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0<^:u:2-LuL^u£^^£^
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fkm«i^ t^ii
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1
VIE
D'ERASME,
DANS LAQUELLE ON
trouvera THiftoire de plufieurs
Hommes célèbres avec lefquels
il a été en liaifon, PAnalyfe criti-
que de fes Ouvrages , & TExa-
raen impartial cîe;fe5 fentinjens en
matière de Religion V •' *• * ( *; ;
Far MrT^Ts^ RI G kty:?jtirAUâémk
Royah des injcriptiohs (f^PfUaSr. lUitm.
TOME PRE M ÎËR;-
l^omcn Erafini nunquam ferlbît
Joannes Colletas
A PARIS
Chez De Bure Taîné , QuaîderAtiT-
guftins, du côté du Pont S. Michel^
à S. Paul.
M. DCC. LVIL..
^Ç Â^TKOB/mOîf ET FRiniEGE DU ROI.
FRÈFACE.
E S fervîoes împortans^
qu Ërafme a rendus à la
République des Let-
tres, & fa ^l^àtde çélé^ .
fcrîté y firent fouhaitèV que Toh ' * •
travaillât à fa Vie, mê^riélèïon:-;
vivant (a). Gérard de Nîmeguei. . . . ,
lui avoir écrit que quciÉpifeSHinç^^^i ju com-
l penfoîent ; que les uns fe wo^v^nàtum
Koîent d'écrire en Vàrs, &''''^-
aautres ca Profe ( i ). Damicn
îc Goës 5 noble Portugais pour
juiËrafoie avoic une très-gran- f^) ^P^l**
le amitié, lui manda [h) qu'il j^i ^^
( I ) Scriff/ii ûi me Urerarinj thviwna*
lEW ) qmfàéon mtdiupi vimm Erafmi , par^
\m Carminé j fartim Oraftone, Iffe cufie-
w injlrtn fetreto ; fednon aufat ftm mit^
ffi» Si confingtu ctm ilk cdUq^d , fottrit
Ui communicare; tiec tamenixpedit aliquid
fntêrc de if if a , niji rçs iiJa urgeat.
iv PREFACE. ^ ' 1
avoit dcffein défaire fa Vie ; É
le pria même de lui cnvçyer dcp
n;iémoîres. Ccs^.rojets n'eurcM
pas lieu ; maïs Erafme a fait Itfi^
jmême un abrégé des principau?
^venemens de fa Vîc jufqu'à fa
cinquantième, année : ce ne font
^ùc des matériaux fupérficîels éè
îtaiparfàii;s. ^ ' / '|
i^uatre.gps après fa morti
y.:/.: ••&aKjî«M*V^^""5 dédia à rEmJ
•' • • \!] f feteir 0îarlcs V. le Recueil ai
*.;toèsibsr Ouvrages, d*Erafme ; 2t
\/:;^?^s;f ^jtîe Bédicatoîre d<e cet<
ï -vîé'giaâde collcdîon il fait une
petite'Vie.d'Érafme, mais beau^;
coup plus înftrudlîve que celle
qu^il ayoit faîte lm-meme\, &^
, dont Balle porte ce jugement
^a) Art.ià)> que cMtoît un Ecrit faît'
'^Ehùtiti ,avec la dernière négligence > fijl^
pt;e^. ç^^^ aucun détail étendu;
. L'an 1^07. Merula fit paroîr
0 B^uMitic quelqi^ç chofe fur la Vïç;
fififl. in d'Erafme (h); mais ce qu'il don^
Ç^:^ na ^au |>ublîc £e réduifit à ççt
y RE FACE. ^'
sSJrégé fait par Erafmè dont*
Baîle faîfoîc fi peu d'eftîme , &'
à la Lettre d'Erafme à Goclé^
fùûsy qu'il fit imprîrtier fur Tori-
gînal qu^Etafine avoîc laîflTé en'
dépôt à Conrad Goclénius, Pro-^
fefleur en Langue Latine àLou-'
.Tain.
' Malînctot, Doyen de TEghTe •
de Munfter , avoit fait une Vîc
d'Erafme fuivanV Tordre Chro-
nologique des années ( a ) : il erf (^) y. M.
parJe dans la Préface de fon ^^'^f\l^^^^^
trc De Arte Typographieâ , & il ^/p,Tj*.
s'étbit engagé à la' donner adf
Public ; mais fa promeffe n'a:
point été exécutée. -
Nicolas Mercier , Sous-Prin-
cîpal & Profefleur du Collège'
de Navarre, mît à la tête dtf
fon Edition mutilée des Collo-
qdes une Vie d'Erafme, qui
qtioîqu*afIez courte , n'eft: ce*
pendant pas toujours exafte.
Quelque fuperficîelle qu'enefuît,
gllç yaiK cependant beaucoup
v] PREFACE.
mieux qu^rOuvrage de M. de
la Bîzardîere , publié à Par»
Tan 1 72 1 . fous le titre d'Hiftoîre
d-Erafme, fa vie > fes mœaçs>
fa mort & fa religion. Cefl: ua
Panégyrîfte oucré,à qui les louan*
ges les plus cxceflîves ne cpu-r
tent rien. Il commenee fon Lî'*
ia) P. I jf vre ( a ) par repréfenter fon H é*
xos comme un Apôtre prédeP-
tîné de^ tout tems a faire trîoitH
pher la Religion, » Dieu ^ dît-U ^
w dont les Jugemens font imp^-
>9 nétrables , permit qu'Érafnae
» vint au monde dans un tems
» cù TEglife fut attaquée par fea
>> plus violens ennemis i Ôc la
» Providence le choifit comme
» un Apôtre fans biens & fans
» naiffance I pour rendre fes
w combats plus glorieux* *»
Après une telle exagération^
TAuteur ne craint pas d'avan-
cer , que l'on n'étoît pas fans
crainte à Rome qu*Erafnie ne
fayorifât les Novateurs ;> & quQ
f PREPUCE. 7i|
foat l'empêcher de fe dc^cUrec
pôor e^x f on ula d,'adrefic , ea
fàifanc (et^ntir topce VhaUç du
hcuit ( a } que Ui Paj>e tooinme* (a) p, )f .
roic Ëraiflje Cardinal à la pre«
miere Pro^notion , & qu'il fut
la dwppç 4e cetta ptomefe ( 6 ) , (*) p. ir.
q«î ^ kii a¥oiç,éié fàiçe que
parce qn^^ni aiDaQic mieux I9
tcomfçr q«6 le perdrç.
Cec étr<(qge paradoxe , audi
îojurieux pour Erafme que peu
reîpedueux pour la Cour d^
KcHnQ , n'étoit pas de l'inveo-
iifm de M. d« la Bi^^rdiçie : il
aypjç déjà été jib^giné par le
Perrde Touroeroinç (ç), qui W Mi-
avoit prétendu que l'Enipereur "^'^["j^"'
Cbarks V. ainfi que les Papes , ,rt. <î, '
^v^ietnt lou4 Erafnîie pour t^çhçK
de retçflji- dans la Religion Ça».
tboHcmç uf) boqiime vain qui ajim
moit If s louanges 3 ce qui avoiç
été réfut;^ »vec une très grî^nde,
v'mç'ué par un redoufaWe Ad-
yecÊure. La difféççpce qu'il y as
r yîîi ' pretaj:e: .
entre le célèbre Jéfuîte & laT*
Bîzardîere , c'efl: que le premier
fait profeflîon d'une haîne dé*
• : datée contre Erafnfie i au Heiï^-
que l'autre fe met au rang de fes '
plus zélés partifans y jufqu'^à*
rapporter & adopter un éloge^
{a) P. 104. de ce grand HohHne \ a ) qa'îl *
attribue au Cardinal de Retz j ;
à qui il fait dkë qu^îl/nè nian-'
quoit à Erafme que Tantiquîté , ^
pour être compté parnfiî les Pc*-
res de FEglîfe. - -
LaBizardieréétôîtfipeu verfé^ •
dans la ledurp des Ouvrages "
(^) P. ^;,d*Erafme, qu'il rapporte (&) d^à*-
^rès lui comme une chofe cer-
taine , que Catherine de Bore-
femme de Luther étoit accou- '
chée quelques jours après fes no-
ces. Il eft vrai que le bruit en -
avoir cguru ; maïs Erafme lui-
même nous a appris que c'étoît
une calomnie ( i ) ; & nos plus
' ( I ) De cenjugio Littherr certum ef ;
h partu mâturo fponfie- vanus era$ rmu^r.,
FRETA CE. Î3t
ËiïTCUx Contrçverfiftes ont re-
gardé fecte,àccofauof> comnae
une fkuffcté q»i ïie méritoic pas , . , .,
g être répétée ; ce qui a: faîç dîré
à riUuftre Auteur, des /^ûWo»
tioTU ( ^ ) : ♦! On avoît fait cou- , . j^ ^.
M rîr le bruîc quç la Relîgieufe p,^i4.
n q^ue Lu thef ^ppciTa ^ écoît greffe
» & prête à accoucher j ce qui
» ne fe- trouva; pa? yérîtable v
»^^ Melandon eut raîfon de juf-
» tifier fon Maître en ce point. ^
On a fait quelque clmfe en
Angleterre dans ce fiecle-cî fur
là vie d'Erafiner Sanucl Knîgo
fit paroîrre Fan 1726. un Ou-
vrage qui avpît pour titre : La
Vie à^Erafm^ cojijidérée fur-tout
pxir rapport au Hfns qu'il paffa en
Angleterre ^ 6 contenant àujji
Viiijloire dès Savam qu^il y eut
pour amis 5 de^même que Pétat où-
le f avoir G la Religion, et oient alors
dans Us Univer fîtes êOxfort 6 de
Qunbridge. Qfi Livre ne peut pas^
être regardé comme une yérita-.
f FREFACE.
ES fervîoes împortans^
qu Erafme a rendus à la
République des Let-
tres , & fa gpatfde çélé^ ^
fcrîté , firent fouhaitèV que Toh ' *
Iravaîllât à fa Vîc , mênrtè^ïpn: ;
lîvânt id). Gérard de î^imegiiel/. . . -
ui avôK écrit que quci^uesHinç,^^ ju coni*
f penfoient ; que les uns fe pro-f^"^''^'»
lofoient d'écrire en Vévs, ôc""'^-
fîaurres en Profe ( i ). Damîcn
Be Goës ^ noble Portugais pour
|ui Erafme avoir une trcs-gran- f ^) ^P*l*^
De amitié, lui manda [h) quîl|Ji '^^
; ( I ) Scrifffiê éi me Qttmriuj Novi&ma^
pi > gmfdâm mtdiupi vipttm Erafmi , far-
ini Qarfiune , furtim Orattone, Ipfe cupie-
m énjirtn fecreto ; fed non aufui ftm mit^
wrt* Si conHngta cam illô cùlUqtd « f6$trh
mU commwdcare ; nec tamtnixfeàdt aliqmd
^êri dç if ha ) nifi rçf i^Ja urgeat.
Quelques-uns ont ppétendli que
M. le Cardinal de Noaîlles ert
(tf) Bîb. des avoît arrêté rimprèfîion {a) >
AuLEccief.r ^j.^ç qu'il Pavoit voulu exami-
£ecie,'p. net lui-même. Il y trouva ap^
ê**s paremmcnc des' chofes que la
* , : prudeftce ne permetcoît pas dô
dire : car tbut'ce que nous avon^
de M. Joli nous k repréfente
comrne un homme très décidé
fic'très-har^i* Quoi:<qo'iîen foît y
il ne fut plus queftion de Tim^
Iprîmer à Paris ; & M. Joli prît
oes mefures pour qu'elle parût
en Hbi:ahdfe, G'eft M. lé Clerd
qui nous Rapprend dans TAver*
tîffemént- du troisième Tome
d'Erâfme' > où il parle ainfi :
^ V6us àuriéz'les^Vîes & les Ëlô->
» ge5 de ceux qui étoîeftt en liai-»
w fôn avec Erafme , fi M; Claude
•• Joli Chanoine & Officiai de
te Paris eut vécu plus longtenisi
»> Il avoir promis à Pierre Hot-
«>'ton ) que fi i*on pouvoit con-»
^^vcnir des conditions,^ ce qui
PRÉFACE. «^
> n'aurdît pas été difficile , il en-
» verroît en Hollande un Ou^:
«> vrage Françeîs qu'il avoît în-
.» titulé .• Hijloire du Renouveller
» ment dçs Lettres fur la fin du.
» quLiir(ieme fiecle & au oommeju
» cernent du {ei\ierne , dans U^
• quelle on trouvera les Eloges di
n-plufieurs Savons de ce fems-W^
m 6 fur-tout la Fie d'Erafme de
^Roterdam , qui a été leur premier
» Refiaurateur. La mort de ce fji-
• vant :JiQnime j ajoute M. le
»(Dlerc,, Fa empêché d'envoyer
» cet Ouvrage au Libraire. »
M. Joli mourut le i j Janvier
i70o.<lans un âge très- avance j
il av^ît quatre-vingt- treize ans*:
On n'a jamais trôpfeîen fçû c(B
<|u'^toît devenu fôn (nànufcrîri
Quelques-uns ont crû qu'il au-
roitdû fe trouver parmi lesLif^
vres ou les papiers de M. le Car-
dinal de NoaîUes; mais on fçaic
du Seigneur le plus înftruit de
$ouj: c^ ^qui a rapport à cett^
r
%W PREFACE.
Eminence , que lorfque M« Je
Cardinal de Noailles mourut ^
le manufcrit de M* Joli n'écofc
point chez lui.
On a entendu dire qu^une Pa-^
tente de M. Joli qui^ic encore f
&qui eft fort âgée y avoit une
copie de cet Ouvrage y dont ella
jp'tavoit jamais voulu donner
communication ; ce qui donne
Heu de craindre qu'il ne périfle
entièrement*
' Autant qu on t>eut juger d ua
Ouvrage dont on n'a que des
notions très-imparfaites j c'étoic
principalement rHiftohe du Re**
BOuvellement des Lettres que
M* Joli avoit voulu faire, La Viô
q\ïo nous donnons aujouïd'huî
* p'a pour objet qu'£rafme;& tout
ce qui a rapport à lui. On s'efk
propofé de Je faire connoître le
mieux ^u'il a été poiïïble ^ ainii
fue tous ceux dont THifloire éft
liée avec la fîenn^e ; de donner
tidàç (k tQus les Ouvrages^ dlex^
! j
PREFACE, ^
poîcr les grands ferviccs qu'il a
Tcridtis aux Lettres , & enfin
d'ei^iquer fes fentimens fur les
matières de Religion ; & comme
cm ii*a point ptt^nda faire un
• Pané^rîque , on n'a pas plus oa-
bliê ce' qu'on pouvoit lui repro-
cher y que ce qqt ^ëtoit digne de
,jiotre eftime ^ de oott* admîra-
ilaa i en quoi l'on a tâché de
remplir le voeu d'un favant Al-
lemand , qui dëfiroît que Ton
fît une Vie cxaéie d'Erafme , te
que l'on y expofât fidellement
fes fautes âc fes vertus ( i ).
( I ) ThomzGvi. Ut qtùt «ecuratiil* vi-i
tam Ertfnù deferiiatt viriftte tam vitia «
jfKÀm virtutet-t retmfeat,
litfioriii Fabric. BibliotlMcx , 1. 1, p« }»è|i
APPROBATION.
J'Ai lu par ordre de Monteîgnçvr
le Chancelier un Manufcrit q(d
à pqurtitre, P^kf^rafmej iansf^^,
quelle on trouvera' PHiJioire de plu-^
jieurs Hommes célèbres avec lefquels ïl
^ été en liaifon i frc; A Paris ce !Z^i
:Août 1746* CqNdilla,c«/
^e Prîvi%e fe trouvç à, la tête du Coiffa
^ mchtaircfur PËdif du nIoU d'Jvnl i^^J*
3
VIE
VIE
D'ERASME-
LIVRE PREMIER,
Qui contient fin Hiiïoire depuis fa naip
fancejufquàfon Voyage i^ Italie.
ELÏE & Catherine d'une
honnête famille de Tergou ,
eurent dix enfans ixiâles de W E/'!/^
leur mariage ( a ) ; l'avant- ^ *^j 4P*
dernier fut nommé Gérard. Il ne feroit^ *
pas plus connu fans -doute que fes frè-
res, s'il n'eût eu pour fils le célèbre
Erafme. Gérard fut auflî bien élev'é ..^ ^^
quonpouYOït l être dans ce tems-la-;^;^^^^^ z,/,^
4lj)rGnta de fon éducation , & devint manhmm
^(lez habile dans les Belles-Lettres fè). difcipUna'
Jl a voit un caraftçre porté à la pUi-!l^'*'..?F**'
fanterie ; ce qui lui avoir procuré \ç ^*. JJ'^^^
fur-nom HoUandois de Fraet , c'eft- Foppaos »
à-dire de facétieux (c) : ce qu'oo a-cfè mbt Sti^*
m V X 2 «
devoir remarquer, parce que fon fils luï
reffembloit en cela,& conierva jufqu'au
dernier moment cet efprit de gaieté.
Xa) Efijl^ Gérard ayant feit connoiflance ( a^
Gochnio. avec Marguerite , fille d'un Médecin
de Zevenbeque appelle Pierre , en
devint paflîonnément amoureux. On a
prétendu qu'ils s'étoient donné une
promefle de mariage : quoi qu'il en foit,
Gérard en eut d'abord un fils, qu'Eraf^
me appelle Antoine dans fa Lettre à
Lambert Grunnius Secrétaire du Pape
Jules IL
Comme il n*eft point parlé de ce
Hls de Gérard dans l'Abrégé de la Vie
d'Erafme fait par lui-même , ni dans
Rhenanusjfon exiftence à peine eft-ellè
connue. Cependant indépendament de
la Lettre à Grunnius qui eft décifive ,
il y a encore d'autres preuves qu'Eraf-
me a eu un frère. Car écrivant au Char?
treux JeanEmfted au fujet de la mort de
(h) Eflft* Froben ( M > il dit en propres termes :
?. L. »5. » pai fouffert ( i ) avec confiance la
» mort de mon propre frère ; mais je
3> ne puis foutenir l'idée de la mort de
» Froben. ( a ) •
( I ) Frâtris germsni mortem modcratiffîmi
tuU : Frohenii defiderium ferre non foffUm.
(z) UEpitre lo''. du 31*. Livre prouve
aufli ^u*£ralme a ^n un frère. Elle eft
V.
f
b'ERASME. ^
* Deux ans après la nailTance d'An-
toine, Marguerite devint encore grofle.
Helie père de Gérard > & fes frères qui
étaient tous mariés , inquiets de ce
grand attachement qu'il avoit pour (k
Maîtrefle , prirent la rcfolution de l'o-
bliger d'embrafler l'Etat Eccléfiafti-
que; mais lui qui étoittout occupé de
(a pailion y avoit beaucoup de répu-
gnance pour un genre dévie, qui l'au-
roit obligé de renoncer à Telpérance
d'un mariage qui faifoit tout l'objet de
(es defirs. Se voyant perfecuté par fa
femille , il prit le parti de s'enfuir, &c
il écrivit en chemin à fon père & à les
frères une Lettre,. qu'il finiflbit en affu-
rant qu^il ne les verroit jamais.
Il fe mit en chemin pour Rome , oii
il efpëroit que fa belle écriture le met-
troit à portée de vivre à fon aife,
L'Art de l'Imprimerie n'a voit été dé-
couvert que depuis très-peu de tems ;
& par confequent les Livres imprimés
étoient encore rares & chers.
Gérard étant arrivé à Rome ^ fe
trouva d'abord dans de grandes
peines , ainfi que le font toujours les
adreiTée Domino Fetro germano fuo ; & elle
commence ainfî :Uane totumfratrem exutjll i
à moins qu'il ne s'agifTe là d'un frère d'ami-
tié ^u d'adoption, Foyfz aujji Ef. z ^ U 4»
Aij
-nouveaux venus qui arrivent dàtia
,yne ville (ans argent & (ans Côtï^
;noi(rances. I! ne s^occupa au com-
mencement qu!à fe ^i(&per & à ie
ilivertir.; mais réflecbitunt que ^
genre .de vie l*alloit. bientôt réduife
-a la plus grande mifere , il tranfi:rivk
Jes meilleurs Auteurs, & fit^unpetic
commerce de livriss qui Uii procura
-ibn néce0aire.Jl s'appliqua aufC Cj^*
.Tieuicmeiit à l'étude , (e^perfediorina
dans la connoi(rance des Langues <
' '{a) Cow^Grecque & Latine fous GuarinXtf)v .
ff**^' ^"'tuon pas celui qui eft regardé commb
M. Adam.^jj^^ reftauràtéurs des/Belles-Leitres
. jcn Italie, car ilétoit ;nort avant que
• Gérard y arrivât , mais appai'emmetit
;fous Baptifte Guarin fon fils, que
(h) Kfrtf»4 l'on fait' avoir erifeigAé ayec.beaucou|>
illufrata ^dc fuccès (b ); .Gérard s'appliqua auffi
fanefcccn^ à laJurifprudence, & yiticgraiids
f. 15^. Cependant Marguerite qu'iLavoît
laifféé groffe 9 fe voyant avancée
;ia;is.fa grofleflTe^fprit le pani d'aller
f^ire fes couches à JKoterdam , ca^
n*étant pas connue ,.€lle efpéroit qu^q^ ,
pe foupçonneroit point le motif de (on
voyage. Elle y accoucha la nuit dû
p,j au 2S Oâ:obre^j[i) du gran^
( I.) Il y a quelque apparence de contra-
r
D* E BT A S A t. fi
ficafîne, donc nous ndus ptopofons
id'écrire h vit.
Il n'eft pas poffible de déterminer
précifément l'année où il naquit ( i ) :
dlâion fur le jour de la naiflânce d'Erafine*
Dans un Abrégé de fa Vie que Ton croit être
dé lui, il ailure qu'il ed venu au monde la
veille de S. Simon & S* Jude : cependant
dans une de Tes Lettres * il prétend qu*il eft
ne le jouir même de la fête de S. Simon &
S^ Jude ; & cette époque a été (liivie dans
llnfcriptioii de 1^ Statue de Roterdam. Rlie*
n^nus , intime ami d'Erafme^ a Dutenu que
l*bn ne pou voit pas douter, qu'il ne fût né le
aH Oâobre , jour de la'fcte des Apôtres S.
Sinon 8c S' Jude. Ces divers fentimens peu*
vent être aifément conciliés > en fuppofant
qu*Erafme eft né la nuit du 17 au zS Odo-
bre# Ceft le parti qu'ont pris Melchior Adam
ttBarthelemî Calchreater, dans l'Eloge qu'il
ptononçH l an if 57 , dïns lequel îl ajoute que
c'écoit quatre hearei avant Uleyerdu Soleil.
( I ) Il y a une étonnante diverÏÏté de
fentimens dans tous ceux qui ont voulu
fixer Tannée dç la naifTance d'Krâfme. **
Paul Volzius p ^ après lut BjchoUere 9
Boyard « Vonderhart & -Mercier aflaren(
qu'il efi né Tan I45<. Chitreus ^utientqu»
ù, nai^ance doit être affignée à Tan 1^66 ;
& ce lêntiment pourroit être autorifé par
rcpitaphe de Bafle^ où Ton lit qu'à (k mort
* Epift. 6fo. Ep/y?. é. L. ij."
** Volzitu, Eptft.ad RhénûAUm. Biiciiolze-
le, dans Sechendorf , H(/?. Luther ah^ L. i,
SX\.f, lAà. Chkrci SêX9nia , L. 14. p. 3 7 J •
A iij
« V I B
ce que Ton fait certainement, c*cll'
qu'il vint au monde vers Pan 1^6 ^.^
lorfquePaul II. dtoit aflîs fur le
Siège de Saint Pierre, que Frideric
arrivée le ii Juillet if j^ , îi étoit fèptuage-
naîre. Melchior Adam prétend qu'il efl né en
1467 , & ^nfuite faute de réflexion il le fait
mourir dans le mois de Juillet if 36 , igé
de 70 ans> huit mois & quinze jours; ce qui
fuppoferoit qu'il eft né en 14^5. Barthelemi
Calchreuter , Jean Herold « dans les éloges,
qu'ils en ont faits quelque cems après (à
mort , Suvertius , Valere André , Revius 9
croient qu'il eft né en i4<7 ; & cette épo-
que a été adoptée par les Magiftrats de Rot-
terdam, dans rinfcription de la Statue qu'ils
ont fait ériger en l'honneur d'Erafine ; ce qui
a déterminé M. Joli & Baile ^ a donner la
préférence à cette opinion , étûnt à croire y
difent-ih^ qu\on a mieux fçu le texns de Ja
naijfance à Roterdam qui étoh fa Patriem
Mais cette railbn eft certainement peu fo-
lide, puifqu'il eft confiant que les au-
teurs de cette Infcription n'ont eu pour guide
que la conjeâure qui leur a paru la plujS
vrai-(êmhlable. Sechendorf '** qui aflurc que
quelques-uns font naître Erafme en i464,fou.-
tient dans un endroit qu'il eft né en 1465 > &
dans un autre il affigne (â naiftànce en 1 4<! 8 ;
crifin Sandeus *** , Poflevîn & quelques aur-
ties Savans foutiennent qu'il eft né en I4é5«
De toutes ces contradidion» il réfulte que
Yznnée de la naiflknce d'Erafme eft incer-
* V. Baile,Diâionn. Voyage de Joii,p. 144»
"^^HiJl.Lut.L.i.f. 140./. I. L.3. f, I57.»
^'^''SandeHs ^ dan^ Çr.enitts^ Anifnad. parti||^
D* E R A s M «. ^
IIÎ. gouvernoit l'Empire d'Alle-
magne , & que la Hollande avoit
pour Prince Philippe le Bon -^ Duc
ae Bourgogne, {a) qui par fa mort (a) Pon-
arrivée à Bruges le 13. Juillet I457. *"« Heutc-
laiffa pour Héritier de tous fes Etats ^"*^ ^•**
fon fils Charles le Téméraire. '' *^*
Lés Habitans de la Ville de Tergou
ont fait plufieurs tentatives,pour tâcher
de perfuader qu'Erafme étoit un de
taine ; mais ce qui le démontre encore da-
vantage , c*eft que lui même n'a jamais (^u '
quelle année il étoit venu au monde. Quel*
quefois il croyoit être né en 146 f. ( Voyez
Ep//7, 107. ou Efift. 4. L. \6. EfijK' loo.
Efifi. is. L. I. Efiji. 67t. Efifl. ^45.
Efifl. 153. Efèft, 4. Append. Eptfl. %9. L.
i^. Apologie contre Faber» ) D*autres fois it
fuppofe qu'il eft né en I4^7i (Epiji. 51.
Epijl. 19. L. 2.Ef//î. Çi. Epiji.iy L. %.
Epift,^os, Epifl, 3i.L.f. ^ Il paroît claire-
ment par fa Lettre du i ^ Odobre t j rp ,
qu'il n*avoit point d'opinion fixe fiir l'année
de (â naiflànce, puifquM s'explique ainfit
w J'ai prclentement cinquante - deux ans ,
» ou tout au plus cinquante- trois. ( Epifi^
j^66, Epijl. 19. L. 10.) Ceft ce qui a fait
dire à Rhenanus , que l'on ne fîjvoit pas niêma
en Hollande l'année de la naiilànce d'£ra(^
me , & qu'il Tignoroit lui-même : Nam d$
Anno quo natus eji , apuà Batavos non confiât»
Il n'y avoit point dans ce tems-là de Re-
gîftres exaâs des Baptêmes ; d'ailleurs quand
on fitbaptifêr Erafme, on ne cherchoit qu'à
il^ïiQ au Public un myftcre de fa naiâiince»
Aiii^
» Viir
lèurs^eoncîtoyens. RenerSnoius , Me*
(a) Fop- decin & Bourguemeftre deTergou (a)j
pens , Bih. qui a voit été ami d'Erafme , a foutenu.
Belffc^ qu'il etoit né dans cette Ville , & qu'il
ïv'avoit été envoyé à Roterdam que
quelques jours après fa naiflance. Mais
cette prétention^étam deftituée de tout
^ fondement , les Bourguemefbres & les
Confeillers deTergou y cmt renoncé c
(ê) Bailc » ^^ ^ ^^^ Lettre d'eux (b) , par laquelle
iàït. Roter- ils fe contentent d'aflurer qu'Erafme a été
dam , note conçu chez eux^; mais ils conviennent
*^ que fa mère étant prête d'accoucher,fac
envoyée à Roterdam. On montre en-
core, fuivant le témoignage dé Baile ,
dans la Bibliotfieque deTergou, une
tête d'Erafme , qui peut pafler pour un
monument public dès renonciations de
cette Ville à la gloire d'avoir donné
naiflance à Erafme : car l'infcription
qui eft autour de cette tête , témoigne
qu'il a été conçu à Tergou, & qu il eft
né à Roterdam. La conteftation fur le
lieu de la naiflance d'Etafme a encore
été renouvellée depuis par M. Alme-
ff) Amanh novQ&n (c ) ; ila prétendu que c'étoit
iûta TheoL ^Y\e tradition à Tergou , qu'EraGne
tkfUf. 3^*avoit écrit une Lettre à Herman , dans
laquelle il fe difoit dé Tergou, & paroil*
foit fâché de n^avoir pas pris le nom dé
Gouianus , au lieu de celui de Rotera^
damus ^ & que cette Leur e avoit éié-^t
levée par quelque jaloux de la gloire oe
lergôQ* Mais outre que Ton peut dou«
ter de raurenticité de dette Lettre , fur
laquelle M. Almenbveen même ne lai*
foit pas grand fond . Erafme en Técrir
vànt auroit pu vouloir foire entendre
feulement qu iî-étoitorigihaite de Ter-
gbu , parce que fon père en ctoit.
^ Quoi quM en foit de cette prétendue
Lettre > M. Almènoveen s'eft retourné
Cjicore à\n autre côté en faveur de
.Tèrgôu : il à foutëhù qu'îfrafme devoit
être regardé comme Citoyen de cette
.Ville , parce que fa famille en étoit .
&quefuivantlesLoix, le lieu oh les
enfons naiffent par hazard , n'écoit point
cênfé leur Patrie ; & il rapporte une
Lettre de Bernard CofterÇ/), qui (à) Amm^
s^efForce de prouver cette théTe. Mais »//. f. 44t
le nom de Koterodarnus qu'£fa(më a
toujours pris , la tradition de Rotçrdam
& l'opinion publique ont confi'rmé à
cette Ville l'honneur d'avoïr Erafme
pour Citoyen* Les Magiftrats de Ro-
terdam dans la luite des. tems ont or-
donné que la?;ihaifon où Ton croyoit
qu'Erafme étoit né, ferditdépréepar
une Infcription, qui apprendroit î tous
les Habitans^ & à tous les Voyageurs
lÊetteglorieufe prérogative.On voit en-
$éic dans cette Ville une miifoh fort pe*
tke, fur la face de laquelle on lit un Verf
(a) Chhrei Latin (a) qui fignifie : Oejl ici la petite
S2MoniM , L. demeure où naquit le Grand Erafme ( i ).
M/Xdam'. ^^ ^^^^ n'eut pas plutôt été rétablie
Bullart. de fes couches , quelle revint à Tergou
vMercicr. avec le petit Erafme. Catherine ^
mère de Gérard ^ fe chargea d*élever
cet enfant. Cependant la famille dcr
Gérard ayant fait des recherches pour
favoir ce qu'il étoit devenu , on apprit
Qu^il étoit à Rome. Ses frères lui
écrivirent que fa maîtrefle étoit morte:
il n'en douta point ; & il fut pénétré
de la plus grande douleur. Il pri^t dès*
lors la réfolution de renoncer au
monde: il embraffa l'état Eccléfiaftique>
& il fut ordonné Prêtre. Il fe propofa
enfuite de retourner dans fa patrie*
Il fut extrêmement furpris en rentrant
dans Tergou de retrouver Marguerite
qu'il avoit crue morte. La vue d'un
objet fi cher qui occupoit encore foii
cœur 5 ne dérangea en aucune façon
les engagemens qu'il venoit de prendre
aux pieds des Autels 3 il vécut avec
elle dans la plus grande régularité.
Il crut ne pouvoir mieu?c réparer les
fautes de fa jeuneffe , qu'en donnant
au fruit de fes amours la meilleure
éducation qui lui fût poffible. Mar--
( I ) H^c cfi parvê domur , Magnns qui
natus ErafmtêSw
l^èmé pafla auiii le refte de fe$
jours uniquement occupée de fon fils.
' Il fut d'abord appelle Gérard fils
de Gérard (ir) i & comme ce nom (4) M. A**
en HoUandois a quelque rapport avec dam.
le terme Latin I?tf/îifcriire(fe),Erafme ,^n ^p{n
dans la fuite fe noo&ma lui même BMdii *
Defidcrius , c'eft-à-dire Didier , & il 514. ^i»
prit pour furnom Erafme , qui en Cliriçi%
Grec fîgnifie à peu près la même chofe
que le root Latin Dzfiitrius. Il fut
fiché fui: la fin de (a vie de ne s'êcie
point fait ' appeller Krafmm , qui a
plus l'analogie Grecque i\\x[Erafmus i
£c qui défigne quelqu'un qui chercha
ik ie faire aimer ( i )• Cette naiiTance
attira à Erafme fur la fin de fa vie
des outrages aufli violens qu'injuiles«
Hortenfio Lando , connu fouaie nom
de Philaletties , a éérit qu'il. é(oit ni
d'un commerce .facrilçge :( c) ; & (0 Excon^
M. de la Monnoye.a crûi d ) que ^^»^ff
c^étoit le jprcmier qui eut fait ce re^ ccncubt^
proche à Érafme : mais il efl conilan» ^^^ g^^j^
que Henri Eppcndorfôc Jules Scaliger note r,
le lui avoient fait avant Lando* £p«
pendorf » daos fon libelle contre
v
f\ { i) Ubiqu'ecerti É^Àrfiios^ hoceftama" ' .^
btlit , qu9d ille nemen à fe i^Ubat non
afurfatum^ fàm jrimum fcribere cœ^ijfa ^ &
edins Ubellii innçujctru Rhenani , Epiftt
C2rol.V, ' Avj
1
^1 ? I r .\
Erasme , infinuc' qu'il ^toît . fils d'il»
Prêtre & d'une Femme de mauvaifc^ ^
vie. Scaliger , dans cetre lettre remplie
ç^j-£^,xd-e fureur à Arnold Fénfon,^tf ) ne
>j^ craint pas d'avancer qu*il a appris de*
Compatriotes d'Erafme , quhl étotc
né du commerce inceftueux à^uit
Prêtre & d'une preftituée ; que foa
père après ayoi^ été repris plufieury
fois par Ton Évêque-, nren devenant
que plus hardi à x^mmetcre de nou**
veaux crimes, a voit été enfin banni
ik Ton' pays«> Paol^ Jove & ' Pontus
Heuterus l'ont appelle fils de Prêtre*
Patin' & Théophile R»inaud.fe icM
imaginés £aire une trè^- bonne ^plai-«
fenterie , lorlqu'its ont dit qu'il éroiv
£ls d'une tête couronnée, iuppo!anl^
Sue fon père étok Curé de Tergou*^
teflevin , Se*' après^ lui^: Dom Uierre
dé Saint Romuald", ^»t ajouté que
ce Curé l'a-voit^eu* de - fa . Servante*
Quand ces faits feroietK aafii~ vrait
qu'ils font- démontrés faux , en quoi
la gloire d'£ra(me en devroit^velle
fouffirirfXe Icfoit le crime de fon
pere'^ & non pas le fien-, comme lef
j^-^j^j^ remarque. très- bien un ennemi même
fiiîi c i A- à*Êi'aîme(t ) ,. après av^oir fait cette
pologe jodicieuie* réflexion , qu'on ne. doit
iTtrafrae; pîis^ir« qu^Krafmeeft fited'un Prêtre ^
pip^ puif-iu'il :eff né aviuit q]ae ftfn gerd
iSt ciribr^ffé'l'état Eccléfiaftiqueî
A peine Erafkie ito*t entré dan»
fi cinquième année ,^qu'il tut envoyé (m) C9mf^>^
i l'Ecole chez Pierre Winkel , qui vi##.
depuis fut un de fes Tuteurs ', & qat
Î)ur lors tenoit un petit Collège k
ergou. La tradition de Hollande eft
^lErafmtt eut au commencement de
s étudei refpric (i bouché & û
tardif, qu'il faHot employer bien de»
années i lui apprendre quelque chofe»
Bailequi nous iaiTure f die en même '
i«ns qu'ori fe fert de cei?^ exemple ca
Hollande,pour confoler les-jwres & me*
Rsdonries eiifans ne font nul^togrès; -^
i^ prétend enîuite que cette tradition
t& faufle r néanmoins elle efl fondée
fur l'abrégé de l^vied'Eralmequ'oil
»oit afvoif été fait par lui même »
& qui par cenféoucnt dbic être d'uM
autorite inconteftablèa
On y lit ( I )qu il ne fk pa^ d'abord ''
^ grands progrès , n'étant pas né
G or ces éto4es défagréables qu'on
Ëiifoit faire f ce qui a donné oc«
cafton à Baile^de faire cette demande :
Quelles études défagréables & pour
i^quelleS'il n'étoit point né, pouvoir-
^n lui iaire faire k Tâge de cinq, ou
^ (i) Ac frtmis annù minimiim froficiehOê
\
1IÎ Vi « /'
fix ans f N'étoit-îl point tié poôï
apprendre à lire , à écrire , à décimée
< . & à conjuguer ?
Cependant comme il doit y avoir
• ^ un fond de vérité dans qette di£*
ficulté d'apprendre les premiers éle-
mens , dont Eralme lui-même eft
convenu , Baile ajoute , qu'il eft ap*^
paremment queftion de la mufique oiâ
de quelque exercice d'Enfant de
^ Chœur : car il fut deftiné pour cet
»l^^ ^r*^* emploi ( il ) ; & à peine favoit-il lire^
Rhen. C^r.q^,.j ^^ ^j^ ^^ ^^^^^ d'Enfaot d«
Chœur dans la Cathédrale d^Utrecht
(h) comp. (j)^ç^^ il refta jufqu'i Tâgc de neuf:ans*
'^''** Il fut enfuite envoyé au Collège dis
Deventer , où fa mère le fuivit pouf
avoir foin de fa famé.
L'Ecole de Deventer étoit pour
lors la plus floriflante qu'il y eût dans
W ^.^- les Pays-Bas ( c ) : il y avoit plus d'ua
^J'V^JVl^fiécle qu'elle étoit célèbre & quon
cle , 1. 1 . p, y venoit de toutes parts,lorfqu'Erafmi
.«7X» naquit. Elle fe relfentoit encore d«
cette barbarie qui dominoit depuis fi
iong-tems dans l'Europe, & dont
la feule Italie étoit délivrée. On n'y
4ifoit(i) que desl Auteurs dont les
( I ) Pater meut Ebrardus , Joanner it
Carlandid» Voyez fur ces Auteurs & fur les
autres qu'on liiettojr dans ce tems-là entre les
mains des jeunes geiis , la fa vante Ptêfaçc dn
i>' E iTa s M I. if
•oms font à peine connus , & donc
les Ouvrages ne font lâs préfcntement
2ue par quelques Savans , curieux
'admirer les progrès que la littérature
a faits depuis ce tems-U.
Heureufement depuis quelques an-
nées TEcole de Deventer avoir reçu
ouelquc influence de cette abondance
de luiniere qui ëclairoit pour lors
l'Italie (a). Ce Collège étoit gou- (a) EplJ^
vemé par des Eccléfiaftiques , qui fans Rh€nani% ^
faire de vœux vivorent en commun.
Il y en avoit parmi eux (b) un que Ton
notnmoit Jean Sintheim (i) , fort/^) RemiJ
habile pour ce tems- là , & qui s'étoit hi/?. Da-^
acquis une grande réputation en Al- 'vent. L. %i
lemagne par quelques Ouvrages deP*^*^«
Grammaire qu'il avoit faits. Il fut un
des maîtres d'Erafme -, & il fut-fî
content des progrès que faifoit cec
enfant , qu'un jour W Tembrafla , en
lui difant : Continuez ( 2 )!; vous fereï
quelque jour le plus favant homme
de votre fiécle*
Mais ce qui faifoit furtout valoir
Glof&iie Latin de M« du Cange ^ n, 44. &
fuiv.& fa Diflertation qui eft à la tête du thré*
fer de Robert Eftienne , édit. de Londres,
laquelle a été imprimée â Lip/îc en 174^ >
avec le mvus Thefaurut de Mathias Gefner.
( I ) Melchior Adam le nommé Zinthius*
• ( 1 ) Mif€h ifigenU , Erufme : tu ad/um-^.
*g ..Vit
l*Eco!e de Deventer , c'eto'it le mérité
d;Alexandre deWeftphialiefurhortû»é
Hegius du lieu de ia naiflance , qui
Xa) M. A. en tut Principal ( a ) pendant trente
ïam. ans ( I ) avec ta pkis grande célébfiré j
(if chhfii de fone que , ccmime dit Chitrcus {^by^
Uxonia^ L ^e Colî^g-e" étoit le .Séminare d^s
i. f • »o. Belles- Lettres & desLangutsfavames.
Hermannus Bufch'ius qui ayoït ea
l'avantage d'avoir été élevé j^r un
fi grand maître , & dont l'éloge fe
trouve dans les Ouvrages d'Erafme%
a parlé d'Hegius comme de celui ( a )
it qui la Wcftphalie avpit TobU^ation
du rétablilïement ies .Icifences. Il
fayoit très- bien les Belles - Lettres
Grecques &- Latines. On a quelques-^
uns de Tes Ouvrages (3 ) qui oôf
( I ) Foppens afuré qù'H le fiit tT€ht€'Et
ttfs. MiH. tielgicM.
( X ) Voici TEpii^ é'Àtoxanrire Hegllit
par Herniinnus.
WitnClus Atéxander tumuîo jacet hegius ifior
Tu cave ne plantu lafafit umbra tuis^-
JHàc duce IVe/lfalos intravit Grœiu mittos 1
Et Monaftriacas FegafUs auxit aquas.
yi'BUrchafd, p, 171 df p. 747.'
^ ( 3 ) DeJcteHiid & eo quâdfeuur , cjiinré
AtAâtmicês : de irihuf anima gi*ieribatf: df
f-hyfiià : H*3«<9t îfùrn/iectn . de Rhetorf^
€Mii,e A fe o* intma : de ttstali cttrvai^
rtifi(fjhi iJsr/iiinM 2 de u^ilisate' Graça ii»s
ftî^ imprimés , ou malgré lui , oui
fon inlçu r dont Erafme a porté le
/u^ement le plus fevorable : il aflure
(a) qu'ils font de nature à être im- (*) Ciceré^
mortels , & que c'eft ainfi qu'en "'*^'^'' P*
jogent tous les Savans* Il a auflî pré- ^j,!^*
tendu ( fc ) que les Vers d'Hegiuschiliadeu
étoient fi excelleas, qu'on auroit pu Centurie i»
les croire des' meilleurs fiedes de la Prov. jp.
latinité. Hegius choififlbit les jours de W ^fifi*
Fêtes ( c) pour examiner les progrès V,]\^f^
des Ecoliers de foo Collège » & pour ^iV^. .
les inftruire lui-même*
Il avoit eu pour maître Rodolphe . »
Agricola 9 fi célébré par Erafme &
par toupies Savansde fonfiecle*
Agricola' étoit né i Buttlen(i) (^M. A?
Village ideux lieues de Groning^e^^"**
en Frife > vers Tan I442t II avoit
commencé fes_ premières études à
Lôuvain , d'où il avoit été à ^ Paris
pour fe perfedionner ; mais peu
content de la manière d'étudier de
ces Ecoles plus célèbres qu'éclairées,
il réfolut d'aller à la fource des Belles-
Lettres. Il voyagea en Italie , où il
fit de fi grands progrès dan^ la Langu«
Grecque Scdans la Langue Latine- #
g«^. Foppcns , J5/S. Bilgtca. Erafme cite
quelque chofe d'Hegius dans le 9e cMpitrb
dd Traité du mépris ^Ju Monde Voyez Rfmï^
rS , V I *
que les Italiens mêmes furent forces dé
l'admirer. Il ne craignit pas de parler
en public à Ferrare, où il fut applaudi
des Savans d'Italie malgré leur humeur
dédaigneufe.Ils leftimerent aflfez pour
en être jaloux j & ce ne fut qu^avec
le plus grand chagrin qu'ils le virent
abandonner l'Italie pour retourner
dans la patrie , dans la réfolution d*en
' chaiTer la barbarie.
Agricola venoit de tems-en-tems
rendre vifite à Hegius , pour être
témoin par lui-même des luccès de
r«yi. A- l'Ecole de Deventer. ( ^ ) Un jour
dm, p. II. qu'il entra dans la Claffe tandis qu'He-
gius donnoit des leçons , • il voulut
voir les ouvrages des Ecoliers. H
examina celui d'Erafmequi pour lors
avoit douze ans ; c'étoit apparemment
quelque amplification : il fut furpris
de -l'invention , du ftyle & des fleurs
dont étoit orné le difcours du jeune
Orateur. Il en eut un tel plaifir ,
X^)chùrei^^'^y^^^ appelle Erafme (b) y M lui
Saxonta , fit les plus grandes carefles. On aflfure
i.M^''3ï' qu'après avoir examiné fa phifionomie,
il lui prédit que s'il continuoit , il
feroit quelque jour un grand homme.
La mémoire d'Agricola fut toujours
précieufe à Erafme; il n'a manqué
aucune occafion de célébrer la gloire
fde ce favant homme; \\ en parle aiq^
r
'1 9an
©^Erasme. ip
3ans fes Adages ( ^ ) ^ » Je me reflfou- (c) Chîf îa^
!m viens à cette occafion de Rodolphe àt i. Ccih
» Agric^l , que je nomme pour ho- J}*"® '• ,
^.norer FAUemagne & lltalie ; la^'^^' i*'
» preipiere lui a donné la naiflance ,
9la féconde la connoififance des Belles*
» Lettresron n'a jamais rien vu paroître
» de fi doéle en deçà des Alpes. Il n'y
n avoit point de fcience , ou il ne pût
» aller de pair avec ceux qui s'y oif-
«tinguoient le plus ; très -excellent
» Grec avec les Grecs, parfiut Latin
» avec les Latins , fi baoile en vers
» qu'on l'auroit pris pour un autre
• Virgile. Il y avoit dans fa profe
• toutes les grâces de Politien , &
m beaucoup plus de dignité. Il parloit
m fur le champ fi purement , qu on eût
» crû que c'étoit un Citoyen Romain.
»Son érudition égaloit fon éloquence.
» Il avoit pénétré tous les myfteres de
» la Philofophie.ilfavoit parfaitement
V toutes les parties de la Mufique.
» Sur la fin de fa vie il donna toute '
» foB application à l'étude de l'Hébreu
*> & de l'Ecriture Sainte ; & tandis
» qu'il n'étoit occupé que de ces objets ,
»la njort nous l'a enlevé lorfqu'il
» n'avoit pas encore quarante ans. »
Dans fon Ci'ceronien , Erafme décide
qu'Agricola avoit un jugement divin,
Upilyle folide, nerveux, travaillé^
atïez femblabîe à ceux de XJuîntilîeH
& d'Ifocrate , à cela près qu'il ctoic
beaucoup plus clair que ktoremier.
t* Il croy oit que fi Agricola rait voulu.»
iïaùroitpû êtreauffi parfait qiije Ci-
ceron, quoiqu'il eût contre, lui fbn
pays , le malheur des tems &c les mosurs
peu frugales de Ta nation."» Enfin »
» continue- t'il , il auront ete^le prenaier
:» homme de fpn fîecle , s'il n'eût paf
«j)réferé T Allemagne à l^Jtalie* «\Eç
lorfqu il parle de' fes Ouvrages ct%
Sarticulier ( i ) , il ne craint pas de
ire qu'ils paroiffent avoir quelque
chofe de divin.
- Vives ne penfoit pas moins avan-î
tageufement d' Agricola»» A peine,'
W Aât*^ dit*il, ( a ) de notre tems & du tena?
î* uAugufi. i» de nos pères y a-tlîeu un Aùtcuîrauffi
de civit. ,1 digne d'être lu & reluque Rodolphe
TA^*'/**V» Agricola de Frife , tant il v a de
^nimad. » gf^ie, dart , de jugement , de di-
fart. 4/;. » gnitiîy de douceur , d'éloquence. &
if 4o, » d truditiofi dans fes Ouvrages.^ Mais
ce qui eft encore plus flatteur pour
Agricola , c*eft que les Italiens ^jui
( I ) Edita qui^tm ah tffo ftanè divini"
$atem qnandam bominês fra/efirum» Adages,
ibidem
,^ Nihil ah ilh viro frofiéifcitur ^ quodnôn
Hviniiatém quamdamffiret. Epift,46 L. ip»
Voyez auflS dans YEicîefiafle le jugeiheDl
r
^ bflt le mieux écrit , ceux mêmes qiil
•étoicm les plus jaloux de la gloire de
ritalié , & qui étoiem les meilleurs
Jugés dû ftyle , ont penfé d'Agricola
comme. Eralme & Vives en penfoient.
Le CardinalBembe (Il ) a déclaré',
'que de to^s Içs Ecrivains de {pn tems
t'étoit celui dont il iapprouvoit le pfiis
les Ouvrages ; & l'Illuftre Vénitien
'Hermolaiis Barbarus lui a fait VE*.
pitaphe la plusliondrable( 2 ).
' Agricola a laiiîé des témoignages
^eFèftime quilavoit pour Alexandre
'Hegïus Ton digne Difciple.' Il lui
'^crivoit ( a} que f(?s Lettres lui fai- ^^^ ©p^
foient unvraiplaifir , parce qu'elles cules â*Jigi
-lut apprenoicnt qu'il fe perfedlionnoit gricoU* ;
^ous les jours ; qu'il ne doute point
( I ) Illius , veito fçrifu m^lfimi omnium ,
qui.tttâte nôftrâ vixerum , jnihi^mitm f ror
'2iffi/jir. Epift. L« é* p. éSi. '
Voyez dans Papcblo^unt , p. 47^. les jtt-;
f emetis dès Savahs fur Agricola.
(i) Jnvida ciaufcriênt hfç marmre Fat4
Rodolfhum
A^ricêlfim , Fri^i fpemgue ^c^fgug folU
Sciilcet hêc ^ivo meruû Germankriauih ,
Qfticquiàhâbtt Lmium , Gracia cjuiiqmà
habit.
Cette Epitaphc cft dans Erafme , daju
^çiflardi^d^4s.F9P^P?ï|»> '
Kï Vis
que ce ne foit à fes foins , à fes tràï
vaux , & à la bonne éducation qu'il
donne aux jeunes gens , que l'Al-
lemagne aura ^obligation du progrès
dansTes Belles-Lettres, & du premier
rang qu'elle y occupera.
11 y avoir dans ce même tèms un
autre Frifon ami d'Agricola , qui
contribua auffi beaucoup au rétablif^
fement de la littérature dans la baiTe
Allemagne ; on Pappelloit Veflel
la) M. A- Gunsfort. ( a ) Perfuadé que Ion ne
Bam, f^^^pouvoit pas être parfaitement favant
Gefwtfw. J-^jjg j^ connoiflance de la Langue
rm.f.iu Qjgçq^g ^ ji jIIj^ chercher des Maîtres
en Grèce ; & après être devenu très-
habile , il revint en Europe, oii il
fe fit une û grande réputation , qu'il
acquit le furnom de lumière du monde.
Il établit des Ecoles de Grec à
Groningue , àHeidelberg & à Paris.
ih) M. A- C'étoit Agricola ( fc ) qui avoir fait
ïam,p.i^. appercevoir à Hegiusla néceflîté de la
connoiifance de la Langue Grecque
pour parvenir à la profonde érudition ;
ic lonqu'Hegius fe trouvoit avec des
gens déjà avancés en âge, & qui' par
cette" raifon avoient de la répugnance
à fe remettre aux Elemens de la Gram-
maire , il leur àifoit pour les exhoner
à furmonter ce dégoût : » Tel que
w vous me voyez, j!étois déjà Maître-
r
•&• Arts , j'avois déjà Quarante ans , &
» je n'ai pas dédaigné d'aller chercher
• Agricola qui n'étoit qu'un jeune
» homme* J'ai étudié fous hii ; & tout
m ce que je fais de Grec & de Latin ^
p- c'eft à lui que j'en ai l'obligation. »
Ce fut à Deventer & fous Hegius,(tf) (à) A Jjr-»
qu'Erafine apprit la Langue Latine & ges,p.t^^«
tes premiers Êlemens de la Langue
Grecque ; on lui enfeigna auili dans ce
Collège la Logiqueja Phy^que^la Mé- .
taphyfique & la Morale, {b) Il aflure (h) Contrt
dans un de fes Ouvrages^qu'à onzeans Cararacal»
il favoit toutes ces parties de la Philo-:
Ibphie.
Sa mémoire étoit prodîgieufe ;
Rhenanus nousapprendqu'étant enfant,
il favoit Horace & Térence par cœur,;
U avoir un amour fingulier pour Té-
rence. Il le regardoit comme l'Auteur
le plus propre à former le ftyle : il
croyoit que fes Comédies lues dans
l'efprit avec lequel elles doivent être
lues , pouvoient corriger les mœurs ;
& il étoitfi ^élé partiiàn de cet Auteur,
que dans une lettre écrite dans fa W ^Pffi*
jcuneffe ( c ) , il confeille à tous ceux *^* ^' ' '*
qui veulent parler Latin de lire Té-
rence , que iJiceron^ que Quintilien,
que Saint Jérôme , que Saint Au-
gudin , que Saint Ambroife ont étudié
4ans leur jeuneâe & ont lu dans leur
% cV I H
Vîcilleffe ,*& qui enfin ^ .dit-il , nepeti««
*^tre haï que par -un barbare. C'ét<>£:
apparemment Jorfqu'J^rafme et oit ^
^Deventer , que lularriva cette aventure
' (a) De <lont-ilfait mentiondanslaDéclamatîoa
fuçris ad qu'il a faite ( tf ) liir bs moyens d'itil-
pirtutem ^^^^ ^^^^ jeunes gens l'amour de la
Uberalitcr ^^"^ ^ ^^ ê^^t des BçUes-Lettresu 11
if\ftifum'^ -iious y apprend que lorfqa'il étoit
^/. enfant , il étoit toidDé. entre les maios
d'un Maître qui Taimpit beaucoup .,
& qui après avoir conçu de très^
grandes e%érances de fes progrès .,
voulut éprouver quel ^effet, produiroit
fur lui la corredlion. Il chercha ua
^aux p];étexte pour avoir occafion de
ie châtier : ^Erafme qui .n'avoit rien '4
le reprocher , perdit en xe momeM
l'amour de l!étude , £c tomba dans
une Si grande mélancolie > qu'il en
penfa mourir ; il lui en fur vint une
«evre quarte. Le Maître cûmprenani
la foute qu'il a voie foite , jen fut in-^
xonfolable. C'eft ^n partie .par cet
exemple qu*Erafme décide , qu'o» j
«le doit en v^nir aux verges avec le»
^nfans, qu'après amrépuifé les avet:-
Xh) Ada-tiflemens & les menaces. Jl .parle
gfs > art. ailleurs {h) d'uaautre.de fes Maîtres^
^tcHia aiila. ^^^ji rçpréfente .comme un furieux ^
4ont le plus jgfrand plaifir étoit d^eni-
d' E R A s M E. i y
tendre les cris des enfans qu'il avoic
mis enfang.
Il y avoit dans ce tems-là un fléau ,
qui faifoit éprouver fréquemment fes
fureurs à toute l'Europe ; c'eft U
Pefte , qui fur la fin du quinzième fié-
cle & au commencement du (eiziémc »
ne finiffoit fes ravages que pour les
recommencer avec plus de violence.
Ellefe fit fenrir à Deventer ( a ) lorf. (f) Omf*
qu'Erafmc étoit parvenu à (à treizième ^'^^«
année , & elle enleva fa Mère ( x )•
Lanaaifon oii demeuroit Erafme étant
infeftée du mal contagieux » il foc
obligé de quitter Deventer ; il revint
à Tergou , ayant pour lors qua^-orze
îi,ns(i). Son Père fut fi affligé de la {B) Epljl.
mort de Marguerite^ que peu de rems ^o^.Efift*
^près il mourut de douleur ayant un 3*' ^* ^*
peu plus de quarante ans. Il t hargea (c) (0 ^^^*
, en mourant trois de fes meilleurs amis '^îtee.Efijt.
4e la tutelle de fes deux enfans. Pierre ^' ^' * ^^*
C ï ) Jean Herold dans Ton Philopfeudes «
P* '3^> prétend qu^Erafnie fut envoyé à
wtrecbt après la morç de fa mère , pour y
jpprendre les premiers Elemens ; & il cite
KS Ouvrages mêmes d'Erafme , comme s'ils
«foicnt des preuves de ce fait. Cependant
*^5^ abfolument oppofé à l'Abrégé delà
Vie fait par lui- même , que nous avons fui-
^exaâcment dans l'Hiftoire^uenous avons
ttvie de fon enfance»
Tome L B
26 V î B
Winkel Principal du Collège dé-
Tergou étoit à la tête de ces Tuteurs.
Gérard ne laiffoit pas une fucceffion
bien confidérable J cependant les effets
qu'on trouva à fa mort auroient fufÇ
pour mettre fes enfans en état dç
recevoir une très-bonne éducation ,
iî leurs Tuteurs avoient régi Icur^
affaires avec la fidélité qu'ils dévoient •
& à la confiance de Gérard , & ^
l'emploi qu'ils avoient accepté. Erafmç
& Ion frère étoient d'un âge aflfe^
avancé , §c d'ailleyrs affez inftruits
pour pouvoir être envoyés dans quelr
que Ûniveriité ; mais ce n'étoit pa^
Pimemion de leurs Tuteurs j qui
avoient deflein d'en faire des Moines ,
& qui craignoient que dans les UnU
yerfités où ils feroient élevés , on ne
leur infpirât du dégoût pour le Cou-
vent. Ils les envoyèrent à Bois-le-Duc^
dans un^e Communauté d'Eccléfiafli-
ques qui s'occupoient de l'éducatioa
des enfans , & dont la principale at^
tention étoit d*infpirer le goût du Mor
iiaftère aux jeunes geos à qui ils con*
noiflbient des tajens. Parrni ces Ecr
cléfiaftiques , il y ^n avoit un qui s'^-
joit pris d'une amitié finguUere pour
Èrafme ; on le nommoit Rombolde» li
fouhaitoit avec pallîon qu'Erafmç s'jpn-
D* E R A s M £• 27
gageât à refter dam cette Commu-
jiauté de Boisle-Duc : il ne ménageoit
mlescarelTes ni les petits préfenspour
leperfaader; & comine il n'avançoic
pas beaucoup , un jour il prit un Cru-
cifix, & s'adreffant à Erafme , il lui (4)D;V#.
ait avec vivacité : (a) ^ Reconnoif- gtn de re.-
p fez - vous celui qui eft mort pour '«' ^/«' t
» vous f Je vous conjure de faire en- ^'"'^'^.^^
» lorte que ce ne loitpas inutilement, p^^^^^^^^-^.
•Suivez mes confeils ; fongez à votre i'jne , t.i.
•faiut^ ne vous expolez pas àpërir^.piu
^ dans le monde. » Eralme répondit
qu'il ne connoiflbit pas aflezle genre
de vie qu^on lui propofoit ; que d'ail-
leurs il étoit trop jeune pour fe dé-
terminer fur une chofe fi importante #
fur-tout fans avo'r confult^ fes talens
&fesparens. Rombolde n'eut rien à
répliquer à un difcours fi fenfé.
Erafme ne fit pas de grands progri«
flans cette Mailo» ; il en favoit plus
que fes Maîtres. Côtoient les grandg
talens qu'il annonçoit , qui augmen-
; «oient le defir que ces Eccléfiaftiques
javoientdele retenir.
1 La pefte s'jétant fait auflî fetïtir à Bois*
le-Duc, & Erafme (e trouvant très»
^ jncommodé d'une fièvre - quarte , qui
le tourmentoit depuis long-tems, il
retourna à Tergou avec fon frère #
ijrès avoir été un pçu plus de deui
ajis à Bois-le-Duc. L'applîcatîcm ave^
laquelle il ayoit lu les ipeilleurs Au-
jteurs , lui ayoit déjà fcH*roé le iftyle.
Ils trouvèrent un de leiirs Tuteur$
piort , ,Çc les dj?ux a^itres fort embarr
raffés , parce qu'ils avoiejit fort mal
jidminiuré les biens de leurs pupilles ;
c'eft ce qui augiiienta jpnçorje r enviç
qu'ils avoient de les voir entrer dan^
jun Monaft^ère. Erafine qui ne pouvoir
douter de leurs intemipns , çut à c^
(/t) E;j//?.ïujet une expjicatipn avec fon frère : (a)
5•I•^4• il lui demanda s'il étoit dans la réfp»
lution de s'engager par des vœux. Anr
toine , ç'eft Tous jce nooi qu'il eil dé-
%né dans h Lettre à Grunnius , lêf
Sondit à fon . frère que s'il fe faifoij
loine , ce neferoitpoijît par aucu^
amour qu'i) eût pour la vie Monafti-
Que , mais p^r çopaplaifançe pour icur^
Tuteurs , & par la crainte qu'il avoit
cl'eûx^ Erafme \\â fît vpir qu'il n'y
avoit rien de fi infenfé, que d'embraf!-
fer par crainte ujî genre de vie donj
on ne fayoit pas fi 1 on feroit content^
'& qu'on n'avôit pas la liberté d'abanr
donner fi l'on venpit à s'en dégoûter,
Antoine répliqua ^ cjue la piodicité dp
leur fortune entroit aufTi dans les rai-^
ÊDns qui le faifoiçnt céder à la volonté
4e leurs Tuteurs. Erafme lui propof^
^e r.ecueillir tout ce qui ppuvoi|; l,epï
ferter Je leur petite fortune , & d'aller
enfiiite dans quelque Univerfité.* Nous
3» nous y ferons des amis , difbit-il ;
3» d'ailleurs il y a tant de gens qui vw
3» vent de leur fa voir- faire : enfin Dieu
» n'abandonne pas ceux qui ont de bon-
♦ nés intentions. » Antoine approuvai
les raifonnemens de fon frère : ils firent
un projet de réponfe à leursr Tuteurs
pour la première iois qu^ih leur pro-
pofcfoient d'entrer dans un Cloître j &
comme Erafme ëtoit plus hardi » &
parloit pkis facilement que fon firere ,
il s'engagea à expliquer leurs inten-
tions à Pierre Winkel leur premier Tu-
teui". L'occalîon s'en préfenta bientôt.
Winkel s'étoit adreffé aux Chanoines •
Réguliers de Sion proche Delft , &
avoit parole qu^on recevroit fes deux
pupilles dans cette Maifon : c'étoitfans
leur en avoir parlé, qu'il les avoir
ainfi engagés. Il vint les voir; & aprèsf
s'être fort étendu fur l'amitié qu'il
àvoit pour eux , il les félicita de ce
qu*il avoit été aflcz heureux pour trou*^
ver à les placer chez les Chanoines-
Réguliers. Erafme répondit , que fon
frère & lui étoient encore trop jeunes
pour prendre le parti qu'on leur pro-
pofoit ; qu'ils ne connoiffoient pas at
i^mle monde ni les Couvens , pouc
B iij
pouvoir fe décider ; qu'il ëtoît bie»
plus raifonnable de paffer encore quel-
ques années à s'inftruire, afind^être
çn état de fe déterminer avec plus d^
connoiflance de caufe fur une affaire
guflî férieufe que le choix d'un genre
de vie , dont leur bonheur ic leur fa-
luc dépendoienr.
Une réponfe fi (^ge mit cependant
Winkel en fureur. Quoiqu'il fût natu-
rellement aifez doux ^ il s'en fallut peu
qu'il ne battît Erafme : il le traita fi in-
dignement, que les larmes lui en vinrent
aux yeux j & enfin il dit à fes pupilles,
que puifqu'ils ne vouloienc pas profi-
ter d'une place qu'il avoit obtenue
pour eux av^c beaucoup de peine i ïV
renonçoit à leur tutelle ; qu'il ne vou-
loit plus fe mêler de leurs affaires f
qu ili viflent comment ils pourroient
vivre à l'avenir. Erafme répondU^qu'ib
étoient d'âge à pouvoir fe paffer de
Tuteurs. Winkel jugeant que par lef
menaces il ne viendroit point à bout
de fes projets , réfolut de s'y prendre
d'une autre manière ; il engagea (ot^
firere , qui étoit auflî Tuteur de ces deux,
jeunes gens , d'employer la douceur
pour les periuader. Ce fécond Tuteur
leur donna rendez- vous dans un Ver-
ger, où l'entre- vue commença par uB^
I)* E K A s M E. 3 r
jfctît régal qu'il leur fit ; il amena en-
(uit€ la converfation fur le bonheur de
fe vie des Chanoines-Réguliers. An-
toine crut tout ce qu'on lui dit , & en-
fin confentit à entrer dans le Couvent.
Ce fut un très-mauvais Religieux , s'il
n'y a point de paflîon dans Te portrait
qu'Erafine en fait : il aflfure qu'il étoit
fufé , qu'il s'emparoit de l'argent des
autres quand il en trouvoit l'occsffion 5-
enfin qu'il aimoit le vin & les femmes
avec paffion ( i ). Voilà prefque tout
ce que l'on fçait de ce frère , qui mou-
fut plufieurs années avant Eralme , (a) (a) Epijl.
& quirn'en fut pas fort regretré.L'exera* ^. L. xi«
pie d'Antoine ne "fit aucune impreflîon
m Erafme : fcs Tuteurs en étoient
tirès-piqués / cependant ils ne per-
doient point de.' vue le deflein qu'ils
avoient d'en faire un Moine. II5 fe flat-
tèrent qu'un homme auflî jeune fe laflfe^
R)it enfin de réfifter à des attaques con-
tinuelles : il n'avoit pour lors que feize
ans. Ils fubornerent toutes Ibrtes de
gens pour le féduire : on employa des
hommes , des femmes , des Moines 4
des parens , des jeunes gens , des vieil-
lards , de fes amis même , pour lui re-
( I ) Vafer ^ callidus , fecunurum fura»
Sreimtu , comfotaur nu fcwtAtw ignavusp
B iiij
§2 V I K
préfenter la tranquillité & leàagrëmeiw
de la vie Monaftiquc , & pour lui exa-^
gérer les dangers du monde. Outre les
malheurs de cette perfécution > il étoit
incommodé depuis plus d'un an d'une
fî^vre-quarte , qu'il attribue à la rnau^
ivaife nourriture des Collèges où U
avoir été. Lorfqu'il étoit ainfi tour-
menté , il entra par haiàrd dans le Cou-
vent.de Maus , autrement dit de Stcin.,
proche de Tergou, qui étoit habité
par des Chanoines - Réguliers : il y
trouva un de fes camarades du Col-
lège de Deventer ^ qui étoit revenu
depuis peu d'Italie 'y on rappelloit
Cornélius Verdenus. Il n*eut pas pla-
tôt lié converfation avecErafme, que
s'étant apperçu des grands progrès
qu'il avoir faits dans les Belles-Lettres »
il fe propofa de lui perfuader de rcC-
ter àStein : il lui exagéra les douceurs
de la vie Monaftique , la hberté donc
on jouiffoit dans cette Maifon , l'union
qui y régnoit , la multitude de Livres
qui y étoient , & le tems qu'on avoit
pour étudier. C'étoit prendre Erafme
par fon foible : aufG fe laifla-t-il ébran-
ler par l^s difcours d'un ami qu'il fe
félicitoit d'avoir retrouvé, & delà
Cncerité duquel il n'avoit aucun doute-
En fortant d'avec Verdenus, il
r
©'^E R A s M E. '55
leûcontra des gens de là connoif-
fance , qui lui déclarèrent que fon oblr-'
^nation à ne pas vouloir fe faire Re<-
ligieux avoir mis en colère tous fes
amis , & qu il* devoit s^attendre à
mourir de faim , s'il ne prenoit point
le parti du Couvent. Erafme retourna
voit Verdenus , qui continua de le
preffev de refter dans cette maifon i à ^
quoi il cdnfentit , plutôt dans l'in-
tention*, dit-il ., de fe dérober pendant
quelque rems à la perfecution , que
par envie de fe faire Moinb. Cependant
il entra dans le Noviciat prefque malgré
lui , & forcé par fes Tuteurs j c'étoit
Fan 1486 (^). On étoit fi content de le W ^or*
pofféder , qu'on Taccabloit de carefles : P^?%/'^*
il avoir toute liberté ; on nfe l'obligeoit ^* ^*^^^
m de jeûner , ni d'aller au chœur la
tiuit. Malgré les politcfTes & les con-
defcendâCesquon avoit pour lui,il eut
deflein de fortir du Couvent avant de
fiaire profeflîon ; mais la honte , les
itoenaces & la nécefBté lé" retinrent ea
quelque forte malgré' fa répugnance ^ ' •
& enfin il fit profeflîon. Les fujets
de mécontentement qu Erafmè avoit
eus de Pierre Winkel , nelesbrouiW
krent cependant pas pour toujours ;
il nous refte une lettre ( fc ) qu'Eralme (b) Eflt.
lai écrivit long-tcms après cet éVe'-* 4*^. ji»
jiement , qui prouve qu^il y ayoî«^
encore entr'eux un commerce aanûtié
& de confiance. Verdenus , indépea-*
damment de fon ancienne Uaifon avec
Erafme , avoir des motifs perfonnels^-
& intéreffës pour fouhaiter qu'il reflâc
dans le Couvent de Stein : il étoic
revenu d'Italie fans avoir profité de fon
(a) Compy voyage {a) ; le goût de Tctude ravoir
t///^. £;>(/?. pris , & il comptoit trouver dans
î# L, 14. jErafnnc un excellent Précepteur qui ne
lui cauferoit aucune dépenfe , & dont-
perfonne ne fe douteroit. EfFeûi-
vement Erafme n'eut pas plutôt priS"
r habit de Novice , que Cornélius
. Verdenus l'engagea à paffer fecre*-
tement les nuits avec lui : ils s'occu-
poient à lire les meilleurs Auteurs ^
qu'Erafme expliquoit à fon ami ; ce-
qui fe faifoit aux dépens de la lanté'
du jeune Novice. Mais c'eft ce qui-
embarraffbit peu Verdenus, qui n'étoir
occupé qu'à tirer tout l^avantage poC-
Fible de la facilité & de l'habilité de-
fon Maître. La plus grande confo-
htion qu'Eralme eut dans fon Cou-
(h^ Efifl. vent {b) y tut d'y trouver Guillaume
Rhênani. Herman de Tergou , jeune hommç
qui avoir un très-grand goût pour
les Belles-Lettrci , qui excellait fur*r
tciic dans la Pocfie ^ oà il fe £t a
r
r>^E K A S M E. 57
*om célèbre par un recueil (f odes (fl). ^^^ qj^^
Ils étudioient enfcmble jour & nuit } rum Sylva,
& le tenas que leurs compagnons paf-
fwent au jeu , à table & à dormir , ils
l'occupoient à lire les bons livres , &
à exercer leur ftyle. îk prirent Pun
pour l'autre une amitié qui fubfifta
même après leur féparation. Parmi les
lettres d*Erafme , il y en a quelques-
Bnes qui font adreffées à Guillaume
Herman ( fe ) j elles prouvent qu'ils /^) ^^/^^
ont vécu dans la plus grande union, n. l. 4!
& qu'ils avaient run pour TautrelesiSpi/?. i.l,
mêmes fentimens qu'Orefte avoir ^'«
pour Pylade : ce font les expreffions
tf Herman. Ce fut dans le Couvent de
Stein , qu'firafme écrivit les deux
premières des lettres qui nous reftent
ëe bi (c) ; elles font adreifées à (c) Ce font
Corneille Aurotin P-rêtre de Tergou : les deux
on a mis à U tête , qu'il les avoit premières
^ites étant encore enfant. La pre- f/^ j!^^' '^^
mm{d) eft datréede ^'^^1^9$.^^"^^^^^
Erafme y prend le parti de Laurent clerc.
Valle , que CorneiHe avoit traité de (d) Efifi^
Corbeau qui croaffoit, de chicaneur*» ^•7v
Îlutôt que d'Orateur, Il lui déclare
i guerre s'il ne change de langage ^
fes^il n'appelle à l'avenir Laurent
l'éloquence même , une mufe Attique :
H ^ige encore pour condition de fott
Bvj
36 V I r
raccommodement, que ComeiHeaps*
E renne par cœur les élégances de:
.aurent , & qu'à l'avenir il lui donne
communication de fa bibliothèque ^
il lui déclare qu'en maltraitant Laurenc
Valle , il a en même tems offenfé
tous les Gens de Lettres , parce qu'il
îi\ a qu'un barbare qui puiflfe ne pas
cuimer ce Savant.
(a) Epijl. La féconde lettre d'Erafme ( tf ) à
j. L. 7.. ^ Corneille Aurotin eft datée de l'a»
14^0. Il continue à y faire l'éloge
de Laurent Valle : il loutient que ce
Savant ne peut déplaire qu'à ceux à
qui les Belles-Lettres déplaifent; qu'il
faut avoir b.en de la petitçffe dans
l'efjprit , & être fufceptible d'une baflfe
jaloufie , pour ne pas combler d'éloges
& pour ne pas aimer avec paffion un
Savant , qui avec tant d'induflrie &
tant de travail & de peines a réfuté
<^) Borha- les fottifes des Barbares ( i ) , a ré-
fdYum fufcité les Belles-Lettres prefque en-
ir.tj.H^as, l^velies , a rendu à Tltalie fon an*
Ce) Ep^P. c*^"^^ éloquence , & a mis les Savansv
3. . L, ^1. en érat de mieux écrire.
Vo\ ÇT. les On a encored'autres lettres d-Erafine
E;)it.y, 10, \ Corneille Aurotm.; mais l'année de
^\* 'Via. date ne s'y trouve point: il y en a
4i Iiivre. feulement une datée de Stein (c) le-
ijf-. Mai» Nous y voyons qu'Aurotiut
Iravaïïloît à un Ouvrage qu'il vouloit
dédier k Erafme, & qu'il en avoir fait
plu/îeurs autres fur lefquels il fouhaitoit
qa'Erafnae lui dit fon fentiment. Il en
donne le catalogue : c'étoii; un Traité
fiir la mon , THiftoire dé la Guerre
d'Utrecht & THlftoire de St. Nicolas.
Quelques-uns ont afluré(rt) que c'étoit *W Fop-
Corneille Aurotin qui avoit dirigé lesP^"*' ^'^•'
études d'Erafme tandis qu'il étoit dans ^''^- ^^'^
U JWonaftere de Stein ;. mais ilparoît^^^^***^
par les lettres d'Erafrae , que c'étoit
Îlutôt lui qui étoit le m^rre que le
ifciple : ce qui eft confiant , eft
que Corneille envoyoit fes Ouvrages
à Erafme ( fr ) , afin qu'il y mit la W Efi/Fr
dernière main» Il varioit fes occu-3»^*3^
pations dans le Couvent ; il peignoir
pour fe délaflfer de Tétude. Onjrao-
porte ( c ) que l'on- a trouvé dans le (c) Mer-^
cabinet de Cornélius Mufius decier,p. ijt-
Delft un Crucifix , avec cette inf-^
o:iption : Ne méprifez point ce Ta-
bleau ; il a été peint par Erafme ,
lorfqu'ilétoit Religieux au Monaftere
de Stein^
Les ennemis d'Erafme ont afluré ,
C|u.il avoit mené une vie fort liccn-
tieufe dans fon Couvent. Jules Sca-
ligpr, d'ans fa lettre violente à Arnold' (d) Epî^r
ferron (d) , prétend qu'il a fouillé 'J^'
^r . . tt'n
fon Monaftcre par fes imputlick& ( t X
Ses panégyriûes d'un autre côté Tonc
juftiné fur IVticle de la chafteté ; Ôc
Herold , dans Téloge qu'il en a fait , •
prend à témoin tous ceux qui ont
vécu avec Erafme : il cite même deuK
vers de Nicolaus Olaus Secrétaire
eu Roi des Romains , qui déclare
que jamais Ëralme n'eut aucun coa^^
. mefce avec les femmes ( 2 ).
Mais il y a apparence que fi Ces
ennemis ont exagéré fes Ùluîqs 9 fes
amisjaulli l'ont plus loué qu'il ne roé-
Titoit. Il eft d'abord confiant que dans
ia jcuneflè fa dodrinc fur la chafteté
étok fort éloignée du rigorifine : car
(i^E^iy?. écrivant à un de fes amis (a) donc
fiL.}î. h conduite nétoit pas réglée, il lui
recommande de modérer du moins
ks ardeurs de fon ten^Dérament ,
s'il ne peut pas- les réprimer entié-
wment (3 )•
Ses propres Ouvrages fournirent
( I ) Confaetudine Jlufrêrum ronfamina'*
wit.
( 1 ) delebt Erafmus > purut ab omnibus y
. Et fotminarum purus à cofiforti».
( 3 ) Atque id ut Jiudiojiks çonfciai ,
ê^erjt pretium eft ut œtatis tua intempérant
lem lihidtnem , (i non penitus arcere potes g
* nam id vix hominis ejl , faltem modereris ê$^
§ue coerceas^
jScs preuves qu'il n'a pas toujours •
>écu dans la plus gran'^.e régularité j-
H avoue dans la Lettre qu'il écrivit au '
Père Servais , ôc que l'on peut re-
garder comme fa confeflîon , qu'il a
Quelquefois fuccombé aux tentations
ce la volupté y mais qu'il n'en a jamais
été efclave. ( x ) » Je n ai jamais été
» l'efclave de Venus , dit-il dans une
9 autre Lettre j ( a ) & comment i'au- (j) £p{jf^ ,
» rois-je pu être dans ma jeunefle , ab- in. ^fifi: '
» forbé comme je l'écois dans l'étude ? 5* ^» *3* %
»Au refte fifai autrefois commis quel-
» que faute , il y a long-tems que mon
»• âge me met en fureté de ce côté là ;
*» & c^eft en quoi je trouve la vieillefle
» fort agréable (a). Je ne prétends pas,
a» convient-il ailleurs (b) , que ma vie {b) ïïfijl, •
» ait toujours été exempte de vices ^ f^i.
» fur-tout celle que j'ai menée pendant
» ma jeuneife ( S )* ^ C etoit bien
avouer qu'il avoir quelque chofc à fc
( 1 ) Voïuftatihtts &fi quanâamfui îttqui»
§HUmi, rmnquam Jtrvivu tpift. *. Appen-
^.
. ( 2 ) Vtneri mmquam firvitum eft : ii#
vacéivit qufdgm in tant h Jludiotum laho'
tihus ; & fi qutd fuit hujus malt , jam olirn
W^ f 0 tyy anno me vindtcaxnt xtas , quiH mih%
}fac aomime gratiffima ejt»
, (?) îsieque vitam meam omnibur libti^
9»dh , frafertim aClam jnvenû
5^ V t i
rcprocTicr ; mais que fes fautes n'étoleitt
point dégénérées en habitude.
S'il eut quelque foiblefle pour les feiri-
mes, il eut toujours de lliorrèur pour
lu) EpiJfM crapule & pour l'ivrognerie (a);,
^frvatîQ. vices très-à'-la-mode dans fon fiécle , &
furtoùt dans fon- pays ( i ).
M. le eierc a fait THidoire d'uîi
tour déjeune Moine, qti*Erafme fit à
Stein , farts nous apprendre d'où il l'a
(J) Bib^tirée ( fe ). » On dit, ce font fes pa-
ttûiverf, t. »' rôles , qu'il y avôit un poirier dans
7- p* 141* »- le jardin du Couvent, qui portoîc
vTto^y despoires que le Père Supérieur aîj.
d'Erafme » "^^^^ beautoup , & qu'il vOuIoft
(• ^1. / 34 qu'orf gardât pour lui-. Erafine qui
3> en cela étoit du même goût que fon
30 Supérieur , fe leva quelques jours de
3» fuite de griand matin pour aller en dé-
3ft rober fans qu'on le fçût. Cela obli- \
y> gea Ife Supérieur qui s'apperçevoit de \
3J la diminution des poires , deveilfeir
39 lui-même un matin à la fenêtre Me !
ji^ fa cellule pour découvrir le voleur>
30 n faut remarquer qu'il y avoit un
^ Frère dans le Couvent qui étoit boi-r j
aft teuxr. Un' jour donc que le Supérieur '■
H faifoit la garde , il apperçut un Moine
3i fur le poirier qui cueilloit les poires^ ;
( 1 ) trafulam y eirietafcm , fimfcr horf I
l>*EKASlrfE. . iff
j» Comme il n'étoit pas " encore bier»
«jour, il réfoliK d'attendre un peà
» làns rien dire pour reconnoîcre le
» voleur ; mais il fit quelque bruit
» qu*Erafroe entendit , de îorte que
» de peur d*être découvert , il defcen*-
» dit promptenoent de l'arbre , & s^ert
» retourna vers le Couvent en faifant
»■ le boiteux. Le Supérieur qui crut
3» reconnoître à coup (ûr le voleur des
» poires , s'imagina qu'rl falloir fc
9 taire & attendre le jour , pour le
9 cenfurer en pleine Communauté;
9- Dès qu'il eut aflfemblé les Moines >
a^ après avoir dit mille belUs chofes
» fur la fainte Obédience , il fe tourna
» vers le Frère boiteux , & l'accufa
» de l'avoir violée de la façon du UiOn'-
9 de la plus criante , en dérobant les
» poires du jardin contre fa défenfe
ai^ réitérée. Le pauvre Frère eut beau
*> prouver Ion innocence , cela ne fît
»qu'augmemer la colère du Supérieur^
» qui crovoit l'avoir reconnu à une
» marque évidente ; fi bien qu'il lui inr-
» pofa une groflfe pénitence malgré
» toutes fes proteftations. » Quoi qu'H
en foit de cette Hiftoriette , on n'a pas
crû devoir l'omettre , puifqu'elle eft
rapportée par un des plus grands Ad-
DÛrateurs d'Erafme».
^ Vif
Il eft confiant que tandis qu'il et oit
au Couvent, il s'occupa beaucoup de
Fétude. Ce fut-là qu'il compofa le Li-
vre du Mépris du Monie\ fous le nom-
jde Thierri de Harlem ; il eflr adreflfé
à Jodoque , à qui il parle eomi&e s'il
étoit fon neveu \, quoi qu'il n*en eût
point.
L'objet de ce Traita étoit d'engager
Jodoque à fe retirer du monde , pouf
embraflfer la vie folitaiTc. L'Auteur y
fait voir les dangers auxquels cri eft
expofé dans le fiécle ; les écueils des ri-
cheffes , des honneurs , des plaifîrs f
combien le monde mérite peu notre-
attachement j & les avantages de la fo-
litude. L^Ôuvrage finit par unconfeil-
à Jodoque , d'abandonner le moode ,
fans cependant s'engager par des vœux;
s'il peut trouver une focieté de gens
vertueux. »Mais, ajoute- 1- il ,parce^
as que cela eft fort difficile , il convien*
36 dra peut-être mieux que vous vous
*établifliez dans quelques-uns de ces*
•>Monafteres qui font les plus appràu-
as» vés , & dont la règle ait le plus de
* rapport avec votre façon de penfer. »
ïl veut que cet examen fe faflfe avec
d'autant plus de précaution, que les
JMoines fontfortcorrompus (i), » Si
( I ] In qifiibus adei non_ vîgtt difct^lpiH^
r
iô'Ëràsmé. • 4>'
^ous ne trouvez pas deMonafteres qui
ii vous conviennent , dit- il eiffiniflant,
»perfuadez-vous que lorfquevous êtes
•avec des gens de bien, vous êtes
! » dans un Monaftere , & ne vous ima-
[ »ginez pasqa'il manque quelque chofe
» à vos vœux , fi vous pratiquez ce à-
*quoi vous vous êtes engagé dani
» votre Baptême. Ne defirez ni l'ha-
« bit de Dominicain , ni celui de Car-
«me, fi vous confcrvez cette blan-
>• cheur que vous aviez en recevant le'
« Baptême , & ne vous inquiétez pas
I » de n'être point Benediâin ou Guil-
»lemite, pourvu que vous foycz du
I • troupeau des vrais Chrétiens. »
' Ceft là le premier Ouvrage d'E»
lafavc ( a ) : il nous a appris lui-même 0») CuiU
ib*) qu'à peine avoit-il vingt ans lorf- {^^V '"^^T
qu'il le compofa , & qu'il ne le &t fZ^/i^!*''
que fur les inûances réitérées de {b)Etifl.
l oncle de Jodoque. Il foutient que 4i Botze-
ce Traité exprime plutôt les penfées fnum.Efift^
d'un autre que les ficnnes propres ; ^7. ^« ^9y
que le ûyle en eft négligé ; que lé
Svre eft plein de lieux communs ;-
UigtoMs , ut nthil altud Jtnt quant fcHola
inifutatts , in quibus ne Iheat quîdem ejfe
prot & intègres ; quibus cuitus , titulufque
^Ugionis nêhil aliud frteftat , quàm Ut imffé^'
*hm liaat quidqjuid libeu
'44 V ^ » , . . .
que Porfqu'il y travâiHôit^ il n'^toîé
point encore verfé dans la leétiiré
des bons Auteurs; enfin il demandé
grâce pour les badineries de fa
jeuneflfe ( i ).
Dans la fuite les Liferàii*cs ûyant
Voulu imprinier ce Livre qu'Erafnoé
n'avoit tait que pour exercer fort
ftyle , & qui n'étoit que manufcric ^
il le revit ; & connue ifétoit pour
lors fort brouillé avec les Moines ,
il ajouta cette fin iîidifcrete & té-
méraire que le Tradudleur François
{a) M. (ay a jugé devoir fupprrmer , lor/^
MarfoUer. qu'il a rendu cet Ouvrage en notre
langue ; mais cette réticence a été
fupplée par l'Auteur même de lar
* (b) Criti • critique de l'Apologie d'Erafme (i ) ^
^ue , p. qui après avoir afluré que le dernieé
i®^* chapitre du^ livfe fur le mépris du
monde eft fcandaleux & héritique
dans l'original , en tranfcrit les paf^
fages qui lui ont déplu davantage >
les laiflant à la vérité dans la langue
dans laquelle Erafme les avoit écrits.
(0 V. le £3 même année qu'Erafme fit k
deVes Ou- Traité dumépris du monde , il compofa
▼rages, à "^ difcours touchant le bonheur de fa
|a fin. paix comre les faftieux r il eft adrefl^
( X } FHfritia mac naniat.E^i^. 47*. L»
r
i Corneille A.urotin. » On y voit avec
» plailîr , dit Monfieur le Clerc ( a ) ^ W '*^
» les commencemens de ce ë^^^^''^\L\g
I» génie , qui après avoir produit de '*^ ^
•fembla^les fle>irs,ne pouvoit pas man*
» quer de produire d'excçllçns fruits, „
L'année d'après , lorfqu'il a voit vingt
& un ans, il fit Téloge funèbre de
Berthe de Heyer> veuve de Tergou (fr)î /^s y^ j^
ilTadrefla à fes filles , qui étoientge. tom«
Religieufes dans la même ville. Il de fesOun
regrétoit d'autant plus cette pieufe vrage$,^
Femme , qu'elle avpit été fa bien-
faitrice. Il novis apprend qu'elle ayoit
été fon refuge dans fa mifere ; qu'elle
Pavoit confolé dans fes malheurs ;
<ju'ellj2 lui avoit donné çle très-bçns
conleils , & qu'enfin elle avoit autant
d'amitié pour lui quç pour fe$ propre?
enfans. Il rapporte dans l'éloge de -
cette vertueufe fendmç , qu'elle étoit
dans l'ufagç de faire venir chez ellç
un jour de la Semaine Sainte treize
pauvres qu'elle faifoit mettrp à table t
& qu'après les avoir feryis , elle leur
Javoit les pieds, ^ra/ijiè célébra encore
fe reconnoiffance pour cette bien?
faitriee par deux Epitaphes en vers.
Ce fut dans le Couvent de Stçin ,
Iqrfqu'il n'avoit encore que vingt ans p
^'vUowmen ja fon Ouvrage de? Aw^
:^^ Vit
naîTUS nous a confervé une ftrophe. (i^'
' L*objet que FEvêque de Cambrai
s* était propofé en faifant le voyage
de Roîme , étoit d'obtenir le Chapeau
de Cardinal ; mais l'argent lui ayant
Xa^ Comf. manqué , ( fl) il le vi; obligé de ref-
^ita. Efift. ter dans fon Diocèfe i il n'en conferva
fi^çnanu ^^^ moins auprès de lui Erafme , dont
es agrémens , les talens §c la candeur
i'avoient enchanté.
Les ennemis d'Erafme ont pris oc*
cafion de cette fortie du Couvent pour
k traiter avec la plusgrande indignité.
Jules Scaliger , Poflevin , qu^ntitë
d'autres, l'ont appelle A poftat; & en
. dernier lieu, le Père de Tournemine
(h) Mém. ft'a pas craint de dire ( fc ) que c' étoit
litténiires, un Religieux déferteur , vagabond &
9Tt. 6. p. excommunié ; ce qui a été relevé avec
35^* ^.vivacité par le P, le Couraier, qui
* * prouve (jue l'on ne peut pas fans ca-
lomnie parler ainfi d'un Religieux,
{i) At ttUnc fors nos divdlit , ttbi
kene pertaf ,
Sors peracerha mihi.
Me fine folui Abts ; tu Rheni frigora (JT
Aifes
Me fine fol us adîs»
ha^iam, haliam latus fenetraifis amosnanu
Epift. Car. V^
qui
D* E ]R A $ M E. ^
fHÎ lie quitte fon Couvent qu*ayec la
permiffion de fon Evêque & de fes
Supérieurs Réguliers. Son Prieur Ni-
colas Werner y donna fon confente-
mentayec fipeu de répugnance , qu'E-
rîifDae ne craint point de dire au Père
Servais, (a) qui lui fuccéda dans la M ^f^J^*
Prior^ture de Stein, » Werner qui vous ^^^^
» «précédé , m'a toujours difluadé de
» rentrer chez vous ^ & ûi'a confeilîé
«de in attacher plutôt â quelque Evê-
*» que. »> Mais ce qui doit confondre
«^ux (pii^rodiguent ii Cadlement d*ô*
dieufes épithetes , c*eft que , comme
;nous le verrons dans la fuite, le Pape
Jules II. approuva (i ) ce qu'Erafmé (b) Eptjt.
avoir fait dans cette occafion. Il étoit ^* L. z4«
déjà engagé dans les Ordres , lorfqu'il
entra chez TEvêque de Cambrai (c) ; (0 Eptjl.
mais il y avoit déjà quelque tems qu^H^f^^'^anL
^demeuroit lorfqu'il fut fiait Prêtre. TI
ut ordonné (î) te ay Février 14^2 , <d) Fop
par David Evêque d'Utrech, fils na-P^"^, Bi^.
tqrel de Philippe le Bon Duc de Bour- £l§'''';^ ,
gog^e- Jrf falf.
On Élit aflfez peu de chofe du dé- £^4»^.
tail des avions d^Erafme i Cambrai ;
on n'a aucune de fes J-ettres tout le
tems qu'il y fut (r) : on faitfeule-*^
< j ) La troi/îéme Lettre de l'Edition dm
M. le Clerc , ^ui eft la .cinquième du Livrf
i
fo Vie
{à) Epijl. ment {a) qu'il fe fit extrêmement àîr
Hh^nanf. mer dans la maifon du Prél;git; qu* An-
toine de Bergues Abbé de Saint Ber^
rin , frère de rjEvêque de Cambrai ^
Je prit en très-grande amitié ; & qu'il
y àt la plus étroite ImCon avec Jaç--
.ques Battus qui £at jSéiCretaire de Ui
Ville de Bergues , & que la Marquifç
de WjiJere dont nous jaurpns occafiô^
cle parler , choiât dans la fu^e pour
Gouverneur .d'Adolphe de B^urgor
gne {qîï fils.
ifO Cofnp. L'^vêque de Cambrai (i) ne paf-
y*^^^ (bit pas pojur .être fort coijftant dans fe?
goûts ; JErafme avoit d'ailleurs un très-
^rand defir de fe perfieftionner dan?
les Sciences ^ & fur-tout dans la Tlxéo-*
logie. Il fit follicitpr fon Proteftcuf
de l'envoyer à Paris , dont l'Univer-^
jfité, & lùr-tput la Faculté de Théo-
logie, ëtoient pour lors dans la plu?
jgrande confidération par toute TEu-^
rope. Ifeiiri de Bergues y confemit ^
fie promit même une penfion annuelle .
Iju'Erafme dgns T^j^regé de fa Vie ai>
^ i.eft datée de l'an 1 4^0., hrafme étoit pour-
lors chez i'Evéque de Camtrai ; mais il eft
confiant que a dalie en eft faufle , puifqu*!! y
éft paiié de Oâts poftér leurs à cette année» 1}
j a plùiieurs autres Lettres dont la date n'eft
pas plus exa.ôe ; ce qui jet^e beaucoup d'em-
î>arras dans, la Chronologie de &s pre^niercf
années.. 5 '
d'Erasms. yi
fitfc n'avoir pas été payée. Il vînt à
Paris l'an 14^ 5. On lui avoit obtenu
une bourfe dans le Collège de Mon*
taigu ( tf ) ; il y fut fi mal logé & fi (4) EfiJI.
mal nourri ^ que fon tempérament en BJhim.
fat altéré pour toute fa vie : il affure
que h chambre étoit en mauvais air ;
qu'on ne le nourrifloit que d'œuft
pourris ^ d'oïl, il arriva que fa (anté ,
qui jufques-là avoit toujours été tort
uonne, fut toujours depuis très mau-
vaife.
Il parle de ce prenaier féjour à Paris
dans le Colloque qui a pour titre U Re-
fu (ùt Poiffoa. ( è ) * J'ai vécu , dit-il , (*) V. p#
» il y a trente ans dans le Collège de 5o J»
» Montaigu k Paris ; je n'en ai rap-
» porté qu'un corps ruiné , 6c une très-
^ grande abondance de vermines^ Le
» Principal de ce Collège s'appelloic
''lean Standone : il avoit du zélé ;
■ mais il n'avoit aucun jugement. Les
» jeunes gens qui étoient fous fa dircc-
* tion dans (on Collège , étoient fi mai
j* couchés , nourris fi durement , con-
I» fumés de tant* de travaux & de veil-
•les, qucplufîeurs qui donnoient de
* très-grandes elpérances , mouroienj:
* ou devenoient aveugles, fols ou lé-
^ preux dès b première année. Non
* content de les traiter fi mal , il les
cngageoit à le faire Moines, & il leur. .
Cij
S2 Vie
» ôtoit Pufage de la viande : feaçonr
» nois plufieurs qui ne peHvent pas reH
w cQuvrer U fanté quils y ont pcr-
» due. Il y avoit des chanrores baflfes
pBenduijtes de chaux puante près des
p» latrines , oh perfonne n'a jaijaais ha.-
pbité qu'il n'y foit jnort^ ou noyait
» contradié une maladie nçiortelle. Je
» V parle pas de la cruauté avec la-
k quelle on traitoit les innoceiis même
>i pour ies rendre , difoit - on , plus
p dojjx. Oh , quelle confommation Toa
i y faifoit d'ceufs pourris & de vin?
V gâtés ! Peut- être que depuis ce t^ms-
jp là on a piis les chofes fur un mail-
pi leur pied ; pais ça ^té trop t;ard
*» ou pour ceux qui en (ont morts i ou
f pour ceux qui y ont perdu la fanté
i pour toute leur vie. »
Cependant la penfion que PEvêque
de Cambrai lui avoit promife ne lui
étant pas payée , il fe trouva dans un
très-grand embarras. Ce qui lefachoit
davantage, c'eft qu'il n'étoit pas en
/état d'acheter les Livres qui lui étoient
B^ceffaires pour les grandes études
gu il avoit entrçprifcs. 11 lui fallut re-
courir à des expédiens ( a ) ; il prît le
(a) Cal- parti de àonner des leçons dans (à
kheuter. chambre : plufieurs jeunes gens fe pré-
fenterent pouiLqu'il les inftruisît ; mais
h en refiila beaucoup , parce qu'il vov^r
r
D^ E R A S M *. 5* J
Imt garder une partie de fon tems pour
/es études particulières. Cette occupa*
tion lui occafionna des dégoûts & des
défagrémens. Il nous apprend (a) dans
une Lettre qu'il écrivit au Père Werner M Epi/l,
Prieur de Stein, avec lequel il con- *^'.^* <'•
ferva toujours des liaifons, qu'il s'étoit y ^* J*^'*
chargé d'inflruire plufieurs Anglois de
grande condition & fort riches. Il
ajoute qu^if s'étoit ^réfenté un jeune
r rêtre très-riche , qui venoit de refu-
icr un Evêché , parce qu^il manquoit
des connoilTances néceflaires i unÈvê-
CEue ; mais que comme le Roi vouloit
dedans l'année le nommer à ui autre
Êvêché , il a voit offert à Era me cent
écus , un Bénéfice , 6c trois cens écus
i prêter , qu'il ne feroit oblige de ren«
dre que fur les revenus du Bénéfice
qu'il s'engageoit de lui faire avoir ,
Îourvû qu Erafme'voulût lui fervir de
laître d'études pendant un an. Mais
quelque avantageufes que fuffent ces
conditions, il les refufa, parce que
cette occupation Tauroit détourné de
fes études Théologiques , qui avoient
été r,objet de fon voyage de Paris. Car
s'il eût voulu répondre aux intentions
de ce Prêtre , il eût fallu que pendant
une année entière Erafme lui çût don-
fé tout fon tems» Il n'eut pas toujours
Ciij
n
; V I K ;\ ^ ^
louer àc ceux dont il dirîgeok les»
études j nous apprenons» par une Let-
(d) Efip. \ït{a) qui fe trouve ^ns le recueil
55» ^«^r des fiennes ^ qu'il éprouva quelque-
fois l'ingratitude de fes difciples. Mais
le plus grand avantage qu'il retira des
éducations qu'il donna , tue la connoiC-
fance de Milord Monjoie > avec lequel
î^ conferva tant que ce Seigneur vé -
eut la plus tendre amitié. Il étoit à *
f^) Sp(/^* Paris ^fc) avec un Gouverneur An-
M.htn. glois, qui avoir encore fous fa con-
duite un autre jeune Anglois. Ils pra^
poferent à Erafme qui fe tFouvoit tf es* /
mal dans fon Collège , de venir loger
avec eux : il y vint , & y fut traité
avec tant d'égards, qu'il écrivoit à
<0 liftjl Guillaume Herman (c) ^ Je fuis icS
^i*L.^. a> chez un Gentil -homme Anglôis
a» avec deux jeunes gens de condU
3* tion ; mais j'y fuis de façon que je
» ne pourrois être ni plus magnifique-
«• ment , ni plus honnêtement chez un
>9 Prélat , quand bien même je ferois
» Evêque. »'I1 veilla fur les études
f^) ^^"^^^ de Mont joie (i) qui de fon difciple
'^'^''* devint peu de tems après fon Mécène,
ainfi qu'il s^en explique lui-même.
Lorfqu'il étoit encore dans le Col-
(d) Epijt. ^^S^ d^ Montaigu , il fît quelques Ha-
Boti. langues publiques (i). Il ne nous ^
S oint appris quel en étoit le fujet ; mais
ans la mite il fut fiché de n'avoir pas"
eu la précamion de les conferver pour
pouvoir les donner au Public. Sa lancé
étant très-*>dérangée ( a ) il quitta Pa« (a) Cm^%
ris pour retourner à Cambrai j il y fut vî/i».
ttès-bien reçu de TEvéque. Il alla . *
pafler quelques jours à Bergues cheas
ion ami Jacque Battus : tt y recouvra
& (ànté ; & peu de tems après il fît
connoiiTance par Tentremife de Battus
avec la Mafquife de .Wéere#
Cette Dame qin fut une des bienn
faitrices d'Erafme, s'appelloit Anne
deBorfelle. Elle étoit fille de Wolfard
ée Borfelïe Maréchal de France ( fc ) / ' (A) Anfel-
& de Charlotte de Bourbon Mont- me , & vit
penfier. Elle avoit époufé Philippe fils de Loiis
ÏAntoine de Bourgogne Seigneur de ^; ^ P"*^
Beuvres, Tun des Bâtards de Philippe- JJ^^^^ *^*
le Bon Duc de Bourgogne ; & elle j.^, 7/
lui avoit apporté en dot la Seigneurie
^e Wéere , vulgairement nommée
Terwéer*, dans Flfle de Valcheren en
Zéelaftde , celle de Fleflîngue & quel-
ques-autres. Elle avoit eu de fon
aariage un fils unique, Adolphe de
Bourgogne , qui étoit élevé par
Jacque Battus , lequel infpira à ce
Seigneur les fentimens d'eftime &
tf aoûtié qu'il avoit lui - même pour
s s V tt
W V. E- Erafme (u). Dans la fuite W fîit C\ie^
fiji. lé. L. valier de la Toifon d'Or, &c Amiraf
'^- de Flandre.
La Marquife de Wéere fa mère avoir
un. Château qu'on appelîoit Tourne-
hens; ce fut-là où Erafme lui rendre
fa première vifite , dont il rendit
comte à Milord Monjoie par une
(b) Eftft. lettre ( i) datée de Tournehens même
é. Efijl, le4,Fevrier 145)7. Après avoir dëcrit
»4. L.4. poétiquement les défagrémens qu*îl
eut à effuyer dans fon^ vopge à ce
Château de la pan du temy & des^
chemins , il fait le plus beau ponrait
de la Marquife de Wéere , à qui ît
^oçne le titre de Princeife. » Nous
n fommes enfin , dit-il , arrivés e»
• vie chez la Princefle. Je ne pourroïs
» jamais vous expliquer la polireflfe , la
» bonté & la libéralité de cette digne
9 Femme. Je fais que les amplifications^
»des Rhéteurs font fufpedles., fur-^
»tout à ceux qui s'appliquent à PElet;-
» quence ; mais foyez perfuadé que je
•n'exagère rien, parce que l'Art eftinu-
„ tile dans cette occafion-ci. La Na-
*> tùre n*a jamais rien produit qui eût
« tant de modeflie, de prudence , de
3» candeur & de bonté ; & fi vous voa-
9i lez que je comprenne tout en un feul
9» mot 9 elle m'a fait autant de biem fans.
a»
b' En A S SIS; SI
#que je Taye mérité , que ce Vieillard
9 m'a fait de mal fans fujet. Elle m'a
„ comblé d'autant de bienfait» , fans
«que je lui en aye donné occafion^
„ que l'autre m'a- outragé après
,,tout ce quej'ai fait pour lui. » Cj'eift
félon toutes les apparences , de
l'Evêque 4^ Cambrai dont il fe plaint
fi amèrement. » Que vous dirai-je de
»>mon Battus , ajoute-t'il ? C'eft la
^ candeur même ; perfonne dans le
w monde n'eft plus capable d'amitié*
Je commence à haïr ces ingrats,
» Pourquoi ài-Je fervi fi long-tenr.s de
a» pareils nionures ; & pourquoi faut*
» il que la fortune m'éloigne de vous 9
a» lorlque la plus intime amitié corn-*
» rhençoit à nous unir f »
La Marquifede Wéere ne fe con-
tenta point de le bien recevoir & de
lui faire des préfens : elle lui afligna
ime penfion de cent florins (a) ; (a) Epifi^
ce qui étoit aflez confidérable avant 48. L. s.
la- aécouvene du Pérou. Milord
Monjoie lui donna au(][î des preuves
de fa reconnoiflance & de fa génerofité
far une penfion de cent écus ( b ). (h) Et>ifli
.orfqu'Erafme lui écrivoit cette lettre ,8« Apftnd.
dans laquelle il pàroît fi content de
la Marquife de Wéere , il éroit dans
la réfolution d'aller faire un tour en
Hollande > & enfuite de retourner
Cv
s9 V I «
promptement i Paris. S'il exécuta !&
projet du voyage de Hollande , il y
fut très-peu de tems : car une de £es-
(4) Epijl. lettres ( a ) nous apprend qu'il écoît
*• à Anvers le 12 Février I4<;7. Il
alla cette même année en AngleterreV
ou le Comte de Monjoie l'avoir en—
(*) rfiff. gagé de venir. Il étoit à Oxfort ( ft >
''• le 28 Octobre, & le y Decembre-
(c) Efijl. à Londres , d'où il écrivit (c) à Roberr
14- ^Pî^- Pifcacor qui étoit en Italie. Il lut
* ^* mande qu'il y auroit déjà long-tems-
qu'il feroit avec lui , fi lorfqu'il (e-
préparoit à aller en Italie , le Conite:
de Monjoie ne l'c^ amené en An-
gleterre. Il paroît extrêmement content
du pays^ »> J'y ai trouvé , dUbit-il^
» un ciel très- agréable & très-fain ^
9i tant d'humanité , & une fi. profonde
» érudition en Grec & en Latin , que
» ce n'eft plus que paF curiofité que *
atj'ai envie de voir l'Italie, Quaticfe
3» j'entends Golet , il me femble eri-
» tendre Platon. Qui n'admireroit pa$^
» l'étendue des connoiflances de Gro—
ao ccn dans toutes fortes de fciences?
» Qui eft plus judicieux , plus pro-
«»fond, plus pénétFant que Lavacer r
ai La nature a^-t-elle jamais formé un^
» efprit plus liant & plus heureux que
» cclUi ac Tnomas Morus ? j'en omet»
^bieii d'autces» 11 eu étomiant' coior
r
lAIenles Belles-Lettres fleurifleAt ici.»
Il ne refta pas long-tems en AH'^
glecerre dans ce premier voyage , fi
ion s^en rapporte à la date de fà
quinzième lettre (a) qui eft de Paris là) Efifi^
le 14 Décembre 145^7. elle eft écrite »«• ^ 4»
à Guillaorne Herman de Tergou,
€et ancien aoû dont nous avons déjà
parié: c'eft une réponfe ï une lettre >
affez offenfante au'il en avoit reçue.
EraGne s'étoit louvent plaint ï lui-
nème de ce qu'il ne travailloit pas
affez, & de ce qu'il ne faifoit aucune
entreprit digne de foi) génie ; il
^avoit exhoné à faire quelque Oiir
Vrage digne de l'imeiortaiité » qtâ
répondît à l'attente qu'on avoit de
^9 enfin dïe facrifier (es plaifirs à Cr
gloire. Guillaume peu content de cette
cxhortarion , avoit rendu confeit
pour confeil; & fa^ lettre ne prouvoic
que trop que les remontrances d*Ê-
fafme lui avoient déplu* Il chercha i
ïappailer par les motifs qui l'avoient
feit agir, il finit par fe plaindre ten-
drement du procedé^ de fon ami ^
& du malheur de fa fituation» » Quelle
»eft votre intention , lui dit -il >
» lorfque vous femblez ainfi cenfurèr
^ aa conduite ? Voulez-vous fàvoir
» comment £rafme vit ici t car ileft
Cvj
6o V xi
» convenable qu^e vous fâchiez tout
» ce que je fais ; il vie : encore' ne-
9 feis-je s*il vit j ce qui eft certain ,
M c*tft qu'il eft très- malheureux ,8^
» réduit à verfer continuellement des
» larmes. Combien de trahifons n'a-
» t-il pas éprouvées f Ses amis mêmes
■» l'ont fouvent abandonné. Combien-
• n'a t'ilpas eu de difFérens hafards
» à éffuyer f Mais du moins il vit dans
» l'innocence. Je fais que vous aurez
» de la peine à me croire r s'il m'écoit
» permis de jouir de votre préfence ,
» je vous aurois bientôt - perfuadé
» que je ne vous dis rien que àt
» très-vrai. SI* vous voulez avoir une
»- véritable idée d'Erafme , croyez
m qu'il n'eft point libertin , mais qu'il
»eft très affligé ; qu il fe hait lui mêmeif
9 que la vie lui eft infupportable , fans-
» que cependant il lui (oit permis de
» mourir j enfin qu'il eft très-mifé**'
» rable, non par fa faute , mais par
jn l'injuftice de la fortune , & qu'il
wvous aime toujours avec la plus
9» grande paflSon. » Il emploie enfuite
les expreffions les plus tendres ,
Eour engager Guillaume Herman à
li rendre fon amitié fans laquelle
îl ne peut pas vivre. Il eft difficile
de'\(oir une lettre plus couchante >
]
ï)^E n A ru ti '€t
8c* de Ta lire fans en être sfttendrk
Erafme n'y parle de fes malheurs au'en
général ; il y a apparence qu'il les a
exagérés , pour faire comprendre à
ft>n aoii que fon refroidiflcment écoit
pour lui le comble de l'infortune.
Il occupoit pour lors ( ^ ) une roaifon ^^j ^p^^
3u'il avoir louée, oà il s'étoit chargé 17. Epifi.
e l'éducation d'un jeune homme de 18. L. 4*
Lubec , dont le père lui avoit promis
trente-deux écus (i) & un habit. Il en
fait un grand éloge. C'eft apparemment
cet homme de Lubec appelle ChriC-
tien, auquel Erafme envoya {b) quelque (M Ep^i
tems après une méthode d'étudierjc'é- 2.. h, \n
toit celle dont lui-même avoit fait ufa- ^?^^' ^"^
ge : il y eft plus queftion de la manie-
ïedont un jeune homme doit employer
fon tems , que du fond des étuaes.
La pefte qui avoit comnftencé à fe
feire fentir à Paris fur la fin de l'a»
1497. obligea Erafme de changer de
quanier, & d'en prendre un moins
ferré , & dont l'air fut plus fain ,
étant réfoltt d'aller plus loin , fi la
maladie contagieufe augmenioit. C'ed
apparemment ce qui arriva , puifqu'il ->
alla à Orléans ( c ) paffer trois mois , (c) Uflfl^
Jufqu'à ce que la pefte fat ceflfée à 15.
Paris. Il demeuroit à Orléans (d) (d) Epijf^
chez Jacque Tutor d'Anvers ^ qui 16, L. ^r
(1) Tn^inta duos coranatou
<toit Profeffcur en Droît-Canôtï^
c'écoit uti très-honnête homme, qui
réuniffoit la plus grande probité avec
beaucoup d'érudition. Il avoit &ê
penfion chez lui plufîeurs jeunes gens
«e grande condition , parmi le%ielr
D y avoit deux Flamands de la maifon^
4e NafTau» Tutor par fes bons pro*-
cedés devint un des meilleurs amb^
d'Ërafn^ , (\vti n'a perdu aucune oc-
cafion de témoigner la reconnoiiTancé
qu'il avoit des bons fèrvices qu'il enF
avolt reçus. »-Il m^aime prodigieufe*
t^)Ef$fl.9menXy écrivoit-il à Battus ( ii ); it
^•U 8. y, m'admire ; il ne ceffe de me louer ;
j* ii partage avec ï»oi ia petite fortune
m- de fi' bonne grâce > que perfonne
V ne reçoit avec tant de plaifit que'
» celui-ci en zii dentier. »
Êa pefte étant ceffée à Paris , Eraf-
(l) Bpift. me y revint ( fc ) au commencement de
^' ^ ^* Tan 1^8. Il y travailb à plufieurs Ow
<0»^«. & vrages à la fois , & entr'autres (c) h fes
tf. Lee- Adages, & à des notes fur les Olfi'-
**%' ces de Ciceron. H adreffa cette même
*M 1^. j^nnée à Adolphe de Bourgogne , fib
^* de la Marquife de Wécre, un petit
Traité ( i >fur la néceflîté d'embraffer
la venu. Il y fait un grand éloge diu^
^eune Adolphe & de Battus ; il e^
( î ) De virfatg amfh^enàâ^ après^te
Manuelf
r^.
fe'FKXs^Mrr. ti
îorre ce Seigneur à entrer dans
îen ier de la pieté , qui quoi qu'endi-
fent les flatteurs des Grands , ne leur
eft pas moins convenable qu^aux au<-
très hommes. Il lui envoie quelques
ïrieres , qu^il avoit faites pour foir
nfage à la foLicitation dela^Marquife
de Wéere Se de Battus.
Il étoit d^^une très - foible com^
plexion ; la fièvre à laquelle il étoit fort ^^
hijet (a) , le réduifoit quelque-fois à la ^*' ^frïm
dernière extrtirfK.. Il fut très- mal l'an * ^
I4p8r^ Dans le tenas du plus grand^
danger , il eut recours à PinterceilioR
de Sainte Geneviève, dont U aflure
qu'il avoit fouvent éprouvé la pro*
teé^ion. Il a prétendu dans une pièce'
de Vers qu?il fit long-tems après (à?
guérifon, qu'ayant pronûs à Sainte
Geneviève de chanter Tes louanges ff
elle lui rendoit la fancé , il n'eut pa»-
plutôt fait le vœu , auc fa fièvre dimi-
nuaj^ & que l'on Wedecitr étant veniF
le voir , fut fi étonné de ce change-
ment, qu'il lui dit : » Vous n*avez plus-
» befoin de moi> minifterc : quel que-
a^foit celui des Saints que vous avez*
» invoqué y il ell plus habile que tou».
» Ici Médecins enlembie. » Erafnae
Erend à témoin de cette guénfon ftw
ite ce même Médecin , dans le Poëne
' ^a'u com^ola par reconnoiilance esn
^4 1^ < «. ,
Thonneur de Sainte Genevîevô
C'eft apparemment au fujet de cetti
î«) Epi/?. maladie , qu'il écrivit (a) au Père
Ï04, jf^ Werner Prieur de Stein : ^ 11 n'y a pas
fenduEftft. «long-tems que f ai eu la fiëvre-quarte ^
^* ^^ «je me pone bien préfemement. Ce
»> n'eft point au Médecin que >aî eoh»
j> ployé que je dois le retour de la
l_ » lanté ; c eft îêulement à Sainte Gene-
f> vieve , dont le corps eft ici chez IcS'
« Chanoines- Réguliers»
^ Le Médecin qui ^yoit Êrafme dans-
cette maladie , étoit le célèbre Guil^-
laume Copus , connu par des traduc-
tions (fe quelques Ouvrages Grecs
, d^Hypocrate , de Galien & de Paul
^ginete. Son *mérite lui procura ïa
Îlace de, premier Médecin du Roi
' rançois 1 . M. le Clerc en defcendoit j
(h) Bib. il nous apprend (b) que ce fameux
éïoifie y t. Médecin étoit bifayeul-maternel d'É-
iJ. p« 155* tienne le Clerc fon père. Ce ne fut
(0 Eftjl. que dans un âge avancé (c ) que Co-
*î 1" 13- pus s'appliqua férieufement à l%ude
de la Langue - Grecque. Il rapporte
dans une Lettre qui eft à la tête de fa
C^V.MaiV Traduélion de Paul jÉginete (i) qu V
ti ire , t. 1. pj.^5 avoir eu le« premiers élemens
p. 107. ^ç ^g^g Langue en Allemagne , il
avoit eu deflfein de s'y perfeélionrief
à Paris fous Eralme & fous Lafcarik ;
mais que ce3 deux Savàns ayant pris Iç
D* Ê R A $ M t; 6f
jMiti d'aller en Italie , ce fut Aléan-
dre qui loi fervit de Maître,
Deu3^ cbofes contribiroient fur-tout
à déranger la fanté d'Erafme qui d'ail-
leurs étoit très-délicate ; les «oufri-
tores maigres & lès excès d'étude»
Jamais il ne pafla un: Carême à Paris
fens être malade (a ). Gefot dans le («) ^0f
tcms d'une convalefcence qu'il écrivit 34- ^•9»
iArnoldus fa t roifieme Lettre (i)dont (^) ^P^*
la date eft conftammeiït fauffe. » Il y a 3* ^P'^*^
n déjà quinze j9ur^, Itâ dit-U , que j ai *'• ' ^
» une fièvre côwdiîae qui m'a prefquc
9» mis au tombeau : je ne fuis pas en-
wcore entièrement guéri ; mais je fuis
• \m peu mieux. »
Cet état dangereux dans lequel il fe
ttouvoit continuellement , l'avoit dé-
goûté du monde. » Vous fouhaitez
» favoir quels^ font mes projets , di^
»foit-il à ce même Araoldus : foyex
* perfuadé que le monde n>'eft odieux >
» & que je renonce à mes efpérances.
••Je ne defire rien que d'avoir affez de
» tems pour ne vivre que pour Diea,
» pleurer les péchés de ma jeuneflc, ne
»m 'occuper que de Leftures faintes ;;
» ce qui ne me feroit pas poffible ni
9 dans la retraite^ ni dans un Collège:
» ma fanté eft trop délicate. Je ne puis*
» ni jeûner ni veiller , même lorfque je
»: me porte le mieux- : ici où je n'a|
t($ Vit
ai rien à dcfifer , je tombe fouvent rËîk
»lade; que deviendrois-je au milieu
w des travaux d^un Collège f J'avoi^
9» réfolu d'à^Uer cette toilée etv Italie ^
«> de m^ppliqoer à la Théologie peiï-
m dant quelques moi» i Boalegn» , Si
» là y tccevoir le Bonnet de Doéléur y
* me rendre à Rome Tartnée du Jïi^
* bile , pom* enfaite me venir fixe/
»> dans ma Patrie ; mais /appréhender
9» bien de ne pouvoir pas faire tout ce
« que je foiihaiterois. Je crains qiie nm
9» lanté n^ pûifle fupporter les fatigues
* d'un ii grand voyage, m la choeur'
ai du pays ; d^ailleurs il faut beaucoup^
» d'argent pour aller en Italie , pour f
•• vîvre, & pouf y obtenir le grade
*» de Dodeur. L'Evêque de Cambrai
» me donne très-peu : il m'aime plu*
» qu'il ne me fait de préfens ; il pro»-
* met plus qu il ne donne, C'eft peut»
9 être ma £iute : car je ne le preflèr
* point. » •
L'étude de la Lartgue-Grecque ToC-
(à) Efifi. cupoit beaiïcoup ( ^ ) ^ il n'en avoit eu
Srj. H^(/?- qu'une très-légère connorflamce daiïi
$$. L.9* {^ Jeunefle ; mais il avoit depuis re-
^ , connu la vérité de ce qu'il avoit Mï
dans de très-graves Auteurs , que quel-
que habile que l'on fût en Latin , off
n'étoit qu'un demi - favant lorfquc
i^rudition Grecque manquoit^ parce
r
D* E R A. $ Itf ^# ^
^ les Latins n'avoient que de petit» >
ruifeaux , & qifô l'on trottvoit che^ ^
les Grecs des fourees très-pures , &
des fleuves qui entraînoient de l'or#
Il croyoit d'ailleurs que c étoit le cook
ble de la folle de s'imaginer pouvoir
être grand Théologien , fi Von n'é-
toit pas fort exercé dans le Grec , puîf'
quelefcns littéral de TEcriture , qui
eft le pltB important , ne peut être par-
Éiitement compris par ceux qui igno-
rent ceue Langue.
Pour s'y perfeiiionner, il eut re-
cours {a) à un Grec qui sappelloit (s) Eff0i
Michel Pavius , & i qui il donne le 77»
nom de fon Précepteur ; mais ce Grec
lui fut apparemment peu utile : car
Erafine dans fa réponie i Curtius al^
fure qu'il apprit la Langue - Grecque
fans être aide de perfonne ( i). Ce qui
cft confiant , c'efl que lorfqu il fe mit
entre les mains de Pavius , il y étoit
déjà fort habile.
Le deffein qu'il avoir pris de fe
trocurerle grade de Doéleur enThéo-
)gie , l'avoir mis dans la néceflîté
d'étudier la Théologie ordinaire, c'efl-
à-dire , la Stholaflique ; ce qui a fait
dire à Rhenanus r qu'il étoit devenue
jScotifte dans le Collège de Moor
( I ) Prorfks fui àutodidaCios^
. . ^ Vie
Xà) Ep?/F/taîgu. Il en badine {a ) avec un de fW
%t* L, 6* gj^îs ^ à qui il mande qu'il a commencé
i être Scotiftê. Cette Théologie pré-
valoit daâs cetems-là à Paris, puiP-
^ qu'Erafme ne craint pas d'appeller ht
[' Sorbonne , le Çicré Temple de la Théo-
logie Sohôlaftique. Ce genre de Théo-
logie lui déplaifoit fort > comme oo
peut le voir dans cette même Lettre,
oii il traire Scot de rêveur , & oii il Çè
inocque des difputes Thëologiques fur
les quiddités &.fur les formalités. Jl-
ajoute : » Ces vénérables Dofteurs foiK
» tiennent , que leurs myfteres ne peur
96 vent être entendus par aucun de ceux
w qui ont quelque commerce avec les
j^Mufes ou avec les Grâces; il faijt
• donc défapprendre ce qu'on a_pû fe-
*voir des BeÛes-Lettres , & fe défaire
afc de ce qu- oit a pu puifer^ daas l'He-
» licon. Je fais de mon mieux pour ne
ak- parlerqu'en mauvais Latin , & pour
» ne rien dire avec agrément & avec
» efprit 5 il y a efpéranee que bientôt
o.ils reconnoîtront Erafmepour un des
» leurs. * Après ce badinâge , il dé-
clare que ce n'eft point la Théolo-
gie qu il prétend blâmer, mais feule-
ment ies Théologaftres de fon tems ,
dont il fait enfuite la iatyre la plu$
:iFiolente#'
r>*E R A s M E. 6p(
'Cependant l'argent lui manquoit
.^ fl ) ; ce qui Je raettoit dans l'impoflî- (^^ Efifii
bilité de fe procurer les Livres dont il j4. l. 9^
avoir abfolyment befoin. La Marquife
4e Wéere ne lui tenoit pas les pro^
;ncffes qu'elle lui avoit faites (i) ; il (b) Eptjfi
/en expliqua fecrettement à Battus. Il4*« ^ 8>ji
fe plaignit qu'il y avoit un an qu'on
lui avoit promis de l'argent (c) qu'on (e) ffi^
jie lui avoit pas envoyé^ » Toutce/»»
w que "vous me dites, ajoutc-c-il, fe
m borne à de (impies efpérances^ Vous j;
f déplorez la fortune ae la Marquife ,
?» comme fi dçux cens francs étoient an
^> objet en comparaifon des dëpenfej
» qu'elle fait mal- â- propos. Elle trouve
5> bien de quoi faire vivre ces mauvais
» Moines , & d'autrerméchans fujet$ :
» vous favez de qui je parle ; & elle ne
,** peut pas fournir à rentretien de quci-
•qu'un^qui pourroit faire des Ouvrages
n qui irôiçnt à la poftçrité : car enfin
w il faut que je me vante un peu. n
" Ce n'étoit point par mauvaife volonté
Îue la Marquife de Wéere ceffpit
'envoyer à Erafme les fecours dont
il avoit befoin : fes afitaires avoient
^ été fon dérangées par des accidens
qui nous font inconnus , mais aux^
quels elle avoit donné lieu par C^
jfnprudçnççSf
70 Vie
:(d) Eptff. La pefte étant dans Paiîs (a) Erafrae
55. Epift. ju^ea a propos d^en lortir ; il crut de-,
3^* voir feire un voyage en Hollande Son
premier dcfl'ein àvoit été de s'y fixer
U) Comp. (^) i "^^^ ^^^ Compatriotes lui repré-
4^//ir^ Ef^T?. fondèrent eux-mêmes, qu'il étoit né
ji. L. 8. pour briller fur un grand Théâtre^
(c) Epifl.^^ n'y refta que quinze jours (c) qu'il
5^. Epfji, employa à courir & à boire 5 de forte ^
>p. L. p, di(oit-il , qu'il auroit mieux aimé vivre
chez les Phéaciens. La complaifance
/qu'il eut de céder aux inftances de
ceux qui aimoient la table , dérang;ea
<J) Epljf.^^^^^^^^^^^ ^^ ^"^^^^ -(^) i il ^ afluré
4^0. jf" que ce voyage lui avoit coûté beau-
ftnd* coup. Il étoit affez content de Tair du
pays ; mais les repas continuels le fati-
guoient; d'ailleurs il ne s'accommodoit
pas du caraiftere des Nationaux , qu'il
traite de gens lordides,impolis,mépri-
fent les Lettres , envieux , chez qui
l'érudition n'a aucune récompenfe. De
f^) Epijl. Hollande il alla en Zéelande ( e ) , &
55. Efî/?. courut un fort grand riiqùe en na-
^}.L«^. vigant près de Dordreél, Une mala-
die qui furvint à £bn Domeftique , le
retint plus long-tems qu'il n auroit
(f}EfiJl.you\]x à Ziriczée(/) , oùdemeuroit
6 S» U mère de ce Domeftique. L'ennui
qu'il y eut , & l'air qui étoit con-
traire à fon tempérament , le firent
b^ D R A s M s. ft\
tomhçr dans une maladie qui auroip
pâ devenir très-danger^ufe , s'il n'avoir
proxnpcement quitté la Z^elande. Xi
fiit deux mois à feire ce voyage.
Ilailaenfuite au Château de Tour-
nebens , dans l'intention de fi^ire fa
cour à h Marquift' dç Wéere. Elle
lui fit b^tfcoup de politeffes (a) ; C«) l^ffjl^
màs elâe lui dowapeu d'argents &^^*
il np^ lui fut pas poffible d'avoir
aucune coûverfatiÔBparriculicrcavcç
rile(t). ,?»«^'A
C'étoit pendant l'Eté de ran 1^99^^
qull étoitavec 1? Jlatquife de Véere ;
nous ayojis plufieii)^ i^et^res qu^il écri-
vit pour Iprs du Château de Tourne-
îens. Dans une adreffée à Tutor (r ) , (c) Epig^
\\ lui ipande en confidence, gue l'É- »®«t«f^
yêqu^ djç Cambrai çft toujours le
même ; que les aflfeî«^ de la M^rquifç
de Wé^re font dans -une fi fâcheulc fi-
tuation , qu il faudroit pluti&t la fecou-^
rir que lui demander des fecours^
La pefte qui étoit encore à Paris , l'em-
pêchoit 4^y n^touraer^ Il avoit quelr
3ue envie d'aller çn Angleterre étu-
ier quelques ii^isiU Tjiéologie avec
fon cher Colçt ; inais il étoit retenu
par h crainte dbe faire naufrage une
féconde fois. Le defir de voir l'Italie
étpit tpujoixrs le jf^mi ce cjui s'pjp*-
7^ V lÉ
Sofoit à fon projet , c'eft que , comme
It Plaute y il n'eft pas facile de vo-
ler fans aîles , ce qui fign'^e , qu'il
n'avoir pas les fonds néceflaires pour
faire un voyage qui exigeoit tant de
dépenfes^
La franchife àont Erafme faifbic
çrofeffion , ne s'^cçonjoit pas toupurs
avec la plus grande prudence. Ilayoic
^u fujet de fe plaindfre du peu d'ocao-
titude que l'Evêque de Cambrai avoit
eue à tenir les promçfles qu il lui a voit
faites , de lui fournir les iecours né-
ceflfaites pour ylvre à Paris.; il ^*ei^
iétoit expliqué affc« publiquement, i-
pour que le Prélat en fut informée-
Henri de Bètgues qui croyoit savoir
fait beaucoup pour Érafine , fut trèst-
offenfé de fon peu de recônnoiflance ;
il Taccufa hautement <f ingratitude,
Erafme fut coftfterné de^ce reproche»
& il entreprit de fe juftifier par une
fa) EptP..^^^^^^^^^ qu'il écrivit du Château de
i7,L«i?. Tournehens le 12 Juillet 14^^^ ij
déclare ^ l'Evêque de Cambrai qu'il
appelle fon patron , qu^il efl d'autajit-
plus humilié de Tidée qaeyi Sublimité
a de lyi , que ^ingratitude lui a toyt-.
jours fait horreur , & que c'eft le vicç
îp plus contraire â fon caraélere. ï|
h fupplie de vouloir biçn eycufer Je$
fàutey
!)• E « A s M E. 7J
6ut€S qui ont pu échapper, eu à (a *
/împlkité , ou au peu de monde qu'il
avoit : car il jure qu'il n'eft coupable
daucune méchanceté. Il proteile qu'il
a toujours été trèsn-cconnoiffant de
fes bienfaits; qu'il l'aime & Je ref-
pefte. de tout fon cœur ; qu'il n'y a
pas de jour où il ne prie Dieu de lui
rendre avec ufure les bienfoits qu'il en
a reçus ; qu'il célèbre continuellement
fes bontés , & s'en fouvient à tout mo»
ment; que ce feront toujours là fes fen-
timens. Il déclare qu'il fe livre entier
rement à lui , &l qu'il fe croiroit au
comblç de fes voeux , s'il étoit affe*
heureux pour pouvoir trouver une oc-
cadon de lui témoigner là parfaite re^
connoiifance.
Ces proteftations ne firent point re^
venir le Prélat (a) ; & Eralme mal- .^
gré ces compliijp^ens étoit fort décaché , ,- r / *
de lui , coipme nous aurons bientôt
oçcaiion de le v-oir.
Ayant refté quelque tems chez k
Marquife de Wecrc , & la peftc qui
continuoit à Paris l'empêchant de s'y
rendre , il prit le parti d'aller faire un
oetit voyage en Angleterre. Il étoit
li.Oxfort il 2j8 Oélobre 149$. Ona ry^npin
une Lettre de lui .( J ) datée de cette ^^/ jg^-^*
yille & jde ce jour adreifce à Thomas j i[ t, $, '
74 Vie
Moms» Ce fut en quittant l'Angle
t^rre, oue lui arriva cçtte ay amure dé*
fagréable dont il eCl fait mention daii$ .
l'Abrégé de fa Vie & dans Rbenanas»;
Il ayoit fi^r lui plus d'argent ^'U
p'étoit pçrmis d'en onporter du Royau«i!
fùc par ies Loix d'Angleterre : il ht
Quille k Dpuvrçs ; on confifqqa tou]p
ce qu'il avoit d'or & d'argent.
Il f^ fouvenoit encore de ce défaftrf
(à) Bpijl* quinze atis après , lorfqu'il écrivoit (a^
173. Epi fi. Y^xï I y t y. » Il y a plus de quinze at^
iP* X-. ^' ^ que qae préparant ^ fortir d'Angle*
1? terrç , je perdis à Douvres vingt li*
f^vres, & je fis naufrage avant que
^ d'être entré dans Iç Vaifleau 5 je peN
P dis ainfî tout ce que j'avojs. J'en hi$
P û peu confïemé ^ que j'en retournai
9i à 1 ouvrage avec plus de gaieté 8ç
»i d'ardeur 3 & peu de tenas après jfj .
9i donnai au Public mpn Livre 4es Pros
• verbes. «
Cette Hifloire a été brodée par
^oiffard 6f: Melçbior Adam , qui en
ont fait un Koipam Ils ont prétendii
Îue le Roi Henri VIIL ayoit engagé
irafme à venir en Angleterre , parce
qu'il youlpit conférer avec lui fur leâ»
matiçres de Religion j qu'il y avoiç
lété très-bien reçu -, & qu'après y avoir
fcft^ peij 4e tçms ^ il avpi^ yo^lu ^[t^
D* E R A $ M E. *7y
'tourner , quelques inftances que le
Roi fît pour le retenir ; que ce Prince
Jui av0it&it pr^fent de cinquante A n«
gdots ( I ) ; qu'ayant été fouillé i
Bouvres , on ne lui avoit laiifé que
l'argent qui lui étoit abfolument né-
celfeirc pour fon paflage; qu'il en
avoit été porter ^cs plaintes au Roi ,
qui en avoit beaucoup ri , & fait f é-
bge de l'exaôitude des Commis ; 4c
«pi'après avoir retenu Erafme encore
^ois jours près de lui , il lui avoit en-
core fait préfent de cinquante autres
Angçlots , & donne ordre aux Corn»
mis de Douvres de lui rendre ceux qui
lui. a voient été ûifls» Mais ce conte
fc détruit par leç Lettres mênaçs d*E-
rrfne ; d'ailleurs Henri VIIL n'étoir
pcant fur Iç Tr6ne d*Angleterre , 6ç
Jœ troubles de Religion n'avoienç
point encore commencé, lorfqu' Eraf-
me reçut à Douvres cette avanie. Il
repaffa en Flandre , voulant faluer h
^arquife de Wéere avant de revenir en
-France. Battus qui étoit dans le Châ^
teau de Toumehens , fît part ( /i ) aji (a) Epijf,
Comte de Montjoie de Parrivée d'E * W« <-• 8#
^fmç; & il affure gue ç'eû avec beau-
(!) Monnôie d'or pefint alors 4 da-
^s ij grains. Bib, cbfifn , /. 5- f* iî<#
17^ Vie
coup de confiance qu*il a fwpporté I9
difgrace qui lui eft arrivée en fonanp
d'Angleterre ; qu'il n'en faifoit que
ripe , tandis que les autrjcs en étoient
fort affligés ; qu'il fe confoloit en di-
fant que s'il avoit perdu quelque ar*-
gent en Angleterre , il y avoit du
moins acquis des amis qu'il préfère^
roit aux rixrhefles de Ciétus. 11 quitt^
le Château de Tournehens pour re-
tourner en France. Ce ne fut point à
Paris où il alla j la pcfte y étoit en-
icore : mais ce fut à Orléans chez fon
2mi Tutor. Le défaftre qui lui étoit
arrivé en Angleterre l'avoit tellement
dérangé , qu'il avoit été obligé d*em-
(a) Ef îy?. prunter de Pargent (a) pour fon
33. L, 5>. voyage. Il étoit extrêmement content
(A) EfiJlA^ fon Hôte (èjîr il avoit cependant
4^ . L. 8. grande envie de revenir à Paris , noa^
leulement parce qu*il y étoit plus en
Situation de bien finir les grands Ou-
vrages qu^il avoitentrepris , mais auffi
parce qu'il cràignoit d'être à charge
a Tutor qui lui donnoit fa table ^ &
dont la fortune étoit médiocre.
Il étoit toujours de plus en plus mé-
cpntent de l'Evêque de Cambrai ; âc ,
dans une Lettre écrite d'Orléans en
confidence à Battus , il fe plaint am}5-
rement d'ayoir çn fç ]Prélat un ^v^r
î
t>' Ë K A s iK B. 77
flîArefte. Il étoit piqué contre lui de ce
qu'il avoit chargé quelqu'un d'épier
fa conduite , & de lui en faire un rap*
port fidèle f en, pronaertant une bonne
récompenfe. Il trouvoit fort mauvais *
|u'Erafme à qui il ne vouloit plus Êiire
ie penfîon , le propofât d'babiter en-
core à Paris. Ce qui avoit achevé
d'altérer Tefprit du: rrélat , c'eft qu'il
fevoit qu'Erafiiie s'étoit plaint de lui
à l'Abbé de S. Bertin fon frère & à
plufleurs autres > qui lui favoient mau-
vais gré de fon peu de générofité. Ce
Ghangement de difpofitions dans
Henri de Bergues ne fit point perdre
courage à Erafnae ; il n en avoit que
plus de defir de retourner à Paris ,
Îiour y faire quelque Ouvrage qui lui
ît affez d'honneur pour faire crever de
dépit le Prélat , difoit-il à Battus. Il
ne paroît pas qu'il y eût depuis ce
tems-là aucune relation entre l'Evêque
de Cambrai & lui. Ce Prélat étant
mort quelque tems après , Erafme
crut devoir célébrer fa mémoire : il
fit en fon honneur (a) trois Epita- ,^x g^;^^
phes Latines & une Grecque , dont 2^. £, jg*
il ne reçut pour récompenfe que fix
florins ; ce qui lui a fait dire , que
inême après fa mort il n'étoit point (^) £p*a
(changé. Il étoit dans l'inquiétude (b) 4p. u u!
Diij
79^ V I ]ff
que F Abbé dé S. Bcrtin quî avdît été
voir TEvêque de Cambrai Ion frère ,
n'en fût revenu prévenu contre lui 5
mais il en reçut un préfent dans ce
(a) Efifi* cems-là même ( a ) ce qui dut le raC-
^a^F^'n '^^^^* ^^ ^^ écrivit d'Orléans ( i) pour
7^ * Epifi. ^"^^ ^^^ P^^^ ^^ ^^* occiçations litté^
Il y à quelque apparence qu*Eraf«
me fît un court voyage en Flandre
au commencement de l'an i;oo. OU
qu'étant de retour à Paris , il écrivît
. à Baaus cette Lettre ( i )^. dans laquelle
il lui fait part des avantures qui lur
font arrivées pendant le chenain d'A*
miens à Paris : elles font racontéèsr
d'une façon très-plaifantc. 11 arriva à
Amiens le dernier Janvier , & à Paris
te a Février , fans argent , parce
ou'il avoit été volé eii chemin; ce q\ak
ravoit réduit à une û grande mifere ^
( I ) Cette Lettre eft à la venté datée ile
149^* mais dans ce tems-ià comme Tannée
s*étoit cenfée commencer qu^ Pâque , on
datoit très-fouvent le commencement é€
Tannée comme û l'on avoit écrit Tannée
d'auparavant $ & ce qui feroit- croire qu'E-
lafine en a agi.ainfi ,' c'eft qu'on ne peut
placer les faits de cette Lettre qu'en ifoo^
Au refte il eft conftant qu'il ne faut nulle*
ment fe fixer aux dates des premières L^t^
très d'Erafme.
îl* E » À s M B. 'fp
ifM écrivit fur le champ à Battus de
lui procurer le plutôt qu il pourroit
trente écus d'or , foit en engafi;eant la
Marquife de Wéere à les lut donner »
foit en les tirant d'ailleurs. » Cette Da-
* me^ajoute-t-iU me promet de jour en
* jour : l'Evéque de Cambrai me dé-
» tefte ; l'Âbbe de S. Bertin me donne
ft de bonnes efpérances : cependant on
* ne me donne rien , à l'exception
* d une feule perfonfie aue j*ai déjà
* épuifée, de façon qu'elle n'a plus
* rien à donner^ » Il ne la nomme pas ;
mais il "^ a quelque apparence que c'eft
du Proteffeur Tutof qu'il veut parler,
La reflfource de tirer quelque profit
des leçons qu^il pourroit faire à Paris»
fte (ubfîftoit plus , à caufe de la pefte
ijui avoit rendu cette Ville déferte :
il finit cette Lettre à Battus , en le
{riant d'envoyer quelques-uns de fes
livres à Saint Orner, s'il croit qu'on
puiffe les y vendre.
Ifens cette extrémité il crut devoir
î^adrefler k la Marquife dé Wëere ,
i qui il écrivit une Lettre très-tou*
chante ( a ) & faite avec beaucoup (^) Epîfl.
tfart. Il commence par en faire unp*. Epiji.
grand éloge j il cherche enfuite à la 58. L.9*
confoler 4es malheurs qu'elle a éprou-
jrés : il la félicite fur la confiance 9vec
Diiij
8o V I È
laquelle elle a foutehu fes adverfités-. H
lui expofe après cela le miférable état '
de fa fortune avec d'autant- plus de
confiance , qu'elle feule a le pouvoir
& la volonté d'y reipedier. Il lui fait
rhifloire defon avamure de Douvres ,
ou on lui a voit pris tout ce qu'il avoit ;
ce qui avoit été fuivi d'une chaîne con-
tinuelle de malheurs , ayant été volé ,
étant tombé malade , & ayant perdu
fes dernières reflburces par la pefte ,
qui avoit éloigné tous ceux d©nt il
pouvoit tirer quelque fecours. Il lui
déclare qu'il n'a confiance qu'en elle »
puifqu'elle veut bien entretenir fes Mu-j
les qui ne dépendent que d'elle , qui
n'ont quelle pour objet, & qui lui
font entièrement confa.crées. Il lui pro-
tefte qu'il la regarde comme fon Mé-
cène ; qu'il ne changeroit pas fa'pro-
teélion contre celle d'un Empereur 5
& qu'il fera tout ce qui dépendra de
lui pour lui donner des preuves de fa
reconnoiflance , & pour que la Pofté -
rite fâche que dans l'extrémité dti
monde il y a eu une Femme , qui par
fa généronté a contribué au rétablif-
lement des bonnes Etudes entièrement
tombées , tant par le peu de protec-
tion des JPrinces , que par l'indolence
des hommes > & qui n'a pas laiffé pe^
At Erafîne dans fa mifere. Il la fup«
plie de le mettre en état de faire le
Toyage d'Italie 9 où il eft à propos
qu il aille 9 tant pour acquérir plus de
confidération , que pour y recevoir le
degré de Dofteur, qui en lui-mênne
eft peu de chofe , mais que les idées
populaires auxquelles il faut s'accom-
moder , rendent nécelïaire à ceux qui
veulent avoir l'eftime publique. Ce
n'eft pas qu'il fît grand cas clés Doc-
teurs de Ion tems : car à cette oc-'
cafion , dans cette même Lettre , il
les traite avec le plus grand mépris.
Il ne fît que pafler à Paris , d'oui
la pefte éloignoit tout le monde. Il
alla à Orléans , d'où il écrivit à Bat^
tus ( éi ) pour le prier d'engager Adol- (4) eo(/?.
phe de Bourgogne fon élevé à folli- ^4, EpiJI^
citer la Marquife de Weère fa mère de 48* ^ ^*
lui dontîer les fecours dont il avoit be-
foin. Il fouhaitoit qu'on lui repréfen-
tât qu'il étoit dans la plus grande mi-
lére ; que fa retraite à Otléans lui avoir
beaucoup coûté ; qu'il n avoit plus l'oc-
cafion de faire quelque petitfgain Par
fes leçons , lorfqu'il n'étoit point à Pa-
ris; que r Italie étoit de tous les pays
celui où il convenoitle mieux de pren-
dre le bonnet de Dofteur en Théolo-
gie ; qu'il ialloit beaucoup d'argent
Dv
82 V i r ^
pour ce voyage , à un homme fur-tout
d'un tempérament auûi délicat que faû ;
que d'ailleufs une certaine réputation
d^habileté dans les Lettres qu'il s'étok
faite par fcs Ouvrages , le mettoit dans
la néceflîté de vivre avec une forte de
décence. Il ne demandoit que deux-
cens francs d^avance , c'eft-à-dire te
|>ayement de deux années de fa pen^-
fîon. Il fouhairoit mfÇi qu'il perfuadâx
-à la Marquife de Itti donner quelques^
uns des Bénéfices qui étoient à &l
collation, afin qu'à (on retour d'It»-
Jieil pût fans être diftrait^ar tes eia-
barras de fa fortune , donner tout Ion
tems à la Littérature. » Vous lui ré-
a» préfenterez , dit il, . que je lui ferai
««beaucoup plus d'honneur par mes
w Ouvrages, que les- Théologiens donc
9 elle prend fom , parce qu'ils ne dé-
9i bitent que des chofes communes , @c
-n qu'au contraire mes Ouvrages font
9 de nature à vivre toujours , & à être
» lôs dans tous les pays du monde»
» Vous infînuerez qu'il eft fort facile
»' de trouver des Théologiens ordi-
9 naires ; mais qu'à peine plufieurs fié»
» des pourroient fournir un honvme tel
» q l'hraime. « Ce n'étoit pas fans rou-
gir qu'il parloir ainfl de lui : xar il
laioute , » Peui»-être aurez-vous que|-
. . lyERÂ su». 83
t^me répugnance à employer le men«
ib longe même pour fervir votre ami. « '
Il le prie de confidérer, que fi la
Marquifë ne lui fait pas Tavance de
deux-cens francs pour le voyage d'I-
talie , il feroic obligé s'il le vouloit
faire , de fe mettre aux gages de queU
qu'un ; ce qu'il appréhenderoit plus
que la mort. Enfin comme les excès
d'étude qu'il fai(bit fatiguoientfortia
vue 9 il le preâe dlnfinuer à la Mar-
quife de lui faire préfent d'un làphir^
ou de quelques-unes de ces pierres pré-
cieufes qui font bonnes pour comer-
ver les yeux : il finit par le prier de
Eure quelque tentative auprès de l'Abbé
de S. Bénin , pour en tirer quelque
préfenr.
Il fe préparoit à retourner à Paris »
Ibrfque Fierre Angleberm^ fameux
Médecin lui fit préfent d'un vin aro-
matique > dont Ërafme le remercia par
une Lettre (a) écrite la veille de Ion (0) Efifl.
départ d'Orléans. Il lui en témoigna 5>î- H;>ijf?»
fa reconnoiflance , en lui promettant 7* ^* ^* —
que dès qu'il feroit à Paris , il veille-
nt fur les études de fon fils^
Il étoit à Paris le i^ Janvier de
l'an lyoo. fi l*on peut s'en rapporter
à la date d'une de fes Lettres ( t ) qui (h) Epifi.
cft écrite de cette Ville ce jour-là à**^-7»
Dvj
84 Vit
FAbbé de S. Bertin , pour lui rendra
grâce de fes bienfaits. Il lui fait enfuite
rhiftoire d'une forcellcrie arrivée à
Orléans, donc nous aurons occafion
(a) Eptf. de parler ailleurs. IIpaflTa ( a ) THiver
95 & 96 de lyoï. chez le Seigneur de Cour-
(b) EofT?. ^^"brune î & il étoit TEté (b) chez
58. TAbbé de S. Bertin , qui lui donna une
(c) Epîfl, Lettre de recommandation pour le Car-
37» ^•^» dinal Jean de Medicis , qui fut depuis
Pape fous le lïom de Léon X. Il avoit
été à l'Abbaye de S. Bertin , & y
avoit été fî gracieufemént reçu, que
le bon traitement qu^on lui avoit fait
avoit été roccaflîon d'une correfpon-
dance entre le Cardinal & l'Abbé*.
Cette Lettre devoit fervirà introduire
Erafme chez le Cardinal. Elle e(l
datée du 30 Juillet lyoï. maw elle
ne fut d'ipcun ufage pour Erafme , qui
n'alla à Rome que fort long-tems après
que ceite Lettre avoit été écrite.
Il paflfa la fin de l'année à Orléans >
(* F/y//?. d'où il écrivit (d) le onzième Décem-
bre à Antoine de Lutzenbourg. Il lui
manda qu'ayant appris que la pefte
étoit entièrement celfée à Paris , il fe
préparoit à y retourner, après avoir
Ûpurné trois mois chez fon ami Tu--
tor.
La réfidence qu'il £t à Paris ne fut
#>. Epf
\iis bien longue : car il étoit i tou-
vaiii (il) le li Février ifoi. Il ëcrK (a) Bpfjf^
vit de cette Ville ce jour-là une Let* loo. Efift^ir
tre à Jacques de Midelbourg, qm*^* ^ **•
iàvoit été Grand-Vicaire de Henri de
Bergues £vêque de Cambrai , mort
depuis peu. Il étoit Poëte ; & il venoit
de compofer un Pcëme en l'honneut
de l'Empereur Maximilien. Il avoît
confulté lur cet Ouvrage Erafme , qui
à quelque chofe près en fut fort coir-
tcnt ; il l'exhorte de le donner au Pu-
blic. Erafme revint à Paris : il y étoit
Fan lyo^ (i); & l'an îyo4 il s'y C^) Epljt.
lia étroitement avec Faufle Andrelin , *^' ^' 4^^
&meux Poëte de ce tems-là : il avoir fj'-'^' '• ^
reçu la Couronne poétique (c); on [çyAda^
lui donnoit le titre de Poëte ( i ) de la ges , s«mi4
Cour : il enf igna plus de trente ans cufana
k Poétique dans l'Univerfité de Paris, ^^"fi*
Il nous eft refié quelques-unes des
Lettres qu'Erafme & Andrelia le font
écrites : dans une qu Erafme écrivit
à Andrelin à un de fes premiers voya-
ges d'Angleterre ( i) , il parle avec (i) EpJT^
affez de rtépris de la France ( 2 ),&!•• L« /»
ii veut engager fon ami avertir en Air-:
' ( I ) Regius Voëta.
(i) Hiiid Ua te juvat\ honvncm tam
uj^HtOy intcrnardas QalUcas cênfimfcere^ i
gleterre» entr^autres rairofis» »^aité
ii aue , dit-il , il y a ici des Nymphes
I» aont le vifage eft divin : eues fonc
• douces y faciles ; vous tes préféreriez
» ians peine à vos Mufes, Il y a auifi
m une coutume qu'on ne fauroic ai&z
» louer : foit que vous entriez dans
m une cnaifon ^ foie que vous en for^*
m tiez , tout lé monde vous baifè ; en*
m un on ne fait que baifer ici. Si vous
p^ aviez goûté une fois de ces faai&rs,
» vous les trouveriez fi cbarmsms , que
» vous voudriez refter toute votre vie
» en Angleterre. Nous &\ badinerons
**» quand nous nous trouverons enfem-
» ble. « £rafme & Andrelin avoieat
>. to Efifl. ^^ reflfemWance {a) qui contribua Ians
Wfinani» * doute à les unit ; c*étoit un caraâere
de gaieté porté à la plaifaoterie:, Quoi
qu'Aiidrelin ait eu de (on tems bcaii'
coup de réputation, fon nom &tbieB«
tôt oublié ; & Niccrfas Bourbon af^
fure ( I ) <kns une Epigramme qu'il fk
C » ) P^^f Tetris mem$rîi met duo
dhbres fo'étmj famfim apud Luteiiêmg
4fmd ItaUs Bûftijia; &me fwiffnb
In Galliâ fridem Rofetiés nomine.
li tni fuire , nec funt : jam feriere enim j
kaiore qux multo Focmaid fcrifftrânt ^
^Hoa fcabra udhuc & inconcinna , faculi
i>*ETtASMI. îf
^p^qâes années après* la mort d'Aiw
orelîn fous le régne de François I»
Wil n^éroit plus queftion de ce Poëce
^ns la République des Lettres.
Le célèbre Robert Guaguin , Gé^
itérai des Trinitaires , que fon nicrite
-fit co»noître â la dour de France ,
-^i crut devoir Fetnplo^r dans des
^maires importantes , lut aufli un des
neîikurs amis d'Erafrae (m): il avcm (a) Epffi^
ntne belle Bibliothèque dont il lui don- Rhen^m*
noit Pufage (i) ; Erafme le confultoh (^) EfiJI.
«fur les difficultés qu'il rencontroit en t^. u 4»
-fifant les âtKiiens Aut*irs. Ilavoit été ^fî^« ^^^
^mbarnrflé de fiivoir (c) ce que c'étoient ^ ^\ ,jl
^ue les areaUs & les Anabafii , dont 7. t. /!
^ eft parlé dans les Ouvrages de S. Jé-
rôme contre Rufin ; il avoir prié Gua-
-guin de lui donner des édairciflemens
à ce fiqer. Guaguin lui répondit (d) (d) Epifi
Wit étok trop malade^ & qu'il fou^S. l. 9.
éok trop pour pouvoir iâtis^re Eraf- (0 V. Du-;
me. Ces mots peu uûtés ont été de- ^^^^^^
pÎBS ce tems-là bien expliqués (e). Les Gefnert *
S^ugndsmjm l^êfbéritm 9leren4 Gothkam^
Jiês quid fiêttiri Jimus j if fa viàeri$
JLefum omnium fo/icritMS'Acris arbitra»
Kîcolauft Borbonîas > Nugar. L^. Carm* 47»
Voyez, Mémoires dei'Acad. de» fieiiet-
ictues , un p- 5 >^
«8 . Vif
Andbafîi étoient des Courîers ^' qvâ
alloiem porter des ordres avec la plus
grande viteffe j & les^ Céréales étoieia
des Magifirats ainfi appelles , parce
qtf ils avaient t'infpcélion: fur le bled.
Ce fut pendant ces divers voyages
en Flandre, qu'Erafme étudia en Théo-
logie Ibus U Doâeur Adrien à Lou-
vàin ; c'eft lui cjui depuis fut Pape
fous le noni d^Adrien. Erafine lui rap-
7a) Epifl. P^^^ ^^ ^^^^ plufieurs années après (a)
># h. z8 çn lui dédiant fon Arnobe ; & ce Pon^
tife s'en fouvenoit auffi avec plaifir :
, ^) Epiff, car dans un Bref (t ) adreffé a Eral>-
^. l..*3. me , il lui parle du tems qu'ils avoienc
palTé enfemble à Louvain n'étant que
j^articuUers , dans l'agréable loifir des
Lettres.
. Ce fut auffi en Flandre , & prîncir
paiement che2 l'Abbé de S. Bertin ,
qu'Erafme connut le Père Jacques Vir
triarius Cordelier f dont il a fait un
Xc) Eptft. très- grand éloge après fa mort ( c ). Il
^^ t. I ;. le vit pour la première fois à 5ainc
Omer, dans le tems que la pelle l'o-
blrgeoit de fortir de Paris ; le Père
1 Vitriarius avoir pour lors quarante-
quatre ans. Dès qu'il vit Erafme , il
reffentit' pour lui la plus grande amitié,
' Il s'étoit d'abord appliqué à la Théo-
logie Scholaft^ue> & celle des Sco^
I>* E R À s Al H. 8p
ûAes tit lui avoit pas déplu j mais dès
qull eut commencé à lire S, Ambroi-
fe , Si Cyprien , S. Jérôme , û ne
conçut que du mépris pour toutes les
queftions épineufes de la Théologie
ordinaire. Ôrigene étoit celui des Pè-
res qui a voient expliqué l'Ecriture
fainte , qu'il admiroit le plus* Il s'é-
toit fait Religieux fort jeune; &ce
genre de vie ne lui plaifoit en aucune
feçon : cependant il n'eut jamais la
moindre envie de l'abandonner , par
la crainte de caufer quelque fcandale.
Il fa voit par cœur les.Epîtres de S.
Paul , ainfi que les principaux en-
droits de S. Ambroife. Il prêchoic
fans autre préparation aue de lire S.
Paul , jofqu'à ce qu il fentît (on
imagination échauffée. Ses Sermons
étoient proprement des homélies. Il
ne feifoit point de divifions ; il pré-
tendoit qu'elles mettoient du noid
dans le difcours. Il ne pouvoit fouf-
frir dans les Sernw>ns les citations des
Théologiens ScholaftiquâÉjk desPhi-
lofophes , qui étoient f^en ufage
dans ce tems-là. Il auroit fouhaité
avec ardeur d'aller poner la Foi de
J. Cbrift dans les Pays des Infidèles ,
& d'y obtenir la palme du Martyre.
Son zélé lui procura bien des peineaf
jd Vf»
fans qu'il fortît de TEurope. Il aval*
cntreptis la converfion d*un Monaftere
de Religicufes , qui reffembloit plutôt?
h un lieu de débauche qu'à une Maifon
de piété : huit ioipénitentes de ce Cou-^
vent l'attendirent dans un lieu écarté^
ic fe jettant fur lui i l'auroient étratH
glé , fi par hafard il ne fe fôt trouvé
quelques petfonnes qui pafToient pfar
I endroit oh fe commcttoit cet aflaÏE^
liât. On le tira d'eatre les mains de
ces furieufes étant prêt i'ôxpirer : il
fie fe plaignit jamais (fc cette violence*
II parlait avec tatlt de facilité , qu'il
lui eft arrivé de prêcher jufqu'à fept
fois en un jour. Il n'étoit point trop
rigide fur les difpenfes du jeûne. Erat*
me rapporte qu'il fe trouva avec lui
pendant un Carême chez l'Abbé de
o. Bertin. On dînoit fort tanf ; &
Erafme ne pouvant être à jeun jukpi'à
l'heure du dîner fans, s'eit trouve^
fort inconamodé , parce qu'il paflfoic
^ute fa matinée i étudier , il prenoifi
Îuelque c|flà de chaud avant le repas^
1 confultUi Père Vitriarijus , potii
favoir fi ce n'étoit pas un mal de n«
{)as obferver à la dernière rigueur la
ci du Carême dans la circonftance oi
ilfe trouvoit. Le Père lui répondit n
^e non-feulement il ne devoit avoU
r
ÊtiCtin fcrupule , maïs même qu'il pé-*
cheroit , fi faute de cette petite atten-
tion pour fa famé il la détruifoit , ou
Te m ettoit hors d*état de continuer des
études auflî utiles que celles qui Toc-
cupoient.
11 eut for la fin de l'année des perfé-
CQtîons à fouffrir, parce qu'il blâma les
abus des Indulgences.
On nes'eft étendu fur ce digne Reli-
gieux , que parce qu'Erafme avoit pour
rai une fificere eftime , qu'il en etoit
fort aimé , & que d'ailleurs c eft par
£rafme même que nous fçavons tous
ces détails.
Quelques amis qu'il eût en France
&en Flandre, il en avoit encore en
Angleterre d*un mériteplus diftingué :
ies principaux étoient Cjuillaume w ar-
rîiam Arcbevêquerde Cantorberi, Ml-
lord Monjoie , Thomas Morus, Guif-
laume Grocin, Thomas Linacer, Guit*
laumeLattimer, Richard Paceus, Cut«
bertTonftal; ils avoient grande envie
gu'iî vint s'établir en Angleterre. L y
faifoit fouvent des voyages , pourcul-
ttver l'amitié de gens fi illuftres , qui
avoient pour lui le plus grand attache-
ment.
' *llyétoit(^) l'anij-oô.lorfquele (^j ^pfjf^
bruit couroit eh France qu il y étoîl 6^ l. !•»
5^a V I É
mort^ L'oçcafion de ce h^uît fut «
mort d'un François arrivée dans l'Hô-
tel de Milo'rd Monjoie. Erafrne don--
ua quelques leçons publiques dans TU-*
la) E/>/^. niverf^té de Cambridge (^ ); il en
lihinêni. donna aufli à Lourainjlorfqu^il réfidoit
dans cette Ville, On ne pouvoit avoir
plus de confidërafion qu il en avoir en
Angleterre ;il étoit très-bien reçu-i
la Cour ; & le Prince Henri qui depuis
fut fi fameux fotis le nom de Henri
VIII. étoit. en liaifon de Lettres ave^
lui.
Ce qui eft très certain , c'eft qu^M
cjuitta l'Angleterre avec regret. Il Iç
(h) Épift* témoigne ( b ) dans une Lettre à Co^
I04. Eftjl. iet , dans laquelle il laflure qu'il n*y
*Fn ^* *ft ^ aucun Pays oà il ait trouvé un fi grani
mal da^ée. ^^"^'^^ d'amis favans , obligeans &
• - * vertueux. « Ils m'ont donné , ajoute-
»t-il, tant de preuves de leur bonne vo-*
•ûlonté, que je ne fai auquel je dois
» donner la préférence , & que je me
» trouve dans la néceflité de les aimer
w tous également.' Je fupporte leur ab-
attfence avec beaucoup d'impatience»
» La feule confoktîon que j'aye , eft de
« penfer continuellement à eux, & d'ef^
» pérer qu'ail viendra un jour oii je les
•^jeverrai, & que pour lors la mort
'» feule m*en féparera. ^.
15* E R A s M E. pf
Il paroîtroit par l'Abrégé de la vie *
d'Erafme fait par lui-même , qu'il ne
fie le voyage d'Angleterre qui précéda
celui d'Italie , que fur les promefles
^'on lui fit d'un écabliflemetit avan*.'
tageux, & aue fes efpérances nes'é-
tant pas réalises , il prit enfin le pani
daller en Italie j ce qu'il défîroit avec
beaucoup ^*2ixàc\xT depuis plufieurs
années.
Il étoit déjà célèbre dans l'Europe
par un très-grand nombre d'Ouvrages,
ientr'autres par fes Livres d^ ratiom
fcribendi epiftolas 9 de copia , par fes
Adages > par foa Manuel; mais com-
me il perfectionna beaucoup ces Livres
dans les éditions qu il en donna à fon
retour d'Italie , nous en parlerons ail-
leurs. Sa réputation d'éloquence étoit
fi reconnue } que les Etats de firabanc
Icchoifirent {a) pour faire le Pané*- (a) Vr/h
gyrique de Philippe le Beau leur Prin- ««/ f^eliti/ ,
ce à Ion retour d'Efpagne. Ce ne fut ^^^^ &afiî
pas fans répugnance du il fe chargea™^» ^ '*
de ce travail , quelque honorablip cju'en ^**
£utla commifllon ; il en parle à cœur
ouvert à fon ami Colet. » Pavois tant
if d'averiîon , lui dit- il , ( ^ ) pour fai- (h) Efiflf,
9 re ce Panégyrique , que je ne cro]^ 8. L. lo^
/> pas av^oir jamais rien fait plus à çon-
» pe çQpur. Je croyois aue ce ^'eD|)p ^
P^ Vie
99 d'ouvrage me mettoit dans la nétef-
•fité d'avoir recours à la flatterie j mais
m j'ai ufé d'un nouvel artifice , & j'ai
n parlé avec beaucoup de liberté dans
9 le tems même que je flattois. » Il
prit à témoin desdi&cultés<}u'iloppO'
(a) Ep'Jtp^^^^ choix qu'on ayoit fait de lui (a)
^6. L. 25?. Paludanus Ion ami , Profeffeur en élo-
quence dans l'Univerfité de Louvain >
ichez lequel il demeuroitX'artifice dottf
(b) Epijl y f^ fç^vit {h) pour rendre fes louanges
Sofzemso. agréables au public , fut de les tour»
ner de façon jju'elles pouvoient ^rç
regardées comme des confeils.
Ce Panégyrique fut prononcé daw
le Palais de Bruxelles, le jour des Rois
de l'an 1 3:04, Laffemblée étoit très-
aombreufe,^ compoféede tout ce qu'il
y a voit de plus grand dans h Pays. Le
rrince y étoit , avec le Chan<:elier dç
• Maigni. Philippe l'éceuta avccgran»
\ W EpiAde fatisfaélionCc); il fit un prélent à
ï^ X-. 1^. p Auteur de cinquante pièces d or (i)#
*' & lui fit des offres très-flatteufes pour
l'engager à entrer dans (à maifon. Lç
•. Chancelier répçadita Erafme au nom
de fon Prince.
Il eft parlé dans cet Ouvragé de k
gracieufe réception que le Roi Louis
l( I ) Fhilipficos ^uin^ua^intti, Epift#
b'Erasme. pf
jkH. fit à Paris au Prince Philippe i ^
fraTme en prend occafion de t^ire im
iuperbe éloge^ de cette grande Ville* '
p Elle réunit, dit- il, trois c^ninds avan-
> tages , dont un feyl eu difficile A
9 rencontrer dans quelque Ville que
»ce foit; un Clergé floriiTant ; unç
? Ecole tplle qu'il n'y en a point qu oo
«puifife lui comparer^ fbit pour If
p nombrie des écoliers , foit pour lî
» multitpdç de gens habiles en tout
9 genre qiae Ton y trouve ; un Sénaç
' auffi grand que çeluide l'Aréopage;,
j» aufli célèbre oue^celiji d?s Amphic-
» tions 9 ^ auni illuftre que l'ancien
3> Sénat de Rome ; enforte que par un
» heureux concours , les plus grande
«> biens fe trouvent réunis dans cettç
» célèbre Ville , c'eft - à - dirç , unç
^ Religion éclairée , unç Sciencepro^
i»fonde & une Jufticç parfaite. Le Çltt^
•» gé y eft favant , les Sa vans y fonç
» pieux , la Science & la Piété fe re^-
9 contrent dans le Sénat : c'eft pour-»»:
"quoi l'on ne doit pas être étonné s'il
»y a un fi grand nombre de Citoyen^
p & d'Etrangers dans f ettp Ville, qu'il
» faut plutôt regarder comme ua
9 Royaume , ou comme la Rtine d'un
» Royaume , que çommç unç fimp|ç
I^ViU^v ' ' '^
^6 ViH
- Ce Panégyrique eut fes Critîqa^;
Quelques-uns reprochèrent à Erafpne
^ d'avoir trop loué fon Héros : il leur
£4) Efîyî. ^^pondit ( a ) que la louange étoit ef-
|tf. t. i^.fentielle i ce genre de pièces; quç
d'ailleurs le Prince donnoit defi gran-
des efpérances, qu'il y en avoir mêmç
2ui fe plaigfioient qu'il n'avoit point
té affez loué. Le peu de tcm$ qu'E-
rafme avoit eu pour lefairp, ne lui
avbk pas permis de le rendre meilleur;
cependant il eut un très-grand fuccès,
Adrien Bariandus qui poffédoit très*
(i) Efifi. bien la Langue Latine ( fc ) affuroit que
l.**^' 17^ l'on pou voit dire de cet Ouvrage cç
JEfiA *J*QueQuintilien avoit dit de çc^xi^
Cicèron , qu'ils faifoiént paroîtrç
Vheureufe abondance d'un giénie i^'
W ^pA mortel. CutbertTunftal (c) très-fa-
Ho. L. I. ^.j^^ç ^^^5 ]ç5 ^^^^ Langues & d'up
grand jugement , portoit Teftime qu'il
(4) Efi/l. avoit pour cç Panégyrique (d ) j"%^'?
A4. L. 7. l'admiration. Chitrcus a jugé ( e ) qu'il
i>) S<i*o-^toit très-bien fait, & que dans cçt
nta , L. V. Ouvrage Erafme avoit donné dçs
f * ^' * preuves de fon excellent génie & 4^
ion éloquence , qui lui avoient pro-
ff\À ' c^*'^l*^^o"^ ^ l'admiration de toqs
maL Phl^ ceux qui ont du goût pour les Belles-
/o/. part. Lettres. Crenius fourient (/} que ce
^v. )?. 40. Panégyrique eft excellent , qu'il efl
«mplid^érudition , qu'il eft bien écri^,
i& qu'enfin il a. plu à tout Immonde.
Pabdanus en fut iî content , qu'il
pbligea Erafme de Ie<tonnerau public;
i& Eraftne le didia ( a ) à Nicolas Ru*- {a) Efîfl.
tier Evêquç d'Arras. Le Princç Phi- J7. L. ii>#
lippe le Beau peut itre mis au nombre
des témoins qui dépofent contre la
yanité de l'Aftrologie judiciaire* On
lui avoit prédit au*U vivroit long-
tems , & qu'il aneantiroit l'Empire
des Turcs : il mourut dans la fleur de
fes ans , le çtô Septembre lyoô.fans
avoir jamais eu rienà démêler avec le$
Turcs. Erafm.e qui avpit pour lui une
uès-grande ^ftime, ,& qui avoit quel-
que drpit' de prétendre à fa prAtedion,
en fut pénétré de douleur. Il iît parr
de fes fpntimens à Jérôme Buflidiui
Conf^ill<er d^ ce Prince ; il étpit frère
deFrançois Archevêque deBc&nçon ,
qui avoit élevé Philippe. Erafrae ne
craint point d'av^ançer ( i ) que la ter.- ^^^ ^p^g
ren'avoit rien eu, ni de fi ^rand ni^^ t. ^^^ '
de fi bpQ quç ce Prince , s'il eût vécu
!)lus long -tems. Henri Prince de Gai»
es , depuis Henri VIII> qui aimoit
Je Prince Philippe comme (on frère #
fut très-affligé de fa mort (c) ; perfua^f (c) Eptg^
dé qu'Erafme en étoit très-toucbé » il ^u u |,
lui écrivit à ce fujet des Lettres aUiS
JomçL £
jpS Vie
(a) Pftjl. tetidres qu'élégantes. Il affure (.a) qi/a-^
r6. 1. 13. pj.^5 i^ jjjQ^ç jç ^^ Reine f* mère , il
n'a reçu aucune nouvelle qui Tait au-
tant attriilé que celle de la mort du
Roi de Caftillc fon frère. Cette Lettre
comble Erafme d^élogçs ; Henri dé-
cide que la réputation de fon éloquen-
,çe eft répandue par tout le monde , 8ç
Sue ce feroit en yain qo^il entrepren-
roit de le louer d'une façon propor-
tionnée à la grandeur de fon mérite,
Erafme ne parle pas moins bien de U
France dans u plainte (i) de la Paix ,
que dans le Panégyrique de Philippc-
le-Beau. C'eftla Paix qui parle dans cet
XDuvrage : après avoir fait l'énuméra-
tion des biens qu'elle procure aux hott}r
mes , ellefe plaint qu^on ne la refpec-
te nulle part, non pasnjême en Théor
logie j que quoique la vérité foit im-
muable , il y a de très - grandes dif-
çuflîons dans les Ecoles ; que telle opi*
liion eft reçue dans un Pays com-
me une vérité , qui eft rejettée dans
* un autre comme une fauffeté ; qu'il V
a des dogmes qui ne peuvent pas par
fer les Alpes , comme il y en a d^aur
très qui font obligés de refter au-delà
( 1 ) QuereJa facis màî^ue gendum cieff^
frofiigauquç.
l/ Ei R A s HT "E. Pp
^uHhia. Ccft cette même penfée que
Je jcélebre M, Pafcal a exprimée fi heu
xeufement en .ces termes i ( j )-« On ne (^)Art. xxw.
» voit prcfque rien de jufte ou d'in jufte, Foibleflc de
» qui ne x:hange de qualité en chan- ^'hommc.
» géant de climat. Trois dégrés d'élé-
» vation du Pôle changent toute la
» Jurifprudence ; vérité en -deçà des
■ Pyrénées^ erreur au delà.»
La Paix fait voir enfuite dans Eraf-
me ^ que Tamour du prochain eu une
des choies les plus elTentielles à la vraie
Religion ; quec'eft une des vertus les
plus recommandées dans TEcriture.
Ce Livre fut dédié par Erafme à TE-
yêque d^Utrecht. Cétoit Philippe de
Bourgogne , qui venoit de fijcceder à
David lonïrere (i ) ; ils étoient tous (^^ Epîft»
deux fils naturels de Philippe-le-Bon, 6ï.u ly.
Duc de Bourgogne,
L'Evêque d'Utrecht fiit très-coû-
tent de TOuvrage d'Erafmé ; & dans
le femer<:iment qu^il lui en fit (c) , il (^^ ^^ijf^
dit en propres termes : « La plainte de 47. t. j.
» la Paix a extremelîaent plu , non feu*
«»leraent à moi à qui elle eft dédii^e t
■• mais à tous les vrais Chrétijens.^ ^
Il ert prend occaiion de l'exhorter d^
chever les Ouvrages qu*il a commen-
cés , poqr l'ornement , Futilité & Tad*^
cûtatipn d^ £pq jiecle & de la ip^Hér.
loo Vie '
rite. Dolet ne penfoit pas de même ae
la plainte de la Paix : il en parle avec
le plus grand mépris (i) ; mais (a parr.
tiafité contre Erafroe eft fi décidée ,
que fon jugement ne mérite aucune
attention.
Dans cet Ouvrage, Erafme parlant
delà France , «ffui^é que nulle-part i}
n'y a un Tribunal plus Augufte, unç
Univerlitéplus célèbre, une plus gran-
de unionî& quec'eft-làce qui la rend
fi puilfante, <c Les Loix , ajoute-t-il ^
» n'ont dans aucun autre endroit au-
- tant de force : la Religion y eft
»plus éclairée qu^ailleuirs ; & ja
a> France peut être regardée comme la
^ partie la plus floriffante du Chriftia-
5>m(me. »
la) Efif^r 11 a répçté ce grand eioge^dan?
ï^^'" ''plufieurs endrôits(tf ) ; «cdansTEpi-
ff/V.^^'tredédicat£)ire de fa Paraphrafe fur
é9! lIi/' s. Marc , il déclare qy il ne ,crx)it pa?
( I ; Nîhil artîficiosc difffttat^ nikil^''
gumentÀtur , nihil frehat , nihtl difohtt}
nihil exfedhurn, nihil ornatum y nthttpef^r
ïiU y^nihil iiquidttm aut lil?nè fiueps , nthn
ufquam non adùrem : nuïU concirjia ,
palU ixquifita ', nuïUreconiif^fmenttfJ
nihil fiio loco foptHtn , nihil d^Unt , mm
•bUaans , nihil movm ; dura «mntf , ^•
^ti'il y ait jamais eu un Etat plus pieux
& plus floriiTant que la France*
Toutes les fois qu'il a. eu occafk)fi
déparier du Parlement de Paris, il a
prouvé qu'il avoit pour cet illuftrë
Corps la même vénération que les meil-
leurs François. » Qu'y a -» t - il de
o plus auguile que le Sénat de Paris >
» qu'on appelle vulgairement le Parle-
* ment , difoit-il , dans un Livre
jj contre Sutor ? »
Il avoit comm^encé à être connu dans
Te monde Littéraire par fes Poëfies :
il avoit fait ^es vers da^s fbn enfan-
ce ( a ) ; & ce goût qu'il avoit pour (a) Ep'fï.
k Pocfîe , lui avoit d'abord inlpiré Botzmio.
line efpece d'avcrfion pour la Profe.
Il eflaya tous les divers gensdePoë-
iie. il nous eft refté une Eglogue (t) . (^) Huî-
qui eft une imitation de Virgile, qu'il ''^"^® '^'
Compofa à l'âge de qpator^e ans à Ue- "^^*
venter,lorfqu'il y étudioitfous Alexan-
dre Régius, M. le Clerc prétend qu'on
peut juger par cette pièce , que s'il
eût cultivé la Poëfie, il feroit devenu
un excellent Poëte. ;
Ayant dix-huit ans , il fituneEle*
gie contre les vices , & furtout con-
tre la débauche & l'ambition , que fes ^
amis firent imprimer fans lui en avoir
demandé la permiifion, A dix-neuf ans^
Eiij
i02r V I If
étant à Siexn, il fit en (e promenanr
dans la prairie un dialogue fur 1&
Printems y avec Guillaume de Ter-
gou(i>
Dans un des voyages qi/il fît e»
Angleterre pendant le règne de Hen--
ri VII. Henri Prince de Galles écri-
vit en dînant chpz MilorA Mont joie à^
Erafme qui étoit auflî chez ce Sei-
gneur, qu'il lui feroit plaifîr de lui-
envoyer des vers de fa façon : Erafme
ayant reçu ce billet ,. retourna chez*
lui ; & en trois jours il compofa unr
Poëme en vers hexamètres & ïambi-
ques , & ^ trois pieds , en Fhonneur
du Roi HenriVli.de la FamilleRoyale
& de l'Angleterre.
Il aimoit fort à faire dés Epîgram-
(aj Epi({. mes (a): c'étoit à fes momens perdùr
*>/«• qu'il s'araufoit à cette efpeccdePoë-.
fie , lorfqu'il fe promenoit , lorfqu'il
jouoit , & même lorfqu'il étoit à table.
On lui en demandoit fouvent , & il en
faifoit par complaifance*. Il ne comp*
toit pas qu'on dût les imprimer : ce-
Î rendant celles qu'il avoit faites dans-
à première jeunefe r furent données
( I ) Ccrtamen Erafmi atqu9 Gutlhlmir
de temfêre vernali , fuod fer viridantia^
frata ahcrnù ex temfçre luferwu , annm'
9êrum décima nona^
li' É R À s m' h; 105
air public fans fon aveu» H s'eft ima- •
giné qu'un de Ces domeftiques les lui
avoit volées , & les avoit vendues à
un Libraire. Froben les recueillit dans
la fuite ; Erafme les dédia (a) à Henri (4) Epijl.
Prince de Galle- ^^<^^'
Son Foëme fur la vieilleffe eft àc^^'!!'''^'
toutes fes pièces de vers celle quia eu oal^oratio-
k plus grande approbation : il le com- nhfanium
pofa à chçval lorfqu^il traverfoit les cQnjirupîQ-
Alpes ; c'efi pourquoi il rappcUoit «^« ^?^^^*
Carmen equefire pelpotiàs Alpefire : il *7. L- »5^-
éft dédié à Guillaume Copus , cet ha- ""-^ ***'''*
bile Médecin dont nous avons déjà
f^arlé. Erafnie le retouch» lorfqu'il
ctoit à Bafle. Aide en a donné une
édition, dans laquelle Erafme prend
h qualité de ProfefTeur en Théologie ;
clleeff dé ly i5. H (é ddnnoit ce titre
apparemment à caufe de Quelques le ^
çons publiques qu'il avoit données en
Angleterre & en Flandre, Ce Foëme
ôft rempli des fentimens de la plus gran*
de piété ( i).
( I) t,c Poème (ur la Vieilleflè a pou»
titre de Seneôfutis incommodisy heroicoCar"
piine , & tambîco dimftro cataleClicoi
Voici comme Erafme ^y exprime :
Quicquid mihi deincepf
fiita avifupcrejfc volent , id protinUs omne \
Eiiij
C^étoit Horace qu'Erafme avdk
pris pour fon modèle, ce Lorfque j^é-
» tois jeune , dk-il dans fori Cicero^
C»;P.ïoi I. » nien ( a ) fous le nom de Bulephorus,
» j'aimois tous les Poètes , mais dès
» que f ai mieux connu Horace , tous
w'ies autres Poètes, quelque admirables
CB) Du '^ qu'ils fufleiit , m'ont paru infipides. »
Cerceau , C'cft ce que depuis a répété qn de ncw-
îa yalife du modernes ( i ) r
Chacun a Ton goût; mais Horace »
Par droit ou par entêtement»
Tient chez moi la première place :
J'étois pour Ovide à <jpinze ans;
Mais je fuis pour Horace à trente»
t.es vers d'Erafmelui firent bcaucoiïjr
Chrtjlo dtcetur uni»
?o[lhac valete nuga ,
Tucataqutvolu fûtes » rifufque , jocique ^
Lufus,& ilUctbra :
Sflendidanobilium décru a valete fophorum^
Cerfum eft VJtcare Chrijlo»
Jîic mihi foins erii Jiudium , dulcefqtte ca^;
mana ,
Honosy decus^ voluftas :
Onnia folus erit.
Les Poèmes dTrafine Ce trouvent à la fin
^es tomes premier, quatre, cinq ôrhuitÂl
es Ouvrager,
d'Erasme* ioj
â^hotmcixr dans le tems qu'ils paru-
rent : Jean Sixtinus lui écri voit (a j qu'il (a) Efîjl.
n'y avoit point d'honune , pour peu*** ^'*»
qu'il eût de génie , qui ne le comparât
aVeé les plus grands Poètes de l'Anti-
quité. * Vos vers refpirent , dît-il , la
» Vénus attique , & font des preuves
a» de lagrément admirable de votre
«efprit. C'eft- pourquoi , mon cher
» Erafme , encouragez vos charman-
•> tes Mufes , afin que vous nous faflîez
» voir ce que l'on ne croioit pas poC-
* fible i que les AUemans ne cèdent en
» rien aux Italiens. Adieu, Poète aufli
*• charmant qu'agréable »(i). A cette
LettreSixtinus joignit uneEpigramme,
dans laquelle il traite Erafme du plus
célèbre Poète de fort fîécle ( 2 )•
Celui-- d n'avoit pas une iî grande
idée de fui : dans fa réponfe à Sixti*
fius ( i ) il l'aflure que s'il ne connoifloit (b) Eflft.
pas fa fiiKiérité , il prendroit feslouan- »»»L. it
ges excefEves pour une raillerie. 11 ne
parle de fes vers que comme de baga-
telles frivoles, qui fentent plutôt ta
loue que la Vénus attique , & qui ont
plus de rapport avec la barbarie d^
( I ) Vide y vtnei UfidiJJime & Juavijftmei
(' t ) Sed tamen , S noffri vatum cfltHr%
rc(f ' Vit
Scithes , qu'avec le gdnie des zncietVF
Poètes : il déclare qu'ils ne font pas
dignes d'être avoués d'Apollon j.
qu'enfin iln'eft qu'un Poëte médiocre,
& que c^eft ce qu^l a de commun
avec Ciceron, à qui il reffemble ea^
cela feulement.
C'étoient- là fes véritables fentimensr '
il les a exprimés avec fa modeftie or-
(*) E0. dinaire dans une Lettre (a) qu'il écrivit
XI. ^' M» en confidence à un de fes bons amis ; iti
^^^^ l'aflTure que quoique les Mufes ayenc^
' * été ce qui lui a fait le plus» de plaifir:*
dans fa tendre jeunefle , il n'a jamais
travaillé dans ce genre avec affez de
foin , pour qu'il ait pu faire quelque:
chofe digne d'Apollon : il finit par'
le prier de ne pas faire trop d'éloge •
de les bagatelles ; c'eft ainfi. qu il ap-
pellefeS vers. Nous apprenons par cette-
même Lettre, que tant qu'il fut à Pa-
ris j, il s'appliqua peu à la Poëfie j &'-
il en rend cette raifon , que c'eft parce
qu'il favoit qu'il y avoit dans cette cé-
lèbre Univerfité un grand nombre de
Poètes exceliens en tout genre, avec
ïefquels il auroit ca tort de fe corn-
meotre.^
Ceux qui ont eu occafion de parler
de Cba talent Poétique , n*en ont pasi
&ÎC un g;:and éloge; J4ales! Soaligi^^
ï>^ E R A s M E. f Ô7
ïfaî â la vérité n'étoit pas dirprofë à lui
rendre juftice , ne Ta traité (a) que de (a) Poë-
verfîficateur. Floridus Sabinus a pré- tique, L. 6.
tendu ( t ) qu'il n'a point excellé dans (^) uc-
b Poëfie comme dans les autres ma- thnumfub'
tieres d'érudition; qu'il a manqué for- cijivafum ,
tout àans cette panie qui regarde la ^* ^*
»ajefté héroïque ; qu'il favoit à la
vérité les régies ; mais que ce feu &
cet agrément qui font les grands Poè-
tes, ne fe trouvoient point chez lui,
M. le Clerc , quoique fon admi-
rateur , nefepaffionne point (c) pour (c) Bîb.
fes vers ; il avoue qu'ils n'approchoient choifîe , t.
point de fa profe. « On peut dire néan- ^U» P» * «•
» moins , ajoute- t-il , que s'il n'y a pas
a d'enthoufiafme ni de ftyle Poétique
3» dans fes vers, il y a 4>caucoup d'ef-
» prit , comme dans tout ce qu'a Eût
39 ce grand homme. »
Ce qui contribua beaucoup à don^ ,
ner à Erafme une très-grande réputa^
tion dans la Littérature, ce furent plu-'
fleurs tradudions des Auteurs Grecs ^
dont on ne connoifToit qpe les noms
avant que par fes travaux il mît à por-
tée de les lire ceux qui éntendoient le .
Latin«
, Quand il vint à Paris , perfonne n'y
fiivoit la Langue Grecque*^ Il prétend ^^ ^j^j/i^
{/i) qae George Hi^rmomme écoit IcBoiz^^mio.
Evj
io8 V I K ^
fcul qui en eût quelque teinture, iCtfâê
fa fcience même ne paflbit pas les été-
mens. Erafme perfuadé que la profonde
érudition fuppofoit la connoiflànce
dune Langue datis laquelle il y avoit
un très- grand nombre d'excellens Ou-
vrages, fe propofa d'en acquérir Hn-
telligence. La difficulté étoit de l'ap**
prendre fans Maître dans un fiecle,
où l'on n'avoit pas les acuités que
Yon a préfentement par les fecours des
bonnes Grammaires , & furtout dès
excellens Diâionnaires. Les obftaclès
ne l'arrêtèrent point : il fe livra ave<r
ardeur à l'étude de la- Langue Grec-
que j & quoique dans les commence-
mens il ne fût aidé par perfonne ,
(â) Ré- ainfi /^u'il nous Ta» appris lui-même (a) ^
ponfe à il ûi bientôt de rapides progrès. Dans
Curtius. la fuite Michel Pavius , Grec de Na«
tion, contribuai le rendre très-ha^
bile.
Dès qiiil eut quelque idée de la
Grammaire ^^ il le mit auffitôt à tradui-
re -, il avoit pour lors trente açs. Il
traduilit divers Traités de Lucien , de
Plutarque , de Libanius., de Galien ,
d'Iiocrate, de Xenophon , rH«:ube
& riphigenie d'"Euripide r& les deux
premiers Livres de la Gramiaaire de
.Théodore Gaza> ua des plus habiles
!D^É R A ^M E. >o/
iSnecsqui fe foient établis en Europe
après la rmne de rËoiplre de Com^^
tantinople(i).-
II acquérôk de^ protestons par'
toutes ces diverfes traductions ,
qu'il dédioif à des Princes^ ii des Sei-*
gneurs > & quelquefois à fes amis;
Il décfia (tf-) l'an I5'<)3. le Son- (a) EpiJ^-
ga de Lucien à Chriftolph^ Urre«5.j:^i^.
wic , qu'if repréfente comme un de fes
bienfaiteurs: étant fqr la fin de la
même année à Louvain , il dédia {b) (h)Ef0l
lesDéclamationsrdeLibanids ï Nico- i6* U *^
las Rutier Evoque d'Arras , Chance-*
lier de rUnivcrfîté de Louvain , &
Gonfeillerdè Philippe- Ic-Beau Archi-
duc d'Autriche ; 1 Épitre Dédicatoire
cft dat^e du 17 Novembre i yo?. Le
Prélat fut très contint du préfent(c> (c)EfiJK
qu'Erafme lui avoit fait ; il Tenvoyai^. L. iVi
prier à manger, lui offrit fes bons of-
fices pour lui &c pour fes amis , Se lui
fit donner dix pièces d'or. Le Timon
de Lucien (m traduit l'an i ^04. & fut
dédié ( i ) par Erafme lorsqu'il étoiî (^ Efifti
à Londres, à Nicolas Ruthal , qui étoit 6. L. 15^
pour lors Secrétaire de Henri VU*
( 1 ) Les tradùdions qu'Erafme a faîtes
Jés Auteurs Grecs profanes , (ont dans le
l^emier & l^ quatrième» tome de Ce^ 09^
& qd au commencement du régne S^
Henri VIII. fut^ nommé Evêque do
fi) Thoi- Durham {a). Il étoit à Londres aii '
lfàs,^ 5.^. commencement de iyo5. il dédia (fr)
î* .. lèpremierjour de cette année la traduc-
^^£^^^''^'tionduToxari$ de Lucien à Richard
Evêque d^ Wincheftcr, qu'il appelle
fon Patron & fon puiffant ami. Le pre*
mier Mai de cette année , étant encore
en Angleteifre i la campagne, il dé-
Kc) Éfijl. dia (c) le Meurtrier du Tyran , Décla*
f.^ 19. mation deLucien , à Richard Witford
un de Tes bons amis. Sur la fin de cette
même année , lorfqu'il étoit à Boulo-
Xf) Efi/l. S"^ ^^ Italie , il dédia ( d ) quelques
|iL, 19. * Dialogues de Lucien i Jérôme Bufli-
dius Confeiller du Roi d'Efpagne j
rÉpitre Dédicatoife eft du 17 No-
vembre I ^06. Erafme étoit pour lors
dans la plus grande douleur : il venoit
d'apprendre la mort de Philippe- le-
Beau ; & cette perte fait le fujetde fa
Lettre à Buflidius.
Etant revenu d^ Italie en' Angleterre,
(f) Epifl. il dédia ( c ) le 2p Avril i y 1 2. quel-
^ L. tp. ques Dialogues de Lucien qu'il avok
revus depuis peu , ou qu'il venoit de^
traduire, à Guillaume Warrham Arche-
vêque de Cantorberi , qu'il appelle
fon- unique Mécène , le feui qui l'en-^
courage-& protège (es études. U étoile
IKris l'an I yi ;. lorfqu'il dédia ( d Y W fi>!^-
it l'Evêqtre de Chartres le faux Pro- ^* ^* *^''
phére de Lucien. L'Epitte Dédicatoi*
re duRepas^u même Auteur eft datée
d'Anvers l'an i ; 1 7. & eft adrcffée (b) {h) EfiH^
à Jean Eutichius : Erafme s'y mocque *^* ^ *i^'
des difputes des Théologiens , qu*il
prétend être encorejplus ridicules que
eclles des anciens Philofophes, que
Lucien avoir badines fi agréablement
dans fon Ouvrage. LaTradudion de la-
Grammaire Grecque de Théodore de
Gaza eft dédiée à Jean Céfaire de Ju-
Bers (c) , & eft datée d'Anvers la veille CO ^fifi-
de la S. Jean 15* 18, Il traduifoit en- '•^» *^^
core les Livres des anciens Philofophes
fer la fin de fa vie , étant à Bafle. Il en-
voya le dernier Avril de Tan lyay*
i Alexis Thurzon Secrétaire du Roi
de Hongrie f 4 ) la traduftion des Ou- (i) BfiJI^
vragcs de Plutarque , fur Us moyens ^'» ^* *^-»
dejéprimer la colère & fur la curiofi-
té; & le lendemain de la Purification
de l'année fui vante , il dédia (e) à (0 Efiftm*
François Dilfe latraduélion duTrai-J** ^* *^-*
té de Plutarque de la faulTe honte. Il
avoit travaillé avec d'autant plus de
plaifir à cet Ouvrage, qu'il avoit ré^
fiéchique la fau(fe honte étoit un dé- <
&it dominant en lui. Ce Diife étoic^
» i^une hdmmsî de grande efpéran^.
^{ayEftfl. ce ( a ) qu'Èrafme dansla fuîtc recon^
ifi ^ ^®' manda au Chancelier Mercurin Gat-*
tmare , en le priant de \t faire entrci
dans la maifon de l'Empereur. I^e 2t8
Avril i$26. il envoya au Médecin An-
Xè) Epiff. ^o^î^^^ Caflovie ( b )la traduction d«
Xi. L. 19. l'exhortation de Galien aux beaux arts.
(c) Efiji. Il a dédié à Henri Vlïï-Roi d' Angle-
5jft* L. J5^. terre h tradudion du Traité de Plutar-
auè de la différence du flateur Sq
de Tami ; TEpître Dédicatoire n'a
f)oint de date , de même que c^elle de
'utilitéque l'on peut retirer de fes en*
^f J) Epiff. nemis , qjui eft adreffée (^ au Cardinal
;^oi L. x9. ^jç ^xAïtu II rfa pas non plus daté
TEpitre Dédicatoire de la traduéfîon
du Traité de Lucien , de ceux qui en-
(0 Efid. trent au fervice des Grands ( c ) , qu'il
S ^* *?• envoya à Jean Paludanus, Profeueur
d'Eloquencce à- Louvain , fbn intime
ami, chez lequel il logeoit l'orfqu'il
étoit dans cette Vile. Il avoit entrepris
de mettre en Catin cet Ouvrage étant
fïir le point de partir en Italie y mais
il ne le publia qu'à fon retour.
liucien avoit foutenu dans fa-DécIa^
, iftation au fujet dû meurtre du Tyran ^
qpe celui qui avoit tué fon fïïs méritoic
la récompenfe promrfe à celui qui ei»
délivreroit PEat , parce que le Tyran
au défefpoir de voir foafils mort ^
I>'ËR A S M !• II 3f
iV^oit tué lui - même. Erafme côm-
poû une Déclamation quM joignit à
eelk de Lucien, dans laquelle il prend
le parti oppofià cet Auteur, & fou-
dent que le meurtrier du fils du Tyran
n'eft point dans le cas d^efpére): la
récompenfe qui avoir été promife à
celui qui tueroit le Tyran. CétoitTho-
fflas Morus ( ^ ) qui avoir engagé (a) Efijf^
Erafme à travailler dans ce genre de 7* L* ^9a
Déclamation ; il étoit perfuadé que l'on
àevpit y exercer les jeunes gens , par-;
ce quils acquereroient par-li la taci-
ciVité de devenir Orateurs* Morus
s'exerça auflî fur cette même queftion
(i) qu'Erafme avoir traitée. W ^^i
Les traduaions d'Erafme eurent ^^^^'^♦^^
beaucoup de fuccès; & elles ont c^i _
de très-habiles gens pour approbateurs.
Floridus Sabinus a alTuré (c) qu'il (c) ttoré
«voit été très-heureux en traduifant ,y«*^^/'«L.J%
& qu'il y avoit peu de Traducteurs ^* ^* -
qu'on pût lui comparer. Cardan fou- *
^nt (i) qu'Erafme furpafle tous les (d)Defâ^
Tradufteurs modernes des Li vres P'*^'''^''» » ^
Grecs. M. Huetavo0e(e) que lesV^n^V
traduâions d'Erafme lui ont touiours^iS^f™-
Jffez plû , & que fa fidélité & fon éru^ Tntfrpre!
dition paroiffent furtout dans fa tra-wiidî,p.izi-
auftion des Ecrivains facrés. Cen'cft
5^ qu'il n'ait fait fouvent des faute$^>>
àinh que l'a remarqué M. le Clerc un'
de fcs grands admirateurs , que foir
cftime pour Erafme nVpas empêché
de convenir , qu'il ne falloit pas tou-
jours fc fier à lui. Il a juftifié ce
jugement , en relevant quelques-unes
de fes méprifes.
Eralme a auflî ^traduit un grand
nombre d'Ouvrages des Pères ; nous
en parlerons ailleurs. Il a même affuré
W E;>iy?. l'Archevêque de Cahtorberî (a)qu'it
'^4- L. ip. ne s'étoit appliqué à la traduftion des
Auteurs profanes , que pour être plus
à portée de mieux travailler fur les
Auteurs lacrés.
L'exemple d'Erafme & fes travauît'
infpirerent dans TEurope le goût de k^
Littérature Grecope 5 & il fe félîçitoit
<î) F/iyî.Tan Xji8.(i) de et que les Polo^
¥. l. %9. nois , les Ecoflbis & les Hibernois^
cultivoient avec plaifir & avec fuccès
^ l'érudition Grecque.
W
^^
iif
J - - - - - ■■■■-... . ■• .
VI E
D'ERASME'
LIVRE SECOND,
^i contient fort Hijloire depuis' fort'
voyage m ItaUe jufquà fon éta^
blijfement à Bafte.
CE fut Tan ij-o^^qu'Erafme fe-
mit ert diçmin pour Wtâ-
lie ( I ). Il avoit paffé une partie
( 1 ) M. te Clerc a prétendu * qu'Erafme'
n'étoit parti pour l'Italie que Tan ifo8. &
il s'eft fondé (iir la date de quelques Lettres
dont il étoit aifi d'appercevoir la faufîèté ^
pui(qu'il eft certain qu'il en a écrit d*Ita»
lie ) qui ne peuvent pas être d'une autre an*
née que Tan 1506» Voyez tfiji.9» L, 19..
Herold fixe ce voyage â la troifîeme an-
née du Pontificat de Juler I L Or ce Pape^
f Bibliothegjue Choifie, t. ji p. 1^7^*
}
iité Vin ,
de cette année en Angleterre, oùjj
avok été prendre congié de' ùi
(4) Epijl.itnis qu'il regrettoit beaucoup (a^
'*'• ^ l^'Il vint cnfuite en Franre , & allj
ti.Ui. ^ ^rf^ans ( i) où il avoir un grand
nombre de connoiflances ; il y de-
nleura quelques jourjf chez Nicolas
Êcraud avec lecjuel il étoic fort liéi
C'étoit un homme fort fçavanr dans
"(c) Efilt.\t% Belîes-Letrres (tf) & habile aaflî
(r4. I..X8. dans les Mathématiques : il reçuttrès-
(4) Epî/Î. bien fon ami {i) j il voulur même
ifo»» lui faire un préfent , qu'Eràfme re-«
fufa.
De-là il prit le chemin d'Italie ;
Sue depuis très-long-tems il avoir le'
efir de voir. Les Belles-Lettres y
étoient pour lors cultivées avec plus
d'honneur & de fuccès , qu'elles tic
Tavoient été" depuis le fiécle d'Au-
gufte. Les plus favans Grecs que les'
viéloires des Barbares avoienD expa-
triés , s'y étoient réfugiés ^ y âvôient-
trouvé un heureux afile , & avoienc
communiqué aux Italiens la connoif-
fence de leur Langue & des' meilleurs*
fut élevé au Siégé "de S- Pierre le !• No-
vembre KPoj, Harangue en V honneur d^R^
r'afine , dans le dernier tome de fes OuvrM
1>*E R A s ME. «7»
/&.uteurs de l^antiquité : l'amour pour
Ocei:on , & le defir de Timiter y
itoient même portés jufqu'à des excès
blâmables , ainfi que nous aurons oc*
;Cafion de le voir dans la {uite.
Erafnrje, daBs fa riponfe àCurtius,
parle de l'envie qu'il avoit toujours eue
de voir Tltalie. » Il n'y a poiqt de Na»
• tion , dit-il , pour laquelle je me
m fois fenti plus de goût depuis m^
«•tendre jeunefle, que pour les Ita-
» liens. J'ai fouvent été tpnté d'aller
p çn Itaiie , premièrement lorfque je
» ii'avois pas encore dix-fept ans, en-
» fuite lorfque j'étois en Hollande âgé
P de vingt ans, enfin à ri 8 ans , lorf-
?» que fétois à Paris. JL.es deftins jufr
»> ques-là fe foçt toujours oppofés ^
f» mes defirs. Etaot en Angleterre , on
f m'offrit pluficurs établiSemens ; j.e
*• n'en voulus accepter aucun que je
wn'euflTe vu l'Italie : j'en entrepris donc
> le voyage iorfqyç j'avois près de
9 quarante ans. »
Il avoit pour compagnons de voya-
ge Jean cc Bernard Boier , fils de
Baptifte Boier de Gènes , premier Mé-
decin du Roi d'Angleterre, Ç'étoient
deux jeunes gei|s dont il fait uu fort ç^^ ^^^a
grand éloge {a): il affare qu'il n'y 6.&ii. ^[
^ypir r^çn dç fi ippdefle ^ de fi docile lo. /
ïrS Vie
& de fi ftudieu^ ; ce qui lui feifd
»croire qu'ils répondroient aux inteti
tions de leur père , aux foins qu'il à
prendrojt , & que quelque jour î^
leroient l'honneur de l'Angleterre.
Ce n^étoit pas comme leur Précep
Xa^EfiJi. tcur (a) qu'Èrafme étoit avec eux ;
Rhénans, ils en avoient un que Fan appelloil
fifroUus. Qifton ; mais c'étoit en qualité d'ami <
oui vouloir bien veiller fur leurs étu^
des , .& leur donner des çonfeils. Il
ce fut qu'un an avec eux, après le-
quel teais n'itant pas content des pro-
4cedés de leur père , il fe fépara defes
enfans , fans cependant refter brouillé
^vec lui ; car après fon retour dlta^
lie , étant à Londres l'onzième No-
Xh) Efift.^^^^"^^ i;'i;2.il dédia Q?) à Baptifie
M« L. 10. Boier, prejrDier Médecin du Roi, la tra-
duftion du Traité de Lucien de l'Af-
txologie. Il entretint aufC des jiaifons
avec fes enfans ; & il paroît par les
Xc) Efijl. Lettres (r ) qu'Erafme leur a /écrites ,
*?• ^- *5' que ce fut Clifton qui occafionna le
refroidiffement entre leur père & lui^
Ce Précepteur fens aucun mérite avoit
fiirpris la confiance du premier Médc"
cin j & l'avoit indifpoCf contrje Erafmç
dont il étoit jaloux. Au refte cette in*-
J(i) EfiJl. difpofition ne fut qu'un nuage pafla-
57- L. i6.gçr{d) (jui ji'im^rrpmpit poJQt jpo,u;
toujours leur amitié : le plus grand in-
convénient qqien réfuka , fut ppurles
£Js de Boier , qui par leur féparation
d'avec Erafme furent livrés à un tnzvi^r
vais Précepteur , & perdirent les ava^T
tage$ qu'Us pouvoient retirer de la
<x)tiRpagnie à\n auffi grand maître
cju'Er^fme, La première ville d'Italie
pu il fit quelque féjour , fut Turin ; i^
y prit le grade de Dofteur en Théo-
*Qgi^ (^)» Il atfure dans fonLivrç /^j g .^
contre Sutor , que de célèbres Univer- nketu Ail
fités }ui avoient offert de le recevoir' Adaou
Ôpîfteur , qu'il l'ayôit fefufé J)lufieur|
rois ^ & qu^enlin il avoit prL^ ^ degré
4ans une F^cujté qui n'étoit pas ^nè
' réputation. Il écrivit au Pgre Servai?
{b) qu'il s'étoitfeitDofteur en Théo- î (B}Bpifl.
ïpgîe wlgré luj , 8c par pure pomplair îf • 6* 57.
§pce pour fes aiçis qui l'y avoient*^ î*»
prefque forcé ; ce qai prpuveroit c^^'à .
avoit bien ch^^é de fentiment , puiN
qpe , comme pous ('avons vu , il dpn-
i^qk aptrefpis pour piotif de fon voyâgç
4'Italje , la peceffité dje s^y procur/erie
gr^de.dePoâteur^ & d'acquérir parr
\\njie pjy3 ^ranfîe con^cïér^itioij. Il
feit 4aps une de kstt^tvc^ ^f'U^W^^ <^) %iy?-
Qfi la politi^fte des Fiémontpis. De Tu- u. l 15.
fin 11 ^lla à ^oulqgne (d) oh il ne , .x ^ ^
perte tQîs-/ci ^u up très-court iejour^ y//^ ^
(I20 . .'Vif / . - .
craignant de s'y trouvet petidant que
cette Ville féroit afliégée : car il y ar-
riva précifément dans lé tems que lé
Piïpe Jules IT. cherchant à réunir à
l'Etat Eccléfiaftique toutes les Villes
qui en avoiènt été enlevées par des
(a) Kai' "furp^t^Ufs r ne parloit pas moins (a)
ttalduf ^ an. ^^^ de mettre Êouloghe. à feu & à
^soé. ». lang , fi les Habitans ne lui livroientk
^^- Seigneur Bentivogle , ou du moins ne
le chi^lToient de chez eux. Ces mena-
ces ayant QiFrayé les Boulenois j Ben-
.■- tiypgîe prit le {jarti de s'enfuir delà
Ville , qui pour lor$ ouvrit les , portes
^u Saint Ptre.
, Pendant toute cette crife Erafme
(h) Eftjl. ^toit allé à Florence ( t ) d*où il ne
'35. & 37' rpvint'à Boulogne que lorfque le Pape
i.^*- ' y é oit. II- y arriyaaflfez tôt pour être^
t;émoin de l'entrée triomphante 'de*
Jules II. La Ville s*et oit fôumife le*'
(c) naî' ? Novèn.bre ly o<> (c) ; le Pape y vint'
mldnsy fi. je lO de ce mois^' & le lendemain il y*
2^ & 30. ^t une entrée fifuperbe, qu'frafme
gui la comparoit avec la miarche des
Apôtres , ne put s'éaipêcher d'en être
fcandalîfé , & d'en témoigner lohg-
(d) ApO' xçm^ après fon indignatjôq ( J).' Les
!^f^^ ^f' tïidgm{i(:i:nces que Ion vit dans cette
lellum 5tU' occafion , furent un lujet de fatyre pout.
«iV*. les cnneiois de Jalçs 'II* L'Auteur d\x'
Pialogue
p*^ Il A s M ?. T2t
'Dialogue de cePape avec S Pierre (a) (a) Dm»
hit ainfi carier Jules : » Si vous pi'aviez Volfius , ^
»vû entrer en triomphe dansrflouloCTe l^^^^""
jÊ amfi qu un Roi , vous auriez peut- ^ ^^
» être méprifé tous les Triomphes des
arOftayes^ des^cipion»; vous ne me
.9 défappr^uveriez pas d'avoir donné
^tzm de-preuves de valeur pour con-
9 quérir Boulogne. Vous euiliez vft
9 dans ce moment d'un feul coup d'oejl
^ l'Eglife militante & l'Eglife triom-r
»>phante. » Onpçut voir 4è détail dj^
cette fête Pontificale da(is P^ris d^
Grailis 4c dans^^Rainaldus.
Erafme^tant i LSuvain avoit 6b»
tenu de TEvêque d'Utrecht (b) d^e ns^égU
ne point porter l'habit de Chanoit\ç5^i.v4ittf
Régulier , à condition feulement qu'il
auroit un Scapul^ire blanc. iJ&nt 4e
cette difpenfe , il S'habilla de noit
©n Italie , confervant toujours le Sca-
çulaire ; ce qui penfa Jui iÇcfûter If
vie à Boulogne.
La*pefte .yfuFVint; & il fut or-
donné que ceux qui foigneroientles
peftiferés porteroient un linge blanc
lur l'épaule gauche (c^ afin qu'on les (c) ^fi.
reconnût , & qu'on pût les éviter. î.L.j^.
'Erafme étant allé rendre vifiteà un de
•fes amis , fut xencontré par deux hom-
*8cs qui lé prirent pour 4e Médecin de§
122 y I ,K
pçftifercs; & étant fort ofFenfés.de^
qu'il ne fç.détournoit pas , ils mirent
repée à la main , dans l'intention de
letiier, ce qu'ils euffentjait , s'il ne fç
'fût fauve promptèment dans unemaîr
ion , d'où une ^fcmme leur cria que
celui qu ik croyoient être le Méiecm
des peftiferës étoit oin Eccléfiafti*
^ue.
Un autre JQurjétant en chemin pour
aller voir une de fes connoiffances>
il vit tout d'un coup urî grand notnbre
de gens accourir lîir lui avec des bâ-
tons, & en jettant des pierres,^ criant^
Qu'on tue ce chi^» Heureufémçnt qu^
ces cris tumultueux un jeune Seigneur
ÏUperbemerit vitu fprtit de fpn Hôtel;
Erafme fe réfugia vers lui , & liii de^
manda quelle pouvpit êtrelacaufed'uç
^igraiidmouvejmentj à quoi le jeunf
homme répondit , qtt€ e'étoit ce Sca^
pulairè qu Erafme pçrtoit qui trom?
poitle Peuple, & qu'il 'i^ouvoit être
îtlTuré que l'un de ces jours il feroitaf?
fommé , is'il contiçupit de le porter.Cç
difcours fit faire àes réflexions à Eraf*
me: il prit dèsJors la réfolution de
cacher Ion fçàpulaire fous foii Habit 'j
& afin qu'on ne pût pas lui feire un
crime de n'être point habillé en Chji-
çipine Régulier, il demanda au P?^^
^^'E EA sue; #â|
;ffà\es If •une difpenfe (a) de porter W ^p/l»
xet habit. Le P^pe lui accorda la dcr ^^^^^i^
^DandC) à condition ^'il feroitv^tu
tn £cclé(lafiique;&a>€ine il lui acco0-r
ia rabfolution des £iutes qu'il auroîr
pu (aire en manquant de porter Tbar
m de Oumoine Régulier : Léon X»
ians la imte confirma J^ 4^i^n& it
ion pjrédeceflfeur (i ), (h-) ^ijtf
Il étudia beaucoup tout le t^n^^^nwL
xju^ilfut aBouJogne; ilyfituneDécla^
«atiouen deux'parti€s(c) fur }a vie (c)tf}fi^
ileligieufe. XI dili;ût<ia]is la. première 9^'^*
4out ce qu'il falioit pour en détourner^
£c dans la fecppdt« il,cnfeift)it vpir toq^
îles avantages,
Cet^Ouvrage ^*a point été donné m
^Public. Il rejgut fon premier Livre
des Antibarbares ( d) ; il fit quelques- (i^ %pfjl^
^66 de Tes tra4u^ions d^ Ouvra- 9* L duu
£es Grecs. Oa le prefla plufîeurs foi$
-kt donner quelques leçons publiques j
jnais jamais il n'y voulut confpnqr ^
Îarce qu'il écoit perfuadé ( e ) que les W)1U. ^•
taliens qui ne pouvoient s'accoutumer ^"-t . V^
i la prononciation latine des AUç- [ yj^Ac
4Bfimds, fe iiiocqu©roi.çnt.4e lui. Rcucblii
Il 4cmnoît quelque partie de foiipa«lV|4w
tems à ^éducation des jeunes gens., p. y j j*
ic apparemment qu'il fut peu content
g^»Sig leur comJ^it^Çj au de leur proi»
ê
*ô4 V I .B
^ ^jgrès , ou xle leur reconnoiffance ! caf
• dj^ns une Lettre qu'il écrivit plùfieurs
années apr^s fon départ d'Italie , il fe
Ïlaint que fon inauvais génie Ta engagé
faire quelques éducations à^ Boulo-
gne (i). /^ "
* Il y a voit pour lors dans rU nivcrfi-
té de 'c^te -Ville un femeu'x Profét
feur en Langue Grecque, que Fto
appclloit Paul Bombâfias ç^Erafrté fe
4ià déTamitié la plus étroite avec lui;
& leur unioh dura tant que BomDafiUs
vécut. Ilsfurent'en grand tommerc^
:de Lettres , ' comme ^n peut en juger
.|)ar le recueil de celles d'Êrafme.Lp
Cardinal Pucci prit danà la fuite dès
temspourfoh Secrétaire Bombafius ,
0} Baiîe. qui périt (a)malheureufeaient ï Rom^)
C ï ) Qs^^à ad juvenes gttimt , fcttê m
é ,û nullo Hhfthûto femper fiiifi atiefiiiret^ »
quàm excef fondai am' c^randu adolefctmi'
*ius : quanqtiam Bononia malûs geni$$f mcuf
prcfemodùm inv^lverat illi retu 'Epiftola
'tnanufcripta dé Bajle j^zî. 8, Fafchte, Fran-
rifco Afulano. - - * '
Cette Lettre n'a jamais été imptimce ;
elle ipV été compium^uée très obligez^^
ment par S. E. Monf^gnepr le Cardinal
Paflîonei Bibliothéquairc de rEglifc Ro*
maiiie, qui cherche toutes les occznqns
•'d'être utile a la République des Lettres» 1
;4pnt il eA un des grands ornem^ns* ' ^
brfque i^Armée du Connétable de
fiourbon s'empara de cette Ville Tau
IJ27. Ilyouloit fe ûuver dans le Châ-
teau Saint-Ânge avec le Cardinal Puc-
ci j mais ayant été çnveloppé par une
troupe de Soldats y il fut inhumaine-
ment malfacrè ^ tandis que le Cardinal
eut le bonhçur de s'échapper. Erafme
avoit la plus grande eftime pçurBomr
bafîus : il a afluré ( a ) qu'il n'ayoit ]zr (a) Ref-
mais vu perfonne qui eàt tant de can- ponfio ai
dcurque ce Savant, . .- • ^^^ ^^^^
Il avoit augmenté confidérablement 'j^J^J'"'^'^ '
Tes Adages à Boulogne* Ilfouhaitoit
avec paffion qu'ils puflent être impri-
i»és par Aide Manuce i le plus célébra
Imprimeur àece^écle^iUui écrivit (t) W ^fjfl^
ïj'il avoit revu "cet' Ouvrage avcc^^"^"'*
grand foin , & qu'il le lui offroit à im-*
primer. Aide lui fit réponfe fur 1er
champ , que ce feroit avec le plui .
grand plaifir du monde qu'il le charge v
roitdel'impreflîon de fon Lïvre, Eraf-
me ayant reçu cette J-ettre, quitta
Boulogne oii il avoit demeuré un peu
I^us d'un an ( c ) î il alla à Venife , & (••) Co/rtp.
fc rendit d'abord ï la boutique d'Al-'^'*'^*
^5 où on le fit beaucoup attendre ,
Çwce qu'on ne le connoiflbit pas. On
s!imag^noit qu'il pouyoit être du nom*
^^ de ceux que la curiofité attiirois
Fiij
dans cetiîè- fameafe Imprinferîe , ^
^i fouvent ' importunoient fort Ma*"
ituce ; mais s' étant fait annoncer , Aider
n'eut pas plutôt entendu fon nom ,-
ôu'il courut à lui , & lui demanda par-
don de ravoir fait fi long-^tems atten-
dre : il l'embfafla cnfuite tendrement,
& le mena^ chez André Afulanus fon
Beau -père, dont la maifon devoir être
fon logement. Il y trouva Jéfôipe
Aléandre qui depuis fut Cardinal , &
dont nous aurons occafion de parfer.
Erafrae dans fon fécond Livre contre
h Prince de Carpi fait atnfr Phiftoire
de cette édition des Adages. » J'ayois,
ai-dit-il , apporté d'Angleterre tous
» les matériaux de cet Ouvrage à Ve-
3ùf nife. J*ài eu l'ambition qu*il tom-
i^bât entre les mains d^an fenieuîC
* Imprimeur ; Aide s'en chargea avec
yi plaifir : j'ai été près de huit mois
» dans la maifon d'Afulanus. ^On co-
3»*pia & Ton imprima le Livre en peu
»detems : j'étois fi occupé, que je
i> n*avois pas « un moment diô temsi'
» moi ; Aide avouoit qu'il étoit étonné,
5> comment au milieu du bruit eiFroya-
»ble que feifoient les Ouvriers, je
s^pouvois tant écrire. Je revoyois cba-
*>• que feuille après les autres Correc-
»• wiF» , aiia d< pouvoir «ncorc-fei^^
B^Er A SMÉ. 127
»1es dhangemensque je jugeois à pro-
»pos. 11 y a voit un autre Corredeur
«que l'on appelloit Séraphin. Aide
» relifoit après moi j & lorfque je lui
*demandois pôtirquci il prehoit cette
» peine ^ il me repondoit que c^éroit
• pours'inftruire. Aide m'a prêté plu-
» fleurs m^nufcrits j & il n'a pas été
=^le feul qui m'ait fait ce plaifir: Ja-
» nus Lafcaris , Marcus Mufurus , Ba-
*ptiûe Egnatiys & Urbanus Regius
»m'en ont^auflî prêté, ^r
Jules Scaliger, dans fa féconde Sa-
tyre pleine des plus furieux emporte-
ïûens, nous/epréfentc Erafme à Ve-
fife comme fcandatifant tous ceux avec
^fquels il vivoit par fon ivrognerie.'
Il afiure qu'ayant rencontré à Man-
que Aide Mânuc'e , ils' s'entrerinrenf
^Êrafme j que ce fameux Imprimeur
Kjl avoua , qu'Erafme lui-feul faifoit
plus d'ouvrage que n'en auroient pu
»^te deux autres hommes ; mais qu'il
avoit ajouté que le tcms qu'il ne don-
"my pas au travail , il le paffoit à
^ire amplement de ^excellent vin'
Giec. 11 avoir déjà dit dans fa prc-
«îiere Satyre, en s'adreflatït àErafm^
^^me , „ Après avoir brifé les portes
* de votre Couvent , vous vous allâtes
?^caçher chez Aide , comme un ours
F iiij
m^' Vit
3»^qui s^nfuft. tes Italien^ qui ti^vaîl-
àirloicnt avec vous dans cette Impri-
>• merie, éroient indignés dé Voir que
» tandis qu'ils faifoieftt leurs ouvrai
a^ges , vous allies^ diver votre vin#
àrFalloit-il être à table f vous étiez
ai'îeur compagnon ; mais dès qu*fl
i) étoit queftion de travailler,, vou^
à» vous en allie:^. Ils en étoient dans
*une telle colère , qu'ils avoient bien
3) de la peiné à'nevouîpas maltraitef.
i^Pai eu pour Précepteurs quelques-
-uns de-ce§ gens* là ; & ce fdhr eux-
» qui m'ont raconté ces faits. » Il
eft très- confiant que s'ils ne font pàS
entièrement inventés par la fureur de
vouloir outrager un ennemi , ils font
du moins extrêmement exagérés. Nou$*
M B/>§?. avons déjà vil (a) qu'il étoit en liai-
Mifi^ fon d'eftime & de confiance avec uA
grand nombre de Sâvans qui pour lorî
étoient à Venife j outre ceux aue noua
avons nommés , il futaufluires-con-^
fideré de Paul CanaleNoble Vénitien*,
& d'Ambroife Leoit de Noie très-
fkmeux Médecin , aved lequel il con-
ferva un commerte de Lettres. Il y
(Jb) Èpiftren a une de ce Médecin (b) parmi
p%, Im 10. celles d'Erafme, qui lui rappelle lé
fems qu'ils ont pané à Veniiè enfera-
We : elle prouve que ron|)ouvoit faire
B^E R A s M E. 129
fcavenir Erafme de ce tems-là (ans
f expofer à rougir ; & lui dans fa ré-
ponfe (il) ne craint pas d'aflfurer, eit (a) Epiff.
prenant à térafoîii Ambroife Léon lui-»^» ^ *••
nSêmé , aù'il avôit été très-lié à Venifé
avec Alde-BaptifteEgnatius, Jérômt
Aleandre & Marcus Mufurus. ' Enfiri
il avoit affez de confidéràtîon à Ve^
nife , pour que Jatfliis ou Jean Lafca-*
Hs, Artibaflfedetrf du Roi Louis XIF,
pihs dé la République , Tenvoyât (b) (B) Rép5i
fouvent priera manger. Le fameux Al- fe au Pfii-
Yiane qui commandoit les Troupes dé^®**? ^^^pV
Venîfe, un des pKis célèbres Généraux* ^ ^^'^
dé foft fiéfcle , Tftività auflS" à dîner "^ "^*
ne le conhoîflant que par 'fa réputa-
tion ;' mais Erafme ne fut pa^y j»llèif ;
S^inême il ne te vit jamais,
Jules Camille , Jules Scaligei- & lé
Fnnce de Carpi , tous trois ennemi*
d*Erafme , ont afifuré ( c ) (Jtfil avoit (c) Ept/t*
été Cofi*e6leuri ga^es d*Alde, & paf 570. Ap*
tonfequèjîlf foli domeftiîjue ; mais il l^a f ^"^^ .^
toujours nié hautement J il a même fou- p^^^^Q^^^
tenu que lorfqu^il étôit atrivé à Venile , J^ à gV-
11 jn avoit pas befôirt du^ fecburs dei tiui.
Italiens pour y vivre » & qu'il avoit
affez d'argent pour s'y entretenir penr*
dant deûx^ ans > fans compter celui
qu^n lui enVôyoit d'ailleurs. ;
Att rcfte nous remarquerons, qixç
FV
au
dans les premiqrs tetns de PIi»ptfeï€^*
rie la profeffion- de Gorreâfcur n'étoit
en aucune façon ignoble : elk fut exer- -
cée par les plua habiles gens ; & l'on ^
voit dans le nombre des premiers Cerf-
reâeurs des hommes tres4mporta{is ,^
tels que Jean Lafçaris dont nous ve^
nons de parler , ik Màrct^s MuIUrus^
qui fut élevé psar le Pape Leon^ X.'à la
dignité d'Archevêque* On tr<>ttA^ dans
(d) Tome Maittaire ( a ) la lifte des pi^emieiTS
Titp.10?. Correfteurs, parmi-lefqiiels il yadei
noms illuftres. ' )
Malincrot , Dbyen de Munftef , r ^
(^) 6he- prétendu ( k) aufli qu'Erafineavoit éo$-
fhler , ori- Correéteur d'Irtj|^iinerie, Ce n'étoit
éin€ de p^ pQur lyi en feire un reproche.; it
Hmpnme.f^ foj.^^^.^ fur le témoignage dePiôrre
p^rt» 2.*. Opmeer , qui aflbre dans fa Chroni*-
que q^'Enrfme fit cetteibntSlioii'à Lo«P
vain ctez Théodore Martin^ Mais ^
Cheviller ôbferverqH'il y a raifoirde
douter qu'il ait fait cet office pjWC
d'autres livres que j^oor les liens» -
w Car , dit-il , fi Erafine avoir été Co|-
» redeur d'Imprimerie àLouvain > k ■
»^0iiw:e de Carpi & Scaligf!r qui Ivf^
/«-ont reproché d^avoir iak cèçte foflr
s>4lion à Vernie , n'auroiem |«as maiït^
a» que d^- dire-qu'iIUavoit exercée à ^
y^4uO\kwin i-m\ïi\ï y a lieu -de^cpoir^
d'Érasme. iji
^qu'Erafmé corrigcoit feulement fes
• propres Ouvrages chez Théodore
» Martin à Louvain , ainfi qu'il le fai-
îToit à Venife chez Aide. » Zeltner
tf crû ( a ) qu'Èrafflie avoir été Précep- (a) Maît-
teur du célèbre PaulManuceîls d'Aï- taire, t. 3.
de; mais nous ne voyons rien dans fes P^"* *' P*
Ouvrages qui jpuifle confirmer ce fait. ^^^'
B eft Tort pomble qu'Erafme ait bien
voulu prendre la peine d'examiner le»
premières études du jeune Manuce ;
ce qui eft conftant , ell qu'il n'étoït
encore qu'un etifant, lorfque Erafme
étoit à Venife : caf dans une Lettre
écrite le ij- d^Oiftobre lyip. à Am-
broile Léon (b) Erafme fait faire fes (^y EfiJI.
cbmpIimensàPaulManuce,qu'ilnom-ip. L. i^.
itie Manutiole , &qui, dit-il , n'étoit
encore gu^un enfaùt , qui vendit fouer
^tour de nous pendant mon féjour à ^
Venife.
Les jaloux d'Ërafme qui n'ont été
C'ccupés qui diminuer fa gloire, ont
I^tendu que fon féjour chez Aide
wit beaucoup contribué à le rendre
p|^s favant qu il n'étoit. Quand cela
fooit , on ne w(M pzs' trop en quoi
«gloire d'Erafme en devrôit foufFrîr,
Ifa traité férieufemeht cette queftion
Qaiis fes Livres contre le Prince de
v-itjriôc (Contre Curtius , qui vouloienc
F'vj
131 V I i ^ ^
faire honneirt a Tltalie des progrès/
qu'ils fuppofoient qu'Erafme y avoic
(a) Efijî, faits dans l'érudition: il eft convenu (ji)f
Î7> ^» 3 !• que le défir de fe perfeélionner dans le
Grec(i) avoit été un des motiFs de
fon voyage ; maisii a foutenu, <]ue les
^tildes y écqient moins brillantes qu'iî
ne fe l'étoit imaginé, parce que Içs'
gvierres leur faifoient un grand tort^
& qu'il favoit beâùcpop plus de Grec"
& ae Latin lorfqu'il v arriva , qu if
ft'ei^avoit furla fin de fa vie, D a alTu-^
ré , que la curiofité Tavoit conduit erf
fealie plus encore que l'envie d'acquérir
de la Icience. » Je ne dois j-ien à ^Italie'
af de ce que je fâi; difoir-il au Prince'
*> de Carpi 'î pHitàr Dîèu que je lut
^ euffe beaucoup d'obligatiôtt l »
Erafme après avoir demeuré quelque*
tèms chez Aftfcîanus avec lequel il''
mangeoit, trouva que fon tempéra-
ment ne s'accommodoit pas du genre'
4fe'vie dà beau-pere d'Aide : il s'en/
expliqua- avec lui, & lui demanda**
(^y ^é- (b) fi Aftïlanus trouveroit mauvais qu'il ^
ponfe au fe iîc apprêter à manger dans fa cham- '
cï""-^ . ^^ bre. AWe répondit qu^il écoit fort le *•
4htf^Uf« ^ ^^^^^^ ^^ f^i^^ ce qirf lai conyiendroic
le^^mieux j-qu'Afulanus ne prétendoit-
teagêner cri- aucune façon.
,La fanfé d*ETafme s'étoït dérangé
depuis peu ; il étoit obligé tl'avoif
recours à un régime très-exaâ : il
venoit de refTéiittr iesprenûeresauein»
tes de la graveUe y qui le tourmenta *
cruellement le refte de Tes jomrs » & Itf
mit fouvent fur le bord de fa foife. I^
écrivoit jplufieurs années après^fon dé-
port deyenifeâTFrariçbisAfiiiamis:*'
» Je n'oublierai Jamais notre ancienne
» aimtié ;-4c u je voulois l'oublier,
9 la graVelle que f ai fentie pour ht
9 première iois-i Venife-, m^cn fe-*
» roit bien rdteitvemr (i). » Il ju*»^
gea donc à propos de manger à fonr
particulier 9 & àfes dépens.
L'£ditiondes Adages^ qu'il donna
\ VénMè rfeft pas la plus eoDçplette î*
c'eft pourquoi on en parlera ailleur§«^
Les Âdagas ne l'occupèrent pas feuls
dans cette ViÙerî il y revit les traduc-
tions de THécobe- & dlphigénie en^
Â4dide d'Euripide y Se iV^ donnr
( 1 ) Cette Lettre n'a' jamais été impri-
in^: Monfeigneur le Cardinal Palfaoncia eu
la'bohié de me la comcnuriiqûet."
Ncc cblitus fam noflrœ friftina èonfaetu»^
âittis ; nec'Ji ioelim oblivifci i finat cmIch-'^
lut y qi^emiftic frimim cpllegi ^ mcquefub'^*
inie refefeni , Venetim commontfacn. Do-^'
Salie, i5^# Cal, Ajprilirfaiii -1513*'
uhe nouvelle Edition/ fil donna? «ne '
Edition de Téfcncé; il revit le texte
de PlaUte, Seie remit en meilleur or-
dre. On a prétendu qu Aide lui avoic ^
{J) 2.«4- donné quaram« ducats (^) poui?
mgima fon travail fur Piaiftej mâi^ il affuré-
^uretu qy«y ^y^ jamais reçu que ving^
Çb) ri- écuèfb).
gmti corQ'. ,Totites let foir qu'il a eu oGcaffiônf
Ttl^''^ parier d'Aide, il l'a toujours feit
^^' ' ' ' avec de grands témoignages d*eflîmei'
Il en eft queflion dams les Aàiifges t"^
Fàrtide A4rcy yank Umkieiiti, Aide,
ajjrès Augufte & Vcfpafkwv avoir
adopté cette fentence ; Eraliâe en^'
, ., prend occafion de foire l'étoge de ce'*
?ô . Chi- célébrief Imprimeur (c) : il le repré-
clnturie I ^^^ coWïHie* un homme dfrflilrié à ré-
Pfov. I. p.* tablir la profonde érudîtiori*«NSi quek "
401/ ' ' atfijuè Dieu ami defe Belles-Lettres fa^
» Vorife les* vœlix de notre Aide j dit-
» il, jepronrçts aur gens de I-»èrtre$^
aqf qae. d'ici à quelques aniiéér ils au*^
, » ront les bons Auteurs qui ont écrit
ar en Latin , en Grec , en Hébreu , en '
arChaldaïque ; qu'ils auront des Ou- '
» vrages fur tous les genres de Science ^
• imprimés avec foin, de forte que
»4'on n'aura plu6 rien à défiret^dans".-
»^les mat:e:es à: Liitérature. G'efî"
»iin traViitHi^ni d'HerciAe ôc* d'im
I pfcoiftagc vTaiement royal , de rétablir
I » ainfi les Billes^Lettres qui étoient
I 3i prefque anéanties ;^e -déterrer ce
» qui etoit caché ; de réparer ce qui
^ étoit mutilé'; de corriger ce qui étoit /
jr'défeélucux, -L'intention d'Aide eft-
» d'être utile à l'univers : auflî tout ce
» au'il y'a de Gens de Lettres favori-
»'lent les entreprifes ; les Hongrois - '
p^'& les fôlonôié même^ lui envoient
^^ d'anciens manufcrits , afin qu'il les
»» donne au public , &' ils les accomr^
ai^agrient de préfens. »
Aidé en {prvam utilement la Repu-
tilqae des Lettres, atnaffa- beaucoup
d'argent. Le goÛt pour les Livres
Grecs étjîit venu très-à la mode : il
etr profita poûfr vendre fes Livre» fort
dier; de quoi iê plaignit amèrement (tf) (<») Mé-'
Codrus Urceus naturellement de mau-*^^'''^^ Lit« •
vaàfe humeur , ^ qpi pour fe venger yledTco.
de cette cherfequ^il regardoit comme dfysUrce-
ttfi monopole, attaqua i'exaâitiide des us ^ p, a^^.-
Imitions d'Aide malgré la grande ré- 6t ^i^.
ptuation qu'elles a voient. Il eft forti
un nombre immenfe de-Livtes Grecr
âc^'îpaprimeried'Alde'^'; on {)eut ei^
yoirle'CWal0gae{i)dan^laBiblioté- C^) BihU"
qt^ Grecque der M.- Eahricius. ^>»t* y >• '
' Dès que les Adages eurent été im- ^">P-^V '
jaimés à Vçflâfe > £rafme fe* prépara*
â Tortîr dé cette VÏUe. Ce fiiV àveé
teaucoup de chagrin qu'Aide vit ce
départ. Il fit pluneurs inftances pout
le retentr entôre qùdque tems : il
vouloit étudier fous Jùi lés J>féceDtes
dé l'éloquence ; mais Erafitie s'etoît
ta)' Epifl. engagé (a)k aller à Padoue près d' A-
luir^tf»/» lexandre fils naturel de Jacque Roi
d'f^Qoffe, qui y faifoitfes étifdes , qudi
qu'il tût déjà* nommé à P Archevêché
dé Saint André, Il avoit envié d'avott
Erafme pour fonr maître d^éloquen-
cé : il fe rendit donc jprès de cet Ar^
éKevêgue pour préfidet^à fes étades;
Ce Fut à Padoue qu'il Té lia intimé^
t ment avec deux Savans du 'prèmî^*
dt'dre, Marcus MuTurus de Crète , Ôè
Scijpit>n Cartéromaque de Piftoie. Mù-
furus étbh un des plus favans Grecâ
àiii fût venu ènr Occident i & ce qui
étoit rare dans les Grecs', H (avoir
le Latin à étonner (i). Rhenanus'qui
(0 Êpift. Favoit oui dire à Erafme , affftre C^)
$t X/xj. qu'il n'y àvoitSflen d'obfcur pourMu-
lurus ; qu'il avoit tout lu , tout dis-
cuté ; Qu'il entendoit parfeitement li
fable , r Hïftoire & les moeurs des Arfi
itv r *à ciens. Il profeflbit le Grec à Padouei
^Jf!l^fj.lA:onX.kï ayant donné '(c) un' titr*
( I ) Ufjt^ ad miratulihm''^
d'ÉBtA SMTE. t^f
cKÀrchevêque (i) , il quitta Padoue i
& vint mourir peu de tfms après i
Rome. Erafme fit auffi une étroite
liaifon avec Louis Texeira> qui fut
Èiftituteur de Jean III. Roi de Pot*
tôgal , loffqut ce Fnn(îe n'étoit pas
encore parvenu au Trône, Il en hdt '
reloge dans l'Epître Dëdicatoire de
quelques Ouvrages de faim Chrifof-
tome au Roi de Portugal ; & il met
au nombre de fes bonheurs d'avoir
cennu panicùlierement Texeira.
Sa lanté ayant été dérangée à Pa* (a) EfiJ,
doue (fl)^ il alliaf à Sienne avec l'Ar- 69. L. »y#
chevêque de Saint André pour fe ré-
tablir j & là il fiaifoit des Pièces d*E*
' îoquence pouf l'inftrudïon du jeune
Prélat. ÎX les laiflfa toutes perdre , à
ia réferve d'une feule qu'il retrouva
plufieurs années après dans fes papiers 9
& qu'il envoya au Profetfeur Henri
Glareanus, afin que s'il en écoitcon*
tent ^ il exerçât auffi les jeunes gens
da'ns ce genre de déclamâtlôit. Il ap-
pelle Glareanus {h ) Thorineur de la {b) Epn*
Suiflfe. Erafme avoir pour lu> la plus <^9« ^« *^/
grande eftime; il en fait un très- grand -
éloge dans plufieurs' de les Lettresî
{i) A Leone Pûtittfice Mêmvafienjem
4r^hiefifs<faitim jamHaCiuj% Ejôft. Rb«tfanîi -
(tf) Efift. Nous y apprenons (a) qu'étant à Co-
^ •/* ^ T ^^0^ ' ^^ ^^^^^ ^Ç" ^^ couronne Poë"-
il.'^^ 'tique des mains dèrEmpereur Maxi-
milien,} qu'il étoit favant en Hiftoi-
. »xe » dn Mufique , en Cofmdgraphie ,'
^ en Mathématiqueé II profeflfoit à Baf-
(b) Efift. le ( è ) avec^iïfi très-grand fuccès ; &
r'a- L. iplorfque la révolution en nàîatïere de
Spijl. 2 2, |(eiigio^ s'y ftc^ il quitta cette Ville (c}
MEpiJi ^^^^ Erafme pour aller à Fribourg ,
'iti. L. 1$. oh il fut auflî Profeffcur public.
Ce petit Ouvrage ( i ) qu^Ef afintf
envoya à GÎareanus , avoir pour titre ;
Déclamation touchant la Mort y elle
eft' faite dafis le dcffein de confoler urr
Père qui a perdu fon fils : on y trouve
toutes les raifuns que la Philofophie
& la Religion peuvent foomir ( 2 )•
Ea- proximité der Rome augmentoit'
( 1 ) Il eftdans Ip quatrième tome d*E-
rafmc , avec ce titre ; Ueclamatto de M^ree y
Jhti confoîatioad Patremfilii ohitu affitdtmé '.
(2) Apres cette Déclamation, il y en a '
titie dani le quatrième tome d'Erafme, qui'
a pour titre ; DécUmatiancuU nomine Epif- '
c^pi refpwtdeniit ih^ qm fibi nomîneTofuU
gratulaU ejfeniy Ù^ommtmt nomme obedkn*
tiam quant vocan$ detulijfem. Ceft un Evé-
qtie qui parle , qui connoît l'importance de
fâ place qu'il occupe , & qui promet deùire^
defon mieux pour la remplir dignement. Ont
û^^iÀt pas en ^ucitemi^fetfetrtefOavt^i'
lè defir qu'Erafme avoit de voir cette*
Capitale du Monde ; il pria l'Arche-
vêque foh élevé de confentir qu'il s'é-
loignât pour quelque tems de lui , &
il fe mit en chenoin pour Rome. Sa ré-
putation y étoit déjà très- grande. » On'
» ne peut pas dire , aflure Rbenanus ,
» quels furent les applaudiffemcns &
» les excès de joie avec lefquels il fuf
:* reçu des Gens célèbres , non-feule-
» ment de ceux dont l'état & la fortune
#étoient n\édiocres, mais aufli de
w ceux qui éî oient dans les dignité*
>>les plus élevées & dans la plus haute
ai> faveur, tels que Jean de Medicis,
» Gille de Viterbe & Dominique Gri^
» mani. » Le Cardinal Jean de Medi-
cis eft celui qui fuccéda à Jules II. qui
étoit pour lors affis^fur le Siège de S«-
Kerre , & qui eft connu fous le nom
•de Léon X. Erafme lui écrivant (a) (a) Epifl^-
l^ulîeurs années après ce voyage de i« ^» »•
Rome , lui rappellent le tems qu'ils
avoient été en liaifon particulière ; Si
Eeon luifaifant réponfe (fr) convient (h) Ef^fi
^e dès ce temsr-la même il l'eftimoit ^78.
beaucoup. Gïlle de Viterbe étoit Gé-
néral des Auguftins : il étoit habile
dans les troi's Langues favantes ; Léon ,
X.l'éleva à la dignité de Cardinal ^JJ^/^'
dans la célèbre promotion ^uil fiçk j^^y, ,//
4(5
Yïi '
La manière dont Erafme fit coii4
îfbiflance avec le Cardinal Dominique^
(jrimanî', mérite '^d^être rapportée;
c^eft lui-même qui en a foit le détail
dans une Lettre à' Auguftinus Steu*
chus , bù 'il témdigîîéTa profonde douî
leur delà mort de ce digne Cardinal.
Pierre Bembe Noble Vénitien ( tf )
V) ^f^fi* qui depuis fut un des ornemens dû
g;J'; *pàcfé Collège, avoit été chargé plif-
^ ^*fieufs fois paf le Cardinal Grimani
d'inviter Etaftne à le venir>c3*r ; maî4
lui qui aimdît peu"' le"^ commerce des
Grands, n'y alla qu^après plufieurà
iriftances, & plutôt parce qu'il étoît
hbntçux de refufer tant de fois les
a<rarices1î'uri fi 'Grand Seigneur , qufe
par inclination. Il ne trouva perfonne
dans les cours ; c'étoit l'après-dînée ;
il'dbîînr fon cheval Kfon valet, &
monta dans les appaitenrens. Il n'jr*
ai^oit pas un dorneffiquc dans les troiî
premières antichambres ; tout«
tes portes étoicht ouvertes : il né
pôuvoit revenir de (on étonnement
eft voyant une fi grande folitude, Etl^
fin continuant toujours d'avancer , il
rèncontra un Grec qui gardoit une
t)()rte; il lui demanda ce que faifoit
lè'CardinaL CeGrec qu'Eràfmeavoit
|Nfis pcnir un Médecifr> lui répcJhdit
.|ue fpn Maître étoit çn converfâtioji
ivec quelqueç gens <f efprit ; & il de-
manda à Er^fme ^ ce qu'il fouhaitoît.
i Maurois voulu ^ répondit-il , faluçr
j>M,le Cardinal; mais puifqu*il eft
•occupé", je reviendrai une ajitre fois. »
Il prit en mêmé-tems le chemin de la
pone , en s'arrêtant un peu pour con-
fidérerparles fenêtres la bejle vue. Le
Grec revint à lui » pour favoir s'il ne
voùloit rien faire dire au Cardinal :
» Ce n'eft pas la peine de l'interrom-
épre, reprit Erafme; je reviendrai -
• dans, peu. » Ilfe contenta d'e dir^
ion nom que le Grec lui demanda. Il
ne Veut p*^ plutôt entendu , qu'il cou-
rut à l'appartement du Cardinal fans
qu'Erafme s'en apperçût; ilep fortït
prefque aùflîtôt pour le prier de ne
point s'en aller; ôc un moment après
On le fit entrer chez le Cardinal. Il en
fut reçp comme s'il eût été liii-même
Cardinal : le Prélat lui fit donner un
iiége ; Se ils eurent une converfation
;dc plus dé deux heures , pendant la-
quelle le Cardinal nç voulut jamaï?
foufirir qvi'Erâfme eût le chapeau bas,
La Littérature fut le fujet de leur en-
tretien. Le Cardinal exhorta Erafiçp
à fe fixer à Rome , oii les cens de
kérite étoient fûrs de trouver de %
>feveur ; il lui offrit en meme-tems (§
Maifon , & mêiTie de partager avec lui
fa fortune , en ajoutant que le climat de
•^ome conviendroit à fon terupéramenr^
Jk que le Palais ovi il h.abjitoit avoir été
tâti par un Pape qui avoit jjonné ]gL
.préférence à cet eipplaçement , pomraç
.jetant dai^s le quartier 4e Rome le plus
fain. Après que cette converfatipn eue
duré lon^-tems , le Cardinal envoyg,
^jchercher fçn neveu .: c'était jin jeun$
homme qui étoit déjà ArchevêquÇ|
^Lorfqu'il entra,Erafme vôulijt fe lever^
.IcCardinal Ten empêchaien difant qu'jî
opnvenoit que ce fût le Difciple' qùiL
ifât debout 'devant, le Maître* Il lui 4ç
^Voir enfuite fa Çibliothéqpe comppf^ç
des meilleurs Livres écrits en tout^
fortes de Langues, I^a conyerfatioff
tfinit p^r les affurjiQççs qpe le Çardins^
^tà Erafme, que ks.^p^rçs qp'il Itjl
^avoit faites, n^étoient pas de jBmpIei
.complimens [: iHç.pria dp ne pasj^-f
ger àe lui par les gens de Cour or4i^
naires^ qmi fpnt beaucoi^p de pro.'?
.ftieflcs 4ç ^^y'oT^^ aqçùn égarai & il
/exigea de lui qu'il oe fortiroît pas d§
' Jlome fan$ lui faire (encore une vifi»
;jtc( I )jf Mais il ne tint point parolç^
( 1^ Le péclamateur qui a i^t^ jLîvi^
.pute que dès-lors fon parti ^toît pris
dé retourner en Angleterre, oh. on
lui faifoit eipérç^r.une fonune brillan-
te ; & il craignoit de n^âvoir pas la
Jbrce de rififter i Péloauence & aux
bontés du Cardinal (f) qui defiroit (a) Efl/h
^vec pafCon de le retenir à Rome. Il u L« x«
s'cft Bien repenti depuis de n'avoir
pas accepté les propofitions de ce
CardinaU Sa Biblioth'éque étoit apr^
celle du Pape la plus confîdérablç
tp'il y eût pour lors iRome (ir ) • on (^) VghJn
Îrcomptoit huit mille volurnes. Ilétoit/n/, Ualtfi
tti-meme très-infti:îiit ; il traduifit d\l^^^^ ♦ ^ X»
Italien lé Traité de S. Chrifoftôm^ de P* ^3**
llncompriébenfible I^ature .de Dieu.
^rafme fut auflî en liaifpn avec d'au*
W Cardinaux » dont il n*y en eut
aucun oui ne le reçût conmie s'il eue
;été fon frère ^ainfi qu'U nous l'appren^
qui a pour titre : Senttpiens iEraftne con*
formts à ceux de VEglife taihôlique » croh '^
que c'eft le Canfinal 4^ Saine George qui
fcçut fi bien Erafcne. Cependant cet Auteur
cite la Lettre où tout le détail de cette con-
verlâtion fe trouve ; il faut donc qu'il Tait
lue arec une. grande négligence, pui(qu*il
«ft confiant que c*eft le Cardinal Grim^oi.
dont Erafmedéploroitlamort, & qu'il y e^
iipnimé comme le héros de cet entri^tien*
r ^ r
'144 y ï *
(4) Epiy?. lui-même ( a ). Il étp^t^à Kome lorC»
>. Apfend. (jue Jules | J. j Retourna jtprès la coij-»
ib)Apolo' cpêce deJjoulQgne, Il y vit (é ) Tea*»
gîa tfdvrr tr^e triomphante ou'y nt ce Pontife yp:
pu Smwî- 28 Mars I yoy. Kien ne n>anquoit J|t
^^'"^ la magnificencp de ce fj^^cje , doxjic
on peut voir la defçnptioil dans Içs
(c> Ra> Annules . (c ) ^£çcléliaftiques, Il f\up
iifl/iiix, iiii y^: Erafme plutôt un fujet de t ridelle
^ 4« que de joie , ainli que lavoit été l^ns-
trée triomphante de Jules dans Bouw-
Jogne , parce que pour lors il fit e;i
lui-nj^mc la ,c9m^araifon de la con-
jluite humble 3u Prince dps ^pptrj^
^vec le fuperbe cortège de Ion Suc-
çefTeur , & dans la fuite il ne craignit
point d'en faire Iç^coptraûe dans içss
Puvraggs; ce qui lui fut reproché p^r
StunJMca , comme s'il avoit infulté aux
Triomphes de TEglifé, A quoi Eraljipie
répondit , queje Triomphe de TÉglile
ne confifte point Mans un fafte très—
^ain & d^ns|ine oérerponie mondaine^
4lont même rougiroit un 'Prince prp-
fane s'il étoit fage.
Le Cardinat Raphaël de S. Geor-
j[e , un djBS Prélats de Rome avec ie-
.,quel Erafme étoit le plus lié , le char-
gea d'e la part du Pape Jules 1 1. de
faire lin Ouvrage au fujet de la guerre
^j^Me ce Pontife projettoit de faire aux
15* Er ASM F. ^4/
toîtîens; & k cette occafion Erafme
iGt deMx Difcours (a). Le premier f^' ^t^*
étoit|)our diffuadSr Jules de feire cette ^*^*^'^
Querre. Il rapportok dans le fécond
les raifons cjpi pouvoient y détermi-
ner ; & cooime il étoit pacifique de
fon natureL Se qu'il regardoit la Guerre
fcomme un fléau qu^ la Religion & la
raifon <:ondsannent également quand
eUe n'eft pas abfolument néceflaire ^ il
travailla avec plus d'attention le pre*
imer Difcours > dont l'original, dit-il #
périt par la perfidie de quelqu'un.
. C'eft à ce Traité cju'il fait allur
fion dans une addition i fes Adages (h) (t) Chi*
où il dit : P Npus parlerons quelque [j^^ *^*
j» jour de toi;it ceci plus au long , lorf- ^^^" ** '^
» que nous donnerons au Public le Lir
p^vre que nous avons 6it fous le titre
^de Déclamation contre la Guerre (r) ,
m que no^s adreiOimes à Jules II. dans
» le tems qu'il méditoit la Guerre con«
p tre les Vénitiens. » Cet Ouvrage eft
perdu f puifqu'il n^ fe trouve point
dans l^ colleâion de fes Livres.
Il peut avoir quelque rapport 9vee
la CompTainte àç U P<iix dont oi» a
déjà parlé , 6ç qu'il compofa à Ro-» (^) Cal^
me ( c )• Jul^ 1 1, qui fi^t inCbroxé du kreucer^
( I -) AntifoUm9f
Tmf k ^
iûujet de .cette DéclamatÎQn i Bc dolM:
ïes fentimens ne s^acçordoient poioe^
avec ceux d'Erafme, l'envoya cher-
cher. Ce ne fut piis fans ci^inte qu^^
)aUa è l'Auâience de ce Pontife imp4'r
jieux & violent ; mais il en fut quittj^
pour une réprimande i^ite avec dou-;
çcur, &poûr pnconfeil" de ne jamais
fe mêkr des aiffaires des Princes. Toitf
ce qu'il v av^it à Rome de Gens iar
vîins fe m honneur dç fe lier intimé*
ment avec Eralmè -, il ftit très-uni a ve^:
W R*Pû"-Scipion Cancromaque (^ ). Jl Tavoïc
^|^5T"^',^'aDord connu à Boulogne ; mais ce
if- Voyez f^^ à Rome qu'ils prirent l'un ppi^
*'Hoge de l'autre la plus grande amiti^é. CartercH
Cattero- maque rendoit de fréquentes vifites ^
tnaquc Erafme ; &; après avoir p^ffé pilleurs
ValeHa- ^ ^eures rafemble , Carteromaque ref^
nus, Jtfin- toit ^ manger avec Uii^ & quelque-
fehcit. Lit- fois ils coùchoient enfemole. Ce fut
tpraf. L. 1. Cancromaque qui procura la connoif-
£• î 1^* fance de Gille oe viterbe à Erafme ^
qui a aflurë qu'il n'a point vu d'homme
plus favant;que Carcerômaque , & plus
floigné 4e l'oftentatîon. Thoma^
Pbasdre fut aufli ami d'Erafpie. Il étolt
m tfifi garde (fc) de la Bibliothèque Vatir
ÎJji"'"'^* cane, ^ilavoit été|>rôfefleùr d'E-
* ^' loquence : il ;iypit le Jtalpnt (ïe p.arlejî
I>' £ R A s H E. f 4f
admirablement bien fur le ^hamp ; éc
jR^ome le regardoît rouime le Cicéroa
^e fon fiicle (i). Jules Camille , Fran-
çois Spha^rula , Philippe Beroalde le
jeune y furent auffi lies avec £rafme ^
qui ifldire que pendant (on Çéjour ea
Italie il n^eut pas la fîxoindre difpute
avec aucun d.es Savans du pays. Il a
en même-tems déclaré , qu il n'y avfcoit
point de Nation qui lui convint mieux
cpie la Nation Italienne , & dont h
iociét^ lui fût plus agrés^le*
Parmi ceux qui cultivoient dans ce
tems la Littérature à Rome , il y en
avok qui enfeignoient des fentimens
très-dangereux j ils ne craignoient pa>
tf atcaauer Timinortalité de Tame. M
Concile 4e Latran tenu au commçn^
cernent du /îxie.méfiéclç , Se une Bulle
du Pape Léon X. {à) font dçs preu^ f^) t^-
¥cs confiantes de ce ^it, Erafme ren- ^^^t^»»*
Contra un jour un de ces malheureux ^j^'*
îhUofophes ( t ) qui fe mit en tête de (b)Ecc!^-
îui prouver que le;5 anves mourpie^tJî^T?^/.
. ( I ) Nequfi diu fHipe fuis Thomas Pha^
(irii/, affluentifjpmnm EloquepHét flumen ,
J«o non ûlias eo temfore ora do darior , uf-
qut vehementîor fuît , Romana ipfe queqàg
^thedra decus & otnamentum. Valerianus
^emfelic^tate^ificratQniin^L^ u p. iS/.Edii
Î4^5 Viiï .
avec les .corps qu'elles înformoietii^
Son principal argurpcnt étoit fon<î^
fur l'autprité de î^line Je N^tural^fte ,
qui traite avep mépris ceuj qui crçiei^t
qu'il y a de la différence pntre la na-
ture ae«rame des bêtes fie de ceUe d^es
iiommes. Ërafme lui fît voir qi^e 1^ ma«
niere dont Pline r^fonnpit lorfqu'U
parle de la natuf e de Tame , ét.oit |î
aKfurde , que ç'étoit vouloir f^ trom-
per de giaieté de cœur dans la ipatiere
du monde la plus importante ^ qi^
d'admettre des fuppputipns auflî ex-
travagantes que celles de Pl^ne; Jl
crut ^vpir ainfi confondis ce j>rétcndjti
PhilofopheJ,
Avec de pareils principes , il n'e|l
pas Turprenant qu'il y ait eu à Rom^e
dans ce tcms là beaucoup d'impie?,
^rafme rapporte avec douleur ^ qull
a [été Ipi - même témoin oculaire dç
plufieurs btafphemes exécrables, qi|$
jdes incréduleis ofoient avancer en pr^-
fencc de plufieurs perfpnnes fanj qu*pi|
jUs inquiétât ( i )•'
( I ) At jfgo Rpma hts auribut anOyi
fuofdam àbomtnanàh blaffhemih àehaccha^^
tes in thrSftum f!r in itlîus Apoflolos , idq%fe
wuïih mecum fludîenMui > èr quidem im^
funi. Ibtdpm ntttUos novi , qui cfûimemorf
%flns fi di0a hcrnndM audip à wibuf4ép^
f
tiOrfquM fat prêt de fortif de Ro-
me, on fît encore (tf) de nouvelles' W Efifl^
tfentative!!5 pour Vy l'etcnir i on lai of- ^^*
fHt la place de rénitencier , dont les
revenus font confidérables j on lui fit
cAtendre que ce (eroit un degré pouf
parvenir à ce qu'il y avoit de plus éle-
vé. Mais il avoit pris de fi grands enga-
gemens avecTAligleterre^ qu'il s'ima-»
gina qu'il y auroit de la légèreté &
de rinconUance i écouter d'autres
pfopofitions.
Il fortit donc de Rome, au grand
fegret de tous ceux qu'il y avoit con-*
mis ; ils auroient voulu vivre toujours
avec un Savant , dont la fociété éteit
délicieufe. Le Cardinal Raphaël de S«
George lui écrivant quelques années
après ( fr ) au fujct du bruit qui couroitr (h) Epi/t.
gu'il alloit revenir à Rome, lui té- '3« ^* »*•
tooigne la douleur que fon départ
avoit caufé à fes amis. » Vous nousf
I» avez affligés , lui dit-il , lorfque vous
a* êtes parti de Rome ; venez nous ré-
* jouir par votre retour. » Il eut auflî
de fon cAté beaucoup de chagrin , de
lie croire dans k néceifité d'abandon-
iacerdotîbus Aûl^éTomificia Miniflrisy idque
in iffd Mijfi , fam ctarè , ut fa vox ad mtU'^.
Hrum auru fnvenmh Épift* 34« !•• 2^«
G iij
tço Vis
Ber une Ville , où il avoît taœ ScicÛ
puiiTans amis , dont les mœurs , le
goût, le caraâere étaient conformes-
(a) Répon- à fa manière de penfér ( a). Il ne lixC
hs à Cur- pas longrtems fans fe repentir de ne
^^^ les avoir pas crûs , d'autant-plus que
ks efpérances de cette brillante for-
tune qu'il avoit efperé de faire en An^
gleterre, s'évanouirent bientôt,
n\ V -n ^^ fortant de Rome , il retourna à
KhlSi. Sienne (t) , oà il avoit laiffé F Arche-
vêque de Saint André , qui fe préparoir
à s'en retourner en Écoffe ; naais ne
Voulant pas quitter l'Italie lans avoir
vu Rome , Erafme y retourna encore
avec lui. Ils allèrent enfemble jufqu'à
Cumes pour y voir FAntre de la Si'
bylle; 1 Archevêque retourna enfuite
cnez le Roi fon père.
Erafme n'a jamais eu occafîon de
parler de ce jeune Prélat., qu'il n'ea
ait fait de grands éloges, » C'étoit ,.
(c) Ada- a» dit il dans fes Adages (à), un jeune
^^ru^v^A* » homme qui n'avoit pas encore vingr
" ^ *^ ^ » ans , & qui avoit toutes les vertus
» que Ton peut admirer dansquelqu'uiif
» de parfait. Il apprenoit fous moi à
y* Sienne le Grec & la Rhétorique. »>
Il aimoit tant Tétude , qu^il voulott
apprendre même pendant les heures da
repas ; on lui lifoit pendant qu'il niaiir
V,
2. p. SU
tH.:>
^oît les Epitres des Papes 5 ou cmtU
Gues Ouvrages de S. Jérôme ou de S*
Âuguftin. 11 avoit fi bien profité de
fes leélures 5 qu'à dix-huit ans il pou^
voit paffer pour vtn homme fort inf-
truit. Ce fut lui qui donna à Erafme
f Anneau oh étoit gravé le Dieu-Ter-
àie , dont il fe fervit ( a) pour foire forf W Efijl.
eachet , après y avoir feit graver cette ^^* ^•. 3 *•
devife , Concedtf nulli , je ne cède à
perfonne ; ce qui lui occafîûhna des re-
proches & des difputcs , dont on ren^
dra compte ailleurs.
Ce jeUne Seigneur qui donnolt dé l
fi grandes eipérances , eut une fin mal-»
Beureufe. Henri Vlïl/Roi d'Angle -•
terre âVoit déclaré la guerre à la Fran-
ce par complaifancé pouif le Pape Ju»*
les IL Jacqué IV. Roi d'Ecoffe allié
de Louis Xll. crut être obligé en verta
de fon alliance avec ce Prince , de dé-
clarer la guerre auit Anglois : il en-
tra eff Angleterre ^ la tête d une grofle
armée , accompagné de Ton fils l'Ar-
chevêiiue de Saint André ; il donna
bataille au Comte de Surirey, quicom-
mandoit l'Armée Angloife. Il y eut une
aftion très^vi^c à Fîodden ( i) fur la
Tuvedelep Septembre lyij. Le Roi f^^Rap-^
ià'Ecofle y fut tué avec l'Archevêque xhoirai, u
^ Saint André i Guichardin pré- ^ p. 7/.
Giiij
ïyi V I «
la) Guî- tend (a) que plus de douze mîlîé
chardinjL.Ecoflbis périrent dans cette Batailles
jÀy n, 6* Les Angtois fort dévoués pour lors aU
Saint Siège , crurent que cette Vic-
toire avok été mirâculeufe ; & Tho-,
ifias Morus oiï le croioit, ou ici^
gnoit de le croire , ainfi qu'on peuC
s*en convaincre par une pièce de Vert
qu'il fit à cette occafion ( i ).
(i) Dum ftusHtnricHs viClricibus ajfcrh
êrmri
RomanQ te iterùm , Gatlia , Vomtfici %
Scotorum Jacobus regnum Rex ecce Bruant
num
Occupât infefiis imfiut agjntintbus^
Padera mn illum toties jmrata moramur y •
Ccnjugh infratrem fuin ferai arma ftug ;
Quin GalUfidei comitemfe adjungeret hoSi ^
Quin cuferet Pétri mergere naviculam»
ikc mirum ejlf celer ê hmc fi vir cenceferit ^
infans
Cade fatris teneras imhttit ante mântum
Ergi volente Deo periit cum ftrage fuorum ^
Exitus & [celer urn qui filet ejfe , fuit.
Pour bien entendre cette fin^ îl faut (à*
voir que Jacques III. père de Jacques IV.fut
tué dans une Bataille contre les Seigneurs ré^
belles , qui avoient à leur tête Jacques;
r. Rafin Thoirai ^ t. 4t p. 434? Voyex auffi
d' E R À $ M E. 13*3
Efafihe ne refta pas long-tems en
Italie après le départ de l*Archevêque
de Saint André : il en fortit fans en la-
voir la Langue ; ce qui Pempêcha dd
profiter du commerce de quelques Sa-
vans. Il rapporte (a) qu'étant i Vcnile, C<») ^fifl»
il y rencontra Bernard Gcricularius de ' *^ V ^"
Florence , qui écrivoit l'Hiftoire en ^f ^"
Latm comme Sallufte. Il voulut lier Livre,
converfetion av€fc lut; mais Ocricula-
riûs né répondit qu'en Italien. Erafme
eût beau lui, dire (b) qu'il n'enten- (^)V.54iir^
doit pas plus cette Langue que l'In- nV Afîner-
dienne ; 1 opiniâtre Florentin perfifta à t/ii , p* 8ii«
lîe pas vouloir prononcer un mot de
Latiri : ainfi ils le féparerent fans avoir
pu faire aucune converfation. Si parmi il
les Savanis de ce fiécle il y en a voit quel-' \
cpies-uns qui avoient de la* répugnance
i parler Latin , àt peur que la nécef-
feé de trouvcf des mots & d^arranget^
prompteroent fes phrafes ne les accou-
tumât à s'éloigner de la pureté duftyle
des excellefls Auteurs , il y en avoic
auflî oui pliis curieux de la tacilité que
de l'élégance , ne VDuloient point ap«-
prendre les Langues vulgaires , parce
91'ils avoient réfola de ne parler ja-
Bpjl. Th. Mort, f, su le 5^. aiprès cellci
éeMélànâbnr
1^4 V r g
mais que Latin. Erafme fut de cetiotif^
bre î il ne favoic pas plus le François
que ritalien , quoiqu'il eût fait un long,
féjour en France. ^ Qui ne me trou-
» veroit pas ridicule , dit-il dans une
de fes Remarques contre le Syndic Be-
(4) Sur la da ( a ) , « fi je m'avifois de porter mpn*
Propofit. ^ jugement fur un Livre écrit en Fran-
Beda. «►Çoîs, moi qui ne fuis poim au -fait
» de cette Langue ( 1) ? »
Ce fut le changement arrivé en An^
gleterre , qui détermina Erafme i
donner la préférence à ce Royaume
fur l'Italie. Henri VII. mourut le 2Z
Avril lyop, il eut pour fucçeflfeur.
Henri VHL fon fils, qui avoir pour
Erafme la plus grande eftime# Ils
étoient en commerce de Lettres* On^
en a encore une de ce Prince pour lors
,,., „ ^n Prince de Galles (fr) mul adreffa à^
i^Lzt. E^^^"^ ^" ^^^^^ ^ ^^^^ démontre que-
* Henri avoit pour lui la plus parfaite
cftime , & qu'il prenoit un grand in-
térêt à fa perfonne. A peine fut-il fur
le Tr^ne , que le Comte de Monjoic
(cl B0. écrivit i Erafme ( c) le 27 Mai i co^/
^* >• 4« tpt ce Pnnce venoit de fuccéder a foD»
( » ) Quis enlmferret me , fi de hibrtk
€alliçè fcripQ mihi Jumerem au^oritaten^
frgmnciandi j ekm ejus Lit.giM fhrafm V»
!>' Ê È A s M «• t;^
î*ere; qu'il n'y avoic rien qu'Erafme
ne pût efpérer d'un Roi dont le ca-
faâere étoit fi excellent , dont non-
lèulement il étoit connu , mais qui le
mettoit au nombre de fes amis , puif*
que de & propre main il lui écrivoit
des Lettres, honneur qu'il n'avoit
&it qu'à ti^èa-peu de perfonnes. Il le
conjure enfuite de venir promptement
adipircr un Prince généreux , qui dé^
daroit publiquement qu'il aimoit les
Lettres ^ & qu'il protegeroit ceux qui
ks cultivoienté II lui apprend en mê-
me tems que l'Archevêque de Çantor-
beri lui promcttoit un Bénéfice s'il re-«
venoit en Angleterre ; & pour facili-
^r foii retour , Morus joignit à cette
invitation une Lettre de change dont
Havoitfournlla moitié : l'autre étoit
un préfent do If Archevêque- D'autres
amis d'Etaûne lui écrivirent en même**
tems ( tf ) de fe prêter aux e{péranees (4) Comp;
de la fortune qui l'attendent en An-t/ii^e.
gleterre : il crut donc devoir céder à
tes inftarlces ; 6c petfuadé qu'il alloit
trouver des monts d'or en ce Royau-
me ( & ) , il prit le parti d'aller s'y éta- (é) Répoti*
Wir , réiblu pour Icmts, d'y pafler le fe à Ow*
pAc de fes jours; , ^^
Il prit le chemin des Grifons (c), (c) EpJJl^
l^a à Coite 2 à Confiance dans le Rhtnanh
Qy]
1^6 Vf r
Brifgau ; il vint enfuite à ^trafBourjf §►
d'oà il alla en Hollande voir fa fa-*^
mille : de- là il alla faluer les amis qu'il
avoit à Anvers & à Louvain ; il ren-*
dit fes devoirs à Adolphe de Bourgo^
{a) Epsjt, gne (a) qui avoit grande envie de le
lé^L.io. retenir chez lui. Il lui avoit même of-;
fert des conditions très - favorables j
mais les idées flarteafes.de l'heureux
avenir qu'il fe promectoit en Angle-
terre , le rcndoient fourd à toutes Icsi
propofitions qu'on pouvoit lui faire*.
Etant arrivé en Angleterre , ii defcen*.
dit chez Thomas Morus.
Il ne fur paslong-tems fans s^apper-
cevoir , que. les complimens des KoÎ5
mênaes ne font pas toujours iuivis des
effets qu'ils devroient annoncer. L»
guerre des Anglois avec la France
& l'Ecbfle étoit un obftacle à la libé-
ïaliié de fes Mécènes ; l'Angleterre e»
avoit beaucoup fouffert ; & pour com-
ble de malheurs , les vivres y étoient
d'une cherté extrême.
H proféfla à Cambridge & à Ox-I
(h) Apo fort. Morus affure (i) qu'iU'acquit une
F ^-^ ^l'îf grande réputation dans ces deux Uni-
fâfhe V'-rlicés.j qu il y eut un grand nombre;
d iicoliers , & qu'elles auroient fou-»
hiiité toutes deux de l'avoir au npiïtr
bre-dc km Théologiçoîi.
l
Mafs s^il acquéroit de l^honneur i iï
t'en écoit pas plus d'ans Failance : caf
il dépenfoit bneaucoup, & ne tiroic
rien de fes Ecoliers. Ceft ce qu'it
tiande en confiderîce à Colet , paf
ane lettre («) dattée de Cambridge . » „ j^-^
& du Collège de 1^ Reine le jour de ^ JJ' ^^f^
Saint Barthelemi de l'an lyi i. » Je
as n'efpere pas , lui dit - il , de pouvoir
* gagner ici aiTe^, peur garder ce^
9 que je ref ois> de mes Mécènes Que'
»pourrois-je tiïer de gens qui font
9 tous nus ^ mot qtn fuis bon , it
nqui d'ailleurs (uis né en dépit de
» Mercure ? La dépenfe eft ici tfès^
»grand:fe , étrit-il(i) à un autre de (^) Bfi/^
»fes Amis. l\ n'y a pas encore cincj*^» ^^ ^
» mois que je fuis à Cambridge : il
»m'en a déjà coûté foixante nobles f
* & je n'en ai reçu qu'un de mes Eco-
» liers , encore ai - je eu bien de la
» peine à l^accepter «. C'étoit le a&-
Novembre ïj* il, qu'il écrivoit ainfi;^
B eft confiant par ces Lettres i
qu'il fe propofa de tirer quelque émo*
wmentde fes leçons: cependant Mel-'
chior Adam aùure qu'il les donna gro/^
tis; ce qui paroîtroit pouvoir fe prou«
fer par la lettre d'Erafme au Père Ser-^ |;
vais à qui il mande : i«* Il y a ici deux
^VtÂ^ïùiés r q^i ont toutes deuitf
«•grande envie de m'avoîr* JPai ehfeî*'
■P gné plufieurs mois le Grec & l*E—
i^criture Sainte à Cambridge, miais
« gratis ; & f ai réfolu, d'en^ agir tou--
' » jours de même < Apparemment Im
5 eu de profit qu'il prévit devoir tirer
e fes Ic^ns , à caufe de l'indigence
ou de Pavariçe de fes Ecoliers , liû
fit preridre la réfolution de ne leur
rien demander. B entre dans le détail
de fes leçons» dam une Lettre à Am«*
^)|Bwjîrmooio>(4) écrite de Cambridge U
|rt.-8,- Îf6 0(9tobre iS "• « Jufqu'à préfent ^
* dit-ii , f ai lu la Grammaire de Chri^
«folore: je n'avoispas grand raonde 5^
m j'en aurîii apparemment i^vtsi lorf-
^ que je commencerai celle de Théo*
ardore Gaza. Je donnerai peut-être
a^ bientôt, des leçons Théolo^qui^:
«» car il s'en agit préfentement. L'ar-*
argent qui m'en revient eft fi peu*
w confidérable , que cela ne mérite pas
ar d'attention : cependant je» rends do
r bons fervices à ceux <jui s'appliquent
a» à rétude < Une &t pas long-tems
£ms fe repentir d'avoir abandonné l'I-
talie; dès le II de Novembre iji^*-
{P) Efifi^'û écrïvoii de Cambridge (fc) à <îe
i. £f 8, même Atombnio :» Il n^ a point de
» malheur que je ne croye avoir mé-*
• mé d'être forti dltjAie^, & d'avolu^
« quitté Rome , où je pouvois me li-
» net aux efpéfances les plus flacteu*
» fes; «t H' s*étendit davantage fdr ce
/ùjer dans fes Lettres écrites aux Car-
àinauX'Grimani & Raphaël de S.Geor*
gelé demfeçMars de Pan (tf) ijiy. W ^fifir
m II m'eft impoffiblc, dit- il au premier, *• ^» *•
m de ne pas regréter Rome , lorfque
» je fais attention aa grand nombre
m d'avantages qu'on trouve réunis clans-
«cette Ville, la plus célèbre qu'il y
» ait dans le monde entier : une liberté
m douce , de riches Biblîothe<ivies , de
9 déliûeufes converfations avec tant de
w fçavsffîs boounes , tant de Monument
• de l'antiquité ,• & enfin les plus
» grandes lumières recueillies dans un
»feul endroit ; & quoique ma fortune
»en' Angleterre toit au-deffus de
» mon mérite , cependant pour dire la^
«vérité , elle ne répond ni à mes ef-
«pérances, ni aux promeiTes de mes
»aims« Mais o'eft plutôt la faute des
»temiqtte la leur : car le Roi lui»mè-
»me qui eft très-généreux , qui a de
»la bonté pour moi , & qm en parle
I» avamageufement > nous a été enle-
> vif I ).par les orages de la Guerre. »-
( I ) It' écok yeiitt en Flandre» ppv èuit
b Guerre à k France.
t6â t' i i
il répéta les mêmes chofes dans W'
Lettre au Cardinal de Saint Gear'4
^. L,%. Ses rtgfets augmentèrent encore^
lôrfqu'il apprït que le Cardin^:! de Mé^
dicis avbit fuccédé à Jules IL II lui
fit part de fa joie jpar une grande Let-^
(b) Éptfi, ^re ( 6 ) qu'il lui écrivit de Londres lé
Hf. L. 2. i^ Avril I y ïj , à laquelle Léon X.
(c) Epijl.'^^?^^^^^ afFeâtufculemenf ( ^) le id
^ L.%. Juillet fuivam. Il s'en fallut peu qu'E-^
rafme ne retournât à Rome : l'Evêque
de Rochèffer ayartt été envoyé à cer-*
te Cour ^ fit favoir à Eràfme que ce
fcroit avec graild plaifir qu'il Pemitie*
fieroit avec lui ; mais Erafme ne put
6as profiter de cette' favorable occa^
non ,. parce quHl ne fut pas aveiti àfle^
i tems pour feirè fes préparatifs pout
un fi grand voyage. C'efè ce qu'il man"'
(2) Ëpttl. da ( d) au Catdmal de Nantes , en lui
|f^9 L« 10. répétant qu'il ne pouvoir fe confoler
d'avoir quitté Rome. Il étoit très-lié
avec TEvêque de Rocheftier dès le teno»
de fes premiers voyages en Angleter-
re; 6C ce fut pour lui témoigner fa rc*r
* Connoilfance des Wenfaits qu'il en
f 0 '^Plfî* ^v®^^ ^^Ç^ 9 ^^'^^ ^"^ dédia (e ) ce qu'ij
^©. jL. 30. ^voit commencé à traduire du Com-
ment ire de Sain Eaflle fur Ifaïè. Il
jo^en acheta pas la tntduâion | pareil
qn il s'imagina auc cet Ouvrage n*é-^
toit pas du grand Saint Ba(ile ; ce oui
cft Toccafion d'une difpute fur laquelle
les Critiques ne font pas d'accord (a) ^a) V. V^
quoique le plus grand nombre foit op-^briciui^Bi^*
pofé au fentimerit d'Erafiae. Mais fi fa ^r^ca , u
fonune n'étoit pas brillante , il avoit^Pr^^*^*
du moins la confolation d'avoir pourj^^^^ç^^^^J.
intimes amis tout ce qrfil y avoit des. Bafiîe ^
plus grand & de plus illuftre en An-* u 9.
gleterre. Trois hommes fur • tout du
plus rare miérite fe lièrent avec lui
de la plus étroite amitié , qui dura au«.
tant que leur vie; Guillaume Warrban^
Jean Colet & Thomas Morus.
Warrham étoit le plus grand Sei-
gneur d'Angleterre , fufqu'à ce que lai
faveur eût alTbcié au Trône Wollei, Il
étoit Archevêque de Cantorberi , Ôc
par conféquent Primat du Royaume ; .'
il remplifibît avec cela la place de
Grand-Chancelier. Ce ne fut que peu
de tems avant fon Voyage d'Italie 9
quErafme eut l'avantage de connoîrre
ce Prélat. Il fc repentit toujours d'a-
voir connu trop tard un Proteéleur fi(^)Noteft,'
généreux : il aflure (fc) que s'il avoit eu fiir le x ^
le bonheur d'avoir eu Warrham pourcli^P"^* d«
Mécène dans fa jeuneffe , 'û feroit de- ^'^P''^®
venu beaucoup plus favant ; mais que auxTheflii^
nalheureufement ji ne fut protégé par igniçiem. '
*^^ V i É
cet Archevêque que lorfqu^il étoii cî^
jà d'un certain âge 5 & qu'il touchoic
prefque à fes quarante ans. » Dans m*
lUy Cliîlîa- ^ jeuneffe > dit-il ailleurs ( ^) , fî j^euf-
oe 10* » fe répondu aiïx careffes des Grand»*
Gent. 5. ij» nui me témoignoient de lamitié ^*
tftîo.^^* ^*» jaurois fait de plus grands progrèsT
» dans la Littériafture ; i^is le trop"
9) grand amour de la liberté m^a misr
» aux mains avec une opiniâtre pauvre-
•» té , ce qui auroit duré long-tems , ff
^ Guillaume Wat'rham nç m'eût forcé
» d'être de fes amis; Je fis l'effai de fes
^ bontés avant mon Voyage d'Italie, tr
Ce fut lui qui contribua à faire ve-
U) EfiJl.tnT Erafmc en Angleterre (b); il'luï
tJienant. ^^^-^ ^^^^^^ ^ Bénéfice, & il lui
tint parole : il le nomma k la Cure
(O Bhch' d'Aldington (c) , dans le Diocèfe de
faJlu^Ltv, c^ntQrbéri ; elle vaioit près de cent
*"* nobles de revenu ( i ). Erafraè ne crut
pas devoir accepter cette place , non-
feulement parce qu'elle deipandoit ré*
fidence 9 mais aùffi parce que ne fa-»
cbant pas la Langue du Pays , il n'étoit
pas en état d'en remplir les fondions*!^
^ l[d) Ëfijf. Warrham leva fon fcrupul©(i),cri lui fai-
^v^^9 fent réfigner cette Cure moyennant une
penflbtt de cent écus.ll reftoit encote un-
autre fcrupule à Ërafme : il ne trôuveic^
Çt) AConnoir d^or <le ce taail4à»^
pis équitable que celui qui étoit chargé
(b delTervir le Bénéfice , n'en touchât
qu'une partie des émolumens , qui paf
cec arrangement revenoient à un hom»
me qui ne rendoit aucun fervice à \dt
Paroide ^ » mais ce Prélat qui avoic
» une vraie piétés me raflura , dit £raf«
t» me 9 en déclarant qo^ênfeig^anc tou»
» les Fadeurs par mes Ouvrages ^ je
» £ii(bis plus de bien que je n en au*
» rois pu faire par mes Prédications
«dans une Cure : ainfi n'ayez point
» de répugnance , ajouta-t-il f & j'aur
» rai foin de cette Eglifè, »
Erafme rapporte (a) que dans plu- W ^t^^^
fieurs occafronsWarrham lui avoir don- S^*^^'*
né des preuves de fa générofité ; qu'en
diverfes Ibis il lui avoit fait prêtent de
plus de quatre cens nobles j & qu'en
m feul jour il lui en donna cent cin-
quante (fc). Souvent il refufoit les li- (^)Efifii
oéralités de ce Prélat, Il n'aimoit pas ^^'«•
à expefer fa mifere aux Grands; il con-
vient (c) que s'il eût ea moins de fO Efi/^
lépugnance à foire connokre fes be- '^^' ^
foins aux Seigneurs Anglois , il au- ■
loit été beaucoup plus a fon aife. Il
y a quelques Lettres de Warrham dans
le Recueil de celles d'Erafmc : on y
remarque un caraftere de plaifanterie ,
jtti coQv^noit fec^ à £rafmc*^ Il l&
t64f V t É
f f(MJ Efîft. congratuloit un jour ( tf ) fur ce qu^ii"'
«?• l* 7»étoit rétabli d'un accès de gravelle. •
3Bt A quoi bon , difok-rl ^ toutes ce»
9> pierres dans un fi petit corps comme
SB' le vôtre ? Qu'en peut-oft faire ? Pour'
9 vous aider à vous en défaire , je voûs^
9 envoie trente angelots i ayez foîi»--
» de vous rétablir , & ne nous prive25^
3» point par votre maladie de nos eC-
» pérances , & de ce que votre fcience
M nous met en droit d'attendre de
» vous. « Erafme écrivek auffi à ce
Xh) Ej)(/?. Prélat fur le ton plaifant (^): il en^
Îf4« L« iCé avoit reçu un Cheval ;'& il foupçon-^
noît qu'au préfent de l'archevêque
on avoit fubftitué une mauvaife bête ^
il en badine ainfï. » J'ai reçu le
3> Cheval : il n'eft pas fort beau ; mais'
» il eft bon : il n'èft fujet à aucun pé-
» ché mortel , fi ce n'eft à la gour-f
>>mandife & à la pareiTe. Il a lest-
ât vertus d un bon Confefleur ; il eft-
3» prudent , humble , paifible ; il ne
» mord ni ne rue* cr
Warrham avoit aflez d'amitié pour
0) Eji/y?. Erafme (c) pour fe charger lui>mê-*
'?• ^ H. me de lui faire tenir l'argent de {et
penfions , lorfqu'il n-'étoit pas en-
Angleterre.
Erafme lui témoigna fa recotmoif-^
^Ge> ^ lui dédiant plufieurs de (ff
f
b^E R AS M S. 16 f
fhvnges ; (on Saint Jérôme dont nous
çarleroqs ailleurs (4) » Quelques Tra- (a) Epi/f.
du(3:ions des Dialogues ae Lucien , les »• ^^* ^f •
Saturnales, lé Deuil, Tlcaromenip- f P^-'^' 5^'
pe, méçuheôc riphigénie d'eu.J^^;*;.L
lipide, Il pgroK par l'Ep^tre d^diça- ip. Efiftp
coire de riphigeaiç, que les cl^œursij. Lp%9%
^ç^ Trag^édies Grecques ( 1 ) n'^toient
|as de fon goût. Ces deux Tragédies
traduitejs avoient déjà été données au
Public par ÇraCpe; mais Içs ayant re- ;
vues avec foin , il les dédia ià l'Arche-p ^ '
yêque de Cantorbéri. Il affure dan^
VEpJtre dédicatoire de THécube , qu'il
ne s'étoit appliqué à la TraduAion
des Livres profanes , que pour être
plus en état de mieux tr^dyjre les Ou-
vrages qui pouvoient contribuer au ré-
tabliÇçmsnt de la Théologie , tels qyç
les Livres Sacrés & les Pères.
Warrham étoit fort fenfible à ces
preuves d'eftime quç lui donnoit Erat
me: il lui çaandpit (/> ) qii'ayanr reçu C*) EftJ^
par ^ui Pifnmortjalité , dont pii^fieiirs** ^•^p
l^ois & Empereurs illuftres d'ailleurs
font privés , il ne voit pas ce qu il
( I ) Nufqu^m enim wihj magis {neptijji
vtiemr àntiquitas , qùàm in ejujmoài choris ,
ttfc» iwn nimium êffeÙét uovè hqui , t/iV/j-
yU eloquenti^m , dumqne verkorum mir^rr
'
Ï66 Vis
peut lui rendre dans ce monde-d i
équivalent.
LesTraduélions d'Hécube & d'Iph
^énie avpient déjà été imprimées '
Paris Tan i jo6. par Badius , qui avo
mis à la tête quatre yers à l'éloge d
Traduâeur ( i ). Les ennemis d'Era
me eurent la hardieffc dans la fuitd;
î«) Ef tjl* de publier {a) que ce n'étoitpas li
'4. £• XI. qui avoit fait ces Traduftionsj qu\,
Efift' 53* l'es avoit trouvées quelque part , jk les
^ avoit données fous fon nom ; & qu'cW
les étoient de Rodolphe Agricola, î|
(i) B0* renvoya ( t ) pour toute réponfe à cc\x%
'0^0 qui avoient été témoins de fpn travail;
jk il cite Jean Paludanus , Montjoie,
Morus , Linacer , Groçin & Latimeo
Erafme tf a manqué aucune occafioa
défaire Féloge deçe Bien&iteur, &
f)endant fa vie, & après fa mort. Il
e repréfente au Pape Léon X« commic
étant tout ce qu'il y ^ de plus parfait
fin Angleterre du côté de rérudition,
de la piété , de toutes les vertus EpiC-
iropalçs , §c du défit jja'il avoit df
^ 1 ) L$qui Latine nefcithat anti
TragadUrum Scriftor exculnjjimus ^
f^Ht nunc Camanu lo^uens EraJmiçU î
yarroniana certat Çloquenn^.
pi^àttfàre ^ u »• p^ zfp^
»• E R A s M s. itff
iMCpriferles Sciences, llalfurele Car-
dinal Grimani (fl)que l'Archevêque W'E^^/f^
deCantorbéri raimoit, le protégeoit, i. l. 4.
Je conjjloit de biçnfaits , en forte qu'il Y,* auffi EA
ne pourroit pas recevoir plus 4e preu- ^''^^ *®* ^*
vc$ de bontés , ni d'^n Père , ni d'un '^'
Frère. Il écrivoit ( i ) à TAbbé de S. (b) Efijf^
3ertin ^ ^ Ç^rafme eft préfentement 1 }• t*.xo^
p> métamorphofé en Anglois : il doit
«ces ^ntimens aux bontés qu'on a
» pour lui en Angleterre. Parmi ceu)j:
'qui me font du bien, je niets à la
• tête l'Archevêque de Cantorbéri^
» le Mécène de tous les gens de Let*
»tres. JBon Dieu-Î Quel heureux gé*
» nié , quelle fécondité , qu^le vivar
« dté , quelle facilité à bien traiter les
? afiàires les plus difficiles , quelle éru^
» ^ion , quelle poUteffe , quelle dou-
» ceurî Jarrwiis perfonne n'efiforti trifr
» te d'avec lui ; ce qu^ eft digne d'uç
pRoi. Avec cela quelle libéralité-
** quelle modcftie ! Lui ieul ignore u
* grandeuj. Enfin perfonne n'eft plujl r
^confiant ni plus fidèle que l^i Qan^ .\
^l'amitié. «
Le Cardinal Wolfei hiî fit éprouver
des dégoûts fur la fin de fa vie j & ils .
V^ï^gagerent (/;)à fe démettre de laJf;'*P'f
Jignité de Grand-Ch;inçelier , qui fup J. pTa*2
W \P Fi^amp donnée k Wolfei, Loffr ipj. ^
qu
Rc
t6S V I »
]ue lui-même eut été difgracîé , U
Xoï voulut rendre les Sceaux à Warr-
(a) Epiji.hzm {a)i m^is il les refufa, fous pré-
Jf. l^ i#. texte que Ion grand âge ne lui p.er-
Ijuetroit plus d'en faire les fonftioqs.
Jl mourut Tan 15*32^ Erafm<5 fut pé-
nétré à^ douleur en apprenant cette
mort : il le pei^it ainfi dans fpn Ec-
cléfiafle^ » Quelque occupé que fut ce
^ Prélat des affaires du Royaume , ja-
»* mais elles ne l*ont empêché de rem*'
m plir les devoirs d'Archevêque ; il
» fembloit même qu'il en fut entiérç-
9 ment occupé : il trouvpit l.e tems de
• a» dire la M elfe prcfque ^ous les jours ;
ao dé donner audience, de recevoir les
» Ambafladeurs , de donner des con-
i» feils au Roi , de faire la vifite de fon
» Diocèfe , & même d'avoir des mo-
, • mens pour lire. La lefture étoit pouF
» lui un délaflement , ainfi que la çon-
• veriation aye.c quelque Savais. Il
» avoit fouvent deux cens perfonnes à
» manger chez lui , parmi lefquelles il
. p>y avoit des Evêqu^s , des Ducs Sç
» des Comtes. Il ne reftoit jamais plu?
m d une heure à table : il ne buvoit
w point de vin ^ la petite bière étoit
» fa boiflfon , encore en buvoit il forç
* peu. Il étoit d'un caraûere fort gai.
p II ne foupoit point ; mais s'il ii'^fr
• ^ ?^if
ifi toit chez lui quelqu'un dip fes fwnU-
P liers , (du nombre defquels j*étois.,
»il les voyoitfouperians rien manger^
« ou du moins trçs«-pçi;i de chofe. S'il
i» ne reftoit perfonne cfaçz loi ^ il doQ-
• noit à la prière & à la leélure li?
W'tems du/ouper. Il ainK)it la plaifafl-
i> tarie , & il étpidui-même fort plair-
?>fant; mais cfétçit (ans fieU 11 nt
,» laifla en mourant que ce qui étok
" précifément néceflTaire pour payer fef
;»dett€;s. Je neifinirois pas , fi je vou^
p lois dire tout ce qu'il ip'^ voulu doiv- .
;»ner. »
Burnet Juge ainfi de ce Prélat. ( ^ (a) M^îe^
» L'Angleterre perdit en lui un bon J." ^^ *^ ^'^^^^
.»» Canopifte , un grand Miniftre , 8c f^^«^' *^' *♦
>vun Courtifan adroit, Lejs gens dç
* Lettres f^rtout ie regréterent com-
» me leur Protefteur.» Ne drffimulons
psque l'Abbé de Longuerue a accu-
la Warrham ('^) de s'être deshonoré W Vfytfis
4ans la grande fafFaire du Divorce de ^^^J^ ^'^«
Henri VIII. il prétend cme ce Prélat ™[f ^ ^'
|ut folliciteur puWic du Koi , & que Mém/ i.t
«ans l'affenîblée tenue â Londres de- Litté ature^
Iyant les Légats Gommiflaires , il futt. 8..p. i86.
convaincu d avoir contrefait la figna-
_ lure deî'isher, Evêque de Rochef-
^^r.» qui n'avoit jamais voulu confen-
tir^uréfultatde raflfemblée desEviâr
Sortie l U
N I B
lour le DVvorce; èc p<«r ^a nullité
de la Difpenfe de Jules U.
' Ce quel' AbbfdeLonguerue, af-
firme ûpofitivenient, RaRinXhoirais
ne le donne <«) que çpmme un foup-
(") T. î-'-on. .i L'Arihévêque Je Çantorbéri,
h »^- P'idit.il, préfenta i^u ^oi un icntfi,-
^^^' , gaé de to^s les Evêques ,, dans le^.
• quel ils condamooient fon^mariagç
„ ?oinme contraire à IVnneteté P"-
» blïque & au droit Divin. Le le«^
« Fishcr . Èvêoue deRechefter , ayattf
» refufé de lejôgner , on. prétend que
» l'Archevêque y nût ion tiom a 109
»infçù.«. , A „ u
Ce qui eft plus certain , eft que '«
roariagede Henri ayeç Catherine d AJ?
ragôn fût fait contre le fentm>entd|
Warrham. . Lorfque Henri VIÏ. eut
« conclu le mariage de Henri fonj^
. avècCatherinc^'Arragon.ditl ti*-
,,, , ,^ „ torien d'Angleterre (b) . l' Ar^h^vê-
flh -<\^^ WarrhSn lui dit franchec^c«
'• '^* . ïue ce mariage étoit contraire a |
. Loi de Dieu . contre laquelle la U V
» penfe du Pape ne pouvpit êwe d a^
. cun effet. » Malgré tout cela Hen
ri VIIL étant parvenu à U Cof ^J*.
„e, nelaiffapasd'épouferb?^
ceffe contre le fentim«;Pt d,e w?*'
:Amm^ ^i auroit épargné une in^
jfinifté de chagrins à Henri ., aux Pa-
pes , & à TEglifc Catholique , s'il
jAt été fuivi.
Thomas Cranmer fuccéda à War-
irham dans TArcheviché de Cantor-
^eri : il eut pour Erafme les fenrimens
Qu'avoit eus fon Prédéceffeur ( ii ) , & (4) EpiJL
déclara Qu'il ne prétendoit point ce- ?• L. 24.
^er à warrham dans les procédés
qu'il fe propofoit d'avoir avec EraC-
me. Il lui en ^onna même des preu-
ves : Thomas Morus lui apprit (b) que ç^^ £p*m
Cranmer étoit dans de très-bonnes 4^^. ^I
difpofinons à fon égard. Erafme fai- pf»i»
ipit profeflîon de l'eftimer ; & il ne
•craignit point de rendre fes fentimens
fublics. ^^ C'eft, difoit-il (c), un (^ Ap©-
» Prélat qui non-feulement eft un pro- logie i U
.wfond Théologien , mais dont lesj^^® ^" ^^
* mœurs vraiement théologiques an- T^"*w^«.
• noncent la candeur. » Un autre ami
«Erafme plus digne d'être avoué que
Cranmer , fut Jean Colet , ^vec le-
quel il vécût pendant plus de vingt ans
ians la plus tendre union. Colet avoit
,cu pour Père (.4 ) un homme fort ri^ (d) E0
. ^lïe, qyfi avoit été deux fois Maire de 14. U is*
l-ûncliies. ÏY étoit l'aîné de dix fre-
j ^^ (e)&de onzefœurs, aufquelsil f^) £/>/;?.
fcvécuu II s'appliqua dans fa jeumefleii^^ Uz^.
^ la Philofophie j & il fut.Maîtrpv^l
Arts. Il n'y eut aucune partie des Ma-'
^ématiqués qu'il n'étiidiât. Il voyar
gea en France 6c en Italie ; ce fut-l|k
qi^*il fe donna tout entier à la lefture
Acs Pères : 3* Auguftin i^toit celui
qu'il goùtoit ie nioinsi II n^avoit au-r
cun Livre d'hiftoire pu Je moralp
qu'il lî'eut exan^iné. Étant de retou^
eh An|;îeteçre , il vint's'éti^tlîr à Ox*
^rt /'où il expliqua en public &gra;r
tiûtement Içs Èpîtfes de S. Paul.' Cg
fcVlà où Erafme fit coMioiffance avep
lui. ,Ils avoiejit tôiis (feux pour loi^
jjrès 4e trente ans ; Erafrne avoit deux
qÙ trois moisplus que lujf. Colet reçi^
le gradé de Dodleur l^ns 1 avoir de:
mandé. ^Le Roi Henri VIL Te fitArenip
a Londres pouf le nommer Doyen de
S. Paul, ^pîace très-ïionorable , qvf
(ui donnoit rlnfpeftiori du Collège dç
ce nom. Son Pçre lui laifla en mourant;
vne riche fuccefliQn ; ïf .l'employa i
établir un nouveau Collège a Lon-
dres , qu'il dédia à l'Enîant-Jefus. La
maifon étoit magnifique. Il y établi|C
deux .Maîtres à oiji ifcjqnha de groç^
apppinteinens , ann qu'ils enfeignaflenjc
gratuitement! Il ordonna que le nom^r
bre des Ecoliers feroit borné , & qu*il
ne paflfcrpit pas fçize dans chaçjiîg
Çlaffe. fldépenfa tout fon bien à cette
fondation ; & l^argent qu'il y einployà
monta à des fommes fl excefUves ,
qu'Erafmc dît qu*un Satrape même eÂ
eût été effrayé. Leur connoiflfance fe
fit dès le premîer voyage d'Erafmê
eh Angleterre. Colet rechercha foii
amitié : il lui écrivit d'Oxfort Tarî
1497 (^) lôrfquErafmé écoit dans (a) Efsft.
cette mèttit ViHe , qu il le connoiflbiî J* ^* U
beaucoup de réputation^ & par queP»
ques-uns de fes Ouvrages*; que lorf-
au'il avoit été à' Paris fon nom ^
etoit déjà célèbre ; qu'il favoit d^ail-
leurs par le Prieur de la Maifon oh il
d;emeuroit , qu^il étoit un très-faort^
ÛzQ homme ; qu'il lui offroit fes fer^
vices, & qu'il fouhâitoit que TAirgle-
îèrre. lui fût auflî agéable ; qu'il né /
doutoit pas qu il lui feroit utile ; 8t
qu'il lui feroit toujours très-attachë »
parce qu'il le regardait comme uil
iromme de bien & un très-favant hontî
iàe. Erafme fut très-fenfible aux avait* ^
Ces de Colet : il reçut fes louanges
aVec beaucoup dé modeftié(t)j 6c (*) E0'.
dans la réponfe qu'il lui fit , il fe peint 4- L. ^.
âînfi. «'Afin, lui dit-il, que vous mè^M ^^«
» connoiflîez avant de fa voir fi vous
é devez m'aimer , je vous apprendrai
t^qiievGfUstrouverez en moi un homm^i
Hlij
arqui «• utie très- petite fortOfte, oâ^
ap plutôt qui n'en a aucune; un homme*'
» ans ambition ^ qui a beaucoup de
9 penchant à l'aminë , qui n'eft que
f» médiocrement verfé dans les Belles-»-
» Lettres » mais qui en eft l'admirateur
*paflîonné, qui rtfpede fincérement
» la probité des autres fans vanter la^^
>'{ienne, qui cède à tout le monde
a» du c6té dé la doétrine , mais à per-
a^^fonne pour la bonne foi : flmplef
»> franc, libre» incapable de diUimu-
••lation , parlant peu , & de qui vous^
"^n'avez rien à anendre que le cœur*^-
• Si vous juger-qu'un homme de ce ca*
3»-raôere foit digne de votre amitié ,-
a»^ vous pouvez coBÈÇter fur Erafme. »
Ce Prieur qui rendit un frbon té-
moignage d' Erafme que Colet eut en--
vie de le connoître , s'appelloit Ri-
chard Charnoce > Prieur dé la Maifon '
& de l'tglifede Chrift : Erafme avoir
pour lui autant d'eftime que d'amitiés-
(4^ Sf'A * C'eff, difoit-il, le Prêtre {a) des gra*
^-t* • a» ces'j & par une heureufe réunion on*
aBf'troave chez lui tous les genres de-
a»* Littérature joints à la politefte & i^
»la probité. J'iroîs , . ecrivoit-il aa^'
(h) Efijl. ^ Comte de Moîîtjoie (b) avecChar-
^ ^* ^* « noce & Colet paffer mes jours dani^
94!^QMrétmi^ de la-Scithie«^a»^> Gk^-
. !>'' E R A SNL't.- Ï7f
ffoce âîda fouvent £f afiné dans fes bé-
foins pendant fes premiers voyages en*'
Angleterre; &Colec lui fut très-uti-
h (a) dans les derniers : & bourfe (4) Epi/f^
Aoit au ferVice de fon ami, qui n'y n. Epifl.
avoLt recduts que dans les grandes ex- '^•. ^* ^^*
tréinités;; f '/; *'•
^ Colet' voulut engagef Erafme (b) lb)\ifl^
* expliquer à Oxfort le Pentateuque4ç, i. ji.
du Iiaïè ; mais il s'en exciifa , fur ce
qtf*il n^^avoit pas fait les études nécefr
iaires pour bien remplir, les vues de
Colet, Ils étoient dans l'habitude dV
f'îter, fok de vive voix foït par écrit,;
es quéftions qui a voient rapport à
l^Eeriture faïnte ; & ils n'étoient pas
toujours d'accord. Ils eurent une dîf-
pute fur la crainte quç J. Chrift avoit"
t'émôignée de, la mort , qui donna oc-
c^fîon à un Ecrit ( i ) qu'Erafme dé-
dia à Colet : il y examine fi J, Chrift
étoit abandonné de la Divinité dans le
tem^ qu'il demandoit qjié fî cela étoit
'^pffible , le Calice paffât loin de lui.
G'étoït le fentiment de quelques Théo-
logiens; mais ce n^étoit point celui
( I ) Dffputattuncula de tttdh » favore f
Iffiftitia Jefu înflantefupflich Crucit , déqm
^itrbis qmbuT vifut tji mortem def recari :
f^er , fi fieri p^efi , tranjeat à me Cali»
Hinj
d'Èrafine. Il veut prouver dans feflt^
Ouvrage, que c'eft en-tant qu'Homme
^e L Cbriil a parlé ainfi , £c qu'en
cette qualité il a craint la-mort , qui eu
ta fuite du péahé , 6c q}û fff mauvaifc
en elle-même.
Colet après avoir vu l'Ecrit d'E-
(&^ Eftfl- rafme ,-jugea (a ),qtt il avoit fort bien
^i V. $1. défendu fon fentiment : il'ne trouva
cependant pas qu'il l'eût démontré ; il
s'engagea même à répliquer quand ït
enauroitleloifir.-
fl5:;AT)olo. M. l'Abbé Marfolier ( b) Se M. Dii-
ftf>Pf*43»J>în ont jugé, querCùvragje d'Erafmô
étoit très-beau.; qu*ïlpouvoit fervirde
modèle de la manière de traiter les
queftion^ théologiques par raifon , ô(,
iûivant les principes de- la -faine -Théo*
l©gie & des régies de foi» ^
On n'a aucune preuve que Colet ait
répondu à l'Ouvrage d'Erafme*; nou*
n'avons auffi aucune connoififance des
Commentaires fur le Mouveau-Tefta-
ment que Colet devoit donner au Pu»
blic , & dont Erafme pjirle dans un«
(^ Êpî/l, de fes Lettres (c). Il y a quelque âf)-
fe L. lo. parence que cet Ouvrage ne mérite '
pas nos regrets : car Cole\ a avoué lui^
(ly Kprjl/'mème (-*d) qu'il ne favôitpasleGrec/
3i,rL,2, f3*ns la connoiffàncé dikjuel nous ne
femmes. rie»^ ,difoit-iU 11 fe proppfôil-
8f rapprendre fous Erafme même fur
tuf fin de la vie : » Je veux être votre
^dtfciple f lui écrivoic il ; & quoi
«^qu'avancé en âge & près de la Vleil-
•leffe, je veux a'I'e/emçtedrfCatoa
P^ apprendre la'Langue-Gfecqaé. *
' Ce fat à Colrt qu^Ertfme dédît
FOuvrage de P Mtondancô des mots '
&des chofes ( i )-: c'eft uneefpéce de*
Rhétorique faitfe:à Tufàge des jeunes^
gens, pouries difpofer à parler fur
tDutesTortcsrde fujets. ïllé eft divifée''
di deuif Livrés J on ^trouve les prin-
cSpes de la Grammaire, & lesmoyen^
de s'exprimer de diverïeé màrtieres fur*
un même fujet, » C'eft moi , dit EraC-*
if me, qui ai imaginé le premier ce*
» fujet , & qui l*ai exécute. J'ai dofct»
3^né diverfes fortnulês , oudâ prin-«
^cipesd'ampliffcâtîon : j'ai commencé^
» par ce qui eft général "; je fuis enfiri'
* venu au particulier. »^'
: Quand Èraffûelcdmméhça à travail-*^
ïcr fuf cet OiiVrâge , il n'avoit aucutï
déffein de le dôîïner aiu PuWic; mais
s^fen étant répandu quelques copiés ^ / s p^*jf
fôh infçu, il prit k part? de le faire ^4 ;^f^;
irtiprimérlui mê^tf. iravôit'été ébàù- f^(/l. 8«
!^é à Orléans ( a y : il 7 avôit' OTfuité i-'* *4;
. *
travaillé en thXxt ; & oifiti il le pief&ê^
tioBoa en Angleterre pour fianre plaiiip '
à Colet, qui foahaitoîc aVec^pa^oi^^
que cet Ouvrage fervît à Tufage desr»
Ecoliers de^ fo»- nouveau Coll^e«r-
(S) B^T?. Erafme avoit d'abord eu deflêin (n ^v
3:^ t»~9. de dédier cette Rhétorique à Adol-« ^
pbe de Bourgogne & à Battus ;.en^"
fuite le trouvant dans un grand befbîK^
^ Efift, d argent (t) , il s'imagina que s'il dé-^/
^«;^^iir# HT. dioit un Ouvrage fait pour les En&ns^^*
au jeune Prince d'Angleterre, il pour-»
xoit tirer quelque gratificaticm de h^:-
Cour: Ce devoit être au commence-* *
sient de I jl I : car le Prince dont il^*
doit être id queftion ^ n^uit le pre-«
mier Janvier de cette année , & moiH/
fîyitapîii j rotà la£n de Février fuivaiit(c).
Iffôiras , Colet. avant même que ce Prince*
ii3j2îpî3xd. mourût , pria Erafme de lui donner kt**
{j;Çéférence; & il promit quinze Ange-
ots^i fi ce Liv^pe lui écoit dédié. EraC*
mt lès a<^ceptaf *& il le dédia àCo« '
XiyMPA^ (d) le 2^ Avril lyia.Dêux-ansÔc-
*9^^»'*^demi après il fut réimprimé à Straf-
ie) Bpiff.hoxxrg (e) revu &^ augmenté par l*Au«
a«vU iS.teur. Cet Ouvrage eut un» très-boa^
^.^j^foceès : Tonftal ne pouvoir s'empê-
^{?J^-diér de l'admirer (f> «Ileft incroia^
(^ £^jy,«^«-ble, écrivoit Jean Walfori* (g) i-^
ij.sUié»* 9*avec^uel empreiiemeot oa^ttAesii^
S^chà le Livre De Copia. » Gilbert
Coufin ( I ) rappelle un Livré d'or,
Budée n^en a voit pas une fi grande
idée; il mandoit à Èrafme (a) que (a) Bpifl.
plufieurs gens d'un mérite diftingué,^. t. 4.
« même de ceux qui reftimoient , Epî/?. iJJt
croyoient que cet Ouvrage n'étoit ni
digne de fon titre , ni même d'Eraf-
roe. A cela il fit réponfe avec une ap-'
parence de modeftie (i) , quilsétoient ,m ^ ^a
d'accord : » cependant, ajoute-t-fl , ^5. ij^^ *
■> il y a plufieurs perfonnes dont \c Efifl. m.
» fiiffrage n^eft pas à méprifer ,' qui
» le louent beaucoup. Vous n'en faites
aff'pas grande eftime , dites-vous , par-
ai ce que j'ai tiré plufieurs chofes des
• lieux communs ; mais duynoins je
» mérite quelque louange, pour avoir
» le premier traité ces matières avec
» plus de* foin & d'exà^Situde que les
« autres , ce que vous ferez obhgé
» d'avouer , fi je ne me trompe. » *
Dans le fiecle paiTé , on fit ufage '
|0 Qfionian fa repum^ Leilor Jiudtofe^ ^
farania ^
Virhrunjque tibi copia larga mode :
^Aureus4ih aperirmirâ bnvttate Ubellut, '
Qjfem cuàis dollar ^ Rottrodame, manu» •
G>gnati Opéra, t« i. p. 401.
*' Hvj.:
fi8b Vie
de ce Livre dans WnWerûté Z^
Paris ; c'eft ce que noup apprenci
(a) Epljl. Mercier {a) , qui le traite (k Li-:
Dedic* vre d'or. Erafme revit audi J'Ouvrag^-
^^^-'^^cf* ^ de Guillaume Lilius à la folUcitatipt^
ColSiuï: ^^ Col«. LiUus avoir été .ng,g4p«
^ Colet a faire une petite urammaire ^
qui avoit pour titre ( i ) : De la cpni^
truâion ae$ huit parties d'Qi^ifozu
On Tavoit imprimée fan$ nom à'Axb^
^tçur, & ellç avoit été attribu4^ è^
J^rafme. ,Cc4et le pria de la rçtoD«t
cher ; & U la publia en meUkur qt^
dre Tan ijiy. à Baflç.
Ce ne ^nt pas-là les fêuls Ouvr^^
ges de Granunaire qu'ait fait !Çrafa^ s
ojQ imprima en i jr44« aprè« fa mprt ^
un abre^ de Rhétorique (fc) q^'H
Bek* Fop^^^^^^ compofé pour D^mij^n Qo^m
pcns! *^" Noble Portugais, à qui il épriç ^Aun;
lieurs Lettres » âc qu'il aimoit aif^X
i)our le prier àe venir Ipg/^ pvee
,., •-^,^.. ui (c).
^^ L. 3o« Erafme fît un Difcours qui eitune
^(pece de Sermon, pour h Collfg^
de Colet ; il a pour titre ; Difcours
fur r^fant Je.'us , prpnpn(;é par juti
Enfant dan^ l'Ecple de Cplef ; à^
C I ) D^ odo Orationh fartium çonjimç*.
tionu
l^elte il y a uif tableau de PSiffanC^
léfus rejn^ienf é comnieenfelgnaht (ijt "
Le Sermon eft divifé'^n trôïs par^
fifes. La ^pfemiercf efr* un Eloge de-
J»C. enfertt-: oi^fek vôhr dans la fe«
ébndé-les obligation!^ 'qMéles: hommwf '
oftt à J.- C' 4a ^éteflité Hie raimer y ,
fesbemiéspôuyléiS' Enfittw, «qu'il . ^
f&t faire poiir Tiimcer & mériter fei^
^ces; la trOifiémè piirtie re^réfenttf '
fe avantiages "& • le» doaceurt d'uncr •
ih Chrétierflfei «f-^let i^lfonlpenfe*
Îii eit foht les fuites. Le Traduôeui*
rahçôfe dété Difcoufs (a) a jugé<^)M.Mur
cjttli étoif de la dtfméiré mipiflrflince /o^«'* ^
8c qu'on -ne pôUvoit trop exhortera*
; telire. Colët mourut 4 Londres d'une*
\ htdropifie l'aw I y Ip. âgé ""de près dc^
; tifequame-^oislnsé'(^)Eràfme-en fut^(^) Eplflé^
tes la pluf^prôfottdfrdodearf Itdé- J L. t^. -
cfera que dcpirià-trefite ans ilnyàvoit|/^(^* ^^♦v.
; I*ett uneHtiortqtiilûi^eûftauféùne^^^^^^ ^
i 9x£\ irande triftetfe <îue ^élcAï. » II"'
»^efenttble,-difoir-il ((f) ,*quéfai péif- '(c) Bftfl?
•^ulnGolAla-iftoittèd^moA même^V^^t^
*Quel hompac l'Angleterre a perdu !
^^ifc^e^fttis malheùrtux^'êefc pri^
^fi^ro in nova ScholâJoannis Coltti fer eum^
^^ml Londini\ in quâ ff^fidît Ima^^i^
îjpti 14^ * *^ ^^^^ (^i î ^*i* il ne put pas c6n-i^
tehter foh^défir, |)arc« qu^ti ne lut
eii voya ^a^ des Mémoir ey aflfefe coi^-»'
pîets. Si Erafme'eût pôùf lui laplur
Crfaîte eftimej luïdèfoh côté avoic
plus grande idée d'Erafme : il nV
pas crtiilit 'dr dire que le nom d*E-
wtfme fefôit immortel ( i )} &"^qu*il'^
r(tfEpift. fe^croiroit heureux (fr) d'être dans la*
k^« Ux. plus grande mifcre, &"deyo{reder lar
«illieme partie -de^ ia ^dûârine d'E-
mfme.- Thcmiaé IVfètôs i^oÂébre par*
fafortunéV parfa difgrace, & par la*
teauré de fon-^génie , ne fut pas moins*
ami d'Erafme quer Warrham , & quV
^ Colet. ' ,. . •
ri) VÎ- Des Ameury(e) , dom-hrfiiffi-age^"
«M.«rGa- à la vérité n'eftpaînf un grand poids ,>
Z'^cu'^^^^^^^^^ que la cohnoiffence de-
rièufe, L. MoTûs* &'d*Eiaûne avoit commencé*
fy S. 7. p. ^^""c façon finguKére. Morus rencoti'
j||i tra un homraTe qui pâtlok très-agréa'
blementi & qurrailbnnbit trèt-bien y
, après Farcir entendu pendant quelqûcr
tems , il s'écrfa'-tout-d'un-coup : ^ ovt
a^ Vous êtes un Démon, ou vous êtéf
«•Erafmei » & il fe trouva queffedi-ï
^Xj) mmtn Efafmi mHfùm feri^ffi
taraient c'étoit Eràfme, Morus nâqiïk
i^ljondres ( ^ ) dans une famille médio- W Epijf.'^
cte; Erafme qut l'a connu parfaite- ^''^Z* ^«^^^
ment, en fait ainfi le portrait dans ^' '^^^*
ime Lettre à Hûttenus ( S) un des ad*- W Epi/f#'
i&irateurs de Morus*, & qui défirokJ^* *" *^«'
lie rien ignorer de tout ce qui re*;
gardoit cet homme célèbre; » Sa taille
» n'eft ni grande nV petite » elle eft
» bien proportionnée : il a la peau fore»»
» blanche , peu de barbe , les yeux
» bleux. Sa fFfaifionojfnie eft gracieuft
>»'& riante; it eft fort guai , fans ce*
«pendant donner dans la boufonnerie'C
w'fon épaule droite paroît un peu plus
» haute que la gauche , fur-tout lorf**
*quM marche-; ce qui eft PefFet d'u»
•'ne mauvaifé habitudô plutôt que de
*»*fa taille. SéS mains fe fement un peu ^ . , ^t
^dela campagne.* Il n*a j^^iais été ^^^^"^^^^^
• fort-attentii à la propreté : il eft'^''''*' *
«très-peu diflfcile fur k'nouî*riture.
* Dans routée fa jeunefle ilne buvoit
ï^prefque que de l'eàu : il âimoit mieux
^les nourfitures groflîérds que les
*» mets délicats ; les légumes , les fruits
*^8c les œufs épient ce qu'il mangeoit
^'avec le plus* de plaifir. Il fe met
' 'toujours ftmplenftent , fi'cfe n'eft dans
j ^es occafions de cérémonie , où il
ttÈ6 . V il- ._ ,
a^ges. .Onne fauroic imaginer conî^f
a^bien il eft ennemi du cérémoniat
3* H avoitdé l'avçrfîon pouf la Cour y
I»! parce qu'il haîflbit latyfaflpi« , &
•^.qu*il aimoit la liberté & Pégalitér
•► Henri Vlil, eut beaucoup de peine
at'à l'attirer à fa Cour. Quoiqu'il ai-
a»:me beaucoup le repos & la tran-
» quillité, perfonne ne travaille plus
» que lui Iprfque cela eft néceffaire. II"
» paroît être né pour l'amitié. Il eft
a^aflez peu attentif à fes" propres af-
«faires; mais il eft fort- occupé de
ai^^celles de fes amis : enfin c eft un'
ar' modèle pour ceux qui ont d^amis#^
» Sa fociété eft fi charmante, que quel-
» que trifte que l'on foh , il n'eftoas
ai'poflîble de ne pas prendre plaifiri?^
a*' fon entretien. Dès Tenfance il avoir
aoraimé la plaifanterie , mais lànsdon-
31 nér" dans la boufonnerie , ni dan^
m le mordant. Il fit quelques Comédies"
«•'dans fa jeuneffe , & roêmfe il les
a^'joua : il compofa^auffi plufieurs Epi-
«^grammes. Il eue des inclinations^'
a» mais fans fcandaie. Il profita plutôt
.3*^des ofctafions qui fe préfenterent t
a*^ qu'il ne les rechercha; & il fut plus'
■^tenfîble au plaifir d'aimer qu'à ce-
^luf des fem. Il s'appliqua de botine^'
mtÈt/û étudia le Grec & la Philo*
a^ibpliie malgré fon pere^ qui Biena«
» çoit de le déshériter , parce qu'il-
» abàndoimoit Técude- des Loix qui
^étoit la profeffion de fes Aîicêtres.r
* Quelque répu^nce qu'il eût pour
»ce genre de vie, il tut oblige de-
«l'embraffer pour ne pas fe brouiller
^Wfec fa famille i &~ il s'y acquit
a^ une fi grande réputati(Hi, qu'il^
f*ny avoit point à Londres d*Avo^
» cat amant cônfulté que lui , & qoi'
*^ gagnât autant. Il s'étoit fort-appU-
«que à l'étude des Pérès; & étant;
•^encore très- jeune, îtiavôit expliqua-
ntes Livres de Saint Âuguftin de la-
» Cité de Dieu en préfence d'un-
^ nombreux Auditoii^e , oîi fe trou-
•^ voient des Prêtres & des gens a van-*
'•ces en âge, qui ne fe faifoient pas-
*une honte d'être inftruits par un jeu- '
»ne homme. Projettant d^embraffer
• l'état Eccléfiaftique , il fe donna»
s tout entier â la piété & aux moni-
» fications ; maisiaifant réflexion qu'il -
9» lui étoit impoilîble de fe pa(fer de^
. v^femme , il aima mieux être un Ma-
«•tichafte qu'un Prêtre impur. Il étoic^
«d'un défintéreffement parfait dans-
^a .profeffion d'Avocate il étoi^ tou^
nylui^ pptts ïes^âGC<HaamQdemeD$f itlù^
#> Ju^e' des Caufes Civiles à Cioni
aj^endant quelques années. Il expédia
» promptement tthzçs lés Caufes
a^ refufoit leS' ébicès péhmfes par
*» Loi; ce qu! lui fit la plus gradi
n réputation , & lui procura Tamit
» générale. Le Roi Hehri VIII. ayaii
» entendu parler de fon lïiérite , ici
» ploya en quelques ambaflades do
» il s'attjuita- tout au mitvtx, ; & il en I
^'fi cbnVent , quSl voulut atfôlume
-«'rattacKèr'à la? Gour, niàlgré toi
* ce que put faire Mb¥u§ pour s'o^
» pofer a fa fortune. Henri l'ain
» long-tems à un point qu'il ne poiï
» voit vivre fans lui : il lui étoit utSj
sapeur fesaffarres, S'néc'èflaire potî
•►^iès délaflfemens. Son élévation ri
a» l'empêcha point àt fe fouvenir à
'»feS anciens artis, ni- de cultivera
w littérature; Il fefervôit de fon cr^
••dit prinèipalcment pour être utilel
» {es amis. Col et diîbit de liiB , que c'é^
»'toit le premier génie d'Angreterre;*|
On lit dans fon Epitaphe aue Fôn'
lijÉpijE trouve daifisîes Lettres d'Eraimèf^)]
l.'iy. f»que Morus apr'ès a^roir été appelle y
?jo^. li Cour; fut mis dans le Confeildé
Koî & créé Chevalier , nommé Sous-
Tréforler , & enfuite Chancelier; qu*il
Weitiçnt ^ & envoyé plufienrs fgjs
anabaflade.
Jl parvint à tous ces hpnne^rs fans
savoir brigués (a). Il (ut Chancelier (a) Efifl;
jrès la difgrace du Cardinal Wol- ^- & »^.
i ;• refus de Varrham. Ce fiit une h ' ^ff'A'
âe générale dans le Royaume ,lorf-/^* - *^*
l'on apprît que rhorçipe le plus di-
t avoit 5^té ^levé à la plus grande
ce. Il ne la çonferva p^s long-tems:
I attachement à la Religion Catho*
ue lev rendit odieux au Roi^ qui
ojettoit de rompre entièrement avec
Coût de Rome, Â^orus prévoyant
?YÛes di4 Roij donn^ fa^éu^iflioe
M la digîiitéjde Chancelier ; & danj
fe fuite ayant refufé dç ^igper TAéle
jij^ Parlement qui déclaroif nul le ma-
tijigedtf Henri VIII. avec Caiçherinç
d'Arragon , & qui aboliffoit en An-
ri^tcrre rautQtité du Pape , il fut etir
'vçyé à la Xour ; on lui fit fon procès ; .
& il fut condamné (i).à mourir de (^^fii^Iait;
1^ mort des traîtjcâ , c'eft à-di^e à être Acdd^icT
pendu & cnfuite éventré. On Imî dit^^ Scien-
eqfuiteque le Roi ufantded^meice,^^^*^*^'/.^
l^i feifoit grâce deice fupplice , & qu'il ^^
auroit feulement la t^tç tranchée. « Je
•.prie Dieu , réppndit-il, {ans témol- ,
»^er le moindre eftroi, qu'il pr^
Jtfcrye tçus jnes axnif d'uqe jfçm^l^bl^
^4) Rapîn j, çlétncflce.» (^) Il conferva jnf^tam
^ p^* ^'dernier moment.çe caraftere de gaief^
#'•/• 3'^'* qu'il avoit toujours eu; il dit.i celjjx
jOui lui donnoit la ni)ain pour monter
.iur réchafaut : » Je vous prie de yoy-
»> loir bien mVider à monter 5 lo<l^
^ s'agira de defcendre, }e il'incommo-
^ dcçai p^fonnç. « îLorfque fur I^
^ôint d'être décapité il eut inis fa têtç
lur le billot , il s'apperçut gue fa bar-
tbé étpit engagée Tous fon menton*
il fe leva promptement , en difant à
j'Exécuteur qu'il fe donriât un peu de
patience, jufqu'à ce qu'il eût mis fa bai>
ïpe dans une feutré fîtuation , p^rce
que n'ayant pas commis de trahifon^
il n'étoit pas jufte qu'elle fût coupée
^rafme qui ayoit pour Morusja plu$
gtande eftime ^ rattachement le plus
-tendre , apprit la mort de cet illuftrjç
^h) Efin. ^ ^^^ 1^ PÏ^s excqflî ve dQuleur (fe) >
jt. L. ^.E-P II ipe femble que je fois mort avep
fiji. 35. L. »Morûs,difoit-il (c) :-carnous n'avions
T) E •/? ^ q"'^«aofieànous-cleux ; » ^& fans
(m87* '^^°*^ ^^^'[^ ^ ^^ ^"^ pquri:oit en pcQ-
. fer le Roi 4'Anglçterrç., il en fit ua
grand éloge le 6 Août 1^37. dan^
la Lettre qui eft à la t|te du Prédji^
4;ateur Evangélique. Il affur^ que J'amç
,de Morus étoit plus blanche que ia
^^<^ î <3i«P l'Anglçterrç ja^ (;putmnéç
jk produire de beaux génies^ n'ep
•voit jamais produit &' n en p^oduir
roit jainais de pareil à celui de Mo*
/us. Dans cette même Lettre Erafme
donne de grands regrets à la mémoî-^
re de Jeati Fisher Eveque de Rochef
ter , qui yenoit d^être exécuté le ($
Juin 1 5*3 y* pour la même caufe qui
^voit fait périr Morus.
Morus âyoit toujours eu pour Eral* .
me l^ fentimeûs les plus diftingués :
dès qu'y a voit commencé à le cpn-
noître, ilTappelloit (a) la moitié de (a) EfîJI^
lui-même. Lorfqu'U eiit donijé la dé- '^.^ V^
jniffion de la di^niré de Grand-ChaD- g'^^-^ '^«
celier , il en fit part à Erafine rar *^'
une Lettre {h) dans laquelle il lui tait {b) Bfi^
entendre qu'il le re|;arde comme \p,^' ^* *74
Wemier homme de fon ^cîe. Apres
'^i avoir expofé qi^e fon deflein étoit
^l'employer le mieux qu'il lui feroit
poflSble le tems qui lui reftoit à vivre ,
)l ajoute : » Au refte nous ne fomnx^
• pas des Erafmes , & nous ne devons
» pas nous attendre que Dieu nous
9 accorde ce qu'il a peut-être accordé
j* à vous fe^l- Q^el eft en effet le
51 mortel qui malgré les incomipodit^
« de la vieilieffe , & des maladie?
3» continuelles capables d'accabler niê-
» me un jeune homme , puiffe donneç
ii tous l^ ans d'excellens ïiWfet ai
^1^ public ? . c'eft une efpece de niiracle:|
» & ce <jui eft encore^plus forptfinamj
p & ce qui prouve en jnêsie tems uk
• courage admirable , .c'eft que voui
«>.ne vous laiflîez point détourner p^
!•, cette nuiltitude de miférsîbles criti^
9> ques que la jaloufle , vatre génie &i
» votre incomparable érudition voi^j
• fufcitent; mais leur malice retombe
9» fur eux , & yous n'en paroiffezqiH
' ta) Ef (/?• ** P^"^ grand, p Morus fit lui- même (^
^o. L» -»?. fon Epitaphe , & il Terivoya à Eraf-
me^, dont l'amitié ^'étendoit fur toia
ce qui appartenoit auGrand-Cbance-
(h) Epijl. lier. Il dédia à Jean Moru3 fon fik (i)
|j^.;L. ;ij?* le Commentaire qu'il ay oit fait fur unp
Elégie , que quelques-uns attribuent à
Ovide , & qui a pour titre , la Noix.
CetteEpître dédicatoire npus apprend^
2ue les filles de Thomas Moru?
toient en liaifon.de Lettres avec EraC-
me , & qu'elles éfrivQienc très-purer
ment en Latiti.
Ceft à Thomas Morus qu'eft dcdié
le Livre .célèbre connu fous le titi;pi
XO MorUdc VELog^de UFolie (c). L'Epître dé-
t^nqqrnium. dicatoire qous apprend loccafion ^
Je fujet de .cet jOuyrage ( î ). ErjiffnC
^,1 ) La date dç jcette Epure iéSc^oite
^evenanj
D*Er A S ME. f5)f
lÉfenant d'Italie pour arriver en An-
jgleterre (a) chercha à s'occuper agréa- W ^f'-^^
fclemcnt &tandisqu il étoit à cheval ; il"^^' ^* *^^
ne<nnit pas pouvoir le mieux fairc,qu'«n
compolant l'Eloge de la Folie. Le
nom 4elVtorus^i en Grec a quelque
rapport avec le mot de folie dans cet-
te Langue (fc), ki en fit venir la pre- (h) M9^
miereidée: d'ailleurs il s'imagina que*^^>^^^^
Morus qui itoit une «fpece de Démo-
crite^ pourroit prendre plaifir à la
ledure d'un pareil Ouvrage. Il le prie
de vouloir bien le protéger : » car ,
• dit-il , il y aura affez de chicaneurs ,
9 qui foutiendront que ces bagat^Ue^
• ne conviennent point à un Théo-'
p logien , & que le ftyle en eft trop
» mordant. Mais ce feroit 4tre bien
» injufte , que d'interdire ces ibrtef
» d'amufemens aux Gens de Lettres ,
■> fortout fî par - là ils peuvent êtr^
» plus utiles q^e par des Livres fér
m ricux. Quant au reproche de mé-^
s» chanceté , on ne peut pas nous U
» faire jivec raifbn , puif^ue nous n'a*
tfi du p Juin IÇ0.8, & eft certainement
fâulTe ; car comme l'a déjà remarqué M, le
Clerc * Eralme étoit pour lors en Italie %
(i ce fut en Angleterre que l'Eloge de If
Folis fut çompofë.
* Btb. choifie , /. 5«f • 77*
194 Vis
p vons nommé perfonne , ^ que nojil
f nous fûmmes conceocjés de donnei^
p des confeils, »
Lorfqj^*Erafipe commença cçt Oii*
(«) ^pft' y rage ( ^) , il ne fongeoit qu'à diflipef
4p^l* ad 1^ douleur que lui çaufoit un gran4
Vprpum. ^^1 ^^ ^^j^^ ^ ^ rennui dç n'avoir
pas fes Livres qui n'écpiehc point e&r
.core arrivés en Angleterre. Son det-
- fein n'étoit ppint de le faire iipprimer?
âl en lut le commencement à fes amisi
qui en fiirent fi contens qu^iis le pref-
liprent de l'achever ; 6? en ftpt jour$
de ten^s il le finir. Cet élogç de h
Folie eft unç Satyre très-ingénieufç
de tous les Etats* L'auteur y critiqua
avec une très-grande liberté lesThép-
bgiens $c leis Moines , qui dans 1^
çomipencement du feiziecpe fiéclç
^voient une très-grande çonfidération
d/ans le monde. Ërafme ne confultant
que fon goût pour la plaifanterie,ne
ménage pas même Jules 11 • qui étoiç
Îour lors affis fiir le Siège de Saint
ierre : car il y a apparence que c'eft
de lui dont il eft parlé dans l'endroit
pà l'Auteur dit : » Vous verrez des
» Vieillards décrépites qi^i pnt autan?
» de courage qu un jeune homme t
P rien ne peut les détourner , ni dé^
f pçnfe j ni pçiwej, iQrCju'U s'açiç
T)' E R A s m R. Ipf
*• de troubler les Loix , U Religion ,
«> démettre tout m confuûon. Ils ne
a» manquent pas de flatteurs qui don-
» nent le nom de zèle , de piété &
■» de force k une folLe fi manifcfte. Les
» Pontifes font fort attentifs à amafler
» de largent^ quant aux travaux Apof*
I? toliques , ils s'en déchargent fur les
» Evêques, les Evêqucs fur les Curés t
» les Curés fur les Vicaires , & ceuxr
» ci fur les Frères Meadians. im
On ne peut connoître tout le mé-'
rite de ce joH Ouvrage, au'en le lifant
dans l'original , parce- qu il efi rempli
d'allufiôns trè --fines , qui ont rapport
à ce qu'il y a de plus élégant dans les
pQeilleurs Auteurs de TÂntiquiti ; ce
qu'il n'eft pas poffible de bien faire
lentir dans une traduâion : c'eft pour*
quoi ce Livre a beaucoup moins de
4:élébrité préfcntement. , qu'il n'en
avok dans le tems oà la leâure des
Livres écrits en Latin ^étoit plus en
wfege.
Il eut un fuccès prodigieux. Ayant
été apporté en France (4) on 1 ijn- .(à)ErJf^
prima à Paris fur une mauvaife copie 5 ^^ ^^''^
(en quelques nK)is on en fit fept édi- ^''"'*
tiens. Il fut lu iavec le plus grand plai-
fir {b) par les Evêques , les Arche- (h)npiji.
y%e?* \^ Ripiis & li^ Cardinaux, x^ i^ 10.*
^ Jij .
sr^6 V 1 B
(c) Eplfl. heon X. le lut tout cnûcr {a); Si
'^7- -^P après s'être fort amufé à cette leâu-
254# ^c > îl ^i^ ^" plaifantant : » Notre Erafc
» ine tient auflî fon coin dans la fo-p
» lie. ^ Ni lui , ni les autres Papes
liaus le Pontificat defquels il vécut,
ne lui firent jamais aucun reproche
fur cet Ouvrage. Il affure dans Ion
Apologie contre Stunica, qu'il s'en
vendit plus de vingt mille' exempbi?
res ; que plufieurs Princes & Evê7
ques , & même des Moines , après
l'avoir lu, lui en ^voient fait des com?
pîimens.
(l) EpW. Jean Watfon lui ^crlvoit (fc) qu'il
13. L. I. étoit incroyable combien ce livre étoit
recherché , & qu'on le regardoit comt^^
me la fouveraine fagefle* Adrien Bar-
(c) Eplfl. land, Profeffeur de Louvain^affuroit (c)
•»5« ^« !• que dans cette Satyre il y avoit une
érudition admirable , une grande li-
berté , un peu trop de cauflicité &
de fel. Il ajoute : ^> Cette liberté avoit
98 dans le commencement ofFenfé quelr
»ques-uns qui ne vouloient pas que leur
?> tolie fût reprife par la Folie ; mais
» les Savans & les gens de bien ont
«> lu avec le plus grand plaifir un Ouf
m vrage fi élégant , fi agréable & fi
(d) Ept/}.^ ^^^^^^\^ Vives écrivant de Bruges
ïop ^. 17. 51 Erafme (i) , lui mande qu'il a piflÉ
a-Paris ,^ où il s'eft apperçu que ftl
Folie faifoit les délices de tout le
monde. Paul-Jove affure que ce Livre
cft très-agréable , qu'il a eu un très-
grand fuccès , & que c'eft lui qui a
étendu très-loin la réputation de fon
Auteur : il eft vrai qu'il prétend en
même tenas que c'eft une badinerie
indigne d'un Eccléfîaftique*
Gérard Lyftrius l'a commenté (a)i (a) Fo-i-
Opmeerus & Deffelius ont crû qu'E- pens , ult^
tafine s'étoit caché fous ee nom ; mais Beîçric^.
Patin eft perfuadé que c'eft (i) Lyftrius W P^éfagi
lui-même qui a fait les notes qui lui ^ ^^^*
font attribuées^
L'éloge de la Folie a été traduk
en toutes fortes de Langues. Halluiti
le fit paroître en François dès l'art
lyiy, Erafme fut très-noécontent de
teite traduéèion j il affure dans une
Lettre à Lyftrius (c) que le Traduc- W ^/>'/^-
teur lui fait dire des chofes auxqueU'* ^' *^
les il n'a point penfé , qu'il en avoït
paffé beaucoup qu'il n'entendoit pas ^
ic qu'il avoir rendu très-mal pluueurs
endroits.
Cette traduction nuifit beaucoup à
Erafine (i):tout le monde étant à (d)Er^^
portée de lire cet Ouvrage , les Théo- * m. 4j^
bgiens & les Moines qui y étoient^^^"^
l^n^ en ridicule , crièrent au fcao^
fp8^ V I B
^ale, &avaficerentpubUqi!emef!tqiwr
Yélog^e de la Folie étoit ce qp'on avoit
fait de plus dangereux contre la Re-
ligion. Ceux qui attaquèrent cet Ou-
vrage avec le plus de fureur dans les
comraencemens , furent Brifelot , Jean»
de Louvâin , Stuniea & le Prince de
Carpi. Brifelot de Carme s' étoit fait
|ii) Epift'Bénéàidiin (a); il étoit Dofteur de
M8d'i64.Sorb0nne: (es fureurs contre Erafîne
Àf^ffjui. mirent en colère Morus , qui dans une
de fes Lettres le traite de corBpofé
de folie , & affure que c'eft un igr\o-
rant & un^ méchant , qui fe déchaîne
contre un très-honnête homme & un
très- fa vant homme, Jean de Louvaîti:
étoit Gardien des Cordeliers d*Amf-
(Sy Epifi. terdâm ( b) ; il difoit hautement qu'il
iT4" ^P'Y ^voit fujet de craindre que l'Eloge
Un^ de la Folie n'éloignât les jeunes genst
de toute Religion. Le Prince de Car-
pi enchériflbit encore fur ce difcours^
puifqu'il afluroit qu'il y avoit autant
d^impiécé dans cet Ouvrage , que s'if
tût été fait par Porphire pu par Jo-^
lien : c'étoit de tous les Ouvrages^
d*Erafme celui contre lequel il invec-
tivoit avec le plus de fureur. Stunic»
<:toit encore plus emporté , puifqu'it
o^a dire que ce Livre fe-nbloit a>w3ir
été àiâé par la^ bouche da Diabie^
Il eft conftant que s'il fit une grarr-
de réputation à Erafoie^ il lui fit auill
grand tort dans l'efprit de plufieurs
perfonnes , qui , conmae le remarque
rloridus Sabinus ( fl) , commencèrent (a) T^o^rt.
dès la publication de cet Ouvrage àM<^fA^î»
avoir mauvaife idée de fa Religion* ^ ^'
Parmi fes amis , il y en eut quel-
Ques-uns à qui cette Satyre déplut ;
t Abbé de Saint Bertin étoit du nom-
bre. Erafme l'ayant appris , lui écri-
vit (i ) le 1 5 Décembre i J 17. Il fup- (^) Epifi.
pofe dans .cette Lettre , que le mécon* *4« ^* »©•
tentement de T Abbé de Saim Bertin ne
tombe que fur la tradudlion Françoife
^ui avoit été faite malgré lui , & dan^
kquelle le Tradudleur avoit fait deî
additions & des changemens qu'il n'ap*
prouvoit pas ; il ajoute que l'original af
eu l'approbation de LeonX, Sutor^
pour ôter ce retranchement à Erafme f
a prétendu ( c ) que Léon n'avoit ap- (c) Epîfi.
prouvé que Félegance du ftyle ; mais ^^î*
Erafme répliqua que le Pape l'avoit
approuvé , non-feulement comme bien
écrie, mais auffi comme pouvant être
utile aux Théologiens & aux Ortho-
doxes. On peut juger de la force du
faifonnement de Sutor , par l'argu-
* inent qu'il employoit pour prouver
^'Erafme étoit un blafphémateur dans
I iiij
S<5» V ï -Ê
fon Eloge de la ï^olie* Cieu , difoiC
Sutor , eft le Qieu des Sciences : ^r
Èrafme attribue les Sciences à la Fq-
Ée j donc il blafphêhie. Mais abari-
éonnoiis ces Critiques au mépris qu'ils
méritent , & partons de gens plus rai-
fonnables^
Martinùs Ûorpiuis , Dofteur de
Louvain , faifoit profeflîon d^être un:
4»y Efili. des meilleurs amis d'Erafme ( a ) : des
'^^•**' Théologiens qui n'étoient pas contens
de TEloge de la Folie , cherchèrent à
ïe prévenir contre cet Ouvrage ; &
ils l'engagèrent à écrire contre Erafme
à ce fujet : ce fut le premier de fes ad-
verfaires qui ait fait un Ouvrage pu-
felic contre lui. Erafme crut devoir y ■
0}ÈfiJfé répondre par (F) une Lettre apologéti^
'^ U 5 1 . que, qu'il adreffa à Martin Dorpius lui-
même. Elle eft écrite avec la plus-
grande politeffe ; il y paroît prefque
fâché d avoir publié 1 Eloge de la F©-
l-ie , qui lui a fait à la vérité beaucoup
d'honneur , mais auflî qui lui a lufcké
beaucoup d'ienriemis : il affure que fon
^ feul objet en compofant cet Ouvrage »
a été de donner des confeils , d'être
utile , de travailler à la réformation
des mœurs ; il convierrt que ce n'èfl
pas fans quelque raifon , qu on lui a re-
proché que le principal perfonnagj^
I^^E R A s If K. 201
4u il a introduit n'eft pas aflez grave ,
|)Our le faire parler fur des matières
auflî férieufes que celles qui font le
fujet du Livre : il foutient avec S. Jé-
rôme , que les critiques générales* ne
doivent ofFenferperfontie ; qu'il n'avoir
eu en vue que cette efpéce de Théolo-
glens^ qui étoient indignes de ce nom ;
3ue plufieurs d'entre ceux qui méritent
'être appelles Théologiens, d'une
vie exemplaire , d'une grande érudi-
Hon , ne lui avcdent jamais fait un aufli
ton 'accueil qu'après la publication de
FEloge de h Folie ; que parmi ceux-
li il y avoit des Eyêques., qui étoietit
plus contens de TOuvrag^ que lui-
ttiême. Il fe plaint enfuite que fes en*.
Demis fuppolent qu'il a parlé férieu-
fement , lorfqu'il n'eflr queftionf que
de plaifanter , & qu'on ne fait point
^{fez d'attention que c'eff la Folie qui-
^arle. Dorpius auroit fouhaité qu'E*
fafme eût fait l'éloge de la Sageflfe ,
Sui auroit été une efpéCe de Palino-
ie; mais il connolifoit affez le ca-»
fadere dé fes ennemis , pour être per-
ft'ddé qu'il ne feroit jamais un pareil
Ouvrage (ans donner encore de nou-
velles prife^ à leuf mauVaife volonté*
Cette réponfe à Dorpius eft datée
i' Anvers Tan i Jiy^. Qeft un nK)délf
^to^ V r w
de polîtcffc : dk occupa IutSxsa frclp^
dant douze jour?--
Dorpius fut fi touché (fcs procédé»
lonnêtes A'Erafinc, qu'il ferécofld-
rd] Von- ijj fincércment avec lui ( a )• H |ut
^^'4 ^''; écrivit qu'il étoit très-Schë d'être en-
f m'Ar tié en difpete avec lui. Vl ajoute (fr.)
p! ; J7. ' que les Princes & les Savans parlent
{h) Eftfi. de fes Ouvrages avec une fi grande^
74- L. 5-admiration,qu'ilnc croit pas que dans»
*;(^ x7' 1^5 Çiidcs paflés jamais homme de Let^
^ ^ lies ait été auffi loué.
Dorpius faifant un difcours pubbe*
(cj Eff/!.(e)ai lyip. parla d'Erafme avec
4/f. E0 iloge. Bs s'écrivirent avec cordîali*
^' ' ^ '^' té (i> depuis cette difpute ; & Dor-
kJf^. ^^"pi^ étant mort, Erafme le regretta
li) EfiJI, tendrement , comme un homme qui-
7. L. I. £- avoît mérité Teftime de tous les Sa-
0^12. /^ans(e> : il déclare quefifes Livres
fl\\u^.^ neavent durer long- tems , il nelaijera
ulorTIn pas périr lamémoire d'un homme fi ef;
cen.Bedda. umablc. Il lui fit une Epitaphe, q^^
Ipi(>^ ^4. en donne la plus grande idée ( 1 V
( 1 ) Mart:itHs ubi ferras rtVquh Vorfiusy
Suum orbtk fanum fief farens Hellandia^-
Uhcologus-Ordo luget extinCium decus ;
Iriftes Camame , candidis cum grmts r
c lansum P^tronum hchrimu defderani^
■. ' !>' É R A S 6 f . 40î
^ ©ans l'Àbregé de fa Vie , 6i Eraf^
me rend compte de fes difputes , il
déclare qu'il faut omettre celle qu'il
eut avec Dorpius ^ parce qu'il avoir
été convenu qu'elle feroit regardée.
^ comme non avenue, Thomas Morus
qui étoit ami de Dorpius & d'Eraf-
^me , prit parti pour fEloge de la Fo*
4iç dans une Apologie qu'il en fît ( a ) , (4) P. t4«
;& qu'il adreflfa à Dorpius, Erafme »P»**s l^t
;^près avoir fait l'Eloge de la Folie , ^"^"^ **•
fut deffein de faire celui de la Nature ^p|*"^"
'**& de la Grâce , ainfi qu'il nous Tap-
'prend lui-même (ft ); mais après quel- (h) Comf^^
<jues réflexions il comprit qu'un fujetviV^,
<auflî difficile , Se fur leqiiel les Théo-
' légions a voient des fentimens fi diffé-;*
Sidus fuum requirh : i mors , inqtêienf ,
' Cruddis , jatr^x^ psi/a , inîq^a & invsdo'i'
' Jfan* ^intttfmfus fl9ri dam arborent ftcans p
^jot dotibuSy tôt ffetuiorbas. omnium
ititffenja vota f Vremttevoces im fias :
tltfn perih ille ; viyif, ac dotes fuaf
.Hune tuto hahet fubduClas /evo pe/ïimok^
Sors nojlraflenda eft : gratuî,andum eft Dorftpé
Hke t&rrA fervat .men tffhofpstiiin j/«r .-
. parpifculum 9 q»od ad çanvfrm bnccinm
facem refi^nans , optft^iareddetfidc.
Agrès l'Epit. ^»du 19^* Livre.
104 V't,!r-
rens , rexpoferoit à leurmâuvaîfofiu**
meur, & il abandonna ce projet,, J>
<4) TraJ}. a affuré (a )' que s'il avoir pu prévoir
tibr. cujuf" les troubles qui affligèrent l^Eglife peu
dam dmc- jg tems' après que' l'Eloge de la Fofie
'^^ parut , il fe feroit bien gardé d^écrirç
comme il avoit fait.- Il n'imaginoic
pas que Ton abuferoit dé fes plaifante-.
ries : il a proteflé , qu'il n'avoit jamaw
eu en vue dans fes Ouvrages que l'uti-
Rté publique , la gloire de T. Chrift Sf
celle de TEglife Catholique ; qu'fl
avoit toujours eu l'attention d'éviter'
tout ce qui pouvoit être obfcene , ouF
lavorifer les féditions & les faftions'jj
& nuire à la piété & à la charité.
Près de fîx ans après là mort d'Era^
lïle, Ta Sbrbonne toujours tr?s-màt
difgofée pour lui décida le :^7 Jai¥-
(ï) :D*Ar- vier iy42, (i) qu'en compofanT
^nrré, /.pËloge delà Folie, Erafme s'étoir
iu ^ * 15?. ^(fclaré fol & infenfé , même impie-,
injurieux a Dieu , S Jefus Chrift, àlar
Viergfe , aux Saints, aux Ordonnan-
ces de l'Eglifè , aux Cérémonies Ec-
cléfiafliques , aux Théologiens , auX:^
Religieiix Mendians, qu'il avoit ofé
infuiter d^une bouche corrompue ôc~
Jllafphénmtoire. » Cet Ouvrage , con--
animiô la Sorbonne, étant auflS perni^
^Qîcieux^d^ donc être détefté 2?V
tttfus Ie« Chrétiens , iw doit point êrie
»mis dans les mains d&K)ut le monde y
•» &doit plutôt être fupprimé, de peur'
» que ceux qui le HroieBc ne dèvinlTen^
P fols & inlenfés , & enfin hérétiques.
Il efl confiant par cds exprefCons fi
©utrées & fi emportées y qUe refprit du
Syndic Beda , le plus grand ennemi
2u'ait eu- Erafme, régnoit encore en
orbontie.^ Nous Saurons qye trop
d'occafions dl: parler de fes> fureurs.
Les. chofes changèrent beaucoup à
Rome à fon égard y* Tes ennemis eu*
. fent enfin^ le ctédk {a ) de faire mec- (a) Vo&tf
ire à iTnd^l'Ètoge de la ï'olie , qui vin.
li'avoîtpas étécenfuré à Rome da«:s
le tems qu'il avoit été recherché avec
k plus d^empreffementr-Il eft vrai qu'en^
examinant cet Ouvrage à la rigueur , jt i
il eft difficile de le juflifier entiére-
; ment >^ on y trouve dfes propofitions
avancées indifcretement : Erafme Iuh
méme efl convenu y qu'il y- avoit parlé*
trop librement ( £ )s qu'il n'auroit pas
dû y introduire J. Chrift ( 2 ) , & qu'il (h) ïl<?p<^*'
auroit beaucoup mieux^fait d'employer ^^ J" ^ .*
( I y^LuJlntus êltm in Mort a , ftd incruen-
ti, licetforUjJe'flUs^atisMerh Epift; i<
£.11.
( i yportàffif cHtiftunrin' hoc album v^
ttHre-nonconviniaiv JSjift. 4*» L» p •:
^Ecriture faînte d'urte feront plusr êÊ^
fieufe qu^il. ne Ta faw dans cet Ou-f
trage,
Erafme eut aliffi en Angleterre m*
Sntime ami dans la perfonne d^André'
Ammonio de Luques^ Itéroit veni^
ehercher fonune-dans ce Royawne ; te
il étoit parvenu : à devenir^é<îrec^ire^
^u-Roi Henri Villv II avok entretenue
.des liaitons avec la^Caur de Rome ^
qui lui avoit donné le caraélera'
de Nonce en* Angleterre.* Il ét<cMt «n^
grand conamerce ae Lettres avec Eraîf-'
me ; nous en avo^s encore quelques*
tines* Il aimoit fon la' Poëfie : on peut-
toir le Catalogue de fes Ouvragèaf
dans Gefner & (kns Baile. ïlconfttî^
t*)' ^pifl- ^^^^ Erafme ( a) qui lui dëclaroit akh-
fo.L.8. dèftement qu'il nefe croyoit pas afliasT
•habile pour corriger Tes Ouvrages j 41
•prbtefte en méme-tems qu?il admiroit
tout ce qui venoit de lui. Ammoniki'
«mourut ^e la fuette l*an f 5*1?: T1m>*
(S) E^/^.naas Morùs affurok (fr) qu'à: fa mortf
*4k L. 7Î les Lettres & les Gens de bien avoient
£2iit une grande perte. Pluiièars ^nnéti^
après Erafme le regrettoit encore amè-
rement. » Que fai perdu- d*aiîcienr
(i)Ef/.'» omis(c) , difoit-il, premièrement
f.L. ij. j> ndfé Amnr.onio de Luques î Bonr
y Pisu ! cruelle finelTe d'efprit , qiieUd^
r
[ 9^ mémcAvû t Son efprit élevé ëtoit aulÇ:
• éloigné de la jialoufie qpe de l'ava^
;»rice. Une mort fubite Pa enlevé- f
^Jorfqu'il n avoir pas encore quarante
■»ans , de loriijue la faveur des Princes
■^ & fes grandes qualités ( a) Palloient (a) Éfifilt
» élever aux plus grands honneurs. Itt4* ^« ^^
;»m eft impoâibk le ne pas pleurer Ùl-
* mort toutes les fois que je penfe
* aux agrénaens de fa fociété, » Ce fut'
iChtz Ammonio qu'Eraftne vit pour la
première fois Louis CanofTa, dont nou^
. aurons ailleurs occafion de parler. Le
•bruit couroit à Londres (è) oue le (h)E0ir
t î^e Leoîï X. avoir envoy-é ua Légat ^ *j 9. fi-
dégnifé en Angleterre ; c^éroit ^^^^'V^!! E^îjh'
jfet de la . guerre entre la France & , ^^ £^ ^^^
.l'Angleterre. Le fait étoit vrai ; &çe
Légat étoisCanofla, qui étoit defcen-
ÀM incpgnitb chez Ammonio. Il en-
voya inviter à dîner Erafme qui pe
l^atteaddit à rien ;.il y alla j& il trou-
va chez fon ami un homme qui avoit'
w habit long avec des cheveux rc*-
- ttouflié« , n'ayant pour toute fuite qu'uit^
&ul domeflique. Ei^afme lia- converJà-
nonavôc AmmQnio, fans faire grande-
• attention ar €#t autre homsie qui étoio
. fréieiity & qui étoit cependant Ca^
. Boflk Erafrae demanda en Grec à fon*
asai qju il étc^t y Ammonio- régondi»'
Ifôf fi*
ëans la même Langue que c'étoît lit
*g[ros Marchand :-^il en a bien Tair, ré-
pliqua Erafme , qui perfuadé que ce"
foie la vérité , •n^'eut pas de grandi
égards poui? le prétendu Négociant.
On fe mit' à table^; Erafme ne parti
qu'à Ammoniu , traitant avec beau-
coup d'in différence Canofla. Il de-
manda fi le bruit qui coufoit que Ledh
X. avoit envoyé en Angleterre un Lé-
gat , avoit quelque fondement jAnî*
monio ayant fait entendre qu'il en
étoit quelque chofe , Erafme dit : » Le
9i Pape n'a pas befoinde mes confeilij
^mais s*il m-avoit cbnfiiité, je Ifli
al aurôîs donné an autre avis. Que Ità
aft euflîez- vous cfonfeillé- , répondît
9i Ammortio f Je lui aurais fait enteii-
»i dre , répliqua Erafme , qu^il n'étoic
* ^ pas encore queftion de parler de
» paix , prfrce qu'elle- ne peut pas fe
* faire toiit d^un^ coup , & que db
30 qu'on la trîïlte , les Militaires fe rfe-
» lâchent; qa'il auroit mieux valuprô-
3J pôfer une trêve de trois ans , pen-
>* dant laquelle on auroit ea le teiiis
*> de faire un traité folide. » Ammomo
approuva ces réfléxion'i , & ajoura t
» Mais je crois qu<î c^eft-là Vobjet du
w voyage du Légac. Eft-il Cardinàfl>
3^ demanda Eraimef U en a dumoi*^
Ô'^Êr ASM «• ^6^
Jiïefprlt, répondit Ammonio. Ceft
* quelque chofe , dit Erafroe en riant.' »
Pendant toute cette convcrfaiion , Ca-
Dofla fe tut : il dit eniîlite c^elque cho*
fe en Italien , & y mêla quelques mots
Latins > qui firent foupçonner à Eraf-
me que ce prétendu Marchand étoic
an homme d'cfprit. Il fut encore biew
plus furpris , lorfquc Canofla fe tour-:
nant de fon côté fans fe faire connoî-
tre , lui dit : >» Je lui« étonné qu'un-
* homme' tel qcie vous fe détermine à
» reflet chesà des Barbares , à moins
1» que vous n'aioûez mieux être feul ici
» que le premier à Rome, » Eraf-
tne étonne d'entendre tenir un pa-^
reil difc^urs à un homme qu'il pre-
fioit toujours pour un Négociant , ré-^
pondit qu^il étoit dans un Royaume
où il y avoit un grand nombre de Sa*
vans ; qu'ail aimoit beaucoup mieux y
tenir le dernier rang , que d'être il
Êome fans aucune confidérationir
Erafme retourna chct lui , fans avoir
le moindre foupçon de la commiffionf
de celui avec lequel il avoit dîné. Quel*
ques jours après Ammonio lui décou-
vrit le myftére , & lui copfeilla d'aller
i Rom-e avec Canofla , qui étoir très-
fevorablemcnt difpofé pour lui ; maîs^
Jtt'en eut aucune envie. 11 fit de;» p^
{jroches à fon ami , qui connoifloîe li
iberté aveé laquelle il avoir coutume
de s'expliquer , de ravoir expofé à
bazarder diverfes chofes quiauroicnc
pu ^ déplaire à un Mimftfe da Papej
mais Canoffa loin d^être m<?côTitent dit
ton libre & hardi d'Erafine, lui fit
a L 6 ^^^^^^ '^^ ^tnhïés poflîbles (a) , &prit
^^ *' • * 'pour lui uîî goût tfrès-vif y qu^il confer-
va tam quil vécut,
Erafme ëtoit en Angleterre , lorf-
qu'il lui arriva m^ avanture aflfez fin-
guliere, qu'H a crû devoir râpportei'
daîhs (es Colloques. Il alloit à cheval à
W Exor> Rich^moTîd avec quelques amis ( fc)V
t* 335?. ^^^ appeiloit Polus , qui fe nvettanc
tout d'urt coup à regarder attentive^
ment Iç Ciel qui paroiflbit fort férainy
fit plufieurs fignes de croix y en s'é-
criant : Ah, qu'eft-ce que je vois / Ceu^
qui ëroient près de lui furpris , lui de-
inanderem la càufe de fa frayeur; it
ne leur répondit que par de nouveâuiÉ
^ fignes de croix , & en criant: Dieu f
détournez ce funefte préfage. Ce dîf-
cours ayant augmenté 1» terreur &1»
cdriofité, Ne voyez- vous pas^ dit-il i
ce Dragon énorme qui a des cornes de^
feu , & dont la queue eft comme ib
cercle i On lui j-épondit qu'on nff
d'Erasmi. lit
toyoît rieiu Quelque tems après un
bomme de la compagnie qui vouloic
qu'on crût qu'il avoir la vue meilleure
que fês camarades , dit qu'il apperce-
voit quelque chofe : \c% autres nonteuH
de ne rien voir , convinrent qu'efFedi-
tement il y avoit de l'extraordinaire
dans le Ciel ; & ils finirent par voir le
Dragon qui n'y étoit pas. Au bout de
trois jours il paffa pour confiant en
Angleterre qu^il y avoir eu un Prodige
dans le Ciel ; on enchérit fur ce qu a-
voir dit Polus , qui jouit ainfi du plai-
fir d'avoir abufe de la créduliré dcs^
Èommes r quelques-uns firenrdes ré-
fiexions férieufcs & profondes fur les^
tffets que pouvoir préfager un Phé-
nomène fî nngolren
Cependant les Chanoines-Régulici^
qui s'intéreffoient à la gloire d'Eraf-
me , auroient voulu la partager avee
lui. Le Père Servais avoit fuccedé k
Werner dans laPtiorature duCouvent
deStein : il avoit toujours été très- lié
(jivec Erafme , comme on peut en ju**
gcr par les Lettres qtfFrafme lui ^
-écrites , dans lefqueQes i\ l'appelle le
plus cher de fesaaiis («) , & lui pro^ (^j ept/fm
têfte qu^il ne parle que de lui, qu'il ne u 7.i».i j»
nnk qu'à lui , qu'il eft la moitié dfc i>* U 3«#
loaame» Dans^ tous fes difi^ens ^o^
«î2 Vit ^
yages Erafme avoit confervé avec I
êl)Efî_ft.vLn commerce de Lettres («a), q
ïi. 35. 3 î* prouve qu'il y avoit tot^jours eu el
37. L. 3i.£r'eux une grande tcndréffe & beai
coup de confiîgice. Dès que Serv;
fut Prieur de Stein , il écrivit à Erj
Hie qui étoit en Angleterre , pour Tei
gager à revenir au Cduvent de Stei
Erafme lui fit réponfe d'Angleteri
U) Bib. (^b ); mais il ne la lui envoya qé'apri
thoifîe» t. être fotti du Royaume : elle eft dat(
«• ?• 17^. ^e Ham près Calais. Illui marque d'i
bord que fa Lettre lui a fait un piaift
incroyaWc , pa!rce qu'elle prouve qu'il
kii a toujours confervé Ion ancienne
amitié ; il prend Dieu à témoin qo^it
eft dans la réfelution de fâife ce qu'it
croira de mieux : il déclare qu'il
B'avoit jamais foflgé à quitter le Cou'
tent , quoiqu'on eût employé la fé-
dadion pour le faire Religieux ; qu'il
n'en étoit forti que par le confcil Sc
avec l'approbation de fes Supérieurs }
qu'il avoit quelquefok penfé \ y renh
trer ; mais qu'il en avoit ét^ découméf
parce qu'il avoit fait attention aux con^
verfations des Couvens fi froides & ft
éloignées de l'efprit du Chriftianifmcj
i leurs repas tout laïques , & à leur
genre de vie dont il ne rèfteroit rieiï
ïe bon^ fi l'on eo- ôtoit ce c^'ofl af»
I D*ERASMr. Sf^-
f^ cérémpnies. Il ajoute que fa fanté
jérat fi affbiblie par Ibp âge > par fe$
laaladies & par fes travaux , qu'il cout
l^it rifque ce fe tuer & de ne pas leur
donner dç fatisfaûion , s'il rentroit
jckez eux. Se lailTant enfuite entraîr
lier par la haine qu'il avoit pour le$
Religieux , & fans garder de ménage- •
iBent pour le Père Servais , il ofe dire
ie le plus grand niai de la Religion
^retienne vient des«différens Ordre$
eligieux,qui doivent cependant peut-
re leur naiflfance à un zélé pieux ;
t'il n'y a rien de fi corrompu & de
[fi impie que les Religions relâchées ;
,^e même dans celles qu'on eflime da^'
\antage , on ne trouve que de froides
Cérémonies , qui ont plus de rapport
^u Judaïfme qu'à Pefprit de J. Chrift,
Il prétend qu'il feroit beaucoup mieuiç
\ & beaucoup plus conforme au fenti#
nient de J» Chrift , de regarder le
monde Chrétfen comme, une feule
Maifon & un feul Monaftere; de croire
que le Baptême eft la meilleure de tou^
tes lesJReliglons ; de ne fe point mettre
en peine où l'on vit , mais feulement
de bien vivre.
Il fe juftifie enfuite des reproche^
çi'on lui faifoit fur fes courfes conti?
jtwçllc$;il Distend que jaipais il n> çh^i^t
at^ Vie
gé de lieu, fi ce n'étoit lorfque la peftc
i'y avoit forcé,ou pour des raifons d'é-
tude ou des motifs de fancé ; que dans
tous les endroits oà il avoit été , il
$ivoit vécu de façon à mériter l'eftime
lie tout ce qu'il y avoit de plus hon-
lîjêtes gens. Il aUure qu*il n'y a point
de Pays où Ton ne cherche à l'attirer;
qu'on le demande en Efpagne , en Ita-
lie , en Angleterre, enEcofle. Il fi»
nit par lui expof(W les raifons qu'il a
eues de quitter Thabit de Chanoine*
Bégulier ; & après lui avoir fait paît
de Tavanture de Boulogne^ qui avoit
pcnfé lui coûter la vie , il lui apprend
qu'étant arrivé en Angleterre à fon
retour d'Italie , il avoit voulu repren-
dre l'habit de ÇhanoinerRégulier t
& qu'il avoit paru ainfî dans le PiJ'
fclic ; mais qye fes amis l'avoient averti
.que ce n'étoit point l*u(age en Angle-
terre de voir de pareils habits ; quç
\e Peuple les verroit avec impatience;
ce qui î'avoit engagé à reprendre Tha-
bit ordinaire des Eccléfiaftiques. H
r.^mercie le Père Servais des mouvç-
ijiens qu'il promettoit de fe donner
pour lui procurer une place avant?*
geufe. Il ne s'étoit pas expliqué pl95
clairement. Erafine avoue qiu'il ne àç-
yinp pas ce que ce peyt être , k W^^^*
^ B*Î; R A s M E, 21 f
que ce ne {bit un emploi chezMeâ
Religienfes j mais il lui déclare qu'une
place de cpcte sature ne lui convient
pas , furtout après avoir refufé d*en-
trer au fer vice des' Archevêques 6C
même des Rois. 11 ne den^^ndoic pas
UBgTos revenu 9 n'ayant point enviç
de s'enrichir ; il promettoit d'êtra
contint , ^pourvu qu'il eût aflez dç
ÊMTtune pour pouvoir étudier tranquiU
liment , & avoir les befoins qu'exi^-^
geoit fa mauvaiie ianté. 1} finit en pro-*
'teftant qu'il partiroit ce jour-là m^m^
pour rentrer dans le Couvent de Stein ,
s'il pouvoit fe perfuader que ce fût ce
(}u'il y avjoit de mieux à faire.
Il etoit fort tranquille fur fon chat)*
I gement d'état. 11 avoit reçu une dif- *-
\ penfc de Rome en bonne forme , qu^
I PAtorifoit à refier dans le monde eij
' habit £ccléfiafhque : il s'étoit adreifi^
à Lambert Qrunnius Secrétaire- Apoff-
toliquç pour l'avoir ; & lui avoit écrit
4 ce fujet la Lettre {a) oh fous des W ^P^J^
iwms empruntés il fait l'hifloire des fé- ^* ^•Hi
I dudiofts qui furent employées pour
l'engager à le fair^ Moine, Cette Let^
tre eft fans date ; mais il eft confiant
qu'ellefut écrite après fon retour d'ita-r
lie , puifqu'il y eft parlé de Ta vis que
fjs^mis d'Aiïgleterrç ï}fx dofuvsrçnt 4|
3t^^ Vis
^Jtianger rhabit de Chanoine-Régulief
^ jcelui d'Çccléfîaftique, Il n'y-parlç
pas avec plus de difcrétion des Moi»-
pes , que dans la Lettre au Père Ser^
y§iis : il ne craint pas^çilire qu'il y a
plufieurs Monafteres qui (bar moins
honnêtes quie des mauyais lieux ; qu'il
y en a d'autres , où fi Ton ôte leacér
T^monics ,& l'extiéri^ur , il n'y a point
de religibnp II cite le Cardinal de Slon^
qui dans un repas , en prifencede pW
fieurs perfonnes , avoit affuré que 1«$
Pominicains avoient fnterré vif un
jeune Religieux , parce que fon père ,
homme de condition , fe plaignoit
qu'on l'^t réduit , & menaçoit d'enx-
^oyer la violence fi on ne le Uii ren^
doit. Il cite un noble Polonois , qui
s'etant endormi dans une Eglife , fiit
réveillé par le fpeâacle de deux C5r-»
deliers qu'on cnterroit vifs. Il voudroit
qu'il ne fût pas permis de faire des
yœux avant Page de quarante ans. Il
iinit en priant Grunnius de travailler à|
lui faire avoir promptement la difpenfe
de fes vœux ^ & de ne point s'embar-
rafler de la dépenfe , qui lui feroit
. rembourCée fixajftemçnt. La liberté da
cette Lettre dans laquelle on defire»»
roit plus de prudence , n'empêcha
Doijçt Qrunniu/s d^lg lire toute entière
M
I>*E R A s ME» 217
iau Pape (a) , à quelques Cardinaux , (a) EpiU.
& i d^autrcs grands rerfonnages de la ^. U i4«
Cour de Rome. Le ftvle en réjouit
beaucoup le Pape , qui a cette lefture
témoigna une très-grande indignation
contre ces ravifleurs d'enfans : c*eft
ainfi qu'il traitoit ceux qui emplo*
yoient de mauvaifes voies pour rem-
plir le monde de méchans Moines ; ce
qui tournoit au préjudice de la Reli-
gion Chrétienne. Il fçut fi peu mau-
vais gré à Erafme de fes expreffions
1 libres & hardies , qu'il donna des or-
dres pour que leBrer de difpenfe fût ex-
pediépromptement &grtfm* En con-
séquence de la volonté du Saint Père,
Gninnius preffa l'expédition du Bref
de difpenfe ; & pour l'accélérer , il
fit une gratification de trois Ducats au
Greffier.
Cependant Erafme ne trouvant pas
en Angleterre les établiffemens avan-
tageux dont on i'avoit flatté ( i) prit (^) Cort^î^
le parti de revenir en Brabant , oà ^^'^*
Tinvitoit Jean Sauvage Chancelier de
Charles d'Autriche Roi d'Efpagne ,
fils de Philippe-le-Beau. Il ne voulut
pas fortir d'Angleterre fans avoir pris
congé du Roi, & des principaux Sei-
gneurs qui l'honoroient de leur ami-
tié. Le Roi Iç traita avec beaucoup de
Tomzl. K
3îi8 Vie
(4) Epi . tonte (a): TEvêque de Lincoln Im
47* L. 8 donna des efpérances ; TArchevêquc
de Cantorbcri , l'Evêque de Durham
lui firent de légers préfens en argent*
11 ne comptoit pas quitter l'Angle-
terre pour toujours : il y fit encore plu-
fieurs autres petits voyages ; & quoi*
qu'il n'y eût pas eu toute la fatisfac-
tion qu il avoit efperé , il a toujours
parlé avec . rcconnoiflance du fcjour
qu'il y avoit fait j & lur la fin de fa
(b) Efift. vie il afliiroit {h) qu'il n'a voit trouvé
^* • '^* nulle- part d'auffi bons_amis que dans ce
Royaume. Guillaume de Lifle a pté-
W ^'I^"'^ tendu (c) que le féjour d'Erafme en An-
jumi rts» gjgçerre avoit été^très^utileaux Anglors,
parce qu'il avoit contribué à augmenter
le nombre des Sa vans dans ce Royaume.
Il eut fujet de fe plaindre de la
dureté des Matelots Anglois dans fa
traverfée d'Angleterre en Flandre : il
(d) Ep'Ji> ^^urt (d) qu'ils traitent les paflagers
47. L. in ^Q façon a faire dcfirer de trou-
ver des Turcs; il eft furpris que le
Roi d'Angleterre ne réprime pas un
fi grand défordre , qui fait un très- 1
grand deshonneur à fon Royaume, '
parce que les Etrangers ne font pas
plutôt revenus chez eux , qu'ils ne
s'occupent qu'à raconter les avanies
qu'ils ont reçues des Matelots , par
d'Erasmb. ai9
Icfquelles on juge du caraftere de
toute la Nation. Il eut un grand cha-
grin, dont il ne fut délivré qu'en abor-
dant : il craignit d'avoir perdu fa mal*
le 9 qui étoit remplie de fes Manuf-
crits ; mais il fe trouva qu'elle étoic
dans un autre Navire que celui qui
le portoit. C'étoit une adrefle des Ma-
telots Anglois , de mettre les coffres
des paffagers dans un bâtiment différent
de celui dans lequel ils étoient, foie
pour pouvoir voler avec plus de com-
moditéjfoit pour fefeire donner Quelque
argent lorfqu'ils les rendoient à leurs
maîtres. Erafme fe rendit prompt emerlt
à Bruxelles , oh il fît fa Cour, (a) W ^P'Jf^
au Chancelier Sauvage qui s'éroît dé* '^ *'
cUré fon protedeur. Sa vie ne fut
qu'une fuite de courfcs continuelles
jufmi'à la fin de l'an iy2i. qu'il alla
fe nxer à Bafle* H étoit quelquefois
à Bruxelles , fouvent à Louvain , à
Anvers , & à Anderlac. Il fit le voya-
ge de Bafle où l'on imprimoit fes (h^EptJf.
Ouvrages ; mais il n'y refta que fort- 3. L. %.
peu(t) dans ce premier voyage. Il (c) Eprjl.
demeura à Louvain chez Jean Palu-iy^.
danus(c) Profefleur en éloquence , W -^^ ^^(-
cnfuite dans un Collège (d ) avec Noe- '^^f^ ^'^^'
vius , dont il fit un grand éloge après ^^A* ^^n
, fa mort. Il Ibgeoit à Anvers (e) chez j. t. 23/
Kij
•226 V I B
Pierre GîUe , dont Thomas Moruii
(a) Eftfl, difoix {a) qu'il donneroit volomier»
,16. L. î.une bonne partie de fon bien pour
demeurer avec un homme auili favant »
auili agréable 9 auffi modefte , & ^ufÈii
capable d'amitié. Erafme en connoififoit j
(^ EpiJI, tout le mérite : il déclaroit (b) qu'il I
11. L, Il j^Q changeroit pas un ami tel que
Pierre Gille pour Pylade même* Lori^
qu'il fe maria > Erafme fit fon épitha!«
lame ; on le Jtrouve dans fes (3ollo-
(0 P. 3 30» ques ( c ). Quintin , Peintre célèbre >
avoit fait dans un même portrait la
figure d*Erafme & celle de Pierre
Gille 9 qui tenoit une Lettre que Mo*
rus lui avoit écrite ; ce qui donna oc-
cafion à Morus de 'faire quelques
vers ( I ) qui prouvent la grande unioa
Su'il y avoit entre ces trois hommes
, , _^ . luftres. Le Chanoine Pierre Wjcb-
'^04. & man étoit Thôte d'Erafine ( d) , lorf-
^11*
( I ) (lusnti olim fuerant Pollw & Cajl^ih
amici y
Erafmum tantôt Mgidiumque ferc,
Mortit ab kis dolet ejfe loco , conjun^tut amm
Tarn frùpè , quàm quifqtMm vix queat ejfi
fibi.
Sic dejiderio confuUum eft ahfenttt , ut hor
Reddat amant ansmum Litteraj corfusegi^
Epift. 7. t. 3.
"
i<}u'il alloit à Anderlac> jolie campa-
gne près de Bruxelles , dont Pair lui
étoit fi favorable , qu'il ne fe paffoic
EoJnt d'année , tant qu'il refta dans
î Brabant, qu'il n'y allât, ou qu'il
n'eût envie d'y aller.
Le premier voyage qu Erafine fit à
Ijouvain (a) après avoir quitté l'An- (d)EfiJK
gleterre, les Magiftrats lui offrirent ^^5*-*
«ne place de Profeffeur dans VUni-
verfité , fans qu'il s'y attendît. Ce fut
le Doyen de Saint Pierre de Louvain
qui avoit fait les démarches pour lui ,
& fans lui en parler. Il avoit le plus
grand crédit ; c'étoit lui qui avoit éle-
^é le Roi Charles. Il ne fut pas long-
items après avoir ainfi donné des preu-
ves de fon eftime & de fon amitié
pour Erafme , fans parvenir au Car-
dinalat i d'où par la proteâion de fon
augufte Elève il parvint au trône de
Saint Pierre , en fuccédànt à Léon X.
qui pour lors étoit Pape.
Erafme fenfible à la bonne volonté
des Magiftrats de Louvain , ne -crut
cependant pas devoir accepter la place
qu'on lui offroit. Il rend plufieurs
raifons de fon refus (t) : première- (h) Epi II;
ment il ne favoit pas la Langue du ^8. t. 3!.
Pays; d'ailleurs il n'aimoit point ce ^^'^' 3**
genre d'occupations. Il avoue que rien ^* * ^'
Kiij
st,22 Vie
ne Fauroit plus ennuyé que de s^en-^
tendre demander : voudriez- vous cor-
riger ces vers , voir ce qu'il y a à re-
faire à cette Lettre ; & plufieurs au-
tres queftions dans le même goût.
Henri VIII. avoit déclaré la guerre
à la France, & s'étoit emparé deTour-
' (â)Kapînnai(a). Louis Guillard qui enétoit
Thoiras , Evêque^ ne jugea pas à propos de fe
^•^^•l^'^*- rendre dans cette Ville, où il auroit
* ^* été obligé^e faire un ferment de fi-
délité à un Roi étranger. Le Pape
cédant aux inftances du Roi d'An-
gleterre, fuppofa que Guillard fe dé-
mettoit de fon Evêché , & il en con-
fia Tadminidration , tant pour le tem-
porel que pour le fpirituel ^ à Wol-
lei , Cardinal d'Yorck , qui étoit déjà
fur le chemin de cette prodigieufe
fortune qui fit l'étonnement de tome
l'Europe. Dès qu'il fut le maître à
Tournai , il donna un Canonicat de
W EfJA la Cathédrale à Erafme. Ce furent (t)
J^; ^ le Comte de Montjoie & Richard
Samfbn , Commiffaire du Cardinal
dTorck dans le Pays de Tournai , qui
engagèrent ce premier Miniftre à lui
donner ce Bénéfice j mais cette colla-
tion n'eut pas lieu ^ foit que , comme
il le fait entendre , cette place le ten-
tât peu , ne pouvant la garder parce
[d'Erasme. 225
_ qa^il n'étoit pas dans la réfolution de
'réfider. C'eu pourquoi le Cardinal
d'Yorck conféra ce même Canonicat
"à un autre Eçptéfiaftique (a ) en pr o- r^x ^pifi^
mettant de dédommager bientôt Éral-i^. L. t!
me par un Bénéfice plus confidérable*
Le Chancelier Sauvage qui vouloic
le retenir dans les Pays-Bas (i) , lui (h)Epifi.
fit de grande/^promeffes de la part ^^•'^^P^"^*
du Roi Catholique , & lui procura
m Canonicat de Courtrai qu'il ne
garda pas longnem^: il le réfigna,
en fe réfervant une penfion qui lui fut
enlevée (c) Pan 1^25). par la perfi- (c)EpiJ!.
die inouie de Pierre Barbioius ; c'eû ^^* ^* 1^»
ainfi qu'il s'exprime , fans entrer dans
un plus grand détail. Ce procédé de
Barbirius'ell d'autant plus fingulier ,
q&'il avoit été dans la plus grande
union aVec Eralme (i ) , & qu'il Ta- W ^P*Jf*
voit bien fervi pendant qu'il avoit été ^* ^' **•
Chapelain d'Adrien VI. Le Roi Ca-
tholique , à la foUicitation du Chan- ,
celier Sauvage , voulut l'élever à une
place d'une plus grande diftincSlion.
On le fit venir d'Anvers à Bruxel-
les (e) où la Cour étoit : il fe rendit- ^^^ ^P^-^*
d'abord à l'audience du Chancelier, ^^* * ^*
qui fe tournant ( f) du côté des Con- (fy^P^A
feillers qui étoient avec lui ^ dit : 3^- ^« 8.
p Voici ua homme qui ne fait pas en-
- Kiiij
^24 Vie
» core ce qu'il eft ; « & adrelfant en-'
fuite la parole à Erafn^e , il lui dit-:
» Le Roi a eu deifein de vous faire
» Evêque : il vous avoir même,nom-
» mé à un Evêché confidérable en
9» Sicile ; mais on a appris depuis qu'il
» étoit du nombre de ceux qui Ibnt
30 réfervës à la collation du Pape. Le
yi Roi a écrit au Saint Père , pour le
» prier de confentir que vous gardiez
a» cette Prélature. » La Lettre du Roi
Catholique ne produidc aucun effet à
Rome : Erafme n'en eut aucun cha-
grin ; il pria même fes amis de ne fe
donner aucun mouvement pour lui
procurer un Evêché , parce qu'il pré-
fiéroit le genre de vie qu'il avoir em-
- braflé aux plus brillans poftes de l'Ç-
xé.Apm/. 8^^^^* ^^"^ ^^ confoler , la Cour lui
donna (fl) une penfion de trois cens li-
(h) Epifl. yj.g5^ L'intention du miniftere (h) étoit
i4« • *3' ^ç \q fixer en Brabant par ces témoi—
(c) Epijî. gnages de bonne volonté. Il avoit été
f^^"^f queftion (c) de le faire Précepteur
a 4 8. dars^^ R^* Charles: ce projet n'eut pas
celles d'E- lieu 5 Adrien, depuis Pape fous le
rpfme. nom d'Adrien VI. avoit eu la préfé-
(a) Epîjl. rence. On parla beaucoup de le met-
mm ^ ^* ^^^ auprès du Prince Ferdinand ( rf ) ,
L. <.*£pV. f^^^^ du Roi Charles. Le Prince de
zu L. €. Bergues fe donnQÎt de grands mouve?
r
d' E R A s M E. 22jr
mens pour lui procurer cette place :
Ferdinand le défiroic avec emprefle-
ment ; mais Erafme n'avoit aucun goûc
pour la Cour, & une des raifons qui
r-en détournoient & qu'il avouoit pu-
bliquement , c'eft que fa famé étoit fî
foible , qu'il ne pou voitjpas changer de
régime fans courir rifque de la vie.
Il^n avoir encore d'autres qu'il n'a pas
ofe confier au papier. Elles ne ve-
Doient pas du caradére du Prince :
car Eraîhie en fait le plus beau por-
trait ; il aflure que c'etoit un jeune
homme d'un naturel admirable , d'une
docilité incroyable , né pour la pro-
bité & pour la vertu. Il ne fçut pas
mauvais gré' à Erafme de ne s'être pas
vx)ulu donner tout entier à lui j il ne
cefla jamais de l'aimer : (a) il lui fai- (à) Epîjf.
foit des préfens, il lui écrivoit fré-**»» ^pj*
quemment , il parloir toujours de lui ^3**
en public avec de grands éloges ; &
un jour (b) qu'Erafme avoir écrit trois (^) Eptftm
mots au Cardinal de Trente^ Chance- *^« ^ ^^*
lier de Ce Prince , pour recommander
quelqu'un qui vouloir entrer dans les
Gardes de Ferdinand , le Chancelier
en parla au Prince , qui fur le champ
accorda la place à celui qu'Eraime
protégeoit , en difant : *> Que ne fe-
» jois-je pas pour mon Précepteur ?»
Kv
SL2S Vie
Erafme n'ayant pas jugé à propos dé
s'attacher à Ferdinand , propofa pour
Précepteur de ce Prince Louis Vives y
pour lequel il avoit une grande efti-
(aSEpiJi. ^^ • *^ ^^^^^ (^) auprès du Cardinal
loi, L^ip^ de Croi qu'il avoit élevé ; mais cette
propofîtion qu'Erafme avoit faite de
fon propre mouvement , fans confulter
ni le Cardinal de Croi ni Vives, mê#e
n'eut point lieu. Il étoit pour Ibrs
(h) Ept/l. dans une fi grande confidération ( ^ )
Torifiali î. que les Doâeurs de Louvain l'infcrivi-
^' i* rent fur les Régiftres des Doéleurs en
Théologie; ce qu'il aima mieux , dit-
(c) Epijl. il ( c) que d'accompagner en Efpagne
13. £.30 le Roi CJâtholique. Le Chancelier Sau-
vage auroit fouhaité qu'il eût fuivi la
C^) Eptfl. Càuv dans ce voyage Çd) ; le Gar-
ai. L. 3. dinal Ximenès déuroit auffi beaucoup
k^£f * dt ^^ ^^ ^^*^ ^ Efpagne. Il eut pour
N. Tefta" ^"^^^^^"^ ^ l'Archevêché de Tole-
ment. de le Cardinal de Croi , Neveu de
Chievre , Gouverneur du Roi Char-
' les. Erafme avoit tout à efpérer de 1
la protection de ce Prélat , avec lequel
(e> EpiJI. il étoit en commerce de Lettres (e),
7» ^. ir. & qui le regardoit comme fon maître;
mais ce Cardinal comblé d'honneurs
if) Epiff "^0^^"^ (/) n'ayant pas encore fini
4j, t/14.'^^ vingt -troifieme année, au grand
regret d'Erafme , qui déplore cette 1
d' E R A s M E* 127
«sort dans une Lettre à Budëe (a) , (a)Epîfl.
dans laquelle il fait l'éloge de ce jeune *^« ^* '4»
Cardinal qui aimoit les bonnes étu«
des , & qui , dit*il , ne haïiToit pas
Ërafme.
Il pouvolt donc compter fur une
infinité d'agrémens qu ilauroit trouvés
en Ëfpagne* Il a été perfuadé dans
la fuite (b) que s'il eut eu la complais (^) Efifi.
iknce de fuivre le Chancelier Sauva- îf6*
ge dans ce Royaume , il y eût pik
faire une fortune brillante; mais il
n'eut pas la moindre tentation de quit-
ter *la Flandre dans ce moment. 11 a
affuré ( c ) qu'une des raifons qui l'a- (c) Eptfl.
voient détourné de £iire ce voyage, *S* ^ P*
étoit la divifion qui régnoit dans la
Cour du Roi Charles. Il y â appa-
rence qu'il prit un parti très-fage, &
que fon caradere iranc & hardi, &
fon antipathie pour la plupart des
Moinçs Se pour les Théologiens fco-
laftiques i n'auroient pas convenu aux
Efpagnols. Il venoit d'être décoré de
h dignité de Cônfeiller du Roi (4) (i) 0«çp#
J>ar la prote<ftion du Chancelier Sau- ^^^^*
vage. On aflfure fe) que Morillon, (0 '^y-
Secrétaire du Roi , qui aimoit beau- pens, JllAL
coup Eralmc,s'employa aufli avec «le ^^ ^*^^
pour lui procurer ce grade ^ qui étoit
ILvj
228 Vie
à la vërîté un titre honorable , maîs
Xd) Epi^.prefque fans fonftion (a).
II. L. J4. Il étoit pour lors fort occupé du
grand procès que Reuchlin avoit à
Rome f & qui faifoit beaucoup de
bruit dans le monde : en voici l'ocr
caiion»
Jean Pfettercornn , Juif converti à
la Religion Chrétienne, avoit vouhi
engager l'Empereur Maximilien à
fupprimer tous les Ouvragés des Juifiî.
Reuchlin , un des plus favans hom-
mes qu'il y eût pour lors dans les trois
Langues lavantes , repréfenta que par-
mi les Ouvrages des Rabbins ^ il y en
avoit de très-utiles , & qu'il feroit
raifonnable deconferverdu moins ceux
dont les Chrétiens pouvoient faire un
bon ufage , û l'on étoit dans la ré-
folution d'anéantir ceux qui étoîent
injurieux à* la Religion Chrétienncr
Cette difcuflîon donna occafion à
deux Livres très-fameux pour lors ^
& préfentement très-oubliés. Pfetter-
cornn foutint qu'il ne falloit faire grâ-
ce à aucun Livre des Juifs : il fit à
ce fujet un Ouvrage qui avoit pour
titre , Manuale Spéculum ,^ dans lequel
il dépeignit Reuchlin comme un Juif
déguifé> qui dans le fond; du cœur
baïflbit le Chriftianifme. Malhcureu-
fement pour lui il étoit fort brouil-
lé avec les Moines : il avoit fait autre-
fois une Comédie (a) à laquelle il avoit (fjj*^^^"'
donné le titre de Hermo ; il s'y moc- 1^^ ' ' '*
quoit de quelques-uns deux avec 104,
Elus de vérité que de difcrétion.
/Evêque de Worraes lui avoit con-
feillé en ami defuppximer cette pièce :
il avoit fuivi ce fage confeil ; mais
quelqu'un qui avoit trouvé le moyen
tfen avoir une copie , Tavoit fait im-
primer à l'infçu de Reuchlin.Les Moi-
nes irrités ne lui pardonnèrent jamais.
Il s'étoit juftifié des accufations que
Pfettercomn avoit formées contre lui ,
& il avoit fait à ce fujet le Spéculum
ôcutare.
Les Moines crurent avoir trouvé
une occafion de fe venger de lui ; &
ils ne réchappèrent pas : ils entrèrent
dans cette querelle. Hoocftrate,Pricur
des Dominicains de Cologne , fe mit
à la tête du parti contraire à Reu-
chlin ; & il engagea les Théologiens
de l'Univerfité de Cologne à extraire
du Spéculum Oculart des propofitions
qu'ils jugeoient dignes de condamna-
tion, Reuchlin prétendit que ces ex- .
traits étoient ipndéles ; & il fe juftifia
par une Apologie adreffée à TÉmpe- ^
2JO V I ï
reur. Cette difpute occafîonna un pro-
cès devant PEledeur de Mayence.
Reuchlin nomma pour fon agent Pierre
Stateiius , oui récufa Hoocftrate ; k
récufation n ayant pas été admife y
Stateiius appella à Rame.^Cependanf
il y eut à Mayence une Sentence con-
tre Reuchlin. Il en appella mi Pape »
qui choVfit TEvêque de Spire pour
connoître de cette affaire ; il nomma
des Juges qui citèrent les Parties,
Hoocftrate n'ayant point coînparu,fut
(4) H/^. condamné {a) par contumace à payer
Vniverf. j^g dépens évalués à cent onze Florins
ff ' 'det'^'"^^ • ^ délî^"oïï des Théologiens de
Domini-^ Cologne fut annullée ^ & te Livre de
cains^ t. x« Keuchlin juftifié.
p. 68. Bai- Cependant rUnîverfité de Cologne
*^* fit brûlerie Spéculum Otulare : les Fa-
cultés d'Erphord , de Mayence , de
Louvain & de Paris approuvèrent ce
qui avoit été fait à Cologne ; & la Sor-
bonne rendant raifon de fa condamna-
tion , décida que le Livre de Reuchlin
contenoit des propofitions fufpeâes
d'héréfie ou hérétiques , & racritoit
d^être brûlé. Le Jugement de Rome
n'avoit pasencore été rendu ; les Com-
miflaires^ue le Pape avoit nommés #
éroient favorables à Reuchlin: Hooc-
ûrate que cette aifaire avoit- attiré k
b'Erasmk. 25*
Rome, eut le crédit d'obtenir Tan
iyi8. un ordre aux deux Parties de
garder le filence. On aflfure que l'ar-
gent ne fut pas épargné par Hoocflrate
pour pouvoir ainfî fortir de ce Procès,
Lorfqu'il étoit pendant à Rome ,
Erafme ccrivoit au Pape Léon X {a). W ^PM
que ReuchUn étoit un homme du pre- '*
mier mérite dans tous les genres de
Sciences j qu'il étoit le phénix &-
Thonneur de l'Allemagne. 11 foUicita
pour lui {b) dans les termes les plus {h)Epiftm
prefl&ns les Cardinaux Grimani & de *• * J* ^
oaint Georges : iUes î^flure qu'en pro- **
tégeant Reuchlin , ils rendront un fer-
vice eâeittiel aux Sciences & aux Gens
de Lettres , qui en conferveront une
reconnoiffancc infinie. C'étoït plutôt
par efprit de juftice , & par l'eftimc
nnguliere qu'il avoit pour Reuchlin ,
qu'il prenoit ainfî fon pani. Ilsavoient
peu de liaifon enlemble ( c ) ; Erafme (c) Epijl.
ne vit qu'une feule fois Reuchlin à ^ L. ii,
Francfort : il eft vrai qu'ils étoient
en commerce de Lettres. Erafme lui
ccrivoit (d) pour lui donner d'excel- (d) Epijf.
lens confeils ; il l'avertifToit de ne ^* ^\ if»
point traiter fes adverfaires avec un^^'^^'''"'
fi grand mépris , & de ne pas attaquer ^^^^^^^*
un Ordre entier , fous prétexte qu'il
avoit ûijet de fe plaindre de quelques
ij^t Vis
particuliers. Il crut devoir auffi don-
(a) Epijlw^^^ ^^^ confeils à Hoocftrate (fl) à
^9.L. 16. qui il repréfenta avec politeffe, quon
defiroit chez lui plus de modération j
que cette vertu convenoit à un Chré-
tien , à un Théologien & à un Domi-
nicain ; qu'en traitant fon adverfaire
avec plus de charité ^ il donneroit lieu
de croire que c'étoit le zélé de la Re-
ligion Chrétienne oui ranimoit,& non
des intérêts particuliers & profanes.
Le Livre de Reuchlin ne reçut au-
•' ^""^ flétriffure à Rome ( fc ) pendant
'i\w '' le Pontificat de Léon X. Il y a appa-
fart. j. «.rence que la recommandation d r-ral-
307. ^ me qui y avoit pour lors beaucoup de
puiflans amis & de crédit , lui fut fe-
vorable ; le Pape étoit perfuadé d'ail-
leurs' que c'était injuftement qu on ac-
cufoit Reuchlin & fon Livre d'hérefie.
On penfa moins avantageufement de
lui dans la fuite des tems : Paul IV.
& Clément VIII. condamnèrent fon
Ouvrage , & il eft mis au rang des
Livres défendus dans VIndex fiait par
ordre du Concile de Trente ; ce qui
a fait croire aux Auteurs de la Biblio-
thèque des Dominicains , que Léon
X. ne l'a jamais approuvé. Mais quand
on n'en auroit pas la preuve , les Ou-
vrages d'Exafme même en fourniflent
d'Erasme. ^33
une , que Pon n'a pas toujours eu à
Rome attention aux Jugemens favo-
rables que Léon avoit portés de quel-
ques Livres.
, Ce fut l'affaire de Reuchlin qui
donna occafîon au Livre ingénieux qui
a pour titre, Lettres des hommes ohf-
ci/rj, que quelques-uns, comme nous le
verrons ailleurs , ont attribué à Eraf-
me. On y trouve TEpitaphed'Hooc-
ftrate , qui fut faite de fon vivant
même par quelque ami de Reuchin (i) y
mais il ne mourut que pluûeurs années
après que cette ingénieufe Satyre eut
pam. Le bruit courut qu'en mourant il
avoit déclaré ( ^ ) que c'étoit par paf- W ^fîfi»
fion & contre fa confcience qu il avoit 'î* ï" ^99
agi contre Reuchlin.
Quelque tems après la mort de Reu-
chlin, Erafme crut devoir célébrer ^^x j^^^^^
la mémoire d'un homme pour qui il comparable
avoit la plus profonde eflime : il cnliHeroëJo*
fit l'Apothéofe dans un de fes Col- ame Reu-
loques (t), où il introduit un Çor- ^^f^'''^ > ''^
(i) Hîc jacet Hocjlratut j vhentem ferre ^^,^^^'*^
fattque •
Quem fotuere malt , non fptuere boni,
iffe queque excedens vitâ , indignants ab illat
Majiusobkocj quod non f lus nocuijfei
erat.
^54 ^ ^ ^ j,
délier , qui dit avoir vu en fonge S.
Jérôme 'qui recevoir Reuchlin dans 4e
Ciel , où il avoir été tranfporté par
les Chœurs des Anges. Erafme finit
cette Apothéofc en invoquant Reu-
chlin , r & en le priant de protéger
les Langues faimes, de punir les mé-
chans & les calomniateurs.
Ce Colloque ne plut pas à tout le
monde : la Sorbonnç , dans la cenfure
qu'elle fit des Colloques Tan 1^26. le
blâma d'avoir mis Reuchlin au nombre
des Saints au préjudice de l'autorité
Apoftoliquc ; ce que l'on ne doit pas
faire même en plaifantant , ajolite la
Faculté. Malgré ces démonftrations
d'eftime & d'amitié qu'Erafme donna
à Jleuchlin , & pendant fa vie & après
fa mort , Hutten dont nous aurons oc-
cafibn de parler dans la fuite , ne crai-
gnit pas d'accufer Erafme d'avoir été
injufte à l'égard de Reuchlin , parce
qu'il en avoît été jaloux ; ce qu'EraC-
me n'eut pas 4e peine à réfuter, en
faifant voir qu il avoir follicité à Rome
pour Reuchlin tandis qu'il y avoir fon
grand procès , & qu'après fa moJrt il
avoir fait fon Apothéofe.
Dans Je même tems qu'Erafme pre-
Doit un fi grand intérêt à la grande
affaire de Reuchlin j, on avoir grand
d'Eràsmk aj/
âefirde Tattirer en France. Le pre-,
met oui en fit la tentative fut Loui^
Canoifa , ce Minif^re du F«ipe avec
Lequel il avok faiit connQiBTance cbesf
le Nonce Ammonip d'une feçpn û fin»
l^lier^,. Canpfla que le Papç avoit;
çharjgé (#) de feirç la paix entre les f^) y^^^^g
Rois de France & d' Angleterre , y iiiufl. u j^
?voit rçuflî : François I. avoifét^ fîM»^.ji^#
çontçnt de fa conduite , que defitanç
le retenir à fon fervice , il lui ayojç
donné TEvêché de Bayeux. C^noff^
qui avoit de la littérature & aimoiç
les Gens de Lettres , fç relïbuyinç
pour lors d'Ertfme : il lui éçriviç
4'Amboire le 13 Novembre iSlèiJ^t (h)EpiJI.
qull avoir toujours ti^ le projet dV*©. l. i.
voir auprès de lui quelque Savant ay^ç Bfift. 124*
Ifquçl U pût étudier, dès que la for-
tttne liB traiteroit favorablement ; qu'jl
avoit)etté les yeux fur lui , parce qu'il
ii'y avoit pprfonne avec lequel il foji-
kaitat davantage de vivre , pour jouir
^ les délicieufes & favantes cohverr
iatipns; que le Pape dont il étoic
Nonce en France , lui ayant cpnferjf
Tflvêehé de Bayeux \ la préfent^tjoii
«lu Roi > il lui en faUoiî part , & 1^
prioit en même-tems de venir demey-r
rer avec lui. Il raffurpit qu'il le recer
jflpiç de ibn wewx j qu'il e^^rpif
qu'il ne fe repenûroit jamais d'être
venu chez l'Evêque de Bayeuxj Se
qu'en attendant qu'il pût lui donner de
" bons Bénéfices , il lui affuroit une pen-r
iîon de deux cens Ducats ; qu'il le dé-
fray eroit avec un Domeftique , & qu'il
'lui entretiendroit deux chevaux. Eraf-
me fit réponfe à l'Évêque de Bayeuit
Tm) EpiflX^) q^'i' ^^oit extrêmement content
#jb !• i.^^s propofitions qu'il lui farfoit ;
qi^^lles étoient au-deffus de ce qu'il
méritoit; mais que l'abfentedu Chan-
celier Sauvage qui l'avoir introduit atf
fervice du Koi Catholique , Tempe-
choit de pouvoir faire une réponfé pré-
cifè pt>ur le tems préfent , & qu'il la
/feroit le plutôt qu'il lui fef oit poflîble;
On ignore fi Erafme confulta à-ce fu-
jet le Chancelier fon proteéleur , ou fî
h. réponfe au Nonce Evêque de Ba-
yeux^n'étoit qu'un fimple compliment;
te qu'il y a ae confiant , eft que les
prenantes invitations de fe fiker en
France que lui fit peu de tems après*
lé Roi François L durent lui. faire ou-^
blier celles de Çant)(ra,
François n'avoit pas plutôt fuccé-^
'dé à Louis XIÏ. qu'il s éroit déclaré
le Protefteur des Arts & des Belles-
Lettres. Il avoit deflêin- d'établir i
Paris 4jn Collège où l'on enfeignercit
d'Erasmji. 257
les Langues fa vantes (a) > à Timita- (4) Epifi,
lion du Collège à trois Langues ix» L«ii«
fondé par Buflidius à Louvain , à Té-*
tabliffenaent duquel Eraftne ayoit eu
part. Il fe perfuada que perfonne ne
pouvoir mieux Taider ians Texécu-
tion de fon projet , qu'Erafme pour
lequel il avoir une fi grande eftirQe f
Îpefuivant Longolius (i) il le pré* W ^flfl*
croit même à Budée , qui étoit affez î^**^
communément regardé dans l'Europe
comme le plus favant homme qu'il y
eût.
Le Roi rempli de ces idées favorables,
défiroit avecpaflîon qu Erafine vint en
France pour être à la tête de ce nouveau
Collège. Il fe fit à ce fujet une négo-
ciation , dont le détail fe trouve dans
une Lettre de Budée (c) écrite à Eraf- (c) Epijf^
me le j Février iji7* Il lui mande 'V L.i.e-
que la veille allant Taprès-dînée par- 1^^* ^^h
courir les Boutiques des Libraires pour
fe délafler, il avoir trouvé dans la
Boutique de Jean Petit , Guillaume
Petit , qu'il croyoit être^ parent du
Libraire. C'étoit un grand Théolo-
gien de l'Ordre de Saint Domini-
3ue (d) qui étoit pour lors Confelfeur W Scr$f$:
u Rpi , & qui depuis fut Evêque ^'^' ''''^^•
h Troyes, & mourut Evêque de Sen- ^" *" P- '!*•
Us. Il avoir pour Erafme une fi gran-
ijS Vis
de eftime , que Budée dit en pkifan*
tant , que le feul reproche qu'il eût
à lui faire , étoit de donner la pré-
férence à un Etranger qui lui donnoit
à lui-même de la jaloufie , parce qu'il
cbfcurcifToit'la gloire de la France.
Leur converfation étant tombée fur
Er^fme , le Confefleur du Roi apprit
à Budée qu'il y avoir trois jours qu'il
avoit été queftion des Gens de Lettres
chez le Roi ; que ce Prince avoitdit,
qu'il étoit dans l'intention d'attirer en
France par de bonnes récompenfes
ce qu'il y avoit de plus habiles gens
en Europe , & de faire pour ainfi-
dire un Séminaire de Savans, Guillau-
me Petit profita de l'occafion pour
faire Péloge d'Erafme : il affura que
de tous les Savans étrangers , c'étoit
lui principalement qu'il falloit attirer
en France , & que Budée qui étoit
extrêmement lié avec Erafme , étoit
l'homme du monde le plus capable
de l'engager à venir à Paris. Le Roi
approuva ce qu'avoit dit fon ConfeC-
fcur; il témoigna qu'il défiroit que
Budée écrivît à Eralme , que s'il veu-
loit venir demeurer en France , il pou-
voit compter fur un Bénéfice qui vau-
droit au moins mille francs de revenu,
Ceft ce que Budée exécuta par cet-
d*Erasm2. 23^
te Lettre , dans laquelle il confcille à
Erafme d'accepter cette propofition ,
premièrement parce qu'ils auroient U
iâtisfadion de vivre enfesnble , fecon-
dement parce que c'étoit une occafion
de faire tortune , & de parvenir aux
honneurs & à la confidération : &
après avoir fait un magnifique éloge
du Roi , il ajoute que rAmbaflfadeur
du Roi à Bruxelles avoit déjà dû lui
parler à ce fujet; qu^il croyoit que
Guillaume Copus , premier Médecin
du Roi , lui en écrivoit , Se le Roi lui-
même. yy Au reftc , avant de venir
9 en France , prenez vos furetés par
» le miniftére du Père Confefleur ,
» dit-il : car je ferois fâché que vous
a» fuflîcz pris pour dupe dans cette
» négociation.. Vous feriez plaifîr au
» Rei , & vous feriez très-bien de lui
» écrire une Lettre de remerciement »
» quelque parti que vous' preniez. »
Il finir par fouhaiter que la terre s'en-
tr'ouvre , pour engloutir ces Corneil-
les bavardes dont tous les jours il cre-
voit les yeux : » j'entends , ajoute-t-
« il ea Grec , ces faux Théologiens
» qui s'élèvent contre vous , parce que
» votre réputation & votre célébrité
» leur donnent de la jaloufie. »
L'Aoibaffadeur du Rgi de France
440 . Vie
qui ëtoit pour lors à Bruxelles , école
le célèbre Etienne Poncher Evêque
de Paris , à qui fon mérite avoit pro-
curé une grande fortune. Il étoit fils
(a) Notes du (a) Grenetier du Grenier a Sel de
^^ j?"*' Tours. Il avoit d'abord été Chanoine
^ " ^^^'''de Saint Gatien de Tours, Confeil-
lier-Clerc au Parlement de Paris , en-
fuite Préfident aux Enquêtes , Evê-
que de Paris en lyo?. Garde des
Sceaux en 15* 12. jufqu'en 15'iy. en
laquelle année il les remit au Roi qui
les donna J Antoine du Prat. Il ne
conferva point toute fa vie TEvêché
de Paris ; il fut fait Archevêque de
Sens l'an 15'ip. & il mourut le 24
Février 1^2^. âgé de foixante dix-
huit ans. C'étoit un Prélat d'un rare
(*) Èfijt. niérite. Germain de Brie afluroit ( t )
!• L. 4. que fans aucune conteftation c'étoit le
plus rèfpeâable Evêque de France
par la fageffe de fes mœurs , par la lu-
périorité de fon efprit , par l'étendue
de fes connoiflances , & par la pro-
teftion qu'il accordoit aux Gens de
Lettres., La Cour de France , après
avoir connu ce qu'il valoir , l'employa
dans les plus grandes affaires; Char-
les VIIL Louis XIL François L fe
fervirent utilement de fon ipiniftere.
Il avoit un fi grand crédit à la Cour
^ du
d*Erasme. ' 24f
3u tems de Louis XII. que Léon X.
le pria de folliciter auprès du Roi
'l^aflàîre que le Cardinal des Quatre-
Saints avoit en France pour PEvêché
de Vannes ; & il en donne cette rai-
fon , qu'il a appris qu'il n'y avoit point
de meilleure recommandation que la
fienne auprès du Roi (i).
Poncher étoit d'autant plus propre
à engager Erafme à venir a Paris (a) , (a\ Ftrfl
3ue fans le connoître perfonnellement, i^ L. x«
avoit pour lui une très-grande efti-
me. Le jour d'après que Budée eut
fait part à Erafme des intentions du
Roi , Guillaume Copus , premier Mé-
decin de ce Prince , & intime ami
d'Erafme , lui écrivit {b) que le Con- (k) Bpijt^
feflfeur de François L & François de ï7. L. i.
Kochefort qui avoit été Précepteur de ^f^fi* ^^^*
ce Prince , lui avoient perfuadé qu'il
ne pouvoit rien faire de plus avanta-
geux pour les Lettres , que d'attirer
Erafme en France j & qu'en confé-
Juence fa Majefté lui avoit ordonné
e lui écrire fi l'on pouvoit fe flatter
de l'avoir à Paris , & à quelles condi-
tions il voudroit y venir. Il finiffoit
( I ) Citm ûutem intelHgimus , quanta fi$
ûu^orhas tua afud Regem. Bref de Léon X«
dans les nouvelles Lettres de Sadolet im-
primées à Rome en 17540
Totnf i L
54i Vie
par cçs mots : » Le Roi promet que fî
» vous voulez venir avec nous ici f ^
» il vous recevra de façon que vous
V ne vous repentirez jamais d'y être
a» venu, *> '
François I. ne fe contenta point
d'ordonner aux meilleurs amis d'E-
rafine de lui écrire ; il lui écrivit de
(a) Efift. fa propre main (a) que fon arrivée en
ùdveT/ùs ^^^"^^ ^"^ ^^^^^^ ^^ très-grand plaifir^
hunenum. . Avant ou'Erafme reçût ces Lettres ^
il avoit déjà fait connoiffance avec
' (^) Bfijl. rAmbaflfadeur de France (* ) qui la-
11. Ui. yqJç pj,j^ ^ manger, & preflé de la
part du Roi de venir a Paris s'y
établir ^ -fi le Roi Catholique y con-
fentoit ; il lui promettoit même en foa
nom de le dédommager de toute dé-
peflfe , & de lui faire une gratifica-
tion de quatre-cens écus d'on Eraf-
(0 Eftft. me répondit ( c ) promptemcnt au
12. L. ai. Roi, pour lui faire fes très- humbles
l^ F ^'^fî ^^^'^crciemens des offres avantagcufes
iôd-* ' S"'^' ^\<>\i eu la bonté de lui faire ^
lans cependant les accepter ni les re-
fufer. Il congratule ce Prince fur ce
qu'après avoir fini la guerre avec les
Suifles , il ne s*occupoit qu'à main-
tenir la paix entre les principaux
^ Princes Chrétiens ; & il cite avec
un grand éloge ce fage difçours du
204*
d' £ R A s M s. h^
Koi , que les conceftations des Rois
étoient la caufe des plus grands mal-*
heurs ; que s'il étoit poiCble qu'ils
vécufTent eofemble dans une -union
parfaite , on verroit bientôt renaître
lâge d'or , la piété , les bonnes Loix ,
& les Arts qui font les fruits de ht
Paix.
Cette Lettre efl: écrite d'Anvers le
21 Février i y 17. Ce même jour Eraf-
me fit réponfe à Budée (a) pour lui (^i) Efjf,
témoigner qu'il étoit pénétré de re- 16. L. u
connoiflance de la bonne volooté du
Roi. 3» C'eft à vous & à mes autres
> amis 9 lui dit- il, que j'ai l'obliga-
» tien de l'eftime de cç Prince : vous
» m'avez repréfènté à lui , non-pas tel
> que je fuis , mais comme vous fou*
"haiteriez que je fuffe. » Il déclare
qtfil ne peut pas faire de réponfe po-
fiiive pour le préfent, parce qu'il eft
néceffaire qu'il confulte le Chancelier
Sauvage qui étoit parti pour Cam-
brai, & qu'en attendant fon retour
il feroit fes léflexions , confulteroic
fes amis , & lui apprendroit fes der*
jùeres réfolutions après avoir fçu les
intentions du Chancelier. Il finit par
Murer que la France lui a toujours
^té chère ; qu'il fe regarde en quel-
que forte coouQe François , parce
84$ Vit
Îue fuivant les Cofmographes , la
loUandc eft une Province de France.
Il y avoir pour lors à la Cour du
Roi Charles un Ambaffadeur d'An-
gleterre, qui étoit intime ami d'Eraf-
me î c'étoit Cutbert Tunftal, pour
lors Garde des Chanres privées 3 dans
la fuite Evêque de Londres, puis de
:Durham , le plus riche & le plus
confidérable Evêché d'Angleterre 1
dont il fut dépofé fous le Régne d'E-
{f\Rapîn douard VI. fils deHenri Vlil. ftf)par-
Thoiras, /. qq q^'îi défapprouvoit le changement
é. f. 68. jç Religion. Il étoit fi uni avec Eraf^
me, que celui-ci n'avoit point d'au-i
tre table que la fienne , lorfqu'il étoiîl
(h) Epijl. à Bruxelles (ft). Il crut devoir le con-
16. L, I. fulter au fujet de la propofition qu'on
lui feifoit de venir en France. Tunf-
tal , peut-être par jaloufîe contre les
François , fit ce qu'il put- pour dif-
<0 Eptjl. fuader Erafme ( e ) d'accepter les ofJ
130. offres de François I. »Les Sa\aisdu
fend. » Pays , lui difoit-il , n'y trouvent pas
» de Mécène ; c'eft ce que déplora
»Budée lui-même , l'honneur de ft
• Patrie. Les armes y font en hon-j
3» neur ; mais fi la renommée ne nous
*> trompe pas , il faut que la fcience
?> fe cache. »
Ces réflexions pQUYQÎcm être vraiei
1>^ E R A 5 M E. 2^f
avant le règne de François L mais
les chofes etoient bien changées de-
Îuis que ce Prince étoit monté fur le
TÔne. Il y avoit plus de juftefle dans
ce que Tunftal ajoutoit ^ Que les Théo-
logiens haïffoient les Belles-Lettres ;
3ue de Taveu même d'Erafme, l'air
c Paris ne lui convenoit pas ; Se qu'il
devoit être tranquille , parce qu'il pou-
voit être fur que l'argent ni les amis
ne lui manqueroient jamais.
Le 2 1 Février lyiy. Erafme man-
da à Guillaume Copus (a) auebien- (a) EpiJI.
tôt il farcit une réponfe précife : il 18. l, i.
apprit (i^) à André Ammonio & ^^^a) Epijf.
Nonce Canoffa, Evêque de Bayeux, ^7. £. jf]
les propofitions que le Roi de Fran» £/)(/?. m.
ce lui faifoit. 11 n'eft pas parlé dans^*'^»
les Lettres de cette année de quel Bé-
liéfide le Roi vouloit gratifier Eraf-
me ; mais il eft confiant qu'il lui def»
tinoit la Tréforerie du Chapitre de
Tours ^ dont le revenu alloit dans ce
tems-là à plus de mille livres ( i ).
Budée après avoir reçu la Lettre
qu'Erafme lui avoit écrite, alla à Saint
C T ) M. le Clerc qui ne connoiflbit pas
les noms des Dignités des Chapitres de
France, appelle une Charge de Tréforiec
cette Tréforerie qu'on vouloit donner à Eraf-
L ii]
i4^ -V I K
(a) Efifl. Maur (fl) oii le Roi étoît; c'ëtoit le
^o.A^f end. ^oixr des Rameaux de l*an lyiy. Il
trouva ce Prince <jui alloit à TEglife ,
fuivi de fon Confefleur & de François
Dumoulin de Rochefort. François I.
n'eut pas plutôt apperçu Budée , qu'il
lui deuianda s*4l avoit reçu des Let-
tres d'Erafme : Budée les lui préfenta j
le Roi dit qu'il les liroit en revenant
de rEglife.Âprès qu'il les eut lues,41 ne/
parut pas content, » Quelles font donc
» les intentions d'Erafme, demanda-t il
a» à Budée f Car il ne s'explique pas
» clairement. Ne vous a-t-il pas parlé
» plus nettement f » Rochefort prit la
parole , & affura que perfonne n'étoit
plus capable de déterminer Erafme
que Budée, qui s'offrit de lui écrire
encore. » Je le veux , dit le Roi, » Il
alla enfuite dîner ; mais comme il ne
s'étoit point expliqué fur les avanta-
ges qu'il vouloit faire à Erafme , Bu- j
dée déclara à ceux qui étoient avec
lui, qu'il n'écriroit point qu'il n'eût
quelque chofc de pofîtif à mander ,
^ & qu'on ne prît des engagemens avec
Erafme. Cependant l'Evêque de Paris
étoit revenu de fon Ambaflade de
(h) Ei>î/} ^^^cUes pénétré de là plus grande
8 L. 4. £* cftînne pour Erafme (b) : il ne ceflbit '
fjjl. HZ. de parler de fon eiprit > de fon érudir
d' E R A s M E. 247
tîon , de fon éloquence ; il regardoic
comme un grand bonheur d'avoir vé-
cu quelque tems avec lui ; il foute-
noit que fon mérite étoit encore au-
deflus de fa réputation , quelque gran-
de qu'elle fut ; qwe jamais les Régions
en- deçà des Alpes n'avoient produit
de Savant fi accompli ; qu'il n'y en
avoit pas même en Italie qu'on pût
lui comparer, » Quand il parle , di-
»foit-il, quelle fcience, quel agré-
ai ment , quel ftyle , quelle mémoire !
» Ce n'eft pas un homme ; c'eft la Mu-
w fe Attique : vous jureriez que c'eft
» Démofthene > ou quelqu'un même
» de fupérieur à Démofthene , s'il peut
» y en avoir. Il a pénétré dans le fanc-
» tuaire de la Philofophie ; il entend
» parfaitement Platon , Ariftote , &
» les plus célèbres Philofophes. « Uti
témoignage fi avantageux d'un hom-
me tel que Poncher, ne pou voit qu'aug-
menter le défir que le Roi avoit de
polTéder Erafqie a Paris : auflî le fou-
haitoit-il avec tant d'empreflfement ,
qu'il oflFrit d'en écrire au Koi Catlio-
lique {a) s'il n'y avoit plus que fon (a) Epifi.
confentement qui empêchât l'heureux î4.>. i- ,
fuccès de cette négociation.
Mais il ne paroït pas que les pro-
pofitions de François I. ayent jamais
• Liiij
^4*8 V I È
tenté Erafme. Il s'eft expliqué à cœur
ouvert dans quelques Lettres qui dé-
voient êtte fecfétes, des motifs de fon
(d) Epijl. refus, H ne trouvoit pas (a) qu'il y
^ 1 5. Af- gûç afl-ç^ de fond à faire fur les efpe-
^^^ * rances qu'on lui donnoit. Il fkvoit que
c'étoit s'expofer à la haine de plufieurs
(h) Eft% Théologiens (b) que de concourir à
il. t. »i'l'établiffement d'un Collège où Ton
apprendroit le Grec & THebreu. Il fe
tbuvenoit qu'il ayoit eu beaucoup à
fouffrir de la part de quelques Doc-
teurs , à Toccafion de la fondation
du Collège Buflidien à Louvain. Il
(c) Bfift, appréhendoit ( c ) d'être forcé d'cn-
Cr.tca BU' trer dans les querelles de Théologie ,
^%pi74- qui commençoient à s'agiter avec une
* ^ ^ • extrême vivacité dans l'Europe , à Toc-»
cafion des propofitions nouvelles &
hardies avancées par Luther. Enfin il
craignoit Tefclavage attaché à la con-
dition de ceux qui fe mettent au fer-
Ci) Efift. vice d'un Prince. Il difoit ( i ) qu'il
) 5* L, 3. vouloit bien leur être utile à tous ; mais
qu'il n'en vouloit fervir aucun.
Il ne parle pas fî naturellement dans
'la Lettre qu'il écrivit à l'Evêque de
(0 £;>//?. de Paris (e) le 14 Février iji8.
5.L. I. E- Après avoir fait un grand éloge du
ftJl*i}U Hoi, il déclare que quelque agrément
qu'il pût trouver en France, fon âgç
d' E R A s M fi; 24^
l'empêchoit de changer de lieu ; que
d^ailleurs les bontés du Roi Catho-
lique pour lui, fes bonnes intentions
pour le progrès des Belles-Lettres , le
retenoient dans fon pays ; qu'ainfî
pour le préfent il ne pouvoit pas pro-
mer des offres du Roi ; mais qu'il en
avoit autant de rçconnoiflance que s'il
les avoit acceptées ; que dans la fuite
il tâcheroit de répondre à la bonne
volonté d'un fi grand Prince , lorf-.
qu'il le pourroit faire convenablement ;
Se que fi cela ne lui étoit pas pofHble^
il fe regarderoit toujours comme dé-
voué à la France. Comme cette ré-
Sonfe laiffoit toujours les intentions
'Erafme dans l'incertitude , TEvêaue
de Paris rencontrant un jour Budee ,
lui demanda {a) s'il ne croioit pas (a)Eptfi.
que l'on pût faire à Erafme telles pro- 5»« iL, }•
pofitions qui le détermineroient ï ve-
nir en France. Budée répondit , que
fi le Rcrt avoit encore cette afïiire fore
à cœur , il s'offroit d'en écrire à
Erafme , quoique de l'humeur dont il
le connoifloit , a jouta- 1- il , il ne vou-
lût pas même d'un bon Evêché , s'il
falloiti commencer à vivre à la Cour,
Poncher qui étoit fort occupé , char-
gea Budée d'écrire à Erafme, afin
de favoir fcs derniçrçs réfolutions ; U
rijo Vie
lui recommanda de lui confeiller de
fi'^adrcfler à lui-même Evêque de Pa-
Tris , de lui ouvrir fon cœur , avec pro-
meffe que ce feroit lui qui négocie-
roit cette afïàire à la Cour. En con-
féquence de cette converfation , Bu-
dëe demanda à Erafme quels appoin-
temens il fouhaitoit : il raffuroit que
bientôt il auroit un Bénéfice i fi Ton en
croyoit PEvêque de Paris j il lui con-
fellle d'en conférer avec fes amis , de
fe confulter lui-même , & d'écrire à
Poncher ce qu'il veut d'appointement ,
& ce qu'il lui faut pour les frais de
fon déménagemaiit & de fon voyage.
Cette Lettre cft du 12 Avril i^iS.
( I ). La négociation dura toute Fan-
C I ) Cette Lettre eft certainement du iz
Avril 151ÎJ, Elle fut écrite après Tarrivée
du Roi Catholique en Efpagne : or Charles
y entra * dans le mois de Septembre i$i7m
Celte même Lettre prouve, que les premiè-
res propofitions qui furent feites à Era(me
ée venir en France , font de Tan 1517. un
an avant que cette Lettre fut écrite 9
quoiqu'elles foient datées de Tan 1^15. Mais
outre qu'il ne feut pas trop s'arrêter aux
dates des premières Lettres d'Erafme , il ne
faut pas oublier que c'étoit l'ufage dans ce
cems-là de ne dater les Ades de Tannée
nouvelle qu'après Pâques.
iRainatduSi an. 1^17 > ^! ii^»
rrr^
d' E R A s M E. 25* I
née : car une Lettre du 22 Octo-
bre (a) nous apprend qull étoit in- (a) Epi/!.
vite de veniç en France ; mais qu'il *^4. wp-
n^avoit point deffein d'y aller. On P'"^*
fit de nouvelles tentatives Tan iy2^.
ilparoît même (b) qu'on lui failoit C^) Epifl^
efpérer quelque Evêché : car il écri- ^^\^* ^^*
voit le 2 Septembre de cette année à ^^'•^' ^^*
François Dumoulin Evêque de Con- p}/}^ ^\, j^,
dom , ^ Les Evêchés que Sa Majefté 10.
» me promet ne me tentent pas. Ils
» m'épuiferoient du peu d'argent que
M j'ai , m'engageroient dans des det-
wtes, & m'enleveroient cette libené
» fans laquelle je ne pourrois pas vivre
» trois jours. » Il y avoit une nou-
velle raifpn , qui Tauroit empêché
d écouter les propofîtions de la Fran-
ce : le Roi Catholique avoit été élu
Empereur , au grand chagrin de Fran-
cis L qui avoit été fon Compétiteur
l'Empire ; & la préférence que Char-
les avoit eue fur (on rival , avoit caufé
des haines qui mirent toute TEuropc
en feu. Dans ces circonftanccs , Eraf-
me écrivoit (c ) : » Quoique le Roi de (c) Adver*
»> France m'invite d'aller chez lui , ^^^ Hutte-
» je n'ai garde de me rendre à fes ^^^' ^PP*
«propofîtions j ceux qui me veulent du ^^p ^^^•^'
»mal ne manqueroient pas de me re- * '
» procher , que je me fui« retiré chez
L vj
i
55*2 Vil'
» un ennemi de TEmpereur. » MaÎJ
Quelque efpérance qu'il ait donnée à
les amis de France , jamais il n'eut
intention d'y venir, ainfi qu'il le manda
"(a) Epijt.izns la fuite à Budée {a). N'oublions
j^. L. 10. |)as de rapporter un trait , qui prouve
jufqu'où les Savans portent la baÔcffe &
la jaloufie. Dans le commencement de
cette négociation , quelques gens mal*
intentionnés pour Erafme ne craigni-
(i^) Epjfy? rent pas de venir trouver Budée (i)
*ao. L. 2. pour lui repréfenter que fi Erafme ve-
^fifi. J04 noit en France , lui-même & les au-
tres Savans du Royaume y ieroient en
moindre confidération , parce qu^on
auroit fujet de croire qu'il n'y avoit
qu'Erafmequi pût rétablir la Littéra-
ture, C'eft ce que nous apprenons par
une Lettre de Budée à Erafme , dans
laquelle cette confidence fe trouve en
Grec. Budée reçut avec le mépris
qu'elle méritoit cette repréfentation ;
& il répondit, que dans tout ce qu'il
avoit fait dans cette occafion , il avoit
exécuté les ordres pofitifs du Roi ,
& que c'étoit avec le plus grand plai-
fir du monde qu'il avoit obéi. Erafme
conferva toute fa vie une très-grande
reconnoiffance des fentimens avanta-
geux que le Roi de France avoit eus
jpourlui i il ofamêmç donner des pr eu*
d'Erasmb. 15* j
i ves de la vénération qu'il avoit pour
ce Prince , dans le tems de fes plus
grands malheurs. Après que par la
perte de la Bataille de Pavie il fut de-
; venu prifonnier de l'Empereur , Eraf-
meiie craignit pas de confeiller publi-
; quement à fon Maître d'ufer de fa
viftoire avec générofité. » Si j'ëtois
» Empereur , dit - il dans un de fes
» Dialogues (a) , voici comme je par- (a) DJalo^
•» lerois au Roi de France. Mon frère, g"© ^" ^^
» quelque mauvais génie nous a fait P'^ «^ P^"-
" entrer en guerre j la fortune vous a '^ ^ ^-
3> fait mon prifonnier : ce qui vous eft
m arrivé peut m'arriver auflî ; vos
» malheurs me font faire attention aux
» malheurs attachés à la condition
M humaine. Nous n'avons que trop fait
, » la guerre ; difputons d'une autre
» manière : je vous rends la liberté ;
» accordez-moi votre amitié. Oublions
» le paflfé. Je ne vous demande point
, » de rançon ) vivons en bons voifîns ,
» & n'ayons d'autre ambition que celle
» de nous diftinguer par la bonne foi
» & par les bienfaits* Celui qui de nous
» deux remportera la viftoire , jouira
» du plus beau de tous les triomphes,
» Cette aftion de clémence me fer
» plus d'honneur y que fi j'avois con
p quis la France j & votre reconnoif-
a^4 Vie
M lance vous fera plus glorieufe , que {
» vous m'aviez chaffé d'Italie. »
» Qu'une fi belle aftion , ajoute
a» Erafme , feroit d'honneur à l'Empe-
3» reur ! il n'y a point de Nation qui ne
» fe fournît volontiers à un Prince fi
»> clémenc & fi humain. »
(d) Chitrei Qç^ ^yis qu Erafnae donnoit i l'Em-
Saxonta , p^^-g^j. ^ fervit apparemment de mo-
îo^'^Gu?- ^^^^ ^ ^e^^i ^^ l'Evêque d'Ofma Con-
Chardin , feflfeur de ce Prince , dans ce fameux
L. K.n. 5. Confeil où il fut délibéré comnaenton
Rapin. gn agiroit avec le Roi prifonnien Le
Thoiras,t.Confeireur parla le premier, & fut
S* P* i5>i. jjjyjg qu'on relâchât François I. fans
lui impofer aucune condition. Il repré-
fenta que par cette générofité l'Empe-
reur acquéreroit une gloire immor-
telle ; qu'il feroit en la perfonne de
François 1. un véritable ami, Frideric
Duc d'Albe rejetta bien loin un fen-
timent qui n'étoit pas fait pour être
approuvé par un Militaire féroce, &
qui ne pouvoit plaire (Ju'à une très-
belle ame ; il foutint qu'il falloit tirer
de la viftoire de Pavie tous les avan-
tages qu elle devoit naturellement pror
curer : l'Empereur fuivit ce confeil. Le
Chancelier Gattinare defapprouva le
parti queprenoit l'Empereur; ilaurok
louhaité que le fentiment du Confef-
r E
I feur eut prévalu. Il prévit , ainfi
qu'Erafnie Tavoit fait , que fi Charles
■ exigeoit dé fon prifonnier des condi-
tions trop dures, non-feulement la
Paix rie.leroit pas folide , mais qu'il
s'enfuivroit une guerre encore plus
cruelle que celle qu on s'imagineroit
avoir finie : aufli ne voulut-il poiiit
figner le Traité de Madrit.
Après que François I. eut recouvré
la liberté , Erafme lui en fit fon com-
pliment ( tf ). Il ne craint pas de dire , (à) Efjî.
que c'eft avec chagrin qu il avoit vu 4o- L zi.
que la fortune n avoit pas répondu con- ^i'^^* '*^*
venablement au courage & aux gran-
des vertus d'un Prince , qui lui avoit
donné tant de fois des preuves de fon
aflFeélion : il ajoute , ce qui eft encore
Ï>lus hafdi de la part d'un Sujet de
'Empereur, «Quoique cette dernière
» Paix ait été faite a des conditions
» trop dures , pour ne pas dire injuf-
» tes , j^efpére que le fouverain arbi-
*> tre des chofes humaines amènera tout
» à bien. » Après des déclarations fi
publiques,il n'eftpas étonnant qu'Eraf-
me ait été accufê de partialité pour la
Nation Françoifc, Il nous apprend (h) (fi) ^l'-fl*
que fon affeftion pour les François lui ^* .^* ^®*
avoit fait des ennemis , non-feulement ^ -^ * ^ ^*
dans fon pays , mais auifî chez les Ân-^
aj6 Vie
jglois; il ajoute que s'il les aime, ce
n*eft point par intérêt , puifque de
toutes les Nations la Françoife cft
celle dont il a reçu le moins de bien-
faits.
La négociation qui s'étoit faite pour
attirer Ërafme en France., prouve
qu'il y avoit une très - grande union
entre lui & Budée , qui étoit aufli re-
gardé comme un des principaux or-
nemcns de la République des Lettres.
Leur amitié étoit montée à un tel
(a) Epift^ Çoînt , qu'ik étoient convenus (a) de
30. L. I. le communiquer tous leurs amis. Elle
fut quelquefois obfcurcie par de petits
nuages : on trouve dans leurs Lenres
refpeftives des expreflîons dures & of-
Xh) Epi/l. fenfantes ; il y en aune de Budée ( b )
543- Efifi.zstc cette Infcription : Budée jufqu'à
54. L. 3» préfent ami d'Erafme, lui dit pour
toujours adieu. Eralme , quoique mé-
content , ne cherchoit cependant qu'à
appaifer fon ami 5 & pour le faire ren-
trer en lui-même , il déclaroit au com-
fc) ^?^'A mencement de fa réponfe (c), que
iSf . Epijl. quoique fît Budée , il feroit toujours
^^* ^* 3* fon ami & fon ferviteur. Il fc plaint
de ce qu'il prend mal quelques-unes
de fes plaifanteries , dont l'intention
n'étoit point de le fâcher : il fuppofe
même que Budée ne parioit point Hz
D* E R A s M E, 5^7
rieufement , & que fes expreflîons ap-
prochoient plus de Tironie que d'une
véritable haine. Ge qui eft confiant ,
eft que quoiqu'il y ait eu entre ces deux
favans hommes d.e petites difcuflions ^
& peut-être quelques mouvemens de
jaloufie , ils sVimoient & s*eftimoicnt
intérieurement. » Je ne crois pas , dit
» Erafme ( a ) , qu'il y ait perfonne (a) Eptjh
n qui penfe mieux , & qui parle plus xt.U 5«
» honorablement de Budée que moi ,
» quoiqu'il foit affez grand pour n'a-
» voir pas befoin de mon éloge. Il
» m'avoit fait un défi littéraires je
» croyois qu'il aimoit la plaifanterie ;
>y mais il m'a répondu en bon Fran-
» çois > pour ne pas dire quelque chofe
» de plus. Vous ne m'apprenez rien
» de nouveau en louant Budée , écri-
«» voit-il à Vives (i); mais l'éloge que ^^Xf^5^*
» vous faites d un homme que j aime ^^^ j ^^
» tant , me donne un vrai plaifîr : quel- Efijl. X9ê
••que choie qu'il puiffe écrire contre L.iu
» moi , jamais je ne cefferai d'être fon
» ami.. Je ne fuis point réconcilié avec
»Budé-, mande- t-il à Baptifte Eg-
» naiius (c) : car je l'ai toujours regardé (c) Epijt.
Vcomme un homme de bien , d'une 3* L. i6;
» grande doftrine , qui avoit bien mé-
» rite des Lettres & des Savans. S'il
»y a çu entre nous quelque brouille-
2sS Vie
3» rie qui ne mérite pas qu'on en parle,
99 ce n'eft pas moi qui y ai donné oc- l
» cafion j ce font de mauvaifes lan-
» gués. » Il faut remarquer que ceue
Lettre fut écrire après la publication
du Cicéronien , qui caufa quelcjue
. nuage dans leur amitié, Budée ne par-
loit pas d'Erafme avec moins d'efti-
me j & les éloges que ces deux
hommes célèbres fe donnoient mutuel-
lement , paroiflbient fi exceflîfs à
(a) De Sa^ Cardan , qu'il a déclaré (a) qu'il ne
^'^r?/ ^* pouvoir les lire fans reffentir un mal de
3.^.147* *
^ cœur.
Cpmme ils étoient fans contredit
les deux plus favans hommes de leur
fiécle, c'étoit un problême que l'on
agita fouvent de leur vivant, lequel
des deux méritoit la préférence. Lon-
gueil , célèbre Cicéronien, traira cette
queftion dans fa Lettre à Jacques Lu-
(h) Epffl. cdts. Doyen d'Orléans (&)• Il fou-
62. L. 3. haite de favoir de lui , pourquoi
£/>//?. 54- François I. donne la préférence à
des^èSs Erafme fur Budée , à un Allemand fur
de Longo- ^n François , à un Etranger fur un de
lius. fes Sujets , i un inconnu fur un hdmrae
qu'il voit fouvent. » Car quant à l'é-
» rudition , dit-il , je ne vois pas en
«> quoi Budée cède à Erafme , foit du
3? côté des Belles-Lettres , foit du côté
b' E R A S M B. ayp
j> des Sciences plus dignes d'un Chré-
» tien. Quant au ftyle , ils en ont cha-
3» cun un tout différent , & qui dans
^ fon genre mérite d'être ellimé. Ils
» ont tous deux une grande abondan-
« ce : l'un eft plus étendu , l'autre eft
» plus ferré ; mais en même-tems il
« eft plus profond , & il y a plus de
» chofes chez lui. L'un eft plus pkin ,
» & l'autre eft plus rapide. Il me fem-
3Bble remarquer dans Budée plus de
» nerf, plus de (ang , plus de force ;
^ dans Érafme , plus de chair 6c de
•couleur : dans le premier , plus
» d'exadlitude ; dans le fécond , plus
» de facilité. L'un efl rempli de Sen-
» tences , & l'autre de plaifanteries :
» Budée donne tout à Futilité ; Eraf-
» me confulte beaucoup ce qui peut
« être agréable jHe premier brille par
3J fon attention , fon efprit , fa gra-
» vite , fa dignité j l'autre par fon art ,
» fa fubtilité , fa douceur , fes agré-
ai mens. Vous aimez l'un j vous ad-
» mirez l'autre. Budée m'emporte ,
» Erafme me charme. Budée efl heu-
» reux dans, fes Métaphores , grave
» dans fes Sentences , varié dans fes
a» figures, fublimej Erafme efl agréa-
» ble , modeflç , fleuri , abondant , fa-
» çile ^ clair. Le premier efl toujours le
26o Vie
» même ; il tonne , il fulmine , lorf-
» qu'il eft queftion de reprendre les
» défauts de notre tems: rautr^^même
» lorfqu'il attaque les mœurs corrora-
» pues , paroît plutôt fe fervir de reme-
» des doux , qu'avoir recours aux opé-
M rations violentes. Si Budée avoit à
«écrire l'Hiftoire, il reffembleroic
» plus à Thucidide qu'à Sallufte , &
» Erafme plus àTite-Live qu'à Héro-
» dote. S'il falloit faire un Poëme , le
» premier feroit plus tragique, plus lié- h
3> roïque , & plus abondant en Sen-
w tences graves ; le fécond fe tireroit
» mieux d'une Comédie , d'une pièce
» Lyrique ou d'une Elégie : il s'élève
» pourtant quelquefois ; mais plutôt
» par imitation que par la force de ion j
» caraftere. L'un paroît infpiré pat
• Minerve ; l'autre eft toujours ac-
30 compagne du chœur des Grâces.
» Mais , continue Longueil , afin que
3> vous foyez perfuadé qu'il n'y a rien
» de parfait dans ce monde , & qu'il
» eft impoffible de fatisfaire tous les
» hommes , je vous apprendrai ce (î|ue
» ceux qui croient avoir fait quelque
»> progrès dans les Lettres , defire-
» roieht^ dans ces deux Savans. On
» reproche à Budée d'être trop par-
?> fait, & à Erafme d'aimer fes défauts»
r>' E K A s M E. a6i
» Le premier , dans fà fcrupuleufe
» exaditude , oublie fouvent pour
» qui il écrit , n'étant occupé que de
» chanter pour lui & pour les Mufes ;
» Tautre fe livrant trop à fon génie ,
» s'imagine que les choies les plus com-
» munes peuvent trouver place dans fes
» Ouvrages, ce qui en altère quelquc-
* fois la beauté. Budée donne plutôt à
» deviner qu'il n'explique ; Erafme
» trop abondant inonde fa matière. Le
» premier s'enfle fouvent } le fécond
» i^mpe ordinairement : l'un plaît ex-
^ trêmement aux Savans j l'autre fait
*plaifir même aux ignorans. » Lon-
gueil finit par déclarer ^ qu'il fe con-
tente de rapponer les fuffrages des
Savans. Cette Lettre ayant été envoyée
à Erafroe ^ il crut devoir écrire à Lon*
gueil ( a) : il lui déclare qu'il eft bien (^) ^pifi»
éloigné d'être fâché de la préférence ^^-^^
qu'il donne à Budée fur lui j qu'il trou- l^^^*
ve que Budée eft trop peu loué , tan-
, dis qu'il le loue avec trop dçprofufion;
qu'il ne fe reçonnoiflbit point dans les
éloges qu'il failoit de fes Ouvrages 5
que la plus grande louange que l'on
pouvoit faire delui,étoit de le mettre à
la fuite de Budée. Il aflure que c'eft
avec plaifir & profit qu'il a vu les cri'
tiques qye Ton faifoit de fes. Ecrits:
II»
1
262 Vit
il avoue qu'il ne revoit pas fes Ouvra-
ges avec aflez d'attention ; qu'il n'ap-
porte pas une fcrupuleufe cxaftitude
dans le choix des mots , parce qu'il
s'imagine que cette afFedlation ne con*
vient pas à quelqu'un qui tourne fa
principale attention vers les chofes,
C'étoit une^ critique du ftyle de Lon-
gueil , qui dans le goût des admira-
teurs outrés de Ciceron , n'employoit
fes belles phrafcs qu'à dire les chofes
les plus communes, Erafme finit , en
affurant Longueil que le Roi de France
ne lui donne point la préférence fur
Budée , qu'il n'avoît eu intention que
de les réunir.
Cette Lettre eft un modèle de po-
liteffe , & devroit fervir d'exeinple aux
Savans qui s'imaginent avoir des fu-
jets de plainte contre leurs Critiques.
(a) longo' Longueil a prétendu (a) que la Let-
lii Epiji. ^re avoit indifpofé Erafme contre lui:
ir. if 2ii ^^^^^^ 1'^ "*^^ i ^ ^1 en apporte pour
f* )reuve, que c'étoit lui-même qui
'avoit fait imprimer. Ce qui eft conf-
tant, eft que lorfque Longueil écrivit
cette Lettre , il ii'avoit jamais vu
Erafme; ceft lui-même qui l'affure.
Depuis étant venu à Louvain , il alla
^^)^^^^^- rendre vifite à. Erafme (fc) qui le
V*'* reçut de fon mieux j ils furent trois
d' E R A s M E. 2(^5
jours enfemblc. Longueil voulut enga-
ger Erafme à parler dans un de fes Ou-
vrages d'une avanture , que la jaloufie
des Italiens contre les Etrangers qui
parloient bien Latin 'lui avoit procu»
rée à Rome -, mais Erafme qui ne vou-
loit point fe faire de nouveaux enne-
mis , n'ayant pas répondu d'une ma^
niere qui fatisfît Longueil 9 il refta
perfuadë que ce fut une des caufes qui
indifpoferent Longueil contre lui le
relie de fa vie. Le Poëte Nicolas
\ Bourbon qui compara Erafme à Bu-
dée , n'étoit pas éloigné de penfer
comme Longueil ; il difoit que le pre-
mier étoit plein d'appas , & que le
fécond enlevoit ( i )•
Vives admirateur de tous les deux,
n'a ofé décider de la préférence ; il a
prétendu ( a ) que c'étoit un efprit (a) Epffx
dans deux corps, x 7 1 L. 1 1 •
La poftéritc quijuge ordinaîremetit
mieux que le fiécle préfent , parce
qu'elle juge après que les haines , les
jaloufies & les partialités font étein-
tes , a décidé en faveur d'Erafme. Ce
( I ) Sets quid ab HolUinào Franctu Budaut
Erafmo
Différât ? hic dtClis allicU , file rapît.
Nicolai BorboniiNugdr.L,i.Car,67. ^
^^ Vie
ii*eft pas qae Ton ne convienne de la
profonde érudition de Budée dans la
Litcérature Grecque , auquel égard il
pomToit peut-être l'emporter fur Eraf
me ; nuis celin-ci l'empone certaine-
ment far Budée par fes agrémens , pai
iâ fécondité , & par la variété du nom-
bre infini de fes Ouvrages : enfin Bu
dée peu lu n'efi connu que de ceux
qui étudient à fond les Lettres-Grec-
ques; & Erafine eft œcore entre leJ
mains debout le monde.
Dans le tems à peu près que le Roi
de France penfoit à attirer Erafme
dans fon Royaume, Emeft de Bavière
qui fiit depuis Evêque de Paflau & Ar-
chevêque de Saltzbourg, projettoit
dé fau-e fleurir TUniverfité d^ngol^
ilad , en y (àifant venir à des condi-
tions avantageufes tout ce qu'il y avoic
. de plus habiles gens en Allemagne. H
jetta d'abord les yeux fur Erafme ,
très-réfolu de ne rien épargner pouï
l'avoir. Il fit part de fon projet à Ur-
bain le Roi , Profefleur dlngolftad ;
ià) Epijl. & le Roi en écrivit à Jean Faber (4
ij. L* 2, célèbre Dominicain , qui depuis fu^
Evêque de Vienne , qu'il croioit être
avec Erafme. Il lui fit part des inten-
tions du Prince de Bavière ; & il (^
pria de lui faire favoir s'il n'y auroii
pas
'b' E R A s M K. ±6^
Îas moyen d'engager Erafme à être
Vofeflfeur ordinaire à Ingolftad. S'il
objeftoit fon âge , on avoit ordre de
lui dire qu'il n*auroic aucune fatigue ;
que le Prince demandoit feulement
que par fa préfence il vint mettre en
honneur les Etudes de llJniverfité
d'Ingolftad. Il ajoutoit que fi Eraf-
me , avant de s'engager , jugeoit à
propos de venir voir le Prince Erneft
& examiner les lieux, le Prince paye-
roit la dépenfe du voyage , & feroit
volontiers un préfent honnête. Il finit
par prier Faber d'employer toute fou
éloquencepour engager Erafme à con-
tenter le Prince , & \ donner à l'Alle-
magne la préférence fur tous les aur
très pays.
Cette négociation (a) fe faifoit de W Ep(,/f.
concert avec Léonard d'Ech ^ Grand- i^* ^* *•
Maître de l'Ûniverfîté. Le Prince a-
voit pris cette affaire fi fort à
cœur , qu'il avoit envoyé un exprès
à Bafle , feulement pour en accélérer
la conclufion : il devoir offrir à Eraf-
me deux- cens ducats d'or ,& de très-
riches Bénéfices j & H avoit ordre
d'engager Erafme à facrifier un mois
pour venir voir Erneft de Bavière »
qui avoit le plus grand défir de voir
un homme fi célèbre»
Tomt L " ' « M
z66 .Vie
(a) Efîfl. Erafme fit rëponfe à Urbain le Roi (a)
j^. I. 1. qu'il étoit très-fenfible à Teflime &
auxx propofitions que lui faifoit le Prin-^
ce de Bavière , mais qu'il ne lui étoit
pas libre de s'attacher à aucun Prinr
ce 5 parce qu'il appartenoit au Roi
Catholique en qualité de Confeiller^
11 promet qu'il ira faire fa Cour au
Prince , ne fût-ce que deux ou trois
S 'ours , fi fes affaires le lui permettent.
[1 lui donna des preuves de la recoti-
noiflfance le 4 Novembre 15*17. par
(h) Eftf.\2^ dédicace de fon Quime-Curce. Il
34. L. i* avpit relu cet Auteur avec attention
pendant un voyage qu'il avoir fait au
Prinrems de cetie même année en An-
gleterre ; & il avoit fait quelques corr
reftions dans le texte. C'eft a l'occa-
fion de cette invitation du Prince Er-
neft , que le Jéfuite Gretfer a remer-
cié la Providence d'avoir permis
qu'Erafme n'eût point été tenté, de
venir à Ingolftad. » Notre Acadé-
(c) Voyez.» mie , dit- il (c) , a couru trois grands
Gret.Epift. „ rifques de perdre fa Foi : le prer
îe^"?o!*™^^' *^^Ven iyi8. Erafme de
los^e d^£l » Ro^crdam ikt invité d'y venir en-
lahne , p. ^ feigner les Belles-Lettres ; le fécond
4z, a» lorl'qu'en 15*20. Reuchlin enfeignoit
a> ici les Langues favantes ; & le troi-
»iîeme, lorfquc dans la même année
b' E R A s M E. 26j
• on ofFroit une penfion confidérable
» à Melanélon , s il vouloir venir s.*é-
• tablir ici. Car quoi qu'Erafme &
» Reuchlin n^attaquaflent pas manifef-
» tement la Foi Catholique , ils la
» fappoient fourdement , & ils étoient
» les ennemis monels des rits Ecclé-
i> fiaftiques & des corps réguliers ;
» or un faux Catholique nuit plus à la
»Foi qu'un Hérétique déclaré. Le
» Ciel a préfervé notre Académie
» & toute la Bavière de ces malheurs :
» Erafme n'y vint point , Reuchlin
» n'y refta que peu de tems , & Luther
» retint auprès de lui Mélanélon. »
Erard de la Mark, Evêque & Prin-
ce de Liège , qui fut auflî Cardinal ,
ne penfoic pas de même fur Erafme ;
il leregardoit (a) comme une efpece (a) Efffl.
de divinité defcendue du Ciel en terre, 4 3» i- 3-
Il lui écrivit (t) que s'il vouloit lui [h) EpIJI.
faire l'honneur de le venir voir, (ce 45. L^ j.*
font les propres termes du Prélat , ) ce
feroit la chofe du monde qui lui feroit
le plus de plaifir, Erafme répondit à
ce Prince (c) le 7 Janvier lyip.que (c) Epifl.
le mauvais tems , fon peu de famé , 4^. L. 3.
& fes grandes occupations l'empê-
choient de voler à Liège ; mais qu'il
s'y rendroit dès que le tems feroit un
peu plus favorable , & qu'il auroit
Mij
26È _VlE
moins d'affaires ; que fi cependant fon
AlteflTe le vouloir abfolument , il cour
reroit fur le chanip chez lui. Il y al-
W ^p(f* ^^ ^^^ effeâivement quelque tems après,
73. L. 25! & en fut très-bien reçu. Il a rendu
publiquement témoignage , qu'il nV
voit pu voir ce Prince fans l aimer &
fans Tadmirer : il a célébré la dou-
ceur de fes mœurs , fa politeflc j la
pénétration de fon efprit , fon grand
jugement , fon amour pour les Belles-
Lettres , & enfin fa piété. II crut de*
voir lui donner des preuves de fa re-
connoiCTance , en lui dédiant fa para-
phrafe fur les Epîtres de Saint Paul
aux Corinthiens. Chriftolphe d'Uten-
heim , Evêquc de Bafle , n'eut pas
iTiOins d'amitié pour Erafme. La pré-
férence qu'il avoir donnée à Froben
pour l'impreffion de fes Ouvrages , l'o-
oligeoit de faire de fréquens voyages
à B?.fle : il y rendit fes devoirs à TE-
(h) Etlfi. vêque qui le combla de politeffes (b)
j. L. 8. £. lui offi-it fa bourfe ,. & l'obligea d'ac-
^T?*'n* l\ cepter un cheval qui valoir cinquante
écrivit le 13 Juillet 15*17. fert de
preuve de la grande fatisfaftion qu'»
avoir eue de- faire connoiflance avec
lui : il déclare que fa fanté ne peut
pas être en danger, fans que lesfcieni
r>' E R A s M H. 26$i
tes & la République des Lettres cou- -
rent de grands rifques : il ne fouhaitc
rien avec tant d^empreifement que de
vivre avec lui , de jouir de fa conver-
fâtion auflî agréable que favante ; &c
fi Tair de Bafle convient à fa'fanté ,
il lui offire de venir partager, fon Pa-
lais.
Ces politeffes étoient d'autant plus
llatteufes pour Erafme , que TEvêque
de Bafle n'avoir pas la réputation
de les prodiguer. Erafme eut auflî (u-
jec d'être content (a) des habirans C^) ^P^/^^
de Bafle : tout le monde l'y aimoit ; * *• ^ ^*
chacun le regretta Torfqu'il en partît ;
plufieurs l'accompagnèrent lorfqu'il
monta à cheval pour fortir de Bafle ;
quelques - uns verferent des larmes ;
enfin il étoit fi reconnoiflant de la
gracieufe récÂfon qui lui avoit été
feite à Bafle , qu'il avoit pris la ré-
folution de s'y fixer , fi la Cour ne
faifoic rien pour lui.
Il y retourna l'an iyi8. (t) pour (^^ Ep(/Î.
y veiller à l'impreflîon de fes Ouvra- 184-
ges. Il y arriva le i Juin ; c'étoit la
Fête de l'Affenfion cette année, La
chaleur qu'il avoit fouflPerte pendant
le voyage , l'avoit extrêmement in-
commodé. Il regnoit dans ce môme (A Epia.
tçms (c) une maladie contagieufe , i^^^,
Miij
270 ' ^ V T E
qui faifoît mourir beaucoup de tnofi-
de ; c'ëtoit une roux violente , qui
ctoit accompagnée de mal de tête &
de douleurs d'entrailles, Erafme fut
attaqué de cette épidémie deux jours
-après fon arrivée à Bafle; il s'y joi-
(a' E[if. gnit une -diflenterie {a) moyennant
*8f. quoi il fut plus de fix mois à ache-
ver ce qu'il avoit compté faire en
deux ou trois mois. Antoine Pucci ,
neveu du Cardinal Laurent Pucci ,
étoit pour lors Nonce à Zuric : dès
(h) Efijl. qu'il fçut Erafme à Bafle ( fe ) , il le fie
347» prier de le venir voir ; mais fa mau-
vaife fanté & fes occupations littérai-
res ne lui permirent pas de faire ce
voyage. Cependant Pucci avoit un
défir extrême de connoîcre un hom-
me que fon Oncle eftimffit beaucoup ,
& qui étoit intime ami ïl Paul Bom-
bafius , Secrétaire du Cardinal Lau-
(c) Epijl. rent Pucci ; il prit le parti ( ^ ) de
24. L. 1. yenir à Bafle , où dès qu'il fut arri-
vé > il envoya faire des complimens à
Erafme , & le prier de fe rendre chez
lui , afin qu'il eût le plaifir de l'entre-
tenir & de dîner avec lui. Il ,fir en
même tems prier à dîner Rhenanus 1
les frères Amorbaches & quelques au-
tres intimes amis d'Erafme. Sa fanté ,
ne lui permit pas de fe trouver à cç
d'E R AS M E. *27î
repas , de forte que le Nonce voulant
rembraflcr, fut obligé de le venir trou-
ver dans fon petit réduit. Erafme lui fit
(a) quelque tenis après de très-humbles (a) Epfl.
xemercieniens de toutes ï^s politeffes j *^» ^ ^^
& il nous apprend par cette Lettre ,
^ue c'étoit la féconde édition de fon
Nouveau-Teftament qui l'avoit fait ve-
nir à Bafle ; que fa mauvaife famé & la
jpefte Tavoient obligé de fbnir de cette
Ville , avant que cette Edition pût pa-
Tojtre. Il quitta Bafle étant encore en
mauvais état ; il s'embarqua fur le
Rhin , & vint dîner à Brifac > d'où il (,h) Epi II.
alla coucher dans un mauvais Village^ *>• ^* ^•
où il penfa mourir. Il fe trouva avec
plus de foixante perfonnes dans une
chambre fort petite , qui étoit écauf-
fée par un poêle. C'étoit ce qui pou-
voit lui arriver de plus défagréable :
jamais il ne put s'accoutumer à cette
manière de fe chauffer ; & il a affuré
que les poêles Tavoient toujours in-
commodé* Il alla le lendemain matin
à Strasbourg, où le Libraire Sheure-
^ius qui avoit imprimé quelques-uns de •
fes Ouvrages ^ lui envoya du vin. H
Teçut la vifite de fes amis , qui le dé*-
i'ayerent de la dépenfe qu'il avoit -
faite dans la Ville. Il prit un cheval
pour aller à Spire 5 le Doyen l'eut
M iiij
5272* Vie
pendant deux jours chez lui , & le
traita au mieux. U prit là un chariot
pour aller à Wormes & de- là à May en-
ce f où il s'embarqua pour Poparde. Le
• Receveur de la Douane appelle Ef-
chendelfer , ayant appris qu'Érafme
dont la réputation étoît parvenue juf-
qu à lui j étoit à Poparde , l'alla cher-
cher , & l'obligea de venir chez lui.
Erafmc fut fort étonné de trouver fes
Ouvrages au milieu des Régiftres de
ce Receveur, qui n'eut pas plutôt
Erafme chez lui , qu'il s écria qu'il
étoit trop heureux : il fit venir fes
cnfens , fa femme ; il envoya cher-
cher fes amis ; & comme les Batteliers
s'impatientoient d'attendre Erafme, il
leur envoya bonne provifion de vin ,
& promit au Maître du batteau qu'il
lui teroit remife des droits de Douane,
à caufe du plaifir qu'il lui avoit pro-
curé de voir un homme tel qu'Erafme.
Il confcrva toute fa vie de l'amitié
(d) Ep/ff.pour ce Receveur; il lui dédia (a)
3 3» .^•^^•l'Interprétation du Pfeaume xiv. qu'il
• a intitulé de la pureté de l'Egiile Chrér
tienne , dix-huit ans après en avoir érc
fi bien reçu. Il auroit voulu éviter
de paffer par Cologne , où il étoir
peruiadé qu'il avoit beaucoup d'en-
nemis depuis qu'il s'étoit déclaré fi
D* E R X S M E. 275
Télé partifan de Reuchlin , dont les
Théologiens de Cologne étoient les
délateurs ; mais fon valet avoit mené
fcs chevaux dans cette Ville : il fallut
donc qu'ily allât. Il en fortit Bien vite,
aimant mieux rifquer de monter un
cheval boiteux pour s'en aller , qu'at-
tendre quelque tems pour avoir une
voiture convnode. Il alla à Bedbure ,
Château du Comté de Nouvel-aigle, à
cinq lieues de Cologne : il refta cinq
jours chez ce Seigneur qui l'aimoic
& Teftimoit beaucoup ; 41 les pafla
fort agréablement. Il y revit une par-
tie de fon Nouveau -Teftament. Il
avoit p^fque recouvré fa fanté"J & il
avoit formé le projet d aller rendre vi-
fite à TEvêque de Liège , & de paffer
en A ngletetre pendant l'Automne , &
profiter des offres que le Roi d'An-*
gleterre lui failoit. Il fortit donc du
Château de Bedbure par un très-mau-
vais tems, malgré les remontrances
du Comte de Nouvel aigle j & il fe
mit dans une voiture découverte. Il
feifoit très- froid , & il tomboit de la
pluie ; il arriva la nuit à Aix-la-Cha-
pelle extrêmement fatigué. H defcen-
dit dans une Auberge ^ d'où on le
mena malgré lui chez le Chantre , qui
avoit quelques Chanoines à fouper. Le
M Y
^74 V I H
repas n'ëtoît que de carpes ; & quoi-
quUl ne pût fouffrir le poiflbn , il
mangea beaucoup , parce qu'il avoic
grande £aim. Le lendemain il alla dî-
ner. chc25 le Vice -Prévôt, où il ne
trouva encore que du poiiTon mal cuit
dont il mangea. Etant retourné dans
fon Auberge , il eut une grande in-
digeftion accompagnée d'pn vomiiTe-
ment. Il n'en étoit pas encore bien
remis , qu'il monta à cheval pour con-
tinuer fa route. Il alla à Maftriâ , de-
là à Tongres en très -mauvais érar.
> Une foiblefle le prit au fortir de Ton-
gres : on le mit dans un chariot cou-
vert qui le mena à S. Trudon , ou il
monta à cheval pour aller à Tenes. Il
Î)rit là une voiture ; & ce ne fut pas
ans peine qu'il regagna Louvain. Jl |
ne voulut pas defcendre dans fon Col-
lège , parce que comme il s'étoit écor^
ché en fe grattant, & que le mou*
vement du cheval avoit augmenté fes
écorchûres, il appréhendoit qu'on ne
les prît pour des iymptômes de pefte;
ce qui auroit fait ton à fon Collège.
Cette maladie contagieufefaifoit pour-
lors beaucoup de ravages. Il-alla donc
chez le Libraire Thierri , fur l'amitié
duquel il comptoir. S'étant couché ,
pendant qu'il dormoit , un abfcès qu'il
d'Erasme. 577
avolt \ fes plaies , creva ; il envoya
chercher un Chirurgien , qui après
l'avoir examiné , dit en particulier à
fon valet & à Thierri qu'Erafine
avoit la pefte : il promit d'envoyer
des remèdes ; mais il alTura qu il ne
viendroit pas lui-même. Erafmc crut'
devoir confulter les Médecins; ils dé-
clarerez que fon mal rfétoit rien. Ce«
pendant le père du Chirurgien étant
venu voir Erafme , fut du même avis
que fon fils. On envoya chercher un
autre Chirurgien , qui fe mocqua de
fen confrère. Le plus fameux Méde-
cin de Louvain fut appelle : il jugea
que les urines ne faifoient rien crain-
dre de mauvais ; mais Erafme ne lui
eut pas plutôt parlé de fes plaies , que
le Médecin trembla : il s'imagina que
ces écorchûres étoient de véritables
charbons ; & au lieu de revenir com«
me il l'avoVt promis, il envoya un
Prêtre. Erafinê piqué contre les Mé-
decins , n'en voulut plus entendre par-
ler. Il fe gouverna à fa mode : il prie
pour toute nourriture du hachis de
poulet , avec quelques verres de vin
de Beaune ; & en trois jours fon efto-
mach fe rétablit. Il fe remit enfuite à
l'étude; & les écorchûres fe guéri-
rent. Après avoir été ainfi quatre fc*.
Mvj
roaines chez le Libraire Thîerri , il
retourna guéri dans fon Collège. H
avoit fait dire à fes connoifTances >
qu'il avoit été foupçonné d'avoir la
pefte^ & que ceux qui auroient peur
îeroient bien de ne pas venir chez
lui : cependant plufieurs de fes amb
vinrent lui rendre vifite. Le premier
ite tous fut Dorpius , avec lequel il
avoit eu des difcuffions dont nous
avons déjà parlé. Atenfîs dont nous
parlerons dans la fuite, le vint voir
^ W Efifl* auflî. (a) Cependant il venoit de foire
**^* une grande perte ; le Chancelier Sau-
vage étoit mort depuis peu , lorfqu'il
étoit entièrement occupé à procurer
l'avancement d'Erafme. L* Aumônier
de ce Miniftre, en lui apprenant cette
nouvelle , l'aflura qu'il auroit eu in-
ceflamment un établiffement folide , fi
le Chancelier eût feulemeat vécu trois
(h) Eptjl. mois davantage ( fc ). Dans les pre-
341. £]?«/?• miers momens de la douleur quecauià
29 ♦. -^/"à Erafme la mort de Sauvage , il eut
'^" • quelque deflein d'aller en Angleterre
grofîter de la bonne volonté que le
loI , la Reine & le Miniftre avoient
pour lui, La Reine Catherine d'Arra-
(e) Epfjl. gon l'eftimoit tant ( c ) qu'elle auroit
St Affçnd. fouhaité l'avoir dans la maifon pour
qu'il lui fer vît de Précepteur. On avoit
i>* E R A s M ï. ]277
£dt diverfes tentatives pour Rengager
à le fixer dans le Royaume. Dans un
petit voyage qu'il avoit fait en Angle-
terre dans le Printems de l'an lyiy.
Îiour quelque affaire particulière {a) , (4) Efifi:
e Roi & le Cardinal de Wolfei qui» 3. L. jq^
avoit toute l'autorité , le reçurent avec
la plus grande bonté : ib lui offri-
rent un magnifique logement , & fix-
cens Florins de revenu s'il vouloit
relier chez eux. Erafme parut très*
{ènfible à ces propofîtions ; mais il ne
xefufa ni n'accepta ( fc ). On lui promit (B) ^pij^
«ne autrefois un Bénéfice de cent nj*
marcs de revenu. Le Roi lui faifoit
fouvent des préfens confidérables ; &
4ans une Lettre de remerciement (c) W Ep'A*
qu Erafme écrivit à ce Prince le 2j ^^•^ ^ î*
Avril ij'18. au retour de ce dernier
voyage de Bafle , il lui rend grâces des
ornes confidérables qu'il lui a faites :
il affure Sa Majefté Britannique que
bien loin de le refufer , il fe feroit un
plaifir de travailler même fans aucune
rétributionpour un Prince, qui n'ac-
corde fa proteélion quà proportion
des vertus qu'on pouvoit avoir , &
des fervices qu'on rendoit aux Lettres ;
de forte que fa Cour qui peut fervir
de modèle aux Académies Chrétien-
pes i a re^u tant de louanges des plus
^
ii78 Vît
habiles gens , qu'il n'y a|)oînt dtJnî-
verfité qui n'en doive être jaioufe. Il
finit par aflurer le Roi , qu'après fott
édition du Nouveau-Teftament qui
lui demandera encore quatre mois , il
fe confacrera tout entier à fon fervice.
Il avoit pour lors la plus grande idée
'(a) Efift. de la Cour d'Angleterre ( a ) ; il écri-
377- ^fift* voit à un Seigneur Anglois , que quoi-
U. L. é. q^,.j regardât les Cours des Princes^
comme des miféres brillantes , cefe-
roit cependant avec plaifir, qu'il fe
mettroit au fervice de celle d'Angle*
terre , s'il étoit plus jeune. Dans une
Lettre qu'il écrivit à Henri VIII. le
(b) Rpijl. ly Mai lyip (b) pour le féliciter
%i. L. é. f^^ i^ pj^j^ q^>^l jjy^j^. 3^ rétabliffement
• de la paix dans TEkirope , il déclare
qu'autrefois il avoit de l'averfion pour
les Cours des Princes j mais quelotf-^
qu'il faifoit attention aux vertus du'
Roi & de la Reine d'Angleterre , au
mérite des Miniftres & des Seigneurs
de la Cour Britanni:}ue , il avoit le
plus *grand defir da monde d'y aller,
& qu'il ne rougirôit pas de fon ambi-
tion s fi fa famé encore plus que fon-
, âge ne Ten détournoit , & qu'il iroir
d'autant-pîus volontiers , qu'on lui 6f-
froît des conditions très-avantageufes.
C'écoit l'incertitude de fa fuuation
Pi . ^ b*ER À SMf. 275
* igm avoit donné à Erafme cette feible
, l tentation d'aller fe fixer en Arigle-
t terre. On n\n peut douter après la
1 Lettre qu'il écrivit à l'Archevêque ce
i Cantorberi Fan f J ih.{a) Il lui mand < , (a^ rpfii '
que depuis la mort du Chancelier fon **^* 4P*
• protefteur il fetrouvoit fort embarraf-P'"''*
lé ; qu'il avoit quelque envie de le re-
tirer en AnglfiteTre ; qu'il efpéroit que
Warrham'voudroit bien augmenter ta
petite fortune. ^ '
Il ne conferv^ pas long-tems cepro-
jet; le fac^ffeur de Sauvage contribusj*
• ians dout™ le retenir encore quelque
tems dans le Brabant. Ce fur Mercurin- '
Gattinare , qui en même tems qu'il
étoît 'Chancelier du Roi Caiholiqué^
parvint à être Cardinal. Erafme n'a-
Voit pas eu de grandes liailons avec
lui avant qu'il eût; été décoré de la
fligl^itédé Chancelier; mais il ne fut
cas plutôt en place , qu'il eut pour
ÈranBe la plus'grande confidéraiiony
èomme il eft aifé d'en juger par \es
Lettres qu'ils fe font écrites mutuelle-
inent. Erafme lui' recommandoit (os
amis (b-) avec cette confïanca que l'a- (i,) Epljk
mitié donne; & il aflurôit Erafme (r) iT. L. 12^
qu'il l'avoit tou ours àimë^' EfFeélive^ (^^ ^P'f^*
toent il lui donfta des preuves de & ^ '.j • ^^*
feonaf-vol€)5i^ dans la fuite >, loriqu'âlj;^^^^^ ^^'
3»^
*8ài V I «
çw befpia de la proteftion dç ce 1%
mftre pour iPH?P^^' filencç 4 fe? f??
lonsniatçur? , ^ipfi q«e poijs le verrons
»Ul§«FS ; & lorfque Qjttiparç roourgi ,
t«) E^(/Î.Pfafr?i# dit publiqupm,ent (*) qu'4
Ôi, L, 2tf,aveit perd» un 4? fes gf^^î^ç arois, ,
Il n'y ayojt pas lojig-terps que Qfttt
ripare «oit Çlwneelipr du Roi Qathp»
Uqjie , lorfqH'U arriva un gr^nd f ^»
geineM dan? Iç? afiàjres 4e l'Euri^f
par la mort de l'Empereur MaJ^iroi*
lien. Charles Ko\ d'Çfpsigne, fi>p pe-.
tit-fils , lyi G»)ccé4.a. L'ile<aipn à l'Eifir
pire d'un Prince déjà fi çiji^pf d pif
[eurs, caufa une glande réyp^ytioi)
dans les afï?ires politiques de rp^ur?'
pc , taedis qu'il s'pp préparoit m
encore bien plus confiderable dans 1?
BLeligion , dont nous n'aurons qwç ^fiR
©ccafion de parler.
Erafme nou? a ççaferyé qjjeîquef
détails de ce qpi s'ëtQil paC^ à ^
diette de l'EleéUpp de Çferjgf Vf.
^u^il f»voit de l'EvêqHC 4? U4s?-^
y étoit préfenpj il? «périteuf d'.êtrf
rapportés, La veille du j,Q»r,q!ie Çk%H
Xi-) 0:\ei (m élu. à l'Eippire(^) t^fS ^i
*. h i8« Çlcifteurs pflpfiirewt.eeste ^rpnde m
gnité à Frédéric Elpa«j»F de Sajce : »
la ififoû (C0RÔaTOi»eR.t } Se for fop fp
iiis les Eleâfiitfs bù »pm.4^mmé
1^ étoklePrinçe qu*il croyoît de-
voir, être choiiî . pour ^chçf du Coxps
Kjennanique » il fépondit qu'il écoic
lerfuadé que le meilleur choix que
'onjpouvoic Élire, étoit de Charles Roi
i'£(pagne : en conséquence Charles
^.fiit elû Empereur le 28 Juin i ji^«
^ Agens.du nouvel Empereur qui
mt eii.£(pagne , . crurent devoir faire
m préfent de trente jnjlle Jt'lorins à
^réderic : il les refufà ; & (ur la prière
a'on lui fit , quUl peifmît du moins
u'on^iftribuât dix mille francs aux
DSçiers de fa maiiofi, il,r^onditif
m Ils font les maîtres de recevoir ,çe
b. qu'on leur offi-ira; mais je déclarp
m que celui qui prendra Ceulçment un
mJcu 9 ne râlera pas }e lendemain k
p • mon iervice. « -^Craignant enfjiite
I qu'on. ne lui fit de nouvelles inflaur
II ces, le lendemain il jnonta à chev^,
& s'en alla.
X'Europe étoit pour lors en paix,
ï^ Rois de France §c d'Angleterre
^içnt convenus d Voir une entrevue :
^^lefeiîc l'an ij^o. entre Ardes fie
QuinesjA elle fut fi magnifique, ^'on
Vi donna le nom de Camp .du Dr^p
^'Qr , qu'elle conferve encore d^s
VHiftoire. L'Archevêque de Cantoi-
tçrî ^& TJbomas Mp^u? S"^ dev-oient
Tome./. ' *
accompagner Henri VIII. manderez
îd) Epîfi. ^ £^ftne {a) de ne pas manquer de Ct
il. d* 2*, trouver à Calais , où la Cour d'An-»
L^ I }. gleterre devoit d'abord fe rendre. £rai«
Efift* ï^me fui vit ce confeil : il fc propola da
*• ^* lairc quelques vifites au Cardinal, da
Wolfei j qui dans ce tenjs-là éto. î'^ro-
prement le vrai Roi d'Angleterre |
(î) Efift. ®ais ( t ) ce Miniftre fe trouva fi oc-
kO«.L« 14 ^pé à Calais, qu'Ërafme aprè Ml
avoir fait une fois la révérence chvi
}ui , ne crut pas devoir fe préient^
éavantage pour ne pas intcrronipra
un Miniilre furchargé des plus-graiiiî
des affaires. -Il reçût dans le même
' le) £|>f7?.^ems une nouvelle penfion {c) : ce fiis
^mU*ii* apparemment le Chancelier Gattîaara
qui la lui procura. Erafme ne nous ap*
^rend point à quoi elle montoit ; il
afllure leulement quelle lui fut accor*
dée iàns qu'il fe donnât le moindre
mouvement pour l'obtenir : c'étoit l'an
15*20. Il y eut cette même année une
Xi) E|f/?.Diette à Cologne (^ où Erafme aC-
Utmni. fifta en qualité de Confèiller de l'Em-
pereur. Il y fut grande queftion de^
troubles de Religion , auxquels les
déclamations de Luther avoient donné
lieu. On parlera ailleurs des bons con-»
(eils qu'Erafme donna , & qui auroient
&ns doute provenu de grands malr
r-^
d'Erasme, 28 j
hturs , s'ils euflent été fuivis. Le Car-
dinal de Wolfei s'étant rendu à Bru-
ges près de TEmpereur dans l'Eté de
Tan I yai, {a) pour y conclure de la (a) Rapm i
prt du Roi fon Maître une ligue entre Thoiras ,
le r ^e , l'Empereur & l'Angleterre , ^^ '^' ^' ^*
Er»/.ae alla dans cette Ville C^) dans P* V^* ^j^
Tefpérance de trouver à la fuite du ^^ i^ ,^, *
Qrdinal quelques-uns des Anglois
"-ec Icfquels il étoit lié de la plus in-
time amitié : Il y rencontra (c) Cutbert W ^pfi*
'Tunftal , Thomas Morus & Milord '^* ^* *^'
Mont joie. lifaifoit fa cour à l'Empe-
reur (J) , & fe trouvoit aux repas oh {à) Efijt^
étoient invités les Princes & les Mi- ^* ^* *3'
niftres. Chriftiern Roi de Danne-
raarc , à qui fa tyrannie a voit fait
perdre la Couronne ^ & xjui vouloit
engager l'Empereur ^dont il avoit
époufé la fœur à le rétablir fur le
Trône, étoit venu à Bruges. Il prioit
Erafme à manger : il l'auroit même
voulu avoir tous les jours ii fa table;
' mais Erafme ne voioit qu'avec répu-
gnance un Prince, que fes violences
avoient rendu odieux à tout l'Univers,
& que la Cour de Rome déteftoit ,
parce qu'il avoit fait emprifonner le
Miniftre du Pape (e) qui levoit l'ar- 10 Rai-^
gent des Indulgences, s'étoit emparé "'''^'" ♦ ^"*
du profit qu'il avoit feit, avoit fait ^^*^''*'^^-'
a84 Vie
(4) Mio.W cruellement mourir pluGeurs Prë- *
p. 88. lats , & s^ëtoit enfi . déterminé à em-
bralTer le Luthéranifme. Ce Prince fi
haï & fi méprifé avoit cependant
quelque goût pour la Littérature : il
defira beaucoup pendant fon féjour à
Bruges , d'avoir des conférences fé-
Ib) Répon- crêtes avec Erafme ( t ) ; mais comme
feà Hutte- celui-ci fa voit avec quelle attention il
^^ étoit obfervé par fes ennemis , que
leur haine rendoit incapables de ren-
dre juftice à fes intentions , il refufa
toujours de voir en particjjlier Chrif-
tiern , parce qu'il étoit très-perfuadé
que cette entrevue ne produiroit au-
cun bien , & rqu on lui en feroit un
grand crime. On ne pouvoir guéres
mener une vie dont Vapparence fût
plus agréable , que celle qu'il menoit
pour lors. Il mangcoit chez le Cardi-.
nal de Wolfei ; voioit les Evêques,
les Nonces ; étoit en grande relation
- avec les Ambafladeurs, qui venoieçt
' fouvent lui rendre yifite à Anderlac ,
oix il paffa une partie du beau tems de
Tan 15*2 T. & dont le féjour lui plaifoit
fc) E^i/?. infiniment. Il nous a appris (c) qu'il
^py. n'y avoit aucun endroit , où il étu-
diât avec une fi grande tranquillité.
, Mais elle étoit bien troublée par la
fureur de fes ennemis, dont le nom-
d' E R A s M É. 2Sf
Ire augmentoit tous les jours , &
dont les libelles» les calomnies, les
})ropos infenfés l'obligèrent enfin de
brtir du Brabant. Ne pouvant pas le
faire mourir , ils portéreht leur haine
(a) jufqu'à répandre à toute occa- W EfiH^
lion le bruit de fa mort : ce fut prin* ^**»
cipalement dans le tems de fon der-
nier voyage à Anderlac. Les uns di-
foient qu'il s'étoit laiflTé tomber de
cheval , & qu'il s'étoit caflfé la tête ;
dWres prétendoient qu'il étoit mort
de la fièvre ; enfin on le faifoit mou*
rir d'apoplexie. Ce qu'il y eut d'heu-
reux pour lui , eft que jamais il ne
s'étoit fi bien porté que dans le tems
qu'on le tuoit. Si la nouvelle de fa
mort réjouiflbit les méchans , elle af-
fligeoit prefque tout le monde (fc). {b).Z$iJhi
Un jour que cette nouvelle paflbitf»!»
pour confiante , un Poète compofa '
une Elégie , dans laquelle il ne fe
contentoit pas de pleurer Erafme ; il
le mettoit au nombre des Saints. Nous
avons parmi les Poëfies de Nicolas
Bourbon une Epitaphe très-honora-
ble faitç à l'occafion du faux bruit de
fa mort ; on en parlera ailleurs.
Il n'écoit embarraffé que du choisi
de fon azile. La France , l'Efpagne ^
f Angleterre , Vltalie , l'Allemagne
a8(J ^ Vie
lui ofFroîent des retraites glorîeufes 5
H n'y avoit prcfque point de Prince ,
qui ayant quelque goût pour la Litté*
rature , n'eût voulu Tavoir chez lui*
Outre ceux dont nous avons déjà par-
lé , l'Elefteur de Saxe lui fit propofer
de venir dans fes Etats ; & il chargea
t«) Ep/j?. Bilibalde (a) intime ami d'Erafnae,
Z$6. Eftjl. de lui en écrire. L'Evêque d'Utreft ,
^^^* - grand-Oncle de rEnjipcreur Charles V*
(h) Efîjî, le defîroic ( i ) aufli avec beaucoup
Vio.^A^l d'empreflement. Le Cardinal Albert,
fcnL Archevêque de Mayence ^ fouhaitoit
avec la plus grande impatience de le
voir dans fon Eledorat. Des raifons
^ (cî Eptfi. ou des prétextes ( c ) empêchoient
n%.& 4 »• toujours Erafme d'aller à Mayence ;
^* '3» le Cardinal lui envoya un gobelet
(d) Ept fl.à^un travail admirable (d) auquel il
^9. L. 1^. avoit donné le nom de Gobelet d*A^
mour ; & il lui fit dire en même-tems
(e) Epifl. ( « ) que s'il lui faifoit ce préfent lorf-
%9. L. ii.qu'ilne vouloitpasle voir, ilpouvoit
juger qu'il lui en feroit de confidéra-
bles s'il venoit lui rendre vifite. Quoi-
(f) Epijl. qu'il eût écrit en lyiS. (/) qu'il'
17 s • -^P avoit fouvent été très- fâché d'avoir
/Vf •/? ^^^^^^ Rome^ & que pour lors il au-
^^ ^^^'roit eu honte d*y retourner, à caufe
L.iuEpiji.^^ fes cheveux blancs & de fon âge
14. 1. 17, avancé I cependant il paroifîbit (g)
d'Erasme. ^87
avoir envie d'y retourner Tan lyai.
Il y a lieu de croire que ce qu'il en
difoir, étoit plûtgt des complimens
Îu'il faifoit à quelques Prélats de la
leur de Rome , qu'une réfolution
bien fincere. Pouvoir- il fe flatter de
trouver à Rome cette liberté & cette
tranquillité qui faifoient tout l'objet
de ies defirs , & qu'il aimoit tant (a) (a)Epfjré
qu'il crut devoir leur facrifier tous les t^. u 11.
autres agrémens qu'il avoir à efpérer ^Z'^-^* ''•
dans fa Patrie , & dans tous ces au^ * *^*
très établiffemens avantageux qu'oh
lui propofoit f
Sa fortune étoit pour lors dans une
fituation aflez favorable. Richard Pa-
cxus avoir parlé de lui dans fon Livre
de rUtilité des Etudes, comme étant
dans la plus grande mifére : Erafme en
Çarut fort mécontent ; & dans une
.ettre du 14. Mai i y 18. (fc) il dé- (*) ^f^Ji
date que celui qu'on repréfente com- *^^*
me fi miférable , a trois-cens ducats de
revenu , fans compter les préfens qu'il
reçoit de fes Mécènes , & ce que fes
Ouvrages peuvent lui rendre. « Il en
■> auroit bien davantage 9 ajoute-t-il ,
» s'il vouloit fe mêler des affirires des
" Princes ; » & dans une Lettre à >. > ^ . -y^
Bombaflus écrite le 23 Septembre yy^^ Ef}J}]
.1J2I. (c) il paroîc fort cpntent de 14^ L. i7»
'2S8 V I «
Pétat de fes affaires. » Je ne fuis pa^
m fi riche que vous , lui dit-il ; mais
m je ceffe de me plaindre de Mercure r
«ofai de quoi vivre honnêtement; SC
m il me refte encore de quoi foulager
w un ami indigent : ainfi il s'en fauc
m bien que Je fois à charge à per-
m fonne. » C'eft fans doute cette ai-
fance qui contribua à l'engager à fe
retirer à Bafle , où l'impreffion de fes
Ouvrages l'appelloit fouvènt , où il
avoit un grand nombre d'amis , &:
où il efpéroit trouver une liberté &
une tranquillité qu'il ne goûtoit pas
dans le Brabant , & dont il ne pou-
voit pas fe flatter de jouir dans les
Pays où on l'appelloit. Mais avant de!
le voir établi à Bafle, il faut rendre
compte des Ouvrages qu il avoit déjà
donnés au Public , & qui lui avoient
acquis la réputation d'un très-beaa
génie , & d'un des plus favans hom^
mes de l'Europe.
Le Manuel du Chrétien (i) fut un de
fes premiers Ouvrages : il fut commen-
tai) lE.fip. ç.^ ^f ijgjj ^^ quinzième fîécle (a) dans
( I ) Enchiridton mtlhis Chrifiiani , fi"
luberrimis frœceftis refertum. :
Il n'eft pas queftion de Gens de guerre
dans cet Ouvrage ; il ne regarde que les
Chrétiens eu général,
le
d'Ekasms. ù8p
fc Château deTournehens chez la Mar-
Guife de Véere, dans le tems qu'Erafrae
hiyant la pefte qui étoit àParis,s'y étoit
réfugié au commencement du feiziéme
fiécle. Une femme très-pieufe, qui
avoit un mari dont elle avoit de très-
grands fujets de fc plaindre , enga-
gea Erafme à faire cet Ouvrage ; elle
efpéroit qu'il pourroit contribuer à la -
converfion de fçn mari. L'intention
de l'Auteur étoit (a) de remédier h ^) i?p^'/î.
Terreur trop accréditée , que la Reli- ^* -^* *-^*
gion confiUoit dans des cérémonies
& des obfervations plus que Judaï-
ques ; ce qui étoit caufe que là vraie
piété étoit négligée.
Le Manuel eft dédié à un ami qui
vivoit à la Cour , & qui n'eft p^s nom^
mé ; il eft divifé en treize chapitres.
Dans le premier, l'Auteur fait voir
que la vie de l'homme eft un combat
continuel , ainfi que Ta dit le faint
homme Job , & que nous ne fau-
rions être trop en garde contre les
tentations du démon , qui ne cherche
qu'à nous furp rendre. Mais ce qui doit
nous raffurcr , eft que Dieu n'aban-
donne pas ceux qui font leurs efforts
pour réfifter aux affauts de cet Efpric
malin ; & ils doivent être affurés qu'ils
5tpo Vie
remporteront la vidoire i s'ils ont mi
vrai dtfir de vaincre.
Le fécond chapitre traite des armes
du Chrétien ; ce font la Prière , & la
Science des chofes faintes. La connoif-
fance des faintes Ecritures nous met
plus à portée de connoître ce qu'il faut
demander à Dieu. Èrafrçje fouhaite-
roit qu'avant de s'appliquer férieufe-
ment à l'étude de 1 Ecriture , on^ eût
quelque connoiffance des Poètes , &
des fentîmens des Philofophes Payens.
S. Bafile & S. Auguftin croyoient ,
que cette connoiffance préparoit à l'in-
teHigence des Ecritures, Il eft perfua-
dé , que de tous les Philofophes an-
ciens les Platoniciens font ceux qui
méritent le plus notre eftime , parce
3ue leur doftrine approche davantage
e celle de l'Ecriture fainte. Il croit
que les meilleurs Interprètes des Li*
vres facrés font ceux qui fe font le plus
appliqués à l'explication du fens Une-
' rai ; il donne la préférence à Origenc,
à S. Ambroife , à S. Jérv me & à S.
Auguftin. Il veut qu'on fafle grande
attention à ce qu'on lit : il traite d'er-
reur le fentiment de ceux qui s'imagi*
nent, que lafouveraine piété confifleà
réciter un gjand nombre de Pfeaujnes
pe ibuvent on n'entend point ; il
^eut qu'on cherche à en pénétrer TeC-
)rit , qu'on le médite , parce que la
néditation des Ecritures nous appren-
ira les moyens de réfifter à nos en-
lemis , c'eft-à-dire à nos pallions.
Il eft prouvé dans le troifiéme cha-
pitre, qu'il y a une véritable & une.
àufle fagefle , & que Ion ne peut pas
parvenir à la vraie fageffe , fi l'on ne
le connoît pas foi-raêine. L'homme
intérieur & l'homme extérieur font
fcxaminés dans le quatrième chapitre ;
\\ eft queftion dans le cinquième des
niverfes difpofitions des hommes. Le
ïxicme nous apprend ce que l'Ecri-
re nous enfeigne fur ce double hom-
e que chacun renferme en foi. Le
îptiéme traite des trois parties qui
^mpofent Thomn^e , la chair , l'ef*
)rit & Tame : la chair eft le corps ,
feforit eft cette partie de l'ame qui
'sure le bien, & Tame eft cette Fa-
Até de l'efprit qui héfite entre le
len & le mal. Le huitième chapitre
pn^prend quelques princes géné-
|ux, dont il faut que le vr^ Chré-
pn foit perluadé , & qui doivent
1 fervir de régies : la première eft
croire tout ce qu^ les Ecritures
enfeignenti la féconde, d'entrer
Ni]
sp2 '" Vie
avec ardeur dans le chemin du falut;
de ne point regarder derrière foi , de
ne fe point laifler entraîner parles mau-'
vais exemples, de mourir au péché i
EUX defirs de la chair , au monde j
la troifiéme , de ne point s'efFrayer
{)ar les ubftacles qu'on rencontre dans
a pratique delà vertu ^ & d'être per-
fuadé que le bonheur qui accompagne
une conduite Chrétienne, dédomnriage
abondamment de tous les défagrémens
que Ton peut rencontrer dans le che-
min delà voie étroite; la quatrième,
de rapporter toutes fes aélions à Je-
fus-Chrift , d'avoir toujours préfents
fa conduite &c fes préceptes , de ne
rien faire que pour lui & en vue de
îiii plaire. Il prend de-là occafion de
blâmer les dévotions populaires , &
de les traiter de fuperftitieufes, » L'un,
30 dit il, va faire tous les jours fes
30 prières à Saint Chriftophe , & fe
tï met à genoux devant fa figure , dans
a> la perfuafion que ce jour- là il Ae lui
iD arrivera a^un accident mortel ; un
30 autre va prier S. Rhoc, parce qu'il
» croit qu'il l'empêchera d'avoir la
w pefte ; celui-ci jefûne en l'honneur |
5> de Sainte Apolline, pour n'avoir j
» pas mal aux dents ; celui-là va voir \
n un tableau de Job , parce qu'il ef-
1
r-
d' E R A s ^ e; ap^
. i» père par-là éviter la galle; quelques-
3> uns deftinent une partie de leur gain
» aux pauvres , afin que les marchan-
» difes qu'ils ont fur des VaiflTeaux ne
» périffent point par un naufrage : il
» y en a qui allument un cierge à S.
» Hieron , afin de retrouver ce qu'ils
» ont perdu 5 enfin fuivant nos craintes"
» & nos defirs,nous donnons de loccu-
w pation aux Saints : S. Paul eft chargé
n de faire en France ce qu'Hieron fait
> chez nous ; & ce que S. Jacque ou
» S. Jean peuvent dans^ un pays , ils
» n'ont pas le pouvoir de le faire* dans
3D un autre. Ces fortes de dévotions
» qui ne fe rapportent point à Jefus-
w Chrift , ne font pas fort éloignées de
» la fuperftition des Payens , qui of-
ufroient la dixième partie de leurs
» biens à Hercule pour s'enrichir , ou
» qui facrifioient un Cocq à Efculape
»3 pour recouvrer la fanté , ou qui im-
» moloient unTaureau à Neptune pour
» avoir une navigation heureufc, »
Cette déclamation d'Erafme , dans
laquelle il y avoit de la vérité peut-
être avancée avec trop peu de ména-
gement , lui fit beaucoup d'ennemis*
Ceux qui trouvoiént leurs intérêts
dans ces dévotions luperftitieufes , le
Regardèrent comme un ennemi déclaré
' / Niij
i^4 V I H
de la Religion Catholique ; &: ce qm
nuifit beaucoup à Erafme dans l'efprit
de bien des gens a c eft que peu de
tems après Luther répéta les mêmes
chofes , en les accompagnant de do-
gmes contraires à la dodrine de l'Egli-
le. Quelques Théologiens en prirent
occafion de traiter Erafme avec fo-
reur , & de l'indiquer comme le chef
de la rébellion contre FEglife Ro-
maine. Mais il y avoit une extrême
diiFérence entre Luther & lui. Il fou-
(a) Hift, haitoit avec tous les gens de bien (a)
•les Varia- qu'on réformât les abus , fans attaquer
lions, L,i. la vérité du dogme de l'Invocation
^' ^* des Saints : Luther & fes partifans au-
contraire ne s'élevoient contre les abus,
que pour attaquer la foi de l'Eglife
avec cet efprit de fchifme fî contraire
• à l^efprit des Pçres , & fi incompati-
ble avec la vraie piété. Les vérités
que Ton ne pouvoit avancer fans cau-
ier quelque trouble dans ces tems
d'ignorance ^ ne trouvent point de
comradidion depuis que l'on eft plus
éclairé : le Père le Brun, dans fcm
Hiftoire critique des Pratiques fuperl-|
titieufes dédiée au Clergé deFrance ,
penfoit & parloit comme Erafme, a
(b) Tome c^l^ P^^^ 51"*i^ n'ofFenfe perfonne ; à
!• p. 178. il appelle fuperftitjons (i ) tout culcc
<juî ne fe rapporte pas à Dieu.
Mais pour en venir à Erafme, fon
cinquième principe du Chriftianifine
efl de s*élever des chofes vifibles aux
chofes invifibles , de fe fervir des créa*
tures comme d'un degré pour parve-
nir au Créateur , & d'être toujours
occupé de l'Eternité. Il traite enfuite
de la néceflîté du culte intérieur^ fans
lequel l'extérieur n'eft d'aucune uti-
lité. De-lâ il inveélive contre les Moi-
nés avec beaucoup d'indifcrétion ; il
en parle comme de gens dont toute la
religion confîfte en cérén)onies , en
travaux corporels , & chez lefquels en-
fin il n'y en a que très- peu qui ne
foient pas charnels. Le fixiéme prin-»
cipe de la vraie piété eft de prendre
Jelus-Chrift pour modèle , fans faire
attention aux opinions vulgaires avan-
cées fans fondement. Le bon Chrétien
eft celui qui attribue à Dieu tout le
bien qu'il fait , qui croit que fes ri-
cheffes doivent être communes entre
lui & ceux qui font dans le befoin ,
qui hait les vices & non les hommes >
qui fait toat le bien qu'il peut faire »
qui s'intéreffe à tout ce qui regarde
fon prochain , qui regarde les hommes
comme fes frères , parce qu'ils font
ïous les membres d'un même corps.
N iiij
a()6 - V i'e
Erafine traite enfuite des devoîrt
des Magiftrats & des Princes ; & écou-
tant plus fon zélé & fon humeur con-
tre les Théologiens que la difcrétion ,
il s'étonne que les Evêques & les Sou-
verains Pontifes fe foient appropriés
les termes de puiflance & de domaine,
& que les Théologiens n'ayent pas
rougi de s'appeller nos Maîtres , après
que J. Chrift a interdit aux Apôtres
les noms de Seigneur & de Maître.
Le feptéme principe de la vie Chré-
tienne efti d'afpirer toujours à ce qu'il
y a de plus partait ; le huitième , de ne
jamais fe laiflfer accabler par le defef-
Îioir ; le neuvième , de veiller toujours ;
e dixième , de prier , de méditer YE*
criture fainte , de s'occuper de chofes
pieufes; l'onzième, de rendre gloire
à J. Chrift, fi l'on acte affez heureux
pour rèfifter à la tentation j le douziè-
me , d'oppofer à la tentation la vertu
oppofée j le treizième , d'avoir une
confiance raifonnable que l'on rem-
portera la viéloirej le 'quatorzième,
de ne regarder aucun'e raute comme
légère , d'éviter toutes les mauvaifes
kalDitudes, même celles des fautes vé-
nielles ; le quinzième , de réfléchir
fur les fuites du péché ; le feiziéme, de
ne point tomber dans le defelpoir ^ ^
r^'
»' E R À s M t. 2P7
l'on a le malheur de fuccomber , mais
de chercher à réparer fa faute; le dix-
feptiéme, de méditer fur la Croix de
J. Chriil & fur fon exemple ; le dix-
huitième , de réfléchir fur la turpitude
du péché , & fur la punition qui lui
eft préparée; le dix-neuviéme , de
penfcr que le péché nous rend ennemis
de Dieu & efclaves du diable ; le
* vingtième , de méditer fou vent fur la
récompenfe promife aux bonnes ac-
tions , & fur la punition dont Dieu
a menacé ceux qui en commettroient
de mauvaifes; le vingt & unième, de
réfléchir fur la brièveté & fur l'incer-
titude de la vie ; le vingt- deuxième ,
de faire attention fur les dangers que
courent ceux qui différent leur péni-
tence jufquà la mort.
Après ce long chapitre, Erafme
traite dans le neuvième de ^impureté»
Il fait voir combien la débauche eft
honteufe; quelles en font les fuites
funeftes , les avantages de la chafteté;
les moyens de conlerver cette vertu ,
qui font d'éviter les occafions , d'être
fobre, de ne voir que des gens ver-
tueux , de favoir s'occuper , de lire
FEcriture fainte & de prier. •
Le chapitre onzié.ne eft contre
l'Avarice j le douzième contre l' Am-
■ Nv
Qp8 Vit
bition. Erafme y fiait voir , que le feûl
honneur véritable eft celui que pro-
cure la vertu ; que Teflime des hom-
mes ne doit point être le motif de nos
"aâions , d'autant plus que la plupart
des éloges ne font guéres fondés en
raifon. Le douzième chapitre eft con-
tre la Vanité : TAuteur y prouve que
quand nous nous connokrons bieni
nous ne trouverons cpie des fujets it
nous humilier. Enfin dans le treizième
& dernier chapitre , Erafme parle con-
tre la Colère & contre le defir de la
Vengeance : il prouve qu'il eft d'une
grande ame de pardonner les injures,
& que il nous voulons qu£ Dieu ou-
, blie nos fautes, il ^ut aufli pardon-,
ner à nos ennemis.
L'intention d'Erafme dans ce Livre
avoir été de faire voir , que Top pou-
yoit fe fàuver dans le monde , & |
qu'ainfi il n'étoit pas néceffaire de fe
faire Moine pour être dans la voie du
CieL Rempli de cette idée , & étant
de très-mauvaife humeur contre les
Moines , il le finit par ce trait qui
lui a été fort reproché-^ & qu'il au-
roit mieux fait ou de fupprimer^ ou
du moins d'étendre davantage , en
*s exprimant avec plus d'exaftitude : (i)
( I ) Monachéius mn eft fmatj fid vit^
B^ E R A s M s. ap9
» Le Monachifrae , dit il , n'eftpas la
» piété ; mais un genre de vie unie ou
a» inutile fuivant les caraéleres ou les
» tcmpéramens ; je ne vous exhorte ni
» ne vous détourne de l'enabraffer. »
Cet Ouvrage fut d*abord connu
fous le nom a Aphorifmes , à caufe
des règles qu'il renferme. Copus écri-
voit à Erafme (a) : » Je n*ai pas en- (a) Epljf,
m core pu voir vos Aphorifmes; » & 17- 1. i.
Erafme lui faifant reponfe ( ^ ) , » Ne (^) Epi/tr
» vous imaginez pas , lui dît-il , que ï^« ^» »•
!• nos Aphorifmes ayent quelque rap-
» pon à ceux de votre Hippocrate. »
Le Manuel eut le plus grand luc-
cès (c) lorfqu'il parut. AdrianusBar' (c) Apo-
landus affuroit , que c'étoit un Livre ^^^'^ ^^^'
d'or, très-utile à tous ceux ^^^yo\x-^^^^^^P^^^*
loient renoncer aux plaifirs du monde , contre le
fuivre le chemin de la vertu & appro- Prince é^
cher de J. Chrift. Il citoit un célèbre Carpi. s jk.
Prédicateur d'Anvers , qui dans une ^'^' ^?^'^»
alfemblée de gens de grande diftinc* '^' '^^'■' *
tion avoir foutenu , qu'il ny avoit
pas mie page dans ce Livre qui ne
fournit le fujet d'un bon Sermon.*Bu-
dée en parloit ( d) comme dun Ou^ (4) Epijl,
genus , pro fuo cuique corporis in^entique
habhu 9 vel utiU vH inutile ; ad quoi equi-
dem m te non adkorsor 1 ità ne dehortor,
iuidm*
Nvj
300 Vil ~
vrnge très-approuvé par tout le mondôj
0 ) Epift. L'Evêque de Bafle Feftimoit tant (a), j
»2. L, 7. qu*il le portpit toujours avec lui ; il
avoit fait des remarques , qui remplif- !
foient toutes les marges de l'exemplaire '
quil en avoir. Petrus Molellanus, cé-
lèbre Profeffeur deLipfic, qui dans fes-
leçons publiques cxpliquoit les Auteurs 1
Grecs , & y joignoit des leélures pieu-
(0 M. 1. fes , faifoit lire le Manuel d'Erafme (b)
Adam, p. avec le Traité deDoBrlnâChriftianâ
^^* • de Saint Auguftin & d'autres Ouvra-
ges des Pères : il avoit conçu une fi
grande eftime pour TAuteur du Ma-
nuel , qu'il avoit réfolu de le faire fon
héritier. Ce qui eft .encore plus flat-
teur , c'eft qu'Adrien VI. qui étoit le
{)lus célèbre Théologien de Louvain ,
orfque le Manuel parut, le lut &Pap-
|i) Epi/i* prouva (c). Florimond de Remond à
9i.Ui9» qui l'on ne peut foupçonner de pen-
chant pour tout ce qui peut favorifer
(d) v.Exer- les Novateurs , efl convenu (d) en par-
diatio cri- lant du Manuel & des autres Livres
uca,f. 44. ^g pj^j^ d'Erafme , que la leâure de
cet Auteur prife fainement , imprime
aux cœurs la piété & la craintes» » On
» ne peut nier , dit M. Dupin , que ce
• Livre ne foit plein de belles maxi-
» mes & d'inflruftions très- utiles. »
Il ne faut cependant pas croire quç
d^Erasme. 501
ce foît un Ouvrage parfait : on doit
convenir avec M, Dupin ^ que l'on y
trouve des chofes qui ne convienneot -
?as h des Livres de piété faits pour
tre mis entre les mains de tout le
monde, Erafme lui-même eft convenu
(d) qu'il y avoit diverfes chofes qu'il (a) Nottf
n'auroit pas dû y mettre : il pourroit y ^8. fur le
avoir plus d'ordre & moins de répé-^hap. i8.
tirions , fur-to^t dans fes règles. Quel- 5 ^* ^*"
€ucs Théologiens de ce tems-là n en
nrent point de cas (i ) par une railon ^^j ^p^jf^
qui leur fit plus de tort qu à Erafme ; 7. L. ijv
ils dirent qu'il ne falloit pas une grande
fcienee , pour faire un Livre dans le-
3uel on en trouvoit fi peu. Ils enten-
oient par fcienee y les queftions Scho-
laftiques; comme fi un Livre fait pour
infpirer llB^our de la piété ou pour
l'entretenir, devoir être rempli de
matières féches , abftraites 5c inutiles*
D'autres plus favans (c) dans les(f) V. Dtf»
voies de la fpiritualité , n'ont pas pin.
trouvé dans cet Ouvrage l'onûioa
qu'ils auroient ^|(irée dans un Livre de
piété. MafFée oT Ribadéneïra rappor-
tent dans la Vie de Saint Ignace de
Loyola, que ce Saint s'appercevant
que lifant le Manuel d'Erafme fa dé-
votion fe réfroidiffoit , en conféquence
il ne lut plus fcs Ouyragiss , & défeni
5ol Vie ^
dit de les lire dans fa Société. Ceff
auflî par cette raifon que les'Cbanreux
les ont interdits chez euiu Un des
grands fpirituels du dernier (iéclei '
(M.de Saint Cyran , dont les fentitnens
étoient d'ailleurs bien oppofés à ceux
des Jéfuites » ) penfoit comme Saine
Ignace fur l'effet de la lefture des Ou-
vrages de piété d^Erafme. Tout Iç
monde ne penfoit pas de même -, plu-
U) Ep/y?. fleurs ont avoué (a) qu'ils n'a voient
Urvûtio. pu lire le Manuel fans fe le^ tir en-
flammés pour la piété. Erafme qui en
futinftruit, en rendit humblement fes
aâions de grâces à J. Chrift comme i
Tauteur de tout bien. Quelque piété
qu'il y ait dans le Manuel , il cft conf-
nnt qu'il s'en faut bien *qu'il foit aulE
touchant que le Livre ddtllmitation
de Jefus-Chrift : il peut bien y avoir
t)lus de lumières ; mais qu'eft-ce que
a lumière pour les dévots , à l'égard j
de cet efprit de componftion , qui '
après avoir arendri l'ame, l'unit en j
quelque forte à Dieiw & fait goûter
aux gens de bien les lentimens les plus 1
délicieux qu'un mortel puiCe éprou**
ver ? ' j
La célébrité du Manuel fut fl gran*
\h)EptJî.àt9 qu'on le traduifit (fc) dans les
^i- L. 1 3. principales Langues de l'Europe: il
parut en François , en Allemand , en
Efpagnol & en Italien j & ces traduc-
tions nuifirent beaucoup à l'Auteur ,
Rarce qu'elles mirent en colère les
lobes & les Théologiens , . & fur-
tout celles qui fe firent en Efpagne
& en France. Le Tradafteur Efpagnol
de cet Ouvrage sVppelloit Alco-
ran(a); c'éroit un Archidiacre : fa (a) Eptjf^
tradudion fut fi recherchée , & à ^î- '^ i^»
caufe de la réputation d'Erafme , &'E?'^*j4î*
à caufe de la piété du Livre , qu'il n'y y^^^'ex JE-
avoit aucun Ouvrage qui fût autant lu ^/^^ ^,t/i/
?ue le Manuel traduit. Jean Maldonat , 1 7. après
îonfeiller de l'Empereur , écrivoit d^ celles de
Burgos le premier Septembre i ^26 ^^^^^^^*
{b). que les favans Efpagnols étoient f^) £^,^;
occupés à traduire en leur Langue les ^3 s. Af^
Ouvrages d'Erafme ; que le Manuel ftni.
Î}^roi{roit déjà en ^Efpagnol ; & que
es Libraires qui en avoient tiré plu<«
fleurs milliers d'exemplaires , ne pou-
voient pas fuffire à remprefifemenp du
PubUc.
Lorfqu'il fut queftion de le traduire
en Efpagnol (c), les Moines firent (^j £p/yf^
leurs efforts pour arrêter cette traduc-^u u 19%
tion. Un Dominicain Efpagnol fit un
Mémoire ^ dans lequel il prétendit
prouver qu'il y avoit deux propofî-
tûons infoutenables dans le Manuel;
504 Vit
Tune par laquelle Erafme paroît ftûre
confifter lei> iupplices de l'Enfer dans
les leules peines d'efprit ; & l'autre où
il décide que le Monàchilme n'eft pas
une pié'é. Era me trouvîT en ECpagne
même un Apologifte ; Louis Coror
lîclli prit fa défenfe.
Cette accufation donna occafionà
un petit Ecrit d'Erafme , ( i ) dans
lequel il fe plaint amèrement de la
calomnie de ceux , qui vouioient per-
fuader le Public qu'il ne croioit pas
qu'il y tût un feu réel dans TEnferé
Il croit à la vérité , que la doftrine
du feu matériel de l'Enfer eft plus clai-
rement enfeignée dahs les Théologiens
que dans l'Eciitute. Il répond à la fé-
conde accufation , que fi le Mona-
chifme eft une piété , tous les Moi-
nes font donc pieux.
Quoiqu'il taille s^en rapporter a
Erafme fur fes lentimens , & que ce
feroit être injufte à fon égard , de pré-
tendre qu'il n'a pas crû le feu matériel
de TEnfer, il eft pourtant vrai de
dire , qu'il a donné lieu à l'accufa-
tion qui a été formée contre lui , pa^
les expreflions peu développées qu'il
(i) Ex Enchiridio miluts Chrijlianinô"
tâta quidam y pe/l fu^putationes morum
Mcdd(^%
B* E R A s M K. ^Of
employa fur ce fujec dans fa vingtième
Régie (i>
On lui fit une autre objeftion $
mais fi abfurde , qu'elle apprêta à rire
k tous ceux qui entendoient le Latin.
Il avoir fait l^éloge de la véritable
Théologie des Apôtres , qui avoir fub- (a) Epifl*
jugué les Rois & les Philofophes; il 45- ^ i^*
s'étoit fervi de ces mots , Germanam ^J^^'^*^'^^
Theologiam. Il n'en fallut pas davan- ^ ^*
tage pour faire croire à un de fes çn^
Demis qu'il avoir voulu faire l'éloge
de^ la Théologie des Allemands ; il
s'écrîa que c'étoit blafphémer la vraie
Théologie , puifque l'Allemagne étoit
remplie d'erreurs. On parlera ail-
leurs (b) des fuites qu eurent en Ef- (^)V.E^iyfi;
pagne les mouvemens des Moines con- 1 7* L. xj*
tre Erafme.
Le Tradufteur François du Manuel
fut Louis Berquin , Gentil-Homme du
pays d'Artois , dont nous raconterons
plus bas la trifle fin. Son penchant aux
( f ) Canon vif efimus. Cum intérim ver^
msimpiorum non moritur^ & inferos fuot
jam afud fuferos patiuntur ; me alia efl
fiamma , in quâ cruciatur dtveu ilU corn*
mejfater Evangelicus ; nec alia fuppiicia in-
férer um y de qui bus muUa fcrîffere ?oëta ,
quam perpétua mentis anxietas ^ quœ fec*
çanài con^uetudinem comitatur.
50(î V I K '
nouvelles erreurs l'ayant engagé à al
térer le manuel d'Erafme, kâ Théo
logiens témoignèrent beaucoup d'ani
mofité contre cet Ouvrage. Trois ans
après la mort d'£rafme , la Sorbonne
toujours mal difpofée pour lui , décida
(4) Coiîtîn. le dernier Janvier ij'3p(a). à la ré-
Î!/^^n" ' ^"^^"*^" ^^ ^^^^^ GuiUardEvêquede
• 5 • n.4. ç^jj^j^^gj ^ qy>^ falloir lupprimer le
Manuel comme pernicieux à la Reli-
gion Chrétienne ; & dans une ceofure
de la Sorbonne du premier Septem-
Xh) i.Tome bre 1 5*4 j (b) il eu dit que ce Livre
d*Argen- a été condamné déjà par la Fa&ilré ,
tré^p.ii; ^ caufe des diverfes erreurs qui y font
renfermées. Cette même année ^ le
Parlement de Paris par un Arrêt du
(r) Ar- 14 Février i ^45. (c) avoir ordonné
genué, ^. que plulieurs Livres feroient brûlés,
*♦ /• 'i>» ^ que ceux gui les vendroient ouïes
garderoient feroient punis comme hé-
rétiques ou fauteurs d'hérétiques. Le
Chevalier Chrétien eft au nombre de
ces Livres proferits. L'Arrêt fut exé-
cuté au parvis de TEglife de Notre-
Dame , au fon de la groffe Cloche. Il
eft à propos de faire attention , que
cette condamnation ne tombe que fur
la traduûion , qui étoit fort différente
de roriginah
La publication du Traité de Tlnfli*
i;' E R A s M E. 307
^tîon d'un Prince Chrétien fuivit de
près celle du Manuel ( 1 ). Il eft di-
nlé en onze chapitres.
^ Le premier regarde l*ëducatian du
Prince. L'Auteur détaille les qualités
qui font néceifaires à un bon Infiitu-
teur. Il fout qu'il ait de la douceur ,
& qu'il la réuniffe avec une prudente
féverité : il ne doit laiiTer approcher
du Prince que des jeunes gens , donc
le caraftere foit éloigné de Tefprit de
flatterie. Toutes les leçons que l'on
donne au Prince , doivent tendre à
Jui infpirer de l'amour pour la vertu ,
& de l'horreur pour le vice. Il faut
|;uérir fon efprir des préjugés , lui
apprendre la Religion dans toute fa
pureté , lui inculquer qu'il doit pré-
. lérer la juftice à fes intérêts , qu'il
faut qu'il foit bienfaifant , qu'il re-
garde fes Sujets comme fes enfens ,
qu'il agifle comme un bon père de fa-
mille, xju'il n'ait que de l'horreur pour
ces difcours de tyraln : Je le veux ^ jt
îordonne , ma volonté doit ftrvir de
raijon ; que l'on me haïjfe , pourvu que
Von me craigne. Le fécond chapitre cft
fuc les dangers de la flatterie , & fur
la néceflité d'empêcher les femmes &c
les menins du rrince de le gâter,
Jlrafme veut qu'on lui rende familier*
^«2 W^if^h Princifh Chrifiiani.
5o8 .V I «
les Livres qui peuvent lui apprendre
fes devoirs : ceux qu'il confeille (ont
les Proverbes de Salomon , i'Ecclé-
fiaftique, l'Evangile, les Livres mo-^
Taux de Plucarque , Séneque , les Po«
litiques d'Ariftote & Içs Offices de
Ciceron, Il veut qu'on joigne les bons
exemples que l'Hiftoire nous propoîc,
& que quand on en rencontre de mau-
vais , l'on en tire parti par des
réflexions (âges & prudentes.
Le troifiéme chapitre eft fur la con-
duite que le Prince doit obferver pen-
dant la paix. L'Auteur lui recommande
une très-grande attention fur le choix
de fes Miniftres; de ne faire jamais de
changement dans l'Etat qu'avec de
très-grandes précautions , n'y ayant
prefque jamais d'innovations fans trou-
ble. Il fouhaite que l'éducation de la
JeuneflTe foit une des chofes qui l'oc-
cupe îé plus. Le quatrième chaitre eft
fur les Impôts , qui ne doivent être ni
injuftes.ni excelpfs. On y fait voir
au'il eft de la plus grande importance
^ e ne pas altérer la jnonnoie.
La bienfaifance du Prince^ fait le
fujet du cinquième chapitre. Il doit
'faire du bien ; mais ce n eft pas en dé-
!)ouillant les uns , qu'il doit enrichir
. es autres. Les étrangers doivent être
"
d'Erasme. 309;
traites chez lui avec une grande juf-
tlce.
Le fixiéme chapitre eft fur les Loix;
Erafme fouhaireroit qu'il n'y en eût
que peu , qu'elles fuflent juftes & uti-
les. Il ne voudroit pas qu'il y eut
dans TEtat ni oififs ni mendians ; il
confeille de renfermer dans les Hôpi-
taux les vieillards & les impotens.
Le_s Magiftrats font le fujet du fep-
tiéme chapitre. L'Auteur voudroit
qu'ils fuflent d'un certain âge , afin
qu^ils euflent de Texpéricnce , & que
le Peuple eût pour eux de la confi-
dération. Il approuve la maxime
d'Ariftote , que la Magiftrature ne
doit point produire un gros revenu ,
afin qu'elle ne tente point l'ambition
des avares.
' Le huitième chapitre eft fur les
Traités publics , dont l'obiet doit toun'
jours être l'intérêt de la Nation , fis
qu'il faut obferver avec la fidélité la
plus inviolable. L'Auteur fouhaitçroit
que les Nations n'euffent point envie
de reculer les bornes que la Nature
femble leur avoir prefcrites, qu'elles
ne fuflent occupées qu'à entretenir la
bonne intelligence avec leurs voifms,
llavpit en vue les tentatives des Fran-
çois fur ritahe : car U ajoute , « Le
5to V t «
» Royaume de France qui eft le plus
».flori{fant de tous les Etats, le fe*
» roit encore bien davantage , s'il
» n'a voit point porté fes armes en
» Italie. »
Le neuvième chapitre eft fur le
Mariage du Prince. Èrafme lui con-
feille de choifir une femme , ou dans
fes Etats, ou chez fes voifîns. Il
prétend que les alliances étrar^geres
donnent quelquefois . occafion à des
guerres , & même à des révolutions.
Il croit d'ailleurs quune Princelfe
étrangère n'eft pas heureufe dans un
Royaume , dont la Langue des Ha-
bitans & le caraftere des elprits font
dîfférens de ceux du Pays dans lequel
elle eft née.
Le dixième chapitre traite des oc-
cupations du Prince pendant la paix.
Erafme vpudroit qu'il ne cherchât
qu'à rendre fes Sujets heureux , foie
en faifant de fages Loix , foit en ré-
formant les autres ; qu'il veillât fur
la conduite des Magiftrats ; qu il em-
bellît fes Villes; qu'il rendît les grands
chemins pratiquables j qu'il fût magni-
fique dans les fêtes publiques » dans
feâ édifices, dans les réceptions des
Ambafladeurs $ enfin dans tout ce qui
eft extérieur , mais qu'il fût œconome
r
d' E R A S M H. 5 1 1
(bns tout ce qui le regarde perfonnel-
lement ; qu'il fongeât plus k faire la
félicité de fes Peuples , qu'à, étendre
fa dominatioij.
Le dernier chapitre eft fur la Guerre.
Un bon Prince , luivant Erafme , n'en
entreprendra jamais, qu'après avoir
épuifé toutes les reffources convena-
bles pour obtenir la paix , parce que
la guerre eft la caufe des plus grands
maux , & mêiBe une occafîbn de mal«
heurs pour le Peuple vainqueur.
Erafme joignit à ce Traité la Tra-
duftion de celui d'Ifocrate gui a pour
titre , Préetptes touchant tAdminiftra"
tioti du Royaumt ; & il les dédia tous
deux à Charles d'Autriche Roi Catho-
lique (a) fils de Philippe-le-Beau qui (^j £p/^^
étoit mort depuis peu. Il vouloitpar fi l. »y,
ce préfent {h) témoigner à ce Prince [b) Efijl.
la reconroiflance qu'il a voit de l'hon- *•'«•
neur qu'il lui avoit fait de le nommer
fon Confeillier.
Quelques années après Erafme revit
rinâitution du Prince, dans le def-
fein d'être utile au Prince Ferdinand
frère du Roi Catholique ; & il dédia
cette nouvelle Edition au Chancelier
Sauvage fon protcdleur , par une Epî-
tre datée de Bafle le i y Juillet ly 1 8. (^^ ^ptlf.
(c) Le Roi Charles avoit été très- 58. L.x9.
Pr
511 V I Ê
(4) Epift. content ( a ) de l'Ouvrage d'Erafme :
Vedic. de il lui en avoit fait faire fes remercie •
la Par. fur niens ; Il lui avoit donné une récom-
J^^"* penfe. Erafme ne dit point ce que
(^) Répon- c'étoit ; mais il affure (b) que s'il
fe a Stutij.- ^9^^^ p^g mieux aimé une fituation
tranquille qu'une fortune confidéra*
' ble , Charles l'auroit mieux traité.
Le Prince Ferdinand lut avec la
plus grande fatisfaftion rinftitution du
"'rince Chrétien : il Tavoit toujours
ic) Ifiji. avec lui ( c); il la favoit prefquepar
F^*/?^ ^' cœur: il temercia Erafme de lui avoir
Le.Ei^jf. ^^^^ "" ^^ ^^^^ préfent.
; u *JL. 3 1! Ce Livre fut trouvé excellent , tant
pour la beauté de Texpreflion & du
ftyle , que pour Tutilité des préceptes
héroïques & divins, capables de ren-
dre un Prince parfait & accompli-
C'eft ainfi qu'en parle M. Joli dans la
Préface de fôn Codicille d'or. Gilles
Daurigny , Avocat au Parlement de
Paris , fît paroître un Extrait des pfus
belles Maximes de cet Ouvrage 1 an
lj'43. fous C€ titre, Aureus Coàicil*
lus ^ de Inftttutione Principis Chriftianû
Ces Extraits furent traduits & impri-
més en François l'an i ^^6. par Jean
le Blond Seigneur de Branville , q^
leur donna pour titre : Petit Livre
précieux comme Tor , dit TEnfeig^^
nient
d'Erasme. jrj
ment dq Prince Chrétien. En i66^^
M. Joli Chanoine de TEglife de Pa^
ris traduifît dç nouveau ces Extraits ,
& les donna au Public dans le « Codi-
» cille d'or, ou petit Recueil tiré de
» l'Inftitutiondu PrinceChrétien,com- ^
t> pofé par Erafme , mis premièrement
» en François fous le Roi François I.
• & à préfenr pour la féconde fois. »
Ceft dans la curieufe Préface de ce
petit Livre , que M, Joli décide , qu'il
n'y a aucun Ouvrage qui foit meilleur 3
ni plus utile pour former un Prince
qu on veut êtrjc très - Chrétien aufli
bren d'efFet que de Tiom , que celui
d'Erafme de Tlnftitution du Prince
Chrétien , non-feulement pour la gran-
deur du génie de TAuteur , mais aufli
pour l'excellence & la beauté de fes
préceptes , capables de rendre un Prin-
ce parfait & accompli. » Sa méthode
» auflî eft facile , ajoute- t'il , en ce
» qu'il a exprimé fes penfées par des
*> aphorifmes , & des règles qui ne
■ peuvent pas ennuyer comme un dif-
» cours continu , & par la même rai-
» fon peuvent entrer & demeurer plus
•aifément dans Tefprit. » Un des ad-
mirateurs d'Erafme fouhaitoit dans len^ns Je"
fi^cle palfé ( a ) qu'on montrât le La- rafme , p'
tin aux enfans des Gwnds dans cette j^r»
TomcL O
5^4 y T B
Inftitutîon du Prince. » Les Peuplcsi
» difoit-il , en feroient pbs heureux :
' » car toutes les plus belles maximes
» que les fages Payens ont données
V aux . Grands pour fe conduire en
» .Pères dans la conduite de leurs
» Etats , y font toutes rapportées &
9? rendues Chrétiennes , en leur pro-
» pofant la gloire du Ciel pour leur
3i fin , & non pas la gloire de la terre ,
39 comme faifoient les Payens , &
» comme le font les mauvais Chré-
ae tiens. »
Tandis que Milord Montjoie xom-
mandoit à Tournai pour le Roi d'An-
gleterre ) il. eut connoiflTance d'un an-
cien Manufcrit de Suétone qui étoit
dans le Monafterç de S. Martin de
Tournai : il le communiqua à Erafme ,
oui Texamina , & en prit occafion de
donner une nouvelle Edition de Sué-
tone pl*us corrcûe que celles qui avoient
paru jufqu'alors. Il avoir d'abord eu
(4) Efjfi. deffein ( a)^c la dédier à l'Archevê-
30. L. 3. que de Mayencc; mais il changea de
fentimeftt , & il la dédia le y Juin
(b) Ep//?. iji?* (t) à Frideric Eleâ:eur de
i6. L. aS.Saxe, & au Duc George fonCoufin-
(c) £p//?. germain. L'Eledeur le remercia (c)
3<^. L. S' par des Lettres très-honnêtes. L'an-
née fuivante , le 1 5 Mars i J 1 8. Erafr
d'E R A s M E. jiy ^
iitie dédia fa Déclamation touchant la
louange de la Médecine (i) à Afi*
nius, Cétoit un célèbre Médecin »
dont Gilbert Coufin porte ce juge-
ment (^) , qu'il étoit très -profond («) Ognati
dans la connoiflfance des cho(es divi- ^P^*'^ > ?•
nés & humaines , & que le feul re- ^^^*
proche qu'on pouvoit lui foire", étoit
d'être tombé dans les excès des Ci-
céroniens dont nous aurons occaGon
déparier. Cette Déclamation fi) étoit (h) E^iff.
un Ouvrage fait pendant la jeunefle ^^^««
d'Erafme ; il l'avoit compofée à l'âge
de vingt-trois ans. Elle étoit reftée
parmi fes papiers : les ayant un jour ^
examinés ^ il la retrouva ; & il s'ima-
gina qu'elle pourroit faire quelque
plaifîr au Public.
Il revit ('c ) auflî dans le même- (c) Eftft.
tems fes Antibarbares. Il n'avolt pas 5J-L. ji.
encore vingt ans lorfqu'il entreprit
cet Ouvragé , qu'il avoir compofé
dans le deflein de venger les Belles-
Lettres du mépris oà elles étoient.
Il retoucha le même fujet quelques
années après ; & il mit fon Ouvrage
en Dialogues , dans la perfuafîon que
fous cette forme il feroit plus agréa-
ble.
Il étoit partagé en quatre Livres^
{a) Dt Laudc MccUclna^
Oij
Le V
VIE
premier étoit une réfutation it
ce que les fuperftitieux ou les hypo-
crites avoient coutume d objefter con-
tre rétude des Belles-Lettres. Dans
le fécond, Erafme introduifoitunper-
^ fonnage , qui eiûployoit toutes les ar-
mes de l'Eloquence pour attaquer TE-
loqueiTce même ; & il étoit écrit avec
tant d'art , que lorfque Colet l'eut vu,
il dit à Erafme qu'il étoit convaincu
qu'il falloir négliger l'Eloquence. Eraf-
me lui ayant confeillé de fufpendre fon
jugement jufqu'à ce qu'il eût vu com-
ment il répondroit , Colet parut per-
fuadé qu'il n' étoit pas poflîble de ré-
futer ce qui avoir été dit dans ce Li-
vre contre l'EIoauence. C'étoit cepen-
dant l'intention a'Erafme dans le troi*
fiéme Livre , qui ne fut jamais achevé.
Il devoit être queftion dans le qua-
trième de la Poëfie, Erafme en avoir
feulement amaffé les matériaux : il
avoit augmenté le premier Livre à
Boulogne , dans le deflein de le faire
imprimer ; il avoir revu le fécond ,
lorfqu'il étoit prêt de quitter l'Italie ;
il les avoit laiffés chez Richard Pa-
(a) Efifl. caeus , qui depuis fucceda (a ) à Co-
11. L. II. let dans le Doyenné de S. Paul , &
que le Roi Henri VIIL employa en
qualité de Miniftre dans les Cours
Etrangères*
d'Erasme. 517
Ces deux Livres difparurent , par
la négligence de ceux a qui Pacseua
les âvoit confiés : Erafme ne regretta
pas beaucoup le premier , parce qu'il
le fentoit trop de la jeuneflfe de T Au-
teur* Etant revenu à Louvain , il ap-
prit qu il y avoir plufieurs copies de ce
premier Livre répandues , & même
que quelques-uns de fcs amis vou-
loient le faire imprimer. C'eft ce qui
l'engagea à le revoir-, & à le donner
lui-même au Public , quoiqu'il eût
beaucoup mieux aimé qumI eût été en*
tiérement fupprimié , fur-tout depuis
qu'avoit paru le favant & ingénieux
Ouvrage d'Hermannus fiufchius qui •
avoir pour titre, Défenfe des Belles-Let^
très ( a )• L'objet de l'Auteur étoii de (a) rai*
prouver , que les Belles-Lettres étoient '«'" htma-.
utiles même aux Théologiens : Buf- «»^^'*'»
chius traitoit avec beaucoup de mé-
pris tous ceux qui les avoient voulu
décrier. Son Livre itoit dédié au
Comte de Nouvel- Aigle , Chanoine
de Cologne & de^iége, cet ami^
d'Erafme dont nous avons déjà parlé.
L'Epître Dédicatoire eft datée du 3
Février 15*18. Erafme dédia le pre-
mier Livre de fes Antibarbares ( i ) à
(a) An$ibarbarorum Liber frimus.
Oiij
5t8 V I k
(a) r//^. Jean Sapîdus (a) Principal du Col-
3f. i^. I. lége de Sceleftat.
Il commence ainfi : » Etant fort
9 jeune , pour éviter la pefte qui fei-
99 (oit de grands ravages chez nous ,
» je me retirai dans une campagne de
» ferabant. Herman Guillaume , le
» meilleur de mes amis , que j'aimois
a» dès l'enfance , le compagnon de mes
» études , vint m'y trouver. Il fit
» avertir Jacques Battus Secrétaire de
» la Ville de Berghes , qui accourut
» fur le champ. Ils rencontrèrent le
» Médecin Jodoc avtc Guillaume Con-
» rad. L'entretien commença par fe
• M plaindre de l'état miférable où étoient
9è réduites les Belles- Lettres* Battus
»> parla vivement contre le peu de ca-
» pacité des Maîtres , & contre la
» mauvaife éducation que Ton don-
» noit aux jeunes gens : il étoit af-
» fligé du peu de proteftion que ks
» Princes donnoient aux Lettres ; de
*» rignorance des Moines , qui entre-
» prenoient de pitfuader que c'étoit
» une hérefie de favoir le Grec & de
» parler comme Ciceron, Son zélé
» pour la belle Littérature s'échaufià
» enfuite à un tel point , qu'il con-
» feilla à Guillaume Conrad, qui étoit
»' un des principaux Magiflrats de k
»' E R A s W E, 51^
fi Ville de Berghes , de chafler , ou
» même de traiter encore plus févere-
» ment ces ennenjis des Belles-Let-
w très. Conrad prétendit qu'il y avoit dfi
» très-bonnes raifons de ne pas mettre
*> entre les mains des jeunes gens les
» Livres des Payens , & que Texpé-
■> rience apprenoit qu'il y avoit du
»» danger à les lire. A ce difcours
» Battus ne peut pas retenir fa colère ;
• il prend fi fort à cœur l'honneur éfc
^ les intérêts des anciens Payens, qu'il
»> laiffe en doute s'ils n'ont pas pu être
»&uvés : il£)it voir que nous leur
« avons des obligatons infinies , puif-
« que ce font eux qui ont découvert les
*» Sciences ; il prétend que l'ignorance
»> eft beaucoiip p}u$ ï redouter que la
n fdence , puifque , dit41 , plus on eft
^ ûvant , plus on eft modefte. Il in-
p vediye enfuite contre le^ Scholafti-
*ques,qu'il déclare ne pouvoir lire fans
3» eprouverlcsplusfacheuxdegouts.il
» prouve les .avantages de la Science >
a» que les plus célèbres Pères pnt re-^
» commandée., & dont ils ont fait un
w excellent ufagej ce qu'il fait voir
» par les exemples de S. Auguûin &
» de S. Jérôme. Il fait après ctla une
» légère énumeration des Savans qui
• depuis Moïfe ont fait honneur à la
Oiiij
5^20 Vit
» ReKgîon j & il finit par prouver qui
i> les Pères , bien loin de négliger les
» Lettres prophanes , s'y font exercés
» pour embellir leurs Ouvrages, »
On n'a que ce premier Livre des An-
tibarbares. Erafme avoir promis de
feire imprimer le -fécond s'il pouvoit
^ le retrouver^ & d'ajouter .ce que fa
mérnoire & fes réflexions pourroient
lui.fournir : il invite ceux qui ont
connoiflfance de l'endroit où pour-
Toit être ce qu'il avoir déjà fait fur
cette matière, de lui en faire ^part;
mais apparemment ceux qui lui vo-t
lerent fon Manufcrit , ne Je lui refti-
tuerent point : car on n'a que le pre-
mier Livre des Antibarbares. Il fie
beaucoup d'ennemis à fon Auteur j
^(a)Efifl.un Moine en prit occafion (a) de
?8« L, 12. prêcher avec beaucoup d'aigreur coti-
,' tre Erafme à Louvain dans l'Eglifc
de Saipte Catherine. Son deSeiri
étoit de venger l'Ordre Monaftiquc
traité avec trop peu déménagement
dans les Antibarbares ; fon zélé le
porta jufqu'à outrager Erafme , qui
s'en plaignit au Reéleur de l'Uni-
verfité de Louvain.
L'eftime qu Erafme avoir pour la
Grammaire Grecque de Théodore
Gaza , & le défir de favorifer les proi
d'E 11 A s M e; 32*
grès de la Littérature Grecque, l*en-
gagèrent à traduire la Grammaire de
Gaza; & il dédia cette Traduélion
à Jean^Cefaire de Juliers le 23 Juin
de Tan 1 5 1 8 ( a ). (a) Epijf.
Sa famé ayant été fort dérangée par i. L. ^p•
fes travaux exceffifs , on lui confeilla
de voyager pour la rétablir. Il fortic.
de Louvain , pour aller voir quelques
Villes de Flaadre & de Brabant.
Comme il ne pouvoit pas fe pafTer de
Livres , il prit avec lui les Offices
de Ciceron , fes Traités de TAmitié ,
de la Vieilleffe & fes Paradoxes. Il
les lut avec grande attention , fit quel-
ques notes très-courtes , reftitua quel-
ques endroits altérés , &c en donna une
Edition qu'il dédia à fon ami Jacques
Tutor , Profefleur en Droit Canon à
Orléans , par une Epître Dédicatoire
datée de Louvain le 10 Septemb^re
i;ip ib). (h) EftA
Il travailla auffi fur les Tulculanes. ^7. U x^*
Froben avoit formé le projet de don-
ner au Public cet Ouvrage de Cice-
ron ; il pria Erafme de le lire exaéle*
msnt , & de fiaire quelques notes. En
conféquence de cette prière ^ Erafme
fit conférer divers Manufcrits des Tuf-
culanes ; & lorfqu'il y avoit de la va-
riété , il examinoit quelle étoit la
Ov
3!22 Vie
meilleure leçon , & mettoît Iti autref
en marge. Il fît auflî quelques légères
correélions dans le texte fans le fe-
cours des Manufcrits ; & il y joignit
(J) Eplfi. de courtes notes. Il dédia (a) cet Ou-
^8. L. -tS^vrageà Jean Ulattenus. L'Epître Dé-
dicatoire eft un éloge cxceffif de Ci-
ceron , dont il parle avec le même
enthoufiafme que s'il eût été infpiré ;
ce qui ne plut pas aux Théologiens,
On examinera ailleurs ies fentimens
fur ce fujet. Ce ne fut que fur la fin
de fa vie qu'il donna cette Edition des
Tufculanes. Nous en parlons après
celle des Offices, parce que fon Epî-
tre à Ulattenus eft fans date.
Les Auteurs Prophanes 6c les Au-
teurs Sacrés l'occupoient dans le même
tems. Le dernier Juillet de l*an i y ip.
C^) Epijl. (b) il dédia l'Edition de S. Cyprien au
4.L. i8. Cardinal Laurent Pucci. Il avoir ap-
pris que dans la Bibliothèque de Gem-
blours il y avoir deux Manufcrits fort,
anciens des Ouvrages de S, Cyprien :
CO EpiJl, il écrivit ( c ) à Antoine Papinius qui
!ï^. L. 2 1, en étoit Abbé, qu'ayant deflein de
I donner une Edition exafte des (Eu-
^ vres de S. Cyprien , dont les Ecrits
àpprochoient de l'efprit Apoftolique,
îl ie prioit de vouloir bien lui commu-
niquer ces précieux Manufctits, L'Ab-*
d^Erasme, 525
béIuifitrëponfefiirlechamp(^)que W ^P*'^*
c'étoit avec le plus grand plaiûr du '^' ^* **•
monde qu il les lui envoyoit ; que tout
ce qui étoit dans la Bibliothèque de
Gemblours écoit à fon fervice , &
fittême qu il la lui enverroit toute en-
tière, s'il le-youloit.
Lorfqu'il étoit plus jeune, ^. Jé-
rôme écoit de tous les Pères (b) celui (^) Epift.
pour lequel il avoit la plus grande ^* ^* ^<i*
cftime î naais lorfqu'il eut lu S. Cy-
prien avec plus d'attention , il fut em-
barraffé auquel des deux Pères il dévoie
donner la préférence.
Cette Edition donna beaucoup de
peine à Erafœe ( c ) : non-feulement (^) £p;jf^
il en cc^rrigea le texte , ipais auflî il 14. l. h.
^augmenta de plufieurs Ouvrages de
S. Cyprien oui n'avoient pas encore
paru i il diftingua les légitimes des
fappofés > & y joignit de petites no-
tes. Voici le jugement que porte de
fon travail le dernier Editeur de S. -
Oyprien , Dom Prudent Maran , dans
b Préfece (d) qu'il a niife à la tête. C^) Pra^
de l'Edition de M. Baluze : » Erafme/^"*^ > ?• *•
* qui a rendu de fi grands fervices à
wceux qui aiment les Lettres & les^
» matières Eccléfiafliques , par un fij^
? grand nombre d'Editions de? Pereis ,
« a travaillé auffi fur S. Cyprien. Il en
Ovj
324 V 1 B
»parut Tan 1 5*20. ; à Bafle cliez Frobed
» une Edition par fes foinsjelleeift beau-
» coup plus ample que celles qui avoient
» paru jufqu'alors. Cù qu'il y a d'éton-
3> nanc ^ eft qu'il donna coHune étant
/ a» vraiementde.S, Cyprien , unLivre
»> qu'il avoit découvert, &qui a pour
9ytnvi Du double Martyre ^ à Fortunat
» ( I ) , dans lequel il eft parlé^4e Dio-
« clet^ & des Turcs (2).»Henri Gra-
vins oc Pamelius penchenj: à croire^
que c'eft Erafme lui-même qui a com-
pofé cet Ouvrage fous le nom de S»
Cyprien , dans le deflein de tromper
le Public; mais le judicieux M. de
Tillemont rend plus de juftice à Eraf-
me, quoiqu'il s'en feiUe bien qu'il foie
(a) S. Cy- prévenu en fa faveur, lorfqu'il dit (a):
pnen , art. ^ Erafme à qui quelques-uns attribuent
>5. »• 196. ^ çg^^ç fiftion ^ étoit trop habile , pour
« en faire une qui fe détruit fi vifible*
» ment. «• .
L'étude de l'Ecriture Sainte fut une
des principales occupations. d'Erafme
pendant un grand nombre d'années»
( I ) De duflici Martyrio « ad Fortuna»
tum.
(z") N, 17» Si quxs Milef mratus in ver-*
ba Cafaris frofugeref ad lurcam»
N.17. Neque enimfemperjaviunt Ncrcncff
Dioclmanii Dccii ac Maximinh
Le premier Ouvrage qu'il fit fur cette
matière , eft l'explication du premier
Pfeaume j qu'il dédia à Beatus Rhe-
namis ( i )• Il compofa ce Commen-
taire à Saint Omer , oii il avoit été
Îaffer quelques jours j & il y fil fon
^pître Dédicatoire, qui eft datée du
jy Avril ly!;*. C^) Il y a dans ce (à) Epift:
Commentaire beaucoup plus de morale 3»* ^» *^^
que de critique ; il ep eft de mêm« de .
tout ce qu'il a fait fur l'Ancien-Tefta*
ment.
Mais il n'avoit jamais paru depuis le
Chriftianifme rien de comparable à fon ^
travail fur le Nouveau-Teftament » du
côté de la critique & de la fcience.
La Méthode pour parvenir à la
vraie Théologie ( 2 ) , fut faite pour
fervir de Préfece à fon Commentaire
fur le Nouveau-Teftament : il la dé-
dia le 22^Décembre lyiy. au Car-
dinal de Mayence (t ) ; il la coiûnolâ (^) Epi/f;
pour l'utilité de ceux qui veulent s ap- ip. L. 2^.
pliquer à la Théologie. Il exige d'eux ,
non-feulement une exemption des vi-
ces groffiers^ mais autant qu'il eft
C I ) Enarratio frimi Pfalmi juxta Tro^
fologiam foti{Jimum%
(2) Ratio ^ feu methodus ferveniindi ad
veram Thçologiam^
"H
525 ." V l' E
poflîble, un efprit dégagé de toQtt
paflîon & entièrement tranquille. Il
veut qii'on ait un profond refpeél pour
l'Ecriture Sainte ; que ce né foit point
par curiofité qu'on la life , mais pour
devenir meilleur. Il croit que pour
l'entendre parfaitement , il faut favoir
les Langues Latine , Grecque & Hé-
braïque. Il penfe avec S. Auguftin ,
que ceux qui veulent faire de grandi
progrès en l'béologie , doivent avoir
des notions de la Dialeâique , de la
Rhétorique , de l'Arithmétique , de la
Mufique , de PHiftoire naturelle , de
la Phyfique , de la Géographie , des
mœurs des Peuples dont il eft parlé
dans les Livres Sacrés. Il veut que
Fon fâche auffi la Grammaire , lei
Tropes , Tufage des Allégories , &
les réglés de laPoëfîe, parce que les
Livres des Prophètes font rempds de
figures. Il ne veut pas que ceux qui
fe deftinent à l'étude de la Théolo-
gie , s'occupent trop long-tems des
Sciences prophanes , & même de la
•Phîlofophie. Le principal but d'un
Théologien devant être de bien en-
tendre l'Ecriture , d^être en état de
rendre compte de fa Foi ,* & non paà
de répondre à des queftions frivo;
les, de bien parler de tout ce qui a
d' E R A s ME. 52-/
rapport à la piété , de pet fuader & de
toucher , il faut qu'il commence par
étudier la Vie & la Doctrine de Jelus-
Chrift & des Apôtres.
Erafme ap1-ès avoir fait enfuite ui
abrégé des Prophéties qui annoncent
J. Chrift, parle de l'autorité des Li-
vres Divins ; & il avance des propo-
fitions qu'il auroit certainement lup«
primées , s'il avoit parlé depuis les Dé-
cifions du Concile de Trente. >> Ifaïe ,
» dit-il , a plus de poids chez moi que
» Judith ou Efther ; l'Evangile de S.
•Mathieu , que l'Apocalypfe attribuée
» à S. Jean.; les Epitres de S. Paul aux
3) Romains & aux Corinthiens , que
» celle qui eft écrite aux Hébreux. ^
Parlant du Symbole des Apôtres, il
infinue qu'il le croit fait dans le Con-
cile de Nicée ; & il ajoute cette ré*
flexion qui déplût fort aux Théqlo*
giens : » Plût à Dieu que notre Foi
» eût été contente du Symbole dey
«Apôtres ! mais dès qu'elle diminua^
f parmi les Chrétiens , les Symboles
» augmentèrent. » Il fait voir enfuite*,
que les Ecritures démontrent que J.
Chrift eft emmême-tems Dieu &
Homme , & que les Juifs ont mérité
l'abandon dans lequel ils font. Il ex-
plique comment s eft faite la.conver-
•328 V l lË
lion du Monde, Part avec lequel S.
Paul fçait attirer les âmes à J. Chrift;
la Doélrine Chrétienne contre Tam-
bition , Torgueil , Tenvie de domi-
ner ; ce que J. Chrift nous a enfeigné
fur ia Foi & fur la Charité. Il parle
cnfuite contre Texcès des cérémo-
nies, w Vous les blârrfez donc , me
» dira quelqu'un , ajoute-t'il ; '> à quoi
il répond , » Il s'en faut beaucoup.
» J'approuve les rites avec lefquels
» rEglife a célébré & célèbre encore
» fes Myftéres : ils donnent de la ma-
» jefté au Culte Divin ; mais il y a
3» àceU unemefure. Je n'approuve pas
» que les Chrétiens foient furchargés
9 de conftitutions humaines ; qu'on at-
3» tribue trop d'efficace aux cérémo-
» nies , & pas aifez à la piété ; que les
a» Amples y mettent une trop grande
» confiance ; qu'ils négligent l'eforit
» de la Religion , & que pour les lou-
ai tenir on trouble par de grands mou-
» vemens la tranquillité du Chriftia-
9 iiifme. » / ^
Ces réflexions, danslefquellesileft
confiant qu'il y a un fond de vérité ,
cauferent des murmures chez les Théo-
logiens , parce qu'Erafme les faifoit
précifément dans le tems que Luther
coramçnjoit fes inveûives contre I'E^î
r
d'Erasme. 32^
glife Catholique. Erafme détaille en-
fuite les principales avions de Jefus-
Chrift qui doivent fervir de modèle
aux Théologiens : il traite des Allégo-
ries (a); & il nous apprend qu'il W Pf
avoit commencé un Livre fur ce lujet Thyloguss
qu'il promettoit d'achever : apparcm- ^**^i*'''^'*
ment il ne l'a pas fini ; du moins il
n'exifte pas.
Il parle enfuite contre l'abus des
termes de l'Ecriture 5 il recommande
l'étude des lieux Théologiques. Il veut
que] pour bien entendre l'Ecriture ,
on compare les paflages qui paroif-
fçnt fe contredire ; & il affure qu'en
les examinant avec attention , la pré-
tendue contradiftion difparoîtra bien-
tôt. Il fouhaiteroit que l'on fçût prêt
que par-coeur l'Ecriture , fur-tout le
Nouveau-Teftamment. Il recommande
pour bien l'entendre de lire Origene ^
5. Bafile ^ S. Grégoire de Nazianze,
S.Athanafe , S. Cyrille , S. Jean-Chri-
foftome , S. Jérôme , S. Ambroife »
S. Auguftin , S. Hilaire. Il donne
la préférence aux Pères Grecs fur
les Latins , & aux plus anciens fur
ceux qui approchent le plus de nous.
•11 ne paroît pas avoir une grande
eftime des Commentateurs modernes
(le fon tems , dans lefquels tout ce
530 Vie
, tju'on trouve de bon eft copî(! d'aprèl
ceux qui avoient écrit avant eux. 11
traite avec un grand mépris les quef-
tions inutiles de la Scholaftique : il
affure qu'elles font indignes de la vraie
Théologie ; qu'elles font condamnées
par l'Ecriture , & peu conformes à la
floaniere dont les Pères ant traité la
Théologie. Ce n'eft pas qu'il blâme
•entièrement la Scholaftique ; mais il
voudroit que l'on ne propofôt dans les
Traités Théologiques aucune queftion,
dont l'édairciflfcment ne fut de quel-
que utilité. Il finit ^ en confeillant de
s'inftruire plutAt dans les Ecrivains qui
ont vécu dans les fiécles peu éloignés
de J. Cbrift & des Apôtres , que dans
les toodernes , qui ont plus cherché à
donner des preuves de leur fagacité
^u'à édifier.
• Après cette.Méthode , il y a une
Exhortation à Tétude de la Philofo-
phie Chrétientïe ( i ). Erafme 51 ex-
horte tous les Chrétiens à lire rÉcri-
ture , afin qu'ils s'y inflruifcnt du vrai
efprit du Chriftianifroe. Erafmé revit
cette Méthode l'an i 722. elle^prouva
/des jugemens bien différens. Rhena-
•
. ( i ) Paraclefis , td f /? Adhortatio ni Chrifi
pam^ rhilofofhiajuditim* j
i>'Erasmk. 551
nus en ayant fait une Edition , la dé^
dia à Jean Faber Vicaire de i'Evêque
de Confiance , que fon mérite éleva
depuis à l'Evêché de Vienne en Au-
triche. Il fut fi content de l'Ouvrage ,
qu'il en écrivit une Lettre de remer-
ciement A Erafme (a) dans laquelle il M Epifl.
parle de ce Livre comme étant parfait 3 *• ^- ^«
(b): il affure que la ledlure lui a don- (^) ^Y«^«-
né le goût de la vraie Théologie ÎL^Xf'
qu'elle a produit ce même effet fur
pluûeurs autres ; & qu'elle avoit ré-
concilié avec la faine Théologie plu-
fieurs des partifans les plus outrés de la
Scholaftique. Le Doifteur Martin Dor- t
eus 9 après fa féconciliation avec
rafnae , lui écrivoit ( c) qu'un Théo- (c) Sup^
logien de Louvain lui avoit affuré,JJ«^ enor*
Qu'il ne pouvoitpaç lire cette Méthode g" . P"-^'
fens en être touché d'admiration julr ^ ^'
qu'aux larmes. S utor au contraire (^, (d) Ad^
prétendoit , qu'il y avoit autant de "verJus De-
foutes que de pages dans ce Livre ; ^^^('^'^ ^**"
mais c'eft un homme que la çaffion '*'^''*
rend in jufte. Luther en avoit d abord
été affez contenu ; mais lorfqu'il vit
qu'Erafmeblâmoitfes excès, il parla ^^l ^^^
de ce Livre avec cette fureur ( e ) qu'il lumniofif-'
s'étoit rendue familière : il ofa dire^m^m E-
que la Méthode d'Erafme étoit une fiji. Maru
taillerie de J. Chrift ôc de tputes fes ^i^^^ri.
332 V r B
aâions, que le Leâeur ne pouvoît
y puifer que du dégoût pour la Reli-
gion , & que cet Ouvrage tendoit à
faire croire qu'elle n'étoit qu^une fa-
ble.
Erafme méprifa avec raifon une ca-
lomnie (i infenfée ; mais ce que Lato-
mus , Doéleur de Louvain qui jufquesr
là ayoit été fon ami , écrivit contre
lui , le chagrina beaucoup. Il fit un
Dialogue qui avoir pour titre > Des '
trois Langues , & de la Méthode d* étu-
dier la Théologie ( i ) : fans nommer
(a) Eptft. Erafme , il attaquoit fes fentimens (a) ,
H* L* ^. & il infmuoit qu'il penfoit comme Lu-
ther; en forte que lorfque ce Nova-
teut étoit" réfuté , le Leéleur avoit lieu
de croire que c'étoit à Erafme à qui
FAuteur s'adreflbît. Le nombre de
fes ennemis en augmenta : il fut quel-
que tems à héfitcr s'il répondroit à
Latomus j enfin il prit le parti de fe
juftifier par une Apologie (2) qu'il fit
(b) Efijl en trois jours ( i ).
Bptz. Epijl. Le principal objet de Latomus avoit
.16 » L» d»
{ I ) De tribus Linguis , & ratione Jluàii
Theologicù
(i) Afologia refpiciens quorumdam fuf-
ficfcnesacrumores natos ex DialogQ figurato ,
qui Jacobo Latomofacrx Theologia Licenfiato
injcribitur^
d'Erasme. 33}
été de venger les Scholaftiques , , qui
commençoient à gerdre beaucoup de
la grande eftime ou ils avoient été , &
dont il avoit été parlé dans la Méthode
d'une £açon à ne pas plaire au plus
grand nombre des Théologiens. Eraf-
me en prit occafion d'examiner ce que
l'on doit penfer des Scholaftiques. Il î
avoue qu'il y a chez eux plufieurs cho-
fes qui méritent d'être fçûes : il dé-
clare qu'il ne détournoit pas ceux qui
vouloient s'appliquer à la Théologie,
de lire les Thomas , les Scots , les
Bonaventures , les Alexandres ; mais
Îu'il donnoit la préférence aux Perés»
l foutient enfuite l'utilité des Lan-
gues favantes pour la parfaite intelli-
gence des Ecritures.
Latomus avoit prétendu , que l'étude
de la Théologie devoit commencer
{)ar la leélure des Scholaftiques , après
cfquels on viendroit aux Pères : il ap-
f)réhendoit que fi Ton comm^ençoit par
ire les Pères , on ne pût pas s'accou-
tumer au ton des Scholaftiques. EraC-
tne foutient (a) que fi Ton fuit cet (a) N«7^«
ordre , il eft à craindre que l'on ne
perde trop de rems aux queftions fub-
tiles & inutiles, & qu'il fepourroit
fcirç qu'après y avoir pris plaifir , on
ne fut plus ,cn état de profiter de la
■ ?54 V I B
ledlure dçs Pères ; ce qui ëtolt arrivé
à plufieurs perfonMs , ainfi aue Lata-
'M N.^4. ^^^ lui-même le (avoit. Il déclare (à)
qu'il ne blâme point toutes les quef-
tions agitées par les Scholaftiqucs ; il
voudroit feulement qu^on n'en parlât
jamais devant le Peuple , & qu'on les
(If) N. s6. ^^^i^ât avec prudence. Il ne blâme (b)
point ceux qui accommodent la Phi-
ofopbie d'Ariftote à l'ufage de l'Eco-
£ , mais feulement ceux qui attri-
buent à ce Pfailofophe la même auto-
rité qu'aux Evangiles. Il cite Pic de
(0 N. 97M l^lrande (c) qui rcgrettoit lesfix
années qu'il avoit paffées à lire S. Tho-
Çd)Kjo7.^^^^ Scot & Albert. Ilprotefte (d)
* qu'il ne propofe point de nouvelle
Théologie , convme l'en accufenc (ei
calomniateurs ; que tous fes vœux
tendent à voir renaître l'ancienne
Théologie , c'eftà-dire la pofitive 1
qui avoit «été trop négligée. Cet Ou-
vrage eft daté de Louvain le 28 Mars
de l'an iji^.
Les vœux d*Erafme ont enfin éré
exaucés ,• & la Théologie pofitive Ta
(0 Epifl. emporté fur la Scholaftique.il a crû (e)
17. L. II. que l'Ouvrage de Latomus n'écoit
pas de lui-feul ; que plufieurs gens nial-
întentionnés pour lui y avoient mis la
main. Dans la fuite Latomus fut far
cW (a) d'avoir publié cet Ouvrage : il W^ ^^
fit prier Erafme de lui rendre fon ami- y^'*-^**' P*-
qu Jl lui fit une réparation. Cette ré-
ponfe eut l'approbation des Savans ;.
& Bilibalde Perkeimer affuroit (b)^^^Wff-
que cet Ouvrage étoit parfait dans fon '** '*•
genre ( i ). Il y avoit déjà long-tems
que les Savans de France & d'Alle-
magne fouhaitoient avoir une Edition
Grecque du Nouveau-Teflament. Il
n'y en avoit point encore eu de fépa-
rée de l'Ancien : Erafme s'en char-
gea; il y joignit une nouvelle Tra-
duâion, <^uil accompagna de trè$-
làvantes notes.
Cette Edition parut à Bafle Tan
iyi6. C'eft la première fois , dit
Maittaire (c), qu'on ait vu leNou- (c) jffma^
veau-Teftament en Grec , l'Edition ^^^ Typogr.
de Complute n'ayant été publiée qu'en ^' ^* h ^
ï;22. & celle d'Erafme étant de Ym'''^^ ^*
Erafme ne ménagea rien pour ren-
dre fon Ouvrage le plus parfait qu'il
lui fut polîîble. » On ne pourroit ja-
»mais croire, difoit-il (^) * corn- (d) Efijf^
» bien il m'en a coûté de peines. Plût. 26. L. j?
( I ) Mtrâ quidam brevitate , fed m ni^
^il fieri fojjit abjolmius^
33^ V I «
à Dieu que la République Chté-
9 tienne en tire un profit équivalent :
j> car je n'ai eu que çch en vue. J'ai
n coliationné un grand nombre de Ma-
» nufcrits Grecs ; j'ai fuîvi la Verfion
»> qui m'a paru la meilleure^ j'ai fait
» la traduâion la plus fidelle , & en
« même-tems la plus fîmple que j*ai
» pu , ayant grande attention d'éviter
■> ce qui auroitpû être obfcur ou équi-
m voque ; je n'ai pas toujours rendu
iy mot pour mot ; mais je ne me fuis
•• jamais éloigné du fens. J'ai pris pour
» guides Origéne , S. Bafile , S. Chri*
• foftôme , S. Cyrille , S. Jérôme ,
» S. Ciprien , S. Ambroife , S, Au-
•> guflin. J'y ai joint des notes , dan$
» lefquelles je rends compte des rai-
»> fons qui m'ont déterminé à donner
» la préférence au fens que j'ai fuivi.
» Je me fuis toujours appuyé fur l'au «
» torité des Anciens. Mon intention
» n'a point été d attaquer la Vulgate ,
33 dont l'Auteur ne m'eft pas connu,
» quoiqu'il foit confiant qu^elle n'eft
j> ni de S. Ciprien , ni de S. Ambroi-
» fe , ni de S. Auguftin , ni de S. Hi-
iy laire , ni de S. Jérôme. J'^^is
19 feulement lorfqu'elle s'eft éloB^e
*> trop fenfiblement du texte. J'aiw-
99 pliqué plus de fix cen:5 paffagcs ,
qui
d'Erasme. ^57
^quiJHfqu'à prélent n'avoîcnt pas été
«entendus par de grands Théolo-
» gi^ns. »
CefifrandOuvragefiit dédié au Pape
Léon X. { a ) L'Epître Dédicatoire eft (4) çp/^.
daré^ de Bafle le premier Fjévrier/?. U i?#
lyiô. Après avoir fait un très-grand
éloge de ^e Pontife , Erafaie rend ^
compte de fon travail : il s'étend en*
fuite fur les louanges de l'Archevêque
de Cantorberi fon M,écene , dont il efr
fére que \t nom , joint à celui du
!ape à la tête de fon Ouvrage , lui
(erviça de recommandation.
Il avi)it d^ikbord eu deflfcin (i) de (i) Epî/?*
djédier fon Nouveau - Teftament à p. L. /•
rEv^êque de Rochcfter ; mais il jugea
qu'un Livre de cette importance feroiç
dédié plus jconvenablemefit au Souve-
rain Pontife. II expliqua à TEvêquc
de Rochefter les raUbns qui Tavoienc
déterminé à ce changement j & il pa-
XQÎt que ce Prélat en fut content.
Erafme envoya (c) des exemplair {c) JB;/^.
r€5 de fon Ouvrage à Rome aux Car- 16. L, f .
inaux Grimani ^ Pucci ^ en les priant
de vouloir bien le préfenter à Sa Sain *
teté. Léoi) l'avoit très-bien reçu ;
mais il s'étoit contenté de charger ces
deux Eminences de le remercier de fa
par^t La première Edition fut bientôt
To/neL P /
538 V I «
enlevée : Erafine fongea à en donner
pne nouvdje encore plus parfaite. Il
(a) Epi fi. ^^^^^^ (^) ^'^^ n'iroit pas à Vpnife ppijr
,07. y donnef cette féconde Edition ; mais
U)n amitié pour Froben l'engagea à lui
(A) Efifl. donner la préférence (i ). Froben dét
IV 4. 4^p-{iTok avec paflSpn de réimprimer k
Itnd. Nouvcau-Teftament d'Erafme : il lui
^t même offrir ^e l'argent pour»avoir
ion Manufcrit ; mais Ërafme peu fen-
fible à Tintjérêt lui fit réponfe , qu'il
ne demandoit rien pour lui ; que ce
?u!il cxigeoit feuleipent , iétpit quç
'roben employât l'argent quUlvouloit
lui donner , à rendrp TEdition nou^
velle plus exafte & plus parfaite. ï|
fit le voyage de Baj^e l'an i jiS^ pour
veiller fur cette impreflïon^
Voulant confondre ceux qui n*é-
foient occupés qu'à deshonorer ff
foi & à décrier fes Ouvrages ; il crut
devoir fe donner quelques mouvemens
f)pur obtenir un Brct du Pape , par
equel il paroîtroit que Sa Sainteté
auroit approuvé fon travail fur le Nou-
yeau-Teuament. Il en écrivit à ceux
des Cardinaux fur la proteôion def-^
quels il comptoit davantage, àBom-
bafius Secrétaire du Cardinal Pucci ,
CO £p{/?. 5c à Pucçi, Nonce en Suiffe & neveu
2 6. L. 5. du Cardinal ( c) : il ne demandoit quç
b' E R A s M b; J^f
tt Br^f pour tome récompenfè.
JBombafius conféra {a) i ce fujct W ^P^J^*
!àuc le Cardinal Pucci fon naaître , ^* ^* **•
qui trouva la demande d'Erafnie fi
faifonnable y qu'il chargea Bombafius
dç faire un modèle de Èref , qui feroit
envoyé à Oftie pout être figné par 1«
Pape , qui dê|>iih deux jours écoit
fôrti de Rome pour aller dans cetce
Ville. Un événement fingulier retarda
i'exf édition de ce Bref, liétoit arrivé
4 Rome un jeune François appelle
Sylvius , qui s'éccrit retiré de- chez le$
Béiiédidins. Comme il fevoit {è) que (h) Efiji.
k nom d'Eraûne itoit en grande re- ir. L. 17.
jcommàndation ji Rome , il contrefit &EfiJl.i6.
4eux Lettres Àe lui , l'une à Bom-
tafius* l'autre au Pape, par lefquel-
les il les prioit d'être favorables à ce
jeune homme. Ils y furent tous deux
trompés ; Sylvius fut reçu parfaite-
nient par le Pape, qui lui fit les plus
grandes promeiTes. bombafius ayant-
appris que Sylvius devoit aller à Of-
tiepour revenir à Rome le lendemain,
lui donna le modèle du Bref, afin
Su'il le rapportât figné ; il fut auflî
chargé d'une Lettre du Cardinal Puccî
att Pape , & d'une autre de Bomba fini
au Secrétaire des Brefs , pour les fup»
plier d'expédier promptement Taflàire
54» Vil/
d'Eraftne. Sylvius qui étoit d'une mau^
vaife fanté , tomba malade en chemin ^
& pria quelqu'un de porter fes Let-
tres i Oftie. Elles ne fiirent pas plutôt "
renduj^ , que le Bref fut ligné. Le
Pape deqnahda à voir Sylvius : on le
cherchai; ce iiït inutijlement , il étoit
mort. Bombafius qui n'entendoit par-
ler de rien , écrivit de nouveau au Sé^
cretaire des Brefs pour fe plaindre de
fa niégligence ; il fit réponfe que le
Bref étoit expédié, & qu'il Tavoitdu
recevoir. Cependant Bombafius ne lé
r-ccevant p;as, envoya un autre modèle
de Bref qjii fut figné fur le champ ; il
fut envoyé à Marin Carraccioli Nonce
ta) EflfléV^^^ ^^ TEmpereur (a) <jui le fît .
5.L. II. rendre à Eraliiie, en Ipi écrivant des
Lettres tr^-obligeantes : il eftdaté de
(h) Ef tj{.^^^^ *^ 10 Septembre lyiS {b).
|o. L. ip.Léon aflure, qjie le travail d'Erafme
hxt }ç Npuveau-Teftament lui a fait
un très-grand plaifir , parce qu'il y a
une trèsrgr;aride érudition , & qu'il eft
très-approuvé pgr tout ce qu'il y a
d'habiles gens ; qp'il conjeâure par
la première Edition qui paroiflbit ac-
complie > <\up cette nouvelle qui eft
çonfidérablement 'augmentée fer^ très-
utile à la foionhodoxe, & à ceux qui
s'appliquent à la Théglpgiç* ?» Conti-
i flûeî donc , ajoute le Pape , detra*
« vailler pour Tutilité publique , &
» preifez-vous de dc^ner au rublic un
i Ouvrage fi faint. Dieu vous en ré-
^compenfera : nous rendrons à vos
»• travaux la juflice qu'ils méritent ; &
* vous pourrez compter fur l'ajppro-
«bation éternelle des vrais (Jnré-
i tiens. » Ce Bref fut la feule récom-
penfe (éi)qu'Erafme reçut de la Cour ^a) Efifl.
At Rome pour la Dédicace de fon ^'**» -
"Nouvciu-Teftament,
■' Après le Bfef de Léon X. & FEpî-
tre Dédicatoire à ce Souverain Pon-
tife, on trouve à la tête de l'Edition
du Nouvcau-Teftamenc une Préface $
?ui eft une exhortation à la leâure de
Ecriture. Erafme voudroit que tout
k monde la lût & en profitât ; il ré-
fute ceux qui blâmoient les Traduc-
tions de FEcrtture en Langue vulgaire.
» QûelqajBS-uns , dit-il (b) regardent (S) EpîJI.
» comme' un crime de traduire lesLi^ Sx* L. i^»
• vres làcrés en François ou en An-
» glois ; mais les EyacfgeUftes n ont
»pas craint d^écrire en Grec ce que
» Jefus-Chrîft avoi! dit en Syriaque :
» les Latins ont traduit en Latin les
»^ Ouvrages des Apôtres , & les ont
«mis ainfi h h ponée du Peuples S.
t Ié£ÔjQQÇ % tiaduil à$tm la Langue dds
34^ V I K
» Dalmates l'Ecruure : je vcm(îroîf
» qu'elle fût traduite en toute Lianguesr
» !• Chrift défire que fa Religion fe
9 répande par-tout : il eft mort pour
9 tous les Hommes ; il délire d'être
9 connu de tous» »
Les Théologiens qui enfâgnàieot
jcommunément pour lors que les Tra«
durions de TEcriture en Langue vuN
gaire fai(bientplusde mal que de bien^
& que U leâure des Livres facrés ne
devoir pas être mife entre les nmns à&
tout le monde » défapprôoverent ce
que nous venons de citer d'Eràfme ;
mais ils furent- encore bien plus mér
contens du fouhait qu'il ùàt dans cette
même PréfeCe : il vondipit qu'âpre»
que les Eûfans baptifés feroient venus
1 un âge raifonnable $ on leur explii»
^uât les engagemens du Baptême>'
& qtt on leur demandât s'ils ratifioient
les vœuK que leurs parens avoient £fiitt
en leur sK>m ; auquel cas il ferok
très-convenable de renouvcller publî*
quement leur profeflîon defoi. Il s^ob^
)e6le deux difficultés : la première^
qu'il fembleroit qu'on réitereroit le
èaptême î * fecondement , qu'il poui^
roit arriver que quelques uns ne vou»»
droient pas ratifier ce qu'on avoir pro^
ie(U pour eux dans le^ur Baptême» ILxét
d' E R A s M H* 943
foni i la première objeélion , qu'il ne
propofe point un nouveau Baptême >
mais feulement de confirmer publique-
ment les obligations que Ton avoic
Srifes dans le Baptême. La féconde
ifBcuhé lui paroit plus grave : il y
répond ^ qu'il faut toqp tenter pour
engager les )eun^s gens à confirmer
leur profeffion de foi ; que fi capet»-
dant on ne pouvoit pas y tétfflîr , il
vaudroit peut-être mieux les laiffer li-
t>res , que de leur faire violence. La
feule peine qu'il voudroit qu'on leur
impofat , cr'eu la privation des Sacré-
mens ju(qu à ce qu'ils rentraâfent dans
k bon ctlemîii. Le plris grand tîtombrà
des Théologiens fut extrêroenidntfcan-
daUfé de ce projet prbpof(^ par Eraf-
^t ^ ks erïnemis ne naanquereiw pas de ♦
le relever avec véhémence j & dans
|a fuite il auroit fouhaité (a) n'avokC^) S'^PP"^»
Janwis avancé une propofition , qui ^^^^p ^.
avoit caufé un (ï grand fcandale che^ ^J^\
fcs Théologiens. Cette Fréfece eft
datée du 1 4. Janvier i^y 22. &par con-
fé^ent n'étoit point à la tête aes deux
premières Editions du Nouveau-Tef-
tamentd'Erafme. Après cette Préface
^1 y a une Invitation à Tétude de la
^ilofophie Chrétienne , un abrégé &s
*» éloge de la Do(arineEvangélique»
giii}
V ï^
Erafme pour faire voir que détm
avec raifon qu'il avoit entrepris une
.nouvelle Verfion/du Nouveau -Tefta-
. ment > rapporte quelques elceim)les de
folécifmes palpables qui font dans la
Vulgate ( I )• Il y a après €ela une
lide de quelques paiTages difficiles 9
lur l'explication c^fquels des Inter-
-prétes très- célèbres fe font trompés : il
. rapporte ces erreurs , pour répondre
à ceux qui foutenoient que fon Ou-
. vrage étoit inutile. Il expofc enfuite
quelques exemples des paifages où la
Vulgate s'eft vifiblement élpignée du
texte Grec; & il fait fon Apologie
: contre l'ingratitude des Théologiens :
il déclare qu'il n'a jamais prétendu
-s'éloigner des décifiens de FEglifc
Catholique; & que s'il fe trou voit
quelque chofe dans ce qu'il avoir écrit
qui n'y fût pas exaâement conforme f
il le rétrade, & veut qu'on le re*
garde comme lui étant échapé contre
fon intention.
Cet Ouvrage eut les approbations
les plus flatteufes : Léon X, fit le plus
( t ) En voîd deux Exemples ; Quicunr
^uû te angariaverit j mille fajfut voit eut»
iJo , & âUa dm. Matthieu V« 41. ^^^''
â^^es gentium iominantitr torwn» Matthictt
)gnnà ëloge de la première Edicion.
On en faifoit déjà beaucoup d'eftime ,
avant que l'on fçût ce que le Pape en
penfoit ; mais quand le Bref du Pape
eut été rendu public » on rechercha ce
Livre avec encore plus d'emprefle-
ment (a) , comme ayant été approuvé («) Bifjf.
par l^Orade du Souverain Pontife. Le ^* ^» ' *•
Cardinal Laurent;Campege fi eftimé à
Rome , nûindpit â Erafme ( i ) qu'il (^)Epi/f.
àvoit dévoré fonNouveau-Teftament:*» ^ ^*»
ce font les propres termes de cette
Eminence. Il déclare que fa piété n'eft
?as Infériebre i fon érudition ; 2c il
eXfeorce à n'avoir aucun égard aux
écrite; que des Ecrivains auifiinfen-
fés qu'îtijuftes peuvent feire contre lui.
Un témoignage fi flatteur f c ) du Pré- (c) Efijl.
lat pour lors le plus confideré qu'il y 5* L. ti#
eût dans l'Eglife , remplit de joie
Erafme , qui crut devoir remercier le
Cardinal de la confolationque lui don<-
lîoit fon fufErage contre les injuftices
de fes ennemis. Il n'y eut aucun pays ^
où il ne fe trouvât des Savans qui ren-
dirent juftice à fon travail. Vives paffa
à Paris ( i) peu de tems après que la ^^) Enfl.
féconde Edition du Nouveau -Tofta- to. l. */•
ment d'Erafrhe eut paru : il n'étoit
queftion que de lui dajis toutes les con-
jrjerfationsfavaQtesî & Vives affurc
54^ ^ V t K
que les f nncîpaux Théologien» dSi^
Goient , que depuis mille ans on n'avok
tien fait de fiutiie pour la piété Chré-
tienne que rOuvragé d'Êra&ie fur le
Nouveau-Teftamenu Nicolas Berauà
f4) E/>(/?.luî mandoic fa) que plulîeurs Savant
M|^. lu 9voi<î^tfonNouveil^TTçfta,InêntàPa-•
. . ; iisr & que parmi/çôux-lâ il y avoir
dès Théologiens d^un;fès-gfand'nom y
qui Pàiiïiôient préf^te^nt avec.ajar
tant d*excès , (juMls IV^éritliaï au^
paravant avec injuftiçe»f^ Vôtre nou*
» velle Edition ^. ajoutc-t-il , vous ^
n réconcilié ayej be^ôûp de gpns r
n quant aux bpjifiâtrçs^' 11^ font kflei
» confondus par ;^ûs /^(^çgïes". 3» Oà
penfoit d2 même en! Ajeiym^ : Bîli-T
'0) £;>/j?.balde Pérkeimerécrivoltâ Erâfnafe(*)i'
lu u %. * que fon Nbuyeau-TeÛament avoit ini$i
Ion nom ji l^abrî Je l'injure du tems ^^
qii^it avoit fait une' chofè agéable i
Dieu & à t^us les fidelles ^ en doii^
nant un Ouvrage que âeguis mlUe-anj^
9n n'avoit pu faire., .
Plufieurs des plus ifluffres Pirélats-
Fapprouvercnt hautementi l'Evêque dç
(ûj tftpu Batts entr'aucres ( c ) j & Erafme écri-
4 i»i^ vant au. Pipe Léon X. ne craigniç
point de fe flatter dafuflrage de cet
ïTveqoe. Ce fut en Angleterre que cer
Itouvcaa-Teûament eut le plus grancS
b' E & A s M B* 347
^cès. L'Archevêque de Canto^-oeci
^riypit à Erarme (a) le 20 Juillet («) Epîjl.
l^i6. qu'il l'avoit fait voir à des E\rô- ^' ^^- ^j:
ques & à des Do6ïeurs ; quils enf^'^*^**-
avoient cous été très-contcns ; & que *
fe conformant à leur jugement^ Ôc
ayant une extrême adîniration pour
toutes les produéïions d'un bommj^
ioQt le gienie étoit fi divin 6c U
Icience fi merveilleuTe 9 il ne pouvoir
Îue louer infiniment un fi beau travarl^
/Evêque de Roch^fter , fi célèbre
par fi)n zélé pour la Foi CathcAique, ,♦
fourenoit ( ^ ) que dans le Nouveau- (^y É:pt/I.
Teftament traduit par Eràfine , il nV ^^^: "^^^
avoit nçn< qm put laire peine à uti^ i
homme fenfe ^ qu^il avoit édairci une
infinité d'enchroits , & qu'il avoit fi
parfaitement rempli fon objet, quit
n'y avoit plus |)erfonne qui ne fûç ci*
itat de lire le Nouveau-Tefiamene
avec pla« de facilité qu'auparavant^
•ii'Evéque de Vincbeffer difoit publi-^
•Gucment' (c) que la= Verfion^d'Erafme' CcyEh'J.
éclaifciflfoit fi^ bien le texte, qu'elle î^r..
tenoit lieu* de plufieurs Commentai*
Tes. &iillaume Latimer ( i^ ne favoic (jy E'p%
«e qu'il devoir le plus admirer dan^ i^ L. lOi
cet Ouvrage , • ou du grand travail y
ou de l'beurwfe exécution; Cutbert' (^gf ^pjjf'^
ïttoilal gfrétendok (r) qi^ l'oi^ r^ 1. &.}^.
^54« . Vît
trouvoit dans les Rotes d'ËraCne ton!
ce qui avoit été bien repoarqué par
les autres Commentateurs , & qu'il ne
laiflbit rien à défirer. Ammonio Non-
ce du Pape 9 faifant fon compliment à
Erafme fur le fuccès de fon Nouvtiatt-
1^) E;>i;?. Teftament , déclare (^) qu à fon avis
7, L. ». c'eft un Ouvrage très-rclijMcux » très-
néceffaîre , oui doit être^ftimé de tout
letnonde, aigne «nfin d'Erafme & da
Pape à qui il devoit être dédié. » Con-
» tinuez , ajoute* t-il ; c'eft ainfi qu'oui
>• s'élève jufqu'au Ciel. »
Erafme paroiffoit affez <:bntent Veti
Tan I y 1 7. du fuccès de fon Nouveau*
Teftamentj il en écrivit ainfi à TEvfr-
que de Rochefter lé y Juin dé cew
(i) Éftjl. année Qi) : » On craignoit cet Ouvrage
5* JU ?• » avant qu'il parût j mais depuis qu'il
»eft public, il eft étonnant comoien
-» il efi approuvé des Théologiens
» fa vans & de bonne foi. Le Prjeuî
» des Chartreux de Fribourg , homme
» d'une très-grande confidération dans
» fon Ordre, A urcur du Livre infltulé,
»>La Perle PhHo/ophiquey dit qu^il don-
» neroit deux-cens florins d*or pour em-
*• pécher que ce Livre ne pérît.»» Louis
l€) Voyez ^^^^ Théologien de Taris, le pre-
Iprfi.i. i.rtïïtr de fa Licence, en fait la plus
7- grande eftime ( c). Wolphang Capico
Pr^cateur à Baflc , homme très^ha-
bile en Hébreu , & grand Théolo*
gien , penfe de même* Le SuâragaM
de Cologne eft auffi de même avis.
Louis Berus dont on vient de parler ^
étoit de Bafle. Eralme , dans une Let-
tre au Cardinal Laurent Campege (a) 3 W ^P^J^*
dit que c'étoit un homme dont la naif- *^*' ^* '^*
fance <toit illuftre, la vie très-régu-
liere^ & l'érudition peu commune* Il
avoit conçu unç fi grande amité pour
Erafme après avoir vu fon Nouveau-
Teftament (b) qu'il lui avoit offert (^^ ^pf/f^
de partager avec lui fa fortune qu} lo. u u
étoit très-confidérable; 6c de deux
Prébendes qu'il avoit 9 il voubt fc
dépouiller d'une pour en gratifier
Erafme qui la refufa.
Après fa mort , les vrais connoif*
feurs lui ont rendu juflice. Jofeph Set*
liger n'entra point dans les paffions d0
fon per^e : il affura (c) que les Notes (c) Scédi^,
d^Erafme fur le Nouveau-Teflamenti*'*^»*»
contenoient des obfervations très-
doâcs, & que Beze avoit fouvcnt re-
pris Erafme à tort; voici les propres
expreffions de ce favant homme 9 qui
4è croyoit POracle de la. République
des Lettres. « Bcze s'amufe & s'abuleà
«rejprendre Erafme ; fon Nouveau-Tel^
9 tament e$ bon, ^ M« Huet a £ût k^
5P Vitf -^
plus grands éloges de 1* Verfîoii d'E-*
ÇajDfcf^rafme? ^ Safiddité, dit-il (*)> &
timo gentre m {w do^e fimplicité m'ont toujours
^f""^" » plù , fuihtouc dans br traduaion des
• »> livres facfés. Je lui donne la prf
* férence fur ceux: qui ont traduit le
^Nouveau-Teflament j il s'eft acquit^
3ï de ce travail en rendant mot pour
^ mot, fentence pour fentènce j il Or
$> réuni la clarté avec Télegance dcb
» didion ; 8e lorfqu'U n'a pas pu trou-
ji ver des termes Latms qui exprimaf-
» fent précifément le itiiot Grec, il a
.... » marcpïé en un autre caraélère ce qu'il
*5i avoit été obligé defiAftituer, wovir
% lant par-là faire voir îufqu'bà allc^t
p fa fidélité : aufli fon Oiwrage méri-
3» ta-t-il d'être approuvé par un Brf f
» du Souverain Pontife^ »>^
M. Simon qui ne loue prefque j^
«mais qu'à^re^ret , prétend qu^Écafine
feiî en plufieurs endroits plutôt le roé-
^ tier d'un Déclaméui: qw d^un Intetr
Ï8) Hlft. pï^^ ( ^) ; q^'il *e ^^ P^^ entière-
critique des rement fe fier à fes citations. » Ce^
principaux jr pendant, €ontinue-t-il , nonobfta«t
€ommeii.^,çg5 défiauts^, on^doît lui rendrecetçe
^^'"'^* ^Vi>iuftice, qtî^Uaété un. des plus )iab^
»> les critiques de fon teras. pour tout
3» ce qui appartient à l'étude des Li-'
mHsn^ faerés^ ^ il a founû de gf and^
B". lumières à ceux qui ^nt travaillé
» après lui ; on ne fauroit trop louer
» les recherches qu'il a faites, »>
^M. te Clefc eft entré dans un plus
grand détail (a). »Ceux, dit-il, qui W B**
» ont qudque connôiffance de la bonnç ^ ^^ ^ ', ^^
«manière d'expliquer TEcmure Sain- ' ^
V'té^ ont toujours beaucoup effimé
•> cet Ouvfage d^Eràfine , dans lequel
> il s^ert al:quitté de tous les devoirs
»M*un boii Interprète f autant qu ot>
» pouvôit le faire de fon tems , &
» dans le^ circonftancés où il fe trou?
'» voit. Prefaierement il a çu foin de
» àôiirier lë'Texte Gfrec , qui n'étoit
ii J)a$ fort commun alors , * auffi cor-
* reft qu'il lui a été'poflîbre }" & pouf
* cela il a confulté les Mahufcrits qu'il
» a pu avoir , & lu avec foin les Feret
»& leé Interprètes , dont il a marqué^
» les variétés . de leélure foigneul©^
a^^ipent dans les notés. Il a entreprît
» dé faire une meilleure Verfion que la-
* Vuigatc i & l'on ne peut pas nier
» qu'il n'y ait réuflî à plufieurs égards ^
» quoique depuis qu'on a cultivé da-^
*> vantage la critique , on foit allé plu$*
ailoip que lui. En troifiéme lieu on:
» doit recônnoîtrt que fes notes , ou-^
» tre la critique de la Vulgate , ren^
?► ferment quantité de très-bennes rar
:t marques Philofophiaues & Théolo^
a» gigues ^ fondées fur la cortnôlffancç
M qu il avoit de la Langue Grec(]^
» & du ftyie de écriture Sainte. B
» eft certain qu'il a montré le cbemirt
9 qu'il falloit fuivre , & que ce n'eft
j» qu'en perfeâipnnant fes principes i
w qu*on eft allé plus loin. »
jLe grand nombre d'Editions que
fon Nouveau-Teftament a eues, di
une preuve de Teftime qu'on en fei-
^ foit. Il y en a eu quatre de fon vî-
ld)Amœnuy^^^ (a}.; la première en lyKJ.h
y en eut une cinquième. Dans la dcr-
liierc Edition des Ouvrages d'Erafmc
feite à Leide par les foins de M. le
Clerc , le Nouveau-Teftament fait le
fixiéme tome. Les Notes qui dans les
autres Éditions fe trouvoient à la fin
du Texte facré , ont été mifes au def-
fous dans celle- ci pour la commodité
du Leâeur.
Malgré les fervices împortans qu'E-
rafme rendit par cet Ouvrage k ceux
qui dcfiroient entendre parfaitement
le texte du Nouveau-Teftament ♦ mal-
gré la multitude &c la célébrité de fes
approbateurs , cet Ouvrage lui attira
rf* E R A s M E. 5 M
/ iàcs enirsmis qui le perfécutercnt ju{-
qu'à la mort, La hardieffe de fes fen«-
iimens qui alloic quelquefois jufqu'à
findifcretion , le mépris qu'il ténioi-
gnoit de la Schdaftique , mab fur-touc
le peu de ménagement avec leauel il
parla des Théologiens & des Moines
dans fes notes , mrent la vraie caufer
de leur déchaînement. Leur conduite
fouvent ridicule , la frivoli(jé » ou plu-
tôt Tabfurdité de quelques-unes de leuf i
objeftions, démontrèrent que c'^étoit
rbumeur ou le défir de la vengeance
qui £aifoient agir la plupart. Quelques-
uns de ceux qui étoienc les plus empor*
tés contre lui ( a ) » avouoient que ja* (a) EfiJI.
oais ils n'avoient lu fon Livre ; d'au* ^. u st
[ très foutenoient qu'il y avoit de la té-
mérité à un homme qui n*a* cit aucune
teinture de la vraie Théologie, d'avoir
entrepris de travailler fur l'Ecriture;
& ils entendement par Théologie ^ U
Scholaftiaue, dont Erafme témoignoic
aflez publiquement qu'il £ûfoit peu
d'cftime. Lrufage de fon Livre fut in-
tcrtUt (fc) dans un Collège d'Angle- (j) Eptjl,
terre > par la feiUe raifon au il n'étoit i Oé &• u
pas permis à un particulier de faire une
nouvelle Traduâio» de l'Ecriture fans
Tordre d'un Concile-GénéraU H y eut (ç\ Epijl,
Wi Moine qui prétendit (c ) qu Erafoaie ifLsst/
Sfcoo'i
* ^^ / /^^^^^ deffcin , que a îi*3
^ ^^;^'^^amgile étoit une fabley
J^^^l^h6\t fefvi du terme Con-
/j^« f qui cependant rend exao*
^^f le fens de rÀuteur facré. Lorf-
oic pour répondre à fes accufateurs il
^vy^prévaloit du Bref de Léon X, (^a)
^J^ôn-on lui répondoit , que le Pape s'étoîc
^le?» ^^ contenté d'approuver Féicgance de foa
^^'' ftyle , &;ion pas le fond des cboles^ j
ce^qut étoit manquer de refpeélt au Par-
|e, & mMifeftement contraire auiç
propres tcfmes de fon Bref.
Les fautes qu'il reprit dânsla Vul-
gâte , exeiterenc beaucoup de murmu*
res. Elle étoit dans ce teras-là plus rdP
peâée que les Textes originaux jur
ceux \ qui leur ignorance en interdiloic
la kaare/^ Sutor dit publiquement r^
qu'Krafme en faifànt une nouvelle Tra- '
ouélionduNbuvcau-Teftament, avoit
eu deflein d'anéantir la Vulgate» &
d'y fubftituerfa Tradudion % ce qu^l j
traite d'intenàott facrilége^ Titelman>
Religieux Francifcain , prit le parti
de la Vulgate contre Érafme. M. Si- I
\h), Hîft. mon juge ( fc ) que le zélé que ce bon
iJes princi. Religieux fit paroître pour défendre
&?dî!^'^^^^^^"^ Verfion Latine , n'eftpas
'toujours accompagné d'une véritable
feience > & qi/U^ auroit combatta \xm
r
è^ERÀSMÉ. jyf
tàvttdïrc avec plus de force i s'il ne
/écoit pas jette lur certaines minutie»
qui ne mérkoient pas d'être relevée»
fi fortement. Depuis que les Langue»
iavante$ ont été plus cultivées , on a
j pu juger avec plus de liberté de lu
Vulgate fans caufer de fcandale. Sixte
de Sienne 5 de l'Ordre de S. Domini*
que y dans fà Bibliothéc^e facrée y eft
convenu (a) que Panctcnnc Vulgate W L. s. fc
Latine na pas toujours été exempte S. Simon,
de fautes , & qu'il y: a des défauts J^** . ^"^
4aBS caie d'aujourd'Iiui , ainfi queTeftISît,
lont remarqué Santes-Pagnmus , ieL,5.c.i7»
Chinai Cajetan , François Forerius
^lérôme Oleafter^ Quelques Savans
iqui la Imputation d'Ërafme donnoit
de la jalouiie » décrî^'enc auffi. foft
Nouveau •Teftament : tel fut Jules
Scalig^r » çjfû ne s'accotdoit point en
en cela avec fon fils ( ^ ) , & qui ne (ij gptfl.
craignk pas d'avancer qu'Èrafme n'a- 1|« à Ar-
voit pas traduit, mais qu'il avoit dé-"*^^* '•^
imx le Texte facré. Il ne donne ai*. ''^''«
cane preuve d^lne imputation fi odieu«i>
fti f^i fait plus de tort à Scaligerqu'à
JEmfme.
Les critiques ameres & trës-fou-
*ent injuftes qu'il éprouva dans cette
<)CCafion , lui donnèrent de l'humeur
Cjfintre .le^enre huiçain} & quelq^e^
,M)fJr.^Q^^^ j'aurai fini ma leçon*
Jf^i^'^^]0àoïi du Nouveau-Teftament,
//' jf "^^dit'^^ en confidence i fesamis >
^'Jl %ii']^^'^^^^^'^^ ou je nié' chanterai
^ ^que pout moi & pour les Mufei
^ poifqu'on récompenfe ainfi ceux qui
••font de leur mieuk pour être utiles
a* aux Lettres, » Mais ces mouvemens
de dépit eu de mifantropie çédoient
bientèt f ou aii défir de Tes aitûs qui
l'engageoient à travailler , :OU enlîn à
Thabitude dans lafquelle il éroitr d'écrit,
re depuis qu^il fe conhoiiToir.
Ses ennemis enfin prévalurent â
Rome. Paul IV. ayant ordonné de
faire un Catalogue des Livres qui
Revoient être détendus , cetofdrerut
exécuté l'an i yyp. » Qp y cood amna,
» dit un des Hiftoriens du Concile de
C^) Fra »Trente(A) les Annotations d'Eraf-
faolo , L j» me fur le Nouveau-Teftament ^ que
é^tLS. ^ Léon X. après en avoir fait la fec-
1» ture I avoit approuvées par un Bcef
1» du 10 Septembre i f i8. »
„ Quelque approbation qu ait eue le
travail d'Eraune fur le Nouveau-Tc^
tament , il faut cependant convenir
qu'indépendamment de plufieurs indif*
crétions , il y a divers endroits fof"»
^eptibles de critique. M. le Qerc t0tf
7
b* E R À S M i; 5J7
imfan zélé d'Erafa^e qu'il e(t ^
Favoue, en faifant cette réflexion en
jeême-tems {a) » qu'il n'y a aucu» Ça) Blb^
Auteur oàl'ori ne trouve qudque cHofe chQ;ne , u
îreprejicke. On lui a fur-^tout repro-'*» ?• 49*
dié(i) qii|il favoit txès-peu rancienr (i,)A^scr$^
se Géograjdiie ; ce qui lui a^fait faire /1V4, i* i.
êvërfes feures confidérables dans Us />*''*• >• ^*
iremieres Editions de fon Nouveau- *" *^^' ^
'eftament. On ne tt contenta Voinv^^i^^r^^
k l'attaquer en général ; il parut un oéf, 15, t.
tond nombre d'Ecrits , dans lefquels 4. Crekh
fi^t graité av,ec indignité & indé- animadv.
^nce ,: nous aUqns .rendre compte de?^**^' ^* P
ces Ouvrages , & des réppnfes quM»
f^^rut obligé de &ire pour fajUili^
flcatiop.
Le premier qui écrivit contre lui ;
fct Jacques le Févred'Eftaples, Eraf*
m? en nit d'autant plus furpris , qu^
le Jéyrp étçit fon ami , & qu'ils ér
tpient eo grajide liaifbn. Le Févre a-*
voit travaillé fux l'Ecriture Sainte i
Xrafme g voit crû devoir s'éloigner
quelque fois de fes (entimens; mais ç'a-
vpit toujours été avec la plus grande
politçffe. Le Févre en avoir été ce-
pôntjant trè$-,piqué ; fie dans une fé-
conde éditijpn jie fes Commentaires .
J fur l'Epitre de Saint Paul aux Hé-
1 breux , il releva avec aigreur l^expli-
5jr« Vie
«ation qu'^rafine avQÎt donnée I ces*
l
un peu de tems moindre que les An-
imes, Le Fiîyre foutenoit qu'il fallotf
interpréter ainfi : vou3 l'avez fait un
peu inférieur à Dieu. Jl ixaite Ërafme
fort durement t farce qull avoitpr^r
tendu qu^ Jefus-Chrift entant qu'hom»
jne étoit non-feulement inférieur aux
Anges , mais gvoit été réduit à un éca(
plus fâcheux que les hommes les plus
abjeds. Il foutient que ce feminûent
isift impie , très - indigne de Jefus-
Çhrift , ,cantrair,e à T^prit ^ & fondé
ifeulement fur la Lettre qui tue*
Erafme répondit par une Apolo-
logie qu'il adreffa à le Fé /re lui - mêr
^c (i). Après s'être plaint de ce
qu'au préjudice de leur amkié il IV
vw ainfi attaqué fans l'en avertir,
& fans avoir daigné avoir une confér
ïence avec lui , qui les auroit peut-
âtre concilijés , & prévenu un éclat
fpandaleux , il entre dans le fond de
la queftiojî ; &: il fait voir que Saint
Ambroife, Saiiît Hilair-e, Saint Aa-
l^uftin , Saint Chrifoûome, Théo*
r
^ihfkey enfin tous les anciens Inter-*
!>rctcs ont expliqué comme lui le paC-
àge du Pfeauqae huit , & que le Fç-
vre n'avoit pour lui que Saint Jérô*
me. Il prouve enfuite que Jefus-Chri():
cotant qu'hoqame a été aii-defTous des
Anges , puifqu'il a été fujet à la dou^
leur & aux maladies. Il repréfente
les miféres de l'hun^anit^ auxquelles
(lefuS'Chrift même a été e^nofé : enr
fuite prenant un ton plus véhément ^
il foutient aû'il y a de 1 ignorance > 6c
pèmt de r impiétjé , i prétendre quç
Jefus-Chrift n'a pas été humilié par Iç
fupj)lice de la Croix,pmfque Saint Paul
k lert du ternie d hpmiliationr lorfr
gu'il parle du genre de mojrt de Je-
wChrift. Il reproche à fonadverfai-
le la longueur de fes r;airunnemen<
ineptes , fpn défaut de Logique » fon
peu de fens commun : il veut enfuitç
»juftifier ce qu'il avoit avancé, que
4ans les premiers fiécles de l*Eglife
TEpître aux Hébreux n'étoit pas uni-
verfellement attribuée à $aint raul j il
cite Saint Jérôme , qui a prétendu que
plufieurs e^ avoient douté ^ & il tait
voir que Saint Auguftin & Origenp
ont pènfé de mêipe.
Il finit fon Apologie» en priant le
Fevre de reprendre pour lui fes #i)cien$
^Xô Vit
lentimens ^ .& dje ne ppint donner à
r£glife le trifte Tpedade xi'une jjif-
pute fcajidaleiife entre deux hommes
qui fe foot prqpofé dfi fficiUter l'in*
telligence du Nouveau - Teftament. Il
prétend qu'il auroit pu relever plu-
licurs fautes dans le Fevre ; mais
qu*il s'étoit contenté de répondre i
ce qui le regardoit perfonnellemcnti
& qu'il avoit tâché de le faire avec
tous les égards dûs à un ancien &
refpeâable zm. T14nit Ton Apologie
en traitant le Fevre, de très-^favant, &
de fon trèsri^'and a©i ^ s'il le vouloit
bien permettre : elle eft dat;ée de LofU-
vainJe ^ Août lyiy^ Il ae fut pas
, quinze jours, à la ÇQmpofer. Dès qu el-
le fut iaiprin\ée , kl l^envoya à le Fe-
KayEtifi^yrç (a), A qui il déclara qu'il avoit
Âiç. & été très-fâché d'écrire contre lui,
i^*i «. parce qu'il l'aime beaucoup , & qu^
£p0^ ,.û ailleurs il a une très- grande aver-
i;,, j/ fion pour le genre polémique. Il 1«
prie de mettre fin à cette djrpute,
ou du moins d'être plus modéré dans
fes expreffions. » Npus avons aflfezré-
» joui les ignorans., dit-il : retenez le
» rele de vos amis j'ai fait taire juf-
» qu'à préfent les miens. Que la fincé*
» rite Chrétienne préfide fur nos ac-
ap Ùom^ Vous ne trouverez point de
fâuffetç
r
>»&ufieté chez moL » Erafine^ dans l'a^
brégé de fa viô , parle de cette difpute ,
comme ayant été la première de tou*
tesi celles qu^il.eut : car il s'éioit pour-
lors réconcilié avec Dorpius ; & il
dit qu'il avoit plus de cinquante ans
lorfqu*il fat obligé de fe défendre con-
tre le Févre.
L'Apologie d'Erafme eut un très-
grand fuccès'; il y en eut quatre édi-
tions en moins dun an (a). Il s'eft W ^fîjf*
flatté d'avoir remporté une vidloire^^'^V
complette. Il aflure (i) que les parti- ^^j ^ .n
Êns même deleFevre en convenoicntj: 17». ^^.*
ce qui eft confiant, c'eft que le Czt-pend.
dinal Laurent Campege lui fit des
complimens fur cet Ouvrage (c); Se (c) Eftjl.
Bombafius déclaroit (d) qu'il a'avoit 2. l. \ z.
rien trouvé de fî favant que cette Apo- ^^^ Eplfl,
logie. Il écrivoi t à Erafme : » Ce n'a pas * > • ^* *•
» été £àns un extrême éconnement , que
M je vous ai vu attaqué fi violemment
*par un hoçime que vous m'aviejs
» repréfenté comme étant auflî favant
» que prudent. Il avoit cette réputa-
• tionj mais il femble que dans cette , ■
» difpute il ait renoncé à la littéjfatu-
» re & au fcns commun. »
Cependant Içs amis communs d'E-
lafme & de le Fcvre trouvoient trop
de vivacité dans T Apologie : Louij '^
T^mc 1 Q '
^6à Vi«
Berus en fit des reproches 4 Ertf*
(d) Eptfl mç (a) , qui lui répondit qu'il avoil
^Ind "^^ été obligé de fe défendre avec véhé^
^^^ * îxience , puifqu'il s'âgiffoit de réfutet
les accufatiohs de folie & d'impiété
que le Fevt^e Jui avoit faites d'une 6-
con fî odieufe. Budée vit auili avec
chagrin deux hommes célèbres ,, tous
Idcux îès ^ïTiis , écrire Tun contre l'au-
ire d'un ftylfc dont leurs ennemis com-
(h) Epfft, mutîs triomphoîetit. Erafme (fr) lui fit
51. L. 3.1a même répotife qu'à Benis; il of-
frit de fupprimer Ton Apologie , file
' Fevre de fbn c6té vouloit aufli fup-
Ï rimer ce qu'il avoit écrit contre lui*
^.^ ^^,^.. 'è Févtne né fit aucune répdnfe(c).
55- i^* h îrafme s'âdreiTa i lui , pour le prier
Epiji. 5?. L. de faire paroître quelque écrit,àans le-
^•- Guel il dédareroit que malgré la dif-
férence de leurs fentimens ils étoient
tou^rs reftés amis ; il l'aflSxra en mè-
ttiB têms xju'il n'avoit jamais ^lé de
lui qu'avec amitié & honnêt^été : le
Fevfe ne répondit rien i ces ^ôlîtef
(â) Efifi.'ks, Le bruit courut qu'il t^jplique'
xt. L. 7' roit (if) : hon- feulement il n'en te rienj
(e) Apolo- taaiis dani la fuite il le rèp^tit â'a-
gie contre yQjj. enga|é cette dîfpute, & ÊrafifiBB
I^?T/^ affùré (e) que leur amitié àvoit été
£'^\"p[ renouée de façon qu^ils àvoi^nt t(X&
L. 21. deux oublié ce tcms de rëftbidilfor
toent. EffeAivemek il nous refle des
tertres ^Erafme à le Fèvre écrites
pludeuts années après cette dilpure ,
où Ton retrouve les anciens fentimens
Ïu'lls avôieilt eus l'un pour l'autre. Le
'evfe vécut encore vingt ans après
cet éclat : il mourut ayant plus de cent
ans, l*an 1537 (a ) un an après Eral- W Cont
ïne. de Fleuri ,
Il fe trouva enfuite dans la néceffi.|[^^^^J^- "•
té de juftiiîerle terme dont ils'étoit'^ '
Tervi pour traduire le mot Grec (V) que (}) Kiy*u
$aint Jean avoit employé dans le pre»
mîer chapitre de Ion Ëvangile pour
exprimer là féconde Perfonne de la Tri*-
jûité. La -Vulgate i'avoit rendu par
V'erhum,, & Erafme s'étoit imaginé
que Sermo rendoit mieux l'idée de TE-
vangélifte : il fubftitua donc Sermo à
Verbum. Ce chângeinetnent fçanda-
îifa.bien dés ^èns , qui rçgardoient 1^
mot Vtrhuniy ou Vérbéj comme con-
sacré par ITEgliti. Jls traîtoient publi-
S^ uem42nt Erafmé 4^ novateur & de
laTphémateur , qui méritoit au moins
d'être lapidé. Swndice qui avoit été
Cordelier, ^quî depuis fut Evêque ,
prêchant à Lôp4res,Xf ) dans le Ci- CO Epijti
inetieré dé S. JPauU c^n^mença à par- ^î* ^» n»
1er de la cliarlté , «& fihit par inveéli^
Ver contre Eraîmè» II protefta que c'en
3^4 . V I ë
étoit fait de la Religion Chrétiennes^
fi Pon n'abolliflfoit pas toutes ces nou-
velles Traduirions de l'Ecriture. H
prétendoit aue la hardieflfe de ces Tra-
dufteurs n*etoit plus foutenable , de-
jpuis qu'Erafme avoit employé le terme
de Sermp au lieu de Verbuun : il le traita
de "petit Grée ; & s'adreffant au Maire
de Londres , aux Magiftrats .& à tous
fes auditeurs r, illes conjura de prea-
dre en main les intérêts de la Reli-
gion Chrétienne qui étoit en fi grand
danger. Ce même Prélat fe je^a uii
jour aux pieds du Roi & de la Reînè
d'Angleterre en préfencê d'un grand
nombre de Seigneurs &c de gens fa-
Vans. Après avoir loué leurs Ancêtres
de ce qu'ils avoient toujours défendu
avec un très grand zélé l'Eglife Ca-
tholique contre les Hérétiques 8c les
îSchifmatiques , il çxhorta le Roi &
la Reine à fuivre cet exbmpîe : il af-
fiira .que jamais la Religion n^avoit été
en fi grâftd danger \ qu'elle étbît ab-
folument perdue , fi l'on ne fiipprî-
moit les noureaux Livres d*Erafinè.
A Bruxelles , à Faris , ' ôii j^rêcha aufli
publiquement contre É'rafme , parce
qu'il nes'étoit pas feïvi du mot de Ver-
be. Ces déclamati,on§ le mirent dans I4
r
t>* E R A S M «. ^6f
to^ceiGté de faire fon Apologie (i).
Après avoir déclaré que fa Traduélion
n ttoit feite que pour leç Gens 4e Let-»»
très , & s'être récrié contre la calom*
nie de ceux qui s'efforçoient de per-
fuader que fon intention étoit d'altér
rer l'Evangile , il fiait voir que Verbum
icSermo figniiient la même chofe ;
que Serma exprime mieux ce que Saint
Jean avoiti voulu dir^ : ilpjouve que
ks Anciens fe font fervis du terme ..
Sermo préférablemc^t à Verbum'^ ce
qu^il juftifie par les témoignages de
S.Cypricn , de Tertullien & de S. Au* .
guflin. 11 cire le dix-huitiéme chapitre
du Livre de là Sageffe , dont l'Auteur,
s'explique ainfi (a) : Ommpotens Sermo (4) Vt tf^
ii^us ; ce que l'Eglife a toujours en-
tendu da Verbe. 11 fait voir que Scrma
a été employé pour défîgner la fé-
conde Perfonne de la Trinité & Je-.
fus-Chrifl par S. Ambroife , par S#
Jérôme , par Laélançe ^ par Prudence
oans une hynane adoptée par l'EgUfe p.
Pmrifquejermo , Chrijîe , par S. An-
felme , par S. Thomas & par la glofle.
Cet Ouvrage démontre fans répliaue,
que fbuvent le Verbe efl défigné dans
l'Antiquité par le tçrme de Sermo.
" Çt) Aplopi^ 4e J» frinçffio erat/ermf.
S66 V I B
Le NouveauTTeftaracnt d'Erafîné
le comiDtt dans Le mème-tems avec
deux Doâeurs célèbres ; mais ces dîf«
culfions fe paffcrent avec politefle &
honnêteté. Jean Echiûs célèbre Théo-
logien d'IngoUlat , qui depuis fut em^?
ployé pour réprimer IcLuthéranifine/
ayant lu les notes d'Erafine y lui écri«
vit dlngoïftat le 2 Février de Ta»
(*> Epiji. iyiS (tf.)..Il commente fa Lçttre par
>j, U 2. les louahgesf : il àflure que fes Ouvra-
ges lye mourront jamais , ^ Çc que paf
Ion érudition il s^étoît prépare rira-
mortalité. » Car , ajoute-^il, vous ne
a devez pas ignorer cç que penfe de
» vous l'Allemagne. Je ne parle pa^
. ai du Souverain rontife > ' éé PItaliè ,
» de la France & de l'Angleterre ; de
1^ Teftime que l*on y a pour vos Ou-^
» vrages , de l'enipreffement avec le-
9 quel ils font reçus ; de forte que tout [
, 3» ce qu'il y a de gens habiles font ^raf^
» mrenj , fi Fon en excepte quelques
^ Moines & quelques Théôlogaftres.»
B lui propôle cnfuite quelques diffi-
cultés , non pas dans le deiiein de le
critiquer , mais feulement pour lui
donner lieu de s'expliquer^ & démet-
tre fes partifans en état de le défendre
tontre les objeâions de fes s^dverfai-
yes. 5 sX%' dit-il, plufieurs trouvent
r
» mauvais que dans yqs notes fur le
p fécond chapitre de S. Mathieu ^
i> vous 9yez inlinué qiie les Evangé*
» liftes fe font trompés dans leurs cita«
9 tarions > foit qu'ils n'ayent pas cité
p d'après \q% Ilivres, foit qu'ib le foienç
» trop fié$ à leur mémoire. 20. Vous
» dites dans; vos notes fur le dixième
9 chapitre 4es Adles des Apôtres , que
9 lorfque les Apôtres avoietit écrit en
» Grec , ils avoient confervé le carac-
9 tere de leuf Langue maternelle , &
p qu'ils avoient appris la Langue Grec-
a? que ^ non pas dans Dénaofthene ,'
¥ mais dans le commerce qu'ils avoient
p eu avec le Peuple j ce qpi eft con-
, » traire à l'opinion commune , que c*eft
vparl'infpifation du Saint-Efprit qulls
• ont eu ta connoiiTançe des Langues.»
îô.Echiusn'étoit pas content du peu
ç'eftime qu Erafme témoignoit pour
S* Auguftin ; ce qiui donaoit lieu de
croire qu'il n avoit pas lu les Ouvrages
de ce Père ^ qui étoit la plus grande
lumière de l'EgUfe après les Apôtres
(r). Il finit fa Lettre avec la naême
( I ) Koli ergo , Erafme , tamum Ecclejia
lumen , quo fofi friroas Ecclefiœ columrtas
nullmti fiéh iihfirius , tuo judhU chieni>'
hfiru
^9 Vit
politefle avec laquelle il l'avoît coin»
mencée , en donnant à Erafme le titre
de phénix , & du plus grand orner
ment de fon iiécle.
Erafmgfitréponfe le 15* Mai fuîvant
(«) Epiff. (a). Il prétend que ce qu'il a dit fur le
94. !• 1. défaut de mémoire des Apôtres dans
leurs citations > il ne Ta répété qu'a-
près Saint Jérôme ; qu'on n'en jpçjat
rien conclure contre l'autorité des Ecri-
vains Sacrés, puifqu'ils ont été infpi^*
rés par le Saint-Efprit dans les cho-î
fes effentielles ; qu'il ne nie point ïe
don des Langues dans les Apôtres ;
qu'il ne s'enfuit pas qu'il n ayent pu
apprendre le Grec dans le commerce
qu'ils avoicnt avec ceux qui parloient
cette Langue dans TOrient ; oue ce
qui pourroit faire douter qu'ils rayent
appris par Tinfpiration dû Saint-Ef--
prit , eft qu^on ne pouvoit pas dou-
ter qu'il n'y eût de la barbarie dans
leur ftyle ; que Saint Jérôme ne craint
point de foutenir en plufieurs endroits
que Saint Paul étoit fort peu habile
en Langue Grecque > que Saint Luc
eft plus favant en Grec qu'en Hébreu :
enfin il foutient la préférence de Saint
Jérômefur Saint Auguftin ; il trouve
très-mauvais qu'on l'accufe de n'avoir
jpas lû U^ Quvrages de ce Saint Doc;:
lîeùr, fur tout après cjû€ fes Livres font
-remplis des citations de ce Père , &
<iue Ton eft cottveou qu'il Tavoit com-
paré avec Saint Jérônaie. Il aflfure que
c*eft le premier des Pères qu'il ait lu ;
^u'il le relit tous les jours lorfqu'il eïi •
41 befoin , . & que plus M le lit , plus
il fe confirme dans fon fentiment que
»Saint Jérôme 4oit lui être préféré.
La Lettre d'Echius eft écrite avec
•beaucoup plus de ménagement que la*
.réponfe d'Èrafme » qui laiflfe entrevoir
rquelques mouvemens d'aigreur. Il crut
toujours (a)\qw ce Théologien étoit ,^. ^^a -
çr-évenu contre lui;& un jour qu'E-^i, l. |o!
•chius avoir parlé d'un Savant qui n'é«
:toit qu'un enfant en Théologie ( i ) * (h) Efifi»
Erafme (bupçonna que c'étoit lui qui S9^
:étoit défigné par ce trai^ méprifant. Il
n'eni. trou voit point d'autre çaifon , que
iè chagrin que ce Théologien pour
voit avpir de n'avoir pas été affez
Joué par Erafme. Bchius. ayant été in-
forme des fdupçons d'Erafme , lui •
-écrivit (c ) four lui protefter qu'il n'a- (c) Eptjt.
voit eu garde de l'avoir en vue lorf- So« *• $•
^u'il avoit parlé d'un enfant en Théor
iogie , puifqu il ne parloit jamais de
lui que comme du plus éloquent des
Théologiens. 11 ne lui diffimule pas
que fes lenteurs à écrire contre les
■^ Qv
57^ V î *
ennemis de la Foi lui avoîcnt déplia:
Un autre Doâeûr ^î |ufques-ià avoit
ité ^mi d'£f aftne , lui donna quelque
. f (d) Efift. chagrin; c'^toit Jean Briareus ( a )^
é^6. Efift. Vice - Chancelier de F0nîv«rfité de
* ' ^^'Louvain , connu fous le nom d'Aten-
ïis. Ils ëtoient fi lî^s, qu'Erafme fe prér
parant à donner la féconde Ëditidln de
Ion Nouveau-Teftamment , pria Ateô-
(h) Efili. fis ( h) d'examiner la prCTiiere , & de
lo^. L. i^, luj ^j^g naturellement ce qu'il en pen-
foit. Atenfis la lut , & prptefia à £ra&
me qu'il regardoit l'ouvrage cpmme
pieux , favant , & entierémem iïre-
prébenfible. La feéonde Edition n'eut
JCO Epî^. pas plutôt paru (c)q(i' Atenfis qui
'7;- ^tr étoit fort fulceptible deà imprefiioBS
P^^ qu'on vouloit lui donner , fe laiflTanc
gouverner par quelques Moines &
quelques Théologiens^ & déchaîna piah
bliquemcnt contre kf Nc^v^u-Teuâ-
tnénr d'Erafme , & rie traigmt pas de
dire qu'il ne lui reftoit plus d'autre
parti qu à mourir de douleur ou à fê
cacher. Erafme averti de ces invec-'
tives , pria Atenfis de lui foire part àt
ce qu'il avoit trouva à critiquer : Aten-
iîs lui envoya qudques remarques ; il
demandoit des explications qui remé-
diaffentau fcandale qu'il fuppofoit que
iquelques jndifcrétions d'Erafme pou^
B* E R À S u é: |7i
volent faite naître. ErafiAe travailla i
ces explications» & il les communiqua
^ Dorpius qui en fut content , à l*ar-
fiple près de la Confeilîon auriculaire ,
que Dorpius foutenoit avoir été infti*
tuée par JeCiis-Cbrin: , de dont il avoir
voulu qu'Ërafipiie cQnvint»
Cependant Atoiiîs qui avoit ut|
çaraâtere de bonté , & qui aimoit les
j^ettrcs , le repentie de l'éclat qu'il
^vQÎt fait contre Erafhxe ; il chercha
(es occafions de fe réconcilier. £ra&
yif (e i^ndiç facilement ; il y eut en -^
tr^evy une entrevue dans un Collège
de Xouvain. On convint d'oublier le
paffé : Atenlispronût de£ûre répara*
tien à Ërafme ; & £ra(me s'engagea
i ne ppitit écrire contre les Doreurs
deLouvain. La réconciliation fut fin-
çece. Atpnfis donna (a) une preuve (a) Eflfi,
très-fenfible de fon parfait rçtour. Le f • £. 7. '
Vruit couroit du Erafme avoit rappor- ^P{fi' ^^4.
té la pefte à ton retour d'un voyage ^^^•^gg^^'^'
de £iafle : malgré l'hprreur générale
contre un fléau (1 terrible , Atenils alla
rendre vifîte à Erafme. Il a crû que
cette difcuffion avoit caufé la mort
4'Atenfis (t)« Il étoit incommodé , f^) l^^5p^„^
lorfqu'on Feng^agea à fe déclarer con- fe à Hutw-
tre Erafme. Il étoit d'un tempérament nus.
çrès-foible^ les agitations de corps Se
' ^ Qvj
jjk V I «
d'efprît que cette difpute Imî occaa
lîonna , le réduifîrent à la dernière ex-,
trémité. En mourant, il fit déclarer î
Erafme qu'il mouroit fon ami & foh
ferviteur.
Ces querelles ne furent que les pré-*
liminaires de bien plus grandes dif-
putes. Le premier de fes adverfaires qui
fit un Ouvrage en règle contre fon
. Nouveau-Teftament,fut Edouard Lée;
Xa) ReA ^'^^^^^ "^ ^^^^^^ i^)* Maître -ès
pQtifii 17. Arts dans TUniverfité dc-Loûvaini
ad novâs qui dans la fuite fut employé dans les
•bjervai. affaires publiques d'Angleterre. 11 al-i
{b) Efijl.hi en Efpagne (i) eh qualité de Mi-
^^9* niflre du Roi : \\ releva Cutbert Tunf*
tal qui étoit intime ami d'Erafme. Lée
qui penfoit tout différemment , y por-
(0 EfiH. ta fes fureurs , & y caufa ( c ) de très-
^10. grands mouvemens contre Erafine,
dont on parlera ailleurs.
Apparemment que le Roi Henri
VIIl. eut lieu d'être content des fer-
vices de Lée ; il fut fait Archevêque I
(^)E|)î/î. d'York {d) en 15*32. Il fe trouva
'%il7* fort embarraflfé dans le tems de la ré- ,
volution de la Religion Catholique en I
Angleterre. Il étoit dans les intérêts ^
CO Burnet , ^^ P^P^ ^ ^^^ Burnet ( f ) ^ il en donna J
. }L» ^y des preuves toutes les fois qu'il put le ^
feire fgnj k perdre dan? Tefprit d»
x>'Erasms; 37 j'
Roi ! on s'en apperçut , lorfque dans
rAffenablée de la Province il eut tant
de peine à donner au Roi la qualité
de Chef Souverain des Eglifes d'An-
gleterre.
Il avoit été ami d'Erafme ( a) juf- (a)EfsJf;
qu'à ce que le Nouveau - Teftament *^4. Af-,
eût paru ; mais dès qu'il fut public , f
Lée fe déclara avec paffion contre ce
Livre : Erafme a même prétendu (t ) (^) Aver-^
qu avant que le Livre fe débitât , Lée ù&msBU
qui pour lors imoroit le Grec , s'é-
toit vanté qu'il, trouveroit bien des
chofes à reprendre dans la traduâion
d'Erafme.
Il a crû ( c ) que les ennemis qu'il ^^^ ^^^a
avoit à Louvain > avoient aidé Lee à 441,
écrire contre lui. Il eft cenain qu'il
en avoit beaucoup (d) parmi les jj) ^fijt^
Théologiens ; & pendant le tems de 74^.
cette difpute 9 ceux d'cntr'eux qui
étoient mal intentionnés pour lui ^
ayantfait des extraits des endroits qu'ils
défapprouvoient dans les Ouvrages
à'Erafme, les envoyèrent à Adrien ^
ai fut peu de tems après Pape fous le
Bm d'Adrien VI. pour Tindifpofet. \
encore contre Erafme , contre lequel
îl étoit déjà prévenu ; mais ils ne lui
"fctnfirent point par cette démarche : •
tar Adrien décida qu'ils faifoient troj^
574 . VîB
de bruit pour H peu de chofe. Erat
me inftruit que Lée avoit compofé
un Ouvrage contre lui , fit tout ce
qui dépendoit de lui pour prévaiiï l'&r
clat que pouvoit faire une critique oi
fa Religion n^itoit pas ménage. Il
X^) Efijl. écrivit à Lée ( £) pour lui repféfca*
*• ù 17» ter que Von pouvoit êtreaqtti, &cm
pas penfèr toujours de naême; mais
qu'il y avoit des procédés qui n'étoient
pas compatibles avec l'amitié ; que les
Sens étoient dé(âpprouvés d'Âtenfis
même leur ami commun ; qu'effejftiyef
ment il n'y avoit perfont^ejqui ne dût
trouver mauvais que Lée eût tout d^UQ
coup changé fon amitié en liaine , &
eût écrit contre lui pendant fon ab-
fence , fans qu'il eût eu le moindre
fujet de plaihte perfonnelle ; qu il na
jamais voulu avoir aucupe expÛcanoo
lorfquils fe font trouvés dans letiaê-'
me endroit ; qull a pris pour fujet de
fa critique un Livre,dont il {avok qu'oB
préparoitune nouvelle Edition ; qu'il
a envoyé fon manufcrit avec affeda-
tion dans les Monafteres où Eraime
avoit des eni^emis, y qu'il n'a jamais
voulu le lui communiquer, qudque
inftance que luien ait faite Atenfis. Il
' ^ fe plaint que fon Ouvrage étoit rem*
pii d'injures ; de m|me de meufonges f
b'Er ÀSMX. 57j
kinfi quePafluroient ceux qui l'avoient
viL Après avoir fait fes réflexions fur
cette conduite » peu digne d'un Théo-
logien qui avoit l'ambition de vouloir
pafler pour un homme de bien , £ra&
me déclare qu'il a parmi les Allemands
des amis^fiiélés» qu'ils ibnt capables
d'employer les voies de fait pour le
venger ; que ce ferott apurement con-p
tre les intentions i mais qu'il ne feroit
peut-être pas le maître de les retenir,
& qu^il croit devoir lui en donnei
avis.
Lée conientit (a) enfin à avoir une (a) Epijh
conférence avec Èrafme ; ils fe virent i» L. 17.
dans i'£glife de S. Pierre à Louvain,
Lée foutint qu'il avoit fait plus de trois*
cens remarques auxquelles il n'y avoir
Eoint de réplique; £ra(me£n demanda
i communication. U étoit perfuadé
qu'une pareille propofition ne pouvoic
pas être rejettée , fumout étant faite paç
un ancien ami : il promettoit d'en lai*
^e ufage dans la nouvelle Edition qui
n'étoit pas encore en vente , & de fai-
re honneur à Lée des changemens que
fès obfervations auroient occafionnés«
Non-feulement Lée refnfa une deman-
de (i raiibnnable ; mais il ne voului
avoir aucune explication fur les arci-.
çles qu'U avoit crû dignes de cenfurc*
g
17^ Vit '
Erafme voyant une fi grande obffinâ^
non , propofa à Lée de faire imprimer
fôn Ouvrage ; il s'oflfrit même de con-
tribuer aux frais de Pimpreflîon , &
d'y veiller :^ rien ne fut accepté paf
Lee, Il y a apparence qu'il n'ofoit pas
mettre entre les mains d'Erafme un
manufcrit, où il étoit traité avec la
plus grande mdignité. Erafme lui ayant
propofé de le foire voir à Thomas
Morus leur ami commun , Lée répons
dit que Morus étoit trop ami d'Eraf-
me. Cependant il fut queftion entre
Erafme & Lée , apparemment dans
Xa) Obfer.^^^ autre conférence {a) , de ce
44. éd qu'Erafme avoit écrit fur la Généa^
Lem. logie de J. Chrift ; & il lui fit part de
quelques remarques, auxquelles Erafme
(^) Oèferv. "^^ "" ^^ ^^^^ répondre (fc ).
4^. L'Ouvrage de Lée fiit long-temg
manufcrit avant dêtre imprimé. Ses
amis afluroient que c'étoient les in-
trigues d'Erafme qui en avoient re-
. tardé la publication ; ce qu'il atoujoui
traité de très-grande fauifeté.
Il parut enfin cet Ouvrage , qu*E-
(0 Efi/l. rafme appelle (c) une rapfodie feite
17. L. I T. pj^f ^ous fes ennemis , qui s étoient fer-^
Eprfl^ 907. cond, qui fut envoyé à Paris pour
& 999. êtiç imprimé. Erafme s'cft imaginé (J)
que le Syndic : Beda , un de fes plus
violens ennemis , avoit eu part à cette
féconde critique ; & ce qui fortifia ce
foupçon , eft que Beda en toutes oc-
cafions parioit d^ Lée comme d'un
Théologien accompli. Les critiques
de Lée donnèrent occafion à trois Ou-
vrages- Dans le premier ( i ) Erafine
fe plaint que la cenfure de Lée tom-
boit fur des endroits , qu'il avoit chan-
gés dans fa féconde Edirion. Il fait
beaucoup valoir Tapprobarion du Pape
Léon X- & il réfute avec force (,a)W Jt. OU
les plaintes de Lée contre la préten-/^''^*
jàue témérité d'Erafme , qui s'étoit
éloigné de la Vulgate i ce qu'il n'avoic
5)û faire, fi l'on en croit Lée, fans
bndalifer les Peuples , jjuifque c'étoit
leur faire croire qu'on innovoit dans
la foi , & fans donner un fujet de triom-
phe aux Hérétiques, parce qu'on les
mettoit en droit de dire , qu'ils avoienc
été condamnés fur l'autorité d'une
Ecriture que l'on avoit depuis re-
iettée. Iln'étoit pas difficile a Erafme
de triompher d'un adverfaire capable
d'avancer de fi grandes abfurdités. .
( i) Liber, quo refpondet annotationibus
tduardi Les, quibus ille loc9S aliquottaxart
çQnatus eft in qmtuw Evangdiù»
57^ Vis
Le fécond Ouvrage d'Erafrpe con-
tre Lée ( I ) eft une juftification de
fa foi attaquée fur difféïcns arcicles ,
dont on parlera ailleurs.
Enfin lirafme dans fon troifiéme Li-
vre (2) contre cet Ecoflbis infiilc
beaucoup fur le Bref de Léon X. Ces
trois Ouvrages furent finis en quarante
(a) Eft(/î. jours (a); & en cinquante ils furent
y 3 1 . compofés & imprimés ( ^ ).
(h) Epifi. On ne peut pas traiter un ^dver*
^^^^ faire avec plus de mépris qu'ETrafoie
(0 Aver- * ^^^ ^^^* * ^^^ '^ meure,difoit-il (c),
tiffement » fi dans fon Livre il y a deux bon-
du i.Livre. » ncs remarques. » 11 prétend (d) qi^c
Wo^/fr-les Anglôis avoient confeillé à Lée
Fof. II j. jg fupprimer la critique , qui ne pou-
voit que déshonorer fon Auteur , &
même fa Patrie. Il Tinvedive encore
plus durement dans TAvertiflement qui
eft à la tête de fa féconde réponfe. » 11
w eft fi ignorant , dit-il , qu on ne peut
30 pas même dire de lui ce que ceux qui
» veulent m'infulter difent de moi , il
9 n'eft qu'un Grammairien ; ( ce font
» fes termes.) Il a fi peu d'efprit , qu'on
30 ne lui trouve pas même le fens com-
. (i ) Liber alter , quo reffuiet reliquh Ob'-
fervationibus Eduardi LeK
(i) Refpûnfio ad annofati$nes Eduardi
hei in Erajmum mvas.
!>' E R A s M s. ^75f
»inun : il n'a que beaucoup de m^cnan-
» ccté. C'eft un jeune homme qui a le
9 maUxeur d*êtrc touroftoité par un dé-»
» fir violent d'acquérit de la gloire.
JT Telle eft ma deftinée > qu'il faut qua
aj'enfetgne ceux qui me critiquent ,
» & oue i'annoblifle ceux qui veulent
n me déshom)ren » Bilibade Pirkei-
mer n'avoit pas une meilleure idée
de la critique de Lée > qu'il appelle (a) («) Èf(fl^
une très-foUe inventive » dans laquelle ^^4*
il n^y avoit ni pudeur, ni efprtt» m
icience , ni enfin rien de bon. Ilavoif
même cpnfeillé à Erafme (b) de ne (h) Efijl;
point prendre la peine de répondre : ij. L« 1S9
c'étoit auf& le Sentiment de plufieura
autres de fes amis ; mais il craignit
que Liée ne s'en prévalût , & n'attri-^
buât à impuiflance le mépris qu'on au^
roit fait de lui. Il fit préfent au Roi
d'Angleterre de la réponfc aux criti-
ques de Lée {c). (c)EpiJlé
Il y a beaucoup de minuties dans les i* ^* x)«
Ecrits que cette difpute occafionna ; ce
qui a fait dire à Erafine (4) : » Si le (d) Aver-
» ledeur veut m'en croire , il ne per- tiflTement
• dra fon tem^ , ni à lire les calomnies ^" *:"^'^«
» de Lée » ni à entendre mes juftifica-
» tions. »
Cependant il y a quelque profit k
&ire dans la leâure des Apologies
J[8o V t B
'Erafme contre Lée ; & M, Dupîn
a jugé qu elles étoient très-utiles , par-
ce qu'elles contetioietit rexpUcation
& la critique de plufieurs paffages dif*
ficiles du Nouveau - Teftament. Les
réponfes d'Erafme font écrites d'un
ftylc très-amer j & une preuve bien
claire qu'il n'y a pas toujours rendu
juftice Lfon adverfaire, c'eftqu*ileft
^) Apolo- convenu ailleurs (a) qu'il avoit pro-
gie contre fité des remarquas de Lée. Il eft vrai
5utor. ^^>jj ajoute , qu'il lui étoit arrivé qu'a-
Î)rè$ avoir fait des cbangemens en con-
équence des critiques de Lée, il avoit
été quelquefois obligé de les corri-.
P^ Malgré la vivacité avec laquelle
cette difpute fe paiTa » quelques amis
U) Àdver- ^^^^^^^ d^Erafme & de Lée travail-
fùf Hune- Ic'^cnt l les réconcilier ( fc ) ; & il y
uam^ eut entr'eux une apparence d'accom-
modement. Plufieurs autres critiques
s*élever^nt encore contre Je Nouveau-
Teftament d'Erafme : Stunica , Ca-
X ranza , le Carme d'Egmond , Beda
le Syndic de Sorbonne , le Chartreux
Sutôr fe déclarèrent violemment con-
tre lui ; mais comme ce ne fut qu'après
qu'il eut abandonné le Brabant , nous
en rendrons compte plus bas.
JLe grand fuccès qu avoit eu 1^^
d' Ê R À s M ï; 58*
Nouveau Teftament d'Etafme , fit fou-
baiter qu'il voulût auflî travailler fur
TAncien - Teftament. Le Cardinal
Adrien ( £) qui peu de tems aprèsfut (a) Epift^
le Pape Adrien, l'y eihorta. Le Roi^^* ^* ^9»
d'Angleterre le pria auflî (i) de faire un (b) EfiJI.
Commentaire fur tous les Pfeaumes. »»•. ^^ *Xi
Plulîeurs autres perfonnes le défîroient j
mais une raifon fans rég^que lempé-
choit de fatisfaire à ces empreflemens :
il ne favoit point aiTez d'Hébreu »
pour être en état de bien commenter
des Livres écrits dans cette Langue i
fans la connoiffance de laquelle il
cft împoflible de les entendre parfai*
tement. Il avoit voulu l'apprendre dans
fa jeunefle ( c ) ; mais il n'y fit pas de C^) ^/>/y?;
grands progrès. Dans la fuite lorfqu'iP^-** -^-^«r
tivoit plus de cinquante ans , il voulut ^'^* .
s'y remettre : les mêmes raifons qui contre Fan
l'en avoierit dégoûtée fubfiftoient tpu-ber, Mtth^*
jours ; & fon âge plus avancé le dé- àus^
termina à abandonner cette étude. Il
fut fâché de ne favôir que très-inipar-
faitement cette Langue , lorfqu il fe
préparoit à donner fon Nouveau-Tef-
tament : car quoique la connoiffance
de la Langue Hébraïque ne foit peut-
être pas abfolument néceffaire pour
la parfaite intelligence des Evangélif-
jtes & des'Epîtres deS Apôtres , elle y
38^ -- V I B
eft cependant fort utile. C'eft ce qui
engagea Erafme à prier (Ecolampade>
un des plus habiles HébraiTans de CjS
C^cle , de Faidér dans l'explication de
quelques pafTages du Nouveau-Tefta-
ment. (Ecolampade étoit pour lors fort
Jja) Réppn- célèbre (a) par fa fcience &parl^
le â Léc j|)iété : il fe livra depuis entièrement
^ *• aux nouvelles opinions ; ce qui fit
quelque toif à Érafme chez fes enne-
mis.
Il n'avolt pas encore abandonné le
Brabant , lonqu'il fe trouva dans la
héçellîté de fe juftifier contre les re-
proches qu'on lui faifoit , d'élever Té-
tât-du mariage au-deffus de la virginité*
Il eft vrai que dans un Ouvrage fait
dans fa jeuneffe , & imprimé vingt ans
après qu'il eut été compofé fur Iji
louange du mariage , il avoit parlé peu
éxadlement. Il parut dans le têms que
les Luthériens par leuts écrits & par
leur conduite témoignoient publique-
(h) Variât, ment (b) que les vœux étoient une pîra-
L.i.n. 13, tique Judaïque, & qu'il n^ eh à volt
point qui obligeât moins que celui de
chafteté. C'eft ce qui engjagça les en-
nemis d'Erafme à le décrier, comme
. penfant de même que Luther. On in-
veftiva contre lui dans un afte public
i Louyaih j le Vice-Chaûcelier Aten-;
D*E R A s M I. 58^
ilis fe livra aux Complots de fes enne-
iftis {a). Erafme fit à ce fujet fon Apo- (a) Epifii
logie ( I ) qrfH dédia aux Enidians Botz.
de TAcadémie dé Louvain. Il donne
dans cet Ouvrage la préférence à la
virginité fur le mariage ; il fuppofe ce-
pendant qu^ii peut y avoir des circonT-^
tances ^ où pour un particulier Tétat
de mariage eft celui qui lui convient le
mieux.
Si Erafme s'étoit mal expliqué dans
fon éloge du mariage , ce n'eft pas qu'il
eût un fyftême formé fur cette matière x
car dans le traité du mépris du monde
compofé pendant fa grande jeunefie j
il avoit donné (fc) la préférence «^ft^cji.
télibat furie mariage. #> Je ne condam- *
» ne point, difolt-il> le matiage ; je me
» fouviens de ce qui a été dit , au*il
» vaut mieux fe marier que brûler J ap-
»prouye lémanagefeulementpour ceuit
à» qui ne peuvent s'en paffer : je con-^
» vièfts qu il n'eftpas mauvais ; mais il
» eft fuivi de bien des mlferes , &
» comme le célibat eft beaucoup plus
)B avantageux , il eft auffi plus heureut
1» en une infinité de chofes. »
( I ) Afdogia frc êpclamasiêne hkurim^
nii , Lùvanitnjk dcaiimitc dm frimas in*
çlitm Jludiofit» ,
5»4 ' . Vi«
Il y avoît dëja eu une Êdîtîon àei
^ Lettres d'Erafme ayant qu'il allât s'é-
tablir à Bafle. Plu(ieurs années aupa-
(a) EpîJI. ^^^^^^ îl avoit écrit à un de fes amis (a)
'30. L. juderamafler autant qu'il le pourroitles
meilleures Lettre,s qu il avoit écrites :
car, ajoutoit-il, » mon intention eft
a> de donner au public dans un volu-
» me mes Lettres à Corneille de Ter-
9> gou y à mon cher ami Guillaume
«> Hérman , & à Servais, » Rhenanus
ïb'iEpffk ^"^ ^^^"^ ^^) ^"^ donna la première
j^^^ xf Edition des Lettres d'Erafme, Il a
prétendu qu'elle n'avoit pas paru fous
aes auspices favorables : elles avoient
tc)Eti/f. ^^^ imprimées ( c) avec peu d'exaûir
yjf L. 3. * ^"^^ î cependant elles avoient été en-
levées avec le plus grand empreffe-
ment , dès qu'elles javoient été en ven-
te. On en demandoit une nouvelle Edi-
tion ; on avoit même menacé Erafme
de faire imprimer toutes celles qu'oçi
pourroit ramaffer malgré lui ^ sîil re-
îufoit de les donner lui-même au Pu-
blic. C'eft ce qui l'engagea à en faire
un recueil qu'il envoya à Rhenanus y
à qui il écrivit le 27 Mai 1^20. pour
le prier de faire choix des Lettres qu^il
croiroit êcte dignes d'être publiées.
Il le prie en meme-tems d'y faire les
cprrediqns qu'il croiroit neceflaires,
foit
foît en fupprimant ce qu'il croîroit pou*
voir nuire à la réputation, foit en rer
tranchant ce qui pourroitoiFenfer quel-
ques perfonnes. Il aflure que dans fa
jeuneue il avoit écrit beaucoup de Let«
très , & lorfqu il étoit parvenu à un
âge viiil ; mais qu'à peine en avo:t-il
écrit une dans l'intention qu'elle fût
imprimée ; qu'il ne fe propofoit que
d'exercer fon ftyle , de fe défenjiuyer
& de badiner avec fes Amis. Il ra-
conte à cette occafion , que lorfqu'il
étoit à Sienne , Pifon , Ambafladeur .
du Roi de Hongrie près de Jules II. fe
trouva aufli dans cette Ville ; qu'ayant
été chez un Libraire, il avoit vu un
roanufcrit des Lettres d'Erafme ; qu'il
l'avoit acheté & le lui avoit envoyé ;
que quoiqu'il y eût peut-être diverfcs
chofes oui n'étoient pas indignes d'être
fçucs , il Tavoit cependant jette au feu.
Il ajoute qu'étant revenu en Brabant ,
il avoit appris que plufieurs perfonr
nés avoient des manufcrits de fes Let-
tres 5 qu'il en avoit brûlé autant qu'il
en avoit pu retirer ; mais que ne pour
Mint pas fapprimer tout ce qu'il y ea
avoit d'exemplaires , il avoit enfin con-
fenti qu'on en imprimât quelquesrunes
de choifies ; que c'eft ce qui lui avuijt
fait prendre le^parti de les revoir , d'a-
Tome !.. R
^$6 V 1 B^
. jûuier quelque explication 4 ce qiâ
avoit été mal interprété, de rctran*
cb^ quelques endroits qui avoientdé-
plu à des gens qui s'offenfoient aifé-
roent , & d'en adoucir quelques autres.
Ces précautions ji'enapecherent point
<]ue ^Edition de fcs Lettres ne lui ait
doïîné du chagrin , furtout depuis les
difputes que Luther avoir occafîon-
fiées , qui étoient <aufe que fouvcnt
Fon interprétoit mal ce qui avoit été
écrit à bonne ititention , & que l'on
fle vouloît point foire attention que ces
chofes avoient été écrites avant qu'il
fôt (pieftion de Luther.
■ Ces difpofitions de gens mal ititeQ>-
tiownés faifoient fouhaiter àErafmequc
^Edition de fes Lettres ne parût point :
il en écrivit à Froben ; il le pria de les
fupprimer , ou du moins d'attendre à
ks publier qu'il fut arrivé à Bafle.
Mais l^Edîtion étoitprefque finie ; &
'Proben dédara qu'il ne pouvoir pas fc
•difj^nfer de la faire paroître : c'eft ce
4qui détermina Erafroe de preffer Rhc*
napus de veiller à ce que cette Edttioi
4ui procurât be moinsde chagrio qujil
-ferme poiSible; il offre de faire ks tm
^s éafftotts qu'il jugera à propos de
iîiettrèw li n'y a pas d'apparence que
•Ehenanus ait fait ufoge de la liberté
que lui-donnoit Eraûne,
d^Ebasiie. 587
: Ces Letrces curent un très -grand
fiiccès. Il £n donna onenbuveUe £di<-
non le 7 Aqùï is^9* for les itoflaoces
de Jérôme Froben y qui l'aflura que
éepub deux ans les Savans les deman*
4oienta\nec emprefifement* Il les revit »
eo ajouta de nouydles»j& les diviâ
eo livres^ ^ans avoir égard à l'ordre
des tems* Jl y tn a escoce pïuficurs (a) (a) P.tpe-
aui ne font pas imprimées ; M. le Car* blo um , p,
dmalEaffianci en a découvert quelques- î * T*
unes à Rome » dont il a eu la bonté de
me donner communication.
Les Lettres d*Erafme tiennent un
Tang diftingué parmi fes Ouvrages:
C'eft une des plus agéables lefturei
qu'il foit poflible de faire : non-feule-
ment on y apprend la plus grande par-
tie de la vie d'Erafme ; on y voit auffi
i découvert fon eara<9tere, fon efprit 9
fon enjouement ; il y a aufli un très*
giand nondjre d'Anecdofes Littéral-'
res. Scaliger le fils les met (i ) au rang ^^) ^^^7^.
de fes meilleures Œuvres; & Suver-^^roua.
tius, dans fon- Athene Belgique, en
)Orte ce jugemw 9 qu'elles ne font
as un de fes moindres Ouvrages ; que
on y apprend toute fa vie ; que Ton
yvoif fon génie, fon caradere, fes^^^j DeSa-
niœurs, fon érudition & fon ame. CTiV-fi^nnâ^ l.
^n a remarqué (c) qu'elles étoicnt j»i>. i^^
Rij
^88 Vil," &c,.
icritcs avec tant d'art , qu'il y difok
ks chofes les phis hardies de façon
qu'on ne pouvoir pas lui en faire un
crime. Morhof ( i ) après en avoir loué
les agrémens & les fineflcs , ajoute que
le ftyle n'en eft pas mauvais ; qu'il ne
faudroit cepeodant pas le prendre pour
modèle, quoiqu'il (bit aifé & naturel.
Dolet parle de ces Lettres avec le plus
grand mépris ( 2 );mais il étoit dans un
moment de fureur qui lui ôtoit l'ufage
de fa raifon.
< I ) Eretfmi Eptftolh nihH tfi fuavtus &
âcutius^ Latittifas in illis non mala ; nw
^uidem talit > quant ad imitandum aliquh
proponere ftbi deùeat , fednatwa ,^ extemfo^
ralis , & inttrdum aliquem ex rehus coîo*
rem trahens, Morhofius dans Val^ius , ilift.
crit* Latinx Lingùse , c. ii* n. lo»
( * ) Ahjeâiè, frigide , jejanè fcrifta ;
fordida Pmnia , impur a cmnia ^ m aie cklra
•mnia* Dolet ^ Dialogus de inûtatione Q«!
ceronianâ, p^.i^«
r
V I E
D'ERASME
LIVRE TROISIEME,
Igui contient fin hijloire pendant le tenu
qu'il demeura à Bafle*
LEs pcrfécutiopf continuelles
qu'Erafme avoic à foufFrir dans
le Brabant de la parc des Théolo*
giens & des Moines » les inftances
réitérées qu'on lui faifoit d'entrer dans
des controvcrfes , qui ne convenoienc
ni à Ton carai^ere ni au genre d'é-
tudes qu'il avoit embraffé^ , lui firent
enfin prendre la réfolucion de s^expa-
trier.rll n^ avoit point de pays dans
l'Europe ou il n'eût pu faire un éta-
bliffement avantageux : on le défîroit
E)ar-tout ; & il y avoit peu d'Etats ou
*on ne cherchât à l'actiret par les'
oâres les plus rédui&nte3« Il donna
R iij
^pô Vie
la préférence à. la Ville de Êafle, oS
I^n travaiUok i la troîfiéme Edition
de fon Nouveau-Teftament.
Le célèbre Jean Frohcn, quiho-
noroit la profeflîem de Libraire par
* fon zélé pour la Littérature , & par
dQS vertus qui tôuchoient plus Eralme
que toutes les grandeurs du monde ,
fcujiaitok avçjç^pflîoa iiîi'ilj£,.fi?âj:
à Bafle. Dès l'an 15 17. il avoir dit
.^ àLouisBeras (^) un des bqn^ amiJ
12 p. Âp- aÉrafme. , que s'il vouloir venir à
fend. Bafle , il lui offroit fa table & cent
écus d'or par an. Ce fut Louis Be^
rus qui fit part à Erafme dfe ces pro*
pofitions : il lui oflfrit en.même temsde
partager ia fortùriei mais ES-^fme étofc
J)0ur lors trop à fon aife, & airiiok
trop l'indépendance , pour fc mettre
€ri quelque forte aux gages d'un Li-
braire. Cependant les dégoûts qu^rf
effuyoit dans le Brabant , & Tamotir
de îa^ libené, f engagèrent à fe re-
tirer dans une Ville oiîi il étok aimé
& eftimé , où il pourrdit Vcitler fanf
peine à rimprelfioft de fes Ouvrages,
& oà il fe flattoit qu'il trouveroit une
tratiquitlité , qu^il ne pouvoit pas cf-
p'érer de rencontrer ailleurs.
Ce fut dans T Automne de Fannée
%S^i* <^'ii fe mit car chemin potf^
r
Bafle. Ses J^ettres nous apprennent (a) (a) Epfl
qu'U étoit encore à Andçrlacle z^^9S*
Septembre de cette année , & qu'U
^toit armé à Bafle dans le mois de
Novenobre (b). Il avoit pris la pr4.- (*) ^p^J^*
caution de conferver toujours à Loor ^^^* *
vain une noaifon , foit pour feiçe croire ^^^*
que ce n'étoit pas pour toujours qu'U
«Mloignoit du Brabant ^ foit enfit
pour s'y retirer , s'il étoit <^ligé d^
fortir de Bafle.. Il chargea ( c ) le ftro» (c) Epift.
fefleur Conrad Goclenius de lui. louer 'î* ^ )<>•
cette maifon ; il lui rcconsiBaand.e qu'elle
foit commode , & qu'il y ait un jar-
din , & qu il en confère avec le Doc-
leur Dorpius,
Le projet qu*Erafme avoVi formé
é'aUer k Bafle ^ n'étoic point un myf^
tere : il y avoit fix mois quHl fe préf
Çaroit publiquement à ce voy^e» Le
Téforier de rEwç>ereur eiu: Tatten-
lion ( (/ ) de lui avancer ia penfion 2 (d) Epijl.
eependanj fes enj^emis firent courir Ifi^. U *}«
bruit dans h fuite , que ce voyage
avoit été une évafton fecrettet . Il: nl\
cependant conftaftt quli l'avoit; dil k
plusieurs perfonnes ; qu il n'av<3ii t ree^r-
idé fon départ , que pour attendre q^e
les chemins fuffcnt plus beauK j qu'it:
^voit été fix )our$ à Louvala dftfts vm^
Auberge jpoat laii^er quelque ar^^
R iiij
5pi V I K
gentj & qu'il y avoit vu le Nonce
Aleandre ^ à qui il avoit feit part de
fon voyage.
- Peu de tems après il fe mit en chemin.
Il trouva à Tena un Ofiicier qui avoit
tine efcone confidérable ; il alla avec
lui jufqu'à Spire : là ils fe féparerent.
Erafme avoit pris fon chemin par Co-
blens : il cooîptoit en fortir fans voir
perfonne j mais l'Gfficial ayant fçû
qu'il étoît dans la Ville, vint le cher-
cher , & l'obligea de venir dans fa
maifon : il alla enfuite à Mayence. U
auroit fouhaité faire fa cour au Cardi-
nal Archevêque; mais il n'y étoitpas:
il y vit Capiton. De Mayence il alla
à Wormes , où il auroit voulu voir
Hermannus Bufchius : il envoya le
chercher dans la Ville ; mais on ne
le trouva pas. Pendant ce tems-là
Mr^l'me étoit fort mal à fon aife dans
une chambre où il y avoit un poêle :
- il s'apperçut que fa fanté qui étoit affez
bonne , tonamençoit à s'afFoiblir j ce
qu'il attribua plus à la puanteur du
poêle 9 qu*à la chaleur de Wormes. Il
viflt en grande diligence à Spire ; il
alla âefcendre chez Thomas Tbruc-
fes qui en étoit Doyen. Il avoit fou-
vent invité Erafme de venir chez lui ;
d'aiUeur^ toutes les Auberges étoknt
d'Er.as.mï. ^ 5P5'
remplies de Soldats. Il étqît tard : le
ï)oyen étoit à table avec plufieurs Cha *
nqines; Erafme s*y mit avec eux. Le
poêle étoit fort chaud 5 Erafme s'en
trouva bientôt incommodé : il fut
deux jours à fe rétablir. De Spire il
fe rendit 1 Strasbourg , où il donna
deux jours à fes amis : de-là il alla
à Scheleftad , à Colmar , & enfuite à
Bafle> accompagné de Rhenanus. Il
y fut reçu avec les plus grandes dé-
monftrations de joie. Dès que TEvê-*
que de Bade le fçut arrivé , il lui écri-
vit , pour lui témoigner la fatisfadlioû
que lui donnoit fon retour. Les Ma-
gîftrats , les Éccléfiaftiques , les Pro-
fefleurs vinrent lui faire leurs compli-
mens. Toute la Ville qui avoir défiré
avec empreflement fon retour à Bafle ,
avoit été informée qu'il devoir venir
plufieurs jours avant qu'il arrivât : ce-
pendant fes ennemis n'avoiçnt pas rougi
de répandre le bruit , qu'il étoit allé
à Wittemberg faire profeffion publique
du Luthér^nifrae.
Il fe porta aifez bien à Bafle tant
Îp'on n'y alluma point les poêles. Le
roid étant devenu fi grand qu'il étoit
impoffible de fe paffer de feu , Erafme
confentit qu'on les allumât; mais à con-
d.tioa qu'on n'y mettroit que peu de
.5P4 VIE.
bois. Cette complaifance lui coftw
cher : il lui furvïnt un débordement
de pituite > fuivi d^accès violens de
gravelle ; enforte quil n'y avoit point
e jour qu^il ne rendît du gravier:
fon eftomac eii même-teiïis fe déran-
gea. Cet^tat malheureux n'empêchoit
5 oint qu'il n'étudiât avec beaucoup
'application : il revit fbn Nouveau-
iTeftament ; il fit fa Paraphrafe fur S.
Mathieu qu1l dédia à TEmpcreur. Ce-
pendant ce Prince fe préparoit à for-
tir du Brabànt , & ayant d'aller
en Efpagne , il avoit projette de pafr
fer en Angleterre pour y voir le Roi-,
& prendre avec lui des arrarigemens
contre la France. Le voyage de l'Em-
Sereur ayant été annoncé , les amis
'Erafme lui écrivirent qu'il conye-
noit qu^il vint faire îa coiir à l'Empe-
reur avant fon départ. Sur le champ il
(4) Eftji, écrivit {a)ï Jean Carondelet Arcne-
.47. L. 19. vêque de Palerme , Miniftre de l'Em-
pereur^ que fur les nouvelles quil
avoit. reçues du prochain déport de
^ Charles V.^ il alloit partir pour Bru-
xelles , pourvu cependant qu'il fût fut
d'y arriver avant que l'Empereur fût
en chemin pour fon grand voyage. Il
prie en même-tems ce Prélat de lui ac-
corder fà proteélion^pour le faire payer
d^Erasmb; 3pf^
à I avenir de fa penfion , & pour en*
gager l'Empereur à le défendre contre
fes calomniateurs. 3» }e me conduis ici,
» dit-il , de façon que tous les Lu-
» thérieos ont pour moi une haine vio-
9 lente > qu'ils me déchirent par leur^
9 injures & par leurs libelles. Erafme
m he manquera jamais à la Foi Chré^
» tienne , ni à la gloire de l'Empereur.
9 Je ferai de mon mieux pour que ce
» Prince ne fe repente jamais de m'a-
» voir honoré du titre de fon ConfeiU
a» len 9
Il reçut apparemment des nouvel-
les , que pourvu qu'il fe preflfât , il
feroit encore à tems de faire fa cour .
à l'Empereur avant fon départ. Il fe mit
donc en chemin (a) pour le Brabant ; M Ep\^.
mais il ne fut pas plutôt arrivé à Sche- ^°* ^' ***
leftat , qu'il eut un graijd accès de fiè-
vre caufé par la chaleur qu'il avoir
eue en chemin : il fut quatre jouris à fe
rétablir chez Rhenanus , après lef-
quels il jugea à propos de retourner à.
Bafle , d'où il écrivit à la Cour que fa
lànté n€L_lui avoit pas pei^is d'aller à
Bruxelles.
L'Empereur reçut très-bien fes ex-
cufes. Il le mit en chemin pour l'An- (^) Rap^^
gleterre ; il arriva à Douvres (6) le Thoiras .
z6 Mai IC22. fie il fe rendit à Lon-* 5- ?• i^^-
Rvj
3P^ V i X
dres. Dans un repas oi ce Prince fe
trouva avec le Roi d'Angleterre , il
fut queftion d'Erafme; Charles V. en
parla très-honorablement ^ & fit un
très-grand éloge de fes Ouvrages:
quelques-uns de ceux qui fe troqjferenc
préfens à ce repas , apprirent a Ijraf-
me ce qui s'étoit dit dans cette con-
verfation. Le Pape Léon X. venoitde
mourir ; & il avoit eu pour fucceflfeur
Adrien VI, qui quoi qu*abfent de Ro-
me , avôit été élu d'une voix unanime
le p Janvier i5'22. Erafme ayant ap-
pris cette éleâion , crut devoir écrire
au nouveau Pontife , dont il étoit con-
(a' Eftfé nu- 11 lui mande ( a ) qu'il n'aura point
,^. U zj. recours à la Rhéthorique,pour lui feire
fon compliment fur la plus grande des
dignités à laquelle il vient d'être élevé,
puifquil fait de fcience certaine, que
ce n eft qu'avec la plus grande répu-
gnance qu'il a accepté le Pontificat J
que s'il ne ne lui eft pas permis de con-
gratuler Sa Sainteté , c'eft une nou-
velle raifon defe réjouir avec TEglife
de réleftion d'un Chef,qui a toutes les
vertus qu'exigent les malheureufes cir-
conftances dans lefquelles fe trouve le
Chrift.anifme. Il lui adrefla en mêroe-
tems l'Edition du Commencaire d'Ar-
nobe fur les Pfeaumes. Il finit par fup:
d' E R A s M K 59*7
J)fier Sa Sainteté de vouloir bien fuf-
pendre fon jugement fur les calomnies
que fes ennemis pourroient faire con-
tre lui , jufqu'à ce qu'il fe foit juftifié.
Le Commentaire d'Arnobe fur les
Pfeaumes qu'Erafmç dédia au Pape (a) (4) Eptfl.
Sir une Epître dédicatoire datée de 9* U i8*
afle le i Août lyaa. vènoit d'être
découvert depuis peu à FranckendaU
Ërafme en Toffirant au Saint - Père y
lui rappelle qu'il avoit autrefois étu-
dié la Théologie fous lui. Il croyoit
que cet Ouvrage étoit du même Ar-
nobe qui a écrit contre les Payens j
mais il a été en cela abandonné de
tous les Critiques (i ) qui font perfua- (i)TiIIem#
dés qu'Erafme a trop loué ce Com-t.4.p.f74.
mentaire, & qu'il n'a été fait qu'après ^'^- choi-
le Concile de Calcédoine. On prétend %' ^\^*
^ ' ' r j» A* P.00.0C87.
que Cujas avoit li peu d eltime pour Sixuis Se«
ce Livre, qu'il difoit que c'étoit lenen(îs,B;A.
feul dont il n'avoit pu tirer aucun pro-y^»^. L, 4«
fit. Erafme écrivit encore une autre -^^P^"
Lettre au nouveau Pape , dans laquelle ^ j^-""cave*
il offre de faire part a Sa Sainteté par hift.B-^.F^-
des Letres fecrettes , d'un moyen qu'il bricUy t. u
croyoit capable de rétablir pour long p« t7o.
tems la tranquillité dans l'Eglife ( c). /^) £a,^,
» Si vous l'approuvez, ajoute-t-il, il ne i, L. 13.
» tiendra qu à vous d'en faire ufage ;
»fi vous le défapprouvez , là chofe
^^n • Vu
li n'aura pas défaite » parce qu'il n*y
>• aura que nous deux qui en ferons
» inftruits. » Il finit par fupplier Sa
' Sainteté de vouloir bien être fiavora-
ble à la Ville de Bafle dans une afiai-
re jufte , dont il n'explique aucune
circonftance : il aflfure le Saint - Pcre
Qu'elle avoitun fi grand attachement
pour le Saint-Siège , furtout à caufe
du Concile qui y ayoit été célébré au-
trefois , qu'elle méritoit la faveur de
Sa Sainteté.
Il eft fingulier qu'Erafme dans une
Lettre de recommandation au Pape,
n'ait pas craint de rappeller le fouve-
nir d'une Aflemblée auflî odieufe à la
Cour de Rome , que l'étoit le Concile
de Bafle-
Les amis même d'Erafme n^étoient
<^)Ilépon-pas trop perfuadés (^) que le Pape
afe à Hutte- recevroit avec bonté fes avances. Ses
«us. ennemis avoient tâché d'indifpofer le
Saint- Père contre lui , *en le repré-
fentant comme un homme qui n'avoit
aucun zèle pour la Religion Catholi-
que , & qui favorifôit entièrement, &
même par fes écrits , indireAement a
la vérité, les erreurs nouvelles qui eau-
. foient tant de troubles dans TEglife
C)n fot bien furpris , lorfque les Bre»
que 5a Sainteté lui adrelïa , forcJH
i>'Er AS M E. 39î^
tendus publics. Le premier eftdupre-
Inièr Décembre IJ22. (a), Adrien (a) EpiJI;
déclare, qu'il a reçu les Lettres d*Eraf- 3« I- }•
me & fon Epître Dédicatoire d' Arno-
be avec un très-grand plaifîr j qu'il
les a relues plus d'une fois , parce
qu'elles venoienc d'un homme dont il
à toujours extrêmement eftimé l'éru-
dition , & à caufe du refpe(a qu'il y
témoignoit pour la Religion &c pour
là perfonne. Il ne diflîmule pas qu'on
d cherché à le prévenir contre lui ,
& à le rendre fufpeâ: de Luthéra-
nifine; mais qu'il n'ajoutoit pas faci-
lement foi aux délations qu'on lui fai-
foit , fur-tout contre les gens doues
& vertueux , qui font d'autant-plus fu-
jets aux traits de l'envie , que leur
doârine eft plus éminente. Il l'ex-
horte à écrire contre les nouvelles
héréfies , ne pouvant pas faire un meil-
leur ufage de fes rares talens , qu'en
les employant pour la défenfe de
i'Eglife ; ce qui étoit le meilleur moyen
de confondre ceux qui vouloient ren-
dre fa foi fufpede. Adrien finit par
j>arkr à Erafme du tems qu'ils avoient
autrefois paffé à Louvain , occupés
tous deux agréablement de l'étude ; il
l'invite de venir à Rome après que
l'hiver fera paffé , pour y travailler
400 V I K
contre les ennemis de l'Eglife > il liu
offre Tufage de fa Bibliothèque ,
d'avoir avec lui de fréquentes conver-
fations , & de lui procurer des confé-
rences avec ce qu'il y avoit de plus
pieux & de plus lavant à Rome. » Nous
9 aurons foin que dans peu vous ne
*> vous repentiez pas , ni de votre voya-
» ge , ni de vos faints travaux , dit le
a» Pape , ainfi que Jean Faber très-
9 zélé & très-dode , votre ami parti-
» culier & votre grand Panégyrifte,
93 pourra s'en expliquer plus au long
» avec vous, ou de vive voix oupai:
» écrit. M
Le fécond Bref du Pape Adrien VI.
à Erafme fut écrit moins de deux
- mois après celui-ci; il eft du 25 Jan-
(a) Epîjl. vier 1 5-23 ( a). Il y répète à peu près
4. L.I3. 1^5 mêmes chofes : il paroît fouhaiter
avec emprefiement le confeil fecret
dont Eralme lui avoit parlé; il le preflê
encore de venir promptement à Rome,
à moins qu'il ne vît clairement qu'en
reftant à Bafle , il feroit plus utile à
Dieu & à l'Eglife. ' Il promet d'expé-
dier promptement l'affeire de la Ville •
en faveur de la recommandation d'-E-
rafme,& de Taitachement de cette Ville.
{h) Epli. ^^ ^aint Siège. Erafme en conféquence
i. L. %7. des ordres du Pape, lui envoya (^)
d'£ R A s me; 401
le projet qu'il avoir formé pour ré-
tablir la paix dans l'Eglife. Qet Ecrit
fi intéreffant ne fubfifte plus ( i ) ;
mais ce que nous favons d ailleurs des
fentimens d'Eralme , nous met en droit
de conjedlurer qu'il confeilloit de re-
trancher les abus , d'accorder le Ca-
lice aux Laïques , le mariage aux Prê-
tres , en un mot tout ce lut quoi l'oii
pouvoit fe relâcher , fans altérer le
fond de la Religion. Erafme afliire
qu'Adrien ne fut point offenfé de fa
liberté ; mais que cependant il ne lui
fit point de réponfe, ce qui lui fie
croire que fori confeil n'avoir pas été
approuvé par le Pape.
Ce n'étoit pas feulement Adrien qui
Idéfiroit avec empreffement qu'Erafme
vint s'établir à Rome ; les Savans de
cette Ville lui écrivoient ( a ) les let- (a) Eptjf^
très les plus preffantes pour Ty attirer. ^* ^* ^h
Le Cardinal de Sion fur-tout l'en fol-
hcitoit très-vivement : il lui en fit par-
ler par plufieurs perfonnes ; il lui en
écrivit même deux fois des lettres rem-
plies d'amitié. Il lui faifoit entrevoir ,
3u il n'y avoir rien donr il ne pur fe
arrer s il venoit s'établir à Rome ; &
( I ) A moins que ce ne foit la Lettre
vingtième du dix- huitième Livre > ^uc nouir
À'aTons pas eiuiéie.
40a V I B
indépendamment des grandes e%éran-
ces qu'il lui feifoit entrevoir , il pro-
mettoit âe lui faire une.penfion de cincf
cens ducats par an > & de payer les
frais du voyage. Sylveft.er Prieras ^
Maître du fàcré Palais « qui avoir beau«
coup de crédit à la Cour du Pape t
lui écrivit en meme^tems, qu'il ne pou*
voit rien faire de mieux que oe fe
rendre à Rome.
Tant d'inftances fi gracieufa & fi
îéiterées triomphèrent enfin de fes ré-
pugnances.; il le mit en chemin pour
Confiance malgré tous fes amis de
Ba.fle. Son dçfein étoit d'aller de Conf*
tance à Rome* Il étoit accon^agné de
' Kh^nanus &c de Henri EppendorâF»
dont il étoit aufli fatisfait pour lors que
dans la fuite il en fut mécontent j il le
regardoit comme un homme de condi-
•c- tion très^inftruit , & d'une fociécé
très-agréable. Ils defcendirent à Conf-
tance chez le Chanoine Jean Botzemc
fon intime ami , qu'il repréfente com-
m€ un modèle de poUteCTe & de can-
deur , & comme îanni des Grâces &
^ des Mufes. Tout refpiroit le bon goût
(4) Eptfl. ^^^^ ^^ maifon ( a ) ; & le Maître ca #
j8. L. lo.éroiî^ fi gai & fi aimable ^ que fes
manières , fuivant les exprelfions
d'Erafme, étoient capables de reffufî.
citer un mort.
d' E R Â s M E. 4^)
La première chofe qu'Erafine lui
demanda , fut de ne prier perfonne à
jnanger avec bi : car outre qu'il n'ai-
moit pas les rq^ nombreux , il écoic
fort &tigaé du voyage y & d'ailleurs it
amt aâuellement un accès de grarelle.
Dès que fEvêque de Confiance le fçut
arrive , il vouktt lui donner à manger ;
mù& Bcitzeme repréfenta ii ce Prélat ,
que k famé d'Eraâ&e ne lui permet**
toit pas d'accepter Fbonneur qu'il vou-
bit lui foire. L'Evêque content de cet*-
u excufe^cnroyapar fon Maître-d'Hôw
tel quelques perdrix à Erafme : il lui
fit en même^tems offrir tout ^e qui
éxm cher Im ; & Erafme profita de
tette borne voloBté* Il étoit traité
avec tsn; d'amkié &tanc de confldé-*
rsKion , qo'il n^avost rien à défirev
Savane meilleure &nté; otrl'accabloit
e prëfens :: les uns^hii envoyoient du
via excellent , d'autres du gibier ou
eu poiffon ; les Magîftrats lui firent
le préfent de Ville : des Muficiens ve-5
iK)ient lui donner une iérénade pour lui
feire honneur; c'etoit ainfi qu'on ho-
îK)roit les Etrangers d'une grande con-
fidération. Lorsqu'il fut an peu réta»
Wi de fon accès de gravelle , il reçut
les vifites de quelques perfonnes choi*
S«$» L'Evêque voulut abfolument lu^
404 V r s
donner à manger. Botzeme pria le Pré-
lat que le repas ne fut> pas. nombreux j
parce qu'outre qu'Eraune les haïffoit,
fa fancé n'étoit pas encore affez bien
rétablie : TE vêque fe conforma à fes
înteimons ; & il n'invita que la com-
pagnie ordinaire d'Erafme. 11 alla en-
fuite rendre vifite à Ennius Filonardus
Evêque de Veroli , Nonce du Pape :
ils étoient en commerce de Lettres. Il
reçut Erafme avec les plus grandes
démonftrations d'amitié;ils fiirent long-
tems feuls. Cétoit un Prélat d'une
grande expérience dans les affaires (a)i
(a) Ughel* il avoit été queftion de le faire Cardi-
lus, italU nal dès le Rontificatvde Iules IL mais
facra , M. ^g Souverain Pontife étant mort avaat
'•'^ ^* d'avoir pu donner des preuves de fa
bonne volonté à Ennius , il neiiit bo»
noré que long- tems après de la Pouqpre
Romaine,fous le Pontificatde Paul ÏII*
Il étoit prêt à retourner en Italie î il
preflbit Erafme de l'accompagner : c'é*
toit bien fon intention. Il avoit réfolu
d'aller paffer quelques jours chez le
Cardinal de Trente , qui Thonoroit de
fon amitié , avant d'aller à Rome. Ses
amis avoient beau lui repréfenter, que
fa fant<^ p'étoit pas affez bonne pour
qu'il entreprît un auffi grand voyage
que celui de Rome : il n'écoutoit point
t>' E K À s M E. 40y
leurs remontrances ; mais un nouvà
accès de gravelle lobligca de changer
jde fcntiment , & de reprendre le cne*-
min de Bafle , après avoir demeuré près
de trois femaines à Conftance : avant
de revenir chez lui , il alla à Schaf-
foufe.
Etant de retour à Balle , il voulut
goûter ,du vin de Bourgogne dont lui
avoit fait préfent Nicolas Dielbac>,
Doyen & Coadjuteur de Bafle. Le
goût pe lui en plut pas d'abord beau-
coup ;. mais fon eftomac s^en trouva fî
bien qu'il fe crut rajeuni. Il s'imagina
que ce vin étoit un excellent préferr
vatîf contre la gravelle , dont il attri--
buoit les fréquens & videns accès aux
vins de Suiite : dans cette idée il bif*-
fa entrevoir, que s'il étoit difficile de
tra»fporter du vin de Bourgogne à
Bafle :> il pourroit aller s'établir eh
Bourgogne; il en dit quelque chofe à
l' Archevêque d'Embrun, qui pourîors
étoit Ambafladeur de France en SuiC-
f#, & qui rendoit fouvent des vifites à
Erafme. Ce Miniftre promit d'obte-i-
nir un pafleport du Roi ; le Cardinal
Jean de Lorraine , Budée , Bcraud ,
Brice le •foUiciterent : le Roi l'accor-?
da avec plaifir ; & la première fois
qu il vit Bud^e après que le pafleport
4^tf V I » ^
eut été expédié , U bî dit : » E4
-m bien , nous aurons donc bien-tôt le '
M Fevre chez nous ? »- Budée ayant
xépondu cpt le Fevte étôît en Fran^
ce j le Roi reprit : » je voulc»s dire
9> Erafine ; fon paffepart eft prêt. » H
lui fut envoyé : c'étoit dans le mois
(à) Eptfl.it Novembre JJ22 (a )• .environun
'^97* & mois après (on retour à Baile. Il foi*
>3^»1 foit entendre que dès que ie beatften»
viendroit , ilpaniroit pour la France;
mais (bit qu'il n*en ait jamais eu vé-
ritablement la pénfée , fok que corn-
et) Efifi.mQ il Ta aflîiré (fc) , ilfît réflexion
'f4^« que s'il alloit en France dans le tems
que le Hoi &l TEmperoir éioient en-
gagés dans iftie grande guerre, fe^
ennemis ne manqueroient point de le
noircir auprès de l'Empereur , com-
me un traître qui Te réfugioit che2
Tcnnemi de fon Prince , il ne fît point
ufage du paflèport tie .François I.
to quoique, dit- il, la guêi're ne me
j» regarde en rien. Je ir aurois pas été
• en France pour y conamander u$t
» Armée , ni pour demander de grands
» emplois au Roi , mais feulement pour
P y vivre plus agréablement avec quel-
» ques gens de Lettres de mes^mis. *
Le Chanoine Botzeme qui reçut fi
gracieufement Erafoi^ à Confiance^
d' E R A s M E. 407
le venoit fouvent voir k Bafle ; c'eft
hii à qui Erafme a adrcffé lé Cata-
logue de fes Ouvrages. Botzcme avoic
des amis parmi les Novateurs , qu'il
recevoir quelquefois chez lui : il n'en
feUutpas davantage pour le rendre fuf-
pe6t ; on lui fie des afBiires à Rome;
Sadolet le protégea (a); & il paroît C«) Eptfid
que Ta foi fut juftifiée. Erafme en re- *^» ^* *<^
mercia ce Prélat; & il Wure queja-
msûs Botzeme n'a rien dit , qui pût
feire croire qu'il penchât pour le Lu-,
tliéranifme.
. Cependant lorfqu*il eut tranfpird(i) (h) Epîjl^
qu'Erafme n'étoit pas fixé pour tour ^^^'
|out?s à Bafle, & qu'il pourroit peut-
être bien aller en France*, l'Empereur
fit entendre qu'il fouhaitoit qu-il re-
vint dans le Brabant ; & la Gouver-
nante des Pays-bas qui Taimoit & qui
l'eftimoit-, lui fit dire qu'il ne feroit
point payé de iès penfions tant qu'il ne
reviendroit pas xians fon Gouverne-
nient. C'étoit Marguerite d'Autriche
fille unique de l'Empereur Maximi-
îien , & {Rir conféquent tante de l'Em-
fereur, EUe avoit d'abord été fiancée
an 1485, à Charles VIII. Koi de
France (c) qui Uii préféra Anne de CO Fop-
Bretagne; elle fut cnfuite mariée auP^^s, M,
Prince Jean, fils unique de Ferdinand ^^k^<^^'
4^tf V I » , ,
tut tké expédié, il i" Où la metîoit
•^bicn, nous zma^/ï^^'^'^f^^'^V^^^f'
^' Fevre chez r ^"^ ^"^ *^ ,P^^^^ ^^
xépondu que » '^'^^^ cependant allez
ce le Roi *i^^fp^^^ ^^^^ ^^^ momens
„ Erafine '/ P^^^ ^^^^^ ^^^ ^^"^ ^^^^ 4^
lui fut e;^^^5'C^^^^^^^ •
(4) Epijl. de Na^^ jg jj. Demoifelle ,
697. & mo\f/; . 1 ^ a 11
^j^j |< . ^> Jeux mari^ , & encore eft pucelle.
' p tempête ayant ceffé fans qu'il ar-
/ivât d'accidens , elle aborda en Ef-
pagne j mais le Prince à qui elle étoit
^ W ^ deftinée , mourut avant la confomma-
^^^ tion du mariage. Enfin elle époufa Yzn
I COI • Philiben Duc de Savoie , dont
/ elle n'eut point d'enfans" : elle fut
/ veuve en i J04. Charles fon neveu lui
iavoit donné le gouvernement des Pays*
bas l'an lyijf. elle le conferva juf-
qu'au premier Décembre i^jo, jour
de fa mort , lorfqu'elle étoit âgée de
cinquante ans. Adrien VI. mourut lé
14 Septembre ij*^^. il étoit moifiS
favorable à Erafme lorfqu'il mourut ,
que lorfqu'il parvint au Pontificat;
Trois chofes y contribuèrent : il auroit
voulu voir Erafme à Rome ; il auroit
fouhaité qu'il eût écrit contre Luther;
& enfin les cônfeils qu'il avoit donnés
à Sa Sainteté ; ne lui avoient pas plu;
ce
d'Erasme; "i^o^
^ m dire à Erafmé {a ) qu'il (a) Ep//f.
■^ >ens à Rome ', qui ne cher- 64 ^*
^ ^ ^. oerdre de réputation ,
^'^^ jrprèfqoe fait du tems
'X car, ajoute- t*il, m^ayanc
Aui donner fecrettement mon
ar le moyen de remédier aux
MX de FEglile , je lui en commu-
niquai une partie, & je le trouvai
9 enfuite changé à mon égard. » Il
I n'y avoir pas de quoi, en être furpris ;
cet efprit de conciliation aux dépens
des anicles de Difcipline auxquels la
Cour de Rome pcenoit le plus grand
intérêt , nepouvoit que déplaire à un
Pontife aum grave & auflî févere
Qu Adrien-: d^ailleurs cette complai-
•fance' d'Erafme pour les Novateurs ,
fembloît favoriier. les dilations de ceux
<pii vouloicnt rendre fe foi fufpcde ' '
fat des:articles phjs import^ans.
Les. propres aveux d'Erafme fuffi-
fent pour démontrer le* peu d'exafti-
tude de M; MarfoUier , lorfqu'il a
iécrit ( i ) qu'Adrien' ne vécut pas qflez (^) Apolo-
-loiîg-tenos pour exécuter, comme c'é-gic, p. ^5.
toit fon mffein , "les excellcns avis
qu'Erafme lui avoir envoyés pour
éteindre Théréfie de Luther. Jules de
Médicis , connu fous le nom de Clé-
ment VII. fuccéda le ip Novembre
TomeL S
4x01 Vie
15-23. ah bon Pape Adrien.: Il iè^
clara puWk|Ueiaaent au Commencement
de fon Pontificat , qu'il étoit très-bie»
^ifpofé pour Ërafine. Ses amis s'em-
t>reflerent de lui mander ^ccaieagJNÉar
ble nouvelle ; Hte lui "fifett: f avoir qu'il
y avoit tout à «fpérer pour hi, s'il
vouloit venir à Rome. Ges Lettres
lui firent un extrême plaifir^ Il parok
que dans ce montent il avoit quelque
envie d'alfër^voiir le Pape : car il^ri-
(4) Efijl^vok le a? Janvier 15534. ( a ) aU»Gaft-
667. iif//?idinalde:Sioiî, giu'irfeinettroitCDrou^v
3<î. L. io.(^ç pour Roeietlès qm 4e tôÉis yadoi>'i|
ciroit , dût ce vôy^e lui coûter fetlj
(b) Ej,,;/?, vie. Il croyoh avoir (è) de très-h
608. reuxpréfegcs de la bonne vokincé
, Pape poat lui ; il bi écrljvit le i?
(c) £p(/?,Tmrhrf:ft4(c.)qMeîIa joie qu'il a
!• !• i^. ^^Jg çjç jrj,^ excitation ati fiouvi
Pontificar, aveit enqore été
fée par les Lettres àe fes amis,
lui avôient ap{)ris les feminieii9 &vi
rablcs qrie Sâ.Saioteté avoitpour '
Après s'êtfe ^uite jiïfiîfië contre
déclamations :de Stumca , il prp
que ^'il peut fc Iflattcr df;jtroaVer
la proteélion contre lés caloitomès
fes ei?!3emis , il n'y a qitc la mort
la gravelle qui pourront Tempe
d'aller à Rome»
d' E R A SIM X. 41 i
Il eut une occalion d'y aller (a) (d) Eprjf.
«vcc tous les agrémens poflibles.*<5i. L. ip.
L'Empereur ayant appris l'éleûion dp
CUmem -VII. réfolut de lui aivoyer
' une Ambaffade {blennelje , pour le fé-
liciter fur fon exaltation. Charles V. Sç
la Gouvernante des Pay$4)a6 & tante
moknt fouhaité , qu'Eraiine eut été
iâ cette diputation ; mais fa fanté qui
ieenoit oe jour en jo^r plus mau-
vaife, &c qui étoit afSigée cont'inueU
lement par des accès violens de gra*
velle, Tempêcherent d'accepter cçtte
honorable commiflion.
Malgré le tpauvais jétRt oh il fe trouf
wit, il entreprit un petit voy^edans
b beaux jours de Tan 15*24. L'Ar-
fievêque de Palerme Çb) trèsrppi05iAt (^) Epifl.
la Cour de l'Empereur dont il4toii:p7. t, j^.
finiftre , avoit qn frère appjellé Ferji -^
irondelet, Archidijacre d^ ^fençon»
I étoit en relation de Lqtt^res f^vec
Srafine , qu'il follicitoit fr^quempient
i le venir yoit , lui c^ant mêipae de
recevoir chez lui pour 'toujours,
ftfm^ fe fent^t,afli^ bien d?ps Jci»
aux jours du Friwems , çtipnta k
levai , & alla d'abprd à Poilc^ntru far
l'Evêque de B^flc. 11 q'y refta
un joup; mais U prcfmit d'y faire uh
us lon^ féjour lor^u?il y.rcpafleroit»
41^ ^^ ^ ^
Delà il fè mit en cbemin pour Bé^
fançon. L'Archidiacre n'étoit paspour
lors à la Ville ; mais Erafme fut reçu
chez lai comoie fi le maître de la .
maifon y eût ^é : on lui dépêcha ua
exprès à (on Abbaye où il étoit ; &
il revint fur le champ. Le bruit -ne
le fiut pas plutôt répandu dans Befaft-
çon qu'Erafine y etoit^ ^e le Ma-
giftrac lui envoya du vin de préfent,
fe de l'avoine pour fes chevaux. L'Ar-
chidiacre pour lui faire honneur »
prient beaucoup de monde à manger i
avec lui ; on lui faifoit préfent de trè^
beaux poiflbns & de l'hipocras. Il
pa(ïa deux ou trois jours en grands
repas chez l'Archidiacre ou chez l'Of-
ficial ; il s en trouva fon incommodé.
Les Magiftrats avoient réfolu de lui
-donner un jgrand régal ; mais il les
remercia y en les affûtant qu'il ne pou-
voir f as l'accepter fans courir rifoue
de tomber férictifement malade. Les
Chanoines fe diftinguerent par les hon-
neurs qu ils loi rendirent} ils avoient
une fi grande envie de lefixeràBe-l
-fançon 5 qu'ils Itâi offrirent une (Jou-
able Prébende , ^une maifon & de l'ar-
gent ,: s'il vouddit y refier : les Magif-
trats promettôknt outre cela cemécus
par an, Èr^fmo répondit à ces politeiir
D'Ekâsmk. 41 j
fe, qu'il en étoit aufli reconnoiflanc
que s'il les avoit acceptées ; qu'il n'é-
toit venu à Befançon , que pour y
voir Ton ancien ami l'Archidiacre ;
qu'il n'y feroit pas même venu , s'il
Tavoit fçû à - fon Abbaye ; que s'il
avoit à vivre à Befançon , il fe con-.
tenteroit de Tamitié qu'on ki témoi-
gnoit , tant parce qu'il étoit content
de fa fortune, que parce qu'il aimoic
mieux la liberté que l'argent, Cepen^-
dant les grands repas l'avoient incom-
modé ; il fut oblige de garder la cham-
bre pendant trois ou quatre jours pour
faire diette : il dînoit d'un œuf, gU
d'un peu de hachis de poulet ; & Il
buYoit de l'eau dans laquelle on avoit
«is dufucre. On lui avoit défendu de
parler ; de fone que l'Archidiacre
même navoit pas la permiffion de
s'entretenir avec lui, Lorfqu il fe trou-
va un peu mieux , il fongca à s'en al^'
1er. On le combla de politeffes à fon
départ : cependant les Luthériens qui
pour lors étoient mécontens de lui ,
répandirent le bruit qu'Erafme n*avoit
nullement réuflî à Befançon , & qu'oii
l'en avoit vu lortir avec le plus grand
plaifir du monde. Cette feufle nou-
velle alla julqu'à Paris ; & elle donna
QÇcaûoQ à Ërafme d'écrire à Beda 2
Siij
4^4 V I K
pour lui mander comment les cliofes
s'étoient paffées dans ce voyage.
Il revint à Bafle dans un état très-
' ' (a) Efijl. lan'guiffant (a ). Après être un peu ré-
30. L. 18. tabli , il eut un fî violent accès de gra-
velle , que fa vie fut en danger. Faber
ConfelTeur du Roi Ferdinand qui étoit
venu à Brifac ^ à Fribourg , ki mân- '
^) EpîftA^ (fr) que le Prince défiroït avoir
3 z 7. A}' «^e conférence avec lui j & il lui con-
pnd. fèilla d'avoir cette complaifence , qui
pourroit lui être avantageufe. Erafme
perfuadé que Ferdinand vouloit Tcn-
tretenir des divifions qui agitoient
pour lors TEglife , refufa de fortir de
Bafle, Sa fanté lui fervoit de pré-
textes mais fa véritable raifon étoit
3u'il y avoit pour lors trop de chaleur
ans les efprits ; qu'ainfî c'étoit en-
Tain qu'on fe flatteroit de pouvoir par*
venir à un accommodement , &même
Î[u*il n'y avok que des chagrins à ef-
uyer pour ceux qui propoferoiertt des
voies de conciliation. Le Livre qu*E-
rafmc venoit de faire paroître cotise
Hutten , étoit ce qui avoit fi fort ta-
ché les Luthériens.
Hutten étoit un Gentilhomme de
(c) Bur- Franconie ( c),. qui avoit la réputation
chard , F» d'être un dfes plus beaux Elptits de
^'^ fon fiécle. Il avmt beauqop de lit^
lurc î Etetûnç &, lui avoient vécu m
d'E R A s M E. 4t^
une très - grande union. Les Lettres
d'Erafiïie (ont -remplies de témoigna-
ges d'eftime pour Hutten. » Je fuis ra-
» vi , mandoit - il à Budée ( tf ) , que (a) Efifi.
» vous approuviez Hutten : car fon et Ji- ^^ }•
w prit me feit un plaifir inexprimable.
wTout le monde admire de plus en
» pluç le génie d'Hutten $ ëcrivoit-il
» au Oardinal de Mayence ( fr ) j & (k) Epifl,
• Votre Grandeur en le protégeant , i^- ^« ^«
» fe feh: eftimer de tous les gens de
» Lettres. Je me flatte ( c ) que ce fçra ^c) Ep/.
*>UB grand ornement de l'Allemagne ii, L. u.
Ȕ^il vit, & que Votre Grandeur
» continue de le protéger, w II rappel-
bit ( d ) les délices de la Langue La- /^> ^p.jf^
tine. Hutten fe livra avec emporte- 26. l. h!
ipent aux nouveautés de Luther ; êc V. auflî E*
il devint fi odieux à la Gourde Kofift* ^s.U
me, que le Pape Léon X. écrivit à ^^* '
PArchevêgue de Mayence de lui en- ^
voyer ce mrieux pieds & poings liés.
Il fut donc obligé de fe cacher. Il
alla voir Erafme (e) qui étoit encore à z^) Bdie.
Louvatn : il eutun entretien fecret avec
hi ; & il lui avoua qu'il étok àahs lé
deffein d'écrire contre la Cour de^Ro^»
me. Erafine fit ce qu'il put poUr l'en
détourner , en lui reprélentant le dan-
gtt, la folie , & rinutilité d'un tel
ptojet. N'-ayam pas pûle perfuader^il
Siii)
^i6 Vie
lui dédara qu'il ne vouloît pas cft et^
tendre davantage* Il avoit fait un grand
(a) Efifl. ^I^g^ de Hutten (a) dans TEpître dé-
25. L, 1^. dicatoire de fa Méthode pour parvenir
à la vraie Théologie , adreffée au Car-
dinal de Mayencej il le retrancha dans
une féconde é4ition. Hutten qui s*é-:
toit flatté qu'il çntraîneroit Erafme
dans le parti de Luther , fut très-pi-
qué : il lui ût dire qu'il renonçoit à
(on amitié , fi jannais il écrivoit con*»
tre Luther ; & il difoit publiquement
qu'Erafme ne haïflbit Lyther,quepar*
ce que les Livres de ce Novateur é-
toient plus recherchés que les fiens.
Il ne perdoit cependant pas le projet
de féduire Erafme. Il vint à Bafle dans
ce deflfein ; il fit demander une confé-
rence à Erafme par Eppendorff. Eraf"
me fit réponfe qu'il ne pouvoit pas
le voir, parce que cette vifite feroit
trop de bruit ; qu'on ne manqueroit
yas d'en écrire au Pape, à l'Émpe-
<reur , au Roi d'Angleterre ; qu'il n'en
iréfulteroit aucun avantage pour Hut-
ten ; & que quant à lui , une pareille
conférence , dans les circonftances cri-
tiques où ils fe trouvpient , pourroit
lui être très-préjudiciable. Il chargea
Eppendorff d'accompagner cette ré-
ponfe de politelfes capables d'en adouj
b'ErasMSs; 417
clr la féchereffe. Erafme s^eft îmagi-
tié (a) qu'EppendorflP , au lieu de (a) Epift.
chercher à appaifer Hutten , n'avoit Goclenh,
tnivaillé qu'à l animer davantage con- f^*-'^ ^ *^*
tre lui* 11 y avoit encore une autre '^L'y^I
raifon fecrette ( fc) qu'Erafme cacha à ^h) Efift.
Hutten , mais dont il ne fit pas miC- 1 ij. l-»i5#
tere à Melanélon ; c'eft qu Hutten
perdu de débauches 5 & étant dans la
plus grapde miière , ne* fâchant qu«
devenir , auroit fouhaité s'établir chez
Erafmcqui nef vouloit point avoir chez
lui un Chef de parti , qui eût fait de
fa demeure une maifon de cabale coi.-
trel^Eglife Romaine. Hutten fut très--
choqué de la réponfe que lui rendit
EppemJorfF; il menaça de foire pa-
roître uti Libelle centre Erafme , qui
lui écrivit (c) une partie des raifons (c) Epî/l.
qu^il avoit eues de ne pas le recevoir 3. l. 17 •
diez lui : il le fupplie par leur ancicA-
ne amitié de ne point foire d'éclat
fcandaleux. Hutten reçut très- mal cet-
te politeffejtll fit paroître un Libelle
contre Erafnie , dans lequel il le re-
préfentoit comme un Apoftat , qui s'é-
' joit laiffé corrompre pour faire la guer- ^^^ ^V^"
• re à l'Evangile : il lui reprochoit fon ^j^H^jt^g.^^
amour pour la gloire , qui le portoit nus,
- à parler mal de tous ceux dont il étoit
jaloux , tels qu'étoient Reuchlin & Lu-
iber, § .^
fî8 Vie
Quelques-uns de ces Libelles étoient
déjà tépandus dans le Public y lorfqu'oo
vînt dire à Ërafineipie s'il vouloit don- .
ner quelque argent k Hutten y il of-
froîc de iapprimer fbn Ouvrage. £raf-
me répondit que puifqu'il avoit corn*-
meoce à être diftribue > il n*y avoic
plus lieu à aucun accommodement :
c'eft à cet écrit au'il oppofafon Epon-
ge ( i ) qu iF dédia au tameux-Zwin-
^ Xd) Bf f/fc^e ( « ). Cette répoitfe fut Êdte en fîx
91» L»3i. j^Qxxts de tems. Erafme y rapporte les
^iccuiàtions 6c les reprodies de Huttei^
il 3x'a pis de peine à fe juftifîer. Quel-
<ques-uns ont crû que les Moines Hooo-
iRrate &Egmondavoient engagé Hut-
ifen à écrire -comne £rafine ; & il avoit
^u penchant k le croire*
Le Libelle de Hunen avoit chagriné
£ra&te« Un Libraire «pipellé Scottus
l'imprima à SccaiBourg ; Erafme en
^ona fes plaintes aux Magiftrats de
cette Ville, Il aflure dans les Lettres
(h)lfijl.mi leur écrivit {h) qut FOuvrage
%i. L. xoi (le Hutten étoit £ extravagant» qu'il
^voit même déplu à Luther & à Me-
lanâon. U y avoit à Strafbourg un
homme qu'EraTme r^;ardoit comme
( 1 ) Sf^ngia ëàvtrpks ^ifftrgints Hui^
p* Erasme. 419
Ton ami ; on Fappelloit Qafpard He-
dion. Il lui avoit envoyé les Lettres
qu'il ^crivoit aux Magiftrats de Straf-
jbourg. Hedioh les rendit; mais en
même-tems il follicita pour le Libraire,
qui ne fut point puni, Erafme s'en
plaignit à Hedion même (^): il lui W ^f^J^*
reprë&nta que cette borné pour Scot- 5* ^ *^*
tus étoit une vraie cruauté pour lui ;
qu^il ne manqueroit pas^den abufer,
ainfî qu'il Ven étoit vanté. ^
^utten mourut quelque tems après
la publication de les écrits , le 29
Août X5'2p. Tes débauches avancèrent
fa mort. On prétend (fc) qu'en mourant, (h) Eftjl.
îl témoigna de grands regrets d'avoir ^^f^*
cédé aux foUicitations de ceux qui Ta*
voient engagé d'écrire contre Erafme,
Cette diipute ne finit point avec lui ;
Gthon Brunfeldefon ami la continua 9
& fe répandit en invedives contre
Erafine. Il avoit fait mettre (c) à la (c) M.A-
tête d'un de fes Libelles un portrait**^™* ^
d'Erafme , au-deffous duquel étoit le
nom de Bad.
La difcuflîon d'Erafme iavec Hut-
ten le brouilla avec Hertflannus Buf- (d) Vie cfe
chius, qui jufques là avoit été fon ami, Bufchlus
& qu*il avoit loué dans fes Ouvrages. P?^ j*^"
Ils étoientà peu près de m^me âge (d)j 1,3, 'j^ *
Us Evoiénc étudié enfemble à I)e*ix6.
Svj
j
4^0 V I *
venter. Bufchius ëtoît très • lié aved
Hutten : il prit fon parti contre Erat
me jufqu'à taire des Libelles contre
{a" Epift. lui ( a ) , & à prêter fa pluaie aux en-
36. L. 3o.nemis d'Erafme, qui fut très- indigné
^ de ce procédé, » Bufchi^s , écrivoit-
(^) Epifl. » il à un de fes amis ( t ) , eft encore
4 y JL 30.» plus furieux qu'Hutten; lui que f ai
a> toujours loue , que j^aî très-bien
3> reçu à Bai^e , à qui je n'ai jamais
» fait que des honnêtetés , fait impri*
•> mer quelque chofe contre moi. »
L'an ï^2$. £rafme fut extrême-
(c) Epift. méat incommodé ( c ) : il eut de fi
ao2. Le i^. longs & de fi violens accès de gra*
velle dans le mois de Juillet ^ qu'on
défefperoit prefque de fa vie. Il en fut
encore plus tourmenté vers la Fête de
Noël ; il fouffroit tant , que la mort
dans un état fi douloureux lui paroif-
•Ibit un bjen. Ilfe défit de fes che-
vaux, ne croyant pas pouvoir jamais
monter à chevaU Cette même année
le Cardinal Laurent Campege, que le
Pape avoit envoyé en qualité de Lé-
gat en Allemagne , écrivit à Erafme
les Lettres» les plus prefTantes pour
l'engager à fe fendre auprès de lui j
il promettoit de l'employer dans les
grandes affaires qui faifoïent l'objeç
de fa mifiion, Erafme lui fiç* répj;)$fc;.
i>'E R A s M t: 42f
le 21 Février i ^26. que fa fantë étoit
fi mauvaife , qu'il ne lui étoit pas pof-
iible de voyager , fur-tout pendanc
Fhiver , où il feroit obligé de s'expofer
. à la chaleur des poêles qui le rendoienç
toujours très- malade -, que d'ailleurs il
avoir des aâàires indifpenfables à Bafle
ju(qu'à la mi-Carême , parce qu'oay
imprimoit quelques-uns de fes Ouvra-
ges qui demandoient fa prêfence. Il fi'
niflbit par dédarer , que cependant fi
fa fanté fe rétabliffoit un peu » il fe
mettroit volontiers en^ chemin pour
Faller trouver dès qu'on ne feroit phis
iifage des poêles.
Dans le même tems le Cardii\al
Wolfei ( fl ) faifoit des tentatives pour (a) Epij!,
l'attirer en Angleterre, en lui promet- 3J» ^* *'^ .
tant tout ce qu'il pouvoit efpérer de (à
proteéliqn* Eralme len remercia par .
une Lettre datée de Bafle le 24; Avril
i.jfap. dans laquelle \\ aflure que ia
lanté eft fi mauvaife » que le moindre
changement d'air l'incommode confi*
dérablement. Il ajoute qu'on l'invi-^
toit d'aller en Efpagne , en lui faifanc
entendre qu il n'y avoir aucun pays oi
fon nom fût en plus grand honneur à
la Gour, chez les Eveques & Ïôs Sa- .»:
vànsj que le Pqnce Ferdinand dont
J^'çfpî'W 8c le, çafaftcre lui pUjfoigRt . •
420 y
venter. Bufr^^ ^;;j, ^^^j^ ^^^ç^^^^
Hutten • ^^;acarer auprès de lui , en
î^? ^' ,J^/^s offres gracieufes ; qu An-
?'u^'i'. ' ^/^^^ Evêque de Plofco , lui avoit
^ ' \^' j^ /f,a nom du Roi & des Grands ,
J^ /'engager par de grandes promef-
(è>) Epifi palier paffier fes derniers jours dans
*3- i* 3 ^KoyaumedePolegne; quepkjfieuïs
5cigR€urs Potenois s'ëtoienc joints ,
& lui avoicnt feit les mêmes fdllicitar
^ tions> en les accompagnant de ma^-
fiques préfens.
Il fit fes rcmercîemens à FEvêquc
f>; Efîll.àt Plofto le p Septembre 1^26 (a).
^^ L 21. Il déclare , qu'il fent avec toute la re*
connoiflance poffible les bontés du Roi
ôc de la Reine de Pologne 5 mais que
fa mauvaife fanté , & les difputes dans
lefquelles il étoit pour lors engagé , &
qui intéreffoient fon honneur & (à re-
ligion^ ne lui permettoient pas de s'é-
loigner de Bafle. Vers lemême temsj
(^) £p(/?, le Roi Ferdinand lui offrit (^) qua-
21. jL. lettre- cens florins de pcnfionpour venir
à Vienne, où il n'auroir rien à feire.
Il y eut l'an ^^26. une Conférence
(c) Rai' ^ ^^^^ fur les matières de Religion (0«
ffj/(i«/,4«Xe Sénat de Bafle pria-Erafme de fe
1 ^ itf . ». rendre à cette aflfembîée ; mais il p^e-
$2. Eftjl* texta fa mauvaife ^artté pour ne pas s'y
^ ^ ^' trouver. Xe réfultat fut , qae la dpc-^
!>' E p'A s M ?* ^2^
"vie de TEglife Catholique y fut con-
^^e malgré tous les efforts d!<Eco*
.apade (^a). (4) Oh
Erafme avoit une confolation , au ^1^"'»
milieu des perfëcudons qu'il avoit à
ibufBrir dans prefque tous les pays d^
l'Europe de la part des Moines & des
iThjéologieBs ; c'ëtoiem Les aflur^ncc^
d'eftime & de pr^teâion qu'il rece-
voit de tout ce qu'il y avoit de plus
^ grand dans le inonde. Le Chanc^ar
Mercurin Gattinare lui donna des té-
moignages de la plus parfaite confidé-
ration 9 dans la Lettre qu'il lui écrà--
vit de Valladolid le 10 Février i;'27.
dans le tems précifément où Beda^
Syndic de Sorhonne , employoit foo
crédit &c (es intrigues pour le faire
condafaner par la Faculté de Théolo-
gie de Paris. 4» Je me fçais bon gxé y
a» lui difoit le Chancelier de TEmpifi-
ji reur { fc) de me rencontrer en quel- n,)£*,in^
w que chofe avec ^n auflî grand homnae j ^^ x-. x7#
•» que vous. Vous m'écriviez que vous
a» quitteriez la vie avec moins de re-
a» gtôt y Ç\ vous aviez la fatis&dion
•» de voir avant votre mort la tran-
«auilUté rétablie dans le monde : pl&c
» a Dieu que je puffe avoir ce plaifir-
-m là ! c'eft ce que je défire avec le plus
«> d'ardeurt Si tous les Princes & l«a
424 . Vie
tf Evêqués penfoient comme l'Empé*
a»reur, nous n'aurions rien à défirer
» pour le bonheur de la République
f» Chrétienne; mais malheureufement
3» lés chofes vont mal, parce quofl
» ne confulte que fon intérêt particu-
3» lier. Je ne défefpere pas cependant
ài^ue bientôt l'on ne fe concilie, &
» qu'on ne remédie aux maux qui ont
ij donné occafion à toutes ces divi-
li»^iis. Quant à ce qui vous regarde ,
» je fais combien il y a d'envie dans
•> le monde , & combien il y a que les
» méchans & les ignorans ne peuvent
» fouiFrir , ni les gens de bien , ni lés
» Savans, Mais comme vous ne vous
•» propofez que la gloire de Dieu &
» l'utilité publique , en quoi les lan-
» gués des méchans pourroient^llcs
w vous nuire , tant que vous continue-
nt rez à travailler au progrès des bon-
•» nés Lettres, des meilleures études &
» de la vraie piété f Plût à Dîeu.qu*
» je pufle vous donner des-preuves dif-
59 tinguées de ma bonne volonté ! voas
•w verriez que je parle fmcérement:
» je ferai enîbrte que vous vous en ap-
^» percevrez bientôt. J'ai écrit à l'Uni-
a^verfité deLouvainj je vous enroi*
»une copie de la Lettre. Je fuis fuï"
^ti pris de la pétulance- & dç l^effi^Ç"
b' E R A. s M ï. 417,
;i»terie de ces gens-là. Soyez tranquil-
» le , ayez foin de votre fanté , & ecri*
»> vez-moi fouvent, »,
Cétoit appareniment à la proteftion
du Chancelier , qu'il fut redevable de
Pordre que l'Empereur donna qu'on
lui payât fa penfion : on ne les payoit
pas aux autres j c'étoit une grâce (a) (a) Efifii
qu'on devoit lui faire , fans tirer à 6$8.
conféquence pour les autres Penfion-
tiaires. Ce défaut de payenient l'avoic
mis {b) dans un grand embarras. Lsi (b) Efijîi
vie étoit fort chç^e à Bafle : d ailleurs ï3« L. xi.
fes maladies continuelles exigeoient de»
dépenfes extraotdinaires ( c ) ; il ne (c) Efîjt:
Sou voit pas vivre à moins de fix-cens7S3' ^t*fi*
orins d'or par an. Il fe trouva dana^^» ^* *•*
la néceflitë d'emprunter ; & Torfqu'il
écrivoit en Brabant aux Miniftres de
l'Empereur > qu'il les prioit d'exécuter
les ordres qu'ils avoient reçus 4 foa
fujet , ils s'en excufoient fur les gran-
des dépenfes de la guerre. Ils lui pro-
mirent (i) cependant de lui payer tou5 (^ j^^ijf;
les arrérages de fa penfion , s'il rêve- 6%^.
noit dans le Brabant. La Princeffe Gou-
vernante (c) lui fit efpérer de nouvel- (0 Ef(/?i
les gratifications, s'il vouloit quitter 7 P»
Bafle pour retourner à fa Cour. Il lui
étoit dû</)le i Septembre ijrsy. (f)EpiJli
feuit-cens florins d'or pour quatre 3117747,
426 V T K
nées de penfion , d'où il réfulte qu'efc
le étoit de deux-cens florins par an.
Ce fut à l'occafion de ces ordres fi
mal exécutés de rEœpereur , qu il dit
(4) Ej>ii?«avec(a) ce ton plailant dont il fei-
17. L. i7*foit uîàge, même dans les adverfitési
& au milieu des pk&s grandes fouâFran-
ces , Que TEmpereur étoit mieux obéii
lorfqu il ordonnoit qu'on levât des im-
pôts , que lorfqu'ii mandoit que l'oa
payât.
Sigifiwond Roi de Pologne avoit té-
moigné dans plufîeurs oc^afions qu'il
avoit une eRwç fingtiliere pour £raf-
me , & que ce feroit à £1 très-gran-
de &tisfaàion qu'il le verroit venir
4ans fon Royauoie > ou il lui donne^
jroit de& preuves de fon afFeâion. Eraf-,
me crut que la.bieoféance l'obligeoid
d'en témoigner fa reconnoiifance à ce
Prince : il lui écrivit le i5 Mai i J^7»
Il le félicite fur la paiEon qu'il a àt
r/cablir le calme dans l'Europe ; il le
r^rde comme le^eul Prince capable
par fes grandes qpali^ de procurer
un fi grand Im^u : il le loue de ce qu'a-
près la mort du Roi de Hongrie & de
/ wbei»€ fon Neveu, fur la uMSjceffion
duquel il avoit des droits , il envoya
des Ambaiïàdeurs aux Etats de ces
, deux Royaumes^, pour les exhorter i
B* E ^ A s M B. 42*7
clioîfîr pour Roi celui qu'ils croirojent
être le plus capable de les rendre heu-
reux , & les auurer qu'il n'avoir aucune
prétention, parce qu'il étoit content
de ce qu'il poffédoit.
Sîgifmond lui fit une réponfe très-
gracieufe {a) qui étoit accompagnée (a)Epift.
a un préfent ; il n'ofe pas fe flatter i7* ^' **•
qu'il puiffe fe réfoudre à venir en Po-
logne , après avoir refufé les avanta-
ges que tant de Princes lui offroient
pour l'attirer chez eux. Erafme le re-
mercia par une très-belle Lettré ( i ) , (b) Ef}0.
dans laquelle il paroît qu'il eft agréa- '*• ^ *}•
blement touché de l'cftime d'un fi
Srand Prince. Il fut extrêmement af-
igé fur la fin de l'an 1x27. de la
perte de fon grand ami Jean Froben ^
2ui mourut a apoplexie. Il fit pan (c) (c) Mfift.
e fa profonde douleur à un Chartreux ^* ^* **»i
de fes amis. Il aflure qu'il avoit crû
pouvoir fupporter avec confiance les
accidens ae cette vie ; mais que la
mort imprévue de Jean Froben l'avoit
confterné à un point , que rien ne pou-
voir foulager la trifteffe dans laquelle
il étoit ; que le tems même fembloit
l'augmenter ; qu'il l'aimoit encore plus
pour le zèle qu'il avoit pour le progrès
des Belles-Letttres , que pour l'atta-
f:hement q^u'il avoit pour lui. Après
.^
428 V 1 S
avoir fait l'éloge de fa candeur , de li
bîen-faifance , de fa douceur , » Avec
M quelle adreffe , continue t ilj ne cKer-
0» choit-il pas les occafionsde mefai-
• re quelque préfent ? Je ne Tai jamais
» vu fi content, que lorfque par quel-
wque fineffe, ou à force de prières V
• il m'avoit obligé de recevoir quel-
•» que chofe. J'étois obligé de preiîdre
•» les plus grandes précautions , & dV
9 voir recours à toute ma Rhétorique
• pour imaginer quelque raifon de
» r empêcher de fe fâcher lorfque je
» le refiifois : c'étoit-là notre dlfpute
■• continuelle. »
Froben avoir compté qu'Erafme lo-
geroit toujours chez lui à Bafle : ^
étoit enchanté d'avoir chez lui un anû
qui lui étoit fi utile , & dont la fociété
etoit délicieu{e;mais Erafme jugea qu'il
feroit beaucoup plus commodément
à fon particulier , que fa fanté s'en
trouveroit mieux , & qu'il feroit plus
le maître de fon tems. Il fortit donc
de chez Froben , au grand regret de
cet excellent homme. Il ne logea que
dix mois chez lui ; & pour le dédom-
j^) Epifl* mager (a ) de la dépenfe qu'il lui avoit
14. L. 10. caufée , il l'obligea de recevoir cent
£piJl,Bou> cinquante florins d'or.
Cette fépairgtiçn ne çaufe aucjn tu
ï>^ E R à: s M f . JLljjf
Froîdiffcmentenrr'eux. Erafme célébra
les venus de Ton ami par deux Epita*-;
phes.> dont l'une eft eh Latin & l'au-^
trc en Grec ( i ). Il avoir été le Par-
rein de fon fécond fils que l'on appel-
loit Joannes Erafmius Froben : c'eft S
lui que les Colloques font dédiés. H
conferva toujours une très-grande ami-
tié pour la famille de fon cher compe^
re ; c'eft aînfi qu'il appelloit Jean
Froben : il aida Jérôme Froben , TaiH
né de fes enfans , k foutenir l'honneu^
( i) Arida Johannis tegit hic Ufis ojpi PrM
béni :
Orbe viret toto nefcia fama mori^
Moribus hanc niveit mtruît , Jludiifque ji94
vandi^ ;
Qua nmc mœjla jacent , orha farenu fu9^
Renulif^ ûrnavit veterum monumema Sê^
fhorum 9
Arre » ntani , r«r/x, être, favore, fidei<
Jîuîc vitam in cmlis date j numinajujlaf
feretmem :
Fernos in terris fama per^nnit erii*
Le fens de TEpigramme Grecque cft i
qn'on né doit pas pleurer la mort d ua
homme qui s^eft rendu immortel, par (es
vertus, par fa réputation, & par les Ou-.
jrrages qu'il a communiqués au Public.
4}o V I H
W Appen^àc cette célèbre Imprimerie (a). Uan*
àix,Efift. née d'après la mort de Froben , c'eft-
17. Mait-â-dire Pan ijaS. il y eut encore de
faire , 1. 1. nouvelles tentatives de la part de l*An-
Epifi. 80.' g^^^^^^ pour engager Erafme à venir
L. 19. £- finir fts jours dans ce Royaume. Le
piT?» 5f • L. Roi lui écrivit lui-même (fc) pour le
3'- faire rcflbuvenir de ce qu'il avoit dit
(b) Epijl. autrefois , qu'il avoit choifi FAngle-
79* • ^9' t^rre pour être Fazile de fa yieillefle.
(0 Eftfi. il raflfiira (c) qVil lui feroit ua fî boi»
jit L. %7. parti , qu'il auroit tout lieu d'être con-
rent, & qu'il regardera comme ua
très - grand bienfait de jouir de ion
agréable fociété, & de pouvoir avoir
recours à fes bons conlèils 1 donc il
compte faire ufage. ^ En réuhifTant nos
• travaux , continue le Roi , TE van-
» gile de Jefus-Chrift fera mieux dé-
li rendu. Outre le grand nombre d a-
> mis que vous avez ici , jfe n auroîs
» pas de peine à vous unir avec tout
a^ce qu'il y a de plus grand ^ans ce
» Royaume. Si c'eft la liberté qui fai§
» Tobjet de vosdéfirs , je vous déclare
3» que je n'exige ri^en. de vous , & que
^ vous ferez le maître de vivre dans
• quelque endroit du Royaume que
» vous fouhaiterez dans la plus gran-
» de liberté. Vous me trouverez tou-
» jours très « difpofé à vous 9ccorder
d'Er A SM !• Jj^^t
5 tout ce qui pourra contribuer à l'a- /
» grément de votre vie , & à la tran-
••quillité de vos études. Répondez
» donc prbmptement à nos vœux j ex« i^
» cellent homme. » Quoique dans l'é-
tat où étoient les afiàires , Erafme *
ainfi qu'il l'écrit à Morus, n'eût d'autre
reflburce pour être tranquille que I9
tombeau , il envoya cependant en An-^
gleterre un jeune homme qui lui étoit
attaché , que l*on appelloit Quirinus i
afin de conférer avec Tes amis» &
"d'examiner avec eux quel parti il con-
venoit qu'il prît. C'^ ce qui retarda
Ta réponfè au Roi ; mais en attendant
qu'il la fît, il pria Morus d'aflurer
ie Roi defa reconnoiflTânce.
Ce ne fut que fort long-terns après
avoir reçu la Lettre de Hfenri , qu'E-
'rafme répondit à ce Prince (a). îl (4) Eptjl.
Vexcufa d'e' profiter de fa bonne vd-7j» t. *•.
'lonté fur fdn âge, fur la ,f6ibleffede
Ta fanté, fur la longueur du voyage;,
fur le danger dé voyager -dans un t^nis^
où les chemins étoient remplis de vo-
"leurs , fiir la fatig;ùe que lui caufoit la
'navigation , & fur les bruits tetribles
de guerre. Il ajoute / q'ûe quoiqu'il y
ait encore .d^autrés'faifom qui le 'dé-
tournent dé ce voyage qu'il ti'ofe pas
confier à des Lettres , il avoit envoyé ,
4^1 V I B *
un de fcs Domeftiques en Angleter-
re , afin d'être informé de la fituation
des chofes ; que depuis qu'il étoit par:
ti, il avoit penfé mourir vers les Fê-
tçs de Pâques j que quoiqu'il fût re-
venu de cette maladie ^ fes forces
étoient beaucoup diminuées ; que foa
Domcftique qui étoit revenu , lui avoit .
rapporté qu'il n'y avoit aucune fureté
dans les chemins , qu'ils étoient rem-
plis de foldats, qui ne refpeéloient;
ci amis ni ennemis. Il finit en témoi-
gnant une très-grande fenfibilité pour
toutes les invitations gracieufes que le
Koi lui avoit faites de venir dans Ton
Royaume : il rejette la caufe du délai
de fâ Lettre fur ce qu'il avoit voulu
attendre le retour de Quirinus , afin
de ppuvoir faire une réponfe pofitive.
[ Cette Lettre eft datée du i Juin lyaS»
prè$ de dix mois après, la Lettre de
fïenri VIIL qui avoit été écrite le i8
Septembre précédent.
Outre ces raifons qui pouvoient être
avouées publiquement ^ il .y en avoit
une fecrette dont Erafmé n'ofoit rien
dire au Roi. Il étoit pourlors quef-
tion de la granc^e affaire du pivorce
de Henri VlII. avec la Reine Cathe-
rine. Le Roi n'auroit certainement pas
manqué de vouloir engager Erafme à
y
b' E K A s M E. 45'J
y prendre part, 11 était trop attaché
4 la Reine d Angleterre , pour approu-
ver les odieux procédés du Roi. Il
écrivit à Catherine pendant ce grand
procès une Lettre (a) qui contenoit (a) Efifl.^
des motifs de confolation pour cette ^p* L. 19* ,
Princeffe infortunée. Il fut très-long -
tems à croire que cette afiàire s'ac-
commoderoit (tw), & que le Roi fe (b) Ept\
^concilieroit avec la Reine. L'atta-4j. U ij.
chement qu'il avoit pour eux , le lui
faifoit efpérer : il fut trompé dans fes
conjeftur^s.
• Les ennemis d^E^rafme l'ont accufé'
de n'avoir pas agi avec candeur & fin-
cérité dans l'affaire du divorce. >3 Dans
» cette conjondure délicate ^ dit l'un .
» d'eux (c) , où les gens de bien fe dé- r<r)Crirîqu5
» clarerent pour Catherine aux dépens d^^ Marfoi-
» de leur vie , Erafme, fiiivantrHif-ii^r>P-i^^-
'^ torien Sanderus, ' joua .des deux fe-
^lon fa coutume, & n'inclinoit de
w'part ni d'autre , de peur de perdre
» les bonnes grâces du Roi qui étoit
» enivré de fa paffion. »
On ne trouve rien dans les Ouvra-
ges d'Erafœe, qui puiffe faire croire
■qu'il ait donnéla moindre approba^
tion à la conduite du Roi dans l'affaire
du divorce. Il fit publiquement ( d ) (,')gs;^.
i'éloge de TEvêquede Rochefter & de 4a. l. U»
Tome L T
4?4 V lE
Thomas Manjs., après qu'Us eurent
été mia à Boort» pour i)'avoir pas ei>
pour Henri une çomplaifance qu'ils nç
pouvoient, concilier ave^ leyr çonf^
^ cience, Da^nea Goës écrivit à, Erafnaç
à Toccalaon <feçj»gwv3âs 4ifçou^s qi4 £î
tenoiem à cft fuJQt ;. ^ voici (a,) ce
(a) Ef //?. q^*£J.a^îi^e liùrép<è^t, » Quj^ntfàce
*^- •^' *7 3J, q^^ yQ^3 g|ç ï^n4e?; > qu^ quelqaesf
»un& omï dit à Ltouvain que f étojji^
» pour ceux qui approuvent Iç divorcç
V du Roi j ^ & que:MQi|s.feri§z hien;^ç
a» de favoir ce qu'il leur faytrépomjr^j»
»vous n'me'à qu'à leur dir« ce ve^fec
» du Ffigabrane»: Lours d^m^ ignt do?
» flécbes.; leur langue eft: une ép^ç
>x tranehantet . Je lUi§ fei^ peçfc^dé
31 qu'aucuB ho0)iï)p grave n*a pu tenir
* un pareil difçour5 ; il,n'^ pu vep'y:
ji ao que de jQea bavarda caui^iques do$
w le monde, eit retjPkpU. J^ai^is pw
g».fanne ne iia.'a. entec^d»! approuver; b
m Roi ou le d^lapprouv^r ; jf'ai.tour
» joiira téaioigné que, j'étQis très-fâché
35 que ce Prince , d'ajUe^rs très-hen*
H. rewx , fe fut j^itté diic^Si c^ l^yfin-
xthe» Je fojuhaiioi» qu'il fife.tpj^joui?
« en boftnç iiitdligence avec.l'^.mpe-
» reur , parce que JQ crpyojs; qpg cett|S
» union écoit nécefl&ire pour najuntcnir
A la. tranquillité publiquoi* N'y auroif!
d'E » A s ME. 417
m il pas eu de la témérité & de la fo-
9 lie à Hioi 9 de décider une queftion
Cl fi difficile fan5*en être requis ^ lorf-
» que les plus habiles gens d* Angle-
» terre , & le Légat Apoftolique Lau-
«•rent Campege très-habile Jurifcon-
» fuite, différoient de donner leur ju-
» geraent ? J'aime avec raifon le Roi
9 d'Angleterre, ayant reçu tant de
épreuves de fes bontés, quoique de-
» puis le commenceiùent de cette af-
» faire 'il ne m'ait fait aucun bien.
» Quant à la Reine , je l'aimois &c je
1» l^aime encore pour plufieurs raifons ;
» & fi je ne me trompe , je fuis en cela*
» d'accord avec tous les gens de bien.
» Je crois même que le Roi ne la hait
• pas. Comment aurois-je été affez
a» mal confeillé pour n^ mêler de moi-
» même dans une affaire (1 odieufe , à
» laquelle je n'aurois pas voulu pren-
9» dre part , quand même j'en aurois
9 été prié & prelfé f Aucun Prince ne
m ma demandé mon fentiment. Il eft
••bien vrai qu'il y a deux an» que deux
m Seigneurs de la Cour de l'Empe-
» reur me preiferent pourfavoir ce que
p je penfois fur cette matière : je leur
I répondis , ce qui étoit vrai , que je
» ne l'avois jamais examinée. Ils s'en
► allèrent, après m'avoir alfuré que ce
^ -^ Tij
4^5 Vie
w n'étoit point par ordre de l'Empc-
» rcur qu ils étoient venus chez moi.
n Depuis nul mortel ne m*a fait au-.
» cune queftion fur cette aflfeire. »
Tandis qu'on le recherchoit de toutes
parts, & qu'il pré voyoit qu'il feroit
bientôt obligé de fortir de Bafle , il
reçut une Lettre de François Afula-
niis,fils d'André beau-pere d'Aide Ma-
nuce , qui lui recommandoit un jeune
homme de Tréfile > & le prioit de di-
riger fes études. Erafme liii .fit ré-
pçnfe vers Pâques de Tan lysS. *Il
lui mande , qu'il avoit toujours eu de
Faverfion pour fe mêler de l'éduca-
tion des jeunes gens ; que fon mauvais
génie Tavoit engagé dans cette défa-
gréable occupation lorfqu il étoit à
Boulogne ; mais que préfentement fa
iànté ne lui permettoit pas de fe don-
ner ces foins , non-plus que la fitua-
tion des affaires , qui paroiflbient faire
craindre de grands orages. Il le ren-
voie à fon ami Glareanus beaucoup
plus propre que lui à cette fonftiôn.
(a) E/>//?. Il ^to^^ Profeifeur à Bafle (a) ci il
13. t. i9p
* Cette Lettre n'a Jamais été imprimée :
M le Cardinal Paflîonei a eu la bonté i!e
la faire copier fur un manufcrit rfe la Bi-!
bliotheç^ue Vatica^ne , ôc de me l'envoyer.
. d*Er AsMS. 437
enfeîgnoit avec fuccès. Il avoit reçu
dans fa jeuneffe la couronne Poéti-
que {a) Hes mains de l'Empereur W ^H/'-
Maximilien : il écrivoit très-bien ; il^* ^* *•
avoit de l'érudition , du génie ; il fa-
voit bien l'Hiftoire, la Cofmogra-
phie , la Mufique & les Mathémati-
ques , ainfi que nous Tavons déjà re-
marqué.
Cette même année lyaS. Erafme
eut une affeire très-défagréable , & ^
même humiliante pour un homme de
fon âge & de fa réputation. Il avoic -^
fait connoiffance avec Henri Eppen-
dôrff, que George Duc de Saxe avoic
chargé de lui porter un préfent ;
c'étoient trois lingots d'argent , qui
avoient été tirés des mines du Prince.
Erafme eif le remerciant , parle d'Ep-
pendorfF (b) comme d*un jeune hom- W ^p^ff*
me d'un caraâtere admirable. Le Duc'^* * *®*
George en conféquence de l'éloge * '^'
ou'Erafme en faifoit, lui fit une grati-
fication (c) pour le mettre en état (0 ^pîfi*
d'achever fes études. Il alla à Fri-^^^^^«*'**
bourg , où aulieu d'étudier , il fe li-
vra à la débauche & à la crapule. Il
fit des efcroqueries à un point qu'il
ut obligé d'en fortir. Il vint à Bafle ;
il s'introduifit chez Erafme , qui n'étant
point informé de cette mauvaife con-
Tiij
l
438 Vie
duite j le prit en amitié. Il avoit une
grande inclination pour les Luthé-
riens ; & voyant qu'Erafflie ne vou-
loit point fe livrer au parti des Nava-
teurs , il lui rendoit fourdement tous
les mauvais fervices qui dépendoient
de lui :• il en difoit tout le mal pof-
fible. Ce fut lui qui aigrit Hutten
contre Erafme , qui ayant enfin décou-
vert les perfidies d'Eppendorff, crut
devoir en donner avis au Duc George.
Il manda donc à ce Prince, qu'il
feroit très -bien de rappeller Eppen-
dorfF, qui faifoit un très-mauvais uïagc
de fon tems. Il lui faifoit entendre ,
qu'il étoit très-livre à la Éa6li<?n des
Evangéliftes , c'eft-à dire des Luthé-
riens , que le Duc George détefioit.
Cette Lettre étant tombée on ne
fait point par quelle voie entre les
mains d'Eppendorff, il fe prépara a
faire affigner Erafme en réparation
d'honneur , & à lui demander des
dommages^ intérêts : il lémcnaçoit
d'en venir à des voies de fait, fiEraf"
me ne lui faifoit pas fatisfadion. Ses
amis lui confeillerent de s'accommo-
der , & fur-tout d'éviter* d'avoir un
{>rocès dans un Tribunal , où on par-
oit une Langue qui lui étoit incon-
luie , & dont les Jugçs livrés aux nott«
b'E H A s M E. 43P
Veiles ôpihions , feroient plus favora-
bles à foti aàverictire qu'à lui. Erafme
confentit de voir chez tui Eppendorf
en préfefKre de Rhenanas ôc de Lom«
Berus.l La Lettre <jui faifoit le fujec
de la querelle fut -montrée. Erafine la
défavoua : il prétendit qu'elle n'étoit
point de fon ëcritulie, & que d'ailleurs
elle n'étoilpas fignée; ceiqui en ôtoit
toute l'autorité. Ces raifons ne firent
aucune ittipreflîon fur EppendorfFi
4t comrhe û fe fentoir fort ému , il de •
manda jufqu'ôu lêndemainpour donner
les conditions auxquelles il confentoit
d'oublier ce qui s'étoit paifé. Effedli-
vement le lenaertiain il apporta à Rhe-
fianus tin écrit qui fut communiqué à
Erafme , dans lequel il difoit , i""*
Qu*Erafme Tayant perdu d'honneur par
une Lëtye écrite à un Prince qui avoit
fur lui droit de vie & de mon, & par
d'autres Lettres écrites à divers par-
ticuliers , il étoit ftédeffaire qu'il réta*
blît fa béputatiort ^ ce qui ne pouvoir
fe faire cotiveïiafcleiôéftt que par une
EpîtrèDédicatoîre' qu'il lui addreffe-
roit , & dans laquelle il lui feroit des
réparations fur teut le mal qu'il avoit
dit contre lui.
2"^. Qu'Erafrrte écrîroit au Duc
OeoT^-uhe Lettre iJUi pût être lue à
T iiij
44^ Vie
fa Cour ^ dans laquelle il fe rétraôe*
roit. EppendorfF exigeait que cette
Lettre lui feroit montrée , afin qu'il
examinât fî par des expreiCons indi-
redes, Erafme ne lui faifoit pas plus
de mal que de bien.
3^ Il demandoit gu'Erafme fût
condamné à cent ducats aamende pour
les |)auvresJe Fribourg , & à deux-
cens pour ceux de Strasbourg , dont
la diftributiojr feroit faite par Ep^en-
dorff fui van t fa volonté. Cet écrit fi«
niffoit par ces termes : » Si Erafme re-
» fufe ces conditions , qu'il fâche que
» j*aime mieux m'expofer à perdre la
» vie que la réputation. »
Erafme répondit à ce mémoire ,
qu il ne croyoit point avoir écrit la
Lettie dont EppendorfF fe plaignoitj
qu'il fe fouvenoit feulement d'avoir
mandé au Duc George , qu'il feroit
bien de donner un emploi honnête
à EppendorflF, pour le tirer de l'ôi-
fiveté dans laquelle il vivoit. Quant à
TEpître Dédicatoire , qu'il ne fe fe-
roit pas de peine d'en faire une à
EppendorfF , s'il fe réconcilioit fin-
cérement avec lui j qu'il lui accorder
roit même des chofes plus importan»
tes , s'il pouvôit compter fur fon ami-
tié. Il promcttoit d'écrire au Duc
d'Erasme; 44.1
George. Quant à l'amende pour les
pauvres, Erafme difoit qu'il prëcen-
doit être le maître de fes aumônes ,
& qu'il les feroit quand Dieu lui en
infpireroit lapenfée.
Le mémoire d'EppendorfF & la
rëponfe* d'Erafme furent mis entre les
mains dcRhenanus & d'Amerbac , qui
avoient été nommés arbitres de cette
difcution. Ils décidèrent qu'Erafme
accorderoit l'Epître Dédicatoire ;
• qu'il écriroit au Duc George ; qu'il
donneroit vingt florins , qui feroient
diftribués aux pauvres par les arbitres ,
fans que cette aumône tirât à confé-
quence ; que| la réconciliation feroit
fincere » & qu'EppendorfF fuppri-
meroit ce qu'il avoir écrit contre
Erafme. Cette fentence arbitrale eft
datée du 3 Février I5'28.
Les deux partis l'approuvèrent &
la {îgnerent(a) : ils burent dans le {«) ^ifi*
même gobelet , & rompirent entr'eux ^^' ^' l^*
un morceau de pain ; ils fe donnèrent
la main. Il y eut un grand repas de ré-
conciliation. EppendorfF prêt à for-
tir de B^fle vouloir avoir la Lettre pour
le Duc-Oeorge ; Erafme la promit ainft
que TEpître Dédicatoire. L'accom-
modement paroiflfoit prefque confomr
jTiC; lorfqu'Erafme apprit qu'Eppea-
Tv
44^ Vis
^orfF difoit publiquement , qu'il avok
obligé Erafme de fc loumettre à des
conditions que lui EppendorfF n'au-
roit pas voulu accepter pour trois
mille écus : il envoya un de fesdomef-
tiques répandre le 'bruit, qu'Erafme
avoit été condamné à Bafle à* Tamen-
de, & à écrire contre lui-même.
Erafme informé de ce qui f^ difoit,
fit un Ouvrage ( i ) pour fe juftifier.
11 y prétend que s'il a accepté lescoa-
ditions diftées par les arbitres 3 c'étoic
pour le bien de la paix; qu'il .n'étoit
{>ôiht convenu que la Lettre qu'on
ui reprochoit fut de lui ; qu'il fe
pourroit faire qu'elle eût été fuppo-
lée , ou du moins altérée j que le Duc
George avoit lui-même écrit à Ep-
pendorfF que dans la Lettre qu'Eraf-
me lui avoit écrite , il n'y avoit point
ces phrafes injurieufes dont fe plair
gnoi t EppendorfF.
Comme il ne ceffoit de mal parler
d'Erafme , celui-ci ne crut plus être
obligé de remplir la condition de
l'Epître Dédicatoire. Les amis d'Ep-
pendorff crièrent à la p^îdie :
Erafme répondit que la cdBuite de
C I ) Uiilis éiâmonttio adyersiu mindA-
D* E R A s M E. 443
fon adverfaite le juftifioit aflez ; que
cependant il étoit dans Tint^tion de
donner cette EpîtreDédicatoire, dont
.le tcms n'a voit pas été fixé ; mais que
ce ferolt quand Eppcndorff cefleroit
de mal parier de lui. C'eû ainfi que
fe tetmina cette prétendue réconcilia»
tion. EppendorfF fit imprimer quel»
^ue tertïs après on Livre en réponfe à
celui d'Ërafme ( î ) s c'eft dans cet
Ouvrage que la batardife femble avoir
été reprochée pour la première fois à
Erafmé (a). ^ (a) Biîb
Le Duc George ne rendit point fes "p^^ \^ vi -
bonnes grâces à EppendorfF: il man- ^. ^^^^^^^^^
da à Erafme {b) qu'il ne vouloir plus //^n ^y^^^
Voir cet avanturief; & il luiconfeilla34p. Af*
de ne point fe commettre avec un tel ftnd.
perfonnage.
Cependant Erafme fe trouvoit pour-*
lors dans uh très-grand embarras. La .
faveur que le Luthéranifme trouvoit à
Balle, lui en avoit rendu lé fëjow peu
agréable (r) ; il 'v<>uloit abfolurrient (^j £p/y?,
enfortir.Les Novateurs leméprifoient, Go^lenia.
comme un homme qui n'dvoit pas le
courage de fe déclarer pour la vérité.
C f ) Ad D. Erafmi Roter od ami It hélium »
ctti titti^us : adversiis mendacium & obtrecr
iruà)onsm uttlis, adrfjotimo*
Tvj
444 Vie
Les Catholiques d'un autre côté luî re*
prochoient de refter dans une Ville, qui
prenoit publiquecaent le parti des nou-
velles opinions.Dans ces peines d'efprit,
il écrivit à GocleniuSjProfeflfeur àLou-
vain, fon intime ami ( i ) : h Si j'avois
• connu le génie & la perfidie des Al-
» lemands , j'auroïs mieux aimé aller
» chez les Turcs que de venir ici. Mon
» parti eft pris de me retirer de Bafle.
8» Je fuis invité d'aller en France ; on
» m'y fouhaite avec paflîon :^on me
» fait les plus belles promeffes pour
» m'y attirer ; mais je crains que le
. n Printems ne foit affreux pour les
a» François, tant l'efp rit de l'Empereur
» eft irrité. Le Pape mefavorife, auflî-
» bien que tous ceux qui ont le plus
» de crédit fur fon efprit ; mais je crains
» d'être obligé d'entrer dans des dif-
» putes de controverfe : d'ailleurs je
» ne vois pas trop que je puiffe être en
» fureté dans un Pays oîx règne Aléan-
» dre mon ennemi caché. Je défiré-
»» rois aller à Padoue ou à Veniifè ;
» mais on me feroit venir à Rome. Je
( I ) M. le Clerc place maUà -propos cette
Lettre Fan 1515. puifqu^il y eft parlé de
la difcuffion avec FppendoriF, qui eft cer-
tainement de l'an 15^8. Bik, cho'Jie ^ f*^*
d' E R A s M e; 445*
a» fefteral encore ici en vironhuit jours,
» & enfuite je prendrai mon parti. >>
Erafme écrivoit cette Lettre dans le
tenas que Charles V.& François I.Vin-
fultoient publiquement par des écrits
indignes de la Majefté de fi grands
Princes (a) , & vouloient faire croi- f^jy^Rapîn
re qu'ils avoient le deffein de finir leur Thoiras , t.
querelle corps à corps par un com- S» p* *53«
bat fingulier.
La révolution qui arriva ii Bafledans
le mois de Février, obligea enfin Eraf-
me d'en fortir. Il y avoir déjà long-
tems que la nouvelle Religion y avoic
fait de grands progrès , lorfque le 8
Février iy2p. ( i?) les Luthériens af- (b) Ama-
femblés dans l'Eglife des Jacobins /^J Sculte^
députèrent au Sénat , pour demander^'- ^îfl^i^'
que les S.énateurs zélés pour la Reli-^^'^J ^^é'.
gion Catholique fuffent dépofés. Les j^n , 1, ém
Mutins s'étoient emparés des Places
publiquesde la Ville , fans néanmoins
être armés. Le Sénat répondit qu'il
confentoit que les Sénateurs dont on
étoit mécontent , n'affiftaffent point
aux délibérations dans lefquelles il fe-
roit queftion de Religion. Cette ré-
ponfe n'ayant point fatisfait les mé-
contens , le Peuple qui étoit dans
leur intérêt , prit le deifein de chan-
ger le Gouyeroement j il s'arma^ &
44-^ Vie
s empara de$ Tours & des Portes.
Le lendemain quelques-uns des mécon-
tens-à qui le foin de 1^ patrouille
avoir été commis , entrèrent daûs \i
Îrincipale Eglife » renverferent les
mages & les figures des Saints ; ce
qui ayant été fçû dans la Ville , on vit
auflîtôt accourir trois- cens hommesar-
mes , qui btilerent les Statues , Figu*
gures & Images qui avoient été épar*
gnées : ils allèrent en faire autant dans
les autres EgUfes. En même-teîns douze
des Sénateurs les plus zélés pour la Re-
ligion Catholique furent dépofés; & il
parut un Décret, portant que la Mclfe
.leroit abolie , & que Ton ne (buffriroit
plus d'Images dans les EgHfes de
jBafle Se dans le reflfort. îl fut de plu^
ordonné , qu'à Tàvenir lorfqu'il s'agi*^
roit de la Religion , ou de quelque
affaire très-confidérable , le Sénat
ièroit obligé d'admettre à {es délibé-
rations deux- cens foixante Citoyens.
Le f G Février , qui cette année étoic
le iour des Cendres , les Statues furent
diftribuées aux pauvres ^ afin qu'ils ert
filTent du feu. Cette diflriburion ayant
caufé quelque tumulte , il fut réglé
qu'on les bruleroit publiquement ; ce
q;ui fut exécuté dans neuf bûchers de*
vanc la principale Eglife.
I^' E R A s M E. 447
Le 12 Février deux-cens foixante
Bourgeois furent aflbciésau Sénat; le
23. la Ville approuva fans aucun tu*
multe tout ce qui venoit d'être fait.
Cette révolution (a) (e fit fans qu'il (a) Efîfl.
y eût du fang répandu , ni aucune mai- 6. L. iz.
ion pillée. Un des prinapaux M agif-
trats ( t ) jugea à propos de fe fauver ^b) Epjl.
la nuit ; c'étoit celui qui ivoit le plus 13. L. 24*
à craindre , parce que c'étoit lui qui
avoit témoigné un plus grand zélé con-
tre les progrès delà nouvelle Religion.
Ses ennemis ne le menaçoient pas
moins que de le pendre dans la place
publique.
Pour lors Erafme réfolut très-fé-
rieufement de fortir de Bafle fecrette-
ment ; mais il étoitembarraffé du choix
de fa retraite. Il exprime l'état critique
de fa (ituation dans une Lettre écrite au
Cardinarde Trente le 24 du mois de
Février i y2p.» Votre prudence,luidit-
jpiLpeut bien conjeâurer dans quel état
» je me trouve. Ce n'eft pas que j'aye
a> à craindre de la Magiflrature ; mais
» il y a d'ailleurs tant de populace dans
» cette Ville, j'y ai plufieurs ennemis.Ii
» eft vrai que j'y ai auflî quelques amis i
*> nrais leur créait eft bien peu confidé-
» rable dans ces circonftaçces-ci, Je
w youdrois bien que mes amis puflent
44*^ Vie
» me procurer une Lettre du Roi Fer-
» dinand , qui m'appelleroit auprès
» de luii comme s'il vouloir m'em-
» ployer à fon fervice ; j'efpére que
» moyennant cela il me feroit plus fa-
»cile de fortir d'ici. Il n'y a point de
» Ville que j'aimaflTe autant que Spire;
» mais je crains que ma mauvaife fanté
» ne puifle pas s'accommoder d'un en-
^ droit (î tumultueux , & où il y a tant
» de Princes. Fribourg n'eft pas loin
•• d'ici ; mais c'efl: une petite Ville dont
»le Peuple eft fort fuperftitieux Jl y a
»tîéja long-temsque je ne puis pas man-
» ger de poiflbn fans mettre ma fanté
» en grand danger; & quoique j'aye
» une permiflîon du Pape de .manger
<c gras les jours maigres , le petit Peu-
» pie ne laifleroit pas de fe Icandalifer
30 & décrier, lorf qu'il fauroit que je
y* n'obferve pas la loi du maigre , quel-
w que bonne raifon que j'en aye. »
Lorfqu'il fouhaitoit d'avoir une
(a) Epi/?« Lettre du Roi Ferdinand , (a) ce n'eft
37- ^« i^« pas qu'il voulûtaller à Vienne :1a lon-
gueur du voyage & fa mauvaife fanté
l'en détournoient ; mais il ne cher-
choit qu'un prétexte , pour irtipofer à
ceux qui auroient voulu le forcer de
r^fter à Fribourg. Il eut quelque def-
fein d'aller s'établir à Befançôn : il y
D* E R A s m' e. 449
envoya quelqu'un de confiance , qu'il
chargea de s'informer des amis qu'il
y avoit s'il convenoit qu'il s'y fixât ;
ils lui confeillerenf de choifir un au-
tre endroit pour plufieurs raifons j dont
la principale étoit (a) qu'il y avqit («) Efîfl^
pour lors de la divifion entre le Cler- i^i-^» ^^
gé & la Magiftrature. On foupçon-
noit dans Bafle qu'il en vouloit fortir ;
& l'on en étoit très-fâché : cependant
fa réfolution étoit prife ; & il fe déter-
mina enfin à donner la préférence à la
Ville de Fribourg en Brifgau. Il y
avoit dans cette Ville un hojnme d'un
rare mérite , qui depuis très-long-
tems lui étoit fort attaché j c'étoit
Udalric Zafius , un des plus célèbres
Jurifconfultes de fon fiécle. Il joignoit
(i) à une profonde connoiffancc du (^) Bptjl^
Droit beaucoup de littérature. C'étoit 3^'» L- !•
la candeur même (c) |& l'ami le plus (^) ^fifi*
généreux. Il y avoit long tems qu'il l^'.yT' ^^
vivoit avec Erafme dans la plus grande ^ *^ ' '
union , & qu'il avoit pour lui une ef-
time fmguliere. Dès Tan 1 5 1 y* il avoit
le plus grand défir de voir Erafme.
Cette année , mariant une de fes filles ,
il lui écrivit {d) pour h prier de venir (d) Eptjh
aux noces : il lui ofFroit l'a maifon , & 33- -^JP*
de payer les frais du voyage ; & il l'aft P^"^*
fiiroit que rUniverfité leroit comblée
J
4î"<3^ Vie
de joi^ fi elle pou^oit le voir. Les 2lU
W Epi^. foires d'Erafme («) ne iui ayant pas
?^' -permis de facisfaire aux envpr^flfemôns
de Zafius , celui-ci le foUicita encore
très*viveaient de venir à Fribourg
. WEpifi.Yznnée fui vante ; il lai déclare (b)
#4» L. z. q^'ii y ^[\ fi ^éfivé , que Ton ne man-
Guèroit pas . d'écrire fur les Regiftfes
de l'Uni verficé qu'Erafme étoit venu
à Fribourg, s'il vouloit avoir cette
complaifance, 11 céda enfin à fes em-
preffemens; & Zafius en fut fi enchanté^
ÎO Epi/Ï. qu'il difoit (c) au'il n'âvoit plus de
38, L. 3. regret à h vie depuis qu'il avoir va
-Erafme^
Cependant avant de fe fixer dàn*
Fribourg, il Voulut examiner par lui*
mêoie fi le féjour lui en convîen-
■ j. _ .- droit. Il y fit deux courts voyages (d)
ioi^T&^^^^ les mois de Février & de Mars
1054.* de r^n lya^. Ce fut aj^a^emment
: dans un de ces deux voyages ,, qu il
eut cette gracieufe réception dont il
eft parlé dans une Lettre de François
(f) Crenii Falaix ( e ). Les Magifltats , la No*
'Animad. WeiTe , l'Univerfité allèrent au devant
fart, f . f. de lui , lui firent les compUmens les
^*'®* plus flatteurs', l'appellant Tappui &
fe protecteur des Etudes* Les Magif"
trats lui firent préfent d'un gobelet
de vermeil travaillé avec beaa^
jçoup d'art. Le Collège lui donna
»
d*Era.smh, 45*1
ui\e ceinture dorée , qui ne cédoit en
rien au gobelet ; & lorfqVil fortit de
Fribourg , quelques Gentilshommes
l'accompagnèrent jufqu aux portes de
Bafle : il avoit été défrayé de toute fa
dépenfe. Ce petit féJQur de Fribourg
le détermina a donner la préférence à
cette Ville. Rhenanus a prétendu (a) (a) Ëfifii
que Bernard de Gles , Cardinal de «^^»^Y*
Trente , avoit contribué à lui fair« ^- ^^^^
choifir cette Ville qui étoit de la do-
mination du Roi Ferdinand » dont
TEvêque de Trente protefteur d'Eraf-
me étoit Chancelier, Si ce fut ave#
beaucoup de peine {h) que les bon- (h)^tifi*
nêtes gens, même ceux dont il n'ap- **• ^' *^'
prouvoit pas les dogmes , le virent
4ans la réfolution d'abandonner Bafle,
il en eut aufli beaucoup de regret; &
il le témoigna publiquement (c) par (e) EfiJI.
quatre Vers qu'il fit lorfqu'il en fortit lo. L. a.
( I ) , dans lefquels il déclare qu'il y a M. Adam,
pafifé fort agréablement le tems qu'il
{i) Jétm^ Baflca^ vale^ quâ mvnUrbt aU
tera multis
Annis €xhibmt gràtius hoffitium*
aine frecor omnia lata fîhi ; fimul illud ,
Erafino
Hofpes uti ne unqumn m/lior aivcniat.
4^2 V r B
y a demeuré , & foit des vœux pour
cette Ville, II étoit ehcore à Bafle ,
lorfqu'il arriva cette avanture dont il
(j) Epijl. fut témoin ( ^ ) , & qui a quelque rap-
13. L* 13. port à ce que l'on vit autrefois à
Jérufalem avant la prife de cette Ville
par les Romains. Un Anabaprifte par-
courut tous* les quartiers de la Ville
pendant plufieurs jours , en criant :
» Faites pénitence , la colère de Dieu
» vous menace.» Il alla dans TEglife
Cathédrale , où il fe répandit en in-
vedives contre les vices des Ckanoi-
•nes. 11 entra aufli dans les Egliles des
Luthériens , qu'il traira encore plus
durement; il les appella des aflaflîns
• d'ames. Quelqu'un lui ayant demandé
ce qu'il falloir faire pour appaifer la
colère de Dieu , il le regarda de trar
vers , en lui répondant : » Pharifien>
* pourquoi me tentez-vous f L'Efprit
» ne m'a pas ordonné d'en dire da-
» vantage. « Il avoir déjà fait la même
chofe à Montbéliard ; ce qui l'avoit
fait mettre en prifon pendant trois
mois. Les Magiftrats de Bafle jugèrent
à propos de le faire enfermer.Lonqu'on
le menoit en prifon , il crioit toujours
malgré les menaces de ceux qui l'y trai'
noient, faites pénitence. Après qu'il
eut été quelque tems daps la prifon i
d'Erasme. 45*3
on l'en tira , a condition qu'il fom-
roit de Bafle , & qu'il ne rentreroit
point dans le pays. 11 alla àLùcerne,
où il fut traité avec J)lus de rigueur :
il y fut condamné à être brûlé j ce
qui fut exécuté. Erafme avoit compté
être à Fribourgà Pâques (a) i riaais (4) Epfjf:,
un rhume accompagné de fièvre & J^* ^* i^«
d'opprelGon le furprit au milieu du
mois de Mars , & l'empêcha de fe
menre en chemin auflîtôt qu'il auroic
voulu. D'ailleurs il vouloir voir avant
fon dépan Jérôme Froben , qui étoit
allé à Francfort, & qulpouvoit^Iui
apporter des Lettres , ou de la Cour
de Brabant , ou de la Diette de Spire,
qui Tauroient pu obliger de changer la -
marche.
Tandis qu'il étoit à Bafle , plufieurs
Curieux'fc rendirent dans cette Ville ,
pour y voir un homme dont la répu-
tation faifoit un fi grand bruit dans
l'Europe^- Pierre Duchâtel-fut de ce
nombre. Il étoit pour lors fort jeune.
Erafme ayant apperçû en lui de très-
grandes difpofitiorw-à faire des pro-
grès dans les Sciences (b) le plaça (^)Gal!an-
chez Froben où il corrigeoit les ^lus. Baile.
épreuves ; il y refta jufqu'à ce qu'Eraf- (^^ ^PV^*
me fortit de Bafle. Il conferva ^o^-gt]/? ^''*
jours de la reconnoiffance (c) pour ^f^ 7*.
45*4 V I K
les procédés qu'Erafme avoît eus pour,
lui y ainfi qu'on peut en juger par une
Lettre d'Erafmc , qui l'invite de venir
àFribourg manger un poulet avec lui ,
& qui le remercie des perdrix qu'il
lui a envoyées. Jl lui aononce qu^il
cft fur le point de faire une grande
fortune ; & ce préfage fut accompli :
car Duchâtel fut fucceffivement Evê-
que de Mâcon, de Tulle & d'Or*
léans j & fut élevé à la dignité de
Grand - Aumônier de France. On a
prétendu que Calvin avoit été un de
ceux , que la curiofîté avoit engagés
à aller à Bafle pour voir Erafme; qu'il
lui avoir été préfenté par Bucer, &
qu'après s'être entretenu fur les œatie-?
res de Religion, Erafme étonné des pa-
(m^ Baîle , radoxes de Calvin avoit dit : »* (a) Je
art. Calvin, » vois une grande pefte s'élever dans
note a a. „ l'Eglife contre TEglife, » Mais com-
me ce fait n'a pour garant que FIo-
rimondde Rémond, il eft très- permis
d'en douter, auffi-bien que d'un cocte
fait par Bûflard au fujet d'Erafme.
Il prétend que^ndant fon féjour à
Bafle , Erafme fut fait Refteur de
rUniveffité. M. Dupin l'a répété d'a-
près Boiffard , qui ajoute que Hugue
\ Babelus qui avoit été fon Précepteur,
& avoitétélié avec Erafme, luiavoi^
appris qu Eraftne pendant fon "Reélo-
wt avoir voulu réprimer l'infolence
des Ecoliers ; que n'y ayant pas réuflî ,,
il s'étoit n)is dans une fi grande co-
lère > qu'il avoit brûlé une partie des
privilèges de llUniverfité.
Ces faits m'ayant paru ti;ès-peu
vrai-femblables > malgré l^autorite de
Boiflard & le prétendu rapport de Ba-
belu& , j'ai confulté deux hommes il-
luflres , à qui tout ce qui regarde
rUniverfité de Bafle eft très-çonnu*
Le prenjier eft le célèbre M, Scheph-
lin, doat le nom eft connu fi avan-
tageufement de tous ceux oui ne font
pas étrangers dans la République de$
tettre^ : il ma mandé que le récit de
Joiffard ne méritoit aucune créance ;
1^. quErafmc n'avoit jamais été.Reç;
teur de TUniverfité de Bafle 5 2°. que
les privilèges de l'Univerfîté éxiftoienc
encore en original ; que M. Ifelin les
avoit copiés & fait imprimer dans fon
Edition de. la Chronique de Suifïêj
écrite en Allemand par Tfchuddi.
M.Beél:, Doûeur Se Profefleurert
Théologie., & premier Bibliothécaire
de Bafle , entre encore d'ans un plus
frand détail dans une réponfe à M.
alcbnet, fi célèbre par fon érudition,
par fa bienfaifançç , & par le wk qu'il
4î^ Vie
a pour le progrès des fcîences. Il vou-
lut bien écrire à Bafle en cônféquence
d'un entretien que j'avois eu avec tui :
il s'adreffa à M. le Profefleur Brouiker,
qui mourut peu de tems après avoir
reçu fa Lettre ; mais en mourant il la
remit entre les mains de M. Beftfon
Collègue, qui écrivitàM.Falconet,
qu*il avoit confulté tous les Savans du
Pays qui avoient fait une étude parti-
culière de THiftoire Littéraire de Baf-
le , &»qu*ils s^accordoient tous fur ces
trois poipts; i^ Qu'Erafme' n'avoir
jamais été Reéleur de PUniverfité de
Bafle ; 2^ QueTes privilèges defUni-
verfité n'avoient point été déchirés ni
brûlés; 3^ Que l'Académie en poffe-
doit encore les originaux dans fes Ar-
chives,
Mais avant que nous parlions de ce
que fit Erafme à Fribourg , nous en-
trerons dans le détail des Ouvrages
qu'il fit paroître tandis qu'il réfidoît
à Bafle ; nous verrons enfuite quelle
part il a eue à PHiftoire du Luthéra-
nifme , puifque ce font les perfécu-
tions qu'il eut à fouffrir à Toccafion
de la révolution de Religion , qui le
déterminèrent à quitter Bafle pour al-
ler à Fribourg.
Il n'y eut point d'année tant qu ^1
demeura
r
d' E R A S M e; 45*7
deipsura à Bafle , qu'il ne donnât au
Public plufieurs Livres, parmi lefquels
il y en a de fort importans. Il n'y avoit
pas long-tems qu'il y étoitjorfqtf'il dé-
dia fon Saint Hilaire à Jean Caronde-
let. Archevêque de Paierme: TEpî-
tre Dédicatoire eft datée du y Janvier
I jaa. Il avoit d'abord eu le deflein (a) (a) Efi,t
de dédier l'Edition de ce P^re au Roi î^i- ^^-
François I. mais fes amis l'en décour- P^'^'^*
nerent , fans doute par la raifon qu'é-
tant Sujet & Confeiller de l'Empereur,
II ne lui convenoit pas d'avoir des liai-
fons avec un Prince qui étoic enga-
gé dans une guerre terrible avec l'Em-
pereur fon Maître. Il affure (6) l'Arche- (h) Epijl.
vêque de Paierme dans cette EpîtreS.L. zS.
Dédicatoire, que l'Edition de Saint
Hilaire lui a encore donné plus de
peine , que ce qu'il avoit déjà fait pa-
roître de 'Saint Jérôme, dont nous
aurons bientôt occafion de parler,
parce que le texte de Saint Hilaire
et oit plus corrompu , &fa phrafe plus
difficile. Il prétend qu'il n'y a au-
cun Auteur, fur le texte duquel les
Copiûcs ayent plus abufé de leur , té-,
mérité j qu'elle avoit été jufqu'à ajou-.
ter des préfaces,, des fins, désphrafes
entières au milieu d'une page , & quel-
quefois jufqu'à vingt çu trente lignes
4;8 V I E
de fuite : il foutient que lorfqu^ils^mr
trouvé des opinions différentes de cel-
les qui font reçues , ils^i'ont pas c^int
d'y faire des changeroens ; il aflure en
avoir découvert plus de vingt exena-
ples. Il en cite un tiré du dixiéonHe Li-
vre de la Trinité , où le Saint Doc-
teur paroît avoir crû que le corps &
l'ame de Jrfus-Chrift n'étoient pas fuf-
ceptibles de douleur ; ce que le Co-
pine a corrigé par une parenthefe. Il
déclare avoir trouvé plus de trente de
ces correftions. Il foutient que cette
hardieffe ne peut fe jtiftifier ; que îes"
Copiftes auroient bien mieux fait de
fuivre Texemple de Pierre Lombard ,
qui au lieu d'altérer le texte des Pè-
res ^ fe contente de joindre quelque
fcholie , oh il précautionne le Ledleur
contre Tinexaftitude des pâffages qu'il
emploie. Il inveélive enfuite contre
les Théologiens , qui agitent une in-
finité de queftions d'une curiofîté dan-
gereufe , tandis qu^ils feroient bien
mieux de travailler à guérir leurs âmes
de Tenvie, la haine & l'orgueil. » Vous
ji ne ferez pas damné, dit- il , fi vous
a» ignorez fi le Saint- EfpYit a lin prin-
* cipe ou deux ; mais vous le ferez
» certainement , fi vous ne tâchez d'a-
• voir les fruits du Saint-Eiprit. L'Eru-
d'Erasme* 45-9
9 didon Théolog'ique confifte à ne dé-
» finir que ce que les Ecritures nous en-
M feignent. La foi confiftoit autrefois ,
» plus dans la bonne vie > que dans la
» profeflîon des articles ; la néceffité a
» obligé d'en faire. On n'en fit d'a-
xbord que fort peu. La méchanceté -
3> des Hérétiques obligea les Ortho-
» doxes d^examiner avec plus d'atten-
» tion les Ecritures ; leur opiniâtreté
* engagea les^Conciles à Éaire des Ca-
» nôns. Le Symbole de la foi com-
* mença à être plutôt dans les écrits
» que dans lesefprits. Il y avoit prefque ^
» autant de Confeffions de foi , qu'il y
» avoit d'hommes. Les articles aug-
» menterent , & la fincérité diminua.
» Les difputes s'échauffèrent ; la cha-
» rite fe refroidit. La dodrine de Je-
» fus-Chrift qui ne connoiflbit pas les
» difputes de mots , commença a dé-»
» pendre des fecours de la Philo-
» fophie> G'étoit-là le premier dégrp
» des maux de TEglife. L'autorké des
» Empereurs qui prirent part à toutes /^
» les difputes , n'avança pas beaucoup
» la pureté de la Foi. Enfin on en vint
» à des difputes fophiftiques ; & il en
» eft forti des milliers d articles. On
» eut recours aux menaces & à la
* force pour obliger de croire , fans
'4c8 V iiL-/
de fuite : il fourie-.-^^il n'y a que ce qui
trouvé des opir'- M puitfe être agréa-
les qui font r ^hrift . . ... Pour nous ,
dV faire ^ -^clis que S. Hilaire , nous
avoir r' > appeller le Saint-Efprit vrai
pies. /^" procédant du Père & du Fils ;
vr /ce que les Anciens pendant long-
/rems n'ont pas eu- la hardieffe de
, décider! Les premiers progrès de
^ rEglife ont plutôt été dans la pu-
» reté de la vie , que dans j'exafte
» connoiflfance de la Divinité. El e
3» n a .jamais tant perdu , quelorfqu'elle
90 a paru gagner du côté de l'érudi-
» tion Philofophique & des riche/Tes
«> de ce monde : non pas que les fi-.
» cheffes foient mauvaifcs en foi j mais
>9 c eft qu'elles occupent trop les hom-
3. mes. L'érudition n'eft pas mauvaife;
a» mais c'efl ordinairement une caufe
m de faflions & de difputes. » -
Se laiflant enfuite entraîner par un
excès de tolérance , il entreprend de
pftifier en quelque forte les Ariens.
» Leur Dogme, dit il , étoit foutenu
». par plulieurs, gr^ds Auteurs. Ils
«avoient pour eux: quelques paffages
» de l'Ecritureen apparence , & des
. » raifons qui avoient de la vraifem*
» blance : l'Empereur étoit de ce parti)
•> qui étoit fuivx d'un très-grand noms
D^ E R A é M H. 4^1
enforrc qu'il auroit fallu en
c'étoit le nombre qui dût
' remporter. Enfin la difpute
*V des chofes fort éloignées
.telligence de Teforit humain. »
^ette Préface f dans laquelle on ne
peut nier qu'il n'y ait beaucoup de cho*
les indifcrettes &c bazardées , caufa du
fcandale , & augmenta le nombre des
ennemis d'Erafme» Elle fut condam-
née à Rome : la Sorbonne en reprit
plufieurs propofitions ; les Bénédic-
tins eh ont fait une critique févere
dans h Préface de leur Edition de S*
Hilaire, dans laquelle ils conviennent
cependant que l'Edition d'Erafme a
ion mérite» & que Mir^us qui en a
donné une , fait un grand éloge de
celle d'Erafme.
Deux articles fur-tout ofFenferent -
les Théologiens : la juftification des
Ariens; & cette proportion : nous ofons
fipptller le Saint - Efprit vrai Dieu.
Nous verrons ailleurs comment il a ré-
pondu au reproche qu'on lui faifoit
de favorifer TArianiCme ; quant à ce
qu'il avoir dit du Saint - Efprit , il
s'imagina (a) pouvoir juftifier la har- {a) Reffon^
dieffe de fes expreflîons par les paroles jîo fd nom-
que l'Eglife emploie dans le Sacri- ^^s Beddaî-
fice de h Meffe , lorfqu'eUe dit : Nous '^'*
yiij
4(^1 V i^K
cfons dire Nôtre - Père. Mais il eft
bien ailé de s'appercevoir , combien
' cette réponfe eu peu folide. Erafnie
fcmble accufer de témérité ceux qui
appelloient le Saint-Efprit vrai Dieu ;
au lieu que les termes, dont TEglife fe
'fert , font un Aéle d'humilité , à peu-
près équivalent à celui du Centurion
dans FEvangile.
Ërafme qui confervoit toujours une
grande vâicration pour- le Roi Fran-
çois ï. crut devoir lui faire préfent
de fon Saint Hilaire. Le Roi fit donner
(a) EfiJ}. ucntt écus (a) k celui qui le lui ap-
^otz. porta ; mais Erafine n'eut qu'un corn*
pliaient pour remerciement.
Peu de jours après qu'il eut. fini fâ
Préface de Saint Hilaire, il dédia à
TEmpereur Charles V. fa Paraphrafe
for S, Mathieu : PEpître Dédicatoire
eft dû 13 Janvier ij^s. Il nous yap-
^b) Eftjl, prend ( b ) que le Cardinal de Sion ,
4/. L. 29. après av<JÎr vu les Paraphrafes^ qu'il
avoir faites des Epîtres des Apôtres ,
l'avoit exhorté à entreprendre le même
travail fur S* Mathieu ; que la diffi-
culté de Fouvrage lui avoir fait faire
plufieurs objedlions ; mais qu'il n'avoit
f)as pu réfifter à l'autorité de ce Pré-
at. Il finit fon Epître Déçlicatoire
par faire reflbuvenir l'Empereur, qui
d'E R A s M E. 4<Jj
<£roit pour lors engagé dams une très-
grande guerre avec le Roi de France,
quHl n*y a point de-guerre, ni ù jufte
ni fi modérée qu'elle Ibit, qui n^occa-
fionne une infinité de crimes & de
malheurs , & que la plus grande par-
tie des maux que les guerres entraînent
néceifairement avec elles , retombent
fur ceux qui^ ne les ont pas mérités.
fjraTme ne fut que deux mois à faire
cette Paraphrafe (a). Il mita la tête C^) Eptfl.
un Avertiflemcnt , dans lequel il prou- < i^^* Epift*
ve que l'Ecriture fainte devant être 4 ^' ^•^i*
i'ufage de tous les hommes , il feroit
k fouhaiter qu'elle fut traduite en tou-
ttes Langues.
La Paraphrafe fur S. Mathieu fut
très-bien reçue à la Cour de l'Em-
pereur. Jean Glapion Cordelier &:
Confeflfeur de Charles V. la lui pré-
fenta dans fa Chapelle en oréfence de
plufieurs Seigneurs. Charles en prit
occafion de faire Téloge d'Erafrae : il
dit que ce n'étoit pas le premier Li-
vre qu'il lui eût dédié } qu il avoit
fait pour lui le Prince Chrétien; qu'il
avoit fait le Panégyrique du Roi fou
Père ; enfin il déclara publiquement
que ce pféfent lui étoit agréable. Il
ne fe contenta pas même de le dire; il
écrivit à ce fujec à& Lettres très grz^-
Viiij
4^4 Vie
cieufes & très-honorables à firallne;
Ceux oui avoient le plus de crédit à la
(a) Epifl. ^^"^ ^^ l'Empereur {a) lui firent
5 3. L. 10. part de la fatisfaélion que ce Prince
avoit fait paroître, & entr'autres fon
Confeffeur, le Chancelier Gattinare
& l*Archevêque de Palerne. Ils lui
mandèrent en même-tems , que quoi-
que Ton ôtât ou que Pan retranchât
la plupart des penfions , non-feule-
ment on ne toucheroit pas à la fienne.
Mais qu'il pouvoit fe flatter de quel-
que grande récompenfe de la part de
la Cour. Cette Paraphrafe ayant été
traduite en Italien , fut condamnée à
(h) Pofle-Rome (b). Nous, dirons un mot des
vin. autres Paraphrafes , afin de ne point
féparer ce qui regarde un même fujet»
(c) Epifl.' ^^ Paraphrafe fur Saint Marc ( c)
69. L. i^[ eft dédiée au Roi François I. & TE-
pître Dédicatoire eft datée du i Dé-
cembre ij'23. Erafme fe flattoit pour
lors que bientôt la paix feroit rétablie
dans l'Europe : il fait des vœux pour
voir promptement un fi grand bien;
& pour faire prendre au Roi des fen-
timens pacifiques , il s'étend beaucoup
fur les malheurs que la guerre entraine
toujours avec elle. Il louhaite que la
^tranquillité régne dans tous les Pays
Chrétiens ,& fur - tout en France |
D' E R A s M Ee 4^jr, .
qu'il regarde commç le Pays de TEu-
rope qui jufqu'alors a été le plus re- ^
Figieux & le plus floriffant. La Para-
phrafe fur Saint Luc avoit été faite {à) (a) Eptjî.
quelque tems avant cette dernière ;7o. L. 19.
elle eft dédiée au Roi Henri VIIL par
une Lettre datée du 25 Août lyaj.
La Paraphrafe fur l'Evangile de Saint
Jean eft dédiée ( fc ) au Prince Ferdi- (b) Efifl.
nand, frere de l'Empereur, par unezi. i. »?•
Lettre datée du 5* Janvier I5'23, Eraf-
me y avança une propoficion , qui dans
la fuite fut relevée par le Syndic Be^-
da , & par la Sorbonne : il y préten-
dit y que quoique dans tous les fiécles
rEyangile ait été honoré , cependant
depuis quatre-eens ans il y avoit moins,
de zélé, chez la plupart its hommes.
S'il n'a voulu parler que du relâche-
ment dans la difçipline & dans les
mœurs , c'eft une vérité conftante, qui
a depuis été répétée par nos plus
grands, Dodeiirs.; il fuffit de nommer
M. Bpfluet & 'M. î^leuri. Cétoit le
Cardinal de Mayence 8c TEvêque de
Rochefier (c) qui avoient engagé ^^^^ j^^i,^^
Erafnae à faire la Paraphrafe fur Saint 41, u io-
J^an j &'ils l'en avoient d'autant plus
preCTé , qu'ils efpéroient que cet Ou^
yrage ferviroit de Commentaire à ce-'
lui de tous les Evangiles qu'ils regaf-»
' ""' Vv
^66 VtK
doient comme le plus difficile. Le Prin-
9 ce Ferdinand ayant fçu par Erafme
lui-même qu'il vouloir lui dédier cet-
te Paraphrafe , lui écrivit que ce pré-
' (a) Ej)//?.fcnt {a} lui fcroit très - agréable 5 &
;43* I. 20. après l'avoir reçu, il lui m une grà-
(^) £p/y^. tificatioh de cent florins (fr). Erafme
B tx. rapporte dans un de fes Ouvrages [(c)
(c) Liitgaa , au*un Cordelier qui lifoii la Paraphra-
p. »49. ed.fe f^J. s^jftt Jean, en étoit très-con-
j^ y^"* tcnt. Il avoit tout approuvé, jufquà
^ * ce qu^étant à la fin , il fiit fcandaUlé
de l^endroit oh l'Auteur avertit de ne
pas mettre toute fa confiance dans des
chofes extérieures , ni s'imaginer qu'on
fera furement fauve, fi l'on fe fiait en-
févelif avec l'habit de Saint François
ou celui de Saint Dominique. Le Cor-
delier n'eut pas plutôt lu cet avis , que
fur le champ il défapprou>>'a tout ce
gu'il avoit approuvé jufqu?alors : il
m plus ; il engagea fes Confrères à or-
donner qu'aucun Cordelier ne pour-
roit plus lire les Livres d'Erafme. » Si
» j'avois feulement parié de Fhabit de
» Saint Dominique, ajoute - 1- il, je
» n'en aurois pas été moins bon Chre-
» tien ; un feul mot m'a rendu Héré-
» tique chez ce CordeB'er. »
(d) Eptfi. Il ^voit eu deffein (d) de dédier
1. u 19. la Paraphrafe des Aftes des Apôtres
d' E Bt A s M e; 4^7
^u Cardinal Volfei ; mais fes amis
de Romt lui ayant appris les fentimens
favorables que Ciment VII. qui ve«
coit de fuccéder à Adrien VL avoit
pour lui , il crut devoir lui en témoi«
. ^ner ùt recoanoifiance , en lui dédiant
cette Paraphrafe par une Lettre daté^
•du ai Janvier is^ Le Pape l'en re-
fliercia (a) par un Bref honorable, qui W ^P^A
^toit accompagné de deux-cens flo-^^* ^* 3*-
rins , & de grandes promefTes. A la té-
te Ae cette Paraphrafe (b) eftTHif- W Epifi.
toire des Voyages de Saint Pierre Se ^^' ^' *^«
de Saint PauL
La Paraphrafe de TEpître de Saint
Piaul aux Romains efi dédiée au Cardi*
ml Grimani ( c) par une Lettre datée (^) Epiff.
de Louvain le 13 Novembre iji7«7^* L. 19.
Il avoit d'abord eu deffevn (i) de la (i) Epifi.
dédier au Cardinal deMayancei mais*^* ^* M*
il s'imagina que le nom d'un Cardi-
nal qui demeureroit à Rome , convien-
droit mieux i la tête d'une Epîcre aux
Romains^ Le Cardinal Grimàni fut
trèsrcont€Bt de cet Ouvrage j & £raf-
me a prétendu (e) qu'il awit. extrême* Cf ) Aâver^
ment plû aux Sa vans* ^^^ Suto*
Les Paraphrafes des deux Epîtrp['^'^^f^J^-
aux Corinthiens font dédiées au Car-
dinal de la Mitfc Evêque de Liège ,
par une Epître datée de Louvain le £
Vvj
458 V I B
Février i y ip. Il vouloît par ce pfé4
(a" Efffi. fent ( a ) le remercier de la bonne ré-
73. L. i^. cepuon qu'il lui avoit faite. 11 y traite
de Tancienne Difdpline Eccléfiafti-
que ; & il y bazarde cette propofîtion
qui eflfuva un grand nombre de criti-
ques : il ofa dire , qu'il lui paroîtroic
bien plus confonne à la pureté da
ChrifËanifine & à la doftrine des Apô-
tres & de TEvangile , s'il n'y avoir
point de loi au fujet des alimens , &
fi Ton fc contentoit d'avertir de Ji'ufer
que de ceux qui conviennent à notre
tempéramment , fans luxe , avec fb-
brieié & adion de grâces. Parlant en-
fuite des difputes qui ont divifé les
Chrétiens , il prétend que du teros
d'Arius le monde étoit dans l'incerti-
tude de quel côté il pencheroit. Il
fouhâitoit après cela , que S. Paul fe
fut expliqué davantage fur l'état des
âmes après la mort , où elles font ,
fi elles jouiffent de la Gloire , fi les
âmes des impies font tourmentées dès-
àpréfent, fi nos prières peuvent les
• ' fecourir j fi* le^ Indulgences du Sou-
' : verain Pontife les tirent fur \t champ
'~\ de l'état de fduffrance j ce qui donne
occafion de difptite i ptufieurs ^ &
•fur quoi l'on ne difputeroit pas , fi S#
Paul avoit prononcé clairement.
D* E Ë A s M b; 4.6^
îl n'eft pas furprenant que ces pro-
pofitions , comme nous le verrons ,
- ayent excité de grands tumultes chez
les Théologiens. Cette Paraphrafe au-
refte fut très-bien reçue ; & Richard
Facaeus lui écrivoit (a) qu'il Tavoic (a) Efilt^
lue avec une très-grande attention;*» l^^u
qu'il «n avoit beaucoup profité ; &
qu'il pouvoir fe flatter d'entendre pré-
ientement les Epîtres de S. Paul aux
Corinthiens , ce qu'il n'avoit pas pu
faire jufquà préfent; qu'elles lui pa-
roiflbient aduellement fi claires ^ qu'il
alloit renoncer à tous les autfcs Corn*
meptaires pour ne fe fervir que de (a
Paraphrafe. Le même jour qu'Erafme
dédia fa Paraphrafe fur les Epîtres aux
Corinthiens au Cardinal de la Marc ,
il dédia celle fur l'Epître aux Ephe-
fiens au Cardinal Laurent Campege. Il
fe plaint amèrement {h') dans (on Epr- çy^ Eftjf*
tre Dédicatoire de la Théologie de 74. L.%9f
fon tems , qui négligeant les Livres
facrés , n'étoit occupée que de quef-
tions inutiles. Il décide que c'eft plu-
tôt un Art qu'une fageffe ; que l'on y
trouve ptus d'oftentation que de vraie
{)iété ; qu'elle a été corrompue par
'ambition, l'avarice, la flatterie, lef-
prit de difpute & la fuperftition. Il fe
plaint que dans les difputes des Théor
470 ViB
lôgiens , il y a plus de fiel que d*ëf u*
dition , plus d'injures que de jugement t
Elus d'efprit de parti que d^amour de
L vérité j que les Sermons même ne
font pas exempts de -déclamations
odieules & injuftes } que l'on y entend
des inveélives fcandaleufes , telles que
celles-ci : » Donnez^vous bien de garr
» de que vos enfens n'apprennent le
a^Grec; c'eftlà la fource des héré-
a^ fies : évitez les Livres d'Erafme,<jui
f altère l'Oraifon Dominicale, leMa-
» jçnificat , l'Evangile de S. Jean. Ve-
9 nez at fecours , Magiflrats ; accou*
w rez , Citoyens : éloignez de fi grands
» maux. » Il fe flatte malgré ces dif-
cours, que fes Paraphraies dureront
toujours , parce qu'elles font approu-
vées par ceux-mêmes qui n'épargnent
aucuns de fes autres Ouvrages* Il fi-
nit -Cette Epître par faire reffouvenir
le Cardinal Campege d'un j difcours
qu'il lui avolt tenu à Bruges à la fin
irun repas 9 que dans quelque Cour
^ue fott le Cardinal Campege ^ £ra(^
me y aura uô ami très-dévoué.
La Parapfarafe des deuf Epîtres à
Timothée , de celles à Tite &à Pbi-
lemon , fut dédi« l'an 1 5 ip. à Phi-
(a) Eprfl. lippe de Bourgogne Evêque d'Utfeft
7>. L.i^.{a). Celle ^es deux Epîtres de S.
u'Erasme. 47»
Kerre , & celle de l'Epître de S. Jude ;
eft dédiée (a) au Cardinal Wolfei (a)EflJli
fans date. Celle de l'Epître de S. Jac 7^- ^' »'♦
ques eft dédiée au Cardinal de Sion Qj) (i) Efifti
far une Epître Dédicatoire datée de ??• L. »^,
iouvain le lé Décembre i f'^P* ^^^^
voulut point paraphrafer l'Epître. aux
Hébreux, parce qu'outre que le ftyle
qui lui paroiffoit fentir le Rhéteur pla^
tôt que l'Apôtre , lui avoit feit croire
Qu'elle n'étoit pas de S. Paul , elle ren-
iermoit beaucoup de difficulté.
Enfin la Paraphrafe des Epîtres de
Sv Jean eft dédiée au même Cardinal
de Sion ( c). CO ^fifi.
11 ne jugea pas à propos de para- li. 1. 19.
pbrafef l'Apocalypfe {d) ; il ne croyoit W) Ep»«.
pas que ce Livre fût fufceptibledepa-'" ' ^
raphrafe , même de Commentaire. Les
paraplirafes «TErafrae curent un jrès-
grand fuccès. Les premières qui pa-
rurent eurent l'approbation des Papes
Léon X. & Adrien VL & Erafme ne
craignit pas de dire publiquement an
Prince de Carpi ( e ) , que ion travail « ^/;;^;
en ce genre n^avoit déplu à aucun ç^^^,
bon Théologien ; ^Jue plufieurs hom-
mes d'une fcience diftinguée lui en
avoient fait des remercieœefts ; que - *
ccux-mémesquin'étoient pas cor.tens.
de fes autres Ouvrages , ne fe plai^
47^ V lï
gnoient point de fes Paraphrafes; '
Les plus grands Critiques en ont
S)orté un jugement très-favorable. Jo*
èph Scaligerafluroit, qu'elles étoient
un excellent Commentaire j écoutons-
(4) S<r4%r- le décider (a) : » Cétoit un grand
rana. ^ homme qu Erafme : il a fait une di-
» vine Paraphrafe j jamais Papifte »
3» Luthérien ni Calvinifte , n a fait un
*» meilleur Livre ni plus élégant , igue
» la Paraphrafe fur le Nouveau -Tefta-
» ment. » M. Simon qui n eft pas fort
(h) Hift. prévenu en faveur d'Erafroe-, avoue {b)
critique des 4"^ fes Paraphrafes lui ont attiré beau-
principaux coup d'eftime. M. MarfoUier a pré-
tommen- tendu ( c ) qu'il y avoit peu de Livres
Ç"'s ' ^ qui fuflent plus utiles aux Prédicateurs
(o' Apolo- qui veulent annoncer TEvangile uti-
gie d'Eraf- lement & folidenfent , que les Para-
me,p.t4^.phrafes d'Erafme.
Ce fut fur-tout en Angleterre oà
elles furent extrêmement bien reçues ;
elles y étoient regardées coipme le Li-
vre le plus propre à faciliter l'inttlli-
gence du Nouveau-Teftament, On les
*(i)Burnet,traduifît en Anglois (d) dans le tems
L.i,i. part, que le Schifme fe formoitj & il fut
lib. choi- ordonné que chaque Paroiffe acheté;
le,^ ^^^^* roit un exemplaire de cette Para-
phrafe , & qu'on la joindroit à laBir
ble. C^la ne fe fit point à la vérité
' d' E R A s M E. 473
fans quelque contradiftion : Gardiner/
Evêque de Winchefter foutint qu'il y
avoir quelques fautes dans l'Ouvrage
d'Eraune,que d'ailleurs fon Tradudeur
s'écoit trompé ; mais TArchevêque de
Cantorberi prérendit qu'à tout pren-
dre , c étoit ce qu'il y avoit de meil-
leur en ce genre.
Si Erafme eut un grand nombre
d'illuftres Approbateurs , il eut auf-
{i beaucoup de Critiques , dont quel-
ques-uns portèrent leur paflîon jufqu'au
ridicule. Tels étoient ceux dont le
Prince de Carpi {a) répétoit les f(5up-(4} Adver^
çons ; ils prétendoient que l'intention ^^' Carfenz
d'Erafme en faifant fes Paraphrafes J^^^
étoit de les fubftituer au texte de -l'E-
criture Sainte, même dans les Eglifes.
Ce futfurtout en Sorbonneque ces
Paraphrafes furent mal reçues ; à quoi
les mouvemens du Syndic Beda con-
tribuèrent beaucoup. Le LibrJIre Con-
rad Refch apporta à Paris (b) au corn- (h) D'Ar^'
mencement de l'an 1 5*24. quelques gsntré ,
exemplaires des Paraphrafes d^ErafmeP^"' ^'j^P*
fur Saint Marc & fur Saint Luc; &viiîer,parû
ayant deffein de les imprimer , il vou- 4, c. 5.
lut avoir une permiffion du Parlement
de Paris par le crédit de François de
Loin , Confeiller au Parlement , & in- (^) ^pfjfj
time amid'Ërafme (c). De Loin fa-i^, l. u
474 Vie
chant qu'il étoit défendu par les Ar-
rêts du, Parlement de rien imprimer
qui eût rapport à la Religion , qui
n'eût été approuvé ^ ou par la Sor-
lionne » ou pajr des CommifTaires nom-
mes par elle^ envoya le Livre à Beda»
en l? priant de Texaminer & de lui en
dire fon fentiment. Beda le lut, &
envoya à de Loin ânquante propo-
fitions qu'il en avoit extraites , & qu'il
croyoit erronées ou fufpeéles d'erreur.
Le Libraire Refch ne pouvant douter
de la mauvaife difpoution de Beda
contre Erafine , prit des mefures pour
faire examiner le Livre par la Sor-:
bonne : il y eut des ComaûfTaires nom-
més f qui après avoir fait la leâure du
Livre , firent leur jrapport , qu'il y
avoit plufîeurs propofitions pernicieu-
fes dans cet Ouvrage. Elles furent
lues ; & en conféquence de cette lec-
ture il Éit décidé , que ce Livre ne
pouvoit pas être imprimé à Paris,. &
il n'en fut plus queftion. On verra
ailleurs les objeâions que l'on faifoit
à Erafme , & fes réponfes,
La Faculté de Théologie de Lou-
(a) D'A ^^^^ "^ ^^ P^^ P^"^ favorable à Eraf-
gentré to' "^^î ^^^^ condamna fes Parâphrafes (a),
me I, p. ^7^ Jean Henteniu^ , Dominicain & Doc*
ludex. teur de la Faculté de Louvain , eut
d'Erasme. 47^
ordre l'an lyyy* de la part de la Fa-
culté de recueillir les propofitions con-
damnables 'qui fe trouyoient dans les
Ouvrages d'£ra(me : fon travail fe
voit ( tf ) dans la Bibliothèque de Lou- (a) in faf*
vain. A la fin de fon recueil 9 on lit ft^ Acade-
ces paroles : » Il faut remarquer qa^^^j^ i^a"
» toutes les objeiftions que Ton fait ^^^/"-"'ilu'
» Erafme fur les conftitutions humair Beigicat p%
» nés , fujp les cérémonies dévotes , Sf.
â» fur le célibat , fur le mariage , fur
» le pouvoir du Pape , fur le maigre^
» les Fêtes , les jeûnes , les calom*
9 nies^^;>ntre les Théologiens , les
» Evêques & les Princes , il fe jufti-
M fie toujours & ne convient jamais de
a> fes torts , qui font cependant très**
» évidens. Il dit qu'il a fait ce qu'un
9y Paraphrafte devoit faire ; qu'il a fait
» parler Jefus- €hriû , les Apôtres 9 j
V les Evangéiiftcs , comme on devoit
9 parler dans la primitive Eglife ] &;
4» qu'il n'imaginoit pas les troubles qui
« arrivèrent dans les derniers tems. »
Nous avons vu qu'f rafme n'avoit
Eas parlé avec affez d'èxaûitude de la
lOi qui oblige les Chrétiens de faire
maigre certains jours : il n'avoit pas
craint de dire ( fc ) dans un de fes Col- W P. 6 éé:
loquts , que s'il étoit Pape , il per- ^^' C/rnViir
mettroit à tout le monde de manger
47^ Vie
ce qui lui feroit du bien , pourvu que
ce fût avec modération & aâion de
grâces. Depuis en écrivant contre Be-
(a) Supput. da ( (z ) il avoit approuvé Gerfon ,
tror Bed- d'avoir enfeigné qu'il pourroit arriver
d>x , frop. tel cas oh un Chartreux qui ne vou-
*'^* droit pas manger de la viande, pé-
cheroit, de même que celui qui lui en
refuferoit.
Ces propofitions cauferent beau-
coup de fcandale dans un tcms , oà
Finobfervation de la Loi du maigre
paflbit pour une conviélion de Luthé-:
ranifme , de l'aveu même dt^afme f
{h)}lyferaf qui nous apprend (b) que deux hom-
P!^^ ♦ '• mes coururent rifque de la vie en Fran-
Epifi.' 71. ^^ ' P^"^ avoir fait gras deux jours de
L. 20. * Carême , quoique malades. On avoit
toujours agi avec févérité en France
contre ceux qui ne rftpeéloicnt pas les
Loix de l'Eglife à ce fujet. Dans les
commencemens de la Monarchie , on
les puniffoit de mort. M. Balufe trou-
(OP.iojp. ve ( c) que la peine étoit bien grande ;
rafiu t. ». mais il foutient qu'elle étoit néceflai-
re pour empêcher dé retomber dans
le paganifme. Dans la fuite des tems
on fut moins cruel ; il n'en coûta point
la vie aux tranfgreffeurs de la Loi ,
(i) Effais ,"^^^s l'honneur. M. de Sainte Foi (i)
. p. 4 îl rapporte dans fes Effais fur Tbiftoire
t. 2
i>* E R A s M e; 477
de Paris , qu'un Guré de Saint Méri ,
fur la fin du quatorzième ficelé, fit
condamner un de fes Paroiflîens à fai-
re amende - honorable un Dimanche à
la porte de fa Paroifle, pour avoir
mange de la viande un Vendredi. De-
puis le Calvinifme , on augmenta la
rigueur de la Loi en France ; & Ré-
gnier de la Planche rapporte ( a ) que W Com^l
Tan lydo. la Cour de Parlement fit^^l^/f"®
défenfes à tous Bouchers , Rôtiffeurs , f^ ^^\l^'
Vivandiers & autres que le Bou* gj^n^ p.^^j
cher de l'Hôrel-Dieu , de vendre .du-
rant le Carême aucune chair, fous
peine de la hart*
La punition que l'on infligepit en
Pologne à ceux qui violoient la Loi
du maigre du tems de Ditmare , qui
vivoit fur la fin du dixième fiecle &
au commencement du onzième , eft
finguliere , &c mérite d'être rappor-.
tée : on leur arrachoit les dents ( i )•
( 1 ) Qiiicumque foji feptuage/imam car^
nem mandacajfe tnvenitur , abfcifis demibus ,
graviter f unit tir, Lex namque dîvîna in his
regionihi^s noviter exortu , fofeftate tali ^
meliiis quàm jejunio ab Efijcofis inJlUmo ,
eorrQhoratuf.
Ditmarus , initio Libri odavi.
Voyez aufïi Balufe , notes fur les Capinilair
res, p. 10 j^. '
478 . ViK
Erafine înftroit qoe fes expreflîons au
fujet de la défenfe de manger gras les
jours prohibés avoient déplu à plu-
ileurs perfonnes , crut devoir s'expli-
quer ; & il adreâa une Lettre apo-
logétique (i) à TEvêquc de Bafle
M ^f{fl» fur cette naatiere ( ^i) , datée de Bafl,e
91. L. \9. jg lendemain de Pâques de l'an 15-22.
^*J^ 43. £Ug ^^ £y^ imprimée qu'avec le con-
fentement de ce Prélat. Il y fait d'a-
bord l'éloge da jeûne , qu'il appelle
un fecours pour la vraie piété , quand
on en fait un bon ufage. Ses effets font
I®. de réprimer les défirsde la chair,
en l'empêchant de fe. révolter contre
Tqfprit j 2®, d'appaifer la colère de
Dieu j par la punition que nous nous
infligeons nous - mêmes. L'Ancien-
Teftament nous apprend en plufîeurs
endroits , que le jeûne eft un des
moyens de fléchir la colère divine;
& Jefus-Chrift nous a enfeîgné qu il
y avoir une cfpece de Démon qui ne
le chaiToit que par le jeûne & par la
prière. L'Eglife naiflante n'étoit oc-
cupée que de jeûnes & de prières.
( i ) Dejiderii Urajmi Epifiol^ Afclcgeti-
CA y de imerdiUo efu camtum , dequefitmli-
eus homtnum confiituthnihus ; a4 Rêver cn^
dum in ChriJIc Patrem , & lllufirem ?iitu i-
fem^ ChriJlûfhoTHm Efifcojpttm Bafilienfem,
D* E R A s M e; 47P
Ce n'ëtoit pas qu'il y eût aucun pré-
cepte qui obligeât les Chrétiens de
jeûner ; chacun fe livroit à fa dévo-
tiçn , fans y être forcé par la Loi.
Cet ufage de jeûner étant établi dans
TEglife par le tacite confentement des
Peuples , fut confirmé par l'autorité
des Evêques , & enfuite par celle de
PEvêque de Rome , qui s'appercevoic
que le zeie des Fidelles fe refroidifr
foit. On fit des Loix que Ton ne peut
violer fans manquer à l'ordre public 9
d'autant plus que la pratique du jeû-
ne eft fondée fur l'exemple des Pror
phetes , de S. Jean-Baptifte , de Jefus-
Chrift même , des Apôtres & des
Pères qui l'ont recommandé comme .
un des moyens d'appaifer la colère
de Dieu. S'il y avoit des ufages dont
les circonftances pourroient faire dé-
firer l'abolition, du moins elle de-
vroit fe faire fans tumulte : c'eft ainfi
que Jefus - Chrifl & Saint Paul ont
agi. Erafme vouloit par-là condamner
les Sedateurs de Luther , qui fous
£ rétexte de changer les articles de
)ifcipline défapprouvés par leur Maî-
tre , caufoient de grands troubles dans
l'Etat.
Il vient enfuite aux Fêtes. Il croyoit
que Saint Paul n avoit point fait de
48o V I « ^
diftinélion entre jour & jour , & qu a-
près lui on ordonna que le Dimanche
feroit fêté , afin que le Peuple s'af-
femblât pour entendre la parole de
Dieu. Après cela vinrent les Fêtes
dont le Peuple fut furchargé , parce
que fouvent il y en eut d'établie^ fans
néceffité , & pour des caufes très-lé-
gères. Cette multitude de Fêtes dont
on pôurrbit fe pafler , a plufieurs in-
convéniens. Elle eft préjudiciable au
Peuple, qu'elle empêche de travail-
ler j & au lieu de s'occuper de cho-
fes pieufes , Texpérience apprend qu'il
n'emploie ces jours-là qu^à la crapule
& à la débauche. Il croit donc qu on
.feroit très-bien d'en fupprimer le plus
grand nombre , & de permettre au
Peuple de travailler après avoir aflîflé
à l'Office, filebefoin de famille l'exi-
ge , ou m^me fi c'eft pour faire quel-
ques aumônes. Ces changemens ne doi-
vent pas' être faits tumultueufenient
par le Peuple , mais feulement par
Tautorité des Supérieure , fans que la
tranquillité publique en foufte.
Il parle enfuite du mariage des Prê-
tres. Il croit qu'il auroit été à propos
de leur permettre pour lors d'avoir des
femmes : par- là on arrêteroit les fcan-
dales du grand nombre de ceux qui
vivant
D'E R A s MB. 481;
Vivent dans l'incontinence jils feroicnc
beaucoup plus en état de faire du bien.
Il étoit perfuadé que auand les Eve-
Sues confentiroient à abolir le célibat
es Prêtres , lesOfficiaux quitiroienc
un grand profit des amendes dont ils
puniffoient les Prêtres concubinaires ,
s'y oppoferoienr.
Il #vient enfuite au jeûne. Il pa-
roît perfuadé qu'un homme très-fobre
rfeft obligé de jeûner aue dans ces tem«
de calamités , où il eu queftion d'ap-
paifer la colère de Dieu. Il ne vou-
droit pas qu'on menaçât de Tenfer ceux
qui violent des jeûnes établis par les
hommes. Il paroît douter que ces me-
naces ayent été approuvées par les
Pontifes. 11 blâme ceux qui s'imagi-
nent remplir Fefprit de la^ loi du jeûne ,
en failànt très-grande chère eh mai-
gre. Il voudroit qu'on petrfiît l'ufagé
de la viande les jours maigres , dans
ies pays où il n'y a point de poiflbn i
» car , dit-il , interdire la viande lorf-
» qu'il n'y a point de poiffon, c'eft
» ordonner la famine. » Il croit que
l'inégalité des tempérammens, & la di-
verfité des pays , devroienc empêcher
de faire des régies générales. Il eft
d'avis qu'il eft plus convenable que ce
foient les Cures qui donnent les dif-î
1^82 Vie
Î)enfes du jeûne , parce qu'ils connoiÈ
ent mieux leurs Paroimens que les
Evêques même ne les connoiffent. Il
ibuhaiteroit que les difpenfes fe don-
naflent gram, que les caufes en fiaffént
toujours juftes : w auquel cas , dit- il ,
» il ne faut point exiger d'argent ; &
30 fi elles ne le font pas , à quoi fert la
• difpenfe?» ^
Il examine enfuite , plutôt ^ait-il ,
f)Our s'inftrùire que pour décider, fi
a loi du jeûne oblige fous peine de
péché monel ceux qui ne Tobferve?
roient pas , ou par ignorance , ou à
caufe de la foibleue de leur tempéram-
ment , & npn point par mépris. Il
penche alfcz ï croire , que ceux qui
ont établi le jeûne ont été affez cha-
ritables , pour n'avoir pas fouhaité que
ceux qui ne l'obferveroient pas , fut
fent pumj^ par des fupplices éternels*
» Je ne répéterai point ici, ajoute-t-il,
X ce que plufîeurs Théologiens célé-
â» bres ont affuré, que les Prélats
a» n'av oient point droit d^ordonner aur
i çuné chofe fous peine de péché mor-*
i^ te) , à moins que ce ne foit. une dé*
?>pendancede laLoiDiv'mej ce que
3» je ne prétends ni approuver ni réfur-
*> ter* » Il finit par faire des fouhaits
pour la Tuppreffico;! dç^. jioix arbi^ai«p
tes 5. pourvu qu'en les retranchant la
vraie piété augmente , & que ce qu'on
ôte au JudaïTme , on le rende au Qxrif*
mnifme : ce fontfes exprefHous.il pré«
tend qu'il s'agiflbit pour lors d'obli-
ger-de faire maigre le Mercredi, Il
déclare qu'il n'a jamais confeillé à per*-
fonne de faire gras les jours maigres
fens nédeffité ' ;- qu'il a toujours été
d'ayis qif il felloit fuivre les ufages re-
çus ;'& que quoique fâ mauvaife fanté
& fon averfion naturelle pour le p.oiC-
fon le mettent en danger- prefque tous
les Carêmes y quoique 4es Médecins
lui ayetit oïdbmvé de faii*egras , il ne
leur avait obéi qu'une feule fois en
Italie , forcé parie Médecin qui le
menaçoit de la mon, s'il ne renonçoit
au maigre : à qui cependant il n'obéit
pbiftt entièrement 5» is étant contenté de
ikniîllôné gras avec des jaunes d'œufe*
Il eô Ufoit encore de même quelques
î^uTs dânè les? Carêmes y toujours par
ordre du Médecin, &avec une dif-
fehfe de R^me.
^ Il s en^ fallût bien que cette Lettre
Apologétique réconciliât Erafme avec
fcgS'-Tfeeôl^liens. -Beda- en fût très-
«âttldâlifé^i il ^foùtW qu'elle étoit faJ
vôraWe^aXix Lutïiérlens.' 'Erafme pté- (a) Epi h
|fend[îit>(a><jUellè leur àvoit; fondé- ?.*^* *^*
Xij
/Vis
/ ^^fffc ce qu'il avoit écrit à PEvè^
f% Bafle , il n'avoit pas craint de
^^]Xt ( a ) au Cardinal Cainpege >
(*) ^^!^& même aux Papes Adrien V I. &
r''% Clément VU. Il déclare qu'U eft
^* ^ perfuadé que le jeûne , les Fêtes , le
célibat des Prêtres , avoient été intro-
duits par de bçhnes intentions , St
conduifoient à. la piété; qu'il avoit fi
peu blâmé lé célibat des. Prêtres ^ qu'il
avoit dit en propres termes , que rien
ne feroit plus à fouhaiter que de voir
les Prêtres fans femmes s'occuper en-
tièrement du ferviae de . Die^> U
croyoit cependant que d^ips Tétaj^ ac-
tueloù étpient les, stff^iyes en Alie-
magne , ce , qu'<;m- poi^itj f^ire/ de
mieux, étoit de permettre le mariage
{h)EftJi.{h) aux Prêtres &; aux Moines* ;-
3. i^ il. Tout ce qa'Erafm.e^put 4ii:§ '.^n fa
faveur, n'empêcha po'^nt-que fa J^t^
fOChevr.tre ne fût cenfurée à Paris (.p) J .&
)er,part.4. Chrétien Weçhel 1§ vendant ^ngn^çK-
c. 4. tant la cenfurç qui çp . av^it été faite ,
njniverfité voulut lui fj^ire une affiiire
' Tan I jr 34. Elle fut mifeà Tlnde^ dans
(^ Poflc-la fuite (i) des tem?*;,. \ o A
vin. pçs t):oi& ajïtiçks .qui îop: \^ jujes
dje^cette:>Letfi:^:r '^\fA^ï^ ^eu^Jiittefrt
quels Erafijae a ^^pfeir^j^rçeiï^tjljl^^
. par ce q^k<sft g^^ndepiÂs ^u'il eft
D^ E R A s M tf. 48/
taort. Il n*y a que peu de pays, oti
l'on n'ait retranché un grand nombre
de Fèces : Rome ne s'eft ppintoppoCée
à ces fuppreffions; Tout ce qu il y a
de Politiques habiles voudroient qu'on
en diminuât encore la trop grande
quantité ; & les gens éclairés font très-
çonyaincus , que cela peut fe faire fans
que ia Religion enfouffre;
5 Qviant ^u mariage des Prêtres , per-
fipfnne n jgîïore avec quel empreffenjent
4 futdejQ^andé par les François & par
les AUemans pendant le Concile de
ïrente. Us fe fondoient en partie (a) (a) Onu&e*
Ipr ce fameux Apophtegme du PapeFrapaolo »
P/e tr.que FEglife Occidentale avoit ^' 7»
oéfendu lei mari3ge aux- Prêtres pour
dpî?onnps.'i:;^CMisj^ mais qu'il le leur
^lloit peroftôttre maintenant pour d'au«;
très meilleures,
La queftion du péché qu'encourt
celui qui n'obéit pas à la loi du jeûne ,^
eftplus {lé|ic2ge*; Onine-fera peut-être'
aa fâché d^l^oîr. ici ce, que rapporte
ce fujeç^le Cardinal Sadolet, dans
Ion Cpmmentaire lur l'Epître aux Ro-
mains (b). Il nous apprend que Gille (b] F i tS^.
de Viterbe & Thomas Cajetan , qui ^'« ^P(/^' ^^
depuis furent tous deux Cardinaux Z^^'"^"^'*,
dilputpiçnî h^ jour avec le Cardinal ^
LaufgQt Compege», pouriavoir,fil!o-5}
"Xiij
ï
4?^ V I B
Biiifion d'un jeûne commandé qui ne fe
fait point par mépris , étoit un péch^^
^ monel. Le Cardinal Campege & Ca-
jetan foutenoient qu'elle ne l'étoii pas :
Ms difoient que le jeune écaïit inftitaé
pour réprimer la concuptfcence , celm
qui étoit affez heureux pour être venu
a ce degré de perfeélion de n'avoir
pas befoin de recourir à ce temede»
pouvoit fe di^enfer du jeûne. Gille
etoit d'un avis contraire : il fdutéfioit
que le jeûne obligeoic fous peine de
Séché tous ceux qui pouvoient jeûner.
Is convinrent cependant- tous trois ^
- qu'il feroit convenable que k Pape ac-
cordât des Indifl^cnces à ceux qui
Jeâneroient ; & que ceux'cpii ne jeu-
neroient pas , pourvu que- ée^ne fut ni'
})ar mépris ni par opiniâtreté , ne fuP
ent pas coupables de péché mortel.
C'étoit précuément ce que penfoit
Erafme.
(4) Eitfi. Il dédia le ^yMaî xpLi.\c^\tïm-
f I . JL. x9'Xi de la manière d'écrire des Lettres (i)
à Nicolas Beraud. II y avoît près de
trente ans que cet Oûvragîe avoit été
C^) JSpî/î. ébauché à Paris (fc) pour Milord
i^tz. Monjoie , loriqu'Erafme lui enfeignoit
( I ) Pf ràiione cwfcribeiM EfiJMdt^ Il
•â aiUG intitulé^ Dt c4n^ihindii ^iftolU^
1>*E R ASME. 487
k Rhétorique. Il n'avoir pas mis plus
de Vingt jours à le compofer ; & il
fongeoit fi peu à le donner au Public ,
qu'il en avoit donné Toriginal à Mont-
joie fans en garder de copie. Quelques
amis quir Tavoient vu, prièrent Eraf-
me d'y mettre la dernière main : car il
étoit tort imparfait , & n'étoit pas
même achevé. Erafme Tàyânt relu »
h'avoifàucune envie de le retravailler ;
Biais quelqu'un qui avoit trouvé lé
moyen d'en avoir une copie , la fit im*
primer à Lyon après y avoir fait des •
additions & des retranchement j Se
fouslehomd'Erafme (f ) il dédia cç '(4) Èp-Ji
Livre à PaluèaniiSj qu'il ipi^elloit Erafmi^'
Pierre, ne fâchant p^s que Paliidaniis '"'^^'^^^^•*
avoit Jean pour furnom. Erafme pour ^^^^*" ^•""^
lors fe crut obligé d'employer quel-
ques jours à retoucher ce Livre; ce
qui lui caufa beaucoup d'ennui. H e(t
partagé en foixante & quatorze chapi-
tres , oh fe trouve tout ce qui peiît
avoir rapport à la manière d'écrite des
Lettres ; on y rencontre plufieufs di- ^
greflîons. Il y eri a une à la louange du
iaiairiâge , qu^il fetoble mettre an-deflii*
de la virginité j ce qui lui attira des
affaires de la part des Théologiens ,
qui trouvoient très-mauvais qu'il ne
portât point l'exaiahude Tbéologi*
Xiiij
àf -^ ^^^^ '^ ptaifanterie;
P^onxxi («) cette déclama^
^ ,^/ ^//7 faveur du mariage à Milord
p^ 0f^^ ' ^? Seigneur dit à Erafme
p//eftoit perfuadé qu'il n'y avoir
^itït d'état plus heureux que k maria-
^. Erafme lui confeilla de fufpendre
/on jugement , jufqu'à ce qu'il eût lu ce
qu'il fe propofoit de répondre en fa-
veur du célibat j mais Montjoie après
l'avoir lu , fut beaucoup plus content
du plaidoyer en faveur du mariage.
Quand Erafme commença cet Ou-
(H) Efijï.yrzge, il*avoit deffein (b) deledé-
4^. l.^. dier au Prince Adolphe, fils de la
Marquife de Véçrc , fi Battus le ju-
geoit à propos. Ce projet n'eut pas
îpomt,
(d) Pag. beaucoup (d) ; il le traite de Difciple
11. Edit. ingrat , & de perfide ami. « H a
<® ï^40. ^ çaffé, dit-il , la meilleure partie de
9» la vie dans les Cours des Princes ;
V ic enfuite chargé de riches Bén^fi*
m ces , il a fongé tard à devenir fage ,
» & à acquérir des connoiffances qui
» n'enrichiflent pas. »
Nous joindrons àcet Ouvrage ce*
lui de la manière d'étudier , qui eft
^dr^ffée à Pierre Wittier , Profeffcujî
tn Belles-Lettres , qui aypit prie Erai-
me (a) de lui donner une Méthode (a) EfIJt.
pour étudier les Belles-Lettres ( i )• i ?. ^}9.%
Il veut que l'on commence par les
Grammaires Grecque & Latine. ^B
.ciroyoit que la meilleure Grammaire
Grecque étqit celle de Théodore Ga-
"i^ ,& après celle-là celle 4e Conftaa-
tin Lafcari^* lia Grammaire Latine la
meilleure entre les anciennes , eft celle .
jde Diomede ; celle de Perottus eft de
toutes les modernes celle qui vaut lé
^ Il confeille de commencer la leéiu-
icdes Auteurs Grecs par Lucien , de
Jii;e enfuite Démofthene & Hérodote :
quant aux Poètes , il veut qu'on com-
mence par Âriftophane , après lequel
oir vienctra à Homère & à Euripide.
Il croit qu'il faut condmencer l.e Latin
par Térence , auquel oh pourra join-
dre quelques Comédies de Plaute-;
après quoi on lira Virgile 5 Horace,
Cicéron , Cefiir & Sallufte. Il recom-
mandede lire avec attention Laurent
y aile : il veut qu'on lui joigne Donat
< I ) CJe Ifîvre a pour titre / De fludîo 'hg-
^narum Utterarum ; il eft aufïi intitulé. , De
ratione ftuiti , Epi K 1 3. L. 2 p. & De raiîone '
jltéàmiêm & injiùuenài Lîbsros » Epift.Botz»
X V
êc biomedè, qui oht explîicjjië les figu-
res de Réthohguéi q[u'on apprenne les
régies de la V'erfîucatioii , & les prin-
cipes de la Rhétorique. Il iconfeille la
Dialeftique d^Ariftote. Il croit que
pour cultiver fa mémoire 9 il faut tranC-
trire les chofes les pjus rejnoiarqua'bles';
îl fouhaiteroit même qu'oo^ les écrivît
Tur les murailles de fa.fchambre^,' fiir
fes vitres, afin Qu'elles fe gravaffetit
mieux dans la mémoire. Il donne en-
fuite des leçons aux Maîtres. Il veut
qu'ils étudient la Philofophie dans Pla-
ton , dans Ariftote , dans Xhéophra^
te & dans Plotin. II! vient enfuité aux
Interprètes de PEcriture-Sainte : il
décide qu'Origene eft le meilleur;
que Saint Chriioftoiïie eft le plus fub-
til & le plus agréable ; que 5wiint Ba-
'file eft \t plus pieux; que oaint Aijn-
'broife eft admirable pour le fens, allé-
gorique ; & que Saiiit Jérôme expli-
que très- bien les difficultés du Texte
Sacré.
Il confeille d'étudier 1^ Géogra*
fhie dans Mêla qui eft CQurt ; dans
tolemée qui eft tpès - fâvimt ; dans
Pline qui eft trèsexaél ; dans Scrabon
où il y a bien d'autres chofés à ap-
prè idre que la Qéographié. On doit .
étudier la généalogie des Dieux ^ {|
Ton veut cntendrer les Fables : on la
trouvera dans Hefîode & dans Boca<*
<e, quia traité cette matière' mieux
qu'on ne devoir l'attendre d'un Ecri-
vain de fon fiecle. Il fouhaiteroit quQ
les Maîtres fuflent un peu d'Aftro^
nomie , de Mulîque , & même d'Ar-j
çhkeélure. « C'eu exiger beaucoup.de.
9 connoiflances , s'objeéle - 1 - il : » â
^uoi il répond oue s'il en demande
beaucoup a un leul , c'eft pour i'ar»
vantagede plufieurs. » Je veux, dit il, ^
• que le Maître ait une grande le6lu^
^ re , afin qu'il épargne beaucoup de
» peine à fes Difciples. »
Il expofe enfuite fon fentiment fur
les Thèmes. Les fujets doivent être ,
ou une Hiftoire méiiiorable , ou une
Fable qui contienne un fens moral ,
d'oi il réfulte. quelque utilité pour U
<?ofîduite de la vie , ou une Sentenccf /
oii la defcription de'quelqué cliofe de
retriarquable. Il voudroit que lorfqùe
Iei5 Maîtres ont des Ecoliers avancés,,
ils leur donnaflfent à compofcr une Let-
tre un peu embarraflame, foit en Grec»
foi^ en Latin , où un Apologue , ou
quelque récit. Il eft d'avis qu'on oc-
cupe beaucoup les jeunes gens de la
traduftion des Livres Grecs ^ qu'on
leur fafle faire des amplifications. Il
Xvj
recommande aux Maîtres de faifîr f d*
tes les occafions que la Fable ou rifif-
toire pourront fournir , pour former
les mœurs de leurs Difciples, Ce petit
Ouvrage ne faurok être trop lu ni
trop médité par ceux qui forft deftinér
à élever des jeunes gens ; & c^eft ainfi
2u*en penfoit Gilbert Coufin ( i ). Le
Commentaire ( 2 ) fur le Pfeaume (t^
cond fut fait Tan I5'22. Il y eft parlé
de la mort de Léon X^ comme étant
encore récente : or ce Pape mourut le
il Décembre iy2u Erafrae fuppofe
que -le Roi Prophète a eu principale-
ment Jefus - Chrift en vue dans ce
Pfeaume. L^an 2 J23 . eft celui où Eraf-
me fit le moins d'ouvrages 5 il ne pa-
rut de lui que la prière Dominicale
{ I ) V9sfifcirejuvaf, (liidiis quit cpmmoiia.
oriQ
Servetur ; quâvi's quisjit in amfcofus; \
Qud ratione fofkos deceaf dê^ofque Pottas
Tangere ; qui frudlus fojjit & inde capi ;
Si quid in his rims quod mfi^ nfpuaf j am*.
ffum \
Senfibus hune litrum vohhe , mde kgtevem.
(») Enarratio Pfqlmi fiçmdi : Q^an
firtmu€run$ gentçs î
pour lesfcpt jours de la femaîne ( i ) ,
aédiée à Jufte-Louis de ^ifembourg/
Secrétaire & Ambaffadeur de Sigiï-
mond , Roi de Pologne : TEpître Dé-
dicatoire (a) eft datée du 24 O6I0- (ayEpifl;
bre 1 5" 23* Ce Seigneur avoit fôuhai- ^6. L. %9i
té quErafme travaillât fur ce fujet;
& pour Vy déterminer , il lui avoit fait*
un préfent très-élégant ; c'eft tout ce
que Ton en fçait.
L*Exomologefe , ou la maniéré de
fe confeffer, eft.(2) le premier Ou-
vrage qu'Erafme fit paraître Tan^
ir24« il le dédia (i) à François du* (h)Efiflé
Moulin de Rochefort, défigné Evê-jo. U ^9^
ue de Condom, C'eft celui qui avoit
té Précepteur de François I. & qui
étoit entré dans la négociation dont
Tobjet étoit de faire venir ferafme en
France. Le Roi l*avoit nommé Eve-*
que de Concjom {^c)tr\ vertu du Con* (c) Dupiai
cordât ; mais comme Péxécution de
ce traité fouffirit beaucoup de difficul-
tés en France > Rochefort céda fon -
Ci) Precatio Domtnica y digefla infeftem
fartei juxtaJeftemdieT* Ceft-là le titre que
«et Ouvrage a dans la coUeâion des (Ëuyres:
d'Erarfme \ mais dans la première Edition il
efi un peu différent : Preca$iû Domtnica in
Jeptem -portionei dijlributa,
Ç^) Eixomologelir , Jîve modut cohftendi.
î
494 Y I K
4roit à Erard de Groflîles ^ qui avolt
•été élu par le Chapitre.
L*Epitre Dédicatoire d'Erafmc etf
du 24 Février : elle nous apprend ,
que les violens accès de gravelîe qu'il
avoir eus l'année dernière pendant le-
mois dç Juillet & à Noël , ravoiènc'
«Jcterroiné à écrire fur cette matière»
comptant aller Bientôt paroître devant
i)ieu
Erafme commence par traiter de l'Au*
teur de laConfeflion auriculaire; il n'ofe
décider qui eft-cequi Ta inftituéejmais
il foutiènt qu'elle eft fi utile , que lé$^
panifans même de Luther n'ont pas pff
révoquer en doute fes avantages. Il'
déclare que s'il fe fentoit la conscience
chargée d'un péché mortel ^ il n'auroit
pas la hardielfe d'approcher de la Sain-
te Table fans s'être réconcilié parle
miniftere d'un Prêtre , & qu'il feroit
très-fâché de mourir fans avoir recours
i un remède fi falutaire» L'objet de
(on Ouvrage efl d'expofer les avanta-
ges de la ConfefEon , & les devoirs des
Confefleurs.
, Le principal avantage de la. Confef-f
fion eft d'humilier le Pécheur ; le fe-*
corfd efl de Tinftruir^ ; le troifieme j
de l'empêcher de fe défefpérer à la'
vue de i'énormité de fes crimes i le
. D* É R A s, M B. 4^ r
quatrième., de lui procurer l'éclaircil-i
fement de fts (crupulesj le cinquième,
dé l'obliger de réfléchir fur fa condui-*
te & fur fes mauvaifes habitudes ; là
fixieme 9 de prév^enrr les rechutes pat
la honte qu'il y a à découvrir fesjpé-
ch^ ; le leptlcme , que la Confemoiï
fious met dans la iiéceflhé de travail-*
1er à nous connoîtrej le huitième,
^ue la çriere du Prêtre cft utile pout
attirer fur nous la grâce du Ciel ; le
neuvième , que la pénitence rétablit
f homme dans la fociété des enfans de
Bieu. Erafme fait voir enluite , que
te mépris de la Corifeflîun eft un pé-
ché grave qui mené au paganifme,
dans lequel on voit retomber plufieurs
})erfonnes , fous le faux prétexte de la
iberté Evangélique. Il vient enfuite
aux maux auxquels laConfeffion a don»
tïé lieu par la méchanceté des hom-
me» : le premier èft , qu'elle a fouvenc
caufé la perte des jeunes Confeffeurs ;
fecondement , elle leur infpire de l'or-
gueil & de la hauteur. On a vu des
Confeffeurs abufer de la ConfefTion
pour {éduire leurs Péhitenres : il affure.
avoir appris d'un Confeffcur , qu'il
àvoit confeffé' un malheureux Direc-
te r de Religieufes , qui en avoir en-
fraîné deux- cens dans le défordre.
I
Le cinquième danger de la Con&f^
fion eft rindifcrétion des Confefleurs >
qui a mis Quelquefois leurs Pénitens
CD danger de perdre la réputation &
la vie ; le fixieme » que la Confellioii
accoutume lesPécheurs à parler de leurs
{')échés fans borne ; lefeptieme, qu*eU
e a été une occafion de dçfefpoir pour
plufîeurs; le ^tieme^ que pluueurs
perfonnes s^imaginent qu'il fuffit defe
coDfefifer, pour obtenir la rémifllon de
fespéchés ; le neuvième , que fa Con-
femon n*eft fouvent qu'hypocrifie &
facrilége. Il conclut que les ConfeC*
.feurs ncfauroient être ni trop pieux
ni trop éclairés ; qu'il faut avoir une
grande attention dans le choix d'un
Confeffeur ; & qu'on ne peut pas trop
s'examiner quand on veut feire une
çonfefGon fmcere & utile. Il parle en-»
fuite de la manière de fe confeffer ; &
il donne d'excellens préceptes aux
Confefleurs & aux Pénitens. Il finit
par expofer les remèdes que l'on peut
oppofcr aux abus de la Confeflion.
Cet Ouvrage fut très-malreçu desi
Théologiens; ils blâmèrent hautement
le doute que l'Auteur avoit fait pan
roître fur Kinflitution de la Confefî
fion : nous vetron? ailleurs comment
il chercha à exçufer ce pirrhonifme*
d'Erasme; 497
J\ fit dans la fuite (a) quelque chan- (4) ». Lî-
gement à ce Livre , voulant par-là vre adver-.
calmer ceux qui s'en fcandalifoient. Le *^ ^*'^*
jugement que Cardan fit de cet Ou-
vrage mérite d'être rapporté. » Eraf-
»me, dit-il (fc), a fait Féloge de (^^?f^^
» la Confeffion ; mais en même-tems il ^'''"j^^^
a» a apporté des raifons capables de ^' '
» détourner de la Confeilion , & elles
w font plus fortes que celles quHl a em-
^ ployées pour la Confcflîon. Il y a
9 de rart dansxe Livre j mais le jpro-
» jet en eft mauvais , parce que dans
» les matières de foi le doute eft cn-
» core plus dangereux que Terreur*. »
Berquin qui fuivoit les nouvelles
opinions , traduifit en François ce Lw
vre d'ErafmeCc); ,& il inféra dans (c) Conu
cette traduftion plufieurs propofitions de Fleuri ,
contraires à la Doélrine de TEglifel'- M«. »•
Catholique : c'eft pourquoi le Parle- ^®*
ment de Paris condamna au feu le 14^
Février 1 5*4 5. plufieurs Livres, par-
mi lefouels fe trouve la Manière de fe
confelïer d'Erafme; mais cette coa-
damnation ne regarde que la traduc-
tion de Berquin.
La Paraphrafe fur le troifiëme Pfeau-
me ( I ) eft dédiée à Melchior Wan-.
( I ) Farapkrafit in Pfalmum III. Domi'^
ne, quiàmM^Hcati ^ &c.
/
498 V I B
dal j Théologien dç Louvaîn , par
une Epître datée du 2 J Février 1^2,^.
c'eft-à-dire , le jour d'après qu^Erafine
eut dédié fon Exomologefe jà TEvê-
que défigné de Condom. EraCne rap-
porte tout ce Pfeaume à Jefus-Chrift.
Ce fut l'an 1524. qu'il acheva
l'Edition de S, Jérôme j les Lettres
avoient déjà paru en lyKÎ. Erafme
avoit fait une étude particulière des
Ouvrages de ce Père, pour lequel. il
avok la plus profonde vénération. Il
(«) jBf(/?.écrivoit dès l'an 149P {a): J'ai la
l^* ^» /• 99 plus grande ardfeur d'éclaircir par
ji jun Commentaire les Epîtres de Sï
» Jérôme, Quelque Dieu m'a inipiré
» d'entreprendre un fi grand Ouvragé,
» €|ui n'a jamais été tenté par perfonne,
* J'y fuis porté par le refpeà que j*ai
» pour la piété de cet homme célefte »
» qui eft fans contredit le plusfavant
»»-& le plus éloquent de tous les Chré-
•» tiens. Sçs Ouvrages qui font dignes
» d'être lus & appris par cœur , foiït
3» très- peu lus , par conféquent peu ad-
w mirés , & encore moins entendus*
» Je connois toute la difficulté de l'en-
1» treprife : il faut d'abord corriger les
3^ fautes du texte qui eft très^.cbrron^
» pu; , éclaircir tout ce qui regarde
» l'antiquité. * Il me iemble que per»
B* E R A s M E. 4P$
m fonne n'écrit avec plus d*art que ce
m Père : il peut aller de pair avec
» Ciceron -, •& même fi Tamoiir que
I» fai pour ce faint homme ne me
*» trompe ; .lorfijue je le compare avec
p Ciceron , je défire quelque chofir
» dans ce Prince de l'Eloquence. »
Douze ans après cette Lettre écrite >
IL étoit encore tout aulli entboufiafiné
de fon travail ùxi S. Jérôme. Il écri*
voit à. Ammonio (») le premier Sep ^ (a) Eptjt4
ïexiire i5 1 1. »i J'ai un fi graliA <léfir 19* ^» *f
•> de corriger & d'éclaircir par des
p fcholics les Ouvrages de S. Jérôme >
^ qu'il me feinble que • je fois animé
f par quelque iDieu. Je: Tai déjà preCi-
•»;quetout collatiduhé avec d'anciens
^manufcrits; & f y ai fait beaucoup
? de correâions. Il m'en a coûté bien
«^ de l'argent, »
Il s'étend davantage fur ce fujet
dans la Lettre au Pape Léon X. (t) ^^j E^iji^
Ai.^ Avril îjiy* Après -avoir feit u L. >•
le plus grand éloge de S. Jérôme »
que pat une louange exceffive il ap-
pelle» non- feulement le premier des
Théologiens •Latins , mais le feul qui
mérite prefque le nom de Théolo-^
gien , parce qM'il a effacé tous les au*
très par Téminence de fa doftrine , il
aâurc xjûe les Ouvra|;es d'un fi grand
yoo • ^ V I K
homme qui devroient être entre^leé
mains de tout le monde , font fi cor-
rompus , qu'ik ne peuveiît pas être en-
tendus même des Savans ; qu'excité
Ear des gens habiles & par xles Pré-
m 9 il avoit entrepris de travailler à
rétablir & à éclaircir le texte de ce
Père. Il nomme parmi les Evêques
^ui l'ont exhojî^ d'eotteprendre ce
grand travail « fiUiUâunœ. Warrham
Archevêque de C^titori>«i., & Jean-
Pierre Caraffc Evêquô- ,de Th«ate ,
Nonce en Angleterre: c*éft lui qui
depuis fut Pape fous le nom de Paul IV.
Erafme en avoit pour lors la plus
grande idée. : il e^iitle réloquesce)
^'intégrité , la gratté & W piété dece
Prélat; iUffurequ-ilétoit habiledans
les trois Langues ;fa vantes , qu'il ex-
celloit dans la Théologie » enfin que
fes verjus dévoient le faire regarder
comme un des Qrnemens de VEglifc
. de Rome 3 6c cômm^ w modèle par^^
fait pour l'Angletecre^^
. Il déclare eQfpité > que ce font les
Lettres de S. Jérôme qu'il s'eft chargé
de donner au Public j qu'il les a re-
vues fur les anciens manufcrits j qu'il a
rétabli divers psfflage^ par fes conjec-
tures ; qu'il a reftitué le Grec ;. qu'il a
fyouté .de^.Scholies d^ns tîous les e&i
x>'Erasmb. ^of
droits qui pouvoient arrêter le Lee- >
teur; qu^il avoit {éparé ce qui avoit
été. faulTement attribué à. ce Père »
d'avec fes Ouvrages légitimes j qu'il
y avoit joint les Préfaces St les re- .
marques qui pouvoient être utiles au
Leâeur. Il afTure que ce travail lui a
prefquje coûté la rie ^ & quH ne craint
pas de dire avec fernient , qu^il avoit
eu plus de pebe à rétablir & éclaircir
\fis Ouvrages de S. Jérôme , que ce
Saint n'en avoit eu à les faire. On
cômmençoit déjà à faire à Bafle cette
EdhionjrErafme prend dc-là occafion
de louer Fi:9ben t & ceux qui étoient
Occppé$ i contribuer à donner S. Jé4
tome. Rpyçhlin ^ Conon.de Nurem-
berg Dominicain , Rhenànus, le» •
Frères Amorbaces -, travailloient en^
femble à cet Ouvrage ; pour lui ,
U s'étoit réferVé les Epîtres, Son: in-
tention ppuff lors étoit dt dédier au
Pape cette Edition (a), qu'il avoir (a) Eptjl.
d'abord déftinée à l'Archevêque de»«L. *. &
CâDtorberi. ^0^ ^
. Il fe) rendit 1 Ç^fle (i) pour être (^) Epi/i^
plus à portée de veiller fur l'Ouvra- /l/j^naiii,
ge-Xe,prçn>îer tome qtu contient lefr
l,ettrcs de Saint Jérôme , parut e» ^.^
tj|i(î. ; & quoiqu'il ait voulu le dédiée
ij^çp^iXtriC^pendapti l'Epîtrç D6i
yol Vis
dicatoire qui eft du i Avril lp6i
eftadreiTéeà GuillaumeWarrham.Hiùt
ans après , c'eft-à-dirc lan 1524;
f rafine donna les autres Ouvrages de
Saint Jérôme , dédiés auffi à TEvêi
que de Cantorbéri , en deux nou-
veaux tomes. L'£pître ]>édicatx>ire du
fécond eft du i Juîq ij^2,^ & celle
du troifieme eft du y du même mois«
Cette Edition dont Erafme cotnptoit
retirer des louanges 8c de id recon^
noiflànce , fut extrêmement? critiquée^
On ne peut pas en parler plus mal,
oue le fit Marianus Viâdrius iitii
rEpître Dédicatoîre de Saint Jénàme
adfeflée à Pie IV. Il pféfendit M^
reflitué près de qùînzé-céDS'paflàges,
3ui étoient corrompus dans rEdition
'Erafme, ou par la faute ; ou parce-
qu^il ne les avoit pas rétablis. Il fou-
tint que les Scholies étùiertt recfrpli^
d'erreurs & d'ignoranc^s^qu'élleS prdU-^;
voient qu'il n'^étoit pas fort habile daffJ
le. Grec. Mais JolephScàliger trouva*
(d) St4/i- que (a) la cenfure de Marian'us Vie-'
gêrana. tonus étoit outrée j il<:dhveAoit -ce-
pendant gu'Erafme avoir étïé trof> har-
di dans les rcôitûtions,'& (fi'il'avdfc
corrompu plufieurs pàflâge^. Ge (^tiî
oft confltanti, eft' qiie cette- Èditiari
B'pit pas un'é ap^iobàtidn*eom^€ttef
I>* E R A s M E. yo J
Elle fut condamnée par Paul IV. ce*
lui-même qui avoit exhorté Erafme '
à l'entreprendre , & dont il avoit feit
un .fi grand éloge dans fa Lettre à
Léon X. BuUingerus écrivit {a) dc(a)Amœnb
Rome Tan iy/7» » Le Pape Paul IV. '^^'f Lwf-
» fait ici brûler des Livres ; tous ceux ^^Tlf'^^* *•
» d'Erafme l'ont été. On brûle même lR J^T
» Saint Cyprien , Saint Jérôme , Saint hUcâ Jm*
9 Auguftin , fous prétexte qu'ils font torùate
m fouillés par les Scholies d'Erafme. » combuflh ^
Il eft certain qu'il y avoit des har- *^* *^' ?•
A99.
dielTes dans les remarques d'Erafme^'
qui dévoient caufer des fcandales chez
les Théologiens. Il parloir ( b )(*)Tomfré
contre lespelerinages: il foutenoit que ^^\l^^' ^
la Confeflion auriculaire qui avoit été ' '
fagement établie par l'Eglife, n'étoic
Sas encore en ufage du tems de Saint
érôme. Il avoit dit (c) eh parlant (c) Efîjî.
des Ariens & des Catholiques, qu'il DedicatAix
avoit été long-tems douteux de quel *• ^°°*^»
côté l'Eglife fe tourneroit ; que l' A-
rianifme étoit plutôt une faâion & un
fchifme , qu'une héréfie ; qu'il y avoit
eu pendant un tems preique autant
d'Ariens que de Catholiques ; & aue
les Ariens étoient fupérieurs en élo-
quence & en dodrine à leurs adver- ^j% ^pifl^
faires. Il avoit. parlé (d) des Livres D^diV*/. dû
Sacrés de. rAncien-Teftament qui n'é- y tome.
yo4 Vie
toient écrits qu en Grec , comme n'é-
tant pas Canoniques.
11 n'en fallok pas davantage pouf
fouleyer contre lui , fur tout dans un
tems ou les Théologiens étaient fi
fort en garde contre tout ce qui pou*
voit fevoriferJe Luthéranifme. Les
moindres prétextes fuffifoient pour dé-
crier Eraime ; & la haine de fes enne-
mis étoit portée à des excès quidégé-
tiéroient en ridicule. Ce qui le paflTa à
Toccafion de l'édition de S. Jérôme ,
(cn eft'une preuve bien fenfible. Un
JEvêque de l'Ordre de Saint Domi-
' Xâ) Efijl.mquc (a), ConfelTeur de la Reine
^. I. ^. d'Angleterre , voulut perfuader à cet-
liftft.^.L.^^ Princeffe quErafine n'étoit qu'un
•** téméraire, puifqu'il ofoit entrepren-
dre de corriger les Ouvrages d'un aulr
fi grand Doéleur que Saint Jérôme.
La Reine peu au fait de ces matières »
^ trouva un Seigneur Proteâeur d'Eraf^
me ; & elle lui demanda fi Saint Je*-
rôme n avoit pas été un très - fàvant
homme, s'il n'étoit pas dans le Ciel?
Ce Seigneur en ^tant convenu:» Com» '
m ment défendrez-vous votre Erafme y
9 continua-t-elle , qui ofe corriger les
» Ouvrages de Saint Jérôme ? En fait-
9 il plus que ce Saint ? Le Courtilan
n'eut pas de peine à juflifier fon ami,
&
D* E R A s M K. ypy
& à démontrer que ce n^étoit pas cor-
riger un Auteur , que d'en donner une
Edition plus correéle que celles qui
avoient déjà paru. Le i Juillet de l'an
i5'24.ErafmeficfonAveFt4{rement(a) W £/>(/?•
de fon Diélionnaire Grec j c'étoit une *'• ^•***
augmentation de celui de Jacques Ce-
ratinus, qui n'avoit entrepris fon Lc-
xîcon que for les preflantes foUicita-
■ tiens d^Erafme. Ce Diftionnaire qui
dans ce tems-là avoit fon mérite, a
été oublié depuis que Conftantin, *
Henri-Etienne & Portus ont fi bien
expliqué la fignification des termes
Grecs.
Ceratinus étoit fort habile (fc) dans ^^^ ^pîH.
la Langue Grecque & dans la Langue 12. L. 17,
Latine j il fut Profefleur dan^ le Col-
lège des Langues à Tournai. On vou-
lut lui donner une place de Profefleur
en (c) Langue Grecque dans- le Col- (c) Eptfi
lege des trois Langues à Louvain; mais i^.t. xo*
il donna la préférence à FUniverfité
de Lipfic , oà Erafme par fon crédit
auprès du Duc George de Saxe , lui
procura la place de Profefleur en Lan-
gue Grecque vacante par la mort de
Môfellanus. Ceratinus avoit pour Eraf- W) Efi/f*
me la plus grande eftime (i) ; il lui|** ^^ *^-
a dédié un Ouvrage fur la pronon- f^^-^* ^^'
V
Sp6 V I X
ciation des Lettres Grecques t ' )• î^
le regardolt comme le Prince de la
liittérature* L'Evêque de Bafle avoir
dédié UM Chapelle 'aux miféricordes
du Seigneur ; ji pria Erafme de faire
un Serinonfur ce fujet, Erafme fatif-
-fir.proroptement auxdéfir&du Prélat;
(A^EfiJl^^W dédià.çe petit Ouvrage (2) à i't
3 y. L. i5'.vêquçdc.Bafle(fl) le Jip Juillet ipf
Jl y avance qu'il feroit plus conrem*
ble de commencer les Sermons par iiH
• voquêr Jefus-Chrift , que par Tin voca-
tion de la Vierge; ce qui pourroit
Êdre croira que l'iavocation delà Vier«
gc au commencement des Sermons n'é-
toitpasefk:ôreak>Srsiinufageufliverfel. |
Le Docfteur Mattin Dorpius , qui ctqit .
fincérement réconcilié avec Erafiuci
lorfque ce Sermon parut , lui écrivoit j
(h) Supfuu ( t ) qu'il rfa voit pu. le lire fans en être i
frror^/ai- touché jufqu'aux Urmes.
ctnjMeid^. j^^ leadem^in qu'Erafme avoît dé-
dié cet Ouvrage à TEv^que deBatlcj
(c) Epifl. il dédia (c ) la Comparaïfoo de h vit*
40. 1. tp. ginité &. du roartycc ( 3 ) à Elic to*
( i ) Dffottsf Imerarttm^ ffdeferùmGf^
€arum,
( 1 ) D^ magnhadw nHjimvrdîafttm D^i
mini C^ncio.
D* E R A s M E. yoy
fcaeus , Dîréfteur des Religîeufes Mac-
cabées à Cologne. Il fait Téloge de
la virginité & du martyre : il eft en
doute qui des deux mérite la préfé*
lence ; il coaclut que la virginité efl
une efpece de martyre, & qu^une Vier-
ge Chrétienne doit être dans lalîifpo-
fitipn de fouifrir le martyre» Il nnit
J)ar repréfenter quelle doit être la vie
d^unc Vierge vraiment Chrétienne.
Les Colloques d'Erafme parurent
Tan 15*24. dans leur perfeélion. Il y
•voit déjà plufieurs années {a) que^^) j^Ms -
pour exercer fon ftyle, & pour èttç udoribuu
utile aux jeunes gens , il avoit compo-
fé des Dialogues qu'il ne comptoit pas
devoir être imprimés. Un certain Ho-
lonius trouva le moyen d'en avoir un
exemplaire ; & il le vendit fort cher à
Froben , à qui il perfuada qu'il lui
donnoit la préférence fur plufieurs au-
tres Libraires 9 qui lui en offroient
beaucoup d'argent. Froben les impri-
ma ; & ils parurent en fort mauvais
état : car outre que l'on y avoit inféré
plufieurs chofes fort ridicules (fc) , il (^) EraCmi
:y avoit des fautes groflîeres contre la 't^^"'^
•pureté de la Langue Latine ; néan- ** ^^ *
moins ils furent très-bien reçus du Pu-
blic. Ce fucccs engagea Era'meàles '
levoir. Il y ajouta plufieurs principes
JoS V r K
qu'il croyoît capables de former Tef-
prit ic les mœurs des jeunes gens ; il
chercha' à tourner en ridicule plufieurs
abus qui s'étoicnt introduits * & qui
étoient autorifés par ceix qui trou-
voient leur intérêt à entretenir ces er-
reurs |)opulaires. Il croyoit que la lec-
ture de cet Ouvrage auroit cet avan-
tage , qu'elle donneroit aux jeunes
gens des principes de Poëfie , de Rhé-
thoriqu^ , de Phyfique & de Morale.
Il y en avoit déjà eu plufieurs Edi-
tions, lorfqu'après Pavoir revu & aug-
(a) Efijl. ijienté confidérablement , il le dédia (a)
i%s t. 19. iç i Août 1 5*24. à Jean Erafmius Fro-
ben fon Filleul ( i ) qui pour lors n'a-
(b) EfiJ!^ voit que huit ans. Les additions ( b )
^ofz» qu'Erafme y avoit faites excitèrent de
<^)^f"** grands murmurofi chez les Moines & 1
pdoeie " ^^^ Théologiens. Le Carme Degmond
dErafme , fig^ala le premier fon zèle ; il foutintj
p. 9u qu'il y avoit quatre héréfies dans lesj
(d)in An- Colloques. Pighius prétendit. ( c ) quel
'^''"w-'m ' ^°"^ les Volumes de Luther n'étoiencj
V^ntJii ^' pas fi danerereux que ce Livre fi peii
WitaUtn- Chrétien ; c cft ainu qu il le traitoit-
iis , fart. I. Antonius Sulger , Bénédidin {à)i
f.'\i%. A' n'en parle pas avec moins de fureur jj
rr.aïutates ^^^Q. ç^^ç^^^ j^^ ^ ^^ LJyj.^ ^\^^ç J^,
littéraux^ n j> i j >•
7. tome flammes , d autant plus dangereux qu •
p. 110, ' (1) Cçllc^uhrum^iber.
•. d'Erasme; ]ro^
feft plus agréable. Le venin fe gliffe
îtifenfiblement ; & vous êtes empoi-
-;- fonné en le lifant ,^îf?àht que vous
Vous en foyez apperçu. Le Critique
. de r Apologie d^Erafme eft tout aufli
mal diljpofé contre cet Ouji;rage ; il
prétend que jamais Livre ne fut plus
propre que celui des Colloques à cor-
rompre- les moeurs , à infpirer l'irré-
ligion , .& à fournir aux libertins des
traiis de fatyre contre tout ce qu*il y
à de plus facré.
Ce fut à Paris où les Colloques eur
rent le plus de fuccès , & éprouvè-
rent les plus grandes contradiftions.
Colineeri avoir imprimé (^) jufqu'à (a) Ep/y?.
vingt-quatre mille exemplaires, qui *î^* ^» ^^*
furent bientôt enlevés , parce que le
bruit couroit qu'ils alloient être con-
damnés* Ce fiit Beda , Syndic de Soi^-
bonçÊ^ qui contribua plus que perfon-
rie Jrla profcription de ce Livre : il .
ëtoit perfuadé que les Livres d'Eraf-
me n'étoient pas moins dangereux que
ceux de Luther. La Sorbonne étant "
affembléele 26 Mai \s^6. (*) il ff) J'Ar-
l'engagea à décider* que dans le Livre ^^^\ * *^*t^
des Colloques il y avoir plufieurs cho- fu'ivaates»
•fes erronées, fcandaleufes , impies;
& que l'Auteur, payen en cela , trai-
|(oic la Religion Chrétienne & fes Sain-
Yiij
jio Vis
tes obfervaoces avec le plus grana mé--
pris. La Faculté reprend les termes
peu décens avec lefquels il parle des
habits des Religieux , des vœux que
Ton fait aux Saints , des Pèlerinages ,
de la ConfefCon , des Ordonnances dé
TEelife jMes difputes Théologiqûes ,
de 1 abfHnence du maigre , de la pré-*
férence du mariage fur la vil-ginité >
de invocation des Saints , de la prière
pour les Morts : elle Tacculè de re-
nouveller les erreurs des Ariens , de$
Wiclefîftes , des Vaudois ^ des Luthé-
riens, & de divers autres Hérétiques;
& en conféquence la leâure de ce Li-
vre eft interdite, de peur que le venin
qui s'y trouve , n'éloigne entièrement
les Leéleurs de la Keligion Chréi
tienne.
La Sorbonne non contente d'avoir
ainfi flétri Erafme , pourfuivit fon Li-»
vre au Parlement , par cette Reguêtc
qu'elle lui préfenta : « Supplient hum*
3» blement les Doyens & Doéleùrs de
» la Faculté de Théologie de Paris.
9 Comme depuis trois ans ou environ,
^•par Ordonnance de la Cour, au-
cf cuns Huiflîers d'icelle , en la pré-
at fence de M. l'Avocat Lifet , &.aur
9 cuns Doéleurs de la Faculté prî-r
? rent es maifons d'aucuns Libraires
d'E R A ^ MB. yir
» de ladite Univerfité quantité de
» Livres , Ôc iceûx ensporterent au
» Greffe de ladite Co«r f ^'on difoiç
tr contenir pïufièurj? erfeuf s contre far
»'Foi & les bonnes mœurs , entre tef-
vQVLch étoit un petit hme intk«lé :
vFantiliarium CôllequiorHmfi^mulaifper
mDefidtrhcm Eraftnum , UtofiiA Livre
ar a depuî» été fort augmenta , & re-*
9^ connu paf ledit Era f nie par phideof r
»• fois : & potti- ce qu'efilhe» tfdditîoiig y
arapbfiears erreurs adjointes atexpre-**
«'mieres, qui fe li(lnt aux jeiuies getir
^ étudians en Grâtomàire ett cette-
arUniverfité de P^ris & ^lleora, èofw
•^pkfienrs gens de bien avertis , confi-*^
*4érant que ta le<9îure dtoîit livre eft
n fort pemicleufe a%rKdi«s efï^fans r
tr pourtant que l'Auteur , qoclcompie
3Ef il foit j les induit , & tous ceux qû
.i^le lîfent , fous ombre Ai beau lan^*'
»• gage , it perverfe doftf ine , telle
a» qp'eft celle de Luther ;. c eft à {k^-
• voir, à cotifcmner fes^ Conflits-
ce rions & ComfiÂafidefiiens de l^Eglife:
«touchant les jeftnes & abftiaençes^,
» ï peu prifer le commandement d©
a» Confeffion , & de prier & recpéplr
j» la Benoîce Vierge Marie & les
«Saints, les voeux & honnête c^ré-
9t- monies- de Religion- , & autrses feiar
Yiiij
» blables obfêrvanccs de TEglife , Icf-
»> quelles chofesontëté puis n'agueres
9 remontrées à ladite Faculté , &*re-
• quis qu'eHe voulût foire vifitcr &
» examiner, ledit Livre par fes Dé-
p pûtes ; ce qui a été fait i & après le
w rapport défaits Députés , vu & con-
» fideréles erreurs contenues audit Li-
ai^ vre augmenté & ici attaché , avec
a»lefdites erreurs extraites d'iceki,
a» auroit condamné ledit Livre , comme
» il appert par la coDcîuûon de ladite.
» Faculté pareillement ici attachée:
» Ce confidéré , & même qu*il n'eft
a? rien plus mauvais ne dommageable à
>• la chofe publique , que bailler à jca-
*>nes gens telles doélrines, jouxte €f
m que dit S. Paul , Corrumpunt bmi
^ mores colloquia pravaj Vousplaue
«pourvoir & ordonner audit aflaire»
» enforte que la doftrine dudit Livre.
#foit extirpée de ce Royaume j & vous
*^ ferez bien , &c. »
' On ne fçait pas ce que le Parle*
ment fit en conléquence de cette Re-
quête ; mais il efl confiant que le Roi
François L ne fut pas content de la
vivacité avec laquelle la Faculté agit
(a) Che- ^^^^ occafion, C'efl ce qui p^*
riller,parr ^^^^ évidemment par la I^ettre (a) qû«
5u c. 5. * ce, Prince écxmi d'Aflab^iTç au Par^
b'Er AS M*. ^ yi;
lèment lep Avril iy2^. elle étoîc ainfî
conçue : » Et parce que Nous fomnaes
» dûement acertenés , qu'indjfFércm-
99 ment ladite Faculté &c leurs fuppôts
» écrivent contre un chacun , en dé-
à» nigrant leur honneur , érat & re-
i> nommée,comme ont fait contre EraC-
•» me , & pourroient s'efforcer à faire
» 1 Jfcemblable contre autres , Nous
» vous commandons que mandiez in-
» continent ceux de ladite Faculté ,
* qu'ils n'ayent en général ni en par-
» ticulier à écrire ni compofer & im-
!• primer chofes , qu'elles n'ayént pre-
^ miérement été vues & approuvées
••par vous ou vos Commis, & en
«• pleine Cour délibérées. »
' La Sorbonne , après avoir condamné
les Colloques , fe propofa (a) de faire {a) Du
approuver fa cenfure par le corps de Boulai , t.
i'Univerfité . & d'empêcher parla ^•P- *'^-
que les Colloques ne fuflent lus dans
les Clafles. Dans une alfemblée , Beda
expofa ce qui avoit été fait en Sor-
bonne : les Facultés de Droit & de
Médecine donnèrent kur approbation
à ce qui avoit été décidé par la Faculté
de Théologie; mais les Arts furent
divifés : la Nation Françoife condamna
les Colloques'; la Nation Allemande
fut d'avis qu'on ne les enfeignât plus : -
Yv
1
Tavis de la Picardie & de la Normale
die étoit qu'on envoyât à Eraiime une
lifte des erreurs qu'on lui attribuoxt ^
& qu'on l'engageât à les condamne^
lui-même ; ce qui auroit été plus coor
forme i la charité Chrétienne 9 & auH
roit produit de meilleurs effets^ qu'une
condamnation que la haine & la brigue
pouvoient avoir procurée* ^
(a) D'Ar- ^^^ 1'*" ij'aS. (a) vers^lafindii
jtermé , t. ^^^ ^^ Juillet , il y eut un Régler
2« p. 52* ment fait par l'UniVerllté aux Mathur
rins, pour ^défendre de lire les Col*
ques dans les CiafTes. En conféquence
le Reâeur fit un Décret , <fù fut a&:
ché dans tous les carrefours de l'Unir
verfité. Erafme fut fort piqué de ce qui
fe paffa en cette occafion 5 il en par-*
(h) EfiJf.lQii (ji) comme d'une conjuration j
%9. L. ly. j^n^e paj Bôda. Il y a lieu de dou-*:
ter fi ce Décret fut pleinement exé-
cuté : car dans une Lettre datée du
(0 Epijl. 17 Mai i^3<î. (c) après s'être plaint
y j. L. 17. de deux Cordeliers , qui avokent eu le
crédit d'epnpêcher qu'on ne lût fes
Colloques.^ Dple # il dit qu'il en eft
d'aurant-plus furpris, que cet Ouvrage
s'imprime & fe vend à Ps^ris. Il tut
(d) D'Ar ^'^^^^^ queftioû des Colloques en Sor-
gcntré , t. bonne après la mort d'Eraîme :.on les
»*p« i^7. CQudamna en général {d)i & le 27
ij^vler. ^5*^ la Faculté en cçnfurat
quelques propoficions. Il y a grande
apparence > que le Concile de Sens de
iVn 1528. (tf ) auquel préfidoit An- (fl)il«W-
ipine Ouprat Archevêque de cwe^^'^^'^^^s
Ville, Chancelier de France & Car ^y^-^^*^
^pal, amtenvue.Ejaifme, larfquil'tré,;;} p.
paxie dés hénéfies aue des hoaimes.8o«
{lerv^ers^ gUileiit dàps dès. Colloques fa^
n^iliersé
« Les Colloques trouvèrent aulC de
lacomradÂâioQ en Angleterre* Erafme
wport^ fes plaintes m Cardinal Wol-
f ei , à qui il manda ( i ) : » J'ai appris (h) zplfî^
».que la vente des Colloques ëtoir dé- j j. L. >i.
% tendue en Angleterre ; f en fuis d'au-
». tant-plus furpris , qil'on les vend li-
M^breflo^ecu à Louvain &; à Paris , oh il
Mr y a des enaenfiis déclar<^s des bonnes
». Lettres , qui par cette raifon ne peu -
aK.vent nfte fo.uffrir. Que votre Gran-
it dçur. commette quelau'un pourexa-
« miner ce Livre. Si 1 on trouve quel-
»« que chofe d^impie , je confens qu^oa
•.Tefface ; mais fi ce ne font aue des
» minuties » il n'y a qu'à confulter des
w gens de bien , & y faire les change-
» mens qu iis jugeront à çrqpos, afin
a» que la Jeunefle en puifle tirer quel-
,que utilité,» 11 écrivit (c) à l'Èvê- fc) E^\^^
ue de Lincola conformément à ce4ï« t. s.c«
Yvj -
$i6 Vie ' \
qu'il mandoit au Cardinal Archevff^
que d*Yorc , qu'il étoit prêt i corri-
£;er dans fes Colldaues ce qu'on lui
leroit voir y être reprehenfible.
Les Colloques furent traduits en £{^
(a) B;?!^. pagnol (a); mais ils effuyerent des
*338» ^' critiques très-ameres en' Efpagne. Il
fend* y a même apparence qu'ils furent con-
damnés au feu après la mort d'Eraf*
(h) Bib. noe : car voici ce qu'on lit ( i ) dans
choifîe de une Lettre de Clenarddu 4^ Décembre
Colomicz, i;'4o.» Le Marquis de Grenade vient
p. 4^^» ^ ^ç m'écrire que les Colloques d'EraC:
» me étoient deôinésau feu.» A Rom^'
lorfque le Pape Paul III. voulut fei-
(c) Slci- re une réformation dans l'Eglife (c), if
San , L, j. nomma des Cardinaux & des Prélats ^i
f)our lui donner \€^ avis qu'ils croyoienc
es plus convenables. Ils opinicrent k
bannir des Ecoles les Colloques d'E-
rafme, comme capables de faire de
niauvaifes impreflîons contre la bonne
dodrine dans Fefprit des jeunes gens.
Melanélon que fes engagemens avec
Luther avoient indifpofé contre tout
ce qui venoit de Rome, en parle Hen
ces termes da;is une Lettre à Caméra^
Xà) Epijt. rîus ( d ). » Il vient de paroître une
205. !-• 4* » ridicule délibération des Cardinaux
» touchant' les abus à corriger; on y
» défend de faire lire dans les Claâes
b' E r a s m t; yï*7
h les Colloques d'Erafme ; & Ton a
» employé pour cette fomeufe délibé-
a» ratiotn des Héros tels que Sadolet ic
99 Aléaiïdre. Que peut - on efpérer
» après ceci ? »
Enfin les Colloques furent condam-
nés par l^Inmiifition , & mis dans la
, pf'emiere claue des Livres défendus. II
cû certain que cet Oi^rage devoit na-.
turellement exciter de grands mur-
mures. Les partifans les plus .zélés
d'Eraûne (a) ne peuvent dilconvenir , (a) M. A-
qu'il ne foit rempli d'indifcrétion , & dam • Vie
qu'il ne s'y trouve des propofitions ^'^^^^' *
bazardées. Jl avoit d'autant plus de p^ "„*^
tort , qu'il écr^voit dans un tems ora- PoSevin!
geux , où il devoit apponer plus d'at- Baillet,t.2.*
tention que perfonne , à caufe du part. 2. pw
erand nombre de fes ennemis quiexa- ***• J"Sc-
♦ • • '11' ment des
mmoient tout ce qui venoit de lui avec s^-^j
la plus grande rigueur. Mais tel étoit
fon caraélere , que lorfqu'un bon mot
fe préfentoit fur quelque matière que
ce fût , il né pouvoit ^as s'y réfuter.
-Il en eft convenu lui-même (fc). »J'a- (h) Jid'
» voue , difoit-il , que par la difpofi- versùtja^
» tion de mon efprit , je fuis trop j^^^jf^'
3t porté à la plaifanterie , non-feuie- ^^^^T. '
9i ment dans mes difcours familiers ,
3^ mais auffi en écrivant. » C'eft fur-
tout dans fes Colloques que fe fait
fentir fon goût pour la ndllerie ; ett
voici un exemple. >>I1 y en a> dit-^
»ii, qui ont recouvré la ùtmé^ en fa
a» revêtant d'un habtt de lao^in ovk
xj F* ' '' " ^^ Cordelier ( a ) : k même choie
*^;/Jj;;!-»leurferoit peut-être arrivée, s'ils fe
déforma. ^ ^OTent Couverts do manteau de quel-*
(h) LcnoHzt y» que coquin ( t )« 3» (^leL fcandalQ
/«//##. une propofition^e cette nature ne de-^
voit-elle pas caufer cbes les Mo'mes >
dans un tems oà il étok très-à la mo-
de de fe revêtir par efprit de piété des^
habits de quelque Ordre Religieux ^
Si cette dévoûon étoic deventfê une
fuperftition , il étoit bon d'en rcpceii-^
dre les abus ; mais ce ne devoit pa&
être avec des termes, dont non-feule-
ment les gens de bien , ma» même ler
gens du monde ne fepermetcenc ^
mais l'ufage.
Il fcandaltfa. aoâî beaucoup les.
Théologiens , lorfqu'il ne craignit p^
(0 p. ^^. ^^v^^c^^ (^) 9 que plufieurs s'abfte^
Tietasfuc' noient de la Théolc^ie, pacce qû'ilr
rilii^ appréhendoient qu'elle ne les fît chan-
celer dans la Religion , lorfqu^ib
voyoient que tout étoit réduit en quef-
tion. Il eft vrai que la méthode des
Scholaftiques étoic de propofer les
objedions , av^nt d'établir leurs The-
ies ; mais oç n'écoit pas qu'ils révoqua^/
fiait en doute les propofitîons qa^ils
examinoient : c'eft que c'étoit un ufa-
ge reçu ^ ainfî qu'on peut s'en con-
vaincre en ouvrant feulement U fom-
me de Saint Thomas. Dans les Dia-
logues qui ont pour titre, le Repas
profane, & le Repas Religieux , Eraf-
me s^exprime f\ témérairement fur la
Loi du maigre i fur lé jeûne & fur l'o-
bfervation des Fêtes , qu'il avoue qu'il
en a voit eu de là confuuon. Vives qui
l'aimoit beaucoup , lui écrivit (a) (a) Efijfm
Î)0ur lui avouer', que plufieurs per-^^- «prèi
bnnes lui ,avoiçnt demandé à quoi ^^^^ ^^
bon traiter ces matières dans un Ou- ^on,^* *
vrage fait pour dies enfens ; qu'il n'a-
voir rien de fatisfaifant à leur répon-
dre , parce qu'il penfoit comme eux ;
que comme il nt doutoit cependant
rs qu'ilneût eô de bormes raifons ,
le prioit de les lui apprendre , afin
d*étre en état de répondre. Mais Eraf-
me lui-même a, déclaré,* qu'il n'étoit
p^s content de tout ce qu'il a voit écrit
dans ces Dialogues ; que celui qui
avoit pour xitré le Repas Religieux ,
avoit été imprimé i fon infçu , &
qu il n'avoit pas pu le fupprimer. La
Lettre qu'il fait écrire par la Vierge
dans le Dialogue fur les Pèlerinages ,
ç& (b) une preuve que c^elque- ;(^) p, 41 ii
lois fon jugement Tabandonnoît. Il
fuppofe que la.Mere de Jefus-Chrift
écrit à quelqu'un , pour le féliciter de
ce que fuivant la Doftrine de Luther ,
il cherche à pèrfuader fortement qu'il
eft inutile d'invoquer les Saints» Il eft
vrai qu'après cela il reprend des abus
intolérables j mais croyoit-il y remé-
dier, en employant comme autorité
un nom auflî odieux chez les Catho-
liques que celui de Luther ? N'étoit-
ce pas plutôt s'expofer à partager la
taine générale, qu'avoit pour lui l'E-
glife Romaine f Mais s il n'eft pas
poflîble de juftifier tout ce qu'Erafme
a hazardé dan^ cet Ouvrage , il eft du
moins certain que les critiques qui en
furent faites , lervirent à mettre fa
Catholicité en évidence , puifqu'il dé-
favoua les erreurs qu'on lui attribuoît.
Il fit des remarques fur les cenfures
que l'on avoir faites des Colloques :
(a) Dupin , elles fe réduifirent à dire (^i ) ï". que
BihLEcchf. l'ona falfifié quelques-unes de fes pro-
pt i80f pofitions ; 2°. que l'on en a pris plu-
fieurs à contre-fens ; 3^. qu'on lui en
attribue qui font tirées des Dialogues •
oi\.le principal perfonnage n'eft pals
celui qui eft approuvé j 4.^. qu'il n'a
point prétendu attaquer les pratiques
de la ^«iritable dévotion ; mais feule*:
ment celles qui. font fupefftitieufes ; •
jrS* qu'il a feulement blâmé les excès,
& la trop grande confiance qu'on a
dans ces chofes, qui eft fouvent capfe
âu'on néglige des devoirs effenticls de
religion.
• Il eft fi confiant que la cenfure de
Sorbonne avoi't quelquefois paffé les
bornes de la. modération , que Nico-
las Mercier , Sous-Principal de Na-
varre, dans la révifion des Collo-
ques faite dans le fiécle dernier pour^
liifage de l'Univerfité de Paris , & ' *
approuvée par Jes plus favans Doc-
teurs de Sorbonne , n'a pas jugé à
propos de fupprimer deux propofitions
qui avoient été traitées d'erronées dans
la cenfure (a).: Vxxne regardoit Dieu 0^) ^P\fi*
lePcre> & Tautre le Saint-Eforit. Il ^\^''Z'''
jugea apparemment que les Apolo- venier* In*
gies d'Erafme l'avoient fuffifamment qmritto de
juflifîé ; & perfonne ne fç plaigwt, fidcp.i^^*
: Outre les reproches que Ton fît à * ^^^* . •
Erafme d'avoir gUffé de mauvais prin- f^ JJ^'^J;'^*
cïpes dans cet Ouvrage^ capables d'al- y^ Epît;
térer la foi des jeunes gens , Jofeph d'Erafme
Scaliger prétendit (b) qu'il y avoit 14- ^•»5'«
quelques fautes contre la pureté du ^ <Ie CoU^
ftyle ; & Jules-Cefar Scaliger fon pcre Jj^^g^^^^^^
^ura dans fon fécond difcours contre (^) scali"^
Èi;aûne> qu'il s'étoit approprié un g<r4ii4»
-ri2 ViH
M De r«.'Dialogue de Leonicas (a) > qu'il avoiê
térh luio. donné comfite étant de lui ; mais c'eft
UQ ennemi fi emporté & fi déx^iibn^
nable » qu'il ne mérite pas d'être crik
lorfquM accuiè faiu donner depreayes*
Mal^é le déchaînement des Théo-
logiens & dés Moines contre les Col-
loques, il n'y a peut-ètse poim de
Livre qui ait été aoffi recherché. Il
fut traduit en plufieurs Langues. Nous
avons déjà va qu'ils avoient été tra-
duits en EfpagnoL Petro Lauto de
W Kb, Modene les mit en Italien ( J ); & Ci
g||jj^.^*traduaion eft eftimée-Il n'en eft pas
p. ^6. ' ^ même de celles que nous avons en
François. H y en a ftne ancienne de
Chapuzeau , dont Colonvtez porte un
jugement peu âvorablè. Quamt à cel-
le de G^ieudeville , on voit bien qu'il
a eu envie de réjouir le Leâeur \ mais
• fes bouffonneries font fi mal tournées,
que fi ceux qui lifent (k traduâion
ont envie de rire , c'eft certainemeut
Oeftt^^ dépens du TraduAeur. Perfonne
p/Ts /* & ^^^ mieux jugé des Colloques que le
p# 7f 3. éd. favant Critique Daniel Hcinfius , lorf-
îc 1 7i^. qu'il a dit (c),qu'Erafme ne s'étoit peint
nulle- part fi bien que dans cet agréa-
ble Ouvrage; qu'il y donnoit des pré-
ceptes d'une façon qui devoit plaire 5
l^ueles plaiiàntenes^ & les chofesfj^s:.
d'Erasmk; ^ y2j'
rieufes qu'on y trouvoit , ëtoîent d'au-
tant plus utiles , qu'elles avoient rap-
port à ce qui^ fe paflbit dans la vie
ordinsure ; & que tandis qu'il inftrui-
foit , il apprenoit à parler.
Dans le fiécle dernier Nicolas Mer-
cier , Sous-Principal du Collège de *
Navarre , ne craignit point de mettre
les Colloques d'Erafme entre les mains
des Ecoliers de TUniverfité de Paris j >
& il en parle dans fa Préface comme
de rOuvrage le plus utile au'il y
ait pour la jeunefle, puifqu^il ëtoit
agréable & utile , qu'il infiruifoit
en divertiffant; & que le ftyle en étoit
très-pur. Il eft vrai qu'il a retranché •
})lufieurs chofes qui avoient été cen-
urées avec raifon ; & en ceb il n'a
fait que fuivre les intentions d'Erafme,
dont un Secrétaire nommé Cannius
avoit retouché les Colloques. Cette ré-
vifion n'eft pas venue jufqu'à nous, (a) C^) ^^P"
Avant de quitter ce qui regarde les ^t^L'- -
Colloques , nous parlerons d*un autre
frand chagrin qu'ils occafionnerent à
jrafme. Un Dominicain Saxon , nom-
n\é Lambertus Campefter, s'avifade
prendre le nom d'Erafme , & de don-
ner une Edition des Colloques , dans
laquelle il retrancha tout ce qui avoit
liéplu à fes Confrères 9 c^efl-à^ dire ^
y!i4 U I «
ce qui avoît rapport aux Moînes , aul
vœux, aux pèlerinages , aux indul*
gences, H ne le contenta point de cela :
il ajouta une Préfecc dans laquelle il
convenoit en fort mauvais Latin , que
^ dans les premières Editions des Col-
loques il y avoit plufieurs chofes con-
formes à la Doârine de Luther ; mais
qu'il fe rétraftoit; que fon âge avancé
& la piété Ty engageoient ; que tant
quHl vivroit , il corrigeroit fes Ecrits,
afin d'épargner à fes Mânes les dou-
leurs de rÉnfer,
La hardieflfe de ce Moine mit Erafme
^ dans une étrange colère : il fe plaignit
amèrement de cette impofture dans
un Ecrit qu'il rendit public ( i ) ; il
releva les ignorances & les abfurdi-
tés dont ces additions étoicnt rem-
plies. Après avoir lu cette plainte ,
on ne peut douter que cette Edition
altérée de Lambertu$ Campefter n'ait
Xa) Eftjî, ^x^é vendue publiquement , puifqu'E-
a^M) des^^'"^^ ^'^ ^^^ ^ ^^ nomme ilm-
Jacobins ^prinf^^ur {a). Cependant les Auteurs
t. a. p. si^ dc^^ Bibliothèque des Jacobins (fc )
(i) De fycofhantiis & impoflurh cujuf*
dam DQminicam , qui in G allia CoUoquia
Erajmi à fe ridicule interpolata e4i cur4r
ff9rat. A la fiit des Colloques.
D^ E R A s M B. ^ ^2f
n'ont pas craint de s'avancer jufqu'à
dire , qu'il y avoit toute apparence
qu'Erafme avoit ajouté foi à de faux
bruits , & que Lambertus Campefles
n'avpit jamais donné une Edition dei
Colloques d'Erafme, puifqu'ils rfa-.
voient pu trouver , ni cette Edition ,
ni perfonne qui Teût vue. .
Lambertus Cartipefter finit fes jours
d'une (a) manière peu édifiante, (à) Efîlf:
Après avoir ainfi mutilé les Col- 5^» ^ 3««
loques d'Erafme, il alla à Lyon, oii^^^- 3*«
s'étant vanté d'être le meilleur ami ' *^*
d*Erafn(ie, il trouva un homme qui
le croyant fur fa parole , lui fit beau-^
coup ae politeffes. La reconnoiflfan--
ce qu'il en eut fut de lui voler trois-*
cens écus : on courut après lui \ 8c
on l'attrappa lorfqu il mangeoit cet
argent avec dçs Filles. 11 s'échappa ,
& il fe réfugia à Zorft , Ville du
Duché de Juliers , où ayant apoûafié ,
il fut fait Miniftre de TEvangile. Il
devint auflî furieux contre les Catho-
liques , qu'il avoit été zélé dans fa
( I ) Voici comtne^il parloit (l'Erafme eit
apofirophant Luther ; là qttod , fimeminifti^
dudum "Ërafmus no/Ier , & excelje , &faiu*
tarifer monuit ; cujus exemflo & rnonito mag^
no iuo' bono ^tinam faruiîfef ! Bib. des Ja^
^ç%\>ins, t. I»p. 5 3^ , '
S^^ V I 8 ^
première Religion : car îiavoît écrit
coatre Luther , & il avoir même cité
Erafme avec honneur. Son caraAere
ftditieux ayant déplu au Duc de Ju-
liers , il manda aux Habitans de Zorft
3u'ils lui feroient plaifîr de le chaiTer
e cHez eux ; mais comme il n'y avoit
pas beaucoup de fubordination dans
ces tems de troubles , ils firent réponfe
au Duc qu'ils ne pouvoient pas fe
Saffer de leur Miniftre. Les Auteurs
e la Bibhotheque des Jacobins ont
cru , que l'amour de leur Ordre devoir
les difpenfer de fuivre les régies de
FHiftoire^ ils fe font bien gardés de
parler de l'apoftafie de Lambertus
Campefter^ en faifànt l'abrégé de fa
vie.
Erafme finit l'an iy24« par un pe-
tit préfent qu'il ( i J fit à Marguerite
Morus , fîUe du Chancelier , & fem-
me de Guillaume Roper ; c'étoit un
(a) Pi*f^' Commentaire fur deuxHymnes de Pru-
ies in pru- dence : l'Epître Dédicatoire eft datée
dentium ^q la Fête de Noël de Tan I5'24-
Commet^a- Dolet traite avec mépris ces Com-
YJ^^^' ^^[ mçntziTes (a); mais Erafme lui-mê-
jg^ ' me n en avoit pas une grande idée. H
( I ) Commtnurmt in duos Hymnos Fnf^
dcmii, de Natali & Epifhémii Fneri hju.
^ à de Pinjuftice à blâmer un Savant ,
{)arce que tous fes Ouvrages ne font
pas de la plus grande importance. Il
n'y a point d'homme de Lettres , qui
ne fe Icrit fouvent délaflfé de fes gran-
ides emreprifcs par quelque petit Ou- ,
vrage. Cdui-ci fut TefFet de la com-
plaifimcc quHl croyoit devoir avoir
jpour la fille d'un de fes meilleurs amis.
Il commença l'an i j'25'. par un Ser-
mon fur le quatrième Pfeaume ( i ) >
(qu'il adreffa à l'Evêque de Lincoln
ie s Janvier (n). Ilyavoit déjà plu- (j) Efifi^
.fieurs années que ce Prélat étant à 3^, Lii$4
Calais avec Erafme , l'avoit voulu
œgager à faire un Commentaire fur
les Pfeaumes*, & depuis il lui en
.avoit écrit plufieurs fois. Quelques
Savans ^ & des Princes auflî fe joi-
gnirent à l'Evêque dç Lincoln , pour
obtenir la même chofe d'Erafme : il
s'en dé&ndit par des raifons qui lui
paroiffoient fans réplique ; mais ceux
qui lui faifoient ces inftances n'en
ayant pas été fatisfaits , Erafme s'i-
magina qu'il les contenteroit , s'il ex-
pliquôit quelques Pfeaumes , ce qu'il
entreprit dès que fes autres études le
( I ) Concio in Pfalmum 4. CUm inv*-, ^
Ji8 V I K •
lui permirent. Il promît à l'Evêquë.
de Lincoln de continuer à travailler
fur les Pfeaumes , s*il étoit content da
Commentaire de celui-ci : il le rap-
porte tout entier à JefusChrift.
Le 8 Février 15*2^. Erafme dédia
(a)Efift.yiij^Q (^) le Naturalifte à Staniflas
14. ^•^«•Thurzon Evêque d'Ôlmutz, Il décide
que THiftoire naturelle de Pline n'èft
pas un Livre , mais un tréfor qui ren-
ferme tout ce qui mérite d'être connu ;
il aflureque de tous ceux qui ont tra-
vaillé fur Pline , perfonne nç TaTaît
plus heureufement qu'Hermolaus Bar-»
barus , qui a fait plus de reftitutions
Îue tous les autres. Biïdée , Beraud»'
ean Céfaire ont aufli employé utile-
ment leur tems à corriger le texte
. de ce grand Auteur , qui étoit en fort
mauvais état, par la négligence des
^ Copiftes & des Imprimeurs. Erafmfe
fît plufieurs correâions par le fccours
d'un très-ancien manufcrir. Le Pêne
Hardouin n'a pas crû devoir mettr'e
Erafme au rang de ceux qui ont ren-
du ferviçe aux Lettres , en travaillant
fur- Pline : il n'en dit pas un mot dans
fa Préface, dans laquelle il ne traite pas
trop bien Hermolaus Barbarus , qu*il
" fuppofe avoir été nommé au Cardi-
nalat, quoique Ughellus qui a dû mieux
fa voir
D' E R A s M ï. 5*29
favoîr le détail de la vie de ce Noble
& Savant Vénitien , n'en dife pas un
mot.
Le douzième jour du mois de Mai
de Tan 15-25'. Erafme dédia (a) à (a) Epijf.
Thibaud Bietrice Curé de Porentru ^"^^ ^ *^*
la^ Liturgie de Nôtre-Dame de Lau-
rette ( i ). Il y ajouta lin Sei*mon en
Thonneur de la Vierge , dans lequel
il fait voir comment on doit l'imiter.
Cette Liturgie fut approuvée par
Antoine de Vergî , Archevêque de
Befançon ; fon Mandement efl du 20
Avril 15* 24. on la lui avoit fait voir
fans doute manufcrite. Ce Prélat y
parle d'Erafme, comme d^un Savant qui
rend de grands fervices aux Belles-
Lettres 8c à la Religigm
Le 1 6 Mai 1 5* 2 j . Erafme fit l'Epî-
tre Dédicatoire du Livre de Cœtîus (b) ^*5 ^?^^*
touchant le libre arbitre; & il l'en- *^- ^' ^^*
voya à Florien Motin.
Le plus conlidérable Ouvrage qu'il
ait fait Tan 15-25'. eft fon Traité de la
Langue ( 2 ) : il eft dédié à Chrifto-
phe Schudlovietzci , Palatin & Caf-
telan de Cracovie , & Chancelier de
Pologne; l'Epître Dédicatoire eft du
( I ) Vutrgla Vîrgtnts Lauretana.
( z \Lingua yfivg de Lingtii^ ufa & abafa^
TOTTÎC L Z
f^o V I ï '
(a) Epljl. 14. Août. Il la finit modeftement (a)f
éi. u 19' en retïwrquant que le fujet qu'il a en-
trepris eft fort étendu , & qu'il appré^
hende qu'ayant voulu nnêler le pro-
phane avec le facré , il n'y ait de la
confufîon dans fon Ouvrage, d'autant
plus qu'il n'avoit pas eu Iç tems d*y
mettre la dernière main.
Ce Livre cft une Déclamation con-
tre ceux qui font un mauvais ufage de
la Langue ; il finit par d'excellens
confeils*
Le Chancelier de Pologne témoi-
gna à Erafme la fatisfadion qu'il avoit
de cet Ouvrage , par le préfent d^une
(h) Efijt. Cueillere & d'une fourchette d'or (t>
63. L. II. Ce Livre eut un grand fuccès ; en
un an Froben en fit trois éditions. La
première itoit pleine de fautes d'im-
preflîon ; & Erafme nous a appris lui-
(<r)V.Baile. même (c) que quand iljut queftion
de le réimprimer , il fut fort embar-
raflCé , parce qu'il eut beaucoup de
* peine à déchitrer fa copie.
Il y a beaucoup de hbené dans cet
(i)Poffevin. Ouvrage ; il fut mis à l'Index (d) dans
la fuite des tems, Jules Scaliger en a
parlé avec le plus grand mépris : il
(e) Eftjlj jjg ]g traite pas moins e ) que de dé-
'ol'd^Fei- teftable Commentaire , à qui Erafme a
j^n, donné le nom de Langue. i\Iais fa
d'Erasme. f^i "*'
lâîoc potâ l'Auteur a feit dégénérer
la critique en chicanne à un tel point 9
que le favant & judicieux Gérard Vof-
fius a crû devoir prendre le parti ,
d*Erafme ccmtre Scaliger , dans fon
grand Traité de l'Idolâtrie (a)» Eraf- (a) h. 4.ch.
me étoi^ mécontent de Tinjudicede 'î-
fes CailRrs , que quelquefois Tenvie
de ne plus écrire le prenoit ( i ). Cette fi) EpH^
réfolution ne duroit pas long-tems ( c ). 7 5 ^ .
Il y a voit déjà piufieurs années ^^0£p«^v
que Milord Monjoie ( d ) qui étôic fj^' ^pifi.
Grand Maître de la Maifon de la Rei- go®.
ne d'Angleterre, avoit, prié Erafme
fon intime anû de £aire un Ouvrage
£ur le mariage. Il y avoit confenti ;
mais fa fanté , & des occupations lit-
téraires très-prelfées , Tavoient em-
pêché de le mûr auffitot qu*il l'auroit
fouhaitë. Il s'y Ternit le plutôt au^ii
ki fut poflible ; & il le dédia a la
Reine d^ Angleterre le 1 j Juillet 1 5 2(5#
Il parle dans cette Epître Dédicatoire
( e ) du mariage de cette Princefle (e) Epsfl.
comme étant très-fortuné ; & ilaffure4i. A *^«
que c'eft fans flatterie. Il avoit déjà
dit quelques années auparavant (/) , Cf) ^pl^*
que le mariage du Roi Se de la Reine ' • *
d'Angleterre étoit un modèle de chaf-
teré & d*union.
Les malheurs de la Reine Cathe-
ïîi Vie
rine d'Arragon fuivirent de près la
publication du Livre qu'Ersrfme lui
dédia : car la grande affaire du divorce
commença l'an lyay, & THiftoire
(4) Rapîn d'Angleterre nous apprend (a) que
Thoiras, /.dès Tan 1^26. le Roi avoir pris le
y h *4». parti de répudier la Reine, ^
Le Livre d?Erafme a pour titre
l'Inftitution du Mariage Chrétien (i).
Il eft divifé en trois panies : dans la
première , l'Auteur expofe ce qu'il
faut faire pour entrer heureufemenc
dans la fociété conjugale ; il parle
dans la féconde des moyens d'être
heureux dans le mariage } & dans la
troifiéme il traite de l'Education des
enfans.
Le mariage eft , félon lui , l'union
légitime & perpétuelle d'un homme ^
& d'une femme , qui ont deffein d'avoir j
des enfans ; moyennant quoi ils s'en- j
gagent à vivre enfemble , & à parta-
ger leurs fonunes.
De cette définition Erafme conclud ,
que quoique l'Eglife tolère les unions
entre une femme avancée en âge &
^un vieillard, & entre ceux dont la flé-
rilité eft conftatée^ ce ne font pas ce-
pendant de vrais mariages : il prérend
que quoique la virginité élevé jufqu'à
. ( 1 j Çhriltiani matrimenii Inftùutiê.
ia dignité Anjgélique , il y a cepen-
dant quelque chofe dans le mariage
au deffus de cette vertu , puifque c'ell
un Sacrement.
Il traite enfuite du fentiment des
anciens Théologiens, Il aflure qu'ils
ne regardoient pas le mariage comme
un véritable Sacrement , & qu'ils ne
crpyoîent pas qu'il y eût une grâce
particulière qui fût attachée à Tunîoa
conjugale ; mais qu'ils avoient été
abandonnés par les Modernes , qui
étoient tous convenus que ceux qui
fe raarioient avec les difpoficions re-
quifes, recevoient une grâce parti-
culière , ainfi que. ceux qui partici-
poient aux autres Sacremens.
. M. Boileau , Doékeur de Sorbonne ,
a penfé à peu-près de même qu'Eraf-
me , dans fon Traité des empêchemens
du mariage , dont le trpifieme chapi-
tre a pour objet de prouver , que '
plujîeurs DoSiiurs Schola/liques rCont
point cru que le mariage f&t un Sacre^
ment comme les autres , quoiqu'ils le
truffent véritahle ^ & que VEgUfe n'a '
point condamné leurs Jentimens.
Erafme examine après cela , pour-
quoi le mariage a plutôt écé appelle
matrimonium qnepatrîmonium : il croit
que c'eft parce que la naiflance des en-
Z iij
S3^ Vie
fans, leur nourriture , leur éducaH
tion pendant leur grande jeuneffe , re»
gardent principalement la mère.
Dès qu'il a été généralement con*
venu que le nnariage étoit un Sacre-
ment , les Evêques fe font attribué la
connoifiance particulière de toutes les
queftions qui avoient rapport à cette
matière j ils ont fouténu qu'elles leur
appartenoicnt. Le Droit Canon a ré*
glé ce qui concernoic les mariages ^
& a même réformé k ce fujet les Loix
civile».
La dodlrrne des Papes , à laquelle
celle des Théologiens d'un très-grand
(a) M. Boi^ nom eft conforme ( /i ) , eft que le con*
le au le fentement des Parties déclaré en pré*
prouv-e , fej^çç l*un de Vautre, f^t l'effence du
^ • mariage. Mais comme ce font les hom«
mes qui ont fait cette décifiori , ib
font les maîtres d^'y faire des change*
mens-rErafme traite enfuite des empc*
chemens d'une manière favante 8c (en-
fée. Il n'approuvoit point les mariages
tlandeftins : il aurpît voulu que les
mariages des enfans de femille faits fe-
cretemerit fans le confentemeot de
leurs parens , fuffent regardés comme
nuls ; ce qui eft conforme aux ufages
du Royaume de France. Il auroit fou-
haité que l'EgUfe ordonnât., que 1^
d'Erasme. f^f
mariages ne fûflent valides , qu^apr^
que les Parties auroient été fe préfen-
. ter devant le Magiftrat accompagnées
de témoins, pour déclarer qu'elles vou-
loient fe marier.
Il s'étend beaucoup fur l'attention
nécellaire pour faire un choix auffi iti«
téreifant pour toute la fuite de la vie p
que celui d'une femme. Il donne en-
fuite d'excellens confeils pour vivre
heureufénaent dans le mariage. Il blâ-
me les. indécences qui fe commettent
dans les fêtes qui accompagnent la ce-
IdDration des noces , de même que les
ûcpénfes exceflîves qui fe font dans
ces tem$-là , & qui confommenr quel-
quefois en un jour les revenus de plu- c
fleurs années. Il finit ^ en traitant de
l'éducation des enfans , qu il commence
dès le plus bas âge.
Cet Ouvrage eft rempli de chofes
excellentes. Il feroit à défirer qu'il
trouvât un Traducteur habile , qui en
relevant les endroits qui ont juftement
mérité la critiqué , & qui l'ont fait
mettre à l'Index ( a ) , mît tout le (à)?oS:Qvm
monde en état de profiter d'un Livre,
qui renferme tant de réflexions utiles
pour Tufage général de la vie. ^^^ j5 -^^
La Reine d'Angleterre en fut très- lo. & j^.
contente î elle lui fit un préfent (&)• L. %6.
Ziiij
S^6 Vie
Cependant Erafme y avance une pro-
poution» qui dans la fuite du tems
aura dû donner lieu k des réflexions
défàgréables ; il y foutient que lors-
qu'il peut y avoir divorce , il n'y a
jamais eu de vrai mariage. Les en«
nemis d'Erafme donnèrent d'étranges
preuves de leur ignorance , dans les
déclamations qu'ils firent contre ce
Livre ( i ). Loiiis Berquin le tradui-
lît; mais fon attachement aux nouvel-
(a) Bîb. f^s opinions l'engagea à défigurer ( a )
choi'îe , t. un Ouvrage , qui ne contenoit déjà
< • p. I f o. que trop de propofîtions hardies, %
La Veuve Chrétienne ( 2 ) fut corn*
Sofée quelque tems après l^Inftitution
u mariage. Jean Henkelius , Pj;édi-
cateur de Marie Reine de Hongrie , -
fœur de Charles V. & de Ferdinand ,
& veuve de Louis Roi de Hongrie ,
3ui venoit de fe noyer après la perte
e la Bataille de Mohats contre le
( I ) En EfpagTie , un Dominicain crut
voir un très- grand blafphcme dans cette pro*
pofîtion d'Erafme^ où il fe plaint qu'on élevé
àTEpifcopat des gens débauchés. Il avoit
dit : Sed tanquim parus futm recipùur ad
quatuor au$ quirique Efifcofas. Il s'étoit
imaginé que putus défignoit Scortum mafcu*
Iktn 9 & Eftfcofa une concubine* Eftft* 84*
( » ) Fidua Chrijlians^
d'Erasme: v 5*37 -
Grand - Seigneur Soliman , engagea
Erafme à faire cet Ouvrage, & à le
dédier à la Reine de Hongrie. Il en
fait un très -grand éloge ; il prouve
par fon exemple , qu'il eft poflible d«
mener une vie Chrétienne dans les
Cours. Il eft parlé dans ce Livre de
toutes les Veuves célèbres par leur
piété , dont l'Ecriture fait mention.
Glai^deDefpenfe , fameux Doûeur
de Sorbonne , eftimoit tant cet Ecrit
(a) qu'il en a fait un Abrégé , pour (4) DapU.
fervir de conclufion à ce qu'il avoit
jécrit fur les Veuves,
.La Reine Marie fut très-fatisfaite
< fc ) de l'Ouvrage d'Erafme ; elle n'y (b) Efif.
trouva à reprendre que les louanges 31» ^» ^f*
qu'il lui avoit données. Elle lui écri-
vit (c) pour le remercier; & nous (^) Ep(/f#
?vons encore la réponfe quelui fit Eraf- lo, & 4^.
^e. Il ne paroiffoit pas extrêmement l*- *^«
c'ontent de ce travail, (i) Un Correc-
( I ) Un Correâeur d'Imprimerie roécon*
tent de ce • qu'Erafme ne lui avoit pas fait de
préfènt , fubftitua dans cette Phrafe dans la-
quelle il eft queftion de la Reine de Hon-
grie , même illâ ufam eam femper fuijje ,
^aa talent fœminam décent « mentulà , au
«de mente illâ. Il y eut mille Exemplai- - . ^
de dlftribués avant qu'on y mît un car-
toa. £p//?. 12.7^. E^ijl, ^8. t. 30.
Zv
S^S Vf*
teur d'Imprimerie lui joua un tour ân^
(a) Epifi. g'^^^ ( ^ 5 > lorfque cet Ouvrage sim-
24. L. If. primoit.
Epi /. 104. La manière de prier Dieu ( 1 ) fuie
^ *^» ^es deux Ouvrage» dtns la colledion
des Livres d'Erafme ; elle'eft dédiée à
Hierolas deLafco 9 Palatin de Siradie.
en Lithuanie. Erafme y prouve la né-
cefCizé de la prière ; il rapporte tout
ce que TEcriture dit à ce wjet* B re-
commande à ceux qui prient Dieu 5
de faire principalement attention à
deux chofes : i^ à celui à qui ils ad«
reffent leurs prières ; 2?. àett^-^êmes;
Il veut que touteà nos priéfes n'ayent
pour but que la vie éiernèHe, tl exa^
mine quelle doit être lafôrmuHe des
prières ; il croit qu'elles font d'autant
Î)lus parfaites , qu'elles font plug côn^
ormes aux expreffions de l'Ecriture >
Se aux Colkdes ufitées dans l'Êglife;
Les prières doivent fe kire au nomd^
JefuS'Chrift ^ Nôtre-Sauveur & Nô-
tre Médiateur.
Erafme fouhaitoit que les prières
publiques ne fulTent pas trop longues.
Il n'approuvoit pas les Princes , qui
paffoient une partie d^e tem'.tems-à ré-
citer le Breviaite ; il autoit mig
aimé que s'ils n'ont point d'affaîr
( 1 } Mvdm orandi Ùium^
d'E R AS M E* . ^59
preflfées , ils lûflent l'Ecriture fainte ,
& principalement les Proverbes dp
Saloraon , ou les Livres des Payens
qui peuvent les inftruire de leurs de-
voirs , tels que font les Politiques &
les (Economiques d'Ariftotc , h Mo-
rale , les Offices de Ciopron , les L,o\k
^cJa République de Platon , Ifpcrate
éi la Cyropédie de Xenophon. Il pré^
tend qu'un Prince prie Dieu , lorfqu'il
r-empUt bien les devoirs de la Royauté.
Le 27,Aoûc 1^26. Erafoe dédia
(a) fon Edition 4e S. Irénée ( i ) à (a) ^pSfi,
Bernard de Çles Evêque de Trente, j. l. 18.
jqui quelques années après fiit promu
au Cardinalat (fc ). C'àoit un des pro- (h) UghtU
tefteurs des plus zélés d'Erafme : il l"s»t- ^.p*
défiroit ardemment de le pofféder chez ^^h^pfi*
lui. La publication des Ouvrages d'un ^ * ' *°*
Fere fi ancien & fi refpeâable devoir
( ï ) Ofw erudîi^inum Dlvi Iren/ti ♦
Epifcopi U^4^nenfis , in quinque Librçx di'
gejfi^im, in quibus mire retegit & confutAt
ve^um Hiirçfeon impias àc portenttfas opi'
niones y tx vctuftijjlmorum Codicum collatto^ /
ftf , fuanmm licuit , cmendatum , opcrd Défi-
derii Erafmi Roterodami ; ac nunc ^imum
in l^cem edimm opéra Joannis Frobenii : ad.-
dittts efl index rerum fcita dignarunu Apud
inclitam Bazileam, i J i6. aimgratiâ <y pri'-
viiegîo Cafureot
Zvj '
'54^ Vie
être d^autant plus agréable au Public ^
Îue jufqu'alors il en avoit été privé»
Lrafme croyoit que S. Irenée a écrit
en Latin ; mais en cela il a été aban-
(a) Pape- donné de tous les Critiques (a) : lui-
blount. Ca- j^^^ç h^fiç^ depuis fur cette queftion.
i^ônt.Maî" Quoique cette Edition ^ait été
fuet. pp^mptennent enlevée (fc) , & qu une
(b) £|)i^. leU.'^dcrait bientôt fuivie , cependant
4j. L. lo^gUç ^^ji-ès-imparfaite* Le judicieux
& favant Père Maffuet en parle ainfi
dans la Préface de fa belle Edition de
(OPKfece#S. Irenée : »(c) Quoiqu'on ait beau-
V coup d'obligation à Ërafme , qui
» d'ailleurs a fi bien mérité des Let-
»tres, d'avoir le premier publié les
» Livres de S. Irenée, il eft fâcheux
w que privé des meilleurs manufcrits ,
» il n'ait pas pu mieux faire. Son Edi-
3» tion eft fi pleine de fautes, de la-
» cunes , de périodes inutiles , que fou-
» vent l'on cherche Irenée dans Ire-
» née , fans pouvoir découvrir ce qu'il
» penfe. » Erafme fe trouva l'an i C^(J.
dans la néceffité de juftifier fa doc-
trine fur l'article de TEuchariftie. (Eco-
lampade & Pellican s'éroient ouverte-
ment déclarés contre la Réalité ; leur
liaifon avec Erafme avoit fait foup-
çonner, qu'ils étoient de même femi-
ment. Il eft certain qu'Erafme avoit
d' E R A s M ï; y+Y
beaucoup' d'eftime pour (Ecolâmpade :
il en fit l'éloge en écrivant .contre
Stunica ; & dans fa Lettre contre les
Miniftres de Strasbourg , il avoue qu'il
aime fbn efprit & fa Icience. Œco •
lampade de ion côté avoit une grande
vénération pourErafme ; il lui en avoit
même donné des preuves très*jndif-
crettes : car dans la Préface d'un Livre
très- contraire à la Doélrine de l'Egli-
fe Romaine , il l'avoit cité j en l'ap-
lant Notre grand Erafme j ce qui lavoit
il fort fâché ( a ) qu'il avoit écrit à ^^y j^ip^
(Ecolâmpade 9 que ce au'il pouvoitij. L. 184
foubaiter de mieux dans l état critique
ofi étoient les affaires, c'étoit de n'être
ni l'objet de fes louanges , ni celui de
iès blâmes. ">
Conrad Pellican avoit été Corde-
lierj & dans cet état il avoit fi fore
goûté la Paraphrafe d'Erafme fur l'Epî*
tre de S. Paul aux Romains , quil
l'avoit fait lire publiquement dans le
Couvent deBafle ( fc ) : en conféquence (h)Fahricih
les autres Ouvrages d'Erafme avoient Hijl. Bîb.t.
été lus dans quelques Monafteres de ^* {• 4i8»
l'Ordre de Saint François. Pellican
dans la fuite des tems ayant embraffé
les nouvelles Opinions , fortit de fon
Couvent , fe fît publiquement Luthé*
rien , Ôc fe maria.
54^ V t B
(Ecolampade attaqua dan$ ce temSf^
là la Préfence réelle avec beaucoup de
(â) Varia- doftrine, dîtM.Boffuet (a) , Grun,^
^^^^^•éloquettcejîdouces qu'il y avo'u, filoa
**^' Erafinet dequoiféduirey /UJeponyoit
£r que Dieu U permît » les Elus-mémeu
Dieu les mettait à cette épreuye.
Le Sénat de Bafle ayant ckargé
(h) Epê^.Erafine (b) d'examiner le Livre
jif, L. 3i*d'(Bcolampade, il déclara qu'il l'avoic
troussé favant» éloquent, bien &it ^
*> J'ajouterois pieux , difoit*il (c) , s'il
fc\ Bptfi* • peut y avoir de la piété dans ce qui
J9. L. zi« M eft contraire au femiment de l'Egli-
Efijl. 44* M fc , dont-on ne doit pas s'éloigner. »
bn^^L r' Pettican avoit dit à Luther & ré-
2^^ - pandu par tout , que les lemiineiis
d'Erafme fur VEuchariftie n'étoientpas
conformes à ceux de l'£gtifeRomaine>
& que s'il parloit différemment de ce
qu'il penfoit, c'étott par prudence.
Non-feulcmcntces difcours s'étoient
répandus publiquement ; mais il avoir
' paru un Livre ( i ) fins nom d'Impri-
meur , ni de la Ville où il avoit ^té im-
primé , dans lequel on entreprenoit de
(t) DoêHg^mi Erafml Roterodumi ac Afar-
riifi Lutheri ofinio de Catnâ Domini Noftri
Jefn-Chrifli , nu^er édita , decimo-oCÛvo
aie A^riliu
B* E R A s M é; 5^45
Srouver la conformité des fcntimens
'Erafm« avec ceux de Luther. On y
voyoit à la fin le nom de Ludopictu
Leopoldus ; mais il étoit incertain fi
c étoit l'Auteur ou Tlmprimeur qui
avoit voulu fe nommer.
Dès qu'Eralme eut vu ce libelle , il
le réfota ( i ). Il prétend Ça ) que ja- (a) Epijfm
mais il n'a rien avancé dans (es Ecrits, f t* L. je»
^ui pût âvorifer le fcntiment de ceux -
qui ne croyoient pas la Pré&nce réelle ;
éc que tout ce qu'on a dit à ce fujet
• contre lui » n'eu qu'un riflu de calom-
nies. Il vient enfuite au Livre d'Œco-
lampade. » J'approuve, dit- il, trois
M chofes dans ion Ouvrage , la fciei^
w ce , le rayonnement & l'art. Je ne
•» me repens point de l'aVoir lu , parce
w qu'il y a plufieurs chofes dites avec
•» piété (ùr Tufage du Corps Se du Sang
f> de Jeûis-Chrifl: ; faurois même dé-
icide volontiers que c'eft un Ouvrage
n piëttx^ fi l'Auteur n'y foutenoit pas
« un Dogme que l'Eglife a çondamn4
» comme impie. Eft-ce peitfer comme
»> Œcolampade , que de parler de fon
a» Livre qvec poUteffe f » Cet Ouvrage
t& datéxlû mois de Juin 1 5 25»
( I ) Dejiderii Erafmi frtef>i^iarum U".
hlli cujufdam dete^ht
'^544 V I E
Il prétendit dans un autre Ouvrage
éiMlili ( ^ H"^ ^^ jugenaent qu'il âvoit porté
^^^^J^"'"'* du Livre d'Œcolampade bienexami-
né,devoit être regardé comme une pro-^
feffion de la Foi Catholique; mais la
politeffe dont il a voit accompagné la ré-
ponre faite au Sénat de Bafle , ne pou-
voit que déplaire à ces Théologiens ,
qui regardent comme une impiété les
moindres ménagemens pour l'erreur^
& même pour ceux qui ont le mal<«
heur de fe tromper. Il avoir, écrit le.
(h) Epiji* ^S Maî 152^. à FAflemblée de Bade
45, u ip. ( O > q^i ^voit été indiquée pour exa-
miner la matière de TEuchariftie , qu^l
avoir eu grande envie de fè trouver à
Bade où il avoir été invité , & oii le
Sénat de Bafle auroit fouhaité qu'il ie
rendît , fi fa mauvaife fanté ne Teûc
empêché d'entreprendre ce voyage. Il
fe plamt enfuite du Libelle, où Ton
compare fon fentiment avec celui de
Luther : il aflure qu'il eft difficile de
•décider s'il y a plus de folie que de
malice. Il foutient que dans tous fes
Ouvrages il n'y a pas un paffage ,
d'où l'on puiffc conclure qu'il penfe
différemment de l'Eglife Catholique
fur l'article de l'Euchariftie , & que
jamais perfonne ne Ta entendu ap-
prouver les nouvelles Opinions. Il
d' E R A s M E. 545
prend Dieu à témoin j que jamais il
n'a penfé autrement que r EgUfe Ca-
tholique. Il crut devoir auffi écrire à
Pellican ( a ) pour lui porter fes plain- (4) Ef (/!,
tes de ce qu il avoit dit comme en P5* Ui$^
fecret à quelqu'un qui l'avoit répété
à Erafroe , qu'ils penloient l'un & l'au-
tre de même fur l'article de l'Eucha-
riftie* Pellican avoit dit dans les com-*
mencemens , qu'il falloit convenir que
le Corps de Jelus-Chrift étoit fous les
Efpéces du pain & du vin ; mais qu il
falloit s'en rapporter à Dieu fur la ma-
nière de cette préfence. Erafme qui
avoit de l^averfion pour les queftions
curieufes de la Scholaflique » avoit
trouvé la propofuion de Pellican aifez
ràifonnable , pçurvû que par-là on
n'exclût pas la Préfence réelle ; mais
Pellican ne s'en était pas tenu à cette
généralité : il avoit foutenu qu'il n'y
avort que du pain & du vin dans l'Eu-
chariftie,& qu'Erafme le croyoit auflî*
bien que lui. Il lui déclare qu'il veut
être regardé tomme le plus méchant
de tous les hommes , fi jamais il a at-
taqué , ou en plaifantant ou férieufç-
ment . la Préfence réelle. Il prend J.
Chrift à témoin , que jamais le fenti-
ment contraire ne lui eft venu dans
l'efprit : il prouve enfuite la vérité èsx,
Doge
Vie
)ogine crû dans TEglife Catholique ;
& il déclaré qu'il aimeroit mieux ipou*
rir que de s'en éloigner, Pellican me-
(4) £p(/?. naça (a) Erafme de la plume de
^6, u I?. Zwingle; mais il n'en fut pas fort
effrayé : il lui répondit hardiment que
dix Zwingles ne lui feroient pas peur.
(*) Epiji. Il y eut une conférence (fc) entre
^6. u 18. Erafme & Pellican pour s'expliquer*
Pellican ne voulut jamais convenir que
la Subftance du Corp^ de J. Chrifl fût
dans l'Euchariftie ; mais il fut obligé
d'avouer, que c'étoit la première fois
qu'il l'avoit dit en préfence d'Erafme-,
& que jamais Erafme ne lui avoir rien
dit, qui pût favorifer le fentimenc
contraire au Dogme de la Préfence
réelle; que bien loin de*là , il avoic
toujours parlé conformément à la
' le) Efifi. Doarine de TEglife ( c ). Comme les
7^7* difcours de Pellican avoient fait beau-
coup de bruit , Erafme écrivit de
tous côtés qu'on le calomnioit ; il fit
même imprimer une Lettre qui fut
traduite en Allemand en forme d'Apo-
logie , afin qu'elle fût répandue & lue
dans toute rAUemaghe. Il ménagea
i^fT ,•![ cf^core moins Carloftad que -Pellican;
Jros^Ep//î. ^^ app^loî^ fe Livres très-infen{2s (d).
ùdvlrf.Mi' Il n'en jugeoit que fur le rapport qu'ot>
nijl. Arg. lui en avoit faic : car il n'entendoic pas
D' E R A s M B. 5*47
la Langue Allemande dans laquelle ils
écoient écrits. On fçait que 1 opinion
de Carloftad étoit qœ {a) , p^r ces (a) Variât,
paroles , Ceci tjl mon Corps , J, Chrift L. x. n. 7,
iàns audm égard à ce qu'il don-
tioit , vouldir feulement fe montrer
lui-même affis à Table comme il étoic
avec fes Difciples : » imagination fi
s» ridicule 9 dit M* BoiTuet , qu'on a
» peine à croire qu'elle sût pu entrer
9 dans l'efprit d'un homme. » £ra(me
avoit comiliericé (i) tm Ouvrage (h) Epijté
pour réfuter Carloftad ; mais il ne (c) 45. ^» \9*
racheva pas. Aurefte il n éioit pas ^ J^, ^^^^
extrêmement profond dans cette ma-
tière ; il en cft convenu lui-même {i}. /^ ^p}»
Erafme fut fort occupé l'an ly^y» si/.
de la traduAion des Ouvrages des
Pères Grecs. Il dédia (e) le 3 Mars ^^\ ^^iji-
de cette année à TEvêque de Lincoln gs. L« %i^
la Trâduélion de la Lettre de S. Atha-
nafe à Sérapion. Il traduifit auflî les
Traités fur la Virginité & fur le Péché
contre le Saint Efprit. Il s'cft ima-
giné q»e S. Athanafe n'étoit point
l'auteur de ce dernier Ouvrage j en
quoi il a été réfuté par le Père de
Montfaucon , qui le rend à S. Atha-
nafe , non- feulement parce que les M'a-
nufcrits le lui donnent , mais auili par-
ce que Ton y reconnoît le ftylc & U
- y^i V r H
méthode de ce Saint. Il a ttavalUé fut
(é) Epifi Origcne {a) : il a traduit ronziéme
!>• U 19.^^^^ > & ^"c partie du douzième des
Commentaires de cet ancien Auteur
Eccléfiaftique fur S. Mathieu, c'eft-
à-dire , ce qu'il avoit écrit fur le cha-
pitre treizième , quatorzième , quin-
zième & feiziéme ae cet Evangèlifte ;
ib) V. L. & il a fait un petit Traité ( à ) fur la
x8. Epjji. Vie, le ftyle, la doftriïie & les Livres
Sme&k^'Origene.
.leptiéme. ^^ ^^^^^ (^) ^^ ^4 ^^^^ ^ S^l*^ ^^^^
(0 Eplu. III. Roi de Portugal , cinq Sermons
Ij. U ip.de S. Chrifoftome contre les Juifs,
qui n'avoient jamais été donnés au Pu-
blic : il les traduifit fur un ancien Ma-
nufcrit envoyé de Venjfe ; il y joignit
quatre autres Sermons fur le Lazare ,
cinq fur la Vifion d'Ifaïe & fur le Roi
Ofias , & un fur le Martyr ^Philogo-
nus. Il a auili traduit une partie du
Commentaire fur les Pfeaumes attribué
à S. Chrifoftome ; mais il ne l'acheva
pas , dans le dpute oà il étoit fi cet
Ouvrage étoit vraiement de S* Chri-
foftome.
C'etoit au Grand Roi Emmanuel ,
qu'Erafme avoit eu deffein de dédier
ces Traduftions ; mais ce Prince étant
mort avant qu'elles parulfent , il les
dédia à Jean IXL fon fils. Il le repré*.
d' E R A s M t. y4J>
fente dans fon Epître Dédicatoire
comme un Prince excellent, qui n'étant
encore âgé que de vingt]- (ix ans ,
avoit déjà rétormé les abus qui s'é-.
toient introduits dans la manière dt
rendre la juftice , avoit augmenté fa
Marine , & éloigné de Tes Etats toù*
tes les difputes oui pouvoient nuire à
la vraie piété. Il aflure que ce Prince
étoît très-inftruit , non^feulement dans
les Langues Grecque & Latine , mais
auffien Mathématique, en Aftronomie,
dans la Géographie & dans llliftoire*
Il promit de donner dans la fuite d*au^
très Tradudlions de S. ChriTofiôme ;
ce qu'il exécuta trois ans après. Eraf-
me après avoir publié fon Traité de la
Manière de prier , trouva deux Orai-
fons de S. Chrifoftôme qui avoient
rapport au même fujet, & qui n'a voient
pas encore été traduites. Il voulut fujr
le champ les comparer avec fon Ou-
vrage ; il trouva que ce que le Saint
avoit fait étoit fi fupérieur à fon tra-
vail , qu'il auroit fupprimé la. Manière
de prier , fi cela avoit étépoflible. Il
déclare qu'il n'eft à Tégard de Saint
Chrifoftôme, que ce qu'une fourmi
eft à un Chameau. C eft à Maximilien
de Bourgogne (a) Abbé de Middel- f^j ^^^j^^
bourg, qu'eft dédiée la Tradu(aion 84. L. *>.
'55*0 Vie
de ces deux Difcours ; l'Epître Décfir
catoire eft fam date.
(4) Epijl. ^^ ^? ^^^^ ^5^7* Eï^"^ dédia (ay
|7. L.x/,^ Cardinal Jean de Larmne la Tra-
dtiâiori du Commentaire de S. Jean.
Chrifoftôme fur l'Epître aux Galates ^
<}ui n'avcÂt pas eocore été traduit ea
Latin : après ce Commentaire , il y a ^
h Traduftion de deux Homélies ds
S. Chrifofiôme fur PEfacre aux Pfai^
Uppîens. Le Cardinal de Lormnit (ut
(ei^ble à la polttefle d'Eralme : il
donna ordre qu'on lui fîtunpréfent do
quelques vaiiTelles d'argent s mais fes
ordres ft'ayant pas éé exécutés ,
Erafme qui fevoit les kttcntions de ce
(h) Ej^î/?. Prince , lui manda (fc) qu'on n'y
é j. L. ic. avoit pas fatisfait.
Le 1 5 Août il dédia fon Edition
de S. Ambroife à Jean de La£bo, Ar«
X .- çhevêquc àç Gnefiie : il affure (c)
, £ ^g; * qu'elle hu a coûté beaucoup de foins
°* * oc de peines. Ce fiit en confidcration
de Jean de Lafco neveu de TArche- '
vêque de Gneûie, qu'Erafime dédia
Saint Ambmife k ce Piéîat, Il y
, avoit une grande union emre Jean de
Lafco neveu du Prélat & Erafme : il
avoit demeuré un mois chez lui-; &
Erafme mettoit au nombre de fes bon-
heurs d'avoir connu un jeune homme
i>'E R A s M r; yyt
É ÎTage. C*eft le même à qui il vendit
fà Bibliothèque ^ g^mme nous le ver^
sons ailleurs.
Cette Edition de S* Ambroife n'a
pas eu une grande approbation : les
Bénédi<Sfim ont prétendu (a) quMle (a) Pré£ic#
n'avoit point répondu à l'attente des d3 S. Am^
Savans ; qu Eralme s'étoit plus fié i broife»
fes conjeftures qu'à Tautorité des Ma-
nufcrits ; & M. Dupin en conféquence
de ce jugement , a décidé que l'Edi-
tion de S. Ambroife donnée par Erafr
me étoit pldne de fautes.
Le 14 Août , Erafme dédia (b)k (h) Epijl.
Nicolas de Marville , Principal du» 4» U aï»
Collège Buslidien de Louvain ^ la
Traduftion de l'Ouyrage de S. Chri-
loftôme fur Babylas.
Le Ciceromen ( i ) qu'Erasme pu-
blia Tan I5'28. fut un des Ouvrages
qui cau(a le plus de mouvement dans
la Littérature ; il cft dédié à Jean Ulat-
tenus, par une Lettre datée du 14
Février 15-20 (c): il étoit Principal (c) Epijf.
du Collège d'Aix-la-Cbapdle,' L'ob- 21.L. ii>*
jet de ce Traité étoit de réfuter une
nouvelle Sede qui avoir pris Iç nom
de Cicerpniens , & qui enfeignoit que
Ciceron étoit le feul Auteur qu^on
( I ) Ciceronianut , Jive de o^timo ^cnerâ
dût lire & imiter, Erafine perfuadé -
avec raifon qu'il ;j avoit de Texcès
dans cette admiration pour Ciceron ,^
entreprit d'y remédier ; & pour y
réuffir> il compofa fon Ciceropien en
forme de Dialogue. Il y a trois In-
terlocuteurs , à qui il donne le nom
de Bulephorus , d'Hypobgus & de
Nofoponus. Ce dernier eft un Cice-
ronien fi zéléj qu'il n'a pas moins
d'averfîon pour tous les Ecrivains La-
tins , fi Ton en excepte Ciceron, que
les Chartreux en ont pour la viande :
B auroit crû pécher contre la Langue
Latine , d'employer aucun mot qui
n'eût pas été dans Ciceron j & il au-
roit mieux aimé, difoit-il, être un
parfait Ciceronien , que d'être Con-
lui , Souverain Pontite , ou même que
d'être canonifé, Bulephorus plus judi-
cieux fe récrie contre cette admira-
tion outrée pour Ciceron. Il fait voir
2u'on ne doit pas la porter , jufqu'à
onner l'exclufion aux autres bons Au-
teurs qui ont écrit en Langue Latine#'
Il prouve que nous avons perdu plu-
(leurs Ouvrages de Ciceron., dans lef-
quels il n'eu pas douteux qu'il n'y eût
de très -bonnes e5tpreffions,*quipour-
roientbien ne fe pas trouver dans les
Livres qui nous refient de lui , &c qui
n'en
i>'*Erasmê. yf^
n'en font pas moins^de la bonne La-
tinité. Il remarque enfuite que Cicé-
ron n'ayant pas écrit fur tous les fujers f
n'a pas pu employer dans fes Ouvrages
tous les termes ufités dans la Langue
Latine. Il foutient que Cicéron lui-
même n*a pas toujours été content de
ce qu'il avoit écril: j & il répète ce
qu'il avoit déjà dit ailleurs (a) ^^(a^p^-fi^
grand fcandale des Cicéroniens , qu'il 5, Hilairc!
y avoit dans Cicéron plufieurs fautes
contre la Langue Latine. Il fait voir
que fi leur fyftème étoit fondé , jamais
un Théologien ne pourroit être Cicé-
ronien , puifqu'il n'eft pas poflîble de
trouver dans Cicéron tous les termes
néceflaires pour exprimer les vérités
Théologiques. Il prouve que les Ci-
céroniens donnent dans un excès que
Cicéron lui-même auroitblâmé , puif-
Sue s'éîant donné la liberté d'inventer
c nouveaux mots , il n'auroit pas pu
defapprouver cette licence dans ceux
qui auroient voulu parler de chofes qui
lui étoient inconnues.
Ce difcours de Bulephofus fait une
fi grande impreilîon fur Hypologus ,
qu'il fe rend à l'évidence de ces raifons.
Nofoponus eft un peu ébranlé; mais il
eft retenu par les reftes d'une maladie
dont il étoit attaqué depuis long-tems.
Tome. L A a •
^e Dialogue eft très- agréable; off
trouve un jugement railbnnë fur le
lyle de tous ceux qui avoient~écrit en
Latin jufqu'à Erafme. Mais cette par-
tie de rOuvrage eut le fort qu'auront
toujours ceux , où Ton prétend déci-
der du mérite des Auteurs vivans;
c'eft-à-dire quelle fit beaucoup de
mécontens. Quelques-uns dont il nV
voit pas crû devoir parler , fe plai-
es) Eftji. gnirent ( a ) d'avoir été oubliés ; d'au-
66. X.. 20 très fe récrièrent contre Pexaâ:itu4c
£f /y?, f . L. ^gg jugemens : on prétendoit qu'il y
\% 6\,\ï' ^^^^^ ^^^ Auteurs trop loués , d'au-
vcs. £f (/?. ^^^^ q^i ^^ rétoient pas affez. Cepea-
19, après dant il avoit tâché d'apporter dans fa
ce^es de critique la plus grande impanialité j
Melanfton. y j^y^j^ mtmQ rendu juftice à Hutten
& à Stunica , fes plus grands ennemis.
On fut fur tout choqué en France
th) Efi/l. de (b) ce qu'il avoit paru mettre en
87. L. *o. parallèle Budée avec le Libraire Ba-
dins , & préférer ce dernier^ au plus
favant homme qu'il y eût en France :
on difoit publiquement que c'étoit com-
parer Therfite à Achille. Jean Lafca-
ris , quoique loué dans le Cicéronien ,
(c) Efffl. g^ ^Ç3 Epigrammes ( c) trïs-piguantes
**^' contre cette comparaifon. Tu(an qui
avoit l'obligation à Budée de très-
bien fjavojr la Langue Grecque , crut
b' Erasme. f^f
flevolr venger fon Maître par un dif-
tique offenianc pour £ra{me ( i ) >
Sui eut beaucoup de cours. Cepend-
ant Tufan qui malgré fon attachera-
ment à Buâée confervoit toujours un
grand refpeft pour Erafme , fut très-
fôché , lorfqu'il fut qu'une Epigram-
me qu'il n'avoit pas faite pour êcre ""
publiée , qu'il avoir récitée en fecret à
un de fes amis dans la chaleur de cet-
te difpute^ avoit été répandue; il
pria Germain de Brie , ami d*£rafme
& le fien , de faire fa paix avec Eraf-
me , en l'affurant qu'il V aimoit & TeC-
timoit autant même que fon Maître
Budée, & qu'il défavouolt ce qui
avoit pu lui échapper dans un mo-
ment de vivacité. Érafme déclara (a) (a') ^flfi.
. à Germain de Bricf qu'il ne vou-*î« ^* *!•
loir aucun mal à Tufan , & même
qu'il étoit dans la difpofition de lui
accorder fon amitié, EfFedivement il
lui écrivit (t) une Lettre très- polie,dans f^) jç-^/^.
laquelle il l'affure qu'il n'a jamab eu ii« l. i$^
I la nooindre haine contre lui ; qu'il
I avoit attribué oc qui s'étoit paffé au
I grand attachement qu'il avoit pour
( I ) Dèfint mirari quare poftfonat Erajtmu
Budœum Badio ; pluffavet ilU fari,
thms ©olet, d0 ImiuQictr. f. i^i.
L Aaij
y;(5 Vis '
Budëe ; & qu'il fouhaîtoît âvoîr <îef
amis au(G ardens que lui. Il déclare
Gue c*eft avec grand plaifir, qiie con-
formément à fes défirs Tufan lui jine
une amitié étemelle.
Budée n'avoit pas d'abord été fore
ia) Efîjf. ofFenfé ( a) du parallèle qui avoir été
17. !.. 22. fait de lui avec Badius 5 mais fes amis
^^'^•*°^ 3 -ayant travaillé à Tanimer contre Eraf-
me , ils y réuflîrenr : il fe plaignit* '
Otte affaire fît beaucoup de bruit en
France : François I. en entendit pair-
(^) Epi/t. ^^^ î ^^ voulut favoir ( b) de quoi^ il
71. L. 20. s'agiflbit. Quelqu'un 'qui n'étoit pas
dans les intérêts d'Erafme> dit à fce
/>**•/! Prince , que mécontent de Budée ( t:)
>8. t. ir. ^"^ ^^^"^'^^^ mauvais quil parlât mal
des François , il avoir vQulu fe ven-,
* gcr de lui en le comparant à Badius«,
Erafme s'imagina qu'il ferok taire
les^ Mécontens , en déclarant que ja-
mais .fon intention n'avoit été de cem-
parer en tout Badius & Budée ; que
})erfonne ne connoiflbit mieux quç lui
e mérite de Budée, & ne l'aimoic
davantage ; qu'il avôit fîmplement:
examiné leur flyle* Mais ces répop-
fes ne fatisfirent point les amis de Bu-
dée ; & Germain de Brie , intime ami
{d) Epijl. de CCS deux Savans , confeilla à EraP-
17. L. **. me (d) , de changer cet endroit , d'y
mettre du moins quelque cor^iftiort ^
ott de rendre quelque Lettre publi-
que , par laquelle il paroîtroit foire
foisfaftion à Budée. Erafme répon-
dit à cette Lettre (a) en faifant le (a) Efîl^.
plus grand éloge de Budée ; il pro- *8. L. n.
mit de changer dans une nouvelle ^?'A^^*'
Edition cette comparaifon , qui avoit
été un fi grand fujet de fcandale pour
les François , quoiqu'il crût cepen-
dant s'être affez juftifié par fon ex-
plication. Effeftivemenc dans la fé-
conde Edition du Ciceronianus le chan-
gement fut foit ( t) ; & avant quelle , - ^
parût , il ayoit fait (c ) les poUteffes 2/. je ga-
qu'il croyoit fuffifanres , pour détour- jjus,
nçr les mauvaifcs impreflîons qu'on (c) Epsfi.
avoit voulu donner à Budée contre ô4« I- *®*
lui.
. Au refte, quelque inférieur que fût le
Libraire Jofle Bade Âfcenfîus à Budée,
c'étoit néanmoins Qf) un homme d'un (d) ChevîN
rare mérite. Tritheme aflfure qu'il l^^"* >^ ^^k*
étoit très-érudit dans les Belles-Let- ^® Tlmpr.
très a favant dans les Ecritures , Phi-P*"^^**' ^'^*
lofophe , Rhéteur , Poète , célèbre
par fon efprit & par fon éloquence.
Tous ceux qui ont parlé de lui ont
attliré , qu'il ^toit très-favant. Ce fut
fur tout en Italie que le Cicéronien
fj^t extrêmement mal reju. Ceux qui
Aaiij e
Gonn<
V I R
îonnoieft dans les excès qu'lSrafme
avoit entrepris de corriger , firent
courir le bruit , que fon intention en
déprimant Cicéron , avoit été d'a-
néantir en quelque forte les Ouvra-"
ges de ce Grand -Homme, afin que
(m) Efiftm dans la fuite on ne lût que les fiens (a).
570i Jules-Camille fit un Livre exprès pour
autorifer ces difcoui;s j & Paul-Jovc
les a adoptés.
Erafme fut d'autant plus étonné de
cet odieux foupçon , que dans la Pré-
(h)EfiJl.f2i^^ de fon Cicéronien (fc) il avoit
**t ^- *)^* déclaré en termes exprès , qu'il y
auroit une extrêmg folie à vouloir dé-
tourner de l'imitation de Cicéron ceux
qui s'appliquent à l'éloquence. H fe ré- •
crie encore contre cette accufation
dans fa réponfè à Curtius , où il s'ex-
plique ainfi : » On veut me faire paf-
» fer pour un ennemi déclaré de Ci-
M céron , moi qui admire encore plus
9 la profondeur de fon génie que fon
» éloquence , quoique je fois perfuadé
(c) EptJl.»quQ (c) ce qu'il y a de plus élo-
28. L. 2z.» quént doitfe taire devant lui. »
Il n'avoit pas toujours parlé de-
(d) Epi/f. ïnême : il a avoué (d) qu'à vingt ans
\i8. t. 28.il avoit bien de la peine à lire pen-
dant un long - tems les Ouvrages de
(e) Epifl.^^^^^oni il n'avoit pas craint d'avan*^
%p. L. $• CCI puHlqucûaent (e) que Saint Jéa
!>• E R A s M K. S^p
lôme écrivoit mieux que Cicéron > &
eue les Ouvrages {a) de ce Prince W ^ptjf.
m l'éloquence profane n'étoient pas^' ^* *^*
exempts de quelques folécifmes. Quel-
que chofe qu'il pût dire pour fa jufti-
m%cion ^ il ne put jamais appaifer les
Ciçéroniens. Gilbert Coufin {b) (on (h) Cêgna$t
Domeftique & fon ami , eft convenu ^P^fi* p*
que depuis la publication du Cicëro-^^** ^
irien, les admirateurs d'Erafme qui^^^*
avoient été en très-grand nombre,
diminuèrent beaucoup*
Cen'étoitpas chez ces Cicéroniens
d'Italie que i on trouvoit des admira-
teurs d'Erafme : car les Italiens étoient
perfuadés (c) qu'on ne parloit bien (c) B^ifi»
iju'en Italie;&le préjugé national étoit ^*®*
porté fi loin , qu ils retranchoîent (d) (d) Efijl.
du nombre des Savans Erafme & Bu- 8»i«
< dée : ils ne comprenoient fous ce nom
que ceux qui méritoient d'être ap-
pelles Cicéroniens ; & ils défendoient
de lire les Ouvrages d'Erafme & de
Budée à ceux qui youloient préten-
dre à la gloire de bien écrire. De
tous les Etrangers , le feul Longueil
étoit excepté : il avoit forcé les Ita-
liens à approuver fon ftyle ; & en con*
fidération de la belle Latinité , il fut.. ^.
fait Citoyen de Rome; ce qui Souffrit ^y^^^^^^*^!
cependant- de la difficulté (e) parhioHt '
Aaiiij
'5^o V I S .- ^
feule raifon que dans un dIfcour$ il
avoit eu la hardieiTe de comparer la
France à l'Italie , & de faire Téloge
d'Erafme & de Budëe.
Mais ce qu'il y avoit de plus inex-
cufable dans ces Cicéronîens jr c'efl:
qu'ils avoient tranfporté jufques ilans .
la Théologie Chrétienne des expref-
fions deftinées au Paganifine, C'eft
ce qui ne s'apperçoit que trop daos
les Ouvrages du Cardinal Betnbe ^
(a) V. Val un ( A ) des plus fameux Cicéroniens,
chfUF, Htji^^^ 3»^ ^ ^ p^j.jçj. ^g rExcommunication ,
l7/î^«^ ^ * il lui donne le nom d'interdidion du
c 11. n. 3. feu & de l'eau. La Vierge n'eft con-
^Jîiceron , nue chez lui que fous le terme de Déèf-
t.ii.p.37î.fé. Lorfqu'il parle de Dieu (fc) c'eft
2?^ ^^7; toujours au pluriel- Il raconte Péléva-
j'^^pp.^yi* tion d'un Pape, qui eft redevable de
503. 5 1 }. fa dignité aux Dieux ( i ) Immortels 5
5^7- ' & ce qui eft encore plus inconceva-
ble , c'eft que Léon X. écrivant au Roi
François I. le^ Mai 15* 17. pour Ten-
> T • g^geï à faire la guerre aux Turcs , il
vreVcÎLeV- l'y exhorte (e> par les Dieux & par
trcs de les hommes , per Deos atque homines.
Bembe,i7e, Ces excès avoient fcandalifé Eraf-
Ltttre , P'me, & étoient entrés dans les raifons
Hd) Ep'ifl 3?^ ^"'^ avoient fait entreprendre fon
%x. l.zb[ èicéronien. » Je foupçonne , 4it-il (d)
(i) Deprum Immorsâlitun bénéficiai
D'ERÀSMëé 5^1
idans fon Epître-Dédicatoîre , que
m fous prétexte de nous faire Cicéro-
• niens , on veut nous rendre Payens , <\\
M quoique les Belles - Lettres ne doi- .4
» vent avoir d'autre but que la gloire ^
• de Dieu & de Jefus-Chrift ; mais je
» m^pperçois que quelques jeunes gens
a» que l'Italie nous renvoie » ne font '^
» pas trop bien difpofés pour la Reli-
» gion. » Il s explique plus ouverte-
ment dans une Leitre à François Ver-
^^!^^.\ Pfofeffeur enLangue Grec- (aysp^jf.
que a Alcala. » II paroit depuis peu ly. l.%o»
» une nouvelle troupe d'ennemis , dit-
w il ; ils fe trouvent mal , lorfqu'on
» emploie les Belles^Lcttres pourpar-
» 1er de Jefus-Chrifi; comme fi toute
<» rélégance étoit renfermée dans le
» Paganifme. Jupiter très-bon & très-»
9 grand fonne mieux à leurs oreilles ,
9 que Jefus - CJirifl Rédempteur du
â» monde; & Pères confcripts , que
•» les Saints Apôtres* Cefl prefque
a» chez eux une chofe plus honteufe
» de n'être pas Cicéronien , que de
» n'être pas Chrétien. Je dirai à To-
9> reille ce que j'en penfe : il y a là-
» deifous un Paganifme caché , qui leur
a» tient pfus i cœur que la gloire de
«•Jefus^Chrifl. Je ne crains pas d'ê-
fçre effîicé duran^ des Cicéroniens >
Aav
^$62 V I K , ,
» pourvu que je fois au nombfv* cfe§
» Chrétiens, llscroyent, dit- il dans
Xu) Eplft. » une autre Lettre ( a ) , qu'il eft plus
ti4. L. 10. »i honteux de n'être pas Cicéronien,
•» que d'être appelle Hérétique. »
£nfin pour achever ce qui regarn
de le Fanatifme de ces Littérateurs ^
(b) Nice- on aflure (b) que Lazare Buonami-
ton, u 19. cas , Cicéronien ardent, déclaroit
P* '^J' qu'il airaeroit mieux parler comme
Cicéron que d'être Pape , & que s'il
avoit à choilir entre l'Empire d'Au-
gufte & l'éloquence de Cicéron , il
donneroit la préférence au talent de
Xe) Hijl. Cicéron j & le Cardinal Bembe. ( c )
Biiu ftf^ri- jj^qJç une fi grande paffion pour la
Clan. . j. p. y^pyçj^çjQjj ^g jjjçjj écrire en Latin ,
qu il la préféroit au Marquifat de Maa*-
toue.
Le Cicéronien fouleva contre Erafl
me deux Ecrivains » qui le traiterem:
avec la plus grande indignité. Jules
<i) Maie- Scaliger (i) i'attaqua le preoûier. Il
laire/t. 3. jédîa fon difcours aux jeunes gens
l^'^Jg?'^''*''' bien nés (i) 5 & cette Epitre eft datée
d'Agenle 1$ Mars lyji. U dit aue
. puifqu'Erafme avoit mal parlé des
autres , il devoit s'attendre à un pa-
reil traitement. Il aflure que la raifbn
pour laquelle fa critique n'a pas pan|
< I ) Of:mU Adohfcintihuim
B' E R À s M E. jrtf 3
plutôt , c eft qu'il n'avoit pu voir ce
miférable («) Ouvrage d'Erafme,le C«)Nf/i-
Cicéronien , que long-ceros après qu'il ^'^^*
avoir été publié , parce que les Mar-
chands ne fe chargeoient qu'avec ré-
pugnance des Ouvrages de PAuteur.
Après un pareil début , on devoit s'at-
tendre à ne voir pas Erafme ménagé i
mais il faut lire ce libelle , pour pou-
voir comprendre jufqu'où vont la fu-
reur & l'emportement dans un hom-
me de Lettres en colère. Erafme , fi
l'on en croit Scaliger , efl un ivro-.
gne , un Baureau , un parricide , un
monflre ^ 'un nouveau Porphire ; le
véritable Auteur du Lutbéranifme »
2ui a .commencé par attaquer Jefus-
^hrift , Dieu même , pour de-là paf-
(er à Cicéron^ tâcher de l'anéantir
Sour fe mettre à fa place » & intro-
uire une nouvelle éloquence ( i )•
Quoiqu'un écrit qui ne contenoic
( î ) Melchior Adam a feit des notes fut *
ce Oifcours* B^/Vr j note B. anicU de M.
Adam.
Une Lettre cCBrafine * nous apprend ,
que ce libelle de Scaliger fut imprimé clan*
defiinetnenc à Paris 9 & qu'on fut quelque
tems fans pouvoir obtenir la permifuoa de
le publier.
Aavj
5^4 . , V I « '/
que des injures auflî atroces , fie métU
tat qu'un très-profond mépris , Eraf-
roe en fut néanmoins très offenfé. » Ce
» Libelle, écrivoit-il à un de fes amis^
Xa) Eftfi. » eft ( a ) fi furieux , qu'Orefte n'au-
36p. Af- 3» roit pu rien écrire de plus infenfé. »
fend. jj foupçonnoit que le Syndic Beda yt
aVôit pu avoir quelque part , & y glif-
fer des traits contre lui ; » car, difoit-
m il , c*eft fon ufage d'en agir ainfi y
a> toutes les fois que l'on fait paroître
» à Paris quelque Ouvrage contre
, f» moi. » Cependant Beda défavoua
ce Libelle^ qu'il trouvoit trop empor-
té. Erafme foupçonna que Camille pou-
voît avoir auffi aidé Scaliger ; mais il
croyoit que le Nonce Aléandre étoit
le véritable Auteur de ce Libelle : il
(b) Efift» lui en porta {b) mêmîe fes plaintes*^
iîi8,iSj>îyî. Aléandre nia qu'il eût eu la moindre
S70» part à cet Ouvrage ; il en prit même
-occafion de déclarer à Erafme, qu'il
l'avoit toujours aimé , & qu'il l'aime-
roit toujours. Erafme ne l'en crut pas ;
il s'imagina que fi Aléandfe défavouoit
la part qu'il avoit eue au Libelle que
l'on attribuoit à Scaliger , c'étoit pour
n'être pas chargé de la honte qui rc-
jailliflToit fur l'Auteur d'un Ouvrage
fi odieux* Toutes les affurances d'a-
mitié ^ue çc Prélat lui j^ifoit > étoient
t>' E R À s M *; <'Sf
tégardées comme tout autant de fauf-
fctés par Erafme , qui croyoit ne pou-
voir pas douter des mauvaife inten-
tions d'Aléandre. Ceft de lui dont il
Eirle énigmatiquement {a) dans une (4) Eptfi^
ettre à un de fes meilleurs amis, » Il S9% !•• jo,
w y a , dit-il , un très-adroit fcélérat
» qui voudroit £siire périr Eraime 9 âc
» qui cependant voudroit foire croire-
» qu'il eu de fes grands amis. 3»
Le Libelle de Scaliger {h) caufa (]b) Mor-:
une indignation générale ; & un ami rhius.
d'Erafme lui écrîvoit (c)à ce fujet : (c) Epi/l^
9 Les honnêtes-gens approuvent tous 3^^* ^f:^
9 que , vous ne vouliez pas répondre f^^^»
a> aux calomnies de Scaliger. QUel que
» foit l'Auteur du LibeUe qu'il s'at- *
» tribue , c'eft un boufon , un ridicuy
•» le > un conteur de fobles qui man*«
9 que du fens commun. «»
Scaliger ayant été informé qu'on
doutoit qu'il fût TAuteur du difcours
contre Erafme, en témoigna la plus
grande colère : il écrivit une Lettre
pour revendiquer cet Ouvrage V non
content , il en compofa un fécond en^-
core plus furieux que le premier , daH
té de Viviers le 27 Septembre 1^3 y.
C'eft une Satyre fi injurieufe , qu'on
ne peut la lire fans reffentir la plus
grandejndignation contre l'Auteur^
^6S ViJt .
Il y convient que fon premier difcourâ^
avoit paru rempli de fureur , même
aux ennemis d'Èrafme ; U aflure que
s'il Ta compofé , c'eft à la foUicita-
tion de plufieurs Savans : il en nomme
plufîeurs , entr'autres Nicolas Léoni-
cenus , Pierre Pomponace / Cœlius,
Rhodiginus» Louis Gaurid & Jean,
Jucundus* Il repréfente Erafme com-,
me un avare 9 un ivrogne , un fuper-
be , une furie qui fe déchaîne contre
la Religion. Il rappelle l'écueil de la
vraie éloquence ; il le traite de monl^
ue odieux à l'Italie , à la France , à
l'AUetnagne 3 dont les écrits font U
honte du nom Chrétien.
Erafme n'eut pas le déplaifir de voir
cet indigne écrit; il ne fut iînprimé
au'après fa mort en i J37. Ces deux
ifcours étoient devenus fort^rares,
lorfque Mauflfac les fit imprin^r à
Touloufe l'an 1621. Il y joignit (i)
plufieurs Lettres que Scaliger avoit
écrites aux Collèges de Paris ^ en
( X ) Juin Ca farts Scaligeri adversùs De/l
Erafmttm Orationes dua Bloquemia Romémm
vindices , unà cum ejufdem Epiflolts & opuf-
culisaliquêt non^ùm evulgatis^quibus de nové
etiam accedunt Probltmata Gaflicana , ut re-
£eriri pPtuerunf. Tolofâe Teâoragum , apud
)omimcum fiofc «$c Petnim BoIç« i6jl u
©• E R A s M e; ]f iÎ7
leur envoyant fon premier difcours;
il y en a aufli une à Arndld Ferron ,
où il enchérit encore en injures con-
tre Erafme fur celles qui étoient dans
fes deux fatyres ; ce aue l'on n'auroit
pas imaginé être poifiole.
Les honnêtes-gens voyoient avec
chagrin Erafme attaqué u durement.
Omphaliùs qui étoit fon ami , jauiC-
bien que celui de Scaliger » travailla à
leur reconciliation ; & ce qui eft très-
iîngulier, c'eft qu'il y réumt. II enga*
gea Scaliger à écrire le 14 Mai 1 J2 tf.
une Lettre (a) dans laquelle rendant ^^j j^^^
juftice à Erafme , il déclare qu'il l'a- Lettre da
voit toujours admiré. Il convient qu'il Recueil de.
a rendu de très-grands fervices aux****^^
Lettres j il protefte qu'il refpefte fes
travaux , Ôc qu'il celle d'être fon en-
nemi.
Erafine ne vécut que trois mois après
^e cette Lettre eut été écrite. Lor&
Îue Scaliger apprit fa mort , il fit fon
Ipitaphe , où il tâcha de réparer fes
injuflices. Il s'y plaint de la mort pré-
maturée d'Erafme , avant qu'ils euf-
f ènt été parfaitement réconciliés y & il
le traite de Divinité ( 1 ).
.( I) Tune efiammoreris} ah 9 quidmelini
quif ^ Erafme ,
'4nte meus quhnfit cêmiliatus am9rl
î«8 V î H
Tous ceux qui ont tiu occaCon de'
parler de cette difpute entre Erafme
& Scaliger , font convenus que les '
procédés de Scaliger ne pouvoicnt
Sas fe juftîfier. Joîeph Scaliger, fils
e Jules , quoique mécontent du Ci-
céronien , n*approuvoit point la con-
duite de Jules Scaliger. » Mon père , '
(«) Scali' I, difoit-il (a) , attaqua Erafme en Sol- .
gtfûMa. ^ jaç . (iepuis après avoir étudié , il vit
a» qu*Era(me itoit un grand perfon-
» nage. Peut%tre mon père n avoit pas
Tune etiam , cuîtam farvusfuit orbis *•:
ExpUres mentis fiilmina torva sue i
trgq Sidtrtis fojlquam ejl fuhve^ quadrii
'Afque Dti Uto lînguA recepts finu ,
ïlle egp qui infana rideham vulnna monts >
• Conditaque iftrna teU trtfdcAmtmu ^
4d quodvis flufcù snomtntttm y ac territuf
âdffoy 1
Maxima quùm vidcam numind pojjc morU
•
A la marge de cette Epitaphe Merula avoît »
mts la note fuivante : L*amitié qui avoit été
rompue par les deux Difcours de Scaliger
contre Erafme , .fe feroit rétablie, fî ce
grand homme eût vécu encore quatre mois y'
c'eftce qui m'a été alluré par on homme qui
étoittrii-aufâit.
1» lA ou n'entendoif pas Erafme : après
•> avoir vu fes Ouvrages il fe repen-*
» tit d'avoir écrit contre lui. »
On lit encore dans le Scaligerana ;
que Jules Scaliger a voit écrit beau-
coup de Lettres contre Erafme , &,
qu'elles avoient été imprimées. »• Je
» les ai fait fupprimer , feit-on dire à
m Jofeph Scaliger , & en ai les exem-
» plaires céans^ qui m'ont coûté foixan-
» te-douze écus d'or, trente fix dour
w blés piftoles. J'ai commandé à Jo-
3» nas de les brûler après ma mort. » Si
Jofeph Scaliger a véritablement tenu
ce difcours , fes intentions n'ont pas
été exécutées après fa mort : car il y
a toute apparence que les Lettres que
Mauifac a depuis données au Public ^
font celles que Scaliger vouloit qu'on
brûlât. M. de Thou, quoiqu'ami de
Jofeph Scaliger , n'a pas crû pouvoir
fe difpenfer de blâmer fon père. » Sca-
a» liger , dit ce grand Hiftorien , écri-
aD vit contre Erafme , peut-être par
a^ une raifon jufte , mais qui ne devoit
m pas commettre de fî grands hommes
» 1 un contre l'autre. Il inveftiya con-
» tre lui , non-feulement dans un Dif-
» cours qui efl entre les mains de tout
» le monde , mais auflî dans un autre
m que l'on ne trouve pas aifémenc> Ôc
570 V 1,5.
» qui n'eft pas écrit avec moins d*aî*
^ **greur, par lequel il avoue qu*il eft
» fauteur du premier. Mais comme il
M étoit véritablement généreux , il Ce
»» repentit depuis , & témoigna par
• écrit qu'il étoit fâché de ne s'être
• point réconcilié avec Erafme : car il
» avoit en vénération fa doélrine , à
' • » laquelle étoit jointe une finguliere
» pieté. » M. T eiflîer obfcrve^ à ce
(il) T. i.p. fujet {à) que les plus zélés Partifâns de
SU» Scaliger ne peuvent pas excufer fes em-
porteœens. » Il traite , dit-il , auflî ma!
3* cet excellent Critique , que s'il avoit
» avancé les plus horribles blafphê-»
» mes > êc qu'il fût coupable des cri«
» mes les plus honteux. « M. Simon
(b) Lettre (^) penle de même; & il ajoute ,
II. du 3; au on trouve beaucoup d*érudition
aans les deux Difcours de Scaliger ,
& qu'ils ne feroient pas indignes de ce
grand homme , s'il n'y avoit pas mêlé
(c) Chevi- tant d'injures. Merula a prétendu ( c)
1er, orig.de que le fécond Difcours de Scaligej
rJmprime- avoit (i fort fâché Erafme , qu'il
ne , part. ^^^ ^^^j^ f^^j^ acheter à Paris tous les
** ^' ^' exemplaires qu'on en avoit pu trouver.
Crenius ajoute , qu'il n'en étoit refté
(d) p^rM. qu'un feul entre les mains de Jofeph
ni$. liger faifoit une troifiéme Satyre cou--
tre Erafine dans le tems qu'il mourut ,
& qu'elle fut perdue dans le pillage de
h première Guerre civile ; ce qui a
été répété par Fellerus (a). Mais ces (a) Felleri
Anecdotes font conftamment faulTes , monumema
puifque le fécond Difcours de Scali- tnediïa , f;
ger ne ftit imprimé apparemment que ^®^' *"•
contre fon intention , & un an après ^^^^*
la mon d'Erafme , & que lorfqu'il
rtourut (i) Scaliger étoit au défef- (^)LaMon-
|>oir d'avoir fi indignement traité un no|e , dani
hiomme fi eftimablc. Dolet qui écri- 5^*^^^
?it auffi contre Erafme , ne témoigna ^^^e £*
pas moins de fureur que Scaliger. Il Maittaire ;
fit imprimer l'année qui précéda la t. 3. part.
Hiort d'Erafme, un Dialogue fous le ?'"'•''• P»*i
titre de l'Imitation de Ciceron ( i )•
Les Interlocuteurs font Thomas Mo-
tus , & Simon de Ville-neuve. Morus
cfl partifan d'Erafme; mais Ville- neu-
ve en parle avec le plus grand mépris.
G'eft , fi on l'en croit , un mauvais
bouffon, un vieillard gui radotte; fes
Ouvrages & fon ftyle font traités avec
h plus grande indignité. S'il n'a pas'
répondu à Scaliger, c*efl qu'il n'avoir
( I ) Sfepham Doleti Dialogus , de Tmita-
tione Ciceroniana, advenus Deftderium Eraf"
mum , *fro ChriJIophoro Longalio. Lugdtini ^
Mfud Sebajlianum Qryphium. i ) } 5 •
^de de fe commettre avec ùû pa^. ;
rcU Athlète. L^objet àw Gcéronierl ,
fi on Ten croit , étoit d'empêcher qu'on
De fe propoiat le flyle de Ciceron pour
modèle. Il attaque enfuite le jugement
qu'Erafme a poné des Modernes : il
prétend qu'il n'y a point d'exadli-î
tude ; que l'on n'y trouve~que de la
partialité. Il l'accufe d'être prévenu
contre la Nation Françoi(e , & de
profiter de toutes les occaûons de lui
donner des preuves de fa mauvaise vo->
lonté. Apres avoir attaqué l'efprit &
l'érudition d'Erafine , îTfoutient qu'il
eft inconftant , léger , double » ef«
croc & parafite.
Quoique cet Ouvrage foit rempli
de fureur & d'emportement , il vaut
cependant la peine aêtre lu. L'Auteur -
qui poffédoit très-bien Ciceron, l'a
juftiné au fujet de quelques critiques
faites un peu trop légèrement par
Erafme.
Cet Ecrit le fâcha beaucoup ; Se
comme dans ce tems-là il étoit fort oc-
cupé de la haine qu'il fuppofoit qu'A-.
(a) Ef(^. léandre avoir contre lui (aj, il le
. Li-
pas
. p. vrai. Ue qu'il y a de imgulier , elt que
110, Jules Scaliger Çb) après avoir lu cette
Satyre, non-feqlement ne l'approuva
i^oint f mais fe plaignit gue Dolet
'avoit pillé. Erafme déclata (a) qu'il (g^ jtpijf^
ne répondroit point à un Libelle fin^j,
injufte & fi déraifonnable j mais Flo-
> ridus 5abinus prit le parti d'Erafme »
& il aflfura ( i ) que TOuvrage de Do- (*) LilUcn:
' kt étoît dépourvu de fcience & de ^^^^'/» '•
jugement ; qu'il s'étoit imaginé acqué- "^^* ^*»
rir de la gloire i en attaquant un fi
grand homme ; mais qu^il devôit fa-
' voir f que ce n'étoit jamais qu'en trem-
blant qu'on pouveit s'éloigner des dé*
citions d'un fi favant homme.
Bolet fit un nouvel Ouvrage (c)(r)V.Maît»
dans lequel Erafme ne fut pas plus taire, ann.
épargné que dans le premier. Il y con-^^^^^^^r 3*
. vient, que les amis d'Erafme ont trou- J^^^'*^*^*
i vé fon Dialogue violent; » mais duf- '
•> fent-ils frémir de rage , rje dirai mon
• fçDtimejit. Or je jenfe qu'Erafipe
i> n'étoit ni de fens troid , ni n'avpiç
' » la tête faine , lorfqu'il compofa fon
» Cfcéronien. «
Le Dialogue de Dolet lui fit peu
* d'honneur.»!! en avcMtefpéré un triom-
» phe , dit Guillaume de Lifle ( d ) ; il ^^q
m ne remporta que' la bonté de ftv^r/,|„^^^ ^^'*
» calomniçr, »> Erafii^e ne {ut pas plu- (.Njvjai^tai.
tôt mort, que Ûolet rentra en lui-re , p. 38.
même (e). il fe repentit publique- Hcroldus.'
^74 . ViH . -
ment d'avoir traité fi indignement nÛ
homme d'un fi grand mérite : il cher-
cha Toccafion de parler de lui ; il Pap»
pella Thonneur de l'Allemagne , f or-
nement de fa Patrie , un favant com-
parable à ce que l'Italie & la France
avoient de plus illuftre.
Dolet que fes Ouvrages fur laLah-
gue Latine» fa difpute contre Ërafme
& fa mort funefte ont rendu célèbre »
étoit , félon quelques-uns y bâtard du
Ba^ François I. mais Baile a fait voir
ctrils fe trompoient. 11 étoit né avec
du génie ; mais il avoit encore plus de
prétomption. Il s'étoit imaginé qu'il
porteroit l'honneur du nom François
aufli loin que la réputation de l'eiprit
r«)BaiUct,pQ^yQjç jjferj & il n'a voit pas craint
i^X ^.^^ ^^ ^^^^ *^ ^^^ François L dans ces
{•14U * Vers (a):
Vivre je veux pour l'honneur de la France»
Que je prétends 3 fi ma mort on a^ayancet
Tant célébrer , tant orner par écrits ^
Que l'Etranger n'aura plus à mépris
Le nom François , Se bien nioins aotre L^m«
Laquelle on tient paovre en tome Harangue*
♦
Il fembloit avoir quelque preflenti-
ment de fa mon malbeureufe. Elle ne
îd' E R A s M b; nr
t)OUVou pas rêcre davantage ; il fût
brûlé à Paris le 3 Août 1 5-46. parce
qu il fut convaincu dUrrélieion : on
croit communément que ce fut à caufe
de fon attachement au Luchéranifme.
Il fçroit fort furprenant qu il eût été
le martyr du Luthéranifme » après
avoir dit dans fa Lettre à Guillaume
Scasva (a) y que l'on voit à la tête(«)V.Maie4
de fon Dialogue de l'Imitation de Ci- ^^^^^ » ^- $•
céron. qullfemocque de lafoUe de J^'J;^'^'^^
ceux , qui par une ridicule opiniâtreté "' ^**
s'expofent à la mort pour les opinions
de Luther. Ceft ce qui a déterminé
M. Shelorne S foutenir dans fes Amé-
nités Hiftoriques Eccléfiafliques &
Littéraires ( t ) , que Dolet n'etoit pas (h) T. i. pj
mort Proteftant ; & il en appone pour 97 $•
{)reuve ( c ) que Calvin parlant de lui , ^c) ?. ^op^
'a accufé d'avoir mépril^ l'Evangile »
ce qu'il n*eût certainement pas dit ,
s'il eût crû qu'il fut mort pour la nou-
velle Religion. Ceux qui ont vu Do-
let , & qui ont eu occaâon déparier
de lui 9 ont aifuré que c'étoit l'homme
du monde qui avoit la phyfionomie )a
plus fîniftre, & qu'il reflembloit à
quelqu'un que l'on mené à la roue ; ^ ^ ^ome
celt. le jugement quen pone JeanQ^; (-,7^
Odon (d ) en écrivant à GilbcrtCou- Cognait/
$i6 T 1 »
Un autre Savant avoît encore pré-
paré un Livre contre Erafme ; & il
(û) Efifl. avoit pris pour titre ( a) .• Guerre ci-
h»;*» vïle entre les Ciciromens Gr les Par^
tifans £Ergfme ; on y fuppofoit qu^E-
rafine étbit ennemi de Cicéron. On n'a
aucune connoiffance que cet Ecrit ait
été publié.
Le Gicéronîen d'Erafme n'eut pas
en général une grande approbation :
il n'y eut prefque que Vives qui en
WtofOr-fir réloge (t) quoiqu'U y eût été
19. de Vi- avoît plufieurs chofes favantes & ingë-
^^1 ^^^T ^^^"^^^ ^^"^ ^^^ Dialogue ^ convient
celles aeq^j^ y ^ des traits cachés contre Ci-
• ton. céron. Borremans juge ( e ) qu'Erafme
(<i) Sabi* dans cet Ouvrage n'a pas toujoui-s
nus , Hou confervé le caraftere qu'il auroit dû
fubcîs. l'.j. donner à fes Perfonnages , & que celui
r/*Borrc- S"'^^ ^^^"^ ^^^^ "^ Cicéronien , eft bien
mans , var. éloigné de parler comme Cicéron. En-
ud. c. 4.fin Mauflac, en faifknt imprimer le
j. 1^. Cicéronien & les deux Difcours de
Scaliger , déclare dans fon Epître Dé-
dicatoire à Guillaume du Vair Garde
des Sceaux , qu'Erafme ne parle exac-
tement ni de Cicéron , ni de plufieurs
Italiens illuflrest
Cette
d'Erasme, '5'77
Cette même année que parut le Ci-
céronien , Erafme fe trouva obligé de
fe juftifier , au fujet de la Devife qu*il
avoit adoptée ^ Concéda nullL II écri-
vit une Lettre Apologétique à Alfonfc
iValdefius, Secrétaire deiEmpereur,
datée du premier Août i^iS. {a) Il (a) Ep'/l.
y répond à Taccufation de fes ennemis , ^ ^/ ^* '•
qui vouloient faire croire que inten-
tion d'Erafme étoit de perfuader à
rUnivers , qu'il n*y avoit perfonne
dans le monde à qui il eût voulu cé-
der. Il déclare que cet orgueil eft fi
éloigné defon caraélere, que pour peu
qu'on lifefes Ouvrages , on y verra que
bien loin de vouloir l'emporter fur tous
4es autres , il eft toujours prêt à céder
à tout le monde j que ceux qui vivoient
avec lui,, fa voient que la vanité étoit de
tous les vices celui pour lequel il avoit
4e plus d'averfion ; & qu'il étoit tou-
jours plus prêt à dire avec Socrate ^
« Je ne fçais qu'une feule chofe j. c'eft
«> que je ne fçais rien , » que d'affurer
qu*il ne çédoit à perfonne. Il rap-
Îorte après cela l'Hiftoire du Dieu
'erme , qui ne voulut pas même ce- '
dqr à Jupiter , fuivant les Annales des
Romains; & il fait enfuite le récit des
xaifons qui Tavoient engagé à s'appro-
pôer la Devife, qui avoit occaiionné
Tome L B b
les reproches qu'on lui faifbit. L*Ar-i^
chevêque de Saint André étant prêt à
retourner en EcofTe chez le Roi fou
père, fît préfentà Erafinede quelques
Anneaux , parmi lefquels il y en avoit
tin oà étoit enfermée une Pierre qui
jrepréfentoit le Dieu Terminus* Il y fit
graver cette Devife , qui convient na-
turellement au Dieu Terme; mais, ii
on l'en croit, il avoit encore une au*^
tre intention : il regardoit.ce Dieu
Termmus comme un fymbole de lai
mort ; & il vouloit que cette Bague &
cette Devife lui fiflent faire une àtten-
tention continuelle qu'il n'étoit pas
loin du dernier moment. Cette Apor
logie d'Erafme occafionna deux Ou-
Tê) Crenif^^^S^^ (*) • ^'^^ de Pierre Rubus,
Animadv. 4^^ réfuta les raifons qu'Erafme apport
fart. II. j.toM pour fe joftifier; & l'autre de
15 »• Chriftien Philerenus, qui réfuta Ru-
tus ( I ).
Dans le mois d'Août de cette mêw
(h) Epi/Î.^^^""^^ lyaS. Erafine dédia (i)4
58. L. i^! TEvêque ^ Lincohi le Commentai-
"H
( 1 ) Chrijliani Phtlereni EpifloU Apola-^
fimca ad candidos Mufarum Alumnos , qui
'Erafmi Roterodami Annulare Symlfolwn , con--
cedo tmlti , àb tmperitâ Pétri Rubi cûlwfn»,
niétfmdhmip. 1^4ij*ai ^dRh^num. i6^j.
1>^ E R A s M E. 5*7^
Te(i) fur le PfeaumeSy. Une fut que
fept jours à le cciDpofer,enc6re avoit-il .
bien d'autres affaires : car il étoit ac-
tuelletnent occupe (tf ) à faire rouler /^j ^pif}^
feptpreflfes. Sadolet pour lors Evêque lo. U tf.
de Carpentras fut extrêmement con-
tent de ce petit Ouvrage : il écrivoic
i Erafme , au il Tavoit lu avec la plus
grande fatisraftion j qu'il y avoit re-
connu cette force admirable de gé-
nie , & cette fécondité qui faifoit le
caraélere de fes Livres. Il ajoute qu'il
tie cefle d'admirer fa vertu & fa confc
tance , en ce qu'il continue toujours
de travailler utilement pour les bon-
nes Lettres & pour les mœurs , mal-
gré la jalouiie de fes ennemis. Le Dia-
logue fur la vraie prononciation du
Larin & du Grec ( 2) parut en 1 5*2 8*
il eft dédié ( 6 ) à Maximilien de Bour- (h) Epijf.
gogne, fils d'Adolphe, & par con-20. t. 19.
féquent petit - fils de la Marquife de
Wéere.
On a prétendu qu'une mauvaife plai-
fanterie avoit donné occafion à cet
Ouvrage, Glareaiius ^ dit -on , ayant
été dîner chez Erafme , lui donna
(i ) Expojttio concionalis' in Pfalmum 8f.
C 1 ) De re6lâ Latini Gracique fermonis
fronuncUtione»
Bbij
580 V t B
commeccrtaîn un coçte defà façon ^
qu'il étoit venu à Paris des Grecs ^
qui avoient décidé qu'on y prononçoit
mal la Langue-Grecque , & qu'erfGrec
le Beta & l'Eta fe prononçoient com-
me on les écrit. On ajoute qu'Erafme
fuppofant que Glareanus lui difoic vrai^
avoit fait en conféquence ce Dialogue t
311'ii falloir prononcer le Grec comme
fuppofoit qu'on le prononçoit en
Grèce,
Quoiqn'il en foit de cette Anecdo-
te, qui a été avancée par un certain
Henricus Coracopetreus , & adoptée ;
(a) Voffius, par Gérard Voflius ( a) & par Rodol-
•Anftarque;pheVeftein, il eft certain que fi Gla-
V V ft ^^ teanus joua ce tour à Erafme , ils n'en
tro €rJc'a ^^^^^^^^ P^^ brouillés : car quelques
& genuinà années après Erafme en faifoit le plus
hingux grand éloge (fc) au Cardinal de Tren-
Crœc<ffro* te , & le prioit de le recommander au
IT^'^'ul ^^^ Ferdinand. Erafme changea dans
^'^^N^^p'^Ma^uite de fentiment à l'égard de^-^a
21. L. 24! Prononciation; & il revînt à celle
qui étoit en ufage. Les Interlocuteurs
de ce Dialogue font un Ours ôc un
Lion.
Il y aplufieurs chofes importantes
M Traité ^^"^ ^^ Traité fur l'Education des En*
p. 911. &fens. Erafme veut ( c) qu'après leur
#13. avoir donné les principes du Grjec & du
d'Erasme; j'Si
Latin » on leur apprenne Ja Dialeâi-
t^uCf la Rhétorique, la Géographie ,
r Arithmétique , la Mufique , PAftro-
nomie , autant de Médecine qu'il en
&ut pour gouverner & famé , un peu
jàe Phyfique & beaucoup de Morale.
Il fouhaiteroit qu'un jeune homme eût
quelque légère idée de toutes ces àU
verfes Sciences , afin que lorfqu'il fera
parvenu à un âge raifonnable > ilpuiife
choifîr lui-même le genre d'Etudes
pour lequel il fe fentira le plus d'inclir
nation.
Quintilien avoit dit (a) que c'éfoît («) L i. c.
un artifice connu de tout le monde , n*
de faire jouer les Enfans avec des let«
très d'ivoire ; & il avoit confeillé ,
lorfqu'ils commençoient à écrire , de
élire graver le mieux qu'on pourroit
toutes les lettres fur une planche. Eraf
me, conformément à l'idée de ce grand
Maître, confeillé de foire &ire des
lettres d'ivoire ; moyennant quoi la
connoiflance des lettres & la leâure ne
feront plus qu'un jeu pour les Enfans.
C'dtt-à-peu près-là 1 idée du Bureau
Typographique inventé de nos jours ,
& qu'Erafme auroit du moins approur
vé , tant qu'il n'auroit été queftion de
s'en fervir que pour apprendre à lire
aux ^nfans«
BbiiJ
581 Vie
(4" P.9é^. Il infifte beaucoup ( a ) fur la nécef-*
êi^ôs» fité de bien prononcer ; & il rapporte
ii ce fujec un £ût fingulier , dont il
•voit été témoin. L'Empereur Maxî-
milien fut un jour harangué par plu-
iieurs Ambafladeurs ; leurs difcours
étoient en Latin , fuivant Tufage de
ce tems-là. Le premier qui parla , étoit
un François du Pays du Mans : (à
Harangue étoit en aflfez bon Latin;
mais on l'auroit pris pour du mauvais
François^ parce qu'il parloit comme
on prononce dans fa Province : ceux
qui i entendoiént ne pouvoient s'empê-
cher de rire j ce qui rendit TOrateur
il confus 9 qu'il ne put achever fon
difcours. Celui qui répondit au nom de
l'Empereur , voulant dire ces paroles »
Gejarea Majejlas benè gaudet videre vos^
Cr oratiomm veflram libenttr audivit ^
prononça zwSvCc^farta Magheftaî pêne
caudetjiderefos , & horationtmfeftram
lipenter audifit. Alors les éclats de rire
augmentèrent. Un Danois & un Zé*
landois parlèrent enfuite : on n'auroit
jamais imaginé que ce fût en Latin
qu'ils haranguàflent j de fone que cette
Audience tint lieu de Comédie à £ra{^
me , & à tous les Gens de Lettres qui
étoient préfens.
Ce fut ^ans ce même-tçms > qu £^
d'Erasme, ^8j
rafme écrivit fa Lettre (a) aux Saintes M Eptjt.
Vierges de TOrdre de S. François 3» ï- lo.
confacrées à J. C. proche Cambridge
( I ). M. MarfoUier qui Ta traduite »
en parle comme d'une pièce excellen-
te : » Erafme» dit-il, y fait voir les
a» avantages de la vie Religieufe , & le
» droit qu elle donne au bonheur éter-
a> nel, pourvu qu'on ne la réduife pas
» à des pratiaues purement extérieur
j» res i mais qu on la fafle confifter dans
» l'imitation de J. Chrift, & dans la
» pratique de toutes les venus dont il
» nous a donné l'exemple. » Il y parle
de l'utilité des fouffrancçs , de la pa-
tience Chrétienne , de la foumiflion à
la volonté de Dieu, &des vues qu'il
a , lorfqu'il permet que les juftes foient
affligés & perfécutés dans cette vie : en
un mot il y fait des réflexions très-
utiles fur ces Paroles d'Ifaie , y* Votre
» force fera dans le filence & dans ref*:
» pérance. »
Dans le mois de Janvier de l'an
15*29. Erafme dédia {b) Séneque à {b) Epilt.
Pierre , Evêque de Cracovie & Chan- ï*« ^- *8f
cejier de Pologne. Il avoir déjà eu part
à une Edition . de cet Auteur , qui
( I ) Sacrit Virgînibut juxta Divi Fran»
cifci înftitutum Çhrifto milifansibut ^ froft
5^4 V t K
avoit été dédiée à TEvêque âe jDuf-
ham* Etant en Angleterre , il avoit
trouvé i Cambridge quelques manuf«
crits de divers Ouvrages de Séneque :
il les collationna avec ce qui étoitim**
primé ; & il mit en marge les Variant-
tes & (es conjeâures. Il chargea un de
fes amis de donner une nouvelle Edi-
tion de Séneque avec ces additions : cet
ami s'en acquitta avec tant de négligen-
ce , qu Eralme ayant vu cette Edition »
en fut très-honteux. Il arriva encore
un autre malheur : il avoit donné op-
dre au Libraire de porter un exemplaire
de cette Edition de Séneque à F Evê-
xpiede Durham à qui elleétoit dédiée:
ce Libraire n'en fit rien ; & cepen-
dant il aflura Erafmè qu'il avoit exé>*
xmé fa commiffion. Dans les Let-
tres qu'Erafme eut occafion d'écrire
à ce Prélat , il fuppofoit que Séneque
qui lui avoit été dédié lui avoit été
remis. L'Evêque de Durham prit oe
difcours pour une fon mauvaife plai«
fanterie , & reçut très- mal Erafme »
2ui ignorant l'infidélité du Libraire ,
toit allé voir ce Prélat avec confiance.
Cçtte première Edition n'ayant point
fatisfait Erafme > il travailla à une fé-
conde 9 qui efl beaucoup meilleure que
la première: c'eft celle-ci qu'il dédia
k TEvêque de Cracovie. il fut aidé
dans ce nouveau travail par Matthieu
Fortunatus Hongrois , qui par le fe*
cours d'un manufcrit (^), rétablit le \a) Epift.
Texte des Queftions naturelles qui étoit 4** ^* .*'•
rempli de fautes; & c'étoit précifé-
naent celui des Ouvrages de Séné*
que dont les manufcrits avoient man-
qué à Erafme. Il fit auflî ufage desi
notes , que Rodolphe Agricola avoit
mifes aux marges a une ancienne Edi-
tion de Séneque , dans lefquelles il y
avoit des correftions tr^s-heureufes.
Sigifmond Gelenius , Corredleur de
rimprimerie de Froben , rendit
de très-bons fervices a Erafme dans
cette Edition. On y trouve une Vie
de Séneque faîte par un Auteur qu'E-
rafme ne nomme point, mais que nous .
favons d'ailleurs avoir été François
Pétrarque ( i ) . Dans fon Epître Dédi- (a) Fab.
catoire, Erafme traite de la Religion B/^.Ltf^/«^#
de Séneque : il fait voir qu il n'a point ^"?P* h
été Chrétien; que les Lettres qu'on a 5^^*
fous fon nom à S. Paul , font fuppo-
fées , ainfi que celles de S. Paul à Sé-
neque. » Si on le lit comme un Payen ,
» dit-il, on trouvera qu'il approche
. » quelquefois du Chriftianifme; mais fî
» on le lit comme un Chrétien , «il ne
• fera pas difficile de s'appçrcevoir
S^6 Vit'
» Qu'il n'eft au'unTayen. «• CeR ce
2a Erafme démontre , en rapportant
iverfes erreurs de Séneque diamétra-
lemenc oppofées aux principes fonda-
mentaux du Chriftianifine : il traite
cnfuite exaftement de fon ftyle. Il lui
reproche quelques obfcénités : il Tac-
cufe d'être quelquefois Dëclamateur
obfcur î cependant il convient qu'on
peut le lire avec beaucoup de fruit.
Cette Epître Dédicatoire peut être
regardée comme contenant d'excellens
Prolégomènes , très-utiles^i ceux qui
veulent lire utilement Sénecjiie. Jo-
(a) Scfl/i- feph Scaliger en a parlé (a) avec
gerana. beaucoup d'éloge ; & il a affuré qu'E-
rafme y avoir traité très-judicicufe-
ment de Séneque. L'Evêque de Cra-
(h) Epifl ^^^^^ ^^Ç^^ *^^^ plaifir (fc) le préfent
58. L.l 5*. ^'Erafme : il lui écrivit une Lettre
upifl. jo.fort tendre; & il lui envoya quelque
Lmiy argent. Il mourut quelque tems avant
(c) £p//?. Erafme , qui fut très-affligé (c) de
li,^. L. 17. cette mort ;. il en fit le plus bel éloge
dans une Lettre à l'-Archevêque de
Gtiefne.
Le premier Février ly^p. Erafme
'(d) Eptjl.^^^^^ {^) ^ Charles Utenhove quel-
%l. L, iS.ques fragmens de S. Chrifoftôme. Le
ip du même mois il adrefla à Titel-
^ ie) Efijî, man Gravius ( c ) le Livre de Lac-
los !• unce , De Opifcio Dei.
to' E R A s M ï; 'jlSy
Erafme publia encore quelques au-
tres Ouvrages avant de s'établir^ à
Fribourg ; mais comme ils font liés
avec l'affaire du Luthéranifme » on OQ
parlera dans le Livre fuivant.
Fin du Tome frmkri
. Fautes à corriger^
PAge 1. ligne 6. Zevenbegue , lifez Zej
venberge.
Tag. ç. liffne 27. Boyard , lif, Boi0ârd.
Pag. i 5» lig. %7.€à Diflertation , ///*. la DiCr
fertation»
Vftd. not. margm (h) Remî , ///. RevîJ.
Pag. 1 7. lig. fenult Rémi , lif. Revii*
Pag. 51, lig. 10. de Maus , lif, d'£maùs#
Pu^. 3 ^ lig. io,& ii.<:on'defcendaçes , //yi
condelcendances.
Pag. 34. //g^. 14. l'habilité , lif Thabileté.
Pag, f 8. lig, IS.&2.6. Grocenf , lif. Grocin.
Uid^ lig. i8. Lavacer, /f/^Linacer»
Pag. tf 8. //ç. 7. Scholaftique , /iff. ScotifHque.
Pag, 88. //^^ 10. d'Adrien , ajoutez VI.
Pj^ 97. /i^. 14. n'avokriefleu^ ///. n'aoroit
rien eu.
Pag. loi. //g. 13. Regîtjs , lif. HJBgias*
r^ç. 113. lig* i8. Il recul, lif. Il reviu
P^^- ï 47- lig. ip« fixieme , //f, lelxieme*
Pag, 1-2 o. /rg. antefen* ut hor. Wm^ut horum^
Pfg»z^S,lig» i4.BufIk}ien9 /i/^ Buslidien*
Pag. t%^. l4g. lo.du Comté, lif. du Comte.
Pag. ISO. lig» 23. Déclameur, /£^ Déclama*
teur.
:Pag. 352.%. I* Philofophiqtiè , i^.'Philo-
logiques-
Pag» 19%. lig. i6.& 17. qu'à la chaleur de
, Worxnes. Il vint , ///. qu'à la chaleur. De -
Wormcs , il vint.
Pag. 448. lig. fénult. à Fribourg , lif. à Bâle.
Pag, 5 M . lig. 24. 1 5 lo. lif I Ç28.
Pag- S7o.lig0fémlt. 11 ajoute, lff% Il fou r
tient. ^/ >