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LIVRE CINQUIÈME.
GUERRE D'ESPAGNE.
CHAPITRE V.
80ITB DE l'année 1809.
lie martebal Soult eotre en Portugal ; combat de Mooterey ; prûe de CluiTés ;
batûUe de Canralbo-da-Este ; comtMt de GaimaraeiM ; combat et priae
d'Oporto; combat d'Amarante, etc. — Suite des opérations militaires ea
Espagne; bataille de Medellin; combat de Ciudad-Réal, etc. — Suite des
opérations en Portugal ; l'armée anglaise s'avance sur Oporto ; retraite
du maréchal Soult sur la Galice, etc.
A aucune autre époque de la guerre de la révolution française
le gouvernement anglais n'avait déployé autant d'activité et
d'énergie que dans la circonstance présente , où il s'agissait
d^arracher les Espagnes au Joug du vainqueur des coalitions ;
jamais aussi les démarches et les intrigues du cabinet de la
Grande-Bretagne n'avaient eu de prétextes plus spécieux, plus
légitimes en quelque sorte, pour appeler l'attention nationale
sur les projets gigantesques de Napoléon , et provoquer les ef-
2 tlVBE CINQUIBMB.
i8oe. forts de l'Europe entière contre cet imprudent violateur des
droits^des peuples et des souverains.
L'ouverture du j^rlement lyritannique avaiteu lieu le }9}an-
vier; de vives discussions s'y étaient élevées au sujet des àe-
cotlrs infructueux accordés à la Suède dans le cours de l^année
précédente, de l'expédition de Portugal, de la convention de
Cintra, dés désastres de l^Espagne , et du bill du éengrès amé-
ricain , par lequel l'entrée des ports des États-Unis était inter^
dite à tous les bâtiments appartenant à l'Angleterre, à la France
ou aux payssoumfs à l'influence de ces deux gouvernements,
et naviguant sous les restrictions imposées , soit par le décret
de Berlin, soit par Tordre du conseil britannique. Les plus in>-
tiÉnessants deces débats furent relatifs aux affaires de Portugal
et d'Espagne. Dans la chambre haute, les lords Saint- Vincent ,
Moira et Grenvilte parièrent contre l'envoi d'une armée en Por-
tugal , tandis que l'Espagne se trouvait dans ûii danger aussi
imminent. Le premier fit observer qu'il était dérisoire de faire
débarquer des troupes à l'extrémité méridionale de la Péninsule
lorsqu'il s'agissait de porter des forces au nord, où un prompt
secours était devenu urgent pour les Espagnols. Lord Moira
chercha à démontrer que l'indépendance^de l'Angleterre , me-
nacée par Napoléon, devait être décidée en Espagne; que la
chute de cette dernière puissance ne pouvait qu'entraîner celle
de la Grande-Bretagne ; qu'enfin, si le ministère se fût hâté
d'envoyer, en temps utile , un habile négociateur pour se con-
certer avec la nation espagnole, et s'expliquer franchement sur
la conduite que la Grande-Bretagne désirait tenir à l'égard d'un
pays si injustement envahi , les insurgés n'auraient jamais douté
de l'efficacité des secours qu'on leur avait offerts trop tard. Lord
Grenville soutint que ce n'était qu'au nord de l'Espagne ; sur
les frontières des Pyrénées, qu'une armée anglaise eût pu réel-
lement être utile , et que si, après l'évacuation de Madrid par
i^ Français (au mois d'août 1808) , et leur retraite au delà de
l'Èbre , il eût été possible d'envoyer une armée anglaise sur ce
point avimt l'arrivée des renforts de la grande armée d'Allema^
gne , peut-être fût- on parvenu à chasser Joseph et ses troupes
au delà de la Bidasaoa, et même à ouvrir aux Espagnols l'entrée
de la France. M. Ponsomby parla dans le même sens. à la
GUBBEB 0*fiSPÀONB. S
diambre des Commîmes. Le miDÎsIère répondit , par l'organe iMt.
des lords Hawkesbary et Gastlereagh, qQ*en envoyant une
armée en Portugal plutôt qu'en Espagne on avait agi confor-
mément au désir manifesté par les diverses Juntes espagnoles.
M. Canning, autre orateur ministériel , s'efforça de Justifier les
motifii qui avaient déterminé les ministres du roi , en exposant
la situation des choses en Espagne au commencement du pre-
mier mouvement insurrectionnel, oc Lorsque toute la naticm es-
pagnole , dit-il , se leva spontanément et avec un accord pour
ainsi dire surnaturel, on vit se former différentes autorités lo-
cales indépendantes , et jalouses à Texcès de toute tentative que
Tune aurait pu faire pour obtenir quelque suprématie sur Fau^
tre. B La junte suprême n'avait été établie, comme nous l'avons
dit 9 qu'à la fin de septembre , et c'est à ce retard dans la con-
centration du gouvernement insurrectionnel que M. Ganning
attribuait la direction donnée à Texpédition anglaise, et la len-
teur de la marche de sir John Moore depuis Lisbonne.
Les événements venaient de prouver la justesse des obser-
vations faites par les orateurs du parti de l'opposition.
Cependant la consternation et Teffroi s'étaient répandus dans
tout le Portugal , lorsqu'on y avait appris qu'à la suite d'un
grand nombre de succès sur les armées espagnoles les Fran-
çais, marchant d'un côté sur T armée anglaise commandée par
sir John Moore , avaient contraint ce dernier à se retirer pré-
cipitamment sur la Galice, et que, s'avançant de l'autre vers la
haute Estramadure , ils avaient complètement battu et dispersé
l'armée du général Galluzzo, dont la position sur le Tage cou-
vrait Usbonne. Les troupes anglaises que le général Moore avait
laissées dans ce royaume ne songèrent alors qu'aux moyens
d'écliapper plus promptement et plus sûrement au danger qui
les menaçait. La garnison d'Almeida abandonna cette place;
tous les magasins formés dans l'intérieur furent évacués à la
hâte ; les forts et les batteries sur le Tage furent démantelés , et
tous les différents corps se concentrèrent autour de Lisbonne
pour s'y embarquer sans délai.
Toutefois, cette terreur, qui provenait, en grande partie,
de la certitude acquise que iSapoléon dirigeait en personne la
guerre de la Péninsule diminua sensiblement lorsqu'on fut in-
4 LIVBB CllIQUlkMB.
formé qoeeet empereur était parti précipitamment d'Astorga
pour retourner en France.
Cette circonstance , heureuse pour les Portugais , ranima Fé-
nergie de la Junte de gouvernement établie à Lisbonne depuis
l'évacuation du royaume par l'armée française du général Ju-
not; die eut assez de pr^ence d'esprit pour Juger que tout
n'était point encore désespéré. Convaincue de la faiblesse de
ses ressources , et comptant toujours sur le constant appui du
ministère britannique , elle lui remit avec confiance et sans res-
triction le soin de réorganiser et de guider ses forces nationa-
les. Le général Beresford , qui commandait le petit nombre de
troupes anglaises restées en Portugal après le départ du géné-
ral Moore , fut nommé , en février, avec l'agrément de sa cour,
maréchal et chef suprême de l'armée portugaise. Les gradçs
supérieurs , dans chaque corps de cette armée , jusqu'à celui
de capitaine inclusivement, furent donnés aux officiers anglais.
Cette mesure salutaire introduisit promptement un système
général de discipline et>de subordination qui pouvait seul don-
ner aux forces nationales une consistance formidable. On sui^
vit en cela l'exemple déjà donné par le colonel sir Robert Wil-
son. Cet officier, au moment même où régnait la plus grande
épouvante, dans le royaume, était le seul qui n'eût point cédé
au sentiment d'effroi qui portait tous ses compatriotes à se
rapprocher de Lisbonne pour s'y embarquer. Il était resté dans
la province de Beira, pour y organiser une légion nationale sous
le nom de légion lusitanienne^ forte de 2,500 hommes auxquels
il joignit bientôt environ 500 tratneurs de l'armée de sir John
Moore, qui, pour échapper à la poursuite des Français, s'é-
taient Jetés vers cette partie de la frontière portugaise. Sir Ro-
bert , en réoccupant de son propre mouvement Almeida aban-
donnée par la garnison anglaise, avait ainsi conservé cette place
importante à la nation portugaise.
Dans le courant de février, Tarmée nationale montait déjà à
plus de 40,000 hommes, qui, réunis aut 10 à 12,000 Anglais
alors rassemblés près de Lisbonne , présentaient une masse as-
sez imposante pour retarder les progrès de l'invasion combi-
née des Français au nord et à l'est du royaume \
* CTest id le lien de rappeler ce que imiis avens d^à dit en parlant de
etlBBBS Ih*KSPAIINE. S
D'après le plan de Napoléoo, dtmi armées étaient destinées isosu
à envahir le Fortaga) : Tune, aux ordres du maréchal Victor,
devait y pénétrer en descendant le Tage et traversant la hante
Estramadore ; cette armée était £bnquée à gauche par le 4* corps^
dont le général Sâ>astiani prit le commandement. Entre cette
armée et le 4^ corps, ladivbion Lapisse, forte de 10,000 hom-
mes, devait déboucher par Zamora et Ciudad-Rodrigo. L^armée
conduite par le maréchal Soult ( 2* et 8® corps , sous le nom de
3^ corps ), que Ney remplaça dans la Galice, devait passer le
Minhoà Tuy» et s'avancer ensuite dans riotérieur du royaume
par Braga et Oporto.
Nous allons d*abord présenter le détail des opérations de
cette dernière armée, et nous dirons plus tard quels furent
les obstacles qui arrêtèrent la marche du maréchal duc de Bel-
lune.
Le maréchal SauU entre en Portugal; combat de Monierey ; PortiiRni .
prûe de Chavés; bataille de Carvallûhda'Este; combat dcGui"
maraens; bataille et prise d'Oportù; combat ^Amarante, etc.
— Le maréchal Ney, étant arrivé en Galice avec son corps
d'armée, dans les derniers jours du mois de Janvier, occupa
successivement Lugo, laCorogne, le Férol et Santiago. Le
maréchal Soult put alors concentrer ses troupes vers Yigo, et
s*occuper immédiatement des préparatiii» de Texpédition qui
lui était confiée. Il arriva le 3 février 1809 à Santiago, précédé
par les divisions de cavalerie des généraux Lahoossaye et Fran-
ceschi. Le premier se dirigea sur Riltadavia et Salvatierra, et
le second prit la route de Tuy , villes situées sur la rive droite
du Minho. Cette cavalerie était soutenue par la division d*in-
fimterie du général Merle, qui marchait sur Pontévédra. Le
maréchal Soult partit le 8 de Santiago, avec les autres divi-
sions , et arriva le 10 à Tuy» point sur lequel devait s'elDfectaer
le passage du Minho, et où il établit son quartier général ;
l'embarqaemeDt de rarmée anglaîM à la Coiegae. Si le géaéraLMoorè eût
fait directement sa retraite sur la provioce de Tras^oa-Moates, godhimi il en
avait la facilité en quittant Benavente, le maréchal Soult n*eûft point osé en-
▼aliir le nord do Portugal avec son fiirble corpe d*arniée, puisqo^alors les
Anglais auraient eu à lui opposer, indépendamment dès troupes nationales
portugaises, une armée de pins de 35,000 hommes.
6 UVAB CINQUIÈUB.
11109. la difficulté de conduire et de tran^^rter les embarcations né-
Portugai. QQgggjji^ ^ ^i p|Q3 encore le danger d'une pareille opération
sous le canon de la forteresse portugaise de Yalença , située en
face de Tuy, sur la rive gauche du fleuve , firent prendre au
duc de Dalmatie la résolution de remonter le Minho jusqu à
Orensé , où il existe un pont sur le fleuve , pour tenter, dans ce
dernier endroit, un passage plus facile et moins périlleux. L'ar-
mée commença ce mouvement le 17 février. Elle se composait
de quatre divisions d*infanterie ( 1 7,870 hommes } , de trois di-
visions de cavalerie (4,200 chevaux), et d*un personnel d'artil-
lerie fort de 1,130 hommes '. A Texception du duc d'Abrantès
' Kn Yoici le tableau :
Le maréchal dac de Dalmatie, commandant en chef;
Le général de brigade Ricard, chef d'état-major-générai ;
Le général de division Dulauloy, commandant en chef l'artillerie;
Le colonel Garbé, commandant Tarme du génie ;
Le commissaire ordonnateur Lenoble , chef de Padministration.
INFANTERIE.
Première division. Le général Merle, commandant.
Reynaud, Sarrut, Thomières, généraux de brigade.
Quatre régiments : 2*, 4* légers ; 15*, 36' de ligne ; 5,9?0 hommes.
Beuxième division. Le général Mermet, commandant.
Jardon, Ferey, Lefebvre, généraux de brigade.
Six régiments : 31* léger, 47* et 122« de ligne; 2% 3« et 4« Suisses;
4,S00 hommes.
Troisième division. Le général Delabbrde, commandant.
Foy, Arnaud, généraux de brigade.
Trois régiments : 17' léger, 70" et 86* de ligne ; 3,950 hommes.
Quatrième division. Le général Heudelet, commandant.
Graindorge, Maransin, généraux de brigade.
Cinq régiments : 15* et 32*^ légers; 26*, 66* et 82* de ligne; légions du
Midi ethanoYriennc; voltigeurs des régiments de la garde de Paris. Tous ces
corps n'étaient que des détachements ou des cadres, dont la force totale
ne s'élevait pas à plus de 3,200 hommes.
CAVALERIE.
Première division de dragons. Le général Lahoussaye, conmiandant.
Marisy, Caulaincourt, généraux de brigade.
Régiments: 17% 18% 19* et 27* dragons; 1,900 clievaux.
Deujûième division de dragons. Le général Longes, commandant
Vialannes, Foumier, généraux de brigade.
Régiments : 13* et 22* dragons (la brigade Foumier détachée au 6*
corps) ; 1,000 chevaux.
GUBtBI B*ESPJj&afB. t
tt#u générsl Tbiébault , son dief d'élat-major, tous le» «utref ^lep.
officiers-généraux, supérieurs et particuliers, sans troupes , ^<*«'^«»l
du corps d'armée employé il la première expédition , Aurent
mis à la disposition du maréchal Soult. Napoléon avait pensé
que des offlders et des soldats qui avalent déjà fait la guerre
dans ce pays difficile seraient plus propres à la recommen*^
cer; mus il se trompa à Fégârd de quelques-uns des géoé*
reux, coipme on pourra le vcrir à la suite de ee récit. La pre-
mière campagne ayant été marquée par des insurrections,
des cruautés de la part des Portugais , et par la perte de la
bataille de Yimeiro , l^empereur français aurait dû craindre ,
d'ailleurs, que l'esprit des corps qui avalent formé Tarmée de
Junot ne fût ft*appé de ces tristes résultats de son expédition,
et que les soldats, par leurs récits exagérés , n'attaquassent le
moral de leurs camarades du 2^ corps d'armée avec lequel ils
allaient entreprendre une nouvelle campagne '•
Cependant le marquis de la Romana , après avoir évité ha-
bilement la rencontre des colonnes françaises, en abandonnant
aux Anglais la grande route de la Galice pour effectuer leur re-
traite , s^êtait jeté , par un mouvement de flanc , dans les mon-
tagnes situées à gauche du cours de la Sil , pour tâcher de
gagner Orensé. Ce mouvement hardi avait dérobé le corps es^
pagnol à la poursuite du maréchal Ney, et avait mis le marquis
de la Romana à même , en réorganisant l'insurrection des Ga-
liciens, de préparer au maréclial assez de besogne pour l'em-
pêcher de prêter aucun secours au duc de Dalmatie dans la
campagne difficile qui allait s'ouvrir sur le territoire portu-
gais.
Le maréchal Soutt avait ordonné à une forte colonne de ca-
valerie de longer la rive droite du Minho, pour flanquer la
. Division de cavalerie légère. Le général Francesclii^ commandant.
Debelle, général de brigade.
'Résiroents : 1*' de hussards, 22* de chasseurs, 8* de dragons, chasseur»
liaDovriens ; 1,300 clievaux.
' Par Teffet de cette mesure, les g^ëraux de division Loison et Quesnel,
le général de brigade Booyère, plusieurs officiers d'état-major, et un grand
nombre d*emplo)és d'administration de la première armée de Portugal, se
trooYèrent à la suite de Tétat major général di? duc de Dalmatie et de l'ad-
minMration de la nouvelle armé«*
8 Livas CIRQUIÈIIB.
1909, marche du corps d'armée qui suivait la granae route de Tuy
***'^'- àOrensé.
w Arrivés près du village de Mourenlan, les Français furent
informés qu'un rassemblement considérable de paysans gali-
ciens se disposait à leur disputer le passage. Ils étaient com-
mandés par le curé du village de Gouto, nommé Troncoso ,
qui s'était mis à la tète de ses paroissiens, auxquels d'autres
bandes s'étaient réunies. Pour parvenir jusqu'au village, il fal-
lait traverser un défilé étroit, bordé de haies, coupé par des ro-
chers, et terminé par la rivière torrentueuse de las Hachas, qui,
en cet endroit, se jette dans le Minho. 1,200 hommes défen-
daient un pont barricadé et hérissé de chevaux de frise. Le
gros] de la colonne se forma en bataille derrière le d^lé, et
200 dragons, mettant pied à terre, s'avancèrent vers le village.
Les Galiciens firent d'abord mine de mardier à la rencontre
de ces assaillants; mais, voyant les dragons armés de fusils,
ils lâchèrent pied et s'enfuirent dans Mourentan. Le pont fut
forcé, le village enlevé et brûlé ; plus de 400 paysans perdirent
la vie dans cet engagement , où les Français n'eurent que deux
dragons hors de combat.
Dans cette marche de Tuy sur Orensé , Tarmée rencontra
encore un rassemblement d'msurgés galiciens qui voulaient dé-
fendre l'approche de la petite ville de Ribadavia. Leur gauche
s'appuyait au Minho, leur droite à une ehatne de montagnes ari-
des et escarpées ; leur centre était couvert par le village deFran-
celos, qu'ils occupaient en force , et en avant duquel coule un
ruisseau qui baigne le {àed de la montagne, par où les colonnes
françaises arrivaient.
Le maréchal ordonna au major Dulong, commandant un ré-
giment provisoire, composé d'un bataillon de chacun des là^
et 32* légers, et formant avant^garde, d'attaquer de front la
ligne ennemie, tandis que la brigade du général Graindorge
tournerait la droite, en passant le ruisseau qui descend à gau-
che du chemin de Melone, et longeant ensuite la montagne.
Xe mouvement devait être soutenu par la brigade Maransiii.
Le major Dulong emporta d'abord le village de Francelos, et
bientôt après Ribadavia, malgré la plus vive résistance, que fa-
vorisaient les maisons et les jardins.
GUIABB B*UVAOIIJI. 9
la nmle deTiiy a Bibadavia pvéwnte, dans sa plus ffftmà»
partie, de grandes difficultés pour l'artillerie ; elle est étroite , '«><^«8^
inégale, cahotante, et d'one péite rapide et dangareose en
phuîeBrs endroits. Cette considération détermina le maréehal
àiédnire, de concert ayee les généraux d'artillerie Dalanloy et
Boorgeat , le matériel d'artillerie qui devait sniYre Tannée à
qoatre pièces des, douze pièces de 4 , quatre obosiers de 6
pouces , et un certain nombre de caissons rôifermant trois mille
gargoosses et cinquante miUe cartouches d'infimterie. Tout le
reste , ainsi que le grand pare et les voitures d'équipages , dut
rétrograder sur Tuy.
Le maréchal confia le commandement de cette dernière ville,
qitt devenait un point important» au général Lamartinière,
offider d'une bravomre et d'un mérite éprouvés.
L'ennemi fut encore culbuté, le lendemain du ccmibat de
Bibadavia , par les brigades Graindorge et Maransin et l'avant-
garde que commandait le major Dulong ; celui-ci, avec 400 hom-
mes, mit en fuite 3,000 insurgés qui avaient voulu l'envelop-
per, et dont le chef lui fit la ridicule sommation de capituler.
Le gros de l'armée, qui avait marché, comme nous l'avons
dit, par la grande route de Tuy à Orensé , arriva le 4 mars de*
vant cette ville et y traversa le Minho sans obstacle.
Informé du mouvement du maréchal Soult , le marquis de
la Bomana était venu, sur ces ^trefaites, occuper les hauteurs
d'Orsona» près dé Monterey, avec «iviron 25,000 hommes, tant
des troupes qu'il avait réorganisées à Léon que des nouvelles
levées qu'il venait de faire en Galice.
Le maréchal se porta sur cette position le 6 avec une partie
de ses forces , la fit reconnaître , et donna immédiatement l'or-
dre d'attaquer. Les Espagnols se défendirent d'abord avec quel-
que résolution contre les tirallleors français; mais, lorsqu'ils
virent les colonnes d'attaque s'avancer sur eux au pas de
charge et à la baïonnette, ils se débandèrent dans le plus grand
désordre. Les Français restèrent maîtres des hauteurs d'Or-
suna , de dix pièces de canon , sept drapeaux, et d'une grande
quantité de ronnitlODs. Les fuyards fuirent vivement poursui-
vis et ne réussirent à s'échapper qu'en se jetant dans les mon-
tagnes. On avait fait plus de 2,600 prisonniers dans le com*
•10 LIVBB CINQUIBHB.
bat; loais , eraljsnaiit de s'a£Eaiblir en les faisant condoire «ur
ses derrières, le maréchal Soolt préféra relâcher ces Espa-
gnol», en exigeant d*eux le serment de ne point reprendre les
armes eontre la France et le roi Joseph. Précaution illnsoire l
car les Espagnols prou vèrent, dans tout le cours de cette guerre^
qu'ils ne se croyaient point liés par ce serment. Quinze Jours
après leur délivrance, ces prisonniers avaient déjè rejoint les
rangs de Farmée du générai la Romana.
Le lendemain du combat de Monterey^ Favant-garde fran*
çaise, composée de la division de cavalerie légère aux ordres
du général Franceschi , qui se trouvait renforcée du régiment
provisoire que commandait le major Dulong» atteignit^ au delà
de Yéifn , rarrière*garde espagnole commandée par le générail
Mahy , lieutenant de la Romana, et la força de recevoir le com-^
bat qu'elle voulait éviter. Attaqué de front par Tinfanterie du
major Dulong» l'ennemi, mis en désordre, se retirait avec
perte de 100 tués et d'un pardi nombre de prisonniers , lors^
qu'un mouvement Mt sur sa droite par la cavalerie le força
de s'arrêter à un tertre élevé qae couronnaient des rochers jt
pic , et autour duquel il essaya de se former en carré. Le gé-
néral Franceschi désigna un côté à chacun de ses régiments
et ordonna une charge générale. Le 23^ de chasseurs entama
le premier les rangs espagnols, puis le 8^ de dragons ; ainsi piies-
ses par les régiments français, les bataillons ennemis furent
taillés en pièces. Le major Dulong , arrivé snr ces entrefaites
au pas de course, avec une seule compagnie de voltigeurs, aU
teignit ceux qui cherchaient à s'échapper par les rochers et
dans la direction de San-Gypriano, jusqu'où ils furent poursui-
vis. 1,300 Espagnols restèrent sur le champ de bataille; 400
ftirent faits prisonniers ; trois drapeaux et toute l'artUlerie
tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Cette affaire ne dura
qu'une demi-heure.
A la sortie de Vérin commence un .défilé qui conduit à la
frontière de la province portugaise de Xnis-os-Montes, et bordé
à droite et à gsMicbe par deux chaînes de montagnes. Pendant
que Tavant-garde française remportait cet avantage , la division
Delaborde, qui suivait la division Heudelet, était aux prisea
avec un parti portugais; celui-ci, posté dans le^ montagne»
de Baiot-y-Frio8» avait laissé passer ravfuiit^^rde et la 4'' _im^,
division (Heudelet); mais ses tHrallieurs attaquèrent la 8'
(Belaborde); ils farent bientôt repousses, et l'on reconnut
qu*ils appartenaient à un petit corps de 3,000 Portugais en po-
sition près du village de Yillaza, sur la droite de la route. Ces
troapes étaient c(»Bniandées par le général portugais Silveira.
Le général Belaborde ordonna au général Foy de marcher
sur l'ennemi avtié le 17^ d'infanterie légère, et le fit appuyer
par la brigade du général Arnaud. La position lut enlevée après
une assez vive résistance. Les Portugais, mis en déroute, abaur
dcmnèrent deux pièces de canon qu'ils avaient avec eux ; un
escadron du 19^ de dragons, ^voyé pour poursuivre Tennemî
dans sa retraite, lui fit beaucoup de mal. Le général Foy sui-
vit ce mouvement avec le 17^ léger, et explora les bois et les
rochers où les dragons ne pouvaient pas pénétrer.
Ces deux affaires lurent glorieuses pour les troupes françai-
ses. Les rapports citèrent nommément les colonels Defossey^
Gîrardin, le major Dulong, le chef d'escadron Lameth , le ca-
pitaine Brassard , aide-de-camp du général Foy , le lieutenant
Vainoni, le sous-lieutenant Marcognet, le caporal Goloms,et
les vdtigeurs Balille, Demars et Dagny.
Les Portugais avaient fait trois lieues sur les terres d'Espagne
pour venir attaquer l'armée française engagée avec le marquis
de la Boniana , et ce mouvement avait été concerté avec ce
dernier pour faciliter sa retraite.
Le 7 mars, Tarmée française passa le défilé sans rencontrer
d'autre obstacle , et , entrant dans la plaine où est situé San^
Cypriano, fut bivouaquer en vue de Villarelo, sur la frontière
de Portugal. L'avant-garde, s'étant approchée de cette dernière
irille, occupée par un gros de troupes portugaises, reçut quel-
ques boulets envoyés par de gros canons en fonte et sans affûts
qui avaient été établis à la hâte sur les rochers qui entourent ce
poste. Toutefois , la dispersion de Tavant-garde ennemie dans
le défilé de Vérin avait dc^à tellement iimmidé les troupes qui
défendaient Villarelo qu'il suffit d'un seul bataillon pour les
en chasser. Le maréchal attendit en cet endroit la réunion de
ses troupes, et se dispbsa à entrer dans la province de Tras-oa*
Montes.
12 LITBB CIRQUIÂMB.
mi. Le corps d*armée firançais comptait alors 22^000 combat-
PoMasai. lanig^ ^oQt 8,000 de cavalerie. Le plus grand nombre avait
lait les dernières campagnes d'Allemagne et de Pologne, et
s'était couvert de gloire à Austerlitz, à léna, sur la Passarge
et à Friedland ; tous avaient la plus grande confiance dans l'ex-
périence et les talents du chef qui les menait à la conquête du
Portugal.
Le 10 mars, Tavant-garde se mit en mouvement, et ren-
contra auprès du village de Fèces de Abaxo, sur la rive gau-
che de la Taméga, un détachement ennemi fort de 2,000 hom-
mes et occupant une belle position. Cette troupe faisait partie
d'un corps d'armée que le général Freire avait réuni et orga-
nisé dans la province de Tras-os-Montès. Les Français travers
sèrent la Taméga pour marcher sur leurs adversaires , et, après
une charge vigoureuse , ces derniers fiirNit mis en déroute et
se dispersèrent dans les montagnes. Pendant ce temps, un au-
tre détachement de la garnison de Chavés , une des principales
ville de la province, s'était avancé, au nombre de 8,000 hom-
mes, sur le flanc droit de Tavant-^arde française, tandis
qu'une nuée de tirailleurs, embusqués dans des rochers inac-
cessibles à la cavalerie , faisaient un feu très-meurtrier. 50 dra-
gons du 19® régiment mirent pied à terre et chassèrent ces ti-
railleurs. La garnison de Chavés , attaquée de front par le 17®
d'infanterie légère , et tournée sur son flanc droit par le 19® de
dragons, se débanda entièrement à la première charge; 6oe
hommes restèrent sur le champ de bataille , un grand nombre
fut fait prisonnier, et le reste fut poursuivi jusque sous les murs
de Chavés.
Le général Freire, chargé de la défense de cette partie du
Portugal , avait ordre de ne point s'engager imprudemment ,
et de se retirer avec lenteur devant le maréchal Soult , jusqu*&
ce que, réuni à un autre corps d'armée qui était chargé décou-
vrir Oporto, il pût, de concert avec ces dernières troupes , ten-
ter plus sûrement d'arrêter les progrès de Tarmée française.
Cette mesure était sage et conforme à la tactique prudente des
généraux anglais ; mais les Portugais , surtout ceux des pro-
vinces frontières de la Galice et du royaume de Léon , qui
étaient encore mal disciplinés , et qui se croyaient, en raisoa
GUIBHB D*I8PAQIIB. 13
de leur nombre, presque asenrés d'être victorieux, reAitaient iMt,
opiniâtrement de céder le terrain sans combattre. C'est ainsi
qu'après avoir été iMittns dans les défilés de Vérin et à Fèces
de AImulo , ils voulaient encore se défendre dans Chavés, et
que la division entière du générai portugais Silveira se mutina
à ce sujet.
La gamlsopi de Chavés était forte d'environ C,000 hommes,
parmi lesquels on en comptait 1,600 appartenant à Tancienne
armée de ligne portugaise.
Le 10 mars, le maréchal Soult s'approcha de cette ville et
la fit sommer d'ouvrir ses portes; mais, d'après les disposi-
tions dont nous venons de parler, cette sommatioo fut sans
effet. Du haut des remparts les Portugais provoquaient les
soldats français par des injures » et menaçaient de la mort la
plus cruelle tous ceux que le sort ferait tomber entre leurs
mains. L'avant-garde resta jusqu'à la nuit à portée de canon
de la place, et fût ensuite bivouaquer près du village de Bus-
telio.
Le 11, à la pointe du jour, le maréchal fit intercepter par la
division de cavalerie du général Lorge toutes les communica-
tions de Chavés sur la rive droite de la Taméga, tandis que le
général Franoeschi, avec sa cavalerie légère et une des divi-
sions d'infanterie , complétait l'investissement sur la rive gau-
che. Ces mouvements , loin d'effrayer la garnison de la place ,
ne firent qu'augmenter son exaspération. Les remparts étaient
couverts de troupes, le canon tirait jusque sur les vedettes fran-
çaises, et les vociférations étaient encore plus horribles que la
veille. La populace se trouvait dans un tel état d'irritation que
le gouverneur eut beaucoup de peine à arracher de ses mains
un officier d'état-major envoyé en parlementaire ; il était por-
teur d'une dernière sommation, dans laquelle le duc de Dal-
matie menaçait les habitants d'un assaut et de passer la gar*
nlson an fil de l'épée, si, le 13, àsix heures du matin, on ne lui
disait point de proposition de capitulation.
Cette démarche produisit enfin l'efTet qu'en attendait le ma-
rédial ; le 1 3 , Chavés ouvrit ses portes ; une partie de la gar-
nison en était sortie pendant la nuit. On trouva dans la place
beaucoup de munitions et d'artillerie. Le maréchal Soult passa
14 LIYBB ClNQUIBlfB. .
4floo. ®° revue ce qui restait de troupes de ligne et de milioes for-
Portugal, iq^^qi; {^^ gamison : ees derniers soldats étaient vétns et armés
de mille manières, et présentaient l'assemblage le j^os bizarre ;
ils furent tons renvoyés, ehez eux après -avoir été désarmés.
Le maréchal organisa en compagnies les soldats de la ligne
portugaise qui voulurent prendre du service, et leur donna pour
officiers quelques gentilshommes de leur nation qui, proscrits
ou exilés volontairement après la retraite de Tarmée du. gé-
néral Junot , se trouvaient alors à la suite du quartier général
Français.
L'armée séjourna trois jours à Chavés pour se reposer de ses
premières fatigues et se munir de vivres ; car on savait que la
province de Tras-os^Montès que l'on allait traverser était peu
fertile,* et qu'en outre les habitants avaient emporté avec eux
dans les montagnes toutes les ressources que l'on aurait pu ren*
contrer dans les villages. Les malades, les blessés et tous les
hommes inutiles furent laissés dans la place, sous la protection
d'une faible garnison, et les troupes se dirigèrent le 13 sur
Braga. Le 15 au soir elles bivouaquèrent à Saltouras, sur la
crête des montagnes à l'ouest de Chavés. Les Portugais occu-
paient sur cette route tous les points susceptibles de quelque
défense , et à chaque pas il fallait employer la force pour s'ou-
vrir un passage. Les défilés de Ruivaens, de Yandanova, dé
Salamonde, etc., furent ainsi emportés à la baïonnette. Le 17,
l'armée vint prendre position sur les hauteurs de Carvalho ; de
ses bivouacs elle put apercevoir l'armée portugaise rangée en
bataille sur les montagnes qui sont en avant de Braga. Les
avant-postes français furent poussés jusqu'à San-Joao dei Rey.
L'armée ennemie se composait de toutes les troupes aux or-
dres du général Freire, et des nombreuses levées faites tout
récemment dans les provinces de Tras-os-Montès et d'Entre-
Buero-et-Minho. A la vue de l'armée française, le général Freire
voulut, suivant ses instructions, lever son camp et se retirer
sur Oporto ; mais les paysans, qui formaient la plus grande
masse de ses foi*ces , demandèrent à grands cris qu'on attendit
l'attaque. En voyant que le général paraissait décidé à com-
mencer avec ses troupes régulières le mouvement rétrograde
qui lui était prescrit, ies plus furieux se précipitèrent sur lui et
OOBBAB D'BSPJlGNS. !&
le massaerèreiit, ainsi que le plus grand nenibre des offleiérs de iiîm.
son état-major, en s'éerisnt que tel serait le sort de tous les ^i^^^vi^
ehe6 qui trahiraient la cause sacrée de la patrie. Cependant
le besoin dNrn dief qui pût ériger leurs mouvements leur fit
oflHr le commandement à un officier hanovrien, nommé le hà^
ran d'Ëben , qu'ils forcèrent , sous pdne de la vie , à accepter
ce poste périlleux.
Le nouveau général en chef, qui venait d'apprendre par
Texemple de son prédécesseur combien il serait fâcheux pour
lui de s'opposer aux vœux d'une multitude mutinée, ne tarda
pas à les remplir. Le 18 mars il mit ses troupes en mouvement,
et fit débordear sa droite pour faire reculer la gauche des Fran-
çais, qui était adossée à des rochers près du village de Lan-
hoso. tfne colonne de 3,000 Portugais attaqua ce dernier poste
et releva. Le maréchal Soûl t, qui ne parut pas s'inquiéter
beaucoup de ce mouvement, se borna à faire resserrer ses trou-
pes ; mais le lendemain, à la pointe du jour, il fit reprendre le
village de Lanhoso par le 31* régiment de ligne , soutenu par
deux escadrons de dragons aux ordres du major Montigny.
Le maréchal venait d'être informé que les Portugais se dispo-
saient à une attaque générale pour le jour suivant, et il résolut
de les prévenir en marchant lui-même à eux avec toutes ses
forces.
Le 20 mars, à sept heures du matin, l'armée française se
déploya en ligne de bataille sur les hauteurs de Garvalho-da-
Este. La division du générai Deiaborde formait le centre ,
ayant derrière elle la division de dragons du général Lorge. La
division du général Mermet , soutenue par la division de ca-
valerie légère du général Franceschi , était à Taile gauche , et
l'aile droite était formée par la division du général Heudelet.
Le maréchal duc de Dalmatie lit commencer l'attaque à sept
heures et demie : une batterie placée en avant de la ligne donna
le signal, La division Deiaborde, s'ébranlant aussitôt, s'avança.
Tanne au bras , sans riposter au fèu qui partait de la Hgne en-
nemie. Cette marche audacieuse , Tordre et la régularité des
mouvementsde la troupe française, commencèrent à intimider
4es PorCugads et à leur faire perdre de leur eanfianoe prétomp-
tueuse. Sur le point d'être joints par leurs Impassibles adver^
16 LIVBB ClNQUlàXB.
8alr«89 ils se débandèrent et prirent la fuite. La caTalerie se
• ^^^^"^' mit à leur poursuite, les atteignit, et en lit un grand carnage.
Les Français entrèrent pèle-mèleavec les fuyards dans Braga,
traversèrent cette ville, et continuèrent leur poursuite Jusqu'à
deux lieues au delà, en sorte que la cavalerie fit quatre lieues
au galop, sans donner de relâche à l'ennemi. La perte de celui-
ci fut considérable ; son artillerie, ses bagages, ses caisses mi-
litaires et plusieurs drapeaux tombèrent au pouvoir des vain-
queurs. .
Maître de Braga , l*une des principales et des plus influentes
villes du Portugal) le maréchal Soult y établit son quartier
général. L'infanterie bivouaqua autour de la place, et la ca-
valerie prit position à Tabossa , à trois lieues eu avant , sur la
route d'Oporto.
Du 20 au 26, le maréchal fit assurer ses communications,
en envoyant sur divers points des colonnes d*infanterie et de
cavalerie. Les villes de Barcelos et de Guimaraens furent oc-
cupées. La dernière était défendue par un fort détachement de
Tarroée battue à Carvalho, et ce ne fut qu'après un combat
très^piniàtre et très-meurtrier que les Français parvinrent à
s'en emparer. Le général Jardon, l'un des plus anciens et des
plus braves officiers de l'armée française , perdit la vie à cette
attaque, en faisant le coup de fusil avec les tirailleurs du 17^
régiment d'infanterie légère '•
Dès le 24 f la division du général Lorge avait eu ordre de
forcer le passage de l'Ave, rivière qui traverse la province
d'£ntre-Duero-et-Minho dans sa largeur, et qut se jette dans
' Ce général, né à Liège, s'était enrôlé comme volontaire dans les batail-
lons belges qui prirent serrice pour la France en 1792. Il se distingua si
bien par sa bravoure et sa rare intrépidité que, dès l'année suivante, on vit
son nom figurer parmi ceux des officiers généraux de la république. Jardon
parut prendre à tàcbe de prouver quMl n'avait point cessé d'être soldat en
devenant général. Aussi oombatteit-il toujours aux avant-postes avec toute
la témérité d'un simple grenadier. Être choisi par loi poor aide-de-eamp,
citait recevoir un brevet de mort Le nombre de ceux tués à ses côtés était
devenu si considérable que, dans les derniers temps, il n'avait plus au-
près de lui que des sergents d'in&nterie pour ce service. Les soldats, dont il
était le compagnon inséparable, dont il partageait toujours les fiitigues et les
privations, comme tous les dangers, l'atmaleat comme on père, et donnè-
rent des larmes abondantes à sa mémoire.
GUEBBE D*ESPAGNE 17
la 'm«r aa-dessons de Villa-de-Conde ; mais l'ennemi avait ism.
rompn le pont en bois du booi^ de Villa-Nova , et le gué qui '•«•""«^
est au-dessous avait été rendu impraticable, au moyen de trous
i^lts dans le lit de la rivière et par des chevaux de frise. Toutes
les Bvenues étant d'ailleurs coupées et barricadées , il fallait
le secours de Tinfanterie pour surmonter ces obstacles. La di-
vision du général Franceschi ayant passé TAve , le 26, près
de GuimaraenSy vint prendre en queue Fennemi, posté à TrofTa
sur la rive gauche. Dans le même moment une colonne d*in-
fanterie attaqua de front par la rive droite, tandis que la division
de dragons du général Lorge passait au pont de Léoncino , que
Tennemi n'avait point coupé. Ce triple mouvement eut tout le
succès qu'on pouvait en espérer. Les Portugais furent mis en
déroute et poursuivis Jusqu'à la nuit. Ceux qui gardaient le
dé Aie de Sidreira en furent également chassés et contraints de
se retirer sur les hauteurs d'Oporto.
Cette dernière ville , dont les Français n'étaient plus qu*à
quelque distance , est , après Lisbonne , la plus importante du
Portugal. Elle est située sur la rive droite du Duero, à une lieue
de l'embouchure de ce fleuve , et avait alors une population
de 70,000 âmes. Les Anglais étaient particulièrement intéres*
ses à sa conservation , parce qu'elle est l'entrepôt général de
tous les vins qu'ils tirent de cette partie du royaume pour
la consommation de la Grande-Bretagne et de ses établissements
à Vextérieur; aussi rien n'avait été négligé pour la mettre en
état de défense. L'enceinte avait été réparée et fortifiée avec
soin ; des ouvrages détachés et étendus en avant de la place se
trouvaient armés de deux cents pièces de canon ; une garnison
de 20,000 hommes de troupes régulières avait été mise par le
maréchal Beresford à la disposition de l'évéque , nommé gou-
verneur de cette ville. Les Portugais et leurs alliés se flattaient
d'autant mieux de l'espoir d'arrêter les progrès de l'armée fran-
çaise qu'indépendamment de ce déploiement de forces impo-
santes ils pouvaient encore compter sur l'utile coopération
des nombreuses milices qui venaient de toutes parts se réunir
sous les murs d'Oporto.
Pour opérer ce rassemblement on avait établi sur différents
points des signaux, qui furent mis en activité à l'approche des
. I
tè LIVA8 GinQUlkUB. •
ig09. colonnes françaises : tantôt c'étaient des arbres de cinquante à
Porru^i. géante pieds de haut , élevés sur le sommet des montagnes,
' et tantôt des feux allumés sur les mêmes points , et dont ré-
paisse fumée s'apercevait à de grandes distances. Si Ton vou-
lait avoir des renseignements plus positifs, des jeunes gens
lestes et vigoureux ^ placés de distance en distance , se trans-
mettaient de main en main les dépèches dont ils étaient por-
teurs, et, partant comme un trait en suivant des sentiers qu'eux
seuls connaissaient, ces courriers apportaient aux corrégidors
ou aux autorités militaires les avis sur la marche des Français
avec plus de célérité que ne l'eussent pu faire des exprès à che-
val. C'est ainsi que la population entière s'était repliée sur
Oporto, à mesure que les colonnes françaises avançaient, et
que celles-ci traversaient des bourgs et des villages sans y ren-
contrer un seul habitant.
Les forces réunies autour d'Oporto et dans cette place pré-
sentaient , en troupes régulières et irrégulières , une masse de
60,000 hommes, commandés en partie par des offîclers supé-
rieurs anglais» sous la direction de Tévéque d'Oporto. La droite
de cette armée occupait des rochers escarpés qui se prolongent
jusqu'au Duero ; la gauche était appuyée À la mer; le centre
était dans une position qui dominait le point par où l'armée
française devait déboucher, et sur laquelle l'ennemi avait établi
une forte redoute, garnie d'une artillerie nombreuse.
Dès le 2G au soir Tavant-garde française s'approcha Jusqu'à
portée de canon de la position que nous venons d'indiquer.
^ Toutefois , comme deux divisions se trouvaient encore en ar-
rière, la journée du 27 se passa en escarmouches ou dans de
simples attaques d'avant-postes. Pendant la nuit, l'ennemi tira
sans discontinuer sur les bivouacs français. Il avait garni ses
ouvrages d'un grand nombre de pièces de marine du plus gros
calibre, dont les boulets tombaient Jusque dans les bivouacs
de la cavalerie, établis à près d'une lieue en arrière des premiers
postes. Le maréchal Soult fit rapprocher son infanterie de ma-
nière à ce que toutes ces décharges passassent au-dessus de sa
première ligne, et l'ennemi n'obtint d'autre résultat d'un feu
aiussl violent que de consommer en pure perte une partie de
ses munitions.
CURRBE D^ESPAGNE. l^
Le jour suivant , le maréchal, ne se trouTant pas encore en laoa.
mesure d'ordonner Tattagne générale et voulant gagner du '*^'^"»"*
temps , fit sommer l'évèque d^Qporto d'ouvrir les portes de
cette ville. Le générai Foy , chargé de cette mission, faillit per-
dre la vie. Horriblement maltraité par les milices portugaises, il
fut dépouillé de tous ses vêtements et jeté dans un cachot, d'où
il parvint toutefois à s'échapper le lendemain , au moment où
les Français attaquèrent Oporto. La veille Tévéque quitta la
ville, et laissa à sa place le général Parreiras.
Pendant la nuit du 28 au 29 , le désordre et la confusion
furent à leur comble dans le camp ennemi et dans Oporto
même. Les paysans armés, ne voulant plus se soumettre à au-
cune discipline , méconnaissaient la voix des chefs et se li-
vraient à tons les excès ; les cloches de la ville étaient en mou-
vement, et le tocsin sonnait dans les campagnes environnantes.
. A sept heures du matin , une forte canonnade et la fusillade
s'engagèrent sur toute la ligne. Le maréchal Soult dirigea sa
première attaque de manière à tourner l'aile droite des Portu-
gais. La division du général Delaborde aborda le centre en-
nemi Tarme au bras. Les 70* et 86« régiments de ligne , après
avoir franchi les retranchements et les ouvrages avancés, en-
foncèrent la ligne portugaise et la mirent dans une débandade
complète. Aussitôt que le passage fut ouvert, la cavalerie se
précipita à la poursuite des vaincus, en Ht un grand carnage,
entra avec eux dans Oporto, et les chargea jusqu'au Duero,
qui traverse la ville. La foule était si grande sur le pont qu'il se
rompît dans le moment où les Portugais travaillaient à le cou-
per. Un grand nombre fut écrasé sous cet éboulement ; mais la
majeure partie , arrêtée sur ce qui restait encore du pont , et
refoulée par les fuyards , dont le nombre allait toujours crois--
sans, fut impitoyablement mitraillée par le canon, qui , de la
rive gauche , tirait sur la tête de colonne française. Tout ee
qui se trouva ainsi pressé entre cette cavalerie et le canon en-
nemi périt écrasé par les boulets et la mitraille , ou ftit sabré
et jeté dans le fleuve.
On se battit encore pendant quelques instants dans les rues
de la ville; mais à la fin les Français triomphèrent de toute
résistance. Vingt drapeaux, trois cents milliers de poudre,
2.
20 LIVBB CINQUliMB.
f 909. beaucoup de munitions confectionnées, des tentes dressées pour
Portugal. piQg ^^ 50,000 boiumes , trente bâtiments anglais chargés de
vin, furent les trophées de la journée ; il n'y eut de ihits que
250 prisonniers , parmi lesquels 25 Anglais , dont 3 officiers
nouvellement arrivés de Lisbonne. Il fat impossible au maré-
chal Soult , aux généraux et aux officiers supérieurs d'arrêter
les premiers effets delà foreur et de Tanimosité des soldats ; mais
dans la soirée Tordre commença à s^établir, et les habitants,
qui presque tous s'étaient enfuis ou cachés pour se soustraire
aux horreurs d'un assaut , rassurés par les mesures sévères que
le maréchal Soult venait de prendre, rentrèrent en foule
dans leurs maisons. A huit heures du soir le pont sur le Daero
était déjà réparé, et l'infanterie put se porter sur la rive gauche.
Le général Franceschi, avec la cavalerie légère, fut prendre
position à Abergarla-Nova , et poussa des reconnaissances sur
la Vouga. Le maréchal détacha une brigade de dragons, qui
passa la Souza le 31 mars , et vint s'établir à Penafiel , petite
ville bâtie sur le penchant d'une montagne escarpée ; tous les
habitants s'étaient enfuis , emportant avec eux leurs effets les
plus précieux. Le lendemain, le général Gaullncourt, qui com-
mandait la brigade de dragons, Ût un détachement de 500 che-
vaux pour s'emparer de Canavezes, sur la Taméga, ville que
Ton savait occupée par une division ennemie. Cette expédition
manqua par les difOcultés qu'offrait le terrain et par l'infé-
riorité des forces attaquantes. Le détachement fiit obligé de se
replier sur Penafiel, sans avoir pu chasser l'ennemi de Cana-
vezes, et après avoir perdu plus de 60 dragons , sans compter
les blessés. Cet échec enhardit même les Portugais au point
qu'ils vinrent attaquer le général Caulincourt à Penafiel. Il fal-
lut que le maréchal envoyât d'Oporto le général Loison avec
un régiment d'infanterie et deux pièces de canon, pour aider
la cavalerie à se maintenir dans cette position sur la Souza.
Les nouvelles que le duc de Dalmatie ne tarda pas à recevoir
dans son quartier général d'Oporto durent nécessairement le
forcer à suspendre sa marche vers l'intérieur du Portugal. Il
apprit que le général Silveîra , après avoir quitté Cbavés, s'é-
tait jeté avec sa division dans les montagnes qui séparent la
province espagnole de Galice de celle de Tras-os-Montès ; qu'a-
6IJMBB D'ESPAGNE. 31
près avoir augmenté ses forces d'un grand nombre d'insurgés, ims.
formant le population des villages portugais abandonnés, ce ^^''^"S^**
général avait marché successivement sur Chavés, Braga et
Guimaraens, à mesure que l'armé française s'était éloignée de
ces villes , et qu'il avait forcé les faibles garnisons qui s'y trou-
vaient à se rendre prisonnières; enfin qu'il s'était dirigé vers
Amarante avec un corps composé de Q,000 soldats r^liers
^ de 15,600 paysans armés. A cette nouvelle, déjà très-fà-
chenseet très-inquiétante, était venue se joindre celle de l'oc-
cupation de Yigo, où étaient les dépôts et les caisses de l'ar-
mée française , par une division de l'armée du marquis de la
Romaua, commandée parle général Morillo.
Cependant le général Loison, envoyé, comme nous l'avons
dit pins haut, pour commander la ligne de la Souza, résolut
de faire une reconnaissance vers Amarante avec 800 hommes
d'infanterie et 600 chevaux. Il rencontra les avant-postes en-
nemis à trois lieues de Penaflel, dans le village de Villa-Mania,
et, après les avoir repoussés jusqu'à une lieue d'Amarante, il
se trouva en présence du géqéral Silveira, qui, avec 10,000
hommes d'infanterie, était en position sur une montagne, en
anîèredu village de Pedrilla. Après avoir ainsi reconnu les
forces qu'il avait devant lui , le général Loison revint sur Pe-
fiafiel , suivi seulement par quelques tirailleurs , et s'empressa
de donner avis au maréchal Soult de la découverte quli venait
de faire.
Le 12 avril à midi , le général Silveïra vint attaquer sur trois
points la ligne des Français sur la Souza. Son intention était
de s'emparer du pont de cette rivière et de couper la retraite
aux troupes qui étaient dans Penafiei ; mais le générarLoiÈon*
s'aperçut assez à temps de ce dessein , et évacua Ysl ville pour
venir prendre position sur la rive droite , devant îe viHage de
Baltar. L'ennemi^ content de ce premier succès, ne dépassa
point PenafieK
Le maréchal duc dcDalmatie, arrêté sur les bords du Duero
par la crainte de voir ses communications avec la Galice com-
promises, en pénétrant plus avant dans l'intérieur du Portugal,
attendait avec impatience des nouvelles du maréchal Victor,
dont le corps d'armée devait , ainsi qu'on l'a vu dans le cha-
3t LIYBB CINQUIÈMB.
iiwn. pitre précédeni , envahir ce royaume par les frontières de l'E»-
PortusaL tramadure espagnole II lui importait de connaître si cette in-
vasion avait eu lieu , et la position où se trouvaient alors les
troupes du duc de Bellune ; dans cette conjoncture, et après
, avoir reçu le rapport de la reconnaissance faite sur Amarante ,
il envoya au général Loison deux autres régiments avec une
batterie d'artillerie, en lui donnant Tordre de se porter de nou-
veau sur le général Silveîra, et de pousser le plus loin possible,
afin d'obtenir quelques renseignements sur la marche du pre-
mier corps ( celui du maréchal Victor).
Ce renfort étant arrivé sur la Souza, le général Loison repassa
cette rivière et s'avança, le 16, sur Penaûel, d'où il chassa un
détachement de cavalerie ennemie. Le lendemain il continua
son mouvement sur Amarante , et retrouva les troupes du gé-
nérai Silveira dans la position où il les avait reconnues sept
jours auparavant; quelques volées d» canon tirées sur les
masses ennemies suffirent pour les disperser. La cavalerie se
mit à leur poursuite sur la route , et Tinfanterie par les mon-
tagnes. Les fuyards voulurent s'arrêter derrière le village de
Fregi, à l'entrée d'un bois de sapins; mais, pressés de toutes
parts, ils abandonnèrent bientôt cette nouvelle position , et les
Français entrèrent pêle-mêle avec eux dans Amarante. Si l'in-
fanterie eût pu arriver à temps , le général Loison se serait
emparé alors du pont bâti sur la Taméga , dont la possession
coûta plus tard beaucoup d'efforts et la perte d'un grand nom-
bre d'hommes. Un bataillon portugais se jeta dans un couvent
situé en face d'une rue par où la cavalerie française devait dé-
boucher. Tout ce qui se présentait dans ce passage, qui n'a-
vait pas plus de huit à neuf pieds de large, était renversé par
la fusillade qui partait du couvent , ou par la mitraille de trois
bouches à feu placées en batterie sur une hauteur de la rive
gauche, qui domine la ville.
Ce feu meurtrier ayant donné le temps à Tennemi de se re-
tirer derrière les fortifications , il fut reconnu qu'il était impos-
sible d'enlever le pont sans perdre beaucoup de monde. Aus-
sitôt que l'infanterie fut arrivée, le général Loison fit attaquer
le couvent, dont l'ennemi ne fut chassé qu'après une résistance
opiniAtre. Deux compagnies de voltigeurs s*y logèrent. Le 1 7*
d'infanterie légère occupa la ville jusqu'au pont; le 70* et le jj
96* de ligne s'établirent avec la cavalerie sur des hauteurs hors
de la ville , dans des bosquets d'orangers et de citronniers. Le
général Lolson fût obligé de faire élever des épaulements sur
la rive droite de la Taméga, pour mettre ses postes d'infante-
rie à couvert du feu des Portugais , qui , disposés sur la rite
gauche , n'apercevaient point une seule sentinelle sans tirer
dessus.
L'occupation d'Amarante remplit en partie l'objet que s'était
proposé le maréchal Soult. On trouva dans cette ville des pa-
piers anglais et portugais /{ui firent connaître enfin la situation
des affaires en Espagne et dans le midi du Portugal. La nou-
velle la plus importante , que le général Loison s'empressa de
transmettre au maréchal , fut la détresse où se trouvait alors
le maréchal Ney en Galice, et l'impossibilité où il était de
prêter secours à Tarmée d'invasion. Dès le 80 mars , le mar-
quis de la Romana , après avoir allumé l'insurrection de la
majeure partie de la province , était descendu des montagnes
de Puebla de Sanabrla, s'était porté sur Ponferrada, où il avait
finit prisonnier un détachement français qui s'y trouvait ; de là^
traversant la grande route d'Âstorga à la Gorogne, le général
espagnol avait marché sur Villafranca , dont la garnison , forte
de 800 hommes , s'était vue forcée de mettre bas les armes.
Ces succès , exagérés par la renommée , ayant fait accourir
sous les drapeaux de la Romana plus de 30,000 Galiciens bien
armés, le maréchal Ney, harcelé , pressé de toutes parts , avait
été obligé de concentrer une partie de ses forces sur Lugo. Un
corps de 12,000 hommes , tant Galiciens que Portugais, assié-
geait Tuy , où se trouvait le grand parc d'artillerie de l'armée
entrée en Portugal.
L« maréchal Soult, en recevant ces nouvelles, détacha sur-
le-champ la division du général. Heudetet pour secourir le gé*
Bëral Lamartinière, qui commandait à Tuy et qui défendait
vaillamment cette place non fortifiée. Après avoir traversé la
province d*Entre-Buero-et-Minho, le général Heudelet arriva
devant Yalença, et s'empara de cette forteresse par un coup de
main. Dès le lendemain 11 traversa leMinho, battit et dis-
persa le corps ennemi , et débloqua la ville de Tuy. Ayant fMt
Portustf.
34 LIVftB CINQUIÈME.
IM9: lauter ensuite le& fortifications de Yalança, il rejoignit le ma-
Portugal. réchalàOporto.
La colonne da 'général Heudelet eut souvent à combattre
dans cette expédition ; le nMû<»^ Dulong fut chargé de s'empa-
rer de la ville et du pont de Ponte-Lima« Les Portugais dé-
fendaient ce poste avec S,aoo hommes de troupes de ligne et
une nombreuse artillerie; le major avait à peine 1,500 com-
battants sous ordres. Ce fut lui qui s'embarqua sur le Minho
pour annoncer au général Lamartinière qu'il était débloqué.
Cependant les succès obtenus par général Heudelet n'avaient
fait évanouir qu'une partie du danger qui menaçait Tarroée
française , et celle-ci se trouvait encore dans la sîtuaticm la plus
critique. Isolée, pour ainsi diie^ à Oporto, au milieu de Tin-
surrection des provinces du nord du Portugal, elle était mena-
cée au sud par une nouvelle armée anglaise qui venait de dé-
barquer, au nombre de 18 à 20,000 hommes, à Tembouchure
du Tage, et qui se dirigeait déjà sur Coîmbre. Sir Arthur
Wellesley, qui commandait ces troupes, avait pris la direction
que nous venons d'indiquer après avoir reconnu que l'armée
portugaise était suffisante pour défendre Lisbonne et garder
les défUés d'Abrautès, dans le cas où le maréchal Victor, ce qui
n'était guère probable alors, tenterait de franchir la frontière
orientale du Portugal.
?ioufr devons maintenant faire eOnnattre les circonstances
qui avaient empêché le maréchal duc de Bellune d'entrer en
Portugal à l'époque qui lui avait été prescrite par les instruc-
tions de Napoléon.
Emagne. Suite des événements militaires en Espagne; bcUaiUe de
"''' Medellin; combat de Ciudad'Real, etc. — Le premier corps
d'armée, sous les ordres du maréchal Victor, duc de Bellune,
était resté eantonné dans la province de la Manche pendant
tout le eours du mois de février, lorsque , d'après le plan de
l'empereur, ce maréchal dut entrer en Portugal. Le général Sé-
bastian! , qui avait succédé au maréchal Lefebvre, duc de Dant-
zig , dans le commandement du 4? corps d'armée , reçut l'or-
dre de quitter , avec une partie de ses troupes , ses cantonne-
ments vers la haute Estr'amadure , afin de venir remplacer les
troupes du premier corps, qui, de leur cûté, s avancèrent sur
GHBftBS D'BSPAeilB. S5
TalaTërt de la Beîna , Puente del Araobispo et Almaniz ^ pour «se».
aeheTer d'anéantir ks d^ris de rarmée espagnole d'Ettrama- ^v^^^
dure, que le maréchal Lefebvre avait défiedlte, comme on l'a
vu y le 34 décembre. Une division d'infimterieda 4*^ corps resta
sous les ordres du maréchal Victor, ainsi que la division de ca-
valerie légère du général Lasalle. L*armée ennemie était alors
commandée par le général don Grégorlo de la Cuesta» qui
était parti le 25 janvier de Badajbz et avait porté son camp à
Traxillo. Cette armée , réorganisée depuis sa dernière défaite ,
rraiforoée par de nombreuses levées» s'était emparée le 29 jan-
vier du pont d'Almaraz et en avait lait sauter une arche. Cette
circonstance contrariait la marche des troupes du maréchal
Victor vers les frontières du Portugal , et , pour passer le Tage,
il était de toute nécessité de construire un nouveau pont sous
le feu des Espagnols , qui s'étaient étendus sur la rive gauche
et gardaient avec soin tous les endroits favorables au passage
projeté. Il y avait bien deux autres ponts à Arasobispo et à Ta*
lavera ; mais les routes qui y conduisaient étaient alors impra-
ticables pour Fartillerie. Le maréchal Victor se décida donc à
faire établir un pont de bateaux à Almaraz, et vers le milieu
de mars fixa son quartier général dans cette ville» afin d'être
plus à portée de surveiller et d*accélérer les travaux. L'armée
de Cuesta occupait alors les positions suivantes : 5,000 hommes
formant l'avant-garde, commandée par don Juan de Henestrosa.
étflulent en face d'Almaraz; la l**^ division» aux ordres du duc
dd Parque, occupait las Mesas de Ibor ; le seconde division, com-
mandée par don Francisco Trias, à FVesnedoso, et la troisième
à Deleitosa avec le quartier général. Cette armée était forte de
30,000 h(»nmes d'inHuiterie, 4»oao chevaux et trente pièces
de canon.
Le 1^ corps comprenait les divisions Kuffîn (5,000 hommes) »
Yiliatte (6»000 hommes), Levai (3,500 hommes de troupes
allemandes)» la division de dragons du général Latour-Mau-
boarg (a,400 chevaux), la division de cavalerie légère du gé-
néral Lasalle (1,800 chevaux); en tout 14,500 hommes d'in-
fimterie, 4»200 chevaux» et quarante-huit bouches à feu bien
servies et bien attelées.
Quelques troupes légères passèrent sur la rive gauche» par
1
2S tIVBB CINQUIÈME^
te pont ÛB VàmMaipo , pour observer renoemi et faire defi re-
^mn«- comaiAMoioes ren mu finie droit, sur la petite rivière dlbor
qai se Jclle dans le Tage aa-demis d'AImafaL
Le 14 mars les radeaux étaient aclievés; mais eMme on
reconnut qu'il était impossible de les lancer à Teau et de com-
mencer la construction du pont sous le feu de l'ennemi , le ma-
réchal résolut de chasser d'abord ceiui^ de la forte position
qu'il occupait en Ihoe d'Alm'araz, au confluent de Tlbor et do
Tage.
Le 15 , la division Levai passa le Tage à Talavéra, ainsi que
le général Lasalle, avec le 2* de hussards et les 5® et 10* de
chasseurs à cheval. La division Yillatte prit position à Puente
del Aneoblspo, où s'établit le quartier général . La division Ruffln
occupa Yaldeviéja et Torrijo.
Dans la nuit du 15 au 16, te doc de Bellone eut avis que l'en-
nemi occupait la position de las Mesas de Iboravec 6,000 hom*
mes ; un autre corps de 3,000 hommes occupait le débouché
de Fresnedoso , et 1 ,500 hommes tenaient le pays depuis Fres-
nedoso Jusqu'à Guadalupe. Le maréchal donna l'ordre à la di-
vision allemande du général Levai de se diriger sur la position
de Mesas de Ibor, et il la fit soutenir par la division RufÛn. Le
général Villatte dut se porter avec sa division et la cavalerie
légère sur Fresnedoso.
Le 17, à dix heures du matin , le général Levai attaqua l'en-
nemi, dont il ne put atteindre que la queue de la colonne parce
que le duc del Parque s'était déjà mis en retraite; 150 chevaux
commandés par le colonel Blanchevilie firent une centaine de
prisonniers et sabrèrent 3 à 300 hommes. Les troupes espa-
gnoles se retirèrent dans le camp retranché de Mesas de Ibor,
défendu par plusieurs redoutes garnies d'artillerie. Le général
Levai fit attaquer la position , que l'ennemi abandonna bientôt
avec perte de 800 hommes hors de combat, 1,000 prisonniers,
sept pièces de canon, ses bagages et ses magasins.
Tandis que le général Levai chassait l'ennemi de la position de
Mesas de Ibor, le général Yillatte le forçait à Fresnedoso. L'en-
nemi avait déployé ses troupes, au nombre de 3,000 hommes,
sur la gauche del'lboretparaissait vouloirtenirdans cette posi-
tion. Le général Yillatte fit déborder sa droite par un bataillon de
GUEBftK D^BSPAGIIE. 27
voltigeiin, sa gaache par le 27* d'infanterie légère et le 6S* de im^ .
ligne, et ordonna^ an 94^ de i'attaqoer de front , ayant en ré- '^^'i*^*^-
9flr?e le 95«. L'engagement ne dnra que quelques instants : les
Espagnols se retirèrent en déscMrdre, laissant 300 prisonniers. On
trouva à Fresnedoso un magasin d*armes considérable et une
grande quantité de poudre.
Le 18, le duc de Bellune ordonna à la division Levai de mar-
eher sur Valdecanas , d'attaquer et de culbuter l'ennemi dans
les positions qu'il occupait encore sur les crêtes des montagnes
Jusqu'au col de Miravete. La division Ruffin remplaça la divi-
sion Yiilatte À las Mesas de Ibor, et legénéral Yillatte eut l'ordre
de pousser la tète de ses troupes jusqu'à Deldtosa , d'attaquer
Tennemi s'il se trouvait sur ce point, et de continuer à garder
fortement Fresnedoso. Le maréchal dirigea lui-même le mou-
vement de la division allemande. Son Intention était de net-
toyer entièrement la rive gauche du Tage Jusqu'à Almaraz ,
afin de pouvoir Jeter le pont et faire passer son artillerie et sa
cavalerie.
L'ennemi fut bientôt chassé de ses positions. Attaqué à la
fois sur ses flancs et de front par les troupes allemandes, sa dé-
route lût complète. On loi fit quelques centaines de prisonniers
et on le poursuivit Jusqu'à la nuit. Cette affaire établit la com-
munication avec le pont d' Almaraz, qui fut Jeté de suite. Cette
opération étant terminée dans la soirée du 19, la division du
général Latour-Maubourg passa sur la rive gauche. Le len-
demain la cavalerie légère suivit rennemi, qui se retirait sur
Truxillo. Le 6* de chasseurs, conduitpar le colonel Bonnemains,
atteignit la queue de la colonne ennemie à quelque distance de
cette ville , la chargea et la mena au galop pendant une lieue,
jusqu'à ce qu'elle eût rejoint le gros de ses troupes. L'ennemi
perdit dans cette retraite 100 hommes tués ou blessés et 60
chevaux. Le &• de chasseurs eut 8 hommes tués et 10 blessés.
Le 20, le i*' corps arriva à Tmxillo à deux heures du soir.
l£S ennemis^ en quittant cette ville, avaient continué leur re-
traite par la route de Mérida. Leur arrière-garde, composée
d'environ 8,000 hommes d'infanterie, 2,000 chevaux et douze
pièces de canon, occupait les hauteurs de Santa-Crnz de la
Sierra. Le corps d'armée était encore trop éloigné pour pou-
28 LIVRE CINQUliXB.
1809. voir attaquer avant la nuit. Le général Lasalle alla reconnaître
Espagne. ^^ arrière-garde avec sa cavalerie. Le S^ de chasseurs eut
encore un engagement assez sérieux , culbuta 500 à 600 che-
vaux et tua 200 cavaliers espagnols.
Les deux armées passèrent la nuit du 20 au 31 e& présence.
Le général Guesta paraissait d'abord vouloir accepter la ba-
taille ; mais il leva son camp dans la matinée et continua son
mouvement rétrogarde. Il fut promptement suivi par Tavant-
garde française , formée par la division de cavalerie légère du
général Lasalle, qui poussa sur Miajadas une reconnaissance
commandée par le général Bordesoulle. Celui-ci avait dépassé,
avec le 1 0^ régiment de chasseurs à cheval , les défilés qui se
trouvent entre Villamésia et Miajadas, lorsqu'il aperçut quel-
ques escadrons ennemis qu'il crut pouvoir facilement enfoncer.
Sa charge était franchement entamée quand il se vit débordé,
à sa droite et à sa gauche, par 1 ,000 à 1 ,200 chevaux qui ma-
nœuvraient pour lui couper la retraite; mais Bordesoulle , fai-
sant un mouvement par la gauche de sa colonne , passa au
travers de la cavalerie ennemie. Le général Lasalle avait jugé
de loin que Bordesoulle s'engageait trop; il se porta en avant
avec le 5® de chasseurs, et arriva assez à temps pour dégager
entièrement le 10^, qui perdit dans cette échauffourée environ
100 cavaliers ; les Espagnols en massacrèrent une partie de la
manière la plus atroce. Le général Lasalle, après avoir reconnu
rennemi, qui occupait Miajadas avec 4,000 chevaux et 10,000
hommes d'infanterie , alla s'établir à Villamésia. De son côté
la cavalerie ennemie, composée du régiment de l'Infant et
de celui des dragons d'Almanza, satisfaite de son succès , re-
joignit au galop le gros de son armée.
Le 22, la cavalerieiégèreseportaà Miajadas, et 12 compagnies
de voltigeurs furent mises à la disposition du général Lasalle.
Le même jour Guesta , continuant sa retraite , traversa la Gua-
diana sur le pont de Médellin, découvrant ainsi la grande route
de Séville et de Badajoz. Il sortit immédiatement de Médellin,
voulant éviter toute collision avec les troupes françaises avant
sa jonction avec le duc d'Albuquerque, qui venait delà Manche
pour se réunir à l'armée d'Estremadure.
Le pont de bateaux d'Almaraz étant terminé, Tartillerie da
oniBBB d'bspaonb. 3f
réservjB et le parc passèrent sur la rive gauche du Tage et fu- 190a.
reBtf^onisle 24 à Truxillo, ainsi que la division de dragons ^'^''sim*
du général Latour-Maubourg, qui rejoignit l'armée aux en-
virons de Miajadas, où le maréchal avait établi ses troupes
pour attendre son artillerie. Le 26 la cavalerie légère marcha
sur Mérida y où eile arriva le lendemain au soir.
Le 27 , Âlbuquerque ayant opéré sa Jonction avec Guesta 9 à
Yillanuévade laSéréna, ce dernier revint le lendemain matin
à Médellin avec toutes ses forces réunies , s*élevant alors à
25,000 hommes dlnfanterie, 4,000 chevaux et trente pièces de
canon. Cette ville est située entre la rive gauche de la Guadlana
et le versant occidental d'une colline dont le pied est baigné par
les eaux du fleuve. C'est la patrie du célèbre Femand Cortez. On
y arrive, en venant de Truxillo, par un pont fort long, et
de Tautre c6té s'ouvre une plaine spacieuse entièrement dé-
pourvue d'arbres , qui s'étend , en remontant la Guadlana , en-
tre le lit de ce fleuve et le petit torrent de l'Ortigosa, qui s'y Jette
au-dessus de Médellin, près du bourg de Don Bénitoet du viN
lage de Mingabril.
Le champ de bataille avait été choisi Judicieusement par le gé-
néral Cuesta. C'est un plateau situé entre Don Bénito et Médel-
lin , dont la pente est insensiblement inclinée vers ce dernier
endroit, d'un développement de plus d'une lieue, très-uni, of-
firant par conséquent au général espagnol l'avantage de fiiire .
BQanœuvrer ses troupes selon les occurrences. Les ennemis oc*
cupèrent d*abord les hauteurs qui s'étendent entre Don Bé-
nito et Mingabril ; mais Cuesta jugea ensuite à propos de dé*
ptoyer son armée en forme d'arc sur une ligne d'une lieue
d'étendue et sans garder de réserve. L'aile gauche , placée à
Mingabril, était composée de Tavant-garde et de la 1^^ divi-
sion , conduites par don Juan de Henestrosa et par le duc det
Parque; le centre , en avant et vis-à-vis de Don Bénito , était
fcM-mé de la 2*^ division , commandée par le général Trias; et
l'aile droite, appuyée à la Guadlana, comprenait la 8® divi-
sion, aux ordres du marquis de Portago, et les troupes ame-
nées par le duc d' Albuquerque ,. le tout commandé par le lieu-
tenant général don Francisco de Egnia. Presque toute la cava-
lerie fut placée sur la gauche.
36 LIVRE CINQUIBMS.
Le 27, la dl^ion Ruffin était à Miajadas. La diviaic» Vil*
latte , (lai , à trois heures du soir, avait traversé la (hiadiana à
Médellin, que les Espagnols avaient évacué, fut suivie de la divi-
sion Levai, et était venue bivouaquer en avant de cette ville sur
le chemin de Mingabril , et la division Levai sur le chemin de
Don Bénito. La division de dragons était à Zorita, ayant une
brigade de réserve à l'Escorial. Le 2' régiment de dragons
avait seul suivi la division allemande.
Le 28, à dix heures du matin, le 1^' corps se trouvait réuni
à Médellin. Par suite des divers détachements d'infanterie et
de cavalerie que le maréchal avait été obligé de faire pour ob-
server la route de Mérida et les montagnes de Guadalupe, les di-
visions Euffln, Yillatte et Levai ne se composaient que d'environ
12,000 combattants. La cavalerie légère et les 5 escadrons de
dragons qui avaient suivi la division Levai formaient un total
de 2,000 à 2,400 chevaux. Cest avec ce petit corps, sou*
tenu par quarante-six bouches à feu, que le maréchal détmu-
cha à une heure de Médellin pour attaquer Tarmée de Cuesta.
Sa position présentait beaucoup de difficultés : il avait la Gua-
diana à dos , et ne pouvait marcher à rennemi que par le
pont étroit de FOrtigosa et sous le feu des batteries adverses.
L'armée espagnole , deux fois plus nombreuse que la sienne ,
avait encore sur lui l'avantage de la position ; mais, confiant
dans la valeur de ses troupes , le duc de Bellune n'hésita pas
à se porter en avant. Toutefois il ne voulut pas les engager
dans la plaine sans avoir d'abord reconnu celles de l'ennemi.
Rn conséquence , il fit avancer sa cavalerie légère par la route
de Don Bénito , avec une batterie d'artillerie à cheval et deux
bataillons de la division allemande, formés en colonnes serrées
par divisions, sur le flanc et en arrière de la cavalerie. Le gé-
néral Latour-Maubourg , avec ô escadrons de dragons « huit
bouches à feu et deux bataillons de la division allemande for-
mes en colonnes sur l'extrême droite de la ligne de bataille,
se dirigea sur le plateau dit de Retamosa, laissant le torrent
de rOrtIgosa à sa droite.
La division Yillatte fut établie : une brigade à cheval sur la
route de Don Bénito, ayant à sa gauche le reste de la division
allemande; une autre brigade sur la route de Mingabril, toutes
OUBKAB D*BSPAeilS. 3t
les deux en avant de Médellin. La diviaton RufiBa fat laiuée en
réserve sur le rideau situé à Test de Médellin, ayant an ba-
' taiUon au pont de la Gusdiana pour la garde des équipages. Un
batailkm de grenadiers et une batterie de dix bouebes à feu ap*
payaient la droite du générai Latour-Maubourg, longeant le tor^
rent de l'Ortigosa sur sa rive gaudie.
D'après cet ordre de bataille» la division de cavalerie légère
du génâral Lasalle formait Taile gaucbe ; les troupes allmnan-^
des de la division Levai occupaient le eentre; les dragons du
général Latour-Maubourg formaient Taile droite , et les divi*
sions Yillatte et RufQn étaient en réserve, en seconde ligne.
La cavalerie ennemie était en position dans la plaine au pied
du plateau ^ qui , à gaucbe de Médellin, domine toute la pleine*
Uinfiinterie était cachée derrière le rideau qui s'étend long de
la Guadiana, à l*est de la ville.
• L'action s'engagea par un échange de boulets entre l'artilierie
da général Latour-M aubourg et celle de la cavalerie espagnole,
qui commençait à se reployer sur le plateau. Les généraux La-
tour-Maubourg et Lasalle continuèrent leur mouvement. Déjà
le premier, qui avait moins de chemin à parcourir, était arrivé
à la naissance du plateau lorsqu'on vit Tennemi le couronner.
Le général Cuesta ayant compris les intentions du maréchal ,
d'après son ordre de bataille , Jugea , avec raisim , que le géné<>
rai français voulait l'entamer par sa droite, que commandait le
le lieutoumt général Eguia , et y porta rapidement les deux
tiers de ses forces, dont une partie déborda la gauche française,
eberchant à se porter sur la communication de Médellin, Le
maréchal ordonna sur-le-champ au général Lasalle de se replier
lentement sur cette ville, en reCÔsant continuellement sa gaoche,
et au général Latour-Maubourg de continuer son mouvement
sur le plateau de Retamosa et d'en culbuter l'ennemi; il le fit
soutenir par le bataillon de grenadiera, une batterie de dix piè»
ces et le 94® de ligne. L'ennemi s'avança avec 8,000 hommes
d'Inihnterie et 2,000 chevaux pour arrêter le mouvement de
Latour-Maubourg. Un régiment de hussards espagnols chargea
le batailloa de grenadiers, qui l'aoeuelUit par une décharge de
nioQsqueterie des plus vives et un feu de mitraille qui l'arrêta,
tandis que ce régiment était chargé en flanc par un escadron
32 LIVBB CIIfQUtàMB.
lioa de dragons qui acheva de le calbuter. Mais rinfiintene ennemie^
fificSDA- soutenue de près par le reste de la cavalerie , s'avança avec ré-
solution sur les dragons de Latour-Maubonrg et les repoussa
avec perte^ La cavalerie espagnole voulut profiter de cet échec
pour enibncer Taile droite française , lorsque les 2* et 26* régi*
ments de dragons et un escadron du 1 4® exécutèrent une charge
à fond sur Tinfanterie ennemie, qui en moins de cinq minutes
fut renversée. La cavalerie chargée de la soutenir tourna bride,
et les cavaliers, se heurtant les uns les autres, s'enfuirent au
galop dans le plus grand désordre , et abandonnèrent honteu-
sement Tinfanterie. G*esten vain que les généraux espagnols
firent les plus grands efforts pour arrêter cette cavalerie en dé-
route : les fuyards n'écoutaient rien ; la frayeur les rendait
sourds à la voix de leurs chefis. Le général Cuesta lui-même ac*
courut pour rétablir Tordre ; mais , heurté et renversé de che-
val , il faillit être pris par les cavaliers français, qui, passant
outre dans la rapidité de leur charge, ne le remarquèrent pas
et lui laissèrent le temps de se remettre en selle et de leur
échapper.
En refusant son aile gauche et en faisant avancer sa droite ,
le maréchal avait opéré un changement de firont sur son centre.
Sa droite appuyant au plateau de Retamosa et sa gauche à
la Guadiana,il resserrait sa ligne de bataille, paralysait le
gros des forces de Tennemi , tandis qu'il écrasait sa gauche.
Ce mouvement fut exécuté par les troupes françaises avec un
ordre et un ensemble qui n'appartiennent qu'à elles. Le général
Latoup-Maubourg avançait sa droite de manière à prendre l'en-
nemi àrevers. Les grenadiers, ainsi que les deux bataillons de la
division allemande, le 27* d'infanterie légère, le 94' de ligne
et la batterie de dix pièces, appuyaient ce mouvement. Toute la
ligne pivotait sur l'aile gauche. Les 6S^ et 95* de ligne, laissés
au centre, se conformaient au changement de front. Le 24* et
le 96* étaient en seconde ligne derrière le centre. Ce dernier
régiment était au pont de l'Ortigosa.
Cependant le général Cuesta ne croyant pas, malgré l'échec es-
suyé par sa gauche, devoir céder le terrain qu'il avait gagné par
sa droite , s'y défendait avec beaucoup d'acharnement. Il avait
envoyé un parti de 4,000 hommes d'infanterie et 2,000 che*
GUBABB B^ESPAGNl. 33
faux par one gorge -pour déboacher sur les derrières et par la
droite de rarmée française. Le maréchal, s'étant aperça du
jQQoavementde cette colonne^ flt porter à sa rencontre le 9* ré-
giment d'infenterie légère avec quatre bouches à feu. Ce brave
régiment, formé en carré, son colonel au milieu ( Meunier), suf-
fit à lui seul pour repousser toutes les attaques de Tennemi. Pen-
dent ce temps le maréchal avait ordonné à la cavalerie légère
du général Lasalle de démasquer Tinfanterie du centre , qui se
porta sur Tennemi et Tattaqua par un grand feu » tandis que le
général Latour-Maubourg et toute Tinfanterie de la droite le
chargeaient à revers. En même temps le général Lasalle, qui
avait arrêté son mouvement rétrc^ade et repris l'offensive, se
précipita sur les lignes de Tarmée de Cuesta, qui, s'étant enga-
gée inconsidérément dans la plaine, ne put résister à cette
charge généi'ale de toute !a cavalerie et de la division Vil-
latte.
En peu pL'lnstants elle fut mise dans une déroute complète;
les soldats jetaient leurs armes pour fuir avec plus de vitesse
devant toute la cavalerie française, qui se mit alors à leur pour-
suite. Irrités par une résistance de cinq heures, par les provo-
cations menaçantes qulls n'avaient point cessé d'entendre peu-
dant le mouvement rétrograde qu'ils avaient d'abord été obligés
de lâire, les hussards, les chasseurs et les dragons français,
voulant d'ailleurs th*er vengeance du massacre des chasseurs
du to^ régiment, ne fireut point de quartier dans les premiers
moments de cette poursuite acharnée, et sabrèrent impitoyable-
ment tout ce qui ne put pas fuir. L'infanterie, qui suivait de
loin la cavalerie, achevait les blessés à coups de baïonnette. La
fureur des soldats s'exerçait particulièrement sur ceux d'entre
les Espagnols qui ne portaient point d'uniforme.
La cavalerie suivit ainsi l'ennemi Jusqu'à la nuit. A chaque
instant on voyait revenir des pelotons, escortant de nombreu-
ses cokmnes de prisonniers qu'ils remettaieot à Tinfonterie, pour
tes conduire à Médellin. Ces malheureux Espagtfols, si mena-
çants pendant la bataille, marchaient alors tête baissée et avec
la précipitation de la crainte.
Cuesta perdit dans cette journée 10,000 hommes, tant tué»
que blessées, 4,000 prisonniers, seize pièces de canon et six dra-
Eipagne.
34 LIVBB CINQUIÈME.
peaux. Parmi les blessés restés sut le champ de bataille on
tixMiTa le Ueatenant général Trias, qni Ait porté au logement
du maréchal pour y être pansé. Les Françab eurent moins de
4,000 hommes hors de combat. Cette sanglante bataille , dans
laquelle l'armée d*Estremadure et une partie de celle d'Anda-
lousie furent presque anéanties , est un des plus brillants faits
d'armes deTarmée française dans la guerre de la Péninsule. Le
maréchal Victor cita, avec de justes éloges, les généraux La-
salle, Latonr-Maubourg, Bordesoulle, Villatte, Levai et Rufiin,
le colonel Meunier, du 9^ d'infanterie légère, et un grand nom-
bre d'autres officiers de cavalerie et d'infanterie, qui tous
avaient mérité une distinction particulière. Guesta, avec les dé-
bris de son armée, se retira à Monasterio, sur les limites de
l'Estremadure et de TAndalousie.
La veille du Jour de la bataille de Médelllo, c'est-à-dire
le 27 mars, le général Sébastiani avait également remporté un
avantage signalé sur le corps d'armée commandé précédemment
par le duc de l'Infantado, qui, après la bataille d'Udès, avait
rallié ses troupes et s'était porté dans la Manche, pour couvrir
«t garder les dédiés de la Sierra-Morena, qui conduisent en
Andalousie.
La junte de Séville^ mécontente de la conduite du duc de
rinfantado à l'alEaire d'Uclès, lui avait ôté son commandement
de l'armée dite du centre , et l'avait remplacé par le comte de
Gartaojal , qui réunit à cette armée les troupes rassemblées à
la Caroline par le marquis del Palacio. Cette nouvelle armée,
forte de 1 6,000 hommes d'infanterie et plus de 3,000 chevaux,
avait pris le nom d'armée de la Manche. Cartaojal avait établi
son quartier général à Ciudad-Réal. Sa cavalerie s'étendait
jusqu'à Ms^nzanarès, occupant Daymiel, Torralba et Carrion;
l'infanterie était cantonnée à la gauche et sur les derrières de
Valdepeîîas.
Le 4^ corps, fort de 12 à 13,000 hommes d'infanterie et de
ea Valérie, se Composait de la division Sébastiani, des Polonais
du général Valence et de la division de dragons du général
Milhaud* Ce corps avait quitté, le 23 mars, les positions qu'il
\ occupait sur le Tage. La division Valence avait marché le même
I jour sur Mora et Yébenès , la division Sébastiani sur Temblè-
GDSBBB D*B8PÀG1IB. 85
que, SBDS rencontrer Teiuieini. Le. 34» la division Valence se itog.
dirigea sur GonSuégra. Un régiment de lanciers polonais, qui, ^^hm^m*
la veille, avait pris position à Yél)enè8, fat attaqué par Tavantr
garde espagnole , commandée par don Juan Bemuy. Cette
avant-garde , forte de 2,000 hommes de cavalerie, suivie de
quelques pièces d'artillerie, cernait les Polonais de toutes parts.
Ceux-ci cherchèrent à se retirer sur Orgaz; mais ils étaient
déjà coupés par une colonne de cavalerie commandée par le
Vicomte de Zolina» qui s'était emparé de la grande route. Il ne
leur restait d*autre moyen de salut que de se faire jour à tra-
vers les escadrons ennemis, ce qu'ils exécutèrent avec une
rare intrépidité, et parvinrent à rejoindre la division à hauteur
de Manzanesque, en perdant 30 lanciers et 3 officiers.
La division Valence occupa le même jour Consuégra. Le gé-
néral Sébastiani, informé de l'afTaire d'Yébenès, avait déjà
dirigé sur Consuégra le 82* régiment d'infanterie de ligne et un
escadron du 16* régiment de dragons , et fait pousser des recon-
naissances sur Urda, Villaharta et Fuente del Fresno. Le reste
de la division Sébastiani avait pris position à Madriléjos et Co-
munas. Le 25 les lanciers polonais se portèrent de nouveau sur
Yéhenès pour reconnaître l'ennemi. En même temps le général
Milhaud, à la tète des 12% 16* et 20* régiments de dragons
et des hussards hollandais, se porta à Fuente del Fresno et suivit
l'ennemi jusqu'au pont de la Guadiana. Ce détachement était
suivi par le 38* régiment de ligne et par le 7* régiment polo-
nais, qui lurent plates en échelons à deux lieues de Madriléjos
pour soutenir la cavalerie. Le général Milhaud passa la nuit
du 25 à Fuente del Fresno. Le lendemain l'ennemi repassa la
Guadiana, après s'être retiré la veille d'Yébenès à Malagon
par Arda. L'armée fut aussitôt dirigée sur Malagon, et les qua-
tre régiments de cavalerie du général Milhaud, avec deux pièces
d^artillerie légère, se portèrent rapidement sur Femancabal-
lero, et de ce point au pont de la Guadiana, que deux escadrons
do 1 3* r^iment de dragons traversèrent. «
Cartaojal, apprenant que les Français marchaient à sa ren-
contre, avait voulu vainement se replier sur Consuégra : la
Tille était déjà au pouvoir de la division Valence. Surpris de
se voir ainsi couper le passage , il retourna précipitamment par
5.
36 LIVRB CINQUIÈMB.
«m. Malagon à Ciadad-Réal, où il rentra le 26, trois joan après
^^P** sa sortie et ayant inutilement fiitigaé ses troupes.
Dans la nuit du 26 au 27, le 4^ corps se porta de Malagon
à Femancaballero, et à cinq heures du matin il se trouva sur
la Guadiana. De son côté l'ennemi avait fait avancer plusieurs
bataillons , dont il avait garni les hauteurs situées à droite et à
gauche de la route de Giudad-Réal qui conduit au pont. La
cavalerie était en bataille dans la plaine» sur deux lignes, oc-
cupant un front très-étendu et se prolongeant dans la direc-
tion de Qudad-Réal. L*ennemi avait aussi plusieurs pièces
d'artillerie et un corps d'infanterie en colonnes sur la grande
route.
Le 4* corps passa le pont et s'ébranla dans l'ordre suivant :
la première brigade, formée des 28*' et 32^ de ligne, marchant
en colonnes serrées par section , était suivie par quatre pièces
d'artillerie légère, par les lanciers polonais, les hussards hol-
landais, et par les 12® et 16® régiments de dragons. Toute la
division polonaise, avec son artillerie, et le 20® régiment de
dragons marchaient ensuite, et les 58® et 75® de ligne, avec l'ar-
tillerie de la division Sébastian], formaient la réserve. L'armée
passa ainsi le pont sôus le feu des batteries ennemies, et reçut
plusieurs décharges de mousqueterie auxquelles elle ne répon-
dit pas. On plaça seulement dix bouches à feu sur les hauteurs
de la rive droite, qui furent très-bien servies. L'infanterie qui
gardait la chaussée du pont fut chargée par l'infanterie fran-
çaise, qui venait de déboucher, et mise en déroute. Quelques
escadrons ennemis s'étaient avancés pour la soutenir; mais les
lanciers polonais et les hussards hollandais tombèrent sur cette
cavalerie, qui fut à l'instant culbutée. Les cavaliers français,
continuant leur charge sur tout ce qui restait dans la plaine ,
firent un grand carnage de tout ce qui ne put gagner les mon-
tagnes; ceux qui parvinrent à s'échapper furent encore pour-
suivis et sabrés par les dragons des 12® et 16® régiments. On
- poussa le reste de l'armée ennemie jusqu'aux portes de Giudad-
Real. Cette ville fut évacuée à la hâte, et le soir le 4® corps
prit position à Almagro. Cette affaire coûta à Cartaojal 2,000
hommes tués ou blessés , plus de 2,000 prisonniers , cinq pièces
de canon , trois drapeaux , plusieurs caissons et chariots d'équi-
GDBBU d'BSPÂORB. ^7
pagety et toQslesmagasiQS qa'il avaitàQudad-Réal, Migoelturra
et Almagro.
La déroute de rennemi était complète; mais le général Sé-
bastian!, ne voulant pas lui laisser le temps de se reconnaître et
apprenant qu*ii se retirait sur le VisiUo par Santa-Gruz-de-
Modela, partit le lendemain au point du Jour, à la tète de toute
sa cavalerie, avee quatre pièces d'artillerie légère. Il Joignit les
colonnes en retraite à un quart de lieue au delà deSanta-Cruz ;
les landers polonais et les hussards hollandais les chargèrent
et renversèrent hi première Ugne sur la seconde, qui, chargée à
son tour par les dragons des 1 3® et 1 6* régiments, fat Jetée en
désordre sur la grande route et menée battant Jusqu'au village
du Tisillo. L'ennemi perdit encore dans cette poursuite 1,500
prisonniers, dont 26 officiers, cinq pièces de canon attelées,
vingt caissons et soixante chariots de bagages, le marquis de
Galles fut trouvé parmi les morts. Les carabiniers royaux furent
presque entièrement détruits. Si l'infanterie du 4* corps avait pu
suivre la cavalerie, l'armée de Gartaojal eût été anéantie. Les
débris de cette armée allèrent chercher un abri dans la Sierra-
If orena et se rallièrent à Despenaperroa. Le quartier général
espagnol fut établi à Santa-Éléna et celui de&Françaisà Santa-
Cruz-de-Mudela.
Cette victoire de Qudad-Réal, et la victoire encore plus mé-
flMrable remportée par le maréchal duc de Bellune à Médel-
lin, connues presqu'en même temps dana T Andalousie, y ré-
pandiroit la terreur. Toutefois, le gouvernement central,
réfiigjé à Séville, ne perdit rien de son énergie dans des cir-
constances aussi critiques : ainsi que le sénat romain, qui,
après la désastreuse Journée de Cannes, remercia le consul
Yarron de n'avoir point désefq^ré du salut de la république ,
la Junte suprême déclara, par un décret, que le général Cnesta
et son armée avaient bien mérité de la patrie, et leur vota des
récompenses comme s'ils eussent remporté la victoire. Les Es-
pagnols dévoués pensèrent avee raison qu'en agissant autre-
ment la Junte eût confessé l'impuissance de résistera la domi-
nation finançaise, et , par conséquent , eût enlevé à la cause de
Tindépendance tout le prestige qui pouvait la fortifier. Cuesta ,
général plus que médiocre et presque toujours malheureux >
3$ LTVEB GIlfQUIÈlII.
189. Alt continué dans le eommandement en chef, et l'assorance
que témoignait le gouvernement en cette occasion imposa tel-
lement à l'opinion publique que, vers le milieu d'avril, Par*
mée d'Estremadure, recrutée par de nouvelles levées et par les
hommes dispersés qui rejoignirent leurs rangs » se trouva forte
de plus de 80,000 combattants , et en mesure de venir occuper
devant l'armée française tous les débouchés des montagnes.
Le maréchal Victor, après la bataille de Médeliin , avait
pris des cantonnements dans la haute Estremadnre^ entre le
Tage et la Guadiana* Le général Sébastian! ne crut pas devoir
s'avancer au delà de Santa-Cruz de Mudela, au pied de cette
partie de la Sierra-Moréna que les Espagnols appellent las
Navas de Tolosa, lieux célèbres par la victoire que le roi de
Gastille don Alphonse IX remporta sur les Maures» le 16 juil-
letl212.
A cette époque, ces deux corps d'armée s'afhibUssaient
chaque jour par les maladies et les combats partiels que les dé-
tachements avaient à soutenir contre les différentes bandes qui
infestaient les provinces , indépendamment des armées réguliè-
res. Le maréchal Victor ne pouvait point hasarder de s'éloigner
de la Guadiana sans s'exposer à voir de nombreux rassemble-»
ments se former sur ses derrières et intercepter ses communi*
cations avec Madrid par le pont d'Almaraz. Il était d'ailleurs
informé que les Anglais, réunis à l'armée portugaise réorga-
nisée, portaient toute leur attention vers le Tage; que 7,000
hommes de leurs troupes occupaient déjà Abrantès; qu'un au-
tre corps plus considérable était à Leiria, prêt à se porter sur
Goïmbre ou vers les frontières du Beira; enfin que le gros des
forces portugaises chargées de couvrir Lisbonne avait pris po-
sition à Thomar. D'un autre côté, le royaume de Léon, Jus-
qu'au Duero , n'était contenu que par une seule division aux
ordres du général Lapisse , qui avait son quartier général à
Salamanque. Dans cet état de choses , le duc de Bellune ,
qui ne pouvait pas disposer de plus de 30^000 hommes pour
s'avancer vers le Portugal , jugea qu'il serait imprudent de
faire un mouvement pendant lequel il se trouverait peut-être
dans la nécessité de combattre à la fois de front , sur ses flancs
et sur ses derrières. Ignorant d'ailleurs la position du mare*
einuin d'ufaonb. 39
clial SovH en Portugal , il attendait loi^niéiiie quelques nouvel- im.
les des progrès que ce corps d'armée avait pu faire, afin de ^^sne.
eonnattre au moios le pdat vers lequel 11 était convenable de
diriger ses propres troupes»
Tdles étalait les causes qui empêchèrent le maréchal Yidor
de pénétrer dans le Portugal du côté du Tage, tandis que le
maréchal Soult restait forcément stationnaire sur les bords du
Duero; et certes » quand on verra par la suite combien il eut
de peine à se maintenir dans TEstremadure espagnole, on le
louera de ne s'être point aventuré plus loin. Il avait trop d'en-
nemis à combattre sur le point par lequel il était obligé de s'a-
vancer pour qu'il pàt espérer qu'un premier succès lui ouvrit
la route de lisbonne; et, en cas d*échec, sa retraite eût été
presque impraticable.
Suiie des opéraUom en Portugal ; l'armée anglaise s'avance ^^'^^'
sur Oporio; retraite du maréchal Soult sur la Galice 9 etc.
— Chaque jour rendait la situation de l'armée du maréchal
Soult sar les bords du Duero plus dUBdle et plus fâcheuse.
Immédiatement après l'expédition du général Heudelet sur
Yalença et Tuy, les communications aved la Galice avaient
élé interceptées de nouveau. Les forces françaises, qui ne s'é-
levaient point alors à plus de 33,000 hommes, étaient insufii-
santés pour garder à la fois les deux provinces déjà envahies
( Tras-os-Montes et Entre-Duero-et-Minho ) et s'avancer dans
Ffaitérleur du Beira. L'occupation d'Oporto était d'ailleurs ttog
importante pour que le maréchal pût hasarder d'en confier
la défense à une simple garnison, qui, dans l'état actuel des
choses, eût été toujours trop faible pour résister à une attaque
un peu sérieuse dirigée sur une ville ouverte et en communicar-
tlon avec la mer. D'un autre côté, le duc de Didmatie, doué
d'un caractère ferme et persévérant , avait à cœur de prouver
qu'il ne dépendait pas de ses efforts, de son expérience mill*
taire et de la valeur de ses troupes, qae Texpédition qui lui avait
été confiée ne réussit au gré des désirs de Napoléon. Dans cette
idée, il avait rescinde garder les positions qu'il occupait jus-
qu'à ce que des événements sur lesquels il ne pouvait former,
au surplus, que des conjectures vagues, le missent dans le
cas ^ ou de continuer son mouvement offensif, ou de se retirée
40 LIVBB CINQUIBMB.
4909. ^ Galice, en abandonnant t»ut le territoire déjà oonquii.
Portugal. p^^j, mieux assurer l'état de défensive dans lequel il se trou-
vait contraint de demeurer, te maréchal essaya de changer les
dispositions morales de la population portugaise qui Tentourait.
Il se flatta qu*en présentant avec adresse Tinvasion des Fran-
çais dans le pays sous un aspect moins défavorable aux inté-
rêts nationaux que les habitants ne le pensaient, il parviendrait
peut-être à calmer reffervesoenoe des esprits. Son premier soin
fut de recommander et d'établir une exacte discipline dans
les cantonnements occupés par Tarmée. 11 réunit ensuite au-
près de lui, à Oporto, les Portugais les plus considérables de la
province par leur rang, leurs richesses et leurs emplois. |£n
leur remettant sous les yeux les funeste résultats «de l'abandon
où les avait laissés le départ de la Emilie royale pour le Brésil,
lors de la première invasion du général Junot ; l'absence d'un
gouvernement stable et régulier; le projet des Anglais de trai-
ter le Portugal comme une de leurs colonies ; l'état de guerre
continuel où cet ordre de choses plaçait nécessairement le
royaume, il leur fit entrevoir la possibilité d'un meilleur avenir
s'ils voulaient seconder les intentions de l'empereur français en
leur fiiveur. Il leur rappela à ce sujet l'article l'*^ du traité de
Fontainebleau, dont nous avons déjà rapporté les principales
dispositions , lequel article stipulait a que la ville d'Oporto et
toute la province d'Entre-Duero-et-Minho formaient une sou-
veraineté indépendante, sous la dénomination du royaume de
la Lusltanie septentrionale, » et il les engagea à solliciter de
Napoléon la mise à exécution de cette clause bienveillante,
qui préserverait de suite leur pays des maux qu'entraîne une
occupation militaire.
La conduite que tint le maréchal Soult pendant tout le temps
de son séjour à Oporto fut en harmonie avec ces sages insi-
nuations, et^es Anglais eux-mêmes n'ont pu s'empêcher de lui
rendre justice à cet égard. Il se concilia l'esthne et l'afifection
d'un grand nombre de Portugais, a II était aimé, dit une relation,
dureste«peu impartiale, autant que pouvait l'être un Fran-
çais. » Mjbôs le bruit se répandit tout à coup dans l'armée firan-
* Mémoires sur la guerre d'Espagne, par de Naylies.
GDEBBE ]>*BSPA6IVB. 4f
çalse <pie le maréchal, à l'exemple de Junot, sollicitait pour lui igog,
la soQTeralneté de la Lusitanie septentrionale. Le soin qu'il Pofi"fi^
prenait de complaire aux Portugais avait fait naître ce soup-
çoD, qu'entretenaient plusieurs publications imprimées, dans
lesquelles les signataires témoignaient le désir que l'empereur
nommât le maréchal roi de Portugal ; mais l'approche des trou-
pes anglaises mit bientôt un terme à ces manifestations, qui,
tout en répondant peut-être aux désirs et aux vœux du maré-
chal , ne pouvaient les réaliser dans la situation où les circon-
stances de la guerre l'avaient placé.
Cependant, le général sir Arthur ^eilesley était débarqué
le i3 avril à Lisbonne avec un renfort de troupes anglaises,
ainsi que nous l'avons dit, et il avait pris le commandement en
dief de toutes les forces anglo-portugaises. Cette dernière me-
sure allait mettre dans les opérations des deux nations alliées
un ensemble qui n'existait point dans celles des Français.
D'après ce qu'on a lu plus haut, il est facile de remarquer que
la campagne ne pouvait plus avoir l'issue qu'en attendait Na-
poléon, tandis qu'au contraire si les corps des maréchaux
Sonlt et Victor et la division Lapisse avaient été réunis sous
la direction d'un chef suprême , les choses eussent changé de
ilice.
Le 29 avril , sept Jours après son débarquement, sir Arthur
Wellesley se mit en mouvement de Leiria , où il avait établi
son quartier général, avec un corps de 16,000 hommes de trou-
pes anglaises, et se dirigea par Coîmbre et Braganza-Nova ou
Aveiro sur Oporto , tandis qu'un autre corps , composé de trou-
pes portugaises, sous les ordres du maréchal Beresford, s'a-
vançait par Yiseu pour passer le Duero à Lamégo, aiin de cou-
per au maréchal Soult la retraite sur Amarante. Le gros de
rarmée portugaise, réuni à un détachement de troupes an-
glaises, restait à Abrantès, pour s'opposer aumouvement of-
fensif qu'aurait pu tenter le maréchal Victor.
De son c6té, le maréchal Soult , informé de la position cri-
tique où se trouvait le maréchal Ney en Galice, et ne pouvant
plus compter sur la coopération du maréchal Victor, présu-
mait bien, sans avoir d'ailleurs des renseignements précis sur
la marche de l'armée anglaise , qu'il ne tarderait pas à être at-
1
PortogaL
42 LITRB CIRQniÀICB.
«80». taqoé da c6té da Beira i il songeait déjà à se retirer par Miran*
délia et Braganza; mais, poar opérer cette retraite, il fallait
être maître du pont d'Amarante. On a m , dans le paragraphe
précédent, que le général Loison, après la prise de cette ville,
avait Jugé convenable de suspendre l'attaque de ce pont, trop
fortement défendu pour qu'on pût espérer de Fenlever sans
une grande perte d'hommes. Le 2 mai, Tofflcier du génie at-
taché à la division Loison ût pratiquer une fougasse sous les
retranchements qui défendaient les abords du passage , et, aus-
sitôt après son explosion, le 17^ d'infanterie légère, formé en
cotonne serrée , se précipita, la baïonnette en avant, sur le
pont 9 malgré le feu violent d'artillerie et de mousqueterie qui
partait de la rive gauche, et culbuta les troupes du général
Silveîra, qai se dispersèrent dans les montagnes environnan-
tes. La cavalerie poursuivit un gros de fuyards jusqu'à Yilla-
Eéal, dont elle s'empara. La poste de Lisbonne venait d'y ar-
river : les gazettes et des lettres particulières apprirent aux
Français le commencement des hostilités en Allemagne, et les
levées extraordinaires faites en Portugal pour repousser Tin-
vasion, de concert avec l'armée anglaise.
Nous venons de dire que le maréchal Soult n'avait que des
données très-incertaines sur la marche du corps d'armée que
sir Arthur Wellesley dirigeait alors en personne sur Oporto;
bien que le passage de la Taméga fût ouvert à ses propres
troupes par Amarante , il ne put se résoudre à quitter les bords
du Duero avant d'y être forcé par une démonstration sérieuse
qui le convainquit qu'il fallait absolument renoncer à l'espoir
de la coopération des troupes du maréchal Victor en Portugal.
Toutefois le maréchal, ne se dissimulant point le danger de
la position où se trouvait l'armée française, avait résolu de
réunir ses troupes dans la province de Tras-os-Montes pour se
couvrir du Duero et de la Taméga. Le 9 , l'ordre fat expédié au
général Lorges de rallier sa division avec la garnison d'infan-
terie de Viàna , et de se rendre à Amarante par Guimaraens.
Pour que cet ordre parvint à sa destination , qu'il fût com-
muniqué , et que les troupes de Yiana , qui étalait les plus
éloignées, pussent arriver à Amarante, l'état-major général
calcula qu'il fallait cinq à six jours, c'est-à-dire qu'elles arrive-
enSRRB D ESPAGNE. 43
raient sur la Tamë^ da f 4 au 1 5 ; ainsi il fallait occuper Oporto 1809.
Jusqu'à cette épocpie pour couvrir le mouvement du général ''^'^s«L
Lorges.
Le 10 mai, la division de cavalerie légère du général Fran-
oeschi fut attaquée sur la Youga par Tavant-garde anglaise ,
et se replia sur Oporto. Le maréchal fit aussitôt détruire le
pont de bateaux établi sur le Duero. Le même jour, le général
Loison fut informé par ses avant-postes^ que le maréchal Be-
resford, ayant passé le Duero à Lamégo, avait rejoint le gé-
néral Silvelra avec le corps détaché qu'il commandait.
Le 11, le duc de Dalmatie chargea le colonel' Garbéde
préparer la rupture du pont, afin qu'elle eût lieu aussitôt que
les divisions Franceschi et Mermet auraient passé sur la rive
droite du Duero. Le général Dulauloy fut prévenu de l'incen-
die du pont; il devait faire partir pour Amarante autant de
voitures qu'il le pourrait, fttire sortir le parc d'artillerie d'O-
porto et l'arrêter au delà du faubourg de Vallongo, route d'A-
marante; toute l'artillerie qu'on ne pouvait pas emmener de-
Tait être mise hors de service. Les généraux Merle et Delaborde
forent prévenus de la retraite des divisions d'avant-garde et
de la rupture du pont ; ils eurent ordre de tenir leurs régiments
aux casernes , prêts à marcher.
Le général Quesnel, gouverneur d'Oporto, fut informé par
rétat-major général que les divisions qui étaient sur la rive
gauche fadsaient leur retraite sur la rive droite, et qu'aussitôt
après le pont serait détruit. Il lui fut également prescrit de
faire amener sur la rive droite tous les bateaux qui étaient sur
la rive gauche, et de les faire réunir sur un point, afin que
la garde en fût plus aisée; cet ordre exécuté, il devait empê-
cher qu'aucun passage eût lieu. On le prévint encore que les qua-
tre régiments des divisions Merle et Delaborde avaient l'ordre
de se tenir dans leurs quartiers, prêts à marcher ; qu'il devait
donner parefis ordres aux troupes sous son commandement^
à Texception d'un bataillon , qu'il devait poster sur le quai
avec de Tartillerie, pour le service, et pour protéger le mou-
venaent des divisions d'avant-garde. Tous les bagages devaient
sortir de la ville et s'établir hors du faubourg de Vallongo,
De son côté, l'intendant général de l'armée, M. Lenoble,
44 UVRB GINQUIBMB.
«909. adaiioistrateur aussi zélé qu'actif, fit transporter sur la riye
Portugal ^fQi^ i^ magasius qui existaient à ia rive gauche; il fit aussi
distribuer le biscuit , verser dans ia caisse du payeur de Tarmée
œqu'il y avait dans les caisses publiques, et reconnaître les
malades en état de service. Le nombre de ceux qui parurent
incapables d'être déplacés se trouva être de 900.
Les soldats d'in£anterie durent être pourvus de cent cartou-
ches, et ceux de cavalerie de cinquante. On fut prévenu que
le quartier général s'établirait dans la nuit au faubourg d'O-
porto , route de Yallongo.
Le même jour, il , vers midi, les {Anglais se présentèrent
devant Grejo (entre la Vouga et le Duero , à peu de distance
de la mer) avec 2,000 chevaux et 15,000 hommes d'infimterle ;
eu même temps, une seconde colonne, sous les ordres du gé-
néral Hill, longeait la mer, et une troisième , commandée par
le général Murray, fut dirigée sur le Duero, au-dessus d'Oporto,
pour réunir des barques.
Cependant les généraux Franceschi et Merraet continuaient
. leur mouvement de retraite ; il y eut qudques engagements
d'arrière-garde, dans lesquels le 47® régiment, qui marchait le
dernier, se conduisit avec distinction. Ces divisions vinrent pren-
dre position en avant de Villa-Nova , et à huit heures du soir
elles commencèrent à passer le Duero. Le général Mermet eut
ordre de diriger sa division à Textrémité du faubourg, sur la
route de Yallongo à Amarante, où il devait la faire rentrer en co-
lonne , par régiments, Jusqu'au lendemain matin, pour lui ûûre
prendre une position militaire sur deux lignes.
A deux heures après minuit le pont sauta , et les pontons
désunis achevèrent de brûler au milieu du fleuve.
Dans la soirée, le maréclial s'était transporté sur le quai,
afin de voir par lui-même si l'ennemi suivrait Tarrière-garde
et se présenterait sur le bord du fleuve pour forcer le passage
et cherchera s'opposer à la destruction du pont. A quatre heu-
res du matin il rentra à son quartier général et expédia de suite
un ordre qui contenait les dispositions suivantes :
Le général Franceschi fût chargé de garder la cête et de
former l'arrière-garde avec la brigade Reynaud , de la division
Merle.
GUBBIB D'BSPA0!«B. 4fi
Le général Delaborde était chargé de soutenir Tarrière-garde; isog.
le général Mennet devait, dans le Jonr, établir une de ses brt- ^<>rtof(^
gades à Tallongo, et les deux autres à Baltar. 11 lui était re«
commandé d'avoir, jusqu'à nouyel ordre , de fréquents partis
sur sa droite, pour savoir tout ce qui se passait sur le Duero,
et flûre en sorte de détruire tous les bateaux dont on pourrait
s'emparer. Le général Gaulaincourt devait aller s'établir à Ama-
rante avec le 86* de ligne et le 19^ de dragons, et laisser le 18*
entre Baltar et le pont de Paredes sur la Souza.
Par ces dispositions tout le cours du Duero , où pouvaient
se présenter les Anglais, était observé, et si l'ennemi venait
à passer, ce ne pouvait être que par la faute de ceux qui étaient
chargés de le surveiller et de s'opposer à son passage.
Il fut écrit au général Loison , qui n'avait pas donné de ses
nouvelles depuis le 7, veille de son départ d'Amarante, pour
le prévenir des événements et du dessein qu*avait le maréchal
de porter l'armée dans la province de Tras-os-Montes. Il avait
ordre de tenir poste à Mezenfrio et Povoa-da-Ragoa, pour em-
pêcher l'ennemi d'entreprendre le passage sur ces deux points;
il devait, dans le cas où il lui paraîtrait impossible d'opérer
dans la province de Tras-os-Montes , de revenir à Amarante,
et d'envoyer au maréchal, en toute hâte, un officier pour Ten
instruire et le mettre dans le cas de donner de nouveaux or-
dres. M. de Tholozé , aide de camp du duc de Damaltie, fut
chargé par lui de se rendre auprès du général Loison , et, in-
dépendamment de la lettre dont nous venons de rendre compte,
de lui donner tous les détails sur les opérations et la situation
des années.
Le duc de Dalmatie pouvait raisonnablement croire , après
avoir pris toutes ces mesures, que la ligne du Duero était une
banière qui ne pouvait être franchie qu'avec de grands prépa-
ratiCs , et qu'il aurait le loisir de rester en position défensive
assez de temps pour que le général Lorges pût opérer son mou-
Yement sur Amarante.
Vers six heures du matin , le général Mermet fût informé
par un of&der d'état-major que les Anglais passaient le Duero;
eet avis ftit négligé, parce que, dit une relation, le général
supposa sans doute que les reconnaissances envoyées par lui
46 LIVAB CINQDIÀMB.
1809. ^^ '^ t^orcU da fleave n'aaraieiit pas manqué de le prévenir
Portugal ^^ passage, s'il eût été réel. Toutefois la même nouvelle
parvint au maréchal , qui envoya Tun de ses aide&4e-camp au
général Quesnel, pour lui donner l'ordre de vérifier par lui-
même ce qui se passait sur le fleuve.
Le gouverneur d'Oporto, après avoir obéi à cet ordre, en
vint rendre compte au duc de Daimatie, et lui dit qu'aucun
passage des Anglais n'avait lieu; qu'on n'en voyait pas même
sur la rive opposée , et que> ce qui avait donné lieu au bruit de
cette tentative , c'est que des tralneurs , arrivés après la rupture
du pon^ , avaient appelé, et que l'on avait forcé des bateliers à
aller les chercher; mais que lui, général Quesnel, avait défendu,
sous quelque prétexte que ce fût , de conduire des barques à
la rive gaudie. Le maréchal dut s'en rapporter à une assurance
aussi positive.
Cependant le passage des Anglais sur la rive droite n'était
que trop réel. Le général Murray, secondé par les habitants
de ia rive gauche du haut-Duero, avait fait descendre au-dessus
d'un couvent, dit de la Serra, tous les bateaux dont il avait
> pu disposer ; il parait même qu'un bac , placé habituellement
dans cet endroit ; y avait été laissé, contre les ordres du maré-
chal , et que le général Quesnel n'avait placé le bataillon de
garde que sur les quais au-dessous du pont, sans envoyer le
plus petit poste au-dessus. Cette négligence favorisa l'entre-
prise de l'ennemi. Les troupes anglaises commencèrent à passer
dans la nuit du 11 au 12 ; les premiers débarqués se formèrent
dansunenclosappelé le Prado, et dansleparc du palais épiscopal.
A dix heures et demie, le général Foy monta sur une émi-
nence en face du couvent de la Serra ; il vit sur le fleuve, vis-
à-vis du faubourg, des barques en mouvement remplies de
soldats qui avaient été leurs habits , et, sur la rive droite , il
remarqua en même temps des hommes montés sur des murs
de clôture , faisant des signaux aux arrivants. Il courut sur-
le-champ à la caserne du 17" régiment, et fit prévenir le géné-
ral Delaborde. Celoi-d avertit le duc de Dalmatie, qui monta
à cheval et se porta au faubourg de Vallongo. La générale battit,
et les troupes, qui avaient ordre de se tenir prêtes, furent à
l'instant sous les armes.
1
OUBEBB D'SflPAQIlB. 47
Le géDéml Foy, à la tête da 17% se porte sur le point qu'il 1109.
a obsenré, et trouve l'ennemi à rentrée du fanbou^, entre ^«^^sai-
la route de Yallongo et le Duero. 11 Tattaque avec vigueur, et
le général Delaborde arrive à son soutien avec le 70*, à la tête
duquel marchait le général Arnaud. Le combat fut des plus
vife; les générant Delaborde et Foy furent cernés un moment
et dégagés ; le général anglais Paget fut blessé , pris , et bientôt
délivré. L'ennemi se trouva arrêté, et ne put s'emparer de la
route. Lorsque les troupes françaises , attirées vers le faubourg
de Vallongo pour combattre, quittèrent le quai, des mariniers
purent amener, de la rive droite , des barques aux troupes en-
nemies qui étaient encore sur la rive gauche , et celles-ci effec-
tuèrent divers antres passages dans le prolongement des quais ;
le 4* d*infiinterie légère et le iS^ de ligne furent alors engagés,
et se battirent dans la ville.
Le général Foy fiit blessé , le général Delaborde fut renversé '
de son cheval et eut de fortes contusions ; 300 hommes fu-
rent tués ou pris* Une compagnie d'artillerie légère, qui soute-
nait la retraite, ayant eu tous les chevaux de sa première pièce
tnés dans une rue étroite du faubourg, dut abandonner ses bat-
teries, qui ne pouvaient plus passer.
Le combat cessa à une demi-lieue d'Oporto. Le général Fran-
eeschi , qui soutenait la retraite avec le général Reynaud , ar-
rêta Tarrière- garde à Yallongo. Les troupes des généraux
Delaborde et Merle prireot position à Baltar; la division Mer-
met poussa Jusqu'à la Souza ; le parc d'artillerie et les bagages
avaient déjà passé cette rivière » et la brigade de dragons du
général Caulaincourt, ainsi que le 86* de ligne, occupaient
Baltar et Paredes. Ainsi l'armée était sur la route d'Amarante,
où l'on devait passer la Taméga, pour se réunir aux troupes
que commandait le général Loison, qui devait occuper, d'après
ses instructions , les points importants de Mezenfrio et Povoa-
da-Ragoa, dans la province de Tras-os-Montes.
Nom avons dit que le capitaine Tholozé était parti le matin
d'Oporto j^ur se rendre auprès du général Loison. Il arriva à
quatre heures du soir à Amarante , où il trouva ce général qui
y était entré la veille, sans avoir adressé de rapport au maré-
chal ; même après avoir lu la lettre de ce dernier, écrite à cinq
48 LIVBB CINQUIÀMB.
IM9. benres du matin, il croyait encore inutile 'd'écrire ; il en-
Portusai. gagea M. de Tholozé à rester avec lui, parce que le duc de Dal-
matie deyait, selon toute apparence, être en retraite sur firaga;
il lui dit qu'il dirigerait lui-même, dans la nuit, ses troupes
par Guimaraens , pour rejoindre le maréchal sur le Cavado. En
vain Taide-de-camp du duc fit observer au général Loison que
son général en chef, le croyant maître de la province de Tris-
. os-Montes, se retirait sur lui, qu'il n'y avait pas un moment
à perdre pour le prévenir de l'état des choses, et qu'il le
conjurait de garder le pont d'Amarante Jusqu'au lendemain
matin.
Dans ce même temps les Portugais attaquent les troupes
du général Loison surlaTaméga. Le 36* régiment, sous les
ordres du colonel Berlier, repousse seul cette agression. Alors
le capitaine Tholozé insiste pour qu'il lui soit permis de re-
tourner vers le maréchal, et le général Loison écrit à ce dernier
que, parti d'Amarante le 8, il s'était porté sur Mezenfrio;
que , le 9 , il avait marché sur Povoa-da-Bagoa , où était l'en-
nemi , occupant en force une tète du pont bien retranchée et
garnie d'artillerie; qu'il avait aussi remarqué beaucoup de mou-
vement sur la rive gauche du Duero, et un passage très-fré-
quent de troupes sur la rive droite ; que , le 10 , il avait fait
attaquer Povoa-da-Ragoa sans succès-, et que , l'ennemi aug-
mentant incessamment, il avait cru devoir ordonner la retraite ;
que, le même jour 10, il avait ramené ses troupes à Mezen-
frio , et le lendemain lia Amarante. Il ajoutait qu'il était
poursuivi par 10 à 1 2,000 hommes ; que ie 36*^ régiment venait
de soutenir un combat très-brillant contre l'avant-garde de cette
troupe; mais que, malgré cet avantage, il devait évacuer la
rive gauche de la Taméga, et même se retirer, dans la nuit,
d'Amarante sur Guimaraens , pour éviter d'être enveloppé. Le
capitaine Tholozé remit ce rapport au maréchal^ à une heure
et demie du matin, au quartier général de Baltar.
L'abandon du pont de la Taméga par le général Loison met-
tait l'armée dans la position la plus critique. A l'ouest , l'armée
anglaise; au midi, le Duero; à l'est, la Taméga, les corps de
Siiveîra , de Bacellar, de Wilson, et l'armée du maréchal Be-
resford , maîtresse du pont d'Amarante; au nord, la chaîne des
GUBBKB d'bSPAGHB* 49
monts Santa-<]ataliiia , sans un seul chemin praticable pour
les voitures. '•^''*^'-
La décision du'duc de Dalroatie fut prompte et digue de sa
réputation. Sans rassembier de conseil de guerre , ce qui eût
entraîné {trop de temps, il prit, sur sa responsabilité, les dis-
positions suivantes : ^ ^
i"" L'infanterie et la cavalerie devaient prendre autant de
cartouches qu'elles pouvaient en porter; le surplus devait être
chargé sur les chevaux du train d'artillerie.
2® Les sapeurs [et l'artillerie devaient prendre les outils ju-
gés indispensables.
3"^ On devait mettre le feu à toutes les voitures du parc des
bagages.
4» Ce qui restait d'artillerie devait être détruit.
S* L'armée, ainsi allégée de tout ce qui pouvait gêner sa
marche , devait remonter la vallée de la Souza par un sentier
pratiqué sur la rive droite.
Ces dispositions furent exécutées. L'armée suivit ensuite
des chemins impraticables à rartill'erie, pour gagner les hau-
tCQrs de Pombeiro , où Ton rejoignit le corps du général Loi-
son. De là on se dirigea sur les hauteurs de Guimaraens, où le
maréchal descendit, et fut rejoint pendant la nuit par deux ré-
giments de dragons du général Lorge et la garnison de Viana,
œ qui compléta la réupioo de toutes les troupes de l'armée. Au
lien de suivre la route de Guimaraens à Braga, le duc de Dal-
matie , foiisant encore détruire l'artillerie des généraux Loison
et Lorge, gagoa les hauteurs, et mit en marche la colonne , en
la dirigeant sur Povoa-di-Lanhozo et Garvalho-da-Ëste, où s'é-
tait livrée la bataille du 20 mars. Le 14 au soir, le maréchal
arriva avec Tavant-garde à Povoa-di-Lanhozo. Le lendemain ,
il envoya sur Braga une forte reconnaissance de dragons , qui
eut avis d'une avant-garde ennemie à une lieue de cette ville ;
mais, comme l'armée française occupait la route, elle avait ga-
gné une marche sur l'armée anglaise.
Le maréchal , prévoyant que l'armée pouvait être dans le
eas d'en venir aux mains à l'arrière-garde avec les Anglais ,
et en tête avec les Portugais , fit faire halte , et forma toutes
les, divisions sur les mamelons qui s'élèvent en amphithéâtre,
1
60 iifVSB aNQOltMI«
it(M^. depuis le ratesean de Lanhose Jnsqu^-an-deisus de San-Joao-
''^^''^''^ del-Rey ; il donna ensuite aux troapes une nou^le organir
satioD.
La gauche, mwdiaBt en retraite la première, ftit eompwée
de la brigade de dragons du général Vialaiines et de la divi-
sion d'infanterie du général Heudelet : le eommandement en
fut confié au générai Leison. Le centre était formé du per-
sonnel de rartillerie et des chevaux du train, avec quelques
troupes ; le tout sous les ordres du général d'artillerie Bour-
geat. La droite devant soutenir la retraite contre l'armée an-
glaise*^ le maréchal s'en réserva le commandement direct Les
' divisions qui la composaient marchaient dans l'ordre suivant :
la division de dragons du général Lahoussaye,. les divisions
d'in&nterie Delaborde et Mermet, celle du général Merle;
enfin la cavalerie légère, formant l'arrière-garde; le général
Franceschi ^ qui la commandait, devait ae concerter avec le
général Merle.
L'armée arriva, le 15 au soir, au village de Salamonde* Là,
le maréchal apprit que lepont de Rûyvaens, sur le Gavado, était
coupé et gardé par 5 à 6,000 hommes ayant du canon; que ,
depuis le matin , on travaillait à détruire le Ponte-Nuovo sur
le Gavado , par où passe la petite route de Montalegre , et qu'il
était faiblement gardé.
La situation de l'armée était des plus critiques : les soldats
étaimt pieds nus, et les chevaux presque tous déferrés ; les uns
etles autres n'avaient point pris de nourriture depuis trois Jours ;
une piuie continuelle avait rouillé les armes et mouillé les car-
tDuches«On s'avançait dans des défilés et sur des revers de mon-
tagnes dont les chemins souvent n'avaient qu'un pied de lar-
geur. Les Anglais pressaient alors l'arrière-garde du maréchal.
A droite étaient des rochers à pic et des montagnes inaecessi*
blés, il gauche des ravins et des précipices affreux. Le maréchal
aasembta ses généraux et tint conseH, à l'issue duquel il fit ap-
peler le m^or Dulong (il était neuf heures du soir ). a Je vous
ai choisi. dans l'armée, dit-il h ce'brave officier, pour que vous
«vous emparies du Ponte-Nuovo, que l'ennemi coupe en ce mo-
ineilt..« Vous chercherez à surprendre l'ennemi : le temps vous
ftivorise ; vous l'attaquerez vivemait et à la baïonnette; vous
GUSBRS d'BSPAOMB. 61
I, on voM mourrez. Je ne veux d*aatre nouvelle (pie im9l
celle du mooès ; poiut d'autre rapport : votre sUence m'en tien- ^^^^}^^
dra lieu. Prenez cent hommes d*éUte où voua voudrez : cela doit
vous snlIGre; vous y ayouterez vîQigt«cUM| drAgous, dont vous
tuerez les chevaux, s*il en est besoin, pour vous ûdre un rem- *
part au milieu du pont, soutenir et rester maître du passage, s Le
major partit avec des soldats déterminés et un guide portugais,
que Ton tînt attaché avec des bretelles de fusil. Arrivé à portée '
de pistolet du pont, il vit que renneml en coupait la dernière
solive. Il était alors une heure du ipatin ; la pluie tombait à
flots. Harassés de fatigue, les travailleurs ennemis crurent pou-
voir prendre quelque repos avant d'achever leur tâche. Les
torrents qui descendaient des montagoes e.t le Gavado lui-même
occasionnaient un bruit tel que \a marche de la petite colonne
française ne fut point entendue. En un moment , la sentinelle
placée au pont est surprise et égorgée avant de pouvoir don*
ner Talarme. 25 grenadiers et le major Dulong passent à plat
Tcntre sur la solive; un d'eux tombe dans le Cavado, et sa
chute ne prodoit heureusement aucun effet Le poste avancé de
J'ennemiy fort de 24 hommes, est surpris, et tombe sous les
coups de baïonnette sans qu*un seul cri soit proféré; cela
était de la plus haute importance. Le reste de la colonne fran-
çaise , demeuré sur la rive opposée, commence alors une fusil-
^ lade très«vive, en même temps que le ms^or et ses 24 grena-
diers se précipitent, au cri dVn avant! vers une hauteur
voisine, que renneipi, épouvanté de cette attaque soudaine,
abandonne avec une partie de ses armes.
Le maréchal , informé sur-le-champ de cet heureux évéoe-
jnent , accourut en toute hâte avec les premières troupes qu'il .
trouva, afin de faire réparer le pont et accélérer le passage de
Farmée ; mais cette réparation ne fut ni assez prompte ni as-
sez solide pour empêcher qu'il ne périt plusieurs soldats. Le
maréchal embrassa le miyor Dulong et lui dit : a Je vous re-
mercie au nom de la France , brave major ; vous avez sauvé
l'armée : si J^occupe une page dans Thistoire, votre nom y sera
inscrit à côté du mien; mais 'la Journée n'est pas encore termi-
née pour vous. »
L'année continua sa marche en bon ordre. A neuf heures
4.
53 L1YBB CINQUIÈME.
1909, du matin , ravant-garde (ùt arrêtée par on nouvel obstacle qui
portnpi. .3eini)|a{|; insurmontable. Le défilé formait un coude assez long,
dans lequel on découvrait le flanc gauche jusqu'au pont de
Misarella. Ce pont, qu*il fallait franchir, était sur un torrent
dont les bords étaient très-escarpés; il n^était pas coupé, mais
Tennemi Tavait embarrassé par des arbres , des quartiers de
roc et autres moyens obstruants, derrière lesquels 11 s'était re-
tranché. La chaîne de rochers qui dominait ce passage inter-
cepté, ainsi que toute la rive opposée , était garnie de tirailleurs
portugais , dont on apercevait à peine le bout des fusils. La tête
de colonne ne put pas s'avancer plus loin. Le major Dulong
s'y trouvait ; il dirigea d'abord ses voltigeurs vers le pont ,
mais ils furent repousses avec perte; il revint à la charge, sou-
tenu par un liataillon du 32® régiment; ce fut encore sans suc-
cès. L'ennemi ne perdait pas une seule de ses balles. Voyant
les Français arrêtés ainsi devant lui , il poussait déjà des cris
de Joie ; un instant de l'ctard et d^hésitation perdait tout ; enfin
Il fallait "vaincre ou mettre bas les armes. Le major Dulong
r^nlt ce qu'il put des voltigeurs de la garde de Paris et du ba-
taillon du 32^, et, se mettante la tête des grenadiers du 15®
léger, il s'élance, au pas de charge, au milieu d'un feu terrible ;
mais, près d'arriver au pont, frappé d'une balle à la tête, il
tombe , ainsi que bon nombre de ses intrépides soldats '. Sans
perdre courage , les voltigeurs et les grenadiers gravissent ,
sous une grêle de balles , les arbres qui embarrassent le pont,
escaladent les quartiers de rocher, et parviennent enfin de l'au-
tre côté. En un moment, l'ennemi, qui regardait ce passage
comme inexpugnable , saisi d'épouvante et se croyant perdu ,
cesse son feu et prend la fuite. L'armée, dont l'arrière-garde
était dans le même temps vivement poussée , put continuer sa
marche et fut sauvée; car dès lors elle ne trouva plus d'em-
pêchement à sortir du Portugal.
L'armée atteignit Montalegre dans la soirée du 1 7 , et le ma-
réchal ^ut lieu de s'applaudir de sa prévoyance , qui lui avait
fait devancer les troupes portugaises sur ce point. La cavale-
rie prit position, avec l'arrière-garde , en avant de la ville, sur
' Le mtiot Dulong tarvéeat à cette Messure presqae mortelle.
GUSHBB D*88PAeifB. 63
la rive gauehe , et le gros des troupes débouchiv dans la plaine «m».
qoi est sur la rive droite , poar y camper en ordre de bataille. ^^^''Nsai*
La Tille de Montalegre, qui tire son nom de la position c[a*eUe
oocape aatoor d'nne montagne isolée au milieu d*une plaine assez
étendue , est la dernière ville de Portugal sur cette partie de la
frontière. A une lieue plus loin on entre sur le territoire de Ga-
lice. Ce voisinage rendit à i'armée toute son énergie et sa con-
fiance. Pendant la nuit du 1 7 au 18 , on aperçut sur le sommet
des montagnes, dans la direction de Chavés et dans celle de
la ronteque Ton venait de parcourir, les feux de Fennemi;
mais il arrivait trop tard pour atteindre le but qu'il s'était
proposé.
Le 18 au matin Tarmée française s'avança vers la frontière
de Galice, dans la direction d'Orensé. Toute la cavalerie resta
en bataille dans la plaine de Montalegre jusqu'à midi, pour re-
pousser les Portugais , s'il leur avait pris fantaisie d'attaquer;
mais comme les deux divisions des généraux Lorge et Frances;
cbi présentaient une masse de plus de 2,000 chevaux , le gé*
néral Silv^ra ne Ji^ea pas prodent de sortir du défilé où il se
trouvait avant le départ de ces redoutables adversaires. Les
troupes françaises entrèrent en Galice par le village de Santiago
de Bubias. Aux transports de joie qui agitaient tous les
soldats y on eût dit qu'ils touctiaient le sol de la partie. Ces
sentiments étaient bien naturels , puisqu'ils allaient enfin se
trouver en communication avec les autres corps d'armée^ et
reeevo^, a^^ un intervalle de sept mois , de& nouvelles de
France.
Le 19, le 3® régiment suisse , qoi marchait à Favant^garde,
entra dans le bourg d' Allaritz ; l'uniforme rouge de cette troupe
occasionna une singuiièro méprise : les habitants, auxquels on
avait dit que l'armée du maréchal Soult était anéantie , et que
les Anglais allaient entrer en Espagne , prirent les Suisses pour
des soldats de l'armée britannique, et s'empressèrent de leur
apporter des Tivres , du vin , en maudissant les Français. Plu-
sieurs d*entre eux se vantaient même d'avoir assassiné des sol-
dats isolés, et voulaient, disaient-ils, marcher à la suite du
régiment, afin d'achever avec lui la destruction de tous ceux
cpû résument encore en Galice ; mais bientôt parurent d'autres.
1
à4 tIVBB GINQUIÀMB.
1109. bataniom reTètns de Taniforme français. A leur vue , tons eei
PortogaL fnatawun'ei gatidens coararent se cacher, et attendirent une
meilleare occasion pour donner des preuTes de leur bravoure*
L'armée arriva le 30 à Orenséy où, pour la première fois de«
puls sa pénitrfe retraite 9 eUe trouva des sol)slBtances préparées;
le maréchal accorda la journée du ai pour le repos des troupes.
Toutefois, Tavant-garde maieha aussiuyt sur Lugo, afin de
délivrer eétte ville, alors resserrée vivement par un corps de
ts à 20^000 hommes , tant du corps de ligne de la Bomana que
de rinsurrection galidenne, sous les ordres du général MahU
Le général de brigade Foumier, qui commandait dans Lugo,
avait résisté jusqu* alors aux efforts de ses nombreux adversai*-
reSy malgté la feiblesse de sa garnison ; mais, a3rant épuisé tous
ses moyens de subsistance, il était sur le point de capituler,
lorsque Tavant-garde du maréchal Soult se présenta, le 22, de-
vant les troupes assiégeantes. Un léger engagement sufQt seul
pour dissiper les bandes du général Mahi« La garnison de Lugo
fut d'autant plus étonnée de voir arriver ce secours qu'elle
partageait Terreur des Galiciens, et croyait le corps d'armée
du maréchal Soult entièrement perdu pour la France.
Telle fût l'issue d'une campagne sur le succès de laquelle
Napoléon avait fondé de grandes espérances , et que tout con*
courut à faire échouer. L'empereur, dans son plan d'invasion ,
n'avait point assez calculé les moyens de résistance des Por--
tugais , et lés obstacles que rencontreraient les deux mare*
chauxy séparés d'ailleurs par un trop grand intervalle pour
pouvoir mettre quelque ensemble dans leurs opérations» En
effet, quoique le maréchal Victor eût battu le général Guesta
à Médellin, on a vu qu'il ne put abandonner le pays entre le
Tage et la Guadiana, ni se mettre en communication avec le
corps d'armée qui avait franchi le Minho.
Livré à ses propres forces, le maréchal Soult s'était trouvé
dans l'impossibilité de tenir tète aux deux armées anglaise et
portugaise» et à la population du nord du Portugal hisurgée
tout entière. Si l'on peut reprocher à cet habile capitaine de
s'être laissé surprendre^ pour ainsi dire, par l'armée anglaise
dans Oporto, au moins e<mviettdfa-t*on qu'il sut réparer glo-
rieusement cette faute par sa belle retraite* L'armée avait con-
OUBUtt. D^XiOPAGIIB. 5^
florré Mdnpoon, seBarmes, «o ch«?an; eito était prèle à im.
mirer m canvagoe : il c«t élé «iffieile d» Mre mlaav m i^oc««8>i*
pardUe droonatanoe. Les Anglaia et les Portngala n'a^alealr
poiM êbfOÊÊé Montatogra; en togranlqulli ae poavateaC phis
attaiadre la maréclial Smdt, les géaéramiL eaoearia ranomèpem
rafMeaMBt svr le Tage, où lea appelaient les démoBstratlDM
que Atait alors le mavéebal Yletor sur Aleantar»»
Noas «▼et» dit qn'à Tépoqueoù le oorpa alarmée da maré^ .
abat Sooit se trsvYafi aar les Imdi du Doero le maréchal
Fley était oeeapéà seiaaioteiilrcoatre les teataltveadii mar^
quis delà Romana, qui , souvent ?aiaca , revenait à la charge
aprèsaToIr rallié ses tranpes dans les montagnes.
Vers le so avril, ia Romana, flattant hrasqnement la Gi^
liœ, s'était reporté dans les Astnries, poor casser et renmjrer
la Jnnte eentnde de cette proyinee, lénade à OvIédOi Cette
insnneeelionneUe entravait» par ses dissensions tn*
I, lanardedes opératians miUtairea. La Romana en
i one antre, composée de membres, pins aettfr et ploa
dévonés à la oaoae nationale.
En apprenant ce monvement dn général espagnol, le ma-
réchal Mey s'était eonoerté avec le général Kellermann, qôi
se Irsovait dans le nord dn royanme de Léon avec nn corps ée
tronpes , et il avait été convenu qu'ils marcheraient en même
temps , âmean de lenr c6té , snr la prfndpanté des Astarfes,
pour envdopper et écraser l'armée dn marqnis de la Romana «
alors conenitrée antonr d*Oviédo. En conséquence de ce plan y
le maréchal Ney avait quitté Lago au commencement de mai,
ialssmit dans cette place un détachement de sea troupes sous
les ordres dn général Foomier, auqud il recommanda de tenir
Jusqu'à la dernière extrémité, et il s'était dirigé, avec la pres-
que totalité de ses forces , sur O viédo , par la partie occidentale
des Asturies, tandis que le général Kellermann franchissait,
de son côté , les montagnes qui séparent cette principauté du
rojraume de Léon. Ce mouvement combiné amena ^ le 18 mai,
trois fortes colonnes françaises devant Oviédo. Après plusieurs
engagements, dans lesquels les Espagnols furent constamment
repousses , à la vue des forces imposantes qui le menaçaient,
le marquis de la Romana se hÀta d'évacuer ses positions et de
56 UVBB CIRQUliMB.
III09 «e i»lirer à 6^ , où il s*embarqua avec quelquM-uiies de
Poriiisai. g^ troupes pour revenir ensuite en GaUce , ainsi que nous le
dirons plus tard.
Cette expédition avait eu lieu, comme on peut le remarquer,
pendant que le maréchal Soult efTeetuait sa retraite du Por-
tugal. Le général Kellermann restant dans les Asturies pour
contenir les insurgés de cette province , le maréchal Ney jugea
qu'il était urgent de revenir en Galice, oà il présunMdt bien
que les habitants, réunis à des colonnes du corps de la Romana,
lesquelles , par une marche de flanc , s'étaient déjà reportées
dans cette province, auraient profité de son absence pour in-
quiéter fortement le général Foumier dans Lugo. Ses trmipes
opérèrent, le 80 mai , leur réunion ayec celles du maréchal
Soult , devant cette ville.
Les deux maréchaux Soult et Ney étaient convenus , le 29
mai : 1^ que le dernier agirait contre un corps espagnol oomman-
dé'par les généraux Llerano, Morillo et Carrera, qui occupaient
la basse Galice , et qu'après les avoir battus et s'être emparé de
Vigo il enverrait une colonne sur Orensé ; 2^ que le duc de
Daimatte se porterait contre Ja Romana , dans la vallée du Sil ;
qu'après avoir dispersé cette armée ennemie il se dirigerait
sur Puebla-d^Sanabria, observant les débouchés du Portugal^
menaçant d'y rentrer, se mettant en communication avec le
6' corps par Orensé, et avec le 1^' corps (maréchal Victor )
par Zamora.
Biais , avant de pousser plus loin le récit des événementa de
la guerre d'Espagne, nous croyons devoir rappeler l'attention
de nos lecteurs sur ce qui se passait alors en Allemagne, où
avaient commencé les hostilités entre la France et rÂutriehe,
vers le milieu d'avril.
Totne Jo /*a^*» S^ .
LIVRE SIXIÈME.
GUERRE D'ALLEMAGNE.
CHAPITRE I.
soms BS l'ai^n^e 1809.
tinene de la France arec l'Autriche ; préparatifs des dçux puissances pour en>
trer en campagne ; commencement des tiostilités ;' batailles de Tann, d^A-
bensberg; combat de Landshut; bataille d'Eckiiiûbl; combat devant Ra-
tisbonne; prise de cette Tille, etc.
Noos avom dit, an oommencement de ce volqme, que la im9.
France n'avait Jamais fourni à T Angleterre, son étiemelle ri- ^^o^'
vale, d'occasion plus favorable pour renouer les fils de la coa-
lition européenne qu'à l'époque où la guerre entreprise par
Napoléon en Espagne, nécessitait remploi de la majeure par-
tie des forées de l'empire dans la Péninsule. A la vérité, iV
droite politique de l'empereur des Français avait paru con-
jurer à Erf urt Forage que le cabinet de Londres se disposait
à ftdre éelaterune dnquième fois sur la nation victorieuse
des rois coalisés ; mais les événements de Yimeiro et de Bay-
len, l'insurrection générale du Portugal et de FËspagne, le
départ successif de presque touiï les corps de la grande armée
d'Allemagne pour les Pyrénées , et la certitude que les forces
britanniques allaient enfin coopérer de la manière la plus
puissante à la guerre commencée dans le midi de l'Europe
sous des auspices aussi favorables que les deux capitulations
de Qntra et de Baylen , toutes ces causes réunies fixèrent
l'irrésolution de T Autriche. Cette puissance, qui n'avait
point, pour rester neutre dans cette nouvelle querelle, les
mêmes motifii que la Russie et la Prusse , et qui depuis quatre
ans dévorait en silence rhumiliatiou du traité de Presburg,
séduite d'ailleurs par l'appât des subsides anglais et i»ar la
67
58 * LIVBB SIXlèHB.
4to9. promesse formelle d'uir corps auxiliaire , se décida à tenter en-
AUcmagne. ^^ ^^^ f^^ ]^. fo^tmie des armes , en profitant des leçons de
Texpérience pour combiner un nouveau plan d'agression dont
les chances fussent plus heureuses que celles des campagnes
précédentes.
Avant de prendre cette détermination, l'empereur Fran-
çois H avait déjà manifesté de» dispositions presque hostiles. La
marche des différente corps de troupes françaises cantonnées
en Allemagne avait donné lieu à des explications assez aigres,
dans les premiers mois de l'année 1808. De nombreux arme-
ments avaient été ordonnés en Hongrie, en Autriche et en
Bohème; les milices nationales , désignées sous le nom géné-
rique de landwehr, avalent été levées et oi^nlsées en batail-
lons; on s'occupait avee activité de la réparation des places
fortes; des agents secrets provoqmieivt dans le Tyrol une in-
surrection générale. Sollicité par le ministre des relations exté-
rieures, M. de Champagny, de s'expliquer franchemeat sur
des préparatifs aussi extraordinaires, le comte de Hettemich ,
ministre autrichien, répondit que son gouvernement n'avait
point d*autre Intention que celle de prendre une attitude défen-
sive, tant pour sa sûreté intérieure que pour se garantir, du c6té
de la Servie , des attaques des Turcs, qui , sous le prétexte de
soumettre Czemi Georges, paraissaient menacer les frontières de
Hongrie. A l'appui de cette explication, François II crut devoir
écrire à Napoléon, pendant le séjour de celui-ci à Ërfurt, une
lettre affectueuse et confidentielle, dans laquelle, après avoir pro-
testé de ses bonnes dispositions et du désir qu'il avait de main-
tenir rharmonle qui régnait entre les deux gouvememœts,
il finissait par dire : « Je me flatte que V. M. n'a jamais cessé
d*en être convaincue (de ses dispositions pacifiques), et que, si
defiiusses interprétations qu'on a répandues sur des institutions
intérieures organiques que J'ai établies dans ma monarclkie loi
ont laissé, pendant un moment, des doutes sur la persévérance
de mes intentions, les explications que le comte de Mettemich
a données à son ministre les auront entièrement dissipés. > Le
baron de Vincent, porteur de cette lettre de l'empereur d'Au*
triche, f\it en outre chargé de promettre tentes les garantice
qui pourraient sembler nécessaires au monarque français.
G0BIBB d'aLLBHAGIIB. 69
Cert^n qne la Kmsfe et la Prasse resteraient fidèles au hk».
traité de Tîteit, et ne ponvant pas croire, qnelle qne lût d'ail- A"«>n««n«-
leurs rinflnence des démarehes de TAngleterre auprès du gon-
Temement autriclden) qae ee dernier osât soutenir seul le poids
d*ane nouvelle guerre en Allemagne, Napoléon parut satisfait
des explications qu*on hii donnait, et se livra tout entier à
Texécution du plan qn*il avait Ibraié pour soumettre TEspagne.
Mais à peine Temperenr des Français avalt«>il franchi les
Pyrénées que le cabinet de S«int4ames , redoublant ses in-
stances auprès de Itf cour de Vienne, lui démontra que le
moment était enfin venu de reprendre les armes pour venger
rhomiliation des campagnes précédentes et s'affranchir des
flcheuses stipulation^ du traité de Presburg. Les préparatifs
de guerre recommencèrent alors avec une nouvelle activité ;
des proclamations semi-ofttdelles, répandues avec profusion
dans les États héréditaires, appelèrent le» peuples à s*armer
de nouveau pour assurer IMndépendancede leur patrie et con-
quérir celle de l'Allemagne entière; et cet état de choses, dont
Napoléon fat promptement informé, lui parut si grave qu'il
crut devoir quitter la direction des opérations en Espagne pour
revenir à Paris avec la rapidité de Téclair.
Cette guerre avec l'Autriche contrariait trop alofs les des-
seins de Tempereur des Français pour qu'il ne tentât pas
toutes les voies possibles de conciliation ; il alla Jusqu'à pro-
poser à François II la médiation de la Russie. Le comte de Ro-
manzow, ministre des affaires étrangères de cette dernière «oor,
et qui se trouvait à Paris à cette époque , fut chargé par Na«
poléon de proposer A l'ambassadeur d'Autriche un arrange^
ment qui unirait les trois empires par les liens d'une triple
garantie , c'est-à-dire qui donnerait à T Autriche, pour sûreté
de Fintégilté de son territoire, la garantie de la Russie contre
les entreprises de la France , celle de la France contre les en-
treprises dé la Russie , et enfin celle de l'Autriche contre les en-
treprises sépale des deux autres puissances. Cette ouverture
fraiiche, et qui démontrait que Napoléon voulait rester en paix
avec l'empereur François II , fût rejetée d'après les conseils du
gouvernement britannique. Le ministère autrichien tergiversa
dans ses réponses, chercha à traîner les pourparlers en Ion-
60 L1VBE SIXièUB.
1809. gueur, et finit par démasquer tout à coup ses véritables inten-
AUemaftoe. ^^j^ ^ ^y^ ^^ s'unir avec l'Angleterre et de recommmcer la
guerre en Allemagne, en mettant à profit la puissante diver-
sion qui s'opérait alors dans la Péninsule.
Les efforts de la cour de Vienne pour mettre sur pied une
armée qui pût seconder ses desseins n'avaient point été sans
succès. Au mois de février 1809 , ses forces disponibles s'éle-
vaient déjà à 500,000 hommes , tandis que Tempereur, dans
la situation présente des choses en Espagne , pouvait à peine
compter sur 200,000 hommes pour ouvrir la campagne en Al-
lemagne^ et dans ce nombre étaient comprises les troupes de
la Confédération du Rhin. En Italie , on a vu que , dès l'année
1 808, Napoléon avait distrait de Tarmée du vice-roi et de celle
du royaume de Naples des troupes destinées à former le corps
d'armée qui devait agir en Catalogne. Depuis, et sur les in-
stances de Murât, qui avait remplacé Joseph sur le tr<>ne de
Naples, le monarque français avait arrêté qu'une partie des
troupes de l'armée d'Italie renforcerait l'armée napolitaine , pour
mettre le roi Joachim en mesure de faire la conquête de là Si-
cile. Toutefois, àla première nouvelle des armements de l'Au-
triche, cette dernière expédition fut contremandée, et, loin
d'affaiblir Tarml^e du prince Eugène , Napoléon songea au con-
traire à l'augmenter, afin d'en pouvoir disposer selon les com-
Mnaisons de son plan d'opérations.
Les cours de Paris et de Vienne avaient continué jusqu'à la
fin de mars d'échanger des notes illusoires ; mais, le 6 avril,
une proclamation de l'archiduc Charles , nommé généralissime
des armées autrichiennes, fit cesser toutes les incertitudes.
Elle était conçue en ces termes :
ff Le salut de la patrie nous appelle à de nouveaux exploits.
a Aussi longtemps qu'il a été possible de conserver la paix
par des sacrifices , et aussi longtemps que ces sacrifices ont
été compatibles avec l'honneur du trêne , avec la sûreté de
l'État et avec la prospérité de la nation, notre monarque chéri
a imposé silence à tout sentiment pénible è son cœur; mais
quand tous nos efforts sont inutiles pour garantir notre heu-
reuse indépendancecontre l'ambition insatiable d'un couquérant
étranger ; quand d'autres nations tombent autour de nous , el
' GUSBftB D*ÀLLVMAONB. €1
que des souverains légitimes sont arraehés des ooeurs de leurs ^iwa^
sujets; quand le danger d*an assujettissement générai menace
aussi les États heureux de rAutriche et ses habitants paisibles ,
alors la patrie demande de nous son salut, et nous sommes
prêts à la protéger.
. « Sur vous , mes chers compagnons d'armes , sont fixés les
yeux du monde entier et de tous ceux qui chérissent encore
rhonneur national et la prospérité publique. Vous ne parta-
gerez «jamais la honte de devenir lès instruments de l'oppres-
sion ; vous ne ferez jamais dans des climats lointains des guerres
sans fin pour satisfaire à une ambition dévastatrice; vous ne
verserez jamais vôtre sang pour un intérêt étranger et pour l'a-
vidité d'autrui ; sur vous ne tombera jamais la malédiction d'a-
voir exterminé des peuples innocents, et d'avoir frayé le chemin
à un étranger à travers les cadavres des défenseurs de leur
patrie, pour atteindre au trône usurpé.
« Un sort plus propice vous attend. La liberté de l'Europe
s'est réfugiée sous vos drapeaux ; vos victoires feront tomber
ses chaînes , et vos frères de la Germanie ( encore aujourd'hui
dans les rangs ennemis) attendent de vous leur délivrance. La
lutte est juste, sans quoi je ne serais pas aujourd'hui à votre
tête.
ff Nous renouvellerons dans les environs d'Uim et de Ma-
rengOy que l'ennemi nous rappelle si souvent avec jactance,
les exploits glorieux de Wùrtzburgetd'Ostrach, de Leiptin-
gm et de Zurich, de Vérone, de la Trebia et de Novi; nos
armes donneront à notre chère patrie une paix durable. Hais
nous ne pouvons attemdre ce noble but que par de grandes
vertus. L'obéissance absolue, la discipline la plus sévère, le
courage persévérant et la fermeté inébranlable dans les dan-
gers sont les compagnons de la véritable bravoure. L'unité
de la volonté et les opérations combinées de la masse entière
amenait la victoire.
« Sa Majesté, mon souverain et frère , m'a donné des pou-
voirs étendus tant- pour récompenser que pour punir. Je serai
toujours au milieu de vous, et c'est de vos chefs qae vous re*-
cevrez sur le champ de bataille les premiers remerctments de
la patrie.
69 LITBB SIXtiVB.
tm. « Kentôt des troufpes étrangèMs se joindrant conUatement
'AHemasne. ^ ^^^ ^^^^ eoBubattre un ennemi commun ; oe sùot de turaves
compagnons d*annes , respectez^es comme vos frères, de n'est
pas «me vidne jactance, mais ce sont de nobles faits d'armes
qui honorent le guerrier : c'est par votre valeur en préacMO
de l'ennemi que vous devez prouver que vous 6tes les premieci
soldats du monde.
a C'est ainsi que Je vous reconduirai un jour dans la patrie »
accompagnés de l'estime de nos ennemis et de la reconnaissance
des nations étrangères , après avoir obtenu par nos annes une
paix honorable» C'est alors que vous jouirez de la satisfaction
de notre monarque, de l'approbation du monde entier, qui sont
la récompense de la valeur, enfin des bénédictions de vos con*
citoyens , et du sentiment d'avoir mérité le repos qui vous at-
tend, s
Cette proclamation fut suivie , deux Jours après, d'un ma*
nifeste adressé par l'empereur François II à ses soj^. Ce mo-
narque reproduisait les idées de l'archiduc, etprotestait, selon
l'usage , que c'était bien malgré lui qu'il se voyait forcé de n>-
commencer la guerre.
Jamais T Autriche n'avait mis sur pied des forées aussi con-
sidérables que celles qui se trouvaient alors réunies pour entrer
en campagne contre la France. 61 régiments de ligne, 17 régi-
ments de frontières , quatre corps francs ou légions, portés an
grand complet; cent soixante-huit bataillons de milices (Lund-
wehr) de 1,000 hommes diaeun, commandés par d'fflicieos
officiers et exercés depuis dix mois; 54,000 hommes de l'in-
surrection hongroise; enfin, 60,000 hommes de troupes de
cavalerie, d'artillerie et du génie , tel était l'ensemble de ces
forces, qui présentaient un effectif de 560,000 combattants \
Instruit par l'expérience des campagnes précédentes , et investi
* L'archidoc Oharies avait travaillé avec activité à TorgHiiaatioB deeelts
année, snrtoHt à «sllede Tinfanterie et de l'aiiUlerie : l'efiéstif dm eompa-
giiea dlnfiuiterie fut augmenté ; le S* bataiii(Mi de cliaque ré^gimeot de iigiie
fut porté à un eiTectif ^l à ceiui des deux premiers, ce qui éleva la force
' de cette arme k 279,972 hommes. Cliaque régiment se composait de 2 corn*
pagnies de grenadiers et de 3 bataillons chacun de S compagnies, et s*élevalt
à 8,732 sous-oOiciers et soldais. Ces régiments étaient au nombre de M.
€UB11B d'aLUBMAGNB. 63
de poQToirs Illimités, Tarehiduc Charles avait era devoir don-
ner à Tarmée auUiehienne la même organfeation que celle dont
l'empereur des Français avait tiré tant d'avantages poar ses
opérations en Allemagne, en Italie, et toat réeemment en
Espagne. En conséquence, les troupes dont nous venons de
fiiire r énnmération étaient partagées en neuf corps d'armée prin-
dpauxy et deux autres de réserve, Chaeun de ces corps, com-
posé des différentes armes , et fort d'environ 30,000 hommes,
avait un état-major partieulier, une administration intérieure;
séparés, Ils pouvaient agir par eux-mêmes; réunis, ils offraient
une subdivision commode pour tous les mouvements partiels et
le détail des subsistances.
Les six premiers de ces corps , ainsi que les deux de réserve,
formant Farmée principale , sous les ordres inmiédiats de Far-
chiduc Charles, étaient destinés À agir en Allemagne. Us étaient
commandés par les généraux comte de Bellegarde, le comte
Kollowrathy le prince de tioheneoUem, leprineedeRosenbei^,
Tarchiduc Louis, frère de rempeieur, et le général baron
piller ; et les deux corps de réserve, par le prince Jean de Liech-
tenstein et le général baron Klenmayer. Ces corps de ré-
serve se composaient de grenadiers^ de cuirassiers , de dragons
et de chevau-légers. Le 7^ corps , commandé par Tarchiduc
15 régimoits hongrois s^evaieBt obacun à 4,132 làornines. Les grenadiers
furent réunis en 21 bataillons. Il existait en outse 0 ktataillons de cbassenrs
à 720 hommes chaenn, et 17 ré^^meiitBde frontières. de deux bataillons,
dont n% 2,400 h^inines et 4 à 2,160.
L'artillerie se composait de 791 bouches à feu , et la cavalerie, forte de
36,204 cheTanx, se composait de 8 régiments de cuirassiers, S régiments de
dragons, chaeun de S escadrons et 79S chevaux ^ de S régiments de cbetan*
légera, 12 régiments de hussards, 3 régimeals de uhlans , chacun à 8 es-
«adroaseC 1,192 obevanx,
Bn outre nnsurrection hongroise devait fournir, avec la Croatie et la
Slavonie, 37,197 liommes d'mianterie et 16,734 hommes de cavalerie. La
Undwehr devait fournir 168 batafHons. Enfin 162 compagnies et 84 escadrons
de dépôt étaient destinés ànenforcer, au beéoin, Tarméede réserve. Gepeo-
daot la rapidité des événements fut cause qu'une partie de ces troupes na-
•tieoaies a*avait pas reçu une oiganisatloa définitive, et n'était pas prèle au
combat, à Touverture de la campagne; mais le fond des diven corps exis-
tait^ et servit, dans le courant de la guerre, b recniter, compléter et grossir
famée de ligne.
64 LIYBS SIXIEME.
1809. Ferdinand, était conèentré enGaiicie, poar se porter ensuite
Allemagne. ^^ j^ grand-duché de Varsovie , dont la conquête entrait dans
Je plan d'opérations du cabinet autrichien; les 8^ et 9® corps,
placés sous le commandement de l'archiduc Jean , formaient
l'armée qui devait marcher sur l'Italie par la Garinthie et la
Garniole.
Dans le courant de mars, les cinq premiers corps de la grande
armée autrichienne et le l*'^ corps de réserve se rassemblèrent
en Bohême, à Piisen, Prague, Piseck, Budweiss et Iglau. Le
6^ corps et le 2® de réserve se réunirent dans la haute Autriche,
à Wels et Ens.
L'armée de Tarchiduc Jean , autre frère de Tempereur, se
concentra, le 8* corps à Klagenfurth, le 9' ÂLaybach.
L'armée de l'archiduc Ferdinand , cousin de l'empereur, se
réunit entre Gracovie , Konskié et Radom.
Le commencement des hostilités , de la part de l'Autriche ,
fut fixé au 10 avril.
Pour s'opposer à un pareil dépioyement de forces, les Fran-
çais n'avaient en Allemagne, au i*^** mars, que le corps d'ar-
mée du maréchal Davoust, duc d'Auerstadt, un autre corph
commandé par le général Oudinot , les troupes de la Ck)nfédé*
ration du Rhin; en Pologne, les troupes du grand-duché de
Varsovie, et en Italie trois faibles divisions , sous le comman-
dement du prince vice-roi.
Toutefois, au milieu des démarches que faisait Napoléon
pour se maintenir en paix avec l'Autriche , ce prince actif ne
négligeait aucune des mesures qui pouvaient ie mettre à même
de soutenir avec succès la nouvelle lutte où l'engageait la poli-
que anglaise.
Voici quelle était la répartition et la force de l'armée fran-
çaise à l'ouverture des hostilités : le corps d'armée du maré-
chal Davoust , le 3^, se composait de quatre divisions d'infan-
terie, commandées par les généraux Friant, Morand, Gudin
et Saint-Hiiaire, au total de 45,000 hommes environ; d'une
division de 8,400 hommes commandée parle général Demont,
et formée des quatrièmes bataillons de divers régiments et d'une
division de cavalerie légère aux ordres du général Montbrun,
forte de 4,ooo et quelques chevaux, non compris les garnisons
GUEBIV D'ALLEMAGNE. 65
de Daatzig et des plaoes fortes de la Prusse encore -occopées par moa.
les Français , dont la force totale s'élevait à 8,750 hommes» et ^^^'^'^s»»'
qui foisaient partie dn même corps d'armée. Ces divisions , qui
avaient passé Thiver de 1808 a 1809 dans la TliiiriDge et la
principauté de Bayreuth, reçurent , vers la fin de mars, l'ordre
de se mettre en mouvement, par Nuremberg et Anspach, vers
le Mayn et Wùrtaburg j pour de là se porter sur logolsladt et
y passer le Danube.
Le corps du général Oudinot était composé de deux divisions
d'Infanterie , aux ordres des généraux Tharreau et Claparède ,
fortes ensemble d'environ 13,000 baïonnettes» et d'une brigade
de cavalerie légère^ commandée par le général Edouard €k>l-
bert, et forte de 2,000 chevaux. Les divisions Tharreau et Gla*
parède avaient été formées de bataillons de grenadiers et vol-
tigeurs tirés des régiments alors en Espagne. Dès la fin de
février, tontes ces troupes avaient quitté les environs de Uanau,
on le général Oudinot avait établi son quartier général^ pour
se diriger, à travers le grand-duché de Bade et le royaume de
Wurtemberg , sur le Danube , passer ensuite ce Heuve , et ve-
nir prendre des cantonnements sur le Lech.
Vers le même temps, les divisions Legrand, Boudet, Mo-
litor et Carra Safnt-Gyr, qui étaient en marche pour se rendre
«n Espagne , reçurent contre-ordre à Lyon et repassèrent le
Rhin le 1 7 mars. Ces quatre divisions , destinées à former un
nouveau corps d'armée, le 4^, dont l'empereur confia le corn*
jvandement au maréchal Masséna , présentaient un effectif de
35,000 combattants , auxquels se réunirent 1 2,000 hommes
des contingents de Bade et de Hesse-Darmstadt, et une division .
de cavalerie légère commandée par le général Marulaz , forte
de 3,200 chevaux.
La légion portugaise , forte de 2,000 hommes , dont 400 de
eavalerie, fut dirigée de Toulouse, où elle était cantonnée, sur
le Rhin, pour faire partie, ainsi que la division du général
Dupas , appartenant au corps d'armée du prince de Ponte-
Gorvo , chargé de la surveillance des côtes de la Baltique , d*un
nouveau corps, le 2*^, qui allait s'organiser, et dont le oommaa-
dement fnt donné plus tard au maréchal Lannes, duc de Mon-
'tebello.
\0 s
66 UVR£ SIXIÈME.
4909 ''^'^^^^ divwjons de gro$^ cavalerie, sous les ordres des gé-
Aiiniia^ne. Qéraux Nansottty, d'Espagne et Saiut-Sulpice, reçurent Tordre
de quitter leurs cantonnements pour se rendre en Bavière et y
' former un corps de réserve, dont le maréchal Bessières prit
plus tard le commandement. De ces trois divisions, composées
exclusivement de carabiniers et de cuirassiers, le maréchal
Davoust conserva d*abord celle du général Saint-Sulpice, forte
de 3,200 chevaux; celle du général Nansouty,de 4,800 che-
vaux y resta en attendant entre Ingoistadt et Donau werth ; celle
du général d*Rspague , de 3,S00 chevaux, joignit les troupes
établies sur le Ledi.
Les troupes de la Confédération du Rhin présentaient , par
aperçu et lorsqu'elles seraient réunies, une masse de 76,000
hommes; mais, au l^*" avril , il n'y avait en présence des Au-
trichiens que Tarmée bavaroise, forte d'à peu près 40,000
r hommes « dont 30,000 étaient formés en trois divisions de
1 0,000 hommes chaque : la première , sous les ordres du prince
royal, à Munich; la seconde, sous les ordres du général Deroi,
à Freising, et la troisième, commandée par le général de
\Vi*ede, à Straubing ; les auti*es 1 0,000 hommes étaient répartis
tant dans les places de la Bavière que du Tyrol. La totalité de
cette armée l)avaroise forma le V corps de la grande armée
française À l'ouverture de la campagne, et Tempereur, de con-
cert avec le roi de Bavière, en donna le commandement au ma>
réehal Lefebvre» duc de Dantzig.
' Le contingent du roi de Wurtemberg, fort de 10,000 hom*
mes, se rendit à Heidenheim, et dot former, sous les ordres
du général Yandamme , le 8® corps de la grande armée.
Le maréchal prince de Ponte-Corvo reçut l'ordre de pren-
dre le commandement de l'armée saxonne , forte d'eâviron
20,000 hommes , et de s'approcher du Danube , en observant
dans sa marche les frontières de la Bohème.
On voit, par la récapitulation de toutes les forces dont nous
venons de présenter la situation séparée, que Napoléon pou-
vait compter sur une masse de 180,000 hommes pour entrer
en campagne; mais il faut remarquer aussi que ces troupes
n'étaient point toutes en mesure d'opérer immédiatement. Les
corps qui se trouvaient sur la rive droite du Danube, dans les
«UERAE 0*AC.tEMÀGNB. 67
premiers jours d'avril , disséminés entre le Lecli et Tlsir, à 11109.
trente ou quarante lieues de distance les uns des autres, loin *"««»«'«•
d'avoir une attitude offensive, ne présentaient nulle part «ne
forte résistance , lorsque au contraire l'armée de l'archiduc
Charles, rassemblée sur les bords de t'Ens, au nombre de
160,000 hommes, pouvait commencer les hostilités avec les
plus grandes chances de succès.
Un des généraux de Parméc autrichienne, Mayer, avait pré-
senté, dit-on, à Tarchiduc Charles un plan de campagne, dont
ce prince parut d'abord vouloir tenter l'exécution : il s'agis-
sait de prendre la Bohême pour base des opérations de la
principale armée. En débouchant de ce pays avec toutes les
forces qui y étaient réunies dès le mois de février, et entrant
en Saxe vers la lin de mars, au Heu d'attendre au 10 avril
pour ouvrir la campagne , le prince Charles , à la tète de
160,000 hommes, pouvait écraser le corps du maréchal Da-
voust. Soit qu'il le surprit encore dans ses cantonnements, soit
qu'il l'attaquât dans sa marche oblique pour gagner le Danube,
il le dispersait dans le haut Palatinat, et l'éldignait du point
de rassemblement indiqué à la grande armée française. Par
cette même manœuvre, il coupait aussi ou arrêtait dans leur
marche toutes les \;oIonnes françaises ou alliées, en Saxe, en
Hanovre, dans le nord de l'Allemagne, et établissait ainsi,
dès le commencement de la campagne , le théâtre de la guerre
sur leBhin. Dans cet état de choses, on pouvait espérer de
voir changer les dispositions de la Russie, qui se serait trouvée
alors plus indépendante par l'éloignement des troupes fran-
çaises ; les côtes de la Baltique , débarrassées d'une surveillance
fâcheuse, restaient ouvertes aux Anglais ; l'Autriche reprenait,
par ces premiers succès et la présence de son armée formidable,
son influence sur les princes de la Confédération et dans le nord
de l'Allemagne; l'archiduc tombait alors sur tous les corps
français nouvellement en marche pour gagner le Danube, tan-
dis qu'un autre corps d'armée autrichien aurait tourné la posi-
tion du Lech par Innsbrûck , Kempten et le Vorarlberg. Pri-
ses ainsi à dos et resserrées par l'insurrection du Tyrol, les
troupes françaises et alliées déjà rassemblées sur la rive droite
clu Danube, se trouvant d'ailleurs en présence du 6*^ corps d'ar-
08 UVAE stxikiu.
f
iMw. mée et du 2« de réserve , réunis sous le commandement du gé-
Aïkiiiagne. ^^^^ EïWer, auraient éprouvé les plus grandes difûcultés en
cherchant à se concentrer dans une position en arrière, et se
seraient vues forcées d'opérer leur retraite par la Souabe et les
frontières de la Suisse. Pendant ce temps, Tarchiduc Jean, ou-
vrant quinze jours plus tôt la campagne sur les frontières des
États ci-devant vénitiens^ se trouvait en mesure de faire des
prc^^rès rapides sans craindre de s'aventurer, puisquMl aurait
eu alors son flanc droit couvert par Tinsurrection du Tyrol,
et son flanc gauche soutenu par l'insurrection de Tlstrie et
de la Croatie, dont quelques corps auraient pu venir observer
risonzo.
Tel était le plan du général Mayer, et , comme nous l'avons
déjà dit, l'archiduc se disposa d'abord à l'exécuter, puisque les
cinq premiers corps d'armée se trouvaient réunis en Bohème
vers la fin de mars, et qu'à la même époque le 1^' corps de
réserve s*était approché d'Iglau et de Neuhaus , tandis que le
6® corps était campé près de Wels, et le 2^ de réserve près de
la ville d'Eus ;« mais, réfléchissant ensuite que la défense des
États héréditaires allait se trouver, par ce mouvement hardi ,
abandonnée à ces deux derniers corps , et consultant d'ailleurs
toutes les chances de l'entreprise, l'archiduç, admettant le pro-
jet du général Grunn, préféra les dispositions plus méthodi-
ques de ce second j^lan, et résolut de se porter, parallèlement à
4es adversaires, vers les points que ceux-ci cherchaient à
gagner.
Ce qui affermit encore plus le généralissime autrichien dans
cette détermination fut les nouvelles qu'il reçut successivement ,
de la marche du corps du général Oudinot sur le Lech , du
mouvement des troupes du maréchal Davoust , du rassemble-
ment de l'armée bavaroise, du passage du Rhin par les quatre
divisions précédemment destinées pour l'Espagne, enflu des
ordres donnés aux différents contingents de la Confédération
rhénane de venir Joindre la grande armée sur le Danube, (c Ces
nouvelles , dit un général autrichien qui a écrit la relation de
cette campagne ' , firent Juger que le projet de Napoléon était
f Le tMron de Stutterheim.
GUBRBB D*ALLEWÀGNE. ^ 69
de concentrer son armée sur la rive droite de ce fleuve ( le Da>- 4«mi.
Dube) , afin de mettre du retard dans le mouvement de la ^ *®*~*™^*
grande armée autrichienne, dans le cas où celle-ci voudrait,
après avoir débouché de la Bohème , passer de la rive gauche
sur cette même rive droite. On crut que les Français pouvaient
arrêter ce mouvement en laissant un corps d'observation sur le
Danube, tandis qu'ils Vassureraient des moyens d'attaquer, avec
des forces supérieures , le corps du général Hiller, destiné à *
passer Tlnn et à entrer en Bavière. On voulut ne pas s'exposer
à des revers en détail , dès l'ouverture de la campagne ; on ju*
gea Important de rapprocher les opérations de la grande armée
de celles du Tyrol et de l'Italie, et il fut décidé de porter la
majeure partie des forces également sur la rive droite du Da-
nube , d'autant que^ le commencement des hostilités ayant été
ajourné au 1 0 avril, on crut pouvoir faire ce grand mouvement
sans qu'il entraînAt une perte de temps plus considérable que
celle qu'on s'était fixée. »
En conséquence, les deux premiers corps de la grande ar-
mée autrichienne restèrent en Bohême, sous les ordres des
généraux comte de Bellegarde et comte KoUowratb, afin
d'observer la mairche du corps d'armée du maréchal Davoust, et
d'occuper progressivement les routes qui aboutissent à Bâtis-
bonne, Ingolstadt et Neuburg , tandis que les 3®, 4* et 5* corps,
ainsi que le 1^' de réserve, durent passer le Danube h Lintz,
pour se réunir aux deux corps que le général Hitler commandait,
et qui étaient cantonnés entre l'Ens et la Traun , et s'avancer
ensuite avec eux sur l'Inn. Ce mouvement fut achevé le 8 avril,
et le gros de l'armée autrichienne se trouva ainsi prêt à enva-
hir la Bavière.
Voici quelle était à cette époque la force et la distribution de
cette armée. Le i*' corps, comte de Bellegarde, 27,500» hom-
mes, était à Plan ; le 2* corps , comte de Kollowrath, 23,300
hommes, se trouvait entre Frauenberg et Pilsen. Ces deux pre-
miers corps devaient traverser le haut Palatinat et opérer, sur
le Danube, leur jonction avec le gros de l'armée, qui se dispo-
sait à passer l'Inn sur trois colonnes formée des 3' , 4' , 5^ , 6^
corps et des deux corps de réserve, savoir : le S^ corps, prince de
flobenzollern 23,900 hommes , à Mûhlheim , en partant d'An-
70 LIVRE SIXIEME.
t
lllll^ dieseDhofen ; le 4* coips, prhice Rosenberg, 24,90a hommes^
Aiiiiiugne. giig |er corpsdc réserve, prkice Jean de Liechtenstein, ia,000
hommes, à Schârding, en partant de ce lien et de Taufkirchen;
les 5^, archiduc Louis, 24,400 hommes; 6^, général Hiller,
23,300 hommes, et le 2^ corps de réserve, général Kienmayer,
6^960 hommes , entre Braunau et Obemberg. L'aile gauche
de Tarmée était couverte par le général Jellachich, qui y avec
9,900 hommes du 6^ corps , eut Tordre de la flanquer par
Wasserburg. Quelques détachements de troupes de ligne, ap-
poyés par douze bataillons de landwehr bohémienne, obser-»
valent, sur le^ittelgefairg et à Carlsbad, les firontières de la Saxe.
Le 9 avril , Tarchiduc Chartes fit parvenir à Munich la note
suivante adressée au général en chef de Tannée française :
ff D'après une déclaration de S. M* Tempereur d* Autriche
à Tempereur Napoléon , Je proviens monsieur le général en chef
de Tannée française que j*ai Tordre de me porter en avant avec
les troupes sous mon commandement , et de traiter en enne-
mies toutes celles qui me feront résistance. »
Le même Jour, Tavant-garde autrichienne effectua le pas-
sage de Tlim , et les hostilités commencèrent dès le lendemain ,
pendant que le gros de l'armée suivait le mouvement de Ta-
vant-garde; mais ce mouvement, commencé le lo, s'exécuta
avec plus de lenteur que ne le comportaient les dispositions
arrêtées par le prince généralissime; car le 16 le général Hit-
ler ne se trouvait encore qu*à Velden ; Tarchiduc Louis, entre
Geisenhausen et Vilsbiburg ; le prince de Hohenzollern, en ar-
rière de ce dernier lieu ; le prince de Liechtenstein » à Binabi-
burg; Kienmayer, à Eckelhofen, et le prince Rosenberg, à
Frontenhausen. A gauche, un détachement composé d'un ba-
taillon et trois escadrons, sous le major Scheibler, sVmpara du
pont de TIsar à Mosburg; à droite, le général Veczay , avec
trois bataillons et huit escadrons du 4*^ corps , avait déjà passé
TIsar à Landau et atteint Trieching ; Passau fut occupé par
trois bataillons et un escadron du même corps, qui, avec quel-
ques bataillons de landwehr, bloquèrent le petit fort d'Ober-
haus.
Dans le même temps, c'est-à-dire le 10 avril, les opérations
eorrespondantes eurent lieu sur tous les points. Les i" et 2*^
GUBBES D*ÀLLBiiA6NB. 7t
corps, qid fornudeiit comme Taile droite de l'année db Tarehl- ifio.
due Charles, quittèrent la Bohème , sons les ordres da comte
de Bellegarde, l'un par Tirsehenreath et Neastadt, Pantre par
Braauetsried, et se réunirent à Wernberg, ritué à Tembran*
ciiement des deux routes qu'ils venaient de suivre. L'arehfdoe
Ferdinand, à la tète du 7® corps, fbrmant une armée séparée et
qui s'était avancé Jusque sur la frontière qui séparait la Pologne
autrichienne du territoire cédé à la Saxe par le traité de Tilsit ,
passa la Pilica ( rivière qui se Jette dans la Yistule) auprès de
Novemiasto, et déboucha sans obstacle dans le grand-duché de
Varsovie. Les 8^ et 9* corps, formant, sous les ordres [de Tar-»
chidoc Jean , l'armée autrichienne d'Italie, se portèrent rapi«
dément sur le TagliAmento. Le marquis de Ghasteler, détaché
avec 7,000 hommes du 8^ corps , entra dans le Tyrol par la
viciée dite Pusterthal, et arriva dès le 12 près de Brixen; un
autre détachement, à peu près d'égale force et tiré du 9*^ corps»
fut envoyé en Dalmatie, sous les ordres du général Stoichevrieh,
pour agir contre le corps d'armée que le général Marmont, duc
de Raguse, commandait dans ce pays.
La disposition adoptée par le prince Charles pour le passage
de rinn présentait l'ordre de bataille que l'armée autrichienne
conserva pendant ses premières opérations ; ainsi , les 5* et e^
corps formaient la gauclie; le 3^, le centre; le 4® corps et le 2'
de réserve , la droite. L'archiduc marcha avec cette dernière
aile.
Les troupes bavaroises, qui se trouvaient en première ligne,
avalent reçu Tordre de se replier sur l'Isar. La cour de Ba-
vière venait de quitter Munich pour se rendre à Dillingen.
Le roi Maximilien , en se séparant de ses sujets de la capitale,
leur adressa une proclamation touchante, dans laquelle il leur
rappelait tous les efforts qu'il avait faits poar assurer leur bon-
heur, et leur donnait Tespoir que son illustre allié, l'empereur
Napoléon , ne laisserait pas longtemps imptfni^ l'injuste agres-
sion des Autrichiens. La première division bavaroise, aux ordres
du prince royal, occupait encore Munich; le général Deroi, avec
la seconde , était a Freising , et le général de Wrede occupait,
avec la troisième , une position en arrière du col dé Straubiog.
Cependant, le t5» la division du prince royal se porta à Preising,
73 UVftB SIXISIIB.
laoB- ^''^ ^ général Deroi, de là à Lancbhttt» tamàm que le. générri
Aiieuugne. ^ Wre4^> afnrèsqttelque» mouvements entre Eggmùhl et Abea-
ftberg, 8'étal^lit àBiborg, sur rAbeos.
Biei^ que Tempereur Napoléon crût que les hostilités- ne com-
menceraient pas avant la fin d'avril , il avait pris des précau-
tions pour ne pas être surpris si la guerre éclatait avant cette
époque. I>onauwerth et Augsburg avaient été mis en état de
défense et désignés comme principaux point» de dép^. Toutes
les troupes venant de Touest devaient se réunir derrière le LecU ;
en attendant, les Bavarois devaient observer l'ennemi entre
risar et le Danube. Davoust devait prendre positi<m sar la rive
gauche de ce fleuve et diriger un fort détachement de sea trou-
pes sur Ratisbonne. Le la avril, Masaéna» venant d'Uim, se
rénnit à Oudinot, qui, depuis le commencement du mois, can-
tonnait dans les environs d'Augsburg. Le contingent wortcfn^
bergeois arriva en même temps à Donautrerth , et la division
Rooyer, formée des troupes princiëres de Saxe, au nombre de
' 6,000 hommes^ arriva à logolstadt»
Les différentes colonnes de Tarmée autrichienne, marchant
dans la direction de l'Isar et parallèlement à cette rivière,
avaient employé six jours entiers à faire un trajet d'une ving-
taine de lieues communes de France, et cette lenteur, dans un
mouvement d*où dépendait le succès de la campagne, allait
avoir des suites bien graves pour les intérêts de TAutriche. Pen-
dant ce temps, le maréchal Davoust, qui s*était avancé à mar-
ches forcées sur le Danube^ passait ce fleuve à Ratisbonne ; la
division Deroi se formait et entrait en ligne près de Vilsburg ;
le corps wurtembergeois accourait renforcer Tarmée bavaroise ;
le général Oudinot, bientôt suivi par le maréchal Masséna, s'ap-
prochait de Pfaffenhofen, sur le flanc gauche de Tarmée au-
trichienne ; enfin Napoléon lui-même arrivait pour diriger les
opérations.
Dès le 10, Bertiiier, prince de Neuchâtel, nommé de nou-
veau major général de Tarmée française en Allemagne , était
parti de Paris pour presser la réunion des différents corps et
la marche des contingents de la Confédération rhénane. Le
point de rassemblement avait été fixé à Ratisbonne; mais cet
ordre, donné par Tempereur dans la supposition que Tarmée
AUeniais*^.
OUftBRi 1>*ALLB1IA0NE. 73
aotrkiiîeBne ne s'ébranteraft point immédiatenkent après U dé- ^,^9^
daratioo de guerre, ne pouvait plus recevoir son exécution
alors que Tarchldue s'avançait sur llsar. Le maréchal Lefeb-
vre, commandant Tarmée bavaroise, s'apercevant, le premier,
dn grave inconvénient qu'il y aurait à porter ses troupes sur
le point de réunion indiqué, crut plus convenable de se former
derrière risar, pour retarder au moins les progrès de Tarmée
autrichienne. Par les mêmes considérations , le corps du général
Oudinot et celui du maréchal Masséna furent dirigés vers la
droite de l'armée bavaroise , pour la soutenir dans ses efforts.
Le maréchal Davoust suivit seul le mouvement qui lui était
prescrit; et, n'ayant point reçu de contre-ordre, il descendit
. du iiaut Palatinat vers fiatislwnne, en faisant couvrir sa gauche
par la division do général Friant, qui marcha de manière à
ot»erver les 1^' et 3^ corps autrichiens, débouchant alors de
la Bohème, ainsi qu'on l'a vu plus haut. L'avant-garde du corps
d'armée français arriva le 13 à Hemau, village distant de six
lieues de Ratisbonne. Le maréchal Lefebvre, dans le but de ga-
gner du temps, et de donner aux troupes du maréchal Masséna
et du général Oudinot la facilité de se Joindre, avait ordonné au
général Deroi de défendre le passage de J'Isar près de Landshut.
La rive droite domine en cet endroit la gauche, et rend le passage
plus fiicile. Le 16, au matin, les colonnes du 5* corps d'armée au-
trichien, où l'archidue Charles se trouvait en personne, se pré-
sentèrent devant ce point. Les troupes i)avaroises , retirées sur
la rive gauche, opposèrent d'atrard la plus vigoureuse résistance
à la tentative de l'ennemi; mais, foudroyées par les nombreu-
ses liatteries de ce dernier, elles ne purent empêcher la recon-
struction du pont de Landshut. Pendant ce temps, l'avant-garde
du 4® corps ennemi passait Tlsar à Dingolftngen et poussait
ses postes vers Straubhig. La gauche de la division ]>avaroise
se trouvant débordée par ce mouvement, le général Deroi
crut devoir ordonner la retraite, qui s'effectua dans le meil-
leur ordre. Deux régiments de cavalerie et deux bataillons d'in
fiinterle bavaroise formaient Tarrière -'garde, et la division
se retira d'abord sur Weihmicbel et Pfeflènhausen , et, pen-
dant la nuit, sur Siegenburg, derrière l'Abens, tandis que
la division du prince royal se retirait jusqu'à Pfaffenhofen.
Ar>mi4gne.
74 LIYBB SlXlàlift.
fmg. Maft^ des deu rives de Tlaar, et voyant se retirer devant
lui ies Bavarois , rarchidiie Gliarlea conçut le prajet de pousser
ces troupes sur le Danobe y de les inquiéter dans lenr passage »
et de les couper du corps du maréchal Davoust, en traversant
loi-méme le Danube entre BatJsbonne et Ingolstadt, et en fiusant
appuyer ce mouvement par les l*"*^ et 2« corps, qaï étaient sur
la rive gauche; c*est-àHlire en portant le premier par Neu-
markt , et le deuxième par Hemau , sur Ratisbonne. En effet ,
le 17 , le comte de Bellegarde reçut Tordre de diriger le l""' et
le 2' corps d'armée À Eichstâdt , ce qui fait supposer que Far-
chiduc Charles , peosant surprendre les colonnes françaises pen-
dant leur marche , avait Tintention de franchir le Danube entre
Ingolstadt et Ratisbonne, «t de concentrer son armée à Eicb-
stfidt. En conséquence, toutes les troupes campées dans les en-
virons de Landshut s*avancèrent sur les routes de Neustadt et
de Kehlheim Jusque entre Weihmichel et Aitdorf, Hohenthann
et ErgoldiDg ; à droite le géoéral Veczay se porta à Geiselhôriog ;
à gauche le général Hiller marcha à Mosburg avec le gros
des troupes : la tête de son avant-garde fut dirigée sur Pfaf-
fenhofen. Si ce plan eût été suivi avec activité immédiatement
après le passage de Tlsar, les Bavarois étalent acculés au Da-
nube , les deux corps du général Oudinot et du maréchal Mas-
s^a restaient isolés sur la rive droite , et Tarchiduc Charles y
avec plus de 1 00,000 hommes , se trouvait sur le flan<ï droit et
sur les derrières du maréchal Davoust, qui , ayant en tète le»
1«' et 2^ corps , plus nombreux que le sien , ne pouvait effectuer
sa retraite qu'avec les plus grandes difficultés.
Toutesles dispositions furent faites pour l'exécution de ce plan,
d'après lequel, comme on vient de le voir, les 3^, 4^ et 5^ corps,,
et le 1*^' de réserve de la grande armée autrichienne , devaient
marcher sur Siegenburg. Le 6^ corps, destiné à couvrir ce mou-
vement par la gauche , devait observer Pfaffenhofen , pour te-
nir en échec le général Oudinot, dont le corps était encore aux
environs d'Augsburg. Le général Hiller avait ordre également
d'attirer à lui le détachement avec lequel le général Jellachich
s'était dirigé sur Munich, où il était entré, le 16, sans éprouver
de résistance.
Mais, sur ces entrefaites, et pendant que l'armée autrichienne
GUEBRB DALLKlfAeNÉ. 7$
eonUniiait son moavemeBt vers Pfeffenhaasen el Boltenbarg, iso<).
rarchiduc Charles fut informé qoe le maréchal Davoast Tenait ^>«"-*s<>c
d'arriver, avec son corps d*arniée, à Ratlsbonne et anx envi^ .
roDs, et qa*il se préparait à se réanir aux Bavarois sur la rivière
d* Abens. Cette circonstance détermina le prince à chan^^ ses
pronlères dispositions et a marcher directement snr le maré-
chal , ponr Tattaqner an moment où il déboncherait de Ratis-
bonne y et il dot se borner à laisser senlement un corps d'ob-
servation devant les Bavarois, an lieu de les accoler au Danube,
comme c'était son intention première. En conséquence, le gé-
néral Yeczay fut dirigé sur Eggmâhl , les corps des princes de
Bohenzoliern , de Rosenberg et de Liechtenstein, renforcés
par de nombreux détachements tirés des autres corps , furent
réunis à Rohr» pour marcher contre le maréchal Davoust ^ que
le comte Kollowrath eut l'ordre d'occuper sur la rive gauche
du Danube. Pour couvrir le flanc gauche et les derrières des
corps qui se portaient en avant, le général Kienmayer prit
position à Pfeffenhausen , l'archiduc Louis à Ludmannsdorf »
ayant son avant-garde à Siegenburg , et un détachement se
porta à Mainburg, pour établir la communication avec HiUer,
qui eut Tordre de rester encore à Mosburg pour y attendre la
division du général Jellachich. Ces dispositions furent exécu-
tées le 18. Toutes les chances de succès étaient en faveur de
l'armée autrichienne, dont les forces présentaient une masse
de 90,000 hommes, auxquels il convient d'ajouter encore les
i«r £t 2^ corps, qui, placés sur la rive gauche du Danube y. au-
raient pu d'autant mieux prendre part à l'attaque principale
qu'ils se trouvaient sur les derrières du maréchal Davoust,
qu'ils avaient ordre de suivre et de serrer de près. Dans la po-
sition présente des différents corps de l'armée française , il
leur devenait impossible de combiner leurs mouvements. Le ma-
réchal Davoust était à Ratisbonne avec un peu plus de 40,000
hommes, éloigné des Bavarois, alors rassemblés sur l'Abens, au
nombre de 27,000 hommes; le corps wurtembergeois, qui de-
vait se réunir avec ces derniers, et qui comptait 12,000 combat-
tants , ne pouvait faire sa Jonction que le 19 au soir, en mettant
la plus grande célérité dans sa marche; le corps du général
Oudinot, fort de 15,000 hommes, en marche sur Pfaifen-
n
76 LIVBK SIXliVE.
iimo. hofen , ne* devait y arriver que le 19 dans la soirée; celui dir
Aieniagnc. ,Tf,j|,^ijj|| Masséua , dont les quatre divisions formaient un ef-
' fectif de vingt-cinq mille baïonnettes , n'avait point encore dé-
passé Augsburg» et nous venons de dire plus haut que ces deux
corps français pouvaient être contenus par le 6*^ corps autri-
cliien, que nous n'avons pas compris dans la masse des 90,000
liommes concentrés à Rohr et à Siegenburg.
Avant de faire connaître les suites de ce grand mouvement
de l'armée autrichienne , nous devons appeler l'attention de nos
lecteurs sur les dispositions que faisait alors l'empereur des
Français pour repousser la yigooreuse agression de son ennemi.
Dans la soirée du 12 avril, Napoléon avait été informé à
Paris » par une dépêche télégraphique » du commencement des
hostilités en Allemagne : ce fut le signal de son départ. Il arriva
le 16 à Dillingen, sur le Danube, et y trouva le roi de Bavière, ■
qui , de Munich, s^était retiré sur cette ville, ainsi que nous
l'avons dit plus haut. Accueilli par la cour de Bavière comme
un libérateur, Napoléon promit à Maximilien de le ramener
avant quinze jours dans sa capitale. Le 17 , il se rendit à Do--
nauwerth , où le quartier général impérial se trouvait déjà éta-
bli, et il s'occupa sur-le-champ à donnerions les ordres que
les circonstance^ rendaient nécessaires. Afin de dissiper l'in-
quiétude que l'infériorité numérique actuelle de l'armée fran-
çaise pouvait lui donner, il fit mettre à l'ordre la proclamation
suivante :
cr. Soldats I le territoire de la Confédération du Rhin a été
violé. Le général autrichien veut que nous fuyions à l'aspect de
ses armes et que nous lui abandonnions nos alliés; H arrive
avec la rapidité de l'éclair.
a Soldats! j'étais entouré de vous lorsque le souverain de
l'Autriche vint à mon bivouac de Moravie; vous Tavez enteudu
implorer ma clémence, et me jurer une amitié éternelle. Yain-
k queurs dans trois guerres , l'Autriche a dû tout à notre géné-
rosité;, trois fois elle a été parjure III Nos succès passés nous
sont un sûr garant de la victoire qui nous attend. Marchons
donc, et qu'à notre aspect l'ennemi reconnaisse son vain-
queur. »
Devinant en partie Tintention de l'archiduc Charles , Napo-
GUEBBB D*ALIJLifA6NB. 77
léoo réiolttide prendre Ini-méme l^offeosive sans attendre plus («tg.
longtemps, et, 'pour cet effet , transportant son quartier gène- ^"«^n^sne
rai à Ingolstadt, il ât porter, le 18» par Taide de camp du
prince de Nenchétel, Galbols, Tordre au maréchal Davonst de
déboucher sur-le-champ de Ratisbonne , pour venir se réunir à
l'année bavaroise sur TAbens.
Pressé par la rapidité des événements, nous avons négligé
d'entrer dans les détails de la marche du corps de Davoust
vers le Danube; mais, comme cette marche se lie aux mouve-
ments dont nous allons rendre compte, il convient maintenant
de la faire connattre. £p se portant sur Ratisbonne^ confor-
mément à Tordre qu'il en avait reçu du prince de NeuchâteU
le maréchal duc d'Auerstfidt avait cru devoir masquer ce mou-
vement, et faire supposer à Teonemi que son intention était de
gagner Ingolstadt , pour venir s'établir sur le Lech avec les
corps d'Oudinot et de Masséna. En conséquence, il donna Tor-
dre an général Priant , dont la division était encore le 8 à Bay-
renth , de marcher sur sa gauche pour contenir les avant-gardes
des l^"* et 2® corps autrichiens déboueliant alors de la Bohème ,
ainsi qu'on Ta vu plus haut. Dans ce mouvement partiel , le
général Priant fut constamment aux prises avec l'ennemi , qu'il
sut repousser avec sa fermeté et son habileté ordinaires, tandis
que les divisions Gudin , Morand et Saint-Hilaire s'avançaient
tranquillement sur le point qui leur était indiqué. Ainsi, l<i
plus grande partie du corps d'armée était déjà, le 12, aux en-
viions de Heroau , à une marche de Ratisbonne, lorsque la di-
vision Priant quittait à peine Amberg pour passer la Vils, dont
elle détruisit tous les ponts , et venir ensuite pi-endre position à
Neumarkt. Par ce moyen, et grâce à Textrème circonspection
du général Bellegarde , qui commandait en chef les deux corps
autridiiens, ceux-ci se trouvaient à une trop grande distance
du Danui>e pour contrarier le mouvement du maréchal Da-
voust.
Le 16, la division Priant se dirigea sur Dasvang, où elle
prit position ; deux jours après , elle reçut Tordre de s'avancer
sur Ratisbonne et d'y passer le Danube. Le maréchal, qui
avait l'ordre de partir de cette ville le 18, ne put' se mettre
en marche que le lendemain à la pointe du jour, les dernières
78 LTVBB SIXIÈME.
1800. troupes de la division Priant, venant de Hemau, n'étant arri*
Allemagne, ^^esque le 18 au soir.
En portant la plus grande partie de ses troupes sur la rive
droite du Danulie , le maréchal Davoust avait eu la précaution
de laisser sur la rive gauche des forces suffisantes pour occuper
les hauteurs devant Ratisbonne, et assurer ainsi la retraite de
la division Priant et de quelques autres détachements qui étaient
en marche sur ce point. De cette manière, le fauhourg de Ra-
tisbonne appelé Stadt-am-Hoff formait comme une tête de
pont, devant laqueiLe les troupes étaient postées, ayant leur
droite sur le mont de la Trinité, et leur gauche sur les hauteurs
dites Karrerhôhen. ^
Le général Klenau , commandant l'avant-garde du 2^ oorps
autrichien , était arrivé le 16 , par Kirn , sur les hauteurs de
Reinhausen près de Ratisbonne. Le 17, il attaqua les postes
français sur la Regen , s'empara des villages de Salem et de
Weichs^ et établit des batteries sur la hauteur au-dessus de
Reinhausen et au confluent de la Regen et du Danube , d*où
il enfilait les batteries que les Prançais avaient élevées sur le
Steinweg, devant le fauhourg de Stadt-am-Hoff. Cette disposi-
tion hâta le passage des troupes françaises. Le 18 , le 2" corps
autrichien- se réunit âKirn^ pour attaquer, le lendemain, le
mont de la Trinité , et dans Fespoir d'empêcher la division
Priant de passer le Danube; mais un pareil mouvement était
déjà trop tardif, puisque , ce même jour, ce corps prenait po-
sition sur la rive droite.
Le 19 , le général Kollov^'rath , commandant le 2® corps en*
nemi, s'avança, à la tête de 10 bataillons et de 12 escadrons,
sur les hauteurs de Karrei*hôhen , qu'il trouva abandonnées.
Peu de temps après, ayant entendu une forte canonnade dans
• la direction d'Abensberg, il jugea que le maréchal Davoust se
trouvait aux prises avec l'armée de Tarchiduc. Dans cette con-
joncture, le général autrichien n'hésita point à attaquer la ville
de Ratisbonne, où le maréchal Davoust avait laissé le 65^ ré-
giment de ligne, sous les ordres du colonel Coutai*d. Après une
canonnade assez vive, le faubourg de Stadt-nm-Hoff fut em-
porté par un bataillon de la colonne autrichienne; mais les
Français , qui avalent barricadé la porte du pont, s'y défend!-
Tonu? 10 . Pitçr
. GUEBas DALLEMÀeNB. 39
rent si opiniAtrément que le général ennemi cnii doToir atten* imo.
dre jusqu*aQ lendemain pour renouveler Une attaque où il avait ^*'"**«"«*
déjà perdu i>eaacoup de monde. Le 30 , il envoya un parlemen-
taire pour sommer le colonel Coutard d'évacuer la ville, et lui
accorda à cette effet un délai de dix heures ; mais , sur ces en-
trefaites, le prinoie de Liechtenstein^ commandant le 1^' corps
de réserve de l*armée autrichienne, étant arrivé sur la rive droite,
s'avança vers la ville, et, sans avoir égard à la négociation en-
tamée , il menaça de donner l'assaut. Dans cette situation cri-
tique, le colonel Coutard, ayant épuisé toutes ses munitions,
capitula aux conditions que lui imposa Tennemi , et les batail-
lons du 65^ régiment restèrent prisonniers de guerre.
L'abandon de ce régiment dans Batisbonne était un sacrîAce
que le maréchal Davoust avait jugé nécessaire pour retarder la
marche des corps autrichiens qui étaient sur la rive gauche du
Danul>e. En effet, le temps que l'attaque de la ville fit perdre
aux colonnes ennemies, servit beaucoup les opérations sur la rive
droite ; mais ce n'était point assez d'un régiment pour défendre la
vaste enceinte de Ratisbonne , et la perte de cette place altérait
la partie la plus décisive du plan de l'empereur.
Jonction du corps d'armée du maréchal Davousi avec l'aT" i9 avril.
mée bavaroise; bataille de Tann ; combats d'Amhofen ei de
Pfaffenhofen. — Nous avons dit que l'empereur Napoléon ,
d'après les premiers rapports qui lui avaient été faits sur les ma-
manœuvres de Tarmée ennemie, avait envoyé au maréchal Da-
voust l'ordre de se mettre en marche sur-le-champ pour venir
joindre l'armée bavaroise sur l'Abens.
Le maréchal duc de Dantzig devait faciliter ce mouvement
en attaquant les troupes ennemies qu'il avait devant lui^ tandis
que le général Oudinot s'avancerait sur Pfhffenhofen , afin de
se placer entre la gauche dé l'armée principale , postée à Main-
bargy et le corps détaché du général Jdlachich, qui était à
Munich. Ce dernier mouvement devait être appuyé par le corps
d'armée du maréchal Masséna, alors en marche sur Augsburg
et près d'atteindre cette ville. Toutes ces dispositions tendaient
à effectuer la réunion prompte et complète 'des forces dont Na-
poléon pouvait disposer en ce moment pour repousser l'armée
de l'archiduc Charles et délivrer la Bavière. Le corps wurtem*
80 UVBB SIXIBUR.
190». bergeoH», commandé par le général Vandamrae, était alors sur
Afipoiasiie. |g point d'arriver à Abensberg.
Ckminie on l'a déjà vu, le maréchal Davoust commença
son mouvement le 19 avril, à la pointe du Jour, et se diri-
gea vers Abensl)erg, les troupes marchant sur trois colonnes.
Tout son corps d'armée était alo» réuni , à Texception du Oâ"-*
régiment, laissé à Ratist)onne. Indépendamment des quatre
divisions d'infanterie Priant, Gudin, Morand et Saint-Hilai-
re, le maréchal avait encore sous ses ordres la division de
cuirassiers commandée par le générai Bonardi-Saint-Sul-
pice, et celle de cavalerie légère aux ordres du général Mont-
brun.
La première colonne, composée de la division de cuirassiers,
des équipages et du parc d^artiilerie, marcha parla chaussée
sur Abbach et Ober-Saal , en longeant le Danube; la 2^, for-
mée des deux divisions Morand et Salnt-Uilaire, par Hohen-
Gebraching, Sudorf, Peising, Teugen et Mittel-Feking, et la 3"",
formée des deux divisions Gudin et Priant, par Hinkofen, Weil-
lolie, Saaihaupt et Gber-Peking.
La division de cavalerie légère du général Montbrun et
quelques bataillons d'infanterie légère faisaient L'arrière-garde
et couvraient la marche des trois colonnes par Alten-Egglofs-
helni, Luckenpoint et Dinziing.
Le rnsyréchal Davoust avait dépassé le village de Gaiisbach
lorsqu'il apprit que l'armée ennemie s'avançait sur lui par Lang-
quald et Tann. Il flt arrêter de suite la marche de la division
Saint- Hilaire, qui arrivait à Teugen', et lui ftt prendre posi-
tion sur la lisière d'un bois en avant de ce village et derrière
celui de Hausen, qui fut occupé par une avant-garde.
Le général Priant , qui se trouvait en avant de Schmithof ,
arrêta également sa division; et fit les dispositions nécessaires
pour soutenir celle du générai SaintrHilaire.
Les divisions Morand et Gudin eurent ordre de continuer
leur marche, par Buchdorf, sur Arnhofen, où elles devaient
joindre la gauche de l'armée bavaroise. La division du gcncral
Montbrun couvrait le délllé d* Abbach, et s*appuyait, comme
on l'a vu y à la gauche du général Priant. Tout le tcrrciin,
coupé de bois, de ravins, de monticules et de déniés , est sin-
«OKBRB D*ALLEIfAGnE. 81
gaHèrement flivorable à la défensive , et propre à déguiser le im».
nombre des troupes dont on peut disposer. Aiicin.iRnc.
Nous devons faire oomiattre maintenant le mouvement de
l'armée ennemie.
Les troupes que l'ardiiduc Charles avait réunies autour de
Rohr s'étaient mises en marche à trois heures du matin sur
trois eolonnes principaie», dans la direction de Batisfoonne,
pour attaquer le marédial DavoQst et empêcher sa réunion
avec l'armée bavaroise. La première , formée par le 3^ corps de
la grande armée , s'avançait parTeugen» Bacheiet Grossmus,
snrHausen; le prince de Hohenzollern devait détacher une
forte brigade, commandée par ie général Thierry, sur les hauteurs
de Kirchdorf , afin d*ol)server les Bavarois vers Biburg sur TA-
bens et assurer en même temps la communication avec le 5^ corps
d'armée, porté, comme nons l'avons dit plus haut, près de Sic-
genburg et Ludmannsdorf . La moitié de cette première colonne
devait attaquer Abbach , où le maréchal Davoust avait envoyé
an bataillon ; l'autre moitié devait se porter à Peising au soutien
de la première. Pour assurer Hohenzollern contre une attaque du
maréchal Lefebvre, il devait être renforcé parle 6* corps rappelé
de Mosburg. La 3^ colonne, qui se composait du 4" corps et de
douze bataillons de grenadiers, tirés du corps de réserve , s'a-
vançait par Langquaid sur Dinzling et Weiilohe ; enfin » la S^
formée du reste de la réserve^ s'avançait également, par Lang-
quaid, Schierling et Eggmùhl, sur la route de Ratisbonne^ ayant
pour avant-garde la brigade du général Yeczay. Le général
Kienmayer, avec cinq bataillons et six escadrons^ se trouvait à
Pleffenhansen en arrière de l'archiduc Louis. Le général Messko
était à Mainburg, avec deux t>ataillons et deux escadrons, pour
établir la communication avec le 6* corps, qui avait un bataillon
et trois escadrons à Pfaffenhofen, d'où le prince royal de
Bavière s'était retiré le 19 au matin pour se réunir, par Rei-
chevtshofen, aux divisions Deroi et de Wrede, derrière l'A-
On voit par ces dispositions que les deux dernières colonnes
ennemies avaient une direction trop à droite, et allaient néces-
sairement se trouver tropéloignées du véritable point de rencon-
tre, qui devait être entre Abbach et Abensberg, pour que Tarchi-
I. 6
82 LIVBE SlXlàMB.
iw\ due pût rénnait dans te dessein qu'il avait formé d'éeraser le
Aiirniasiic. ç^ppg ^^ maréchal Davonst.
Les premiers engagements entre les deni partis earent lieu
vers neuf heures du matin. Un détachement qui éclairait la
gauche de la 2® colonne autrichienne, en marche sur Dinzling,
rencontra les Français au village de Sdineidart et tirailla avec
eux. L'archiduc Charles, qui mardiait avec cette deuȏme co-
lonne, la fit former de suite sur les hauteurs de Gruh, pour at-
tendre la première colonne , qui devait déboucher sur Hausen.
Aussitèt que la tète de cette colonne parut , la deuxième conti-
nua à s'avancer vers Dinzling, à l'ejceeption des douze batail-
lons de grenadiers de réserve, que l'archiduc garda avec lui
sur les hauteurs de Grub pour observer l'attaque et être à même
de se porter sur le point le plus critique.
La première colonne ennemie, en s'approehant de Hausen ,
trouva ce village occupé , comme nous l'avons dit , par un dé-
tachement de la division Saint-HUaire. Le prince de Hohenzol*
lem, commandant le z^ corps d'armée» rangea ses troupes en
bataille de manière à fidre face aux divisions Salnt-Hilaire et
Frianty disposées sur toute la lisière du bois» en avant du vil-
lage de Teugen. Les deux troupes qui se trouvaient ainsi en pré-
sence étaient àpeu près d'égale force* Le général Wukassov^ich»
soutenu par la division du général Lusignan , emporta d'abord
le village de Hausen^ et passa le défilé pour venir attaquer la
division Saint-Hilaire dans le bois de Teugen. Ce bois, qui s'a-
vance en pointe vers Hausen, s'élève et s'étend en amphithéâtre
vers le village dont il porte le nom ; les Autrichiens cherchèrent
à pénétrer par le chemin qui le traverse : six régiments s'y pré-
sentèrent successivement ; mais» constamment accablés par le feu
croisé des bataillons de la division Saint^ilaire , il leur fût im-
possible de (aire des progrès dans l'intérieur du bois.
Pendant ce temps , une nuée de tirailleurs détachés de la
droite de la ligne autrichienne attaquait Textrème gauche dn
général Priant , formée par un bataillon du 1 5^ régiment d'in^
fsnterie légère, que commandait le colonel Desailly, sous les
ordres du général Gilly. Celui-ci, avec la poignée de braves
qu*il avait, opposa la plus vigoureuse résistance aux efforts de
4ses adversaires, et donna le temps au général Priant de te&ire
GVBBRt D'ALLEMAGNE. 83
seednrirpar us iyartftHlon du 48^ L'ennemi fut ainsd contenu ijtog.
sur tout le fhmt de la division Friant et éprouva une perte cou- a"'^"»**»^*-
sidérable. Le général Oflly, le colonel Desallly et le chef de
bataillon Schmith se distinguèrent particulièrement.
La journée se passa dans ces attaques meurtrières et néité-
rées. La réserve , que Tarcliidnc avait gardée sur les hauteurs
de Otub, et qui s'avança ou soutien de la première colonne ,
fit des efforts aussi vains que ceux du S^ eorps ; robscurité et
un orage terrible qui éelarta vers sept heures du soir mirent fin
h ce combat opiniâtre. Les divisions Saint-Hilaire et Friant bi-
vouaquèrent sur le champ de bataille , les divisions Morand et
Gudin, à Amhofen, et la cavalerie du général Saint^Sulpice
s'arrêta près d'Ober-Saal.
Les Autrichiens, dans cette lutte si infructueuse pour eux ,
avaient perdu beaucoup plos de monde que leurs adversaires;
plusieurs de leurs généraux , entre autres les princes Louis et
Maurice de Liechtenstein et le général de Lusignan, un grand
nombre d'offtciers et de soldats étalent blessés; près de 3,000
morts restaient sur le champ de bataille.
Les Français avaient fiiits 700 prisonniers ; ils obtenaient
d'ailleurs par Ce combat , qui couvrait de gloire les divisions
Saint-Hilaire " et Friant, Timmense avantage d'opérer leur
Jonction avec Tarmée bavaroise, et de se trouver plus en force
sur l'extrême gauche de l*archiduc Charles et l'extrémité droite
du 5® corps, commandé par Farchiduc Louis ; enfin ils allaient
être en mesure de prendre l'offensive au moment même où la
défensive semblait leur présenter les chances les plus hasar-
deuses. Cette série de combats entre les villages de Schneid-
harty Hausen et Teugen , prit le nom de bataille de Tann, petite
ville en avant de laquelle ils furent livrés.
Pendant rengagement que nous venons de rapporter, les
deux autres colonnes de Tarmée ennemie avaient continué leur
mouvement. La deuxième , commandée par le prince de Ro-
senberg, avait pris position à DInzIing, suivant les Instructions
de Tarchiduc, après avoir poussé devant elle quelques déta-
■ Lé Bollelni oîMà eite le 7î* régimeat de ligne de cette division comme
s'étaot |ilus particulièrement distingué dms cette acUon.
84 LIVBE SIXIÈMS, •
1009. chemeuts de la division du générai Montbciuiy qui, eomne
AUetiiasoe. j^^yg l'avons dit, couvrait la marche du maréchal ûavoust
La 3^ colonne , commandée par le prince Jean de Liechten-
stein, s'avançait d'Ë^gmùhi sur Ratisbonne ^
Les deux divisions Morand et Gudin avaient également con-
tinué leur marche vers Abensberg.
Nous avons dit que le maréchal Lefebvre avait ordre de &-
dliter la Jonction du maréchal Davoust, en faisant attaquer
par les Bavarois les troupes du général Thierry^ qui étaient en
observation devant lui, et qui consistaient seulement en cinq
bataillons et six escadrons distraits de la première colonne ou
plutôt du 8® cx>rps de l'armée autrichienne, ainsi qu^on l'a vu
plus haut. Ce détachement se trouvait isolé et ne pouvait être
soutenu ni par le 3® corps, alors engagé en avant de Tann,
ni par le 5^ corps, posté à Siegenburg pour observer la droite de
Tarméc bavaroise sur TAbens.
Les colonnes bavaroises repoussèrent sans beaucoup de peine
les troupes du général Thierry, qui les avait éparpillées entre
les villages d'Arnhofcn, de Pruck et de KIrchdorf, sur une ligne
de plus d'une lieue et demie d'étendue. La division Morand, par-
venue au village d*Arnhofen , au moment même où les Bavarois
commençaient à s'engager, contribua au succès de l'action en
culbutant la troupe qui se trouva devant elle. Le régiment au-
trichien de Lôvenher (dragons), entouré par les chevau-légers
bavarois, fut presque entièrement détruit et perdit son colonel.
Thierry se retira ensuite à Offenstetten.
Dans le même temps, Je général Oudlnot, parti le 18 d'Augs-
burg, rencontrait à Pfalfenhofen un détachement du 6^ corps
de l'armée autrichienne, le culbutait et faisait occuper le vil-
lage. Le major Scheibler, qui commandait la troupe ennemie,
se replia en désordre sur le gros du 6*^ corps, alors en marche
sur Mainburg.
' On a TU plus liauft qu^elle y arriva, le 20, assez à temps poar rompre la
première négociation que le colonel du 65* régiment de ligne, Coutard, avait
entamée avec le général Kollowratli, négociation par laquelle le régiment
français aurait eu la faculté d'évacuer la ville et de suivre le mouvement
du maréchal Davoust, au lieu d'être forcé h déposer ses armes, comme l'exi-
gea le prince de Lieclitenslein.
OITBBBB d'aLLEHAGNB. 85
Le général Vandainme arriva dans la soirée du 19 à Abens- «sog.
berg , avec le corps wurtembergeois. AUcmagiic
Batailie dFAbensberg; combat et prise de LandshtU, e^cr. — aoetaiarru.
Pendant ie^événements qui tenaient de se passer aux environs
de Tann et snr l*Abens Fempereur Napoléon était acooura
d*lngolstadt à Abensberg, accompagné da major-général prince
de NeoebÂtel , du marécbal Lannes et d*une partie du grand
état-major général. Jugeant, d'après les différents rapports qu'il
rèçQt dan» la soirée, la position de Tarmée ennemie, il pensa qu'il
ne M serait pas difScile de traverser le centre de sa ligne. En
etkXf on a vu que cette armée, si formidable par le nombre, se
trouvait divisée en deux parties presque isolées ; car Taile droite,
ou les corps dea généraux Hobenzollem, Rosenberg et Jean de
Liechstentdn, sous la direction spéciale de Tarcbiduc Charles »
et Faile gauche, ou les corps de l'archiduc Louis (cinquième) et
du général Hiller (sixième], ne communiquaient entre elles que
par le fidble corps détaché sous les ordres du général Thierry,
que les Bavarois venaient de battre. LMntervalle entrç ces deux
ailes, s'accrut encore, dans lanuFt du 19 au 20, par un mouve-
ment rétrograde que l'archiduc fit faire aux troupes qui avaient
donné dans la journée '.
Opposer , sur la droite et sur la gauche, des forces suffisantes
pour attirer l'attention des ailes ennemies , et porter entre elles
deux une masse principale, pour les pousser ensuite dans des di-
rections divergentes, afin d'empêcher leur réunion, et de les
accabler, l'une après l'autre , par la supériorité du nombre et
par l'effet moral que produit en semblable cas l'isolement où
se trouve le corps attaqué , tel fiit le plan qu'arrêt^ Napoléon,
et l'exécution en fût aussi rapide que la pensée.
La route de Rohr à Landshut était la ligne intermédiaire
qui séparait les deux ailes de l'armée autrichienne,^ et c'est sur
les différentes positions que pourrait offrir cette ligne que Na-
poléon dirigea son opération principale.
Par suite de leur dispersion, les corps autrichiens a'étaient
pas en mesure d'attaquer avec succès, ni d'opposer beaucoup
de résistance, si les Français pénétraient par un point de leur
■ Elles abandonnèrent, par ce mouvement, les haoteurs de Haasen, et
tout le pays^ près de l'Abens, ainsi qu'on le verra plus loin.
86 UVBC SIXIÈMB.
«1109. longue ligne. Le prince de Liechtenstein se trouvait aux envi-
Allemagne, ^.^j^g d'Egglofsheim , avec seize bataillons et quarante-quatre
escadrons. Les douze bataillons de Rosenberg, restés en ré-
serve à Grub , s'étaient portés dans la nuit à H^heberg; le
prince était de fia personne à Dinzling» avec quinze bataillons et
quatorze escadrons , communiquant par Schneidart avec la co-
lonne du prince de Hohenzollern» forte de dix-hult bataillons et
huit escadrons établis derrière Hausen. Le^ dispositions n'é-
taient pas meilleures à Taile gauche : deux bataillons et quatre
escadrons étaient postés à Rohr; le général Thierry se trouvait
à OfTenstetten avec trois bataillons et cinq escadrons; Bianchi à
Biburg, avec huit bataillons et deux escadrons. Pour appuyer ce
dernier, l'archiduc Louis avait envoyé deux bataillons à Kireh-
dorf , et il ne lui restait par conséquent à Siegenbui^ que
huit bataillons et dix-huit escadrons» y compris les troupes de
Kienmayer, qui s'étaient retirées dans cette position. Hiller,
qui y depuis le point du jour, était en marche sur Pfeffenhau-
sén , y arriva vers huit heures.
Il parait que Tarchiduc Charles, qui ne pouvait ignorer la
présence du maréchal Davoust à Teugen et celle d'un rassem-
blement considérable de troupes françaises entre Amhofen et
Abensberg y n'avait cependant pas renoncé à son projet de ma-
nœuvrer sur les deux rives du Danube , croyant avoir assez de
temps pour opérer sa jonction avec les corps qui étaient restés
sur la rive gauche de ce fleuve. C'est pourquoi le prince de
Liechtenstein avait reçu l'ordre de s'emparer de Batisbonne ,
ce qu'il exécuta dans la journée du 20, comme on le sait déjà;
Rosenberg dut rester à Dinzling , et Hoheozollern se retirer
derrière la grande Laber, en attendant l'arrivée du 6^ corps, qui
devait se réunir aux deux précédents.
L'empereur ne pouvait pas connaître en détail ces dispositions
de l'archiduc, mais il savait en général que l'ennemi s'étendait
de la rive gauche du Danube jusqu'aux environs de PMfenho-
fen , et des reconnaissances avaient fait connaître que ses for-
ces sur TAbens étaient très-disséminées. £n pénétrant à travers
ces forces ainsi dispersées , Landshut, le pripcipal point de re-
traite et de dépôt de l'armée autrichienne, tombait au pouvoir
du vainqueur, et les troupes battues couraient le risque d'être
détraites si le maréchal Masaéna arrivait oo même temps à ito9.
Landshut. Alors un mouvement rapide contre Taile droite en- ^*^"^°«'
nemie la mettait dans une situ$ition désespérée, si la garnison
de RatislxNuie tenait encore quelques jours. C'est pourquoi le
maréchal Davoust , avec les deux divisions Saint-Hilaire et
Priant et la divison de cavalerie légère du général Montbrun ,
environ 36,000 hommes, avait reçu Tordre de garder les po-*
sitioQS qu'il occupait, vers Hausen, ii Saalhanpt eVTengen, pour
tenir en échec les corps autrichiens des princes de Hohenzol-
lera, de Rosenberg et Jean de Liechtenstein. Les cuirassiers du
général Salnt-Sulpiœ étaient en arrière aux environ^ d*01)er-
Saal. Le maréchal Masséna devait marcher rapidement sur
Landshut, et envoyer à gauche, dans la direction de Neustadt,
les deux divisions du général Oudinot, pour appuyer, au be-
soin, le centre que l'empereur avait l'intention de porter snr
Rohr.
La masse que Napoléon allait mettre en mouvement se com-
posait donc : des deux divisions Morand et Gudin , environ
28,000 hommes, mises provisoirement sous les ordres du ma-
réchal Lannes, et formant la gauche entre Ober-Saal et Am-
hofen ; du corps wurtembei^ois , formant le centre , à la tète
duquel l'empereur voulut marcher lui-même, et des deux di-
visions bavaroises aux ordres du prince royal et du général De-
roi,8ous la directiondu maréchal Lefebvre; environ 30,000 hom-
mes. Ces troupes alliées formaient la droite et étaient établies
en avant d'Abensberg avec les cuirassiers du général Nansou-
ty. La division du général de Wrede restait en observation
devant le corps de Tarch/duc Louis , posté à Siegenburg , et ne
devait se mettre ea mouvement que selon les circonstances.
Le 20, cette armée, forte de ôO,ooo combattants, s'ébranla dè&
la pointe du Jour. L'empereur parcourut le front des troupes
wurtembergoises et bavaroises^ et , réunissant en cercle autour
de lui leurs principaux officiers, il les harangua avec cette élo*
queaoe mâle et vigoureuse dont il connaissait si bien tous le&
ressorts sur le champ de bataille. Il leur rappela tous les sou-
venirs de gloire quf pouvaient exalter l'orgueil national dea
deux peuples , et finit par leur dire que , ne mettant aucune-
différence entre eux et les Français, il se confiait à leur cou-^
88 UYBB SIXlàHB.
iMi, rage^ et voulait combattre à leur tète dans cette journée. Le
Allemagne, prince royal de Bavière traduisait en allemand les paroles de
l'empereur, pour que les différents chefs pussent les r^ter à
leurs corps. La certitude de coml>attre sous les yeux du pre-
mier guerrier de FEurope excita les transports du plus vif en-
thousiasme dans le cœur de tous les ofQciers, et ils surent com-
muniquer à leurs soldats l'impression qu'ils venaient de recevoir.
Le corps de Rosenberg et la division de grenadiers postés
à Dinzlittg et à Hdheberg,pas8èrent sans événements la Journée
du 20 avril. Le prince de Hohensollern passa sur la rive droite
de la grande Laber à Unter-Leierndorf ; son arrière-garde seule
eut quelques engagements avec les troupes du maréchal Da-
voust.
Pendant ce temps, le maréchal Lannes, auquel se réunit la di-
vision de cuirassiers du général Nansouty, eut L'ordre dese porter
à Rohr sur la route de Kelheim à Landshut ; l'empereur marcha à
la tète des deux divisions bavaroises ( prince royal et ]>eroi ), par
Amhofen, surOffenstettra; les TVurtembergeois se portèrent à
droite sur Prock ; de Wrede marchasur Siegenburg. Le maréchal
Lannes s'avançant, avec ses deux divisions» sur la route de
Rohr, par Darling, Buchdorf et Ober-Schambach, culbuta^ dé-
truisit ou (il prisonniers les faibles détachements de la division
Thierry, que l'archiduc Louis avait renforcés, la veille, de quel-
ques escadrons, et qui se présentèrent successivement ; il en-
tra dans Rohr avec une partie des fuyards. Le général Vandam-
me, à la tète des NYurtembergeois, et le duc de DanUlg» avec les
deux divisions du prince royal et de Deroi , marchèrent dans
la même direction, battant et poussant également devant eux les
détachements du général Thierry, d'abord à Offenstetten, et
ensuite auprès de Rohr, de concert avec la colonne du maré-
chal Lannes. Un troisième engagement eut encore lieu près de
Rottenburg, et décida la dispersion de cette partie de troupes,
qui formait la communication entre Farchidac Charles et Tar-
chiduc Louis.
Celui-ci , informé dès le matin du mouvement qu'opérait
l'empereur Napoléon , avait porté sur sa droite les brigades des
généraux Blanchi et de Reuss; mais, bientôt attaqué lui-même
à Siegenburg par le général -de Wrede, apprenant d'ailleurs
6UBBBI D'ALLBlIAeNB. 89
lesftoeeèB obtenus par les Français et leurs àlKés sur cette droite, ^ igo9.
le pcinee crat devoir, après une longue et honorable résistance,
faire sa retraite en assez bon ordre ^ par le défilé de Birgwang,
SOT PfeiSenhaiisen. Il se réunit auprès de ce bourg avec les
troupes du 6* corps de Parmée autrichienne , commandées par
le général HiUer.
Ce dernier général, suivant les premières instructtons que
hil avait données l'archiduc Charles, s'était avancé lentement
de M ainburg, pour se rapprocher du corps de Tarchlduc Louis ;
Il s'était arrêté, dans la soirée du 19, au village d'Au, pour
observer l'arrivée sur PfafTenhofen du corps du maréchal Ou-
dinot, dont l'avant-garde avait été, ainsi que nous l'avons dit,
engagée avec le détachement du major Scheibier. Il reçut, dans
cette position, l'ordre de l'archiduc Charles de hâter sa marche
sur Pfeffenhausen, afin de se réunir au 5*^ corps et au a*^ de
réserve, dont il devait prendre le commandement en chef. Ar-
rivé le 20, à huit heures du matin , au village de Hombadi,
près de Pfeilfenhausen , au lieu de continuer à faire avancer ses
troupes, il les avait arrêtées en cet endroit, et s'était rendu, de
sa personne, auprès de Tarehiduc Louis, à Siegenburg. Dans la
position critique où il avait trouvé le prince, il s'était empressé
d'envoyer au général Vincent, à Hombach , Tordre de se por-
ter sur-l&-champ sur Rottenburg, avec deux brigades, pour
tâcher d'arrêter la marche des colonnes françaises qui s'avan-
çaient de ce cÀté et sont^ir les troupes en retraite. Cette me-
sure était tardive ; déjà le troi^ème engagement, dont nous
avons parlé plus haut, avait eu lieu. La division Thierry et les
détachements du 5^ corps qui avaient marché pour la soute-
nir étaient en pldne déroute; les chemins étaient couverts de
ftiyards , d*artillerie, de voitures de bagages et de munitions ,
dans le plus grand désordre. Toutefois, le général Vincent
»3rant pris position avec ses troupes sur la hauteur de Rotten-
burg, les colonnes victorieuses s'arrêtèrent sur les bords de la
grande Laber. La nuit mit fin à cette suite de combats par-
tiels, auxquels les relations du temps ont donné le nom de
bataille d'Abensberg. Les Autrichiens y perdirent environ 7,000
hommes, tués, blessés ou faits prisonniers, huit drapeaux et
douze pièces d'artillerie. La promptitude du mouvement de Na<
AWemafljp. Qjgm ^ ^ p,.j^çç ^^jjj «pprw, le 1», Uidél«yi|e, par les B4iv«-
rois, du p^ cgirp» détaché aous les ordres 4u générai Ttûerry,
Il aurait 44 enypjrer dépêches «qr dépêches au géoéral Qiller
pour i*wgager h aooéiér^ sa marche et À.$e rapprocha de li|i,
afin d'avoir la faciiité de se prolonger sur le point entamé, d*ap-
piqrer te mouvement de Tarchiduc son frère, et, en cas de re-
Viers, de pouvoir faire plus sûrement une retraite commune
(iui^ arctÂdiic Louis, H le général Hiller) sur JLandshut, base
dfis opérations générales, ^t point sur lequel se trouvaient les
amhulaooesy les ponts et les gros bagages de Tannée.
Tandis que les événements que nous venons de décrire sa
passaient à la gauche de Tarmée ennemie, le maréchal Davoost
était resté avec moinsde 36,000 hommes dans sa position du 19,
pour tenir tète à la droite de cette armée , forte de 70,000 bornâ-
mes, sans compter les 60,000 envinm qui formaient les deujL
corps des généraux Bellegarde et Kollowrath, lesquels auraient
PU| dès ie 1 9 au soir, passer sur la rive droite du Danube et pren-
dre part aux opérations. Ainsi, par les marches divergentes de
ses colonnes et le dé&ut de reisselgoements sur la position de
' Tannée de Napoléon, Tarchiduc Charles avait d'un côté 1 30,000
hommes paralysés par 2^,000, et de l'autre so,ooo accablés
par 60,000.
Pour masquer le mouvement qui s'opérait sur sa droite, le
maréchal Davoust Qt habilement avanœr un détadiement,
comme si sou intention eût été d'attaquer hardiment les trou-
pes qu'il avait devant lui ; mais il fut étonné du peu de résis*
tance que eette'avant-garde éprouva. On ne peut expliquer Ta-
bandon des hauteurs de Hausen par le prince de Hohensol-
lern, sa retraite derrière la Laber, et celle,de la réserve de
grenadiers sur Hoheberg, que par la crainte de Tarchidue
Charles d'être attaqué sur sa gauche , ou simplement parce
qu'il était incertain des opérations de cette aile , ou enfin pour
se rapprocher du point sur lequel il espérait voir arriver les.
5* et 6^ oorps. L'archidua avait alors son quartier générai à Eg-
glofsheim , sur la grande route de Ratisbonne à Landshut '.
^ Il est difticiie da se readj'e c^Mnpie de ce mouvement rétrograde, qui
GUBIAB 9*AL|.gll4GIIB. 91
Gfll» Situation timUle ^ liiacttve de VM» droiU eimeiol£ i».
p9fidADt la jooniée d« 20 iwrvlt merveUlensamaDl le» desseiiiB ^v*'^^"'*
dç Napoléon, A L'exeeption do quelque» efcannondieB, les trou-
pes restèrent dans leur position, ee qui donna à remperenr,
oomme on le verra bientôt» le temps d*enyoyer le maréebal
Lefebvre, avee les deux divislens tevarobscs du prinee royal et
dv fénéral Deroi , loutenir le maréebal Davooit dans sss opé-
rations ultérieures,
Nap<4éen et le général Hitler * se trouvaient en présence sur
lesbofdsdelagiandeLaber^versPfeffenhaasen; raiieganobe
de Tarmée autrieUenne, larte alors de 45,oao bonnes envl^
ran, oouvndt les deux rentes qui conduisent à Landsbm par
PfelRenbauico et Rottenburg. L*amiée française, renloreéede
la division de Wrede, et fiirtede 60,ooo bommes, attendait avee
Impatience le retour du jour pour continuer son mouvement si
bien calculé par l'empereur, et qui devait être encore secondé
le lendemain par Tapprodie du cinrps d'Oudbiot et de Masséna»
arrivant au nombre de 40,000 bommes du c6té de Pfaffenbo-
fen et de Mosburg, et pouvant entamer le flanc gaucbe des
Antriefaiens si eeux-d ne bâtaient point leur retraite.
Dans la yositlon présente de l'aile gaucbe ennemie, le gé-
néral Hiller pouvait encore tenter de se réunir promptement
avec rarcbiduc Gbarles. Les avant- postes du due de Monte*
belU>, dont le corps était pbicé à la gauebe de l'armée firanç9lse,
s^étendaient bien Jusqu'à la Laber, mais ne la dépassaient
point Les troupes du 3* corps autrichien occupaient , |e 20 au
soir, comme on le verra plus loin , les postes d'Addsbausen et
de Langquaid, sur la rive gauche de la Laber ; par conséquent^
en abandonnnant le chemin de Landshut et prenant pour point
de direction le village d*£ggmûbl, les 6^ et 6* corps ennemis,
par une marche de nuit ibrcée, se réunissaient à l'armée de Tar*
n'était point motivé par les événements de la veille. Sans doute les Fran-
çais avaient fait une glorieuse résistaBce ea avant de Teugen ; mais on os
pouvait considérer le combat de Tann comme nse victoire, et il était pres-
que évident que le maréclial Davonst n'avait là d'autre but que de défendis
sa marclie de Oanc, et de protéger Injonction de ses colonnes avec Tarmée
bavaroise sur TAbens.
' H faut se rappeler que l'archiduc Charles avait (ont récemment confié
le commandement en chef des cinqnième et siilème corps k ce général.
93 LITBE 8IXIBHB.
1909, ehidiic Charles , sans courir d'ailleurs de chance trop hasardeu-
Aiienuigne. ge, sl ce tfcst pcut-ètre la perte d'une partie des hagages, qoi
se trouvaient encombrés sur la route de Landshut ; ' mais cet in-
convénient aurait été balancé par l'avantage de la JonctioB
opérée, et Tarchiduc Charles se fût trouvé à même de pouvoir
arrêter la marche victorieuse de son illustre adversaire en se
portant sur le flanc gauche de celui-ci , dans le cas où i) eût
voulu continuer son mouvement sur la route de Landshut à
Munich. Ce projet hardi était hors de ta portée des vues du gé-
néral Hitler, qui, croyant d'ailleurs n'avoir afhireqo^à une par-
tie de Tarmée de Napoléon, continua sa retraite sur Landshut
pendant la nuit. Il plaça ses troupes sur les deux routes qu{
conduisent à cette ville par Welhmichel et Tûrkenfeld, et at-
Jtendlt le Jour, sans hâter d'ailleurs par des ordres sévères la
marche des caissons et des ambulances.
Pour renforcer le maréchal Davoust, l'empereur détacha la
division Demont, dix-neuf bataillons et huit escadrons bavarois,
sous le prince royal et le général Deroi , avec une brigade de
cuirassiers, et le 21 , à cinq heures du matin, il fit marcher sur
Landshut les troupes du maréchal Lannes, les cuirassiers de
Saint-Sulpice et huit escadrons bavarois, par la route de Rot-
tenburg, et la division de Wrede et le corps vurtembergeois
par celle de Pfeffenhauseu.
L*avant-garde française, impatiente de poursuivre les avan-
tages de la veille, se Jeta sur les troupes ennemies les plus à
portée et les força de se replier. L'arrière-garde du 5® corps
opposa une résistance assez vive aux Bavarois, qui la suivaient
par la route de Pfeffenhausen. Le général autrichien Vincent,
couvrant sur l'autre route la marche du 6* corps , tint tête à
la cavalerie qui le poursuivait. Ces deux arrière-gardes se trou-
vèrent réunies entre Altdorf et Ergoldingen vers neuf heures
du matin, ayant alors devant elles toute l'armée française, qui
s'avançait sur deux fortes colonnes.
La ville de Landshut, derrière laquelle le général Hiller se
proposait de former ses troupes en bataille, est en partie placée
entre deux bras de l'Isar ; on y arrive du côté de Pfefîenhausen
par un défilé très-étroit et par des plaines marécageuses. Là se
trouvaient alors encombrés les caissons , les bagases de toute
GUBUS D ALLIMÀONB. 03
rarmée ennemie, ainei qn'ttn équipage de pont. Il eat aisé de im».
se figurer la position de troupes en retraite poorsuivies par une ^'>»*^n'*
armée' Tietoriense, lorsqu'elles se trouvent arrêtées par un pa-
reil obstade au pauage d'une rivière ; aussi s'eosuivit-il le
plus épouvantable désordre. Hommes, chevaux, canons, ba-
gages, caissons, pontons, tout se confondit dans les défilés et
près du Jknbourg de Seeiigentbal. Ce désordre, qui ne pouvait
point échapper à Napoléon , lui fit presser ses attaques. Il di-
rigea d'abord le maréchal fiessières, duc distrie, avec la cava-
lerie française, sur un gros de cavalerie ennemie qui fut sabré
et culbuté* Bientôt après, le général Mouton^ aide de camp de
l'empereur, marcha avec le 17® régiment d'infanterie de ligne
sur le ûiubouif de Seeiigentbal, dont il s'empara, et, passant
ensuite au pas de charge le pont sur le premier bras de Flsar,
il pénétra dans la ville, où régnait déjà la concision la plus
complète. Sur ces entrefaites, la division Tharreau, du corps du
général Oudinot, arriva de Pfaffenhofen par Nandelstadt, et
fit sa jonction avec l'armée. Les Autrichiens se défendirent d'a-
bord avec résolution dans Landshut ; mais ils durent céder aux
efforts du 17® régiment, qui s'empara de toutes les issues et
tenta même de déboucher en attaquant les hauteurs de l'autre
cèté de risar. Tout ce qui se trouvait dans la ville et qui n'a-
vait pas pu passer le défilé fût fedt prisonnier; quelques batail-
lons de grenadiers autrichiens , formés sur la hauteur, proté-
gèrent la retraite. Le général Hiller apprenait alors que le corps
d'armée du maréchal Masséna, qui, suivant les instructions de
remperenr, avait marché d'Augsburg par Freising sur M oabu<g
pour y passer Tlsar, après avoir rétabli le pont détruit par les
Autridiiens, s'avançait par la rive droite pour joindre Napo-
léon. Cette nouvelle fit hâter la retraite des Autrichiens sur
rinn , par Neumarkt et Alt-OEtting. L'empereur chargea le
maréchal Bessières de poursuivre l'ennemi avec la division du
généra! Molitor, la brigade de cavalerie légère du général Ma-
rulaz, du corps du maréchal Masséna, et la division bavaroise
du général de Wrede. Ces troupes suivirent l'arrière-garde au-
trichienne Jusqu'à Geisenhausen .
Ainsi finirent deux journées bien remarquables , qui déci-
dèrent de la séparation de la grande armée autridiienneen deux
94 uvmi srxiBm.
f m. pÊttkê , H loi flMiii éprouter «ne p«rta qm les relatkMi» aatri-
Aiieinagne. ^ny^mn portent eUe8-iaènMs à pU» de id,ooo homdicfi ^ tués ,
blegsëÉ ou ftdtB. prisonniers j dnqnnnte plàœs de «sanon, trois
équipages de pont ^ des mtinitioQS^ des magMîns considérables,
et plus de six eents toitures de bagages et de auditions toutes
attelées. Dès ee moment les troupes dn général HiUer ne fu-
rent plus comprisee dans Teffeetif de la grande armée ontri-
chienne. Toujours incertain sur le nombre de troupes qui I*
suivaient, ce générai ne pema plus qu'à gagner les États hé-
réditaires, et| par ce mouvement, il laissa à découvert le centre
de Tarmée de Tarchiduc (^arleS) dont il avait formé jusqu'alors
railé gauche.
Tandis que Napoléon poossaàt devant lui Taile gauche de
Tarmée ennemie sur la route de Landshut, le maréchal Da-
voust, suivant ses instructions» avait mis ses troupes en mou-
vement dès cinq heures du matin pour les porter sur la grande
Laber. Les divisions Saint-fiilidre eC Priant, marchant à une
demi-heure de distance Tune de Tautre, rencontrèrent les trou-
pes ennemies postées entre le village de Leiemdorf et celui de
Paerlng, en avant de la Laber, les culbutèrent et leur firent 5
à 600 prisonniers* Cette attaque vigoureuse eommeoçant à
donner à l'archiduc Charles de sérieuses inquiétudes sur le sort
de sa gauche, os prince crut devoir feire sur4e^hamp les dis-
positions suivantes : il envoya au général Kollowrath» com-
mandant le a^ corps d'armée, Tordre de passer le Danube à
Ratisbonne, pour se réunir» près duGalgenberg, aux troupes de
la rive droite, et an général Bellegarde, commandant le i^*^ corps,
l'ordre de remplacer le général KoUowrath entre Hemau et
Batisbonne, enfin le prince de Liechtenstein dut s'avancer avec
te 1^' corps de réserve sur Abbach, ponr rester en oommuni-
eatlon avec ie 4* corps , placé derrière Dinziing, et se liant lui-
même avee le 8^ eorps, qui, après s'être retiré de Langquaid,
venait prendre position sur les hauteurs derrière Unter-Lai-
efaling.
Comme on vient de le voir, l'empereur, prévoyant que le
maréchal Davoust aurait besoin d'être soutenu dans le mouve-
ment ofténsif qu'il faisait actuellement sur Tarmée de rarchl-
dne Charles, et pour empêcher encore plus celui-ci de feûre au-
GUEABB D'ALLBIfA«NB. ft&
Cime tentative en fiveiir du général Hilleir^ atalt fait ttarcher im9.
dans cette direotion une partie des troupes bai^roiees sous les ^**^e"^
ordres da maréchal Lefei^vfe.
Le 4^ eorps autriefaieD avait apposé Me assez vive résistatiee
aux efforts de ta division Priant; mais, n*étant sontean ni à
gavctie par le 3^ corps, ((ui» poossé par la division Saint-Hi-
laire, déjà appuyée par les Bavarois, avait alMuidonné Sehier-
llng, ni à droite par les troupes da l^' corps de réserve , qui
eommençait à peine le ittootement que venait de lui ordonner
Tarchiduc Charles, le prince Rosenberg, commandant ce corps,
fut forcé de se replier et de prendre position sur les hauteurs en
arrière de Unter-Lûcbling. C'est à la (In de cet engagement
de la division Priant avec le 4® corps ennemi que fut tué le gé^
néral de brigade Hervo, (bâcler d'une grande distinction, et
qui s'était particulièrement signalé dans cette journée, où le
générai Priant eut un cheval tué sous lui.
L'armée autrichienne (c'est«à-dire les S^ et 4* corps et la ré-
serve de grenadiers) formait alors une ligne entre la Laber et
le Danube» depuis Ëggmûhl jusqu'à deux lieues en deçà de
Ratisbonne; vis^-à-vis d'elle se trouvaient, à gauche, les divisions
Saint-Hilaire et Priant, soutenues par la cavalerie du général
Montbnm; à droite, les Bavarois, commandés par le duc de
Dantzig : ceux-ci venaient d'occuper Schlerling et un plateau
entre ce village et le bois de Hdhev^ald ; les troupes réunies des
deux maréehaux français formaient à peine un total de 80,000
hommes.
L'archiduc, soupçonnant enfin qu'il n'avait affidre qu'à une
partiede l'armée française, qu'il aurait pu anéantir depuis deux
jomrs» ordonna pendant la nuit du 2 1 an 33 les dispositions d'une
attaque générale de toutes ses troupes. Le général Kollowrath
dut marcher avec son corps sur la chaussée d' Abbach ; le prince
Jean de Liechtenstein, avec le l"^' de réserve, par Weillohe sur
Peising; les s"" et 4* corps et les dou2e batallkms des grena-
diers de réserve restèrent dans les positions qu'ils occupaient.
La détermination que venait de prendre le pHnee Charles
entrait précisément dans les vues de Napoléon. En effet, la
marche des colonnes ennemies sur la droite reportait lés Fran-
çais sur leur centre, et fiusilitatt à l'empereur rexécution du
96 LIVRB StXlBKB,
11109. plan qa^il avait fermé, celui de 8*avanoer avec toutes ses tron-
Aikiiiiai;ii& p^ (moins celles qui poussai^t le général Hiller vers Tlnn]
sur le flanc gauche de rarcbidoc, et de rejeter cette armée sur
la rive gauche du I>anQl>e, comme ii venait de chasser l'autre
bien au delà de Tlsar.
22et23 avril. Bataille (FEggmiUil ou d'EchmiM; eatnbat et prUe de Ra-
tisbcnne ; retraite de V armée autriehienne sur la Bohême, etc.
— Pendant que le maréchal Bessières suivait le corps de Hiller
en retraite dans la direction de Vilshiburg, i'empereur partit
de lAndshut le 32 au matin, se dirigeant sur Ratisbonne, pour
exécuter la seconde partie de ses belles combinaisons, qui pro-
mettaient les plus brillants résultats si la garnison de cette
ville eût pu tenir Jusqu'au 23. Après avoir fourni le détache-
ment du maréchal Bessières, l'armée conduite par rerapereur
en personne se composait des deux divisions Morand et Gudin,
commandées par le maréchal Lannes, des corps d'Oudinot et
de Masséua, des divisions de cuirassiers des généraux Nansouty
et Saint-Sulpice, d'une brigade de chasseurs et du corps wur-
tembergois. Toutes ces troupes marchèrent sur deux colonnes,
par Bu(Mausen et Hannsdorf , le corps de Masséna suivant
les autres à quelque distance.
Par l'effet des mouvements qui avaient eu lieu pendant la
•^ nuit, l'armée autrichienne se trouvait alors réunie, au nom-
bre de 100»000 combattants, sur le terrain qui s'étend d'Egg-
mûhl à Ratisbonne, et cette force eut été encore plus considé-
rable si le prince Charles avait appelé à lui , sur la rive droite,
le 1'*' corps, qui n'avait plus d'ennemis devant lui. Le général *
• KoUowrath avait pris position près de la chaussée d' Abbach, au
village d'Isling. Le prtaice deXiechtenstdn était en avant d'Eg-
glofsheim avec l'archiduc généralissime; le prince de Hohen-
zollem entre Egglofeheimet Ëggmûhl^ dont le chAteau était
occupé ; le prince de Rosenberg à Unter-Laichiing. C'était sur
ce 4* corps, soutenu par les douze bataillons de grenadiers de
réserve, que devait pivoter l'armée. Tout le terrain compris
entre Eggmiihl et Egglo&heim est entrecoupé de hauteurs, de
vallées, de torrents et de bois. Le terrain que traverse la chaus-
sée de Ratisbonne à E^lo&heim est montueux sur la gauche,
mais à droite il présente une plaine marécageuse.
GUEBEI D*ALLBMA6N1. 97
L'archidac Charles espérait pouvoir facilement se rendre \W9,
maître du défilé d'Abbach et du poste d'Abensberg, et venir ^"*"''«"*'
ensuite opérer sur les derrières de Varmée de Napoléon, qu'il
supposait marchant sur la Bavière, après avoir battu les &"* et
6^ corps y dont on ne recevait pas de nouvelles; mais ce prince
aurait dû mieux Juger de la prévoyance et de l'activité de son
habile adversaire.
Le chemin que le général Kollo^rath avait à faire pour en-
trer en ligne retarda longtemps l'attaque projetée par rarchiduc,
et il était midi lorsque les colonnes autrichiennes s'ébranlèrent
sur tous les points. Le maréchal Davoust, bien préparé à défen-
dre la position qu'il occupait, et dont il connaissait toute Tlm-
portance, manœuvra avec tant de justesse et de précision, et sut
ménager si bien ses forces ^ en les développant, qu'il donna de
vives inquiétudes au prince de Rosenbei^ sur sa droite et sur
sa gauche, et parvint à empêcher ses colonnes de faire un pas
en avant.
A une heure, le canon se fit entendre sur la route de Lands-
hut, et l'archiduc apprit alors , à son grand étonnemeut, qu'il
allait avoir à combattre, sur son flanc gauche, l'armée comman-
dée par Napoléon en personne. A rapproche de ces nouvelles
colonnes, le prince de Rosenberg fit prolonger sa gauche par
les réserves placées derrière lui, de manière à former un crochet *'
de Vautre côté de la chaussée d'Eggmûhl à Ratisbonne. Il dut
abandonner les hauteurs d*Ober-Laichling, et se borner à dé-
fendre le bois de Hôheberg, à la tête duquel il fit placer une
forte batterie de canons. Les troupes françaises commencèrent
alors à s'avancer vigoureusement. Le maréchal Davoust, dé-
bouchant de Schierling par sa droite, attaqua les hauteurs d'O-
ber et Unter-Laichling; son artillerie, placée sur les hauteurs
en avant de Paering, fit taire la batterie autrichienne placée
sur le plateau d'Unter-Laichling. Les Autrichiens cherchèrent
à défendre le village et le bois en arrière ; mais fis forent bientôt
dëposiéspar le lO"" d'infanterie légère, de la division Saln^Hi-^
laire.
Dans le même temps Napoléon dirigeait une attaque non
* Les Bavarois se trouTaient alors, avec les divisions Saint-Hilaire et
Friant, sous le commandement sopérieur du maréchal Davoust.
1. 7
98 LIVBB SlXlÈHEi.
4M9. moinB vive sar Eggmûhl ; les colonnes qui avalent débouché
AUeinagne. ^^ Buchhauscn et Mannsdorf s'étaient réonîes près de Lindach.
Le maréchal doc de Montebéllo reçoit ordre de passer la Laber
nu-dessus deSchierHng avec les divisions Gudin et Morand, et
de déborder l'aile gauche de Tennemi. Ce mouvernent est sou-
tenu par toute la cavalerie, au nombre de 1 6 régiments^ savoir :
les deux régiments decarabiniers et les six de cuirassiers, sous les
ordres des généraux Saint-Sulpice et Nansouty, les chevau-lé-
gers wuitembergeois et la Cavalerie bavaroise. Toute Tinfan-
terie wurtembergeoise se porte directement sur Eggmûhl. Cette
attaque , combinée avec cdle du maréchal Davoust, obtient un
succès complet. La cavalerie bavaroise tourne une batterie de
seize pièces de canon etisabre )a troupe qui veut la défendre;
. les Wurtembergeois, conduits par le général Vandamme , em-
portent le village d'Eggmfthl et son château à la baïonnette.
Jjes Autrichiens, pressés vivement sur leur centre et menacés
d'être débordés sur leur gauche et sur leur droite, battent alors
en retraite vers les autres colonnes de leur armée, sur la droite ;
mais ils sont suivis par la cavalerie française, qui débouche
à droite sur Hagelstadt^ et à gauche par les défilés d'Ober et
d'Unter-Sanding. La cavalerie marche par Rocking, Fellkofen
et Gailsbach, pour regagner ensuite la route de Ratisbonne et
prendre à revers l'aile gauche de renneraî.
. il était sept heures du seir; les divisions Nansouty et Saint-
Sulpice se formèrent alors en masse et s'avancèrent dans la plai-
ne, des deux côtés de la chaussée, entre Hagelstadt et Ëgglofs-
hdm. Les dragons bavarois et la cavalerie légère suivirent ce
mouvement et s'étendirent Jusqu'à la chaussée de Ratisbonne à
Straubing. Pour arrêter cette masse de cavalerie, les Autrichiens
n'avaient en ce moment que deux régiments de cuirassiers placés
en avait d'Egglo&heim, auxquels se rallièrent quelques dé-
bris de régiments de hussards; les efforts de cette faible troupe
durent échouer CMitre la masse des carabiniers et des cuirassiers
français. Ceux-ci, continuant à pousser devant eux les escadrons
ennemis, les rompirent et les mirent dans une déroute complète;
tous cherchèrent à gagner la chaussée pour éviter le terrain ma-
récageux de la plaine, et renversèrent dans leur fuite plusieurs
bataillons de leur propre Infanterie. Ce désordre aurait entraîné
la perte de tout ce qui se trouvait sur la route de Ra^i^Mvie, 41100.
si le priDce Jean de Liedxtenstein, revenant avec sa colonne ^•*"««™'-
de cavalerie pour prendre une position en arrière , d'après l'or-
dre que venait de lui donner rarchiduc, ne fût tombé à ce
moment sur le flanc des cuirassiers français. Une charge du ré*
giment du duc Aliiert, cuirassiers, arrêta la poursuite, etTob-
scurité mit fin au combat. L*armée autrichienne put se reformer
pendant la nuit et rétablir les communications entre les diffé-
rents corps. Déjà dans la soirée Tarchidac, apprenant les re*
vers de sa gauche et convaincu à la fin qu*il avait toute l'ar-
mée de Napoléon en présence, avait suspendu les mouvements
des corps qui se portaient vers Abensberg. Pour couvrir sa re-
traite et le point de Ratisbonne, il donna au général KoUowrath
Tordre d'abandonner Abfoach et de reprendre sa position sous
les murs de Ratisbonney entre cette ville et le village dlsling.
Le 1^^ corps de réserve et les débris des 3" et 4* furent réunis
entre Scheumassing et Gebelkofen.
Quinze mille prisonniers , douze drapeaux , seize pièces de
canon, tels furent pour les Français les résultats matériels de
cette journée mémorable, qui enleva en outre à Tarmée au tri*
chienne près de 5,000 hommes tués on blessés '.
La perte des Français et de leurs alliés s'élevait à 2,000
hommes, tant tués que blessés. Le général de divisimi Cervooi,
chef d'état-m^jor du corps du maréchal duc de Montebello , fut
tué par un boulet. Cétait un des officiers généraux les ptas
anciens et les plus distingués de l'armée française. Le général
Qément de la Boncière , commandant une brigade de cuiras-
siers , avait eu un bras emporté ; le général Schramm était
également au mmibre des blessés ; le 1 4« régiment de chasseurs
avait perdu son colonel , tué dans une charge.
L'armée française bivouaqua dans la plaine en avant d'Eg-
glofsfaeim; la cavalerie légère s'étendait Jusqu'au Danube.
L'archiduc Charles comptait «icore près de 80,000 combat-
tants dans ses rangs après le revers qu^il venait d'essuyer ; mais,
' Le marécbal DaTOust, duc d'Auerstaedf, dont la fermeté et les dispo-
sitiens savantes avaient contribué puissamment au succès obtenu, reçut de
^empereur le n<Hiveaa titre de prince é^EckmûM, nom du principal champ
de bataille.
7.
AUisnngne.
100 LITBB SIXIBMB.
m^ ixtgtmt qu'il serait improdent de tenter le hMird d'une seeonde
bataille dans mie plaine qoi n'offrait aucune position feivorablc,
le Danube à dos, et avec une armée fetiguée et découragée, il
prit le parti de se retirer sur la rive gauche, et ût à cet effet
construire un pont à Weichs , un peu au-dessous de Ratisbonne ,
pour faciliter d'autant le passage du fleuve et éviter rencom-
brement qui résulterait si Ton se bornait à la seule communi-
cation de la ville. Ce pont , auquel on travailla pendant la nuit ,
ftit achevé le 28 vers huit heures du matin. Déjà les 3^ et 4'' corps
avaient traversé le pont dé Ratisbonne , lorsque , à la pointe du
Jour, le reste de l'armée (c'est-à-dire le corps entier du général
Kollowrath , la réserve de grenadiers et toute la cavalerie) se
fbrma en bataille entre le petit vilhige de Burgweinting et Ra-
tisbonne. Bientôt après, Tinfonterie commença sa retraite par
Ratisbonne, et» dès que le nouveau pont se trouva terminé,
les réserves le traversèrent.
Napoléon avait également mis ses troupes en mouvement;
la cavalerie des généraux Nansouty et SaintrSulpice, s'avançant
sur plusieurs colonnes par Ober-Traubling et Ainthal , culbuta
les hulans et les hussards ennemis et les mit en fuite. Elle
continuait à s'avancer vers le Danube sur la droite de Ratis-
bonne , lorsqu'elle reçut dans son flanc la charge du régiment
de cuirassiers de l'archiduc Ferdinand ; l'ennemi , par cette ma-
nœuvre, réussit à masquer le pont de bateaux sur lequel le
eorps de réserve autrichien» avec son train d'artillerie, avait
commencé son passage. La cavalerie française s*éloigna de ce
point en poursuivant principalement sur sa gauche les régiments
qu'elle avait culbutés; elle en rencontra d'autres qui tinrent
tète et firent gagner du temps aux troupes qui défilaient. Ce
dernier mouvement finit cependant par être découvert : le ma-
réchal Lannes, qui avait suivi la cavalerie française avec les
divisionB Morand et Gudin, se dirigea sur le pont et vint at-
taquer l'ennemi entre la chaussée qui conduit à Straubing et
le village de Burgweinting. Le maréchal Davoust se plaça sur
la gauche avec les divisions Friant et Saint-Hilaire, et le ma-
réchal Masséna en réserve derrière les deux corps. Le prince
Jean de Liechtenstein , avec deux régiments, se porta alors en
avant du pont pour protéger le passage de ce qui restait encore
OUEB&B D*ALLBIIA0NB. 101
de troupes , tandis que des batteries établies sur la rive gauche
par les soins de l'archidue Charles faisaient, dans le mémo
dessein , un feu très-violent sur les colonnes françaises. Le pas-
sage à peu près terminé» les pontonniers autrichiens coupèrent
le pont et le laissèrent flotter : une partie des bateaux Ait
brûlée, l'autre tomba au pouvoir de l'armée française.
Cependant la mêlée de cavalerie continuait txiujours sous Ra-
tisbonne» dont les portes avaient été barricadées, à Texceptioa
de celle de la chaussée d'Abbach. Les Autrichiens combattirent
encore quelque temps avec beaucoup de résolution; il était
midi lorsque les dernières troupes entrèrent dans la ville. Dès
le matin rarchiduc Charles avait ordonné au général Bellegarde
de se porter avec le premier corps, qui était resté constamment
sur la rive gauche, sur les défilés de Cham , derrière la Regen ,
afin de les occuper; le 2^ corps , formant Farriére^garde et cou*
vrant la retraite, prit position sur les hauteurs de Stadt-Am-
boff , et six régiments occupèrent la ville de Ratisbonne, devant
laquelle le duc de Montebello vint former «es troupes en ba-
taille, à huit cents pas des portes.
Le général qui commandait dans Ratisbonne avait ordre de
tenir Jusqu'à la nuit et de se retirer «nsuite avec sa troupe, et
la ville, enveloppée d'une muraille fortifiée , avec un fossé et
une contrescarpe^ présentait assez de défense pour que les in-
tentions de l'archiduc fussent remplies » si un incidentrn'eût pas
favorisé Tattaque que commencèrent les Français presque ausi
sitôt leur arrivée. En examinant renceinte, des officiers remar-
quèrent une brèche entre les deux portes et en firent le rap-
port au maréchal Lannes. Celui-ci se met de suite à la tète d'un
bataillon , et , descendant dans le fossé sous le feu meurtrier de
l'ennemi, aborde la brèche, pénètre dans la ville et fait ouvrir
la porte dite Jacobsthor. Alors plusieurs autres bataillons en-
trent de ce c6té et gagnent le pont, pour fermer la retraite à la
garnison, qui met bas les armes au nombre de 7 à 8,000 hommes.
Le duc de Montebello tenta de faire forcer le pont ; mais le
général KoUowrath arrêta les troupes françaises par le feu de
ses batteries, placées sur le mont de la Trinité : il ne fit sa
retraite que vers le matin.
La précipitation avec laquelle les Autrichiens avaient opéré
AUemi^e
109 MVBB SIXIÈIIR.
IMOL ^^r retraite par Ratisbonne ne leur avait pas permis d'em-
mener avec eux la plus grande partie du 65* régiment, fait pri-
sonnier dans cette ville trois jours auparavant. Ces braves se
trouvèrent ainsi promptement délivrés , et cette circonstance
rendit plus agréable enooire le succès que le duc de Montebello
venait d'obtenir. Le colonel du Oô*, Coutard, avait réussi, par
ruse, à soustraire Taigle de son régiment aux recherches de
L'ennemi ; 11 le présenta lui-même à l'empereur, lorsque celui-ci
entra dans la ville'.
Le maréchal Davoust fut chargé d'observer l'archiduc Charles,
que Tempereur ne jugea pdnt à propos de poursuivre sur Cham,
où toutes les troupes venues de Ratisbonne avaient l'ordre de se
rassembler. Si l'on considère que l'armée autrichienne qui ve-
nait d'envahir la Bavière s'élevait à plus de 167,000 hommes» et
que les forces réunies à Chamn'étaient plus que de 1 09,000 com-
battants» y compris les troupes que Hiller avait sur l'Inn^ il
résulte que dans une courte campagne, sans bataille consi-
dérable , cette armée avait éprouvé la perte énorme de 5S,ooo
hommes.
Ainsi, dans l'espace de cinq jours seulement, tous signalés
par une victoire, Napoléon venait d'anéantir les efforts de la
maison d'Autriche , auxquels se rattachaient peut-être les vœux
d'une grande partie de l'Allemagne çt même ceux des troupes
alliées , et une guerre défensive sur son propre territoire était
la seule ressource qui restât à cette puissance, naguère si con-
fiante dans le nombre et la bonne disposition de ses troupes. A
aucune autre époque de sa glorieuse carrière l'empereur des
Français ne s'était montré plus actif et plus habile ; comme
' Napoléon avait été blessé, poar la première fois de sa vie, pendant
Faction sous Ratisbonne. Assis sor un tertre coiiveit de gazon , à une dis-
tance presque hors de portée du feu de l*ennenii, il causait avec le maréchal
do palais Duroc, lorsqu'une balle amortie vint le frapper au pied droit et
lui lit uno forte contusion. « Ce ne peut être, dit-il, qu'on Tyrolien qui m'ait
ajusté de si loin ; ces gens sont fort adroits. » Le premier chirurgien Ivan était
auprès de lui et le pansa ; mais Tempereur était si impatient qu*il monta
à cheval avant que l'appareil fût entièrement placé. Quelques courtisans lui
ayant représenté qu'il s'exposait souvent avec trop de témérité, il leur ré-
pondit en som'iant : « Que voulez-vous? il faut bien que je voie ce qui se
AlltDuigiié-
GUEBRB D'aLLEMAGNB. 103
dans ses campagnes d'Italie , il avait développé ces admirables jm.
calculs du temps qui donnèrent aux mouvements combinés de
ses forces , bien inférieures à celles de Tennemi , toute la préci-
sion nécessaire pour rétablir Téqnilibre et se trouver même en
mesure de vaincre. Son habileté à épier tous les mouvements de
rarchiduc, à découvrir des intervalles, à s'y introduire et à
les agrandir, n*^ rien de comparable dans l'histoire militaire
des plus grands capitaines.
L'empereur passa une grande revue de ses trompes devant
Ratisboooe , prodigua les éloges k tous les corps qui s*«taieut
distingués, et donna de l'avanoement, des décorations, des
titres et des dotations à un grand nombre de soldats , d'offiders
et de généraux. Ce même jour, 24 avril, la proclamation sui-
vante fut miS|B à Tordre de i*armée :
a Soldats I vous avez Justifié mon attente; vous avez suppléé
au nombre par la bravoure ; vous avez glorieusement marqué
la différence qui existe entre les soldats de César et les cohues
armées de Xerxès.
a En peu de Jours nous avons triomphé dans les trois batailles
de Tann, d'Abensberg et d'Eckmùhl, dans les combats de
Peising, de Landshut et de Batisbonne. Cent pièces de canon,
quarante drapeaux, 50,000 prisonniers, trois équipages de pont,
trois mille voitures attelées portant les bagages, toutes les
caisses des régiments, voilà les résultats de la rapidité de vos
marches et de votre courage.
a L'ennemi, enivré par un cabinet parjure, paraissait ne
plus conserver aucun souvenir de vous ; son réveil a été prompt :
vous lui avez apparu plus terribles que jamais. Naguère il a
traversé l'Inn et envahi le territoire de nos alliés; naguère il se
promettait de porter ses armes au sein de notre patrie; aujour-
d'hui, défait, épouvanté, il fuit en désordre ; déjà mon avant-
^rde a passé Tlnn. Avant un mois nous serons à Vienne, »
CHAPITRE II.
SUITE DE L^ARIIÉE 1809.
LaroBée ftançaise s'iTuice sur Vienne ; combiAs de Neumarkt, d'EbeIsberg;
Napoléon an cbàtean de Seboenbrana; bombardement et capitulation de
Vienne ; préparatifs des français pour passer le Danube à l'Ile de Lobau ;
mouvement de Parmée autrichienne sur la rive gauche; bataille d^Essling;
roplure des ponts du Danube; l'armée française se i^re dans Hle de
Loban; mort do maréchal Lannes, dnc de Montebello. Opérations mili-
taires «n Pologne; combat de Gora ; piiae de Sandomir, de Zamose; mar-
che des troupes russes sur la Gaiicie, etc.
isoa. Ikxïx plans d'opérations s'offraient aux méditations de Tem-
Allemagne, pereuf des Français après la retraite de la plus grande partie de
Tarmée autrichienne sur la rive'gauche du Danube : celui de
rejeter Tarchiduc Charles et ses troupes dans les montagnes de
la Bohème en lui enlevant, par la poursuite la plus instante »
ses bagages , son artillerie, ses magasins, et, par là , de mettre
ce prince hors d*état de continuer la campagne ; ou bien de
marcher vivement sur la capitale de TAutriche , et d'arrêter par
ce mouvement les dispositions qui étaient déjà prises pour l'or-
ganisation de nouvelles forces. Napoléon pouvait espérer, par
l'exécution du premier de ces plans , d'anéantir les principales
forces de l'ennemi ; mais cette opération aurait traîné trop en
longueur dans un pays difQcile, où les subsistances seraient de-
venues très-rares , surtout après le passage de Tarmée vaincue,
qui aurait elle-même contribué à cet épuisement , où la cava-
lerie perdait l'avantage d'une poursuite accélérée , où les ren-
forts seraient arrivés difficilement, enfin où l'on se fût trouvé
trop éloigné de l'armée dltalie. Outre ces inconvénients, on de-
vait craindre que le gouvernement autrichien , plus rassuré sur
le sort de Vienne, n'eût le temps nécessaire pour organiser la
défense de cette ville et y former le noyau d^nne nouvelle armée.
Napoléon s'arrêta au dernier parti. Il conservait sa ligne
d'opérations principale en s*avançant ainsi vers le centre de la
104
GOSHmE D'ALLEMAGNE. 105
monarcfaJe autrichienne» et il faisait entrer dans son calcul isq^.
l'effet que ce mouvement rapide allait produire sur les esprits ^"««M«n«-
^tens le nord de l'Allemagne. 11 pensa qu'il atteindrait égale-
ment le but du premier plan, en passant le t)anube près de
Vienne après s'être emparé de cette capitale et avant que Far-
ehiduc fût en mesure de s'y opposer sur la rive gauche. A
cet effet le maréchal Davoust, auquel nous donnerons désor-
mais son glorieux titre de prince d'Ëcicmûhl, eut ordre de
suivre les mouvements du prince Charles du côté de la Bohème
et de Tempécher de se rapprocher du Danube.
Le maréchal Masséna, duc de Rivoli» dut se porter par
Straubing sur Passau , en descendant le Danube , afin de longer
ainsi le flanc gauche de l'archiduc et de le tenir en respect, en
même temps qu'il forcerait les troupes ennemies qui étaient à
Passau d'abandonner cette position.
On a vu dans le chapitre précédent que le maréchal duc
d'Tstrie avait été détaché avec la division bavaroise du général
de Wrede, celle du général Molitor et quelque cavalerie» afin
de poursuivre dans la direction de l'Inn les 5® et, 6® corps au-
trichiens, commandés par le général Hiller.
Le corps français traversa successivement Vilsbiburg et Neu-
mariLt» et il s'empara dans cette dernière ville du reste des
gros bagages , des caissons et des pontons qui avaient échappé
à la déroute de Landshut ; la cavalerie ramassa encore dans
cette mardie 15 à 1,800 traineurs de l'ennemi.
Cependant, comme Hiller avait un peu d'avance, il était ar-
rivé le 2a au soir aux bords de l'Inn; le lendemain il prit posi-
tion entre Alt et Neu*Œtting. Jugeant' bientôt, d'après les rap-
ports de ses reconnaissances, qu'il n'était pas suivi par toutes les
forces qui l'avaient attaqué et battu à Landshut» ce général dut
penser que Napoléon s'était reporté avec la plus grande partie
de Farmée sur l'archiduc, et il résolut de reprendre l'offensive
pour opérer du moins une diversion en faveur du généralissime.
En conséquence» il commença par former trois fortes avant-
gardes » l'une se dirigeant par la route d'Eggenfelden vers
Landau et Dingolfingen, sur l'Isar; la seconde occupant les
hauteurs le long de Tlj^n, et la troisième prenant position vers
Mûhldorf . Un détachement de cette dernière partit pour établir
106 LIVRB SIXIÈME.
fm9. la coinmunicatioD, du côté de Wasserburfr, avec le général Jél*
Allemagne, jachlch, qui, le 28 avril, avait évacué Munich.
Le maréchal duc d'Istrie , en prenant position à Nenmarkt
le 23 dans la soirée, arrêta le mouvement de la deuxième avant-
garde ennemie sur cette ville.
Le général Hfller avaitégalement divisé le gros de ses troupes
en trois colonnes, qui s^ébranlèrent le 24 au matin : la première,
marchant à doite de la chaussée de Neumarkt, prit la direction
de Klebing ; la deuxième suivit la chaussée, devant ^'avancer sur
. Neumarkt à mesure que la première gagnerait du terrain ; la
troisième marcha parNleder-Bergkirchen sur la rivière de Bott.
Ces trois colonnes étaient soutenues par une réserve de cinq
bataillons de grenadiers et quatre escadrons de dragons , et , en
y comprenant les avant-gardes, le tout présentait un effectif de
32,000 combattants.
Mafrii. Combat de Neumarkt. — Le maréchal Bessières avait à
peine 20,ooo honunes à opposer à ces forces. La division de
Wrede était en position en avant de Neumarkt, comme non»
l'avons dit, ayant à dos le défilé de cette petite ville et la ri-
vière de Bott, qui, bien que guéable en cet endroit^ a ses bords
très-marécageux. La division Molitor s'avançait de Viisbiborg,
mais était encore assez éloignée.
Au moment où il aperçut les tètes de colonnes ennemies , le
général de Wrede mit sa division en bataille, et, pour assurer
sa gauche, il fit occuper le village d'Ober-Schemetles bois qui
sont en avant. Les Autrichiens attaquèrent avec impétuosité
cette gauche des Bavarois , cherchèrent à la tourner, et réus^
sirent à la pousser de hauteur en hauteur Jusque derrière Neu-
markt. Le général bavarois, voyant sa gauche tournée, voulut,
pour la soutenir, retirer son centre et sa droite pour les re-
mettre en ligne de Tautre c6té de Neumarkt; mais, forcé de
passer le défilé de cette ville, ces troupes ne purent se main-
tenir en ordre et perdirent du monde. Toutefois , la division
bavaroise put venir s*appuyer à celle du général Molitor, et le
maréchal duc d'Istrie leur fit prendre une position en avant de
Vilsbiburg, sur la Vils.
Le but de Tempereur étant d'atteio4re Vienne avant T ar-
chiduc Chartes, tout en s*opposant é^ son retour sur la rive droite
GUBBBE D'ALLBMAOIfE. 107
du Danube^ il manœuvra dans la direetion de Liotz avec la mog.
.majeure partie de ses forces, pour prévenir le généralissime ^*«"'8ne.
sur ce point et sur Mauthausen et Mautern, où aboutissent les
débouchés de la Bohême et où Ton trouve des ponts.
Le maréchal duc de Montebelk) , ayant sous ses ordres , in-
dépendamment de la division Saint<-Hllaire, les deux divi-
sions dn général Ondinot et la légion portugaise, devait faire
Tavant-garde de la grande armée Jusqu'à Vienne, et les trois
divisions de grosse cavalerie, ainsi qu'une autre de cavalerie
légère, réunies en corps de réserve sous les ordres du maréchal
duc d'Istrie, devaient suivre cette avant-garde. Le maréchal
duc de Bivoli avait ordre de marcher en seconde ligne par la
route de Passau, et le maréchal prince d'Eckmûhl, après avoir
rempli sa mission , qui était de rejeter les troupes de l'archiduc
dans la Bohême, était destiné à former l'arrière-garde.
Le maréchal Masséna , qui, dès le 28 avril , avait été dirigé
sur Straubing, arriva le 26 à Passau par Plattling et Yilshofen ;
un corps qui flanquait sa droite s'avança jusqu'en face de
Schaerding. La division Boudet, qui précédemment avait été
détachée du 4*^ corps, suivait dans la même direction que ce
corps^ sur la chaussée de Straubing à Lintz, où elle aboutit en
ligne droite. Le maréchal Launes , avec le corps d'Oudinot,
réuni à la division SaintrHilaire , fit sa jonction le 26 , à Neu-
markt, avec Bessières, dont Tavant-garde , sous le général de
Wrede, atteignit l'Inn à Mûhldorf. Les Wûrtembergeois et les
deux divisions de grosse cavalerie des généraux Nansouty et
Saint-Sulpice se trouvaient dans les environs de Landshut, où la
garde impériale arriva. Le général Deroi se porta à Erding et
le prince royal à Munich. Davonst manœuvrait encore entre le
Danube et la Regen, et devait; quelques jours après, marcher h
Straubing et être remplacé par la division Dupas, venant du
nord, et celledu général Rouyer, venant dlngolstadt, qui avaient
l'ordre de se porter à Batisbonne. Enfin le prince dé Ponte-
Gorvo, qui, le 26, se trouvait dans les environs de Rudolstadt
avec 17,000 hommes de troupes saxonnes, avait Tordre de s'a-
vancer entre les frontières de la Bohème et le Danube. Ce corps
saxon, fort de vingt-trois bataillons et vingtescadrons, étaitparti
le 23 avril de Dresde, et avaitmarchéparAltenburgaux environs
1
I
108 CITBB SIMlàHB.
IS09. d*Erfurt. En conséquence de cet ordre et de celai qu'il reçut
Allemagne, ^j^^ ^^^^ .j jj^^^ç^iiSL jusqu'au 7 mai à Retz, par Plauen , Hof ,
Kemnat, Naaburg, et du 7 au 1 7 à Lintz, par Gham, Straubing,
Passau et Efferding. En même temps l'empereur ordonna la
formation d'une division de réserve à Au|s;sburg, et, quelque
temps après, d'un corps d'observation de TElbe, qui, au nombre
d'environ 14,000 bommes, se rassembla dans les environs de
Hanau, sous les ordres du duc d'Abrantès.
Tandis que l'empereur faisait ses dipositions pour marcber
rapidement sur Vienne, l'arcbidoc, dont Tarmée avait été ren-
forcée de 11 à 12,000 hommes depuis son arrivée à Gham , se
disposait àmarcher à Lintz, pour se réunir aux 30,000 hommes
de Hilier et reprendre l'offensive sur la rive droite du Danube.
En conséquence, dès le 26 avril le général Klenau se porta à
Winterberg par Neumarkt , Eisenstein et Ausser-Oefild, avec
neuf bataillons et un escadron, pour s'assurer les passages des
montagnes de la Bohème. Enmémetemps, quinzeescadrons, sous
le général Stutterheim, s'avancèrent sur Freystadt , par la route
de Klattauetde Budweis, avec Tordre de réunir tous les bateaux
du Danube sur la rive gauche et de couvrir le passage de ce
fleuve à Lintz et à Mauthausen Jusqu'à l'arrivée de Tarinée , et,
dans le cas où cette mesure ne pourrait pas être mise à exé-
cution, de détruire le pont de Lintz et de feire descendre à
Krems le pont de bateaux de Mauthausen. Le général Stut-
terhdm arriva à Freystadt le 2 mai ; le gros de l'armée atteignit
le 28 avril les environs deStrakonitz et de Sedlitz; le prince
de Rosenberg , qui couvrait à droite la marche de Tarmée ^
arriva à Winterberg par Bistrzicze et Reichenstein.
Gomme, à cette époque, les mouvements des troupes saxonnes
à la partie nord-ouest de la Bohème paraissaient menacer ce pays,
le général KoUowrath marcha aux environs de Pilsen avec vingt-
trois bataillons et seize escadrons des troupes du prince de Ho-
henasoUem, qui prit alors le commandement du 2* corps d'armée.
Dès le 26 le général de Wrede avait reçu Tordre de passer
TInn à Mùhldorf et d'attaquer le corps autrichien du général
Jellachich; mais celui-ci, prévenu le même jour de la présence
de Tennemi sur la rive droite de cette rivière , s'était retiré de
Wasserburg à Sabsburg , par Stain et Waging. Jellachich prit
GUSBBB d'aLLBMAGNB. 109
position entre Llefering et Vfiehhausen , et fit occuper ïjonkn im».
par deux compagnies et quatre escadrons. Le général bavarois» ^'^^^^^m-
ayant troQYéle pont de l'Alzadétniit à Unter-Gr&aing, passa cette
rivière y après une nuit de marclie, à Trostl)erg , et atteignit, le
28 à midi, Dittmaning, d'où cinq escadrons cliassèrent un déta-
chement autrichien qui en se retirant brûla le pont de la Salza ,
mais n'eut pas le temps de détruire les bateaux, de sorte qde le
lendemain le général de Wrede put rétablir ce pont et continuer
sa marche sur Salzburg. La résistance opiniâtre de deux batail-
lons et quatre escadrons postés à Bergheim donna le temps à
Jellachich d'évacuer Salzburg et de continuer sa retraite sur
Halleîn. Les Bavarois firent beaucoup de prisonniers en entrant
à Salzburg, et s'emparèrent des magasins que les Autrichiens y
avaient formés. Leur arrière-garde fut entamée, et perdit encore
7 officiers et 260 hommes. Jellachich se retira par Goiling sur
Radstadt. De Wrède ne le suivit pas , et marcha le 30 à Strass-
viralchen et le 3 mai à Vôcklabruck.
Pendant ce temps le maréchal duc de Dantzig , après avoir
accompagné à Munich le roi Maximilien , impatient de se
montrer à ses sujets , s'avançait également sur Salzburg , par
Wasserburg et Altenmarkt, avec les deux autres divisions ba-
varoises. Il avait ordre de pénétrer dans le Tyrol avec tout
son corps d'armée , pour en chasser les Autrichiens et assurer
de ce côté les derrières de la grande armée contre les diversions
de l'ennemi.
En arrivant devant Passau» le 26, le maréchal duc de Rivoli
avait fkit 300 prisonniers et débloqué la citadelle, où les Ba-
varois s'étaient maintenus depuis le 1 0 contre les efforts du
général Dedowich. Le même jour l'empereur était parti de Ra-
tisbonneet était ^rivé le lendemain dans la soirée à Mûhldorf,
où il avait fixé son quartier général. Le général Hiller avait
trouvé sur l'Inn quelques renforts qui étaient arrivés de l'inté-
rieur de l'empire; il reçut en même temps le commandement
en chef de toutes les forces réunies sur ce point et aux environs,
avec lesquelles il espérait pouvoir défendre les frontières pen-
dant quelque temps. La marche du maréchal Masséna ayant
fait lever le blocus du fort d'Oberhaus, le général Richter se re-
tira de l'autre c6té du Danube avec trois bataillons de landwehr,
110 UTBB SIXIEME.
igo9. et le général Dedowich à Schaerdiag avec douze tataiUons, dont
Aitemasne. ^ moitié de laodwehr; le général Hiller lui confia la défense
de ce point de passage , et mit, le 26, son corps en mouvement
pour le réunir dans la position centrale d*Altheim; ce corps ar-
riva le lendemain entre Altheim et Braunau. Jellachich, qui s*é^
tait retiré k Wasserburg , devait défendre l'intervalle qui se
trouve entre les frontières du Tyrol et \e confluent de la Salza
et de rinn, et, à cet ejQfet, devait occuper fortement les points de
Traunstein , Waging et Dittmanlng , observant seulement la
ligne de FÂlza et de llnn.
Le corps qui flanquait la droite du duc de Rivoli» et qui s'était
présenté le 26 avril en face de Scbaerding , ayant trouvé les
ponts de llnn détruits, canonna la ville et força le général De-
dowich à se retirer de ce point important ; celui-ci abandonna,
contrairement à ses instructions , la route de Lintz, et se retira
dans la direction de Ried. Hiller, qui reçut avis de cette retraite
le 27 au matin, ignorant la force des troupes françaises qui se
trouvaient à Scbaerding, se contenta d'envoyer son ayant-garde
sur TAndiesenbacb, etde faire marcber à Ried le 2^ corps de
réserve pour couvrir sa 'ligne de retraite; le lendemain toute
son armée fut réunie à Ried, et le général Schustekb fut dirigé
à Obembergavec 1 0,000 hommes pour attaquer Tennemi si cela
était possible; mais celui-ci ayant jugé cet ordre inexécutable,
et comme dans la soirée du 28 on reçut l'avis certain que la
majeure partie de l'armée française passait la Salza à Burg-
hansen, la retraite fut continuée sur Lintz jusqu'au 2 mai^ par
Haag, Lambach et Wels.
Le 27, les maréchaux Lannes et Bessières commencèrent leur
mouvement en avant deTInn, qu'ils passèrent à Mùhldorf, ainsi
que la garde impériale; le 30, Tempereur Napoléon se porta
avec toute sa garde sur Burghausen. Les Autrichiens avaient
détruit le pont de cette ville sur la Salza; le général Bertrand,
aide de oamp de l'empereur et commandant l'arme du génie,
le fit rétablir. Vivement poursuivis, les Autrichiens ne faisaient
point leur retraite avec l'ordre convenable. Le chef d'escadron
Margaron, avec cinquante chasseurs seulement, Ût mettre bas
les armes à un bataillon de la landwehr qui voulut défendre
le pont de Dittmanlng.
GUE£a£ D'ALLEMAGNE. 11|
Dq 30 avril au 2 mai l^arraée française continua sa marclie i»».
progressive, par Bied et JLainl)acii. Le général Oudinot s'em- AUcmagnc.
para de Bied , où il trouva plus de vingt mille quintaux de fa-
rine et fit 1,500 prisoimiers. Les maréchaux duc de Monte-
bdlo et duc dlstrie occupèrent Wels, qui renfermait égale-
ment des magasins considérables de vivres et de munitions; à
la droite, le marédial duc de Bantzig dirigeait une colonne sur
Kufstein» et une autre sur Badstadt, sur TEns, occupant ainsi
"^ les deux routes qui conduisent en Italie à travers le Tyrol. Une
troisième colonne, suivant la retraite du général Jellachich sur
laStyrie, atteignait Tennemi à Golliug et lui faisait éprouver
de nouvelles pertes; à la gauche, le maréchal duc de Bivoli
suivait la route de Scbaerding à Efferding. L'adjudant comman-
dant Trinqualye, commandant Tavant-garde de la division
Carra Saint-Cyr, rencontra, le i" mai, un petit corps autrichien
sur le chemin de Biedau à Neumarkt. Les chevau-légers virur-
tembergeois, les dragons badois et trois compagnies du 4^ régi-
ment de ligne, qui composaient cette avant-garde, attaquèrent
la troupe ennemie avec tant d*impétuosité qu'ils la mirent en
déroute au premier choc et lui firent 500 prisonniers : les dra-
gons badois se distinguèrent plus particulièrement. Le major
Descorches Sainte-Croix , aide de camp du duc de Bivoli, s'em-
para d'un drapeau.
Dans la nuit du 2 au 3 mai, le général Hiller reçut à Lintz
Tordre de se retirer derrière la Traun, et ensuite derrière FEns,
si le 7 mai il était repoussé de cette ville, et de chercher à
gagner du temps pour opérer à Mauthausen sa jonction avec
Tarchiduc; mais, dans le cas où il serait forcé d'abandonner
Untz avant le 7, son corps d'armée devait y passer le Danube
et détruire le pont de cette ville et celui de Mauthausen. Dans
chaque hypbthèse il devait envoyer 10,000 hommes sur la
route de Vienne, pour arrêter l'ennemi le plus longtemps pos-
sible et lui 6ter tout moyen de passage sur la rive gauche. Lors-
que Hiller reçut cet ordre du généralissime, il était suivi de
trop près par l'armée française pour songer à rester seulement
vingt-quatre heures à Lintz sans y courir le plus grand danger;
il ne lui était pas moins impossible de passer le fleuve sur un
seul pont sans y être attaqué ; aussi prit-il le parti de Tincen-
112 UVBB SIXIÀMl.
«Md. dier, et, le 3, à quatre heures du matiu, il se retira derrière la
Aii«nasic. Xraun, dans la position d'Ebelsberg ', où il s'établit forte-
ment.
Le même Jour, les ponts de la Traun étant rétablis, le maré-
chal Lannes se porta immédiatement de Web à Steyer. Le
corps de Yandamme passa l'Inn à Braunau , et fut dirigé sur
Grieskirchen pour entretenir la communication avec le corps du
duc de Rivoli. Gelui-ci, qui, depuis le 37 avril, se trouvait aux
environs de Schaerding, s'avança le l'' et le 2. mai entre
AIkoven et Efferding, et arriva le 3, au point du Jour, devant
Lintz, précédé de la cavalerie légère du général Marulaz, et suivi
de la division Ciaparède, du corps d'Oudinot. Le corps de Hiller
était alors en marche de Lintz àEbelsherg. Les convois du train
et des équipages, qui furent rencontrés près de Kldn-Mûochen,
arrêtèrent assez longtemps les colonnes autrichiennes pour que
les dernières troupes n'atteignissent qu'entre huit et neuf heures
la rive droite de la Traun. Le 6^ et le 6*^ corps restèrent immé-
diatement derrière Ëbelsberg ; le général Kienmayer se porta Jus-
qu'à Asten. On n'avait alors aucune nouvelle du détachement
du général Schustekh, qui formait l'arrière-garde.
^ La position d'Ebelsberg avait l'avantage de ne pouvoir être
tournée par sa droite ; du côté de Wels , la Krems, afQuent de
la Traun, et le ruisseau de Gottschalling, qui en est peu éloigné,
rendent la gauche d'une défense facile. Une attaque de front
n'est possible que par le pont de la Traun, d'une longueur de
plus de deux cents toises. Ëbelsberg est une petite ville sur la
Traun, adossée au nord-est à des hauteurs boisées. Elle est
commandée par un château, entouré d'un double fossé, que dé-
fendaient trois compagnies. Une batterie de pièces de €, établie
au pied ouest de la hauteur du château, ^ deux bataillons défen-
daient les abords de la rivière. Huit bataillons et seize escadrons
de l'arrière-garde du général Schustekh arrivèrent dans la ma-
' Tontes les relations françaises écrivent Sbersberpiuoui avons préféré
adopter l'orthographe de la carte de Vempire d'Autriche dresaée par Té-
tat-major impérial et royal, en 1822.
Shersberg est un bourg de Bavière, cercle de l'Isar, à 6 lieues E. S. E. de
Munich. Ëbelsberg est une petite ville d'Autriche sur la Traun, à 1 mille
S. E. de Lintz.
Uhée à KldA-Mânclieii et à SduMiliiig» où il» s*arrâtèrent pour not.
attendre ce général» qui était encore en arrière avec six batail- ^''^^^i"
Ions et huit escadrons.
Combat d'Eôelsberg. L'empereur Napoléon , qui aya&t son s mn.
quartier à Lam)>acli, inetndt de la portion des troupes enne-
mies, avait donné au général Ondinot et au maréchal duc d'Is-
trie l'ordre de s'avancer dans la direction d'Ebelsberg , afin
d'ai^uyer le mouvement du doc de Rivoli, qui» n'ayant pas
trouvé d'ennemis àLiutz, s*était porté en avant.
Entre neuf et dix heures, les avant-postes de rarrière^arde au-
tridiienne furent attaqués en même temps sur la route de Lintz
par la division Glaparède et sur celle de Wels par le maréchal
Bessières^ qui, étant parti le matin de cette dernière ville avec
quelques brigades de cavalerie légère, s*était avancé par la rive
gauche de la Traun. A Tinstant où le maréchal commençait son
attaque, le général Sdiustekh, débouchant de Hart, atteignit
la chaussée» et parvint, après un léger engagement , à franchir
la Traun avec ses huit escadrons. Un bataillon d'arrière-garde, .
qui suivait de loin, fut pris. Le reste des troupes, couvert par
six bataillons postés à Klein-lf ûnchen , commença alors à
passer le pont de la Traun^ Tandis que ce passage s'opéri^^ ,
non sans quelque désordre , sous le feu violent des premières
troupes du corps du duc de Bivoli» qui, en peu d*instants, mit
000 Autrichiens hors de combat, le général Goehorn, de la di-
viuon Glaparède, 8*élançantà la tète des bataillons des tirailleurs
du P^ et des voltigeurs corses» aborda hardiment l'ennemi au
moment où celui-ci défilait sur le pont sous la protection des
batteries placées sur la rive droite. Ge pont se prolonge sur plu-
sîeumllotaetbras que forme la rivière» et présente un trigetassez
considérable à parcourir. Plusieurs fois les braves tirailleurs et
voltigeurs s'y précipitèrent avec l'élan le plus impétueux ; au-
tant de lois leur tète de colonne fut arrêtée par la violence du
feu de l'ennemL Le général Glaparède s'avança alors avec le
reste de sa division. Gette masse poussant la brigade Goehorn,
qui ftisalt des prodiges de valeur, en un moment canons» cais-
sons, chariots, himimes» chevalix^furent culbutés.dans la Traun»
et les Français entrèrent dansEbelsberg; ils traversèrent rapide-
ment le faubourg situé au sud-ouest^ où s'appuyait Taile gauche
114 unu «Liiko.
1109. de Bilter ; mais, attaqoég par ks troupes ptaflAéi i l'eftlté» dm
âiieinaiine. fguboorg^ {{9 furent reponsséB avee perte^ jiuqiie dan» la YiMe et
ensuite Jusqu'au pont. Mais le général Legrand^ arrivant alors
à la tète du 16* régiment d*inûmterie légère et du la* de ligne,
3*avança en colonnes serrées sur le pont et arrêta les Autri-
chiens, qui, renonçant dès lovs à«e mainteDir^ mirent le feu à
lË tille pour arrêter les colonnes françaises. En effet Tinoendie
s*étant répandu rapidement erapéefaa la«avalerie et TartlUerle
de d^oucher du pont ; car, le feu ayant pris aux «Aisons qui
avolsininent «e pont , les premières arehes de ce c6té furent
brûlées, en sorte que les troupes françalsesqui avaient déjà passé
se trouvèrent séparées -des autres, et foroées de lutter contre
les 80,000 Autrichiens que le général fliller avaitlomiés en ba-
' taille sur les hauteurs en arrière de la ville. La division Clapap»
rède , à peine forte de 7,000 combattants, eiiA seule à soutenir
pendant trois heures un engagementaussi inégal, et eUe le fit avec
une résolution et une intrépidité dignes des plus frands éloges.
ToutefOiSMeette poignée de braves aundt toi par sucoombersi
les autres divisions , accourant à sen seoours, n*étatent par»>
venues à 4étoumer 4es 'flammes et à rétablir -les oommuoi«-
cations. Le général Legrandfle joignant ators au générai Du-
rôsnel, qui arrivait de Wels, par la rive droKe de la Traun, avec
1 ,oeo chevaux, ils se portèrent ensemble an secours du général
Ciaparède, au moment oè Hiller, craignant d*étre débordé par
sa gauche, se retirait sur l'Ens, dont it détruisit le pont. Aus-
sitôt que rempereur avait entendu le canon dans la direction
â*Ebelsberg, il s'était avancé par la rive droke avec les dlvislens
Molitor et Nansouty? mais il n'arriva qu'après la retraite de
l'ennemi, qui laissa quatre canons, deux drapeauxetun monceau
de morts dans cette malheureuse ville d'Ebelsberg , dont les
ruines fumaient encore huit Jours après le combat. IM mai-
sons, les rues, les bords dé la Traun étaient encombrés dé ca-
davres à demibrâiés. Cette joarnée coûta encore aux AiM-
chiens 4,500 hommes tués ou blessés, et 6 à 7,000 prisonniers.
La division du général Claparède, qui venait de se distinguer
d'une manière si spéciale, avait perdu plus de 300 hommes
tués et près de 700 blessés grièvement; le général Goehom,
officier d'une rare valeur, avait eu un cheval tué sous lui ; tes
«oioBflb Gardcoml et Lsody fMmA i^téft siM- le champ de bn^ im.
tÉille; une eomptgnle de Y«lti§0iira conet, «a poorsiiivaikt fen-
nemi, fit à eUeseole loo prisonnien dans nu b^is.
Pendant ee glorieax oombat d'EMsberg, le due de Monte-
Jidio arrivait à Steyer et y faisait rétabHr» le 4, le pont qne le
général Nordmann , eoupé dn reste de TariBée , avait brûlé en
se retirant sur Vienne par Gamlng et Lllienfeld. Napoléen
coadia le même aoir à Ens et y reçut les dépatéa du cercle
de fa bante Antriefae*
Sar ces entrefaites, les antres corps qoi devaient faire partie
de la grande armée française s'avançaient rapidement pour
opérer leur jonction avec ceux qui étaient déjà en ligne. Le
9* corps, commandé par le maréchal prince de Ponte*Gorvo et
composé en entier dn contingent da roi de Saxe, an nombre
de 30,000 hommes , avait longé la frontière oeddentale de la
Bohème et venait de s'emparer d'Égra^ Hprès avoir dissipé nn
corps assez considérable de landwefar, qui s'y était rassemblé.
Le 6 mai , le prince de Ponte-Gorvo avait son quartier géné-
ral à Betz, sur la grande route de Botisbonne à Prague.
Le lendemain, le duc de M^tebello arriva avec ses troupes
à MOlk, pendant que le duc dé Bivoll le remplaçait avec les
siennes à Amstetten*.
Aaeun obstacle sérieux n'arrèti^t plus désormais la marche
de Napoléon sur Vienne » et le mouvement des troupes fran-
çatoessuf la rive droite du Danube était d'autant mieux a»-
snré qu'à cette époque le maréchal prinoe d'Eckmâbl venait
de prendre position avec son corps devant Lintz , où se dlrt»*
geaient également les Wurleroberget^ sous les ordres du gêné-
lal Vandamme.
Depuis le 24 avril jusqu'au 30,, le prinoe d^Gckmûhl avait
' La Teille, PaTaot-garde du 2* corps (celoî de Lauiea) ayait attaqué
une arrière-garde autrichienne près d*Amstetten. Le général Edouard Col-
bert, chargeant à la tête du 29* régiment de chasseurs, écrasa la cavalerie
ennemie, et fit 500 hulans prisonnion. te jeune Laurtston, Sla du gé^
Déral de oe nom, âgé de dix-huit ans, et sorti des pages depuis six moi»,
lutta aeui coatra le colonel des huLans et lui fit remettre son sabre. L'em-
pereur, informé de ce trait de Taillance, accorda sur-le-champ la décora-
tion de la Légion au jeune sous-lieutenant qui débutait d'une manière aussi
glorieuse.
1 16 urmi sixiàvi.
flW9. mâvi l'ardildue Oiartei dans la direottoii de la Bohèine, et
s'était avancé Jasqv^àNittenau, où les reeonnaissaiiees en-
voyées sur les frontières lui apprirent qoe rennemt s'enfonçait
déeidément dans oe royanme. Le marédial mareha atora sur
Stranbing, et suivit le mouvement de la grande armée par
Passau et Ldntz , où il arriva le S mai. il eut alors l'ordre . de
rester dans cette position pour observer le mouvement de
l'armée de l'archiduc Charles,' qui paraissait se porter sur
Vienne par les routes qui y conduisent de la Bohème, et dont
les avant-postes se montraient déjà sur la rive gauche du Da-
nube.
Le Jour même du combat d*Ebelsberg, deux trains de bois
lourdement chargés et emportés par la rapidité du courant
contre le pont de bateaux de Mauthausen Pavaient détruit, ee
qui força le général Hiller à se diriger sur Mautem, où U ar-
riva le 7 mai par Amstetten, Kemmelbach et MOlk. Le lende-
main il passa sur la rive gauche du Danube avec la majeure
partie de ses troupes» après avoir dirigé sur la grande route de
Vienne le général Dedowich avec vlngt-deui bataillons et faijt
escadrons, pour aider à la défense de cette ville jusqu'à l'arrivée
de l'arobiduc Charles , qui espérait encore pouvoir opérer sur
les deux rives du Danube.
Les corps des maréchaux Masséna et Lannes se réunirent
le 9 auprès deSieghardskirchen, à quatre lieues de la capitale
de ^Autriche. Ce même jour l'empereur Napoléon avait son
quartier général à Saint-Pôiten ; le marédial prince d'Eck-
mkhl quittait Lintz pour se porter sur MôIk. Les troupes vrur-
tembeiigeoises remplaçaient le 3* corps à Lintz; le prince 'de
Ponte-Corvo s'avançait sur les derrières de rarchiducCharles^
rinquiétant par diverses démonstrations et l'obligeant à par-
tager ses forces; enfin le maréchal duc de Dantzig, continuant
à marcher vers le Tyrol avec le corps bavarois, arrivait sur
Innsbrûck, afin de prendre à revers les détachements autrichiens
qui occupaient encore le.pays et inquiétaient cette partie des
frontières de la Bavière.
Le 10 , à neuf heures du matin , Napoléon parut aux portes
de Vienne avec le corps du duc de Montebello. a C'était, dit
le bulletin officiel , à la même heure, le même Jour, et un mois
6U£BBB I> ALLB1U.G1IS. 117
Juste après que Tarmée aatriAtenne aurait passé Vlun poii( isos.
envahir la Bavière. » AUemagn*.
Bombardement et eapitultUion de Vienne. — L'empereur if-ismai.
avait eoQcfaé la veille au chAteau impérial de Schônbrunn, situé
à une demi*lteue vers le midi, et dans Une position très-fa-
vorable à la direction des opérations autour de cette capitale
de r Autriche , dont Tarchidac Maximilien devait diriger la dé-
fense. La garnison se composait de quinze bataillons de land-
wehr, auxquds se réunirent les détadiementa des généraux
Dedov?ich et Nordmann, ce qui composait une force de 35,000
hommes, dont plus de la moitié formée de soldats peu exercés
et peu propres à défendre des ûiuboorgs entourés d'un simple
boulevard; on se borna donc à occuper les ouvrages de la ville
proprement dite, ainsi que la grande lie située au nord, qui ren-
ferme le Prater, les plaines de Leopoldstadt et de Brigittenaue.
Cette lie, importante par sa communication avec le pont de
Tabor, devait être armée de redoutes; mais il n'était déjà plus
temps d'exécuter ees travaux, au moment où Ton songea à les
entreprendre. La présence de ces troupes et la pensée d'être
promptement secourus par Tarmée de Farchiduc CliarleSy à la-
quelle venait de se Joindre le général Hiller, avaient excité les
Viennois à se défendre Jusqu'à la dernière extrémité : les fau-
bourgs, qui ne lynt pas fortifiés, et qui contiennent les deux
tiers de la population, se rendirent sans résistance aux troupes
du général Oudinot; mais, lorsque le général Tharreau, com-
mandant l'avant-garde, s'avança sur l'esplanade qui sépare les
faubourgs de la cité, les canons des remparts tirèr^t à mi*
trallle sur lui et le forcèrent à s'éloigner; ce général reçut en
cette occasion une blessure assez légère.
Le duc de Montebello, par ordre de l'empereur Napoléon ,
envoya alors le colonel Lagrange pour sommer la ville d'ou-
vrir ses portes^ Ce parlementaire fui introduit; mais à peine
avait-il fait quelques pas dans la ville que la populace ameutée
se jeta sur lui pour le massacrer. Il était déjà couvert de bles-
sures lorsque le général O'Reilly fit avancer un piquet de
troupes de ligne pour le retirer des mains de ces furieux , et
épargner au peuple de Vienne le crime de violer le droit le
plus sacré de la guerre. Mais, tandis que le colonel Lagrang»
fis LiTBB siiikm.
leet. échappait ainsi à une mort certaine, une partie de la mllioe
urbaine promenait en triomplie un garçon bouclier qui avait
porté les premiers coups à cet ofQcler.
Maître des dehors de Vienne , l'empereur avait nommé sur-
le-champ le général Andréossy gouverneur de la ville; celui-ci
•réunit en députation un certain nombre des principaux habi-
tants des faubourgs, et les envoya au château de Sch6nbrunn.
Napoléon accueillit ces députés avec beaucoup de bienveillance,
et les chargea de porter à rarchidoc la lettre suivante, qu'écri-
vit le mi^or général prince de Neuchfttel :
« S. M. Tempereur et roi désire épargner à cette grande et
intéressante population les calamités dont elle est menacée , et
me charge de représenter à V. A. que, si elle continue à vou-
loir défendre la place , elle causera la destruction d*une des
plus belles villes de TEurope. Dans tous les pays où la guerre
l'a porté, mon souverain a fait connaître sa sollicitude pour
écarter ces désastres des populations désarmées. Y. A. doit
être persuadée que S. M. est sensiblement affectée de voir, au
momoit de sa ruine, une ville qu'elle tient à gloire d*avoir déjà
sauvée; cependant, contre l'usage établi dans les forteresses ,
V. A. a fait tirer le canon du côté de la ville, et ce canon pou-
vait tuer, non un ennemi de votre souverain , mais la femme
ou l'enfant de ses plus zélés s^viteurs. Si jf. A. continue à
vouloir défendre la place, S. M. sera forcée de faire commencer
les travaux d*attaque , et la ruine de cette immense capitale
sera consommée en trente-six heures par le feu des obus et des
bombes de nos batteries , comme la ville extérieure sera dé-
truite par le feu des vôtres. S. M. ne doute pas que ces con-
sidérations n'engagent Y. A. à renoncer à une détermination
.qui ne retarderait que de quelques instants la prise de la place.
Knfln , si Y. A. ne se décide pas à prendre un parti qui sauve
' la ville , sa population , plongée par votre fttute dans des mal-
heurs aussi affreux , deviendra, de 9ujets fidèles , ennemie de
votre maison. » La députation qui portait cette nouvelle som-
mation entra le il , à neuf heures du matin, dans la cité ;'mais,
une heure après, le feu des remparts recommença sur tous les
points : c'était la seule réponse que voulut faire l'archiduc;
tiuinze habitants et deux soldats français forent tués.
Eédnit^ malgré loi y à la dore néeesHté de faire bombarder itoe^
Vimne, Kapoiéoa 8o porta avec le duc >de Rivoli sur le bra9 ^"^^"*^'*-
du Danube qui sépare la pronieiiade appelée le Praterde^ fau-
bourgs, et fit oecaper par deux compagnies de voltigeurs, sous
le «aomroaodemait du chef d'eseadrou Talbouet, officier d'or*^
dounaiice» un petit pavUioQ sur la rive gauche, afin de proté»
ger la construction d'un pont en cet endroit. Un bataillon de
grenadiers ennemia » qui défendait ce passage , fut chassé par
ces denx compagnies, protégées par le feu de quinze pièces d'ar-
tillerie ; à huit heures du soir lés matériaux pour la construction
dû pont étaient déjà réunis. Le capitaine Pourtalès, aide de
camp du prince de Neucbâtel ^ et l'aide de camp du générai
Boudet ^ Susaldi, s'étaient jetés des premiers à la nage pour ra-
mener deux bateaux qui étaient sur la rive opposée, et qui ser-
virent au passage des voltigeur» du commandant Talhouet.
Les troupes françaises formaient alors un cercle autour des
remparts , la gauche appuyée au Danube , près de Dobling , la
droite à Simring , le centre aux environs de SchOnbrunn.
Le général du génie Bertrand et le général d'artillerie Navelet •
clioisirent, pour élever une batterie de vingt obusiers» destinée
à bombarder la ville, le même emplacement où les Turcs avaient
ouvert leur tranchée dans le siège de 1683, et qui n'était éloi-
gné que de cent toises de la place.
Cette batterie, couverte par les écuries de l'empereur d*Au-
trlehe, bâties sur le même terrain, commença à neuf heures
du soir un bombardement que ne pouvait point contrarier le
feu des remparts; dix-huit cents obus furent lancés en peu
de temps; plusieurs hôtels et grands bâtiments dans Tintérleur
de la ville devinrent la proie des flammes. Cet incendie répan<-
dit le plus grand trouble au milieu de l'Immense population qui
se trouvait encombrée dans un espace beaucoup trop resserré
pour elle. Un parlementaire sortit de la ville sur ces entrefaites»
pour annoncer que la Jeune archiduchesse Marie-Louise, alors
malade de la petite vérole , n'ayant pu suivre son père et sa
famille, se trouvait dans le palais impérial , exposée au feu de
rartillerie française; Napoléon, par égard pour cette princesse;
fH changer la direction des batteries, de manière à ce que le
palais fût épargné.
130 LITEB SIXiteB*
iMO, • Â Qoe beure du matin, Tarehidiic Maximilien fit Hiardier
AUtuiagnf. deux batalllous pour reprendre le pavillon qui protégeait la ocm-
struction du pont par lequel l'empereur voulait pénétrer dans le
Prater. Les deux compagnies de voltigeurs logées dans ce petit
bâtiment l'avaient crénelé; elles reçurent rennemi à bout por-
tant. Leur feu, et celui de la batterie de quinze pièces de canon
établie sur l'autre rive , ayant renversé une partie de la colonne
autrichienne y le reste se sauva dans le plus grand désordre.
Immédiatement après cet événement, un conseil de guerre
assemblé par Farchiduc ayant déclaré qu*il était Impossible de
se maintenir dans la ville jusqu'à l'arrivée de l'armée principale^
la retraite sur la rive gauche du Danube fût résolue et exécutée
le 13 au matin. L'archiduc ne laissa dans Vienne que quelques
centaines d'hommes, sous les ordres du général O'Reiily , qu'il
autorisa à traiter de la capitulation.
Le même Jour, ce général envoya un offlcier aux avant-postes
français pour demander qu'on cessât le feu, et pour prévenir
qu'une députation allait se rendre auprès de l'empereur Napo-
* léon. En effet, peu de temps après, cette députation, com-
posée des personnes les plus distinguées de la ville , se rendit au
château de Schônbrunn, où le monarque français lui promit
d'accorder A la capitale des États autridiiens la même capitu-
lation que celle qu'il lui avait octroyée en 1805. Les articles
en furent signés dans la soirée, et, le lendemain 13, les troupes
du général Oudinot occupèrent la ville , dont la garnison resta
prisonnière de guerre,
is-si mal. . Passage du Danube par une partie de larmée française;
mouvements de l'année autrichienne sur la rive gauche de ce
fleuve. — Napoléon ne fit point d'entrée dans Vienne; le jour
même où la garnison autrichienoe mit bas les armes , il adressa»
du château de Schônbrunn, la proolamation suivante à son
armée :
« Soldats! un mois après que l'ennemi passa l'Inn , au même
Jour, à la même heure, nous sommes entrés dans Vienne.
« Ses landvrehrs ou levées en masse , ses remparts créés par
la rage impuissante de la maison de Lorraine, n'ont poiut son-
tenu nos regards. Les princes de cette maison ont abandonné la
capitale, non comme des soldats d'honneur qui cèdent aux cir-
GUSKBE d'àLLEMJLGMB. 121
constances y mais comme des parjures qae poursuivent leurs tw».
propres remords. En fuyant de Vienne, leurs adieux à ses ha*
bitants ont été le meurtre et l'incendie ; comme Médée, ils ont,
de leurs propres mains, égorgé leurs enfants.
<t Le peuple de Vienne , selon l'expression de la députation
de ses foubourgs , délaissé , abandonné y veuf» sera Tobjet de voâ.
égards ; J'en prends les bons habitants sous ma spéciale protec-
tion ; quant aux hommes turbulents et mécliantSy J'en ferai une
justice exemplaire.
<r Soldats I soyons bons pour les pauvres paysans, pour ce
bon peuple qui a tant de droits à votre estime ; ne conservons
aucun orgueil de nos succès ; voyons-y une preuve de cette Jus*
tice divine qui punit Vingrat et le parjure. »
Les corps des ducs de Rivoli^ de Montebello et dlstrle furent
cantonnés dans les environs de Vienne , et la garde impériale
auprès du château de Schônbrunn. L'empereur passa les troupes
en revue à mesure qu'elles arrivaient , distribua des récompenses
à ceux qui s'étaient distingués dans les dernières affaires^ et
ordonna les préparati& pour le passage du Danube.
De son côté l'archiduc généralissime n'avait pas encore re-*
nonce à son projet de passer le Danube sur les derrières de
l'armée française et de porter le théâtre de la guerre sur la rive
droite. Il était arrivé le 4 mai dans les environs de Budweis et
d'Ochsbrunn, où, ayant appris les événements d'Ebelslierg et de
Mauthausen, il avait donné l'ordre à Hiller de ne pas détruire
complètement le pont de Mautem, et de le mettre dans un état
a pouvoir être rétabli promptement s'il devait servir au passage
de l'armée. Immédiatement après avoir donné cet ordre, il reçut
l'avis qu'un détachement wurteml)ergeois embarqué â Lintz
avait culbuté, le 5 , les land-wehrs du général Richter, et qu'il
avait aussitôt commencé à travailler au rétablissement du pont
et des retranchements d'Urfahr-Lintz. Enfin, le Jour où l'em-
pereur parut devant Vienne, l'armée autrichienne, qui était
restée deux Jours à Budweis , n'avait encore marché que Jusqu^à
Zwettel. Le généralissime, craignant que l'empereur ne passât
rapidement de Nussdorf sur la rive gauche du Danube , ordonna
à Hiller d'observer le cours du fleuve depuis ce point de passage
lusqu'à Tuin et de laisser 8,000 hommes à Krems pour s'assurer
1S2 Liv£« srxitiis»
itao. du pont; mais quand retordre lui parvint , dam b xmli 4a 9 ao
Aiiemagiie. | ^^ ^ général avait déjà dirigé le 2* corps de réservé sur Kircb-
I)ergf et, contiDuant sa marche, il était parvenu avec ses pre-
mières divisions à Jedler8d(H*f-am-Spitz, le 1 1 à sept heures du
matin, d'où cinq iwtaillons avaient été détachés pour renforcer
Ja garnison de Vienne.
Après le départ de i'archiduc Maximilien et la capitulation
de la capitale y le général Eiiller avait pris le commandement ea
chef de tontes les troupes ; 11 fit incendier le pont de Tahor, éta-
blit un camp près de Stammersdorf ^ et assura la communica-
tion avec la division de Krems par l'envoi d'un détachement
à Stockeran. Il lui restait alors quarante-deux bataillons et
trente-huit escadrons, y compris cinq bataUlons répartis entre
Stadelao , Gross-Aspem , Essling et Gross-Enzersdorf , pour ob-
server la rive gauche du Danube. L'opération la plus Impor*
tante pour Tarmée française était de passer sur cette rive avant
Tarrivée de Tannée de rarchiduc.
Trois points s'offraient poiir cette opération : le premier, à
gauche de la ville , près du village de Nussdorf et au-dessous
du Bisamberg, avait l'avantage d'une position excellente sur
l'autre rive, si l'on pouvait traverser d'abord le fleuve en assez
grandes forces pour l'occuper avant l'ennemi et s'y maintenir.
Le second point était à droite, entre l'ile de liObau et Près-
borg. Le Danube , en cet endroit , n'est point divisé en plusieurs
bras, et les hauteurs qui sont sur la rive droite donnent la fa-
cilité de protéger les travaux par des batteries plongeantes.
Le troisième, auquel l'empereur donna la préférence, était
nie de Lobau', située à une lieue et demie à l'est de Vienne^
non loin de Kaiser-EbersdorL Cette île est couverte de bois et
entourée de tous c^és de broussailles qui cachent la vue de
l'intérieur, même des lieux les plus élevés.
Dès le 12 , le corps du duc de Rivoli fut dirigé sur ce point.
Le maréchal Lannes se porta à Nussdorf. Les hauteurs qui s'é-
lèvent immédiatement en arrière de ce lieu favorisaient l'empla-
cement de l'artillerie destinée à faciliter la construction des
' La plupart des nombreuses Iles que le Danube foime à TE. et au S. E.
de Vienne sont appelées Aue en allemand , mot qui signifie plaine fertila,.
pré, prairie. Die Lob Àtte, la plaine de Lob ov Lobaue,
GQBIBI D^ALLBHAGRB. 128
ponts spf le bras principal du fleuve. Ce bras, d'une largeur d'en» i^q,
-vlron six cents pas , se trouvait protégé contre le feu des bat- AiicmaKiie.
teries de la rive gauche par l'tle de Jedelsee {JedeUeer Aue).
Cette Ile» boisée en grande partie., pouvait contenir un corps
notnbreux de troupes, auxquelles un bras mort de peu de lar^
geur, appelé la Sckwarze Loche, n'aurait opposé qu'un faible
obstacle pour passer dans la plaine du Marcbfeld. La réussite
de cette entreprise offrait surtout le grand avantage de pouvoir
rétablir le pont de Tabor^ au moyen duquel Tarmée française
s'emparait de rembranchement des deux routes de Bohème et
de Moravie ; mais la tentative échoua. Plusieurs compagnies de
voltigeurs, embarquées le 1 3 mai dès le matin, furent attaquées
en alM>rdant par quelques détachements de landwehr, au se-
cours desquels Hiller envoya six bataillons du régiment de
kerpen. Ceux-ci s'avancèrent sur trois colonnes contre les vol*
tueurs, qui, après avoir combattu avec opiniâtreté, furent re-
foulés à la partie sud-est de l'Ile, avec perte de 280 hommes
tués et 385 prisonniers, dont 15 ofilciers. Les Autricliiens per*
dirent 368 hommes tués ou blessés, dont 0 ofilciers. Hiller fit
occuper fortement toute Tile , et Ton dut renoncer pour l'instant
à renouveler Tentreprise du passage sur ce point.
Le pont de Mautern ayant été brûlé, le 10 , par le général
Schustekh, qui commandait la division laissée à Krems, le gêné*
raltssime partit de Zwettel et marcha, du 1 1 au 13, par Neu*
Pôlla et Horn , à Gross-Weickersdorf , où il apprit, le 14, le ré*
snltat du combat livré la veille dans Ttie de Jedelsee. La direct
tJon suivie par ce prince semblait indiquer l'intention de passer
le Danube à Toln; mais la tentative des Français pour pénétrer
immédiatement dans la plaine du Marchfeld lui fit prendre la
résolution de s'y porter avec toute son armée pour les arrêter
ei| leur livrant une grande bataille. Le même Jour il atteignit
Gôllersdorf , et « dans la nuit du 16 au 16 , il arriva en arrière
du Bisamberg, où il établit un camp entre Saint-Yeit et Hagen-
brunn, ainsi qu'à Enzesfeld, Ebersdorf et Pillichsdorf. Le gé*
néral Hofmdster fut envoyé avec trois bataillons à Presburg,
où l'on commença la construction d'une tète de pont sur la rive
droite du Danube.
Depuis l'arrivée de l'armée autrichienne dans le Mirchfeld,
124 LIYfll SIXISIIK.'
iMo^ il ne pouvait plos être question de tenter de nouveau le passage
du Danube à Nussdorf ; on fit donc les dispositions nécessaires
pour Feffectuer au point que l'empereur avait choisi , en fiice
de Kalser-Ëbersdorf.
Ce point de passage bien reconnu par les officiers du géilie>
Tempereur fit avancer, le 1 7 , 1^ division Molitor entre le village
d'Ebersdorf et le bord du Danube, vers un petit bois autour
duquel se rangèrent les troupes, et il se rendit lui-même sur ce
terrain vers six heures du soir. Bientôt après il fit embarquer
les compagnies de voltigeurs de la division sur des bateaux réunis
à cet effet. Un faible détachement ennemi, qui gardait Tlle
de LobaU; en fut chassé sans peine.
L'empereur voulut présidera l'embarquement des troupes^
et il s'occupa des moindres détails. Pendant ce temps , le gé-
néral Bertrand préparait, à une portée de canon de Tendroit
de passage, les deux ponts qui devaient être établis pour arriver
dans rtle de Lobau , attendu qu'entre cette Ile et la rive droite
se trouve un petit Ilot appelé Schneiderhaufen , qui divise ce
bras du fleuve en deux. Napoléon établit son quartier général
à Ebersdorf .
Le 19 les deux ponts furent terminés, et les troupes, qui
arrivaient de tous côtés, prenant successivement position aux
environs d'Ebersdorf, purent commencer à passer dans File de
Lobau , lieu de rassemblement et place d'armes en quelque sorte
des opérations. Pendant tous ces préparatifs, c'est-à-dire du
13 au 20 mai , les corps d'armée du prince d'Eckmûhl et du
prince de Ponte-Corvo s'étaient rapprochés de l'armée princi-
pale ; le premier s'était porté de Môlk sur Saint-Pôlten , et avait
cantonné ses troupes entre ce dernier bourg et Siegardskircheo.
Le maréchal pjrince de Ponte-Corvo était descendu par la rive
gauche sur Lintz , pour se réunir au corps wurtembergeois qui
occupait cette ville, ainsi que nous l'avons déjà dit.
Napoléon passa le 20 dans Tlie de Lobau, et fit établir un
nouveau pont sur le troisième bras du fleuve , entre les villages
de Gross-Aspem et d'EssIing. Ce bras n'ayant que soixante-
dix toises de largeur, quinze pontons suffirent pour former le
pont , qui fut achevé en trois heures par les soins et sous la di-
rection iiu colonel d'artillerie Aubry. Le major Descorches
GUEBBB D ALLBMAGEIB. 125
Sftinte-Grdix , aide de camp du maréchal duc de Rivoli, était iiooi
passé le premier en bateau sur la rive gauche avec 200 voIU- ^"•™«»«-
genrs de la division Molitor, pour favoriser rétablissement du
pont , sur lequel la division Molitor déboucha à six heures du
soir. La division de cavalerie légère , commandée par le gé-
néral Lasatle , suivit, et eut , presque aussitôt après son passage,
un engagement avec quelques régiments de cavalerie ennemie.
A six heures les troupes françaises occupèrent sans opposition
sérieuse les villages d*Âspem et d*£s8ling.
La division Marulaz suivait celle de Lasalle, lorsque le pont
se^roropit, et ce ne fut que le lendemain, à trois heures du matin,
que le 4® corps put continuer à défiler. Dès la pointe du Jour
reropereur, aecompagné du prince de Neuchàtel et des maré-
chaux ducs de Rivoli et de Montebello, reconnut la position,
et établit sur-le-champ son ordre de bataille à l'entrée de la
plaine du Marchfeld, la gauche appuyée au village de Gross-
Aspem, le centre à Essiing, et la droite vis-à-vis de Gross-
Enasersdorf , à un petit bois au bord du Danube. Les deux vil*
iages de Gross-Aspem et d'EssIing sont naturellement retran-
chés par des murs de maisons en pierre , et se trouvent liés entre
eux par nne double ligne de fossés , pratiqués pour Técoulement
des eaux lorsque le Danube déborde; Gross-Aspem s'appuie en
outre contre un petit bras du Danube , formé par une lie qui
est précisément derrière le village. C'est dans cette position que
r^apoléon attendait le reste de son armée, pour la conduire a
une attaque générale.
Rendons compte maintenant des mouvements de Tarmée au-
trichienne sur la rive gauche du Danube.
On a déjà vu querarchiduc Charles, après avoir fiiit un long
circuit par la Bohème , s'était rapproché du Danube et avait
rallié à son armée les troupes du général Hillcr, passées dès
le 7 mai sur la rive gauche. Le corps du général Kollowrath
était resté en observation sur les frontières de Bohème , pour
s^opposer aux entreprises que le prince de Ponte-Corvo et le
général Yandamme pourraient faire de ce côté, en partant
du point de Lintz, où ils étaient placés l'un et l'autre. Dix-sept
bataillons delandv^ehr occupaient Pilsen lorsque le général Kol-
lowrath arriva dans cette ville le 6 mai où il reçut de Tarchl-
136 UVBK SIXlàMB.
1609. duc Tordre de se porter à Budweis. Son corps se cpnqposalt d»
AHeiDagne. p|^g ^^ 30,000 hommes. Pendant la marche de ce corps snr
Radwcis, le général Radiwoje^rich fut dirigé snr Klattau pour
observer le marédial Bemadotte, qui marchait sur Straubing
en longeant les frontières de la Bohème. A Budweis, Kollowrath
reçut l'ordre de rejeter sur la rive droite du Danube les Wur-
tembergeois qui occupaient Urfahr-Lintz; mais, mal secondé par
les généraux SainWulien et Sommariva, et vaUlamment contenu
par les troupes de Vandamme , il fut forcé de se retirer avec
perte à l'arrivée de la première division des troupes saxonnes
du maréchal Bemadotte.
Arrivé depuis le 1 6 au pied du Bisamberg, Tardiiduc ne pou-
vait point douter que i'empereur ne se préparât à passer le Da^
nube; mais il résolut de ne point s*y opposer, afin de livrer ba-
taille à Farmlée firançaise ayant à. dos le Danube, qui, dans
cette saison , est sujet à des débordements.
Dès le 19 il apprit, par les avant-postes, l'occupation de l'Ile
de Lobau, et, le lendemain, la construction du pont sur le troi;
sième bras du Danube. Afin de donner plus de sécurité en quel*
que sorte à son adversaire , il ordonna alors à son avant-garde,
commandée par le général Klenau, de se replier à mesure que
les troupes françaises se déploieraient, et en même temps il
s'occupa de faire réunir et préparer tous les moyens propres^ à
opérer la destruction des ponts, ainsi que nous le dirons plut
loin.
21 et 22 mai. Bataille d'Essling. — Dans la nuit du 1 9 au 20 maU'ardiiduc
avait fait avancer seize escadrons à Raschdorf, et le lendemain
la majeure partie de son infanterie campa entre Gerasdorf et
Sů la cavalerie se porta à Aderklaa. Le 5* corps d'ar-
mée, échelonné entre Strebersdorf et Korneuburg, devait obser-
ver le Danube et reltcr en communication avec le général
Schustekh. Pendant la nuit, les 1^', 2^ et 4^ corps d'armée fà--
rent formés sur deux lignes entre Gerasdorf et Deutsch-Wa^'am.
Seize bataillons de grenadiers, composant la réserve d'infanterie,
commandée par le général d'Aspre, se portèrent à Sânring, et
la réserve de cavalerie, aux ordres du prince Jean de Liech-
tenstein, resta à Aderklaa; le G"" corps fut placé à Stammers*
dori'.
Ihme jo ^a^« iàf .
GVEBBB D*ALLE1IA0ÏIE. 127
C'est deecs positions que, le 2 i , à midi, Tamiée autridiienne
se porta à I attaque de celles qu'occupait la partie de Tarmëe ^"•^■s'**
Ihmçaise qui avait atteint la rive gauche du Danube. L'arcld'
doc forma ses troupes s«r cinq colonnes : la i^, forte de dix-neuf
bataillons et vingt-deux escadrons , sous les ordres du général .
Hiller, devait, en partant de Stammersdorf, côtoyer le Danube
et se diriger, par Stadelau, surGross-Aspern ; la S'', de vingt ba-
taillons et seize escadrons, conduite par le comte Bellegarde, àe^
vait marcher, par Léopoldau, sur Hirschstetten, et se lier à gau*
cheà la S*^ colonne, formée de vingt-deux bataillons et huit es-
cadrons, aux ordres do prince de Hohenzollem , et marchant
sur Gross-Aspern par Breitenlee. Le prince de Liechtenstein ,
à la tète de soixante-dix-huit escadrons de la réserve , avait
ordre de se porter, en deux colonnes, par Breitenlee et Rasch-
dorf, à la hauteur des 3° et \'^ colonnes, en conservant la com«
munication avec le corps du prince de Bosenberg, composé de
vingt-six bataillons et vingt-quatre escadrons; qui formaient
les 4* et 5^ colonnes. Il était prescrit à la 4* de se diriger sur
Essiing par Aderklaa et Raschdorf , et à la 5* de passer le Russ-
bach à Baumersdorf , de tourner Gross-Enzersdorf par sa gau-
che, et de marcher sur Esslbig. Les grenadiers furent dirigés
sur Gerasdorf pour y remplacer les troupes de Bellegarde. Le
général RIenau formait les avant-gardes des 4* et 5* colonnes.
Les directions suivies par les corps autrichiens avaient pour but
de renfermer Farmée française dans un cercle étroit , de l'at-
taquer ensuite avec vigueur pour la rejeter au delà du Danube,
et de détruire les ponts. L'armée ennemie présentait alors un
total de 90,000 combattants, avec deux cent vingt-huit pièces
d*artillerie de tout calibre. Pour résister à un aussi grand dé'
ploiement de forces, Napoléon n*avait alors avec lui qu'environ
S0,000 hommes. C'étaient les divisions d'infanterie fioudet,
Molitor, Legrand , sous les ordres des maréchaux Masséna et
Lannes; les divisions de cavalerie des généraux d^Espagne,
Lasalle et Marulas , sous le commandement du maréchal Bes^
sières. Le reste des troupes continuait à défiler, mais avec len-^
teur ; la plus grande partie de rartillerle était encore dans l'ilé
de Lobau. Un bataillon du 67^ de ligne occupait le village d'As*
pem, en arrière duquel la division Molitor était rangée en ba^^
\
12S L1VBB SfXlèllE.v
41109. taille. La division Boudet était /onnée en.deç& d'EssUog; edie
Aiu^agne. ^^ Legrand en arrière, d^ns rintervalie de celles-là, et laissant
à sa droite la place de la divisioa Carra Saint-Cyr, qui ne pot
entrer en ligne qqe plus tard. La cavalerie légère se forma en
première ligne dans Tintervalle, qui sépare les deux villages, et
les cuirassiers du général d'Espagne en seconde ligne.
Essling, éloigné d'environ douzecentspas de la rive gaudiedu
Panube, est traversé de Test à Toiuest par une rue d'à peu près
huit cents pas de longueur, dans laquelle débouche une autre rue
venant du sud, qui comprend l'église. Dans diverses relations
de la bataille, on a attaché beaucoup plus d'importance qu'il
n'en mérite au grenier public , construction massive à trois
étages et de quarante-trois pas de long sur vingt de large. Bien
que par leur épaisseur les murs de ce bâtiment soient à l'abri
du canon, il ne peut être considéré comme un poste d'utile dé-
fense, puisque ses feux n' enfilent^ pas les rues et qu'il se trouve
isolé à l'est du village, près du chemin d'£sslinger-Hof. Gross-
Aspern , à dix-huit cents pas à l'ouest d'£s$ling, a une longueur
d'environ mille pas, dans la même direction qu'EssUng, et deux
rues principales, qui se joignent à l'issue ouest du village, où se |
trouvent l'église et le cimetière , dont les murs, d'une hauteur
moyenne, offîrent un abri contre les feux de l'infanterie. Les
maisons sont généralement construites en pierre, comme toutes
celles de cette contrée. Au sud, le village, dans presque toute
sa longueur, s'appuie au bras mort du Danube, qui le sépare de
l'Ile dont il a déjà lété fait mention. Gross-Enzersdoif, à environ
quinze cents pas, un peu au-dessous et à l'est d'Essling, est
une petite ville de 2,000 âmes, entourée d'une muraille cré-
nelée; elle formé pour ainsi dire l'avancée d'Essling. Pour ac-
culer l'armée française au troisième pont, il fallait s'emparer de
Gross-Aspern et d'Essling, qui en protègent k débouché ; ce fut
aussi sur ces deux villages que l'archiduc dirigea tous ses efforts.
A une heure, le général Nordmann^ avec deux bataillons et
un régiment de hussards formant l'avant-garde de HUler , atta-
qua, aux environs de Stadelau , les troupes avancées de la di-
vision Molitor et les repoussa dans Aspern, où le général GoU
loredo pénétra ensuite avec trois bataillons d'infanterie l^re ;
mais le général Molitor, à la tète des 37^ et O?"" de ligne, en délo-
GOïng ]ft*ALUIfâeifB. 199
gn tes AvtrieUeiis rt les força de s^éloigner, à l'aUte d'une bat- «os.
terie étaMte à gauelie dn vHlàge. V«s deux haares, la ootonne ^i^^"»*»^
de Biiier airfva en Tue d'Aspern. Son avant^garde, léonie à
eelte de la eolonne de BeUegarde, qoi déboochal tde Hirseliatetlen ,
elaux troapes de Golloredo , attaqaa de noavean te village et
repoussa le S7* et le 67^ ]nsqa'à FégUse. Les deax preodères eo-
lonnesaatridiiennesy se tronvaat remîtes, dirigèrent le An de leur
artfllerie sur les troupes de Molltor et sar eelles de Ifaralasi qai
étateaC vennesee placera la gandie de rinfioiterie. Foudroyé par
cette canonnade, Molltor abandonna une partie-d'Aspem, tan-
dis qoeMarulaz se portait contre l*avant-garde de la colonne du
prineede Hahenaoltem, qui s'était arrêtée près de Hirsehstetten.
Cest à œ moment, ters trote heures , que Ton apprit que te
grand pont, d^ ébranlé par une eraç subite du Danube, avait
été rompu par des moulins flottants, des débris de maisons en*
itemmés, des bateaux diargés de pierres que Tennemi livrait
au courant rapide du fleuve et qu'ainsi la cavalerie et le pare
d*artillerte ne pouvaient plus passer sur te rive gauche. Réduit
par cet accident à S4,000 hommes d*tailknterfe et S,000 de ca»
Valérie, remperenrse trouvait à quatre heures en préseneed'en-
viron 80,000 AutridiieBs, sans munitions, sans espdr de re-
traite , acculé à un grand fleuve croissant continueliement et
qu^li ne pouvait plus franchir. Cependant, entre quatre et cinq
heures» les généraux Hiller et Bellegarde redoubtent d'efforts
pour enlever Téglise et te cimetière que les Français avaient
conservés , le duc de Rivoli se vit obligé de leur opposer près*
que toute te division Molitor. Alors te comte deBellegarde ayant
dli^ la brigade du général Yacquant sur la gauche du village,
ceiui-d réussit à s*emparer de Textréndté de te grande rue oà
est située l'église ; mais Molltor te contint avec te 2^ de ligne,
qui éuit resté en réserve, et Tempècha ainsi de se rendre maître
du cimetière et de l'église.
Les colonnes de Hiller et de Rellcgarde comptaient au moins
30,000 hommes contre les 7,000 de Molitor. Pour les contenir,
le général Marotoz reçut l'ordre de les charger avec ses six régi-
ments de cavalerie légère. Cette charge exécutée avec vigueor
enfonce d'abord plusieurs carrés, ce qui oblige rartillerie autri-
chienne à se retirer rapidement^ abandonnant ainsi Tififanterie
X. 9
I9# LITBB »»B«B.
•M9. à «es propres forces ; mais celle^d fait bonne eoMeDaaèe, laisse
AUetiagqo. |^jqpiio^e|.||t cavalerie dsMarolaB à poQ de distant
il l'aeenettl» par «a feu taUemeiit meurtriec qu'elle la ibroe à
tourner bride, laissant sur le ebooipde batalUe nn gnmdnombre
d'bommes et de che¥âux* Bans eetta efaarge le général Mara«
k»; ont trois ckevanx tués sooa hii , et l'a^udant comnumdaiit
Aanseiuiet » son ohef d'état-^sgor, fnl tué à ses cdtés.
C*flBt.à ce moment <f n'arrivait la 3^ eoLonne, commandée par
le prince do Hobensdlern. Précédée d'une nombreuse artillerie,
elle s'avançait sur deux lignes dans rintervalle qui sépare les
deux villages, son aile ^ite déployée vers le ebemin de Brel-
tenlee^ aa gandbte formée en masse par bataillons et soutenue
par la cavalerie de réserve d« prince de Liechtenstein. Celui-ci,
étant arrivé à banteur de la ferme de Neu-WirthshauSt dirigea
plus à gauohe quatre régiments de sa réserve poar appuyer la
4* colonne, conduite par Dedowlcb, qui marcliait assez lente*
ment pour arrivar en môme temps que la 5' en présence d'Ess-
Ung; cai: cette dernière, à la tête de laquelle était le prince de
Rosenbe^» (Usait un long détour par Ënaersdorf, qui était gardé
par une centaine d*bommes de la brigade du général Fririon»
dont la droite s'appuyait à cette petite ville« Ro^ienbeig s'en em-
para sans obstacle, et» se Joignante Bedowicb, les deux colonnes
marchèrentenaemble à l'attaque d'Essling. L'empereur ordonne
alors augénéralLasalledecbargQr la premlèreiigneautrichienne ;
mais les chasseurs français» pris en flanc par deux régiments de
cuirassiers^ sont ramenés avec perte. Les généraux Durosnei et
Fouler furent blessés et pris dans cette diarge. Cependant les
masses autrichiennes continuaient leur marche sur EssFmg, que
défendait la seule division Boudet, sous les ordres du duc de
Montebello. La 4* colonne s'avançant fièrement sous la proteG->
tî(m d'une nombreuse artillerie , l'empereur la fit charger par
les cuirassiers du général d'Espagne. Repoussé une première
fois à la tète de sa l*^ brigade, par le feu soutenu et nourri des
carrés autrichiens, ce brave général revient à la charge avec
sa 2^ brigade , et échoue encore contre les masses profondes de
l'infanterie ennemie.
Vers sept heures du soir, les cinq colonnes autrichiennes et
leur réserve de cavalerie avaient resserré les Français dans re^->
taUESBE B^ALLEHAGNE. 181
pMe compris entre Asperii , Esaling et le Danube. A rextréme «iiot
droite, les traupesde flUleretdeBellegarde, engagées dans ^^"'^^'
Asperoy dispntaieiit avec aeltaraeraent diaqiie me, chaque niai«
son, chaque grange, à celtes du duc de Rivoli ; mais, au milieu
de la mptore et de Fenoombiftteat des ponts, la brigade Saki^
Germain de la dlirisiou Nansouty et la division Carra Saint>Cyr,
4^ du cocps du maréchal Masaéna, parviennent à passer sur
la rive gauche. Alors la division L^and, restée en réserve der-
rière Aspera, reçoit Tordre de s'avancer sur la droite du vil-
lage, et est remplacée dans la position qu'elle occupait par la
1'* brigade de Carra Sainl-Cyr. Dans ce moment le comte de
BeUegarde donne Tordre au général Yacquaot d'emporter As*
pemà tout prix. Celui-ci, à la tète de trois régiments de la 2^ co-
fonne, soutenus par la brigade du général Mayer de la 3^, par- .
vint enin, après une lutte sanglante de cinq heures, à s'emparer
du village; mais le général Legrand, à la tète du S6® léger et
du 1 8* de ligne» forée Vaequant à se retirer dans Féglise et dans
le cimetière. Le reste du village est dévoré par riocendie qu'ont
«ilttmé les ebtt» de l'ennenri, et vers dix heures du soir le com-
bat oesse «ir ce point*
Pendant que les deux partis combattaient dans les deux vil-
lages avec des diances variées, la cavalerie française, placée au
centre, esêuyait un fou d'artillerie si meurtrier que les cuiras-
siers étaient déjà réduits d'un tiers par la mitraille, à laquellc^'il
leur était impossible de se soustraire. C'est alors que le maréchal
Bessières entreprit une charge générale avec toute sa cavalerie
sur l'aile gaucbe de hi 2^ colonne, sur la 3^ et sur une partie
de la réserve du prince de Liechtenstein; mais, arrivés à dix
pas des bataillons ennemis, les cuirassiers furent reçus par un
feu de mousqueterie si violent qu'ils ne purent pénétrer dans
ces masses d'infanterie. Chargés presque en même temps par la
cavalerie autrichienne, ils furent rejetés avec des pertes énormes
sur leur première position. C'est au milieu de cette retraite tu-
multueuse que le général d'Espagne, l'honneur de l'armée,
tomba pereéde coups, ainsi que trois de ses colonels. Le général
Lasalle, qui s'était porté avec sa cavalerie légère sur la droite
du prince de Liechtenstein, fut également repoussé avec perte
d'une grande partie du 24^ régiment de chasseurs, qui fut pris en
139 UVMSIXIÀVB.
IM0. flanc et laissa de nombreux prisonniers au ponvoir de rennenl.
Aitomagfie. |j||eiioaYelle attaque dirigée sarraUegBqcheda pHnoe de Uoch-
tenstein avec la brigade de coirassiei» da général Saint-Ger-
main n*eat pas plos de sncoès qne Ut première*
Les 4'' et 5^ colonnes réonies sor la droite faisaient de vains
. efforts pour s'emparer d'Essling, Les troupes de la division
Boodet» assaillies de lh>nt et sur leur droite par six. bataiHons
et quatre i^ments de caTalerie ^ résistent avec fermeté à ces
attaques et repoussent plusieurs fois les Autrichiens. Ce n'est
qu'après deux heures d*un combat opiniâtre, soutenn avec in-
trépidité contredes forces très-supérieures, quek maréchal Lang-
ues abandonna la partie basse d'Essttqgf que Fennen^ teit même
par évacuer à rentrée de la nuft, pour se retirer à qudqnes
centaines de pasiflu viHa^.
Le nombre des morts et des blessés étalent eoowdérable de
part et d*autre. Les deux armées, égalementharassées de iiiitigae»
passèrent la nuit dans les posilions où elles se trouvèrent à la
fin du combat.
C'était, pour les troupes françaises, éprouver un échec que de
n'avoir pas pu élargir leur champ de bataille dans eelte journée
meurtrière y et d'être acculées dans une impasse, entre deux
villages encore menacés par rennemi resté en-présence. La va-
leur héroïque des soldats et de leurs chefr avait seule contenu
pendant dix heures cet ennemi trois fois supériew en nombre,
mais qui» malgré sa circonspection , pouvait, le lendemain,
mettra i*armée dans une situatien désespéréesides renforts n'ar-
rivaient pas à temps ; henrausemenl le grand pont avait été ré-
tabli, et une partie de la vieille et de la Jeune garde, les corps
d*Oudinot el du duc de Montebello, la division Demont, sept
bataillons badois fiiisant partie de la division Legrand, la 2* bri-
gade de la division Nansouty et un convoi dVirtlIlerie passèrent
pendant la nuit. On attendait aussi le corps du maréchal Da-
voust, la division de cuirassiers du général Saint-Sulpice et la
plus grande partie de la cavalerie de la garde et des troupes
alliées, qui étaientencore sur la rive droite. Les renforts quiétaient
arrivés portaient l'armée française à environ 50,H)00 hommes,
avec cent bouches à feu.
Pendant la nuit du 21 au 22, où les deux armées avaient
GUIBRB B ALLKIIA61IK. 138
fris à peine trois heures de repos, les seize bataillons de gre- lao».
nadiers de la réserve, encore intacts, fàrent avancés de Géras- ^it^n**"»-
doff à Breitenlee. Gomme les troupes autrichiennes destinées
à agir le jour de la bataille comptaient 80,000 hommes, il en
pouvait rester alors 71,000 de disponibles.
Suivant les dispositions prises par Tempereur, le général
Boudet, appuyé par la réserve du général Demont, devait se
tenir sur la défensive à Essling, tandis que le duc de Monte-
bello, chargé de la principale attaque avec la division Saint-
Hilaire et le corps d*Oudinot, se porterait sur Breitenlee, soutenu
par la cavalerie et la garde impériale. Le duc de Rivoli, avec
les divisions Legrand et Carra Saint-Gyr, et la cavalerie de
Marulaz, devait à tout prix conserver le point important de
Gross-Aspem^ après en avoir chassé Tennemi. La division Mo-
iltor, réduite de 7,000 hommes à 4,000, fût chargée de défendre
nie en arrière du village.
Ces dispositions n*étaient pas entièrementterminées lorsqu'au
point du jour le combat recommença dans les villages avec un
nouvel acharnement. Le maréchal Masséna, reprenant TofTen-
sfv^ repousse, après une vive résistance, les huit bataillons du
général Vacquant qui occupaient Aspem; mais ceux-ci sont
aussitôt remplacés par trois régiments de la 1*^ colonne qui pé-
nètrent dans le village jusqu'au cimetière, et, soutenus par un
renfort que leur amène le général Blanchi, ils pénètrent plus
avant et parviennent k se loger dans les premières maisons si-
tuées à l'issue de la route de Vienne. En même temps deux ba-
taillons soutenus par de l'artillerie attaquent Molitor dans l'Ile
dont la garde lui était confiée. Mais le général Legrand , à la
tête du 24* régiment d'infonterie légère et du 4* de ligne, ren^
tre dans le village, tandis que le reste de sa division et celle
de Carra Saint-Cyr se dirigeift contre le centre de BeUegarde.
Le 34*^ coupe une colonne autrichienne , s'empare de six pièces
d'artillerie et fttit des prisonniers au nombre desquels se trouve
le général Weber. BeUegarde envoie de nouveaux renforts dans
Aspem ; un combat furieux s'engage alors dans le village,, pris et
perdu tour à tour par le 4* et le 46^ de ligne et par un régiment
badois qui en restent définitivement maîtres à sept heures.
Pendant que ceci se passait à la gauche de la ligne française,.
134 LITRE SIXIÀHK
ffiA9. les Autriiliiens n'attaquaient pas avec moins de vigueur le
' village d*Essling, toujours défendu avec la même opiniâtreté
par fa âivfefon Bondet.
NapoléoD, qui, vers sept heures du matin, placé sur un tertre
en arrière de la ligne, examinait les mouvements des deux ar-
mées, remarqua que ie centre ennemi, composé de ta a^ co-
lonne, d*ime partie de la 2* et de la réserve de cavalerie,
ooeopaH, au-dessous d*E8slinger-Hof, on front fort étendu, il
conçut alors le projet de partager i*armée autrichienne en
traversant son eentre, et chargea le duc de Montebello de cette
opération. €e maréehal échelonna par régiments, la droite en
tête, les divisions Saint-Hiiaire, Tharreau et Claparède; la ca-
valerie déployée suit en seconde ligne, et l'artillerie précède
rinfanterie dans les intervalles des brigades.
Oette ligne s'avançait dans le meilleur ordre, son front
garni d'une nombreuse artillerie, dont le feu, parfaitement bien
dirigé par le général Lariboissière, répondait avec avantage à
eehii de l*ennemi , et causait du ravage dans ses rangs, quand
I*archiduc, voyant le danger qui le menaçait, renforça son cen-
tre et s'y porta lui-même. Les vingt-deux bataillons du prince
de Uohenzollern ne suffisant pas pour résister longtemps à une
masse de 25,000 fantassins et 6,000 cavaliers , le prinrce de
Liechtenstein échelonna l'aile droite de sa cavalerie derrière la
gauche de l'infanterie et tint sa gaudie en réserve. Le maréchal
Lannes, Jugeant l'ennemi suffisamment ébranlé par le feu violent
de son artillerie , s'avance résolument sur le point où le corps
de Liechtenstein se liait à celui de Hohenzollem. Les efforts de
l'ennemi sont vains pour arrêter les colonnes françaises ; elles
continuent à s'avancer aux cris de vive Vempereurî Bientôt la
ligne autrichienne est rompue, culbutée, mise en déroute; la
cavalerie firançaise, qui avait pénétré par les intervalles, charge
avec la plus grande valeur celle du prince de Liechtenstein ,
poursuit, sabre les fuyards. C'est en vain que l'archiduc, saisis-
sant, au milieu de ce désordre , un drapeau du régiment de
Zach , essaye de rallier et de ramener au combat ses soldats
démoralisés : la plupart de ceux qui se groupent autour de ce
prince sont tués ou blessés , et lui-même est entraîné dans le'
mouvement rétrograde.
Il était huit brans da iMiClii, et tiéjà la cavalerie française ,^
atteignait le petit ytOêgê de Bratleniee^ quartier fjdoènà de AUemagné.
l'areMdne. Encore qnelqiies efforts, et 50,000 F^moçais allaient
avoir la gMrede trionitor de OO^ooo ennemis, lorBqne l'em-
l^ieor apprit par nn «vis dn général Bertrand que le gnnd
pont da dannbe avait élé rompu penr la deuxième fois par
des balesRix oÉargésde plerrss et lancés des lits dn flemre an-
dessus de cette do Lotran; qu^M est maintenant impossiMean
reste de l*amiée, oomposé de plus de 40,000 hommes, à quatre-
vingts pièces d*artillerieet aux munitions de réierve de passée
dans nie ainsi qoe sur la rive gauche du fleuve. Une pareille
nouvelle eût déconcerté tout autre chef; Napoléon, sans mon-
trer la moindre altération dans ses tndts et avec le sang-froid
le plus héroïque, cniroie au maréchal Lames l'ordre de ra-
lentir son mouvement et de reprendre lentement position entre
Aspem et Essling.
Divers historiens i^lemands, tout en reconnaissant la féstfffté
de la rupture du grand pont, {unétendcut qu'elle avait eu lieu
plus tôt qu'on ne le disait dans les rapports français, et que
rempereor en était instruit avant d'ordonner l'attaque dirigée
contre le centre de l'année de Tarchiduc ; mais qu'il s'y était
décidé parce qu'en prenant rinitlative il y avait pour lui moins
à perdre que de rester resserré dans un espace étroit pour at-
tendre ce qu'il plairait à rennemi d'entreprrâdre ; que d'ailleurs,
ayant réossi dans ocftte attaque sans le secours des troupes res-
tées sur la rive droite, il n'était pas dans le caractère entrepre-
nant de Napoléon de renoncer suhltem^t à l'avantage qu'Ali
venait détenir parce que ces troupes ne pouvaient plus arrV
ver; qu'enfin ce fut la présence de rarchiduc et son exemple
qui nmlilièrent ses soldats et les ramenèrent au combat; qu»
trois nouveaux botainoiis vinrent remplir le vide laissé dans
l'aile gauche du corps de Hohenaollem et repoussèrent une-
nouveile charge de cavalerie et d'Infanterie^ et qu'à ce moment,
les Autrichiens reprenant l'offensive, le maréchal Lannes jugea
devoir r^ier lentement ses troupes jusque dans leur pi^mlère
position entre les deux villages.
Quoi qu'il en soit de ces assertions diverses, l'archiduc, aper^
cevant les colonnes françaises s'arrêter dans leur marche vieto-^
Allemagne.
1S6 M^munAmmv^^
jm. rieoie^ te fn4ioilpiier-€teyiTanitf ^ dflYiia mm j^atae «ne
les mtifam awUWre» et pcttt-étn.dédilh^^'fl andt préparés
venaient de produire Teffet qa'il ea attmdilt. La Jigae anlii-
. chienne se cefonne, elle est leotaraéeper la léMrvede gfoui*
dien renée Joflva'elore à Bretlentee; la eavakiie revient à la
ebaige, et Tartillerie^ cpiiétait en retraite^ se renetcn peiritioo.
L'arcfaUney pntftant de la tantewr avee laqneile le duc de
HontAello se retirait, le fit suivre par tonte eon infont^rie* La
cavalerie dn roaréehel Beaeièfei i'élfMce sur eesmasas profon-
ddytouB un fen croisé d'artfllerie et de monscpieterie, et eiiiq
fols cette brave troupe, règne à te Ntonette et par one vive
fnsiltede^ est finrcée de rétrograder. G*est alors que te général
Mamlaz est blessé à te cuisae» et cpie te division Saint^Hilaire,
éeharpéepy te canonnade et chargée par te cavalerie du prince
de Liechtenstein, perd son brave général, qui tombe frappé d'un
biscaien. Après des efforts de valeur inouis^ les troupes fran-
çaises, presque découragées et manquant de munitions, arri-
vent enfin à hauteur d*EssUng« to^ioun occupé par le général
Boudet, qui s'y était maintenu pendant toute te matinée con-
tre les attaques combinées du prince de Bosenberg et do géné-
ral Dedowldi. Vers dix heures rarchiduc ordonna au baron
d'Aspres d'attaquer Essling par iagauche àte tète de quatre -
bataillons de grenadiers de te réserve. Ceux-ci s'avancèrent
l'arme au bras Jusque sur une batterie établie en tète du vil-
lage; accueillis de Iront et sur leur flanc gauche par des déchar-
ges meurtrières, ils furent culbutés et mis en déroute. Une
nouvelte attaque tentée à onze heures par le prince de Bosen-
berg et le général Dedovricb échoua également contre l'éner-
gique résistance de Boudet
A Gross-Aspem, le maréchal Masséna se maintenait diffi-
cilement contre les efforts constamment renouvelés des 1** et
3* colonnes autrichiennes. La division L^prand, assaillie de
toutes parts, avait éprouvé des pertes énormes et résistait en-
core, lorsque vers midi elle fut rqK>u88ée Jusqu'à la portte
E. du village, qu'elle conserva jusqu'à la nuit. A l'instant où
I^egrand se retirait , un mouvement opéré par les Autrichiens
entre Aspern et le Danube pouvait avoir les conséquences les
plus désastreuses pour Tarmée française, s*il eût réusn : il les
i Al foirt et «oaftttt la retraite ;flMds le doc deB^
yM, avee les biigidee faeHolBe et iMidoiee, appttyées par les
trcNqpesâii gèlerai Molilor, lesléea en réserve dans Ttle, par-
vint tel heureQaemeDt à faire éehoaer cette tentative.
Vers le même tempe, ParehUtae, résolu d'enfoncer le centre
de Tannée feançaitet fit avancer son infanterie et sa cavale-
rie aerréea enmaÉMset préoédéee de deux oenti pièces de ca-
non. L'empereur réônit alova tonte son artillerie dispoidble et
lit appnyerlee tioopes d'Ondinot par la vieille garde. Le prince
de Hohemollem attaque la ganclie du maréchal Lannes ; mais
mie finillade et an feu de mitraille terribles arrêtent ses colon-
nes, qui refusent d'avancer. La réserve de grenadiers qui rem-
place les troupes de Hf^iencoHemertégalen^ent repoussée par
la mitraille et les charges de la cavalerie du maréchal Bessières.
La cavalerie autrichienne tente vaineoient de pénétrer ; elle
échoue aussi contre les troupes d'Oudinot et ccmtre les V et 03*
de ligne de la brigade Fririon. Arrêté au centre, l'archiduc se
rejette sur Essling, où le baron d'Aapres venait de pénétrer avec
quatre bataillons de grenadiers que culbutent à la baïonnette
le régiment des fésiliers de la garde conduit par le général
Mouton et celui des tirailleurs que commande le général Rapp.
Des troupes fraléhes reviennent plusieurs fols à la charge, mais
sont toujours arrêtées par la contenance ferme et inébranlable
de ces Jeunes corps d*élite. Dès lors Farchiduc, forcé de renon-
cer à s'empara* d'EssIing, dont la possession lui eftt livré les
prats, fit avancer toute son artillerie, dont le feu concentrique
foudroyait les troupes firançaises resserrées dans l'étroit espace
qui sépare Aspem d*Es8ling.
Il n'y avait plus de remède : la bataille était perdue. Pour
éviter de plus grahdff désastres , le seul parti à prendre était de
rentrer dans l'Ile de Lobau ; d'ailleurs les munitions, ne pou-
vant plus être renouvelées, commençaient à manquer sur
toute la ligne. Les troupes françaises, l'arme au bras sous le
feu dévorant de l'artillerie autrichienne, ne tiraient que lorsque
les colonnes d'attaque arrivaient à la distance de quarante pas.
Enfin, vers deux heures, l'empereur fit appeler ses maréchaux
et les généraux de sa garde, et leur donna des Instructions pour
la retraite. La cavalerie devait passer la première, et ensuite
im.
iM$. . les dfTi8ioiisi!l'hifimfeiHe» suivi» pÉiredle tte la vMIte ^suéei
Arcmagne. Le diK de Kvm M chargé de diriger ee moavcBieBt. Aprèi
ft voir donné ses ordres, fempeteiMr passa dans l'Ile de Loban et
y fit établir des batteries dèstlAées k protéger le passage 4es
troupes. Déjà Hnter^tlie oonfpris entre 4es divers tnrps de l'ar-
mée et le pont était enoombré de pièces démonlées, de ealssoiis
vides y dliommes et de dievaux Messes qa*ii iUlot d'abord kds^
ser passer. Pendant ce temps ie combat conlinnait snr tonte
la ligne, que précédaient de nonteftax tlraiilenrs. Le maréchal
Lannes se trouvait h pied dertfère eeox-«i) lorscpt^na lionkl
vînt lai fracasser les deux jamlieB : on le transporta nnoranft
dansi'tle de Lobau.
Le maréchal Masséna , invité par l'empereur à se rendre en-
près de lui , arriva dans Hle vers wft heures du soir, et assista
à un conseil dans lequel le prince de Neuchâtel et pluslean au*
très généraux furent d*avis de continuer ia retraite jusqu'en
arrière deYienne. Masséna émittme opinion contraire; c'était
* aussi celle de Tempereur, qui avait dé|à pris la résolution de ne
point rétrograder au delà de i'tle de Loiuiu, et d'aller chercher
une éclatante revanche sur le terrain même que la fortune le
forçait d'abandonner. Le dac de Dant»ig, le prince Eugène et
Marmont allaient être appelés à cette grande lutte. Bfasséoa
retourna à son poste sur la rive gauche, et, à la nuit tombante,
hi retraite commença sans être troublée par l'ennemi, comme
on avait lieu de le craindre.
Depuis dix heures du matin , les oÇQeievs du génie et de l'ar-
tjttorie restés dans l'Ile de Lobau avaient été occupés à fiiire
réparer avec la plus grande activité le désastre de-s ponts, et
surtout de celui qui servait à la MMnuaicatlon avec la rive
gauche du fleuve. I.es pontonniers et eeux*qul étaient emplo^yés
à ce travail si urgent avalent à lutter contre les brûlots, qui des-
cendaient incessamment sur les débris du passage, et contre la
violence des eaux du fleuve, qu'une fonte subite et extraordl->
nalre des neiges dans les montagnes venait d'élever de huit pieds
dans Tespace de quelques heures. Les oftbies rompaient, les ba*
teaux étaient entraînés et avaient la .plus grande difilculté à
remonter le courant ; à peine replacés avec des peines Inouïes,
ils étaient brisés ou entraînés de nouveau. Chaque fois que le
GUBRBB D'ALLBMÀGHS. 139
pont «e tnsiâvait à p^ près rétabK, on se hâtait d'y ftire passer ^m. ,
des hommes et quelques munitions, qoi mirent les Français ^^i^k'^^**
à même de m maintmiit, eomme on Ta vu, Jusqu'à la nuit.
QiMfque rengafement généiïd eéft cessé à neuf heunes, oneon-
tinna eqMidanl de tiraiiier sur la ligne des postes « vanoés Jus-
qu'à minnlt) heure à laqiuAle les deux partis éprouvèrent éga-
lement le hesoln de prsndre quelque repos.
Sur ces entrefblles , tdas les blessés qui s'étaieirt trainés vers
le point de passage se trouvaient amoncelés à rentrée du pont,
en attendant qu'il fût réparé. Bien plus fragile que «eux qui se
trouvaient à fautre côté de ttle, ce pont était couvert d'ouvriers
qui travaillaient à le consoMder contre Usa arbres, les radeaux et
les bflfteanx entraînés par le courant, et rompant les câbles des
pontons. 10 à 12,000 hommes blessés, la plupart presque
morteHement, mais soutenus encore par leur courage et TespoDr
de venger bientôt les malheun de cette Journée, où des accidents
imprévus avaient invorîsé l'ennemi, cherchaient alors àaccélérer,
soit par leurs vceux, soit par leurs cris déchirants et leurs gé-
missements plainte, le moment où il leur serait permis de pas-
ser dans rile. Un grand nombre s'étaient avancés jusque dans
l'eau : le fleuve grossissait sous leurs pas chancelante, et la foule,
qui s'augmentait derrière eux, les empêchant de reculer devant
ce nouveau danger, ils étaient entraînés; d'autres les rempla-
çaient à Vinstant et subissaient le même sort : les hommes,
les chevaux périssaient arrêtés dans les cordages.
Napoléon avait passé le premier, avant que le pont fût en-
oore en état de supporter la masse des blessés qui s'y portaient.
Lorsqu'il fut dans l'Ile de Lobau, il vit enoore bi^m mieux la dif-
IkïQlté de vaincre les obstacles que la nature opposait au courage
de ses troupes et au xèle des travailleurs. I^ayant plus rien à
ttllendre quedu temps, il s'occupa exclusivement des ordres à
donner pour faciliter le passage des blessés. B se trouvait pres-
que seul à quelque distance du dâwuché du pont, se promenant
à grands pas, absorbé dans les réflexions pénibles que lui suggé-
raient les'drccmstanoes ; ses traits offhdent en cet inétant l'ex-
pression de la douleur, et ses yeux, mornes et couverts, ne
cessaient par intervalles de fixer la terre que pour se porter sur
la longue file de malheureux mutilés qui s'efforçaient de gagner
140 LIVRB SIXIÈUI.
ft». leslwisfloiisdeFlle, pcMirycheidieroaabri et qoelqQe toi^
A«einagne. tagenjent à leiin maux.
Ce f ot en soivaDt de TobU cette marche f unttwe qu'il vit
s^avaneer le gnxipe qui portait le marfehal Lamiei* Dôme de
ces yieox grenadiersi rhoonear des arméei françaises, tout
couverts de sang et de poussière, noircis par la poudre, avaient
formé, en croisant leurs fusils et quelques branches de chêne,
le brancard sur lequel reposait l'illustre guerrier. Dès que rem-
pereur put reconnaître le duc de Montebello, il pressa le pas
pour venir au-devant de lui. Les grenadiers s'arrêtent, et Na-
poléon, se précipitant sur le sdn de son vieux compagnon d'ar-
mes, en ce moment presque évanoid par la perte de son sang,
lui exprime vivement, d'une voix étouffée par les larmes, tous
ses regrets et toute son affliction» La crainte d'épuiser par trop
d'émotion le peu de vie qui reste au maréchal d^rmine l'em-
pereur à s'éloigner, et l'on continue de porter le mourant vers
un lieu où il puisse recevoir des soins, malheureusement im-
puissants '•
On fit passer ou l'on transporta ainsi dans l'Ile le plus de
blessés qu'il fut possible, et, lorsqu'ils s'y trouvèrent réunis
presque tous, le colonel Lacune' , aide de camp du prince de
Neuchàtel , fit préparer une barque pour que l'empereur pût
traverser le grand bras du Danube et Joindre les troupes qui
étaient restées sur la rive droite.
Le 33, à une heure du matin, Napoléon arriva au point où il
devait s'embarquer; mais, avant de quitter le rivage, il fit écrire
au maréchal Masséna d'opérer sa retraite sur l'Ile de Lobau
dans le plus grand silence , après avoir alimenté et augmenté
ses feux de bivouacs, afin de donner le change à renneml.
L'empereur, accompagné du prince de Neuchàtel et d'un seul
ofQder d'ordonnance, M. Edmond de Périgord, monta ensuite
dans le bateau qui l'attendait. Les flots rapides du Danube
agités par un vent impétueux , les arbres et les débris entraînés
par le courant, l'obscurité profonde de la nuit, tout contri-
buait à rendre cette traversée très-périlleuse; mais, ainsi que
César, Napoléon se confiait à sa fortune.
■ Le maréclMl Lannei mourut à VieoM qud«|aM leurs spr^.
' Depuis maréchal de camp.
GUKIlt D*ALLBICAONft¥ t41
Ainsi Sun» aprà deux jouniées de carnage, la terrible tNitaille
dTsaling» on d*Aspem, selon \m Allemands. Les deox années ^
avaient épnniTé des pertes à pen près égales: 15 à ia,000 faonn
mes taés on blessés de part et d'antre, etl,M>o à 3,000 prison*
niers de chaque oôté. D'ailleors ces diiflires ne peuvent être yé-
riilés qu'approximativement; car on n*a pas d'étati exacts des
pertes de l'année française ; ceux des Autrichiens sont empreints
d'exagération : ils portent les pertes des Français à 44,000 hom-
mes, y compris 2,000 prisonniers, de sorte qu'H ne serait rentré
que 6,000 hommes dans File de Lobau. D'un autre côté, les
documents du Dépôt de la Guerre portent les pertes des Autrl*^
diiens à 26 ou 27,000 tués et blessés, et celles des Français
seulement à f5 ou 16,0007?
L'armée française exécuta son mouvement rétrograde et le
passage du pont avec un ordre admirable, sans que Tenneml
y apportât le moindre obstacle. Vers six heures du matin , il ne
restait plus sur la rive gaudie que l'infanterie de la vieille garde
et la division Legrand, qui défilèrent successivement. Masséna
passa le dernier, et prit le commandement de toutes les troupes
réunies dans Tlle. Le pont ensuite Ait replié.
Il était impossible de conquérir plus glorieusement une re*
traite qu'un Ihtal contre-temps avait rendue nécessaire ; mais on <
avait reculé, et, dans la situation forcée où Ton se^ trouvait,
diaque pas rétrograde était un échec. Heureusement le génie
de l'empereur allait tout réparer. Toutefois il ne put empêcher
le contre-coup de ce premier et unique succès des armes autri-
chiennes de retentir dans l'Europe entière, surtout en Alle-
magne. Le "Tyrol , le Wurtemberg , la Westphalie furent trou;-
blés par des insurrections. Le duc de Brunswick-Oels et le major
prussien Schill , dont nous aurons occasion de parler plus tard,
opérèrent une levée de boucliers dans le Nord , et cinq petits
princes de la Confédération du Rhin jugèrent le moment favo-
rable pour s'affranchir du joug impérial. Les réserves éche-
lonnées sur le Lech , sur le Weser et sur la Rednitz réduisirent
aisément les hisurgés de la Confédération; mais ceux du Tyrol
et de la Souabe tinrent jusqu'à la paix.
Après leur retour sur le sol inculte de Plie de Lobau, les
troupes intrépides qui venaient de soutenir pendant près de qua-
142 UVRB SI\|à||S.
4808. Nttto-hilit hflora» le eonbat le plas opwAtre et le plus meur*
ANetMRM. f,^ nstÀmit livrées à KhiIw les hmewrsdcf te faim. Ce fet
sealement m boBt de qoel4«ei Jooce. el qua^d elles eurent
meiigé une partie des dieveugi. de Initt et de seUe^ qu'elles vi-
rent arriver de la rive droite des bateaux chargés de vivres ,
qui servirent à ranimer un peu plue de la moitié des hommes
blessés dans les deux aoHonA da li et du 22 ; les autres n'a-
vaient point survécu.
Au bruit rappiodié du eanon » le eorps du maréchal Oavoust,
la division de carabiniers et de cuirassiers du général Saint-
Sulpioe, et quelques autres troupes placées sur la rive droite du
Danul>e, avaient pu juger eomblen leur coopération devenait
nécessaire ; leur désespoir fut extrême lorsqu'ils virent que tout
moyen de passage leur était enlevé. Dans le même temps, la po-
pulalien entière de Vienne, inquiète, agitée, rassemblée sur
les bords du fleuve, avait cberohé à deviner, par la direction
des feux, les chances d'un ocHubat dont Tissue pouvait avoir
une si grande inflnenoe sur leqr sort et sur celui de la monar-
chie autrichienne.
Toutefois, quelle que fût leur arrière-pensée, ils ne s'en
mentrèrent pas moins empressés à secourir les premiers blessés
qui avaient atteint la rive droite avant la rupture des ponts qui
y conduisaient de Ttle de Lobau. On vit aussi des villageois
conduire plusieurs soldats dans leurs propres maisons, en por-
tant eux-mêmes les fusils et les sacs de ceux qui se trouvaient
estropiés ou trqp affaiblis. Ces traits d'humanité font le plus
grand honneur au caractère du peuple autrichien.
L'archiduc Charles ne profita point de Favantage que lui
donnaient la retraite ^t Tlsolement d'une partie de l'armée fran-
çaise dans l'Ile de I/)bau ; les écrivains allemands qui ont voulu
Justifier Tinaetion de ce prince insistent beaucoup sur les dif-
ficultés qu'il eût rencontrées en entreprenant de passer sur la
rive droite du fleuve. L'armée autrichienne, disent^ils , avait
éprouvé une porte plus considérable encore que celle des Fran-
çais ; elle était réduite de près d'un tiers ; ses munitions étaient
presque épuisées et ne pouvaient être remplacées promptement ;
les équipages de pont étaient à deux ou trois marches en arrière.
Le seul passage que l'archiduc eût pu hasarder se trouvait vis-
I
GUMtt »*ALUMA01«B. 148
t^yiB de Presimig , où las Antriehieiia eoimratait eneore une mog.
tét&de pont sur la rive 4i^l0;niÉi8alof8leitmap6sqiiioco^ Aflemasiie
jfàhNA Vile de I^bau avraiei^ eherehé à repesMr sm la rive
ganehe an moyen du pont qu'elks avalent replié de leur edté ;
dtas fle aéraient étendim anr leor ganehe , et enraient pn pro-
téger laeonstmction d'nnpont vla^vis de Jedlersdorf-am^Spltz
et Floriadorf, on anr tovt antre peint; par là les Français
eussent été maîtres des deux rives. Bans cet état de choses,
Napoléon , rénnissaDt an eerpa dn maréchal Davoust et aax au-
tres tronpes disponibles antonr de Vienne oeUes de Lintzà Krems
(ies Saxons et les Wnrtembergeols) , se portait sor Parroée de
1-archidue, qui, attaqné tant à la Ms de front, sur son flanc
et presqne snr ses derrières, n'avait plus diantre point de retraite
qne la Bongrie.
En seconde hypothèse, slTardiidue, partageant son armée
m deux corps, en eût laissé nn devant IMIe de Loban et
qo'avee Tântre il eût tenté le passage vl»4-vis de Presbnrg , son
entreprise aurait été encore plus hasardée , puisque , avec moins
de forées dlspoidblee, Il rencontrait les mêmes obstacles sur la
ilve droite.
Nous n'entreprendrons point de prononcer sur la validité de
ces raisonnements JnsMcatife ; mais nous dirons que le chef de
l'armée française, dans la position de l'arehiduc Charles, eût
prisnne détermination audadense, dont son génie et la valeur
de ses troupes eussent assuré le succès.
Comme les opérations de l'armée française commandée par
le prince Eugtoe, viee-rol d^Italie, vont se lier désormais avec
celles de Parmée principale snr le Danube, H convient de rap-
porter maintenant les événements militaires qui avaient eu lieu
sur les frontières des provinces méridionales de l'empire autri-
chien pendant la période qu'on vient de lire; mais, avant de
commencer ce récit dans le chapitre suivant , nous devons Jeter
nn coup d'œil rapide sur ce qui se passait en Pologne à la même
époque.
Opérations militaires en Pologne; combat de Gora; prise Pologne.
de Sandomir^ de Zamosc ; marche d'un corps d'armée russe sur ^^"'"*»**-
ta Galicie. — L'arehiduc Ferdinand, commandant le 7« corps
de Tannée autrichienne, destiné à agir contre le duché de Yarr
H 4 LIVBt ftlXltoS.
iml sovie, avait ourert la cantpagiie , ainii qne nous ravmis dit,
FoiogM. ^ l'époque où la boatiiltés coftiaieiiçaleiit sur l'Inn et sar les
frontlèrea da roy&ame d'Italie. Un premier eondMit eat lieu
le 19 avril en avant de Failenty.
Les troupes polonaises, sous les ordres dv prince Joseph Po-
niatowski , ministre de la guerre du grand-duché , malgré leur
infériorité nomérkpie , se maintinreirt pendant trds Jours dans
les positions qu'elles oocupaient ; mais les mouvem^ts des Au-
tridiiens décidèrent le général polonais à se replier sur Var-
sovie, pour ne pas être coupé de cette capitale; il y tnt suivi
par l'archiduc, qui arriva en vue de cette ville le 30. Peu de Jours
après, les deux partis signèrent une convention en vertu de la-
quelle la villede Varsovie ftit déclarée neutre. Getacte singulier
était tout à l'avantage du prince Poniato wsld , puisqu'il conser-
vait le iiAubourg fortifié de Praga , Modlin , Sierock et toutes les
excellentes positions de la rive droite de la Vistule ; aussi, dès le
36, les troupes polonaises manouvrèrenl-ellesbientAi sur cettn
même rive pour reprendre l'offensive. Les Autrichiens, attar
taqués à la fois à Badsimin et à Grodmw, lurent culbutés, et
essuyèrent une perte considérable en hommes tués , blessés ou
Cidts prisonniers. Ce succès eut pouriésultatprfocipal de rendre
aux Polonais la confiance que leur premier mouvement rétro-
grade avidt beaucoup aflUblie.
Le s mai, après avoir fsit tedre plusieurs fortes leeonnais-
sances sur le fh>nt de la ligne ennemie , afin de masquer son
dcssdn véritable, le prince Poniatoireki attaqua à i'improviste
une tète de pont construite par les Autridiiens à Gora et s'en
rendit maître après un combat opiniâtre, où l'ennemi perdit
près de 3,ooo hommes en tués, blessés ou faits prisonniers^
trois pièces de canon, deux drapeaux. Le générai Schauroth»
qui défendait Gora , avait MU être &it prisonnier ; il n'eut que
le temps de sauter dans une barque pour traverser la Vistule.
Cet échec ayant déterminé l'archiduc Ferdinand à opérer un
mouvement rétrograde , l'armée polonaise continua à s'avancer
vers la Galicie , et occupa les cercles de Stanislawow , Salu et
Biala.
La nouvelle des premières victoires remportées par rarméa
française sur le Danube acheva d'exalter l'ardeur et l'enthoo-
GUBBU D*Al.IiBllAGNE. 14 o
siasme do pespe polMiaie. De nombpevses levées vinrent aug- im.
menter les forces qs'M avait d^à miaes en mouvement. poIosm.
Après rafiUre de Gpna ^ le prinoe Poniatowskl avait .divisé
son armée en deux colonnes prindpales : à la tète de la pre-
mière il remonta la Vistule Jusqu'à Pnlawy , occupa Lublin
le 14 mai , et marelia le lendemain sur Sandomir. La seconde
colonne s'avança, par Osiec, Zelechov^» Jusqu'à Kock. Un corps
détaché sur Przelaw coupa aux Autrichiens la communication
de Lemberg avec Craoovie; le général Rosniecki fit, en difle-
restes rencontres, près de 800 prisonniers, et s'empara d'un
convoi d'armes et d'objets d'équipement
L'archiduc Ferdinand concentra la plus grande partie de ses
troupes sur la Bznra; le prince Pouiatowski, profitant de l'i-
naction et de réioignement de son adversaire , fit attaquer à
la fois la tète de pont et la vflle de Sandomir» que les Autrf-
cbiens avaient fortifiés avec quelque soin. La tète de pont fot
enlevée le 1 8 mai à la baïonnette par le chef d'escadron Wla-
dimir Protocki, et la ville, vivement attaquée par le général
Sokolnicki , se rendit par capitulation dans la soirée du même
jour. Les Autrichiens perdirent encore dans cette dernière affaire
t ,000 hommes tués , 1 ,200 prisonniers , vingt pièces de canon
et des magasins conridérables. La cavalerie polonaise s'étendit
Jusqu'à Léopold et poussa des reconnaissances jusqu'auprès de
Gracovie.
Pendant que ces événements se passaient en Galide, le gé-
néral Dombro^ski , commandant un corps détaché sur la basse
Vistule, repoussait l'emiemi qu'il avait devant lui. Les Autri-
chiens , ayant tenté une pointe sur Thom pour s'emparer de
cette place par un coup de main , attaquèrent , le 24 , la tète de
pont située sur la rive droite , et qui n'avait pas pu être mise
en état complet de défense. La garnison brûla une partie du
pont, et se retira dans l'ile qui est entre l'ouvrage et la ville ,
après un engagement très- vif , dans lequel les Autrichiens per-
dirent beaucoup le monde. I^'ayant aucun moyen prêt pour
traverser la Vistule sur ce point , et voyant d'ailleurs que la
place serait défendue avec vigueur, le général ennemi renonça
à son entreprise. Les Autrichiens voulurent tenter, le lende-
main 1 s , le passage du fleuve vis-à-vis de Plock ; mais ils fprent
1. 10
1
146 LITBS BlXlàlfB,
1909. repousses avec perte et obligés de hrMer les bateaux qu'ils
Poiosm. nyg^jçQi; rassemblés, pour empêcber les Polonais de s'en servir
eux-mêmes. Du 1 6 au 33 mai, l'Iniktigable Dombro^vski attaqua
Tennemi depuis Bromberg jusqu'à Czeutoehow, le repoussa
en avant de la première <le ces villes, mit la seconde, ainsi que
la tête de pont de Tborn , à l'abri de toute entreprise y. et assura
ses communications avec cette dernière et importante place par
le point dlnowraklaw. .
Du 18 au 25 mai les troupes polonaises poursuivirent leurs
succès sur tous les points de la ligne étendue qu'occupait en-
core l'armée de l'archiduc Ferdinand. Le général Dombrowski
8*avanca sur la Bzura ; le général Kosiuski repoussa sur IL.owicz
la division autrichienne du général M ohr ; le général Haug^Le,
passant la Vistule à Plock , poursuivit un autre corps ennemi
sur Sochaczew et vers la Pilica ; enfin, le général en chef prince
Poniatowski, maître de Sandomir^ marcha sur la forteresse
de Zamosc. Cette place, ïÀen armée, approviMonnée , avec une
garnison suffisante pour sa défense , se rendit presque sans
coup férir après un ou deux Jours d'investissement. 8,000 Au-
trichiens mirent bas les armes; les Polonais trouvèrent dans
la place quarante pièces de canon et des magasins considé-
rables.
L'archiduc Ferdinand se trouvait alors dans une situation
d'autant plus critique que l'empereur Alexandre , après une
longueirrésolution, venait enfin de mettre en mouv^nent le corps
auxiliaire qu'il avait promis à Napoléon. Toutefois ce corps, d'en-
viron 15,000 hommes, paraissait plutèt destiné à surveiller les
Polonais qu'à opérer contre les Autrichiens. Il faillit même en
venir aux mains avec les premiers, aux portes de Gracovie, dont
les Busses voulurent s'emparer. Quoi qu'il en soit, les pre-
miers succès de Tarmée française sur le Danube avaient sans
doute hâté le détermination du monarque russe, et il est permis
de supposer, d'après la lenteur apportée dans le rassemblement
de ces troupes, que, si la fortune se fût déclarée d'abord en fa-
veur de l'archiduc Charles , la cour de Saint-Pétersboorg eût
différé la publicatton de Tespèce de manifeste que leprlnce Serge
Galitzin , commandant en dhtt le corps auxiliaire russe , fut
chargé de répandre avant de commencer les hostilités avec l' Au-
GUBRBl D'ALLEMAGNE, 147
triche^ Noos citerons quelques passages de cet écrit , qui por- ims.
tait le atre de prodamatlon. Poio%n^
a La guerre qui a éclaté entre la France et TAutriche ne
pouvait être Tued*un ceil indifférent par la Russie. Toute sorte de
soins et d'efforts ont été employés de notre côté aiin d'étouffer ce
feu avant qu^il s'allumât entièrement; il fut déclaré du pre-
mier moment à TAutridie qu'en vertu des traités et des engage-
ments les plus étroits» qui subsistent entre les deux empereurs
de Russie et des Français, la Russie agirait conjointement avec
la France.
« L'Autriche ne voulut pas avoir égard à ces représenta*
tioiis , qui auraient dû être d'un si grand poids pour elle ; mais
elle masqua du prétexte d'une défense propre ses préparatifs
guerriers, jusqu'à ce qu'enfin , par des démarclies agressives»
elle découvrit les desseins orgueilleux de son ambition et alluma
le flambeau de la guerre. Les Russes, en conséquence, ne pou-
vaient pas se dispenser de prendre à eette guerre une part qui
était loadée sur des traités solenneis. A la première nouvetie
qui lui parvint, eHe womtfit tous les liens qui existaient entre
elle et l'Autridie, et ordonna à son armée de s*approclMr des
fipontières de la GaUde» ete., ete.... d
Cette déclaration de la Russie précipita encore la retraite
de rarehiduc Ferdinand; à la fin de mai , les troupea autri-
chiennes avaient presque entièrement évacué la Galide ooei-
dentale et partie de Torientale. Le quartier général du prince
Poniatowski était le sa mai à Brody , ville de cette dernière
province, vers la fl^ontière de la Wolhynie.
fO.
ilalie.
CHAPITRE m.
SUITE DE l'aNNÉS 1809.
OuTerture de la campagne dans le nord de Tltalie; batailles de Saeile, de la
Pia?e; retraite de l'année autrichtenoe sur la Carinthie; combats de San-
Daniele, de Prewald, de Tar?is, de Laybadh, de San-Mlcbele; jonction de
famée d'Italie ayec la grande armée. — Opérations da général Marmont
en Dalraatle et en Croatie. — L'année dn prince Eugtee entre en Hon-
grie; bataille de Raab. — Combats de KlagenforUi» deKahlsdorf, de
Gr&tZy etc. — Réunion définitive des troupes do prince Eugène à la
grande armée près de Vienne et dans Tlle de Lobau.
4M0. L'arehidac Jean s'était avancé, comme nons Tavons dit, à la
léte des 6* et 9« corps de la grande armée autrichienne, vers les
frontières du royaume dltalie. Il allait tenter de remettre ce
beau pays sons la domination de la conr de Vienne en fcNrçant,
s'il était possible, par une agression vigoorense, Tarmée do
prince vice-roi Eugène-Napoléon de se retirer an delà do P6, et
peut-être même de l'autre côté des Alpes.
Les troupes ennemies étaient nombreuses, aguerries, et poor^
vues de tout ce qui pouvait assurer le succès d'une pareille en-
treprise. Aveuglé par ses illusions, le cabinet autrichien se flat-
tait que les peuples d'Italie, fatigués du joug des Français, se-
conderaient par un grand mouvement national les efftfrts de
ses troupes.
En effet, à la suite des bagages de cette même armée, des-
tinée à la conquête, marchaient une foule d'émigrés et de mé-
contents , la plupart nobles et prêtres, qui s'étaient volontaire-
ment exilés de leur patrie depuis que la présence des Français
et la nouvelle constitution du royaume leur avaient enlevé ,
avec leur influence première , la jouissance de leurs antiques
privilèges. On espérait à Vienne que ces transfuges organi-
seraient promptemeut un parti nombreux en faveur de la mo-
narchie autrichienne , et détermineraient sans peine les Véni-
tiens , les Milanais, les Toscans, et, par suite, tous les autres
GUBBBB D^ALBBHAGNI. >49
peuples de Tltalie, à se lever contre Toppressear qui M avait
leunrés d'une indépendance illusoire.
C'est dans cette persuasion que Tarchiduc Jean , d' ailleurs
plein de oonfiance en la valeur de ses troupes , publia la pror
clamation suivante, quîpréeéda Ventrée de Tannée ennemie sut
le territoire du royaume d'Italie :
a Italiens! écoutez la vérité et la raison; elles vous disent
que vous êtes les esclaves de la France , que vous prodiguez
pour elle votre or et votre sang. Le royaume d'Italie n'est
qu'un songe, un vain nom; la conscription, les charges , les
oppressions de tout genre ^ la nullité de votre existence poli^
tique, voilà des faits. La raison vous dit encore que, dans un
tel état d'ai>ajssement, vous ne pouvez être ni respectés» ni
tranquilles, ni Iteliens. Voulez-vous l'être une fois? Uiyasez
vœ forces, vos. bras et vos cœurs aux armes généreuses de Tem*
pereur François. En ce moment il fait descendre une armée
imposante en Italie; il Venvoie, non pour satisfaire^ «ne vaine
soif de eonquétes, mais pour se défendre lui«même, et assurer
Tindépendance de toutes les nations de TEurope menacée par
une série d'opération» consécutives qui. ne permettent pas de
révoquer en doute un esclavage inévitable. Si Dieu protège lee
vertueux efforts de l'empereur François et ceux de ses puis-
sants alliés, ritalie redeviendra heureuse et respectée en Eu-
rope ; le cheC de la religion recouvrera sa liberté , ses États , et
une constitution fondée sur la nature et la véritable politique
rendra le sol itaiie»> fortuné et inaceessibleà toute force étrau-
gèrc.
tf C'est François qui vous promet une si heureuse, une si
brillante existence; l'Europe sait que la parole de ce prince
est sacrée> immuable autant que pure. Éveillez*vous donc. Ita-
liens! levezrvous. Ile quelque parti que vous ayez été ou que
vous soyez, ne craignez rien, pourvu que vous soyez Italiens :
nous ne venons pas à vous pour rechercher, pour punir, mais
poar vous secourir, pour vous délivrer. Voudriez-vous rester
dans l'état abject où vous êtes? Ferez-vous moins que les F^s-
pagnols, que cette nation de héros , chez lesquels les faits ont
céppndn aux paroles? Aimez-vous moins (fu'elle vos fils , votre
suinte religion, l'honneur et le nom de votre nation? Abhorrez-
thê UVU SIXIÉMI.
iMiL VOUS moiiia qà'Me la iioiitetiie «errllude qu'on a voola vous
imposer avec des paroles engi^eaiites et des dispositions si con-
traires à ces paroles ? Italiens 1 la nlson » la vérité vous disent
qa'wnt occasion aossi ûtvoralde de secouer le joug étendu sar
l'Italie ne se représentera pins jaoMds ; elles toqs disent que» si
vous ne les écoutes^ pas, vous courez les risques, quelle que soit
ramée victorieuse, de n*ètre autrechose qu\in peuple conquis*
un peuple sans npm et sans droits; que si, au contraire» vous
vous unissez fortement à vos libérateurs , que si vous êtes avec
eux victorieux, l'Italie renaît; ^e reprend sa place parmi les
grandes nations du monde, et» coqu'elle ftit déjà, elle peut re^
devoir la première^
« Italiens! un meilleur sort est entre vos mains, dans ces
mains qui portèrent le flambeau des lumières dans toutes les par«
tics du monde» et rendirent à rOurope tombée dans la barbarie
lessdeaces» les arts et les moeurs.
« Milamiis» Toscans, Vénitiens^ Plémontais, et vous, peuples
deritalifS entière, rappelez- vous bien le temps de votre ancienne
existence. Ces Jouis de paix et de prospérité peuvent revenir
plus beaux que Jamais, si votre conduite vous rend lUgnes de
cet beureux changement
« Italiens ! vous n'aurez qu'à le vouloir» et vous serez Italiens,
aossi glorieux que vos ancêtres» heureux et satisftJts autant
que vous l'avez Jamais été à la plus belle époque de votre
histoire. »
On a vu» dans l'avant-detnier chapitre, que le gouvernement
autrichien avait fixé au 1 0 avril le commencement des hostilités
suf toute la vaste ligne des opérations desesarmées. Dès le 9, Tar-
çhiduc Jean, dont \e% troupes étaieirt réimies entre la Save et
legokfe Adriatique, envoya aux avant-postes du prince Eugène,
à Ponteba » un officier porteur d^one déclaration pareille à
celle que l'archiduc Charles faisait parvenir le même Jour à
Munich.
De même que l'armée d'Allemagne, cello d'Italie ne se trou^
vait point encore en mesure de repousser vivement une pre-
ml^ agression ; on en Jugera par Tétat suivant des cantonne-
ments qu'occupaient les différents corps qui la formaient à Vé-
yoque dont nous parlons.
lUIle.
GUBUB D'ALI^HàGHB. 16t
La pramière division d^iiiftuiterie, eommandée par le général «m.
Séraa» à Patma^Nova, Qviâale et Veine;
La deuxième ( général Brouaier ) à Artegna, Gemona , Os-
pidaletto, Yeaicne, Sa»*Daiiieie, Majano et Osopo^ pouesant
des détachementa dana la Tallée de la Fella Jusqu'à Ponteba ,
aor la route de Tanria;
La troisièiiie ( général Grenier) en arrière des deux premières^
à Pordenone, Soeile et Gonegliano.
Le général Lamarqne» commandant la quatrième division^
venait d'arriver à Vérone avec une partie de ses troupes ; l'autre-
était en marclie de la Toscane pour le rejoindre.
La cinquième (général Barbou) était à Tré vise, Gitadella,
Bassano et Feltre.
La sixième (ou première division italienne» sous les ordres
du général Severoli) occupait Padoue, Este et quelques autres
p<^nts près de ces deux villes.
La septième (deuxième italienne, commandée par te général
F^Nitanelli ) se rBsaeml>iait an camp de Monteehiaro ; une par^
tie de cette diviaion était en marche du royaume de Naples
pour venir Joindre Tannée.
Le général Saliuc , commandant une division de cavalerie
légère, avak son quartier général à ITâine; sa première brigade
occupait dercière la Torre (rivière qui se jatte dans l'isonzo)
une ligne qui s'étendait de Nogaretto à Vilese ;. la seconde bri-
gade était détachée à Gcneda, Pordenone, Gonegliano, Yicence
et Padoœ.
Deux division» da dragons, sous les ordres des généraux
firouchy et Puliy ^ étaient diaséminéea à VHla-Franca, Rovigo ,
laola délia Scala, B^verbeila» Gastellaro, Sanguinetto, Hantoue
et Ferraore.
Le grand parc d'artillerio était à Yérone, où il resta Jus-
qu'aa 1 9 mai, le nombre des chevaux néeessairea au train
n'ayant été réuni qu'à cette époque.
Le» grenadiers de la garde royale italienne étaient à Pa-
doœ; les carafaiBiers , les véUtes, les dragons^ les gendarmes
d'élite, l'artillerie à cheval et le train de cette garde, à Milan
»a aux envirena. La Imrce de eette armée s'élevait à envhron
Myùoo hommes.
lUUe.
153 UVES SIXIÉMB.
IM9. ^ prlDce vice-roi, qui se trouvait à Udine lorsque l'ardiiduc
fit remettre aux avant-postes de la division Broussfer la décla-
ration de guerre dont nous venons de parler, rétrograda sur-
le-champ sur Mestre, pour activer la concentration de ses troupes
sur la ligne , qui n'était alors gardée, ainsi qu'on a pu le re-
marquer, que par les deux divisions d'infiinterie Seras et Brous-
sier, et une des brigades de cavalerie légère du général Sahuc.
L*armée autrichienne se trouvait alors répartie ainsi qu*ll soit :
8^ corps, feld-maréchal-Heutenant Albert Giulay ,
LeopoldsklrchenetTarvIs...... 20,192 h.
9« corps, feld-maréchal-lieutenant Ignace Giulay,
à Wurzen, Karfireid et Gôrz ,. 28,758
Landwehr 26,600
Kn Croatie^ division du général-major Stoichewich. 7,300
82,850 h.
Le 10, à six heures du matin, le» Autrichiens, marchant sur
plusieurs colonnes, attaquèrent les avant-postes du général
Broqssier dans la vallée de la Fella. Le capitaine Schneider,
chargé de la défense du poste de la Ghiusa , y fit une longue
et honorable résistance; mais, accablé par le nombre et cerné
de toutes parts ^ il fut foreé de se rendre prisonnier avec
57 hommes; le reste de son détachement parvint à se retirer
par les montagnes.
Le généial Broussier, promptement informé de cette attaque,
réunit sa division à Ospidaletto , en laissant seulement deux
bataUlops à Osopo. Ges troupes firent une marche de nuit pour
venir, le 1 1 au matin, se ranger en bataille sur ua mamelon qui
domine la grande route et le lit du TagUamento, en avant d'Os-
pidaletto. A huit heures, la troupe ennemie, soutenue d'une
nombreuse artillerie, parut devant cette position ; la division
Ihmçaise, moins nombreuse que les attaqiumtB de près de moitié,
soutint ave& vigueur leurs efforts réitérés. A trois heures après
midi , le général Broussier reçut du prince vice-ioi Tordie de
passer le Tagliamento au pont de Dignano.; mais il était alors
trop vivement pressé pour pouvoir exécuter ce mouvement
sans danger ; au lieu donc d'effectuer de suite ce passage, le gé^
tkéral Broussier resta sur la rive gauche pour couvrir le pont d^
GUEEBB D'ALLEBIàGNB. 1S3
Dignano, el continua à maintenir Tennemi avee autant d*intré- mie.
pidlté que de bonheur. La nuit mit iln à ce combat opiniâtre, '^'*^
I dans lequel les Autrichiens perdirent plus de 1 »000 hommes
I tués ou blessés, et 300 prisonniers environ. Du côté des Fran-
çais, la perte était moins considérable; le général Desaix avait
reçu deux coups de tea qui le mirent hors de combat vers
quatre heures du soir.
Tandis qu'un fort détachement de Tarmée ennemie attaquait
ainsi la division Broussier, l'archiduc Jean faisait traverser
I
I risonzo au gros de ses troupes, et le prince Eugène se hâtait
' d'envoyer de nouveaux ordres, afin d'accélérer la marche des
autres divisions sur le Tagliamento.
Le général Broussier passa cette rivière dans la nuit du 11 au
13, et établit ses troupes sur la rive droite, laissant un ba-
taillon du 9^ régiment en position à Dignano; la division Seras
dut obéir, de son côté, à ce mouvement rétrograde. Le vice-roi,
qui avait déjà pris des mesures pour mettre la place de Palma-
Nova en état de défense , ordonna au général Schilt de s'y
renfermer avec 3,260 hommes.
Mais bientôt les coureurs de cavalerie légère annonçant que
rarchiduc Jean s'avançait avec des masses imposantes, le prince
Eugène reconnut qu'il lui serait difficile de se maintenir sur le
I Tagliamento avee les seules forces qui s'y trouvaient en ce mo-
I ment; c^est pourquoi il envoya au général Broussier Tordre de
rompre les ponts de Dignano et de Spilimbergo , et de venir
prendre position sur la Livenza avec la division Grenier, qui
s'y trouvait déjà , le reste de la division Seras, de laquelle fai-
saient partie les troupes laissées à Palma-Nova, et les autres
divisions qui accouraient pour se mettre en ligne.
Le 14 avril au soir, le quartier général du vice-roi était à
Sadle; le général Seras avait le sien à Brugnera, le général
Broussier à Gardaso, le général Grenier à Fontana-Eredda ,
occupant les hauteurs de Sadle; le général Barbou à Fretta, le
général Severoli à Blbano , enfin le général Sahuc à Pordenone.
Les autres divisions étaient encore en marche.
Le 1&, au matin, les grand'gardes du général Sahuc» en
avant de la Livenza, furent attaquées par l'ennemi, dont l'in-
leQtion était de tourner tous les postes français à gauche de Por-
1S4 LIVBB SlXlàlU.
iiNMi. deno&e, pour prendre la ligne française en flanc. Ce dernier
itaue. villi^e et celui de San-YKo S qui est en avant, furent évacnéi;
la cavalerie légère se replia sur Fontana-Fredda et sur SacUe,
non sans éprouver quelque perte, ce que le général Salmc eût
pu éviter s*il eût reçu à temps Tordre ^e lui donnait le vioe-
roi de se replier promptement sur Sacile.
Cet engagement n*était an reste que le prélude de l'action phis
sérieuse qui allait avoir lieu le lendemain. En effet, le prince
Eugène, sentant la nécessité d'arrêter les progrès de l'armée
ennemie avant la complète réunion de ses forces, avait résolu
d'attaquer celles qui s'avançaient sur lui.
16 arriL Bataille de Sacile, — Les dispositions pour cette attaque fu-
rent flEiites dans la nuit du 15 au 16 : les deux divisicMas Seras
et Severoll ibrmaient la droite ; celles des généraux Grenier et
Barbott le centre , et la division Broossîer la gauche de l'ar-
mée. Le vice-roi garda en réserve la cavalerie légère du gén^
rai Sahuc pour la porter au besoin sur le point convenable.
Le 1 6, à neuf heures du matin , les divisions s'avancèrent par
échelons sur les troupes ennemies , qui étaient en position sur
les hauteurs de Palse. La division Seras , soutenue par celle du
général Severoli, commença l'attaque. Le village de Palse, où
se trouvait une avant-garde autrichienne, fut enlevé au pas de
chaire et à la baïonnette par la brigade du général Garreau :
celui-ci reçut un coup de feu; toutefois» la troupe ennemie,
* Le 35^ régiment de ligne, attaqué dans Pordenone par plus de 4,000
liommes , se distingua par la belle résistance quil opposa pendant cinq
heures aux efTorts de rennemî ; toutefois le colonel Breissand et environ
400 hommes furent faits prisonnien. L*ârchidttc Jean dit à œt oCfider,
dont la valeur avait frappé d'admiration ses adversaires : « Colonel , un
brave tel que vous ne saurait rester désarmé ; je vais faire cbercber votre
épée sur le champ de bataille; si elle ne se retrouve pas, je vous donnerai
h mienne. » (Le colonel Breissand, devenu depuis général, a élé tué au siège
deDuitiigenfSia.)
Dent jeunes officien, les lieutenants Hvotet Richard de Tussac, spéciale-
ment diacgés de la défense des deux portes de Pordoione, avaient soutenu,
chacun avec un détachement de 20 hommes, les charges réitérées de deux
régiments de cavalerie ennemie qui voulaient traverser la ville pour couper
la retraite à rinAmterie française; quoique blessés l'un et 1'm(i«, ils ne
quitterai les postes qui leur étaient confiés que lorsqve la vilelomba au.
(louvoir des Attirichleus.
GUBBIB D'ALLEMAGNE. 155
) de Paise, ayaot élé renforcée par une colonne qui s'a-
vançait de Pofcia, reprit bientèl Toffensive et vint se jeter brus- '^^'
quementsur les échelons du général Severoli. Les bataillons ita-
liens soutinrent d'abord le ehoe avec beaucoup de fermeté ; mais,
ayant afRûre à des forces supérieures, ils finirent par céder le
terrain, pour venir s'appuyer à la brigade du général Roussel,
de la division Seras , que ce dernier avait tenue en réserve.
Par suite de se mouvement rétrograde , la brigade Carreau
abandonna levHIage de Palse» et l'ennemi profita de cet avan-
tage pour pousser vigoureusement les deux divisions que le géné-
ral Seras reformait dans une position plus favorable. Sur ces en-
trefaites , trois bataillons de la division Barbou arrivèrent au
soutien des troupes ainsi pressées, et donnèrent au général Seras
les moyens de revenir à la charge. Une généreuse émulation
animant les Français et les Italiens, les Autrichiens plièrent à
leur tour, et furent ramenés au pas de charge jusqu'à la posi-
tion de Porcia, où ils essayèrent de se maintenir, mais d'où ils
Ibrent promptement dépostés avec perte de bon nombre de tués
et blessés.
Jusqu'à ce moment le centre et la gauche de l'armée fran-
çaise n'avalent point été engagés; mais, après que le général
Seras eut occupé Porcla, le général Grenier, s'aperce vant d'un
mouvement que les troupes ennemies qu'il avait devant lui fai"
salent dans le dessein de soutenir celles qui venaient d'être re-
pouflsées de Porcia^ s'avança lai*méme pour menacer leur flanc ;
cette diversion, exécutée très à propos, dégagea le général Se-
ras , qui déjà se trouvait réattaqué dans Porcia par des forces
supérieures aux siennes. Les deux brigades des généraux Teste
et Abbé, formant la division Grenier, attirèrent l'attention de
Tennemi, réussirent à le tenir éloigné de Porcia, et lui firent
même des prisonniers. C'est 'alors que le général Teste reçut une
blesBUfe qui le mit hors de combat. Le colonel Gilflenga, à la
tète d'un escadron de dragons de la garde italienne, chargea
plusieurs fois la cavalerie autrichienne et lui fit plus de 150
prisonniers.
Pendant ce temps, les divisions Barbou etBroussier s'étaient
avancées sur Fontana-Fredda, à la hauteur du général Grenier;
La dernière de ces divisions marchait sur trois colonnes, h quel-
lUUe.
1^6 UV£E SIXIÈME.
que distance Tune de Tautre, son artillerie placée dans les in*
tervalles; le général fiarbou avait pris position en avant du
village.
Le prince Eugène, informé que les Aatrichiras faisaient un
troisième elTort pour reprendre Porcia, ordonna au général Brous-
sier de déborder Fontana-Fredda, et de poster sa réserve sur
les mamelons qui sont à gauche et en arrière de cette position.
Le général Barbou appuya alors sur la division Grenier.
Le combat était devenu général sur toute la ligne ; mais l'en-
nemi ayant mis toutes ses troupes en mouvement, cette lutte
ne pouvait plus être qu'inégale. Pendant six heures les Fran-
çais eurent à soutenir le choc de masses considérables, et se main-
tinrent dans leurs positions avec une opiniâtreté sans exemple.
A la fin, comme les Autrichiens se renforçaient de plus en plus
et renouvelaient leurs attaques avec des troupes fraîches, le
prince vice-roi crut devoir faire rétrograder ses divisions sur
Sacile» pour reprendre les positions qu^elles occupaient la veille.
Ce mouvement s'exécuta avec tout Tordre et le sang- froid con-
venables. La cavalerie du général Sahuc ayant été repoussée
dans plusieurs charges^ la division Broussier couvrit seule ja
retraite de l'armée, soutint à plusieurs reprises et avec le plus
grand succès le choc de la cavalerie, ainsi que le feu de TartiU
lerie ennemie, sans qu'aucun de ses carrés fût entamé ; 11 était
nuit lorsque l'ennemi cessa sa poursuite.
Cette affoire, à laquelle les deux partis donnèrent le nom de
bataille de Sacile, quoique perdue par les Français, n'était point
sans honneur pour les troupes du prince Eugène; car elles avaient
combattu avec la plus rare valeur pendant plus de neuf heures
contre des forces doubles', et leur perte, en tués, blessés et pri-
sonniers, était moindre que celle des Autrichiens.
' Parmi les traits Bombreux que peut fournir cetle iatte mémorable, nous,
citerons celui-ci : le leutenant Pellegrin, du si*" régiment, venait d^avoir
une jambe emportée par un boulet. Comme quelques Toltigeurs de la com-
pagnie s'empressaient de Tenlever du champ de bataille, il leur dit avec
énergie : « Non, mes amis, laissez-moi dans cette place et retournez à voa
rangs, où votre présence est bien plus nécessaire ; il ne faut pas que le ré-
giment perde sept hommes au. Ueu d!an seul. Si l'ennemi est généreux, ik
prendra soia d'uiv brave.. ••
GITSBBE d'ALLEMAGRB. 157
Le Yîce-roi » convaincu par la grande supériorité des forces.
qu*il venait de combattre que toute I*amiée de l'archiduc Jean
était devant lui , ne voulut point compromettre davantage les
seules troupes qu'il eût alors à sa disposition pour couvrir le
royaume dltalle, et il se détermina à venir prendre sur-le-
champ la ligne de TAdige , en ordonnant la retraite sur Cal-
diero; il avait d'ailleurs l'espoir fondé d*étre bientôt renforcé
sur ce point par les troupes qui étaient en marche tant de l'in-
térieur du royaume d'Italie que de la Toscane et du royaume
de Naples. Du 17 au 19 l'armée continua son mouvement ré-
trograde et passa la Plave sans être inquiétée par l'ennemi.
Le 22 elle s'établit sur l'Âdige, où la division d'infanterie du
général Lamarque et celle de dragons du général Pully étaient
déjà réunies. Les places d'Osopo, Palma-Nova et Venise res-
taient occupées par de fortes garnisons. Dans une rencontre de
cavalerie qui eut lieu près de Padoue , les Français firent pri-
sonnier l'intendant général de l'armée autrichienne , comte de
Gœss, dans le portefeuille duquel on trouva des instructions
et les pleins pouvoirs de la cour de Vienne pour l'organisation
politique et administrative du royaume d'Italie. Levioe-roi
envoya ce gouverneur général provisoire au fort de Fene»-
trelle.
La lenteur que les Autrichiens mettent presque toujours dans
leurs grands mouvements offensifs donna au prince Eugène
tout le temps nécessaire pour réunir et concentrer ses troupes.
L'armée, renforcée par tous les corps disponibles, reçut une
nouvelle oi^anisation ; au 28 avril elle occupait les positions
suivantes :
L'aile droite , sous les ordres du général Maedonald , envoyé
par l'empereur Napoléon pour commander un des corps prin-
cipaux de l'armée du prince vice-roi, était formée par les deux
divisions Broussier et Lamarque, et une brigade de dragons sous
les ordres du général Guérin ; elle gardait une partie de la ligne
de l'Adige depuis Ronco Jusqu'à Gaidiero.
Le centre , commandé par le général Grenier, et composé de
Ja division de ce général (confiée provisoirement au général
Abl>é)y de la division Seras et de quatre escadrons du 8^ régi-
ment de hussards, s'étendait depuis Gaidiero , occupé par le
itille.
Italie.
tâft LIVRB SIXIÈMB.
général Seras, jusqu'au village de San-Biartîno^ où étaimt éta-
bUs les S2« et lor r^ments.
L'aile gauche, commandée par le général Baraguey d'Hîl*
liersy se composait des divisions Severoli et Fontanelli, et de
celle du général Rusca» qui , momentanément détachée dans le
Tyrol, venait de rejoindre l'armée; ces troupes étaient en posi-
tion devant Vérone.
La division d'in&nterie du général Dorutte, formée de trou-
pes récemment arrivées de la Toscane ; celle de dragons du gé-
néral PuUy, celle de cavalerie légère du général Sahuc, enfin
la garde royale italienne formaient la réserve. Le général Sa-
huc était en avant de Caldiero, à cheval sur la route de Vioenoe ;
la garde royale à San-Martino ; le général Pully à Vago, ob-
servant le cours de l'Adige Jusqu'à Roverchiara ; le général Do-
mtte, dont la division n'était point encore entièrement réunie,
à Isola délia Scala, couvrant la forteresse de Mantoue.
Le grand parc d'artillerie était à Vérone, et le prince Eugène
avait son quartier général à Vago.
Nous avons dit que le vice-roi avait pris la précaution de Je-
ter dans Palma-Nova une garnison de 3,000 et quelques cents
hommes, sous les ordres du général Sdiilt. Dès le 1 s avril , le
général Bretfeld, commandant l'aile gauche de l'armée aatrir
chienne, fit sommer cette forteresse; mais, comme il n'obtint
qu'une réponse négative, il suivit le mouvement de l'archidue
sur Pordenone, ne laissant devant Palma-Nova qu'un faiMe
corps d'investissement. Du 18 au 26 le général Schilt fit quel-
ques sorties dans lesquelles il obtint presque toujours Tavan-
tage, l'ennemi se bornant à garder soigneusement tous les
al)ords de la place, pour couper les communications extérieures.
Dans une nouvelle sortie effectuée le i^ nuii, la garnison
française ftat très-étonnée de ne plus trouver de troupes devant
elle. Cette droonstance permit au général Sehiit de fèm entier
dans Palma-Nova des vivres, dont il commençait déjà à éprou-
ver la disette.
Le vice-roi avait également chargé le général Baiiioa d'oc-
cuper Venise avec une partie de sa division; cette ville, ses
lagunes et ses passes étalent défendues par quatre-vingt-dix-
sept fortins et huit forts plus considérables ; mais les travaux en
I
Italie.
GUBRKB D'ALLEMAGNE. 159
terre ée edni dit de Ma1|^ra se trouvaient à peiae ébauchés ims».
dans certaines parties , dont plusienrs présentaient un abord fa-
cile à roinenii. On était déddé à l'abandonner , lorsque le
prince Eugène Jugea que ce poste, qui unit Venise au conti-
nent, pouvait servir à appuyer les opérations de Tarmée; il or-
donna en conséquence qu'on s'occupAt sur-le-champ de l'armer
et d*achever les travaux. Quelque célérité que Ton pût met*
tre dans Texécution de l'ordre du prince, ce fort n'était point
encore en état de défense lorsque, le 23 avril, un parlemen-
taire se présenta pour demander qu'on le remit aux troupes de
rarchiduc; le général Barbou dit qu'il répondrait à cette som-
mation sur la brèche.
Le fort fut investi, deux heures après le retour du parlemen-
taire, par un corps nombreux détaché de l'armée autrichienne
(alors sur la Piave) , et pourvu d*une artillerie formidable, qui
fut sur-le-champ mise en batterie contre les parties les plus fai-
bles. L'artillerie du fort répondit avec vivacité aux premières
décharges et réussit à démonter plusieurs des pièces ennemies;
les Autrichiens s'avancèrent alors sur plusieurs colonnes pour
donner l'assaut au front de l'ouest. Ils étaient parvenus jusqu'au
bord du fossé, qu'ils sedisposaient à franchir, lorsqu'une décharge
subite de la plupart des pièces du fort, que Ton avait réunies sur
ce point, porta un désordre tel dans les rangs de l'ennemi quMl
lui fut impossible de reformer ses colonnes pour tenter le pas-
sage du fossé. L'archiduc Jean commandait en personne cette
attaque, où il perdit pins de 800 hommes de ses meilleures trou-
pes. Cette échec découragea les Autrichiens, et le prince, n'es-
pérant plus emporter Malghera de vive force, se contenta de le
tenir étroitement bloqué.
Sur ces entrefaites , l'archiduc Jean reçut des dépêches du
conseil aulique, qui lui apprirent les premiers échecs éprouvés
par Tannée principale sur le Danube, et qui lui prescrivaient
de suspendre son mouvement progressif en manœuvrant de ma-
nière à ne point trop s'éloigner des États héréditaires. Dès le
28 avril l'archiduc avait arrêté la marche de ses colonnes, et
se disposait à rappeler ses avant-gardes , qui s'étaient avancées
jusqu'au delà de Vicence, en suivant le mouvement rétrograde
de l'armée française.
Italie.
ICO LIYBE SIXIÈME.
««Op. Le prince Eugène, averti que les patrouilles ennemies ces-
saient de se montrer sur la ligne de ses avant-postes, ordonna,
le 29 , une reconnaissance générale sur toute cette ligne, afin
de connaître les forces qu'il pouvait avoir encore devant lui sur
la rive gauche de TAIpon. Le gros des troupes de Taile droite
s*avança sur Villa-Nova, où l*ennemi démasqua vingt pièces et
déployasur T Alpon un corps assez considérable en infanterie et en
cavalerie. Le général Grenier, avec les deux divisions du cen-
tre et le 8^ de hussards, marcha sur Soave, et se borna à
échanger quelques coups de canon avec Tavant-garde autri-
chienne^ qu*il y trouva retranchée. Les troupes de Taile gauche
repoussèrent les Autrichiens de quelques postes qu'ils occupaient
dans les montagnes au nord de Vérone , et notamment sur les
hauteurs de Bastia , où les brigades Sorbier et Bonfanti s'éta-
blirent; les autres troupes reprirent, dans la soirée, leurs posi-
tions premières.
Uennemi, contrarié dans ses desseins par la perte des postes de
Bastia, reparut le lendemain, au nombre de 9 à 10,000 hommes
partagés en deux colonnes, devant ces positions. Le r^'régi-
ment de ligne italien , attaqué à Castel-Cerino , s*y maintint
jusqu'à midi , heure à laquelle le général Sorbier lui envoya
Tordre de se replier sur Illasi. Les Autrichiens, enhardis par
ce premier avantage , s*avançaient avec confiance pour enlever
les autres positions, lorsque le général Sorbier, à la tête d'un
bataillon de grenadiers de la garde italienne, tomba sur le flanc
d'une de leurs colonnes et arrêta sa marche. L'ennemi fit de
nouveaux efforts pour s'emparer des hauteurs de Bastia;' le
général Sorbier, renforcé par les deux autres bataillons de la
garde, s'y maintint longtemps avec succès; mais, se voyant sur
le point d'être tourné, il fit sa retraite sur Bastia et sur Illasi.
Ce mouvement était déjà devenu fort difficile; il s'effectua ce-
pendant avec autant de bonheur que de précision. Poursuivis
par des forces supérieures, les bataillons de la garde italienne
n'auraient éprouvé qu'une perte peu sensible si malheureuse-
ment le brave général Sorbier n'eût pas été blessé grièvemf nt
dans cette action.
Cette attaque vigoureuse des Autrichiens n'avait eu lien que
pour donner le change au prince Eugène sur le mouvement ré-
GUEBBB D^ALLElfAGlIB. 16t
trograde ordonné par Farchlduc Jean. En effet, pendant la nuit ii
do SO avril au T' mal, Tennemi évacua toute la ligne de TAI-
pon et se retira sur Vicence. Du moment que le vive-roi en eut
connaissance, il se prépara à suivre cette retraite; le {^éral
Maodonald fit réparer les ponts sur 1* Alpon, et, cette opération
ayant été proroptement terminée, toute Tarmée s*ébranla pour
s^porAr en avant. Le 2, à cinq heures du matin, Tavant-
garde française, qui avait passé l*Alpon la veille, rencon-
tra une arrière-garde ennemie près de Montebello et la mena
battant jusqu'à Olmo , dont le 9' régiment de ligne s*empara
après avoir forcé le pont qui est en avant de ce village. Les Au-
tdcbiens se retirèrent sous les murs de Vicence. Le général De-
broc Ait dangereusement blessé dans cette action.
L'anière-garde autrichienne se retirait avec rapidité; elle
traversa la Brenta dans la nuit du 2 au 3 , et Joignit le gros
de l'armée sur les hauteurs d'Armeola.
Le prince Eugène fit avancer ses colonnes dans les deux di-
recticms de Bassano et de Citadella ; mais le passage de la Brenta,
-dont Tarrière-garde ennemie avait détruit les ponts, fut long
et difficile.
L'avant-garde, qui ne parvint sur la rive gauche que le 5, se
d^ea aussitôt sur Castel-Franco et Fossa-Lunga. Bassano,
défendu par quelques bataillons ennemis , fut emporté de vive
forée dans la soirée par la division Seras, qui fit, tant dans cette
action que dans sa marche de Vicence à Bassano » 1,500 pri-
sonniers: un bataillon , surpris dans Marostica, s'était rendu
sans coup férir.
Pendant que le» autres divisions de Tarmée effectuaient ainsi
le passage de la Brenta » celle du général Durutte avait eu ordre
de se porter sur Trévise par la route de Mestre. Arrivés devant
^tte ville, les Français attaquèrent le faubourg de San- Antonio
et remportèrent dès le soir même. Les Autrichiens évacuèrent
Trévise pendant la nuit» abandonnant des magasins considérables
de farine, de grains et de fourrages» que l'archiduc avait formés.
Le 1 6 mai , Tarmée autrichienne , réunie et en position sur la
rive gauche de la Piave, paraissait vouloir disputer vigoureu-
sement le passage. Le prince Eugène , avant de tenter cette der-
nière entreprise, ordonna les dispositions suivantes :
Itaiir.
'16:3 lIVAB SIXIBHI.
1809. L*a van t- garde ) soutenue par les divIsioDS de cavalerie des
Italie, gén^fjm^ Sahuc , Grouchy et Pully y dot prendre la direction
de Postuma ^ et s'avancer rapidement sur la Plave, pour em-
p^her, sMl était possible, Tennemi de oooper le pont de Lova-
dina; mais l'archiduc avait déjà ihit détruire ce moyen de pas-
sage.
Le général Macdonald dut s'avancer également dans h même
direction avec les deux divisions de Taile droite.
Le général Grenier eut ordre de faire marcher sur San-Por-
ciano et Sprisiano la division du général Abbé , en même temps
quMl porterait la division Seras sur Narvedesa.
Le général Baraguey d'HillierSy-avec les troupes de l'aile
gauche (à l'exception de la division Rusca, laissée sur le liant
Adige), dut traverser Yisnadel pour venir prendre position
en arrière de Lovadina et de Sprisiano.
Ces divers mouvements s'exécutèrent dans la journée et pen-
dant la nuit du 6 ail 7.
Le 7 , au matin, l'armée se trouvait ainri établie : Favant*
garde sur les bords de la Piave; la cavalerie légère et les dra-
gons à Maserada , San-Biaggio et en avant de Lovadina ; les
deux divisions de F-aile droite à Lovadina et Yisnadel ; celles
du centre en avant d* Arcade et à Narvedesa ; les troupes de l'aile
gauche un peu en arrière de cette ligne , et enfin la garde royale
en réserve A San-Artieno , où le vice-roi avait son quartier gé-
néral. La journée du 7 fut employée à reconnaître les bords de
la Piave , pour mieux assurer le succès du passage et de l'at-
taque , fixés au lendemain.
Il fut décidé que le passage de la Piave s'eflfectnerait au gué
dit de la Grande-Maison ou dé" Lovadina, et à celui de San-
Michele. Le général Dessaix , h la tète de l*avaiit«-garde, flormée
de détachements de cavalerie légère et de compagnies de volti-
geurs, devait se porter le premier sur la rive gaudie , afin de
protéger le passage des divisions d*infantale au gué de lova-
dina; les trois divisions do cavalerie» passant dans le même
temps au gué de San-Michel« , avaient ordre d'aider le général
Dessaix à se maintenir contre les efforts que pourrait tenter
l'ennemi. ^■
« nul. Bataille de la Piave. — Les Autrichiens occupaient sur la
Italie.
GUBRBB J>*ÀLLEMAGNE« 163
rive gauebe de la Plave les positions les plus avantageuses pour im.
.recevoir Tattaque de leurs adversaires et défendre longt^nps
le passage de cette rivière. Leur droite s'appuyait au pont de
Priuli , qae Tarchiduc avait fait brûler, et leur gauche se pro-
longeait sur Bocca di Strada, où se réunissent les deux routes
qui conduisent à Conegliano ; leur front, garni d'une artillerie
Ibraiidable* s'étendait sur un rideau de collines, en avant du-
quel ils présentaient des grand'gardes de cavalerie très-rappro-
ebées*
Le 8 mai, à quatre heures du matin, le général Dessaix fit
sonder le gué de Lovadina , à deux milles au-dessous du pont
de Priuli, par une compagnie de voltigeurs aux ordres du ca-
pitaine Traverse, du 84"" régiment. Ces braves, ayant de Teau
jusqu'aux aisselles, passèrent la Piave en peu d'instants et se
formèrent sans difficulté sur la rive gauche. Ils furent suivis du
reste de l'avant-garde, qui se trouva réunie vers sept heures du
matin. L'archiduc Jean , désirant sans doute que l'armée fran-
çaise combattit ayant la rivière à dos, ne fit faire aucun
mouvement à ses troupes pour s'opposer à ce passage; les
grand'gardes aotriehiennes se relièrent même assez précipitam-
ment sur leur ligne, dans le dessein d'attirer de plus en plus les
premières troupes françaises sous le feu des batteries, qui com-
mençaient déjà à tirer, mais qui se trouvaient trop éloignées'
pour atteindre les colonnes : cette /use de l'ennemi lui réusait
en partie.
Quelques pelotona de cavalerie légère, s'étant avancés en effet
avec plusieurs compagnies de voltigeurs de l'avant-garde à la
poursuite de la cavalerie ennemie , furent aceueiUis par les dé-
charges d'une batterie de vingt-quatre pièces de canon, que
l'ennemi démasqua tout à coup ; en même temps , les eavaliers
autrichiens, faisant volte-foce, chargèrent les assaillants et les
ramenèrent en désordre.
Le général Bessaix fit sur-le-champ ses dispositions pour
repousser llennemi, qui avait renforcé ses premiers pdotims
de plusieurs autres régiments de cavalerie; il forma son infim*
terie eu deux carrés , dans l'intervalle desquels il plaça son ar^
tîUerie , et disposa sa cavalerie de manière à charger le flanc
gauche de celle des Autrichiens.
«I.
lUIie.
164 UTBE SIXIÈME.
iMP». Ceux-ci^ contiDuant à s'avancer, abordèrent bient^ la
troupe française , qm eut à soutenir le choc le plus terrible.
Malgré l'extrême disproportion du nombre, le général Dessaix
réussit à se maintenir, et donna au vice-roi, qui venait de passer
la Piave avec les trois divisions de cavalerie, le temps de faire
avancer celle du général Sahuc, pour arrêter les progrès de
l'ennemi.
A dix heures, les deux divisions Broussier et Lamarque, après
avoir éprouvé beaucoup de difficultés dans le passage de la
Piave, considérablement grossie depuis le matin, parvinrent
enfin à se former sur la rive gauche , malgré les efforts de quel-
ques détachements de cavalerie ennemie , qui , ayant filé der-
rière les corps déjà engagés, essayèrent de charger les bataillons
au moment de leur formation.
Jusqu'alors le prince Eugène s'était borné à manœuvrer de
manière à couvrir le passage du reste de ses troupes , retardé,
comme on vient de le voir, par la crue subite de la rivière;
mais, se voyant en mesure de commencer l'attaque de la ligne
autrichienne, il donna l'ordre au général Pully de charger sur
les vhigt^-quatre bouches à feu que l'ennemi avait démasquées
au commencement de l'action , tandis que le général Sahuc re-
nouvellerait de son côté ses charges sur la portion de cavalerie
ennemie qui ne cessait point de harceler le général Dessaix dans
la position qu*il avait prise.
Le général Pully , qui s'était déjà préparé an mouvement que
lui prescrivait le prince, fit avancer sur-le-champ le 28* régiment
de dragons , conduit par le générd Poinçot , et se mit à la tète
du 39* régiment de ht même arme, pour soutenir ce mouvement.
Les dragons arrivèrent au.trot jusqu'au bord d*un fossé large
et profond qui couvrait la batterie ennemie, protégée en outre
par plusieurs escadrons, formés en bataille derrière elle sur trois
lignes.
Une décharge générale à mitraille des vingt-quatre pièces,
faite à demi-portée, n'arrêta point l'élan des assaillants , et Us
frandiirent le fossé avec autant de sang-froid que d'intrépidité.
Le 28* régiment entama la charge avec la plus grande vigueur,
sabra les canonniers ennemis sur leurs pièces , et s'empara en un
moment de quatorze de ces pièces.
lUlie.
GVBRBB D*ALLBMAGNV. 165
Le général folly, à la tète des deux régiments réunis, se pré- i mn.
dpita ensuite sur la cavalerie autrichienne, forte de deux mille
chevaux environ, la rompit et la ramena en désordre jusqu'à
un mille de Gonegliano , où se trouvait un corps d'infanterie
qui seul put arrêter la poursuite des Français, en donnant aux
Âiyards la fecilité de se rallier derrière lui. Un escadron du
29^ de dragons» emporté par trop d'ardeur, se trouva un instant
an milieu de cette infanterie ennemie, dont il reçut le. feu à
bout portant; mais il parvint à se dégager. Trois généraux,
un aide de camp de rarchiduc Jean et bon nombre d'officiers
et de cavaliers ennemis furent faits prisonniers dans cette
charge brillante; le colonel du régiment de Savoie (dragons)
et celui des hussards d*Ott se trouvèrent parmi les morts.
Le général Sahuc n'avait pas obtenu moins de suceès contre
la cavalerie qui tenait en échec la troupe du général Dessaix.
Les 6*, 8® et 25* de chasseurs exécutèrent successivement
plusieurs charges qui complétèrent sur ce point la déroute de
l'ennemi; celui-ci perdit encore beaucoup de monde , quelques
pièces d'artillerie légère , *et fut rejeté sur la route de Gone-
gliano. Le général Dessaix , entièrement dégagé par les mou-
vements qu'on vient de voir, put continuer à se porter en avant.
Le 9^ régiment de chasseurs culbuta encore quelques escadrons
ennemis qui s'étaient dirige vers le gué de Sati-M ichele , où la
division Abbé effectuait alors son passage.
A trois heures du soir, l'armée française se trouvait sur la
rive gauche , à l'exception toutefois d'une brigade de la divi-
sion Broussier, qui n'avait pu triompher du courant de la Piave ,
devenu plus fort et plus rapide , et des divisions du général Ba-
raguey d'Hilliers, que le prince Eugène laissait provisoirement
en réserve sur la rive droite.
Le vice-roi forma ses troupes en ligne de bataille à deux cents
toises en avant de la rive gauche : la division Grenier (com-
mandée par le général Abbé] à droite, et celle du général La-
marque à gauche. Cette dernière se trouvait flanquée par la ca-
valerie légère du général Sahuc. Sept bataillons de la division
Broussier et un régiment de la division Durutte étaient au
centre ; les deux divisions Pully et Gronchy un peu en arrière,
dans l'intervalle du centre e% de la divi^on de droite ; l'avant-
Itidie.
166 LIVBI SIXIÈMB.
1909. garde du général Dessaix se trouvait plaeée à rextréme gauche
de la ligne.
De son côté , Tardildue Jean , après avoir recueilli et reformé
les troupes déjà battues, venait de ranger son armée en bataille
entre la Piave et Gonegliano , derrière des digues élevées à droite
et à gauche de la route qui conduit à cette ville.
La division Abbé commença à s*ébranler la première, et
manœuvra de manière à déborder la gauche de la ligne en-
nemie ; le général Grouchy appuya ce mouvement avec sa di-*
vision. Les deux divisions Broussieret Laraarque se portèrent
presque en même temps sur le centre et la droite des Autri-
chiens, en marchant à la hauteur de la division Abbé, dont la
première brigade, commandée par le colonel Gifflenga» qui
remphiçait provisoirement le général Teste, blessé au combat
de Sacile, attaqua sur-le-champ le village de Cima d'Olme; le
général Grouchy entoura de son côté le village de Teze. Les
Autrichiens essayèrent en vain de se maintenir dans ces deux
postes ; ils furent dépostés et poussés sur Gonegliano par les
trois divisions d'infanterie Abbé, Broussier et Lamarque, et par
les dragons du général Grouchy.
Par ce mouvement, continué avec 'toute Tardeur et l'impé-
tuosité dont les Français sont susceptibles, rinfanterie ennemie
fut promptement mise en déroute. Une forte colonne de cava-
lerie s'était ébranlée pour charger Fartillerie de la division
Broussier, qui s'était trop avancée ; mais , intimidée par la con-
tenance de deux bataillons qui s'avancèrent au pas de charge
pour soutenir et défendre ces pièces , elle tourna bride aussitôt.
Le prince Eugène, parcourant les rangs au milieu du feu le
plus vif, excitait par sa présence Tenthousiasme général et*
redoublait Ténergie des soldats : le champ de bataille se cou*
vrait de morts et de blessés.
Cependant, une position très-importante, celle du moulin
de la Capanna, était encore occupée par six bataillons ennemis,
qui. Jusqu'à ce moment, avalent résisté aux attaques dirigées
contre eux par les troupes du général Lamarque; un fossé pro-
fond couvrait leur front, et les Français n'avaient pu réussir
à le fraucbirw Le général Lamarque, réunissant à rartillerie de
sa division celte du général Durutte, que celui-ci venait de lui
GU1B«1 B*A1LBI1A0NE. 167
«ttvojrar, il mk damto effovt : piotégés par le feu redoutable
de ecB deux batteriet, les bataillons fraiiçds traversèrent te
foasé an pas de charge et emportèrent le moulin à la baïon-
KaUe.
H était huit heures et demie du soir, et l'ennemi, déposté
sur toute sa Bgne, se retirait assez en désordre sur Conegliano.
Le viee-n>i fit a?aaeer vingt-quatre pièces de canon sur son
front, et ordonna aux deux divisions Grouchy et PuHy de char-
ger en masse une réserve d'infimterie derrière laquelle Tarchi*
due essayait de rallier ses colonnes vaincues. Cette dernière
manœuvre décida le suceès et termina glorieusement la jour-
née. L'armée française prit position en avant du champ de ba-
taille, À uu mille de ConegUano, vers le village dé Bona di
Strada ; les Autrichiens profitèrent de l'obscurité de la nuit pour
évacuer Cooegllano et se retirer sur Sacile*
La bataille de la Piave , dont le grand résultat devait être dq
foreer les Autrichiens à quitter ritalie, comme la bataille d'Eck-
nauhl les avait chassés de la Bavière , coûta aux vaincus
7,000 hommes tués, blessés ou faits prisonniers, plusieurs dra-
peaux» quinse pièces de canon, trente caissons et un grand
nombre de voitures de munitions et de bi^sages» Parmi les morts
se trouvaient trois généraux, et, entre autres, le feld-maréchal-
lieutenant Wolfiritehl ; les généraux Reisuer et Hager (le pre-
mier de rartillerie> le second commandant une division de
dragons) étirient au nombre des prisonniers. La perte des Fran-
çais ne éoA pas en proportion de celle de leurs adversaires ; on
comptait à peine 3,400 hoojmes tués ou blessés.
RetraUe et poursuite de l'armée autrichienne, etc. <-* Le len- s au si m».
demain, 9 mai, l'armée française prit les armes avant quatre
heures du matin» pour marcher à la poursuite de Tennemi. Le
général Dessaix s'avança sans obstacles jusqu'aux bords de la
IJvensa» et trouva l'arrière-garde autrichienne en position sur
la rive gauche. Culbutée presque aussitôt qu'attaquée, cette
dernière troupe continua sa retraite sur Pordenone, et de là
sur Viganosa, où le général Dessaix arrêta sa poursuite. Cet
engagement valut encore aux vainqueurs 600 prisonniers enr
viron.
L'armée française suivit le mouvement de son avant-garde
168 'UVJLl>SIXlilll.
1909. pendant la journéeda to^ et, le 1 1 an matin, le viee-roi <
lès dispositions nécessaires pour le passage du TagUamento ,
afin de se porter surSan-Daniele, ojii Tarmée ennemie parais-
sait vouloir se concentrer. Dès la veille on avait reconnu 4leuz.
gués; mais une crue extraordinaire des eaux, survenue pen-
dant la nuit, ayant rendu ces deux passages (en face de Val-
vasone] impraticables» la cavalerie fut obligée de remonter le
torrent pour chorcber un nouveau gué au-dessus de ce village.
L'ennemi ne mit aucune entrave À ostle opération : à deux
heures après midi', les divisions Sahuc, Groucby et partie de
celle du général Pully, se trouvaient établies sur la rive gauche
du fleuve.
Le général Grouchy, faisant marcher ses dragons sur dnq
colonnes à différentes hauteurs, balaya avec rapidité toute la
plaine entre le Tagtiamento, Udine et Palma*Nova. Godrolpo
ftit occupé par une colonne de la division Pully, que le vice-roi
avait portée la veille à San-Yito, et qui avait passé leTagliamento
sur ce foint; le général Dessaix mareha par Torrlda et Di-
gnano sur Villa-Nova. Une partie del'arrière-garde ennemie,
qui se trouvait en position à ce dernier village, s'y défendit avec
opiniâtreté, et ne l'abandonna que lorsqu'elle vit s'avancer an
soutien de Favant-garde française la division Abhéj précédée
du 35* régiment de chasseurs à cheval.
Le général Grenier, qui venait d'appuyer ainsi le général
Dessaix, n*hésita point à se porter sur-le-champ sur San-Da-
niete, où se trouvait le gros de l'arrière-garde ennemie. Ces
troupes opposèrent la plus vive résistance; mais elles durent
céder à Timpétuosité de leurs adversaires, et surtout aux belles
dispositions que fit le général Grenier, et elles se retirèrent
précipitamment sur Majano : 2,000 prisonniers et deux dra-
peaux furent pour les Français les trophées de ce dernier
combat.
Le général Dessaix poursuivit les Autrichiens Jusqu'à Ma-
jano, et s'établit dans ce dernier village. T>e général Grenier
fit prendre position à ses troupes sur la route de San-Daniefe
à Udine. Ce même Jour, la cavalerie française , qui venait de
ramasser 1,500 prisonniers, occupa Udine , Cividale, et ^éga*.
gea les places d'Osopo et de Palma-Nova. Cette dernière cir-
Italie.
GUBIU ' D*Al.L£lf AORB. 1 89
coDitaiiee remetlAit à la âbpodtion du vice^roi tes 4 à 5,ooo im.
hommes de troupes qui formaient la garnison de ces deax
places.
Cependant Tardildnc lean , d'après les dépèches qaUl rece*
Tait incessamment dn généralissime son frère, accélérait la
retraite de son armée sar la Carinthie, se b<Nmant à disputer
les points prindpaox qoi pouvaient retarder les progrès du vice*'
roi» afin d'avoir le temps de faire filer son artillerie et d'éva-
cuer ou de détruire ses magasins.
Le 12 mal, le général Dessaix marcha sur Venzone ; Farrière^
garde ennemie, qui venait de se retrancher dans cette petite
ville, en ftit chassée et poursuivie au delà de Portis, où Tavant-
garde française prit position.
L'occupation de Venzone ouvrait à l'armée française l'en-
trée des principales gorges des Alpes Gamiennes. Les troupes
à cheval devenant bien moins utiles sur le nouveau théâtre
où l'armée allait opérer, le prince Eugène leur fit prendre des
cantonnements à Artegna et sur le Tagliamento. Les divisions
d'infàntorie Abhé et Seras occupèrent Osopo et Ospidaletto ;
la division Broussier bivouaqua le 13 et le 1 3 sur les glacis de
Palma-Nova, et celle du général Lamarque à Udine.
Le 13, Tavant-garde de l'armée, toujours sous les ordres du
général Dessaix, se porta sur Ghiusa-Veneta. Le lendemain, le
prince Eugène ordonna au général Macdonald de passer Tlsonzo
avec les deux divisions Broussier et Lamarque, vers le point de
San*Pietro« Ce mouvement avait pour but d'établir la oommu-
m'cation avec le corps d'armée que commandait le général Mar-
mont en Dalmatie, et qui s'avançait alors vers Fiume, ainsi que
nous le dirons plus loin. Le passage de l'Isonzo, à la vue des
troupes ennemies qui étaient en force sur l'autre rive, était une
opération assez diffîdle; on avait reconnu qu'il n'existait aucun
gué praticable , et les Autrichiens avaient fait descendre toutes
les barques jusqu'à la mer. Quelques nageurs de la division
Broussier réussirent pourtant à amener sur la rive droite un ba-
teau qui pouvait contenir une compagnie. Le 1 5, à cinq heures
du matin , une compagnie de grenadiers du 84^ régiment passa
la première, malgré le feu d'un bataillon ennemi qu'elle mit en
fuite. Les autres trpupes traversèrent successivement Tlsonzo,
KaHc
170 LivBB siusn.
im. et le général MaedoDald les dirigea sur GoritEîa, où elles prirait
position dans la soirée* L'artillerie ayant décoavert un gué as-
sez mauvais au-dessus de San-Pietro , elle y passa ; mais Teaii
entra dans plusieurs caissons, et il y eut des munitions avariées.
On trouva à Goritzia onze bouches à feu do gros calibre et leurs
affttts, une certaine quantité de boulets et de bombes déposés
dans cette ville, et destinés an siège de Palma-Nova.
Le 1 6, les deux divisions firoussler et Lamarque continuèrent
de se porter en avant et poussèrent devant elles tous les déta-
chements ennemis. Parvenu jusqu'à Prewald, excellente posi-
tion que les Autrichiens avaient eneore améliorée en rétablissant
à la hâte les anciennes fortifications de cette petite ville , le gé-
néral Macdonald dirigea la division Lamarque par Podeweihl et
Schwartzenberg, afin de tourner Tennerai, tandis que la divi-
sion du général Broossier ferait des démoustrations et cherche-
rait à déborder la ville par les flancs de la grande route.
Le général Lamarque culbuta tous les postes ennemis depuis
Podeweihl Jusqu'à Podgray ; le général Broussier engagea suc-
cessivement ses compagnies de voltigeurs soutenues par leurs
bataillons. Les Autrichiens firent un feu très-vif de mousque*
terie , mais ne démasquèrent que cinq pièces de canon ; ils oc-
cupaient une ligne retranchée en avant de la ville, et protégée
par des forts en maçonnerie et en terre. Quatre bataillons fran-
çais, après des efforts incroyables et une perte assez forte,
réussirent k déborder à droite et à gauche cette espèce de con-
trevallation. L'ennemi, abandonnant alors Prewald, jeta quel-
ques troupes dans les forts, pour retarder la poursuite de ses
adversaires; mais le général Broussier les fit sommer, et ils se
rendirent presque aussitôt.
Le corps autrichien chargé de la défense de Prewald était sous
les ordres do général baron de Zach, le même qui, en 1 800, com-
mandait la colonne de grenadiers culbutée à Marengo par le gé-
néral Kellermann et faite prisonnière en totalité.
L'occupation de Prewald donna aux Français plus de 3,000
prisonniers et quinze pièces de canon.
Au moment du passage de Tlsonzo, le général Macdonald
avaitdétachésur Trieste, par Montefalcone et Duino, une colonne
de 1 ,500 hommes avec deux pièces de canon sous les ordres du
1
ItoHe.
GUEBBI D*ALLEN40NE. 171
g^ral Scbllt. Les troupes autrichiennes qui se trouvaient dans- ^$aê.
cette direction, s'étant repliées soccessivement sur Trieste,
l'abandonnèrent lorsqu'elles apprirent la retraite du général
de Zach. Trieste Ait oecupé le 16 par les Français; le général
Schilt y trouva un dép6t de vingt-deux ndlie fusils, plusieurs
magasins d'équipements, et deux cents bâtiments de com-
merœ, sur lesquels il fit mettre Tembargo.
Sur ces entrefaites, le prince Eugène, avec le reste de Tar*»
mée, poursuivait de son c6té les troupes du centre et de la droite
de l'archiduc Jean. L*avant-garde française et les corps des
généraux Grenier et Baraguey d'Hiilîers s'avançaient de mabière
à suivre les Autrichiens dans les différentes directions qu'ils
avaient prises. Les vallées de Ponteba, de Pradel , de la Fella
et de la Dogna farent ainsi envahies en même temps, et ba-
layées dans toute leur étendue.
Le gros de l'armée ennemie, en pleine retraite sur Tarvis,
évitait avec soin toutes les occasions de s'engager avec les trou-
pes victorieuses. L'intention de l'archiduc était d'atteindre le
plus promptement possible les États héréditaires; il se bornait
à lalaer quelques bataillons dans les forts ou dans les autres
postes susceptibles de quelque résistance, afin de retarder,
comme nous l'avons dit, la marche des colonnes françaises.
Les forts de Malborghetto et du Pedril , après s'être défen-
dus pendant trois Jours, furent emportés d'assaut le 18 mai,
le premier par l'avant-garde, où le vice^roi se trouvait de sa
personne, et le second par la division Seras.
L'archiduc , comptant sur une résistance plus prolongée de
la part des garnisons des deux forts, s'était arrêté dans les belles
positions qui se trouvent au-dessus de Tarvis, afin de rallier ses
colonnes et de donner quelque repos a ses troupes après une
marche aussi pénible à travers les montagnes.
Le prince Eugène s'y porta rapidement, et, convaincu qu'une
attaque de front serait trop périlleuse, il résolut de manœuvrer
de manière à tourner son adversaire, pour l'obliger à continuer
sa retraite sans en venir aux mains. En conséquence, la division
italienne du général Fontanelli reçut ordre de se porter sur la
gauche des Autrichiens, et de gagner leurs derrières pour leur
couper la retraite sur Veisenfels, tandis que le général Dessaix,
173 LIVBI SIXIAmI.
jm. aoutena par la divisioD Broussier, lies meaacerait de front par
la route de Tarvû, et que le général Baraguey d*Hillier8, avec
les autres troupes de Taile gauehe, chercherait également à dé-
border Tennemi sur la route de Villach. Ces divers mouvements
ftirent exécutés avec autant de promptitude que de succès :
les troupes du général Dessaix, obligées de défiler homme par
homme sur un pont , et sous le feu de rartillerie ennemie , n'en
attaquèrent pas avec moins de vigueur les retranchements
qu'elles avaient devant elles. Les Âutridiiens> se voyant sur
le point d'être débordés à droite et à gauche , abandonnèrent
leur position après un engagement qui leur coûta un bon
nombre de tués , blessés et prisonniers : ils furent poursuivis
Jusqu'à la nuit.
Ce combat, qui eut lien le 18 mal, immédiatement après la
prise du fort de Malborghetto, acheva de porter le décourage-
ment dans les troupes de l'archiduc : la division Fontanelll s'é-
tait emparée de dix-huit pièces de canon, et la défiiite de l'en-
nemi avait été si promptement décidée que le général Grenier,
qui devait y prendre part avec ses deux divisions (Abbé et
Seras], n'arriva sur le champ de bataille qu'après Taction ter-
minée.
La victoire de Tarvis , due à l'activité du prhice Eugène et
aux belles dispositions qu'il sut prendre , achevait de rendre
l'armée française maîtresse de toutes les positions sur le ver-
sant des montagnes de la Carinthie.
A l'aile droite, le général Macdonald dirigea les divisions La-
marque et Pully sur la route de Laybach , à la poursuite des
troupes de l'aile gauche autrichienne. Le 30, le général La-
marque prit position devant Ober-Laybach avec sa première
brigade. Dès le lendemain il fit occuper la partie de la ville
qui est en deçà de la rivière du même nom, et plaça sa seconde
brigade dans la partie gauche d'un camp retranché que l'en-
nemi avait abandonné la veille; le général Pully prit poste à
Weiss.
Ce même Jour, 21 mai, la partie droite du camp retranché
fyt reconnue par le général Macdonald ; cette position , oc-
cupée par 4,000 hommes d'élite, sous les ordres do général
Merfeld , formant l'arrière-garde de l'aile gauche ennemie^
GUBBBE d'âLLIM AeNI. 1 7S
était couverte par one ligne de redoutes bien armées, fraisées
et palissadées par des blockhaus et par un fossé profond, qui
s^étendait depuis le château de LaylMch Jusqu'à des ooliines ,
bordant la route de Weichselburg ou de la Croatie, par laquelle
se retirait le corps du général Ignace Giulay avec le grand pare
d'artillerie et une partie des bagages de Tannée autricliienne.
Les deux revers de la côte sur laquelle s'étendait le camp
retranclié étaient également hérissés de redoutes avec des che-
mins couverts , pour fiiciliter les communications. Le versant
de droite' se trouvait en outre protégé par un marais d'une
grande étendue, formé par la Laybach, et le versant de gauche
par cette même rivière et par un large caual de dérivation*
Jugeant qu'une attaque immédiate exigeait de longs et meur-
triers efforts , le général Macdonald , après être entré avec le
général Merfeld dans des pourpariers sans résultat, résolut de
manœuvrer de manière à tourner le camp ennemi et à tenir blo-
quées les troupes qu'il renfermait.
En conséquence, le 33, il porta la division Pully parla route
de Klagenfùrt sur Tscheroitz, avec ordre de descendre la Save
pour tourner les versants du camp r^ranché en foce de cette
rivière; le général Lamarque longea en même temps la gauche
du camp retranché, comme pour menacer le château de I^ybach,
en traversant la ville, mais pour se diriger réellement sur la
route de Klagenfùrt; le général Broussier, arrivé le matin par
la route deLobitsch, s'étendit le long de laLaybach, fit traverser
le grand marais par une de ses brigades, tandis que l'autre ,
longeant le bas des collines, se portait sur la route de Weich-
selburg, seul dâ)ouché qui rostât à l'ennemi pour opérer sa re-
traite.
Cette demièro disposition parut surtout effrayer le géné-
ral Merfeld : craignant de se voir enlevé de vive force dans
son camp retranché , il demanda à capituler dans la soirée
même du 33. Le général Lamarque, chargé par Macdonald de
suivre cette négociation, exigea que le général ennemi se rendit
prisonnier ainsi que tout son monde, (Mmdition qui fut acceptée
sans difficulté. Trois drapeaux , soixante-trois bouches à feu,
desmagasins considérables, 4,000 prisonniers restèrent au pou-
voir des troupes de Taile droîle. L'occupation de Laybach com-
lUIie.
Italie.
174 LIVBK SlXlklIB.
pléCait la conquête de la Caroiole, ouvrait au prince Eugène les
débouchés de la Styrie, et facilitait les opérations du corps
d'année de Dalmatie aux ordres du général Marmont, avec le-
quel le général Macdonald allait se mettre en communleatlmi,
tout en poursuivant Taiie gauche ennemie sur Grâtz.
Depuis le combat de Tarvis jusqu'au 34 mai, Tavant-garde,
les corps des généraux Grenier et Baraguey d*Hilliers (centre
et aile gauche) et la garde royale» continuèrent de suivre
le gros deFarmée autrichienne dans la direction de Judenbuig.
Le prince Eugène manœuvrait de manière à s'opposer aux
mouvements des corps des généraux Ghasteler ' et Jellachich,
surtout de ce dernier, qui, pressé par un des corps de la grande
armée (celui du maréchal LeM>vre), cherchait alors à se réunir
aux troupes de l'archiduc Jean.
Combat de SanrMiehele. — Le vice-roi, informé que le gé-
gérai Jellachich se dirigeait sur Léoben par Rottemann, Mautem,
Trabach etSan-Michele, ordonna au général Grenier de liiire
occuper ce dernier poste, seul débouché qui pût conduire le corps
autrichien au but proposé. La division Seras, étant la plus rap-
prochée, marcha la première pour exécuter le mouvement; elle
rencontra, le 25 mai, la colonne ennemie au moment même où
celle-ci débouchait sur le plateau de San-Micbele.
Le général Jellachich, qui ne s'attendait pas à trouver les
Français sur ce point, n'eut que le temps de former ses troupes
en bataille , appuyant sa droite à des montagnes escarpées et
boisées, sur lesquelles il plaça cinq bataillons, et sa gauche à
la Mur ; deux bataillons prirent poste dans un bols sur la rive
gauche de la rivière , afln d*lnquiéter la droite du général Se-
ras , tout en «ouvrant la gauche de leur ligne de bataille. Le
centre de celle-ci était sur le plateau, ayant sur son front
sept pièces de canon en batterie, et quelques escadrons se trou-
vaient en seconde ligne.
Le général Seras, après avoir reconnu cette position de l'en-
nemi, fit former sa division en Cace du plateau ; mais, trop in-
férieur en forces pour commencer seul l'attaque, il dot se borner
à tirailler et à échanger quelques coups de canon avec la ligne
* Le général Chasteler était à la tète des TyroHeos; nous parisroni
plus tard de ses entreprises.
GUlMttl l>*ALtftMAGNB. 175
«nnemfie, jusqu'à ce q«e le général Grenier fftt arrivé avec la laoa.
division Doratte. ^^^
Cependant; le prince vice-roi, Jugeant cette opération assez
importante pour en prendre Ini-roéme la direction, s'était
avancé en même temps qne le générai Grenier, avec une bri-
gade de cavalerie légère de la division Sahuc. Le 25, à onze
heures dn matin , la division Seras -s'ébranla tout entière , et
aborda le platean de San-MIchele à la baïonnette , tandis que
la division Dunitte marchait sur la droite de l'ennemi, et que
les 6* et 9* régiments de chasseurs a cheval» sous les ordres des
colonels Triaire et Lacroix ( l'un et l'autre aides de camp du
Tice*roi ), manœuvraient sur la gauche.
Les troupes du général Jetlachich, composées en grande par*
Ue de soldats de nouvelle levée, soutinrent mal le choc de la
division Seras ; leur désordre fut complet lorsque la division Du*
rutte et la cavalerie débordèrent la droite et la gauche. Une
partie des fuyards, s'étant imprudemment Jetée sur la route de
E<lttemann,se trouva coupée par la brigade du général Va-
lentiii et mit bas les armes. Le reste du corps ennemi se Jeta
dans la plus grande confusion dans le village de San-Michele»
derrière lequel le général Jelladiich fit de vains efforts pour
rallier ses bataillons , afin de gagner le chemin de Léoben :
une terreur panique s'était emparée de tous ses soldats. Quatre
hataillons, entourés dans le village même de San-Michele,
furent faits prisonniers par les colonels Triaire et Lacroix.
Le prince Eugène fit poursuivre avec vivacité Tennemi sur
Léoben , afin de Tempécher de brûler le pont sur la Mur. Le
général Jellachich tenta de nouveau de rallier les troupes qui
lui restaient, pour défendre ce pont et donner à son artillerie
et à ses bagages le temps de filer sur Bruck ; mais il ne put em-
pêcher le général Seras de se rendre maître de Léoben et d'y
faiïre 600 prisonniers. Il eut lui-même peine à échapper à la
poursuite des chasseurs français, avec une quarantaine de dra»
gons qui lui servaient d'escorte.
L'ennemi éprouva dans ce combat de San-Michele une perle
totale de 800 hommes tués, i ,200 blessés et 6,000 prisonniers.
Bruck fut occupé deux Jours après par l'avant-garde de la divi-
sion Seras.
ItaUe.
176 Ll?BE 31XltlIB.
4MB. Pendant que ceei se passait près de Léoben, le général Mae-
donald s'avançait toujours avec Taile droite dans la direetkm
de Gràtz, où rarebiduc venait de jeter une garnison* Les divi-
sions de dragons des généraux GrcMicliy et Pully investirent
cette place dims la Journée du as.
Le 8O9 le commandant auUichleD, sommé d'ouvrir les portes
de.Gr&tz , y consentit, sous la condition de pouvoir se retirer
avec ses troupes dans le fort de Scheisberg, qui domine la ville ;
rarebiduc en était parti le 28 au matin, etcontinuait sa retraite
par Gleisdorf et Fùrstenfeid, pour venir s'établir derrière la
Raab.
Le général Macdonald resta à Gràtz avec les troupes de Taile
droite, tant pour faire rendre le fort de Scbelsberg que pour
attendre l'arrivée du corps du général Bfarmout, qui devait
opérer sur ce point sa réunion avec l'armée d'Italie.
Le prince Eugène, avec les troupes de l'aile gancbe, du centre
et de la réserve , poursuivit sa marcbe vers les frontières de la
Hongrie. Le 31 mai, le général Seras, qui s'était avancé jusqu'à
Scbottwien, sur Ja grande route de Vienne, au delà du Somme-
ring, rencontra les patrouilles de la brigade de hussards aux
ordres du général Colbert, de la division Montbmn, et effectoa
ainsi la jonction des troupes du prince vice-ioi avec la grande
armée. Napoléon; informé sur-le-cbamp de cet heureux événe*
ment, adressa à l'armée d'ItaUe laprodamation suivante, datée
de Schoenbrunn :
ff Soldats de l'armée d'Italie I vous avez glorieusement at-
tdnt le but que je vous avais marqué : le Sommering a été lé-
moin de votre jonction avec la grande armée.
« Soyez les bienvenus. Je suis content de vousl Surpris par
un ennemi perfide avant que vos colonnes fussent réunies, vous
avez dû rétn^ader jusqu'à TAdige ; mais lorsque vous reçûtes
l'ordre démarcher en avant, vous étiez sur le champ mémorable
d'Arcole, et là vous jurâtes, sur les mânes de nos héros, de
triompher. Vous avez tenu parole à la bataille delà Piave, aux
combaU de San-Daniele, de Tarvis, deGoritzia, etc. Vous
avez pris d'assaut les forts de Malborghetto, de Pedril, et ftdt
capituler la division ennemie retranchée dans Prewald et dans
Laybach. Vous n'aviez pas encore passé la Drave, et déjà 25,000
GUSBBit D'ALLEMAGNE. 177
prisonniers, six cents pièces de bataille, dix drapeaux avaient «tait
signalé votre valeur. Depuis, la Drave , la Save, la Mur n'ont '^'^
pas retardé votre marche.
<x La colonne autrichienne de Jellachich, qui la première en«>
ira dans Munich , qui donna le signal des massacres dans le
Tyrol , environnée à San-*Miehele, est tombée sous vos baIon->
nettes ; vous avez fait une prompte Justice de ces débris dérobés
à la colère de la grande année. '
« Soldats! cette armée autrichienne dltalie, qui un roo«*
ment souilla par sa présence mes provinces, battue, dispersée,
anéantie, grâces.à vous, sera un exemple de la vérité de cette
divise : Dio la mi diede, guai a chi la tocea; Dieu me l'a don-
née, malheur à qui la touche ! »
' Opérations du général Marmont en Dalmalie et en Croor- Daimatie.
lie. — Dans le plan général d'opérations arrêté par Napoléon, ^^*^
les deux divisions d'infanterie Clausel et Montrichard, quio&>
cupaient la Daimatie et la partie de Tlllyrie cédée à la France
par les traités de Gampo-Formio et de Presbourg , devaient
£^er Textrème droite de la grande armée , lorsque le prince
Eugène aurait opéré sa jonction avec celle-ci. £n conséquence,
le général Marmont, qui commandait ce corps d'armée d'en-
viron 11,000 hommes, reçut Fordre de suivre les mouvements
de Tarmée d'Italie pour se trouver à sa hauteur vers les fh>n«
tièresde la Garnioleetde Tlstrie. L'archiduc Jean avait détaché,
de son côté, un corps chargé d'observer la Daimatie et d'empè^
cher la jonction projetée entre le général Marmont et le prince
vice-roi. Les deux partis restèrent en présence jusqu'au mo-
ment où, la retraite de l'armée autrichienne étant décidée , le
détachement autrichien dut suivre le mouvement général.
C'est alors que le général Marmont s'avança vers la Croatie,
poussant devant loi le corps autrichien commandé par le géné-
ral Stoichevich , qui fut battu successivement au mont Kitta
et devant Grachaez, bien que les Français fussent inférieurs en
nombre à leurs adversaires.
L'ennemi, renforcé par plusieurs régiments croates et deux
hataillons du Bannat de Temeswar, avait pris à Gospich une
position avantageuse , dans laquelle il espérait d'autant mieux
arrêter les progrès des Français que toute la population du pays
X. 13
Dalmatie.
178 tlYBE SUliMf.
4S00. ^talt SOUS les armes pour soutenir les efforts des troupes de
ligne.
Gospich se trouve entouré par plusieurs rivières qui en dé-
fendent les approches. Le général Marmont, arrivé en vue de
cette ville ^ Jugea qu'il pouvait tourner la position des Autri-
chiens sans être forcé à l'attaquer de front. Pour l'exécution
de ce dessein , il &llait, ou passer une des rivières { la Licea) .
presque sous le feu des batteries formidables étalilies sur la rive
droite , ou bien traverser des montagnes dans lesquelles il y
avait à craindre de trouver les Croates embusqués et disposés
à une résistance aussi longue que vigoureuse. Le général Mar*
mont s'étant arrêté au premier parti , le capitaine Bourillon ,
à la tète de deux compagnies de voltigeurs du 8^ régiment, eut
ordre de passer au gué la rivière, de culbuter les postes qu'il
trouverait devant lui, et de faciliter le rétablissement d'un pont
que Tennemi avait coupé.
Mais , pendant cette opération, l'ennemi, ayant débouché par
un autre pont plus éloigné, s'avança, sur trois colonnes, contre
la division Montrichard, qui formait la gauche de la ligne friyir
çalse. Le général Marmont fit attaquer sur-le-champ ces colonnes
par les deux brigades Soyez et Dclaunay : le 79^ régiment de
ligne, conduit par son colonel Godard, marcha sur celle de
droite ; le général Soyez, avec le 1 8* d'infanterie légère, se porta
sur celle du centre, et le colonel Plauzonne, avec le 6*^ de ligne,
sur celle de gauche. Le 18^ aborda Tennemi avec une au-»
dace surprenante, le culbuta et lui pril trois pièces de canon.
Le général Soyez reçut une blessure grave dans cette charge.
Le colonel Plauzonne avait d'abord réussi à faire plier la colonne
qui lui était opposée 3 mais, celle-ci ayant reçu quelque renfort,
le 5* régiment fut bientôt obligé de disputer lui-même le terrain
pied à pied. Toutefois, les succès obtenus par le 1 8* et le 7u* sur
les colonnes du centre et de la droite déterminèrent la retraite
de la gauche. Les Autrichiens, acculés à la rivière, s'y noyèrent
en grand nombre.
Pendant que ceci se passait à la gauche de la ligne française,
six bataillons ennemis attaquaient le 8^ régiment dans la posi-
tion que le général Clause! lui avait fait prendre. Le colonel
Bertrand, qui commandait cette troupe^ se défendit avec intré-
GUBBBE II*ÂLLElfÀONB, 179
pidflé; mnh pedt-^étre auralt-fl été forcé de céder le terrain i\ im^,
le général Delzons, acconni à son secours avec les trois batail- ^*"""*-
lonsda 11^ régiment, n*eât forcé les Autrichiens à seretirei*.
Le 2Î , le général ennemi^ ayant rallié ses troupes battues et
ftttt avancer ses réserves avec une artillerie assez nombreuse,
voulut empéchei' les Français de déboucher dans la plaine; /riais
il futeulbuté de nouveau. Ce dernier engagement décida la vic-
toire et la retraite définitive des Autrichiens.
Le général Marmoot entra dans Gospich le 28 mai. Leè •
Jours suivants , il battit l'arrière-garde ennemie près des ma-
rais d'Ottochatz, et occupa successivement Segua et Fiume.
Enfin f le 31 , le corps d'armée de Dalmatie se mit en marche
dans la direction de Grâtz pour opérer sa jonction définitive avec
Tarmée du prince Eugène, qui, ce même jour, se réunissait
aussi , comme on Ta vu , à la grande armée d'Allemagne.
Suite des opérations de l'armée d'Italie. Le prince Eugène Hongrie
entre en Hongrie, — Le prince Eugène, dont les troupes for-
maient Vaile droite de la grande armée depuis la Jonction opé-
ré» au delà du Sommering, reçut de Napoléon Tordre de con-
tinuer à poursuivre Tarchiduc Jean en Hongrie et de faire les
plus grands efforts pour empêcher la réunion du 8* et du 9^
corps autrichien avec Tarmée principale sous les ordres directs
de rarchiduc Charles.
En s'avançant, comme on Ta vu, sur les frontières du cercle
d'Autriche et de la Hongrie, le vice-bi d*Italie avait laissé en
Carinthîe la division du général Rusca, pour observer et conte-
nir le corps tyrolien du général Chasteler vers la Drave. Le
général Macdonald, qui était resté à Orâtz avec les divisions
Brodssier et Lamarque, pour achever la réduction de la Styrie
et focititer la Jonction du corps d'armée de Dalmatie , re^
joignit le gros de l*armée d'Italie vers le 10 Juin, emmenant
avec lui la dernière de ces divisions et deux bataillons de lA
première.
Conformément à ses instructions , le prince Eugène dirigea
la division Seras de Schottwien sur (Ddenburg, première ville
frontière de Hongrie, du côté du cercle d'Autriche. Cette
place fut occupée le 5 juin. Deux Jours après , le prince vint
établir son quartier général à Giinz, d'où il envoya le gé*
la.
1
180 LIVBB SfXlàMI.
fKQ9. néral Grovchy avec sa division et celle da général Sahnedans
ïionjçna. j^ direction de Stein-am-Anger, pour satyre les mouvements
de rarchiduc Jean sur la rivière de Raab* L'arrlère-garde au-
trichienne, repoussée de position en position, fût encore forcée
d*évacuer Stein-am-Anger après un engagement qui lui causa
nne perte assez considérable. Le 7 et le 9 juin, le général Lau-
riston, avec un corps d*observation détaché de la grande armée,
ainsi que le général Montbrun, avec sa division de cavalerie lé-
gère, vinrent Tun et Tautre renforcer Tarmée du vice- roi» après
avoir forcé le passage de la Raabnitz auprès de Sovenbyaga, en
culbutant an corps de cavalerie de Tinsurrection hongroise.
Cette augmentation de troupes mettait désormais le prince Eu-
gène à même de pousser avec vigueur les opérations qui lui
étaient confiées.
Le 10 , le général Grouchy battit de nouveau Tarrière-garde
de rarchiduc à Vasvar et lui fit un grand nombre de prison-
niers. Le quartier général du vice-roi s*établR le même jour à
Vasvar, et le général Macdonald prit position à Kôrmondavee
les troupes qu'il amenait de la Styrie.
Les Autrichiens, en se retirant sur la rive gauche de la Har-
czal t avaient barricadé le pont de Karako ; mais, le 1 1 , le gé-
néral Grenier, avec la division Abbé, emporta ce pcmt de vive
force et culbuta les troupes chargées de sa défense.
Le colonel Gauthrin', du 9^ de hussards, reçut l'ordre de s'a-
vancer avec son régiment sur un corps de cavalerie légère fort
de 1^600 chevaux. Gomme ce mouvement s'opérait sur une
chaussée, le colonel le fit par compagnie , et commença lui-
^lèmela charge avec la compagnie d'élite, et successivement
avec le régiment réuni, quand il eut franchi le défilé. Ces dif-
férentes charges lurent brillantes et le succès complet. Le 9^ de
hussards fit un grand nombre de prisonniers , et mit les 1^600
chevaux ennemis dans une entière déroute.
Toute Tarmée s'avança, le 12, dans la direction de Papa,
et cette ville fut occupée après un vif engagement dans lequel
le général Grouchy fit encore 600 prisonniers. Le vioe-roi cou-
cha ce même jour à Papa.
14 Juin. Bataille de Raab. — L'archiduc Jean avait précipité la re-
traite de ses troupes pour les réunir au corps d^insurrection que
CtUERBE d'ALLEUAGNB. 18t
Tarchiduc palatin Joseph avait organisé en Hongrie. Cette jonc- t5W9.
tion venait de s'opérer, et ces deux princes, d'après l'ordre "**"»'*•
dn généralissime leur fr^e, se préparaient à tenter les chances
d'on engagement général.
Le 13 au matin, Tarmée française s'ébranla pour se porter
sur la Baab , dans la direction de la ville de ce nom. Le géné-
ral Montbrun, qui marchait à Tavant-garde, ayant rencontré
nn corps de cavalerie ennemie an village de Csanak , se laissa
emporter par son zèle et Tardeor de ses troupes, et fut un mo-
ment enveloppé par des forces supérieures ; mais le général Bu-
nitte arriva fort heureusement avec sa division assez à temps
pour le dégager.
Cependant Tannée autrichienne était en position sur les hau-
teurs qui masquent la ville de Baab. Sa droite était appuyée au
village de Szabadhegy et sa gauche à des marais , dans la di-
rection de Wesprim. Le centre était établi à la ferme de Kis-
Megyer. Une nombreuse cavalerie légère était disposée sur le
front de cette ligne, et 1 , 300 hommes de troupes d*élite occupaient
comme avant-poste une ferme ou grand bâtiment carré, qu'on
avait crénelé et retranché avec quelque soin. Un ruisseau pro-
fond , qui ferme les marais où s'appuyait la gauche, mouille les
murs de cette ferme et augmente la difficulté de ses abords.
La cavalerie était disposée sur les ailes, ki moyenne partie dé-
ployée sur la gauche, en avant de la route de Wesprim à Baab,
appuyée d'un côté au mamelon de Kis-Megyer, où se trouvaient
un grand nombre de pièces en batterie, et de l'autre sur le pro-
longement et à l'intersection des routes de Baab et de Kis-Bartah
à Wesprim.
Le revers de cette formidable position était hérissé d'artillerie,
et le versant de gauche couvert par des retranchements naturels
qui se trouvent en avant de Szabadhegy et qui se prolongent
dans la direction de Baab. Cette dernière ville était gardée par
un corps de 4,000 hommes et armée d'une artillerie nom-
breuse.
Le prince Eugène , après avoir fait reconnaître toute la ligne
ennemie pendant le reste de la journée , ordonna les disposi-
tions de l'attaque, qui fut fixée au lendemain 14.
Le général Grenier, avec les deux divisions Seras et Durutte^
.IS3 tiVBB SllLltKE.
I W9. • formées en oolonnes , devait se porter sur la fenne éa Us^lle-
Hungrit. ^^^ ^ ^^ 1^ partie du centre de l'armée eanemlé qoi se trou-
:valt placée entre cette ferme et Szabadhegy ; le général Bara-
guey d'Hilliers avait ordre de marcher sur ee dernier village
avec la division Severoli, disposée sur dm\ colonnes , et, s'ap*
puyant ensuite en ligne de bataille & la gauche de la division
Durutte, d'attaquer le village au point d'embranchement des
routes de Wesprim et d'Eisenburg» pendant que la division
Pacthod resterait en réserve en face de Kis-Megyer et en arrière
de la division Durutte.
Le générai Montbrun, manceuvraut à la droite de la ligne
française, devait appuyer le mouvement de la division Seras,
et contenir, avee ses deux .brigades de cavalerie légère aux or*
dres des généraux Ck)lbert et Jacquinot , la nombreuse cavalerie
autrichienne, tandis que le général Grouchy , avec sa division
de dragons, cherdierait à déborder cette cavalerie en filant
derrière les divisions Durutte et Montbrun jusqu'à rextrème
droite de la ligne, de manière à tourner la gauche de Tennemi.
La division du général Sahuc avait son poste à gauche et en
arrière de la division Severoli, se liant avec la division badoise ',
qui formait Textrôme gauche de Tarmée. (Cette dernière di-
vision et celle du général Sahuc étaient chfirgées d*obscrver la
place de Raabi ) La division de dragons du général Pully , en
débouchant de Myfa, où elle se trouvait le 1 S au soir, avait
ordre de venir se former ea arrière et un peu À la droite de la
division Sahuc; la garde royale italienne, placée en arrière de
Indivision Pacthod, devait former la grande réserve de l'armée.
Enfin, le général Macdonald, qui était encore à une marche
en arrière, reçut ordre de précipiter le mouvement de la divi-
sion Lamarque et du détachement de la division Broossier,
pour venir se placer en ligne avec la division badoise.
Toutes ces dispositions s'exécutèrent dans la matinée du
14 Juin. Les troupes françaises, heureuses de se mesurer avec
un ennemi qui avait si longtemps évité un engagement géné-
ral, ne s'entretenaient que de la victoire qu'elles se promet-
talent bien de rempoiter. L'idée de solenniscr à leur tour une
* C'était celle divnioD que le gtûiéral Lëuri$C<m venait d'aoïeoer de la
grande armée an prince Ëi^ne.
époqœ déjà si remarquable par tes deax suocès de Maiengo et laot.
de Frf ediand ' leur i&spirait le plus vif eoUioasiasine et leur ^^'^^
donnait une confiance qni devait oumbler tous les vqmix du
prince Eugène.
A once henres do matm » le vice-roi, qui avait attendu Jus-
qu*à ce moment l*arrivée du générai Macdqpald et de ses
troupes, donna enfin le signal de Tattaque. Ses forces totales
ne s'élevaient pas au delà de ae,000 hommes, tandis que l'ar-
chiduc Jean lui en opposait plus de 40,000, savoir : 20,000, reste
de cette armée formidable avec laquelle ce prince s'était flatté
de conquérir toute Tltalfe; 10,000 tirés des garnisons des
places fortes de la Hongrie , et commandés par le général Had-
dick; S h 6,00<> des ^lébrîs du corps do général Jellachich et
d'autres colonnes du Tyrol, échappées aux mouvements de Tar-
mée française par les gorgesdelaCariuthie; enfin 1 5,000 hommes
environ de l'iasurrection hongroise, infanterie et\;avalene.
Toutefois, rhétérogénéité des éléments qui composaient cette
masse compensait suffisamment l'infériorité numérique de
l'armée française.
L'attaque commença à la droite et vers le centre de la ligne
française. Pendant que le général Seras s'avançait sur la ferme
de la maison carrée, le général Montbrun, opérant son mou-
vement par la droite des troupes légères de Tennemi » les obligea
de démasquer le front de leur infanterie et de se Jeter préci-
pitamment vers la gauche de leur ligne. Le général Golbert
reçut ensuite pour instructions de présenter constamment la
charge , tandis qne le général Jaoquihot marcherait en colonne
serrée par escadron pour le soutenir.
Parvenu auprès de la ferme, le général Seras se disposa à
l'emporter de vive force; mais, arrêtées par le ruisseau dont
BOUS avons parlé , ses troupes ne purent réusrir à franchir cet
obstacle. Marchimt sur un terrain marécageux couvert d'une
herbe trompeuse , les soldats enfonçaient souvent Jusqu'à la
cdnture, et ne se dégageaient qu'avec la plus grande peine de
cette fondrière, où plusieurs périrent d'une nM>rt d'autant pb»
€]éplorable qu'elle était sans gloire et sans utilité pour l'armée.
* Le lecteur doit se rappeler qnc ces deux balatlles furent en eRd gagnées
le 14 juin des années 1800 et 1807.
1
184 LITBB SIXIBMB.
iMig. Dans le même temps qoe œci se passait devant le poste de
'^°^'^' la maison earrée , le général Yalentin attaquait avec le 23* ré-
giment de ligne (de la division Danitte) les troupes ennemies
qui défendaient le front de Kis-Megyer, et le général Durutte
se portait avec trois bataillons entre cette ferme et le village
de Szabadhegy«, devant être soutenu par la division Severoii ,
qui s'avançait sur Szabadiiegy , que le général Baraguey d'Hil-
liers était chargé d*attaquer, ainsi que nous l'avons dit. Mais
l'ennemi, placé en arrière des fossés qui couvrent ce village,
et protégé par le feu d'une batterie de douze pièces, arrêta la
marche de la division Severoii. Profitant de ce premier avan-
tagé, les Autrichiens tombèrent brusquement sur les bataillons
du général Durutte, qui déjà se trouvaient a la hauteur du vil-
lage, et les replièrent. Le général Grenier ût avancer alors le
63* régiment, qu'il avait gardé en réserve, pour soutenir le gé-
néral Durutte. De son côté le général Baraguey d' H ilUers,
ayant appelé à lui la réserve de la division Severoii , se trouva
bientôt en mesure de recommencer son attaque sur Szabad-
hegy , et le général Durutte réussit à repousser Tennemi sur la
droite de ce village.
Cependant le général Seras, s'étant enfin dégagé du terrain
marécageux qui l'avait arrêté, attaquait avec vigueur les troupes
qui se trouvaient à la droite de la maison carrée, tandis que
le 9* de hussards , de la brigade Golbert , culbutait les hussards
de Ott et plusieurs escadrons de l'insurrection hongroise. Pour
réparer ce dernier écbec> l'archiduc fit avancer deux régiments
sur le 9* de hussards ; mais le général Golbert, étant accouru
pour soutenir ce régiment avec le 7^, reçut la ciiarge avec fer-
meté et réussit à la repousser.
Presque toute la cavalerie ennemie s'ébranla alors pour pa^
ralyser une attaque dont l'archiduc prévoyait le fâcheux ré-
sultat. Le général Montbrun, assailli par des forces aussi con-
sidérables, se replhi sur la division de dragons du général
Grouchy , qui rétablit bientôt le combat. Plusieui*s charges ha-
bilement conduites et parfaitement exécutées mirent le général
Montbrun à même de se porter, par un mouvement de flanc ,
sur la gauche de la cavalerie autrichienne, dans le but de séparer
celle-ci de son infanterie, alors pressée vivement par les troupes
GUEBBI d'aXLEIIAORE. 185
dn général Seras. Cette manœuvre réussit : Tinfanterie autri- fsosL
diienne, effrayée de Tapparitkm de la cavalerie du général ^^'^^s^
Montbnin sur sa droite, fit un mouvement rétrograde.
Malgré ce sneeès obtenu sur les troupes ennemies qui proté-
geaient la maison carrée , le général Seras n'était pas encore
maître de ce poste après trois attaques consécutives , auxqudles
les soldats français s^étaient portés avec toute l'ardeur qui les
animait. Il devenait cependant indispensable de Tenlever, pour
assurer le succès de la Journée : le vice-roi envoya une brigade
de renfort au général Seras» avec ordre de renouveler sur-le^
champ son attaque.
La brigade commandée par le général Roussel s'avança donc
pour attaquer de front cette espèce de forteresse, qui avait jus*
qu'alors résisté aux efforts des bataillons du général Seras, pen-
dant que celui-ci tournait la position pour la menacer à revers;
mais, quels que dissent le dévouement et l'intrépidité des nou**
veaux attaquants, ils ne purent tenir contre le feu terrible de
mousqueterie et de mitraille que les Autrichiens dirigèrent contre
eux. En peu d'instants la brigade Roussel eut 676 hommes»
dont 36 officiers y hors de combat; et ce général , pour éviter
une plus grande perte , fut forcé d'appuyer à droite.
Le •général Seras, d^espéré du peu de succès de cette pre-
mière tentative, prit alors la résolution de recommencer un as*
saut général avec toutes ses troupes. Après avoir parcouru les
rangs et ranimé le courage des soldats en leur représentant
que le succès de la bataille dépendait entièrement du dernier
effort qu'ils allaient-faire, il fit battre la charge et se précipita
à leur tète sur la fatale position. Les expressions nous man-
quent pour rendre les détails de cette terrible attaque. En quel-
ques minutes la maison carrée est abordée malgré tous les
obstacles qui l'environnent ; les murs sont escaladés , les portes
enfoncées par les sapeurs ; les Français , couverts de sang et de
boue, pénètrent dans l'enceinte. C'est en vain que les grena-
diers autrichiens demandent quartier en se jetant aux genoux ^
d'un vainqueur dont la fureur ne connaît plus de borne; la
maison est incendiée, et tous ceux que le fer a pu épargner
deviennent la proie des flammes ; pas un Autrichien n'échappe
a cet horrible désastre.
180 Lr?BB SlUlàKK.
im. PeDdàiit ee temps, Iq général MootiHrun avait coatteoé de
iiongrie. ^^^^ ^ ^^^ lUnfanterie enneinie , et Ta? ait empéeliée de ro-
venir au secours du poste de la maison earrée. Au moment de
Toecupation de ce poste, ce général, ayant disposé son artflleriè
légère, et eelle que le général Grouchy Yenait de lui envoyer,
de manière à prendre en éeharpe les iNitaillons autrichiens dans
la position qu'ils avaient prise en arrière, profita du désordre
que cette canonnade mit d*afoord dans leurs rangs, pour en^
tamer une charge vigoureuse à la tète du t^ régiment de chas-
seurs, de la brigade Jacquinot. Cette double manoeuvre décida
enAn l'ennemi à accélérer son mouvement de retraite sur Sant-
Yvan.
Le général Seras, maître de la maison carrée, s'étant avancé
sur ces entrefaites, se chargea de poursuivre l'infanterie en-
nemie dans cette direction (Sant-Yvan), et le général Mont-
brun put se porter alors sur la cavalerie, qui , s'étant ralliée
pendant le combat, se retirait en bon ordre dans la direction
de Bony.
Disons maintenant ce qui se passait alors sur l'autre partie
du centre et sur la gauche de la ligne.
L'ennemi, repoussé sur la droite de Kls-Megyer, avait porté
tous ses efforts au village de Szabadhe^y , où il avait réuni une
grande partie de son artillerie. L'archiduc Jean venait lui-même
de reprendre ce poste sur la division SeveroH, qui s'en était em-
parée après la seconde attaque dont nous avcms parlé plus haut.
Réattaqué et défendu avec une égale opiniâtreté, Szabadhegy,
d'où dépendait le sort de la bataille, fut perdu et repris jusqu'à
trois fois.
Le général Durutte, qui s'y était porté après la division Se-
veroli, venait d'évacuer ce village pour la seconde fois , et ses
troupes se retiraient même assez en désordre, lorsque le prince
Eugène fit marcher pour le soutenir la division Pacthod, faisant
partie, ainsi qu'on l'a vu, de la réserve de l'armée. Ce renfort
rendit aux bataillons du général Durutte toute leur énergie, et
les deux divisions réunies se précipitèrent à l'envi sur les co-
lonnes ennemies, qui s'avançaient alors avec la confiance, sou-
vent imprudente , que donne un premier suooès. L'élan des
soldats français était si général et si impétueux que les Autri-
GUEUIIB I>*ALI.«MAGRE. 487
ehleiw perdirent eo un moment tout le terrain qulh venaient mo».
^e gagner, et abandonnirent définitivement, après quatre heures ''^'^^
d'un combat sans relâche, les deux postes de Szabadhegy et
Kis-Megyer.
Le S' r^iraent de chasseurs à cheval ( de la division Sahuc, qui
était en observation vers Baab), dirigé sur Ssabadhegy, tra-
versa rapidement ce village et fondit sur les troupes de l'aile
droite ennemie, qui se reliraient asses en désordre par la route
^e Sant-Yvan. Le colonel de ce régiment, emporté par son ar-
deur, et sans consulter la grande inégalité de ses forces, char-
gea imprudemment sur des carrés que Tennemi venait de former
pour faciliter le ralliement des troupes désorganisées. La ter-
reur des vaincus était en effet si grande qu*un grand nombre
de fuyards, croyant avoir toute la cavalerie française à leura
trousses, avaient déjà mis bas les armes; mais le général en-
nemi s'apercevant qu'il n'avait affaire qu'à quelques escadrons
qui n'étaient point soutenus, et ayant fait former les carrés
dont nous parions, la plupart de ceux qui venaient de se rendre
réussirent à s'échapper en se Jetant dans les marais qui sont à
droite et à gauche de la chaussée. Le 8^ régiment , accueilli par
le feu des carrés, allait se trouver forcé de rétrograder et d'a-
bandonner ] ,600 prisonniers qui lui restaient encore , ainsi que
quatre mille fusils déposés ou Jetés par les fuyards, lorsque le
général Sahuc accourut avec ses autres régiments par la gauche
de Szabadhegy. Toute la division se mit alors à la poursuite de
l'infanterie autrichienne sur la route de Gomorn, parce que
celle de Sant^Yvan venait d'être coupée par la cavalerie du gé-
néral Montbrun, ainsi qu'on va le voir.
Ce général, après avoir longtemps poursuivi la cavalerie autri-
chienne sur la route de Bouy, et voyant qu'il ne pouvait l'at*
teindre , avait laissé la brigade Colbert en observation de ce
e6té, et s'était rabattu rapidement avec la brigade Jacquinot sur
sa gauche, afin de couper la retraite de Tinfanterie ennemie sur
Sant-Yvan; mais, pendant qu'il exécutait ce mouvement, les
Autrichiens, qui le virent descendre de la hauteur, se jetèrent
vers le Danube pour suivre la route de Raab à Gomom.
La nuit mit fin à la poursuite de l'armée ennemie.
Telle fut lissue de la bataille de Raab , ainsi appelée parce
188 LTVRB STXIBHB*
1909. qu'elle fut livrée non loin de la ville de ce nom, dont rartlllerie
Hongrie. ^^ position ne cessa de canonner, pendant toute la journée ,
les troupes françaises qui étaient en observation sur ce point,
pour empêcher Tennemi de venir occuper le camp retranché
établi sousRaab. La perte des Autrichiens s'éleva à 3,000 pri-
sonniers et à 4,000 morts ou blessés. Parmi les premiers se
trouvaient le général Mardani et plusieurs officiers de marque.
Les Français eurent 6 à 7 00 hommes tués, et près de 1 ,500 bles^
ses. Xe colonel Thierry, du 23^ régiment d'infanterie légère,
fut au nombre des morts. Cet officier distingué emporta les
regrets de toute Tacmée^ Le général de brigade Yalentin, le co-
lonel Expert et le chef d'escadron Henry avaient reçu des blcs-
sures graves. Les généraux Grenier, Montbrun, Seras, Grouehy
Golbert et Dauthouars furent cités comme ayant particulière-
ment contribué au succès de la journée. Le prince Eugène y
donna les preuves de la plus grande bravoure et d*un sang froid
remarquable', en se trouvant constamment au mUieu de la
mêlée et se portant sur tous les points où il jugeait sa présence
nécessaire pour maintenir l'ardeur et le dévouement des troupes.
Quatre de ses aides de camp avaient été blessés à ses côtés.
L'artillerie, commandée par le général de division Sorbier, s'é-
tait couverte de gloire en compensant , par la belle précision
de ses manœuvres et la justesse de son tir, la grande supériorité
de celle des Autrichiens. Enfin toute l'armée avait fait com-
plétetement son devoir.
La bataille avait été gagnée avec les seules troupes qui se
trouvaient en ligne au commencement de la journée. Le gé-
néral Macdonald, impatiemment attendu par le prince vtce-roi,
ne put arriver devant Raab qu'à quatre heures après midi, et à
ce moment la défaite de l'armée ennemie était déjà décidée.
La division de dragons du général Pully s'était portée, pendant
le combat, en avant du village d'Acs, appuyant sa droite à la
hauteur de la division Grouehy et sa gauche à la chaussée qui
conduit à Raab. Vers la fin de la journée elle se jeta sur la
droite, suivit le mouvement de la division Montbrun, et reprit le
soir sa position du matin. Toute l'armée s'établit en avant et
en arrière du village de Szabadhegy, dans les positions qu'avait
occupées l'armée autrichienne pendant une partie de la journée.
GUEBES d'ALLEHAGRE. 189
Dès le lendemain de la victoire de Raab , tandis que le gros mog.
de Tannée marchait à la poursuite de l'archiduc, le prince Eu- ^^s^^-
gène fit commencer l'investissement de la place de Raab par
les troupes de i*aile gauche, aux ordres du général Baragney
d*Hilliers. Cette opération futsecondée et continuée par le général
Lauriston, qui commandait la division badoise dont nous avons
déjà parlé , et par les généraux Lasalle et Marulaz, que le ma-
réchal prince d'Ëckmuhl détacha à cet effet de son corps d'ar-
mée, avec la cavalerie légère qu'ils commandaient. Les troupes
de l'aile gauche s'établirent devant le corps de la place, en
avant du village de Szabadhegy ; le général Lauriston prit poste
dans le faubourg de Wieselburg ; le général Lasalle dans celui
dit de Vienne, entre la Raab et la Raabnitz; et enfin le général
Marulaz dans le faubourg de Sieget.
Le général Lauriston , chargé par Tempereur de la direction
du siège de Raab, fit d'abord sommer le gouverneur d'ouvrir
ses portes, et, sur la réponse négative de celui-ci, il s'occupa
sur-le-champ des préparatifs nécessaires pour une attaque ré-
gulière.
La place de Raab est revêtue d'une enceinte bastionnée, en-
tourée de fossés pleins d'eau dont on peut étendre l'inondation.
L'archiduc Joseph y avait fait faire de grands travaux, et elle
devait être défendue par une nombreuse garnison ; mais la ra-
pidité de la marche des Français et l'issue de la dernière ba-
taille n'avaient point permis d'y jeter plus de 2,000 hommes.
Du 15 au 22 juin, le général Lauriston fit canonner cette place
avec tant d'activité que le gouverneur se crut enfin obligé de
demander à capituler. Les Français entrèrent dans Raab
le 24, et la garnison fut conduite aux avant-postes de l'archiduc
Jean, après avoir signé l'engagement de ne point servir contre
la France jusqu'à parfait échange. On trouva dans la place dix-
huit pièces d'artillerie de gros calibre, et des magasina consi-
dérables de vivres et d'habillements.
Opérations en Carinthie et en Styrie; combats de Klagen- c^nthie
furt, de Kalsdorf, etc. — Avant de suivre la marche de l'ar- ^^./ufiî?*"
mée du vice-roi jusqu'à sa réunion définitive à la grande ar-
mée, nous devons reprendre le récit des opérations qui eurent
Uw en Carinthie et en Styrie avant et depuis la bataille de
100 LIYBE StXlàUE.
tM9. Raab, où le priiiee avait laissé les divisions Riisca et Broossier,
a st)Ti^ détachées^ ooniroe nous ravoûs déjà dit, la première ^ de Taile
gauche, la deuxième, de Faile droite de Tarmée.
Le général Rusca, qui était spémlement chargé de main-
tenir la sûreté des communicatioiks de l'armée, menacées par le
corps de partisans tyroliens aux ordres du marquis de Ghasieler)
avait concentré sa division autour de Klageniurt, d'où il en-
voyait, selon les circonstances , des colonnes contre les partis
ennemis. Le 5 juin au matin, étant informé que son adversaire,
après avoir rassemblé des forces nombreuses, faisait des dispo*
tions pour venir l'attaquer lui-même dans sa position, le gé-
néral français prit la résolution de marcher au-devant de la
masse ennemie, dont il rencontra Tavant-garde sur la route de
Villach. Ce premier engagement valut a la dividon française
plus de 500 prisonniers, qui restèrent entre ses mains.
Le 6, le général Rusca trouva le marquis de Gbasteler en po-
sition sur la route, le culbuta, lui fit encore 600 prisonniers et
ramassa trois mille fusils jetés par les fuyards ; une partie du
corps ennemi coupée d'une autre colonne passa la Drave au
pont de Stein, qu'elle Incendia après avoir pris position sur la
rive opposée. La colonne tyrolienne sous les ordres du général
Schmidt , qui avait réussi à gagner Villach , rompit également
tous les ponts de ce côté, et se hâta de continuer sa retraite sur
le Tyrol par les routes de Paternion et de Sachsenburg.
La retraite de ces troupes ennemies fut si précipitée que le
général Rusca, ne pouvant atteindre leur arrière-garàe , prit
le parti de rentrer dans Klagenfurt , où il resta jusqu'à la con-
clusion de l'armistice de Znaim , accordé par l'empereur à l'Au-
triche le 17 juillet, ainsi qu*on le verra plus bas.
Du 1^' au 19 juin, le général Broussier, maître de Gr&ts,
avait tenu bloqué le fort de Schelsberg, qui est comme la ci-
tadelle de cette capitale de la basse Styrie^ et il s'attendait à
voir bientôt le commandait autrichien ouvrir ses portes, lors-
qu'il fut informé qu'un corps considérable, commandé par le
général Giulay , s'avançait par la route de Marburg pour lui
faire lever le siège. Cette troupe ennemie, faisant partie de Taile
. gauche de l'armée de l'archiduc Jean, se composait des déta-
chements laissés par ce prince dans dilffércnts postes de Tlstrie,
GCEBBS D*ALLKKA6KE. 191
de la Garniote, lors de sa retraite sur la Hongrie , et des débris i«os.
du corps d'armée de Croatie, que le général Marmont avait efsiyr!^
battu et dispersé, ainsi qu'on l'a vu plus haut.
Le général Broussier se trouva alors dans une position très-dif-
ficile. Eloigné de plus de cinquante lieues des deux armées d'AI*
lemagne et d'Italie, n'ayant pas de nouvelles du général Mar-
mont, qui devait k la vérité venir le Joindre à Grfttr, mais qui
paraissait encore éloigné, il ne pouvait espérer ni point d'appui
ni secours d'aucune troupe française. L'ennemi occupait toutes
les routes, à l'exception de celle de Bruck. Dans cet état de
choeesy le général Broussier se décida à évacuer Grâtz et à lever
le siège de Scheisberg, pour prendre une position concentrée sur
la rive droite de la Mur, au débouché de la vallée de Bruck. Il
exécuta ce mouvement dans la nuit du 30 au 31 , dans le plus
^rand silence, emmenant ses malades et ses blessés, qu'il plaça
dans Goesting, position qui le rendait maître du pont de Wein-
zerlbruck» du débouché de la vallée de Bruck et des mouvements
ultérieurs que les circonstances pouvaient amener. L'évacuation
de Grfttz était d'autant plus urgente que cette ville n'est point
tenable quand on n'est pas maître du fort de Scheisberg, bâti
sur un rocber qui domine toute la ville, les hauteurs voisines,
les deux ponts sur la Mur et les faubourgs.
La certitude de la marche du général Giulay, la nécessité de
prévenir ses attaques et ses manœuvres pour ne pas être cerné,
déterminèrent le général Broussier à tenir la campagne, parce
qu'il était sûr, avec les huit bataillons qu'il avait sous ses or-
dres, de combattre avantageusement son adversaire, quelles
que fussent les forces de celui-ci , et encore parce qu'il dépendait
de lui de livrer ou de refuser le combat. Une dernière considé-
ration doit être ajoutée à celles que nous venons d'exposer : le
général Broussier avait ordre de rester en mesure de seconder
le général Marmont dans sa marche sur Gr&tz^ et cette partie
de ses instructions ne se trouvait point contrariée par la déter*
mination qu'il venait de prendre.
La division française fut placée en arrière des faubourgs, hors
la portée de canon du fort, sur la rive droite de la Mur et sur
deux lignes, la gauche appuyant à cette rivière, et la droite
aux montagnes couvrant le débouché et la gorge de Bruck, un
192 LIVAB SIXIBHE.
1809. bataillon gardant les poots dans tes faubourgs, et Tavant-garde
^^styrie. ^^ avant des faubourgs, poussant des palrouîiles sur la route de
Marburg.
Dans la matinée du 2 i , les coureurs ennemis s'étant retirés
à la vue de Tavant-garde, le général Broussler résolut de se
porter en avant à la rencontre du générai Giulay. Il avait jugé
qa*il était plus avantageux pour lui de donnef le combat que de
le recevoir, et il ne voulait pas Téviter, parce que c*eût été per-
dre la Styrie et laisser le général Marmont dans uu grand enn
barras. La division prit position dans la soirée à Wildon.
Cependant, ayant su par ses reconnaissances que le général
Giulay s'était porté sur Ëhrenhausen , où se trouvait déjà une
de ses colonnes commandée par le général Spleeny, le général
Broussier crut devoir venir reprendre ses anciennes positions
dans la ville et autour du fort , sur lequel il fit recommencer un
feu très-vif pour bâter sa reddition.
Mais, le 24, les avant-postes français sur la rive droite de la
Mur furent attaqués à trois heures du matin par Tavant-garde
enaemle. Le général Broussier pensa d'abord que ce pouvait
être une démonstration du général Giulay pour masquer son
mouvement véritable sur le corps de Dalmatie , qui s'appro-
chait peut-être de Grâtz en ce moment. Gomme Tattaque ne
pouvait être réelle que lorsqu'elle aurait lieu sur les deux rives
de la Mur, l'intention de l'ennemi parut bientôt évidente par la
fusillade qui s'engagea sur la rive gauche vers dix heures du
matin. Le général sortit alors de Gr&tz pour se porter à Gôs-
ting en passant la Mur à Weinzerlbruck. Ce fut là qu'ayant
reçu l'avis de l'arrivée du corps de Marmont , dont la tète de
colonne était à Voitsberg, il se décida, pour attirer de son côté
l'attention de Tennemi, à faire une diversion et à attaquer ce
jour même une avant-garde qui se trouvait àFeldkirchen.
La cavalerie ennemie qui inondait la plaine se retirait à me-
. sure que les colonnes françaises se portaiait en avant. Ayant
dépassé le village de Feldkirchen, la division fit un change--
ment de direction pour couper Tennemi de ce poste et le jeter
dans la Mur ; mais Tavant^garde autrichienne se retira en lon-
geant la rive droite, et se réunit au gros du corps de Giulay,
qui cherchait à s'établir à Kalsdorf. Le général Broussier ne lui
«OSBÉB D'ALLEMAdlIK. I9S
en doniift pas le temps ; à huit heures du soir il fit attaquer iso9
fe Tillage par le 9*^ régiment de ligne, soutenu par le 64^. Le 9^ ^sc^rie!
renversa à la baïonnette tont œ qui se trouva devant lui, s'em-
para de Kalsdorf, et poussa en avant Jusqu'à la première ligne
ennemie, formée à quelque distance du village. Cette ligne,
après un feu mal assuré, se débanda, se renversa sur la seconde
ligne, et bientôt après celle-ci sur la troisième. Il est impossi-
ble de rendre la rapidité de ce mouvement admirable du 9^ ré*
glment de ligne. Le corps autrichien, fort de 20*000 hommes,
ayant trente bouches à feu avec 2,000 chevaux, fut mis, en
moins d'une demi-heure, en pleine déroute par quatre batail-
lons. Généraux, artillerie, infanterie, bagage, tout fuit pèle-méle,
sans s'arrêter, jusqu'à Wildon. Un régiment de cavalerie s*é-
tant rallié tenta, pour couvrir la retraite, une charge sur le 9* .
régiment, qui l'attendit à bout portant , et lui fit, par cette fu-
^llade, un mal considérable. Bientôt ces escadrons ennemis se
mirent en déroute comme le reste des troupes. Le combat cessa
à dix benres et demie du soir. Le 9® s'arrêta à deux milles au
ddà de Kalsdorf; il avait fait peu de prisonniers, passant à la
baïonnette tout ce qu'il rencontrait. C'en était fait du corps d'ar-
mée autrichien ; si Taction n*eût pas eu lieu dans Tobscurité
huit bataillons en auraient pris ou détruit vingt-sept. La perte
des Français fut à peine d'une quarantaine d'hommes tués ou
blessés. Ce combat extraordinaire couvrit de gloire le 9* régi-
ment d'infanterie, dont on ne saurait trop louer Tintrépidité,
Tordre, le silence et le sang-froid pendant l'attaque. Le corps de
Giolay se composait de trois régiments de ligne, des débris de
différents corps croates , et de quelques bataillons de landwehr.
L'ennemi, battu à Kalsdorf, avait renoncé au projet d'opé-
rer son mouvement sur Grfttz par la rive droite de la Mur. Après
avoir rallié ses troupes , le général Giulay leur fit passer cette
rivière sur le pont de Wildon, pour marcher ensuite sur Gràtz
par la rive gauche. On ne pouvait guère supposer qu'une masse
aussi considérable que celle qui restait encore au général en-
nemi dtt faire un semblable détour pour éviter un nouveau
choc des 3,600 hommes qu'elle avait en face. Le général Mar-
mont, croyant le coirps d'armée de Giulay en position en arrière
de Wildon , dans la plaine de Lebringen, envoya au général
I. 13
1
194 UVXB SIXIBMB*
im. BjoussMr rinYitation de se porter avec tout» ao tr<Ni|ie» dto-
etst^îc! P<>nible9 à la hauteur de LIboch, où se trouvait le corps de
Dalraatîe, d'attaquer et de reprendre GrAtx en même temps t
en y laissant le moins de monde possible. Le général Marmont
se proposait d'attaquer Tennemi, le lendemain 26, dana la po-
sition où U présumait qu'il devait être naturellement. En effet»
le 26, à sept heures du sohr, GrAts n'était encore occupé que
par ] 60 hussards et autant de Croates, sans compter toutefois
les 1 ,000 hommes de garnison que renfermait le fort de Scheb-.
berg. Le gàiéral Broussier, jugeant que deux bataillons soifi-
raient pour chasser les piquets ennemis , rentrer dans Grfttz et
y reprendre position , envoya sur eette ville le colonel Gambin
avec les deux premiers bataillons de son régiment» et donna
^ pour instructions à cet offider de s'avancer avec précaution et
de n'entrer dans Grfttz que dans le cas où il ne rencoitrerait pas»
pour y arriver, des forces supérieures. Il mit à sa cUspositioii
deux pièces de S. Cette mission du colonel Gambin donna lieu à
un des faits d'armes des plus remarquables, que nous croyons
devoir consigner ici avec ses prineipanx détails,
«et '26 Juin. Combat de Grûis^ — Le colonel Gambin, après avoir reçu
les instructions verbales du général Broussier, partit du pont de
Weinzerlbruck vers sept heures du soir, avec les deux premiers
bataillons du 34*^ de ligne, au nombre de i,tO0 combattants en-
vhxm, et les deux pièces de 3 qui lui avaient été données.
Comme il savait, par une reconnaissance qu'il avait fait &ire
dansTaprès^-midi, que l'ennemi n'était point éloigné, U forma
son avant-garde de la compagnie de voltigeurs du premier ba-
taillon, en donnant l'ordre au capitaine de Mre fouiller la
droite et la gauche avant de s'engager dans le chemin*, qu'il
avait à parcourir. Il dirigea en même temps la compagnie de
voltigeurs et une demi-compagnie du centre du 2* bataillon par
le chemin qui, longeant la Mur, conduit directement à Grâtz.
Ce détachement, qui avait ordre de passer sous les murs de la
ville pour gagner une place où les deux bs^taillons devaient se
réunir, fut arrêté le premier dans sa marche par une colonne
ennemie tellement supérieure en nombre qu'il se trouva \en
un moment cerné de toutes parts '•
■ Après ^Toir résisté pendant teste la naît aux attaqncsde l*<
49
GDttlB I>*ALUMAfiNB. 194
L'aTanHSarde tt In deta batailloiM prirart le chemin de
ISiimehe, afin dedérober leur marche au fort de Schekberg, en vue m MyrS^
duquel il ne convenait pas de paaatr pour arriver au point dn
mâfn^yom. A peine Favant-garde avait-elle lait un tri\}et de
denuL-henre qu'elle rencontra des grand'gardee de cavalerie
ennemie , qui furent proroptement repoossées avec perte de
^uiieure hommee et de quelques chevaux. Cette troupe se re«
tira sur le faubourg de Grfttz, dit de Graben, où le colonel
Gambin trouva retranché dans un clos un détachement asses
considérable d'infbaterie et de cavalerie. Il le fit attaquer sur*
le-ehamp par la compagnie d*avant-f;arde que soutenaient les
deux compagnies de grenadiers des premier et deuxième ba-
taillons. L'enncflrii débusqué de ce poste se replia sur un autre
détachement plus fort que le premier, et qui s*était également
retranché dans un cimetière dont toutes les issues se trouvaienf
soigneusement gardées.
U était alors minuit. Jugeant avec raison qu'il n*y avait pas
un instant à perdre, et qu'il fallait profiter de l'obscurité pour
culbuter des forées aussi considérables que celles que présentait
l'ennemi, avant que celui-ci ne pût reconnaître le petit nombre
d'assaillants auxquels il avait aflsire, le colonel Gambfai fit at«
taquer sur-le-champ le cimetière. Le choc des Français fut si
fanpétneux que toutes les avenues furent babyées en un mo^
ment. Tout ce qui ne put rentrer dans le cimetière fut tué à
coups de baïonnette; le nombre des morts était si considérable
que les grenadiers^ pour aborder ce poste , se virent obligés
d'enlever les cadavres ennemis et de les Jeter de c4té. Toute-
MSj il devint impossible an 84* régiment d'emporter de prime
abord le retranchement naturel où l'ennemi se trouvait en force ;
il était d'ailleurs protégé par le fen d'autres troupes occupant
les hauteurs qui environnent l'église de Saint-Léonard, è la-
quelle appartenait le cimetière attaqué. Les murs de ce dernier
étalent crénelés ; 11 en partait un feu tellement vif et meurtrier
que le ocrfonel Gambin crut devoir changer la directioli de son
attaque. Ayant reconnu lui-même un passage mal gardé , il y
fit mareher une compagnie, conduite par Tadjudant-miyor dâ
détâdiement réuMlt, dans la matinée du 26, i' se dégager et à gagner
Weinaerlbnick sans avoir perdo besoeoep dlioemies.
is.
I9S XIVBE SIXlÈlfS. >
4M§. ptemler iMitatlfon. Le reste de lu colonne ^ qui s^était rapproèhé
efsjSriu ^^ l*églf8e pooT éviter le feu des créneaux du dmetiëre, M4at
se porter en avant qu'au moment où la compagnie détachée
commencerait son feu. Ce mouvement combiné fut parfaitement
exécuté. En moins de dix minutes les troupes qui occupaient
le cimetière furent chassées et mises dans une déroute complète^
jetant fusils, munitions, et laissant sur la place un nombre con^
sidérable de morts et de blessés. Les Français firent dans cette
attaque 135 prisonniers, dont deux ofQciers. Les munitions que
Ton ramassa furent d*un grand secours pour le 84', qui avait
d^'à consommé une grande partie des siennes*
* Cependant des troupes nombreuses occupaient toujours les
hauteurs de Saint-Léonard, et le colonel Gambin, pensant qu*ii
y aurait trop de témérité à se porter sur elles, résolut de passer
le reste de la nuit daos le cimetière et de se bornw à placer
quelques tirailleurs en avant de cette position pour riposter h
ceux de l'ennemi. Au lever de Taurore, les Français purent jre-
eonnaitre qu'ils allaient avoir à coml)attre des forces encore
plus considérables que la veille, et qu'ils étaient cernés de tousi
les c6tés par Fennemi. Le colonel fit sur-le-champ ses disposi-
tions* Les deux pièces de 3, dont il n'avait point encore £aiit
usage, furent mises en batterie et jouèrent avec succès; mais,
Fennemi recevant sans cesse de nouveaux renforts, le 84* ré*
giment ne put quitter la position du cimetière, où il se trouvait
comme bloqué.
< Cet engagement opiniâtre dora une grande partie de la jour-
née du 26. A cinq heures du soir, les deux faibles bataillons
fîrançais avaient épuisé toutes leurs cartouches, et les deux, pièces
de S éUient réduites au silence, faute de munitions. Le colonel
Gambin prit alors la généreuse détermination de se faire jour à
la baïonnette dans les rangs ennemis qui le pressaient. Il (ait
battre la charge, et sa troupe se précipite sur les Autrichiens
dans la direction du chemin de Weincerlbruck, par où elle était
venue. La trouée était déjà effectuée lorsque le 84^ se trouva
en présence d'une colonne française, qui, de son c6té , venait
dé renverser une seconde ligne ennemie pour venir au secours^
d^ deux bataillons si* vivement pressés dans Gr&tz. Nous de-
vons expliquer ce dernier mouvement»
G1IBiB«.]»*JLLLBMA6III. 197
' Le gé«éml Broassier avait opéré h fanit heures do nàtio » im.
jonetioQ airec le oopps de Dalmatle dans lei bois de Libocli , od ^^^S
le général Marroont loi avait donné rendes-vons, et il avait été
eonyena que le premier retournerait sor Grftts pour dégager le
colonel Gambin , qu'on devait supposer dans une situation fort
critique , en raison du feu très-vif qui s'était fiait entendre tonte
la nuit et qui durait encore sur ce point. Le générai Broussier sa
mit au8Sit6t en marche, et, lorsqu'il eut débouché dans la plaine
au sortir du bois de Liboch , il put remarquer» par la directtcua
des feux, que le $4"^ était dans le faubourg de Saint-Léonard,
sor le chemin de Fùrstenfeld , serré de près et coupé par des
troupes nombreuses. Ayant alors la presque certitude que tout
le corps de Giulay s'était Jeté dans Gr&tz après le combat d»
Kalsdorf , le général Broussier fit prévenir le général Marmont
de cette circonstance , en le priant de lui prêter secours. Il se
porta ensuite en toute hâte au pont de Weinzerlbruck, on il ar-
riva à une heure après midi ; mais, sa colonne ayant marché sans
S^arrèter un seul Instant, il loi fallut faire halte en cet en droit
pour la réunir. Toutefois, il forma sur-le-champ le S* bataillon
du 84*^ et les deux premiers du 93% sous les ordres du colonel
riagle S pour aller au pas de course dégager lecolonel Gambin^
et il se disposa à soutenir, avec le reste de ses troupes, cette
colonne d'attaque, pour empêcher Tennenii de la tourner et de
la prendre à dos.
Les trois bataillons du colonel Nagle, tels qu'un torrent qui
déborde et renverse tout ce qu'il rencontre, se précipitèrent sor
la ligne ennemie, qui voulut arrêter leur élan. Joindre leurs ad^
versaires , les rompre , les mettre en i^ite et marcher droit am
a4^, fut pour ces braver troupes ra/falre de peu d'instants. Les
soldats des deux colonnes françaises s'embrassèrent sur un
iDbamp de bataille couvert des cadavres de l'ennemi. >
Sans perdre de temps, le colonel Nagle partagea avec le co-
lonel Gambin les cartouches de ses trois bataillons, et ces deux
cheft marchèrent sur le faubourg de Saint-Léonard, d'où l'en-
nemi flit repoussé, avec une perte énorme, Jusque sous les murs
de la ville. Mais, comme le général Broussier avait enjoint aij
* Depois maréchal-de-cafDp, inspecteur d'infanterie.
198 LIVBI ftlXlÉHB.
coJoiid Naglede ratouiner an pontâe WebuoibradL Mroe te
S4*, dans le eas où ii réoistrait à dégager ce Tégitnent, les éiûq
batailtons durent rétrograder sur oe point.
Td fut le mémorable combat d^ Grfttx. Le 84* régtanent, qiA
i'jr comporta d'une manière Êi brillante , avait Adt 460 pri»»-^*
nieri , dont 8 officiers et 1 major; deux drapeaux ennemis
avaient été enlevés par 18 bomities. Le corps de Glulay eut
1,^00 hommes tués sur le champ de bataille. Le nombre de ses
bleaiés était immense; les hôpitaux de Orats , les maisons de»
(ànboorgs en étalent encombrés, le V au matta, quoiqu'une
grande quantité eût été évacuée pendant la nuit du 36 vers la
bosse Hongrie, ai descendant la Mur. La perte du 84* régiment
se montait à 98 morts, I63 blessés et 58 prisonniers. Le
9J* n'avait eu que 1 homme tué et 18 blessés.
On ne saurait trop louer le colonel Cambln , dont la valeur,
le sang-froid et les sages dispositions contribuèrent si puissam-
ment à rétonnante résistance de sa troupe*. Le colonel Nagl€
s'était également distingué à la tète du 09^ et du t* bataillott
du 84«.
Le général Marmont avait décidé, dans la soirée du 26, qtie
le générai Glulay serait attaqué le lendemain dans les positions
qu*il occupait sous GrAtz. En conséquence, la division Bronssier;
qui formait alors Tavant-garde du corps dVmée de Dalmatie,
marcha ( le 37 ) dans cette direction , et fut appuyée par les
deux divislonB Ctausel et Montricbard. Mais Tennemi, fatigué
du combat de la veilie, «t efArayé de la perte énorme qu'il avait
ftite, s'était retiré asses en désordf>e pendant la nuit , Jugeant
à propos de ne pas recevoir la bataille qu'allaient lui présenter
les trois divisions françaises réunies. Le général Broussier
rentra dans G râla à une heure après midi» et y reprit ses an-
ciennes positions, ainsi que le blocus du fort. Les troupes du gé«
^ Le 7 juillet soi?afit, Tempereur Napoléon, |>assant le S4* en revue dans
Me de I^o, prit soin de réeompenser par ses éloges le déyouemeot de
cette troupe iotrépide, et, après TaToir donnée en exemple è toéle l'attnée;
U fit mettre à Tordre du jour ^oe it devise suhrante sendt gravée sar
le support de Taigle du réginwnt : un Gomaa na\ Le cselonel Qmohkt M
aommé comte de Teropire et reçut oae dotation considérable; quatre*
vingi-quinr^ décoratîoBS de la Légion d'honneur forent distribuées aux ofll-
ders et aux soldats.
tmiCla. et Styrte.
Le l« juiiet, te AlYMmi Brousater raçvcrardra 46 njoiiiM
rarmée 4'fMte» et le «éoéral Mamont, qol dat flrfvM la i
deettoatioB, toitaa ea Styrfe un fort d^^taehcasettt pont i
le géaéral «fotaj et héter la reidttloo da ehâleau de Orftti, qirt
vdiaK eiieot^e»
Mimlofi (/« IVirm^ liit jirîa<^ £M§èné à ia grâmde armée, Aiifnuinie.
ifMM rUê de LôlMm. ~ Nous avoaa dit ^'apH« la bataflie da ^'^'^
fiaab le prinoe Eagène s'était «Ris à la pounuile de Taidildiié
Jean sur la route de Comom. La cavalerie française ftt encore,-
dans ertte mareke, une grande quantité de {iriSonien. Le
1^ Juin, les deux divisions Seras et Durutte, et la garde royale;
a^établirent à Gonyo^ où le vioe-ral transféra son quaitler gé*
nëral. Le général Maedonald prit poste à Bony avec la division
Lamarque; la division du géoéiml Puity ocenpa Bana. Legé«*
néral Montbrun , après avoir poussé une reeonnaissance sur
GMnom, croyait avoir acquis ia certitude que l'armée ennemie,
ayant traversé le ÀanulMS sur ce point, se trouvait étaMie tout
entière sur la rive gauche ; mais à huit lieures du soir «n déta-
clMment de ooo chevmix , soutenu par quelque iniluiCerley vint
attaquer iMinqueflaent à Acs les postes de la cavalerie légèm
française. Le général Montbrun se mit à la tète d*nn régi-
ment qu'il réunit en toute héte , et, fondant avec son impétuo-
sité ordinaire eur les assaillants, lés culbuta et les ranlena, le
sabre dans les reins , Jusqu'à Gomom. Les hussards français
firent dans cet engagement un certain nombre de prisonniers.
l^i^yhi prince JKugène reconnut lui-même la tête de pont et
la place de GuBom ; mais, comme son artillerie de position étaitr
alors employée au siège de Raab, il crut devoir, en rapprodiant
ses troupes^ se borner à les distribuer de manière A être en me^
auee d*agir suivait les circonstances. ^
Iki 10 Juin au 1^ Juillet rarmée d'Italie raila ainsi en posi-
tion sur la rive droite du Danube. Dans cet intervalle, M n*y
eut d'autre engagement entre les deux partis que rechange de
quelquMconps de canon.
Le s Juillet , le prince fingène reçut du quartier impérial
tordre de se mettre en mouvement pour Joindre la grainde année
900 L1VAE sixiàm*
m», dans Tlle de Lobao, Afln^de déroberia niairehe à Teitfieoii» le
vloe-roi prescrivit au général Montbron de ne quitter aa posi^
tion d*Ac9 qa*à la nuit elose, et ao général Grenier de suivre
la route de Rohrau en s*éloignant du Danube. Les autres divi->
sions de l'armée , ainsi que le grand parc d*artillerie, mar-
chèrent par 'Wieselburg et Neudorf , et se réunirent le 4 à
Schwachat, à Texception de la division Severoli, qui fut laissée
pn observation devant Presbourg, et de quelques bataillons for-
mant la garnison de Baab, place dont Napoléon venait de confier
le gouvernement à Tun de ses aides de camp, le général comte
de Narbonne.
L'armée dltalie quitta Schwâchat dans la nuit du 4 au 6 pour
se rendre dans Pile de Lobau » où elle se réunit le lendemain
aux troupes de la grande armée, qui y étaient en position.
L'activité du vice-roi pendant la campagne que nous venons
de retracer aingna dès lors à ce prince un rang distingué parmi
les premiers généraux de l'armée française. En se portant,
4ans l'espace de deux mois, des bords de l'Âdige aux bords da
Danube, l'armée d*ltalie avait ^écuté plusieurs passages de
rivière en présence de Tennemi, livré trois batailles rangées et
plusieurs combats mémorables, notamment celui de San-Bli-
chele, où le corps du général Jellachicb fut détruit en entier*.
' ■ Nou8deToDseonngiieridunrait8iDguUèreinentreiiiarqntblA,q«iA'apv
trouver plaise àua le iMt qu'on a'déjà lu de ce heau corabstde San-Michele.
Apràs la défaite daoorpB de Jellacliich, le capitaine d'état-m^or Mathieu
(depab colonel dans le même corps) fat envoyé par le prince Eugène en
reconnaissance dans la direction de Sabburg. Cet officier, accompagné d^mi
seul dragon, était panrebu, à la nuit, jusqu'aux posittons de Bottemma,
tonqn'U tombe dans on poste ennemi et fut fait prisonnier; mais , par une
présence d'esprit admirable, il se donne pour pariementeire, se dit envoyé
par te vice-rot pour annoncer au corps ennemi entre les mains duquel il se
tnwve IVntière défaite du général Jéllachicli , et réussit à faire déposer les
armes à trois mille hommes sons tes ordres du général-major Plunkett. Oeti«
troupe avait avec elte plusteur» pièces d'artillerie, des caissons, des fourgons.
Le capitaine Mathteu fut nommé quelque temps après baron de Rotte-
wann^ viUe sous les murs de laquelle il avait vu défiler les nombreux prison-
niers que son audacieuse sommation mit entre le» mains du prince Eugène.
Ce trait, rapporté dans le quatonième bultetin de te grande armée (cam-
pagne de t809 ), est de la plus exacte vérité.
U cohnie» Matltieu a conservé te reçu du général d'araHcrte SorMer pour
GUSBBE D^ALLEMAGIIE. 301
37 »000 piiflooniers, douze drapeaux, cent quatre-vingt-dix-huit i%o^,
bouches à feu [dont cent dix-neuf de position et soixante-dix- ^styite!
neuf de campagne), quarante-cinq mille ftisiis, des magasins
considérables de munitions et de vivres , tels étaient les trophées
que le prince Eugène présentait à Tempereur Napoléon en
venant contribuer, avec ses vaillantes troupes , aux derniers
succès de la grande armée,
Im arniM et eanoiiSy doot la loi ordonnait le paiement à présentation d*acte
de dép^ paiement qtt*l! refusa, ne roulant point qu*DBe somme d'argent
IM le prii de sa belle conduite.
1
CHAPITRE IV.
SUITE DB lUnnCE 1809.
Suite dtt opérations de la grande armée; bataille de Gross-Eioersdorf ;
iMtaUh) de Wegmni; anniatioe de Zoain; paii de Vieniie. — tevwkw
du major Sehill, ftartisaA ^maelca, deas le nord de rAllenagne. --0i.
Torsion des Anglais en faTeor de rAutrichei expéditions do génécal Stnail
sur les côtes de Naples, et do général lord Ctiatam à reniboudiore de
l'£scaat.
fW9. Depuis la bataille d'EssIing, les deux grandes années fran-
çaise et autrichienne étaient restées, sinon inactives, da moins
sans rien entreprendre de bien offensif Tune contre Tantr^
L'armée de Tarchiduc Charles, considérablement augmentée
par de nombreuses levées faites en Hongrie , en Moravie et en
Bohème, comptait dans ses rangs, sur la rive gauche du Danube,
1 30 à 1 40,000 hommes, avec plus de cinq cents pièces d'artillerie.
Toutefois, cette masse de combattants et ee matériel immense ne
rendaient point encore au généralissime autrichien la confiance
que lui avaient fait perdre les batailles de Tann , d^Abensberg
et d*Eckmûhl , et que n'avait pas ranimée la Journée douteuse
d'EssIing. Le génie militaire de Tarchiduc ne le portait point
aux entreprises hardies et d'éclat, et, bien que doué de talents
supérieurs, ce prince faisait voir alors que son caractère métho-
dique le rendait plus propre à la guerre défensive qu'à celle
d'agression^ en gardant aussi longtemps la position centrale
qu'il avait cru devoir prendre pour couvrir à la fois la Bohème,
la Moravie et la haute Hongrie.
Il parait cependant que, dans les conseils de ce prince, il fut
d'abord question de passer le Danube dans les environs de Tuln ,
mais qu'ensuite on jugea préférable de concentrer le plus de
troupes possible sur le point principal des opérations. En con-
séquence le général Schustekh reçut l'ordre d'y envoyer quatre
bataillons et le comte Kollowrath d'y marcher avec la majeure
partie de son corps. Ce dernier arriva dans la plaine du Mareh-
202
GU£BBK B'àLLBHAGIIK. SOt
Md te • Juki. Oo ooi6ptoit mxèsA tur un reaftrt coBsidéittte
mntmé par Tanshidde Jom, gni avait reça Voritfi d'occiqier Vile
da Sdittt et Pretbaiirg. Mais cetei-d avait épitm vé de ai grandaa
pertes da» sa retraite d'Italie que son armée» y compris la d^.
Ylsion de Dalnnatie, les restes de la divl8i<m Jdlachich et la
landwelir) mm cooiptait plus qa'envlnm I6,doo owibattants*
Pttts de 14,000 hommes de cette année» aax ordres da camta
Igoaee Gialay^ eetniQVaient sur les ftimttères de Croatie; le
leste, eomraanâé par le prince en persomie, était le 1^ Jiiia à
KOrmend. Cebil*43l, oeoapé d'autres entreprises, au Ueu fexé-*
euser sor^le^hamp l'oidni qu'U recevait, livra la bataille de
Baais qui fut désastreuse, et n'arriva que le 2S Juin à Preslioarg
avee IMOO hommes.
Ces événements contrarièrent protiabiement les projeta d*of-
thoiUve de Tarchlduc Charles , qui dès lors parut se résigner A la
défensive. G«uss*Aspem et Essling furent mis en état de dé^
fease; rentrée d'Enxersdorf (ut eouverte par quelques flèchea,
et tes trois points ftirent reliés par des ouvrages de campagne
PU avant desiipieis on éleva des redoutes. Au sud d*Euzersdarf ,
dans la direction de Probstdorf, au delà da M Wleuten, on éta-
blit également quelques ouvrages.
Dans la nuit du 33 au 34 l'empereur avait fixé son quartier
généftti à Kaiser-Ebersdorf, oà il fit ses dispositions pour re~
prendre ToCfensive et mettre , en attendant, son armée à t'abri
de toute sarprise. A partir du 34 mai, les ponts étant rétablis,
les troupes commencèrent à passer sur la rive droite et prirent
de nouvelles positions. Les Wortembergeois s'avancèrent de
LSaU à MOlk, Saiat-POltea et Maotem ;.les deux divisions du
prince royal de Bavière et du comte de Wrede, qui étaient à
Salzburg, remplacèrent à Lintz lecorpsdu asaréchal Bernadette^
c|Oi paittt le a 1 et se porta par SalntrPdlten à Sieghardakirchen.
fom umpédierles Autrichiens de déboucher de Presboncg,
ranpereur ordonna au maréchal DavouA de s*établhr à Halm-
burg «vue la division Gudin , la brigade hcssolse et la cavalerie
légèsa des généraux Lasalle et Mamiaz. Le s Juin le général
Petit , avec le 1 3"^ de ligne et les Hessois ^ enleva le viilage4'£n-
ffonm, où 11 ât 400 prisonniers; mais ce général ayant voulu
franoMr le bras du Iliauube qui couvrait les ouvrages de Ten*
M4 .' LlT&t iIXtàH.
nmAf sa tentative échoua et laf coûta te vie. Le iliaréchkil fif
élever des iMtteries âaas Eageran pour loterdire le dâwaelié
da pont* Le géoéral Montbnin se porta ayeesa division à Bruck*
sur te Lettha; le général Lauriston et le général Golbert forent
dirigés sûr Wienerlsch-Neostadt an-devant du vice-roi, qui ar-
riva dans cette ville le .4. Les trois divisions de cuirassiers ean»
tonnèreift entre Fischaniont et Bruck. Oudinot s'établit soiui
Vienne , et te garde entre Vienne et Ebersdorf . Le maréchal
Masséna, avec le 4^ corps, resta dans Tlle de Loban. Le général
Maodonaldétaità GrAtZ) où il avait rordre d'attendre le corptf
du général Marmont, qui venait seulement d'atteindre Laybach.
De nombreux renforts arrivant journellement de rintérieur»
et un cartel d'échange ayant procuré la rentrée des prisonnien
de guerre, la force de l'armée de Tcmpereur, y compris celle
d'Italie, était de 130^000 hommes d'infanterie et 29,000 d^
cavalerie, sans compter les 1 1,000 hommes du oorp9 de Mar>
mont, qui allaient la porter 170,000 combattants. Elle devait
se composer ainsi qu'il suit , après l'arrivée du 9* corps, du corps
de Dalmatie et de la division bavaroise du comte de Wrede :
• Garde impériale : divisions d'infanterie, Gurfal et Dorsenne ;
division de cavalerie, Walther : 11,000 hommes.
' 3* corps. Générai Oudinot : divisions Tharreau, Glaparède ^
Grandjean; brigade portugaise; divistonde cavalerie légère,
Colbert : 23,000 hommes.
. 3' corps. Maréchal Davoust : divisions Horand , Priant ,
Gudin, Pothod; division de cavalerie légère, Montbnm :
86,000 hommes.
4* corps. Maréchal Masséna : divisions Legrand, Carra
Saint-Cyr, Molitor, Boudet; division de cavalerie légère, La-
salle : 24,000 hommes.
9* corps. Maréchal Bemadotte : divisions Zeschvitz , Polenta,
Dupas; division de cavalerie, Gutschmidt : 20,000 hommes.
' 1 1® corps.Général MarmontrdivisionsMontrichard, Qausel^;
3* et 24* régiments de chasseurs à cheval : 1 i ,000 hommes.
' Division bavaioise. Comte de Wrede : neuf bataillons» boit
escadrons^ : e^ooo hommes.
Armée d'Italie. Prince Eugène : garde italienne; divisions
Brous^r, Lamarque. Seras,. Dunitte, Paethod; diVislMis de
21,693,
dont 801
26,951
517
16,696
667
18,187
792
9,154
798
13,740
1,275
dragons, Gro<idiy ^ Pally ; cavalerie légère ^ division Sebuc. Le ^^
tout divisé en deux corps so«s les généraux M aedoêald et Gre^ ^^^^^s"^'
nier : 33,000 hommes.
Réserve de cavalerie. Blaréchal Bessières : divisions de coi-*
rassiers, Nansonty, Saint-Solpiee, Arriglii : 7|000 hommes.
L'armée antrichienne , divisée en six corps d*armée, était
forte de 137,632 hommes, dont 15,432 de cavalerie, avfc •
quatre cent cinquante-deux pièces d'artillerie de tons calibres^
Elle se composait comme il suit :
Avant -garde, fdd-maréclial UeHlenant Nordmànn : 14,365 liommes,
dont 2,528 de eavilerie.
Corpi. Bommec. Cafalerte.
i^ Géntel de cavalerie, comte de Bèllegarde,
2* F. M. L., priAoedeHolienzolieni,
3* Générai d'artillerie, comte KoUovfTatb ,
4* F. M. L.,priiicede Rosenberg,
5* Général d'artillerie , prince de Reuaa,
6* F. M. L., comte Klenaa ,
Bëserve. Général de cavalerie, prince de Uechtensiein, 17,936 8,054
Pendant tout le mois de juin cette armée occupa les empla-^
céments suivants : le prince de Beuss entre Koroeuburg et Flo-
Yisdorf, pour observer le Danube; Klenau , qui avait remplacé
Biller dans le commandement du 6* corps , entre Gross-Aspem
et Gross^Ensersdorf ; Nordmànn entre cette ville et Orth ; plus
en arrière, la cavalerie de réserve à Breitenlee, Sûsseiibninn,
Baschdorf et Aderkiaa; les grenadiers entre Gerasdorf et Sftu--
ring; le corps de Kollowrath à Hagenbrunn; ceux du comte de
Beliegarde, et des princes de Hohenzollern et de Bosenberg,
entre Deutsch- Wagram et Markgrafen-Neusiedel.
L'empereur ne se dissimulait pas la difficulté de transporter
une seconde fols son armée au delà d'un fleuve d'une largeur de
cinq cents toises, d'un cours profond et rapide, couvert d'une
armée de force égale à la sienne. Il fallait d'abord assurer ta-
oomraonlcatioir'avec la rive droite, séparée de l'Ile par le bras
principal, établir des communications sûres et faciles entre
toutes les parties de cette Ile, et déterminer les points où se-
raient élevés des retranchements ou des batteries pour battre
celles de la rive gauche et s'assurer un passage dans les Iles
1
%Ù9 . LIVSB SUtlÉKB.
a^jacentas. Le génénl d^artillc rk Fondier et le général dv
génie Rognial fuient diargésde cestraTaax, et le général d'artil-
lerie Lariboissière, ainsi que le général du génie Bertrand, 8*06*
eupèrent de la oonstmctîon dès ponts. Pour les distinguer entre
elles, on donna aux principales lies voisines de celle de Lobau
les noms de plusieurs généraux. Ainsi l'Ile située vis-à-vis d*As-
pem prit le nom de Masséna ; à partir de celle-ci et en deseeiH
dant le cours du fleuve Jusqu'à hauteur de Hùhlleuten , let
neuf plus grandes s'appelèrent : de Saint-Hilalre, Besslères^
Petit, des Moulins, d'Espagne, Pouzet, Lannes, Alexandre
et Hanselgrund. Ces lies sont séparées entre elles par des ca-
naux de 5 à 10 toises. Des batteries furent établies dans cha-
cune d'elles (excepté Tile des Moulins» occupée par Tennemi)
pour balayer la plaine d'Essling , pour battre Enzersdorf et pour
protéger les ponts. Le grand pont d*Ebersdorf, qui avait été
rompu quatre fois , fut mis, au moyen d'estacades , à l'abri des
atteintes des corps flottants que Pennemi envoyait de Kloster-
neuburg , de Nussdorf et de Jedlersdor f am Spitz. A vingt tolsea
au-dessus de celui-ci on en construisit un autre sur pilotis. Du 1 3
au 15 Juin , quatre autres ponts mirent l'Ile de Lobau en com-
munication avec les lies Saint-Hilaire, Masséna et d'Espagne.
En moins de six semaines File de Lobau avait été convertie en
une vaste place d'armes, avec un arsenal, des chantiers, des
ateliers de toute espèce, une boulangerie, des magasins et un
hôpital. Une grande et belle chaussée traversa l'Ile dans toute
sa longueur. Les points les plus importants du périmètre de cette
grande enceinte furent fortiflés et armés, en grande partie,
avec les pièces de position tirées de l'arsenal de Vienne. Lee
pièces de campagne trouvées dans le même établissement furent
données à Tinfanterie à raison de deux pièces de a ou de 4
par régiment. Une flottille, montée par un bataillon de maie*
lots et un bataillon d'ouvriers de la marine, commandée par
le capitaine de vaisseau Baste, rendit de grands services dana
l'exécution des travaux entrepris pour assurer à l'armée un
passage prompt et facile sur la rive gauche.
Pendant que l'empereur prenait toutes ces dispositions dans
nie de Lobau et aux environs, le prince Eugène battait l'ar-
chiduc Jean à Raab et le repoussait jusqu'à Comom; le mare-
fhfil DaYoml, denenâaiit fc Damibe et empèehuit les Aitrf- im.
Mens de débooeher de lear tète^de poat, av«tt bombardé Près- ^"'""^^
bourg du 36 au 29» et empècbé ainsi Tannée autridilenue d*(-
falle d'opérer sa Jonction avee celle du généralissime. Marmont
airlvait suivi de la division Broassier. Le maréchal Bernadotte
marchait sur Vienne à la tête de 13,000 Saxons , et le roaré*
ebal Ldfebvre recevait Tordre de faire partir sur-le-champ la
division bavaroise du comte de Wrede.
' Comme Ton n'avait plus de diversion à craindre sur la rive
droite et que tous les travaux y avaient acquis une solidité suf-
fisante pour le passage de Tarmée dans Tlle de Lobau , Tempe-
reur s'occupa du rétablissement de Tanden pont sur le dernier
bras du Danube , en &oe des retranchements de l*archlduc , afin
de détourner l'attentioii de l'ennemi sur le véritable point de
passage» qui se trouvait en face d'Enzersdorf. Cette opération M
confiée au maréchal Masséna. Le 80, à 4 heures du soir, le ^é-
béral Ledru» de là ^vision Legrand , passe sur la rive gauche
avec sa brigade portée sur des barques , sous la protection d'un
grand feu d'artillerie, et par sa bonne contenance donne le temps
aux pontonniers de rétablir le pont sur Tanden emplacement.
Le 2 juillet, 600 voltigeurs, commandés par un aide de
camp du maréchal Masséna, passèrent dans Tile des Moulins,
sur des barques, enlevèrent une centaine d'Autrichiens qui
Toceupaient , malgré un feu violent de moosqueterie et d'artil-
lerie partant de la rive gauche, et s'y établirent. En moins
de quatre heures de travail un pont de bateaux de soixante-
quinze toises de longueur Joignit cette tle à celle de Lobau. On
y établit sur-le-champ un retranchement relié par un pont
de radeaux A une Iflèche élevée sur la rive gauche. Le 3, Tem«
pereur, qui était resté Jusqu'alors à Kaiser-Ebersdorf , transféra
son quartier général dans Tile de Lobau. L'armée se réunit,
pendant la Journée du 4 , tant dans Tlle qu'aux environs d'Ë*
bersdorf. A dix heures et demie du soir, le général Oudinot
fit emtiarquer sur le grand bras du Danube 1 ,500 hommes com-
mandés par le général Gonroux, protégés par le feu de six pièces
de Tlle de Lobau et par l'escadrille du capitaine de vaisseau
Basic, composée de huit barques canonnièresetde deuxchaloupes
armées. A onze lieures Conroux aborde Tlle de Hanselgrunà,
208- UVSB. SllliMX.
im. où il est bientôt soivi par le reste de la divisioà TharreaO. Ua>
Aiietiiagoe, ^^upes qul occupaient nie sont bicatôt eollHitées avec perte
de trois pièces de canou et do nombreux prisonniers. La divi-
sion franchit ensuite sur des ponts de chevalets le canal qui
sépare l*ile de la rive gauche , et repoussa les postes autriehiens
jusqu'au village de Mûhlleuten.
A onze heures du soir, une terrible canonnade s'engagea sur
une partie du front des. retranchements de la rive gauche. Le
feu des batteries françaises était particulièrement dirigé sur
Enzersdorf, où s'appuyait , ainsi que nous l'avons déjà dit» la
gauche des retranchements ennemis.
Les obus ne tardèrent point à mettre le feu aux maisons de
oette petite ville; rartillerie ennemie rendait avec la plus
grande vigueur à celle des ouvrages français. Le ciel avait été
couvert une partie de la Journée , et des symptômes d'un grand
orage s'étaient déjà manifestés avant la nuit ; dans le moment
dont nous parlons, cet orage avait éclaté avec une violence
extraordinaire. Tous les vents étaient dédialnés , la pluie tom-
bait par torrents, les coups de canon et les coups de tonnerre
se succédaient avec une telle rapidité qu'il était presque im*
possible de les distinguer ; le terrain des lies du Danube était
inondé et rendu presque impraticable.
Toutefois rien n'était capable d'arrêter les préparatlfe du
passage de l'armée française; tandis que les batteries des lies
de Montebello et d'Espagne , et une partie de celles de l'Ile de
Lobau , écrasaient Enzersdorf , le colonel Descorches-Sainte-
Groix, aide, de camp du maréchal Masséna, à la tête de
1 ,500 hommes de la division Boudet , traversait sur des barques
le petit bras du Danube et abordait la rive gauche au-dessous
de cette petite ville. Aussitôt le génie traça en cet endroit une tête
de pont de quinze cents à seize cents toises de développemoit*
Dans le même temps, le chef de bataillon d'artillerie Victor
Dessale, directeur des équipages de pont, faisait accrocher
d'ime rive à l'autre un pont de quatre-vingt-une toises de Ion-»
gueur sur plus d'une toise de largeur, tout d'une seule pièce,
et construit sur les dessins de cet officier. L'infanterie y passa
au pas de charge, et, pour ainsi dire, sous une voûte d'obus et
de boulets qui, partant des deux rives, secroisaient sur sa tète.
Gl/EffiUlZ D*AL£€MAGIilB. 209
Quelques instants après , trois autres ponts furent jetés à peu itoo.
de dMmeedu premier, déserte que, le 5 juillet, à trois heures ^"«"«R™»-
du matin, Tartnée fhineaise avait débouché par cinq ponts, la
gaudie à quinze cents toises au-dessous d*Enzersdorf , et la
droite sur l^^ftau.
Le rétablissement de l'ancien pont, dans la nuit du 30 juin
au t*"" juillet, et Toccupation de l'Ile des Moulins, dans la nuit
du 2, avaient déterminé Tarchiduc à faire occuper les re-
trandiements de la rive gauche par les troupes du général
Kienau. Les corps de Kollowrath, de Bellegarde et de Hohen-
zollem se retirèrent entre Breitenlee et Pisdorf ; celui de Ro-
soiberg à Wittau ; la cavalerie fàt concentrée à Haschdorf.
Instruit le 4, à sept heures du soir, des mouvements de l'ar-
mée française autour de Kaiser-Ebersdorf et de sa concentra-
tiott dans Hle de Lobau, l'archiduc prescrivit au prince Jean
de ne laisser qu'une faible garnison dans la tête de pont de
Presbourg et de se porter à Marchegg avec le reste de ses trou-
pes disponibles, pour tomber sur le flanc de rennemi, qui me-
nacerait l'aile gauche de Tarmée principale. En même temps
des pièces de gros calibre furent mises en batterie dans les re-
tranchements les plus rapprochés de Pile de Lobau, pour in- .
quiéter les masses de troupes qui s'y rassemblaient ; mais l'ar-
chiduc Jean mit tant de lenteiïr dans Texécution des ordres de
son frère que celui-ci dut renoncer à l'espoir d'opérer une puis-
sante diversion sur les derrières de l'armée française.
Cependant cette armée continuait à défiler sur les ponts à
mesure qu'ils étaient établis sous la protection du feu de toutes
les batteries de File de Lobau et des lies voisines. La division
Legrand, qui avait franchi l'ancien pont, se porta au point du
jour surEsslinger-Hof. Les avant-postes du général Nordmann,
attaqués par les voltigeurs de la division Tharreau, qui s'empa-
rèrent de Mûhlleuten, se replièrent partie sur Presburg, partie
sur Markgafbi-Neusiedel. Ce ne fut toutefois qu'à huit heures
que la division parvint à emporter le château de Sachsengang,
où elle prit 900 hommes et une pièce de canon.
La droite de l'armée française, formée par le corps du maré-
chal Davoust et les divisions de cavalerie Grouchy, Pully et
Monthrun, s'étendait jusqu'à Wittau; la gauche, formée par
I. 44
1
210 f.lVBB SIXIÈME.
fR09. le corps du maréchal Masséna eUes divlBioBS de cavalerie 1er
AiieiTuiçne. g^p^ j^^ géaéra«ix Lasaileet Mar^Maz, s'étendait |a3qa*att Da*
nube ; le génécal Oudiaot ocoupait le centre, ie r^te de Tar-
mée continuait sans interruption de passer sur la rive gauche.
Après le passage de l'armée d'Italie, du d^corps et de la réserve^
il ne resta plus $ur4a rive droite quedeuii bataillons du 3^ corps»
deux du 4*^ et deux du 9**, pour la garde 4e la tête de pont et
de nie de Lobau. Tous les corps de rarmée étaient formés en
masses par bataillons, rartillerie de pétition en tête et l'artille-
rie régimentaire entre les bataillona.
A la sortie de Ftle de Loban s'étend la vaste plaine du Uwfhr
feld, longue de dix lieues sur quatre à cinq de largeur, couverte
de grands et riches villages. Elle est bornée au sud par le dernier
brasdu Danube, au nord par le Russhacb, ruisseau bourbeux qni
vient du Mannhartsbei^ , se Jette dans le Danube vis-4-vis de
Deutsch-Altenburg, et qui est encaissé sur sa rive gauche parune
chaîne de collines ; à Festpar la Marché ei à Tonest par la hauteur
du Bisamberg» dont les derniers mamelons unissent àTembraii*
chement des roules de Brïinn et de Znaim. Au bord ^u Danube
s'élèvent les villages d^à «ités de Gross-Enzersdorf, d'EssIing ,
d'Aspem; sur le Bussbach, «eux de Markgrafen-Neusîedel ,
de Baumersdorfy et le bourg de Deatsch-Vi^agraro. La route
de PresbourgÀ Vienne passe «u milieu de la plaine à travers
Baschdorf y Breilenlee et Leopoidau, où elle se joint au chemin
de Deutsch-Wagram. Entre Leopoldau et Wagram se trpuvent
Sûssenbrunn et Aderkiaa; enfin, au pied du Bisamberg est
bâti Stammersdorf.
Eu attendant que l'empereur ait développé son plan de ba-
taille , l'archiduc se borna à diriger sur Rutzendorf une divi-
sion composée de vingt-deux escadrons de la réserve de cavalerie
au soutien du générai Nordmann; le reste de cette cavalerie lut
réuni, en grande partie, à Rascbdorf. A cinq heures et dénia du
matin, une lettre avait été adressée à l'archiduc Jean pour l'ins-
truire de ce qui se passait dans le Marchfeld^ lui prescrire de se
mettre en marche après une halte de trois heures à Marchegg^
et de se porter par ^chônfeld pour rejoindw le gros de l'armée
à Unter-Siebenhrunn.
Vers neuf heures , rarchid«c , s'aperœvant qu'Enaoersdorf
GÙEBBB D'ALLElfAO:fE. 911
^talt ibrtaiiait metiaeé par Its troupes du 4' corps, «tiToya une i^gg
eoloiiBe au secours de ee poste* Tandis que le général Mamlaa Ai>ana8n«*
coBtenaît cette colotine avec sa cavalerie, le maréchal Masséna
fit attaquer Enzersdorf par le 46** de ligne conduit par son aide
de camp, le colonel SiJnte-Croix. Un i)ataillon du régiment de
Bellegarde, qui défendait cette petite ville, fut repoussé Jusqu^au
diAtean. Là, sommé de se rendre, il déposa les armes pour
éviter d'être enlevé d*assaut. Cette troupe 8*élevait à 400
hommes.
De midi à une heure Tarmée française se déploya en éven* -
tay dans Tordre suivant : Davoust vers KûmmerleinadcMf , Ou-
dlnot à sa gauche , Masséna dans la direction de Breltenlee ;
dans rintervalle laissé par ces deux derniers , les troupes du
viee-roi, et plus tard le corps de Bemadotte. La garde, Mar
mont et la cavalerie de réserve suivaient à quelque distance,
en arrière du eentre.
Oudlnot fut arrêté longtempspar le général Nordmann, qui
défendit la position de Rntzendorf dans htquelle il s*était retiré
après avoir été chassé de Mùhlleiiten par les voltigeurs do gé-
néral Tharreau ; mais, menacé sur ses deux flancs par Davoust
et la division Dupas, do 9* corps , il fut fbrcé de continuer sa
retraite Jusqu'à Markgralen-Neusiedel. La cavalerie du prince,
de Liechtenstein, qui avait essayé vainement de le sopteoir, se
retira également dans cette direction et alla se placer à la gau-
che de Famée. Le prince de Ponte-Corvo trouva à Rascbdorf
un détachement ennemi composé de troupes de toutes armes,
qui, après quelque résistance , fut repoussé de ce village par
le 6' léger, de la division Dupas, et plus tard d'AderkIaa. Le
génécal Klenau^ pris en flanc par le doc de klvoK, se hâta
d'évacuer les retranchements entre Gross-Aspem et Essiing,
et d'en enlever Tarflllerie. Successivement repoussé de Hirseh-
atett et de Kagaran, il se retira à Stammersdorf^ où il ne parvint
qn'à l'entrée de la nnit
Les entonnes françaises, n'arrivèrent qu'après six heures du
soir en fhee de l'armée autrichienne. Le corps du maréchal Da«
vMsty avec les divisions de dragons Grouchy et Pully, se trou-
vait entre Grosshofen et GUnzendorf ; le corps du général Ou--:
dinot, avec lea neuf baMUms de lu divislen Dupas, en faee
14.
212 . LIVBB SIXIBMV.
.4800. àt BauimersdoFf , et à sa gauche trente-hnît bataillons et yfngt
Aïkncasoe. esqadrpDS de Tarroée dltalie ; le corps saxon du prince de Ponte-
Corvo en avant d'AderlLlaa; celui du duc de Rivoli entre Breî-
^eniee et Hirschstett ; la garde, les cuirassiers en avant de Rasch>
dorf, . •
Le corps du prince de Roseçberg occupait les hauteurs qui
tordent la rive gauche du Russbach , en arrière de Markgra-
fcn-Neusiedel; Tavant^garde du général Nordmann se trou-
vait en avant de ce village. Les corps du prince de Hohenzol-
lem et du comte de Bell^arde élaient à di'oite du prince de
Rosenberg, le dernier s*étendant jusqu'à Deutsch-Wagram, qui
était occupé , ainsi que Baumersdorf et Markgrafen-Neusiedel.
A rapproche de Tarmée française, un combat de tirailleurs
commença entre ces deux villages. Le prince de Liechtenstein
avait réuni sa réserve de cavalerie À droite de Wagram et établi
les grenadiers du général d*Aspre en avant de SAuring. Le
corps de Koliowrath campait en arrière de Hagenbrunn, et ce-
lui de KlenaUy qui continuait son mouvement rétrograde, n'ar-
riva que plus tard à hauteur de Stammersdorf. Les troupes du
prince de Reuss , dispersées sur le Bisamberg et chargées d'ob-
server le Danube , ne prûrent aucune part à la bataille.
L'empereur comprit, au premier coup d'œil , qu'en perçant
la ligne ennemie entre Wagram et Markgrafen-Neusiedel il ob-
tiendrait un avantage décisif sur son adversaire. Le moment
était d'autant plus favorable qu'un tiers de l'armée autrichienne
était trop éloigné pour prendre part au combat. En conséquence,
il ordonna à sept heures du soir un attaque générale contre la
ligne ennemie par toutes les troupes françaises réunies sur ce
point; 90,000 hommes d'infanterie et environ 7,000 hommes de
cavalerie se trouvaient alors sous sa main , sans compter la ré-
serve établie en avant de Raschdorf. Le prince de Ponte-Gôrvo
_eut l'ordre d'attaquer Wagram; le général Oudinot fut chargé
de Tattaque de la position au-dessus de Baumersdorf; le prince
Eugène, de celle qui était en face et au-dessous de ce village,
et le maréchal Davoust, de l'attaque de Markgrafen-Neusiedel.
Mais ces quatre attaques se firent sans ensemble et sans di-
rection supérieure; chacun agit pour son compte. Oudinot aborda
la position au-dessus de Baumersdorf avec la division Frère,
GtJIBBE D*ALLE1CAG1IB. 21^-
suivie des divisions Grandjeao et Tharreau, (jui se portaient snr imo.
raile gaoche da »* corps antrichlen. Sa colonne franchit le a^***"^"-
Rttssl>ach et gravit la hautear ; mais, vivement repoussée par
le comte de Bellegarde , elle se retirait en ordre , lorsque le
prince^ de Hohenzollem , à la tète de six escadrons , la rejeta
au delà du RusslMch. Presque en même temps les divisions
Dopas et Laroarque, soutenues par vingt-trois bataillons des
divisions Seras et Durutte et seize escadrons du général Sahue,
atteignirent le plateau à Fouestde Bàumersdorf, en face de l'in-
tervalle qui séparait les 1*^' et 3^ corps autrichiens. Déployées
rapidement, ces deux divisions commencèrent, à courte distance,
un violent feu de mousqueterie, suivi immédiatement d'une
attaque à la baïonnette , au moment où les troupes de Seras et
de Durutte arrivaient. Quelques bataillons de l'aile droite de
Hobenzollern et sept i>ataillons de Taile gauche de Bellegarde»
repoussés de la première ligne, tombèrent sur la seconde quils
entraînèrent , et les vainqueurs, continuant d*avancer, parvin-
rent jusqu^au delà du camp ennemi. L*archiduc reconnaissant
le danger accourut sur le point menacé et s'efforça de rallier
les fuyards. Sa présence n*e<kt peut-être pas suffi pour réta-
blir Tordre dans cet instant de crise si le général Sahuc fbt
arrivé à temps avec sa cavalerie ; mais les hauteurs peu consi-
dérables qui formaient la position étaient tellement escarpées
que cette arme et Tartillerie ne pquvaient les gravir qu*avec len-
teur. Le régiment d*Erbach , form^en masses par divi^ions^
s'avança alors de la 2* ligne , rallia les bataillons qui venaient
d^étre culbutés, et, appuyées par les six escadrons du prince
de Hohenzollem, ces troupes attaquèrent rinf^nterie victo-
rieuse , qui, prise en flanc par la cavalerie autrichienne, fut cul-
butée sur le Russbach , oti elle eût été détruite en partie sans
Tarrivée de la division Sahuc, qui arrêta la cavalerie ennemie
et protégea la retraite jusque sur la rive droite du ruisseau. Le
colonel Huin, du 1 S* de ligne, fiit tué dans cette affaire, et les
générifux Grenier, Seras et Vignoles furent blessés.
L'attaque dirigée sur Markgrafen-Neusiedel par le maréchal
Davoust ne réussit pas plus que celle du général Oudinot sur
Baumersdorf. Le prince de Rosenberg repoussa d'abord les
divisions Morand et Priant , et ensuite les divisions Gudin et
1
314 UVBB BlXlftlU.
i$oa. Puthod, qui avaient travené le Russbaeh» et qiii, à la mitt loin*
AiiemagM. j^^^^^ bivoaaqoèrent sur la rive droite en ftîee de Neaeied^l. .
Ce ne fut que vers neuf heores que le prlnee de P<M)le-Gorvo
fit attaquer Wagram par onze bataillona saxons ; c*est^-dire
ail moment où le combat avait cessé sur tous les autres points
du champ de bataille « et où , même en cas de succès, ce nia^
réchal ne pouvait compter sur lua résultat avantageux. La oo-
lonne saxonne était disposée en édbueloos par régiments.. Les
deux premiers échelons, eondoits par le général Zeschau, de
ha diwion Polenti, pénétrèrent dans le village malgré un feu
violent de mitraille, mais ne purent arriver jusqu'à la grande
place, qu'une réserve autrichienne occupait avec quelques pièces
de canon. Assaillis par une vive fosiliade qui partait des mai-
sons, le désordre se mit dans les rangs saxons et fut bientôt
aoraru par rarrivée do troisième échelon qui, à rentrée sud du
village, commença son feu, et fit croire aux deux autres quHls
étaient pris à dos par Teimemi ; les troupes du comte de Belle^
garde, profitant de cette circonstance, expulsèrent le^ Saxons
de Wagram. A dix heures, ce village, déjà en flammes, fut
évacué, et une retraite confuse ramena les troupes dn 9*^ corps
Jusqu'à Aderklaa. Le prince de Ponte-Corvo, éloigné du théâtre
du combat qu'il n'avait pu diriger, connaissait si peu l'état des
choses qu*à la même heure il envoyait à Deutsch-Wagram
une reconnaissance de cavalerie pour s'informer si ce village
était an pouvoir des Saxons ou entre les mains de Tennenii*
Les troupes françaises , repoussées dans toutes leurs attaques
sur la position centrale de l'ennemi, bivouaquèrent : le 3^ corps
en face de Markgrafen-Neusiedel, à hauteur de Glinsendoif ,
ayant les divisions Morand et Priant en première ligne, Gudin
et Puthod en secondé, et la cavalerie à droite; l'armée dltsiie
derrière le Bussbach, au<dessousde Baumersdorf , sur deux lignes,
la premièreà une demi-portée de canon de rennemi ; le 1 1* corps
entre cette armée et le 3^ ; le 2^ corps entre Baumersdorf et Wa-^
gram ; le 9^ en arrière d' Aderklaa ; le 4' à Breitenlee ; la garde
impériale et les Bavarois du comte de Wrede, qui marchaient
avec elle, ainsi que le quartier général, entre Grosshofen et
Baschdorf ; la réserve de cavalerie en arrière du quartier iBi«
périal.
GUBBBC b^ALLSIlAGNE. 2l5
Do oôlé de l'eniienii le eorps de Klenao campait sur les hau- tiK^^.
d« Staimneradorf, appuyant sa galichê 'à 6ehi8dorf; la ^*'**"*8n«.
féeenre de cavalerie entre ce dernier poînt et Wâgram .Xes corps
de Bellègarde , de Hobenzollern et de Bosenbèrg s'éttendaient
de Wagram à Markgrafen-Neusiedel , derrière le Itnssbach ;
les grenadiers da générai d'Aspre étaient à Sânring; le corps
de Kollovrath était h Bagentnrunn, et celui du prince de Reuss
dans sa position du Bisamberg, pour observer le bàmibe depofs
lediersdorf am Spitz jnsqn^à KreroS ' •
Les éténements de ce jour avalent donné à rarchidac Tes-
poir de remporter Té lendemain une victoire signalée, si, en réu-
nissant toutes ses forces disponibles , il parvenait à enlever 1*1-
nitiative à son adversaire. D'après les ordres ddniiés a minuit,
de Deutscb-Wagram , il était prescrit : au général Klenau,
de se porter immédiatement à la rive gauche du Danube et de
se lifr étroitement au comte Kollowrath, qui avait i*ordre de
marcher dans la direction de Breitenlee après avoir laissé une
brigade sur les hauteurs deStammersdorf ; au général d^Aspre,
de se lier étroitement à la gauche du 3*^ corps et de prendre avec
ses grenadiers la direction de Sûssenbrunn ; au prince dcLiech-
tenstein, de se tenir, avec la cavalerie de réserve, A hauteur
du général d*Aspre et du comte de Bellègarde, qui devait atta-
quer Aderkiaa à quatre heures; au prince de Hoheuzollern , de
défendre la position en arrière du Russbach' et de passer ce
ruisseau pour se lier au l^ corps si celui-cf gagnait du terrain^
enfin, au prince de Rosenberg, de se porter, pendant Tatta-
que d'AderkIaa, contre Taile droite de Tarmée française, tan-
dis que l'archiduc Jean l'attaquerait à dos. Le mouvement de
Kollowrath devait commencer à une heure du matin , et celui
des grenadiers deux heures plus tard. En conséquence de ces-
dispositions , Tarchiduc Jean reçut à cinq heures du matin Tor-
dre de ne pas s'arrêter a Marchegg, et de marcher sans retard
à Loibersdorf par Unter-Siebenbrunn ; en même temps deux
bataillons du corps de Roseni)erg furent dirigés sur Marchegg
■ La jouriK'e que nom venons de décrire a reçu, di|B& quelques rela-
tions, le nom de àaiaille tFEnsersdorf; mais les engagements du & juiiiet
n'étaient réellement que le prélude de la grande bataille qui fat livrée le
lendemain.
1
216 UVAB SIXlBHt.
1800. et Schlossdorf. Ainsi le projet de l'archidac Charles était d*atta-
AUemagne. ^^ simuitaoémcnt les ailes de l*année française» dlnteroepter
ses communications avec les ponts, et de pousser sur cette ar-
mée son centre à mesure que ses ailes feraient des progrès. On
va voir comment ces combinaisons écliouèrent devant les dispos
sitions prises par Tempereur.
BiUaille de Wagram. — Napoléon avait employé une partie
de la nuit à rassembler nue forte masse en face du centre de
la ligne ennemie, à une portée de canon du village de Wagram.
Lo maréclial Masséoa devait marcher sur AderlLlaa à l*aube du
Jour, en laissant sur Gross-Aspem la division du générai Boudet
pour protéger les ponts, avec ordre de se replier, au besoin, sur
nie de Lobau; le maréchal Davoust dut dépasser le village de
Grosshofen pour se rapprocher du centre français. D*après les
mouvements de la veille » Tarcbiduc avait au contraire dégarni
son centre pour renforcer ses ailes» auxquelles 11 donnait en-
core une plus grande étendue. La droite de la ligue ^nemie»
sur le front de laquelle on avait commencé à élever de nouvel-
les redoutes, appuyée au Danube, s*étendait de Stadelau à
Gerasdorf, le centre à Wagram , et la gauche depuis ce dernier
village jusqu^à celui de Markgrafen-Neusiedel.
A la pointe du jour Tarmée française prit les armes et se
rangea en bataille ; le prince de Ponte-Gorvo et le maréchal
Masséna tenant la gauche ; le prince Eugène au centre, avec les
troupes de Tarmée d*ltalle» renforcées de la division Broussier^
qui arrivait à Tinstant de Ttle de Lobau ; le corps de Dalmatie ,
commandé par le général Marmont; celui du général Oudinot;
derrière ces corps» la garde impériale et les divisions de grosse
cavalerie, disposées sur plusieurs lignes ; enfin le corps du ma-
réchal Davoust formait la droite.
Le terrain sur lequel les deux armées se trouvaient en pré-
sence avait deux lieues d'étendue. Les troupes les plus rappro-
chées du Danube n'étaient qu^à douze cents toises de la ville
de Vienne , de sorte que la nombreuse population de cette ca-
pitale, couvrant les tours, les clochers, les toits des maisons
les plus élevées » et dominant ainsi toute la plaine d'Enzersdorf,
allait assister au spectacle imposant et terrible qui se prépa-
rait, et juger par ses propres yeux si les défenseurs de la monar-
T^me to J'tu^ Mt^
GUEBIB D ALLEMAGNE. 217
chte antrieUemie étaient dignes de la cause confiée à leor valeur, isos.
La canonnade s'engagea sar les deux lignes an lever du ^^'^°'*s^*
soleil. A quatre heures, la gauche de Tarmée autrichienne»
sous les ordres du prince de Rosenberg, déboucha de Markgra-
fen-Neusiedel , pendant que la droite « composée des corps des
généraux Belle^irde, Kollowrath, Liechstenstein et Klenau»
commençait son mouvement sur Aderkiaa, Breitenlee et Sùsseu-
bronn, pour déborder la gauche de l'armée française, et que le
prince de Hohenzollern, dont le corps formait seul le centre
ennehil, restait dans .sa position à Wagram. LUnfanterie de
Rosenberg, (brmée sur deux colonnes, s'avançait dans la direc-
tion de Grosshofen et de (rlinzendorf , sa gauche protégée par
une colonne de cavalerie. Le maréchal Davoust» qui commençait
alors son mouvement pour se rapprocher du centre, comme il
en avait Tordre, s'arrêta et dirigea la division Gnùm sur Loi-
bersdorf, pensant que cette attaque était combinée avec celle
d'un corps de troupes venant de Presburg pour tomber sur son
flanc droit. L'empereur le crut aussi et accourut, aux premiers
coups de canon, avec la garde, les cuirassiers de Nansouty et
ceux du général Arrighi, duc de Padoue ', qui arrêtèrent la
marche des Autrichiens. De son côté, l'arcbiduc, apprenant que
les corps de sa droite ne pouvaient entrer en ligne que plus tard,
envoya an prince de Roscnberg l'ordre de suspendre son mou*
▼ement. Ce prince, sans s'engager plus avant, s'empressa de
retourner dans sa première position , vivement ramené par les
trou{^ du S* corps, et après avoir éprouvé une perte assez con-
sidérable par le feu de rartillerie. Rassuré sur ce point, où il
n'y avait plus de danger à redouter, l'empereur renvoya la
garde à Rascbdorf et se porta à Taiie gauche avec la division
Nansouty. Il arriva à neuf heures devant Aderklaa.
Pendant que ceci se passait à l'aile droite française, le 1*^
corps autrichien , qui s'était ébranlé à l'heure prescrite, avait
trouvé Aderklaa évacué par les Saxons, qui se replièrent à l'ap-
proche de i'avant-garde du général Stutterhelm. Maître de ses
mouvements après l'occupation de ce poste, Bellegarde s'était
déployé sur deux lignes entre Aderklaa et Deutsch- Wagram.
' !« duc de Padoue avait remplacé le gt^ral d'Espagne.
1
218 Lf\ÉB 9»ltal.
IS09. Le maréchat BernadoMe» peu sÉr ëe ses ti^vpu^ s^élBil re-
AUemagiic. |j^ TotontairenaeBt à douze ceat» ptt. FM tard , ke diiviaiaiis
Mofttor et Carra Saint-Cyr, do eorpe du inaréehfal MâsaéB* ,
proloDgèrcnt At gauche datw la àtrH^km un D^iibe.
L<f8 circoiistanee& seiâblaieiil alors ètra ftirorablcs à Farmée
française ; car, ail elle enlevait Aderkiaa» efie perçait ao oeBlire
la ligne autricfaienne, qui avait pKia de den Heaes d*étoiid«e»
sans que cette ligne puisse é^re rétablie aptes la défedte du corps
isolé de Beltegarde , et une éclatante vidoite était presque cer-
taine. Il importait donc de profiter sans retard de Foccasioa
qui s'offrait ; c*est aussi ce que fit l'empereur en ordonnant
aux maréchaux Bernadette et Masaéna de reprendre AderlLlaK.
Les troupes saxonnes , encore sous rfmpresskm du combat de
fa veille, ne pouvaient être d'un gHHid seeoars; elles prirent
néanmoins part à l'attaque ; mais la principale impulsion fut
donnée par la division Carra Saint-Cyr. Le 24^ régiment d'in-
fanterie légère et le 4^ de ligne, suivis du 46*, pénètrent dans le
village, sous une grêle de mitraille, s'en emparent et rejettent
en désordre les premiers bataillons ennemis, qu'ils poursuivent
Jusqu'à leur seconde ligne. C'était le moment de mettre à pro-
fit ce premier succès en agissant promptement et avec vigueur,
si ia cavalerie française ett étéen mesure de prendre part à l'ac-
tion ; an lieu de cela on s'arrête, on tergiverse, on donne le terapa
d'arriver aux premiers' bataillons de grenadiers, flanqués par la
réserve du prince de Liechtenstein , et une vigoureuse attaque
de ces troupes d'élite arrache Aderkiaa aux régiments fradçai».
La division Carra Saint-Cyr avait perdu presque un tiers
de son effectif dans cette affaire, oii les 24^ et 4* régiments lais-
sèrent leurs aigles. Elle fét remplacée par la divialcm du géné-
ral Molitor, qui fit attaquer le village par les 2®, 16* et 67^
régiments. Ces troupes s'en emparèrent et s'y maintinrent Jus-
qu'au moment où elles reçurent Tonlre de l'évacuer pour être
employées ailleurs. La combinaison avait complètement échoué,
et l'archiduc resta maître de ce poste important, en avant du-
quel il forma sa ligne et dont il confia la défense à i'arehlduc
Louis avec deux brigades de grenadier». Les denx autres bri-
gades, établies dans la direction de Sùssenbrunn, convergèrent
à gauche pour entrer en Kgne à Breitenlee^ où le corps deKol-
ODEBBB D*1LLUIA6NË. 219
kywrtifc appuya «m aile gauche. Le comte Klenaii se porta daos im.
Itotarralle de ce village et de Grosa-Aspeni, après avoir firît ^"«^S"<^*
repousser par son avantrf;arde la divkloii Boodet, laissée sur
ce point par le maréchal Masséna, et avoir oœapé Essllng, ainsi
que les letmncbementa élevés à proximité. Le général Boudet,
attaqné par des farces supérleores, avait été refoulé sur la tête
de pont avec perte de dix pièces de canon.
D'après les dispositions prisas par l'ardildac, fl éUtt évident
qtt*il se propooait de resserrer Farmée françatoe oontre le Rnss*
baeh et de Tiaoler de ses ponts. Four atteindre ce bat il avait
disposé 7S«000 hommes sur nne ligne de plus de dooie mille pas
qui s'étendait de Wagram à Gross- Aspem , mais sans réserves,
et séparée de plnsd*one dcmi-liene des 60»000 hommes des corps
de Hohenaollem et de Rosenberg, restés derrière le Rosshacfa.
Il est inutile defiiire remarquer les Inconvénients d*an pareil or-
dre de bataille, que Tempereor fit bient6t tourner à son avantage.
Après avoir prescrit au maréchal Masséna d*Kttirer l'attention
de rextrème droite de Tennemi en faisant un à gauche et en
ss dirigeant sur Gross-Aspem, tandis que les réserves aborde-
ndent la position entre Wagram et Aderkiaa , et de reprendre
hrasqnenient roffensive lorsque le coup dédsif serait port^ con-
tre le centre de la ligne autrichleone, Tempereur retourna h
Wagram, d'où il envoya l'ordre à Maedonald de fiiire demi-tour
avec ses trois divisions et de marcher sur Sûssenbrunn y et au
viee^rst de soutenir ce mouvement avec le reste de l'armée d*I->
talle. Il fat en même temps prescrit au maréchal Davoust d^en-
lever Marfcgraflsn-Nensiedel, dont la prise devait servir de si-
gnal à l'attaqué décisive entre Wagram et Aderkhia. La garde,
qnl avait reçu l'ordre de partir de Baschdorf et de venir se pla-
cer derrière l'armée d'Italie, arriva précédée de soixante bouches
à fea de S et de t2, qni furent bientôt augmentées de vingt-
quatre autres pièces appartenant à l'armée du vice-roi.
Pour gagner du tunps et élargir le champ de bataille, le ma-
raebal Bessièrea, saos> attendre la cavalerie de la garde, s^était
porté en avant avec les cuirassiers de Nansouty , et avait atta-
qné» à phuicnm rsprises, le corps des grenadiers autrichiens;
aucune de ses charg» ne réussit ; il fut renversé sous son cheval
frappé d'un boulet, et on le crut mort ; toutefois le but de cette
l
330 LIVmB SIXIÈMS.
iflog. attaque était atteint ; et^ aussitôt qoe la grande batterie Ait 1
Allemagne. ^^ ^^^ |^ ordres du géiiéral Lanriston, la cavalerie se relira
sur les deux ailes de rinfanterie.
Pendant que rempereur faisait ses dispositions d'attaque con-
tre le centre de la ligne ennemie , le maréchal Davoust se met-
tait en mesure d*enlever la position do Russbadi, défendue par
ie prince de Rosenberg et protégée par cinquante pièces decawyn
en batterie. L'infanterie autrichienne , formée en masse par ba-
taillons, couronnait le plateau qui s*élève sur la rive gauche du
Russbach entre Wagram et-Markgrafen-Neusiedel; la cavalerie
était en majeure partie en seconde ligne; le reste occupait le
pied des hauteurs. L*infiinterie française, disposée sur deux li-
gnes à la rive droite et en face du ruisseau, occupait là gauche ,
la cavalerie, la droite, dans la direction de Loibersdoif. Gelle-d
passa sur la rive gauche dès le matin, replia quelques escadrons
ennemis postés en avant d*Ober-Siebenbronn, et occupa tout
l'espace compris entre ce village et Markgrafen-Neusiedel.
Les quatre divisions passèrent ensuite, chacune devant son
front : celles des généraux Morand et Priant à droite; celles des
généraux Gudin et Pothod, devant le front de la position. Les
ûeax premières, protégées par leur artillerie et soutenues par les
cuirassiers du duc de Padoue et les dragons du général Grouchy,
parvinrent jusqu'au pied des hauteurs, sur le flanc gauche des
ouvrages élevés en avant de la tour de Neusiedel. En arrivant,
le général Morand gravit la colline et aborde ces retranchements ;
repoussé d'abord par une vive fusillade» il revient à la chai^ie,
appuyé par une brigade de la division Priant, et s* empare des
ouvrages. Le général autrichien Veczey fut blessé mortdlement
dans cette deuxième attaque. De son c6té le général Priant»
qui avait disposé ses troupes en échelons par bataillons, ayant
à gauche l'artillerie de sa division, renforcéede sept pièces de l!r
que l'empereur venait d'envoyer au 3* corps, s'avance au pas
de charge contre les Autrichiens qui occupent la crête des Jmo-
teurs, les culbute, et, en quelques minutes, couronne ces hau»
teurs ' . Tourné ainsi sur son aile gauche, le prince de Rosenberg
y disposa en crochet sept bataillons et douze escadrons. Plus^
* Ce l)eau mouvement appartient au général Priant senl , et lui valut Isr
éloges de l'empeFenr.
GUBBBB D*ALLBMâGNB» 22f
tard le reste de la caTalerf e, qui s'était mainteno au pied du pla- ims.
teaa, se retira à la gauehe de ees troupes.
Le maréchal dirigea lui-mèrae l'attaque de firent avec les dl-
YlsIoDsGudin et Puthod, qui enlevèrent Neusiedel. Le prince de
Hobenzollera, que, Jusque-là, le général Oudinot s'était borné
à canonner vigoureusement, détacha au secoursde Rosenberg un
renfort de cinq batidllons et quatre escadrons. A ce moment les
Autrichiens occupaient encore la colline en arrière du village;
le maréchal , à la tète des deux dernières divisions, gravit Tes-
carpementet mit en désordre ces troupes, que la brigade Rey-
naud, de la division dudue de Padoue, reçut Tordre de charger ;
mais Rosenberg fit avancer deux carrés qui repoussèrent l'at-
taque des cuirassiers. Cependant les divisions Morand et Priant
s'avançaient sur les derrières.de Fennemi , tandis que les esca-
drons de Montbrun et de Grouchy faisaient replier la cavalerie
du général Wartensleben et du prince de Gobourg. Quelques
pièces établies sur la hauteur, près de la tour de Neusiedel ,
prolongeant dans toute sa longueur la ligne autrichienne, les
troupes de Rosenberg , menacées d'une nouvelle attaque par la
division Priant, évacuèrent la position qu'elles venaient de
défendre avec tant d'opiniâtreté; leur retraite commença vers
midi ; car ce fût le feu de la colonne qui tournait l'aile gauche
de l'armée autrichienne qui donna le signal de la grande attaque
sur son centre. Le général Gudin, du côté des Français, les gé-
néraux Mayer et Nordmann, du côté des Autrichiens, furent
mis hors de combat; le dernier mourut de ses blessures. Le
feld-maréchal Nordmann, que ses talents et sa bravoure signa-
laient dans l'armée autrichienne, était né en Alsace, et avait été,
Jusqu'en 1792, au service de Prance. Il rendit le dernier soupir
au milieu de ses compatriotes, qui honoraient sa valeur.
Suivant ce que lui avait prescrit TempereiH*, le maréchal
Masséna marcha à gauche, longea Neue-WirtlishAus et Esslin-
ger-Hof , précédé par sa cavalerie l^re et flanqué par les cui-
rassiers du général Saint-Sulpice. Dans cette marche de flanc,
le V corps, arrêté à chaque instant par la cavalerie du prince
de Liechtenstein, à laquelle il opposait ses carrés , et sillonné
parles boulets ennemis, flt des pertes énormes. Arrivé au delà
de Rreltenlee, le maréchal trouva devant lui une masse de plus
1
223 uvBi sixjkm.
fM9. ^ se,000 hmnmet qui le séparait do DtMbe» et il apprit cd
AïknagB*. iD^nae temps Téchec éproaTé par le générai Bondet, qui venait
d*6tre refoulé dans la tète de pont. Il dépéclie aussitôt un aide
de eamp vers Tempereur p<Hir loi faire connaître les jNrogrëa
de rennemi et pour lui demander des ordres. Cet oCflciertrottvo
Napoléon en observation près du corps de Maodooald. «r Sire,
or lui dit-il , le due de Rivoli me charge d'annonoer à Votre
a Majesté que Fennemi a fiait de grands progrès sur notre gau*
c( che, rejeté la division Boudet dans la tète de pont et pris
cr son artillerie, a
L'empereur, les yeux flicésvers la drc^te, ne répondit rien*
L*officier étonné ajouta : «r Sire, la forte canonnade que vous ei^
«tendez part de nie de Lobau... La tète de pont est en danger...
« Des masses innombrables s'interposent entre elle et le 4^ corps ;
or nos derrières sont menacés... » L'empereur continua à garder
le silence. Les généraux de sa suite se regardent et partagent
rétonnement de Taide de camp. Tout à coup Napoléon se tour-
nant vers celui-ci : a Tout cela n*est qu'un vain bruit» dlt-il ; la
(( bataille est gagnée ; courea l'annoncer au due de Rivoli ; ditea-
a lui que la perte deVartillerie de Boudet n'est rien, e( que,
« sans s'en inquiéter, il fasse un à droite et poursuive le pk»
«r loin possible les troupes placées devant lui; Je vais idr»
<i frapper le coup décisif*, i»
Il était midi. L'empereur venait d'apercevoir que les feux de
Davoust avaient dépassé Neusiedel, et que l'aile gaudie de l'ar-
chiduc était tournée. Aussitôt il donna Perdre à Maodonald de
se porter en avant.
Ce général avait déployé huit bataittons des divisions Brous-
sîer et Lamarque, soutenus sur les ailes par huit autres baball-
loDS en colonne par division. La division Seras suivait à dis-
tance en réserve , flanquée à gauche par quatre escadrons de
cuirassiers. Cette colonne prit la direction de Téglise de Sûssen-
brunn et arriva au milieu de la plaine, criblée par les feux
croisés des batteries de Koliowrath et du prince de Liechten-
stein. Cependant elle avançait toujours sans être rompue, quoi-
que battue en tous sens par l'artillerie de Beliegavde, et la ^rèle
* Ménoin» de Maména, par la général Kocb, fecM VI, p. 323.
GOBBBB D*ALLIIfAOKB. S2S
de prejeckileB cpii tonteit nr cette sorte de carré ne ralentiisait «gog.
pas m marctie. Cependant, menacé d*ètre pris en écharpe mf ^'i^nHM-
seedeox flaocs, Maodnnald appelle à lui la division Seras, cott-«
diiite par le général de brigade Moi«a«, loi ftiit former la qua-
tri^me flae dn carte, et rspoosse par an videat fco de nioiia<-
t tovies les sttaqnes de Tinâmterie et de la cavalerie
Dana os moment le général Wokassowich^ Tan dca
plus vaillants généraux de l'armée autrichienne» fat taé à la
tète dB trois bataillons de grenadiers qui chargeaient la gauche
dn carré. La colonne française était arrivée à mille toises de
Sûssenbnmn, quand Macdonald, s'aperoevant que de 7,5oo
hommes elle était réduite à moins de 3,000, fut forcé de s'arrê-
ter, en se couvrant de sa cavalerie, et de demander du secours
à l'empereur.
Pendant ce temps, le maréchal Davoust , maître de Mark-
grafen-NeusIedel, prenait à revers le corps de Rosenberg et le
forçait de se retirer vers Bockflùss, taudis que le général Ou-
dinot, qui avait passé le Russbach à Baumersdorf, attaquait le
prince de Hobensollera, emportait le village de' Wagram, sur
lequel ee prince s'était replié, et le forçait à suivre le mouvement
de retraite de Rosenberg, avec perte de 800 prisonniers, d'un
dnsfma et de plusieurs pièces de canon. De son côté le prince
Eugène, suivant le mouvement des trois divisiims Broussier,
Laeuurque et Seras, venait 4'ordonner au général Durutte de
se porter rapidement sur la gauche PQur arrêter la marche d'une
col(MAne qui pen^^salt. menacer le flanc du général Macdonald ,
et au général Pacthod d'occuper les hauteurs de Baumersdorf,
que l'ennemi évacuait en ce moment pour éviter d'être tourné
par les troupes du maréchal Davoust
^u même temp« la grande batterie dirigée par le général
LauristoQ sur une partie de la droite de Tennemi semait la
mort dans «es rangs et réduisait son artillerie au sUenee; mais
les diversionS'Opérées sur les deux flancs de la colonne de Mae-
donald ne remplissant qu'imparfaitement leur <rf>jet, l'empereur
fit avance! la dlvisiop du comte de Wrede avec 24 bouches à
feu et la cavalerie, les fusiliers et les tirailleurs de la garde, ee«^
mandés par le généraux Walther et Reille.
Ainsi renfoteé, et flanqué sur sa droite par la cavalerie de h
1
231 UTSB SlXIÙiS.
1800. garde et sup sa gauche par les escadrons saxons eondoits par le
Allemagne, g^^f^i Gérard, Maodonald se porta sur le Tiliage deSûsae»-
bnin» où Tennemi paraissait vouloir tcair. Le général Gérard
eut ordre de tourner ta droite de ce village, tandis que les trois
divisions Broussier, Seras et Lamarque attaqueraient de front;
mais les Autrichiens n'attendirent point le choe des colonnes
françaises et se replièrent sur Gerasdorf, qui, comme point in-
termédiaire du centre et de Talle droite de la ligne ennemie ,
était retranché et hérissé d'artillerie. Ge village se trouvait en
outre protégé par les hauteurs dites du R^ndes-vous, que Ten-
nemi occupait eu force avec de l'artillerie de position.
Gerasdorf fut attaqué et défendu avec une égale résolution ;
pendant plus d'une heure l'avantage resta indécis ; mais une
dernière charge des Français triompha de la longue et opiniâtre
résistance de leurs adversaires; les bataillons ennemis, ébranlés,
mais non entièrement rompus , cédèrent, et le village fut oc*
eupé par les vainqueurs. Les chevau-légers polonais et les chas-
seurs de la garde s'élancèrent à la poursuite de l'Infanterie au-
trichienne, et essayèrent, mais en vain, d'en disperser la masse.
Trois fois ces intrépides escadrons chargèrent les carrés en-
nemis, et trois fois ils furent ramenés sur l'infanterie française^
Les Autrichiens se repliaient , mais avec gloiro et d'une ma-
nière digne des vaillantes troupes qui leseontraignaient àce mou-
vement. Le corps de Bellegarde se retira sur Hagenbrunn, tandis
que Macdonald s'établissait sur la route de Brûnn.
Le village de Gerasdorf étant enlevé , le centre ennemi ne
dut plus songer qu'à assurer sa retraite. Déjà son aile gauche
s'était entièrement repliée devant les corps du maréchal Davoust
et du général Oudinot, et l'aile droite, après s'être longtemps
maintenue contre le maréchal Masséna, qui, vers une heure,
avait repris le village de Gross-Aspern, et n'étant plus appuyée
par le centre et se trouvant en l'air, s'était repliée dans la direc-
tion de Leopoldau. Le bruit de la canonnade dans la direction de
Sùssenbrunn annonçant à Masséna l'attaque du centre de l'en-
nemi par l'empereur, ce maréchal tourna à droite la tète de ses
colonnes, qui marehèrent sur Kagaran et sur Leopoldau. Entre
ces deux villages, la cavalerie des généraux Marulaz et Lasalle
tombasurdeuxcarrésformésparKIenauponrarréterlapoursolte.
GUEBftfi ]>*ALLBMAGNE. 22»
Le premier fut sabré et dispersé; nais, à TatUique du second , ika.
l'armée française perdit ie brave et vaillant général Lasalle, qui ^""^S"'-
fut atteint mortellement d'un coup de feu à la tête. Marulaz,
après avoir rallié les deux divisions , continua de poursuivre
l'ennemi et culbuta son arrière garde entre Jediersdorf et Stre-
bersdorf. Là finit la poursuite, et, vers six heures du soir, Tar-
niée autrichienne, formée par bataillons en masse et en échi-
quier, se retira par la route de Vienne à Brûnn, sous laprotection
de son artillerie. L*archidoc lui fit prendre la route de Znaim ;
le corps de Klenau continua à former Tarrière-garde et passa
la nuit sorle^ hauteurs de Stammersdorf , tandis que ceux de
Bellegarde et de KoUowrath et la réserve mcirchèrent à Komeu-
burg, où le prince de Reuss les rejoignit. Le prince de HoheazoU
lern marcha à Enzesfeld, et le priuce de Rosenberg sur les hau-
teurs de Hohenleiten, derrière Wolkersdorf , et couvrit ainsi la
grande route de Brunn.
L'archiduc Jean, qui n'était arrivé qu*à 5 heures du soir à
Ober-Siebenbrunn, avec vingt bataillons, vingtetun escadronset
trente-six pièces de canon, jugeant sa présence inutile, retourna
à la chute du jour à Marchegg. L'archiduc Charles comptait
sur lui dès le 4, et, en n'arrivant même que dans la nuit du 5 au
6, il pouvait changer la face des affaires et retarder peut-être
le succès du maréchal Davoust àMàrkgrafen-Neusiedel. L'em-
pereur s'établit à Raschdorf avec la garde, le vice-roi au delà
de Gerasdorf, Masséna et le princede Ponte-Corvo à Leopoldau,
Davoust à Deutsch-Wagram avec ses deux dernières divisions,
les deux premières aux environs de Bockfluss et d'Âuerstall,
ainsi que la cavalerie de Grouchy , celle de Montbrun derrière
Wolkersdorf, Oudinot aux environs de Sauiing.
Ainsi se termina la sanglante bataille de Wagram, dans la-
quelle les deux armées firent des pertes énormes. Celte des
Français fut d'environ 25,000 hommes tués, blessés ou prison-
niers, au nombre desquels 3 généraux tués et 1G blessés. Les
Autrichiens avouèrent une perte de 22 à 24,000 hommes, dont
4 généraux tués et 16 blessés. Les trophées étaient compensés ;
car le nombre de pièces de canon et de drapeaux ou d'aigles en-
levés fut à peu près le même de part et d'autre.
Les feld-maréchaux lieutenants Nordmann, d'Aspre, Wu-
326 LIYBX sixiÉm.
fm; kassowlch et le gënéraUmaJor P. Veeiay avaient été tués.
ÀHemagM. L'archldnc Chartes, les feld-maréchaux Bouvroy et Noetitx,
les généraux-majors prince de Hesse-Homboarg» Mayer, Vae-
quant, Matzen, Statterheim, Henneberg, Mervilteet Rothldrch,
avaient été blessés.
Parmi les blessés français on remarquait le maréchal Bes-
sières» dont le cheval avait été emporté par un boulet an mo-
ment de la grande charge de la cavalerie ; les généraux Grenier,
Seras, Yignolle, Sahuc, Frère, Defrance; les majors Gorlûneaii
et Daumesnil ; les colonels Sainte-Croix et Aldobrandinl*Bor-
gfaèse. L'armée française eut à déplorer la mort du vaillant
Lasalle, le premier de ses généraux de cavalerie légère. Le co-
lonel Oudet, du d"" de ligne, nommé général la veille de la ba-
taille, frappé à mort dans une embuscade où périrent 23 officiers
de son régiment, ne survécut que trois Jours'.
L'empereur, témoin des derniers et incroyables efforts des
troupes de Farmée d'Italie, si bien dirigées par le général Macdo-
nald, en fut tellement satisfait qu'il crut devoir sur le champ de
bataille même récompenser tous ces braves en la personne de
leur digne chef. Le lendemain de la victoire, et avant que l'armée
se mit en mouvement pour suivre les vaincus, Napoléon em-
brassa le général Macdonald' et le nomma maréchal de l'em-
piré. Le même Jour les généraux Oudinot et Marmont reçurent
également le bâton de maréchal.
Toutes les armes avaient rivalisé d'intrépidité et de glc^re dans
cette mémorable Journée; Napoléon lui-même s*étalt plusieurs
fois exposé au milieu du feu le plus terrible. Dès le matin il
avait parcouru les différentes lignes , encourageant les troupes
' On a fait d'étranges récits sur la mort de ce brave officier, prétendu
ebefd*iine association secrète, dont un écrÎTain (M. Charles Nodier) a ré-
vélé Texistenoe sous la dénomination de Société des Philadelphes, et qui
avait pour but, suivant ce même écrivain, la destmctwe de la tyrannie im-
périale.
> Macdonald, ami de Moreau, avait embrassé la cause de ce général lors
du fameux prooès de Georges Cadoudal et consorts. Il était tombé en dis-
grâce auprès de Napoléon, qui ne Tavait plus employé depuis celte époque,
jusqu'au moment où la guerre avec PAutriclie lui fit sentir le besoin d'otl-
liser, en Italie, les talens et Texpérienoe du guerrier habile qui avait dirigé
les opérations de la petite armée des Grisons, dans la campagne de isoo.
par sa pféseaceet son éloquenœiiicitftDte. Les bouleto tuèreat oq i««.
blessèrent plasienrs personnes autour de lai . Qa s'aperçut même ^
que rennemi dirigeait prineipalement son feu sur le groupe qui
environnait Teaipereur* Le major-^général prince de NeuehAlel
ordonna aux aides de camp et aux officiers d*état*m9gor de se
tenir à quelque distance, et fit défendre aux r^ments de saluer
Tempereor par leurs acclamations au moment de son passage.
L'empereur, en raison de la fatigue extraordinaire de sc^
ti*oupes, qui venaient de combattre, presque sans interruption,
pendant plus de quarante heures, avait ordonné de cesser tonte
poursuite, et Tarmée entière établissait ses bivouacs dans la
vaste plaine de Wagrara, lorsque la sécurité générale fut trou*
blée tout à coup par des cris d'alerte. Il était neuf heures du soir.
La générale fut battue sur tous les pwnts; en un moment les
troupes furent sous les armes ; Tinfiintene se forma en bataillons
carrés. Au milieu du désordre qu'entraînait un pareil mouve-
ment, chacun s'en demandait la cause. L'empereur lui-même,
tout aussi surpris que les autres , s'élançait sur won dieval ;
puis, ayant envoyé des ofticiers en reconnaissance pendant
qu'on se préparait au combat, il attendit leur retour.
Sur les derrières de l'armée française, les équipages, les
vivres et tous les autres attirails de guerre, qui s'avançaient avec
confiance en voyant la bataille gagnée, effrayés du tumulte du
camp, rétrogradèrent en désordre et présentèrent en un moment
l'aspect d'une véritable déroute ; mais ce fut particulièremaU à
l'entrée des ponts que l'épouvante régna parmi les non^censbat-*
tants. Beaucoup de ceux*-là mêmes qui avaient le Danube entre
eux et l'ennemi s'enfuirent en aliandonnant leurs voitures et
leurs bagages, et ne se crurent en sûreté que derrière les rem-
parts de Vienne.
Cependant on vint rapporter à Tempereur que l'ennemi ne
se présentait sur aucun p<HOt, et le calme se rétiJiiit sans qu'on
pût connaître d'abord ce qui l'avait si étrangement troublé. On
apprit plus tard qu'un escadron ennemi dont la retraite se
trouvait coupée sur la grande armée , cherchant à gagner la
route de Presburg, avait traversé un vilta^e où des maraudeurs
étalent allés sans armes. Ceux-ci, surpris et sabrés par les oa«
valiers autrichiens, revinrent en toute hête, en jetant des cris
13.
2)8 LITlt SIXiilfX.
ff«io. d*alanne, qui se propagèrent, comme on vient de le voir» avee
une rapidité incroyable.
Le lendemain '( 7 Juillet ), à la pointe du Jour, Tempereor sor-
tit de la tente qu'on lai avait dressëe sur le champ de bataille,
et y se promenant autour des bivouacs du quartier général , à
pied, sans chapeau, sans épée, et les mains croisées derrière le
dos, suivant son habitude ordinaire, il s'entretint fieunilièrement
avec les soldats de sa garde. Sa figure exprimait la satisfaction
et la confiance. Peu de temps après, Tarmée se remit en marehe
pour suivre l'ennemi. Cest avant ce mouvement que Napoléon
domia au général Macdonald la belle et nationale récompense
dont nous avons déjà parlé. Le général Oudinot reçut aussi ,
avec le bftton de maréciial, le titre de duc de Re^io , et beau-
coup d'autres promotions eurent lieu dans le même moment.
Le soir, la garde se rendit à Wolkersdorf, où Napoléon établit
son quartier général dans la maison que l'empereur d'Autridie
avait occupée la veille. Pendant que le maréchal Massénapour-
aoivait'Klenau, qui se retirait par la route de Stockerau à Ober-
Hollabivnn, le maréchal Marmont, due de Raguse, après avoir
suivi quelque temps la route de Brûnn, se rabattit sur celle de
Ziiaim,par où s'était dirigé l'empereur François, Timpéra-
triœ, Tarddduc Antoine, et une suite de plus de deux cents voi-
tures de la cour.
L'intention de l'arcUduc Charles était de conduire son armée
dans l'excellente position des hauteurs d'iglau et d'y courir
«Doore une fois les chances d'une bataille. La route, dans cette
direction, présentait de grandes difficultés au passage de Tar-
tillerie et des équipages. Pour leur donner le temps de gagner
de l'avance, la marehe de l'année devait être ralentie. Cest
pourquoi les i^, 8*^ et 5^ corps et la réserve se portèrent, le
7 Juillet^à une petitedistance au delà de Komeuburg, et, en deux
mardies de nuit, à Halibem et à SchOngraben. L'arrière-garde,
conduite par Klenau , que le maréchal Masséna fit attaquer dans
Komeuburg par la l^ brigade de la division Legrand, s'y dé-
fendit Jusqu'à la nuit et se retira entre Unter-Hautzenthal et
Simdorf, où , le 8 au matin, elle fût attaquée par la cavalerie
du 4* corps; mais, après un court engagement, Klenau se re-
tira sur Obe^Hollabrunn. kfasséna le suivit de près avec sa
GUEBRÉ D'ALLBlTAGlflf. 32^
cavalerie légère et prit possession de Stoekerao le mènie soir. 1 809.
Le prince de HoheDzollern avait marché par Emstibnum à
Kamersdorf, où il s'arrêta ie 9. Le prince de Bosenberg nardia^
le 8, à Laa par Mistelbadi, et y reçut l'ordre de couvrir la
roQte de Brûnn. Le lendemain il occupa Muschan, à la rlive
droite de la Taya. Le 9 au soir, l'archiduc^ ayant eu avi» qu'une
colonne ennemie s*avançant par Laa sur la rive gauche de la
Taya avait atteint Erdberg^ dirigea immédiatement sur Znalm
le prince de Liechtenstein avec la réserve de cavalerie et les
grenadiers; les corps de Beliegarde, Koltowrath , Klenau et de
Hohenzollem durent, au point du jour, suivre la même di-
rection. Le prince de Reuss fût laissé à Schôngraben. Son ar-
rière-garde n'évacua ce poste que le 10 , pour se retirer sur
Jetzelsdorf.
L'empereur avait prescrit au maréchal Blarmont de suivre
les traces de l'ennemt sur la route de Nieoteburg, avec la ca*
Valérie de Montbrun, ses deux divisions et celle du comte de
Wrede. Il était soutenu par le 3*^ corps, avec les dragons dé
Grouchy et les cuirassiers du duc de Padoue. Masséna devait
s'avancer sur Znaim. Marmont, ayant appris , dans* la Journée
du 8, à Wilfersdorf, que le gros des troupes autrichiennes se
retirait surZnaim, laissa le maréchal Davoust continuer sa
marehe vers Nicolsbu]^, se porta à Mistelbach, et le lendemain
à Staatz, où il rejeta sur la rive gauche de la Taya un déta-
chement autrichien qui se retira à Ruhhof. Ce détachement,
commandé par le général Alstem , avait été envoyé sur ce point
par le prince de Hohenzollern pour lier son corps d'armée à
celui du prince de Roscnberg. Les ponts avaient été coupés et
ne fhrent réparés que le 1 0. Pendant ce temps le corps du ma-
réchal Davoust, qui continuait h s^avancer sur la route de Mo-
ravie, trouva Nicolsburg occupé par l'extrême arrière-garde de
Bosenberg, qu'il fit chasser par l'avant-garde de la division
Grouchy, et le S® corps continuait le lendemain sa mardie sur
Muschau lorsquUl reçut l'ordre de se rabattre sur Znaim,
tandis que l'ennemi serait poussé l'épée dans les reins par le
maréchal Marmont, que l'empereur allait soutenir avec la garde
et le corps du maréchal Oudinot. De son côté le maréchal Mas-
séna devait acculer à la rive droite de la Taya^ les troupes qu'il
1
S30 LIVBE SIXIÈME.
488». avait devant lui» L'empereur venait d'arriver à Wiifersdorf
Al inagne. ^^^ ^^ cavalerie de la garde et deux divisions de cuirassiers. Il
était suivi de loin par l'infanterie de la garde et le corps d'Où-
dinot.
Lorsque le prince de Liechtenstein arriva près de Znaim, dans
la matinée du 10» il At occuper les hauteurs de Pumlitz^ à la
rive droite de la Taya, par une des quatre brigades de grena-
diers qui l'avaient suivi; à la rive gaudie , une seconde brigade
s'avança jusqu'en arrière de Teswitz sur la route de Brùnn ; les
deux autres furent établies à gauche sur cette route. La cava-
lerie resta en réserve. Protêts par ces dispositions, rartillerie
et les équipages commencèrent à traverser la ville. Le maréchal
Marmont, parvenu alors sur les hauteurs de Znaim , ftt atta-
quer, vers onze heures du matin, les troupes qui occupaient Pum-
iiti et Teswitz. Ce dernier village fut enlevé par trois bataillons
bavarois conduits par le général Becker, de la division du comte
de Wrede. A ce moment un parlementaire de Bellegarde se pré-
senta aux avant-postes du général Pajol pour annoncer que
Fempereur d'Autriche allait envoyer le prince Jean de Liech-
tenskehi au quartier général de Napoléon pour traiter d'un ar-
Hitstice..Le maréchal répondit que, n'ayant reçu aucune instruc-
tion à cet égard , il ne pouvait qu'informer l'empereur Napoléon
de la disposition où se trouvait la cour d'Autriche» et qu'ayant
ordie d'attaquer il ne pouvait pas accorder d'armistice même
d'un quart d'heure. En effet le maréchal se disposait à pousser
devant lui pour se mettre ensuite à cheval sur la route d'Iglau
et eouper la retraite au prince de Reuss , lorsque le général
Henneberg, qui, avec six bataillons ^ avait passé le gué au-des-
sous du pont de la T«^a l>arricadé avec des pierres v attaqua le
général bavarois dans Teswitz, d*où il le chassa après une ré-
sistance opiniAtre, ce qjdi permit à Bellegarde de passer tran-
quîllement la rivière avec le reste de son corps et de s'étendre
jusqu'à Brenditz» dont il s'empara..
Le général Montbrun, qui se trouvait à Taile droite, s^étant
avancé sur la route d'Iglau , culbuta deux régiments de dragons
qu'il poursuivait à outrance ^ quand l'archiduc accourut avec
vingtrquatre escadrons de cuirassiers qui rarrêtèrent de front»
tandis que l'artillerie de Bellegarde canounait son flanc gauche >
GUBESE D'ALLSMAGNB. 231
forcé de reeakr, Htaiibran se retira sur les haoteurs de Zoc- img.
kerhaBdei. Le général aatriehien déploya ses troupes devant ^i<«"»snt
BrendftK, et jka dans les lignes, en deçà de Znckerhandel, des
pelotoDS dlnfonterfe qui prolongèrent le combat Jasqn'au soir.
Les eorps de Kollowratli et de Klenaa étaient arrivés dans le
voisinage de Brenditz ; le prince de Hohenzollem avait atteint
dans la matinée les hanteors de Pnmlitz, y avait pris position
et oeeupa Naschetitz, ee qni assurait la rive droite de la Taya ;
enfin le prince de Reuss arriva vers le sohr et campa entre Znaint
et la rivière.
Les 18,000 hommes de Marmontse trouvèrent alors en pré»
sence de tonte Farmée autrichienne, forte de plus de 100,000
hommes, ne devant compter pendant vingt-quatre heures que
sor la cavalerie qu'amenait Tempereur; car les corps de Da-
voust et d^Oudinol ne pouvaient arriver que le lendemain. Il est
vrai que Masséna était près de Jetzebdovf avec environ 12^000
hommes dMnfànterie et 3,000 de cavalerie ^ mais sa présence
n'aurait porté la fbrce des troupes françaises qu'à 33,000 hom-
mes. Malgré sa situation précaire, le maréchal Marmont, comp-^
tant sur la prochaine arrivée de Fempereur, n*hésita pas à at-
taquer le 11 au matin. Bientôt un féu de tirailleurs vif et
soutenu s*alluma aux environs de Teswitz , et les troupes franr
çaises tentèrent plusieurs fois d'emporter la. position de Bren-
ditz , ou de gagner les vignes qui garnissaient le versant de ces
hauteurs ; mais toutes leurs attaques furent repoussées par l'in-
fanterie de Bellegarde et par le feu meurtrier de son artillerie.
Enfin , à dix heures du matin, Tempereur arriva sur le champ
de bataille avec la cavalerie de la garde et deux divisions de
cuirassiers, dont il dirigea la majeure partie à droite par Ku-
krowitz, où elle fit halte.
Pendant ce temps le maréchal Masséna arriva à Oblas,. et
tenta d'enlever le pont barricadé de .la Taya sur la route de
Vienne , ce qui ne lui réussit qu'après avoir fait placer une ferte
batterie près du village d'EdeIspitz, dans un coude formé par la
rivière. L'ennemi, pris en flanc sur les ponts et à revers sur la
rive.gauche , fût obligé de se retirer sous les murs de la ville et
sur les hauteurs qui bordent la vallée. Alors la division Legrand
et neuf bataillons des troupes de Carra Saint-Cyr passèrent le
2aS IIVBE SIXIÈME.
1809. poDt et débouchèrent sur Znaim. Les 18^ et 2r/ régîments gra-
Aiiemagne. -yi^g^icnt déjà les hauteurs voisiiies lorsque rarebîduc envoya
plusieurs bataillons de grenadiers à Tappui des trou^ du prince
de Reuss, qui refoulèrent les Français sur le pont. A ce moment
un violent orage vint suspendre le combat. Les troupes fran-
çaises se débandent pour chercher un abri contre la pluie qui
tombe par torrents. Le prince de Reuss, profitant de la circons-
tance, où la cavalerie et rartillcrie ne peuvent plus agir, lance
sur la chaussée un bataillon de grenadiers pour charger les.
Français dispersés par Taverse. Les grenadiers, sans être aperçus,
se dirigent sur le pont de la Taya , en coupant les tirailleurs
répendus dans les vignes, et font des prisonniers» au nombre
desquels se trouvent les généraux Stabenrath et Lazowski. Mais
cet avantage fut de courte durée : le maréchal Masséna ordonna
au colonel Lfaériiier, du 10^ de cuirassiers, de charger i*ennemi.
A l'instant le régiment s*élance sur le flanc gauche des grena-
diers autrichiens , coupe leur colonne en deux , sabre et fait pri-
sonniers tous ceux qui n'ont pu fuir, poursuit les autres Jus-
qu'aux portes de Znaim et délivre tous les Français pris dans
le premier moment de Tattaque. Après ce combat, le maréchal
fit passer la rivière à trois bataillons restés jusqu'alors en ré-
serve, et les dirigea à TesvvitK sur le front de la ligne du duc
de Raguse ; leur mouvement n'étant pas remarqué par Tennemi^
ils occupèrent ce village sans éprouver de résistance.
Cependant l'empereur attendait toujours avec impatience les
corps des maréchaux Davoust et Oudinot; mais, quelque dili-
gence qu'ils fissent, ils ne pouvaient arriver sur le champ de
bataille que le lendemain, 1 2, à huit heures du matin. Aussitôt
que le temps fut éclairci, le combat recommença sur toute la
ligne , et les troupes envoyées par le maréchal Masséna dans
les vignes au nord-ouest de Tesvkritz avaient gagné assez de
terrain pour séparer complètement Bellegarde du prince de
Reuss, lorsque des parlementaires vinrent, vers sept heures,
annoncer la cessation des hostilités. Eu effet le prince Jean de
Liechtenstein , général de cavalerie, qui peudant toute la cam-
pagne avait commandé le corps de réserve , était enfin parvenu
à se rendre au quartier général de l'empereur. C'était le même
officier qui, dans la campagne de 1805, avait été déjà chargé
GUEBIIB D*ALLEMAGRB. 33S
d'une mission pareille auprès de Napoléon. L'empereur des im».
Français aecueiilit favorablement cet envoyé et ordonna sur-le- ^^^«^"■^b^'
champ qu'on cessât le feu.
L'armistioe fut conclu dans la nuit du 11 au 12. Les princi-
paux articles stipulaient que les citadelles ou forts de Brûnn et
de Gratz seraient évacués immédiatement par les troupes au-
trichiennes ; que celles-ci abandonneraient le Tyrol et le Vor-
arlberg^ et remettraient le fort de Sachsenburg aux Français.
La ligne de démarcation était, du côté de la haute Autriche,
la frontière qui sépare TAutriche de la Bohème, le cercle de
Znaim, celui de Brûnn» et une ligne tracée de la frontière de
Moravie sur Raab» qui commençait au point où la frontière du
eercle de Brunn touche à la March, et en descendant la March
jusqu'au confluent de la Taya ; de là à Saint-Johann, et la route
jusqu'à Presburg; Presburg et une lieue autour de cette ville;
la Raab jusqu'à la frontière de Styrie; la Styrie » la Camiole ,
ristrie et Fiume.
Au 26 juillet, l'armée française se trouvait répartie de la ma-
nière suivante :
Le corps du maréchal prince d'ËssIing occupait le cei'de de
Znaim; le maréchal prince d'Eckmûhl, le cercle de Brùnn;
le duc de Raguse, Komeuburg et ses environs. Le maréchal
Oudlnot, duc de Reggio, était à Spitz; l'armée d'Italie, à Pres-
burg et à Grâtz ;
Enfin, la garde impériale autoar du château de Schônbrunn^
où Napoléon avait reporté son quartier général.
Après l'armistice , l'empereur, voulant récompenser géné-
reusement les généraux qui Tavaient le mieux secondé dans
cette mémorable campagne, conféra au prince de Neuchàtel le
titre de prince de Wagram, au duc d'Auerstaedt celui de prince
d*£ckmûhl, au duc de Rivoli celui de prince d'Essling, et il af-
fecta des dotations considérables à ces titres. Des pensions
furent assurées aux militaires amputés de tous grades , et des
places firent réservées dans les maisons d'Écouen et de Saint-
Denis aux orphelines des membres de la Légion d'honneur morts
dans la campagne.
L'armistice de Znaim , qui ne devait durer qu'un mois , fut
prolongé jusqu'au mois d'octobre. Le prince Jean de Liechten-
234 LlYME SIXiImB
iM». stdn et M. de GhampagDy» mloittredeft relations cxtériewefl,
AUemagiM. 8*ooeupèreiit, dans cet espaee de temps, delà eoncliMioii de It
paix définitive entre les deox nations. De grandes difflonltés
arrêtèrent sans donte les denx plénipotentiaires, puisque le traité
ne fut signé que le 14 octobre , trois mois après la eonveation
d'annistioe. Voici le texte de ce traité, qui rendait encore une
fois Napoléon l'arlrftre de TEurope.
Traité de Vienne,
a Art 1^. Il y aura, à compter do Jour de rechange des ra-
tiflcations do présent traité , paix et amitié entre S. M. Fem-
rereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la Confédération
du Rhin, et S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de
Bohème, leurs héritiers et successeurs, leurs États et sujets res-
pectifs, à perpétuité.
ff 3. La présente paix est déclarée commune à S. M. le roi
d'Espagne , S. M. le roi de Hollande , S. M. le roi de Naples»
S. M. le roi de Bavière, S. M. le n^ de Wurtemberg, S. M. le
roi de Westphalie, S. M. le roi de Saxe, S. A. Em. le prince
primat, à LL. AA. RR. le grand-duc de Bade, le grand-duc de
Berg, le grand«duc de Hesse-Darmstadt, le grand-dne de
Wûrtzbourg, et à tous les princes et membres de la Confédéra-
tion du Rhin, alliés de S. M. l'empereur des Français, roi d'I-
talie, protecteur de la Confédération du Rhin, dans la présente
guerre.
« 3. S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bo-
hême, tant pour lui , ses héritiers et successeurs, que pour les
princes de sa maison, leurs héritiers et successeurs respeetiC^
ren<Hice aux principautés, seigneuries, domaines et territoires
ci-après désignés, ainsi qu'à tout titre quelconque qui pourrait
dériver de leur possession , et aux propriétés soit domaniales ,
soit possédées par eux à titre particulier, que ces pays ren-
ferment.
a i"" Il cède et abandonne à S. M. l'empereur des Français,
pour faire partie de la Confédération du Rhin, et en être disposé^
eu faveur des souverains de la Confédération :
«[ Les pays de Salzbourg et Berchtesgadèn; la partie de la
haute Autriche située au delà d'une ligne partant du Danube
GDBfiRK D'ALLEMAGNE. 235
auprès do Tiilage de Stross, et oompris Weissenkirchen , Wie- law.
derodorf, Michelbach^ Cretot, Muckenbofen, Holst, Jeding ; de '
là la route jusqu'à Schwanstadt , la ville de Schwanstadt, sur
rAlter, et continuant, en remontant le cours de cette rivière et
du lac de ce nom , jusqu'au point où ce lac touche la frontière
du pays de Salzbourg.
a S. M. Tempereur d'Autriche conservera la propriété seule-
ment du bois dépendant de Salz-Cammer-6ut, et faisant partie
de la terre de Mondsée, et la faculté d'en exploiter la coupe,
sans avoir aucun droit de souveraineté sur ce territoire. .
a 2^ Il cède également à S. M. l'empereur des Français , roi
d'Italie, le comté de Gorîce, le territoire de Montefalcone, le
gouvernement et la ville de Trieste, la Carniole avec ses enclaves
sur le golfe de Trieste; le cercle de Villach, en Carinthie, et tous
les pays situés à la droite de la Save, en partant du point où
cette rivière sort de la Carniole, et la suivant jusqu'à la frontière
de la Bosnie^ savoir : partie de la Croatie provinciale, six districts
de la Croatie militaire, Flume et le littoral hongrois, l'Istrie au-
trichienne ou district de Castua, les lies dépendantes des pays
cédés , et tous autres pays , sous quelque dénomination que ce
soit, sur la rive droite de la Save, le thalweg de cette rivière
servant de limite entre les deux États ;
« Enfin, la seigneurie de Radznnd, enclavée dans le pays des
Grisons.
« 30 II cède et abandonne à S. M. le roi de Saxe les enclaves
dépendantes de la Bohême et comprises dans le territoire du
royaume de Saxe, savoir : les paroisses et villages de Guntcrs-
dorf, Taubentranke, Gerlachsheim, Lenkersdorf, Schirgiswal-
de, Winckel, etc.
cr 4® 11 cède et abandonne à S. M. le roi de Saxe, pour être
réuni au duché de Varsovie, toute la Gallicie occidentale ou la
Nouvelle-GajlîciCjUn arrondissement autour de Gracovîe, sur
la rive droite de la Vistule, qui sera ci-après déterminé , et le
cercle de Zamosc, dans la Gallicie orientale.
cr L^arrondissement autour de Cracovie, sur la rive droite de
la Vistule , en avant de Podgorze , aura pour tout rayon la
distance de Podgorze à Wieliczka; la ligne de démarcation
passera par Wieliczka, et s'appuiera, à l'ouest, sur la Scawina,
236 UVBB SIXIEME.
1809. et à Test sur le ruisseau qui se jette dans la Yislule à Bazdagy .
Allemagne. ^ Wieliczka et tout le territoire des mines de sel appartien-
dront en commun à Tempereur d'Autriche et au roi de Saxe;
la justice y sera rendue au nom de Tautorité municipale ; il n'y
aura de troupes que pour la police , et elles seront en égal
nombre de cliacune des deux nations. Les sels autrichiens de
Wieliczka pourront être transportés sur la Yistule, à travers le
duché de Varsovie, sans être tenus à aucun droit de péage. Les
grains provenant de la Gallicie autrichienne pourront être
exportés par la Yistule.
a ïl pourra être fait entre S. M. Tempereur d'Autriche et
S. M. le roi de Saxe une fixation de limites, telle que le San ,
depuis le point où il toudie le cercle de Zamosc jusqu'à son
confluent dans la Yistule, qui serve de limites aux deux États.
« S"" Il cède et abandonne à S. M. l'empereur de Russie, dans
)a partie la plus orientale de Tancienne Gallicie, un territoire ren-
fermant quatre cent mille âmes de population, dans lequel la
. ville de Brody ne pourra être comprise. Ce territoire sera dé-
terminé à l'amiable entre les commissaires des deux empires.
a 4. L'ordre Teutonique ayant été supprimé dans les États
de la confédération du Rhin , S. M. Fempereur d* Autriche re-
nonce, pour S. A. L l'archiduc Antoine, à la grande maîtrise
de cet ordre dans ses États, et reconnaît la disposition faite des
biens de Tordre situés hors du territoire de l'Autriche. Il sera
accordé des pensions aux employés de Tordre.
<K â. Les dettes hypothéquées sur le sol des provinces cé-
dées, et consenties par les états de ces provinces ou résultant des
dépenses feites pour leur administration, suivront seules le sort
de ces provinces.
a 6. Les provinces restituées à S. M. Temperenr d'Autriche
seront administrées à son compte par les autorités autrichien-
nes , à partir du jour de l'échange des ratifications du présent
traité, et les domaines impériaux à compter du 1^' novembre
prochain, quelque part qu'ils soient situés. Il est bien entendu,
toutefois, que l'armée française prendra dans le pays ce que ses
magasins ne pourront lui fournir pour la nourriture des trou-
pes , Tentretien des hôpitaux , ainsi que ce qui sera nécessaire
pour l'évacuation de ses malades et de ses magasins.
GUBBBV 1>*ALI.BHA0NB, )37
c II flera fait, par les hautes parties contractantes , un ar- im». ^
rangement relatif à tontes les contributions quelconques de ^>'*""*k^*
guerre précédemment imposées sur les provinces autrichiennes
occupées par les armées françaises et alliées; arrangement
en eonséquence duquel la levée desdites contributions ces-
sera entièrement à compter du Jour de réchange des ratifica-
tions.
a 7. S. M. Tempereur des Français, roi dltalie, s'engage à
ne mettre aucun empêchement au commerce d'importation et
d'exportation de l'Autriche par le port de Fiume, sans que cela
puisse s'entendre des marchandises anglaises ou provenant du
commerce anglais. Les droits de transit seront moindres pour
les marchandises ainsi importées ou exportées que pour celles
de toute autre nation que la nation italienne. i
€ On examinera s'il peut être accordé quelques avantages au
eommerœ autrichien dans les autres ports cédés par le présent
traité.
« 8. Les titres domaniaux , archives, les plans et cartes des
pays, villes et forteresses cédés , seront remis dans l'espace de
deux mois après rechange des ratifications.
o 9. S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bo-
hème, s'engage à acquitter les intérêts annuels et arriérés des
capitaux placés , soit sur le gouvernement, soit sur les états ,
la banque, la loterie, et autres établissements publics, par les
sujets, corps et corporations de la France, du royaume d'Italie
et du grand-duché de Berg.
cr Des mesures seront prises pour acquitter aussi ce qui est j
dû an Mont-Sainte-Thérèse , devenu le Mont-Napoléon , à |
Milan.
(V 10. S. M. l'empereur des Français s'engage à accorder un
pardon plein et entier aux habitants du Tyrol et du Yorarlberg
qui ont pris part à l'insurrection, lesquels ne pourront être re-
dierchés ni dans leurs personnes ni dans leurs biens.
« S. M. l'empereur d'Autriche s'engage également à accor- .
der un pardon plein et entier à ceux des habitants des pays
dont il recouvre la possession en Gallicie, soit militaires, soit
civils, soit fonctionnaires publics, soit particuliers , qui au-
raient pris part aux levées de troupes ou à l'organisation des
238 LlVBl SmtaB.
,3^^ tribunaux et admiuistraUaitf , oa à qiiekpie aete cpie ce toit
Aitemagiie. qai ait eu lieu pendant la guerre; teaqvels habîtantaae powr*
ront être recherchés ni dana lew» penaaneB ni dans leucs
biens.
a Us auront, pendant six ans, la liberté de disposer de
leurs propriétés, de quelque nature qu'elles soient » de vendre
leurs terres, même celles qui sont censées inaliénables, comme
les ildéicommis et les majorats ; de quitter le pays et d*expor-
ter le produit de ces ventes ou dispositions en argent comptant
ou en fonds d'une autre nature, sans payer aucun droit sur
leur sortie et sans éprouver ni difficulté ni empéeliement.
a La même faculté est réciproquement réservée aux habitants
et propriétaires des pays cédés par le présent traité, et pour le
môme espace de temps.
a Les habitants du duché de Varsovie possessionnés dans la
Gallicie autricliienne, soit fonctionnaires publics, soit particu-
liers, pourront en tirer leurs revenus sans avoir aucun droit à
payer et sans éprouver d*empûchement.
ail. Dans les six semaines qui suivront réchange des rati-
fications du présent traité, des poteaux seront placés pour mar-
quer Tarrondissement de Gracovie, sur la rive droite de la Vis-
tule. Des commissaires autrichiens, français ou saxons, seront
nommés à cet effet.
a II en sera également placé, daas un délai semblable, sur
la frontière de la haute Autriche, sur celle de Salzbourg » de
Villacii et de la Gamiole, jusqu'à la Save. Les tles de la Save
qui doivent appartenir à l'une ou a l'autre puissance seront dé-
terminées d'après le thalv^eg de la Save. Des commissaires fran-
çais et autrichiens seront nommés à cet effet.
c 12, Il sera conclu immédiatement une convention militaire
pour régler les termes respectifs de l'évacuation des différen-
tes provinces restituées à S. M. l'empereur d'Autriche. Ladite
convention sera calculée de manière à ce que la Moravie soit
évacuée dans quinze joui^s; la Hongrie, la partie de la Gallicie
que conserve TAutriche, la ville de Vienne et ses environs,
dans un mois; la basse Autriche, dans deux mois , et le sur-
plus des provinces et districts non eédés par le présent traité
dans deux mois et demi, et plus tôt si faire se peut, à
GOEBBK D'ALLKMàOIIE. S19
conifAer do jour de réehHii§e de» ratifieatioDB, tant par les txwï* im».
pes firancftitai que par «Iles des alliés de la France. AUcmasne.
a La mtee convetttkm réglera tout ce qui est relatif à Té-
vacoatioii des hôpitaux et des magasins de Tannée française»
et à rentrée des troopes antridiiennes snr le territu^re aban-
donné par les troopes françaises et alliées^ ainsi qu'à Tévacoa-
tion de la partie de la Croatie cédée à S. M. l'empereor des
Français par le présent traité.
« IS. Les prisonniers deguerrè faits par la Franee et ses
alliés snr rAotriehe, et par rAotriche sur la Franee et ses
alliés, et qui n*ont pas encore été restitoés^ le sei^t dansqoa-
ranle joors» à dater de rechange des ratifications du présent
traité.
« 14. S. M. l'empereur des Français^ roi dltaile, protec-
teur de la Confédération du Rhin, garantit Tintégrité des pos-
sessions de S. M. Tempereur d'Autriche, roi de Hongrie et
de Bohême, dans l'état où elles se trouvent d'après le présent
traité.
« 15. S. M. l'empereur d'Autriche reconnaît tous les chan-
gements survenus ou qui pourraient survenir en Espagne, en
Portugal et en Italie.
« 16. S. M. l'empereur d' Autriche, voulant concourir au re-
tour de la paix maritime , adhère au système prohibitif adopté
par la France et la Russie vis-à-vis de l'Angleterre pendant la
guerre maritime actuelle. S. M. 1. fera cesser toute relation
avec la Grande-Bretagie, et se mettra, à l'égard du gouver-
nement anglais , dans la même position où elle était avant la
guerre présente.
« 17. S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie, et S. M.
l'en^pereur d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohème , conser*
veront entre eux le même cérémonial , quant au rang et autres
étiquettes , que celui qui a été observé avant la présente goerre«
« 18. Les ratifications du présent traité seront échangées
dans Tespace de six Jours, ou plus têt si faire se peut, j
Deux jours avant la ratification du traité qu'on vient de lire ,
Napoléon courut le danger d'être assassiné par un étudiant , en
passant, le 1 3 octobre, la revue de sa garde sur la place d'armes
du château de Scfacmbninn. Un jeune homme nommé Frédéric'
340 LIVftg 3lX.tB«B*
Stapsz, âgé de dix^huit ans» d*ane igore intéressante, douce et
régulière, qui8*étaît tenu caché dans la foule des spectateurs,
s*élançant brusquement, demanda à parler à l'empereur, qui
se trouvait entre le prince de JNeudiâtel et le général Rapp;
celni-ci le repoussa , en lui disant d'attendre la fin de la revue ;
mais le regard, le ton et la contenance de ce jeune homme
inspirant de la méfiance au général , il le fit arrêter et conduire
au poste du château. En le fouillant on le trouva armé d'un
grand couteau caché sous sa'redingoie« Il n'avait du reste sur
lui qu'un petit livre de poche ^ un portrait de jeune femme et
une bourse contenant quelques pièces d*or.
Le général Savary , duc de Rovigo, riaterrogea , mais il ne
répondit que par ces mots : « Je voulais parler à Tempereur. b
Informé de ce silence obstiné , Napoléon fit venir le coupable
dans son iq>partement, après la parade, afin de Tinterroger
lui-même. Les maréchaux Bernadette, Berthier, Duroc, eties
généraux Savary et Rapp étaient présents.
a D'où êtes- vous, et depuis quand êtes-vous à Vienne, de-
manda l'empereur? — Je suis de Naumburg^ et j'habite Vienne
depuis dix jours. — Que me voulies-vous? — Vous demander
la paix , et vous prouver qu'elle est indispensable. — Pensez-
vous que j'eusse voulu écouter un homme sans caractère et sans
mission? — £n ce cas, je vous aurais poignardé. — • Quel mal
vous ai-je fait? — Vous opprimez ma patrie et le monde entier ;
si vous ne faites point la paix , votre mort est nécessaire au
bonheur de l'humanité; en vous tuant, j'aurais fait la plus
belle action qu'un homme d'honneur puisse, entreprendre...
Mais j'admire vos talents; je comptais sur votre raison, et,
avant de vous frapper, je voulais vous convaincre. — Estrce la
religion qui a pu vous déterminer? — * Non; mon père, ministre
protestant, ignore mon projet; je ne l'ai communiqué à per-
sonne ; je n'ai reçu de conseils de qui que ce soit ; seul , depuis
deux ans , je médite votre changement ou votre mort. — Étiez-
vous à Erfùrth quand j'y suis allé Tannée dernière? — Je vous
y ai vu trois fois. — Pourquoi ne m'avez- vous pas tué alors? —
Vous laissiez respirer mon pays ; je croyais la paix assurée, et
je ne voyais en vous qu'un grand homme. — Gonnaissez-vous
Schneider et Schill? — Non. — Êtes- vous franc-maçon, illo-
GUSaU D*ALLBMA6in:. 941
miné? ^ Non. — Vous ecfùbakseï DûsUnre de Brutns? — U 1109.
y eut deux Romains de oe nom ; le dernier est mort pour la U- ^'<^''>^(^*
berté. — Avez-vous en connaissance de la conspiration de Mo-
reaa et de Pichegni? *-^ Les papiers pnl>lics m'en <mt instruit.
— ' Que pensez-vous de ces hommes? — Us ne travaillaient que
pour eux et craignaient de mourir. -^ On a trouvé sur vous un
portrait : quelle est cette femme? — Ma meilleure amie , |a
fille adoptive de mon vertueux père. — ^ Quoil votre cœur est
. ouvert à des sentimens si doux ^ et vous n*aves pas craint d'af^
fliger, de perdre les êtres que vous aimez > en devoiant un as-
sassin? ^^ J'ai cédé à une voix plus forte que ma tendresse»
'— Mais, en me Arappant au milieu de mon armée, pensies-vous
échapper? «— Je suis étonné , en effet > d'exister encore. — Si je
vous faisais grâce, quel usage feriez- vous de votre liberté? —
Mdn projeta échoué ^ vous êtes sur vos gardes»... Je m'en re-^
tournerais paisiblement dans ma famille. »
Napoléon fit appeler alors son premier médecin, Gonisart,
et lui demanda s'il ne trouvait pas dans ce jeune homme quelque
signe^le démence. Après Tavoir examiné avec soin, le médecin
répondit qu'il ne trouvait pas même en lui les signes d'une forte
émotion. L'empereur songea un instant à faire grâce au cou-
pable ; puis, réfléchissant qu'il follait efTrayer les jeunes fanati*
ques allemands, Il livra Stspsz à une commission militaire, qui
le condamna à mort.
Le malheureux resta deux jours dans une salle avec deux
gendarmes; il se promenait avec tranquillité, et s'agenouillait
de temps en temps pour prier Dieu. On lui avait apporté , avec
son dtner, un couteau de table. Il le prit et le considéra froide-
ment; un gendarme voulut le lui 6ter des mains; il le rendit
en disant : a Ne craignez rien ; je me ferais plus de mai que
vous ne m'en ferez, o Le lendemain il entendit tirer le canon
et en demanda la cause, a C'est la paix , lui dit-on. — La paix I
Ne me trompez- vous point? j» On l'assura que rien n'était plus
véritable. 11 se livra alors à des transports de joîe; des larmes
s'échappèrent ensuite de ses yeux; il se jeta à genoux, pria
avec ferveur, et se relevant : a Je mourrai plus tranquille. »
Le 27 octobre, à sept heures du matin, on vint le chercher pour
être fusillé ; il dit à l'ofllcier qui lui annonça son sort : « Mon-
1
243 LtTBB SlXIÈMâ.
iro. slettr. Je ne tous deoiaiide qu'une* gfiœ : c'est de n*èfare point
AiifliDagtie. lié. » OU ta loi accorda, U maidui Hbrement et mourut ame
calme*.
Napoléen quitta le cbAteau de Sokônbnmn dans la nuit
du 15 octobre» et arriva le 26 au palais de Fontainebiean. Trois
jours après, la paix aveé F Autriche fut publiée dans Paris avec
le oérémoniai et les solennités d'usage en pareille drconstaoce.
Il est inutile de dire avec quel enthousiasnie cette paix fut ac-
cueillie par lés Français de toutes les classes. Déjà la nation
commençait à se lasser des guerres où la politique de son sou-
vendn reatratnait sans cesse ; elle espérait que la dernière leçon
donnée à l' Autriehe serait pour les autres puissances de l'Europe
un avertissement de rester en paix; que Napoléon, pouvant
désormais disposer de toutes ses forces y terminerait en peu de
temps la guerre d'Espagne , déjà si meurtrière , et contraindrait
enfin l'Angleterre à entrer en négociations. Flatteuse illusion «
que l'ambition toujours croissante de JNapoléon et la haine
constamment active que lui portait la Grande-Bretagne ne de-
talent pas tarder à foire évanouir I
A son retour à Pfris, l'empereur prit la résolution de divorcer,
Joséphine ne pouvant pas lui donner un héritier direct de la
couronne impériale.' Un mariage avec la cour de Russie semblait
te parti le plus convenable dans les circonstances où se trouvait
la France depuis l'alliance de Tilsitt, et à Erfiirth, où il fût déjà
question d'un divorce, l'empereur Alexandre avait paru tout
disposé à oons^tir à l'union de Napoléon avec sa sœur la
grande-duchesse Anne, qui restait à marier. 11 n'avait paru pré-
voir de difficultés quede la part de sa mère ; mais il avait promis
ses bons offices en cas d'opposition à ses sentiments personnels.
Le 16 décembre 1809, un sénatus-consulte déclara dissous
le mariage de Napoléon avec Josépliine. L'Eglise fléchit à son
tour; l'offlcialité de Paris prononça la nullité du mariage reli-
gieux. La victime de cet événement, à qui sa juste douleur au-
rait éà sauver l'humiliation de figurer dans les apprêts de sa
■ Cette tentative d^assassinat, sur laquelle les journanx français du temps
«nt gardé un profond silence, a été racontée bien diTerseaient ; les détails
qu^on rient de lire paraisseot être ce qu'il y a de plus authentique nir e^
éténenient.
UUBKBB d'aLLSHAGNB. 343
chute, fut elle-même forcée de venir déclurer, en prëeenoe de «m».
tous les membres de la famille Bonaparte présents à Paris et ^"*™*«^-
réunis dans le cabinet de l'empereur aux Tuileries , « que^ ne
« conservant aucun espoir d'avoir des enfknts qui puissent sa-
« tisfaire les besoins de la politique de son époux et l'intérêt *
« de la France , elle se platt à lui donner la plus grande preuve
d d^attacbement et de dévouement qui ait été donnée sur la
a terre. » .
L'empereur était donc libre de choisir une nouvelle épouse.
. Dès le 22 novembre, M. de Caulaineourt^ ambassadeur de
France à Saint-Pétersbourg , fut chargé de demander confident
tiellement à l'empereur Alexandre si l'on pouvait compter sur
sa sœur, la grande-duchesSe Anne. Napoléon attendait avec
impatience la réponse d'Alexandre, qui présentait à l'ambassa»
denr français comme à peu près certain le consentement de
rimpératrice mère et comme assuré celui de sa sœur ; mais il
demandait encore quelque temps pour s'expliquer d'une ma*
nière définitive, et, l'époque écoulée, il réclamait encore des
délais. Ces lenteurs calculées finirent par impatienter Napoléon»
Il avait alors à choisir entre les maisons de Saxe et d'Autriche,
qui éprouvaient le plus vif désir de s'allier à lui. Il finit donc
par rompre avec la Russie, dont l'hésitation vraie ou calculée
blessait son orgueil , et avait pour motif manifeste la crainte de
voir rétablir un jour le royaume de Pologne. Avant de s'engager
définitivement quant au mariage, la cour de Russie exigeait
une convention stipuhmt que la Pologne ne serait jamais re*
constituée en royaume indépendant, et que les noms de Pologne
et de Polonais seraient effoeés de la langue des nations. Napo-
léon repoussa avec Indignation de pareilles exigences. Les
dernières dépêches de M. de Caulaincourt étaient arrivées
le 6 février 1610; le soir même on fit demander à l'ambassa-
deur d'Autriche , te prince de Sohwarzenberg , s'il était prêt à
signer un contrat de mariage. Sur sa réponse affirmative, le con-
trat de mariage de Napoléon avec l'archiduchesse Marie- Louise,
fille atnée de l'empereur François II, fut signé le lendemain 7 aux
Tuileries.
Nous croyons devoir terminer ce dernier chapitre de la guerre
d'Autriche par le précis de quelques événements épisodiques
is.
244 LITBB SlXlioaU
fsoo. qui n'ont pu trouver place, à leor date^ dans le cours de notre
A!iciiia«iic. narration principale.
Ineursim du major SchiU^ chef de partisans, dam le nord
de r Allemagne ; il est défait et tué dans Stralsund ( l). — Le
■ Scbill était né, en 1773, à Sothof, près de Josephstadt, dans te hante Si-
lésie. Son père, habile partisan, s'était distingué dans la guerre de Sept-Ans,
d'abord au serrice de rAutricbe, ensuite à cdoî de Saxe , et plus tard à ce-
lui de Ffédéric II. Le jeune Schlll entra de bonne heure dans le régiment
de dragons d'Anspach-Bajrenth, doTenn ensuite dragons de la reine. Son
avancement ne fut pas rapide : Il n*était encore que second lieutenant à Té-
poque de la guerre de 1806. Blessé à la bataille d*Auerstaedt et entraîné
dans la déroute générale, il gagna avec peine Magdeburg et ensuite Col-
berg. Cette place était menacée d'un siège auquel elle n'était pas préparée.
Sans attendre son entière guérison, SchUI s'offirit an gouTemeur, le colonel
de Loucadou , pour entreprendre quelques courses aux euTlrons de la for-
teresse, dans le but d'inquiéter Tennemi, d'apprendre des nouTélles, et
d'enlerer divers objets des magasins du roi , les caisses publiques et autres
approYisionnements pour les besoins de la place. Il obtient avec peine
quelques hommes de bonne volonté avec lesquels 11 commença une série de
sorties qui réussirent presque toujours et procurèrent un riche butin. Sa
troupe s'étant accrue rapidement d'un grand nombre de volontaires, Schill
étendit ses courses jusqu'à l'Oder. Vers la fm de janvier 1807, il obtint du
roi de Prusse rautorisatiou de former un corps franc placé sous ses ordres
immédiats pour faire la guerre de partisans dans toute la Poméranie. En
moins d'un mois, son Infatigable activité parvint à organiser, équiper, ar-
mer, monter et mettre en campagne quatre escadrons de hussards, une com-
pagnie de chasseurs à cheval et quelques troupes d'infanterie légère, en
tout environ 1,000 hommes, commandés par dliabiles officiers, avec quel-
ques petites pièces de campagne. Mais le moment n'était plus favorable aux
courses ni aux entreprises des partisans ; car non-eeulement plusleors déta-
chemento français s'avançaient de Stettin , mais la division TeoUé, forte de
«,000 hommes venant d'Italie, s'approchait de l'Oder et marchait sur
Colbenr, pour rejeter dans cette place. les détachements prussiens qui s'a-
vançaient jusque sur le bas Oder. Le 14 février Schill se porta sur U petite
ville de Naugard, où il s'établit avec sa troupe. Le 16, il attaqua l'avant-
garde de la division Teulié; le général Bonfanti repoussa vivement ceUe
attaque et força Schill à se retirer sur Naugard. Les Prussiens avairat pris
une benne position et construit une redoute au jnilieu d'un marais; mais,
attaqués le tô par le gros de la division, la redoute fut emportée par les
ftisiliers de la garde. Chargé par la cavalerie, Schill perdit ses canons, plus
de 7.00 prisonniers , et laissa une centaine de morts sur le champ de bn-
Uille. 11 se retira, par Greifenberg et Neubrttck, à SeUnow, près de Col-
betg. Le général Teulié forma le blocus de cette place sur les deux rives de
4a Persante et s'empara Je 19 mars du village de Selinow , ce qui força les
GUBBBE D'ALLEMAGNE. 345
régimoit de hussards que commandait le major Schlll ftiinit
partie de la gamiton de Berlin depuis le mois de décembre 1 808.
Pendant son séjour dans cette capitale, SdilU , entouré d'une
Jeunesse exaltée et enthousiaste, de ce que Ton appelait alors
. les tlhtminés, prit une part active à la formation de la secte du
Tugenhund. Cette société secrète ^ qui vouait une haine impla-
cable à Napoléon , n'attendait qu'une occasion favorable dont
la Prusse profiterait pour se déclarer de nouveau contre le do-
minateur de l'Allemagne. Cette occasion parut enfin se présenter
en avril 1809, lors de la déclaration de guerre de l'Autriche.
Mais l'épuisement de la Prusse commandait alors une politique
trop circonspecte pour que le gouYcmement adoptât les idées
de ce parti> qui , comptant sur le mécontentement général en
Allemagne, prétendait que, malgré la conviction .qu'elle avait
de sa fidblesse, la Prusse devait prendre une part active à cette
guerre. Schill se montrait un des plus zélés promoteurs de ces
idées exaltées. Il avait alors trente*six ans; il était sans ins-
truction , sans grands talents militaires^ n'ayant pas même , au
dire de ceux qui l'ont connu particulièrement, la capacité d'un
bon chef de partisans; mais il était très-brave et d'une audace
extraordinaire. Quelque temps auparavant, il avait été invité
et même sommé par les paysans de plusieurs communes du
comté de Ravensberg de les aider dans l'insurrection qu'ils
méditaient. H savait qu'un semblable mouvement était préparé
dans la Hesse par le colonel Dômberg , et qu'un sourd mécon-
tentement fermentait dans tout le royaume de Westpbalie. De*^
KônigBlierg même, où résidait encore la cour de Prusse, Il re-
cevait des communications indirectes qui insinuaient que le mo-
ment était venu de tenter quelque chose de décisif. Sans plus
9
troapes de Schill à gagner le bois de Maikulile, situé à l^embouchure et sur
la rive gauche de la Persante; elles y restèrent pendant le siëge, dont le
maréebal Mortier ?lnt prendre le commandement dans les premien jonra
de mai , et; auquel nut fin la paix de Tilsitt. Le roi de Prusse, voulant i^
compenser les services de Schill, le promut au grade de major et foi-ma
de ses troupes un régiment de hussards dont Schill prit le commande-
ment. On verra, cinlessus, ce hardi partisan compromettre de brillants et
«lorieui antécédents dans nne folle et ridicule entreprise oui lui coAta
l^tie.
94A LIVBE S1XIÈMS«
1809. délibérer, Schili prit sur-le-champ son parti. Soos le prétexte de
Allemagne, ^^i^ mauoeavrer son régimeat, ii le fit sortir de Berlin le
38 ayrll et ne revint plus. Ce ne fut que sor le champ de ma*
nœuvre que, dans une chaleureuse allocution, il dévoila à ses
officiers le vrai motilde sa sortie de Berlin, motif auquel S. M.
ne refuserait pas son approbation tacite. Tous l'approuvèrent
sans restriction et même avec enthousiasme. Une compagnie
d'infanterie légère courut le rejoindre par des chemins dé*
tournés, et plusieurs offlciers en non activité vinrent se réunir
à lui. Sans plus tarder, SchiU se mit en marche vers l'Ëlbe ,
prit, par Briick et Niemeck, la direction de Wittenberg, et
arriva le l^*" mai devant cette place, qui n*avait pour garnison
qu'un dépôt de troupea saxonnes et qui renfermait plusieurs»
millions dans ses caisses ainsi qu'un nombreux matériel d'ar-
tillerie de campagne. Le commandant de la place, instruit le
matin de bonne heure qu'un détachement de troupes prus-
siennes avait franchi la frontière^ s'était mis en défense, avait
luit remplird'eau les fossés, et refusa le passage à travers la ville ;
U permit seulement aux Prussiens de longer le glacis jusqu'au
pont de TEIbe , ce que, sans cette permission, ils n'auraient pu
obtenir qu'au prix d'une perte d'hommes qui aurait peut-^re
été fort considérable., Cette froide réception prouva à Schill
quil ne Ihllait pas compter sur l'appui des Saxons. Il se di^
figea de là sur Dessau, Kôthen et Bernburg, où il apprit, le 4 mai>
cpie rinsorreetlon des Qessois avait été comprimée et que Na-
poléon avait déjà battu et dispersé l'armée autrichienne à Tann ^
Abensbei^, £^;mnhl et RatisbcMHie. Cette dernière nouvelle
le consterna et ébranla fbrtement la confiance qu'il avait con-^
servée jusqu'alors. Sommé de s'expliquer sur une levée de bou^
cllers aussi inattendue, le gouvememenf prussien déclina sa
participation aux entreprises de Schill , le déclara déserteur et
proscrit. Il fallait cependant prendre un parti après s'être au-,
tant compromis. Le 4 mai SehiH assembla ses officiers à Bem-
burg , et leur demanda s'il convenait de repasser à la rive droite
de l'EIhe et de renoncer à l'entreprise. Cette ouverture donna
Ueu à de vives contestations : tout ne paraissait) pa&encore perdu
dans la Hesse; l'esprit public en Westpbalie offrait un vaste
champ aux espérances; le nord de T Allemagne paraissait aft^
O0£Ift8 I>*ALLBHA01IB. )47
franchi dttrùbpf s élraiigères, et le mMMBt semblait favorable im^
an eoones de partinâs ; TOsl-Frtee sortoat , pays riche et dV ^^'^'v***
boDdaatee resBonrees » poav^t être ftcUeoieot oecapé, et, qaoi<
qa'll pût arriver, assandt une retraite Jnaqu'è i{i mer ponr-
paaser en Angteterre. II fat donc résolu qu'on poursuivndt la
Le gouverneoBent westphallen. Informé par le général Ml-
éhaudy gouverneur de Magdeburg, de l'ineurslon de Schill, prit
saHe-duunp des mesures pour en arrêter les progrès. Le 1*^ ré-
giment de ligne westphalien partit en poste de Casse! pour Mag-
deburg« Sans s*ètre encore décidé pour aucun des partis proposés
dans le conseil tenu avec ses^ffiders, Schill se dirigea sur Borna.
A deux lieues de cette ville il arriva en présence d'un détacbement
que le général Michaud avait fait sortir de Magdeburg pour aller
en reconnaissance. Ce détachement se composait de deux com-
pagnies de voltigeurs firançais, commandées par le colonel Wau-
tliier, et de quatre compagnies de Westphaliens, conduites par le •
général Uslar, aide de camp du roi Jéréme, avec deux pièces de
canon. Le général Udar, arrivé au village de Dodendorf, au lieu
de s'y arrêter et de prendre position derrière le ruisseau maréca-
geux du Sûlsbach , s*avança sans précaution jusqu'au delà du
village y à la rencontre de la cavalerie de Schill. Le 5 les deux
troupes se tmuvèrent en présence. Schill essaya de parlementer
pour attirer à loi les soldats westphaliens; mais ses envoyés fu-
rent reçus par une décharge à bout portant de la part des volti-
geurs français , qui lear tua un officier. L'aide de camp du roi
Jérôme , qui ne s'aperçut pas de la ruse de Schill , or(k)Dna de
cesser le feu. Cen était fait des cinq compagnies de la garnison
de Magdeburg sans le courage et la présence d'esprit du oo*
lonel Wauthier, qui forma sur-le-champ ses compagnies en
carré , déclara au général Usiar qu'il ne le reconnaissait plus
pour chef, et fit commencer un feu roulant si iilen dirigé qu'il
obligea d'abord fennemi à reculer avec une perte considé-
rable. De leur côté les Westphaliens, suivant l'exemple des
Français, se formèrent en deux carrés. Schill, ne pouvant plus
reculer dans tes circonstances où il se trouvait, cliargea les
deux carrés westphaliens, qu'il enfonça, tandis que les Français
se retiraient en ordre sur Dodendorf, qu'ils occupèrent. Le oo-
1
348 LIVEE SiXIBEt.
tM». lonel Wauthîer fût blessé mortellement dans cette activa. Ln
AUtma^e. Westphaliens y laissèrent environ J 70 prisonniers et leur arlH^
lerie, qae l'ennemi ne put emmener. Ce stérile avantage coûta
cher à Sehill, qui perdit 9> ofUeiers et 70 hommes.
Immédiatement après oe combat , Sehlli, en décrivant mi
demi-cercle autour de Magdeburg, se porta sur Wanzleben, e(
de là , au lieu de continuer sa marche sur Brmiswlck » il se di-
rigea sur Tangermûnde et dans TÂltmark, où il tenta vainement
de soulever le peuple au moyen de proclamatioBS qui ne sédui-r
sirent personne. Dans les journées du 6 au 8 mai, il atteignit
par Neuhaldeusleben les environs de Stendal et d^Amebai^,
où il s'arrêta pendant six jours. Ce fut là qu'il apprit que le
gouvernement westphatten, par un manifeste affiché à Gassel,
le déclarait, lui et sa troupe, voleurs de grands chemins, pertur-
bateurs du repos publie, et mettait sa tète à prix, et qu'enfin le
gouvernement prussien avait décliné sa participation à son en-
treprise. Bien qu'il vit arriver de divers points de nombreux
renforts en cavalerie et en inianterie, Sehill ne pouvait plus se
feire iUusion sur sa position , qui de jour en jour devenait plus
précaire. Son intention était de se retirer à Dôraitz et de faire
de ce petit fort un poste assuré pour ses opérations ultérieures,
il y marcha en effet le 13, par Werden et Gardow , et, deux
jours après, un détachement qui descendit TElbe enleva ce
poste gardé par 60 soldats mecklenbourgeoia; mais» abandon-
nant bientôt ce premier plan , il résolut de gagner les côtes de
ta Baltiqtie pour se mettre en communication avec la flott^ an-
glaise. G*est alors qu'il se dirigea sur Stralsund. Il ne devait
pas éprouver l)eaucoup de résistance en se portant dans cette
direction ; car^ avec le faible contingent mecKlenbourgeois de
la Confédération rhénane, il ne se trouvait dans la Poméranie
suédoise qu'un escadron de lanciers polonais et une centaine
d'artilleurs français. Mais, d'un autre côté, une division west-
phalienne, aux ordres du général d'Albigoac, marchait sur Dô-.
mitz^ où Sehill avait laissé une garnison de 400 hommes, et le
général Gxatien , avec une division hollandaise, se dirigeait sur
\e hsA Elbe. Un corps danois qui était dans le Holstein, aux or^
dres du général Ewald, devait au;ssiprendrepart ^ cette gueicre
contre le major Scbill .
GUBBBB d'aLLBMAGNE. 249
Gelui-d marcha y du 18 au 20 mai, à Wisroar; deux jours 1809.
après, à Bostock, et le 24 à Damgarten. Le général Candras, ^'*^^sne.
gouverneur de la Poméranie suédoise, avait réj[>arU ses troupes
à Tribsees, Bichtenberg et Damgarten, où 700 hommes mal
armés et mal approvisionnés , avec deux pièces de canon , dé-
valait défendre le passage de la Recknitz, dont le pont avait été
rompu. C'est aussi ce qu'ils firent pendant quelques heures ;
mais une compagnie de Schill, ayant gagné la rive droite à
Freudenberg, parut inopinément sur le flanc de la troupe de
Gandras et la força à se retirer. Le pont fut rétabli sur-le-champ,
et cette troupe , poursuivie à outrance, fut forcée de déposer les
armes. Celles qui étaient à Tribsees et à Richtenberg se retirè-
rent jusqu'à la frontière prussienne avec le général Candras. Le
2&, le corps de Schill arriva à Straisund , occupé seulement par
150 canonniers français, qui, retranchés dans leur caserne, se
firent tuer jusqu'au dernier homme plutôt que de se rendre.
Sur-le-champ Schill fit élever des redoutes sur les ruines des
anciennes fortifications que le maréchal Brune avait fait dé-
molir; mais le développement des ouvrages de la place n'était
pas en rapport avec le petit nombre de leurs défenseurs, qui ne
dépassait pas 2,000 hommes. Diverses tentatives pour établir
des relations avec la flotte anglaise échouèrent, car elle avait
disparu de ces parages.
Dès le 20 mai , l'avant-garde de la colonne westphalienne du
général d'Albignac s'était montrée à la rive gauche de l'Elbe ,
en face de Domitz, et avait tenu depuis lors la garnison en ha-
leine. Le 24 le général westphalien fit traverser le fleuve à ses
troupes sous la protection de son artillerie et occupa le fort de
Dômitz, que les 400 hommes de Schill évacuèrent après une
vive résistance. Ils se retirèrent, presque sans perte, sur Rostock,
par Grabow, Kriwitz et Lùtzow, et s'embarquèrent le 27 à War-
nemûnde, à la nouvelle de l'approche de la division Gratien.
Celle-ci , qui venait de Lûneburg, passa l'Elbe le 23 à ZoUens-
piker, etmarchaà Ratzeburg, où elle fut jointe par 1 ,500 Danois.
Ce renfort porta à 7,000 hommes le corps expéditionnaire du
général Gratien , qui se dirigea immédiatement, par Wismar,
Rostock et Richtenberg , sur Stri^lsund , où il arriva le 3 1 mat •
ILvànt midi.
2*>0 LIVAB SIXliUE.
f80b. ^u ^^ ^^ '^ ^'''^ ferme, Stralsund, entouré des lacs
AUenugne. ^ûieper et Franken , n'est abordable que par trois digues : celle
du sud, qui conduit à la porte dite Fraokenthor ; celle de l'ouest,
qui conduit à la porte dite Tribseerthor , et celle du nord , qui
mène à la porte appelée Knieperthor. Les deux premières étaient
à Tabri d'un coup de main ; mais la dernière nécessitait encore
plusieurs jours de travail pour être mise en état de résister à
une attaque de vive force. Le gros de Tinfonterie de Schill oc-
cupait la porte de Knieper, où il s'attendait bien à être attaqué ;
la cavalerie était en réserve sur la place appelée Alten Markt.
Les dispositions prises par le général Gratien prouvèrent quMl
connaissait l'état de la place; car, tandis qu'un faible détache-
ment faisait des démonstrations au côté sud, un autre détache-
ment plus considérable attaqua la porte de Tribsees. Le reste
de la division, couvert, autant que possible, par quelques mou-
vements de terrain, s'avança le long de la côte, pour porter le
coup dédsif sur la porte de Knieper. Arrêtés pendant quelque
temps par le feu de douze pièces , 6,000 Hollandais et Danois
enlevèrent d'assaut les ouvrages encore imparfaits *de ee côté,
et pénétrèrent dans la ville malgré la plus vive résistance. On
se battit avec fureur dans les rues. La réserve de Schill, surprise
tout à coup par la cavalerie danoise, était aux prises avec elle
quand, instruit de ce qui se passait sur 1* Alten Markt, il ac-
courut de la porte de Knieper. C'est idors que commença un
combat à outrance. Schill était partout où la mêlée s'engageait
avec le plus d'opiniâtreté, et d'un coup de sabre renversa de son
cheval le général hollandais Carteret.Mais, blessé déjà plusieurs
fois, exténué et d'une p&leur mortelle, se tenant à peine à
cheval, il fut atteint, en se retirant par une rue latérale, de
plusieurs coups de feu qui le renversèrent. 11 fut achevé par
des chasseurs hollandais qui le taillèrent en pièces et le rendi-
rent méconnaissable. Environ 600 hommes de son corps res-
tèrent prisonniers, 16 officiers et 170 cavaliers s'onvrirent un
passage le sabre à la main , et parvinrent k gagner la frontière,
d'où le gouvernement prussien les fit interner. Les oflldcars fu-
rent cassés de leurs grades et enfermés, pour plus ou moins de
. temps, dans des forteresses. Ceux qui avaient été foits prison-
niers furent fusillés à Wesel au nombre de douze , et les soldats-
GUEBBB d'aLLBUâÔNE. 251
envoyés au bagne de Tovloo'. L'identité de Schlll fut difll- tm.
cilement constatée^ tant il était défiguré. Sa tête, conservée dans ^**™*"*'
de l'esprit de vin, fat envoyée à Gassel ; plus tard elle fut portée
en Hollande et placée dans un musée d'histoire naturelle de
Leyde, où elle se trouvait encore quinze ans après l'affaire
de Stralsund. La mort de Schlll dispersa le reste de ses parti-
sansy et dissipa les vives Inquiétudes que ce chef de bande avait
lait nattreen Saxe et en Westphalie.
II est vraisemblable que cette entreprise du major prussien
tenait à une vaste conspiration qui embrassait tout le nord de
l'Allemagne, et que sa maladresse fit avorter. Quoiqu'on n'ait
jamais eu de renseignements bien positife à cet égard , les es-
prits étaient montés, et l'on paraissait disposé sur beaucoup de
points à renoQveler, à l'égard des Français , la catastrophe des
vêpres siciliennes.
Les Hessols étaient, à la même époque, en pleine insurrec-
tion. Le tocsin sonnait dans un grand nombre de villages , et
20,000 paysans armés marchaient, dans différentes directions,
sur la ville de Gassel. Mais le général français Eblé , alors mi-
nistre de la guerre du roi de Westphalie , réussit , par ses sages
mesures et son activité, à étouffer ce mouvement avant qu'il
n'eût pris de grands développements. i^^^.^
JHverswn tentée par les Anglais pendant la guerre avec Juin -Juiiieu
l* Autriche; expédition du général Stuart sur les côtes du
royaume de Naples. -r On a vu dans la proclamation adres-
sée par l'archiduc Chartes aux peuples de la monarchie autri-
chienne, à l'ouverture de la campagne, qne la cour de Vienne
donnait à entendre qu'elle serait secondée dans cette nouvelle
hitte par Tune des grandes puissances de l'Europe * . C'était dé-
signer assex clairement TAngleterre, puisque la France se trou-
vait alors en paix avec les autres gouvernements. Toutefois,
l'arohiduc avait enveloppé d'un certain mystère cette déclara-
tion encourageante , soit parce que les bases de cette alliance
■ Ils farent mis en liberté au mois de mai 1814, après rabdication de
Napoléon, et rendus au roi de Prusse.
> « Bientôt des troupes étrangères se joindront à nous pour combattre
Tennenii commun. » (Voyez page 62. )
252 LIVBB SlXltaS.
n*étaient pas eooore arrêtées , soit peut-être» aiasi qu'oo Ta pensé
dans le temps, que le eabinet de Yieiwe Yoakkt laisser suppo-
ser que la coopération annoncée viendrait de la Russie ou de
la Prusse, bien plus en position l'une et rautre'-de secourir
rAutriche dans ses efforts amtre Napoléon.
Les événements ne tardèrent pas à démontrer que la Russie
et la Prusse ne prendraient point parti pour rAutricbe dans la
nouvelle guerre. L^empereur Alexandre, fidèle an traité^de
Tilsitt et aux conventions d'Ërfurtb, crut même devoir armer,
en faveur de son allié, l'empereur des Oançais, pour arrêter
Tinvasion du grand-duché de Varsovie par les troupes autri-
chiennes , et Ton vit le cabinet de SaintJames se préparer seul
à agir dans les intérêts de celui de Vienne.
Il fut arrêté entre les deux gouvernements que, tandis que
TAutriche mettrait en mouvement toutes ses forces en Allema-
gne, en Pologne et en Italie, pour combattre l'ennemi conunnn,
TAngleterre chercherait à diviser celles de la France en les at-
tirant à la fois sur les cêtes des royaumes de Naples et de Hol-
lande et des départements septentrionaux de l'empire, qu'elle
menacerait pas des armements formidables. Les deux cabinets
comptaient d'autant mieux sur le succès de ces diversions qœ
leurs agents , dans les pays dont nous parlons , leur avaient
encore exagéré les dispositions particulières des habitants, qu'ils
désignaient, en masse, comme impatients de secouer le joug
tyrannique imposé par Napoléon. En effet , au moment même
où l'alliance entre l'Autriche et l'Angleterre se renouait ainsi,
les deux provinces des Abruzses et de la Calabre, dans le
royaume de Naples, étaient de nouveau en insurrection contre
le roi Joachim Murât , et Ton pouvait croire avec quelque
raison que , si les mécontents se voyaient une fois assurés d'une
forte protection, ils auraient forcé l'empereur des Français à
distraire une grande partie des troupes sous les ordres du prince
vice-roi d'Italie pour maintenir son beau*frère sur le trêne
qu'il lui avait donné.
' On trouve dans le tome septième de la Correspondance inédite de Kapo^
léony imprimée chez C.-L.-F. Panckoncke, plosienrs lettres qui jettent im
grand jour sur les dispositions dn cabinet de Berlin àcette ^x>qae, et qui confir-
ment notre assertion. (Voyez p. 395 et snir., jusqu^à la p. 420 de oe^Toluine.>
GUBBIK D'ALLEMAGNE. 2&S
Les eEpénnees que âônoatt TexpédHioii projetée sar les côtes
de la ' II<^iande et à reiiii)oi]chiire de l'Escant étaient encore
phis positives : on savait qae la Hollande se plaignait haute-
ment d^étre soumise ao système prohibitif imposé par le mo-
narque français ; et, quoique la masse du peaple parût attachée
au roi qui la gouvernait avec une douceur exemplaire^ un
grand nombre d'habitants étaient disposés, par calcul, à se join-
dre au parti qui promettait de rétablir les bases de l'ancienne
prospérité nationale .
Le port d'Anvers et une partie des côtes du nord de la France
étaient sans défense ; presque toutes les places frontières étaient
désarmées et sans garnisons ; tous les dépôts étaient vides, et
il fallait un laps de temps assez considérable pour que le gou-
vernement français pût réunir les moyens de s'opposer aux pro-
grès d'une invasion vivement exécutée.
Ces considérations avaient décidé l'Angleterre à tenter les
deux expéditions dont nous parlons , et où elle trouvait d'ail-
leurs, pour elle-même, un avantage réel.
Le général Stuart, qui commandait les troupes que le cabi-
net de Saint-James n'avait point cessé d'entretenir en Sicile ,
autant pour la défense de cette lie que dans l'espoir de recon-
quérir un jour le royaume de Naples, eut ordre de se concerter
avec 1aTM>ur de Palerme pour les préparatifs de la première de
ces expéditions, tandis que le ministère britannique accélérait,
de son côté, l'armement destiné contre les côtes de la Hollande.
Rien ne fat négligé pour que celui-ci répondit à l'importance des
résultats qu'on en attendait. L'or, les hommes, les navires furent
prodigués ; mais, par une suite de cette espèce de fatalité qui sem-
blait s'attacher aux entreprises de ce genre tentées jusqu'alors
par la Grande-Bretagne, on va voir ces deux expéditions échouer
malgré toutes les mesures prises pour en assurer le succès.
Le général Stuart et le çommodore Martin employèrent plus
de quatre mois à foire leurs préparatifs en Sicile ; le roi Joachim
en fut informé ; longtemps avant que les Anglais fussent en
état d'agir, il connaissait déjà tout le secret de l'entreprise et
faisait ses dispositions pour la repousser. Les troupes françaises
stationnées dans le royaume de Naples, après avoir rétabli la
tranquillité dans la Calabre et dans les Abruzzes, eurent ordre
ItaUe
1
luUe,
254 LITBB SiXISHB.
1M0. de. se concentrer el de venir ooe«per les edtes ; d^ levées ex^
traordinaires furent ordonnée» et exéeatéce avec fignevr; on
établit plusieurs camps autour de la capitale, et le ro|i qui con-
naissait la guerre et qui l'avait faite avec dlstinetion» s'oceupa
du soin de donner à ses nouvelles troupes l'organisation et la
discipline ^ui assurent le sueoës des armes. Ami du faste et de
la représentation, Morat s*était déjà entouré d'une garde d'hon-
neur composée de tous les fils des plus riches seigneurs , pro-
priétaires et négociants de son royaume. La politique était entrée
aussi pour beaucoup dans la création de ce corps d'élite; le
roi avait voulu s'assurer des dispositions des personnages les
plus marquants entre ses sujets , et les fils étaient comme des
otages qui répondaient de la fidélité des-pères. Murât, entouré
de ces gardes» magnifiquement équipés, passait de fréquentes
revues , et cherchait, par l'appât des titres et des récompenses
militaires, à exciter l'ardeur des officiers et des soldats. En
même temps la plus grande activité régnait dans les^arsenauji
et dans les autres établissements militaires ; la capitale, deve-
nue le centre de tous les préparatifs de défense» paraissait une
ville de guerre. Il était difficile que le général Stuart pût sur-
prendre un adversaire qui se tenait aussi bien sur ses gardes.
L'expédition anglaise apparut enfin au commencement du
mois de juin y et les vigies napolitaines la signalèrent en pleine
n^er le 12. Lorsqu'elle arriva* en vue de Naples, la marine du
roi Joaclnm put facilement en i-econnattre la force. Elle était de
deux cents voiles, parmi lesquelles deux vaisseaux de ligne,
cinq frégates, plusieurs bricks et cutters, et un grand nombre
de chaloupes canonnières. Le surplus se composait de bâtiments
de transport, chargés de troupes, de clievaux, de munitions,
et de tout l'attirail d'un grand débarquement. L'armée d'ex-
pédition, forte de 16,000 combattants, était composée de
troupes anglaises et siciliennes, dans une proportion à peu près
égale. 11 y avait en outre un grand nombre d'officiers isolés et
à la suite, qui, tous brevetés par le roi Feixiinand , devaient ,
aussitôt après le débarquement, s'occuper d'enrégimenter les
habitants, qu'on supposait prêts à se lever en foule à l'appari-
tion de la flotte. Le gouvernement britannique avait même fait
confectionner vingt mille habits pour cette milice future.
lUHe.
GIIEBBB d'ALLSMAONB. 355
Uamiral anglais longea d'abord la c6te de Calàbre, eherchant imo.
an poini fiivorable pour te débarquement, et épiant les signaux
Gonvenusqul devaient lui être feits de l'intérieur du pays ; mais le
général de division Partonneanx, quicommandaitdans œtte par-
tie, avait su prendre des précautions si sévères et si bien oonœr-
tées qu'aneun mécontent n'osa remuer. Quelques débarquements
partiels , opérés par les bâtiments légers de la flotte» n'obtin-
rent aucun résultat , et fèrent tous rqwussés avec perte par les
postes français disposés sur la côte . Ces débarquements avaient,
au reste , pour but principal, de répandre dans le pays des pre-
damatioDS incendiaires, qui furent presque toutes ramassées
par les patrouilles fhinco-napolitaines. Enfin la flotte, après
avoir louvoyé pendant dix Jours , se rabattit tout à coup sur
la petite fie d'Isehia, à quelques milles de Naples, et parut vou-
loir y opérer un débarquement. Le 25 Juin , au moment où
Pavant-garde de la flotte ennemie s'avançait dans le canal ,
entre l'Ile d'Ischia et celle de Procida , plusieurs chaloupes ca<»
nonnières de la marine napolitaine, soutenues par une corvette
et par la frégate la Cérès, commandée par le capitaine Bauzan,
se détachèrent de la côte pour reconoattre ces i>étiments; mais
elles furent bientôt entourées par des forces supérieures. L^action
s'engagea à neuf heures du matin , et la flottille napolitaine
soutint pendant longtemps avec avantage le fëu très-violent
des Anglais. Une de leurs frégates fût tellement endommagée
qu'elle se vit forcée de prendre le large. Les bâtiments napo-
litains réussirent à se dégager et à se mettre sous la protection
des batteries de Poz2uolo et de Baja.
La corvette et la frégate, ayant reçu du roi Joachim l'ordre
de rentrer dans le port de Naples, remirent bientôt à la voile,
et, trompant, par des manœuvres hardies, la vigilance de l'en-
nemi , elles traversèrent une partie de l'escadre et gagnèrent
le large pour se diriger ensuite sur Naples. La corvette napoli-
taine , meilleure voilière , précédait la frégate , qui suivait plus
lentement; ces deux bâtiments furent joints par une frégate,
une corvette et dix-huit canonnières portant du 24 , et deux
galiotes. Un nouvel engagement eut lieu, à quatre heures et
demie du soir, à la pointe de Pausilippe et en présence de toute
la population de Naples. Le vent étant venu à manquer,' les
7
Italie.
250 LivBE sixièm*
4ft». Anglais tentèrent de prendre les Napolitains à Tabordage ; mais
œux-d se défendirent avee la plus grande résolution, et, après
trois heures de combat dans une position désavantageuse, la fré-
gate et la corvette ^ criblées de coups de canon et presque dé-
semparées, parvinrent cependant à entrer dans le port de Na-
pies, aux cris répétérde vivent le roi Joachim et l'empereur
Napoléon I Murât, qui n'avait point quitté le fort de rUovo
(l'Œuf) pendant toute l'action, descendit au port, se fit con-
duire à bord de la frégate , et combla d'éloges et de récom-
penses les marins qui venaient de soutenir si glorieusement
rhonneur de son pavillon. L'une des frégates ennemies avait
été mise hors de combat , et le capitaine avait eu le bras droit
emporté par un boulet. Ce succès, car c'en était un d'avoir
i*ési8té à des forces aussi supérieures, coûta à la marine napo*
litaine 60 hommes tués et près de. 120 blessés.
Sur ces entrefiaites , les troupes anglo-siciliennes débarquè-
rent dans l'Ile de Procida et s'en emparèrent sans coup férir.
Le lendemain 26, une division de trente chaloupes canonnières
napolitaines, revenant de Gaête à Naples, suivant Tordre qu'elles
en avaient reçu, parurent dans le canal qui sépare Tile de Pro-
cida de celle d'fschia. Ces chaloupes, ne pouvant plus être pro^
tégées par les batteries basses de Procida, dont le feu se croise
avec celui de terre ferme de Meliscola et du cap Misène, se trou-
vèrent entourées par les bâtiments ennemis. Le combat s'enga-
gea dès quatre heures du matin. Les Napolitains se défendirent
avec un courage égal à celui que leurs camarades avaient dé-
ployé la veille devant Naples. Un brick anglais fut brûlé par
la batterie de Meliscola, une canonnière anglaise fût coulée bas
et plusieurs autres très-endommagées; mais bientôt six cha-
loupes napolitaines sombrèrent sous la bordée des vaisseaux
ennemis , trois furent incendiées , et cinq obligées de s'échouer
sur la côte ; les seize autres rentrèrent glorieusement dans le
port.
A la suite de ce combat, les Anglo-Siciliens opérèrent un
nouveau débarquement dans l'île d'Ischia. Six mille hommes
prirent terre entre huit et neuf heures du matin , et n'eurent
pas de peine à contraindre la faible garnison qui gardait les
batteries de Tlle à se réfugier dans le fort du château , qui fut
\t\yeM sôr-le-champ. Le commandant napolitain » généra! Co* ibm.
lonna , sommé d'ouvrir ses portes , répondit qu'il se défendrail^ "^''''
jQ^u'à la dernière extrémité*
Quelques fours après , le générai Stuart , informé que quel^
ques démonitrations faites par ses ordres dans le golfe de ¥c^U
Castro avaient attiré sur.ee point le général Partouneaux avec
une grande partie des forces qu'il avait à sa disposition, résolut
de tenter un troisième débarquement aux environs de Scylla
Les troupes qui y furent envoyées abordèrent sans résistance,
et déjà elles se préparaient à attaquer le fort de Scylla lorsque
te général Partouneaux accourut brusquement du point on il
s'était d'abord porté , ailn de s'opposer à cette nouvelle entre*
.prise. Les Anglo-Siciliens, ne se croyant pas assez nombreux
pour résister à cet adversaire , se rembarquèrent avec tant de
précipitation qu'ils abandonnèrent sur le rivage tout leur at-
-Urall de siège» tine grande quantité de projectiles^ des muni-
tions, des tonneaux de biscuit et de viande salée, etc. Deux
cents cavaliers anglais, détachés dans Tintérieur des terres,
furent coupés et faits prisonniers par le général Gavaignac.
L'occupation des lies de Prôdda et d'fscbia et la tentative
sur Scylla furent à peu près les seules opérations du général
Stuart. Depuis le 1^ jusqu'au 32 juillet, la flotte anglaise con*
tinua à croiser sur les c6tes du royaume de Naples et tint en
haleine les troupes chargées de les défendre. De temps à. autre
elle faisait des démonstrations de débarquement, qui se bornaient
toujours à jeter sur le rivage quelques-uns de ces bandits ou
gens sans aveu qui s'étaient signalés dans les campagnes pré-
cédentes par leurs brigandages, par la dévastation des propriétés
et par des assassinats partiels. On sait que l'emploi de ces moyens
auxiliaires était familier au gouvernement sicilien, et que les
Anglais s'y prêtaient avec complaisance'. Ces misérables ^ ainsi
débarqués sur les côtes de la Calabre, s'occupaient bien mieux
de iéur ancien métier de voleurs ou de sicaires que d'accroître
le nombre des partisans du roi Ferdinand, Ils ne réussirent qu'à
rassembler quelques hommes de leur trempe, et les excès com-
mis par cette association de brigands furent plus favorables aux
intérêts du roi Joaehim que ne l'auraient été quelques milliers
de soldats de plus dans son armée. Ils inspirèrent ai;x habitants
X. 47
^ÙÈ LIVBH SI1XIÈVS.
«m. pi^i^iUes tm grand élolgriëinént pour le retour de l'abdeDiiedy^
^^^' basUlè et vn attachement née! pour le nouveau gouTemeiiieiit»
qui s'étudiait à rétablir partout Tordre et la tranquilUté,. et à
protéger constamment les personnes et les proiMîétés. Les An-
glais eux-mêmes finirent par être honteux de la conduite atroce
de ces indignes agents d'insurrection. Le général Stnart et le
Commodore Martin se crurent obligés de publier une proclama-
tion pour les désavouer*.
Enfin , le 22 Juillet, le général Stuart^ désespérant de pou-
V<rfr atteindre le but de Texpéditlon, se décida à retourner en
Sicile. Les troupes anglo-sldliennes évacuèrent les lies de Pnn
cida et d'Ischia , et le 24 » à cinq heures du matin , quatre fré*
gâtes protjégeaient les dernières embarcations. Le 26 , la ville
de Naples perdit entièrement de vue cette flotte de deux cents
voilés, dont la première apparition avait d'abord causé beaueoiïp
d'inquiétude. Ce même Jour, des dépotations des deux lies viih
rent confirmer l'entière évacuation de l'ennemL Le général Co*
tonna, commandant le château d*iscliia, avait conservé oe poste
intact,
La retraite inopinée des Anglo-Sicîliens, cette détermination
prise de renoncer si promptement à une entreprise dont les
préparatifs avaient exigé tant de frais, et sur laquelle les deux
cours de Londres et de Paleme avaient fondé de si grandes es-
pérances, paraissent avoir été amenées par deux causes prin-
cipales. D'abord, il est de fait (et tout avait été calculé dans
cette supposition ) que l'on comptait puissamment sur le sou-
lèvement des provinces, et nulle part il n'y eut d'insurrection ;
partout , au contraire, les habitants s'étaient joints aux troupes
de ligne pour s'opposer à toute tentative de descente. En second
lieu, les Anglais ne pouvaient se maintenir dans les deux Iles
de Prodda et d'Ischia qu'en j formant des magasins de yiyres
considérables, tant pour les troupes que pour les habitants, qui
n'avaient pas même d'eau douce. Il fallait faire venir ces vi-
vres et cette eau de la Sicile, et les distances rendaient les ap*
' Ils ivaient un meilleur moyen de coufrir leur Uonneur: c^étaît de ne
l>as se charger du débarquement de ces hommes. Lear rrfusvût démontré
bien plus évidemment à lii^urope que la loyale nation aaglaiiè dédaignait
le secours maciiiavélique de Toieurs et d^asaaMins de profession.
6UKRBB D>U.IMÀGKB. 3S9
proYisiôADcmefito difficiles. Une maladie ëpIdéfniqQe 8*était» itm.
d'atileo», maaifetlée rar la flotte et exerçait de grands rava- '^''^' .
ges parmi les équipages. Cette dernière circonstance contribua
peut-être j^us que les autres motiilB à faire abandonner une
entreprise qu'il aurait fallu brusquer pour obtenir le succès
désiré.
Expédiiion du général lord Chùiam à fembauehure de Hollande
r Escaut et dan» Vile de Walcheren. — An moment où Tex- Août-sq^u
pédltion dirigée contre le royaume de Ifaplesse terminait sans
autre résultat pour les Anglais que la honte de Ta voir entre*
prise, celle qu'ils avaient projetée sur les côtes de la Hollande,
vers l'embouchure de TEscaut» allait commencer. Croyant, ainsi
que nous Tavons dit , à l'existence d'un parti nombreux dans
le provinces bataves, le ministèro britannique ne doutait p<rint
qu'avec cet appui il ne parvint à renverser te gouvernement
du frère de Napoléon. Une attaque contre Anvers promettait
d'ailleurs à l'Angleterre un succès qui était dans son intérêt
beaucoup pins que dans celui des alliés, et la destruction de
ce beau port, principal chantier et arsenal de la marine fran-
çaise dans le Nord, paraissait, aux yeux des ministres de cette
puissance, le moyen le plus prompt et le plus certain d'opérer
une diversion utile en faveur de l'armée autrichienne , déjà
battue dès l'ouverture de la campagne.
Trente-cinq mille hommes furent destinés à cette expé-
dition, sous les ordres de lord Chatam'; l'amiral Strachan
commandait les forces de mer, qui consistaient en vingt-deux
vaisseaux de ligne, cent vingt autres bâtiments de guerre de
différentes grandeurs , et plus de quatre cents transports. Cet
armement , auquel on travaillait depuis le commencement du
mois de mai, ne fut prêt qu'à la fin de Juillet, à l'époque où
Ton connaissait déjà à Londres le résultat de la bataille de
Wagram. Le plan du cabinet de Saint James perdait dès lors
son importance; le but en était même manqué, puisque Teffet
moral de la victoire obtenue, par Napoléon, le 6 Juillet, devait •
être et était en effet d'interdire aux Hollandais et aux Belges
■ Frère aîné du ftmeax miaistre Pitt L'expédttioïKle l'Escaut a proeuvé
à œ général, jusqu'alors peu connu» une Irisie célébrité.
IT.
1
260 L1YA£ SIXIBMB.
laoo. toute coopération avec les ennemis de la France. Il n'y avait
r^S^^w. P^^ 4^'^ tenter un oonp de main sur Anvers. La prudence et
la politique couseiHaient de désarmer; mais Vorgueii britanni-
que se refusa à cette démarche, et l'expédition sur le bas-
Escaut eut lieu. Ainsi détournée de sa destination primitive,
Tarmée anglaise devenait, à la vérité, une troupe formidable
d*incendiaireg qui devait servir à appuyer les batteries de fu-
sées à la Con^rève; mais elle a*en avait pas moins de grands
obstacles à vaincre : pour agir, elle manquait de temps et
d'espace.
Une opinion qui doit ôtre constamment populaire en France,
c*est que les Anglais seuls, quel que soit leur nombre, ne peu-
vent se maintenir sur son sol : il se soulève pour les repousser.
Convaincu de cette vérité, le caUnet de Saint-James avait pris,
toutefois, une enUère confiance dans les sentiments des Belges,
qu'il supposait mécontents du joug firauçais. 11 ne pensait nul-
lement à un siège régulier d'Anvers, place du premier rang,
et par conséquent il n'en avait pas mis les moyens à la dispo-
sition de lord Chatam , le plus temperiseur des généraux de
i'armée biitannique. Un commencement d'exécution a prouvé
que le projet consistait à- refouler dans TËseaut Tescadre fran-
çaise mouillée À Tembouchure de ce fleuve, au sud'^t du banc
appelé le Caloot, à l'atteindre en la poursuivant jusque devant
Anvers, et à ramener sous les batteries de l'armée de terre ,
maltresse des deux rives. L*escadre détruite, on débarquait sur
les quais de la ville , situés eutièreroent sur la rive droite ; on
incendiait les cbantters, les arsenaux, les casernes, le bagne,
les magasins; on fidsait sauter les cales, les écluses et les for-
tifications; on essayait de porter le peuple à la révolte; on in-
troduisait une immense quantité de produits coloniaux et ma-
nufacturés ; enfin, à rapproche des Français, on se retirait dans
nie de Sud-Beveland, ensuite dans celle de Walcheren, oti
10,000 hommes, et, au besoin, des troupes plus nombreuses ,
devaient faire le siège de Flessingue.
Ce projet était basé sur l'occupation immédiate : t*^ du sas
de Gand, qui couvre le pays d'Axel ; 2° de la redoute de Bathz,
à Textrémité orientale de Tilede Sud-Beveland ; a^ des forts
de Lillo et de LIeflienshoeck, construits à douze cents mètres et
GUEBBB d'ALLBXAGNE. 261
«B fiice l'on de Tautre, à deux Keoes et demie au-dessous d'An- nwg.
ven; 4" do fort dit la Téie de Flandre, qui protège renibar-en£^t|Jqli^
cadère de eette place (Anvers), sur la rive gauche. Tous ces
postes, à peine gardés et mal entretenus, pouvaient^ en quel-
ques Jours» être mis par les Anglais à Tabri d'insultes en
débarquant une partie des hommes et de l'armement de la
flottille. Mais une ehance à peu prèsxsertaine de revers, que les
marins anglais, d'ailleurs si expérimentés, n'avaient pas caU
culée, était, pour leur escadre, une navigation de vingt lieues»
en un temps donné, sur un fleuve dont le chenal sinueux, que
les bouées n'auraient plus balisé, a souvent moins de six cents
mètres de largeur, et peut matériellement être rendu imprati-
cable entre les deux forts Liefkenshoeck et Ullo.
Une résolution ferme et prompte était l'unique moyen do
diminuer le danger qu'offraient les difficultés que nous venons
de décrire. Au lieu de remonter lentement les bords de l'Escaut
comme le général anglais le flt^ il devait, par une marche ra-
pide et par l'attaque de vive force du fort Liefkenshoeck et
de la Téie de Flandre, prévenir la retraite de l'escadre fran-^
çaise devant Anvers; celle«i eût perdu alors ^ un des points de
sa ligne de défense, et ne pouvait plus tenir la position qu'on
loi laissa le loisir de fortifier. Dans ce cas seulement elle au«
rait eu tout à craindre de la poursuite de l'ennemi. Quelques
détails topographiques démontrerontencore mieux qu'il y avait
beaucoup de probabilités en faveur deFentreprise des Anglais.
Blankenbei^ est le point de la côte le plus convenablement
situé pour le débarquement d'un corps de troupes- destiné à
une invasion en Flandre . De ce point, une chaussée pavéeeon-
duit directement à Anvers; sa longueur est de vingt-six lieues
de poste; elle travo^e Bruges et Gand. Ces deux grandes vil-
les, alors chefs-lieux de départements riches et populeux» que
les impôts indirect» fatiguaient plus encore que la conscription^
auraient fourni peu de transièges; mais, en y prenant poste»
l'armée anglaise donnait à ses desseins une apparence de gran-
deur; elle employait à son usage les ressources de cette contrée
fertile, elle répandait momentanément l'inquiétude et la crainte
et paralysait le zèle de ceux des Belges qui» par intérêt, étaient
dévoués à la France.
t63 ' LITBB SIXifti&B.
laogi De la rade des Dunes à Blankcnbarg il y a viagt Hanaa; ca
et^BtlsTiittL ^M pottvidt être effectaé de maDière à ce que la flotte arilTàt
ao point da jour : le débarquement 8*opératt sans ooap ftrir,
et firages était immédiatement occupé* Des détachements de
troopes légères se dirigeaient aloro sur rÉdase, fort démantelé,
et sur le sas de Gand^ par Moldeghem et Gaprike ; une division
de 10 à 13)000 hommes marchait sur Courtray, avec ordre de
pousser des partis et de rester en comnaunication avec Gand
par la grande chaussée de Menin ; enfin le gros de Famée ar-
rivait, à marches forcées, sur la Tète de Flandre et LIefhens-»
hoeckf qu'il emportait d'emblée. Alors l'escadre anglaise parais-»
sait à Tembouchure de TEscaut, et pouvait commencer, avec
espoir de succès, ses opérations, qu'elle liait à celles de Tarmée
de terre. On se convaincrafiicilement, d'après la carte ci'^contre,
que ce but eût pu être atteint ( en ce qui concerne ritlnéraire )
soixante-douze heures après le débarquement effectué à Blan-*
kenberg*.
A la vérité, la Tète de Flandre et LIefkenshoeck » quoique
non revêtus, étaient des forts bastionnés, avec fossés remplis
d*eau ; le vaste dépôt d'Anvers permettait d'y Jeter, h la pre«
mière nouvelle de la descente des Anglais, une garnison sufQ-
sante, et d'en ébaucher l'armement; par conséquent le succès
de l'insulte, comme celui de toute action de vigueur, pouvait
être au moins incertain. En admettant cette hypothèse et une
autre plus défovorable encore, celle de plusieurs assauts re*
poussés , toujours est-il que la posltkm de Tennemi n'en deve-
nait pas plus critique qu'elle ne l'aurait été par suite du plan
qui fut adopté par les chefs de l'armée. Au contraire, ceux-d,
dans le projet dont nous parlons, avaient devant eux douze
ou quinze Jours dont ils pouvaient disposer pour causer de no-
tables dommages au port et à la ville d'Anvers, en établissant,
en amont et en aval de la Tête de Flandre, des batteries d'obo-*
siers et à la Congrève. Leur retraite était assurée, en temps
utile, dans les pays d'Axel et de Cadzand, faciles à défendre,
' Les généraux commandant les 16* et 24* divisions militaires dn ter-
iHoire fraaçais n'étaient point en immte , dans ce coart espace de temps,
d'organiser la moindre défense.
GUEOOB'O'ALLBIlAeilE. (69
OÙ les bavKs et iée criques de ki bouche oedctentale de rKs- lao».
€aut offrent des iiMqreos de rembarquement» entre Temeusf et^î£[!5j<[!fc.
et rÉctuse, sur on développement de douze lieues. Dans une
telle conjoncture, le gouvernement anglais, voyant ses espé*
rances déçues, aurait fidt sagement de rappeler ses troupes 9ur
son territoire, au Heu de les transporter dans Tlle de Walche-
ren ; il était de sa di^^ité de renoncer à son entreprise, au lieu
de s'aheurter à la prise de Flessingue, en cberchant rindemoité
d*un grand appareil et de ses frais énormes dans une conquête
à peu près inutile , et qyi, d*aillenrs , devait être clvèremenl
achetée.
A ce mouvement par Bruges et Gand , qui eût démontré de
la frandiise et de Taudaee» les Anglais préférèrent le débarque-
ment à Cadzand et le système d'une poursuite timide. Ils
avaient, à dix lieues sur leur droite, une chaussée pavée, et, ils
crurent qu'il vaudrait mienx suivre à travers champs des che-
mins vicinaux, entrecoupés de flaques, de digues et de marais.
Cette idée des généraux ennemis est d'autant plus inconceva-
ble que, pour parvenir à la Tête de Flandre, ils étaient forcés
de rejoindre la chaussée pavée à Beveren , à deux lieues d'An-
vers'.
Le 39 juillet, vers neuf heures du matin , Tavant-garde et
■ U est en effet bien étonnant qae les généraux et lea ingénienra anglais
•nrioat ne eonniiMent pas uiieox un pays si voisin de la Grande-Bretagne.
Une comparaison entre TexpédiUon de TEscaut et celle du Helder en
1799 se pi^sente Ici naturellement. Les Anglais, qui avaient des întellîgen-
ces sur la flotte hollandaise, qui leur fut livr^^e, débarquèrent k Kallants-
Oog, et concentrèrent leurs forces sur la digne du Zyp, qu'ils forlifièrent
par un grand nombre de Iwtterics. Sortis de leurs retranchemenls, ils pri-
rent possession d^Alkmaar, après la seconde affaire de Berghen , et, s^obsti-
nant à combattre entre la mer du nord et le Euyderaée, sur un terrain ré-
tréci, oii leur immense supériorité iramériquene leardoonaitanciiB avantage,
ils furent arrêtés à Castrkum, en avant de fieverwjrk. filetée dana leZyp,
Tarmée anglo-russe se trouvait, k la fia d'octobre, dans une sitoalkm près»
que désespérée , et, sans une capitulation peut-être trop généreusement ac^
cordée, elle se voyait à la veHIe de mettre bas les armes. Cependant, si
une division de cette armée eût opéré sa descente , non pas k Kallants**
Oog, mais sur la cAte comprise entre Maas-Sluyta et Scliiwenlngen , elle
serait entrée à La Haye, et, en deux Joors de marche, eUe «oraît tourné»
par Harlem, ces mêmes positions où les Bataves, fidèles à leur pays, et
~1
264 LtVBB SIXliMB, »
igo^, succes^vemeut toutes les divisioos d% la flotte anglaise furent
«oMciqiM. Bîgnalées aux généraux Monnet^ gouverneur de Fiessingue, et
Rousseau, commandant supérieur du paysdeCadzand, A midi
elles se rallièrent à quatre lieues dans Touest du banc CElboog^
à l'eiitrée de la passe dite le Deurloo; à trois heures, quatre
fk^ates et cent ti^ute autres voiles de transport vinrent ranger
la côte de Gadzand, à une demi-Jieue au large du SwarU-Pol'
der, et elles y mouillèrent. Cette {division portait les troupes
destinées à agir sur la rive gauche de TEscaut, sous les ordres
do général-major Huntley. Le restç de la flotte fit voile au
nord de l'Ile de Walcheren. Le général Rousseau expédia sur-
le-champ des estafettes au ministre de la guerre à Paris et aux
généraux commandant la 24' division militaire et les dépar-
tements de la Lys et de T Escaut. Son quartier général était à
Rreskens; il n*avait alors près de lui qu'une cohorte de garde
nationale soldée, forte de doo hommes ; mais il pouvait disposer
d'un régiment provisoire et d*un bataillon du 65^, qu'il tenait
casernes à Gand, afin de les préserver de Tinsalubrité du climat
de Gadzand et de cette partie de la côte. Des ordres furent don-
nés pour que ces troupes se dirigeassent à marches forcées,
par Ecloo et Ysendick, sur Grode.
Le pays de Gadzand ' n^avait point de sûreté ; un ingénieur
s'y était rendu au mois de juin pour projeter les grands travaux
qui depuis y ont été exécutés. Il avait à peine eu le temps, en
quarante jours, d^agrandir et de donner quelque consistance à
la principale batterie de côte, située sur les dunes, à un quart
de lieue et à l'ouest de fireskens. Ce point correspond au rem-
réunis à douze mille Français environ , triomphèrent de rennemi commun.
Ainsi, («s Anglais, si fiers de leur science militaire, ont prouvé deux
fois en dix ans qu^ils avaient encore beaucoup à apprendre. En Nord-Hol-
lande comme sur les bords de VEscaut, on retrouve cette défiance et cette
hésitation d'une armée insulaire , qui se croit compromise dès qu*elle perd
de vue les m&U de ses vaisseaux.
' C^est à tort que, dans des géographies françaises et étrangères , on dé-
signe ce pays comme une Ile; depuis i7&4 , il est joint an continent par les
digues de Biervliet et de^BakkersPolder. Un autre barrage a été construit
dans le Swin , à uue demi-lieue au-dessus de la ville de l'Écluse. Cette cons-
truction est de 1806.
GUEBRB D*ALLEliAGRE. 265
jpart dé Fiessiogue » dont il est éloigué de quatre mille sept 1M9.
cents mètres, distance qui mesure la plus petite largeur deTEs- etBei^^!^.
eaut. La batterie était armée de vingt canons sur affûts de côtes
et de six mortiers à longue poitée; quatre autres batteries étaient
ouvertes et moins fortement armées. Ysendick» petit fort hexa-
gone, en terre, dont le site est d'ailleurs avantageux, n*était.
point compris au nombre des postes de guerre; le terrain de
ses fortifications avait été aliéné en 1804.
Bans cette situation pi*écaire, le général Rousseau se porta
ao Svirarte-Polder ; il y reconnut la division ennemie, qui met-
tait ses chaloupes à la mer ; quelques bâtiments armés s'étaient
encore approchés de terre et lançaient des obus sur le rivage.
Il ne voyait aucune possibilité de s*opposer au débarquement,
qui, selon les apparences» devait être effectué le lendemain,
30 juillet, vers trois heures du matin, la marée étant favorable
h ce moment. 11 employa le reste de la journée à faire parader
ses 300 hommes de garde nationale dans la campagne , et si-
mula des mouvements dont Tobjet était de donner le change
sur le nombre de cette troupe. A l'entrée de la nuit, il jeta dans
la grande batterie deux compagnies, quarante canonniers de
ligue , et ce qull y avait de plus solide dans la compagnie de
gardes-cOtes. Il espérait, en prenant position avec le reste de
son monde près deGrode, tirer parti des moyens de chicane
qu'offre Je pays, pour maintenir sa communication avec les
secours qu'il attendait impatiemment. Mais il perdit bientôt
eet espoir; les soldats^ s'étant presque tous enivrés pendant la
nuit^ se débandèrent , et plusieurs poussèrent même l'infamie
jusqu'à briser leurs armes. Le général Rousseau passa quatre
heures dans la plus cruelle anxiété , entouré seulement de
quelques officiera. Enfin le jour parut, et, chose étonnante 1
on vit la flotte ennemie immobile. Dès cet instant le sort de
l'expédition fut irrévocablement fixé.
C'était déjà une faute capitale de n'avoir destiné que le tiers
de Tarmée à Tattaque de la rive gauche , parce que là était le
chemin d'Anvers; ce fut une seconde faute plus grave encore
de ne pas brusquer le débarquement ' .
^ i<ors de Tenquéte ordonnée à ce sujet par le parlement britannique , lé
366 LIVAB ilXltlU.
iw». Le S0, à midi» deux bataîHoos do 6^ réglaieot piDylaGire^
M BdISqiK. conduits par le major Gauthier, et le bataillon du 66^, sous k»
ordres du major LevaTasseor, arrivèrent à Grode. Ces brave»
gens y qui avaient fait, sans lialte, seixe lieues de poste» furent
placés y le 8*^ sur le développement de la côte, le 06^ en ré*
serve. Ces dispositioDS avaient été aperçues des liunes de la
flotte , et ce fut pour les chefs ennemis un nouveau prétexte
de différer le débarquement. Il paraît que le lendemain, SI , le
eonmiodore 0 weu et le générai Huntley , persuadés que les obs-
tacles se multiplîeraicDt dans le pays de Cadzaod , adressèrent
à ce sujet un rapport aux commandants en chef de terre et de
mer, et que , par suite , ils en reçurent Tordre de ne point at-
taquer la rive gauche. En effet , la division appareilla le l^** août
pour rejoindre farmée ; le sol de Templre français, qui, pendant
trois jours , avait été menacé , fût ainsi respecté. Le général
Rousseau laissa ses 2,000 hommes en position, et revint à
BreskenSy pour se mettre en communication avec le général
Monnet, gouverneur de Flessingue.
Napoléon , ne croyant pas le port d'Anvers assez profond
pour qu'on pût y armer des vaisseaux de haut bord, ou bien,
plutôt, voulant rester entièrement maître de l'embouchure de
TEscaut, avait, en 1807, forcé son frère Louis , roi de Hol-
lande , à céder, par un traité , le port de Flessingue à la France.
Cette place , regardée comme la plus forte de la Zeelande , est
située dans File de Walchercn , à treize lieues d'Anvers et au
point où le bras occidental de l'Kscaut se jette dans la mer du
Nord. Elle était devenue un arsenal supplémentaire où s'ar-
maient les vaisseaux construits à Anvers.
L'Ile de Walcheren , qui a quarante mille habitants etdou»
lieues de circonférence, renferme trois villes : au centre, Mid*
delburg, capitale de la Zeelande; à l'est, Vcere, petit poste mal
Commodore Owen , qui commandait la division devant la côte de Cadaand,
allégua, pour justiûer celte lenteur « peu lionorable pour la marine et Par-
mée anglaise : r la nécessité de réunir les péniches qu^ll avait demandées à
Pescadre, afin de jeter sur le rivage au moins trois mille hommes à la fois;
2» plusieurs autres circonstances nautiques. Cependant la mer était très-
belle et ne contrariait nullement la descente, qui s'efleetuait alors , de
l'autre partie de Parmée dans Pfle de Walcheren.
Ibrtifié, en fhoe de Tlie de M»i4fBevelaDd , sur le bras de mer im.
dit le Veere-Gat; mrad, FIttftingue» qui, avec unesone de^^JJSSÎÎS.
dix^buit cents m^res de rayon , appartenait À ia France^ comme
nous venons de le dire. An nord de File» en avant de dunes peu
élevées, se trouve une plage nommée le Bree-Zand^ qui pré*
sente les plus grandes facilités pour un débarquement. Sa forme
est celle d'un segment de cercle qui aurait six cents mètres de
flèche et deux cents mètres de cercle. Il y a partout^ à une petite
distance de ses bords , même à mer basse, trois» six et huit
brasses d*eau, en sorte que des frégates et des bricks, en se
plaçant aux extrémités de la corde, flanquent de leurs feux un
espace sur lequel 6,000 hommes peuvent être rangés en ba-
taille. La proximité des dunes, auxquelles cette plage se rnt-*
tache, permet en outre à Fassaillant de tourner la droite et la
gauche des troupes chargées de la défense de la côte. Ce fut sur
le Bree-Zand que les Anglais prirent terre, le 30 juillet au
matin.
Nous avons dit que, dès le 39, entre huit et neuf heures du
matin , les vigies de l'Ile de Walcheren , comme celles de la rive
gauche de TEseant , avaient signalé l'apparition de la flotte en*
nemie. Le général Monnet, qui était alors à Middelburg, or*
donna au général de brigade Osten de se porter sur^lenihamp
au camp de West-Gappelle et d*y faire des dispositions pour
empêcher le débarquement.
Les troupes françaises chargées de ia défense de Tile , et Ibr-
mant la garnison de Flessingue , se composaient du t^' foataiU
Ion colonial, du i*^ bataillon irlandais, d'un Imtaillon dit des
déserteurs rentrés» enfin d'un régiment étranger, désigné
sous le nom de 1*^' régiment de Prusse, de trois bataillons,
et fort de 1^300 hommes, dont quelques-uns désertèrent dès
lés premiers coups de Aisil. Il y avait en outre un détachement
de canonniers français et trois compagnies d'artillerie hol«
landaise, exercées et animées d'un bon esprit.
Le général Osten , né en Belgique , et l'un des bons officiers
de l'armée française, ayant réuni trois bataillons, qui présen-
taientun total de 1 ,200 combattants, s'avança avec eux et quatre
pièces de canon sur le Bree-Zand,; mais il ne put empêcher les
Anglais de débarquer au nombre de I5 à 1 8,000 hommes, soas
1
368 LIVBI SIXlèHI»
1109. les ordres da lieutenant général sir David Dundas. Toutefob »
«i Bdsiqvâ. H défendit le terrain pied à pied et tiia beouceup de monde à
l'ennemi. Se voyant débordé à la fols par la chaussée de Veere
et le chemin pavé de Serooskercke, il se retira d*abord sur
Middelburg, et pins tard sons Flesslngue, où il était rendu l€
81 Juillet au soir. Le général-major hollandais Bruce, qui
commandait pour le roi Louis enZeelande» était à Veere avce
une faible garnison ; il abandonna ce poste à rapproche d*une
colonne ennemie, pour se porter an fort de Bathz. Les Anglais,
maîtres de Veere, firent entrer leor flottille dans leVeere-Gat et
dans le Sloe. INx vaisseaux de ligne français ftdsant partie de la
flotte d*Ânvers > sous les ordres du viee^amiral Burgues-Mis-
siessy , étaient stationnés aux deux embouchures de l'Escaut.
Ces bâtiments y en se retirant à l'approche des voiles ennemies »
leur enseignèrent les passes dangereuses d*un fleuve qui coale
sur un fond sablonneux et mouvant. Le 30 , a la marée du soir,
six des vaisseaux français avaient dépassé Testacade : c'étaient
ie Pttltusk, TAnversoiiy le Commerce de Lyon , leDanizig,
le Dalmate et le Duguesclin; le Charlemagne eât pu en faire
autant, mais V Albanais y le César et la Ville de Berlin^
ayant été obligés de mouiller entre Bathz et Waerden , Tamiral
Missiessy préféra de rester dans Test de l'estacade , afin de pou-
voir toujours conserver en vue ces quatre vaisseaux et leur
porter des secours s*fls en avaient besoin.
Le l^** août, le général Rousseau , prévoyant la position dif*
ficile dans laquelle Flessingue allait se trouver, profita d'un
vent du sud pour y envoyer, sur les péniches qu'il avait à Bres-
kens, le bataillon du 65^ régiment, sous la conduite du com-
mandant Bousmard. La traversée ftat courte; ce bataillon , dé-
bris du régiment qui s'était couvert de gloire à Rattsbenne , fut
placé , à trois heures du. soir, en avant du faubourg du Vieux-
Flessingue, à six cents mètres de la place, où il releva les
troupes du général Osten, qui combattaient, depuis le matin,
à découvert et corps à corps, contre les soldats anglais, bien
supérieurs en nombre. Avant la fin du jour, le 85^, fort de
< Presque tous ces vaisaesni avaient été construits sur les chanlio^
d*AiiTcrs.
OUMRB D^ALLnfAORB. 269
ISDO hommis à peu près, en eut 150 hors de eomoat. Ce ison
système de défense, qu'adopta le général Monnet et qn'il etMigiqw'
suivit constamment, était déplorable; car, trop faible pour
vaincre les masses ennemies , il n'atteignit aucun but «n sacri-^
fiant ainsi Félite de la garnison , et ne retarda pas d'un instant
rétablissement des batteries.
Le chef de bataillon du génie Gnilley % employé dans le
pays de Cadzand, s'était rendu à Flessingue en même temps
que le 65^; il avait ordre de conférer avec le général Monnet,
d'observer les progrès des troupes ennemies employées'au siège,
et de rendre compte des ressources de la place.
Le 2 ; les Anglais débarquèrent dans Tile de Sud-Beveland
et occupèrent la petite ville de Goes , qui en est le chef-lieu. Le
général Bruce, retiré, comme nous Tavons dit, au fort de
Batbz, révacna sans tirer un seul coup de canon, et mit tant
de précipitation dans sa retraite qu'une petite reconnaissance
envoyée par l'amiral Missiessy , trouvant les canons encore sur
leurs affûts , eut le temps de les jeter dans les fossés pour les
soustraire aux Anglais. Une patrouille de 30 hommes, que le
général ennemi , Hope» avait envoyée uniquement pour re-
connaître la plage méridionale de l'Ile , prit possession du fort
abandonné. Le général Bruce, après cet acte de lâcheté, osa
se présenter devant Berg-op-Zoom et demanda à y entrer;
mais le général français Tarayre, alors au service de Hollande
et gouverneur de cette place , refusa d'ouvrir ses portes au gé-
néral fugitif.
L^occupation du fort de Bathz par l'ennemi était d'autant
plus fâcheuse que la sûreté de la flotte française se trouvait
par là compromise. En effet, les batteries de Bathz pouvaient
seules empêcher la communication de la branche occidentale dé
l'Escaut, ou étaient les vaisseaux Aranfai^, avec la branche
orientale, que tenaient les bâtiments eni^mis. Cette même oc-
cupation assurait aux Anglais la possession de la baie de Saef-
' Cet officier, aoqnel nous devons une partie des détails de cette reCa*
tion, rendit d'importants services pendant la campagne de Walcberea, et
fot toujours honorablement cité dans les rapports officiels. C*e&t à lui que
le royaume des pays-Bas doit les beaux ouvrages de fortifications de Bres-
kens et du pays de Cadzand.
1
S70 L1TBI SlXltlfV.
tfl09. tingen, seul mouillage dans le fleuve, près d'Anvns,
etDâsSiÎMb ^'^^^^ ^^^ ^'^^ P'** y rassembler de grandes forces de mer,
hors de la portée des batteries de la rive opposée. Uemiemi poa*
vait, en outre ^ sous la protection de Bathz, passer le canal qui
sépare Sud-Beveland du continent, et arriver par terre en très*
peu d'heures sous les murs d'Anvers : fort heureusement les
Anglais ne tentèrent point ce moyen d'attaque. La place d'An-
vers, mal défendue et paralysée dans un premier moment d'é*
pouvante, eût pu céder facilement à des efforts brusques.
Cependant les gouvernements français et hollandais venaient
d'être prévenus de la soudaine apparition des Anglais sur les
côtes de la Zeelande. Le roi de Hollande en fut Informé le
1 "^ août à Aix-la-Chapelle , où il se trouvait alors , et partit aus-
sitôt pour Amsterdam , afin de prendre les mesures que les
circonstances exigeaient. D'Aix-la-Chapelle même, des cour-
riers furent expédiés aux généraux commandant les divisions
militaires françaises 34* et 16', pour qu'ils dirigeassent en
toute hâte sur Anvers les troupes et les dépôts dont ils pou-
vaient disposer.
Le 8, au retour du chef de bataillon du génie Guilley à
Breskens , le général Rousseau adressa au ministre de la guerre,
H. Clarke , un premier rapport qui Axa les idées sur la nature
et les résultats probables de l'expédition eunemie. Le 4 , il fit
passer à Flessingue les deux bataillons du 8® régiment provi-
soire; les, un bataillon du 48% venu d'Anvers, et, le G, un
détachement de divers corps, fort de 240 hommes. Tous ces
passages réussirent, parce que la flotte anglaise, qui avait
débouché du Sloe, se tenait devant Ramekens , à remboucbure
du canal de MIddelburg, et ne s'était pas encore réunie aux
bâtiments stationnés à Touest et en aval de Flessingue; mais,
après le 6 août, cette réunion ayant eu h'eu pour achever le
blocus de Flessingue, toute communication devint impossible.
Les embarcations que Ton expédia tombèrent dans la ligne des
chaloupes anglaises , qui, pendant la nuit , croisaient à l'en-
trée du port.
Du 3 au 8 août, l'ennemi construisit des batteries devant la
place et retrancha sa ligne de contrevallation , pendant que
les troupes de la garnison , sous les ordres de l'infatigable gé-
OUBBRB D*ALLEMAGIVE. 271
néral Osten» cbntintiaieiit à Kvrer au dehors des combats meur- iws.
triers. Le rempart tirait sans interruption comme sans avantage etHei^t||aft«
sur tous les points où l*on remuait de la terre. La batterie en*-
nemie , qui , par son étendue et son commandement , devait le
plus inquiéter les assiégés, était établie sur la dune dite du
NoUcy au saillant de la digue de mer, en aval et à neuf cents
mètres de la place. Elle n'était point encore complètement
armée; mais le général Monnet , supposant au contraire qu'elle
était prête à Jouer, résolut de la faire enlever, et ordonna une
gi*ande sortie pour le 8 août au point du Jour. Flessingue
n*ayant ni chemin couvert ni ouvrages extérieurs, les troupes
iuréht rassemblées derrière les courtines; on déboucha par les
deux ponts Jetés sur le fossé qui entoure la place du côté de la
terre , et on fit une fausse attaqué sur la chaussée de Middel-
burg. Uennemi ne résista point a ce premier choc , ses avant-
postes furent surpris et passés au fil de Tépée; mais il découvrit
bientôt le but de la sortie : il porta au Noile ses meilleurs ba-
taillons et sa réserve y et là les Français (commandés par le
général Osten ) eurent à soutenir, contre des forces décuples ,
un combat opiniâtre et sanglant. Il était impossible d*emporter
la batterie ; on s*y acharna cependant , et quelques hommes par-
vinrent Jusqu'à l'épaulement , où ils se firent tuer. Enfin, après
des prodiges de valeur, il fallut songer à la retraite, qui deve*
liait difficile à une si grande distance de la place; elle s'ef-
fectua toutefois en bon ordre. Les Anglais poursuivirent à
peine I*arrière-garde ; quelques blessés seulement restèrent entre
leurs mains.
De leur aveu, leur perte s'éleva à 1,500 hommes; les Fran-
çais en eurent 800 hors de combat. Le bataillon du 48^ avait
été le plus maltraité; sa compagnie de grenadiers était détruite.
Cette affaire , brillante et malheureuse tout à la fois , devait
décourager les assiégés , dont le nombre diminuait chaque jour.
Les troupes n'avaient point compris d'abord pourquoi on les
lançait sans cesse contre la ligne ennemie ; plus tard , elles s'i-
maginèrent que l'entêtement que le général Monnet mettait
à renverser les travaux des batteries provenait de la crainte
dans laquelle il était de les voir commencer le feu , et, par suite
de cette réflexion, les ofllciers subaltemes princinalement les
272 LIYBB SIXIÀMB.
tfi09. étrangers , forent persuadés que la plaee par eUe-méme a*était
ctBeËljiie. P^' tenabie et que sa défense ne pourrait, être prolongée pen-
dant le bombardement.
Mais, avant de pousser plus loin le récit des opérations du
siège de Flessingue , nous devons faire connaître ce qui se pas-
sait dans le même temps sur le continent.
A la réception des premières dépèches du général Rousseau ,
le ministre de la guerre s*était hÂté d'informer Tempereur Na-
poléon , alors au cliftteau de Schônbrunn , de l'apparition de la
flotte britannique à Tembouchure de TEscaut; mais, comme la
^rconstance était trop critique pour attendre avant d*agir les
ordres du monarque, le comte de Hûnebourg (c'était alors le
nouveau titre du ministre Clarke ] , après avoir pris ceux du
prince archichancelier^ crut devoir s'occuper immédiatement
des mesures qui pouvaient accélérer la défense d'Anvers et des
autres points menacés. Tout ce qui se trouvait de disponibie en
troupes dans les dépôts et dans les places des départements du
nord fut dirigé sur Anvers. Les gardes nationales furent mises
en activité y et le général sénateur Rampon eut ordre de se
rendre à Anvers pour y commander en attendant que l'empe^
reur eût désigné un général en chef. Plusieurs détachements
de la garnison de Paris , des généraux , des officiers supérieurs
de toute arme, rappelés au service ou employés dans Tintérieur,
se rendirent en poste à la même destination.
Le roi de Hollande arriva le 12 à Anvers, amenant avec lui
un corps de 6,000 hommes, composé en partie de sa garde,
et qui prit poste aux environs de cette place.
A cette époque, environ 6 à 7,000 combattants français,
valides ou non valides, se réunissaient sous les ordres des gé-
néraux Rampon, Ghambarlhac et Dallemagne. Le mouvement
de ces troupes, qui couvraient toutes les routes, trompant les
espions de l'ennemi, ceux-ci firent des rapports exagérés, qui
contribuèrent sans doute beaucoup à rendre les Anglais encore
plus circonspects dans leurs opérations sur l'Escaut et sur le
continent.
Le 1 3 au matin, les Anglais démasquèrent devant Flessingue
six batteries, armées de quatorze mortiers, seize obusiers et dix
pièces de canon de 36, opposées aux batteriesdu i-empart dites le
BftHf
»P
GUEBBE VALLEHAOns. 279
Wiie-Maur^UPlatten-Dick.ljdîtxi fut entretenu pendant qua- hm.
rante-deax heures, Jusque vers le milieu de la nuit du 1 4 au 16. tnMgUim.
Une grande quantité de fusées à la Congrève faisaient partie
des projectiles de l*enneaii. Le général Monnet , ayant repoussé
la sommation qui lui Ait faite à ce moment, le feu recommença
dans la matinée du 1 5 avec la même vivadté de la part des as-
' ^géants, et trèshmollement du o6té de la place. L*incendie causé
' . par les fusées incendiaires s'était manifesté dans plusieurs quar-
tiers à la fois. Les canonniers étaient exténués de fatigue, et
ies affûts se trouvaient en grande partie hors de service. Enfin
les hostilités cessèrent tout à fait le 16, et la capitulation fut
signée dans la matinée, bien qu'elle porte la date du 15. La
garnison obtint les honneurs de la guerre, mais elle resta pri-
sonnière pour être conduite dans la Grande-Bretagne. Cette der-
nière condition , à laquelle les troupes françaises étaient bien
loin de s'attendre , leur causa une vive douleur, et elles mani-
festèrent la résolution de se défendre lorsqu'elles connurent leur
sort; mais il n'était plus temps : déjà les Anglais occupaient
les portes. 4,000 hommes mirent bas les armes et furent
conduits à Yeere pour y être embarqués immédiatement ; lord
Chatam ne voulut pas même en excepter les généraux et les of-
' flders.
Quelques habitants avalent été victimes du bombardement.
L'incendie avait détruit le beau bâtiment de Thôtel-de-ville et
soixante-dix maisons; un plus grand nombre étaient fortement
endommagées.
La reddition de Flessingue causa un vif mécontentement à
Napoléon et lui laissa des doutes sur la conduite du gouverneur
de cette place. Il soumit les circonstances du siège à un conseil
d'enquête qui se prononça contre le général Monnet '.
' Cela devait être ainsi, ce conseil n'ayant pu entendre l'accusé, ni re-
chercher aucnn de ses moyens de justification , et n^ant entendu au con-
traire que des témoins à charge, qui avaient des intérêts opposés au général
Monnet. Pendant les cinq années qu'a doré sa captivité chez les Anglais , il
D*a cessé de solliciter son échange, ou son renvoi momenfanë en France
pour s'y faire juger, ainsi que le prouvent les lettres qu*il a adressées, à ce
sujet , à l'amirauté britannique et au gouvernement français. Il ne put obr
tenir cette faveur; mais il ne fut pas plus tôt rentré en France (avec tous les
antres prisonniers de guerre, après la paix de 1814 ) quMI sollicita sa mise
au «
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sfe
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9
II
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974 LIVBB SIXIÈME.
ttM. Le général Monnet n'est plus, il importe , en lendanl him^
cuM^^ inage h ta vérité , de later sa mémoire de la tache odieuse dont
le couvrit la décision du conseil d'enquête. La discussion à ce
sujet n*est pas seulement, pour l'historien, une bienséanee,
elle est un devoir.
Flessingue était une mauvaise place, sans autre dehors qu'une
flèche, et sans chemin couvert. Son rempart, non revêtu et
d'un foibte commandement, avait, pour être à l'abri d'insulte,
on fossé plein d'eau , de trente-six à quarante mètres de lar*
geur, mais peu profond. Le seul bâtiment voûté à l'épreuve était
un magasin à poudre nouvellement construit. Le gouverneur
d'une telle place, en résistant seize Jours à l'attaque réglée de
25,000 hommes, satisfaisait sans doute à toutes les obligations
qu'impose l'honneur. Cette idée trompa le général Monnet
et le perdit. Il se persuada qu'il avait été assiégé. L'impéritie
des Anglais et leur résolution de prendre Flessingue en minant
ses habitants ne pouvaient réellement lui servir d'excuse; on le
Jugea sur ce qu'il avait fait et sur ce qu'il aurait pu faire.
Il commandait à Flessingue depuis 1803 ; il avait passé ces
six années dans une entière sécurité , et , n'ajoutant pas foi à
ce que Ton publiait touchant rarroeraent de l'Angleterre, il
n'avait rien préparé de longue maio. L'enquête a prouvé qu'il
exerçait un monopole scandaleux sur l'exportation des eaux*
de-vie de grains , et il fut dénoncé pour ce fait au roi de Hol-
lande par les notables et les commerçants de l'Ile de Walcheren '.
en jugement. Le général Dupont, alors ministre de la guerre, trouva quHl
n'y avait pas lieu à réhabiliter le général Monnet, puisqu'il n'avait été ni
condamné ni jugé ^ et quMlne pouvait même être mis en jugement, dV
près la connaissanoe quMl < le ministre ) avait prise de Taffaire de Flessin-
gue. Il se tx>ma donc à mettre sous les yeux du roi un rapport détaillé,
par suite duquel fut rendue une ordonnance de S. M., en date du 24 juillet
1SI4, qui réteblit le général Monnet dans ses droits, titres, grades et hon-
neurs ; ce qu^on n'eût point fait s'il y eût eu apparence de lâcheté ou de tra-
hison à loi reprocher. Ce général mourut en 1SI9.
* Ldrsque le générai Monnet fut nommé par Napoléon, en 1803, coomian-
ilant supéFÈenr de Pile de Walclieren, il reçut la mission expresse et ae-
«rèle de lui procurer ( à Napoléon ) , à tel prix que ce fût* les gazettes et
toutes les nouvelles cartes anglaises, l'état de leurs fabriques d^annes, arse*
natra et chantiers de construction , de leurs escadres en armement, en par-
Il ne ngDonét poiaft , et cette eertttode le tenait dans «ne sorte im».
de dép^idaiiee , qui augmentait rembarras de sa posHIon inUi- et '£i£q1^.
taire. Si, dès le ao Juttiet, le géaéral Moimet eût envoyé à
Middeilraig les vieillards, les feinmeset les «ifisnts de Flessia^
si, mettant à profit ce long intervalle de treize Jours qne Im
Ang^ employèrent à conetniire leurs batteries ^ il eât blindé
sa manutention, ses magasins et Tarsenai de la marine ; enfin
s'il eât ménagé sa garnison , an lien de la compromettre en nm
iiùnce et en «telioa. a YaosoMiiidéreres tout cela» était-Il dit dans les insfanio-
'tioiwda pienier coosqI, comme secret d*£ut, et en correspondrez directe-
ment avec moi, par L'intennédiaire du secrétaire d^État Maret exclusUvement. »
LoA frais de cet espionnage difficile et très-dispendieux, qull fallait en-
tretenir dans les Trois-Royaumes , ne purent être payés qu'avec le produit
d'un don qne des armateurs hollandais offrirent volontairement, qui ne leur
AU jamais imposé^ pour être tolérés dans le commerce interlope par leqiiel
ils exportaient leur» genièvres sur lea côtes anglaises. Le premier consul,
étant venu à Flessingue ( six mois après que le général Monnet en avait
pris le commandement), fut prévenu du moyen qui s'était présenté pour
payer les fnU de la mission dont il est question. Napoléon Tappronva, et,
quinie jours après avoir quitté Tlie de Walclieren, il promut le général Mou-
net au grade de divisionnaire.
Un des principaux chefs de la police française, qui n^avait et ne pouvait
avoir aucune connaissance de ces détails , regardant le don volontaire que
le général Monnet recevait du commerce interlope comme un abus d^an-
torilé, Tavait plusieurs fois signalé sur les bulletins qn*il était danal'usage
de remettre à Napoléon , et chaque fow celui-ci raya cet article de sa main,
saut doBserd^aulres éclaircissements. On peut remarquer en eflet que, dans
sa lettre close au ministre de la guerre, Clarke, en date du 7 septembre, qui
cliarge un conseil d^enquéte d'examiner la conduite du général Monnet à Fles-
singue, Tempereur ne dit pas un mot du chef de concussion. Une lettre du
ministre de la marine > qui nous a été communiquée en original , lève toute
espèce de doute à ce sujet ; elle est datée du 15 décembre 180C et adressée
au général Monnet. On y reconnaît que des smogleurs étaient l'eçus depuis
1803 dans les ports de Tlle de Walcheren par une exception qui avait lien
en vertu (Tune décision particulih-e, dont le ministre n'avait pas connais-
sance. Napoléon n*ayant point donné de nouvelle autorisation en faveur du
comaoeroe interiope, il cessa à cette époque, comme le prouve une lettre du
roi de Hollande, à la date du C mars 1807, par laquelle ce souverain re-
merde spécialement le génc^ral des mesures qu'il a prises comme entiè'
rement conformes à ses intentions, par rapport au commerce interlope.
Des témoignages aussi authentiques démontrent assez que le général Monnet
n'a Jamais agi que d*après des ordres supérieurs, alors légaux , et doivent
faire évanom'r le soupçon de concussion élevé par le conseil d'enquête.
fs.
S76 LIVRE SIXIEME.
1809. campagne, sans doate les anglais, hcmteiix d'avoir lirùlé des
et'^^qilc. ionisons povr leur bon plaisir, auraient été forcés de rapprocher
leurs batteries et de commenoer les opérations d'an siège plus
bonorable et plus périlleux ; mais la place n'en aurait pas moins
succombé, parce que, privée de Tespoir d*ètre secourue, elle était
naturellement à la merci d'un ennemi qui pouvait réparer ses
pertes. On a^it que le général Monnet n'avait pas voulu tendre
l'inondation : il est vrai que, n'étant moaacé que d'un bombar-
dement, il devait peu songer à ce moyen de défense toujours
désastreux. Toutefois le r^roche n'est pas fondé, car il essaya
de rompre la digue de mer en amont et à deux cent cinquante
mètres du batardeau du fossé ; si l'eau ne trouva pas d'issue vers
l'intérieur de Tlle, c'est que le flux , à cette époque, ne s'éleva
pas à la hauteur du sol. Cependant, Tbiver, les crues extraor-
dinaires des rivières et les flots soulevés par les tempêtes rom-
pent ou surpassent les digues et causent des inondations; mais,
dans la belle saison , et surtiout lorsqu'il règne des vents d'est ,
qui, sur les c6tes de la Hollande, contrarient le mouvement
du flux , il arrive souvent que les marées , même celles des
syzygies ( nouvelle ou pleine lune ) , ne s'élèvent pas au niveau
du sol. Cette circonstance était applicable à Flessingue en août
La faute la plus grave du général Monnet fut tout entière
dans la capitulation. Puisqu'il ne dépendait plus de lui de sauver
la place , il fallait sauver l'honneur. Il choisit pour parlemen-
taires deux jeunes capitaines, offlders d'espérance et personnel-
lement recommandables, mais qui étaient encore sans habitude
des affaires de guerre et sans vigueur d^esprit. Placés contre
leur gré dans la plus pénible situation , en face de généraux an-
glais qui avaient sur eux une grande supériorité de grade, d*ftge
et de jactance , ils n'obtinrent rien , et seuls ils signèrent cette
convention si dure, pour laquelle le général. Osten et le colonel
'dief d'état-major Weikel n'avaient point été consultés. L'homme
à envoyer. aux Anglais était ce même général Osten, qpi'ils
avaient vu à la tête des soldats , et dont ils avaient pu apprécier
toute rénergie. Guerrier intrépide, d'une stature colossale,
étranger aux formes des discours, mais ayant Téloquence du cou-
rage, Ost^ aurait dit aux généraux ennemis : aNousson&mesen-
' OUBBBE D*A.LLBMÂGNE. 377
tore 4^000 soldats; nous ne voalons pas être vos prisonniers, ma
Laisses-noos rentrer en France; autrement neos irons braver ^,'S^Sjg!^
la mort dans vos carrés, et Dlea sait ce qu'il vous en coûtera, a
Nul doute qu'un pareil langage eût imposé au lord Ohatam,
qui n'aimait pas les moyens extrêmes , et il est probable que la
garnison de Flessingue n'eût pas été plus maltraitée que ces
12,000 Français qui, n'ayaat d'autre ressource que la fer>
meté de leur dief et l'éloquence énergique du général pléni*
potentiaire, Kellermann, forent ramenés par les Anglais de
Lisbonne à Qoiberou. Le générai Monnet ne suivit point le
noble exemple de Jonot : il n*avait pas l'énergie que réclanuat
sa position ; mais il ne fut pas traître.
On peut dire pour la Justification du général Monnet , sur le
Mt de la capitulation , que cet acte fut signé de l'avis du conseil
de défense» La place de Flessingue, battue du côté de la mer par
onze cents bouches à feu et par une pluie de fusées incendiaires, '
ne pouvait plus voir s'écouler que fort peu d'heures avant d'être
enti^ment détruite par l'incendie , et immédiatement prise du
côté de la mer, où le général Munnet n'avait jamais eu à op-
poser à Tennemi un seul bâtiment de guerre et n'avait plus
une seule pièoe d'artillerie qui ne lût démontée. Le générai
Monnet, avec les plus pauvres éléments de défense, a cepen-
dant arrêté pendant dix-sept jours la plus formidable expédi-
tion qui fût Jamais sortie des ports d'Angleterre , et par cette
résistance il a contribué puissamment à foire échouer le projet
sur Anvers.
Flessingue pris, la majeure partie des troupes anglaises
passa dansrile de Sud-Bevelanà, pour af^uyer, sur la rive droite
de TEscaut, les opérations de la marine. La flottille y était déjà
entrée, ainsi que onze frégates, qui avaient eu» le 2, avec la
grande Imtterie de Cadzand» un engagement insignifiant, pen-
dant lequel chacune d'elles avait tiré plus de deux cents coups
de canon. Le 14, huit vaisseaux, dont un de SO, avant de
suivre la flottille et les frégates dans l'Escaut, s'étaient emboa-
ses à dix-huit cents mètres de l'entrée du port de Flessingue »
et avaient téii contre la place un feu très^vif, auquel on ne
lépiondit point. ,
En remontant le fleuve avec son^cadre, Tamiral Stranohan
978 LITBE «XlteE.
m9. a^^t la ^comeimœ de la nuliné de ses eSarts. Après de grandaa
i«tl!^i^*qal ^Ufflcoltés dé naTigatkm, il parvint Jasqa'au delà de Bi^u,
d'où, voyant les dispositkms prises par l'aoïlral Miasieasy, il
Jigea que la ligne française était inattaquable. EHéctivenient
elle pouvait être comparée à nn vaste finmt de fartiûcatk>&s.
Les forts de L4llo et de Liefkenehoeek , armés ebaean de qua-
rante bonclies à feu de gros calibre, âgoraient les ba8ti(Nu; les
vaisseaux embossés, la courtine , et k» canonuières, les ou-
vrages extérieurs. Les Anglais échangèrent donc quelques coupa
dé oanon pour la fonne, et se disposèrent à sortir de l'Eseaut
Ixmiaie ils y étaient entrés. ToûtefMs, un événement malheu*
reux avait signalé , sur la rive gaudie , cette tentative de Ven-
nerni. Une frégate ayant lâehé sa bordée, devant la batterie de
Teraeuse, dans le pays d'Axel , un obus vint éclater près du
magasin de la batterie, qui eontenait trois milliers de poudre
en baril et une grande quantité de gargousses. L*exirioaloD
tua ou mutila 75 hommes qui appartenaient à rartillerie, à la
eohorte de la Somme et à une compagnie suisse.
Cependant le maréchal prince de Ponte-Garvo était arrivé
à Anvers le jour même de la capitulation de Flessingue. Il ne
ftiliait pas moins que l'activité de ce chelt pour organiser Tar*
mée , ou plutôt la masse confuse qui s'était amoncelée dans les
^ environs de cette place , pour débrouiller, dans deseirconstances
aussi critiques, le ehaoe inextricable dans lequel le service pu-
blie était encore plongé. Xe maréehal , malgré les efforts anté*
rieurs du général Rampon et des autres généraux, trouva tout
À créer. Les travaux de défense étafem à peine commencés ; on
avait peu de munitions d'artillerie, et Vota manquait de canon^
niers ; la plupart des détachements qui arrivaient journellement
de Klfttérieor étaient, par le défaut de magasina, obligés de
vivr» de réquisitions, comme en paya ennemi.
Accompagné du roi de HoUande, qui se trouvait encore à
Anvers, le prince de Ponte^Gorvo passa en revue toutes les
troupes qui composaient l'armée^ A l'exceptioD de la garde hoi*
landaise, qui se faisait remarquer par sa brillante toiue, tous
les outres eoi-ps présentaient l'aspeçt^'un rassemblement Jn*
cohérent , mal armé et sans discipline. On y voyait des mate-
lots, des chasseurs, des huasards , desdiagons , même des cul-
GUEBaft d'jjllkmagne. 779
ranlOTS , Un» ■mateamé» ensemble et focmant âes eompagnies i m.
de fentassnie* BBiift ce mélange confus et blsarre de soldats de etBeisiqoe.
tontes les armes , il y avait de& détachements de Polonais, de
Hanovriens et detontes les différentes raeesd'hommes alors com-
prises sons la dénominatkm de Français ; des prisonniers prus-
sieBs et espagnols avaient même été employés à la défense de
TEseavl. Mais, tont en déptonmt le désofdre d'une telle armée,
le prioee de Ponte-Gorvo songeidt d^ an moyen de le feure
cesser, et il n'épargna rien potir inspirer de k confiance et ânA
dévonement à ces différentes troupes , étonnées de se trouver
ensemble. Le roi de Hollande partit iesoir même de cette re^
vue pour Amsterdam.
Le maréchal parcourut ensuite la ligne de défense avec des
itt^nienrs, pour reconnaître les divers emplacements où il de-^
venait néeessaire de construire de nouvelles batteries. 11 dis-'
tribua les troupes de la manière qui lui parut la plus convena-
ble. Une division fut placée à Berendreeht, occupant SandvUet
et gardant les digues depuis la frontière de la Hollande jusqu'au
Ibrt de Lillo. Tout ce qui existait de cavalerie légère prit poste
en dixième ligne, à Stabroeck, pour se porter avec rapidité
au secours des avanirgardes en cas d attaque et soutenir leur
retraite sur Anvers , si elles étaient repousaées. Une autre di-
vision fut placée en éelielons entre Capelle et Anvers, paral-
lèlemeiil au cours de l'Escaut. Les bataillons hollandais que le
roi avait laissés sous les ordres du lieutenant général Dui^oo-
éeau occupèrent Woensdrecbt et Ossendrecht. Des cohortes
de gardes nationales, réunies à Bruges, furent placées à Oost-
burg-tt à Ysendick. Ces troupes devaient servir de réserve à
celles que commandait le général Rousseau , dans le pays de
Cadzand. Une seconde réserve fut placée à Hulst. On formait
à Gand un corps d'observation» dent le maréchal Moncey, 4ne
de Gonegliano, prit plus tard le commandement»
Les officiers du génie qui avaient accompagné le- prince de
Pottte-Gorvo dans sa reconnaissance eurent ordre (te suivre
-sans relâche la construetion ou plutêt les réparations du fort
Frédérle^Henri, de tracer un nouveau fort à Ysendick, et d'é-
lever diverses autres batteries sur les deu^i rives du fleuve. Le
prince empêcha qu'on ne fit couler à fond , dans la passe de
380 LIVftB aiXlBIfAi
1909. TEscaut, un vaisseau rempli de pierres et éé table. Cétait une
f t^giqae. mesure absurde, ordonnée par le roi de Hollande» et qui aurait
rendu , pour plusieurs années , le port d* Anvers inaccessible
même aux bâtiments marchands. La révocation de cet ordre
ranima les esprits abattus des commerçants d'Anvers.
On inonda les fossés d'Anvers et des forts LIlio et Liefkens-
hoecky et les troupes qu'on avait fait baraquer sur les deux
rives de i*£scaut se tinrent prêtes à se porter partout où l'en-
nemi essayerait de tenter un débarquement.
Au 18 août l'armée avait à peu près 12,000 hommes en état
de combattre. Les cohortes de la garde 'nationale , qui arri-
vaient Journellement de l'intérieur, étaient sans uniformes, sans
gibernes , et la plupait sans armes. Il ne se trouvait , à cette
époque, que quatre pièces de campagne en état de servir; ce
ne fut que le 22 qu'on parvint à en organiser une vingtaine ;
encore ces pièces n'avaient-elles qu'un seul caisson de muni-
tions chacune; elles étaient traînées par des chevaux de réqui-
sition. L'artillerie de la place d'Anvers était dans un grand dé-
labrement et manquait de poudre et de projectiles.
Les travaux ordonnés furent poussés avec vigueur ; chaque
jour, chaque nuit, un retranchement était terminé ou une nou-
velle batterie se trouvait armée. Le 24, des moyens respecta-
bles de défense protégeaient déjà le défilé tortueux que présente
l'Escaut entre Lillo et Anvers. Les inondations furent augmen-
tées pour empêcher que les forts et les batteries situés sur les
digues ne pussent être pris à revers, et les commandants de
ces postes eurent ordre de les défendre jusqu'à la dernière ex-
trémité. ♦
Les troupes prenaient les armes avant le jour, ou bien dès
qu'on apercevait quelques mouvements dans la ligne des vais-
seaux ennemis. Les chefe de corps employaient ces moments
d'attente à exercer leurs soldats aux évolutions, et les gardes
avancées ne remettaient Jamais leurs armes en faisceaux avant
d'avoir manœuvré plusieurs heures. La lenteur et l'inaction
des Anglais donnèrent ainsi le temps et les occasions d'aguerrir
l'armée et d'instruire les recrues qu'on envoyait journellement.
Dans la soirée du 26, l'ennemi rangea tous les bâtimeuts de
transport chargés de troupes dans^le canal de Berg-op^^Zoom^
GUEMBi D-ALLBMAGNE. 381
i la hauteur d'Ofisendredit; le reste de son armée était en ba- nos.
taille derrière le fort de Batiiz. Tout semblait annoncer un dé- et BcËq^
barquement sur la rive droite et une attaque générale pendant
la nuit. On fit rentrer tes trois vaisseaux d'avant-garde de Tes*
cadre française entre la citadelle et le bassin d'Anvers. Aucune
attaque n*eut lieu. On vit dès lors diminuer chaque jour le
nombre des vaisseaux ennemis.
Il parait que , en perdant Tespoir de réussir dans leur entre-
prise sur Anvers, les Anglais avaient eu le projet de lancer
contre la flotte et les estacades des brûlota et des machines in-
fernales y et de fermer TEscaut en coulant dans les passes des
carcasses pleines de pierres ou de blocs de maçonnerie. Le prince
de Ponte-Gorvo, instruit deeedessein, prit sagement d'avance
les mesures qui pouvaient le faire échouer ; mais, l'ennemi ayant
renoncé au projet d*incendier la flotte, comme à celui de l'at-
taque , les préparatifs du maréchal restèrent sans effet à cet
égard, comme pour les débarquements présumés.
Le 30 , U ne restait plus que soixante voiles devant Batliz.
L'ennemi, en abandonnant cette station , fit penser qu'il allait
porter ses forces sur des pointa où l'on fût moins bien préparé
à le recevoir. On le vit menacer à la fois la Hollande, les pays
d'HuIst, d'Axel et de Gadzand, et les c^tes de Flandre. Mais
du côté de la Hollande il devait trouver la division du général
Gratien, arrivant d'Allemagne, et les Hollandais s'armant de
toutes parts pour la défense de leur territoire et de leur roi ;
dans les pays d'HuIst, d'Axel et de Gadzand, une armée nou-
vellement réanie sous les ordres du maréchal Moncey. Le mi-
nistre directeur de la guerre, Dejean, premier inspecteur de
Farme du génie , faisait mettre à l'abri d'insulte toutes les pla-
ces de la Flandre hollandaise, depuis Hulst jusqu'à Nieuport.
Le 4 septembre, on ne vit plus un seul bâtiment ennemi dans '
la rade de Saefllngen. Les Anglais avaient évacué successive-
ment Bathz et Tile de Sud-Beveland , pour réunir leurs forces
à Walcheren , dont la garnison fut fixée à 10,000 hommes. Le
reste de l'expédition se rembarqua à Yeere, à Flessingue et à
Ramekens, sur les bâtimenta de transport, qui mirent à la
voile pour l'Angleterre. Le prince de Ponte-Gorvo, qui fut rem-
placé bientôt après par le maréchal Bessièrcs, duc d'Istrie, fit
282 L1VEB SIXiAmB.
1809. occuper Sad-Beveiand ; on eonstraislt sur la rivo du Sloe ■ pla*
et B^iglq^. ^^^^" batteries, qui eiutïDt de frégoents eogagemeiitaaveeoelte
de Fennemi, placées sur Tautre rive. C^t état de choses dara
Jusqu'au moment de l*évaeuatioa de Walchereo ; la ftottille
anglaise prît souvent part à ces enneigements*
Les maladies caosées par Tinsalubrité de la Zeelande avaient
déjà commencé à fiiire de grands ravages dans Tannée enne-
mie. Quelques jours après la prise de Flessiugue^ une natadie
endémique, appelée dans le pays fièvre des polders ^ se ma-
nifesta parmi les soldats avec une intensité qui alla to^jonra
«n croissant dans une progression effirayauta. I«,âia.«aét, les
Anglais avaient déjà i ,600 et quelques malades; le 36, 8,000 ;
le 28, 4,000 ; enfin le S septembre le nombre des fiévreux s'é-
levait à 10,948. L*ennemi était obligé de vivre dans Flessii^ue
au milieu des ruines qu'il avait faites* Les vapeurs d'un in-
cendie mal éteint et les exhalaisons des cadavres a peine en-
terrés dans le sable autour des remparts auraient seules ocea*
sionné/des maladies, alors même que Tinfluence délétère du
climat n'eût pas été suffisante. Ces deux causes réunies avaient^
dès le 30 août , tellement agi sur la garnison que les généraux
ennemis s'étaient vus dans l*obligatio& de faire relever les gar-
des deux fois dans le même jour. La mortalité fut si grande
qu'on n*enterra les morts que la nuit; mesure terrible, qui ne
se prend que pour la peste , dans la crainte de frapper de ter-
reur les survivants et d'accroître ainsi le mal. Les diirugiens ai^
glais, désespérés et succombant eux-mêmes au fléau communy
demandaient leur remplacement et leur retour en Angleterre.
Lord Chatam, déjà avancé en âge et ordinairement valétu-
dinaire ^ était tombé malade presque en arrivant dans l*ile de
Walcheren. Ses compatriotes lui ont fait le reprodie de s'être
occupé presque exclusivement de sa santé et du soin d'avoir de
bon bouillon de torlue, au lieu de se livrer aux détails de l'ex-
pédition qui lui était confiée.
Conquête des Anglais , l'ile de Walcheren était devenue na*
turellement l'entrepôt de leurs marchandises, qui devaient être
introduites frauduleusement en Hollande et en France. Cet
' Canal qui sépare Hic de Siid-AefeUmd 4e celle de WaldiercD^
avantage ne compensait point les sacrifices qu'exigeait la con- ^ jm
sirratloD du pays, et le gouvernement, sur ks représentations et
de ses généraux, ordonna qu'il serait évacué. 5,ooo Anglais
«talent été tués ou l^lessés lors de la descente et pendant
le bombardement; 9,ooo périrent de la fièvre des polders, à
laquelle rintempéranoe avait donné on caractère encore plus
grave. Mais, avant de se rembarquer, et pour obéir aux ordres
de lord Liverpoot, les malbeureux soldats, que ponnnivalt une
mort presque certaine, furent encore d^Hgés d'achever la des-
truction des fortifications de Flessingue. Le ministère britan*
nique ne voulut point que Tarmée évacuât rile de Walchcron
sans y laisser les trace» de son séfoiir, la dévastation et des
ruines. Un plan conçu par le colonel du génie Pilkington , et
diaprés lequel on pouvait détruire de fond en comble tout ce
qui restait des établlueroents maritimes et militaires des Fran*
cals, furent remis au général en cbef Chatam, qui le fit exé-
cuter. Le 31 septembre, Jour du départ définitif de Texpédition
anglaise, il. n'existait plus à Fiessingue aucun vestige du port
«t des fortifications. Tout aviMété anéanti par les mines ou Ti-
noadation de la mer.
La dernière frégate ennemie mit à la voile le 24. Le général
Rmisseau envoya aussitèt à Fiessingoe une chaloupe et trente
hommes, qui prirent possession do port marchand. En même
temps le maréchal duc d'Istric ordonnait au général Gilly de
traverser leSloeavceune division et démarcher sur Middelburg.
Les Anglais avaient embarqué les munitions navales de Fies-
singue, tous les bois des chantiers et ceux provenant du dépè-
eement d'une frégate et d*un brick en construction. L'arsenal
de la marine était incendié ; les murs des magasins à poudre,
le revêtement des quais du port militaire, les bajoyers du sas ,
qui donnait entrée aux vaisseaux de ligne dans les bassins ,
n'existaient plus. Ces dégâts indiquent suffisamment ceux qui
auraient eu Ueu à Anvers : on les évalua à 2 millions.
Cest ainsi que se termina presque sans combat et honteuse-
ment pour les Anglais une campagne où peu de ceux-ci suc-
combèrent sous les coups des Français, mais qui fut, pour leur
armée, aussi funeste que si elle eût livré des batailles et éprouvé
de grands revers*
384 LIYBB SlZlfclIB*
I909. Ce triste résultat, alors qtt*on en avait annoncé emphatiqae-
•t^Bd£iqwï. ™^°^ ^^ autre tout opposé, excita en Angleterre un mécon-»
tentement général et defortes récriminations; blâmés hautement
par la nation» les ministres forent accusés par le parlement d'a-
voir été les auteurs du désastre de Walcberen par les fausses
mesures qu'ils avaient prises pour le succès de Texpédition.
Une commission d*enquète fut nommée au sein même de la ,
chambre des Communes pour examiner la conduite du minis-
^ tère dans cette funeste entreprise. Le parti de Topposition re*
prochait surtout aux ministres d'avoir prolongé inutilementroo-
cupation de Walcheren, et d'être devenus, par leur entêtement
à cet égard, les assassins de plusieurs milliers de leurs compa-
triotes. Cette accusation parut si grave et si bien fondée
qu'elle entraîna la majorité des suffrages. En effet, dans le vote
émis par la chambre des Communes sur la question de savoir
si les ministres seraient blâmés pour avoir conservé Walcheren
si longtemps, TafQrmative fut de deux centsoixante-quinze voix
contre deux cent vingt-quatre'.
L'histoire, en sanctionnant cette dédsion de la nujorité de la
chambre des Communes^ doit aussi signaler la conduite du gé-
néral chargé de diriger une expédition aussi importante. An-
vers était le but principal de l'entreprise; centre et place d'ar-
mes du système de défense de l'Escaut, cette ville devenait un
point d'appui précieux pour les opérations ultérieures. Les An-
glais, par rirrésolution et i'impéritie de lord Ghatam, perdirent
la plus belle occasion que la fortune leur eût offerte d^uis
longtemps de causer un dommage notable à leur ennemi ; An-
vers ne serait peut-être pas devenu, entre les mains de Napo-
lémi, un des plus beaux ports de l'Europe, et la jaloose Angle-
terre eàt pu voir cinq ans plus t6t la destructian de l'arsenal
maritime qu'elle redoutait.
' Tous les détails de ce débat ont été insérés dans le journal officieL If
Moniteur, Napoléon était bien aise que la honte de ses ennemis fût ainsi
mise à découTert.
LIVRE SEPTIÈME.
GUERRE D'ESPAGNE.
CHAPITRE I.
SUITE DE l'année 1809.
Suite des opérations militaires en Espagne; Bataille de Talavera de la Reina ;
combat de PAnobispo; batailles d^Almonacid, d'Ocana ; combat de Tama-
mes et d^Alba de Termes. — Opérations du général Sucbet en Aragon;
combats d' Alcaniz, de Maria, de Belcbite, etc. — Opérations militaires en
Catalogne ; siège et prise de Glronoe.
Tandis que Napoléon , cfa&tiant l'imprudente Autriche , con- isoo.
tinuait d'étonner l'Europe par la rapidité de ses triomphes et ^^s°®'
par le déploiement des ressources de son génie militaire et
politique , disséminées sur un terrain immense, livrées à elles-
mêmes, affiiiblies par les maladies endémiques, par des com-
bats partiels et sans résultats , ne recevant d'ailleurs aucun ren*
fort de Fintérieur de Tempire , les armées françaises en Es-
pagne luttaient péniblement contre les nombreux et puissants
obstacles qui s'opposaient à l'entière conquête de ce royaume.
Pendant tout le cours de la campagne d'Autriche , elles n'a-
valent pu que se maintenir dans les positions où elles se trou-
vaient à la fin d'avril , et , si la valeur des troupes procura aux
généraux qui les commandaient de f^quentes occasions de
vaincre , ces succès isolés ne découragèrent point un ennemi
actif et persévérant.
La suite des événements de la campagne de 1809 en Es-
pagne prouva en effet que les lieutenants de l'empereur des
Français ne pouvaient plus achever la soumission de ce
royaume , parce que le défaut d'ensemble dans les opérations
et l'absence d'un directeur suprême devaient nécessairement
rendre illusoires les avantages remportés par chacun d'eux.
Personne n'admire plus que nous le grand et noble caractère
285
386 LlVaB SBPnftMl«
1809. que les habitante de la FéaintQtB outdéplgsré dans la guerre de
Espagne, i^^^ indépendance ; personne ne reconnaît mien la légitimité
de leur cause ^ et la généreuse constanee avec laijuelle ils ont
combattu pour raffranchissement de leur sol ; mais, en exami-
nant sans prévention et avec une rigourf us^ impartialité les di-
vers événements de la guerre d'Espagne en 1809 , on rec(A-
naîtra que le grand œuvre de la libération de ce pays doit son
élaboration à d*autres éléments.
Supposons que TAutriclie, résistant aux séductions de TAn-
gleterre , fût restée en paix avec la France ; pourrions-nous
affirmer que la nation espagnole, soutenue par les armes bri-
tanniques encore plus efficacement qu'elle ne l*a été, eût réussi
à sortir victorieuse et libre de la lutte ou elle s'était engagée
avec le dominateur de l'Europe? Malgré son héroïsme, sa rési-
gnation à tous les sacrifices , sa devise patriotique de vaincre
ou mourir, n'est-il pas probable au contraire qu'elle aurait cédé
une seconde fois dans l'espace d'un siècle à la force des armes ,
qu'elle aurait reçu un souverain des mains de Napoléon , comme
autrefois elle avait accepté un maître de celles de Louis XIV ?
Au commencement de 1809. un monarque guerrier, entouré
de tous les prestiges de la victoire , de l'appareil d'une puissance
indomptable, commandait les armées françaises en Espagne.
Il venait de vaincre et de détruire en quatre batailles rangées
les forces que la nation insurgée en masse avait voulu lui op-
poser. La terreur que son nom inspirait était telle qu'une armée
anglaise, accourue du Portugal au secours de ses alliés, s'était
arrêtée tout à coup , incertaine si elle continuerait de marcher
contre un ennemi déjà victorieux et avide de nouveaux triom-
phes. Cette armée de secours» aguerrie, bien disciplinée, était
la seule ressource qui pût ranimer la constance, alors forte^
ment ébranlée, dès partisans de l'indépendance espagnole;
toutefois , le prudent général qui la commandait n'hésita pas
longtemps , comme on l'a vu , sur le parti qu'il avait à prendre.
Au premier bruit de l'approche de Napoléon ^ il se hâta d'é*
viter un engagement dont il prévoyait l'issue , en fuyant par
des sentiers vers lesquels la peur seule avait pu diriger sa
marche. L'Espagne, privée de cet appui , et ne pensant même
plus à réclamer des auxiliaires aussi timides, se trouvait donc
GtrnEB d'bspaoiie. 387
désMnais presque à la merci de son Taiiiqiieur et sur le point j9a$,
d^ètre réduite à implorer «a générosité. Plosienrs irilies avaient
déjà donné Fexemple, en envoyant dés dépntations au quartier
g^ral de Napoléon. Quelques victoires encore , et cette nation
il fière subissait, au moins pendant un certain temps» le Joug
d'une conquête complète*
Cest dans de telles droonstances , et lorsqu'un grand nombre
d'Espagnols étaient déjà persuadés que la révolution opérée
par les événements de Bayoone et Finvasion de la Péninsule
par les armées françaises pourrait avec le temps amener la
consécration des principes d*une sage liberté; c'est alors que
r Autriche fait tout à eoup des menaces de guerre , et que Na-
poléon se voit contraint de songer à la défense du territoire de
ses alliés et de son empire. Le monarque finançais, cessant de
poursuivre lui-même l'armée fugitiVe de sir John Moore, tra-
yon l'Espagne avec la rapidité de l'aigle, et vole aux lieux où
l'appellent un danger imminent et de nouveaux triomphes.
Dès ce moment les patriotes espagnols peuvent rouvrir leur
eœnr à respérance. Napoléon emmène avec loi sa garde, cette
imposante réserve de l'armée; il laisse après lui un roi faible,
aussi incapable de garder une conquête que d'en entreprendre
de nouvelles, et des lieutenants qui, n'étant plus reteous par
la présence d'un chef suprême inflexible , se livrerout, pour la
plupart, aux écarts de leur amour^propre, à la fougue de leurs
passions haineuses.
Que de moyens vont militer maintenant en faveur de la dé-
livrance du sol espagnol 1 Une alliance plus frandie, plus in-
time, s'établira entre l'Angleterre et les patriotes; ceux«ci , dé-
barrassés de l'ascendant terrible que Napoléon savait prendre
sur tout ce qui l'entourait , rappelleront dans leurs rangs cette
foule d'hommes timides , sans caractère , qui, dans toutes les ré-
volutions, se rangent du côté où ils croient voir la force, le
snenès , et d'où ila attendent des avantages personnels. Les
armées nationales, dispersées, anéanties ^grande partie par
Napoléon, «e reformeront comme par enchantement; le véri-
table patriotisme viendra se confondre avec le ûmatisme , qui a
d^ armé tant de bras.
On a dû remarquer, dans les premiers événements que
288 ^ LIVRE SBPTliklS.
\w^ avons déerits de cette campagne de 1 80d ,' que tels furent en
E^Mgne. ç^ç^ j^ résnltats presque immédiats du départ imprévu de
Napoléon : plus d*aeoord entre les généraux , plus d^opérations
combinées. Chacun cherche à faire la guerre pour son propre
compte , s'il est permis de s'exprimer ainsi , et nul d'entre eux
n'est assez désintéressé pour faille, en faveur d'un autre, le
sacrifice de sa gloire personnelle. De là les malheurs de la se-
conde expédition de Portugal» les échecs éprouvés en Galice
et dans les Âsturies , échecs que ne compensait point quelques
succès partiels, insignifiants, et souvent presque- aussi con-
traires au but général de l'invasion que des défaites réelles; de
là la confiance des Espagnols, la formation subite de nouvelles
armées aussi nombreuses et plus dévouées que les premières.
Les troupes nationales , réunies avec les troupes anglaises ,
osent défier encore les Français eu bataille rangée et disputer
la victoire assez longtemps pour qu'elle paraisse indécise.
Sans le retour de Napoléon en France, où le rappelaient les
préparatifs menaçants de l'Autriche , un pareil ordre de choses
n'eût pas existé. C'est donc à la diversion opérée par la puis-
sance britannique, bien plus qu'à sa propre énergie, que la
nation espagnole allait devoir plus tard l'avantage de triompher
de ses dominateurs et de pouvoir asseoir les bases d'un gou-
vernement libéral.
La funeste issue de la campagne du maréchal duc de DaL-
matle en Portugal n'était point compensée par les victoires de
Médellin et de Ciudad-Réal, puisqu'elle devait attirer, ainsi
qu'on va le voir, l'armée anglaise sur le territoire espagnol , et
provoquer une réunion de forces plus imposantes et plus redou-
tables que celles qui venaient d'être défaites par le maréchal duc
de Bellune et par le général Sébastiani.
On se rappelle que le maréchal Soult , en se retirant du Por-
tugal , s'était dirigé sur Logo, où il arriva le 23 mai et fit sa
jonction avec le maréchal Ney , qui , aidé par le général Keller-
mann , avait chassé la Romana des Asturies. A l'approche des
troupes du 2^ corps, le général Maby, qui assiégeait le général
Fournier dans Lugo , s'était replié sur Mondonedo, où , le 24 ,
il rencontra la Romana. Celui-ci venait de Ribadeo , où il avait
débarqué après s'être enfui des Asturies, et était parvenu à
GtrSMB 0*B8ràG(I.B. 389
réonir m corps de 1 5 à t s^ooo hommes. Malgré la préseiiee des \m^
deux maréchaux à Uigo , les généraux espagnols, voulant sortir " ~
à tout prix de leur périlleuse position, se portèrent sur le Sil,
au moyen d'une marche hardie , et gagnèrent Orensé par Mon-
forte» Quelque peu nombreuses que fussent les troupes de la Ro-
manâ » en s*unissant à celles^qui étaient aux environs de Pon-
tevedra et fomentant Finsurrection au milieu du pays, elles
mettaient les troupes françaises en danger et gênaient leurs
mouvements. Il importait donc de détruire le plus tôt possible
ces rassemblements d'insurgés. G*est ce qu'avaient résolu les
maréchaux Soult et Mey par leur convention du 39 mai , dont
il a été fait mention à la page 56* Les deux corps d*armée
réunis à Lugo, bien que considérablement réduits, compo-
saient encore une force d'environ 30,000 hommes, aguerris,
endurcis aux fatigues, avec lesquels les deux maréchaux , s'ils
eussent été en bonne intelligence et n'eussent éprouvé aucun
sentiment de rivalité, pouvaient achever la soumission de la
Galice et des Asturies, exterminer les insurgés, accabler les
Anglais et les acculer à la mer s'ils osaient passer le Minho;
ou bien , s'ils se dirigeaient sur le Tage, comme ils le firent,
les 3^ et 6® corps , se rapprochant du maréchal Victor, pouvaient
tomber avec lui sur l'armée de sir Arthur Wellesley et ter-
miner d'un seul coup la guerre avec les Anglais dans la Pénin-
sule.
Au lieu d'adopter l'un ou l'autre de ces partis , les deux ma-
récliaux se séparèrent. Le maréchal Soult, qui devait se porter
sur Orensé par la vallée du SU , pour y disperser les troupes de
laRomana, s'arrêta le 5 juin à Monforte. A l'approche du ma-
réchal, la Romana se retira à Celanova, puisàBaltat^ bien qu'il
ne fftt pas poursuivi. De son côté, le maréchal Mey se mit en
marche avec dix-huit bataillons, et arriva le 7 Juin an pont de
San-Payo, près de Vigo, où il fut arrètéparladivision du Minho,
commandée par le comte de Norona. De nombreux ouvrages,
élevés en avant de Vigo par les Anglais et les Espagnols , en
rendaient les approches d'un accès difficile. Le maréchal ne
pouvait attaquer cette formidable position que quand Soult
aurait dispersé le rassemblement de la Romana, qui pouvait
l'assaillir sur ses flancs ou sur ses derrières. 11 attendit Jus*
I. 4»
>9d tlVAB SB^riÈIIS.
qu'an It); mais, voyant que Soult restait immoblla à Mouforte,
il lui écrivit pour l'informer de sa situation périlleuse. Ne re-
cevant pas de réponse, Il rétrograda sur Santiago , où il apprit
quelSouTt se rendait à Zamora par le Pnebla de Sanabria et Be-
navente. En effet celui-ci, après être resté six jours à Monforte^
impatient de quitter la Galice pour rentrer dans la Vieille-Cas-
tille , avait pris le chemin de las PortiUas sans donner avis
de son départ , ce qui était une trahison manifeste, et il arriva
le 3S juin à la Puebla de Sanabria , dont la petite garnison es-
pagnole s*était retirée à Ciudad-Rodrigo. A peine instruit du
départ du maréchal Soult , laRomana revint sur Orensé, d*oii
il pouvait désormais se Joindre sans obstacle au comte de No-
rona , et rendre très-critique la position du maréchal Ney. Aiosl
abandonné à ses propres forces, trop laible pour faire face, à
la fois, à la population soulevée contre lui et aux deux corps
réunis de la Romana et de Norona , ce maréchal se vit forcé
d'évacuer la Galice. H remonta lentement vers Lugo, où il ar-
riva dans les premiers Jours de Juillet. De là il atteignit Astorga,
au moment où le maréchal Soult entrait à Zamora. Celui-ci n*a
jamais fait connaître le motif qui Tavait porté à ne pas exé-
cuter la convention de Lugo. On a prétendu que, fatigué de
poursuivre un ennemi qui , protégé par les habitants , savait
éviter toute rencontre, tandis que les paysans insurgés harce-
laient les colonnes françaises, tantôt sur leurs flancs, tantôt
sur leurs derrières , le maréchal Soult , ennuyé d'ailleurs d*un
genre de guerre aussi peu profitable , avait pris la résolution de
quitter la Galice, pensant avoir suffisamment rempli les condi-
tions de la convention en éloignant la Romana de la vallée du
Sil. Quoi qu'il en soit , la retraite des maréchaux Soult et Ney
ramena immédiatement les généraux espagnols sur lés points
oecttpés depuis cinq mois par les troupes françaises , et entraîna
pour la France et pour le rot Joseph la perte irrévocable des
ports de ta Gon^ne et du Ferrol, où la marine espagnole res-
tait à la disposition des Anglais*. Versée temps le maréchal
■ Il «4 vraisemblable que, «Ile roaréchal HVey se fût obstiné à rester en
Galice, les délilés du Sil et de Ponferrada auraient pa devenir ses foorclies
Caudines. Les grandes routes propres à servir de ligne d'opérations étant
peu multipliées en Espagne, celui qui a rofTensive, en menaçant de couprr
[
RMrtier, èûiiàé Trérise, se rapp^rc^lia' ât Vàllaâolfd avec les id^
troupes dti 6* corps ^ut avaient fait lé slëgie de Saràgosse, et scf e^p^ri»**
mit €D Omnifiuiiicatloii avec le maréchal Ney.
Arrivé à Zàmora, le maréchal Sonlt envoya à Madrid le gé-^
Aérai Franceschl, pour informer te roi Joseph de Fétat de sotf
Corps d'armée; mais, an delàMe Toro, Franeeschi, qnl voyageai
à cheval sans escorte , ftat pris par la guérilla du capucin Fray
Jnlian de Détfca, et ses dépêches firent connaître, rabattement
et la misère des troupes du 2® corps et la mauvaise intelligence
qui régnait entre tes deux maréchaux. Soult demandait au rbi
^'on dirigeât sur Zamora tin parc d'artillerie pour remplacer
eetoi que son trop long séjour à Oporto t*avait forcé de détruire
ain d'alléger sa marche liélrograde à travers les cols et les
défilés, presque impraticables, du Portugal. Il demandait de
l'argent, des tobsistances, des effets d'habillement et d'équipe-
ment pour son corps d'armée, et nourrissait l'espoir de rentrer
bientôt dans ce pays , tant il était encore préoccupé , malgré ses
revers, des manifestations de quelques Portugais qui avaient
fiatté son ambition.
Nous ne parlerons des opérations isolées des généraux Suchet
et Gouvion Saint-Cyr en Aragon et en Catalogne , à la même
époque, qu'après avoir achevé de retracer celles des corps d'ar-
mée des maréchaux Ney, Soult, Mortier, Victor^ et du général
SâNistiani, qui vont se trouver à peu près liées entre elles jus-
qu'à la fin de cette campagne.
Les Anglo-Portugais, après l'évacuation du Portugal et de la
Galice par les maréchaux Soult et Ney, conçurent un plan dont
la hardiesse contrastait avec la circonspection ordinaire aux
généraux de la Grande-Bretagne, mais qui S'explique par la
eonfiânoe qu'avaient inspirée à ceùx-d les derniers événements
de la campagne de Portugal.
les chemins, fait abandonner lé pays à celui qui garde ia défensîTe, à
moins que ce dernier n*aît des places fortes où il puisse déposer son ar-
tillerie et se» bagiges ; dans ce cas , de simples sentiers deviennent des li-
gnes d^opérations. Si le eénécalDupont avait en cette r«Mowrce, débarrasaé
de ses gros bagages ( si bien nommés par les Romains impedimenta ) , it
eût évité sans doute la capitulation de Itoyien ; car il pouvait alors effectuer
sa retraite par les sentiers qne hii offrait la Sierra Morena.
ISp
301 UTM SBPTlkÉB. ^
nw. Ceplan, coneertéatec les Espagnols^ oonaistait à marcher
'^'"^ directement sur Madrid . Les géoéranx anglais nesoupçoonèrent
pas qae le duc de Dalmatie, retiré à Zamora, mettrait autant
d'activité à réarmer et à renouveler l'équipement des troupes
qu'il avait ramenées du Portugal dans un état de dénuement
qui démontrait bien les périls de cette retraite ; ils comptèrent
aussi beaucoup trop sur la coopération de leurs alliés. Après la
bataille deMédellin, le quartier générai du f*' corps avait été
établi à Mérida avec les divisions RofAn et Villatte. La division
Levai s'établit à Médellin, et la cavalerie s*étendit de Lobon à
Hingrabil, occupant Talavéra-la^Viéja, Almendraléjo, Fuentedel
Maestre, YillaAnnea et Rifoera. Le duc de Béllnne avait formé
des magasins et créé un hôpital à Mérida, et avait réussi, dès
son arrivée dans cette ville, à se procurer des intelligences dans
Badajoz. Il savait que la garnison ne se composait que de trois
bataillons ; que les habitants de la classse aisée prieraient se
rendre à soutenir un siège , mais qu'ils étaient contenus par la
populace, qui était nombreuse, armée, et dirigée par un moine
qui avait entrée dans le conseil du* gonvemenent et Tinitiative
des mesures adoptées pour la défense de lii place. Badajoz était
bien armé, bien approvisionné de vivres et de munitions. Ses
fortifications avaient été mises en bon état, et l'on travaillait
journellement à les augmenter et à les perfectionner. Pour en*
treprendre Tattaque de cette place, le maréchal ne pouvait
disposer que de douze bouches à feu mal attelées et mal appro*
visionnées, qui étaient en route pour venir à Truxillo. Il était
donc impossible de songer sérieusement à réussir dans une
telle entreprise. D'un autre côté, la division Lapisse, après une
démonstration inutile sur €iudad-Rodrigo, avait reçu l'ordre
de la cour d*Espagne de se mettre en marche pour rejoindre le
1^' corps, en débouchant par Alcantara. Celte division pouvait
être arrêtée sur le Tage, et, dans ce cas, le l^** corps pouvait être
forcé de faire un mouvement pour lui ouvrir cette communica-
tion. Il était encore plus probable que ce corps d*armée serait
dans le cas d'opérer une diversion en faveur du maréchal Soult,
en se portant sur Abrantès. On ne pouvait donc s'engager
dans un siège dont le résultat était plus que douteux. Dailleurs
la junte fit arrêter les personnes qu'elle supposait être d^intel-.
6DEftB& D'SSPAGNt. 393
ligom avec les Français pour leur livrer la place, ce qui dé- nog,
truîsit tout espoir de s*en emparer par ce moyen. Cbimhpm.
Le duc de fieHune avait dirigé un parti de cavalerie sur Al-
cantara pour avoir des nouvelles du général Lapisse; mais déjà
on répandait des bruits inquiétants sur Tissue de l'expédition
du duc de Dalmatie en Portugal. La présence de la division La-
pisse sous les murs de Qudad-Bodrigo avait été le signal du
soulèvement de tout le pays, depuis cette place Jusqu'à Alcan-
tara et de Tamamès à Béjar ; et quand le général Lapisse vou-
hit commencer son mouvement pour se Joindre au maréchal
Victor, il trouva les habitants en armes sur toute la frontière
de Portugal. Un détachement de 3 à 3,000 hommes sortit de
Ciudad-Rodrigo, se réunit aux partisans de sir Robert Wilson
et le suivit pas à pas ; une colonne commandée par le colonel
Grant, et composée de Portugais et d'Anglais, se présenta sur
son flanc droit ; enfin un rassemblement considérable se plaça
sur son front et lui disputa audacieusement le passage au pont
d'Alcantara, qui fat franchi au pas de charge par la brigade
Darrieau sous la mitraille d'une pièce qui enfilait le pont dans
toute sa longueur. Malgré un double mur d'encehite, la vltle
fut emportée d'assaut, et la garnison, forte de 3,000 hommes,
s'enfuit en désordre^ poursuivie vivement par la cavalerie,' qui
sabra plus de 300 hommes dans les chemins qui conduisent à '
Alcantara. Tous les habitants pris les armes à la main furent
passés au fil de l'épée. Le général Lapisse, continuant ensuite
sa marche, arriva à Mérida le 19 avriU
Six semaines s'étaient écoulées depuis la bataille de Hédellin,
et le duc deBellunese trouvait encore arrêté sur les bords de
la Guadiana. Les chaleurs augmentaient Journellement et cau-
saient beaucoup de maladies parmi ses troupes. Guesta avait
profité de l'inaction des Français pour renforcer son armée de
tout ce que la Junte de Séville avait pu réunir. Cette armée,
forte de plus de 20,000 hommes d'infanterie et d'une cavalerie
nombreuse, continuait à occuper ses mêmes positions depuis Mo-
nastério Jusqu'à LosSantos. Ôe son c6té, le duc deBellune met-
tait à profit le temps de son repos pour compléter les défenses
de la forteresse de Truxlllo, où il avait fait entrer 400 hommes;
celles des ponts d'Almaraz et de l' Arsobispo, qull avait couverts
EipigM.
294 ilVa£ SBPTtÈXI. '
IM9. do bons retranchements. Le fort de Mérida avait été i^aré et
mis à Tabri d*un coup de main. Il envoyait fréquemment des
reconnaissances sur les frontières de Portugal, pour avoir des
nouvelles du duc de Dalmatie ; mais il n'avait pu encore obtenir
aucun renseignement à cet égard; seulement il apprit par ses
coureurs et ses émissaires qu'un corps de Portugais commandés
par des ofQciers anglais, néunl à quelques milices espagnoles^
occupait Alcantara. U résolut de se porter sur ce point avec son
corps d'armée pour ouvrir cette communication et avoir des nou-
velles de Portugal. Cette expédition se fit du 12 au 18 mai.
L'ennemi lîit chassé une seconde fois d' Alcantara par la division
Lapisse, qui le poussa si vivement qu'elle ne lui donna pas le
temps de détruire Je pont. Arrivé à Brozas, le maréchal avait
appris que ce mouvement de l'ennemi était concerté avec Cuesta^
qui, au moyen de cette diversion, devait attaquer le i ^ corps sur
la Guadiana. Le général Lapisse ayant fait poursuivre le corps
portugais jusqu*au delà de Salvatierra, le duc de Bellune reçut
de là des nouvelles de la situation où se trouvait le duc de Dal-
matie, alors aux prises avec l'armée de sir Arthur Wellesley, ce
qui lui fit perdre l'espoir de comn^uniquer avec le 2® corps , et ^^
instruit du projet de Cuesta, il revint promptement sur la Gua-
diana pour combattre le général espagnol s'il passait ce fleuve,
ce que celui-ci fit en effet pour se rapprocher de Mérida, aus-
sitôt qu'il fut instruit de l'élolgnement du 1^' corps. Il fit ca-
uonner le fort, mais se retira sur la rive gauche le 18 mai, à
l'approche de Tavant-garde du corps d'armée.
Le rassemblement d'un corps anglo- portugais dans les en-
virons de Castello-Branco déterminale duc de Bellune à ne point
reprendre sa position sur la Guadiana. Il concentra son infan-
terie à Tôrrémocha, observant avec sa cavalerie les débouchés
de la Guadiana et ceux du Tage dans la direction d' Alcantara.
Par cette nouvelle position il se trouvait en mesure de surveiller
les mouvements des Anglo-Portugais que l'on annonçait devoir
s'avancer par Alcantara, ceux de Cuesta sur le Tage, et de com-
battre ces deux armées séparément si elles se présentaient. Il
était aussi plus rapproché du pont de bateaux d'Almaraz et
pouvait le surveiller.
L'insurrection de la vallée du Tiétar, fon^entée par la junte
GUBB'&E D*£SPâGllB. 395
et Stimulée par de$ officiers anglais qui aononçaient la défaite it09.
dies troupes françaises en Portogd , prenait chaque jour un ^'^^*^**^
earactère plus sérieux; déjà les communications avec Madrid
étaient difficiles, quoiqu'elles fussent protégées par un corps de
1 ,200 hommes que lé roiJoseph avait envoyé entre le Tage et
le Tiétar, sbûs le commandement de Tadjudant-commandant
Baguérls. Le duc de Bellune n'était pas sans inquiétude au sujet
du pont d'Almarac; c'était son seul débouché pour le passage
de ses voitures , et ce pont se trouvait fortement menacé par
les insurgés, dont le nombre augmentait chaque jour. Les gué-
rillas réussirent même à intercepter tout à fait les communir
cations avec la caprtale. Potir les rétablir, la division allemande
du général Levai repassa le 2!B mai sur la rive droite du Tage.
Le 1** avril, le 4^ corps d^armée avait reçu l'ordre de prendre
les cantonnements suivants : la f^ brigade de la division fran<-
çaise à la Solana ; la 2^ brigade à jDaimiel, avec le quartier gé-
néral ; une brigade de la division polonaise, avec l*état-major
de la division , à Manzanarès; Fautre brigade à Membrilta; les
lanciers polonais et les hussards hollandais à Valdepénas;
le 1 3^ régiment de dragons à Et-Moral ; le IC* à Ciudad-Béal ;
le 20* à Granatala, et le 2l«â Almagro.
L'hiaetion du 1^' corps sur la Gnadiana et celle du 4« corps
avaient relevé la confiance du peuple d'Andalousie, qui, pour se
venger des revers de Médellin et de Giudad-Eéal, avait massacré
les généraux Urbina et Abadia, en les accusant de trahison, et
la junte les avait remplacés par les généraux Vénégas et la
Pena. Le premier, chargé du commandement en chef, à la place
du comte de Gartaojai, s'occupa exclusivement de la réorgani-
sation et du recrutement de son armée de la Manche, et, proft- .
tant du repos dans lequel on le laissait, put, à l'exemple de
Cuesta, reprendre peu à peu une attitude menaçante et fiure
des démonstrations sur la ligne des avant-postes firançais.
Fatigué de ces mouvements, le général Sébastian! voulut sa-
voir quels projets l'ennemi cachait. Les généraux MHhaud
et Dijon reçurent l*prdre de diriger des partis de manière à
surprendre et enlever à l'ennemi ses reconnaissances et ses
postes sur les points qu'il occupait le plus souvent Get ordre fut
tKirfaitement exécuté par des détachements du 1.6' et du 20« de
~^
296 IIVU SIPTliu.
1800. dittgons, et Ton apprit qu'an corps de 10,000 liomoMS ve-
V'i'affDt. ^^i jQ Yalenoe iinivait à Aksazar de Saa-Jiiaii pour 80 Joiadn:
à rarmée de Vénégas. Les dispoirftioiiB de TeBiieiiii sendtlaieiit
annoncer an mouvement général contre te 4" corps; mais du 8
au 15 mai il n'y eut des deux côtés que des rencontres et des i
escarraoodies entre les reconnaissances. Cependant le roi Joseph, j
Jugeant que le moment était vena de soutenir le géoérai Se-
bastiani dans sa position avancée , partit de Madrid avec
1,600 hommes de la^rde royale et le 12* régiment d*in&n-
terie légère» faisant partie de la division du général JDessoUes, et
arriva le 1 5 mai à Aranjuez.
Le roi) en arrivant dans cette résidence royale, avait fait por-
ter des détadiements à Ocana et à Arganda pour se lier avec
le 4* corps. Il rappela et fit replier sur Guadalijara tous les
postes de la route de T Aragon qui étaient destinés à maintenir
les communications entre Madrid et Saragoase. Par cette me-
sure on rendait disponible quelque cavalerie dont le général
Séhastiani avait le plus grand besoin, et on DEiisait arriver à
Aranjuez Ie65*' régiment de ligne. Le roi prescrivait en même
temps au général Belliardy gouverneur de Madrid, de renvoyer
aux 1^' et 4' corps tons les détachements d'infanterie et de ca-
valerie qui leur appartenaient, et dont la présence ne serait pas
indispensable dans la capitale. Tout semblait annoncer Tinteo-
tion du rd de concourir aux opérations du général Sâuistiani ;
cependant, après ^voir (kit annoncer son départ pour Tolède
avec la garde royale et toutes les troupes qui se trouvaient à
Aranjuez, il changea tout à coupd*avis et rentra subitement à
Madrid le 35, sans qu*il soit possible d'expliquer ce change-
ment de dispositions.
Le 1*' juin, le roi Joseph ignorait encore Tévacuation du
Portugal par le maréchal Soult, et tenait à mettre le maréchal
Victor dans Tobllgation de se porter sur Castello-Branco. Dans
la correspondance qui avait eu Heu au sujet des opérations du
l*' corps, le maréchal avait dit que le défaut de vivres ne lui
avait pas permis de séjourner a Alcantara. Joseph, voulant
lever cet obstacle, ordonna d'envoyer de Bfadrid 300,000 ra-
ilùDS de biscuit au duc de Beliune et de iaire évacuer tous les
malades du l^' corps sur la capitale. Le maréchal Jourdan qui
remplissait près do n^ ks ftiocUons de major général, prévint
ledac deBellane de cês^dlspositlôns ; inai»celul-cJ fitde noQveIftes *'>*^"^
représentations sur les dfffleoltés qu'il trouvait à opérer nn mou-
vement sur Alcantara. En même temps le roi apprenait que l*ar^
méede Guesta était sur la Gtiadiana, et que même Médellin était
occupé par 5,000 hommes. Joseph araitignoré Jusqu'alors que
l'armée de Guesta se luttant avancée. Le ducde Bellune reçut en
conséquence l'ordre de marcher sur Tarmée espagnole et delà
combattre; mais ce raaréehal ne jugea pas à propos d'exécuter
Tordre qu'il recerdlt, donna pour motif le manque de subsis*
tances et demanda de nouveaux ordres. Ainsi le duc de Bellune
perdait son temps à solliciter des ordres, et quand il les avait
reçus il trouvait de nouveaux prétextes pour ne pas les exécu-
ter. Il demandait d'être autorisé à poursuivre l'ennemi, et il in-
diquait des mouvements sur la fh>ntière qui paralysaient les
efforts qu'il aurait pu fiiire et les ordres qu'il recevait. On verra ^
Mentôt quelles furent les conséquences de l'inactivité de ce ma-
réchal et du peu d'(d)stacles que Tennemi rencontra dans l'exé-
cution de ses plans. Get état de choses ne permettait pas au
1^ corps de se mafaitenir plus longtemps entre le Tage et la
Onadiana, surtout lorsqu'on apprit qu'un corps de 10,000 Por-
tugais était arrivé près d'Âlcantara sur la rive droite du Tage,
que le pont de cette ville était détruit , et que ces Portugais se
^posaient à attaquer Almaraz. Un fort détachement devenait
né^saire pour couvrir le pont d' Almaraz sur la rive gauche
du Tage, menacée par les insurgés qui se répandaient dans les
montagnes de Guadaloupe et communiquaient, d'une rive à
l'autre du Tage, avec les rassemblements du Tiétar. On pou-
vait avoir à combattre à la fois les Anglo-Portugais et l'ar-
mée de Guesta. Les premiers pouvaient, à la faveur de l'insur-
rection de la partie de Plasenda, masquer leur mouvement
sur cette ville et arriver sur le Tiétar sans qu'on eût connais-
sance de leur marche. D'un autre côté on venait de recevoir
des nouvelles peu favorables de Texpédition du maréchal Soult.
Dans ces circonstances, le roi Joseph ordonna, le 10 Juin, an
duc de Bellune de se porter sur la rive droite du Tage par
Almaraz, de désarmer et de détruire les châteaux de Mérida et
de Truxillo, et d'évacuer sur Madrid ses malades et ses équi-
206 LiTftB simTfim.
im. pagei^de siège; de se porter sur la rive droite du Tiétar avee
£ti»8iie. ^j^ ^rpg ii*anDée pour disperser les rassemblemeAts qui s'é*
taieut CennésdueôlédePlaMiida^etde diriger sur Tolède la
divisioD Levai et quatre régiments de cavalerie sous les ordres du
générai Merlin. Cette fois^ ces différents ordres Airent ezéeutés.
L'empereur était très-méeuntent de l'état dans lequel se trou*
valent les opérations militaires en Espagne. Sacorrespondanoe
avec le général Glarke, ministre de la guerre , éteit remplie de
blême et de reprodies sur le temps ^qu'oa avait perdu ^ et sur le
mauvais emploi des forces qu'il avait laissées dans la Péninsule^
à son départ pour rAllei|iagne« Il aurait eu bien plus de motifr
de mécontentement s'il eût connu toutoe qui se passait en Es-
pagne, la conduite, les rivalités, les querelles de ses lieutenants.
Il s'en prenait au roi , qui ne pouvaR se faire obéir des mare*
cbaux, et au raaréebal Jourdan, envers lequel il avait été tou-
/- Jours injuste depuis le 18 brumaire. On venait d*apprendre à
Madrid la retraite du maréchal Soult d'Oporto ; Guesta s'était
mis bors de l'atteinte du maréchal Victor, et le roi avait fait
repasser le Tage au 1^ corps et se disposait à le porter e^ par-
tie sur le Tiétar. Il pensait aussi à faire revenir le 4* corps sur
Madridejos et Gonsuégra. Tous ces mouvements plaçaient rar<-
mée sur la défensive, ce qui était contraire aux volontés de l'em-
pereur.
La position du roi devenait de plus en plus difficile. De l'A-
ragon, de la Galice, de la Manche, on lui demandait des se-
cours. L'empereur ordonnait d'envoyer des troupes an 3* corps,
commandé par le général Suchet. Les 1 1 6* et 1 1 7* régiments de
ligne, qui Jusqu'alors avaient été sous les ordres du général
Kelleitnann , reçurent l'ordre de se rendre à Saragosse; mais U
se bornaient les renforts qu'on pouvaitenvoyer en Aragon. L'ex-
pédition des Arturiesn'était pas terminée et occupait les troupes
du général Kellermann , celles du général Bonnet et une partit
du 6® corps. D'un autre côté la présence de la deuxième division
du &® corps était indispensable à Salamanque pour contenir les
insurgés de Oudad-Rodrigo^ dont le nombre était considérable.
Tandis que le maréchal Victor prenait des positions ou il allait
être bientôt forcé à rester en observation , le général Sébastiani
écrivait que l'ennemi présentait devant lui de grandes forces
OVEMMM I>*BSPA0BI|l« 29$
datts la Slerra-MoreiMif Eofln le roi Joseph était à MadrM avec 11109.
la seule cUvisioD DesaoUes, qui foumissait des détaçiiemeiits k ^"^^^
Guadali^lara, à Ségovie et à Buitrago, pour protéger les oommu*
nicatloos et Farrivage des aulisistaooes. On ne pouvait donc re-
tirer des troupes d'aœune des positions ci-dessus pour les en-
voyer au général Sucliet. La confiance du 8^ corps avait éténn
peu ébranlée par quelques échecs, ce qui avait appelé particu-
lièrement l'attention de l'empereur de ce côté»
Le roi apprit, le ts Juin» par des lettres du duc de Dalmatie»
révacuation du Portugal et la rentrée du 2" corps en Galice.
L'ordre avait été donné au maréchal Ney , duc d'Elcbingen , de
se porter sur le Minho avec douze bataillons. A la réception des
lettres du maréchal Soult, le roi renouvela cet ordre et enjoignit
au maréchal Ney de se mettre immédiatement en communica-
tion avec le 2*^ corps. En même temps des ordres étalent adres-
sés au maréchal Mortier, duc de Trévise ^ pour qu'il rappelât
près de lui les troupes du 6^ corps qui avaient été détachées
pour Texpédition des Asturies. Après ces premières dispositions,
le roi Joseph attendait avec la plus vive impatience des rapports
des maréchaux Soult et Ney, qui le missent à même d'arrêter
un plan de campagne approprié aux circonstances.
Cependant l'inaction des r^, 4"^ et 5" corps était connue à
Schœnbrunn , et le temps qu*on avait perdu et que Ton perdait
encore en Espagne contrariait d'autant plus vivement Tempereur
qu'il avait l'intention de rappeler de la Péninsule les troupes qui
n'y étalent pas strictement nécessaires. La bataille d'Essling
avait dérangé ses projets , et il voulait se préparer, avec cette
prévoyance qui était un des traits remarquables de son génie,
des ressources pour continuer la guerre en Allemagne. Dans ce
but il avait demandé un rapport au général Clarke sur le nombre
de troupes qu'il pourrait retirer d'Espagne; mais ce ministre,
n'osant pas émettre un avis sur un sujet aussi. délicat, adressa
à l'empereur un rapport sur la force de l'armée française en
Espagne et sur l'emplaeement des corps dont elle était composée.
Suivant ce rapport, daté dii 18 juin, cette armée se composait
encore d'environ 200,000 hommes présents sous les armes.
Elleïivaitdéjà au mois précédent 58, 000 hommes aux hôpitaux.
Aussitôt que le duc de Bellune eut repassé le Tage, le général
300 LIVBB SEPTIÈME.
iw)9. Sëbastfanl porta son quartier général de Manzanarès à Madri-
Kipagnc. ^gj^ . ^^^ Pennemi ayant paru disposé à marcher sur lai avec
des forces supérienres, le roi, qui avait prévu ce mouvement,
avait ordonné au maréchal Victor» comme on l'a déjà vn , d'en-
voyer au général Sébastiani quatre régiments de cavalerie légère
et la division Levai ; mais^ la marche de ces troupes ayant été ar-
rêtée par des circonstances imprévues, le roi partit de Madrid
avec 6^000 hommes et arriva à Madridejos te 25 Juin. L'ennemi
instruit de ce mouvement opéra de suite sa retraite. Les ren-
seignements qu'on avait au quartier général du 4^ corps s'ac-
cordaient à donner à l'ennemi une force de plus de 30,000 hom-
mes, dont une partie avait déjà passé la Guadiana.
Le 14 Juin, le général Sébastiani, se conformant aux ordres
du roi, qui ne voulait pas permettre à l'ennemi de s'avancer en
deçà de la Guadiana , se porta sur ce fleuve, et fit prendre posi-
tion à ses troupes à Yillarubia, Madridejos, Herencia, Gonsue-
gra, Feman-Caballéro^ Malagon, Puerto-Lapice^ et Alcazar de
San- Juan. Les troupes avec lesquelles le roi s^était porté à l'ap*
pui du 4^ corps se composaient de 2,000 hommes de sa garde,
une brigade, forte de 3,600 hommes, de la division Dessolles,
et seize pièces de canon. Avant de partir de Madrid, le roi avait
donné l'ordre aux divisions Levai et Merlin' (que le maréchal
Victor avait envoyées sur le Tiétar au lieu de les diriger sur
Tolède) de se porter à marches forcées sur cette ville pour se
réunir au 4^ corps. Le maréchal reçut en même temps l'ordre
d'envoyer un bataillon et un escadron entre Talavéra de la Reina
et Gasarubia , pour assurer les communications entre Talavéra
et Madrid. La division Merlin ayant rejoint le 4^ corps le 2S Juin
et la division Levai le 28, le roi Joseph se porta sur Tolède
dans les premiers jours de Juillet , avec sa garde et la brigade
du général Godinot, quMl avait amenée de Madrid. Vénégas sut
se replier à temps et retourna à Santa-Éléna. Le roi pénétra
Jusqu'à Almagro et retourna ensuite à Madrid» après avoir ren-
voyé au maréchal Victor les troupes qu'il avait détachées de son
corps d'armée.
< Ce géoéral avait remplacé le général Lasalle; qoe l'empereur avait a(F-
pelé & Tarmée d'Allemagne.
GUIRftS D*8SPA61II. 901
Le général Sébastlani , à la tète de trois divitioiis d*liiJtlMiterJe , ima.
d*une division de cavalerie légère et d*une division de dragons, KH»agiie
formant un total de 10,473 hommes, était assez fort pour résis-
ter à l'armée de la Manche , si elle quittait la Sierra- Moréna
pour Tattaquer , et pour la ftdre repentir de ce mouvement of-
fensif.
De son côté , sir Arthur Wellesley, qui n*avait pas poursuivi
le maréchal Soult au delà des frontières de Portugal , s'était ar-
rêté à Montalëgre. 11 revint ensuite à Abrantès, où il entra le
7 juin. Il s'occupa immédiatement des opérations à entreprendre
contre le 1^ corps, de concert avec les Espagnols. Guesta»
comme tous les généraux de la Junte, voulait qu'on opérât de
manière à tourner les armées françaises, croyant pouvoir renou-
veler les Journées de Baylen; le général anglais voulait au con-
traire attaquer de front avec toutes les forces réunies des trois
nations. Pondant la discussion des différents plans proposés de
part et d'autre, l'armée de sir Arthur s'approchait du Tage.
Le 10 une division était arrivée à Alcantara. Une reconnais-
sance poussée dans cette direction par le maréchal Victor se
présenta au pont; l'ennemi craignant d'être forcé fit sauter
préclf^tamment une arche. Quelques heures après , Tordre de
conserver le pont arriva ; mais il n'était plus temps. A cette
époque le général anglais reçut de son gouvernement l'autori-
sation d'agir en Espagne; mais il manquait d'argent, et il fut
forcé d'attendre qu*il lui en arrivât de Londres ou de Cadix.
Forcé dès lors de suspendre ses opérations, sir Arthur ne ces-
sait de recommander au général Cuesta de ne faire aucune at-
taque avant que l'armée britannique fftt prête à entrer en
ligne , de prendre une forte podtion on il resterait sur la défen-
sive Jusqu^à l'instant d'exécuter les mouvements combinés. Le
plan auquel les alliés s'étaient arrêtés consistait à réunir à
Cuesta la plus grande partie de l'armée mvl&ise pour opérer
entre le Tage et la Guadiana , tandis que le maréchal Beres- '
ford , avec un corps composé d'Anglais et de Vortugais , se por-
terait sur Plasencia et de là franchirait le Tiétar.
Le maréchal Victor n'avait point inquiété les alliés dans leurs
préparatifis , et , comptant sans doute sur la force de son corps
d'armée qui, à cette époque, s'élevait à plus de 30,000 hommes
30Sf BFVKV BtPTitm,
fm. pnbeiits sous les armeg, s^était endormi dans une séeurUé Ib-
«MM«ne- ooDoerabla chez un HeuleDant de Tempereor, formé à une éeolë
ai remarquable ^r l'aetHrité qu'ott y finiMmait aux opérations
militaires. Tout en reconnaissant que cette droonspectîon u^é-
tait pas dans les iiabitudes du duc de Bellune, on doit la trouver
inexplicable dans cette circonstance, à tel point que les Anglais
eux-mêmes en ftirent fi^appés'.
Sir Arthur Wellesley était resté dans son camp d'Abrantèë
jusqu'à lafln dejuin; il yavaitreçu un renfort de 5,000 hommes,
et l'armée qu'il oonmiandait se composait de 23,ooo hommes de
troupes anglaises préseï^ sous tes armes, sans comprendre les
officiers et les sous-offiders, et unoutre renfort de 8,000 hommes
était à hauteur de Lisbonne. Cette armée était appuyée par
15,000 Portugais et en communication avec Tarmée espagnole
d'Estramadure^ commandée pardon Grégorio de hiCuesta, forte
de 38,000 hommes, et celle de la Manche, sous les ordres de
' Il ne fut (Taucun secours poor l^invasion du Portugal. Il ne conserra
pas rEstramadnre, ne s'empara pas de Se ville, laissa Cvesta prendre denx
Ibis roiïensive, et resta dans ime posiUoo aialsaiBê jusqu'à oe qu'il eût perdo
plus dliommes par les maladies que ne loi en eussent coûté trois batailles
comme celle de Médellin. Les aCbires de Médellinetde Ciudad-Réal, qui dé-
truisirent entièrement les armées de Cuesta et de Cartaojal, ne produisirent
aucun résultat favorable aux vainqueurs. Sébastian! était bien disposé à pé-
nétrer dans la Sierra-Moiéna;mai8 Jo«cph, eraiffiaat les Valendèai , le re-
tint, tandis quMI voulait faire marcher Vic9tor,qni s'obstinait à ne pas s'avancer
dans l^Alentéjo , alors même qu'il était renforcé par Lapisse. Cette obstina-
tion fut fatale à Soult , car toutes les troufies anglaises et portugaises purent
agir contre lui , tandis que Victor, au lieu de chercher à se conformer aux
instructions de Pempereur, résistait aox ordres ihi roi et m faisait rien d'n-
tlle pour lui-même. On trouve peu d'exemples qu'un général ayant 30,000
hommes de bonnes troupes soit resté aussi longtemps dans une inaction si
peu motivée. Certainement la réputation militaire du ducdeBellune empêche
d'attribuer cette conduite h toute autre cause qu'au peu de penchant qu'il
avait à seconder les opérations do maréchal Soult; mais on ignore encore si
cette opposition provenait d'on sentiment de rivalité el de jatouste, ou de la
ferme volonté de ne pas obéir anx ordres du roi , ou enfin d'une fausse ap«
prédation de l'état des aflaires dans la Péninsule. Baiis ces deux derniers
cas, il faut reconnaître que le maréchal Victor n'avait rien à voir dans la
direcUon générale des affaires d'Espagne, et quil était de son devoir d'obéir
aux ordres que le roi recevait lui-même de l'empereur. Voir Nafier, Hiê-
Mre de la guerre de la PénimKle, etc.
OUBBBB I>£9PAflH<* 30S
YéDégas, qfoi dépassait Zh^OùO hommes bien armés et bien tm.
équipés, '^^s''*
ïjt 27 Juin, l*arméè anglaise, formée en 4 divisions d*infon-
terie, commandées par les généraux SherbroolLe, Hill , Màdcen*
zie et Campiieli , leva son camp d* Abrantès et suivit les deox
rives du Tage; une colonne passa parSobrdra-Formosa et i*aatre
par Villa-Yelha, où Ton établit un pont de bateaux. Le i^' juillet
le quartier général anglais fut porté à Gastello-Branco. De là
les troupes anglaises continuèrent leur marebe sur une seule
colonne par Moraléjo et Goria. Une brigade , commandée par le
général Donkin, fut envoyée par Tôrr^ncUlo et Cedavin pouf
reconnaître le pays entre Zarza la Mayor et le Tage. Le 8 le
quartier général arriva à Plasencia. Le 10 toute Tarmée était
réunie aux environs de cette ville. A cette époque Cuesta était
à Almaraz. Le 20 il opéra sa Jonction à Oropesa avec Farmée
britannique, et le 33 cette armée combinée continua son mou*
vement en avant, et repoussa les avant-postes français de Ta-
lavéra. Le lendemain die arriva sur TAlbercbe, où elle prit po-
sition, la droite appuyée au Tage, et la gauche couverte par le
corps de Wilson, qui était arrivé la veille à Esealona , d'où il s V
vança même Jusqu'à NavalcBPnéro,^à 8 lieues de Madrid.
Bataille de Talavéra de la Reina. A la première nouvelle 37-2» juUtet
de Finvasion de l*£stramadure espagnole par Farmée angio*
portugaise, le roi Joseph conçut les plus vives alarmes; dès le
32 Juillet il envoya au maréchal Soult Fordre de réunir en
toute hâte à son corps d*armée ceux des maréchaux Mey et
Mortier, dont l'empereur lui avait donné le commandement en
chef y et de se porter à marches forcées sur Plasenda , afin d'y
couper la ligne de communication de Farmée anglo-portugaise,
ou du moins de la forcer à ralentir sa marche sur Madrid. Ce
mouvement du maréchal Soult devait être décisif, puisqu'il pla^-
eait le général anglais entre deux armées, et l'on pouvait d'au-*
tant mieux compter sur sa réussite que l'ennemi n'avait pour
couvrir son flâne gauofae et ses derrières que les détachements
laissés par le général Cuesta aux cols de Péralés et de Bailos,
points par lesquels les Français devaient déboucher en venant
de Saiamanque. Vb premier onke de Joseph avait fixé Fêta-
blissement du 5^ corps à Vîllacastin, ce qui le rapprochait de
804 LITEB SBPTlillB* .
ifl09. Madrid, d*oû il eût opéré avec les i**^ et 4* corps , q[ui allaleotae-
Ctpa^ne. ^i^^yy^j. engagés avec des forces supérieures qu'on évaluait à
70,000 hommes, dont environ 40,000 Espagnols. Le roi regret-
tait alors vivement d'avoir cédé aux instances réitérées du.
maréchal Soult, qui avait demandé que le 5^ corps le Joignit à
Salamanque.
Dans la nuit du 22 au 23 juillet^ le roi Joseph, accompagné
du maréchal Jourdan , partit de Madrid avec sa garde, une bri-
gade de la division française du général Dessolles , deux esca-
drons du 27^ régiment de chasseurs à cheval, formant une ré- .
serve de 5,000 hommes, et quatorze . bouches à feu, dont le
général Dessolles prit le commandement, et se dirigea sur FAl-
berche pour se réunir au maréchal Victor et tenter d'arrêter
Tennemi assez longtemps pour attendre l'arrivée du général Se-
bastiani et le résultat du mouvement ordonné au maréchal duc
de Dalmatie.
L'inaction des alliés pendant la Journée du 23 prouvait qu'ils
manœuvraient par leur gauche , et le pays leur indiquait oe
mouvement, puisque par le débouché de Pélagos ils pouvaient
gagner deux Jours de marche sur Tarmée fran^^ûse pour se
rendre à Madrid ou à i'Escurial, et par celui d'Escalona Ils
n'avaient que trois lieues pour se porter à Maquéda et couper
la grande communication entre le 1" corps et Madrid* Ces con-
sidérations déterminèrent le maréchal Victor à quitter sa posi*
tion sur l'Albercheet à se replier derrière le Guadarrama. Dans
la nuit du 23 au 24 , les troupes se mirent en marche : l'infan-
terie, l'artillerie et la cavalerie légère furent dirigées par Santa-
Olallaet Alcabon sur Torrijos; la division de dragons, par
Gebolla , également sur Torr^os. Le 24 au soir toute l'infanterie
fût en position sur la rive gauche du Guadarrama , au pont de
Tolède; Ja cavalerie légère occupa Alcabon et les dragons Tor-
rijos. Ce mouvement, qui semblait découvrir Madrid, puisqu'on
paraissait abandonner la granderoute , avait pour but de se rap-
procher du 4^ corps, qui couvrait Madrid du c6té de la Manche.
Le lendemain le 1^' corps resta en position sur la rive gauche du
Guadarrama ; la cavalerie se replia sur Rlclvès* Pendant ces
mouvements, l'ennemi fit surveiller Tarmée française par
quelques cavaliers seulement. Le même Jour le roi donna l'ordre
GUEBBB d'eSPâGNE. ,806
an général Séiiastiànl d'envoyer au i^** corps la division de ea-
Yalerie légère da général Merlin , et de partir à onze heures du
soir avec le reste du 4^ corps pour se rendre au pont de Gua-
darramay à une lieue et demie de Tolède» où ce général arriva
le 25 , après avoir habilement masqué son mouyeibent au gé-
néral Vénégas. Le roi Joseph fit ce même Jour sa jonction par
Vargas avec les deux corps français et leur fit prendre position
sur la rive gauche du Guadarrama. I.es troupes françaises ainsi
concentrées ne s'élevaient guère au delà de quarante et quelques
mille hommes. Ces forces étaient sans doute insuffisantes pour
couvrir Madrid -, il eût été plus convenable de se tenir sur la
défensive, et de &ire une guerre de chicane pour donner au ma-
réchal Soult le temps d'opérer la puissante diversion dont il
était chargé ; mais, en laissant s'engager davantage l'armée
anglo-espagnole, qui déjà avait poussé un parti considérable» sous
les ordres de sir Robert Wilson, par la rive droite de FAIberche,
Jusqu'à huit lieues de Madrid, on parut craindre que cette ar-
.mée ne tournât celle des Français et ne la prévint dans sa re-
traite sur Madrid. D'un autre côté , le général Vénégas pouvait
arriver sur le Tage » et ce fieuve » qui est guéable en plusieurs
endroits aux environs d*ÂranJuez, lui offrait un libre pasflj^e,
que les Français , par suite de leur faiblesse numérique, étaient
.hors d'état de défendre. Dans cette circonstance difficile, le roi
.Joseph crut devoir risquer les chances de l'offensive^ et mar-
cher directement sur Tarmée ennemie; 3,000 hommes furent
laissés à Tolède pour garder les ponts sur le Tage» et forcer le
général Vénégas à remonter ce fleuve Jusqu'à Â.ranjuez, ce qui
. retardait sa marche de trois jours. Un ré^ment de dragons fut
envoyé par la rive droite dans la direction de cette résidence
royale, afin d'observer le mouvement présumé de Vénégas çt
d'en rendre compte au général Belliard , qui était chargé de la
mission . épineuse de contenir la nombreuse population de la
capitale» qu'une fenâentation alarmante agitait depuis l'ap-
proche des armées combinées. Il n'était resté au général Bel-
liard qu'environ 4»000 hommes. En cas de soulèvement, cette
garnison devait se renfermer dans le Retiro» où |c>us les per-
sonnages de la nouvelle cour, qui craignaient nne réaction po-
. pulaire, avaient cherché nn refuge.
X. 20
lie.
t06 LIVBE SEPTiillB.
im. Après la Jonction des t^ et 4^ corps la cavalerie légère do
général Merlin fût mise sous les ordres du général Latour-
Mauboi^^ avec la l'^ division de dragons et toute l'avant-
garde. Le 26^ à deux heures du matin , Tarmée passa le Gua-
darrama. Le i*'' corps marchait en tète , le 4* venait ensuite ;
"puis la réserve et la garde du roi. L*avant-garde rencontra
quelque cavalerie espagnole à Torrijos; cette cavalerie fut
chassée et se replia sur Alcabon. Au débouché des oliviers qui
couvrent Torrijos , on trouva l'ennemi formé en bataille dans
la plaine d* Alcabon , sa droite appuyée au chemin de Domingo-
Perez et sa gauche à la chapelle de Santo- Domingo. 11 présen-
tait en ligne 4,000 hommes d'infanterie, 2,000 chevaux et huit
bouches à feu , aux ordres du général Zayas. La cavalerie du
général Latour-Maubourg se forma successivement et parallè-
lement à la ligne ennemie, qui parut d'abord vouloir tenir; la
canonnade était déjà vivement engagée lorsque la tète de Tin-
fanterie du 1^ corps déboucha sur le champ de bataille. Les
Espagnols se replièrent en toute hâte à la vue de Finfanterie
française et gagnèrent Alcabon. Le général Latour-Maubourg
les pressa vivement au défilé, et le régiment des dragons de
Villaviciosa fut atteint et presque entièrement détruit par le
T régiment de hussards et un escadron du 5' de chasseurs
commandés par le général Beaumont. A la sortie d'Alcabon
cette cavalerie culbuta un régiment dinfanterie dont peu
d^hommes échappèrent. Cette charge fit honneur au général
Beaumont , qui fut parfaitement secondé par le colonel Bonne-
main. Le colonel du régiment de Tillaviciosa fut fait prisonnier.
L'ennemi continua sa retraite avec précipitation , favorisé par
un terrain coupé de ravins sur lequel la cavalerie ne pouvait
pas agir.
Le roi fit continuer le mouvement dcTarmée sur Santa-
Olalla, où elle prit position le soir : la cavalerie du général
Latour-Maubourg à Domingo-Perez , Oléra et El Bravo ; le
1^' corps en avant de Santa-Olalla , sur la route deTalavéra.
On apprit à Santa-Olalla que Cuesta y était arrivé le 25 au soir
avec son aAfnée , mais qu*aussit6t qu'il avait entendu la canon-
nade d'Alcabon il s'était replié sur Talavéra.
Le lendemain 27, l'armée partit à deux heures du matin, se
âlJEBBt D^ISPAGNE, 307
•dirigeant sur Talavéra. La tête de la colonne était tovraée par iio9.
le l*' corps, précédé par la cavalerie du général Latour-Man- b^s''^.
bourg, qui atteignit rarrière-garde de Cuesta à la llauteur de
Casalégas ; elle était composée de troupes anglaises , d'un
corps de 10,000 hommes, qui avait passé la journée du 26 à
Casalégas ; elle se replia rapidement sur l'Alberche et repassa
cet affluent du Tage*
A une heure après midi le i^** corps était réuni sur le plateau
qui domine rAlberche. On apercevait sur la rive droite quel-
ques escadrons ennemis sans infanterie , et , .sur les plateaux
en arrière et au nord de Talavéra y on distinguait des mouve-
ments de troupes; mais on ne pouvait reconnaître Farmée al-
liée y ses forces et ses dispositions. Le terrain qui s'étend de
r Alberche à Talavéra et aux plateaux qui dominent cette ville
est couvert de plantations d'oliviers et de forêts de chênes;
c'était à la faveur de ces bois que rennemi masquait ses mou-
vements et se formait pour recevoir la bataille.
L*armée alliée, disposée sur deux lignes, était établie sur un
beau plateau qui s'étend depuis Talavéra jusqu'au delà des co-
teaux dits de Médellin, et d'un développement de trois quarts de
lieue ; les Espagnols occupaient la droite, qui s'étendait devant
Talavéra et s*appuyait au Tage« Une forte batterie établie sur
le front de leur ligne était destinée à balayer la grande route
qui conduit au pont de l'Alberche. A leur gauche , sur une
hauteur qui les séparait des Anglais , se trouvait une redoute
armée de pièces de gros calibre. Cette position était couverte
par de vieilles murailles et des clôtures de jardins qui avoisi-
nent et entourent la ville de Talavéra , et de vastes champk
d'oliviers contribuaient à en rendre l'approche plus dlfûdle.
Au reste tous les accidents du terrain avaient été mis à profit
à cette droite, soit en y élevant des ouvrages de campagne,
soit en y faisant des abatis. A gauche de cette position , un
mamelon s'élève à Test par une rampe très-rapide et se lie à
une continuité de petits mamelons qui se- prolongent dans la
direction d'El Casar de Talavéra. Cette hauteur, qui comman-
dait la plus grande partie du champ de bataille , et les petits
mamelons auxquels elle se lie, étaient occupés par les Anglo-
Portugais, qui formaient le centre et la gauche de l'armée com-
20.
iOS LIVBt SB^tàill.
binée. Cette positk>Dy eooYeite devant son firent par un profond
ravin formé par le cours de la petite rivière de Fortifia^ était
séparée, % gaueliey do prolongement des montagnes castillanes
de TAtalaya par nn vallon de trois cents toises de développe-
ment. Deux routes praticables poar Tartlllerie conduisaient de
rAlbercheàla position des alliés : Tune est la grande route de
Talavéra, et Tautre se rencontre à la Casa del Campo de Sati-
nas. Pour arriver à cette dernière route, on passe l'Alberche à
nn gué et on la suit pendant une demi-lieue à travers une
forêt de chênes.
Uarmée espagnole 9 fèrte d'environ 34,000 hommes, dont
6,000 de cavalerie, se composait de cinq divisions d'infimterie,
commandées par le marquis de Zayas, don Ylcente Iglesias, le
marquis de Portage, don Rafeêl Manglano et don Luis Alejandro
Bassecourt, et de deux divisions de cavalerie, sous les ordres de
don Juan de Henestrosa et du duc d*A1buquerque, sans com-
prendre la réserve ni l'avant-garde, commandera par don Juan
Berthuy et don José de Zayas. Les Anglais avaient de leur côté
plus de 16,000 hommes d'infanterie et 3,000 hommes de ca-
valerie, répartis dans les quatre divisions commandées par les
généraux Sherbrooke, Hill, Mackenzie et Campbell. La dernière,
suivie de celle de Shert>rooke, venait immédiatement aprte là
redoute armée de pièces de gros calibre qui était à la droite des
troupes anglaises. La gauche était couverte par la division du
général Hill. La division Mackenzie restait en position près
de TAlherche, avec ordre de se placer en seconde ligne derrière
Sherbrooke, dès que le combat serait engagé.
La poussière qui s'élevait au-dessus de la forêt de chênes ,
que, du sommet du plateau qui domine TAIberche, on aperce-
vait sur la rive droite de ce cours d'eau, prouvait que les trou-
pe^ espagnoles battues la veille étaient en retraite à travers
cette forêt, et le maréchal Victor espérait les Joindre avant
qu'elles n'eussent atteint la position retranchée de l'armée an-
glaise. Il ordonna en conséquence au général Lapisse de passer
l'Alberche, de se diriger sur la Casa de Salinas et d'en chasser
l'ennemi ; au général Buffin , de passer rAlberehe avec son in«*
fonterie seulement et d'appuyer par la droite le mouvement du
général Lapisse. Il était environ trois heures de raprès-midi.
OUBHBB D*BIPA6NB. 809
Le 16* rëglmeol d'infaoterie légère, qui était en lète de la dl«
visioa Lapbse, engagea bientôt la fosilladeaTee les avant^ipoetes
de la division MaclLenzIe^ qui oeco^wit la Casa de SalinaSt sar
laquelle il se porta si rapidement que sir Arthar WeUesley, qni
s*y trouvait, faillit être pris* Les AnglaiSy qui avaient environ
1,000 hommes sur oe p(^t, se retirèrent précipitamment sur le
gros de leur armée, qui était en position près de Talavéra en-
tre le Tage et les montagnes. Les 87* et 88* régiments anglais,
qui avaient soutenu les premiers le choc de l'inAmterie ihuiçaise^
furent rompus et mis en déroute. La retraite fut couverte par
les 31* et 4â* régiments, soutenus par le 60*. Les Anglais per*
dirent 400 hommes dans cet engagement.
Le duc de Bellune, qui avait suivi l'attaque du général La«
pisse, envoya Tordre au général Villatte de passer rAlberehe
et de suivre la direction du général Rufftn ; au général Lalour*
Maubourg de passer la rivière et de former sa cavalerie entre
la grande route de Talavéra et celle de la Casa de Salinas; et
enfin À Fartillerie des divisions et de la réserve de passer au gué
et de suivre par le chemin de Casa de Salinas le mouvement
de rinfanterie.
Les Anglais qui se retiraient se portèrent à la gauche de leur
ligne de bataille. Le général Mackenzie , avec une brigade , se
plaça en seconde ligne derrière la brigade des gardes. Le gé«
néral Donkin, qui commandait l'autre brigade, voyant que la
montagne n'était pas occupée à gauche, se porta sur ce point et '
acheva ainsi de garnir la position. La cavalerie fut formée en
colonne derrière la gauche de la ligne anglaise.
Les divisions Lapisse et Ruffln débouchaient de la forêt de
4^hênes sur trois colonnes. Le pays commençait à s'ouvrir; on
aurait pu distinguer les mouvements de Tennemi s'il n'eût pas
été aussi tard. Cependant on apercevait un corps de 1 1 à 13,000
hommes qui se pressait d'arriver à sa position. L'artillerie fraur
çaise, qui avait débouché sur le plateau aussitèt que les divi«
sions, fit un feu meurtrier sur ces troupes et y porta le désor^.
Pour aborder la position des alliés, il fallait fhmchir le ravin
creusé par le cours de la Portina, qui les séparait du plateau suc
lequel les troupes françaises s'étaient formées en sortant de la
forêt. Déjà les divisions Huffin , VillaUe et Lapisse n'étaient
9^ UTEB «BPTlBMt.
«m.^ plii9 qa'à oAe demf'*portée de eanon de cette position ; mais il
n'était piM Theoiv d'engager une actidn^ : ii faisait nait, et une
attaque de noit ne produit ordinairement qu'erreur et oonfd-
sion. dépendant le maréchal Victor s'imagina que si ^ à la &-
veur de robseurité et du désordreque son attaque vive et ra-
pide avait oecftsionné dans les rangs ennemis , 11 parvenait h
enlever le niameloQ qui était à sa droite , «t qu'on devait re-
garder coflsme la clef de la position, les Anglais ne pourraient
plua tenir sans s'exposer à une déHsûte complète. £n consé-*
qoence, le maréchal ordonna, entre neuf et dix heures, au
général RufBn d'emporter le mamelon avee ses trois régiments
le 9" léger, les 24® et 05® de ligne; au général Villatte de sou*
tenir cette attaque, et au général Lapisse â*opérer une diver-
sion sur le centre de la ligne ennemie, sans cependant s'engager.
Le 9* léger descendit le premier du plateau dans le ravin, et
aborda de firent le mamelon sous le feu de la brigade du gé-
néral Doukin, que le général Hill avait Tordre de soutenir. Ce
brave régiment arriva seul à mi-cùte^ous le feu meurtrier des
Anglais, qui ne pot l'arrêter, et là, ne consultant que son ar-
deur, il s'élança jusqu'au sommet du mamelon , culbutant à la
baïonnette les premières troupes qui voulurent l'arrêter. Mais
le général Hill , qui était accouru à la tête des 29* et 48® régi-
ments anglais , voyant que l'assaillant n'était pas soutenu , le
fit attaquer en flanc, et le 9® léger, épuisé par l'effort vigoureux
qu'il venait de faire , l\it forcé de rétrograder jusqu'au pied de
la position avec perte de 300 hommes hors de combat. Son
brave chef, le colonel Meunier, avait reçu trois coups de feu
dans ce court engagement, où son régiment se couvrit de gloire
et n'échoua que parce qu'il ne fut pas soutenu à temps. Le
24% trompépar l'obscurité, prit une fausse direction. Le 96* fut
retardé dans sa marche par le passage du ravin, où il rencontra
des obstacles imprévus. Les Anglais ont avoué une perte de
800 hommes dans cet engagement nocturne.
Il était dix heures du soir; les troupes françaises, en marche
depuis deus heures du matin , étaient harassées de fetigue et
éprouvaient le plus grand besoin de repos. Le combat cessa ,
et les deux armées passèrent la nuit à se préparer à une ba-
taille générale. Le général Ruffin orit position au pied du ma-
GUEBM B*fi8PAailX. Eli
meloD avec les 34* et M* régimento, qui y éuient arrivés au im.
moment où le 9* léger se retirait. Ce dernier régiment resta dans ^*^**
la position où il s'était arrêté. La division Villatte fat placée
en réserve derrière l'artillerie. La division Lapisse, en eolonues.
par régiments, resta sar le plateau en faee du centre de Ten-
nemi; la cavalerie do général Latoor-Maubourg en réserve
derrière cette division. La brigade du général Beanmont fut
placée derrière la division Roffin. A gauche la cavalerie liait
les troupes du 1*** corps avec celles du 4^ et de la réserve, cpii
venaient de passer T Albcrche. Il y eut dans Tarmée espagnole»
à onze heures du soir k k deux heures du matin» une fusil-
lade qui se prolongea delà droite à la gauche et qui fut occa-
sionnée par une de ces terreurs paniques si communes à la
guerre.
Le 9* régiment d*infanterie légère avait pris à Tattaque du
mamelon 4 officiers et loo soldats de la légion hanovrienne;
on apprit d'eux seulement quelle était la véritable position de
i*armée alliée, et Ton sut d'une manière positive que les Espa-
gnols occupaient fortement Talavéra.
La tentative infructueuse de la division RufSn contre le
grand mamelon eut le grave inconvénient d'indiquer à Ten**
nemi le projet d'attaque du lendemain , et de lui faire sentir
toute rimportance de fai forte position qu'il occupait; les An-
glais employèrent une partie de la nuit à la garnir d'une ar-
tillerie formidable, soutenue à gauche par la 5^ division espagnole
aux ordres du général Bassecourt, qui fut placée à la gauche de
la ligne anglaise, de manière à couvrir le vallon qui la aépa-^
rait des rameaux rocheux de la Sierra de Ségurilla.
Le lendemain 28, au lever du soleil, les deux armées étaient
rangées en bataille, et la canonnade s'engagea presque aussitôt.
L'action qui allait avoir lieu devut décider du sort du Portu-
gal, que l'armée anglaise était chargée de défendre, et peut-être
même aussi de celui de toute la Péninsule. Les vieilles bandes
qui composaient les i*' et 4® corps de l'armée française, accou-
tumées depuis tant d'années à vaincre les troupes de l'Europe
coalisée , et à voir leur ardeur constamment secondée par les
habiles combinaisons d'un grand capitaine , attendaient impa*
tiemment le moment de isombattre , et comptaient que le géi^^
313- tiVBV StPTital.
1809. ^® Napoléon dirigerait encore une fois les efforts générepx.
ehmsm* qu*el]es allaient faire pour le triomphe de sa cause.
Le maréchal Victor, contre l'avis du maréchal Jourdan,.
voulait, au point du jour, recommencer l'attaque du mam^on.
Victor, qui était resté longtemps aux environs de Talavéra ,
devait connaître parfaitement son terrain, et paraissait si sAr
du succès que le roi le laissa libre d'agir, comme il le voudrait*.
Dès Taurore, le maréchal fit une reconnaissance de tout le
front de la ligne ennemie. Les Anglais qui couronnaient le ma-
melon y avaient placé quatre pièces de canon. Une ligne d'in-
. fanterie, appuyant sa gauche au mamelon et sa droite au bois
d'oliviers, était soutenue par une ligne de cavalerie. Derrière
le mamelon , et dans le prolongement d'£l Gasar de Talavéra,.
on comptait cinq ou six lignes d'infanterie etde cavalerie. Quel-
ques escadrons observaient à gauche le vallon et étaient ap-
puyés par deux ou trois bataillons. Quant à la droite, il était
impossible de juger, à cause des oliviejcs, du nombre de troupes,
dont elle était composée. On apercevait seulement 7 à 8,000
hommes dlnfanterie et de cavalerie en avant de Talavéra. Les
Anglais occupaient la ligne depuis la montagne où s'appuyait
la gauche Jusqu'à la cassine dite Pajar de fiergara, dans la val-,
léede Talavéra, où se trouvait leur droite. Un ouvrage avait
été construit en avant de la cassine pour couvrir cette aile.
De retour de sa reconnaissance , le duc de Bellune distribua
ses ordres. Le général Bufiln plaça le Q'' léger à droite, le 24-
de ligne au centre et le 96* À gauche, chaque bataillon en
colonne serrée par division. La division Villatte suivit en se-
conde ligne. En même temps le duc de Bellune demanda au
roi Joseph de faire agir le 4® corps et la réserve contre la droite
de l'ennemi, tandis que le général Lapisse, ayant les dragons du
général Latour-Maubourg en seconde ligne , menacerait le
centre. Le 24« de ligne et le 9*^ léger franchirent les premières
pentes avec un élan admirable sous le feu de la division du
général Hill. Le 24% toujours soutenu par le 9« et le 9^"^ , et
continuant à gravir la hauteur, était prêt d*en atteindre le
sommet, lorsque sir Arthur Wellesley dirigea sur les trois régi;
ments français une partie de son centre, composée des troupes
du général Sherbrooke. Ces régiments, pris à la fois en flanc et
OnftBHt D*ÉSPAGli*. 3f9'
attaqués de fronts furent contrainfs de rétrograder, épuf ses par ,^
des pertes énormes; mais ils le firent lentement et avec le plus Eapagiîe.'
grand ordre , donnant par leur belle contenance le temps aux
blessés de s*éloigner . L^ennemi avait fiiit aussi de grandes pertes
et le général Hilt était blessé; mais celles de la division Ruffln*
s'élevaient à plus de 500 hommes par régiment, et les deux
tiers des officiers étalent hors de combat.
Il était dix heures du matin. Après avoir reconnu la position
de Tenuemi , le roi réunit les maréchaux Jourdan, Victor et le*
général Sébastiani, pour décider en conseil si Ton devait tenter
une attaque générale. Le maréchal Jourdan se prononça contre
une telle résolution, et son avis fut que, Tennemi étant instruit,
par les deux tentatives précédentesr, de Timpoitance de sa po-
sition, et prévenu du point où il serait de nouveau assailH, il
fallait se tenir sur la défensive, rétrograder même derrière 1*AI-
berche et y attendre que le maréchal Soult eût achevé son mou-
vement sur les derrières de Tannée alliée , ce qui ne pouvait
tarder d'avoir lieu. Le maréchal Victor, au contraire, insistait •
pour qu'on continuât Tattaque, et dit que, si le roi faisait mar-
cher le 4^ corps contre la droite et contre le centre de la posi-
tion des alliés, il s'engageait, avec ses trois divisions, à enlever
la hauteur contre laquelle il avait échoué deux fois, ajoutant que,
s'il ne réussissait pas, a il faudrait renoncer à faire la guerre. »
Le roi, placé entre deux avis si opposés , hésitait , ne sachant
quel parti prendre, lorsqu'il reçut du maréchal Soult une lettre
annonçant que son armée ne serait réunie à Plasenda que du
3 au 5 août. Cette circonstance dérangeait tous les calculs. On
savait que Vénégas menaçait déjà Tolède et que son avant-
garde s'approchait d'AranJuez. Il fallait avant tout sauver la ca^
pitale , et pour cela diviser les forces qui étaient en présence des
années anglaise et espagnole. U fut donc résolu qu'avant de
prendre ce dernier parti on tenterait une attaque générale sur
tout le front de la ligne ennemie, comme le proposait le maré-
chal Victor. En conséquence, des dispositions forent arrêtées sur^
le-champ et transmises aux généraux commandant les divisions.
Le temps s'écoula pendant qu'on faisait ces dispositions d'ofléi^
sive ; la canonnade annonçait seulement que les deux partis
étaient encore aux prises ; mais elle cessa bientôt graduellement :
314 LIT&B tBPTlém.
ffM9. Ift ehaleor du Jour à nidi força les armées à aaspendre matuel-
Evpagne. jeuieiil le oombaU Les deux partis profitèrent de celte espèce
de trêve pour enleyer lears Iti^sés.
Le général en chef eoBeini, placé sur la luuitenr qui dominait
tout le diamp de batailie, était à même d*apercevoir les mouve-
ments de Tarmée française, et avait ainsi le. temps de les pré*
' venir et de foire à l'avance les dispositions eontraires. La posi-
tion qu'occupait Tarmée anglaise, d'un abord difficile en avant
de son front et sur ses flancs y était accessible en arrière de sa
ligne, et permettait à sir Wellesley de porter rapidement des
renforts sur les points les plus menacés.
Pour aborder la ligne anglaise, les colonnes françaises avaient
à passer le ravin dont nous avons parlé plus haut ; elles ne pou-
vaient conserver entièrement leur formation, en s'avançant dans
un terrain coupé, raboteux, inégal, qui mettait nécessairement
quelque désordre dans leur marche. D'un autre c6té, le mame-
lon occupé par l'ennemi dérobait  bi gauche de l'armée assall-
« lante les mouvements des colonnes de droite. Ainsi, bien que
dana cette Journée chaque corps de l'armée ait combattu avec
une bravoure sans égale, il n'y eut aucun ensemble dans leurs
efforts. L'expérience d'un général habile aurait pu seule suppléer
aux avantages que la nature du terrain refusait aux Français
et donnait si libéralement à leurs adversaires.
Le général Ruffln avait reçu l'ordre de pénétrer, à l'extrême
droite, dans le vallon qui séparait la position de renuemi des
montagnes, de longer le pied de ces hauteurs , d'aborder par
sa gauche la division espagnole du général Bassecourt, qui venait
d'arriver , et de n'escalader le mamelon que lorequ'ii l'aurait
tourné. Le général Yillatte devait menacer cette hauteur avec
une brigade, en attendant que la brigade de droite du général
Lapisse, dont la division formait la gauche du 1""^ corps, fàt en
mesure de gravir l'escarpement pour attaquer de coucert le
centre de hi position anglaise. L'autre brigade de la division
Villatte fut placée à l'entrée du vallon, pour soutenir la division
Ruffln contre la cavalerie ennemie. Le 4*^ corps, placé sur deux,
lignes à la gauche de la division Lapisse , dev^ attaquer la
droite de l'ennemi au point de jonction des Anglais et des Es-
pagnols. La cavalerie légère du général Merlin et les dragons
GUEUE J>*fiSPiM»IKB. ^|â
4u géoéràl LaUmr-Manboarg se formèrenl derrière rin&Dterie im.
du 1^^ corps pour la soBtenir et pouvoir déboucher dans la ^^^«^
plaine lorsque le mamelon sérail enlevé. Les dragons du gé-
nérai Milhand, portés àTeitréme gauche, devaient observer
ïalavéra et la droite des Espagnols. La réserve resta en troisième
ligne derrière les troupes du 4^ corps.
11 était deux heures de Taprès-midi quand ces dispositions
d'attaque furent achevées. C'est aussi à cette heure que Tennemi
reçut un renfort de toutes les troupes anglaises qui faisaient
partie du corps commandé par sir Robert Wilson. Elles débou-
chèrent par le chemin de Méjorada et allèrent se former en qua-
trième ligBB sur le prolongement du grand mamelon» dans la
direction d'El Casar de Talavéra. Le maréchal Victor attendit
pour agir que le 4* corps arrivât à sa hauteur » et, aussitôt que
ce eorps fût engagé, les généraux Lapisse , Yillatte et Ruffin
commencèrent leur mouvement.
Le général Lapisse passa le ravin. Il était soutenu par la ca-
valerie du général Latour-Manbourg et appuyé par deux bat-
teries de 8 bouches à feu chacune. Le général Yillatte roanœu»
vra au pied du mamelon, et le général Ruffin suivit la direction
qui lui avait été donnée. Les deux divisions d'infanterie du gé-
néral Sébastiani opérèrent leur mouvement avec calme et pré*
dsion, bien qu'il eût lieu sous la mitraille de la redoute qui était
entre la droite des Anglais et la gaudie des Espagnols. Le géné-
ral Levai n'avait pas eu le temps de déployer sa division alle-
mande, qui, s'étent avancée à travers le bois d'oliviers, se vit
bient6t entourée par plus de 1S,000 hommes. G'éteit la division
Campbell, soutenue par une brigade du général Mackeozie et
quelques bataillons espagnols. Le général Levai appuya sa gau-
che par un carré et marcha au-devant de Tennemi, qui recula en
laissant le champ de bataille couvert de ses morts. Un régiment
anglais avait déposé les armes et s'éteit rendu , lorsque le co-
lonel de Porbeck, commandant les troupes badolses, fut tué d'un
eoup de feu. Il y eut à ce moment de l'hésitetion parmi ces
troupes, et le régiment anglais se trouva dégagé. On ne put con*
server qu'environ 100 hommes, le miijor, le lieutenant-colonel
et le colonel ; ce dernier mourut de ses blessures. L'ennemi ayant
porté de nouvelles forces contre la division Levai , le général
816 LIVBR SEPTlàlIB.
ind. SébastUtni déploya derrière elle la ^ brigade de la division
•feipagnd. ffiinçaise et donna Tordre au général Levai de se retirer en se-
condé ligne. Au reste le commandant du 4^ corps avait pour
instruction de ne se porter sur l'ennemi que ]ors(iue le duc de
Bellune aurait commencé son attaque ; mais, les chevaux de Tar-
tillerie ayant été tués dans les oliviers , on ftit forcé d'aban-
donner sept pièces.
Pendant ce temps le général Lapisse avait attaqué le centre
de Tennemi avec le te® léger et le 45* de ligne, déployés et sui-
vis des 8* et 5* de ligne en colonne serrée, et avait porté d*abord
. le désordre dans les troupes de la division Sherlnrooke. Cette
attaque avait été puissamment secondée par rartillerie comman-
dée par le colonel d'Aboville ; mais, repoussée à son tour par un
violent feu d'artillerie et de moosqueterie, la division française
avait déjà cédé du terrain lorsque la brigade des gardes anglaises
sortit inconsidérément de la ligne pour achever la défeite des
Français; mais, ceux-ci revenant à la chai^, les régiments des
gardes, pris en flanc par Tartillerie et l'infanterie françaises,
Airent vivement repoussés et se retirèrent dans le plus grand
désordre. Cette terreur gagna la légion allemande, et tout pa-
raissait perdu au centre de Tannée anglaise , lorsque le général
Lapisse tomba mortellement blessé. Bans ce moment le 48* ré-
giment anglais, commandé par le colonel Donellan , qui était
resté en réserve sur la hauteur, s'avança pour rétablir le combat
ou pour couvrir les fuyards. Il ouvrit le feu et réussit à arrêter
les colonnes de la division Lapisse. La légion allemande se ral-
lia au 48*, la brigade de cavalerie légère du général Cotton ar-
riva au galop, et une batterie vint battre les Français en écharpe.
Ceux-ci ftirent repoussés avec perte d'un grand nombre d'offi-
ders et de soldats hors de combat. Le maréchal Victor rallia
cette division aii pied du mamelon, dont il renonça à s'emparer
de front pour ne plus s'occuper que des moyens de le toamor.
En conséquence la brigade du général Yillatte destinée à cou*
vrir le vallon y pénétra, tandis que la ^vision Buffin eontbiuaità
suivre le pied des montagnes. La division de cavalerie légère dn
général Moulin, placée en seconde ligne, se tint prête à déboucher
dans la plaine à la suite de l'infanterie ; mais, ce mouvement
ayant été aperçu par sir Arthur Wellesley , celui-ci fit charger
Otite in&mterie pHr le 19* régfaieat de dragms légers anglai» laœ.
•t le l*' régbnent de dmgotts allemandg de la brigade Aneon.
Les Ang^ forent reços avee le plus grand sang-firofld par vu
batailloii de grenadiers a«ix ordres du oomniandant Bigex et
par le 37* léger ; une qoÉntlIé d'hommes et de cfaeranx Tinrent
. tomber aux pieds de l'intaiterie firançaise. Malgré la fusillade,
'; h 33* de dragons légers, qni tenait la tète de la charge, «'engagea
' entre les troopes do gé»6ral Villatte et hi division RuiBn. La
brigade du général Strolz, composée des 10* et 36* régiments
de chasseurs à dieyal, se porta à sa rencontre. Ce général ma-
ninnrra pour laisser passer les Anglais et les diarger en qneoe.
Bientôt la mêlée Ait complète. Le maréchal Victor, qui, de la po*
sition où il était, près de Fartillerie, ayaitTu la cavalerie ennemie
se lancer aussi témérairement, fit avancer les landen polonais
et lés dievau-légers westphaliens : il ne s'échappa qu'un petit
nombre d'hommes du 33* de dragons légers; tout le reste fut
prisavecses étmdardsouftit tué* L'autre régiment se dispersa.
Pendant l'attaque du centre, le 4* corps avait été vivement
engagé. Il eut à soutenir de nouveaux efforts de la part des en*
nemis après le mouvement rétrograde de la division Lapisse. Le
général Rey, à la tète des 3S* et 33* de ligne, les chargea et les
arrêta dans leur poursuite. En même temps la droite de l'armée
anglo-espagnole se porta tout entière sur la brigade de gauche,
commandée par le général LIger-Belair, et composée des 5S* et
7S* de ligne. Le choc fût terrible : 4,000 hommes combattaient
contre 30,000, sous le feu d'une nombreuse artillerie, dans un
terrain fort difficile et tout à l'avantage de l'ennemi. Le 75* de
ligne était parvenue déboucher dans la plaine, lorsqo'unecharge
de trois régiments de cavalerie anglaise et espagnole arrêta son
mouvement et enleva au 4* corps dix pièces, qui. Jointes aux
sept pièces abandonnées dans les oliviers par la division Levai,
constituent une perte totalede dix-sept bouchesà feu. Le général
Levai, formant un carré à la gauche de sa ligne avec la brigade
de Darmstadt et Prince-Primat, donna à la 8* brigade française
te temps de se reformer en colonne et de contenir l'ennemi. Le
colonel Buqnet, du 75*, grièvement blessé dans cette aâUre^
fàt pris, un des chefis de bataillon fût tué et les autres furent
blessés.
918 UVM SEFTIÉaBK.
,90^ Dans le vallon, le gënéial Rol&i oontiiMiait son monveinelit»
et déjÀ la tète de sa eoicmne détwrdail la gaoelie de la dlvtrimi
espagnole dn général Basseoomt, loraqafM Teçat Tordre des*ar*
réter et de se maintenir dans la pMllieE où il se troayait. Il
était cinq heures du soir. Le maréchal Victor, croyant qu'en ral-
liant le 4* corps pour le porter en avant avee la réMnre on pour-
rait encore obtenir Tavantage sur un eanemi dont le fbu parais-
saitsejalentir et qu'on supposait fiiiredesdispoiitionsderetraite»
fit prier le roi d'ordonner ce mouvement. Le roi approuva la
proposition, et le 4^ eorps avec sa réserve allaient s'â>ranler pour
marcher à Tenneffli , et Ton attendait beaucoup de ce dernier
effort, lorsque le roi fut prévenu qu'mie colonne ennemie dé-
bouchait de Talavéra et paraiasaitse diriger, par la granderoute^
sur le pont de l'Alberehe, pour déborder la gauche de Famée
fnmçalse. Cette nouvelle obligea Joseph à changer ses premières
dispositions et à diriger l'armée du côté que l'ennemi semblait
vouloir menacer. La nuit approchait : il fallutrenonoer à entre-
prendre une nouvelle attaqne générale. Le roi expédia au duc
de Bellunerordre de se retirer derrière l'Âlberehe àson.ancienne
position, et de prévenir le général SébasHani du moment où il
commencerait son mouvement rétrograde.
Le duc de Bdlune ne yoy^M rien sur le champ de bataille
qui l'obligeât à se retirer» et ignorimt les motils de l'ordre du
roi, lui dépèehason premier aide de camp pour lui représenter
que l'ennemi, déconcerté par les pertes qu'il avait éprouvées»
fiaraissait songer à la retraite , et qu'il pensait <pi*on pouvait
sans inconvénient se maintenir sur le champ de bataille. Depuis
qu'il s'était décidé à opérer sa retraite, le roi. avait été prévenu
que Yénégas marchait sur Madrid et que son avant-garde avait
déjà passé le Tage.
Il répondit donc au maréchal Victor que le salut de la capi-
tale , celui.des blessés et laconservation des approvisionnements
de Tannée ne permettaient pas qu'on s'arrêtât plus longtemps
devant Talavéra, et qu'il fallait se retirer pour aller combattre
l'armée de la Manche. D'après cette décision du roi, la retraite
de toute Tarmée commença immédiatement. Le général Sébas-
tiani, prévenu par le maréchal Victor qu'il se retirerait vers mi-*
nuit, fit son mouvement le premier. Le maréchal partit le dfr*
nier. Le l^wrfB se mit en-marehe dflE&s le plus grand ordre «too.
entre une et deux henrcsdo isaftin» sans laisser ni blessés ni ba- '^«s'^-
gage sur le ebamp de bataille. Le S9,A six benresdu matin, tontes
les troupes françaises se trouvaient en position sur la rive gauche
de rAlberche, dans le même ordre que celui du 27, quand elles
marchèrent sur Talavéra. L'auiemi, qui s'était préparé à rece-
voir une nouvelle attaque, lut très-surpris lorsque, le 39 au
matin, il s'aperçut que les Français n^élaient plus devant lui.
Les pertes s'élevaient de part et d'autre à 7 ou 8,000 hommes
hors de combat. Les généraux anglais Madienzie , Langworth
et plusieurs officiers supérieurs avaient été tués, et , du côté des
Français, le général Lafdsse mourot de ses blessures à Santa-
Olallale 81 Juillet. Les généraux anglais Hill, Campbell et le
général espagnol Manglano étaient au nombre des blessés. Les
Espagnols avouèrent une perte de 1 ,300 hommes. Les Français
avaient fait 660 prisiHiniers , et les alliés, 156 ; mais les pre-
miers avaient perdu dix-^ept pièces de canon.
Nous avons cru devoir donner avec quelques détails la rela-
tion de la bataille de Talavéra, parce que , mieux dirigée, cette
1)ataille pouvait avoir d'immenses résultats et terminer, peut-
être d'un seul coup, la guerre de la Péninsule. Elle resta indé-
eise, parce qu'on ne ftdsalt rien de bien là où rempereûr n'était
pas, là surtout où des généraux insubordonnés prenaient à
tAche de faire échouer les plans les mieux conçus. Le maréchal
Jourdan, qui avait compris Timportance de concentrer les forces
françaises sur le point le plus menacé par l'armée anglo-espa-
gnole, désapprouvait, avec raison, tout mouvement offensif
avant l'arrivée du maréchal Soult. On ne l'écouta pas ; on en-
traîna le roi par des promesses de succès, et ce prince, sans
expérience de la guerre, et craignant les reproches de l'empe-
reur, laissa agir, peut- être malgré lui , ceux qui le conseillaient
le plus mal. Jamais les troupes françaises n'avaient combattu
avec plus de valeur qu'à Talavéra ; jamais elles n'avaient montré
plus d'ardeur pour joindre l'ennemi ; mais des attaques décou-
sues et mal dirigées contre une position formidable, et une
grande supériorité numérique chez l'ennemi, ne pouvaient ame-
ner que des revers. Avec l'empereur les chances de succès de-
venaient incalculables.
310 UVAB SOVlAtfB.
IM9 Le foi nuureha en tome faàte «vee le opfpadu général Séba»-
^'^^ff^' liani, sa garde et la réserve, pour dépgMT Tolède; ilyJeMume
diviskm d'infonterle, et se perla Jedi Juillet, avee le reste de
ses troupes, à Uleseas, d*oà il pourrait également marcher au
seeoors du i^ eorps sur TAlberefae,' s'opposer aux progrès de
sir Robert Wllson , et eonlienir au besoin les habituits de Ma-
drid; mais le maréchal YMor» era^pMftt un mouvement du
.général Wilson sur son flâne» se retira le l^' août du oMé de
Alaquéda et de Santa-Gruz dei Retamar.
s août. Combat du pont del Arzobiipo^ — Sir Arthur Wellesley» au
lieu de poursuivre Tariqée française sur rAlberche, et de prou-
ver ainsi qu'il avait réellement vaincu ses adversaires comme il
Tannonçait pompeusement duis ses rapports, resta immobile
dans sa position de Talavéra jusqu'au 3 août, jour où il apprit
le mouvement du maréchal Soult. Celui-ci, qui n'avait reçu que
le 34 juillet l'ordre de s'avancer ^ur les derrières de l'armée an-
glo-espagnole, arrivait sur le Tage, avec les 3', S* et 6^ corps,
par le col de Banos , Plasencia et Navalmoral , se plaçant ainsi
. entre l'armée anglo-espagnole et le pont d'Almaraz, seul point
. par lequel le général ennemi pouvait rentrer en Portugal. Il ne
. restait à ce général que deux partis à prendre : rouvrir ses com-
munications, tout en contenant Victor, ou se porter à la rive
gauche du Tage. Le premier parti était sans doute celui qu'il
fedlait préférer» et les généraux alliés convinrent que l'armée
anglaise irait à la rencontre du maréchal Soult, tandis que les
Espagnols resteraient à Talavéra pour tenir tète à Joseph et au
maréchal Victor, s'ils revenaient de ce côté; mais sir Arthur, qui
avait aussi peu de confiance en Guesta qu'en son armée, se dé-
cida pour le second parti , et résolut de passer le pont del Ar-
zobispo et d'établir sa ligne de défense derrière le Tage. Il pensa
qu'il n'avait pas un moment à perdre pour échapper au danger
qui le menaçait et quitta précipitamment Talavéra, où il aban-
donna SyOOO blessés ou malades, qu'il recommanda à la gé*
nérosité française; et, laissant au général Guesta le soin de
soutenir sa retraite , il s'avança en toute hAte par Oropesa vers
le pont del Arzobispo» et le 4 août l'armée anglaise se trouva
sur la rive gauche du Tage. Sir Arthur établit son quartier gé-
néral à Deleitosa et posta son arrière-garde à las Mesas de Ibor.
GUBBBE 0*BSFA6II1« 391
De son o6té, Cutsta» ii*osant pas attendre seul à Talavéra Jo-
seph el Victor, qui a'wussaiait de nouveau» abandanna œlte
ville et alla Joindre l'armée anglaise à Oropesa, avant qu'elle
a>ùt passé le Tage. Cette détermination prématurée indi^^osa
sir Arthur WeUesl^, qui se plaignit surtout du peu de soin que
Cuesta avait mis à sauver les blessés anglais qui se trouvaient
à Talavéra, où le maréchal Victor revint le 6. Cuesta, forcé de
suivre Tarmée anglaise, avait passé, le ô, le pont del Arzobispo,
et s'était dirigé sur las Mesas de Ibor , laissant à Guarda del
Puente la $^ division, commandée par le général Baasecourt,. et
le duc d^Albuquerque à Asutan, pour surveiller les gués, à la
tète de 3,000 chevaux. Le maréchal Mortier, avec le 6^ corps,
avait pris position à la Puebla de Naciados ; le maréchal Ney,
avec le 6^, était à Navalmoral , et le maréchal Soult au Gordo,
avec le 2^ Le maréchal Victor devait appeler l'attention des Es-
pagnols au pont de l>ois de Talavéra et les attaquer même en
suivant la gauche du Tage. Le 8 août, à deux heures de Taprès-
midi, par une dialeur étouffante, une division du 5^ corps,
aux ordres du maréchal Mortier, occupa le plant d'oliviers
qui touchait au faubourg de l'Arzobispo, une autre s'échelonna
sur la grande route , et une brigade fut placée derrière la cava«
lerie du maréchal Soult, qui se forma en face d*un gué que Ton
venait de reconnaître au-dessus du pont; les autres troupes
couronnèrent toutes les hauteurs de la rive droite. La cavalerie
devait passer le gué pour prendre l'ennemi en flanc ; quelques
sapeurs portés en croupe par les cavaliers avaient ordre d'en-
lever les barricades et d'ouvrir \in chemin à Tinfiinterie. Les
18^ et 19* régiments de dragons , conduits par le général Cao-
laincourt, passèrent les premiers, s'élancèrent sur les batteries
ennemies, entrèrent dans les redoutes et s'en emparèrent
Un grand nombre de canonniers espagnols furent tués sur
leurs pièces , d'autres furent contraints de tirer sur leurs ca-
marades eu fuite. L'infanterie espagnole, forte de 7 à 8,000
hommes, chercha vainement à se former en bataille : char-
gée par les deux régiments de dragons français, elle i^t cul-
butée et mise dans une déroute complète. Pendant ce temps,
les sapeurs qui avaient passé en croupe des dragons gagnèrent
le pont, coupèrent les palissades, enlevèrent les chevaux de
I. 21
S29 LIYAB SBPTIÈME.
tara, frise qui tes défendaient, et ouvrirent mi passage à la division
du gâiëml 6lrard * ; mais, an moment où cette dernière troupe
se réunissait aux dragons, on vit accourir à toute bride un corps
de quatre mille chevaux, commandé par le duc d'Albuquerque,
et composé en grande partie de régiments d'élite, parmi les-
quels se trouvaient les carabiniers royaux et les gardes du corps.
Cette troupe se forma sur trois lignes, et chacune de ses ailes
débordait de plus de cent toises les deux faibles régiments fran-
çais qui hii faisaient face. Bientôt le génâral ennemi fit sonner
la charge ; les Espagnols, poussant de grands cris, s'ébranlèrent
et manœuvrèrent pour envelopper leurs adversaires; les dra-
gons leur épargnèrent la moitié du chemin en allant à leur ren-
contre. La mêlée devint générale, et fut un instant si terrible
que le maréchal Soult hésita s*il ne ferait pas tirer à mitraille sur
le tourbillon de poussière qui enveloppait les combattants ,
comme le seul moyen d'arrêter l'ennemi. D'après la force des
Espagnols et le petit nombre des Français, il est probable que
la perte des premiers eût été six fois plus forte que celle des se-
conds ; mais ce moyen extrême ne fut pas employé, car au bout
de quelques minutes la victoire se déclara pour les dragons.
Les Espagnols se débandèrent de toutes parts en apercevant le
reste de la cavalerie française, qui^ après avoir passé le Tage,
se formait sur la rive gauche. Une batterie d'artillerie légère
* La promière brigade de la division Girard , composée des 34* et 40*
de ligne, et oommandée par le général Cliauvcl, atait reçu Tordre direct
da maréclial Mortier de se tenir prête à passer le Tage à un gué qai avait
été reconnu la veille. Cet ordre reçut son exécution à cinq heures du matin,
les tiataillons formés en colonnes serrées par peloton, chaque soldat portant
fion Tusil et sa giberne sur sa tète. Les 18* et 19* de dragons passèrent
presque en môme temps que IMnfanlerie. Parvenues sur la rive gaudie , ces
tfoupea fiirent obligées de se former sous le feu d^une batterie ennemie de
six iMNicbes à feu qni les inquiétait beaucoup. Le colonel LafiUe , du 18*
de dragoBS, réunit quelques braves de son régiment, se jette sur tes canon -
niers et enlève la batterie. 11 remit au général Chauvel rofficler espagnol qui
la commandait. Ce général envoya un bataillon du 34f régiment pour rom-
pre les barricades du pont, et détruire une maçonnerie nouvellement prati-
quée sous les arcades des tows qui le défendent. C*est alors que le gé>
néral Girard avec la deuxième brigade , vint se réunir à la première. Le
résultat de ce combat fut bon nombre de prisonniers et trente pièces de
D-Bft1>A0llB. 939
planée «ir le bord da flenve feur fit mi mitl i^oau
o(Misidéf«ble» Les iiiyjirds furent poursuivis Jusqu'à deux Heiies £^*^?»<^
du Tage. La perle dos Sspagnolafat de $00 hommes, trente
pièces de canoo et tous les.éqnîpages ; celle des Praeçais ne fbt
que de quelques hommes tués et blessés.
L*iQfanterle du maréchal Mortier oeeupa la tète du i»oiit del
Arzobispo et garda la rrve droite Jusqu'à Talavéra; le maré-
chal Ney j doBt la ppésenoe devenait superiue depuis la retitrfte
des deux armées anglaise et espagnole, se mit en marche vers
SalamanqnCy pour s'opposer aux progrès d'un corps espagnol
commandé par le doc del Parque , qui se trouvait aux environs
de cette ville; le corps du maréchal Soult fut destiné à couvrir
le pajTS entre Akantara, Goria, Plasencia , etc., et à faire face
à l'armée anglo-portugalse. Les Espagnols vaincus à TArzebispo
firent leur retraite par les montagnes de Deleitosa pour se réu-
nir à l'at mée anglaise , et une autre partie alla Joindre le général
Vénégasdans la Manche. L'armée anglaise et le corps espagnol
aux ordres du duc d'Albuquerque restèrent en position derrière
le Tage. Le maréehal Soult ne crut pas devoir s'engager davan*
tage en poursuivant les alliés et en profitant du désordre qui ré*
goait dans leurs colonnes. Il pensait laisser cette tâche au ma-
réchal Victor, tèehe d'autant plus difficile qu'il fallait faire
passer l'artillerie sur le pont d'Almaraz pour gagner la grande
route d'Estremadure, et une arche de ce pont était détruite ; on
manquait d'ailleurs de bateaux et des premiers matériaux néces-
saires pour construire un autre pont ; il aurait donc fallu faire la
guerre sans artillerie. D'un autre c6té , le pays entre le Tage et
la Guadiana était entièrement ruiné par le séjour des armées ,
et les chaleurs accablantes de la saison ne permettaient pas
pour l'instant de continuer les opérations en Estremadure.
Les Angkiis s'établirent sur la gauche, vfs-à-vîs d'Almara^/
leur quartier générale Jareicejo; les Espagnols prirent position
sur la droite, avec leur quartier général à Deleitosa, survefflant
en même temps las Mesas de Ibor par Fresnedoso. Le 1 2 août,
don Gregorlo de laCuesta, brouillé avec Wellesley, accablé de
dégoût» et de fatigues, donna sa démission de commandant en
chef, à la grande satisfaction du général anglais; il fbt rem-
placé par don Francisco de Eguia. Le défaut de subsistances,
31.
4S4 . WnM SBPnÉHl.
ffoiL les oiabdfe» 4es homineB, le dépédasenieQt des 'dieiranx dé-
■HMgne. eidèreDt eDAn sir Arthur Welksley àsediriger yers le Ptortogal.
Il s'était déjà reUré préoédenuneiit Jusqu'à Trmillo. Le 90 H
marcliA à Mérida, où il arrêta son mouvenieat i*étrograde , et
ensuite à Badajoz. Au commencenuait de septembre II prit des
cantonnements sur la frontière de Portugal.
Ainsi se termina l'expédition du général sir Arthur Welles-
ley dans TEstremadure espagnole, expédition au moins aussi
hasardée que celle qu'avait tentée le géaénd Moore vers la fin
de Tannée précédente. L*armée anglo<€spagnoie serait entière-
ment tombée au pouvoir des Français si les corps des maréchaux
Soult, Ney et Mortier fussent arrivés deux Jours plus tôt en
Ertremadùre; mais le roi Joseph n*avait^voyé que le 32 Juil-
let au due de Dalmatie Tordre de concentrer les trois corps
d'armée à Salamanque et de s'avancer sur les derrières de l'ar-
mée ennemie. Le maréchal avait reçu cet oidre le 24 ; le 5*
corps ne s'était mis en route que le 27, le 2® corps le 30, et le
6' le i^ août, et Tarmée n'avait pu arriver que le 5 août à Pla-
sencia. Ahisi le général anglais ne devait son salut qu'à l'im-
patience du roi Joseph de combattre à Talavénu Le début de ce
héros, que la cour de Londres éleva à la dignité de pair sous
le titre de lord Wellington et de vicomte d^Talavéra, pour
la prétendue victoire de ce nom, était loin d'annoncer cette
haute réputation que d'autres circonstanoes également heureuses
lui ont donnée. S'il ne fut pas entièrement délait à Talavéra ,
il faut l'attribuer aux mauvaises dispositions arrêtées par l'état-
major fîunçais, qui , au lieu de faire attaquer sur-le-champ la
gauche des Anglais avec de grandes masses, morcela le corps
du maréchal Victor en petites colonnes , et les fit écraser sans
aucun résultat dans les Journées des 27 et 23. Le général «n-
gUdsa osé dire dans ses rapports sur cette bataille que, s'il ne
poursuivit pas les Français sur TAlberehe, où ceux-ci restèrent
plusieurs Jours en position» ce fut parce que la junte espagnole
ne lui fournit pas des transports suffisants ^ supposition d'autant
plus ridicule que» en Jetant les yeux sur la carte, on verra
le peu de distance que Tarmée anglaise avait à parcourir pour
Joindre les Groupes du maréchal Victor.
Il aoèt. Bataille d'Almonaeid. — On se rappelle 4ue le général Se-
hmmni ^\mnM raméede ta Màticbe a« qn?lroM dePainrid iio».
ipund il reçut du foi Joaeph Torâye de se rappfoeher à isaidKS
foraées de Tolède ponr n fémir ao l*''^eorps gwr TAlberelie. il
avait été suivi dès le M Jaillet par le général Yénégas , qui ar-
riva à AraDjoes dans la mallDée du Sth Ce dernier ann^t pu
alors entrer à Madrid , cette ville étant presque dégarnie de
tronpes; mais, hésitant encore de s'avancer vers la Gapitale,
Yénéga» Vêtait borné à eoneentrftr à Aranjiiez son' armée, qui
se composidt de cinq divisions d*lni)iilterie et de 3 à 4,000 che-
vaux, fermant en tout environ SO,ooo hommes. Le 3 aoAt, il
ftit lalbnné par Guesta q«e l'armée alliée abandonnait Talavéra.
Au lieu de se retirer à cette nouvelle, Vénégas prit le 5 des me-
sures pour défendre le passage du Tage, et fit passer sur la rive
droite les 3* et 3* divisions, changées de surveiller les gués et les
trois ponts Verdé y de Barcas et de ht R^na«
Le roi, instruit de la présence, des troupes espagnole» sur la
rive droite, et ayant appris que laeavalerie de Vénégas s'éf ail
présentéele 3 et le 4 près de Yaidemoro, à cinq lieues de Madrid;
partit d'Illeseas, ou il s'était établi ea revenant des bords de
rAlberche, et transporta, le S , son quartier général à Yaide-
moro^ où il- réunit le 4^ corps et la réserve. Il y arriva dans la
soirée , fit attaquer immédiatement la partie de l'armée espa-»
gnole qui avait passé le Tage et la forç» à regagner la rive gau*
che; mais en se retirant l^nemi coupa les ponts. Dans l'im-
possibilité d'efTectner son passage à Aranjuez, dont- le pont
était détruit, Joseph se dirigea sur Tblède. En débouchant par
le pont de cette ville le 9- à la pointe du- Jour, le 4< corps cuN
buta 3 à 1 0,000 hommes qui défendaient le» hauteurs environ-
nantes et s'établit au viHage de^Nembroca, à une lieue et demie
de Tolède , d'où foi cavalerie légère- du général Merlin chassa
un parti ennemi qu'elle sabra esprit presque en entier.
Yénégas n'en conserva pas moins ses postes à Aranjuez^ et
échelonna ses autres divisions à Ocana, Guardia et TemMèque ,
bien résolu à ne pas abandonner la Manche. Dans ce but ii
concentra son armée sur les hauteurs d'Almonacid. Le 10 , à
la pointe du Jour, la division de dragons du général Milhaud
passa le Tage au gué de Villamayor, enti^ Aranjuez et Tolède,
à trois lieues au-dessus de cette dernière ville, lin bataillon et.
ZHê uvms fiErriiiif.
trois escwkoiw qui défaïklaieBl ce gué faient taillés en pièMS
.iBiNisut. ^^ fyiji^ prlaoBBler». Le lendemain , cette division se réunit au
4"" eerfs, qui se mit en marche sur Aimonaeid) où le générai
Vénéga? paraissait vouloir tenter le sort d'un engagement gé-
nérai. Les Ei^agnols y étalent en position , leur gauche cou*
vraot la route de Vom et 8*iq[ipuyant i un mamelon détaché
de la chaîne des mcMitagnes qui courent des lx>rds du Tage à
ceux de la Guadiana , leur centre sur un plateau enavant dn
hourg d'Almonacid« et leur droite s*étendant sur des hauteurs
et couvrant la roule de Teroblèque ; une réserve était placée
en arrière sur une montagne très-élevée ^ d'un escarpement ra-
pide, où se trouve situé le (^teau d'Almonaoid, et sur laquelle
étaient plaeées quarante pièces de canon. Le général espagnol
avait distribué sa cavalerie sur ses deux ailes. La 2" division
tenait la droite; la 1*^ occupait la gauche; les 4^ et 5® étaient au
centre. Le 4® corps « après les pertes de Talavéra , ne comptait
pas plus de lâ^ooo hommes, qui» réunis aux â«000 de la ré-
serve , portaient l'armée du roi tout au plus à 20,000 hommes.
Outre la supériorité du nombre, l'ennemi avait Tavanliage de
la position dominante qu'il occupait.
Le général Sébastiani reconnut la position de Vénégas, et,
jugeant que le gain de la bataille dépendait de la possession du
mamelon ou e'appuyait sa gauche» formée de 10,000 hommes
dos mineures troupes e^pAgnoles, aveb sept pièces de canon,
il résolut d'attaquer sw^le-champ, bienquela réserve» venant de
Tolède et conduite par le roi en personne ^ ne fût pas encore
arrivée; et, dans l'intention d'ailleurs de couper la route de
Moin, qui est la communication la plus directe pour gagner la
Siem-Morena, le général Levai eut Tordre de former en coloa-
nés serrées par brigade les divisions polonaise et allemande , de
longer la montagne qui descend de Tolède» d*appoyer sa droite
par un carré au point où les montagnes ilaissent et à la base
du mameloD, de le déborder par sa droite avec la division alie^
mande et de frire attaquer de front par la division polonaise.
Cet ordre fut exécuté avec un calme et une précision admira-
bles. Le général prince Sulkowsky^ s'élançant à la tète des
Polonais sous un feu terrible d'artillerie et de mousqueterie »
aborda les Espagnols au pas de change, les culbuta» eu fit uu
OUBtn B'B8»46IA. tSY
grand eânmge, et se reoâft maître dn mameioQ , pendaiit que
la division allemande, ayant égakment réussi dans son attaque
de droite, contraignait l*enneaii à praidre la ftrite. Le eolonel
Soboksky, du 7* l'égiment polonais, officier de mérite et de la
pins brillante bravoure, tronva la mort au mlllen des rangs
ennemis, qu*il avait enfoncés. Snr le oenire de l'armée espa-^
gnole, les générant Liger-Belairet Bey, à la tète dea deux htU
gades françaises de la division Sébastian!^ composée des 98*,
32*^, 58« et 75* de ligne, attaquèrent le plateau et le village
d'Almonacid, défendus par 12,000 bommes. Les Eispagniris
furent encore enfoncés ^nr ce point et obligés de prendre la
Alite , laissant le champ de bataille couvert de leur» morts et
de leur blessés. Dans cet engagement, le 82* régiment soutint
sa haute réputation; le chef de bataillon La Martinièfe, qui le
commandait , fut grièvement blessé, et en remit la direotlon au
chef de bataillon Bausset, par lequel il fiit dignement remplacé.
Le général Vénégas ; ainsi culbuté sur sa gauche et sur son
centre, essaya de rétablir le combat en portant sa cavalerie
sur Textrème droite des Français; ce mouvement, exécuté
avec assez de précision, réussit, et les cavaliers espagnols^, dé«
bordant en effet la droite du général Sébastian! , lui donaèeent
un instant de l'inquiétude sur ce point. Le 61^ régiment de
ligne, appartenant à la division Bessolies, qui arrivait en ee
moment sur le champ de bataille, se forma en carré sur un
plateau, en arrière de la Kgne des Français ; mais quelques es*
cadrons et quatre pièces d'artillerie titrent portés également
sur ce point par le général Merlin; le colonel Sparre, avec le
.5* de dragons, cliargea vigoureusement la cavalerie enn^nie an
moment même où celle-ci venait d*ètre repoussée à bout p^r*
tant par le 7^ régiment d'infanterie polonaise ; cette diavge
acheva de mettre les Espagnols en déroute. Les régiments d'AI-
cantara et de Ferdinand VII ibrent presque entièrement dé-
truits. Le général Vénégas , chassé de sa première posittai ,
se retirait sur la hauteur où était placée sa réserve et eberebalt
à s'y maintenir, lorque le général Sébastiani , ayant été Joteft
par les autres régiments de la réserve, à la tète de laqoeHe ee
trouvaient le roi Joseph et le maréchal Jourdan, ordonnaun»
nouvelle attaque. Le général Levai se porta avec les divisktos-
tu . LtVBI SSPTIBMI.
polonattè et allemande sur le flaDc gaviche des Espagnols; le
général Rey, avec les 2%^ et 82"^ régiments, soutenns par deux
bataillons du 58* et on bataillon du 13* d*inftinterie légère, que
oondalaoit le général Oodinot, attaqua de front, et gravit la
hauteur occupée par les Espagnols sous un feu violent de mi-
traille. Le général LIger-Belair, avec le 75*, deux bataillons du
13*^ léger et un bataillon du 58*, mardia sur la droite de Ten-
nemi et la força. En peu d'instants les Français furent maîtres
dé toutes les hauteurs et du château. Les troupes espagnoles,
poussées dans la plaine, tentèrent encore de s*y rallier; mais,
avant que le général Vénégas eût réussi à rassembler ses ba-
taillons épars, il fut chargé avec tant d'impétuosité par les deux
divisions des généraux Milbaud et Merlin qu'en moins de
dix minutes il sfi trouva enfoncé sur tous les points et mis dans
la déroute la plus complète : infanterie, cavalerie, artillerie,
s*enAiirent dans toutes les directions à travers champs. Les
ftmtassins jetaient armes et bagages pour échapper plus rapi-
dement aux poursuites de la cavalerie française. Les débris de
Tarmée espagnole ne trouvèrent leur salut que derrière les mon-
tagnes de la Guadiana.
Hans cette journée, qui fit honneur au général Sébastiani ,
et qnl couvrit de gloire les troupes qu'il commandait, les Es-
pagnols eurent 3,000 hommes tués sur le champ de bataille ,
une quantité plus considérable de blessés, et 3 à 4,ooo prison-
niers; seise pièces de canon » plusieurs drapeaux , trente et on
caissons, deux œnts voitures de bagages restèrent au pouvoir
des vainqueurs ; ceux-ci perdirent 500 hommes tués et 7 à 800
blciés, dont 69 officiera. Le général Sébastiani cita avec éloge
dans son rapport les colonels Doguereau, chef d'état-major de
l'arlUlerle; Legrand, du 58* régiment de ligne; les chefs d'es-
cadron de Tracy et de Lastour, ses aides de camp ; les capi-
taines LavoBStine , Savolsy^ Bonne et Miel : ces trois dernière
avalent été grièvement blessés. La bataille d*Almonacid ter-
minait la grande expédition combinée entre les généraux sir
Arthur WeUesley, Cuestaet Vénégas, dans l'intention de s'em-
parer de Madrid et d'y établir la junte générale du gouver-
nement.
Le 4* corps étabttt son quartier général à Aranjuez; le t^^
corps élaUtt le sien ft Tcè^» où U avait ea Toidre de mareher, ism.
et le roi Joseph , que la valeur des France venait ainsi de sau- "H^sne.
ver d'un danger imminent, rentra triomphant dans sa capitale,
qu'il avait été sur le point de voir tomber au pouvoir de ses
ennemis. Jamais sans doute il ne put se flatter avec, autant de
raison de jouir en paix du trône où l'avait placé son frère. A
cette époque , l'armée française était victorieuse sur presque
tous les points, les Espagnols paniiasalent abattus par tant de
revers, et les plus dangereux ennemis de la nouvelle dynastie
venaient de se retirer de nouveau vers le Portugal. On aurait
pu mettre à profit ces heureuses circonstances : il ne s^agissait
que de fermer d'une manière solide Feutrée de l'Espagne à
l'armée anglaise et de distribuer les troupes de manière à
étouffer les insurrections dans l'intérieur ; mais le roi Joseph
ne pouvait point obtenir un pareil résultat avec 1» seuls moyens
qui étaient alors à sa dispo^tlon.
Combat du col de Banos. —- Ce fut pendant son retour vers <3août.
Madrid que le roi apprit que la colonne de sir Bobert Wilson
venait d'être mise en déroute le lendemain de la bataille d'Aï-
roonaeid. Nous avons dit que, après le combat de l'Arzobispo,
le maréchal Ney s'était dirigé sur Salamanque. Sir Robert
Wilson, qui s'était montré pendant quelque temps aux portes
de Madrid, restant isolé après la retraite des alliés , avait re-
passé le Tiétar, s'était replié sur Béjar, qu'il atteignit en fran-
chissant les montagnes de Gredos, et, par une contre^macdie,
se dirigeait vers Plasencia par le col de Banos, pour opérer sa
jonction avec les Anglais. Son détachement se composait de
4,000 hommes, tant Espagnols que Portugais. Le 12 août, le
général Lorcet, commandant i'avant-garde du 6" corps, ren-
contra le général Wilson à Aldea-Nueva-del-Camino, à l'entrée
du col de Banos. La position de l'ennemi, quoique très- forte,
fut emportée au premier choc. Le 3*" régiment de hussards
exécuta une belle charge, dans laquelle l)on nombre d'ennemis
Airent sabrés et faits prisonniers. Ces derniers se rallièrent sur
les hauteurs de Banos, dans une position presque inexpugna-
ble; aux difûcultés déjà très-grandes du terrain le général
WUson avait ajouté des abatis, de profondes coupures, et avait
fait séparer des quartiers de rocher pour fermer tous les se»-
330 ' UVBIS SBPTIÉlffi.
1809. tî«rs par lempidlB on pottvafi arriver Jusqu'à lui. Ces préeauliODs
aaBooçaicnt au-reste un ennemi qui comptait peu sur la valeur
de ses trcNipcs ; aussi les Français, oul>liant les fatigues d'une
mardie de neuf lieues par une dbaleur excessive, ne balancè-
i«nt point à attaquer les retranchements derrière lesquels les
milices de Wilson se croyaient en sûreté. Les 50® et 59® régi-
ments de ligne s'avancèrent avec une grande résolotion, gra-
virent les liautenrs en poussant à l'avance des cris de victoire,
et s'emparèrent des ouvrages ennemis malgré un feu très-vff
d'artillerie. Le générai Wilson essaya vainement de rallier cette
troupe culiHitée et dispersée. Le 8° régiment de hussards et le
15® de chasseurs achevèrent la déroute de l'ennemi, qui eut
beaucoup de peine à trouver son salut dans les rochers d^
Montémayor et de la Gàlzada.
Les Espagnols et les Portugais laissèrent 1,300 tués et un
pareil nombre de blessés sur le champ de bataille. La perte des
Français ne s'éleva pas à plus de 200 hommes tués et blessés.
Le colonel La Perrière, du 8® de hussards, et le colonel Goste,
du 59* riment d'infanterie , s'étalent distingués particulière-
ment par leur brillante valeur et l'habileté de leurs dispositions.
Tartre , soldat au 59®, enleva un drapeau après avoir tué ou.
dispersé le groupe d'ennends qui le défendait. Ce trait de cou*
rage yalat à ce brave la décoration de la Légion d'honneur.
Les événements qui avaient eu lieu dans la vallée du Tage ,
la marehe sur Madrid du corps de Wilson et de l'armée de
Vénégas , l'espérance fondée de la coopération d'une armée
anglaise dans la lutte soutenue par les armées espagnoles , en-
fin l'éloignemeat de la plus grande partie de la garnison de
Madrid, avaient été plusieurs fois sur le point de provoquer un
soulèvement du peuple de la capitale ; mais , pendant cette
crise, le général Bdliard, qui n'avait pas au delà de 1 ,500 hom-
mes disponibles , était parvenu, par une contenance ferme, à
maintenir la tranquillité dans Madrid en imposant aux mal-
veillants et en rassurant les amis de Tordre. Cependant il était
temps que cet état de choses cessât. Les premières nouvelles
des combats de Talavéra jetèrent quelque inèertibade dans,
l'esprit public, et des rapports favorables de l'armée crAMema^
gne, arrivés en même temps, avaient concouru à calmer un ins^
tant r«ffervMoeiice populaire; mais la retraite du l*' oorpa sur ui^.
Naval^Carneroy et celle cla kà avec le 4^ eorps sar Blostolès » ^p*sm-
avaient été sar le point de tout perdre. Heareiisement la retraite
précipitée des armées alliées et la victoire d* Almonacid vinreiU
détruire les espérances des partiscms de la junte de Séville et
relever celles des Espagnols attachés à la fortune de Joseph.
Le 1 5 août, le roi publia une proclamation qui apprit aux ha*
bitanisde Madrid qu'ils s'étaient bercésd*un vain espoir en comp-
tant voir les années alliées entrer victorieuses dans la capitale.
Cependant les nouvelles des affaires qui avaient eu lieu
en Espagne dans le mois de juillet étaient arrivées à Schôn-
brunn, et l'empereur avait appris avec le plus vif mécontente-
ment les résultats de la bataille de Talavéra. Cette affaire, ainsi
que les manœuvres des différents eorps d'armée, avaient été de
sa part l'objet d'une criliqoe amère. 11 se plaignait avec raison
des faux rapports qu'on lui avait faits en écrivant que le 2s
on s'était emparé du champ de bataille, tandis qu'on n'avait
pris ni Talavéra ni le platean occupé par l'armée anglaise. Il
faisait le reproche au maréchal Jourdan d'avoir mal dirigé les
affiiires, de n'avoir pas <Ut reconnaître le plateau de Talavéra
pour s'assurer s'il pouvait être tourné, et ajoutait qu'on avait
conduit ses troupes sans discernement et comme à la bouche-
rie. L'empereur exprimait aussiun vif mécontentement à l'égard
du rapport do général Sébastiani, qui ne mentionnait que la
perte de deux pièces de canon de la division Levai, tandis que
la relation anglaise du général Weilesley annonçait la prise
de dix pièces pendant Tactlon et de s^t autres pièces abandon-
nées dans les bois.
Le 16 août les corps français occupaient les positions sui*
vantes : le l*'' corps avait porté son quartier général de Tolède
à Madridejos ; le 4*^ corps était toujours cantonné sur la rive
droite du Tage, depuis Aranjuez jusqu'à Fuentedoenas; la ca-
valerie légère était sur le haut Tiétar; le b^ corps observait le
Tage, depuis Talavéra jusqu'à Almaraz, et avait son quartier
général à Orepesa ; la garde royale et la division 'Desselles
étaient rentrées à Madrid.
Vénégas , battu à Âlmonacid , s'était eaclié dans la Sierra-
Morena, et Wilson,donl le corps volant avait été di^rsé sur
3S9 • LIVSB SSenàliB,
iset». les firontièm de Pertagal , cherchait à le réeigiuiiser. On au-
rait pn tirer parti de cet état de choses pour achever de dis*
penser les enaeniis ; mais on 8*«7^» on prit des positions d'ob:
servation, et bientôt le bruit se répandit que les alliés, après
avoir réparé leurs pertes, s'apprêtaient à rq^rendre de nouveau
une attitude hostile. La posidon de Tannée française, nuilgré
ses succès , devenait de jour en jour plus inquiétante. Des
bruits contradictoires étaientrépandus à dessein par les gens du
pays sur les mouvements des armées alliées , et mettaient les
généraux français dans Tobligation d'être sans cesse sur le qui-
vive. Les bandes de guérillas agissaient en même temps d*une
manière fort active sur les communications des corps d*armée
et interceptaient les correspondances. Il fallait dpnc tout à la
fois se prémunir contre les fausses nouvelles et porter re-
mède au mal réel que faisaient ces bandes d'insurgés, qui volti-
geaient constamment autour, des cantonnements de . Tarmée
française.
D*un autre côté on annonçait que le corps du marquis de la
Romana manœuvrait sur ValladoM, tandis que d'autres trou->
pes, commandées par Ballesteros, march|dent sur Santander»
En môme temps le duc de Trévise, se croyant bien informé»
annonçait que Tarmée de Vénégas marchait sur Giudad-Réal^
que celle de Goesta était entrée dans la Manche , et que lea
Anglais se rapprochaient du Tage. Cependant les avis qui se
suoeédaient paraissaient si peu fondés, que l'on commençait à
croire que ceux qui les communiquaient pouvaient être mal
informés ; mais, Inen que les mouvements de l'ennemi n'eussent
pas rimportance qu'on leur donnait , il était certain quil s'en
faisait quelques-uns parmi les armées alliées. Les AngUds, dé-
cimés par les fièvres pestilentielles particulières à la. vailé&
de la Guadiana,. avaient rapproché. des troupes de Truxillo
et poussaient des reconnaissances vers le Tage. Les Espa•^
gnols, après avoir jeté une partie de l'armée d'Estremadure
dans Ift Manche , poussaient des troupes sur les différents dé-
bouchés de cette province et menaçaient Aran juez et Fuente-
duenas. EnconséquenceleducdeBeiluttereçutJe37 sq[)tembra
l'ordre de réunir le i^' corps à Tolède, et d'avoir des avant-
postes sur la rive gauche du Tage, tandis que la division aile**
GCtBtl B*KSFA6VB. 9S3
mande etla dWMon de ctTalerie légère du 4^ oorps se porte-
rid^t sar AraDjttez. B>j>aênc.
Cependant rempereur, débarrassé de la guerre d'Autriche »
s'oceapait activement de l'année d*Espagne. Désordres avaient
été donnés au ministre de la guerre pour fiifre rentrer en France
les cadres des 3^ ou 4* bataillons de dix-neuf régiments d'in-
fanterie destinés à recevoir 13,000 hommes, tandis que tous
les bataillons de marche qui étaient sur les derrières de l'armée
étaient remplacés par d'autres et pouvaient rejoindre leurs
corps. Malgré les afbfres d*Oporto et la malheureuse retraite
de Portugal , Teropereur avait encore tant de confiance dans
le maréchal Soolt que, le 26 septembre, il écrivit de Schôn-
brtinn au ministre de la guerre Glarke de donner au maréchal
Jourdan l'autorisation, que celui-ci avait demandée, de ren-
trer en France, et de faire connaître au roi qu'il nommait pour
major-général de l'armée d'Espagne le duc de Dalmatie , et
pour commandant du 2^ corps le général Laborde.
Sir Arthur Wellesley, avait été si mécontent de la conduite
des Espagnols à la journée de Talavéra qu'il ne voulait plus
s'exposer à entrer en ligne avec d'aussi. mauvaises troupes.
« Dans cette bataille, disait-il, où les Espagnols n'ont presque
c pas donné , des corps entiers ont jeté leurs armes et se sont
« enfuis, bien qu'ils ne fussent pas attaqués ni menacés. Dans
« leur fuite, ces lâches soldats pillaient tout ce qui leur tom-
a beit sous la main ; à Talavéra ils saccagèrent les bagages de
c l'armée anglaise, qui était bravement engagée pour le soutien
c de leur cause. » Telle était son indignation à lear égard qu'on
ne le verra revenir à de meilleurs sentiments qu'après plusieurs
' campagnes. En arrivant à Badajoz, il était décidé à aller «ar-
cher en Portugal le seul appui sérieux sur lequel il croyait
pouvoir désormais compter. Le maréchal Beresford venait d'en-
treprendre Forganisation des milices portugaises et parvint en
peu de temps à en fiiire une excellente armée
Sur ces entrefaites, le marquis de Wellesley, frère de sir
Arthur, arriva à Sévilleen qualité d'ambassadeui de la Grande-
Bretagne en Espagne. Témoin de la grave mésintelligence qui
régnait entre la junte centrale et le général anglais, et des ré-
criminations offensantes qui en étaient la conséquence, l'ambas-
f 109 sadenr s'interposa poor ftdre eentr me dëtoBleii dont les sirites
pouvaient devenir fanegtes aux deux parti». Tevtes les dëTaites»
tous ies revers récofits de Méddlin, de Qndad-Réal, d'Almo-
Dacidf étaient attribués au mauvais esprit et à Fincapaeité de
la junte centrale , et les juntes provinciales de Séville, de Ba*
ûa^z et de Valence, jalouses de sa prépondérance, voulaient la
renverser, sans s'entendre toutefois sur ia forme de gouverna
ment qu'il conviendrait de lui substituer. C'était surtout h Sé^
ville que se croisaient les menées et les secrètes intriguei.
L'annonce officielle du départ de l'armée anglaise jeta la cons-
ternation parmi le peuple, tout prêt à s'insurger contrôla junte
centrale, qui jusqu'alors si fière et si arrogante voyait avec ter-
reur approcher l'instant où une révolution allait éclater. Le
marquis de Wellesley redoubla d'efforts pour calmer Tirrita-
tion de son frère et concilier les divers partis. Le plan inter-
médiaire qu'il proposait consistait à prendre position sur la
Guadiana et à étendre Tarmée sur la frontière.portugaise^ de
manière à appuyer la gauche à l'armée espagnole et à couvrir
l'Andalousie par sa droite. La junte s^engageait à pourvoir à tous
les besoins des alliés. 11 étale difflciie de se fier à ces promesses,
car, depuis son entrée en Espagne, sir Arthur WeHesley n'a-
vait eu que trop de raisons de se convaincre de leur peu de
valeur. Cependant le puissant appui de l'ambassadeur; la fer-
tilité des environs de Mérida, l'excellence des positions qu'on
l'engageait à prendre, sa gauche à Badajoz, sa droite à Mérida,
son front couvert par un grand fleuve, la proximité des placses
de Lisbonne, Abrantèset Santarem, où il avait des magasins
considérables, tout cela décida sir Arthur à renoncer à son
projet de rentrer en Portugal et à répartir son armée dans les «
places de Badajoz, Mérida , Talavéra la Béai , Campomayor,
Albuquerque, Montijo et Elvas.
Il était toutefois bien difficile au général anglais de s'enten-
dre avec un gouvernement livré à l'intrigue et a la confusion
tel que l'était alors celui de la junte centrale. Dès qu'il s'agis-
sait de traiter oificiellement avec elle de quelque affeire im-
portante, ses membres r^renaient tonte leur morgue. Cependant
ceux-ci n'ignoraient pas que la voix publique attribuait à leur
impéritie les résultats fftcheux de Talavéra; car, bien que les
GDBftlS d'ESPÀ«NB. 385
Français, par leurs mauvaises disposlUam, eussent été forcés
de se retirer du champ de bataille, leurs manoeuvres postérieures,
en fbrçant les alliés à repasser le Tage, nVn avaient pas moins
fait éprouver à J'armée espagnole , au pont de l'Arzobispo , la
perte de presque tonte son artillerie et de ses bagages. Le
remplacement de Guesta par Eguia fut une des conséquen-
ces de cette dernière défaite, mais ne suffit pas pour calmer le
ressentiment général. Séyllle était le foyer principal d'un mé-
contentement qui s'augmentait du froissement des intérêts
particuliers et des plaintes incessantes des Anglais. Chacun se
faisait une arme des derniers événements pour attaquer le pou-
voir existant, le renverser et en établir un nouveau.
Parmi les mécontents se faisaient remarquer, d'un côté , les
partisans deTancien régime et de l'inquisition; de Tautre, le
parti des hommes éclairés, qui demandaient une réforme com-
plète des andennes institutions et la liberté de la presse. Au
nombre des premiers figuraient le duc de l'Infentado, don
Francisco Palafox, frère du défenseur de Saragosse, et le comte
delMontljo,personnaged'uncaraetère inquiet et turbulent. Celui-
ci qui avait des partisans à Grenade, et qui fomentait secrète-
ment tous les* désordres, était parvenu à faire éclater le 1 6 avril
une révolte contre les autorités de la ville ; mais la Junte pro*-
vlndale, agissant avecénergie, avait fuit saisir les principaux ins-
tigateurs. Le comte se sauva à San Lucar-de-Barrameda, d*où
plus tard il gagna Badajoz, pour y renouer de nouvelles intrigues ;
mais, la Junte centrale ayant donné Tordre de Tarpèter, il s'en-
fuit en Portugal. Don Francisco Palafox, homme borné et sans
consistance, était devenu le principal instrument des ennemis
de toute innovation. Le2i août, il vint au sein de l'assemblée
proposer la concentration du pouvoir entre les mains d'un seul
régent, comme unique moyen de remédier aux maux de la
patrie. Sa motion ayant été repoussée , il revint le lendemain
parler contre la légitimité d*origine de la junte centrale et des
Juntes provinciales, demandant l'abolition de celles-ci, le ré-
tablissement de l'ancien ordre de choses, et la nomination d*une
régence royale. Enfin les mécontents de Séville, ne gardant plus
aucun ménagement, résolurent d'employer la force. On avait
gagné quelques régiments , distribué de Fargent et promis
Û|a«oe.
S36 LIVJtB SEPTIEME.
même de ecMiToquer les Gortès. Dès les premiers Jours de sep-
tembre toat était prêt pour mettre à exécation le projet d'at-
taquer et de dissoudre la Junte eeutrale, lorsque le duc de l'In-
fantado, voulant mettre sa responsabilité et Vabri de tout événe-
ment, confia à Tambassadenr anglais tout ce quf se tramait. Le
marquis de Wellesley, effrayé des conséquences d*nne subite
dissolution du gouvernement dans des circonstances aussi graves,
avertit loyalement les principaux membres de la Junte, sans
toutefois nommer personne. Geux-d prirent sur-le-champ des
mesures qui firent échouer le plan des conjurés ; mais la junte,
jugeant prudent d'éviter à Tavenir de nouveaux conflits et
sentant Timpossibilité de se maintenir plus IcHigtemps, se
résigna et arrêta ia création d'une commission executive com-
posée de six membres «t du président de la junte centrale. Cette
commission devait être renouvelée en partie tous les deux mois
par la voie du sort. 11 fut arrêté en même temps que les Cortès
seraient convoquées le 1^' janvier 1810 et entreraient en fonc-
tions le l^** mars suivant. Le marquis de la Bomana, nouvelle-
ment arrivé de rarmée» fat chargé par la junte de composer la
commission executive; celle-d était chargée de rexpédition de
de toutes les affaires de gouvernement, et du renvoi à la junte
de toutes celles qui nécessiteraient une délibération préalable.
Cette décision fut annoncée par un décret du 28 octobre, publié
à la date du 4 novembre. La commission executive s'installa
te 1 «r de ce mois. La junte ne traita plus que d'affaires générales,
de contributions et de matières légistatives, jusqu'à la réunion
des Cortès, qui devait amener son entière dissolution.
Dès que l'armée anglaise fut cantonnée, sir Arthur Wellesley
s'occupa de réparer les pertes qu'elle avait laites, tant sur le
champ de bataille que sur la ligne de retraite qu'elle avait sui-
vie depuis Jareicejo , à travers un pays extrêmement difficile
et dépourvu de ressources. Les 1 7,000 hommes qui lui restaient
étaient épuisés par la fatigue et par des privations de toute na-
ture ; la cavalerie surtout avait beaucoup souffert et était à moitié
démontée. Avec une armée à refaire, sir Arthur ne pouvait céder
aux sdllicitations |de la junte de Séville, qui le pressait de pren-
dre le commandement en chef des armées réunies, et d'exécuter
à leur tête un retour offensif sur les Français que dans sa folle
GIIEBBI D'ESPAGNE. S87
présomption, elle prétendait refouler aisément Juscpi'aiix Pyré-
nées. Pour le flatter, la Junte le nommait capitaine général ,
assignait un traitement considérable à cette dttgnité^ mettait
sous ses ordres les armées de Yénégas, d*Egaia, et les 12|Oao
hommes que commandait le duc d'Albuquerque ; mais de tout
cela sir Arthur n'accepta que le titre de capitaine général* Ou-
tre raffaiblissement moral et numérique de son aram» ee gé-
néral avait d'autres motifs puissants pour redoubler de pmdenoe
et craindre de se compromettre dans les circcMistanees nouvel-
les où la paix , qui se traitait alors à Vienne, allait plaeer les
puissances belligérantes. Aussi laissa-t-il la junte centmle exé-
cuter à elle seule un plan de campagne dont le triste résultat
prouve rimprudence.
L'empereur Napoléon n'avait pas attendu que la paix avec
rAutriche fût signée pour diriger sur Bayonne une partie de
ses équipages et de sa maison : c'était un. indice de sa pro-
chaine arrivée et de Timportance qu'il mettait à conduire en
personne les opérations de la guerre d'Espagne. Sa première in-
tention avait été en effet de se rendre sur-le-champ dans la
Péninsule pour en expulser les Anglais; mais ses projets de
mariage et d'autres circonstances politiques l'empêchèrent de
mettre à exécution le plan de campagne que depuis longtemps
il méditait, et lui firent modifler ses premières dispositions.
A l'époque du 1^^ octobre, il résultait des rensdgnements
parvenus au quartier général du roi Joseph sur les mouvements
des armées ennemies qu^une majeure partie de l'armée de Cuesta
se dirigeait sur la Manche. Le duc de Bellune reçut l'ordre à
Tolède d'aller s'établir avec le l«' corps à Gonsuegra et à Ma-
dridejos et d'en chasser l'ennemi. Le général Sébastiani occupa
Tolède et la rive gauche du Tage par une de ses divisions et la
cavalerie légère; l'antre division et les dragons du général Mil-
haud durent continuer à.occuper le pays depuis Aranjuez jus-
qu'à Temblèque. Ces mouii^ements s'exécutèrent le 10. Peu de
temps après, le 5^ corps alla se placer à Puébla de Montalban
et tira ses vivres de la rive gauche du Tage. Le 2" corps rem-
plaça le S^ à Talavéra. Il résultait de ces nouvelles dispositions
que» si l'ennemi débouchait par Almaraz, trois corps d'armée,
les 2^, 4^ et S% se réunissaient à Talavéra et marchaient à lui
1. 22
338 LITBB ssirrtftM&
tandis qne le 1^' corps oonvrait la capitale, et que , dans le cas
plus probable, d*après les derniers mouvements observés, où
les Espagnols'se concentreraient dans la Manche pour repren-
dre leur première position, les l^, 2^ et 4* corps se réuniraient
contre eux, tandis que le 5* corps resterait en observation sur
la rive droite du Tage.
Ces dispositions, qui devaient conduire à des mouvements
offensif^, furent arrêtées par un événement inattendu arrivé
dans le nord. Le maréchal Ney, qui avait reçu Tautorisation de
rentrer en France , par suite de la mésintelligence qui régnait
entre lui et le maréchal Soult , avait remis le commandement
du 6** corps au général Marchand. Ce corps occupait Salaman-
que et les environs , et se trouvait en 'présence de Tarmée de
Galice, dite armée de gauche, commandée par le duc del Par-
que, depuis le départ du marquis de la Komana pour l'Estre-
madure. Cette armée se composait de quatre divisions et d'une
avant-garde aux ordres de don Martin de la Carrera. Les deux
premières divisions étaient commandées par don Francisco-
Xavier de Losada et par le comte de Belveder ; la 3^, aux or-
dres de don Francisco Ballesteros, et forte de 10,000 hommes,
était aux environs de Léon et avait reçu récemment Tordre
de rejoindre Tarmée ' ; la 4® division, commandée par don Juan-
> ▲ Pépoque des déroutes d'Espioosa et de celles qui suivirent cette af-
faire, la junte des Asturies avait pris d'éner^ques mesures pour recom-
poser et augmenter les forces nécessaires à la défense de la principauté. Le
peu de troupes qui restaient furent réunies sons les ordres de don Francisco
BallesterM, qui, de capitaine retraité et dHnspecteur de tabacs, avait été élevé
an gride de maréchal de camp. Des renforts étant arrivés, on forma, sous
les ordres de ce généra), une division qui dès les premiers jours de fé-
vrier 1809 était forte de 5,000 liommes. Ballesteros s'avança alors au delà
de la Efeva, et pénétra dans la province de Santander, gardée par le général
Bonnet, qui lui livra de fréquents combats. Attaqué dans Santander, où il
était entré le 10 juin par surprise, Ballesteros s^était saové dans une cha-
loQpe, abandonnant ainsi ses troopes, qui s'enAiirentdans le plus grand dé-
rordre. Malgré une telle conduite , le marquis de la Bomana , qui avait reçu
pleins pouvoirs de la junte centrale, remit à Ballesteros le commandement
d'une division asturienne de 10,000 hommes, avec laquelle ce général prit
position aux environs de Léon. Celte division devint la 3* de Parmée de la
gsuche, eonmiandée par le duc del Parque, qui avait succédé au marquis de
Ja Romann,
GUEAIE d'eSFAGNB. 330
José Garcia , gardait les cols de Manzanal et de Fueacebadon im^)
dans le Vierzo. L'avant-garde et les deux premières divisions, »i«3««.
composées de 10,000 hommes d'infanterie 1,800 chevaux oc*
cupaient San-FeliceS| à quatre lieues sur la gauche de Ciudad*
Rodrigo.
Combat de Tamamès. — En quittant Tarmée vers la fln is octobR^
de septembre pour se rendre à Madrid, le maréchal Ncy
avait organisé une forte avant-garde pour aller reconnaître
rennemi. Le premier soin du général Marchand fut d'exécuter
les dispositions du maréchal : le général Maucune 8*avança
dans la direction de Ciudad-Rodrigo avec trois régiments d'in-
fanterie et 1,200 chevaux. En approchant de San-FelicQS, il
vit un corps de 10,000 hommes qui se retirait sur Giudad-Bo-
drigo, et rentra à Salamanque sans rapporter d'autres rensei*
gnements; mais on apprit bientôt qu'une colonne de 12 à 1 ,&oo
chevaux, venant d'Andalousie, rejoignait l'armée espagnole;
que le duc del Parque , se rapprociiant de la route d'Estrema-
dure, poussait des partis jusqu'à quatre lieues de Salamanque,
et qu'il concentrait ses forces à Tamamès. Le 14 octobre , une
forte reconnaissance, sortie de Salamanque à la pointe du jour,
rencontra l'ennemi en deçà de Matilla, fit quelques prisonniers,
et rendit compte le lendemain 15 que toute l'armée espagnole^
forte, disait-on, de 25 à 30,000 hommes, était en position entre
Matilla et Tamamès.
Ce dernier bourg, à neuf lieues sud-ouest de Salamanque et
sur la route de cette ville à Ciudad-Rodrigo , est situé sur le
versant septentrional d'un rameau de la Sierra de Francia. En
s'y concentrant, l'ennemi occupait sur ces hauteurs une crête
très-escarpée à une petite portée de canon de Tamamès. Le centre
et la droite, d'un difficile accès^ étaient occupés par la 1'^'^ di-
vision. L'avant-garde occupait la gauche sur un plateau, un peu
en arrière du centre, où fut réunie toute la cavalerie, ce point
étant le plus accessible de toute la position. La 2^ division
resta en réserve, et Tamamès fut occupé par 1,500 hommes.
En réduisant même à 20,000 hommes l'armée du duc del
Parque, elle réunissait encore à l'avantage de sa position celui
du nombre, qui peut suppléer à la valeur. En effet, le général
Marchand pouvait tout au plus disposer de 10,000 hommes
22
Z40 LTVHB SEPTIÈME.
f ao9. dlnfimterie et de mo chevaux, avec dix-huit pièces d'artillerie;
^^'^P^^^ mais» sans attendre les secours qu'il avait demandés au géné-
ral Kdiermann, Marchand partit de Salamanque le 1 7 octobre,
et se présenta le lendemain devant la position de Tennemly qu'il
attaqua en arrivant, selon l'usage de l'époque.
Le général Maucune, à la tête du 6* léger, du 69^ de' ligne
et d'un bataillon de voltigeurs avec cinq pièces de canon» ai>orda
la gauche, côté le plus faible de la position. Cette colonne d*at-
taque était appuya par le général Lorcet, avec le 3* régiment
de hussards et le 16"° régiment de chasseurs, ajant en réserve
le 15® régiment de dragons. Le général Marcognet, avec les 39"
et 76® de ligne, formant deux autres colonnes, marcha contre
le centre. L'attaque de la droite était dirigée par le générai
Labassée, à la tète du 35® régiment d'infanterie légère. Les 37®
et 59® de ligne et le 36® ré^ment de dragons formaient la ré-
serve.
L'avant*garde du général Carrera ne put résister au choc de
la colonne du général Maucune, non plus que la cavalerie qui
couvrait l'artillerie ennemie. Cette cavalerie, chargée par le
3® de hussards et le tb^ de chasseurs, fût mise en désordre et
abandonna sept pièces de canon. Le généralMaucune avançait
toujours et n'était plus qu'à trente pas de la ligne ennemie;
mais le duc del Parque, accouru sur ce point, parvint à rallier
ses troupes d'abord ébranlées. Celles-ci, renforcées par la ré-
serve du comte de Belveder et un corps de cavalerie conduit
par le prince d'Anglona, revinrent à la charge et reprirent les
canons enlevés par la cavalerie légère. C'est alors que commença
le mouvement rétrograde de cette colonne trop faible pour ré-
sister à une masse de 15,000 hommes qui lui fut opposée. Les
colonnes chargées de l'attaque du centre et de la droite n'eu-
rent pas plus de succès que celle du général Maucune. Gravis-
sant avec peine la hauteur hérissée de.rochers derrière lesquels
était embusquée rinfanterîe ennemie , qui tirait à coup si^r,
elles perdaient beaucoup de monde sans pouvoir atteindre leurs
adversaires. Enfin le général Marchand , ne voulant pas com-
promettre en pure perte la vie de ses soldats , qui Jusqu'alors
avaient fait preuve d'un sang-froid admirable au milieu des
obstacles insurmontables qu'ils avaient rencontrés à cSiacune
GUKRBB ^ BSP4GNB . 34 1
des attaques, fit rétregrader ses colonnes Juscfa'au point d'où
elles étaient parties, et ce ne fut que deux heures après être
resté en présence de l'ennemi que le corps d'armée effectua
sa retraite sur Salaroanque. Elle commença à trois heures après,
midi y et fut soutenue par les 27^ et ô9f de ligne qui formaient
la réserve^. Les troupes françaises furent suivies par lesticail-
leurs eunemis pendant deux lieues>à travers dea i)ois et desdé-^
filés; elles avaient perdu 1,300 hommes tués ou. blessés. L'en-
nemi avoua 713 hommes tués. Le général Marchand avait eu
le temps d'emmener tous ses blessés ; il avait perdu une pièce
de canon et en avait conservé une des sept qui avaient été en-
levées d'abord et l'ennemi. Le 6^ corps arriva le 19 au soir à
Salamanqne,. où il s'arrêta pendant cinq Jours pour attendre
les renforts demandés au général Kellermann, qui n'arrivèrent
pas, tandis que Ballesteros opérait dès le lendemain du combat
deTàmamès sa jonction avec l'armée espagnole. Le duc del
Parque détacha un corps de 1 5,000 hommes sur Ledesma ; lui-
même arriva à Matilla avec le reste de l'armée. Le 24 M vint
prendre position à deux lieues et demie de Salamanque, tandis
que des détadiements de la première colonne se montraient
dans les environs de Valverde et de Zamora. Le général Mar-
chand, inquiet de sa posltioa en présence de forces supérieures
qui menaçaient de l'attaquer sur deux points. à la fois, se dé-
MsL à évacuer Salamanque dans la nuit du 24 au 25.et à aller
prendre position à Toro, ce qui le rappro(^ait du puerai Kel-
lermann. Celui-ci, ayant réuni une brigade de dragons et
3,000 hommes de la division d'infanterie du général Ferrey,
mapcbait sur Salamanque alors que l'empressement du général
Marchand à éva<;uer cette ville rendait tout secours inutile.
L'échec de Tamamès fut dû d'une part au peu de cas que les
généraux français faisaient des troupes espagnoles, quel qu'en
fût le nombre, et d*antce part è^ la résolution prise par le gé-
néral Marchand d'attaquer l'ennemi dans une position avanta-
geuse, sur un terrain montueux , coupé de ravins, couvert de
hoiaet de rochers, et d'une défense facile même avec des trou-
pes peu aguerries et de médiocre qualité comme l'étaient celles
du duc del Parque. La nouvellede ceflicheux événement alarma
le Gpi Joseph» qui iit partir su^-le-champ de Madrid, la bdgade
342 LIVBB SSYTlÈm.
du général Godinot, de la division da général Dessolles , forte
de 3,d00 hommes , pour te Joindre au 6^ corps. Cependant la
joie causée par le léger succès de Tamamès ne fût pas de lon-
gue durée, oomme on va le voir. Un mots ne s'Âait pas écoulé
depuis rentrée triomphante du duc del Parque h Salamanque,
après sa jonction avec la division asturlenne que lui avait ame*
née .Ballesteros , qu'un grand désastre, arrivé dans le midi
de TËspagne, vint encore une fois renverser pour longtemps les
plans conçus par le gouvernement central de Séville pour af-
franchir la patrie du joug de Tétranger.
Tandis que les environs de Salamanque étaient le théâtre des
événements que nous venons de rapporter, les corps de l*armée
française échelonnée sur les rives du Tage se préparaient à pé*
nétrer plus avant dans la Manche. Le duc de Beilune, ayant ob-
tenu l'autorisation de pousser jusqu*à la Guadiana, gagna le plus
de terrain qu'il putvers la Sierra- Moréna et se trouva bientôt de-
vant l'armée commandée par don Francisco Eguia, qui avait rem-
placé le général Guesta après l'affaire de l'Arzobispo. Les rap-
ports du maréchal Victor faisaient monter cette armée à 50,000
hommes d'infanterie, 10,000 chevaux et quatre-vingts bouches
à feu ; et ce maréchal demandait des renforts, qui lui furent ac-
cordés à condition quUI livrerait bataille si l'ennemi l'attendait.
Le roi lui envoya la division polonaise du 4^ corps et la divi-
sion de dragons du général Milhaud ; il avait déjà la division
allemande du général Levai. Le 14 octobre le maréchal réunit
les deux divisions du 4* corps à Villahaila, et les dirigea sur
ManzanarèSy où il savait que l'ennemi avait un fort parti de ca-
valerie; mais le lendemain au point du jour ces escadrons dis-
parurent. La cavalerie légère d'avant-garde, continuant son
mouvement, entra le 16 dans Valdepenas, après en avoir chassé
7 à 800 chevaux. Le 17 elle envoyait des éclairears à Santa-
Gruz de Mudela et à Villanueva de los Infantes. L'infonterle du
l"* corps se conctotrait pendant ce temps sur la droite, à Dai-
roiel ; la cavalerie était établie , une partie en réserve derrière
celle du 4^ corps : c'était la division du général Latour-Maubourg,
l'autre partie à Almagro, El Moral et Granatula^ voyant les dé-
bouchés de Ciodad-Réal, Coral de Caraques^ Aldéa del Bey et
la route d*EI Viso del Marques. L'infanterie n'attendait que
GUEABK D*SSPAGM£. 348
Tarrivée des dragons du général Milhaud pour rejoindre le 4*^
corps; mais la disparitioa subite de toute l'armée espagnole
rendit ce dernier mouvement inutile.
Ainsi Eguia, après s*étre avancé quelque peu dans la Manche
à la tête déplus 50,000 hommes, avait regagné en tonte hâte la
Sierra-Moréna, du moment où il s* était vu à portée d'une armée
française qui comptait à peine 26,000 hommes. Une semblable
retraite déplut extrêmement à Séville , où Ton ne rêvait rien
moins que la reprise de Madrid ; elle contrastait trop avec l'ar-
rogance des promesses faites par Eguia au début de cette ex-
pédition. Le gouvernement central, désabusé, 6ta le commande-
ment de l'armée à ce général trop timide pour le donner à don
Juan-Carlos de Areizaga, jeune officier qui s'était distinguée»
combat d'Aicaniz contre les troupes du général Suchet. Le duc
de Bellune se trouvait au pied de la Sierra-Moréna, incertala
de la tournure que prendraient les hostilités, lorsque le maré-
chal Jourdan lui annonça l'échec de Tamamès, qui avait pro-
duit une assez forte impression au quartier royal pour que le
rappel des deux divisions du 4Vcorps fût immédiatement dé-
cidé. En conséquence il fut prescrit au duc de Bellune d'envoyer
sur-le-champ la division allemande à Tolède, la division polo-
naise à Aranjuez et les dragons du général Milhaud à Ocana.
Mora et même Tolède étaient indiqués au l^** corps comme les
points sur lesquels il devait se retirer dans le cas où l'ennemi
reprendrait l'offensive.
Le 2 octobre le ministre de la guerre Clarke avait Informé le
roi d'Espagne que l'empereur, par une lettre datée de Schôn-
brunn , du 26 septembre , autorisait le maré(^l Jourdan à
rentrer en France , et qu'il nommait major-général le duc de
Dalmatie. Celui-ci entra en fonctions le 5 novembre, après le
départ du maréchal Jourdan. Le 2® corps, que le maréchal Souit
avaitcommandé jusqu'alors, fut mis sous les ordres du général
Heudelet, qui remplaça, pour motif de santé, le général Dda-
borde^ que l'empereur avait désigné pour commander provisol-
ronent ce corps d'armée.
A cette époque, 6 novembre, les différents corps de l'armée
française étaient répartis de la manière suivante : le 1**" corps^
à Yebenès et Mora; la cavalerie à Consuégra et^ Madrldejes;
944 LIVBB 8BPTIÈHB.
le 3' corps àOropézaet au pont derArzobispo,ayant une avant-
garde à la Galzada poar édairer Navalmoral et les bords du
Tiétar; le 5** corps à Talavéra de la Reinaet aux environs de
cette ville ; le 4* corpsavait une division à Tolède, une à Ocana ;
l'autre division avait une brigade à Madrid et une brigade sur
la Tajuna^ gardant les défilés qui mènent par la gauche à Ma-
drid; la division de dragons du général Milhaud était k Tem-
bièque ; une brigade de la division Dessolles formant la réserve
avait été envoyée au soutien du G^ corps, comme on Ta déjà
dit : c*était la brigade Godinot ; -le 6* corps et les troupes du gé-
néral Kellermann se réunissaient le 6 à Salamanque, que Ten-
nemi venait d*évacuer; la brigade Godinot resta attachée au
6* corps Jusqu'au 1 &, époque où elle fut rappelée à Madrid.
Les forces de rennemi comprenaient : Tarmée de la Manche,
aux ordres du général Âreizaga ; elle se composait de s^t di-
visions d*inftinterie et trois de cavalerie : le générai don Ma-
nuel Freire commandait ces tlemières ; le corps d' Albuquei^
que, établi sur la rive gauche du Tage, entre Almarax et le pont
de TAnsoblspo ; Tarmée anglaise» sur la Guadiana ; Tarmée du
duc del Parque^ aux environs de Salamanque, et bientôt après
dans la Sierra de Gâta. Outre ces armées, le général Caro en-
treprenait du côté de Cuenoa Torganisation d*un corps assea
«ombreux quUl prenait dans les levées de Murcie et de Valence.
Toutes ces forces pouvaient présenter un effectif de I50,ooa
hommes.
L*armée de la Manche, la plus importante par sa force et sa
Gompositioii, fut la première à donner le signal de Fattaque.
Le mouvement d*Areizaga commença le 3 novembre. Son ar-
mée était divisée en deux grands corps; Tun s'avança par
Maozanarès et l'autre par Valdepenas. Don José Zayas com-
mandait l'avant-garde^ appuyée par la l*^^ division aux ordres
de don LuisLacy. 6»000 chevaux, suivis d'un gros corps d'in-
faaterie se présentèrent le 6 devant Madridejos par la route de
Berencia» et forcèrent le général Latour-Mauboui^ à se replier
sur Mora. Un autre corps de cavalerie débouchait en même
temps par Puerto-Lapioe et attaquait la cavalerie légère du
général Paris à Gonsuégra; cdui-ci se relira sur Yebenès. Le
général Beaumont étant alors à Manzanèque , toute la cavalerie
GUEKB8 D*£SPAGNE. 345
se trouva, dans la soirée de ce jour, en ligne avec le l"^*^ corps. _ 1009.
A la nouvelle de cette attaque, le roi rappela les divisions alle-
mande et polonaise, ainsi que les dragons du général Milhaud ,
et les envoya soutenir le duc de Bel lune ; il ordonna en même
temps au duc de Trévise de tenir une de ses divisions prête à
s'avancer de Taiavéra sur Tolède.
Cependant Fenneml paraissait prononcer de plus en plus son
mouvement sur Aranjuez, où la gauche deTarmée française était
appuyée. Le 8, un corps de 4,000 chevaux vint attaquer le 5*
régiment de dragons à la Guardia et le força à se replier sur
Ocana et de là sur Aranjuez. Ce régiment soutint plusieurs char-
ges, tua du monde et fit 9 prisonniers, dont un capitaine; mais
il eut 25 hommes tués ou blessés et perdit autant de chevaux.
Le 9, le général Milhaud, appuyé par Tinfanterie polonaise, s'a-
vança sur Ocana, où il prit position, et envoya des reconnais-
sances qui annoncèrent qu'Ariezaga avait réuni de fortes masses
à Dos Barrios et à Temhlèque.
Le duc de Bellune ne fut point inquiété dans les journées
des 7, 8 et 9; il laissa son infanterie en position à Ajofrin et
sa cavalerie à Yebenès et à Mora. Le 1 1 , une de ses reconnais-
sance, partie dans la direction de Muscaraque et d'Almonacid,
aperçut un gros corps d'infanterie et de cavalerie aux environs
de cette dernière ville, et apprit par les prisonniers que ce corps
était destiné à tourner la gauche de Tarmée française en passant
le Tage au-dessus d'Aranjuez. Tous les rapports venant ctm-
tlrmer ce mouvement général de Tennemi, ie roi ordonna un
mouvement semblable sur la rive droite : le duc de Bellune
marcha sur Aranjuez ; une division du 5° corps vint le relever
à Tolède ; cette division fut couverte par la cavalerie légère du
général Paris.
L'ennemi continuant à pousser ses colonnes sur sa droite , le
général Sébastiani allait avoir le premier choc à soutenir. Le
10 il envoya six escadrons de dragons à la Guardia. Les Espa-
gnols s*y trouvaient avec une division d*infanterie et un corps
de 3 à 4,000 chevaux. Les dragons, s*étaut trop avancés, fu-
rent menacés d'une attaque par cette nombreuse cavalerie, et
se retirèrent jusqu'à Dos Barrios^ s'appuyant sur le reste de
leur division et sur un bataillon polonais qui servait de réserve.
Eapagoe.
34G UVftB StPTI*MB«
iitg. Les Espagnols charp;èreiit avec vigueur et perdirent du monde
élevant le front des Polonais, qui s'étaient formés en carré. Les
16' et 30*^ régiments de dragons firent plusieurs cliarges bril-
lantes et ramenèrent deux pièces de canon et 200 prisonniers.
Toutefois les forces étaient trop disproportionnées pour que les
Français continuassent le combat sans péril ; Milhaud aban-
donna le terrain et se retira sur Ocana> emmenant tous ses
blessés.
Fiers de cet avantage , les Espagnols reprirent l'offensive le
1 \ et semblèrent se préparer à attaquer le 4' corps sur les hau-
teurs qu'il occupait en avant d*ÂranJuez. Sébastiani les atten-
dait sur ce point avec toutes ses forces, moins t, 500 hom-
mes placés en réserve au pont de Bayonna, et la brigade du
général Liger-Belair, chargé d*éclairer les débouchés de la Ta-
juna. La journée du 12 fut employée à manœuvrer de part et
d*autre. Les Espagnols concentraient leurs forces devant le 4^
corps; le duc de Bellune était. en marche pour se lier avec Sé-
bastiani; le ô* corps entrait à Tolède ; le 2' partait de Puente
del Arzobispo pour Talavéra, d*où il devait continuer son mou-
vement suivant Tordre qu'il recevrait. Le 1 3 on continua le
mouvement général, qui fut terminé le lendemain. Le roi s'at-
tendait à une grande bataille pour le 15, lorsque la disparition
subite de toute l'armée ennemie vint dévoiler de nouveaux pr<H
Jets. Les Espagnols ne paraissaient donc avoir manœuvré jus-
qu'alors sur Aranjuez que pour masquer Leur attaque véritable
sur la Zarza, en remontant le Tage.
f^ première démonstration un peu importante d*Areizaga
avait eu lieu le 6, et la seconde le 10. Jusque-là sa marche
avait été rapide. Il ne s'était pas arrêté depuis son départ de la
Sierra-Moréna ; mais, quand il fut arrivé sur les bords du Tage,
il sembla frappé d'immobilité. Il passa trois jours à Dos Bar-
rios, du 10 au 13 ; puis, s'étant remis de sa première frayeur,
il commença le 14 une marche de flanc sur sa droite par Santa-
Cruz et la Zarza, espérant passer le Tage à Yillamanrique, tour-
ner la gauche des Français et arriver sur la capitale par le
côté de Test; mais ceux-ci avaient profité de son inaction à
Dos Barrios pour se renforcer sur tous les points menacés.
Le 16, dans la soirée, on apprit que la division Lacy avait
GUCBBE D^ESPAGNE. S47
passé le Tage à Yinamanrique et à Golmenar de Oréja, où des ^ fw.
ponts avaient été Jet^. Le duc de Belluneeut ordre d*aller sor-
le-cbamp à la rencontre de Tannée ennemie, avec le t^' et le 4*
corps, moins une brigade qui devait couvrir Ara^jues , et de
manœuvrer sur la rive droite de manière à arrêter ce passage
et de forcer Areizaga À recevoir la bataille. D*après ces dispo-
sitions, le t^'*' corps s'établit à Morata, ayant sa cavalerie à Pé-
ralès^ et le 4® corps à Bayonna, ayant sa cavalerie à Chinchon.
Le maréchal MorIJer laissa une brigade d^infisnterie et une
brigade de cavalerie au général Gazan, pour couvrir le débou-
ché de Tolède, et se rendit à Aranjuez avec le reste du S^ corps.
Cependant le duc de Trévise n*arriva sur ce point que par une
contre-marche ; car, lorsqu'on sut qu'AreIzaga avait déjà lait
porter une forte colonne au delà du Tage à Villamanrique , le
5® corps fut dirigé en toute hâte sur Madrid, qu'il fallait couvrir,
et dont ce corps n*éta!t qu'à deux marches. Le duc de Trévise
partit dans la nuit du 16 au 17, atteignit Valdemoro, où il ve-
nait de prendre position , prêt à se porter sur Madrid ou à la
rencontre de Tennemi , lorsqu'il fut rappelé sur Aranjuez. La
présence du i ^^ corps à Morata et à Viliarejo de Salvarès, sur la
route directe de Villamanrique à Madrid par Arganda, avait forcé
Areizaga à renoncer à son dessein ; il rappela les troupes qui
avaient déjà passé le Tage, détruisit ses ponts , et s'avança sur
le 4^ corps, dont une partie était restée à Aranjuez. Ce second
mouvement nécessita le rétablissement des ponts d'Aranjuez^
que les Français avaient coupés , parce qu'on avait désiré que
Tennemi s'engageât en deçà du fleuve » et qu'on avait espéré,
par cette mesure d'une timidité apparente, lui faire croire que
l'armée impériale se tenidt sur la défensive. L'activité du gé-
nérai Sénarmont eut bientôt fourni les matériaux nécessaires ;
en deux heures le passage fut rétabli, et le 1 8, à trois heures do
soir, les 4® et ô** corps, la réserve, la garde royale, le roi à leur
tète» commencèrent à déboucher sur la rive gauche. Le pont
de la Reina avait été rétabli par les soins du général Sébastian!.
Après le départ de la garde royale et de la réserve du géné-
ral Dessolies ,* composée des 43° et 55« régiments de ligne et
de deux bataillons de troupes espagnoles de nouvelle forma-
tion, la défense de Madrid resta confiée comme toujours au gé^
348 LIVBB 8EPTIBHB.
1109. néral Belliard , qui avait soos ses ordres la brigade du général
K^pagne. Qodinot, qui revenait de Salamanque , la brigade du générai
Rey, composée des 38<^et 32^ régiments; le 7 5« était établi dans
les environs de la capitale, à Alcala, Guadalajara et Baytrago.
Tandis que, le 18, Tinfenterie attendait le rétablissement des
ponts, le général Sébastian! profita d*un gué, qui se trouvait
à proximité, pour passer avec trois régiments de la division du
général Milhaud. Les dragons joignirent bientôt, au delà d'A-
ranjuez, une reconnaissance de cavalerie espagnole quMIs pous-
sèrent vivement au delà d*Ocana, jusqu'à ce qu'ils l'eurent re-
jetée sur une forte division de même arme dont cette reconnais-
sance faisait partie. Le duc de Trévise, qui débouchait en ce
moment, ayant été informé de la bonne contenance des dragons
devant la ligne espagnole , envoya à leur aide la brigade du
général Paris, composée du 10® régiment de chasseurs et des
lanciers polonais. La division ennemie, forte de plus de 4,000
chevaux , occupait un plateau entre Ocana et Ontigola ; pour
l'atteindre il fallait passer un ravin difficile. Le général Paris
profita d*un chemin qu*ll découvrit à gauche pour tomber brus-
quement sur la droite de cette division, tandis que les dragons
la menaçaient de front. Le moment était critique; les Espa-
gnols montraient beaucoup d'assurance , et les forces étalent
disproportionnées. Toutefois les lanciers polonais, ayant entamé
la charge avec la plus grande intrépidité, eurent bientôt cul-
buté et détruit un régiment espagnol. Effrayé de cet assaut sur
sa droite, l'ennemi ploya une partie de sa ligne en colonne
pour la soutenir, tandis que quatre régiments s'avançaient au trot
sur les dragons français. Le général Sébastiani profita de ce mo-
mentpour ordonner une charge générale ; les quatre régiments
espagnols furent culbutés et renversés sur la colonne qui venait
de se former, et toute cette cavalerie s'enfuit en désordre. Elle
fut poursuivie pendant trois quarts de lieue et perdit 400 hom«
mes tués, lOO prisonniers et 600 chevaux. Les Français n*eu-
rent que 15 à 30 hommes tués ou blessés, au nombre desquels
se trouva malheureusement le général Paris, qui périt d'un coup
de sabre en pénétrant au milieu des rangs ennends.
Cette rencontre de près de 5,000 hommes de cavalerie es-
pagnole sur le plateau d'Ocana, où quatre jours auparavant
GDBRBB D*ESPAGIfS. 349
l'ennerai D*avait laissé personne, donna lieu de penser qn'Arei- imo.
zaga s'était aperçu de la faute qu'il avait commise en dégar- ^n»K«-
nissant la grande route qui formait sa base d'opérations , et
qu'il voulait chercher à la reprendre. Bientôt tous les rensei-
gnements qu'on putse procurer vinrent confirmer cette opinion ;
les prisonniers dirent qu'ils étaient la veille du côté de Santa-
Gruz de la Zarza , qu'ils étaient partis le matin de Villarubia
et de Noblejas, et qu'on attendait le soir même deux divisions
à Ocana. Les rapports du duc de Bellune et celui du colonel
du 12" régiment de dragons» qui avait été envoyé en reconnais-
sance sur Villamanrfque par la droite du Tage , ne laissèrent
plus de doute sur le mouvement qui s'opérait. Ils portaient
que l'armée ennemie marchait par sa gauche et qu'on aperce-
vait peu de monde sur les hauteurs de Santa-Gruz de la Zarza.
Dès lors le maréchal Soult eut la certitude de joindre le lende-
main l'armée ennemie et de la combattre; il fit en conséquence
ses dispositions et prit de promptes et décisives mesures.
Le commandement de la cavalerie fut confié au général Sé-
bastiani : il avait sous ses ordres la division du général Milhaud,
composée des 5*, 12% 16», 20" et 21* régiments de dragons ;
delà brigade du général Paris, formée du 10*^ régiment de chas-
seurs et des lanciers polonais, et de la brigade de général Beaui-e-
gard, du ô^corps composéedu 10* régiment de hussardset du 2 1"
de chasseurs. Le duc dcTrévise eut le commandement de toute
l'infanterie, composée delà l'* division du 5* corps, commandée
par le général Girard, et formée des 84*, 40*, 64* et 88« régi-
ments de ligne; de la division du général Bcssolies, formée
dans la nuit d'une brigade de la 2« division du 5" corps, des 55"
et 58" de ligne, et de deux bataillons d'infanterie espagnole; des
divisions allemande et polonaise du 4" corps. La garde royale
était commandée par le général Merlin , capitaine général , et
par le général Bigarré, aide de camp du rof. Le 43" de ligne
eut ordre de rester à Aranjuez pour garder les ponts et assurer
les communications.
Bataille éTOcafia. — Le 19, à la pointe dujour, l'armée w norcmbr.
se mit en marche et se dirigea sur Ocana. Elle était com-
mandée par le duc de Balmatie, major général, sous les or-
dres du roi, et quitta à Ontigola la grande route. Elle prit
850 LIYBR SBPTIBI».
à gaache un chemin qui débouche sur le plateau d*Ocana, ou
E>p«suc- i^Yait eu lieu Taffaire de cavalerie de la veille. Le général Se-
bastiani forma ses escadrons sur ce plateau, et, à mesure que les
divisions d'infanterie arrivèrent, le duc de Trévise les développa
sur plusieurs lignes. Les postes ennemis furent facilement re-
poussés, et il s'engagea un tiraillement qui fat soutenu de part
et d'autre jusqu'à onze heures du matin. La petite villed'Ocana,
autour de laquelle s'était concentrée Farmée d' Areizaga, est si-
tuée au bord du plateau élevé de la Manche, vaste plaine en-
tièrement découverte. La position de l'ennemi était couverte an
nord par un ravin, qui, prenant naissance à quatre ou cinq cents
toises à Test, devient insensiblement une cavité très-profonde,
et forme un fossé naturel très-difflcile à franchir. Ce ravin, tour-
nant ensuite au nord-ouest, s'eocbaine avec d'autres vallons dont
les eaux se rendent au Tage. Au midi et à l'est, la ville est
entourée de très-belles plaines qui ne présentent aucun accident
de terrain remarquable, si ce n'est un léger rideau qu'occupaient
les lignes ennemies. De belles plantations d'oliviers bordent
à l'est rhorizon de ces plaines à une distance de huit cents
toises , et coupent le chemin de Santa-Gruz de la Zarza, qui
conduit à Ocana. C'était par ce chemin que l'ennemi venait
d'arriver ; il avait intérêt à le couvrir et à le défendre , parce
que ses bagages y étaient encore engagés.
L'armée espagnole était formée sur plusieurs lignes : la droite
se prolongeait parallèlement à la route et occupait le rideau ;
la gauche de son centre s'appuyait à Ocana : quelque infanterie
était dans cette ville pour en défendre les approches; l'aile gau-
che, composée d'à peu près 1 5,000 honmies , était établie en
arrière du ravin, appuyant sa droite à Ocana et paraissant n'a-
voir pour objet que de défendre la grande route d'Aranjuez
à Ocana, mesure assez inutile puisqu'aucun Français ne fut di-
rigé par cette route. Cette disposition était évidemment mau-
vaise, car Areizaga neutralisa ainsi une partie de ses troupes,
qu'ensuite il n'eut pas le temps de ramener à sa droite lors-
que les efforts des Français se portèrent sur cette aile.
A dix heures du matin , les divisions étant formées sur le
plateau, le maréchal Soult détermina que l'attaque aurait lieu
par la droite de l'ennemi ; en conséquence le général Sébastiani
GU81IBE D'ESPAGNE. 35 1
se prolongea à gauche pour détiorder celte aile. Le maréchal mog.
Mortier disposa en même temps les divisions allemande et polo- ^*P>sne.
nalse en colonne par régiment, ayant chacune un bataillon dé-
ployé. Par son premier mouvement, il s*empara du bois d'oli-
viers, que jusqu'alors Tennemi avait défendu. La 1''' division
du 5« corps suivit dans le même ordre en seconde ligne, tandis
que la division Bessolles vint se former en face d'Ocana et en
deçà du ravin pour contenir la gauche de l'ennemi. Le général
Sénarmont , ayant reçu Tordre de disposer de toute l'artillerie
des 4» et 5*corps, forma une batterie de trente bouches à feu
devant le centre et devant la droite de Tarmée espagnole ; une
batterie de six pièces seulement fut laissée pour occuper la gau-
che et entretenir son feu. L'attaque ne tarda pas à commencer,
^ le canon français porta la mort et la terreur dans les batail-
lons ennemis. Six pièces furent destinées vers la droite à net-
toyer le revers du ravin, dans lequel s'étaient embusqués des
tirailleurs. L'ennemi avait démasqué entre son centre et sa
gauche seize pièces, qui faisaient un feu vif et bien dirigé ; mais
une élévation de terrain qui se trouvait à ia naissance du ra-
vin servit à y établir de rartillerie qui força celle de l'ennemi
à se replier.
Pendant cette canonnade, le général Levai, qui avait eu ordre
d'appuyer à gauche avec les divisions allemande et polonaise,
obligea par ce mouvement l'ennemi à un changement de front,
l'aile droite en arrière,, et le poussa jusqu'au ravin qui, tournant
antour d'Ocana, venait se reproduire en avant de ce front. Cette
nouvelle position était défendue par Téiite des troupes espa-
gnoles. S'appuyant sur le nombre et sur l'avantage du terrain,
ces masses s'ébranlèrent et voulurent reprendre l'offensive.
Deux pièces furent démontées ; le général Levai fut blessé et
perdit un de ses aides de camp; le duc de Trévise reçut une
légère contusion au bras droit. La 1'^ division du 5° corps était
déployée par bataillons en masse et suivait en seconde ligne. Le
duc de Trévise, voyant un peu d'hésitation dans la première ,
fit exécuter à cette division le passage des lignes en avant; les
bataillons se portèrent sur l'ennemi par les intervalles de la
première ligne, se déployèi-ent avec le plus grand sang-froid ,
et commencèrent un feu de deux rangs qui, réuni à celui du ca-
3^2 LIYBE SEPTIÈME.
iw». non , ne tarda pas à jeter du désordre dans l'armée espagnole.
*^*"** Le SS'' de ligne, qui tenait la gauche de cette division, resta
formé en masse devant la cavalerie ennemie , qui était en bà"
taille dans la plaine et contre laquelle le général Sébastian!
manœuvrait. Le général Dessolles avait reçu i*ordre de gagner
du terrain à gauche avec sa division pour appuyer le mouve-
ment offensif du général Girard, et de marcher en colonne par
échelons , Faile droite en arrière ; eu même temps il avait été
prévenu qu'aussitôt qu'il verrait l'aile droite de l'armée espa-
gnole ébranlée il devait faire attaquer Ocana, s'emparer de
cette ville et déployer sa division en avant Ces dispositl<Mis
furent exécutées avec la plus grande précision. Les cbevau-lé-
gers de la garde royale, qui eurent ordre de déboucher en même
temps, se portèrent sur l'aile gauche de l'ennemi, Tentamèrent,
firent des prisonniers et enlevèrent du canon. Les bataillons
espagnols de la division Dessolles, dans lesquels on n'avait pas
grande confiance, tinrent ferme et firent bonne contenance.
Le général Sébastiani devait manœuvrer de manière à soute-
nir l'infanterie, en avançant toujours vers la gauche pour dé-
border l'aile droite de l'armée espagnole;. il ne put s'engager
qu'après que cette aile fut ébranlée; mais, lorsque l'enùemi fit
son changement de front, l'aile droite en arrière, le générai
Sébastiani saisit le moment, serra son mouvement et fit chaîner
le 1 0® de hussards et les lanciers polonais, qui couplent l'extra
mité de cette aile et obligèrent 6,ooo hommes à mettre bas les
armes. Pendant une demi-heure l'ennemi manœuvra dans la
plaine entre Ocana et Dos Barrios pour regagner la route qui passe
par ce dernier endroit ; mais ce fut en vain. Les divisions des gé-
néraux Girard et Dessolles, ayant en seconde ligne les divisions
allemande et polonaise et la garde royale, le serrèrent de si
près qu'il lui fut impossible de rétablir sa ligne. Le 10® de chas-
seurs et les lanciers polonais continuèrent à déborder la droite
et se présentèrent de nouveau sur son flanc, en même temps
que le général Sébastiani l'attaquait de front avec les dragons
du général Mflhaud, le 10" de hussards et le 21' de chasseurs.
En un instant tout fut enfoncé et mis dans la plus horrible
confusion. Tout ce qui se trouva entre la grande route et le
ravin qui s'étend de Dos Barrios à Yepès fut pris; le reste de
GDERBB D*ESPAGliE. 3^3
eeite armée espagnole se sauva dans tontes les directions. L^en- isw.
. aemi avait &ï ligne , au eommenceraent de la bataille, 55,000 ^^'^'
hommes, dont S^OOO de cavaterie^ et de pins l'avantage de la
position, etAreizaga n'en sat tirer aucun parti ;il neutralisa nn
quart de ses forces, ne fit aucun usage de sa cavalerie, et justifia,
ainsi que ses généraux, le reproche, qui leur a été fait tant de
fois, d'ignorer jusqu'aux premiers éléments de l'art de la
guerre.
A deux heures après midi, 18,000 prisonniers, trente pièces
de canon, cent vingt caissons ou voitures d'artillerie, trente
raille fusils, vingt-cinq drapeaux , 600 officiers, 3 généraux
étaient déjà au pouvoir de l'armée française. Le désordre que
le dernier choc avait produit dans l'armée espagnole faisait es-
pérer encore de plus grands résultats.
Le duc de Bellune, qui avait l'ordre de passer le même jour
le Tage à Villamanrique et d'attaquer l'ennemi sur les hauteurs
de Santa-Cruz de la Zansa , trouva les ponts rompus à Yilla-
manrique; mais il fit passera gué sa cavalerie et une partie de
son infanterie. Le pont se rétablissait pendant ce temps, et à
dix heures du matin la totalité du i^^ corps était sur la rive
gauche. Le maréchal se mit sur-le-champ à la poursuite de
l'ennemi, qui, dès la veille, avait évacué la position de Santa-
Cruz. Il aperçut près de Yillatobas beaucoup de fuyards et
une grande quantité de bagages qu'il fit enlever par sa cavale-
rie légère; celle-ci prit huit cents voitures et fit 1,000 à 1,200
prisonniers. Le duc de Bellune apprit par ces derniers le résul-
tat de la bataille d'Ocana ; il arrêta alors son infanterie à Yil-
latobas et fit porter sa cavalerie en avant. La division de dra-
gons du général Latour-Maubourg alla joindre la cavalerie du
général SébasUanl à la Guardia, et la brigade de cavalerie lé-
gère du général Beaumont marcha à Lillo, où elle enveloppa
un parti ennemi et prit 500 hommes et 300 chevaux.
. Telle fut l'issue de la mémorable bataille d'Ocana, où 65,000
Espagnols furent dispersés et anéantis par moins de 34,00Q
Français. L'armée de la Manche, une des plus belles et des plus
nombreuses qu'eût réunies jusqu'alors le gouvernement de
Séville, perdit dans cette journée 30,000 hommes, dont 26^000
prisonniers et 4,000 hommes tués ou blessés, 3,000 chevaux
354 UYKR snpnftttft;
fK09. Inontés et de trait, et qaftrante-six pfèees de canon. Les armées
Espasnc espagnoles n'avaient point eneore ^roiiTé-ùne d^ite pios san-
glante et plus complète. Poursuivis à outrance Jusqu'à la Guar-
'dia parla cavalerie iirançaise, les fuyards ne s'arrêtèrent qu'au
pied de la Sierra-Moréna, où ils ne purent être ralliés que
deux mois après cette terrible catastrophe, dont la nouvelle ré-
pandit la terreur et le découragement dans tout le royaume. La
perte des Français fut évaluée à moins de 2,000 hommes, tant
tués que blessés.
La liste des braves qui se distinguèreht dans cette Journée
est nombreuse; le maréchal Mortier, empi'esséde rendre Justice
à tous ceux qui avaient combattu sous ses ordres, recommanda
dans son rapport à la bienveillance de Tempereur le général
Girard, blessé en chargeant à la tète de sa division ; les géné^
raux de brigade Beauregard et Chauvel ( les deux aides de
camp de ce dernier, Boirai et Bargevin, avaient été blessés à
ses côtés); les colonels Raymond, du S4^ régiment; Chasse-
reau, du 40*; Pécheux, du 64«; Weilande, du 88*^; Briche, du
10* de hussards ; Steemhault , du 21^ de chasseurs ; Bonchu,
commandant rartillerie du 5'' corps; Gouré, premier aide de
camp du maréchal; les colonels d'état-mnjor I>8imbo>vsky et
Delaage; les chefs de bataillon Meusnlei*, Pichard et Astme,
du 64"*; Millet et Lechasset, du 40^; Marqoet et Monot, du
88®; Camus, du 28' dMnfanterie légère ; Fruehard, de rartille-
rie; les chefs d'escadron Delapointe et Saint-Léger, du 10« de
chasseurs; Délavai, du 10® de hussards; Hudry, de Tétat-major
général ; les capitaines Hul)é, des lanciers polonais ; Bouvier,
du 28* d*infanterie légère; Beaunier, Choisy et Durivaux,
aides de camp du maréchal ; Mesclop, aide de camp du général
Girard ; Mahon, de Tétat-maJor général ; Pcinel, du 34*;Mouil-
lard, du 64* ; Lambert, de rartillerie ; Girard, du génie ; le lieu-
tenant Bret, du 64' , et ^uron , aide de camp du général Gi-
rard; le sous-lieutenant Collet et le sergent Romblat, du 64* ,
qui avait enlevé un drapeau à Tennemi.
L'armée IVançaise, à Ocana, était des deux tiers moins nom-
breuse que celle d'Arei»iga, et ai les Espagnols eussent mis,
le matin, plus de vigueur dans leur retour à l'offensive, ils au-
raient pu placer leurs adversaires dans une position très-criti^
GUERRE D*C8PAGNB. 3^5
qjue ; car les Français avaient le Tage à dos et ne pouvaient se. 'imo.
retirer que par des déûlés et des escarpements tout à Tavantage ^^"^'
de rennemi. Mais la plus grande faute du général espagnol
consista dans ses hésitations lorsqu'il fut arrivé sur les bords
du Tage. Dès le 1 i novembre son armée était réunie à Ocana,
et au lieu de poursuivre sa marche sur Arapjuez, et d'y atta-
quer en forces le 4® corps» établi sur les hauteurs en avant de
cette résidence royale, il hésita encore et donna le temps aux
1^^ et 4^ corps de se réunir, tandis que lui perdait le sien en
marches et contre-marches » en tâtonnements qui dorèrent Jus-
qu'au 18, jour où il concentra de nouveau son armée à Ocana,
où enfin il se décida , m.ais trop tard, à accepter une bataille ,
aprèsavoirpermis, pendant une semaine, aux troupes françaises
de se réunir et de se présenter en masse devant lui le 19 au
matin.
Le duc d' Albuquerque s'était avancé , le 1 7 , avec 1 2,000 hom-
mes, jusqu'au pont de l'Arsobispo, pour opérer de ce c6té une
diversion en faveur de l'armée de la Manche; mais, à la nou-
velle de la déroute d'Oeana, il rétrograda, sans s'arrêter, Jus-
qu'à Truxillo.
La bataille d'Oeana est, dîe toutes les affaires qui ont en
lieu en Espagne, celle qui a présenté à l'instant même les plus
grands résultats. Pour la première fois on vit en Espagne les
habitants diriger les soldats français sur les traces des iîiyards
et les livrer eux-mêmes, pour se venger des maux qu'attiraient
sur eux les auteurs de la guerre et éviter qu'à l'avenir leur
pays fût encore le théâtre des combats.
Combat d'Alba de Tormès. — Neuf Jours après la bataille as notembr.
d'Oeana, le général Kellermann remporta un avantage remar-
quable dans la province de Salamanque, près de la ville d' Alba
de Termes.
On se raj^lle que le duc dei Parque, après le combat de Ta-
marnés, était entré le 2 j» octobre à Salamanque, que le général
Marchand avait évacué afin de se rapprocher du général Keller*-
mann, qui s'était rois enmarche deValiadolid et venait au secours
du 6^ corps. Comroeil était important de récupérer leterrain perdu
et de reprendre la position deSalamanque, le maréchal Soui t avait
envoyé la division Gaun sur la route d'Avila pour menacer le
33..
'flâpiisne.
356 LTV'bc SEPTltifS.
1 Mg. flanc droit de l*année espagnole, tandis que le généra! Keller-
mann réunissait de toutes parts des troupes et se reportait en
avant. Ces démonstrations déterminèrent le duc del Parque à
regagner son asile habituel dans la Sierra de Gâta. Tandis qn*ll
s'y retirait tranquillement, le 6^ corps rentrait le 6 novembre &
Salamanque, et, toutes les reconnaissances envoyées dans la
direction de ces montagnes n'ayant découvert aucune trace de
Fennemi, le général Kellermann, qui avait pris le commande-
ment supérieur de toutes les troupes réunies dans la province ,
y compris celtes du 6* corps , reprit le chemin de Yalladolid.
Sa présence y était devenue indispensable, à cause des nom-
breux partisans que son absence avait enhardis à se montrer
et qui Infestaient le pays. Rassuré sur la position du 6* corps ,
le roi avait rappelé à Madrid la brigade du général Godinot et
même celle du général Marcognet, du 6® corps, ce qui affaiblit
considérablement ce corps d*armée, qui ne compta plus de dis-
ponibles que 9,000 hommes d'infonterie et 1 ,300 chevaux. Le
général Marchand, Justement alarmé de se voir de nouveau ex-
posé à une attaque du duc del Parque, qui pouvait disposer
d'une armée d'au moins 97,000 hommes, n'hésita pas à pré-
venir le général Kellermann que, dès qu'il serait assuré que le
duc del Parque s'approcherait de lui, il abandonnerût Sala-
manque et se retirerait sur Médina del Gampo. Les événements
Justifièrent bientôt les craintes du général Marchand.
Sitdt que le duc del Parque fut informé du départ des bri-
gades <7odinot et Marcognet, qui avait en lieu le 15 novembre,
il quitta Banos et Bejar. Le-17 il s'avança Jusqu'à deux lieues
d'Alba de Tormès, où était le colonel Ornano avec le 35*r^i-
ment de dragons et un bataillon d'infanterie , et le 18 il enga-
gea avec ces troupes une fusillade qui ne cessa qu'à l'arrivée
du général Mermet, qui accourait avec deux régiments d'infan-
terie «t un régiment de eavalerie. A minait les avuit-postes se
touchaient, et les rapports apprirent que toute l'armée ennemie
était réunie à Salvatierra et à Piedrahita. Il parut dès lors évi-
dent que l'ennemi cherchait à tourner la ganche du 6« corps.
Le général Marchand se décida aussitôt à évacuer Salamanque.
Le 19, à deux heures du soir, Tarmée opéra sa retraite : c'était
la seconde fois en moins d'un mois. Une colonpe ennemie en*
GUSUS J>*fiSPAGNB. 367
tra presque aossltèt û&os la ville et tirailla avec Tarrière-garâe^ _ ijo^.
Pendant la première Jouriiée, le général Mermçt soutint les
efforts de Tennemi, particulièrement ceux d'une nombreuse ca**
Valérie, sans se laisser entamer. Le soir le 6*^ corps prit position
à Arcédiano et y passa la nuit. Le 20, il arriva à Toro sans être
inquiété, et, tournant à droite, en repartit le 21 pour Torde-
sillas. Le 22 , il s*avança sur Médina del Gampo , où il fut re-
joint le 23 par la brigade du général Marcogniet, revenue de
Ségovie , au moment même où la cavalerie du général Keller-*
mann, qui s*était avancée en reconnaissance sur El Carpio^
ayant trouvé Tennemi en force » venait d*étre assez vivement
repoussée jusqu'à Médina. Le 24 , le 6" corps, renforcé par la
2^ division de dragons, prit position à Valdestillaft« Le 25 fut
employée prendre des dispositions pour couvrir Valladolid : une
partie de Tarmée prit, en conséquence la direction de Siman*
cas; l'autre, celle de Puente-Duero..
Del Parque n'avait fait aucun mouvement depuis l'escar-
mouche d'Ei Garpio. Le général Kellermann, se trouvant alor»
en mesure de reprendre l'offensive, s'avança le 26, précédé de
toute sa cavalerie, et prit position à deux lieues en avant de
Médina del Gampo, en face de l'armée espagnole. 11 voulait
L'attaquer le lendemain-; mais ce même jour le duc del Parque
recevait la nouvelle du désastre- d'Ocana, nouvelle qui jeta le
découragement dans son armée. La junte lui ordonna de se re^
tirer immédiatement; il attendit cependant jusqu'à la nuit
pour commencer un mouvement qu'H fut bientôt obligé de pré*
cipiter, afin de gagner une marche sur les Français. Le générai
Kellermann n'attendit plus dès lors, pour commencer la pour-
suite, l'arrivée de la division Gazan, qui était à Avila. Parti le
27 de grand matin , son avant-garde ne put atteindre l'armée
espagnole que le 28 au soir, à Albade Termes, où elle était ar«*
rivée le matin. Gette ville, située à cinq lieues de Salamanque,
sur la rive droite du Termes, communique avec la rive opposée
par un pont de pierre sur lequel deux divisions espagnoles
avalent d^à passé. Le reste de l'armée, l'artillerie, les bagages
et le quartier général étaient dans la ville. Gette négligence
du duc del Parque, qui devait s'atiendre à une poursuite vi-
goureuse par. la cavalerie française, parut inexplicable. L'avant-
t^B uTftt sErritvB.
isofi gurde, eondaitè par le général Lorcet,. ne se composait que de
460 chevaux du 8^ de hussards et du 15^ de chasseurs. Elle
arriva à trois heures du soir sur le plateau qui est eu avant
d'Alba, sur la rive droite , et aperçut une grande confusion
dans l^armée espagnole. Des troupes de la rive gauciie repas-
saient le pont déjà encombré d'hommes, de voitures et de ba-*
^ges, qui s'y étaient précipités à l*approche des Français. Jje
ëocdel Parque, ne laissant alors qu'une seule division sur la
rive gauche, disposa les autres,' ainsi que toute son artillerie,
sur les hauteurs qui couronnent la ville d'Aiba.
Les Espagnols, voyant quMIs n'avaient aflliire qu'à une avant-
garde, commencèrent eux*mêmes l'attaque ; le général Lorcet,
beaucoup trop faible pour résister, rétrograda vers le gros de
la cavalerie qui le suivait. La confiance d^ l'ennemi s'accrut
par ce mouvement des Français , et il lit occuper les revers du
plateau par des tirailleurs, que soutenaient quelques pelotons de
cavalerie. Le général Keliermann lit alors avancer les S^ et 6^
régiments de dragons commandés par le générai Millet , en lui
donnant ordre de se diriger, à la faveur d'un rideau qui couvrait
sa marche, sur la droite du plateau , tandis que, avec le reste
de la cavalerie , H s'y portait lui*méme directement.
L'attaque générale de toute la ligne ennemie ne tarda pas
a avoir lieu, et fut exécutée avec tant de vigueur et d'impétuo-
sité que le& Espagnols lâchèrent pied presque aussitôt ; leur
cavalet le tourna bride sans même échanger un conp de sabre
et repassa la rivière en désordre* L'injhnterie fat sabrée et
abandonna cinq pièces de canon.
Il restait au général ennemi une seconde Kgne d'infanterie ;
la cavalerie française, arrivant sur elle avec toute la confiance
qu.'inspire un premier succès, fut aoeueillfe par un feu très-
meurtrier, qui l'obligea de se retirer. Ce mouvement rétrograde
s'exécuta au pas, et les cavaliers, achevant de sabrer les fan-
tassins qu'ils avaient d'aborddépassés, allèrent se reformer der-
rière de nouvelles brigades qui s'avançaient pour prendre part
au combat. Le général Keliermann disposa les 15*^ et SS^ régi-
ments de dragons en colonne pour charger la cavalerie espa-
gnole, qui était revenue pour soutenir son infanterie. La seconde
Ugne de l'ennemi se trouva débordée par ce mouvement, dont
le suooèaftit ooniplel, et la eavalarle «spagnote prit eneore tme ««og.
fois la ftiile pour ne plar reparaître. Le ocrfmel Ornano, à la. ""i^sne.
tète dn 2^* de âragoM^ chargea en flaoc rtnftaiterle esneinle
et lui enleva quatre pièces de eaBèn. Les Espagnols s'étant re«
tirés sur une liautear, la catateie française se borna à les tenir
en échec en attendant l'arrivée de la brigade d'inlisnterie du
général Maueune* Il étaft nuit lorsqœ œlui^ tat en mesure
de seconder les effort&de la cavalerie ; cependant, malgré lV>bs-
curlté, qui permettait à i»eine de se diriger par des chemins et
des passages inconnus, le général Kellermann n*bésita point à
ftdre exécuter rattaifoe qui devait terminer la Journée. Elle fut
si terrible et si bien soutenue que les Espagnols , qui s'étaient
formés en carré, Iftehèrent pied au premier choc, et se précipi-
tèrent dans les ravins pour échapper plus promptement à la
poursuite de leurs adversaires. Le général Maucune, trouvant
le plateau abandonné, suivit les fuyards au bruit confus des
voix, et entra presque aussitôt qu'eux dans la ville d'Âlba de^
Tonnés. Là, tombant sur la queue de la colonne ennemie sans
tirer un coup de fusil , il lui tua 300 hommes à la baïonnette ,
se rendit maître dn pont et enleva Tartillerie qui le défendait.
La nuit était si obscure que Tinfanterie française ne dépassa
point la ville d'Âli>a ; les Espagnols , profitant des ténèbres y se
dispersèrent dans les bois et dans les vignes voisines, de ma«
nière que le lendemain il fût impossible au général Kellermann
de suivre leurs traces et d'achever leur destruction, comme il
se l'était proposé. Le jour même de ce combat les Français
entrèrent dans Salamanque , que l'ennemi avait entièrement
évacué. Le duc del Parque se retira d'abord à Guidad-Rodrigo et
ensuite derrière la Sierra de Gâta avec les débris de son armée.
Il avait perdu 3,000 hommes» son artillerie et ses bagages.
II nous reste maintenant , pour terminer le rédt des événe^
menlB militaires en Espagne dans le cours de Vannée 1800, à
rapporter les opérations des corps d'armée qui occupaient le»
provinces d'Aragon et de Catalogne.
Suite des opération* militaires dans le royaume ou pro^finee^j^i^fy^m.
d* Aragon; combats d'AlcafUz^y de Maria, de BelehiU; eœpé^
ditions et autres combats partiels, etc. — Nous avons dit , à
la fin du volume précédent, que le général Suchet avait été
)6I> LIYHB SBtTftoB.'
«m. appelé au comoiàQdement du 3^ coi^ de rarmée firimçalse en
Espagne immédiatemeiit après la redditioii de Saragosse. Dès
les premières ean^tagnes, el oomne ofiefer supérieur, Sncliet
avait signalé son début dans la carrière des armes par des ac-
tions d*éclat qui attestaient autant de talent que de valeur.
Élevé au grade de général, il avait Justifié cet avanomnent soit
en remplissant les fonctions de chef d'état-major, soit en coo-
pérant à la tête d*une division aux succès ou aux glorieux ef-
forts des armées françaises en Italie. Lieutenant du maréchal
Massénadans la célèbre campagne de Gènes, on t'a vu contenir,
avcô une poignée de soldats sans vivres et sans vêtements, les
nombreuses troupes autrichiennes qui menaçaient d'envahir les
départements du midi de la France. Il avait alors non-seule-
ment protégé les frontières de sa patrie, mais encore préparé,
par une utile diversion , le passage des Alpes , la victoire de
Marengo et la rapide et seconde conquête de l'Italie.
Ainsi , depuis longtemps , le général Suchet s'était montré
digne du choix que Napoléon Élisait de lui pour remplacer Ju^
not, duc d'Abrantès, dans le commandement du 3® corps. Avec
des troupes peu nombreuses, affaiblies par les pertes d'an siège
aussi long que meurtrier et par les maladies. On va le voir arré*
1er, battre et disperser des forces considérables, dirigées par de&
chefe entreprenants et expérimentés, et, plus tard, prendre des
places devant lesquelles avaient échoué déjà des généraux ha-
biles', protégées par des ouvrages redoutables, défendues avec
toute la valeur et i'opinlÂtreté que donnent t' amour de la patrie
et la crainte de l'esclavage. Enfin, non moins bon administra-
teur que général consommé , par Tordre et la discipline qu'il
maintiendra dans sa petite armée, par son caractère conciliant,
ses formes nobles et affectueuses, ses soins paternels , Sociiet
saura conquérir la bienveillance et le respect des peuples , et
exciter au plus haut degré Tamour, la confiance et la reconnais-
sance des soldats.
Le 3® corps était formé, au mois de mai 1809, de trois di-^
visions d'infonterie, commandées par les généraux Laval, Mus-
nier et Habert; de huit escadrons de cuirassiers, de hussards.
^ Entre aalres Lérida , que le Grand Coadé oe put parvenir à soumeltre.
GUEBBB J»'£SFA01IB. 361
et de lanciera poloiMift» oonunaiidés par le général Wattier^ et ^ im.
de viagt bouches à^leu. MaîB les pertes oonsldérahles éprouvées
pendant le siège de Saragosse, le grand nombre de malades et
de blessés, la dissémination en Navarre de nombreux détache-
ments, et surtout rétoignanent de la 3*^ division, envoyée en
Gastille, réduisaient les cdmbattants présents sons les armes à
environ 10,000 hommes, non compris les troupes de TartUlerie
et]du génie. Dans un état voisin du découragement , oe corps
d'armée était loin de eompenser, par sa forée morale , la fai-
blesse de sa forœ numérique* Arrivé le 19 mai à Saragosse
avec Tarrière-garde de sa division, composée d*une compagnie
de voltigeurs du 40*^ de ligne et d*un bataillon du 64^, le général
Suchet nUgnorait aucune de ces circonstances , mais n*en con*
eut pas moins Tespoir de vaincre les difficultés de sa nouvelle
position, de relever le moral de ses troupes, de ranimer leur
confiance, et de rétablir l'ordre, que compromettait un sensible
relâchement dans la discipline. Rien n'annonçant encore l'en-
trée prochaine d'une armée espagnole en Aragon , le général
Suchet croyait avoir le temps de procéder à Torganisation dé*
finitive du 3* corps , de passer ses troupes en revue, de les
exercer et de s'en faire connaître avant de les conduire contre
rennemi ; malheureusement il se trompait.
Vers le milieu d'avril, la junte centrale avait rendu un décret
qui ordonnait la formation d'une seconde armée de la droite %
sous la dénomination d'armée d'Aragon et de Valence, dont le
commandement fut donné au général don Joaquin Biake, qui
se trouvait alors à Tortose, à la tète de la division du marquis
de Lazan. Informé que les troupes françaises eu Aragon étaient
réduites an Z^ corps, dont il connaissait la faiblesse, Blake con-
çut le projet de les rejeter en Navarre et sur les Pyrénées , et
de s'emparer de la grande communication de Bayonne à Ma-
drid, afin de séparer de leur base d'opération les armées fran*
çaises enfoncées dans la Péninsule. Il se prépara à ce mouve-
ment en soulevant et en armant de nouveau les populations
sur les deux rives de TÈbre, et ses efforts eurent un plein suc-
cès : de nombreux partisans s'organisèrent, de toutes parts, et
commencèrent une guerre de détail qui ne cessa plus de harce-
ler le 3^ corps d'ans toutes ses opérations..
363 LlTBft SBPTltel.
im. A l'époque de rarrivée du gûiéral Sudiél à Saragosse, la f ^^'^
^""'^ division , oommandée par le général Laval , forte tout au plus
de 4»000 hommes^ était établie perpendicolairement à TËbre ,
de Barbastro à Aicaniz, et occupait^ le long de la Cinca et du
Guadalope, une ligne de plus de vingt lieues d'étendue, coupée
endeux par le fleuve, qu'on nepoovaitpassersurnnpoAt qu'àSa-
ragosse, c'est-à*dire à vingtdeux lieues en arrière. Cette division
ne pouvantpar conséquent être secourue à temps par la 2^, qui
était à Saragosse, le générai Blake partit de Tortose le 7 mal ,
avec ladivision Lazan, forte de 4 à 5,000 hommes, et huit ba«-
taillons de troupes valenciennes. Après avoir repoussé les pos-
tes avancés de la f^ division à Beceyte et à Val de Alforga, il
attaqua le Id le général Laval à Alcaniz, le força à évacuer cette
ville et le rejeta sur Hijar et Samper de Calanda. Dans le même
temps le général Habert avait reçu du duc d'Abrantès l'ordre
de reprendre Monzon. Au commencement de mars, cette place
était tombée au pouvoir d'une brigade du &^ corps, commandée
par le général Girard ; mais» après le départ de ce corps d'armée,
la garnison française , se trouvant réduite à environ 300 hom-
mes. Ait chassée par les habitants, qui des premiers se soule-
vèrent, excitéspar les proclamations et les agents de Blake. Ha-
bert, se conformant aux ordres qu'il venait de recevoir, fit
passer le 16 mal huit compagnies d'élite et SO cuirassiers sur
la rive gauche de la Cinca. Bepoussé dans une première atta»
que sur Monzon, ce détachement demanda du renfort à Bar-
bastro; mais, n'en pouvant pas recevoir par suite d'une crue
subite des eaux de la Cinca, qui le sépara de la brigade Habert,
les huit compagnies d*élite , dépourvues de vivres et de muni-
tions, entourées par une population en armes et par des troupes
sorties de Lérida, qui les empêchèrent de gagner le pont de
Fraga, furent forcées de se rendre le 3i mai, au nombre d'en-
viron 600 hommes. Les cuirassiers seuls repassèrent la Gnca
à la nage, avec perte de la moitié des hommes et des chevaux^
qui disparurent dans les flots de cette rivière torrentueuse,
ptrossie par les pluies et la fonte des neiges des montagnes où
elle prend sa source.
23 mai. . Combat d'Alcaûiz. — Ces événements ne furent connus
à Saragosse que le 20 mai, au moment même où le général
GUtBBK D'ESPAGNE. 363
Sucbet venait prendre le cemmandement du 8« corps. Forcé isoa.
de renoncer, dès son arrivée, à son projet de réorganiser son ^^^^'
corps d-armée avant de le mettre en monvement, ce général
dut songer d'abord à marcher au secours de sa 1'^ division, qui
s*était ralliée sur les hauteurs de Hijar. Il sortit de Saragosse
le 21 mai, a^ec la majeure partie de la 2* division, et se réunit
au général Laval en arrière de Hijar. Les deux divisions pou-
vaient s^élever ensemble h environ 8,000 hommes, dont 600 de
cavalerie. Peu confiant en ses nouvelles troupes, le général Su-
chet les passa en revue, leur rappela la gloire qu'elles avaient
acquise dans les tranchées de Saragosse, leur parla de Tespoir
que la patrie mettait dans leur valeur, et, tout à la fois inquiet
et empressé de les essayer, il se mit en marche dans la nuit du
22 , et le 23, à six heures du matin, il se présenta devant Al-
caniz, où Blake avait pris position. La droite espagnole était
commandée par don Juan-Carlos d'Areizaga ; la gauche , com-
posé des Valenciens, était aux ordres de don Pedro Roca ; Blake
commandait le centre avec le marquis Lazan. Cette armée était
adossée au cours de la rivière de Guadalope, en face d'Alcaniz.
En arrivant, les Français replièrent l'avant-garde espagnole et
lui firent une trentaine de prisonniers. Un mamelon , dit de
Las Horcas, situé devant le déifié du pont et les débouchés de
la ville, couvrait le centre de la ligne ennemie ; il était défendu
par du canon et une ligne d'infanterie. Le général Suchet es-
pérait qu'en s'eraparant de cette colline la défense des ailes
tomberait sans effort. En conséquence, deux attaques furent
dirigées contre les deux ailes pour les contenir, tandis que le
général Fabre, à la t6te du 1 1 4® de ligne et du M'* régiment de
l'a Vistule, se portait en colonne d'attaque sur le mamelon, au
pied duquel il arriva sous un feu violent de mitraille et de mous-
queterie. Là une large coupure arrêta la colonne, qui alors com-
mença à flotter, et bientôt après se replia en désordre, sans qu'il
fût possible de la ramener au combat. Pendant ce temps l'attaque
de ladroiteespagnole, établie sur la colline de l'ermitage de For-
nolès , avait également échoué contre la vigoureuse résistance
du général Areizaga. Peu satisfait de l'expérience qu'il venait ^
de faire de la valeur de ses troupes, le général en chef suspeu"
dit l'action , maïs ne se relira qu'à la nuit, laissant en arrière-
364 LIYBM SVPTIÈMR.
ig09. garde le bataillon du 64* de ligne, appartenant à son ancienne
Espagne, division. L'eunemi, se contentant de son succès, ne suivit pas le
raouvicment rétrograde des deux divisions françaises, qui le 30
prirent position sous Saragosse.
Si après Taffaire d^Alcaûiz le général Blake se fût porté ra-
pidement en avant, sans laisser au 3« corps le teiçps de se re-
mettre, il Taurait forcé peut-être à évacuer l'Aragon et se se-
rait emparé de Saragosse ; mais ce général avait aussi une armée
composée, en grande partie , de corps de nouvelle formation et
sans expérience de la guerre ; il se borna donc pendant quelques
jours à exercer ses troupes aux marches et aux manœuvres ,
et attendit les renforts que la junte de Valence s'empressa de
lui envoyer. De son côté le général Suchet sut aussi mettre à
profit le temps que Blake lui laissa. En s* arrêtant devant Sa-
ragosse , il concentra sa petite armée sur ce point unique, eu
attendant Parrivée de la 3* division, composée des 116* et 1 17^
régiments de ligne, qui venait de Tudéla. La l'* division fut
placée en avant de la chartreuse de la Conception ; la 2^ , sur
les hauteurs du mont Torréro, où le général en chef fit cons-
truire des retranchements et des redoutes. Le iioiubourg fut
barricadé ; les fortiûcations de TAljaféria ou couvent de llnqui-
sition furent réparées. Le général Suchet s'attacha surtout à re^
lever le moral de ses soldats, en même temps qu*il s'occupait
de leur bien-être. Des revues fréquentes, des exercices à feu et
de grandes manœuvres, dont on occupait leurs journées comme
en pleine paix, le rappel à la tenue et à la discipline leur ren-
daient la confiance en eux-mêmes et en leurs chefs , et firent
renaître dans leurs cœurs le sentiment presque éteint de leur
valeur. Quinze jours suffirent pour obtenir ces importants ré^-
sultats.
15 Juin. Combat de Maria. — Dans les premiers jours de juin, le
général Blake mit son armée en marche et se dirigea du côté
de Belchite, à la tête d'environ 20,000 hommes de troupes,
régulières, sans compter de nombreuses bandes de miquelets
qui devaient protéger ses flancs et harceler les troupes du 3*
corps sur tous les points. Le 13, la division du général Areizaga
était arri vée jusqu'à Botorrita, tandis que le général Blake était
à Fuendetodos avec le reste de l'armée. Le général Suchet, qut
QUEBRE d'eSPAGNE. S65
Tattendait de pied ferme, avait laissé sa cavalerie à El Burgo et ime.
partagé son infanterie entre le mont Torréro et le monastère de
Santa^Fé, snr la roule de Saragosse à Madrid. En même temps
il détachait le général Fabre à Villa-de-Muel avec 1,200 hom-
mes pour éclairer la droite de Tarmée. Blake, informé que Fa-
bre s'était avancé de Muel à Lougarès , se porta le même soir
dans cette direction; mais le général français, se voyant coupé
de Saragosse par Areizaga, qui avait passé la Huerba, abandonna
un convoi de vivres et se retira sans autre perte à Plasencia de
Jalon. Le général Suchet ordonna à la 2* division, commandée
par le général Musnier, de s'avancer au soutien du général Fa-
bre ; mais cette division, qui chercha le 14 à s'emparer de la po-
sition d* Areizaga à Botorrita, pour rouvrir la communication ,
fht bientôt forcée de se replier à l'approche du gros de l'armée
espagnole, que Blake amenait de Villa-de-Muel. Pendant ce
temps le général Fabre, qui, de Plasencia, avait descendu le long
des bords du Jalon, rejoignait le 1 5 par la route de Tudéla. I^e
même jour le général Blake arrivaà Maria, à deux lieues et demie
déSaragosse, et déploya son armée en avant de la petite rivière
que la grande route traverse par un poat près de ce village. 11
appuya sa droite à la Uuerba^ dont il occupa les deux rives, et
prolongea son centre et sa gauche sur les hauteurs, quMl garnit
dMnfanterie formée sur deux lignes et d'artillerie. La première
ligne était commandée par don Pedro Roca et la 2^ par le mar-
quisdeLazan. La cavalerie, aux ordres du général O'Donoju, était
placée à la droite avec quelque infanterie. Cette armée se com-
posait d'environ 14,000 hommes, non compris la division d'A-
reizaga, forte de 5,000 hommes, qui était détachée à Botorrita.
Le général Suchet, qui, le matin, ne pouvait disposer que de
treize bataillons , sept escadrons et douze pièces de canon , en
tout moins de 9,000 hommes, cherchait à gagner du temps jus-
qu'à Tarrivée du détachement du général Fabre et de la 3*^ divi-
sion, et ne se pressait pas d'engager l'action. D'après un nouvel
ordre de bataille adopté pour la journée du 16, le 44® de. ligne
et le 3* régiment de la Yistule , de la i'*' division , restèrent
dans le camp du mont Torréro, observant la route de Fuentès,
La brigade Habert et la 2^ division furent mises en ligne, et cam-
pèrent, partie au monastère de Santa-Fé , partie sur les hau-
366 UVRB SBPTI;ÈliB.
tMo. teurs k droite. Le bataillon du 64® était placé en arrière sur ta
^*i^°^ grande route, auprès de la brigade de cavalerie du général Wat-
tier« Le colonel du génie Haxo, avec les troupes de son arnie
et i^QOO boinmes d'infanterie^ resta dans Saragosse pour con-
tenir la population de cette ville en cas de soulèvement. Vers
midi les 1 1 6* et 1 1 7^ régiments, conduits par le colonel Robert»
arrivèrent à hauteur de Saragosse , et reçurent Tordre de se
porter, sans faire halte, vers fe monastère de Santa-Fé. Ce ren-
fort de sept bataillons et du détachement du général Fabre
qui rentrait à Saragosse, rendant la partie moins inégale, le
^néral Suchet fit aussitôt avancer en ligne la première réserve,
et le général Wattier fut rapproché de la gauche, commandée
par le général Habert. La 2' division s*étendit sur les hauteurs,
formant le centre et la droite dont Textrémité fut flanquée par
l'escadron de lanciers polonais commandé par le colonel Kliski*
Jusqu'alors les Espagnols étaient restés dans l'immobilité après
leur formation, qui s'opéra lentement.
A deux heures, Tattaque commença sur toute la ligne. L'ar-
mée espagnole ût d'abord un mouvement par sa gauche contre
la droite française, menaçant de la déborder ; mais le général
Suchet détacha aussitôt sur le flanc gauche de l'ennemi les lan-
ciers polonais et 300 voltigeurs, tandis qu'on bataillon du 114®
de ligne marcha directement en colonne d'attaque contre cette
aile, ce qui força les bataillons espagnols à se replier sur leur
ligne de bataille. Le général en chef fit alors attaquer la gauche
et le centre de Blake , et ordonna au géiiéi*al Musnier de fran-
chir un ravin qui séparait les deux armées* Le colonel Chlo*.
picki, À la tête du l""' régiment delà Vistule, et les 1 14^ et lia''
régiments déployés se portent aussitôt contre la position des
Espagnols, sous un feu meurtrier d'artillerie. Cettx:-ci, après
avoir renforcé leur gauche, résistent à cette attaque et arrêtent
le 115'' au bord do ravin; mais l'intrépide général Harispe,
chef d'état-roajor du S*^ corps, &e précipite dans le ravin à la
tète de 100 grenadiers, et, quoique blessé d'abord, rétablit le
combat. Dans ce moment un violent orage, mêlé de vent et de
pluie , éclata sur les combattants, qui ne purent plus se voir,
bien que très-rapprochés. Aussitôt que le temps fut éclairci, le
général Suchet, refusant sa gauche, pendant que son centre et
GDRRBB o'BSPAOIfS. 367
sa droite étaient aox prises avec le centre des Espagnols , or- im»
donna au géoéral Babert de porter en avant le 14® de ligne
précédé dn bataillon du S"" léger en tiraillenrs, et au général
Wattier de devancer Tinfanterie avec le 4^ régiment de hus-
sards et le 1 3*^ de cuirassiers, d'enfoncer la droite ennemie par
une charge rapide, et de s'emparer du petit pont de Maria, en
arrière de Textréme droite de la ligne espagnole. Ce mouvement
fût exécuté avec tant de promptitude et de précision que la
droite de Biake fut rompue et sa cavalerie culbutée ; le petit
pont fut enlevé, ainsi qu'une batterie qui appuyait cette cava-
lerie. Le général espagnol, quoique privé de sa droite, n'aban*
donna cependant pas sa position , dans laquelle il se maintint
de pied ferme ; mais, bientôt assaillies en flanc par le général
Habert et de front par le général Musnier, les masses d'infan-
terie des généraux Lazan et Roca furent enfoncées , se préci-
pitèrent en désordre dans les ravins pleins d'eau qui sillonnaient
les derrières de leur position et ne s'échappèrent qu'à la faveur
de la nuit.
yingt-<;inq pièces de canon avec leurs caissons , trois dra-»
peaux, le général ODonoJu, 8 officiers supérieurs, 400 soldats
prisonniers, tels furent les trophées de ce combat, où les Espa-
gnols avaient eu en outre plus de 1,200 hommes tués. La perte
des Français fut de 600 à 700 hommes tués ou blessés. Le géné-
ral Suchet eut à se louer de la tranquillité des habitants de Sa-
ragosse en cette circonstance. Ils voyaient combattre sous leurs
yeux une armée nombreuse accourue dans Tintention de les
délivrer, et qui, probablement, comptait sur leur coopération ;
mais ils ne firent aucun mouvement en sa faveur, soit que
les terribles et récents malheurs du siège qu'ils avaient eu à
soutenir eussent glacé de crainte le petit nombre d'entre eux
encore disposés à tenter un nouvel effort , soit qu'ils fussent
contenus par l'ascendant d'un chef dont ils redoutaient la va-
leur, et qui, par sa modération, leur inspirait déjà une grande
confiance.
Le combat de Maria venait de sauver Saragosse. Le général
Suchet sentit qu'il fallait suivre cet avantage avec toute l'ac-
tivité possible , afin d'expulser entièrement de l'Aragcm une
armée encore bien redoutable malgré sa défaite. Il se mit donc
3Gft LIVBE SEPTIÈHB.
ig09. sur-le-champ à la poursuite de Blake, l'atteignit, à Botorrfla,
"^s*^* où il avait rallié ses troupes à la division du général Areizaga,
et le força à continuer jusqu'à BelcMte son mouvement rétro*
grade. Les Français firent prisonniers, dans cette roardie , un
bataillon de marins et enlevèrent cpelques équipages.
«s juin. Combat de Belchite. — Le 18, le général Suchet trouva
l'armée espagnole rangée en bataille devant Belchite^ bourg
situé à neuf lieues au sud deSaragosse. Ayant reçu pendant
la nuit un renfort de 4,000 hommes de troupes valendennes,
et se fiant d'ailleurs aux bonnes positions qu'occupaient
ses troupes, le général Blake avait cru pouvoir tenter le sort
d'un nouveau combat, afin d'arrêter la marche victorieuse de
son adversaire. Le centre de la ligne espagnole s'appuyait à
Belchite et au couvent de Santa-Barbara ; la droite était sur
une hauteur appelée le Calvaire, défendu par un fossé et protégé
par le bourg , qui a une enceinte et des portes; la gauche s'é-
tendait» derrière des espèces de retranchements naturels, jus-
qu'à l'ermitage de Nuestra-Senora del Pueyo. Des plants d'o-
liviers qui garnissaient le terrain en avant du front de l'ennemi
étaient occupés par de nombreux tirailleurs, et la cavalerie
était postée sur la route de Saragosse.
Le général Suchet, ayant déployé ses troupes dans la plaine
en avant de Belchite, fit avancer un bataillon d'infanterie lé-
gère vers le centre ennemi, pour l'occuper sur ce point, tandis
que le général Habert se portait en colonne serrée sur les hau-
teurs à droite de Belchite et que le général Musnier marchait
en colonne par bataillon sur la gauche des Espagnols, pour les
déborder et les charger ensuite vigoureusement. Ces mouvements
furent exéeutés avec la plus grande précision. Le 114^ régi-
ment et le 1*"^ régiment de la Yistule abordèrent l'ennemi avec
impétuosité, sous un feu terrible de mitraille, tandis que le 115*
prenait plus à gauche. Blake tenta vainement défaire soutenir
son infanterie par quelques escadrons. Le colonel Burthe , à la
tête du 4® régiment de hussards, eut bon marché de cette mau-
vaise cavalerie, qui tourna bride au premier choc. Un obus de
l'artillerie française , ayant fait sauter un des caissons espa-
gnols, mit la plus grande confusion dans les rangs ennemis.
Bientôttoutes les positions furent enlevées ; Tennemi abondonna
IM9.
• GUEBU d'ESPAGRB. 360
neuf iilëees decauon» les dernières qui loi étaient restées de Taf-
faire de Maria, et tontes ses munitions. Les soldats, en fuyant , e^Ûa,
jetaient leur» sacs et leurs fusils pour courir plus vite. Les hus-
sards iirançaia sabrèrent presqa*en entier le 1*^' régiment de
Valence» qui voulut se rallier a quelque distance du champ de
bataille; tout ce qui put échapper à la mort fut fait prisonnier.
Ce combat, dans lequel les Français eurent à peine 40 morts et
200 blessés, tant leur attaque avait été brusque et bien diri-
gée, leur valut, outre les neuf derniers canons de Tarmée espa-
gnole, un drapeau^ vingtrtrois caissons, des voitures de baga-
ges, une grande quantité de fusils et plus de 4,000 prisonniers ;
7 à 800 Espagnols avaient été tués. Les troupes Victorieuses
campèrent le soir à Alcaniz.
Ainsi, quelques Jours avaient suffi au général Suchet pour
détruire ou disperser entièrement l'armée de Blake. En rap-
pelant à ses troupes les brillants avantages qu'elles venaient
de remporter, il leur disait dans son ordre du jour du 21 juin :
« Soldats! quecessuccèsvousapprennent à juger de votre force.
Lorsque la confiance en vous-mêmes et la discipline vous con-
duiront, vous serez tou\jours invincibles. Nous habiterons des
camps; nous nous y exercerons; nous y formerons les jeunes
gens qui arrivent dans nos rangs, et nous conserverons cette
mâle énergie qui constitue les armées françaises. Je veillerai à
votre l^en-étre ; le pays fournira à votre subsistance, et vous«
par votre discipline, vous rendrez la sécurité aux liabitants.
Vous ramènerez à la soumission et à la paix les hommes égarés,
victlmesde quelques chefs ambitieux et des intrigues anglaises;
vous ferez aimer par votre conduite le gouvernement du frère
de notre empereur. x>
Après le combat de Bdchite, le général Suchet traversa l'Èbre
à Gaspe, le as jum, fit reconnaître Mequinenza, se porta sur
Fraga, passa la Qnca et reprit possession de Monzon. Le i*^
juillet, il revint étabir son quartier général à Saragosse pour
y préparer les moyens nécessaires à ses opérations subséquentes.
Il s'occupa d*abord d'améliorer l'organisation de son corps d'ar-
mée et de mettre à profit les ressources du pays, afin de pour-
voir constamment à l'entretien , à la nourriture et à la solde
des troupes; il créa des magasins de vivres, de munitions,
Z70 LIVRB SEPTIBMB.
no9. d*habillement , d^équipemeot et d'armement en tout genre '.
Enngne. j^^^ ^^ remplissant avec un plein succès cette tâche impor-
tante, le général Suchet disposa ses troupes de manière à ob-
server des communications faciles avec la France, et à hire
une guerre active aux nombreuses bandes qui désolaient sur
tous les points les frontières de l'Aragon. Pour jouir de quelque
sécurité dans l'intérieur de cette vaste province , pour pouvoir
y lever des contributions en argent et en nature, et pour en as-
surer la rentrée dans Saragosse, il fallait que des soldats aguer-
ris, conduits par des chefs expérimentés , et tout à la fois au-
dacieux et prudents^ fussent presque toujours en campagne. Ces
sortes d'expéditions ne demandaient pas moins de force physi-
que et de patience que de valeur et d'intelligence ; les hommes
qui y étaient destinés tour à tour avaient à supporter les mar-
ches les plus pénibles et les plos rudes fiitigues ; car, à peine
battus et dispersés sur un point, les insurgés, souvent plus hardis
après une défaite qu'avant le combat , se présentaient sur un
autre avec une persévérance infatigable. Le général Suchet ,
obligé de mettre à de fréquentes et périlleuses épreuves le dé-
vouement de ses troupes, savait soutenir et ranimer leur zèle
par des ordres du jour où le soldat, comme l'offider, lisait la
mention honorable de ses actions, et où tous les traits de ooa-
rage étaient recueillis avec une exactitude scrupuleuse, qui ex-
citait l'enthousiasme et maintenait l'ardeur génén^. Qiacnn
■ La prévoyance et la sollicitude da général Sachet aur des objets aussi
importants, secondées par son chef d*état-miû<^le gteéral Saint'Cy^•KagueB»
qui airait succédé au général Harispe, blessé au combat de Maria, et par
l'ordonnateur en chef Dondurand, furent telles que, dans les circonstan-
ces les plus critiques, le 3* corps, deTenu depuis armée d'Aragon, ne
cessa jamais de recevoir ses distributions de vivrcit, et que le payeoMBt de
la solde n'éprouva pas un mots de retard. Cependant les ressources, dans
un pays ravagé presque sur tous les points et épuisé par un siège ruineus,
étaient bien rares , sorlout pendant les prenûers mois du Gommandement
du général Sueliet. L'ordre de l'administration, l'exacte discipline observée
par les soldats, la confiance inspirée an habitants semblèrent multiplier
«es mêmes ressources, et elles fournirent au général, prompt et sévère
dans U répression des abus , les moyens d'alfanealer et de payer ses troupes
sans ttre à charge à la France, d'oft il ne (ira jamais , e» ancoo temps, ni
argent, ni provisions.
GUCAEfi d'eSÇAONB. 371
voulait mériter la même distiDction , d'autant plus ^ohattée iao».
qu'elle était presque toujours suivie ou de la décoration des ^t'^^**^
brav^ ou de ravaneemait à un grade supéf leur. Dans ces ex-
péditions partielles» où tant de dévouement et d'actions d'éclat
restent presque toujours ignorées, les troupes ne sont pas moins
dignes de Testime et de la reconnaissance de leur pays que
sur ees vastes champs de bataille arrosés du sang de plusieurs
milliers d'hommes, dans ces actions dont les bouches de la re-
nommée se fatiguent à redire les moindres particularités \
Les paysans qui avaient marché sous les drapeaux de Bjake^
n'ayant plus de point de rassemblement après la déroute de
Belchite^ s'étaient éparpillés dans les montagnes pour recruter
les anciennes bandes de miqueiets ou en former de nouvelles^
C'est ainsi que les Espagnols^ toujours vaincus et Jamais sou^
mis, animés parce courage que rien ne peut abattre, parce que
l'amour de la patrie en est le moteur, opposèrent aux Français
dans toute la Péninsule, mais surtout en Aragon et en Catalo^
gne, la même résistance que leurs fiers aïeux avaient Jadis op-
posée aux Carthaginois, aux Romains, aux Goths,aux Maures»
à Charlemagne et à Louis XIV.
Dès le commencement de juillet, ces bandes, bien que sans
espoir d'être secourues par des troupes régulières , ne se mon*
traient pas avec moins d'audace sur les frontières de la Navarre,
de la Vleille-Castille, du royaume de Valence et de la Gatalo*
gne. Une d'entre elles, commandée par un nommé Pédrosa,
avait osé s'avancer près de Barbastro, où était campé le colonel
Bobert avec une brigade d'infanterie. Le» grenadiers et volti*
geursdes 116* et 117* régiments culbutèrent jG^ilement cette
masse d'insurgés, et la mirent en fuite avec perte de ses canons>
de ses muniUons et de ses bagages* Le colonel Rouelle et le»
chefs de bataillon Dandifredi et Mathis, à la tête de plusiettra
' « 11 est peu d*éTénement8 à la guerre où des officiers et de simples
soldats ne fassent de ces prodiges de valeur qui étonnent ceux qui en sont
témoins , et qui ensuite restent ponr Jamais dans Toubti. Si un généré! , un
prince, an monarqa« e«t feic nnede ees actions, eHa semH eonaaei^ à la
posUrité s mais la mniiande de ce» faits militaires se nuit à elle-mêiM, eC»
en tout genre, ii n'y a qva les choses principales qui restent d«Mis la mé*
moire dos hommes. » ( Voltaire , Siècle de Louis XV.
24.
372 LITHB SEPTIÈMB.
colonnes de cette même brigade Robert, achevèrent de disper-
^^^f^' ser toas les rassemblements des environs.
Dans le même temps , le général Hab^ , ayant sons ses or-
dres deux bataillons et 50 hussards du 4*, attaquait à Paiengaa
la bande de Péréna, lui tuait 800 hommes et la poursuivait Jus-
quedanslesmontagnesinaccessiblesoùelleparvintàse réfugier.
Un parti plus redoutable que ces bandes s'était formé des
débris de l'armée de Blake et se montrait à la même époque
du côté de Daroca; le brigadier général Villacampa en avait
pris le commandement. Ce chef, pldn d'activité, de ressources,
expérimenté, infatigable, était très^ropre au genre de guerre
qu'il avait embrassé , surtout dans un pays où il exerçait une
très-grande influence, et où il pouvait à son gré appeler la po-
puUtion des villages sous ses drapeaux. 11 avait d'abord cher-
ché à surprendre quatre compagnies polonaises postées à
GaHocanta; mais ce projet avait échoué par la vigilance du gé-
néral Chlopleki et par la fermeté du colonel Kosinowski. De-
puis, il fit successivement d'autres tentatives, qui furent éga-
lement sans succès. Battu pendant deux mois et poursuivi de
village en village par le colonel Henriod , du 14* régiment de
Hgse, dont les forces ne s'élevaient pas à plus de 2,000 hom-
mes, Villacampa était venu se réfugier dans la grande chaîne
des monts de Gastille, qui s'étend Jusqu'en Aragon; il avait
Mt du couvent de Nuestra-Senora del Tremendal sa principale
place d'armes et le dépôt de toutes ses munitions.
Ce monastère est bâti sur le sommet d'une montagne de trois
quarts de lieue d'étendue, détachée de la chaîne des monts de
la Gastille 9 dont elle couvre en quelque sorte les communica-
tions. Aux pieds ramifiés de ce Saint-Gohard des Castilles nais-
sent les fleuves du Tage, du Jucar, du Guadalaviar et de dix
à douze autres rivières accroissant ces trois fleuves, qui versent
leurs eaux dans la Méditerranée. Les sources de la Guadiana
sont éloignées de ce départ principal d'environ vingt lieues.
Villacampa avait avec lui environ 4,000 hommes de troupes
de ligne et beaucoup de paysan^; des prêtres et des moines de la
Gastille, portant une croix rouge sur leurs vêtements, s'étaient
Joints à cette petite armée pour exciter le fanatisme et fomenter
l'insurrection.
GUBBBB D'iSPàOlIB. 87S
Le général Suchet, sentant combien les insurgés, maîtres
d*un poste aussi formidable et aussi inaocessiblOy pouTaient ap-
porter d'obstacles à ses projets, ordonna au colonel Henriod de
reconnaître la position, mais de ne rien compromettre, attendu
rinsuffisanoe des moyens qu'il avait à sa disposilioDu Gel offi-
cier, obligé de laisser quelques détacbements pour la steelé du
territoire dont il avait le commandement % partit le 3$ noven»-
bre de Daroca. distant de quinze lieues de TremendaJ» à la tdle
du 14^ ré(^ment de ligne, du 1 3^ de cuirassiers, de quatre com-
pagnies d'élite, et d'un bataillon du 3^ régiment de la Ylstnlo,
avec deux pièces de canon et un obusier. Arrivé le 15 au pied
du mont Tremendal, le colonel Henriod fit ses dispositions d'at-
taque, et, après buit heures d'un combat opiniâtre, il s'empara
du couvent, qui fût livré aux flammes. Il avait fallu enlever
chaque mamelon à la baïonnette , et gravir une montapie de la
plus liante élévation par des chemins en zigzags, étroits et es-
carpés, qui fournissaient aux Espagnol» to moyens d'arrêter à
chaque pas leurs adversaires. Toutefois, la perte des premiers
fut de 600 hommes tués ou blessés et quelques prisonniers;
celle des Français n'alla pas au delà de 1 2 hommes, dont 1 tués.
Ceci serait incroyable si l'on ne connaissait pas tout l'avantage
du tir de bas en haut. Les colonels Daigremont et Kosinowskî,
le chef de bataillon Petit , le chef d'escadron Saint^jeorges, le
capitaine d'artillerie Camp, et surtout le colonel Henriod, qui
avait si habilement dirigé cette audacieuse expédition, reçurent
en cette occasion les Justes témoignages de la satisfaction du
général Suchet.
Pendant que ces diverses actions se passaient vers les mon-
tagnes de Gastille qui forment au, sud-ouest les limites de l'A-
ragon, les bandes de Pédrosa, de Péréna et du colonel Baget,
chassées des vallées du Yero- et de TAlcanadre, s'étalent réunies
de l'autre côté de la Ginca et faisaient des excursions jusqu'aux
bords à» la Sègre. Le colonel Burthe , avec ses hussards et un
bataillon du tl6*de ligne, surprit un de ces. partis à Torrede
Sègre, lui tua 150 hommes et fit 50 prisonniers, parmi lesquels
' C'étaient tes districts ou corregimientos de Calatayud, de Dsroca»
d'AlbarrafiîD.et partie de<»slQi deTeruel.
374 LIVBÏ SEPtlÉMB.
«lao. se trouvaient le colonel Baget et deux capitaines. Le général
Uai>crt, ne laissant point de repos aux autre» bandes, les défit
égâlemeut en plosleurs rencontres , dont la plus remarquable
ftit celle qoi eut lieu près do village de Pons , où les insurgés
eurent 300 hommes tués et un plus grand nombre de blessés.
I^ colonel Dupeyroux, posté à Gaspe, battit, avec un batail-
lon de son régiment (le 115^) un corps de 1,400 hommes, qui ,
deBatea, s*étalt avancé sur le cantonnement français. L'ennemi
s'enfùlt précipitamment après avoir laissé plus de 80 hommes
sur le champ de bataille.
L'adjudant-icommandant Plique opérait vers ce temps le dé-
sarmement et la soumission du territoire de Cinco-Yillas, dans
le haut Aragon, et le général Buget, après avoir parcouru avec
le 8« régiment de la Yistule une partie des montagnes qui sé-
parât t' Aragon de la Castille et de la Navarre, communiquait
avec les troupes qui occupaient Soria, dans la Nouvelle-Gastille.
11 avait, dans cette excursion, dispersé les bandes qui infestaient
le paj^, rétabli Tordre, et fait rentrer la contribution en nature.
Mais l'honneur d'un combat plus périlleux que ces derniers
était réservé, vers les frontières de la Catalogne, au chef de
bataillon Lapeyrolerie, du i il* régiment. Une bande de 2,000
homfoes , en grande partie Catalans , s*étmt rassemblée depuis
peu vers Colona, au nord-est de T Aragon. Nous avons déjà
fait remarquer que les Catalans , ainsi que les Aragonais, com-
battant dans lea montagnes, ne le cédaient point aux meilleures
troupes légères des peuples les plus guerriers '.
* Le paysan catalan , en général , est grand , bien fait , fortement cons-
titué; sa figure est mile et fière ; une jamJK nerreose et bien proportionnée
le rend propre à courir dans ies montagnes , et son habillement Tadlite en-
core sa l^èreté naturelle. Il iK>rte des espardilles, ou espèce de ootliunie»
des bas de peau qui prennent depuis les malléoles jusqu^au pli du genou ,
une culotte courte et une veste à manches. Pendant les froids rigoureux , il
ajoute à ces vêlements un manteau court et très-léger, qui sert à lui couvrir
le corps. Sa tête est oonverte d*un large bonnet de laine. Toujours armé
d'un (usil de chasse, il porte ses cartouches dans une ceiuture, dont le de-
vant est disposé à cet effet en petits compartiments, comme ceux d^une
giberne. Ainsi vêtu et armé à la légère , et attendant presque toujours son
adversaire sur la cime des plus hautes montagnes, combien le Catalan on
TArogonais n'avait-il pas d^avanta^ sur le soldat français, écn^sé sous le.
OUBIIB D^BSPAGUB. S7$
Le dief de bataillon Lapeyrolerie, menaeé dans ses eanton- iiqil
nements de Benavaire, marcha au-devant de Tennemi en re* ^^s"*-
montant la rivière d'Isavena. Il le rencontra an village de Rodav
et le fit attaquer svr ses flancs par deux colonnes aux ordres
du chef de bataillon Desorties et du capitaine Gressart, tandis
que lui-même» À la tète d'un bataillon, soutenu de deux obu-
siers de montagnes, attaquait le centre. Les insurgés^ prévenant
cette attaque, descendent des hauteurs qu*Us occupent et se
Jettent avec impétuosité sur les tirailleurs qui précèdent les co-
lonnes ; mais quelques obus lancés sur cette masse désordonnée
et une charge à la baïonnette l'arrêtent dans son élan : les .
Espagnols, mis en déroute, laissent 40 morts sur le terrain. Le
lieutenant Goutanceau enlève leur drapeau , et ils sont menés
battant Jusqu'à deux lieues plus loin.
Le lendemain, le dief de bataillon Lapeyrolerie prit position
au delà de fionanza et de Galvéra. A neuf heures du soir, pré-
sumant que Tennemi se gardait mal, il le fit entourer par quatre
compagnies d'élite. Plus de 200 Catalans furent tués à coups
de baïonnette dans cette surprise de nuit; un plus grand nom-
bre resta prisonnier ; le Jour seul mit fin au carnage. Cette ex-
pédition avait été exécutée avec tant de prudence et de celé-
rite qu'elle ne coûta aux Français que 4 tués et I blessés. Elle
valut au brave Lapeyrolerie le grade de colonel, déjà sollicité
pour lui longtemps avant Taffaire.
Le général Blake, commandant alors l'armée espagnole en
Catalogne, venait d'échouer dans les tentatives qu'il avait suc-
cessivement faites, dans le courant de novembre et de décembre,
soit pour ravitailler Gironne , soit pour en faire lever le siège.
N'osant plus tenir la campagne avec des troupes tant de fois
battues , ii prit le parti de les disséminer Jusqu'à nouvel ordre
dans les places de Balaguer, Lérida^ Tarragone et Tortose. Les
poids d'un énorme sac , d'une giberne géante , d\ui fusil trop pesant, soa-
vflDt liors de proportion avec la taille de odoi qui s'en sert , et enfin sous
l'attirail d'on habillement inoonmode!. LHastitation des ?oltigears dans nos
bataillons d'infanterie fut sans doute une des meilleures innovations mo-
demas ; elle a causé beaucoup de mal à Tenneml ; mais en donnant à cette
troupe , dans Tori^ne , un armement , un équipement et un babilleBient plus
analogues an but de sa fonneKon, oa en eût tiré un bien mefllsur parti.
376 LIVKB SBPTIÈIIB.
1909. bandes se trouvaient ainsi appuyées par des gatnisôns nom-
Espagne, j^pegg^^ qui pouvaient leur foumir des iiffieien expérimeiités «
des renforts agoerria et des secours de toute espèce.. Elles te^
parurent alors avec plus d'audaee sur les bords de l'Èbre, de
laSègre, et dans les vallées qui eonfinent la Catalogne; mais la
prévoyance du général Suchet et riefatigable activité de ses
soldats surent confondre, sur tous les points ^ les projets de
rennemi. Le colonel Robert, déployant toi^loars la méoie intelli-
gence et kl même valeur, l'attaqua deux fois vors Alcarras, sur
les rives de la Noguéra, le chassa des hauteurs environnantes^
. lui tua beaucoup de monde, s'empara d'une quantité d'armes et
de munitions. Le colonel Lapeyrolerîe repoussa près de Bernèa
le partisan Seratu , qui , sorti de Lérida , était parvenu à réunir
une nouvelle masse de 1 ,600 à 2,000 paysans* Il le battit à Je-
nova et lui fit loa prisonniers. Le général Habert passa la
Sègre sur troia colonnes et contraignit le reste de cette bande
à chercher son salut dans Lérida. Le 28 novembre, l'adjudant-
major Berry, n'ayant avec lui que 200 hommes» défendit la
ville de Tudéla, attaquée et presque envahie par un corps de
1,300 hommes. Retranché sur le pont de l'Ëbre, que rennemi
n'avait plus qu'à forcer pour être maitre de la vilie^ Berry, ave&
sa poignée de braves , non-seulement repoussa tous les elTorta
de ses nombreux adversaires, mais contraignit ceux-ci d'aban*.
donner Tudéla après avoir perdu près de lOO hommes morts et
un plus gflmds nombre de blessés, qui restèrent prisonniers.
Le 39^ la fhible garnison de Belehite repassait un autre déta-
chement ennemi de 400 hommes. Enfln, le 6 décembre, le gé-»
néral Musnier, s'étant porté sur Batéa avec le tts^ de ligne et
le 1^' régiment de la Yistule, pour en chasser un rassemble-
ment de 5 à 6,000 paysans, leur fit éprouver une perte de 120
hommes, s'empara de plusieurs magasins de vivres et de quatre
cent mille cartouches. Tous ces insurgés étaient armés de fusils
anglais.
Pour dégager les liioDtIères de Franee, le général Suchet fit
désarmer à cette époque les vallées de Bielsa et deGislain. Une
colonne française, qui pénétra dans la vallée de Yenasque, en
chassa t,600 miquelels qui s'y étaient réunis. Le fort de Ye-
nasque, armé de neut^uches à feu et bien approvi;ûouné en
GUEllB D KSPAGHC. 377
viyjre» et en roanitians» tombii au pouvoir des vainqueurs à la 1009.
suite de cette expédition. Espagne.
Ainsi se termina la campagne de I809 en Aragon, Les
opérations du général Sudiet présentent en résultat une armée
détruite, une vaste province conquise dans l'espace de quelques
jours, des bandes de miquelets, sinon anéanties, du moins dis-
persées sur tous les points, miiws hors d'état d*agir de concert, et
pareonêéquent de pouvoir rien entreprendre d^inquiétant. Ge ré-
sultat est obtenu par un corps d*armée dont Teffectif est à peine
de 16,000 bommes, oUigé de faire face à la fois sur toos les
points i^des ennemis persévérants dans leurs attaques, Inébran-
lables dans les sentiments de liaine et de vengeance que leur
inspirent lefanatisme religieux et Tamour de la patrie, et qu'ex-
dte constamment l'active protection de TAngleterre , prodigue
.de ses armes, de ses munitions , de son or même , en Aragon
comme dans les autres provinces de la Péninsule.
. Suite des événements militaires en Catalogne; combat de
Valls; le maréchal Augereau remplace le général Saint-Cyr
dans le commandement de l'armée de Catalogne; prise de la
ville d*HosUUrich; siège et prise de Gironne, etc., etc. —
Nous avons laissé le corps d'armée de Catalogne, que comman-
dait le général Gouvion Saint-Cyr, cantonné entre les places de
Tarragone et de Barcelone '. Les ressources en vivres qu'offrait
le pays furent bientôt épuisées. Dès la fin de Janvier 1809 il
fallait, pour se procurer des subsistances, que les troupes fran-
çaises se répandissent dans les contrées montagneuses qui sont
au nord-ouest du littoral de la Catalogne, entre ces deux places,
et chacune de ces fréquentes incursions occasionnait des pertes
considérables. Le général en chef des Espagnols, Reding, n'o-
sant pas encore hasarder une affaire générale^ harcelait les four-
rageurs et postait des détachements dans tous les défilés afin
de multiplier les obataeles. C'est ainsi qu'il cherchait d'un o6té
à décourager ses adversaires et de l'autre à ranimer la con-
fiance de ses troupes. Certain que la disette- devenait extrême
dans le cantonnement français, il fit camper un régiment suisse
au coldeSanta-Christina, pour fermer les débouchés des plai-
« Voyez tome IX, page 517.
378 LIVAt SBPTlàlU.
1909. Des de VaUs et] da pays fertile qoe les Espagnds BOffiment ei
Espagne. Campo de Tarragoiia.les troupes franfaises étaieot continuel-
leraeot aux prises avec ce détachement ennemi; dans un de
ces engagements, le capitaine Looyot, à la t6te d'un escadron
du 24« de dragons, fit prisonnier un détachement de so Suisses,
posté sur le chemin de Tarragone , et sabra un escadron espa-
gnol jusque sous les murs de cette plaee.
Le général Saint-Cyr, réduit aux plus dvs expédients par le
manque absolu de vivres , mit ses troupes en mouvement da
1 ô au 30 février, pour occuper le pays entre les rivières de Gaya
et de Franooli. La division Sooiuim , qui se dirigeait par le col
de Santa-Christina, trouva cette position évacuée par les Suisses,
qui avaient craint d*étre tournés par la division italienne aux
ordres du général Pino. Celui-ci tenta inutilement dans sa mar-
che de s'emparer du monastère deSantas-Cruces; des paysans
insurgés , au nombre de 8 à 900 , s*y étaient retranchés et ne
voulurent consentir à aucune capitulation. Le général Salnt-
Cyr fut fort étonné de parvenir sans résistance sur les rives du
Francoli : il avait cru que l'ennemi lui disputerait le terrain ,
et cette absence déconcertait tous ses calculs. Il établit la di-
vision italienne à Pia et la division française à Vails, petite ville
sur la rive gauche du Francoli , pour observer l'entrée des dé-
filés de Montbianch*
Dans la nuit du 34 au 35 févri^, le général Reding sortit
de ces défilés et déboucha par le pont de Ooy ; au point du Jour
l'armée espagnole était rangée en bataille sur la rive droite du
Francoli, dans une position fort avalitagease : sa gauche s^ap-»
puyait aux montagnes d'Alcover, que couronnaient de nom-
breuses bandes de miquelets; son centre et sa droite, qui s'é^^
tendait près de Yillalonga, étaient protégés par l'escarpement
de la rivière, qui coule dans cette partie au milieu de rochers
taillés à pic. Une nuée de miquelets débordait le flanc droit
de la division française et commença Tattaque par une fusil*
lade des plus vives. Le général Reding , sachant qu'il n'avait
devant lui qu'une seule division , fit passer le Francoli à ses
meilleures troupes. Un combat acharné s'engagea bient6t en-
tre les Suisses de l'armée espagnole , le 1''' régiment d'infan-
terie légère et le 42° de ligne. De part et d'autre on déploya.
GUBBRB d'ESPAONE. 379
des efforts inoois et um r«re valair . Le ^4* régiment de dragons, {^09,
quoique placé sur un terrain diffbile , arrêta i'ennemi par plu- ^v^s^-
sieui*» charges décisives , et son brave eolonel Delort fut griè-
vement blessé. Le projet du général espagnol était de brosquer
Tattaque pour éeraser la division Souham, s*eroparer de Valls
et se porter ensuite rapidement sur la division italienne , se
flattant d*un succès complet, et de renouveler, ainsi quMl l'an-
nonça hautement à ses ofRders, la catastrophe de Bayleu ; mais
les bonnes dispositions du général Souham et la vigueur de ses
troupes firent échouer cette entreprise. Les Espagnols , après
un combat qui dura six heures, étaient rejetés sur la rive droite
du Franeoli , lorsque la division italienne , conduite par le gé-
néral Saint*Cyr en personne, arriva sur le champ de bataille.
Vers deux heures du soir, les troupes françaises prirent à leur
tour roffensive; Tennemi fut tourné à sa gauche par un ba-
taillon du 1^*^ régiment d*infanterie légère, qui traversa le Fran-
eoli ayant de Teàu jusqu'aux aisselles, et par le 24^ de dragons.
Voyant sa droite menacée par les chasseurs royaux italiens et
par les dragons Napoléon , rebuté non moins qu'afTaibli par
ses efforts infructueux contre une seule division, Tennemi fut
bientôt enfoncé et mis en pleine déroute. Le 24* de dragons le
poursuivit à outrance; un dragon nommé Bouzon blessa griè-
vement le général Beding d'un coup de sabre, et le lieutenant
Bertinot, ofAeier de la plus belle espérance, était au moment
de faire le général ennemi prisonnier lorsqu'il fut tué d'un coup
de fea à bout portant '.
On suivit les Espagnols Tépée dans les reins jusque sous le
canon de Tarragone , où ils rentrèrent dans le plus grand dé-
sordre; ils perdirent leur ariillerie et leurs bagages , et on leur
' Ce fait a été consigné dans le» Fastes de la Nation française en ces
termes : « Le jeune Bertinot, à la tête de son peloton, dans le
moment le plus critique et sor le terrain le plus difficile , exécuta une charge
vigouretwe, qui eut ie plus grand succès. Son elieval fut tué soos lui,
percé de sept balles ; mais cet intrépide officier, remontant aussitôt sur on
autre qu'un dragon de sa compagnie venait de prendre, chargea de nouveau,
cuHmta avec son pdoton les ennemis qui se trouvaient sur son passage , et
il allait se saisir do général en chef fiedlng , déjà blessé iMir le dragon Bouzon,
lorsqu'il reçut lui-même le coup mortel.
380 LIVHE SBPTlèttE^
1809. <^t 1 9^00 prisonniers. Le générai Redkig, dont tout l'état-major
Eipagnc. fut g^pé par les dragons du 24«, mourut le 23 avril des suites
de ses blessures, et du ehagrin profond que lui causait sa dé-
faite, d'autant plus humiliante qu'il s'était vanté d'une victoire
décisive. C'est ainsi que le général Saint-Gyr eut la gloire de
laver l'affront fait aux armes françaises dans la désastreuse
journée deBaylen '.
Le général Saint-Cyr, après cette victcMre, fit occuper la ville
de Reus, la seconde ville de la Catalogne pour la population,
l'industrie, le commerce et la richesse, mais alors entièrement
dépourvue de grains et n'offrant que des ressources pécuniaires.
Les troupes françaises purent à peine y séjourner un mois, parce
que le général en chef s'y trouvait sans communication, non-
seulement avec la France, mais encore avec Barcelone.
Avant de quitter Reus et Valls pour revenir prendre des can-
tonnements auprès de Barcelone, le générai Saint^yr conclut
avec le général en chef espagnol Blake , successeur de Reding,
une convention, d'après laquelle les malades et les blessés hois
d'état d'être transportés étaient mis sous la protection dés trou-
pes qui reprenaient possession du pays et confiés à la générosité
espagnole sans pouvoir être considérés comme prisonniers de
guerre. Ce traité, qui honore la sagesse autant que l'humanité
du général Saint-Cyr, fut religieusement observé de part et
d'autre ; les deux armées furent souvent dans le cas de profiter
de cet accord généreux. La division Souham, ayant trouvé à
son arrivée à Reus un grand nombre de malades et de blessés
espagnols, avait donné l'exemple d'une telle conduite , inq^irée
par la modération, la loyauté et l'humanité, et qui apporta de
grands adoucissements aux calamités de cette guerre funeste.
Les insurgés , de plus en plus opiniâtres, avaient profité de
l'éloignement de l'armée française pour bloquer une seconde
* Pour consacrer le souvenir de la capitulation de Baylen, la junte tuprfime.
avait créé un ordre militaire ayant pour décoration deux épéea en sautoir,
au bas desquelles on voyait un aigle suspendu par les serres; on y lisait en
exergue : Journée du 22juilUê 180S. Le général Reding a^ait été nommé
immédiatement un des grands-officiers de cet ordre; les Français, dans le
combat de Valls, firent pcisonoiers un grand nombre d*offiders revêtus de
lette décoration.
GUBBBB II*B8PAGN«. 381
fois la place de Baroelone. Ils étaient reveans se (wster au ,gQ^
Puente del Rey et aa col d'Ordal , d'où le général Urbin Be-
vanx les avait chassés avee cette intrépidité qui entratae le sol*
dat, et dont il donnait souvent rezempie.
Qaelqne temps après cette affiûre, le même général , chargé
défaire une reconnaissanoe auprès du Mont Serrât, se laissa
emporter par trop d*ardeur, et, dépassant ses instructions, il
gravit la montagne jusqu'au sommet pour s'emparer du monas-
tère, où il eut l'imprudence de laisser ses soldats reposer et vi-
vre à discrétion pendant deux Jours. Les moines, là cwnme
ailleurs, ennemis toujours implacahles et dangereux^ couvrant
leur perfidie de toutes les démonstrations d'un accueil bienveil-
lant, se concertèrent avec les insurgés, qui accoururent aussitôt
pour garnir les défilés et couper la retraite au détachement fran-
çais; ce ne fut qu'après une grande perte en tués et en blessés
que le téméraire général» après des efforts inouïs, parvint à se
faire Jour à travers les bandes qui le fusillèrent presqu'à bout
' portant. Cette faute de discipline fut punie par un mois de dé-
tention au fort de Moiifuieh de Barcelone et par sa mention
dans l'ordre du Jour de l'armée. Un pareil châtiment, exigé
par la subordination, et auquel le général en chef ne souscrivit
qu'à regret, loin de nuire, i^joota, par sa cause même, à la ré-
putation du brave Devaux dans l'esprit des troupes.
A cette époque , la place de Saragosse ayant été enfin sou-
mise, un détachement de l'année qui l'assiégeait, composé du
1 0^ régiment de hussards et de deux bataillons sous les ordres
du colonel Bridie, vint communiquer avec les troupes de l'ar-
mée de Catalogne. Il avait percé avec des peines incroyidiles ^
travers les montagnes les plus escarpées, et successivement dé-
fendues par des miquelets depuis Fraga, sur les frontières de la
Catalogne, jusqu'à Yalls. Les soldats éprouvés par une telle
expédition étaient de trop bons auxiliaires pour que le général
Saint-Cyr ne les retint pas quelque temps auprès de lui.
Au commencement d'avril , l'armée de Catalogne occupait
auprès de Barcelone Sabadell et Tarrasa, d'où elle se mit
bientôt en marche pour Vich. Le général Saint-Cyr dirigea les
divisions Pino et Souham à travers les hautes montagnes de
Caldas, San-Féliu-de-Cudinas et Centellas^ pour couvrir le dé-
382 LIYAB SBPTlàVB.
iMO. fiié de la Garriga et d'Agoa-Freda, par où marchèfent le quar-
tier général » rartillerie et les bagages. Dans œs monvements ,
habilemefit ordonnés et non nunns inen exécutés , les troupes
italiennes, placées à i'avant^garde) chassèrent l'ennemi des for-
midables positions ou il se trouvait embusqué, et se moutrèreut
dignes du poste honorable qui leur était confié.
La ville de Vieh, où Tarmée française vint prendre portion,
est située .dans un vallon fertile, mais resserré de tons côtés
par des montagnes presque inaeoess&bles ; elle est bâtie réguUè-
reraent et coutîenjt une population de 12,000 âmes. Tous ses
habitants, heomies, femmes, vieillards, enfants, s'étalent enftiis
à rapproche des Français ; l'évoque seul et un de ses grands vioai*
res étaient restés. Ce prélat était nn de ces hommes rsspeetables
qm honorent un saint ministère , alliant à des sentin^ents mo-
dérés, à une instructiou solide, à des mœurs pures, le plus ar-
dent patriotisme; recevant avec égard les Français et leurs
chefe, mais invariablement attaché à la cause de son pays, et
ne dissimulant point les vœux qu'il formait pour le succès dc«
armes espagncdes. La haute conaidératioa que ses qualités et
ses vertus inspiraient aux généraux irançais ne se démentît
point un seul instant , et , lorsque plus tard l'armée fut foreée
d'abandonner ses blessés et ses malades dans Vich, ce digne
évéque leur fit on rempart de son corps contre les fanatiques
habitants qui, dans nn transport de fureur, voulaient les égor-
ger. Il avait eu la précaution de les réunir dans nne salle de
son palais, pour répondre non-seulement de leur sûreté, mais
encore pour les faire traiter sons ses yeux aveo tous les soins
que réclament à la fols l'humanité et la religion. La plus vive
reconnaissance, comme le sentiment d'une vénération profonde,
nous ont fait un devoir de consigner ici cet hommage mérité
pour l'un des plus vertueux ministres de la religion chrétenne.
An bout de deux mois de séjour, toutes les ressources de la
vallée de Vich furent consommées. Les chevaux avaient mangé
les blés en herbe, et le pins cruel spectacle était, à son retour,
réservé à cette population expatriée, qui, pour prix de son dé*
vouement, se trouva menacée de la plus horrible famine; mais
les Catalans supportaient tous ces maux avec une admirable
résignation , en songeant que tous ces sacrifices seraient plus
GUBABl d'eSPÀGNE. 333
i|ae ctMQpensés s'ils ûboutîssaieot à maintenir intact» kur hou**
neur^ leur gloire , leurs droits et leur indépendance. A Vich ,
eoname dans les autres cantonnements occupés précédemoient
par Tarmée française, la disette forçait les soldats à se répandre
an loin dans le pays ; les subsistances qu'ils achetaient par ces
excursions pénibles étalent toujours t^tes de leur sang; ils
ne les obtenaient guère sans livrer des combats qui à la
vérité coûtaient cher aux Espagnols , mais qui, réitérés pres-
que tous les jours , affaiblissaient sensiblement les bataillons
français.
Pour donner une juste idée de la nature de cette guerre, il
suffira de remarquer que, depuis le mois de novembre 1808,
rétat-mi^or n'avait fait expédier ni reçu aucun courrier ; que
le général en chef n'avait pu donner de ses nouvelles qu'en ris*
quant une firèle barque au travers des croisières anglaises et
espagnoles, et que , pour assurer le retour d'un aide de camp ,
porteur des premiers rapports officiels au prince major-général
Berthier, il avait été nécessaire d'envoyer à la rencontre de cet
officier jusqu'aux frontières de France un corps de 3,000 hom-
mes. Ce détachement, attaqué en allant et en revenant, avait
essuyé des pertes considérables. Le l^' régiment d'infanterie
légère avait été surtout fort maltraité ; mais il prouva en cette
occasion, comme en toutes les autres, le plus généreux dévoue-
ment et la plus rare intrépidité. Que de braves soldats dont
les derniers instants ne furent pas même adoucis par la conso-
lation de recevoir des nouvelles de leur famille, et qui se bat-
tirent cependant avee d*autant plus d'ardeur pour jouir de cette
satisAtction, si vive pour un cœur attaché à son pays, qu'ils en
étaient privés depuis plos de six moisi
Le général Sidnt-Gyr, autant par le manque de vivres que
pour se rapprocher de Gironne , dont le siège était déjà com-
mencé y quitta Vich, passa les défilés de San-Hilario, et vint
établir son corps d*armée dans les plaines du Ter, sa droite à
l'étang de Sils et sa gauche à Bascano ; et le 20 juin il porta
son quartier général à Caldas. Le général Rellle était arrivé,
dès le 6 mal, en vue de Gironne, sur les hauteurs de Gosta-Roja,
et avait été remplacé le ta par le général Yerdier^ qui resta à
la tète des troupes pendant toute la durée du siège. Des renforts
384 ^ LIVBS SIPTrtMS. •
1009. étant arrivés successiTement , le général Verdier acheva le 4
juin rinvestlfieement de la place.
Gironne , bâtie an confluent du Ter et de TOna, dans l'angle
saillant que forment ces deux rivières, est adossée k une chaîne
de montagnes qui la commande au nord, à l'est et au sud-est.
Cette ville est traversée pas l'Ona, qui la divise en deux parties :
la ville proprement dite, qui se prolonge sur la rive droite jus-
qu'à Fendroit où cette rivière se jette dans le Ter , et le Mer-
cadal, situé sur la rive gauche. Ces deux parties de la ville com-
muniquent entre elles par un beau pont de pierre. L'enceinte,
flanquée de plusieurs grosses tours, a sept bastions sûr la rive
gauche et deux sur la rive droite ; mais il n'existe de fossés et
de chemin couvert que du côté de la pc^te de France. Sur les
hauteurs qui dominent Gironne, à la rive droite de l'Ona, s'élè*
vent plusieurs forts qui se prêtent un secours mutuel. Le plus
important est le Monjuich ' ; ce château est bâti sur un. rocher
escarpé, avec quatre ouvrages avancés, et commande 4a ville
au nord. Les autres sont les forts du Gondestable, de la reine
Anne, des Capucins, et les redoutes du Calvaire, du Cabildo et
de la Qudad ; mais, ces forts une fois enlevés, surtout Le Mon-
juich, la ville reste presque sans défense. La garnison tant de
la place que des forts était de 8,000 hommes, sous les ordres
du général don Mariano Alvarez de Castro. Ce gouvei!neur se
montra le digne émule de celui de Saragosse, et comme lui se
couvrit de gloire par une bdle défense; son dévouement était
bien secondé par les habitants, résolus de défendre l<Éir ville
jusqu'à la dernière extrémité, et de s'ensevelir, à l'exemple des
Sagontins, sous des monceaux de ruines et de cadavres. Des
proclamations énergiques, des écrits Incendiaires, des carica-
tures, des chanscms burlesques, des fêtes patriotiques, des pro-
cessions solennelles, des prières publiques, l'expositioin de la
châsse de saint Narcisse, patron de la ville, au nom duquel les
prêtres et les moines promettaient des miracles, la délivrance
de la place ou l'extermination des assiégeants; enfiu tout ce
qui pouvait exciter contre les Français la haine, la dérision »
' Mons JovU. Plasieura positions ont une pareitle dénominatioB, parce
que Von y avait probablement élevé autrefois un temple à Jupiter.
Toétie to Ptu/t^ ^fS4'
OUERBB D'ESPAGNE. 386
le mépris et l'iDdigoation, fût mis en usage. Les prêtres et les ^^iq,
moines passaient snocessivement du pied des autels sur les rem- Eipasn««
parts et dans les tranchées » où Ils cherchaient les postes les
plus périlleux. L'exaltation des esprits était telle enfin que
les dames de la ville , pour porter des vivres et des munitions
aux combattants, des secours aux blessés, formèrent une com-
pagnie militaire sous la dénomination de Sainte-Barbe ; elles
remplirent leurs généreuses et volontaires obligations avec un
courage bien au-dessus de la faiblesse de leur sexe.
Les troupes destinées au siège de la place se composaient de
la division française aux ordres du général Soqham, de la di-
vision italienne commandée par le général PIno, et d'une 8"
division formée de trois régiments de la confédération du Rhin, ,
sous le commandement du général Yerdier ; le général Samson
commandait le génie, et le général Taviel l'artillerie. Le 8 juin,
la place étant totalement investie, on commença deux attaques
principales, l'une à la rive gauche du Ter, l'autre contre le
Monjuich et les redoutes détachées qui le défendaient; car indé-
pendamment des forts dits du Monjuich, du Condestable et des
Capucins, le gouverneur Alvarez avait fait construire des redou-
tes, soit pour défendre l'approche de ces forts, soit pour lier et
protéger leur communication avec lui.
La tranchée fut ouverte dans la nuit du 8 au 9 juin ; une
parallèle fut établie sur la hauteur de Tramon, à six cents toi-
ses des tours de San-Luis et de San-Narcisso, dépendantes du
Monjuich. Une batterie dehuit pièces de vingt-quatre et de deux
obusiers fut placée devant une tranchée qui s'embranchait à
l'extrémité de cette parallèle. Une autre batterie de mortiers
fut établie derrière la hauteur de Denroca, à trois cent soixante
toises du rempart de San-Pedro, situé à la droite de l'Ona,
près de la porte de France. Une première sommation, faite le .
12 , ayant été repoussée par le gouverneur de la place, le feu
commença le 14 au point du jour, et fut si vif et si bien dirigé
que l'artillerie des redoutes se trouva démontée , pendant que
les bombes lancées de la batterie placée sur la rive gauche du
Ter portaient lincendie et la destruction dans les principaux
quartiers de la ville. Pendant la nuit du 13 au 14 on s'était
emparé du MouUn-Neuf et du faubourg de Pedreto, ce qui mit
X. 23
886 LIVBI SBPTIÉMB.
fsoo. tes airant-postes des assiégeaiitsà demi-portée de taàï des oo^
**'*^ Trages de la place.
Le 17, à sept heures du matin, les assiégés firent une sertie
sur le faubourg de Pedreto, avec i^oco hommes tiréi du Mon-
juich et 600 tirés de la gamisonde la place. Les avant-postes se
replièrent sur un bataillon du 16* régiment de ligne pbcé au
Moulin-Neuf. Ce bataillon s'étant formé, marcha à l'ennemi
et le rejeta, la baïonnette aux reins, jusque dans les fossés du
Monjuich, tandis que le colonel Legras, du 8* régiment de ligne
westphalien, marchait avec quatre compagnies sur les bords
du Ter, et ftisillait à bout portant la colonne sortie de la
ville. Cette dernière troupe se déeida btentAt à la retraite, en
laissant une centaine de morts sur le champ de bataille ; on lui
lit quelques prisonniers, dont deux officiers.
Le 19, les batteries recommencèrent leur feu sur les redoutes
qui défendaient le Monjuich ; des colonnes s'avancèrent sur les
glacis de ces ouvrages, malgré le feu de mitraille , et les Es-
pagnols, effirayés de Taudace des assaillants, abandonnèrent les
redoutes, bien qu'elles ne fussent entamées par aucune brèche.
Ces ouvrages ainsi enlevés, le général Taviel fit établir le ti
une nouvelle batterie contre la redoute San-Danlel, que Ten-
nemi prit le parti d'évacuer en mettant le feu à une fougasse,
pour faire sauter Touvrage; on trouva sept bouches à feu dans
les trois redoutes.
L'attaque du Monjuich commença immédiatement. Cette en-
treprise sur un roc vif et escarpé nécessitait de grands travaux
et devenait très-difficile; mais on pensa que ce fort, qui peut
en quelque sorte être considéré comme la citadelle de Gironne,
une fois pris, amènerait la reddition de ia place. Ce calcul, qui
eût été vrai dans un autre temps, ne l'était pas dans les cir-
constances présentes; on aurait vraisemblablement obtenu des
résultats plus décisifs en emportant d'abord la place, qui était
un centre de conmiunlcation indispensable pour les forts , le
dép4l général des vivres et des munitions, et le foyer d'une ré-
sistance opiniâtre. Outre les obstacles qu opposait le terrain,
les assiégeants eurent encore à lutter contre de violents orages
et des pluies continuelles, qui, tombant par torrents, dégra-
daient les ouvrages et rendaient leur achèvement impraticable.
GU.UUIB D*ISFA9IIV. SS7
llalgié taiteieciOfBtffarUtés, dès le 36jii&o une tMitteiiede
mortien fut mise en état de jouer, et l'on coostnilMt avec acti-
vité d*aotres batteries de brècbe; l'artillerie y déploya un zèle
inlàligable.
Le S Juillet, à Tanbe du joar, en commeàça Tattaque, ^
dirigeant «or le Monjuich le feu de plusieurs batteries, et par-
ticulièrement de celle qui était établie à gauche de la tour de
San-Luis. Dans le courant de la Journée, la fhce droite du rem-
part du nord fiit entamée, et la garnison, forte de 900 hommes^
s'empressa d'élever un retrancbement derrière la brèche. Le 4»
à dix heures et demie du soir, un assaut fut tenté infiruotoeus^
ment ; Il fut reneuirelé le 8 sans plus de succès. Trois fois de
suite, les troupes françaises, commandées par le colonel Muff,
s'élancèrent en colonne serrée sur la brèche» aussi intrépidement
défendue qu'elle était attaquée; trois fois de suite elles furent
repoussées avec une perte énorme ; entre autres, un bataillon de
vélites de la garde royale italienne tut presque totalement dé-
truit Cette belle troupe, depuis son entrée en campagne avec le
générai Duhesme, l'année précédente, s'était battue, dans toutes
ks rencontres, avec un courage digne des grenadiers français.
Après l'échee éprouvé au Monjuich , le général Samson pro-
tongea la ligne des travaux de siège, qui embrassèrent à la ibis
les deux fronts des fortifications du nord-est et du nord-ouest, et
les assiégeants s'avancèrent jusqu'à la crête du glacis. Uséle*^
vèrent en même temps de nouvelles batteries, sans être arrêtés
par le feu et les sorties de l'ennemi.
Bans les premiers jours de juillet, le général Saint-Cyr^ qoi
attendait Impatiemment l'issue des mesures qu'il avait prises
pour aooélécer la reddition de la place , reçut l'avis qu'il sUait
être remplaeé dans le commandement de l'armée de Catalogue
par le.marécbal Augerean , duc de Castiglione, qui , vers cette
époque, arriva à Perpigna|A ; mais^ en attendant ce successeur, il
continua de repousser avec sueoès les tentatives faites par Ten-
nemi pour ravitailler Gironne, tant à Brunolas et Bascano qf^
sur la montagne dite de los Angeles, à Palamos, San*Féliu dé
Guijols et près de Fornells. Le i""' régiment d'infanterie légère
et le 34'' de dragons , formant la brigade du général Bessièirs,
le 42* régiment, commandé par le colonel Espert-Latour, les
2S.
tMS.
«HlHigoe.
388 LIYBB SBPTIÈlfB.
brigades italiennes des généraux Mazzaehelli et Fontana se
distinguèrent particulièrement dans ces différentes actions.
Le général Pino, par de promptes et habiles manœuvres,
enveloppa, le lo juillet, le colonel Marshall, Irlandais d'origine,
qui, avec une colonne de 1,400 hommes commandés par de
bons officiers, espérait, à la faveur des bois dont le pays est
couvert, pénétrer dans Gironne avec un convoi de vivres. Cette
colonne ennemie , arrêtée à Gastellar après l'échange de quel-
ques coups de fusil, fut réduite à mettre bas les armes. Le
eolonel irlandais, sous le prétexte de porter à ses soldats la
convention qu'il venait de signer, se sauva à toute bride, d>an-
donnant ainsi sa troupe à la discrétion du vainqueur, et rentra
dans Gironne avec ceux de ses gens qui purent s'échapper.
Dans la nuit du 3 au 4 août les Français attaquèrent le ravelin
placé sur le front de Tattaque , mais ne parvinrent à enlever
eet ouvrage que le lendemain et se logèrent sur la crête de la
brèche. Prévoyant qu'il ne pourrait se maintenir plus longtemps
le gouverneur du ch&teau l'évacua le 12^ à six heures du soir,
après avoir endoué son artillerie et détruit ses munitions. Les
Français occupèrent enfin les décombres de ce château, au bout
de deux mois de siège, après avoir ouvert plusieurs brèches
dans ses murs et perdu plus de 3,000 hommes. De 900 combat-
tants qui composaient là garnison de ce fort, il mourut 18 offi-
ciers et 51 1 soldats , sans qu'il restât à peine un seul homme
qui ne fût blessé. Ceux qui restèrent firent leur retraite si à
propos qu'on ne put les empêcher, du moins en grande partie»
de se réfugier dans Gironne. Les Français regardaient la red-
dition du Monjuich comme tellement importante que le général
Verdier affirmait que la ville se rendrait sous huit ou dix jours.
Dans son rapport officiel au ministre de la guerre, fl faisait ob-
server que c'était la première fois qu^une opération aussi pé-
rilleuse avait été faite dans le cours de la guerre depuis quinze
ans. « Elle a, disait-il, présenté d'autant plus de difficultés*
que nous avons été forcés de travailler sur le roc , et que tous
ces travaux ont été artificiels et faits à la sape volante, devant
un ennemi des plus acharnés, n
On ne trouva dans le fort que dix-huit bouches à feu, pres^'
4ue toutes hors de service. L'attaque audacieuse qui avait rendu
GUBftBE D*BSPAGNE. %S9.
les Français maîtres da Monjufch n'imposa point anx défensenni «no»
de Gironne; elle ne fit au contraire que redoubler leur foreur.
En yain des milliers de bombes et d*obus écrasaient les mai*
sons, en vain des soldats intrépides et dévoués chevcbalent &
pénétrer par des brèches déjà praticables; la résistaînee des as-
siégés croissait en raison de Timminenoe des dangers qui ren-
daient partout inutile Tintrépidité des assiégeants. Deux assauts
furent successivement repoussés, et laissèrent les brècheajon^
chées de l'élite des soldats français, italimis et westphaliens.
Trois colonels, quatre officiers supérieurs et beaucoup d'autres
officiers subalternes furent tués en donnant l'exemple de la plus
haute valeur. Les soldats échappés au fer ou au feu de rennemi
succombaient victimes de Tlntempérie de la saison et des exha<<
laisons fétides d'une terre couverte de cadavres ; la mort faisait
surtout d'afTreux ravages dans quelques maisons désertes de
Figuières, qu'on avait transformées en ambulance, où les mal-
heureux soldats, entassés sur un peu de paille, périssaient par
milliers, sans secours, sans soins, sans médicaments, quelque-
fois même sans aliments et dans un état d'abandon bien dé-
plorable.
Cependant la perte du Monjuich compromettait fortement
ht place de ce côté , où elle n'était couverte que par un mur
vieux et faible, qui n'avait d'autres feux que ceux de la tour
de Girondla et de deux batteries placées , Tune au-dessus dé la
porte de San*Cristobal , l'autre sur le rempart de Sarradnos.
Du côté des assiégeants trois batteries furent construites, l'une
au Montjuich, de quatre pièce» de 24 ; une au-dessus du fau-
bourg de San-Pedro, et une autre sur le mont Denroca. Le la
ces trois batteries ouvrirent ensemble leurs feux sur le rempart
deSan-Criatobal etla porte de France* Le 8t août ces batteries
continuèrent à vomir la destruction et la mort sur le rempart de
San-Cristobal et sur celui de Santa-Luda, paitie laplus fisûble
et la phisélevéede la ville. Les batteries de la ville ne pouvaient
répondre que faiblement au feasotttenuâesassiégeants.Dégàbi^
fatt>le en elle-même , réduite encore par les pertes essuyées ao
Monjuich et celles qu'elle éprouvait Journellement dans laplace>
la garnison ne pouvait plus opposer une assez vigoureuse résis-
tfmce pour incommoder ou retarder les travaux des Français^
tm L» cmbaïras aNaient cmiasaiit dans nntértovr de la vHIe, et
'*i"sne. u était temps qu'elle fût secoofue.
Dès le commeiioeiiieDt da siège, la ville de Gifoone «Yail
demandé des secoars aax aalorîtés de Gatalogoe. Pressé par
les pilos vives réclamatioiis, le géaéral Blake^ qai était à Tor-
tose, pensa sériensement à secourir cette place. Avant la fln
d'aoèt il se porta avec une divisloa à Vieil, où il établit son
quartier général , et, le SO au soir, il fit marciier don Enriqae
O'Donnell sur Bnmolas avec 1,300 hommes, et dan Manaei
Llander sor l'ermitage de los Angeles, pour détourner, parées
mouvements, Tattention des Français et leur cadier le point
par où il voulait faire passer le secours. Le général Saint-Qrr,
qui, le 10 août, avait transféré son quartier général à Fomdls ,
avait pris, avec le général Verdier, des mesures pour s'opposer
aux desseins de Blake, en réunissant ses troupes , qae la rareté
des subsistances tenait disséminées; mais^ trompé par les rap-
ports de ses espions et par les mouvements habiles du général
espagnol, il évacua ses postes les plus importants à conserver
et même à renforcer, et fit avancer une grande partie de la di*
vision Souham , employée à couvrir le siège, pour l'opposer à
Blake, que, contre toute probabilité et vraisemblance, il croyait
s'être avancé pour lui livrer bataille ; il manceuvra Jusqu'à trois
heures du soir du côté de Bruâolas, qu'O'Donndl attaquait hi-
vernent^ pour attirer à lui la mineure partie des forces flraneai-
ses, tandis que Llander s'emparait de Termitage de los Angeles.
Le général Blake recueillit alors les fruits de sa ruse, en faisant
filer sur la rive droite du Ter un emivoi de 3,000 mulets, es-
corté par 4,000 hommes d'infonlerie et 3^000 chevaux aux or-
dres du général don Jaime-fikarcia Gonde. Gehii^ci culbuta à
Sait la division Leochi, commandée par Mitossevita, <pii se
retint sur Fomells, où le générai Saint-Gyr la vit arriver en
désordre ; pendant ce temps le convoi entrait tranquillement
dans Girsnne. L'erreur du général français, en relevant l'espoir
des Espagnols, retarda pour longtemps la prise de cette place,
où Gonde laissa, avec son convoi, un renfbrt de a,aoo hommes; .
après quoi il retourna à Hostalrich et Blake à Ohat.
Les vivres inftrodnitB dans Girenne aveu un surcroit de trou-*
pes pour les consommer ne remédièrent pas à la disette qui y
GDEIEI D^fiSFAGNS. 39t
régnait. Dès le esepldubre les PnœçaiB rafiiirait Perodlage de iwi.
los Angeles, après avoir réoceupé tons le» poste» qa'ils avaieDt
abandonnés. Le 1 1 le feu des assiégeants reeommença avee va»
nooyelle vignenr. Alvarez, Toolant retarder on même détmir»
leurs travaux, ordonna, le 1 6, une sortie ipii n*eut pasde sueeès ;
les Espagnols , repoussés de toutes parts^ furent forcés de se
réfo^ sous le canon de la place. Enfin, les brèches devenant
chaque Jour plus grandes et les feux de Tennemi étant éteints
sur tout le front de Tattaque, l'assaut fût résolu* Le 1 9 septem-
bre, quatrecolonnes de 2,000 hommes chacune se portèrent sl*^
multanément aux brèdies ouvertes à Santa^Loda, à los Alma-
nès , à San-Grisloba] et au Calvaire; mais tous le» efforts des.
Français échouèrent centre le courage et la ténaeité opiniâtre
des troupes espagnoles, aidées par toute la population , Jalouso
d*îmiter l'exemple de cd le de Saragosse. Les pertes furent con*
sidérables , et il faihit se résigner à attendre comme auxIliaires^
les maladies et iafamine, etconvertir le siégeen un étroit blocus..
I^ général Blake, encouragé par le succès de sa tentative du
mois d*août, épiait une nouvelle occasion de ravitailler 0ironne»
Ayant préparé dans ce but un convoi à Hostalrich, il se présenta
le 26 septembre sur les hauteurs de la Bisbal, avee 1 3,000 hom-
mes. L'avant-garde était commandée parO'Donneil, que suivait
Wimpfen à la tète du convoi, composé d'environ 3,000 bètes
de somme et de menu bétaii. Blake resta sur les hauteurs de la.
BIsbai avee le gros de Tarmée. Le général Saint-Cyr, informé
de la marche du convoi, pénétra entre WImpfBn et O'Donnell ^
qui marchait à une trop grande distance du convoi pour lui
porter secours, et le tout tomba au pouvez du générai Saint*
Gyr, ainsi que 3,000 hommes de l'escorte. QDonneU, qui avatt
de Tavance, s^édmppa a vecson avant-garde, et se retira à TadM
des forts du Gondestable et des Capucins.
Cependant les maladies et la disette augmentaient a«ee !»•
pidité dans Gironne. Far ce motif O'Donndi conçut le projet
hardi de s'éloigner ée la place, de traverser l'armée française,
et de gagner, malgré tous les olwtacles, les hauteurs de Santa*
Goloma, pour se réunir à l'armée dont il frisait partie. Le corps
qu'il commandait était à charge à la garnison qui manquait de
vivres , et le gouverneur de la place pressa lui-même CK'DuniicIi
392 LIV2B SEPTIÈME.
fMo. d'exécQter su résolution. Cette sortie, conduite avec aptant d'in-
Kspagoê. tdiigeuoe que de fermeté, s'effectua le 12 octobre, au milieu de
la nuit la plus obscure ; les Espagnols, dirigés par de bons gui*
des, marohant en bon ordre et dans le plus profond silence, tuè-
rent à coups de baïonnette les sentinelles et les gardes établies
sur leur passage. Le général Souham courut le danger d*ôtre ^
pris et fut réduit à se sauvera travers champs sans savoir quelle
direction il devait prendre; ses bagages tombèrent au pouvoir
des Espagnols, et Tun de ses gens fut tué à la porte même du
quartier qu'il occupait. La cavalerie française, qui s*était for«
mée au premier bruit, entendit les fantassins espagnols marcher
dans rintervalle de ses escadrons , mais elle n*osa rien entre-*
prendre dans une obscurité aussi profonde, par crainte des plus
funestes méprises ; les bataillons, effrayés et surpris, après s'être
ralliés en désordre , furent près d'en venir aux mains les uns
contre les autres. La marche rapide des troupes espagnoles
abrégea, fort heureusement, cette cruelle incertitude. Un piquet
avancé du 24^ de dragons fit feu sur l'ennemi, qui riposta;
dès lors le régiment put suivre les traces de la colonne fugitive;
mais il ne l'aperçut qu'au point du jour, et lorsqu'elle gravissait
les hauteurs de Santa-Coloma. Gomme elle était déjà hors d'at-
teinte, les dragons ne purent lui prendre qu'environ deux cents
traineurs harassés de fatigue et accablés par le sommeil. Quel-
ques dames de Gironne, qui fuyaient avec cette colonne pour
échapper à la fomine et aux horreurs d'un prochain assaut, tom*
bèrent également au pouvoir des cavaliers français*
Le même jour le maréchal Augereau, qu'une attaque de goutte
avait retenu deux mois à Perpignan, arriva au camp français,
que le général Gouvion Saint-Gyr avait quitté le 5. La disette
touchait alors à son dernier degré. Les hôpitaux de Gironne
étaient encombrés de malades et la place manquait pour les
contenir. La garnison seule perdit 800 hommes dans le mois
d'octobre, et ce fut en vain que le général Blake chercha, pour
la troisième fois, à introduire des secours dans la place. Le 18
octobre il s'avança d'Hostalrich sur Brunolas, dontil s'empara ;
mais, voyant les préparatifs faits pour le chasser de cette posi-
tion, d'où il menaçait tous les cantonnements français, il se dé-
cida à l'abandonner pour se placer à quelques lieues en arrière.
GUKABE d'bSPÀGNB. 393
sur les hauteui-s de Santa-Goloma, avec ses troupes d*élite, les «909.
Suisses et les gardes wallonnes; il occupa et fortifia en même ^"t^^s^*
temps ce village; les maisons furent crénelées et toutes les
avenues barricadées et retranchées. L'infanterie ennemie , qui
pouvait s'élever à 0,000 hommes , était appuyée par quatre es-
cadrons déployés en bataille en avant de Santa-Coloma. Le gé-
néral Souham forma le projet hardi d'attaquer Tennemi dans
ce poste avantageux» Le 42^ régiment le tourna par la droite,
en gravissant des hauteurs très- escarpées, tandis que trois ba-
taillons du 1^'' régiment d'infanterie légère s'avançaient sur
Santa-Coloma, etque deux bataillons du 3° régiment de la même
arme menaçaient de déborder Tennemi par sa gauche. Un seul
escadron du 24^ de dragons, sous les ordres du capitaine Bré-
jeaut,étaK chargé de soutenir le 1^*^ régiment d'infanterie légère.
Les dragons espagnols s'étant ébranlés pour charger la co-
lonne qui s'avançait directement sur Santa-Coloma , celle-ci
évita le choc en se retirant sur un terrain élevée et laissa , par
ce mouvement y l'escadron du 24^ entièrement à découvert.
Ainsi réduits à se défendre contre une cavalerie trois fois sopé*
rieure en nombre, les dragons français n'hésitèrent point à s^é-
lancer sur ieur^ adversaires ; ceux-ci furent renversés et défaits
complètement, avec perte d'un grand nombre de chevaux et de
cavaliers tués, blessés ou pris. Éiectrisés par un si bel exemple,
les bataillons du 3^ léger emportèrent le village» et en peu d'ins-
tants toutes les positions de l'ennemi fui*ent occupées par les
autres colonnes et les camps brûlés. Blake se retira du côté de
Wichy ne laissant à Santa-Goloma qu'O'Donnell , qui fut bien-
tôt forcé d'abandonner cette position, où II perdit tous ses ba-
gages. Dans cette journée les Espagnols laissèrent sur le champ
de bataille 1,200 hommes tués ou blessés grièvement ; le nom-
bre de leurs prisonniers s'élevait à 300, parmi lesquels 3 lieu-
tenants-colonels. Ils ne revenaient pas de leur étonnement, et
ne pouvaient concevoir comment, avec des forces si inférieures,
opposées à des troupes d'élite, ils avaient été débusqués d'une
position inexpugnable/
Blake, malgré la dispersion de son armée dans les montagnes
après le brillant combat de Santa-Ck>loma, ne crut pas devoir
renoncer à Tespoir de ravitailler Gironne ; il rassembla à cet
394 LIVftB «BPTlteB.
4M», effet des magamiB à Hostalridi , petite yflle adossée an ftnrt de
ce Dom et située à mi-eAte d*ane montagne. Qaoiqne saffisam-
ment protégée par la forteresse qui la domine, il la mit à Tabri
d'un coup de main, et y jeta une garnison de troupes de ligne
sous les ordres du maréchal de camp Guadrado. La place» fer-
mée par un Inm mur et garnie de quelques tours, dont rnne étaE
armée de deux pièces de canon, offhdt tons les moyens de ùârt
une longue résistance ; tous les iiabitants avaient pris les armes
pour renforcer la garnison. Ces difficultés n'arrêtèrent point le
général Pino, chargé de s'emparer, avee sa division, de ce poste
important. La brigade du général Massuehelii esealada les murs
à l'aide d'échelles qu'elle trouva dans les maisons du finibourg ;
tous les Espagnols furent passés au fil de l'épée^ et les magasins
évacués ou détruits.
Le mois de novembre se passa sans nouveaux eombats ; nais
les maux et les calamités dont la ville était afSigée s'aggra-
vaient de Jour en Jour. T..es pertes essuyées par les assiégés , le
manque de munitions , une disette affreuse , une épidémie qui
exerçait d'horribles ravages, avaient affaibli Tardeur de la gar-
nison et des habitants de Gironne , lorsque le maréchal Auge*
reau ordonna au général Pino d'enlever le faubourg del Car-
men , ainsi qu'une grande redoute construite de ce e6té , et au
général Verdier de pénétrer de vive force dans le faubourg de
la Gironelia. La première de ces opérations, qui présentait de
grandes difficultés, fut dirigée, le 6 décembre, par le général
Pino, avec une prudence et une habileté consommées, et exécu-
tée avec une rare intrépidité par les brigades des généraux Maz-
zuchelii et Fontana. Le 7 le général Verdier s'empara de la re*
doute de la Ciudad et des maisons de la Gironelia. Le même
jour les assiégés, ainsi resserrés et réduits À la dernière extrémité,
firent une sortie générale, tant de la ville que des forts du Gon-
destable et des Capucins, pour reprendre les redoutes et les fau-
bourgs qu'ils avaient perdus ; mais les grenadiers du 6^ de ligne
et du 2« léger italien opposèrent, en défendant ces ouvrages, une
résistance égale à l'ardeur qu'ils avaient déployée pour s'en
emparer. Le général Amey, qui était en position au-dessous du
MoDjuich , vint prendre l'ennemi en flanc et le contraignit à se
retirer avec précipitation. Une colonne de troupes ltalienDe8,qiii
GDtm D^iSPAOMK. S95
«giflsait siiiMiitaiiéHeBit sur les revers âes deox fcrts da Gon- ^m.
<b«taUeetdes Gapociiis, se Joignltau général Amey, el ils en- ^'W^-
levèrent ensemble les redoutes du Calvaire et dn Gabtido.
Ce dernier événement prépara et amena la reddition de Gi-
ronne. Étroitement bloquée dès les premiers Jours de Juin, cette
place avait soutenu aVee un admirable dévouement un siège de
plus de six mois, pendant lequel les assiégeants et les troupes
qui les protégeaient avalent montré une persévérance et une in-
trépidité au-dessus de tout éloge. Cette conquête coûtait des
«ommes immenses à la France, obligée de fournir les munitions
et les vivres, tant pour les corps assiégeants que pour Tarmée
destinée à les appuyer; à peine le pays près des embouchures
du Ter avait-il pu suffire à la subsistance de quelques déta*
chements. La perte des Français peut être évaluée à 20,000
hommes, tant devant la place que dans les hôpitaux. La capi-
tulation de la place et des forts, conçue en six articles , fut si-
gnée le 10 décembre, à sept heures du soir; elle mit au pouvoir
de l'armée iirançaise huit drapeaux, 5,000 hommes et deux cents
pièces de eanon.^ L'article 2 stipulait que tous les habitants se»
raleat respectés ; mais Pempereur ordonna que tous les moines
seraient conduits en France avec la garnison. Le gouverneur
Alvarez, malade au moment de la capitulation, fut envoyé au
fort de Figuières, où il mourut peu de jours après. L*armée fbt
la première à regretter que ce respectable officier n*eût pas été
traité par le marédial Augereau avec tous les égards dus à son
patriotisme, à ses -vertus et à son dévouement.
Immédiatement après la prise de Gironne , le maréchal due
de Castiglione réunit la division Souham, et chargea ce général
4le poursuivre les bandes de miquelets retirées dans la haute Ca-.
talogne , et de venger tout le mal qu'ils avaiedt fait pendant le
siège, en détruisant les convois venant de France et en mas^
sacrant avec férocité les escortes et les hommes isolés. Le gé-
néral Dumoulin, en se rendant en France, n'avait échappé de
leurs mains que par miracle et dangereusement blessé d*un coup
de feu; le maréchal Augereau lui-même n'avait dû son salut
qo*à la compagnie d'élite du 24' de dragons, qui lui servait
d'eseorte dans une tournée qu*il fit pendant le siège.
Cette expédition, Tune des plus difficiles de cette guerre,
396 UVBB SEPTlàm.
iM. <^nfi^ AU général Souham , fat condaHe avee habileté et exé-
E^»(P>e. cutée avec un grand eourage. Gomme la prise de Gironne eii<-
levait aux insurgés un de leurs principaux pmnts d*appni, le
général Souham trouva dans les esprits des dispositions plus
favorables qu'il ne s'y était attendu.
En arrivant à Besalu la division rencontra quelques centaines
de miquelets, qu'elle dispersa après en avoir tué ou blessé un
grand nombre. Les paysans pris les armes à la main furent
passés par les 'armes. Après plusieurs autres engagements du
même genre avec les bandes de Cherfos, Claros et Rovira , k
Olot, Garopredon et Saint-Pol, le général Souham se dirigea
sur Rippoll, ville célèbre par son abbaye et ses manufectnres
d'armes, et où s'était réfugiée la bande de Glaros, réduite à
1,100 hommes. La première brigade de la division commandée
par le général Augereau, frère du maréchal, marcha directement
sur la ville, tandis que la seconde brigade, commandée par
Tadjudant général Devaux, tournait cette position en passant
par le pont de Ganas. Ges mouvements combinés eurent un
plein succès. La colonne de Devaux gravit les hauteurs qui do*
minent RippoU au sud et à l'ouest et en débusqua l'ennemi.
La ville fut occupée; et, comme les insurgés paraissaient vouloir
se défendre sur une montagne escarpée, le général Souham la
fit tourner par un bataillon du l*** régiment léger. L'ennemi ,
qui s'aperçut de ce mouvement, se retira dans un village au
bas de cette montagne, d'où il fut encore chassé avec perte d'un
bon nombre de morts et de blessés. Le général Augereau se
porta ensuite sur Ribas , en expulsa un autre détachement de
roiquelets, et reçut les soumissions des habitants de cette petite
ville et des villages environnants. Le général Sonliam fit dé-
truire dans Ripitoll tout oequi servait à la fabrication des fasils,
comme forges, usines^ ateliers, en un mot tous les objets em-
ployas à ces travaux. Le lendemain, la division vint prendre
position à Olot, où elle devait rester cantonnée provisoirement.
Le colonel Delort, commandant l'avant-garde de la division,
le chef de bataillon Révérend, les capitaines Rouilly et Saint-
Simon , l'aide de camp Dumas et le sous-lieutenant Denis fu-
rent mentionnés honorablement dans le rapport que le général
Souliam adressa au maréchal Augereau sur cette expédition»
CHAPITRE IL
L*A!«MiE 1810.
Suite des érénements militaires ea Espagne. L'armée française franchit la
Sierra-Moréna etenTabit TAndalousie ; occupation da port de Malaga » etc.
— Siège et prise d*Astorga. — Opérations du 3* corps eo Aragon et dans
le royaume de Valence ; siège et combat de Lèrida ; cette place est prise
d*assaut; siège et reddition de Mèquinenza. — Opérations en Catalo-
gne; combats de Mollet, de Yicb, de Yillafranca; prise du fortd'Hos-
talrieli , etc. Le maréchal Maodonald remplace le maréchal Augerean dans
le commandement du septième corpSb
Les Yictolpes d'Ocana et d*Alba de Tormès avaient terminé igto.
les opérations militaires de l'année 1 809 , et la fin de cette cam- ^i**«"**
pague, loin d'être aussi avantageuse à la cause de la Péninsule -
qu'elle l'était à la fortune particulière et à l'ambition du général
sir Arthur Wellesley, créé Pair de la Grande-Bretagne en ré-
compense du succès contesté et sans résultat de la bataille de
Talavéra, avait augmenté la mésintelligence qui régnait entre
les eheih des deux armées. Ceux-ci s'accusaient du mauvais
succès de leurs dernières opérations ; les uns et les autres se
plaignaient^ avec une égale raison peut-être, de n'avoir point
été secondés dans leurs efforts. Guidés par des motifs plus ou
moins légitimes, les généraux espagnols étaient en rupture ou-
verte avec le générai anglais , dont ils suspectaient la prudence
et la bonne foi. Le duc de i'Infantado, Géstanos, Guesta, Vé-
négas manifestaient hautement l'indignation que leur inspiraient
l'orgueil insupportable et la déloyauté de leurs alliés. De son
côté, sir Arthur Wellesley, (fae nous appellerons désormais lord
Wellington , attribuait la non*réttssite de l'entreprise sur Ma-
drid à l'incapacité et au défaut d'accord des présomptueux dé-'
fenseurs de l'indépendance espagnole. Résolu d'agir désormais
pour son propre compte, le général anglais se détermina à quit*
ter le territoire espagnol pour se rendre dans les environs d'AU
meida. En conséquence, toutes les troupes anglaises étaient ren-
trées en Portugal avant le i*'*" janvier 1810.
39S LIVBB SEPTIÀMB. ,
19,0. Ea s*i8olant aipsi des années espagnoles , J'inténtioa da gé-
£>mne. j^^ anglais était de se borner désormais à eoQTrir cette portion
précieuse des possessions britanniques. Des considérations pois-
santés, puisées dans le caractère même des Portugais , renga-
geaient à concentrer toutes ses forces dans leur pays. 11 trouvait
plus de douceur et de souplesse parmi les habitants; il n'avait
pas à y lutter, ainsi qu^en Espagne, contre des esprits indociles,
fl.ers» peu malléables , ennemis de toute espèce de Joug, si ce
n'est de celui qu'impose le fanatisme religieux ; il trouvait au.
contraire en Portugal un peuple pour ainsi dire tout façonné à
la nargue et aux mépris insultants de ses auxiliaires d'outre-
mer. Le fantôme de régence établi à Lisbonne n'était qu'un
objet de dérision pour les généreux anglais» et Wellington, re-
tiié en Portugal, s'y considérait à bon droit comme dans une
de ces vastes provinces de l'Inde, où la volonté des nijahs et
dies nababs est soumise aux décisions d'un simple cnqpltaine
aillais,
so Janvier. L armée française franchit la Sierra^Maréna et envahie
rAndalamie, etc. — Immédiatement après la victoire d'Ocana,
la junte centrale avait dû s'attendre à voir les aigles françaises
franchir la Sierra-Moréna; dans toutes les autres parties de
l'Espagne les affoires n'étaient guère dans une situation moios
défavorable à la cause de l'indépendanee. La prise de Giranae
affermissait l'établissement du 7* eorps d'armée en Catalogne;
le général Suchet maintenait la paix en Aragon et se disposait
à chasser l'ennemi des places qu'il occupait encore sur la Sègre
et sur l'Èbre; le 6^ corps observait Qudad-Rodrigo et lafmir
tière de Portugal ; le général Bonnet, avec la division sous set
ordres , occupait Santander et les positions principales de la
.Montana et des Asturies ; la route de Bayonne à Bladrid était
La paix conclue entre la France et l'Autridie avait fait éva-
nouir d'autre part les espérances que les Espagnols et leurs alliés
fondaient sur une puissante diversion, et tout annonçait déjà
que la guerre de la Péubisule allait être poussée avec une nou-
velle vigueur. Ce qui appelait spécialement l'attention de Na^
poléoo, instruit de la désunion toujours croissante qui existait
entre les généraux espagnols et le général anglais, et de la i
GUUftB D^BSPAONB. 999
trée de ee dernier en Povliigal , c*ëtait de déimire rannée an- |«io.
glaise eu de la forcer à se remlMirqner. Il envoya de» renforts >^>m"«*
oonsidéraUes en Espagne, et ordonna la formation d'une armée
qni, sous lea ordres de Masséna, devait ftiire la conqnète du
Portugal.
De son côté, le roi Joseph songeait sérieusement à la conquête
de TAndalousie. Deux projets se présentaient : le premier con-
sistait à retarder cette expédition jusqu'après la prise des places
de Tarragone» de Tortose et de Badajoz, ce qui, d'un c6té, per-
mettrait à l'année de Catalogne de se porter snr Valence, et, de
l'autre, mettrait les forces destinées par l'empereur & envahir
le Portugal à même d'être opposées avec avantage à Tarmée
anglaise. Dans ce cas, la conquête de l' Andalousie, retardée
pendant quelque temps, pouvait s'opérer sans obstacles sérieux.
Le second projet consistait à profiter de la terreur répandue
dans tout le royaume par les déroutes d'Ocana, d'Alba de Tor-
mes et par la prise de Gironne, à s'emparer de Séville, et à y
combattre le principe le plus actif de la résistance; A se rendre
maître, en même temps, de Cadix, et à enlever aux Anglais,
par l'occupation de cette place importante, tout moyen d'ali-
menter l'insurrection. Ces deux projets forent soumis à Fem-
pereur, qui ne répondit rien ; il Jugeait qu'avant de songer à la
conquête de l'Andalousie il follait expulser les Anglais du Por-
tugal , après quoi on aurait bon marché des Espagnols du midi
de la Péninsule; car, si Texpéditiou contre le Portugal venait à
échouer, l'armée anglaise pourrait facilement forcer le roi à
évacuer rAndaiousfte, surtout s'il n'était pas maître de Cadix,
où ils seraient toujours libres de revenir, quand même ils au-
raient été chassés de Lisbonne. La conquête des provinces du.
midi ne pouvait donc être assurée que par l'occupation de Ba-
d^^oz et par cdie de Cadix. On va voir comment forent remplies
les deux principales conditions de succès dans cette importante
entreprise.
L'empereur ayant évité de se prononcer à l'égard des deux
projets qui foi avaient été soumis, bien qu'on ait dit qu'il s'était
rendu aux instances de son frère appuyées par celles du maré-
chal Soult, le roi Joseph se décida, vers la fin de 1809, à mettre
h exécution son projet favori , le second, qui, dans son désir
400 LIVHR SEPTiàliB.
1810. bien naturel de hâter la fin de la guerre , lui offrait Tespoir de"
Espagne. ^ggQ||^[fe la junte centrale de Séville, prineipal foyer de Tin-
surrection espagnole. L'armée française, oommandée par le roi
en personne 9 avait réellement pour générai en ehef le duc de
Dalmatie, qui remplissait nominalement les fonctions de chef
d'état-migor général. Elle se composait des l«% 4^ et 5® corps,
de la réserve du général DessoUes et de deux régiments espa-
gnob de nouvelle formation , en tout 48,000 hommes d*infan-
terie, 6,000 hommes de cavalerie, d'excellentes troupes, et
soixante-quatorze Inmches à feu. Au moment de commencer
l'expédition , les i^' et 4^ corps se trouvaient en ligne dans la
Manche, achevant de disperser quelques bandes dont le pays
était infesté. Des dép6ts considérables en approvisionnements
de toute espèce étaient établis à Tolède , Consuégra et Manza-
narès, dont les châteaux avaient été relevés et mis en état de
défense. C'est dans ces places que l'artâlerie avait réuni ses
parcs et son matériel. La défense de M adridétaitconfiée, comme
toujours, au général Belliard, qui avait sous ses ordres la divi-
sion Sébastiani, composée des 28, 33*", &8« et 7ô' régiments de
ligne , plus le 26* régiment de chasseurs à cheval, le 3*^ ri-
ment de hussards hollandais , un fort détachement de gendar-
merie et les troupes de l'artillerie et du génie. En arriére de
Tarmée expéditionnaire se trouvait le 2^ corps , commandé pro-
visoirement par le général Heudelet, qui était répandu autour
de Talavéra et devait prendre indirectement part aux opérations
de cette armée. La brigade Arnaud, composée des 81^ léger et
70* de ligne, occupait Tolède, couvrant les communications de-
puis lUescas jusqu*à Consuégra. Le 6® corps , cantonné à Sala-
manque, Lédesma, Toro et Aiba de Tormès, observait tous les
débouchés venant du Portugal.
Les quatre provinces andalouses, celles de Jaen, Cordoue,
Séville et Grenade, sont séparées du reste de l'Espagne par la
longue chaîne de la Sierra-Moréna ( monts Mariani). Cette
chaîne, qui se rattache à l'est à la Sierra d*Alcaraz, s'étend en-
tre les bassins du Guadalquivir et de laGuadiana, et se termine
à l'embouchure de ce dernier fleuve. Ses rameaux se prolongent
au levant et au couchant et pénètrent dans l'intérieur au midi, <
coupant r Andalousie en différentes plaioes par d'autres monta-
eUBBtt D*SSPAGIIB. 401
gnes qui ae détachent de Ronda et de la-Sierra-Mévada. La '^ isio.
chaîne principale est traversée par une très-belle route prati- ^ ^^^^
quée dans le défilé de Despenaperros, passage redoutable entre
deux rochers énormes. Cette route met Madrid en communica-
tion avec Cadiz par Oeana, Yillaharta , la Caroline, Andujar,
Cordoue et Séville. Le reste de la chaîne est ouvert par un
petit nombre de routes, telles que celles de Cordoue à Badajoz
par Lléréna, de SévlUe à Mérida par le col de Monastério, et
de Séville à Lisbonne par Yalverde, Serpa, Béja et Âlcacer do
Sal. Par conséquent la seule ligne d'opérations qui mérite ce
nom est' celle qui passe par le défilé de Despenaperros. Ce fut
aussi cette direction que le maréchal Soult clioisit pour passer
avec le gros de l'armée, tandis que le maréchal Victor se diri-
gerait en même temps par le chemin dit de la Plata » commu-
nication latérale qui rapprochait de Cordoue, mais par laquelle
il était impossible de conduire de rartlllerie. Par ces disposi-
tions, le général «d chef espérait tourner l'ennemi , le forcer à
abandonner ses positions dans la Sierra-Moréna , et s'opposer
à sa Jonction avec le corps du duc d'Albuquerque, en marche
de l'Estremadure pour rallier les troupes que réunissait la Junte
de Séville ; car celle-ci , rassemblant tous les débris dispersés
de ses armées, les organisait pour la défense, appelant del Par-
que, Echevariaet d'Albuquerque au secours d'Areizaga, qiM
restait encore revêtu du titre de commandant en chef*
Depuis la dispersion d'Ocana, on n'avait pas pu réunir plus
de 25,000 hommes pour défendre le petit nombre de débouchés
par lesquels une armée peut pénétrer dans les plaines fertiles
de l'Andalousie. Celle d'Areizaga se composait de six faibles
divisions rangées en face des trois passages d' Almaden de Azo-
gué , de Despenaperros et de Yillamanrique. Le général Zerain
occupait Almaden avec une division; le général Copons était à
Mestanza et San-Lorenzo avec une autre division ; la S* divi-
sion, aux ordres du général Giron, était à Puerto del Rey ; l'a-
vant-garde, avec les t^ et 4* divisions, commandées par les gér
néraux Zayas, Lacy et Castéjon, couvraient la Venta de Cardé-
nas, Despenaperros, le Collado de los Jardines et Santa-Ëléna.
La 2' division^ aux ordres du général Vigodet, qui avait reenelli .
les débris de la 6^ , prit position à la Venta-Nuéva , à une
403 LITBS SBPTltKB.
isio. Hecie de MûdUzob. Des oonpores , des épanlemeats avaient été
pratiqués en travers des> o>iitoar8 stnoeax de la grande route ;
trois fourneaux de minesétedent établisdans le passage étroit qui
commence à trois cents pas environ de la Venta de Cardénas et
qui ne s'élargit qu'à une lieue plus loin. Par derrière, les Espa-
gnols avaient élevé sur le coteau de los Jardines une espèce de
camp retranché, et ce débouclié, armé d'une nombreuse artil-
ierie, leur semblait Inexpugnable.
L'ordre de mouvement adressé au duc de Bellune lui prescri-
vait de prendre la droite de Tarmée À Ciudad-Béal ; le général
Sébastiani eut Tordre de se mettre en ligne avec le l^' corps à
Ylllahermosa et Yillanuéva de los Infantes, de garder les dé-
bouchés de la Sierra-Moréna par le col de San-Estevan , par la
Venta-Qûémada et Villamanrique, ainsi que par Alcaraz. Tan-
dis que les 1*' et 4* corps exécutaient leurs mouvements, le roi
Joseph quitta Madrid le 8 janvier avec le 5^ corps et la réserve
du général Desselles, et arriva à Almagro le 10. Le lendemain
tl , le duc de Bellune fit ses dispositions pour engager sa tète
de colonne sur la route d^Almaden, de manière à débouchw sur
Cordoue, lorsque le passage de la Sierra-Moréna serait opéré
au centre de la ligne firançaise, dont retendue était d'environ
vingt lieues. En même temps, le duc de Trévise faisait porter
une division d*inlisuiterieet deux brigades de cavalerie à El Moral
de Galatrava, Granatula et à la Galzada del Rey, pour y relever
les troupes du V' corps et garder la grande route de la Caroline ;
Tautre division et la réserve restèrent en colonne entre. El Moral
et Manzanarès.
Le 12 Janvier Tannée occupait les positions suivantes : le
1^' corps à Ciodad-Réal, éclairant les débouchés de Guada-
lupé, d'Almaden de Azogué et de Puertollano, par Coral et Car-
raques ; le 5® corps et la réserve à Almagro , observant les dé-
bouchés de Pucrtotlano , par la Calzada del Rey, et ceux de
Santa-Éléna, par Santa-Cruz de Mudéla ; le 4^ corps à Yilla-
nuéva de los Inibntès, couvrant les chemins de Yillamanrique
et de Montizon.
Le 1*^ corps arriva le 15 à Almaden de Azogué, d*bù il re-
poussa la division de Zerain, qui se replia précipitamment dans
la direction de Cordoue. Ses reconnaissances passèrent le Gua-
dalmes et poossèreiit Jusqu'à Stnta-EiifitaiiB et Belakasir la igio.
divisfon de Gopons.Do 16 aa 18 , le due de Bellime « ayant re- ^vasu*.
connu Timpossibllité d'engager son artillerie et ses ba^^es au
delà d'Almaden , les renvoya rejoindre la grande route royale
de Madrid à Sévillc et prit par Torrécampo le chemin de Poe*
zoblanco, où il arriva le t9; le 20 il coucha à Villannéva de la
Jara, et le 2i il atteignit le Guadalquivir à Montoro, après
avoir surmonté toutes les difAeultés que lui opposait un pays
de montagnes escarpées, arides et privées de routes. Maître du
pont du Gadalquivlr, qui Heureusement n'avait pas été détruit,
il attendit des nouvelles du passage de la Sierm par le &« corps
avant de continuer son mouvement sur Ck>rdoiie. Ces nouvelles
ne se firent pas attendre : la Slerra-*Moréna était forcée, et l*ar- *
mée française déployait ses longues lignes dans les plaines de
l'Andalousie.
Depuis plusieurs Jours, les mouvements du l«^ corps sur Al-
rbaden et ceux du 4* corps en avant de Villannéva de los In-
fhntès avaient attiré l'attention de l'ennemi aux deux extré-
mités de la ligne; il croyait sa droite menacée, et dégarnit son
centre pour la renforcer. Les retranchements qu'il avait élevés
à Tenti^e des défilés , des coupures sur toutes les routes, étales
mines qu'il avait pratiquées au bord des précipices pour faire
sauter des portions de chemin , lui donnaient la confiance de
ne pas être attaqué; mais ces obstacles n'étaient insurmontablcB
qu*en apparence. Le 19 , le roi Joseph avait porté son quartiw
général à Santa-Crus de Modela, où le 5* corps, la garde royale
et la brigade espagnole se trouvaient réunis depuis le 18 au soir.
Le même Jour le maréchal Mortier fit occuper El Viso et El
Visillo, où se pointa également la division du général DessoUes.
Le général Sébastian! prit position avec la division du général
Milhaud , la brigade de cavalerie légère , le 58^ de ligne ' et la
division polonaise , à Yillamanrique d'où il chassa l'ennemi, et
fit occuper en même temps Torre^de-Juan-Abad et Almédina.
Le roi ayant résohi d'attaquer, dans la Journée du 30, les po-
sitions de la Sierra, le général DessoUes reçut Tordre de partir
' ' Ce régiment , qui de? ait faire partie de la garnison de Madrid , venait de
r^oindre l'armée avec la division de dragons du général Milhaud, prèl de h-
quèile il avait été délacbé.
as.
404 IXVBB SBVTIÈHE.
19)0. ^'^^ Vislllô avec sa division et le 3 1'' régiment de diasseurs à
cheval, et de se diriger sor la Caroline » par l'anden chemin
qui passe à Puerto del Rey. Ce chemin rejoint à Venta-Nuéva
la grande route entre 4a Caroline et Santa-Eléna. Le maréchal
Mortier eut ordre de fietire attaquer par le 6® corps la position de
DespenaperroS) où les Espagnols avaient coupé la route en plu-
sieurs endroits et pratiqué leurs mines. Le général Sébastiani
devait attaquer l'ennemi dans ses positions de Venta-Nuéva et
Venta-Quémada, le chasser de Montizon et de San-Estévan, et
lé poursuivre «oit surLinarès, soit sur Baézaet Ubéda, suivant
quV prendrait Tune eu l'autre de ces directions.
Le 30, an matin, le général OessoUcs partit d*El Visilio, comme
il en «vait Tordre» et se dirigea sur Puerto del B^. La division
de Giron, qui défendait ce passage, fut attaquée à la iNtlonnette
dans ses retranchements et mise aussitôt dans la plus complète
déroute. Les soldats espagnols se sauvèrent à travers les préci-
pices et les montagnes et se dispersèrent complètement aux
Navas-de-Tolosa, abandonnant leurs armes et leurs provisions.
Le général Dessolles, continuant son mouvement, ne tarda pas
à se réunir à la colonne du centre, entre San-Estévan et las
Navas-de-Tolosa. La division du général Gazan, du 5* corps,
partit en même temps d*El Viso» détacha la brigade du général
Brayer, composée du 38® léger et du 103® de ligne, pour forcer
le passage par le col del Muradal» qui suit un sentier difQclle
et vient aboutir à la grande route au tournant dit de Corrédéras,
par conséquent en arrière de tous les retranchements, des cou-
pures et des mines de l'ennemi. L'autre brigade de la division,
fermée des 31® léger et 100® de ligne, et conduite par le général
Gazan en personne, gravit la montagne entre ce passage et Des-
peiapenros, pour soutenir l'attaque du général Brayer et con-
courir aux mêmes résultats.
La division du général Girard, suivie de la garde royale, de
la brigade espagnole et de la cavalerie, resta sur la grande route
et ne se porta en avant qu'à mesure que les troupes du général
Gazan obligeaient l'ennemi à évacuer successivement toutes ses
positions et à abandonner ses camps, ses retranchements, son
'«rtillerie et ses munitions. Les trois mines destinées à enlever
des portions de la route, dans les parties où elle est resserrée
Bipato«.
GUEBBK d'ÊSPAGHB. 406
entre des rochers à pic et des escarpements, de cinquante piedt jm.
de hauteur, firent explosion ; mais leur effet Ait à peu près nul ;
eltes n'occasionnèrent pas le moindre accident, et les dégrada-
tions fbrent si peu considérables que le mouvement de la co-
lonne ne fut arrêté que pendant quelques minutes. La division
espagnole postée sur la hauteur dite Ck>llado de los Jardines,
se voyant ainsi prévenue au débouché de la route qui conduit
à Santa-Eléna, abandonna avec précipitation son camp retran-
ché et se sauva en désordre à travers les montagnes. Le 100*
de ligne, que le maréchal Mortier détacha à la poursuite de
cette division, lui tua un grand nombre d'hommes, et fit 400
prisonniers, dont un général, un lieutenant-oolonel , 10 autres
ofHciers, et lui enleva un drapeau. Dès lors la déroute de Ten-
ncmi devint générale , et la nuit qui survint empêcha de faire
plus de prisonniers. Quelques fuyards gagnèrent avec Castéjon
du côté d'Arguillas; les autres se dispersèrent dans les mon-
tagnes. Areizaga, Lacy, Giron, abandonnés de leurs troupes,
coururent se réfugier à Jaen , derrière le Guadalquivir.
Ainsi , en moins de cinq heures , le passage si formidable de
Bespenaperros , dernier espoir de la junte, où les Espagnols
avaient accumulé tant dQ moyens de résistance, fHit emporté
par une manœuvre habile et par la valeur des troupes françai-
ses. A six heures du soir Tarmée arriva à la Caroline, première
ville de TAndalousie et chef-lieu des colonies de la Sierra-tMo-
réna, fondées en 1767 par le célèbre et malheureux Olavidez^
qui peupla ces montagnes Jadis désertes et sauvages, repaires
de brigands , qu'on ne traversait qu'avec effroi. Le 21, le 5*^
corps se porta à Baylen, où dix-huit mois auparavant un géné-
ral, réputé Jusqu'alors un des plus habiles et des plus heureux
de Tarmée française, avait été réduite déposer les armes devant
les troupes réunies de Reding et deCastafios. Le même Joar
le corps d-armée arriva à Andujar et s'empara du pont de cette
viHe. Le duc de Bellune, instruit le lendemain du passage de
la Sierra, fit avancer la cavalerie du général Latour-Maubourg
à Castrodel Rio, la cavalerie légère à El Carpio et au pont d'Al-
eoléa , et passa le Guadalquivir avec l'infanterie qu'il avait
laissée à Adamuz. Ces mouvements avaient pour objet d'empê-
eher les ennemis de se rejeter suc Cordoue.ou sur SéYille. C^
406 UYBB SBPTlàHE.
isio. même jour, 23 , les communicatioiis entre les 1^ el 5>' corps
Eftpagin:. f^J^g,^t établies par AndDjar, et le duc de Bellune reçut Tordre
de marcher iramédiatemeat à Cordoue. Le marédial Soult en-
voya la réserve du général Dessolles avec une brigade de cava-
lerie sur Baéza par Liuarès, pour donner la main au général
Sébastiani, chargé de traverser la Sierra par Montizon.
Celui-ci avait rencontré plus de résistance à la gauche que
le maréchal Victor à la droite de la ligne française. On a déjà
vu que les Espagnols, se fiant aux retranchements du centre,
qu'ils jugeaient luabordables, les avaient dégarnis pour reofbr-
oer leur droite, qu'ils croyaient menacée par les mouvements du
4"^ corps en avant de Yillanuéva de los Infantes. Le général Sé-
bastiani , parti le 20 de Villamanrique , s'était avaucé vers le
col de San-Estévan, où il rencontra la division du général Vi-
godet, qui voulut défendre les positions de Yenta-Nuéva et de
Venta-Quémada ; mais^ attaquées vigoureusement et rejetées
en désordre dans la direction de Montizon , les troupes espa-
gnoles se dispersèrent de tous c6tés, abandonnant leur artillerie
et laissant 3,000 prisonniers aux mains des Français. Le len-
demain matin, Vigodet, resté presque seul, passa le Guadalqui-
vir et se réAigia près de ses collègues à Jaen. Le même jour,
21, le général Sébastiani rencontra près d*Arguillas le général
Cast^on en position derrière le Guadalen avec les débris de
troupes qu'il avait pu rallier après la déroule du centre, au Des-
penaperros et au Gollado de los Jardines. L*engi^ement ne dura
pas longtemps ; en un instant les troupes de Castéjon ftirent
culbutées, et lui-même Ait pris avec un grand nombre d*offîciers
et de soldats. Le général Sébastiani, continuant son mouvement
le 22, se mit, par sa droite, en communication avec le général
Desselles, et se rendit maître des ponts sur le Guadalquivir en
avant de Baéza et d'Ubéda. Le 2S il entra à Ja^ , ou il trouva
une nombreuse artillerleet des magasins considérables. Le même
jour le duc de Bellune entrait à Cordoue, où le roi et le maré-
chal Soult arrivèrept le 26.
Les journées des 20 et 21 janvier avaient livré à l'armée iran->
çaise, presque sans perte, les débouchés de la Sierra-Moréna
et les tètes de ponts sur le Guadalquivir; 7 à 8,000 prisonniers,
dont 2 généraux, quatre-vingts pièces de canon» huitdrapeaux.
O0£UI o'EStPJLftlIE. 407
ksaneai^ia de ConLoiie et de Jiken» et d08 magasins de toute es- isml
pèee étaient les trophées de oes deux Journées. Après être resté
trois jours à Cordoue , pour y attendre son artillerie, le duc de
Beliune se mit en marcl/ieKpar la chaussée royale^ avec les di visicms
Rufiûn et Levai. Le ST^le général Latour-Maobourg fltquelques
prisonniers sur Favant^giMrde du duc d*Albuquer|ue, à Ecija ;
G à 7 ,000 hommes, postés entre Alcala de Guadeira et Garmona,
abandonnèrent une pofiîtipn assez forte sans combattre et se
retirèrent sur Utréra* La route royale étant entièrement libre»
le duc de Beliune arriva à Carmona le 28, 8*y arrêta le 29, ^
parut le lendemain devant Séviile qu'il somma. Les membres
de la junte œntrale, craignant de tomber aux mains des Fran-
çais, s'étaient empressés, du 20 au 23, de quitter la capitale de
r Andalousie, se dirigeant sur l*ile de Léon, indiquée comme der*
nier refuge du gouvernement insurrectionnel. Leur départ avait
provoqué une sédition dont les principaux moteurs étaient don
Francisco Palalbx et le comte del Montijo, que la commission
executive avait fait arrêter et mettre en prison comme fauteurs
de troubles. Aussitôt que les membres du gouvernement furent
éloignés de Séviile, la Junte provinciale s'était déclarée elle-
même Junte suprême et nationale , et s'adjoignit comme mem-
bres Palafox et Montijo, qui sortirent de prison. La nouvello
Junte fit tous ses efforts pour exciter les liabitants de Séviile
à se défendre; mais, abandonnée bientôt par ce gouvernement
éphémère et par une faible garnison sous les ordres du vicomte
de Gand, qui se retira dans le comté de Niébla, la populace ,
décidée à opposer une résistance opiniâtre , fut contenue par la
partie saine des citoyens. Le 31 , ceux-ci entrèrent en négoda-p
tiens avec le duc de Beliune, et, le 1^' février, à trois heures du
soir, 1m Français entrèrent dans la ville. Le même Jour le roi
Joseph y établit son quartier général ; mais le désir de s'empa-
rer avant tout de Séviile fit manquer le but principal de la
campagne, qui était l'occupation de Cadiz.
On sait déjà qu'après la déroute d'Ocana le duc d'Albuquer-
que avait évacué les environs de Talavéra et s'était retiré sur
Truxillo. Il occopait les rives de la Guadiana h l'époque de
l'entrée des Français en Andalousie, et avait établi son quar-
tier général à Don-Bénito. Ses troupes, cantonnées sur ee points
408 LnrfiB tSPTtÈlIB.
itio. M composaient de 8,000 hommes d'infitnterie et eoo hommes
.Espagne. ^^ cavalerie, non compris 3,000 hommes postés entre Tru-
xillo et Mérida et destinés à former hi garnison de Badajoz.
Ce général, ayant reçu de la junte Tordre de soutenir^ par
sa gauche, la division de Zerain, postée à Almaden, s'était
avancé Jusqu'à Agudo; mais , apprenant la retraite de Zerain ,
Tarrivée des rec<mnaissanoes françaises à Hinojosa del Du-
qué,et rentrée du duc de Trévise à la Caroline, il se dirigea
jur l* Andalousie, pour couvrir le siège du gouvernement, fit
marcher à Badajoz le corps qui, sous les ordres des généraux
Contreras et Ménacho, devait former la garnison de cette place,
et se porta^ le 33 Janvier, par Guadalcanal, sur le Guadalqulvir,
qu*il passa à CantiUana. Le 2411 arriva à Carmona, d*oà H
envoya à EdJa son avant-garde, qui y rencontra, le 28, celle dés
Français, devant laquelle elle se replia. Ce fot alors que, déses-
pérant de pouvoir secourir Séville, il résolut de marcher rapi-
dement à Cadiz et d'y devancer les Français. Il partit aussitôt
de Carmona, avant l'arrivée des i*'' et 5* corps, envoya sa ca-
valerie et son artillerie par la grande route de Séville à Xérès
de la Frontéra, par Utréra et Lébrija , el prit avec l'infanterie
le chemin le plus direct, par los Palacios, las Cabezas de San-»
Juan et LébrIJa. Arrivé le 2 février à Xérès, il y réunit, le 3,
toutes ses troupes et entra le lendemain dans l'Ile de Léon, rom-
pit le pont deSuazO; sur le canal Santl-Petri, qui sépare Cadiz
du continent, et rendit ainsi toute attaque impossible par terre.
Il avait été peu inquiété dans sa marche, sa cavalerie seule
ayant été suivie jusqu'à Utréra par la brigade de dragons com-
mandée par le colonel Bouvier des Éclats, du t4*'régiment. Après
un court engagement, cette brigade s'était portée sur Séville,
où toutes les troupes du i^*" corps avaient été rappelées.
Le eolonel Napier ' fait observer, avec raison , que, malgré
hi rapidité de sa marche, Albuquerque avait mis encore trop de
temps à se décider, car la cavalerie française surprit son arrière-
garde à Utréra, et l*infonterie eût pu entrer en même temps
que lui dans i*ile de L(on, si on ne Teût pas dirigée sur Séville*
En effet, on pouvait, d'EciJa, où les 1*' et S^ corps étaiei^t
^ M«picr, HitMre d€ la guerre de la Péninsules
GUBBftS d'bSPAGMS. 409
le 28, [diriger sans nul danger le 6* corps sur Séville, dont isio.
la reddition était regardée comme certaine, tandis qne ie i*'
corps se serait avancé rapidement, par Marchéna, TArahal et
Utréra, sur Cadiz. En suivant, sans désemparer, la. trace des
Espagnols^ les Frmiçais auraient pénétré péle-méle avec eux
dans nie de Léon; mais le due de Bellune, qui avait perdu un
Jour à Carmona , un Jour pour marcher à Séviile et deux Jours
pour soumettre cette ville, ne put partir que le 2 février, et ne
se présenta que le 5 devant Tlle de Léon , douze heures après
rentrée des troupes du duc d'Albuquerque, qui attendaient alors
sans crainte l'arrivée des Français. On a reproché au roi Joseph
de s'être formellement opposé à une marche rapide sur Gadiz ;
cependant, dans une réunion de généraux qui eut lieu le fo
janvier à Carmona, Tavis de se rendre maître de Sévllle avant
tout avait prévalu, et le maréchal Soult , loin d'être d'une opi«
nion contraire, s'était écrié : Qu'on me réponde de Séviile; je
réponds de Cadiz, Soult enviait surtout la possession de cette
vaste cité, qui renfermait d'immenses richesses* N'ayant plus
Tespohrde devenir roi du Portugal, dont le maréchal Masséna
allait être chargé de faire la conquête, il voulait être au moins
le souverain des Andalousies, dont le gouvernement lui était
promis. C'est ainsi que l'ambition démesurée des lieutenants
de l'empereur compromettait sans cesse le succès des opérations
militaires destinées à mettre un terme aux difficultés sans cesse
renaissantes de cette funeste guerre de la Péninsule.
De Cordoue, où le duc de Bellune était entré le 23 janvier,
il n'y a que vingtrhuit lieues jusqu'à Séviile, et l'armée avait
employé sept Jours pour franchir cette courte distance. On a
dit que le duc de Dalmatie avait cru devoir ralentir la marche
des troupes des 1^ et 5* corps de manière à se trouver à portée
de soutenir le général Sébastiani dans son expédition du royaume
de Grenade; cependant on n'ignorait pas que ce général n'avait
devant lui, après la déroute du 20, que les faibles débris dis-
persés de l'armée du centre, composée de troupes inaguerries,
mal organisées et incapables d'arrêter la marche rapide du 4"
corps vers le midi , et que d'ailleurs ce corps était, par sa droite,
en communicati<m avec la division Desselles, chargée de garder
tes débouchés de la Sierra-Moréna, de contenir les nombreuses
Esidgiie,
410 LITAK Stratus.
.*!!?;. popalations des royaumes de Jaea et de Gordooe, et doDt on
pouvait avoir joaraellement des nouvelles. Riea ne pouvait donc
excuser cette perte de temps, irréparable au moment où les opé-
rations exigeaient une grande rapidité de mouvements. Les Es-
pagnols ont reconnu eun-mèmes que, si les Français s*étaient
avancés avec leur célérité ordinaire , ils auraient pm s'interposer
entre Tarmce du duc d'Albuquerque et Tilede Léon, ce qui eût
changé complètement le sort de cet inexpugnable boulevard de
rindépendance nationale '. Une première sommation, adressée
à la Junte de Cadiz le 6 février, fut repoussée par cette simple
réponse : a La ^ille de Cadiz, fidèle aux principes qu'elle a Ju-
a rés, ne reconnaît d'autre roi que le seigneur Ferdinand VIL »
La réponse du ducd'Albuquerque à la sommation du maréchal
Soult, datée de Chiclana le lO, acheva d*^r tout espoir de ré-
duire Cadiz autrement que par la force ; mais comment attaquer
une place dont on était séparé par Tile de Léon, et qui commu-
niquait librement avec la mer? On n'en commença pas moins
les préparatifs d'un investissement par terre, qui occasionna des
dépenses considérables et ne procura» pendant deux ans, au-
cun résultat avantageux aux assaillants.
Le général Sébastiani, plus heureux dans ses opérations,
après s*ètre rendu maître de Jaen, continua son mouvement
dans la direction d' Alcala-la-Réal , où il atteignit le 27 janvier
la cavalerie d'Areizagai aux ordres du général Frdre. C*était
le reste de cette armée qui deux mois auparavant couvrait les
plaines delaManche. L'engagement ne dura pas longtemps ; en
un instant la cavalerie espagnole fut culbutée, dispersée et prise
en partie. Le lendemain le général Sébastiani fit , sans opposi-
tion, son entrée à Grenade. Quarante pièces d'artillerie dirigées
sur Guadiz tombèrent aux mains du général Peyremont, qui,
le 26, avait été détaché sur la gauche du 4^ corps avec une
brigade de cavalerie légèi*e.
Pendant que le roi Joseph faisait la conquête de l'Andalousie,
Teropereur lui retirait le commapdement de ses armées et leur
donnait une nouvelle organisation. Les neuf corps d'armée qui
> Toreno, Histoire du soulèvement» de la guerre. et de la révolution
d* Espagne, X. III, p. I7s '
eUU» D*BSPàGlfB. 41 f
étaient en Espagne ftireat mis soqs les ordres immédiats des isia.
généraux qui en avaient le commandement; ceux-ci, indépen* ^p*<^
dants les uns des antres, recevaient directement les ordres de
fempereur. L'autorité de Josepli , en sa double qualité de roi
et de chef des armées en Espagne » se trouvait réduite au corn-
mandement des troupes qui occupaient la Nouvelie-Castilie, au
nombre de 19,000 hommes, tandis que les troupes françaises en
Espagne s*élevaient,-au mois de juin 1S10, à environ 370,000
hommes.
En général, les populations des provinces andalouses se mon-
trèrent moins luMtiles aux Français que celles des autres parties
de FEspagne. A son entrée à Gordoue, le roi Joseph avait été
accueilli avec empressement ; des députations de la ville allèrent
à sa rencontre pour le recevoir et le féliciter; on chanta un Te
Deum, et des fêtes publiques célébrèrent son triomphe. Le roi
profita du long séjour qu'il fit à Séville pour visiter les princi-
pales villes de rAndalousie. Partout les populations accoururent
sur son passageet raccudllirent avec le plus grand enthousiasme.
Les autorités de ces villes protestaient de leur soumission , et
Ton commençait à concevoir Tespérance de rallier la nation à
la nouvelle dynastie; mais Tarroganté prédominance des gé-
néraux français qui commandaient dans les provinces, les vexa-
tions dont les populations les mieux disposées étaient victi-
mes, refroidissaient la bonne volonté même des gens les plus
dévoués au nouveau gouvernement, et cette désaffection fut
encore accrue par un décret impérial du 8 février, qui érigeait
en gouvernements militaires la Catalogne, TAragon , la Na-
varre et la Biscaye, résolution qui dévoila la pensée d'incorporer
à l'empire français les provinces de la rive gauche de l'Èbre.
Ces nouvelles dispositions militaires et administratives de l'em-
pereur apprirent aux Espagnols que le pouvoir du roi ainsi res-
treint le mettait dans l'impossibilité de tenir les promesses qu'il
leur avait faites de ne s'occuper désormais qu'à assurer le bon-
heur et la prospérité de la nation,
OeeupaHon de Malaga. — Le 4 février, l'avant-garde du s février.
4« corps , commandée par le général Milhaud , eut un engage-
ment très-vif, entre Antéquéra et Malaga> avec la colonne en-
nemie qui s'était dirigée sur ce dernier point. Les cavaliers
'419 . E.IYBB SlPTlfaOL
tffo. français sabrèrent leurs adversaires et sarmontèrent avec nne
rare constance tous les obstacles qae leur offrait le terrain le
plus difficile. Le 5, le général Sébastian! poursuivit sa marche
sur Malaga; les Espagnols, forcés dans toutes leurs positions,
furent mis en déroute.
Ralliés sous la ville, ils tentèrent de reprendre VofTensive et
attaquèrent à leur tour la cavalerie française , sur laquelle ils
avaient l'avantage du nombre; mais le général Sébastiani,
étant arrivé au secours de son avant-garde avec quelques ba-
taillons» obligea les Espagnols à se réfugier dims Malaga,
où il entra pèle-mèle avec les fuyards. La cavalerie chargea
dans les mes et fut un moment arrêtée par le feu que Ton con-
tinuait de dessus les toits et par lescroisées ; l'arrivée de rinfisin-
terie française mit fin au combat, et les habitants se soumirent.
I..es Français ne perdirent qu'un petit nombre d*hommes ; les
Espagnols, au contraire, eurent phis de 8,000 hommes tués ou
blessés. Le port de Malaga était armé de cent quarante pièces
de canon de tout calibre, qui tombèrent au pouvoir des vain-
queurs, ainsi qu'un équipage de vingt-trois plèc» de cimipagne
destiné pour Tarmée de Catalogne. Les magasins étaient abon-
damment fournis de munitions de guerre. Au moment de l'en-
trée des Français, cette malheureuse ville était livrée au désordre
et à l'anarehie ; un capucin, nommé Berrocal, avait été investi
du commandement suprême : on ne doit donc pas s'étonner si)
sous l'autorité d'un pareil chef, on ne prit aucune mesure pour
la défense ou au moins pour l'évacuation d'un point aussi Im-
portant , mesure que le voisinage de la mer rendait très-fiicile.
Ce que nous ne croyons pas devoir passer sous silence, c'est que
la "ville tomba au pouvoir des Français sans que préalablement
il y eût eu aucune stipulation faite en faveur des habitants.
Toutefbis ils n'eurent qu'à se louer de la modération du général
Sébastiani. Berrocal et ses adkérents furent pendus; un colonel
nommé Abello, qui avait provoqué Tinsurrection de la populace,
fut plus heureux et parvint à se réfugier à Gadiz.
Le maréchal duc de Trévise se dirigea sur la basse Estréma-
dure pour soumettre cette province et tâcher de s'emparer de
Badajoz ; il avait ordre de se mettre en communication avee le
S* corps, précédenmicnt sous les ordres du maréchal. Soult, et.
6UERRB D'£SPA0NE. 413
eommandé alors par le général Heudelet. Le 9 février, les Fran- itio.
çais étaient maîtres de Zafra ; trois jours après Badigoz fut
sommée. D'après la réponse négative du gouverneur e^gnol,
le maréchal Mortier, qui n'avait point de grosse artillerie pour
entreprendre le siège de cette place, se replia' par Los-Santos
sur Liéréna, où il établit son quartiejr général et cantonna ses
troupes entre les deux petites villes deLléréna et Almendraléjo.
Des colonnes mobiles dissipèrent quelques rassemblements en^
nemis à Xérès de los Gavallros et à Yaléverdé. L'armée eut à
r^retter, dans ce dernier engagement, le général Beauregard,
qui reçut une balle au cœur en chargeant à la tète de^la cava*
lerie.
Vers le même temps, le maréchal Ney, qui, le 16 Janvier,
avait repris le commandement du 6® corps d'armée , toujours
cantonné dans la province de Salamanque, fit un mouvement
vers Giudad-Bodrigo. Le 1 1 février, les Français commencèrent
à Jeter quelques obus dans la place et sommèrent le gouver-
neur de se rendre. Celui-ci ayant déclaré qu'il n'ouvrirait les
portes de sa ville que lorsqu'il se verrait réduit à la dernière
extrémité, le duc d'Ëlchingen replia ses troupes et se cantonna
entre Qadad-Rodrlgo et Salamanque, Jusqu*à ce qu'il eût réuni
les moyens d'agir plus efficacement.
Appelé par le roi Joseph à gouverner T Andalousie, le maré-
chal duc de Dalmatie mit tous ses soins à y faire régner l'ordre
et la bonne harmonie entre les troupes et les habitants. Il adopta
le système des colonnes mobiles pour pacifier les contrées mon-
tueuses qui entourent les vastes plaines de cette province, et
où k junte réfugiée à Gadlz ne cessait d'entretenir des foyers
de résistance et d'insurrection. Le général Desselles, gouverneur
de €ordoue, informé que les habitants des montagnes qui sé-
parent le royaume de laen de celui de Murde avaient pris les
armes, fit marcher contre eux une colonne mobilp sous les or-
dres du chef de bataillon Grundner^ du 55* régiment. Cet offi-
der chassa les inaorgés de toutes les positions qu'ils occupaient
et les dispersa.
A peu près à la même époque, le général Reynier, qui avait
pris le 7 mars le commandement du 3" corps d'armée> occupant
la haute Estrémadure, ordonna au général Foy, de la division
414 UVHE 8WT1È1I1I.
f 810. Headeieè^ de parcourir Je pays sur la rive dfoHe ée ti GvadiBBa
^'P^ff^^' pour chasser les partis ennemis qui se trouvaient de ce c6té.
Le générai Foy, appraumt qu'un corps espagnol fort de 3 A
3,000 iiommes venait d^oeeuper Arroyo^det-Poerco , se porta
rapidement sur lui , l'attaqua à l'improviste et lui fit éprouver
une perte considérable. Le colonel anglais Grant, au service de
Portugal) et chargé par lord Wellington du rôle d*explorateor,
était dans Arroyondel-Puerco au moment oii les Français atta-
quèrent ce village; il n*eot que le temps de s'échapper à demi
vêtu ; ses chevaux, ses ^ets et ses papiers tombèrent au pou-
voir de la colonne du général Foy. On trouva la correspondance
que cet officier entretenait avec lord Wellington , le général
mil, commandant Taile droite de l'armée anglo-portugaise, et
le maréchal Beresford.
Deux Jour» après cet engagement, le général Foy fut atta^
près de Gacérès par une colonne formidable d'infanterie et de
cavalerie. L'ennemi s'avançant par la droite et sur les derrières
de la colonne française, forte seulement de dnq cents fantassins
et de eent chevaux, le générsil Foy prit la résolution de sere*
tirer sur Mérida. Il avait neuf lieues à faire pour gagner le pre-
mier poste occupé par les troupes du 2'* corps , et pour y arriver
il fallait marcher pendant plus d'une heure ilans la Sierra de
Gacérès, formée de montagnes coniques, nues et faciles pou^ la
cavalerie. Le général fit former son infanterie en carré, et s'a-
vança ainsi de crête en crête , constamment suivi et serré de
près par plus de 6,000 hommes d'inUsnterie, flanqués de quel-
ques pelotons de cavalerie* Prévenus au Pneno*del-Tnisqulllon
par une colonne de 800 chevaux ennemis, les Français, loin
de se laisser intimider, virent avec le plus grand calme la nuée
de cavalerie et de tirailleurs qui les entouraieut. Le carré con-
tinua à marcher dams un terrain difficile et sous un feu Ms-
vif ; plusieurs fois hi cavalerie espagnole fit mine de vouloir
charger; mais elle fut constamment arrêtée par la bonne con-
tenance de ses adversaires. Le général F<^, sommé par des pai^
lementaires de mettre bas les armes, fit répondre par des coiipb»
de fusil et par les cris de Vive l'empereur I La colonne fraoçtfso
fit ainsi, sans se désunir et sans laisser un seul homme vivant
en arrière, six lieues d'Espagne en dnq heures. L'ennani aban*
doniia sa poursuite au village d'Aldéa del Cano , situé à quatre « gio.
lieues de Cacéièi. "^'■«^
Gette.retraite, avec une poignée d'hommes , fit le plus grand
honneur au général Foy, qui lui-même donna , dans son rap-
port, des éloges mérités aux officiers et aux troupes de sa co-
lonne, et partieaKèrement au chef d'escadron le Gentil , au dief
de bataillon du 86' Bazin, aux capitaines do même régiment
Villemet, Suffisant et Brunet, aux lieutenants Guerlot et Per-
riu.
Le 13 avril, le maréchal duc de Beliune, en position devant
Gadiz, se rendit mattre du fort de Matagorda; les Anglais, qui
le défendaient, l'évacuèrent après douze Jours de résistance.
L'occupation de Matagorda permit à l'artillerie de placer des
mortiers le long de la côte. Lorsque les batteries furent ache-
vées , on se disposa à bombarder la place ; celle-ci était alors
en proie aux désordres de l'anarchie. Le général Blake, appelé
de la Catalogne par la Junte, avait remplacé le duc d'Albuquer-
que dans le commandement des troupes. Ses querelles avec la
Junte et d'autres désagréments avaient décidé celui-ci à résigner
le commandement en chef vers la fin de mars, et il avait été
nommé ambassadeur à Londres, où il mourut peu de temps après.
Les autorités civiles, qui se succédaient rapidement, ne son-
geaient qu'à mettre à profit leur existence éphémère pour
s'enrichir aux dépens de leurs administrés '.
' L'occupation du fort de Matagorda facilita plus tard la délivraifce de qufnze
eeaU prisonniers français, dont six cents officiers; ils faisaient partie du
corps d'armée du général Dupont, qui ayait capitulé h Baylen. Au mépris
d'une capitulation aussi solennelle, ces malheureux avaient été placés sur
les pontons la Castille et V Argonaute, dans la rade de Cadiz, où, depuis
plus de vingt mois , ils languissaient dans les angoisses de la plus liorrible
captivité. Quelques-uns d'entre eax résolurent de tout tenter pour recouvrer
leur liberté. Le 15 mai, à huit heures du soir, le vent, qui commençait à se
maintenir au sud-ouest depuis le matin , sembla tomber tout à coup. C'était
cependant le moment choisi par le ponton la Castille comme le plus fli*
vorable pour couper ses cibles et profiter du flot. Conduits par quelques
jeunes sou»-Ueutenants, deux cuirassiers, à coups de hache, coupèrent les
cAbles qui les retenaient au rivage ; dès lors plus d'incertitude, et chacun
se mit à Pouvrage. Les officiers de marine dirigèrent la manoeuvre dn ponton ;
les officiers de terre s'emparèrent de la garnison , qu'ils mirent à la cale, et
ae rangèrent sur le pont. Avec les armes quils venaient d'enlever à lean
Kapagne.
416 LIVAS SKPTIÀMB
jMo. Le 36 du même mois, le général Gèzan attaqua à el Bon^
quillo, en Estrémadure, un corps ennemi commandé par le gé«
gardiens , les boulets et les gueuses qu'ils jetafent à la main sur les embar-
cations ennemies qui les approchaient, ils parvinrent à éloigner les assaillants
après les avoir maltraités. Pendant ce temps le ponton continuait à dériver,
quelquefois dans une direction contraire lorsque les vents moUissaient ; mais
les voiles , que Ton avait habilenient disposées avec des haoïacs et des coa-
vertures, le maintinrent contre le courant, et il vint échouer à la cdte.
Doria, capitaine de frégate; Mousseau, Souque, Girardin, lieutenants de
vaisseau ; Bounac et Gâteaux , enseignes , montrèrent une grande présence
d'esprit et beaucoup de fermeté dans cette circonstance ; le lieutenant Moas-
sean fut tué d'un coup de mitraille sur son banc de quart.
Lorsque le pouton fut découvert à la côte par les troupes françaises du
Trocadéro , elles prirent à Tinstant toutes les mesures nécessaires pour lui
porter secours. La situation des malheureux prisonniers de la Castille ne
laissait pas de devenir de plus en plus critique. Ils recevaient à quart do
portée le feu dn fort de Puntalès , celui de toutes les batteries qui sont sur
la côte entre le fort et Cadix , ainsi que les bordées d'une vingtaine de ca«
nonnières et d'autant de bombardes.
Des embarcations furent mises sur des voitures , et conduites au galop au
Trocadéro , seul point où la force de la mer permit de faire sortir des em-
barcations. Le déliarquement s'effectua sous l'active direction des généraux
. Levai et d'Aboville. Le lendemain 16 , à huit heures du matin , quatre cents
hommes du ponton étaient déjà à terre, et à midi tout le monde était dé-
barqué.
L'opération du sauvetage dura wfX heures; elle se fit sous un feu d'ap-
tillerie des plus vifs. C'était un spectacle touchant, et dont on pent difficile-
ment rendre compte, que l'ardeur que chacun mettait à sauver ces coura-
geux prisonniers : officiers généraux, officiers subalternes , pontonniers»
marins, canonniers , infanterie , les uns à la nage, les autres dans l'eau «t
dans la vase jusqu^aux épaules, quelques-uns sur des embarcations, tous
s'empressaient de donner des secours. Pendant huit heures consécutives,
deux mille individus du 1**^ corps, officiers et soldats, se tinrent dans l'eau ^
sons les coups de cent cinquante bouches à feu , pour sauver leurs compa-
triotes. Le chef de bataillon Clouet, le capitaine du génie Bonpart; Joubert,
officier d'état-m^or; les seigents Deguilhem, Faillou ; le caporal Girardin;
les pontonniers Hubert , Gabriel , Pontarolo et Nussbaume , montrèrent le
pins grand courage, soit en sauvant des prisonniers qui s'étaient jetés à la
nage sans savoir nager, soit en dirigeant des embarcations.
L'ennemi parvint, avec des bombes et des obus, à mettre le feu au ponton;
il fut éteint trois fois par les Français qui restaient encore à bord. La Cas-
tille était entièrement évacuée lorsqu'une bombe partie de Punlalès vint
éclater sur son pont , et bientôt elle fut totalement consumée.
Quelques jours après, la même entreprise fut exécutée avec un égal succès
par les prisonniers détenus sur V Argonaute.
JtfMi' Jo Paat 4tp.
PLAN
DU SIEGE
J'ASTORGA
en lôio .
GUERBB D*lSPAONE. 41 X
néral Ballesteros, Ce chef espagnol était parvenu à réonir â,ooo ma
hommes d'infanterie » 600 chevaux , et dix pièces de canon« Le ^
général français marcha à la rencontre de ces troupes, culbuta
leur avant-garde , lui tua 200 hommes et fit un pareil nombre
de prisonniers.
Dansleméme temps^de nouvelles troupes ayant été dirigées,
ainsi qu'on le verra plus bas , sur la province de Santander
et le royaume de Léon, le général Bonnet» qui avait détaché le
général Jeannin^ avec les 46® et 65®régimrats, sur Astorga,
pour concourir au siège de cette place, et qui occupait San-
tander, put alors concentrer une partie de sa division ' dans les
Asturies. Il établitsonquartier général à Oviédo, dont les Fran«
çais étaient déjà maîtres depuis le 24 Janvier. Harcelé sans relâche
par Tarméede Galice et par les bandes nombreuses qui s'étaient
formées dans la province^ le général Bonnet sut s'y maintenir
en se faisant craindre de ses adversaires et estimer du plus
grand nombre des habitants.
Siège et prise (TÂstorga. — Nous avons dit que, la paix avec *o avril.
l'Autriche rendant disponible une grande partie des troupes
de Tannée d'Allemagne , l'empereur s'était empressé de diriger
de nouveaux renforts sur l'Espagne. Plusieurs corps de la garde
impériale et quelques autres troupes étaient entrés en Biscaye
dès le commencement de l'année, et presque tous les corps
d'armée dans la Péninsule avaient été recrutés et renforcés. Le
8®, composé des troupes de l'ancienne armée de Portugal, sous
les ordres du général Junot, duc d'Abrantès, était fort de trois
divisions d'infanterie ' et d'une de cavalerie. Depuis son retour
en Espagne, ce corps d'armée était resté en Biscaye, en Navarre
et dans la Vieiile-Gastille , pour purger le pays des bandes qui
l'infestaient ; mais, à l'arrivée desdétachements venus de France,
il dut se porter sur Valladolid. Une partie s'avança dans le
royaume de Léon , afin de protéger cette province contre les
troupes de Galice, commandées par le général Mahy. En posi-
tion dans les environs de la ville d'Astorga, ces troupes enne-
mies se liaient avec un corps nombreux d' Anglo-Portugais qui
occupaient TEsla et tout le c^é de la frontière de Portugal.
< Elle faisait partie do 8* corps.
^ La difision Bonnet comprise.
iff.
418 tlVBB SBPtiÈlfB.
iKio. Ce Tut dans les derniers Jours du mois de mars qoe le due
B»pagne. ^»Ab,,antès rcçut Tordrc de s'emparer d*Astorga. Cette viDc
avait été mise par les Espagnols snr un pied de défense très*
respectable. A une enceinte d'une construction extrêmement
solide on avait ajouté plusieurs ouvrages qui en défendaient les
approches. On avait retranché et lié avec la ville deux faubourgs
dont elle est flanquée au sud et au nord. Elle renfermait des
magasins immenses de munitions de toute espèce. Son artillerie
était très-l)len servie par d'excellents canonniers marins tirés
de la Corogneet du Ferrol. La garnison qui Toccupait était brave,
nombreuse, et sous les ordres d'un gouverneur nommé Santo-
cildès, Justement considéré des siens comme un général énergi-
que et habile . L'empereur^ déjà déterminé à cette époque à chasser *
les Anglais du Portugal, avait jugé de quelle importance était
pour lui l'occupation de cette place, qui ouvrait un débouché
dans le nord du royaume qu'il voulait reconquérir, et proté-
geait les bicursions de l'ennemi dans la province de Léon et les
Asturies.
L'investissement d'Astorga fut effectué sans beaucoup d'obs^
tacles.
L'armée ennemie se retira sur la route de la Gorogne pour
être à même de Jeter quelques secours dans la place aussitôt
que l'occasion s'en présenterait; elle prit posltiim à Villafranca;
mais les Français rendirent cette disposition inutile : les troupes
fiirent distribuées de manière à couvrir le siège et à repousser
I*ennemi s'il tentait quelque diversion.
Le général Junot détermina le point d'attaque sur le cMéest
de la ville ; H «omprenait l'espace qui sépare les deux faubourgs
de la ville proprement dite. Après un premier combat où les
Français rencontrèrent la plus vigoureuse résistance, le faubourg
de Puerta-Rey tomba en leur pouvoir. On ne Jugea point con-
venable d'attaquer alors le fauboui^ Rêitibia , qui se trouvait
à droite , et qui, sans faciliter l'acheminement vers le corps de
la place, devait infailliblement coûter beaucoup de monde. La
tranchée fut ouverte, et l'on éleva plusieurs parallèles en pea
de Jours, malgré quelques sorties infructueuses et le fen.S0D*«
tenu des assiégés. L'artillerie française n'avait que de très-faibles
moyens à sa disposition ; elle ne servait que six pièces de siège,
OUBBBB D^ESPAGNE. 419
dont trote de 34 et trois âe 16, avec deux mortiers, le tout en isio.
assez mauvais état. On suppléa autant qu'on put aux pièces es- ^'i*^*^-
sentielles qui manquaient par des obusiers et de Partiilerie de
campagne. Au bout de quelques Jours, les boulets ne produisant
presque aucun effet sur la vieille maçonnerie des murs de la
place, et les pièces de gros calibre étant déjà hors de service,
l'artillerie fit connaître qu'il lui serait désormais difficile de ren-
dre la brèche plus praticable. On disposa donc tout pour Tas-
sant. Un bataillon de grenadiers et de voltigeurs, sous les ordres
du chef d'escadron Lagrave, un des aides de camp du général
Junot, fut destiné pour cette périlleuse expédition.
C'était positivement la partie de Tenceinte adossée à la ca-
thédrale que Ton avait assez maladroitement choisie pour bat-
tre en brèche ; il résultait de là que les boulets qui manquaient
le rempai't allaient s'amortir en pure perte dans le pignon de ce
vaste édifice. En outre, poutarriver à labrèche, il fallait passer
sous le feu de plusieurs maisons du faubourg Rdtibla, que Ten-
nemi avait crénelées et remplies de ses meilleurs tireurs. Le gé-
néral Jeannin, chargeant à la tète de sa brigade, formée, comme
on Ta vu, des 46" et 65" régiments, essaya Vainement de dé-
loger les Espagnols. Il perdit à cette attaque une partie de ses
Compagnies d*élite, auxquelles il donnait l'exemple de la plus
rare intrépidité. On eût évité ces graves inconvénients en recon*
naissant mieux le terrain, et en déterminant la brèche quarante
toises plus loin , à gauche , en se rapprochant du faubourg de
Puerta-Rey.
Le gouverneur ayant envoyé un de ses officiers en parlement
ti^re avec les conditions les plus hautaines et les plus déplacées,
on crut devoir le prévenir qo*à quatre heures de i'après-miidi
l'assaut serait livré ; que, si la ville et la garnison s'exposaient à
cette extrémité^ elles seraient Tune et l'autre traitées sans mé-
nagement. Pour toute réponse le général Santocildès, un quart
d'heure après, envoya un coup de canon, parfaitement pointé^
sur l'endroit de la tranchée où l'officier parlementaire avait été
reçu par le général en chef au milieu de son état-major, et où
l'on savait qu'il était encore. Quelquespersonnes furent blessées.
On peut juger par ce seul trait à quel degré d'exaspération était
parvenu l'ennemi. Au signal donné, les intrépides voltigeurs
27.
4iO LIVBE SEPTIÈME
1810. français se prédpitent au pas de charge vers le rém|Kirt* Dans
■■P^**^ le trajet de cent totees qull y avait à, parcourir iis perdirent
l)eaueoiip de monde : les Espagnols noorrir^t tellement leur
fusillade de front et de flanc que bientôt la troupe qui donnait
Tassaut fut séparée de celle qui devait la soutenir. Arrivé au
pied du rempart on n'avait point d'échelles , et à peine les sol-
datSf en s'aidant réciproquement, pouvaient-ils parvenir sur
la brèche, tant elle était escarpée ; elle ofTrait d'ailleurs des
difficultés insurmontables pour déboucher dans la ville. Le rem-
part dans cet endroit n'avait que la largeur du mur, et sa crête,
aiguisée par Téboulement de la maçonnerie^ formait un talus
si glissant que l'on pouvait à peine s'y tenir. Il s'élargissait à
quelques pas à droite et à gauche ; mais, à droite, on était su-
bitement arrêté par un mur de traverse d^ dix pieds de haut;
a gauche, par trois estacades construites à dix pas les unes des
autres, d'où renaemi tirait avec un avantage certain surtout
ce qui parvenait à déboucher sur le rempart et cherchait à s'é-
tablir dans les mines. A la droite de la brèche, c'est-à-dire dans
un espace de quarante pieds de long sur moins de quinze de
large, le rempart formait un cul-de-sac ; les soldats français, à
mesure qu'ils montaient, se Jetaient de ce c6té. Il est aisé de
juger quel ravage faisait le feu des Espagnols sur une masse
ou tout coup portait, fin une heure les assaillants perdirent de
cette manière plus de 300 hommes. Deux partis restaient à
prendre pour se tirer d'une position qui n'offrait qu'une perte
certaine sans aucune chance de succès : il fallait ou enlever Te»-
tacade, d'où l'ennemi faisait tant de mal, ou se loger provi-
soirement sur la brèche même. Malgré la difficulté de l'escar-
pement, les voltigeurs abordèrent trois fois Festacade avec
autant d'audace que de sang-froid, et trois fois, malgré tous
leurs efforts, ils ne purent parvenir à franchir ce terrible obs-
tacle.
Cette position critique durait depuis deux heures, et le dan-
ger semblait croître à chaque instant; mais l'ardeur et l'intel-
ligence des soldats français dans ce péril imminent ne pouvaient
se dâneatir. Gomme on voyait les difilcultés qu'ils éprouvaient
à gravir sur la brèche , on leur At porter quelques échelles et
quelques outils par^ des hommes de corvée. Dès c^ moment ils
GUtiaC^ D'BSPAGlItl. 43 1
ne s'occopèrent plu qu'à se loger sor la broche même. Toute- mo.
fois, ce n'était point une chose fàdle à exécuter sur la crête ^^*P*sne.
d'un mur qui s'éboulait sans cesse, et qui les laissait Impuné-
ment à découvert à vingt pas d'un ennemi embusqué dans les
maisons et hors d'atteinte. Les assaillants n'avaient encore ni
gabions , ni sacs à terre , ni matériaux pour se faire un abri.
Quelques-uns d'entre eux donnèrent spontanément un exemple
du plus ingénieux désintéressement, que tous s'empressèrent
de suivre ; ils se servirent de leur» sacs à effels pour établir la
base d*un petit retranchement, qui, en moins d'une heure, eut
assez d'élévation pour les mettre à même de riposter à l'ennemi
avec un peu moins de désavantage. La nuit qui survint ne Ait
point défavorable aux assaillants; le feu de l'ennemi ne cessa
pas ; mais , dirigé d'une manière moins certaine. Il les incom-
moda bien moins que pendant le jouf • A dix heures ils reçu-
rent quelques sacs à terre qui leur servirent à donner à leur
retranchement la proportion et la solidité convenables.
Les compagnies de voltigeurs, très-iAaltraltées dans cet as-
saut, furent remplacées par les grenadiers. Pendant qu'une partie
d'entre eux s'occupait avec une^ ardeur extrême à fortifier le
retranchement, à déblayer la brèche, à la rendre plus pratica-
ble et à s'ouvrir une issue pour pénétrer dans la ville et s'é-
tablir dans une mafeon voisine avec quelque sûreté , les autres
feisaient le coup de ftisil et protégeaient les travailleurs. Pen-
dant ce temps, d'autres troupes travaillaient avec un égal em-
pressement à établir une communication entre le rempart et
la tranchée, afin qu'au point du Jour les troupes déjà portées
sur la brèche pussent être soutenues au besoin. Une fusillade
toujours très-vive, qui partait du feubourg de droite, ne cessait
d'incommoder les tirailleurs qu'elle prenait en flanc ; mais non-
obstant la difficulté de l'entreprise, la communication fut ache-
vée, imparfaitement il est vrai, avant le lever du soleil. Le Câ"
régiment, cantonné au village de Val de Viéjas, occupait la ligne
en avant du faubourg Keitibia. Chargé pendant l'assaut de
faire une fausse attaque sur ce point, il reçut l'ordre^ vers les
neuf heures du soir, de la convertir en une attaque réelle et de
s'emparer du faubourg à quelque prix que ce fût. Cette opéra-
tion eut lieu pendant la nuit, et le chef de bataillon Barrai , du
432 Livai «eptiIme.
tsfo. 66*, remplit cette mission périiteose avec autant d^intelligenco
Esmne. que de bravoure.
L'emxemi, déeoneerté par Fimperturbable téuadté des assail-
lants, et effrayé d'ailieuis par toutes les dispositions prises
pour un assaut à outrance , jugea toute résistance désormais
Inutile. A la pointe du jour Santociidès demanda à capituler.
Le duc d*Abrantès rejeta toutes les conditions offertes par le
gouverneur espagnol, et exigea que la ville se rendit à discré-
tion; ce qui eut Heu le même jour. Les troupes prirent posses-
sion d'Astorga le lo avril , après quinze jçurs de ti*anchée ou*
verte. La garnison, forte encore de 4,600 hommes, fut déclarée
prisonnière de guerre et conduite en France. Les habitants
furent traités avec égard. Quant aux nombreux paysans qui
étaient venus s'enfermer dans la place, on se contenta de les
renvoyer dans leurs viHages sans les maltraiter. D*après le
refus formel du général en chef français de stipuler aucune
condition en leur faveur, les uns et les autres étaient bien éloi-
gnés de s'attendre à tant de modération de la part du vain-
queur'.
Pendant le siège d'Astorga , le corps espagnol en position à
Yillafranca voulut faire un raouvemeut pour secourir la place;
mais il fut battu et repoussé jusque sur la Galice par le général
Clausel, qui commandait une division du 8^ corps.
Après avoir terminé cette opération , le duc d*Abrantès se
rapprocha de Valladolid avec la plus grande partie de son corps
et remit la brigade du général Jeannin à la disposition du gé-
néral Bonnet.
■ Longtemps après la prise d'Astorgs, les Espagmols chantaient encore une
chanson où toutes les particularités du siège étaient racontées à leur avan-
tage, et dont le refrain était qa^Àstorga avait été le tombeau des Français.
Bien que cet enthousiasme fût naturel en pareille circonstance, il est cer-
tain que ce siège ne coûta pas au 8* corps plus de six cents hommes
Inès ou blessés. Cette perte eût sans doute été moindre encore si, en agis-
sant moins précipitamment, on eût suivi les conseils que dictaient la sagesse
et l&s règles de la fortification. L'armée vil avec peine rejeter obstinément
les avis du commandant du génie Valazé, qui voulait qu'on attaquât en
brèche plus à gauche. En elTet, en agissant ainsi on simplitiait l'attaque ,
on évitait le mur de la cathédrale, et Ton obtenait Timmense avantage d*un
débouché facile dans la ville.
GUEftfiE d'£SPM>IIE. 42%
Opérations du '3* corps de P armée Jrançaise en Aragon ei igto.
dans le royaume de Valence. — Dès le commencement |de p^lÇSSIÏ;.
l'année 1810, le général Socket, à peu près maître de tout TA^
ragon^ se préparait à faire le siège de Lérida, plaee forte située
sur la grande communication dé cette province avec laCatalo-*
gne, à vingt-cinq ]ieues de Barcelone et autant de Saragosse ;
mais, afin d'exécuter avec plus de sécurité une opération aussi
importante , il avait formé le projet d'enlever préalablement
aux Espagnols tous leurs points d^appui sur les frontières de
la Nouvelle-Castille et du royaume de Valence, lorsque le Tof
Joseph , voulant profiter de Finfluence que devaient avoir sur
Tesprit des peuples les succès rapides obtenus en Andalousie et
des intelligences qu'il entretenait dans la ville de Valence, Tuii
des foyers les plus ardents de l'insurrection , ordonna au chef
du 3*^ corps de marcher rapidement sur cette capitale, en deux
colonnes. Tune par Téruel et Ségorbe, Tautre par lyfforella, San-
Matéo et la route du bord de la mer. Quoique le succès de cette
expédition fût douteux, puisque Tarmée partait sans artillerie
de siège et qu'elle laissait sur ses derrières des partis prêts à
intercepter ses communications, le général Suchet pouvait sup-
poser que Valence ouvrirait ses portes à la vue d'une armée
victorieuse; dans le cas contraire, il s'assurât de l'état actuel
de ses fortifications, des dispositions de ses habitants, des forces
renfermées dans cette ville, en un mot de tous ses moyens de
défense. Cette excursion, qui présentait de grandes difficultés,
fut ainsi exécutée : le général Laval eut ordre de partir de
Téruel le 19 février, pour s^emparer de Villel , du le générai
Villacampa avait réuni 3,000 hommes, qu*il croyait en sûreté,
parce que cette ville était entourée de fossés profonds. Le gé-
néral Laval rencontra, à Villastar, une avant-garde forte de
800 hommes, et la culbuta rapidement. L'enneqii vint alors se
rallier dans la ville et dans une redoute fermée ; mais, un mou-
vement opéré sur ses derrières par le général Laval ayant
ébranlé lecourage de cette troupe, un bataillon du 1 4* régiment
entra de vive force dans Villel , au moment même où quatre
compagnies de voltigeurs polonais, sons les ordres du colonel
Kliski, débordaient les Espagnols par leur gauche. Ces attaques
simultanées et l^en exécutées mirent l'ennemi dans une déroute
434 LiVBB fiBPTlSXB«
fitw iM>aiplète. 11 laissa lOO morts sur le ehamp de bataUle, et per-
dit en ontre 300 liommes, dont plnsieurs officîen, qui, poarsui*
vis par les vainqueurs, se noyèrent dans le Guadalaviar. Le
général Qilopicki, le colonel Kliski et le capitaine Petit, qui
commandait le bataillon du 14^ régiment, se cUstluguèrent émi-
nemment dans cette action.
Ce premier succès obtenu, le général Suehet porta, le'l^
mars, son quartier général à Sarrion, pour diriger lui-même
la suite d'une opération aussi Importante. L*année valendenne
était établie en force au pont d*Alventosa, ^ir le Mijarès,
la droite à Puenseca et la gauche à Manzanéra. Des retran-
chements pratiqués daus^une partie de la ville, des hauteurs
couronnées de redoutes, et qui se flanquaient mutuellement,
enfin les rives escarpées du Mijarès offraient de grands obs-
tacles aux attaquants. Le 2 mars, le général Suehet fit les dis-
positions suivantes : tandis que les généraux Harispe et Paris,
Tun au centre et Tautre à la gauche, menaçaient Tennemi par
un feu soutenu sur Alventosa et Puenseca, le général Laval eut
ordre de forcer, dès le point du jour, le passage vers Manzanéra,
de traverser le Mijarès et de déborder la gauche des Espagnols.
Ce mouvement fut exécuté, et Tennemi contraint à une prompte
retraite. Le colonel Burthe, détaché à la poursuite des fuyards
avec son régiment, le 4® de hussards, enleva quatre pièces de
canon , des munitions et des équipages. Le général Suehet con-
tinua sa mar^she avec célérité dans la direction qu'avait prise le
général ennemi, emporta sans coup férir le défilé de Jérica,
et arriva le même jour à Ségorbe, où une grande quantité
d'armes et d'immenses magasins tombèrent en son pouvoir.
Pendant que ces actions se passaient au centre, le générai Ha-
bert jfranchissait avec six bataillons, malgré cinq pieds de neige,
la chaîne de montagnes qui séparent l'Aragon du royaume de
Valence, surp enait la ville de Morella, garnie de retranche-
ments et défendue par 4,000 hommes de l'armée de Valence,
leur fidsait éprouver une perte considérable en tués et blessés,
et leur enlevait quinze cents fusils. Le 14^ régiment, formant
Textréme gauche de la petite armée française , descendait en
même temps le Guadalaviar et rejetait les bandes de Villacampa
dans la province de Gueoca. L'armée arriva le 3 à Murviédro
G0BRBB ]>*£8PAGNB. 435
(raneienne Sagontè]^ où elle fut rejointe par la colonne du gé- isia
néralHabert. ' *^«^'
Par suite de ces mouvements rapides et exécutés avec préci-
sion y le 3^ corps,' traversant les belles campagnes du royaume
de Valence, arriva le 5 mars Jusque sous les murs de cette ca-
pitale. Le général Habert s*empara de son principal faubourg
et du port de Grao, qui touche aux embouchures du Guadalaviar ;
le général Suchet entra dans Beniferri, et rejeta dans la ville
tous les postes établis sur la rive gauche de ce fleuve. Cette
marche mit de plus en possession des vainqueurs neuf bouches
a feu, six caissons, un drapeau et trois cents fusils. Elle avait
coûté aux Espagnols 400 tués, beaucoup de blessés, et Tentière
dispersion d*un corps de 15,000 hommes.
Un rassemblement considérable de paysans était formé pour
défendre Gastellon de la Plana, petite ville sur les bords de la
mer et près de Tembouchure du Mijarès. Le général Suchet
y envoya deux escadrons de cuirassiers et hussards, avec quel-
ques compagnies d'élite d*infhnterie , sous le commandement
du général Boussard. Le pont de Gastellon, encombré et barri-
cadé , fut emporté après une vive résistance. Un cuirassier
nommé Yinatier se fit remarquer dans cette action ; ayant mis
pied à terre , seul il dégagea le pont, sous une grêle de balles ,
et ouvrit le passage. Son intrépidité fut récompensée par la
décoration de la Légion d'honneur.
Le général Suchet resta pendant cinq Jours sous les murs
de Valence, dans TespoiiT que cette grande et opulente cité ou-
vrirait ses portes à une armée victorieuse, qui tout récemment,
et pour ainsi dire sous les yeux des habitants, avait triomphé
de tant d'obstacles ; mais, résignée à tous les sacrifices et iné-
branlable dans sa résolution , Valence, que le général français
ne pouvait investir pi attaquer, ne vouluts*abaisser à aucun acte
de soumission. Dès lors le général Suchet prit la résolution de
rentrer en Aragon ; et le 10 mars, à l'entrée de la nuit , Tar-
mce leva son camp, et, réunie en une seule colonne, elle reprit
la route de Téruel et deSégorbe. L'expédition brillante du gé-
néral français, loin de décourager, fortifia encore le patriotisme
des Valenciens. Dès ce moment leurs fortifications forent ré-
parées, développées et mises dans un état de défense imposant.
42« UVEK 8EPTIBUB.
fftio. les remparts furent couverts d^artilleric* Les villes de Pénis-
^*&^ cola, Oropésa et Sagonte, doot les antiques murailles étaient à
moitié écroulées, devinrent en peu de temps des forteresses res-
pectables et de nouveaux obstacles à surmonter dans une se-
% coude invasion.
Sur ces entrefaites, le chef de bataillon Renouvier, oonmnan-
dant de Jaca, et le capitaine Rauquemaurel , commandant au
fort de Venasque, donnaient une vigoureuse diasse, le premier
à la bande d'un chef nommé Sarto; le second » aux partis des
chefs Sarraza et don Diego Alvarès, qui furent repoussés jus-
qu'en CSatalogne. Trois autres commandants français, Passelat»
Donarche et Zimer^ obtinrent de pareils succès sur d'antres
bandes de miquelets.
L'Angleterre seule fournissait à tous ces partis des armes et
des munitions; elle avait bien pensé que, dans une semblable
hitte, il fallait, pour soutenir le zèle des insurgés si souvent
défaits , ne les laisser jamais au dépourvu. Maîtresse des rives de
l'Océan et de la Méditerranée, et pour ainsi dire de presque toutes
les places maritimes de la Péninsule, elle pouvait opérer et opé-
rait en effet, à son gré et sur tous les points, des débarquements
d'armes, de munitions, souvent même de vivres, sans que des
pertes immenses et journalières aient jamais arrêté cette incon-
cevable prodigalité.
M mal. Siège et prise de Lérida. — Cependant le général Suchet ,
de retour, le 17 mars, de son expédition sur Valence, avait dis-
posé tous les préparatifs du siège de Lérida. Cette entreprise
offrait de grandes difficultés et exigeait des forces imposantes.
Les places de Tortose, de Méquinenza, de Tarvagone, peu dis--
tantes de Lérida^ devaient être contenues. De forts détaciiements,.
capables de résister aux nombreuses bandes qui eherchaient à
s*emparer des convois , étaient nécessaires k leur escorte. L»
nature du terrain exigeait aussi de la part des assiégeants un
grand développement. En effet, Lérida, situé sur la rive droite
de la Sëgre, au milieu d'une vaste plaine presque dépouillée
d'arbres, est une ville étendue, et dont la population, accrue de
celles des villages voisins, qui s'étaient réfugiées dans la place,
s'élevait à près de 20,000 âmes. Elle n'est entourée que
d'une simple muraille, mais la Sègre, fleuve assez large et ra-
!f0mr 10 Ptuff ^iS
DU SIEGE
DE LERÏBA,
GUEBBB d'eSFAOHB. 4SI
pide» rarement guéaUey la défend presque entièrement dn nord mo.
au sud dans toute sa longueur. Un beau pcmt en pierre établit ^^'^'"^
la communication avec la rive gauche, où Ton avait construit
une lunette formant tète de pont Deux forts» bâtis sur deux
montagnes auxquelles la place est adossée, la dominent* Ces
forts, celui du Château' et celui du Garden» sont assez près Tun
de l'autre pour se prêter un appui réciproque. C'est dans la prof
tection de ces forts, et surtout du château situé au côté nord,
au sommet d'une colline élevée, que consiste la principale force
de Lérida. Un mur sans fossé ni chemin couvert enferme le
reste de l'enceinte» La fortification qui entoure le château
forme un carré irréguiier de cent vingt-cinq toises du côté
extérieur, flanquéde bons bastions de six à sept toises d'escarpe.
Le front de l'ouest est le seul qui ait des fossés ; ceux du sud
et de l'est, bâtis sur des escarpements très-roides, étalent presr
que inattaquables. Celui du nord était d'un accès diOlcile à cause
du terrain formé presque entièrement de roc. 11 ne restait
que le front de Touest, d'une pente assez douce, dont on pou-
vait approcher par une attaque régulière; mais il fallait aupa-
ravant être maître du fort Garden, qui le protégeait de tous ses
feux. Ce dernier fort est bâti sur la croojie d'un plateau qui
domine l'extrémité ouest de la ville, à trois c^ts toises. Il était
couvert par un grand ouvrage à cornes dont la droite bordait
Tescarpement, et la gauche se rattachait à une redoute. Deux
autres grandes redoutes, appelées del Pilar et de San-Femando,
avaient été élevées à l'extrémité opposée du plateau , à plus de
sept cent cinquante toises de la ville, et à trois cent cinquante
de l'ouvrage à cornes.
La ville et ses forts, abondamment pourvus de munitions de
guerre et de bouche, d'une salpètrière et d'un moulin à poudre,
étaient dans le meilleur état de défense possible. Cent cinq bou-
ches à feu de tout calibregarnissaientles remparts; 10,000 hom-
mes de troupes de ligne y étaient renfermés sous le commande-
ment du maréchal de camp don Jaime Garcia Conde, le même
qui, au mois de septembre précédent, avait introduit un convoi
dans GIronne. Le maréchal de camp don José Gonzalès était
gouverneur de la place et du château ; enfin les habitants sç
rappelaient avec orgueil que leurs ancêtres avaient résisté , en
428 L1VEB SBPTIBMB.
1910. 1647, aux armes du grand Gondé ^ Gependuit ils durent aussi
se souvenir que le duc d'Orléans s'empara de cette place, en
1707, à la vue de Tannée de Tarchiduc Charles, commandée
par lord Galloway.
Le général Suchet osa entreprendre un siège aussi dilDdle
avec un corps d*armée qui ne s'élevait pas à 20,000 hommes.
11 comptait, à la vérité, que l'armée de Catalogne, conformé-
ment aux ordres du gouvernement français, resterait, pendant
toute la durée du siège, dans les positions qu'elle devait occuper
pour appuyer les assiégeants et pour contenir les troupes du
général O'Donnell, placées dans le camp retranché sous Tarra-
gone. Mais on verra, dans le paragraphe suivant, que le défaut
absolu de vivres contraignit le maréclial Augercau d'évacuer
la ville de Reus^ et de livrer, en quelque sorte, dans une con-
joncture aussi délicate, le général Sudiet à toutes les chances
d'un pareil abandon.
L'investissement de Lérida fut formé au commencement d'a-
vril. Le général Musnier entra sans rencontrer d'obstacles k
Flix et à Mora, sur les bords de l'Èbre. Cette position était né-
cessaire pour s'opposer aux tentatives de la garnison de Tortose
et pour communiquer, par les défilés de Falset , avec l'armée
de Catalogne, alors campée autour de Reus. Le général Habert,
chassant devant lui toutes les bandes qui infestaient encore les
vallées de la Cinca et de la Sègre , s'empara de Balaguer, ville
assez considérable, au nord de Lérida, et que sa position rend
susceptible d'une bonne défense. L'ennemi, frappé de terreur à
l'approche de ces mêmes colonnes qui l'avaient si souvent battu
et dispersé, abandonna Balaguer pendant la nuit, ainsi que tous
les retranchements qu'il avait construits sur les hauteurs en-
vironnantes.
* Le vainqueur de Rocroi, devenu aussi redoutable au ministre qu'à
868 ennemis, avait été envoyé de Flandre en Catalogne pour faire le siège
de Lérida. SMl éclioua dans cette entreprise , c'est principalement parce
qu'on Ini avait donné de mauvaises troupes mal payées. Quelques oonteni<^
|K>rain8 rapportent quMl ouvrit la tranchée avec des violons; mais rao-
teur du Siècle de Louis XIV le justifie de cette fanfaronnade, en disant que
cMtait alors Tusage en Espagne. (Voyez Voltaire, Siècle de louis XIV ^
cliap. III.}
GUnil I>'SffAGlfB. 439
L'invefiUflsemeiit' de Lépida était à peine fini k>nqiie le gé- «gto.
néral Sochetapprit qaeGampoverdé s*était approcbé de Gervéra, ^'9^^*
par Maaresa, aveeune dfTfslon, et que des rassemblements de
paysans armés se montraient snr la haute Sègre. Vonlant recon-
naître 1^ pays et ehercher des nonvelies du corps dn maréchal
AugereaUy le général en chef fit marcher, le 19 avril, le général
Mosnler à Balagoer, où 11 se porta en même temps. Après avoir
ordonné quelques travaux dans cette place pour la défense du
pont et du château, il s'avança le 21 jusqu'à Tarréga, où II ap*
prit qu'O'DonneIk était parti de Tarragone à la tête de deux
divisions et qu'il s?était porté sur Monblanch. Profitant de cet
avis, le général Suchet se hâta, par une marche rapide, de ra-
mener sa colonne devant Lérida, et le 22 il plaça le général
Musnier dans sa première position à Alcoletge, avec la cavale-
. rie du général Boussard en réserve. En effet le général don En-
rique O'Donnell, qui avait succédé au général Blake dans le
commandement de l'armée de Catalogne, n'étant plus contenu
par l'armée du marédial Augereau, avait osé concevoir le projet
hardi de faire lever le siège avec les débris d'une armée mal
remise d'une déroute complète qu'elle venait d'essuyer « dans
les plaines de Vich. Le général espagnol ne se disi^mulait point
sans doute et les mauvaises dispositions de ses troupes, et toutes
les difficultés à surmonter pour venir à lK>ut de son entreprise ;
mais il espérait, d'un cdté, que la nombreuse garnison de Lé-
rida favoriserait son dessein par une vigoureuse sortie et occu-
perait ainsi la majeure partie des forces du général Suchet; de
l'autre, il se flattait qu'il pourrait surprendre les troupes fran-
çaises par une BMrefae rapide , et réussir à écraser les postes
disséminés sur la rive gandie de la Sègre. Il ne prévit pas que le
terrain par où il dirigeait sa marche , ne lui présentant aucun
point d'appui, donnait contre lui, à des troupes braves et par-
faitement exercées, quoique en petit nombre, des avantages qui
leur assuraiient un succès infaillible. Aussi le général Suchet,
certain d'obtenir, à peu de frais, des résultats dédsiib, lalssa^t-
il les Espagnols pénétrer, à travers une plaine immense, jusque
sous le canon de la place.
' Voir le paragraphe svlTaat, qui traite des opéFatkniB de TanDée de Ga«
talogne.
4 SO L1VHI SirriÉHB*
1810. 0*Doniiell9 parti dv camp de Tarragoae, le 19 avril» avec un
corps d'environ 8,000 hommes d'infimterieetaoo chevan, avail
franchi rapidement les défllés de MonUanch, et le Icttâefliain»
versdeox heures do soir, il déboucha dans la plaine de Mergalef,
ses bataillons formés en colonne d'attaqne, et la cavalerie cou*
vrant lears flancs. Trompé par on avis du gouverneur de Lérida
qui lui annonçait qu*une partie de Tinfiinterie française et pres-
que toute la cavalerie s'étaient éloignées de la place , avis qui
n'était plus vrai au moment où il le recevait/ O'Donnell s'avan*
çait dans une entière sécurité. Déjà son avant-garde n'était plus
qu'à une faible distance des retranchements à la tète du pont
sur la Sègre, lorsque le générai Harispe, commandant les avant*
postes, la fit charger par le 4^ de hussards. Cette chai^ fut
ordonnée si à propos et exécutée avec un tel élan par le colonel
Burthe que la moitié de cette avant-garde fat forcée de mettre
bas les armes.
La garnison de Lérida, voyant les troupes d*O'0onnell si rap-
prochées de ses remparts , crut l'instant décisif pour effectuer
une sortie et se porter à leur rencontre. Le canon tirait, toutes
lescloches de la ville étaient en mouvement ; les drapeaux étaient
déployés ; la plus vive impatience se manifestait, l'enthousiasme
était à son comble; et déjà un bataillon d*élite débouchait par
la tète de pont, lorsque le colonel Robert, chargé de contenir les
assiégés à la tète du 1 17* de ligne, les força, par un feu très-vif
et lrès--meurtrier, à rentrer dans la place , pour y être bientôt
témoins inactilii de l'entière déroute de l'armée qui venait les
secourir.
Cependant, après la déconfiture de son avant-garde, O'Don-
nell s'était arrêté et avait promptement rangé son armée en ba-
taille, dans un ordre imposant. Le général Musnier, sortant d'AI-
cole^e, se mettait en marche pour l'attaquer avec sa division
d'infanterie; mais le général Boussard, manœuvrant sur un
terrain favorable, dans une plaine qui ne présentait pas le plus lé-
ger obstacle, ne donna ni à l'infanterie ni à l'artillerie le tempsde
se mettre en ligne : il déborde les Espagnols, et lance sur leurs
escadrons et sur leurs bataillons le 13" régiment de cuirassiers.
En un instant l'ennemi est culbuté, enfoncé, dispersé; la
plaine est jonchée de cadavres; et l'infanterie française, ce qui
ouBBSs s^bspagns; 431
«gt sam exemple, ii*a pas le toonps de tirer un eoup de fasil. «sio.
Cette victoire» remportée par l'une des plas brillantes char- ^P*S"e.
ges de cavalerie» ndt an pouvoir des vainqueurs le brigadier
général Dupaig, hnit ookmds» 371 officiers, 5,337 soldats»
1,000 chevaux» trois bouches à feu, deux caissons» trois éten-
dards, un drapeau et ehiq cent mille carUraches. La célérité et
la vigueur de la charge du générai Boussard avaient été telles
que la perte totale des cuirassiers ne iB*élevail pas à plus de
23 morts , $2 blessés et 60 chevaux tués '.
Les généraux Harfspe» Boussard ; les colonels Bobert, Burthe
Daigremont (ce dernier commandant le 18^ de cuirassiers);
les chefs d'escadron Devaliant, Saint-Georges et Bubichon ; les^
capitaines Scarempi» Lafarge et Destombes; le maréchal-des-
logis Montons et le cuirassier Tartarin , qui avait enlevé un
drapeau au milieu d'un bataillon ennemi» reçurent en cette oc-
casion les témoignages les plus honorables» comme les mieux
mérités, de la satisfaction du général Suchet.
L'entière défoite des troupes du général O'Donnell produis
sit un grand découragement dans la garnison » qui » du haut
des remparts de Lérida, avait été spectatrice du combat ; elle
se trouvait abandonnée à ses propres forces» et Ton sait com-
bien l'espoh* d'une prochaine délivrance est un stimulant né-
cessaire pour déterminer une troupe renfermée dans une place
à s'y défendre Jusqu'à la dernière extrémité. La contenance des
assiégés, presque certains de ne plus être secourus, semblait
déjà présager leur sort; la même cause élevait, au contraire,
au plus haut degré» l'énergie des assiégeants. Le général Suchet
était trop habile pour ne pas mettre à profit ces dispositions
morale , qui décident presque tous les succès. Dans la nuit
qui suivit le combat de Mergalef, il fit attaquer les redoutes du
fortdeOarden. A minuit un bataillon du 1 14« de ligne surprit,
presque sans combat, ceUe del Pilar. Un bataillon du 121** fut
' Le jeune d^Houdetot» qui sortait des pages de rempereur, et qui » &
peine Agé de dix-huit ans» avait d^à obtenii la décoration des brayes» Ait
blessé de deux coups de hmonnelte, dont il mourut le lendemain. L'armée
donna des larmes à cet officier de la plus belle espérance. 11 était le peUt-fils
de cetta femme aimable dont Tauteur à'Émtle et de la Nouvelle Héloise a
immortalisé le nom dans sa correspondance.
482 JLITBR 8BPTlàilE.
itio moins heureux à la redoute, de San-Feroando , déCesdue par
Efpagne. ^^ bommes détermioés à ne pas céder. Forcé de se retirer, ee
bataillon occasionna aussi la retraite de celui qui occupait la
redoute del Pilar, qui ne pouvait pas tenir contre le feu domi-
nant de San-Femando. Le lendemain le général Suchet écrivit
à Garcia Conde pour lui représenter rinutillté de sa déiSense;
le général espagnol lui répondit le même Jour que la place
n'avait jamais compté sur le secours d'aucune armée, voulant
prouver par cette réponse concise et énergique que Féchec
éprouvé par O'Donnell devant Lérida n'avait eu aucune in-
fluence sur sa détermination de se défendre jusqu'à la dernière
extrémité. Heureus^ement pour les assiégeants, les faits nerépon-
dirent pas à ces fières paroles, comme à Saragosse et à Gironne.
Le général Sucbet vit donc qull fallait d'autres moyens pour
achever son entreprise, et ne songea plus qu'à les déployer
promptementetavec vigueur.
Dans la nuit du 29 avril, la tranchée fut ouverte au poste dit
de la Croix, qui s'approche de la place à environ quatre cents
toises sur le front qui regarde le nord ; le développement et les
communications de cette tranchée furent portés, dans cette nuit
même, jusqu'à cent quarante toises de la ville. Mais bientôt
des orages inondèrent les travaux, qu'un terrain glaiseux rendit
impraticables; les épaulements furent renversés. L'activité et
la patience des ingénieurs et des artilleurs réparèrent toutes ces
dégradations.
Dès le 7 mai, au point du jour, deux batteries de brèche com-
mencèrent à tirer contre la place, tandis que trois autres Imt-
teries lançaient des l)ombes et des obus sur le château.
Le lendemain on ouvrit une seconde parallèle, à soixante
toises, et des boyaux furent conduits jusqu'au pied des murs;
on les garnit de tirailleurs qui , faisant feu sur les embrasures ,
devaient éteindre celui de l'artillerie ennemie.
Le 12, l'artillerie, ayant démasqué de nouvelles batteries ,
commença, à neuf heures du matin, une attaque décisive. Une
brèche fut ouverte au bastion de l'Ascension, et un magasin^d'o-
bus sauta dans le château. Cette explosion fit en deux endroits
une brèche assez praticable pour que quelques déserteurs suisses
pussent y descendre.
OiftftRB 0*EfiPAfillS. 433
' Sor ces entrofiaJtes, le général Suehet se porta à la droite de jm
la ligne pour diriger lui-même une attaque combinée sur les
deux redoutés de l'ettrémlté du plateau du fort Garden et sur
Touvrage à cornes qui couvrait le milieu de ce plateau. Cette ex-
pédition hardie avait pour but de couper la communication en-
tre les deux forts> de déjouer tous les calculs des assiégés , d'a-
chever leur découragement, et de brusquer la reddition de la
place. Nous avons déjà dit que ces ouvrages intermédiaires
étaient dans fétat de défense le plus respectable , mais qu'ils
forçaient les assieds à un immense développement. Le général
Vergés, avec un bataillon du f 14^, quatre compagmes d'élite
du I3t* et 100 travailleurs, planta des échelles, enfonça les
barrières et enleva les deux redoutes. tous les Espagnols qui
n'eurent pas le temps de se jeter en bas du fossé furent tués
à coQps de baïonnette. Le capitaine du génie Montanban ftit
blessé mortellement sur Téchelte. L*assautde ces deux redoutes
coûta à Tennemi 300 hommes ; la perte des Français fut de 25
morts et de 80 bipassés. Bans le même temps, le général Buget, à
la tête de quatre compagnies d*élite du 114^, deux du 121*,
deux du 3* régimqit de la Vistule , et 400 travailleurs armés
de pelles et de pioches, escaladait l'ouvrage du centre et pé-
nétrait dans son enceinte. Les travailleurs ^ guidés par le chef
de bataillon du génie Plagniol , quittant leurs outils, poursui-
virent les Espagnols jusqu'aux palissades du Garden , sous an
feu des plus vifs. On profita de l'obscurité de la nuit pour se
couvrir dans les ouvrages enlevés, et rétablissement fut achevé
avant le jour.
Ce succès devait avdir une grande influence sur le projet prin-
cipal que le générai Suchet allait exécuter. Mattre de ces ou*
vrages avancés, construits avec tant de peine et si brusquement
perdus, il donnait, d'une part, a la garnison des inquiétudes
sérieuses sur un point essentiel de la défense ; de l'autre, il 6tait
à une nombreuse population, presque doublée par les paysans
qui s'étaient réfugiés dans la ville , une vaste et fàdle retraite.
Le général espagnol avait reconnu l'urgente nécessité de rentrer
dans les ouvrages enlevés, et déjà il se disposait à une vigou-
reuse sortie pour les reprendre ; mais la promptitude des événe-
ments ne lui donna pas le temps de l'exécuter.
X. 2S
4^4 UTIB «EPYlilIt.
«gf 0. La brèehe priodpale bâte aa ïmtàou aipi d« firoat de U Ma-
^'^f'v»». ^felein^ était large et acoes^Ue ; celle de la oontregarde ^da
bastion Tétadt ans», mais seulement avec des échelles. Le 13
avril, le feu des batteries assiégeantes cessa tout à coup sur
fous les points, et le général Socbet flt donner, à sq^t heures
du soir, le signal de Tossaut par quatre bombes lancées à la
fois* Aussitôt douce compagnies d*élite des 5!" d*infiBtnterîe lé-
gère, 116% fi6« et 117'' de ligne, et du l«' de laVistule,
conduites parle général Habert, le colonel Rouelle et le major
Barbaroux, soutenus de 450 travailleurs mmis d'échelles et de
gabions, franchissent le parapet de la tranchée et un ruisseau qui
se trouvait en avant, et s'élancent sur les deux brèches. Ni le feu
terrible de toutes les batteries de Tennemi , alors convergentes
sur un seul point, ni une vive fusillade qui s'engage des mai-
sons, dans la rue, sur le quai, ne peuvent arrêter l'audace des
assaillants, Ds surmontent tous les obstacles au pas de chaire,
et forcent, sous un feu meurtrier, la porte de la Madeleine. Déjà
les batteries de la grande rue sont enlevées ; mais les sapeurs ,
t»nâuits par le capitaine du génie Valentin, trouvent le pas-
rage sur le quai fermé par un retranchement. Un sergent
nommé Baptiste monte sur la barrière et .l'ouvre ; les soldats se
précipitent alors sur l'ennemi et le rejettent près du pont , dé-
fendu par six pièces de canon. Des décharges à mitraille ne
peuvent réprimer l'élan du 1 16^ régiment, déjà maître du quai
dans toute sa longueur. De la rive gauche de laSègre le générai
Harispe presse en même temps avec vigueur la tète du pont.
Le 1 1 7* , qui marche sous les ordres de son digne chef, le co-
lonei Bobert, mnportetaus les retranchements élevés sur cette
rive. Les Espagnols, ainsi placés entre les feux de deux colon-
nes qui ont opéré leur jonction, abandonnent tout à coup leur
artitlerie et leurs retranchements. Tout ce qui ne se dérobe pas
par une prompte fuite à la fureur des assaillants est massacré
sur la place.
La terreur se répand dans la ville. Tous les habitants, hom-
mes, femmes., vieillards, enfants, menacés de toutes les horreurs
inséparables d'un assaut, oourent de toutes parts pour chercher
un asile dans lechAteau. Ils encombrent les fossés , les cours*,
les bâtiments, et mettent ainsi le gouverneur Gonzalès dans la
fiosa&ts alterttaUvt 4e les renvoyer ioipitoy^âilenirai oabieB
de les sauver en eapltiilaiit; rhnmaatté autant que tat siJUiatieii
éminemment critfqne #& il se trouve forcent le généml amemi
à prendre ce dernier j^aMI. Le J 4, dans la matinée, ilftitarlMNrer
on. drapeau blane aur le prineipal bastion du grand lort et ob*
tient de défiler avec les honneurs de la guerre. La prise de Lé-
rida mettait au poov^ des Français cent trente-trois bouehes
à feu , un million cinq cnnt mâle cartouches, cent cinquante
milliers de poudre, dix drapeaux et 8,4M)0 prisonniers, qni (à-
rent conduits en France. IIS officiers de l'armée de Catalogne,
détenus dans le fort , et notamment le colonel Guéry et le chef
de bataillon Wauthiery faits prisonniers au funeste combat de
Mollet ' 9 recouvrèrent leur liberté. La garnison avait perdu
f ,200 hommes pendant le siège ; la perte des assiégeants ne s'é*
levait pas au delà de 400 morts et de 800 blessés. Les troupes
françaises avaient creusé, en moins de quinze Jours, malgré
des orages affreux et sur un terrain extrêmement difficile» trois
mille deux cents taises de tranchées. L'artillerie, commandée
par le général Vallée, avait vaincu tous les <d)stacles avec une
courageuse persévérance , et le colonel du génie Haxo» chargé
de la direction des travaux du siège, avait montré autant de
zèle qoe de talent. Enfin ce brillant fiiit d'armes, qui donnait
un nouvel éekit à la réputation du 3* corps de l'armée d'Espagne,
révélait à la Franee que le générai en chef, Socheft, était désor-
mais appelé à prendre un rang distingué parmi les capitaines
les plus illustres de cette époque.
Siège et prise de MéqUÊnengaf etc. *^ On n'avait pu couper $ jum.
les forts de Lérida que dans h, soirée du 14 mm , d, le 90 du
même mois, cinq bataillons de la division liusnier arriéraient
déjà devant le fort de Mèquineosa , pour le cerner entre l'Èhre
et la Sègre. Ceci peut donner une idée de Tafstivitè que fe gé-
néral Suchet mettait à poursuivre le cours de ses opérations. Il
était d'ailleurs essentiel pour lui de s'emparer promptement de.
la ville et du fort, attendu que ce p^t feucnissaît ani Espagnols^
les moyens d'intercepter la nav^ti<m de l'Èbre, et, par con-
séquent, de rendre impossible ou du moins trèsdiffieile le siège
Voyez plus bas , page 440.
as.
4Z^ UTBl npntHC.
jMo. de Tortose. Cétait en outre un appui néoessalre aux banda
armées qui rôdaient eontinuellement sur les bords de ia Cinca»
de Ja Sègre et de l*Èbre« Ces considérations étaient assez pres-
santes pour déterminer le général Suchet à ne pas perdre de
temps. Toutefois, cette nouvelle entreprise offrait encore.de
grandes difAcultés.
La ville de Méquinenza est située au confluent de la Sègre et
dé Vtbre^ et au milieu d*un terrain désert, vaste et montueux ;
elle est adossée à un rocher de six cents pieds de haut à peu
près, et tellement escarpé qu*il laisse à peine un chemin suffi-
sant aux piétons pour aller de Méquinenza à Fraga et à Pé-
nailm ; elle est défendue par une vieille muraille qui descend
des contre-forts Jusqu'aux deux rivières, et qui n'est interrom-
pue que dans les parties du rocher qui sont à pic. Entourée de
toutes parts par les eaux de TÈbre et de la Sègre, et par le ro-
cher dont nous venons de parler, la ville avait été retranchée,
barricadée et armée de quelques batteries basses ; mais son
prindpal appui était dans le fèrtqvd la domine. Ge fort est cons-
truit sur un rocher qui n'est accessible que sur un plateau pro-
longé vers l'ouest dans une largeur d'environ treize cents toises.
Cest le seul côté susceptible d'une attaque régulière, et ce côté
est protégé par un ouvrage à cornes, revêtu en maçonnerie, avec
un fossé taillé dans le roc vif et un chemin couvert palissade.
Ces obstacles n'étaient pas les seuls ; aucune route praticable
pour les voitures n'existait alors depuis Fraga jusqu'à Méqui-
nenza ; aussi les officiers précédemment envoyés contre cette
place ravaient-ils présentée comme inattaquable ; mais le général
Suchel, cenvaineu qu'une volonté forte est la clef des choses
dilHclles, ordonna au colonel Haxo d'ouvrir à travers les rochers
un chemin pour rartillerie, et cette tâche pénible fût remplie
avec une célérité incroyable. Les officiers du génie furent obligés
en plusieurs endroits de fifiire usage de la mine. Un des embran-
chements de cette roule fût dirigé sur le plateau , et Tautre fût
conduit du sommet du Monténégro Jusque sur les bords de TË-
bre, en creusant dans le flanc de la montagne un espace de
deux mille quatrecents toises. Dès lors on put fedlement amener
du canon contre la ville et le fort, et ces travaux immenses fu-
rent achevés du SI mal au 1^^ Juin.
G1ISBBS D*EtFA6KiE. 437
rinvestissemeot oompiet da fort et de la ville fut tmoiédlft» imo.
tement formé; )e$ postes ennemis farent rejelés dans la place,
et ceux des Français s^établirent, à la faveur d'un couvent, à
trois cents toises de Touvrage à cornes. Le 3 juin, Fennemifit
plusieurs sorties qui furent repoussées avec perte.
La trandiée fut ouverte dans la nuit du 2 au 3, à cent toises
de Touvrage à comes, par 700 travailleurs. UennemI, averti
par le bruit des pioches sur un terrain rocailleux, fit un feu
très-vif de mousqueterie qui tua ou blessa une soixantaine
d'hommes ; au jour» quelques parties de la parallèle et des com-
munications où Ton avait trouvé le roc vif ne furent pas en-
tièrement à couvert. Ou fut obligé d'attacher le mineur pour
creuser à l'aide du pétard.
Dans la nuit suivante » la parallèle fut approfondie , étendue
et perfectionnée ; l'artillerie commença la constructicm de ses
batteries et travailla avec peine sur un terrain extrêmement
dur.
Le général Suchet avait sagement prévu que, dès Tiostant
où la brèche du fort serait accessible, l'ennemi tenterait de s'é-
chapper par les barques. En conséquence, pour l'isoles entière-
ment des deux rivières et pour le resserrer davantage, il avait
donné des ordres à l'effet d'attaquer la villeen même temps que
le fort. Dans la nuit du 4 an 5, le 2* batidlion du J*' régiment
de la Vistule, malgré d'énormes blocs de pierre lancés du châ-
teau, enleva une tour carrée, armée de deux pièces de 12, en
escaladant les murs et les retranchements. On s'empara de la
ville, de huit pièces de canon, de quatre cents fusils, de quinze
barils de poudre et de quatre grandes barques. Le chef de ba-
taillon polonais Cblusowitz et le capitaine de sapeurs Foucaud
conduisirent cette attaque avec autant de bonheur que de bra-
voure.
La ville prise, le général en chef pressa le siège du fort ; dans
la nuit du & au 6, de nouveaux boyaux furent poussés à cin-
quante toises du glacis.
Enfin , dans la nuit du 7 au 8, l'artillerie, commandée par
le chef de bataillon Raffron^ finit â*armer trois batteries, et le
feu de seixe pièces commença à jouer au point du jour. L'en-
nemi riposta avec vigueur et parvint à démonter trois pièces;
43lf LIVIS SSPTtilK;
uio. mais le feo des asslégeiuits contlatta vitemeiity rasa ibo peu
'^'i^s^ d*iDstaDts tous les raerions en maçoQûerie ; une grande partie
du parapet s'écroulai Les bombes firent d'énormes dégâts dans
un fort aussi étroit. Les tirailleurs secondèrent très^bten, der-
rière des créneaux en sacs à terre, le feu de Tartillerie. Le 8,
à dix heures du maUn, l'ennemi, hors if état d'opposer une plus
longue résistance, battit la chamade et arbora le drapeau blanc.
La garnison obtint , pour toute capitulation , l'honneur de dé*
filer devant la division du général Mnsnier, et déposa ses armes
sur le glacis, pour être conduite en France. On remarqua parmi
les troupes de cette garnison , forte de 1 ,500 hommes à peu
près» un régiment levé par un Anglais nommé Doyle, prenant
le titre de commissaire général en Aragon. Ce corps, armé et
vêtu à l'anglaise 9 était formé d^anciens contrebandiers ou de
miquelets navarrais, aragonais et catalans, ayant quelques
aventuriers anglais pour officiers.
Les Finançais trouvèrent dans le fort de Méqoinenza quarante^
cinq bouches à feu, quatre cent mille cartouches de fabrication
anglaise^ trente milliers de poudre, une grande quantité de
fer coulé» et des vivres pour 3^000 hommes pendant trois
mois.
Nous rapporterons dans un autre chapitre la suite des bril-
lantes opérations du général Suchet, que le gouvernement fran*
cals chargea à cette époque du soin de réduire Tortose, place
située à Textrémité méridionale de la Catalogne, et l'un des
plus importants boulevards de cette province.
jsiiiv..juin. Op&atitms en Catalogne; combat de Mollet; combat de
Vich; combat de Villafranca ; prise âuforté^Hostalrieh, etc.
Le maréchal Macdonald remplace le maréchal Augereau dan»
le commandement du 7* corps. --* Le brigadier don Enrique
O'Donnell venait de succéder au général Btake dans le com-
mandement de Tarmée espagnole en Catalogne. Sa sortie de
GIronne à travers l'armée française, qui assiégeait cette place,
avait ajouté à la réputation d'audace et d'activité que cet offi-
cier général s'était déjà acquise dans les campagnes précédentes ;
et la Junte centrale, appelant Biake auprès d'elle en Andalousie,
crut ne pas pouvoir confier en des mains plus sûres que celies
d'Q'Donnell la direction des opérations militaires dans œtle
GUBBBE D*BSPA01lfi. 4SI»
partie de la Péninsule» où la cause de rindépetidance avait wo,
éprouvé moias de revers que partout ailleurs. et|«giie.
Nous avons laissé le général Souhameantoniié avecsa divisloa
aux environs d*01ot , dans les derniers jours de décembre 1 809.
Il n'y séjourna pas longtemps, et, renforeéd*u0e brigade de la
division italienne du général Pino, il eut ordre de se porter sur
Vich. Les baudes qui venaient d'être dispersées sur tous les
points étalent déjà revenues sur leurs pas aveo une incroyable
célérité, dans le dessein d'arrêter la division française dans les
défilés qui séparent Olot de Yicb. Le 43" régiment de ligne les
débusqua de la crête des montagnes ayec son élan accoutumé.
Dans cette occurrence, aucun habitant de Vtch n*avait quitté sa
demeure, et les Français se félicitèrent de cette marqife de con-
fiance qu*ils avaient méritée par leur discipline. A rapproche
de la division Souham, la ville fut évacuée par les troupes es-'
pagnoles qui y étaient stationnées depuis quelque temps; elles
se retirèrent sur le col de Sespina. Le colonel Delort, comman-
dant Tavant-garde française, atteignit au delà deTonaila queue
de la colonne ennemie, enleva les bagages et l'ambulance, et
fit une cinquantaine de prisonniers. Le r*^ régiment et un ba**
taiilon du 3* léger, encouragés par ce succès, gravirent au pas
de charge les hauteurs de Sespina. En avançant ils trouvèrent
les troupes espagnoles rangées en bataille sur les montagnes;,
en avant de Moya, dans Tordre le plus imposant et dans des
positions formidables. Le nouveau général en chef O'Donnell
était à leur tète ; s*apercevant qu'il n'avait affaire qu'à quelques
bataillons, il laissa une partie de ses forces en réserve et fondit
avec le reste sur les Français. GeuX'^i, déconcertés d'abord par
une attaque aussi brusque, se battirent toutefois avec résolutioD ;
mais, accablés par le nombre. Ils furent oontrainta de céder le
plateau et de descendre précipitamment du col de Sespina.
O'Donnell, pour exciter l'ardeur de ses soldats , combattait à
leur tète comme un simple grenadier, et fit lui-même prison-
niers 3 officiers du 3* régiment dMnfanterie légère, qu'H traita
avec toutes sortes d^égards et de bienveillance^ Le généval Sou-
ham réunit le mr toute sa division à Centellas, et marcha le
lendemain au point du jour pour attaquer l'ennemi. Il avait fait
d'excellentes dispositions pour s'assurer de la victoire ^ mais
440 LIVHB MPTlàUB» .
taia O'Donnell ne jogea pas à ^ragas de reoey4»r le combat. SoQhàm
le suivit jusqu'à Moya et revint eiunûte à Vicbu
Le général espagnol, aussi actif qu'entreprenant» épiait toutes
les oecasiims de prendre ses adversaires en défaut ; un déta-
chement de la garnison de Barcelone ne tarda pas à lui en four-
nir une signalée. Cedétachement^ aux ordres du colonel Guéry,
fort de trois bataillons et de 350 cuirassiers ' , avait eu Tordre
de venir au-devant de l'armée du maréchal Âugereau, alors en
marche pour se rapprocher de Barcelone. Son départ de cette
place aurait dû être combiné de manière à ce qu'il opérât sa
jonction avec Tannée le jour même, ou au plus tard le lende-
main de sa sortie; il devait surtout se garder avec une extrême
vigilance; mais il parait que le colonel Guéry ne prit aucune
précaution, et Tenneml ne profita que trop de la dissémination
des troupes, de la sécurité et de la négligence de leur chef. Les
Espagnols cernèrent pendant la nuit le bataillon du 112" posté
dans Santa-Perpétua, et fondirent sur lui au point do jour avec
une grande vigueur. Ce bataillon, conduit par le commandant
Wauthier, fit une belle défense; mais, écrasé par des forces bien
supérieures, il fut pris ou détruit en totalité. Le marquis de Gam-
poverde, qu'O'Donnell avait chargé de cette expédition, courut
avec une extrême célérité sur Mollet, distant de Santa-Perpétua
d*une forte lieue, enleva rapidement, avec des soldats enthou-
siasmés par un premier succès, les deux pièces de campagne qui
défendaient Tapproche de ce village, enfonça et mit en déroute
rinftmterie et les cuirassiers. Le chef de bataillon Mioque *^
officier d'une grande distinction, en rallia les débris, les reforma
avec une présence d'esprit admirable, repassa la rivière de Bezos
sous une grêle de balles, et réussit, malgré la poursuite d'un
ennemi acharné, à rentrer dans Barcelone. Le colonel Guéry,
qui avait eu son cheval tué sous lui, tomba au pouvoir de Ten-
àemi, malheureux de survivre à un désastre qu'on pouvait at-
* Ufi appartenaient a un régiment pro?iKoire qui faisait partie du corps
d'armée avec lequel le général Duliesme était entré en Catalogne en
1S08.
' Ce brave officier, destiné à un avancement rapide et mériCé, fat tué au
siège de Tarragone Tannée suivante; il emporta au tcAnbeau Testime de
tonte l*amiée.
GUSBU D*B8PAeN1S. 441
tribner à un défaot de vigilance et à de mauvaises dispositioDSJ mn.
Il ne restait plus an marquis de Gampoverde, pour compléter '^'p*^'^
sa Yictoire , que d'attaquer on dernier bataillon posté à Gra-
DoUers; mais cette troupe, qd, heureusement, était pourvue de
vivres» s*était retranchée dans un couvent très-avantagensemeat
situé ^hors de la vflle. Le commandant répondit par des coups
de fusil à la proposition qu'on lui ilt de se rendre Les troupes
qui tinrent ce bataillon bloqué pendant trois jours se retirèrent
à rapproche de Tarmée française.
I^e spectacle qui attendait celle-ci à son passage à Mollet jeta
les soldats et les officiers dans la plus profonde consternation.
Les environs de ce village, les rues, les maisons étaient encom-
brés de cadavres ; tout attestait que des hommes désarmés avaient
inutilement imploré la générosité des vainqueurs. Le soldat es<-
pagnol est sobre, patient à supporter les fatigues et les privations,
susceptible d'un grand élan lorsqu'il est conduit par des chefs
qui ont mérité sa confiance ; il possède presque toutes les qua-
lités qui constituent le guerrier ; mais, orgueilieux et fanfaron à
l'excès, même dans les revers les plus humiliants, rarement gé-
néreux , et dans la victoire presque toujours cruel jusqu'à la
férocité. Le petit nombre de Français échappés à cette bou-
cherie fût promené en grande pompe dans une partie de la Ca-
talogne, précédé des deux canons pris à Mollet. Ces canons
étaient couverts d'inscriptions et décorés de guirlandes de lau-
riers et de fleurs. Une populace en délire, accueillant les vain-
queurs par toutes les démonstrations possibles d'allégresse et
de reconnaissance, accablait d'outrages les malheureux prison-
niers. Cette espèce de fête triomphale avait pour but d'exalter
de nouveau les esprits et d'effacer entièrement l'impression
produite par la prise de Gîronne.
Cependant le maréchal Augereau , précédé par de glorieux
souvenirs, revêtu de toutes ses décorations, parmi lesquelles
on distinguait le grand-cordon de l'ordre royal espagnol de
Charles III , entra en grand appareil militaire dans Barcelone
avec le titre de gouverneur de la Catalogne, et vint prendre son
quartier dans ce magnifique palais de gouvernement, où, trente
ans auparavant, il avait monté la garde comme simple garde
wallone; offrant ainsi dans sa personne un nouvel exemple
44t V^BE SVPTiàltB*
i8fo. des Jeax bisarres et des extrêmes vicissitudjes de la forliiQe '.
£*i>«8m> On dénonça an maréchal des abos criants et des Texations o^Uen-
ses ; il e& fttt révolté , et H renvoya en France le général Du*
hesme, à qui il reprocha de ne les avoir pas réprimés. Cet acte
de sévérité» en faisant concevoir une opinion fiavorable da carac-
tère da chef de Tarmée de Catalogne, apaisa tout d'on coup bien
des haines et des ressentiments. Dans un homme revêtu de hau-
tes dignités et dépositaire d'un grand pouvoir^ l'équité est le
moyen, peut-être unique, de se concilier les esprits et de foire
respecter l'autorité.
L'armée française ne pouvait pas rester longtemps stationnée
autour de Barcelone, dont elle consommait les ressources d'au-
tant plus précieuses que, le pays étant entièrement ravagé, il
fallait désormais les tirer à grands Irais des magasins de France,
et que la réunion de toutes les forces était nécessaire pour escor-
ter les convois. Le maréchal retourna donc bientôt à Gironne|»
laissant la division italienne sur les hauteurs de Masanet pour
bloquer le fort d'Hostalrich, qui ne pouvait être pris que par
famine ; la division Souham fut renvoyée à Vich. Cette division»
munie seulement de trois pièces de campagne, exécuta son mou-
vement par les défllés de la Garriga presque sans être inquiétée.
Le colonel Delort avait fait occuper pendant la nuit les crêtes
des montagnes par des bataillons de son avant-garde, qui, bien
disposés et se prêtant un appui mutuel , ne permirent pas aux
mlquelets d'approcher du défilé.
La position du général Souham à Vich ne tarda pas à lui causer
de vives inquiétudes. Nous avons déjà dit que cette ville est si-
tuéedansun vallon peu étendu et entouré de toutes parts par de&
montagnes presque inaccessibles. Le défilé de la Garriga est le
seul qui soit praticable pour les voitures, et encore présente-t-il
à l'artillerie de grandes difQcultés ; ailleurs, tous les transports
ne peuvent avoir lieu que par mulets. Déjà les mlquelets, qui
occupaient toutes les montagnes environnantes, tenaient, pour
' L'installation d'Angereaii dans le palais dn gouverneoient à Baroelone-
B*était pas, au reste, une chose plus extraordinaire que Toccupalion dife
trône des Espagnes par Joseph Bonaparte. Le maréchal avait conquis ses
titres sur le champ de bataille; le roi Joseph ne devait les siens qm'à Tan-
bitieow générosité de son îHustre frère.
GOKHBl d'SSPAQBII. 4IS
ainsi dire , les Français en état de blocas dans leon cantoMae «mt.
ments. Le général 0^i>onne11, introdaisant dans ses troapes la
méthode de Napoléon , prenait une marche tout opposée à celle
de ses prédécesseurs ; récompensait iui-m6me sur le champ do
bataille les actions d*éclat, soit par des grades « soit par des
louanges, qui, données à propos, électrisent toii^rs le soldat ;
ne comptait pour rien dansTavaneement ni la naissance, ni le»
titres, ni les recommandations, mais sealemeat les talents,la va-
leur et les services personnels, et jouissait dès lors au plus haut
degré de la confiance des Espagnols par ses deux expéditions de
GIronne et de Mollet. 0*Donnell avait réuni à Moya toutes les
forces dont II pouvait disposer.
Le général Souham Informait Journellement le maréchal
Augereau de sa position critique , et lui demandait avec ins*
tance des renforts ; mais on faisait peu de cas de ses avis pres-
sants.
Dès les premiers jours de février, l'ennemi avait été repoussé
deux fois du village de Malla, occupé par un bataillon du 93*.
Celui-ci, par sa bonne contenance , avait donné le temps de le
secourir. Dans cette occasion , un détachement du 24* de dra-
gons chargea avec vigueur deux escadrons ennemis , qui furent
mis en déroute avec perte d'une trentaine d'hommes et de che*
vaux ; le capitaine de dragons Valeutin fut tué. Vers le même
temps, le colonel Delort, avec un bataillon du 3* léger, battit
un corps nombreux de miquelets qui était venu attaquer le viU
lage de Garp. Ces actions furent le préludeil'un combat remar-
quable, où la division Souham, à peine forte de trois mille dnq
cents baïonnettes, eut la gloire de vaincre une armée de 1 5,000
hommes.
Le 20 février, à sept heures du matin. Tannée que le gàaéral
O'Donuell avait réunie à Moya déboucha dans la plaine de Ylch
sur trois colonnes. La première , composée en partie de cava-
lerie, avait marché par Tona, et elle se déploya en avant de ee
village ; la deuxième, descendue par le coi de Sespina, se forma
en ordre de bataille à la gauche de la première ; la troisième»
qui avait pénétré par Salforas, occupa les montagnes qui domi*
nent la plaine de Yich à Touest.
Lorsque te général Souham fut à peu près certain des mou*
441 Li¥BB sBPnàai.
isio. vements de FeDiieiiiî , H rém^ dans la piaille^ ImmédialenMBt
an-dessoQB de Vich , toutes aeft troupes disponibles : le 43* ré*
giment au centre ; le l^ régiiaent d'iniknterle légère à dr^te,
le 03** af^yant le 1^ léger; le 24^ de dragons, le 8* régiment
provisoire de chassears et le régiment italien des dragons Na-
poléon , soutenant les trois pièces d'artillerie et le» ailes de la
division.
L^attaque de rennemi commença sur le village de Oarp avee
nne telle vivadté qu*il semblait que ce devait être le point prfn-
dpal où il avait intention de faire effbrt ; mais le général Sou-
ham ne prit pas le change. Le bataillon da S* léger qui gardait
Garp se replia en bon ordre sur Vich sans être entamé et sans
perdre un seul homme.
Une fasillade très- vive s'engagea incontinent sur tout le front
de la ligne. L'ennemi , qui opposait aux Français l'élite de ses
troupes , et notamment les deux régiments suisses dont noua
avons déjà eu l'occasion de parïer^ attaqua avec beaucoup d'au-
dace, en même temps qu'il faisait iUer sur sa droite toute sa
cavalerie pour déborder le flanc gauche de ses adversaires» Le
général Souham fit alors charger le 34* régiment de dragons,
appuyé sur son flanc gauche par la compagnie d'élite du régi-
ment italien , dragons Napoléon. Cette charge, conduite par le
brave colonel Delort, culbuta la cavalerie espagnole et la mit
dans le plus grand désordre. Un grand nombre de cavaliers en-
nemis furent tués; le reste, en se repliant, souffrit beaucoup
par le feu delà mousqueterie et par la mitraille que l'artillerie
dirigeait sur elle.
Le général Q'Donnell disposa alors de toutes les forces qu'il
avait en réserve, et chercha à pénétrer par le centre de la ligne
française, qu'il réattaqua avec furie. Le 43* régiment, commandé
par le colonel Bspert-Latour, q^i eut ses habits criblés de balles,
et les bataillons du 98* régiment soutinrent pendant trois heu-
res le feu le plus vif et le plus meurtrier, sans que l'ennemi pûl
leur faire perîdre un pouce de terrain.
Las de fiiire des efforts inutiles pour enfoncer le centre^
O'Donnell voulut par une manœuvre hardie déborder à la foi&
les Français par leur flanc droit et leur flanc gauche ; mais, cette
seconde tentatiive ne lui réussit pas mieux. Le l*<^ régiment d'in-
GirilVB D*19VAGffB. 444
fantarie légère, commandé par le eolonel Boargeols, arrêta Ten- «mo.
nemi sur la droite par tous les points où il voolat pénétrer. ■"P^^ne.
Dans cette droonstanee le général Sonham reçut un coup de
feu à la tempe gauche, et se fit momentanément remplacer par
le général de brigade Augereau» frère du marédial.
Pendant que les troupes placées au centre et à la droite de
la ligne française arrêtaient Tennemi étonné d'une résistance
qui déconcertait tous ses calculs et qui rendait inutile le dé-
ploiement de toutes ses forces, le général O'Donnell faisait filer
de nouveau par sa droite une colonne d'infanterie soutenue de
toute sa cavalerie, qu'il avait ralliée; mais une seconde charge
exécutée à propos par le 24® de dragons, le 3^ provisoire de
chasseurs et un escadron des dragons Napoléon, coupa entière-
ment cette colonne, composée de deux bataillons suisses. 1 ,000
hommes mirent bas les armes, et deux drapeaux furent enlevés.
Cette charge vigoureuse fut poursuivie jusqu'à Tona, et plus de
300 chevaux espagnols furent pris. Les dragons et les chasseurs
français abimèreot la cavalerie. Un colonel , beaucoup d'offi-
ciers et un grand nombre de soldats restèrent sur le champ de
bataille, tués à coup de sabre \ Tous les équipages, composés
de plus de cent mulets, furent enlevés.
La déroute des Espagnols ne pouvait être plus complète ; la
terre était jonchée de morts, de blessés , d'armes et de débris;
2,400 prisonniers restaient entre les mains des vainqueurs. Le
reste de l'armée d'O'Donnell chercha son salut dans les mon-
tagnes.
Dans le même temps que le général Souham se tirait avec
autant de gloire que de bonheur d'une position difficile , la di-
vision italienne, formant le blocus d'Hostalrich, dispersait les
bandes de miquelets aocoiurues de divers points au secours de
cette forteresse; le général Guillot et le colonel Guêtre repous-
saient une colonne ennemie qui s'était portée su&Besalu , et le
général Verdier chassait avec l ,600 hommes les insurgé» léunis
sur les bords de la mer, ainsi que la Junte provinciale qui s'é*
' Ce qui irriU an dernier point les dragons et les chasseurs français , c^est
que bon nombre de cavaliers espagnols étaient couverts de cuirasses prises
an 3* régiment provisoire de cuirassiers, si impitoyablement massacré à
Mollet
Eipagne
446 LI¥JIS SXPXlàllS.
mo. tait noavelleinfliit inatallée à Areiiift4e-ltfar^ pour actWer Tia-
«urrection géaérale des pays environnants.
Cas attaquas» faites simultanément sur tous les points alors
eoeupés par les troupes françaises en Catalogne, peuvent don-
per une idée et de la persévérante opiniâtreté des habitants
et du caractère ainsi que de la vigueur du nouveau chef de
l'armée espagnole. £Ues doivent faire concevoir aussi une haute
opinion de la bravoure et de la constance des soldats et officiers
que tant d'obstacles et de dangers n'ont jamais pu rebuter, et
qui partout faisaient échouer les entreprises de Tennemi.
Le maréchal duc de Castiglione, après les succès dont nous
venons de rendre compte, tranquille sur la haute Catalogne^
crut l'instant favorable pour se porter av^ la majeure partie
de ses forces au delà de Barcelone. Des ordres supérieurs lai
prescrivaient d'ailleurs ce mouvement, dans le but d*appuyer
le corps du général Suchet, qui se préparait à cette époque à
faire le siège de Lérida. Le maréchal se mit en marche avec son
armée dans le commencement du mois de mars» laissant à peu
près 8,000 hommes devant Hostalrich , pour en continuer le
blocus. La division Souham, commandée par le général Au-
gereau depuis que la blessure du premier l'avait forcé de rentrer
en France, fut dirigée par le col de Sespina et par Maorésa ; la
division italienne, alors commandée par le général Severoli,
marcha par San-Céioni et GranoUers. Ces deux divisions, par
suite de leurs mouvements bien combinés, arrivèrent le même
Jour sur le Llobregat , à Poente del Rey.
Les Italiens ne rencontrèrent aucun obstacle ; mais la division
française trouva les Espagnols, au nombre de 2,000 hommes à
peu près, au col de Sespina ; l'avant-garde , aux ordres du co-
lonel Belort, les en débusqua au milieu de la nuit.
Toute la population de Manrésa, ville de 6,000 Ames, indus-
trieuse et coinmerçante, se sauva précipitamment à rapproche
des Français ; le camp établi sur le col d'Ordal se retira égale-
ment sur Tarragone sans tirer un coup de fusil.
Les deux divisons réunies arrivèrent à Vilhtfranca ; l'arrière-
garde ennemie , forte de 600 hommes , cavaliers et Amtassins,
fut atteinte au delà de cette ville, chargée et mise en déroute
par une seule compagnie du 24^ de dragons, commandée par
GtJBBM D-MPA6HB. 447
le eapitane Croejean. Gelte eharge fut poarsmifie à fimd Jus- ufo.
qu'à Xorre-d'EiBarrft, et mit au pooveir des Fnskfiçais une een-
laine de prisonniefs et 80 ebevaox. Le maréchal Aii($ereao flt
oecuper Villafraofia par lia badatlloa et on détadiemont de ea<
Valérie.
Cette garnison était destinée à assurer la communication avec
les denx divisions qui allaient cantonner à Reus, derrière Tarnn
gone, et avec le morécbai, qui Jugea convenable de rester de
sa personne dans Bsaroelone comme point central de ses opéra-
tions. Ce détachement était évidemment exposé à une perte in-
faillible. On fit, à cet égard , des représentations au maréchal ;
non-seulement il persista dans i exécution de ses ordres, mais
Il fit encore Irës^mprademment isommer la junte de Tarragone
de lui livrer la place, par une lettre datée de ce même poste de
Villafrauca, où il était censé avoir établi son quartier général.
Cette £Biute ne resta pas longtemps impunie; à peine les di-
visions française et italienne ét(dent-elles établies à Reus qu'une
forte colonne de troupes d*élite, partie de Tarragone avec quel-
ques pièces de cmon, vint attaquer la garnison de Villafranca,
qui s'était retrandiée dans une caserne isolée, et la força de se
rendre à discrétion. Ce bataillon enlevé, les Espagnols se por-
tèrent rapidment sur la brigade du général Schwartz, tout
aussi inconsidérément laissée à Manrésa, la battirent, la mirent
en pleine déroute, et la poursuivirent la baïonnette aux reins
jusque sous les redoutes de Puente del Rey. Un parlementaire
était alors immédiatement envoyé de Reus à Tarragone pour
rechange de quelques prisonniers. Fort heureusement le géné-
ral SeveroU et le général Augereau avaient différé l'envoi de la
sommation du marédial ; les prisonniers faits à Yillafranca et à
Manrésa entrèrent en même temps que le parlementaire dans
Tarragone, aux acclamations d'une populace en délire. Des cris
de mort se firent entendre, et le détachement qui escortait l'of-
ficier français parlementaire chez legouvemenr de la place eut
beaucoup de peine à le tirer des mains des fiirieux, qui Tau-
raient inévitablement massacré sll eût été poneur d'un mes-
sage attestant la plus offensimte comme la plus méprisable
jonglerie.
Les deux échecs que venait d'éprouver le corps d'armée met-
448 LITBB tmttet.
isio^ taiintleiiufédiddaiislasitiiatiimlairfiiMi^
critkjpie; fl ne pouYidt 1^ traaniiettro #èt^
ttattomiéeB àBeos, et cependant ees ditWeneeongtitiialeatla
majeure partie de ses forces. Les partis qaf sortaient à Toloaté
de Tarragone, par où passe la grande rente de Barcelone à Va*
lenee , interceptaient fadlement les coninMinieations sor tous
les points.
D*un antre c6té, les généraux SeveroM et Angerean, qui
avaient leurs instmctloiis séparées , et qui n'étaient point su-
bordonnés l'un à l'autre, quoique le second ne lût que géoéral
de brigade, n'osaient, ne voulaient rien prendre sur eux, et
attendaient sans cesse des ordres pour efléetuer mi départ que
le manque de vivres rendait urgent ; ils étalent obligés de tenir
en masse toutes leurs forces , à peine suffisantes contre une ar-
mée qui occupait un camp retranché sous les murs d'une place
redoutable, dont la garnison manifestait un vif enthousiasme,
et demandait à marcher contre les postes firançais. L'arrivée
d'un courrier, hasardé par mer et échappé par miracle aux
nombreuses croisières de la côte, vint enta, en aj^portant des
ordres, tirer les deux généraux italien et fmnçais de leur posi-
tion difficile.
Dès le soir même, vers huit heures, les deux divisions se mi*
rent en marche pour échapper à la vigilance de rennemi;mais
les ordres de ce mouvement rétrograde avalent été mal donnés
et furent encore plus mal exécutés. La colonne/ retardée par
les bagages et les voitures qui encombraient le chemin et par
la confusion qui régnait dans la mardie, dâiK>uehait à peine de
Beus au point du Jour. Ce désordre fut aperçu du camp de Tar-
ragone, et l'ennemi se mit en devoir d'en pn^ter. Toutefois,
le colonel Delort, commandant rarrière-garde, composée du
34® de drivons et des compagnies d'élite du l^ léger et du 7*
de ligne , laissa filer les équipages et les troupes , marcha par
échelons derrière cette grande colonne et observa nn tel ordre
dans sa retraite qu'il réussit non-senlemeot À couvrir les deux
divisions, mais encore à sauver tous les tralneurs et les marau-
deurs, qui étaient en grand nombre.
Cependant l'impétueux O'Donnell brûlait d'impatience deti*
rer parti d'une telle occasion. Il se mit lui-même à la poursuite
des Fraa^, et délacha te eokmel Ony, l'im de ses meilteun ^ uio.
officie», pour ve^v iasalter les deux divisions dans le camp
qn^elies comoMaDiçeient à établir à Yillafranca pour y passer la
nuit Les chasseurs eapngnois tombaient déjà de tous côtés sur
les fourrageurs et teshommes isolés^ et répondaient l'épouvante
dans les bivouacs, lorsque le colonel Delort, réunissant les vol-
tigeurs et les carabiniers du 1*' régiment léger> avec 100 che-
vaux du 24* de dragons » tomba à son tour sur les assaillants ,
sans leur donner le temps de se reconnaître. Cette charge fut
couronnéed*un promptsuocès. Le colonel Orry, percé d*un coup
de pointe, et le capitaine commandant son infanterie furent
pris avec 10 officiers , lOO chevaux et 160 hommes, fantassins
et cavaliers, restèrent également au pouvoir des vainqueurs.
Les fuyards furent poursuivis pendant deux heures, Jusque sous
les murs de la petite ville d'Arbos, où le général 0*Donnell avait
pris position , et d*où il fut témoin de Tentière déroute de son
avant-garde, qu'il n'osa pas secourir. Ce brillant succès eut pour
résultat de venger les deux échecs que nous avons rapportés
plus haut, et de pouvoir continuer la retraite sur Barcelone sans
être harcelé par un ennemi audacieux , et qui avait besoin de
cette leçon pour être arrêté dans ses entreprises.
Immédiatement après l'arrivée des deux divisions, le ma-
réchal duc de GastigUone rentra dans Gironne , et disposa ses
troupes de manière à assurer les communications avec la France
et à empêcher le général ennemi de rien entreprendre pour la
levée du blocus d'Hostalrich, dont il était si important pour les
Français d'être en possession, attendu qu'il n'était plus possi-
ble d'approvisionner la capitale de la Catalogne autrement que
par des vivres et des munitions tirés des magasins de France.
Le fort d'Hostalrich, garni de quarante- deux pièces de bronze
de gros calibre, était dans le meilleur état de défense ; entouré
de tous les côtés par des montagnes trës-élevées et. du plus dif-
flcile accès, il est situé*sur un rocher à pic qui les domine toutes ;
il ne pouvait donc être réduit que par famine. La nature du
terrain, qui exige un grand développement, rend le blocus
même presque impossible. Un grand nombre de miquelets, sou-^
tenus par quelques troupes régulières , tentèrent» dans la nuit
du a au 3 mat , d'introduire dans la place deux convois qu'ils avaient
460 tVtÈM SEPTISHE.
f sto. mssembMs dam les plein» de Yfeh et de Matam. Cette entre-
'^•P'^*' prise échotia par les bonnes dispositions dn général SeveroU,
^ni commfflidaît le Mocns, et par la bravonre des Italiens ; elle
coûta aax insurgés & à eon blessés on tnés '.
La garnison d'Hostalrich , ayant consommé tons ses fiTres
et n'espérant pfns être seconrae , voahtt profiter, dans la nirit
da 12 mar, d'an broofllard très-épais ponr tenter de s'é-
chapper; nne sentinelle italienne ftit égorgée, mais mie autre,
phis vigilante, ayant donné^ réveil, les brigades employées au
bloctts eonrorenl anx armes, et poursuivirent avec mie telte cé-
lérité l'ennemi , qui avait déjà dépassé les avant-postes , que la
moitié seulement de la garnison réussit à s'évader. On' prit le
gouverneur, son état-major, lo officiers, 300 hommes et un
drapeau.
Au moment où Hostalrich ouvrait ses portes , le marédial
duc de Castigifone donnait des ordres pour l'attaque des peUtes
Iles et du fbrt de las Médas , Situés au sud de l'une des pointes du
golfe deRosas et près des embouchures du Ter. La possession
de ces lies était nécessaire pour assurer le cabotage le long de la
c6te et pour Mer aux Anglais un mouillage important. Le gé-
néral napolitain prince Pignatd9i fit toutes les dispositions
nécessaires pour s*en emparer. Le général d'artillerie Nourrit»
le chef de bataillon du génie Toumadre avaient déjà commencé
les attaqua , lorsque deux officiers du i^ régiment d^infan-
terie légère napolitain, Giugliotti et deLuva, par un de ces
coups de main audacieux qui réussissent quelquefois , passèrent,
avecsept chasseurs, dans Uile où est bâti te fort, et contraignirent
le commandant à se rendre. D'après toutes les mesures prises, il
était sans doute dans Timpossibilité d'opposer une longue ré-
sistance ; mais on n'en doit pas moins d'éloges aux deux officiers
■ Les deux «Sonvois , que les Espagnols eurent .soin de ne pas aventurer
avant d'être tout à fait maîtres des positions par où ils deraient fîler, ne
tombèrent pas entre les mains des n<aaçak. Nova fapp«rl«n8. cette dr<9Mis«
tuée parce (pi^éto M oenoaltre qm les mîfaelets, eondwit» par des «^
licien exférimeiiiés, mettaient dans leurs opéralÎQiis plus de méUiode,. de
prudence et d'art qu'on ne le supposait ordinairement, et en cela ils rem-
portaient souvent sur leurs adversaires, trop négligents eu trop peu circon-
spects.
GURgftK D'£SVikGNE. 46 1
doQl le dévosemeptépai^na la. perte de <pieliiae» brave». m^
La prise d'Hostalcich et roccapatiôa des tle& de b» Médag. ^"^^^
foreat les deraières opérations qui eurent lieu en Catalogue soas
lecommandemeot du maréchal Augereau; son suooesseur était
déjà Bosimé. Le gouvernement français lui faisait on crime, et
des revers partiels quMl avait essii^és, et d*avoir compromis,
en effectuant sa retraite de Beus , les opérations du siège de
Lérida. Ikst facile de le disculper du dernier reproche. D'abord^
les deux divisions campées à Reos ne pouvaient plus, faute de
vivres, y &ireun plus long ^jour. En second lieu , pour ne pas
laisser au générai O'DonneU l'entrée desdéfilésdeNUm&lanchaet
par suite la faculté de se porter^ avee de rartUlerie, au secours
de Lérida, le m^échal compromettait évidemmeiU le blocus
d'Hostalrich, que les Espagnols épiaient Toccasionde faire lever,
comme Tan des moyens les plus essentiels d'entraver les opé-
rations de l'armée, d'affamer Barcelone, et de retarder indéfini*
ment l'entière conquête de la Catalogne. Enfin » soit que le ma-*
réchal restât campé à Reos^ soit qu Ul mit (ce qai était pire)
^tre lui et lea Espagnols les défilés de MontUanoh » il livrait,
en quelque sortCi à la merci de l'ennemi toute la haute Cata-
logne^ où les insurgés, n'étant plus contenus, pouvaient à
leur gré se répandre de toutes parts et faire encore dea in-
cursions jusque sur les frontières de France, Or, de si graves
inconvénients ne peuvent être mis en balance avec l'avantage
d'avoir opéré une diversion en faveur de l'armée qui assiégeait
Lérida » diversion devenue impossible à cause du manque ab-
solu de vivres, il faut le répéter, parce que c'est la plus pé-
remptoire des misons qui justifient le ducIdeCastiglione.L'exr
périence a prouvé, d'ailleurs, que cette diversion n'était rien
moins que néoeasalre au S"* corps. Placées dans des plainn
fertiles , où elles trouvaient abondamment des vivres, et où nul
accident de terrain ne gênait leurs manœuvres, les troupes du
général Suchet, aussi dévouées qu'habilement dirigées, ne tar-
dèrent pas à arrêter de la manière la plus brillante , ainsi
qu'on l'a va plus haut, le général Q'Dianndi, qui^ avec le» dé*
bris de Fermée vaincue à Yich par k division Souha», avait
osé concevoir l'espérance de fhire lever le siège de Lérida.
Ce qu'on peut raisonnablement reprocher au maréchal ducda
».
452 LIVBB SEPTikMB.
4ffio. Gastigifone, c*est d'avoir, au mépris des plos iDStaotes et des
Espagne. ^^^ plaasîbics représentations, persisté à laisser à Yillafranca et
à Manrésa des détachements qui devaient bientôt être victimes
de cette inconcevable imprudence ; c'est d'être demeuré presque
toujours séparé, et à de trop grandes distances, des divisions
qui formaient !a principale force de son armée , et de les avoir
placées dans les situations ies plus extraordinaires et les plus
périlleuses. Mais cet éloignement du maréchal tenait au pi-
toyableétat de sa santé; qui le forçait d'être immobile dans
son quartier général de Gironne ou de Barcelone'.
Le maréchal duc de Tarente vint remplacer le duc de Casti-
gllone dans hes derniers Jours du mois de mai. Il avait reçu
tout récemment le prix de ses anciens services et de sa brillante
coopération à la mémorable journée de Wagram. Le comman-
dement de la Catalogne, et la direction d'opérations militaires où
deux généraux renommés n^avaient point répondu à l'attente de
Napoléon, étaient pour Macdonald une preuve de confiance aussi
flatteuse que les récompenses éclatantes qui lui avaient été dé-
-cernées. Toutefois, on le verra bientôt arrêté, comme ses pré-
décesseurs, par des obstacles insurmontables , dans la soumis-
sion d^une Vaste province, hérissée, comme nous l'avons déjà
fait observer, de montagnes, de défilés, de postes fortifiés, et
où toute la population armée disputait avec tant d'opiniâtreté
jusqu'aux moindres passages.
Après la prise de Gironne, le maréchal Augereau avait cru
qu'une grande sévérité était indispensable à la soumission de la
Catalogne; aussi tous les paysans pris les armes à la main
étaient pendus sans miséricorde à de vastes potences dressées
sur la grande route de Gironne à Figuières. Le dUc de Tarente,
adoptant, dès son arrivée, un plan de conduite entièrement
contraire, voulut substituer la douceur à une cruelle, mais
■ L'article ofliciel du Moniteur relatif au remplacement du maréchal
AogereM est oonça en ces termes : « Le duc de CastigUone mande qull a '
été obligé de venir sur Baroelotte, laissant le général Lacombe Saint-Midiel
Uàn le siéfB d^flostalrich , mouvement qui pouvait compromettre la divi-
sion du corps du général Sucliet, gui assiège L^da. L'empereur a envoya
le duc de Tarente pour remplacer le doc de CastigUone, à cause de VéUt
de sa santé. »
Eipasnt*
GTTBBRB D*BSPAG1fB« 45^
justesévérité. Il chercha à se concilier l*esprit des habitants par uftK
des proclamations qui toutes respiraient des intentions loyales
et pacifiques. Il créa^ comme principal moyen de rétablir
Tordre et la discipline, des magasins de subsistances pour as-
surer aux troupes des distributions exactes et régulières , et iF
fit de grands efforts pour réprimer tous, les abus. Mais ni la
sévérité, ni le langage de la persuasion, soutenus d'une con-
duite pleine d*ëquité-et de modération, ne pouvaient rien sur
des esprits ardents, exaltés, indociles, impatients non-seulement
de tonte domination étrangère , mais toujours enclins à la
sédition et à la révolte sous le gouvernement même de leur
prince légitime '. Dès la première expédition entreprise par le
duc de Tarente, les Catalans ne répondirent que par des coups
de fusil à ses exhortations bienveillantes et amicales. Cette ex-
pédition, qui avait pour but d'introduire dans Barcelone un
grand convoi d'approvisionnements, réussit, le 13 juin, quoique
les bandes de miquelets couvrissent toutes les montagnes qnJ
bordent les défilés quMI fallait traverser, et bien que ces bandes
fussent appuyées d'un corps considérable de troupes régulières
avantageusement posté.
Barcelone ainsi approvisionné pour quelques mois , le due
de Tarente fhmchlt les cols d*Ordal et de Santa-Cristina ,
campa, pendant quelques jours à Reus, d*où la disette de vivres
le força bientôt de s'éloigner, et vint, en traversant les défilés
de Montblanch^ se réunir, dans Lérida, au général Suchet. fee
3* corps était en partie cantonné autour de cette place, qu'il
avait conquise tout récemment, ainsi que nous Pavons rapporté,
et il se préparait au siège de Tortose, que deux de ses divisions
investissaient déjà.
' liM lois d'JËspague s^ètaioit souvent vus. f^^irci^i.Di^yie en temps de
paix, de n'user de leur autorité envers les Catalans ou'avee beaucoup de
CHAPITRE IIL
SUITE m VAmÉZ ISIO.
ïreialèine eipédttioti des français en Portugal. Formatioii dVine noordl»
armée d^inirvéoA sous l»«rdi«s do maiiéclMlMMséiia. *• Siège de <%i^
Redfigo. — CenJHOs de kaCenceplioB»d'Al«(iéida. -^ Siège de oeUe der-
nière place. ^ LVroée fraiifaise pénètre en Portugal. — Bataille de Bu-
saco. ^ L*arroée angloifortugaise se retire dans ses lignes en avant de
Lisbonne — Les deux armées s'observent rédpnxioement ; retraite des
Français sar Santarem; passage du Zéiére; reconnaiMnee sur Abran-
lès, «te -^ Le neuf ièmt ooepa vieia jeiadre l'éménAmifatee en FMn&al.
mio. Le» Français^ mattres de TAnâalMisie et vainquean sar
Eortugai i^esqae tous te autres points où se trouvaient leurs troupes^
cfoyaleiit, avec c|ael(|ae raison , api^rocber du terme de leurs tra-^
vaux. Cette oinnîoa prit une nouvelle force lorsqu'ils apprirent
. que Tempereur, par décret du 1 7 avril {quinae jours après son
mariage avec l'afehidoGbesse Marie-Lpuise}^ venait d'ordonner
le rassemMement d^ne armée de 60,ooo bommes dans les en-
virons de Salamanque , pour tenter une troisième fois la con-
quête du Portagal^dont les Aqglai^ levaient fait un vaste cam]^
retranebé.
Le maiéchal Masséna» prinoe ^Essliog) était appelé à com-
mnndev cette armée. L^empereur ne pouvait faire un meilleur
«hoix : le pr^ifie d'Essling avait oommandé de grandes armées
et acquis une juste réputation dans la guerre de montagnes^
Napoléon avait donc raison de compter sur Masséna pour sou-,
mettre cette contrée aride et montagneuse, n'offrant sur pres-
que tons les points que d'horribles défilés bordés de précipices^
et traversée par un petit nombre de routes mal entretenues et
à peine praticables pendjant T hiver. La frontière politique du
Portugal semble une longue et épaisse m.uraille qui ouvre à,
peine quelques brèches pour laisser passer des fleuves brisés et
torrentueux. D'ailleurs le pays est presque-sans agriculture et
9an3 lAdustrie, sans communications faciles pour lies traQjBports ;
G0KSIB BESPAOIIB. 445
les rhfères n'ont ni ponts ni bacs, sont avec aans Télé, et dans
rhi^er niTagent leurs bords ; des cantons sont entièrement dé- ^^^^i^m^
serts et ineultes. Une armée nombreuse ne saurait donc vivra
dans cette contrée sans occuper les côtes et sans ime flotte des-
tinée à loi amener ses sal»<Btances par mer. Tel était le pays
que Masséna devait conquérir, après les revers éprouvés par les
ducs d'AInrantès et de Dalmatie, qui avaient échoué devant les
Ibrees supérieures des Anglais et rinsurrection en masse des
Portugais. L'armée dlnvasioQ devait ôtro formée des 2^, 6° et
«* corps, et d'une forte division de eavaleHe sous les ordics du
général Montbrun. Le 3* corps, sous les ordres du général Rey-
nier, était campé sur la Guadiana, près dé la frontière de l'Alen-
tejo ; il eommuniquait par sa droite, à Afeantara, avec la gauche
du corps du maréchal Ney , menaçait Badajoz et inquiétait sans
cesse l'armée espagnole commandée par le générai La Romana.
Le duc d*Elchlngen se disposait à faire le«lége de Ciudad-Ro*
drfgo, À la tètedu 6* corps. Le 8*^, aux ordres du duc d'Abraniès,
se trouvait dans les environs de Yalladoiid , et ne tarda ff» à
se'4)orter sur Salamanque, afin d'observer Tarmée anglaise de
lord WeMhigton pendant le siège de Godad-Rodrigo. Un corps
de réserve de 12,000 hommes, sous la dénomination de 0* corps,
se rassemblait, en outre, à ValladoM, sous les ordres du géné-
ral Drouet, comte d^Erlon , pour renforcer et soutenir au be-
soin Tannée d'Invasion, en arrière de laquelle 30^000 itoranases
de la Jeune garde devaient garder le pays» tandis qu'une divi«-
skm aux oràeeB du général Seras appuierait sa droite vers Léon
et-Astorga.
Toutefc^ , le premier mouvement dn maréchal Masséna Ait
de refuser ce commandement en chef. Il oonaaiasait le oaraetère
difilcile et rhumeur Jalouse du duc d'Eichingen, ainsi que la
vaniteuse susceptibilité du duc d'Abrantès, qui ne venralt pas
sans envie un autre général réussir dans une expédition où lui-
même avait échoué. D'un autre oèté) il représentait son âge
avancé, sa santé affaiblie par de longues fatigues, et qui exi-
geait du repos. Il eut une entrevue avec l'empereur et se laissa
séduire par des promesses et de flatteuses paroles. « Qui pour-
• raî-je envoyer en Portugal, lui dit l'empereur, pour rétablir
c mes affaires compromises pardes maladrofts, sinon celui qui
496 Ll VRJÎ SBPTIÈMI.
mo. ^ ^^^ toujours réparées} Est*ce (jue vous n'êtes pas rhomme
^^*|"^8>^ « des cûrconstanees dllfidles, des eas désespérés? Et vous iriez
a rae faire défouit quand vous seul pouvez me tirer^d'endMurras !
c Puis^je en effetquitter Paris maintenant? Je vous envoie en
a Portugal à ma place, et vous me refuseriez sous de futiles et
« imaginaifes prétextes! » — Après avoir rassuré le marédial
sur les dUsposîtions de Ney et de Junot, qui ne pouvaient lui
désobéir impunément sans encourir sa disgrik», i^empereur
termina en lui disant : « Partez donc avec oonOanee ; tout ira
« mieux que vous ne pensez. Avec de la prudence et de la fer-
« meté les obstaeles que Vous redoutez s'aplaniront. Vous en
tf avez surmonté de bien plus grands '. »
On a dit qu'en venant de France pour reprendre le comman-
dement de son corps d'armée le maréchal Ney avait l'espoir
de diriger en chef l'expédition de Portugal; ce fut peut^tre
là le motif de la mésintelligence qui commença à régner entre
lui et le maréchal Masséna dès le début de la campagne, et qui
eut une si fâeheuse influence sur les événements. Quoi qu'il en
soit, on savait que le duc d'Elohingen ne pouvait servir que
sous les ordres immédiats de l'empereur ; on l'avait vu, l'année
précédente, refuser de rester sous les ordres du maréchal Soult ,
auquel l'empereur avait donné le commandement en chef des
2«, 5* et 6® corps. Ce fut donc une faute grave que d'avoir placé
deux chefs d'un grade égal à la tète de Tannée de Portugal ,
et d'avoir rompu ainsi l'unité de commandejnent. Ces deux il-
lustres gueiTiers furent constamment d'un avis oootraire , et le
maréchal Ney refusa presque toujours d'obéir aux ordres du
général en chef. Ce délaut de subordinatlOD, qui régnait dans
la plupart des armées françaises d'Espagne , excepté en Cata-
logne et en Aragon, eut plus tard de funestes conséquences : il
amena la confusion , et, par suite, de nombreux revers.
Le prince d'EssIing partit de Paris le 2d airril, arriva le 0
mal à Vittoria, le lO à Yailadolid , et se^rendlt quelque temps
après devant Cludad-^Rodrigo, dont les troupes du 6' corps for-^
maient le bloeus. Il y vit le duc d'Elchingen, qui l'accueillit froi-
dement, et eut lieu d*ètre peu satisfait de l'état des préparatifs
* Général KiodU^Mémoires de Masséna^ voU VU, |^. 17 et soit.
GUEABB D ESPAGNE. 4.S7
du siège. Tout ms^qquait à la fois^ les magasins, les moyens de itis:
transport, les munitions, uu parc suffisant. Un tel état de choses ''^'^'^^
Gonvainquit le pripce d'Essling de la nécessité d'ajourner le
siège, et il retourna à Salaroanque.
L*armée que commandait lord Wellington comptait 35,000
Anglais et â0,0Q0 Portugais; ceux-ci, organisés en régiments
depuis plus de 4eux ans, bien armés, bien équipés, ayant déjà
acquis quelque expérience de la guerre, et commandés par des
oflleiers anglais; venaient ensuite les milices , dont on distin-
guait deux espèces : la première, régulièrement organisée en
bataillons, avec des officiers nationaux ; ces bataillons n'étaient
pas, sans contredit, aussi instruits que la troupe de ligne, mais
ils étaient armés, soldés, et habitués déjà à une certaine disci
pline. L'autre partie de la milice se composait du reste de la
population, armée ^ quelques hommes de fusil, mais le plus
grand nombre de piques, de faux, de bâtons ferrés; cette mi-
lice existait dans chaque canton, sous les ordres d'un chef qu'on
nommait capitan mor, et auquel tous les paysans devaient obéir
sous peine de mort. Un messager transmettait verbalement les
ordres de ce chef dans chaque village; alors chacun s'armait^
prenaitdes vivres pour quelques jours et marchait au rendez- vous
indiqué. Au reste, ces divers corps de milice ne devaient point
entrer en ligne avec la troupe réglée ; ils étaient destinés à agir
comme partisans, à se jeter tantôt sur les flancs, tantôt sur les
derrières de Tarmée française , à attaquer les convois , tomber
sur les tralneurs, et intercepter toute communication avec FEs-
pagne* Tous ces mouvements étaient dirigés par des 'officiera
supérieure anglais. Trois petits corps, de 7 à 8,000 hommes cha-
cun, avaient été formés de Télite de ces troupes nationales. Le
colonel Trant en commandait un, le général portugais Silveîra le
second ; le général Wilson était à la tête du troisième. Les levées
en masse dont nous venons de parler plus haut, connues sous le
nom é^ordenanzfls^ n'étaient évaluées par les Anglais qu'à
46^000 hommes. Il est de fait qu'elles se composaient réelle-
ment de toute la population armée du Portugal, animée contre
les Français par ie patriotisme, la haine, la vengeance, et par
Ifrsoovenir récent des maux qu'elle avait soufferts pendant les
deux expédltiona du général Junot et du maréchal Soglt, quel-
4o8 LIVBfi SBPniHl.
fgfo. que désastreuses qu'elles eussent élé d'aiUearspoiir lesFiw-
roriogal. ^^
La eampagne que nous allons décrire enCmtiia les ^ta» tristes
résultats pour les Français ; eHe coBMneaça la répatation d'An
général anglais dont alors Temperenr Napoléon soupçonnait à
peine Texistence, et quidev^, quelques années après, porter à
oe monarque les derniers coups que lui réservait la fnrtane. EAe
apprit en outre aux habitants de la Péninsule que les Français
n'étaient point invincibles, et amena poar ces demiecs les re-
vers qui devaient succéder à tant de viotoires. Le prince d'fisa-
ling, Icnn d*y être aussi heureux que dans les champs de Zu-
rich, s'y montra pourtant digne de la gloire qu*il «vait acquise.
Il y conserva ce sang-froid imperturbable îBt œtte opiniâtreté
dans le combat qui lui étaient propres ; mais, oatre que ses lor-
ces physiques n'étaient plus les mêmes, la position de son armée
était toute autre : sans communication avec la Aranoe, oHe asan-
qua bientôt de tout , excepté de courage. Le prince d'EssUng
avait à combattre à la fois et les difflcuttéa locales d*«n pays
qu^H ne connaissait qu'imparfaitement, et la haine nationale de
trois peuples réunis.
Lord Wellington, au contraire, connaissait à fond le pays;
il l'avait parcouru plusieurs fois et n'ignorait aucune des res-
sources qu'il était susceptible d'offrir, llécontent des l^spagnols
à Talavéra, il s'était retiré dans le Portugal, qu'il avait orga-
nisé selon ses vues. Hes officiers anglais commandaient les
troupes de oe pays ; il avait profité de six mds de repos pour
aguerrir ses soidîfts et s'assurer des vivres et des munitions
nécessaires. Fier d'avoir à combattre un rival tel que Masséna,
il avait résolu de bien l'étudier et de profiter des moindres fautes
qui pourraient lui échapper. Vaincu, la réputation colossale de
son adversaire mettait la sienne à l'abri; vainqueur» ses con-
temporains ne pouvaient manquer de le placer au pfemler rang.
Les armées qui allaient entrer en lice étaient animées, de|iart
et d'autre , de ce désir de vaincre , de ce sentiment patrioitique
qui enihnie les grandes actions. Si les Aaglals oonsidéraientles
Françcds comme des ennemis acharnés» dont l'unique Imt était
de détruhv le commerce et la marine de la Grande-Bretagne ,
. les Français, accoutumés à ne voir dans bs Anglais que des.
eOeSSE D*ESPAG]<IE. 459
ennemis perfldesy.remarqiiaient avec chagrin que leurs rivaux, ^gio.
après avoir anéanti la poîssanœ maritime de la France, s'effor- ""ortiiçiL
çaient encore de leur mAeww sur le conUnent cette suprématie
qu'ils devaient à la victoire. Hal»itués ù triompher des peapies
du Nord et du Midi , Us espéraient n'être pas moins heureux avec
ces implacables insulaires, et les forcer à repasser la mer.
On ne peut nier que les Français n'eussent encore à cette
époque de nombreux partisans en Portugal. La conduite des
Anglais et rextrèroe rigueur des moyens employés par loid
Wellington pour enlever à farmée du prince d'EssIing toute
espèce de ressources avaient singulièrement refroidi le zèle des
nationaux » qui n'avaient vu d'abord , dans le noble duc , que
le défenseur de leur cause. Toutefois, soit crainte, soit véritable
patriotisme » Il est de fait que la majorité des habitants, plus ou
moins éclairée sut ses véritables intérêts, avait pris les armes.
Ces bandes indisciplinées firent beaucoup de mal tant qu'elles
combattirent entre les gorges de leurs montagnes , où elles
avaient une grande supériorité , tant par le nombre que par
la connaissance des lieux ; mais elles devenaient inutiles
hors de leur pays. C'est pour cette raison que Tarmée ré-
glée anglo-portugaise de lord Wellington ne s'était plus éloi-
gnée, malgré les provocations des Français, de la ligne de dé-
fense qu'elle occupait sur les frontières du Portugal, au nord et
au midi du Tage. Le général anglais redoutait, d'ailleurs, de
livrer une bataille rangée dans les plaines de la province de Sa-
lamanque, où il pensait que les Français se seraient trouvés à
même de dépioyer^une cavalerie nombreuse et formidable.
Mais la ihibtesse de farmée ft'ançaise, composée seulement
des 6* et 8* corps, environ 40,000 hommes, ne permettant pas
au prince d'EssIing de prendre l'offensive, il dut se borner au
siège de Giudad-Rodrigo. Toutefois il ne se dissimulait pas le
danger de précipiter une entreprise que l'empereur lui-même
ne Jugeait pas ^ pressée , bien qu'il lui eût prescrit d'assiéger
cette place et celle d'Alméida et d*en faire ses places de dépêt
pour la conquête du Portugal. Mais, amené forcément à céder
aux désirs du duc d'Elchingen, qui avait déjà fait des prépara-
tifs de siège , quoique insuffisants , et qui ne comprenait pas
q[u*il s'était trop bftté d'appeler tout son corps d'armée autour
460 LIVAB SBPTIBMB.
I8KI. de cette place , le prince d'ËssIing résolat de le foire soatentjr,
Portugal. c[0||s cette opératiou, par deux divisions du 8' corps. Le i®** juin,
Masséoa se rendit devant Giudad-Rodrigo, en fit la reconnais-
sance, visita les camps et passa la revue des troupes. Le roaré-
chai Ney profita de cette occasion pour lui démontrer la néces-
sité d'attaquer les Anglais avant de commencer >e siège, et fit
tous ses efforts pour le convaincre des avantages qui en résul-
teraient; mais Masséna se refusa formellement à prendre œ
parti et retourna à Salamanque. Ney, piqué de ce refus , pro-
posa au duc d*Abrantès de marcher avec lui aux Anglais et de
leur livrer bataille san^ le concours du général en chef; heu-
reusement Junot recula devant la responsabilité d'un tel acte
d*insubordination.
Tout portait à croire que le prudent allié des Portugais ne
verrait pas tranquillement tomber entre les mains de ses enne-
mis une ville que sa position et sa force rendaient une excel-
lente place d'armes pour Tarmée destinée à marcher en Portu-
gal ; le mouvement en avant qu'il fit faire à son armée dans
cette conjoncture semblait encore Tindiquer. On savait qu'il
avait authentiquemcnt promis au gouverneur de le secou-
rir lorsqu'il en serait temps ; il n en fit rien cependant, soit qu1l
n'eût jamais eu l'intention de remplir sa promesse, ou qu'il ju-
geât la prise de Giudad-Rodrigo peu nuisible à ses opérations
ultérieures , d'après le système qu'il avait adopté.
0 juillet. Siège et reddition de Ciudad-Rodrigo. — Situé sur la rive
droite de TAguéda, affluentde gauche duDuéro, à la jonction des
routes de Goria et de Salamanque » Qudad-Rodrigo , qui est la
clef de la Vieille-Gastille, offrait aux Anglais un fort bon point
d'appui pour marcher sur Salamanque. Cette place est assise
sur un mamelon dont le versant sud-est se prolonge jusqu'à l'A-
guéda ; elle est entourée d'une ancienne muraille terrassée et
assez haute, devant laquelle se développe une fausse-braie avec
fossé revêtu et un glacis très-escarpé. La ville a deux faubourgs,
celui de Santa-Marina ou del Paente, bâti au sud-est dans une
Ile formée par un petit bras de l'Aguéda, et qui commu-
nique avec la ville par un pont de pierre de soixante toises de
longueur; et celui de San-Francisco, plus considérable et situé
au nord-est, à environ cent toises du corps de la place, que dp*
loJtuî Jo Ptii/<;46'o .
GUÉBBS D*ESPAGNE. 46 (
mine au nord, et a nne distance de plus de deux cent quatre- uio.
vingt-dix toises, un mamelon appelé le grand Teson. Cette ■'^^■'saL
hauteur se trouve à rextrémité du faubourg, dont la place est
séparée par un autre mamelon moins élevé, appelé le petit Te^
son ou El Calvario. de faubourg était protégé par des retran^
chements en terre, appuyés aux couvents de San-Francisco et
de Santo-Domingo qui Ta voisinent à droite et à gauche, et dont
les murs sont à l'épreuve du l^ulet. Le couvent de Santa-Gruz,
situé au nord-ouest , au pied de la bei^e de la basse Aguéda ,
avait été palissade et crénelé, et on avait ouvert des tranchées
palissadées et des troos-de-loup entre la berge et la rivière pour
interdire Taccës de la vallée.
La garnison se composait d'environ 6,000 hommes, et la ville
renfermait en outre un grand nombre de paysans des environs,
qui s'y étaient réftigiés pour la défendre. Ses magasins conte-
naient des vivres pour un an ; il ne pouvait rien manquer à son
armement^ puisqu'elle possédait la meilleure école d'artillerie
de l'Espagne, et qu'elle était en outre un de ses dépôts les plus
précieux. Son arsenal était rempli d'une quantité immense d'ar-
mes et de munitions, quatre-vingt-six bouches à feu garnissaient
les remparts. L'ardeur de la garnison était entretenue par le
voisinage de l'armée espagnole aux ordres de La Romana et de
celle de lord Wellington. La place avait pour gouverneur don
Andrès Pérez de Herrasti , vieux militaire , plein d'honneur et
de bravoure.
Le 6® corps, composé de trois divisions d'infanterie, comman-
dées par les généraux Marchand, Mermet et Loison, et de la
brigade de cavalerie légère du général Lorcet, était destiné
aux opérations du siège. Ce qui ne fat point employé aux
attaques dut servir à compléter l'investissement de la place
sur la rive gauche de l'Aguéda. Le corps du général Reynier
s^approcha de Coria , et celui du duc d'Abrantès vint s'établir
entre San-Felicès-el-Chlco et San-Felicès de los Galiegos. Ces
deux corps d'armée couvraient Tarmée assiégeante et devaient
se réunir pour recevoir l'armée anglo-portugaise, dans le cas
où elle tenterait de secourir la place. L'avant-garde de lord
Wellington, commandée par le général Crawfurd, était alors
à Carplo, entre l'Aguéda et la Coa, le quartier générale
463 UYft& sirriàm.
4SI0, ViMi I et le gro» de Tarmée dans lei ei^nme d'Alméîda.
portned. j^ ^ ^1^291 mui^ deuxgraikUcoBvoî&, cos^poséade pièoeade
a&ége, éè maaitkiDa et d*UDe partie de raUirail nécessaire, étant
partis de Salamanque y la doc d*£ichingen arriva devant Gindad-
Bodrigo qii*il ût investir le 6 juin. Le générai &uty coatmandait
l'artillerie; le chef de l»atailloD Goaehe dirigeait les travaux dn
siège. La garnison de la place s'efforça vainement d'en défendre
les approches ; trompée par deux fausseaattaques , faitea, l'on»
sur la gauche de TAguéda, l'autre sur la droite de cette rivière,
elle £ut culbutée et repousaée dans les faubougs* Dans la nuit
du 15 au 16, la tranchée fut ouverte sur la hauteur appelée le
grand Tesan; la première parallèle s'étendait entre le rêver»
occidental de ce mamelon et l'Aguéda). et devait se lier avec
le pelit Tesan* Elle fut ensuite poussée adroite jusqu'au cou-
vent de Santa-Cruz et à plusieurs maisons crénelées où l'ennemi
s'était retranché; il en fut dépoaté et les troupes françaises s'y
logèrent. A gauche elle se prolongeait jusqu'au faubourg San-
Frandaco, occupé en force par la gamiaon, et dans lequel se
trouvaient lea couvents d« San-Francisco et de Santo-Domingjo^
convertis en autant de forts , et aiuqueU le couvent de Santa-
Clara, situé au milieu du faubourg, servait de réduit. Dans la
nuit du 1 a au 19^ la gauche de la parallèle ayant été prolongée
de manière à la couvrir contre les feux des faubourgs, on com-
mença l'établissement de six batteries sur les emplacements
désignés par le général Ruty. Elles étaient armées de neuf piè<
ces de 24, sq^tde 16, douze de 12^ dix mortiers et huit obuaiers;
en tout quarante-six bouches à feu. Les che& de l'artillerie et
du génie, qui pensaient réduire Qudad-Eodffigo par une aimple
menace, ne songèrent qu'à iaire brèche et à incendier la ville
sans ricocher sérieusement le front d'attaque.. Masséna, qui s'a-
perçut de ce défaut de prévision, ordoima plus tard les chan-
gements nécessaires* Gomme, du couvent de Santa-Cruz, situé
sur le flanc droit dea cheminements des assiégeants, la gamisoa
tourmentait sana cease lea travailleurs^ le duc d'Ëlohingen le fli
ineendiar dans la nuit du 23 au 24.
Dans la soirée du 24 , le prince d'Essling arriva devant la
phice, visita les travaux et imprima une telle activité à ceux
des batteries que le 25 , à trois heures du matin ^ celles-ci se
GUBKBB b'BSPAOKS. 468
trenvèreni eomplétoment armées et approvisioDBtéeft. A quatre uio.
heures It donna l'ordre de eemmeneer le feu , et les quarante- ^^^''^
^x booehee à feu , en balterle, tonnèrent h la fois eofntse ka
]^lace. Les parapets de l'ene^nte fisn^nt détroits en partie y et
six cents obns Jetés Unit snr te rempart que dans la piace firent
sauter vn magasin à pondre, doat l'explosion causa de grands
ravages. Un aoeldent senAlablé arriva dan» deux baftteriBs; des
assiégeants, mtoa we partie des épanlements et mit beaoconp
de monde hors de combat. Le 26, trois autres magasins à pou-
dre de la place sautèrenC et incendièrent phisieurs malsons.
Dans la nuit du 2t au 38 la vflle parut tonte en flammes à la
suite de Texplosion d'us nouveau magasin à poudre qui mk le
feu à une quantité considérable de boasbes et d^obns , et Tin-
cendie, alimenté par cette expioston, se propagea de tontes parts.
Toute la partie exposée aux attaques n'offrait qu*utt vaste mon-
ceau de mines; les projectiles creux avaient aussi mis le fieu
dans d'autrea endroits, etTincendie se développait aveefurei|r.
Le mur de la fansse-braie était renversé, et il était déjà ques-
tion de faire brèehe au corps de la place. Les assiégeants recon-
nurent alonr qu'ils avaient construit leurs batteries à une trop
grande distance de la place pour qu'elles pussent produire
tout Teffet qu*on en attendait. Malgré les innombrables diffi-
cullés d*ua terrain accidenté, les Français parvinrent à trans-
porter h bras lenrs pièces à soixante toises dn rempart. Le tra-
vail qu'exigeait cette opération longue et pénible se fit à une
distance très-rapprochée de Fennemi, et sous un grand feu de
mitraille et de mousqueterie, tandis que les batteries assiégean-
tes se toonvaient asa contraire dans ia néeeesité d'interrompre
le leur. A la faveur de ce répit les Espagnols réparèrent en partie
la brèche de la fausse-braie et construisirent de nouveaux ou-
vrages derrière ceux qui avaient été détruits. Cependant , la
ligne d'attaque ainsi rapprochée se trouvant enfilée par le feu du
faubourg San-Frandsco» occupé par les Espagnols, il était in-
dispensidble de les déloger; mais ce ne ftit que dans la naît du
1*' au 2 juillet que le général Simon, à la tète de 690 homme»
d'élite, parvint à s'en rendre maître, après une assez vive ré-
sistance de la part des assiégés. La garnison tenta plusieurs
sorties, qoi toutes forent reponssées avec un égal succès. L'ar-
/
464 LIYBB SSPTIÈn.
4110. tillerie dé la place était sapérieurement servie» Les Français >
Porcngai. p^^p incommoder les eanoimiers et les troupes qui gardaient
les embrasures eurent recours à un expédient connu, qui leur
réussit ; ils portèrent, en avant du front d'attaque, jusqu'auprès
de la contrescarpe, plusieurs détachements, qui creusèrent des
trous'de-loup , où un homme se trouvait couvert Jusqu'à la
tête; quelques tireurs adroits, employés à ce service, firent le
désespoir des Espagnols, qui n'osaient presque plus se montrer
sur le rempart.
Le 28 juin, le revêtement de Tenoeinte basse s'étant trouvé
en partie renversé, Tenceinte supérieure fort endommagiée, et
les ouvrages et Fintérieur de la place étant presque ruinés, le
feu de la place s'était sensiblement ralenti.* Le roarédiai Mas*
séna crut dès lors la brèchepraticable et ordonna de cesser le feu.
Ce même jour, à deux heures de l'après-midi , le duc d*Elchin-
gen envoya le chef de bataillon Esmenard en parlementaire au
gouverneur, avec sommation de cajMtuler. Tout en rendant Jus-
tice au courage et à la belle défense du général espagnol, le
marédial Ney s'efforçait de lui démontrer combien l'espérance
qu'il gardait d'être secouru par les Anglais était vaine et illu-
soire".
' « En effet , disait avec raison dans sa sommatkm ce maréchal an gou*
verneor, comment auriez- vous pu ne pas reconnaître que, si telle a été leur
intention ( des Anglais) , ils n'auraient pas attendu pour le faire que Ciudad-
Rodrigo eût été réduit à l'état déplorable dans lequel il se trouTe ? Votre
situation , soyez en bien convaincu , Monsieur le Gouverneur, ne peut plus
qu*empirer. Vous avez à choisir entre une capitulation lionorable et la ycd-
geance terrible d'une armée victorieuse. Je vous prie de me répondre, et
de me dire ce que vous aurez préféré. Agréez, etc. »
La réponse d'André Herrasti fut celle d'un homme de cœur; le maréchal
Ney dit depuis qu'il n'en avait jamais attendu d'autre de lui. Nous croyons
devoir la rapporter textuellement ici.
Réponse de don André Herrasi
n Après quarante-neuf année de service , je connais ^s lois de bi guerre et
mes devoirs militairea.
« La place de Ciudad-Rodrigo n'est point réduite à capituler et n'a point
de brèche ouverte qui Ty oblige.
« En conséquence , je ne puis qu'engager Votre Excdlence à eoatinuer
ses opc^rations contre la place. Je saurai moi-même, par ég»rd pour Hia*
GySBBS d'bspagnb. 4tti
Les oavertares de capHulatioD ayant été repousées , le feo i»i(t
recommença avec une nouvelle vigueur dans la nuit do 28 au .^^*^'
29. Chaque journéanmoins denouveaux déserteorsconfirmaient
que la place était réduite à la dernière détresse ; mais la Junte
et le gouverneur, les habitants mêmes, exaltés par le flmatlsme
des moines, gardaient encore quelque espérance de secours. Les
Anglais avaient leur avant-garde en vue de la ville ^ à deux
petites lieues des ouvrages. Pour s'assurer de leurs intentions,
le prince d*Essling ordonna une grande reconnaissance sur la
route d'Alméida. En conséquence, le duc d'Abrantès fit passer
TAguéda à une division d'infanterie et à une forte brigade de
cavalerie, et marcha sur l'avant-garde anglaise.
Celle-ci était avantageusement postée surTAzava» près du
village de Mariai va ; elle fut culbutée et ramenée jusque sur les
hauteurs de Gallégos. Soutenue par une bonne artillerie , elle
voulut s'y arrêter ; mais quelques charges, exécutées par le
général Sainte-Croix , la forcèrent à se réfugier sous le canon
d* Alméida. Le duc d'Abrantès, après s'être avancé Jusqu'au fort
de la Conception et avoir reconnu que l'ennemi était toujours
de l'autre côté de la Coa, fit rentrer ces troupes ; il laissa toute*
fois de gros postes pour tenir ceux de l'ennemi plus éloignés
qu'auparavant. Les Français eurent constamment l'avantage
dans ces diverses rencontres.'
Nous n'omettrons pas de citer une compagnie de grenadiers
du 22^ régiment^ commandée parle capitaine Gouache ; attaquée
et entourée par deux escadrons de la garde anglaise, elle se
forma en carré et soutint ce combat inégal pendantdeux heures.
Les Anglais exécutèrent trois charges , et perdirent 24 hommes
et 20 chevaux ; le capitaine Gouache ne laissa pas un seul de
ses grenadiers sur le champ de bataille.
Cependant, Ciudad-Rodrigo, quoique entièrement ruiné par
les bombes et incendié dans .plusieurs quartiers, redoublait son
feu. Dans la nuit du 28 au 29 , le feu des assiégeants recom-
mença aussi avec une nouvelle vigueur et détermina de nou*
inanité et quand las drcoDgtanoes m'en feront tin devoir, demander i ca-
pituler, après avoir mis à couTer t mon honneur, qui m*est plus clier que
la vie. n
X. 30
46è LITBB SBPTIÈHB.
1810. veaux incendies. Le général enchef ordonna divers chaiigenients
Portugal, ^ng i*emplaoeinent des anciennes batteries et en fit établir et
armer six. noavelles. Le. 2 juillet un autre magasin à poudre des
assiégés sauta, tandis qu'une l)atterie de mortiers allumait plu-
sieurs incendies dans le faubourg San-Francisco» dont on s*era-
para la nuit suivante, ainsi que du couvent de Santa-Clara. Ce-
lui de Santo-Domingo fut également pris dans la nuit du 4 au
6, parle général Simon. Jusqu'au 8 on travailla à perfectionner
la 2® parallèle, qui avait été entreprise dans la nuit du 29 au
80 juin. Dans celle du 8 au 9 juillet, le colonel Yalazé, auquel
le général en chef avait donné la direction des travaux du génie
à la place du chef de bataillon Goucbe, fut blessé grièvement
à la tète et à Tépaule par une grenade qui le renversa au moment
où il présidait à l'établissement des fourneaux de mine qui de-
vaient faire sauter la contrescarpe. A deux heures du matin ,
cette mine, chargée de quatre cents kilogrammes de poudre» ren-
versa une grande partie de la contrescarpe et ouvrit à droite et
à gauche de l'entonnoir un large passage par lequel on pouvait
arriver presque à découvert jusqu'au pied de la brèche. A qua-
tre heures du matin, rartillerie commença le feu. Les assiégés y
répondirent mollement pendant quelques heures et furent enfin
réduits au silence. Hasséna invita alors le maréchal Ney à or-
donner les préparatifs de l'assaut.
A trois heures et demie , le général Ruty et le commandant
Couche annoncèrent que la brèche était praticable sur les deux
enceintes dans une largeur de quinze à dix-huit toises , avec
une bonne rampe. Tout était prêt pour l'assaut ; le maréchal
Ney disposait lui-même, dans les tranchées, deux colonnes de
troupes d'élite qui devaient le donner. Le fossé était comblé
par la chute de la contrescarpe , et la pente de la brèche pa-
raissait douée et commode. Afin de s'en assurer, le duc d'EU
cUngen demanda trois soldats de bonne volonté pour en faire
l'épreuve, en montant les premiers sur le haut du rempart : à
l'instant même plus de cent sortirent de leurs rangs : Thirion,
caporal de grenadiers au 60* régiment; Bombois^ carabinier, et
BUleret, chasseur (ces deux derniers appartenant au 6* d'infan-
terie légère ), fàrent choisis. Ces trois braves, qui croyaient mar-
cher à une mort certaine, après avoir franchi en peu d'instants
GUSBBS B^ESPAGITE.. 4€7
les deux brèches et être arrivés sur le seoood rempart^ firent uio.
feu sur Tennemi aux eris de vive l'empereur, et en descendirent '*^''^*'^-
avec le même sang-froid. Cette belle action, qui se passait sous
les yeux de Tarmée^ fit accélérer le pas aux deux colonnes d'at-
taque : la| 1'^ composée du bataillon des chasseurs du siège,
aux ordres du capitaine Sprunling, adjoint à Tétat-mi^jor , de
trois compagnies de grenadiers » commandées par Delom , chef
de bataillon au 6* léger; et la 2®, de six compagnies de vohlr
geurs, commandées par Dntoyat, chef de bataillon au 69^ Ces
troupes, arrivées au pied de la brèche, allaient monter à Tassant
lorsque les assiégés arborèrent le drapeau blanc Le gonvar--
nenr, conduit devant le maréchal, offrit de rendre la place k
discrétion.
Dix-sept jours avant que la capitulation n'eût été proposée et
acceptée , un détachement de 340 lanciers, qui faisidt partie de
la garnison et que commandait l'intrépide partisan don Julian
Sanchez, s'ouvrtt, par une sortie brusque, un chemin à travers
les postes français et s'échappa en Portugal. Don Julian avait
remarqué que les troupes qui bloquaient la place sur la rive
gauche de TAgoéda se gardaient négligemment du côté de la
ville, d^où elles ne craignaient aucune surprise, parée qu'elles
en étaient séparées par la rivière. Ce fut par ce point que ce
partisan espagnol résolut de percer; il tomba brusquement
avec sa troupe sur le piquet qui gardait la route de Fuenté*Gui*
naldo, et il eut le temps de gagner les bois voisins pendant que
le piquet montait à cheval et se mettait en mesure de Tarréter.
Le 10 juillet au soir, les troupes françaises prirent posseasioa
de la ville de Ciudad^Rodrigo, après vingt-quatre jours de tran-
chée ouverte. Le lendemain 3,^00 hommes de la garnison sor-
tirent pour être conduits en France prisonniers de guerre.
Parmi eux se trouvaient le gouverneur don Andrès P^es de
Herrasti, un brigadier commandant rartillerie» et denx officiers
supérieurs du génie. Quoique Tincendie de Tarsenal e4t fait
perdre une quantité immense de munitions , on trouva dans
cette place importante cent cinq bouches à feu de tout calibre,
deux cents milliers de poudre, et près d'un million de cartou-
ches d'infanterie. Cette oonquétecoûta au 6^ corps t M hommes
tués et 1,009 blessés.
M.
468 * IIVrE SBPTIÈMl.
mo. Les généraux d^artilIerieÉblé etHaty, le général de division
'**o«'*û8^ Loison , les généraux de brigade Simon, Ferrey, le colonel ^du
*génie Valazé , le chef de bataillon Couche, de la même arme,
méritèrent particniièrement les éloges du général en chef.
Le maréchal Masséna crut devoir s'arrêter dans les environs
de Ciudad-Rodrigo jusqu'à ce que le général Beynier, à la
tête du 2* corps, eût repassé le Tage pour se porter vers Cas-
teilo-Branco et menacer le flanc droit de l'armée anglaise. Lord
Wellington, de son c6té, voulut prévenir ce mouvement, et le
général Hill, qui commandait un corps de 14,000 hommes, re-
çut l'ordre de couvrir le point menacé.
 cette époque l'armée anglo-protugaise se trouvait can-
tonnée en trois corps principaux : le plus considérable , de
95,000 hommes, sous les ordres directs de lôrd Wellington,
occupait les villes de Yiseu, Guarda, etc. ; une division de 4,000
hommes de troupes légères, commandée par le général Grawfardi
était en avant d'Alméida; le second, de 14,000 hommes, sous
les ordres du lieutenant général Hill , se tenait , comme nous
venons de le dire tout à l'heure , sur la droite de la frontière,
pour observer le général Reynier ; le 8® corps enfio, composé
de 12,000 hommes de réserve, et commandé par le général
Leith, était en position à Thomar.
21 jaitiet Destruction du fort de la Conception. — Le 21 juillet, le
maréchal duc d'Elchingen chargea le général Loison de réunir
à'Gallégos 3,000 hommes de sa division, la division de cava-
lerie légère aux ordres du général Trdlhard, et quelques pièces
d'artillerie légère , pour se diriger ensuite, à deux heures du
matin, sur le fort de la Conception, en passant par YlUar del
Poerco , Castilléjo et Dos Casas. Le général Loison rencontra
sur ce dernier point la division légère du général Grawftinl,
formant l'avant-garde de Tarmée anglaise. Vainement legén^
rai Trellhard s'efforça de rejeter l'ennemi dans Alméida. Après
un combat sanglant, livré sur le plateau même où est établi le
fort de la Conception, le général Crawfnrd effectua sa retraite
sur laCoa, parla route d'Alverca. Avant de se retirer il flt
sauter le fort de la Conception ; néanmobis les mines pratiquées
ne produisirent point tout leur efTet : trois fourneaux restèrent
intacts ; mais ceux qui avaient été allumés détruisirent Touvrage
GÙBBHI ]>'BSPA61fB. 4f)^
à cornes et plusieurs demi-lunes. Les troupes françaises arrî* im«,
valent sur les glacis au moment où l'explosion eut lieu ; elles ser- ''^"sab-
rèrent de près la division ennemie qu'elles avaient devant elles/
et lui firent un assez bon nombre de prisonniers.
Maître du plateau de la Conception, le général Loison devait
encore s'assurer de la position de l'armée ennemie. Il fit tour-
ner le village de Val de la Mula par le général Treilhard, en
même temps qu'il le foisait attaquer par le général Simon. Le
général Tl-eilhard, par son mouvement, débusqua l'infanterie
et la cavalerie ennemies, qui occupaient la rive gauche du Tu-
rones, et força à la retraite 600 cavaliers placés sur la route
d'Almétda. L'ennemi se retira d'abord sur les glaci» de> cette
dernière place, et revint bientôt après, avec deux bataillons,'
trois pièces de canon et environ 1,800 chevaux, se mettre en
bataille sur la gauche du ravin qui sépare Val de la Mula d'AU
méida. Les trois régiments de cavalerie légère aux ordres du
général Treilhard parvinrent cependant à occuper larivegauehe
du ravin ; les Français ne poussèrent pas plus loin , pour ne pas
attirer inutilement le feu de la plaee, à la portée- duquel ils
étaient et sous lequel l'ennemi semblait cherchera les faire ar-
river. Par suite de ce mouvement rétrograde des Anglais $ leur
droite se trouvait à Guarda , et leur gauche se prolongeait
vers PhiheL
Le 24 juillet, le prince d'Ëssling lit investir Alméida ; les
troupes du 0" corps furent réunies à cet effet en grande partie
au fort de la Conception, et débouchèrent du Val de la Mula le -
même Jour à six heures du matin. La brigade de cavalerie lé-
gère, composée des 3^ régiment de hussards et i 6** de chasseurs;
sous les ordres du général Lamotte , précédée du bataillon des
chasseurs da siège, ouvrait la marche. Elle était suivie des 15*
et 35*' de dragons, commandés par le général Gardanne. Le gé-
néral Montbrun dirigeait cette cavalerie.
La division d'infanterie du général Loison formait deux co-
lonnes'; die était soutenue par la division Mermet, h la tête de
laquelle marchait le 10® de dragons, et par trois régiments d'in-
fanterie de la division Marchand. Le duc d'Elehingen comman-
dait lui-même tous ces miouvements.
La division d'avant-garde de l'armée anglaise sous les ordres
470 UVaS SBPTIÀKB,
itio. du lieutenant. général Gravfurd^ se eomposait de 1,100 hom •
Portugal. ^^ ^^ cavalerie, 4,ooo d'inlanterie , et mx pièce» de canon
occupant la position à droite d'Alméida. Son infanterie légère
et plusieurs escadrons de hussards du froment formaient lea
postes en avant et sur les flancs de ce^te place. Les troupes fran-
çaises attaquèrent vigoureusement et dans le meilleur ordre;
Venneroi opposa une résistance opiniâtre. Ou(Mqu'il défeodit le
terrain pied à pied et soutint avec beaucoup de constance un
feu très-vif de mousquelerie et d*artillerie, il fut cependant
chassé successivement de ses postes. Le général Crawfurd réu-
nit alors toute sa division sous le canon de la place, supposant
^ueles Français prendraient position sans oser l'attaquer dans
ee poste formidable. 11 se trouvait d'ailleurs protégé par une
forte réserve placée sur les hauteurs de la rive gauclie de la Coa ;
mais les troupes françaises, formées sur quatra colonnes, raar-
ehèreni droit à Tennemi et Tabordèrent sans répondre à son
feu, Gekti de la place ^ quoique assez mal dirigé, devint dans
te moment de la plus grande vivacité. Le 3® de hussards, sou*
lenu par le reste de la cavalerie, tomba à tout^ bride sur Tin-
luiterie anglaise et loi sabra beaucoup de monde^ La cavalerie
de Crawfurd se rallia sou& les remparU de la place sans avoir
donné, et repassa ensuite la Goa^
Sur ces entrefaites, la brigade du général Ferrey, débordant
déjà toute la droite de l'ennemî, allait lui couper la retraite ou
te forcer à se jeter dans Alméida Le général Crawfurd profita
de la nuit qui survint pour se rapprocher de Tarmée anglaise^
Les Français le poursuivirent jusqu'à ee que les colonnes qui
devaient former l'investissement d'Alméida eussent exécuté cette
opécatioa saos^difliculté.
Dan3 cette affoire, Tennemi eut 400 morts et 700 blessés y
parmi lesquels il comptait ^ officiers ; de ce nombre étaient
te cotenel du 43.^^ celui du 1 6^ de dragons , et te ms^or Bronn ^
du ^% On lui prit un drapeau, 400 hommes et deux pièces
de canon. La perte du côté des Français ne fut que de â27
hommes, tant tués que blessés..
Le lendemain , !tâ, le duc d'Elchingea fit occuper Valverdina
et chasser les Anglais qui occupaient les hauteurs en avant de
Pereiro. Le 26, il envoya un. détachement de la divisioa Loisoo.
GUSRBB d'BSPAGNH. 471
sar Pinheh La 8« division anglaise, sous les ordres au major ,g|o
général Picton, en était partie à deax lienres du matin pour ga~ f^»rtnyi,
gner les mootagn» de rEstrdia.
L'armée anglaise , qui Jusqu'alors avait eu son centre vers
Alméida, prit une nouvelle position en deçà de la Sierra d'£s-
trelia, sa gauche à remlxNichure de la Goa dans le Duero , le
centre à Gélorioo, et la droite à Sabugal, par où elle se liait avee
le corps portugais, que commandait le maréchal Beresford.
Siéffe d^Altnéida, — Le prompt investissement d'^AIméfda 2»«mt
fat dû à Tinfatigable activité dn duc d*Elchingen et aux soins
du général Éblé, qui dirigeait Tartillerie. Le 6^ corps, 8*étant
porté en avant, battit Tarrière-garde anglaise. Il résulta de là
que Tennemi » qui croyait les Français encore loin , n'eut pas
le loisir de faire entrer dans la place la moisson qui était déjà
coupée et ramassée en tas à portée des glacis. Ce fut sans con*
tredit une grande faute de la part de lord Wellington de laisser
pour ainsi dire à Fentière disposition de ses adversaires une res-
souree aussi essentielle. Les blés qui restaient encore daus les-
environs devaient nécessairement être incendiés. Mais si Ton
voulait attribuer à des vues d^humanité, à des considérations
philanthropiques, rarement à leurplace en temps de guerre , la
conduite du général anglais, il suffirait de rappeler les ordres
sévères, les mesures plus que rigoureuses employées par le no-
ble lord pour forcer ses alliés, les Portugais, à abandonner leurs
maisons, leurs champs, et à tout brûler plutôt que de rien laisser
aux Français. On Jugerait alors que la conduite de Wellington
dans cette circonstance est plutôt la suite de sa négligence qu*un
calcul d'humanité de sa part. Nous avons vu les Anglais , se
bornant à- de vaines démonstrations, laisser prendre Astorga et
Giudad-Rodrigo sans fournir le moindre secours à ces places ;
nous allons encore les retrouver plus fidèles à leur système qu*à
leurs alliés devant Alméida.
Cette dernière place, beaucoup^plus forte que celle deCiudad-
Rodrigo, était eonséquemment susceptible d'une plus longue
défense; mais la possession de celle-ci donnait aux Français
les moyens de déployer devant l'autre un plus grand système
ë^attaque. Elle passait pour la premièi-e place de Portugal.
Comme forteresse,. sa situation est admirable; elle est bfttte sur
472 LITRE SEPTIÈUG.
ijiio. Textréme plateau d'une ehçiiDe de montagnes que borde la rite
PortugaL droite de la Coa, rivière dont le cours est eneaissé et très-pro-
fond. Sa double enceinte était couverte par six bastions en pierre
et par autant de ravellns. Son cbàte^u» formant comme une
seconde citadelle, pouvait encore servir de refuge à la garnison
et prolonger sa résistance de plusieurs jours. Le général anglais
William Cox, avec 4,000 hommes de milices et 1 ,000 hommes
de troupes de ligne , était chaîné de la défense de cette place,
qui était abondamment pourvue d'approvisionnements de toute
Dans la journée du 26 juillet^ la garnison tenta deux sorties :
Tune de 600 hommes et de 60 chevaux, sur la division Loisou»
ayant pour but de détruire des maisons qui se trouvaient à deux
cents toises des ouvrages; l'autre, de 300 hommes et 40 che-
vaux, sur la droite du général Marchand, pour enlever quelques
gerbes de blé qui se trouvaient près du faubourg. Ces deux sorties
demeurèrent sans succèset coûtèrent 50 hommes aux assiégés.
Le 2 7 juillet, le maréchal Masséna arriva à Ciudad-Rodrigo,
d*où il s'était rendu à Salamanque, après la prise de cette place,
pour surveiller et activer les opérations de l'administration de
son armée; il vint ensuite devant Alméida, où, le 28, il visita
les camps avec le duc d'Ëlchingen et les généraux Eblé et La-
zoT^sk, commandants de rartillerie et du génie.
Le même jour les assiégés risquèrent une troisième sortie plus
sérieuse; 1,200 hommes, suivis de quatre pièces de canon et de
plusieui's voitures, vinrent pour enlever les mêmes gerbes de
blé ; la grand'garde française les arrêta assez longtemps pour
qu'on vint la secourir. Alors l'ennemi fut mené chaudement
et rejeté en désordre dans la place ; il fut même forcé d'aban-
donner ses voitures. Le jeune Neumayer, du 6^ d'infanterie
légère, se rendit maître d'une pièce de canon sur les glacis.
Cette affaire se passa sous les yeux de Masséna, qui par sa pré-
sence, redoublait Tardeur des soldats.
Cependant les autres corps de l'armée française se rappro-
chèrent du 6^, chargé de poursuivre les opérations du siège. Le
général Reynier prit position auprès de Zarza-la-Mayor, et le
duc d'Abrantès quitta les bords du Tormès pour se porter sur
l'Agttéda.
GUËRAB d'eSPAGNE. 473
La traachée fat ouverte dans la nuit da 1 5 au 1 6 août. Deux igio.
mille travailleurs furent occupés à creuser la première parallèle ^^''^"S'^
à trois pieds de profondeur sur un développement de plus de
cinq cents toises. Elle ne fut achevée que le 19,' en raison des
difficultés d*un terrain dur et rocailleux, et de la nécessité de
se couvrir à chaque instant de gabions.
Du 30 au 35 on continua à monter la tranchée , on poussa
les boyaux. Dans la nuit du 24 au 25 on ouvrît la seconde pa-
rallèle, a moins de cent cinquante toises de la place, dans le ro-
cher. Le feu terrible des assiégés ne permit pas de s*y maintenir
pendant le jour ; mais la nuit suivante les mineurs achevèrent
de creuser et d'élargir la tranchée avec le pétard.
Le 26, à cinq heures du matin , onze batteries, années de
soixante-cinq bouches à feu, commencèrent à tirer sur la place,
qui riposta avec vigueur. Tandis que trois de ces batteries étalent
destinées à l>attre en brèche le l>astion de San-Pédro, ainsi que
les demi-lunes collatérales, d'autres enfilaient et ricochaient
les remparts, jetaient des bombes et des obus dans Tintérieur.
Le soir même du 26, une terrible explosion se fit entendre; la
ville entière disparut tout à coup dans un nuage épouvantable de
fumée : une l>ombe venait de faire sauter la grande poudrière, con*
tenant plus decentcinquantemilliers de poudre. Les.fortlfications
la cathédrale , les principaux édifices et une grande partie de
la population furent détruits. Des pierres énormes, des rochers
entiers furent lancés jusque dans les tranchées; des pièces de
gros calibre furent enlevées de la citadelle et jetées à plus de
deux cents toises, brisées en plusieurs ti*oncons. Toutes les trou-
pes qui garnissaient les remparts ce jour-là furent tuées par les
éclats ou par les pierres. Heureusement la garnison habitait des
casemates dans lesquelles s'étaient aussi retirés quelques ha-
bitants. Plusieurs restèrent ensevelis sous les décombres, et
les Français eurent encore le temps d'en retirer quelques*uns
de ces malheureux après qu'ils eurent pris possession de la ville. .
Nous ne passerons point sous silence l'admirable sang-froid de
quelques canonniers portugais, qui, ayant eu le Iwnheur mi-
.racnleux de survivre à l'explosion, continuèrent à faire jouer
leurs pièces pendant que les débris de la place volaient encore et
menaçaient de les écraser.
474 LITBB SEPTiiitB.
isio. La destruction d^ane grande fNirtie de la ville et la perte ab-
Portuc^. ^1^ ^^ tontes les munitions rendaient désormais toute résis-
tance inutile. Le 27 , le maréchal Masséna fit cesser le feu de
ses batteries et envoya à neuf heures du matin son chef d'état-
msiioT sommer le général Cox. Le marquis d^Âloma, général de
division portugais, et plusieurs officiers supérieurs de la même
nation, qui suivaient Farmée française, s'approchèrent des rem-
parts peinant qu'on négociait, et, s*étant'fait reconnaître deleufs
compatriotes, les exhortèrent à se soustraire comme eux a la do-
mination britannique et à embrasser la même cause. Ces pour-
parlers demeurèrent d'abord sans succès, et le gouverneur refusa
d'accepter les conditions qui lui étaient proposées. Son intention
était de se jeter dans le château, qui n'avait point été endommagé,
et de s'y soutenir encore quelques jours, dans l'espoir gue l'ar-
mée alliée viendrait au secours de la plaee. Le maréchal Masséna
fit alors recommencer le feu à neuf heures do soir ; trois heures
après une émeute, fomentée par le lieutenant de roi Berh^do-
de Costa, força Cox à capituler. On supposa que l'influence des
Portugais qui étalent dans le camp français n^étalt pas étrangère
à la sédition de la garnison. Plus tard de Costa fut fbsilié ; mais
il n'était pas bien démontré qu'il eût eu des intelligences avec
les Français. Le 28, les Français entrèrent dans Âlmélda. La
garnison sortit avec les honneurs de la guerre, et, après avoir
déposé les armes sur les glacis, dut rester prisonnière de guerre,,
ainsi que le général anglais William Cox et deux officiers de
la même nation que lord Welihigton avait envoyés avant le
siège. On trouva encore dans la place beaucoup de munitions^
de bouche, six drapeaux et cent quinze pièces d'artillerie, parmi
lesquelles un petit équipage d'artillerie de montagne.
Le maréelial Masséna, par suite de cette loyauté qui faisait
la hase de son caractère, renvoya les milices dans leurs fbyers, '
après leur avoir fait prêter serment de ne plus servir pendant
cette guerre contre la France et ses alliés. Le marquis d'Alorna
et les autres ofQciers portugais présents au camp français fu-
rent accueillis avec acclamations par la garnison. Les officiers^
et les soldats de la ligne, ainsi qu'un millier de miliciens, deman-
dèrent à se ranger sous les drapeaux de la France. Le maréchal,
dans l'espoir de détacher ainsi des Anglais une partie de la po*
GUSaBB D BSPAGKE. 475
pulatîon, céda aux îDstanoes du marquis et des généraux por- imo.
tugais , qui se rendaient garants de la fidélité. de ces troupes, Portugal
et proposaient d'en former un corps au service de France pour
Topposer à ceux qu'avaient organisés les Anglais, et qu'on sup-
posait supporter impatiemment leur Joug. Si le maréclial eût
mieux connu les mopurs et le caractère des peuples de la Pénin-
sule, il se fût bien gardé de leur montrer autant de confiance
et de générosité. Fiers et vindicatifs, l'Espagnol et le Portugais
ne pardonnent point. Lors de cette guerre , injuste sans doute
dans son principe, ils ne se faisaient aucun scrupule de sacri-
fier tout sentinîent de reconnaissance à leur penchant pour la
cruauté. Dans les guerres les plus terribles , le plus décisives ,
les peuples policés se font généralement une loi de ne point user
de perfidie et de ménager leur ennemi s'il tombe sans défense
entre leurs mains ; aux yeux de l'Espagnol et du Portugais, tout
moyen était bon pour immoler et prolonger le supplice de leurs
adversaires. On pourrait dire que c'est dans les raffinements de
la vengeance la plus atroce, dans les actes de la cruauté la plus
inouïe , qu'ils puisaient de nouvelles forces de résistance.
Les 3,000 hommes de milices renvoyés par le prince d'Ess-
ling ne rentrèrent chez eux que pour y retrouver des armes, et,
malgré le serment qui les liait, ce furent 3,000 ennemis de plus
à combattre. Le reste de la garnison d'Alméida, composée de
l'ancien régiment de Bragance, de 1,000 miliciens et d'une
compagnie de cavalerie, accepta avec les plus vives démonstra-
tions de joie la proposition du marquis d'Aloma de coopérer à
soumettre le Portugal. On en forma une brigade, qui fat mise
sous les ordres du général portugais Pamplona; dès le surlen*
demain, ils avaient tous déserté.
Alm^da s'était rendu après treize jours de tranchée ouverte.
Ce siège avait coûté aux Français 62 morts et 439 blessés. Lord
Wellington, qui s'était opinlÂtrément tenu en observation der-
rière cette ville , ayant aigris qu'elle était tombée au pouvoir
des Français^ battit en retraite, et se retira dans la vallée du
Mondégo, sur la route de Lisbonne. Le corps d'armée du général
Reynier qui avait quitté FEstremadure espagnole et traversé le
Tage prèsd'Alcantara, se concentra sur les deux autres corps
flrançais, le 8* et le 6% dans les environs d'Alméida. Le corps
476 LIVRE SBPTIÈHB.
1810. anglais du général Hlli , qui était opposé à celui du général Bey-
portiigaJ. jjjgj.^ ^^g Ei\as et Portalègre, traversa de même, par un mouvez
ment correspondant , le Tage à Villa-Velha. Ainsi ces deux corps
s'étaient également rapprochés de leurs armées respectives.
L*armée française, prête à marcher sur le Portugal , était forte
d'environ 52,000 hommes, y compris 6,000 hommes de cavale-
rie. D*autre part , ce n'est point exagérer que de porter à
150,000 hommes le nombre des troupes anglo-portugaises de
toute espèce postées seulement entre le Duéro et le Tage pour
combattre les Français ou pour les harceler dans leur marche.
On a dit que l'invasion du Portugal fut une grande faute po-
litique à répoque où cette nouvelle expédition fut effectuée ; que
les Espagnols commençaient alors à n'être plus dupes de Té-
goïsme et de l'astucieuse conduite des Anglais. Constamment
abandonnés par leur infidèle allié au moment da danger , li-
vrés à leurs propres forces devant un vainqueur irrité» ils com-
mençaient à se lasser de la guerre, et maudissaient ouvertement
ceux qui les avaient engagés à persévérer dans une lutte aussi
inégale. L'intérêt et le temps avaient refroidi le zèle des parti-
* sans du fils de Charles IV, et augmenté de beaucoup celui des
nationaux qui avaient embrassé la cause de Joseph. C'était le
moment d'employer toutes les troupes françaises répandues en
Espagne à purger ce pays des bandes de guerrillas qui Tinfes*
talent et qui soutenaient presque seules la guerre. On devait
alors redoubler d'ardeur pour rétablir une discipline sévère parmi
les soldats , régler les administrations civiles et militaires, ré-
primer et punir les vexations dont les Espagnols étaient victi-
mes. On eût alors achevé la conquête de ce pays ,' familiarisé
déjà avec son nouveau souverain; en cas de revers, on eût au
moins évité ces grandes catastrophes qui devaient en amener
de plus terribles encore.
On a répondu à cela que, pour soumettre TEspagne par la
force des armes , il fallait, :avant tout, priver les Espagnols
de, l'appui de l'armée anglaise, ce qu'on ne pouvait obtenir
que par la conquête du Portugal. Il est vrai que beaucoup
d'Espagnols , fatigués de la guerre , mécontents des Anglais ,
s'étaient ralliés au gouvernement du roi Joseph, pensant que
c'était l'unique mojen de conserver Tindépendance nationale-
Portugd.
GUfiBBE D*£SPAGNB. 477
et Uintégrité du royaume; mais ces bonnes dispositions igfo.
étaient bien . changées depuis le décret impérial du 8 février,
qnl avait érigé en gouvernements militaires les provinces d'£s«
pagne les plus rapprochées de France. La régence de Gadiz pré-
senta aux Espagnols rétablissement de ces gouvernements
comme violant Tintrégrité du territoire, les excita à redoubler
d'énergie pour repousser la domination de Tempereûr, et le ca-
binet britannique acquit dès lors une grande Influence dans
les affaires de TEspagne. La nation répondant à Tappel du
gouvernement, bientôt les guerrilla^se multiplièrent au point
qu'il fallut employer une armée entière pour les poursuivre et
pour maintenir les communications avec la France. Ainsi il n'é-
tait plus temps, à Tépoque de la troisième invasion du Portugal,
de compter sur les nationaux qui avaient embrassé la cause de
Joseph; ceux-ci, déjà désignés aux peuples sous le nom d*a-
francesados, passaient aux yeux de la multitude pour ennemis
de leur patrie, qu*ils avaient concouru à asservir et à placer
sous le joug de Tétranger. Dans de telles circonstances, le der-
nier et le meilleur parti à prendre était de chasser les Anglais
de la Péninsule; mais, pour assurer le succès d*une telle entre-
prise, il eût fallu déployer de phis grands moyens que ceux
qui furent mis à la disposition de Tillustre maréchal auquel elle
fut confiée.
Avant de pénétrer dans le Portugal, le maréchal Masséna
fit répandre dans ce pays la proclamation suivante :
« Portugais,
0 Vous faut-il d'autres preuves de l'abandon des Anglais que
leur, inaction devant Alméida? Pouvez- vous vous méprendre
sur leurs véritables intentions^ et 25,000 hommes. tiendront-ils
si longtemps dans un honteux esclavage plus de deux milli(His
d'habitants? Récapitulez les maux qu'ils font peser sur vous 1
Ils vous ordonnent de quitter vos foyers quand ils s'en éloignent
eux-mêmes ; ils emportent les grains et les bestiaux destinés à
nourrir vos familles ; ils détruisent tout ce qui pouvait servir à
l'habitation et aux besoins de la vie, et ils veulent que le Por-
tugal ne soit plus qu'un monceau de ruines dès qu'ils seront
obligés d'en sortir. Est-ce dans votre intérêt qu'ils vous em-
478 LiTaB àiPTitaft.
1810. mëneat sur les bords de la mer et oif anlseiit tons ces moyens
Portugal. ^^ destruction ? Ne Yoyez-vous pas qu'en vous forçant à aocora-
pagner vos enfants Jusqu'auprès de leurs vaisseaux ils veulent
que les vieillards et les femmes, après avoir dit un étemel adieu
aux objets de leurs affections, ne puissent pleurer leur misère
et leur infortune que sur les débris des chaumières que vous
^ avaient laissées vos aïeux?
«r Et vous, soldats portugais, n'avez-vous pas aussi votre pari
dans les humiliations dont ilsabreuvent vos compatriotes? Quel
cachet de flétrissure n*ont-ils pas imprimé sur vos bataillons en
vous donnant des chefs, comme si vous n'aviesi pas parmi voua
des ofAciers dignes de vous commander ! Ne manquez-vous pas
de pain pendant qu'ils consomment à satiété les ressources
préparées pour vous? Portugais! je vous l'ai déjà dit : rentres
dans vos habitations, et livrez- vous à vos occupations domesti-
ques; et vous, soldats du Pcurtugal, donnez-vous des chefs, se-
couez le joug de ces alliés qui vous accablent de leur mépris.
Les armées du grand Napoléon sont là pour vous faire respec-
ter et pour défendre vos personnes, vos propriétés, vos familles
et vos droits. Accueillez-les en amis ; rappelez- vous qu'elles ne
font la guerre qu'à Tennemi du continent, et qu'il est de votre
intérêt de vous joindre à elles pour l'expulser de votre terri-
toire. Résistez toujours aux insinuations perfides de ces hom-
mes que l'or de la Grande-Bretagne a séduits; ils veulent, à
l'ombre de l'influence anglaise , vous gouverner pour leurs pio*
près intérêts, et non pour le bien de votre pays. Ils sont autant
vos ennemis que ceux dont ils sont les agents. »
En même temps le prince d'Essling rappela à l'armée , par
un ordre du jour, le respect des personnes et des propriétés.
Pourvus de vivres, les soldats n'avaient aucun prétexte pour
quitter leurs rangs. Ils devaient marcher en masse, car des pre-
mières impressions que feur conduite donnerait aux habitants
dépendait celle que ceux-ci tiendraient à leur égard.
Après la conquête de Qudad-Bodrigo et d'Alméida^ qui assu*
rait à l'armée française une excellente base d'opérations, le mo-
ment était venu d'entrer en Portugal, de marcher sur Lisbonne
et d'en chasser les Anglais, but principal de l'expédition ; mais
rien n'était encore prêt pour exécuter cette importante entre-
GUERBB d'BSPAGKB. 479
prise. Le 2 septembre on n'avait pas pour quinze jours de vivres, isio.
faute de moyens de transports ; la fatigue, les grandes chaleurs ■•°f*"««*'
et le manque de nourriture avaient fait périr presque tous les •
chevaux des équipages; le peu qui en restait était complètement
hors de service. L'artillerie, qui en avait pei^u 1,500 pendant
les deux sièges, avait besoin d*étre remontée et réorganisée. Les
troupes manquaient de cartouches , d*habil1ement et de chaus-
sure ; 2,000 hommes avaient péri dans les tranchées de Oudad-
Kodrigo et d*Alméida, et 6,000 gisaient dans les hôpitaux. C'é-
tait donc avec une armée déjà affaiblie » mal habillée et mal
chaussée; dépourvue de vivres et de munitions, sans réserve et
sans espoir d'être secourue en cas de revers, que Masséna allait
marcher à la conquête d'uii pays défendu par plus de 150,000
hommes, protégé par les difficultés naturelles d'un sol aride,
héiCissé de montagnes et dépourvu généralement de routes et de
chemins praticables. Malgré rinsufSsance de ses moyens, le
prince d'Essling, confiant dans sa fortune , résolut de prendre
l'initiative.
Comme on craignait au quartier général que la Sierra d'Es*
trella fût impraticable, et, d'un autre côté, la route directe de
Célorico à Coîmbre formant un défilé de quinze lieues, où Wel-
lington avait retranché des positions formidables, le maréchal
Masséna se détermina à opérer sur la rive droite du Mondégo
et à y réunir ses forces pour marcher sur Yiseu et Coimbre.
S'il parvenait à battre Wellington derrière cette dernière ville,
il le poursuivrait alors jusque dans Lisbonne pour le forcer à se
rembarquer. En arrêtant ce plan d'opérations fort simple, Mas-
séna ignorait complètement Texisteuce des lignes de Lisbonne.
Le général anglais, déterminé à se replier et à réunir toutes ses
forces à quatoi'ze lieues en avant de cette capitale aussitôt que les
Français passeraient la Coa et s'avanceraient sur le Mondégo ,
avait fait travailler depuis dix mois à un vaste camp retranché
dont la droite touchait au Tage , tandis que le centre s'étendait
sur les montagnes, à Sobral et à Monté- Agraça, et la gauche
au delà de Torrès-Védras, à l'embouchure du ZIzambro. Cette
position réunissait à l'avantage de couvrir Lisbonne et le mouil-
lage de la flotte anglaise celui de servir de refuge aux popula-
tions refoulées vers la capitale. On avait retranché en arrière
480 L1VBE SEPTIÈME.
isio. de cette première ligne deux antres camps non moins sûrs,
Portugtu ^^g lesquels l'armée pouvait se retirer si le premier était forcé.
Le troisième, établi à l'eraboochure du Tage» était destiné à pro-
téger rembarquement de l'armée en cas d'échec.
Pendant les sièges de audad-Rodrigo et d^Alméida, Tarmée
anglaise, composée de cinq divisions d'infanterie et[d*uie divi-
sion de cavalerie, couvrait les positions suivantes : la l'*^ divi-
sion, aux ordres du général Spencer, était à Viseu ; la 2*, celle
du général Hill, était à Âbrantès ; la Z% commandée par le gé-
néral Picton, occupait Gélorico ; le général Gole tenait Guarda
Avec la 4^; la 6^ division, composée des troupes légères aux or-
dres de sir Robert Crawfurd , campait derrière le Lamégo ; la
division de cavalerie , sous les ordres du général Stappleton
Cotton, cantonnait dans la vallée du Mondégo. Le maréchal
Beresford avait deux fortes divisions portugaises à Thomar et à
Abrantès. Mais, après la prise d' Alméida, Wellington échelonna
le gros de son armée sur la route de Gélorico à Goîmbre, afin
de pouvoir, au premier signal, défendre le passage de l'Alva et
du Mondégo. Il étendit les postes avancés de son armée, en y
comprenant les troupes de Hill et quelques autres, sur la droite,
depuis le côté d'Alméida, par la Sierra d'Estrella, jusqu'à
Guarda et Castello-Branco. En cas d'attaque, toutes les divi-
sions devaient se replier et se concentrer vers les lignes. Cette
position avait l'inconvénient d'être trop étendue ; car l'armée
française, tout en menaçant Gélorico, pouvait s'interposer, par
Belmonté, entre Wellington et le général Hill. Le dernier, en
suivant parallèlement, comme nous l'avons dit, les mouvements
du général Reynier, était arrivé à Castello-Branco le 21 juil-
let, et, d'après l'ordre de Wellington, il s'était porté jusqu'à
Sarzedas avec 16,000 hommes et huit bouches à feu. On coupa
la route au-dessus de Govilha , et une brigade portugaise fut
postée à Fundao. Une réserve formée àThomar, forte de 8,000
Portugais et de 2,000 Anglais, aux ordres du général Leith, fut
établie entre deux positions retranchées derrière le Zézère , af-
fluent du Tage, et tout près de l'Alva , afQuent de Mondégo.
Wellington avait, pour opérer sa retraite depuis Gélorico, le
choix de deux routes : celle qui conduit à la Sierra de Mur-
celha et celle de Viseu. La première parcourt une distance de
GUERBB D*E8PÀ0NB. 41)1
quinxe lieues le long du défilé qui est entre le Mondégo et la imo.
Sierra dT^trella , et se termine à la Sierra de Murcelhâ. De là , '•*rt"«?''
un chemin qui \a à Esptnhal facilitait les communications
avecHiil et Leith) et par un de ses embrancliemenls on com-
muniquait avee€k>imbre. La seconde route, celle de Viseu , est
une des plus mauvaises du Portugal ; elle est coupée par le Criz
et d'autres courants, et étroitement resserrée entre le Mondégo
et' la Serra de Caramula, qui se réunit, par un pays monta-
gneux;, à celle de Busaco, limite, pour ainsi dire, de la vallée,
et qui fait faceàcelledeMurcelha, baignée par les eaux de TAlva.
Les deux Sierras sont séparées par le Mondégo, qui coule à leur
pied. Avant de se décider Wellington attendait que les Fran-
çais prissent un parti. Le sien était déjà pris pour enlever à
Tarmée française toutes les ressources du pays qu'elle allait
traverser. Tout le territoire Jusqu'aux environs de Goîmbre^
par où le général anglais présumait que Masséna devait péné-
trer, fut dévasté* Des ordres impitoyables furent donnés pour
obliger les habitants de tout âge et de tout sexe à quitter leurs
foyers et à se diriger sur Lisbonne. Les récoltes furent incen-
diées , les champs ravagés, les moulins, les fours, les usines,
les ponts , les bacs, les chariots, les instruments de culture fu-
rent détruits, ainsi que tout ce que les populations ne purent
emporter dans leur émigration forcée, rigueurs que Justifierait
à peine la conquête, et qui, à l'égard d'une nation alliée , étalent
le comble de la tyrannie. On ne peut comparer cette manière
odieuse et barbare d'accomplir un plan de guerre à l'Incendie
du Palatinat par Turenne, qui agissait alors en pays ennemi.
Wellington n'avait pas même cette triste excuse; mais, égoïste
et sourd à la voix de l'humanité, il se souciait peu des souffran-
ces d'un pays qui n'était point le sien, et qu'il ne défendait pas
dans l'intérêt de ce pays même , mais dans les intérêts politi-'
ques et mercantiles de sa propro nation.
C'est en prenant conseil des généraux portugais qu'il avait à
son état-major, et qu'il supposait bien instruits, que le maréchal
Masséna s'était déterminé à marcher sur Viseu , et de là sur
Coîmbre , ces Portugais lui ayant affirmé que cette route était
fiiclle et peu embarrassée d'obstacles.
V armée française pénètre en Portugal. -— L« 16 septem- le wepL
z. 3f
492 UVBS SBfTlàaiE.
mo. bre, Tarmée française commença son mouvement gàiéral et
roriug4 q^i^|| Alméida et ses environs. Elle se composait de sept dî-
visionsf d*infanterie (41,649 hommes), de denii divisions de ca-
vaierieattachées aux trois corps d'armée, et d'une réserve de dra-
gons (6,304 chevaux) ; d*on personnel d'artillerie, du génie et des
équipages militaires s'éleyant à 4,497 bommfs'. Le 8^ corps
> £n TOiici te tableau :
Le maréchal Masséoa, prince d'ËssHng, général ^ chef;
Le général de d vision Fririon , clief de Tétat -major général ;*
L'adjudant-commaiMant Delosne , sous-chef ;
Le général de division Eblé , commandant l'utîllcrie;
Le général de division Laxowski, commandi^t le génie ;
Llnpocteur au« revues Lambert, intendant général de l'année.
AILE DBOITE.
S"" Corps. Le général de division dac d'Abrantès , commandant en clief,
i*' JHvlsion. Le général Clausel, commandant.
Ménard, Taupin, Godart^ généraux de brigade.
Infanterie : RégimenU : 15« léger, 19*, 22% 2&% 2S% 34% 36% 4tt*,
75* de ligne; 6,636 hommes.
2* Division. Le général Solignac , commandant.
Gratien , Tliomières , généraux de brigade.
Infanterie : Régiments : 15", 47*, 6&% 70% S6* de ligne, bataiUon de
Prusse, Irlandais; 7,196 hommes.
Cavalerie : Sainte-Croix, général de brigade, commandant. Régi-
ments: r% 2*, 4*, 9% 14% 26*, dragons; 1,581 chevaux.
Artillerie, génie, gendarmerie, équipages militaires, mulets de bât;
1,293 hommes, 1,405 chevaux et mulets.
CENTRE.
6* Corps. Le maréchal duc d'Elchingen , commandant en clie|l
l*"* Division. Le général Marchand, commandant.
Maucune, Marcognet , généraux de brigade.
Infanterie : Régiments : 6* léger, 39*, 69*, 76* de ligne; 6,547
hommes.
2* Division, Le général Mermet, commandant
Bardet , Labassée , généraux de brigade.
Infanterie : Régiments : 25* léger, 27*, 50*, 59* de iign^; 7,009
hommes.
3* Division. Le général Loison , commandant.
Simon , Ferrey, généraux de brigade.
Infanterie : Régiments : légion du Qiidi, légion hanovrienne, 32* léger,
26*, 66*, 82* de lignç ; 6,903 hommes.
OUBBBB 1>*BSFA0II«. 48l
^ la Goa et màreha à Pinhel , sidvi da pâte d'artillerie / imiil
des équipages et des vivres. La réserve de cavalerie bivoua-* '«^•^^
qna sur la rive droite de cette rivière. L'avant-garde da 6^
corps s'avança jusqu'à Foruos , sur la rive droite do Moudégo.
Le corps d'armée bivouaqua en avant de Gélorico. Le a* corps
se porta sur le Mondégo près de Gélorico, où il opéra sa Jonction
avec le 6* corps. La division Heodelet resta à Guarda. L'armée
ainsi placée pouvait marcher de front sur le Mondégo ou de
flanc sur le Zézère, par la route de Belmonté. Ainsi le mouve-
ment général se trouva démasqué ving^quatre heures trop tôt
par la pointé du maréchal Ney sur Gélorico , en portant son
avant-garde à Fornos an delà du Mondégo. Pour rentrer en
Ca?alerie : Lamofte, général de brigade, commandant Régiments : 3'
de hussards, 15^ de cliasseurs; 942 hommes.
Artillerie, génie, gendarmerie, équipages militaires, mulets de bdl ;
1,733 hommes, 1,856 chevaux et mviets.
AILE CACCHE.
1* Corps. Le général de division Reynier, commandant en cher.
t*^ Division. Le général Merle, commandant.
Sarrut, Graindorge, généraux de brigade.
Infanterie : Régiments : 2% 4" légers, \à^^ 36* de Kgpe ; 5,579 hommes,
2" Division, Le général Heudelet, commandant
' Foy, Arnauld , généraux de brigade.
Infanterie : Régiments : 17% 31*" légers, 47**, 70*>, 80* de ligne;
7,179 liommes.
Cavalerie : SouH, général de brigade, commandant RégimenU :
l*' de hussards, 22*" de chasseurs, chasseurs hanovrtens , 8« de dra-
gons; 1,294 chevaux.
Artillerie, génie; 1,307 liommes, 2,700 chevaux.
Réserve de cavalerie. Le général de d^ision Montbran, commandant
en clief .
Le général de division Treilliard.
Lorcet, Cavrois, Gardanne, généraux de hrigade.
Régiments: 3", 6*, 10*, 11% 15*, 25* dragons; 3,487 chevaux.
Artillerie, 164 hommes, 237 chevaux.
Cequi donne pour les ^îscorps d^rmée et la réserve de cavalerie un total
(le 58,850 hommes ^de toutes armes, non compris les éta(»>rai(^r8 ( i;094
hommes ) ; mais de ce total il faut déduire 2,400 hommes restés à Ciodad-
Rodrigo et à Alméida, 3,000 hommes restés dans la province de Salamanque,
aux ordres du général Gardanne, et 1,000 hommes de cavalerie détachés sur
divers points, ce qui réduit relTectif de l'armée d'invasion à 52,45a hommeif
au moment de rentrée en eampa^ie.
SI.
484 LIYBB SSPTlin.
1810. ligne Ney reçut Tordre de séjourner le 17 dans la posltloti oftf
l»ortii8«t. n ^ trouvait, et Wellington eut vingt-quatre heures d'avance
pour donner ses derniers ordres et attirer à lui le corps de Hill.
Le 1 7, les r et 6"" corps, réunis à la cavalerie de Montbrun, en-
trèrent à Célorico et replièrent les avant-postes ennemis sur
Cortiza. Wellington commença alors sa retraite sur TAlva par
la rive gauche du Mondégo.
Le général anglais supposait que le prince d'Essling marche*
rait sur Lisbonne par la direction la plus courte ; or, c'était évH
demment celle de Pon^-Murcelha , en laissant le Mondégo à
droite. £n conséquence, Wellington, après avoir passé PAlva^
avait fait sauter le pont de Murcelha sur cette rivière et celui
de San-€omba-Dao sur le Dao. La position occupée par Ten-
neml, de l'autre côté de la rivière, était déjà très-forte par elle-
même; on y avait encore ajouté plusieurs redoutes. De là jus-
qu'à Pombal, les deux rivières de Ceira et de Deuça présentaient
de nouvelles positions avantageuses pour ralentir la marche
des Français. Des ouvrages avaient été construits sur toutes
les hauteurs qui protègent les défilés ; Wellington n*avalt laissé
d^ailleurs, en avant de sa position, et pour observer les mouve-
ments des Français, que Tavant-garde aux ordres du général
Crawfurd, avec laquelle la cavalerie française eut , pendant sa
marche, quelques engagements de peu d'Importance.
Le 18, le' 8^ corps atteignit Otojal et le grand parc» Povoa
del Rey ; le 6* corps arriva le même jour à ManguaIdo et à Fre-
xiosa ; mais le parc de réserve de ce corps ne put dépasser
Fomos. Le 19 , le 8* corps traversa Yiseu ; le 6^ se porta sur
la route de Coimbre, et le 3® s'établit en arrière et en avant de
ManguaIdo. Dans cette marche pénible, que ralentissait celle de
Tartillerie arrêtée sans cesse par des chemins affreux, l'armée
ne rencontra presque pas d'habitants ; les campagnes étaient
en feu et les villages déserts ou détruits. Yiseu , ville de 6 à
7,000 âmes , dans une plaine fertile, entre le Mondégo et la
Youga , et très-commerçante , était abandonnée de ses habi-
tants. Tbos ses magasins avalent été évacués ou brûlés.
Le 20, les trois corps composant Tarmée de Portugal se trou-
vèrent réunis à Yiseu et à ManguaIdo. Le 8* corps avait pré-
cédé les deux autres de quelques heures; son avant-garde avait
GUBBRB d'BSPAONE. 4BB
«changé quelques eoops de fusil avec ub peloton de Tarrière- miki.
garde aoglo-portugaîse. Ponagji.
On a dit que lUnteution du maréchal Masséaa était de tour*
ner la Serra d*Alcoba par un des nombreux chemins qui rayon*
nent sur Yiaeu et d'arriver sdr Coïmbre en côtoyant le revers
occidental des montagnes; qu'il avait recommandé aux dacs
dTAbrantès et d'Elchingen de s'assurer s'il existait des chemins
praticables de Viseu à travers la Serra de Garamula, mais que
ses ordres furent mal exécutés ou ne le ftarent pas du tout, et
qu'on lui répondit qu'il n'en existait pas; ce qui était faux,
car il en existait plusieurs. Peut-être doit-on regretter que le
maréchal n*ait pas imité son adversaire» qui ne confiait à per-
sonne le soin des reconnaissances générales, dont il appréciait
tonte l'importance. Si, sans se fier entièrement aux rapports
de ses états-majors et aux assertions erronées des officiers
portugais qui suivaient son quartier général , le maréchal
eût pris- lui*méme connaissance des voles de communication
entre les deux revers de la Serra d'Alcoba, il eût appris vrai-
semblablement qu'à six lieues sud-ouest de VIseu il existait un
tiiemin conduisant de Mortagoa, à travers la Serra de Cara^
mula, Jusqu'à la route d'Oporto à Goïmbpe, et la fatale rencon-
tre du 27 n'eût peut-être pas eu lieu ; mais, persuadé de l'exac-
titude des rapports qu'il avait reçus , Masséna se vit forcé de
longer la rive droile du Mendége pour atteindre Goimbre.
' Le duc d'Elchlngen reçut en conséquraee l'ordre de porter
son avant-garde sur Casai de Maria et d'échelonner son corps
entre Tondella et Sabugosa. L'avant-garde du ^ corps fut di-
rigée sur Santa-Gomba-Dao, et une division occupa le pont d'O-
Uvelra-do-Condé. Pendant ce temps, le parc d'artillerie et les
équipages 9 qui s'acheminaient lentement sur Viseu, furent
attaqués par le brigadier anglais lyant^ du corps de milices
portugaises eommandées par le général Bueoelar^ et destiné à
Inquiéter le flanc droit et l'arrière-garde de l'armée française.
Trant, qui venait de Molmento-da-Belra avec 3,000 hommes
d'infanterie, loo chevaux et cinq pièces de canon , s.e présenta
le 20, à quatre heures du soir, sur la droite et en avant du con-
voi. Le chef d'escadron qui le commandait, n'ayant à sa dis-
position qu'une faible compagnie du 75® de ligne et 15 gen-
486 UVAX fEPTl^Jil.
If «0. darmeB, forma ria&nlerle ea carré ; la fiisainde «'engagea, et ,
Portngtf. ^^ s'arrêter, le convoi oontiiiua sa route aveeperte d'une ving-
taiae d'hommes. Les dernières voltores .nVrfvèrent à Viseu
que le 33 au soir, oe qui fit perdre quatre Jours à Masséna , et
Wellington se hâta de profiter de ce retard. Éclairé par le rap-
port de Trant sur la direction suivie par Tarmée française, il
fit passer le Mond^o aux divisiooa Crawfurd et Gole, qui re-
montèrent le Dao et le Griz et rompirent les ppnts. Il s'établit
avec la division Piéton et la cavalerie à Ponté«Murcelba, où il
appela d'Es|rftthal la division Hill. Ijo général Spencer eut l'or-
dre de se porter sur Coïmbre par la rive gauche du Mondégo.
Wellington venait enfin de se résoudre à risquer les chances
d'une balaille sur la Serra d'Alcoba. Cette cbaine, dont le ver-
sant oriental est hérissé de rochers très-escaipés et déchiré par
de profonds ravins>, n'a pas quatre lieues et deipie de longueur ;
die se termine brusquement à la rive droite du Mondégo et se
confond de Tautre côté avec la Serra de Caramula» qui 9e réunit
à celle de Busaeo. Cette dernière, située entre la route de Viseu
à CoImbre et le chemin de traverse qui la quitte à peu de dis-
tance de Ponté de Criz , pour gagner la route de Coïmbre à
Oporto, est la partie la plus élevée de la Serra d'Aksoba (deusL
cent quatre-vingt-dix toises) et n'a guère plus de deux lieue»
du sud an nord. Elle est couronnée par un plateau longitudinal
qui suit la même direction et sur lequel s^élève un couvent de
cannes déchaossés où Wellington établit son quartier général.
Ce plateau est traversé vers le milieu par un chemin qui ratta-
che ee«x de Mortagoa et de Viseu à Coirabre, et qui lacilitait
les mouvements de l'artillerie d'une de ses extrémités à l'autre.
Au aord du couvent , une gorge qiie sait un troisième chemin,
qui descend dans la plaine de Villanovaen tournant rAlcoba,^
sépare celle-d de la Serra de Caramula.
Le S2, le due d*£lchmgen fit passer le Criz à gué par trois
bataillons et le iV" régiment de chasseurs à cheval, qui se pla-*
eèrent sur les hauteurs de la rive droite, et le lendemain le
générai Loison, avec une colonne de 1,200 hommes d'infanterie
et de cavalerie, s'empara de Barril, d'où il fut forcé de se retirer
devant des foroea supérieures.;, mai», soutenu par l'avant-gaede
du iP corps, il rentra dans Barril, d'où il ehaasa l'ennemi, qui
GUtBBB D*ESPAGNÉ. 487
se retira par ks chemins de Basaco, Motra et MéaHiada. Ainsi, «^to.
contrairement à l'opinion de Masséna, qui pensait que Welling- ^^^'^c^Kat
ton n'accepterait la Imtalite que sous Cdimbré, celui-ci s'arrê-
tait définitivement dans la Serra de Busacô : cdr, laissant lé
corps de Hill sur la rive gauche du Mondégo, il donna ordre fl
la division de cavalerie et à deux divisions d'infanterie de pas-
ser cette rivière à Ponté-Murcelha. La division Crawfîird et là
brigade portugaise du gâiéral Pack marchèrent à Mortagoa;
les divisions Cole et Picton se postèrent entre ee village et leai
dernières pentes de PAIcoba ; la cavalerie se déploya dans la
plaine de Mortagoa Jusqu*âu Mondégo, et la division Spencer
entre Coimbre et Méalhada.
Le :e4, le général Lolson, voulant reconnaître la position des
alliés et les chemins qui conduisent à Goimbre , se porta sur
Mortagoa et jusqu*au pied de la montagne d*Aménorà, dont
Tennemi occupait le sommet. Cette reconnaissance, dans laquelle
le 32*" de ligne et la légion du Midi firent environ 50 prisonniers,
prouva que les trois chemins qui traversent la Serra d'Aicoba
étaient pratieabtes pour rartlllerie et que les alliés étaient déci-
dés â en défendre l'entrée.
Le 35, l'avant-garde du 2« corps poussa Jusqu'à San-Antonfd
de Can^rOy d'où vient Tun des trois chemins qui conduisent à
Coîmbre, et le corps d*armée prit position à Bemfeita. L'avant-
garde dn 6^ corps se porta en avant de Mortagoa, sur le chemin
qui conduit à Cofmbre par le plateau de Bosaco, et s'avança
sur tes hauteurs de Moira, d'où Tennemi se retira après avoir
fait d*abord mine de vouloir disputer le terrain. Les trois divi-
sions s'établlreni sur ces hauteurs, à VHlanova, Mortagoa et
Barril. Le 8* corps, qui était resté à Viseu pour donner le temps
nécessaire aux réparations de rartlllerie et des équipages , et
qui suivait Farm^ à un jour de marche, bivouaqua à Casai de
MariaC avec fa réserve de cavalerie.
Le 36, lesdéux armées se trouvaient en présence. Un brouil-
lard épais, qui empêchait de distinguer les mouvements de Fen-
nemi, s*étant dissipé vers huit heures, le général Beynter aper-
çût une batterie de cinq pièces de canon, soutenue par de
Pinfanterie , qui barrait le chemin débouchant de San- Antonio^
de Cantaro. Il fit aussitôt demander au duc d'Elchingen s'il
468 LIVSB SBPTIÈliE»
itio. fallait {Misser outre. Le maréchal Ney, toutea coBvenaot qu'oo
p^itaeai. QQ pouvait encore deviner les dessems de l'ennemi , écrivit au
général Eeynier que, s*il avait le commandement, il attaquerait
sans hésiter. Il annonçait, en même temps» qull avait dépéché
un aide de camp à Masséna, dans la matinée , pour le presser
de prendre un parti. Celui-ci arriva à midi sur le front du 6'
corps. Après une rapide reconnaissance de la position de Ten-
nemi , Masséna hésita à attaquer ; il n*y avait cependant pas
d'antre parti à prendre pour passer; d'ailleurs la confusion qui
régnait alors dans les mouvements de l'armée alliée offrait les
plus grandes chances de succès à l'armée française. Dans ce
moment Leith passait le Mondégo avec sa réserve ; Hitl n*étaît
pas encore arrivé de Ponté*Murcelha , et Wellington avait à
peine en ligne 25,000 hommes. S'il eût été attaqué à l'instant
où le maréchal Ney voulait le faire , il est certain qu'il eût été
forcé de céder le terrain; mais, lorsque Leith et Hill parurent,
Wellington forma sa ligne de bataille de la manière suivante :
les divisions Hill, Leith, Picton et Spencer furent placées à droite
du couvent de Busaco , que la brigade portugaise du général
Golman fut chargée de défendre; Uill occupait la droite; Leith
était à sa gauche; ensuite venait la division Picton, et puis la
division Spencer^ qui était établie entre Picton et le couvent. La
division Gole se forma à Textrémité opposée, pour couvrir le
passage conduisant au village de Méalhada, situé dans uniç
plaine où se posta la cavalerie de sir Stappleton Cotton, à l'ex-
ception du 14" régiment de dragons, qui occupait les hauteurs.
La brigade portugaise du général Pack , formant Tavant-garde
de la division Spencer, était postée à mi-côte en avant du cou-
vent. La division légère du général Crawfurd s*établit sur la
pente de la route, en face du couvent. Sur divers points, à Tar-
rière-garde de la ligne, étaient placés les Portugais, pour soute-:
nir le corps de bataille. Environ cinquante pièces de canon
étaient en batterie aux abords de la ligne, que couvrait une chaîne
de postes très-rapprochés.
Une reconnaissance plus complète de la position de Tarmée
anglo-portugaise fit reconnaître qu'elle était accessible sur plu-
sieurs points, surtout à la gauche de l'armée française, où elle
avait trop de développen^ent et offrait de grandes lacunes, et
GOBIBB d'BSPAGICC 489
qu^en t^énétraiit dtitis un des intervatles de sa ligne de bataille ^mo.
il serait facile de la couper en deux et d*en culbuter la droite i*«>rt°ff>t^
ou la gauche en prenant en flanc Tune ou Fautre de ces ailes.
Dans un conseil où le maréchal réunit, le soir, les diefs des
trois corps d*année et les commandants de Tartillerie et du
génie, le duc d*ElchiDgen exprima le regret qu*on n'eût pas
attaqué la veille et soutint qu'il n^était plus temps d'y songer;
il émit ravis de rclouruer h Visai ou même sur TAguéda, pour
y attendre des renforts. Masséna repoussa avec indignation un
conseil , sinon pcrflde , du moins contraire au caractère de ce-
lui qui le donnait; et, déterminé par l'assurance de Reynier,
qui promettait de dérober la marche de ses' colonnes à la vue
de l'ennemi, il résolut d'attaquer. Ainsi il est faux de dire que
ce fut par amour-propre qu'il se dirigea dans cette occasion, et
que, jaloux de conserver le titre d'heureux que lui avaient valtf
tant de glorieux comlmts, il crut pour son propre honneur de-
voir affronter un écueil qu'un général vulgaire eût prudemment
évité. Tout le monde demandait une bataille , et il l'accorda,
moins peut-être pour obtenir de l'ascendant sur l'ennemi par
une victoire que pour forcer ses lieutenants à la soumission ;
mais il flt la faute de leur abandonner l'exécution de ses ordres
écrits, et de ne pas diriger lui-même tous les détails des atta*
ques. Ici se présente encore une occasion de faire remarquer la
différence des moyens employés par les deux chefs d'armée.
Wellington, impénétrable dans ses desseins, les mettait à exé*
cution sans consulter les généraux placés sous ses ordres, bleu
qu'ils fussent d'un grade égal au sien , ou même d'un grade
supérieur, tel que le maréchal Beresford. Il était général en
chef, ne prenait conseil que de ses propres inspirations, et tout
le monde lui obéissait. 11 n'en était malheureusement pas de
même dans Tannée française : sous les ordres immédiats de
l'empereur, chacun obéissait et tenait à honneur d*obéir; sous
ses lieutenants d'ignobles Jalousies, de mesquines rivalités de
comoiandement amenaient presque toujours des revers.
L'attaque étant résolue, le prince d'Essling dicta ses ordres
pour le lendemain 27 septembre.
Bataille de Busaco. t- C'était précisément le Jour même de ^ «.pt.
l'arrivée des Français devant la position des alliés que les gé-
4^0 unis «BPTitet.
isio. Bémix Hin et Leitb avaieiit rejoint le priadpri eorpt 4e r«r«
Portsgai. ^^ anglaisé à Bosaco. Ainsi, an momenfliipportaB, tottléB lenn
trottpes forent cdneentrées sur le premier point faToraUe qui
$*offrit pour s*opposer de tons 4eur9 efforts aux vétérans de
Tarniée française. Le sommet de l*Alooba , occupé par eux, a
deux lieues d'étendue. Sa hauteur interdit à peu près Tusage
de Tartilleiie aux assaillants. Il forme, d'alileors, une positioe
presque inatfaqoal)le , quand il est tout à ftilt occupé; niais on
a besoin pour cela d*one armée considérable. D^autre part , on
doit présumer que, lorsque le prince d'EssIing oràohna l^atta-
que, Il ignorait eiK*ore la Jonction des corps des généraux Bill
et Leitli, qui venait de s'effeelner, à son insu , par Tartre ver-
sant de la position.
La crête de la montagne d'Alcoba était alors occupée , dans
la longueur de plus d*tfne lieue» par toute l*armée de lord Wel-
lington, forte de 59,000 hommes d'Infanterie, dont 27,000 Air^
glais et S3,000 Portugais; sa cavalerie était de S^ooo hommes;
son artillerie eomptait quatre-vingts pièces de canion de tout
calibre. I^cnnenyi n*avnit réeliement que deux points à défen-
dre : la rouie dcBusaco, à droite, traversant te courent du même
nom, et le chemin de gauche, par San- Antonio de Cnntaro. Ces
deux routes menaient également à Coïmbrc ; elles gravissaient
et suivaient l'Alcoba l*espace d*une demi<<lieue» et des deux
c6tès cette montagne était si escarpée et si rolde qu'elle était
absolument impraticable. Le générai anglais avtit fait occuper
tous les iMuquets de bois et les hameaux qui se trouvaient dans
le système de sa position. Les deux routes qui conduisaient sur
le dos de la montagne avaient été coupées ou Imrricadées dans
la nuit; etles étaient défendues par une nombreuse artillerie
qui les battait de front et de ilanc. Il était impossible aux Fran-
çais d'exécuter un seul mouvement qui ne fèt aperçu de Ten*
nemi; aussi se porta-t-il en grande force sur le chemin de Bn*
saeo, que le prince d'EssIing semblait menacer davantage. Le»
Anglais se formèrent par échelons depuis le milieu de hi mon-
tagne Jusqufàn sommet, ke premier de ces échelons . appuyé à
un petit village situé à mi-côte , le second à' deux cents toises'
plu^ iMQt, et le troisième sur le platean adossé au mur dé ren-
dus du couvent de Busaco. Les troupes formant ce dernier
GUEIHB D'XSPAeVIB. 491
échelon se iKmipoMtieBt de fortes masse» d'inbiilerie, placées itio.
an point où les deux diemias joignaient la crête, et destinées à ^^^^^'^
soutenir l'artillerte et à repousser les Français, s'ils appro-
clmient du sommet après atoir enlcTé les bois et les hameaux
qui fortIflalcBt la ligne ennemie» Les commandants des
divisions anglaises, se tenant sur les points les plus élevés de
leur ligne de bataille^ découvraient tous les mouvements des
tloupes qu'on était à même de leur opposer, et, au besoin, lord
WelUngton pouvait lUre jmier ses quatre-vingts pièces à la fois.
Cette dernière dreonstaoce seule assurait déjà tout Tavantage
à rennemi, puisque la nature des lieux et du champ de bataille
ne permettait pas au générai français de foire soutenir ses co-
lonnes d'attaque par une seule pièce de canon. La réserve an-
glaise ne tarda pas à se démasquer et à prendre position sur le
plateau entre Busaco et San-Antonlo; le général Hill, qui la
commandait , se trouvait ainsi à même de se porter partout ou
son secours serait nécessaire.
L'armée française comptait .^0,000 fantassins et 4,ârOO ca-
valiers. Diaprés les dispositions prises par le maréchal Masséna^
te 6* corps formait la droite, sur la route de Viseu à Coîmbre
qui passe par Moira, et avait reçu l'ordre d'attaquer le couvent
de Busaco dan» cette direction. Le 3^ corps tenait la gauche ^
à ttauteur de San- Antonio de Cantaro , et devait pousser l'en*-
nemi sur le couvent en gravisMunt la croupe de la montagne au
pied de laquelle était massée la division du général Merle ; ce
corps d'armée faisait face à la droite des alliés , par laquelle it
élait.délK>rdé. Lee^ corps occupait le centre et servait de ré-
serve. Le- prince d*£ssling se plaça, avec l'état-major général ,
sur un mamelou, près de la roule, au centre du maréchal Neyy
et à portée de quelques batteries anglaiises. Derrière hii se
trouvait hi cavalerie du général Montbrun. Quelques pelotonsi
de cavalerie légère éclairaient le flanc droit de l'armée française.
L'artillerie était derrière le G* corps, disposée à suivre l'infan-
terie aussitôt que cell»«i serait arrivée sur la^ crête de l'Aieoba^
Le 27, à sept heures d^ matin, les a* et e^ corps ottaquèrettC
simultanément avec une bravoure sans exemple; l'attaque du
générai Reynier sur San-Antonia eut pendant un instant un
succès complet; ses troupes gravirent la montagne malgré le
499 UVAB SBVTlkMB.
«sfo. fcu nourri des Anglais, qui hésitèient un moment La pente
fortusal. jq PAlooba, quoique généralement très-rude, était pourtant
beaucoup plus aeeessible que du oôté de Busaeo. La division
Merle, parvenue jusqu'au sommet, commençait déjà à se former
sur le plateau , lorsqu'elle fut aussitôt attaquée par le général
Pictott, à la tète des 55* et 88' régiments anglais, soutenus par
le 8* régiment portugais. Ces régiments, s'avançant résolument
contre la brigade du général Graindorge, firent à quinze pas
une décharge qui blessa- mortellement ce général, ses deux co*
lonels et un grand nombre d*ofllciers. De son côté, le général
Merle, qui s'était établi avec sa i"* brigade sur ki crête du pla*
teaU; fut attaqué par le général Leith à la tète des 9« et 38* légi-
ments anglais. Abordés par un violent feu de moosqueterie ,
les 2* léger et 86* de ligne furent rejelés au bas du plateau avec
une perte énorme. Le général Merie et presque tous ses offi*
ciers supérieurs furent blessés ou tués. Le eootbat était trop dis-
proportionné pour que les Français pussent le soutenir long*
temps; ils étaient harassés de fatigues, afiaiblis déjà par les
engagements qu'ils avaient eus depuis le bas de la montagne
Jusqu'en haut, sans une seule pièce de canon^ et tout au plus au
nombre de 4,000 combattants. 16»000 hommes de troupes firai*
cheSy soutenues par une bonne artillerie, marchèrent rapide-
ment sur eux, déterminèrent leur retraite » et les forcèrent à se
préd^ter. en désordre du haut de la position. Cependant le gé-
néral Reynier, ayant rallié sa i"^ division, ordonne au général
Sarrut de renouveler l'attaque, appuyé par la brigade Foy, de
la 3* division ; mais à peine Sarrut a-t*il gravi les deux tiers
de la montagne à la tète de quatre r^ments réduits de moitié
qu'il est renversé par Picton. Le 74* régiment anglais, appuyé
par les 9* et 21* régiments portugais, s'élance ensuite sur la
brigade Foy et la rejette avec perte jusqu'au bas de la monta-
gne, après.avoir mis son général hors de combat
Fendant que le général Reynier attaquait l'aile droite des
alliés, la 3* division du duc d'£lchingen, formant tète de co^
kmne, et commandée par le général Loison, s'était aussi ébran-
lée. La seconde brigade de droite de cette division, celle du gé^
oéral Ferrey, lança des tirailleurs sur ceux de l'ennemi , et suivit
un étroit sentier qui la conduisit droit sur la route. L'autre bri-
OnBRBV D*£SPAG1II. 49S
gade, oommandée par le général Simon , monta dans un des tsio.
endroits les plus élevés et les plus rapides et gravit les escar* '^^^fP^
pements en face dn Yiilage de Snl. Jamais troupe ne fit preuve
de plus d*élan et de plus de courage que n'en montra cette bri*
gade, dans une occasion aussi périlleuse. Artillerie, mitraille»
mousqueterie^ charges à la baicmnette^ difficultés du terrain,
elle surmonta tout avec la plus incroyable audace; rien ne put
ralentir sa marche. Elle culbuta promptement les tirailleurs et
s'empara du village de Molra, et atteignit enfin la crête à la
place même où étaient les pièces, que les canonniers venaient
d'emmener au galop. Le général Simon , marchant intrépide-
ment à la tète de ses tirailleurs , continuait de repousser ren-"
nemi lorsqu'il fut grièvement blessé de deux coups de feu.
Dans ce moment, les 4S^ et 52* régiments de ligne anglais, con-*
duits par Crawfùrd et presque masqués sur le versant opposé, .
s'avancèrent au pas de charge, et firent, à dix pas, un feu nourri
et meurtrier sur la brigade française, qu'ils prenaient en flanc.
Gelle-ei l^it forcée de rétrograder en toute hâte et d'abandonner
ses blessés, au nombre desquels se trouvait le brave général
Simon. Quant à la brigade Ferrey, composée des 33* léger, 66*
et 82* de ligne, qui luttait depuis une heure contre la brigade
Colman, elle fut forcée de se retirer en arrière de Moira, après
l'échec éprouvé par la brigade Simon.
La division Marchand (t^du6* corps), qui devait atta«
quer en même temps que la 8*, avait commencé son mouvement
beaucoup plus tard. Elle devait suivre la route de Busaco pour
s'emparer du passage ; elle s'engagea précisément au moment
où la brigade Simon était repoussée. L'Instant était éminem-
ment critique; la route de Busaco était battue de front et de
flanc gauche par une bonne artillerie, soutenue de masses d'in*
fiinterie. Les troupes de la division française marchaient sur
trois files d'épaisseur; mais, comme les boulets creux, la mi-
traille lui enlevaient des files entières, et que les bouquets de
bruyères et de bois qui se trouvaient à quinze ou vingt pas sur
la gauche étaient garnis de tirailleurs ennemis, la première bri-
gade, celle du général Maucune, se jeta de ce côté , tant pour
se soustraire à l'effet meurtrier de l'artillerie , que pour éloi-
gner les tirailleurs qui l'incommodaient. Elle fut suivie par la
494 LITBB SEPTIÈMB.
j»io. deu)Lièiiiebrigfule.(>BioQV€iii6atâefla]iceoùtaeheràladWifl^
PortufliL ^^^ ^Q quoiqim minutes, les e"" Mger ^ S{^,69<' et 76* de ligDt
fareat accablés de mitraille et de boulets. Le général Maucone
fut grièvement blessé et le colonel .^y fut tué. Gependaiit oq
repoussa plusieurs fois les tirailleurs ennemis jusqu'à la crête;
quelques voltigeurs pénétrèrent même dans lu retraBdiement
qui se trouvait au-dessous du rocher de gauche» ou l'ennemi
avait une batterie; mais tous y furent tués ou en sortirent Mcs«
ses. Ce peu de succès n'empêcha point le général Marchand de
former de nouvelles colonnes d'attaque, et, après quelques ins-
tants de repos» de marcher une seconde fois en avant. Les trou-
pes s*y portèrent avec la même valeur que la première fois;
mais les mêmes raisons de supériorité que la position donnait
aux alliés produisirent les mêmes résultats. Enfin, Tattaque
ayant échoué, et Tennemi s'opiniétrant à rester sur ses hauteurs,
on ne fit plus que se tirailler jusqu'à la nuit. Les deux arméea
gardèrent les positions qu'elles occupaient avant Tafitaire;
les postes français furent même poussés un peu plus loin, pour
montrer sans doute que l'armée n'avait point cédé de terrain.
Un avantage plus réel pour le général anglais fut d'être re*
haussé daiis l'opinion de ses soldats, et de leur avoir donné une
haute idée d'eux-mêmes. Lord Wellington n'omit, du reste,
aucun moyen pour flatter l'amour-proprenation^d de ses troupes»
et Ton peut dire que, le lendemain de la bataille de Busaco, leur
courage était accru de moitié.
Les Anglo-Portugais occupaient, sur la montagne d'Alcoba,
une position qui formait un arc de cercle et embrassait, par ses
deux extrémités, le terrain sur lequel s'avançaient les Fran-
çais. Le général ennemi avait vu les moindres mouvements de
ces derniers et avait eu le temps de réunir d'avance de granr
des forces pour les recevoir ; cette circonstance contrikbua prin-
cipalement au succès qu'il remporta. Les Français perdirent
1,800 hommes dans leurs attaques, et ils eurent 2,70u blessés.
Au nombre des morls se trouvaient le général Graindorge, les
colonels Meunier, Amy et Berlier ; parmi les blessés , les gé-
néraux Merle, Foy, Maucune, Simon, prisonnier; les colonels
Merle, Desgraviers, Lavigne, Bechaud ; les adjudants comman-
dants Pinoteau,. Bouret; 1 a chefs de bataillon, et enfin 225 of-
Portugal.
OOEAHB D^SPAON£. 4^S
QdeiBy tanfc (u^ qu^ blessés et prisonnier. Les Anglais et les isio.
Portugais, protégés p^r|eurposition,n*eurentqueiy600 hommes
Ikprs de epnibat.
Getéc|iec, au début de la campagne, porta une atteinte pro-
fonde à la confiance dont tant de glorieux souvenirs avaient
investi le vainqueur de Zurich , et fit naître de fâcheuses mé-
sintelligences entre le général en chef et ses lieutenants. Le ma-
réchal Ney surtout édata en propos irritants, que répétèrent à
• l'envi ceux qui blâmaient les dispositions prises par Massent^
dans cette fatale Joçimée. Cependant, à Busaco comme à Tala-
véra, Wellington n'avait obtenu d'autre avantage que celui de
conserver sa position, que vraisemblablement il eût perdue s*i)
eût été permis au général en chef de diriger en personne et si-
multanément les attaques de Reynier et du duc d'Elchingen ^
ce que la nature du champ de bataille rendi^t impossible.
Le lendemain 38) le maréchal Masséna fit reconnaître le pays,
à droite et à gauche de la ligne, par le général Sainte-Croix ,
pour chtmit des renseignements sur les débouchés de la Serra
d'Alcoba» et apprit qn*on pouvait la tourner par la droite, où
un chemin conduisant de Mortagoa à Boialva traversiôt la
Serra de Caramula. Le général Montbrun, chargé de reconnaître
ce chemin dans toute son étendue, rapporta qu'une bonne route
joignait fioialva à Avelans de Camino, et reliait ce village à la
chaussée d'Oporto À Coirabre. Satisfait de ces renseignements,
qui lui permettaient de tourner la position des aillés, Masséna
ordonna au docd'Abrantès de partir^ à la nuit tombante, dana
la direction de Sardao, de s'arrêter sur la crête de la montagne
et d*y attendre l'arrivée dès autres corps d*armée ; au duc d'El-
ohingen, de se diriger sur les traces du S*' corps et de s'arrêter à
Boialva ; au général Reynier, de suivre le 6^ corps par Mortagoi^
et de camper en arrière de Boialva, Par cette disposition , le
8^ corps , précédé de la cavalerie, formait Tavant-garde , le 6°
le oorpsde bataille, et le 3^ l'arrière-garde, quesuivaient le parc
et les équipages sous la protection d'une partie de la cavalene
de réserve.
Ce mouvement de flanc, en présence de l'ennemi, qm^ en
se précipitant sur les colonnes en marche , aurait pu y porter
le désordre , fut exécuté heureusement pendant la nuit. Les
496 LIVmB 8EPTIBHB.
<t(io. Français , à défaut de moyeDs de transport pour enlever leun
Poftuga i^i^gg^^ firent aux uns des brancards de feuillage , noués avec
les bretelles de fusil coupées par bandes ; les autres montèrent
les chevaux de cavalerie légère ou furent emportés à dos par
leurs camarades. On marcha toute la nuit. La cavalerie, préeé*
dée par la brigade Sainte-Croix, ouvrait la marche, qui ne Ait
point troublée. Tandis que Wellington formait sa ligne de ba-
taille sur la Serra de Busaco, 11 prescrivit au brigadier Trant
de se porter avec sa brigade sur Sardao, an débouché des mon-
tagnes, ou il prévoyait que Masséna pourrait tourner sa gaudie
par le chemin de Mortagoa à Oporto. Trant, qui venait de San-
Pedro de Sul, arriva encore à temps pour défendre le débouché
de Sardao; mais ses milices, peu nombreuses et inaguerries,
furent rejetées au delà de la Youga par Tavant-garde française,
et le 29, kl montagne fut tournée par la droite. L'ennemi, ayant
alors aperçu ce mouvement , qu'il eût été si facile d'arrêter»
opéra sa retraite en bon ordre par le revers opposé de T Alcoba ;
Hill repassa le Mondégo et TAlva , avec ordre de se diriger sur
Thomar par Espinhal ; Wellington, avec le gros de son armée,
se dirigea sur Méalhada, tandis que rartiilerte, escortée par-la
division de troupes légères du général Grawfurd , descendait
sur GoSmbre en suivant le chemin du couvent de Busaoo.
Ce fut alors qu'un blâme universel tomba sur le général en
chef français. On lui reprochait de n'avoir pas exécuté cette
manœavre avant l'attaque, et d'avoir inutilement sacrifié 4,000
de ses plus braves combattants. Sans doute il valait mieux
chercher à tourner la position , comme on fut forcé de le faire
après un si grave échec ; ojais l'armée voulait enfin se mesurer
avec un ennemi qui Jusqu*alors avait fui devant elle, et qui
paraissait décidé à accepter la bataille. D'ailleurs l'empereur
prescrivait de marcher sur Lisbonne pour en chasser les Anglais,
et une victoire ouvrait à l'armée le chemin de cette capitale.
Masséna, comptant encore sur sa fortune , espérait que ce pre-
mier essai de l'audace et de l'impétuosité françaises décourage-
rait l'ennemi et aurait une utile influence sur les suites de cette
campagne. Il se décida donc à attaquer avec de vaillants soldats
une position formidable, mais non inattaquable, qu'il eût forcée
s'il eût été mieux secondé.
GUBBBB d'eSPAGHK. 491 '
' Le 30 septembre Wellington passa le Mondégo snr deux oo- it lo.
' lonnes, Tone par le pont de Coimbre, Tautre en aval, à gné. Il ^<*r<"ff*i-
( oontinua sa mardie rétrograde le 1**^ et le 2 octobre^ et ne réunit
I son armée qu'à Leiria, où il séjourna jusqu'au 6. Il ne resta
^ sur la rive drdite du Mondégo que la division Grawfurd et la
i eavalerie.
^ Après avoir franchi les défilés de Serdao , l'armée française
I marcha directement sur Goîmbre. Chemin faisant, les dragons
d'avant-garde du général Sainte-Croix échangèrent quelques
I coups de sabre avec un petit corps de cavalerie qui couvrait
Farrière-garde ennemie. La tète de l'armée française entra , le
l<^r octobre, dans la capitale de la province de Beira. Cette ville
était déserte. Les habitants» effrayés par les mesures de lord
Wellington et du maréchal Beresford, s'étaient enfuis à la nou-
velle de l'arrivée des Français. Une proclama^on des généraux
anglais ordonnait à tous les Portugais, habitants des cités et des
campagnes, de fuir et d'emporter ou de détruire sans ménage-
ment tout ce qui aurait pu être utile aux Français. La veille
encore de nombreuses arrestations avaient eu lieu dans Goîm-
bre ; on avait enlevé avec violenoe et condamné à la déporta-
tion des personnages de marque qui refusaient d'exécuter les
ordres des généraux anglais. Toute la population de Coîmbre
et des lieux environnants, s'enfuyant en masse par les défilés
qui conduisent à Condeixa, compromit la division de Grawfurd,
qui couvrait la retraite de l'armée alliée. Le général Sainte-
Croix, à la tète de cinq régiments de dragons^ venait de pousser
l'arrière-garde ennemie jusque sous les murs de Goîmbre ; celle-
ciy forcée de traverser la ville pour gagner le pont du Mondégo,
fut arrêtée par la foule épardue des habitants qui encombraient
les rues y ce qui donna le temps aux dragons français d'arriver.
Leur apparition causa un tel désordre que, s'ils eussent été sui-
vis de l'infanterie du général Taupin» qui faisait partie de l'a-
vant-garde, c'en était fait peut-être de Grawfurd, dont l'infan-
terie put à peine se faire jour. Quant à la cavalerie, elle Ibt
obligée de se jeter sur la route de Figueira, sur laquelle Sainte-
Croix la poursuivit jusqu'à Casas-Novas. Les soldats français
ayant pénétré dans la ville commencèrent à fouiller les maisons ;
ils trouvèrent dans presque toutes du riz^de la farine, du biscuit,
x. sa
49S LIVKB BBPTlàm.
i«i«. du vin e!l une grande quantité do légumes secs et de denrées co-
Portugal. |0Qj|||^, oi^ ^^f^i voulu d'abofd les empêcher d'entrer en ville;
mais, instruits par l'expérience, ils avaient peu de oonfianoe dans
tes administrations chargées de leur préparer des distributions
de vivres. Le plus grand nombre voulaient s'asmrer par eux-
mêmes des ressources existant dans la ville. Insensiblement ils
oublièrent le motif presque plausible qui les avait portés à en-
freindre les ordres siqpéricurs, et ils se mirent à piller. Bientôt tou-
tes les maisons furent ouvertes de vive force^ dégradées et sacca-
gées; en un mot, la ville entière fut livrée au pillage; de sorte que
Goîmbre, dont les ressources auraient alimenté Tarmée plus de
quinze Jours, fournit à pdne^ Tadministration quelques tonneaux
de biscuit et de farine. Dans cette circonstance, la négligence
des autorités supérieures françaises est d'autant plus condam-
nable que l'on avait résolu de faire rester dans cette ville les
malades et les blessés. Or, le maréchal , ne pouvant pas aflaiblir
son armée au moment de livrer une grande batalUe, se trou-
vait dans rimpossibilité absolue d'y laisser une garnison sufi&-
santé. Les blessés allaient se trouver inévitablement à la merci
des habitants de retour chez eux après le départ de Tarmée.
A quels alfreux traitements ne devaient point s'attendre ces
victimes d'une cruelle représaille?
Le prince d'EssIing quitta Coîmbre le 4 octobre. Le 5, l'ar-
mée coucha à Gondeixa-Velha, à trente lieues de Lisbonne. Les
Français suivirent la route de Redinha, Pombal, et arrivèrent
le 7 à Leiria, où Ton apprit pour la première fois que Welling-
ton se retranchait depuis un an devant Lisbonne. L'arrière-garde
ennemie, ayant voulu défendre une position avantageuse qu'elle
occupait, fut culbutée par la cavalerie française. Le même jour,
7, le brigadier anglais Trant, à la tète des milices de l'est du
Portugal , se préseota devant Coîmbre. La petite garnison de
600 hommes qu'y avait laissée le maréchal Masséna se défen-
dit avec la plus grande valeur; mais elle était trop faible pour
résister longtemps à ses nombreux ennemis. Ceux-ci, encou-
ragés par l'infériorité numérique de leurs adversaires , se portè-
rent avec fureur sur l' hôpital , pour y égorger, sans risque et sans
pitié, les 2,000 malades ou blessés qu'on y avait abandonnés;
mais ces derniers, réunis à la garnison, loin de se laisser abat-
OOSMBS ]>*BSPAailK. 409
ira par fa potltioti désespérée où ils se trouvaient , résolarent isio.
de moarir en gens de eœor, et de vendre ehèronent le reste de ''^^'S^
vie qu'un ennemi impitoyable voulait leur arraciier. A Tinstant
même le oouvent dans lequel Tliôpital avait été établi fut bar-
ricadé. Ceux des malades qui pouvaient encore marcher se
portèrent dans les cours, aux fenêtres, dans les Jardins, pour
en défendre rapproche à renoemi ; les autres, que des blessures
graves ou des membres amputés mettaient dans rimpossibilité
de se lever, restèrent sur leurs lits, avec leurs armes, et se dis-
posèrent à déchirer leurs dernières cartouches. L'oDuemi» étonné
de la résistance qu'on lui opposait, offrit une capitulation, que
les Français acceptèrent ; ils se rendirent prisonniers au colonel
Trant, qui leur assura qu'on aurait pour eux tous les égards dus
au courage malheureux.
Après cette prise mémorable d^un hôpital, le colonel anglais
hiissa une forte garnison à Goîmbre et se dirigea sur Oporto ,
suivi de son convoi, composé, indépendamment d'environ
î,000 blessés ou malades , des 500 hommes de garnison et de
beaucoup d^employés de l'administration de l'armée. Arrivés
à Oporto, les malheureux Français furent donnés, pendant trois
jours, en spectacle à la populace , et promenés dans toutes les
rues. On avait fait monter sur des Anes ceux. qui ne pouvaient
pas marcher. Jamais pompe triomphale ne fut à la fois aussi
ridicule et aussi barbare; les blessures les plus graves, les souf-
frances les plus horribles ne purent dispenser d'assister à cette
affreuse parade. Plusieurs ofSciers français, appuyés par quel-
ques habitants distingués d'Oporto, ayant rédamé contre cette
violation manifeste des traités, contre ces traitements hamiliaots
et cruels, que réprouvaient les lois de la guerre, l'Anglais Trant
se contenta de leur répondre avec un sang-froid ironique que
tùus les moyens étaient bons pour exciter et entretenir Ven^
thomiasme du peuple. Lorsque le sort des malheureux aban^
donnés à Coimbre fut connu dans l'armée fhinçalse, on mur-
mura hautement contre le maréchal ; on qualifia généralement
de barbarie une imprévoyance bien coupable, sans doute, puis-
que tant de braves en avaient été les victimes.
L'armée anglo-portugaise se retire dans ses lignes en avant lo octotwe^
de Lisbonne. —Les Français marchèrent de Leirla sur Moliano
sa
600 lIirAK SBVTlànS.
1810. et Bio-May or ; il y eut quelques esearmoiidieg dans les ai^irons
Portugal. ijj'Aieoentre. Les ennemis apportaient plus de téMdté.dans leor
résistance à mesore qu'ils se rapprochaient de lears lignes. Le
9, une afEBtire assez sérieuse s'engagea à Alenqner. La division
légère de Crawfurd et la brigade portugaise de Pack occupaient
cette petite ville et toutes les hauteurs qui la dominent; tandis
que laca Valérie française manoeuvrait pour tourner ces positions,
un bataillon du t&^ régiment d'infanterie légère enleva à la
baïonnette le retranchement de la chaussée, et entra au pas
de diarge dans Alenquer. L'ennemi se retira avec précipitation ;
les généraux Reynier et Montbrun se mirent à sa poursuite
dans la direction de Villafranca, et le duc d'Abraitès dans etAle
de Sobral. Ce fut en avant et à fort peu de distance de ce vil*
lage que le 8* corps atteignit Tarmée ennemie ; elle était postée
sur des hauteurs et derrière des retranchements qui coupaient
la route en plusieurs endroits. Les troupes f iiançaises , s' avan-
çant de position en position , arrivèrent jusqu'au village , où
elles entrèrent en même temps que l'ennemi. Au même m<»nent
de fortes colonnes anglaises commencèrent leur mouvement
pour r^rendre cette position importante, qui défendait une
première ligne établie sur le Monte-Agraça. Le combat s'enga-
gea vivement; l'ennemi avait déjà 10,000 hommes en bataille,
et cependant il ne cessait point de perdre du terrain ; il était déjà
rejeté derrière un ravin en arrière de Sobral, lorsque la nuit vint
et fit cesser le combat. Le général Glaùsel, qui n'avait pas encore
été rejoint par son artillerie, fit rentrer une partie de ses trou-
pes, qui s'étaient abandonnées à la poursuite de l'ennemi bien
au delà de Sobral. Il se borna à occuper ce village et les bords
du favin qui couvraient son front; mais, comme Tennemi pou-
vait déboucher en force le lendemain par le chemin de Buccel-
las, le général français y fit élever pendant la nuit quelques ou-
• vreges de campagne. La 2' division du 8'' corps se plaça en
échelons à mie demi-lieue en arrière, de manière à observer une
vallée et différentes chaussées par lesquelles Tennemi aurait
pu attaquer à l'improviste et déborder ensuite très-facilement
la droite du corps d'armée*
De son c6té l'ennemi ferma la route de Buccellas par un
retranchement de six j^eds de hauteur^ avec fossé et palissades.
GDBBBE ]»*£8PAQIIB. 501
n éleva afiasi quelques oUTrages de campagne devant ses postes mio.
avancés , et Jeta six forts bataillons dans un village à gauche ^^"^"^
de Sobral ; À une portée de fusil de distance des Français^ il les
dominait d*nn bord du ravin à Tautre. Il eût pu bellement
avec quelques obuslers ou canons les contraindre à abandonner
une position qui se trouvait enfilée et dominée presque partout ;
maïs, craignant au contraire pour son artillerie» il la fit remonter
pendant la nuit à la redoute de Monte-Agraça. A la droite de
S<ri>ral il environnait également toutes les hauteurs, bordant
la vallée qui la séparait des troupes françaises.
Les postes de la première division française n'ayant point
été poussés assez avant sur sa droite» renneml porta pendant
la nuit un bataillon sur le^ plateau qui aboutit au village de
Goxdras.
Le lendemain 10» le duc d'Abrantès, étant allé reconnaître
les positions des Anglo-Portugais, s*aperçut que son liane droit
était tout à fait débordé par le mouvement que renneml venait
de faire sur Goxeiras; en conséquence il donna Tordre an gé<-
néral Sollgnac de le rejeter dans la vallée. Toute June division
anglo-portugaise étant venue soutenir le bataillon qui occupait
le plateau, le général Sollgnac allait être forcé de rétrograder»
lorsque le général Gratin, àla tètedu 15^ régiment de Jigne, vint
rétablir le combat. Chargé à la baïonnette, renneml rentra con-
fùsénient dans ses retranchements, laissant au pouvoir de ses
adversaires le plateau, ses blessés, et un assez bon nombre dé [uri-
sonniers. La droite des Français fût dès lors moins en ralr^ et
l'ennemi n^waplus s'éloigner du canon de ses redoutes»
Le 13 , le prince d'Essling » voulant s*assurer des forces qui
occupaient le village de gauche, envoy& quelques compagnies
d*élite sur le retranchement du chemin de Buccellas ; ce ra-
tranchement fut enlevé sans hésitation. Au même instant les
Français attaquaient Buccellas de front et par la droite; mais
Tennemi, ayant tout à coup démasqué 6,000 hommes» se porta
en avant du village. Là le combat s'engagea avec une nou-
velle ardeur; cependant, comme il n'amenait aucun résultat ,
le maréchal le fit cesser, et l'ennemi ne chercha point à le pro-
longer. La nuit suivante » il évacua lui-même ce village» dont
la possession donnait quelque force à la position de Sobral.
503 LIVBH SSPTIÈMI.
m: Sur ees entreCeates, la cavalerie française» ayant reoanna là
Purtogai. ^^1^ ^Q j3g^ ^ 1^ 36 ^^orp^ s*établit à Yillafranca comme le s*
rétait à Sobral.
Les montagnes de Yillafranca, qoi formaient les positions
de Lisbonne, avaient été fortifiées d'avance; elles étaient re-
tranchées , palissadées en plusieurs endroits , et liérissées de
pièces de canon de tout calil>re. L'ennemi avait trois lignes, qui
s*appuy aient au Tage par la droite et à la mer, près de l'emlMNi-
chure du Zizambro, par la gauche. La première de ces lignes
avait sa droite à Alhandra, et sa gauche à la mer, entre Torrès-
Yédras et Mafra, passant par les hauteurs d* Arruda, de Monte-
Agraça^ et se terminant à Ponté-Réah Elle était protégée dans
toute sa longueur par trente-deux ouvrages» qui étaient la plu<*
part des redoutes fermées , avec fossés et palissades, et armées
de cent quarante bouches à feu. Lbl seconde ligne avait sa droite
à Alveira; elle embrassait les défilés de Buccellas, Montadii*
queetBiafra. Soixante-cinq ouvrages et cent cloquante bouclies
à feu la défendaieut. La 3* ligne , qui devait, en cas d*échec «
couvrir la retraite de Tarmée ennemie et protéger son embar-
quement au fort Saint-Julien, était soutenue par onze ouvrages
et quatre-vingt-treize bouches à feu ; elle s*étendait de Bdem
à Cascaès.
Le lieutenant général Hiii occupait Albandra et Buocellas ;
les divisions des généraux Crawfurd et Leith étaient sons
Caldas; celle de sir Spencer au centre et à la gauche, les gé-r
néraux Picton» Cole et Campbell occupaient Torrès-Védras »
Duas-Portas etHibaldlera. Le quartier géoéral de sir Stappleton-
Cotton , commandant la cavalerie, était à Mafra. Ces lignes,
malgré leur étendue, 'étaient cependant très-fortes naturelle^
ment, le Tage et la mer empêchant de les tourner. On n'avait
en outre négligé aucune des ressources de Tart pour les rendre
plus formidables ; toute l'artillerie de l'arsenal de Lisbonne et
d'une partie de la côte les garnissait; tous les ouvrages étaient
occupés par des troupes qui devaient au besoin s'y renfermer
et s'y défendre. Telles étaient les fameuses lignes de Torrès-
Yédras.
De son côté Masséna disposa habilement l'armée française
de manière k la réunir en quatre heures.; elle couronnait dei
hauteurs formant un second are de eerde ooneentrique par ra|h «ri».
port à celui de l*armée ennemfe , mids tracé sur un rayoo plus ^^^^sM^
grand. II résultait de cette disposition que, arec moins de troi»-
pes, les Français gardaient une ligne beaucoup pHia étendue.
Un vallon assez étroit, situé entre Viilaiiranca.et AUumdra, sé-
parait les deux armées, et un petit ruAsseau, divisant ce vallo»
en deux parties à peu près égales, servait de limites aux postes
avancés. Le 2^ corps, à gaucbe de i'aroMe française, était un
peu en arrière de Villafirancay s'appuyant par la droite sur Arr
nida. Porto de Mugem fut occupé par «ue brigade de cavaleris
légère, afin d'entretenir les commumeations avec Santarem^
où Ton voulait établir le dépôt général des trois corps d'armée.
La cavalerie du général Montbngm était sur le Zézère, pour tenir
en respect la garnison d'Abrantès et protéger les derrières de
Tarmée. Le 8* corps occupait le centre, à Sobral. Une divisioa
de dragons qui dépendait de ce même corps d*armée fut placée
par le général Junot à Alcoentre, pour couvrir son flanc droit
contre les attaques d'une division de cavalerie anglaise station*
née sur le Zizambro. Le 6* corps étsit sur la gauche, à Otta et
Villanova; il fournissait des postes le long du Tage^ pour obser-
ver la navigation de ce fleuve , dont Tennemi était maître au
moyen de ses embarcations et de ses dialoupes canonnières.
La division Loison fut placée à cheval par le maréchal Ney sur
la chaussée, entre Alenquer et Sobral, pour lier entre eux Iqs
2® et 8* corps. La division du général Solignae menaçait la vallée
d*Arroda, Tune des plus fortes positions de Tennemi. Le grand
quartier général et les administrations furent établis à Alei)-
quer.
L'armée française était entièrement établie dans ces diffé-
rentes positions au 12 octobre. Ce fut ce même Jour, à quatre
heures après-midi, que le jeune Desoorcbes SaintenCrolx, ancien
aide de camp du maréchal Masséna et offider général de la
plus haute espérance, étant monté presque seul sur une hau-
teur pour observer quelques chaloupes anglaises qui tira^ip^t
sur un des postes français, fut atteint par un boulet qui rico-
cha et vint le couper en deux. Cette perte Ait vivement sfQtb»
par toute Tarmée firançaise.
Les deux armées s'observent réeiproqwment ; reînriie des oct-nov^
iS04 LITAB JXPTlàlOU
fg,o -Français sur Saniarem; passage du Zézère; reeonnaissanùe
Portugal. surAbrantès,et€. --* Quelques écrivains, dans des relations
d*ailleors très-inexactes de cette campagne de Portugal, n*ont
point balancé à décorer lord Wellington du titre pompeux de
FiUnus moderne. Jaloux sans doute d'éviter cette partialité pra-
triotique que Ton a reprochée aux historiens anglais» ceux dont
nous parlons se sont constamment montrés censeurs aussi
sévères de la conduite des généraux français qu'enthousiastes
zélés des plans du général anglais. Pour éviter un excès excu-
sable ils sont tombés dans on autre qu'il nous est impossible
de Justifier. Tout en louant l'heureux rival de Masséoa et en
voulant lui rendre justice , encore fallait-il accorder quelque
chose à la chance des événements, et ne pas attribuer exclusi-
vement à la profondeur immense des combinaisons stratégiques
du noble lord les succès qu'il a obtenus. En dépit de l'événe-
ment même et des louanges exagérées prodiguées au générai
anglais» les dispositions qu'il prit à Torrès-Yédras pour arrêter
ie prince d'Essling pouvaient être contrariées, rendues nulles,
et même entraîner par suite la perte de l'armée anglo-portu-
gaise. Notre intention n'est point de rabaisser ici le mérite du
chef de cette armée; mais , puisque nous nous sommes fait un
devoir de ne point déguiser les fautes de Masséna , nous vou-
lons indiquer, avec la même franchise, celles que Ton pourrait
reprocher au général anglais. Nous avons Jugé qu'il était per-
mis d'attribuer quelque chose à la fortune, et de ne pas tout
considérer comme le résultat exclusif de l'expérience et de la
science militaires. Un des plus grands capitaines de la France,
et sans contredit le plus modeste, Turenne, a dit : En fait de
guerre f il y a deux parts : celle du général'et celle du hasard;
la part du hasard est même tot^ùurs la plus forte. Étayés de
ce principe^ nous avons osé examiner la conduite du général
anglais , et il nous a semblé que, si Masséna perdit sur les hau-
teurs de Yillafiranca ce surnom d'heureux que lui avaient valu
tant de brillants faits d'armes , lord Wellington mérita plutôt
ce titre que celui de Fabius moderne. En effet, le temporiseur
du Portugal obtint, par suite de circonstances entièrement indé-
pendantes de sa volonté, un résultat que n'eût peut-être point
amené cette prudence excessive qu'on a tant louée chez lui.
GUBBAS d'BSPAONB. 605
Wellington avait sans doote aafflsanineot de moiiie pour itio.
défendre les trote lignes qa*il avait tracées en avant de Lisbonne'; >*^<'^*<s*^
car, indépendamment de ses troupes réglées, il avait encore à
sa disposition cette immense population qui, de gré ou de force,
avait abandonné ses demeures pour se réftigier à la pointe de
risthme. Cette foule innombrable de personnes de tout sexe et
de tout Âge, effrayée de sa situation, de sa position, privée des
cboses les plus nécessaires à la vie, était campée entre Tespace
qui séparait la seconde ligne des faubourgs. Or était-il iMIe,
était*il possible même, aux troupes anglo-portugaises, d'exé-
cuter aucun changement, de faire aucune manœuvre avec cette
cohue obstruant les chemins et gênant les grands déploiements.
La première ligne ennemie avait douze lieues d*étendue, en rai-
son des accidents et des dIfDcultés du terrain. A combien d'at-
taques, de surprises de tout genre n*est-o|i pas exposé lorsque
Ton a un front si vaste à défendre? Quelles que fassent l'exac-
titude de ses gardes, la force de ses positions, la surveillance
de ses postes, Tennemi pouvait être trompé et enfoncé sur un
point. Les grenadiers français maîtres de la première ligne,
l'ennemi était forcé de se replier en hAte sur la seconde. En-
couragés par un premier succès, les vainqueurs, empressés d'en
obtenir un plus décisif encore, tournaient l'artillerie de la pre-
mière ligne sur la seconde et poursuivaient leur attaque. A la
vue d'un danger si imminent, à l'approche d'une aussi terrible
catastrophe, que Ton se représente les malheureux habitants
arrachés par le soldat anglais de leurs demeures, ces vieillards,
ces femmes , ces enfants , privés d'espérance et de ressources ,
poussant des cris de désespoir, et faisant retentir la plage de
leurs gémissements I Les troupes portugaises sont ^ranlées par
l'affreux spectacle que leur offrent leurs compatriotes; le dé-
sordre, la confusion régnent dans l'armée et dans la flotte. Au
milieu de cette capitale si populeuse , combien de citoyens di-
visés d'opinion , agités d'intérêts divers ! Les uns veulent fuir
sans le pouvoir; les autres , contenus Jusque-là par la police
violente des généraux anglais, manifestent hautement leur
haine pour ces alliés, et appellent des ennemis qu'ils ne crai-
gnent pas de trouver plus cruds qu'eux. Qu'arrivera-t-il si ,
après une seconde attaque, l'armée alliée, acculée au fond de
4810.
506 LIYSI 8IPTI&MB.
l'isthme, «st ftircée à chercher prédpiUnmieDjt un asile sur ses
Portugal, vidsseaux? Désormais moins dociles aux insânnations de lears
alliés, les soldats portugais, abrenvés d'humiliations et de mé-
pris par des officiers étrangers , oonsentironl-ils à fair sous un
autre ciel y et les vaisseaux anglais aur<Mit>4l8 pour eux le diarme
d'une seconde patrie? La troisième ligne enfia» destinée à arrêter
les progrès des assaillants, aufttra-t-elie d'ailleurs pour protéger
un embarquement toujours difficile, et qui exige en outre leoon-
cours d'un temps favorable ? AfTaiblieparsa délieiite et plus en-
core par risolement où là laisse la défection morale d'un grand
nombre d'habitants du pays|, poursuivie avec acharnement par
un vainqueur audacieux, qui, sans lui donner le loisir de s'em-
barquer, ne lui laisse d'autre refuge que la mer, l'armée anglo-
porhigaise, dans l'impossibilité de résister davantage, ne se
trouvera-t^lle pas réduite à une capitulation devenue désormais
inévitable? Loin de regarder à Torrès-Védras la chance de
succès comme certaine eo sa faveur, lord Wellington ne devaifir
il pas être frappé de Justes craintes? Enfin un général d'armée
ne doit-il pas frémir lorsque l'avenir lui offre de semblables
probabilités et lorsqu'il s'est mis dans une pareille position T
C'est donc à tort que l'on a voulu poser en principe que Wel-
lington avait tout prévu et tout assuré à Villafranca ; là comme
partout ailleurs la fortune avait conservé ses droits; son ca-
price, qui se platt si souvent à favoriser l'audace dans les com-
bats , pouvait déconcerter les combinaisons du général anglais
et les faire servir à la destruction totale de son armée.
Les lignes de Torrès-Védras étalent hérissées de redoutes
construites avec beaucoup d'art ^ de manière à battre de front
et d'écharpe les colonnes qui tenteraient une attaque; mais,
en raison de leur étendue, elles étaient cependant moins redou*
tables que celles de Busaco. On a dit que le prince d'Essling
avait commis une faute de marcher sur Lisbonne sans avoir la
certitude de pouvoir conserver des communications avec l'Es-
pagne, et avant d'avoir obtenu un succès décisif dans une po*
sition où il eût pu faire usage de sa belle cavalerie et de l'har
blleté de ses troupes dans les maneeuvres. Quand il vit que
lord Wellington refusait de combattre à Porabal, il n'aurait dû
pousser à Leiria que son avant-garde. Eàtre oette ville et le
GUIBBB d'BBPAANB» 607
Mondégo il pouvait CBiiloiiiier une moitié de ion armée, et 1440^
l'autre entre Goimbre et Oporto. Il serait dès-lors resté le maître ^^^^^^'
de se choisir un champ de bataille où Tarmée anglo-portugaise
eût été forcée de venir le combattre pour délivrer le Portugal
des vexations de ses fourrageurs, qu'il aurait pu pousser à une
très^-grande distance dans toutes les directions. Il aurait en
outre sauvé les 2,000 blessés de Busaoo, qu'il fut obligé de
livrer sans garde à l'implacable vengeance des Portugais et aux
lèches fanfaronnades du colonel Trant.
Mais rien n'est plus aisé que la critique après l'événement.
On peut répondre à tout ce raisonnement : que les ordres de
l'empereur» adressés sueessivement au prince d'Essling par le
major général » lui prescrivaient de marcher sur Lisbonne au
commencement de septembre; qu'un renfort de i 2,000 hommes,
sous le comte d'Ërlon, lui était annoncé vers le commence-
ment de ce mois, pour former sa réserve active ; que l'existence
des lignes de Torrès^Védras ne lui avait point été suffisamment
révélée à Goimbre pour l'arrêter dans cette ville à six ou sept
Bsardies de Lisbonne ; que Masséna persista donc dans sa ré-
solution de poursuivre l'eunemi et de le contraindre à livrer
une bataille décisive ou à se rembarquer. Vainqueur et maître
de Lisbonne, les blessés de Busaco auraient été sauvés et sous-
traits aux lâches traitements que leur At subir le colonel Trant.
On a blâmé , peut-être avec plus de raison, le prince d'Ess*
ling d'avoir voulu bloquer Tarmée anglo-portugaise dans ses
lignes de Torrès^ Védras. Arrivé devant ces positions , et après
les avoir attentivement examinées dans les Journées du 14 et du
16, le maréchal avait jugé impossible de les enlever de vive
force- Depuis son départ de G^mbre, des pertes considérables
avaient fortement affoibli son armée, manquant déjà de muni-
tions et n'ayant pas de pièces d'artillerie d'un calibre assez fort
pour attaquer ces retfancfaements. Cependant l'honneur des
armes françaises exigeait qu'avant de se retirer on s'assurât
au moins, par les reconnaissances les plus minutieuses, que ces
fameuses lignes étaient évidemment inexpugnables. Masséna se
décida donc à en former le blocus et à'établir en arrière, sur le
Tage, les magasins nécessaires à l'entretien de son armée. En
attendant les renforts qui lui étaient promis ^ il, la posta dans
50ft LIVKB SBPTèBlIB.
i8fo. des positions oà il pouvait arrêter rennenl »'il déboudiait et
Portugal. ^^ retranchements, et le forcer à reeeroir la bataille en rase
campagne. Qn'eût dit remperenr, qui lui mandait de eontran»-
dre les Anglais à se liattre partout où il les trouverait, si Mas«
séna fût revenu sur ses pas sans cliercher à les attirer au de-
hors de leurs formidables lignes? En les bloquant il ne pouvait
toutefois espérer que la faim les forcerait d*en sortir, ear Tar-
mée ennemie, maîtresse du Tage^ approvisionnée par mer, ne
manquait de rien , tandis que TintérieUr du Portugal , occupé
par les Français, ayant été abandonné de ses habitants et ra«
vagé par les troupes anglo-portugaises , ne présentait plus au*
cune ressource. Les derrières de l'armée de Masséna n'étaient
point assurés ; aucun magasin n'avait été étaUi ; bientôt les
Français commencèrent à manquer de tout. Les divisions fu-
rent obligées d'envoyer à la maraude par détachements ; quel-
ques-uns de ces corps isolés furent attaqués et surpris par les
milices que commandaient Wilson et Grant Le mécontente-
ment et le désordre s'introduisirent dans l'armée française ; l'of-
ficier, obligé de fermer les yeux sur la conduite des maraudeurs,
puisqu'il partageait avec eux le riz ou la foriue qu'ils avaieot
découverts, ne fut plus respecté de ses soldats; la disdpHne
militaire se relâcha. On parvint cependant, au bout de quelque
temps , à mettre un certain ordre dans cette méthode irrégu-
lière deseprocurerdes vivres. Les moulins détruits par l'eanemi
furent réparés et mis en état de servir; les régiments faisaient
tout eux-mêmes sans que l'administration s'en mêlât. Des dé-
tachements allaient sans cesse chercher des subsistances; ce
qu'ils rapportaient était distribué à chaque compagnie. Ces ca-
ravanes ne revenaient jamais sans être accompagnées de trou-
peaux de bœufs , de chèvres, de moutons , de codions, et sans
être chargées de blé, d^orge, de légumes, de vin et d'eau-de-vlck
Chaque corps avait son moulin , son troupeau.et son petit mar
gasin, qu'il administrait lui-même, à la grande surprise des An*
glais. L'armée française, approvisionnée de cette manière, put
encore vivre quelque temps.
Ainsi que nous l'avdtas dit plus haut , quelques afifoires de
peu d'importance avaient eu lieu près de Sobral, dans le com-
mencement du mois d'octobre; à partir de cette époque, les
deox armées s^obserVèrent rédproquement, sans que la moin- |g|o.
are escarmouche eikt tfeu. L'armée ennemie , loin de prendre i*^*^-
rdfensîYe^ s'attendait à chaque instant à être attaquée et
vs'obstinalt à rester dans ses lignes. Cette timidité du général
anglais (dont on a voulu fahre à tort un système de temporisa-
tion ) l'empécha de profiter des déftiuts de la position de l'armée
française, dont la droite était trop en l'air. La partie de Torrès-
Védras n'étant point suffisamment observée , l'ennemi pouvait
en une nuit réunir un corps de troupes derrière la montagne
qui le séparait des Français, et déboucher dans leurs quartiers
par Goxeiras. Cette subite invasion ne demandait , pour être
effeetuée^ qu'une matinée de deux heures, un peu d'audace de
la part des assaillants, et le concours d'attaques simulées sur
toute leur ligne ; mais, loin de méditer de semblables projets ^
l'ennemi retranchait Jusqu'à ses grand' gardes , renforçait ses
avant^postes, et semblait tout redouter de l'audace française.
11 n'avait pas mis sa coniiance dans la force des armes et dans
la supériorité numérique de ses troupes ; elle reposait tout en-
tière dans ses retranchements, dans la faim, les privations, les
maladies^ qu'il considérait , avec raison , comme ses plus sûrs
auxiliaires.
Cependant chaque Jour l'armée anglo-portugaise prenait
une attitude plus imposante par les renforts qu'elle recevait :
9,000 Anglais vcoaient de débarquer à Lisbonne; 18,000 hom-
mes de milices portugaises étaient entrés dans les lignes , et
l'infatigable la Bomana, Fâme de l'insurrection espagnole, à la
tète d'un corps de 10,000 hommes, avait effectué sa jonction,
le 1 9 octobre, et s'étidt engagé à coopérer de tous ses e^orts à la
défense de Torrès^Védras.
L'armée française, au contraire, s'affaiblissait Journellement
par les détachements chargés de la faire vivre et par les maladies
qu'occasionnaient la mauvaise nourriture et les pluies continuel-
les ; elle comptait à peine alors 86,000 oombattantjk Ce fut ce-
pendant avec ces 35,000 lYançais seulement, accablés d'ailleurs
de privations de toute espèce, que Masséna bloqua, pendant
près de six semaines , une armée composée de 86,000 An-
glais^ de 36,000 hommes de troupes régulières portugaises, de
1 8,000 hommes de milices, au moins, et de io,ooo Espagnols.
610 UirBB SI^PTIÉHt.
1810. Pendant ce temps» avec le reste de son amie il fertiikét Sao-
^^"eta^à. taiem, ooeopak Xhomar et menafait Abnolèa '.
Att bout d'an mois , Tarmée DraBçaise se trouva daas le dé-
nuement le plus absolu. Le prince d'EssUng, forcé de se rap-
procher d'une contrée qui Mt moins épuisée que celle qu'il
occupait depuis près de six semaines , se détermina à prendre
une position plus en arrière , afin d'y trouver de nouvelles res-
sourees en vivres et en fourrages, et d'y attendre avee plus de
sûreté les renforts et les instructious que le générai Foy, en-
voyé par lui en mission à Paris , avait été demander à Tem-
pereur*.
. Le prince d'Essling ordonna donc un mouvement de retraite
sur Santarem. Ge mouvement comm^ça par le e^ corps ; le
maréchal Ney porta son quartier-général à Tfaomar, la gauche
de son corps d'armée près du Zézère ^ t la droite au delà d'Ou-
rem. Le général Loison vint s'établir à Goigao, avec sa division
et une brigade de dragons. Le général M<mtbrun répandit les
régiments de dragons dans les environs de Leiria , et porta la
cavalerie légère Jusqu'à Pombal. Le grand quartier-général Ait
établi à Torrès-Novas, et les administrations ainsi que les hô-
pitaux furent évacués sur Santarem. Ces premiers mouvements
s'exécutèrent sans que l'ennemi en eût connaissance. On n'es-
pérait pas cacher ceux du 8* et du 2* corps, qui , postés à dis-
tance de mousquet, ne pouvaient dérober que trèsrdifQcilement
' Les écrivains français les plus exagérés dans leur prétendu système d'im-
partialité, ceux-là mêmes qu'un amour excessif pour la justice rend injustes
envers leurs compatriotes et prodigues de louanges à Tégard des éUan*
gers, n'ont p» refuser quelques éloget à dm perséTértnoe jnsqœ-là sans
exemple dans les troupes de leur nation.
* Nous devons ijouter quelques mots sur cette mission du général Foy.
Le voyage de cet ofricier, entrepris dans un pays entièrement soulevé, A la
tète d'une poignée de soldats , mérite d'être cité avec éloge dans aos aa«
nales militaires. Oblige à des marches pénibles, à des contre-narches de
nuit, dans des routes non frayées , constamment environné de bandes nom-
breuses, contrarié par les élément», en butte à la haine et aux embûclies
des chefs ennemis opiniâtrement acharnés à sa perte, il parvint cependant
jusqu'aux frontières de France. Son retour en Portugal, au miliea des
mêmes dangers et avec le même bonheur, excita le plus vif étonnemettt,
même chée ceux de ses compagnon» d'armes qui coonaissnent depuis
longtemps le Goange actif et eatreptenaat de ce général distingué.
^XBBE 1»*BSPA0II1. 511
lear vauébt. Il ea fat pourtant anttemoit , grAee à rextrâme ism.
circonspection du général anglais , disons mieux ^ À son excès- ''^*^*
siTe timidité, qai i*empéclia de saisir l'occasion favorable, et
d'attaquer avec mi grand avantage, ainsi qn*il en avait alors
la possibilité* Le S« corps, qni occupait Sobral , était forcé de
traverser ledéiUé d*Alenquer ; le3* corps, qui était à Yillafranca,
devait attendre, ponr commencer son mouvement de retraite ,
que le 8* eàt traversé œ dédié, afin que ces deux corps pussent .
ensuite marchera hauteur et se secourir mutuellement. Le 8^
commença le sien dans la nuit du 1 4 au 15 novembre, il y eut
pendant la matinée de ce jour un épais brouillard, dont, à la
vérité , les Français profltèrent pour faire iller en avant tout
ce qui aurait pu gêner la marche des troupes pendant la nuit.
UennemI s'aperçut qu'il y avait plus d'agitation que de coutume
parmi les Français; mais il se contenta de bien soutenir ses
premiers postes par de gros piquets de réserve. Le soir du même
jour, à sept heures, le général Clausel retira tous les postes dans
le plus grand silence , rallia sa division à Sobral , et se mit en
route par le ciiemin d*Alenquer. La division Solignae se forma
en colonnes serrées sur le plateau qui domine la vallée d'Ârruda^
appuyant sa droite à la chaussée d'Alenquer ; la brigade Ferrey,
en rékirve sur les hauteurs , se plaça à la gauche du 8« corps;
une brigade de dragons formait l'extrême arrière-garde. Soit
qu*il l'ignorât réellement ou qu'il ne voulût agir qu'après avoir
acquis une parfoite connaissance des intentions des Français ,
l'ennemi ne fit cette nuit-là aucune démonstration pour inquié-
ter leur retraite. Les troupes continuèrent donc de filer par
Alenquer, et arrivèrent le 16, à dix heures du matin, à Aveiras
de Cîma; le corps du général Reynier se dirigea également sur
Santarem par Azambuja et Cartaxo. Le 17 novembre, le 8*
corps se porta sur Pernès et Alcanhede ; le 2« prit position sur
les hauteurs mêmes de Santarem. Jusque-là l'arrière-garde des
Français n'avait pas vu l'ennemi.
Le 18 , l'armée occupait les positions suivantes : le 3^ corps
à Santarem, sa gauche au Tage, et son front couvert par le
Rio-Mayor; le général Loison à Golgao , avec une division;
le 8* corps sur TAIviella, la gauche à Ïorrès-Novas, «m cen-
tre à Pernès, sa droite à Alcanhede; le 6« corps et la cavalerie
513 UVB8 SBPTlàMB. '
laoe. à Leif ia et Thoniar ; le grand qnartier-géfiénl à Torrèi^Novas .
portiigaL £|^ nouvelle position que le maréchal Bfaaséna avait chonle
en avant de Santarem était très-avantageuse; elle j^pésctttait
à Tennemi un double rideau boisé assez étendu , facile à défen-
dre, et qui fut promptement fortifié par des abatls d'arbres
entiers. La droite était couverte par le Monte^onto, montagne
impraticable, et la gauche était appuyée an Tage. Dans le cas
^ où Tennemi aurait cherché à tourner cette position , il eût été
fociie de profiter de son mouvement pour marcher rapidement
sur Lisbonne, qui se fût trouvée alors entièrement à découvert.
Le même Jour, 18 novembre, lord Wellington fit passer le
Tage à la division du général Hill; il craignait que le mouve-
ment que venaient d'opérer les Français n'eût pour but de
tenter le passage sur la rive méridionale du fleuve.
Le lendemain, Farmée combinée sortit de ses lignes et s'a-
vança en colonnes d'attaque sur Santarem. Cette ville est si-
tuée sur la crête d'une chaîne de montagnes élevées et presque
perpendiculaires, précédée d'une autre chaîne de collines un
peu plus basses, sur lesquelles s'étendait la première ligne de
l'armée française. Au pied de ces hauteurs coulent le fiio-Mayor
et le Tage. Les Anglais avaient à traverser un large espace de
terrain marécageux, sur deux chaussées qui, ainsi que le pont,
étaient complètement dominées par l'artillerie française. Il n'y
avait d'autre voie pour déboucher sur Santarem qu'un pont
de plus de quatre cents toises de long, sur lequel le 2^ corps
avait placé son poste avancé. 11 fallait, après avoir franchi ce
pont pour arriver à la ville, s'avancer l'espace de mille toises
par une route encaissée entre deux montagnes boisées; le gé-
néral Reynier avait établi son corps d'armée sur ces deux mon-
tagnes, et disposé son artillerie de manière à enfiler le pont et
la route par laquelle l'ennemi aurait pu essayer de déboucher.
Pour la première fois depuis leur départ de Torrès-Védras les
Français aperçurent enfin une avant-garde anglaise de quel-
ques mille hommes, qui prit position sur une colline en deçà
du pont. Ce ne fut cependant que le lendemain que l'armée en-
nemie se montra. Une de ses divisions, forte de 7,000 hommes,
fila par la rive droite du Rio-Mayor et alla prendre position
entre Azambuja et Santarem ; elle était précédée de deux régi-
GUBBAK D'ESPAGNE. SU
mentB dé cavalerie avec quelques pièces de caoon. Ed même «sto.
temps toutes les hauteors de l'autre côté du pont se garnissaient '^^^''8i>'-
sueoessivement de fortes masses, et rennemi, à la grande satisfae-
tlon des Français, semblait disposé à en venir à une affiedre géné-
rale. Le général Rey nier, persuadé qu'il allait être attaqué, lit pré-
venir leduc d*Abrantès et le prince d*Ëssling des projets qu'il sup-
posait à lord Wellington. 11 fit ensuite filer ses équipages et ses
blessés sur Oolgao, et, après avoir rangé les troupes qu*il avait
de disponibles avec cette habileté et cette présence d'esprit qui
le caractérisaient, il se prépara au combat» Cependant, vingt-
quatre heures s'écoulèrent sans que l'ennemi eût rien entrepris.
1^ duc d'Abrantès profita de ces instants prédeux pour réunir
sa première division. Le général Glausel, avec une grande par-
tie de ses troupes , s'avança jusqu'à Gruz de Entrada, à une
demi-lieue en deçà de Santarem , et une brigade de dragons
continua d'occuper Alcanhede , observant les routes de Rio-
Mayor et de Tremès. Masséna, étant venu examiner par lui-^
même le mouvement de l'armée combinée» ne jugea point,
comme le général Reynier, que lord Wellington voulût prendre
l'offensive et renoncer subitement au système qu'il avait snivi
jusqu'alors; il ne vit dans les diverses manœuvres du général
anglais que de simples démonstrations pour hâter la retraite de
l'armée française. En conséquence , au lieu de continuer l'éva-
cuation de Santarem, il donna contre-ordre , afin que tout ce
qui était déjà sorti de la ville eût à y rentrer sur-le-champ. On
fit en outre tous les préparatifs nécessaires pour montrera l'en-
nemi que l'on était disposé à le bien recevoir.
Le 20 novembre , à trois heures de Taprès-midî , les avant-
postes français, du côté du Tage, furent attaqués par 3 ou 400
tirailleurs. L'ennemi ayant fait quelques mouvements, on sup-
posa que c'était le prélude d'une grande affaire; mais , après
quelques coups de fusils échangés , l'ennemi cessa le feu et
rappela ses colonnes. Son véritable but était de s'assurer si l'ar-
mée française effectuait une retraite finale ou si ce n'était qu'un
changement de position. Convaincu désormais que les Fran-
çais étaient résolus de se maintenir à Santarem, lord Wel-
lington, à l'exception d'une forte arrière-garde qu'il laissa
sur le Rio-Mayor, retira toute son armée sur Gartaxo » où il
X. 35
$14 UITBI SftPTlàlIB.
iste, étabIR son gmnd quartier génénl. Les tronp» Awei^ plaeéet
en caDtoBDeoMBti sur les deux rives da T«g«^ les diTisfeons
aux oïdm des géoéraax Hill ^ Fane et Erddne ùumi plaoées
sor la rive gauche; le reste fiit diatribyé sur la dve dioâte, alasi
qu'il suit : les généraux Bient, Speueer eiCanMaou, àGortaxo
mène; le général Crawfufd, entre oette dernière ville et San-
tarem, observant les avaut-ipostes français; le général Piohm ,
à Torrès-Yédras; le général €unpbell, à Alenqasr; le général
Cok) à Aiambaja; le général Leith, à Aleoentre; le surplus de
Tarmée, dans les lignes. L'armée française resta également
dans ses premiers emplacements; seulement legénéral Reynier
posta sa cavalerie à son extrême droite pour observer le Blo^
Majror, et se lier, à Pl>nte-€a1bariSt avec la «ttvisien Oansel.
Le général Lolson, qui occupait Golgao, avait la gaucbe de
sa division an Zézère. Le maréchal Masséna lui ordonna de
eeneonrir avec le géaéral Montbran à forcer le passage de celte
rivière et A s*emparer de Punhète. L'oineml, maître des hau^
teurs, pouvait disputer le passage de la rivière avec un grand
avantage, en raison de Tescarpement de ses bords ; il ne i*osa
pas, et se retiraà Abrantès presque aussitôt Tappuition dea trou-
pes du général Ldson. Le Zéaère coule dans un lit très^encaissé$
sa rive orientale est d montagneuse et si rolde qu'il n'y a que
deux ou trois points accessibles, excepté à sa Jonction avec le
Tage; mais dans cet endroit la plaine est si peu étendue et le
Kécère est si rapide que cet obstacle arrête autant que les ro-
chers les plus escarpés. La brigade du général Ferrey, après
avoir surmonté toutes les difftcultés que présentaient la pror
fondeur de l'eau et la rapidité du courant, s'empara de Punhèle
et poussa des partis Jusque sous les murs d* Abrantès, où ils Je-
tèrent ralarme la plus vive. Cette place était garàée par une
garnison de 4,000 Portugais , sous les ordres d'un générai an-
glais ^ et par eoaséquent à l'abri d'un coup de main. D'autre
fart, die n'était pas, il est vrai, suffisamment fi>rtifiée pour
soutenir longtemps un siégeen règle; maislemarédial Masséna
n'était point en mesurede tenter alors une opération semblable.
Il commençait à manquer de munitions» et plus eUes devenaient
rares, plus il iUlaiten être avare, par l'impoedhilltéde les rem-
placer. La dividon Lcrtson se borna dom; à occuper Ponliète.
Gtnm D*ES^AOXB. &ts
Dm» poftts ée ftmlMinx, défendus par de bonnes tètes de pont^ im«.
forent jetés, Tun à Pniifaète et l'autre à Martinchel . PormsiL
Cependant r»npereur Napoléon, instruit par le général Foy
de la véritable poeitioa de Tarmée de Portugal , avait fait réi-
térer, par le major général , Tordre au duc de Dalmatie d*en-
voyer le 6' corps sur le Tage^ entre Montai vao et VillaAor, pour
faire sa jonction avec Farmée de Portugal. Il faisait reoom«*
mander au prince d'EssIing de tenir ferme vis-à-vis des Anglais
en attendant ses renforts, s*il ne trouvait pas l'occasion de les
attaquer avec avantage, dût-il passer Thiver dans ses positioAs^
Masséna était bien disposé à remplir les intentions de i*empe*
reor; mais il restait à savoir 8*il le pourrait. Une Ibis qu'il eut
jugé les positions de Lisbonne inexpugnables , il ordonna la
construction d'un pont de bateaux, ailn d^ètreà même de pou-
voir passer sur la rive gaucbe du Tage lorsque Ton aurait épuisé
toutes les ressources de ia rive droite ; les ouvriers des r^ments,
les sapeurs et le 44' bataillon de marins , animés par le Eèle et
l'activité de leurs officiers, que dirigeait lèverai Eblé, par*
vinrent à ikire deux équipages de pont de quarante bateaux
chacun. La construction des pontons fut poussée avec toute
lopiniàtreté et Tardeur qu'on pouvait attendre d'une armée ré»
duite à ses propres moyens. Le pays n'offrait d'ailleurs aucune
ressource pour ces immenses travaux ; les cordages, les outils
mêmes qui servirent à abattre les premiers arbres furent dus à
l'industrie des ouvriers , qui suppléa à tout ; mais c'était inu-
tilement que les ingénieurs français triomphaient de ce nou-
veau genre d'obstacles : leurs efforts devaient demeurer sans
résultat.
La plaine de Golgao, qui présente une étendue de quatre
lieues carrées, et les contrées environnantes, dans lesquelles se
répandit l'armée française après avoir passé le Zésère , étaient
d'une fertilité remarquable. Elles n'avaient point été dévastées
et abandonnées comme le reste du pays ; ta plus grande par-
tie des habitants, malgré les ordres des Anglais , étaient restés
dans les environs de Thomar et sur toute la o6te , depuis Al-
oobaea jusqu'à l'embouchure du Mondégo. Éloignés du théâtre
des premiers combats et se croyant en sûreté , ils demeurèrent
tranquilles jusqu'à ce qu'ils se virent inopinément enveloppés .
53.
516 UVRB SBPtlÀHE.
4SI0. dans les exeursions étendues de la cavalerie française ; ce ftit
Portugal, principalement ce qui eut lieu dans le pays abondant et fertile
à l'est deSantarem. La cinquantième partie du blé, peut-être,
n'y avait pas encore été enlevée; ainsi c'était i*endroit le plus
propre à faire subsister une armée. La plaine de Golgao était
couverte de mais , dont la récolte fut d'un grand secours pour
les hommes et pour les chevaux. Le pays qu*arrose TAlvieila
ût vivre les 2® et 8® corps pendant plusieurs semaines. Le 6^
corps et la cavalerie trouvèrent encore de plus longues ressour-
ces dans les contrées où ils s'établirent.
Ces ressources » toutefois , n'étaient que très-précaires; Tar-
mée firamçaise le sentait, et il lui était aisé d'en prévoir la fin
prochaine. Des hauteurs de Santarem elle dominait la fertile
province d'Alentéjo, surnommée à bon droit le grenier du Por-
iugcU. Ces richeset belles plaines, couvertes au loin de nombreux
troupeaux, que les habitants avaient fait passer sur la rive gau-
elle du Tage , offraient un contraste frappant avec Fautre rive
du fleuve, déjà ravagée en tous sens par les deux partis et cou-
vertede ruines et de soldats. Cette vue, qui promettait uneabon-
dance permanente, redoublait chaque jour le désir qu'avait l'ar-
mée française de franchir enfin l'obstade qui la séparait de cette
terre promise et de l'ennemi.
Le prince d'EssUng songeait en effet à exécuter le projet
qu'H a^ait formé de passer sur la rive gauche du Tage. Ce pro-
jet offrait alors, entre autres avantages, celui de lier les mou-
vements du prince aux opérations du maréchal Soult, qui, à
cette époque, manœuvrait sur la Guadiana. Lorsque l'armée
occupait encore la vallée du Tage jusqu'à Yillafranca , cette
opération n'eût éprouvé aucune difficulté, parce que toute la
c6te était bordée de petits ports ou Ton eût trouvé en quantité
suffisante des bateaux, des cordages, des ancres, et tous les agrès
nécessaires ; mais, au-dessus de Santarem, on ne trouvait plus
rien, parce qu'à cet endroit la navigation du fleuve se réduit à
fort peu de chose; néanmoins quatre-vingts bateaux furent
construits en moins d'un mois. Les travaux de la petite rade de
Punhète ressemblaient alors à ceux d'nn port en pleine activité.
Ifs s'exécutaient , d'ailleurs, à la vue de l'ennemi , qui , préju-
geant leur véritable but, s'appliqua de tous ses efforts à le pré-
GUEBBE D ESPAGNE. 51 1
venir. Il sentait de quelle importance il était pour lui de ne pas isto.
laisser transporter le théâtre de la guerre dans TAlentéJo, au **<»^"«*''
moment où le maréchal Soult s'approchait de- Badajoz ; mais
tous ses efforts pour empêcher ce mouvement eussent été cer-
tainement vains si» au lieu de rester six semaines au pied des
retranchements de Torrës-Védras , Masséna se fût occupé de
faire Jeter alors un pont sur le Tage. Alors, ou renuemi n*eût
point tenté de troubler sérieusement cetteopération (cette chance
était la plus probable], ou il se fût déterminé à quitter ses lignes
qui lui donnaient tant de supériorité ; dans Tun et l'autre cas
& en fût résulté un avantage immense pour les .Français, Ces
puissantes considérations ne furent appréciées qu'alors que le
prince d'Essling était déjà retiré sur Santarem ; la faute était
commise, et il n'était plus guère possible de la. réparer. Quoi
qu'il ^n soit ,^ lord Wellington redoubla de soins pour garder-
la rive gauche; un corps de l/>,000 Anglais^ sous les ordres du
général Hill , passa le fleuve vers le milieu de décembre et se
ccmcentra auprès de Ghamusca et d'Almeyrim. Des corps de
milices et de paysans armés, gardaient la rive depuis Santa-.
Marta jusqu'à Brilo. Peu de temps après, ceb troupes furent por-
tées à 30,000 hommes. Outre cela, il y avait de fortes réserves
à Villa-Nova^ prêtes à se diriger partout où les Français, tente-,
raient le passage. Des barques étaient disposées à. Porto de Mu-
gem et Azambuja, pour transporter, siu premiersignal, ces trou-
pes sur l'autre bord, et le général anglais avait fait élever,
sur tous les endroits accessibles , de nombreuses et fortes bat-
teries.
Une division du 9® corps vient joindre l'armée française 26 déccmb.
en Portugal f etc. — Cependant le a? corps, commandé par le
général Drouet, comte d'Erlon, était parti le 12 octobre de Yal-
ladolid, marchant vers la frontière de Portugal. Le général Foy ,
qui était entré le 8 novembre à Ciudad-Rodrigo, après une mar-
che de six jours au milieu de dangers de toute espèce , remit
au général Crardanne l'ordre de riejoindre l'armée au plus tôt
avec un fort convoi de munitions et de vivres. Le général Gar-
danne, à la tête des détachements restés à Ciudad-Rodrigo et à
Alméida pouc former la garnison de ces deux places, environ
^,000 hommes, s'était mis en route quelque temps avant le comte
5t8 LIVBS SEPTlim.
I
isia d'Erton pour rejoindre la grande armée de Portugal. Le 1 4 no-
^'^^'^^^ Tembre» arrivée à quelques tieiies des avant-postes flrançais,
eette colonne rétrograda tout à coup. Le général Ait trompé
par les faux rapports d*un déserteur portugais que le gouver^
neur d'Abrantès lui avait envoyé h dessein, et par les dUseours
des habitants qu*il avait rencontrés sur les derrières de Tarmée
française. 11 crutrarmée du prince d'Essling en retraite, cl ne Ju-
gea pointa propos de s'aventurer plus loin en Portugal. Au lieu
de pousser une recimnaissance sur le Zéière pour s*assurer du fait,
il rebroussa chemin à Gardijos, au moment oà son avant-garde
pouvait découvrir les feux des bivouacs de Tarmée ftançaise.
Sa colonne était forte d'environ 2,000 hoiÂnes, dont SOO de
cavalerie, avec un convoi considérable de munitions et d'objets
d'habillement et d'équipement pour les troupes. Craignant de
se voir attaqué par des forces bien supérieures aux siennes ,
il se retira à marches forcées et perdit beaucoup de monde en
route par suite de fatigues.. Il arriva à Penamacor le 29 novem-
bre. Le comte d'Erlon, ayant réuni les débris de cette colonne
à la première division du d* corps, ia seule qnll eût alors
avec lui, se décida S joindre l'armée de Portagal par Céloricoet
Ponte de Muvcelha. Le général Gardanne prit le conunandement
de Tavant^garde , qui fit sa jonction avec l'armée du prince
d'Essling, le 26 décembre.
Ce renfort» que Ton avait annoncé comme beaucoup phis con-
sidérable, et qui se réduisit à une seule division de troupes peu
familiarisées avec le elimal et avec la méthode de guerre que
Ton avait été forcé d'adopter en Portugal, produisit cependant
une sensation très-vive sur l'armée française ; privée depuis
longtemps de toute espèce de eommunication, celle-ci se croyait
abandonnée. Le comte d^Erlon couvrit ses derrières et occupa
Leiria ; ce point bien gardé assurait tout à ftift les positions de
Santarem» et mettait le général anglais daus l'Impossibilité de
les attaquer avec succès. Le comte d'Ërlon n'avait eu tout avec
lui que la division Conroux, forte d'environ a.,0()ta hommes;
sa cavalerie était restée daos les environsde Ciudad-Rodr^ ; sa
secondé division, commandée par le général Clapaiède, vint
prendre position à Trancoso pour tenir en échec Ijç qorps 4e
Silveira.
Ukt,
La 1^ 4îvision du 9" corps avait nardié par la ^aHéa du vgrtapi,
Maad^ jfiUK|a*à Pooibai » où elle avait comiiMuiivié pour 1»
première foi» avee le maréebal Masaéna. Sur «a route le eomle-
4*Erl<u batUt et diaperaa to baiideade partisana ggllnfeatatoit
les derrière de Tannée; raaia 11 ne pot toutefois les détruire.
La divisioa Glapaiède» poêlée à Traneoso» aiAsi qoe nous ve-
iMHis de le dire, fut bieat6t envirouiiée par les corps ou bandes
réunies deSiivtiira, Baccelar/ Miller, Wilson, Trant et Grant.
Le 30 décembre» on des régiments de cette division, commandé
par le colc^ei Bonnaire, fut vivement attaqué» au pont d*Al-^
bado, par SUveîra , à la tété d'une colonne de plus de 5,000'
bommes; mais l'ennemi ne tarda pas à être repoussé avec une
grande perte* Le général Glaparéde se disposa à suivre ce pre*
mier avantage sur un adversaire d'ailleurs peu redoutable*.
C'était ce même Silvelra, bien moins connu par ses exploita
guerriers que par i'iniamie dont il s'était couvert en ftisant lA^
cbement assassioers à Cbavès» les malades et les blessés désai^
mes qoe le maréchal Soult avait laissés dans celte ville» lors de
sa campagne en Portugal.
Vers la fin de l'année 1810 le prince d'Essling conservail
encore quelque espoir de réussir dans ses opérations contre
Lisbonne. Cet espoir était fondé sur le calcul qu'une partie de
Tannée du midi de l'Espagne pourrait opérer une jonetioo
ayee celle de Portugal avant que le pays occupé par Tacraée
Ihuaçaiie fit totalement épuisé. Tous les mouvements du ma-
réchal Masséna tendaioit évidemment à ce but; mais la résis-
tance de Badi^oa retarda , ainsi que nous le dirons bientôt» la
Jonction qu^aurait pu effectuer le 6*^ corps, s'il n'eût pas été re-
tenu devant cette place Jusfa'an mois de mars de Tannée sui-
vante (1811).
Dans les derniers Jours cto décembre isio » des motifs d'une
nature dlfféreoite contribuaient i laisser les armées respectives
dans une triste inaction. Le prince d'Essling » limité dans son
commandement, ne pouvait paa reprendre l'offensive qn'il n'eût
reçu ou les renibrts qu'il atlendAit , ou des instructions positi-
ves de son souverain. Quoique plus libre, lord Wellington , de
son c6lé , restait sur la défensive avec plus de circonspection
qjae Jamais. On discutait, à cette époque, dans le parlement, si
&30 LIVBB SEPTIÈME.
imo. la maladie de Georges lll eicigeait une régence, et, dans le cas
Portugal. ^ Torgenoe d'ane semblable mesure serait reconnue, quels se-
rvent les pouvoirs du prince appelé de droit à cette régence.
Divers partis s'agitaient à Londres, selon la eoutuine ; il pou-
vait en résulter de grands changements dans le ministère, et par
suite dans le commandement de l'armée. Ces bruits inquiétaient
visiblement lord Wellington ; il redoutait que ces discussions
parlementaires, traînant en longueur, ne contribuassent à re-
tarder renvoi des nombreux renforts qui lui étaient annoncés
et qu'il réclam(ût avec instance. Peu certain, d'ailleurs, de eon*
server le commandement suprême de l'armée, il attendait avec
anxiété i'issue des démêlés qui devaient assurer l'autorité dans
ses mains ou fermer la carrière à son ambition.
Malgré les immenses ressources que leur offrait la mer, dont
ils étalent les maîtres, les Anglais ne se trouvaient pas toujours
en mesure d'alimenter cette foule innombrable qui encombrait
Usbonne et ses environs ; les rues de cette ville étaient jon-
chées de malheureux mourant de Mm. Cette pénurie extrême
engendrait des maladies qui se répandaient avec une rapidité
effrayante dans l'armée anglo-portugaise et y exerçaient de
grands ravages. La situation dés Français était encore plus dé-
plorable; les ressources de l'Alviella et du pays de Santarem
avaient été promptement épuisées. Les soldats étaient obligés de
s'étendre jusqu^à Porto de Mos pour foire des vivres, qu'ils ne
trouvaient ni en quantité suffisante, ni de nature à rétablir leur
santé délabrée. Des ûèvres lentes , que des cordiaux ou quelques
aliments restaurants eussent facilement fait disparaître dans l'ori-
gine^ se changeaient bientôt en maladies compliquées , qui em-^
portaient chaque Jour un grand nombre d'hommes. Les Jeunes
soldats furent les premiers moissonnés, et beaucoup de vieux
guerriers ne tardèrent point à succomber eux-mêmes.
Avant de continuer et de terminer le récit de cette expédi-i
tlon du Portugal, non moins fâcheuse que les précédentes, nous
devons rapporter les événements qui eurent lieu en Espagno
depuis le mois de juillet Jusqu'à la fin de L'année 1810.
CHAPITRE IV.
Sl'lTK DK l'année 1810.
Suite des événements militaires en Espagne. Commencement du siège de
Cadix. ^ Défaite des Anglais sur les côles du royaume de Grenade; corn-
hatsdans te midi de TÀndalousie; alïaîres de Villagarcia, de Fuenté-
OTéjnna, de Fuenté-de-Cantoa, en Estramadure. — Opérations du général
Séliastianl. Les Anglais sont luattus dans le royaume de Murcie. — Opé-
rations militaires au centre et dans le nord de l'Espagne Événements
militaires en Catalogne. Combats de Cervéra, delaBisbal, de Palamos, etc.
— Siège et reddition de Tortose. — Coup dVBîl sur les partis espagnols
cannas sous le nom de guerrillas.
Tout en hésitant de se prononcer ouvertement à l*égard de- eh^m,
Texpédition d'Andalousie, Napoléon n*y avait pas mis d*empâ-
chement sérieux ; au contraire, il s'était laissé détourner de son
premier projet par la flatteuse perspective de soumettre d*un
seul coup tout le midi de TEspagne, d'occuper les villes impor-
tantes de Grenade, Séville, et surtout le port de Cadix, où il fal-
lait empêcher les Anglais de s'étahlir. Sans trop piévoir les
funestes conséquences de son adhésion au projet de Joseph ,
projet conforme aux vues ambitieuses du mijor-général de ce
prince et provoqué par les conseils de ses ministres espagnols
OTarill, d*Azanza et Urquijo, l'empereur avait consenti taci-
tement à Texpédition. Gomme on l'a déjà vu, il pensait, avec
raison, qu'il Ihllait avant tout expulser les Anglais de la Pé-
ninsule , où leur présence stimulait l'énergique résistance du
gouvernement insurrectionnel et donnait au peuple la confiance
que la lutte qu'il soutenait contre les envahisseurs finirait par
tourner à son avantage ; mais, d'un autre c6té, considérant que
Masséna ne pourrait entrer en Portugal que vers le mois de mai,
il entrevoyait moins d'iuconvénients à laisser d'abord pénétrer
en AndaloiXiie une armée française, pensant que celle-ci se
trouverait en mesure d'appuyer, par la rive gauche du Tage ,
l'armée de Portugal , qui marcherait sur Lisbonne par la rive
522 LIVBB SEPTIEME.
itio. droite. Pendant ce temps, Beynier, avec le 2' corps, resterait
Espagne. ^^^ ^ fleuvc vis-à-vis d'Alcantara, pour observer les Anglais
et couvrir la droitede l*arinée d* Andalousie, qui, plus tard, prit
la dénomination d'armée du midi. Mais aucune de ces prévi-
sions ne put être réalisée : l'armée du maréclial Sonlt, dispersée
dans les provinces de Grenade, d^ Andalousie et d'Estrémadure,
ne put prêter aucun secours à celle du nuurécfaai Masséna;
Reynier, appelé à faire partie de Tarmée de Portugal, laissa
l' Kstrémadure à découvert^ ce qui permit aux Anglais d'arrèier
Masséna sur la rive droite du Tage et de s'opposer à sa jonction
avec Soult ; enfin la manie de vouloir fout conquérir et tout
garder à la fob fit que Ton ne se trouva en force sur aucun
point y et que de toute part on éprouva des revers.
Cependant, au mois de mars^ les Français étaient à peu prè&
maîtres de toute l'Andalousie, à l'exception de l'Ile de Léon et
de la place de Cadix. Les premiers efforts du maréchal duc de
BeUttne, chargé par le duc de Dalmatie de réduire cette place »
s'étaient dirigés, comme nous l'avons dit, sor le fbrt de Mata*
gorda, dont il s'était emparé le 28 avril, en forçant les Anglais,
qui y tenaient garnison à se retirer tout à fait dans Cadix et
dans nie de Léon, n'abandonnant que des ruines aux assaillants .
La possession de Matagorda, ayant rendu accessible la partie
méridionale du Trocadéro, fiivorisa la mise en batterie des.
énormes bouches à feu dites obusiers-canon, ou à la Viltanirois^
du nom de l'ofAeier d'artillerie qui les avait imaginées. Ces piè^
ees, à plaque et à semelle, étaient destinées à lancer des bombes
dans l'intérieur de Cadix, à une distance de deux mille quatre-
cents toises. Après de nombreux essais, les bombes Unirent,
en effet, par atteindre la ville et la plage adjacente, et y causè-
rent du ravage. •
L'Ile de Léon présente la figure d'un triangle assez régulier,
dont deux côtés sont baignés par TOcéan ; le troisième côté est
séparé du continent par le canal appelé rivière de Santi-Pétri.
Ce canal profond débouche au nord dans le bassin de Puerto-
Real, à la Carraea, et au sud dans la mer, à nie Santi-Pétri.
L'Ile de Léon, qui a trois lieues de long sur une lieue un quart
dans sa plus grande laigeur, renferme les villes de San-Femanda
et de San-Carios, qui se touchent presque. Le reste du sol est
Tom 10 l'cuf. S22
h^z CJiiclana
Ibmr.BerfMe/a ®
^^^X'fS^jK' J^Jkn^Ain
Bmffi/^*
Juan Veis;
DM LA BAIE DE CADIZ
ETDEl^lLE »E J^KO^^
Vi\2Ci'
^
iJaemf
GUEIBI D*ESPAGKI. 623
couvert de vastes lagunes, les unes caltivées, les autres formées «gi^.
de marais salants, eommunlqoant àvee la baie intérieure par de B"I»<>^
nombreux canaux. L'Ile communique avec la terre ferme par le
pont de Suazo, que leducd'Albuquerque avait fait couper avant
Tarrivée du duc de Bellune; c'est Tunique passage qui conduise
à Cadix parterre. L*arsenal maritime delà Carraca est situé en
face de San-Garlos, dans un Ilot contigu à l'Ile de Léon et formé
par la rivière Santi-Pétri et le canal de las Culébras. La ville
de Cadix est bAtie sur un plateau formé par des rochers élevés
au-dessus de l'océan et sans cesse battus par les vagues» à l'ex-
trémité septentrionale d'une langue de terre (ou isthme) étroite»
sablonneuse, presque à fleur d'eau, d'environ deux lieues de
longueur, qui, partant de l'angle occidental du triangle, c'est*
a-dire du point le plus éloigné du continent, établit la commu*
nication entre cette ville et l'ile de Léon. La rade intérieure ,
qui a plus de six lieues de tour, est défendue par le fort de Ma-
tagorda, situé à la pointe la plus méridionale de la terre ferme,
non loin de la côte, et près de Tembouchure du canal du Tro-
cndéro; le fort San-Luis, à l'extrémité occidentale de l'Ile du
Trocadéro, qui n'est qu'un banc de sable élevé, et le fort de Pun-
talès, situé sur un avancement de Tisthme qui Joint Cadix à Tile
de Léon. Au milieu des marais salants et des canaux qui sont
en avant du Santi«Pétri s'élève une chaussée longue et étroite
qui conduit au pont de Suazo et où les Espagnols établirent
plusieurs coupures et des batteries qui en rendaient les abords
inexpugnables. Le front d'attaque du Santi-Pétri fut garni
d'une triple ligne de batteries , et l'isthme fut coupé par un
canal dans sa partie la plus étroite. Cette coupure [Cartadura]^
défendue par le fort San-Femando et éloignée de Cadix d'en<'
viron trois quarts de lieue , était destinée à barrer à l'ennemi
l'entrée de Cadix, quand bien même U aurait pàiétré dans Tlle
de Léon. Enoore aurait-il fallu, dans ce cas, se rendre maître
des ouvrages de l'enceinte de Cadix, qui ne présentaient qu'ui»
seul front d'attaque.
Outre 5,000 hommes de troupes anglaises et portugaises en**
voyés de Lisbonne par Wellington , les troupes espagnoles
échappées aux désastres de la Sierra^Moréna, qui venaient de
<Bvers point se réfugier à Cadix, avaient porté l'armée du duc
.'>24 LIVAE SEPTIÈMB.
mo. d*Albiiquerque à 14 où 15,000 hommes, à la fin de mars. Le
£»i«siic. çQfj^ auxiliaire anglo-portQgais était sous les ordres de sir
Thomas Gruham, qui avait remplacé le général Ste^art.
Dès le 6 février le duc de Bellune avait établi les trois divi*
sions du l'*'' corps sur les points littoraux les plus importants ,
depuis San-Lucar de Barraméda , à Tcmbouchure du Guadal-
quivir, jusqu*au château de Santi-Pétri^ à Textrémité méridio-
nale de Pile de Léon; il occupait Rota, Santa-Marîa, Puerto-
Béai, Xérès de la Frootéra et Chiclana. La cavalerie du général
Latour-Maubourg occupait à gauche Médina-Sidonia , sa droite
appuyée à la mer et sa gauche au Guadalètc, ses avant-postes
à Alcala de los Gazalès.- Les forts et les batteries de la côte ,
détruits par les Espagnols depuis Rota et s'étendant au dedans
de la grande rade et de la baie intérieure par Santa-Catalina,
Puerto Santa-Maria, le Rio San-Pédro , le canal du Trocadéro
et Puerto-Réal, avaient été remis en état et armés. Les principaux
postes de cette ligne d*au moins dix lieues d'étendue étaient les
forts Santa-Catalina , battant rentrée de la grande rade ; le
petit fort Lafaga, couvrant Santa-Maria; le fort San-Luis et
le Trocadéro. Trois cents bouches à feu composaient Tarmement
de cette immense ligne de batteries et fermaient aux bâtiments
ennemis Taccès de la Carraca, où se trouvaient les magasins
de la marine royale, et de la plage adjacente à Santa-Maria et
à Puerto-Réal.
Il y avait en rade une escadre anglaise, aux ordres de Tami-
ral Purvis, et une escadre espagnole, commandée par don Igna-
cio de A lava. Battues par une violente tempête qui s'éleva le
6 mars et continua jusqu'au lO, ces escadres avaient perdu
quatre vaisseaux de ligne, une frégate, une corvette et cinquante
iKUiments marchands, qui, sous le feu des batteries françaises,
échouèrent k la côte avec leurs cargaisons et GOO hommes d'é-
quipage, la plupart Anglais. L'ennemi Incendia lui-même deux
de ses vaisseaux ; un petit nombre de bâtiments chargés d*ap-
provisionnements divers destinés à la garnison de Cadix ren-
trèrent en rade dans le plus grand délabrement.
La junte centrale, réfugiée à Cadix après la prise de Séville ,
avait été forcée de céder le pouvoir exécutif à une régence
composée de cinq membres, et lui restait attà.chée comme pou-v
GU£BBB d'bSPAGNB. 595
voir délibérant Jusqu'à la réunion des oortès, convoquées pour i^i^.
le mois de septembre. Le nouveau pouvoir installé le si Janvier
avait pris le nom de conseil suprême de régence.
Le mois de février 5*était passé tranquillement dans la haute
Andalousie ; mais, au mois de mars , une violente insurrection
avait éclaté dans les Alpujarres, branche méridionale de la
Sierra-Moréna, qui, suivant au sud de Grenade le rivage de la
mer, va se terminer au pied de Gibraltar. Le général Blake ,
retiré à Murde, avait soulevé les populations féroces et belli-
queuses de ces montagnes. La garnison française que le roi
Joseph avait laissée à Ronda, vers la fin de février, fut bientôt
resserrée dans Tenceinte de la ville et forcée de l'évacuer le 12
mars, devant les nombreuses bandes des montagnards de la
SerrantOy nom de la chaîne de hautes montagnes qui partent
des environs de Tarifa et s'étendent au loin à Test. Un des prin-
cipaux chefs de ces bandes de contrebandiers et de malfiiiteurs
était don Andrès Ortiz de Zarate, partisan qui se rendit célèbre
sous le nom à' El Pastor. Pour mettre un terme à cette agres-
sion, le maréchal Soult avait envoyé de Malaga, contre les in-
surgés y le général Peyremont avec trois bataillons. Réuni à la
colonne qui venait d'évacuer Ronda , Peyremont reprit le 21
cette ville, d'où les montagnards ne se retirèrent qu'après s'être
livrés au pillage et à toute sorte d^excès. Profitant de l'absence
du général Peyremont, les Insurgés envahirent Malaga, ce qui
força ce général à quitter Ronda, eiprës y avoir rétabli la gar~
nison, et à voler au secours de la première de ces villes, que ,
malgré leur promesse, les habitants n'avaient pas défendue.
La régence de Cadix avait chargé le marquis de la Romana
du commandement de l'armée dite de la gauche, qui campait
autour de Badajoz, et le général Blacke, remplacé en Catalogne
par le général O'Donnel, avait été appelé à commander l'armée
du centre, qui cantonnait aux environs de Murcie. Celle-ci, for-
mée des débris de l'armée du général Areizaga, s'accrut consi-
dérablement par le recrutement, par les enrôlements volontaires,
et fomenta par sa présence la levée d'un grand nombre de guer-
rillas dans les montagnes de Cazoria et dans les Alpujarres.
Cette Armée fut destinée , conjointement avec la garnison de
Cadix, à inquiéter les troupes françaises établies à Grenade, à
616 LIVUB BSFTiàlf B.
m^ Sérille, et partout ou il importait de soutenir lea gnerrillas de la
Serraiiia et de Eonda. Mais Blaeke, s'étant reodu à Cadix pour
prendre le coramandeDient des trompes e^agnoles réunies dans
eette place et dans File de Léon , fut remplacé par le général
Freire, qui resta à la tète de Tarmée du oentrC) forte alors de
13,000 hommes d*infiuiterie , a^ooo clievaux, avec quatorse
pièces de canon.
Encouragés par le succès qa*avait eu Theureuse témérité de
la Ca$UUe^ les prisonniers français détenus à bord d'un autre
ponton espagnol, l'Argonaute^ tentèrent, quinxe jours après,
la même voie de salut. Ce ponton , qui servait d*h6pital , avait
à son bord six cent cinquante Français blessés ou malades. Il
vlntt dans la nuit du 26 au 27 mai, s^écbouer près de Blata-
gorda : les cAbles en avaient été coupés par les Français* L'en*
nemi , furieux de cette seconde tentetive d'évasion , fit vaine-
ment des efforts incroyables pour le détruire par le canon ou
par le feu pendant la dérive; fArgantaUe toucha k terre à peu
de distance de l'endroit où, quelques jours auparavant, avait
échoué la Castille^ Les soldats français du l*^ corps montrèrent
encore, dans cette seconde circonstance, autaitf de sollicitude et
de dévouement, pour sauver leurs malheureux camarades^ qu'ils
en avaient apporté pour préserver ceux de la Caslille de la mort
qui les poursuivait jusqu'au rivage '.
Depuis quelque temps la garnison de Cadix faisait des ap-
paritions en terre ferme et commençait à fixer l'attention du
1 '''' corps. Dans la nuit du 28 au 20 septembre, les assiégés tentè-
rent une attaque contre le centre de la ligne occupée par Tarmée
française ; 4,000 hommes débouchèrent par le pont de Suaaso,
rétabli dans la nuit, et par la Carraca; ils étaient soutenus par
plusieurs chaloupes canonnières, qui remonterent les canaux
de Zurraque , Aguiiar et la Cnus. Les avant-postes des assié-
geants se retirèrent dans les ouvrages où le 9® dWanterie légère
s'était formé. Les bataillons de réserve, soutenus par le canon
des batteries de la côte, ayant aussitôt pris portion, le 9^ sortit
* lie lieutenant de vaisseau Cartagnez, le chirurglen-niiyor Gondin, l*in-
fimrier principal Gollloteaa , le lieutenant Montcbolsy et te diinirgien aide-
major Casevieille, prisonniers sor rArgmatUe^ se distinguèreat paiticoliè'
remeat dans ^évasion de ce pontoo.
dés retran^httiMDts et marcto droit à Tennemi, qui fot bientôt mia.
ciill>cité et forcé de rentrer dans ses lignes sans avoir pu détruire '^'*^^
les ouvrages avancés, ainsi qu'il en avait le projet.
Les deux partis eontinuaient de s^dbserver avec une sorte de
défiance mutuelle. Les Français sentaient qu'ils ne pouvaient
entreprendre aucune opération offensive véritablement sérleu&e
contre une place si bien fortUMe ; ils continuaient cependant
avec activité les travaux d'investissement de la rade et de Tlle
de Léon. Malgré tons tes obstacles qu'y apportait reniiemi» une
flottille nombreuse, composée de chaloupes canonnières, de
péniches et d'emhaTCations, avaitété créée par eux dans les ports
de Santa-Marf a, San*Luear de Baraméda» Puerto-Réal et Chi*
dana. Cette flottille de siège, ayant été attaquée par lesbàtiments
anglais dans la nuit du 31 octobre, remporta sur eux un avan-
tage assez marqué. Néanmoins rien n'annonçait encore quelle
serait rissue. du siège » et l'on demeurait dans une inactivité à
peu près égale des deux côtés.
Défaite des Anglais sur la côte du rùffaume de Grenade, is octobre.
— A eslte même époque, la seule entreprise digne de remarque
Alt celle que les Anglais tentèrent du c6té de Malaga , dans le
royaume de Grenade. Le but de cette expédition était de pren-
dre d'un coup de main le château de Fuengirola, qui n'était dé-
fendu que par 160 hommes. La possession de ce château eût
ouvert à Tennemi un point de communication avec les nMmta-
gnuTds voisins, qui résistaient encore aux Français. I>ès qu'il
en aunrît été le maître, il y aurait placé une garnison pour en-
gager les Français à l'attaquer» en dégarnissant Malaga. L'ex-
pédftkm se serait alors rembarquée sous la protection du fort,
et, de concert avec d'autres troupes parties de Gibraltar, aurait
enlevé Malaga , détruit les fortifications et pris les corsaires et
bâtiments richement chargés qui se trouvaient dans le port. A
cet effet, le 14 octobre, une escadre anglaise, composée de deux
vaisseaux de 74, quatre frégates et trois bricks, avec quatre ca-
nonnières et sept bâtiments de transport, parut à la vue du fort
de Fuengirola, situé à quatre lieues ouest de Malaga. Le débar-
quement s'effectua à Gala de Mora, à douze milles est de la ]^ce.
L'escadre mit à terre le 82* et le 89^ régiments de ligne anglais
et le régiment de Tolède espagnol , arrivant de Ceuta , en tout
52S LiVBB sv^'rràiiE.
iM». 4,000 hommes, sous les ordres dugéiiém4'an^«è» lord Blayney.
Es|*agne. ][,e 1 5 au tùMn, toutes les hauteurs qui eBvSrafineot le fort fu-
rent couronnées de troupe» anglo-espagnoles , et une batterie de
cinq pièces fùtétablie à cent einquante ti^aes. Legteéral anglais
fit sommer le fort de se rendre; le capitaine MI<^O6iewi0tz,
qui commandait la garnison, refusa d'écouter le parlementaire ;
aussitôt le feu de la batterie et de l'escadre fM dirigé sur le fort,
malsje général Scbastiani, ayant proroptement réuni S,000 hom-
mes, se porta sur Tennemi^ Tattaqua et le culbuta. La garnison
du fort seconda ce mouvement par une sortie idipétueuse en
front , et enleva la batterie que l'ennemi avait établie contre
elle. Cette sortie eut lieu quelques minutés avant que le général
Sébastiani parût sur le flanc du corps qai investissait le château.
Lord Biayney, qui prit le détachement sorti de Fuengirola pour
une troupe espagnole, fut, dès le premier choc, foit prisonnier
avec une partie de son monde. Les Anglais et les Espagnols
s'enfuirent en désordre vers le rivage. Le feu du fort coula plu-
sieurs chaloupes canonnières chargées de soldats, et, des trou-
pes qui étaient descendues à terre, quelques débris seulement
parvinrent à se rembarquer. L'ennemi laissa le cliamp de ba-
taille jonché de ses morts, parmi iesquelson compta 250 Anglais.
Outre, un grand nombre de prisonniers , cinq pièces de canon,
beaucoup d'outils et plusieurs caissons de cartouches tombèrent
au pouvoir des vainqueurs.
Telle fut l'issue de cette opération, mal combinée , encore
plus mal commandée. Du côté des Français^ elle fit l>eaucoup
d'honneur au chef de bataillon polonais Bonitz, aux capitaines
Mlokosiewietz et PlachedLi, au lieutenant Ghelmicki, et au ca-
pitaine Autier, qui commandait un escadron du 21^ régiment
de dragons.
Aoûi-sept Combats dans le midi de l'Andalousie ; affaires de Villagar-
cia^ de Fuenté-Ovéfuna, deFuenté de Contas , en Estréma-
dure. — Après sa défaite a Santa-Olalla et au Ronquillo, les 25
et 26 mars % Ballasteros, lieutenant de la Romana, s'était re-
tiré sur Gala et Aracéna, et avait cherché un abri dans les mon-
tagnes presque inaccessibles de cette contrée. Battu successive-
* Voir page 416.
ment par laâivifMm Gimd, du 5* corps, les l s avril et :ie mai, imq»
à Zataméa-iA^Béal, aa pavage da Bio-Tinto et à Araoéna, il '^^"'*
s'était va fonoé à gaipfter en dénwdre la Giiadiana inférieure et
les fro&tièses de Portagal. Le prittdpal ehamp de bataille et de
retraite de lallastéros était le pays qui s'étend entre l'Estréma-
dure, le Portugal et la province deSévilie» d'où il donnait la
main aux troupes espagnolesqui occupaient lecomté de Niébla.
L'adjadant-commandant Victor Rémond, avec un petit corps
d'infanterie, observait le Rio-Tinto. Il battit l'ennemi le 17
juin. Les vivres devinant de plus en plus rares dans Cadix , les
assiégés firent un nouvel ^ort pour ravitailler la place, et opé-
rer, s*ii était possible, une diversion vers le Rio-TInto. Le 34
août, le général Lacy débarqua un corps de 6,000 bonimes, ve-
nant de Cadix, entre Moguer et la Torre de Oro, et marcha
aussitôt contre le duc d'Aremberg , qui occupait Moguer avec
300 bcMnnes de son régiment > le S7« de chasseurs à cheval.
Pendant ce mouvement, le général espagnol Q^ns, avec l,600
hommes, débouchait des frontières de Portugal et marchait ra-
pidement sur le Rio-TInto pour couper la retraite à l'adjudant-
commandant Rémond. Attaqué par des forces bien supérieures,
celui-ci soutint néanmoins le combat avec assez d'égalité pen-
dant toute la journée et prit position, le soir, à VlUarraaa. Le
35 il continua la retraite sur Sao-Lucar la Mayor. Des détadie-
ments du 6" corps s'étant alors réunis à la petite colonne, Lacy
arrêta son mouvement. Le général Pépin, qui commandait à
San-Luear, marcha au général ennemi sans délai. Le 38 au
matin , il le fit attaquer h Manzanilla et le poursuivit jusqu'à
Villalba. Un corps de SOO cavaliers espagnols, ayant chargé
avec assez de succès d'abord un escadron du 3^ de hussards ,
fut repoussé ensuite, sabré ou fait prisonnier. Le 39 août, les
Français rentrèrent dans Moguer; l'ennemi se rembarqua en
désordre pendant la nuit, abandonnant une partie de ses bles-
sés et beaucoup d'effets sur la plage. Le 15 septembre, un
nouveau débarquement eut lieu à Moguer. Le général Copons
se porta des bords de la Guadiana pour le soutenir ; mais l'ad*
jndant-commandant Rémon^ l'atteignit bientôt , le repoussa
jusqu'au delà de San-Rartoloméo et de Cartaya , et le força
encore une fois à se rembarquer précipitamment. Le 1 3 octobra
.980 LITBB SBPTikMK.
itio. renaerni, malgré les échecs qu'il avait précédemment reçus sur
^'^^^f^- le Bio-Tinto, voulut eucore s*élabllr à son embouchure et se
retrancher à Huelva; radjudant^commandant Eémood vint le
chasser de cette position. Cet oCBcier attaqua les Espi^iiols ,
enleva d'assaut le fortin qu'ils avaient construit, et força la gar-
nison ennemie à se rendre ou à gagner ses chaloupes à la nage.
Beaucoup d'Espagnols périrent dans le tnjet , et les Français
Urent 60 prisonniers.
Dès que le maréchal Mortier se ftit replié sur Llérena, le 11
février % la Junte de Badtgoz fit tous ses efforts pour répandre
des guerrillas vers la province de Sévllle et sur les rives du
Tage. Peu de temps après, l'armée de La Romana se mit en
marche pour gagner la Guadiana, excepté la divisioQ de Carrera»
qui resta postée sur la frontière pour empêcher les communica-
tions entre l'Estrémadure et le pays situé au delà de la Sierra
de Banos. Cette armée, réunie aux forces reiflérmées dans Ba-
dines, s'élevait à environ 26,000 hommes d'infanterie et 9,000
hommes de cavalerie ; elle se composait de cinq divisions : cel-
les de Mendizahal et de don Carios O'Donnell, frère de don
Enrique, qui commandait en Catalogne, s'appuyaient, à gauche^
à Castello de Vidé et à Alhuquerque ; une division était à Ba-
dajos avec le quartier général , et les divisions de Ballestéros et
de Contreras occupaient, à droite, Olivença et le chemin de
Monaaterio. Le général Reynier, ayant quitté le Tage au com-
mencement de mars, s'était établi à Mérida, où il reçut Tordre
de marcher sur le Tsge et de se mettre en ligne avec l'armée
de Portugal, dont il faisait partie. Il devait prévenir le maréchal
Mortier de son départ et s'occuper de déblayer la route qu'il
«liait suivre pour gagner le Tage. En conséquence le géné-
ral Merie fût dirigé de Féria sur Xérès de los Gabaliéros avec
sa division et la brigade de dragons du général Marizy. Le .%
Juillet il rencontra à moitié chemin de Xérès, à Salvatierra, l'a-
vant^garde espagnole postée sur une hauteur boisée; il l'atta-
qua et la replia sur un mamelon escarpé qu'on ne pouvait at-
teindre qu'en défilant homme par homme. Toutefois elle fut
délogée par les voltigeurs des 2* et 4* régiments d'influnterie lé-
''W'#lrpast4!3.
r
gère. Les Espagnols se cooeentrèreiH alors dans une bomie po-
I sition Sttr les hauteurs à droite de Xér^s. Ils présentaient en ^"■^"^'^
I
ligne environ 7,000 hommes avec do canoa et étaient oomman-
dés par les brigadiers généraux Imaz et Morille détaehés de
la division de don Carlos O^Donnell, établie aux environs de
Badajos«
Attaqués à la baifonnette par les 2^ et 4« légers, soutenus par
la cavalerie, les Espagnols sont rejetés sur les revers des som-
mités qu'ils occupent. Abordés de nouveau , ils sont refoulés en
désordre vers i*Ardllla, où le régiment d'infanterie de la Prin-
cesse, abandonné par la cavalerie, et se formant en carré à
la tète du pont en arrière de Xérès , essaye de protéger le pas*
sage ; mais les dragons du général Marizy enfoncent le carré ,
tuent SOO hommes dans cette charge et font 200 prisonniers ;
le reste fuit en désordre vers les montagnes voisines, dette af-
faire coûta aux Espagnols plus de 1 ,ooo tués et blessés, et doo
prisonniers. La perte des Français ne dépassa pas SO hommes*
Immédiatement après cette rencontre, le 3« eorps se rapprocha
du Tage, qu'il passa, dans les journéesdu I6au isjuilletyàGar^
rabillas , à Talavan et à Alconétar, et se dirigea Mir Gorla, où
il entra le 17. Il fut suivi parallèlement à sa marche par le
générai Hill , qui stationnait, à hauteur d*Ei vas, sur la frontière
de Portugal.
La Romana profita du départ du 2^ corps pour réunir de nou-
veau ses troupes dispersées en Estrémadnre et tenter une incur-
sion en Andalousie. Ayant obtenu de faire relever par des Por-
tugais les garnisons de Badajoz, de Campo-Mayor, etc., il par*
vint à former un eorps de 10,000 hommes d'infanterie et de
000 chevaux, avec lequel il manifestait l'intention de marcher
sur Séville. Le général Girard , instruit de la marche de Ten-
nemi sur Bienvénida, se porta , le 1 1 août, de Lléréna sur ce
point, par Yillagarcia. Les Espagnols, surpris par œ mouve«
ment décisif, suspendirent le leur et s'établirent sur la défensive;
ils formèrent leurs lignes dans des retranchements naturels et
attendirent lattaque. Le général Girard fit alors des démons-
trations sur leur centre, tandis que le général Chauvel marchait
pour les déborder sur la gauche et que le général Brayer ob-
servait la droite. Deux escadrons de cavalerie ennemie ehar-
M.
E^Mgne.
532 UTU SBPnfclIt.
is)0. gèrent vigoureusement la brigade Oiaavel, qui iei reçut à oout ■
portant, et les força à se retirer en désordre, après avoir laissé
lieauooup d'Iiommes et de chevaux sur la place. La position de
gaudie fut immédiatement enlevée Tanne au bras. Au même
moment» la brigade Brayer chargea à la baïonnette les 5,000
hommes qu'elle avait devant elle et s'empara du plateau qu'ils
défendaient. Les Français se trouvant alors maîtres dea hauteurs,
la victoire fut décidée en leur faveur. La cavalerie espagnole
flt les plus grands efforts pour protéger la retraite de Tinfiin*
terie ; mais, chargée au pas de course par plusieurs compagnies
de voltigeurs réunies, elle fut rompue, et dès lors la déroute
devint complète. L'ennemi fut poursuivi , Tépée dans les reins,
jusqu'à Monté-Molino , d'où il se jeta dans les montagnes de
Zafra. Il perdit dans cette affaire 3,500 hommes, tués ou bles-
sés et 800 prisonniers. On lui prit quatre pièees de canon et
d'immenses magasins de vivres. Les Français n'eurent que 300
hommes tués ou blessés.
Les généraux Chauvel et Brayer; les colonels Raymond, du
84* régiment ; Chassereaux, du 40« ; Vigent, du 64^ ; le dief de
bataillon Monnot, commandant le 88^; le nujor Gaidon, du
31" chasseurs; le chef de bataillon Marquet, commandant les
voltigeurs; le chef d'escadron Hudry, le capitaine Gritte, du
34*; le capitaine Levéque, du 10<^ de hussards; le capitaine de
grenadiers Martin, du 64®; Tadjudant-major Lefebvre, du 88*;
l'officier du génie Anduard et l'aide-de-camp Duroc^Meselop
méritèrent, à cette occasion , des éloges poqr leur belle con-
duite.
Cependant La Romana, renforcé par une division de troupes
portugaises, reçut du général en chef anglais l'ordre de se
porter de nouveau en avant. Ce secours et ce qu'il put réunir
de ses débris lui formèrent près de 9,000 hommes. Il se remit
donc en marche au commencement de septembre, et s'avança
jusqu'aux défilés qui dominent l'Andalousie ; il occupait Aracôia,
Santa-Olalla, Monastério et Guadalcanal. Durant son s^ur
dans cette contrée, une de ses divisions attaqua, pendant quatre
jours de suite, le poste de Castello de los Guardios, y fût cons-
tamment repoussée et y perdit 300 hommes. Le 6 septembre ,
3,000 hommes se portèrent sur Fuenté*Ovéjuna , où se trou*
ApagiM.
GUP.1KK l>*BSPAGIfï. 6Z9
iraient 96 hommes da 5t® régiment de ligne français^ oomman- _ itia
dés par le capitaine Billot Ge fhible détachement se battit avec
àcbaraement pendant treize heures.
Après une forte résistance aux issues du vHlag& de Fuenté-
Ovéjuna, dans quatorze maisons que Tennemi br6la successive-
ment pour en chasser les Français , ceux-el se retisèrent dans
réglise , d*oti ils firent plusieurs sorties à la baïonnette , et de
là dans le clocher. Le général Morillo, désespérant de pouvoir
vaincre cette poignée de braves, fit apporter au bas de l'eseftller
du clocher de vieux matelas et des ballots déplaise, auxquels
on mit le fen , afin d'étoufTer par laftiroée ceux qui se défen-r
daient s! ophiiâtrément. En effet, plusieurs d'entre eux ayant
succombé, le capitaine Billot descendit avec ce qui lui. rastait
d'hommes sur le toit de Téglise, où il fut forcé de se rendre,
après avoir br<^ sa dernière cartouche^ Les Espagnols embus-*
qués dans les maisons environnantes tuaient ces soldats sans
défense. Morifio fit cesser le feu, et on. les fit desœndre de l'é*-
gliseavec deséchelles à incendie. Il ne restait plus que 50>Fran*
çais, qui furent conduits, ainsi que le capitaine Billot^ en.Por»
tngal^ où ils fiirent repris par le t^ d'infonterie légère;: ils
rentrèrent ensuite à leur régiment. Le détadiement envoya à
leur secours ne put arriver à temps à Fuenté-Ovéjuna, et ils
étaient déjà au pouvoir de Morillo quand celui-ci abandonna
le village.
Sur ces entrefaites, le maréchal Mortiei-, d^'après. les ordres
du duc de Dalmatie, réunit le 5^ corps d'armée à el Bonquillo,
afin de rejeter tout à fait Tennemi dans le fond de TEstrémar^
dure, les Fhiftçais, chassant les troupes qui se trouvaient cte*
vaut eux à Santa-Olalla et à Mondstérto , araivènenjt le i.Sh sep-
tembre au matin près de Fuehté de Cantos , oùr la cavalerie
ennemie, au nombre de 2,700 chevaux, y compris 1,000 Por-
tugais, crut pouvoir résister et s'opposer au passage. Le général
Briche marcha sur Fennemi avec sa brigade de cavalerie légère;
les Espagnols furent repoussés en désordre et sabrés. 6OOI10BI-
mes de leur cavaferle, parmi lesquels le colonel du régiment de
rinfante, et beaucoup d'officiers furent faits prisonniers. SAx
pièces d'artillerie légère fiirent également prises, avec leurs at-
tnjlages et leurs caissons. L'ennemi laissa sur la place un graiwi
&34 UVAB SlErriBVI.
1810. iMMnbre de morts, et celai de ses blessés fut lrès-€OMldéraUe.
^**''*^^ Les Français n'eurent guère qoe 30 hommes tués et 70 blessés.
Les Espagnols précipitèrent leur retndte. Le 16 , le duc de
Trévise était déjà àZafra, et poussait ses reconnaissances jus-
qu'à Fuenté del Maestré.
Avni-.\ov. Opérations du général SébasHani; les Espagnols sont battus
dans le royaume de Murcie, -* De nombreux rassemblements
stationnant au mois d*avril sur les frontières de Murcie, le gé*
néral Sébastian^ fit une incursion sur ce point à la tèle de 8,000
hommes. Il se dirigea par Baza et Lorca ; le généraJ Frebre se
replia sur Alicante et envoya à Girthagène la S* division de
son armée. Le général Sébastian} marcha sans éprouver de ré-
sistance sérieuse jusqu^à Mureie , dont il prit possession le 23
avril et qu*il évacua trois Jours après. Presque toujours vain-
queur, soit qui! fàt attaqué ou qu*il prit roffen9ive » il ne pou-
vait parvenir à padûer entièrement le royaume de Grenade,
Les triomphes des armées françaises, quoique se succédant avec
rapidité, n*entrainaient cependant avec eux aucun résultat dé-
cisif. Vers le miliea du mois de juin , le général Sébastian!
avait dispersé et taillé en pièces à Gastrit , sur la frontière de
Murcie, un rassemblement d'insurgés auquel s'étaient Jointes
quelques troupes réglées; le t5 juillet suivant, le général Rey
attaqua un autre corps d'insurgés» dans les montagnes deRonda,
lui tua 400 hommes, le mit en déroute , et lui ramassa quelques
prisonniers, parmi lesquels se trouvait le colonel Valdivia»
qui commandait Texpédition. Dans les derniers jours du mois
d*aott, des rassemblements de paysans de Mureie, soutenus
par quelques troupes régulières, commandés par le général
Blake, qui était venn de Cadix pour dir^r les opérations de
l'armée do centre, menaçaient les firontières de Grenade. Le
général Sébastiani partit de la ville de ce nom pour marcher à
leur rencontre ; mais à son approche ils se retirèrent dans les
montagnes. Les Français s'arrêtèrent à Totana dans la nuit
du 39 au 80.
Pendant que le général Sébastiani faisait son expédition,
deux bandes de guerrillas des montagnes de Grenade se réur
nirent ; soutenus par 2,000 paysans du pays ^i se joignirent
à eux , ils se portèrent dans les environs de U viUe die Grenade.
GUEfiRB D'fiSP^GAE. 5S$
Le dief d*«icttdf«Mi Rollet, du 16* régiment de dragons, les im^^
joignit, le 4 septembre, au-dessos de Padal , les mit dans une '•PHBfe.
déroote complète, et leur tua 400 hommes « an nombre des-
quels était leav ehef ; il lenr fit en outre quelques prisonniers ,
prit lenr drapeau et beaucoup de cheYaux. Le reste regagna les
montagnes «
D*un autre côté , les Anglais et les insurgés cherchaient aussi
à profiter de Téiolgnement du corps du général SébastianI
pour soulever le pays. Quelques villages se révoltèrent et mat^^
sacrèrent tous les Français qu'ils purent surprendre en > force
moindre ou isolés. De nouveaux débarquements s^effectuèrent
sur ta c6te des Alpujarres, et les chAteaux de Motril et d'Aï-
mun^ar furent pris; mais, après ralTaire de Padal , le général
Werlé marcha sur ees deux villes, quHl trouva fortement oc-
cupées. T..es Anglais, après avoir cherché à entamer le général
Werlé, furent repousses avec perte , et obligés de se rembar-
quer en toute hâte, laissant beaucoup de morts sur la place* Les
châteaux de Motril et d'AlmunéJar» dont ils avaient augmenté
l'armement et qu'ils avaient approvisionnés , rentrèrent au pou^
voir des Français*
Vers la fin du mois d'octobre, Blake, étant parvenu à réor^
ganiser l'armée du centre , commença à inquiéter la gauche du
4^ corps. Le 3 novembre il fit reconnaître la petite ville d^
Gullar, vers la frontière du royaume de Grenade, par un parti
de 100 chevaux. Prévenu par le général Rey, le général Sébas^
tfani donna l'ordre à tous les détachements de se réunir sur ce
point et de marcher à l'ennemi. Le 4 , Blake vint prendre po^
sitlon au Rio-Almanzor, avec près de 10,000 hommes. Le gé-
néral Rey fit aussitôt ses dispositions pour attaquer. Le général
Milhaud, étant arrivé un instant après avec sa cavalerie , prit le )
commandement et fit charger l'ennemi, sans attendre les renforts
qui lui arrivaient sous les ordres du général SébastianI. En un
instant les Espagnols furent enfoncés et culbutés de toutes
parts: 1,000 prisonniers, dont environ 40 officiers, quatre
eanons , qnatra caissons et deux drapeaux tombèrent en notre
pouvoir; plus de 1,200 hommes restèrent sur le champ de
bataille, entre autres le brigadier commandant les carabinlera
espagnols. Les Français n'eurent que 900 homfmes tarnt tuéâ
^86 LIVBB SIPTÙMB.
fMo. <|ueble8sés. Le généniMilhand poursuivit salis retard renheitf,
^'^*^^ afin de ne pas iui laisser, le temps de se reformer.
Dans cette affaire, qui termina la campagne de 1810. les
Français étaient loin d'égaler lea Espagnols en nombre. 1,200
chevaux, 2 bataillons du 33*, 400 hommes du sa*, avec
une compagnie d'artillerie légère, sufiirent pour battre et dis-
perser entièremimt le corps de Blake, qui comptait te,ooo
hommes. Les généraux Milhaud et Rey, les colonels Or-
manoey , Subervie, Aymard et Konopka se distinguèrent.
Jniii.-iiéc. Opérations militaires au eerUte et dans le nowt de VEs-^
nagne. — Le général Hugo , qai occupait la ville de SIgueoza ,
dàna la province de Guadalajara, y fut attaqué, le 6 juillet,
par la bande de rEmpédnado; les Espagnols, malgré kur
nombre, furent rompus et laissèrent beaucoup de monde svr
la place.
Deux mlHe autres guerrilléros s'étaient réunis à Almaaan ,
sur le Duéro, dans k province de Sorla. Le colonel Baste»
commandant les marins de la garde impériale ^ partit le 9 Juillet
de Soria, à la tète d'une colonne de 1,000 marins et ouvriers
militaires, pour aller attaquer ce rassemblement. Le 10, de
grand matin , la ville d'Almazan lût cernée. Le combat s'en-
gagea vivement bientèt ^>rès et se soutint pendant quelque
temps avec opinîâtrelé ; néanmoins la ville fiit enlevée de vive
forée, et Tavantage demeura tout entier aux Français. L'en-»
nemi perdit dans cette afbire aoo-hommes morts et 500 blessés
ou prisennien. Les Français a'eurent qu\me centaine des leurs
tués ou blessés.
Dans la Manche , le général Lorge obtenait des succès contre
les bandes qui infestaient ce pays. Une d'entre elles, forte de
aoo hommes d'infanterie et de 200 chevaux, attaqua Tomelloso,
le 2 septembre. Le colonel badois Kruse, s'étant porté à sa
rencontre, l'attaqua r la batUt et s'empara de toutes ses muni-*
tioDS et de ses bagages.
Battu à SIguenaa, l'Empécinado reparut bientôt à la tète de
1 ,2kOO hommes et se porta à Gloentès et dans les environs. Le
générai Hugo, alors à Brihuéga avec une colonne mobile com-^
posée de 900 hommes d'Infanterie et 260 chevaux , marcha
contre lui le 14 septendire, le chassa de toutes ses position?»
GUEBU DBSPAGIIE. 537
entra dans Gifuentès» «t lui fit éprouvor une perte d'environ 300 mo.
hommes. ^''^"^
Le 6 du même mot» , le général Roguet avait taillé en pièces
un parti de 900 hommes et de 150 chevaux, qui s'était formé
dans le village d*Yanguas, près de Soria,
Le 16 octobre, douze cents guerrilléros attaquèrent Teseorte
d'un convoi destiné pour Torija ; le colonel Balestrier le dé-
gagea en les dispersant. Le général Hugo les attaqua dans
leur retraite sur Val-de-Sas et leur tua près de 200 hommes.
Le général Laboussaye, les ayant rencontrés le 21 à Taranoon
et à Uclès , ne leur fit pas moins de mal que le général Hugo.
Vers le eonunencement de novembre , les débris de toutes les
guerrillas et des bandes chassées de la Biscaye et de la Navarre
par des colonnes de la garde impériale française se réfugiè-
rent en nombre dans les montagnes de Soria ; ces montagnes
leur offMent uu point de ralliement et de grandes ressources
pour le genre de guerre qu'ils avaient adopté. Quelques partis
de ces guerriilas^ inquiétaient déjà le voisinage de Logrono. Le
général Roguet reçut Tordre de marcher avec 1,500 hommes
d'infanterie de la jeune garde impériale et 500 chevaux.
Après vingt jours de recherches et de marches et de contre-
marches pénibles, son avant-garde découvrit enfin l'ennemi ,
fort de 2,000 hommes y prenant position àBélozado» la gauche
à Frénillo de Rio^Tiro. Les troupes françaises passèrent ausr
sitôt la rivière à gué. A peine quelques compagnies d'infanterie
s'étaient>elles formées que aoo chevau-légers ou lanciers du
grand^uché de Berg, commandés par le colonel de Golts-
heim, s'élancèrent vers Te centre de la position des bandes,
et les abordèrent à toute bride, malgré Ma Itasillade; les Espa-
gnols furent enfoncés et dispersés en un moment. L'infanterie
française suivait au pas de course , et faisait un carnage affreux
de ce qui échappait à la cavalerie. Les fuyards furent chargés
pendant trois lieues; la ville, les hauteurs, les routes étaient
couvertes de cadavres. Le nombre des morts, chez l'ennemi,
monta à plus de 1,000 ; 3 ou 400 hommes seulement s'échappè-
rent et se sauvèrent dans les montagnes voisines.
I^ 1 8 novembre , la bande d' Amor s'étant établie au bourg de
Santo-fiomingo » le major Robert partit de Haro avec un déta-
638 UTBV SBPTIÈI».
mio. chement de la garde in^riale, la sarprit et lai prit son dm-
Espiftiie. p^^^^ j^ ^y^^ d'escadron Soobeiran ne traita pas mieux la
bande de Garrido , qu'il rencontra à Galdaso.
Le 19 novembre, radjuâant-comnmndant Fontaine attaqua
à Belmonté avec aoo hommes , un rassemblement de i ,500
paysans ; il les dl^rsa entièrement après leur avoir tué beau-
coup de monde.
Les iMuades éparses dans la province de Yalludolid et dans le
royaume de Léon s'étaient réunies à Sahagun, petite ville si-
tuée au pied de l'une des arêtes de la chaîne des Astnries. Le
colonel Pinteville, à la tète de 350 chevaux du 16* de dragons
et de quatre compagnies du t*** régiment de la garde de Paris, les
battit successivement les 22, 23 et 24 novembre, et força ceux
qui ne furent pas tués ou faits prisonniers à se disperser dans
les montagnes.
Le même Jour, 24 novembre, la bande de don JuHan Sanchez,
réunie aux débris de celle d'Aguilar , et forte de 600 che-
vaux, fut battue à Aléjo, sur la route d'Astoi^a, par le chef d'es-
cadron Perussel, du 16^ de dragons. L'avant- veille de cet
échec, don Jullan avait voulu enlever le poste de Fuenté H
Sauoo, village situé sur la route de Toro à Salamanque. Cétalt
un détachement de 50 hommes du 2* régiment suisse, sous ks
ordres du capitaine de Salis. Don Jullan s'étant présoifé devant
ce village somma le poste de se rendre. |je capitaine de Salis s'é-
tait retranché dans la maison qui servait de caserne à sa troupe,,
et ne répondit aux propositions du chef espagnol que par un feu
violent et très-meurtrier. Une partie des guerrilléros ayant mis
pied à terre s'empara des maisons voisines de la caserne et la
incendia. L'ennemi espérait que le feu atteindrait bientôt les
Suisses; mais le capitaine de Salis fit faire des sorties si à'propos
que ses soldats parvinrent à arrêter rincendie et à isoler le
bâtiment où ils se défendaient. Les Journées des 2 1 et 22 no-
vembre se passèrent ainsi sans que les attaques répétées de
rennemi amenassent aucun résultat. Le capitaine de Salis avait
placé en observation au clocher de l'église m poste de 5
hommes; l'ennemi, n'ayant pu le déterminer à se rendre, mit
le feu à l'escalier du clocher. Ces braves Soisses restèrent
soixante^ix heures sur le saillant du mur du clocher, où Ift
GUBll D' ESPAGNE. 589
fumée lés força de se réikgier, sans boire ni manger, faisant isio,
feu sur renoemi dès qa*il se montrait. Ils en étaient à leurs ^^^^
dernières cartoodies lorsque le commandant de Toro arriva
pour les dégager, ainsi que leurs camarades , à la tète de 90
hommes. Ce secours mit en fuite la bande de don Julian.
Enfin, le l'^*' décembre, 50 conscrits grenadiers de la garde,
commandés par le sous-lieutenant Nolivos , ayant été attaqués
par une bande de 300 guerrilléros montés^ réussirent à la re-
pousser avec perle et arrivèrent à Panoorbo sans s*étre laissé
entamer.
Vers la fin de ranoée iSio , les trois provinces de Biscaye
et de Navarre paraissaient en quelque sorte fatiguées des ef-
forts qu'elles avaient faits pour alimenter les guerrillas. Mal-
traitées quelquefois par ceux4à mêmes qu'elles considéraient
comme leurs défenseurs naturels, imposées^ pillées par les
troupes irréguliéres espagnoles, ces provinces soupiraient après
le retour d'un meilleur ordre de dioses. Quelques villes et
villages avaient formé des milices natianales, et se joignaient
même quelquefois aux troupes françaises pour marcher contre
les rassemblements de guerrillas dont ils redoutaient la ven-
geance. Dans la province d'Astorga» le général Jeannin avait
également organisé des gardes civiques , animées d*un esprit
tel que jamais les guerrillas ne parurent dans le pays. Dans
la Biscaye, les principales bandes avaient été dispersées, à Tex-
ception d'une seule, qui , sur le plus léger motif , se portait à
d'horribles excès envers les habitants qu'elle soupçonnait d^étre
des afrancesados (partisans des Français ). Espoz y Mina oc-
cupait la Navarre à la tète d'une bande souvent battue et dis-
persée, jamais détruite. Ce dief faisait atout ce qui portait
l'uniforme et le nom français une guerre opInlAtre et terrible.
Souvent ses soldats se plaisaient à épuiser tontes les ressources
de la cruauté la plus raffinée sur les malheureux qui tombaient
entre leurs mains* La plume se refuse à tracer les excès
commis par les ordres de ce chef inflexible sur ce sexe faible
et bienfaisant dont l'humanité courageuse ne voit que des
blessés sur un champ de bataille et n*y eonnatt plus d'ennemis.
Le général Seras s'était porté le 99 juillet sar le fort de la
Puébla de Sanabria, sur les frontières de Galice , et défendu par
S40 LIVAE I
itio. 3,000 Espagnols* Ce poste était d^niie trèH^uido i
depuis que l'expédition de Portngd allait ooauMncer ; ild^
fendait les débouchés de ce royaume et fcimalt ses oomauii-
cations avec la Galice. Le général Seras s'en rendit mattre. U y
trouva vingt pièces de canon et des vivres pour 8,oeo hommes
pendant six mois.
Le deuxième bataillon du 3^ régiment suisse, commandé
par le chef de bataillon Grafifenried , fut laissé à la garde de II
Puébla. L'ennemi s'étant présentétrois Jours après le départ
du général Seras , Graffenried se rendit lèchMBent , sans tirer
un seul coup de fusil. Conduit prisonnier à la Corogne, on le
débarqua ensuite à Dunkerque, et sa condnfte» ignorée, ne
reçut pas le prix qu'elle avait mérité.
Malgré les succès partiels des Français dans ces provlnees,
il est vrai de dire que leurs forces étaient' insufllsantes poar
contenir le pays , et, dans les derniers meisrde l'année 18I0,
ils furent même repoussés des frontières de Guiice.
Dans les Asturies , le général Bonnet défit les partis enne-
mis chaque fois qu'il les rencontra. Son quartier général était
toujours à Oviédo; ses troupes occupaient Grado et tout le
pays entre la Narcéa et la Navia. Il avait établi des communi-
cations entre Santander et Léon, et pouvait se porter en Ga-
lice, si la circonstance l'exigeait impérieusement.
Un ancien officier de l'armée espagnole, Juan Diaz Poriier,
dit el Marquésito, parce qu'on le croyait neves de La Bomana,
avait réuni à Potès un parti qui prenait chaqne jour de nou-
velles forces. Bans le courant du mois de septembre, le général
Seras fut envoyé, par le général Kfillermann , de Bénaventé sur
Potès, pour dissiper ces troupes; le Marquésito ne Jugea pasi
propos de l'attendre; il se Jeta dans les Asturies, espérant at-
taquer avec succès le général Bonnet dans Oviédo. Le 14 sep-
tembre, les avant*postes français ledéooswipsnt à quatre lieues
de cette ville, à la tète de »,Ooa hommes. Ls- général Bœinet
marcha auasitât à lui, l'attaqua, lui tua 400 hommes, dé-
truisit presque entièrement sa cavalerie , lui fâ, plus de 300 pri^
sonniers et dispersa le reste.
Un mois après , les Anglais et les Espagnols essayèrent de
s'emparer du port de Sanftona , dans la province de la'Mootanai
I OU d0 Sanlanâer; «ne expéditiou partit à cet effet de la Go- isio.
\ rogne sor qoatrelMgâtes et une quarantaine de bâtiments. ^H^SMe <
\ ' Dans raprè8<»ntfdi du 17 octobre, Porlier, déjà batta tant de
I fois par le général Bonnet, réparât à la t6te de 300 hommes ,
I et se présenta tout à coup devant Gijon , port de la côte des
Asturies. Le colonel Crétin, avec on piquet de chasseurs et une
I , compagnie de voltigeurs, le tenait en échec depuis quelque temps
h lorsquMl aperçut une escadre de vingt-sept voiles qui s'appro-
^ diait du port, et qof, peu dlnstants après, commença à débar-
I quer des troupes an nombre de 3,500 hommes. Trop faible pour
I résister à une supériorRé si décidée, le colonel Crétin évacua avec
^ ordre la place et se repKa à une lieue de la ville. Le lendemain,
ayant reçu des renforts suffisants, il marcha sur GiJon, et força
^ les Anglais et les Espagnols à se rembarquer précipitamment ,
en laissant plusieurs centaines de tués et de blessés.
Le 20, un corp» 4e 5,000 Galiciens vint attaquer la brigade
Valletaux à Fresnoet à Grado; cette attaque eut un succès pa-
reil à celui du débarquement; rennemi fut encore battu et
chassé au delà de la Narcéa, après avoir perdu beaucoup de
monde. Cependant, l'escadre anglo-espagnole ayant paru pren-
dre la route du Nord , le général Bonnet fit prévenir les com-
mandants de Santander et de la côte de se tenir sur leurs gardes.
Le 38, le 1®'' régiment d'infanterie légère se réunit à Larédo
avec 8,000 hommes qu'avait amenés le général Caffarelli, aide-
de-camp de l'empereur et gouverneur de la Biscaye.
Vers le soir du même Jour l'escadre ennemie mouilla sur la
rade; elle était forte de quatre iïrégates, dont une espagnole,
trois bricks, deux goctstles, qnatre canonnières, trente bâtiments
^ de transport, formaat-en tout quarante-trois voiles.
^ Le 34 et le 35, le vent ayant changé^ les vaisseaux de guerre
^ furent contraints de prendre le large en laissant les transports
'^ sur la rade. La tempête augmentant, la frégate espagnole per-
^ dit ses ancres et vint se briser contre les roches de Larédo, où
1^ elle périt; un ïsnék anglais et quatre canonnières espagnoles
I»' eurent le même sort Dans ces deux Jours , les troupes embar-
t' quées et les équipages éprouvèrent une perte de plus de 1,000
hommes.
i^ Malgré ecB désastres, Teunemi ne renonça point à ses projets,
1^
iM2 UTBV 9fiPTi*ll««
isio. et» ses vafsaeaox de guerre ayant repara le My il ywoà^t profiter
de la Journée de 27 pour opérer le débarquement. A une benre
de raprès-mldi les troupes iteent embarquées dans des cha-
loupes. Trois canonnières se mirent en tète et balayèrent la
plage avec un feu terrible de mitraille* Le t*' régiment d*in-
fanterie légère les attendit sans s'ébranler. Bientôt après, une
batterie de terre, babilement placée près de Santona, oBTrit un
feu de flanc sur les chaloupes , et ne leur laissa plus d'autre
parti que la retraite. Lé commodore anglais donna en effet le
signal de rembarquement. A cinq heures, le vent ayant fraichir
In flottille disparut, s*élevant au nord; ouds elle n'échappa au
canon des Français que pour être assaillie par la tempête. Bean-
coup de transports chargés de troupes, d'effets militaires, d'ar-
tillerie , de munitions , etc., échouèrent à la c6te de Plenda et
d'Achona, et tombèrent au pouvoir des Francis. Les autres
bâtiments, forcés de chercher un refuge dans les ports occupés
par les Français, furent égalerait pris, avec leur chargement
et les hommes qui les montaient. Enfin, de toute cette malhea*
reuse expédition , les trois frégates anglaises, bien que maltrai*
tées par les batteries de la côte, parvinrent seules à se sauver.
Le 39 novembre au matin , un corps de 0,000 hommes de
Tarmée de Galice se porta sur Tavant-garde du général Bonnet,
commandée par le général Valietaux et postée en avant d*0-
viédo. Les reconnaissances françaises trouvèrent Tennenii à
cheval sur les routes de Miranda et de Belmonté* Le général
Valietaux flt aussitôt ses dispositions : il forma son centre de
huit compagnies , et se porta de sa personne a Fresno, avec un
bataillon du 1 18^ régiment. Les Espagnols se présentèrent bien-
tôt et couronnèrent tous les mamelons de la montagne. La fu-
sillade s'engagea vivement. L'ennemi, bten supérieur en nom-
bre, porta des masses considérables vers le oentre des Français,
qu'il espérait enfoncer; Il avait même déjà réussi à gagner un
espace de terrain assez considérable et manœuvrait pour en-
tourer les deux ailes françaises dès qu'il les aurait isolées rum
de l'autre, lorsque le chef de bataillon Lenouand arriva sur la
position avec quelques renforts. Le général Valietaux profita
de cet événement pour détacher deux compagnies du 118*,
chargées cfe tourner la gauche de l'ennemi. Cette manœuvre
obtint mi succès complet et fiwça rennemi à se porter en ar- hki.
rière. Le centre put alors rentrer en ligne, et reprit aussitùt ses ''*^*^
positions. La charge fut à l'instant battue sur tous les points,
et l'ennemi, enftmcé à son tour, fut obUgé de se retirer en dé-
sordre. Les Français le poursuivirent jusque dans Belmonté et
Miranda, dont les routes furent couvertes de morts.
Cette affaire, dans laquelle 1 ,600 Français repoussèrent avee
perte un corps de plus de 6,000 Espagnols, fit honneur au gé-
néral de brigade Valletaux. Les chefs de bataillon Guichard et
Lenouand ; les capitaines Peilerin, Melins et Bernel, du lis*';
Leroy, Guidet, Bertin et Chevalier, officiers au 26f, s*y distin*
guèrent particulièrement.
ÉvénemerUs miliiaires en Catalogne; c&màats de Cervéra sept. Dec
et de la Bisbaly etc. — Nous avons dit dans le deuxième cha-
pitre, que le maréchal Maodonald, après avoir traversé les
défilés de Hontblanch, était venu se réunir dans Lérida au gé-
néral Suchet , poui* coopérer au siège de Tortose, dont les trou-
pes du 3^ corps étaient spécialement chargées; mais la baisse
des eaux de TËbre retardait les approvisionnements nécessaires
pour cette longue et difficile opération , et, en attendant que le
fleuve redevint navigable, le duc de Tarente se détermina, pour
foire subsister ses troupes, à les mettre en cantonnements dans
les plaines fertiles qui avoisinent la petite ville de Cervéra , si-
tuée à huit lieues au nord de Tarragone. Le 4 septembre il
campa à Tarréga , et le lendemain , au point du Jour, l'avant-
garde, ayant en tète le V régiment de chasseurs à cheyal na-
politain, rencontra quelques postes de cavalerie espagnole. Les
chasseurs repoussèrent d'abord avec vigueur ces détachements ;
mais , s'étant abandonnés à leur poursuite sans précaution et
avec une impétuosité aveugle, les dragons de Santiago , placés
eu emlmscade, fondirent sur ces imprudents et en firent un grand
carnage. Le colooel Duvernois ne parvint, malgré sa présence
d'esprit et tous ses efforts, qu'avec une peine extrême à rallier
son régiment, dont la compagnie d'éiite était presque entière-
ment détruite. Le 24* régiment de dragons, qui^ au moment de
cette échauffourée, sortait à peine de Tarréga ^ reçut du maré-
chal duc de Tarente l'ordre de venir en toute hâte réparer cet
échec.
*'>44 tlYRB SBPTltlIK.
tfio. Le colonel Delort, ayant dépassé la eolonne, forma son ré-
vj|)agiie. gjm^Q^ ^ bataille à droite et à gauche de la ronte, et envoya
aussitôt reconnaître la position de Tenneini. La cavalerie espa-
gnole, composée des régiments de Santiago (dragons) et de
Grenade (hussards], était forte de 600 chevaux, et se trouvait
placée en bataille dans un ordre à peu près parallèle à celui des
dragons français. Ceux-ci se portèrent en avant pour aborder
Tennemi, qui dans le moment même fit un mouvement rétro-
grade.Le colonel Delort détacha un de ses escadrons pour le
poursuivre, et marcha par pelotons avec les autres pour soutenir
le premier. La cavalerie espagnole , serrée de près, s'arrêta et
fit volte-face; mais, dans l'instant où elle se disposait à charger,
elle fut assaillie par Tescadron qui la poursuivait. Enfoncée et
mise en déroute , elle essaya vainement de se railler près de
Cervéra; elle fut chargée de nouveau par Tescadron du com-
mandant Bréjeant et dispersée dans les montagnes. Le colonel
Delort, avec le reste de son régiment, traversa Cervéra et pour-
suivit de son côté une autre colonne dinfanterie et de cava-
lerie qui s'était retirée par la grande route. Cette colonne fàt
également sabrée et éparpillée dans les montagnes. L'ambu-
lance, les munitions de l'ennemi, les équipages de ses offi-
ciers tombèrent au pouvoir du 24^ de dragons. Ce régiment
réuni se porta Jusqu'au delà de Monmanen, et vint ensuite re-
joindre l'armée au camp sous Cervéra. Une grande partie des
chasseurs napolitains emmenés par l'ennemi furent repris '. La
cavalerie espagnole avait beaucoup souffert dans ce combat ;
près de &0 hommes étalent restés sur le champ de bataille ; ud
pareil nombre étaient prisonniers.
Le duc de Tarente établit immédiatement son quartier gé-
néral à Cervéra, et cantonna ses troupes aux environs de cette
ville, célèbre par la magnifique université que le roi Philippe V
y a fondée, en témoignage de la fidélité dont elle lui avait
donné des preuves dans la guerre de la Succession, et lorsque
toute la Catalogne était soulevée pour fkire à l'armée française
une guerre d'extermination.
' Les cavaliers espagnols, forcés de lAcber leur proie, eureot rinsigne
cruauté de mutiler à coups de sabre presque tous les chasseurs de la coiu-
pagiiie d'élite qu'ils ayaient faits prisonniers.
GUBBBB D*£SPAGNE. 645
•■•*'•
Mais, pendant que la plus grande partie du 7* corps occupait 4ti«.
momentanément une position si précaire, en attendant que le ma- ^^ff*^-
récbiai pût venir appuyer les opérations du siège de Tortpse, ie
général O'Donnell n*était pas homme à rester spectateur oisif
des événements. Il sortit de son camp retranché de Tarragone.
Contenant adroitement avec des miquelets et par des démons-
trations simulées les garnisons de Barcelone, d*Hostalrich et
de Gironne, il se porta à marches forcées vers la haute Ga-
talogne, presque dégarnie de troupes , et, dans la nuit du U
septembre, il fojpdit à Fimproviste sur la brigade du général
Schwarlz, cantonnée à. la Bisbal et dans les villages voisins. Ce
général surpris par des forces décuples des siennes > , opposa la
plus vive résistance; mais, n'ayant aucun espoir d*ètre secouru,
il fut enfin forcé de céder au nombre. Tout ce qui échappa au feu
'et au fer de Tennemi fut fait prisonnier. Les Français furent
«mbarqués pour ét(e conduits à Tarragone ; le général Schwartz
était du nombre, et on lui réservait, à son débarquement, Thu-
miliation d*ètre traîné eu esclave après le char du vainqueur.
Celui-ci y gravement blessé dans cette action , entra dans Tar-
ragone aux acclamations unanimes des citoyens, qui ie procla-
maient emphatiquement le martyr, le libérateur et le héros de
la patrie. . Quelque temps après» la junte suprême décerna à
0*Donnell, avec tous les éloges dus à sa constance, à ses talents
et à son activité^ le titre glorieux de comte de la Bisbal.
Ce succès électrisa les Catalans et les enhardit au dernier point ;
il leur révélait à la fois et le secret de la faiblesse des Français et
celai de leurs propres forces. Ils comprirent que, si l'armée fran-
çaise était pour eux inattaquable, avec quelque probabilité de suc*
ces, sur les points où elle était serrée en masse, chacun de ses dé-
tachements un peu éloignés était du moins aventuré, et qu'ainsi
ils pouvaient à leur gré fistire des incursions sur les flancs et sur
' 11 faut que la marche du général O'DooDell ait été bien prompte et bien
«ecrète pour que le général Schwartz n*en ait eu aucun avertissement; car
alors , pour éditer un engagement trop Inégal, il se serait jeté dans Gironne,
dont il n'était éloigné que de trois à quatre lieues. Il n^est guère permis non
plus dimputer le désastre de la Bisbal à un défaut de précaution et de vi»
gilance dans un général qui unissait à beaucoup de bravoure une longue
jexpérience, acquise par de beaux faits d'armes.
X. • 58
546 - LIYftB SIPTtàm.
fflito. les derrières de leurs adversaires , intercepter toute corres-
^^^ pondance avec les forteresses qui étaient en leur pouvoir, leur
fermer toute communication, et les tenir constamment dans la
situation la plus gênante et la plus critique. Ils comprirent sur-
tout qu'appuyés d*une place extrêmement forte, située sur la
mer, et abondamment pourvue de tout par les Anglais, toute
entreprise leur devenait facile, et que, toujours maîtres des dé*
filés de Montbkinch, ainsi que du col de Balaguer, défendu par
le fort San-Félipé, le due de Tarente ne pouvait communiquer
avec le général Suchet et retourner^ soit à Barcelone^ soit à
Gironne, qu*avec de grandes difQcultés.
Laudace et la férocité des paysans catalans n'eurent plaa
de bornes après le revers éprouvé par les Français à la Bisbal,
Dès soldats voyageant isolément sur la grande route de Tar-
réga à Gervéra furent impitoyablement égorgés. De pareils as*
sassinats devaient être réprimés par des ebâtlments exemplair
res : plusieurs habitants furent pendus et leurs maisons démolies
et rasées ; de fortes contributions furent imposées aux villages
qui avaient favorisé ou du moins toléré ces abominables excès.
Ainsi 4eibarécbal Macdonald, malgré toute sa modération et les
SMitimentâ d'humauitédont il était anifné, se trouvait déjà con«
traint à autant et peut-^tre plus de sévérité que son prédéces-
seur. La terreur Inspirée par d'ef&-ayantes représailles pouvait
seule contenir des paysans naturellement cruels, fortifiés dans
leurs penchants par une longue habitude, et alors excités à la
vengeance et au meurtre par les passions led plus violentes.
Cependant la situation de la haute Catalogne et de Baroeione
exigeait impérieusement le retour du duc de Tarente. Un con-
voi considérable était rassemblé sous Gironne, et II fallait une
grande réunion de forces pour l'introduire dans Baroeione,
^oi ne pouvait être approvisionnée, comme nous Tavons déjà
fait observer, que par terre, à grands frais et pour peu de temps.
Avant d'exécuter ce mouvement, le maréchal fit ftdre des In-
cursions vers Balaguer et vers Solsona, pour repousser tous les
partis qui défendaient les défilés et les montagnes. Ces expédi-
tions, qui réussirent, n'eurent d'ailleurs rien de mémorable que
Tinceodie de la cathédrale de Solsona. Cet incendie, causé par
accident, éclata au milieu de la nuit avec le fracas épouvanta-
^ hUê^ dtbcfiers qttf s'écrôuMeot sous d^ftimlcfli^ès iébris , et jm.
^ répandit dans tons les environs une clarté comparable à celle
I ùù jour.
' Le maréèhal Ht ftdre paiement la reconnaissanoe dii inrt de
i Cardoùa, bàtl sur des rocs inaccessibles , près dn Cardener, et
' qu'on n'avait pu armer qu'en faisant fondre les canons swr place;
^ Quelques coups de fusil, sans autre résultat que plMéni^hdb-
I mes tués ou blessés, furent échangés sous les murs de cette f or^
i teresse. Mais toute expédition , par cela même qu'elle n'était
i point mise à fin, ne pouvait servir qu'à augmrater la courageuse
résointion des Espagnols de se défendre partout Jusqu'à la der«
I nière extrémité.
i Le duc de Tarente, arrivé à Gironne le 1 0 novembre, v laissa
k reposer ses troupes pendant quelques jours , s'occupa du soin
} dé les équiper, de les habiller, d'incorporer les renforts venu»
i des dépôts, et se remit en marche le 23 pour Barcelone , avee
I le eenvei î^asseroblé par les tfoibs du général Baragùey d'Hilliers,
I alois ooffirbasdant Supérieur de la haute Catalogne.
Il est difficile de se faire une idée des précautions qu'on était
! obligé de |imidre pom* la siftreté des éonvois et des fiitiglies
exeesfttves des soldats qui les escortaient. Chargés, de leurs \u
vres pour tout le trajet, ces soldats avaient à gravir des hautes
I montagnes, pour en débusquer les rhiquelets, soiis une grêlé de
, balles, tandis que le conviri filait lentement à travers desdéfilés
étrotts et escarpée, où la moindre Yoiture brisée retardait la
marche pendant des journées, et des nuits entièrea. Le gouvef^
nement fran^, sans avoir égard à l'extrême difficulté des che*
mins, et ne donnant à la guerre d'Espagne» qui devait influer
cependant d^utie^manière si décisive sur le» destinées de l'em-
pire, qu'une attention médiocre^ ne fournissait à l'armée de
I Catalogne, pour moyens de transports, que d'énormes et vastes
fourgons, bon» tout au plue à parooorir des ehemîns de plaine,
larges et bien entretenus.
Toutefois, le ccmvoi dont nous parlons entra intaet, le 2$
novembre, dans Barcelone, sans que les troupea régaUèros , à
tottée de l'inquiéter et de soutenir les bandes qui haneelaient
sans cesse les détachements français, eussent fait aucune ten*
tative dans ce but. Cela était d'autant plus à craindre que les
33.
548 UYR^ SBPTlàl».
isi§. {Miysans, mettant à profit le séjour de Tannée dans les plainei
****'*^ de Cervéra, avaient dégradé les chemins d'une manière af-
freuse et par d'immenses travaux. Ces chemins, depuis San*
Céloni Jusqu'à Gardadeu, c'est-à-dire dans l'espace de cinq à
six. lieues , étaient hérissés de nombreuses coupïires et d'énor-
mes almtis.
Tout étant prêt pour le siège de Tortose, il était urgent que
le ducde Tarente vint appuyer le 3^ corps. Aussi» dès le lende-
main de son entrée à Barcelone, dont il renouvela la garnison,
ie maréchal continua son mouvement par des marches non
moins difficiles et pénibles que les précédentes. Traversant le
col de Santa-Gristina et les défilés de Montblanch, il longea,
depuis Falset, les montagnes escarpées à travers lesquelles
l'Èbre coule près deses embouchures^ et vint établirsur ce fleuve
son quartier général à Tivénis. Une partie des troupes du 7*
corps resta auprès du due de Tarente, Pautre fut mise par lui
'à la disposition du général Sucfaet pour renforcer les postes
qui, placés près d'Amposta, devaient contenir les troupes du
camp retranché et la garnison de Tarragone.
Dans les premiers Jours de décembre, le général Baraguey
d'BlHiers dissipa quelques rassemblements de miquelets qui
s'étaient formés dans les environs d'Olot, de San-Loreneo de
la Mouga et de Massanet. Le 1 3, deux vaisseaux de ligne, une
frégate «t quatre à cinq bâtiments anglais parurent devant Pa-
lamos ; «t débarquèrent 900 hommes et quatre pièces de canon
de campagne à Touest de ce port; dans le même temps, une
firégate, une corvette et un brièk se dirigeaient è l'est, et met-
taient à terre 20f hommefrdestinés à s'emparer de la ville. Tout
semblait favoriser cette entreprise des Anglais, lorsque le chef
ide bataillon Emyon, du 3* régiment d'infanterie légère, qui
«vait pris position avee sa troupe sur les hauteurs, saisit le mo-
ment oli l'ennemi se formait en bataille pour tomber sur luL
Cet audacieux mouvement eut un plein succès ; les Français
culbutèrent leurs adversaires , les acculèrent aux vidlles mu-
railles de Palamos, où ils entrèrent péle-mèle avec eux, et les
poursuivirent Jusqu'à leurs chaloupes. Sur 1,100 Anglais ainsi
débarqués, 400 furent tués; 5 officiers , dont un capitaine de
frégate, plusieurs midshipmens et 700 soldai furent iiiùts pri-
«<» .z\
j3^f_H9
OUBB£K d'bSPAGBS. 549
•aonniers* Le commandant Emyon ne perdit que 60 hommes iti0.
tnés ou blessés dans cette afiaire, qui lui fit le plus grand hon-* ''P'S"^
neur» Aussitôt que les vaisseaux anglais virent le désastre de
leur expédition, ils mirent à la voile et disparurent.
. Gomme le duc de Tarente va se trouver borné à un rôle se-
condaire et presque passif en Catalogne, nous comprendrons
désormais dans une même relation, et par ordre de date, les faits
' d'armes eommuns aux deux armées» et qui, se passant dans un
même pays» ont entre eux une liaison néeessaire et une in-
fluence réciproque. C'est par ce motif que Voa verrft plus tard
les deux, armées réunies sous le commandement d'un même
chef.
Siège et redditUm de Torio$e. — Dès la fin du mois de mid Jain-Mc,
le' gouvernement français avait ordonné au général Suchet de
faire le siège de Tortose , espérant alors que l'armée de Cata-
logne serait elle-même bientôt en mesure de soumettre Tarra-
■gone. En conséquence «de cette détermination^etdans le ooucant
de Juin» la premi^ division du a^ oorp9 était venue bloquer,
sur la rive droite de rËbre» la tête du pont* deTiartose; la 2^
Vêtait pprtée sur les frontières du royaume.de Valence» déta-
chant une brigade sur Téruel pour contenir le général Villa-
campa» qui rôdait continuellement sur les fh>atières de TAragon,
et en même temps pour couvrir Saragosse..La 3^ division avait
été placée sur le bas Èbre» pour assurer les approvisionnements,
les transports d'artillerie, et pour observer te -camp retranché
de Tarragone.
' A cette époque les habitants de l' Aragon étaient aussi tnm-
quilles qu'Us avaient été agités avant et pendant le si^e de leur
capitale; leurs terres étaient bien cultivées, et ils avaient re-
pris le cours de leurs affaires liabituelles. Loin d'entraver les
opérations du général Suchet» ils les rendaient plus faciles en
obéissant à toutes les réquisitions, en acquittant tous les impôts,
répartis avec une sage et équitable mesure. Cet heureux chan-
gement dans la situation politique d'une grande province était
dû à la conduite pleine de modération d'un chef qui savait gou-
verner» combattre, et concilier» autant que possible, l'intérêt
du peuple avec des devoirs pénibles et des obligations rigou-
reuses.
mfvi._ ' L'ÈWevain#<tQeiipwl%v^iw^4àdtt,coQle^prèi4êfl«
entoùnfaiivesv'à tÉa^is.dè8:inoHtBgDM escarpées et arides; Ut
fUya oifre. piM|«e: partout un aspeellrislé at jHitniga; Le: gé^^
néral Rogniat, oomnittnâaBt;ftn4ftierrarniedti.8Me, avaâtété
<iUtgé id*auviiriiBie. coule pratîaablè pour rartlDevle de Gaapé
at MéquiDcnaa Josqulà Toiiose , éVsM*dlre reip|toë»de:tMikte
iladfes, et dàna daaiiDODliigDes où les mulets et les geù de pied
fmvnàukt à peine passer. D^autres obstacles devaient encore
'VtMmtt le a^ corps : la balise des^aax de TÈbre pendant les
feMeara de \%té empielÀit ee fleuive d*^re navigable. G*est
«près»?oif attendu longtemps la eroe des eaux , et avec une
persévérance et des soins infatigables , que le générai d'artll-
lerie Vallée parvint à réunir à Jerta les moyens nécessaires
peur commencer le siège. Le pays n'offrant presque point de
Tessoui«es, Il fkllut diriger sur Jerta ^ outre les munitions de
•goerre, les provisions de boucbe suffisantes à la consommation
^des deux corps d'armée (3* et 1^) dont la réunion, déjà or-
donnée par le gouvernement^ était indispensable pour le siège
jnrojeté. Afin de protéger ces approvisionnements, le général
Sndiet fit construire des têtes de pont à Mont et à Jeiia , et
mit en même temps ces deux villes à Tabri d'un coup de main.
. Avant de parler des opérations qui concernent spécialement
4e filége de Tortose , nous devons exposer succinctement les di^
.verses tentatives que fit l'^nemi pour forcer le général So^
«iKt à renoncer à cette entreprise.
8,000 Valenciens s'étaient dirigés, dans cette intention, sur
-Motella; le général Montmarie , qui occupait cette ville avec
S^ooobsoimes, attaqua rennemi, malgré la disproportion de ses
Ibrcte, le bâtât et lai mit plus de 500 hommes hors de combat.
Pendant cette aetlon, le général Laval , soutenu du is* régi-
igimctitdeeuirassierS) se portait sur San-Matéoet Bénicarlo,
4an8 le royaume de Valence , pour balayer les bords de la mer
et préparer Tlnvestissement de Toitose, déjà effeetné eli partie
par la division qui bloquait la tète de pont, et par le mouvement
du général Habert sur la rive gauche de l'Èbre.
Les 6 et 8 juillet, là garnison de Tortose fit deux sorties qui
furent prompteroent r^poussées. Quatre jours après y. elfe en
effectua une plus sérieuse avec 1 ,500 soldats d'élite , appuyés
GDEBBB D*S9PA0EIZJ 6âl
d'un grand nombre de paysaM. Lts {Nremiers pdstes français
cédèrent; mais hêmtài les généraax Laval et Ghlopieki se pré-
cipitèrent sur l'ennemi , a la tète du 14* régiment de ligne et
des grenadiers de la Yistule, et le rejetèrent dans la plaoe, où
il rentra dans le plus grand désordre, avec perte de près de SOO
hommes tnés, blessés en prisonniers.
Le 9 Juillet, une reconnaissance envoyée sur Falset surprit
et enleva quelques hommes dn régiment espagnol de Grenade.
L'arrière*gardede cette reconnaissance, linrte seal^nent de 60
hommes, se trouva cernée par 400 miqnelets z elle ferma le
carcéy se battit pendant quatre heures avec la plus grande lé^
solution, et parvint à se faire jour à la baïonnette, après avoir
tué bon nombre de ses adversaires.
Le 1 1 , le iMlgadier Garda-Navarro s'avança avec I »200 hom*
mes sur quelques compagnies que le général Suchet avait en
avant de son quartier général de Blora ; il fot repoussé par le
colonel Kiiski, qui lui tua une cinquantaine d'hommes et lui
fit un nombre à peu près égal de prisonniers.
Le 12, le général Abbé tourna la position de Tivisa, où ren*^
nemi s'était établi, Teo chassa en lui tuant beaucoup de monda
et s'empara du village.
Le 15, Tennemi se présenta avec une division devant Tivisa,
et attaqua à son tour cette position, qu*U voulait reproidre. L(
général Abbé n'avait que 700 hommes sur ce point; mais 400
hommes du lis*' régiment marchèrent à l'ennemi et le foreè-»
rent à la retraite. Il fut poursuivi jusqu'à deux Keues de Ti^*
visa, et perdit encore dans cette poursuite 300 hommes tués ,
260 prisonniers, et un nombre considérable de cartonchea. Les
Français n'eurent guère que 70 horammes tués ou blessés.
Le 17, 1,800 Espagnols attaquèrent le général Vergés à Da^
roca ; ils furent complètement battus et dispersée. Le général
Vergés leur tua plus de 400 hommes, fit 2 1 7 prisonniers , dont
17 officiers, et entra à Téruel.
Le fort de Morella, défendu seulement par 300 honunes,
était bloqué depuis quatone jours par 1,600 Yaleneiens. Le.
général Bfontmarie y fut envoyé le lo juillet avec 600 hommes,
pour le ravitsiiler et y foire entrer de l'artillerie. L'ennemi firt
riijeté au loin avec perte d'un grand nombre d'hommes tués ;
^o2 LITBB SSPTiàltK.
fsio. parnM lesquels. 4 officiers, de 160 prisonnier^ » d'une ptèoe de
lioit; de six cents boulets, trente mille cartouches, et d'une
grande quaotité de Ylvres, etc. Le général Montmarie ne perdit
qu'une cinquantaine d^hommes. L'occupation de Morella était
d'autant plus importante alors que ce fort, situé dans le voisi-
nage de Valence, tenait cette ville dans une inquiétude conti-
nuelle.
. Vers la fin du mois d'août, le général Sudiet » ayant appris
qu'un corps assez considérable s'avançait par la route de Va-
lence, se porta à sa rencontre avec quelques bataillons et 800
chevaux ; mais l'ennemi ne l'attendit pas; il se retira dans plu-
sieur^ directions, abandonnant plus de cent cinquante mille
rations de biscuit, i)eaucoup de bagages et un drapeau. L'avant-
garde française put seulement atteindre une centaine d'hommes,
quelle fit prisonniers.
Le 13 octobre, le général espagnol Basseoourt, à la tète de
600 chevaux et de 7,000 Valeneiens, vint occuper Vinaros dans
le dessein de marcher ensuite au secours de Tortose* Le général
Suchet se porta rapidement le 1 6 sur Ulidécona, avec 2,500 gre-
nadiers. A son approche Bassecourt se replia, et fut inutilement
poursuivi Jusqu'à Pénisoola .
. Informé quelques Jours après que la junte de Valence ^ voulant
profiter de l'instant où IL était occupé au siège deTortose , avait
rassemblé un corps de 8,000 hommes sous les ordres des géné-
raux Villacampa et Garavajal, afin d'opérer une diversion sur
Saragosse, le général Suchet donna ordre au général Ghiopicki
de marcher sur Téruel avec sept bataillons. Les Espagnols, sur-
pris dans leur marche, furent contraintsde rétrograder sur cette
ville, où le général Ghiopicki arriva le 30 octobre au soir, chas*
santilevant lui Villacampa, et faisant prisonniers 1 colonel, 3
officiers et une centaine de soldats. Caravajal était parti à deux
heures avec une colonne d'artillerie ; le général Ghiopicki se remit
à sa poursuite à minuit. Le 31 , à onze heures du matin, il at-
teignit l'arrière-garde ennemie au ravin d'Âlventosa; plusieurs
charges brillantes du 4* de hussards la mirent aussitôt dans
une déroute complète. Toute l'artillerie fut prise attelée et in*
taète , avec une compagnie d'artillerie légère toute montée, et
les trois officiers qui la commandaient. Plus de 60 mulets chargés
GUBBBB D*ESPÀGNB. £5S
' de eartouehes furent précipités dans le ravin par la rapidité de imo.
' la charge des hussards du 4^. Deux pièces de 4, deux de 8, deux
' . obusiers, six caissons charges, une forge, cinquante caisses de
' cartouches, iOO chevaux ou mulets d'artillerie, ainsi que 300
^ prisonniers, tombèrent au pouvoir des Français. Le général
^ €hlopicki , après avoir conduit ses prises à Sàragosse , se remit
à la poursuite de Villacampa. Le 1 1 novembre, ilapprit à Téruel
> quei*ennemi s*était ralliéet avait réuni 4,000 hommes à Fuenté-
^ Santa, aux frontières deCastiile, position regardée dans le pays
> comme inattaquable. Il se mit aussitôt en marche. Le 12, il
chassa devant lui i'avant-garde établie à Villastar, et prit position
derrière Yillel.
Le mont de Fuenté^Santa est appuyé au Guadalaviar, entiè-
rement escarpé sur ses flancs, et d'un accès si difûcile que les
chevaux ne peuvent y arriver. Le général Ghlopicki fit ses dis*
positions, et à une heure il donna le signal de Tattaque sous le
feu terrible de Tennemi. Un bataillon de grenadiers de la Vis-
tule et deux bataillons du 121^ marchaient en bataille ^et en
échelons, tandis que le colonel Kosinowski, avec les fusiliers du
1^' régiment, observait les flancs. Au fort de l'engagement, une
colonne ennemie vint menacer la gauche du général Ghlopicki;
elle fut aussitôt chargée et repoussée. Le colonel Milet , blessé
deux fois à la tête du 1 2 1 ® et à peine rappelé à la vie, donna de
nouveau Tcxemple aux siens et s'élança sur Tennemi ; le chef
de bataillon Fondeleski en fit autant sur la droite : les positions
des Espagnols furent escaladées et enlevées Tune après Tautrc;
Enfin, après deux heures d'un combat sanglant, dans lequel
l'opiniâtreté delà résistance répondait a la vivacité de l'attaque,
l'ennemi, rompu sur tous les points, s'enfuit en désordre. Les
Espagnols) se précipitèrent sur le pont de Libres, qui se rompit
sous le poids des fuyards ; les rochers et la rivière furent bientôt
couverts de morts. La lassitude seule des Français arrêta le car-
nage et la poursuite. Le lendemain, elle recommença vers el
Guervo; mais la dispersion avait été si complète que la plupart
des offiders espagnols que Ton fit prisonniers avaient été déjà
abandonnés par leurs soldats, qui rentraient par bandes et sans
armes dans la Nouvelle-Castille.
Gependant un corps espagnol assez considérable, sous les
b&4 LITBB SBPTIÀMS.
isio» ordres du gâiéral O^DonneU, était veottoccnpef la poiitkm ê»
Fabet, et ne laissait pas que dlnqaiéter les opératkms da siège
de Tortose. Le 19 novembre, le général Suehet flt marcher siu
ces troupes le général Abbé avec le 1 15® régiment de ligne, et
le général Habert avec le 6* d*infànterie légère et une partie du
il 6®. Le général Abbé fit son attaque par la grande route» tandis
que le général Habert cherchait à déborder rennemt par la
droite. Les Français se précipitèrent dans les retrandiemenls
ennemis, enlevèrent successivement trois camps» et entrèrentan
pas de charge dans Falset. Pendant ce temps, le général Abbé
continuait à déborder les positions de Tennemi ; il arriva avant
loi avec ses voltigeurs sur la route de Reus. L'ennemi, surpris
dans sa rietraite, laissa le champ de bataille couvert de morts et
de blessés, et évacua tous ses camps; 400 soldats et 14 officiers
furent faits prisonniers* On comptait parmi eux le eomte de la
Gannada, major de Grenade ; le brigadier Garcia-Navarro, et plu-
sieurs officiers d*état-major. Cent miHe cartouches, une grande
quantité de riz, de liiscuit et de vin, tombèrenten noiare pouvoir ^
on recueillit sur le champ de i>ataiUe plus de mille fcBîls aban^
donnés. L'ennemiperditdanscetteaffatreprèsde 1,200 hommes»
tués, blessés ou prisonniers. Malgré la résistance qu'ils avaieoi
éprouvée dans leurs différentes attaques, les Français n'eureni
que quelques hommes à regretter.
Le général Suehet avait cherché plusieurs fois à engager an
combat Farmée de Valence , commandée par Bassecourt ; le gé*
néral Musnier réussit à l'attirer sur Ulldéoona. Le aonovembre,
Bassecourt se présenta à la têtede 8,000 fantassins etde soo che-^
vaux. Favorisé par l'obscurité de la nuit, il parvint è tourner
les premiers postes du 1 1 4*, et arriva jusqu'au camp de ee régi-
ment ; quelques compagnies s'étant formées à la liftte se pwtè^
rent aussitôt en avant. Les Espagnols furent reçus à l>out por*
tantparune décharge qui joncha laterred'hommesetdecfaevaux..
Le colonel des dragons de la Reine fut blessé et pria. Il n'étail
pas encore jour que déjà toutes les troupes françaises étaient en
ligne. L'ennemi avait attaqué sur trois colonnes; l'une d'elles
s'était dirigée sur une hauteur où se trouvait une vieille tou( el
y avait pris position; le colonel Ëstève, du 14% s'y porta rapi-
dement et chassa à la baïonnette Tennemi de toutes ses positions.
le brave s(iQ84f0titeDaiit Pileaii, à la tèted'uh pélotoii 4u 4^ de m».
hassardSy profitant 4'iin moment âiYoral>le,^argea avec fureur ^"^^^^^
l'ennemi déjà ébranlé. L6 U* de ligne déposa aussitôt ses sacs
pour être plus agHe, et s'élança an pas de course à la poursuite
d'un ennemi six ibiâ plus noihbreux. Les Espagnols furent at*
teints au pont de la Cénfai; il s^en fft JÀ un carnage affreux*
doo hommes et 11 ofQciers restèrent prisonniers; ils étaient
l[kresqoe tous du régiment de Savoie.
' Pendant ce temps, le général Montmarie tenait en respect la
-l^lonn^ ennemie (fui voulait déboucher par la route d'Alcanav ;
les débris de celle qui venait d'être battue s'étaient réunis a elle.
Le général Musnier donna ordre au général Montmarie d'atta-
'quer brusquement tout ce qu'il avait en tète, tandis que lui-^
même se porterait avec rapidité sur Vinaros, suivi de la brigade
de cavalerie du général Boussardet du 14*^ régiment d'infanterie.
LVnnemi tînt ferme pendant quelque temps et finit par se
reployer en ordre sur Vinaros ; mais il avait été prévenu dans
son mouvement par le général Musnier, déjà établi sur ce point»
Les Espagnols se trouvèrent alors attaqués à la fois en flanc et
en queue ; la déroute fut bientôt générale. Le général Boussard^
à la tête des hussards du 4^ et des cuirassiers du 1 3®» les pour«-
sul vit jusqu'à Bénicarlo avec tant d'impétuosité qu'un très-grand
nombre de fantassins et de cavaliers, pour éviter d'être sabrés,
te précipitèrent dans la mer et s'y noyèrent. Outre 2,000 soldats
et 80 officiers qu^ils laissèrent entre les mains du vainqueur, les
Espagnols eurent plus de 1 ,300 hommes sabrés, tués ou noyés.
Du côté des Français, la perte ne s'éleva pas au delà de 300
hommes tués ou blessés.
Pendant que Fou se battait ainsi à Vinaros, vingt-sept cha-
loupes canonnières anglaises vinrent menacer la tour de la Ror
pita et tenter un débarquement sur les derrières de Tarmée
assiégeante, pour opérer une diversion; le général Harispe
envoya aussitôt le capitaine Siéyès avec un détachement d^r-
tillerie. Les pièces que cet officier avait à sa disposition furent
servies avec tant de précision et d'adresse que les canonnières
anglaises, accablées d'obus, se déterminèrent à la retraite et
restèrent au large, tranquilles spectatrices de U défaite de leurs
alliés.
556 LIVBB SBPTitMS.
fsiô. Le général Suchet passa sur la rive gauche avec douze ba«^
«•pagne. tj|||Qns, pouf former le blocus de Tortose; une colonne fran-
çaise enleva la position du col de l' Alba , tandis qu'une autre
débouchait de la tète du pont de Jerta , et s'avançait jusqu'à
portée de canon de la place sur le haut Èbre» en faisant re-
plier les postes ennemis. Les Français laissèrent un riment
sur ce point et tournèrent ensuite autour de la place» à grande
portée de canon , en laissant des troupes de blocus sur tout le
circuit que leurs lignes parcouraient, jusqu'au bas Èbre. L'in-
vestissement fut ainsi complété en un seul jour, malgré les mon-
tagnes affreuses qu'on eut à parcourir. L'ennemi fut repoussé
de tous côtés dans la place, qui fut étroitement bloquée dès
le soir même. Les assiégeants profitèrent des divers couverts
que leur offrait un terrain accidenté et bouleversé pour rap-
procher les camps des ouvrages, et dimmuer par ce moj^en
le circuit du blocus. Le 117^ régiment de ligne occupait la
droite; son colonel sut habilement tirer parti d'un revers de ter-
rain pour se camper, à l'abri des feux de la place, à deux cents
toises d'un ouvrage h cornes , dit des Tenailles ( las Tenazas )•
Cette position ne laissait plus à l'assiégé aucun champ libre pour
faire des sorties sur le haut Èbre. Le 5^ régiment dMnfanterie
légère et le 1 1 e^" de ligne furent placés au centre ; la gauche fut
occupée par le 44'' régiment de ligne et le 2"^ de la Vistule. Cinq
bataillons étaient restés sur la rive droite pour le blocus de la
tète de pont ; ces troupes, campées à six cents toises seulement
de cet ouvrage , se couvrirent par des épaulements contre le
canon de l'ennemi.
Les communications des deux rives furent assurées par l'é-
tablissement , sur le haut et sur le bas Èbre, de ponts volants^
protégés par des tètes. Trois brigades d'officiers du génie par»
couraient les environs de la place pour reconnaître les ouvrages
et figurer le terrain.
Tortose , baignée par TÈbre et adossée à une chaîne de mon-
tagnes, est fermée par une enceinte bastionnée, dont une partie
est dans la plaine, et l'autre partie s'élève sur des plateaux de
granit, presque partout dépouillés de terre, d'environ deux
cents pieds de haut ; la place a pour réduit un vieux château
sur un roc élevé. Lorsqu'en 1708 les Français attaquèrent par
ODEBBB . 1>*SSPA01IIB. 567.
le bastion Saiut-Pierre, qui est sur un plateau, ils furent obligés ^ itis.
de former presque partout leurs tranebées en sacs à terre; et
ils restèrent près de Tingt Jours pour construire leurs batteries*
Les Espagnols avaient, depuis cette époque» renforcé ce bas-
tion d'un bon retranchement, et ils avaient construit en avant
le fort d'Orléans, qui se compose d*une bonne lunette avec un
fossé taillé dans le roc et un chemin couvert» et d'un ouvrage
irr^lier sur la droite, qui domine toute la plaine du bas
Ëbre. Les autres plateaux sont couronnés par l'ouvrage à cornes
des Tenailles» et par Touvrage à cornes en avant del Gastillo.
Le général Rogniat avait jugé que la construction du fort
d'Orléans» les difficultés du terrain, et le peu de saillie da
front sur les autres» rendaient œ point beaucoup plus fort et
beaucoup plus (difficile à attaquer que le demi-bastion Saint-
Pierre, qui s'appuie sur le bas-Èbre; en conséquence, il fût
décidé par le général en chef que l'attaque serait conduite sur
ce demi-bastioii. Partout ailleurs le terrain était extrêmement
mauvais » et l'on se voyait forcé de s'emparer d'abord des forts
avancés avant de pouvoir atteindre la double enceinte du
corps de place. Cette attaque du demi-bastion Saint-Pierre
était à cheval sur le fleuve, et elle avait Tinconvénient d'être
écharpée et plongée du fort d'Orléans. Les assaillants résolurent
de paralyser laction de ce fort et de protéger les flancs de
l'attaque principale par deux fausses attaques, l'une sur le
plateau en avant du fort d'Orléans et l'autre sur la rive droite^
devant la tête de pont» afin de renfermer l'assiégé dans ses
ouvrages.
Le 1 9 décembre» on avait chassé tous les postes ennemis dans
la place, et Ton s'était déjà emparé d'un ouvrage que les as-
siégés avaient commencé en avant du fort d'Orléans , mais qui
n'avait pas encore acquis assez de consistance pour être dé*
fendu. Le soir on ouvrit une tranchée sur un plateau en avant
du fort d'Orléans» avec 600 travailleurs ; car il était indispen-
sable de s'assurer la possession de ce plateau avant de se ha-
sarder dans Ja plaine au-dessous. On l'ouvrit à la sape volante,
À quatre-vingts toises du fort , sur une longueur de cent quatre»
vingts toises. On rencontra presque partout du roc vif. ou un
terrain extrêmement .dur» qui ne permettait de s'enfoncer qu'à
Si» fciVMfi ssrriftM.
lifè. Vaidfe dû pétaid. D«d6 la mit dû 20 au il , par un iFciit ^A^
lent et; une grande obscurité, 2,300 teavaillears ouvrent la
première purallMe devant le front des deux bastimis Salnl^
Pierre et Saint- Jean, la gauche à quatre-vingts toises, se pnn
longeant depuis le bord du fleuve jusqu'au pied du plateau d*Or-
léans, dans une étendue de deux cent cinquante toises. En
même temps les Français ouvraient sur la rive dN^le une tran-*
ebée à quatre-vingt-dix toises de la tète de pont , pour y placer
des batteries destinées à flanquer Tattaque principale. Le 33, la
divîskm du général Frère, de Tannée de Catalogne, vint se
réunir à l'armée de siège ; le général Sachet la plaça à une Keue
au'^tessous , sur TËbre , observant la route de la mer et de Tart
ragone, et détachant un bataillon d'observation an ool de l'Alba*
Bu côté des assiégeants il est difficile de déployer plos d'in-
telligence, de courage et d'activité que n^en montrèrent les
ofliciers et les troupes du génie dans les travaux. Le chef de
bataillon Henri , qui commandait l'attaque du centre, la poussa
avee une vivacité remarquable; dès la septième nuit, avant
même rétablissement des batteries , le chemin couvert éfiift eou-
ronné; exemple unique peut-être dans Thistoire des sièges.
Dans la nuit du 17 , la garnison tenta une sortie et ftit re-
poussée par les 1 16« et 117® régiments; les tirailleurs français
arrivèrent Jusqu'au pied de la muraille ; le camp retranché et
toutes les redoutes furent enlevés. Le 28 au soir, de nouvelles
sorties eurent lieu sur presque tous les points, et les Espagnols
parvinrent à dispei«er les travailleurs de l'attaque de l'ouvrage
d'Orléans.
Dans les nuits des 34 et 36, l'enn^ni attaqua les camps et
les ouvragies avec des colonnes de 8 à 400 hommes ; les grena-
diers , les gardes de tranchée du 44*^ le reçurent partout à
la baïonnette et le repoussèrent avec perte. Le 38, l'ennemi,
pour préparer une sortie générale avant le Jeu des batteries
assiégeantes, fit un feu terrible de toutes les batteries de la
place, et vomit pendant plusieun heures, de toutes ses bou-
ches à feu, une grêle de projectiles qui rendait la trandiée ex«
trêmement dangereuse; le capitaine du génie Poosin ▼ fut at*
teint à la tète d'un coup mortel. A quatre heures du soir, les
troupes de l'assiégé, débouchant par les portes del Rastro,
6UBBM 0*l£St>AG1IB. &S9
8*avaiicèrent , au nombre de près de 3,000 hommet^ sur le |da* i^iq,
teau , pour prendre de revers les parallèles de Tattaque d'Or- "H»»»*.
lëans ; mais le général Habert et le général Bronikowski, étant
accourus à la tète du 8* léger et du 116* régiment, campés
Tls-à-vis de cette sortie, se précipitèrent sur les Espagnols
à la baïonnette et les chassèrent jusque dans leur chemin
couvert» en en faisant un grand carnage. Le général Abbé, com^
mandant de tranchée, avec le colonel du 44<, Lafosse, marcha
à eux par^dessus les tranchées, les culbuta, en tua un grand
nombre et fit quelques prisonniers. Cependant rennemi atta-
quait en même temps le front des parallèles ; il fut, il est vrai,
vigoureusement repoussé devant le fort d'Orléans , mais dans la
plaine il parvint à chasser les postes du couronnement du chemin
couvert. Le lieutenant du génie Jacquand s'efforça en vain de
repousser les assiégés A la tète de quelques sapeurs ; ce brave
Jeune homme expira sous leurs coups sans vouloir abandonner
«on poste. Quelques-uns d'entre eux arrivèrent même jusqu'à
la seconde parallèle, où ils furent- percés à coups de baïonnette
par les troupes de garde. Les Fiançais s^élancèrent en même
temps eu avant pour reprendre le couronnement du chemin
couvert; les Espagnols ne tardèrent pas en être chassés; tou-
tefois ils avaient eu le temps de mettre le feu aux gabions et
' de bouleverser une partie des travaux des assiégeants. Cette
' sortie générale avait pour objet de parvenir jusqu'aux canons des
' assiégeants pour les enclouer ; l'ennemi n'atteignit point le but
' qu'il s'était proposé et perdit 400 hommes.
' De son côté l'artillerie française avait surmonté de grands
obstacles, toujours renaissants, pour transporter le parc de siège
' sur la rive gauche ; la navigation du fleuve variait tous les jours
et était fort difficile. La construction des batteries fut vivement
t contrariée par un fèu terrible de la place, qui écrasait surtout la
rive droite ; la batterie n^ 1, à cinq cents toises du fort d*Or-
f léans, fut faite en plein jour et à découvert, À l'aide d'un feu vif
I de mousqueterie dirigé contre les embrasures de l'ennemi. Le
29, à la pointe du jour, le général Vallée disposait dequarante-
cinq bouches à feu, divisées en dix batteries sur l'une et l'autre
Tive ; ces batteries commencèrent un feu qui prit, dans deux
I heures, une supériorité décidée et éteignit bientôt tout celui du
EBliagne.
660 tlYBB SVPTlApB.
fsio. front attaqué. Le pont fut coupé le même Jour et le lendemain
entièrement rompu, ce qui obligea i*enneml d'évacuer, dans la
nuit, la tète de pont, dont les Français s'emparèrent, ainsi qoe
de trois pièces de canon qu'il y avait abandonnées.
Le 30 y le château presque seul tirait encore ; le 31 , le feu des
Français se ralentit, l'assiégé n'y répondant plus* Les parapets
étaient rasés» les embrasures hors d'état de recevoir du canon,
et deux brèches commencées à l'avancée du fort d'Orléans et à
la place. Le générai Rogniat , en même temps , poursuivait sans
relâche ces bril lants résultats, exécutait la descente et le passage
du fossé, et enfin attachait le mineur à l'escarpe du corps de la
place.
C'est dans cet état de choses que, le i<^ janvier 181 1 au ma-
tin, un drapeau blanc parut sur le sommet du château de Tor-
tose, et bientôt, à ce signal, les hostilités ayant cessé partout, les '
remparts furent couverts d'une foule de soldats et d'habitants.
Deux officiers parlementaires se présentèrent et furent amenés
au général Suchet; ils étaient porteurs d'une lettre du gouver-
neur et autorisés à faire des propositions. L'adjudant-comman-
dant Saint-Gyr Nugues, chef d'état-major du 3* corps, ayant été
introduit dans la place pour porter la réponse du général Su-
chet et les bases d'une capitulation, trouva dans le gouverneur,
comte d'Alacha, un homme faible, entouré de deux on trois cbefr
qui se partageaient l'autorité, et qui demandèrent d'être renvoyés
à Tarragone tout de suite, ou de se rendre conditionnellement
dans quinze jours, s'il n'étaient secourus avant. L'officier fran-
çais rejeta ces propositions comme inadmissibles, et invita le
gouverneur à ne plusarborer de drapeau blanc, si ce n'était pour
capituler purement et simplement.
Au retour du colonel Saint-Gyr Nugues, les soldats français
reçurent avec Joie la nouvelle de l'irrésolution du gouverneur, et
demandèrent à grands cris l'assaut, que le général Suchet leur
promit pour le lendemain. Les feux de bombes et d'obus recom-
mencèrent la nuit sur la ville et le château ; le mineur avait con-
tinué son travail. Le 2 Janvier au matin, une nouvelle batterie
de brèche, élevée avee une rapidité extraordinaire, dans le che-
min couvert, sur la contrescarpe du fossé, battait à quinze toiseaL
La brèche s'élargissait d'heure en heure; trois drapeaux blancs
6UBBBB D*BSPA6RE. 561*
flottèrent à la fois; de tous c6tés les assiégeants redoublaient
leurs feux ; à deux heures tout était prêt pour Tassant. Le géné-
ral Suchet fit prendre les armes à la brigade Harispe, dans la
grande communication des tranchées, et les compagnies d'élite
des gardes de tranchées se formèrent en colonne pour monter à
Tassant.
Les parlementaires se présentèrent de nouveau; mais le gé-
néral Suchet avait défendu d*en recevoir aucun, si ce n'était en
livrant aux graïadiers français, pour premier préliminaire, une
porte de la ville. Ub hésitaient : le général Suchet s'avança et
ordonna de baisser les ponts levls ; les soldats espagnols obéirent
à cet ordre ; le général entra' dans la place^adressa des reproches
aux officiers et au gouverneur sur leur conduite de la veille. Les
forts, incertains et surpris, se soumirent. Les grenadiers français
prirent possession des portes, et, à quatre heures du soir, la gar-
nison, forte de 6,800 hommes, défila prisonnière de guerre, en
déposant neuf drapeaux, dont un offert par le roi Georges à
la ville deXortose, et prit immédiatement la route de Sara-
Ainsi la ville de Tortose tomba an pouvoir des Français après
dix-sept Jours d'investissement, treize nuits de tranchée ouverte
et quatre Jours de feu ; la descente et le passage des fossés étaient
terminés; le mineur, attaché à l'escarpe, travaillait depuis deux
Jours, et il existait deux brèches praticables au corps de la
place. Il était difficile à la garnison de prolonger plus longtemps
une défense qui l'exposait à être enlevée d'assaut.
Les vainqueurs trouvèrent dans la place cent soixante-dix-sept
bouches à feu, neuf mille fusils, et beaucoup de munitions de
guerre et de bouche.
La garnison espagnole était de 8,000 hommes avant le siège,
qui lui fit perdre 1,200 hommes; Tarmée assiégeante était de
10,000 hommes, et elle ne perdit que 400 hommes; une perte
aussi légère et la courte durée de ce si^e furent dues à la bonne
conduite des travaux, àTemplacement bien choisi des batteries,
à Theureose application, en un mot, de cet art que Vauban a
eu la gloire de créer et de porter à sa perfection. Peut-être aussi
Tidée neuve et hardie d'attaquer le long de TËbre, en négligeant
les ouvrages qui couronnent les hauteurs, eut-elle une grande
i. 36
562 LITBB SBPTIÈMII.
4810. Influence poar obtenir d^ussi prompts résultats ; on peut har-
^•P**"®* dlment conjecturer que l*attaque sur tout autre point eût exigé
le double de temps et eût été beaucoup plus meurtrière '.
La prise de Tortose porta un coup terrible aux provinces de
Test, cette ville étant, comme nous Tavons déjà dit, le principal
point de communication entre elles» et en outre le grand dép6t
de leurs ressources militaires. La Catalogne se trouva donc pri-
vée de tout secours à Tintérieur, et n*eut plus d'espoir que dans
ceux que Ton pourrait débarquer sur la c6te* Ce lut pour y mettre
obstacle que le général Suchet se h&ta de poursuivre le cours de
ses opérations, et se prépara à faire le siège deTarragone, alnd
que nous le rapporterons au volume suivant.
Les Français étaient, comme on Ta vu, vainqueurs sur tons
les points de ï Espagne ; et cependant la campagne de 1 8 1 0 n'eu t
point pour eux les résultats qu'ils avaient droit d'en attendre.
Les succès des Anglais en Portugal apprirent aux Espagnoisque
leurs dominateurs n'étaient point invincibles, et qu'une longue
résistance fatiguait quelquefois la victoire. L'exemple des pro-
vinces ^umises et pacifiées n'éteignit point l'esprit d'insurrec-
tion qui régnait dans les autres; l'audace de certains chefe de
1)andeSy au contraire, sembla s'augmenter en raison de la défaite
des troupes régulières, et la haine nationale reçut de nouveaux
développements. À peine une de leurs armées était-elle battue,
une de leurs bandes dispersée, quelessoldats se hâtaient de ren-
trer dans leurs familles ; làils reprenaient leurs occupations jour-
nalières, se livraient aux travaux paisibles de l'agriculture, avec
la ferme résolution de ne plus combattre pour «ne cause qu'ils
jugeaient vaincue. Aigris par le profond sentiment de leurs souf-
frances récentes, ils al^uraient une résistancequi ne pouvait que
prolonger indéfiniment leur fâcheuse situation ; mais bientôt
paraissaient les proclamations des chefs, les écrits patriotiques
de la junte. Des émissaires, la plupart prêtres, d'autres revêtus
à dessein de l'habit monastique, parcouraient les villes et les
campagnes, promettant aux uns la rémission des péchés, la
couronne du martyre, les récompenses d'une autre vie; faisant
' Relation da siège de Tortose par le baron Rogniat, iientenant général
du génfe»
GOBBBE D'ISPAGKB. 563
briller aox yeux des autres la gloire réservée de tout temps à i^io.
ceux qui se sacrifient pour la foi et pour leur pays; employant ^p^s^-
tour A tour, en un mot, les Illusions puissantes du fanatisme et
la voix saerée de la patrie. Quelques-uns des habitants,*, entraî-
nés par cette magie attachée au nom de liberté, mais le plus
grand nombre sédiûts par les idées d'une religion outrée^ quit-
taient de nouveau leurs foyers et leurs familles , détestaient le
s«*ment qu'ils avaient fhit de ne plus combattre les Français, et
couraient affronter encore la mort, dans l'espoir si consolant
pour eux de la donnera leurs dominateurs.
Caupd'œil sur les partis espagnols connus sous le nom de
GUBBBILLlS. t
Dès le 33 décembre 1808 la Junte centrale avait prescrit la
formation de corps firaucs destinés à harceler rennemi à toute
heure et en tous sens et à ne lui donner aucun repos. Ces ban*
des armées, nées des circonstances, auxquelles on donna le nom
de guerrilias, d'abord iaibles en nombre, s'accrurent ensuite
prodigieusement, et bientôt chaque province eut sa guerrilla;
il y eut même des districts et des cantons où toute la population
virile prit part à ce genre de guerre, tels qu'en Catalogne et en
Galice. Ces bandes étaient grossies par la dispersion des armées
régulières, par le manque de travail et la misère qui en résul-
• tait, et surtout par l'aversion que les populations portaient aux
envahisseurs. C'était là le côté louable et légitime de leur ori-
gine : ces peuples, indignement trompés, injustement attaqués
par des armées formidables, et voyant qu'ils perdaient toutes les
batailles, cherchèrent à suppléer à la force, à l'art de la guerre,
par la ruse et la perfidie. Avant même l'arrivée des circulaires
adressées aux pR>vinces par la Junte centrale, quelques chefs
de partisans, tels que Juan-Diaz Porlier et Juan-Femandez
Ëcbavarri, parcouraient déjà les environs de Palencia, la mon-
tagne de Santaader et la Biscaye. Ces chefs pouvaient parler pa-
irie, honneur, religion, vengeance aux Jeunes Espagnols qu'ils
enrôlaient; mais que dire au contumace, i^u condamné, au ban-
queroutier, au voleur de grands chemins, et enfin aux déserteurs
français, anglais, prussiens, russes, polonais, allemands et Ita-
liens, qui venaient chercher un asile dans leurs rangs, refuge
assuré pour tous les genres de crimes et de délits? Ils ne pou-
36.
564^ LIVBB SBPTIBICB.
1810. valent leur faire sourire la victoire que sous les auspiees Su
Eiv»agiMb
pillage et du butin.
Ce qui contribuait à entretenir les guerrillas et ^l les multi-
plier» c^étaient les imp6ts, c'étaient les réquisitions, qui avaient
le triple inconvénient d'exaspérer les propriétaires, de faire dis-
paraître les denrées et de donner lieu à une foule d*abus. L'em-
pereur exigeant que le service des subsistances de ses armées
fût aux frais de FEspagne, on était presque toujours forcé d'em-
ployer la violence pour arracher aux populations les denrées
qu'elles tenaient soigneusement cachées. Ces excès excitaient des |
vengeances; les paysans espagnols ne se faisaient aucun sera- i
pule d'égorger les soldats français isolés, les blessés, les malades
et leurs escortes ; ces vengeances provoquaient de cruelles et
sanglantes représailles, des incendies, des exécutions militaires
dans les localités où ces assassinats avaient été commis. Les al-
caldes des communes, les curés des paroisses, les citoyens nota-
bles devaient répondrede la tranquillité publique, et, s'ils étaioit
soupçonnésd'entretenir des relationsavecies guerrillas, ils étaient
emprisonnés ou exilés en France, ou fusillés, ou pendus. Ces
moyens rigoureux et presque toujours cruels, loia d'amener les
peuples à la soumission , ne servaient qu'à les irriter davantage*
Assaillis de toutes parts par les guerrillas, dont le nombre aug-
mentait chaque jour, les Français étaient obligés d'établir de
distonoe en distance des postes fortifiés échelonnés sur leurs
lignes d'opérations, et cette manière d'assurer lep communi-
cations exigeait à la fois une grande vigilance, beaucoup de
monde et dimhiuait considérablement l'effectif des armées agis-
santes.
C'est en janvier 1809 que les guerrillas commencèrent à se
multiplier dans les provinces occupées par les troupes françaises.
Dès le principe, on distingua celle de Juan-Martin Biez, sur-
nommé tEmpeeinado. A la fin de décembre tSOS, ce dief
commença à inquiéter les Français en parcourant les districts
d'Aranda, de Sépulvéda et de Pédraza dans la Vieille-Castille.
En septembre 1 809 il se rendit dans la province de Guadalajara
à la demande de la junte de cette ville. Ce fameux partisan in-
festait la rottte de Saragosse à Madrid par Calatayud , Siguenza
et Guadalajara^Sesdétachements parcouraient aussi les environs
I
GUBIBK D*£SPA6II1. 5^5
de Madrid, seprésentaientjasqa'aax portes decetle capitale, dont ,^^^
' il était alors dangereux de sortir sans escorte. Ses forces s'élevè- Espagne.
rent jusqu'à 1 ,500 hommes d'infanterie et 600 cheyaux. Presque
\ toujours battu par le général Hugo, il ne se décourageait point.
Serré de trop près, il dispersait sa bande pour la rallier dans
^ une autre province. Partout où il se retirait, il recevait en alxm-
^ dance, même de Madrid, des secours en argent, en vivres et
' en munitions de guerre , et trouvait la plus grande facilité à
^ recruter sa bande, dont les exploits flattaient Torgueil national.
' Au msAs dlBivril', leftuneux curé de Villoviado, Géronimo Mérino,
> forma aussi un corps de partisans qui parcourait les plaines de
^ la YieiHe-Castille, ainsi que les guerrillas du CapucMno et de
^ Saornil ; celtes de Juan Abril, à Ségovie, Camillo Gomez, à
' Avila, Juan Tapia, à Palenda, Bartolomé Aroor, à la Rioja, José
' Joacquin Dnran , à Soria. L'exemple de ces chefii de partisans
était suivi dans les autres provinces. Un officier sans emploi ou
échappé des mains des Français, le supérieur d'un couvent dé-
vasté, le curé â*un village incendié, le frère d'une sœur désho-
t norée, le fils d'unpèreet d'une mère assassinés, profitant desdis-
I positions hostiles de leurs compatriotes^ se mettaient à leur tète
I et tombaient à Flmproviste sur les petits détachements, sur les
\ convois de blessés, de malades, foiblement escortés^ sur hes es*
\ talèttes, les malles-postes et les voitures duTrésor. Non contents
I du butin que ces expéditions lucratives leur procuraient , les
I partisans espagnols égorgeaient sans pitié les blessés et les ma-
f lades, fusfflaient les soldat&des escortes ou les pendaient aux
I arbres des grandes routes. A la ftiveur des habitants, qui les
protégeaient, les renseignaient et les cachaient au besoin , ces
bandes échappaient à toutes les poursuites ; chassées d^iue ville,
I d'un village , elles y revenaient après le passage des troupes
envoyées contre elles. Outre les petits partis, les hommes isolés
qu'elles enlevaient chaque jour, elles tondaient souvent en for-
[ ces sur les postes letrancbés renfermant de fiiibles garnisons,
{ s'en emparaient ou les incendiaient s'ils n'étaient pas secourus
à temps.
Telles furent dès l'origine ces guerrillas, qui causèrent des
ravages affreux dans les armées françaises, que cette guerre de
détail aifaiblissait continuellement. La situation physique et
560 LIVM SBPTlteB,
f 810. géographique de TEspagne favorisait paffiiitolBtat cette gnem
Espagne. ^^ buissoDS et de DMmtagnes. Ge qui fiidlita beaucoup la ftyruia-
tion des gverriilas, ce furent les secours et l'abri qu'elles troii«
yaient au besoin dans les places fortes, dans les lima inoccupés
par les troupes françaises, dans de hautes cordillièreSf et dans
un chaos de montagnes où Ton trouve à chaque pas des gorges,
des défilés propres à une guerre de chicane et proleiigée.
La Navarre, les districts voisins de l'AragoD et la route de
Pampelune à Saragosse étaient le théâtre des exploits de Fran-
eisco-Xavier Mina. Ce jeune chef de partisans, âgé de dix-neof
ans, était d'une audace extrême. Un jour, d^isé en paysan ,
il se mit, près d'Oiite, dans un groupe assemblé sor la route de
Saragosse, pourvoir passer le général Suchet se rendant à Pam-
pelune. C'est ainsi que tous les Espagnols qui prenaient les ar-
mes contre les Français pouvaient parcourir le pa js avec la cer-
titude de n'être pas découverts ni trahis par leurs compatriotes*
Serrées de trop près par les troupes détachées à leur poursuite,
les guerrillas se dispersaient ; chaque homme cachait ses armes,
rentrait dans ses foyers, logeait et mangeait avec l-ennemi, et
au premier signal rejoignait son chef. Mina , longtemps pour-
suivi par le général Harispe, s'étant avancé en Aragon vers les
CiDCo*Villas, fut rejeté en Navarre, où le général Dufour avait
feit occuper tous les passages, et, cerné de toutes parts, dans
les derniers jours de mars 18 1 0, il tomba au milieu des postes
français, fut pris et envoyé en France, où il resta jusqu'en 1814.
Cet événement délivra l'armée française d'un partisan très-en-
treprenant , et calma pour quelque temps les troubles de la
Navarre. Mina le jeune fut remplacé par son onde , Francisco
Espoz y Mina qui, par ses hauts faits et sa meilleure fortune,
eut bientôt éclipsé la renommée de son neveu. Cet intrépide
chef exploitait à la fois la Castille, 1* Aragon, la Navarre et la
grande route de Bayonne à Burgos. Cette importante ligne de
communication entre la France et Madrid, par Valladolid, fut de
très-bonne heure parcourue par uue infinité de guerrillas dont
la cupidité avait de quoi s'assouvir sur les fréquents convois et
les nombreux voyageurs français qui y circulaient journellC'
ment. Après les bandes de Mina, qui, au commencement de
1810, s'élevaient déjà à plus de 3,000 hommes d'infanterie et de
ÔUBABE DBSIPAGNE. ^67
I caY|ila*ie, les plus redoutables étident : en Yleille-GnBtlUej celles isio.
k d*lgnacio Goévîllas, de Juan Gomez, de Fernandez de Castro et ^i^i^-
» des curés Tapia et Mérino, déjà cités d-dessus ; en Biscaye et
I dans le haut Aragon, le moine Frandaco Longa, Campillo,
I Juan de Arostégui, Gaspar Jaurégui, d'abord berger, et appelé
i par cette raison el Pasior.
Tandis qne les j^ndpales forces des Français étaient occupées
I en Portugal et en Andalousie, et qu'il ne restait que de faibles
corps d*arinée dans les provinces intérieures de TEspagne, le
f système desguerrlllas prenait de profondes racines. La Romana,
que lesËspagnoIss'accordent à reconnaître généralement comme
le premier organisateur de ce système^ lui donnait d* énormes
développements et s'efforçait de l'établir dans toute l'étendu^
de la Péninsule* Dans la Catalogne, dans TAragon, et surtout
dans le royaume de Murcie^ dans les Alpojarres, le général
Blake avait puissamment contribué au soulèvement des popu-
lations et à la formation des corps de partisans. Son exemple*
avait été suivi en Andalousie et en Estrémadure par le général
Ballasteros. La junte centrale avait sagement jugé que^ si les
guerrillas ne pouvaient arrêter d'abord Fimpétuosité des Fran^
çais, elles parviendraient un Jour, peut-être, à les dégoûter de
victoires qui unissaient par leur coûter plus qu'à l'ennemi vaincu*.
Les ordres concernant Torganisation des guervillas avaient été
exactement suivis sur presque tous les points x il n'était guère
de provinces qui n'eût un cbef à la tète d'une bande formidable.
Abandonnés à eux-mêmes, les plusbardiset les plus entrepre-
nants de ces chefs s'élevaient au commandement , ou par des
actions d'éclat, ou par l'influence qu'ils parvenaient à exercer
sur leurs compagnons d'armes, (piel qu^en fût d*ailleurs le mo-
tif. Livrés à leurs seules inclinations , maîtres de choisir leur
champ de bataille et le genre d'attaque et de résistance qui leur
était le plus favorable, le service militaire le plus approprié à
leurs forces et à leurs habitudes était celai qu'ils adoptaient.
En 1810 on comptait Jusqu'à 200 chefs de guerrillas bien
connus ; d'autres surgissaient et disparaissaient selon les cir-
constances produites par les événements de la guerre , ou al-
laient se fondre dans d'autres bandes déjà renommées. Dans les
Asturies, la bande la plus considérable était celle de Juan-Diaa
568 LIYM 8£PTlkUB.
ifio. Portier^ surnommé Ei MarquésiiOjàoni il a déjà été foit meo*
tion précédemm^t; venaient après celles de Frédérico Cas-
tanon et de Pedro Aaroéna ; dans le royaume de Léon , don
Jnlian Sancliez , dont il a été parlé à Tocc^sion da siège de
Giudad-Rodrigo : il se tenait ordinairement aux environs de
cette place et de Salamanque, et explorait tour à tour le royaume
de Léon et la VieiUe-Castille ; Lorenzo Aguilar, aux environs
de Toro» et Thomas Principe, qui commandait la guerriila de
cavalerie dite les lanciers de Bourbon , dans les enviions de
Yalladolid. Dans la Nonvelle-GastlUe , indépendamment de
FEmpéeinado, qui se tenait aux environs de Guadalajara» on
trouvait encore, dans la province de Guenca, le marquis de las
Âtayuelas, et José deSan-Martin, qui,demédeclny était devenu
un chef intrépide de partisans et parcourait le pays jusqu*au
Tage; Juan Palaréa, médecin de Yillalengua, connu sons le
nom à' El Médico; Ventura Ximénès, Torribio Bustamenté, sur-
nommé Caracola dans la province de Tolède; en Aragon, An-
tonio Porta, depuis la frontière de France jusqu'à Figuières ;
Francisco Bobira, de Figuières à Gironne ; Milans, Iranzo, Cla-
ros, depuis Hostalrich Jusqu'à Gironne; Mariano Rénovâtes,
dans les vallées d' Ansô et de Boncal ; Miguel Saraza, lieutenant
de Bénovalès, dans la vallée de Jaca, au couvent de San-Juan
de là Pena ; Felipe Péréna, Bajet^ sur la rive gauche de la Ginca,
à la descente des Pyrénées; Bamon Gayan, dans les montagnes
de Montalvan, à rermitage del Aguila ; Pedro Yillacampa, aux
environs de Galatayud et à Nuestra-Senora del Tremendal ; dans
le royaume de Valence, José Lamar ; dans la Manche, Mir et
Ximénez ; Francisco Sanchez, connu sous le nom de Frands-
quête; Miguel Diaz, Juan-Ântonio Orobio, Francisco Abad,
Manuel Pastran ; en Andalousie, Andrès Ortiz de Zarate; dans
les montagnes de Ronda, Francisco Gonzalez; dans la Serrana,
José Roméro, à Montellano; dans la Sierra de Ronda, Mena,
Villalobos, Garcia ; dans les Alpujarres, Pedro Zaldivla, Juan
Marmol, Juan-Lorenzo Rey ; la guerriila dite du Maniéquéro,
dans la province de Séville.
La plupart de ces chefs de partisans étaient reconnus et main-
tenus dans leurs commandements par la junte centrale ; mais
il en existait un grand nombre d'autres, connus seulement par
GUEBEB D*ESPAONE. 569
de ridieules noms de gaerre, tels que El Manco, èl Cùdnéroy el igio
Abuélo, et par des actes de eruauté dont les soldats finnçais
s'étoiiuerent longtemps avant que de chercher à s*eQ venger.
Plusieurs bandes de malfaiteurs et de brigands , organisées en
guerrillas sous le manteau du patriotisme , opprimaient les po-
pulations; elles étaient poursuivies par les guerrillas les mieux
organisées, et par les Français, auxquels se joignaient même
les habitants des localités que ces bandes maltraitaient et dé-
pouillaient de tout ce qu'elles pouvaient leur enlever. Connais-
sant les ressources que leur offraient les populations et celtes
qu*elles pouvaient, au besoin, tirer des localités d*un pays coupé
et montagneux ; Informéen à temps de l'apparition des Français
etdeleurnombre, les guerrillas se séparaient et se réunissaient à
un rendez-^vous fixé, au commandement de leurs chefs respec-
tifs. Assurés de la foi inviolable de leurs compatriotes , cons-
tamment protégés par des intelligences que la surveillance la
plus exacte de la part des Français et les menaces les plus
sévères ne pouvaient rompre, les partisans restaient souvent
cachés des jours entiers aux portes mêmes d'une ville occupée
par les Français» attendaient patiemment le moment où ils se*
raient supérieurs en forces , et enlevaient l'objet de leurs re-
cherches sans qu'on eût le temps de prévenir ni d'arrêter leur
attaque. Rien n'était à l'abri de leur activité et de leur audace,
et malheur à qui tombait vivant entre leurs mains. Ainsi, agis-
sant à part et en petits corps, les guerrillas ne cessaient d'in-
quiéter les armées françaises, les forçaient à doubler leur service
et À se tenir perpétuellement sur leurs gardes. Bien même qu'une
telle guerre ne pût donner immédiatement de grands résultats,
elle aurait dû être entretenue très-soigneusement et surtout très-
encouragée , en raison de l'extrême faiblesse des forces régu-
lières espagnoles; mais l'amour de la patrie, qui dirigeait les
Espagnols dans leurs efforts, n'était point tellement exclusif
qu'il ne laissât quelque empire à des passions moins désintéres-
sées et moins nobles. La réputation de quelques chefs de guer-
rillas avait éveillé la jalousie du gouvernement pour le maintien
duquel ils se battaient; soupçonneux, parce qu'il était faible,
ce gouvernement craignait qu'ils ne devinssent indépendants.
JHors d'état de s'assurer d*eux par des récompenses pécuniaires
670 LIVmB 9EPTIÀMB.
isio. et de l66 arrêter quand ii le jugerait convenable ^ il voiilat m^
£>i»sn«- moins donner à lenr ambition une direction dont il resterait
maître. En conséquence , pour conserver, autant que possible,
son autorité sur eux , il récompensa adroitement leurs efforts
par un rang militaire^ les soumettant ainsi aux généraux de
Tarmée régulière; des uniformes riches et brillants, un état-
major personnel et d'autres accessoires inutiles furent ajoutés
à leurs titres. Le sentiment de leur importance s'aecrut, et ils
augmentèrent Tappareil de leurs forces dans uo degré corres-
pondant. Les principales bandes de guerrillas furent bientôt
composées d'artillerie, dMnfanterie et de cavalerie, et, du mo»
ment qu'elles eurent échangé leur ciQtivité contre de Timpor-
tance, elles devinrent une mauvaise espèce de troupes r^uliè-
res. Les talents de Mina et de Longa seuls s'aecrurent; ils
commanderait des armées de 6 à 8,000 hommes avec Thabileté
de tacticiens consommés. Favorisés par la configuration du
terrain et par les connaissances locales qu*ils avaient d'un pays
aussi accidenté, ces chefs firent quelquefois, pendant des mois
entiers, pour tromper la poursuite de plusieurs corps français
considérables, des manœuvres que n'auraient peut-être pas dé-
savouées les généraux les plus célèbres. A ces exceptions près,
et elles étaient rares, la force des guerrillas s'éteignit graduel-
lement par le fait même de l'intervention do gouvernement
espagnol, dont la politique méticuleuse porta un coup mortel à
l'institution de ces corps francs; ils auraient probablement cessé
d'exister au bout de quelques campagnes, si la guerre de la
Péninsule eût duré plus longtemps.
CHAPITRE V.
AHEIBB 181 1.
Saite d«s opérations milftairos en Portugal. — Mort da féaéral espagnol La
Ronana. — SHaation lAclieuse de Parmée française. — Elle bat ai retraite.
— Combat de Redinha, elc — Affaire de Foz-d'Arunce. ^ Combat de
Sabugal. — Le marécbal Masséna rentre sur le territoire espegnol. — Ba-
taille de Fuentes de-Ofioro. — Belle retraite du général Brenier et de la
garnison d'Alméida ; destruction de cette dernière place. — Le naréelial
due de Ragose remplace le prince d'Essttng dans le commandement de
Tannée de Portugal; fin de cette campagne.
L'arrivée du 9" corps de l'armée française sur la frontière mt.
de la province de Beira , et son entrée en Portugal pour re- Portugal,
joindre Tarmée du maréchal Masséna dans ses lignes de San-
tarem, avaient forcé le corps de milices portugaises commandé
par lé général Silveïra d'abandonner ses positions autour de
Pinhel et de Trancoso , pour se replier vers le Duéro. Silveïra
crut pouvoir revenir sur ses pas , après le passage de la pre-
mière division du corps français , et inquiéter de nouveau les
communications de Tarmée; mais il fut arrêté dans son mou-
vement par le général Claparède» qu'il avait attaqué le 30 dé*
cembre, et qui le battit, près de Trancoso, à Ponte do Abade.
Non content de ce premier succès, le général Claparède, après
avoir fait ses dispositions et formé deux colonnes de ses trou-
pes, se mit en marche, le 9 janvier, dans Tintention de pour-
suivre 1^ général portugais et de le rejeter de l'autre côté du
Duéro. Arrivé à un quart de lieue du village de Guittero, il
trouva son adversaire en position sur les hauteurs, développant
sur son front une ligne étendue de tirailleurs. Le général Cla-
parède fit aussitôt avancer une de ses colonnes, destinée à tour-
ner la gauche de Tennemi, tandis que lui-même se portait ra-
pidement sur le centre. Silveïra n'attendit pas le résultat de
cette manœuvre et se mit aussitôt en retraite.
Le 11, les Français continuèrent à le poursuivre sur Villa
571
672 LIVAB SBPIlàMB.
I8M. de Ponte, et le trouvërent arrêté sor les haoteors de la rive
Portugal gauche de la Tavora, après ayoir barricadé les ponts de Villa
et de Frésinto , et coupé tous les chemins par des «bâtis et des
fossés : il paraissait disposé à défendre vigoureusement tous
les passages.«Le général Claparède porta sur-le-diamp la ma-
jorité de ses forces sur le pont de Frésinto , sans s'inquiéter de
la vive fusillade qui s'engagea aussitôt sur sa droite. Le pmit
lût enlevé au pas de charge par un bataillon dn 31* régiment
d'infanterie légère ; les hauteurs étaient attaquées avec impé-
tuosité. L'ennemi ne put résister ; il Ait forcé de toutes parts à
fuir en désordre , perdant beaucoup de monde : la nuit seule
arrêta la poursuite à Villa de Rua.
Le 12 , Tennemi continua sa retraite par Moimenta-de-Beira
et Léonil. Le soir, son arrière-garde, composée de ses meil-
leures troupes, s'arrêta à Mondin ; elle fut aussitêt chargée et
culbutée par Tavant-garde française , commandée par le co-
lonel Dommanget, du 10* de dragons, qui la rejeta au delà
de la Goura. Le général Claparède arriva le 18 au soir à
Lamégo , ramassant sur la route tous les tralneurs et uncpartie
des équipages de Silveïra. Les ouvrages élevés en avant de
Lamégo avaient été abandonnés. Le général portugais avait
effectué son mouvement rétrograde sur Pézo-de-Régao et passé
leDuéro à Mullito, le même jour tS; son Intention était de
faire jonction avec les colonnes des généraux Baceelar et Wilsoo,
qui étaient à Castro-Dairo. Celle du colonel Miller, qui se trou*
vait à quatre lieues de Lamégo, s'avançait au secours de Sil-
veira , lorsqu'elle apprit à Tarouca la défaite et la fuite de ce
dernier. Miller crut prudent dès lors de se replier sans retard
sur Castro-Dairo et Viseu, sans attendre les reconnaissances
françaises qui éclairaient tous les points du Duéro où l'ennemi
aurait pu trouver des barques. Les résultats de ces dliïerentes
affaires furent de tuer à l*eunemi plus de 300 hommes de ses
meilleurs soldats, de lui en avoir blessé plus de 1,000 et pris
200 avec un drapeau. On avait trouvé aussi une certaine quan-
tité d'armes et de munitions qui furiTnt détruites.
Cette expédition terminée, la division Claparède abandonna
les bords du Duéro , le 28 janvier, pour se rapprocher de Célo^
rico, sur la communication directe de Santarem avec Almeida.
G€EABV D B8PÀONE. 573
Ce mouYement pouvait proléger le retour du général Foy, qui mu.
partit d'AlmeMa le 2 février pour rejoindre Tarroée du ma- ''<»'^"«**-
réchal Masséna^ après avoir rcHnpli la mission qui loi avait été
confiée.
De nouveaux rassemblements ayant eu lieu dans les envi-
rons de Guarda, Bdmonté^ Govilbao» FondAo, etc., le gé-
néral Claparède rassembla encore sa division et marcha pour
les dissiper. lia s'étaient réunis à Covilhao dans une position
superbe» et ils étaient commandés par le brigadier anglais
Grant. Ce parftan, qui avait ftdt de grands préparatifs de
déiènse, se laissa manœuvrer par le général Claparède, et
Ment6t sa troupe, composée de milices, d'ordonnances et deguer-
rillas, fut mise dans une déroute complète : on lui prit un canon
et un drapeau.
Mort du général espagnol La Romana. — Le 23 janvier 23juiTier.
18 11, le marquis de La Romana mourut, presque subitement,
au quartier général de lord Wellington. Il succomba, ditK>n,
à une maladie chronique qui avait pour cause Tossification des
vaisseaux du cœur* D'autres ont uniquement attribué sa mort
aux chagrins profonds dont il était abreuvé depuis quelque
temps. Le earaolère tiès-connu de cet Espagnol nous fait re-
garder cette dernière opinion comme la plus plausible. On n'i-
gnore pas à» qneUe maiidère il quitta le Danemark , en 1808 ,
avec la plus grande partie de ses troupes. CSette conduite, tout
4 la fois har^ et déloyale, avait mis le marquis de La Romana
en grand honneur auprès des Anglais : c'était le seul générai
espagnol auquel ils reconnussent du talent, quoiqu'il n'eût
justifié, dans auodne occasion importante, l'opinion exagérée
qu'on a voulu donner de son mérite. Il est juste de convenir,
toutefois, qu'il a montré, dans sa conduite militaire, plus de
tact et de jugement que tous les autres chefs espagnols. Les An-
glais, qui s'attribuaient tout le mérite de son retour en Espagne,
ne manquèrent pas de lui donner un éclat extraordinaire. Ils
le produisirent comme le héros protecteur et sauveur de la Pé-
ninsule; mais plus ils prirent à tâche d'exalter les qualités mi-
litaires et patriotiques de La Romana, moins la junte suprême
se montra disposée à les reconnaître. Forcée d'accepter tous les
dons des Anglais, elle redoutait de se mettre dans leur dépen-
574 LIVRB SEPTIÈn .
ig, f dance ; loin d'admirer atragiéinent la générosllô qui poransait
Portugal, les faire agir, elle savait en apprécier les motifeà leur juste va-
lear ; elle n'était pas dnpe de ce 'zèle générrax avec leqtwl ils
avaient embrassé sa cause ; et la liberté qu'ils prenaient de s'im-
miscer dans les affaires les plus secrètes du gouvernement, de
vouloir tout influencer, et le choix des généraux, et la diree-
tion des opérations militalm, et l'administration intérieure,
étaient autant de démarches qui Justifiaient ses défiances. L'é-
loge de La Romana fut mal reçu sous de parèiis auspices, et ce
fkit, au contraire, un motif pour que la Junte ne lui confiérflt
jamais de sa propre autorité que des eommandeteents de peu
d'importance. La première opération de ce général, en débar-
quant à Santander, fût de se jeter en partisan avec ce qu'il avait
ramené d'Allemagne : c'est lui qui donna l'idée d'organiser les
paysans en bandes armées, connues depuis soos le nom de guer-
rillas. La mort des Français et de tout ce qu'on supposait leur
appartenir fut le mot d'ordre donné à ces nouveaux soldats, et
il n'y eut point de crimes qui ne fussent vantés comme œuvres
méritoires pour atteindre ce but. Un pays coupé, montagneux,
favorisait singulièrement ces guerres de partis. Le théÀtre était
le même que du temps des Romains ; les Espagnols n'avaient
point dégénéré peut-être de leurs ancêtres; mais La Romana
était bien loin d'égaler Sertorlus. Ce général n'eut Jamais soas
ses ordres qu'une petite armée, qui, à la vérité, lui était très-
dévouée. Constamment soutenu par lord Wellington , il M
presque toujours contrarié et blâmé par la junte dans ses opé-
rations. Le chagrin de voir les affaires de son parti alors fort
mal conduites , et les nombreux dégoûts que lui suscitaient à
dessein beaucoup de ses compatriotes , contribuèrent , à ce que
Ton croit, à abréger ses jours. Sa mort fût , sans contredit, une
grande perte pour la cause qu'il défendait; il fut cependant, en
général, moins regretté des Espagnols , qui suspectaient la pu-
reté de ses motifs, que des Anglais, qui le considéraient comme
le seul de tous les généraux de la Péninsule auquel ils pussent
accorder une confiance exclusive. Quelques jours avant sa mort,
La Romana se disposait à marcher contre le maréchal Mortier,
avec l'armée espagnole qu'il avait sous ses ordres. Les géné-
raux Mendîzabal et La Carrera se partagèrent le commandement
GUIBBK D*ESPA01lfi. 575
des troupes do déAmt, et se dirigèrent vers Badajoz poor se^ ^^fi^
conrir cette place espagnole alors fortement menacée par le
5*>sorps.
Cependant les troupes du général Hill, campées sur les bords
du Tage, voyaient chaque Jour les progrès des travaux des
Français dans leurs lignes. Il leur était facile, d'une rive à
Tautre, de compter le nombre des pontons achcYés, et de cal-
culer approximativement Fépoque à laqueîle on tenterait le
passage. Cet instant approchait lorsque les Anglais essayèrent
d*inccndier les bateaux avec des fusées à la Congrëve. Les
pontons ayant été éloignés à temps, cette tentative demeura
sans effet.
Situation fâcheuse de Patmée française. — La situation de Janv.*Févr.
Tarmée française, loin de s'améliorer , devenait de plus en plus
difficile. La rareté des vivres augmentait chaque jour. La cava-
lerie et le 6' corps trouvaient encore quelques faibles ressources
surlesderrières de leurs cantonnements, duo6té de Leiria, Santa-
Cruz, Oarem etThomar; mais l'autre partie de Tarmée, placée
plus près du Tage, avait déjà tout épuisé à une grande dis-
tance autour d'elle. Les environs d* Alcobaça et de Porto-de-Moz
avaient fait vivre pendant quelque temps le 3® et le 8« corps;
bientôt ces contrées forent également épuisées ; il fallut alors
fourrager plus loin. Les détachements s'avancèrent d'abord jus-
qu'à la Liz 9 parcourant tout le pays situé entre cette rivière et
la mer, Jusqu'à la hauteur de Leiria; ils poussèrent ensuite Jus-
qu'à la Soure, et bientôt après ils passèrent cette rivière et s'a-
venturèrent jusqu'àallerenleverduvraetdes bestiaux sous le ca-
non de Tennemi, qui bordait la rive droite duMondégo. De petits
dépôts intermédiaires furent établis sur les bords de la Liz, de
hi Soure et du Mondégo, où l'on réunissait tout ce que les ma-
raudeurs pouvaient recueillir dans des contrées plus éloignées.
Chaque corps avaitsoin d'yentretenirun petitnombred'hommes,
sous les ordres d'un officier actif et intelligent : cet officier était
le fournisseur en chef des vivres du régiment. Chaque partie de
t sa petite troupe avait des fonctions différentes : les uns étaient
constamment occupés à fouiller les vallées , les montagnes , les
endroits les plus escarpés, les Iles au milieu des rivières, poor y
découvrir tout ce que les habitants y avaient eaché, et ils le rap-
676 LIYfiB SEPTIAmB.
iitif . portaient au dépôt. Là, d'futres étaient chargés de parquer les
Portugal, troupeaux, de ipoudre le grain , de faire du pain ou du i)iscuit
et de distiller de Teau-de-vie % parce que le \in était très-dif-
ficile à transporter. Quelques-uns étaient ciiargés des voyages da
dépôt au régiment et du régimait au dépôt, pour y conduire
ces différents. approYisionnements. Les chemins étaient conti-
nuellement couverts de ces nombreux convois faiblement es-
cortés. Il eût étéfacileàrennemide les intercepter en débouchant
de Péniche ou de tout autre point de la côte jusqu'à flgudra;
mais, dans cette partie comme devant Lisbonne, il 8*était posé,
pour ainsi dire» des limites qu'il n'osait point franchir.
Les intentions de l'empereur étaient que le marédial Masséna
tint ferme devant les Anglais, en attendant les renforts qui loi
étaient promis» s'il ne trouvait pas Toccasion de les attaquer avec
avantage» dût -il passer l'hiver dans ses positions. Restait à sa-
voir si ces intentions pouvaient être remplies. Les premières dé-
monstrations du général Montbrun sur Âbrantès n'ayant pro-
duit aucun résultat, Wellington avait eu le temps de renforcer
la garnison de cette place» et Masséna s'était assuré, dès le com-
mencement de décembre, qu'on ne pouvait s'en rendre maître
qu'au moyoi d'un siège en règle. D'ailleurs l'occupation d'A-
brantès n'offrait aucun avantage réel» et l'ennemi n'aurait pas
manqué debrûler ou de détruire son pont de bateaux; cette place
devait tomber nécessairement après le passage du Tage, et Toli
aurait tûré de l'Alentéjo de quoi l'attaquer.
Quelque désir qu'eût Masséna de prolonger son séjour dans
ses positions jusqu'à la fin de février, comme le voulait l'empe-
reur, il n'entrevoyait pas la possibilité défaire vivre l'armée jus-
qu'à cette époque. Les ducs d'Elchingenet d' Abrantès pensaient
que cela serait possible ; Reynier ne le croyait pas, et il avait rai-
son. Les chevaux dépérissaient chaque jour faute de paille et de
iburrage, et les hommes ne souffraient pas moins de la disette
* des vivres qu'il fallait journellement aller chercher à de grandes
distances des positions occupées par l'armée.
Sur ces entrefaites, l'armée anglo-portugaise reçutde nouveaux
■ On connaît Tactive industrie da soldat français. Il n^est point de régi-
ment où il ne se trouve des artisans de tonte espèce de profession.
GUVBBE D ESPAGr«E« ii77
renforts. Une expédition projetée par FAngleterre en Cala- ijtii.
bre ayant été ajournée, une grande partie des troupes anglaises ■*^*'**5*'*
destinées à défendre la Sicile fut transportée en Portugal. Wel-
lington, craignant d'être attaqné sur la rive gauche du Tage,
avait profité de l'arrivée de ce renfort pour augmenter considé-
rablement le nombre de ses troupes sur cette rive, et en avait
confié le commandement général au maréchal Beresford, qu'il
avait encore renforcé dans les journées des 15 et 16 janvier.
C'est alors que le prince dTssling, ayant appris que Tarmée
ennemie préparait de grands mouvements, ordonna au général
Beynier et au duc d'Abrantès de pousser de fortes reconnais-
sances en avant de leurs lignes^ pour s'assurer si lord Welling-
ton avait en effet porté des masses sur sa gauche, par où 11 lui
était plus facile de déboucher. Le duc d'Abrantès devait se di-
riger en force sur la ville de Rio-Mayor, en chasser l'ennemi,
éclairer la partie d'Alcoentre, pour le forcer à se dégarnir sur
la rive gauche.
Le 19 janvier, ce général se mit à la tète de 2,500 hommes
d'infanterie et de 400 chevaux, et partit d'Alcanhède, à cinq
heures du matin, pour marcher directement sur Rio-Mayor. L'en-
nemi tenait habituellement dans cette ville plusieurs bataillons
et quelques cents chevaux; il y était couvert par la rivière du
même nom et par de bons retranchements au delà du pont, qui
était en outre fortement barricadé; ses grand'gardes étaient à
moitié chemin d' Alcanhède, en face de celles des Français : elles
firent volte-face à rapproche de leurs adversaires et coururent
au galop donner Valarme à toute la ligne. Les Français, en les
suivant devant la ville, y trouvèrent par conséquent tout dis-
posée faire bonne contenance. Le duc d'Abrantès donna aussi-
tôt Tordre d'emporter les retranchements et le pont; quelques
compagnies de voltigeurs y marchèrent avec tant d'impétuosité
que cette opération fut l'affaire d'un moment : en moins d'une
demi-heure les Français demeurèrent entièrement maîtres de
Rio-Mayor, et l'ennemi fut repoussé en désordre à une petitis
distance au delà. Le duc d'Abrantès, impatient de voir par lui-
même quelle direction prenaient les colonnes anglaises, counit
au galop sur une cminence, au delà des tirailleurs les plus avan-
cés , et y fut giièvement blessé d'une bal le qui l'atteignit au bas
678 LIVBB SEPTIÈME.
isii. da front. Malgré cette blessure grave, le doc conserva le plus
Portugal, gj-aud sang-froid ; tandis qu'on lui plaçait le premier appareil
sur le terrain même, il ordonna de poursuivre vivement rennemi
du côté d'Alcoentre, pour s'assurer sMI y avait porté quelques
masses. Les avis donnés à cet égard ayant été reconnus faux,
toutes les troupes rentrèrent dès le soir même dans leurs pre-
mières positions.
Le funeste système que lord Wellington avait fait adopter
par la junte de Lisbonne avait eu les conséquences tes plus ter-
ribles pour Tarmée française. A son approche tous les habitants
B*étaient enfuis , comme nous Tavons déjà dit , après avoir dé-
truit, livré aux flammes ou enfoui dans la terre tout ce quils
supposaient pouvoir devenir de quelque utilité aux envahis-
seurs. Ce plan, fidèlement exécuté, entraînait, il est vrai, avec lui
la ruine et la dévastation des provinces où les Français avaient
en d'abord l'intention de s'établir; mais d'un autre côté il les
mettait dans la nécessité d'évacuer le pays, faute de vivres et
de ressources. Depuis l'affaire de Busaco l'armée n'avait vécu
que de ses maraudes. La peine de mort avait été décrétée par
la Junte contre tout Portugais qui n'abandonnerait pas sa de-
meure à l'approche des Français ; la crainte avait donc arraché
à ces infortunés les derniers sacrifices qu'ils eussent encore à
faire, non pas véritablement au salut de leur patrie, mais aux
intérêts de la politique anglaise. Femmes, enfants, vieillards,
chassés plutôt par Fidée du châtiment dont ils étaient menacés
que par l'arrivée des Français, Aiyaient dans les endroits les plus
déserts, emportant avec eux leurs effets, leurs provisions de toute
espèce, emmenant leurs bestiaux et ayant soin d'anéantir tout
ce qu'ils ne pouvaient enlever. Les creux des rochers, le som-
met des montagnes les ^lus élevées, les lieux les plus sauvages
devenaient leurs retraites les plus ordinaires; mais bientôt ces
fugitifs eux-mêmes ne furent plus à l'abri des recherches opi-
niâtres des soldats isolés, et ceuxquelesdétachements marchant
en ordre aux vivres n'avaient pu découvrir d'abord n'échap-
paient point aux incursions des maraudeurs. Les eiTorts de ces
derniers pour se procurer quelque nourriture n'étaient point
sans succès j de temps à autre ils trouvaient encore quelques
troupeaux cachés dans des lieux presque inaccessibles, soit au
GURBBE d'kSPAGNE. 579
sein des forêts les plus toafifùeset les plus sombres, soit dans les fm.
anfractQOSités des rochers, au fond des précipices les plus af- '*<^**^'-
freux, où nul homme peut-être* n'avait osé pénétrer avant cette
guerre; mais ces réduits, qui auraient pu soustraire ceux qui
les habitaient À la cupidité de soldats avides de butin, ne pou*
vaient les défendre contre la fureur du soldat affamé, aigri par
les privations et par la résistance qu'on lui opposait; exigeant
encore après avoir tout obtenu, il convertissait quelquefois ces
tristes refuges en de vastes tombeaux . Dans la crise fatale où l'ar-
mée se trouvait réduite, le besoin le plus impérieux, la faim , se
faisait continuellement ressentir; le soldat accusait Thabitant de
ses fatigues et de tous ses malheurs. Lorsque, dans ses courses
lointaines , il vit ses malades égorgés , ses camarades torturés et
mutilés ; lorsque les troupes portugaises, nageant dans Tabon**
dance, eurent donné Texemple de la cruauté la plus inouïe;
lorsque leurs généraux eurent légitimé de terribles représailles
en faisant trophées de meurtres et d'assassinats y alors le soldat
français sortit de son caractère : il brisa tous les liens de la
discipline, il abjura tout sentiment d'humanité; les crimes des
Silveîra , des Trant , furent vengés par d'autres crimes; le Por-
tugal devint un théâtre affreux de meurtre et de carnage. Mais
si quelques soldats Isolés et livrés à eux-mêmes se portaient
souvent à de cruelles extrémités, ce n'était pas assex pour en
acxsuser toute l'armée, comme Font fait quelques écrivains
français.
Le prince d'EssIIng avait annoncé au major général qu'il
passerait le Tage à la fin de janvier avec les 2^ et 8^ corps,
et qu'il laisserait le 6° et le o*' sur la rive droite pour garder les
communications , et qu'immédiatement après son arrivée dans
rAlentéJo il se mettrait en rapports avec le 6^ corps; mais que,
si le passage échouait , il se verrait forcé, par le manque absolu
de vivres, d'abandonner les bords du Tage, et de se porter
entre le Mondégo et le DuérO; ce qui serait un grand malheur,
car le pays, peu fertile ^t déjà ruiné. Tannée précédente, par
les Anglais, ne pourrait longtemps nourrir l'armée.
Cependant le prince d'EssIing ne pouvait établir un pont sur
le Tage et une tête de pont dans l'Alentéjo que si un corps fran-
çais apparaissait sur la rive gauche , à quatre ou cinq lieues au-
37.
^80 LTVRB SI^PTIBMB.
^mi. ûessom (T Abrantès. Le 4 décembre le major général avait or«
Fertuffii. ^Quné au duc de Datmatie de porter on corps de 1 0,000 hommes
sur Montalvao ou sur les hauteurs de Villa-Velha, pour communi-
quer avec l'armée de Portugal et concourir à forcer les Anglais
à se rembarquer. Suivant Tordre du prince de Wagram, toute
autre considération devait disparaître devant le mouvement
qu'il prescrivait au duc de Dalmatie. Mais, bien que cet ordre eût
été réitéré trois fois de suite , le maréchal Soult persista à faire^
avant tout , le siège de Badajoz. Il représenta l'impossibilité
d'envoyer sur le Tage un corps de 10,000 hommes qui laisse-
rait sur ses derrières et sur sa gauche les places de Bad]i\joz ,
Jurumenha, El vas, Caropo-Mayoret Albuquerque, renfermant
ensemble 22,500 hommes de garnison qui agiraient contre lui
pendant que le général Hill , établi sous Abrantès , l'attaquerait
de fronU En même temps le maréchal Soult annonçait qu'il
avait pris Olivença le 22 janvier, et quM allait investir Badajoz,
ensuite Gampo-Mayor, et qu'après la prise de ces deux place»
il se trouverait en mesure de faire en Portugal des incursions
«tiles à Tarméede Masséna.
Cependant cette armée était ravagée par les maladies, et la
disette de vivres et de fourrages était arrivée à un tel point
qu'il devenait indispensable de foire un mouvement queloou-
* que pour se rapprocher d'une contrée moins épuisée. Tout ce
que Masséna avait pu faire en foveur des malades et des blessés
se bornait à la formation d'une réserve de biscuit et de viande
pour*âix jours. Privé de nouvelles de l'armée du Midi, qui devait
lui faciliter le passage du Tage, et n'en recevant pas du général
Foy , parti depuis trois mois pour instruire l'empereur delà situa-
tion de l'armée , Masséna avait déjà adressé à ses lieutenanU
un ordre éventuel de retraite, lorsque Foy arriva le 5 février
avec àts dépèches du major général. Une entre autres réitérait
au prince d'EssIing Tordre de tenir constamment les Anglais
en échec , et d'avoir des ponts sur le Zézère et sur le Tage , parce
que la ligne la plus naturelle de ses opérations paraissait devoir
être par la rive gauche de ce fleuve. Cette dépèche lui annonçait,
en outre, qu'un nouvel ordre avait été adressé au duc de Trévise,
lui prescrivant de se porter immédiatement sur le Tage avec le
^» corps. 1 1 n'était plus permis dès lors de songer à la retraite , et
GURBBB 0B8PÀ6NS. 581
il fallut se i*ésouâre à tenter de nouveaux efforts pour répondre ini.
aux intentions de l'empereur. Fortuatk
Dès le 1^'^ octobre les ateliers de construction dirigés par
le général Éblé avaient été transférés de SantareYn à Punhète.
Les premiers bateaux étaient destinés à établir deux ponts sur
le Zézère à Punhète et MartincheK On ne pouvait pas entre-*
prendre le passaged'un fleuve comme le Tageeaprésence de Ten-
neml , ni songer à un établissement permanent sans être en
état de former un double pont. Mais le pays n'offrant aucune
ressource, toat avait été fort long à confectionner : ce ne fut
que vers la mi-janvier que l'on eut quatre-vingts bateaux né-
cessaires pour les ponts du Tage , indépendamment de ceux du
Zézère ; il fallut travailler ensuite à la construction des bacs, des.
nacelles et des baquets pour un premier pont de quarante ba*
teaux. A la fin du mois il existait assez de bateaux pour tenter ^
le passage; mais Tennemi, effrayé de ces préparatifs, avait en-
tassé retranchements sur retranchements vis-à-vis de Punhète
et de l'embouchure du Zézère, et y avait renforcé et concentré
ses troupes. Il était également dangereux de tenter le passage
«Santarem en y faisant descendre les barques, parce qu'outre le<
risque d'être coulées par les batteries de la rive gauche eDes au*
raient couru celui d'échouer sur les bas-fonds dont le lit du
fleuve est parsemé à cette hauteur. Enfin, quel que fût le point
choisi sur la rive droite pour entreprendre cette opération, on
avait à craindre un échec qui eût compromis le sort de l'armée.
Bans un tel état de choses, Masséna crut devoir suspendre
une entreprise si difficile et même inutile , puisque la coopération
annoncée du 5^ corps annulait nécessairement toute résistance
et assurait les moyens de passer sans aucun danger. Ees lettres
du major Casablanca, expédié au major général avant l'entrée
de Tarmée en Portugal , et les dépêches du général Foy lui fai-
saient espérer que cette diversion tant désirée ne se ferait pas
attendre. Tout dépendait donc de l'arrivée du 5*^ corps. La
promesse du prince de Wagram et Tordre de tenir sur le Tage
et de gagner le plus de temps possible étaient formels; il fallut
se résigner à attendre et à prolonger les souffrances de cette
brave amiée. Cependant le prince d'EssIing ne se méprit pas
longtemps suria prochaine arrivée du duc de Trévise ; il corn-
ÔS2 LIVBE 8EPT1BUB.
isi r. W^^ bientôt que celui-ci ne viendrait pas , et que l'armée de Por*
Purtusaf. tugal, loin d'être aidée par celle d'Andalousie, servirait au
contraire à protéger les opérations de cette dernière; et, en efiet ,
pendant qu'on l'attendait sur les bords du Tage, elle faisait
tranquillement les sièges d*01ivença et de Badiyoz. Oaenteu*
dait au loin, vers le sud, le bruit sourd de sou artillerie, qui
entretint pendant quelque temps les espérances.
En attendant les Anglais s'étaient renforcés de tous cètés et
commençaient à se mouvoir. Le pays en deçà du IMondégo était
épuisé ; les derniers approvisionnements étaient consommés, à
l'exception d'une réserve de biscuit pour quinie jours , seule
ressource de l'armée en cas de retraite. Il ne restait dans les trois
corps d*armée que 28,000 fantassins en état de combattre. Le
canon deBadajozse faisait toujours entendre; des reconnais-
sances envoyées sur Villaflor et quelques avis assez certains
annonçaient qu'aucune troupe française ne marchait vers le
Tage; enfin , le passage de ce fleuve devenant de jour en jour
plus difficile, le prince d'EssIingdut songera se rapprocher de
ses magasins et de ses réserves qui n'arrivaient pas. Il fallut
renvoyer à un autre temps l'attaque de Lisbonne et l'établisse-
ment d'une armée français^ en Portugal, Mais , avant de pren*-
dre un parti , il voulut connaître Topiolon de ses principaux
généraux , et les réunit le 18 février à Golgao , chez le général
Loison , qui avait fait préparer un déjeuner ; ce fut ainsi que
Masséna , Ney, Junot, Reynier, Éblé, Lazovski , Fririon , Foy,
Sollgnac et Loison furent assis à la même table sans que cette
réunion eût le caractère d'un conseil de guerre» Après le déjeu-
ner, le prince d'Ëssling exposa brièvement la situation de
l'armée, fit connaître l'ordre de l'empereur qui prescrivait de
tenir le plus longtemps possible les Anglais en échec; il parla
des positions qu'ils occupaient, énuméra leurs forces, leurs
ressources, et demanda quel était le meilleur parti à prendre
dans les circonstances difficiles où Ion se trouvait. Il invita
d'abord le général Foy à i^ire part à l'assemblée du résultat de
sa mission à Paris et de ses eonférmicea avec l'empereur. Le
général répéta ce que renfermait la dépêche déjà mentionnée ci-
dessus , et ce qu'il avait entendu dire par l'empereur de Tim'-
portance qu'il y avait à obliger les Anglais à se retirer de U&«
OUBBBB D*ESPAGNB. Ô83
bonne (mi par ia famine ou par la force, et par conséquent de 1911.
la nécessité de passer le Tagc pour nourrir l'armée dans l' Alen- '^**'''^'
téjo et se mettre en communication avec le ô^ corps, de se main-
t^r sur ce fleuve au moyen d*un établissement solide qui per-
mette de manœuvrer sur les deux rives , de tenir constamment
Tennemi en alerte , etc., etc., touteschoses fort bonnes en elles-
mêmes, parfaitementsenties et comprises par Mas8éna,qui^ pour
les exécuter, aviat moins besoin de pareilles instructions que de
vivres, de munitions de guerre et d*un renfort de 20 à 30,000
hommes, comme on le lui avait promis, et sur lequel il ne
comptait plus.
Les auditeurs du général Foy, remplis du désir de se con-
former aux intentions de l'empereur, se prononcèrent unanime-
ment pour une prolongation de séjour sur le Tage.
Masséna demanda ensuite s*il convenait de quitter les bords
du Tage pour s'établir sur le Mondégo, où Ton trouverait encore
quelques ressources; s*ll valait mieux forcer le passage, et sur
quel point, ou s'il était préférable d'attendre l'arrivée du 5^
corps, jusqu'à ce qu'on fût rédait à la dernière extrémité et
alors forcé d'adopter l'un ou l'autre des deux premiers partis.
La retraite sur le Mondégo fut presque unanimement repous-
sée comme étant contraire aux volontés de l'empereur; le pas-
sage du Tage présentant trop de difficultés, soit que l'on voulût
le tenter à Punhète , à Montalvao , à Abrantès ou à Santarem ,
on finit par se rendre à l'avis du général Foy, qui consistait à
attendre l'arrivée du 5® corps; et Masséna, bien convaincu que
le due de Tlrévise ne viendrait pas , que dans quelques Jours on
serait forcé de prendre le parti de la retraite, congédia l'assem-
blée sans lui communiquer sa pensée , et fit ses préparatifls
pour mettre Tarmée en état d'attaquer ou de se retirer sur le
Mondégo \ Il avait bien vu, pendant la conférence, que
ebftcun inclinait à ajourner le passage du Tage jusqu'à l'arrivée
du 5* corps. Le général Foy, qui avait écrit, de Giudad-Ro-
drlgo, les lettres les plus pressantes au maréchal Soult pour
lui foire connaître les vues de l'empereur, dont la volonté for-
^ Yoir les Ménuoires de Masséna^ parle général Kocli, t. VIT, page 313
al saivantes , où la conférence de Golgaa est rapportée avec détaila.
SS4 IIVRB SEPTlèul,
iirti. meileétait que Tamiée d'Andak>usie marchât iiumedîateaieDtsur
Portugal ]^ j^gg^ promettait que, selon toutes les probaliUités, le S* corps
paraîtrait sur la rive gauche sous huit à dix jours.
• Masséua et Reynier ne partageaient pas cette opinion, Reynier
surtout, qui mourait de faim à Santarero, et qui affirmait ne
pouvoir pas vivre plus de cinq à six Jours sans manger saréaerve
de biscuit. En effet, malgré les plus grands efforts laits depuis
un mois pour s'alimenter, le 2® corps éprouvait la pk» affineose
disette. Indépendamment deô différents détadiements qui
avaient marché dans plusieurs directions et simaltanément^ avec
toutes les bétes de somme que Ton avait pu rassembler^ et qui s'é-
taient portés , les uns sur Gastello^Branco , d*aulies vers les con-
trées qu'aprosent la Geira et i'Âlva , quelques soldats du corps de
Reynier s'étaient aventurés sur de faibles radeaux , malgré le
icu de rartillene et de la mousqoeterie , pour aUer enlever des
provisions de toute espèce que Tennemi croyait eu sûreté dans
plusieurs (les près de Figuiera, et dont ils firent même les gar*^
nisons prisonnières. Toutes ces expéditions n'avaient ramoié
que quelques troupeaux de moutons, de chèvres, fort peu de
bœufs, et quelques sacs de maïs; ces faibles ressources, bien
insufflsmites pour les besoins de l'armée, n'avaient daré que peu
de jours , quelque sévère économie que Von apportât , d'ailleurs,
dans la distribution que Ton en faisait aux soldats.
Le Tage forme, près du confluent de l'Âlviéla , une grande
Ile qui est dominée par les hauteurs de Boavista sur la rivs
droite, et qui n'est séparée de la rive gauche que par un petit
braa guéable et même à sec dans les eaux basses, et par consé-
quent aisé à franchir^ En occupant fortement cette ik pendant
la nuit , on aurait pu y attacher le pont. Cette opération pré^
sentait plus de sûreté que rétablissement du pont spr .un des
points situés au-dessus ou au-dessous de Santaj^em, et offrait
les mêmes avantages que l'ile deLobau dans le Danube^ En des- .
çendant les barques par le Tage ou sur des haquets^ on; pouvait,
sans rencontrer d'opposition, jeter des troupes dans rUe et roc-
cuper entièrement ; mais, d^ns la conférence de Qelgao, te gé-
néral Ëblé s'était prononcé contre la possibilité de transporter
les bateaux par terre depuis .Punhète jusqu'à remboiicliure
de r^lviéla , à cause du mauvais état des chemins et de i'épui^
GUBBBK D'BSPAGNB. 585
sèment des chevaux de Tartillerie. Les descendre par eau sur ign.
le Tage avait paru encore plus difficile; car, outre les dangers '*»«'*^«**
de la navigation causés par les bas-fonds, on était trop à
portée des batteries de la rive gauche qui auraient pu détruire
l'équipage de pont créé avec tant de peine et tant d'industrie.
On avait, donc renoncé à tenter ce dernier et unique moyen
de passage; mais Reynier, se doutant que Tlle dont il s'agit ren-
fermait des ressources en vivres, avait obtenu de Masséna^ après
de «vives instanees, six bateaux de l'équipage de pont, et le
19, à neuf heures et demie du soir, le capitaine Parmentier,
qui en avait pris le commandement, suivit avec sa petite flot-
tille la rive droite du Zézëre et entra dans le Tage , où , aperçu
par les postes portugais, il fut accompagné jusqu'à l'embou-
chure de TAlmonda par un feu de mousqueterie soutenu , mais
de peu d'effet, et à cinq heures et demie du matin la flottille entra
dans l'Alviéla. Là le capitaine Parmentier, prenant 30 soldats
du 47* de ligne sur chacun de ses bateaux, débarqua le 21, en
moins de dix minutes, dans Tile, où l'on trouva des grains et du
bétail. On chargea rapidement les bateaux, qui firent trois voya-
p;ed ; mais» les postes ennemisayant donné-l'éveil, des troupes ac-
coururent pendant rembarquement, qui s'opéra presqueendésor-
dre, et, peu de tempsaprès, plus de 4,000 hommes et 500 chevaux
s'établirent en face de l'Ile et y jetèrent un fort détachement.
L'expédition du capitaine Parmentier venait de prouver la
possibilité de conduire des bateaux de Punhète dans l'Alviéla,
malgré Topinion contraire du général Éblé, malheureusement
partagée par Masséna. L'ennemi étant prévenu , il ne resta
plus que la triste convicliou d'avoir perdu cette chance de pas-
sage donton n'avait pas su profiter. Si, au lieu de se brouiller
avec l'empereur de Russie, qui ne voulait pas la guerre,
Napoléon, instruit par le général Foy de l'état des affaires en
Portugal, eut marché en personne au secours de Masséna à la
tète d'une armée de 80,000 hommes, il eût bien su trouver le
moyen.de franchir le Tage comme il avait su franchir le Danube
en présence de 200,000 Autrichiens ; il terminait promptement ,
devant Torrès-Védras, la lutte avec l'Angleterre, donnait la paix
à l'Europe, et la funeste campagne de 1812 n'eût pas eu lieu.
Au moyen de sa trouvaille, Keynier put vivre encore quel-
âSG LIVHB SEPTlàMB.
iSH. QU^ temps ; mais, dans les derniers jours de février, les marau-
Poriugai. ^gm.5 jie rapportant plus rien , bien que les deux tiers de l'ar-
mée s'occupassent encore à rôder et à fouiller inutilement
les campagnes» on allait être réduit à entamer la prédetise
réserve de Iriscait. Du reste, rennemi devenait chaque Jour
plus entreprenant; il avait doublé ses avant-^postes; de firé-
quentBs escarmouches avaient lieu avec la cavalerie. Gomme
il menaçait particulièrement la droite de la ligne française,
la plus grande partie de la division du général Clausel, fort
affaiblie par un grand nombre de malades, se concentra près
d'Alcanhède, afin de s'opposer aux tentatives que Tennemi
annonçait de ce c6té. Ces diverses démonstrations venaient à
l'appui des rapports qui annonçaient que lord Wellington se
disposait sérieusement à reprendre TofTensive. S'il eût mis ce
dessein à exécution , la perte de Tarmée française paraissait
inévitable : disséminée sur une grande étendue de terrain ,
elle ne pouvait plus vivre du moment où Tennemi la forcerait
à se concentrer sur un seul point ; attaquée de front , comment
eùt-elle pu manœuvrer dans un pays difficile, avec une artille-
rie et des équipages mal attelés, et cette immense quantité de
malades qu'elle traînait à sa suite? Elle tombait véritablement
d'inanition. Depuis plus d'uo mois ni officiers ni soldats nV
valent mangé de pain ; de grandes chaleurs pendant le Jour, des
froids très-viii» pendant la nuit, des pluies continuelles, l'humidité
des bivouacs , la continuité des marches et des fatigues avaient
énervé le soldat. Cette armée si belle, six mois auparavant,
en entrant en campagne , ne paraissait plus la même. Les 00m-
mnnications avec l'Espagne étaient coupées; Silvéïra, avec ses
Portugais échappés au général Claparède, se trouvait sur toutes
les routes. Les détadkements isolés étaient attaqués, quelque-
fois battus; l'ennemi prenait de la force et delà eonsistanee
tandis que Tarmée française périssait de fkim et de misère ; en
un mot, elle était arrivée au plus haut point de détresse , lors-
que le prince d'Ëssling, sentant qu'il n'y avait plus moyen de
rester, résolut de commencer son mouvement de retraite sur
le Mondégo, qu'il n'avait retardé que pour remplir les intentions
de l'empereur, qui voulait que l'armée de Portugal restât sur
le Tage jusqu'à la dernière extrémité.
GUEBRB d'eSPAGMB. 687
Vannée française bat en retraite. — Suivant le plau de . ign
retraite arrêté par MasséDa, 1 armée devait pivoter de Leiria ^jÎ^iJ^îÏ'
vers Pombal et E^pinhai , et se porter sur Coïmbre. Cette mar-
che, des bords de l'Alraonda sur Coïmbre, obligeait à opérer
d*abord un diangement de front perpendiculaire, Taile gauche
en arrière , devant une armée très-supérieure, qui occupait en
force les envh-ons du pivot ainsi que les débouchés de la ligne
principale de retraite sur la route de Leiria , et qui avait , à
l'autre extrémité, un pont tout prêt à Âhrantès pour marcher
dans la direction d'Ourem et de Thomar. Si Wellington préve-
nait Tarmée sur Leiria , il fallait livrer une bataille fort douteuse
ou renoncer à Coïmbre et se voir rejeté sur la mauvaise route
d'Ëspinhal. 11 importait donc de le tenir dans une incertitude
complète sur le mouvement qui allait être exécuté soit sur
le Moodégo et Coïmbre, soit sur Punhète, pour y passer le
Tage» soit enlin derrière le Zézère, et plus tard sur Castello-
Branco.
Le l^*" mars le 2^ corps reçut Tordre de commencer son mou-
vement dans la nuit du ô au 6, par Golgao, Thomar et Espin-
hal, et le 8^ par Torrès-Novas, Chao-de-Maçans et Pombal.
ht 6* corps, sur lequel Tarmée allait pivoter, et auquel furent
réunis le 0^ corps et la cavalerie de Montbrun, reçut i^ordre
d*ètre rendu le d à Leiria. La division Loison devait rester
]usqtt*au 7 à Punhète pour entretenir l'ennemi dans la pensée
que l'armée se disposait à passer le Tage.
Le 4 au soir y les malades et les blessés , le parc d'artillerie et
les gros bagages fui'ent évacués sur Thomar. Le5 , à l'entrée de
la nuit , toute l 'armée commença son mouvement. Reynier se
dirigea sur Golgao , après avoir détruit le pont de l'Alviéia et
ftdt barricader celui de TÂlmonda; et le 6 ses deux divi-
sions s'établirent à Golgao. Le même Jour le duc d*Abrantès
arriva à Torrès^Novas , le comte d'Erlon à Moliano , et Ney se
porta sur Ourem et Leiria.
Avant de commencer son mouvement , Masséna chargea le
général Foy de porter de nouvelles dépèches au major général,
qu'il instruisait de sa retraite sur le Mondégo. Foy partit le
T au matin, et, moins heureux que la première fois, il
^illit être pris, le 20, par un parti espagnol, près de Pan-
588 LIVBE SEPTIÈME.
iftH. corvo. Le jour de son départ, Reynier était à Thomar , le doe
Portugal. d»A.brantès à Ourem et le maréchal Ney à Leiria, Loison , qui
était resté à Punhète, livra aux flammes , dans la nuit, Téqui-
pagede pont, fruit de l'admirable industrie du générai Éblé,
auquel il &isait tant d*honneur. De là Loison marcha à Thomar
pendant que Drouet retournait à Leiria.
Dans la matinée du 6, Wellington » qui, depuis le 4 , avait
aperçu le mouvement des Français, était encore dans Tin-
certitude sur le véritable objet de leurs opératicMis; mais à
midi il fit occuper Santarem et passer le Tage à une partie des
troupes du maréchal Beresford, pour s'opposer à l'établissement
d'un pont que lui faisaient craindre des préparatifs faits osten-
siblement à PunhètCy où toutes les démonstrations de passage
avaient été simulées. Ayant appris le 7 au soir que l'équipage
de pont venait d'être brûlé , il s'avança jusqu'à Thomar avec
trois divisions d'in&nterie et deux brigades de cavalerie,
tandis qu'il faisait suivre les 8* et 2® corps par sa division
légère.
Le maréchal Ney, chargé de faire Tarrière-garde, avait
sous ses ordres quatre divisions : celles du général Marchand, i
la droite de Caval-os-Ovos , du général Mermet, à gauche, de
Drouet, à Yenda-da-Boica, de Loison, à Arneiro, et la cavalerie de
Montbrun fermant la marche et placée en seconde ligneàhan*
teur d'Aranha ; plus vingt-huit bouches à feu. Il était juste qae
le 6^ corps, qui avait le moins souffert dans ses cantonnements,
remplit cette mission; d'ailleurs le maréchal Ney était l'homme
qui devait en être chargé pour le salut de l'armée. Le géoéral
Marcognety qui était à Pombal avec une brigade de la 1"
division du 6^ corps, occupait le poste avancé de Redinha.
Le 2^ corps avait quitté Thomar le 8 à quatre heures du roatia
et devait être rendu le lendemain à Cabaços. Le 8'' corps avait
suivi la route de Pombal et s'était établi à Santa-Maria. Le
9 Reynier se porta à Venda-Nova dos Figueiras ; Junot gagna
Yenda-da-Cruz, et Loison, qui n'avait pas encore rejoint, s'é-
tablit a Aociao, liant Ney avec Reynier, qui cherchait à débou-
cher dans la vallée du Mondégo par ËspinhaL
Wellington, craignant que le projet du prince d'Essling ne fôt
de s'arrêter aussi longtemps à Coimbre qu'à Santarem , résolul
de l'en empêcher % dût-il même livrer une bataille. Eneffet, si fitii.
Masséna s'établissait solidement sur la rive droite du Mondégo, ^^^s»^-
d'où il pouvait tirer des secours d'Kspagne et trouver à vivre
abondamment dans les plaines fertiles situées entre ce fleuve
et le Duéro , l'armée anglaise courait le danger de rester long-
temps enfermée dans le pays dévasté de la rive gauche et d'y
mourir de faim ou d'évacuer Lisbonne , ce que demandait le
ministère anglais , fatigué de pourvoir aux dépenses énormes
qu'exigeait l'entretien de son armée de Portugal. Wellington
se borna donc à faire suivi*e le 2* corps, qui se dirigeait de
Thomar sur Espinhal , par un corps de cavalerie et quelque
infanterie. Une plus forte colonne se montra à la suite du 8^,
qui continuait à marcher sur Pombal par Ghao-de-Maçans
et Obranco; mais les plus fortes masses ennemies se ras-
semblèrent à Alcoentre et se portèrent sur Leiria, espérant
déborder les Français et être sur le IVfondégo avant eux.
En arrivant le 9 à Pombal ^ Masséna donna l'ordre à Mont-
brun de se porter sur le Mondégo avec les 1 5* et 25'^ régiments de
dragons pour faciliter le passagede ce fleuve au 8* corps, qui était
déjà, sur la Soure ( affluent de gauche du Mondégo , qui porte le
nom d'Arunca au-dessus de Pombal ). Pour donner le temps
à Montbrun et à Junot de rétablir le pont de Coîmbre, dont une
seulearche avait été coupée, et d'occuper la ville, qui n'était gardée
que par 200 hommes de la brigade de Trant, Masséna résolut de
séjourner le 10 à Pombal; mais il n'était plus temps de songer à
occuper Goïmbre en présence de la masse principale des forces
ennemies déjà concentrées sur la route de cette ville et en vue
de l'arrière-garde française. Envoyant Masséna s'arrêter devant
Pombal, pendant qu'il envoyait des troupes en arrière pour s'em-
parer de Goïmbre, Wellington avait rappelé à lui le corps du
maréchal Beresford » destiné à mareher au secours de Badajoz, as-
siégé parle maréchal Soult, ainsi que la division Gole et la grosse
cavalerie, qui, la veille, avaient quitté Thomar pour se porter
également en Estrémadure. G'était donc deux jours plus tôt
* C^était aussi, mais par un autre motif, la crainte du maréchal Ney, qui,
dégoûté d'une campagne qull avait faite à oontre-oceur, n'aspirait qii*à ren-
trer en K«ipagne, et avait cherché, par tous les moyens, à détourner Mas-
séna (ïo HVtabh'r à Coimbre, en en exagc^rant les difficultés.
590 UTRE âKPTiiHB.
fgii. qu*il eût fallu envoyer sur le Mondégo la eftvalerie de Monibran
Portusai. jjYç^ quelques bataillons d'in&nterie légère, pour s'assurer du
pont de Coïmbre. En effet, Tarmée s*étant mise en marche le
5 au soir, Montbmn pouvait être devant cette viHe le 8 , et au-
rait eu Jusqu'au 12 le temps de rétablir le pont , de chasser de
Coïmbre le faible détachement de Trant , et de construire un
second pont en face de Péreira, au moyen de dix chevalets,
comme le confirma plus tard le rapport du colonel Yalazé. Le
passage ainsi assuré d'avance, l'armée pouvait ft'anchir tranquil-
lement le Mondégo et s'établir sans obstacle sur la rive droite.
Le 10, le duc d'Elchingen , en position en avant de Pombal
avec les divisions Marchand et Mermet, se trouvait en face de
Tarmée anglaise, que l'arrivée successive des troupes appelées de
Thomar et de Leirla par Vellington augmentait considérable-
ment. Craignant d'être attaqué le lendemain par des forces
supérieures, il demanda à Masséna, dans la soirée, de le
renforcer de manière à pouvoir résister à Tenneml, ou de Vau-
toriser à se retirer en arrière de PombaK D'un autre côlé,
Drouet qui , dès le commencement de la retraite , avait voulu
retourner ù Almeida, disant avoir des ordres particuliers et
devoir se rendre dans son commandement territorial, Drouet,
qui déjà avait désobéi au général en chef dans plusieurs cir-
constances, annonçait au duc d'Klchingen qu^ii partirait à
minuit de Pombal pour aller à Condeixa, et que de la il conti-
nuerait sa marche sur Viseu. Cette fois, aucune prière, aucon
ordre ne purent le retenir, et à minuit il partit. Deux heures
aprèsJeducd'Elchingen commença sa retraitesur Pombal, contre
l'intention de Masséna, qui l'avait engagé à tenir dans sa position
Jusqu'au lendemain matin. Ney et beaucoup d'autres avaient
vu avec satisfaction le comte d'Erlon s'éloigner de l'armée;
c'était un motif de plus pour accélérer l'évacuation du Portugal.
Après le départ de la division Conroux , Ney restait avec les
deux divisions Marchand et Mermet , moins la brigade Mar-
cognet, qui devait se porter à Condeixa ; Loison avait reçu l'ordre
d'éclairer la droite du 6® corps en se rapprochant de Redinha,
bourg à six lieues de Coïmbre, et h hauteur duquel se trouvait le
8^ corps.
Le 11, a huit heures du matin, une forte colonne anglaise,
GUERBK DESPAONK, 501
composée de rinbnterie légère du général Erskine et de la ca- ifm.
Valérie du général de Slade. avec quatre pièces de canon» arriva ^^''^^'s^i.
en présence de rarrière*g<trde du 6° corps, formée du 6^ léger,
commandé par le colonel Fririon. Ce régiment était resté sur
la rive gauche de TArunca, petite rivière à droite de laquelle
est bftti PombaJ, où Ton arrive par un beau pont de pierres en
venant de Leiria. Le 6^ léger se mit aussitôt eu retraite par
échelons, disputant bravement le terrain, et arriva en bon ordre
jusqu^au pont. A la vue de Tennemi le maréchal Ney ordonna
d'évacuer la ville, sans vouloir écouter le colonel Fririon, qui
lui faisait observer qu'on pouvait défendre le pont et occuper le
château qui domine Pombal. Une heure après les troupes an-
glaises passèrent le pont et s'emparèrent de la ville et du châ-
teau ; mais le maréchal, changeant bientôt d'avis, ordonne de
reprendre Pombal et de l'incendier. Aussitôt le premier bataillon
du 69*^ de ligne court au château^ tandis que les 2^ el 6° légers
pénètrent dans la ville au pas de charge , culbutent les Anglais
dans la grande rue, qui devient la proie des flammes ainsi que
le reste de la ville. L'ennemi, surpris par ce vigouraux coup
de main, s'enfuit en désordre, abandonnant ses blessés, qui pé-
rirent au milieu de l'Incendie. Vers dix heures les Français
se replièrent sans être suivis ; ils avaient perdu une cinquan-
taine d'hommes dans cette échauffourée. Le maréchal Ney con-
tinua ensuite tranquillement sa retraite par la rive droite de T A-
runca, en face des Anglais qui longeaient la rive gauche, et
alla prendre position, le soir, à Yenda-da-Cruz , à l'entrée de
la vallée delà Soure.
Le 12, à quatre heures du matin, Ney quitta sa position
pour se retirer sur les hauteurs en avant de Redinha. La route
de Yenda-da-Cruz à Redinha , après avoir quitté la vallée de
TArunca, coupe Tétroit ravin de la Redinha, ruisseau qui prend
son nom dubourgbâtisursesbordseten arrière duquel règneune
chaîne de collines qui le dominent et commandent un vieux pont
en pierres étroit et construit au nord du bourg, ainsi qu'un défilé
qui seprolonge jusqu'à près d'une lieue du pont. Pendant sa mar-
che, le G^ corps fut suivi constamment par l'armée de Welling-
ton, formée sur trois colonnes : celle du général Picton, à droite ;
l'infanterie légère du général Erskine , à gauche , et l'infanterie
593 L1YBS SEPTIEME.
4911. portugaise du général Pack, au centre;, ayant derrière elle la
f oriiigaL cavalerie du général Gotton ; les autres divisions foirmaiént la
réserve. Des nuées de tirailleurs couvraient le front de ces co-
lonnes et les liaient entre elles. Le terrain fortement accidenté
que traversait le 6" corps fut bravement et habilement disputé,
depuis six heures du matin jusqu'à midi , sans que les Anglais,
qui cherchaieut à envelopper leurs adversaires , pussent obtenir
sur eux le moindre avantage, bien qu'ils fussent trois fois
plus nombreux. On ne pouvait rien voir de plus beau et de
plus imposant que le 6^ corps manœuvrant sous les ordres du
maréchal Ney, qui maniait avec une égale facilité l'infanterie et
la cavalerie ; rien n'égalait laisance , la précision et l'ordre
admirable avec lesquels ce vaillant capitaine exécutait ses mon-
vements devant Tennemi, ni la confiance qu'il inspirait à ses
soldats, qui Taimaient et ne Pavaient pas quitté depuis les mé-
morables journées d'Elchingen, d'f éna etde Friedland. Masséna,
des hauteurs en arrière de Redinha , observait les mouvements
de Wellington et admirait les manœuvres exécutées avec tant
de dextérité par son lieutenant, qui semblait se jouer de l'en-
nemi. Quand celui-ci osait s'approcher de trop près , Ney Facca*
blait de mitraille, le faisait charger à la baïonnette , ou lan-
çait sur lui sa cavalerie , qui le ramenait rompu et en désordre
au point d'où il était parti. Comptant que le duc d'Elchingen
n'abandonnerait pas, avant la fm de la journée, le terrain qu'il
défendait avec tant d'habileté et d'énergie, Masséna partit
pour Ckindeixa, où Montbrun rassemblait les matériaux néces-
saires pour effectuer le passage du Mondégo. Il importait donc
de tenir le plus longtemps possible devant Redinha; mais, dès
que Masséna fut parti, Ney, pour s'assurer une réserve en cas
d'échec , fit replier la division Marchand par le pont de Redinha ,
et l'envoya prendre position sur les hauteurs en arrière de ce
bourg, à l'entrée du défilé, ne conservant en avant que les 6,000
honunes delà division Mermet , les 6' et 1 1* régiments de dra-
gons, le 3*^ régiment de hussards, que Masséna lui avait en-
voyé le matin , et quatorze bouches à feu.
42 mars. Combat de Redinha, — Les Anglais, déployés dans la
plaine en face de la i>ositioD occupée par la division Mermet,
cherchaient , comme le matin , à déborder les flancs de Ney ,
GU)EBRB D'ESPAGNE. 693
Erskine par la droite, Picton par la gauche; mais chaque ^gf,
coup de caoon enlevant des files entières dans les rangs de Pic- Portugal,
ton , qui avait gravi les hauteurs boisées à gauche de la ligne
française, celui-<;i se vit contraint de s'abriter derrière les
hauteurs au pied desquelles s'étend la plaine d*où il avait dé-
bouché. Toutefois Wellington , jugeant qu'une seule division
ayant un long défilé à dos , ne résisterait pas à une attaque
dé front exécutée par 20,000 hommes^ fit avancer ses réserves ,
composées des divisions Cole et Spencer. 11 était environ trois
heures de raprès-midi. La division Picton, formée en colonne,
parvient la première à gravir les hauteurs et s'avance à portée
de fusil , sur le flanc gauche de la division Mermet ; mais , ac-
cueillis par la mitraille de six pièces, par le feu des tirailleurs
qui se glissent sur leurs flancs, et enfin par une charge à la
baïonnette de deux bataillons des 21^ et 59^ de ligne, les Anglais
de Picton sont précipités au bas des hauteurs et mis dans une
déroute complète. Le général Spencer, qui a pris le commande-
ment du centre, s'avance alors dans la plaine pour rallier et re-
cueillir la droite , qui plie eu désordre ; mais Ney lance sur lui le
25' léger et le BO^ de ligne, qu'il fait appuyer par le 6* régiment
de dragons, le 3' de hussards et l'artillerie. Reçus par des
' décharges d'artillerie et de mousquetede et par une charge à
' la baïonnette , les Anglais , ébranlés par ce choc violent , com-
I mencent à flotter en sens divers ; le 3' de hussards profite de ce
I moment de fluctuation, s'élance au galop et complète le désor-
> dre et la confusion en renversant la première ligne d'infanterie
I sur la seconde. Si, à cet instant, Masséna eût été sur le champ
de bataille avec une division de plus, l'armée anglaise essuyait un
i rude échec.
Après cet avantage , qui avait contraint l'ennemi à déployer
toutes ses forces, il fallut enfin songer à la retraite, car le duc
d'Elchingen ne pouvait garder plus longtemps sa position devant
une armée entière, qui revenait à la charge avec des troupes
Ifalches. Il fit donc défiler Tinfanteric et l'artillerie par la gauche
et la cavalerie par la droite, pour entrer dans le vallon qui com-
mence au-dessous de Rédinha. Il était quatre heures lorsque
Wellington, formant toute son infanterie sur quatre lignes, s'a-
vança contre le front de la position, pendant que Picton recom-
ï. 3S
594 UVRB SlPTlèUB.
igii. mençait Taltaqu^ sur la gauche et qu'Erakttie cherchait à âébo^
Porti«aL j^ 1^ droite; mais la rdfcraite de la divislou Menni^t s'exécutait
déjà en échiquier par régiments. Ceux-ci, en défilant devant les
Anglais» les accueillaient par des feux de bataillon et se repliaient
par la gauche de Rédinha , tandis que la cavalerie se retirait par
la droite, pour aller se placer en seconde ligne derrière la division
Marchand. L'ennemi, après s*étre formé sur les hauteurs que les
troupes de Ney venaient de quitter,- laoça ses tirailleurs dans Ré-
dinha et tenta de déboucher par le pont ; mais il fut arrêté par le
feu derartilleriefrançaise, qui tirant danscettedirectionf incendia
oeiaalheureux bourg. Piéton seul parvint à passer le ruisseau à
gué et s'avançasur la route, où Tartil lerie de la division Marchand
le prît en flanc , le força à se Jeter à gauche, poursuivi à la baïon-
nette par un bataillon du 59® de ligne et par tous les tirailleurs,
qjui le refoulèrent avec perte au delà du ruisseau. Après cette
brillante journée le duc d'Elchiugen se retira lentement par
la route de Goîmbre. De l'aveu des Anglais le combat de Ré-
dinha fut très-meurtrier ; mais ils n'ont pas avoué leurs pertes ,
qu*on évalue à environ 1,800 hommes. Celle des Français n'a-
vait pas dépassé 150 honomes, tant tués que blessés*
Tandis que le 6® corps se retirait sur Condeixa par le défilé
aboutissant aux hauteurs qui tombent directement sur le Mon-
dégo et sur Coimbre, Reynier se portait d*£spinhal à Miranda de
Corvo; lecomted*Erlon,déjàarrivé à Miranda, accélérait le réta-
blissement du pont de Murcelha , dont Loison, établi à Fuenté-
Cuberta^ gardait le chemin. D'après les rapports de Montbrun, il
follait trente-six heures pour construire un pont de chevalets en
facede Perdra. L'établissement de l'armée à Coîmbre pouvait en-
core avoir lieu si le maréchal Ney donnait le temps d'achever
ce pont en tenant l'ennemi en échec devant Condeixa. Le 1 3 au
soir, Masséna, tout en félicitant le maréchal sur la journée de
Rédhiha^ lui témoigna son regret de ce qu'il n'avait pas con-
servé sa position jusqu'au soir, et l'engagea à tenir vingt-quatre
heures sur les hauteurs de Condeixa, pour donner le temps
aux blessés et aux bagages de filer sur Miranda de Corvo; car,
dans la crainte que le 6® corps ne fût rejeté au delà de Con-
deixa , le prince d'EssIing avait résolu de s'assurer par précau-
tion de la ligne de l'Ai va. Sans rien promettre de positif, le
GUBftftB b'eSPAORB. 59^
duc d*ElolilAgeii rendit qu'il tiendrait, le lendemaiii» le plus mu.
loDgtMQpi possible. Pour rassurer Ney, qulnquiétaiait ks dé* '«f*^*-
moostratlons des Anglais sur sa gauche, Masséna avait plaeé
entre lui et Fennemi la division Loison , soutenue par la dlvi*
sion Gausely du 8*^ corps , de sorte que Ney se trouvait lié par sa
gauche avec le 2* corps.
Le 1 3« à huit heures du matin, Tennemi ne s'était pas encore
mis en marche. Depuis le combat de la veille, Wellington semblait
hésiter et ne s'avançait que lentement » se bornant à diriger la
division Piéton à travers les montagnes dans la directiou de
Mirandade Corvo. Vers dix heures, Masséoa, après avoir réi*
téré à Ney ^invitation de tenir en avant de Gondeixa , se
rendit à Fuenté^uberta, au centre de l'armée, laissante Con*
deixa le duc d*Abrantès avec la division SoHgnac. Quel que fût
Tobjet du mouvement de Piéton, celui-ci allait immanquable*
ment rencontrer Loison et Clausel, qui lui feraient payer cher sa
pointe sur Miranda^de Corvo, ce qui , du reste , n'eut pas lieu ;
car, les mouvements du général anglais étant aperçus des hau-
teurs de Fuenté-Cuberta, Masséna jugea qu'ils ne pouvaient ins*
pirer aucune inquiétude. Ney ne pouvait donc ignorer qu'il ne
courait aucun danger sur sa gauche; mais, général d'avant-garde
intrépide et inébranlable quand il se trouvait en fkced'un ennemi
dont il pouvait apprécier l'attitude et les dispositions , le héros
de Yierschn^Heiligen , qui, avec 3»000 hommes, avait affronté
toute Tarmée prussienne du prince de Hohenlobe ' , craignait
Tennemi quand il ne le voyait pas. Il se persuada que Picton
allait le couper du gros de l'armée et peut'^tre même l'enve-
lopper. Ce fut, toutefois, le prétexte allégué par hd pour Justi-
fier sa retraite sur Miranda de Corvo. Peut-être aussi le vtf
désir que le maréchal éprouvait de quitter le Portugal eut une
grande part à sa détermination. Quoi qu'il en soit, à deux heures
du soir le 6** corps était en pleine retraite, à travers une
gorge étroite et presque impraticable qui, après un trajet de
trois à quatre lieues , conduisait au pont de Miranda de Corvo,
sur la Deuça.
En se retirant, leducd'Ekhingen avait envoyé un détachement
4 Voir t. Vlll, p. 529.
5S.
£96 LIVRB SBPTiiKB.
m\, ^ Montbran pour le préyenir de son départ et de sa marche
Portngii. ^uf Miranda de Gorvo, Teogageant à se retirer aussi dans
cette direction en remontant les bords dn Mondégo avec sa
cavalerie.
En apprenant à Fuenté-Guberta , la retraite précipitée du
6' corps , qui compromettait le sort de toute Tarmée, et parti-
culièrement celui dn détachement de Montbrun établi devant
Cofmbre, où il pouvait être enveloppé, Masséna fut vivement
îrrtté; en effet, ce mouvement rétrograde, exécuté à son insu,
était un acte inexcusable et que rien ne pouvait justifier. Il
dut dès lors renoncer à son projet d'établir Tarmée derrière
le Mondégo, et envoya un aide de camp pour arrêter le mou-
vement de Ney et lui porter Tordre de prendre position en
avant de Gasal-Novo, bourg à deux ou trois lieu^ est de
Ck)ndeiza. Le même jour, à dix heuresdu soir, le prince d'EssIing
partit de Fuenté-Guberta avec les divisions Loison et Glausel,
et arriva le 14 au matin entre Mhranda de Corvo et Gasal-Novo,
où le maréchal Ney s'était arrêté la veille et avait pris position
en face de Tarmée anglaise , qui arriva à dix heures dn soir.
•Les convois avaient illé toute la nuit sur Foz d'Anmoe.
Dans la matinée du 14, un brouillard épais enveloppait les
deux armées, ce qui n'empêcha pas le maréchal Ney de dis-
poser habilement ses troupes en retraite par échelons ; le pre-
mier, formé de la brigade Ferrey , qui faisait Tarrière-garde, s'é-
tendait à gauche sur les hauteurs en avant de Gasal-Novo; la
division Mermet, sur les hauteurs de Ghao de Lamas, formait
le deuxième échelon; la division Marchand, en arrière, au
centre, formait le troisième ; enfin la division Loison occupait, à
droite, les abords de Ghao de Lamas, où Masséna s'était arrêté. A
un quart de lieue en arrière se trouvait le 8' corps , qui compo-
sait la réserve.
A dnq heures et demie du matin, le général ErMne, qai
avait l'ordre de tourner la droite du 6* corps , tandis que le
général Piéton manœuvrerait sur la gauche, lança le 53* régi-
ment anglais contre la brigade du général Ferrey; ceHe-d
disputa au 52^ l'entrée de Gasal-Novo, et lui avait tué déjà
beaucoup de monde lorsque le colonel Laferrière , du 3« de
hussards, fondit sur ce régiment et le culbuta. Erskine accourut
Portnsak
GU«BB« d'ESPAGRI. S9'7-
abrs avee le reste de sa division ; mais ses troupes , arrêtées _ mi'
par les soldats de Ferrey, que protégeaient de petits enclos d'où
ils tiraient à coups sûrs contre les Anglais , ne parvinrent qu*a-.
près deux heures de combat à forcer Ferrey à se retirer» A la
droite, Picton, renforcé des troupes, de Cok, manœuvrant
pour tourner la position de Mermet sur les hauteurs de CIibo de
Lamas » le maréchal Ney porta la brigade Ferrey derrière la
division Marchand, dont Tattitude menaçante arrêta Tennemi
tout court f et, massant alors tous ses échelons à Ghao de Lamas,
il imposa à Wellington, qui n'était parvenu, pendant toute la
Journée, qu'à gagner le terrain que le maréchal avait bien voulu
lui céder. La nuit survenant, Wellington lut forcé de s'arrêter
devant l'armée française, réunie sur les hauteurs de Ghao de
Lamas. Pendant ce temps tous les convois, regagnèrent la tête
de l'année ', et le 2*" corps put arriver sur la Ceira , entre Mi-
randa de Gorvo et Foz d'Arunee, village situé sur la rive gauche
de cette rivière , afOuent de gauche du Mondégo. Le due d'EI-.
chingen se repKa , sans être suivi ,,sur Miranda, où il prit: po-
sition, en deçà de la Deuça, sur une montagne conique en avant
de ce bourg. Ge fût là que le rejoignit la petite colonne du gé-.
néralMontbrun, dont on n'avait pas de nouvelles depuis le lï.
Le général Reynier avait reçu l'ordre de se porter, à dix
heures du soir, au delà de Foz d'Arunce , sur la rive droite
de la Geira, et de s'établir à gauche de la position; le duc
I d'Abrantès devait en prendre la droite. Le maréchal Ney fut
I invité à laisser seulement un détachement sur la rive gauche
pour couvrir, le passage du reste de l'artillerie et des bagages, et
de passer aussi laGeira après que le 8*^ corps aurait terminé son
mouvement, qui devait commencer à minuit. La Geira, rivière
encaissée, rapide et profonde, est dangereuse à passer à gué
lors même que ses eaux ne sont point accrues par les pluies.
Arrivés sur ses bords, les 2« et 8® (^rps la traversèrent à Foz
«d'Arunce, partie sur le pont, partie à deux gués qui se trou-
vaient en amont, et le 15, à neuf heures du matin, ces deux
corps, ainsi que la divisionLoison^ avaient pris, sur la rive droite,
les positions qui leur étaient assignées'; mais le maréchal Ney,
voyant Textréme arrière-garde exécuter sa retraite sans être
ipqniétée, pensa que l'ennemi ne suivait pas et qu'il s'^tftit
598 LIVBB SEPTISMB.
1MI. arrêté pour se remettre des fntigaes de la veiUe et de TaTantr
>*»rtttsai. veille, où il avait été ai maltraité. Au lieu de passer sur la riîe
droite, comme cela lui était prescrit, il laissa sur la rire gauche
les divisions Mermet et Marchand, ayant à dos un pont étrok
et un gué difficile. Wellington» instruit de ce qui se passait par
le rapport de ses patrouilles, chargea le général Erskinede
s'emparer des hauteurs de Fozd'Arunce, occupées par le général
Ferrey, tandis que la division Picton attaquerait la division
Mermet dans le village,
15 man. Affaire de Foz d'Arunce. — Les troupes françaises en po«
sition sur la rive gauche se reposaient tranquillement de*
puis le matin » et la brigade de cavalerie légère du général
Lamotte, postée d*abord sur la route de Miranda de Gorvo, à
droite du général Ferrey, avait cessé d*éclairer cette route
pour fourrager dans un champ voisin de la Ceira , ce qui permit
 l'ennemi de former ses colonnes d*attaque sans être aperçu,
et de les diriger contre les troupes de Ferrey et de Mermet, qui
ooeupalent les hauteurs à gauche du terrain où elles avaient
bivouaqué. Le maréclial Ney, se voyant menacé d'une attaque
à laquelle il ne s'était pas attendu, ordonna sur-le-champ au
général Marchand de passer le pont avec sa division, tandis que
Mermet et Ferrey contenaient l'ennemi sur les hauteurs. Lamotte,
étant parvenu enfin à rallier ses fburrageurs , arriva devant le
pont, forma sa cavalerie en bataille et attendit que renneaû
se présentât pour le charger. La division Marchand avait atteint
la rive droite , et le maréchal Ney se disposait à rameder aussi la
division Mermet de l'autre côté du pont, lorsque quatre pièces en
batterie sur une hauteur descendirent au grand trot et se ren*
versèrent sur le âo* régiment , qui se repliait. Supposant que
Partillerie était poursuivie par l'ennemi , ee régiment se crut
pris à dos et fût ébranlé. Les soldats ^ voyant alors la cavalerie '
de Lamotte devant le pont, veulent passer avant elle, et, se pré^
dpitant tumultueusement, poussent le £9^^ et rentraineot avei)
eux vers le pont. Lamotte accourt au-devant des fdyardsponr
les arrêter; mais ceux-ci, craignant de voir le pont obstrué par
la cavalerie, s'y entassent et s'y culbcrtenl; les derniers arri-
vés, trouvant le débouché intercepté, sejeteni dans la rivière
pour la traverser à gué. Au milieu de cette scène d'épouvante,
GUBSBB B'eSPAGHB. 699
le maréchal Ht longtemps d'impuissants efforts pour rétablir ua iki,.
peu â*ordre dans eette masse confuse ; à la fin il parvint A vortusai.
rallier un bataillon du 27^ ettrois compagnies de voltigeurs, et
regagna les hauteurs» où les généraux Mermet et Ferrey se sou-
tenaient difficilement contre les Anglais ^ qui commençaient à
leur faire perdre du terrain ; mais la présence de ce renfort,
bien que faible , et surtout celle du maréchal, ranimant les
troupes, elles reprennent Toffeusive , et» revenant à la charge,
elles culbutent les Anglais jusque daus leur camp. La nuit
close mit fin à cette singulière affaire , qui pouvait avoir des
suites funestes sans la fermeté déployée par les généraux Mer-
met et Ferrey, dont les troupes se trouvèrent engagées pendant
plus de quatre heures au milieu de presque toute Tarmée en-
nemie; chacun conserva d'ailleurs ses premières positions. La
perte des Français ne dépassa pas 150 hommes. Le maréchal
Ney , dont TopiniÂtreté avait causé cette perte en restant sur
la rive gauche de la Geira contre la volonté de Masséna, crut
d*abord avoir plusieurs centaines de noyés ; mais la plupart des
hommes manquant à l'appel rentrèrent à leurs corps pendant la
nuit. A minuit le 6^ corps quitta la rive gauche de la Geira, et
à trois heures du matin on fit sauter le pont. Mortifié de cet
échec, le maréchal, au lieu de s'en prendre à lui-même de
ce qui venût d'arriver, s'en prit au général Lamotte et le
renvoya sur les derrières de l'armée : mesure injuste, qui fut
appréciée comme elle le méritait par le général en chef.
Contrarié dans tous ses plans et ses projets par le maréchal
Ney, qui voulait à toute force rentrer en Espagne, Masséna
souffrait cruellement d'être réduit à abandonner le Portugal
par une retraite qui semblait compromettre l'honneur de son
armée , tandis que Wellington recueillait , comme en 1 808 ,
toute la gloire de la campagne. Forcé de renoncer à s'établir
sur le Mondégo, il lui restait l'espoir de s'arrêter sur l'Ai va,
le long de la Serra de Mureelha, qui correspond à celle d'Alcoba,
d'où l'armée menacerait encore Coimbre et tout le pays com-
pris entre le Mondégo et le Duëro , jusqu'à la mer ; mais cette
dernière consolation devait aussi lui être refusée. Le 16, la
réparation du pont sur l'Alva étant presque terminée., les 6«
et 8^ corps reçurent l'ordre de couronner les hauteurs de la
600 LIVHE SEPTIÈME.
(Ml. rive gauche, tandis que Reynier s'él'ablissait à Arganfl , vers
Pormgai. |gg ^i^nlagaes de FEstrella. Drouet , qui n'était pkis retenu par
le général en chef, partit le même jour pour Gélorico.
Le 17, le pont étant achevé, le duc d*Abrantès passa l'Alva
à deux heures du matin , et s'établit derrière Ponté-Muroelha ;
le maréchal Ney échelonna le 6® corps depuis le plateau qui
domine le pont jusqu'auprès de Cortiçada, se liant étroitement
par sa droite avec le duc d'Abrantès; mais sa gauche n'était
pas appuyée par Reynier, dont le prince d'Essling n'avait reçu
aucune nouvelle depuis vingt-quatre heures. Montbrun , envoyé
à la recherche du 2** corps , le trouva cantonné dans la Serra
de Moîta, à phis d'une lieue et demie du centre et bien en arrière
de la position occupée alors par l'armée. Le ffanc gauche di»
6* corps ainsi découvert, Wellington, s'il eût été plus entre-
prenant, pouvait, en moins de deux heures de marche, se
trouver derrière l'armée, lui couper la route de Célorico et ses
communications avec le 2^ corps. Masséna ne reçut qu*à sept
heures du soir le rapport de Montbrun. Il envoya sur-le-champ
à Reynier l'ordre de se reporter immédiatement en ligne, de
se rapprocher du 6^ corps , Kii représentant que son éloignement
compromettait le sahit de Tarmée. Reynier^ militaire instruit,
fort iiablle dans la partie spéculative de la guerre et qui jusqu'à-^
lors s'était montré le plus docile des lieutenants de Masséna ,
au lieu d'obéir à Tordre du général en chef, lui envoya une
dissertation sur les inconvénients de la ligne de 1* AWa et sur les
mouvements qu'il fallait faire pour reprendre celle de la Ceira.
Pendant ce temps les Anglais, quî ne dissertaient pas., bien
qu'ils en eussent plus le loisir que le commandant du 2^ corps,
atteignaient le but principal de leur poursuite , qui était de
chasser les Français du Portugal , se déployaient sur la crête
des montagnes en avant de Ponté-Murcelha^ et leurs tirailleurs
harcelaient déjà le 6^ corps. Ney apercevait les ennemis en
bataille à environ une lieue de sa gauche , et ne voyait là aucune
troupe française pour leur disputer le passage de la rivière. Ainsi
la position de Ponté-Murcelha était tournée, et Masséna dut
renoncer à s'établir sur l'Alva. En oouséquenee , le 18, à la chute
du jour, il commença son mouvement général de retraite, qui
fut continué le 19; et le lendemain la division Gpnroux attei-
GUEBBE D ESPAGNE. 601
guit Céiorico , où le oomte d'Erlon apprit que la division Gla- «su.
parède tenait Guarda avec une brigade et Belmonté avec l'autre. ^^■''*^-
Le 21 mars, Parmée arriva à Céiorico, suivie seulement par
quelques escadrons anglais, le gros de Tarmée ennemie ayant
été forcée faute de vivres, de s*arréter le 19 dans la Serra de
Moïta.
Le 23 Tarmée française était sur la ligne des hauteurs qui
séparent la vallée du Mondégo de celle de la Goa , et en vue des
frontières d'Espagne. Cependant Masséna, bien quMl connût
les dispositions de ses généraux et de Tarmée » qui brûlaient du
désir de rentrer tout de suite en Castille , ne voulait pas encore
abandonner le peu de pays qu'il occupait en Portugal , et avait
résolu de se porter sur le Tage vers Alcantara et d'entrer en
communication avec le maréchal Soult. L'esprit rempli de ce
projet, qui semblait le consoler de ses revers, il dirigea Tarmée
vers la Sierra de Gâta, et établit le 2* corps à Gouvéa» le 8^ à
Guarda et le 6" à Céiorico. Le 23 au matin , l'ordre général
fut donné à l'armée de rester pendant trois jours dans ses nou-
velles positions pour y ramasser le peu de vivres qu'on y trou*
vait encore, pour diriger sur Alméida et Ciudad-Rodrigo les
blessés et les malades, et faire venir de ces places et de Sala-
manque les objets d'habillement et d'équipement nécessaires à
Parmée, ainsi que les fonds de la solde. En même temps
Partillerie et les bagages des 2« et S*^ corps furent dirigés sur
Guarda. Le maréchal Ney écrivit au prince d'Essling contre ses
dispositions et soutenait qu'il valait mieux attendre de nou-
veaux ordres de Pempereur, à proximité des places d' Alméida
et de Ciudad-Rodrigo, que de marcher par la gauche pour se
rapprocher du Tage vers Alcantara. Enfin , apprenant le soir
que Parmée allait être dirigée sur Coria et Plasencia, le duc -
d'Ëlchingen protesta contre cette manœuvre et déclara qu'il
ne l'exécuterait qu'autant que le général en chef lui ferait con-
naître les ordres de Pempereur à cet égard , et que , dans le cas
contraire, il allait quitter les environs de Céiorico pour se porter
le lendemain sur Alméida. Depuis longtemps Masséna sup-
portait impatiemment, les contrariétés de son lieutenant. Après
la désobéissance de Ney à Condeixa, il avait eu la pensée de
lEure un exemple en le renvoyant sur lesderrières de Parmée;mai8
PortiigaL
602 LIVAE SBPTIBIll*
iti4. Il avait besoin d'un général à rarrlèr&-garde, poste qui
ne pouvait être conflé qu'au brillant courage du maréchal Ncy
et au dévouement de ses troupes. Les premières altercatkms
un peu vives entre le prince d'EssIing et le duc d'BIchlngen
avaient eu lieu à Miranda de Gorvo, pendant le combat de Ca8B^
Novo; cette mésintelligence était soigneusement entretenue par
quelques officiers d*état-maJor qui y à défout de bons services
et de talents, tant les états-majors étaient mal composés à
ces époques, s'efforçaient de capter la bienveîilaaee de leurs
chefs par des rapports mensongers.
Cependant Masséna , avant d*en venir à un édat en présence
de toute Tarmée, voulut donner à son lieut^iant le temps de
réfléchir sur les conséquences de son acte d'insubordination , cl
lui fit demander s'il persistait à méconnaître Tantorité que
Tempereur lui avait confiée en sa qualité de général en chef;
mais le bouillant maréchal s*était mis dans le cas de ne plus
pouvoh* reculer, et insista pour connaître les ordres de Tem-
pereur qui autorisaient la marche sur le Tage, prétention exor-
Intante d'un subordouné voulant obliger son chef à lui com-
muniquer ses instructions avant de lui obéir. Dès lors la
longanimité du prince d'EssIing dut avoir un terme ; il enjoi-
gnit aux généraux du 6' corps de ne plus obéir au maréchal Ney,
sous les peines encourues pour crime de révolte, signifia au
maréchal Tordre de se rendre immédiatement eu Espagne poar
y attendre que Tempereor prit une décision à son égard , et
investit le général Lolson du commandement du 6* corps. Le
lendemain le duc d'ElchIngen protesta contre l'ordre qui lai
retirait un commandement qu'il avait reçu de Tempereur et que
personne, disait-il, n'avait le droit de lui èter; et, profitant
de l'apparition d'un corps ennemi devant sa position , il chercha
À le reprendre. Toutefois Masséna, persistant dans sa résolu-
tion, Alt Inflexible, et le maréchal Ney s'éloigna de l'armée, qui
le vit partir avec regret; mais elle resta dans le devoir. Le duc
d'Elchingen, en improuvant le projet de recommencer une antre
campagne sur le Tage, et en insistant pour rentrer immédia-
tement en Espagne, exprimait, il est vrai, le vcen de toute
l'armée, et il aurait pu, sans inconvénient, soumettre ses ob-
servations au général en chef sans enfreindre les lois de la disd-
eUllBB DKSPAGNl. 603
pUne; mais leUm inaotent de sa correspondance indigna Juste- j^h.
ment Hasséna, qai se vit forcé , bien que malgré lui , d'agir avec ^<^^ub^
sévérité, et d*expédler un aide de camp au prince de Wagram
aveeles lettres du maréclial. La dégénérescence des invincibles
armées de ia fiépubtlque et de l'Empire avait commencé dans
la Péninsule. Les souffrances , la misère et les fatigues avaient
relAcbé les liens de la subordination et de la discipline, moins
toutefois dans les rangs inférieurs que parmi les généraux et les
chefs de corps , et l'exemple scandaleux que venait de donner
le maréchal Ney contribua à entreteuir cet esprit d'anarchie >
qui rendait tout commandement impossible. Après le maréchal
Ney vint le comte d'Erlon. Masséna, en instruisant ce général
du prochain mouvement de l'armée sur Guarda et Belmonté, et
de là sur Goria, l'avait invité à se rapprocher de la Goa , pour
couvrir les places d'Alméida et de Ciudad-Rodrigo ; mais le
comte d'Erion refusa de prendre position sur cette rivière, pré-
tendant que le 9^ corps ne pouvait plus être chargé de la défense
de ces places sans de nouveaux ordres de l'empereur. Puis,
portant la division Conroux derrière Ciudad-Rodrigo, il rap-
pela de Guarda celle du général Claparède.
Malgré sesperteset ses fatigues pendant une retraite de soixante
lieues à travers un pays dévasté et couvert d'ennemis, l'armée de
Portugal comptait encore 84,000 hommes d'infanterie et 3,400
de cavalerie d'excellentes troupes, avec quarante-huit bouches
à feu. Le 24 mars le 2« corps porta son avant-garde à Belmonté ,
où se rendit aussi le 8^ corps. Le 6® fût établi à Guarda. Le 25
Masséna reçut dans cette ville plusieurs dépêches du prince de
Wagram, qui Itif apprirent la formation d'une armée du Nord sous
les ordres du maréchal Bessières, duc d'Istrie, qui devait avoir
sous son commandement la Navarre , la Biscaye, la province de
Santander, les Asturles, les provinces de Burgos, Aranda, Soria,
Palencia, Valladolid, Léon, Bénaventé , Toro, Zamora et Sala-
manque. Le duc d'Istrie devait avoir son quartier général à VaN
laddid, et couvrir les places d'Alméida et de Ciudad-Rodrigo ;
le 9* corps était destiné définitivement à foire partie de l'armée
de Portugal, décision qui tranchait toutes les difficultés soule-
vées Jusqu'alors par le comte d'Erion ; mais Masséna apprit en
mène temps par une dépêche de ce général que les places d'Aï-
604 LIVBE SEPTlètfS.
ifti I. méida et de Gudad-Bodrigo n'étaient pas soffisaninieDt appro-^
Portugal, visionnées, et que la première n'avait pas pour qnloze jours de
vivres. Cette fâcheuse oirconstanee et les renseignements qoe
lui fournit Reynier sur Timpossibirité dé vivre dans les environs
de Goria et de Plasencia , pays ruinés par les armées, et sur
celle de passer le Tage à Almaraz , au pont de rArzobfspo ou
à Alcantara , ces ponts étant coupés et le pays n'ofTrant pas les
matériaux nécessaires pour les réparer, ébranlèrent la première
résolution de Masséoa » et il se décida dès lors à quitter le Por-
tugal et à rentrer en Espagne. Aussitôt qu'il avait eu avis de-
là formation d'une armée du Nord, il avait envoyé un de ses
aides de camp au duc distrie pour lui demander des secours en
vivres et en munitions, et résolut d'attendre sur la Goa la
réponse de ce maréchal , l'armée ne pouvant rentrer en Espagne
sans avoir la certitude d'y trouver des vivres et les objets né-
cessaires à son rééquipement. L'ordre de marehe était donné
pour le 30; mais les Anglais, qui avaient reçu des vivres de
Lisbonne, partirent de Molta et se concentrèrent le 28 aux en-
viroDs de Gélorico. Le lendemain matin Wellington réunit trois
divisions, dont il forma cinq colonnes d'attaque, au pied des hau-
teursde Guarda, pour en déloger le 6* corps. Ces colonnes étaient
soutenues par quatre autres divisions. Guarda est située sur le
sommet le plus élevé de la Sierra d'Ëstrella, près des sources du
Mondégo, et commande tout le pays des environs. Maître de
cette position, bien préférable à celle de Gélorico, les Français
l'étaimt aussi de plusieurs passages qui conduisent à la frontière
d'Espagne et ouvrent la route du Tage; mais elle était si mal gar-
dée par Loison que les Anglais gravirent la montage en suivant
tous les chemins , et débordèrent bientôt le 6^ corps sans ren-
contrer d'obstacle ; et,, sans la vigilance du général Fririon, chef
de l'état-major général , qui visitait, avant le jour, les avant-
postes de Loison, et les sages dispositions qu'il sut prendre à
temps, le 6^ corps était écrasé. Pendant que ce corps d'armée
échappait à ce danger, on se hâta de foire filer les équipage
sur la route de Sabugal , et la 3^ division, celle du général
Ferrcy, qui avait remplacé Loison , forma l'arrière-garde. Le
2^ corps se rapprocha de Sabugal ; la division du général Heu-.
delet resta sur la rive droite de la Goa ; celle du général Uwhi
GUtiBRB D*ESPAGNK. 600
occupa la rive gauche. Le 80, rarmée Urat entière se trouva ea isti.
ligne sur cette rivière. Le î* corps, qui formait l'aile gauche, p»"^*"««*-
était à Sabugal; le 6*, formant l'aile dn^te, s'étendit jusqu'à
INave, à deux lieues d'Âlméida , en suivant toujours larivedroite
de la Coa; le 8*^ corps était à Âlfayates, où Masséna établit son quar-
tier général . Il se proposait de rester trois ou quatre jours dans ses
nouvelles positions pour donner le temps an maréchal Bessières
de rassembler des subsistances, comme il le lui avait demandé.
Bessières répondit aux demandes de Masséna par des protesta-
tions d*amitié et de dévouement, lui faisant espérer des secours
qu'il n*eut pas le talent de lui procurer; et, pendant que le chef
de l'armée de Portugal attendait en vain sur la frontière de la
Vieille-Gastille la réalisation des promesses du duc d'Istrie ,
les Anglo-Portugais se rapprochèrent de la Goa le 1*^' avril. Le
lendemain une forte colonne, composée d'infanterie et de ca-
valerie, avec dix pièces de canon , s'avança sur Sabugal parPéga
et Valmorisco , et prit position la droite sur la route de Péna-
macor. Reynier écrivit sur-le-champ à Masséna pour lui faire
connaître sa position en présence de forces supérieures et de-
mandait à se retirer dans la nuit. Masséna lui répondit aussitôt
que l'ordre général était donné à l'armée pour effectuer le 4 sa
retraite sur l'Espagne; que l'artillerie et les équipages partiraient
le 8 an point du jour ; qu'il fallait donc rester le 3 dans sa posi-
tion de Sabugal et y tenir ferme en cas d'attaque. Les généraux
anglais passèrent deux jours à observer la position du 2* corps
et à reconnaître les chemins et les gués sur sa gauche, en re*
montant la Goa. Malgré les différents avis de Reynier sur les
mouvements de l'ennemi, qui lui semblaient indiquer une atta-
que prochaine , Masséna ne partageait pas les craintes de son
lieutenant, dont il connaissait le caractère inquiet ; mais plusieurs
rapports reçus dans la nuit lui dévoilèrent les dispositions réel-
lement offensives de l'ennemi et l'intention de Wellington de
tourner la gauche du 2^ corps , de le séparer du 8*, et de le cer-
ner avant que le 6^ pût le secourir; en conséquence, le 3, à
environ deux heures du matin, il donna l'ordre à l'artillerie du
2* corps de rétrc^rader sur Alfayates , et à trois heures il écrivit
à Reynier que , s'il croyait ne pouvoir tenir à Sabugal sans se
compromettre, il pouvait commencer son mouvement rétro-
COe tlYBE SEFTlJaUw
fsti. grade sur Alfayates <iumid il le jugerait à propos ^ après «n avoir
Partnsai. donné avis à Loison. A huit iieiares et demie Rejnier invita le
GommandaDt du 6* corps, qui était sur sa droite à Ravina,
à l'avertir aussitôt qu'il serait foreé de battre en retraite; et,
bien qu'il eût reçu du générai en chef l'autorisation de se re-
tirer s*il était attaqué, il préféra combattre dans sa position à
exécuter sa retraite de jour, suivi par Tennemi.
s avril. Combat de Sabugai. — A neuf heures du matin les géné-
raux Erskine, de Slade-et Picton marchèrent dans la direc-
tion des hauteurs qui longent la route de Pénamacor à droite,
et des patrouilles de la cavalerie du général de Slade^ arrivant
sur le chemin d' Alfoyates, que suivaient une partie de l'artillerie
et les équipages du S*' corps, donnèrent la cliasse aux conduc-
teurs. Le aâ^ régiment de dragons, que Reynier avait détaché
le matin sur sa gauche pour être averti des mouvements de
l'ennemi, ayant négligé de le prévenir, il n'apprit qu'à onze
heures, par les fuyards, que la route d'Alfayates était intercep-
tée. A huit heures du matin Reynier avait encore le temps de
se retirer et d'éviter le combat; mais décidé, comme on l'a vu,
à ne pas commencer sa retraite de jour, il résolut de résister
à l'ennemi jusqu'au soir et de ne partir qu'à la nuit. A onze
heures , le brouillard épais qui avait favorisé la marche des
généraux anglais s' étant dissipé, Reynier aperçut sur sa g^iu-
che les colonnes des généraux Ërskine et de Slade, qui s'appro-
chaient des gués pour y passer la Goa, tandis que la division
Piéton la passait à droite, à un quart de lieue de Sabugai. La
l'« division française, commandée par le général Sarrut, fut
aussitôt dirigée vers les gués , et , en même temps , toute la ca-
valerie, commandée par le général Soult, reçut l'ordre d'éclairer
la gauche, tandis que la division Heudelet , postée sur la rive
droite de la Goa , se tenait prête à rétrograder. Ërskine se porta
à la gauche des gués avec une brigade; une autre brigade,
formée en masse par bataillons , sur le penchant de la côte , fit
replier les troupes qui gardaient le point de passage et parvint
à franchir la Goa. Le général Heudelet commença alors sa retraite,
et la brigade anglaise, remontant le plateau, se trouva en présence
des 2° léger et S6^ de ligne, qui l'accueillirent par une vive fu-
sillade, se précipitèrent ensuite à la baïonnette sur les bataillons
GUBBIB d'BSPAONI. 607
eonflails el l» Njdèrenl sur le revers du plateau. Brskiae, ae- itii.
cevra avee Taatre brigade, regagna I^entôtle terrain perdu
et se déploya suas le feu da 1 7^ léger» qui ne put l'empêcher de
prendre un obosier; niais» chargé par le général Soult à la tète
de deux eseadrons, il tut repoussé avee perte. Cependant ce pre-
mier sueeès n'apportait aucun changement dans la position
critique où se trouvait le 2* corps ; car, dans ce monieot , Pic-
ton débouchait sur la droite, et une forte eolonne, composée de
la 5' division anglaise et de rartillerie» et appuyée par les t^ et
3^ divisions ibrmant réserve ^ débouchait au centre par le pont
de Sabugal, qu'elle passait au pas accéléré, et gravissait les hau-
teuie à gauche. Rejmier rappela alors le 2* léger et Ie86® de ligne,
qui, de concert avec le 4* léger et rartillérie, étaient restés en
bataille sur le plateau où ils avaient contenu les deux brigades
d*Erskine. La division commandée par le général de brigade
Sarrut avait d^à atteint le chemin d'Alfayates, ainsi que la
3* brigade de la division Heudelet. La retraite s*opéra par le
chemin deRendo, dans le meilleur ordre et en présence de
Tennemi, qui s'était déployé sur le plateau. Le général Heudelet
couvrit la marche avee le 31* de ligne et son artillerie. Le s^r,
le 2^ corps , suivi par la cavalerie anglaise , arriva h Alfayater ,
où il se réunit aux 6® et 8* corps, qui s^y étaient déjà rendus.
Cette affaire, qui fait honneur au général Reynier ainsi qu*aux
troupes du 2^ corps, ne coûta que 47 hommes tués et 3es bles-
sés, au nombre desquels se trouvèrent les colonels Desgraviers,
du 4' léger, Lavigne, du 70^ de ligne, et l'adjudant commandant
Desroches. L'ennemi n'accusa que 200 hommes tués ou blessés.
Bans cette Journée les troupes anglaises combattirent avec beau-
coup de bravoure; mais Wellington et ses lieutenantsflrentpreuve
de peu de talents dans l'exécution d'un plan d'ailleurs bien conçu,
qui consistait à tourner la gauche du 2* corps , à le séparer
du 8* et à le cerner avant qu'il pût être secouru par le 6*^. Rey-
nler, au contraire, retrouva dans cette cireonstanee toute son
énergie et son habileté, dès que l'action f\oit engagée, et sut éviter
d'être acculé à la Coa et pris entre deux feux. Tandis qu'il
était attaqué de flront et sur sa gauche par des forces triples des
siennes, une forte colonne, après s'être emparée des hauteurs
en fecede Sabugal, brusquait le passage du pont, et uneautre co-
608 LIVRE SCPTfiWB.
I8H. tonne, non moins considérable, attaquait deilûic. Cette dehiifere
Portugal, avait passé la Goa à gué au-dessus de la ville, pour manœuvrer
sur leà derrières du général français ; mais les Ismipes anglaises
exécutèrent mal leur déploiement ; leur mouvement ne fut point
assez lai^ , de sorte qu'elles se trouvèreot engagées avec le
flanc des Français, qu'elles devaient prendre en queue, avant que
les niasses destinées à attaquer de front fassent assez avancées
pour les soutenir. Reynier, qui aperçut ce faux mouvement,
opéra alors un changement de front , Talle gauche en arrière ,
et, par cette manœuvre exécutée rapidement et à propos , Il
paralysa l'effort que faisait Tennemi pour Fenvelopper.
4 avril. . Le maréchal Masséna rentre sur le territoire espagnol. -^
Le combat de Sabugal, bien que glorieux, était inutile, puis-
que le général Beynier avait été autorisé à l'éviter. L'armée de
Portugal, réduite, fatiguée et abattue , mais encore respectable ,
allait rentrer en Espagne avec ses bagages et toute son artillerie ,
moins l'obusier pris au combat de Sabugal et une autre bouche
à feu , hors de service, restée à Panhète. Son effectif au l*''
avril était encore d'environ 40,000 combattants et 10,000 die-
vaux, y compris ceux de rartillerie et des équipages. Les malades
et les blessés, au nombre de f o à 12^000 , avaient été évacués
sur Salamanque et Yaliadolid. Dans la nuit du 4 avril l'année
commença son mouvement de retraite pour rentrer dans la
Vieille^Castille. Suivie par six escadrons anglais et de TartiUerie
légère , elle franchit en bon ordre le Turones et se porta de là
sur les bords de TAguéda, où elle prit des cantonnemants entre
Alméida et Giudad-Rodrigo ; mais les environs de ces deux
villes avaient été ruinés tant de fols qu'il était impossible d'y
subsister. Forcé de tirer 200,000 rations de biscnit de Tappro*
visionnement de Ciudad-Bodrigo , Masséna avait invité le
duc d'Istrie à les remplacer le plus tôt possible. Déddé à livrer
bataille aux Anglais entre Alméida et Ciudad-Rodrigo, il se
disposait à camper quatre ou cinq jours à proximitédeces places
et de vivre aux dépens de leurs magasins. Après le combat de
Sabugal, l'armée de Wellington n'avait pas suivi celle de Por-
tugal. Manquant aussi de vivres, elle avait repassé les mon*
tagnes et s'était arrêtée dans les environs de Célorico, afin
d'être plus à portée des magasins établis à Viseu et à Golmbre.
PortusM
GUBtBB l>*ESPAGKE. 60»
Dès Qu'elle fut approvisionBée, elle s'ébranla pour se rappro- jtii
eher des plaees, et se porta le 7 avril vers la petite rivière de
Dofr-Casas. Un corps nombreux de cavalerie s'assembla aa^^ en-»
virons d'Alraéida. L'agglomération de Tarmée. française entre
les places , qu'elle aurait fini par affamer» fit prendre à Masséna
le parti de rétablir dans des cantonnements plus éliugnés. £n
conséquence , le 8 ^ le 2' corps se mit en marcbe pour Ledesma,
le 6" pour Salamauque^ et le S^ pour Toro. La cavalerie de
réserve devait se diriger sur Benaventé* Le 9^ corps, étabU à
Aldéa del Obispo, où il paraissait trop exposé, reçut Tordre
de se porter à San-Félices el Grande; mais, se prévalant d'un
ordre du duc d'Istrie qui Fautorisait à rentrer en Espagne , bien
que ce mai'échal n*eût plus d*ordres à donner au 9*^ corps de-
puis qu'il appartenait à Tarmée de Portugal , le comte d'Erlon ,
au lieu de rester à San-Félices , pour empêcher Alméida et Ciu-
dad-Rodrigo d'être bloqués , prit la route de Salamanque , où il
arriva le il, abandonnant à elles-mêmes, presque sans sub-
sistances, deux places qu'il avait mission de protéger. Il s'ex-
cusa près do général Fririon, chef de Tétat-major dcTarmée»
sur ce qucy ses deux divisions manquant de pain depuis plusieurs
jours, il s'était vu forcé d*en aller prendre à Salamanque. Il
promettait de les conduire à San-Félices aussitôt qu'elles en
seraient pourvues, ce qu'en efl'et il exécuta, suivi et surveillé
par un aide de camp de Masséna. Arrivé à Salamanque, le prince
d'Ëteling ordonna à la division Marchand de rétrograder, et
le iS avril cette division prit position dans le faubourg de
Ciudad-Rodrigo, sur la rive gauche de i'Aguéda.
L'affaire importante pour Wellington comme pour Masséna
était la question des subsistances , dans laquelle celui-ci était
peu secouru par leducd'Istrie, malgré toutes ses protestations
de dévouement. Le général anglais établit des dépôts à Lamégo ,
sur le Mondégo, et à Guarda, Penamacor et Castello-Branoo,
Alméida, n'ayant plus que pour vingt jours de vivres, fut ri-
goureusement bloqué par le lieutenant général Spencer, au-
quel Wellington confia le commandement de l'armée du Nord«
Quant à lui, supposant que Masséna ne pourrait de longtemps
rien tenter de sérieux contre le Portugal avec une armée' fati«
guéeet affiiibliepar les pertes successives d'ime longue et pénibto
I. 59
è\Û C1V*B SCPTftaC.
i8i 4 . ' ffetraite , il se porta «n Estrémadure avec on groft âétadiennisil
i^oMoftar. j^p reprendre Badajoz et délivrer Cadix, Le onréckal Be-
re»ford s'étaot emparé d'Ollvenza le f 5, le siège de Badajos fut
eommeDcé immédiatement* Deson cMé Spencer passa l'Âgoéda
avec 8»ooo hommes, et Masséoa, qui reçut le 1 6, A Salananc|ae,
lanoaveiie delà rupture de toute communication avec Aiméida,
s'occupa aussitôt de réunir son armée; la division Marchand,
du 6*^ corps , était déjà en route. Le 2a, ce général , à la tète de
2,400 hommes, poussa une reconnaissance sur le pont de
Marialva et y trouva Tennemi en force. Celnl-ci paraissait
avoir 30 à 26,000 hommes autour d'Alméida. Le due d'Istrie,
auquel Masséna avait demandé un secours d'une division dMn-
ianterie, de 12 à 1,500 chevaux , avec quinze à dix-huit {uèoe»
d'artillerie bien attelées, les siennes se trouvant démontées,
ne répondit pas à cette demande. Le prince d'Essling pensait
que ces forces , Jointes à celles qu'il pourrait concentrer à Qu-
dad-Rodrigo, sufËralentponr culbuter Tennemi an ddà de la
Coa; mais, privé de ce secours indispensable pour opérer avec
chance de succès le ravitaillement d^AIméida, il se trouva réduil
k reffectuer avec six faibles divisions d*infanterie , 16 à 1,800
chevaux , en tout d4,000 combattants sur 40,000, la divlsk»
Gfeusel , du 8* corps , ayant été détachée sur la route de Sala^
manque pour entretenir' les communications et seulement vingt
pièces de canon pour toute l'armée.
Cependant^ sans renoncer à son projet qui devait amener
une bataf lie décisive pour la campagne , Masséna donna Tordre
à Reyuier de mettre en marche les divisions Heudelet et Merle.
Les deux divisions Mermet et Ferrey, du 6^ corps, et la divi-
sion Soîignac, du 8^, devaient s'ébranler en même temps. Le
24 avril le général Ferrey partit de Salamanque , campa le 25 à
San-Martino del Rio et s'établit le lendemain devant la tète de
pont de Ciudad-Rodrigo. Mermet quitta ses cantonnements
d'Alba de Tormès , Banos et Béjar, campa à San-Muâos et à
Tamamès^ le 25 à San- Martine del Rio, à Salvatierra^ et le
lendemain à Santi-Spiritus et an cmivent de la Caridad. Soîi-
gnac arriva à Matiila, campa le 25 à Fuentéde San-Bstévan, et
entra le lendemain à Ciudad-Rodrigo. Le 25 la division Merle,
du 2^ corps, se porta de Zamora à Ledesma, et campa le icn*
GUERBK d'BSPAOWE. 6t1
deroafii à 'Vitu^aâino ; eelle du général Hendelet campa à moitié «mi .
chemin de Yitiigadiiio et le lendemain à Sobradillo , ayant un ^•'*"<**-
riment an dél)oiiehé du pont de BariML del Puerco, sur la rive
droite de i*Aguéda. La cavalerie de Montbrun, composée des 1 1^,'
i&^ et 25* régiments de dragons, s'avança snr Giadad-Rodrigo,
où Masséna arriva le 36. Le reste de la réserve resta provisoit
rement à Zamora, sous le commandement dn général Cavrois*
Ainsi Farmée achevait son mouvement de concentration le 25
au soir au lieu du 25 , comme le voulait Masséna, par la faute
de Reynier, qui , sans autorisation , avait fait porter à Zamora
la division Merle au lien de la laisser à Ledesma , qu'elle ne put
atteindre que le 25. Le mouvement sur Alméida, que Masséna
avait été forcé de retarder jusqu'au 30 , faute de vivres et dans
l^attente des renforts en cavalerie, et en artillerie qu'avait enfin
promis le duc d'Istrie, ne put commencer que le 2 mai après
midi, ce faible secours n'étant arrivé qu'au point du Jour. Il
consistait en 1,500 hommes de cavalerie > formés des brigades
Wathier et Lepic, la première de 700 hommes de cavalerie lé*
gère et la seconde de 800 cavaliers de la garde, et en une bat<«
terle de six pièces et trente attelages d'artillerie. Un convoi de
quinze cents voitures » chargées de blé, de farine, de biscuit Bt
d'eao-de-vie , destiné à ravitailler Alméida, était prêt à suivre
l'armée. It avait été réuni par les soins de Masséna et de Tinten-*
dant général Lambert, aidé du général Thiébault , gouverneur
de Salamanque. Un bataillon de la garnison de Ciudad-Ro^
drigo devait escorter ce convoi amené de Salamanque sous l'es-
corte des 800 cavaliers de la garde. Arec le renfort fourni par le
maréchal Bessières, l'armée s'élevait à environ 36,000 hommes.
Elle déboucha par le pont de Ciudad-Rodrigo sur TAguéda.
Reynier, avec ses deux divisions, prit la droite , se porta sur
Marialva, passa le pont de l'Azavaet fit reconnaître Gallégos,
où sa reconnaissance pénétra, l'ranemi ayant évacué ce viU
lage à midi. Le duc d'Abrantès , réduit à la division Solignac,
se porta en avant de Carpio , sur la rive gauche de F Azava ^
franchit ie pont occupé par de l'infanterie et de l'artillerie ennéf
mies qui l'abandonnèrent, et, suivie du 9° corps , cette division
s'avança sur Alaméda, prit position à gauche du 2® corps, et
forma le centre avec les divisions Gonroux et Glaparède. Le
99.
61S LIVBB SBFriBME
ifti. 6' corps, S0U9 Loison , réuni à la cavalerie àe MoDtbrun, an
nombre de 2,400 chevaux, y compris la cavalerie légère du
général Wathler, prit la gauche de l'armée et atteignit Espéja à
la nuit.
En traversant TAguéda , Tarmée française avait trouvé les
avant-postes ennemis en avant et en arrière de la petite rivière
d'Azava ; en franchissant le pont de cette rivière , SoUgnac avait
chassé les postes anglais au delà de Gallégos; l'avant-garde du
6^ corps, commandée par le général Ferrey, avait repoussé
d'Espéja trois bataillons et deux escadrons jusque sur les hau-
teurs de Fuentès de Onoro , et le refus de Montbrun de marcher
avec Loison , malgré les ordres du général en chef, fit échapper
deux bataillons et 800 chevaux que le mauvais état de la cavale-
rie du 6*^ corps empêcha de poursuivre. Les Anglais, repoussés des
rives de l'Azava, se retirèrent sur le Dos-Casas, cours d'eau
encaissé et d'un accès difHcile, et se formèrent sur la chaîne de col-
Unes qui sépare le bassin du Dos-Casas de celui du Turones. Leur
droite était adossée au village de Navé de Avel , le centre au
sommet des collines entre Fuentès de Onoro et Villa-Fermosa, la
gauche à Val de Mula, s'étendant autour du fort de la Conception,
devant lequel passe le Dos-Casas avant de se jeter dans T Aguéda,
après un cours de quelques lieues seulement. L'armée alliée était
forte d'environ 43,000 hommes, dont 28,000 Anglais , 12,000
Portugais et 3,000 Espagnols, sous le partisan don Julian San-
chez. Le front de la ligne ennemie, d'un développement de plus
d'une lieue ^ était protégé par la gorge profonde et escarpée du
Dos-Casas. La 7^ division anglaise, sous les ordres du général
Houston, tenait la droite, couverte par la cavalerie; la i^ divi-
sion, celle du général Spencer, qui venait ensuite, se liait avec
la 3^, commandée par le général Picton, qui communiquait avec
la division légère du général Cravrfurd. Celui-d tenait sa
droite à Espéja et sa gauche à Gallégos. T^ 5^ division , sous
le général Dunlop, fut laissée en arrière vers le fort de la Con-
ception; et la e® division, sous le général Campbell, resta en
face d'Alaméda, couvrant ainsi le blocus d'Alméida, maintenu
par la brigade portugaise du général Paek et un régiment anglais.
'^ Lord Wellington , qui était arrivé le 2 1 avril devant Badajoz,
dont il allait «commencer le siège, ayant été prévenu le 26 par
GOEBH d'eSPÀGRE. 618
le lieutenant général Spencer du ilioavement de Tarmée fran- ihh.
çaise aux environs d'Alméida» partit le même Jour d*Eivas et **^*'«^
arriva le 28 à son quartier général de Villa-Fermosa. A son
retour les l'^^et 3*^ divisions furent concentrées à une portée de
canon en arrière de Fuentès de Onoro, point important pour i'ar*
roée anglaise parce qu*il couvrait sa principale communication
par le pont de Gastello-Bom sur la Coa. Plus loin sur sa droite,
vers le village de Pozo-Velho, Wellington plaça en éclaireur
don Julian Sancbez avec sa bande espagnole, composée d*infan-
terie et de cavalerie» pour être prévenu de ce qui se passerait
de ce côté. Tout en évitant de provoquer unel>ataille, le gêné*
rai anglais , confiant dans sa position défensive , était résolu à
accepter le combat si Masséna le lui présentait. Son front était
fort, mais sa droite était en Tair; derrière lui, les précipices
de la Coa, vallée infranchissable , s*étendaient bien au delà de
sa gauche , où se trouvait une place occupée par une garnison
française. Refoulée par sa droite dans Timpasse de la Coa et du
Duéro, l'armée anglaise n'avait plus de ligne de retraite et
était fort compromise; mais l'aveugle fortune la sauva dans
cette journée comme elle l'avait fait en tant d'autres .oocasions.
Bataille de Fuentès de Onoro. — En quittant les bords de s m».
TAzava» l'armée française se porta, le 3 mai au matin» sur le
Dos-Casas; le 2^ corps, formant toujours la droite» se dirigea sur
Alaméda; la division Solignac, soutenue par le 9^ corps, mar-
cha sur la gauche de ce village et forma le centre de la ligne
de bataille entre Alaméda et Fuentès de O&oro , en arrière du
Boft-Casas; le e'' corps, précédé de la cavalerie légère du gé-
néral Fournier et suivi de la réserve de Mon^brun , marcha
d'Espéja sur Fuentès de Oiioro; la 3* division, aux ordres du
général Ferrey, formait lavant-garde. Le convoi destiné au
ravitaillement d'Aiméida suivait la division Solignac et était
escorté parla cavalerie de la garde. Il devait attendre à Gallégos
le résultat du mouvement du 6*^ corps sur Fuentès de Onoro.
Celui des 2^ et 9^ corps et de la division du 8^ donnant de
rinquiétude à Wellington pour son centre et pour la gauche de
sa position , il fit passer le Ûos-Casaa à la division Crawfurd
pour renforcer la 6®, et Fuentès de Onoro resta occupé par six
bataillons de troupes d'élite, détachés des 1^* et a* divisions. Le
014 LtVBB SÏPTIÈHE.
fiiit. projet du prince d'Enling était d'attaquer brusquement par
PurtQgaL ^ gauche la droite de Weilington à Fnentès de Onoro, de lai
couper la communication de Castello^Bom en la refoulant sur
son centre et sur sa gauche. Si cette attaque réussissait , l'armée
alliée, précipitée sur la basse Coa, n*eût plus eu que le choix
d'une retraite difficile, sinon désastreuse.
Fuentès de Onoro est bâti en partie au pied du coteau qu'occu-
pait l'ennemi. La plupart des maisons de cette petite rille sont
dans le ra^in creusé par le Dos-^Casas; éparses et construites
avec solidité, elles sont presque à t'épreuye du canon, ainsi que
ies murs des Jardins qui les entourent, de sorte que l'infanterie
y trouve d'excellents abris , tandis que les troupes assaillantes
sont exposées de toutes parts au feu de renneroi. Un ancien
ermitage et quelques maisons , faciles à retrancher, couronnaient
les rochers environnants. Le général Fournier, soutenu par une
partie de la réserve de cavalerie , déboucha dans la plaine en
avant de Fuentès de Onoro , cliargea la cavalerie anglaise au
nombre de quinze à seize escadrons, et la rejeta brusquement
Jusqu'à l'entrée de la ville. A une heure après midi, Loison, sans
attendre les ordres de Masséna, poussa la l'''^ brigade de la dlvl'>
sion du générai Ferrey sur Fuentèsde Onoro; le colonel Williams,
qui occupait les abords de la ville avec quatre bataillons de troupes
légères et le 3^ bataillon du 83' régiment anglais, défendit vail-
lamment les parties basses en avant du Dos-Casas ; ses troupes,
postées derrière les murs de cl6ture et derrière une barricade
élevée dans la principale rue , furent rejetées sur la rive gau-
-che du Dos-Casas^ où Ferrey les suivit, culbutant à la baïonnette
tout ce qui opposait de la résistance. 11 était parvenu jusqu'au
centre de la ville , et le colonel Williams , blessé dangereuse-
ment, était hors de combat, quand Wellington renforça les
troupes de Williams du 7 1*' régiment, bientôt soutenu par le 79'.
Les Anglais, reprenant alors l'offensive, rejetèrent la 1*^ brigide
-de Ferrey de l'autre côté du Dos-Casas* C'était une faute grave
d'avoir attiré mal à propos l'attention de l'ennemi sur cette
importante position en l'attaquant avec aussi peu de forces. Maf-
séna le sentit , et à cinq heures du soir il ordonna une seconde
attaque avec toute la division Ferrey et une brigade de la
division Marchand; c'était encore trop p?Uy car l'ennemi^
déjà Averti , pon^aH, coone il le fit effeotiveraoït, coDceairer mk
sur (e point menaeé des forces plus eonsîdéraUes, en les fidsaot ^'wV
descendre des tia«teiirs qu'il oceapaf t. A cinq heures le général
'Perrey fit Mayer les abords de Fuentès de Onono par son artil^
lerie , tandis que le Sl^ léger, In légion du Midi et le »2^ de ligo^
'pénétraient dans la i4lle au pas do cliarge» malgré une grélo
de balles^ et s'emparaient de la partie basse. Appuyés p^ir la lé*
gion haatiovifenne «« la 1^ brigade, oomposéo des !I6^ et 416® de
Ifgne, ces imives régiments s'avancent |osqu*au pied des hau;
tenrs; emportés par leur ardeur, les trois bataillons de la i^
brigade essayent de les gravir à la suite des fuyards qui out
abandonné les détures et les maisons où ils étaient embusqués (
mais, assaillis par le 24* régiment anglais, soutenu par les 7if
et 79® , Hs sont ramenés au bas de la partie iiaute et expulséf
une seconde fois de la ville. Menaeé d'être débordé par s^
droite, Ferrcy rallie à sa 9® brigade les troupes qui viennent
d*ètre repoussées, et , soutenu par quatre batailloni^ de la divi-
sion Marchand , se Jette à la baïonnette snr les Anglais, qn'M
pousse en désordre dans la ville, dont il conserve la partie basa?
ainsi que les deux rives du Dos-Gasas. La ntit mit iin au comT
bat. Les Anglais restèrent maîtres de la partie haute de Fuentès
de Onoro, où Wellington ne laissa que les 71® et 79* régiment^
et le 2® bataillon du 24^. Ils avaient perdu dans cecombai f
i 700 hommes tant tués que blessés. Les Français, ayant
toujours combattu à découvert» en perdirent un peu plus. A^
«centre et à ta droite de Parmée française « les 2® et 6® corps
avaient occupé toute la ligne ennemie par de fausses attaques
et des escarmouches d*avant-po8te. Reynier avait occupé
Alaméda, que le général Campbdi lui avaiitoédé pour se repUeft
sur le fort de la Conception.
Dans là nuit du S au 4 WellioglMi it retrancher la partie
haute de Fuentès deOfioro qu*il avait conservée. Le front de sa
position était bien couvert parie ravin du JDos-<]|asasv qui s'étend
Jusqu'au fort de la Conception ; mais, aurdessus de Fuentès dfp
Onoro, ce ravin se resserre peu à peu et se perd daqsièn boism^
récageux qui s*étend jusqu'à Poxo-Velho, village à mi-chemi(i
entre Fuentès de Onoro et Navé de Avel, où s'appuyait, ooipmi»
on Ta vu, la droitede l'armée alliée. Le 4, dans la matinée^ pe»-
616 UVBB SBPTIÈBB.
tif n ^ dant que Ferrey occupait les Anglais devant Fmatès de Ovuu%
Hasséna fit reconnaître cette droite par im gros détaebeiaent
de cavalerie conduit par Montbrun. Geiul-d constata que te
flanc droit de rennemi était accessible par une plaine large et
dénuée d'obstacles, qui s'étend jusqu'à Navé da Avel» où une
montagne élevée domine les chemins menant aux ponts de
Séceiras et de SabugaJ.
Le rapport de Montbran détermina Je général en chef k tour-
ner la droite ennemie par un changement de front à gauche , et
à resserrer Wellington entre le Dos-Gasas, leTurones, la Coa
et Alméida. En lui coupant ses communications avec Sabogal et
Séceiras , et ne lui laissant pour ligne de retraite que la direc-
tion deCastello-Bom, Tarmée alliée courait le naqi» d*étre
rejetée sur la basse Coa et d*y perdre toute son artillerie* Ce
mouvement de Tarmée française par sa gauche, la portant per-
pendiculairement sur le flanc droit des alliés, conduisait réel-
lement au véritable et unique point d'attaque; car la droite de
Wellington , solidement établie et retranchée sur les hauteurs
de Foentès de Onoro, qui lui procuraient d'immenses avantsiges,
était séparée des Français par un ravin profond défendant le
front de sa ligne d'un bout à Tautre. Son aile gauche, adossée aux
ruines du fort de la Conception , qui présentaient encore un so-
lide appui en cas d'attaque sérieuse, pouvait être facilement
renforcée par laile droite. Il ne restait donc à Masséna d'autre
parti à prendre que celui qu'il adopta* Le 3, avant la concen-
tration des forces des alliés sur les hauteurs de Fuentcsde Oûoro^
cette manœuvre pouvait avoir un plein succès.
I^ 4 au soir, les ordres pour attaquer le lendemain par Navé
de Avel et Pozo-Velho furent expédiés aux chefs des corps
d'armée. Les mouvements s'exécutèrent pendant la nuit, mais
pas aussi secrètement que le général anglais ne. pût les devi-
ner, ayant eu toute la Journée du 4 pour les épier ^ d ailleurs la
marche de l'armée française par le flanc gauche, qui devait
être exécutée avant la pointe du Jour, fut retardée de deux ou
trois heures , ce qui donna à Wellington le temps et tes moyens
^e fliire de nouvelles dispositions. La division légère envoyée
à Alaméda revint à Fuentès de Onoro , dont les hauteurs furent
occupées par les 3^ et l*"* divisions ; la brigadeportugaised'Ash-
OUBBBE H^BSPAOIIB. 611
worlh, dflQxbiMllMM an^iôs, uneparUe de lacav«leri£ et lu mu.
r" dIvifliM, aux. ordres da général Houston, furent dirigées sur ^^^^^^
Pozo-Veibo, et le^ E^gnob de don JoUan Sanchez se porté*
rent à Naf é de Avel pour éclairer la droite*
Le 6 mai) à la poipte du jour, Tannée française se trouva
ainsi ptaeée : à gauche Loison , avec les divisions Marcliand et
M ermet, en face de Pozo-Yellio, et celle du générai Solignac en
réserve ; toute la cavalerie de Montbrun , :i^,400 chevaux , à
gauche «te ces divisions ; la brigade de cavalerie légère du gé-
néral Foumier, 3", 7* et so' régiments de chasseurs, vis-à-vis
de Navé de Avel , la gauche à hauteur de Pozo-Velho; la ca*
Valérie de la garde en réserve. La 3^ division du 6*" corps, celle
du général Ferrey , occupait la partie iNisse de Fuentès de Onoro
et était destinée à attaquer la partie supérieure ; elle formait
le centre, atppuyé par les divisions Gonroux et Claparède , du
9* corps; à lad^ite, le 2^ corps appuyait sa r*^ division à Ala-
niéda, et la S° s'étendait intermédiairement entre ce village et
Fuentès de Onoro. L'infanterie de l'armée était formée en masse
par régiment; la cavalerie était déployée, et l'artillerie entre
les divisions. Beynier avait ordre de favoriser par des démoos*
trations d^attaque le grand mouvement de l'armée et de ma-
noeuvrer de manière à se réunir à elle à mesure qu'elle gagnerait
du terrain sur l'ennemi. Le convoi de vivres destiné pour Al-
méida, qui était parqué à Gallégos, retourna à Mariai va.
liC général Fournier, qui avait reçu l'ordre de tourner Navé
de Avel par sa gauche tandis que Wathier l'appuyerait par sa
droite, déboucha seul sur ce village d'où il chassa Julian San-
chez, loi iit une centaine de prisonniers et le rejeta derrière le
Turones. L'attaque de cette faible guerrilla, exécutée d'ail-
leurs sans précision , fit perdre une heure à Montbruu. Celui-
ci, après son expédition de Navé de Avel, déboucha sur les
hauteurs de Pozo-Velho. Pendant ce temps Loison avait fait
porter la division Marchand sur ce village, occupé par la l^ di-
vision anglaise. La brigade Maucune, en colonne par division et
soutenue par celle du générai Marcognet , entama l'affaire en
enlevant de vive force, du premier choc, le bois de Pozo-Velho,
où le général Houston avait jeté 2,000 hommes en tirailleurs.
SI cette iNTlgade eût été soutenue par quelques pelotons de cava-
618 tint âBrriÉMi.
181 ,. lerie, le 8A« régiment 4e If gne aurais, q«i ocetpett lé)fcoi»afec
• Portagai. |^ ^^t ^^ ^^^ p^^^ entièrement; ear il t'était iafaié vompre et
ftiyait en désordre vera le village, où il JM la èdnAisloin ^ et oô
Maucune se précipita sar ses traces. Cette eliarge à la baïonnette
eoAta à Tennenii 300 liommes tnés oo l^lesséa et ^n^lron 900
prisonniers. En poursuivant les Anglais a« delà de Paeo- Vetho,
la brigade française rencontra la cavalerie de Montbranqnl s'a«
vançait rapidement* La première ligne de Honston était couverte
par deux escadrons de bussarda banovrieMetnn'«égi»at de
chasseurs portugais. Montbmn fit aussitôt chittger cette cav»*
lerie par la compagnie d'élite d« 0^ de dragons , ccodalte par te
capitaine Brunel, qui la culbuta «or l'iniîNiterie de la divkMHi
anglaise. Gelle-d étanteouverteparhuitboacheaà feu^HootlHiNa
hésite de TabOrder sans artillerie et attend inutilement pendant
45 minutes quelques pièces de la garde qui lui étalent promise»
et dont le général Lepic ne voulut pas se dessaisir, L'inDEinterie
de Loison, n'étant plus soutenue par la cavalerie , euepeadit son.
mouvement. Malheureusement le général en chef ne ae trouvait
pas là, et lorsque , instruit d« refus du commandant die la garde»
il envoya quatre pièces à Montbrun , l'instant décisif était perdo
pour l'armée française. C'est «lors qn^on dut regratter le due
d'Elchingen; car, tandis que Loison n^osait prendre sur lui de
Jeter le 6*^ corps au milieu des masses ennemies ébranlées , Ncy»
soldat intrépide et vigilant, capitaine habile, n'eM pas hésité
a continuer l'attaque contre un ennemi déjà à moitié vaincu ,
et, imprimant un dernier élan à ses soldat», il eàt enlevé la
cavalerie de Montbrun et fixé la victoire qui édurppait en et
moment aux Français jusqu'alors vainqueurs. Le fatal temp»
d*arrèt du 6* corps avait été employé utilement par Weiiingtoo,
qui fit arriver au secours du général Houston toute sa cava^
lerie de réserve et la division légère du générai Cravrfurd.
dépendant Montbrun, masquant ses quatre pièces par un nca-
drondu S"* de hussards déployé sur son front, s'avafiçalt sur la
division Houston, à la tête desa réserve dedragons. Gelle-d,ayant
sur ses ailes deux escadrons des 1 1^ et 12'' de chaaseurs, était
précédée d'une centaine de tirailleurs de la brigade Wathier^
lorsque le 51^ de ligne anglais se porta fièrement à sa rencoi^
tre. Montbrun démasque alors son artillerie, couvre de mitniiUB
GUSMB O^SSPAGNI. (^19
ce régimint et laaoe sur Itfi ses huMards €t tm ehasseura, qui i|m|,
aehèvent de le disperser. DécoiiYerte par to foUe du 6i^, dont .^^^"^
les débris s'étaient réftigiés derrière la divisioa légère de Crarw*
fcrd , la division Houslen , eoupée de son artillerie par le
Aiottvenienl de la brigade Mancime, reMall sans appoi au mi*
lieu de la plaine ; placée sur on terrain Aivorable aux attaques
de la cavalerie, elle se trouvait fort eoetpromisB, loraqu'en ap*.
prochant du Turones les escadrons de Monibrun sont arrêtés,
dans leur élan par le feu vif et bien nourri d*un régiment de
cliasseurs anglafe posté derrière un nur qui le sépare des as*
sfliflaDts. WeUington profite de cet instant pour faire passer le
Turones à la 7* division. U ne resta sur la rive droite que la .
division légère, dont legénéral Crawfurd forma trois carrés cou-
verts par la cavalerie. Masséna^qui voit de Pozo*Velho une
partie de la droite anglaise rejetée sur la rive gauche du Tu-
rones , oidonne à Loison d*appuyer à gauche avec les division»
Marchand et Mermtt y pour faciliter i*attaque de Montbrun;
mais le mouvement de ces deux divisions, mai dirigé par le
commandant do e^ corps, tes porte trop à droite sur les hau-
teurs de Puentès de Onoro, au lieu de les lier par la gauche à
In cavalerie. Pendant ques'exécutait ce faux mouvement, observé
par Wellington , Houston, qui avait descendu la rive gaucho
du Turones Jusqu'à Frédéna , ralliait sa division et était rejoint
par Jutian Saochez; les r* et 3^ divisions, appuyées par les
Portugais, se mettaient en ligne en (ace du ravin de Fuentès
de Oâoro par lequd débouchaient les divisions Marchand et .
Mermet , comme s'il ne se fût agi que de prendre cette position
à revers, au lieu que, par le mouvement ordonné é. Loison , l*iu<^
tentlon de Massénaétmt d*embraaser toute la ligne de la droite
• anglaise et de la rejeter sur son centre.
Pendant ce temps la cavalerie frainçaise, gagnant toujours du
tnraio, arrivait devant les carrés de Crawfurd^ dont les inter-
valles étaient |;arnls d'artillerie. Montbrun ordonne alors au gé»
néral Foumier de faire attaquer le carré de droite par un de
ses régiments , de charger en personne , avec ses deux autres
r^lments, le carré du centrte, qui était le plus considérai)le, tanr
dis que le général Wathier attaquerait le carré de gauche.
Li'.i-mème devait suivre en réserve avec ses dragons. Arrivés à
620 LTVBB SBPTlillS*
isii. portée de l'ennemi, les escadrons français sont aocneUlis par i»
Portuga!. violent feu de mitraille , ce qui n*empèciie pas le carré de droite
d*étre enfoncé. Le carré da centre épronve le même sort : le gé-
néral Foamier y pénètre, le traverse avecles 7^ et 1 3* régiments
de chasseurs, fait demi-tour et achève de le renTcrser; i,500
hommes restent prisonniers avec le colonel Hill. Mais la charge
du général Wathler échooe contre le carré de gauche , et ses
régiments sont ramenés sous une vive fiislllade et des dédun^ges
à mitraille qui démontent le général Fournier et blessent ses
deux colonels , au moment où Montbnm se disposait A char-
ger ce même carré avec ses dragons. Masséna, sons les yeux
• duquel cette attaque a lieu , Jugeant que la réserve de Mont-
brun est insuffisante pour résister à tonte la cavalerie anglaise
qui s'avance au soutien de la division Crawfurd , a déjà envoyé
un officier au général Lepic , en position derrière le 9^ corps »
avec ordre d*appuyer l'effort de la cavalerie de Montbrun qui
doit être décisif; ne voyant pas venir Lepic, Il lui dépêche un
autre officier pour le presser d'accourir avec ses MO chevaux
de la garde. Dans cet intervalle rartillerie de Houston, coupée
par la brigade Maucune , parvint à se dégager et à rentrer en
ligne, par suite du temps d'arrêt de la cavalerie de Montbrun qui
s*est repliée en attendant celle de la garde, ce qui fecitite la
fuite de la majeure partie des 1 ,500 prisonniers anglais épars sur
le champ de bataille. Le premier officier envoyé au général
I^eplc, le capitaine Oudinot , aide de camp de Masséna % arrive
enfin et annonce que le général de la cavalerie de la garde ne
pouvait agir que sur un ordre du duc d'Istrie. On était alors
Bessières? C'est ce qu'on Ignorait ; car on ne l'avait pas vu de
la Journée à Tétat-major du général en chef. Cependant Mont-
brun, resté sans appui sur les bords du Turones, inutil^nent .
exposé pendant quatre heures au feu de l'artillerie anglaise ,
et espérant toujours voir déboucher dans la plaine les divisions
Marchand et Mermet , ne put renouveler ses attaques. Dès locs
Tarmée alliée, incertaine dans ses mouvements» ent le temps
de se raffermir ; Wellington put efTectuer un changement de
front sur son centre, l'aile droite en arrière, et attaquer Fuentès
* 0epui8 lieutenaat général
GCBBftB d'espaghe. 61f
deOnorO) dont le général Ferrey , soutenu par la division Cla- ifn.
parède, venait d*eniever la partie haute ; mais , n'étant pasap- ''^^^■Hti''
poyé par tout le 9^ corps, tandis que le général anglais pouvait
renouveler «ans cesse les troupes fatiguées par des troupes fraî-
ches, Ferrey se vitforcé d'abandonner les hauteurs et ne conserva
que la partie basse, d*où l'ennemi ne parvint pas à le repousser.
Pendant que ceci se passait à la gauche et au centre , Reynier
agissait mollement sur la droite et se livrait à d'inutiles tirail-
leries. Un bataillon de la légion Lusitanienne repoussa une
faible démonstration que fit sur Aldéa del Obispo le 81^ régi-
ment d'in&nterie légère. C'est à ce fait insignifiant que se borna
la coopération du chef du 2" corps, qui n'avait devant lui
qu'une' division et prétendait en avoir trois , ce qui n'était pas,
car Wellington avait attiré la majeure partie de ses forces à sa
droite.
Ce chef de l'armée anglo-portugaise , formé sur le plateau
qui s'étend entre le Turones et le Dos-Casas, se liait par sa
gauche au général Piéton, qui défendait les hauteurs deFuentès
d'Ofioro. Les divisions Spencer, Gravrfurd et les Portugais for-
maient sa droite^ appuyée par toute la cavalerie et par une nom-
breuse artillerie. Il était cinq heures du soir. Masséna, qui a
reconnu la faute commise par Loison , ordonne à celui-ci d'ap-
puyer à gauche en se rapprochant de Montbrun , fait porter
Solignac dans l'intervalle, et^ malgré le front imposant que
présente la ligne ennemie, il se propose de l'attaquer et de l'en-
foncer avec ces trois divisions d'infanterie et la cavalerie de
Montbrun; mais, au moment d'entrer en action, il apprend
que l'approvisionnement en cartouches est épuisé et qu'il n'en
reste pas en tout trente par homme, la consommation de la
journée ayant été considérable. Or ce n'était pas assez pour
recommencer une lutte dans laquelle l'ennemi, adossé à la
Coa, et n'ayant pour ligne de retraite que la route de Cas-
telIo-Bom , eût senti la nécessité d'opposer une résistance déses*
pérée. Masséna, que cette nouvelle difficulté ne décourage pas,
ordonne d'envoyer à Giudad-Rodrigo, pour y prendre des car-
touches et des vivres , les attelages amenés par Bessières ; celui*
ci s'y oppose , alléguant la fatigue éprouvée par ses attelages
pendant la bataille, et, après de vives contestations , Masséna
623^ LITfiB SEPTIÉHK*
IM1. est foreë de remettre an lendemaîn matin le défarl de wmteÊi^
'^^"^'' sons pour Oudad-Rodrigo. En effet, eeax-d pariMnml le 6 m
point du jour^ et ne ramenèreftt u vivres ai cartMche» pour
une longue bataille , la place n'en étant pa» approvlsionfiée.
Ainsi tous ies genres d'ol)8tades s'opposaientà la réalisation des
projets du général en dief de l'armée de Portugal , tandis qae
les fautes ou la désobéissance de ses lieutenants lui arrachaient
le fruit de ses plus habiles combiiialsons. La journée do 6 se
passa sans événements digues d'être mentionné»; U général en
chef passa Tarmée en revue et lui distribua une partie des vivres
destinés au ravitaillement d'Alméida. De son côté Wellington,
qui s'attendait à être attaqué le lendemain de la bataille, avait
employé la nuit à retrancher sa ligne et l'espèce de déûlé formé
par kl rencontre des ravins de Fuentès de Onoro et de Villa-
Fermosa, village situé sur le Turones. Il Ht barricader la partie
haute de Fuentès de Onoro et Yilla-Fermosa , et l'on vit avec
étonnement une armée plus forte des deux cinquièmes se cou-
vrir d'ouvrages devant une armée inférieure, qui , par sa po-
sition de bataille, s'était mise en prise sur sa gauche, dont le
2^ corps, resté à Alaméda , se tenait entièrement isolé ; de sorte
que Wellington se trouvait au milieu de l'armée française et
aussi rapproché qu'elle de Giudad-Rodrigo. La moindre me-
nace sur cette ligne de communication forçait .Masséna à quit-
ter sa position.
On ne pouvait plus songer à attaquer l'armée anglaise dans
les retranchements qui rendaient sa position inabordable de
front; la tourner par la droite ou par la gauche avait égale-
ment de graves inconvénients ; il fallut donc se résigner et
renoncer à une entreprise désapprouvée par la plupart des
généraux et surtout par les principaux chefs , devenus presque
étrangers à l'armée de Portugal. En effet, Loison savait qu'il
était remplacé par le maréchal Marmont, duc de Raguse; le o^
corps, que Drouet avait ménagé à l'attaque de Fuentès de Onoro»
allait quitter l'armée pour passer le Tage et rejoindre l'armée
du Midi ; Reynier, qui le 5 n'avait pas fait le moindre mouve-
ment d'attaque sérieuse contre la gauche ennemie , espérait et
demandait un commandement séparé; Jonot, qui n'était pas
guéri de sa blessure, retournait à Paris.
Les deux parti» s'aUHboèrent la victoire : les Français parce igi^,
qa'lis restèrent maîtres de Prwo-Vclho et de la plaine y et qu'en ^•'*»«*«
> tournant faile droite des aittés ils aivaient forcé Wellington
i à abandonner nne lieoe de terrain et à changer le front de sa
I position; les Anglais parée qu'ils avaient ecmservé la partie
I hante de Foentès de Odorosi souvent attaquée et toujours dé*
fendue avec opiniâtreté, et qu'ils avalent empêché le ravitail-
lement d'Atanéida , tout en conservant leur ligne de retraite •
par le pont de Gastello-Bom. Les pertes des Français, qui com-
battirent longtemps àdécouvert dans Fuentèsde Oûoro pendant
les journées du s et du G , s'élevèrent à près de 3^000 hommes
tant tués que blessés ou prisonniers; celles des alKés, qui
eurent presque toujours Tavantage do terrain et des positions ,
furent d'envircm 2,000 hommes.
On a généralement reproché des fiiutes au prince d'EssIing,
relativement à sa campagne de Portugal; mais de quelle ma-
nière expliquera-t-on la conduite de lord Wellington? comment
un général toujours si prudent, qui n'acceptait le combat que
dans des positions inabordables, osa-t-il s'exposer à livrer
bataille dans celle qu'il avait choisie derrière le Dos-Casas7 Vain-
queur, la possession d'Alméida Justifiait sans doute les plus
grands sacrifices ; mais de quel affreux désastre une défaite
n'eùt-elle pas été suivie? Il avait devant lui une armée victo-
rieuse, longtemps forcée de battre en retraite sans avoir été
vaincue , et Jalouse de venger l'affront de n'avoir pu vaincre ; à ,
dos, une forteresse ennemie , un torrent profond ; plus loin , on
pays coupé, montagneux^ rempli de défilés sans routes voi-
' turables : voilà par quels chemins il eût été forcé d'effectuer
sa retraite ; la perte de son artillerie , de ses bagages, de tout
son matériel, en devenait une conséquence inévitable, et peut-
être ce grand échec eût-il entrainé avec lui une catastrophe géné-
rale. On ne pouvait excuser cette conduite du général anglais
' qu'en le supposant mal instruit de l'état des forces qu'il avait i
^ combattre ; il les Jugeait sans doute hors d'état de lutter contre
I les siennes : son erreur faillît lui coûter cher. Nous avons
expliqué plus haut comment la victoire échappa des mains de
' Masaéna , et certes les manœuvres de lord Wellington n'y con-
tribaèrent en rien.
6M UTBR SEFTIBIIB.
iSH. I^ Français, il est vrai , étaient restés maitres d*aiie grande
i^ortugai. parii^ ^u champdebataille, que l'ennemi n*osa pas leur disputer;
mais cet avantage était à peu près nul et ne changeait rien à
la situation d' Aiméida : rien n'était décidé pour le ravitalllemeot
de cette place. Depuis un mois des travaux avaient été ordon-
nés pour la faire sauter; Fempereur en avait autorisé le déroaih-
tellement ou celui de Ciudad-Rodrigo^ comme trop rapprodiées
et inutiles l'une ou l'autre. Le prince d'EssUng, ne pouvant plus
espérer de communiquer avec Alméida , prit le parti de dé-
truire cette place et d'en sauver la garnison. L'embarras était de
faire parvenir des instructions au gouverneur. Il s'agissait de
traverser Tarmée ennemie et de surmonter tous les périls qui
pouvaient survenir dans l'espace de deux lieues j pour aller re-
mettre au général Brenier l'ordre de détruire le matériel d'artil-
lerie et de faire sauter lesouvrages. Le gouverneur devait ensuite
se faire jour l'épée à la main , en se dirigeant sur Baiiia dei
Puerco. Le 6 nu soir trois Iiommes de ixinne volonté se pré-
sentèrent pour ce périlleux message : ce furent Zamboni , capo-
ral au 76" de ligne, Jean* Noël Lami, soldat cantinierde la
division Ferrey, et André. Tillet, chasseur au 6* léger. Ces
trois émissaires partirent par divers chemins, le 6, a neuf ou dix
heures du soir, chacun porteur de l'ordre du maréchal. Les
deux premiers prirent des déguisements; Tillet partit en uni*
forme et armé de son sabre. Seul il arriva '.
Il m». ^^^^^ retraite du général Brenier et delà garnison d'Àl-^
méida; destruction de ceVe place. — Dans la matinée du 7,
Masséna donna, par ses mouvements, de l'inquiétude aux alliés,
qui travaillaient avecactivité à augmenter leurs retrancheoients.
Vers midi le maréchal Marmont arriva et prit le commande^
ment du G" corps , en remplacement du maréchal Ney. A
minuit on entendit le signal des cent coups de canon , indiqué
à Brenier pour annoncer l'arrivée des ordres du général en chef.
Pendant les Journées des 8, 9 et 10 mai , les Français oontlnuè-
* Le chef de bataillon Guîngret, dans TouTrage quMl a publié en la 17 sur
la guerre de Portugal, donne, page 212, un récit fort intéressant des Innom-
brables dangers au%querg échappa le chasseur Tillet, qui, avec un courage et
une présence d'esprit vraiment rares , parvint à passer, quoique en uaifomie ,
à travers les postes de blocus.
PortUKal.
GUERRB d'eSPAGNB. 625
rent d'occuper rattention de reunemi par des démonstrations 1911
sar son flanc droit , entre la Coa et Villa- Fermosa , ce qui le
tint constamment sous les armes dans ses retranchements, s'at-
tendantà une nouvelle «attaque. Cependant Tarmée avait déjà
consommé une partie du convoi de vivres destiné primitivement
pour Âlméida ; les convois envoyés de Giudad-Bodrigo n'ar-.
rivant plus, la disette commençait à se faire sentir, et, forcés de
s'éloigner, les Français allaient abandonner à Vennemi une
place dont il convoitait si ardemment la conquête. Massénn hé-
sitait encore à se replier derrière TÂguéda , malgré les instances
des généraux et les murmures des troupes; il voulait aupa-
ravant être mieux éclairé sur ce qui se passait à Alméida;
mais, cédant enfin au désir témoigné par toute Tarmée de rentrer
en Espagne, il se décida à commencer sa retraite le 10. Les
6' et 8^ corps se dirigèrent sur Ciudad-Rodrigo, le 2^ s'établit au
pont de Barba del Puerco, par lequel Brenier devait déboucher
avec sa garnison , et le 9® se porta sur Espéja. Le 1 0^ à minuit,
pendant la marche de Tarmée, une grande explosion se fit en -
tendre; on apprit, le n au matin , que c'étaient 1^ fortifica-
tions d' Alméida qui avaient sauté de m&nière à n'être plus
tenables. Cette opération avait été conduite avec autant d'a-
dresse que de courage par le général Brenier. Depuis longtemps
il avait fait miner les principaux ouvrages de la place , et
attendait Tordre de les détruire que le chasseur Tillet lui ap-
porta le 7 au soir. Aussitôt il fit jeter les cartouches dans les
puits, scier les affUts, détruire les pièces en tirant à boulet
dans la volée , et le 9 il fit charger les fourneaux de mines.
Enfin , tous les préparatifs étant terminés, le 10, la garnison ,
composée de t, 100 hommes formant deux colonnes, sortit de la
place vers les dix heures et demie du soir, dans le plus grand
silence; son avant-garde arriva sur les postes anglais au moment
où commençait Texplosion des mines, auxquelles 200 sapeurs ,
restés dans la place aux ordres du commandant du génie Morlet,
étaient chargés de mettre le feu. Les braves troupes du général
Brenier suppléèrent par la vivacité de l'attaque à Tinfério-
rite du nombre; elles s'ouvrirent un passage. A la tête de la
colonne de gauche, constanmient inquiétée dans sa marche, sur
ses flancs et sur ses derrières, par la brigade portugaise du gêné-
626 . LIVRE SEPTIÈME.
I8H. rai Pack; malgré Tobscurité de la nuit, Tincertitade des routes,
Portugal, jg ^^f^^i ^Q guides sûrs et les attaques continaelles de Teo-
nemi» le général Brenier se trouva» au point du jour, entre
Viliar de Ciervos et Barba del Puereo, où le commandant
Morlet le rejoignit avec ses braves sapeurs , après avoir aussi
forcé la ligne des postes ennemis. Brenier se dirigea alors sur
TAguéda; poursuivi à droite par la cavalerie du général Stap-
pleton-Cotton et à gauche par les Portugais de Pack, il se
déroba par un sentier conduisant directement au pont de Barba
del Puereo , et s'enfonça dans un défilé formé par des rochers
à pic et aboutissant à une carrière profonde ; mais> la colonne
française ayant été obligée de s'allonger pour passer le défilé,
son arrière-garde fut coupée et sabrée par la cavalerie anglaise.
2 à 300 hommes gravirent les versants escarpés du défilé pour
échapper à la poursuite des dragons du général Gotton et tom-
bèrent sous la fusillade des Portugais de Pack; un grand nom-
bre furent engloutis dans un précipice où ils entraînèrent les
Portugais après eux; mais le gros des deux colonnes fut recucàlU
par le général Heudelet, que Beynier avait laissé pour cet objet
en avant du pont de Barba del Puereo. Quant aux pertes
éprouvées par la garnison d'Alméida, il fut constaté que, sur
350 hommes manquant à l'appel, 200 avaient été pris par
Tennemi, 1 00 avaient péri dans le précipice, et 50, les armesà la
main. Sur 40 Portugais trouvés dans le gouffre, 30 étaient morts.
Le 12 mai , la garnison d'Alméida se i-endit à Salamanque;
Tissue de son entreprise au milieu de tant d'obstacles couvrit
de gloire le général Brenier et les intrépides soldats qu'il avait
sous son commandement, et fut un sujet d'humiliation et de
honte pour l'armée ennemie, qui regardait la garnison d'Al-
méida comme une proie qui ne pouvait lui échapper.
L'expédition de Portugal offrait , sans contredit , des dif-
ficultés insurmontables qui ont pu amener des fautes; mais, aux
yeux mêmes des ennemis de la France, elles ont augmenté la
haute réputation de ses armes. On a voulu prétendre que les
résultats de cette fameuse campagne avaient été la perte de la
meilleure partie de l'armée française en Espagne ; ce fait est
faux de tout point. Les armes françaises n'éprouvèrent aucun
revers en Portugal. L'ennemi évita constamment d'en venir aux
GUBBBB D ESPAGNE. G27
mains en bataille rangée, si ce n'est à Fuentès de Onoro ; il n'op- m i.
posa partout, au prince d'Essling, qu^une force d'inertie» des *****'*"^*^
combinaisons défensives , et des obstacles puisés dans ia loc^- «
lité déterminèrent seuls la retraite de ce marécbal.
Le 12 mai le 2' corps gagna Ledesma en même temps que
Brenier se rendait à Salamanque avec sa garnison. Masséna
laissa à Ciudad-Rodrigo le reste du convoi destiné pour Alméida,
porta à 2,000 hommes la garnison de cette place et rentra à
Salamanque avec Tarmée, qu'il distribua dans des quartiers
de rafraîchissement. Il s'occupait à la réorganiser lorsqu'il reçut
Tordre de remettre son commandement an maréchal duc de
Raguse et de se rendre immédiatement à Paris. L'empereur
était fort mécontent de l'échec éprouvé par ses armes en Por-
tugal. Avec les doutes qu'il avait sur la réalité des forces de
ses armées dans la Péninsule et sur celles de l'ennemi , il ne
voulait pas admettre qu'au lieu de 70,000 hommes Masséna
n'en avait eu d'abord que ôO,000, réduits bientôt à 45,000 et
en dernier lieu à 30,000. Trompé par l'empereur qui se trom-
pait lui-même, Masséna ne reçut d'autres renforts que les 7,000
hommes de la division Conroux, conduits par Drouet, qui n'avait
pas même l'ordre formel de marcher au secours de l'armée de
Portugal. Avec d'aussi faibles moyens, presque toujours privé
de subsistances, à travers un pays dévasté , le prince d'Essling
s'empara de tout ce qu'il voulut prendre, à l'exception de Lis-
bonne, que, sans nul doute, il eût emporté s'il avait été ap-
puyé par l'armée du Midi. Il lui a fallu pour oser pénétrer en
Portugal cette audace et cette confiance personnelle qui sont
les plus brillantes qualités d'un général, et, pour y tenir pendant
six mois, cette opiniâtreté et cette force d*àme par lesquelles se
distinguait son grand et noble caractère. Malgré tant de glo-
rieuses preuves d'habileté, de courage et d'énergie, Masséna subit
les conséquences communes à la guerre, où tout n'est que^hasard
et incertitude. Napoléoft , toujours heureux , comme l'avait été
Masséna, devait bientôt prouver lui-même, dans les désas-
treuses campagnes de Russie, de Saxe, et dans sa glorieuse
campagne de France, que les plus habiles combinaisons et les
plus brillantes conceptions du génie ne suffisent pas toujours
pour fixer la victoire.
40.
'G28 XIVBR SEPTIÈME.
iKii. Ou ne peut nier le tort qu'eut Masséna d'attaquer de front
Portuga. 1^ position de Busaco, qu'il pouvait tourner; de s'être arrêté
» trop longtemps sur le Tage, qu'il aurait pu iVanchir; d'avoir
perdu la journée du 3 mai en attaques inutiles contre Fuentès
de Onoro , et d'avoir laissé à Wellington la Journée du 4 pour se
raffermir sur les hauteurs. Malgré ces fautes, raffaire du ^
devait conduire à une victoire éclatante si Masséna eût été
mieux obéi et secondé par Reynier, Drouet et Loison^ et con-
venablement appuyé par les troupes du duc distrie. Mais la
plus grande faute de cet illustre guerrier fut d'avoir consenti à
prendre le commandement de l'armée dite de Portugal pour
opérer une invasion qu'il désapprouvait dans les conditions où
elle devait être entreprise. Il avait d'abord refusé , et aurait dû
persister dans son refus, malgré les paroles flatteuses de Napo-
léon ; il céda par faiblesse et compromit sa gloire dans cette
malheureuse expédition , bien qu'il y ait déployé les plus grands
talents et les plus rares qualités de caractère. La bataille de
Fuentès de Oiîoro, bien qu'indécise, fut glorieuse pour l'armée
française et termina la (arrière active de Masséna. L'espèce de
disgrâce qui frappa le héros de Zurich et de tant d'autres com-
bats heureux fut une injustice dont l'empereur, seul apprécia-
teur du mérite de ses meilleurs lieutenants, se repentit plus tard.
Quant aux revers éprouvés par le prince d'Essling dans sa
campagne de Portugal, la postérité jugera entre lui et Welling-
ton , d'après les actions et non d'après les résultats.
OUVRAGES IMPRIMÉS ET DOCUMENTS MANUSCRITS
CONSULTÉS POUR L4 RÉDACTION DES CAMPAGNES DE 1809 A 1811.
EspasBe ei Portnffal*
Moniteur, — Annual RegUter. — Histoire de France. — • Mémoires du maréckat
Sttchet, duc d*ytlbu/éra, sur ses campagnes en Espagne, depuis Î90là jusqu'en
48U. — Général Rogniat, Relation des sièges de Saragosse et de Tortose
par les Français dans la dernière guerre d* Espagne. — Belmas » Journaux
des sièges faits ou soutenus par les Français dans la Péninsule, deiWT à
1814. — Lenoble, Mémoires sur les opérations militaires des Français en
Galice , en Portugal et dans la vallée du Tage, en 1809, sous le commande^
ment du maréchal SouU , duc de Dalmatie, — Colonel Tallandier, Mémoires
relatifs aux opérations du V corps d'armée, en Espagne et en Portugal^
sous les ordres du m/aréchal Soult, duc de Dalmatie, dans les années 1808 à
4811. — Guingret, Relation historique et militaire delà campagne de Portugal^
sous le maréchal Masséna , prince d'Essling, — Général Koch , Mémoires de
M asséna, — Colonel sir John Jones , Histoire de la guerre d'Espagne et
de Portugal pendant les années 1807 à 1813, plus la campagne de \%\k dans
le midi delà France, — Napier, Histoire de la guerre de la Péninsule et dans
le midi de la France, depuis Vannée I9ff7 jusqu'à Cannée 1814. — Comte de
Toreno, Histoire du soulèvement, de la guerre et de la févolutiond^ Espagne,
— Tliiers, Histoire du Consulat et de C Empire. — Dépêches et ordres du Jour
du feld-maréchal duc de ff^ellington. — Mémoires et Correspondance po-
litique et militaire du roi Joseph. — Mémoires divers, — Documents manus-
crits. — Pièces officielles.
Conquête de l' Andalousie , campagnes de 1810 <;/ 1811 dans le midi de l'Es-
pagne, |>ar le capitaine d'artillerie E. Lapène. L'auleur a fait avec distinction
la campagne d'Estrémadure en 1811. C'est sur les lieux mêmes qu'il a pris les
matériaux de son ouvrage* U parie en témoin oculaire bien instruit des événe*
ments, et l'on doit regretter qu'il n'ait pas pu étendre son récit jusqu'à l'époque
de l'évacuation de l'Andalousie par l'armée du Midi.
AllemaffDe, Autrlcbe,
Moniteur. — Annual Register, — Histoire de France, — Général Koch.
Mémoires de Masséna, — Histoire des guerres en Eutope (en allemand ).
Mémorial du Dépôt de la guerre, t. VIII. Campagne de 1809, en Bavière, et en
Autriche.
La guerre de Van 1809 entre V Autriche et la France , par un officier autrichien.
Ouvrage important et précieux pour l'histoire de l'armée autrichienne. L'au-
teur, le général Stutterheim , aussi distingué comme militaire que comme
écrivain , s'est trouvé en position d'observer et d'apprécier les événements de
cette guerre. Bien qu'il n'ait p^is cru devoir dire tout ce qu'il savait, ce qu'il
dit porte un tel cachet de vérité qu'un doit y avoir une entière coniiance. àlaU
heureusement son récit s'arrête à la veille de la bataille d'Essling.
Essai d'une histoire de la campagne de 1809 sur le Danube, par le général-
620
630 OUVBAGBS ET DOCUMENTS CONSULTÉS.
major baron de Valentini ( en aOemand ). Cet essai bi8torn]oe renrermc iro-
tiies renseignements sur les batailles Hyrées dans te Marcbfdd et sur b retraite
de l'armée autrichienne en Moravie. Le général Valentini se troayait alon
au quartier général da prince d'Orange.
Recueil des principaux événements de la guerre entre la France et VAniricht
en 1809, sans nom d'auteur ( en allemand }. C'est un eipoaé succinct et sooTeot
impartial des principales phases de cette lutte mémorable.
Relation de la campagne de f 809 en Autriche, par un témoin oculaire (en allemand).
Cette relation , qni parait avoir été rédigée d*aprés les Bulletins autricbiens,
mérite peu de confiance.
Précis historique de la guerre entre la France et V Autriche en 1809, par le
comte Alexandre de Laborde. Cet ouvrage , peu important sous le rapport des
opérations militaires, contient quelques détails intéressants pour l'histoire de
l'armée française. Du reste , il renferme des récits forts inexacts et des- juge
ments plus que hasardés.
Pourquoi les Autrichiens n'ont-ils pas profité de la victoire d'Aspern {BssHng i
pour diriger leurs opérations d'attaque sur la rive droite du Danube? Quels
sont les motifs qui ont engagé le général en chef autrichien à conclure u»
armistice à ZMafm , et cet armistice a-t-il été dans l'intérêt de V Autriche
(en allemand)? L'auteur de cet écrit, le général baron de Wimpfen, alors aide
de camp du prince généralissime, n'apprécie les circonstances de cette guerre
qu'an point de vue de l'opportunité des résolutions prises au grand quartier
ftéjiéral autrichien.
/'or/a^e^n ^t//r/cAe, par Cadet de Gassicourt. Ouvrage rempli d'e«*renrs et de
fausses appréciations.
Mémoires sur la guerre de 1809 en Allemagne, avec les opérations particulières
des corps d'Italie, de Pologne, de Saxe, de Naples et de ffalcheren, par le
général Pelet. Le seul ouvrage complet sur toute cette guerre; très-important
pour l'histoire de l'armée française, et précieux par le grand nombre de pièces
justificatives qu'il renferme. Le général Pelet, alors aide de camp du marédul
Masséiia , a pris une part active à cette guerre, qu'il décrit loqjours avec ta-
lent, d'après les matériaux qu'il a recueillis sur les lieux et dans les documents
officiels des archives du Dépôt de la guerre. Il avoue dans son introduction
« qu'il ne se présente pas comme entièrement impartial... et prévient que.
s'il a erré dans la scrupuleuse recherche de la vérité, il manifeste du moins set
sentiments assez hautement pour que chacun puisse se tenir en garde contre
ses jugements. >
Journal militaire autrichien. Les volumes des années 1813,1832, 1833, 18S4
rt 18.Î6 de cet excellent recueil contiennent un grand nombre de Notices in-
téressantes sur les principaux épisodes de la guerre de 1809.
Daimatle, Garlntlile et Styrie.
Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse ^ de 1792 à 1841. C'est avec
beaucoup de circonspection que l'on doit consulter ces Hémoires pour l'Intel-
ltgenc«^ des opérations du corps d'armée de Dalmatic.
Italie, Tyrol.
Histoire politique et militaire du prince Eugène» vice-roi d^ Italie, par le général
Vaudoncourt. Cette histoire , bien qu'écrite sur pièces authentiques et d'après
les matériaux recueillis sur les lieux par l'auteur, ne mérite pas toujours une
entière <'onfiancc.
OUVRAGES BT DOCDMRNTS CONSULTÉS. 631
Opérations de l'armée aux ordres de Varchiduc Jearty en Italie^ dnns le Tyrol
et en Hongrie ^ par un officier de l'éUt-major de cette iirmée (en allemand ).
Bon à consulter pour l'intelligence des mouvements , marches et opérations de
l'armée autrichienne d'Italie.
Cîierre dans le Tyrol en 1809, par Baur ( en allemand ). L'auteur parait avoir été
bien instruit des principales circonstances de cette guerre, dont il a été témoin
oculaire.
Histoire d^ André Hqfer^ aubergiste à Passeyr, chef des insurgés tyroliens pen-
dant la guerre de 1 809, puisée à des sources authentiques (en allemand} . Matériaux
utiles pour l'histoire de cette guerre, malgré quelques inexactitudes de détail.
Ferdinand von Schill, par Haken ( en allemand). C'est la Notice la plus étendue
qui ait été publiée sur la vie et sur les entreprises de ce célèbre partisan.
POlOSDC.
Relation des opérations de Varmée aux ordres du prince Joseph Poniatowski,
pe^ndanl la campagne de 1809 en Pologne, contre les Autrichiens, par le
f;étiér.-il Roman SoUyk. C'est la seule relation complète qui ait paru en langue
française. L'auteur, ayant servi sous les ordres du prince Poniatowski, se trou-
vait à même de faire connaître avec détail toutes les circonstances de cette
campagne.
Hollande, Belglqac.
Expédition de V Escaut. Enquête, pièces et documents relatifs aux affaires
de V Escaut , communiqués aux deux chambres du Parlement d* Angleterre.
Les documents que renferme cette traduction française, publiée en 1810, bien
(iu'incomplets, méritent d'être consultés.
Spectateur militaire. Rapport détaillé du général Oslen sur les événements sur-
venus depuis le déharquiment des Anglais ju8(]u'à la capitulation de Fles-
singue.
TABLE DES MATIÈRES.
LIVRE CINQUIÈME
finerrc é'Rspaffne,
PomcAJU
Espagne.
POBTUfiAL,
CHAPITRE V.
SUITB OB L^NNiS 1809.
Pages.
— Le maréchal Soult entre en Portii|$al; combat
de Monterey ; prise de Chavés ; bataille de Car-
valho-da-Este ; combat de Gnîmaraens ; ba-
taille et prise d'Oporto; combat d'Ama-
rante, etc 5
— Suite des éYénements militaires en Espagne:
bataille de Médelin; combat de Cindad*
Real, etc 24
— Suite des opérations en Portugal ; Tannée an-
glaise s'avance sur Oporto; retraite du ma-
réchal Soult sur la Galice , etc 39
LIVRE SIXIÈME.
Gn^rre d'Allemagne.
AI.LBHACNB.
CHAPITRE 1,
SUITE DE l'année 1809.
— Guerre de la France avec l'Autriche ; prépara-
tifs des deux puissances pour entrer en cam-
pagne; commencement des hostilités 57
~ Jonctiondu corps d'armée du maréchal Davoust
avec Tannée bavaroise; bataille de Tann;
combats d'Amhofen et de PralTenhofen 79
— Bataille d'Abenaberg; combat et prise de
LandshuI 85
— Bataille d'Eggm&bl ou U'Eckmûki; combat et
prise de Hatisbonne ; retraite de l'armée ao-
(ricbienne sur la Bohème , etc 96
8:3
634
T4BLB DBS MATIÈaSS.
ALLEMAGNE.
Pologne.
CHAPITRE II.
SUITE DB L'umÉE 1809.
L'armée fnmçaiBet'aTtncesar Vienne. 104
- Combat deNenmarkt 106
Oimbat d'Ebeteberg H3
Bombardement et capitulation de Tienne — 117
• Paua^e du Danube par une partie de l'année
française; mouvements de l'armée antii-
chienne air la rite gauche de œ Oenve — 130
Bataille d'Emling «38
Opc4^tiona militaires en Pologne : combat de
Gora ; prise de Sandomir, de Zamosc ; marche
d*nn corps d'armée russe sur la Galicie — 143
CHAPITRE III.
SUITE DE L'ANIfÉE 1809.
iTALiR. — Ouverture de la campagne dans le nord de l'I-
talie I4S
— — BaUUIe de Sacile «M
— >> Bataille de la Piave. 103
— — Retraite de l'armée autrichienne sur la Carin-
thie; combats de San-Daniele, de Prewald ,
de Tarvis, de Laybach 167
— — Coml^t de San-aiichele 174
- Opérations du général Marmoot en Dalmatie
et en Croatie «77
Saite des opérations de l'armée d'Italie. Le
prince Eugène entre en Hongrie 179
- - Bataille de Raab «m
Câkintbie et Stybie. — Opérations en Carinthie et en Styrie: comliats
de Klagenfurt et Kahisdorf, etc 189
— — Combat de Grâtz «94
ALLEBiàGKR. — Réunion de l'armée du prince Eugène à la
grande armée dans l'Ile de liObau « 99
CHAPITRE IV.
suite oe l'année 1809.
ALLEiiAGNE. — Suite des opérations de la grande armée ; ba-
taille de Gross-Eniersdorf 202
— — Bataille de Wagram 2«6
— — Traité de Vienne 2S4
— — Incursion du major Schill , chef de partisans .
dans le nord de l'Allemagne ; il est défait et
tué dans le Straisund. . . , 244
DALMATIB ET CROATIK.
HONGIIIE.
TABLE DBS MATIÈBBS.
636
Paccf.
ITAUE. — Diversion tentée par les Anglais pendant la
gaem avec l'Autriclie ; expédition du gé-
néral Stuart sur les côtes du royaume de
iSaples , 231
H0U.4IIIDK ET BiLCitfUB. — Expédition du général lord Cbatim à l'em-
bouchure de TEscaut et dans l'ile de Wal-
cheren 239
E8PAGNB.
LIVRE SEPTIÈME.
fiaerre û*E»p9tgme,
CHAPITRE I.
8U1TC DE L^ANMÉE 1809.
— Suite des opérations militaires en Espagne 283
— Bataille de Talavéra de la Beina 305
— Ck>mbat du pont del Arzobispo 320
— Combat du col de Baî^os 329
— Combat de Tamames 359
— Bataille d'Ocaîia 519
— Combatd'Alba deTormés 133
— Suite des opérations militaires dans le royaume
ou province d'Aragon ; combats d'Alcailiz, de
Uaria, de Belchite; expéditions et autres com-
bats partiels, etc 339
— Combat d'AlcaAix 3 2
— Combat de Maria , 364
— Combat de Belchite 569
— Suite des événements militaires en Catalogne;
combat de Valls; le maréchal Angereau rem-
place le général Saint-Cyr dans le comman-
dement de l'armée de Catalogne : prise de la
ville d'Hostalrich ; siège et prise de Gi-
ronne , etc., etc 377
ESPiUNF.
CHAPITRE II.
AHUÉE 1810.
- Suite des évéoemeols .-nitttaires en Espagne 397
L'année française franchit la Sierra-Moréna
et envahit rAndalousie', etc 588
Occupation de Malaga 4H
et prise d'Astorga 417
636
'lABLB DBS MATIERES.
Opérations du 3» corps de I armée franrabe
en Arafçon -et dans le royaome de Valence. 423
• Siège et prise de Lérida 436
Siège et prise de MéquiDcnia , etc. 435
Opérations en Catalogne; combat de Molleti
combat de Vich ; combat de Villafranca ; priK
du fort d*Ho8talrich,etc Le maréchal Uac-
donald remplace le maréchal A.ug«rcaa dans
le i:ommandemait dn 7* corps 438
ESPAGNI.
POITUGAL.
CHAPITRE III.
SUITE l>B I.^ANNéE 1810.
Troisième expédition des Français eti Portugal.
Formation d'une nouvelle armée d'invasion
sous les ordres du maréchal Haaséna 434
- Siège et reddition de Ciodad-Rodrigo 460
- Destruction du fort de la Conception 468
- Siège d'Alméida 171
- L'armée française pénètre, en Portugal 481
- Bataille de Busaco 4â9
- L*armée anglo-portugaise se retire dans ses
lignes en avant de Lisbonne 499
- Les deux armées s'observent réciproquement;
retraite des Français sur Santarem ; paange
du a^zère ; reconnaissance sur Abrantès, etc. 504
- Une division du 9* corps vient Joindre l'ar*
mée française en Portugal, etc Sf7
ESPAC^B.
CHAPITRE IV.
SUITE DE l'année 1810.
- Suite des événements militaires en Espagne.
Commencement du siège de Cadix il2f
- Défaite des Anglais sur la cdte du royaume de
Grenade. S27
- Combats dans le midi de l'Andalousie ; affaires
de Villagarcia. dePuentè-Ovéjuna, de Fuentè-
de-Cantos. en Estraniadure 327
- Opérations dn générai Sébastiani ; les Espagnols
sont battus dans le royaume de Murcie 534
- Opérations militaires an centre et dans le nord
de TEspagne. 536
- Événements militaires en Catalogne ; combats
de Cervéra et de la BIsbal, etc 513
- Siège et reddition de Tortose 349
- Coup d'a*l1 sur les partis espagnols connus sous
le nom de gufrrilla.^ 9fi3
TABLB DBS MATlÀBES. 637
CHAPITRE V.
ANNÉE 1811.
Page*.
PoiTVCAL. — Suite des opérations militaire» en PortQ{]^l.... 571
~ — Mort du général espagnol La Romana 573
— — Situation fâcheuse de l'armée française 575
— — L*année bat en retraite 587
— — Combat de Redinba. 592
— — Affaire de Foz d'Aninoe 598
* — Combat de Sabugal 606
— — Le maréchal Masséna rentre sur le territoire
espagnol 608
— — Bataille de Fuentés de Onoro 613
— — Belle retraite du général Breriier et de la gar-
nison d' Alméida ; destruction de celte place. G24
^ — Ouvrages imprimés et documents manuscrits
consultés pour la rédaction des campagnes de
1809 à 1811 629
CARTES ET PLANS
CONTENUS DANS CE VOLUME.
Carie séqérale de la campagne de «809 57
Carte pour l'intelligence des iMtaillea de Tann et d'Eckmûbl 79
Plan de la bataille d*Essling 126
Plan de la bataille de Wagram 2<6
Carte des bouches de ITscaut 258
Plan du siège de Gironne. 584
Plan dn siège d'Astorga ^^7
Plan du siège de Lerida 426
Plan dn siège de Ciudad-RoJrigo 460
Plan de la baie de Cadix r»22
PLto du siège de Tortoee 549