  tel  désordre  que,  s'ils  eussent  été  sui- 
vis de  l'infanterie  du  général  Taupin»  qui  faisait  partie  de  l'a- 
vant-garde, c'en  était  fait  peut-être  de  Grawfurd,  dont  l'infan- 
terie put  à  peine  se  faire  jour.  Quant  à  la  cavalerie,  elle  Ibt 
obligée  de  se  jeter  sur  la  route  de  Figueira,  sur  laquelle  Sainte- 
Croix  la  poursuivit  jusqu'à  Casas-Novas.  Les  soldats  français 
ayant  pénétré  dans  la  ville  commencèrent  à  fouiller  les  maisons  ; 

ils  trouvèrent  dans  presque  toutes  du  riz^de  la  farine,  du  biscuit, 
x.  sa 


49S  LIVKB  BBPTlàm. 

i«i«.  du  vin  e!l  une  grande  quantité  do  légumes  secs  et  de  denrées  co- 
Portugal.  |0Qj|||^,  oi^  ^^f^i  voulu  d'abofd  les  empêcher  d'entrer  en  ville; 
mais,  instruits  par  l'expérience,  ils  avaient  peu  de  oonfianoe  dans 
tes  administrations  chargées  de  leur  préparer  des  distributions 
de  vivres.  Le  plus  grand  nombre  voulaient  s'asmrer  par  eux- 
mêmes  des  ressources  existant  dans  la  ville.  Insensiblement  ils 
oublièrent  le  motif  presque  plausible  qui  les  avait  portés  à  en- 
freindre les  ordres  siqpéricurs,  et  ils  se  mirent  à  piller.  Bientôt  tou- 
tes les  maisons  furent  ouvertes  de  vive  force^  dégradées  et  sacca- 
gées; en  un  mot,  la  ville  entière  fut  livrée  au  pillage;  de  sorte  que 
Goîmbre,  dont  les  ressources  auraient  alimenté  Tarmée  plus  de 
quinze  Jours,  fournit  à  pdne^  Tadministration  quelques  tonneaux 
de  biscuit  et  de  farine.  Dans  cette  circonstance,  la  négligence 
des  autorités  supérieures  françaises  est  d'autant  plus  condam- 
nable que  l'on  avait  résolu  de  faire  rester  dans  cette  ville  les 
malades  et  les  blessés.  Or,  le  maréchal ,  ne  pouvant  pas  aflaiblir 
son  armée  au  moment  de  livrer  une  grande  batalUe,  se  trou- 
vait dans  rimpossibilité  absolue  d'y  laisser  une  garnison  sufi&- 
santé.  Les  blessés  allaient  se  trouver  inévitablement  à  la  merci 
des  habitants  de  retour  chez  eux  après  le  départ  de  Tarmée. 
A  quels  alfreux  traitements  ne  devaient  point  s'attendre  ces 

victimes  d'une  cruelle  représaille? 

Le  prince  d'EssIing  quitta  Coîmbre  le  4  octobre.  Le  5,  l'ar- 
mée coucha  à  Gondeixa-Velha,  à  trente  lieues  de  Lisbonne.  Les 
Français  suivirent  la  route  de  Redinha,  Pombal,  et  arrivèrent 
le  7  à  Leiria,  où  Ton  apprit  pour  la  première  fois  que  Welling- 
ton se  retranchait  depuis  un  an  devant  Lisbonne.  L'arrière-garde 
ennemie,  ayant  voulu  défendre  une  position  avantageuse  qu'elle 
occupait,  fut  culbutée  par  la  cavalerie  française.  Le  même  jour, 
7,  le  brigadier  anglais  Trant,  à  la  tète  des  milices  de  l'est  du 
Portugal ,  se  préseota  devant  Coîmbre.  La  petite  garnison  de 
600  hommes  qu'y  avait  laissée  le  maréchal  Masséna  se  défen- 
dit avec  la  plus  grande  valeur;  mais  elle  était  trop  faible  pour 
résister  longtemps  à  ses  nombreux  ennemis.  Ceux-ci,  encou- 
ragés par  l'infériorité  numérique  de  leurs  adversaires ,  se  portè- 
rent avec  fureur  sur  l' hôpital ,  pour  y  égorger,  sans  risque  et  sans 
pitié,  les  2,000  malades  ou  blessés  qu'on  y  avait  abandonnés; 
mais  ces  derniers,  réunis  à  la  garnison,  loin  de  se  laisser  abat- 


OOSMBS  ]>*BSPAailK.  409 

ira  par  fa  potltioti  désespérée  où  ils  se  trouvaient ,  résolarent  isio. 
de  moarir  en  gens  de  eœor,  et  de  vendre  ehèronent  le  reste  de  ''^^'S^ 
vie  qu'un  ennemi  impitoyable  voulait  leur  arraciier.  A  Tinstant 
même  le  oouvent  dans  lequel  Tliôpital  avait  été  établi  fut  bar- 
ricadé. Ceux  des  malades  qui  pouvaient  encore  marcher  se 
portèrent  dans  les  cours,  aux  fenêtres,  dans  les  Jardins,  pour 
en  défendre  rapproche  à  renoemi  ;  les  autres,  que  des  blessures 
graves  ou  des  membres  amputés  mettaient  dans  rimpossibilité 
de  se  lever,  restèrent  sur  leurs  lits,  avec  leurs  armes,  et  se  dis- 
posèrent à  déchirer  leurs  dernières  cartouches.  L'oDuemi»  étonné 
de  la  résistance  qu'on  lui  opposait,  offrit  une  capitulation,  que 
les  Français  acceptèrent  ;  ils  se  rendirent  prisonniers  au  colonel 
Trant,  qui  leur  assura  qu'on  aurait  pour  eux  tous  les  égards  dus 
au  courage  malheureux. 

Après  cette  prise  mémorable  d^un  hôpital,  le  colonel  anglais 
hiissa  une  forte  garnison  à  Goîmbre  et  se  dirigea  sur  Oporto , 
suivi  de  son  convoi,  composé,  indépendamment  d'environ 
î,000  blessés  ou  malades ,  des  500  hommes  de  garnison  et  de 
beaucoup  d^employés  de  l'administration  de  l'armée.  Arrivés 
à  Oporto,  les  malheureux  Français  furent  donnés,  pendant  trois 
jours,  en  spectacle  à  la  populace ,  et  promenés  dans  toutes  les 
rues.  On  avait  fait  monter  sur  des  Anes  ceux. qui  ne  pouvaient 
pas  marcher.  Jamais  pompe  triomphale  ne  fut  à  la  fois  aussi 
ridicule  et  aussi  barbare;  les  blessures  les  plus  graves,  les  souf- 
frances les  plus  horribles  ne  purent  dispenser  d'assister  à  cette 
affreuse  parade.  Plusieurs  ofSciers  français,  appuyés  par  quel- 
ques habitants  distingués  d'Oporto,  ayant  rédamé  contre  cette 
violation  manifeste  des  traités,  contre  ces  traitements  hamiliaots 
et  cruels,  que  réprouvaient  les  lois  de  la  guerre,  l'Anglais  Trant 
se  contenta  de  leur  répondre  avec  un  sang-froid  ironique  que 
tùus  les  moyens  étaient  bons  pour  exciter  et  entretenir  Ven^ 
thomiasme  du  peuple.  Lorsque  le  sort  des  malheureux  aban^ 
donnés  à  Coimbre  fut  connu  dans  l'armée  fhinçalse,  on  mur- 
mura hautement  contre  le  maréchal  ;  on  qualifia  généralement 
de  barbarie  une  imprévoyance  bien  coupable,  sans  doute,  puis- 
que tant  de  braves  en  avaient  été  les  victimes. 

L'armée  anglo-portugaise  se  retire  dans  ses  lignes  en  avant  lo  octotwe^ 
de  Lisbonne.  —Les  Français  marchèrent  de  Leirla  sur Moliano 

sa 


600  lIirAK  SBVTlànS. 

1810.  et  Bio-May or  ;  il  y  eut  quelques  esearmoiidieg  dans  les  ai^irons 
Portugal.  ijj'Aieoentre.  Les  ennemis  apportaient  plus  de  téMdté.dans  leor 
résistance  à  mesore  qu'ils  se  rapprochaient  de  lears  lignes.  Le 
9,  une  afEBtire  assez  sérieuse  s'engagea  à  Alenqner.  La  division 
légère  de  Crawfurd  et  la  brigade  portugaise  de  Pack  occupaient 
cette  petite  ville  et  toutes  les  hauteurs  qui  la  dominent;  tandis 
que  laca Valérie  française  manoeuvrait  pour  tourner  ces  positions, 
un  bataillon  du  t&^  régiment  d'infanterie  légère  enleva  à  la 
baïonnette  le  retranchement  de  la  chaussée,  et  entra  au  pas 
de  diarge  dans  Alenquer.  L'ennemi  se  retira  avec  précipitation  ; 
les  généraux  Reynier  et  Montbrun  se  mirent  à  sa  poursuite 
dans  la  direction  de  Villafranca,  et  le  duc  d'Abraitès  dans  etAle 
de  Sobral.  Ce  fut  en  avant  et  à  fort  peu  de  distance  de  ce  vil* 
lage  que  le  8*  corps  atteignit  Tarmée  ennemie  ;  elle  était  postée 
sur  des  hauteurs  et  derrière  des  retranchements  qui  coupaient 
la  route  en  plusieurs  endroits.  Les  troupes  f iiançaises ,  s' avan- 
çant de  position  en  position ,  arrivèrent  jusqu'au  village ,  où 
elles  entrèrent  en  même  temps  que  l'ennemi.  Au  même  m<»nent 
de  fortes  colonnes  anglaises  commencèrent  leur  mouvement 
pour  r^rendre  cette  position  importante,  qui  défendait  une 
première  ligne  établie  sur  le  Monte-Agraça.  Le  combat  s'enga- 
gea vivement;  l'ennemi  avait  déjà  10,000  hommes  en  bataille, 
et  cependant  il  ne  cessait  point  de  perdre  du  terrain  ;  il  était  déjà 
rejeté  derrière  un  ravin  en  arrière  de  Sobral,  lorsque  la  nuit  vint 
et  fit  cesser  le  combat.  Le  général  Glaùsel,  qui  n'avait  pas  encore 
été  rejoint  par  son  artillerie,  fit  rentrer  une  partie  de  ses  trou- 
pes, qui  s'étaient  abandonnées  à  la  poursuite  de  l'ennemi  bien 
au  delà  de  Sobral.  Il  se  borna  à  occuper  ce  village  et  les  bords 
du  favin  qui  couvraient  son  front;  mais,  comme  Tennemi  pou- 
vait déboucher  en  force  le  lendemain  par  le  chemin  de  Buccel- 
las,  le  général  français  y  fit  élever  pendant  la  nuit  quelques  ou- 
•  vreges  de  campagne.  La  2'  division  du  8''  corps  se  plaça  en 
échelons  à  mie  demi-lieue  en  arrière,  de  manière  à  observer  une 
vallée  et  différentes  chaussées  par  lesquelles  Tennemi  aurait 
pu  attaquer  à  l'improviste  et  déborder  ensuite  très-facilement 
la  droite  du  corps  d'armée* 

De  son  c6té  l'ennemi  ferma  la  route  de  Buccellas  par  un 
retranchement  de  six  j^eds  de  hauteur^  avec  fossé  et  palissades. 


GDBBBE  ]»*£8PAQIIB.  501 

n  éleva  afiasi  quelques  oUTrages  de  campagne  devant  ses  postes  mio. 
avancés ,  et  Jeta  six  forts  bataillons  dans  un  village  à  gauche  ^^"^"^ 
de  Sobral  ;  À  une  portée  de  fusil  de  distance  des  Français^  il  les 
dominait  d*nn  bord  du  ravin  à  Tautre.  Il  eût  pu  bellement 
avec  quelques  obuslers  ou  canons  les  contraindre  à  abandonner 
une  position  qui  se  trouvait  enfilée  et  dominée  presque  partout  ; 
maïs,  craignant  au  contraire  pour  son  artillerie»  il  la  fit  remonter 
pendant  la  nuit  à  la  redoute  de  Monte-Agraça.  A  la  droite  de 
S<ri>ral  il  environnait  également  toutes  les  hauteurs,  bordant 
la  vallée  qui  la  séparait  des  troupes  françaises. 

Les  postes  de  la  première  division  française  n'ayant  point 
été  poussés  assez  avant  sur  sa  droite»  renneml  porta  pendant 
la  nuit  un  bataillon  sur  le^  plateau  qui  aboutit  au  village  de 
Goxdras. 

Le  lendemain  10»  le  duc  d'Abrantès,  étant  allé  reconnaître 
les  positions  des  Anglo-Portugais,  s*aperçut  que  son  liane  droit 
était  tout  à  fait  débordé  par  le  mouvement  que  renneml  venait 
de  faire  sur  Goxeiras;  en  conséquence  il  donna  Tordre  an  gé<- 
néral  Sollgnac  de  le  rejeter  dans  la  vallée.  Toute  June  division 
anglo-portugaise  étant  venue  soutenir  le  bataillon  qui  occupait 
le  plateau,  le  général  Sollgnac  allait  être  forcé  de  rétrograder» 
lorsque  le  général  Gratin,  àla  tètedu  15^  régiment  de  Jigne,  vint 
rétablir  le  combat.  Chargé  à  la  baïonnette,  renneml  rentra  con- 
fùsénient  dans  ses  retranchements,  laissant  au  pouvoir  de  ses 
adversaires  le  plateau,  ses  blessés,  et  un  assez  bon  nombre  dé  [uri- 
sonniers.  La  droite  des  Français  fût  dès  lors  moins  en  ralr^  et 
l'ennemi  n^waplus  s'éloigner  du  canon  de  ses  redoutes» 

Le  13 ,  le  prince  d'Essling  »  voulant  s*assurer  des  forces  qui 
occupaient  le  village  de  gauche,  envoy&  quelques  compagnies 
d*élite  sur  le  retranchement  du  chemin  de  Buccellas  ;  ce  ra- 
tranchement  fut  enlevé  sans  hésitation.  Au  même  instant  les 
Français  attaquaient  Buccellas  de  front  et  par  la  droite;  mais 
Tennemi,  ayant  tout  à  coup  démasqué  6,000  hommes»  se  porta 
en  avant  du  village.  Là  le  combat  s'engagea  avec  une  nou- 
velle ardeur;  cependant,  comme  il  n'amenait  aucun  résultat , 
le  maréchal  le  fit  cesser,  et  l'ennemi  ne  chercha  point  à  le  pro- 
longer. La  nuit  suivante  »  il  évacua  lui-même  ce  village»  dont 
la  possession  donnait  quelque  force  à  la  position  de  Sobral. 


503  LIVBH  SSPTIÈMI. 

m:  Sur  ees  entreCeates,  la  cavalerie  française»  ayant  reoanna  là 
Purtogai.  ^^1^  ^Q  j3g^  ^  1^  36  ^^orp^  s*établit  à  Yillafranca  comme  le  s* 
rétait  à  Sobral. 

Les  montagnes  de  Yillafranca,  qoi  formaient  les  positions 
de  Lisbonne,  avaient  été  fortifiées  d'avance;  elles  étaient  re- 
tranchées ,  palissadées  en  plusieurs  endroits ,  et  liérissées  de 
pièces  de  canon  de  tout  calil>re.  L'ennemi  avait  trois  lignes,  qui 
s*appuy aient  au  Tage  par  la  droite  et  à  la  mer,  près  de  l'emlMNi- 
chure  du  Zizambro,  par  la  gauche.  La  première  de  ces  lignes 
avait  sa  droite  à  Alhandra,  et  sa  gauche  à  la  mer,  entre  Torrès- 
Yédras  et  Mafra,  passant  par  les  hauteurs  d*  Arruda,  de  Monte- 
Agraça^  et  se  terminant  à  Ponté-Réah  Elle  était  protégée  dans 
toute  sa  longueur  par  trente-deux  ouvrages»  qui  étaient  la  plu<* 
part  des  redoutes  fermées ,  avec  fossés  et  palissades,  et  armées 
de  cent  quarante  bouches  à  feu.  Lbl  seconde  ligne  avait  sa  droite 
à  Alveira;  elle  embrassait  les  défilés  de  Buccellas,  Montadii* 
queetBiafra.  Soixante-cinq  ouvrages  et  cent  cloquante  bouclies 
à  feu  la  défendaieut.  La  3*  ligne ,  qui  devait,  en  cas  d*échec  « 
couvrir  la  retraite  de  Tarmée  ennemie  et  protéger  son  embar- 
quement au  fort  Saint-Julien,  était  soutenue  par  onze  ouvrages 
et  quatre-vingt-treize  bouches  à  feu  ;  elle  s*étendait  de  Bdem 
à  Cascaès. 

Le  lieutenant  général  Hiii  occupait  Albandra  et  Buocellas  ; 
les  divisions  des  généraux  Crawfurd  et  Leith  étaient  sons 
Caldas;  celle  de  sir  Spencer  au  centre  et  à  la  gauche,  les  gé-r 
néraux  Picton»  Cole  et  Campbell  occupaient  Torrès-Védras  » 
Duas-Portas  etHibaldlera.  Le  quartier  géoéral  de  sir  Stappleton- 
Cotton ,  commandant  la  cavalerie,  était  à  Mafra.  Ces  lignes, 
malgré  leur  étendue, 'étaient  cependant  très-fortes  naturelle^ 
ment,  le  Tage  et  la  mer  empêchant  de  les  tourner.  On  n'avait 
en  outre  négligé  aucune  des  ressources  de  Tart  pour  les  rendre 
plus  formidables  ;  toute  l'artillerie  de  l'arsenal  de  Lisbonne  et 
d'une  partie  de  la  côte  les  garnissait;  tous  les  ouvrages  étaient 
occupés  par  des  troupes  qui  devaient  au  besoin  s'y  renfermer 
et  s'y  défendre.  Telles  étaient  les  fameuses  lignes  de  Torrès- 
Yédras. 

De  son  côté  Masséna  disposa  habilement  l'armée  française 
de  manière  k  la  réunir  en  quatre  heures.;  elle  couronnait  dei 


hauteurs  formant  un  second  are  de  eerde  ooneentrique  par  ra|h  «ri». 
port  à  celui  de  l*armée  ennemfe ,  mids  tracé  sur  un  rayoo  plus  ^^^^sM^ 
grand.  II  résultait  de  cette  disposition  que,  arec  moins  de  troi»- 
pes,  les  Français  gardaient  une  ligne  beaucoup  pHia  étendue. 
Un  vallon  assez  étroit,  situé  entre  Viilaiiranca.et  AUumdra,  sé- 
parait les  deux  armées,  et  un  petit  ruAsseau,  divisant  ce  vallo» 
en  deux  parties  à  peu  près  égales,  servait  de  limites  aux  postes 
avancés.  Le  2^  corps,  à  gaucbe  de  i'aroMe  française,  était  un 
peu  en  arrière  de  Villafirancay  s'appuyant  par  la  droite  sur  Arr 
nida.  Porto  de  Mugem  fut  occupé  par  «ue  brigade  de  cavaleris 
légère,  afin  d'entretenir  les  commumeations  avec  Santarem^ 
où  Ton  voulait  établir  le  dépôt  général  des  trois  corps  d'armée. 
La  cavalerie  du  général  Montbngm  était  sur  le  Zézère,  pour  tenir 
en  respect  la  garnison  d'Abrantès  et  protéger  les  derrières  de 
Tarmée.  Le  8*  corps  occupait  le  centre,  à  Sobral.  Une  divisioa 
de  dragons  qui  dépendait  de  ce  même  corps  d*armée  fut  placée 
par  le  général  Junot  à  Alcoentre,  pour  couvrir  son  flanc  droit 
contre  les  attaques  d'une  division  de  cavalerie  anglaise  station* 
née  sur  le  Zizambro.  Le  6*  corps  étsit  sur  la  gauche,  à  Otta  et 
Villanova;  il  fournissait  des  postes  le  long  du  Tage^  pour  obser- 
ver la  navigation  de  ce  fleuve ,  dont  Tennemi  était  maître  au 
moyen  de  ses  embarcations  et  de  ses  dialoupes  canonnières. 
La  division  Loison  fut  placée  à  cheval  par  le  maréchal  Ney  sur 
la  chaussée,  entre  Alenquer  et  Sobral,  pour  lier  entre  eux  Iqs 
2®  et  8*  corps.  La  division  du  général  Solignae  menaçait  la  vallée 
d*Arroda,  Tune  des  plus  fortes  positions  de  Tennemi.  Le  grand 
quartier  général  et  les  administrations  furent  établis  à  Alei)- 
quer. 

L'armée  française  était  entièrement  établie  dans  ces  diffé- 
rentes positions  au  12  octobre.  Ce  fut  ce  même  Jour,  à  quatre 
heures  après-midi,  que  le  jeune  Desoorcbes  SaintenCrolx,  ancien 
aide  de  camp  du  maréchal  Masséna  et  offider  général  de  la 
plus  haute  espérance,  étant  monté  presque  seul  sur  une  hau- 
teur pour  observer  quelques  chaloupes  anglaises  qui  tira^ip^t 
sur  un  des  postes  français,  fut  atteint  par  un  boulet  qui  rico- 
cha et  vint  le  couper  en  deux.  Cette  perte  Ait  vivement  sfQtb» 
par  toute  Tarmée  firançaise. 

Les  deux  armées  s'observent  réeiproqwment  ;  reînriie  des  oct-nov^ 


iS04  LITAB  JXPTlàlOU 

fg,o     -Français  sur  Saniarem;  passage  du  Zézère;  reeonnaissanùe 
Portugal.  surAbrantès,et€.  --*  Quelques  écrivains,  dans  des  relations 
d*ailleors  très-inexactes  de  cette  campagne  de  Portugal,  n*ont 
point  balancé  à  décorer  lord  Wellington  du  titre  pompeux  de 
FiUnus  moderne.  Jaloux  sans  doute  d'éviter  cette  partialité  pra- 
triotique  que  Ton  a  reprochée  aux  historiens  anglais»  ceux  dont 
nous  parlons  se  sont  constamment  montrés  censeurs  aussi 
sévères  de  la  conduite  des  généraux  français  qu'enthousiastes 
zélés  des  plans  du  général  anglais.  Pour  éviter  un  excès  excu- 
sable ils  sont  tombés  dans  on  autre  qu'il  nous  est  impossible 
de  Justifier.  Tout  en  louant  l'heureux  rival  de  Masséoa  et  en 
voulant  lui  rendre  justice ,  encore  fallait-il  accorder  quelque 
chose  à  la  chance  des  événements,  et  ne  pas  attribuer  exclusi- 
vement à  la  profondeur  immense  des  combinaisons  stratégiques 
du  noble  lord  les  succès  qu'il  a  obtenus.  En  dépit  de  l'événe- 
ment même  et  des  louanges  exagérées  prodiguées  au  générai 
anglais»  les  dispositions  qu'il  prit  à  Torrès-Yédras  pour  arrêter 
ie  prince  d'Essling  pouvaient  être  contrariées,  rendues  nulles, 
et  même  entraîner  par  suite  la  perte  de  l'armée  anglo-portu- 
gaise. Notre  intention  n'est  point  de  rabaisser  ici  le  mérite  du 
chef  de  cette  armée;  mais ,  puisque  nous  nous  sommes  fait  un 
devoir  de  ne  point  déguiser  les  fautes  de  Masséna ,  nous  vou- 
lons indiquer,  avec  la  même  franchise,  celles  que  Ton  pourrait 
reprocher  au  général  anglais.  Nous  avons  Jugé  qu'il  était  per- 
mis d'attribuer  quelque  chose  à  la  fortune,  et  de  ne  pas  tout 
considérer  comme  le  résultat  exclusif  de  l'expérience  et  de  la 
science  militaires.  Un  des  plus  grands  capitaines  de  la  France, 
et  sans  contredit  le  plus  modeste,  Turenne,  a  dit  :  En  fait  de 
guerre f  il  y  a  deux  parts  :  celle  du  général'et  celle  du  hasard; 
la  part  du  hasard  est  même  tot^ùurs  la  plus  forte.  Étayés  de 
ce  principe^  nous  avons  osé  examiner  la  conduite  du  général 
anglais ,  et  il  nous  a  semblé  que,  si  Masséna  perdit  sur  les  hau- 
teurs de  Yillafiranca  ce  surnom  d'heureux  que  lui  avaient  valu 
tant  de  brillants  faits  d'armes ,  lord  Wellington  mérita  plutôt 
ce  titre  que  celui  de  Fabius  moderne.  En  effet,  le  temporiseur 
du  Portugal  obtint,  par  suite  de  circonstances  entièrement  indé- 
pendantes de  sa  volonté,  un  résultat  que  n'eût  peut-être  point 
amené  cette  prudence  excessive  qu'on  a  tant  louée  chez  lui. 


GUBBAS  d'BSPAONB.  605 

Wellington  avait  sans  doote  aafflsanineot  de  moiiie  pour      itio. 
défendre  les  trote  lignes  qa*il  avait  tracées  en  avant  de  Lisbonne';    >*^<'^*<s*^ 
car,  indépendamment  de  ses  troupes  réglées,  il  avait  encore  à 
sa  disposition  cette  immense  population  qui,  de  gré  ou  de  force, 
avait  abandonné  ses  demeures  pour  se  réftigier  à  la  pointe  de 
risthme.  Cette  foule  innombrable  de  personnes  de  tout  sexe  et 
de  tout  Âge,  effrayée  de  sa  situation,  de  sa  position,  privée  des 
cboses  les  plus  nécessaires  à  la  vie,  était  campée  entre  Tespace 
qui  séparait  la  seconde  ligne  des  faubourgs.  Or  était-il  iMIe, 
était*il  possible  même,  aux  troupes  anglo-portugaises,  d'exé- 
cuter aucun  changement,  de  faire  aucune  manœuvre  avec  cette 
cohue  obstruant  les  chemins  et  gênant  les  grands  déploiements. 
La  première  ligne  ennemie  avait  douze  lieues  d*étendue,  en  rai- 
son des  accidents  et  des  dIfDcultés  du  terrain.  A  combien  d'at- 
taques, de  surprises  de  tout  genre  n*est-o|i  pas  exposé  lorsque 
Ton  a  un  front  si  vaste  à  défendre?  Quelles  que  fassent  l'exac- 
titude de  ses  gardes,  la  force  de  ses  positions,  la  surveillance 
de  ses  postes,  Tennemi  pouvait  être  trompé  et  enfoncé  sur  un 
point.  Les  grenadiers  français  maîtres  de  la  première  ligne, 
l'ennemi  était  forcé  de  se  replier  en  hAte  sur  la  seconde.  En- 
couragés par  un  premier  succès,  les  vainqueurs,  empressés  d'en 
obtenir  un  plus  décisif  encore,  tournaient  l'artillerie  de  la  pre- 
mière ligne  sur  la  seconde  et  poursuivaient  leur  attaque.  A  la 
vue  d'un  danger  si  imminent,  à  l'approche  d'une  aussi  terrible 
catastrophe,  que  Ton  se  représente  les  malheureux  habitants 
arrachés  par  le  soldat  anglais  de  leurs  demeures,  ces  vieillards, 
ces  femmes ,  ces  enfants ,  privés  d'espérance  et  de  ressources , 
poussant  des  cris  de  désespoir,  et  faisant  retentir  la  plage  de 
leurs  gémissements  I  Les  troupes  portugaises  sont  ^ranlées  par 
l'affreux  spectacle  que  leur  offrent  leurs  compatriotes;  le  dé- 
sordre, la  confusion  régnent  dans  l'armée  et  dans  la  flotte.  Au 
milieu  de  cette  capitale  si  populeuse ,  combien  de  citoyens  di- 
visés d'opinion ,  agités  d'intérêts  divers  !  Les  uns  veulent  fuir 
sans  le  pouvoir;  les  autres ,  contenus  Jusque-là  par  la  police 
violente  des  généraux  anglais,  manifestent  hautement  leur 
haine  pour  ces  alliés,  et  appellent  des  ennemis  qu'ils  ne  crai- 
gnent pas  de  trouver  plus  cruds  qu'eux.  Qu'arrivera-t-il  si , 
après  une  seconde  attaque,  l'armée  alliée,  acculée  au  fond  de 


4810. 


506  LIYSI   8IPTI&MB. 

l'isthme,  «st  ftircée  à  chercher  prédpiUnmieDjt  un  asile  sur  ses 
Portugal,  vidsseaux?  Désormais  moins  dociles  aux  insânnations  de  lears 
alliés,  les  soldats  portugais,  abrenvés  d'humiliations  et  de  mé- 
pris par  des  officiers  étrangers ,  oonsentironl-ils  à  fair  sous  un 
autre  ciel  y  et  les  vaisseaux  anglais  aur<Mit>4l8  pour  eux  le  diarme 
d'une  seconde  patrie?  La  troisième  ligne  enfia»  destinée  à  arrêter 
les  progrès  des  assaillants,  aufttra-t-elie  d'ailleurs  pour  protéger 
un  embarquement  toujours  difficile,  et  qui  exige  en  outre  leoon- 
cours  d'un  temps  favorable  ?  AfTaiblieparsa  délieiite  et  plus  en- 
core par  risolement  où  là  laisse  la  défection  morale  d'un  grand 
nombre  d'habitants  du  pays|,  poursuivie  avec  acharnement  par 
un  vainqueur  audacieux,  qui,  sans  lui  donner  le  loisir  de  s'em- 
barquer, ne  lui  laisse  d'autre  refuge  que  la  mer,  l'armée  anglo- 
porhigaise,  dans  l'impossibilité  de  résister  davantage,  ne  se 
trouvera-t^lle  pas  réduite  à  une  capitulation  devenue  désormais 
inévitable?  Loin  de  regarder  à  Torrès-Védras  la  chance  de 
succès  comme  certaine  eo  sa  faveur,  lord  Wellington  ne  devaifir 
il  pas  être  frappé  de  Justes  craintes?  Enfin  un  général  d'armée 
ne  doit-il  pas  frémir  lorsque  l'avenir  lui  offre  de  semblables 
probabilités  et  lorsqu'il  s'est  mis  dans  une  pareille  position  T 
C'est  donc  à  tort  que  l'on  a  voulu  poser  en  principe  que  Wel- 
lington avait  tout  prévu  et  tout  assuré  à  Villafranca  ;  là  comme 
partout  ailleurs  la  fortune  avait  conservé  ses  droits;  son  ca- 
price, qui  se  platt  si  souvent  à  favoriser  l'audace  dans  les  com- 
bats ,  pouvait  déconcerter  les  combinaisons  du  général  anglais 
et  les  faire  servir  à  la  destruction  totale  de  son  armée. 

Les  lignes  de  Torrès-Védras  étalent  hérissées  de  redoutes 
construites  avec  beaucoup  d'art  ^  de  manière  à  battre  de  front 
et  d'écharpe  les  colonnes  qui  tenteraient  une  attaque;  mais, 
en  raison  de  leur  étendue,  elles  étaient  cependant  moins  redou* 
tables  que  celles  de  Busaco.  On  a  dit  que  le  prince  d'Essling 
avait  commis  une  faute  de  marcher  sur  Lisbonne  sans  avoir  la 
certitude  de  pouvoir  conserver  des  communications  avec  l'Es- 
pagne, et  avant  d'avoir  obtenu  un  succès  décisif  dans  une  po* 
sition  où  il  eût  pu  faire  usage  de  sa  belle  cavalerie  et  de  l'har 
blleté  de  ses  troupes  dans  les  maneeuvres.  Quand  il  vit  que 
lord  Wellington  refusait  de  combattre  à  Porabal,  il  n'aurait  dû 
pousser  à  Leiria  que  son  avant-garde.  Eàtre  oette  ville  et  le 


GUIBBB  d'BBPAANB»  607 

Mondégo  il  pouvait  CBiiloiiiier  une  moitié  de  ion  armée,  et  1440^ 
l'autre  entre  Goimbre  et  Oporto.  Il  serait  dès-lors  resté  le  maître  ^^^^^^' 
de  se  choisir  un  champ  de  bataille  où  Tarmée  anglo-portugaise 
eût  été  forcée  de  venir  le  combattre  pour  délivrer  le  Portugal 
des  vexations  de  ses  fourrageurs,  qu'il  aurait  pu  pousser  à  une 
très^-grande  distance  dans  toutes  les  directions.  Il  aurait  en 
outre  sauvé  les  2,000  blessés  de  Busaoo,  qu'il  fut  obligé  de 
livrer  sans  garde  à  l'implacable  vengeance  des  Portugais  et  aux 
lèches  fanfaronnades  du  colonel  Trant. 

Mais  rien  n'est  plus  aisé  que  la  critique  après  l'événement. 
On  peut  répondre  à  tout  ce  raisonnement  :  que  les  ordres  de 
l'empereur»  adressés  sueessivement  au  prince  d'Essling  par  le 
major  général  »  lui  prescrivaient  de  marcher  sur  Lisbonne  au 
commencement  de  septembre;  qu'un  renfort  de  i  2,000  hommes, 
sous  le  comte  d'Ërlon,  lui  était  annoncé  vers  le  commence- 
ment de  ce  mois,  pour  former  sa  réserve  active  ;  que  l'existence 
des  lignes  de  Torrès^Védras  ne  lui  avait  point  été  suffisamment 
révélée  à  Goimbre  pour  l'arrêter  dans  cette  ville  à  six  ou  sept 
Bsardies  de  Lisbonne  ;  que  Masséna  persista  donc  dans  sa  ré- 
solution de  poursuivre  l'eunemi  et  de  le  contraindre  à  livrer 
une  bataille  décisive  ou  à  se  rembarquer.  Vainqueur  et  maître 
de  Lisbonne,  les  blessés  de  Busaco  auraient  été  sauvés  et  sous- 
traits aux  lâches  traitements  que  leur  At  subir  le  colonel  Trant. 

On  a  blâmé ,  peut-être  avec  plus  de  raison,  le  prince  d'Ess* 
ling  d'avoir  voulu  bloquer  Tarmée  anglo-portugaise  dans  ses 
lignes  de  Torrès^  Védras.  Arrivé  devant  ces  positions ,  et  après 
les  avoir  attentivement  examinées  dans  les  Journées  du  14  et  du 
16,  le  maréchal  avait  jugé  impossible  de  les  enlever  de  vive 
force-  Depuis  son  départ  de  G^mbre,  des  pertes  considérables 
avaient  fortement  affoibli  son  armée,  manquant  déjà  de  muni- 
tions et  n'ayant  pas  de  pièces  d'artillerie  d'un  calibre  assez  fort 
pour  attaquer  ces  retfancfaements.  Cependant  l'honneur  des 
armes  françaises  exigeait  qu'avant  de  se  retirer  on  s'assurât 
au  moins,  par  les  reconnaissances  les  plus  minutieuses,  que  ces 
fameuses  lignes  étaient  évidemment  inexpugnables.  Masséna  se 
décida  donc  à  en  former  le  blocus  et  à'établir  en  arrière,  sur  le 
Tage,  les  magasins  nécessaires  à  l'entretien  de  son  armée.  En 
attendant  les  renforts  qui  lui  étaient  promis  ^  il,  la  posta  dans 


50ft  LIVKB  SBPTèBlIB. 

i8fo.  des  positions  oà  il  pouvait  arrêter  rennenl  »'il  déboudiait  et 
Portugal.  ^^  retranchements,  et  le  forcer  à  reeeroir  la  bataille  en  rase 
campagne.  Qn'eût  dit  remperenr,  qui  lui  mandait  de  eontran»- 
dre  les  Anglais  à  se  liattre  partout  où  il  les  trouverait,  si  Mas« 
séna  fût  revenu  sur  ses  pas  sans  cliercher  à  les  attirer  au  de- 
hors de  leurs  formidables  lignes?  En  les  bloquant  il  ne  pouvait 
toutefois  espérer  que  la  faim  les  forcerait  d*en  sortir,  ear  Tar- 
mée  ennemie,  maîtresse  du  Tage^  approvisionnée  par  mer,  ne 
manquait  de  rien ,  tandis  que  TintérieUr  du  Portugal ,  occupé 
par  les  Français,  ayant  été  abandonné  de  ses  habitants  et  ra« 
vagé  par  les  troupes  anglo-portugaises ,  ne  présentait  plus  au* 
cune  ressource.  Les  derrières  de  l'armée  de  Masséna  n'étaient 
point  assurés  ;  aucun  magasin  n'avait  été  étaUi  ;  bientôt  les 
Français  commencèrent  à  manquer  de  tout.  Les  divisions  fu- 
rent obligées  d'envoyer  à  la  maraude  par  détachements  ;  quel- 
ques-uns de  ces  corps  isolés  furent  attaqués  et  surpris  par  les 
milices  que  commandaient  Wilson  et  Grant  Le  mécontente- 
ment et  le  désordre  s'introduisirent  dans  l'armée  française  ;  l'of- 
ficier, obligé  de  fermer  les  yeux  sur  la  conduite  des  maraudeurs, 
puisqu'il  partageait  avec  eux  le  riz  ou  la  foriue  qu'ils  avaieot 
découverts,  ne  fut  plus  respecté  de  ses  soldats;  la  disdpHne 
militaire  se  relâcha.  On  parvint  cependant,  au  bout  de  quelque 
temps ,  à  mettre  un  certain  ordre  dans  cette  méthode  irrégu- 
lière deseprocurerdes  vivres.  Les  moulins  détruits  par  l'eanemi 
furent  réparés  et  mis  en  état  de  servir;  les  régiments  faisaient 
tout  eux-mêmes  sans  que  l'administration  s'en  mêlât.  Des  dé- 
tachements allaient  sans  cesse  chercher  des  subsistances;  ce 
qu'ils  rapportaient  était  distribué  à  chaque  compagnie.  Ces  ca- 
ravanes ne  revenaient  jamais  sans  être  accompagnées  de  trou- 
peaux de  bœufs ,  de  chèvres,  de  moutons ,  de  codions,  et  sans 
être  chargées  de  blé,  d^orge,  de  légumes,  de  vin  et  d'eau-de-vlck 
Chaque  corps  avait  son  moulin ,  son  troupeau.et  son  petit  mar 
gasin,  qu'il  administrait  lui-même,  à  la  grande  surprise  des  An* 
glais.  L'armée  française,  approvisionnée  de  cette  manière,  put 
encore  vivre  quelque  temps. 

Ainsi  que  nous  l'avdtas  dit  plus  haut ,  quelques  afifoires  de 
peu  d'importance  avaient  eu  lieu  près  de  Sobral,  dans  le  com- 
mencement du  mois  d'octobre;  à  partir  de  cette  époque,  les 


deox  armées  s^obserVèrent  rédproquement,  sans  que  la  moin-  |g|o. 
are  escarmouche  eikt  tfeu.  L'armée  ennemie ,  loin  de  prendre  i*^*^- 
rdfensîYe^  s'attendait  à  chaque  instant  à  être  attaquée  et 
vs'obstinalt  à  rester  dans  ses  lignes.  Cette  timidité  du  général 
anglais  (dont  on  a  voulu  fahre  à  tort  un  système  de  temporisa- 
tion )  l'empécha  de  profiter  des  déftiuts  de  la  position  de  l'armée 
française,  dont  la  droite  était  trop  en  l'air.  La  partie  de  Torrès- 
Védras  n'étant  point  suffisamment  observée ,  l'ennemi  pouvait 
en  une  nuit  réunir  un  corps  de  troupes  derrière  la  montagne 
qui  le  séparait  des  Français,  et  déboucher  dans  leurs  quartiers 
par  Goxeiras.  Cette  subite  invasion  ne  demandait ,  pour  être 
effeetuée^  qu'une  matinée  de  deux  heures,  un  peu  d'audace  de 
la  part  des  assaillants,  et  le  concours  d'attaques  simulées  sur 
toute  leur  ligne  ;  mais,  loin  de  méditer  de  semblables  projets  ^ 
l'ennemi  retranchait  Jusqu'à  ses  grand' gardes ,  renforçait  ses 
avant^postes,  et  semblait  tout  redouter  de  l'audace  française. 
11  n'avait  pas  mis  sa  coniiance  dans  la  force  des  armes  et  dans 
la  supériorité  numérique  de  ses  troupes  ;  elle  reposait  tout  en- 
tière dans  ses  retranchements,  dans  la  faim,  les  privations,  les 
maladies^  qu'il  considérait ,  avec  raison ,  comme  ses  plus  sûrs 
auxiliaires. 

Cependant  chaque  Jour  l'armée  anglo-portugaise  prenait 
une  attitude  plus  imposante  par  les  renforts  qu'elle  recevait  : 
9,000  Anglais  vcoaient  de  débarquer  à  Lisbonne;  18,000  hom- 
mes de  milices  portugaises  étaient  entrés  dans  les  lignes ,  et 
l'infatigable  la  Bomana,  Fâme  de  l'insurrection  espagnole,  à  la 
tète  d'un  corps  de  10,000  hommes,  avait  effectué  sa  jonction, 
le  1 9  octobre,  et  s'étidt  engagé  à  coopérer  de  tous  ses  e^orts  à  la 
défense  de  Torrès^Védras. 

L'armée  française,  au  contraire,  s'affaiblissait  Journellement 
par  les  détachements  chargés  de  la  faire  vivre  et  par  les  maladies 
qu'occasionnaient  la  mauvaise  nourriture  et  les  pluies  continuel- 
les ;  elle  comptait  à  peine  alors  86,000  oombattantjk  Ce  fut  ce- 
pendant avec  ces  35,000  lYançais seulement,  accablés  d'ailleurs 
de  privations  de  toute  espèce,  que  Masséna  bloqua,  pendant 
près  de  six  semaines ,  une  armée  composée  de  86,000  An- 
glais^ de  36,000  hommes  de  troupes  régulières  portugaises,  de 
1 8,000  hommes  de  milices,  au  moins,  et  de  io,ooo  Espagnols. 


610  UirBB  SI^PTIÉHt. 

1810.     Pendant  ce  temps»  avec  le  reste  de  son  amie  il  fertiikét  Sao- 
^^"eta^à.  taiem,  ooeopak  Xhomar  et  menafait  Abnolèa  '. 

Att  bout  d'an  mois ,  Tarmée  DraBçaise  se  trouva  daas  le  dé- 
nuement le  plus  absolu.  Le  prince  d'EssUng,  forcé  de  se  rap- 
procher d'une  contrée  qui  Mt  moins  épuisée  que  celle  qu'il 
occupait  depuis  près  de  six  semaines ,  se  détermina  à  prendre 
une  position  plus  en  arrière ,  afin  d'y  trouver  de  nouvelles  res- 
sourees  en  vivres  et  en  fourrages,  et  d'y  attendre  avee  plus  de 
sûreté  les  renforts  et  les  instructious  que  le  générai  Foy,  en- 
voyé par  lui  en  mission  à  Paris ,  avait  été  demander  à  Tem- 
pereur*. 

.  Le  prince  d'Essling  ordonna  donc  un  mouvement  de  retraite 
sur  Santarem.  Ge  mouvement  comm^ça  par  le  e^  corps  ;  le 
maréchal  Ney  porta  son  quartier-général  à  Tfaomar,  la  gauche 
de  son  corps  d'armée  près  du  Zézère  ^ t  la  droite  au  delà  d'Ou- 
rem.  Le  général  Loison  vint  s'établir  à  Goigao,  avec  sa  division 
et  une  brigade  de  dragons.  Le  général  M<mtbrun  répandit  les 
régiments  de  dragons  dans  les  environs  de  Leiria ,  et  porta  la 
cavalerie  légère  Jusqu'à  Pombal.  Le  grand  quartier-général  Ait 
établi  à  Torrès-Novas,  et  les  administrations  ainsi  que  les  hô- 
pitaux furent  évacués  sur  Santarem.  Ces  premiers  mouvements 
s'exécutèrent  sans  que  l'ennemi  en  eût  connaissance.  On  n'es- 
pérait pas  cacher  ceux  du  8*  et  du  2*  corps,  qui ,  postés  à  dis- 
tance de  mousquet,  ne  pouvaient  dérober  que  trèsrdifQcilement 

'  Les  écrivains  français  les  plus  exagérés  dans  leur  prétendu  système  d'im- 
partialité, ceux-là  mêmes  qu'un  amour  excessif  pour  la  justice  rend  injustes 
envers  leurs  compatriotes  et  prodigues  de  louanges  à  Tégard  des  éUan* 
gers,  n'ont  p»  refuser  quelques  éloget  à  dm  perséTértnoe  jnsqœ-là  sans 
exemple  dans  les  troupes  de  leur  nation. 

*  Nous  devons  ijouter  quelques  mots  sur  cette  mission  du  général  Foy. 
Le  voyage  de  cet  ofricier,  entrepris  dans  un  pays  entièrement  soulevé,  A  la 
tète  d'une  poignée  de  soldats ,  mérite  d'être  cité  avec  éloge  dans  aos  aa« 
nales  militaires.  Oblige  à  des  marches  pénibles,  à  des  contre-narches  de 
nuit,  dans  des  routes  non  frayées ,  constamment  environné  de  bandes  nom- 
breuses, contrarié  par  les  élément»,  en  butte  à  la  haine  et  aux  embûclies 
des  chefs  ennemis  opiniâtrement  acharnés  à  sa  perte,  il  parvint  cependant 
jusqu'aux  frontières  de  France.  Son  retour  en  Portugal,  au  miliea  des 
mêmes  dangers  et  avec  le  même  bonheur,  excita  le  plus  vif  étonnemettt, 
même  chée  ceux  de  ses  compagnon»  d'armes  qui  coonaissnent  depuis 
longtemps  le  Goange  actif  et  eatreptenaat  de  ce  général  distingué. 


^XBBE  1»*BSPA0II1.  511 

lear  vauébt.  Il  ea  fat  pourtant  anttemoit ,  grAee  à  rextrâme  ism. 
circonspection  du  général  anglais ,  disons  mieux  ^  À  son  excès-  ''^*^* 
siTe  timidité,  qai  i*empéclia  de  saisir  l'occasion  favorable,  et 
d'attaquer  avec  mi  grand  avantage,  ainsi  qn*il  en  avait  alors 
la  possibilité*  Le  S«  corps,  qni  occupait  Sobral ,  était  forcé  de 
traverser  ledéiUé  d*Alenquer  ;  le3*  corps,  qui  était  à  Yillafranca, 
devait  attendre,  ponr  commencer  son  mouvement  de  retraite , 
que  le  8*  eàt  traversé  œ  dédié,  afin  que  ces  deux  corps  pussent  . 
ensuite  marchera  hauteur  et  se  secourir  mutuellement.  Le  8^ 
commença  le  sien  dans  la  nuit  du  1 4  au  15  novembre,  il  y  eut 
pendant  la  matinée  de  ce  jour  un  épais  brouillard,  dont,  à  la 
vérité ,  les  Français  profltèrent  pour  faire  iller  en  avant  tout 
ce  qui  aurait  pu  gêner  la  marche  des  troupes  pendant  la  nuit. 
UennemI  s'aperçut  qu'il  y  avait  plus  d'agitation  que  de  coutume 
parmi  les  Français;  mais  il  se  contenta  de  bien  soutenir  ses 
premiers  postes  par  de  gros  piquets  de  réserve.  Le  soir  du  même 
jour,  à  sept  heures,  le  général  Clausel  retira  tous  les  postes  dans 
le  plus  grand  silence ,  rallia  sa  division  à  Sobral ,  et  se  mit  en 
route  par  le  ciiemin  d*Alenquer.  La  division  Solignae  se  forma 
en  colonnes  serrées  sur  le  plateau  qui  domine  la  vallée  d'Ârruda^ 
appuyant  sa  droite  à  la  chaussée  d'Alenquer  ;  la  brigade  Ferrey, 
en  rékirve  sur  les  hauteurs ,  se  plaça  à  la  gauche  du  8«  corps; 
une  brigade  de  dragons  formait  l'extrême  arrière-garde.  Soit 
qu*il  l'ignorât  réellement  ou  qu'il  ne  voulût  agir  qu'après  avoir 
acquis  une  parfoite  connaissance  des  intentions  des  Français , 
l'ennemi  ne  fit  cette  nuit-là  aucune  démonstration  pour  inquié- 
ter leur  retraite.  Les  troupes  continuèrent  donc  de  filer  par 
Alenquer,  et  arrivèrent  le  16,  à  dix  heures  du  matin,  à  Aveiras 
de  Cîma;  le  corps  du  général  Reynier  se  dirigea  également  sur 
Santarem  par  Azambuja  et  Cartaxo.  Le  17  novembre,  le  8* 
corps  se  porta  sur  Pernès  et  Alcanhede  ;  le  2«  prit  position  sur 
les  hauteurs  mêmes  de  Santarem.  Jusque-là  l'arrière-garde  des 
Français  n'avait  pas  vu  l'ennemi. 

Le  18 ,  l'armée  occupait  les  positions  suivantes  :  le  3^  corps 
à  Santarem,  sa  gauche  au  Tage,  et  son  front  couvert  par  le 
Rio-Mayor;  le  général  Loison  à  Golgao ,  avec  une  division; 
le  8* corps  sur  TAIviella,  la  gauche  à  Ïorrès-Novas,  «m cen- 
tre à  Pernès,  sa  droite  à  Alcanhede;  le  6«  corps  et  la  cavalerie 


513  UVB8  SBPTlàMB.  ' 

laoe.     à  Leif  ia  et  Thoniar  ;  le  grand  qnartier-géfiénl  à  Torrèi^Novas . 
portiigaL      £|^  nouvelle  position  que  le  maréchal  Bfaaséna  avait  chonle 
en  avant  de  Santarem  était  très-avantageuse;  elle  j^pésctttait 
à  Tennemi  un  double  rideau  boisé  assez  étendu ,  facile  à  défen- 
dre, et  qui  fut  promptement  fortifié  par  des  abatls  d'arbres 
entiers.  La  droite  était  couverte  par  le  Monte^onto,  montagne 
impraticable,  et  la  gauche  était  appuyée  an  Tage.  Dans  le  cas 
^    où  Tennemi  aurait  cherché  à  tourner  cette  position ,  il  eût  été 
fociie  de  profiter  de  son  mouvement  pour  marcher  rapidement 
sur  Lisbonne,  qui  se  fût  trouvée  alors  entièrement  à  découvert. 
Le  même  Jour,  18  novembre,  lord  Wellington  fit  passer  le 
Tage  à  la  division  du  général  Hill;  il  craignait  que  le  mouve- 
ment que  venaient  d'opérer  les  Français  n'eût  pour  but  de 
tenter  le  passage  sur  la  rive  méridionale  du  fleuve. 

Le  lendemain,  Farmée  combinée  sortit  de  ses  lignes  et  s'a- 
vança en  colonnes  d'attaque  sur  Santarem.  Cette  ville  est  si- 
tuée sur  la  crête  d'une  chaîne  de  montagnes  élevées  et  presque 
perpendiculaires,  précédée  d'une  autre  chaîne  de  collines  un 
peu  plus  basses,  sur  lesquelles  s'étendait  la  première  ligne  de 
l'armée  française.  Au  pied  de  ces  hauteurs  coulent  le  fiio-Mayor 
et  le  Tage.  Les  Anglais  avaient  à  traverser  un  large  espace  de 
terrain  marécageux,  sur  deux  chaussées  qui,  ainsi  que  le  pont, 
étaient  complètement  dominées  par  l'artillerie  française.  Il  n'y 
avait  d'autre  voie  pour  déboucher  sur  Santarem  qu'un  pont 
de  plus  de  quatre  cents  toises  de  long,  sur  lequel  le  2^  corps 
avait  placé  son  poste  avancé.  11  fallait,  après  avoir  franchi  ce 
pont  pour  arriver  à  la  ville,  s'avancer  l'espace  de  mille  toises 
par  une  route  encaissée  entre  deux  montagnes  boisées;  le  gé- 
néral Reynier  avait  établi  son  corps  d'armée  sur  ces  deux  mon- 
tagnes, et  disposé  son  artillerie  de  manière  à  enfiler  le  pont  et 
la  route  par  laquelle  l'ennemi  aurait  pu  essayer  de  déboucher. 
Pour  la  première  fois  depuis  leur  départ  de  Torrès-Védras  les 
Français  aperçurent  enfin  une  avant-garde  anglaise  de  quel- 
ques  mille  hommes,  qui  prit  position  sur  une  colline  en  deçà 
du  pont.  Ce  ne  fut  cependant  que  le  lendemain  que  l'armée  en- 
nemie se  montra.  Une  de  ses  divisions,  forte  de  7,000  hommes, 
fila  par  la  rive  droite  du  Rio-Mayor  et  alla  prendre  position 
entre  Azambuja  et  Santarem  ;  elle  était  précédée  de  deux  régi- 


GUBBAK  D'ESPAGNE.  SU 

mentB  dé  cavalerie  avec  quelques  pièces  de  caoon.  Ed  même  «sto. 
temps  toutes  les  hauteors  de  l'autre  côté  du  pont  se  garnissaient  '^^^''8i>'- 
sueoessivement  de  fortes  masses,  et  rennemi,  à  la  grande  satisfae- 
tlon  des  Français,  semblait  disposé  à  en  venir  à  une  affiedre  géné- 
rale. Le  général  Rey  nier,  persuadé  qu'il  allait  être  attaqué,  lit  pré- 
venir leduc  d*Abrantès  et  le  prince  d*Ëssling  des  projets  qu'il  sup- 
posait à  lord  Wellington.  11  fit  ensuite  filer  ses  équipages  et  ses 
blessés  sur  Oolgao,  et,  après  avoir  rangé  les  troupes  qu*il  avait 
de  disponibles  avec  cette  habileté  et  cette  présence  d'esprit  qui 
le  caractérisaient,  il  se  prépara  au  combat»  Cependant,  vingt- 
quatre  heures  s'écoulèrent  sans  que  l'ennemi  eût  rien  entrepris. 
1^  duc  d'Abrantès  profita  de  ces  instants  prédeux  pour  réunir 
sa  première  division.  Le  général  Glausel,  avec  une  grande  par- 
tie de  ses  troupes ,  s'avança  jusqu'à  Gruz  de  Entrada,  à  une 
demi-lieue  en  deçà  de  Santarem ,  et  une  brigade  de  dragons 
continua  d'occuper  Alcanhede ,  observant  les  routes  de  Rio- 
Mayor  et  de  Tremès.  Masséna,  étant  venu  examiner  par  lui-^ 
même  le  mouvement  de  l'armée  combinée»  ne  jugea  point, 
comme  le  général  Reynier,  que  lord  Wellington  voulût  prendre 
l'offensive  et  renoncer  subitement  au  système  qu'il  avait  snivi 
jusqu'alors;  il  ne  vit  dans  les  diverses  manœuvres  du  général 
anglais  que  de  simples  démonstrations  pour  hâter  la  retraite  de 
l'armée  française.  En  conséquence ,  au  lieu  de  continuer  l'éva- 
cuation de  Santarem,  il  donna  contre-ordre ,  afin  que  tout  ce 
qui  était  déjà  sorti  de  la  ville  eût  à  y  rentrer  sur-le-champ.  On 
fit  en  outre  tous  les  préparatifs  nécessaires  pour  montrera  l'en- 
nemi que  l'on  était  disposé  à  le  bien  recevoir. 

Le  20  novembre ,  à  trois  heures  de  Taprès-midî ,  les  avant- 
postes  français,  du  côté  du  Tage,  furent  attaqués  par  3  ou  400 
tirailleurs.  L'ennemi  ayant  fait  quelques  mouvements,  on  sup- 
posa que  c'était  le  prélude  d'une  grande  affaire;  mais ,  après 
quelques  coups  de  fusils  échangés ,  l'ennemi  cessa  le  feu  et 
rappela  ses  colonnes.  Son  véritable  but  était  de  s'assurer  si  l'ar- 
mée française  effectuait  une  retraite  finale  ou  si  ce  n'était  qu'un 
changement  de  position.  Convaincu  désormais  que  les  Fran- 
çais étaient  résolus  de  se  maintenir  à  Santarem,  lord  Wel- 
lington, à  l'exception  d'une  forte  arrière-garde  qu'il  laissa 
sur  le  Rio-Mayor,  retira  toute  son  armée  sur  Gartaxo  »  où  il 

X.  35 


$14  UITBI  SftPTlàlIB. 

iste,  étabIR  son  gmnd  quartier  génénl.  Les  tronp»  Awei^  plaeéet 
en  caDtoBDeoMBti  sur  les  deux  rives  da  T«g«^  les  diTisfeons 
aux  oïdm  des  géoéraax  Hill  ^  Fane  et  Erddne  ùumi  plaoées 
sor  la  rive  gauche;  le  reste  fiit  diatribyé  sur  la  dve  dioâte,  alasi 
qu'il  suit  :  les  généraux  Bient,  Speueer  eiCanMaou,  àGortaxo 
mène;  le  général  Crawfufd,  entre  oette  dernière  ville  et  San- 
tarem,  observant  les  avaut-ipostes  français;  le  général  Piohm , 
à  Torrès-Yédras;  le  général  €unpbell,  à  Alenqasr;  le  général 
Cok)  à  Aiambaja;  le  général  Leith,  à  Aleoentre;  le  surplus  de 
Tarmée,  dans  les  lignes.  L'armée  française  resta  également 
dans  ses  premiers  emplacements;  seulement  legénéral  Reynier 
posta  sa  cavalerie  à  son  extrême  droite  pour  observer  le  Blo^ 
Majror,  et  se  lier,  à  Pl>nte-€a1bariSt  avec  la  «ttvisien  Oansel. 

Le  général  Lolson,  qui  occupait  Golgao,  avait  la  gaucbe  de 
sa  division  an  Zézère.  Le  maréchal  Masséna  lui  ordonna  de 
eeneonrir  avec  le  géaéral  Montbran  à  forcer  le  passage  de  celte 
rivière  et  A  s*emparer  de  Punhète.  L'oineml,  maître  des  hau^ 
teurs,  pouvait  disputer  le  passage  de  la  rivière  avec  un  grand 
avantage,  en  raison  de  Tescarpement  de  ses  bords  ;  il  ne  i*osa 
pas,  et  se  retiraà  Abrantès  presque  aussitôt  Tappuition  dea  trou- 
pes du  général  Ldson.  Le  Zéaère  coule  dans  un  lit  très^encaissé$ 
sa  rive  orientale  est  d  montagneuse  et  si  rolde  qu'il  n'y  a  que 
deux  ou  trois  points  accessibles,  excepté  à  sa  Jonction  avec  le 
Tage;  mais  dans  cet  endroit  la  plaine  est  si  peu  étendue  et  le 
Kécère  est  si  rapide  que  cet  obstacle  arrête  autant  que  les  ro- 
chers les  plus  escarpés.  La  brigade  du  général  Ferrey,  après 
avoir  surmonté  toutes  les  difftcultés  que  présentaient  la  pror 
fondeur  de  l'eau  et  la  rapidité  du  courant,  s'empara  de  Punhèle 
et  poussa  des  partis  Jusque  sous  les  murs  d*  Abrantès,  où  ils  Je- 
tèrent ralarme  la  plus  vive.  Cette  place  était  garàée  par  une 
garnison  de  4,000  Portugais ,  sous  les  ordres  d'un  générai  an- 
glais ^  et  par  eoaséquent  à  l'abri  d'un  coup  de  main.  D'autre 
fart,  die  n'était  pas,  il  est  vrai,  suffisamment  fi>rtifiée  pour 
soutenir  longtemps  un  siégeen règle;  maislemarédial  Masséna 
n'était  point  en  mesurede  tenter  alors  une  opération  semblable. 
Il  commençait  à  manquer  de  munitions»  et  plus  eUes  devenaient 
rares,  plus  il  iUlaiten  être  avare,  par  l'impoedhilltéde  les  rem- 
placer. La  dividon  Lcrtson  se  borna  dom;  à  occuper  Ponliète. 


Gtnm  D*ES^AOXB.  &ts 

Dm»  poftts  ée  ftmlMinx,  défendus  par  de  bonnes  tètes  de  pont^      im«. 
forent  jetés,  Tun  à  Pniifaète  et  l'autre  à  Martinchel .  PormsiL 

Cependant  r»npereur  Napoléon,  instruit  par  le  général  Foy 
de  la  véritable  poeitioa  de  Tarmée  de  Portugal ,  avait  fait  réi- 
térer, par  le  major  général ,  Tordre  au  duc  de  Dalmatie  d*en- 
voyer  le  6'  corps  sur  le  Tage^  entre  Montai  vao  et  VillaAor,  pour 
faire  sa  jonction  avec  Farmée  de  Portugal.  Il  faisait  reoom«* 
mander  au  prince  d'EssIing  de  tenir  ferme  vis-à-vis  des  Anglais 
en  attendant  ses  renforts,  s*il  ne  trouvait  pas  l'occasion  de  les 
attaquer  avec  avantage,  dût-il  passer  Thiver  dans  ses  positioAs^ 
Masséna  était  bien  disposé  à  remplir  les  intentions  de  i*empe* 
reor;  mais  il  restait  à  savoir  8*il  le  pourrait.  Une  Ibis  qu'il  eut 
jugé  les  positions  de  Lisbonne  inexpugnables ,  il  ordonna  la 
construction  d'un  pont  de  bateaux,  ailn  d^ètreà  même  de  pou- 
voir passer  sur  la  rive  gaucbe  du  Tage  lorsque  Ton  aurait  épuisé 
toutes  les  ressources  de  ia  rive  droite  ;  les  ouvriers  des  r^ments, 
les  sapeurs  et  le  44'  bataillon  de  marins ,  animés  par  le  Eèle  et 
l'activité  de  leurs  officiers,  que  dirigeait  lèverai  Eblé,  par* 
vinrent  à  ikire  deux  équipages  de  pont  de  quarante  bateaux 
chacun.  La  construction  des  pontons  fut  poussée  avec  toute 
lopiniàtreté  et  Tardeur  qu'on  pouvait  attendre  d'une  armée  ré» 
duite  à  ses  propres  moyens.  Le  pays  n'offrait  d'ailleurs  aucune 
ressource  pour  ces  immenses  travaux  ;  les  cordages,  les  outils 
mêmes  qui  servirent  à  abattre  les  premiers  arbres  furent  dus  à 
l'industrie  des  ouvriers ,  qui  suppléa  à  tout  ;  mais  c'était  inu- 
tilement que  les  ingénieurs  français  triomphaient  de  ce  nou- 
veau genre  d'obstacles  :  leurs  efforts  devaient  demeurer  sans 
résultat. 

La  plaine  de  Golgao,  qui  présente  une  étendue  de  quatre 
lieues  carrées,  et  les  contrées  environnantes,  dans  lesquelles  se 
répandit  l'armée  française  après  avoir  passé  le  Zésère ,  étaient 
d'une  fertilité  remarquable.  Elles  n'avaient  point  été  dévastées 
et  abandonnées  comme  le  reste  du  pays  ;  ta  plus  grande  par- 
tie des  habitants,  malgré  les  ordres  des  Anglais ,  étaient  restés 
dans  les  environs  de  Thomar  et  sur  toute  la  o6te ,  depuis  Al- 
oobaea  jusqu'à  l'embouchure  du  Mondégo.  Éloignés  du  théâtre 
des  premiers  combats  et  se  croyant  en  sûreté ,  ils  demeurèrent 
tranquilles  jusqu'à  ce  qu'ils  se  virent  inopinément  enveloppés  . 

53. 


516  UVRB  SBPtlÀHE. 

4SI0.  dans  les  exeursions  étendues  de  la  cavalerie  française  ;  ce  ftit 
Portugal,  principalement  ce  qui  eut  lieu  dans  le  pays  abondant  et  fertile 
à  l'est  deSantarem.  La  cinquantième  partie  du  blé,  peut-être, 
n'y  avait  pas  encore  été  enlevée;  ainsi  c'était  i*endroit  le  plus 
propre  à  faire  subsister  une  armée.  La  plaine  de  Golgao  était 
couverte  de  mais ,  dont  la  récolte  fut  d'un  grand  secours  pour 
les  hommes  et  pour  les  chevaux.  Le  pays  qu*arrose  TAlvieila 
ût  vivre  les  2®  et  8®  corps  pendant  plusieurs  semaines.  Le  6^ 
corps  et  la  cavalerie  trouvèrent  encore  de  plus  longues  ressour- 
ces dans  les  contrées  où  ils  s'établirent. 

Ces  ressources  »  toutefois ,  n'étaient  que  très-précaires;  Tar- 
mée  firamçaise  le  sentait,  et  il  lui  était  aisé  d'en  prévoir  la  fin 
prochaine.  Des  hauteurs  de  Santarem  elle  dominait  la  fertile 
province  d'Alentéjo,  surnommée  à  bon  droit  le  grenier  du  Por- 
iugcU.  Ces  richeset  belles  plaines,  couvertes  au  loin  de  nombreux 
troupeaux,  que  les  habitants  avaient  fait  passer  sur  la  rive  gau- 
elle  du  Tage ,  offraient  un  contraste  frappant  avec  Fautre  rive 
du  fleuve,  déjà  ravagée  en  tous  sens  par  les  deux  partis  et  cou- 
vertede  ruines  et  de  soldats.  Cette  vue,  qui  promettait  uneabon- 
dance  permanente,  redoublait  chaque  jour  le  désir  qu'avait  l'ar- 
mée française  de  franchir  enfin  l'obstade  qui  la  séparait  de  cette 
terre  promise  et  de  l'ennemi. 

Le  prince  d'EssUng  songeait  en  effet  à  exécuter  le  projet 
qu'H  a^ait  formé  de  passer  sur  la  rive  gauche  du  Tage.  Ce  pro- 
jet offrait  alors,  entre  autres  avantages,  celui  de  lier  les  mou- 
vements du  prince  aux  opérations  du  maréchal  Soult,  qui,  à 
cette  époque,  manœuvrait  sur  la  Guadiana.  Lorsque  l'armée 
occupait  encore  la  vallée  du  Tage  jusqu'à  Yillafranca ,  cette 
opération  n'eût  éprouvé  aucune  difficulté,  parce  que  toute  la 
c6te  était  bordée  de  petits  ports  ou  Ton  eût  trouvé  en  quantité 
suffisante  des  bateaux,  des  cordages,  des  ancres,  et  tous  les  agrès 
nécessaires  ;  mais,  au-dessus  de  Santarem,  on  ne  trouvait  plus 
rien,  parce  qu'à  cet  endroit  la  navigation  du  fleuve  se  réduit  à 
fort  peu  de  chose;  néanmoins  quatre-vingts  bateaux  furent 
construits  en  moins  d'un  mois.  Les  travaux  de  la  petite  rade  de 
Punhète  ressemblaient  alors  à  ceux  d'nn  port  en  pleine  activité. 
Ifs  s'exécutaient ,  d'ailleurs,  à  la  vue  de  l'ennemi ,  qui ,  préju- 
geant leur  véritable  but,  s'appliqua  de  tous  ses  efforts  à  le  pré- 


GUEBBE   D  ESPAGNE.  51 1 

venir.  Il  sentait  de  quelle  importance  il  était  pour  lui  de  ne  pas  isto. 
laisser  transporter  le  théâtre  de  la  guerre  dans  TAlentéJo,  au  **<»^"«*'' 
moment  où  le  maréchal  Soult  s'approchait  de-  Badajoz  ;  mais 
tous  ses  efforts  pour  empêcher  ce  mouvement  eussent  été  cer- 
tainement vains  si»  au  lieu  de  rester  six  semaines  au  pied  des 
retranchements  de  Torrës-Védras ,  Masséna  se  fût  occupé  de 
faire  Jeter  alors  un  pont  sur  le  Tage.  Alors,  ou  renuemi  n*eût 
point  tenté  de  troubler  sérieusement  cetteopération  (cette  chance 
était  la  plus  probable],  ou  il  se  fût  déterminé  à  quitter  ses  lignes 
qui  lui  donnaient  tant  de  supériorité  ;  dans  Tun  et  l'autre  cas 
&  en  fût  résulté  un  avantage  immense  pour  les  .Français,  Ces 
puissantes  considérations  ne  furent  appréciées  qu'alors  que  le 
prince  d'Essling  était  déjà  retiré  sur  Santarem  ;  la  faute  était 
commise,  et  il  n'était  plus  guère  possible  de  la.  réparer.  Quoi 
qu'il  ^n  soit  ,^  lord  Wellington  redoubla  de  soins  pour  garder- 
la  rive  gauche;  un  corps  de  l/>,000  Anglais^  sous  les  ordres  du 
général  Hill ,  passa  le  fleuve  vers  le  milieu  de  décembre  et  se 
ccmcentra  auprès  de  Ghamusca  et  d'Almeyrim.  Des  corps  de 
milices  et  de  paysans  armés,  gardaient  la  rive  depuis  Santa-. 
Marta  jusqu'à  Brilo.  Peu  de  temps  après,  ceb  troupes  furent  por- 
tées à  30,000  hommes.  Outre  cela,  il  y  avait  de  fortes  réserves 
à  Villa-Nova^  prêtes  à  se  diriger  partout  où  les  Français,  tente-, 
raient  le  passage.  Des  barques  étaient  disposées  à. Porto  de  Mu- 
gem  et  Azambuja,  pour  transporter,  siu  premiersignal,  ces  trou- 
pes sur  l'autre  bord,  et  le  général  anglais  avait  fait  élever, 
sur  tous  les  endroits  accessibles ,  de  nombreuses  et  fortes  bat- 
teries. 

Une  division  du  9®  corps  vient  joindre  l'armée  française  26  déccmb. 
en  Portugal f  etc.  —  Cependant  le  a?  corps,  commandé  par  le 
général  Drouet,  comte  d'Erlon,  était  parti  le  12  octobre  de  Yal- 
ladolid,  marchant  vers  la  frontière  de  Portugal.  Le  général  Foy , 
qui  était  entré  le  8  novembre  à  Ciudad-Rodrigo,  après  une  mar- 
che de  six  jours  au  milieu  de  dangers  de  toute  espèce ,  remit 
au  général  Crardanne  l'ordre  de  riejoindre  l'armée  au  plus  tôt 
avec  un  fort  convoi  de  munitions  et  de  vivres.  Le  général  Gar- 
danne,  à  la  tête  des  détachements  restés  à  Ciudad-Rodrigo  et  à 
Alméida  pouc  former  la  garnison  de  ces  deux  places,  environ 
^,000  hommes,  s'était  mis  en  route  quelque  temps  avant  le  comte 


5t8  LIVBS   SEPTlim. 

I 

isia  d'Erton  pour  rejoindre  la  grande  armée  de  Portugal.  Le  1 4  no- 
^'^^'^^^  Tembre»  arrivée  à  quelques  tieiies  des  avant-postes  flrançais, 
eette  colonne  rétrograda  tout  à  coup.  Le  général  Ait  trompé 
par  les  faux  rapports  d*un  déserteur  portugais  que  le  gouver^ 
neur  d'Abrantès  lui  avait  envoyé  h  dessein,  et  par  les  dUseours 
des  habitants  qu*il  avait  rencontrés  sur  les  derrières  de  Tarmée 
française.  11  crutrarmée  du  prince  d'Essling  en  retraite,  cl  ne  Ju- 
gea pointa  propos  de  s'aventurer  plus  loin  en  Portugal.  Au  lieu 
de  pousser  une  recimnaissance  sur  le  Zéière  pour  s*assurer  du  fait, 
il  rebroussa  chemin  à  Gardijos,  au  moment  oà  son  avant-garde 
pouvait  découvrir  les  feux  des  bivouacs  de  Tarmée  ftançaise. 
Sa  colonne  était  forte  d'environ  2,000  hoiÂnes,  dont  SOO  de 
cavalerie,  avec  un  convoi  considérable  de  munitions  et  d'objets 
d'habillement  et  d'équipement  pour  les  troupes.  Craignant  de 
se  voir  attaqué  par  des  forces  bien  supérieures  aux  siennes , 
il  se  retira  à  marches  forcées  et  perdit  beaucoup  de  monde  en 
route  par  suite  de  fatigues..  Il  arriva  à  Penamacor  le  29  novem- 
bre. Le  comte  d'Erlon,  ayant  réuni  les  débris  de  cette  colonne 
à  la  première  division  du  d*  corps,  ia  seule  qnll  eût  alors 
avec  lui,  se  décida  S  joindre  l'armée  de  Portagal  par  Céloricoet 
Ponte  de  Muvcelha.  Le  général  Gardanne  prit  le  conunandement 
de  Tavant^garde ,  qui  fit  sa  jonction  avec  l'armée  du  prince 
d'Essling,  le  26  décembre. 

Ce  renfort»  que  Ton  avait  annoncé  comme  beaucoup  phis  con- 
sidérable, et  qui  se  réduisit  à  une  seule  division  de  troupes  peu 
familiarisées  avec  le  elimal  et  avec  la  méthode  de  guerre  que 
Ton  avait  été  forcé  d'adopter  en  Portugal,  produisit  cependant 
une  sensation  très-vive  sur  l'armée  française  ;  privée  depuis 
longtemps  de  toute  espèce  de  eommunication,  celle-ci  se  croyait 
abandonnée.  Le  comte  d^Erlon  couvrit  ses  derrières  et  occupa 
Leiria  ;  ce  point  bien  gardé  assurait  tout  à  ftift  les  positions  de 
Santarem»  et  mettait  le  général  anglais  daus  l'Impossibilité  de 
les  attaquer  avec  succès.  Le  comte  d'Ërlon  n'avait  eu  tout  avec 
lui  que  la  division  Conroux,  forte  d'environ  a.,0()ta  hommes; 
sa  cavalerie  était  restée  daos  les  environsde  Ciudad-Rodr^  ;  sa 
secondé  division,  commandée  par  le  général  Clapaiède,  vint 
prendre  position  à  Trancoso  pour  tenir  en  échec  Ijç  qorps  4e 
Silveira. 


Ukt, 


La  1^  4îvision  du  9"  corps  avait  nardié  par  la  ^aHéa  du  vgrtapi, 
Maad^  jfiUK|a*à  Pooibai  »  où  elle  avait  comiiMuiivié  pour  1» 
première  foi»  avee  le  maréebal  Masaéna.  Sur  «a  route  le  eomle- 
4*Erl<u  batUt  et  diaperaa  to  baiideade  partisana  ggllnfeatatoit 
les  derrière  de  Tannée;  raaia  11  ne  pot  toutefois  les  détruire. 
La  divisioa  Glapaiède»  poêlée  à  Traneoso»  aiAsi  qoe  nous  ve- 
iMHis  de  le  dire,  fut  bieat6t  envirouiiée  par  les  corps  ou  bandes 
réunies  deSiivtiira,  Baccelar/ Miller,  Wilson,  Trant  et  Grant. 
Le  30  décembre»  on  des  régiments  de  cette  division,  commandé 
par  le  colc^ei  Bonnaire,  fut  vivement  attaqué»  au  pont  d*Al-^ 
bado,  par  SUveîra ,  à  la  tété  d'une  colonne  de  plus  de  5,000' 
bommes;  mais  l'ennemi  ne  tarda  pas  à  être  repoussé  avec  une 
grande  perte*  Le  général  Glaparéde  se  disposa  à  suivre  ce  pre* 
mier  avantage  sur  un  adversaire  d'ailleurs  peu  redoutable*. 
C'était  ce  même  Silvelra,  bien  moins  connu  par  ses  exploita 
guerriers  que  par  i'iniamie  dont  il  s'était  couvert  en  ftisant  lA^ 
cbement  assassioers  à  Cbavès»  les  malades  et  les  blessés  désai^ 
mes  qoe  le  maréchal  Soult  avait  laissés  dans  celte  ville»  lors  de 
sa  campagne  en  Portugal. 

Vers  la  fin  de  l'année  1810  le  prince  d'Essling  conservail 
encore  quelque  espoir  de  réussir  dans  ses  opérations  contre 
Lisbonne.  Cet  espoir  était  fondé  sur  le  calcul  qu'une  partie  de 
Tannée  du  midi  de  l'Espagne  pourrait  opérer  une  jonetioo 
ayee  celle  de  Portugal  avant  que  le  pays  occupé  par  Tacraée 
Ihuaçaiie  fit  totalement  épuisé.  Tous  les  mouvements  du  ma- 
réchal Masséna  tendaioit  évidemment  à  ce  but;  mais  la  résis- 
tance de  Badi^oa  retarda ,  ainsi  que  nous  le  dirons  bientôt»  la 
Jonction  qu^aurait  pu  effectuer  le  6*^  corps,  s'il  n'eût  pas  été  re- 
tenu devant  cette  place  Jusfa'an  mois  de  mars  de  Tannée  sui- 
vante (1811). 

Dans  les  derniers  Jours  cto  décembre  isio  »  des  motifs  d'une 
nature  dlfféreoite  contribuaient  i  laisser  les  armées  respectives 
dans  une  triste  inaction.  Le  prince  d'Essling  »  limité  dans  son 
commandement,  ne  pouvait  paa  reprendre  l'offensive  qn'il  n'eût 
reçu  ou  les  renibrts  qu'il  atlendAit ,  ou  des  instructions  positi- 
ves de  son  souverain.  Quoique  plus  libre,  lord  Wellington ,  de 
son  c6lé ,  restait  sur  la  défensive  avec  plus  de  circonspection 
qjae  Jamais.  On  discutait,  à  cette  époque,  dans  le  parlement,  si 


&30  LIVBB   SEPTIÈME. 

imo.  la  maladie  de  Georges  lll  eicigeait  une  régence,  et,  dans  le  cas 
Portugal.  ^  Torgenoe  d'ane  semblable  mesure  serait  reconnue,  quels  se- 
rvent les  pouvoirs  du  prince  appelé  de  droit  à  cette  régence. 
Divers  partis  s'agitaient  à  Londres,  selon  la  eoutuine  ;  il  pou- 
vait en  résulter  de  grands  changements  dans  le  ministère,  et  par 
suite  dans  le  commandement  de  l'armée.  Ces  bruits  inquiétaient 
visiblement  lord  Wellington  ;  il  redoutait  que  ces  discussions 
parlementaires,  traînant  en  longueur,  ne  contribuassent  à  re- 
tarder renvoi  des  nombreux  renforts  qui  lui  étaient  annoncés 
et  qu'il  réclam(ût  avec  instance.  Peu  certain,  d'ailleurs,  de  eon* 
server  le  commandement  suprême  de  l'armée,  il  attendait  avec 
anxiété  i'issue  des  démêlés  qui  devaient  assurer  l'autorité  dans 
ses  mains  ou  fermer  la  carrière  à  son  ambition. 

Malgré  les  immenses  ressources  que  leur  offrait  la  mer,  dont 
ils  étalent  les  maîtres,  les  Anglais  ne  se  trouvaient  pas  toujours 
en  mesure  d'alimenter  cette  foule  innombrable  qui  encombrait 
Usbonne  et  ses  environs  ;  les  rues  de  cette  ville  étaient  jon- 
chées de  malheureux  mourant  de  Mm.  Cette  pénurie  extrême 
engendrait  des  maladies  qui  se  répandaient  avec  une  rapidité 
effrayante  dans  l'armée  anglo-portugaise  et  y  exerçaient  de 
grands  ravages.  La  situation  dés  Français  était  encore  plus  dé- 
plorable; les  ressources  de  l'Alviella  et  du  pays  de  Santarem 
avaient  été  promptement  épuisées.  Les  soldats  étaient  obligés  de 
s'étendre  jusqu^à  Porto  de  Mos  pour  foire  des  vivres,  qu'ils  ne 
trouvaient  ni  en  quantité  suffisante,  ni  de  nature  à  rétablir  leur 
santé  délabrée.  Des  ûèvres  lentes ,  que  des  cordiaux  ou  quelques 
aliments  restaurants  eussent  facilement  fait  disparaître  dans  l'ori- 
gine^ se  changeaient  bientôt  en  maladies  compliquées ,  qui  em-^ 
portaient  chaque  Jour  un  grand  nombre  d'hommes.  Les  Jeunes 
soldats  furent  les  premiers  moissonnés,  et  beaucoup  de  vieux 
guerriers  ne  tardèrent  point  à  succomber  eux-mêmes. 

Avant  de  continuer  et  de  terminer  le  récit  de  cette  expédi-i 
tlon  du  Portugal,  non  moins  fâcheuse  que  les  précédentes,  nous 
devons  rapporter  les  événements  qui  eurent  lieu  en  Espagno 
depuis  le  mois  de  juillet  Jusqu'à  la  fin  de  L'année  1810. 


CHAPITRE  IV. 

Sl'lTK  DK    l'année    1810. 

Suite  des  événements  militaires  en  Espagne.  Commencement  du  siège  de 
Cadix.  ^  Défaite  des  Anglais  sur  les  côles  du  royaume  de  Grenade;  corn- 
hatsdans  te  midi  de  TÀndalousie;  alïaîres  de  Villagarcia,  de  Fuenté- 
OTéjnna,  de  Fuenté-de-Cantoa,  en  Estramadure.  —  Opérations  du  général 
Séliastianl.  Les  Anglais  sont  luattus  dans  le  royaume  de  Murcie.  —  Opé- 
rations militaires  au  centre  et  dans  le  nord  de  l'Espagne Événements 

militaires  en  Catalogne.  Combats  de  Cervéra,  delaBisbal,  de  Palamos,  etc. 
—  Siège  et  reddition  de  Tortose.  —  Coup  dVBîl  sur  les  partis  espagnols 
cannas  sous  le  nom  de  guerrillas. 

Tout  en  hésitant  de  se  prononcer  ouvertement  à  l*égard  de-  eh^m, 
Texpédition  d'Andalousie,  Napoléon  n*y  avait  pas  mis  d*empâ- 
chement  sérieux  ;  au  contraire,  il  s'était  laissé  détourner  de  son 
premier  projet  par  la  flatteuse  perspective  de  soumettre  d*un 
seul  coup  tout  le  midi  de  TEspagne,  d'occuper  les  villes  impor- 
tantes de  Grenade,  Séville,  et  surtout  le  port  de  Cadix,  où  il  fal- 
lait empêcher  les  Anglais  de  s'étahlir.  Sans  trop  piévoir  les 
funestes  conséquences  de  son  adhésion  au  projet  de  Joseph , 
projet  conforme  aux  vues  ambitieuses  du  mijor-général  de  ce 
prince  et  provoqué  par  les  conseils  de  ses  ministres  espagnols 
OTarill,  d*Azanza  et  Urquijo,  l'empereur  avait  consenti  taci- 
tement à  Texpédition.  Gomme  on  l'a  déjà  vu,  il  pensait,  avec 
raison,  qu'il  Ihllait  avant  tout  expulser  les  Anglais  de  la  Pé- 
ninsule ,  où  leur  présence  stimulait  l'énergique  résistance  du 
gouvernement  insurrectionnel  et  donnait  au  peuple  la  confiance 
que  la  lutte  qu'il  soutenait  contre  les  envahisseurs  finirait  par 
tourner  à  son  avantage  ;  mais,  d'un  autre  c6té,  considérant  que 
Masséna  ne  pourrait  entrer  en  Portugal  que  vers  le  mois  de  mai, 
il  entrevoyait  moins  d'iuconvénients  à  laisser  d'abord  pénétrer 
en  AndaloiXiie  une  armée  française,  pensant  que  celle-ci  se 
trouverait  en  mesure  d'appuyer,  par  la  rive  gauche  du  Tage , 
l'armée  de  Portugal ,  qui  marcherait  sur  Lisbonne  par  la  rive 


522  LIVBB   SEPTIEME. 

itio.  droite.  Pendant  ce  temps,  Beynier,  avec  le  2'  corps,  resterait 
Espagne.  ^^^  ^  fleuvc  vis-à-vis  d'Alcantara,  pour  observer  les  Anglais 
et  couvrir  la  droitede  l*arinée  d*  Andalousie,  qui,  plus  tard,  prit 
la  dénomination  d'armée  du  midi.  Mais  aucune  de  ces  prévi- 
sions ne  put  être  réalisée  :  l'armée  du  maréclial  Sonlt,  dispersée 
dans  les  provinces  de  Grenade,  d^ Andalousie  et  d'Estrémadure, 
ne  put  prêter  aucun  secours  à  celle  du  nuurécfaai  Masséna; 
Reynier,  appelé  à  faire  partie  de  Tarmée  de  Portugal,  laissa 
l' Kstrémadure  à  découvert^  ce  qui  permit  aux  Anglais  d'arrèier 
Masséna  sur  la  rive  droite  du  Tage  et  de  s'opposer  à  sa  jonction 
avec  Soult  ;  enfin  la  manie  de  vouloir  fout  conquérir  et  tout 
garder  à  la  fob  fit  que  Ton  ne  se  trouva  en  force  sur  aucun 
point  y  et  que  de  toute  part  on  éprouva  des  revers. 

Cependant,  au  mois  de  mars^  les  Français  étaient  à  peu  prè& 
maîtres  de  toute  l'Andalousie,  à  l'exception  de  l'Ile  de  Léon  et 
de  la  place  de  Cadix.  Les  premiers  efforts  du  maréchal  duc  de 
BeUttne,  chargé  par  le  duc  de  Dalmatie  de  réduire  cette  place  » 
s'étaient  dirigés,  comme  nous  l'avons  dit,  sor  le  fbrt  de  Mata* 
gorda,  dont  il  s'était  emparé  le  28  avril,  en  forçant  les  Anglais, 
qui  y  tenaient  garnison  à  se  retirer  tout  à  fait  dans  Cadix  et 
dans  nie  de  Léon,  n'abandonnant  que  des  ruines  aux  assaillants . 
La  possession  de  Matagorda,  ayant  rendu  accessible  la  partie 
méridionale  du  Trocadéro,  fiivorisa  la  mise  en  batterie  des. 
énormes  bouches  à  feu  dites  obusiers-canon,  ou  à  la  Viltanirois^ 
du  nom  de  l'ofAeier  d'artillerie  qui  les  avait  imaginées.  Ces  piè^ 
ees,  à  plaque  et  à  semelle,  étaient  destinées  à  lancer  des  bombes 
dans  l'intérieur  de  Cadix,  à  une  distance  de  deux  mille  quatre- 
cents  toises.  Après  de  nombreux  essais,  les  bombes  Unirent, 
en  effet,  par  atteindre  la  ville  et  la  plage  adjacente,  et  y  causè- 
rent du  ravage.  • 

L'Ile  de  Léon  présente  la  figure  d'un  triangle  assez  régulier, 
dont  deux  côtés  sont  baignés  par  TOcéan  ;  le  troisième  côté  est 
séparé  du  continent  par  le  canal  appelé  rivière  de  Santi-Pétri. 
Ce  canal  profond  débouche  au  nord  dans  le  bassin  de  Puerto- 
Real,  à  la  Carraea,  et  au  sud  dans  la  mer,  à  nie  Santi-Pétri. 
L'Ile  de  Léon,  qui  a  trois  lieues  de  long  sur  une  lieue  un  quart 
dans  sa  plus  grande  laigeur,  renferme  les  villes  de  San-Femanda 
et  de  San-Carios,  qui  se  touchent  presque.  Le  reste  du  sol  est 


Tom  10  l'cuf.  S22 


h^z  CJiiclana 


Ibmr.BerfMe/a  ® 


^^^X'fS^jK'  J^Jkn^Ain 


Bmffi/^* 


Juan  Veis; 

DM  LA  BAIE  DE  CADIZ 
ETDEl^lLE  »E  J^KO^^ 


Vi\2Ci' 


^ 


iJaemf 


GUEIBI   D*ESPAGKI.  623 

couvert  de  vastes  lagunes,  les  unes  caltivées,  les  autres  formées  «gi^. 
de  marais  salants,  eommunlqoant  àvee  la  baie  intérieure  par  de  B"I»<>^ 
nombreux  canaux.  L'Ile  communique  avec  la  terre  ferme  par  le 
pont  de  Suazo,  que  leducd'Albuquerque  avait  fait  couper  avant 
Tarrivée  du  duc  de  Bellune;  c'est  Tunique  passage  qui  conduise 
à  Cadix  parterre.  L*arsenal  maritime  delà  Carraca  est  situé  en 
face  de  San-Garlos,  dans  un  Ilot  contigu  à  l'Ile  de  Léon  et  formé 
par  la  rivière  Santi-Pétri  et  le  canal  de  las  Culébras.  La  ville 
de  Cadix  est  bAtie  sur  un  plateau  formé  par  des  rochers  élevés 
au-dessus  de  l'océan  et  sans  cesse  battus  par  les  vagues»  à  l'ex- 
trémité septentrionale  d'une  langue  de  terre  (ou  isthme)  étroite» 
sablonneuse,  presque  à  fleur  d'eau,  d'environ  deux  lieues  de 
longueur,  qui,  partant  de  l'angle  occidental  du  triangle,  c'est* 
a-dire  du  point  le  plus  éloigné  du  continent,  établit  la  commu* 
nication  entre  cette  ville  et  l'ile  de  Léon.  La  rade  intérieure , 
qui  a  plus  de  six  lieues  de  tour,  est  défendue  par  le  fort  de  Ma- 
tagorda,  situé  à  la  pointe  la  plus  méridionale  de  la  terre  ferme, 
non  loin  de  la  côte,  et  près  de  Tembouchure  du  canal  du  Tro- 
cndéro;  le  fort  San-Luis,  à  l'extrémité  occidentale  de  l'Ile  du 
Trocadéro,  qui  n'est  qu'un  banc  de  sable  élevé,  et  le  fort  de  Pun- 
talès,  situé  sur  un  avancement  de  Tisthme  qui  Joint  Cadix  à  Tile 
de  Léon.  Au  milieu  des  marais  salants  et  des  canaux  qui  sont 
en  avant  du  Santi«Pétri  s'élève  une  chaussée  longue  et  étroite 
qui  conduit  au  pont  de  Suazo  et  où  les  Espagnols  établirent 
plusieurs  coupures  et  des  batteries  qui  en  rendaient  les  abords 
inexpugnables.  Le  front  d'attaque  du  Santi-Pétri  fut  garni 
d'une  triple  ligne  de  batteries ,  et  l'isthme  fut  coupé  par  un 
canal  dans  sa  partie  la  plus  étroite.  Cette  coupure  [Cartadura]^ 
défendue  par  le  fort  San-Femando  et  éloignée  de  Cadix  d'en<' 
viron  trois  quarts  de  lieue ,  était  destinée  à  barrer  à  l'ennemi 
l'entrée  de  Cadix,  quand  bien  même  U  aurait  pàiétré  dans  Tlle 
de  Léon.  Enoore  aurait-il  fallu,  dans  ce  cas,  se  rendre  maître 
des  ouvrages  de  l'enceinte  de  Cadix,  qui  ne  présentaient  qu'ui» 
seul  front  d'attaque. 

Outre  5,000  hommes  de  troupes  anglaises  et  portugaises  en** 
voyés  de  Lisbonne  par  Wellington ,  les  troupes  espagnoles 
échappées  aux  désastres  de  la  Sierra^Moréna,  qui  venaient  de 
<Bvers  point  se  réfugier  à  Cadix,  avaient  porté  l'armée  du  duc 


.'>24  LIVAE   SEPTIÈMB. 

mo.      d*Albiiquerque  à  14  où  15,000  hommes,  à  la  fin  de  mars.  Le 
£»i«siic.   çQfj^  auxiliaire  anglo-portQgais  était  sous  les  ordres  de  sir 
Thomas  Gruham,  qui  avait  remplacé  le  général  Ste^art. 

Dès  le  6  février  le  duc  de  Bellune  avait  établi  les  trois  divi* 
sions  du  l'*''  corps  sur  les  points  littoraux  les  plus  importants , 
depuis  San-Lucar  de  Barraméda ,  à  Tcmbouchure  du  Guadal- 
quivir,  jusqu*au  château  de  Santi-Pétri^  à  Textrémité  méridio- 
nale de  Pile  de  Léon;  il  occupait  Rota,  Santa-Marîa,  Puerto- 
Béai,  Xérès  de  la  Frootéra  et  Chiclana.  La  cavalerie  du  général 
Latour-Maubourg  occupait  à  gauche  Médina-Sidonia ,  sa  droite 
appuyée  à  la  mer  et  sa  gauche  au  Guadalètc,  ses  avant-postes 
à  Alcala  de  los  Gazalès.-  Les  forts  et  les  batteries  de  la  côte , 
détruits  par  les  Espagnols  depuis  Rota  et  s'étendant  au  dedans 
de  la  grande  rade  et  de  la  baie  intérieure  par  Santa-Catalina, 
Puerto  Santa-Maria,  le  Rio  San-Pédro ,  le  canal  du  Trocadéro 
et  Puerto-Réal,  avaient  été  remis  en  état  et  armés.  Les  principaux 
postes  de  cette  ligne  d*au  moins  dix  lieues  d'étendue  étaient  les 
forts  Santa-Catalina ,  battant  rentrée  de  la  grande  rade  ;  le 
petit  fort  Lafaga,  couvrant  Santa-Maria;  le  fort  San-Luis  et 
le  Trocadéro.  Trois  cents  bouches  à  feu  composaient  Tarmement 
de  cette  immense  ligne  de  batteries  et  fermaient  aux  bâtiments 
ennemis  Taccès  de  la  Carraca,  où  se  trouvaient  les  magasins 
de  la  marine  royale,  et  de  la  plage  adjacente  à  Santa-Maria  et 
à  Puerto-Réal. 

Il  y  avait  en  rade  une  escadre  anglaise,  aux  ordres  de  Tami- 
ral  Purvis,  et  une  escadre  espagnole,  commandée  par  don  Igna- 
cio de  A  lava.  Battues  par  une  violente  tempête  qui  s'éleva  le 
6  mars  et  continua  jusqu'au  lO,  ces  escadres  avaient  perdu 
quatre  vaisseaux  de  ligne,  une  frégate,  une  corvette  et  cinquante 
iKUiments  marchands,  qui,  sous  le  feu  des  batteries  françaises, 
échouèrent  k  la  côte  avec  leurs  cargaisons  et  GOO  hommes  d'é- 
quipage, la  plupart  Anglais.  L'ennemi  Incendia  lui-même  deux 
de  ses  vaisseaux  ;  un  petit  nombre  de  bâtiments  chargés  d*ap- 
provisionnements  divers  destinés  à  la  garnison  de  Cadix  ren- 
trèrent en  rade  dans  le  plus  grand  délabrement. 

La  junte  centrale,  réfugiée  à  Cadix  après  la  prise  de  Séville , 
avait  été  forcée  de  céder  le  pouvoir  exécutif  à  une  régence 
composée  de  cinq  membres,  et  lui  restait  attà.chée  comme  pou-v 


GU£BBB  d'bSPAGNB.  595 

voir  délibérant  Jusqu'à  la  réunion  des  oortès,  convoquées  pour      i^i^. 
le  mois  de  septembre.  Le  nouveau  pouvoir  installé  le  si  Janvier 
avait  pris  le  nom  de  conseil  suprême  de  régence. 

Le  mois  de  février  5*était  passé  tranquillement  dans  la  haute 
Andalousie  ;  mais,  au  mois  de  mars ,  une  violente  insurrection 
avait  éclaté  dans  les  Alpujarres,  branche  méridionale  de  la 
Sierra-Moréna,  qui,  suivant  au  sud  de  Grenade  le  rivage  de  la 
mer,  va  se  terminer  au  pied  de  Gibraltar.  Le  général  Blake , 
retiré  à  Murde,  avait  soulevé  les  populations  féroces  et  belli- 
queuses de  ces  montagnes.  La  garnison  française  que  le  roi 
Joseph  avait  laissée  à  Ronda,  vers  la  fin  de  février,  fut  bientôt 
resserrée  dans  Tenceinte  de  la  ville  et  forcée  de  l'évacuer  le  12 
mars,  devant  les  nombreuses  bandes  des  montagnards  de  la 
SerrantOy  nom  de  la  chaîne  de  hautes  montagnes  qui  partent 
des  environs  de  Tarifa  et  s'étendent  au  loin  à  Test.  Un  des  prin- 
cipaux chefs  de  ces  bandes  de  contrebandiers  et  de  malfiiiteurs 
était  don  Andrès  Ortiz  de  Zarate,  partisan  qui  se  rendit  célèbre 
sous  le  nom  à' El  Pastor.  Pour  mettre  un  terme  à  cette  agres- 
sion, le  maréchal  Soult  avait  envoyé  de  Malaga,  contre  les  in- 
surgés y  le  général  Peyremont  avec  trois  bataillons.  Réuni  à  la 
colonne  qui  venait  d'évacuer  Ronda ,  Peyremont  reprit  le  21 
cette  ville,  d'où  les  montagnards  ne  se  retirèrent  qu'après  s'être 
livrés  au  pillage  et  à  toute  sorte  d^excès.  Profitant  de  l'absence 
du  général  Peyremont,  les  Insurgés  envahirent  Malaga,  ce  qui 
força  ce  général  à  quitter  Ronda,  eiprës  y  avoir  rétabli  la  gar~ 
nison,  et  à  voler  au  secours  de  la  première  de  ces  villes,  que , 
malgré  leur  promesse,  les  habitants  n'avaient  pas  défendue. 

La  régence  de  Cadix  avait  chargé  le  marquis  de  la  Romana 
du  commandement  de  l'armée  dite  de  la  gauche,  qui  campait 
autour  de  Badajoz,  et  le  général  Blacke,  remplacé  en  Catalogne 
par  le  général  O'Donnel,  avait  été  appelé  à  commander  l'armée 
du  centre,  qui  cantonnait  aux  environs  de  Murcie.  Celle-ci,  for- 
mée des  débris  de  l'armée  du  général  Areizaga,  s'accrut  consi- 
dérablement par  le  recrutement,  par  les  enrôlements  volontaires, 
et  fomenta  par  sa  présence  la  levée  d'un  grand  nombre  de  guer- 
rillas  dans  les  montagnes  de  Cazoria  et  dans  les  Alpujarres. 
Cette  Armée  fut  destinée ,  conjointement  avec  la  garnison  de 
Cadix,  à  inquiéter  les  troupes  françaises  établies  à  Grenade,  à 


616  LIVUB  BSFTiàlf B. 

m^  Sérille,  et  partout  ou  il  importait  de  soutenir  lea  gnerrillas  de  la 
Serraiiia  et  de  Eonda.  Mais  Blaeke,  s'étant  reodu  à  Cadix  pour 
prendre  le  coramandeDient  des  trompes  e^agnoles  réunies  dans 
eette  place  et  dans  File  de  Léon ,  fut  remplacé  par  le  général 
Freire,  qui  resta  à  la  tète  de  Tarmée  du  oentrC)  forte  alors  de 
13,000  hommes  d*infiuiterie ,  a^ooo  clievaux,  avec  quatorse 
pièces  de  canon. 

Encouragés  par  le  succès  qa*avait  eu  Theureuse  témérité  de 
la  Ca$UUe^  les  prisonniers  français  détenus  à  bord  d'un  autre 
ponton  espagnol,  l'Argonaute^  tentèrent,  quinxe  jours  après, 
la  même  voie  de  salut.  Ce  ponton ,  qui  servait  d*h6pital ,  avait 
à  son  bord  six  cent  cinquante  Français  blessés  ou  malades.  Il 
vlntt  dans  la  nuit  du  26  au  27  mai,  s^écbouer  près  de  Blata- 
gorda  :  les  cAbles  en  avaient  été  coupés  par  les  Français*  L'en* 
nemi ,  furieux  de  cette  seconde  tentetive  d'évasion ,  fit  vaine- 
ment des  efforts  incroyables  pour  le  détruire  par  le  canon  ou 
par  le  feu  pendant  la  dérive;  fArgantaUe  toucha  k  terre  à  peu 
de  distance  de  l'endroit  où,  quelques  jours  auparavant,  avait 
échoué  la  Castille^  Les  soldats  français  du  l*^  corps  montrèrent 
encore,  dans  cette  seconde  circonstance,  autaitf  de  sollicitude  et 
de  dévouement,  pour  sauver  leurs  malheureux  camarades^  qu'ils 
en  avaient  apporté  pour  préserver  ceux  de  la  Caslille  de  la  mort 
qui  les  poursuivait  jusqu'au  rivage  '. 

Depuis  quelque  temps  la  garnison  de  Cadix  faisait  des  ap- 
paritions en  terre  ferme  et  commençait  à  fixer  l'attention  du 
1  ''''  corps.  Dans  la  nuit  du  28  au  20  septembre,  les  assiégés  tentè- 
rent une  attaque  contre  le  centre  de  la  ligne  occupée  par  Tarmée 
française  ;  4,000  hommes  débouchèrent  par  le  pont  de  Suaaso, 
rétabli  dans  la  nuit,  et  par  la  Carraca;  ils  étaient  soutenus  par 
plusieurs  chaloupes  canonnières,  qui  remonterent  les  canaux 
de  Zurraque ,  Aguiiar  et  la  Cnus.  Les  avant-postes  des  assié- 
geants se  retirèrent  dans  les  ouvrages  où  le  9®  dWanterie  légère 
s'était  formé.  Les  bataillons  de  réserve,  soutenus  par  le  canon 
des  batteries  de  la  côte,  ayant  aussitôt  pris  portion,  le  9^  sortit 

*  lie  lieutenant  de  vaisseau  Cartagnez,  le  chirurglen-niiyor  Gondin,  l*in- 
fimrier  principal  Gollloteaa ,  le  lieutenant  Montcbolsy  et  te  diinirgien  aide- 
major  Casevieille,  prisonniers  sor  rArgmatUe^  se  distinguèreat  paiticoliè' 
remeat  dans  ^évasion  de  ce  pontoo. 


dés  retran^httiMDts  et  marcto  droit  à  Tennemi,  qui  fot  bientôt      mia. 
ciill>cité  et  forcé  de  rentrer  dans  ses  lignes  sans  avoir  pu  détruire   '^'*^^ 
les  ouvrages  avancés,  ainsi  qu'il  en  avait  le  projet. 

Les  deux  partis  eontinuaient  de  s^dbserver  avec  une  sorte  de 
défiance  mutuelle.  Les  Français  sentaient  qu'ils  ne  pouvaient 
entreprendre  aucune  opération  offensive  véritablement  sérleu&e 
contre  une  place  si  bien  fortUMe  ;  ils  continuaient  cependant 
avec  activité  les  travaux  d'investissement  de  la  rade  et  de  Tlle 
de  Léon.  Malgré  tons  tes  obstacles  qu'y  apportait  reniiemi»  une 
flottille  nombreuse,  composée  de  chaloupes  canonnières,  de 
péniches  et  d'emhaTCations,  avaitété  créée  par  eux  dans  les  ports 
de  Santa-Marf a,  San*Luear  de  Baraméda»  Puerto-Réal  et  Chi* 
dana.  Cette  flottille  de  siège,  ayant  été  attaquée  par  lesbàtiments 
anglais  dans  la  nuit  du  31  octobre,  remporta  sur  eux  un  avan- 
tage assez  marqué.  Néanmoins  rien  n'annonçait  encore  quelle 
serait  rissue.  du  siège  »  et  l'on  demeurait  dans  une  inactivité  à 
peu  près  égale  des  deux  côtés. 

Défaite  des  Anglais  sur  la  côte  du  rùffaume  de  Grenade,  is  octobre. 
—  A  eslte  même  époque,  la  seule  entreprise  digne  de  remarque 
Alt  celle  que  les  Anglais  tentèrent  du  c6té  de  Malaga ,  dans  le 
royaume  de  Grenade.  Le  but  de  cette  expédition  était  de  pren- 
dre d'un  coup  de  main  le  château  de  Fuengirola,  qui  n'était  dé- 
fendu que  par  160  hommes.  La  possession  de  ce  château  eût 
ouvert  à  Tennemi  un  point  de  communication  avec  les  nMmta- 
gnuTds  voisins,  qui  résistaient  encore  aux  Français.  I>ès  qu'il 
en  aunrît  été  le  maître,  il  y  aurait  placé  une  garnison  pour  en- 
gager les  Français  à  l'attaquer»  en  dégarnissant  Malaga.  L'ex- 
pédftkm  se  serait  alors  rembarquée  sous  la  protection  du  fort, 
et,  de  concert  avec  d'autres  troupes  parties  de  Gibraltar,  aurait 
enlevé  Malaga ,  détruit  les  fortifications  et  pris  les  corsaires  et 
bâtiments  richement  chargés  qui  se  trouvaient  dans  le  port.  A 
cet  effet,  le  14  octobre,  une  escadre  anglaise,  composée  de  deux 
vaisseaux  de  74,  quatre  frégates  et  trois  bricks,  avec  quatre  ca- 
nonnières et  sept  bâtiments  de  transport,  parut  à  la  vue  du  fort 
de  Fuengirola,  situé  à  quatre  lieues  ouest  de  Malaga.  Le  débar- 
quement s'effectua  à  Gala  de  Mora,  à  douze  milles  est  de  la  ]^ce. 
L'escadre  mit  à  terre  le  82*  et  le  89^  régiments  de  ligne  anglais 
et  le  régiment  de  Tolède  espagnol ,  arrivant  de  Ceuta ,  en  tout 


52S  LiVBB  sv^'rràiiE. 

iM».     4,000  hommes,  sous  les  ordres  dugéiiém4'an^«è»  lord  Blayney. 

Es|*agne.  ][,e  1 5  au  tùMn,  toutes  les  hauteurs  qui  eBvSrafineot  le  fort  fu- 
rent couronnées  de  troupe»  anglo-espagnoles ,  et  une  batterie  de 
cinq  pièces  fùtétablie  à  cent  einquante  ti^aes.  Legteéral  anglais 
fit  sommer  le  fort  de  se  rendre;  le  capitaine  MI<^O6iewi0tz, 
qui  commandait  la  garnison,  refusa  d'écouter  le  parlementaire  ; 
aussitôt  le  feu  de  la  batterie  et  de  l'escadre  fM  dirigé  sur  le  fort, 
malsje  général  Scbastiani,  ayant  proroptement  réuni  S,000  hom- 
mes, se  porta  sur  Tennemi^  Tattaqua  et  le  culbuta.  La  garnison 
du  fort  seconda  ce  mouvement  par  une  sortie  idipétueuse  en 
front ,  et  enleva  la  batterie  que  l'ennemi  avait  établie  contre 
elle.  Cette  sortie  eut  lieu  quelques  minutés  avant  que  le  général 
Sébastiani  parût  sur  le  flanc  du  corps  qai  investissait  le  château. 
Lord  Biayney,  qui  prit  le  détachement  sorti  de  Fuengirola  pour 
une  troupe  espagnole,  fut,  dès  le  premier  choc,  foit  prisonnier 
avec  une  partie  de  son  monde.  Les  Anglais  et  les  Espagnols 
s'enfuirent  en  désordre  vers  le  rivage.  Le  feu  du  fort  coula  plu- 
sieurs chaloupes  canonnières  chargées  de  soldats,  et,  des  trou- 
pes qui  étaient  descendues  à  terre,  quelques  débris  seulement 
parvinrent  à  se  rembarquer.  L'ennemi  laissa  le  cliamp  de  ba- 
taille jonché  de  ses  morts,  parmi  iesquelson  compta  250  Anglais. 
Outre,  un  grand  nombre  de  prisonniers ,  cinq  pièces  de  canon, 
beaucoup  d'outils  et  plusieurs  caissons  de  cartouches  tombèrent 
au  pouvoir  des  vainqueurs. 

Telle  fut  l'issue  de  cette  opération,  mal  combinée ,  encore 
plus  mal  commandée.  Du  côté  des  Français^  elle  fit  l>eaucoup 
d'honneur  au  chef  de  bataillon  polonais  Bonitz,  aux  capitaines 
Mlokosiewietz  et  PlachedLi,  au  lieutenant  Ghelmicki,  et  au  ca- 
pitaine Autier,  qui  commandait  un  escadron  du  21^  régiment 
de  dragons. 

Aoûi-sept  Combats  dans  le  midi  de  l'Andalousie  ;  affaires  de  Villagar- 
cia^  de  Fuenté-Ovéfuna,  deFuenté  de  Contas ,  en  Estréma- 
dure.  —  Après  sa  défaite  a  Santa-Olalla  et  au  Ronquillo,  les  25 
et  26  mars  %  Ballasteros,  lieutenant  de  la  Romana,  s'était  re- 
tiré sur  Gala  et  Aracéna,  et  avait  cherché  un  abri  dans  les  mon- 
tagnes presque  inaccessibles  de  cette  contrée.  Battu  successive- 

*  Voir  page  416. 


ment  par  laâivifMm  Gimd,  du  5*  corps,  les  l  s  avril  et  :ie  mai,  imq» 
à  Zataméa-iA^Béal,  aa  pavage  da  Bio-Tinto  et  à  Araoéna,  il  '^^"'* 
s'était  va  fonoé  à  gaipfter  en  dénwdre  la  Giiadiana  inférieure  et 
les  fro&tièses  de  Portagal.  Le  prittdpal  ehamp  de  bataille  et  de 
retraite  de  lallastéros  était  le  pays  qui  s'étend  entre  l'Estréma- 
dure,  le  Portugal  et  la  province  deSévilie»  d'où  il  donnait  la 
main  aux  troupes espagnolesqui  occupaient  lecomté  de Niébla. 
L'adjadant-commandant  Victor  Rémond,  avec  un  petit  corps 
d'infanterie,  observait  le  Rio-Tinto.  Il  battit  l'ennemi  le  17 
juin.  Les  vivres  devinant  de  plus  en  plus  rares  dans  Cadix ,  les 
assiégés  firent  un  nouvel  ^ort  pour  ravitailler  la  place,  et  opé- 
rer, s*ii  était  possible,  une  diversion  vers  le  Rio-TInto.  Le  34 
août,  le  général  Lacy  débarqua  un  corps  de  6,000  bonimes,  ve- 
nant de  Cadix,  entre  Moguer  et  la  Torre  de  Oro,  et  marcha 
aussitôt  contre  le  duc  d'Aremberg ,  qui  occupait  Moguer  avec 
300  bcMnnes  de  son  régiment >  le  S7«  de  chasseurs  à  cheval. 
Pendant  ce  mouvement,  le  général  espagnol  Q^ns,  avec  l,600 
hommes,  débouchait  des  frontières  de  Portugal  et  marchait  ra- 
pidement sur  le  Rio-TInto  pour  couper  la  retraite  à  l'adjudant- 
commandant  Rémond.  Attaqué  par  des  forces  bien  supérieures, 
celui-ci  soutint  néanmoins  le  combat  avec  assez  d'égalité  pen- 
dant toute  la  journée  et  prit  position,  le  soir,  à  VlUarraaa.  Le 
35  il  continua  la  retraite  sur  Sao-Lucar  la  Mayor.  Des  détadie- 
ments  du  6"  corps  s'étant  alors  réunis  à  la  petite  colonne,  Lacy 
arrêta  son  mouvement.  Le  général  Pépin,  qui  commandait  à 
San-Luear,  marcha  au  général  ennemi  sans  délai.  Le  38  au 
matin ,  il  le  fit  attaquer  h  Manzanilla  et  le  poursuivit  jusqu'à 
Villalba.  Un  corps  de  SOO  cavaliers  espagnols,  ayant  chargé 
avec  assez  de  succès  d'abord  un  escadron  du  3^  de  hussards , 
fut  repoussé  ensuite,  sabré  ou  fait  prisonnier.  Le  39  août,  les 
Français  rentrèrent  dans  Moguer;  l'ennemi  se  rembarqua  en 
désordre  pendant  la  nuit,  abandonnant  une  partie  de  ses  bles- 
sés et  beaucoup  d'effets  sur  la  plage.  Le  15  septembre,  un 
nouveau  débarquement  eut  lieu  à  Moguer.  Le  général  Copons 
se  porta  des  bords  de  la  Guadiana  pour  le  soutenir  ;  mais  l'ad* 
jndant-commandant  Rémon^  l'atteignit  bientôt ,  le  repoussa 
jusqu'au  delà  de  San-Rartoloméo  et  de  Cartaya ,  et  le  força 
encore  une  fois  à  se  rembarquer  précipitamment.  Le  1 3  octobra 


.980  LITBB  SBPTikMK. 

itio.  renaerni,  malgré  les  échecs  qu'il  avait  précédemment  reçus  sur 
^'^^^f^-  le  Bio-Tinto,  voulut  eucore  s*élabllr  à  son  embouchure  et  se 
retrancher  à  Huelva;  radjudant^commandant  Eémood  vint  le 
chasser  de  cette  position.  Cet  oCBcier  attaqua  les  Espi^iiols , 
enleva  d'assaut  le  fortin  qu'ils  avaient  construit,  et  força  la  gar- 
nison ennemie  à  se  rendre  ou  à  gagner  ses  chaloupes  à  la  nage. 
Beaucoup  d'Espagnols  périrent  dans  le  tnjet ,  et  les  Français 
Urent  60  prisonniers. 

Dès  que  le  maréchal  Mortier  se  ftit  replié  sur  Llérena,  le  11 
février  %  la  Junte  de  Badtgoz  fit  tous  ses  efforts  pour  répandre 
des  guerrillas  vers  la  province  de  Sévllle  et  sur  les  rives  du 
Tage.  Peu  de  temps  après,  l'armée  de  La  Romana  se  mit  en 
marche  pour  gagner  la  Guadiana,  excepté  la  divisioQ  de  Carrera» 
qui  resta  postée  sur  la  frontière  pour  empêcher  les  communica- 
tions entre  l'Estrémadure  et  le  pays  situé  au  delà  de  la  Sierra 
de  Banos.  Cette  armée,  réunie  aux  forces  reiflérmées  dans  Ba- 
dines, s'élevait  à  environ  26,000  hommes  d'infanterie  et  9,000 
hommes  de  cavalerie  ;  elle  se  composait  de  cinq  divisions  :  cel- 
les de  Mendizahal  et  de  don  Carios  O'Donnell,  frère  de  don 
Enrique,  qui  commandait  en  Catalogne,  s'appuyaient,  à  gauche^ 
à  Castello  de  Vidé  et  à  Alhuquerque  ;  une  division  était  à  Ba- 
dajos  avec  le  quartier  général ,  et  les  divisions  de  Ballestéros  et 
de  Contreras  occupaient,  à  droite,  Olivença  et  le  chemin  de 
Monaaterio.  Le  général  Reynier,  ayant  quitté  le  Tage  au  com- 
mencement de  mars,  s'était  établi  à  Mérida,  où  il  reçut  Tordre 
de  marcher  sur  le  Tsge  et  de  se  mettre  en  ligne  avec  l'armée 
de  Portugal,  dont  il  faisait  partie.  Il  devait  prévenir  le  maréchal 
Mortier  de  son  départ  et  s'occuper  de  déblayer  la  route  qu'il 
«liait  suivre  pour  gagner  le  Tage.  En  conséquence  le  géné- 
ral Merie  fût  dirigé  de  Féria  sur  Xérès  de  los  Gabaliéros  avec 
sa  division  et  la  brigade  de  dragons  du  général  Marizy.  Le  .% 
Juillet  il  rencontra  à  moitié  chemin  de  Xérès,  à  Salvatierra,  l'a- 
vant^garde  espagnole  postée  sur  une  hauteur  boisée;  il  l'atta- 
qua et  la  replia  sur  un  mamelon  escarpé  qu'on  ne  pouvait  at- 
teindre qu'en  défilant  homme  par  homme.  Toutefois  elle  fut 
délogée  par  les  voltigeurs  des  2*  et  4*  régiments  d'influnterie  lé- 

''W'#lrpast4!3. 


r 


gère.  Les  Espagnols  se  cooeentrèreiH  alors  dans  une  bomie  po- 


I  sition  Sttr  les  hauteurs  à  droite  de  Xér^s.  Ils  présentaient  en    ^"■^"^'^ 


I 


ligne  environ  7,000  hommes  avec  do  canoa  et  étaient  oomman- 
dés  par  les  brigadiers  généraux  Imaz  et  Morille  détaehés  de 
la  division  de  don  Carlos  O^Donnell,  établie  aux  environs  de 
Badajos« 

Attaqués  à  la  baifonnette  par  les  2^  et  4«  légers,  soutenus  par 
la  cavalerie,  les  Espagnols  sont  rejetés  sur  les  revers  des  som- 
mités qu'ils  occupent.  Abordés  de  nouveau ,  ils  sont  refoulés  en 
désordre  vers  i*Ardllla,  où  le  régiment  d'infanterie  de  la  Prin- 
cesse, abandonné  par  la  cavalerie,  et  se  formant  en  carré  à 
la  tète  du  pont  en  arrière  de  Xérès ,  essaye  de  protéger  le  pas* 
sage  ;  mais  les  dragons  du  général  Marizy  enfoncent  le  carré , 
tuent  SOO  hommes  dans  cette  charge  et  font  200  prisonniers  ; 
le  reste  fuit  en  désordre  vers  les  montagnes  voisines,  dette  af- 
faire coûta  aux  Espagnols  plus  de  1  ,ooo  tués  et  blessés,  et  doo 
prisonniers.  La  perte  des  Français  ne  dépassa  pas  SO  hommes* 
Immédiatement  après  cette  rencontre,  le  3«  eorps  se  rapprocha 
du  Tage,  qu'il  passa,  dans  les  journéesdu  I6au  isjuilletyàGar^ 
rabillas ,  à  Talavan  et  à  Alconétar,  et  se  dirigea  Mir  Gorla,  où 
il  entra  le  17.  Il  fut  suivi  parallèlement  à  sa  marche  par  le 
générai  Hill ,  qui  stationnait,  à  hauteur  d*Ei vas,  sur  la  frontière 
de  Portugal. 

La  Romana  profita  du  départ  du  2^  corps  pour  réunir  de  nou- 
veau ses  troupes  dispersées  en  Estrémadnre  et  tenter  une  incur- 
sion en  Andalousie.  Ayant  obtenu  de  faire  relever  par  des  Por- 
tugais les  garnisons  de  Badajoz,  de  Campo-Mayor,  etc.,  il  par* 
vint  à  former  un  eorps  de  10,000  hommes  d'infanterie  et  de 
000  chevaux,  avec  lequel  il  manifestait  l'intention  de  marcher 
sur  Séville.  Le  général  Girard ,  instruit  de  la  marche  de  Ten- 
nemi  sur  Bienvénida,  se  porta ,  le  1 1  août,  de  Lléréna  sur  ce 
point,  par  Yillagarcia.  Les  Espagnols,  surpris  par  œ  mouve« 
ment  décisif,  suspendirent  le  leur  et  s'établirent  sur  la  défensive; 
ils  formèrent  leurs  lignes  dans  des  retranchements  naturels  et 
attendirent  lattaque.  Le  général  Girard  fit  alors  des  démons- 
trations sur  leur  centre,  tandis  que  le  général  Chauvel  marchait 
pour  les  déborder  sur  la  gauche  et  que  le  général  Brayer  ob- 
servait la  droite.  Deux  escadrons  de  cavalerie  ennemie  ehar- 

M. 


E^Mgne. 


532  UTU  SBPnfclIt. 

is)0.  gèrent  vigoureusement  la  brigade  Oiaavel,  qui  iei  reçut  à  oout  ■ 
portant,  et  les  força  à  se  retirer  en  désordre,  après  avoir  laissé 
lieauooup  d'Iiommes  et  de  chevaux  sur  la  place.  La  position  de 
gaudie  fut  immédiatement  enlevée  Tanne  au  bras.  Au  même 
moment»  la  brigade  Brayer  chargea  à  la  baïonnette  les  5,000 
hommes  qu'elle  avait  devant  elle  et  s'empara  du  plateau  qu'ils 
défendaient.  Les  Français  se  trouvant  alors  maîtres  dea  hauteurs, 
la  victoire  fut  décidée  en  leur  faveur.  La  cavalerie  espagnole 
flt  les  plus  grands  efforts  pour  protéger  la  retraite  de  Tinfiin* 
terie  ;  mais,  chargée  au  pas  de  course  par  plusieurs  compagnies 
de  voltigeurs  réunies,  elle  fut  rompue,  et  dès  lors  la  déroute 
devint  complète.  L'ennemi  fut  poursuivi ,  Tépée  dans  les  reins, 
jusqu'à  Monté-Molino ,  d'où  il  se  jeta  dans  les  montagnes  de 
Zafra.  Il  perdit  dans  cette  affaire  3,500  hommes,  tués  ou  bles- 
sés et  800  prisonniers.  On  lui  prit  quatre  pièees  de  canon  et 
d'immenses  magasins  de  vivres.  Les  Français  n'eurent  que  300 
hommes  tués  ou  blessés. 

Les  généraux  Chauvel  et  Brayer;  les  colonels  Raymond,  du 
84*  régiment  ;  Chassereaux,  du  40«  ;  Vigent,  du  64^  ;  le  dief  de 
bataillon  Monnot,  commandant  le  88^;  le  nujor  Gaidon,  du 
31"  chasseurs;  le  chef  de  bataillon  Marquet,  commandant  les 
voltigeurs;  le  chef  d'escadron  Hudry,  le  capitaine  Gritte,  du 
34*;  le  capitaine  Levéque,  du  10<^  de  hussards;  le  capitaine  de 
grenadiers  Martin,  du  64®;  Tadjudant-major  Lefebvre,  du  88*; 
l'officier  du  génie  Anduard  et  l'aide-de-camp  Duroc^Meselop 
méritèrent,  à  cette  occasion ,  des  éloges  poqr  leur  belle  con- 
duite. 

Cependant  La  Romana,  renforcé  par  une  division  de  troupes 
portugaises,  reçut  du  général  en  chef  anglais  l'ordre  de  se 
porter  de  nouveau  en  avant.  Ce  secours  et  ce  qu'il  put  réunir 
de  ses  débris  lui  formèrent  près  de  9,000  hommes.  Il  se  remit 
donc  en  marche  au  commencement  de  septembre,  et  s'avança 
jusqu'aux  défilés  qui  dominent  l'Andalousie  ;  il  occupait  Aracôia, 
Santa-Olalla,  Monastério  et  Guadalcanal.  Durant  son  s^ur 
dans  cette  contrée,  une  de  ses  divisions  attaqua,  pendant  quatre 
jours  de  suite,  le  poste  de  Castello  de  los  Guardios,  y  fût  cons- 
tamment repoussée  et  y  perdit  300  hommes.  Le  6  septembre , 
3,000  hommes  se  portèrent  sur  Fuenté*Ovéjuna ,  où  se  trou* 


ApagiM. 


GUP.1KK  l>*BSPAGIfï.  6Z9 

iraient  96  hommes  da  5t®  régiment  de  ligne  français^  oomman-    _  itia 
dés  par  le  capitaine  Billot  Ge  fhible  détachement  se  battit  avec 
àcbaraement  pendant  treize  heures. 

Après  une  forte  résistance  aux  issues  du  vHlag&  de  Fuenté- 
Ovéjuna,  dans  quatorze  maisons  que  Tennemi  br6la  successive- 
ment pour  en  chasser  les  Français ,  ceux-el  se  retisèrent  dans 
réglise ,  d*oti  ils  firent  plusieurs  sorties  à  la  baïonnette ,  et  de 
là  dans  le  clocher.  Le  général  Morillo,  désespérant  de  pouvoir 
vaincre  cette  poignée  de  braves,  fit  apporter  au  bas  de  l'eseftller 
du  clocher  de  vieux  matelas  et  des  ballots  déplaise,  auxquels 
on  mit  le  fen ,  afin  d'étoufTer  par  laftiroée  ceux  qui  se  défen-r 
daient  s!  ophiiâtrément.  En  effet,  plusieurs  d'entre  eux  ayant 
succombé,  le  capitaine  Billot  descendit  avec  ce  qui  lui.  rastait 
d'hommes  sur  le  toit  de  Téglise,  où  il  fut  forcé  de  se  rendre, 
après  avoir  br<^  sa  dernière  cartouche^  Les  Espagnols  embus-* 
qués  dans  les  maisons  environnantes  tuaient  ces  soldats  sans 
défense.  Morifio  fit  cesser  le  feu,  et  on. les  fit  desœndre  de  l'é*- 
gliseavec  deséchelles  à  incendie.  Il  ne  restait  plus  que  50>Fran* 
çais,  qui  furent  conduits,  ainsi  que  le  capitaine  Billot^  en.Por» 
tngal^  où  ils  fiirent  repris  par  le  t^  d'infonterie  légère;:  ils 
rentrèrent  ensuite  à  leur  régiment.  Le  détadiement  envoya  à 
leur  secours  ne  put  arriver  à  temps  à  Fuenté-Ovéjuna,  et  ils 
étaient  déjà  au  pouvoir  de  Morillo  quand  celui-ci  abandonna 
le  village. 

Sur  ces  entrefaites,  le  maréchal  Mortiei-,  d^'après.  les  ordres 
du  duc  de  Dalmatie,  réunit  le  5^  corps  d'armée  à  el  Bonquillo, 
afin  de  rejeter  tout  à  fait  Tennemi  dans  le  fond  de  TEstrémar^ 
dure,  les  Fhiftçais,  chassant  les  troupes  qui  se  trouvaient  cte* 
vaut  eux  à  Santa-Olalla  et  à  Mondstérto ,  araivènenjt  le  i.Sh  sep- 
tembre au  matin  près  de  Fuehté  de  Cantos ,  oùr  la  cavalerie 
ennemie,  au  nombre  de  2,700  chevaux,  y  compris  1,000  Por- 
tugais, crut  pouvoir  résister  et  s'opposer  au  passage.  Le  général 
Briche  marcha  sur  Fennemi  avec  sa  brigade  de  cavalerie  légère; 
les  Espagnols  furent  repoussés  en  désordre  et  sabrés.  6OOI10BI- 
mes  de  leur  cavaferle,  parmi  lesquels  le  colonel  du  régiment  de 
rinfante,  et  beaucoup  d'officiers  furent  faits  prisonniers.  SAx 
pièces  d'artillerie  légère  fiirent  également  prises,  avec  leurs  at- 
tnjlages  et  leurs  caissons.  L'ennemi  laissa  sur  la  place  un  graiwi 


&34  UVAB  SlErriBVI. 

1810.      iMMnbre  de  morts,  et  celai  de  ses  blessés  fut  lrès-€OMldéraUe. 

^**''*^^   Les  Français  n'eurent  guère  qoe  30  hommes  tués  et  70  blessés. 
Les  Espagnols  précipitèrent  leur  retndte.  Le  16 ,  le  duc  de 
Trévise  était  déjà  àZafra,  et  poussait  ses  reconnaissances  jus- 
qu'à Fuenté  del  Maestré. 

Avni-.\ov.  Opérations  du  général  SébasHani;  les  Espagnols  sont  battus 
dans  le  royaume  de  Murcie,  -*  De  nombreux  rassemblements 
stationnant  au  mois  d*avril  sur  les  frontières  de  Murcie,  le  gé* 
néral  Sébastian^  fit  une  incursion  sur  ce  point  à  la  tèle  de  8,000 
hommes.  Il  se  dirigea  par  Baza  et  Lorca  ;  le  généraJ  Frebre  se 
replia  sur  Alicante  et  envoya  à  Girthagène  la  S*  division  de 
son  armée.  Le  général  Sébastian}  marcha  sans  éprouver  de  ré- 
sistance sérieuse  jusqu^à  Mureie ,  dont  il  prit  possession  le  23 
avril  et  qu*il  évacua  trois  Jours  après.  Presque  toujours  vain- 
queur, soit  qui!  fàt  attaqué  ou  qu*il  prit  roffen9ive  »  il  ne  pou- 
vait parvenir  à  padûer  entièrement  le  royaume  de  Grenade, 
Les  triomphes  des  armées  françaises,  quoique  se  succédant  avec 
rapidité,  n*entrainaient  cependant  avec  eux  aucun  résultat  dé- 
cisif. Vers  le  miliea  du  mois  de  juin ,  le  général  Sébastian! 
avait  dispersé  et  taillé  en  pièces  à  Gastrit ,  sur  la  frontière  de 
Murcie,  un  rassemblement  d'insurgés  auquel  s'étaient  Jointes 
quelques  troupes  réglées;  le  t5  juillet  suivant,  le  général  Rey 
attaqua  un  autre  corps  d'insurgés»  dans  les  montagnes  deRonda, 
lui  tua  400  hommes,  le  mit  en  déroute ,  et  lui  ramassa  quelques 
prisonniers,  parmi  lesquels  se  trouvait  le  colonel  Valdivia» 
qui  commandait  Texpédition.  Dans  les  derniers  jours  du  mois 
d*aott,  des  rassemblements  de  paysans  de  Mureie,  soutenus 
par  quelques  troupes  régulières,  commandés  par  le  général 
Blake,  qui  était  venn  de  Cadix  pour  dir^r  les  opérations  de 
l'armée  do  centre,  menaçaient  les  firontières  de  Grenade.  Le 
général  Sébastiani  partit  de  la  ville  de  ce  nom  pour  marcher  à 
leur  rencontre  ;  mais  à  son  approche  ils  se  retirèrent  dans  les 
montagnes.  Les  Français  s'arrêtèrent  à  Totana  dans  la  nuit 
du  39  au  80. 

Pendant  que  le  général  Sébastiani  faisait  son  expédition, 
deux  bandes  de  guerrillas  des  montagnes  de  Grenade  se  réur 
nirent  ;  soutenus  par  2,000  paysans  du  pays  ^i  se  joignirent 
à  eux ,  ils  se  portèrent  dans  les  environs  de  U  viUe  die  Grenade. 


GUEfiRB   D'fiSP^GAE.  5S$ 

Le  dief  d*«icttdf«Mi  Rollet,  du  16*  régiment  de  dragons,  les      im^^ 
joignit,  le  4  septembre,  au-dessos  de  Padal ,  les  mit  dans  une    '•PHBfe. 
déroote  complète,  et  leur  tua  400  hommes  «  an  nombre  des- 
quels était  leav  ehef  ;  il  lenr  fit  en  outre  quelques  prisonniers , 
prit  lenr  drapeau  et  beaucoup  de  cheYaux.  Le  reste  regagna  les 
montagnes  « 

D*un  autre  côté ,  les  Anglais  et  les  insurgés  cherchaient  aussi 
à  profiter  de  Téiolgnement  du  corps  du  général  SébastianI 
pour  soulever  le  pays.  Quelques  villages  se  révoltèrent  et  mat^^ 
sacrèrent  tous  les  Français  qu'ils  purent  surprendre  en  >  force 
moindre  ou  isolés.  De  nouveaux  débarquements  s^effectuèrent 
sur  ta  c6te  des  Alpujarres,  et  les  chAteaux  de  Motril  et  d'Aï- 
mun^ar  furent  pris;  mais,  après  ralTaire  de  Padal ,  le  général 
Werlé  marcha  sur  ees  deux  villes,  quHl  trouva  fortement  oc- 
cupées. T..es  Anglais,  après  avoir  cherché  à  entamer  le  général 
Werlé,  furent  repousses  avec  perte ,  et  obligés  de  se  rembar- 
quer en  toute  hâte,  laissant  beaucoup  de  morts  sur  la  place*  Les 
châteaux  de  Motril  et  d'AlmunéJar»  dont  ils  avaient  augmenté 
l'armement  et  qu'ils  avaient  approvisionnés ,  rentrèrent  au  pou^ 
voir  des  Français* 

Vers  la  fin  du  mois  d'octobre,  Blake,  étant  parvenu  à  réor^ 
ganiser  l'armée  du  centre ,  commença  à  inquiéter  la  gauche  du 
4^  corps.  Le  3  novembre  il  fit  reconnaître  la  petite  ville  d^ 
Gullar,  vers  la  frontière  du  royaume  de  Grenade,  par  un  parti 
de  100  chevaux.  Prévenu  par  le  général  Rey,  le  général  Sébas^ 
tfani  donna  l'ordre  à  tous  les  détachements  de  se  réunir  sur  ce 
point  et  de  marcher  à  l'ennemi.  Le  4 ,  Blake  vint  prendre  po^ 
sitlon  au  Rio-Almanzor,  avec  près  de  10,000  hommes.  Le  gé- 
néral Rey  fit  aussitôt  ses  dispositions  pour  attaquer.  Le  général 
Milhaud,  étant  arrivé  un  instant  après  avec  sa  cavalerie ,  prit  le  ) 

commandement  et  fit  charger  l'ennemi,  sans  attendre  les  renforts 
qui  lui  arrivaient  sous  les  ordres  du  général  SébastianI.  En  un 
instant  les  Espagnols  furent  enfoncés  et  culbutés  de  toutes 
parts:  1,000  prisonniers,  dont  environ  40  officiers,  quatre 
eanons ,  qnatra  caissons  et  deux  drapeaux  tombèrent  en  notre 
pouvoir;  plus  de  1,200  hommes  restèrent  sur  le  champ  de 
bataille,  entre  autres  le  brigadier  commandant  les  carabinlera 
espagnols.  Les  Français  n'eurent  que  900  homfmes  tarnt  tuéâ 


^86  LIVBB  SIPTÙMB. 

fMo.    <|ueble8sés.  Le  généniMilhand  poursuivit  salis  retard  renheitf, 
^'^*^^   afin  de  ne  pas  iui  laisser,  le  temps  de  se  reformer. 

Dans  cette  affaire,  qui  termina  la  campagne  de  1810.  les 
Français  étaient  loin  d'égaler  lea  Espagnols  en  nombre.  1,200 
chevaux,  2  bataillons  du  33*,  400  hommes  du  sa*,  avec 
une  compagnie  d'artillerie  légère,  sufiirent  pour  battre  et  dis- 
perser entièremimt  le  corps  de  Blake,  qui  comptait  te,ooo 
hommes.  Les  généraux  Milhaud  et  Rey,  les  colonels  Or- 
manoey ,  Subervie,  Aymard  et  Konopka  se  distinguèrent. 
Jniii.-iiéc.  Opérations  militaires  au  eerUte  et  dans  le  nowt  de  VEs-^ 
nagne.  —  Le  général  Hugo ,  qai  occupait  la  ville  de  SIgueoza , 
dàna  la  province  de  Guadalajara,  y  fut  attaqué,  le  6  juillet, 
par  la  bande  de  rEmpédnado;  les  Espagnols,  malgré  kur 
nombre,  furent  rompus  et  laissèrent  beaucoup  de  monde  svr 
la  place. 

Deux  mlHe  autres  guerrilléros  s'étaient  réunis  à  Almaaan , 
sur  le  Duéro,  dans  k  province  de  Sorla.  Le  colonel  Baste» 
commandant  les  marins  de  la  garde  impériale  ^  partit  le  9  Juillet 
de  Soria,  à  la  tète  d'une  colonne  de  1,000  marins  et  ouvriers 
militaires,  pour  aller  attaquer  ce  rassemblement.  Le  10,  de 
grand  matin ,  la  ville  d'Almazan  lût  cernée.  Le  combat  s'en- 
gagea vivement  bientèt  ^>rès  et  se  soutint  pendant  quelque 
temps  avec  opinîâtrelé  ;  néanmoins  la  ville  fiit  enlevée  de  vive 
forée,  et  Tavantage  demeura  tout  entier  aux  Français.  L'en-» 
nemi  perdit  dans  cette  afbire  aoo-hommes  morts  et  500  blessés 
ou  prisennien.  Les  Français  a'eurent  qu\me  centaine  des  leurs 
tués  ou  blessés. 

Dans  la  Manche ,  le  général  Lorge  obtenait  des  succès  contre 
les  bandes  qui  infestaient  ce  pays.  Une  d'entre  elles,  forte  de 
aoo  hommes  d'infanterie  et  de  200  chevaux,  attaqua  Tomelloso, 
le  2  septembre.  Le  colonel  badois  Kruse,  s'étant  porté  à  sa 
rencontre,  l'attaqua r  la  batUt  et  s'empara  de  toutes  ses  muni-* 
tioDS  et  de  ses  bagages. 

Battu  à  SIguenaa,  l'Empécinado  reparut  bientôt  à  la  tète  de 
1 ,2kOO  hommes  et  se  porta  à  Gloentès  et  dans  les  environs.  Le 
générai  Hugo,  alors  à  Brihuéga  avec  une  colonne  mobile  com-^ 
posée  de  900  hommes  d'Infanterie  et  260  chevaux ,  marcha 
contre  lui  le  14  septendire,  le  chassa  de  toutes  ses  position?» 


GUEBU  DBSPAGIIE.  537 

entra  dans  Gifuentès»  «t  lui  fit  éprouvor  une  perte  d'environ  300      mo. 
hommes.  ^''^"^ 

Le  6  du  même  mot» ,  le  général  Roguet  avait  taillé  en  pièces 
un  parti  de  900  hommes  et  de  150  chevaux,  qui  s'était  formé 
dans  le  village  d*Yanguas,  près  de  Soria, 

Le  16  octobre,  douze  cents  guerrilléros  attaquèrent  Teseorte 
d'un  convoi  destiné  pour  Torija  ;  le  colonel  Balestrier  le  dé- 
gagea en  les  dispersant.  Le  général  Hugo  les  attaqua  dans 
leur  retraite  sur  Val-de-Sas  et  leur  tua  près  de  200  hommes. 
Le  général  Laboussaye,  les  ayant  rencontrés  le  21  à  Taranoon 
et  à  Uclès ,  ne  leur  fit  pas  moins  de  mal  que  le  général  Hugo. 

Vers  le  eonunencement  de  novembre ,  les  débris  de  toutes  les 
guerrillas  et  des  bandes  chassées  de  la  Biscaye  et  de  la  Navarre 
par  des  colonnes  de  la  garde  impériale  française  se  réfugiè- 
rent en  nombre  dans  les  montagnes  de  Soria  ;  ces  montagnes 
leur  offMent  uu  point  de  ralliement  et  de  grandes  ressources 
pour  le  genre  de  guerre  qu'ils  avaient  adopté.  Quelques  partis 
de  ces  guerriilas^  inquiétaient  déjà  le  voisinage  de  Logrono.  Le 
général  Roguet  reçut  Tordre  de  marcher  avec  1,500  hommes 
d'infanterie  de  la  jeune  garde  impériale  et  500  chevaux. 
Après  vingt  jours  de  recherches  et  de  marches  et  de  contre- 
marches pénibles,  son  avant-garde  découvrit  enfin  l'ennemi , 
fort  de  2,000  hommes  y  prenant  position  àBélozado»  la  gauche 
à  Frénillo  de  Rio^Tiro.  Les  troupes  françaises  passèrent  ausr 
sitôt  la  rivière  à  gué.  A  peine  quelques  compagnies  d'infanterie 
s'étaient>elles  formées  que  aoo  chevau-légers  ou  lanciers  du 
grand^uché  de  Berg,  commandés  par  le  colonel  de  Golts- 
heim,  s'élancèrent  vers  Te  centre  de  la  position  des  bandes, 
et  les  abordèrent  à  toute  bride,  malgré  Ma  Itasillade;  les  Espa- 
gnols furent  enfoncés  et  dispersés  en  un  moment.  L'infanterie 
française  suivait  au  pas  de  course ,  et  faisait  un  carnage  affreux 
de  ce  qui  échappait  à  la  cavalerie.  Les  fuyards  furent  chargés 
pendant  trois  lieues;  la  ville,  les  hauteurs,  les  routes  étaient 
couvertes  de  cadavres.  Le  nombre  des  morts,  chez  l'ennemi, 
monta  à  plus  de  1,000  ;  3  ou  400  hommes  seulement  s'échappè- 
rent et  se  sauvèrent  dans  les  montagnes  voisines. 

I^  1 8  novembre ,  la  bande  d' Amor  s'étant  établie  au  bourg  de 
Santo-fiomingo  »  le  major  Robert  partit  de  Haro  avec  un  déta- 


638  UTBV  SBPTIÈI». 

mio.  chement  de  la  garde  in^riale,  la  sarprit  et  lai  prit  son  dm- 
Espiftiie.  p^^^^  j^  ^y^^  d'escadron  Soobeiran  ne  traita  pas  mieux  la 
bande  de  Garrido ,  qu'il  rencontra  à  Galdaso. 

Le  19  novembre,  radjuâant-comnmndant  Fontaine  attaqua 
à  Belmonté  avec  aoo  hommes ,  un  rassemblement  de  i  ,500 
paysans  ;  il  les  dl^rsa  entièrement  après  leur  avoir  tué  beau- 
coup  de  monde. 

Les  iMuades  éparses  dans  la  province  de  Yalludolid  et  dans  le 
royaume  de  Léon  s'étaient  réunies  à  Sahagun,  petite  ville  si- 
tuée au  pied  de  l'une  des  arêtes  de  la  chaîne  des  Astnries.  Le 
colonel  Pinteville,  à  la  tète  de  350  chevaux  du  16*  de  dragons 
et  de  quatre  compagnies  du  t***  régiment  de  la  garde  de  Paris,  les 
battit  successivement  les  22,  23  et  24  novembre,  et  força  ceux 
qui  ne  furent  pas  tués  ou  faits  prisonniers  à  se  disperser  dans 
les  montagnes. 

Le  même  Jour,  24  novembre,  la  bande  de  don  JuHan  Sanchez, 
réunie  aux  débris  de  celle  d'Aguilar ,  et  forte  de  600  che- 
vaux, fut  battue  à  Aléjo,  sur  la  route  d'Astoi^a,  par  le  chef  d'es- 
cadron Perussel,  du  16^  de  dragons.  L'avant- veille  de  cet 
échec,  don  Jullan  avait  voulu  enlever  le  poste  de  Fuenté  H 
Sauoo,  village  situé  sur  la  route  de  Toro  à  Salamanque.  Cétalt 
un  détachement  de  50  hommes  du  2*  régiment  suisse,  sous  ks 
ordres  du  capitaine  de  Salis.  Don  Jullan  s'étant  présoifé  devant 
ce  village  somma  le  poste  de  se  rendre.  |je  capitaine  de  Salis  s'é- 
tait retranché  dans  la  maison  qui  servait  de  caserne  à  sa  troupe,, 
et  ne  répondit  aux  propositions  du  chef  espagnol  que  par  un  feu 
violent  et  très-meurtrier.  Une  partie  des  guerrilléros  ayant  mis 
pied  à  terre  s'empara  des  maisons  voisines  de  la  caserne  et  la 
incendia.  L'ennemi  espérait  que  le  feu  atteindrait  bientôt  les 
Suisses;  mais  le  capitaine  de  Salis  fit  faire  des  sorties  si  à'propos 
que  ses  soldats  parvinrent  à  arrêter  rincendie  et  à  isoler  le 
bâtiment  où  ils  se  défendaient.  Les  Journées  des  2 1  et  22  no- 
vembre se  passèrent  ainsi  sans  que  les  attaques  répétées  de 
rennemi  amenassent  aucun  résultat.  Le  capitaine  de  Salis  avait 
placé  en  observation  au  clocher  de  l'église  m  poste  de  5 
hommes;  l'ennemi,  n'ayant  pu  le  déterminer  à  se  rendre,  mit 
le  feu  à  l'escalier  du  clocher.  Ces  braves  Soisses  restèrent 
soixante^ix  heures  sur  le  saillant  du  mur  du  clocher,  où  Ift 


GUBll   D' ESPAGNE.  589 

fumée  lés  força  de  se  réikgier,  sans  boire  ni  manger,  faisant      isio, 
feu  sur  renoemi  dès  qa*il  se  montrait.  Ils  en  étaient  à  leurs    ^^^^ 
dernières  cartoodies  lorsque  le  commandant  de  Toro  arriva 
pour  les  dégager,  ainsi  que  leurs  camarades ,  à  la  tète  de  90 
hommes.  Ce  secours  mit  en  fuite  la  bande  de  don  Julian. 

Enfin,  le  l'^*'  décembre,  50  conscrits  grenadiers  de  la  garde, 
commandés  par  le  sous-lieutenant  Nolivos ,  ayant  été  attaqués 
par  une  bande  de  300  guerrilléros  montés^  réussirent  à  la  re- 
pousser avec  perle  et  arrivèrent  à  Panoorbo  sans  s*étre  laissé 
entamer. 

Vers  la  fin  de  ranoée  iSio ,  les  trois  provinces  de  Biscaye 
et  de  Navarre  paraissaient  en  quelque  sorte  fatiguées  des  ef- 
forts qu'elles  avaient  faits  pour  alimenter  les  guerrillas.  Mal- 
traitées quelquefois  par  ceux4à  mêmes  qu'elles  considéraient 
comme  leurs  défenseurs  naturels,  imposées^  pillées  par  les 
troupes  irréguliéres espagnoles,  ces  provinces  soupiraient  après 
le  retour  d'un  meilleur  ordre  de  dioses.  Quelques  villes  et 
villages  avaient  formé  des  milices  natianales,  et  se  joignaient 
même  quelquefois  aux  troupes  françaises  pour  marcher  contre 
les  rassemblements  de  guerrillas  dont  ils  redoutaient  la  ven- 
geance. Dans  la  province  d'Astorga»  le  général  Jeannin  avait 
également  organisé  des  gardes  civiques ,  animées  d*un  esprit 
tel  que  jamais  les  guerrillas  ne  parurent  dans  le  pays.  Dans 
la  Biscaye,  les  principales  bandes  avaient  été  dispersées,  à  Tex- 
ception  d'une  seule,  qui ,  sur  le  plus  léger  motif ,  se  portait  à 
d'horribles  excès  envers  les  habitants  qu'elle  soupçonnait  d^étre 
des  afrancesados  (partisans  des  Français  ).  Espoz  y  Mina  oc- 
cupait la  Navarre  à  la  tète  d'une  bande  souvent  battue  et  dis- 
persée, jamais  détruite.  Ce  dief  faisait  atout  ce  qui  portait 
l'uniforme  et  le  nom  français  une  guerre  opInlAtre  et  terrible. 
Souvent  ses  soldats  se  plaisaient  à  épuiser  tontes  les  ressources 
de  la  cruauté  la  plus  raffinée  sur  les  malheureux  qui  tombaient 
entre  leurs  mains*  La  plume  se  refuse  à  tracer  les  excès 
commis  par  les  ordres  de  ce  chef  inflexible  sur  ce  sexe  faible 
et  bienfaisant  dont  l'humanité  courageuse  ne  voit  que  des 
blessés  sur  un  champ  de  bataille  et  n*y  eonnatt  plus  d'ennemis. 

Le  général  Seras  s'était  porté  le  99  juillet  sar  le  fort  de  la 
Puébla  de  Sanabria,  sur  les  frontières  de  Galice ,  et  défendu  par 


S40  LIVAE  I 

itio.     3,000  Espagnols*  Ce  poste  était  d^niie  trèH^uido  i 

depuis  que  l'expédition  de  Portngd  allait  ooauMncer  ;  ild^ 
fendait  les  débouchés  de  ce  royaume  et  fcimalt  ses  oomauii- 
cations  avec  la  Galice.  Le  général  Seras  s'en  rendit  mattre.  U  y 
trouva  vingt  pièces  de  canon  et  des  vivres  pour  8,oeo  hommes 
pendant  six  mois. 

Le  deuxième  bataillon  du  3^  régiment  suisse,  commandé 
par  le  chef  de  bataillon  Grafifenried ,  fut  laissé  à  la  garde  de  II 
Puébla.  L'ennemi  s'étant  présentétrois  Jours  après  le  départ 
du  général  Seras ,  Graffenried  se  rendit  lèchMBent ,  sans  tirer 
un  seul  coup  de  fusil.  Conduit  prisonnier  à  la  Corogne,  on  le 
débarqua  ensuite  à  Dunkerque,  et  sa  condnfte»  ignorée,  ne 
reçut  pas  le  prix  qu'elle  avait  mérité. 

Malgré  les  succès  partiels  des  Français  dans  ces  provlnees, 
il  est  vrai  de  dire  que  leurs  forces  étaient'  insufllsantes  poar 
contenir  le  pays ,  et,  dans  les  derniers  meisrde  l'année  18I0, 
ils  furent  même  repoussés  des  frontières  de  Guiice. 

Dans  les  Asturies ,  le  général  Bonnet  défit  les  partis  enne- 
mis chaque  fois  qu'il  les  rencontra.  Son  quartier  général  était 
toujours  à  Oviédo;  ses  troupes  occupaient  Grado  et  tout  le 
pays  entre  la  Narcéa  et  la  Navia.  Il  avait  établi  des  communi- 
cations entre  Santander  et  Léon,  et  pouvait  se  porter  en  Ga- 
lice, si  la  circonstance  l'exigeait  impérieusement. 

Un  ancien  officier  de  l'armée  espagnole,  Juan  Diaz  Poriier, 
dit  el  Marquésito,  parce  qu'on  le  croyait  neves  de  La  Bomana, 
avait  réuni  à  Potès  un  parti  qui  prenait  chaqne  jour  de  nou- 
velles forces.  Bans  le  courant  du  mois  de  septembre,  le  général 
Seras  fut  envoyé,  par  le  général  Kfillermann ,  de  Bénaventé  sur 
Potès,  pour  dissiper  ces  troupes;  le  Marquésito  ne  Jugea  pasi 
propos  de  l'attendre;  il  se  Jeta  dans  les  Asturies,  espérant  at- 
taquer avec  succès  le  général  Bonnet  dans  Oviédo.  Le  14  sep- 
tembre, les  avant*postes  français  ledéooswipsnt  à  quatre  lieues 
de  cette  ville,  à  la  tète  de  »,Ooa  hommes.  Ls-  général  Bœinet 
marcha  auasitât  à  lui,  l'attaqua,  lui  tua  400  hommes,  dé- 
truisit presque  entièrement  sa  cavalerie ,  lui  fâ,  plus  de  300  pri^ 
sonniers  et  dispersa  le  reste. 

Un  mois  après ,  les  Anglais  et  les  Espagnols  essayèrent  de 
s'emparer  du  port  de  Sanftona ,  dans  la  province  de  la'Mootanai 


I  OU  d0  Sanlanâer;  «ne  expéditiou  partit  à  cet  effet  de  la  Go-      isio. 

\  rogne  sor  qoatrelMgâtes  et  une  quarantaine  de  bâtiments.         ^H^SMe  < 

\  '  Dans  raprè8<»ntfdi  du  17  octobre,  Porlier,  déjà  batta  tant  de 

I  fois  par  le  général  Bonnet,  réparât  à  la  t6te  de  300  hommes , 

I  et  se  présenta  tout  à  coup  devant  Gijon ,  port  de  la  côte  des 

Asturies.  Le  colonel  Crétin,  avec  on  piquet  de  chasseurs  et  une 
I  ,   compagnie  de  voltigeurs,  le  tenait  en  échec  depuis  quelque  temps 

h  lorsquMl  aperçut  une  escadre  de  vingt-sept  voiles  qui  s'appro- 

^  diait  du  port,  et  qof,  peu  dlnstants  après,  commença  à  débar- 

I  quer  des  troupes  an  nombre  de  3,500  hommes.  Trop  faible  pour 

I  résister  à  une  supériorRé  si  décidée,  le  colonel  Crétin  évacua  avec 

^  ordre  la  place  et  se  repKa  à  une  lieue  de  la  ville.  Le  lendemain, 

ayant  reçu  des  renforts  suffisants,  il  marcha  sur  GiJon,  et  força 
^  les  Anglais  et  les  Espagnols  à  se  rembarquer  précipitamment , 

en  laissant  plusieurs  centaines  de  tués  et  de  blessés. 

Le  20,  un  corp»  4e  5,000  Galiciens  vint  attaquer  la  brigade 
Valletaux  à  Fresnoet  à  Grado;  cette  attaque  eut  un  succès  pa- 
reil à  celui  du  débarquement;  rennemi  fut  encore  battu  et 
chassé  au  delà  de  la  Narcéa,  après  avoir  perdu  beaucoup  de 
monde.  Cependant,  l'escadre  anglo-espagnole  ayant  paru  pren- 
dre la  route  du  Nord ,  le  général  Bonnet  fit  prévenir  les  com- 
mandants de  Santander  et  de  la  côte  de  se  tenir  sur  leurs  gardes. 
Le  38,  le  1®''  régiment  d'infanterie  légère  se  réunit  à  Larédo 
avec  8,000  hommes  qu'avait  amenés  le  général  Caffarelli,  aide- 
de-camp  de  l'empereur  et  gouverneur  de  la  Biscaye. 

Vers  le  soir  du  même  Jour  l'escadre  ennemie  mouilla  sur  la 
rade;  elle  était  forte  de  quatre  iïrégates,  dont  une  espagnole, 
trois  bricks,  deux  goctstles,  qnatre  canonnières,  trente  bâtiments 
^  de  transport,  formaat-en  tout  quarante-trois  voiles. 

^  Le  34  et  le  35,  le  vent  ayant  changé^  les  vaisseaux  de  guerre 

^  furent  contraints  de  prendre  le  large  en  laissant  les  transports 

'^  sur  la  rade.  La  tempête  augmentant,  la  frégate  espagnole  per- 

^  dit  ses  ancres  et  vint  se  briser  contre  les  roches  de  Larédo,  où 

1^  elle  périt;  un  ïsnék  anglais  et  quatre  canonnières  espagnoles 

I»'  eurent  le  même  sort  Dans  ces  deux  Jours ,  les  troupes  embar- 

t'  quées  et  les  équipages  éprouvèrent  une  perte  de  plus  de  1,000 

hommes. 
i^  Malgré  ecB  désastres,  Teunemi  ne  renonça  point  à  ses  projets, 

1^ 


iM2  UTBV  9fiPTi*ll«« 

isio.  et»  ses  vafsaeaox  de  guerre  ayant  repara  le  My  il  ywoà^t  profiter 
de  la  Journée  de  27  pour  opérer  le  débarquement.  A  une  benre 
de  raprès-mldi  les  troupes  iteent  embarquées  dans  des  cha- 
loupes. Trois  canonnières  se  mirent  en  tète  et  balayèrent  la 
plage  avec  un  feu  terrible  de  mitraille*  Le  t*'  régiment  d*in- 
fanterie  légère  les  attendit  sans  s'ébranler.  Bientôt  après,  une 
batterie  de  terre,  babilement  placée  près  de  Santona,  oBTrit  un 
feu  de  flanc  sur  les  chaloupes ,  et  ne  leur  laissa  plus  d'autre 
parti  que  la  retraite.  Lé  commodore  anglais  donna  en  effet  le 
signal  de  rembarquement.  A  cinq  heures,  le  vent  ayant  fraichir 
In  flottille  disparut,  s*élevant  au  nord;  ouds  elle  n'échappa  au 
canon  des  Français  que  pour  être  assaillie  par  la  tempête.  Bean- 
coup  de  transports  chargés  de  troupes,  d'effets  militaires,  d'ar- 
tillerie ,  de  munitions ,  etc.,  échouèrent  à  la  c6te  de  Plenda  et 
d'Achona,  et  tombèrent  au  pouvoir  des  Francis.  Les  autres 
bâtiments,  forcés  de  chercher  un  refuge  dans  les  ports  occupés 
par  les  Français,  furent  égalerait  pris,  avec  leur  chargement 
et  les  hommes  qui  les  montaient.  Enfin,  de  toute  cette  malhea* 
reuse  expédition ,  les  trois  frégates  anglaises,  bien  que  maltrai* 
tées  par  les  batteries  de  la  côte,  parvinrent  seules  à  se  sauver. 
Le  39  novembre  au  matin ,  un  corps  de  0,000  hommes  de 
Tarmée  de  Galice  se  porta  sur  Tavant-garde  du  général  Bonnet, 
commandée  par  le  général  Valietaux  et  postée  en  avant  d*0- 
viédo.  Les  reconnaissances  françaises  trouvèrent  Tennenii  à 
cheval  sur  les  routes  de  Miranda  et  de  Belmonté*  Le  général 
Valietaux  flt  aussitôt  ses  dispositions  :  il  forma  son  centre  de 
huit  compagnies ,  et  se  porta  de  sa  personne  a  Fresno,  avec  un 
bataillon  du  1 18^  régiment.  Les  Espagnols  se  présentèrent  bien- 
tôt et  couronnèrent  tous  les  mamelons  de  la  montagne.  La  fu- 
sillade s'engagea  vivement.  L'ennemi,  bten  supérieur  en  nom- 
bre, porta  des  masses  considérables  vers  le  oentre  des  Français, 
qu'il  espérait  enfoncer;  Il  avait  même  déjà  réussi  à  gagner  un 
espace  de  terrain  assez  considérable  et  manœuvrait  pour  en- 
tourer les  deux  ailes  françaises  dès  qu'il  les  aurait  isolées  rum 
de  l'autre,  lorsque  le  chef  de  bataillon  Lenouand  arriva  sur  la 
position  avec  quelques  renforts.  Le  général  Valietaux  profita 
de  cet  événement  pour  détacher  deux  compagnies  du  118*, 
chargées  cfe  tourner  la  gauche  de  l'ennemi.  Cette  manœuvre 


obtint  mi  succès  complet  et  fiwça  rennemi  à  se  porter  en  ar-      hki. 
rière.  Le  centre  put  alors  rentrer  en  ligne,  et  reprit  aussitùt  ses    ''*^*^ 
positions.  La  charge  fut  à  l'instant  battue  sur  tous  les  points, 
et  l'ennemi,  enftmcé  à  son  tour,  fut  obUgé  de  se  retirer  en  dé- 
sordre. Les  Français  le  poursuivirent  jusque  dans  Belmonté  et 
Miranda,  dont  les  routes  furent  couvertes  de  morts. 

Cette  affaire,  dans  laquelle  1 ,600  Français  repoussèrent  avee 
perte  un  corps  de  plus  de  6,000  Espagnols,  fit  honneur  au  gé- 
néral de  brigade  Valletaux.  Les  chefs  de  bataillon  Guichard  et 
Lenouand  ;  les  capitaines  Peilerin,  Melins  et  Bernel,  du  lis*'; 
Leroy,  Guidet,  Bertin  et  Chevalier,  officiers  au  26f,  s*y  distin* 
guèrent  particulièrement. 

ÉvénemerUs  miliiaires  en  Catalogne;  c&màats  de  Cervéra  sept.  Dec 
et  de  la  Bisbaly  etc.  —  Nous  avons  dit  dans  le  deuxième  cha- 
pitre, que  le  maréchal  Maodonald,  après  avoir  traversé  les 
défilés  de  Hontblanch,  était  venu  se  réunir  dans  Lérida  au  gé- 
néral Suchet ,  poui*  coopérer  au  siège  de  Tortose,  dont  les  trou- 
pes du  3^  corps  étaient  spécialement  chargées;  mais  la  baisse 
des  eaux  de  TËbre  retardait  les  approvisionnements  nécessaires 
pour  cette  longue  et  difficile  opération ,  et,  en  attendant  que  le 
fleuve  redevint  navigable,  le  duc  de  Tarente  se  détermina,  pour 
foire  subsister  ses  troupes,  à  les  mettre  en  cantonnements  dans 
les  plaines  fertiles  qui  avoisinent  la  petite  ville  de  Cervéra ,  si- 
tuée à  huit  lieues  au  nord  de  Tarragone.  Le  4  septembre  il 
campa  à  Tarréga ,  et  le  lendemain ,  au  point  du  Jour,  l'avant- 
garde,  ayant  en  tète  le  V  régiment  de  chasseurs  à  cheyal  na- 
politain, rencontra  quelques  postes  de  cavalerie  espagnole.  Les 
chasseurs  repoussèrent  d'abord  avec  vigueur  ces  détachements  ; 
mais ,  s'étant  abandonnés  à  leur  poursuite  sans  précaution  et 
avec  une  impétuosité  aveugle,  les  dragons  de  Santiago ,  placés 
eu  emlmscade,  fondirent  sur  ces  imprudents  et  en  firent  un  grand 
carnage.  Le  colooel  Duvernois  ne  parvint,  malgré  sa  présence 
d'esprit  et  tous  ses  efforts,  qu'avec  une  peine  extrême  à  rallier 
son  régiment,  dont  la  compagnie  d'éiite  était  presque  entière- 
ment détruite.  Le  24*  régiment  de  dragons,  qui^  au  moment  de 
cette  échauffourée,  sortait  à  peine  de  Tarréga  ^  reçut  du  maré- 
chal duc  de  Tarente  l'ordre  de  venir  en  toute  hâte  réparer  cet 
échec. 


*'>44  tlYRB  SBPTltlIK. 

tfio.  Le  colonel  Delort,  ayant  dépassé  la  eolonne,  forma  son  ré- 
vj|)agiie.  gjm^Q^  ^  bataille  à  droite  et  à  gauche  de  la  ronte,  et  envoya 
aussitôt  reconnaître  la  position  de  Tenneini.  La  cavalerie  espa- 
gnole,  composée  des  régiments  de  Santiago  (dragons)  et  de 
Grenade  (hussards],  était  forte  de  600  chevaux,  et  se  trouvait 
placée  en  bataille  dans  un  ordre  à  peu  près  parallèle  à  celui  des 
dragons  français.  Ceux-ci  se  portèrent  en  avant  pour  aborder 
Tennemi,  qui  dans  le  moment  même  fit  un  mouvement  rétro- 
grade.Le  colonel  Delort  détacha  un  de  ses  escadrons  pour  le 
poursuivre,  et  marcha  par  pelotons  avec  les  autres  pour  soutenir 
le  premier.  La  cavalerie  espagnole ,  serrée  de  près,  s'arrêta  et 
fit  volte-face;  mais,  dans  l'instant  où  elle  se  disposait  à  charger, 
elle  fut  assaillie  par  Tescadron  qui  la  poursuivait.  Enfoncée  et 
mise  en  déroute ,  elle  essaya  vainement  de  se  railler  près  de 
Cervéra;  elle  fut  chargée  de  nouveau  par  Tescadron  du  com- 
mandant Bréjeant  et  dispersée  dans  les  montagnes.  Le  colonel 
Delort,  avec  le  reste  de  son  régiment,  traversa  Cervéra  et  pour- 
suivit de  son  côté  une  autre  colonne  dinfanterie  et  de  cava- 
lerie qui  s'était  retirée  par  la  grande  route.  Cette  colonne  fàt 
également  sabrée  et  éparpillée  dans  les  montagnes.  L'ambu- 
lance, les  munitions  de  l'ennemi,  les  équipages  de  ses  offi- 
ciers tombèrent  au  pouvoir  du  24^  de  dragons.  Ce  régiment 
réuni  se  porta  Jusqu'au  delà  de  Monmanen,  et  vint  ensuite  re- 
joindre l'armée  au  camp  sous  Cervéra.  Une  grande  partie  des 
chasseurs  napolitains  emmenés  par  l'ennemi  furent  repris  '.  La 
cavalerie  espagnole  avait  beaucoup  souffert  dans  ce  combat  ; 
près  de  &0  hommes  étalent  restés  sur  le  champ  de  bataille  ;  ud 
pareil  nombre  étaient  prisonniers. 

Le  duc  de  Tarente  établit  immédiatement  son  quartier  gé- 
néral à  Cervéra,  et  cantonna  ses  troupes  aux  environs  de  cette 
ville,  célèbre  par  la  magnifique  université  que  le  roi  Philippe  V 
y  a  fondée,  en  témoignage  de  la  fidélité  dont  elle  lui  avait 
donné  des  preuves  dans  la  guerre  de  la  Succession,  et  lorsque 
toute  la  Catalogne  était  soulevée  pour  fkire  à  l'armée  française 
une  guerre  d'extermination. 

'  Les  cavaliers  espagnols,  forcés  de  lAcber  leur  proie,  eureot  rinsigne 
cruauté  de  mutiler  à  coups  de  sabre  presque  tous  les  chasseurs  de  la  coiu- 
pagiiie  d'élite  qu'ils  ayaient  faits  prisonniers. 


GUBBBB  D*£SPAGNE.  645 

•■•*'• 

Mais,  pendant  que  la  plus  grande  partie  du  7*  corps  occupait  4ti«. 
momentanément  une  position  si  précaire,  en  attendant  que  le  ma-  ^^ff*^- 
récbiai  pût  venir  appuyer  les  opérations  du  siège  de  Tortpse,  ie 
général  O'Donnell  n*était  pas  homme  à  rester  spectateur  oisif 
des  événements.  Il  sortit  de  son  camp  retranché  de  Tarragone. 
Contenant  adroitement  avec  des  miquelets  et  par  des  démons- 
trations simulées  les  garnisons  de  Barcelone,  d*Hostalrich  et 
de  Gironne,  il  se  porta  à  marches  forcées  vers  la  haute  Ga- 
talogne,  presque  dégarnie  de  troupes ,  et,  dans  la  nuit  du  U 
septembre,  il  fojpdit  à  Fimproviste  sur  la  brigade  du  général 
Schwarlz,  cantonnée  à.  la  Bisbal  et  dans  les  villages  voisins.  Ce 
général  surpris  par  des  forces  décuples  des  siennes  > ,  opposa  la 
plus  vive  résistance;  mais,  n'ayant  aucun  espoir  d*ètre  secouru, 
il  fut  enfin  forcé  de  céder  au  nombre.  Tout  ce  qui  échappa  au  feu 
'et  au  fer  de  Tennemi  fut  fait  prisonnier.  Les  Français  furent 
«mbarqués  pour  ét(e  conduits  à  Tarragone  ;  le  général  Schwartz 
était  du  nombre,  et  on  lui  réservait,  à  son  débarquement,  Thu- 
miliation  d*ètre  traîné  eu  esclave  après  le  char  du  vainqueur. 
Celui-ci  y  gravement  blessé  dans  cette  action ,  entra  dans  Tar- 
ragone aux  acclamations  unanimes  des  citoyens,  qui  ie  procla- 
maient emphatiquement  le  martyr,  le  libérateur  et  le  héros  de 
la  patrie. .  Quelque  temps  après»  la  junte  suprême  décerna  à 
0*Donnell,  avec  tous  les  éloges  dus  à  sa  constance,  à  ses  talents 
et  à  son  activité^  le  titre  glorieux  de  comte  de  la  Bisbal. 

Ce  succès  électrisa  les  Catalans  et  les  enhardit  au  dernier  point  ; 
il  leur  révélait  à  la  fois  et  le  secret  de  la  faiblesse  des  Français  et 
celai  de  leurs  propres  forces.  Ils  comprirent  que,  si  l'armée  fran- 
çaise était  pour  eux  inattaquable,  avec  quelque  probabilité  de  suc* 
ces,  sur  les  points  où  elle  était  serrée  en  masse,  chacun  de  ses  dé- 
tachements un  peu  éloignés  était  du  moins  aventuré,  et  qu'ainsi 
ils  pouvaient  à  leur  gré  fistire  des  incursions  sur  les  flancs  et  sur 

'  11  faut  que  la  marche  du  général  O'DooDell  ait  été  bien  prompte  et  bien 
«ecrète  pour  que  le  général  Schwartz  n*en  ait  eu  aucun  avertissement;  car 
alors ,  pour  éditer  un  engagement  trop  Inégal,  il  se  serait  jeté  dans  Gironne, 
dont  il  n'était  éloigné  que  de  trois  à  quatre  lieues.  Il  n^est  guère  permis  non 
plus  dimputer  le  désastre  de  la  Bisbal  à  un  défaut  de  précaution  et  de  vi» 
gilance  dans  un  général  qui  unissait  à  beaucoup  de  bravoure  une  longue 
jexpérience,  acquise  par  de  beaux  faits  d'armes. 

X.  •  58 


546  -  LIYftB  SIPTtàm. 

fflito.  les  derrières  de  leurs  adversaires ,  intercepter  toute  corres- 
^^^  pondance  avec  les  forteresses  qui  étaient  en  leur  pouvoir,  leur 
fermer  toute  communication,  et  les  tenir  constamment  dans  la 
situation  la  plus  gênante  et  la  plus  critique.  Ils  comprirent  sur- 
tout qu'appuyés  d*une  place  extrêmement  forte,  située  sur  la 
mer,  et  abondamment  pourvue  de  tout  par  les  Anglais,  toute 
entreprise  leur  devenait  facile,  et  que,  toujours  maîtres  des  dé* 
filés  de  Montbkinch,  ainsi  que  du  col  de  Balaguer,  défendu  par 
le  fort  San-Félipé,  le  due  de  Tarente  ne  pouvait  communiquer 
avec  le  général  Suchet  et  retourner^  soit  à  Barcelone^  soit  à 
Gironne,  qu*avec  de  grandes  difQcultés. 

Laudace  et  la  férocité  des  paysans  catalans  n'eurent  plaa 
de  bornes  après  le  revers  éprouvé  par  les  Français  à  la  Bisbal, 
Dès  soldats  voyageant  isolément  sur  la  grande  route  de  Tar- 
réga  à  Gervéra  furent  impitoyablement  égorgés.  De  pareils  as* 
sassinats  devaient  être  réprimés  par  des  ebâtlments  exemplair 
res  :  plusieurs  habitants  furent  pendus  et  leurs  maisons  démolies 
et  rasées  ;  de  fortes  contributions  furent  imposées  aux  villages 
qui  avaient  favorisé  ou  du  moins  toléré  ces  abominables  excès. 
Ainsi  4eibarécbal  Macdonald,  malgré  toute  sa  modération  et  les 
SMitimentâ  d'humauitédont  il  était  anifné,  se  trouvait  déjà  con« 
traint  à  autant  et  peut-^tre  plus  de  sévérité  que  son  prédéces- 
seur. La  terreur  Inspirée  par  d'ef&-ayantes  représailles  pouvait 
seule  contenir  des  paysans  naturellement  cruels,  fortifiés  dans 
leurs  penchants  par  une  longue  habitude,  et  alors  excités  à  la 
vengeance  et  au  meurtre  par  les  passions  led  plus  violentes. 

Cependant  la  situation  de  la  haute  Catalogne  et  de  Baroeione 
exigeait  impérieusement  le  retour  du  duc  de  Tarente.  Un  con- 
voi considérable  était  rassemblé  sous  Gironne,  et  II  fallait  une 
grande  réunion  de  forces  pour  l'introduire  dans  Baroeione, 
^oi  ne  pouvait  être  approvisionnée,  comme  nous  Tavons  déjà 
fait  observer,  que  par  terre,  à  grands  frais  et  pour  peu  de  temps. 
Avant  d'exécuter  ce  mouvement,  le  maréchal  fit  ftdre  des  In- 
cursions vers  Balaguer  et  vers  Solsona,  pour  repousser  tous  les 
partis  qui  défendaient  les  défilés  et  les  montagnes.  Ces  expédi- 
tions, qui  réussirent,  n'eurent  d'ailleurs  rien  de  mémorable  que 
Tinceodie  de  la  cathédrale  de  Solsona.  Cet  incendie,  causé  par 
accident,  éclata  au  milieu  de  la  nuit  avec  le  fracas  épouvanta- 


^  hUê^  dtbcfiers  qttf  s'écrôuMeot  sous  d^ftimlcfli^ès  iébris ,  et    jm. 

^  répandit  dans  tons  les  environs  une  clarté  comparable  à  celle 

I  ùù  jour. 

'  Le  maréèhal  Ht  ftdre  paiement  la  reconnaissanoe  dii  inrt  de 

i  Cardoùa,  bàtl  sur  des  rocs  inaccessibles ,  près  dn  Cardener,  et 

'  qu'on  n'avait  pu  armer  qu'en  faisant  fondre  les  canons  swr  place; 

^  Quelques  coups  de  fusil,  sans  autre  résultat  que  plMéni^hdb- 

I  mes  tués  ou  blessés,  furent  échangés  sous  les  murs  de  cette  f  or^ 

i  teresse.  Mais  toute  expédition ,  par  cela  même  qu'elle  n'était 

i  point  mise  à  fin,  ne  pouvait  servir  qu'à  augmrater  la  courageuse 

résointion  des  Espagnols  de  se  défendre  partout  Jusqu'à  la  der« 
I  nière  extrémité. 

i  Le  duc  de  Tarente,  arrivé  à  Gironne  le  1 0  novembre,  v  laissa 

k  reposer  ses  troupes  pendant  quelques  jours ,  s'occupa  du  soin 

}  dé  les  équiper,  de  les  habiller,  d'incorporer  les  renforts  venu» 

i  des  dépôts,  et  se  remit  en  marche  le  23  pour  Barcelone ,  avee 

I  le  eenvei  î^asseroblé  par  les  tfoibs  du  général  Baragùey  d'Hilliers, 

I  alois  ooffirbasdant  Supérieur  de  la  haute  Catalogne. 

Il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  des  précautions  qu'on  était 
!  obligé  de  |imidre  pom*  la  siftreté  des  éonvois  et  des  fiitiglies 

exeesfttves  des  soldats  qui  les  escortaient.  Chargés,  de  leurs  \u 
vres  pour  tout  le  trajet,  ces  soldats  avaient  à  gravir  des  hautes 
I  montagnes,  pour  en  débusquer  les  rhiquelets,  soiis  une  grêlé  de 

,  balles,  tandis  que  le  conviri  filait  lentement  à  travers  desdéfilés 

étrotts  et  escarpée,  où  la  moindre  Yoiture  brisée  retardait  la 
marche  pendant  des  journées,  et  des  nuits  entièrea.  Le  gouvef^ 
nement  fran^,  sans  avoir  égard  à  l'extrême  difficulté  des  che* 
mins,  et  ne  donnant  à  la  guerre  d'Espagne»  qui  devait  influer 
cependant  d^utie^manière  si  décisive  sur  le»  destinées  de  l'em- 
pire, qu'une  attention  médiocre^  ne  fournissait  à  l'armée  de 
I  Catalogne,  pour  moyens  de  transports,  que  d'énormes  et  vastes 

fourgons,  bon»  tout  au  plue  à  parooorir  des  ehemîns  de  plaine, 
larges  et  bien  entretenus. 

Toutefois,  le  ccmvoi  dont  nous  parlons  entra  intaet,  le  2$ 
novembre,  dans  Barcelone,  sans  que  les  troupea  régaUèros ,  à 
tottée  de  l'inquiéter  et  de  soutenir  les  bandes  qui  haneelaient 
sans  cesse  les  détachements  français,  eussent  fait  aucune  ten* 
tative  dans  ce  but.  Cela  était  d'autant  plus  à  craindre  que  les 

33. 


548  UYR^  SBPTlàl». 

isi§.  {Miysans,  mettant  à  profit  le  séjour  de  Tannée  dans  les  plainei 
****'*^  de  Cervéra,  avaient  dégradé  les  chemins  d'une  manière  af- 
freuse et  par  d'immenses  travaux.  Ces  chemins,  depuis  San* 
Céloni  Jusqu'à  Gardadeu,  c'est-à-dire  dans  l'espace  de  cinq  à 
six.  lieues ,  étaient  hérissés  de  nombreuses  coupïires  et  d'énor- 
mes almtis. 

Tout  étant  prêt  pour  le  siège  de  Tortose,  il  était  urgent  que 
le  ducde  Tarente  vint  appuyer  le  3^  corps.  Aussi»  dès  le  lende- 
main de  son  entrée  à  Barcelone,  dont  il  renouvela  la  garnison, 
ie  maréchal  continua  son  mouvement  par  des  marches  non 
moins  difficiles  et  pénibles  que  les  précédentes.  Traversant  le 
col  de  Santa-Gristina  et  les  défilés  de  Montblanch,  il  longea, 
depuis  Falset,  les  montagnes  escarpées  à  travers  lesquelles 
l'Èbre  coule  près  deses  embouchures^  et  vint  établirsur  ce  fleuve 
son  quartier  général  à  Tivénis.  Une  partie  des  troupes  du  7* 
corps  resta  auprès  du  due  de  Tarente,  Pautre  fut  mise  par  lui 
'à  la  disposition  du  général  Sucfaet  pour  renforcer  les  postes 
qui,  placés  près  d'Amposta,  devaient  contenir  les  troupes  du 
camp  retranché  et  la  garnison  de  Tarragone. 

Dans  les  premiers  Jours  de  décembre,  le  général  Baraguey 
d'BlHiers  dissipa  quelques  rassemblements  de  miquelets  qui 
s'étaient  formés  dans  les  environs  d'Olot,  de  San-Loreneo  de 
la  Mouga  et  de  Massanet.  Le  1 3,  deux  vaisseaux  de  ligne,  une 
frégate  «t  quatre  à  cinq  bâtiments  anglais  parurent  devant  Pa- 
lamos  ;  «t  débarquèrent  900  hommes  et  quatre  pièces  de  canon 
de  campagne  à  Touest  de  ce  port;  dans  le  même  temps,  une 
firégate,  une  corvette  et  un  brièk  se  dirigeaient  è  l'est,  et  met- 
taient à  terre  20f  hommefrdestinés  à  s'emparer  de  la  ville.  Tout 
semblait  favoriser  cette  entreprise  des  Anglais,  lorsque  le  chef 
ide  bataillon  Emyon,  du  3*  régiment  d'infanterie  légère,  qui 
«vait  pris  position  avee  sa  troupe  sur  les  hauteurs,  saisit  le  mo- 
ment oli  l'ennemi  se  formait  en  bataille  pour  tomber  sur  luL 
Cet  audacieux  mouvement  eut  un  plein  succès  ;  les  Français 
culbutèrent  leurs  adversaires ,  les  acculèrent  aux  vidlles  mu- 
railles de  Palamos,  où  ils  entrèrent  péle-mèle  avec  eux,  et  les 
poursuivirent  Jusqu'à  leurs  chaloupes.  Sur  1,100  Anglais  ainsi 
débarqués,  400  furent  tués;  5  officiers ,  dont  un  capitaine  de 
frégate,  plusieurs  midshipmens  et  700  soldai  furent  iiiùts  pri- 


«<»  .z\ 


j3^f_H9 


OUBB£K  d'bSPAGBS.  549 

•aonniers*  Le  commandant  Emyon  ne  perdit  que  60  hommes      iti0. 
tnés  ou  blessés  dans  cette  afiaire,  qui  lui  fit  le  plus  grand  hon-*    ''P'S"^ 
neur»  Aussitôt  que  les  vaisseaux  anglais  virent  le  désastre  de 
leur  expédition,  ils  mirent  à  la  voile  et  disparurent. 
.    Gomme  le  duc  de  Tarente  va  se  trouver  borné  à  un  rôle  se- 
condaire et  presque  passif  en  Catalogne,  nous  comprendrons 
désormais  dans  une  même  relation,  et  par  ordre  de  date,  les  faits 
'  d'armes  eommuns  aux  deux  armées»  et  qui,  se  passant  dans  un 
même  pays»  ont  entre  eux  une  liaison  néeessaire  et  une  in- 
fluence réciproque.  C'est  par  ce  motif  que  Voa  verrft  plus  tard 
les  deux,  armées  réunies  sous  le  commandement  d'un  même 
chef. 

Siège  et  redditUm  de  Torio$e.  — Dès  la  fin  du  mois  de  mid  Jain-Mc, 
le' gouvernement  français  avait  ordonné  au  général  Suchet  de 
faire  le  siège  de  Tortose ,  espérant  alors  que  l'armée  de  Cata- 
logne serait  elle-même  bientôt  en  mesure  de  soumettre  Tarra- 
■gone.  En  conséquence  «de  cette  détermination^etdans  le  ooucant 
de  Juin»  la  premi^  division  du  a^  oorp9  était  venue  bloquer, 
sur  la  rive  droite  de  rËbre»  la  tête  du  pont*  deTiartose;  la  2^ 
Vêtait  pprtée  sur  les  frontières  du  royaume.de  Valence»  déta- 
chant  une  brigade  sur  Téruel  pour  contenir  le  général  Villa- 
campa»  qui  rôdait  continuellement  sur  les  fh>atières  de  TAragon, 
et  en  même  temps  pour  couvrir  Saragosse..La  3^  division  avait 
été  placée  sur  le  bas  Èbre»  pour  assurer  les  approvisionnements, 
les  transports  d'artillerie,  et  pour  observer  te -camp  retranché 
de  Tarragone. 

'  A  cette  époque  les  habitants  de  l' Aragon  étaient  aussi  tnm- 
quilles  qu'Us  avaient  été  agités  avant  et  pendant  le  si^e  de  leur 
capitale;  leurs  terres  étaient  bien  cultivées,  et  ils  avaient  re- 
pris le  cours  de  leurs  affaires  liabituelles.  Loin  d'entraver  les 
opérations  du  général  Suchet»  ils  les  rendaient  plus  faciles  en 
obéissant  à  toutes  les  réquisitions,  en  acquittant  tous  les  impôts, 
répartis  avec  une  sage  et  équitable  mesure.  Cet  heureux  chan- 
gement dans  la  situation  politique  d'une  grande  province  était 
dû  à  la  conduite  pleine  de  modération  d'un  chef  qui  savait  gou- 
verner» combattre,  et  concilier»  autant  que  possible,  l'intérêt 
du  peuple  avec  des  devoirs  pénibles  et  des  obligations  rigou- 
reuses. 


mfvi._  '  L'ÈWevain#<tQeiipwl%v^iw^4àdtt,coQle^prèi4êfl« 
entoùnfaiivesv'à  tÉa^is.dè8:inoHtBgDM  escarpées  et  arides;  Ut 
fUya  oifre.  piM|«e: partout  un  aspeellrislé  at jHitniga;  Le:  gé^^ 
néral  Rogniat,  oomnittnâaBt;ftn4ftierrarniedti.8Me,  avaâtété 
<iUtgé id*auviiriiBie. coule  pratîaablè  pour  rartlDevle  de  Gaapé 
at  MéquiDcnaa  Josqulà  Toiiose ,  éVsM*dlre  reip|toë»de:tMikte 
iladfes,  et  dàna  daaiiDODliigDes  où  les  mulets  et  les  geù  de  pied 
fmvnàukt  à  peine  passer.  D^autres  obstacles  devaient  encore 
'VtMmtt  le  a^  corps  :  la  balise  des^aax  de  TÈbre  pendant  les 
feMeara  de  \%té  empielÀit  ee  fleuive  d*^re  navigable.  G*est 
«près»?oif  attendu  longtemps  la  eroe  des  eaux ,  et  avec  une 
persévérance  et  des  soins  infatigables ,  que  le  générai  d'artll- 
lerie  Vallée  parvint  à  réunir  à  Jerta  les  moyens  nécessaires 
peur  commencer  le  siège.  Le  pays  n'offrant  presque  point  de 
Tessoui«es,  Il  fkllut  diriger  sur  Jerta  ^  outre  les  munitions  de 
•goerre,  les  provisions  de  boucbe  suffisantes  à  la  consommation 
^des  deux  corps  d'armée  (3*  et  1^)  dont  la  réunion,  déjà  or- 
donnée par  le  gouvernement^  était  indispensable  pour  le  siège 
jnrojeté.  Afin  de  protéger  ces  approvisionnements,  le  général 
Sndiet  fit  construire  des  têtes  de  pont  à  Mont  et  à  Jeiia ,  et 
mit  en  même  temps  ces  deux  villes  à  Tabri  d'un  coup  de  main. 
.  Avant  de  parler  des  opérations  qui  concernent  spécialement 
4e  filége  de  Tortose ,  nous  devons  exposer  succinctement  les  di^ 
.verses  tentatives  que  fit  l'^nemi  pour  forcer  le  général  So^ 
«iKt  à  renoncer  à  cette  entreprise. 

8,000  Valenciens  s'étaient  dirigés,  dans  cette  intention,  sur 
-Motella;  le  général  Montmarie ,  qui  occupait  cette  ville  avec 
S^ooobsoimes, attaqua  rennemi,  malgré  la  disproportion  de  ses 
Ibrcte,  le  bâtât  et  lai  mit  plus  de  500  hommes  hors  de  combat. 
Pendant  cette  aetlon,  le  général  Laval ,  soutenu  du  is*  régi- 
igimctitdeeuirassierS)  se  portait  sur  San-Matéoet  Bénicarlo, 
4an8  le  royaume  de  Valence ,  pour  balayer  les  bords  de  la  mer 
et  préparer  Tlnvestissement  de  Toitose,  déjà  effeetné  eli  partie 
par  la  division  qui  bloquait  la  tète  de  pont,  et  par  le  mouvement 
du  général  Habert  sur  la  rive  gauche  de  l'Èbre. 

Les  6  et  8  juillet,  là  garnison  de  Tortose  fit  deux  sorties  qui 
furent  prompteroent  r^poussées.  Quatre  jours  après  y.  elfe  en 
effectua  une  plus  sérieuse  avec  1 ,500  soldats  d'élite ,  appuyés 


GDEBBB  D*S9PA0EIZJ  6âl 

d'un  grand  nombre  de  paysaM.  Lts  {Nremiers  pdstes  français 
cédèrent;  mais  hêmtài  les généraax  Laval  et  Ghlopieki  se  pré- 
cipitèrent sur  l'ennemi ,  a  la  tète  du  14*  régiment  de  ligne  et 
des  grenadiers  de  la  Yistule,  et  le  rejetèrent  dans  la  plaoe,  où 
il  rentra  dans  le  plus  grand  désordre,  avec  perte  de  près  de  SOO 
hommes  tnés,  blessés  en  prisonniers. 

Le  9  Juillet,  une  reconnaissance  envoyée  sur  Falset  surprit 
et  enleva  quelques  hommes  dn  régiment  espagnol  de  Grenade. 
L'arrière*gardede  cette  reconnaissance,  linrte  seal^nent  de  60 
hommes,  se  trouva  cernée  par  400  miqnelets  z  elle  ferma  le 
carcéy  se  battit  pendant  quatre  heures  avec  la  plus  grande  lé^ 
solution,  et  parvint  à  se  faire  jour  à  la  baïonnette,  après  avoir 
tué  bon  nombre  de  ses  adversaires. 

Le  1 1 ,  le  iMlgadier  Garda-Navarro  s'avança  avec  I  »200  hom* 
mes  sur  quelques  compagnies  que  le  général  Suchet  avait  en 
avant  de  son  quartier  général  de  Blora  ;  il  fot  repoussé  par  le 
colonel  Kiiski,  qui  lui  tua  une  cinquantaine  d'hommes  et  lui 
fit  un  nombre  à  peu  près  égal  de  prisonniers. 

Le  12,  le  général  Abbé  tourna  la  position  de  Tivisa,  où  ren*^ 
nemi  s'était  établi,  Teo  chassa  en  lui  tuant  beaucoup  de  monda 
et  s'empara  du  village. 

Le  15,  Tennemi  se  présenta  avec  une  division  devant  Tivisa, 
et  attaqua  à  son  tour  cette  position,  qu*U  voulait  reproidre.  L( 
général  Abbé  n'avait  que  700  hommes  sur  ce  point;  mais  400 
hommes  du  lis*'  régiment  marchèrent  à  l'ennemi  et  le  foreè-» 
rent  à  la  retraite.  Il  fut  poursuivi  jusqu'à  deux  Keues  de  Ti^* 
visa,  et  perdit  encore  dans  cette  poursuite  300  hommes  tués , 
260  prisonniers,  et  un  nombre  considérable  de  cartonchea.  Les 
Français  n'eurent  guère  que  70  horammes  tués  ou  blessés. 

Le  17, 1,800  Espagnols  attaquèrent  le  général  Vergés  à  Da^ 
roca  ;  ils  furent  complètement  battus  et  dispersée.  Le  général 
Vergés  leur  tua  plus  de  400  hommes,  fit  2 1 7  prisonniers ,  dont 
17  officiers,  et  entra  à  Téruel. 

Le  fort  de  Morella,  défendu  seulement  par  300  honunes, 
était  bloqué  depuis  quatone  jours  par  1,600  Yaleneiens.  Le. 
général  Bfontmarie  y  fut  envoyé  le  lo  juillet  avec  600  hommes, 
pour  le  ravitsiiler  et  y  foire  entrer  de  l'artillerie.  L'ennemi  firt 
riijeté  au  loin  avec  perte  d'un  grand  nombre  d'hommes  tués  ; 


^o2  LITBB  SSPTiàltK. 

fsio.  parnM  lesquels. 4  officiers,  de  160  prisonnier^ »  d'une  ptèoe  de 
lioit;  de  six  cents  boulets,  trente  mille  cartouches,  et  d'une 
grande  quaotité  de  Ylvres,  etc.  Le  général  Montmarie  ne  perdit 
qu'une  cinquantaine  d^hommes.  L'occupation  de  Morella  était 
d'autant  plus  importante  alors  que  ce  fort,  situé  dans  le  voisi- 
nage de  Valence,  tenait  cette  ville  dans  une  inquiétude  conti- 
nuelle. 

.  Vers  la  fin  du  mois  d'août,  le  général  Sudiet  »  ayant  appris 
qu'un  corps  assez  considérable  s'avançait  par  la  route  de  Va- 
lence, se  porta  à  sa  rencontre  avec  quelques  bataillons  et  800 
chevaux  ;  mais  l'ennemi  ne  l'attendit  pas;  il  se  retira  dans  plu- 
sieur^  directions,  abandonnant  plus  de  cent  cinquante  mille 
rations  de  biscuit,  i)eaucoup  de  bagages  et  un  drapeau.  L'avant- 
garde  française  put  seulement  atteindre  une  centaine  d'hommes, 
quelle  fit  prisonniers. 

Le  13 octobre,  le  général  espagnol Basseoourt,  à  la  tète  de 
600  chevaux  et  de  7,000  Valeneiens,  vint  occuper  Vinaros  dans 
le  dessein  de  marcher  ensuite  au  secours  de  Tortose*  Le  général 
Suchet  se  porta  rapidement  le  1 6  sur  Ulidécona,  avec  2,500  gre- 
nadiers. A  son  approche  Bassecourt  se  replia,  et  fut  inutilement 
poursuivi  Jusqu'à  Pénisoola . 

.  Informé  quelques  Jours  après  que  la  junte  de  Valence  ^  voulant 
profiter  de  l'instant  où  IL  était  occupé  au  siège  deTortose ,  avait 
rassemblé  un  corps  de  8,000  hommes  sous  les  ordres  des  géné- 
raux Villacampa  et  Garavajal,  afin  d'opérer  une  diversion  sur 
Saragosse,  le  général  Suchet  donna  ordre  au  général  Ghiopicki 
de  marcher  sur  Téruel  avec  sept  bataillons.  Les  Espagnols,  sur- 
pris dans  leur  marche,  furent  contraintsde  rétrograder  sur  cette 
ville,  où  le  général  Ghiopicki  arriva  le  30  octobre  au  soir,  chas* 
santilevant  lui  Villacampa,  et  faisant  prisonniers  1  colonel,  3 
officiers  et  une  centaine  de  soldats.  Caravajal  était  parti  à  deux 
heures  avec  une  colonne  d'artillerie  ;  le  général  Ghiopicki  se  remit 
à  sa  poursuite  à  minuit.  Le  31 ,  à  onze  heures  du  matin,  il  at- 
teignit l'arrière-garde  ennemie  au  ravin  d'Âlventosa;  plusieurs 
charges  brillantes  du  4*  de  hussards  la  mirent  aussitôt  dans 
une  déroute  complète.  Toute  l'artillerie  fut  prise  attelée  et  in* 
taète ,  avec  une  compagnie  d'artillerie  légère  toute  montée,  et 
les  trois  officiers  qui  la  commandaient.  Plus  de  60  mulets  chargés 


GUBBBB   D*ESPÀGNB.  £5S 

'  de  eartouehes  furent  précipités  dans  le  ravin  par  la  rapidité  de      imo. 

'  la  charge  des  hussards  du  4^.  Deux  pièces  de  4,  deux  de  8,  deux 

' .  obusiers,  six  caissons  charges,  une  forge,  cinquante  caisses  de 

'  cartouches,  iOO  chevaux  ou  mulets  d'artillerie,  ainsi  que  300 

^  prisonniers,  tombèrent  au  pouvoir  des  Français.  Le  général 

^  €hlopicki ,  après  avoir  conduit  ses  prises  à  Sàragosse ,  se  remit 
à  la  poursuite  de  Villacampa.  Le  1 1  novembre,  ilapprit  à  Téruel 

>  quei*ennemi  s*était  ralliéet  avait  réuni  4,000  hommes  à  Fuenté- 
^  Santa,  aux  frontières  deCastiile,  position  regardée  dans  le  pays 

>  comme  inattaquable.  Il  se  mit  aussitôt  en  marche.  Le  12,  il 
chassa  devant  lui  i'avant-garde  établie  à  Villastar,  et  prit  position 
derrière  Yillel. 

Le  mont  de  Fuenté^Santa  est  appuyé  au  Guadalaviar,  entiè- 
rement escarpé  sur  ses  flancs,  et  d'un  accès  si  difûcile  que  les 
chevaux  ne  peuvent  y  arriver.  Le  général  Ghlopicki  fit  ses  dis* 
positions,  et  à  une  heure  il  donna  le  signal  de  Tattaque  sous  le 
feu  terrible  de  Tennemi.  Un  bataillon  de  grenadiers  de  la  Vis- 
tule  et  deux  bataillons  du  121^  marchaient  en  bataille  ^et  en 
échelons,  tandis  que  le  colonel  Kosinowski,  avec  les  fusiliers  du 
1^' régiment,  observait  les  flancs.  Au  fort  de  l'engagement,  une 
colonne  ennemie  vint  menacer  la  gauche  du  général  Ghlopicki; 
elle  fut  aussitôt  chargée  et  repoussée.  Le  colonel  Milet ,  blessé 
deux  fois  à  la  tête  du  1 2 1  ®  et  à  peine  rappelé  à  la  vie,  donna  de 
nouveau  Tcxemple  aux  siens  et  s'élança  sur  Tennemi  ;  le  chef 
de  bataillon  Fondeleski  en  fit  autant  sur  la  droite  :  les  positions 
des  Espagnols  furent  escaladées  et  enlevées  Tune  après  Tautrc; 
Enfin,  après  deux  heures  d'un  combat  sanglant,  dans  lequel 
l'opiniâtreté  delà  résistance  répondait  a  la  vivacité  de  l'attaque, 
l'ennemi,  rompu  sur  tous  les  points,  s'enfuit  en  désordre.  Les 
Espagnols)  se  précipitèrent  sur  le  pont  de  Libres,  qui  se  rompit 
sous  le  poids  des  fuyards  ;  les  rochers  et  la  rivière  furent  bientôt 
couverts  de  morts.  La  lassitude  seule  des  Français  arrêta  le  car- 
nage et  la  poursuite.  Le  lendemain,  elle  recommença  vers  el 
Guervo;  mais  la  dispersion  avait  été  si  complète  que  la  plupart 
des  offiders  espagnols  que  Ton  fit  prisonniers  avaient  été  déjà 
abandonnés  par  leurs  soldats,  qui  rentraient  par  bandes  et  sans 
armes  dans  la  Nouvelle-Castille. 

Gependant  un  corps  espagnol  assez  considérable,   sous  les 


b&4  LITBB  SBPTIÀMS. 

isio»  ordres  du  gâiéral  O^DonneU,  était  veottoccnpef  la  poiitkm  ê» 
Fabet,  et  ne  laissait  pas  que  dlnqaiéter  les  opératkms  da  siège 
de  Tortose.  Le  19  novembre,  le  général  Suehet  flt  marcher  siu 
ces  troupes  le  général  Abbé  avec  le  1 15®  régiment  de  ligne,  et 
le  général  Habert  avec  le  6*  d*infànterie  légère  et  une  partie  du 
il  6®.  Le  général  Abbé  fit  son  attaque  par  la  grande  route»  tandis 
que  le  général  Habert  cherchait  à  déborder  rennemt  par  la 
droite.  Les  Français  se  précipitèrent  dans  les  retrandiemenls 
ennemis,  enlevèrent  successivement  trois  camps»  et  entrèrentan 
pas  de  charge  dans  Falset.  Pendant  ce  temps,  le  général  Abbé 
continuait  à  déborder  les  positions  de  Tennemi  ;  il  arriva  avant 
loi  avec  ses  voltigeurs  sur  la  route  de  Reus.  L'ennemi,  surpris 
dans  sa  rietraite,  laissa  le  champ  de  bataille  couvert  de  morts  et 
de  blessés,  et  évacua  tous  ses  camps;  400  soldats  et  14  officiers 
furent  faits  prisonniers*  On  comptait  parmi  eux  le  eomte  de  la 
Gannada,  major  de  Grenade  ;  le  brigadier  Garcia-Navarro,  et  plu- 
sieurs officiers  d*état-major.  Cent  miHe  cartouches,  une  grande 
quantité  de  riz,  de  liiscuit  et  de  vin,  tombèrenten  noiare  pouvoir  ^ 
on  recueillit  sur  le  champ  de  i>ataiUe  plus  de  mille  fcBîls  aban^ 
donnés.  L'ennemiperditdanscetteaffatreprèsde  1,200  hommes» 
tués,  blessés  ou  prisonniers.  Malgré  la  résistance  qu'ils  avaieoi 
éprouvée  dans  leurs  différentes  attaques,  les  Français  n'eureni 
que  quelques  hommes  à  regretter. 

Le  général  Suehet  avait  cherché  plusieurs  fois  à  engager  an 
combat  Farmée  de  Valence ,  commandée  par  Bassecourt  ;  le  gé* 
néral  Musnier  réussit  à  l'attirer  sur  Ulldéoona.  Le  aonovembre, 
Bassecourt  se  présenta  à  la  têtede  8,000  fantassins  etde  soo  che-^ 
vaux.  Favorisé  par  l'obscurité  de  la  nuit,  il  parvint  è  tourner 
les  premiers  postes  du  1 1 4*,  et  arriva  jusqu'au  camp  de  ee  régi- 
ment ;  quelques  compagnies  s'étant  formées  à  la  liftte  se  pwtè^ 
rent  aussitôt  en  avant.  Les  Espagnols  furent  reçus  à  l>out  por* 
tantparune  décharge  qui  joncha  laterred'hommesetdecfaevaux.. 
Le  colonel  des  dragons  de  la  Reine  fut  blessé  et  pria.  Il  n'étail 
pas  encore  jour  que  déjà  toutes  les  troupes  françaises  étaient  en 
ligne.  L'ennemi  avait  attaqué  sur  trois  colonnes;  l'une  d'elles 
s'était  dirigée  sur  une  hauteur  où  se  trouvait  une  vieille  tou(  el 
y  avait  pris  position;  le  colonel  Ëstève,  du  14%  s'y  porta  rapi- 
dement et  chassa  à  la  baïonnette  Tennemi  de  toutes  ses  positions. 


le  brave  s(iQ84f0titeDaiit  Pileaii,  à  la  tèted'uh  pélotoii  4u  4^  de  m». 
hassardSy  profitant  4'iin  moment âiYoral>le,^argea  avec  fureur  ^"^^^^^ 
l'ennemi  déjà  ébranlé.  L6  U*  de  ligne  déposa  aussitôt  ses  sacs 
pour  être  plus  agHe,  et  s'élança  an  pas  de  course  à  la  poursuite 
d'un  ennemi  six  ibiâ  plus  noihbreux.  Les  Espagnols  furent  at* 
teints  au  pont  de  la  Cénfai;  il  s^en  fft  JÀ  un  carnage  affreux* 
doo  hommes  et  11  ofQciers  restèrent  prisonniers;  ils  étaient 
l[kresqoe  tous  du  régiment  de  Savoie. 

'  Pendant  ce  temps,  le  général  Montmarie  tenait  en  respect  la 
-l^lonn^  ennemie  (fui  voulait  déboucher  par  la  route  d'Alcanav  ; 
les  débris  de  celle  qui  venait  d'être  battue  s'étaient  réunis  a  elle. 
Le  général  Musnier  donna  ordre  au  général  Montmarie  d'atta- 
'quer  brusquement  tout  ce  qu'il  avait  en  tète,  tandis  que  lui-^ 
même  se  porterait  avec  rapidité  sur  Vinaros,  suivi  de  la  brigade 
de  cavalerie  du  général  Boussardet  du  14*^  régiment  d'infanterie. 

LVnnemi  tînt  ferme  pendant  quelque  temps  et  finit  par  se 
reployer  en  ordre  sur  Vinaros  ;  mais  il  avait  été  prévenu  dans 
son  mouvement  par  le  général  Musnier,  déjà  établi  sur  ce  point» 
Les  Espagnols  se  trouvèrent  alors  attaqués  à  la  fois  en  flanc  et 
en  queue  ;  la  déroute  fut  bientôt  générale.  Le  général  Boussard^ 
à  la  tête  des  hussards  du  4^  et  des  cuirassiers  du  1 3®»  les  pour«- 
sul  vit  jusqu'à  Bénicarlo  avec  tant  d'impétuosité  qu'un  très-grand 
nombre  de  fantassins  et  de  cavaliers,  pour  éviter  d'être  sabrés, 
te  précipitèrent  dans  la  mer  et  s'y  noyèrent.  Outre  2,000  soldats 
et  80  officiers  qu^ils  laissèrent  entre  les  mains  du  vainqueur,  les 
Espagnols  eurent  plus  de  1 ,300  hommes  sabrés,  tués  ou  noyés. 
Du  côté  des  Français,  la  perte  ne  s'éleva  pas  au  delà  de  300 
hommes  tués  ou  blessés. 

Pendant  que  Fou  se  battait  ainsi  à  Vinaros,  vingt-sept  cha- 
loupes canonnières  anglaises  vinrent  menacer  la  tour  de  la  Ror 
pita  et  tenter  un  débarquement  sur  les  derrières  de  Tarmée 
assiégeante,  pour  opérer  une  diversion;  le  général  Harispe 
envoya  aussitôt  le  capitaine  Siéyès  avec  un  détachement  d^r- 
tillerie.  Les  pièces  que  cet  officier  avait  à  sa  disposition  furent 
servies  avec  tant  de  précision  et  d'adresse  que  les  canonnières 
anglaises,  accablées  d'obus,  se  déterminèrent  à  la  retraite  et 
restèrent  au  large,  tranquilles  spectatrices  de  U  défaite  de  leurs 
alliés. 


556  LIVBB  SBPTitMS. 

fsiô.  Le  général  Suchet  passa  sur  la  rive  gauche  avec  douze  ba«^ 
«•pagne.  tj|||Qns,  pouf  former  le  blocus  de  Tortose;  une  colonne  fran- 
çaise enleva  la  position  du  col  de  l' Alba ,  tandis  qu'une  autre 
débouchait  de  la  tète  du  pont  de  Jerta ,  et  s'avançait  jusqu'à 
portée  de  canon  de  la  place  sur  le  haut  Èbre»  en  faisant  re- 
plier les  postes  ennemis.  Les  Français  laissèrent  un  riment 
sur  ce  point  et  tournèrent  ensuite  autour  de  la  place»  à  grande 
portée  de  canon ,  en  laissant  des  troupes  de  blocus  sur  tout  le 
circuit  que  leurs  lignes  parcouraient,  jusqu'au  bas  Èbre.  L'in- 
vestissement fut  ainsi  complété  en  un  seul  jour,  malgré  les  mon- 
tagnes affreuses  qu'on  eut  à  parcourir.  L'ennemi  fut  repoussé 
de  tous  côtés  dans  la  place,  qui  fut  étroitement  bloquée  dès 
le  soir  même.  Les  assiégeants  profitèrent  des  divers  couverts 
que  leur  offrait  un  terrain  accidenté  et  bouleversé  pour  rap- 
procher les  camps  des  ouvrages,  et  dimmuer  par  ce  moj^en 
le  circuit  du  blocus.  Le  117^  régiment  de  ligne  occupait  la 
droite;  son  colonel  sut  habilement  tirer  parti  d'un  revers  de  ter- 
rain pour  se  camper,  à  l'abri  des  feux  de  la  place,  à  deux  cents 
toises  d'un  ouvrage  h  cornes ,  dit  des  Tenailles  (  las  Tenazas  )• 
Cette  position  ne  laissait  plus  à  l'assiégé  aucun  champ  libre  pour 
faire  des  sorties  sur  le  haut  Èbre.  Le  5^  régiment  dMnfanterie 
légère  et  le  1 1  e^"  de  ligne  furent  placés  au  centre  ;  la  gauche  fut 
occupée  par  le  44''  régiment  de  ligne  et  le  2"^  de  la  Vistule.  Cinq 
bataillons  étaient  restés  sur  la  rive  droite  pour  le  blocus  de  la 
tète  de  pont  ;  ces  troupes,  campées  à  six  cents  toises  seulement 
de  cet  ouvrage ,  se  couvrirent  par  des  épaulements  contre  le 
canon  de  l'ennemi. 

Les  communications  des  deux  rives  furent  assurées  par  l'é- 
tablissement ,  sur  le  haut  et  sur  le  bas  Èbre,  de  ponts  volants^ 
protégés  par  des  tètes.  Trois  brigades  d'officiers  du  génie  par» 
couraient  les  environs  de  la  place  pour  reconnaître  les  ouvrages 
et  figurer  le  terrain. 

Tortose ,  baignée  par  TÈbre  et  adossée  à  une  chaîne  de  mon- 
tagnes, est  fermée  par  une  enceinte  bastionnée,  dont  une  partie 
est  dans  la  plaine,  et  l'autre  partie  s'élève  sur  des  plateaux  de 
granit,  presque  partout  dépouillés  de  terre,  d'environ  deux 
cents  pieds  de  haut  ;  la  place  a  pour  réduit  un  vieux  château 
sur  un  roc  élevé.  Lorsqu'en  1708  les  Français  attaquèrent  par 


ODEBBB .  1>*SSPA01IIB.  567. 

le  bastion  Saiut-Pierre,  qui  est  sur  un  plateau,  ils  furent  obligés  ^  itis. 
de  former  presque  partout  leurs  tranebées  en  sacs  à  terre;  et 
ils  restèrent  près  de  Tingt  Jours  pour  construire  leurs  batteries* 
Les  Espagnols  avaient,  depuis  cette  époque»  renforcé  ce  bas- 
tion d'un  bon  retranchement,  et  ils  avaient  construit  en  avant 
le  fort  d'Orléans,  qui  se  compose  d*une  bonne  lunette  avec  un 
fossé  taillé  dans  le  roc  et  un  chemin  couvert»  et  d'un  ouvrage 
irr^lier  sur  la  droite,  qui  domine  toute  la  plaine  du  bas 
Ëbre.  Les  autres  plateaux  sont  couronnés  par  l'ouvrage  à  cornes 
des  Tenailles»  et  par  Touvrage  à  cornes  en  avant  del  Gastillo. 

Le  général  Rogniat  avait  jugé  que  la  construction  du  fort 
d'Orléans»  les  difficultés  du  terrain,  et  le  peu  de  saillie  da 
front  sur  les  autres»  rendaient  œ  point  beaucoup  plus  fort  et 
beaucoup  plus  (difficile  à  attaquer  que  le  demi-bastion  Saint- 
Pierre,  qui  s'appuie  sur  le  bas-Èbre;  en  conséquence,  il  fût 
décidé  par  le  général  en  chef  que  l'attaque  serait  conduite  sur 
ce  demi-bastioii.  Partout  ailleurs  le  terrain  était  extrêmement 
mauvais  »  et  l'on  se  voyait  forcé  de  s'emparer  d'abord  des  forts 
avancés  avant  de  pouvoir  atteindre  la  double  enceinte  du 
corps  de  place.  Cette  attaque  du  demi-bastion  Saint-Pierre 
était  à  cheval  sur  le  fleuve,  et  elle  avait  Tinconvénient  d'être 
écharpée  et  plongée  du  fort  d'Orléans.  Les  assaillants  résolurent 
de  paralyser  laction  de  ce  fort  et  de  protéger  les  flancs  de 
l'attaque  principale  par  deux  fausses  attaques,  l'une  sur  le 
plateau  en  avant  du  fort  d'Orléans  et  l'autre  sur  la  rive  droite^ 
devant  la  tête  de  pont»  afin  de  renfermer  l'assiégé  dans  ses 
ouvrages. 

Le  1 9  décembre»  on  avait  chassé  tous  les  postes  ennemis  dans 
la  place,  et  Ton  s'était  déjà  emparé  d'un  ouvrage  que  les  as- 
siégés avaient  commencé  en  avant  du  fort  d'Orléans ,  mais  qui 
n'avait  pas  encore  acquis  assez  de  consistance  pour  être  dé* 
fendu.  Le  soir  on  ouvrit  une  tranchée  sur  un  plateau  en  avant 
du  fort  d'Orléans»  avec  600  travailleurs  ;  car  il  était  indispen- 
sable de  s'assurer  la  possession  de  ce  plateau  avant  de  se  ha- 
sarder dans  Ja  plaine  au-dessous.  On  l'ouvrit  à  la  sape  volante, 
À  quatre-vingts  toises  du  fort ,  sur  une  longueur  de  cent  quatre» 
vingts  toises.  On  rencontra  presque  partout  du  roc  vif. ou  un 
terrain  extrêmement  .dur»  qui  ne  permettait  de  s'enfoncer  qu'à 


Si»  fciVMfi  ssrriftM. 

lifè.  Vaidfe  dû  pétaid.  D«d6  la  mit  dû  20  au  il ,  par  un  iFciit  ^A^ 
lent  et;  une  grande  obscurité,  2,300  teavaillears  ouvrent  la 
première  purallMe  devant  le  front  des  deux  bastimis  Salnl^ 
Pierre  et  Saint- Jean,  la  gauche  à  quatre-vingts  toises,  se  pnn 
longeant  depuis  le  bord  du  fleuve  jusqu'au  pied  du  plateau  d*Or- 
léans,  dans  une  étendue  de  deux  cent  cinquante  toises.  En 
même  temps  les  Français  ouvraient  sur  la  rive  dN^le  une  tran-* 
ebée  à  quatre-vingt-dix  toises  de  la  tète  de  pont ,  pour  y  placer 
des  batteries  destinées  à  flanquer  Tattaque  principale.  Le  33,  la 
divîskm  du  général  Frère,  de  Tannée  de  Catalogne,  vint  se 
réunir  à  l'armée  de  siège  ;  le  général  Sachet  la  plaça  à  une  Keue 
au'^tessous ,  sur  TËbre ,  observant  la  route  de  la  mer  et  de  Tart 
ragone,  et  détachant  un  bataillon  d'observation  an  ool  de  l'Alba* 
Bu  côté  des  assiégeants  il  est  difficile  de  déployer  plos  d'in- 
telligence, de  courage  et  d'activité  que  n^en  montrèrent  les 
ofliciers  et  les  troupes  du  génie  dans  les  travaux.  Le  chef  de 
bataillon  Henri ,  qui  commandait  l'attaque  du  centre,  la  poussa 
avee  une  vivacité  remarquable;  dès  la  septième  nuit,  avant 
même  rétablissement  des  batteries ,  le  chemin  couvert  éfiift  eou- 
ronné;  exemple  unique  peut-être  dans  Thistoire  des  sièges. 
Dans  la  nuit  du  17 ,  la  garnison  tenta  une  sortie  et  ftit  re- 
poussée par  les  1 16«  et  117®  régiments;  les  tirailleurs  français 
arrivèrent  Jusqu'au  pied  de  la  muraille  ;  le  camp  retranché  et 
toutes  les  redoutes  furent  enlevés.  Le  28  au  soir,  de  nouvelles 
sorties  eurent  lieu  sur  presque  tous  les  points,  et  les  Espagnols 
parvinrent  à  dispei«er  les  travailleurs  de  l'attaque  de  l'ouvrage 
d'Orléans. 

Dans  les  nuits  des  34  et  36,  l'enn^ni  attaqua  les  camps  et 
les  ouvragies  avec  des  colonnes  de  8  à  400  hommes  ;  les  grena- 
diers ,  les  gardes  de  tranchée  du  44*^  le  reçurent  partout  à 
la  baïonnette  et  le  repoussèrent  avec  perte.  Le  38,  l'ennemi, 
pour  préparer  une  sortie  générale  avant  le  Jeu  des  batteries 
assiégeantes,  fit  un  feu  terrible  de  toutes  les  batteries  de  la 
place,  et  vomit  pendant  plusieun  heures,  de  toutes  ses  bou- 
ches à  feu,  une  grêle  de  projectiles  qui  rendait  la  trandiée  ex« 
trêmement  dangereuse;  le  capitaine  du  génie  Poosin  ▼  fut  at* 
teint  à  la  tète  d'un  coup  mortel.  A  quatre  heures  du  soir,  les 
troupes  de  l'assiégé,  débouchant  par  les  portes  del  Rastro, 


6UBBM  0*l£St>AG1IB.  &S9 

8*avaiicèrent ,  au  nombre  de  près  de  3,000  hommet^  sur  le  |da*  i^iq, 
teau ,  pour  prendre  de  revers  les  parallèles  de  Tattaque  d'Or-  "H»»»*. 
lëans  ;  mais  le  général  Habert  et  le  général  Bronikowski,  étant 
accourus  à  la  tète  du  8*  léger  et  du  116*  régiment,  campés 
Tls-à-vis  de  cette  sortie,  se  précipitèrent  sur  les  Espagnols 
à  la  baïonnette  et  les  chassèrent  jusque  dans  leur  chemin 
couvert»  en  en  faisant  un  grand  carnage.  Le  général  Abbé,  com^ 
mandant  de  tranchée,  avec  le  colonel  du  44<,  Lafosse,  marcha 
à  eux  par^dessus  les  tranchées,  les  culbuta,  en  tua  un  grand 
nombre  et  fit  quelques  prisonniers.  Cependant  rennemi  atta- 
quait en  même  temps  le  front  des  parallèles  ;  il  fut,  il  est  vrai, 
vigoureusement  repoussé  devant  le  fort  d'Orléans ,  mais  dans  la 
plaine  il  parvint  à  chasser  les  postes  du  couronnement  du  chemin 
couvert.  Le  lieutenant  du  génie  Jacquand  s'efforça  en  vain  de 
repousser  les  assiégés  A  la  tète  de  quelques  sapeurs  ;  ce  brave 
Jeune  homme  expira  sous  leurs  coups  sans  vouloir  abandonner 
«on  poste.  Quelques-uns  d'entre  eux  arrivèrent  même  jusqu'à 
la  seconde  parallèle,  où  ils  furent- percés  à  coups  de  baïonnette 
par  les  troupes  de  garde.  Les  Fiançais  s^élancèrent  en  même 
temps  eu  avant  pour  reprendre  le  couronnement  du  chemin 
couvert;  les  Espagnols  ne  tardèrent  pas  en  être  chassés;  tou- 
tefois ils  avaient  eu  le  temps  de  mettre  le  feu  aux  gabions  et 

'  de  bouleverser  une  partie  des  travaux  des  assiégeants.  Cette 

'  sortie  générale  avait  pour  objet  de  parvenir  jusqu'aux  canons  des 

'  assiégeants  pour  les  enclouer  ;  l'ennemi  n'atteignit  point  le  but 

'  qu'il  s'était  proposé  et  perdit  400  hommes. 

'  De  son  côté  l'artillerie  française  avait  surmonté  de  grands 

obstacles,  toujours  renaissants,  pour  transporter  le  parc  de  siège 

'  sur  la  rive  gauche  ;  la  navigation  du  fleuve  variait  tous  les  jours 

et  était  fort  difficile.  La  construction  des  batteries  fut  vivement 

t  contrariée  par  un  fèu  terrible  de  la  place,  qui  écrasait  surtout  la 

rive  droite  ;  la  batterie  n^  1,  à  cinq  cents  toises  du  fort  d*Or- 

f  léans,  fut  faite  en  plein  jour  et  à  découvert,  À  l'aide  d'un  feu  vif 

I  de  mousqueterie  dirigé  contre  les  embrasures  de  l'ennemi.  Le 

29,  à  la  pointe  du  jour,  le  général  Vallée  disposait  dequarante- 
cinq  bouches  à  feu,  divisées  en  dix  batteries  sur  l'une  et  l'autre 
Tive  ;  ces  batteries  commencèrent  un  feu  qui  prit,  dans  deux 

I  heures,  une  supériorité  décidée  et  éteignit  bientôt  tout  celui  du 


EBliagne. 


660  tlYBB  SVPTlApB. 

fsio.  front  attaqué.  Le  pont  fut  coupé  le  même  Jour  et  le  lendemain 
entièrement  rompu,  ce  qui  obligea  i*enneml  d'évacuer,  dans  la 
nuit,  la  tète  de  pont,  dont  les  Français  s'emparèrent,  ainsi  qoe 
de  trois  pièces  de  canon  qu'il  y  avait  abandonnées. 

Le  30  y  le  château  presque  seul  tirait  encore  ;  le  31 ,  le  feu  des 
Français  se  ralentit,  l'assiégé  n'y  répondant  plus*  Les  parapets 
étaient  rasés»  les  embrasures  hors  d'état  de  recevoir  du  canon, 
et  deux  brèches  commencées  à  l'avancée  du  fort  d'Orléans  et  à 
la  place.  Le  générai  Rogniat ,  en  même  temps ,  poursuivait  sans 
relâche  ces  bril  lants  résultats,  exécutait  la  descente  et  le  passage 
du  fossé,  et  enfin  attachait  le  mineur  à  l'escarpe  du  corps  de  la 
place. 

C'est  dans  cet  état  de  choses  que,  le  i<^  janvier  181 1  au  ma- 
tin, un  drapeau  blanc  parut  sur  le  sommet  du  château  de  Tor- 
tose,  et  bientôt,  à  ce  signal,  les  hostilités  ayant  cessé  partout,  les  ' 
remparts  furent  couverts  d'une  foule  de  soldats  et  d'habitants. 
Deux  officiers  parlementaires  se  présentèrent  et  furent  amenés 
au  général  Suchet;  ils  étaient  porteurs  d'une  lettre  du  gouver- 
neur et  autorisés  à  faire  des  propositions.  L'adjudant-comman- 
dant Saint-Gyr  Nugues,  chef  d'état-major  du  3*  corps,  ayant  été 
introduit  dans  la  place  pour  porter  la  réponse  du  général  Su- 
chet et  les  bases  d'une  capitulation,  trouva  dans  le  gouverneur, 
comte  d'Alacha,  un  homme  faible,  entouré  de  deux  on  trois  cbefr 
qui  se  partageaient  l'autorité,  et  qui  demandèrent  d'être  renvoyés 
à  Tarragone  tout  de  suite,  ou  de  se  rendre  conditionnellement 
dans  quinze  jours,  s'il  n'étaient  secourus  avant.  L'officier  fran- 
çais rejeta  ces  propositions  comme  inadmissibles,  et  invita  le 
gouverneur  à  ne  plusarborer  de  drapeau  blanc,  si  ce  n'était  pour 
capituler  purement  et  simplement. 

Au  retour  du  colonel  Saint-Gyr  Nugues,  les  soldats  français 
reçurent  avec  Joie  la  nouvelle  de  l'irrésolution  du  gouverneur,  et 
demandèrent  à  grands  cris  l'assaut,  que  le  général  Suchet  leur 
promit  pour  le  lendemain.  Les  feux  de  bombes  et  d'obus  recom- 
mencèrent la  nuit  sur  la  ville  et  le  château  ;  le  mineur  avait  con- 
tinué son  travail.  Le  2  Janvier  au  matin,  une  nouvelle  batterie 
de  brèche,  élevée  avee  une  rapidité  extraordinaire,  dans  le  che- 
min couvert,  sur  la  contrescarpe  du  fossé,  battait  à  quinze  toiseaL 
La  brèche  s'élargissait  d'heure  en  heure;  trois  drapeaux  blancs 


6UBBBB   D*BSPA6RE.  561* 

flottèrent  à  la  fois;  de  tous  c6tés  les  assiégeants  redoublaient 
leurs  feux  ;  à  deux  heures  tout  était  prêt  pour  Tassant.  Le  géné- 
ral Suchet  fit  prendre  les  armes  à  la  brigade  Harispe,  dans  la 
grande  communication  des  tranchées,  et  les  compagnies  d'élite 
des  gardes  de  tranchées  se  formèrent  en  colonne  pour  monter  à 
Tassant. 

Les  parlementaires  se  présentèrent  de  nouveau;  mais  le  gé- 
néral Suchet  avait  défendu  d*en  recevoir  aucun,  si  ce  n'était  en 
livrant  aux  graïadiers  français,  pour  premier  préliminaire,  une 
porte  de  la  ville.  Ub  hésitaient  :  le  général  Suchet  s'avança  et 
ordonna  de  baisser  les  ponts  levls  ;  les  soldats  espagnols  obéirent 
à  cet  ordre  ;  le  général  entra' dans  la  place^adressa  des  reproches 
aux  officiers  et  au  gouverneur  sur  leur  conduite  de  la  veille.  Les 
forts,  incertains  et  surpris,  se  soumirent.  Les  grenadiers  français 
prirent  possession  des  portes,  et,  à  quatre  heures  du  soir,  la  gar- 
nison, forte  de  6,800  hommes,  défila  prisonnière  de  guerre,  en 
déposant  neuf  drapeaux,  dont  un  offert  par  le  roi  Georges  à 
la  ville  deXortose,  et  prit  immédiatement  la  route  de  Sara- 


Ainsi  la  ville  de  Tortose  tomba  an  pouvoir  des  Français  après 
dix-sept  Jours  d'investissement,  treize  nuits  de  tranchée  ouverte 
et  quatre  Jours  de  feu  ;  la  descente  et  le  passage  des  fossés  étaient 
terminés;  le  mineur,  attaché  à  l'escarpe,  travaillait  depuis  deux 
Jours,  et  il  existait  deux  brèches  praticables  au  corps  de  la 
place.  Il  était  difficile  à  la  garnison  de  prolonger  plus  longtemps 
une  défense  qui  l'exposait  à  être  enlevée  d'assaut. 

Les  vainqueurs  trouvèrent  dans  la  place  cent  soixante-dix-sept 
bouches  à  feu,  neuf  mille  fusils,  et  beaucoup  de  munitions  de 
guerre  et  de  bouche. 

La  garnison  espagnole  était  de  8,000  hommes  avant  le  siège, 
qui  lui  fit  perdre  1,200  hommes;  Tarmée assiégeante  était  de 
10,000  hommes,  et  elle  ne  perdit  que  400  hommes;  une  perte 
aussi  légère  et  la  courte  durée  de  ce  si^e  furent  dues  à  la  bonne 
conduite  des  travaux,  àTemplacement  bien  choisi  des  batteries, 
à  Theureose  application,  en  un  mot,  de  cet  art  que  Vauban  a 
eu  la  gloire  de  créer  et  de  porter  à  sa  perfection.  Peut-être  aussi 
Tidée  neuve  et  hardie  d'attaquer  le  long  de  TËbre,  en  négligeant 
les  ouvrages  qui  couronnent  les  hauteurs,  eut-elle  une  grande 

i.  36 


562  LITBB   SBPTIÈMII. 

4810.     Influence  poar  obtenir  d^ussi  prompts  résultats  ;  on  peut  har- 
^•P**"®*   dlment  conjecturer  que  l*attaque  sur  tout  autre  point  eût  exigé 
le  double  de  temps  et  eût  été  beaucoup  plus  meurtrière  '. 

La  prise  de  Tortose  porta  un  coup  terrible  aux  provinces  de 
Test,  cette  ville  étant,  comme  nous  Tavons  déjà  dit,  le  principal 
point  de  communication  entre  elles»  et  en  outre  le  grand  dép6t 
de  leurs  ressources  militaires.  La  Catalogne  se  trouva  donc  pri- 
vée de  tout  secours  à  Tintérieur,  et  n*eut  plus  d'espoir  que  dans 
ceux  que  Ton  pourrait  débarquer  sur  la  c6te*  Ce  lut  pour  y  mettre 
obstacle  que  le  général  Suchet  se  h&ta  de  poursuivre  le  cours  de 
ses  opérations,  et  se  prépara  à  faire  le  siège  deTarragone,  alnd 
que  nous  le  rapporterons  au  volume  suivant. 

Les  Français  étaient,  comme  on  Ta  vu,  vainqueurs  sur  tons 
les  points  de  ï  Espagne  ;  et  cependant  la  campagne  de  1 8 1 0  n'eu  t 
point  pour  eux  les  résultats  qu'ils  avaient  droit  d'en  attendre. 
Les  succès  des  Anglais  en  Portugal  apprirent  aux  Espagnoisque 
leurs  dominateurs  n'étaient  point  invincibles,  et  qu'une  longue 
résistance  fatiguait  quelquefois  la  victoire.  L'exemple  des  pro- 
vinces ^umises  et  pacifiées  n'éteignit  point  l'esprit  d'insurrec- 
tion qui  régnait  dans  les  autres;  l'audace  de  certains  chefe  de 
1)andeSy  au  contraire,  sembla  s'augmenter  en  raison  de  la  défaite 
des  troupes  régulières,  et  la  haine  nationale  reçut  de  nouveaux 
développements.  À  peine  une  de  leurs  armées  était-elle  battue, 
une  de  leurs  bandes  dispersée,  quelessoldats  se  hâtaient  de  ren- 
trer dans  leurs  familles  ;  làils  reprenaient  leurs  occupations  jour- 
nalières, se  livraient  aux  travaux  paisibles  de  l'agriculture,  avec 
la  ferme  résolution  de  ne  plus  combattre  pour  «ne  cause  qu'ils 
jugeaient  vaincue.  Aigris  par  le  profond  sentiment  de  leurs  souf- 
frances récentes,  ils  al^uraient  une  résistancequi  ne  pouvait  que 
prolonger  indéfiniment  leur  fâcheuse  situation  ;  mais  bientôt 
paraissaient  les  proclamations  des  chefs,  les  écrits  patriotiques 
de  la  junte.  Des  émissaires,  la  plupart  prêtres,  d'autres  revêtus 
à  dessein  de  l'habit  monastique,  parcouraient  les  villes  et  les 
campagnes,  promettant  aux  uns  la  rémission  des  péchés,  la 
couronne  du  martyre,  les  récompenses  d'une  autre  vie;  faisant 

'  Relation  da  siège  de  Tortose  par  le  baron  Rogniat,  iientenant  général 
du  génfe» 


GOBBBE   D'ISPAGKB.  563 

briller  aox  yeux  des  autres  la  gloire  réservée  de  tout  temps  à      i^io. 
ceux  qui  se  sacrifient  pour  la  foi  et  pour  leur  pays;  employant    ^p^s^- 
tour  A  tour,  en  un  mot,  les  Illusions  puissantes  du  fanatisme  et 
la  voix  saerée  de  la  patrie.  Quelques-uns  des  habitants,*,  entraî- 
nés par  cette  magie  attachée  au  nom  de  liberté,  mais  le  plus 
grand  nombre  sédiûts  par  les  idées  d'une  religion  outrée^  quit- 
taient de  nouveau  leurs  foyers  et  leurs  familles ,  détestaient  le 
s«*ment  qu'ils  avaient  fhit  de  ne  plus  combattre  les  Français,  et 
couraient  affronter  encore  la  mort,  dans  l'espoir  si  consolant 
pour  eux  de  la  donnera  leurs  dominateurs. 
Caupd'œil  sur  les  partis  espagnols  connus  sous  le  nom  de 

GUBBBILLlS.  t 

Dès  le  33  décembre  1808  la  Junte  centrale  avait  prescrit  la 
formation  de  corps  firaucs  destinés  à  harceler  rennemi  à  toute 
heure  et  en  tous  sens  et  à  ne  lui  donner  aucun  repos.  Ces  ban* 
des  armées,  nées  des  circonstances,  auxquelles  on  donna  le  nom 
de  guerrilias,  d'abord  iaibles  en  nombre,  s'accrurent  ensuite 
prodigieusement,  et  bientôt  chaque  province  eut  sa  guerrilla; 
il  y  eut  même  des  districts  et  des  cantons  où  toute  la  population 
virile  prit  part  à  ce  genre  de  guerre,  tels  qu'en  Catalogne  et  en 
Galice.  Ces  bandes  étaient  grossies  par  la  dispersion  des  armées 
régulières,  par  le  manque  de  travail  et  la  misère  qui  en  résul- 
•  tait,  et  surtout  par  l'aversion  que  les  populations  portaient  aux 
envahisseurs.  C'était  là  le  côté  louable  et  légitime  de  leur  ori- 
gine :  ces  peuples,  indignement  trompés,  injustement  attaqués 
par  des  armées  formidables,  et  voyant  qu'ils  perdaient  toutes  les 
batailles,  cherchèrent  à  suppléer  à  la  force,  à  l'art  de  la  guerre, 
par  la  ruse  et  la  perfidie.  Avant  même  l'arrivée  des  circulaires 
adressées  aux  pR>vinces  par  la  Junte  centrale,  quelques  chefs 
de  partisans,  tels  que  Juan-Diaz  Porlier  et  Juan-Femandez 
Ëcbavarri,  parcouraient  déjà  les  environs  de  Palencia,  la  mon- 
tagne de  Santaader  et  la  Biscaye.  Ces  chefs  pouvaient  parler  pa- 
irie,  honneur,  religion,  vengeance  aux  Jeunes  Espagnols  qu'ils 
enrôlaient;  mais  que  dire  au  contumace,  i^u  condamné,  au  ban- 
queroutier, au  voleur  de  grands  chemins,  et  enfin  aux  déserteurs 
français,  anglais,  prussiens,  russes,  polonais,  allemands  et  Ita- 
liens, qui  venaient  chercher  un  asile  dans  leurs  rangs,  refuge 
assuré  pour  tous  les  genres  de  crimes  et  de  délits?  Ils  ne  pou- 

36. 


564^  LIVBB   SBPTIBICB. 

1810.     valent  leur  faire  sourire  la  victoire  que  sous  les  auspiees  Su 


Eiv»agiMb 


pillage  et  du  butin. 

Ce  qui  contribuait  à  entretenir  les  guerrillas  et  ^l  les  multi- 
plier» c^étaient  les  imp6ts,  c'étaient  les  réquisitions,  qui  avaient 
le  triple  inconvénient  d'exaspérer  les  propriétaires,  de  faire  dis- 
paraître  les  denrées  et  de  donner  lieu  à  une  foule  d*abus.  L'em- 
pereur exigeant  que  le  service  des  subsistances  de  ses  armées 
fût  aux  frais  de  FEspagne,  on  était  presque  toujours  forcé  d'em- 
ployer la  violence  pour  arracher  aux  populations  les  denrées 
qu'elles  tenaient  soigneusement  cachées.  Ces  excès  excitaient  des  | 

vengeances;  les  paysans  espagnols  ne  se  faisaient  aucun  sera-  i 

pule  d'égorger  les  soldats  français  isolés,  les  blessés,  les  malades 
et  leurs  escortes  ;  ces  vengeances  provoquaient  de  cruelles  et 
sanglantes  représailles,  des  incendies,  des  exécutions  militaires 
dans  les  localités  où  ces  assassinats  avaient  été  commis.  Les  al- 
caldes  des  communes,  les  curés  des  paroisses,  les  citoyens  nota- 
bles devaient  répondrede  la  tranquillité  publique,  et,  s'ils  étaioit 
soupçonnésd'entretenir  des  relationsavecies  guerrillas,  ils  étaient 
emprisonnés  ou  exilés  en  France,  ou  fusillés,  ou  pendus.  Ces 
moyens  rigoureux  et  presque  toujours  cruels,  loia  d'amener  les 
peuples  à  la  soumission ,  ne  servaient  qu'à  les  irriter  davantage* 
Assaillis  de  toutes  parts  par  les  guerrillas,  dont  le  nombre  aug- 
mentait chaque  jour,  les  Français  étaient  obligés  d'établir  de 
distonoe  en  distance  des  postes  fortifiés  échelonnés  sur  leurs 
lignes  d'opérations,  et  cette  manière  d'assurer  lep  communi- 
cations exigeait  à  la  fois  une  grande  vigilance,  beaucoup  de 
monde  et  dimhiuait  considérablement  l'effectif  des  armées  agis- 
santes. 

C'est  en  janvier  1809  que  les  guerrillas  commencèrent  à  se 
multiplier  dans  les  provinces  occupées  par  les  troupes  françaises. 
Dès  le  principe,  on  distingua  celle  de  Juan-Martin  Biez,  sur- 
nommé tEmpeeinado.  A  la  fin  de  décembre  tSOS,  ce  dief 
commença  à  inquiéter  les  Français  en  parcourant  les  districts 
d'Aranda,  de  Sépulvéda  et  de  Pédraza  dans  la  Vieille-Castille. 
En  septembre  1 809  il  se  rendit  dans  la  province  de  Guadalajara 
à  la  demande  de  la  junte  de  cette  ville.  Ce  fameux  partisan  in- 
festait la  rottte  de  Saragosse  à  Madrid  par  Calatayud ,  Siguenza 
et  Guadalajara^Sesdétachements  parcouraient  aussi  les  environs 


I 


GUBIBK   D*£SPA6II1.  5^5 

de  Madrid,  seprésentaientjasqa'aax  portes  decetle  capitale,  dont      ,^^^ 
'  il  était  alors  dangereux  de  sortir  sans  escorte.  Ses  forces  s'élevè-    Espagne. 

rent  jusqu'à  1 ,500  hommes  d'infanterie  et  600  cheyaux.  Presque 
\  toujours  battu  par  le  général  Hugo,  il  ne  se  décourageait  point. 

Serré  de  trop  près,  il  dispersait  sa  bande  pour  la  rallier  dans 
^  une  autre  province.  Partout  où  il  se  retirait,  il  recevait  en  alxm- 

^  dance,  même  de  Madrid,  des  secours  en  argent,  en  vivres  et 

'  en  munitions  de  guerre ,  et  trouvait  la  plus  grande  facilité  à 

^  recruter  sa  bande,  dont  les  exploits  flattaient  Torgueil  national. 

'  Au  msAs  dlBivril',  leftuneux  curé  de  Villoviado,  Géronimo  Mérino, 

>  forma  aussi  un  corps  de  partisans  qui  parcourait  les  plaines  de 

^  la  YieiHe-Castille,  ainsi  que  les  guerrillas  du  CapucMno  et  de 

^  Saornil  ;  celtes  de  Juan  Abril,  à  Ségovie,  Camillo  Gomez,  à 

'  Avila,  Juan  Tapia,  à  Palenda,  Bartolomé  Aroor,  à  la  Rioja,  José 

'  Joacquin  Dnran ,  à  Soria.  L'exemple  de  ces  chefii  de  partisans 

était  suivi  dans  les  autres  provinces.  Un  officier  sans  emploi  ou 
échappé  des  mains  des  Français,  le  supérieur  d'un  couvent  dé- 
vasté, le  curé  â*un  village  incendié,  le  frère  d'une  sœur  désho- 
t  norée,  le  fils  d'unpèreet  d'une  mère  assassinés,  profitant  desdis- 

I  positions  hostiles  de  leurs  compatriotes^  se  mettaient  à  leur  tète 

I  et  tombaient  à  Flmproviste  sur  les  petits  détachements,  sur  les 

\  convois  de  blessés,  de  malades,  foiblement  escortés^  sur  hes  es* 

\  talèttes,  les  malles-postes  et  les  voitures  duTrésor.  Non  contents 

I  du  butin  que  ces  expéditions  lucratives  leur  procuraient ,  les 

I  partisans  espagnols  égorgeaient  sans  pitié  les  blessés  et  les  ma- 

f  lades,  fusfflaient  les  soldat&des  escortes  ou  les  pendaient  aux 

I  arbres  des  grandes  routes.  A  la  ftiveur  des  habitants,  qui  les 

protégeaient,  les  renseignaient  et  les  cachaient  au  besoin ,  ces 
bandes  échappaient  à  toutes  les  poursuites  ;  chassées  d^iue  ville, 
I  d'un  village ,  elles  y  revenaient  après  le  passage  des  troupes 

envoyées  contre  elles.  Outre  les  petits  partis,  les  hommes  isolés 
qu'elles  enlevaient  chaque  jour,  elles  tondaient  souvent  en  for- 
[  ces  sur  les  postes  letrancbés  renfermant  de  fiiibles  garnisons, 

{  s'en  emparaient  ou  les  incendiaient  s'ils  n'étaient  pas  secourus 

à  temps. 

Telles  furent  dès  l'origine  ces  guerrillas,  qui  causèrent  des 
ravages  affreux  dans  les  armées  françaises,  que  cette  guerre  de 
détail  aifaiblissait  continuellement.  La  situation  physique  et 


560  LIVM  SBPTlteB, 

f 810.  géographique  de  TEspagne  favorisait  paffiiitolBtat  cette  gnem 
Espagne.  ^^  buissoDS  et  de  DMmtagnes.  Ge  qui  fiidlita  beaucoup  la  ftyruia- 
tion  des  gverriilas,  ce  furent  les  secours  et  l'abri  qu'elles  troii« 
yaient  au  besoin  dans  les  places  fortes,  dans  les  lima  inoccupés 
par  les  troupes  françaises,  dans  de  hautes  cordillièreSf  et  dans 
un  chaos  de  montagnes  où  Ton  trouve  à  chaque  pas  des  gorges, 
des  défilés  propres  à  une  guerre  de  chicane  et  proleiigée. 

La  Navarre,  les  districts  voisins  de  l'AragoD  et  la  route  de 
Pampelune  à  Saragosse  étaient  le  théâtre  des  exploits  de  Fran- 
eisco-Xavier  Mina.  Ce  jeune  chef  de  partisans,  âgé  de  dix-neof 
ans,  était  d'une  audace  extrême.  Un  jour,  d^isé  en  paysan , 
il  se  mit,  près  d'Oiite,  dans  un  groupe  assemblé  sor  la  route  de 
Saragosse,  pourvoir  passer  le  général  Suchet  se  rendant  à  Pam- 
pelune. C'est  ainsi  que  tous  les  Espagnols  qui  prenaient  les  ar- 
mes contre  les  Français  pouvaient  parcourir  le  pa  js  avec  la  cer- 
titude de  n'être  pas  découverts  ni  trahis  par  leurs  compatriotes* 
Serrées  de  trop  près  par  les  troupes  détachées  à  leur  poursuite, 
les  guerrillas  se  dispersaient  ;  chaque  homme  cachait  ses  armes, 
rentrait  dans  ses  foyers,  logeait  et  mangeait  avec  l-ennemi,  et 
au  premier  signal  rejoignait  son  chef.  Mina ,  longtemps  pour- 
suivi par  le  général  Harispe,  s'étant  avancé  en  Aragon  vers  les 
CiDCo*Villas,  fut  rejeté  en  Navarre,  où  le  général  Dufour  avait 
feit  occuper  tous  les  passages,  et,  cerné  de  toutes  parts,  dans 
les  derniers  jours  de  mars  18 1 0,  il  tomba  au  milieu  des  postes 
français,  fut  pris  et  envoyé  en  France,  où  il  resta  jusqu'en  1814. 
Cet  événement  délivra  l'armée  française  d'un  partisan  très-en- 
treprenant ,  et  calma  pour  quelque  temps  les  troubles  de  la 
Navarre.  Mina  le  jeune  fut  remplacé  par  son  onde ,  Francisco 
Espoz  y  Mina  qui,  par  ses  hauts  faits  et  sa  meilleure  fortune, 
eut  bientôt  éclipsé  la  renommée  de  son  neveu.  Cet  intrépide 
chef  exploitait  à  la  fois  la  Castille,  1*  Aragon,  la  Navarre  et  la 
grande  route  de  Bayonne  à  Burgos.  Cette  importante  ligne  de 
communication  entre  la  France  et  Madrid,  par  Valladolid,  fut  de 
très-bonne  heure  parcourue  par  uue  infinité  de  guerrillas  dont 
la  cupidité  avait  de  quoi  s'assouvir  sur  les  fréquents  convois  et 
les  nombreux  voyageurs  français  qui  y  circulaient  journellC' 
ment.  Après  les  bandes  de  Mina,  qui,  au  commencement  de 
1810,  s'élevaient  déjà  à  plus  de  3,000  hommes  d'infanterie  et  de 


ÔUBABE  DBSIPAGNE.  ^67 

I  caY|ila*ie,  les  plus  redoutables  étident  :  en  Yleille-GnBtlUej  celles      isio. 

k  d*lgnacio  Goévîllas,  de  Juan  Gomez,  de  Fernandez  de  Castro  et    ^i^i^- 

»  des  curés  Tapia  et  Mérino,  déjà  cités  d-dessus  ;  en  Biscaye  et 

I  dans  le  haut  Aragon,  le  moine  Frandaco  Longa,  Campillo, 

I  Juan  de  Arostégui,  Gaspar  Jaurégui,  d'abord  berger,  et  appelé 

i  par  cette  raison  el  Pasior. 

Tandis  qne  les  j^ndpales  forces  des  Français  étaient  occupées 
I  en  Portugal  et  en  Andalousie,  et  qu'il  ne  restait  que  de  faibles 

corps  d*arinée  dans  les  provinces  intérieures  de  TEspagne,  le 
f  système  desguerrlllas  prenait  de  profondes  racines.  La  Romana, 

que  lesËspagnoIss'accordent  à  reconnaître  généralement  comme 
le  premier  organisateur  de  ce  système^  lui  donnait  d* énormes 
développements  et  s'efforçait  de  l'établir  dans  toute  l'étendu^ 
de  la  Péninsule*  Dans  la  Catalogne,  dans  TAragon,  et  surtout 
dans  le  royaume  de  Murcie^  dans  les  Alpojarres,  le  général 
Blake  avait  puissamment  contribué  au  soulèvement  des  popu- 
lations et  à  la  formation  des  corps  de  partisans.  Son  exemple* 
avait  été  suivi  en  Andalousie  et  en  Estrémadure  par  le  général 
Ballasteros.  La  junte  centrale  avait  sagement  jugé  que^  si  les 
guerrillas  ne  pouvaient  arrêter  d'abord  Fimpétuosité  des  Fran^ 
çais,  elles  parviendraient  un  Jour,  peut-être,  à  les  dégoûter  de 
victoires  qui  unissaient  par  leur  coûter  plus  qu'à  l'ennemi  vaincu*. 
Les  ordres  concernant  Torganisation  des  guervillas  avaient  été 
exactement  suivis  sur  presque  tous  les  points  x  il  n'était  guère 
de  provinces  qui  n'eût  un  cbef  à  la  tète  d'une  bande  formidable. 
Abandonnés  à  eux-mêmes,  les  plusbardiset  les  plus  entrepre- 
nants de  ces  chefs  s'élevaient  au  commandement ,  ou  par  des 
actions  d'éclat,  ou  par  l'influence  qu'ils  parvenaient  à  exercer 
sur  leurs  compagnons  d'armes,  (piel  qu^en  fût  d*ailleurs  le  mo- 
tif. Livrés  à  leurs  seules  inclinations ,  maîtres  de  choisir  leur 
champ  de  bataille  et  le  genre  d'attaque  et  de  résistance  qui  leur 
était  le  plus  favorable,  le  service  militaire  le  plus  approprié  à 
leurs  forces  et  à  leurs  habitudes  était  celai  qu'ils  adoptaient. 
En  1810  on  comptait  Jusqu'à  200  chefs  de  guerrillas  bien 
connus  ;  d'autres  surgissaient  et  disparaissaient  selon  les  cir- 
constances produites  par  les  événements  de  la  guerre ,  ou  al- 
laient se  fondre  dans  d'autres  bandes  déjà  renommées.  Dans  les 
Asturies,  la  bande  la  plus  considérable  était  celle  de  Juan-Diaa 


568  LIYM  8£PTlkUB. 

ifio.  Portier^  surnommé  Ei  MarquésiiOjàoni  il  a  déjà  été  foit  meo* 
tion  précédemm^t;  venaient  après  celles  de  Frédérico  Cas- 
tanon  et  de  Pedro  Aaroéna  ;  dans  le  royaume  de  Léon ,  don 
Jnlian  Sancliez ,  dont  il  a  été  parlé  à  Tocc^sion  da  siège  de 
Giudad-Rodrigo  :  il  se  tenait  ordinairement  aux  environs  de 
cette  place  et  de  Salamanque,  et  explorait  tour  à  tour  le  royaume 
de  Léon  et  la  VieiUe-Castille  ;  Lorenzo  Aguilar,  aux  environs 
de  Toro»  et  Thomas  Principe,  qui  commandait  la  guerriila  de 
cavalerie  dite  les  lanciers  de  Bourbon ,  dans  les  enviions  de 
Yalladolid.  Dans  la  Nonvelle-GastlUe ,  indépendamment  de 
FEmpéeinado,  qui  se  tenait  aux  environs  de  Guadalajara»  on 
trouvait  encore,  dans  la  province  de  Guenca,  le  marquis  de  las 
Âtayuelas,  et  José  deSan-Martin,  qui,demédeclny  était  devenu 
un  chef  intrépide  de  partisans  et  parcourait  le  pays  jusqu*au 
Tage;  Juan  Palaréa,  médecin  de  Yillalengua,  connu  sons  le 
nom  à' El  Médico;  Ventura  Ximénès,  Torribio  Bustamenté,  sur- 
nommé Caracola  dans  la  province  de  Tolède;  en  Aragon,  An- 
tonio Porta,  depuis  la  frontière  de  France  jusqu'à  Figuières  ; 
Francisco  Bobira,  de  Figuières  à  Gironne  ;  Milans,  Iranzo,  Cla- 
ros,  depuis  Hostalrich  Jusqu'à  Gironne;  Mariano  Rénovâtes, 
dans  les  vallées  d' Ansô  et  de  Boncal  ;  Miguel  Saraza,  lieutenant 
de  Bénovalès,  dans  la  vallée  de  Jaca,  au  couvent  de  San-Juan 
de  là  Pena  ;  Felipe  Péréna,  Bajet^  sur  la  rive  gauche  de  la  Ginca, 
à  la  descente  des  Pyrénées;  Bamon  Gayan,  dans  les  montagnes 
de  Montalvan,  à  rermitage  del  Aguila  ;  Pedro  Yillacampa,  aux 
environs  de  Galatayud  et  à  Nuestra-Senora  del  Tremendal  ;  dans 
le  royaume  de  Valence,  José  Lamar  ;  dans  la  Manche,  Mir  et 
Ximénez  ;  Francisco  Sanchez,  connu  sous  le  nom  de  Frands- 
quête;  Miguel  Diaz,  Juan-Ântonio  Orobio,  Francisco  Abad, 
Manuel  Pastran  ;  en  Andalousie,  Andrès  Ortiz  de  Zarate;  dans 
les  montagnes  de  Ronda,  Francisco  Gonzalez;  dans  la  Serrana, 
José  Roméro,  à  Montellano;  dans  la  Sierra  de  Ronda,  Mena, 
Villalobos,  Garcia  ;  dans  les  Alpujarres,  Pedro  Zaldivla,  Juan 
Marmol,  Juan-Lorenzo  Rey  ;  la  guerriila  dite  du  Maniéquéro, 
dans  la  province  de  Séville. 

La  plupart  de  ces  chefs  de  partisans  étaient  reconnus  et  main- 
tenus dans  leurs  commandements  par  la  junte  centrale  ;  mais 
il  en  existait  un  grand  nombre  d'autres,  connus  seulement  par 


GUEBEB  D*ESPAONE.  569 

de  ridieules  noms  de  gaerre,  tels  que  El  Manco,  èl  Cùdnéroy  el      igio 
Abuélo,  et  par  des  actes  de  eruauté  dont  les  soldats  finnçais 
s'étoiiuerent  longtemps  avant  que  de  chercher  à  s*eQ  venger. 
Plusieurs  bandes  de  malfaiteurs  et  de  brigands ,  organisées  en 
guerrillas  sous  le  manteau  du  patriotisme ,  opprimaient  les  po- 
pulations; elles  étaient  poursuivies  par  les  guerrillas  les  mieux 
organisées,  et  par  les  Français,  auxquels  se  joignaient  même 
les  habitants  des  localités  que  ces  bandes  maltraitaient  et  dé- 
pouillaient de  tout  ce  qu'elles  pouvaient  leur  enlever.  Connais- 
sant les  ressources  que  leur  offraient  les  populations  et  celtes 
qu*elles  pouvaient,  au  besoin,  tirer  des  localités  d*un  pays  coupé 
et  montagneux  ;  Informéen  à  temps  de  l'apparition  des  Français 
etdeleurnombre,  les  guerrillas  se  séparaient  et  se  réunissaient  à 
un  rendez-^vous  fixé,  au  commandement  de  leurs  chefs  respec- 
tifs. Assurés  de  la  foi  inviolable  de  leurs  compatriotes ,  cons- 
tamment protégés  par  des  intelligences  que  la  surveillance  la 
plus  exacte  de  la  part  des  Français  et  les  menaces  les  plus 
sévères  ne  pouvaient  rompre,  les  partisans  restaient  souvent 
cachés  des  jours  entiers  aux  portes  mêmes  d'une  ville  occupée 
par  les  Français»  attendaient  patiemment  le  moment  où  ils  se* 
raient  supérieurs  en  forces ,  et  enlevaient  l'objet  de  leurs  re- 
cherches sans  qu'on  eût  le  temps  de  prévenir  ni  d'arrêter  leur 
attaque.  Rien  n'était  à  l'abri  de  leur  activité  et  de  leur  audace, 
et  malheur  à  qui  tombait  vivant  entre  leurs  mains.  Ainsi,  agis- 
sant à  part  et  en  petits  corps,  les  guerrillas  ne  cessaient  d'in- 
quiéter les  armées  françaises,  les  forçaient  à  doubler  leur  service 
et  À  se  tenir  perpétuellement  sur  leurs  gardes.  Bien  même  qu'une 
telle  guerre  ne  pût  donner  immédiatement  de  grands  résultats, 
elle  aurait  dû  être  entretenue  très-soigneusement  et  surtout  très- 
encouragée ,  en  raison  de  l'extrême  faiblesse  des  forces  régu- 
lières espagnoles;  mais  l'amour  de  la  patrie,  qui  dirigeait  les 
Espagnols  dans  leurs  efforts,  n'était  point  tellement  exclusif 
qu'il  ne  laissât  quelque  empire  à  des  passions  moins  désintéres- 
sées et  moins  nobles.  La  réputation  de  quelques  chefs  de  guer- 
rillas avait  éveillé  la  jalousie  du  gouvernement  pour  le  maintien 
duquel  ils  se  battaient;  soupçonneux,  parce  qu'il  était  faible, 
ce  gouvernement  craignait  qu'ils  ne  devinssent  indépendants. 
JHors  d'état  de  s'assurer  d*eux  par  des  récompenses  pécuniaires 


670  LIVmB   9EPTIÀMB. 

isio.  et  de  l66  arrêter  quand  ii  le  jugerait  convenable  ^  il  voiilat  m^ 
£>i»sn«-  moins  donner  à  lenr  ambition  une  direction  dont  il  resterait 
maître.  En  conséquence ,  pour  conserver,  autant  que  possible, 
son  autorité  sur  eux ,  il  récompensa  adroitement  leurs  efforts 
par  un  rang  militaire^  les  soumettant  ainsi  aux  généraux  de 
Tarmée  régulière;  des  uniformes  riches  et  brillants,  un  état- 
major  personnel  et  d'autres  accessoires  inutiles  furent  ajoutés 
à  leurs  titres.  Le  sentiment  de  leur  importance  s'aecrut,  et  ils 
augmentèrent  Tappareil  de  leurs  forces  dans  uo  degré  corres- 
pondant. Les  principales  bandes  de  guerrillas  furent  bientôt 
composées  d'artillerie,  dMnfanterie  et  de  cavalerie,  et,  du  mo» 
ment  qu'elles  eurent  échangé  leur  ciQtivité  contre  de  Timpor- 
tance,  elles  devinrent  une  mauvaise  espèce  de  troupes  r^uliè- 
res.  Les  talents  de  Mina  et  de  Longa  seuls  s'aecrurent;  ils 
commanderait  des  armées  de  6  à  8,000  hommes  avec  Thabileté 
de  tacticiens  consommés.  Favorisés  par  la  configuration  du 
terrain  et  par  les  connaissances  locales  qu*ils  avaient  d'un  pays 
aussi  accidenté,  ces  chefs  firent  quelquefois,  pendant  des  mois 
entiers,  pour  tromper  la  poursuite  de  plusieurs  corps  français 
considérables,  des  manœuvres  que  n'auraient  peut-être  pas  dé- 
savouées les  généraux  les  plus  célèbres.  A  ces  exceptions  près, 
et  elles  étaient  rares,  la  force  des  guerrillas  s'éteignit  graduel- 
lement par  le  fait  même  de  l'intervention  do  gouvernement 
espagnol,  dont  la  politique  méticuleuse  porta  un  coup  mortel  à 
l'institution  de  ces  corps  francs;  ils  auraient  probablement  cessé 
d'exister  au  bout  de  quelques  campagnes,  si  la  guerre  de  la 
Péninsule  eût  duré  plus  longtemps. 


CHAPITRE  V. 

AHEIBB  181 1. 

Saite  d«s  opérations  milftairos  en  Portugal.  —  Mort  da  féaéral  espagnol  La 
Ronana.  —  SHaation  lAclieuse  de  Parmée  française.  —  Elle  bat  ai  retraite. 
—  Combat  de  Redinha,  elc  —  Affaire  de  Foz-d'Arunce.  ^  Combat  de 
Sabugal.  —  Le  marécbal  Masséna  rentre  sur  le  territoire  espegnol.  —  Ba- 
taille de  Fuentes  de-Ofioro.  —  Belle  retraite  du  général  Brenier  et  de  la 
garnison  d'Alméida  ;  destruction  de  cette  dernière  place.  —  Le  naréelial 
due  de  Ragose  remplace  le  prince  d'Essttng  dans  le  commandement  de 
Tannée  de  Portugal;  fin  de  cette  campagne. 

L'arrivée  du  9"  corps  de  l'armée  française  sur  la  frontière  mt. 
de  la  province  de  Beira ,  et  son  entrée  en  Portugal  pour  re-  Portugal, 
joindre  Tarmée  du  maréchal  Masséna  dans  ses  lignes  de  San- 
tarem,  avaient  forcé  le  corps  de  milices  portugaises  commandé 
par  lé  général  Silveïra  d'abandonner  ses  positions  autour  de 
Pinhel  et  de  Trancoso ,  pour  se  replier  vers  le  Duéro.  Silveïra 
crut  pouvoir  revenir  sur  ses  pas ,  après  le  passage  de  la  pre- 
mière division  du  corps  français ,  et  inquiéter  de  nouveau  les 
communications  de  Tarmée;  mais  il  fut  arrêté  dans  son  mou- 
vement par  le  général  Claparède»  qu'il  avait  attaqué  le  30  dé* 
cembre,  et  qui  le  battit,  près  de  Trancoso,  à  Ponte  do  Abade. 
Non  content  de  ce  premier  succès,  le  général  Claparède,  après 
avoir  fait  ses  dispositions  et  formé  deux  colonnes  de  ses  trou- 
pes, se  mit  en  marche,  le  9  janvier,  dans  Tintention  de  pour- 
suivre 1^  général  portugais  et  de  le  rejeter  de  l'autre  côté  du 
Duéro.  Arrivé  à  un  quart  de  lieue  du  village  de  Guittero,  il 
trouva  son  adversaire  en  position  sur  les  hauteurs,  développant 
sur  son  front  une  ligne  étendue  de  tirailleurs.  Le  général  Cla- 
parède  fit  aussitôt  avancer  une  de  ses  colonnes,  destinée  à  tour- 
ner la  gauche  de  Tennemi,  tandis  que  lui-même  se  portait  ra- 
pidement sur  le  centre.  Silveïra  n'attendit  pas  le  résultat  de 
cette  manœuvre  et  se  mit  aussitôt  en  retraite. 

Le  11,  les  Français  continuèrent  à  le  poursuivre  sur  Villa 

571 


672  LIVAB  SBPIlàMB. 

I8M.  de  Ponte,  et  le  trouvërent  arrêté  sor  les  haoteors  de  la  rive 
Portugal  gauche  de  la  Tavora,  après  ayoir  barricadé  les  ponts  de  Villa 
et  de  Frésinto ,  et  coupé  tous  les  chemins  par  des  «bâtis  et  des 
fossés  :  il  paraissait  disposé  à  défendre  vigoureusement  tous 
les  passages.«Le  général  Claparède  porta  sur-le-diamp  la  ma- 
jorité de  ses  forces  sur  le  pont  de  Frésinto ,  sans  s'inquiéter  de 
la  vive  fusillade  qui  s'engagea  aussitôt  sur  sa  droite.  Le  pmit 
lût  enlevé  au  pas  de  charge  par  un  bataillon  dn  31*  régiment 
d'infanterie  légère  ;  les  hauteurs  étaient  attaquées  avec  impé- 
tuosité. L'ennemi  ne  put  résister  ;  il  Ait  forcé  de  toutes  parts  à 
fuir  en  désordre ,  perdant  beaucoup  de  monde  :  la  nuit  seule 
arrêta  la  poursuite  à  Villa  de  Rua. 

Le  12 ,  Tennemi  continua  sa  retraite  par  Moimenta-de-Beira 
et  Léonil.  Le  soir,  son  arrière-garde,  composée  de  ses  meil- 
leures troupes,  s'arrêta  à  Mondin  ;  elle  fut  aussitêt  chargée  et 
culbutée  par  Tavant-garde  française ,  commandée  par  le  co- 
lonel Dommanget,  du  10*  de  dragons,  qui  la  rejeta  au  delà 
de  la  Goura.  Le  général  Claparède  arriva  le  18  au  soir  à 
Lamégo ,  ramassant  sur  la  route  tous  les  tralneurs  et  uncpartie 
des  équipages  de  Silveïra.  Les  ouvrages  élevés  en  avant  de 
Lamégo  avaient  été  abandonnés.  Le  général  portugais  avait 
effectué  son  mouvement  rétrograde  sur  Pézo-de-Régao  et  passé 
leDuéro  à  Mullito,  le  même  jour  tS;  son  Intention  était  de 
faire  jonction  avec  les  colonnes  des  généraux  Baceelar  et  Wilsoo, 
qui  étaient  à  Castro-Dairo.  Celle  du  colonel  Miller,  qui  se  trou* 
vait  à  quatre  lieues  de  Lamégo,  s'avançait  au  secours  de  Sil- 
veira ,  lorsqu'elle  apprit  à  Tarouca  la  défaite  et  la  fuite  de  ce 
dernier.  Miller  crut  prudent  dès  lors  de  se  replier  sans  retard 
sur  Castro-Dairo  et  Viseu,  sans  attendre  les  reconnaissances 
françaises  qui  éclairaient  tous  les  points  du  Duéro  où  l'ennemi 
aurait  pu  trouver  des  barques.  Les  résultats  de  ces  dliïerentes 
affaires  furent  de  tuer  à  l*eunemi  plus  de  300  hommes  de  ses 
meilleurs  soldats,  de  lui  en  avoir  blessé  plus  de  1,000  et  pris 
200  avec  un  drapeau.  On  avait  trouvé  aussi  une  certaine  quan- 
tité d'armes  et  de  munitions  qui  furiTnt  détruites. 

Cette  expédition  terminée,  la  division  Claparède  abandonna 
les  bords  du  Duéro ,  le  28  janvier,  pour  se  rapprocher  de  Célo^ 
rico,  sur  la  communication  directe  de  Santarem  avec  Almeida. 


G€EABV   D  B8PÀONE.  573 

Ce  mouYement  pouvait  proléger  le  retour  du  général  Foy,  qui      mu. 
partit  d'AlmeMa  le  2  février  pour  rejoindre  Tarroée  du  ma-    ''<»'^"«**- 
réchal  Masséna^  après  avoir  rcHnpli  la  mission  qui  loi  avait  été 
confiée. 

De  nouveaux  rassemblements  ayant  eu  lieu  dans  les  envi- 
rons de  Guarda,  Bdmonté^  Govilbao»  FondAo,  etc.,  le  gé- 
néral Claparède  rassembla  encore  sa  division  et  marcha  pour 
les  dissiper.  lia  s'étaient  réunis  à  Covilhao  dans  une  position 
superbe»  et  ils  étaient  commandés  par  le  brigadier  anglais 
Grant.  Ce  parftan,  qui  avait  ftdt  de  grands  préparatifs  de 
déiènse,  se  laissa  manœuvrer  par  le  général  Claparède,  et 
Ment6t  sa  troupe,  composée  de  milices,  d'ordonnances  et  deguer- 
rillas,  fut  mise  dans  une  déroute  complète  :  on  lui  prit  un  canon 
et  un  drapeau. 

Mort  du  général  espagnol  La  Romana.  —  Le  23  janvier  23juiTier. 
18 11,  le  marquis  de  La  Romana  mourut,  presque  subitement, 
au  quartier  général  de  lord  Wellington.  Il  succomba,  ditK>n, 
à  une  maladie  chronique  qui  avait  pour  cause  Tossification  des 
vaisseaux  du  cœur*  D'autres  ont  uniquement  attribué  sa  mort 
aux  chagrins  profonds  dont  il  était  abreuvé  depuis  quelque 
temps.  Le  earaolère  tiès-connu  de  cet  Espagnol  nous  fait  re- 
garder cette  dernière  opinion  comme  la  plus  plausible.  On  n'i- 
gnore pas  à»  qneUe  maiidère  il  quitta  le  Danemark ,  en  1808 , 
avec  la  plus  grande  partie  de  ses  troupes.  CSette  conduite,  tout 
4  la  fois  har^  et  déloyale,  avait  mis  le  marquis  de  La  Romana 
en  grand  honneur  auprès  des  Anglais  :  c'était  le  seul  générai 
espagnol  auquel  ils  reconnussent  du  talent,  quoiqu'il  n'eût 
justifié,  dans  auodne  occasion  importante,  l'opinion  exagérée 
qu'on  a  voulu  donner  de  son  mérite.  Il  est  juste  de  convenir, 
toutefois,  qu'il  a  montré,  dans  sa  conduite  militaire,  plus  de 
tact  et  de  jugement  que  tous  les  autres  chefs  espagnols.  Les  An- 
glais, qui  s'attribuaient  tout  le  mérite  de  son  retour  en  Espagne, 
ne  manquèrent  pas  de  lui  donner  un  éclat  extraordinaire.  Ils 
le  produisirent  comme  le  héros  protecteur  et  sauveur  de  la  Pé- 
ninsule; mais  plus  ils  prirent  à  tâche  d'exalter  les  qualités  mi- 
litaires et  patriotiques  de  La  Romana,  moins  la  junte  suprême 
se  montra  disposée  à  les  reconnaître.  Forcée  d'accepter  tous  les 
dons  des  Anglais,  elle  redoutait  de  se  mettre  dans  leur  dépen- 


574  LIVRB  SEPTIÈn . 

ig,  f  dance  ;  loin  d'admirer  atragiéinent  la  générosllô  qui  poransait 
Portugal,  les  faire  agir,  elle  savait  en  apprécier  les  motifeà  leur  juste  va- 
lear  ;  elle  n'était  pas  dnpe  de  ce  'zèle  générrax  avec  leqtwl  ils 
avaient  embrassé  sa  cause  ;  et  la  liberté  qu'ils  prenaient  de  s'im- 
miscer dans  les  affaires  les  plus  secrètes  du  gouvernement,  de 
vouloir  tout  influencer,  et  le  choix  des  généraux,  et  la  diree- 
tion  des  opérations  militalm,  et  l'administration  intérieure, 
étaient  autant  de  démarches  qui  Justifiaient  ses  défiances.  L'é- 
loge de  La  Romana  fut  mal  reçu  sous  de  parèiis  auspices,  et  ce 
fkit,  au  contraire,  un  motif  pour  que  la  Junte  ne  lui  confiérflt 
jamais  de  sa  propre  autorité  que  des  eommandeteents  de  peu 
d'importance.  La  première  opération  de  ce  général,  en  débar- 
quant à  Santander,  fût  de  se  jeter  en  partisan  avec  ce  qu'il  avait 
ramené  d'Allemagne  :  c'est  lui  qui  donna  l'idée  d'organiser  les 
paysans  en  bandes  armées,  connues  depuis  soos  le  nom  de  guer- 
rillas.  La  mort  des  Français  et  de  tout  ce  qu'on  supposait  leur 
appartenir  fut  le  mot  d'ordre  donné  à  ces  nouveaux  soldats,  et 
il  n'y  eut  point  de  crimes  qui  ne  fussent  vantés  comme  œuvres 
méritoires  pour  atteindre  ce  but.  Un  pays  coupé,  montagneux, 
favorisait  singulièrement  ces  guerres  de  partis.  Le  théÀtre  était 
le  même  que  du  temps  des  Romains  ;  les  Espagnols  n'avaient 
point  dégénéré  peut-être  de  leurs  ancêtres;  mais  La  Romana 
était  bien  loin  d'égaler  Sertorlus.  Ce  général  n'eut  Jamais  soas 
ses  ordres  qu'une  petite  armée,  qui,  à  la  vérité,  lui  était  très- 
dévouée.  Constamment  soutenu  par  lord  Wellington ,  il  M 
presque  toujours  contrarié  et  blâmé  par  la  junte  dans  ses  opé- 
rations. Le  chagrin  de  voir  les  affaires  de  son  parti  alors  fort 
mal  conduites ,  et  les  nombreux  dégoûts  que  lui  suscitaient  à 
dessein  beaucoup  de  ses  compatriotes ,  contribuèrent ,  à  ce  que 
Ton  croit,  à  abréger  ses  jours.  Sa  mort  fût ,  sans  contredit,  une 
grande  perte  pour  la  cause  qu'il  défendait;  il  fut  cependant,  en 
général,  moins  regretté  des  Espagnols ,  qui  suspectaient  la  pu- 
reté de  ses  motifs,  que  des  Anglais,  qui  le  considéraient  comme 
le  seul  de  tous  les  généraux  de  la  Péninsule  auquel  ils  pussent 
accorder  une  confiance  exclusive.  Quelques  jours  avant  sa  mort, 
La  Romana  se  disposait  à  marcher  contre  le  maréchal  Mortier, 
avec  l'armée  espagnole  qu'il  avait  sous  ses  ordres.  Les  géné- 
raux Mendîzabal  et  La  Carrera  se  partagèrent  le  commandement 


GUIBBK   D*ESPA01lfi.  575 

des  troupes  do  déAmt,  et  se  dirigèrent  vers  Badajoz  poor  se^    ^^fi^ 
conrir  cette  place  espagnole  alors  fortement  menacée  par  le 
5*>sorps. 

Cependant  les  troupes  du  général  Hill,  campées  sur  les  bords 
du  Tage,  voyaient  chaque  Jour  les  progrès  des  travaux  des 
Français  dans  leurs  lignes.  Il  leur  était  facile,  d'une  rive  à 
Tautre,  de  compter  le  nombre  des  pontons  achcYés,  et  de  cal- 
culer  approximativement  Fépoque  à  laqueîle  on  tenterait  le 
passage.  Cet  instant  approchait  lorsque  les  Anglais  essayèrent 
d*inccndier  les  bateaux  avec  des  fusées  à  la  Congrëve.  Les 
pontons  ayant  été  éloignés  à  temps,  cette  tentative  demeura 
sans  effet. 

Situation  fâcheuse  de  Patmée  française.  — La  situation  de  Janv.*Févr. 
Tarmée  française,  loin  de  s'améliorer ,  devenait  de  plus  en  plus 
difficile.  La  rareté  des  vivres  augmentait  chaque  jour.  La  cava- 
lerie et  le  6'  corps  trouvaient  encore  quelques  faibles  ressources 
surlesderrières  de  leurs  cantonnements,  duo6té  de  Leiria,  Santa- 
Cruz,  Oarem  etThomar;  mais  l'autre  partie  de  Tarmée,  placée 
plus  près  du  Tage,  avait  déjà  tout  épuisé  à  une  grande  dis- 
tance autour  d'elle.  Les  environs  d* Alcobaça  et  de  Porto-de-Moz 
avaient  fait  vivre  pendant  quelque  temps  le  3®  et  le  8«  corps; 
bientôt  ces  contrées  forent  également  épuisées  ;  il  fallut  alors 
fourrager  plus  loin.  Les  détachements  s'avancèrent  d'abord  jus- 
qu'à la  Liz  9  parcourant  tout  le  pays  situé  entre  cette  rivière  et 
la  mer,  Jusqu'à  la  hauteur  de  Leiria;  ils  poussèrent  ensuite  Jus- 
qu'à la  Soure,  et  bientôt  après  ils  passèrent  cette  rivière  et  s'a- 
venturèrent jusqu'àallerenleverduvraetdes  bestiaux  sous  le  ca- 
non de  Tennemi,  qui  bordait  la  rive  droite  duMondégo.  De  petits 
dépôts  intermédiaires  furent  établis  sur  les  bords  de  la  Liz,  de 
hi  Soure  et  du  Mondégo,  où  l'on  réunissait  tout  ce  que  les  ma- 
raudeurs pouvaient  recueillir  dans  des  contrées  plus  éloignées. 
Chaque  corps  avaitsoin  d'yentretenirun  petitnombred'hommes, 
sous  les  ordres  d'un  officier  actif  et  intelligent  :  cet  officier  était 
le  fournisseur  en  chef  des  vivres  du  régiment.  Chaque  partie  de 
t  sa  petite  troupe  avait  des  fonctions  différentes  :  les  uns  étaient 

constamment  occupés  à  fouiller  les  vallées ,  les  montagnes ,  les 
endroits  les  plus  escarpés,  les  Iles  au  milieu  des  rivières,  poor  y 
découvrir  tout  ce  que  les  habitants  y  avaient  eaché,  et  ils  le  rap- 


676  LIYfiB  SEPTIAmB. 

iitif .  portaient  au  dépôt.  Là,  d'futres  étaient  chargés  de  parquer  les 
Portugal,  troupeaux,  de  ipoudre  le  grain ,  de  faire  du  pain  ou  du  i)iscuit 
et  de  distiller  de  Teau-de-vie  %  parce  que  le  \in  était  très-dif- 
ficile à  transporter.  Quelques-uns  étaient  ciiargés  des  voyages  da 
dépôt  au  régiment  et  du  régimait  au  dépôt,  pour  y  conduire 
ces  différents. approYisionnements.  Les  chemins  étaient  conti- 
nuellement couverts  de  ces  nombreux  convois  faiblement  es- 
cortés. Il  eût  étéfacileàrennemide  les  intercepter  en  débouchant 
de  Péniche  ou  de  tout  autre  point  de  la  côte  jusqu'à  flgudra; 
mais,  dans  cette  partie  comme  devant  Lisbonne,  il  8*était  posé, 
pour  ainsi  dire»  des  limites  qu'il  n'osait  point  franchir. 

Les  intentions  de  l'empereur  étaient  que  le  marédial  Masséna 
tint  ferme  devant  les  Anglais,  en  attendant  les  renforts  qui  loi 
étaient  promis»  s'il  ne  trouvait  pas  Toccasion  de  les  attaquer  avec 
avantage»  dût -il  passer  l'hiver  dans  ses  positions.  Restait  à  sa- 
voir si  ces  intentions  pouvaient  être  remplies.  Les  premières  dé- 
monstrations du  général  Montbrun  sur  Âbrantès  n'ayant  pro- 
duit aucun  résultat,  Wellington  avait  eu  le  temps  de  renforcer 
la  garnison  de  cette  place»  et  Masséna  s'était  assuré,  dès  le  com- 
mencement de  décembre,  qu'on  ne  pouvait  s'en  rendre  maître 
qu'au  moyoi  d'un  siège  en  règle.  D'ailleurs  l'occupation  d'A- 
brantès  n'offrait  aucun  avantage  réel»  et  l'ennemi  n'aurait  pas 
manqué  debrûler  ou  de  détruire  son  pont  de  bateaux;  cette  place 
devait  tomber  nécessairement  après  le  passage  du  Tage,  et  Toli 
aurait  tûré  de  l'Alentéjo  de  quoi  l'attaquer. 

Quelque  désir  qu'eût  Masséna  de  prolonger  son  séjour  dans 
ses  positions  jusqu'à  la  fin  de  février,  comme  le  voulait  l'empe- 
reur, il  n'entrevoyait  pas  la  possibilité  défaire  vivre  l'armée  jus- 
qu'à cette  époque.  Les  ducs  d'Elchingenet  d' Abrantès  pensaient 
que  cela  serait  possible  ;  Reynier  ne  le  croyait  pas,  et  il  avait  rai- 
son. Les  chevaux  dépérissaient  chaque  jour  faute  de  paille  et  de 
iburrage,  et  les  hommes  ne  souffraient  pas  moins  de  la  disette 
*  des  vivres  qu'il  fallait  journellement  aller  chercher  à  de  grandes 
distances  des  positions  occupées  par  l'armée. 

Sur  ces  entrefaites,  l'armée  anglo-portugaise  reçutde  nouveaux 


■  On  connaît  Tactive  industrie  da  soldat  français.  Il  n^est  point  de  régi- 
ment où  il  ne  se  trouve  des  artisans  de  tonte  espèce  de  profession. 


GUVBBE    D  ESPAGr«E«  ii77 

renforts.  Une  expédition  projetée  par  FAngleterre  en  Cala-  ijtii. 
bre  ayant  été  ajournée,  une  grande  partie  des  troupes  anglaises  ■*^*'**5*'* 
destinées  à  défendre  la  Sicile  fut  transportée  en  Portugal.  Wel- 
lington, craignant  d'être  attaqné  sur  la  rive  gauche  du  Tage, 
avait  profité  de  l'arrivée  de  ce  renfort  pour  augmenter  considé- 
rablement le  nombre  de  ses  troupes  sur  cette  rive,  et  en  avait 
confié  le  commandement  général  au  maréchal  Beresford,  qu'il 
avait  encore  renforcé  dans  les  journées  des  15  et  16  janvier. 
C'est  alors  que  le  prince  dTssling,  ayant  appris  que  Tarmée 
ennemie  préparait  de  grands  mouvements,  ordonna  au  général 
Beynier  et  au  duc  d'Abrantès  de  pousser  de  fortes  reconnais- 
sances en  avant  de  leurs  lignes^  pour  s'assurer  si  lord  Welling- 
ton avait  en  effet  porté  des  masses  sur  sa  gauche,  par  où  11  lui 
était  plus  facile  de  déboucher.  Le  duc  d'Abrantès  devait  se  di- 
riger en  force  sur  la  ville  de  Rio-Mayor,  en  chasser  l'ennemi, 
éclairer  la  partie  d'Alcoentre,  pour  le  forcer  à  se  dégarnir  sur 
la  rive  gauche. 

Le  19  janvier,  ce  général  se  mit  à  la  tète  de  2,500  hommes 
d'infanterie  et  de  400  chevaux,  et  partit  d'Alcanhède,  à  cinq 
heures  du  matin,  pour  marcher  directement  sur  Rio-Mayor.  L'en- 
nemi tenait  habituellement  dans  cette  ville  plusieurs  bataillons 
et  quelques  cents  chevaux;  il  y  était  couvert  par  la  rivière  du 
même  nom  et  par  de  bons  retranchements  au  delà  du  pont,  qui 
était  en  outre  fortement  barricadé;  ses  grand'gardes  étaient  à 
moitié  chemin  d' Alcanhède,  en  face  de  celles  des  Français  :  elles 
firent  volte-face  à  rapproche  de  leurs  adversaires  et  coururent 
au  galop  donner  Valarme  à  toute  la  ligne.  Les  Français,  en  les 
suivant  devant  la  ville,  y  trouvèrent  par  conséquent  tout  dis- 
posée faire  bonne  contenance.  Le  duc  d'Abrantès  donna  aussi- 
tôt Tordre  d'emporter  les  retranchements  et  le  pont;  quelques 
compagnies  de  voltigeurs  y  marchèrent  avec  tant  d'impétuosité 
que  cette  opération  fut  l'affaire  d'un  moment  :  en  moins  d'une 
demi-heure  les  Français  demeurèrent  entièrement  maîtres  de 
Rio-Mayor,  et  l'ennemi  fut  repoussé  en  désordre  à  une  petitis 
distance  au  delà.  Le  duc  d'Abrantès,  impatient  de  voir  par  lui- 
même  quelle  direction  prenaient  les  colonnes  anglaises,  counit 
au  galop  sur  une  cminence,  au  delà  des  tirailleurs  les  plus  avan- 
cés ,  et  y  fut  giièvement  blessé  d'une  bal  le  qui  l'atteignit  au  bas 


678  LIVBB  SEPTIÈME. 

isii.  da  front.  Malgré  cette  blessure  grave,  le  doc  conserva  le  plus 
Portugal,  gj-aud  sang-froid  ;  tandis  qu'on  lui  plaçait  le  premier  appareil 
sur  le  terrain  même,  il  ordonna  de  poursuivre  vivement  rennemi 
du  côté  d'Alcoentre,  pour  s'assurer  sMI  y  avait  porté  quelques 
masses.  Les  avis  donnés  à  cet  égard  ayant  été  reconnus  faux, 
toutes  les  troupes  rentrèrent  dès  le  soir  même  dans  leurs  pre- 
mières positions. 

Le  funeste  système  que  lord  Wellington  avait  fait  adopter 
par  la  junte  de  Lisbonne  avait  eu  les  conséquences  tes  plus  ter- 
ribles pour  Tarmée  française.  A  son  approche  tous  les  habitants 
B*étaient  enfuis ,  comme  nous  Tavons  déjà  dit ,  après  avoir  dé- 
truit, livré  aux  flammes  ou  enfoui  dans  la  terre  tout  ce  quils 
supposaient  pouvoir  devenir  de  quelque  utilité  aux  envahis- 
seurs. Ce  plan,  fidèlement  exécuté,  entraînait,  il  est  vrai,  avec  lui 
la  ruine  et  la  dévastation  des  provinces  où  les  Français  avaient 
en  d'abord  l'intention  de  s'établir;  mais  d'un  autre  côté  il  les 
mettait  dans  la  nécessité  d'évacuer  le  pays,  faute  de  vivres  et 
de  ressources.  Depuis  l'affaire  de  Busaco  l'armée  n'avait  vécu 
que  de  ses  maraudes.  La  peine  de  mort  avait  été  décrétée  par 
la  Junte  contre  tout  Portugais  qui  n'abandonnerait  pas  sa  de- 
meure à  l'approche  des  Français  ;  la  crainte  avait  donc  arraché 
à  ces  infortunés  les  derniers  sacrifices  qu'ils  eussent  encore  à 
faire,  non  pas  véritablement  au  salut  de  leur  patrie,  mais  aux 
intérêts  de  la  politique  anglaise.  Femmes,  enfants,  vieillards, 
chassés  plutôt  par  Fidée  du  châtiment  dont  ils  étaient  menacés 
que  par  l'arrivée  des  Français,  Aiyaient  dans  les  endroits  les  plus 
déserts,  emportant  avec  eux  leurs  effets,  leurs  provisions  de  toute 
espèce,  emmenant  leurs  bestiaux  et  ayant  soin  d'anéantir  tout 
ce  qu'ils  ne  pouvaient  enlever.  Les  creux  des  rochers,  le  som- 
met des  montagnes  les  ^lus  élevées,  les  lieux  les  plus  sauvages 
devenaient  leurs  retraites  les  plus  ordinaires;  mais  bientôt  ces 
fugitifs  eux-mêmes  ne  furent  plus  à  l'abri  des  recherches  opi- 
niâtres des  soldats  isolés,  et  ceuxquelesdétachements  marchant 
en  ordre  aux  vivres  n'avaient  pu  découvrir  d'abord  n'échap- 
paient point  aux  incursions  des  maraudeurs.  Les  eiTorts  de  ces 
derniers  pour  se  procurer  quelque  nourriture  n'étaient  point 
sans  succès  j  de  temps  à  autre  ils  trouvaient  encore  quelques 
troupeaux  cachés  dans  des  lieux  presque  inaccessibles,  soit  au 


GURBBE  d'kSPAGNE.  579 

sein  des  forêts  les  plus  toafifùeset  les  plus  sombres,  soit  dans  les  fm. 
anfractQOSités  des  rochers,  au  fond  des  précipices  les  plus  af-  '*<^**^'- 
freux,  où  nul  homme  peut-être*  n'avait  osé  pénétrer  avant  cette 
guerre;  mais  ces  réduits,  qui  auraient  pu  soustraire  ceux  qui 
les  habitaient  À  la  cupidité  de  soldats  avides  de  butin,  ne  pou* 
vaient  les  défendre  contre  la  fureur  du  soldat  affamé,  aigri  par 
les  privations  et  par  la  résistance  qu'on  lui  opposait;  exigeant 
encore  après  avoir  tout  obtenu,  il  convertissait  quelquefois  ces 
tristes  refuges  en  de  vastes  tombeaux .  Dans  la  crise  fatale  où  l'ar- 
mée se  trouvait  réduite,  le  besoin  le  plus  impérieux,  la  faim ,  se 
faisait  continuellement  ressentir;  le  soldat  accusait  Thabitant  de 
ses  fatigues  et  de  tous  ses  malheurs.  Lorsque,  dans  ses  courses 
lointaines ,  il  vit  ses  malades  égorgés ,  ses  camarades  torturés  et 
mutilés  ;  lorsque  les  troupes  portugaises,  nageant  dans  Tabon** 
dance,  eurent  donné  Texemple  de  la  cruauté  la  plus  inouïe; 
lorsque  leurs  généraux  eurent  légitimé  de  terribles  représailles 
en  faisant  trophées  de  meurtres  et  d'assassinats  y  alors  le  soldat 
français  sortit  de  son  caractère  :  il  brisa  tous  les  liens  de  la 
discipline,  il  abjura  tout  sentiment  d'humanité;  les  crimes  des 
Silveîra ,  des  Trant ,  furent  vengés  par  d'autres  crimes;  le  Por- 
tugal devint  un  théâtre  affreux  de  meurtre  et  de  carnage.  Mais 
si  quelques  soldats  Isolés  et  livrés  à  eux-mêmes  se  portaient 
souvent  à  de  cruelles  extrémités,  ce  n'était  pas  assex  pour  en 
acxsuser  toute  l'armée,  comme  Font  fait  quelques  écrivains 
français. 

Le  prince  d'EssIIng  avait  annoncé  au  major  général  qu'il 
passerait  le  Tage  à  la  fin  de  janvier  avec  les  2^  et  8^  corps, 
et  qu'il  laisserait  le  6°  et  le  o*'  sur  la  rive  droite  pour  garder  les 
communications ,  et  qu'immédiatement  après  son  arrivée  dans 
rAlentéJo  il  se  mettrait  en  rapports  avec  le  6^  corps;  mais  que, 
si  le  passage  échouait ,  il  se  verrait  forcé,  par  le  manque  absolu 
de  vivres,  d'abandonner  les  bords  du  Tage,  et  de  se  porter 
entre  le  Mondégo  et  le  DuérO;  ce  qui  serait  un  grand  malheur, 
car  le  pays,  peu  fertile  ^t  déjà  ruiné.  Tannée  précédente,  par 
les  Anglais,  ne  pourrait  longtemps  nourrir  l'armée. 

Cependant  le  prince  d'EssIing  ne  pouvait  établir  un  pont  sur 
le  Tage  et  une  tête  de  pont  dans  l'Alentéjo  que  si  un  corps  fran- 
çais apparaissait  sur  la  rive  gauche ,  à  quatre  ou  cinq  lieues  au- 

37. 


^80  LTVRB   SI^PTIBMB. 

^mi.  ûessom  (T  Abrantès.  Le  4  décembre  le  major  général  avait  or« 
Fertuffii.  ^Quné  au  duc  de  Datmatie  de  porter  on  corps  de  1 0,000  hommes 
sur  Montalvao  ou  sur  les  hauteurs  de  Villa-Velha,  pour  communi- 
quer avec  l'armée  de  Portugal  et  concourir  à  forcer  les  Anglais 
à  se  rembarquer.  Suivant  Tordre  du  prince  de  Wagram,  toute 
autre  considération  devait  disparaître  devant  le  mouvement 
qu'il  prescrivait  au  duc  de  Dalmatie.  Mais,  bien  que  cet  ordre  eût 
été  réitéré  trois  fois  de  suite ,  le  maréchal  Soult  persista  à  faire^ 
avant  tout ,  le  siège  de  Badajoz.  Il  représenta  l'impossibilité 
d'envoyer  sur  le  Tage  un  corps  de  10,000  hommes  qui  laisse- 
rait sur  ses  derrières  et  sur  sa  gauche  les  places  de  Bad]i\joz , 
Jurumenha,  El  vas,  Caropo-Mayoret  Albuquerque,  renfermant 
ensemble  22,500  hommes  de  garnison  qui  agiraient  contre  lui 
pendant  que  le  général  Hill ,  établi  sous  Abrantès ,  l'attaquerait 
de  fronU  En  même  temps  le  maréchal  Soult  annonçait  qu'il 
avait  pris  Olivença  le  22  janvier,  et  quM  allait  investir  Badajoz, 
ensuite  Gampo-Mayor,  et  qu'après  la  prise  de  ces  deux  place» 
il  se  trouverait  en  mesure  de  faire  en  Portugal  des  incursions 
«tiles  à  Tarméede  Masséna. 

Cependant  cette  armée  était  ravagée  par  les  maladies,  et  la 
disette  de  vivres  et  de  fourrages  était  arrivée  à  un  tel  point 
qu'il  devenait  indispensable  de  foire  un  mouvement  queloou- 
*  que  pour  se  rapprocher  d'une  contrée  moins  épuisée.  Tout  ce 
que  Masséna  avait  pu  faire  en  foveur  des  malades  et  des  blessés 
se  bornait  à  la  formation  d'une  réserve  de  biscuit  et  de  viande 
pour*âix  jours.  Privé  de  nouvelles  de  l'armée  du  Midi,  qui  devait 
lui  faciliter  le  passage  du  Tage,  et  n'en  recevant  pas  du  général 
Foy ,  parti  depuis  trois  mois  pour  instruire  l'empereur  delà  situa- 
tion de  l'armée ,  Masséna  avait  déjà  adressé  à  ses  lieutenanU 
un  ordre  éventuel  de  retraite,  lorsque  Foy  arriva  le  5  février 
avec  àts  dépèches  du  major  général.  Une  entre  autres  réitérait 
au  prince  d'EssIing  Tordre  de  tenir  constamment  les  Anglais 
en  échec ,  et  d'avoir  des  ponts  sur  le  Zézère  et  sur  le  Tage ,  parce 
que  la  ligne  la  plus  naturelle  de  ses  opérations  paraissait  devoir 
être  par  la  rive  gauche  de  ce  fleuve.  Cette  dépèche  lui  annonçait, 
en  outre,  qu'un  nouvel  ordre  avait  été  adressé  au  duc  de  Trévise, 
lui  prescrivant  de  se  porter  immédiatement  sur  le  Tage  avec  le 
^»  corps.  1 1  n'était  plus  permis  dès  lors  de  songer  à  la  retraite ,  et 


GURBBB   0B8PÀ6NS.  581 

il  fallut  se  i*ésouâre  à  tenter  de  nouveaux  efforts  pour  répondre      ini. 
aux  intentions  de  l'empereur.  Fortuatk 

Dès  le  1^'^  octobre  les  ateliers  de  construction  dirigés  par 
le  général  Éblé  avaient  été  transférés  de  SantareYn  à  Punhète. 
Les  premiers  bateaux  étaient  destinés  à  établir  deux  ponts  sur 
le  Zézère  à  Punhète  et  MartincheK  On  ne  pouvait  pas  entre-* 
prendre  le  passaged'un  fleuve  comme  le  Tageeaprésence  de  Ten- 
neml ,  ni  songer  à  un  établissement  permanent  sans  être  en 
état  de  former  un  double  pont.  Mais  le  pays  n'offrant  aucune 
ressource,  toat  avait  été  fort  long  à  confectionner  :  ce  ne  fut 
que  vers  la  mi-janvier  que  l'on  eut  quatre-vingts  bateaux  né- 
cessaires pour  les  ponts  du  Tage ,  indépendamment  de  ceux  du 
Zézère  ;  il  fallut  travailler  ensuite  à  la  construction  des  bacs,  des. 
nacelles  et  des  baquets  pour  un  premier  pont  de  quarante  ba* 
teaux.  A  la  fin  du  mois  il  existait  assez  de  bateaux  pour  tenter  ^ 

le  passage;  mais  Tennemi,  effrayé  de  ces  préparatifs,  avait  en- 
tassé retranchements  sur  retranchements  vis-à-vis  de  Punhète 
et  de  l'embouchure  du  Zézère,  et  y  avait  renforcé  et  concentré 
ses  troupes.  Il  était  également  dangereux  de  tenter  le  passage 
«Santarem  en  y  faisant  descendre  les  barques,  parce  qu'outre  le< 
risque  d'être  coulées  par  les  batteries  de  la  rive  gauche  eDes  au* 
raient  couru  celui  d'échouer  sur  les  bas-fonds  dont  le  lit  du 
fleuve  est  parsemé  à  cette  hauteur.  Enfin,  quel  que  fût  le  point 
choisi  sur  la  rive  droite  pour  entreprendre  cette  opération,  on 
avait  à  craindre  un  échec  qui  eût  compromis  le  sort  de  l'armée. 

Bans  un  tel  état  de  choses,  Masséna  crut  devoir  suspendre 
une  entreprise  si  difficile  et  même  inutile ,  puisque  la  coopération 
annoncée  du  5^  corps  annulait  nécessairement  toute  résistance 
et  assurait  les  moyens  de  passer  sans  aucun  danger.  Ees  lettres 
du  major  Casablanca,  expédié  au  major  général  avant  l'entrée 
de  Tarmée  en  Portugal ,  et  les  dépêches  du  général  Foy  lui  fai- 
saient espérer  que  cette  diversion  tant  désirée  ne  se  ferait  pas 
attendre.  Tout  dépendait  donc  de  l'arrivée  du  5*^  corps.  La 
promesse  du  prince  de  Wagram  et  Tordre  de  tenir  sur  le  Tage 
et  de  gagner  le  plus  de  temps  possible  étaient  formels;  il  fallut 
se  résigner  à  attendre  et  à  prolonger  les  souffrances  de  cette 
brave  amiée.  Cependant  le  prince  d'EssIing  ne  se  méprit  pas 
longtemps  suria  prochaine  arrivée  du  duc  de  Trévise  ;  il  corn- 


ÔS2  LIVBE   8EPT1BUB. 

isi  r.  W^^  bientôt  que  celui-ci  ne  viendrait  pas ,  et  que  l'armée  de  Por* 
Purtusaf.  tugal,  loin  d'être  aidée  par  celle  d'Andalousie,  servirait  au 
contraire  à  protéger  les  opérations  de  cette  dernière;  et,  en  efiet , 
pendant  qu'on  l'attendait  sur  les  bords  du  Tage,  elle  faisait 
tranquillement  les  sièges  d*01ivença  et  de  Badiyoz.  Oaenteu* 
dait  au  loin,  vers  le  sud,  le  bruit  sourd  de  sou  artillerie,  qui 
entretint  pendant  quelque  temps  les  espérances. 

En  attendant  les  Anglais  s'étaient  renforcés  de  tous  cètés  et 
commençaient  à  se  mouvoir.  Le  pays  en  deçà  du  IMondégo  était 
épuisé  ;  les  derniers  approvisionnements  étaient  consommés,  à 
l'exception  d'une  réserve  de  biscuit  pour  quinie  jours ,  seule 
ressource  de  l'armée  en  cas  de  retraite.  Il  ne  restait  dans  les  trois 
corps  d*armée  que  28,000  fantassins  en  état  de  combattre.  Le 
canon  deBadajozse  faisait  toujours  entendre;  des  reconnais- 
sances envoyées  sur  Villaflor  et  quelques  avis  assez  certains 
annonçaient  qu'aucune  troupe  française  ne  marchait  vers  le 
Tage;  enfin ,  le  passage  de  ce  fleuve  devenant  de  jour  en  jour 
plus  difficile,  le  prince  d'EssIingdut  songera  se  rapprocher  de 
ses  magasins  et  de  ses  réserves  qui  n'arrivaient  pas.  Il  fallut 
renvoyer  à  un  autre  temps  l'attaque  de  Lisbonne  et  l'établisse- 
ment d'une  armée  français^  en  Portugal,  Mais ,  avant  de  pren*- 
dre  un  parti ,  il  voulut  connaître  Topiolon  de  ses  principaux 
généraux ,  et  les  réunit  le  18  février  à  Golgao ,  chez  le  général 
Loison ,  qui  avait  fait  préparer  un  déjeuner  ;  ce  fut  ainsi  que 
Masséna ,  Ney,  Junot,  Reynier,  Éblé,  Lazovski ,  Fririon ,  Foy, 
Sollgnac  et  Loison  furent  assis  à  la  même  table  sans  que  cette 
réunion  eût  le  caractère  d'un  conseil  de  guerre»  Après  le  déjeu- 
ner, le  prince  d'Ëssling  exposa  brièvement  la  situation  de 
l'armée,  fit  connaître  l'ordre  de  l'empereur  qui  prescrivait  de 
tenir  le  plus  longtemps  possible  les  Anglais  en  échec;  il  parla 
des  positions  qu'ils  occupaient,  énuméra  leurs  forces,  leurs 
ressources,  et  demanda  quel  était  le  meilleur  parti  à  prendre 
dans  les  circonstances  difficiles  où  Ion  se  trouvait.  Il  invita 
d'abord  le  général  Foy  à  i^ire  part  à  l'assemblée  du  résultat  de 
sa  mission  à  Paris  et  de  ses  eonférmicea  avec  l'empereur.  Le 
général  répéta  ce  que  renfermait  la  dépêche  déjà  mentionnée  ci- 
dessus  ,  et  ce  qu'il  avait  entendu  dire  par  l'empereur  de  Tim'- 
portance  qu'il  y  avait  à  obliger  les  Anglais  à  se  retirer  de  U&« 


OUBBBB  D*ESPAGNB.  Ô83 

bonne  (mi  par  ia  famine  ou  par  la  force,  et  par  conséquent  de  1911. 
la  nécessité  de  passer  le  Tagc  pour  nourrir  l'armée  dans  l' Alen-  '^**'''^' 
téjo  et  se  mettre  en  communication  avec  le  ô^  corps,  de  se  main- 
t^r  sur  ce  fleuve  au  moyen  d*un  établissement  solide  qui  per- 
mette de  manœuvrer  sur  les  deux  rives ,  de  tenir  constamment 
Tennemi  en  alerte ,  etc.,  etc.,  touteschoses  fort  bonnes  en  elles- 
mêmes,  parfaitementsenties  et  comprises  par  Mas8éna,qui^  pour 
les  exécuter,  aviat  moins  besoin  de  pareilles  instructions  que  de 
vivres,  de  munitions  de  guerre  et  d*un  renfort  de  20  à  30,000 
hommes,  comme  on  le  lui  avait  promis,  et  sur  lequel  il  ne 
comptait  plus. 

Les  auditeurs  du  général  Foy,  remplis  du  désir  de  se  con- 
former aux  intentions  de  l'empereur,  se  prononcèrent  unanime- 
ment pour  une  prolongation  de  séjour  sur  le  Tage. 

Masséna  demanda  ensuite  s*il  convenait  de  quitter  les  bords 
du  Tage  pour  s'établir  sur  le  Mondégo,  où  Ton  trouverait  encore 
quelques  ressources;  s*ll  valait  mieux  forcer  le  passage,  et  sur 
quel  point,  ou  s'il  était  préférable  d'attendre  l'arrivée  du  5^ 
corps,  jusqu'à  ce  qu'on  fût  rédait  à  la  dernière  extrémité  et 
alors  forcé  d'adopter  l'un  ou  l'autre  des  deux  premiers  partis. 

La  retraite  sur  le  Mondégo  fut  presque  unanimement  repous- 
sée comme  étant  contraire  aux  volontés  de  l'empereur;  le  pas- 
sage du  Tage  présentant  trop  de  difficultés,  soit  que  l'on  voulût 
le  tenter  à  Punhète ,  à  Montalvao ,  à  Abrantès  ou  à  Santarem , 
on  finit  par  se  rendre  à  l'avis  du  général  Foy,  qui  consistait  à 
attendre  l'arrivée  du  5®  corps;  et  Masséna,  bien  convaincu  que 
le  due  de  Tlrévise  ne  viendrait  pas ,  que  dans  quelques  Jours  on 
serait  forcé  de  prendre  le  parti  de  la  retraite,  congédia  l'assem- 
blée sans  lui  communiquer  sa  pensée ,  et  fit  ses  préparatifls 
pour  mettre  Tarmée  en  état  d'attaquer  ou  de  se  retirer  sur  le 
Mondégo  \  Il  avait  bien  vu,  pendant  la  conférence,  que 
ebftcun  inclinait  à  ajourner  le  passage  du  Tage  jusqu'à  l'arrivée 
du  5*  corps.  Le  général  Foy,  qui  avait  écrit,  de  Giudad-Ro- 
drlgo,  les  lettres  les  plus  pressantes  au  maréchal  Soult  pour 
lui  foire  connaître  les  vues  de  l'empereur,  dont  la  volonté  for- 

^  Yoir  les  Ménuoires  de  Masséna^  parle  général  Kocli,  t.  VIT,  page  313 
al  saivantes ,  où  la  conférence  de  Golgaa  est  rapportée  avec  détaila. 


SS4  IIVRB   SEPTlèul, 

iirti.  meileétait  que  Tamiée  d'Andak>usie  marchât  iiumedîateaieDtsur 
Portugal  ]^  j^gg^  promettait  que,  selon  toutes  les  probaliUités,  le  S*  corps 
paraîtrait  sur  la  rive  gauche  sous  huit  à  dix  jours. 
•  Masséua  et  Reynier  ne  partageaient  pas  cette  opinion,  Reynier 
surtout,  qui  mourait  de  faim  à  Santarero,  et  qui  affirmait  ne 
pouvoir  pas  vivre  plus  de  cinq  à  six  Jours  sans  manger  saréaerve 
de  biscuit.  En  effet,  malgré  les  plus  grands  efforts  laits  depuis 
un  mois  pour  s'alimenter,  le  2®  corps  éprouvait  la  pk»  affineose 
disette.  Indépendamment  deô  différents  détadiements  qui 
avaient  marché  dans  plusieurs  directions  et  simaltanément^  avec 
toutes  les  bétes  de  somme  que  Ton  avait  pu  rassembler^  et  qui  s'é- 
taient portés ,  les  uns  sur  Gastello^Branco ,  d*aulies  vers  les  con- 
trées qu'aprosent  la  Geira  et  i'Âlva ,  quelques  soldats  du  corps  de 
Reynier  s'étaient  aventurés  sur  de  faibles  radeaux ,  malgré  le 
icu  de  rartillene  et  de  la  mousqoeterie ,  pour  aUer  enlever  des 
provisions  de  toute  espèce  que  Tennemi  croyait  eu  sûreté  dans 
plusieurs  (les  près  de  Figuiera,  et  dont  ils  firent  même  les  gar*^ 
nisons  prisonnières.  Toutes  ces  expéditions  n'avaient  ramoié 
que  quelques  troupeaux  de  moutons,  de  chèvres,  fort  peu  de 
bœufs,  et  quelques  sacs  de  maïs;  ces  faibles  ressources,  bien 
insufflsmites  pour  les  besoins  de  l'armée,  n'avaient  daré  que  peu 
de  jours ,  quelque  sévère  économie  que  Von  apportât ,  d'ailleurs, 
dans  la  distribution  que  Ton  en  faisait  aux  soldats. 

Le  Tage  forme,  près  du  confluent  de  l'Âlviéla ,  une  grande 
Ile  qui  est  dominée  par  les  hauteurs  de  Boavista  sur  la  rivs 
droite,  et  qui  n'est  séparée  de  la  rive  gauche  que  par  un  petit 
braa  guéable  et  même  à  sec  dans  les  eaux  basses,  et  par  consé- 
quent aisé  à  franchir^  En  occupant  fortement  cette  ik  pendant 
la  nuit ,  on  aurait  pu  y  attacher  le  pont.  Cette  opération  pré^ 
sentait  plus  de  sûreté  que  rétablissement  du  pont  spr  .un  des 
points  situés  au-dessus  ou  au-dessous  de  Santaj^em,  et  offrait 
les  mêmes  avantages  que  l'ile  deLobau  dans  le  Danube^  En  des-  . 
çendant  les  barques  par  le  Tage  ou  sur  des  haquets^  on;  pouvait, 
sans  rencontrer  d'opposition,  jeter  des  troupes  dans  rUe  et  roc- 
cuper  entièrement  ;  mais,  d^ns  la  conférence  de  Qelgao,  te  gé- 
néral Ëblé  s'était  prononcé  contre  la  possibilité  de  transporter 
les  bateaux  par  terre  depuis  .Punhète  jusqu'à  remboiicliure 
de  r^lviéla ,  à  cause  du  mauvais  état  des  chemins  et  de  i'épui^ 


GUBBBK   D'BSPAGNB.  585 

sèment  des  chevaux  de  Tartillerie.  Les  descendre  par  eau  sur  ign. 
le  Tage  avait  paru  encore  plus  difficile;  car,  outre  les  dangers  '*»«'*^«** 
de  la  navigation  causés  par  les  bas-fonds,  on  était  trop  à 
portée  des  batteries  de  la  rive  gauche  qui  auraient  pu  détruire 
l'équipage  de  pont  créé  avec  tant  de  peine  et  tant  d'industrie. 
On  avait,  donc  renoncé  à  tenter  ce  dernier  et  unique  moyen 
de  passage;  mais  Reynier,  se  doutant  que  Tlle  dont  il  s'agit  ren- 
fermait des  ressources  en  vivres,  avait  obtenu  de  Masséna^  après 
de  «vives  instanees,  six  bateaux  de  l'équipage  de  pont,  et  le 
19,  à  neuf  heures  et  demie  du  soir,  le  capitaine  Parmentier, 
qui  en  avait  pris  le  commandement,  suivit  avec  sa  petite  flot- 
tille la  rive  droite  du  Zézëre  et  entra  dans  le  Tage ,  où ,  aperçu 
par  les  postes  portugais,  il  fut  accompagné  jusqu'à  l'embou- 
chure de  TAlmonda  par  un  feu  de  mousqueterie  soutenu ,  mais 
de  peu  d'effet,  et  à  cinq  heures  et  demie  du  matin  la  flottille  entra 
dans  l'Alviéla.  Là  le  capitaine  Parmentier,  prenant  30  soldats 
du  47*  de  ligne  sur  chacun  de  ses  bateaux,  débarqua  le  21,  en 
moins  de  dix  minutes,  dans  Tile,  où  l'on  trouva  des  grains  et  du 
bétail.  On  chargea  rapidement  les  bateaux,  qui  firent  trois  voya- 
p;ed  ;  mais»  les  postes  ennemisayant  donné-l'éveil,  des  troupes  ac- 
coururent pendant  rembarquement,  qui  s'opéra  presqueendésor- 
dre,  et,  peu  de  tempsaprès,  plus  de  4,000  hommes  et  500  chevaux 
s'établirent  en  face  de  l'Ile  et  y  jetèrent  un  fort  détachement. 

L'expédition  du  capitaine  Parmentier  venait  de  prouver  la 
possibilité  de  conduire  des  bateaux  de  Punhète  dans  l'Alviéla, 
malgré  Topinion  contraire  du  général  Éblé,  malheureusement 
partagée  par  Masséna.  L'ennemi  étant  prévenu ,  il  ne  resta 
plus  que  la  triste  convicliou  d'avoir  perdu  cette  chance  de  pas- 
sage donton  n'avait  pas  su  profiter.  Si,  au  lieu  de  se  brouiller 
avec  l'empereur  de  Russie,  qui  ne  voulait  pas  la  guerre, 
Napoléon,  instruit  par  le  général  Foy  de  l'état  des  affaires  en 
Portugal,  eut  marché  en  personne  au  secours  de  Masséna  à  la 
tète  d'une  armée  de  80,000  hommes,  il  eût  bien  su  trouver  le 
moyen.de  franchir  le  Tage  comme  il  avait  su  franchir  le  Danube 
en  présence  de  200,000  Autrichiens  ;  il  terminait  promptement , 
devant  Torrès-Védras,  la  lutte  avec  l'Angleterre,  donnait  la  paix 
à  l'Europe,  et  la  funeste  campagne  de  1812  n'eût  pas  eu  lieu. 

Au  moyen  de  sa  trouvaille,  Keynier  put  vivre  encore  quel- 


âSG  LIVHB   SEPTlàMB. 

iSH.  QU^  temps  ;  mais,  dans  les  derniers  jours  de  février,  les  marau- 
Poriugai.  ^gm.5  jie  rapportant  plus  rien ,  bien  que  les  deux  tiers  de  l'ar- 
mée s'occupassent  encore  à  rôder  et  à  fouiller  inutilement 
les  campagnes»  on  allait  être  réduit  à  entamer  la  prédetise 
réserve  de  Iriscait.  Du  reste,  rennemi  devenait  chaque  Jour 
plus  entreprenant;  il  avait  doublé  ses  avant-^postes;  de  firé- 
quentBs  escarmouches  avaient  lieu  avec  la  cavalerie.  Gomme 
il  menaçait  particulièrement  la  droite  de  la  ligne  française, 
la  plus  grande  partie  de  la  division  du  général  Clausel,  fort 
affaiblie  par  un  grand  nombre  de  malades,  se  concentra  près 
d'Alcanhède,  afin  de  s'opposer  aux  tentatives  que  Tennemi 
annonçait  de  ce  c6té.  Ces  diverses  démonstrations  venaient  à 
l'appui  des  rapports  qui  annonçaient  que  lord  Wellington  se 
disposait  sérieusement  à  reprendre  TofTensive.  S'il  eût  mis  ce 
dessein  à  exécution ,  la  perte  de  Tarmée  française  paraissait 
inévitable  :  disséminée  sur  une  grande  étendue  de  terrain , 
elle  ne  pouvait  plus  vivre  du  moment  où  Tennemi  la  forcerait 
à  se  concentrer  sur  un  seul  point  ;  attaquée  de  front ,  comment 
eùt-elle  pu  manœuvrer  dans  un  pays  difficile,  avec  une  artille- 
rie et  des  équipages  mal  attelés,  et  cette  immense  quantité  de 
malades  qu'elle  traînait  à  sa  suite?  Elle  tombait  véritablement 
d'inanition.  Depuis  plus  d'uo  mois  ni  officiers  ni  soldats  nV 
valent  mangé  de  pain  ;  de  grandes  chaleurs  pendant  le  Jour,  des 
froids  très-viii»  pendant  la  nuit,  des  pluies  continuelles,  l'humidité 
des  bivouacs ,  la  continuité  des  marches  et  des  fatigues  avaient 
énervé  le  soldat.  Cette  armée  si  belle,  six  mois  auparavant, 
en  entrant  en  campagne ,  ne  paraissait  plus  la  même.  Les  00m- 
mnnications  avec  l'Espagne  étaient  coupées;  Silvéïra,  avec  ses 
Portugais  échappés  au  général  Claparède,  se  trouvait  sur  toutes 
les  routes.  Les  détadkements  isolés  étaient  attaqués,  quelque- 
fois battus;  l'ennemi  prenait  de  la  force  et  delà  eonsistanee 
tandis  que  Tarmée  française  périssait  de  fkim  et  de  misère  ;  en 
un  mot,  elle  était  arrivée  au  plus  haut  point  de  détresse ,  lors- 
que le  prince  d'Ëssling,  sentant  qu'il  n'y  avait  plus  moyen  de 
rester,  résolut  de  commencer  son  mouvement  de  retraite  sur 
le  Mondégo,  qu'il  n'avait  retardé  que  pour  remplir  les  intentions 
de  l'empereur,  qui  voulait  que  l'armée  de  Portugal  restât  sur 
le  Tage  jusqu'à  la  dernière  extrémité. 


GUEBRB   d'eSPAGMB.  687 

Vannée  française  bat  en  retraite.  —  Suivant  le  plau  de  .  ign 
retraite  arrêté  par  MasséDa,  1  armée  devait  pivoter  de  Leiria  ^jÎ^iJ^îÏ' 
vers  Pombal  et  E^pinhai ,  et  se  porter  sur  Coïmbre.  Cette  mar- 
che, des  bords  de  l'Alraonda  sur  Coïmbre,  obligeait  à  opérer 
d*abord  un  diangement  de  front  perpendiculaire,  Taile  gauche 
en  arrière ,  devant  une  armée  très-supérieure,  qui  occupait  en 
force  les  envh-ons  du  pivot  ainsi  que  les  débouchés  de  la  ligne 
principale  de  retraite  sur  la  route  de  Leiria ,  et  qui  avait ,  à 
l'autre  extrémité,  un  pont  tout  prêt  à  Âhrantès  pour  marcher 
dans  la  direction  d'Ourem  et  de  Thomar.  Si  Wellington  préve- 
nait Tarmée  sur  Leiria ,  il  fallait  livrer  une  bataille  fort  douteuse 
ou  renoncer  à  Coïmbre  et  se  voir  rejeté  sur  la  mauvaise  route 
d'Ëspinhal.  11  importait  donc  de  le  tenir  dans  une  incertitude 
complète  sur  le  mouvement  qui  allait  être  exécuté  soit  sur 
le  Moodégo  et  Coïmbre,  soit  sur  Punhète,  pour  y  passer  le 
Tage»  soit  enlin  derrière  le  Zézère,  et  plus  tard  sur  Castello- 
Branco. 

Le  l^*"  mars  le  2^  corps  reçut  Tordre  de  commencer  son  mou- 
vement dans  la  nuit  du  ô  au  6,  par  Golgao,  Thomar  et  Espin- 
hal,  et  le  8^  par  Torrès-Novas,  Chao-de-Maçans  et  Pombal. 
ht  6*  corps,  sur  lequel  Tarmée  allait  pivoter,  et  auquel  furent 
réunis  le  0^  corps  et  la  cavalerie  de  Montbrun,  reçut  i^ordre 
d*ètre  rendu  le  d  à  Leiria.  La  division  Loison  devait  rester 
]usqtt*au  7  à  Punhète  pour  entretenir  l'ennemi  dans  la  pensée 
que  l'armée  se  disposait  à  passer  le  Tage. 

Le  4  au  soir  y  les  malades  et  les  blessés ,  le  parc  d'artillerie  et 
les  gros  bagages  fui'ent  évacués  sur  Thomar.  Le5 ,  à  l'entrée  de 
la  nuit ,  toute  l 'armée  commença  son  mouvement.  Reynier  se 
dirigea  sur  Golgao ,  après  avoir  détruit  le  pont  de  l'Alviéia  et 
ftdt  barricader  celui  de  TÂlmonda;  et  le  6  ses  deux  divi- 
sions s'établirent  à  Golgao.  Le  même  Jour  le  duc  d*Abrantès 
arriva  à  Torrès^Novas ,  le  comte  d'Erlon  à  Moliano ,  et  Ney  se 
porta  sur  Ourem  et  Leiria. 

Avant  de  commencer  son  mouvement ,  Masséna  chargea  le 
général  Foy  de  porter  de  nouvelles  dépèches  au  major  général, 
qu'il  instruisait  de  sa  retraite  sur  le  Mondégo.  Foy  partit  le 
T  au  matin,  et,  moins  heureux  que  la  première  fois,  il 
^illit  être  pris,  le  20,  par  un  parti  espagnol,  près  de  Pan- 


588  LIVBE   SEPTIÈME. 

iftH.  corvo.  Le  jour  de  son  départ,  Reynier  était  à  Thomar ,  le  doe 
Portugal.  d»A.brantès  à  Ourem  et  le  maréchal  Ney  à  Leiria,  Loison ,  qui 
était  resté  à  Punhète,  livra  aux  flammes ,  dans  la  nuit,  Téqui- 
pagede  pont,  fruit  de  l'admirable  industrie  du  générai  Éblé, 
auquel  il  &isait  tant  d*honneur.  De  là  Loison  marcha  à  Thomar 
pendant  que  Drouet  retournait  à  Leiria. 

Dans  la  matinée  du  6,  Wellington  »  qui,  depuis  le  4 ,  avait 
aperçu  le  mouvement  des  Français,  était  encore  dans  Tin- 
certitude  sur  le  véritable  objet  de  leurs  opératicMis;  mais  à 
midi  il  fit  occuper  Santarem  et  passer  le  Tage  à  une  partie  des 
troupes  du  maréchal  Beresford,  pour  s'opposer  à  l'établissement 
d'un  pont  que  lui  faisaient  craindre  des  préparatifs  faits  osten- 
siblement à  PunhètCy  où  toutes  les  démonstrations  de  passage 
avaient  été  simulées.  Ayant  appris  le  7  au  soir  que  l'équipage 
de  pont  venait  d'être  brûlé ,  il  s'avança  jusqu'à  Thomar  avec 
trois  divisions  d'in&nterie  et  deux  brigades  de  cavalerie, 
tandis  qu'il  faisait  suivre  les  8*  et  2®  corps  par  sa  division 
légère. 

Le  maréchal  Ney,  chargé  de  faire  Tarrière-garde,  avait 
sous  ses  ordres  quatre  divisions  :  celles  du  général  Marchand,  i 
la  droite  de  Caval-os-Ovos ,  du  général  Mermet,  à  gauche,  de 
Drouet,  à  Yenda-da-Boica,  de  Loison,  à  Arneiro,  et  la  cavalerie  de 
Montbrun  fermant  la  marche  et  placée  en  seconde  ligneàhan* 
teur  d'Aranha  ;  plus  vingt-huit  bouches  à  feu.  Il  était  juste  qae 
le  6^  corps,  qui  avait  le  moins  souffert  dans  ses  cantonnements, 
remplit  cette  mission;  d'ailleurs  le  maréchal  Ney  était  l'homme 
qui  devait  en  être  chargé  pour  le  salut  de  l'armée.  Le  géoéral 
Marcognety  qui  était  à  Pombal  avec  une  brigade  de  la  1" 
division  du  6^  corps,  occupait  le  poste  avancé  de  Redinha. 
Le  2^  corps  avait  quitté  Thomar  le  8  à  quatre  heures  du  roatia 
et  devait  être  rendu  le  lendemain  à  Cabaços.  Le  8''  corps  avait 
suivi  la  route  de  Pombal  et  s'était  établi  à  Santa-Maria.  Le 
9  Reynier  se  porta  à  Venda-Nova  dos  Figueiras  ;  Junot  gagna 
Yenda-da-Cruz,  et  Loison,  qui  n'avait  pas  encore  rejoint,  s'é- 
tablit a  Aociao,  liant  Ney  avec  Reynier,  qui  cherchait  à  débou- 
cher dans  la  vallée  du  Mondégo  par  ËspinhaL 

Wellington,  craignant  que  le  projet  du  prince  d'Essling  ne  fôt 
de  s'arrêter  aussi  longtemps  à  Coimbre  qu'à  Santarem ,  résolul 


de  l'en  empêcher  %  dût-il  même  livrer  une  bataille.  Eneffet,  si  fitii. 
Masséna  s'établissait  solidement  sur  la  rive  droite  du  Mondégo,  ^^^s»^- 
d'où  il  pouvait  tirer  des  secours  d'Kspagne  et  trouver  à  vivre 
abondamment  dans  les  plaines  fertiles  situées  entre  ce  fleuve 
et  le  Duéro  ,  l'armée  anglaise  courait  le  danger  de  rester  long- 
temps enfermée  dans  le  pays  dévasté  de  la  rive  gauche  et  d'y 
mourir  de  faim  ou  d'évacuer  Lisbonne ,  ce  que  demandait  le 
ministère  anglais ,  fatigué  de  pourvoir  aux  dépenses  énormes 
qu'exigeait  l'entretien  de  son  armée  de  Portugal.  Wellington 
se  borna  donc  à  faire  suivi*e  le  2*  corps,  qui  se  dirigeait  de 
Thomar  sur  Espinhal ,  par  un  corps  de  cavalerie  et  quelque 
infanterie.  Une  plus  forte  colonne  se  montra  à  la  suite  du  8^, 
qui  continuait  à  marcher  sur  Pombal  par  Ghao-de-Maçans 
et  Obranco;  mais  les  plus  fortes  masses  ennemies  se  ras- 
semblèrent à  Alcoentre  et  se  portèrent  sur  Leiria,  espérant 
déborder  les  Français  et  être  sur  le  IVfondégo  avant  eux. 

En  arrivant  le  9  à  Pombal  ^  Masséna  donna  l'ordre  à  Mont- 
brun  de  se  porter  sur  le  Mondégo  avec  les  1 5*  et  25'^  régiments  de 
dragons  pour  faciliter  le  passagede  ce  fleuve  au  8*  corps,  qui  était 
déjà,  sur  la  Soure  (  affluent  de  gauche  du  Mondégo ,  qui  porte  le 
nom  d'Arunca  au-dessus  de  Pombal  ).  Pour  donner  le  temps 
à  Montbrun  et  à  Junot  de  rétablir  le  pont  de  Coîmbre,  dont  une 
seulearche  avait  été  coupée,  et  d'occuper  la  ville,  qui  n'était  gardée 
que  par  200  hommes  de  la  brigade  de  Trant,  Masséna  résolut  de 
séjourner  le  10  à  Pombal;  mais  il  n'était  plus  temps  de  songer  à 
occuper  Goïmbre  en  présence  de  la  masse  principale  des  forces 
ennemies  déjà  concentrées  sur  la  route  de  cette  ville  et  en  vue 
de  l'arrière-garde  française.  Envoyant  Masséna  s'arrêter  devant 
Pombal,  pendant  qu'il  envoyait  des  troupes  en  arrière  pour  s'em- 
parer de  Goïmbre,  Wellington  avait  rappelé  à  lui  le  corps  du 
maréchal  Beresford  »  destiné  à  mareher  au  secours  de  Badajoz,  as- 
siégé parle  maréchal  Soult,  ainsi  que  la  division  Gole  et  la  grosse 
cavalerie,  qui,  la  veille,  avaient  quitté  Thomar  pour  se  porter 
également  en  Estrémadure.  G'était  donc  deux  jours  plus  tôt 

*  C^était  aussi,  mais  par  un  autre  motif,  la  crainte  du  maréchal  Ney,  qui, 
dégoûté  d'une  campagne  qull  avait  faite  à  oontre-oceur,  n'aspirait  qii*à  ren- 
trer en  K«ipagne,  et  avait  cherché,  par  tous  les  moyens,  à  détourner  Mas- 
séna (ïo  HVtabh'r  à  Coimbre,  en  en  exagc^rant  les  difficultés. 


590  UTRE  âKPTiiHB. 

fgii.  qu*il  eût  fallu  envoyer  sur  le  Mondégo  la  eftvalerie  de  Monibran 
Portusai.  jjYç^  quelques  bataillons  d'in&nterie  légère,  pour  s'assurer  du 
pont  de  Coïmbre.  En  effet,  Tarmée  s*étant  mise  en  marche  le 
5  au  soir,  Montbmn  pouvait  être  devant  cette  viHe  le  8 ,  et  au- 
rait eu  Jusqu'au  12  le  temps  de  rétablir  le  pont ,  de  chasser  de 
Coïmbre  le  faible  détachement  de  Trant ,  et  de  construire  un 
second  pont  en  face  de  Péreira,  au  moyen  de  dix  chevalets, 
comme  le  confirma  plus  tard  le  rapport  du  colonel  Yalazé.  Le 
passage  ainsi  assuré  d'avance,  l'armée  pouvait  ft'anchir  tranquil- 
lement le  Mondégo  et  s'établir  sans  obstacle  sur  la  rive  droite. 
Le  10,  le  duc  d'Elchingen ,  en  position  en  avant  de  Pombal 
avec  les  divisions  Marchand  et  Mermet,  se  trouvait  en  face  de 
Tarmée  anglaise,  que  l'arrivée  successive  des  troupes  appelées  de 
Thomar  et  de  Leirla  par  Vellington  augmentait  considérable- 
ment. Craignant  d'être  attaqué  le  lendemain  par  des  forces 
supérieures,  il  demanda  à  Masséna,  dans  la  soirée,  de  le 
renforcer  de  manière  à  pouvoir  résister  à  Tenneml,  ou  de  Vau- 
toriser  à  se  retirer  en  arrière  de  PombaK  D'un  autre  côlé, 
Drouet  qui ,  dès  le  commencement  de  la  retraite ,  avait  voulu 
retourner  ù  Almeida,  disant  avoir  des  ordres  particuliers  et 
devoir  se  rendre  dans  son  commandement  territorial,  Drouet, 
qui  déjà  avait  désobéi  au  général  en  chef  dans  plusieurs  cir- 
constances, annonçait  au  duc  d'Klchingen  qu^ii  partirait  à 
minuit  de  Pombal  pour  aller  à  Condeixa,  et  que  de  la  il  conti- 
nuerait sa  marche  sur  Viseu.  Cette  fois,  aucune  prière,  aucon 
ordre  ne  purent  le  retenir,  et  à  minuit  il  partit.  Deux  heures 
aprèsJeducd'Elchingen commença  sa  retraitesur  Pombal, contre 
l'intention  de  Masséna,  qui  l'avait  engagé  à  tenir  dans  sa  position 
Jusqu'au  lendemain  matin.  Ney  et  beaucoup  d'autres  avaient 
vu  avec  satisfaction  le  comte  d'Erlon  s'éloigner  de  l'armée; 
c'était  un  motif  de  plus  pour  accélérer  l'évacuation  du  Portugal. 
Après  le  départ  de  la  division  Conroux ,  Ney  restait  avec  les 
deux  divisions  Marchand  et  Mermet ,  moins  la  brigade  Mar- 
cognet,  qui  devait  se  porter  à  Condeixa  ;  Loison  avait  reçu  l'ordre 
d'éclairer  la  droite  du  6®  corps  en  se  rapprochant  de  Redinha, 
bourg  à  six  lieues  de  Coïmbre,  et  h  hauteur  duquel  se  trouvait  le 
8^  corps. 
Le  11,  a  huit  heures  du  matin,  une  forte  colonne  anglaise, 


GUERBK   DESPAONK,  501 

composée  de  rinbnterie  légère  du  général  Erskine  et  de  la  ca-  ifm. 
Valérie  du  général  de  Slade.  avec  quatre  pièces  de  canon»  arriva  ^^''^^'s^i. 
en  présence  de  rarrière*g<trde  du  6°  corps,  formée  du  6^  léger, 
commandé  par  le  colonel  Fririon.  Ce  régiment  était  resté  sur 
la  rive  gauche  de  TArunca,  petite  rivière  à  droite  de  laquelle 
est  bftti  PombaJ,  où  Ton  arrive  par  un  beau  pont  de  pierres  en 
venant  de  Leiria.  Le  6^  léger  se  mit  aussitôt  eu  retraite  par 
échelons,  disputant  bravement  le  terrain,  et  arriva  en  bon  ordre 
jusqu^au  pont.  A  la  vue  de  Tennemi  le  maréchal  Ney  ordonna 
d'évacuer  la  ville,  sans  vouloir  écouter  le  colonel  Fririon,  qui 
lui  faisait  observer  qu'on  pouvait  défendre  le  pont  et  occuper  le 
château  qui  domine  Pombal.  Une  heure  après  les  troupes  an- 
glaises passèrent  le  pont  et  s'emparèrent  de  la  ville  et  du  châ- 
teau ;  mais  le  maréchal,  changeant  bientôt  d'avis,  ordonne  de 
reprendre  Pombal  et  de  l'incendier.  Aussitôt  le  premier  bataillon 
du  69*^  de  ligne  court  au  château^  tandis  que  les  2^  el  6°  légers 
pénètrent  dans  la  ville  au  pas  de  charge ,  culbutent  les  Anglais 
dans  la  grande  rue,  qui  devient  la  proie  des  flammes  ainsi  que 
le  reste  de  la  ville.  L'ennemi,  surpris  par  ce  vigouraux  coup 
de  main,  s'enfuit  en  désordre,  abandonnant  ses  blessés,  qui  pé- 
rirent au  milieu  de  l'Incendie.  Vers  dix  heures  les  Français 
se  replièrent  sans  être  suivis  ;  ils  avaient  perdu  une  cinquan- 
taine d'hommes  dans  cette  échauffourée.  Le  maréchal  Ney  con- 
tinua ensuite  tranquillement  sa  retraite  par  la  rive  droite  de  T A- 
runca,  en  face  des  Anglais  qui  longeaient  la  rive  gauche,  et 
alla  prendre  position,  le  soir,  à  Yenda-da-Cruz ,  à  l'entrée  de 
la  vallée  delà Soure. 

Le  12,  à  quatre  heures  du  matin,  Ney  quitta  sa  position 
pour  se  retirer  sur  les  hauteurs  en  avant  de  Redinha.  La  route 
de  Yenda-da-Cruz  à  Redinha ,  après  avoir  quitté  la  vallée  de 
TArunca,  coupe  Tétroit  ravin  de  la  Redinha,  ruisseau  qui  prend 
son  nom  dubourgbâtisursesbordseten  arrière  duquel  règneune 
chaîne  de  collines  qui  le  dominent  et  commandent  un  vieux  pont 
en  pierres  étroit  et  construit  au  nord  du  bourg,  ainsi  qu'un  défilé 
qui  seprolonge  jusqu'à  près  d'une  lieue  du  pont.  Pendant  sa  mar- 
che, le  G^  corps  fut  suivi  constamment  par  l'armée  de  Welling- 
ton, formée  sur  trois  colonnes  :  celle  du  général  Picton,  à  droite  ; 
l'infanterie  légère  du  général  Erskine ,  à  gauche ,  et  l'infanterie 


593  L1YBS    SEPTIEME. 

4911.  portugaise  du  général  Pack,  au  centre;,  ayant  derrière  elle  la 
f  oriiigaL  cavalerie  du  général  Gotton  ;  les  autres  divisions  foirmaiént  la 
réserve.  Des  nuées  de  tirailleurs  couvraient  le  front  de  ces  co- 
lonnes et  les  liaient  entre  elles.  Le  terrain  fortement  accidenté 
que  traversait  le  6"  corps  fut  bravement  et  habilement  disputé, 
depuis  six  heures  du  matin  jusqu'à  midi ,  sans  que  les  Anglais, 
qui  cherchaieut  à  envelopper  leurs  adversaires ,  pussent  obtenir 
sur  eux  le  moindre  avantage,  bien  qu'ils  fussent  trois  fois 
plus  nombreux.  On  ne  pouvait  rien  voir  de  plus  beau  et  de 
plus  imposant  que  le  6^  corps  manœuvrant  sous  les  ordres  du 
maréchal  Ney,  qui  maniait  avec  une  égale  facilité  l'infanterie  et 
la  cavalerie  ;  rien  n'égalait  laisance ,  la  précision  et  l'ordre 
admirable  avec  lesquels  ce  vaillant  capitaine  exécutait  ses  mon- 
vements  devant  Tennemi,  ni  la  confiance  qu'il  inspirait  à  ses 
soldats,  qui  Taimaient  et  ne  Pavaient  pas  quitté  depuis  les  mé- 
morables journées  d'Elchingen,  d'f  éna  etde  Friedland.  Masséna, 
des  hauteurs  en  arrière  de  Redinha ,  observait  les  mouvements 
de  Wellington  et  admirait  les  manœuvres  exécutées  avec  tant 
de  dextérité  par  son  lieutenant,  qui  semblait  se  jouer  de  l'en- 
nemi. Quand  celui-ci  osait  s'approcher  de  trop  près ,  Ney  Facca* 
blait  de  mitraille,  le  faisait  charger  à  la  baïonnette ,  ou  lan- 
çait sur  lui  sa  cavalerie ,  qui  le  ramenait  rompu  et  en  désordre 
au  point  d'où  il  était  parti.  Comptant  que  le  duc  d'Elchingen 
n'abandonnerait  pas,  avant  la  fm  de  la  journée,  le  terrain  qu'il 
défendait  avec  tant  d'habileté  et  d'énergie,  Masséna  partit 
pour  Ckindeixa,  où  Montbrun  rassemblait  les  matériaux  néces- 
saires pour  effectuer  le  passage  du  Mondégo.  Il  importait  donc 
de  tenir  le  plus  longtemps  possible  devant  Redinha;  mais, dès 
que  Masséna  fut  parti,  Ney,  pour  s'assurer  une  réserve  en  cas 
d'échec ,  fit  replier  la  division  Marchand  par  le  pont  de  Redinha , 
et  l'envoya  prendre  position  sur  les  hauteurs  en  arrière  de  ce 
bourg,  à  l'entrée  du  défilé,  ne  conservant  en  avant  que  les  6,000 
honunes  delà  division  Mermet ,  les  6'  et  1 1*  régiments  de  dra- 
gons, le  3*^  régiment  de  hussards,  que  Masséna  lui  avait  en- 
voyé le  matin ,  et  quatorze  bouches  à  feu. 
42 mars.  Combat  de  Redinha,  —  Les  Anglais,  déployés  dans  la 
plaine  en  face  de  la  i>ositioD  occupée  par  la  division  Mermet, 
cherchaient ,  comme  le  matin ,  à  déborder  les  flancs  de  Ney , 


GU)EBRB   D'ESPAGNE.  693 

Erskine  par  la  droite,  Picton  par  la  gauche;  mais  chaque  ^gf, 
coup  de  caoon  enlevant  des  files  entières  dans  les  rangs  de  Pic-  Portugal, 
ton ,  qui  avait  gravi  les  hauteurs  boisées  à  gauche  de  la  ligne 
française,  celui-<;i  se  vit  contraint  de  s'abriter  derrière  les 
hauteurs  au  pied  desquelles  s'étend  la  plaine  d*où  il  avait  dé- 
bouché. Toutefois  Wellington ,  jugeant  qu'une  seule  division 
ayant  un  long  défilé  à  dos ,  ne  résisterait  pas  à  une  attaque 
dé  front  exécutée  par  20,000  hommes^  fit  avancer  ses  réserves , 
composées  des  divisions  Cole  et  Spencer.  11  était  environ  trois 
heures  de  raprès-midi.  La  division  Picton,  formée  en  colonne, 
parvient  la  première  à  gravir  les  hauteurs  et  s'avance  à  portée 
de  fusil ,  sur  le  flanc  gauche  de  la  division  Mermet  ;  mais ,  ac- 
cueillis par  la  mitraille  de  six  pièces,  par  le  feu  des  tirailleurs 
qui  se  glissent  sur  leurs  flancs,  et  enfin  par  une  charge  à  la 
baïonnette  de  deux  bataillons  des  21^  et  59^  de  ligne,  les  Anglais 
de  Picton  sont  précipités  au  bas  des  hauteurs  et  mis  dans  une 
déroute  complète.  Le  général  Spencer,  qui  a  pris  le  commande- 
ment du  centre,  s'avance  alors  dans  la  plaine  pour  rallier  et  re- 
cueillir la  droite ,  qui  plie  eu  désordre  ;  mais  Ney  lance  sur  lui  le 
25'  léger  et  le  BO^  de  ligne,  qu'il  fait  appuyer  par  le  6*  régiment 
de  dragons,  le  3'  de  hussards  et  l'artillerie.  Reçus  par  des 
'  décharges  d'artillerie  et  de  mousquetede  et  par  une  charge  à 

'  la  baïonnette ,  les  Anglais ,  ébranlés  par  ce  choc  violent ,  com- 

I  mencent  à  flotter  en  sens  divers  ;  le  3'  de  hussards  profite  de  ce 

I  moment  de  fluctuation,  s'élance  au  galop  et  complète  le  désor- 

>  dre  et  la  confusion  en  renversant  la  première  ligne  d'infanterie 

I  sur  la  seconde.  Si,  à  cet  instant,  Masséna  eût  été  sur  le  champ 

de  bataille  avec  une  division  de  plus,  l'armée  anglaise  essuyait  un 


i  rude  échec. 


Après  cet  avantage ,  qui  avait  contraint  l'ennemi  à  déployer 
toutes  ses  forces,  il  fallut  enfin  songer  à  la  retraite,  car  le  duc 
d'Elchingen  ne  pouvait  garder  plus  longtemps  sa  position  devant 
une  armée  entière,  qui  revenait  à  la  charge  avec  des  troupes 
Ifalches.  Il  fit  donc  défiler  Tinfanteric  et  l'artillerie  par  la  gauche 
et  la  cavalerie  par  la  droite,  pour  entrer  dans  le  vallon  qui  com- 
mence au-dessous  de  Rédinha.  Il  était  quatre  heures  lorsque 
Wellington,  formant  toute  son  infanterie  sur  quatre  lignes,  s'a- 
vança contre  le  front  de  la  position,  pendant  que  Picton  recom- 

ï.  3S 


594  UVRB  SlPTlèUB. 

igii.  mençait  Taltaqu^  sur  la  gauche  et  qu'Erakttie  cherchait  à  âébo^ 
Porti«aL  j^  1^  droite;  mais  la  rdfcraite  de  la  divislou  Menni^t  s'exécutait 
déjà  en  échiquier  par  régiments.  Ceux-ci,  en  défilant  devant  les 
Anglais»  les  accueillaient  par  des  feux  de  bataillon  et  se  repliaient 
par  la  gauche  de  Rédinha ,  tandis  que  la  cavalerie  se  retirait  par 
la  droite,  pour  aller  se  placer  en  seconde  ligne  derrière  la  division 
Marchand.  L'ennemi,  après  s*étre  formé  sur  les  hauteurs  que  les 
troupes  de  Ney  venaient  de  quitter,-  laoça  ses  tirailleurs  dans  Ré- 
dinha et  tenta  de  déboucher  par  le  pont  ;  mais  il  fut  arrêté  par  le 
feu  derartilleriefrançaise,  qui  tirant  danscettedirectionf  incendia 
oeiaalheureux  bourg.  Piéton  seul  parvint  à  passer  le  ruisseau  à 
gué  et s'avançasur  la  route,  où  Tartil  lerie  de  la  division  Marchand 
le  prît  en  flanc ,  le  força  à  se  Jeter  à  gauche,  poursuivi  à  la  baïon- 
nette par  un  bataillon  du  59®  de  ligne  et  par  tous  les  tirailleurs, 
qjui  le  refoulèrent  avec  perte  au  delà  du  ruisseau.  Après  cette 
brillante  journée  le  duc  d'Elchiugen  se  retira  lentement  par 
la  route  de  Goîmbre.  De  l'aveu  des  Anglais  le  combat  de  Ré- 
dinha fut  très-meurtrier  ;  mais  ils  n'ont  pas  avoué  leurs  pertes , 
qu*on  évalue  à  environ  1,800  hommes.  Celle  des  Français  n'a- 
vait pas  dépassé  150  honomes,  tant  tués  que  blessés* 

Tandis  que  le  6®  corps  se  retirait  sur  Condeixa  par  le  défilé 
aboutissant  aux  hauteurs  qui  tombent  directement  sur  le  Mon- 
dégo  et  sur  Coimbre,  Reynier  se  portait  d*£spinhal  à  Miranda  de 
Corvo;  lecomted*Erlon,déjàarrivé  à  Miranda,  accélérait  le  réta- 
blissement du  pont  de  Murcelha ,  dont  Loison,  établi  à  Fuenté- 
Cuberta^  gardait  le  chemin.  D'après  les  rapports  de  Montbrun,  il 
follait  trente-six  heures  pour  construire  un  pont  de  chevalets  en 
facede  Perdra.  L'établissement  de  l'armée  à  Coîmbre  pouvait  en- 
core avoir  lieu  si  le  maréchal  Ney  donnait  le  temps  d'achever 
ce  pont  en  tenant  l'ennemi  en  échec  devant  Condeixa.  Le  1 3  au 
soir,  Masséna,  tout  en  félicitant  le  maréchal  sur  la  journée  de 
Rédhiha^  lui  témoigna  son  regret  de  ce  qu'il  n'avait  pas  con- 
servé sa  position  jusqu'au  soir,  et  l'engagea  à  tenir  vingt-quatre 
heures  sur  les  hauteurs  de  Condeixa,  pour  donner  le  temps 
aux  blessés  et  aux  bagages  de  filer  sur  Miranda  de  Corvo;  car, 
dans  la  crainte  que  le  6®  corps  ne  fût  rejeté  au  delà  de  Con- 
deixa ,  le  prince  d'EssIing  avait  résolu  de  s'assurer  par  précau- 
tion de  la  ligne  de  l'Ai  va.  Sans  rien  promettre  de  positif,  le 


GUBftftB    b'eSPAORB.  59^ 

duc  d*ElolilAgeii  rendit  qu'il  tiendrait,  le  lendemaiii»  le  plus      mu. 
loDgtMQpi  possible.  Pour  rassurer  Ney,  qulnquiétaiait  ks  dé*    '«f*^*- 
moostratlons  des  Anglais  sur  sa  gauche,  Masséna  avait  plaeé 
entre  lui  et  Fennemi  la  division  Loison  ,  soutenue  par  la  dlvi* 
sion  Gausely  du  8*^  corps ,  de  sorte  que  Ney  se  trouvait  lié  par  sa 
gauche  avec  le  2*  corps. 

Le  1 3«  à  huit  heures  du  matin,  Tennemi  ne  s'était  pas  encore 
mis  en  marche.  Depuis  le  combat  de  la  veille,  Wellington  semblait 
hésiter  et  ne  s'avançait  que  lentement  »  se  bornant  à  diriger  la 
division  Piéton  à  travers  les  montagnes  dans  la  directiou  de 
Mirandade  Corvo.  Vers  dix  heures,  Masséoa,  après  avoir  réi* 
téré  à  Ney  ^invitation  de  tenir  en  avant  de  Gondeixa ,  se 
rendit  à  Fuenté^uberta,  au  centre  de  l'armée,  laissante  Con* 
deixa  le  duc  d*Abrantès  avec  la  division  SoHgnac.  Quel  que  fût 
Tobjet  du  mouvement  de  Piéton,  celui-ci  allait  immanquable* 
ment  rencontrer  Loison  et  Clausel,  qui  lui  feraient  payer  cher  sa 
pointe  sur  Miranda^de  Corvo,  ce  qui ,  du  reste ,  n'eut  pas  lieu  ; 
car,  les  mouvements  du  général  anglais  étant  aperçus  des  hau- 
teurs de  Fuenté-Cuberta,  Masséna  jugea  qu'ils  ne  pouvaient  ins* 
pirer  aucune  inquiétude.  Ney  ne  pouvait  donc  ignorer  qu'il  ne 
courait  aucun  danger  sur  sa  gauche;  mais,  général  d'avant-garde 
intrépide  et  inébranlable  quand  il  se  trouvait  en  fkced'un  ennemi 
dont  il  pouvait  apprécier  l'attitude  et  les  dispositions ,  le  héros 
de  Yierschn^Heiligen ,  qui,  avec  3»000  hommes,  avait  affronté 
toute  Tarmée  prussienne  du  prince  de  Hohenlobe  ' ,  craignait 
Tennemi  quand  il  ne  le  voyait  pas.  Il  se  persuada  que  Picton 
allait  le  couper  du  gros  de  l'armée  et  peut'^tre  même  l'enve- 
lopper.  Ce  fut,  toutefois,  le  prétexte  allégué  par  hd  pour  Justi- 
fier sa  retraite  sur  Miranda  de  Corvo.  Peut-être  aussi  le  vtf 
désir  que  le  maréchal  éprouvait  de  quitter  le  Portugal  eut  une 
grande  part  à  sa  détermination.  Quoi  qu'il  en  soit,  à  deux  heures 
du  soir  le  6**  corps  était  en  pleine  retraite,  à  travers  une 
gorge  étroite  et  presque  impraticable  qui,  après  un  trajet  de 
trois  à  quatre  lieues ,  conduisait  au  pont  de  Miranda  de  Corvo, 
sur  la  Deuça. 

En  se  retirant,  leducd'Ekhingen  avait  envoyé  un  détachement 

4  Voir  t.  Vlll,  p.  529. 

5S. 


£96  LIVRB  SBPTiiKB. 

m\,  ^  Montbran  pour  le  préyenir  de  son  départ  et  de  sa  marche 
Portngii.  ^uf  Miranda  de  Gorvo,  Teogageant  à  se  retirer  aussi  dans 
cette  direction  en  remontant  les  bords  dn  Mondégo  avec  sa 
cavalerie. 

En  apprenant  à  Fuenté-Guberta ,  la  retraite  précipitée  du 
6'  corps ,  qui  compromettait  le  sort  de  toute  Tarmée,  et  parti- 
culièrement celui  dn  détachement  de  Montbrun  établi  devant 
Cofmbre,  où  il  pouvait  être  enveloppé,  Masséna  fut  vivement 
îrrtté;  en  effet,  ce  mouvement  rétrograde,  exécuté  à  son  insu, 
était  un  acte  inexcusable  et  que  rien  ne  pouvait  justifier.  Il 
dut  dès  lors  renoncer  à  son  projet  d'établir  Tarmée  derrière 
le  Mondégo,  et  envoya  un  aide  de  camp  pour  arrêter  le  mou- 
vement de  Ney  et  lui  porter  Tordre  de  prendre  position  en 
avant  de  Gasal-Novo,  bourg  à  deux  ou  trois  lieu^  est  de 
Ck)ndeiza.  Le  même  jour,  à  dix  heuresdu  soir,  le  prince  d'EssIing 
partit  de  Fuenté-Guberta  avec  les  divisions  Loison  et  Glausel, 
et  arriva  le  14  au  matin  entre  Mhranda  de  Corvo  et  Gasal-Novo, 
où  le  maréchal  Ney  s'était  arrêté  la  veille  et  avait  pris  position 
en  face  de  Tarmée  anglaise ,  qui  arriva  à  dix  heures  dn  soir. 
•Les  convois  avaient  illé  toute  la  nuit  sur  Foz  d'Anmoe. 

Dans  la  matinée  du  14,  un  brouillard  épais  enveloppait  les 
deux  armées,  ce  qui  n'empêcha  pas  le  maréchal  Ney  de  dis- 
poser habilement  ses  troupes  en  retraite  par  échelons  ;  le  pre- 
mier, formé  de  la  brigade  Ferrey ,  qui  faisait  Tarrière-garde,  s'é- 
tendait à  gauche  sur  les  hauteurs  en  avant  de  Gasal-Novo;  la 
division  Mermet,  sur  les  hauteurs  de  Ghao  de  Lamas,  formait 
le  deuxième  échelon;  la  division  Marchand,  en  arrière,  au 
centre,  formait  le  troisième  ;  enfin  la  division  Loison  occupait,  à 
droite,  les  abords  de  Ghao  de  Lamas,  où  Masséna  s'était  arrêté.  A 
un  quart  de  lieue  en  arrière  se  trouvait  le  8'  corps ,  qui  compo- 
sait la  réserve. 

A  dnq  heures  et  demie  du  matin,  le  général  ErMne,  qai 
avait  l'ordre  de  tourner  la  droite  du  6*  corps ,  tandis  que  le 
général  Piéton  manœuvrerait  sur  la  gauche,  lança  le  53*  régi- 
ment anglais  contre  la  brigade  du  général  Ferrey;  ceHe-d 
disputa  au  52^  l'entrée  de  Gasal-Novo,  et  lui  avait  tué  déjà 
beaucoup  de  monde  lorsque  le  colonel  Laferrière ,  du  3«  de 
hussards,  fondit  sur  ce  régiment  et  le  culbuta.  Erskine  accourut 


Portnsak 


GU«BB«    d'ESPAGRI.  S9'7- 

abrs  avee  le  reste  de  sa  division  ;  mais  ses  troupes ,  arrêtées  _  mi' 
par  les  soldats  de  Ferrey,  que  protégeaient  de  petits  enclos  d'où 
ils  tiraient  à  coups  sûrs  contre  les  Anglais ,  ne  parvinrent  qu*a-. 
près  deux  heures  de  combat  à  forcer  Ferrey  à  se  retirer»  A  la 
droite,  Picton,  renforcé  des  troupes,  de  Cok,  manœuvrant 
pour  tourner  la  position  de  Mermet  sur  les  hauteurs  de  CIibo  de 
Lamas  »  le  maréchal  Ney  porta  la  brigade  Ferrey  derrière  la 
division  Marchand,  dont  Tattitude  menaçante  arrêta  Tennemi 
tout  court  f  et,  massant  alors  tous  ses  échelons  à  Ghao  de  Lamas, 
il  imposa  à  Wellington,  qui  n'était  parvenu,  pendant  toute  la 
Journée,  qu'à  gagner  le  terrain  que  le  maréchal  avait  bien  voulu 
lui  céder.  La  nuit  survenant,  Wellington  lut  forcé  de  s'arrêter 
devant  l'armée  française,  réunie  sur  les  hauteurs  de  Ghao  de 
Lamas.  Pendant  ce  temps  tous  les  convois,  regagnèrent  la  tête 
de  l'année  ',  et  le  2*"  corps  put  arriver  sur  la  Ceira ,  entre  Mi- 
randa  de  Gorvo  et  Foz  d'Arunee,  village  situé  sur  la  rive  gauche 
de  cette  rivière ,  afOuent  de  gauche  du  Mondégo.  Le  due  d'EI-. 
chingen  se  repKa ,  sans  être  suivi  ,,sur  Miranda,  où  il  prit:  po- 
sition, en  deçà  de  la  Deuça,  sur  une  montagne  conique  en  avant 
de  ce  bourg.  Ge  fût  là  que  le  rejoignit  la  petite  colonne  du  gé-. 
néralMontbrun,  dont  on  n'avait  pas  de  nouvelles  depuis  le  lï. 
Le  général  Reynier  avait  reçu  l'ordre  de  se  porter,  à  dix 
heures  du  soir,  au  delà  de  Foz  d'Arunce ,  sur  la  rive  droite 
de  la  Geira,  et  de  s'établir  à  gauche  de  la  position;  le  duc 
I  d'Abrantès  devait  en  prendre  la  droite.  Le  maréchal  Ney  fut 

I  invité  à  laisser  seulement  un  détachement  sur  la  rive  gauche 

pour  couvrir,  le  passage  du  reste  de  l'artillerie  et  des  bagages,  et 
de  passer  aussi  laGeira  après  que  le  8*^  corps  aurait  terminé  son 
mouvement,  qui  devait  commencer  à  minuit.  La  Geira,  rivière 
encaissée,  rapide  et  profonde,  est  dangereuse  à  passer  à  gué 
lors  même  que  ses  eaux  ne  sont  point  accrues  par  les  pluies. 
Arrivés  sur  ses  bords,  les  2«  et  8®  (^rps  la  traversèrent  à  Foz 
«d'Arunce,  partie  sur  le  pont,  partie  à  deux  gués  qui  se  trou- 
vaient en  amont,  et  le  15,  à  neuf  heures  du  matin,  ces  deux 
corps,  ainsi  que  la  divisionLoison^ avaient  pris,  sur  la  rive  droite, 
les  positions  qui  leur  étaient  assignées';  mais  le  maréchal  Ney, 
voyant  Textréme  arrière-garde  exécuter  sa  retraite  sans  être 
ipqniétée,  pensa  que  l'ennemi  ne  suivait  pas  et  qu'il  s'^tftit 


598  LIVBB  SEPTISMB. 

1MI.  arrêté  pour  se  remettre  des  fntigaes  de  la  veiUe  et  de  TaTantr 
>*»rtttsai.  veille,  où  il  avait  été  ai  maltraité.  Au  lieu  de  passer  sur  la  riîe 
droite,  comme  cela  lui  était  prescrit,  il  laissa  sur  la  rire  gauche 
les  divisions  Mermet  et  Marchand,  ayant  à  dos  un  pont  étrok 
et  un  gué  difficile.  Wellington»  instruit  de  ce  qui  se  passait  par 
le  rapport  de  ses  patrouilles,  chargea  le  général  Erskinede 
s'emparer  des  hauteurs  de  Fozd'Arunce,  occupées  par  le  général 
Ferrey,  tandis  que  la  division  Picton  attaquerait  la  division 
Mermet  dans  le  village, 
15  man.  Affaire  de  Foz  d'Arunce.  —  Les  troupes  françaises  en  po« 
sition  sur  la  rive  gauche  se  reposaient  tranquillement  de* 
puis  le  matin  »  et  la  brigade  de  cavalerie  légère  du  général 
Lamotte,  postée  d*abord  sur  la  route  de  Miranda  de  Gorvo,  à 
droite  du  général  Ferrey,  avait  cessé  d*éclairer  cette  route 
pour  fourrager  dans  un  champ  voisin  de  la  Ceira ,  ce  qui  permit 
  l'ennemi  de  former  ses  colonnes  d*attaque  sans  être  aperçu, 
et  de  les  diriger  contre  les  troupes  de  Ferrey  et  de  Mermet,  qui 
ooeupalent  les  hauteurs  à  gauche  du  terrain  où  elles  avaient 
bivouaqué.  Le  maréclial  Ney,  se  voyant  menacé  d'une  attaque 
à  laquelle  il  ne  s'était  pas  attendu,  ordonna  sur-le-champ  au 
général  Marchand  de  passer  le  pont  avec  sa  division,  tandis  que 
Mermet  et  Ferrey  contenaient  l'ennemi  sur  les  hauteurs.  Lamotte, 
étant  parvenu  enfin  à  rallier  ses  fburrageurs ,  arriva  devant  le 
pont,  forma  sa  cavalerie  en  bataille  et  attendit  que  renneaû 
se  présentât  pour  le  charger.  La  division  Marchand  avait  atteint 
la  rive  droite ,  et  le  maréchal  Ney  se  disposait  à  rameder  aussi  la 
division  Mermet  de  l'autre  côté  du  pont,  lorsque  quatre  pièces  en 
batterie  sur  une  hauteur  descendirent  au  grand  trot  et  se  ren* 
versèrent  sur  le  âo*  régiment ,  qui  se  repliait.  Supposant  que 
Partillerie  était  poursuivie  par  l'ennemi ,  ee  régiment  se  crut 
pris  à  dos  et  fût  ébranlé.  Les  soldats  ^  voyant  alors  la  cavalerie  ' 
de  Lamotte  devant  le  pont,  veulent  passer  avant  elle,  et,  se  pré^ 
dpitant  tumultueusement,  poussent  le  £9^^  et  rentraineot  avei) 
eux  vers  le  pont.  Lamotte  accourt  au-devant  des  fdyardsponr 
les  arrêter;  mais  ceux-ci,  craignant  de  voir  le  pont  obstrué  par 
la  cavalerie,  s'y  entassent  et  s'y  culbcrtenl;  les  derniers  arri- 
vés, trouvant  le  débouché  intercepté,  sejeteni  dans  la  rivière 
pour  la  traverser  à  gué.  Au  milieu  de  cette  scène  d'épouvante, 


GUBSBB   B'eSPAGHB.  699 

le  maréchal  Ht  longtemps  d'impuissants  efforts  pour  rétablir  ua  iki,. 
peu  â*ordre  dans  eette  masse  confuse  ;  à  la  fin  il  parvint  A  vortusai. 
rallier  un  bataillon  du  27^  ettrois  compagnies  de  voltigeurs,  et 
regagna  les  hauteurs»  où  les  généraux  Mermet  et  Ferrey  se  sou- 
tenaient difficilement  contre  les  Anglais  ^  qui  commençaient  à 
leur  faire  perdre  du  terrain  ;  mais  la  présence  de  ce  renfort, 
bien  que  faible ,  et  surtout  celle  du  maréchal,  ranimant  les 
troupes,  elles  reprennent  Toffeusive ,  et»  revenant  à  la  charge, 
elles  culbutent  les  Anglais  jusque  daus  leur  camp.  La  nuit 
close  mit  fin  à  cette  singulière  affaire ,  qui  pouvait  avoir  des 
suites  funestes  sans  la  fermeté  déployée  par  les  généraux  Mer- 
met et  Ferrey,  dont  les  troupes  se  trouvèrent  engagées  pendant 
plus  de  quatre  heures  au  milieu  de  presque  toute  Tarmée  en- 
nemie; chacun  conserva  d'ailleurs  ses  premières  positions.  La 
perte  des  Français  ne  dépassa  pas  150  hommes.  Le  maréchal 
Ney ,  dont  TopiniÂtreté  avait  causé  cette  perte  en  restant  sur 
la  rive  gauche  de  la  Geira  contre  la  volonté  de  Masséna,  crut 
d*abord  avoir  plusieurs  centaines  de  noyés  ;  mais  la  plupart  des 
hommes  manquant  à  l'appel  rentrèrent  à  leurs  corps  pendant  la 
nuit.  A  minuit  le  6^  corps  quitta  la  rive  gauche  de  la  Geira,  et 
à  trois  heures  du  matin  on  fit  sauter  le  pont.  Mortifié  de  cet 
échec,  le  maréchal,  au  lieu  de  s'en  prendre  à  lui-même  de 
ce  qui  venût  d'arriver,  s'en  prit  au  général  Lamotte  et  le 
renvoya  sur  les  derrières  de  l'armée  :  mesure  injuste,  qui  fut 
appréciée  comme  elle  le  méritait  par  le  général  en  chef. 

Contrarié  dans  tous  ses  plans  et  ses  projets  par  le  maréchal 
Ney,  qui  voulait  à  toute  force  rentrer  en  Espagne,  Masséna 
souffrait  cruellement  d'être  réduit  à  abandonner  le  Portugal 
par  une  retraite  qui  semblait  compromettre  l'honneur  de  son 
armée ,  tandis  que  Wellington  recueillait ,  comme  en  1 808 , 
toute  la  gloire  de  la  campagne.  Forcé  de  renoncer  à  s'établir 
sur  le  Mondégo,  il  lui  restait  l'espoir  de  s'arrêter  sur  l'Ai  va, 
le  long  de  la  Serra  de  Mureelha,  qui  correspond  à  celle  d'Alcoba, 
d'où  l'armée  menacerait  encore  Coimbre  et  tout  le  pays  com- 
pris entre  le  Mondégo  et  le  Duëro ,  jusqu'à  la  mer  ;  mais  cette 
dernière  consolation  devait  aussi  lui  être  refusée.  Le  16,  la 
réparation  du  pont  sur  l'Alva  étant  presque  terminée.,  les  6« 
et  8^  corps  reçurent  l'ordre  de  couronner  les  hauteurs  de  la 


600  LIVHE   SEPTIÈME. 

(Ml.     rive  gauche,  tandis  que  Reynier  s'él'ablissait  à  Arganfl ,  vers 
Pormgai.    |gg  ^i^nlagaes  de  FEstrella.  Drouet ,  qui  n'était  pkis  retenu  par 
le  général  en  chef,  partit  le  même  jour  pour  Gélorico. 

Le  17,  le  pont  étant  achevé,  le  duc  d*Abrantès  passa  l'Alva 
à  deux  heures  du  matin ,  et  s'établit  derrière  Ponté-Muroelha  ; 
le  maréchal  Ney  échelonna  le  6®  corps  depuis  le  plateau  qui 
domine  le  pont  jusqu'auprès  de  Cortiçada,  se  liant  étroitement 
par  sa  droite  avec  le  duc  d'Abrantès;  mais  sa  gauche  n'était 
pas  appuyée  par  Reynier,  dont  le  prince  d'Essling  n'avait  reçu 
aucune  nouvelle  depuis  vingt-quatre  heures.  Montbrun ,  envoyé 
à  la  recherche  du  2**  corps ,  le  trouva  cantonné  dans  la  Serra 
de  Moîta,  à  phis  d'une  lieue  et  demie  du  centre  et  bien  en  arrière 
de  la  position  occupée  alors  par  l'armée.  Le  ffanc  gauche  di» 
6*  corps  ainsi  découvert,  Wellington,  s'il  eût  été  plus  entre- 
prenant, pouvait,  en  moins  de  deux  heures  de  marche,  se 
trouver  derrière  l'armée,  lui  couper  la  route  de  Célorico  et  ses 
communications  avec  le  2^  corps.  Masséna  ne  reçut  qu*à  sept 
heures  du  soir  le  rapport  de  Montbrun.  Il  envoya  sur-le-champ 
à  Reynier  l'ordre  de  se  reporter  immédiatement  en  ligne,  de 
se  rapprocher  du  6^  corps ,  Kii  représentant  que  son  éloignement 
compromettait  le  sahit  de  Tarmée.  Reynier^  militaire  instruit, 
fort  iiablle  dans  la  partie  spéculative  de  la  guerre  et  qui  jusqu'à-^ 
lors  s'était  montré  le  plus  docile  des  lieutenants  de  Masséna , 
au  lieu  d'obéir  à  Tordre  du  général  en  chef,  lui  envoya  une 
dissertation  sur  les  inconvénients  de  la  ligne  de  1*  AWa  et  sur  les 
mouvements  qu'il  fallait  faire  pour  reprendre  celle  de  la  Ceira. 
Pendant  ce  temps  les  Anglais,  quî  ne  dissertaient  pas.,  bien 
qu'ils  en  eussent  plus  le  loisir  que  le  commandant  du  2^  corps, 
atteignaient  le  but  principal  de  leur  poursuite ,  qui  était  de 
chasser  les  Français  du  Portugal ,  se  déployaient  sur  la  crête 
des  montagnes  en  avant  de  Ponté-Murcelha^  et  leurs  tirailleurs 
harcelaient  déjà  le  6^  corps.  Ney  apercevait  les  ennemis  en 
bataille  à  environ  une  lieue  de  sa  gauche ,  et  ne  voyait  là  aucune 
troupe  française  pour  leur  disputer  le  passage  de  la  rivière.  Ainsi 
la  position  de  Ponté-Murcelha  était  tournée,  et  Masséna  dut 
renoncer  à  s'établir  sur  l'Alva.  En  oouséquenee ,  le  18,  à  la  chute 
du  jour,  il  commença  son  mouvement  général  de  retraite,  qui 
fut  continué  le  19;  et  le  lendemain  la  division  Gpnroux  attei- 


GUEBBE   D  ESPAGNE.  601 

guit  Céiorico ,  où  le  oomte  d'Erlon  apprit  que  la  division  Gla-      «su. 
parède  tenait  Guarda  avec  une  brigade  et  Belmonté  avec  l'autre.    ^^■''*^- 
Le  21  mars,  Parmée  arriva  à  Céiorico,  suivie  seulement  par 
quelques  escadrons  anglais,  le  gros  de  Tarmée  ennemie  ayant 
été  forcée  faute  de  vivres,  de  s*arréter  le  19  dans  la  Serra  de 
Moïta. 

Le  23  Tarmée  française  était  sur  la  ligne  des  hauteurs  qui 
séparent  la  vallée  du  Mondégo  de  celle  de  la  Goa ,  et  en  vue  des 
frontières  d'Espagne.  Cependant  Masséna,  bien  quMl  connût 
les  dispositions  de  ses  généraux  et  de  Tarmée  »  qui  brûlaient  du 
désir  de  rentrer  tout  de  suite  en  Castille ,  ne  voulait  pas  encore 
abandonner  le  peu  de  pays  qu'il  occupait  en  Portugal ,  et  avait 
résolu  de  se  porter  sur  le  Tage  vers  Alcantara  et  d'entrer  en 
communication  avec  le  maréchal  Soult.  L'esprit  rempli  de  ce 
projet,  qui  semblait  le  consoler  de  ses  revers,  il  dirigea  Tarmée 
vers  la  Sierra  de  Gâta,  et  établit  le  2*  corps  à  Gouvéa»  le  8^  à 
Guarda  et  le  6"  à  Céiorico.  Le  23  au  matin ,  l'ordre  général 
fut  donné  à  l'armée  de  rester  pendant  trois  jours  dans  ses  nou- 
velles positions  pour  y  ramasser  le  peu  de  vivres  qu'on  y  trou* 
vait  encore,  pour  diriger  sur  Alméida  et  Ciudad-Rodrigo  les 
blessés  et  les  malades,  et  faire  venir  de  ces  places  et  de  Sala- 
manque  les  objets  d'habillement  et  d'équipement  nécessaires  à 
Parmée,  ainsi  que  les  fonds  de  la  solde.  En  même  temps 
Partillerie  et  les  bagages  des  2«  et  S*^  corps  furent  dirigés  sur 
Guarda.  Le  maréchal  Ney  écrivit  au  prince  d'Essling  contre  ses 
dispositions  et  soutenait  qu'il  valait  mieux  attendre  de  nou- 
veaux ordres  de  Pempereur,  à  proximité  des  places  d' Alméida 
et  de  Ciudad-Rodrigo,  que  de  marcher  par  la  gauche  pour  se 
rapprocher  du  Tage  vers  Alcantara.  Enfin ,  apprenant  le  soir 
que  Parmée  allait  être  dirigée  sur  Coria  et  Plasencia,  le  duc  - 
d'Ëlchingen  protesta  contre  cette  manœuvre  et  déclara  qu'il 
ne  l'exécuterait  qu'autant  que  le  général  en  chef  lui  ferait  con- 
naître les  ordres  de  Pempereur  à  cet  égard ,  et  que ,  dans  le  cas 
contraire,  il  allait  quitter  les  environs  de  Céiorico  pour  se  porter 
le  lendemain  sur  Alméida.  Depuis  longtemps  Masséna  sup- 
portait impatiemment,  les  contrariétés  de  son  lieutenant.  Après 
la  désobéissance  de  Ney  à  Condeixa,  il  avait  eu  la  pensée  de 
lEure  un  exemple  en  le  renvoyant  sur  lesderrières  de  Parmée;mai8 


PortiigaL 


602  LIVAE   SBPTIBIll* 

iti4.  Il  avait  besoin  d'un  général  à  rarrlèr&-garde,  poste  qui 
ne  pouvait  être  conflé  qu'au  brillant  courage  du  maréchal  Ncy 
et  au  dévouement  de  ses  troupes.  Les  premières  altercatkms 
un  peu  vives  entre  le  prince  d'EssIing  et  le  duc  d'BIchlngen 
avaient  eu  lieu  à  Miranda  de  Gorvo,  pendant  le  combat  de  Ca8B^ 
Novo;  cette  mésintelligence  était  soigneusement  entretenue  par 
quelques  officiers  d*état-maJor  qui  y  à  défout  de  bons  services 
et  de  talents,  tant  les  états-majors  étaient  mal  composés  à 
ces  époques,  s'efforçaient  de  capter  la  bienveîilaaee  de  leurs 
chefs  par  des  rapports  mensongers. 

Cependant  Masséna ,  avant  d*en  venir  à  un  édat  en  présence 
de  toute  Tarmée,  voulut  donner  à  son  lieut^iant  le  temps  de 
réfléchir  sur  les  conséquences  de  son  acte  d'insubordination ,  cl 
lui  fit  demander  s'il  persistait  à  méconnaître  Tantorité  que 
Tempereur  lui  avait  confiée  en  sa  qualité  de  général  en  chef; 
mais  le  bouillant  maréchal  s*était  mis  dans  le  cas  de  ne  plus 
pouvoh*  reculer,  et  insista  pour  connaître  les  ordres  de  Tem- 
pereur  qui  autorisaient  la  marche  sur  le  Tage,  prétention  exor- 
Intante  d'un  subordouné  voulant  obliger  son  chef  à  lui  com- 
muniquer ses  instructions  avant  de  lui  obéir.  Dès  lors  la 
longanimité  du  prince  d'EssIing  dut  avoir  un  terme  ;  il  enjoi- 
gnit aux  généraux  du  6'  corps  de  ne  plus  obéir  au  maréchal  Ney, 
sous  les  peines  encourues  pour  crime  de  révolte,  signifia  au 
maréchal  Tordre  de  se  rendre  immédiatement  eu  Espagne  poar 
y  attendre  que  Tempereor  prit  une  décision  à  son  égard ,  et 
investit  le  général  Lolson  du  commandement  du  6*  corps.  Le 
lendemain  le  duc  d'ElchIngen  protesta  contre  l'ordre  qui  lai 
retirait  un  commandement  qu'il  avait  reçu  de  Tempereur  et  que 
personne,  disait-il,  n'avait  le  droit  de  lui  èter;  et,  profitant 
de  l'apparition  d'un  corps  ennemi  devant  sa  position ,  il  chercha 
À  le  reprendre.  Toutefois  Masséna,  persistant  dans  sa  résolu- 
tion, Alt  Inflexible,  et  le  maréchal  Ney  s'éloigna  de  l'armée,  qui 
le  vit  partir  avec  regret;  mais  elle  resta  dans  le  devoir.  Le  duc 
d'Elchingen,  en  improuvant  le  projet  de  recommencer  une  antre 
campagne  sur  le  Tage,  et  en  insistant  pour  rentrer  immédia- 
tement en  Espagne,  exprimait,  il  est  vrai,  le  vcen  de  toute 
l'armée,  et  il  aurait  pu,  sans  inconvénient,  soumettre  ses  ob- 
servations au  général  en  chef  sans  enfreindre  les  lois  de  la  disd- 


eUllBB  DKSPAGNl.  603 

pUne;  mais  leUm  inaotent  de  sa  correspondance  indigna  Juste-  j^h. 
ment  Hasséna,  qai  se  vit  forcé ,  bien  que  malgré  lui ,  d'agir  avec  ^<^^ub^ 
sévérité,  et  d*expédler  un  aide  de  camp  au  prince  de  Wagram 
aveeles  lettres  du  maréclial.  La  dégénérescence  des  invincibles 
armées  de  ia  fiépubtlque  et  de  l'Empire  avait  commencé  dans 
la  Péninsule.  Les  souffrances ,  la  misère  et  les  fatigues  avaient 
relAcbé  les  liens  de  la  subordination  et  de  la  discipline,  moins 
toutefois  dans  les  rangs  inférieurs  que  parmi  les  généraux  et  les 
chefs  de  corps ,  et  l'exemple  scandaleux  que  venait  de  donner 
le  maréchal  Ney  contribua  à  entreteuir  cet  esprit  d'anarchie  > 
qui  rendait  tout  commandement  impossible.  Après  le  maréchal 
Ney  vint  le  comte  d'Erlon.  Masséna,  en  instruisant  ce  général 
du  prochain  mouvement  de  l'armée  sur  Guarda  et  Belmonté,  et 
de  là  sur  Goria,  l'avait  invité  à  se  rapprocher  de  la  Goa ,  pour 
couvrir  les  places  d'Alméida  et  de  Ciudad-Rodrigo  ;  mais  le 
comte  d'Erion  refusa  de  prendre  position  sur  cette  rivière,  pré- 
tendant que  le  9^  corps  ne  pouvait  plus  être  chargé  de  la  défense 
de  ces  places  sans  de  nouveaux  ordres  de  l'empereur.  Puis, 
portant  la  division  Conroux  derrière  Ciudad-Rodrigo,  il  rap- 
pela de  Guarda  celle  du  général  Claparède. 

Malgré  sesperteset  ses  fatigues  pendant  une  retraite  de  soixante 
lieues  à  travers  un  pays  dévasté  et  couvert  d'ennemis,  l'armée  de 
Portugal  comptait  encore  84,000  hommes  d'infanterie  et  3,400 
de  cavalerie  d'excellentes  troupes,  avec  quarante-huit  bouches 
à  feu.  Le  24  mars  le  2«  corps  porta  son  avant-garde  à  Belmonté , 
où  se  rendit  aussi  le  8^  corps.  Le  6®  fût  établi  à  Guarda.  Le  25 
Masséna  reçut  dans  cette  ville  plusieurs  dépêches  du  prince  de 
Wagram,  qui  Itif  apprirent  la  formation  d'une  armée  du  Nord  sous 
les  ordres  du  maréchal  Bessières,  duc  d'Istrie,  qui  devait  avoir 
sous  son  commandement  la  Navarre ,  la  Biscaye,  la  province  de 
Santander,  les  Asturles,  les  provinces  de  Burgos,  Aranda,  Soria, 
Palencia,  Valladolid,  Léon,  Bénaventé ,  Toro,  Zamora  et  Sala- 
manque.  Le  duc  d'Istrie  devait  avoir  son  quartier  général  à  VaN 
laddid,  et  couvrir  les  places  d'Alméida  et  de  Ciudad-Rodrigo  ; 
le  9*  corps  était  destiné  définitivement  à  foire  partie  de  l'armée 
de  Portugal,  décision  qui  tranchait  toutes  les  difficultés  soule- 
vées Jusqu'alors  par  le  comte  d'Erion  ;  mais  Masséna  apprit  en 
mène  temps  par  une  dépêche  de  ce  général  que  les  places  d'Aï- 


604  LIVBE   SEPTlètfS. 

ifti  I.  méida  et  de  Gudad-Bodrigo  n'étaient  pas  soffisaninieDt  appro-^ 
Portugal,  visionnées,  et  que  la  première  n'avait  pas  pour  qnloze  jours  de 
vivres.  Cette  fâcheuse  oirconstanee  et  les  renseignements  qoe 
lui  fournit  Reynier  sur  Timpossibirité  dé  vivre  dans  les  environs 
de  Goria  et  de  Plasencia ,  pays  ruinés  par  les  armées,  et  sur 
celle  de  passer  le  Tage  à  Almaraz  ,  au  pont  de  rArzobfspo  ou 
à  Alcantara ,  ces  ponts  étant  coupés  et  le  pays  n'ofTrant  pas  les 
matériaux  nécessaires  pour  les  réparer,  ébranlèrent  la  première 
résolution  de  Masséoa  »  et  il  se  décida  dès  lors  à  quitter  le  Por- 
tugal et  à  rentrer  en  Espagne.  Aussitôt  qu'il  avait  eu  avis  de- 
là formation  d'une  armée  du  Nord,  il  avait  envoyé  un  de  ses 
aides  de  camp  au  duc  distrie  pour  lui  demander  des  secours  en 
vivres  et  en  munitions,  et  résolut  d'attendre  sur  la  Goa  la 
réponse  de  ce  maréchal ,  l'armée  ne  pouvant  rentrer  en  Espagne 
sans  avoir  la  certitude  d'y  trouver  des  vivres  et  les  objets  né- 
cessaires à  son  rééquipement.  L'ordre  de  marehe  était  donné 
pour  le  30;  mais  les  Anglais,  qui  avaient  reçu  des  vivres  de 
Lisbonne,  partirent  de  Molta  et  se  concentrèrent  le  28  aux  en- 
viroDs  de  Gélorico.  Le  lendemain  matin  Wellington  réunit  trois 
divisions,  dont  il  forma  cinq  colonnes  d'attaque,  au  pied  des  hau- 
teursde  Guarda,  pour  en  déloger  le  6*  corps.  Ces  colonnes  étaient 
soutenues  par  quatre  autres  divisions.  Guarda  est  située  sur  le 
sommet  le  plus  élevé  de  la  Sierra  d'Ëstrella,  près  des  sources  du 
Mondégo,  et  commande  tout  le  pays  des  environs.  Maître  de 
cette  position,  bien  préférable  à  celle  de  Gélorico,  les  Français 
l'étaimt  aussi  de  plusieurs  passages  qui  conduisent  à  la  frontière 
d'Espagne  et  ouvrent  la  route  du  Tage;  mais  elle  était  si  mal  gar- 
dée par  Loison  que  les  Anglais  gravirent  la  montage  en  suivant 
tous  les  chemins ,  et  débordèrent  bientôt  le  6^  corps  sans  ren- 
contrer d'obstacle  ;  et,,  sans  la  vigilance  du  général  Fririon,  chef 
de  l'état-major  général ,  qui  visitait,  avant  le  jour,  les  avant- 
postes  de  Loison,  et  les  sages  dispositions  qu'il  sut  prendre  à 
temps,  le  6^  corps  était  écrasé.  Pendant  que  ce  corps  d'armée 
échappait  à  ce  danger,  on  se  hâta  de  foire  filer  les  équipage 
sur  la  route  de  Sabugal ,  et  la  3^  division,  celle  du  général 
Ferrcy,  qui  avait  remplacé  Loison ,  forma  l'arrière-garde.  Le 
2^  corps  se  rapprocha  de  Sabugal  ;  la  division  du  général  Heu-. 
delet  resta  sur  la  rive  droite  de  la  Goa  ;  celle  du  général  Uwhi 


GUtiBRB   D*ESPAGNK.  600 

occupa  la  rive  gauche.  Le  80,  rarmée  Urat  entière  se  trouva  ea  isti. 
ligne  sur  cette  rivière.  Le  î*  corps,  qui  formait  l'aile  gauche,  p»"^*"««*- 
était  à  Sabugal;  le  6*,  formant  l'aile  dn^te,  s'étendit  jusqu'à 
INave,  à  deux  lieues  d'Âlméida ,  en  suivant  toujours  larivedroite 
de  la  Coa;  le  8*^  corps  était  à  Âlfayates,  où  Masséna  établit  son  quar- 
tier général .  Il  se  proposait  de  rester  trois  ou  quatre  jours  dans  ses 
nouvelles  positions  pour  donner  le  temps  an  maréchal  Bessières 
de  rassembler  des  subsistances,  comme  il  le  lui  avait  demandé. 
Bessières  répondit  aux  demandes  de  Masséna  par  des  protesta- 
tions d*amitié  et  de  dévouement,  lui  faisant  espérer  des  secours 
qu'il  n*eut  pas  le  talent  de  lui  procurer;  et,  pendant  que  le  chef 
de  l'armée  de  Portugal  attendait  en  vain  sur  la  frontière  de  la 
Vieille-Gastille  la  réalisation  des  promesses  du  duc  d'Istrie , 
les  Anglo-Portugais  se  rapprochèrent  de  la  Goa  le  1*^'  avril.  Le 
lendemain  une  forte  colonne,  composée  d'infanterie  et  de  ca- 
valerie, avec  dix  pièces  de  canon ,  s'avança  sur  Sabugal  parPéga 
et  Valmorisco ,  et  prit  position  la  droite  sur  la  route  de  Péna- 
macor.  Reynier  écrivit  sur-le-champ  à  Masséna  pour  lui  faire 
connaître  sa  position  en  présence  de  forces  supérieures  et  de- 
mandait  à  se  retirer  dans  la  nuit.  Masséna  lui  répondit  aussitôt 
que  l'ordre  général  était  donné  à  l'armée  pour  effectuer  le  4  sa 
retraite  sur  l'Espagne;  que  l'artillerie  et  les  équipages  partiraient 
le  8  an  point  du  jour  ;  qu'il  fallait  donc  rester  le  3  dans  sa  posi- 
tion de  Sabugal  et  y  tenir  ferme  en  cas  d'attaque.  Les  généraux 
anglais  passèrent  deux  jours  à  observer  la  position  du  2*  corps 
et  à  reconnaître  les  chemins  et  les  gués  sur  sa  gauche,  en  re* 
montant  la  Goa.  Malgré  les  différents  avis  de  Reynier  sur  les 
mouvements  de  l'ennemi,  qui  lui  semblaient  indiquer  une  atta- 
que prochaine ,  Masséna  ne  partageait  pas  les  craintes  de  son 
lieutenant,  dont  il  connaissait  le  caractère  inquiet  ;  mais  plusieurs 
rapports  reçus  dans  la  nuit  lui  dévoilèrent  les  dispositions  réel- 
lement offensives  de  l'ennemi  et  l'intention  de  Wellington  de 
tourner  la  gauche  du  2^  corps ,  de  le  séparer  du  8*,  et  de  le  cer- 
ner avant  que  le  6^  pût  le  secourir;  en  conséquence,  le  3,  à 
environ  deux  heures  du  matin,  il  donna  l'ordre  à  l'artillerie  du 
2*  corps  de  rétrc^rader  sur  Alfayates ,  et  à  trois  heures  il  écrivit 
à  Reynier  que ,  s'il  croyait  ne  pouvoir  tenir  à  Sabugal  sans  se 
compromettre,  il  pouvait  commencer  son  mouvement  rétro- 


COe  tlYBE  SEFTlJaUw 

fsti.  grade  sur  Alfayates  <iumid  il  le  jugerait  à  propos  ^  après  «n  avoir 
Partnsai.  donné  avis  à  Loison.  A  huit  iieiares  et  demie  Rejnier  invita  le 
GommandaDt  du  6*  corps,  qui  était  sur  sa  droite  à  Ravina, 
à  l'avertir  aussitôt  qu'il  serait  foreé  de  battre  en  retraite;  et, 
bien  qu'il  eût  reçu  du  générai  en  chef  l'autorisation  de  se  re- 
tirer s*il  était  attaqué,  il  préféra  combattre  dans  sa  position  à 
exécuter  sa  retraite  de  jour,  suivi  par  Tennemi. 
s  avril.  Combat  de  Sabugai.  —  A  neuf  heures  du  matin  les  géné- 
raux Erskine,  de  Slade-et  Picton  marchèrent  dans  la  direc- 
tion des  hauteurs  qui  longent  la  route  de  Pénamacor  à  droite, 
et  des  patrouilles  de  la  cavalerie  du  général  de  Slade^  arrivant 
sur  le  chemin  d' Alfoyates,  que  suivaient  une  partie  de  l'artillerie 
et  les  équipages  du  S*' corps,  donnèrent  la  cliasse  aux  conduc- 
teurs. Le  aâ^  régiment  de  dragons,  que  Reynier  avait  détaché 
le  matin  sur  sa  gauche  pour  être  averti  des  mouvements  de 
l'ennemi,  ayant  négligé  de  le  prévenir,  il  n'apprit  qu'à  onze 
heures,  par  les  fuyards,  que  la  route  d'Alfayates  était  intercep- 
tée. A  huit  heures  du  matin  Reynier  avait  encore  le  temps  de 
se  retirer  et  d'éviter  le  combat;  mais  décidé,  comme  on  l'a  vu, 
à  ne  pas  commencer  sa  retraite  de  jour,  il  résolut  de  résister 
à  l'ennemi  jusqu'au  soir  et  de  ne  partir  qu'à  la  nuit.  A  onze 
heures ,  le  brouillard  épais  qui  avait  favorisé  la  marche  des 
généraux  anglais  s' étant  dissipé,  Reynier  aperçut  sur  sa  g^iu- 
che  les  colonnes  des  généraux  Ërskine  et  de  Slade,  qui  s'appro- 
chaient des  gués  pour  y  passer  la  Goa,  tandis  que  la  division 
Piéton  la  passait  à  droite,  à  un  quart  de  lieue  de  Sabugai.  La 
l'«  division  française,  commandée  par  le  général  Sarrut,  fut 
aussitôt  dirigée  vers  les  gués ,  et ,  en  même  temps ,  toute  la  ca- 
valerie, commandée  par  le  général  Soult,  reçut  l'ordre  d'éclairer 
la  gauche,  tandis  que  la  division  Heudelet ,  postée  sur  la  rive 
droite  de  la  Goa ,  se  tenait  prête  à  rétrograder.  Ërskine  se  porta 
à  la  gauche  des  gués  avec  une  brigade;  une  autre  brigade, 
formée  en  masse  par  bataillons ,  sur  le  penchant  de  la  côte ,  fit 
replier  les  troupes  qui  gardaient  le  point  de  passage  et  parvint 
à  franchir  la  Goa.  Le  général  Heudelet  commença  alors  sa  retraite, 
et  la  brigade  anglaise,  remontant  le  plateau,  se  trouva  en  présence 
des  2°  léger  et  S6^  de  ligne,  qui  l'accueillirent  par  une  vive  fu- 
sillade,  se  précipitèrent  ensuite  à  la  baïonnette  sur  les  bataillons 


GUBBIB   d'BSPAONI.  607 

eonflails  el  l»  Njdèrenl  sur  le  revers  du  plateau.  Brskiae,  ae-  itii. 
cevra  avee  Taatre  brigade,  regagna  I^entôtle  terrain  perdu 
et  se  déploya  suas  le  feu  da  1 7^  léger»  qui  ne  put  l'empêcher  de 
prendre  un  obosier;  niais»  chargé  par  le  général  Soult  à  la  tète 
de  deux  eseadrons,  il  tut  repoussé  avee  perte.  Cependant  ce  pre- 
mier sueeès  n'apportait  aucun  changement  dans  la  position 
critique  où  se  trouvait  le  2*  corps  ;  car,  dans  ce  monieot ,  Pic- 
ton  débouchait  sur  la  droite,  et  une  forte  eolonne,  composée  de 
la  5'  division  anglaise  et  de  rartillerie»  et  appuyée  par  les  t^  et 
3^  divisions  ibrmant  réserve  ^  débouchait  au  centre  par  le  pont 
de  Sabugal,  qu'elle  passait  au  pas  accéléré,  et  gravissait  les  hau- 
teuie  à  gauche.  Rejmier  rappela  alors  le  2*  léger  et  Ie86®  de  ligne, 
qui,  de  concert  avec  le  4*  léger  et  rartillérie,  étaient  restés  en 
bataille  sur  le  plateau  où  ils  avaient  contenu  les  deux  brigades 
d*Erskine.  La  division  commandée  par  le  général  de  brigade 
Sarrut  avait  d^à  atteint  le  chemin  d'Alfayates,  ainsi  que  la 
3*  brigade  de  la  division  Heudelet.  La  retraite  s*opéra  par  le 
chemin  deRendo,  dans  le  meilleur  ordre  et  en  présence  de 
Tennemi,  qui  s'était  déployé  sur  le  plateau.  Le  général  Heudelet 
couvrit  la  marche  avee  le  31*  de  ligne  et  son  artillerie.  Le  s^r, 
le  2^  corps ,  suivi  par  la  cavalerie  anglaise ,  arriva  h  Alfayater , 
où  il  se  réunit  aux  6®  et  8*  corps,  qui  s^y  étaient  déjà  rendus. 
Cette  affaire,  qui  fait  honneur  au  général  Reynier  ainsi  qu*aux 
troupes  du  2^  corps,  ne  coûta  que  47  hommes  tués  et  3es  bles- 
sés, au  nombre  desquels  se  trouvèrent  les  colonels  Desgraviers, 
du  4'  léger,  Lavigne,  du  70^  de  ligne,  et  l'adjudant  commandant 
Desroches.  L'ennemi  n'accusa  que  200  hommes  tués  ou  blessés. 
Bans  cette  Journée  les  troupes  anglaises  combattirent  avec  beau- 
coup de  bravoure;  mais  Wellington  et  ses  lieutenantsflrentpreuve 
de  peu  de  talents  dans  l'exécution  d'un  plan  d'ailleurs  bien  conçu, 
qui  consistait  à  tourner  la  gauche  du  2*  corps ,  à  le  séparer 
du  8*  et  à  le  cerner  avant  qu'il  pût  être  secouru  par  le  6*^.  Rey- 
nler,  au  contraire,  retrouva  dans  cette  cireonstanee  toute  son 
énergie  et  son  habileté,  dès  que  l'action  f\oit  engagée,  et  sut  éviter 
d'être  acculé  à  la  Coa  et  pris  entre  deux  feux.  Tandis  qu'il 
était  attaqué  de  flront  et  sur  sa  gauche  par  des  forces  triples  des 
siennes,  une  forte  colonne,  après  s'être  emparée  des  hauteurs 
en  fecede  Sabugal,  brusquait  le  passage  du  pont,  et  uneautre  co- 


608  LIVRE   SCPTfiWB. 

I8H.  tonne,  non  moins  considérable,  attaquait  deilûic.  Cette dehiifere 
Portugal,  avait  passé  la  Goa  à  gué  au-dessus  de  la  ville,  pour  manœuvrer 
sur  leà  derrières  du  général  français  ;  mais  les  Ismipes  anglaises 
exécutèrent  mal  leur  déploiement  ;  leur  mouvement  ne  fut  point 
assez  lai^ ,  de  sorte  qu'elles  se  trouvèreot  engagées  avec  le 
flanc  des  Français,  qu'elles  devaient  prendre  en  queue,  avant  que 
les  niasses  destinées  à  attaquer  de  front  fassent  assez  avancées 
pour  les  soutenir.  Reynier,  qui  aperçut  ce  faux  mouvement, 
opéra  alors  un  changement  de  front ,  Talle  gauche  en  arrière , 
et,  par  cette  manœuvre  exécutée  rapidement  et  à  propos  ,  Il 
paralysa  l'effort  que  faisait  Tennemi  pour  Fenvelopper. 

4  avril.  .  Le  maréchal  Masséna  rentre  sur  le  territoire  espagnol. -^ 
Le  combat  de  Sabugal,  bien  que  glorieux,  était  inutile,  puis- 
que le  général  Beynier  avait  été  autorisé  à  l'éviter.  L'armée  de 
Portugal,  réduite,  fatiguée  et  abattue ,  mais  encore  respectable , 
allait  rentrer  en  Espagne  avec  ses  bagages  et  toute  son  artillerie , 
moins  l'obusier  pris  au  combat  de  Sabugal  et  une  autre  bouche 
à  feu ,  hors  de  service,  restée  à  Panhète.  Son  effectif  au  l*'' 
avril  était  encore  d'environ  40,000  combattants  et  10,000  die- 
vaux,  y  compris  ceux  de  rartillerie  et  des  équipages.  Les  malades 
et  les  blessés,  au  nombre  de  f  o  à  12^000 ,  avaient  été  évacués 
sur  Salamanque  et  Yaliadolid.  Dans  la  nuit  du  4  avril  l'année 
commença  son  mouvement  de  retraite  pour  rentrer  dans  la 
Vieille^Castille.  Suivie  par  six  escadrons  anglais  et  de  TartiUerie 
légère ,  elle  franchit  en  bon  ordre  le  Turones  et  se  porta  de  là 
sur  les  bords  de  TAguéda,  où  elle  prit  des  cantonnemants  entre 
Alméida  et  Giudad-Rodrigo  ;  mais  les  environs  de  ces  deux 
villes  avaient  été  ruinés  tant  de  fols  qu'il  était  impossible  d'y 
subsister.  Forcé  de  tirer  200,000  rations  de  biscnit  de  Tappro* 
visionnement  de  Ciudad-Bodrigo ,  Masséna  avait  invité  le 
duc  d'Istrie  à  les  remplacer  le  plus  tôt  possible.  Déddé  à  livrer 
bataille  aux  Anglais  entre  Alméida  et  Ciudad-Rodrigo,  il  se 
disposait  à  camper  quatre  ou  cinq  jours  à  proximitédeces  places 
et  de  vivre  aux  dépens  de  leurs  magasins.  Après  le  combat  de 
Sabugal,  l'armée  de  Wellington  n'avait  pas  suivi  celle  de  Por- 
tugal. Manquant  aussi  de  vivres,  elle  avait  repassé  les  mon* 
tagnes  et  s'était  arrêtée  dans  les  environs  de  Célorico,  afin 
d'être  plus  à  portée  des  magasins  établis  à  Viseu  et  à  Golmbre. 


PortusM 


GUBtBB   l>*ESPAGKE.  60» 

Dès  Qu'elle  fut  approvisionBée,  elle  s'ébranla  pour  se  rappro-  jtii 
eher  des  plaees,  et  se  porta  le  7  avril  vers  la  petite  rivière  de 
Dofr-Casas.  Un  corps  nombreux  de  cavalerie  s'assembla  aa^^  en-» 
virons  d'Alraéida.  L'agglomération  de  Tarmée. française  entre 
les  places ,  qu'elle  aurait  fini  par  affamer»  fit  prendre  à  Masséna 
le  parti  de  rétablir  dans  des  cantonnements  plus  éliugnés.  £n 
conséquence ,  le  8  ^  le  2'  corps  se  mit  en  marcbe  pour  Ledesma, 
le  6"  pour  Salamauque^  et  le  S^  pour  Toro.  La  cavalerie  de 
réserve  devait  se  diriger  sur  Benaventé*  Le  9^  corps,  étabU  à 
Aldéa  del  Obispo,  où  il  paraissait  trop  exposé,  reçut  Tordre 
de  se  porter  à  San-Félices  el  Grande;  mais,  se  prévalant  d'un 
ordre  du  duc  d'Istrie  qui  Fautorisait  à  rentrer  en  Espagne ,  bien 
que  ce  mai'échal  n*eût  plus  d*ordres  à  donner  au  9*^  corps  de- 
puis qu'il  appartenait  à  Tarmée  de  Portugal ,  le  comte  d'Erlon , 
au  lieu  de  rester  à  San-Félices ,  pour  empêcher  Alméida  et  Ciu- 
dad-Rodrigo  d'être  bloqués ,  prit  la  route  de  Salamanque ,  où  il 
arriva  le  il,  abandonnant  à  elles-mêmes,  presque  sans  sub- 
sistances, deux  places  qu'il  avait  mission  de  protéger.  Il  s'ex- 
cusa près  do  général  Fririon,  chef  de  Tétat-major  dcTarmée» 
sur  ce  qucy  ses  deux  divisions  manquant  de  pain  depuis  plusieurs 
jours,  il  s'était  vu  forcé  d*en  aller  prendre  à  Salamanque.  Il 
promettait  de  les  conduire  à  San-Félices  aussitôt  qu'elles  en 
seraient  pourvues,  ce  qu'en  efl'et  il  exécuta,  suivi  et  surveillé 
par  un  aide  de  camp  de  Masséna.  Arrivé  à  Salamanque,  le  prince 
d'Ëteling  ordonna  à  la  division  Marchand  de  rétrograder,  et 
le  iS  avril  cette  division  prit  position  dans  le  faubourg  de 
Ciudad-Rodrigo,  sur  la  rive  gauche  de  i'Aguéda. 

L'affaire  importante  pour  Wellington  comme  pour  Masséna 
était  la  question  des  subsistances ,  dans  laquelle  celui-ci  était 
peu  secouru  par  leducd'Istrie,  malgré  toutes  ses  protestations 
de  dévouement.  Le  général  anglais  établit  des  dépôts  à  Lamégo , 
sur  le  Mondégo,  et  à  Guarda,  Penamacor  et  Castello-Branoo, 
Alméida,  n'ayant  plus  que  pour  vingt  jours  de  vivres,  fut  ri- 
goureusement bloqué  par  le  lieutenant  général  Spencer,  au- 
quel Wellington  confia  le  commandement  de  l'armée  du  Nord« 
Quant  à  lui,  supposant  que  Masséna  ne  pourrait  de  longtemps 
rien  tenter  de  sérieux  contre  le  Portugal  avec  une  armée' fati« 
guéeet  affiiibliepar  les  pertes  successives  d'ime  longue  et  pénibto 

I.  59 


è\Û  C1V*B   SCPTftaC. 

i8i  4 .  '  ffetraite ,  il  se  porta  «n  Estrémadure  avec  on  groft  âétadiennisil 
i^oMoftar.  j^p  reprendre  Badajoz  et  délivrer  Cadix,  Le  onréckal  Be- 
re»ford  s'étaot  emparé  d'Ollvenza  le  f  5,  le  siège  de  Badajos  fut 
eommeDcé  immédiatement*  Deson  cMé  Spencer  passa  l'Âgoéda 
avec  8»ooo  hommes,  et  Masséoa,  qui  reçut  le  1 6,  A  Salananc|ae, 
lanoaveiie  delà  rupture  de  toute  communication  avec  Aiméida, 
s'occupa  aussitôt  de  réunir  son  armée;  la  division  Marchand, 
du  6*^  corps ,  était  déjà  en  route.  Le  2a,  ce  général ,  à  la  tète  de 
2,400  hommes,  poussa  une  reconnaissance  sur  le  pont  de 
Marialva  et  y  trouva  Tennemi  en  force.  Celnl-ci  paraissait 
avoir  30  à  26,000  hommes  autour  d'Alméida.  Le  due  d'Istrie, 
auquel  Masséna  avait  demandé  un  secours  d'une  division  dMn- 
ianterie,  de  12  à  1,500  chevaux ,  avec  quinze  à  dix-huit  {uèoe» 
d'artillerie  bien  attelées,  les  siennes  se  trouvant  démontées, 
ne  répondit  pas  à  cette  demande.  Le  prince  d'Essling  pensait 
que  ces  forces ,  Jointes  à  celles  qu'il  pourrait  concentrer  à  Qu- 
dad-Rodrigo,  sufËralentponr  culbuter  Tennemi  an  ddà  de  la 
Coa;  mais,  privé  de  ce  secours  indispensable  pour  opérer  avec 
chance  de  succès  le  ravitaillement  d^AIméida,  il  se  trouva  réduil 
k  reffectuer  avec  six  faibles  divisions  d*infanterie ,  16  à  1,800 
chevaux ,  en  tout  d4,000  combattants  sur  40,000,  la  divlsk» 
Gfeusel ,  du  8*  corps ,  ayant  été  détachée  sur  la  route  de  Sala^ 
manque  pour  entretenir'  les  communications  et  seulement  vingt 
pièces  de  canon  pour  toute  l'armée. 

Cependant^  sans  renoncer  à  son  projet  qui  devait  amener 
une  bataf  lie  décisive  pour  la  campagne ,  Masséna  donna  Tordre 
à  Reyuier  de  mettre  en  marche  les  divisions  Heudelet  et  Merle. 
Les  deux  divisions  Mermet  et  Ferrey,  du  6^  corps,  et  la  divi- 
sion Soîignac,  du  8^,  devaient  s'ébranler  en  même  temps.  Le 
24  avril  le  général  Ferrey  partit  de  Salamanque ,  campa  le  25  à 
San-Martino  del  Rio  et  s'établit  le  lendemain  devant  la  tète  de 
pont  de  Ciudad-Rodrigo.  Mermet  quitta  ses  cantonnements 
d'Alba  de  Tormès ,  Banos  et  Béjar,  campa  à  San-Muâos  et  à 
Tamamès^  le  25  à  San- Martine  del  Rio,  à  Salvatierra^  et  le 
lendemain  à  Santi-Spiritus  et  an  cmivent  de  la  Caridad.  Soîi- 
gnac arriva  à  Matiila,  campa  le  25  à  Fuentéde  San-Bstévan,  et 
entra  le  lendemain  à  Ciudad-Rodrigo.  Le  25  la  division  Merle, 
du  2^  corps,  se  porta  de  Zamora  à  Ledesma,  et  campa  le  icn* 


GUERBK   d'BSPAOWE.  6t1 

deroafii  à  'Vitu^aâino  ;  eelle  du  général  Hendelet  campa  à  moitié  «mi  . 
chemin  de  Yitiigadiiio  et  le  lendemain  à  Sobradillo ,  ayant  un  ^•'*"<**- 
riment  an  dél)oiiehé  du  pont  de  BariML  del  Puerco,  sur  la  rive 
droite  de  i*Aguéda.  La  cavalerie  de  Montbrun,  composée  des  1 1^,' 
i&^  et  25*  régiments  de  dragons,  s'avança  snr  Giadad-Rodrigo, 
où  Masséna  arriva  le  36.  Le  reste  de  la  réserve  resta  provisoit 
rement  à  Zamora,  sous  le  commandement  dn  général  Cavrois* 
Ainsi  Farmée  achevait  son  mouvement  de  concentration  le  25 
au  soir  au  lieu  du  25 ,  comme  le  voulait  Masséna,  par  la  faute 
de  Reynier,  qui ,  sans  autorisation ,  avait  fait  porter  à  Zamora 
la  division  Merle  au  lien  de  la  laisser  à  Ledesma ,  qu'elle  ne  put 
atteindre  que  le  25.  Le  mouvement  sur  Alméida,  que  Masséna 
avait  été  forcé  de  retarder  jusqu'au  30 ,  faute  de  vivres  et  dans 
l^attente  des  renforts  en  cavalerie,  et  en  artillerie  qu'avait  enfin 
promis  le  duc  d'Istrie,  ne  put  commencer  que  le  2  mai  après 
midi,  ce  faible  secours  n'étant  arrivé  qu'au  point  du  Jour.  Il 
consistait  en  1,500  hommes  de  cavalerie  >  formés  des  brigades 
Wathier  et  Lepic,  la  première  de  700  hommes  de  cavalerie  lé* 
gère  et  la  seconde  de  800  cavaliers  de  la  garde,  et  en  une  bat<« 
terle  de  six  pièces  et  trente  attelages  d'artillerie.  Un  convoi  de 
quinze  cents  voitures  »  chargées  de  blé,  de  farine,  de  biscuit  Bt 
d'eao-de-vie ,  destiné  à  ravitailler  Alméida,  était  prêt  à  suivre 
l'armée.  It  avait  été  réuni  par  les  soins  de  Masséna  et  de  Tinten-* 
dant  général  Lambert,  aidé  du  général  Thiébault ,  gouverneur 
de  Salamanque.  Un  bataillon  de  la  garnison  de  Ciudad-Ro^ 
drigo  devait  escorter  ce  convoi  amené  de  Salamanque  sous  l'es- 
corte des  800  cavaliers  de  la  garde.  Arec  le  renfort  fourni  par  le 
maréchal  Bessières,  l'armée  s'élevait  à  environ  36,000  hommes. 
Elle  déboucha  par  le  pont  de  Ciudad-Rodrigo  sur  TAguéda. 
Reynier,  avec  ses  deux  divisions,  prit  la  droite ,  se  porta  sur 
Marialva,  passa  le  pont  de  l'Azavaet  fit  reconnaître  Gallégos, 
où  sa  reconnaissance  pénétra,  l'ranemi  ayant  évacué  ce  viU 
lage  à  midi.  Le  duc  d'Abrantès ,  réduit  à  la  division  Solignac, 
se  porta  en  avant  de  Carpio ,  sur  la  rive  gauche  de  F Azava  ^ 
franchit  ie  pont  occupé  par  de  l'infanterie  et  de  l'artillerie  ennéf 
mies  qui  l'abandonnèrent,  et,  suivie  du  9°  corps ,  cette  division 
s'avança  sur  Alaméda,  prit  position  à  gauche  du  2®  corps,  et 
forma  le  centre  avec  les  divisions  Gonroux  et  Glaparède.  Le 

99. 


61S  LIVBB  SBFriBME 

ifti.     6'  corps,  S0U9  Loison ,  réuni  à  la  cavalerie  àe  MoDtbrun,  an 
nombre  de  2,400  chevaux,  y  compris  la  cavalerie  légère  du 
général  Wathler,  prit  la  gauche  de  l'armée  et  atteignit  Espéja  à 
la  nuit. 

En  traversant  TAguéda ,  Tarmée  française  avait  trouvé  les 
avant-postes  ennemis  en  avant  et  en  arrière  de  la  petite  rivière 
d'Azava  ;  en  franchissant  le  pont  de  cette  rivière ,  SoUgnac  avait 
chassé  les  postes  anglais  au  delà  de  Gallégos;  l'avant-garde  du 
6^  corps,  commandée  par  le  général  Ferrey,  avait  repoussé 
d'Espéja  trois  bataillons  et  deux  escadrons  jusque  sur  les  hau- 
teurs de  Fuentès  de  Onoro ,  et  le  refus  de  Montbrun  de  marcher 
avec  Loison ,  malgré  les  ordres  du  général  en  chef,  fit  échapper 
deux  bataillons  et  800  chevaux  que  le  mauvais  état  de  la  cavale- 
rie du  6*^  corps  empêcha  de  poursuivre.  Les  Anglais,  repoussés  des 
rives  de  l'Azava,  se  retirèrent  sur  le  Dos-Casas,  cours  d'eau 
encaissé  et  d'un  accès  difHcile,  et  se  formèrent  sur  la  chaîne  de  col- 
Unes  qui  sépare  le  bassin  du  Dos-Casas  de  celui  du  Turones.  Leur 
droite  était  adossée  au  village  de  Navé  de  Avel ,  le  centre  au 
sommet  des  collines  entre  Fuentès  de  Onoro  et  Villa-Fermosa,  la 
gauche  à  Val  de  Mula,  s'étendant  autour  du  fort  de  la  Conception, 
devant  lequel  passe  le  Dos-Casas  avant  de  se  jeter  dans  T  Aguéda, 
après  un  cours  de  quelques  lieues  seulement.  L'armée  alliée  était 
forte  d'environ  43,000  hommes,  dont  28,000  Anglais ,  12,000 
Portugais  et  3,000  Espagnols,  sous  le  partisan  don  Julian  San- 
chez.  Le  front  de  la  ligne  ennemie,  d'un  développement  de  plus 
d'une  lieue  ^  était  protégé  par  la  gorge  profonde  et  escarpée  du 
Dos-Casas.  La  7^  division  anglaise,  sous  les  ordres  du  général 
Houston,  tenait  la  droite,  couverte  par  la  cavalerie;  la  i^  divi- 
sion, celle  du  général  Spencer,  qui  venait  ensuite,  se  liait  avec 
la  3^,  commandée  par  le  général  Picton,  qui  communiquait  avec 
la  division  légère  du  général  Cravrfurd.  Celui-d  tenait  sa 
droite  à  Espéja  et  sa  gauche  à  Gallégos.  T^  5^  division ,  sous 
le  général  Dunlop,  fut  laissée  en  arrière  vers  le  fort  de  la  Con- 
ception; et  la  e®  division,  sous  le  général  Campbell,  resta  en 
face  d'Alaméda,  couvrant  ainsi  le  blocus  d'Alméida,  maintenu 
par  la  brigade  portugaise  du  général  Paek  et  un  régiment  anglais. 
'^  Lord  Wellington ,  qui  était  arrivé  le  2 1  avril  devant  Badajoz, 
dont  il  allait  «commencer  le  siège,  ayant  été  prévenu  le  26  par 


GOEBH    d'eSPÀGRE.  618 

le  lieutenant  général  Spencer  du  ilioavement  de  Tarmée  fran-  ihh. 
çaise  aux  environs  d'Alméida»  partit  le  même  Jour  d*Eivas  et  **^*'«^ 
arriva  le  28  à  son  quartier  général  de  Villa-Fermosa.  A  son 
retour  les  l'^^et  3*^  divisions  furent  concentrées  à  une  portée  de 
canon  en  arrière  de  Fuentès  de  Onoro,  point  important  pour  i'ar* 
roée  anglaise  parce  qu*il  couvrait  sa  principale  communication 
par  le  pont  de  Gastello-Bom  sur  la  Coa.  Plus  loin  sur  sa  droite, 
vers  le  village  de  Pozo-Velho,  Wellington  plaça  en  éclaireur 
don  Julian  Sancbez  avec  sa  bande  espagnole,  composée  d*infan- 
terie  et  de  cavalerie»  pour  être  prévenu  de  ce  qui  se  passerait 
de  ce  côté.  Tout  en  évitant  de  provoquer  unel>ataille,  le  gêné* 
rai  anglais ,  confiant  dans  sa  position  défensive ,  était  résolu  à 
accepter  le  combat  si  Masséna  le  lui  présentait.  Son  front  était 
fort,  mais  sa  droite  était  en  Tair;  derrière  lui,  les  précipices 
de  la  Coa,  vallée  infranchissable ,  s*étendaient  bien  au  delà  de 
sa  gauche ,  où  se  trouvait  une  place  occupée  par  une  garnison 
française.  Refoulée  par  sa  droite  dans  Timpasse  de  la  Coa  et  du 
Duéro,  l'armée  anglaise  n'avait  plus  de  ligne  de  retraite  et 
était  fort  compromise;  mais  l'aveugle  fortune  la  sauva  dans 
cette  journée  comme  elle  l'avait  fait  en  tant  d'autres  .oocasions. 

Bataille  de  Fuentès  de  Onoro.  —  En  quittant  les  bords  de  s  m». 
TAzava»  l'armée  française  se  porta,  le  3  mai  au  matin»  sur  le 
Dos-Casas;  le  2^  corps,  formant  toujours  la  droite»  se  dirigea  sur 
Alaméda;  la  division  Solignac,  soutenue  par  le  9^  corps,  mar- 
cha sur  la  gauche  de  ce  village  et  forma  le  centre  de  la  ligne 
de  bataille  entre  Alaméda  et  Fuentès  de  O&oro ,  en  arrière  du 
Boft-Casas;  le  e''  corps,  précédé  de  la  cavalerie  légère  du  gé- 
néral Fournier  et  suivi  de  la  réserve  de  Mon^brun  ,  marcha 
d'Espéja  sur  Fuentès  de  Oiioro;  la  3*  division,  aux  ordres  du 
général  Ferrey,  formait  lavant-garde.  Le  convoi  destiné  au 
ravitaillement  d'Aiméida  suivait  la  division  Solignac  et  était 
escorté  parla  cavalerie  de  la  garde.  Il  devait  attendre  à  Gallégos 
le  résultat  du  mouvement  du  6*^  corps  sur  Fuentès  de  Onoro. 
Celui  des  2^  et  9^  corps  et  de  la  division  du  8^  donnant  de 
rinquiétude  à  Wellington  pour  son  centre  et  pour  la  gauche  de 
sa  position ,  il  fit  passer  le  Ûos-Casaa  à  la  division  Crawfurd 
pour  renforcer  la  6®,  et  Fuentès  de  Onoro  resta  occupé  par  six 
bataillons  de  troupes  d'élite,  détachés  des  1^*  et  a*  divisions.  Le 


014  LtVBB   SÏPTIÈHE. 

fiiit.  projet  du  prince  d'Enling  était  d'attaquer  brusquement  par 
PurtQgaL  ^  gauche  la  droite  de  Weilington  à  Fnentès  de  Onoro,  de  lai 
couper  la  communication  de  Castello^Bom  en  la  refoulant  sur 
son  centre  et  sur  sa  gauche.  Si  cette  attaque  réussissait ,  l'armée 
alliée,  précipitée  sur  la  basse  Coa,  n*eût  plus  eu  que  le  choix 
d'une  retraite  difficile,  sinon  désastreuse. 

Fuentès  de  Onoro  est  bâti  en  partie  au  pied  du  coteau  qu'occu- 
pait l'ennemi.  La  plupart  des  maisons  de  cette  petite  rille  sont 
dans  le  ra^in  creusé  par  le  Dos-^Casas;  éparses  et  construites 
avec  solidité,  elles  sont  presque  à  t'épreuye  du  canon,  ainsi  que 
ies  murs  des  Jardins  qui  les  entourent,  de  sorte  que  l'infanterie 
y  trouve  d'excellents  abris ,  tandis  que  les  troupes  assaillantes 
sont  exposées  de  toutes  parts  au  feu  de  renneroi.  Un  ancien 
ermitage  et  quelques  maisons ,  faciles  à  retrancher,  couronnaient 
les  rochers  environnants.  Le  général  Fournier,  soutenu  par  une 
partie  de  la  réserve  de  cavalerie ,  déboucha  dans  la  plaine  en 
avant  de  Fuentès  de  Onoro ,  cliargea  la  cavalerie  anglaise  au 
nombre  de  quinze  à  seize  escadrons,  et  la  rejeta  brusquement 
Jusqu'à  l'entrée  de  la  ville.  A  une  heure  après  midi,  Loison,  sans 
attendre  les  ordres  de  Masséna,  poussa  la  l'''^  brigade  de  la  dlvl'> 
sion  du  générai  Ferrey  sur  Fuentèsde  Onoro;  le  colonel  Williams, 
qui  occupait  les  abords  de  la  ville  avec  quatre  bataillons  de  troupes 
légères  et  le  3^  bataillon  du  83'  régiment  anglais,  défendit  vail- 
lamment les  parties  basses  en  avant  du  Dos-Casas  ;  ses  troupes, 
postées  derrière  les  murs  de  cl6ture  et  derrière  une  barricade 
élevée  dans  la  principale  rue ,  furent  rejetées  sur  la  rive  gau- 
-che  du  Dos-Casas^  où  Ferrey  les  suivit,  culbutant  à  la  baïonnette 
tout  ce  qui  opposait  de  la  résistance.  11  était  parvenu  jusqu'au 
centre  de  la  ville ,  et  le  colonel  Williams ,  blessé  dangereuse- 
ment, était  hors  de  combat,  quand  Wellington  renforça  les 
troupes  de  Williams  du  7 1*'  régiment,  bientôt  soutenu  par  le  79'. 
Les  Anglais,  reprenant  alors  l'offensive,  rejetèrent  la  1*^  brigide 
-de  Ferrey  de  l'autre  côté  du  Dos-Casas*  C'était  une  faute  grave 
d'avoir  attiré  mal  à  propos  l'attention  de  l'ennemi  sur  cette 
importante  position  en  l'attaquant  avec  aussi  peu  de  forces.  Maf- 
séna  le  sentit ,  et  à  cinq  heures  du  soir  il  ordonna  une  seconde 
attaque  avec  toute  la  division  Ferrey  et  une  brigade  de  la 
division  Marchand;  c'était   encore  trop  p?Uy  car  l'ennemi^ 


déjà  Averti ,  pon^aH,  coone  il  le  fit  effeotiveraoït,  coDceairer  mk 
sur  (e  point  menaeé  des  forces  plus  eonsîdéraUes,  en  les  fidsaot  ^'wV 
descendre  des  tia«teiirs  qu'il  oceapaf  t.  A  cinq  heures  le  général 
'Perrey  fit  Mayer  les  abords  de  Fuentès  de  Onono  par  son  artil^ 
lerie ,  tandis  que  le  Sl^  léger,  In  légion  du  Midi  et  le  »2^  de  ligo^ 
'pénétraient  dans  la  i4lle  au  pas  do  cliarge»  malgré  une  grélo 
de  balles^  et  s'emparaient  de  la  partie  basse.  Appuyés  p^ir  la  lé* 
gion  haatiovifenne  ««  la  1^  brigade,  oomposéo  des  !I6^  et  416®  de 
Ifgne,  ces  imives  régiments  s'avancent  |osqu*au  pied  des  hau; 
tenrs;  emportés  par  leur  ardeur,  les  trois  bataillons  de  la  i^ 
brigade  essayent  de  les  gravir  à  la  suite  des  fuyards  qui  out 
abandonné  les  détures  et  les  maisons  où  ils  étaient  embusqués  ( 
mais,  assaillis  par  le  24*  régiment  anglais,  soutenu  par  les  7if 
et  79® ,  Hs  sont  ramenés  au  bas  de  la  partie  iiaute  et  expulséf 
une  seconde  fois  de  la  ville.  Menaeé  d'être  débordé  par  s^ 
droite,  Ferrcy  rallie  à  sa  9®  brigade  les  troupes  qui  viennent 
d*ètre  repoussées,  et ,  soutenu  par  quatre  batailloni^  de  la  divi- 
sion Marchand ,  se  Jette  à  la  baïonnette  snr  les  Anglais,  qn'M 
pousse  en  désordre  dans  la  ville,  dont  il  conserve  la  partie  basa? 
ainsi  que  les  deux  rives  du  Dos-Gasas.  La  ntit  mit  iin  au  comT 
bat.  Les  Anglais  restèrent  maîtres  de  la  partie  haute  de  Fuentès 
de  Onoro,  où  Wellington  ne  laissa  que  les  71®  et  79*  régiment^ 
et  le  2®  bataillon  du  24^.  Ils  avaient  perdu  dans  cecombai  f 
i  700  hommes  tant  tués  que  blessés.  Les  Français,  ayant 
toujours  combattu  à  découvert»  en  perdirent  un  peu  plus.  A^ 
«centre  et  à  ta  droite  de  Parmée  française  «  les  2®  et  6®  corps 
avaient  occupé  toute  la  ligne  ennemie  par  de  fausses  attaques 
et  des  escarmouches  d*avant-po8te.  Reynier  avait  occupé 
Alaméda,  que  le  général  Campbdi  lui  avaiitoédé  pour  se  repUeft 
sur  le  fort  de  la  Conception. 

Dans  là  nuit  du  S  au  4  WellioglMi  it  retrancher  la  partie 
haute  de  Fuentès  deOfioro  qu*il  avait  conservée.  Le  front  de  sa 
position  était  bien  couvert  parie  ravin  du  JDos-<]|asasv  qui  s'étend 
Jusqu'au  fort  de  la  Conception  ;  mais,  aurdessus  de  Fuentès  dfp 
Onoro,  ce  ravin  se  resserre  peu  à  peu  et  se  perd  daqsièn  boism^ 
récageux  qui  s*étend  jusqu'à  Poxo-Velho,  village  à  mi-chemi(i 
entre  Fuentès  de  Onoro  et  Navé  de  Avel,  où  s'appuyait,  ooipmi» 
on  Ta  vu,  la  droitede  l'armée  alliée.  Le  4,  dans  la  matinée^  pe»- 


616  UVBB  SBPTIÈBB. 

tif  n  ^  dant  que  Ferrey  occupait  les  Anglais  devant  Fmatès  de  Ovuu% 
Hasséna  fit  reconnaître  cette  droite  par  im  gros  détaebeiaent 
de  cavalerie  conduit  par  Montbrun.  Geiul-d  constata  que  te 
flanc  droit  de  rennemi  était  accessible  par  une  plaine  large  et 
dénuée  d'obstacles,  qui  s'étend  jusqu'à  Navé  da  Avel»  où  une 
montagne  élevée  domine  les  chemins  menant  aux  ponts  de 
Séceiras  et  de  SabugaJ. 

Le  rapport  de  Montbran  détermina  Je  général  en  chef  k  tour- 
ner la  droite  ennemie  par  un  changement  de  front  à  gauche ,  et 
à  resserrer  Wellington  entre  le  Dos-Gasas,  leTurones,  la  Coa 
et  Alméida.  En  lui  coupant  ses  communications  avec  Sabogal  et 
Séceiras ,  et  ne  lui  laissant  pour  ligne  de  retraite  que  la  direc- 
tion deCastello-Bom,  Tarmée  alliée  courait  le  naqi»  d*étre 
rejetée  sur  la  basse  Coa  et  d*y  perdre  toute  son  artillerie*  Ce 
mouvement  de  Tarmée  française  par  sa  gauche,  la  portant  per- 
pendiculairement sur  le  flanc  droit  des  alliés,  conduisait  réel- 
lement au  véritable  et  unique  point  d'attaque;  car  la  droite  de 
Wellington ,  solidement  établie  et  retranchée  sur  les  hauteurs 
de  Foentès  de  Onoro,  qui  lui  procuraient  d'immenses  avantsiges, 
était  séparée  des  Français  par  un  ravin  profond  défendant  le 
front  de  sa  ligne  d'un  bout  à  Tautre.  Son  aile  gauche,  adossée  aux 
ruines  du  fort  de  la  Conception ,  qui  présentaient  encore  un  so- 
lide appui  en  cas  d'attaque  sérieuse,  pouvait  être  facilement 
renforcée  par  laile  droite.  Il  ne  restait  donc  à  Masséna  d'autre 
parti  à  prendre  que  celui  qu'il  adopta*  Le  3,  avant  la  concen- 
tration des  forces  des  alliés  sur  les  hauteurs  de  Fuentcsde  Oûoro^ 
cette  manœuvre  pouvait  avoir  un  plein  succès. 

I^  4  au  soir,  les  ordres  pour  attaquer  le  lendemain  par  Navé 
de  Avel  et  Pozo-Velho  furent  expédiés  aux  chefs  des  corps 
d'armée.  Les  mouvements  s'exécutèrent  pendant  la  nuit,  mais 
pas  aussi  secrètement  que  le  général  anglais  ne.  pût  les  devi- 
ner, ayant  eu  toute  la  Journée  du  4  pour  les  épier  ^  d  ailleurs  la 
marche  de  l'armée  française  par  le  flanc  gauche,  qui  devait 
être  exécutée  avant  la  pointe  du  Jour,  fut  retardée  de  deux  ou 
trois  heures ,  ce  qui  donna  à  Wellington  le  temps  et  tes  moyens 
^e  fliire  de  nouvelles  dispositions.  La  division  légère  envoyée 
à  Alaméda  revint  à  Fuentès  de  Onoro ,  dont  les  hauteurs  furent 
occupées  par  les  3^  et  l*"*  divisions  ;  la  brigadeportugaised'Ash- 


OUBBBE  H^BSPAOIIB.  611 

worlh,  dflQxbiMllMM  an^iôs,  uneparUe  de  lacav«leri£  et  lu      mu. 
r"  dIvifliM,  aux.  ordres  da  général  Houston,  furent  dirigées  sur    ^^^^^^ 
Pozo-Veibo,  et  le^  E^gnob  de  don  JoUan  Sanchez  se  porté* 
rent  à  Naf  é  de  Avel  pour  éclairer  la  droite* 

Le  6  mai)  à  la  poipte  du  jour,  Tannée  française  se  trouva 
ainsi  ptaeée  :  à  gauche  Loison ,  avec  les  divisions  Marcliand  et 
M ermet,  en  face  de  Pozo-Yellio,  et  celle  du  générai  Solignac  en 
réserve  ;  toute  la  cavalerie  de  Montbrun ,  :i^,400  chevaux ,  à 
gauche  «te  ces  divisions  ;  la  brigade  de  cavalerie  légère  du  gé- 
néral Foumier,  3",  7*  et  so'  régiments  de  chasseurs,  vis-à-vis 
de  Navé  de  Avel ,  la  gauche  à  hauteur  de  Pozo-Velho;  la  ca* 
Valérie  de  la  garde  en  réserve.  La  3^  division  du  6*"  corps,  celle 
du  général  Ferrey ,  occupait  la  partie  iNisse  de  Fuentès  de  Onoro 
et  était  destinée  à  attaquer  la  partie  supérieure  ;  elle  formait 
le  centre,  atppuyé  par  les  divisions  Gonroux  et  Claparède ,  du 
9*  corps;  à  lad^ite,  le  2^  corps  appuyait  sa  r*^  division  à  Ala- 
niéda,  et  la  S°  s'étendait  intermédiairement  entre  ce  village  et 
Fuentès  de  Onoro.  L'infanterie  de  l'armée  était  formée  en  masse 
par  régiment;  la  cavalerie  était  déployée,  et  l'artillerie  entre 
les  divisions.  Beynier  avait  ordre  de  favoriser  par  des  démoos* 
trations  d^attaque  le  grand  mouvement  de  l'armée  et  de  ma- 
noeuvrer de  manière  à  se  réunir  à  elle  à  mesure  qu'elle  gagnerait 
du  terrain  sur  l'ennemi.  Le  convoi  de  vivres  destiné  pour  Al- 
méida,  qui  était  parqué  à  Gallégos,  retourna  à  Mariai  va. 

liC  général  Fournier,  qui  avait  reçu  l'ordre  de  tourner  Navé 
de  Avel  par  sa  gauche  tandis  que  Wathier  l'appuyerait  par  sa 
droite,  déboucha  seul  sur  ce  village  d'où  il  chassa  Julian  San- 
chez,  loi  iit  une  centaine  de  prisonniers  et  le  rejeta  derrière  le 
Turones.  L'attaque  de  cette  faible  guerrilla,  exécutée  d'ail- 
leurs sans  précision ,  fit  perdre  une  heure  à  Montbruu.  Celui- 
ci,  après  son  expédition  de  Navé  de  Avel,  déboucha  sur  les 
hauteurs  de  Pozo-Velho.  Pendant  ce  temps  Loison  avait  fait 
porter  la  division  Marchand  sur  ce  village,  occupé  par  la  l^  di- 
vision anglaise.  La  brigade  Maucune,  en  colonne  par  division  et 
soutenue  par  celle  du  générai  Marcognet ,  entama  l'affaire  en 
enlevant  de  vive  force,  du  premier  choc,  le  bois  de  Pozo-Velho, 
où  le  général  Houston  avait  jeté  2,000  hommes  en  tirailleurs. 
SI  cette  iNTlgade  eût  été  soutenue  par  quelques  pelotons  de  cava- 


618  tint  âBrriÉMi. 

181 ,.  lerie,  le  8A«  régiment  4e  If  gne  aurais,  q«i  ocetpett  lé)fcoi»afec 
•  Portagai.  |^ ^^t  ^^  ^^^  p^^^  entièrement;  ear  il  t'était  iafaié  vompre et 
ftiyait  en  désordre  vera  le  village,  où  il  JM  la  èdnAisloin  ^  et  oô 
Maucune  se  précipita  sar  ses  traces.  Cette eliarge  à  la  baïonnette 
eoAta  à  Tennenii  300  liommes  tnés  oo  l^lesséa  et  ^n^lron  900 
prisonniers.  En  poursuivant  les  Anglais  a«  delà  de  Paeo- Vetho, 
la  brigade  française  rencontra  la  cavalerie  de  Montbranqnl  s'a« 
vançait  rapidement*  La  première  ligne  de  Honston  était  couverte 
par  deux  escadrons  de  bussarda  banovrieMetnn'«égi»at  de 
chasseurs  portugais.  Montbmn  fit  aussitôt  chittger  cette  cav»* 
lerie  par  la  compagnie  d'élite  d«  0^  de  dragons ,  ccodalte  par  te 
capitaine  Brunel,  qui  la  culbuta  «or  l'iniîNiterie  de  la  divkMHi 
anglaise.  Gelle-d  étanteouverteparhuitboacheaà  feu^HootlHiNa 
hésite  de  TabOrder  sans  artillerie  et  attend  inutilement  pendant 
45  minutes  quelques  pièces  de  la  garde  qui  lui  étalent  promise» 
et  dont  le  général  Lepic  ne  voulut  pas  se  dessaisir,  L'inDEinterie 
de  Loison,  n'étant  plus  soutenue  par  la  cavalerie ,  euepeadit  son. 
mouvement.  Malheureusement  le  général  en  chef  ne  ae  trouvait 
pas  là,  et  lorsque ,  instruit  d«  refus  du  commandant  die  la  garde» 
il  envoya  quatre  pièces  à  Montbrun ,  l'instant  décisif  était  perdo 
pour  l'armée  française.  C'est  «lors  qn^on  dut  regratter  le  due 
d'Elchingen;  car,  tandis  que  Loison  n^osait  prendre  sur  lui  de 
Jeter  le  6*^  corps  au  milieu  des  masses  ennemies  ébranlées ,  Ncy» 
soldat  intrépide  et  vigilant,  capitaine  habile,  n'eM  pas  hésité 
a  continuer  l'attaque  contre  un  ennemi  déjà  à  moitié  vaincu , 
et,  imprimant  un  dernier  élan  à  ses  soldat»,  il  eàt  enlevé  la 
cavalerie  de  Montbrun  et  fixé  la  victoire  qui  édurppait  en  et 
moment  aux  Français  jusqu'alors  vainqueurs.  Le  fatal  temp» 
d*arrèt  du  6*  corps  avait  été  employé  utilement  par  Weiiingtoo, 
qui  fit  arriver  au  secours  du  général  Houston  toute  sa  cava^ 
lerie  de  réserve  et  la  division  légère  du  générai  Cravrfurd. 

dépendant  Montbrun,  masquant  ses  quatre  pièces  par  un  nca- 
drondu  S"*  de  hussards  déployé  sur  son  front,  s'avafiçalt  sur  la 
division  Houston,  à  la  tête  desa  réserve dedragons.  Gelle-d,ayant 
sur  ses  ailes  deux  escadrons  des  1 1^  et  12''  de  chaaseurs,  était 
précédée  d'une  centaine  de  tirailleurs  de  la  brigade  Wathier^ 
lorsque  le  51^  de  ligne  anglais  se  porta  fièrement  à  sa  rencoi^ 
tre.  Montbrun  démasque  alors  son  artillerie,  couvre  de  mitniiUB 


GUSMB   O^SSPAGNI.  (^19 

ce  régimint  et  laaoe  sur  Itfi  ses  huMards  €t  tm  ehasseura,  qui  i|m|, 
aehèvent  de  le  disperser.  DécoiiYerte  par  to  foUe  du  6i^,  dont  .^^^"^ 
les  débris  s'étaient  réftigiés  derrière  la  divisioa  légère  de  Crarw* 
fcrd ,  la  division  Houslen ,  eoupée  de  son  artillerie  par  le 
Aiottvenienl  de  la  brigade  Mancime,  reMall  sans  appoi  au  mi* 
lieu  de  la  plaine  ;  placée  sur  on  terrain  Aivorable  aux  attaques 
de  la  cavalerie,  elle  se  trouvait  fort  eoetpromisB,  loraqu'en  ap*. 
prochant  du  Turones  les  escadrons  de  Monibrun  sont  arrêtés, 
dans  leur  élan  par  le  feu  vif  et  bien  nourri  d*un  régiment  de 
cliasseurs  anglafe  posté  derrière  un  nur  qui  le  sépare  des  as* 
sfliflaDts.  WeUington  profite  de  cet  instant  pour  faire  passer  le 
Turones  à  la  7*  division.  U  ne  resta  sur  la  rive  droite  que  la  . 
division  légère,  dont  legénéral  Crawfurd  forma  trois  carrés  cou- 
verts par  la  cavalerie.  Masséna^qui  voit  de  Pozo*Velho  une 
partie  de  la  droite  anglaise  rejetée  sur  la  rive  gauche  du  Tu- 
rones ,  oidonne  à  Loison  d*appuyer  à  gauche  avec  les  division» 
Marchand  et  Mermtt  y  pour  faciliter  i*attaque  de  Montbrun; 
mais  le  mouvement  de  ces  deux  divisions,  mai  dirigé  par  le 
commandant  do  e^  corps,  tes  porte  trop  à  droite  sur  les  hau- 
teurs de  Puentès  de  Onoro,  au  lieu  de  les  lier  par  la  gauche  à 
In  cavalerie.  Pendant  ques'exécutait  ce  faux  mouvement,  observé 
par  Wellington ,  Houston,  qui  avait  descendu  la  rive  gaucho 
du  Turones  Jusqu'à  Frédéna ,  ralliait  sa  division  et  était  rejoint 
par  Jutian  Saochez;  les  r*  et  3^  divisions,  appuyées  par  les 
Portugais,  se  mettaient  en  ligne  en  (ace  du  ravin  de  Fuentès 
de  Oâoro  par  lequd  débouchaient  les  divisions  Marchand  et  . 
Mermet ,  comme  s'il  ne  se  fût  agi  que  de  prendre  cette  position 
à  revers,  au  lieu  que,  par  le  mouvement  ordonné  é.  Loison ,  l*iu<^ 
tentlon  de  Massénaétmt  d*embraaser  toute  la  ligne  de  la  droite 
•  anglaise  et  de  la  rejeter  sur  son  centre. 

Pendant  ce  temps  la  cavalerie  frainçaise,  gagnant  toujours  du 
tnraio,  arrivait  devant  les  carrés  de  Crawfurd^  dont  les  inter- 
valles étaient  |;arnls  d'artillerie.  Montbrun  ordonne  alors  au  gé» 
néral  Foumier  de  faire  attaquer  le  carré  de  droite  par  un  de 
ses  régiments ,  de  charger  en  personne ,  avec  ses  deux  autres 
r^lments,  le  carré  du  centrte,  qui  était  le  plus  considérai)le,  tanr 
dis  que  le  général  Wathier  attaquerait  le  carré  de  gauche. 
Li'.i-mème  devait  suivre  en  réserve  avec  ses  dragons.  Arrivés  à 


620  LTVBB  SBPTlillS* 

isii.  portée  de  l'ennemi,  les  escadrons  français  sont  aocneUlis  par  i» 
Portuga!.  violent  feu  de  mitraille ,  ce  qui  n*empèciie  pas  le  carré  de  droite 
d*étre  enfoncé.  Le  carré  da  centre  épronve  le  même  sort  :  le  gé- 
néral Foamier  y  pénètre,  le  traverse  avecles  7^  et  1 3*  régiments 
de  chasseurs,  fait  demi-tour  et  achève  de  le  renTcrser;  i,500 
hommes  restent  prisonniers  avec  le  colonel  Hill.  Mais  la  charge 
du  général  Wathler  échooe  contre  le  carré  de  gauche ,  et  ses 
régiments  sont  ramenés  sous  une  vive  fiislllade  et  des  dédun^ges 
à  mitraille  qui  démontent  le  général  Fournier  et  blessent  ses 
deux  colonels ,  au  moment  où  Montbnm  se  disposait  A  char- 
ger ce  même  carré  avec  ses  dragons.  Masséna,  sons  les  yeux 
•  duquel  cette  attaque  a  lieu ,  Jugeant  que  la  réserve  de  Mont- 
brun  est  insuffisante  pour  résister  à  tonte  la  cavalerie  anglaise 
qui  s'avance  au  soutien  de  la  division  Crawfurd ,  a  déjà  envoyé 
un  officier  au  général  Lepic ,  en  position  derrière  le  9^  corps  » 
avec  ordre  d*appuyer  l'effort  de  la  cavalerie  de  Montbrun  qui 
doit  être  décisif;  ne  voyant  pas  venir  Lepic,  Il  lui  dépêche  un 
autre  officier  pour  le  presser  d'accourir  avec  ses  MO  chevaux 
de  la  garde.  Dans  cet  intervalle  rartillerie  de  Houston,  coupée 
par  la  brigade  Maucune ,  parvint  à  se  dégager  et  à  rentrer  en 
ligne,  par  suite  du  temps  d'arrêt  de  la  cavalerie  de  Montbrun  qui 
s*est  repliée  en  attendant  celle  de  la  garde,  ce  qui  fecitite  la 
fuite  de  la  majeure  partie  des  1 ,500  prisonniers  anglais  épars  sur 
le  champ  de  bataille.  Le  premier  officier  envoyé  au  général 
I^eplc,  le  capitaine  Oudinot ,  aide  de  camp  de  Masséna  %  arrive 
enfin  et  annonce  que  le  général  de  la  cavalerie  de  la  garde  ne 
pouvait  agir  que  sur  un  ordre  du  duc  d'Istrie.  On  était  alors 
Bessières?  C'est  ce  qu'on  Ignorait  ;  car  on  ne  l'avait  pas  vu  de 
la  Journée  à  Tétat-major  du  général  en  chef.  Cependant  Mont- 
brun, resté  sans  appui  sur  les  bords  du  Turones,  inutil^nent . 
exposé  pendant  quatre  heures  au  feu  de  l'artillerie  anglaise , 
et  espérant  toujours  voir  déboucher  dans  la  plaine  les  divisions 
Marchand  et  Mermet ,  ne  put  renouveler  ses  attaques.  Dès  locs 
Tarmée  alliée,  incertaine  dans  ses  mouvements»  ent  le  temps 
de  se  raffermir  ;  Wellington  put  efTectuer  un  changement  de 
front  sur  son  centre,  l'aile  droite  en  arrière,  et  attaquer  Fuentès 

*  0epui8  lieutenaat  général 


GCBBftB  d'espaghe.  61f 

deOnorO)  dont  le  général  Ferrey ,  soutenu  par  la  division  Cla-       ifn. 
parède,  venait  d*eniever  la  partie  haute  ;  mais ,  n'étant  pasap-    ''^^^■Hti'' 
poyé  par  tout  le  9^  corps,  tandis  que  le  général  anglais  pouvait 
renouveler  «ans  cesse  les  troupes  fatiguées  par  des  troupes  fraî- 
ches, Ferrey  se  vitforcé  d'abandonner  les  hauteurs  et  ne  conserva 
que  la  partie  basse,  d*où  l'ennemi  ne  parvint  pas  à  le  repousser. 

Pendant  que  ceci  se  passait  à  la  gauche  et  au  centre ,  Reynier 
agissait  mollement  sur  la  droite  et  se  livrait  à  d'inutiles  tirail- 
leries. Un  bataillon  de  la  légion  Lusitanienne  repoussa  une 
faible  démonstration  que  fit  sur  Aldéa  del  Obispo  le  81^  régi- 
ment d'in&nterie  légère.  C'est  à  ce  fait  insignifiant  que  se  borna 
la  coopération  du  chef  du  2"  corps,  qui  n'avait  devant  lui 
qu'une' division  et  prétendait  en  avoir  trois ,  ce  qui  n'était  pas, 
car  Wellington  avait  attiré  la  majeure  partie  de  ses  forces  à  sa 
droite. 

Ce  chef  de  l'armée  anglo-portugaise ,  formé  sur  le  plateau 
qui  s'étend  entre  le  Turones  et  le  Dos-Casas,  se  liait  par  sa 
gauche  au  général  Piéton,  qui  défendait  les  hauteurs  deFuentès 
d'Ofioro.  Les  divisions  Spencer,  Gravrfurd  et  les  Portugais  for- 
maient sa  droite^  appuyée  par  toute  la  cavalerie  et  par  une  nom- 
breuse artillerie.  Il  était  cinq  heures  du  soir.  Masséna,  qui  a 
reconnu  la  faute  commise  par  Loison ,  ordonne  à  celui-ci  d'ap- 
puyer à  gauche  en  se  rapprochant  de  Montbrun ,  fait  porter 
Solignac  dans  l'intervalle,  et^  malgré  le  front  imposant  que 
présente  la  ligne  ennemie,  il  se  propose  de  l'attaquer  et  de  l'en- 
foncer avec  ces  trois  divisions  d'infanterie  et  la  cavalerie  de 
Montbrun;  mais,  au  moment  d'entrer  en  action,  il  apprend 
que  l'approvisionnement  en  cartouches  est  épuisé  et  qu'il  n'en 
reste  pas  en  tout  trente  par  homme,  la  consommation  de  la 
journée  ayant  été  considérable.  Or  ce  n'était  pas  assez  pour 
recommencer  une  lutte  dans  laquelle  l'ennemi,  adossé  à  la 
Coa,  et  n'ayant  pour  ligne  de  retraite  que  la  route  de  Cas- 
telIo-Bom ,  eût  senti  la  nécessité  d'opposer  une  résistance  déses* 
pérée.  Masséna,  que  cette  nouvelle  difficulté  ne  décourage  pas, 
ordonne  d'envoyer  à  Giudad-Rodrigo,  pour  y  prendre  des  car- 
touches et  des  vivres ,  les  attelages  amenés  par  Bessières  ;  celui* 
ci  s'y  oppose ,  alléguant  la  fatigue  éprouvée  par  ses  attelages 
pendant  la  bataille,  et,  après  de  vives  contestations ,  Masséna 


623^  LITfiB  SEPTIÉHK* 

IM1.  est  foreë  de  remettre  an  lendemaîn  matin  le  défarl  de  wmteÊi^ 
'^^"^''  sons  pour  Oudad-Rodrigo.  En  effet,  eeax-d  pariMnml  le  6  m 
point  du  jour^  et  ne  ramenèreftt  u  vivres  ai  cartMche»  pour 
une  longue  bataille ,  la  place  n'en  étant  pa»  approvlsionfiée. 
Ainsi  tous  ies  genres  d'ol)8tades  s'opposaientà  la  réalisation  des 
projets  du  général  en  dief  de  l'armée  de  Portugal ,  tandis  qae 
les  fautes  ou  la  désobéissance  de  ses  lieutenants  lui  arrachaient 
le  fruit  de  ses  plus  habiles  combiiialsons.  La  journée  do  6  se 
passa  sans  événements  digues  d'être  mentionné»;  U  général  en 
chef  passa  Tarmée  en  revue  et  lui  distribua  une  partie  des  vivres 
destinés  au  ravitaillement  d'Alméida.  De  son  côté  Wellington, 
qui  s'attendait  à  être  attaqué  le  lendemain  de  la  bataille,  avait 
employé  la  nuit  à  retrancher  sa  ligne  et  l'espèce  de  déûlé  formé 
par  kl  rencontre  des  ravins  de  Fuentès  de  Onoro  et  de  Villa- 
Fermosa,  village  situé  sur  le  Turones.  Il  Ht  barricader  la  partie 
haute  de  Fuentès  de  Onoro  et  Yilla-Fermosa ,  et  l'on  vit  avec 
étonnement  une  armée  plus  forte  des  deux  cinquièmes  se  cou- 
vrir d'ouvrages  devant  une  armée  inférieure,  qui ,  par  sa  po- 
sition de  bataille,  s'était  mise  en  prise  sur  sa  gauche,  dont  le 
2^  corps,  resté  à  Alaméda ,  se  tenait  entièrement  isolé  ;  de  sorte 
que  Wellington  se  trouvait  au  milieu  de  l'armée  française  et 
aussi  rapproché  qu'elle  de  Giudad-Rodrigo.  La  moindre  me- 
nace sur  cette  ligne  de  communication  forçait  .Masséna  à  quit- 
ter sa  position. 

On  ne  pouvait  plus  songer  à  attaquer  l'armée  anglaise  dans 
les  retranchements  qui  rendaient  sa  position  inabordable  de 
front;  la  tourner  par  la  droite  ou  par  la  gauche  avait  égale- 
ment de  graves  inconvénients  ;  il  fallut  donc  se  résigner  et 
renoncer  à  une  entreprise  désapprouvée  par  la  plupart  des 
généraux  et  surtout  par  les  principaux  chefs ,  devenus  presque 
étrangers  à  l'armée  de  Portugal.  En  effet,  Loison  savait  qu'il 
était  remplacé  par  le  maréchal  Marmont,  duc  de  Raguse;  le  o^ 
corps,  que  Drouet  avait  ménagé  à  l'attaque  de  Fuentès  de  Onoro» 
allait  quitter  l'armée  pour  passer  le  Tage  et  rejoindre  l'armée 
du  Midi  ;  Reynier,  qui  le  5  n'avait  pas  fait  le  moindre  mouve- 
ment d'attaque  sérieuse  contre  la  gauche  ennemie ,  espérait  et 
demandait  un  commandement  séparé;  Jonot,  qui  n'était  pas 
guéri  de  sa  blessure,  retournait  à  Paris. 


Les  deux  parti»  s'aUHboèrent  la  victoire  :  les  Français  parce      igi^, 
qa'lis  restèrent  maîtres  de  Prwo-Vclho  et  de  la  plaine  y  et  qu'en    ^•'*»«*« 
>  tournant  faile  droite  des  aittés  ils  aivaient  forcé  Wellington 

i  à  abandonner  nne  lieoe  de  terrain  et  à  changer  le  front  de  sa 

I  position;  les  Anglais  parée  qu'ils  avaient  ecmservé  la  partie 

I  hante  de  Foentès  de  Odorosi  souvent  attaquée  et  toujours  dé* 

fendue  avec  opiniâtreté,  et  qu'ils  avalent  empêché  le  ravitail- 
lement d'Atanéida ,  tout  en  conservant  leur  ligne  de  retraite  • 
par  le  pont  de  Gastello-Bom.  Les  pertes  des  Français,  qui  com- 
battirent longtemps  àdécouvert  dans  Fuentèsde  Oûoro  pendant 
les  journées  du  s  et  du  G ,  s'élevèrent  à  près  de  3^000  hommes 
tant  tués  que  blessés  ou  prisonniers;  celles  des  alKés,  qui 
eurent  presque  toujours  Tavantage  do  terrain  et  des  positions , 
furent  d'envircm  2,000  hommes. 

On  a  généralement  reproché  des  fiiutes  au  prince  d'EssIing, 
relativement  à  sa  campagne  de  Portugal;  mais  de  quelle  ma- 
nière expliquera-t-on  la  conduite  de  lord  Wellington?  comment 
un  général  toujours  si  prudent,  qui  n'acceptait  le  combat  que 
dans  des  positions  inabordables,  osa-t-il  s'exposer  à  livrer 
bataille  dans  celle  qu'il  avait  choisie  derrière  le  Dos-Casas7  Vain- 
queur, la  possession  d'Alméida  Justifiait  sans  doute  les  plus 
grands  sacrifices  ;  mais  de  quel  affreux  désastre  une  défaite 
n'eùt-elle  pas  été  suivie?  Il  avait  devant  lui  une  armée  victo- 
rieuse, longtemps  forcée  de  battre  en  retraite  sans  avoir  été 
vaincue ,  et  Jalouse  de  venger  l'affront  de  n'avoir  pu  vaincre  ;  à  , 

dos,  une  forteresse  ennemie ,  un  torrent  profond  ;  plus  loin ,  on 
pays  coupé,  montagneux^  rempli  de  défilés  sans  routes  voi- 
'  turables  :  voilà  par  quels  chemins  il  eût  été  forcé  d'effectuer 

sa  retraite  ;  la  perte  de  son  artillerie ,  de  ses  bagages,  de  tout 
son  matériel,  en  devenait  une  conséquence  inévitable,  et  peut- 
être  ce  grand  échec  eût-il  entrainé  avec  lui  une  catastrophe  géné- 
rale. On  ne  pouvait  excuser  cette  conduite  du  général  anglais 
'  qu'en  le  supposant  mal  instruit  de  l'état  des  forces  qu'il  avait  i 

^  combattre  ;  il  les  Jugeait  sans  doute  hors  d'état  de  lutter  contre 

I  les  siennes  :  son  erreur  faillît  lui  coûter  cher.  Nous  avons 

expliqué  plus  haut  comment  la  victoire  échappa  des  mains  de 
'  Masaéna ,  et  certes  les  manœuvres  de  lord  Wellington  n'y  con- 

tribaèrent  en  rien. 


6M  UTBR  SEFTIBIIB. 

iSH.  I^  Français,  il  est  vrai ,  étaient  restés  maitres  d*aiie grande 
i^ortugai.  parii^  ^u  champdebataille,  que  l'ennemi  n*osa  pas  leur  disputer; 
mais  cet  avantage  était  à  peu  près  nul  et  ne  changeait  rien  à 
la  situation  d' Aiméida  :  rien  n'était  décidé  pour  le  ravitalllemeot 
de  cette  place.  Depuis  un  mois  des  travaux  avaient  été  ordon- 
nés pour  la  faire  sauter;  Fempereur  en  avait  autorisé  le  déroaih- 
tellement  ou  celui  de  Ciudad-Rodrigo^  comme  trop  rapprodiées 
et  inutiles  l'une  ou  l'autre.  Le  prince  d'EssUng,  ne  pouvant  plus 
espérer  de  communiquer  avec  Alméida ,  prit  le  parti  de  dé- 
truire cette  place  et  d'en  sauver  la  garnison.  L'embarras  était  de 
faire  parvenir  des  instructions  au  gouverneur.  Il  s'agissait  de 
traverser  Tarmée  ennemie  et  de  surmonter  tous  les  périls  qui 
pouvaient  survenir  dans  l'espace  de  deux  lieues  j  pour  aller  re- 
mettre au  général  Brenier  l'ordre  de  détruire  le  matériel  d'artil- 
lerie et  de  faire  sauter  lesouvrages.  Le  gouverneur  devait  ensuite 
se  faire  jour  l'épée  à  la  main ,  en  se  dirigeant  sur  Baiiia  dei 
Puerco.  Le  6  nu  soir  trois  Iiommes  de  ixinne  volonté  se  pré- 
sentèrent pour  ce  périlleux  message  :  ce  furent  Zamboni ,  capo- 
ral au  76"  de  ligne,  Jean* Noël  Lami,  soldat  cantinierde  la 
division  Ferrey,  et  André.  Tillet,  chasseur  au  6*  léger.  Ces 
trois  émissaires  partirent  par  divers  chemins,  le  6,  a  neuf  ou  dix 
heures  du  soir,  chacun  porteur  de  l'ordre  du  maréchal.  Les 
deux  premiers  prirent  des  déguisements;  Tillet  partit  en  uni* 
forme  et  armé  de  son  sabre.  Seul  il  arriva  '. 
Il  m».  ^^^^^  retraite  du  général  Brenier  et  delà  garnison  d'Àl-^ 
méida;  destruction  de  ceVe  place.  —  Dans  la  matinée  du  7, 
Masséna  donna,  par  ses  mouvements,  de  l'inquiétude  aux  alliés, 
qui  travaillaient  avecactivité  à  augmenter  leurs  retrancheoients. 
Vers  midi  le  maréchal  Marmont  arriva  et  prit  le  commande^ 
ment  du  G"  corps ,  en  remplacement  du  maréchal  Ney.  A 
minuit  on  entendit  le  signal  des  cent  coups  de  canon ,  indiqué 
à  Brenier  pour  annoncer  l'arrivée  des  ordres  du  général  en  chef. 
Pendant  les  Journées  des  8,  9  et  10  mai ,  les  Français  oontlnuè- 

*  Le  chef  de  bataillon  Guîngret,  dans  TouTrage  quMl  a  publié  en  la  17  sur 
la  guerre  de  Portugal,  donne,  page  212,  un  récit  fort  intéressant  des  Innom- 
brables dangers  au%querg  échappa  le  chasseur  Tillet,  qui,  avec  un  courage  et 
une  présence  d'esprit  vraiment  rares ,  parvint  à  passer,  quoique  en  uaifomie , 
à  travers  les  postes  de  blocus. 


PortUKal. 


GUERRB   d'eSPAGNB.  625 

rent  d'occuper  rattention  de  reunemi  par  des  démonstrations  1911 
sar  son  flanc  droit ,  entre  la  Coa  et  Villa- Fermosa ,  ce  qui  le 
tint  constamment  sous  les  armes  dans  ses  retranchements,  s'at- 
tendantà  une  nouvelle  «attaque.  Cependant  Tarmée  avait  déjà 
consommé  une  partie  du  convoi  de  vivres  destiné  primitivement 
pour  Âlméida  ;  les  convois  envoyés  de  Giudad-Bodrigo  n'ar-. 
rivant  plus,  la  disette  commençait  à  se  faire  sentir,  et,  forcés  de 
s'éloigner,  les  Français  allaient  abandonner  à  Vennemi  une 
place  dont  il  convoitait  si  ardemment  la  conquête.  Massénn  hé- 
sitait encore  à  se  replier  derrière  TÂguéda ,  malgré  les  instances 
des  généraux  et  les  murmures  des  troupes;  il  voulait  aupa- 
ravant être  mieux  éclairé  sur  ce  qui  se  passait  à  Alméida; 
mais,  cédant  enfin  au  désir  témoigné  par  toute  Tarmée  de  rentrer 
en  Espagne,  il  se  décida  à  commencer  sa  retraite  le  10.  Les 
6'  et  8^  corps  se  dirigèrent  sur  Ciudad-Rodrigo,  le  2^  s'établit  au 
pont  de  Barba  del  Puerco,  par  lequel  Brenier  devait  déboucher 
avec  sa  garnison ,  et  le  9®  se  porta  sur  Espéja.  Le  1 0^  à  minuit, 
pendant  la  marche  de  Tarmée,  une  grande  explosion  se  fit  en  - 
tendre;  on  apprit,  le  n  au  matin  ,  que  c'étaient  1^  fortifica- 
tions d' Alméida  qui  avaient  sauté  de  m&nière  à  n'être  plus 
tenables.  Cette  opération  avait  été  conduite  avec  autant  d'a- 
dresse que  de  courage  par  le  général  Brenier.  Depuis  longtemps 
il  avait  fait  miner  les  principaux  ouvrages  de  la  place ,  et 
attendait  Tordre  de  les  détruire  que  le  chasseur  Tillet  lui  ap- 
porta le  7  au  soir.  Aussitôt  il  fit  jeter  les  cartouches  dans  les 
puits,  scier  les  affUts,  détruire  les  pièces  en  tirant  à  boulet 
dans  la  volée ,  et  le  9  il  fit  charger  les  fourneaux  de  mines. 
Enfin ,  tous  les  préparatifs  étant  terminés,  le  10,  la  garnison , 
composée  de  t,  100  hommes  formant  deux  colonnes,  sortit  de  la 
place  vers  les  dix  heures  et  demie  du  soir,  dans  le  plus  grand 
silence;  son  avant-garde  arriva  sur  les  postes  anglais  au  moment 
où  commençait  Texplosion  des  mines,  auxquelles  200  sapeurs , 
restés  dans  la  place  aux  ordres  du  commandant  du  génie  Morlet, 
étaient  chargés  de  mettre  le  feu.  Les  braves  troupes  du  général 
Brenier  suppléèrent  par  la  vivacité  de  l'attaque  à  Tinfério- 
rite  du  nombre;  elles  s'ouvrirent  un  passage.  A  la  tête  de  la 
colonne  de  gauche,  constanmient  inquiétée  dans  sa  marche,  sur 
ses  flancs  et  sur  ses  derrières,  par  la  brigade  portugaise  du  gêné- 


626  .     LIVRE    SEPTIÈME. 

I8H.  rai  Pack;  malgré  Tobscurité  de  la  nuit,  Tincertitade  des  routes, 
Portugal,  jg  ^^f^^i  ^Q  guides  sûrs  et  les  attaques  continaelles  de  Teo- 
nemi»  le  général  Brenier  se  trouva»  au  point  du  jour,  entre 
Viliar  de  Ciervos  et  Barba  del  Puereo,  où  le  commandant 
Morlet  le  rejoignit  avec  ses  braves  sapeurs ,  après  avoir  aussi 
forcé  la  ligne  des  postes  ennemis.  Brenier  se  dirigea  alors  sur 
TAguéda;  poursuivi  à  droite  par  la  cavalerie  du  général  Stap- 
pleton-Cotton  et  à  gauche  par  les  Portugais  de  Pack,  il  se 
déroba  par  un  sentier  conduisant  directement  au  pont  de  Barba 
del  Puereo ,  et  s'enfonça  dans  un  défilé  formé  par  des  rochers 
à  pic  et  aboutissant  à  une  carrière  profonde  ;  mais>  la  colonne 
française  ayant  été  obligée  de  s'allonger  pour  passer  le  défilé, 
son  arrière-garde  fut  coupée  et  sabrée  par  la  cavalerie  anglaise. 
2  à  300  hommes  gravirent  les  versants  escarpés  du  défilé  pour 
échapper  à  la  poursuite  des  dragons  du  général  Gotton  et  tom- 
bèrent sous  la  fusillade  des  Portugais  de  Pack;  un  grand  nom- 
bre furent  engloutis  dans  un  précipice  où  ils  entraînèrent  les 
Portugais  après  eux;  mais  le  gros  des  deux  colonnes  fut  recucàlU 
par  le  général  Heudelet,  que  Beynier  avait  laissé  pour  cet  objet 
en  avant  du  pont  de  Barba  del  Puereo.  Quant  aux  pertes 
éprouvées  par  la  garnison  d'Alméida,  il  fut  constaté  que,  sur 
350  hommes  manquant  à  l'appel,  200  avaient  été  pris  par 
Tennemi,  1 00  avaient  péri  dans  le  précipice,  et  50,  les  armesà  la 
main.  Sur  40  Portugais  trouvés  dans  le  gouffre,  30  étaient  morts. 

Le  12  mai ,  la  garnison  d'Alméida  se  i-endit  à  Salamanque; 
Tissue  de  son  entreprise  au  milieu  de  tant  d'obstacles  couvrit 
de  gloire  le  général  Brenier  et  les  intrépides  soldats  qu'il  avait 
sous  son  commandement,  et  fut  un  sujet  d'humiliation  et  de 
honte  pour  l'armée  ennemie,  qui  regardait  la  garnison  d'Al- 
méida comme  une  proie  qui  ne  pouvait  lui  échapper. 

L'expédition  de  Portugal  offrait ,  sans  contredit ,  des  dif- 
ficultés insurmontables  qui  ont  pu  amener  des  fautes;  mais,  aux 
yeux  mêmes  des  ennemis  de  la  France,  elles  ont  augmenté  la 
haute  réputation  de  ses  armes.  On  a  voulu  prétendre  que  les 
résultats  de  cette  fameuse  campagne  avaient  été  la  perte  de  la 
meilleure  partie  de  l'armée  française  en  Espagne  ;  ce  fait  est 
faux  de  tout  point.  Les  armes  françaises  n'éprouvèrent  aucun 
revers  en  Portugal.  L'ennemi  évita  constamment  d'en  venir  aux 


GUBBBB    D  ESPAGNE.  G27 

mains  en  bataille  rangée,  si  ce  n'est  à  Fuentès  de  Onoro  ;  il  n'op-      m  i. 
posa  partout,  au  prince  d'Essling,  qu^une  force  d'inertie»  des    *****'*"^*^ 
combinaisons  défensives ,  et  des  obstacles  puisés  dans  ia  loc^-  « 

lité  déterminèrent  seuls  la  retraite  de  ce  marécbal. 

Le  12  mai  le  2'  corps  gagna  Ledesma  en  même  temps  que 
Brenier  se  rendait  à  Salamanque  avec  sa  garnison.  Masséna 
laissa  à  Ciudad-Rodrigo  le  reste  du  convoi  destiné  pour  Alméida, 
porta  à  2,000  hommes  la  garnison  de  cette  place  et  rentra  à 
Salamanque  avec  Tarmée,  qu'il  distribua  dans  des  quartiers 
de  rafraîchissement.  Il  s'occupait  à  la  réorganiser  lorsqu'il  reçut 
Tordre  de  remettre  son  commandement  an  maréchal  duc  de 
Raguse  et  de  se  rendre  immédiatement  à  Paris.  L'empereur 
était  fort  mécontent  de  l'échec  éprouvé  par  ses  armes  en  Por- 
tugal. Avec  les  doutes  qu'il  avait  sur  la  réalité  des  forces  de 
ses  armées  dans  la  Péninsule  et  sur  celles  de  l'ennemi ,  il  ne 
voulait  pas  admettre  qu'au  lieu  de  70,000  hommes  Masséna 
n'en  avait  eu  d'abord  que  ôO,000,  réduits  bientôt  à  45,000  et 
en  dernier  lieu  à  30,000.  Trompé  par  l'empereur  qui  se  trom- 
pait lui-même,  Masséna  ne  reçut  d'autres  renforts  que  les  7,000 
hommes  de  la  division  Conroux,  conduits  par  Drouet,  qui  n'avait 
pas  même  l'ordre  formel  de  marcher  au  secours  de  l'armée  de 
Portugal.  Avec  d'aussi  faibles  moyens,  presque  toujours  privé 
de  subsistances,  à  travers  un  pays  dévasté ,  le  prince  d'Essling 
s'empara  de  tout  ce  qu'il  voulut  prendre,  à  l'exception  de  Lis- 
bonne, que,  sans  nul  doute,  il  eût  emporté  s'il  avait  été  ap- 
puyé par  l'armée  du  Midi.  Il  lui  a  fallu  pour  oser  pénétrer  en 
Portugal  cette  audace  et  cette  confiance  personnelle  qui  sont 
les  plus  brillantes  qualités  d'un  général,  et,  pour  y  tenir  pendant 
six  mois,  cette  opiniâtreté  et  cette  force  d*àme  par  lesquelles  se 
distinguait  son  grand  et  noble  caractère.  Malgré  tant  de  glo- 
rieuses preuves  d'habileté,  de  courage  et  d'énergie,  Masséna  subit 
les  conséquences  communes  à  la  guerre,  où  tout  n'est  que^hasard 
et  incertitude.  Napoléoft ,  toujours  heureux  ,  comme  l'avait  été 
Masséna,  devait  bientôt  prouver  lui-même,  dans  les  désas- 
treuses campagnes  de  Russie,  de  Saxe,  et  dans  sa  glorieuse 
campagne  de  France,  que  les  plus  habiles  combinaisons  et  les 
plus  brillantes  conceptions  du  génie  ne  suffisent  pas  toujours 
pour  fixer  la  victoire. 

40. 


'G28  XIVBR    SEPTIÈME. 

iKii.         Ou  ne  peut  nier  le  tort  qu'eut  Masséna  d'attaquer  de  front 
Portuga.  1^  position  de  Busaco,  qu'il  pouvait  tourner;  de  s'être  arrêté 
»  trop  longtemps  sur  le  Tage,  qu'il  aurait  pu  iVanchir;  d'avoir 

perdu  la  journée  du  3  mai  en  attaques  inutiles  contre  Fuentès 
de  Onoro ,  et  d'avoir  laissé  à  Wellington  la  Journée  du  4  pour  se 
raffermir  sur  les  hauteurs.  Malgré  ces  fautes,  raffaire  du  ^ 
devait  conduire  à  une  victoire  éclatante  si  Masséna  eût  été 
mieux  obéi  et  secondé  par  Reynier,  Drouet  et  Loison^  et  con- 
venablement appuyé  par  les  troupes  du  duc  distrie.  Mais  la 
plus  grande  faute  de  cet  illustre  guerrier  fut  d'avoir  consenti  à 
prendre  le  commandement  de  l'armée  dite  de  Portugal  pour 
opérer  une  invasion  qu'il  désapprouvait  dans  les  conditions  où 
elle  devait  être  entreprise.  Il  avait  d'abord  refusé ,  et  aurait  dû 
persister  dans  son  refus,  malgré  les  paroles  flatteuses  de  Napo- 
léon ;  il  céda  par  faiblesse  et  compromit  sa  gloire  dans  cette 
malheureuse  expédition ,  bien  qu'il  y  ait  déployé  les  plus  grands 
talents  et  les  plus  rares  qualités  de  caractère.  La  bataille  de 
Fuentès  de  Oiîoro,  bien  qu'indécise,  fut  glorieuse  pour  l'armée 
française  et  termina  la  (arrière  active  de  Masséna.  L'espèce  de 
disgrâce  qui  frappa  le  héros  de  Zurich  et  de  tant  d'autres  com- 
bats heureux  fut  une  injustice  dont  l'empereur,  seul  apprécia- 
teur du  mérite  de  ses  meilleurs  lieutenants,  se  repentit  plus  tard. 
Quant  aux  revers  éprouvés  par  le  prince  d'Essling  dans  sa 
campagne  de  Portugal,  la  postérité  jugera  entre  lui  et  Welling- 
ton ,  d'après  les  actions  et  non  d'après  les  résultats. 


OUVRAGES  IMPRIMÉS   ET  DOCUMENTS  MANUSCRITS 

CONSULTÉS  POUR   L4   RÉDACTION   DES  CAMPAGNES  DE    1809    A  1811. 

EspasBe  ei  Portnffal* 

Moniteur,  —  Annual  RegUter.  —  Histoire  de  France.  — •  Mémoires  du  maréckat 
Sttchet,  duc  d*ytlbu/éra,  sur  ses  campagnes  en  Espagne,  depuis  Î90là  jusqu'en 
48U.  —  Général  Rogniat,  Relation  des  sièges  de  Saragosse  et  de  Tortose 
par  les  Français  dans  la  dernière  guerre  d* Espagne.  —  Belmas  »  Journaux 
des  sièges  faits  ou  soutenus  par  les  Français  dans  la  Péninsule,  deiWT  à 
1814.  —  Lenoble,  Mémoires  sur  les  opérations  militaires  des  Français  en 
Galice ,  en  Portugal  et  dans  la  vallée  du  Tage,  en  1809,  sous  le  commande^ 
ment  du  maréchal  SouU ,  duc  de  Dalmatie,  —  Colonel  Tallandier,  Mémoires 
relatifs  aux  opérations  du  V  corps  d'armée,  en  Espagne  et  en  Portugal^ 
sous  les  ordres  du  m/aréchal  Soult,  duc  de  Dalmatie,  dans  les  années  1808  à 
4811.  —  Guingret,  Relation  historique  et  militaire  delà  campagne  de  Portugal^ 
sous  le  maréchal  Masséna ,  prince  d'Essling,  —  Général  Koch ,  Mémoires  de 
M  asséna,  —  Colonel  sir  John  Jones ,  Histoire  de  la  guerre  d'Espagne  et 
de  Portugal  pendant  les  années  1807  à  1813,  plus  la  campagne  de  \%\k  dans 
le  midi  delà  France,  —  Napier,  Histoire  de  la  guerre  de  la  Péninsule  et  dans 
le  midi  de  la  France,  depuis  Vannée  I9ff7  jusqu'à  Cannée  1814.  —  Comte  de 
Toreno,  Histoire  du  soulèvement,  de  la  guerre  et  de  la  févolutiond^  Espagne, 
—  Tliiers,  Histoire  du  Consulat  et  de  C Empire.  —  Dépêches  et  ordres  du  Jour 
du  feld-maréchal  duc  de  ff^ellington.  —  Mémoires  et  Correspondance  po- 
litique et  militaire  du  roi  Joseph.  —  Mémoires  divers,  —  Documents  manus- 
crits.  —  Pièces  officielles. 

Conquête  de  l' Andalousie ,  campagnes  de  1810  <;/  1811  dans  le  midi  de  l'Es- 
pagne, |>ar  le  capitaine  d'artillerie  E.  Lapène.  L'auleur  a  fait  avec  distinction 
la  campagne  d'Estrémadure  en  1811.  C'est  sur  les  lieux  mêmes  qu'il  a  pris  les 
matériaux  de  son  ouvrage*  U  parie  en  témoin  oculaire  bien  instruit  des  événe* 
ments,  et  l'on  doit  regretter  qu'il  n'ait  pas  pu  étendre  son  récit  jusqu'à  l'époque 
de  l'évacuation  de  l'Andalousie  par  l'armée  du  Midi. 

AllemaffDe,  Autrlcbe, 

Moniteur.  —  Annual  Register,  —  Histoire  de  France,  —  Général  Koch. 
Mémoires  de  Masséna,  —  Histoire  des  guerres  en  Eutope  (en  allemand  ). 

Mémorial  du  Dépôt  de  la  guerre,  t.  VIII.  Campagne  de  1809,  en  Bavière,  et  en 
Autriche. 

La  guerre  de  Van  1809  entre  V Autriche  et  la  France ,  par  un  officier  autrichien. 
Ouvrage  important  et  précieux  pour  l'histoire  de  l'armée  autrichienne.  L'au- 
teur, le  général  Stutterheim ,  aussi  distingué  comme  militaire  que  comme 
écrivain  ,  s'est  trouvé  en  position  d'observer  et  d'apprécier  les  événements  de 
cette  guerre.  Bien  qu'il  n'ait  p^is  cru  devoir  dire  tout  ce  qu'il  savait,  ce  qu'il 
dit  porte  un  tel  cachet  de  vérité  qu'un  doit  y  avoir  une  entière  coniiance.  àlaU 
heureusement  son  récit  s'arrête  à  la  veille  de  la  bataille  d'Essling. 

Essai  d'une  histoire  de  la  campagne  de  1809  sur  le  Danube,  par  le  général- 

620 


630  OUVBAGBS   ET    DOCUMENTS   CONSULTÉS. 

major  baron  de  Valentini  (  en  aOemand  ).  Cet  essai  bi8torn]oe  renrermc  iro- 
tiies  renseignements  sur  les  batailles  Hyrées  dans  te  Marcbfdd  et  sur  b  retraite 
de  l'armée  autrichienne  en  Moravie.  Le  général  Valentini  se  troayait  alon 
au  quartier  général  da  prince  d'Orange. 

Recueil  des  principaux  événements  de  la  guerre  entre  la  France  et  VAniricht 
en  1809,  sans  nom  d'auteur  (  en  allemand }.  C'est  un  eipoaé  succinct  et  sooTeot 
impartial  des  principales  phases  de  cette  lutte  mémorable. 

Relation  de  la  campagne  de  f  809  en  Autriche,  par  un  témoin  oculaire  (en  allemand). 
Cette  relation ,  qni  parait  avoir  été  rédigée  d*aprés  les  Bulletins  autricbiens, 
mérite  peu  de  confiance. 

Précis  historique  de  la  guerre  entre  la  France  et  V Autriche  en  1809,  par  le 
comte  Alexandre  de  Laborde.  Cet  ouvrage ,  peu  important  sous  le  rapport  des 
opérations  militaires,  contient  quelques  détails  intéressants  pour  l'histoire  de 
l'armée  française.  Du  reste ,  il  renferme  des  récits  forts  inexacts  et  des- juge 
ments  plus  que  hasardés. 

Pourquoi  les  Autrichiens  n'ont-ils  pas  profité  de  la  victoire  d'Aspern  {BssHng  i 
pour  diriger  leurs  opérations  d'attaque  sur  la  rive  droite  du  Danube?  Quels 
sont  les  motifs  qui  ont  engagé  le  général  en  chef  autrichien  à  conclure  u» 
armistice  à  ZMafm  ,  et  cet  armistice  a-t-il  été  dans  l'intérêt  de  V Autriche 
(en  allemand)?  L'auteur  de  cet  écrit,  le  général  baron  de  Wimpfen,  alors  aide 
de  camp  du  prince  généralissime,  n'apprécie  les  circonstances  de  cette  guerre 
qu'an  point  de  vue  de  l'opportunité  des  résolutions  prises  au  grand  quartier 
ftéjiéral  autrichien. 

/'or/a^e^n  ^t//r/cAe,  par  Cadet  de  Gassicourt.  Ouvrage  rempli  d'e«*renrs  et  de 
fausses  appréciations. 

Mémoires  sur  la  guerre  de  1809  en  Allemagne,  avec  les  opérations  particulières 
des  corps  d'Italie,  de  Pologne,  de  Saxe,  de  Naples  et  de  ffalcheren,  par  le 
général  Pelet.  Le  seul  ouvrage  complet  sur  toute  cette  guerre;  très-important 
pour  l'histoire  de  l'armée  française,  et  précieux  par  le  grand  nombre  de  pièces 
justificatives  qu'il  renferme.  Le  général  Pelet,  alors  aide  de  camp  du  marédul 
Masséiia  ,  a  pris  une  part  active  à  cette  guerre,  qu'il  décrit  loqjours  avec  ta- 
lent, d'après  les  matériaux  qu'il  a  recueillis  sur  les  lieux  et  dans  les  documents 
officiels  des  archives  du  Dépôt  de  la  guerre.  Il  avoue  dans  son  introduction 
«  qu'il  ne  se  présente  pas  comme  entièrement  impartial...  et  prévient  que. 
s'il  a  erré  dans  la  scrupuleuse  recherche  de  la  vérité,  il  manifeste  du  moins  set 
sentiments  assez  hautement  pour  que  chacun  puisse  se  tenir  en  garde  contre 
ses  jugements.  > 

Journal  militaire  autrichien.  Les  volumes  des  années  1813,1832,  1833,  18S4 
rt  18.Î6  de  cet  excellent  recueil  contiennent  un  grand  nombre  de  Notices  in- 
téressantes sur  les  principaux  épisodes  de  la  guerre  de  1809. 

Daimatle,  Garlntlile  et  Styrie. 

Mémoires  du  maréchal  Marmont,  duc  de  Raguse  ^  de  1792  à  1841.  C'est  avec 
beaucoup  de  circonspection  que  l'on  doit  consulter  ces  Hémoires  pour  l'Intel- 
ltgenc«^  des  opérations  du  corps  d'armée  de  Dalmatic. 

Italie,  Tyrol. 

Histoire  politique  et  militaire  du  prince  Eugène»  vice-roi  d^ Italie,  par  le  général 
Vaudoncourt.  Cette  histoire ,  bien  qu'écrite  sur  pièces  authentiques  et  d'après 
les  matériaux  recueillis  sur  les  lieux  par  l'auteur,  ne  mérite  pas  toujours  une 
entière  <'onfiancc. 


OUVRAGES     BT    DOCDMRNTS   CONSULTÉS.  631 

Opérations  de  l'armée  aux  ordres  de  Varchiduc  Jearty  en  Italie^  dnns  le   Tyrol 

et  en  Hongrie ^  par  un  officier  de  l'éUt-major  de  cette  iirmée  (en  allemand  ). 

Bon  à  consulter  pour  l'intelligence  des  mouvements ,  marches  et  opérations  de 

l'armée  autrichienne  d'Italie. 
Cîierre  dans  le  Tyrol  en  1809,  par  Baur  (  en  allemand  ).  L'auteur  parait  avoir  été 

bien  instruit  des  principales  circonstances  de  cette  guerre,  dont  il  a  été  témoin 

oculaire. 
Histoire  d^ André  Hqfer^  aubergiste  à  Passeyr,  chef  des  insurgés  tyroliens  pen- 

dant  la  guerre  de  1 809,  puisée  à  des  sources  authentiques  (en  allemand} .  Matériaux 

utiles  pour  l'histoire  de  cette  guerre,  malgré  quelques  inexactitudes  de  détail. 
Ferdinand  von  Schill,  par  Haken  (  en  allemand).  C'est  la  Notice  la  plus  étendue 

qui  ait  été  publiée  sur  la  vie  et  sur  les  entreprises  de  ce  célèbre  partisan. 

POlOSDC. 

Relation  des  opérations  de  Varmée  aux  ordres  du  prince  Joseph  Poniatowski, 
pe^ndanl  la  campagne  de  1809  en  Pologne,  contre  les  Autrichiens,  par  le 
f;étiér.-il  Roman  SoUyk.  C'est  la  seule  relation  complète  qui  ait  paru  en  langue 
française.  L'auteur,  ayant  servi  sous  les  ordres  du  prince  Poniatowski,  se  trou- 
vait à  même  de  faire  connaître  avec  détail  toutes  les  circonstances  de  cette 
campagne. 

Hollande,  Belglqac. 

Expédition  de  V Escaut.  Enquête,  pièces  et  documents  relatifs  aux  affaires 
de  V Escaut ,  communiqués  aux  deux  chambres  du  Parlement  d* Angleterre. 
Les  documents  que  renferme  cette  traduction  française,  publiée  en  1810,  bien 
(iu'incomplets,  méritent  d'être  consultés. 

Spectateur  militaire.  Rapport  détaillé  du  général  Oslen  sur  les  événements  sur- 
venus depuis  le  déharquiment  des  Anglais  ju8(]u'à  la  capitulation  de  Fles- 
singue. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


LIVRE  CINQUIÈME 


finerrc  é'Rspaffne, 


PomcAJU 


Espagne. 


POBTUfiAL, 


CHAPITRE  V. 

SUITB  OB  L^NNiS    1809. 

Pages. 

—  Le  maréchal  Soult  entre  en  Portii|$al;  combat 

de  Monterey  ;  prise  de  Chavés  ;  bataille  de  Car- 
valho-da-Este  ;  combat  de  Gnîmaraens  ;  ba- 
taille et  prise  d'Oporto;  combat  d'Ama- 
rante, etc 5 

—  Suite  des  éYénements  militaires  en  Espagne: 

bataille  de  Médelin;   combat    de   Cindad* 

Real, etc 24 

—  Suite  des  opérations  en  Portugal  ;  Tannée  an- 
glaise s'avance  sur  Oporto;  retraite  du  ma- 
réchal Soult  sur  la  Galice ,  etc 39 

LIVRE  SIXIÈME. 


Gn^rre  d'Allemagne. 


AI.LBHACNB. 


CHAPITRE  1, 

SUITE   DE   l'année    1809. 

—  Guerre  de  la  France  avec  l'Autriche  ;  prépara- 

tifs des  deux  puissances  pour  entrer  en  cam- 
pagne; commencement  des  hostilités 57 

~  Jonctiondu  corps  d'armée  du  maréchal  Davoust 
avec  Tannée  bavaroise;  bataille  de  Tann; 
combats  d'Amhofen  et  de  PralTenhofen 79 

—  Bataille   d'Abenaberg;    combat  et    prise  de 

LandshuI 85 

—  Bataille  d'Eggm&bl  ou  U'Eckmûki;  combat  et 

prise  de  Hatisbonne  ;  retraite  de  l'armée  ao- 

(ricbienne  sur  la  Bohème ,  etc 96 

8:3 


634 


T4BLB  DBS  MATIÈaSS. 


ALLEMAGNE. 


Pologne. 


CHAPITRE  II. 

SUITE  DB  L'umÉE  1809. 


L'armée  fnmçaiBet'aTtncesar  Vienne. 104 

-  Combat  deNenmarkt 106 

Oimbat  d'Ebeteberg H3 

Bombardement  et  capitulation  de  Tienne —    117 
•  Paua^e  du  Danube  par  une  partie  de  l'année 
française;  mouvements  de   l'armée  antii- 
chienne  air  la  rite  gauche  de  œ  Oenve —    130 

Bataille  d'Emling «38 

Opc4^tiona  militaires  en  Pologne  :  combat  de 
Gora  ;  prise  de  Sandomir,  de  Zamosc  ;  marche 
d*nn  corps  d'armée  russe  sur  la  Galicie —    143 


CHAPITRE  III. 

SUITE  DE  L'ANIfÉE   1809. 

iTALiR.                            —  Ouverture  de  la  campagne  dans  le  nord  de  l'I- 
talie      I4S 

—  —  BaUUIe  de  Sacile «M 

—  >>  Bataille  de  la  Piave. 103 

—  —  Retraite  de  l'armée  autrichienne  sur  la  Carin- 

thie;  combats  de  San-Daniele,  de  Prewald , 

de Tarvis,  de  Laybach 167 

—  —  Coml^t  de  San-aiichele 174 

-  Opérations  du  général  Marmoot  en  Dalmatie 

et  en  Croatie «77 

Saite  des  opérations  de  l'armée  d'Italie.  Le 

prince  Eugène  entre  en  Hongrie 179 

-  -  Bataille  de  Raab «m 

Câkintbie  et  Stybie.       —  Opérations  en  Carinthie  et  en  Styrie:  comliats 

de  Klagenfurt  et  Kahisdorf,  etc 189 

—  —  Combat  de  Grâtz «94 

ALLEBiàGKR.  —  Réunion  de  l'armée  du  prince  Eugène  à  la 

grande  armée  dans  l'Ile  de  liObau «  99 

CHAPITRE  IV. 

suite  oe  l'année  1809. 

ALLEiiAGNE.                      —  Suite  des  opérations  de  la  grande  armée  ;  ba- 
taille de  Gross-Eniersdorf 202 

—  —  Bataille  de  Wagram 2«6 

—  —  Traité  de  Vienne 2S4 

—  —  Incursion  du  major  Schill ,  chef  de  partisans . 

dans  le  nord  de  l'Allemagne  ;  il  est  défait  et 

tué  dans  le  Straisund. . . , 244 


DALMATIB  ET  CROATIK. 
HONGIIIE. 


TABLE    DBS   MATIÈBBS. 


636 

Paccf. 


ITAUE.  —  Diversion  tentée  par  les  Anglais  pendant  la 
gaem  avec  l'Autriclie  ;  expédition  du  gé- 
néral Stuart  sur  les  côtes  du  royaume  de 
iSaples , 231 

H0U.4IIIDK  ET  BiLCitfUB.  —  Expédition  du  général  lord  Cbatim  à  l'em- 
bouchure de  TEscaut  et  dans  l'ile  de  Wal- 
cheren 239 


E8PAGNB. 


LIVRE  SEPTIÈME. 

fiaerre  û*E»p9tgme, 

CHAPITRE  I. 

8U1TC  DE   L^ANMÉE    1809. 

—  Suite  des  opérations  militaires  en  Espagne 283 

—  Bataille  de  Talavéra  de  la  Beina 305 

—  Ck>mbat  du  pont  del  Arzobispo 320 

—  Combat  du  col  de  Baî^os 329 

—  Combat  de  Tamames 359 

—  Bataille  d'Ocaîia 519 

—  Combatd'Alba  deTormés 133 

—  Suite  des  opérations  militaires  dans  le  royaume 

ou  province  d'Aragon  ;  combats  d'Alcailiz,  de 
Uaria,  de  Belchite;  expéditions  et  autres  com- 
bats partiels,  etc 339 

—  Combat  d'AlcaAix 3  2 

—  Combat  de  Maria , 364 

—  Combat  de  Belchite 569 

—  Suite  des  événements  militaires  en  Catalogne; 

combat  de  Valls;  le  maréchal  Angereau  rem- 
place le  général  Saint-Cyr  dans  le  comman- 
dement de  l'armée  de  Catalogne  :  prise  de  la 
ville  d'Hostalrich  ;  siège  et  prise  de  Gi- 
ronne ,  etc.,  etc 377 


ESPiUNF. 


CHAPITRE  II. 

AHUÉE    1810. 

-  Suite  des  évéoemeols  .-nitttaires  en  Espagne  397 
L'année   française  franchit  la  Sierra-Moréna 

et  envahit  rAndalousie',  etc 588 

Occupation  de  Malaga 4H 

et  prise  d'Astorga 417 


636 


'lABLB   DBS   MATIERES. 


Opérations  du  3»  corps  de  I  armée  franrabe 
en  Arafçon  -et  dans  le  royaome  de  Valence.    423 

•  Siège  et  prise  de  Lérida 436 

Siège  et  prise  de  MéquiDcnia ,  etc. 435 

Opérations  en  Catalogne;  combat  de  Molleti 
combat  de  Vich  ;  combat  de  Villafranca  ;  priK 
du  fort  d*Ho8talrich,etc  Le  maréchal  Uac- 
donald  remplace  le  maréchal  A.ug«rcaa  dans 
le  i:ommandemait  dn  7*  corps 438 


ESPAGNI. 


POITUGAL. 


CHAPITRE  III. 

SUITE  l>B   I.^ANNéE    1810. 

Troisième  expédition  des  Français  eti  Portugal. 
Formation  d'une  nouvelle  armée  d'invasion 

sous  les  ordres  du  maréchal  Haaséna 434 

-  Siège  et  reddition  de  Ciodad-Rodrigo 460 

-  Destruction  du  fort  de  la  Conception 468 

-  Siège  d'Alméida 171 

-  L'armée  française  pénètre,  en  Portugal 481 

-  Bataille  de  Busaco 4â9 

-  L*armée  anglo-portugaise  se  retire  dans  ses 

lignes  en  avant  de  Lisbonne 499 

-  Les  deux  armées  s'observent  réciproquement; 

retraite  des  Français  sur  Santarem  ;  paange 

du  a^zère  ;  reconnaissance  sur  Abrantès,  etc.    504 

-  Une  division  du  9*  corps  vient  Joindre  l'ar* 

mée  française  en  Portugal,  etc Sf7 


ESPAC^B. 


CHAPITRE  IV. 

SUITE  DE  l'année    1810. 

-  Suite  des  événements  militaires  en  Espagne. 

Commencement  du  siège  de  Cadix il2f 

-  Défaite  des  Anglais  sur  la  cdte  du  royaume  de 

Grenade. S27 

-  Combats  dans  le  midi  de  l'Andalousie  ;  affaires 

de  Villagarcia.  dePuentè-Ovéjuna,  de  Fuentè- 
de-Cantos.  en  Estraniadure 327 

-  Opérations  dn  générai  Sébastiani  ;  les  Espagnols 

sont  battus  dans  le  royaume  de  Murcie 534 

-  Opérations  militaires  an  centre  et  dans  le  nord 

de  TEspagne. 536 

-  Événements  militaires  en  Catalogne  ;  combats 

de  Cervéra  et  de  la  BIsbal,  etc 513 

-  Siège  et  reddition  de  Tortose 349 

-  Coup  d'a*l1  sur  les  partis  espagnols  connus  sous 

le  nom  de  gufrrilla.^ 9fi3 


TABLB    DBS   MATlÀBES.  637 
CHAPITRE  V. 

ANNÉE    1811. 

Page*. 

PoiTVCAL.                        —  Suite  des  opérations  militaire»  en  PortQ{]^l....  571 

~                             —  Mort  du  général  espagnol  La  Romana 573 

—  —  Situation  fâcheuse  de  l'armée  française 575 

—  —  L*année  bat  en  retraite 587 

—  —  Combat  de  Redinba. 592 

—  —  Affaire  de  Foz  d'Aninoe 598 

*                              —  Combat  de  Sabugal 606 

—  —  Le  maréchal  Masséna  rentre  sur  le  territoire 

espagnol 608 

—  —  Bataille  de  Fuentés  de  Onoro 613 

—  —  Belle  retraite  du  général  Breriier  et  de  la  gar- 

nison  d' Alméida  ;  destruction  de  celte  place.  G24 
^                             —  Ouvrages  imprimés  et  documents  manuscrits 
consultés  pour  la  rédaction  des  campagnes  de 

1809  à  1811 629 


CARTES  ET  PLANS 

CONTENUS    DANS    CE    VOLUME. 


Carie  séqérale  de  la  campagne  de  «809 57 

Carte  pour  l'intelligence  des  iMtaillea  de  Tann  et  d'Eckmûbl 79 

Plan  de  la  bataille  d*Essling 126 

Plan  de  la  bataille  de  Wagram 2<6 

Carte  des  bouches  de  ITscaut 258 

Plan  du  siège  de  Gironne. 584 

Plan  dn  siège  d'Astorga ^^7 

Plan  du  siège  de  Lerida 426 

Plan  dn  siège  de  Ciudad-RoJrigo 460 

Plan  de  la  baie  de  Cadix r»22 

PLto  du  siège  de  Tortoee 549