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Full text of "Vie d'Erasme : dans laquelle on trouvera l'histoire de plusiers hommes célébres avec lesquels il a été en liaison, l'analyse critique de ses ouvrages, & l'examen impartial de ses sentiments en matiére de religion"

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1 


VIE 

D'ERASME, 

DANS    LAQUELLE    ON 

trouvera  THiftoire  de  plufieurs 
Hommes  célèbres  avec  lefquels 
il  a  été  en  liaifon,  PAnalyfe  criti- 
que de  fes  Ouvrages  ,  &  TExa- 
raen  impartial  cîe;fe5  fentinjens  en 
matière  de  Religion V  •'    *•  *  (     *;  ; 

Far  MrT^Ts^  RI  G  kty:?jtirAUâémk 
Royah  des  injcriptiohs  (f^PfUaSr.  lUitm. 

TOME  PRE  M  ÎËR;- 

l^omcn  Erafini  nunquam  ferlbît 
Joannes  Colletas 


A    PARIS 

Chez  De  Bure  Taîné ,  QuaîderAtiT- 

guftins,  du  côté  du  Pont  S.  Michel^ 

à  S.  Paul. 

M.  DCC.  LVIL.. 

^Ç  Â^TKOB/mOîf  ET  FRiniEGE  DU  ROI. 


FRÈFACE. 

E  S  fervîoes  împortans^ 
qu  Ërafme  a  rendus  à  la 
République   des    Let- 
tres, &  fa  ^l^àtde  çélé^  . 
fcrîté  y  firent  fouhaitèV  que  Toh      '  *  • 
travaillât  à  fa  Vie,  mê^riélèïon:-; 
vivant  (a).  Gérard  de  Nîmeguei.  .  .  . , 
lui  avoir  écrit  que  quciÉpifeSHinç^^^i  ju  com- 
l  penfoîent  ;  que  les  uns  fe  wo^v^nàtum 
Koîent  d'écrire  en  Vàrs,   &''''^- 
aautres  ca  Profe  (  i  ).  Damicn 
îc  Goës  5  noble  Portugais  pour 
juiËrafoie  avoic  une  très-gran-  f^)  ^P^l** 
le  amitié,  lui  manda  [h)  qu'il j^i  ^^ 

(  I  )  Scriff/ii  ûi  me  Urerarinj  thviwna* 
lEW  )  qmfàéon  mtdiupi  vimm  Erafmi ,  par^ 
\m  Carminé  j  fartim  Oraftone,  Iffe  cufie- 
w  injlrtn  fetreto  ;  fednon  aufat  ftm  mit^ 
ffi»  Si  confingtu  ctm  ilk  cdUq^d  ,  fottrit 
Ui communicare;  tiec tamenixpedit aliquid 
fntêrc  de  if  if  a  ,  niji  rçs  iiJa  urgeat. 


iv  PREFACE.  ^  '  1 
avoit  dcffein  défaire  fa  Vie  ;  É 
le  pria  même  de  lui  cnvçyer  dcp 
n;iémoîres.  Ccs^.rojets  n'eurcM 
pas  lieu  ;  maïs  Erafme  a  fait  Itfi^ 
jmême  un  abrégé  des  principau? 
^venemens  de  fa  Vîc  jufqu'à  fa 
cinquantième, année  :  ce  ne  font 
^ùc  des  matériaux  fupérficîels  éè 
îtaiparfàii;s.  ^       '        /  '| 

i^uatre.gps  après  fa  morti 

y.:/.:  ••&aKjî«M*V^^""5  dédia  à  rEmJ 
•'  •  •  \!]  f  feteir  0îarlcs  V.  le  Recueil  ai 

*.;toèsibsr  Ouvrages, d*Erafme  ;  2t 

\/:;^?^s;f ^jtîe  Bédicatoîre  d<e  cet< 

ï  -vîé'giaâde  collcdîon  il  fait  une 

petite'Vie.d'Érafme,  mais  beau^; 

coup  plus  înftrudlîve  que  celle 

qu^il  ayoit  faîte  lm-meme\,  &^ 

,  dont  Balle  porte  ce  jugement 

^a)  Art.ià)>    que  cMtoît  un  Ecrit  faît' 

'^Ehùtiti  ,avec  la  dernière  négligence  >  fijl^ 

pt;e^.      ç^^^  aucun  détail  étendu; 

.  L'an  1^07.  Merula  fit  paroîr 
0  B^uMitic  quelqi^ç  chofe  fur  la  Vïç; 
fififl.  in  d'Erafme  (h);  mais  ce  qu'il  don^ 
Ç^:^  na  ^au  |>ublîc  £e  réduifit  à  ççt 


y  RE  FACE.  ^' 

sSJrégé  fait  par  Erafmè  dont* 
Baîle  faîfoîc  fi  peu  d'eftîme ,  &' 
à  la  Lettre  d'Erafme  à  Goclé^ 
fùûsy  qu'il  fit  imprîrtier  fur  Tori- 
gînal  qu^Etafine  avoîc  laîflTé  en' 
dépôt  à  Conrad  Goclénius,  Pro-^ 
fefleur  en  Langue  Latine  àLou-' 
.Tain. 

'    Malînctot, Doyen  de  TEghTe      • 
de  Munfter  ,    avoit  fait  une  Vîc 
d'Erafme  fuivanV  Tordre  Chro- 
nologique des  années  (  a  )  :  il  erf  (^)  y.  M. 
parJe  dans  la  Préface  de  fon  ^^'^f\l^^^^^ 
trc  De  Arte  Typographieâ ,  &  il  ^/p,Tj*. 
s'étbit  engagé  à  la'  donner  adf 
Public  ;  mais  fa  promeffe  n'a: 
point  été  exécutée.    - 

Nicolas  Mercier ,  Sous-Prin- 
cîpal  &  Profefleur  du  Collège' 
de  Navarre,  mît  à  la  tête  dtf 
fon  Edition  mutilée  des  Collo- 
qdes  une  Vie  d'Erafme,  qui 
qtioîqu*afIez  courte  ,  n'eft:  ce* 
pendant  pas  toujours  exafte. 
Quelque  fuperficîelle  qu'enefuît, 
gllç  yaiK  cependant   beaucoup 


v]         PREFACE. 

mieux  qu^rOuvrage  de  M.  de 

la  Bîzardîere  ,   publié  à  Par» 

Tan  1 72 1 .  fous  le  titre  d'Hiftoîre 

d-Erafme,  fa  vie  >  fes  mœaçs> 

fa  mort  &  fa  religion.   Cefl:  ua 

Panégyrîfte  oucré,à  qui  les  louan* 

ges  les  plus  cxceflîves  ne  cpu-r 

tent  rien.  Il  commenee  fon  Lî'* 

ia)  P.  I  jf  vre  (  a  )  par  repréfenter  fon  H  é* 

xos  comme  un  Apôtre  prédeP- 

tîné  de^  tout  tems  a  faire  trîoitH 

pher  la  Religion,  »  Dieu  ^  dît-U  ^ 

w  dont  les  Jugemens  font  imp^- 

>9  nétrables  ,  permit  qu'Érafnae 

»  vint  au  monde  dans  un  tems 

»  cù  TEglife  fut  attaquée  par  fea 

>>  plus  violens  ennemis  i   Ôc  la 

»  Providence  le  choifit  comme 

»  un  Apôtre  fans  biens  &  fans 

»  naiffance  I  pour    rendre  fes 

w  combats  plus  glorieux*  *» 

Après  une  telle  exagération^ 
TAuteur  ne  craint  pas  d'avan- 
cer ,  que  l'on  n'étoît  pas  fans 
crainte  à  Rome  qu*Erafnie  ne 
fayorifât  les  Novateurs  ;>  &  quQ 


f  PREPUCE.        7i| 

foat  l'empêcher  de  fe  dc^cUrec 
pôor  e^x  f  on  ula  d,'adrefic ,  ea 
fàifanc  (et^ntir  topce  VhaUç  du 
hcuit  (  a  }  que  Ui  Paj>e  tooinme*  (a)  p,  )f . 
roic  Ëraiflje  Cardinal  à  la  pre« 
miere  Pro^notion  ,  &  qu'il  fut 
la  dwppç 4e  cetta  ptomefe  (  6  ) ,  (*)  p.  ir. 
q«î  ^  kii  a¥oiç,éié  fàiçe  que 
parce  qn^^ni  aiDaQic  mieux  I9 
tcomfçr  q«6  le  perdrç. 

Cec  étr<(qge  paradoxe  ,  audi 
îojurieux  pour  Erafme  que  peu 
reîpedueux    pour   la  Cour  d^ 
KcHnQ ,  n'étoit  pas  de  l'inveo- 
iifm  de  M.  d«  la  Bi^^rdiçie  :  il 
aypjç  déjà  été  jib^giné  par  le 
Perrde  Touroeroinç   (ç),  qui   W  Mi- 
avoit  prétendu  que  l'Enipereur  "^'^["j^"' 
Cbarks  V.  ainfi  que  les  Papes ,  ,rt.  <î,  ' 
^v^ietnt  lou4  Erafnîie  pour  t^çhçK 
de  retçflji-  dans  la  Religion  Ça». 
tboHcmç  uf)  boqiime  vain  qui  ajim 
moit  If  s  louanges  3  ce  qui  avoiç 
été  réfut;^  »vec  une  très  grî^nde, 
v'mç'ué  par  un  redoufaWe  Ad- 
yecÊure.  La  difféççpce  qu'il  y  as 


r  yîîi  '  pretaj:e:  . 

entre  le  célèbre  Jéfuîte  &  laT* 
Bîzardîere ,  c'efl:  que  le  premier 
fait  profeflîon  d'une  haîne  dé* 
•     :      datée  contre  Erafnfie  i  au  Heiï^- 
que  l'autre  fe  met  au  rang  de  fes  ' 
plus  zélés  partifans  y    jufqu'^à* 
rapporter   &  adopter  un  éloge^ 

{a)  P.  104.  de  ce  grand  HohHne  \  a  )  qa'îl  * 
attribue  au  Cardinal  de  Retz  j  ; 
à  qui  il  fait  dkë  qu^îl/nè  nian-' 
quoit  à  Erafme  que  Tantiquîté  ,  ^ 
pour  être  compté  parnfiî  les  Pc*- 
res  de  FEglîfe.  -  - 

LaBizardieréétôîtfipeu  verfé^  • 
dans    la   ledurp  des  Ouvrages  " 

(^)  P.  ^;,d*Erafme,  qu'il  rapporte  (&)  d^à*- 
^rès  lui  comme  une  chofe  cer- 
taine ,  que  Catherine  de  Bore- 
femme  de  Luther  étoit  accou- ' 
chée  quelques  jours  après  fes  no- 
ces. Il  eft  vrai  que  le  bruit  en  - 
avoir  cguru  ;  maïs  Erafme  lui- 
même  nous  a  appris  que  c'étoît 
une  calomnie  (  i  )  ;  &  nos  plus 

'  (  I  )    De  cenjugio  Littherr  certum  ef  ; 
h  partu  mâturo  fponfie-  vanus  era$  rmu^r., 


FRETA  CE.  Î3t 

ËiïTCUx  Contrçverfiftes  ont  re- 
gardé  fecte,àccofauof>  comnae 
une  fkuffcté  q»i  ïie  méritoic  pas        , .  , ., 
g  être  répétée  ;  ce  qui  a:  faîç  dîré 
à  riUuftre  Auteur,  des  /^ûWo» 
tioTU  (  ^  )  :  ♦!  On  avoît  fait  cou-    , .  j^  ^. 
M  rîr  le  bruîc  quç  la  Relîgieufe  p,^i4. 
n  q^ue  Lu  thef  ^ppciTa  ^  écoît  greffe 
»  &  prête  à  accoucher  j   ce  qui 
»  ne  fe-  trouva;  pa?  yérîtable  v 
»^^  Melandon  eut  raîfon  de  juf- 
»  tifier  fon  Maître  en  ce  point.  ^ 
On  a  fait  quelque  clmfe  en 
Angleterre  dans  ce  fiecle-cî  fur 
là  vie  d'Erafiner  Sanucl  Knîgo 
fit  paroîrre  Fan  1726.  un  Ou- 
vrage qui  avpît  pour  titre  :  La 
Vie  à^Erafm^  cojijidérée  fur-tout 
pxir  rapport  au  Hfns  qu'il  paffa  en 
Angleterre  ^    6   contenant  àujji 
Viiijloire  dès  Savam  qu^il  y  eut 
pour  amis  5  de^même  que  Pétat  où- 
le  f avoir  G  la  Religion,  et  oient  alors 
dans  Us  Univer fîtes  êOxfort  6  de 
Qunbridge.  Qfi  Livre  ne  peut  pas^ 
être  regardé  comme  une  yérita-. 


f   FREFACE. 

ES  fervîoes  împortans^ 
qu  Erafme  a  rendus  à  la 
République  des    Let- 
tres ,  &  fa  gpatfde  çélé^  ^ 
fcrîté ,  firent  fouhaitèV  que  Toh      '    * 
Iravaîllât  à  fa  Vîc ,  mênrtè^ïpn:  ; 
lîvânt  id).  Gérard  de  î^imegiiel/.  .  .  - 
ui  avôK  écrit  que  quci^uesHinç,^^  ju  coni* 
f  penfoient  ;  que  les  uns  fe  pro-f^"^''^'» 
lofoient  d'écrire  en  Vévs,  ôc""'^- 
fîaurres  en  Profe  (  i  ).  Damîcn 
Be  Goës  ^  noble  Portugais  pour 
|ui  Erafme  avoir  une  trcs-gran-  f  ^)  ^P*l*^ 
De  amitié,  lui  manda  [h)  quîl|Ji  '^^ 

;  (  I  )  Scrifffiê  éi  me  Qttmriuj  Novi&ma^ 
pi  >  gmfdâm  mtdiupi  vipttm  Erafmi ,  far- 
ini  Qarfiune  ,  furtim  Orattone,  Ipfe  cupie- 
m  énjirtn  fecreto  ;  fed  non  aufui  ftm  mit^ 
wrt*  Si  conHngta  cam  illô  cùlUqtd  «  f6$trh 
mU commwdcare ;  nec tamtnixfeàdt aliqmd 
^êri  dç  if  ha  )  nifi  rçf  i^Ja  urgeat. 


Quelques-uns  ont  ppétendli  que 

M.  le  Cardinal  de  Noaîlles  ert 

(tf) Bîb. des avoît  arrêté   rimprèfîion  {a)  > 

AuLEccief.r  ^j.^ç  qu'il  Pavoit  voulu  exami- 

£ecie,'p.  net  lui-même.  Il  y  trouva  ap^ 
ê**s  paremmcnc  des'  chofes  que  la 
*  ,  :  prudeftce  ne  permetcoît  pas  dô 
dire  :  car  tbut'ce  que  nous  avon^ 
de  M.  Joli  nous  k  repréfente 
comrne  un  homme  très  décidé 
fic'très-har^i*  Quoi:<qo'iîen  foît  y 
il  ne  fut  plus  queftion  de  Tim^ 
Iprîmer  à  Paris  ;  &  M.  Joli  prît 
oes  mefures  pour  qu'elle  parût 
en  Hbi:ahdfe,  G'eft  M.  lé  Clerd 
qui  nous  Rapprend  dans  TAver* 
tîffemént-  du  troisième  Tome 
d'Erâfme'  >  où  il  parle  ainfi  : 
^  V6us  àuriéz'les^Vîes  &  les  Ëlô-> 
»  ge5  de  ceux  qui  étoîeftt  en  liai-» 
w  fôn  avec  Erafme ,  fi  M;  Claude 
••  Joli  Chanoine  &  Officiai  de 
te  Paris  eut  vécu  plus  longtenisi 
»>  Il  avoir  promis  à  Pierre  Hot- 
«>'ton  )  que  fi  i*on  pouvoit  con-» 
^^vcnir  des  conditions,^  ce  qui 


PRÉFACE.  «^ 
>  n'aurdît  pas  été  difficile ,  il  en- 
»  verroît  en  Hollande  un  Ou^: 
«>  vrage  Françeîs  qu'il  avoît  în- 
.»  titulé  .•  Hijloire  du  Renouveller 
»  ment  dçs  Lettres  fur  la  fin  du. 
»  quLiir(ieme  fiecle  &  au  oommeju 
»  cernent  du  {ei\ierne  ,   dans  U^ 

•  quelle  on  trouvera  les  Eloges  di 
n-plufieurs  Savons  de  ce  fems-W^ 
m  6  fur-tout  la  Fie  d'Erafme  de 
^Roterdam ,  qui  a  été  leur  premier 
»  Refiaurateur.  La  mort  de  ce  fji- 

•  vant  :JiQnime  j  ajoute  M.  le 
»(Dlerc,,  Fa  empêché  d'envoyer 
»  cet  Ouvrage  au  Libraire.  » 

M.  Joli  mourut  le  i  j  Janvier 
i70o.<lans  un  âge  très- avance  j 
il  av^ît  quatre-vingt- treize  ans*: 
On  n'a  jamais  trôpfeîen  fçû  c(B 
<|u'^toît  devenu  fôn  (nànufcrîri 
Quelques-uns  ont  crû  qu'il  au- 
roitdû  fe  trouver  parmi  lesLif^ 
vres  ou  les  papiers  de  M.  le  Car- 
dinal de  NoaîUes;  mais  on  fçaic 
du  Seigneur  le  plus  înftruit  de 
$ouj:  c^  ^qui  a  rapport  à  cett^ 


r 


%W       PREFACE. 

Eminence ,  que  lorfque  M«  Je 
Cardinal  de  Noailles  mourut  ^ 
le  manufcrit  de  M*  Joli  n'écofc 
point  chez  lui. 

On  a  entendu  dire  qu^une  Pa-^ 
tente  de  M.  Joli  qui^ic  encore  f 
&qui  eft  fort  âgée  y  avoit  une 
copie  de  cet  Ouvrage  y  dont  ella 
jp'tavoit  jamais  voulu  donner 
communication  ;  ce  qui  donne 
Heu  de  craindre  qu'il  ne  périfle 
entièrement* 

'  Autant  qu  on  t>eut  juger  d  ua 
Ouvrage  dont  on  n'a  que  des 
notions  très-imparfaites  j  c'étoic 
principalement  rHiftohe  du  Re** 
BOuvellement  des  Lettres  que 
M*  Joli  avoit  voulu  faire,  La  Viô 
q\ïo  nous  donnons  aujouïd'huî 
*  p'a  pour  objet  qu'£rafme;&  tout 
ce  qui  a  rapport  à  lui.  On  s'efk 
propofé  de  Je  faire  connoître  le 
mieux  ^u'il  a  été  poiïïble  ^  ainii 
fue  tous  ceux  dont  THifloire  éft 
liée  avec  la  fîenn^e  ;  de  donner 
tidàç  (k  tQus  les  Ouvrages^  dlex^ 


!  j 


PREFACE,  ^ 
poîcr  les  grands  ferviccs  qu'il  a 
Tcridtis  aux  Lettres  ,  &  enfin 
d'ei^iquer  fes  fentimens  fur  les 
matières  de  Religion  ;  &  comme 
cm  ii*a  point  ptt^nda  faire  un 
•  Pané^rîque ,  on  n'a  pas  plus  oa- 
bliê  ce' qu'on  pouvoit  lui  repro- 
cher y  que  ce  qqt  ^ëtoit  digne  de 
,jiotre  eftime  ^  de  oott*  admîra- 
ilaa  i  en  quoi  l'on  a  tâché  de 
remplir  le  voeu  d'un  favant  Al- 
lemand ,  qui  dëfiroît  que  Ton 
fît  une  Vie  cxaéie  d'Erafme ,  te 
que  l'on  y  expofât  fidellement 
fes  fautes  âc  fes  vertus  (  i  ). 

(  I  )  ThomzGvi.  Ut  qtùt  «ecuratiil*  vi-i 
tam  Ertfnù  deferiiatt  viriftte  tam  vitia  « 
jfKÀm  virtutet-t  retmfeat, 

litfioriii  Fabric.  BibliotlMcx ,  1. 1,  p«  }»è|i 


APPROBATION. 


J'Ai  lu  par  ordre  de  Monteîgnçvr 
le  Chancelier  un  Manufcrit  q(d 
à  pqurtitre,  P^kf^rafmej  iansf^^, 
quelle   on   trouvera' PHiJioire  de  plu-^ 
jieurs  Hommes  célèbres  avec  lefquels  ïl 
^  été  en  liaifon  i  frc;  A  Paris  ce  !Z^i 
:Août  1746*         CqNdilla,c«/ 

^e Prîvi%e  fe  trouvç  à, la  tête  du  Coiffa 
^  mchtaircfur  PËdif  du  nIoU  d'Jvnl  i^^J* 


3 


VIE 


VIE 

D'ERASME- 


LIVRE  PREMIER, 

Qui  contient  fin  Hiiïoire  depuis  fa  naip 
fancejufquàfon  Voyage  i^ Italie. 

ELÏE  &  Catherine  d'une 
honnête  famille  de  Tergou , 
eurent  dix  enfans  ixiâles  de   W  E/'!/^ 
leur  mariage  (  a  )  ;  l'avant-  ^  *^j    4P* 
dernier  fut  nommé  Gérard.  Il  ne  feroit^     * 
pas  plus  connu  fans -doute  que  fes  frè- 
res,  s'il  n'eût  eu  pour  fils  le  célèbre 
Erafme.  Gérard  fut  auflî  bien  élev'é   ..^   ^^ 
quonpouYOït  l  être  dans  ce  tems-la-;^;^^^^^  z,/,^ 
4lj)rGnta  de  fon  éducation ,  &  devint  manhmm 
^(lez  habile  dans  les  Belles-Lettres  fè).  difcipUna' 
Jl  a  voit  un  caraftçre  porté  à  la  pUi-!l^'*'..?F**' 
fanterie  ;  ce  qui  lui  avoir  procuré  \ç    ^*.  JJ'^^^ 
fur-nom  HoUandois  de  Fraet ,  c'eft-  Foppaos  » 
à-dire  de  facétieux  (c)  :  ce  qu'oo  a-cfè  mbt  Sti^* 


m  V  X  2  « 

devoir  remarquer,  parce  que  fon  fils  luï 
reffembloit  en  cela,&  conierva  jufqu'au 
dernier  moment  cet  efprit  de  gaieté. 
Xa)  Efijl^     Gérard  ayant  feit  connoiflance  (  a^ 

Gochnio.  avec  Marguerite ,  fille  d'un  Médecin 
de  Zevenbeque  appelle  Pierre ,  en 
devint  paflîonnément  amoureux.  On  a 
prétendu  qu'ils  s'étoient  donné  une 
promefle  de  mariage  :  quoi  qu'il  en  foit, 
Gérard  en  eut  d'abord  un  fils,  qu'Eraf^ 
me  appelle  Antoine  dans  fa  Lettre  à 
Lambert  Grunnius  Secrétaire  du  Pape 
Jules  IL 

Comme  il  n*eft  point  parlé  de  ce 
Hls  de  Gérard  dans  l'Abrégé  de  la  Vie 
d'Erafme  fait  par  lui-même ,  ni  dans 
Rhenanusjfon  exiftence  à  peine  eft-ellè 
connue.  Cependant  indépendament  de 
la  Lettre  à  Grunnius  qui  eft  décifive  , 
il  y  a  encore  d'autres  preuves  qu'Eraf- 
me  a  eu  un  frère.  Car  écrivant  au  Char? 
treux  JeanEmfted  au  fujet  de  la  mort  de 
(h)  Eflft*  Froben  (  M  >  il  dit  en  propres  termes  : 

?.  L.  »5.  »  pai  fouffert  (  i  )  avec  confiance  la 
»  mort  de  mon  propre  frère  ;  mais  je 
3>  ne  puis  foutenir  l'idée  de  la  mort  de 
»  Froben.  (  a  )  • 

(  I  )  Frâtris  germsni  mortem  modcratiffîmi 

tuU  :  Frohenii  defiderium  ferre  non  foffUm. 

(z)  UEpitre  lo''.  du  31*.  Livre  prouve 

aufli  ^u*£ralme  a  ^n  un  frère.    Elle  eft 


V. 


f 


b'ERASME.  ^ 

*  Deux  ans  après  la  nailTance  d'An- 
toine, Marguerite  devint  encore  grofle. 
Helie  père  de  Gérard  >  &  fes  frères  qui 
étaient  tous  mariés ,  inquiets  de  ce 
grand  attachement  qu'il  avoit  pour  (k 
Maîtrefle  ,  prirent  la  rcfolution  de  l'o- 
bliger d'embrafler  l'Etat  Eccléfiafti- 
que;  mais  lui  qui  étoittout  occupé  de 
(a  pailion  y  avoit  beaucoup  de  répu- 
gnance pour  un  genre  dévie,  qui  l'au- 
roit  obligé  de  renoncer  à  Telpérance 
d'un  mariage  qui  faifoit  tout  l'objet  de 
(es  defirs.  Se  voyant  perfecuté  par  fa 
femille  ,  il  prit  le  parti  de  s'enfuir,  &c 
il  écrivit  en  chemin  à  fon  père  &  à  les 
frères  une  Lettre,. qu'il  finiflbit  en  affu- 
rant  qu^il  ne  les  verroit  jamais. 

Il  fe  mit  en  chemin  pour  Rome ,  oii 
il  efpëroit  que  fa  belle  écriture  le  met- 
troit  à  portée  de  vivre  à  fon  aife, 
L'Art  de  l'Imprimerie  n'a  voit  été  dé- 
couvert que  depuis  très-peu  de  tems  ; 
&  par  confequent  les  Livres  imprimés 
étoient  encore  rares  &  chers. 

Gérard  étant  arrivé  à  Rome  ^  fe 
trouva  d'abord  dans  de  grandes 
peines ,  ainfi  que  le  font  toujours  les 

adreiTée  Domino  Fetro  germano  fuo  ;  &  elle 
commence  ainfî  :Uane  totumfratrem  exutjll  i 
à  moins  qu'il  ne  s'agifTe  là  d'un  frère  d'ami- 
tié ^u  d'adoption,  Foyfz  aujji  Ef.  z  ^  U  4» 

Aij 


-nouveaux  venus   qui    arrivent  dàtia 
,yne  ville  (ans  argent  &  (ans   Côtï^ 
;noi(rances.  I!  ne  s^occupa  au  com- 
mencement  qu!à  fe  ^i(&per  &  à  ie 
ilivertir.;  mais  réflecbitunt  que  ^ 
genre  .de  vie  l*alloit. bientôt  réduife 
-a  la  plus  grande  mifere ,  il  tranfi:rivk 
Jes  meilleurs  Auteurs,  &  fit^unpetic 
commerce  de  livriss  qui  Uii  procura 
-ibn  néce0aire.Jl  s'appliqua  aufC   Cj^* 
.Tieuicmeiit  à  l'étude  ,  (e^perfediorina 
dans   la    connoi(rance  des  Langues  < 
'  '{a)  Cow^Grecque  &  Latine  fous  GuarinXtf)v  . 
ff**^' ^"'tuon  pas  celui  qui  eft  regardé  commb 
M.  Adam.^jj^^  reftauràtéurs  des/Belles-Leitres 
.  jcn  Italie,  car  ilétoit  ;nort  avant  que 

•  Gérard  y  arrivât ,  mais  appai'emmetit 

;fous  Baptifte  Guarin  fon  fils,  que 
(h)  Kfrtf»4  l'on  fait'  avoir  erifeigAé  ayec.beaucou|> 
illufrata  ^dc fuccès (b ); .Gérard s'appliqua auffi 
fanefcccn^  à  laJurifprudence,  &  yiticgraiids 

f.  15^.  Cependant  Marguerite  qu'iLavoît 

laifféé  groffe  9  fe  voyant  avancée 
;ia;is.fa  grofleflTe^fprit  le  pani d'aller 
f^ire  fes  couches  à  JKoterdam  ,  ca^ 
n*étant  pas  connue  ,.€lle  efpéroit  qu^q^  , 
pe  foupçonneroit  point  le  motif  de  (on 
voyage.  Elle  y  accoucha  la  nuit  dû 
p,j  au  2S  Oâ:obre^j[i)  du  gran^ 
(  I.)  Il  y  a  quelque  apparence  de  contra- 


r 


D*  E  BT  A  S  A  t.  fi 

ficafîne,  donc  nous  ndus  ptopofons 
id'écrire  h  vit. 

Il  n'eft  pas  poffible  de  déterminer 
précifément  l'année  où  il  naquit  (  i  )  : 

dlâion  fur  le  jour  de  la  naiflânce  d'Erafine* 

Dans  un  Abrégé  de  fa  Vie  que  Ton  croit  être 

dé  lui,  il  ailure  qu'il  ed  venu  au  monde  la 

veille  de  S.  Simon  &  S*  Jude  :  cependant 

dans  une  de  Tes  Lettres  *  il  prétend  qu*il  eft 

ne  le  jouir  même  de  la  fête  de  S.  Simon  & 

S^  Jude  ;  &  cette  époque  a  été  (liivie  dans 

llnfcriptioii  de  1^  Statue  de  Roterdam.  Rlie* 

n^nus ,  intime  ami  d'Erafme^  a  Dutenu  que 

l*bn  ne  pou  voit  pas  douter,  qu'il  ne  fût  né  le 

aH  Oâobre  ,  jour  de  la'fcte  des  Apôtres  S. 

Sinon  8c  S'  Jude.  Ces  divers  fentimens  peu* 

vent  être  aifément  conciliés  >  en  fuppofant 

qu*Erafme  eft  né  la  nuit  du  17  au  zS  Odo- 

bre#  Ceft  le  parti  qu'ont  pris  Melchior  Adam 

ttBarthelemî  Calchreater,  dans  l'Eloge  qu'il 

ptononçH  l  an  if  57 ,  dïns  lequel  îl  ajoute  que 

c'écoit  quatre  hearei  avant  Uleyerdu  Soleil. 

(  I  )  Il  y  a  une  étonnante  diverÏÏté   de 

fentimens  dans  tous    ceux  qui  ont  voulu 

fixer  Tannée  dç  la  naifTance  d'Krâfme.  ** 

Paul  Volzius  p  ^  après  lut  BjchoUere  9 

Boyard  «    Vonderhart  & -Mercier  aflaren( 

qu'il  efi  né  Tan  I45<.  Chitreus  ^utientqu» 

ù,  nai^ance  doit  être  affignée  à  Tan  1^66  ; 

&  ce  lêntiment  pourroit  être  autorifé  par 

rcpitaphe  de  Bafle^  où  Ton  lit  qu'à  (k  mort 

*  Epift.  6fo.  Ep/y?.  é.  L.  ij." 

**  Volzitu,  Eptft.ad  RhénûAUm.  Biiciiolze- 
le,  dans  Sechendorf ,  H(/?.  Luther ah^  L.  i, 
SX\.f,  lAà.  Chkrci  SêX9nia  ,  L.  14.  p.  3 7  J • 

A  iij 


«  V   I  B 

ce  que  Ton  fait  certainement,  c*cll' 
qu'il  vint  au  monde  vers  Pan  1^6 ^.^ 
lorfquePaul   II.    dtoit   aflîs  fur    le 
Siège  de  Saint  Pierre,  que  Frideric 

arrivée  le  ii  Juillet  if  j^  ,  îi  étoit  fèptuage- 
naîre.  Melchior  Adam  prétend  qu'il  efl  né  en 
1467  ,  &  ^nfuite  faute  de  réflexion  il  le  fait 
mourir  dans  le  mois  de  Juillet  if  36  ,  igé 
de  70  ans>  huit  mois  &  quinze  jours;  ce  qui 
fuppoferoit  qu'il  eft  né  en  14^5.  Barthelemi 
Calchreuter ,  Jean  Herold  «  dans  les  éloges, 
qu'ils  en  ont  faits  quelque  cems  après  (à 
mort ,  Suvertius ,  Valere  André ,  Revius  9 
croient  qu'il  eft  né  en  i4<7  ;  &  cette  épo- 
que a  été  adoptée  par  les  Magiftrats  de  Rot- 
terdam, dans  rinfcription  de  la  Statue  qu'ils 
ont  fait  ériger  en  l'honneur  d'Erafine  ;  ce  qui 
a  déterminé  M.  Joli  &  Baile  ^  a  donner  la 
préférence  à  cette  opinion ,  étûnt  à  croire  y 
difent-ih^  qu\on  a  mieux  fçu  le  texns  de  Ja 
naijfance  à  Roterdam  qui  étoh  fa  Patriem 
Mais  cette  railbn  eft  certainement  peu  fo- 
lide,  puifqu'il  eft  confiant  que  les  au- 
teurs de  cette  Infcription  n'ont  eu  pour  guide 
que  la  conjeâure  qui  leur  a  paru  la  plujS 
vrai-(êmhlable.  Sechendorf '**  qui  aflurc  que 
quelques-uns  font  naître Erafme  en  i464,fou.- 
tient  dans  un  endroit  qu'il  eft  né  en  1465  >  & 
dans  un  autre  il  affigne  (â  naiftànce  en  1 4<! 8  ; 
crifin  Sandeus  *** ,  Poflevîn  &  quelques  aur- 
ties  Savans  foutiennent  qu'il  eft  né  en  I4é5« 
De  toutes  ces  contradidion»  il  réfulte  que 
Yznnée  de  la  naiflknce  d'Erafme  eft  incer- 

*  V.  Baile,Diâionn.  Voyage  de  Joii,p.  144» 
"^^HiJl.Lut.L.i.f.  140./.  I.  L.3.  f,  I57.» 
^'^''SandeHs  ^  dan^  Çr.enitts^  Anifnad.  parti||^ 


D*  E  R  A  s  M  «.  ^ 

IIÎ.  gouvernoit    l'Empire    d'Alle- 
magne ,  &    que  la  Hollande  avoit 
pour  Prince  Philippe  le  Bon  -^  Duc 
ae  Bourgogne,  {a)  qui  par  fa  mort     (a)  Pon- 
arrivée  à  Bruges  le  13.  Juillet  I457.  *"«  Heutc- 
laiffa  pour  Héritier  de  tous  fes  Etats  ^"*^   ^•** 
fon  fils  Charles  le  Téméraire.  ''  *^* 

Lés  Habitans  de  la  Ville  de  Tergou 
ont  fait  plufieurs  tentatives,pour  tâcher 
de  perfuader  qu'Erafme  étoit  un  de 

taine  ;  mais  ce  qui  le  démontre  encore  da- 
vantage ,  c*eft  que  lui  même  n'a  jamais  (^u  ' 
quelle  année  il  étoit  venu  au  monde.  Quel* 
quefois  il  croyoit  être  né  en  146 f.  (  Voyez 
Ep//7,  107.  ou  Efift.  4.  L.  \6.  EfijK'  loo. 
Efifi.  is.  L.  I.  Efiji.  67t.  Efifl.  ^45. 
Efifl.  153.  Efèft,  4.  Append.  Eptfl.  %9.  L. 
i^.  Apologie  contre  Faber»  )  D*autres  fois  it 
fuppofe  qu'il  eft  né  en  I4^7i  (Epiji.  51. 
Epijl.  19.  L.  2.Ef//î.  Çi.  Epiji.iy  L.  %. 
Epift,^os,  Epifl,  3i.L.f.  ^  Il  paroît  claire- 
ment par  fa  Lettre  du  i  ^  Odobre  t  j  rp  , 
qu'il  n*avoit  point  d'opinion  fixe  fiir  l'année 
de  (â  naiflànce,  puifquM  s'explique  ainfit 
w  J'ai  prclentement  cinquante  -  deux  ans  , 
»  ou  tout  au  plus  cinquante- trois.  (  Epifi^ 
j^66,  Epijl.  19.  L.  10.)  Ceft  ce  qui  a  fait 
dire  à  Rhenanus ,  que  l'on  ne  fîjvoit  pas  niêma 
en  Hollande  l'année  de  la  naiilànce  d'£ra(^ 
me ,  &  qu'il  Tignoroit  lui-même  :  Nam  d$ 
Anno  quo  natus  eji ,  apuà  Batavos  non  confiât» 
Il  n'y  avoit  point  dans  ce  tems-là  de  Re- 
gîftres  exaâs  des  Baptêmes  ;  d'ailleurs  quand 
on  fitbaptifêr  Erafme,  on  ne  cherchoit  qu'à 
il^ïiQ  au  Public  un  myftcre  de  fa  naiâiince» 

Aiii^ 


»  Viir 

lèurs^eoncîtoyens.  RenerSnoius ,  Me* 
(a)  Fop-  decin  &  Bourguemeftre  deTergou  (a)j 
pens ,  Bih.  qui  a  voit  été  ami  d'Erafme  ,  a  foutenu. 
Belffc^      qu'il  etoit  né  dans  cette  Ville ,   &  qu'il 
ïv'avoit  été  envoyé  à  Roterdam  que 
quelques  jours  après  fa  naiflance.  Mais 
cette  prétention^étam  deftituée  de  tout 
^  fondement ,  les  Bourguemefbres  &  les 

Confeillers  deTergou  y  cmt renoncé  c 
(ê)  Bailc  »  ^^  ^  ^^^  Lettre  d'eux  (b)  ,  par  laquelle 
iàït.  Roter-  ils  fe  contentent  d'aflurer qu'Erafme  a  été 
dam ,  note  conçu  chez  eux^;  mais  ils  conviennent 
*^  que  fa  mère  étant  prête  d'accoucher,fac 

envoyée  à  Roterdam.  On  montre  en- 
core, fuivant  le  témoignage  dé  Baile  , 
dans  la  Bibliotfieque  deTergou,  une 
tête  d'Erafme ,  qui  peut  pafler  pour  un 
monument  public  dès  renonciations  de 
cette  Ville  à  la  gloire  d'avoir  donné 
naiflance  à  Erafme  :  car  l'infcription 
qui  eft  autour  de  cette  tête  ,  témoigne 
qu'il  a  été  conçu  à  Tergou,  &  qu  il  eft 
né  à  Roterdam.  La  conteftation  fur  le 
lieu  de  la  naiflance  d'Etafme  a  encore 
été  renouvellée  depuis  par  M.  Alme- 
ff)  Amanh  novQ&n  (c  )  ;  ila  prétendu  que  c'étoit 
iûta  TheoL  ^Y\e  tradition  à  Tergou  ,  qu'EraGne 
tkfUf.  3^*avoit  écrit  une  Lettre  à  Herman  ,  dans 
laquelle  il  fe  difoit  dé  Tergou,  &  paroil* 
foit  fâché  de  n^avoir  pas  pris  le  nom  dé 
Gouianus  ,  au  lieu  de  celui  de  Rotera^ 
damus  ^  &  que  cette  Leur  e  avoit  éié-^t 


levée  par  quelque  jaloux  de  la  gloire  oe 
lergôQ*  Mais  outre  que  Ton  peut  dou« 
ter  de  raurenticité  de  dette  Lettre ,  fur 
laquelle  M.  Almenbveen  même  ne  lai* 
foit  pas  grand  fond .  Erafme  en  Técrir 
vànt  auroit  pu  vouloir  foire  entendre 
feulement  qu  iî-étoitorigihaite  de  Ter- 
gbu ,  parce  que  fon  père  en  ctoit. 

^  Quoi  quM  en  foit  de  cette  prétendue 
Lettre  >  M.  Almènoveen  s'eft  retourné 
Cjicore  à\n  autre  côté  en  faveur  de 
.Tèrgôu  :  il  à  foutëhù  qu'îfrafme  devoit 
être  regardé  comme  Citoyen  de  cette 
.Ville  ,  parce  que  fa  famille  en  étoit . 
&quefuivantlesLoix,  le  lieu  oh  les 
enfons  naiffent  par  hazard ,  n'écoit  point 
cênfé  leur  Patrie  ;  &  il  rapporte  une 
Lettre  de  Bernard  CofterÇ/),  qui   (à) Amm^ 
s^efForce  de  prouver  cette  théTe.  Mais  »//.  f.  44t 
le  nom  de  Koterodarnus  qu'£fa(më  a 
toujours  pris ,  la  tradition  de  Rotçrdam 
&  l'opinion  publique  ont  confi'rmé  à 
cette  Ville  l'honneur  d'avoïr  Erafme 
pour  Citoyen*  Les  Magiftrats  de  Ro- 
terdam  dans  la  luite  des.  tems  ont  or- 
donné que  la?;ihaifon  où  Ton  croyoit 
qu'Erafme  étoit  né,  ferditdépréepar 
une  Infcription,  qui  apprendroit  î  tous 
les  Habitans^  &  à  tous  les  Voyageurs 
lÊetteglorieufe  prérogative.On  voit  en- 
$éic  dans  cette  Ville  une  miifoh  fort  pe* 


tke,  fur  la  face  de  laquelle  on  lit  un  Verf 
(a)  Chhrei  Latin  (a)  qui  fignifie  :  Oejl  ici  la  petite 
S2MoniM ,  L.  demeure  où  naquit  le  Grand  Erafme  (  i  ). 
M/Xdam'.      ^^  ^^^^  n'eut  pas  plutôt  été  rétablie 
Bullart.    de  fes  couches ,  quelle  revint  à  Tergou 
vMercicr.   avec  le  petit  Erafme.    Catherine   ^ 
mère  de  Gérard  ^  fe  chargea  d*élever 
cet  enfant.  Cependant  la  famille  dcr 
Gérard  ayant  fait  des  recherches  pour 
favoir  ce  qu'il  étoit  devenu  ,  on  apprit 
Qu^il  étoit  à  Rome.  Ses   frères   lui 
écrivirent  que  fa  maîtrefle  étoit  morte: 
il  n'en  douta  point  ;  &  il  fut  pénétré 
de  la  plus  grande  douleur.  Il  pri^t  dès* 
lors   la    réfolution  de    renoncer    au 
monde:  il  embraffa  l'état  Eccléfiaftique> 
&  il  fut  ordonné  Prêtre.  Il  fe  propofa 
enfuite  de  retourner    dans  fa  patrie* 
Il  fut  extrêmement  furpris  en  rentrant 
dans  Tergou  de  retrouver  Marguerite 
qu'il  avoit  crue  morte.  La  vue  d'un 
objet  fi  cher  qui  occupoit  encore  foii 
cœur  5  ne  dérangea  en  aucune  façon 
les  engagemens  qu'il  venoit  de  prendre 
aux  pieds  des  Autels  3  il  vécut  avec 
elle  dans  la  plus  grande   régularité. 
Il  crut  ne  pouvoir  mieu?c  réparer  les 
fautes  de  fa  jeuneffe  ,  qu'en  donnant 
au  fruit  de  fes   amours  la  meilleure 
éducation  qui  lui  fût  poffible.  Mar-- 

(  I  )  H^c  cfi  parvê  domur  ,  Magnns  qui 
natus  ErafmtêSw 


l^èmé  pafla  auiii   le    refte  de   fe$ 
jours  uniquement  occupée  de  fon  fils. 
'    Il  fut  d'abord  appelle  Gérard  fils 
de  Gérard (ir)  i  &  comme  ce  nom   (4) M. A** 
en  HoUandois  a  quelque  rapport  avec  dam. 
le  terme  Latin  I?tf/îifcriire(fe),Erafme   ,^n  ^p{n 
dans   la  fuite   fe   noo&ma  lui  même     BMdii  * 
Defidcrius  ,  c'eft-à-dire  Didier  ,  &  il   514.  ^i» 
prit    pour   furnom  Erafme  ,  qui  en    Cliriçi% 
Grec  fîgnifie  à  peu  près  la  même  chofe 
que  le  root  Latin  Dzfiitrius.  Il  fut 
fiché  fui:  la  fin  de  (a  vie  de  ne  s'êcie 
point  fait  '  appeller  Krafmm  ,  qui  a 
plus  l'analogie  Grecque  i\\x[Erafmus  i 
£c  qui  défigne  quelqu'un  qui  chercha 
ik  ie  faire  aimer  (  i  )•  Cette  naiiTance 
attira  à  Erafme  fur  la  fin  de  fa  vie 
des  outrages  aufli  violens  qu'injuiles« 
Hortenfio  Lando ,  connu  fouaie  nom 
de  Philaletties ,  a  éérit  qu'il.  é(oit  ni 
d'un   commerce  .facrilçge  :(  c)  ;  &  (0 Excon^ 
M.  de  la  Monnoye.a  crûi  d  )  que  ^^»^ff 
c^étoit  le  jprcmier  qui  eut  fait  ce  re^   ccncubt^ 
proche  à  Érafme  :  mais  il  efl  conilan»  ^^^  g^^j^ 
que  Henri  Eppcndorfôc  Jules  Scaliger  note  r, 
le  lui  avoient  fait  avant  Lando*  £p« 
pendorf  »  daos    fon   libelle  contre 

v 

f\  {  i)  Ubiqu'ecerti  É^Àrfiios^  hoceftama"  '  .^ 

btlit  ,  qu9d  ille  nemen  à  fe  i^Ubat  non 
afurfatum^  fàm  jrimum  fcribere  cœ^ijfa  ^  & 
edins  Ubellii  innçujctru  Rhenani ,  Epiftt 
C2rol.V,  '        Avj 


1 

^1  ?  I  r  .\ 

Erasme  ,  infinuc'  qu'il  ^toît .  fils  d'il» 
Prêtre  &  d'une  Femme  de  mauvaifc^  ^ 
vie.  Scaliger ,  dans  cetre  lettre  remplie 
ç^j-£^,xd-e  fureur  à  Arnold  Fénfon,^tf  )  ne 
>j^  craint  pas  d'avancer  qu*il  a  appris  de* 

Compatriotes  d'Erafme  ,  quhl  étotc 
né  du  commerce  inceftueux  à^uit 
Prêtre  &  d'une  preftituée  ;  que  foa 
père  après  ayoi^  été  repris  plufieury 
fois  par  Ton  Évêque-,  nren  devenant 
que  plus  hardi  à  x^mmetcre  de  nou** 
veaux  crimes,  a  voit  été  enfin  banni 
ik  Ton'  pays«>  Paol^  Jove  &  '  Pontus 
Heuterus  l'ont  appelle  fils  de  Prêtre* 
Patin' &  Théophile  R»inaud.fe  icM 
imaginés  £aire  une  trè^- bonne  ^plai-« 
fenterie  ,  lorlqu'its  ont  dit  qu'il  éroiv 
£ls  d'une  tête  couronnée,  iuppo!anl^ 

Sue  fon  père  étok  Curé  de  Tergou*^ 
teflevin  ,  Se*'  après^  lui^:  Dom    Uierre 
dé  Saint  Romuald",  ^»t  ajouté  que 
ce  Curé   l'a-voit^eu*  de  -  fa .  Servante* 
Quand  ces  faits  feroietK  aafii~  vrait 
qu'ils  font- démontrés  faux  ,  en  quoi 
la   gloire  d'£ra(me  en  devroit^velle 
fouffirirfXe  Icfoit   le  crime  de  fon 
pere'^  &  non  pas  le  fien-,  comme  lef 
j^-^j^j^ remarque. très- bien  un  ennemi  même 
fiiîi    c  i  A-  à*Êi'aîme(t  )  ,. après  av^oir  fait  cette 
pologe    jodicieuie* réflexion  ,  qu'on  ne. doit 
iTtrafrae;    pîis^ir«  qu^Krafmeeft  fited'un  Prêtre  ^ 
pip^       puif-iu'il  :eff  né  aviuit  q]ae  ftfn  gerd 


iSt  ciribr^ffé'l'état  Eccléfiaftiqueî 

A  peine  Erafkie  ito*t  entré  dan» 
fi  cinquième  année  ,^qu'il  tut  envoyé    (m)  C9mf^>^ 
i  l'Ecole  chez  Pierre  Winkel  ,  qui  vi##. 
depuis  fut  un  de  fes  Tuteurs  ',  &  qat 

Î)ur  lors  tenoit  un  petit  Collège  k 
ergou.  La  tradition  de  Hollande  eft 
^lErafmtt  eut  au  commencement  de 
s  étudei  refpric  (i  bouché  &  û 
tardif,  qu'il  faHot  employer  bien  de» 
années  i  lui  apprendre  quelque  chofe» 
Bailequi  nous  iaiTure  f  die  en  même  ' 
i«ns  qu'ori  fe  fert  de  cei?^  exemple  ca 
Hollande,pour confoler  les-jwres &  me* 
Rsdonries  eiifans  ne  font  nul^togrès;  -^ 
i^  prétend  enîuite  que  cette  tradition 
t&  faufle  r  néanmoins  elle  efl  fondée 
fur  l'abrégé  de  l^vied'Eralmequ'oil 
»oit  afvoif  été  fait  par  lui  même  » 
&  qui  par  cenféoucnt  dbic  être  d'uM 
autorite  inconteftablèa 

On  y  lit  (  I  )qu  il  ne  fk  pa^  d'abord  '' 
^  grands  progrès  ,  n'étant  pas  né 

G  or  ces  éto4es  défagréables  qu'on 
Ëiifoit  faire  f  ce  qui  a  donné  oc« 
cafton  à  Baile^de  faire  cette  demande  : 
Quelles  études  défagréables  &  pour 
i^quelleS'il  n'étoit  point  né,  pouvoir- 
^n  lui  iaire  faire  k  Tâge  de  cinq,  ou 

^  (i)  Ac  frtmis  annù  minimiim  froficiehOê 


\ 


1IÎ  Vi  «     /' 

fix  ans  f  N'étoit-îl  point  tié  poôï 

apprendre  à  lire  ,  à  écrire ,  à  décimée 

< .  &  à  conjuguer  ? 

Cependant  comme  il  doit  y  avoir 

•    ^        un   fond  de  vérité  dans  qette  di£* 

ficulté  d'apprendre  les  premiers  éle- 

mens  ,    dont  Eralme  lui-même   eft 

convenu ,  Baile  ajoute  ,  qu'il  eft  ap*^ 

paremment  queftion  de  la  mufique  oiâ 

de    quelque    exercice    d'Enfant   de 

^    Chœur  :  car  il  fut  deftiné  pour  cet 

»l^^  ^r*^*  emploi  (  il  )  ;  &  à  peine  favoit-il  lire^ 
Rhen.  C^r.q^,.j  ^^  ^j^  ^^  ^^^^^    d'Enfaot  d« 

Chœur  dans  la  Cathédrale  d^Utrecht 

(h)  comp.  (j)^ç^^  il  refta  jufqu'i  Tâgc  de  neuf:ans* 

'^''**         Il  fut  enfuite  envoyé  au  Collège  dis 

Deventer ,  où  fa  mère  le  fuivit  pouf 

avoir  foin  de  fa  famé. 

L'Ecole  de  Deventer  étoit  pour 

lors  la  plus  floriflante  qu'il  y  eût  dans 

W  ^.^-  les  Pays-Bas  (  c  )  :  il  y  avoit  plus  d'ua 

^J'V^JVl^fiécle  qu'elle  étoit  célèbre  &  quon 

cle ,  1. 1 .  p,  y  venoit  de  toutes  parts,lorfqu'Erafmi 

.«7X»  naquit.  Elle  fe  relfentoit  encore  d« 

cette  barbarie  qui  dominoit  depuis  fi 

iong-tems  dans  l'Europe,  &   dont 

la  feule  Italie  étoit  délivrée.  On  n'y 

4ifoit(i)  que  desl  Auteurs  dont  les 

(  I  )  Pater  meut  Ebrardus  ,  Joanner  it 
Carlandid»  Voyez  fur  ces  Auteurs  &  fur  les 
autres  qu'on  liiettojr  dans  ce  tems-là  entre  les 
mains  des  jeunes  geiis ,  la  fa  vante  Ptêfaçc  dn 


i>'  E  iTa  s  M I.  if 

•oms  font  à  peine  connus  ,  &  donc 
les  Ouvrages  ne  font  lâs  préfcntement 

2ue  par    quelques  Savans  ,  curieux 
'admirer  les  progrès  que  la  littérature 
a  faits  depuis  ce  tems-U. 

Heureufement  depuis  quelques  an- 
nées TEcole  de  Deventer  avoir  reçu 
ouelquc  influence  de  cette  abondance 
de   luiniere    qui  ëclairoit  pour  lors 
l'Italie  (a).  Ce  Collège  étoit  gou-  (a)  EplJ^ 
vemé  par  des  Eccléfiaftiques  ,  qui  fans  Rh€nani%  ^ 
faire  de  vœux  vivorent  en  commun. 
Il  y  en  avoit  parmi  eux  (b)  un  que  Ton 
notnmoit  Jean  Sintheim  (i)  ,  fort/^)  RemiJ 
habile  pour  ce  tems- là ,  &  qui  s'étoit  hi/?.  Da-^ 
acquis  une  grande  réputation  en  Al-  'vent.  L.  %i 
lemagne  par  quelques  Ouvrages   deP*^*^« 
Grammaire  qu'il  avoit  faits.  Il  fut  un 
des  maîtres  d'Erafme  -,  &  il  fut-fî 
content  des  progrès  que  faifoit  cec 
enfant ,  qu'un  jour  W  Tembrafla ,  en 
lui  difant  :  Continuez  (  2  )!;  vous  fereï 
quelque  jour  le  plus  favant  homme 
de  votre  fiécle* 

Mais  ce  qui  faifoit  furtout  valoir 

Glof&iie  Latin  de  M«  du  Cange  ^  n,  44.  & 
fuiv.&  fa  Diflertation  qui  eft  à  la  tête  du  thré* 
fer  de  Robert  Eftienne ,  édit.  de  Londres, 
laquelle  a  été  imprimée  â  Lip/îc  en  174^  > 
avec  le  mvus  Thefaurut  de  Mathias  Gefner. 
(  I  )  Melchior  Adam  le  nommé  Zinthius* 
•   (  1  )  Mif€h  ifigenU ,  Erufme  :  tu  ad/um-^. 


*g  ..Vit 

l*Eco!e  de  Deventer ,  c'eto'it  le  mérité 

d;Alexandre  deWeftphialiefurhortû»é 

Hegius  du  lieu  de  ia  naiflance  ,  qui 

Xa)  M.  A.  en  tut  Principal  (  a  )  pendant  trente 

ïam.  ans  (  I  )  avec  ta  pkis  grande  célébfiré  j 

(if  chhfii de fone que ,  ccmime dit Chitrcus {^by^ 

Uxonia^  L  ^e  Colî^g-e"  étoit  le  .Séminare  d^s 

i.  f  •  »o.  Belles- Lettres  &  desLangutsfavames. 

Hermannus   Bufch'ius    qui  ayoït   ea 

l'avantage  d'avoir  été  élevé   j^r  un 

fi  grand  maître  ,  &  dont  l'éloge  fe 

trouve  dans  les  Ouvrages  d'Erafme% 

a  parlé  d'Hegius  comme  de  celui  (  a  ) 

it  qui  la  Wcftphalie  avpit  TobU^ation 

du     rétablilïement  ies  .Icifences.    Il 

fayoit  très- bien    les   Belles  -  Lettres 

Grecques  &-  Latines.  On  a  quelques-^ 

uns    de  Tes  Ouvrages  (3  )  qui  oôf 

(  I  )  Foppens  afuré  qù'H  le  fiit  tT€ht€'Et 
ttfs.  MiH.  tielgicM. 

(  X  )  Voici  TEpii^  é'Àtoxanrire  Hegllit 
par  Herniinnus. 

WitnClus  Atéxander  tumuîo  jacet  hegius  ifior 
Tu  cave  ne  plantu  lafafit  umbra  tuis^- 

JHàc  duce  IVe/lfalos  intravit  Grœiu  mittos  1 
Et  Monaftriacas  FegafUs  auxit  aquas. 

yi'BUrchafd,  p,  171  df  p.  747.' 

^  (  3  )  DeJcteHiid  &  eo  quâdfeuur ,  cjiinré 
AtAâtmicês  :  de  irihuf  anima  gi*ieribatf:  df 
f-hyfiià  :  H*3«<9t  îfùrn/iectn  .  de  Rhetorf^ 
€Mii,e  A  fe  o*  intma  :  de  ttstali  cttrvai^ 
rtifi(fjhi  iJsr/iiinM  2  de  u^ilisate'  Graça  ii»s 


ftî^  imprimés  ,  ou  malgré  lui  ,  oui 
fon  inlçu  r  dont  Erafme  a  porté  le 
/u^ement  le  plus  fevorable  :  il  aflure 
(a) qu'ils  font  de  nature  à  être  im- (*)  Ciceré^ 
mortels    ,    &  que  c'eft  ainfi   qu'en "'*^'^''  P* 
jogent  tous  les  Savans*  Il  a  auflî  pré-  ^j,!^* 
tendu  (  fc  )   que  les  Vers  d'Hegiuschiliadeu 
étoient  fi  excelleas,  qu'on  auroit  pu  Centurie  i» 
les  croire  des'  meilleurs  fiedes  de  la  Prov.  jp. 
latinité.  Hegius  choififlbit  les  jours  de    W  ^fifi* 
Fêtes  (  c)  pour  examiner  les  progrès  V,]\^f^ 
des  Ecoliers  de  foo  Collège  »  &  pour  ^iV^. . 
les  inftruire  lui-même* 

Il  avoit  eu  pour  maître  Rodolphe         .  » 
Agricola  9  fi  célébré  par  Erafme  & 
par  toupies  Savansde  fonfiecle* 

Agricola'  étoit  né  i  Buttlen(i)  (^M.  A? 
Village  ideux  lieues  de  Groning^e^^"** 
en  Frife  >  vers  Tan  I442t  II  avoit 
commencé  fes_  premières  études  à 
Lôuvain  ,  d'où  il  avoit  été  à  ^  Paris 
pour  fe  perfedionner  ;  mais  peu 
content  de  la  manière  d'étudier  de 
ces  Ecoles  plus  célèbres  qu'éclairées, 
il  réfolut  d'aller  à  la  fource  des  Belles- 
Lettres.  Il  voyagea  en  Italie  ,  où  il 
fit  de  fi  grands  progrès  dan^  la  Langu« 
Grecque  Scdans  la  Langue  Latine- # 

g«^.  Foppcns ,  J5/S.  Bilgtca.  Erafme  cite 
quelque  chofe  d'Hegius  dans  le  9e  cMpitrb 
dd  Traité  du  mépris ^Ju  Monde    Voyez  Rfmï^ 


rS     ,  V  I  * 

que  les  Italiens  mêmes  furent  forces  dé 
l'admirer.  Il  ne  craignit  pas  de  parler 
en  public  à  Ferrare,  où  il  fut  applaudi 
des  Savans  d'Italie  malgré  leur  humeur 
dédaigneufe.Ils  leftimerent aflfez  pour 
en  être  jaloux  j  &  ce  ne  fut  qu^avec 
le  plus  grand  chagrin  qu'ils  le  virent 
abandonner  l'Italie  pour  retourner 
dans  la  patrie ,  dans  la  réfolution  d*en 
'  chaiTer  la  barbarie. 

Agricola  venoit  de  tems-en-tems 
rendre  vifite  à   Hegius  ,    pour  être 
témoin  par  lui-même  des  luccès  de 
r«yi.  A-  l'Ecole  de  Deventer.  (  ^  )  Un  jour 
dm,  p. II.  qu'il  entra  dans  la  Claffe  tandis  qu'He- 
gius  donnoit  des  leçons  ,  •  il   voulut 
voir  les  ouvrages  des   Ecoliers.  H 
examina  celui  d'Erafmequi  pour  lors 
avoit  douze  ans  ;  c'étoit  apparemment 
quelque  amplification  :  il  fut  furpris 
de  -l'invention  ,  du  ftyle  &  des  fleurs 
dont  étoit  orné  le  difcours  du  jeune 
Orateur.  Il  en   eut  un  tel  plaifir  , 
X^)chùrei^^'^y^^^  appelle  Erafme  (b)  y  M  lui 
Saxonta  ,  fit  les  plus  grandes  carefles.  On  aflfure 
i.M^''3ï' qu'après  avoir  examiné  fa  phifionomie, 
il  lui  prédit  que  s'il  continuoit  ,  il 
feroit  quelque  jour  un  grand  homme. 
La  mémoire  d'Agricola  fut  toujours 
précieufe    à  Erafme;   il  n'a  manqué 
aucune  occafion  de  célébrer  la  gloire 
fde  ce  favant  homme;  \\  en  parle  aiq^ 


r 

'1  9an 


©^Erasme.  ip 

3ans  fes  Adages  (  ^  )  ^  »  Je  me  reflfou-  (c)  Chîf îa^ 

!m  viens  à  cette  occafion  de  Rodolphe  àt  i.  Ccih 
»  Agric^l ,  que  je  nomme  pour  ho-  J}*"®  '•    , 
^.norer  FAUemagne  &  lltalie  ;   la^'^^'  i*' 
»  preipiere  lui  a  donné  la  naiflance  , 
9la  féconde  la  connoififance  des  Belles* 
»  Lettresron  n'a  jamais  rien  vu  paroître 
»  de  fi  doéle  en  deçà  des  Alpes.  Il  n'y 
n  avoit  point  de  fcience ,  ou  il  ne  pût 
»  aller  de  pair  avec  ceux  qui  s'y  oif- 
«tinguoient  le  plus  ;  très -excellent 
»  Grec  avec  les  Grecs,  parfiut  Latin 
»  avec  les  Latins  ,  fi  baoile  en  vers 
»  qu'on  l'auroit  pris  pour  un  autre 

•  Virgile.  Il  y  avoit  dans  fa  profe 

•  toutes  les  grâces  de  Politien  ,  & 
m  beaucoup  plus  de  dignité.  Il  parloit 
m  fur  le  champ  fi  purement ,  qu  on  eût 
»  crû  que  c'étoit  un  Citoyen  Romain. 
»Son  érudition  égaloit  fon  éloquence. 
»  Il  avoit  pénétré  tous  les  myfteres  de 
»  la  Philofophie.ilfavoit  parfaitement 
V  toutes  les  parties  de  la  Mufique. 

»  Sur  la  fin  de  fa  vie  il  donna  toute  ' 

»  foB  application  à  l'étude  de  l'Hébreu 
*>  &  de  l'Ecriture  Sainte  ;  &  tandis 
»  qu'il  n'étoit  occupé  que  de  ces  objets , 
»la  njort  nous  l'a  enlevé  lorfqu'il 
»  n'avoit  pas  encore  quarante  ans.  » 
Dans  fon  Ci'ceronien ,  Erafme  décide 
qu'Agricola  avoit  un  jugement  divin, 
Upilyle  folide,  nerveux,  travaillé^ 


atïez  femblabîe  à  ceux  de  XJuîntilîeH 
&  d'Ifocrate ,  à  cela  près  qu'il  ctoic 
beaucoup  plus  clair  que  ktoremier. 
t*  Il  croy oit  que  fi  Agricola  rait  voulu.» 

iïaùroitpû  êtreauffi  parfait  qiije  Ci- 
ceron,  quoiqu'il  eût  contre,  lui  fbn 
pays ,  le  malheur  des  tems  &c  les  mosurs 
peu  frugales  de  Ta  nation."»  Enfin  » 
»  continue- t'il ,  il  auront  ete^le  prenaier 
:»  homme  de  fpn  fîecle ,  s'il  n'eût  paf 
«j)réferé  T Allemagne  à  l^Jtalie*  «\Eç 
lorfqu  il    parle  de'  fes  Ouvrages  ct% 

Sarticulier  (  i  )  ,  il  ne  craint  pas  de 
ire  qu'ils  paroiffent  avoir  quelque 
chofe  de  divin. 

-     Vives  ne  penfoit  pas  moins  avan-î 

tageufement  d' Agricola»»  A  peine,' 

W  Aât*^  dit*il,  (  a  )  de  notre  tems  &  du  tena? 

î*  uAugufi.  i»  de  nos  pères  y  a-tlîeu  un  Aùtcuîrauffi 

de  civit.  ,1  digne  d'être  lu  &  reluque  Rodolphe 

TA^*'/**V»  Agricola  de  Frife ,  tant  il  v  a  de 

^nimad.     »  gf^ie,  dart ,  de  jugement ,  de  di- 

fart.  4/;.  »  gnitiîy  de  douceur  ,  d'éloquence.  & 

if  4o,  »  d  truditiofi  dans  fes  Ouvrages.^  Mais 

ce  qui  eft  encore  plus  flatteur  pour 

Agricola ,  c*eft  que  les  Italiens  ^jui 

(  I  )  Edita  qui^tm  ah  tffo  ftanè  divini" 
$atem  qnandam  bominês  fra/efirum»  Adages, 
ibidem 
,^  Nihil  ah  ilh  viro  frofiéifcitur  ^  quodnôn 

Hviniiatém  quamdamffiret.  Epift,46  L.  ip» 
Voyez  auflS  dans  YEicîefiafle  le  jugeiheDl 


r 


^  bflt  le  mieux  écrit ,  ceux  mêmes  qiil 
•étoicm  les  plus  jaloux  de  la  gloire  de 
ritalié ,  &  qui  étoiem  les  meilleurs 
Jugés  dû  ftyle  ,  ont  penfé  d'Agricola 
comme. Eralme  &  Vives  en  penfoient. 
Le  CardinalBembe  (Il  )  a  déclaré', 
'que  de  to^s  Içs  Ecrivains  de  {pn  tems 
t'étoit  celui  dont  il  iapprouvoit  le  pfiis 
les  Ouvrages  ;  &  l'Illuftre  Vénitien 
'Hermolaiis  Barbarus   lui  a  fait  VE*. 
pitaphe  la  plusliondrable(  2  ). 
'     Agricola  a  laiiîé  des  témoignages 
^eFèftime  quilavoit  pour  Alexandre 
'Hegïus  Ton  digne  Difciple.'  Il  lui 
'^crivoit  (  a}  que  f(?s  Lettres  lui  fai-  ^^^  ©p^ 
foient  unvraiplaifir  ,  parce  qu'elles  cules  â*Jigi 
-lut  apprenoicnt  qu'il  fe  perfedlionnoit  gricoU*  ; 
^ous  les  jours  ;  qu'il  ne  doute  point 

(  I  )  Illius ,  veito  fçrifu  m^lfimi  omnium  , 
qui.tttâte  nôftrâ  vixerum  ,  jnihi^mitm  f ror 
'2iffi/jir.  Epift.  L«  é*  p.  éSi.  ' 

Voyez  dans  Papcblo^unt ,  p.  47^.  les  jtt-; 
f  emetis  dès  Savahs  fur  Agricola. 

(i)  Jnvida  ciaufcriênt  hfç   marmre  Fat4 
Rodolfhum 
A^ricêlfim  ,  Fri^i  fpemgue  ^c^fgug  folU 
Sciilcet  hêc  ^ivo  meruû  Germankriauih , 
Qfticquiàhâbtt  Lmium  ,  Gracia  cjuiiqmà 

habit. 
Cette  Epitaphc  cft  dans  Erafme  ,  daju 
^çiflardi^d^4s.F9P^P?ï|»>  ' 


Kï  Vis 

que  ce  ne  foit  à  fes  foins  ,  à  fes  tràï 
vaux  ,  &  à  la  bonne  éducation  qu'il 
donne  aux  jeunes  gens  ,  que  l'Al- 
lemagne aura  ^obligation  du  progrès 
dansTes  Belles-Lettres,  &  du  premier 
rang  qu'elle  y  occupera. 

11  y  avoir  dans  ce  même  tèms  un 
autre  Frifon   ami  d'Agricola  ,  qui 
contribua  auffi  beaucoup  au  rétablif^ 
fement  de  la  littérature  dans  la  baiTe 
Allemagne   ;   on   Pappelloit    Veflel 
la) M. A- Gunsfort.  (  a  )  Perfuadé  que  Ion  ne 
Bam,  f^^^pouvoit  pas  être  parfaitement  favant 
Gefwtfw.    J-^jjg  j^  connoiflance  de   la  Langue 
rm.f.iu  Qjgçq^g  ^  ji  jIIj^  chercher  des  Maîtres 
en  Grèce  ;  &  après  être  devenu  très- 
habile  ,  il  revint  en  Europe,  oii  il 
fe  fit  une  û  grande  réputation ,  qu'il 
acquit  le  furnom  de  lumière  du  monde. 
Il  établit  des   Ecoles   de    Grec    à 
Groningue  ,  àHeidelberg  &  à  Paris. 
ih)  M.  A-     C'étoit  Agricola  (  fc  )  qui  avoir  fait 
ïam,p.i^.  appercevoir  à  Hegiusla  néceflîté  de  la 
connoiifance  de  la  Langue  Grecque 
pour  parvenir  à  la  profonde  érudition  ; 
ic  lonqu'Hegius  fe  trouvoit  avec  des 
gens  déjà  avancés  en  âge,  &  qui' par 
cette"  raifon  avoient  de  la  répugnance 
à  fe  remettre  aux  Elemens  de  la  Gram- 
maire ,  il  leur  àifoit  pour  les  exhoner 
à  furmonter  ce  dégoût  :  »  Tel  que 
w  vous  me  voyez,  j!étois  déjà  Maître- 


r 


•&•  Arts ,  j'avois  déjà  Quarante  ans ,  & 
»  je  n'ai  pas  dédaigné  d'aller  chercher 
•  Agricola  qui  n'étoit  qu'un  jeune 
»  homme*  J'ai  étudié  fous  hii  ;  &  tout 
m  ce  que  je  fais  de  Grec  &  de  Latin  ^ 
p-  c'eft  à  lui  que  j'en  ai  l'obligation.  » 

Ce  fut  à  Deventer  &  fous  Hegius,(tf)    (à)  A Jjr-» 
qu'Erafine  apprit  la  Langue  Latine  &  ges,p.t^^« 
tes  premiers  Êlemens  de  la  Langue 
Grecque  ;  on  lui  enfeigna  auili  dans  ce 
Collège  la  Logiqueja  Phy^que^la  Mé-  . 
taphyfique  &  la  Morale,  {b)  Il  aflure  (h)  Contrt 
dans  un  de  fes  Ouvrages^qu'à  onzeans  Cararacal» 
il  favoit  toutes  ces  parties  de  la  Philo-: 
Ibphie. 

Sa  mémoire  étoit  prodîgieufe  ; 
Rhenanus  nousapprendqu'étant  enfant, 
il  favoit  Horace  &  Térence  par  cœur,; 
U  avoir  un  amour  fingulier  pour  Té- 
rence. Il  le  regardoit  comme  l'Auteur 
le  plus  propre  à  former  le  ftyle  :  il 
croyoit  que  fes  Comédies  lues  dans 
l'efprit  avec  lequel  elles  doivent  être 
lues  ,  pouvoient  corriger  les  mœurs  ; 
&  il  étoitfi  ^élé  partiiàn  de  cet  Auteur, 
que  dans  une  lettre  écrite  dans  fa  W  ^Pffi* 
jcuneffe  (  c  ) ,  il  confeille  à  tous  ceux  *^*  ^'  '  '* 
qui  veulent  parler  Latin  de  lire  Té- 
rence ,  que  iJiceron^  que  Quintilien, 
que  Saint  Jérôme  ,  que  Saint  Au- 
gudin  ,  que  Saint  Ambroife  ont  étudié 
4ans  leur  jeuneâe  &  ont  lu  dans  leur 


%  cV  I   H 

Vîcilleffe  ,*&  qui  enfin  ^  .dit-il ,  nepeti«« 
*^tre  haï  que  par  -un  barbare.  C'ét<>£: 
apparemment  Jorfqu'J^rafme  et  oit  ^ 
^Deventer ,  que  lularriva  cette  aventure 
'    (a)   De  <lont-ilfait  mentiondanslaDéclamatîoa 
fuçris  ad  qu'il  a  faite  (  tf  )  liir  bs  moyens  d'itil- 
pirtutem    ^^^^  ^^^^  jeunes  gens  l'amour  de   la 
Uberalitcr  ^^"^  ^  ^^  ê^^t  des  BçUes-Lettresu  11 
if\ftifum'^  -iious   y  apprend  que  lorfqa'il    étoit 
^/.  enfant ,  il  étoit  toidDé. entre  les  maios 

d'un  Maître  qui  Taimpit  beaucoup  ., 
&  qui  après  avoir  conçu  de  très^ 
grandes  e%érances  de  fes  progrès ., 
voulut  éprouver  quel  ^effet,  produiroit 
fur  lui  la  corredlion.  Il  chercha    ua 
^aux  p];étexte  pour  avoir  occafion  de 
ie  châtier  :  ^Erafme  qui  .n'avoit  rien  '4 
le  reprocher  ,  perdit  en  xe  momeM 
l'amour  de  l!étude  ,  £c  tomba  dans 
une  Si  grande   mélancolie  >  qu'il  en 
penfa  mourir  ;  il  lui  en  fur  vint  une 
«evre  quarte.  Le  Maître  cûmprenani 
la  foute  qu'il  a  voie  foite  ,  jen  fut  in-^ 
xonfolable.    C'eft  ^n  partie  .par  cet 
exemple    qu*Erafme  décide  ,  qu'o»  j 
«le  doit  en  v^nir  aux  verges  avec  le» 
^nfans,  qu'après  amrépuifé  les  avet:- 
Xh)  Ada-tiflemens   &  les    menaces.  Jl  .parle 
gfs >  art.    ailleurs  {h) d'uaautre.de fes  Maîtres^ 
^tcHia  aiila.  ^^^ji  rçpréfente  .comme  un  furieux  ^ 
4ont  le  plus  jgfrand  plaifir  étoit  d^eni- 


d'  E  R  A  s  M  E.  i  y 

tendre  les  cris  des  enfans  qu'il  avoic 
mis  enfang. 

Il  y  avoit  dans  ce  tems-là  un  fléau , 
qui  faifoit  éprouver  fréquemment  fes 
fureurs  à  toute  l'Europe  ;    c'eft  U 
Pefte  ,  qui  fur  la  fin  du  quinzième  fié- 
cle  &  au  commencement  du  (eiziémc  » 
ne  finiffoit  fes  ravages  que  pour  les 
recommencer  avec  plus  de  violence. 
Ellefe  fit  fenrir  à  Deventer  (  a  )  lorf.   (f)  Omf* 
qu'Erafmc  étoit  parvenu  à  (à  treizième  ^'^^« 
année  ,   &  elle  enleva  fa  Mère  (  x  )• 
Lanaaifon  oii  demeuroit  Erafme  étant 
infeftée  du  mal  contagieux   »   il  foc 
obligé  de  quitter  Deventer  ;  il  revint 
à  Tergou ,  ayant  pour  lors  qua^-orze 
îi,ns(i).  Son  Père  fut  fi  affligé  de  la  {B)  Epljl. 
mort  de  Marguerite^  que  peu  de  rems  ^o^.Efift* 
^près  il  mourut  de  douleur  ayant  un  3*'  ^*  ^* 
peu  plus  de  quarante  ans.  Il  t  hargea  (c)    (0  ^^^* 
,    en  mourant  trois  de  fes  meilleurs  amis  '^îtee.Efijt. 
4e  la  tutelle  de  fes  deux  enfans.  Pierre  ^'  ^'  *  ^^* 

C  ï  )  Jean  Herold  dans  Ton  Philopfeudes  « 
P*  '3^>  prétend  qu^Erafnie  fut  envoyé  à 
wtrecbt  après  la  morç  de  fa  mère  ,  pour  y 
jpprendre  les  premiers  Elemens  ;  &  il  cite 
KS  Ouvrages  mêmes  d'Erafme  ,  comme  s'ils 
«foicnt  des  preuves  de  ce  fait.  Cependant 
*^5^  abfolument  oppofé  à  l'Abrégé  delà 
Vie  fait  par  lui- même ,  que  nous  avons  fui- 
^exaâcment dans l'Hiftoire^uenous  avons 

ttvie  de  fon  enfance» 

Tome  L  B 


26  V  î  B 

Winkel    Principal    du  Collège    dé- 
Tergou  étoit  à  la  tête  de  ces  Tuteurs. 
Gérard  ne  laiffoit  pas  une  fucceffion 
bien  confidérable  J  cependant  les  effets 
qu'on  trouva  à  fa  mort  auroient  fufÇ 
pour   mettre  fes  enfans  en  état  dç 
recevoir  une  très-bonne  éducation  , 
iî  leurs  Tuteurs   avoient  régi  Icur^ 
affaires  avec  la  fidélité  qu'ils  dévoient  • 
&  à  la  confiance  de  Gérard  ,  &  ^ 
l'emploi  qu'ils  avoient  accepté.  Erafmç 
&   Ion  frère  étoient  d'un  âge  aflfe^ 
avancé  ,   §c  d'ailleyrs  affez   inftruits 
pour  pouvoir  être  envoyés  dans  quelr 
que  Ûniveriité  ;    mais  ce  n'étoit  pa^ 
Pimemion    de  leurs    Tuteurs  j    qui 
avoient  deflein  d'en  faire  des  Moines  , 
&  qui  craignoient  que  dans  les  UnU 
yerfités  où  ils  feroient  élevés  ,  on  ne 
leur  infpirât  du  dégoût  pour  le  Cou- 
vent. Ils  les  envoyèrent  à  Bois-le-Duc^ 
dans  un^e  Communauté  d'Eccléfiafli- 
ques  qui  s'occupoient  de  l'éducatioa 
des  enfans ,    &  dont  la  principale  at^ 
tention  étoit  d*infpirer  le  goût  du  Mor 
iiaftère  aux  jeunes  geos  à  qui  ils  con* 
noiflbient  des  tajens.    Parrni  ces  Ecr 
cléfiaftiques  ,  il  y  ^n  avoit  un  qui  s'^- 
joit  pris  d'une  amitié  finguUere  pour 
Èrafme  ;  on  le  nommoit  Rombolde»  li 
fouhaitoit  avec  pallîon  qu'Erafmç  s'jpn- 


D*  E  R  A  s  M  £•  27 

gageât  à  refter  dam  cette  Commu- 
jiauté  de  Boisle-Duc  :  il  ne  ménageoit 
mlescarelTes  ni  les  petits  préfenspour 
leperfaader;   &  comine  il  n'avançoic 
pas  beaucoup ,  un  jour  il  prit  un  Cru- 
cifix, &  s'adreffant  à  Erafme ,  il  lui  (4)D;V#. 
ait  avec  vivacité  :  (a)  ^  Reconnoif-  gtn  de  re.- 
p  fez  -  vous   celui  qui  eft  mort  pour  '«'  ^/«'  t 
»  vous  f  Je  vous  conjure  de  faire  en-  ^'"'^'^.^^ 
» lorte que  ce  ne  loitpas  inutilement,  p^^^^^^^^-^. 
•Suivez  mes  confeils  ;  fongez  à  votre  i'jne ,  t.i. 
•faiut^  ne  vous  expolez  pas  àpërir^.piu 
^  dans  le  monde.  »    Eralme  répondit 
qu'il  ne  connoiflbit  pas  aflezle  genre 
de  vie  qu^on  lui  propofoit  ;  que  d'ail- 
leurs il  étoit  trop  jeune  pour  fe  dé- 
terminer fur  une  chofe  fi  importante  # 
fur-tout  fans  avo'r  confult^  fes  talens 
&fesparens.  Rombolde  n'eut  rien  à 
répliquer  à  un  difcours  fi  fenfé. 

Erafme  ne  fit  pas  de  grands  progri« 

flans  cette  Mailo»  ;  il  en  favoit  plus 

que  fes  Maîtres.  Côtoient  les  grandg 

talens  qu'il  annonçoit ,  qui  augmen- 

;  «oient  le  defir  que  ces  Eccléfiaftiques 

javoientdele  retenir. 

1    La  pefte  s'jétant  fait  auflî  fetïtir  à  Bois* 

le-Duc,  &  Erafme  (e  trouvant  très» 

^  jncommodé  d'une  fièvre  -  quarte ,  qui 

le  tourmentoit  depuis  long-tems,   il 

retourna  à  Tergou  avec  fon  frère  # 

ijrès  avoir  été  un  pçu  plus  de  deui 


ajis  à  Bois-le-Duc.  L'applîcatîcm  ave^ 
laquelle  il  ayoit  lu  les  ipeilleurs  Au- 
jteurs ,  lui  ayoit  déjà  fcH*roé  le  iftyle. 

Ils  trouvèrent  un  de  leiirs  Tuteur$ 
piort ,  ,Çc  les  dj?ux  a^itres  fort  embarr 
raffés ,  parce  qu'ils  avoiejit  fort  mal 
jidminiuré  les  biens  de  leurs  pupilles  ; 
c'eft  ce  qui  augiiienta  jpnçorje  r  enviç 
qu'ils  avoient  de  les  voir  entrer  dan^ 
jun  Monaft^ère.  Erafine  qui  ne  pouvoir 
douter  de  leurs  intemipns ,  çut  à  c^ 
(/t)  E;j//?.ïujet  une  expjicatipn  avec  fon  frère  :  (a) 
5•I•^4•  il  lui  demanda  s'il  étoit  dans  la  réfp» 
lution  de  s'engager  par  des  vœux.  Anr 
toine ,  ç'eft  Tous  jce  nooi  qu'il  eil  dé- 
%né  dans  h  Lettre  à  Grunnius ,  lêf 

Sondit  à  fon  . frère  que  s'il  fe  faifoij 
loine  ,  ce  neferoitpoijît  par  aucu^ 
amour  qu'i)  eût  pour  la  vie  Monafti- 
Que ,  mais  p^r  çopaplaifançe  pour  icur^ 
Tuteurs  ,  &  par  la  crainte  qu'il  avoit 
cl'eûx^  Erafme  \\â  fît  vpir  qu'il  n'y 
avoit  rien  de  fi  infenfé,  que  d'embraf!- 
fer  par  crainte  ujî  genre  de  vie  donj 
on  ne  fayoit pas  fi  1  on  feroit  content^ 
'&  qu'on  n'avôit  pas  la  liberté  d'abanr 
donner  fi  l'on  venpit  à  s'en  dégoûter, 
Antoine  répliqua  ^  cjue  la  piodicité  dp 
leur  fortune  entroit  aufTi  dans  les  rai-^ 
ÊDns  qui  le  faifoiçnt  céder  à  la  volonté 
4e  leurs  Tuteurs.  Erafme  lui  propof^ 
^e  r.ecueillir  tout  ce  qui  ppuvoi|;  l,epï 


ferter  Je  leur  petite  fortune ,  &  d'aller 
enfiiite  dans  quelque  Univerfité.*  Nous 
3»  nous  y  ferons  des  amis  ,  difbit-il  ; 
3»  d'ailleurs  il  y  a  tant  de  gens  qui  vw 
3»  vent  de  leur  fa  voir- faire  :  enfin  Dieu 
»  n'abandonne  pas  ceux  qui  ont  de  bon- 
♦  nés  intentions.  »  Antoine  approuvai 
les  raifonnemens  de  fon  frère  :  ils  firent 
un  projet  de  réponfe  à  leursr  Tuteurs 
pour  la  première  iois  qu^ih  leur  pro- 
pofcfoient  d'entrer  dans  un  Cloître  j  & 
comme  Erafme  ëtoit  plus  hardi  »  & 
parloit  pkis  facilement  que  fon  firere , 
il  s'engagea  à  expliquer  leurs  inten- 
tions à  Pierre  Winkel  leur  premier  Tu- 
teui".  L'occalîon  s'en  préfenta  bientôt. 
Winkel  s'étoit  adreffé  aux  Chanoines • 
Réguliers  de  Sion  proche  Delft ,  & 
avoit  parole  qu^on  recevroit  fes  deux 
pupilles  dans  cette  Maifon  :  c'étoitfans 
leur  en  avoir  parlé,  qu'il  les  avoir 
ainfi  engagés.  Il  vint  les  voir;  &  aprèsf 
s'être  fort  étendu  fur  l'amitié  qu'il 
àvoit  pour  eux  ,  il  les  félicita  de  ce 
qu*il  avoit  été  aflcz  heureux  pour  trou*^ 
ver  à  les  placer  chez  les  Chanoines- 
Réguliers.  Erafme  répondit ,  que  fon 
frère  &  lui  étoient  encore  trop  jeunes 
pour  prendre  le  parti  qu'on  leur  pro- 
pofoit  ;  qu'ils  ne  connoiffoient  pas  at 
i^mle  monde  ni  les  Couvens ,  pouc 

B  iij 


pouvoir  fe  décider  ;  qu'il  ëtoît  bie» 
plus  raifonnable  de  paffer  encore  quel- 
ques années  à  s'inftruire,  afind^être 
çn  état  de  fe  déterminer  avec  plus  d^ 
connoiflance  de  caufe  fur  une  affaire 
guflî  férieufe  que  le  choix  d'un  genre 
de  vie ,  dont  leur  bonheur  ic  leur  fa- 
luc  dépendoienr. 

Une  réponfe  fi  (^ge  mit  cependant 
Winkel  en  fureur.  Quoiqu'il  fût  natu- 
rellement aifez  doux  ^  il  s'en  fallut  peu 
qu'il  ne  battît  Erafme  :  il  le  traita  fi  in- 
dignement, que  les  larmes  lui  en  vinrent 
aux  yeux  j  &  enfin  il  dit  à  fes  pupilles, 
que  puifqu'ils  ne  vouloienc  pas  profi- 
ter d'une  place  qu'il  avoit  obtenue 
pour  eux  av^c  beaucoup  de  peine  i  ïV 
renonçoit  à  leur  tutelle  ;  qu'il  ne  vou- 
loit  plus  fe  mêler  de  leurs  affaires  f 
qu  ili  viflent  comment  ils  pourroient 
vivre  à  l'avenir.  Erafme  répondU^qu'ib 
étoient  d'âge  à  pouvoir  fe  paffer  de 
Tuteurs.  Winkel  jugeant  que  par  lef 
menaces  il  ne  viendroit  point  à  bout 
de  fes  projets ,  réfolut  de  s'y  prendre 
d'une  autre  manière  ;  il  engagea  (ot^ 
firere ,  qui  étoit  auflî  Tuteur  de  ces  deux, 
jeunes  gens  ,  d'employer  la  douceur 
pour  les  periuader.  Ce  fécond  Tuteur 
leur  donna  rendez- vous  dans  un  Ver- 
ger, où  l'entre- vue  commença  par  uB^ 


I)*  E  K  A  s  M  E.  3  r 

jfctît  régal  qu'il  leur  fit  ;  il  amena  en- 
(uit€  la  converfation  fur  le  bonheur  de 
fe  vie  des  Chanoines-Réguliers.  An- 
toine crut  tout  ce  qu'on  lui  dit ,  &  en- 
fin confentit  à  entrer  dans  le  Couvent. 
Ce  fut  un  très-mauvais  Religieux ,  s'il 
n'y  a  point  de  paflîon  dans  Te  portrait 
qu'Erafine  en  fait  :  il  aflfure  qu'il  étoit 
fufé ,  qu'il  s'emparoit  de  l'argent  des 
autres  quand  il  en  trouvoit  l'occsffion  5- 
enfin  qu'il  aimoit  le  vin  &  les  femmes 
avec  paffion  (  i  ).  Voilà  prefque  tout 
ce  que  l'on  fçait  de  ce  frère ,  qui  mou- 
fut  plufieurs  années  avant  Eralme ,  (a)  (a)  Epijl. 
&  quirn'en  fut  pas  fort  regretré.L'exera*  ^.  L.  xi« 
pie  d'Antoine  ne  "fit  aucune  impreflîon 
m  Erafme  :  fcs  Tuteurs  en  étoient 
tirès-piqués  /  cependant  ils  ne  per- 
doient  point  de.'  vue  le  deflein  qu'ils 
avoient  d'en  faire  un  Moine.  II5  fe  flat- 
tèrent qu'un  homme  auflî  jeune  fe  laflfe^ 
R)it  enfin  de  réfifter  à  des  attaques  con- 
tinuelles :  il  n'avoit  pour  lors  que  feize 
ans.  Ils  fubornerent  toutes  Ibrtes  de 
gens  pour  le  féduire  :  on  employa  des 
hommes ,  des  femmes  ,  des  Moines  4 
des  parens ,  des  jeunes  gens ,  des  vieil- 
lards ,  de  fes  amis  même ,  pour  lui  re- 

(  I  )  Vafer  ^  callidus ,  fecunurum  fura» 
Sreimtu ,   comfotaur  nu  fcwtAtw  ignavusp 

B  iiij 


§2  V    I    K 

préfenter  la  tranquillité  &  leàagrëmeiw 
de  la  vie  Monaftiquc ,  &  pour  lui  exa-^ 
gérer  les  dangers  du  monde.  Outre  les 
malheurs  de  cette  perfécution  >  il  étoit 
incommodé  depuis  plus  d'un  an  d'une 
fî^vre-quarte  ,  qu'il  attribue  à  la  rnau^ 
ivaife   nourriture  des  Collèges   où  U 
avoir  été.   Lorfqu'il  étoit  ainfi  tour- 
menté ,  il  entra  par  haiàrd  dans  le  Cou- 
vent.de  Maus ,  autrement  dit  de  Stcin., 
proche  de  Tergou,  qui  étoit  habité 
par  des  Chanoines  -  Réguliers  :  il  y 
trouva  un  de  fes  camarades  du  Col- 
lège de  Deventer  ^  qui  étoit  revenu 
depuis  peu  d'Italie  'y  on   rappelloit 
Cornélius  Verdenus.  Il  n*eut  pas  pla- 
tôt  lié  converfation  avecErafme,  que 
s'étant  apperçu  des  grands  progrès 
qu'il  avoir  faits  dans  les  Belles-Lettres  » 
il  fe  propofa  de  lui  perfuader  de  rcC- 
ter  àStein  :  il  lui  exagéra  les  douceurs 
de  la  vie  Monaftique  ,  la  hberté  donc 
on  jouiffoit  dans  cette  Maifon  ,  l'union 
qui  y  régnoit ,  la  multitude  de  Livres 
qui  y  étoient ,  &  le  tems  qu'on  avoit 
pour  étudier.  C'étoit  prendre  Erafme 
par  fon  foible  :  aufG  fe  laifla-t-il  ébran- 
ler par   l^s   difcours  d'un  ami  qu'il  fe 
félicitoit  d'avoir  retrouvé,   &  delà 
Cncerité  duquel  il  n'avoit  aucun  doute- 
En  fortant   d'avec  Verdenus,  il 


r 


©'^E  R  A   s   M  E.  '55 

leûcontra  des  gens  de  là  connoif- 
fance ,  qui  lui  déclarèrent  que  fon  oblr-' 
^nation  à  ne  pas  vouloir  fe  faire  Re<- 
ligieux  avoir  mis  en  colère  tous  fes 
amis  ,  &  qu  il*  devoit  s^attendre  à 
mourir  de  faim  ,  s'il  ne  prenoit  point 
le  parti  du  Couvent.  Erafme  retourna 
voit  Verdenus  ,  qui  continua  de  le 
preffev  de  refter  dans  cette  maifon  i  à  ^ 

quoi   il   cdnfentit  ,  plutôt  dans  l'in- 
tention*, dit-il .,  de  fe  dérober  pendant 
quelque  rems  à  la  perfecution  ,  que 
par  envie  de  fe  faire  Moinb.  Cependant 
il  entra  dans  le  Noviciat  prefque  malgré 
lui ,  &  forcé  par  fes  Tuteurs  j  c'étoit 
Fan  1486  (^).  On  étoit  fi  content  de  le  W  ^or* 
pofféder ,  qu'on  Taccabloit  de  carefles  :  P^?%/'^* 
il  avoir  toute  liberté  ;  on  nfe  l'obligeoit  ^*  ^*^^^ 
m  de  jeûner ,  ni  d'aller  au  chœur  la 
tiuit.  Malgré  les  politcfTes  &  les  con- 
defcendâCesquon  avoit  pour  lui,il  eut 
deflein  de  fortir  du  Couvent  avant  de 
fiaire  profeflîon  ;  mais  la  honte  ,  les 
itoenaces  &  la  nécefBté  lé"  retinrent  ea 
quelque  forte  malgré'  fa  répugnance  ^   '     • 
&  enfin  il  fit  profeflîon.  Les  fujets 
de  mécontentement  qu  Erafmè  avoit 
eus  de  Pierre  Winkel ,  nelesbrouiW 
krent  cependant  pas  pour  toujours  ; 
il  nous  refte  une  lettre  (  fc  )  qu'Eralme   (b)  Eflt. 
lai  écrivit  long-tcms  après  cet  éVe'-*  4*^.  ji» 


jiement  ,  qui  prouve    qu^il  y  ayoî«^ 
encore  entr'eux  un  commerce  aanûtié 
&  de  confiance.  Verdenus ,  indépea-* 
damment  de  fon  ancienne  Uaifon  avec 
Erafme ,  avoir  des  motifs  perfonnels^- 
&  intéreffës  pour  fouhaiter  qu'il  reflâc 
dans  le  Couvent   de  Stein  :   il  étoic 
revenu  d'Italie  fans  avoir  profité  de  fon 
(a)  Compy  voyage  {a)  ;  le  goût  de  Tctude  ravoir 
t///^.  £;>(/?.  pris  ,  &    il  comptoit   trouver    dans 
î#  L,  14.    jErafnnc  un  excellent  Précepteur  qui  ne 
lui  cauferoit  aucune  dépenfe  ,  &  dont- 
perfonne   ne   fe  douteroit.     EfFeûi- 
vement  Erafme  n'eut  pas  plutôt  priS" 
r habit   de  Novice  ,    que    Cornélius 
.  Verdenus   l'engagea   à  paffer  fecre*- 
tement  les  nuits  avec  lui  :  ils  s'occu- 
poient  à  lire  les  meilleurs  Auteurs  ^ 
qu'Erafme  expliquoit  à  fon  ami  ;  ce- 
qui  fe  faifoit  aux  dépens  de  la  lanté' 
du  jeune  Novice.  Mais  c'eft  ce  qui- 
embarraffbit  peu  Verdenus,  qui  n'étoir 
occupé  qu'à  tirer  tout  l^avantage  poC- 
Fible  de  la  facilité  &  de  l'habilité  de- 
fon    Maître.  La  plus  grande  confo- 
htion  qu'Eralme  eut  dans  fon  Cou- 
(h^  Efifl.  vent  {b)  y  tut  d'y  trouver  Guillaume 
Rhênani.     Herman  de  Tergou  ,  jeune  hommç 
qui   avoir   un  très-grand  goût  pour 
les  Belles-Lettrci ,  qui  excellait  fur*r 
tciic  dans  la  Pocfie  ^  oà  il  fe  £t  a 


r 


r>^E  K  A  S  M  E.  57 

*om  célèbre  par  un  recueil  (f  odes  (fl).  ^^^  qj^^ 
Ils  étudioient  enfcmble  jour  &  nuit }  rum  Sylva, 
&  le  tenas  que  leurs  compagnons  paf- 
fwent  au  jeu  ,  à  table  &  à  dormir ,  ils 
l'occupoient  à  lire  les  bons  livres ,  & 
à  exercer  leur  ftyle.  îk  prirent  Pun 
pour  l'autre  une  amitié  qui  fubfifta 
même  après  leur  féparation.  Parmi  les 
lettres   d*Erafme ,  il  y  en  a  quelques- 
Bnes  qui  font  adreffées  à  Guillaume 
Herman  (  fe  )  j  elles  prouvent  qu'ils   /^)  ^^/^^ 
ont  vécu  dans  la  plus  grande  union,  n.  l.  4! 
&  qu'ils  avaient  run  pour  TautrelesiSpi/?.  i.l, 
mêmes    fentimens    qu'Orefte    avoir  ^'« 
pour  Pylade  :  ce  font  les  expreffions 
tf  Herman.  Ce  fut  dans  le  Couvent  de 
Stein  ,  qu'firafme  écrivit  les   deux 
premières  des  lettres  qui  nous  reftent 
ëe  bi  (c)  ;    elles  font  adreifées  à  (c) Ce font 
Corneille  Aurotin  P-rêtre  de  Tergou  :  les    deux 
on  a  mis  à  U  tête  ,  qu'il    les  avoit  premières 
^ites  étant  encore  enfant.  La  pre-  f/^  j!^^'  '^^ 
mm{d)  eft  datréede  ^'^^1^9$.^^"^^^^^ 
Erafme  y  prend  le  parti  de  Laurent  clerc. 
Valle ,  que  CorneiHe  avoit  traité  de   (d)  Efifi^ 
Corbeau  qui  croaffoit,  de  chicaneur*»  ^•7v 

Îlutôt  que  d'Orateur,  Il  lui  déclare 
i  guerre  s'il  ne  change  de  langage  ^ 
fes^il  n'appelle  à  l'avenir  Laurent 
l'éloquence  même ,  une  mufe  Attique  : 
H  ^ige  encore  pour  condition  de  fott 

Bvj 


36  V  I  r 

raccommodement,  que  ComeiHeaps* 

E renne  par  cœur  les    élégances    de: 
.aurent ,  &  qu'à  l'avenir  il  lui  donne 
communication  de  fa  bibliothèque  ^ 
il  lui  déclare  qu'en  maltraitant  Laurenc 
Valle  ,   il  a  en  même  tems  offenfé 
tous  les  Gens  de  Lettres ,  parce  qu'il 
îi\  a  qu'un  barbare  qui  puiflfe  ne  pas 
cuimer  ce  Savant. 
(a)  Epijl.      La  féconde  lettre  d'Erafme  (  tf  )  à 
j.  L.  7..  ^  Corneille  Aurotin   eft  datée  de  l'a» 
14^0.  Il  continue  à  y  faire  l'éloge 
de  Laurent  Valle  :  il  loutient  que  ce 
Savant  ne  peut  déplaire  qu'à  ceux  à 
qui  les  Belles-Lettres  déplaifent;  qu'il 
faut  avoir  b.en  de  la  petitçffe   dans 
l'efjprit ,  &  être  fufceptible  d'une  baflfe 
jaloufie ,  pour  ne  pas  combler  d'éloges 
&  pour  ne  pas  aimer  avec  paffion  un 
Savant ,  qui  avec  tant  d'induflrie   & 
tant  de  travail  &  de  peines  a  réfuté 
<^)  Borha-  les  fottifes  des  Barbares  (  i  )  ,  a  ré- 
fdYum     fufcité  les  Belles-Lettres  prefque  en- 
ir.tj.H^as,     l^velies  ,  a  rendu  à  Tltalie  fon   an* 
Ce)  Ep^P.  c*^"^^  éloquence ,  &  a  mis  les  Savansv 
3.  .  L,  ^1.  en  érat  de  mieux  écrire. 
Vo\  ÇT.  les     On  a  encored'autres  lettres  d-Erafine 
E;)it.y,  10,  \  Corneille  Aurotm.;  mais  l'année  de 
^\*    'Via.  date  ne  s'y  trouve  point:  il  y  en  a 
4i  Iiivre.  feulement  une  datée  de  Stein  (c)    le- 
ijf-.  Mai»  Nous  y  voyons  qu'Aurotiut 


Iravaïïloît  à  un  Ouvrage  qu'il  vouloit 
dédier  k  Erafme,  &  qu'il  en  avoir  fait 
plu/îeurs  autres  fur  lefquels  il  fouhaitoit 
qa'Erafnae  lui  dit  fon  fentiment.  Il  en 
donne  le  catalogue  :  c'étoii;  un  Traité 
fiir  la  mon  ,  THiftoire  dé  la  Guerre 
d'Utrecht  &  THlftoire  de  St.  Nicolas. 
Quelques-uns  ont  afluré(rt)  que  c'étoit  *W  Fop- 
Corneille  Aurotin  qui  avoit  dirigé  lesP^"*'  ^'^•' 
études  d'Erafme  tandis  qu'il  étoit  dans  ^''^-  ^^'^ 
U  JWonaftere  de  Stein  ;.  mais  ilparoît^^^^***^ 
par  les  lettres  d'Erafrae ,  que  c'étoit 

Îlutôt  lui  qui  étoit  le  m^rre  que  le 
ifciple  :    ce   qui  eft  confiant  ,  eft 
que  Corneille  envoyoit  fes  Ouvrages 
à  Erafme  (  fr  )  ,  afin  qu'il   y  mit   la  W  Efi/Fr 
dernière  main»  Il  varioit  fes   occu-3»^*3^ 
pations  dans  le  Couvent  ;  il  peignoir 
pour  fe  délaflfer  de  Tétude.  Onjrao- 
porte  (  c  )  que  l'on-  a  trouvé  dans  le   (c)  Mer-^ 
cabinet    de    Cornélius    Mufius     decier,p.  ijt- 
Delft  un  Crucifix  ,   avec  cette  inf-^ 
o:iption  :  Ne  méprifez  point  ce  Ta- 
bleau ;  il  a  été  peint  par   Erafme  , 
lorfqu'ilétoit  Religieux  au  Monaftere 
de  Stein^ 

Les  ennemis  d'Erafme  ont  afluré  , 
C|u.il  avoit  mené  une  vie  fort  liccn- 
tieufe  dans  fon  Couvent.  Jules  Sca- 
ligpr,  d'ans  fa  lettre  violente  à  Arnold'  (d)  Epî^r 
ferron  (d) ,  prétend  qu'il  a  fouillé 'J^' 


^r   .      .     tt'n 

fon  Monaftcre  par  fes  imputlick&  (  t  X 
Ses  panégyriûes  d'un  autre  côté  Tonc 
juftiné  fur  IVticle  de  la  chafteté  ;  Ôc 
Herold  ,  dans  Téloge  qu'il  en  a  fait  ,  • 
prend  à  témoin  tous  ceux  qui  ont 
vécu  avec  Erafme  :  il  cite  même  deuK 
vers  de  Nicolaus  Olaus  Secrétaire 
eu  Roi  des  Romains  ,  qui  déclare 
que  jamais  Ëralme  n'eut  aucun  coa^^ 
.    mefce  avec  les  femmes  (  2  ). 

Mais  il  y  a  apparence  que  fi  Ces 
ennemis  ont  exagéré  fes  Ùluîqs  9  fes 
amisjaulli  l'ont  plus  loué  qu'il  ne  roé- 
Titoit.  Il  eft  d'abord  confiant  que  dans 
ia  jcuneflè  fa  dodrinc  fur  la  chafteté 
étok  fort  éloignée  du  rigorifine  :  car 
(i^E^iy?. écrivant  à  un  de  fes  amis  (a)  donc 
fiL.}î.  h  conduite  nétoit  pas  réglée,  il  lui 
recommande  de  modérer  du  moins 
ks  ardeurs  de  fon  ten^Dérament  , 
s'il  ne  peut  pas-  les  réprimer  entié- 
wment  (3  )• 

Ses  propres  Ouvrages  fournirent 

(  I  )  Confaetudine  Jlufrêrum  ronfamina'* 
wit. 

(  1  )  delebt  Erafmus  >  purut  ab  omnibus  y 
.  Et  fotminarum  purus  à  cofiforti». 

(  3  )   Atque  id   ut  Jiudiojiks     çonfciai , 

ê^erjt  pretium  eft  ut  œtatis  tua  intempérant 

lem  lihidtnem  ,  (i  non  penitus  arcere  potes  g 

*  nam  id  vix  hominis  ejl ,  faltem  modereris  ê$^ 

§ue  coerceas^ 


jScs  preuves    qu'il    n'a  pas   toujours  • 
>écu  dans  la  plus  gran'^.e  régularité  j- 
H  avoue  dans  la  Lettre  qu'il  écrivit  au  ' 
Père  Servais ,  ôc  que   l'on  peut   re- 
garder comme  fa  confeflîon  ,  qu'il  a 
Quelquefois  fuccombé  aux  tentations 
ce  la  volupté  y  mais  qu'il  n'en  a  jamais 
été  efclave.    (  x  )  »  Je  n  ai  jamais  été 
»  l'efclave  de  Venus  ,  dit-il  dans  une 
9  autre  Lettre  j  (  a  )  &  comment  i'au-   (j)  £p{jf^ , 
»  rois-je  pu  être  dans  ma  jeunefle ,  ab-  in.  ^fifi:  ' 
»  forbé  comme  je  l'écois  dans  l'étude  ?  5*  ^»  *3*  % 
»Au  refte  fifai  autrefois  commis  quel- 
»  que  faute  ,  il  y  a  long-tems  que  mon 
»•  âge  me  met  en  fureté  de  ce  côté  là  ; 
*»  &  c^eft  en  quoi  je  trouve  la  vieillefle 
»  fort  agréable  (a).  Je  ne  prétends  pas, 
a»  convient-il  ailleurs  (b)  ,   que  ma  vie  {b)  ïïfijl,  • 
»  ait  toujours  été  exempte  de  vices  ^  f^i. 
»  fur-tout  celle  que  j'ai  menée  pendant 
»  ma  jeuneife  (  S  )*    ^  C  etoit  bien 
avouer  qu'il  avoir  quelque  chofc  à  fc 

(  1  )  Voïuftatihtts  &fi  quanâamfui  îttqui» 
§HUmi,  rmnquam  Jtrvivu  tpift.  *.  Appen- 
^. 

.  (  2  )  Vtneri  mmquam  firvitum  eft  :  ii# 
vacéivit  qufdgm  in  tant  h  Jludiotum  laho' 
tihus  ;  &  fi  qutd  fuit  hujus  malt ,  jam  olirn 
W^  f 0  tyy  anno  me  vindtcaxnt  xtas ,  quiH  mih% 
}fac  aomime  gratiffima  ejt» 
,  (?)  îsieque  vitam  meam  omnibur  libti^ 
9»dh ,  frafertim  aClam  jnvenû 


5^  V  t  i 

rcprocTicr  ;  mais  que  fes  fautes  n'étoleitt 
point  dégénérées  en  habitude. 

S'il  eut  quelque  foiblefle  pour  les  feiri- 

mes,  il  eut  toujours  de  lliorrèur  pour 

lu)  EpiJfM  crapule  &  pour  l'ivrognerie    (a);, 

^frvatîQ.    vices  très-à'-la-mode  dans  fon  fiécle  ,  & 

furtoùt  dans  fon- pays  (  i  ). 

M.  le  eierc  a  fait  THidoire  d'uîi 
tour  déjeune  Moine,  qti*Erafme  fit  à 
Stein ,  farts  nous  apprendre  d'où  il  l'a 
(J)    Bib^tirée  ( fe  ).  »  On  dit,  ce  font  fes  pa- 
ttûiverf,  t.  »'  rôles ,    qu'il  y  avôit  un  poirier  dans 
7-  p*  141*  »- le  jardin  du  Couvent,  qui  portoîc 
vTto^y  despoires  que  le  Père  Supérieur  aîj. 
d'Erafme    »  "^^^^  beautoup  ,    &  qu'il  vOuIoft 
(•  ^1.   /  34  qu'orf  gardât  pour  lui-.    Erafine  qui 
3>  en  cela  étoit  du  même  goût  que  fon 
30  Supérieur ,  fe  leva  quelques  jours  de 
3»  fuite  de  griand  matin  pour  aller  en  dé- 
3ft  rober  fans  qu'on  le  fçût.  Cela  obli-   \ 
y>  gea  Ife  Supérieur  qui  s'apperçevoit  de   \ 
3J  la  diminution  des  poires ,  deveilfeir 
39  lui-même  un  matin  à  la  fenêtre  Me   ! 
ji^  fa  cellule  pour  découvrir  le  voleur> 
30  n  faut  remarquer  qu'il  y  avoit  un 
^  Frère  dans  le  Couvent  qui  étoit  boi-r  j 
aft  teuxr.  Un' jour  donc  que  le  Supérieur    '■ 
H  faifoit  la  garde ,  il  apperçut  un  Moine 
3i  fur  le  poirier  qui  cueilloit  les  poires^    ; 
(  1  )  trafulam  y  eirietafcm  ,  fimfcr  horf    I 


l>*EKASlrfE.    .  iff 

j»  Comme  il  n'étoit  pas  "  encore  bier» 
«jour,    il  réfoliK  d'attendre  un  peà 
»  làns   rien  dire   pour  reconnoîcre  le 
»  voleur  ;    mais  il  fit  quelque   bruit 
»  qu*Erafroe  entendit ,    de  îorte  que 
»  de  peur  d*être  découvert ,  il  defcen*- 
»  dit  promptenoent  de  l'arbre ,  &  s^ert 
»  retourna  vers  le  Couvent  en  faifant 
»■  le  boiteux.  Le  Supérieur  qui  crut 
3»  reconnoître  à  coup  (ûr  le  voleur  des 
»  poires  ,  s'imagina   qu'rl  falloir  fc 
9  taire  &  attendre  le  jour ,   pour  le 
9  cenfurer    en  pleine  Communauté; 
9-  Dès  qu'il  eut  aflfemblé  les  Moines  > 
a^  après  avoir  dit  mille  belUs  chofes 
»  fur  la  fainte  Obédience ,  il  fe  tourna 
»  vers  le  Frère  boiteux ,  &  l'accufa 
»  de  l'avoir  violée  de  la  façon  du  UiOn'- 
9  de  la  plus  criante ,  en  dérobant  les 
»  poires  du  jardin  contre  fa  défenfe 
ai^  réitérée.  Le  pauvre  Frère  eut  beau 
*>  prouver  Ion  innocence  ,  cela  ne  fît 
»qu'augmemer  la  colère  du  Supérieur^ 
»  qui   crovoit  l'avoir  reconnu  à  une 
»  marque  évidente  ;  fi  bien  qu'il  lui  inr- 
»  pofa  une  groflfe   pénitence  malgré 
»  toutes  fes  proteftations.  »  Quoi  qu'H 
en  foit  de  cette  Hiftoriette ,  on  n'a  pas 
crû  devoir  l'omettre  ,    puifqu'elle  eft 
rapportée  par  un  des  plus  grands  Ad- 
DÛrateurs  d'Erafme». 


^  Vif 

Il  eft  confiant  que  tandis  qu'il  et  oit 
au  Couvent,  il  s'occupa  beaucoup  de 
Fétude.  Ce  fut-là  qu'il  compofa  le  Li- 
vre du  Mépris  du  Monie\  fous  le  nom- 
jde  Thierri  de  Harlem  ;  il  eflr  adreflfé 
à  Jodoque ,  à  qui  il  parle  eomi&e  s'il 
étoit  fon  neveu \,  quoi  qu'il  n*en  eût 
point. 

L'objet  de  ce  Traita  étoit  d'engager 
Jodoque  à  fe  retirer  du  monde ,  pouf 
embraflfer  la  vie  folitaiTc.  L'Auteur  y 
fait  voir  les  dangers  auxquels  cri  eft 
expofé  dans  le  fiécle  ;  les  écueils  des  ri- 
cheffes  ,  des  honneurs ,  des  plaifîrs  f 
combien  le  monde  mérite  peu  notre- 
attachement  j  &  les  avantages  de  la  fo- 
litude.  L^Ôuvrage  finit  par  unconfeil- 
à  Jodoque ,  d'abandonner  le  moode  , 
fans  cependant  s'engager  par  des  vœux; 
s'il  peut  trouver  une  focieté  de  gens 
vertueux.  »Mais,  ajoute- 1- il  ,parce^ 
as  que  cela  eft  fort  difficile ,  il  convien* 
36  dra  peut-être  mieux  que  vous  vous 
*établifliez  dans  quelques-uns  de  ces* 
•>Monafteres  qui  font  les  plus  appràu- 
as»  vés ,  &  dont  la  règle  ait  le  plus  de 
*  rapport  avec  votre  façon  de  penfer.  » 
ïl  veut  que  cet  examen  fe  faflfe  avec 
d'autant  plus  de  précaution,  que  les 
JMoines  fontfortcorrompus  (i),  »  Si 

(  I  ]  In  qifiibus  adei  non_  vîgtt  difct^lpiH^ 


r 


iô'Ëràsmé.    •         4>' 

^ous  ne  trouvez  pas  deMonafteres  qui 
ii  vous  conviennent ,  dit- il  eiffiniflant, 
»perfuadez-vous  que  lorfquevous  êtes 
•avec  des  gens  de  bien,  vous  êtes 
!  »  dans  un  Monaftere ,  &  ne  vous  ima- 
[  »ginez  pasqa'il  manque  quelque  chofe 
»  à  vos  vœux  ,  fi  vous  pratiquez  ce  à- 
*quoi   vous    vous  êtes  engagé  dani 
»  votre  Baptême.  Ne  defirez  ni  l'ha- 
«  bit  de  Dominicain ,  ni  celui  de  Car- 
«me,    fi  vous  confcrvez  cette  blan- 
>•  cheur  que  vous  aviez  en  recevant  le' 
«  Baptême ,   &  ne  vous  inquiétez  pas 
I  »  de  n'être  point  Benediâin  ou  Guil- 
»lemite,   pourvu  que  vous  foycz  du 
I   •  troupeau  des  vrais  Chrétiens.  » 
'       Ceft  là  le  premier  Ouvrage  d'E» 
lafavc  (  a  )  :  il  nous  a  appris  lui-même    0»)  CuiU 
ib*)  qu'à  peine  avoit-il  vingt  ans  lorf-  {^^V  '"^^T 
qu'il  le  compofa  ,  &  qu'il  ne  le  &t  fZ^/i^!*'' 
que    fur    les   inûances    réitérées  de    {b)Etifl. 
l  oncle  de   Jodoque.    Il  foutient  que  4i    Botze- 
ce  Traité  exprime  plutôt  les  penfées  fnum.Efift^ 
d'un  autre  que  les  ficnnes  propres  ;  ^7.  ^«  ^9y 
que  le  ûyle  en  eft  négligé  ;  que  lé 
Svre  eft  plein  de  lieux  communs  ;- 

UigtoMs ,  ut  nthil  altud  Jtnt  quant  fcHola 
inifutatts ,  in  quibus  ne  Iheat  quîdem  ejfe 
prot  &  intègres  ;  quibus  cuitus ,  titulufque 
^Ugionis  nêhil  aliud  frteftat ,  quàm  Ut  imffé^' 
*hm  liaat  quidqjuid  libeu 


'44  V  ^  »     ,     .      .     . 

que  Porfqu'il  y  travâiHôit^  il  n'^toîé 
point  encore  verfé  dans  la  leétiiré 
des  bons  Auteurs;  enfin  il  demandé 
grâce  pour  les  badineries  de  fa 
jeuneflfe  (  i  ). 

Dans  la  fuite  les  Liferàii*cs  ûyant 
Voulu  imprinier  ce  Livre  qu'Erafnoé 
n'avoit   tait   que   pour  exercer     fort 
ftyle  ,  &  qui  n'étoit  que  manufcric  ^ 
il  le  revit  ;  &  connue  ifétoit  pour 
lors  fort  brouillé  avec  les  Moines  , 
il  ajouta  cette  fin  iîidifcrete  &    té- 
méraire que  le  Tradudleur  François 
{a)  M.   (ay  a  jugé  devoir  fupprrmer  ,  lor/^ 
MarfoUer.  qu'il  a  rendu  cet  Ouvrage  en  notre 
langue  ;   mais   cette  réticence  a  été 
fupplée   par   l'Auteur    même   de    lar 
*    (b)  Criti  •  critique  de  l'Apologie  d'Erafme  (i  )  ^ 
^ue  ,  p.   qui  après  avoir  afluré  que  le  dernieé 
i®^*  chapitre  du^  livfe  fur  le  mépris  du 

monde   eft   fcandaleux    &  héritique 
dans  l'original  ,  en  tranfcrit  les  paf^ 
fages  qui  lui  ont  déplu  davantage  > 
les  laiflant  à  la  vérité  dans  la  langue 
dans  laquelle  Erafme  les  avoit  écrits. 
(0  V.  le      £3  même  année  qu'Erafme  fit  k 
deVes  Ou- Traité  dumépris  du  monde ,  il  compofa 
▼rages,  à  "^  difcours  touchant  le  bonheur  de  fa 
|a  fin.        paix  comre  les  faftieux  r  il  eft  adrefl^ 
(  X  }  FHfritia  mac  naniat.E^i^.  47*.  L» 


r 


i  Corneille  A.urotin.  »  On  y  voit  avec 
»  plailîr ,  dit  Monfieur  le  Clerc  (  a  )  ^     W  '*^ 
»  les  commencemens  de  ce   ë^^^^''^\L\g 
I»  génie  ,  qui  après  avoir  produit  de    '*^        ^ 
•fembla^les  fle>irs,ne  pouvoit  pas  man* 
»  quer  de  produire  d'excçllçns  fruits,  „ 
L'année  d'après ,  lorfqu'il  a  voit  vingt 
&  un  ans,  il  fit  Téloge  funèbre  de 
Berthe  de  Heyer>  veuve  de  Tergou  (fr)î    /^s  y^  j^ 
ilTadrefla  à  fes  filles  ,    qui  étoientge.  tom« 
Religieufes   dans  la   même   ville.  Il  de  fesOun 
regrétoit  d'autant  plus   cette  pieufe  vrage$,^ 
Femme  ,   qu'elle  avpit  été  fa  bien- 
faitrice. Il  novis  apprend  qu'elle  ayoit 
été  fon  refuge  dans  fa  mifere  ;  qu'elle 
Pavoit  confolé  dans    fes  malheurs  ; 
<ju'ellj2  lui  avoit  donné  çle  très-bçns 
conleils ,  &  qu'enfin  elle  avoit  autant 
d'amitié  pour  lui  quç  pour  fe$  propre? 
enfans.  Il  rapporte  dans  l'éloge   de   - 
cette  vertueufe  fendmç  ,  qu'elle  étoit 
dans  l'ufagç  de  faire  venir  chez  ellç 
un  jour  de  la  Semaine  Sainte  treize 
pauvres  qu'elle  faifoit  mettrp  à  table  t 
&  qu'après  les  avoir  feryis  ,  elle  leur 
Javoit  les  pieds,  ^ra/ijiè  célébra  encore 
fe  reconnoiffance    pour   cette  bien? 
faitriee  par  deux  Epitaphes  en  vers. 
Ce  fut  dans  le  Couvent  de  Stçin , 
Iqrfqu'il  n'avoit  encore  que  vingt  ans  p 
^'vUowmen  ja  fon  Ouvrage  de?  Aw^ 


:^^  Vit 

naîTUS  nous  a  confervé  une  ftrophe.  (i^' 

'  L*objet  que  FEvêque  de  Cambrai 

s* était  propofé   en  faifant  le  voyage 

de  Roîme ,  étoit  d'obtenir  le  Chapeau 

de  Cardinal  ;  mais  l'argent  lui  ayant 

Xa^  Comf.  manqué ,  (  fl)  il  le  vi;  obligé  de  ref- 

^ita.  Efift.  ter  dans  fon  Diocèfe  i  il  n'en  conferva 

fi^çnanu     ^^^  moins  auprès  de  lui  Erafme  ,  dont 

es  agrémens ,  les  talens  §c  la  candeur 

i'avoient  enchanté. 

Les  ennemis  d'Erafme  ont  pris  oc* 
cafion  de  cette  fortie  du  Couvent  pour 
k  traiter  avec  la  plusgrande  indignité. 
Jules  Scaliger  ,    Poflevin  ,    qu^ntitë 
d'autres,  l'ont  appelle  A poftat;  &  en 
.  dernier  lieu,  le  Père  de  Tournemine 
(h)  Mém.  ft'a  pas  craint  de  dire  (  fc  )  que  c' étoit 
litténiires,  un  Religieux  déferteur ,  vagabond  & 
9Tt.  6.   p.  excommunié  ;  ce  qui  a  été  relevé  avec 
35^*      ^.vivacité  par  le  P,  le  Couraier,    qui 
*    *  prouve  (jue  l'on  ne  peut  pas  fans  ca- 

lomnie parler  ainfi  d'un  Religieux, 


{i)  At  ttUnc  fors  nos  divdlit ,  ttbi 
kene  pertaf  , 

Sors  peracerha  mihi. 
Me  fine  folui  Abts   ;    tu  Rheni  frigora  (JT 
Aifes 

Me  fine  fol  us  adîs» 
ha^iam,  haliam  latus  fenetraifis  amosnanu 

Epift.  Car.  V^ 

qui 


D*  E  ]R  A  $  M  E.  ^ 

fHÎ  lie  quitte  fon  Couvent  qu*ayec  la 
permiffion  de  fon  Evêque  &  de  fes 
Supérieurs  Réguliers.  Son  Prieur  Ni- 
colas Werner  y  donna  fon  confente- 
mentayec  fipeu  de  répugnance ,  qu'E- 
rîifDae  ne  craint  point  de  dire  au  Père 
Servais,  (a)  qui  lui  fuccéda  dans  la   M  ^f^J^* 
Prior^ture  de  Stein,  »  Werner  qui  vous  ^^^^ 
»  «précédé ,  m'a  toujours  difluadé  de 
»  rentrer  chez  vous  ^  &  ûi'a  confeilîé 
«de  in  attacher  plutôt  â  quelque  Evê- 
*»  que.  »>  Mais  ce  qui  doit  confondre 
«^ux  (pii^rodiguent  ii  Cadlement  d*ô* 
dieufes  épithetes  ,  c*eft  que  ,  comme 
;nous  le  verrons  dans  la  fuite,  le  Pape 
Jules  II.  approuva  (i  )  ce  qu'Erafmé  (b)  Eptjt. 
avoir  fait  dans  cette  occafion.  Il  étoit  ^*  L.  z4« 
déjà  engagé  dans  les  Ordres ,  lorfqu'il 
entra  chez  TEvêque  de  Cambrai  (c)  ;   (0  Eptjl. 
mais  il  y  avoit  déjà  quelque  tems  qu^H^f^^'^anL 
^demeuroit  lorfqu'il  fut  fiait  Prêtre.  TI 
ut  ordonné  (î)  te  ay  Février  14^2  ,  <d)  Fop 
par  David  Evêque  d'Utrech,  fils  na-P^"^,  Bi^. 
tqrel  de  Philippe  le  Bon  Duc  de  Bour-  £l§'''';^ , 
gog^e-  Jrf  falf. 

On  Élit  aflfez  peu  de  chofe  du  dé-  £^4»^. 
tail  des  avions  d^Erafme  i  Cambrai  ; 
on  n'a  aucune  de  fes  J-ettres  tout  le 
tems  qu'il  y  fut  (r)  :  on  faitfeule-*^ 

<  j  )  La  troi/îéme  Lettre  de  l'Edition  dm 
M.  le  Clerc ,  ^ui  eft  la  .cinquième  du  Livrf 


i 


fo  Vie 

{à)  Epijl.  ment  {a)  qu'il  fe fit  extrêmement  àîr 
Hh^nanf.    mer  dans  la  maifon  du  Prél;git;  qu* An- 
toine de  Bergues  Abbé  de  Saint  Ber^ 
rin  ,  frère  de  rjEvêque  de  Cambrai  ^ 
Je  prit  en  très-grande  amitié  ;  &  qu'il 
y  àt  la  plus  étroite  ImCon  avec  Jaç-- 
.ques  Battus  qui  £at  jSéiCretaire  de  Ui 
Ville  de  Bergues ,  &  que  la  Marquifç 
de  WjiJere  dont  nous  jaurpns  occafiô^ 
cle  parler  ,  choiât  dans  la  fu^e  pour 
Gouverneur  .d'Adolphe  de  B^urgor 
gne  {qîï  fils. 
ifO  Cofnp.     L'^vêque  de  Cambrai (i)  ne  paf- 
y*^^^         (bit  pas  pojur  .être  fort  coijftant  dans  fe? 
goûts  ;  JErafme  avoit  d'ailleurs  un  très- 
^rand  defir  de  fe  perfieftionner  dan? 
les  Sciences  ^  &  fur-tout  dans  la  Tlxéo-* 
logie.  Il  fit  follicitpr  fon  Proteftcuf 
de  l'envoyer  à  Paris  ,  dont  l'Univer-^ 
jfité,   &  lùr-tput  la  Faculté  de  Théo- 
logie, ëtoient  pour  lors  dans  la  plu? 
jgrande  confidération  par  toute  TEu-^ 
rope.  Ifeiiri  de  Bergues  y  confemit  ^ 
fie  promit  même  une  penfion  annuelle . 
Iju'Erafme  dgns  T^j^regé  de  fa  Vie  ai> 

^  i.eft  datée  de  l'an  1 4^0.,  hrafme  étoit  pour- 
lors  chez  i'Evéque  de  Camtrai  ;  mais  il  eft 
confiant  que  a  dalie  en  eft  faufle ,  puifqu*!!  y 
éft  paiié  de  Oâts  poftér leurs  à  cette  année»  1} 
j  a  plùiieurs  autres  Lettres  dont  la  date  n'eft 
pas  plus  exa.ôe  ;  ce  qui  jet^e  beaucoup  d'em- 
î>arras  dans,  la  Chronologie  de  &s  pre^niercf 
années..  5       ' 


d'Erasms.  yi 

fitfc  n'avoir  pas  été  payée.  Il  vînt  à 
Paris  l'an  14^  5.  On  lui  avoit  obtenu 
une  bourfe  dans  le  Collège  de  Mon* 
taigu  (  tf  )  ;  il  y  fut  fi  mal  logé  &  fi  (4)  EfiJI. 
mal  nourri  ^  que  fon  tempérament  en  BJhim. 
fat  altéré  pour  toute  fa  vie  :  il  affure 
que  h  chambre  étoit  en  mauvais  air  ; 
qu'on  ne  le  nourrifloit  que  d'œuft 
pourris  ^  d'oïl,  il  arriva  que  fa  (anté  , 
qui  jufques-là  avoit  toujours  été  tort 
uonne,  fut  toujours  depuis  très  mau- 
vaife. 

Il  parle  de  ce  prenaier  féjour  à  Paris 
dans  le  Colloque  qui  a  pour  titre  U  Re- 
fu  (ùt  Poiffoa.  (  è  )  *  J'ai  vécu ,  dit-il ,  (*)  V.  p# 
»  il  y  a  trente  ans  dans  le  Collège  de  5o  J» 
»  Montaigu  k  Paris  ;  je  n'en  ai  rap- 
»  porté  qu'un  corps  ruiné ,  6c  une  très- 
^  grande  abondance  de  vermines^  Le 
»  Principal  de  ce  Collège  s'appelloic 
''lean  Standone  :  il  avoit  du  zélé  ; 
■  mais  il  n'avoit  aucun  jugement.  Les 
»  jeunes  gens  qui  étoient  fous  fa  dircc- 

*  tion  dans  (on  Collège ,  étoient  fi  mai 
j*  couchés ,  nourris  fi  durement ,  con- 
I»  fumés  de  tant*  de  travaux  &  de  veil- 
•les,  qucplufîeurs  qui  donnoient  de 

*  très-grandes  elpérances ,  mouroienj: 

*  ou  devenoient  aveugles,  fols  ou  lé- 
^  preux  dès  b  première  année.  Non 

*  content  de  les  traiter  fi  mal ,  il  les 
cngageoit  à  le  faire  Moines,  &  il  leur.  . 

Cij 


S2  Vie 

»  ôtoit  Pufage  de  la  viande  :  feaçonr 
»  nois  plufieurs  qui  ne  peHvent  pas  reH 
w  cQuvrer  U  fanté  quils  y  ont  pcr- 
»  due.  Il  y  avoit  des  chanrores  baflfes 
pBenduijtes  de  chaux  puante  près  des 
p»  latrines ,  oh  perfonne  n'a  jaijaais  ha.- 
pbité  qu'il  n'y  foit  jnort^  ou  noyait 
»  contradié  une  maladie  nçiortelle.  Je 
»  V  parle  pas  de  la  cruauté  avec  la- 
k  quelle  on  traitoit  les  innoceiis  même 
>i  pour  ies  rendre ,  difoit  -  on ,  plus 
p  dojjx.  Oh ,  quelle  confommation  Toa 
i  y  faifoit  d'ceufs  pourris  &  de  vin? 
V  gâtés  !  Peut-  être  que  depuis  ce  t^ms- 
jp  là  on  a  piis  les  chofes  fur  un  mail- 
pi  leur  pied  ;  pais  ça  ^té  trop  t;ard 
*»  ou  pour  ceux  qui  en  (ont  morts  i  ou 
f  pour  ceux  qui  y  ont  perdu  la  fanté 
i  pour  toute  leur  vie.  » 

Cependant  la  penfion  que  PEvêque 
de  Cambrai  lui  avoit  promife  ne  lui 
étant  pas  payée  ,  il  fe  trouva  dans  un 
très-grand  embarras.  Ce  qui  lefachoit 
davantage,  c'eft  qu'il  n'étoit  pas  en 
/état  d'acheter  les  Livres  qui  lui  étoient 
B^ceffaires  pour  les  grandes  études 
gu  il  avoit  entrçprifcs.  11  lui  fallut  re- 
courir à  des  expédiens  (  a  )  ;  il  prît  le 
(a)  Cal-  parti  de  àonner  des  leçons  dans  (à 
kheuter.  chambre  :  plufieurs  jeunes  gens  fe  pré- 
fenterent  pouiLqu'il  les  inftruisît  ;  mais 
h  en  refiila  beaucoup ,  parce  qu'il  vov^r 


r 


D^  E  R  A  S  M  *.  5*  J 

Imt  garder  une  partie  de  fon  tems  pour 

/es  études  particulières.  Cette  occupa* 

tion  lui  occafionna  des  dégoûts  &  des 

défagrémens.  Il  nous  apprend  (a)  dans 

une  Lettre  qu'il  écrivit  au  Père  Werner   M  Epi/l, 

Prieur  de  Stein,    avec  lequel  il  con-  *^'.^*  <'• 

ferva  toujours  des  liaifons,  qu'il  s'étoit  y  ^*  J*^'* 

chargé  d'inflruire  plufieurs  Anglois  de 

grande  condition  &  fort  riches.    Il 

ajoute  qu^if  s'étoit  ^réfenté  un  jeune 

r rêtre  très-riche ,  qui  venoit  de  refu- 

icr  un  Evêché ,  parce  qu^il  manquoit 

des  connoilTances  néceflaires  i  unÈvê- 

CEue  ;  mais  que  comme  le  Roi  vouloit 

dedans  l'année  le  nommer  à  ui  autre 

Êvêché ,  il  a  voit  offert  à  Era  me  cent 

écus ,  un  Bénéfice ,  6c  trois  cens  écus 

i  prêter ,  qu'il  ne  feroit  oblige  de  ren« 

dre  que  fur  les  revenus  du  Bénéfice 

qu'il  s'engageoit  de  lui  faire  avoir  , 

Îourvû  qu  Erafme'voulût  lui  fervir  de 
laître  d'études  pendant  un  an.  Mais 
quelque  avantageufes  que  fuffent  ces 
conditions,  il  les  refufa,  parce  que 
cette  occupation  Tauroit  détourné  de 
fes  études  Théologiques ,  qui  avoient 
été  r,objet  de  fon  voyage  de  Paris.  Car 
s'il  eût  voulu  répondre  aux  intentions 
de  ce  Prêtre ,  il  eût  fallu  que  pendant 
une  année  entière  Erafme  lui  çût  don- 
fé  tout  fon  tems»  Il  n'eut  pas  toujours 

Ciij 


n 


;  V  I  K  ;\     ^      ^ 

louer  àc  ceux  dont  il  dirîgeok  les» 
études  j  nous  apprenons»  par  une  Let- 
(d)  Efip. \ït{a) qui  fe  trouve  ^ns  le  recueil 
55»  ^«^r    des  fiennes  ^   qu'il  éprouva  quelque- 
fois l'ingratitude  de  fes  difciples.  Mais 
le  plus  grand  avantage  qu'il  retira  des 
éducations  qu'il  donna ,  tue  la  connoiC- 
fance  de  Milord  Monjoie  >  avec  lequel 
î^  conferva  tant  que  ce  Seigneur  vé  - 
eut  la  plus  tendre  amitié.    Il  étoit  à  * 
f^) Sp(/^* Paris  ^fc)  avec  un  Gouverneur  An- 
M.htn.        glois,  qui  avoir  encore  fous  fa  con- 
duite un  autre  jeune  Anglois.  Ils  pra^ 
poferent  à  Erafme  qui  fe  tFouvoit  tf  es*  / 
mal  dans  fon  Collège ,  de  venir  loger 
avec  eux  :  il  y  vint ,  &  y  fut  traité 
avec  tant  d'égards,  qu'il  écrivoit  à 
<0  liftjl  Guillaume  Herman  (c)  ^  Je  fuis  icS 
^i*L.^.    a>  chez   un  Gentil -homme  Anglôis 
a»  avec   deux  jeunes  gens  de  condU 
3*  tion  ;  mais  j'y  fuis  de  façon  que  je 
»  ne  pourrois  être  ni  plus  magnifique- 
«•  ment ,  ni  plus  honnêtement  chez  un 
>9  Prélat ,  quand  bien  même  je  ferois 
»  Evêque.  »'I1  veilla  fur  les  études 
f^)  ^^"^^^  de  Mont  joie  (i)  qui  de  fon  difciple 
'^'^''*         devint  peu  de  tems  après  fon  Mécène, 
ainfi  qu'il  s^en  explique  lui-même. 
Lorfqu'il  étoit  encore  dans  le  Col- 
(d)  Epijt.  ^^S^  d^  Montaigu  ,  il  fît  quelques  Ha- 
Boti.        langues  publiques  (i).  Il  ne  nous  ^ 


S  oint  appris  quel  en  étoit  le  fujet  ;  mais 
ans  la  mite  il  fut  fiché  de  n'avoir  pas" 
eu  la  précamion  de  les  conferver  pour 
pouvoir  les  donner  au  Public.  Sa  lancé 
étant  très-*>dérangée  (  a  )  il  quitta  Pa«  (a)  Cm^% 
ris  pour  retourner  à  Cambrai  j  il  y  fut  vî/i». 
ttès-bien  reçu  de  TEvéque.    Il  alla  .    * 
pafler  quelques  jours  à  Bergues  cheas 
ion  ami  Jacque  Battus  :  tt  y  recouvra 
&  (ànté  ;  &  peu  de  tems  après  il  fît 
connoiiTance  par  Tentremife  de  Battus 
avec  la  Mafquife  de  .Wéere# 

Cette  Dame  qin  fut  une  des  bienn 
faitrices  d'Erafme,  s'appelloit  Anne 
deBorfelle.  Elle  étoit  fille  de  Wolfard 
ée  Borfelïe  Maréchal  de  France  (  fc  )  /  '  (A)  Anfel- 
&  de  Charlotte  de  Bourbon  Mont-  me ,  &  vit 
penfier.  Elle  avoit  époufé  Philippe  fils  de   Loiis 
ÏAntoine  de  Bourgogne  Seigneur  de  ^;  ^  P"*^ 
Beuvres,  Tun  des  Bâtards  de  Philippe-  JJ^^^^    *^* 
le  Bon  Duc  de  Bourgogne  ;  &  elle  j.^,  7/ 
lui  avoit  apporté  en  dot  la  Seigneurie 
^e  Wéere  ,    vulgairement  nommée 
Terwéer*,  dans  Flfle  de  Valcheren  en 
Zéelaftde ,  celle  de  Fleflîngue  &  quel- 
ques-autres.   Elle  avoit  eu  de  fon 
aariage  un  fils  unique,  Adolphe  de 
Bourgogne  ,  qui   étoit    élevé    par 
Jacque  Battus  ,   lequel  infpira  à  ce 
Seigneur   les  fentimens    d'eftime  & 
tf  aoûtié  qu'il  avoit  lui  -  même  pour 


s  s  V  tt 

W  V.  E-  Erafme  (u).  Dans  la  fuite  W  fîit  C\ie^ 
fiji.  lé.  L.  valier  de  la  Toifon d'Or,  &c  Amiraf 
'^-  de  Flandre. 

La  Marquife  de  Wéere  fa  mère  avoir 
un.  Château  qu'on  appelîoit  Tourne- 
hens;  ce  fut-là  où  Erafme  lui  rendre 
fa  première  vifite  ,  dont  il  rendit 
comte  à  Milord  Monjoie  par  une 
(b)  Eftft.  lettre  ( i)  datée  de  Tournehens même 
é.  Efijl,  le4,Fevrier  145)7.  Après  avoir  dëcrit 
»4.  L.4.  poétiquement  les  défagrémens  qu*îl 
eut  à  effuyer  dans  fon^  vopge  à  ce 
Château  de  la  pan  du  temy  &  des^ 
chemins ,  il  fait  le  plus  beau  ponrait 
de  la  Marquife  de  Wéere  ,  à  qui  ît 
^oçne  le  titre  de  Princeife.  »  Nous 
n  fommes  enfin  ,  dit-il  ,  arrivés  e» 
•  vie  chez  la  Princefle.  Je  ne  pourroïs 
»  jamais  vous  expliquer  la  polireflfe ,  la 
»  bonté  &  la  libéralité  de  cette  digne 
9  Femme.  Je  fais  que  les  amplifications^ 
»des  Rhéteurs  font  fufpedles.,  fur-^ 
»tout  à  ceux  qui  s'appliquent  à  PElet;- 
»  quence  ;  mais  foyez  perfuadé  que  je 
•n'exagère  rien,  parce  que  l'Art  eftinu- 
„  tile  dans  cette  occafion-ci.  La  Na- 
*>  tùre  n*a  jamais  rien  produit  qui  eût 
«  tant  de  modeflie,  de  prudence  ,  de 
3»  candeur  &  de  bonté  ;  &  fi  vous  voa- 
9i  lez  que  je  comprenne  tout  en  un  feul 
9»  mot  9  elle  m'a  fait  autant  de  biem  fans. 


a» 


b' En  A  S  SIS;  SI 

#que  je  Taye  mérité ,  que  ce  Vieillard 
9  m'a  fait  de  mal  fans  fujet.  Elle  m'a 
„  comblé  d'autant  de  bienfait» ,  fans 
«que  je  lui  en  aye  donné  occafion^ 
„  que  l'autre  m'a-  outragé  après 
,,tout  ce  quej'ai  fait  pour  lui.  »  Cj'eift 
félon  toutes  les  apparences  ,  de 
l'Evêque  4^  Cambrai  dont  il  fe  plaint 
fi  amèrement.  »  Que  vous  dirai-je  de 
»>mon  Battus  ,  ajoute-t'il  ?  C'eft  la 
^  candeur  même  ;  perfonne  dans  le 
w  monde  n'eft  plus  capable  d'amitié* 
Je  commence  à  haïr  ces  ingrats, 
»  Pourquoi  ài-Je  fervi  fi  long-tenr.s  de 
a»  pareils  nionures  ;  &  pourquoi  faut* 
»  il  que  la  fortune  m'éloigne  de  vous  9 
a»  lorlque  la  plus  intime  amitié  corn-* 
»  rhençoit  à  nous  unir  f  » 

La  Marquifede  Wéere  ne  fe  con- 
tenta point  de  le  bien  recevoir  &  de 
lui  faire  des  préfens  :  elle  lui  afligna 
ime  penfion  de  cent  florins  (a)  ;  (a)  Epifi^ 
ce  qui  étoit  aflez  confidérable  avant  48.  L.  s. 
la-  aécouvene  du  Pérou.  Milord 
Monjoie  lui  donna  au(][î  des  preuves 
de  fa  reconnoiflance  &  de  fa  génerofité 

far  une  penfion  de  cent  écus  (  b  ).  (h)  Et>ifli 
.orfqu'Erafme  lui  écrivoit  cette  lettre  ,8«  Apftnd. 
dans  laquelle  il  pàroît  fi  content  de 
la  Marquife  de  Wéere  ,  il  éroit  dans 
la  réfolution  d'aller  faire  un  tour  en 
Hollande  >  &    enfuite   de  retourner 

Cv 


s9  V  I  « 

promptement  i  Paris.  S'il  exécuta  !& 
projet  du  voyage  de  Hollande  ,  il  y 
fut  très-peu  de  tems  :  car  une  de  £es- 
(4)  Epijl.  lettres  (  a  )  nous  apprend  qu'il  écoît 
*•  à  Anvers  le  12  Février    I4<;7.    Il 

alla  cette  même  année  en  AngleterreV 
ou  le  Comte  de  Monjoie  l'avoir  en— 
(*)  rfiff.   gagé  de  venir.  Il  étoit  à  Oxfort  (  ft  > 
''•  le  28  Octobre,    &  le  y  Decembre- 

(c)  Efijl.  à  Londres  ,  d'où  il  écrivit  (c)  à  Roberr 
14-    ^Pî^- Pifcacor  qui   étoit  en  Italie.  Il    lut 
*  ^*      mande  qu'il  y  auroit  déjà  long-tems- 
qu'il  feroit  avec  lui  ,  fi  lorfqu'il   (e- 
préparoit  à  aller  en  Italie ,  le  Conite: 
de  Monjoie  ne  l'c^   amené  en  An- 
gleterre. Il  paroît  extrêmement  content 
du  pays^  »>  J'y  ai  trouvé  ,  dUbit-il^ 
»  un  ciel  très- agréable  &  très-fain  ^ 
9i  tant  d'humanité  ,  &  une  fi.  profonde 
»  érudition  en  Grec  &  en  Latin ,  que 
»  ce  n'eft  plus  que  paF  curiofité  que  * 
atj'ai  envie  de  voir  l'Italie,  Quaticfe 
3»  j'entends  Golet  ,  il  me  femble  eri- 
»  tendre  Platon.  Qui  n'admireroit  pa$^ 
»  l'étendue  des  connoiflances  de  Gro— 
ao  ccn  dans  toutes  fortes  de  fciences? 
»  Qui  eft  plus  judicieux  ,  plus  pro- 
«»fond,  plus  pénétFant  que  Lavacer  r 
ai  La  nature  a^-t-elle  jamais  formé  un^ 
»  efprit  plus  liant  &  plus  heureux  que 
»  cclUi  ac  Tnomas  Morus  ?  j'en  omet» 
^bieii  d'autces»  11  eu  étomiant'  coior 


r 


lAIenles  Belles-Lettres  fleurifleAt  ici.» 
Il  ne  refta  pas  long-tems  en  AH'^ 
glecerre  dans  ce  premier  voyage  ,  fi 
ion  s^en  rapporte  à  la  date  de  fà 
quinzième  lettre  (a)  qui  eft  de  Paris  là)  Efifi^ 
le  14  Décembre  145^7.  elle  eft  écrite  »«•  ^  4» 
à  Guillaorne  Herman  de  Tergou, 
€et  ancien  aoû  dont  nous  avons  déjà 
parié:  c'eft  une  réponfe  ï  une  lettre  > 

affez  offenfante  au'il  en  avoit  reçue. 
EraGne  s'étoit   louvent  plaint  ï  lui- 
nème  de  ce  qu'il  ne  travailloit  pas 
affez,  &  de  ce  qu'il  ne  faifoit  aucune 
entreprit  digne  de   foi)  génie  ;  il 
^avoit  exhoné  à  faire  quelque  Oiir 
Vrage  digne  de  l'imeiortaiité  »  qtâ 
répondît  à  l'attente  qu'on  avoit   de 
^9  enfin  dïe  facrifier  (es  plaifirs  à  Cr 
gloire.  Guillaume  peu  content  de  cette 
cxhortarion  ,   avoit    rendu    confeit 
pour  confeil;  &  fa^  lettre  ne  prouvoic 
que  trop  que  les  remontrances  d*Ê- 
fafme  lui  avoient  déplu*  Il  chercha  i 
ïappailer  par  les  motifs  qui  l'avoient 
feit  agir,  il  finit  par  fe  plaindre  ten- 
drement du    procedé^  de  fon  ami  ^ 
&  du  malheur  de  fa  fituation»  »  Quelle 
»eft  votre  intention  ,  lui  dit -il  > 
»  lorfque  vous  femblez  ainfi  cenfurèr 
^  aa  conduite  ?  Voulez-vous  fàvoir 
»  comment  £rafme  vit  ici  t  car  ileft 

Cvj 


6o  V  xi 

»  convenable  qu^e  vous  fâchiez  tout 
»  ce  que  je  fais  ;  il  vie  :  encore'  ne- 
9  feis-je  s*il  vit  j  ce  qui  eft  certain  , 
M  c*tft  qu'il  eft  très- malheureux  ,8^ 
»  réduit  à  verfer  continuellement  des 
»  larmes.  Combien  de  trahifons  n'a- 
»  t-il  pas  éprouvées  f  Ses  amis  mêmes 
■»  l'ont  fouvent  abandonné.  Combien- 
•  n'a  t'ilpas  eu  de  difFérens  hafards 
»  à  éffuyer  f  Mais  du  moins  il  vit  dans 
»  l'innocence.  Je  fais  que  vous  aurez 
»  de  la  peine  à  me  croire  r s'il  m'écoit 
»  permis  de  jouir  de  votre  préfence , 
»  je  vous  aurois  bientôt  -  perfuadé 
»  que  je  ne  vous  dis  rien  que  àt 
»  très-vrai.  SI*  vous  voulez  avoir  une 
»-  véritable  idée  d'Erafme  ,  croyez 
m  qu'il  n'eft  point  libertin ,  mais  qu'il 
»eft  très  affligé  ;  qu  il  fe  hait  lui  mêmeif 
9  que  la  vie  lui  eft  infupportable ,  fans- 
»  que  cependant  il  lui  (oit  permis  de 
»  mourir  j  enfin  qu'il  eft  très-mifé**' 
»  rable,  non  par  fa  faute  ,  mais  par 
jn  l'injuftice  de  la  fortune  ,  &  qu'il 
wvous  aime  toujours  avec  la  plus 
9»  grande  paflSon.  »  Il  emploie  enfuite 
les    expreffions   les    plus    tendres   , 

Eour  engager  Guillaume  Herman  à 
li  rendre  fon  amitié  fans  laquelle 
îl  ne  peut  pas  vivre.  Il  eft  difficile 
de'\(oir  une  lettre  plus  couchante  > 


] 


ï)^E  n  A  ru  ti         '€t 

8c*  de  Ta  lire  fans  en  être  sfttendrk 
Erafme  n'y  parle  de  fes  malheurs  au'en 
général  ;  il  y  a  apparence  qu'il  les  a 
exagérés ,  pour  faire  comprendre  à 
ft>n  aoii  que  fon  refroidiflcment  écoit 
pour  lui  le  comble  de  l'infortune. 
Il  occupoit  pour  lors  (  ^  )  une  roaifon   ^^j  ^p^^ 

3u'il  avoir  louée,  oà  il  s'étoit  chargé  17.  Epifi. 
e  l'éducation  d'un  jeune  homme  de  18.  L.  4* 
Lubec  ,  dont  le  père  lui  avoit  promis 
trente-deux  écus  (i)  &  un  habit.  Il  en 
fait  un  grand  éloge.  C'eft  apparemment 
cet  homme  de  Lubec  appelle  ChriC- 
tien,  auquel  Erafme  envoya  {b)  quelque  (M  Ep^i 
tems  après  une  méthode  d'étudierjc'é-  2..   h,  \n 
toit  celle  dont  lui-même  avoit  fait  ufa-  ^?^^'    ^"^ 
ge  :  il  y  eft  plus  queftion  de  la  manie- 
ïedont  un  jeune  homme  doit  employer 
fon  tems  ,    que  du  fond  des  étuaes. 
La  pefte  qui  avoit  comnftencé  à  fe 
feire  fentir  à  Paris  fur  la  fin  de  l'a» 
1497.  obligea  Erafme  de  changer  de 
quanier,  &  d'en  prendre  un  moins 
ferré  ,    &  dont   l'air  fut  plus  fain  , 
étant  réfoltt   d'aller  plus  loin ,  fi  la 
maladie  contagieufe  augmenioit.  C'ed 
apparemment  ce  qui  arriva  ,  puifqu'il        -> 
alla  à  Orléans  (  c  )  paffer  trois  mois ,   (c)  Uflfl^ 
Jufqu'à  ce  que  la  pefte    fat  ceflfée   à  15. 
Paris.   Il  demeuroit  à  Orléans  (d)    (d)  Epijf^ 
chez  Jacque  Tutor  d'Anvers  ^    qui  16,  L.  ^r 
(1)  Tn^inta  duos  coranatou 


<toit  Profeffcur  en  Droît-Canôtï^ 
c'écoit  uti  très-honnête  homme,  qui 
réuniffoit  la  plus  grande  probité  avec 
beaucoup  d'érudition.  Il  avoit  &ê 
penfion  chez  lui  plufîeurs  jeunes  gens 
«e  grande  condition  ,  parmi  le%ielr 
D  y  avoit  deux  Flamands  de  la  maifon^ 
4e  NafTau»  Tutor  par  fes  bons  pro*- 
cedés  devint  un  des  meilleurs  amb^ 
d'Ërafn^ ,  (\vti  n'a  perdu  aucune  oc- 
cafion  de  témoigner  la  reconnoiiTancé 
qu'il  avoit  des  bons  fèrvices  qu'il  enF 
avolt  reçus.  »-Il  m^aime  prodigieufe* 
t^)Ef$fl.9menXy  écrivoit-il  à  Battus  (  ii  );  it 
^•U  8.  y,  m'admire  ;  il  ne  ceffe  de  me  louer  ; 
j*  ii  partage  avec  ï»oi  ia  petite  fortune 
m-  de  fi'  bonne  grâce  >  que  perfonne 
V  ne  reçoit  avec  tant  de  plaifit  que' 
»  celui-ci  en  zii  dentier.  » 

Êa  pefte  étant  ceffée  à  Paris ,  Eraf- 

(l)  Bpift.  me  y  revint  (  fc  )  au  commencement  de 

^'  ^  ^*    Tan  1^8.  Il  y  travailb  à  plufieurs  Ow 

<0»^«.  &  vrages  à  la  fois ,  &  entr'autres  (c)  h  fes 

tf.  Lee-  Adages,  &  à  des  notes  fur  les  Olfi'- 

**%'        ces  de  Ciceron.  H  adreffa  cette  même 

*M  1^.  j^nnée  à  Adolphe  de  Bourgogne ,  fib 

^*  de  la  Marquife  de  Wécre,    un  petit 

Traité  (  i  >fur  la  néceflîté  d'embraffer 

la  venu.  Il  y  fait  un  grand  éloge  diu^ 

^eune  Adolphe  &  de  Battus  ;  il  e^ 

(  î  )  De  virfatg  amfh^enàâ^    après^te 
Manuelf 


r^. 


fe'FKXs^Mrr.  ti 


îorre  ce  Seigneur  à  entrer  dans 
îen  ier  de  la  pieté  ,  qui  quoi  qu'endi- 
fent  les  flatteurs  des  Grands ,  ne  leur 
eft  pas  moins  convenable  qu^aux  au<- 
très  hommes.  Il  lui  envoie  quelques 
ïrieres  ,  qu^il  avoit  faites  pour  foir 
nfage  à  la  foLicitation  dela^Marquife 
de  Wéere  Se  de  Battus. 

Il    étoit  d^^une   très  -  foible  com^ 
plexion  ;  la  fièvre  à  laquelle  il  étoit  fort  ^^ 

hijet  (a)  ,  le  réduifoit  quelque-fois  à  la    ^*'  ^frïm 
dernière  extrtirfK..  Il  fut  très- mal  l'an  *  ^ 
I4p8r^   Dans  le  tenas  du  plus  grand^ 
danger ,  il  eut  recours  à  PinterceilioR 
de  Sainte  Geneviève,  dont  U  aflure 
qu'il  avoit  fouvent  éprouvé  la  pro* 
teé^ion.  Il  a  prétendu  dans  une  pièce' 
de  Vers  qu?il  fit  long-tems  après  (à? 
guérifon,  qu'ayant  pronûs  à  Sainte 
Geneviève  de  chanter  Tes  louanges  ff 
elle  lui  rendoit  la  fancé ,  il  n'eut  pa»- 
plutôt  fait  le  vœu ,  auc  fa  fièvre  dimi- 
nuaj^  &  que  l'on  Wedecitr  étant  veniF 
le  voir ,  fut  fi  étonné  de  ce  change- 
ment, qu'il  lui  dit  :  »  Vous  n*avez  plus- 
»  befoin  de  moi>  minifterc  :  quel  que- 
a^foit  celui  des  Saints  que  vous  avez* 
»  invoqué  y  il  ell  plus  habile  que  tou». 
»  Ici   Médecins  enlembie.  »  Erafnae 

Erend  à  témoin  de  cette  guénfon  ftw 
ite  ce  même  Médecin ,  dans  le  Poëne 
'  ^a'u  com^ola  par  reconnoiilance  esn 


^4  1^  <  «.      , 

Thonneur  de  Sainte  Genevîevô 

C'eft  apparemment  au  fujet  de  cetti 
î«)  Epi/?. maladie ,  qu'il  écrivit  (a)    au   Père 
Ï04,    jf^  Werner  Prieur  de  Stein  :  ^  11  n'y  a  pas 
fenduEftft.  «long-tems  que  f  ai  eu  la  fiëvre-quarte  ^ 
^*  ^^       «je  me  pone  bien  préfemement.    Ce 
»>  n'eft  point  au  Médecin  que  >aî  eoh» 
j>  ployé  que  je  dois   le  retour  de  la 
l_  »  lanté  ;  c  eft  îêulement  à  Sainte  Gene- 

f>  vieve ,  dont  le  corps  eft  ici  chez  IcS' 
«  Chanoines- Réguliers» 
^  Le  Médecin  qui  ^yoit  Êrafme  dans- 

cette  maladie ,  étoit  le  célèbre  Guil^- 
laume  Copus ,  connu  par  des  traduc- 
tions (fe  quelques  Ouvrages  Grecs 
,  d^Hypocrate ,  de  Galien  &  de  Paul 
^ginete.    Son  *mérite  lui  procura  ïa 

Îlace   de, premier  Médecin  du  Roi 
'  rançois  1 .  M.  le  Clerc  en  defcendoit  j 
(h)  Bib.  il  nous  apprend  (b)  que  ce  fameux 
éïoifie  y  t.  Médecin  étoit  bifayeul-maternel  d'É- 
iJ.  p«  155*   tienne  le  Clerc  fon  père.    Ce  ne  fut 
(0  Eftjl.  que  dans  un  âge  avancé  (c  )  que  Co- 
*î    1"  13-  pus  s'appliqua  férieufement  à  l%ude 
de  la  Langue  -  Grecque.  Il  rapporte 
dans  une  Lettre  qui  eft  à  la  tête  de  fa 
C^V.MaiV  Traduélion  de  Paul  jÉginete  (i)  qu  V 
ti  ire ,  t.  1.  pj.^5  avoir  eu  le«   premiers  élemens 
p.  107.      ^ç  ^g^g  Langue  en  Allemagne ,   il 
avoit  eu  deflfein  de  s'y  perfeélionrief 
à  Paris  fous  Eralme  &  fous  Lafcarik  ; 
mais  que  ce3  deux  Savàns  ayant  pris  Iç 


D*  Ê  R  A  $  M  t;  6f 

jMiti  d'aller  en  Italie ,  ce  fut  Aléan- 
dre  qui  loi  fervit  de  Maître, 

Deu3^  cbofes  contribiroient  fur-tout 
à  déranger  la  fanté  d'Erafme  qui  d'ail- 
leurs étoit  très-délicate  ;  les  «oufri- 
tores   maigres  &  lès  excès  d'étude» 
Jamais  il  ne  pafla  un:  Carême  à  Paris 
fens  être  malade  (a  ).  Gefot  dans  le  («)  ^0f 
tcms  d'une  convalefcence  qu'il  écrivit  34-  ^•9» 
iArnoldus  fa  t roifieme  Lettre  (i)dont  (^)  ^P^* 
la  date  eft  conftammeiït  fauffe.  »  Il  y  a  3*   ^P'^*^ 
n  déjà  quinze  j9ur^, Itâ  dit-U ,  que  j  ai  *'•    '  ^ 
»  une  fièvre  côwdiîae  qui  m'a  prefquc 
9»  mis  au  tombeau  :  je  ne  fuis  pas  en- 
wcore  entièrement  guéri  ;  mais  je  fuis 

•  \m  peu  mieux.  » 

Cet  état  dangereux  dans  lequel  il  fe 
ttouvoit  continuellement ,  l'avoit  dé- 
goûté du  monde.  »  Vous  fouhaitez 
»  favoir  quels^  font  mes  projets  ,  di^ 
»foit-il  à  ce  même  Araoldus  :  foyex 

*  perfuadé  que  le  monde  n>'eft  odieux  > 
»  &  que  je  renonce  à  mes  efpérances. 
••Je  ne  defire  rien  que  d'avoir  affez  de 
»  tems  pour  ne  vivre  que  pour  Diea, 
»  pleurer  les  péchés  de  ma  jeuneflc,  ne 
»m 'occuper  que  de  Leftures  faintes  ;; 
»  ce  qui  ne  me  feroit  pas  poffible  ni 
9  dans  la  retraite^  ni  dans  un  Collège: 
»  ma  fanté  eft  trop  délicate.  Je  ne  puis* 
»  ni  jeûner  ni  veiller ,  même  lorfque  je 
»:  me  porte  le  mieux-  :  ici  où  je  n'a| 


t($  Vit 

ai  rien  à  dcfifer ,  je  tombe  fouvent  rËîk 
»lade;  que  deviendrois-je  au  milieu 
w  des  travaux  d^un  Collège  f  J'avoi^ 
9»  réfolu  d'à^Uer  cette  toilée  etv  Italie  ^ 
«>  de  m^ppliqoer  à  la  Théologie  peiï- 
m  dant  quelques  moi»  i  Boalegn» ,  Si 
»  là  y  tccevoir  le  Bonnet  de  Doéléur  y 

*  me  rendre  à  Rome  Tartnée  du  Jïi^ 

*  bile ,  pom*  enfaite  me  venir  fixe/ 
»>  dans  ma  Patrie  ;  mais  /appréhender 
9»  bien  de  ne  pouvoir  pas  faire  tout  ce 
«  que  je  foiihaiterois.  Je  crains  qiie  nm 
9»  lanté  n^  pûifle  fupporter  les  fatigues 

*  d'un  ii  grand  voyage,  m  la  choeur' 
ai  du  pays  ;  d^ailleurs  il  faut  beaucoup^ 
»  d'argent  pour  aller  en  Italie ,  pour  f 
••  vîvre,  &  pouf  y  obtenir  le  grade 
*»  de  Dodeur.  L'Evêque  de  Cambrai 
»  me  donne  très-peu  :  il  m'aime  plu* 
»  qu'il  ne  me  fait  de  préfens  ;  il  pro»- 

*  met  plus  qu  il  ne  donne,  C'eft  peut» 
9  être  ma  £iute  :  car  je  ne  le  preflèr 

*  point.  »  • 

L'étude  de  la  Lartgue-Grecque  ToC- 
(à)  Efifi.  cupoit  beaiïcoup  (  ^  )  ^  il  n'en  avoit  eu 
Srj.    H^(/?-  qu'une  très-légère  connorflamce  daiïi 
$$.  L.9*    {^  Jeunefle  ;  mais  il  avoit  depuis  re- 
^       ,  connu  la  vérité  de  ce  qu'il  avoit  Mï 
dans  de  très-graves  Auteurs ,  que  quel- 
que habile  que  l'on  fût  en  Latin ,  off 
n'étoit    qu'un   demi  -  favant   lorfquc 
i^rudition  Grecque  manquoit^  parce 


r 


D*  E  R  A.  $  Itf  ^#  ^ 

^  les  Latins  n'avoient  que  de  petit»  > 

ruifeaux ,  &  qifô  l'on  trottvoit  che^  ^ 

les  Grecs  des  fourees  très-pures  ,  & 
des  fleuves  qui  entraînoient  de  l'or# 
Il  croyoit  d'ailleurs  que  c  étoit  le  cook 
ble  de  la  folle  de  s'imaginer  pouvoir 
être  grand  Théologien ,  fi  Von  n'é- 
toit  pas  fort  exercé  dans  le  Grec ,  puîf' 
quelefcns  littéral  de  TEcriture  ,  qui 
eft  le  pltB  important ,  ne  peut  être  par- 
Éiitement  compris  par  ceux  qui  igno- 
rent ceue  Langue. 

Pour  s'y  perfeiiionner,  il  eut  re- 
cours {a)  à  un  Grec  qui  sappelloit  (s)  Eff0i 
Michel  Pavius ,  &  i  qui  il  donne  le  77» 
nom  de  fon  Précepteur  ;  mais  ce  Grec 
lui  fut  apparemment  peu  utile  :  car 
Erafine  dans  fa  réponie  i  Curtius  al^ 
fure  qu'il  apprit  la  Langue  -  Grecque 
fans  être  aide  de  perfonne  (  i).  Ce  qui 
cft  confiant ,  c'efl  que  lorfqu  il  fe  mit 
entre  les  mains  de  Pavius ,  il  y  étoit 
déjà  fort  habile. 

Le  deffein  qu'il  avoir  pris  de  fe 

trocurerle  grade  de  Doéleur  enThéo- 
)gie  ,  l'avoir  mis  dans  la  néceflîté 
d'étudier  la  Théologie  ordinaire,  c'efl- 
à-dire ,  la  Stholaflique  ;  ce  qui  a  fait 
dire  à  Rhenanus  r  qu'il  étoit  devenue 
jScotifte  dans  le  Collège  de  Moor 
(  I  )  Prorfks  fui  àutodidaCios^ 


.        .   ^  Vie 

Xà)  Ep?/F/taîgu.  Il  en  badine  {a  )  avec  un  de  fW 
%t*  L,  6*    gj^îs  ^  à  qui  il  mande  qu'il  a  commencé 
i  être  Scotiftê.  Cette  Théologie  pré- 
valoit  daâs  cetems-là  à  Paris,  puiP- 
^  qu'Erafme  ne  craint  pas  d'appeller  ht 

['  Sorbonne ,  le  Çicré  Temple  de  la  Théo- 

logie Sohôlaftique.  Ce  genre  de  Théo- 
logie  lui  déplaifoit  fort  >   comme  oo 
peut  le  voir  dans  cette  même  Lettre, 
oii  il  traire  Scot  de  rêveur ,  &  oii  il  Çè 
inocque  des  difputes  Thëologiques  fur 
les  quiddités  &.fur  les  formalités.   Jl- 
ajoute  :  »  Ces  vénérables  Dofteurs  foiK 
»  tiennent ,  que  leurs  myfteres  ne  peur 
96  vent  être  entendus  par  aucun  de  ceux 
w  qui  ont  quelque  commerce  avec  les 
j^Mufes  ou  avec  les  Grâces;  il  faijt 
•  donc  défapprendre  ce  qu'on  a_pû  fe- 
*voir  des  BeÛes-Lettres ,  &  fe  défaire 
afc  de  ce  qu- oit  a  pu  puifer^  daas  l'He- 
»  licon.  Je  fais  de  mon  mieux  pour  ne 
ak-  parlerqu'en  mauvais  Latin ,  &  pour 
»  ne  rien  dire  avec  agrément  &  avec 
»  efprit  5  il  y  a  efpéranee  que  bientôt 
o.ils  reconnoîtront  Erafmepour  un  des 
»  leurs.  *  Après  ce  badinâge ,  il  dé- 
clare que  ce  n'eft  point  la  Théolo- 
gie qu  il  prétend  blâmer,  mais  feule- 
ment ies  Théologaftres  de  fon  tems , 
dont  il  fait  enfuite  la  iatyre  la  plu$ 
:iFiolente#' 


r>*E  R  A  s  M  E.  6p( 

'Cependant  l'argent    lui  manquoit 
.^  fl  )  ;  ce  qui  Je  raettoit  dans  l'impoflî-   (^^  Efifii 
bilité  de  fe  procurer  les  Livres  dont  il  j4.  l.  9^ 
avoir  abfolyment  befoin.  La  Marquife 
4e  Wéere  ne  lui  tenoit  pas  les  pro^ 
;ncffes  qu'elle  lui  avoit  faites  (i)  ;  il  (b)  Eptjfi 
/en  expliqua  fecrettement  à  Battus.  Il4*«  ^  8>ji 
fe  plaignit  qu'il  y  avoit  un  an  qu'on 
lui  avoit  promis  de  l'argent  (c)  qu'on  (e)  ffi^ 
jie  lui  avoit  pas  envoyé^  »  Toutce/»» 
w  que  "vous  me  dites,  ajoutc-c-il,  fe 
m  borne  à  de  (impies  efpérances^  Vous  j; 

f  déplorez  la  fortune  ae  la  Marquife , 
?»  comme  fi  dçux  cens  francs  étoient  an 
^>  objet  en  comparaifon  des  dëpenfej 
»  qu'elle  fait  mal-  â-  propos.  Elle  trouve 
5>  bien  de  quoi  faire  vivre  ces  mauvais 
»  Moines ,  &  d'autrerméchans  fujet$  : 
»  vous  favez  de  qui  je  parle  ;  &  elle  ne 
,**  peut  pas  fournir  à  rentretien  de  quci- 
•qu'un^qui  pourroit  faire  des  Ouvrages 
n  qui  irôiçnt  à  la  poftçrité  :  car  enfin 
w  il  faut  que  je  me  vante  un  peu.  n 
"  Ce  n'étoit  point  par  mauvaife  volonté 

Îue  la  Marquife  de  Wéere  ceffpit 
'envoyer  à  Erafme  les  fecours  dont 
il  avoit  befoin  :  fes  afitaires  avoient 
^  été  fon  dérangées  par  des  accidens 
qui  nous  font  inconnus ,  mais  aux^ 
quels  elle  avoit  donné  lieu  par  C^ 
jfnprudçnççSf 


70  Vie 

:(d)  Eptff.     La  pefte  étant  dans  Paiîs  (a)  Erafrae 

55.  Epift.  ju^ea  a  propos  d^en  lortir  ;  il  crut  de-, 

3^*  voir  feire  un  voyage  en  Hollande  Son 

premier  dcfl'ein  àvoit  été  de  s'y  fixer 

U)  Comp.  (^)  i  "^^^  ^^^  Compatriotes  lui  repré- 

4^//ir^ Ef^T?. fondèrent  eux-mêmes,  qu'il  étoit  né 

ji.   L.  8.  pour  briller  fur  un  grand  Théâtre^ 

(c)  Epifl.^^  n'y  refta  que  quinze  jours  (c)  qu'il 

5^.   Epfji,  employa  à  courir  &  à  boire  5  de  forte  ^ 

>p.  L.  p,     di(oit-il ,  qu'il  auroit  mieux  aimé  vivre 

chez  les  Phéaciens.  La  complaifance 

/qu'il  eut  de  céder  aux  inftances  de 

ceux  qui  aimoient  la  table ,  dérang;ea 

<J)  Epljf.^^^^^^^^^^^  ^^  ^"^^^^ -(^)  i  il ^  afluré 
4^0.    jf"  que  ce  voyage  lui  avoit  coûté  beau- 
ftnd*        coup.  Il  étoit  affez  content  de  Tair  du 
pays  ;  mais  les  repas  continuels  le  fati- 
guoient;  d'ailleurs  il  ne  s'accommodoit 
pas  du  caraiftere  des  Nationaux ,  qu'il 
traite  de  gens  lordides,impolis,mépri- 
fent  les  Lettres ,  envieux ,  chez  qui 
l'érudition  n'a  aucune  récompenfe.  De 
f^)  Epijl.  Hollande  il  alla  en  Zéelande  (  e  ) ,  & 
55.   Efî/?.  courut  un  fort  grand  riiqùe  en  na- 
^}.L«^.     vigant  près  de  Dordreél,  Une  mala- 
die qui  furvint  à  £bn  Domeftique ,  le 
retint   plus  long-tems  qu'il  n  auroit 
(f}EfiJl.you\]x  à  Ziriczée(/)  ,  oùdemeuroit 
6  S»  U  mère  de  ce  Domeftique.  L'ennui 

qu'il  y  eut  ,  &  l'air  qui  étoit  con- 
traire à  fon  tempérament ,    le  firent 


b^  D  R  A  s  M  s.  ft\ 

tomhçr  dans  une  maladie  qui  auroip 
pâ  devenir  très-danger^ufe ,  s'il  n'avoir 
proxnpcement  quitté  la  Z^elande.  Xi 
fiit  deux  mois  à  feire  ce  voyage. 

Ilailaenfuite  au  Château  de  Tour- 
nebens ,  dans  l'intention  de  fi^ire  fa 
cour  à  h  Marquift'  dç  Wéere.  Elle 
lui  fit  b^tfcoup  de  politeffes  (a)  ;  C«)  l^ffjl^ 
màs  elâe  lui  dowapeu  d'argents  &^^* 
il  np^  lui  fut  pas  poffible  d'avoir 
aucune  coûverfatiÔBparriculicrcavcç 
rile(t).  ,?»«^'A 

C'étoit  pendant  l'Eté  de  ran  1^99^^ 
qull  étoitavec  1?  Jlatquife  de  Véere  ; 
nous  ayojis  plufieii)^  i^et^res  qu^il  écri- 
vit pour  Iprs  du  Château  de  Tourne- 
îens.  Dans  une  adreffée  à  Tutor  (r  ) ,  (c)  Epig^ 
\\  lui  ipande  en  confidence,  gue  l'É-  »®«t«f^ 
yêqu^    djç  Cambrai    çft   toujours  le 
même  ;  que  les  aflfeî«^  de  la  M^rquifç 
de  Wé^re  font  dans -une  fi  fâcheulc  fi- 
tuation ,  qu  il  faudroit  pluti&t  la  fecou-^ 
rir  que  lui    demander  des  fecours^ 
La  pefte  qui  étoit  encore  à  Paris ,  l'em- 
pêchoit  4^y  n^touraer^  Il  avoit  quelr 

3ue  envie  d'aller  çn  Angleterre  étu- 
ier  quelques  ii^isiU  Tjiéologie  avec 
fon  cher  Colçt  ;  inais  il  étoit  retenu 
par  h  crainte  dbe  faire  naufrage  une 
féconde  fois.  Le  defir  de  voir  l'Italie 
étpit  tpujoixrs  le  jf^mi  ce  cjui  s'pjp*- 


7^  V  lÉ 

Sofoit  à  fon  projet ,  c'eft  que ,  comme 
It  Plaute  y  il  n'eft  pas  facile  de  vo- 
ler fans  aîles ,  ce  qui  fign'^e ,  qu'il 
n'avoir  pas  les  fonds  néceflaires  pour 
faire  un  voyage  qui  exigeoit  tant  de 
dépenfes^ 

La  franchife  àont  Erafme  faifbic 
çrofeffion  ,  ne  s'^cçonjoit  pas  toupurs 
avec  la  plus  grande  prudence.  Ilayoic 
^u  fujet  de  fe  plaindfre  du  peu  d'ocao- 
titude  que  l'Evêque  de  Cambrai  avoit 
eue  à  tenir  les  promçfles  qu  il  lui  a  voit 
faites ,  de  lui  fournir  les  iecours  né- 
ceflfaites  pour  ylvre  à  Paris.;  il  ^*ei^ 
iétoit  expliqué   affc«  publiquement,  i- 
pour  que  le  Prélat  en  fut  informée- 
Henri  de  Bètgues  qui croyoit savoir 
fait  beaucoup  pour  Érafine ,  fut  trèst- 
offenfé  de  fon  peu  de  recônnoiflance  ; 
il  Taccufa  hautement  <f  ingratitude, 
Erafme  fut  coftfterné  de^ce reproche» 
&  il  entreprit  de  fe  juftifier  par  une 

fa)  EptP..^^^^^^^^^  qu'il  écrivit  du  Château  de 

i7,L«i?.     Tournehens  le  12  Juillet  14^^^  ij 

déclare  ^  l'Evêque  de  Cambrai  qu'il 

appelle  fon  patron ,  qu^il  efl  d'autajit- 

plus  humilié  de  Tidée  qaeyi  Sublimité 

a  de  lyi ,  que  ^ingratitude  lui  a  toyt-. 

jours  fait  horreur ,  &  que  c'eft  le  vicç 

îp  plus  contraire  â  fon   caraélere.    ï| 

h  fupplie  de  vouloir  biçn  eycufer  Je$ 

fàutey 


!)•  E  «  A  s  M  E.  7J 

6ut€S  qui  ont  pu  échapper,  eu  à  (a  * 

/împlkité  ,  ou  au  peu  de  monde  qu'il 
avoit  :  car  il  jure  qu'il  n'eft  coupable 
daucune  méchanceté.  Il  proteile  qu'il 
a  toujours  été   trèsn-cconnoiffant  de 
fes  bienfaits;   qu'il  l'aime  &  Je   ref- 
pefte.  de  tout  fon  cœur  ;  qu'il  n'y  a 
pas  de  jour  où  il  ne  prie  Dieu  de  lui 
rendre  avec  ufure  les  bienfoits  qu'il  en 
a  reçus  ;  qu'il  célèbre  continuellement 
fes  bontés ,  &  s'en  fouvient  à  tout  mo» 
ment; que  ce  feront  toujours  là  fes  fen- 
timens.  Il  déclare  qu'il  fe  livre  entier 
rement  à  lui ,  &l  qu'il  fe  croiroit  au 
comblç  de  fes  voeux ,  s'il  étoit  affe* 
heureux  pour  pouvoir  trouver  une  oc- 
cadon  de  lui  témoigner  là  parfaite  re^ 
connoiifance. 

Ces  proteftations  ne  firent  point  re^ 
venir  le  Prélat  (a)  ;  &  Eralme  mal-  .^ 

gré  ces  compliijp^ens  étoit  fort  décaché  , ,-  r  /    * 
de  lui ,    coipme  nous  aurons  bientôt 
oçcaiion  de  le  v-oir. 

Ayant  refté  quelque  tems  chez  k 
Marquife  de  Wecrc ,  &  la  peftc  qui 
continuoit  à  Paris  l'empêchant  de  s'y 
rendre ,  il  prit  le  parti  d'aller  faire  un 
oetit  voyage  en  Angleterre.  Il  étoit 
li.Oxfort  il  2j8  Oélobre  149$.  Ona  ry^npin 
une  Lettre  de  lui .(  J  )  datée  de  cette  ^^/  jg^-^* 
yille  &  jde  ce  jour  adreifce  à  Thomas  j  i[  t,  $,  ' 


74  Vie 

Moms»  Ce  fut  en  quittant  l'Angle 
t^rre,  oue  lui  arriva  cçtte  ay amure  dé* 
fagréable  dont  il  eCl  fait  mention  daii$  . 
l'Abrégé  de  fa  Vie  &  dans  Rbenanas»; 
Il  ayoit  fi^r  lui  plus  d'argent  ^'U 
p'étoit  pçrmis  d'en  onporter  du  Royau«i! 
fùc  par  ies  Loix  d'Angleterre  :  il  ht 
Quille  k  Dpuvrçs  ;  on  confifqqa  tou]p 
ce  qu'il  avoit  d'or  &  d'argent. 

Il  f^  fouvenoit  encore  de  ce  défaftrf 

(à)  Bpijl*  quinze  atis  après ,  lorfqu'il  écrivoit  (a^ 

173.  Epi  fi.  Y^xï  I  y  t  y.  »  Il  y  a  plus  de  quinze  at^ 

iP*  X-.  ^'    ^  que  qae  préparant  ^  fortir  d'Angle* 

1?  terrç ,  je  perdis  à  Douvres  vingt  li* 

f^vres,  &  je  fis  naufrage  avant  que 

^  d'être  entré  dans  Iç  Vaifleau  5  je  peN 

P  dis  ainfî  tout  ce  que  j'avojs.  J'en  hi$ 

P  û  peu  confïemé  ^  que  j'en  retournai 

9i  à  1  ouvrage  avec  plus  de  gaieté  8ç 

»i  d'ardeur  3  &  peu  de  tenas  après  jfj  . 

9i  donnai  au  Public  mpn  Livre  4es  Pros 

•  verbes.  « 

Cette  Hifloire  a  été  brodée  par 
^oiffard  6f:  Melçbior  Adam ,  qui  en 
ont  fait  un  Koipam   Ils  ont  prétendii 

Îue  le  Roi  Henri  VIIL  ayoit  engagé 
irafme  à  venir  en  Angleterre ,  parce 
qu'il  youlpit  conférer  avec  lui  fur  leâ» 
matiçres  de  Religion  j  qu'il  y  avoiç 
lété  très-bien  reçu  -,  &  qu'après  y  avoir 
fcft^  peij  4e  tçms  ^  il  avpi^  yo^lu  ^[t^ 


D*  E  R  A  $  M  E.  *7y 

'tourner ,  quelques  inftances  que  le 
Roi  fît  pour  le  retenir  ;  que  ce  Prince 
Jui  av0it&it  pr^fent  de  cinquante  A  n« 
gdots  (  I  )  ;  qu'ayant  été  fouillé  i 
Bouvres ,  on  ne  lui  avoit  laiifé  que 
l'argent  qui  lui  étoit  abfolument  né- 
celfeirc  pour  fon  paflage;  qu'il  en 
avoit  été  porter  ^cs  plaintes  au  Roi  , 
qui  en  avoit  beaucoup  ri ,  &  fait  f  é- 
bge  de  l'exaôitude  des  Commis  ;  4c 
«pi'après  avoir  retenu  Erafme  encore 
^ois  jours  près  de  lui ,  il  lui  avoit  en- 
core fait  préfent  de  cinquante  autres 
Angçlots ,  &  donne  ordre  aux  Corn» 
mis  de  Douvres  de  lui  rendre  ceux  qui 
lui.  a  voient  été  ûifls»  Mais  ce  conte 
fc  détruit  par  leç  Lettres  mênaçs  d*E- 
rrfne  ;  d'ailleurs  Henri  VIIL  n'étoir 
pcant  fur  Iç  Tr6ne  d*Angleterre  ,  6ç 
Jœ  troubles  de  Religion  n'avoienç 
point  encore  commencé,  lorfqu' Eraf- 
me reçut  à  Douvres  cette  avanie.  Il 
repaffa  en  Flandre  ,  voulant  faluer  h 
^arquife  de  Wéere  avant  de  revenir  en 
-France.  Battus  qui  étoit  dans  le  Châ^ 
teau  de  Toumehens ,  fît  part  (  /i  )  aji  (a)  Epijf, 
Comte  de  Montjoie  de  Parrivée  d'E  *  W«  <-•  8# 
^fmç;  &  il  affure  gue  ç'eû  avec  beau- 

(!)  Monnôie  d'or   pefint  alors  4  da- 
^s  ij  grains.   Bib,  cbfifn  ,  /.  5-  f*  iî<# 


17^  Vie 

coup  de  confiance  qu*il  a  fwpporté  I9 
difgrace  qui  lui  eft  arrivée  en  fonanp 
d'Angleterre  ;  qu'il  n'en  faifoit  que 
ripe ,  tandis  que  les  autrjcs  en  étoient 
fort  affligés  ;  qu'il  fe  confoloit  en  di- 
fant  que  s'il  avoit  perdu  quelque  ar*- 
gent  en  Angleterre ,  il  y  avoit  du 
moins  acquis  des  amis  qu'il  préfère^ 
roit  aux  rixrhefles  de  Ciétus.  11  quitt^ 
le  Château  de  Tournehens  pour  re- 
tourner en  France.  Ce  ne  fut  point  à 
Paris  où  il  alla  j  la  pcfte  y  étoit  en- 
icore  :  mais  ce  fut  à  Orléans  chez  fon 
2mi  Tutor.  Le  défaftre  qui  lui  étoit 
arrivé  en  Angleterre  l'avoit  tellement 
dérangé ,  qu'il  avoit  été  obligé  d*em- 
(a)  Ef îy?. prunter   de   Pargent   (a)  pour  fon 

33.  L,  5>.    voyage.  Il  étoit  extrêmement  content 
(A)  EfiJlA^  fon  Hôte  (èjîr  il  avoit  cependant 

4^ .  L.  8.  grande  envie  de  revenir  à  Paris ,  noa^ 
leulement  parce  qu*il  y  étoit  plus  en 
Situation  de  bien  finir  les  grands  Ou- 
vrages qu^il  avoitentrepris ,  mais  auffi 
parce  qu'il  cràignoit  d'être  à  charge 
a  Tutor  qui  lui  donnoit  fa  table  ^  & 
dont  la  fortune  étoit  médiocre. 

Il  étoit  toujours  de  plus  en  plus  mé- 
cpntent  de  l'Evêque  de  Cambrai  ;  âc  , 
dans  une  Lettre  écrite  d'Orléans  en 
confidence  à  Battus  ,  il  fe  plaint  am}5- 
rement  d'ayoir  çn  fç  ]Prélat  un  ^v^r 


î 


t>'  Ë  K  A  s  iK  B.  77 

flîArefte.  Il  étoit  piqué  contre  lui  de  ce 
qu'il  avoit  chargé  quelqu'un  d'épier 
fa  conduite ,  &  de  lui  en  faire  un  rap* 
port  fidèle  f  en,  pronaertant  une  bonne 
récompenfe.  Il  trouvoit  fort  mauvais  * 
|u'Erafme  à  qui  il  ne  vouloit  plus  Êiire 
ie  penfîon  ,  le  propofât  d'babiter  en- 
core à  Paris.  Ce  qui  avoit  achevé 
d'altérer  Tefprit  du:  rrélat ,  c'eft  qu'il 
fevoit  qu'Erafiiie  s'étoit  plaint  de  lui 
à  l'Abbé  de  S.  Bertin  fon  frère  &  à 
plufleurs  autres  >  qui  lui  favoient  mau- 
vais gré  de  fon  peu  de  générofité.  Ce 
Ghangement  de  difpofitions  dans 
Henri  de  Bergues  ne  fit  point  perdre 
courage  à  Erafnae  ;  il  n  en  avoit  que 
plus  de  defir  de  retourner  à  Paris , 

Îiour  y  faire  quelque  Ouvrage  qui  lui 
ît  affez  d'honneur  pour  faire  crever  de 
dépit  le  Prélat ,  difoit-il  à  Battus.  Il 
ne  paroît  pas  qu'il  y  eût  depuis  ce 
tems-là  aucune  relation  entre  l'Evêque 
de  Cambrai  &  lui.    Ce  Prélat  étant 
mort   quelque  tems  après  ,    Erafme 
crut  devoir  célébrer  fa  mémoire  :  il 
fit  en  fon  honneur  (a)  trois  Epita-  ,^x  g^;^^ 
phes  Latines  &  une  Grecque  ,  dont  2^.  £,  jg* 
il  ne  reçut  pour  récompenfe  que  fix 
florins  ;   ce  qui  lui  a  fait  dire ,   que 
inême  après  fa  mort  il  n'étoit  point   (^)  £p*a 
(changé.  Il  étoit  dans  l'inquiétude  (b)  4p.  u  u! 

Diij 


79^  V  I  ]ff 

que  F  Abbé  dé  S.  Bcrtin  quî  avdît  été 

voir  TEvêque  de  Cambrai  Ion  frère  , 

n'en  fût  revenu  prévenu  contre  lui  5 

mais  il  en  reçut  un  préfent  dans  ce 

(a)  Efifi*  cems-là  même  (  a  )  ce  qui  dut  le  raC- 

^a^F^'n  '^^^^*  ^^  ^^  écrivit  d'Orléans  (  i)  pour 

7^  *  Epifi.  ^"^^  ^^^  P^^^  ^^  ^^*  occiçations  litté^ 

Il  y  à  quelque  apparence  qu*Eraf« 
me  fît  un  court  voyage  en  Flandre 
au  commencement  de  l'an  i;oo.  OU 
qu'étant  de  retour  à  Paris ,  il  écrivît 
.  à  Baaus  cette  Lettre  (  i  )^.  dans  laquelle 
il  lui  fait  part  des  avantures  qui  lur 
font  arrivées  pendant  le  chenain  d'A* 
miens  à  Paris  :  elles  font  racontéèsr 
d'une  façon  très-plaifantc.  11  arriva  à 
Amiens  le  dernier  Janvier ,  &  à  Paris 
te  a  Février  ,  fans  argent ,  parce 
ou'il  avoit  été  volé  eii  chemin;  ce  q\ak 
ravoit  réduit  à  une  û  grande  mifere  ^ 

(  I  )  Cette  Lettre  eft  à  la  venté  datée  ile 
149^*  mais  dans  ce  tems-ià  comme  Tannée 
s*étoit  cenfée  commencer  qu^  Pâque  ,  on 
datoit  très-fouvent  le  commencement  é€ 
Tannée  comme  û  l'on  avoit  écrit  Tannée 
d'auparavant  $  &  ce  qui  feroit- croire  qu'E- 
lafine  en  a  agi.ainfi  ,'  c'eft  qu'on  ne  peut 
placer  les  faits  de  cette  Lettre  qu'en  ifoo^ 
Au  refte  il  eft  conftant  qu'il  ne  faut  nulle* 
ment  fe  fixer  aux  dates  des  premières  L^t^ 
très  d'Erafme. 


îl*  E  »  À  s  M  B.  'fp 

ifM  écrivit  fur  le  champ  à  Battus  de 
lui  procurer  le  plutôt  qu  il  pourroit 
trente  écus  d'or ,  foit  en  engafi;eant  la 
Marquife  de  Wéere  à  les  lut  donner  » 
foit  en  les  tirant  d'ailleurs.  »  Cette  Da- 

*  me^ajoute-t-iU  me  promet  de  jour  en 

*  jour  :  l'Evéque  de  Cambrai  me  dé- 
»  tefte  ;  l'Âbbe  de  S.  Bertin  me  donne 
ft  de  bonnes  efpérances  :  cependant  on 

*  ne  me  donne  rien ,    à  l'exception 

*  d  une  feule  perfonfie   aue  j*ai  déjà 

*  épuifée,   de  façon  qu'elle  n'a  plus 

*  rien  à  donner^  »  Il  ne  la  nomme  pas  ; 
mais  il  "^  a  quelque  apparence  que  c'eft 
du  Proteffeur  Tutof  qu'il  veut  parler, 
La  reflfource  de  tirer  quelque  profit 
des  leçons  qu^il  pourroit  faire  à  Paris» 
fte  (ubfîftoit  plus  ,  à  caufe  de  la  pefte 
ijui  avoit  rendu  cette  Ville  déferte  : 
il  finit  cette  Lettre  à  Battus  ,   en  le 

{riant  d'envoyer  quelques-uns  de  fes 
livres  à  Saint  Orner,  s'il  croit  qu'on 
puiffe  les  y  vendre. 

Ifens  cette  extrémité  il  crut  devoir 
î^adrefler  k  la  Marquife  dé  Wëere  , 
i  qui  il  écrivit  une  Lettre  très-tou* 
chante  (  a  )  &  faite  avec  beaucoup    (^)  Epîfl. 
tfart.  Il  commence  par  en  faire  unp*.  Epiji. 
grand  éloge  j  il  cherche  enfuite  à  la  58.  L.9* 
confoler  4es  malheurs  qu'elle  a  éprou- 
jrés  :  il  la  félicite  fur  la  confiance  9vec 

Diiij 


8o  V  I  È 

laquelle  elle  a  foutehu  fes  adverfités-.  H 
lui  expofe  après  cela  le  miférable  état  ' 
de  fa  fortune  avec   d'autant- plus  de 
confiance  ,  qu'elle  feule  a  le  pouvoir 
&  la  volonté  d'y  reipedier.  Il  lui  fait 
rhifloire  defon  avamure  de  Douvres  , 
ou  on  lui  a  voit  pris  tout  ce  qu'il  avoit  ; 
ce  qui  avoit  été  fuivi  d'une  chaîne  con- 
tinuelle de  malheurs ,  ayant  été  volé  , 
étant  tombé  malade ,   &  ayant  perdu 
fes  dernières  reflburces  par  la  pefte  , 
qui  avoit  éloigné  tous  ceux  d©nt  il 
pouvoit  tirer  quelque  fecours.    Il  lui 
déclare  qu'il  n'a  confiance  qu'en  elle  » 
puifqu'elle  veut  bien  entretenir  fes  Mu-j 
les  qui  ne  dépendent  que  d'elle  ,  qui 
n'ont  quelle  pour  objet,  &  qui   lui 
font  entièrement  confa.crées.  Il  lui  pro- 
tefte  qu'il  la  regarde  comme  fon  Mé- 
cène ;  qu'il  ne  changeroit  pas  fa'pro- 
teélion  contre  celle  d'un  Empereur  5 
&  qu'il  fera  tout  ce  qui  dépendra  de 
lui  pour  lui  donner  des  preuves  de  fa 
reconnoiflance ,  &  pour  que  la  Pofté  - 
rite  fâche  que    dans  l'extrémité    dti 
monde  il  y  a  eu  une  Femme ,  qui  par 
fa  généronté  a  contribué  au  rétablif- 
lement  des  bonnes  Etudes  entièrement 
tombées ,  tant  par  le  peu  de  protec- 
tion des  JPrinces  ,   que  par  l'indolence 
des  hommes  >  &  qui  n'a  pas  laiffé  pe^ 


At  Erafîne  dans  fa  mifere.  Il  la  fup« 
plie  de  le  mettre  en  état  de  faire  le 
Toyage  d'Italie  9   où  il  eft  à  propos 
qu  il  aille  9  tant  pour  acquérir  plus  de 
confidération  ,  que  pour  y  recevoir  le 
degré  de  Dofteur,  qui  en  lui-mênne 
eft  peu  de  chofe ,  mais  que  les  idées 
populaires  auxquelles  il  faut  s'accom- 
moder ,  rendent  nécelïaire  à  ceux  qui 
veulent  avoir  l'eftime  publique.   Ce 
n'eft  pas  qu'il  fît  grand  cas  clés  Doc- 
teurs de  Ion  tems  :  car  à  cette  oc-' 
cafion  ,  dans  cette  même  Lettre ,  il 
les  traite  avec  le  plus  grand  mépris. 
Il  ne  fît  que  pafler  à  Paris ,   d'oui 
la  pefte  éloignoit  tout  le  monde.    Il 
alla  à  Orléans ,  d'où  il  écrivit  à  Bat^ 
tus  (  éi  )  pour  le  prier  d'engager  Adol-   (4)  eo(/?. 
phe  de  Bourgogne  fon  élevé  à  folli-  ^4,   EpiJI^ 
citer  la  Marquife  de  Weère  fa  mère  de  48*  ^  ^* 
lui  dontîer  les  fecours  dont  il  avoit  be- 
foin.  Il  fouhaitoit  qu'on  lui  repréfen- 
tât  qu'il  étoit  dans  la  plus  grande  mi- 
lére  ;  que  fa  retraite  à  Otléans  lui  avoir 
beaucoup  coûté  ;  qu'il  n  avoit  plus  l'oc- 
cafion  de  faire  quelque  petitfgain  Par 
fes  leçons ,  lorfqu'il  n'étoit  point  à  Pa- 
ris; que  r Italie  étoit  de  tous  les  pays 
celui  où  il  convenoitle  mieux  de  pren- 
dre le  bonnet  de  Dofteur  en  Théolo- 
gie ;  qu'il  ialloit  beaucoup  d'argent 

Dv 


82  V  i  r  ^ 

pour  ce  voyage  ,  à  un  homme  fur-tout 
d'un  tempérament  auûi  délicat  que  faû  ; 
que  d'ailleufs  une  certaine  réputation 
d^habileté  dans  les  Lettres  qu'il  s'étok 
faite  par  fcs  Ouvrages ,  le  mettoit  dans 
la  néceflîté  de  vivre  avec  une  forte  de 
décence.  Il  ne  demandoit  que  deux- 
cens  francs  d^avance  ,  c'eft-à-dire  te 
|>ayement  de  deux  années  de  fa  pen^- 
fîon.  Il  fouhairoit  mfÇi  qu'il perfuadâx 
-à  la  Marquife  de  Itti  donner  quelques^ 
uns  des  Bénéfices  qui  étoient  à  &l 
collation,  afin  qu'à  (on  retour  d'It»- 
Jieil  pût  fans  être  diftrait^ar  tes  eia- 
barras  de  fa  fortune ,  donner  tout  Ion 
tems  à  la  Littérature.  »  Vous  lui  ré- 
a»  préfenterez ,  dit  il, .  que  je  lui  ferai 
««beaucoup  plus  d'honneur  par  mes 
w Ouvrages,  que  les- Théologiens  donc 
9  elle  prend  fom ,  parce  qu'ils  ne  dé- 
9i  bitent  que  des  chofes  communes ,  @c 
-n  qu'au  contraire  mes  Ouvrages  font 
9  de  nature  à  vivre  toujours ,  &  à  être 
»  lôs  dans  tous  les  pays  du  monde» 
»  Vous  infînuerez  qu'il  eft  fort  facile 
»' de  trouver  des  Théologiens  ordi- 
9  naires  ;  mais  qu'à  peine  plufieurs  fié» 
»  des  pourroient  fournir  un  honvme  tel 
»  q  l'hraime.  «  Ce  n'étoit  pas  fans  rou- 
gir qu'il  parloir  ainfl  de  lui  :  xar  il 
laioute ,  »  Peui»-être  aurez-vous  que|- 


.         .     lyERÂ  su».  83 

t^me  répugnance  à  employer  le  men« 
ib  longe  même  pour  fervir  votre  ami.  «  ' 
Il  le  prie  de  confidérer,  que  fi  la 
Marquifë  ne  lui  fait  pas  Tavance  de 
deux-cens  francs  pour  le  voyage  d'I- 
talie ,  il  feroic  obligé  s'il  le  vouloit 
faire ,  de  fe  mettre  aux  gages  de  queU 
qu'un  ;  ce  qu'il  appréhenderoit  plus 
que  la  mort.  Enfin  comme  les  excès 
d'étude  qu'il  fai(bit  fatiguoientfortia 
vue  9  il  le  preâe  dlnfinuer  à  la  Mar- 
quife  de  lui  faire  préfent  d'un  làphir^ 
ou  de  quelques-unes  de  ces  pierres  pré- 
cieufes  qui  font  bonnes  pour  comer- 
ver  les  yeux  :  il  finit  par  le  prier  de 
Eure  quelque  tentative  auprès  de  l'Abbé 
de  S.  Bénin ,  pour  en  tirer  quelque 
préfenr. 

Il  fe  préparoit  à  retourner  à  Paris  » 
Ibrfque   Fierre  Angleberm^  fameux 
Médecin  lui  fit  préfent  d'un  vin  aro- 
matique >  dont  Ërafme  le  remercia  par 
une  Lettre  (a)  écrite  la  veille  de  Ion  (0)  Efifl. 
départ  d'Orléans.  Il  lui  en  témoigna  5>î-   H;>ijf?» 
fa  reconnoiflance ,  en  lui  promettant  7*  ^*  ^*  — 
que  dès  qu'il  feroit  à  Paris ,  il  veille- 
nt fur  les  études  de  fon  fils^ 

Il  étoit  à  Paris  le  i^  Janvier  de 
l'an  lyoo.  fi  l*on  peut  s'en  rapporter 
à  la  date  d'une  de  fes  Lettres  (  t  )  qui    (h)  Epifi. 
cft  écrite  de  cette  Ville  ce  jour-là  à**^-7» 

Dvj 


84  Vit 

FAbbé  de  S.  Bertin ,  pour  lui  rendra 
grâce  de  fes  bienfaits.  Il  lui  fait  enfuite 
rhiftoire  d'une  forcellcrie  arrivée  à 
Orléans,  donc  nous  aurons  occafion 

(a)  Eptf.  de  parler  ailleurs.  IIpaflTa  (  a  )  THiver 
95  &  96    de  lyoï.  chez  le  Seigneur  de  Cour- 

(b)  EofT?.  ^^"brune î  &  il  étoit  TEté  (b)  chez 
58.  TAbbé  de  S.  Bertin ,  qui  lui  donna  une 

(c)  Epîfl,  Lettre  de  recommandation  pour  le  Car- 
37»  ^•^»     dinal  Jean  de  Medicis  ,  qui  fut  depuis 

Pape  fous  le  lïom  de  Léon  X.  Il  avoit 
été  à  l'Abbaye  de  S.  Bertin ,  &  y 
avoit  été  fî  gracieufemént  reçu,  que 
le  bon  traitement  qu^on  lui  avoit  fait 
avoit  été  roccaflîon  d'une  correfpon- 
dance  entre  le  Cardinal  &  l'Abbé*. 
Cette  Lettre  devoit  fervirà  introduire 
Erafme  chez  le  Cardinal.  Elle  e(l 
datée  du  30  Juillet  lyoï.  maw  elle 
ne  fut  d'ipcun  ufage  pour  Erafme ,  qui 
n'alla  à  Rome  que  fort  long-tems  après 
que  ceite  Lettre  avoit  été  écrite. 
Il  paflfa  la  fin  de  l'année  à  Orléans  > 
(*  F/y//?.  d'où  il  écrivit  (d)  le  onzième  Décem- 
bre à  Antoine  de  Lutzenbourg.  Il  lui 
manda  qu'ayant  appris  que  la  pefte 
étoit  entièrement  celfée  à  Paris  ,  il  fe 
préparoit  à  y  retourner,  après  avoir 
Ûpurné  trois  mois  chez  fon  ami  Tu-- 
tor. 

La  réfidence  qu'il  £t  à  Paris  ne  fut 


#>.    Epf 


\iis  bien  longue  :  car  il  étoit  i  tou- 
vaiii  (il)  le  li  Février  ifoi.  Il  ëcrK  (a)  Bpfjf^ 
vit  de  cette  Ville  ce  jour-là  une  Let*  loo.  Efift^ir 
tre  à  Jacques  de  Midelbourg,    qm*^*  ^  **• 
iàvoit  été  Grand-Vicaire  de  Henri  de 
Bergues  £vêque  de  Cambrai ,   mort 
depuis  peu.  Il  étoit  Poëte  ;  &  il  venoit 
de  compofer  un  Pcëme  en  l'honneut 
de  l'Empereur  Maximilien.  Il  avoît 
confulté  lur  cet  Ouvrage  Erafme ,  qui 
à  quelque  chofe  près  en  fut  fort  coir- 
tcnt  ;  il  l'exhorte  de  le  donner  au  Pu- 
blic. Erafme  revint  à  Paris  :  il  y  étoit 
Fan  lyo^  (i);  &  l'an  îyo4  il  s'y  C^)  Epljt. 
lia  étroitement  avec  Faufle  Andrelin ,  *^'   ^'  4^^ 
&meux  Poëte  de  ce  tems-là  :  il  avoir  fj'-'^'  '•  ^ 
reçu  la  Couronne  poétique  (c);  on     [çyAda^ 
lui  donnoit  le  titre  de  Poëte  (  i  )  de  la  ges ,  s«mi4 
Cour  :  il  enf  igna  plus  de  trente  ans    cufana 
k  Poétique  dans  l'Univerfité  de  Paris,    ^^"fi* 
Il  nous  eft  refié   quelques-unes  des 
Lettres  qu'Erafme  &  Andrelia  le  font 
écrites  :  dans  une  qu  Erafme  écrivit 
à  Andrelin  à  un  de  fes  premiers  voya- 
ges d'Angleterre  (  i) ,  il  parle  avec  (i)  EpJT^ 
affez  de  rtépris  de  la  France  (  2  ),&!••  L«  /» 
ii  veut  engager  fon  ami  avertir  en  Air-: 

'  (  I  )  Regius  Voëta. 

(i)  Hiiid  Ua  te  juvat\    honvncm  tam 
uj^HtOy  intcrnardas  QalUcas  cênfimfcere^  i 


gleterre»  entr^autres  rairofis»  »^aité 
ii  aue ,  dit-il ,  il  y  a  ici  des  Nymphes 
I»  aont  le  vifage  eft  divin  :  eues  fonc 
•  douces  y  faciles  ;  vous  tes  préféreriez 
»  ians  peine  à  vos  Mufes,  Il  y  a  auifi 
m  une  coutume  qu'on  ne  fauroic  ai&z 
»  louer  :  foit  que  vous  entriez  dans 
m  une  cnaifon  ^  foie  que  vous  en  for^* 
m  tiez ,  tout  lé  monde  vous  baifè  ;  en* 
m  un  on  ne  fait  que  baifer  ici.  Si  vous 
p^  aviez  goûté  une  fois  de  ces  faai&rs, 
»  vous  les  trouveriez  fi  cbarmsms ,  que 
»  vous  voudriez  refter  toute  votre  vie 
»  en  Angleterre.  Nous  &\  badinerons 
**»  quand  nous  nous  trouverons  enfem- 
»  ble.  «  £rafme  &  Andrelin  avoieat 
>. to  Efifl.  ^^  reflfemWance  {a)  qui  contribua  Ians 
Wfinani»  *  doute  à  les  unit  ;  c*étoit  un  caraâere 
de  gaieté  porté  à  la  plaifaoterie:,  Quoi 
qu'Aiidrelin  ait  eu  de  (on  tems  bcaii' 
coup  de  réputation,  fon  nom  &tbieB« 
tôt  oublié  ;  &  Niccrfas  Bourbon  af^ 
fure  (  I  )  <kns  une  Epigramme  qu'il  fk 

C  »  )  P^^f  Tetris  mem$rîi  met  duo 
dhbres  fo'étmj  famfim  apud  Luteiiêmg 
4fmd  ItaUs  Bûftijia;  &me  fwiffnb 
In  Galliâ  fridem  Rofetiés  nomine. 
li  tni  fuire ,  nec  funt  :  jam  feriere  enim  j 
kaiore  qux  multo  Focmaid  fcrifftrânt  ^ 
^Hoa  fcabra  udhuc  &  inconcinna  ,  faculi 


i>*ETtASMI.  îf 

^p^qâes  années  après*  la  mort  d'Aiw 
orelîn  fous  le  régne  de  François  I» 
Wil  n^éroit  plus  queftion  de  ce  Poëce 
^ns  la  République  des  Lettres. 

Le  célèbre  Robert  Guaguin  ,   Gé^ 
itérai  des  Trinitaires ,  que  fon  nicrite 
-fit  co»noître  â   la  dour  de  France , 
-^i  crut  devoir  Fetnplo^r  dans  des 
^maires  importantes  ,  lut  aufli  un  des 
neîikurs  amis  d'Erafrae  (m):  il  avcm   (a)  Epffi^ 
ntne  belle  Bibliothèque  dont  il  lui  don-  Rhen^m* 
noit  Pufage  (i)  ;  Erafme  le  confultoh  (^)  EfiJI. 
«fur  les  difficultés  qu'il  rencontroit  en  t^.  u  4» 
-fifant  les  âtKiiens  Aut*irs.  Ilavoit  été  ^fî^«   ^^^ 
^mbarnrflé  de  fiivoir  (c)  ce  que  c'étoient  ^  ^\  ,jl 
^ue  les  areaUs  &  les  Anabafii ,  dont  7.  t.  /! 
^  eft  parlé  dans  les  Ouvrages  de  S.  Jé- 
rôme contre  Rufin  ;  il  avoir  prié  Gua- 
-guin  de  lui  donner  des  édairciflemens 
à  ce  fiqer.  Guaguin  lui  répondit  (d)  (d)  Epifi 
Wit  étok  trop  malade^  &  qu'il  fou^S.  l.  9. 
éok  trop  pour  pouvoir  iâtis^re  Eraf-  (0  V.  Du-; 
me.  Ces  mots  peu  uûtés  ont  été  de-  ^^^^^^ 
pÎBS  ce  tems-là  bien  expliqués  (e).  Les  Gefnert  * 

S^ugndsmjm  l^êfbéritm  9leren4  Gothkam^ 
Jiês  quid  fiêttiri  Jimus  j  if  fa  viàeri$ 
JLefum  omnium  fo/icritMS'Acris  arbitra» 

Kîcolauft  Borbonîas  >  Nugar.  L^.  Carm*  47» 
Voyez,  Mémoires  dei'Acad.  de»  fieiiet- 
ictues ,  un  p-  5 >^ 


«8     .  Vif 

Andbafîi  étoient  des  Courîers  ^'  qvâ 
alloiem  porter  des  ordres  avec  la  plus 
grande  viteffe  j  &  les^  Céréales  étoieia 
des  Magifirats  ainfi  appelles ,  parce 
qtf  ils  avaient  t'infpcélion:  fur  le  bled. 

Ce  fut  pendant  ces  divers  voyages 
en  Flandre,  qu'Erafme  étudia  en  Théo- 
logie Ibus  U  Doâeur  Adrien  à  Lou- 
vàin  ;   c'eft  lui  cjui  depuis  fut  Pape 
fous  le  noni  d^Adrien.  Erafine  lui  rap- 
7a)  Epifl.  P^^^  ^^  ^^^^  plufieurs  années  après  (a) 
>#  h.  z8     çn  lui  dédiant  fon  Arnobe  ;  &  ce  Pon^ 
tife  s'en  fouvenoit  auffi  avec  plaifir  : 
,  ^)  Epiff,  car  dans  un  Bref  (t  )  adreffé  a  Eral>- 
^.  l..*3.     me ,  il  lui  parle  du  tems  qu'ils  avoienc 
palTé  enfemble  à  Louvain  n'étant  que 
j^articuUers ,  dans  l'agréable  loifir  des 
Lettres. 

.    Ce  fut  auffi  en  Flandre  ,  &  prîncir 
paiement  che2  l'Abbé  de  S.  Bertin  , 
qu'Erafme  connut  le  Père  Jacques  Vir 
triarius  Cordelier  f  dont  il  a  fait  un 
Xc)  Eptft.  très-  grand  éloge  après  fa  mort  (  c  ).  Il 
^^  t.  I  ;.  le  vit  pour  la  première  fois  à  5ainc 
Omer,  dans  le  tems  que  la  pelle  l'o- 
blrgeoit  de  fortir  de  Paris  ;  le  Père 
1  Vitriarius  avoir  pour  lors  quarante- 

quatre  ans.  Dès  qu'il  vit  Erafme ,  il 
reffentit' pour  lui  la  plus  grande  amitié, 
'  Il  s'étoit  d'abord  appliqué  à  la  Théo- 
logie Scholaft^ue>  &  celle  des  Sco^ 


I>*  E  R  À  s  Al  H.  8p 

ûAes  tit  lui  avoit  pas  déplu  j  mais  dès 
qull  eut  commencé  à  lire  S,  Ambroi- 
fe  ,    Si  Cyprien ,  S.  Jérôme  ,  û  ne 
conçut  que  du  mépris  pour  toutes  les 
queftions  épineufes  de  la  Théologie 
ordinaire.  Ôrigene  étoit  celui  des  Pè- 
res   qui  a  voient  expliqué  l'Ecriture 
fainte  ,  qu'il  admiroit  le  plus*  Il  s'é- 
toit  fait  Religieux  fort  jeune;  &ce 
genre  de  vie  ne  lui  plaifoit  en  aucune 
feçon  :  cependant  il  n'eut  jamais  la 
moindre  envie  de  l'abandonner ,  par 
la  crainte  de  caufer  quelque  fcandale. 
Il  fa  voit  par  cœur  les.Epîtres  de  S. 
Paul  ,    ainfi   que  les  principaux  en- 
droits de  S.  Ambroife.    Il  prêchoic 
fans  autre  préparation  aue  de  lire  S. 
Paul  ,    jofqu'à   ce    qu  il   fentît   (on 
imagination  échauffée.   Ses  Sermons 
étoient  proprement  des  homélies.  Il 
ne  feifoit  point  de  divifions  ;  il  pré- 
tendoit   qu'elles  mettoient  du    noid 
dans  le  difcours.  Il  ne  pouvoit  fouf- 
frir  dans  les  Sernw>ns  les  citations  des 
Théologiens  ScholaftiquâÉjk  desPhi- 
lofophes  ,  qui  étoient  f^en  ufage 
dans  ce  tems-là.    Il  auroit  fouhaité 
avec  ardeur  d'aller  poner  la  Foi  de 
J.  Cbrift  dans  les  Pays  des  Infidèles  , 
&  d'y  obtenir  la  palme  du  Martyre. 
Son  zélé  lui  procura  bien  des  peineaf 


jd  Vf» 

fans  qu'il  fortît  de  TEurope.  Il  aval* 
cntreptis  la  converfion  d*un  Monaftere 
de  Religicufes ,  qui  reffembloit  plutôt? 
h  un  lieu  de  débauche  qu'à  une  Maifon 
de  piété  :  huit  ioipénitentes  de  ce  Cou-^ 
vent  l'attendirent  dans  un  lieu  écarté^ 
ic  fe  jettant  fur  lui  i  l'auroient  étratH 
glé ,  fi  par  hafard  il  ne  fe  fôt  trouvé 
quelques  petfonnes  qui  pafToient  pfar 

I  endroit  oh  fe  commcttoit  cet  aflaÏE^ 
liât.  On  le  tira  d'eatre  les  mains  de 
ces  furieufes  étant  prêt  i'ôxpirer  :  il 
fie  fe  plaignit  jamais  (fc  cette  violence* 

II  parlait  avec  tatlt  de  facilité ,  qu'il 
lui  eft  arrivé  de  prêcher  jufqu'à  fept 
fois  en  un  jour.  Il  n'étoit  point  trop 
rigide  fur  les  difpenfes  du  jeûne.  Erat* 
me  rapporte  qu'il  fe  trouva  avec  lui 
pendant  un  Carême  chez  l'Abbé  de 
o.  Bertin.  On  dînoit  fort  tanf  ;  & 
Erafme  ne  pouvant  être  à  jeun  jukpi'à 
l'heure  du  dîner  fans,  s'eit  trouve^ 
fort  inconamodé ,  parce  qu'il  paflfoic 
^ute  fa  matinée  i  étudier ,  il  prenoifi 

Îuelque  c|flà  de  chaud  avant  le  repas^ 
1  confultUi  Père  Vitriarijus  ,  potii 
favoir  fi  ce  n'étoit  pas  un  mal  de  n« 

{)as  obferver  à  la  dernière  rigueur  la 
ci  du  Carême  dans  la  circonftance  oi 
ilfe  trouvoit.  Le  Père  lui  répondit  n 
^e  non-feulement  il  ne  devoit  avoU 


r 


ÊtiCtin  fcrupule ,  maïs  même  qu'il  pé-* 
cheroit ,  fi  faute  de  cette  petite  atten- 
tion pour  fa  famé  il  la  détruifoit ,  ou 
Te  m  ettoit  hors  d*état  de  continuer  des 
études  auflî  utiles  que  celles  qui  Toc- 
cupoient. 

11  eut  for  la  fin  de  l'année  des  perfé- 
CQtîons  à  fouffrir,  parce  qu'il  blâma  les 
abus  des  Indulgences. 

On  nes'eft  étendu  fur  ce  digne  Reli- 
gieux ,  que  parce  qu'Erafme  avoit  pour 
rai  une  fificere  eftime  ,  qu'il  en  etoit 
fort  aimé  ,  &  que  d'ailleurs  c  eft  par 
£rafme  même  que  nous  fçavons  tous 
ces  détails. 

Quelques  amis  qu'il  eût  en  France 
&en  Flandre,  il  en  avoit  encore  en 
Angleterre  d*un  mériteplus  diftingué  : 
ies  principaux  étoient  Cjuillaume  w  ar- 
rîiam  Arcbevêquerde  Cantorberi,  Ml- 
lord  Monjoie  ,  Thomas Morus,  Guif- 
laume  Grocin,  Thomas  Linacer,  Guit* 
laumeLattimer,  Richard  Paceus,  Cut« 
bertTonftal;  ils  avoient  grande  envie 
gu'iî  vint  s'établir  en  Angleterre.  L  y 
faifoit  fouvent  des  voyages  ,  pourcul- 
ttver  l'amitié  de  gens  fi  illuftres ,  qui 
avoient  pour  lui  le  plus  grand  attache- 
ment. 

'  *llyétoit(^)  l'anij-oô.lorfquele  (^j  ^pfjf^ 
bruit  couroit  eh  France  qu  il  y  étoîl  6^  l.  !•» 


5^a  V  I  É 

mort^  L'oçcafion  de  ce  h^uît  fut  « 
mort  d'un  François  arrivée  dans  l'Hô- 
tel de  Milo'rd  Monjoie.  Erafrne  don-- 
ua  quelques  leçons  publiques  dans  TU-* 
la)  E/>/^. niverf^té  de  Cambridge  (^  );  il  en 
lihinêni.  donna  aufli  à  Lourainjlorfqu^il  réfidoit 
dans  cette  Ville,  On  ne  pouvoit  avoir 
plus  de  confidërafion  qu  il  en  avoir  en 
Angleterre  ;il  étoit  très-bien  reçu-i 
la  Cour  ;  &  le  Prince  Henri  qui  depuis 
fut  fi  fameux  fotis  le  nom  de  Henri 
VIII.  étoit.  en  liaifon  de  Lettres  ave^ 
lui. 

Ce  qui  eft  très  certain  ,  c'eft  qu^M 

cjuitta  l'Angleterre  avec  regret.  Il  Iç 

(h)  Épift*  témoigne  (  b  )  dans  une  Lettre  à  Co^ 

I04.  Eftjl.  iet ,  dans  laquelle  il  laflure  qu'il  n*y 

*Fn  ^*  *ft  ^  aucun  Pays  oà  il  ait  trouvé  un  fi  grani 

mal  da^ée.  ^^"^'^^  d'amis  favans ,  obligeans   & 

•     -         *  vertueux.  «  Ils  m'ont  donné ,  ajoute- 

»t-il,  tant  de  preuves  de  leur  bonne  vo-* 

•ûlonté,  que  je  ne  fai  auquel  je  dois 

»  donner  la  préférence ,  &  que  je  me 

»  trouve  dans  la  néceflité  de  les  aimer 

w  tous  également.'  Je  fupporte  leur  ab- 

attfence  avec  beaucoup  d'impatience» 

»  La  feule  confoktîon  que  j'aye ,  eft  de 

«  penfer  continuellement  à  eux,  &  d'ef^ 

»  pérer  qu'ail  viendra  un  jour  oii  je  les 

•^jeverrai,  &  que  pour  lors  la  mort 

'»  feule  m*en  féparera.  ^. 


15*  E  R  A  s  M  E.  pf 

Il  paroîtroit  par  l'Abrégé  de  la  vie  * 
d'Erafme  fait  par  lui-même  ,  qu'il  ne 
fie  le  voyage  d'Angleterre  qui  précéda 
celui  d'Italie  ,  que  fur  les  promefles 
^'on  lui  fit  d'un  écabliflemetit  avan*.' 
tageux,  &  aue  fes  efpérances  nes'é- 
tant  pas  réalises  ,  il  prit  enfin  le  pani 
daller  en  Italie  j  ce  qu'il défîroit avec 
beaucoup  ^*2ixàc\xT  depuis  plufieurs 
années. 

Il  étoit  déjà  célèbre  dans  l'Europe 
par  un  très-grand  nombre  d'Ouvrages, 
ientr'autres  par  fes  Livres  d^  ratiom 
fcribendi  epiftolas  9  de  copia ,  par  fes 
Adages  >  par  foa  Manuel;  mais  com- 
me il  perfectionna  beaucoup  ces  Livres 
dans  les  éditions  qu  il  en  donna  à  fon 
retour  d'Italie ,  nous  en  parlerons  ail- 
leurs. Sa  réputation  d'éloquence  étoit 
fi  reconnue }  que  les  Etats  de  firabanc 
Icchoifirent  {a)  pour  faire  le  Pané*-  (a)  Vr/h 
gyrique  de  Philippe  le  Beau  leur  Prin-  ««/  f^eliti/ , 
ce  à  Ion  retour  d'Efpagne.  Ce  ne  fut  ^^^^  &afiî 
pas  fans  répugnance  du  il  fe  chargea™^»  ^  '* 
de  ce  travail ,  quelque  honorablip  cju'en      ^** 
£utla  commifllon  ;  il  en  parle  à  cœur 
ouvert  à  fon  ami  Colet.  »  Pavois  tant 
if  d'averiîon ,  lui  dit-  il ,  (  ^  )  pour  fai-  (h)  Efiflf, 
9  re  ce  Panégyrique ,  que  je  ne  cro]^  8.  L.  lo^ 
/>  pas  av^oir  jamais  rien  fait  plus  à  çon- 
»  pe  çQpur.  Je  croyois  aue  ce  ^'eD|)p  ^ 


P^  Vie 

99  d'ouvrage  me  mettoit  dans  la  nétef- 
•fité  d'avoir  recours  à  la  flatterie  j  mais 
m  j'ai  ufé  d'un  nouvel  artifice  ,  &  j'ai 
n  parlé  avec  beaucoup  de  liberté  dans 
9  le  tems  même  que  je  flattois.  »  Il 
prit  à  témoin  desdi&cultés<}u'iloppO' 

(a)  Ep'Jtp^^^^  choix  qu'on  ayoit  fait  de  lui  (a) 
^6.  L.  25?.  Paludanus  Ion  ami ,  Profeffeur  en  élo- 
quence dans  l'Univerfité  de  Louvain  > 
ichez  lequel  il  demeuroitX'artifice  dottf 

(b)  Epijl  y  f^  fç^vit  {h)  pour  rendre  fes  louanges 
Sofzemso.  agréables  au  public ,  fut  de  les  tour» 

ner  de  façon  jju'elles  pouvoient  ^rç 
regardées  comme  des  confeils. 

Ce  Panégyrique  fut  prononcé  daw 

le  Palais  de  Bruxelles,  le  jour  des  Rois 

de  l'an  1 3:04,  Laffemblée  étoit  très- 

aombreufe,^  compoféede  tout  ce  qu'il 

y  a  voit  de  plus  grand  dans  h  Pays.  Le 

rrince  y  étoit ,  avec  le  Chan<:elier  dç 

•  Maigni.  Philippe  l'éceuta  avccgran» 

\  W  EpiAde  fatisfaélionCc);  il  fit  un  prélent  à 

ï^  X-.  1^.  p  Auteur  de  cinquante  pièces  d  or  (i)# 

*'  &  lui  fit  des  offres  très-flatteufes  pour 

l'engager  à  entrer  dans  (à  maifon.  Lç 

•.  Chancelier  répçadita  Erafme  au  nom 

de  fon  Prince. 

Il  eft  parlé  dans  cet  Ouvragé  de  k 

gracieufe  réception  que  le  Roi  Louis 

l(  I  )    Fhilipficos    ^uin^ua^intti,    Epift# 


b'Erasme.  pf 

jkH.  fit  à  Paris  au  Prince  Philippe  i  ^ 
fraTme  en  prend  occafion  de  t^ire  im 
iuperbe  éloge^  de  cette  grande  Ville*  ' 
p  Elle  réunit,  dit- il,  trois  c^ninds  avan- 
>  tages ,  dont  un  feyl  eu  difficile  A 
9  rencontrer  dans  quelque  Ville  que 
»ce  foit;  un  Clergé  floriiTant  ;  unç 
?  Ecole  tplle  qu'il  n'y  en  a  point  qu  oo 
«puifife  lui  comparer^  fbit  pour  If 
p  nombrie  des  écoliers  ,  foit  pour  lî 
»  multitpdç  de  gens  habiles  en  tout 
9  genre  qiae  Ton  y  trouve  ;  un  Sénaç 
'  auffi  grand  que  çeluide  l'Aréopage;, 
j»  aufli  célèbre  oue^celiji  d?s  Amphic- 
»  tions  9  ^  auni  illuftre  que  l'ancien 
3>  Sénat  de  Rome  ;  enforte  que  par  un 
»  heureux  concours ,  les  plus  grande 
«>  biens  fe  trouvent  réunis  dans  cettç 
»  célèbre  Ville ,  c'eft  -  à  -  dirç ,  unç 
^  Religion  éclairée ,  unç  Sciencepro^ 
i»fonde  &  une  Jufticç  parfaite.  Le  Çltt^ 
•»  gé  y  eft  favant ,    les  Sa  vans  y  fonç 
»  pieux ,  la  Science  &  la  Piété  fe  re^- 
9  contrent  dans  le  Sénat  :  c'eft  pour-»»: 
"quoi  l'on  ne  doit  pas  être  étonné  s'il 
»y  a  un  fi  grand  nombre  de  Citoyen^ 
p  &  d'Etrangers  dans  f  ettp  Ville,  qu'il 
»  faut    plutôt   regarder    comme   ua 
9  Royaume ,  ou  comme  la  Rtine  d'un 
»  Royaume ,  que  çommç  unç  fimp|ç 
I^ViU^v  '       '    '^ 


^6  ViH 

-   Ce  Panégyrique  eut  fes  Critîqa^; 
Quelques-uns  reprochèrent  à  Erafpne 
^    d'avoir  trop  loué  fon  Héros  :  il  leur 
£4)  Efîyî.  ^^pondit  (  a  )  que  la  louange  étoit  ef- 
|tf.  t. i^.fentielle  i  ce  genre  de  pièces;  quç 
d'ailleurs  le  Prince  donnoit  defi  gran- 
des efpérances,  qu'il  y  en  avoir  mêmç 
2ui  fe  plaigfioient  qu'il  n'avoit  point 
té  affez  loué.  Le  peu  de  tcm$  qu'E- 
rafme  avoit  eu  pour  lefairp,  ne  lui 
avbk  pas  permis  de  le  rendre  meilleur; 
cependant  il  eut  un  très-grand  fuccès, 
Adrien  Bariandus  qui  poffédoit  très* 
(i)  Efifi.  bien  la  Langue  Latine  (  fc  )  affuroit  que 
l.**^'  17^  l'on  pou  voit  dire  de  cet  Ouvrage  cç 
JEfiA   *J*QueQuintilien  avoit  dit  de  çc^xi^ 
Cicèron   ,   qu'ils  faifoiént    paroîtrç 
Vheureufe  abondance  d'un  giénie  i^' 
W  ^pA mortel.  CutbertTunftal  (c)   très-fa- 
Ho.  L.  I.  ^.j^^ç  ^^^5  ]ç5  ^^^^  Langues  &  d'up 

grand  jugement ,  portoit  Teftime  qu'il 

(4)  Efi/l.  avoit  pour  cç  Panégyrique  (d  )  j"%^'? 

A4.  L.  7.   l'admiration.  Chitrcus  a  jugé  (  e  )  qu'il 

i>)  S<i*o-^toit  très-bien  fait,   &  que  dans  cçt 

nta ,  L.  V.  Ouvrage  Erafme   avoit    donné  dçs 

f  *  ^'  *       preuves  de  fon  excellent  génie  &  4^ 

ion  éloquence  ,  qui  lui  avoient  pro- 

ff\À  '  c^*'^l*^^o"^  ^  l'admiration  de  toqs 
maL  Phl^  ceux  qui  ont  du  goût  pour  les  Belles- 
/o/.  part.  Lettres.  Crenius  fourient  (/}  que  ce 
^v.  )?.  40.  Panégyrique  eft  excellent  ,  qu'il  efl 


«mplid^érudition ,  qu'il  eft  bien  écri^, 
i&  qu'enfin  il  a. plu  à  tout  Immonde. 

Pabdanus  en  fut  iî  content ,  qu'il 
pbligea  Erafme  de  Ie<tonnerau  public; 
i&  Eraftne  le  didia  (  a  )  à  Nicolas  Ru*-  {a)  Efîfl. 
tier  Evêquç  d'Arras.  Le  Princç  Phi-  J7.  L.  ii># 
lippe  le  Beau  peut  itre  mis  au  nombre 
des  témoins  qui  dépofent  contre  la 
yanité  de  l'Aftrologie  judiciaire*  On 
lui  avoit  prédit  au*U  vivroit  long- 
tems ,  &  qu'il  aneantiroit  l'Empire 
des  Turcs  :  il  mourut  dans  la  fleur  de 
fes  ans  ,  le  çtô  Septembre  lyoô.fans 
avoir  jamais  eu  rienà  démêler  avec  le$ 
Turcs.  Erafm.e  qui  avpit  pour  lui  une 
uès-grande  ^ftime,  ,&  qui  avoit  quel- 
que drpit' de  prétendre  à  fa  prAtedion, 
en  fut  pénétré  de  douleur.  Il  iît  parr 
de  fes  fpntimens  à  Jérôme  Buflidiui 
Conf^ill<er  d^  ce  Prince  ;  il  étpit  frère 
deFrançois  Archevêque  deBc&nçon , 
qui  avoit  élevé  Philippe.  Erafrae  ne 
craint  point  d'av^ançer  (  i  )  que  la  ter.-  ^^^  ^p^g 
ren'avoit  rien  eu,  ni  de  fi  ^rand  ni^^  t.  ^^^  ' 
de  fi  bpQ  quç  ce  Prince ,  s'il  eût  vécu 

!)lus  long -tems.  Henri  Prince  de  Gai» 
es ,  depuis  Henri  VIII>  qui  aimoit 
Je  Prince  Philippe  comme  (on  frère  # 
fut  très-affligé  de  fa  mort  (c)  ;  perfua^f  (c)  Eptg^ 
dé  qu'Erafme  en  étoit  très-toucbé  »  il  ^u  u  |, 
lui  écrivit  à  ce  fujet  des  Lettres  aUiS 
JomçL  £ 


jpS  Vie 

(a)  Pftjl.  tetidres  qu'élégantes.  Il  affure  (.a)  qi/a-^ 
r6.  1. 13.  pj.^5  i^  jjjQ^ç  jç  ^^  Reine  f*  mère ,  il 

n'a  reçu  aucune  nouvelle  qui  Tait  au- 
tant attriilé  que  celle  de  la  mort  du 
Roi  de  Caftillc  fon  frère.  Cette  Lettre 
comble  Erafme  d^élogçs  ;  Henri  dé- 
cide que  la  réputation  de  fon  éloquen- 
,çe  eft  répandue  par  tout  le  monde ,  8ç 

Sue  ce  feroit  en  yain  qo^il  entrepren- 
roit  de  le  louer  d'une  façon  propor- 
tionnée à  la  grandeur  de  fon  mérite, 

Erafme  ne  parle  pas  moins  bien  de  U 
France  dans  u  plainte  (i)  de  la  Paix , 
que  dans  le  Panégyrique  de  Philippc- 
le-Beau.  C'eftla  Paix  qui  parle  dans  cet 
XDuvrage  :  après  avoir  fait  l'énuméra- 
tion  des  biens  qu'elle  procure  aux  hott}r 
mes ,  ellefe  plaint  qu^on  ne  la  refpec- 
te  nulle  part,  non  pasnjême  en  Théor 
logie  j  que  quoique  la  vérité  foit  im- 
muable ,  il  y  a  de  très  -  grandes  dif- 
çuflîons  dans  les  Ecoles  ;  que  telle  opi* 
liion  eft  reçue  dans  un  Pays  com- 
me une  vérité ,  qui  eft  rejettée  dans 
*  un  autre  comme  une  fauffeté  ;  qu'il  V 
a  des  dogmes  qui  ne  peuvent  pas  par 
fer  les  Alpes  ,  comme  il  y  en  a  d^aur 
très  qui  font  obligés  de  refter  au-delà 

(  1  )  QuereJa  facis  màî^ue  gendum  cieff^ 
frofiigauquç. 


l/  Ei  R  A  s  HT  "E.  Pp 

^uHhia.  Ccft  cette  même  penfée  que 

Je  jcélebre  M,  Pafcal  a  exprimée  fi  heu 

xeufement  en  .ces  termes  i  (  j  )-«  On  ne  (^)Art.  xxw. 

»  voit  prcfque  rien  de  jufte  ou  d'in jufte,  Foibleflc  de 

»  qui  ne  x:hange  de  qualité  en  chan-  ^'hommc. 

»  géant  de  climat.  Trois  dégrés  d'élé- 

»  vation  du  Pôle   changent  toute  la 

»  Jurifprudence  ;  vérité  en -deçà  des 

■  Pyrénées^  erreur  au  delà.» 

La  Paix  fait  voir  enfuite  dans  Eraf- 
me  ^  que  Tamour  du  prochain  eu  une 
des  choies  les  plus  elTentielles  à  la  vraie 
Religion  ;  quec'eft  une  des  vertus  les 
plus  recommandées  dans  TEcriture. 
Ce  Livre  fut  dédié  par  Erafme  à  TE- 
yêque  d^Utrecht.  Cétoit  Philippe  de 
Bourgogne ,  qui  venoit  de  fijcceder  à 
David  lonïrere  (i  )  ;  ils  étoient  tous  (^^  Epîft» 
deux  fils  naturels  de  Philippe-le-Bon,  6ï.u  ly. 
Duc  de  Bourgogne, 

L'Evêque  d'Utrecht  fiit  très-coû- 
tent  de  TOuvrage  d'Erafmé  ;  &  dans 
le femer<:iment  qu^il  lui  en  fit  (c) ,  il  (^^  ^^ijf^ 
dit  en  propres  termes  :  «  La  plainte  de  47.  t.  j. 
»  la  Paix  a  extremelîaent  plu ,  non  feu* 
«»leraent  à  moi  à  qui  elle  eft  dédii^e  t 
■•  mais  à  tous  les  vrais  Chrétijens.^  ^ 
Il  ert  prend  occaiion  de  l'exhorter  d^ 
chever  les  Ouvrages  qu*il  a  commen- 
cés ,  poqr  l'ornement ,  Futilité  &  Tad*^ 
cûtatipn  d^  £pq  jiecle  &  de  la  ip^Hér. 


loo  Vie  ' 

rite.  Dolet  ne  penfoit  pas  de  même  ae 
la  plainte  de  la  Paix  :  il  en  parle  avec 
le  plus  grand  mépris  (i)  ;  mais  (a  parr. 
tiafité  contre  Erafroe  eft  fi  décidée , 
que  fon  jugement  ne  mérite  aucune 
attention. 

Dans  cet  Ouvrage,  Erafme parlant 
delà  France ,  «ffui^é  que  nulle-part  i} 
n'y  a  un  Tribunal  plus  Augufte,  unç 
Univerlitéplus  célèbre,  une  plus  gran- 
de unionî&  quec'eft-làce  qui  la  rend 
fi  puilfante,  <c  Les  Loix  ,  ajoute-t-il  ^ 
»  n'ont  dans  aucun  autre  endroit  au- 
-  tant  de  force  :  la  Religion  y  eft 
»plus    éclairée   qu^ailleuirs   ;    &    ja 
a>  France  peut  être  regardée  comme  la 
^  partie  la  plus  floriffante  du  Chriftia- 

5>m(me.  » 

la)  Efif^r     11  a  répçté  ce  grand  eioge^dan? 

ï^^'"  ''plufieurs  endrôits(tf  )  ;  «cdansTEpi- 

ff/V.^^'tredédicat£)ire  de  fa  Paraphrafe  fur 

é9!  lIi/'  s.  Marc ,  il  déclare  qy  il  ne  ,crx)it  pa? 

(  I  ;  Nîhil  artîficiosc  difffttat^  nikil^'' 
gumentÀtur  ,  nihil  frehat ,  nihtl  difohtt} 
nihil  exfedhurn,  nihil  ornatum  y  nthttpef^r 
ïiU  y^nihil  iiquidttm  aut  lil?nè  fiueps ,  nthn 
ufquam  non  adùrem  :  nuïU  concirjia  , 
palU  ixquifita  ',  nuïUreconiif^fmenttfJ 
nihil  fiio  loco  foptHtn  ,  nihil  d^Unt ,  mm 
•bUaans ,  nihil  movm  ;    dura  «mntf ,  ^• 


^ti'il  y  ait  jamais  eu  un  Etat  plus  pieux 

&  plus  floriiTant  que  la  France* 

Toutes  les  fois  qu'il  a. eu  occafk)fi 
déparier  du  Parlement  de  Paris,  il  a 
prouvé  qu'il  avoit  pour  cet  illuftrë 
Corps  la  même  vénération  que  les  meil- 
leurs François.  »  Qu'y  a  -»  t  -  il  de 
o  plus  auguile  que  le  Sénat  de  Paris  > 
»  qu'on  appelle  vulgairement  le  Parle- 
*  ment  ,  difoit-il ,  dans  un  Livre 
jj  contre  Sutor  ?  » 

Il  avoit  comm^encé  à  être  connu  dans 
Te  monde  Littéraire  par  fes  Poëfies  : 
il  avoit  fait  ^es  vers  da^s  fbn  enfan- 
ce (  a  )  ;  &  ce  goût  qu'il  avoit  pour  (a)  Ep'fï. 
k  Pocfîe ,  lui   avoit  d'abord  inlpiré  Botzmio. 
line  efpece  d'avcrfion  pour  la  Profe. 
Il  eflaya  tous  les  divers  gensdePoë- 
iie.  il  nous  eft  refté  une  Eglogue  (t)  .  (^)  Huî- 
qui  eft  une  imitation  de  Virgile,  qu'il ''^"^®    '^' 
Compofa  à  l'âge  de  qpator^e  ans  à  Ue-  "^^* 
venter,lorfqu'il  y  étudioitfous  Alexan- 
dre  Régius,  M.  le  Clerc  prétend  qu'on 
peut  juger  par  cette  pièce ,  que  s'il 
eût  cultivé  la  Poëfie,  il  feroit  devenu 
un  excellent  Poëte.  ; 

Ayant  dix-huit  ans ,  il  fituneEle* 
gie  contre  les  vices ,  &  furtout  con- 
tre la  débauche  &  l'ambition  ,  que  fes  ^ 
amis  firent  imprimer  fans  lui  en  avoir 
demandé  la  permiifion,  A  dix-neuf  ans^ 

Eiij 


i02r  V  I  If 

étant  à  Siexn,  il  fit  en  (e  promenanr 

dans  la  prairie  un   dialogue    fur  1& 

Printems  y  avec  Guillaume  de  Ter- 

gou(i> 

Dans  un  des  voyages  qi/il  fît  e» 
Angleterre  pendant  le  règne  de  Hen-- 
ri  VII.  Henri  Prince  de  Galles  écri- 
vit en  dînant  chpz  MilorA  Mont  joie  à^ 
Erafme  qui  étoit  auflî  chez  ce  Sei- 
gneur, qu'il  lui  feroit  plaifîr  de  lui- 
envoyer  des  vers  de  fa  façon  :  Erafme 
ayant  reçu  ce  billet  ,.  retourna  chez* 
lui  ;  &  en  trois  jours  il  compofa  unr 
Poëme  en  vers  hexamètres  &  ïambi- 
ques ,  &  ^  trois  pieds ,  en  Fhonneur 
du  Roi  HenriVli.de la  FamilleRoyale 
&  de  l'Angleterre. 

Il  aimoit  fort  à  faire  dés  Epîgram- 
(aj  Epi({.  mes  (a):  c'étoit  à  fes  momens  perdùr 
*>/«•  qu'il  s'araufoit  à  cette  efpeccdePoë-. 
fie ,  lorfqu'il  fe  promenoit ,  lorfqu'il 
jouoit ,  &  même  lorfqu'il  étoit  à  table. 
On  lui  en  demandoit  fouvent ,  &  il  en 
faifoit  par  complaifance*.  Il  ne  comp* 
toit  pas  qu'on  dût  les  imprimer  :  ce- 

Î rendant  celles  qu'il  avoit  faites  dans- 
à  première  jeunefe  r  furent  données 

(  I  )  Ccrtamen  Erafmi  atqu9  Gutlhlmir 
de  temfêre  vernali ,  fuod  fer  viridantia^ 
frata  ahcrnù  ex  temfçre  luferwu  ,  annm' 
9êrum  décima  nona^ 


li'  É  R  À  s  m'  h;  105 

air  public  fans  fon  aveu»  H  s'eft  ima-  • 

giné  qu'un  de  Ces  domeftiques  les  lui 
avoit   volées  ,  &  les  avoit  vendues  à 
un  Libraire.  Froben  les  recueillit  dans 
la  fuite  ;  Erafme  les  dédia  (a)  à  Henri    (4)  Epijl. 
Prince  de  Galle-  ^^<^^' 

Son  Foëme  fur  la  vieilleffe  eft  àc^^'!!'''^' 
toutes  fes  pièces  de  vers  celle  quia  eu  oal^oratio- 
k  plus  grande  approbation  :  il  le  com-  nhfanium 
pofa  à  chçval  lorfqu^il  traverfoit  les  cQnjirupîQ- 
Alpes  ;  c'efi  pourquoi  il  rappcUoit  «^«  ^?^^^* 
Carmen  equefire  pelpotiàs  Alpefire  :  il  *7.  L-  »5^- 
éft  dédié  à  Guillaume  Copus ,  cet  ha-  ""-^  ***'''* 
bile  Médecin  dont  nous  avons  déjà 
f^arlé.  Erafnie    le   retouch»  lorfqu'il 
ctoit  à  Bafle.  Aide  en  a  donné  une 
édition, dans  laquelle  Erafme  prend 
h  qualité  de  ProfefTeur  en  Théologie  ; 
clleeff  dé  ly  i5.  H  (é  ddnnoit  ce  titre 
apparemment  à  caufe  de  Quelques  le  ^ 
çons  publiques  qu'il  avoit  données  en 
Angleterre  &  en  Flandre,  Ce  Foëme 
ôft  rempli  des  fentimens  de  la  plus  gran* 
de  piété  (  i). 

(  I)  t,c  Poème  (ur  la  Vieilleflè  a  pou» 
titre  de  Seneôfutis  incommodisy  heroicoCar" 
piine  ,  &  tambîco  dimftro  cataleClicoi 

Voici  comme  Erafme  ^y  exprime  : 

Quicquid  mihi  deincepf 
fiita  avifupcrejfc  volent ,  id  protinUs  omne  \ 

Eiiij 


C^étoit  Horace  qu'Erafme  avdk 
pris  pour  fon  modèle,  ce  Lorfque  j^é- 
»  tois  jeune  ,   dk-il  dans  fori  Cicero^ 

C»;P.ïoi  I.  »  nien  (  a  )  fous  le  nom  de  Bulephorus, 

»  j'aimois  tous    les  Poètes ,  mais  dès 

»  que  f  ai  mieux  connu  Horace  ,  tous 

w'ies  autres  Poètes,  quelque  admirables 

CB)   Du  '^  qu'ils  fufleiit ,  m'ont  paru  infipides.  » 

Cerceau  ,  C'cft  ce  que  depuis  a  répété  qn  de  ncw- 

îa  yalife  du  modernes  (  i  )  r 

Chacun  a  Ton  goût;  mais  Horace  » 
Par  droit  ou  par  entêtement» 
Tient  chez  moi  la  première  place  : 
J'étois  pour  Ovide  à  <jpinze  ans; 
Mais  je  fuis  pour  Horace  à  trente» 

t.es  vers  d'Erafmelui  firent  bcaucoiïjr 

Chrtjlo  dtcetur  uni» 

?o[lhac  valete  nuga  , 
Tucataqutvolu fûtes  »  rifufque  ,  jocique  ^ 

Lufus,&  ilUctbra  : 
Sflendidanobilium  décru  a  valete  fophorum^ 

Cerfum  eft  VJtcare  Chrijlo» 
Jîic  mihi  foins  erii  Jiudium  ,  dulcefqtte  ca^; 
mana  , 

Honosy  decus^  voluftas  : 

Onnia  folus  erit. 

Les  Poèmes  dTrafine  Ce  trouvent  à  la  fin 
^es  tomes  premier,  quatre,  cinq  ôrhuitÂl 
es  Ouvrager, 


d'Erasme*  ioj 

â^hotmcixr  dans  le  tems  qu'ils  paru- 
rent :  Jean  Sixtinus  lui  écri  voit  (a  j  qu'il  (a)  Efîjl. 
n'y  avoit  point  d'honune ,  pour  peu***  ^'*» 
qu'il  eût  de  génie ,  qui  ne  le  comparât 
aVeé  les  plus  grands  Poètes  de  l'Anti- 
quité. *  Vos  vers  refpirent ,  dît-il ,  la 
»  Vénus  attique  ,  &  font  des  preuves 
a» de  lagrément  admirable  de  votre 
«efprit.  C'eft- pourquoi ,  mon  cher 
»  Erafme  ,  encouragez  vos  charman- 
•>  tes  Mufes ,  afin  que  vous  nous  faflîez 
»  voir  ce  que  l'on  ne  croioit  pas  poC- 
*  fible  i  que  les  AUemans  ne  cèdent  en 
»  rien  aux  Italiens.  Adieu,  Poète  aufli 
*•  charmant  qu'agréable  »(i).  A  cette 
LettreSixtinus  joignit  uneEpigramme, 
dans  laquelle  il  traite  Erafme  du  plus 
célèbre  Poète  de  fort  fîécle  (  2  )• 
Celui-- d  n'avoit  pas  une  iî  grande 
idée  de  fui  :  dans  fa  réponfe  à  Sixti* 
fius  (  i  )  il  l'aflure  que  s'il  ne  connoifloit  (b)  Eflft. 
pas  fa  fiiKiérité ,  il  prendroit  feslouan-  »»»L.  it 
ges  excefEves  pour  une  raillerie.  11  ne 
parle  de  fes  vers  que  comme  de  baga- 
telles frivoles,  qui  fentent  plutôt  ta 
loue  que  la  Vénus  attique ,  &  qui  ont 
plus  de  rapport  avec  la  barbarie  d^ 

(  I  )  Vide  y  vtnei  UfidiJJime  &  Juavijftmei 
('  t  )  Sed  tamen  ,  S  noffri  vatum  cfltHr% 


rc(f  '  Vit 

Scithes  ,  qu'avec  le  gdnie  des  zncietVF 
Poètes  :  il  déclare  qu'ils  ne  font  pas 
dignes     d'être   avoués    d'Apollon  j. 
qu'enfin  iln'eft  qu'un  Poëte  médiocre, 
&  que  c^eft  ce  qu^l  a  de  commun 
avec  Ciceron,  à  qui  il  reffemble  ea^ 
cela  feulement. 

C'étoient-  là  fes  véritables  fentimensr ' 
il  les  a  exprimés  avec  fa  modeftie  or- 
(*)  E0.  dinaire  dans  une  Lettre  (a)  qu'il  écrivit 
XI.  ^'  M»  en  confidence  à  un  de  fes  bons  amis  ;  iti 
^^^^     l'aflTure  que  quoique  les  Mufes  ayenc^ 
'  *    été  ce  qui  lui  a  fait  le  plus»  de  plaifir:* 

dans  fa  tendre  jeunefle ,  il  n'a  jamais 
travaillé  dans  ce  genre  avec  affez    de 
foin ,  pour  qu'il  ait  pu  faire  quelque: 
chofe  digne  d'Apollon  :  il  finit  par' 
le  prier  de  ne  pas  faire  trop  d'éloge  • 
de  les  bagatelles  ;  c'eft  ainfi.  qu  il  ap- 
pellefeS  vers.  Nous  apprenons  par  cette- 
même  Lettre,  que  tant  qu'il  fut  à  Pa- 
ris j,  il  s'appliqua  peu  à  la  Poëfie  j  &'- 
il  en  rend  cette  raifon ,  que  c'eft  parce 
qu'il  favoit  qu'il  y  avoit  dans  cette  cé- 
lèbre Univerfité  un  grand  nombre  de 
Poètes  exceliens  en  tout  genre,  avec 
ïefquels  il  auroit  ca  tort  de  fe  corn- 
meotre.^ 

Ceux  qui  ont  eu  occafion  de  parler 
de  Cba  talent  Poétique  ,  n*en  ont  pasi 
&ÎC  un  g;:and  éloge;  J4ales!  Soaligi^^ 


ï>^  E  R  A  s  M  E.  f  Ô7 

ïfaî  â  la  vérité  n'étoit  pas  dirprofë  à  lui 
rendre  juftice ,  ne  Ta  traité  (a)  que  de     (a)  Poë- 
verfîficateur.  Floridus  Sabinus  a  pré-  tique, L.  6. 
tendu  (  t  )  qu'il  n'a  point  excellé  dans    (^)    uc- 
b  Poëfie  comme  dans  les  autres  ma-  thnumfub' 
tieres  d'érudition;  qu'il  a  manqué  for-  cijivafum , 
tout  àans  cette  panie  qui  regarde  la  ^*  ^* 
»ajefté   héroïque  ;    qu'il  favoit  à  la 
vérité  les  régies  ;  mais  que  ce  feu  & 
cet  agrément  qui  font  les  grands  Poè- 
tes,  ne  fe  trouvoient  point  chez  lui, 
M.  le  Clerc  ,    quoique   fon    admi- 
rateur ,  nefepaffionne  point  (c)  pour    (c)   Bîb. 
fes  vers  ;  il  avoue  qu'ils  n'approchoient  choifîe ,  t. 
point  de  fa  profe.  «  On  peut  dire  néan-  ^U»  P»  *  «• 
»  moins ,  ajoute- t-il ,  que  s'il  n'y  a  pas 
a  d'enthoufiafme  ni  de  ftyle  Poétique 
3»  dans  fes  vers,  il  y  a  4>caucoup  d'ef- 
»  prit ,  comme  dans  tout  ce  qu'a  Eût 
39  ce  grand  homme.  » 

Ce  qui  contribua  beaucoup  à  don^  , 

ner  à  Erafme  une  très-grande  réputa^ 
tion  dans  la  Littérature,  ce  furent  plu-' 
fleurs  tradudions  des  Auteurs  Grecs  ^ 
dont  on  ne  connoifToit  qpe  les  noms 
avant  que  par  fes  travaux  il  mît  à  por- 
tée de  les  lire  ceux  qui  éntendoient  le  . 
Latin« 

,   Quand  il  vint  à  Paris ,  perfonne  n'y 
fiivoit  la  Langue  Grecque*^  Il  prétend    ^^  ^j^j/i^ 
{/i)  qae  George  Hi^rmomme  écoit  IcBoiz^^mio. 

Evj 


io8  V  I  K    ^ 

fcul  qui  en  eût  quelque  teinture,  iCtfâê 
fa  fcience  même  ne  paflbit  pas  les  été- 
mens.  Erafme  perfuadé  que  la  profonde 
érudition  fuppofoit  la  connoiflànce 
dune  Langue  datis  laquelle  il  y  avoit 
un  très- grand  nombre  d'excellens  Ou- 
vrages, fe  propofa  d'en  acquérir  Hn- 
telligence.  La  difficulté  étoit  de  l'ap** 
prendre  fans  Maître  dans  un  fiecle, 
où  l'on  n'avoit  pas  les  acuités  que 
Yon  a  préfentement  par  les  fecours  des 
bonnes  Grammaires ,  &  furtout  dès 
excellens  Diâionnaires.  Les  obftaclès 
ne  l'arrêtèrent  point  :  il  fe  livra  ave<r 
ardeur  à  l'étude  de  la-  Langue  Grec- 
que j  &  quoique  dans  les  commence- 
mens  il  ne  fût  aidé  par  perfonne  , 
(â)  Ré-  ainfi /^u'il  nous  Ta»  appris  lui-même  (a)  ^ 
ponfe  à  il  ûi  bientôt  de  rapides  progrès.  Dans 
Curtius.  la  fuite  Michel  Pavius ,  Grec  de  Na« 
tion,  contribuai  le  rendre  très-ha^ 
bile. 

Dès  qiiil  eut  quelque  idée  de  la 
Grammaire  ^^  il  le  mit  auffitôt  à  tradui- 
re -,  il  avoit  pour  lors  trente  açs.  Il 
traduilit  divers  Traités  de  Lucien ,  de 
Plutarque ,  de  Libanius.,  de  Galien  , 
d'Iiocrate,  de  Xenophon  ,  rH«:ube 
&  riphigenie  d'"Euripide  r&  les  deux 
premiers  Livres  de  la  Gramiaaire  de 
.Théodore  Gaza>  ua  des  plus  habiles 


!D^É  R  A  ^M  E.  >o/ 

iSnecsqui  fe  foient  établis  en  Europe 
après  la  rmne  de  rËoiplre  de  Com^^ 
tantinople(i).- 

II    acquérôk  de^  protestons  par' 
toutes     ces     diverfes    traductions  , 
qu'il  dédioif  à  des  Princes^  ii  des  Sei-* 
gneurs  >    &  quelquefois  à  fes  amis; 
Il  décfia    (tf-)    l'an   I5'<)3.  le  Son-  (a)  EpiJ^- 
ga  de  Lucien  à  Chriftolph^  Urre«5.j:^i^. 
wic  ,  qu'if  repréfente  comme  un  de  fes 
bienfaiteurs:  étant   fqr  la  fin  de  la 
même  année  à  Louvain ,  il  dédia  {b)   (h)Ef0l 
lesDéclamationsrdeLibanids  ï  Nico-  i6*  U  *^ 
las  Rutier  Evoque  d'Arras  ,  Chance-* 
lier  de  rUnivcrfîté  de  Louvain ,  & 
Gonfeillerdè  Philippe- Ic-Beau  Archi- 
duc d'Autriche  ;  1  Épitre  Dédicatoire 
cft  dat^e  du  17  Novembre  i yo?.   Le 
Prélat  fut  très  contint  du préfent(c>    (c)EfiJK 
qu'Erafme  lui  avoit  fait  ;  il  Tenvoyai^.  L.  iVi 
prier  à  manger,  lui  offrit  fes  bons  of- 
fices pour  lui  &c  pour  fes  amis ,  Se  lui 
fit  donner  dix  pièces  d'or.  Le  Timon 
de  Lucien  (m  traduit  l'an  i  ^04.  &  fut 
dédié  (  i  )  par  Erafme  lorsqu'il  étoiî    (^  Efifti 
à  Londres,  à  Nicolas  Ruthal ,  qui  étoit  6.  L.  15^ 
pour  lors  Secrétaire  de  Henri  VU* 

(  1  )  Les  tradùdions  qu'Erafme  a  faîtes 
Jés  Auteurs  Grecs  profanes ,  (ont  dans  le 
l^emier  &  l^  quatrième»  tome  de  Ce^  09^ 


&  qd  au  commencement  du  régne  S^ 
Henri  VIII.  fut^  nommé  Evêque  do 
fi)  Thoi-  Durham  {a).  Il  étoit  à  Londres  aii  ' 
lfàs,^  5.^.  commencement  de  iyo5.  il  dédia  (fr) 
î*         ..  lèpremierjour  de  cette  année  la  traduc- 
^^£^^^''^'tionduToxari$  de  Lucien  à  Richard 
Evêque  d^  Wincheftcr,  qu'il  appelle 
fon  Patron  &  fon  puiffant  ami.  Le  pre* 
mier  Mai  de  cette  année ,  étant  encore 
en  Angleteifre  i  la  campagne,   il  dé- 
Kc)  Éfijl.  dia  (c)  le  Meurtrier  du  Tyran ,  Décla* 
f.^  19.    mation  deLucien  ,  à  Richard  Witford 
un  de  Tes  bons  amis.  Sur  la  fin  de  cette 
même  année ,  lorfqu'il  étoit  à  Boulo- 
Xf)  Efi/l.  S"^  ^^  Italie  ,  il  dédia  (  d  )  quelques 
|iL,  19.  *  Dialogues  de  Lucien  i  Jérôme  Bufli- 
dius  Confeiller   du  Roi   d'Efpagne  j 
rÉpitre  Dédicatoife  eft  du  17  No- 
vembre I  ^06.  Erafme  étoit  pour  lors 
dans  la  plus  grande  douleur  :  il  venoit 
d'apprendre  la  mort  de  Philippe- le- 
Beau  ;  &  cette  perte  fait  le  fujetde  fa 
Lettre  à  Buflidius. 

Etant  revenu  d^ Italie  en' Angleterre, 
(f)  Epifl.  il  dédia  (  c  )  le  2p  Avril  i  y  1 2.  quel- 
^  L.  tp.  ques  Dialogues  de  Lucien  qu'il  avok 
revus  depuis  peu  ,  ou  qu'il  venoit  de^ 
traduire,  à  Guillaume  Warrham  Arche- 
vêque  de  Cantorberi  ,  qu'il  appelle 
fon-  unique  Mécène ,  le  feui  qui  l'en-^ 
courage-&  protège  (es  études.  U  étoile 


IKris  l'an  I  yi  ;.  lorfqu'il  dédia  (  d Y  W  fi>!^- 
it  l'Evêqtre  de  Chartres  le  faux  Pro-  ^*  ^*  *^'' 
phére  de  Lucien.  L'Epitte  Dédicatoi* 
re  duRepas^u  même  Auteur  eft  datée 
d'Anvers  l'an  i  ;  1 7.  &  eft  adrcffée  (b)   {h)  EfiH^ 
à  Jean  Eutichius  :  Erafme  s'y  mocque  *^*  ^  *i^' 
des  difputes  des  Théologiens ,  qu*il 
prétend  être  encorejplus  ridicules  que 
eclles  des  anciens  Philofophes,  que 
Lucien  avoir  badines  fi  agréablement 
dans  fon  Ouvrage.  LaTradudion  de  la- 
Grammaire  Grecque  de  Théodore  de 
Gaza  eft  dédiée  à  Jean  Céfaire  de  Ju- 
Bers  (c)  ,  &  eft  datée  d'Anvers  la  veille    CO  ^fifi- 
de  la  S.  Jean  15*  18,  Il  traduifoit  en-  '•^»  *^^ 
core  les  Livres  des  anciens  Philofophes 
fer  la  fin  de  fa  vie ,  étant  à  Bafle.  Il  en- 
voya le  dernier  Avril  de  Tan  lyay* 
i  Alexis  Thurzon  Secrétaire  du  Roi 
de  Hongrie  f  4  )  la  traduftion  des  Ou-   (i)  BfiJI^ 
vragcs  de  Plutarque ,  fur  Us  moyens  ^'»  ^*  *^-» 
dejéprimer  la  colère  &  fur  la  curiofi- 
té;  &  le  lendemain  de  la  Purification 
de  l'année  fui  vante  ,  il  dédia  (e)  à    (0  Efiftm* 
François  Dilfe latraduélion  duTrai-J**  ^*  *^-* 
té  de  Plutarque  de  la  faulTe  honte.  Il 
avoit  travaillé  avec  d'autant  plus  de 
plaifir  à  cet  Ouvrage,  qu'il  avoit  ré^ 
fiéchique  la  fau(fe  honte  étoit  un  dé-        < 
&it  dominant  en  lui.  Ce  Diife  étoic^ 
»  i^une  hdmmsî  de  grande  efpéran^. 


^{ayEftfl.  ce  (  a  )  qu'Èrafme  dansla  fuîtc  recon^ 

ifi  ^  ^®' manda  au  Chancelier  Mercurin   Gat-* 

tmare ,  en  le  priant  de  \t  faire   entrci 

dans  la  maifon  de  l'Empereur.  I^e  2t8 

Avril  i$26.  il  envoya  au  Médecin  An- 

Xè)  Epiff.  ^o^î^^^  Caflovie  (  b  )la  traduction  d« 

Xi.  L.  19.  l'exhortation  de  Galien  aux  beaux  arts. 
(c)  Efiji.  Il  a  dédié  à  Henri  Vlïï-Roi  d' Angle- 

5jft*  L.  J5^.  terre  h  tradudion  du  Traité  de  Plutar- 
auè  de  la  différence  du  flateur  Sq 
de  Tami  ;   TEpître  Dédicatoire  n'a 

f)oint  de  date  ,  de  même  que  c^elle  de 
'utilitéque  l'on  peut  retirer  de  fes  en* 
^f  J)  Epiff.  nemis ,  qjui  eft  adreffée  (^  au  Cardinal 
;^oi  L.  x9.  ^jç  ^xAïtu  II  rfa  pas  non  plus  daté 
TEpitre  Dédicatoire  de  la  traduéfîon 
du  Traité  de  Lucien ,  de  ceux  qui  en- 
(0  Efid.  trent  au  fervice  des  Grands  (  c  ) ,  qu'il 
S  ^*    *?•  envoya  à  Jean  Paludanus,  Profeueur 
d'Eloquencce  à-  Louvain ,  fbn  intime 
ami,  chez  lequel  il  logeoit  l'orfqu'il 
étoit  dans  cette  Vile.  Il  avoit  entrepris 
de  mettre  en  Catin  cet  Ouvrage  étant 
fïir  le  point  de  partir  en  Italie  y  mais 
il  ne  le  publia  qu'à  fon  retour. 

liucien  avoit  foutenu  dans  fa-DécIa^ 
,  iftation  au  fujet  dû  meurtre  du  Tyran  ^ 
qpe  celui  qui  avoit  tué  fon  fïïs  méritoic 
la  récompenfe  promrfe  à  celui  qui  ei» 
délivreroit  PEat ,  parce  que  le  Tyran 
au  défefpoir  de  voir  foafils  mort  ^ 


I>'ËR  A  S  M  !•  II 3f 

iV^oit  tué  lui  -  même.  Erafme  côm- 
poû  une  Déclamation  quM  joignit  à 
eelk  de  Lucien,  dans  laquelle  il  prend 
le  parti  oppofià  cet  Auteur,  &  fou- 
dent  que  le  meurtrier  du  fils  du  Tyran 
n'eft  point  dans  le  cas  d^efpére):  la 
récompenfe  qui  avoir  été  promife  à 
celui  qui  tueroit  le  Tyran.  CétoitTho- 
fflas  Morus  (  ^  )  qui  avoir  engagé  (a)  Efijf^ 
Erafme  à  travailler  dans  ce  genre  de  7*  L*  ^9a 
Déclamation  ;  il  étoit  perfuadé  que  l'on 
àevpit  y  exercer  les  jeunes  gens ,  par-; 
ce  quils  acquereroient  par-li  la  taci- 
ciVité  de  devenir  Orateurs*  Morus 
s'exerça  auflî  fur  cette  même  queftion 
(i)  qu'Erafme  avoir  traitée.  W   ^^i 

Les  traduaions   d'Erafme    eurent  ^^^^'^♦^^ 
beaucoup  de  fuccès;  &  elles  ont  c^i  _ 

de  très-habiles  gens  pour  approbateurs. 
Floridus  Sabinus  a  alTuré   (c)  qu'il   (c)  ttoré 
«voit  été  très-heureux  en  traduifant  ,y«*^^/'«L.J% 
&  qu'il  y  avoit  peu   de  Traducteurs  ^*  ^*        - 
qu'on  pût  lui  comparer.  Cardan  fou-  * 

^nt  (i)  qu'Erafme  furpafle  tous  les  (d)Defâ^ 
Tradufteurs  modernes  des  Li vres  P'*^'''^''»  »  ^ 
Grecs.  M.  Huetavo0e(e)  que  lesV^n^V 
traduâions  d'Erafme  lui  ont  touiours^iS^f™- 
Jffez  plû ,  &  que  fa  fidélité  &  fon  éru^  Tntfrpre! 
dition  paroiffent  furtout  dans  fa  tra-wiidî,p.izi- 
auftion  des  Ecrivains  facrés.  Cen'cft 
5^  qu'il  n'ait  fait  fouvent  des  faute$^>> 


àinh  que  l'a  remarqué  M.  le  Clerc  un' 
de  fcs  grands  admirateurs ,  que  foir 
cftime  pour  Erafme  nVpas  empêché 
de  convenir ,  qu'il  ne  falloit  pas  tou- 
jours fc  fier  à  lui.  Il  a  juftifié  ce 
jugement ,  en  relevant  quelques-unes 
de  fes  méprifes. 

Eralme  a  auflî  ^traduit  un  grand 
nombre  d'Ouvrages  des  Pères  ;  nous 
en  parlerons  ailleurs.  Il  a  même  affuré 
W  E;>iy?. l'Archevêque  de  Cahtorberî  (a)qu'it 
'^4-  L.  ip.  ne  s'étoit  appliqué  à  la  traduftion  des 
Auteurs  profanes  ,  que  pour  être  plus 
à  portée  de  mieux  travailler  fur  les 
Auteurs  lacrés. 

L'exemple  d'Erafme  &  fes  travauît' 

infpirerent  dans  TEurope  le  goût  de  k^ 

Littérature  Grecope  5  &  il  fe  félîçitoit 

<î)  F/iyî.Tan  Xji8.(i)  de  et  que  les  Polo^ 

¥.  l.  %9.    nois  ,  les  Ecoflbis  &  les  Hibernois^ 

cultivoient  avec  plaifir  &  avec  fuccès 

^  l'érudition  Grecque. 


W 


^^ 


iif 

J    -  -     -         -  -        ■■■■-...         .      ■•        . 

VI  E 

D'ERASME' 

LIVRE  SECOND, 

^i  contient  fort  Hijloire   depuis'  fort' 

voyage  m  ItaUe  jufquà  fon  éta^ 

blijfement  à  Bafte. 

CE  fut  Tan  ij-o^^qu'Erafme  fe- 
mit    ert  diçmin    pour   Wtâ- 
lie  (  I  ).  Il  avoit  paffé  une  partie 

(  1  )  M.  te  Clerc  a  prétendu  *  qu'Erafme' 
n'étoit  parti  pour  l'Italie  que  Tan  ifo8.  & 
il  s'eft  fondé  (iir  la  date  de  quelques  Lettres 
dont  il  étoit  aifi  d'appercevoir  la  faufîèté  ^ 
pui(qu'il  eft  certain  qu'il  en  a  écrit  d*Ita» 
lie  )  qui  ne  peuvent  pas  être  d'une  autre  an* 
née  que  Tan  1506»  Voyez  tfiji.9»  L,  19.. 

Herold  fixe  ce  voyage  â  la  troifîeme  an- 
née du  Pontificat  de  Juler  I L   Or  ce  Pape^ 

f  Bibliothegjue  Choifie,  t.  ji  p.  1^7^* 


} 

iité  Vin  , 

de  cette  année  en  Angleterre,   oùjj 

avok    été     prendre    congié     de'  ùi 

(4)  Epijl.itnis  qu'il  regrettoit  beaucoup  (a^ 

'*'•  ^  l^'Il  vint  cnfuite  en  Franre  ,    &  allj 

ti.Ui.    ^  ^rf^ans  (  i)  où  il  avoir  un  grand 

nombre  de  connoiflances  ;    il   y  de- 

nleura   quelques  jourjf  chez  Nicolas 

Êcraud  avec  lecjuel  il  étoic  fort  liéi 

C'étoit  un  homme  fort  fçavanr  dans 

"(c)  Efilt.\t%  Belîes-Letrres  (tf)  &  habile aaflî 

(r4.  I..X8.  dans  les  Mathématiques  :  il  reçuttrès- 

(4)  Epî/Î. bien  fon  ami  {i)  j  il  voulur  même 

ifo»»  lui  faire  un  préfent ,   qu'Eràfme  re-« 

fufa. 

De-là  il  prit  le  chemin  d'Italie  ; 

Sue  depuis  très-long-tems  il  avoir  le' 
efir  de  voir.  Les  Belles-Lettres  y 
étoient  pour  lors  cultivées  avec  plus 
d'honneur  &  de  fuccès  ,  qu'elles  tic 
Tavoient  été"  depuis  le  fiécle  d'Au- 
gufte.  Les  plus  favans  Grecs  que  les' 
viéloires  des  Barbares  avoienD  expa- 
triés ,  s'y  étoient  réfugiés  ^  y  âvôient- 
trouvé  un  heureux  afile  ,  &  avoienc 
communiqué  aux  Italiens  la  connoif- 
fence  de  leur  Langue  &  des' meilleurs* 

fut  élevé  au  Siégé  "de  S-  Pierre  le  !•  No- 
vembre KPoj,  Harangue  en  V honneur  d^R^ 
r'afine ,  dans  le  dernier  tome  de  fes  OuvrM 


1>*E  R  A  s  ME.  «7» 

/&.uteurs  de  l^antiquité  :  l'amour  pour 
Ocei:on  ,  &  le  defir  de  Timiter  y 
itoient  même  portés  jufqu'à  des  excès 
blâmables ,  ainfi  que  nous  aurons  oc* 
;Cafion  de  le  voir  dans  la  {uite. 

Erafnrje,  daBs  fa  riponfe  àCurtius, 
parle  de  l'envie  qu'il  avoit  toujours  eue 
de  voir  Tltalie.  »  Il  n'y  a  poiqt  de  Na» 
•  tion  ,  dit-il ,  pour  laquelle  je  me 
m  fois  fenti  plus  de  goût  depuis  m^ 
«•tendre  jeunefle,  que  pour  les  Ita- 
»  liens.  J'ai  fouvent  été  tpnté  d'aller 
p  çn  Itaiie ,  premièrement  lorfque  je 
»  ii'avois  pas  encore  dix-fept  ans,  en- 
»  fuite  lorfque  j'étois  en  Hollande  âgé 
P  de  vingt  ans,  enfin  à  ri 8  ans ,  lorf- 
?»  que  fétois  à  Paris.  JL.es  deftins  jufr 
»>  ques-là  fe  foçt  toujours  oppofés  ^ 
f»  mes  defirs.  Etaot  en  Angleterre ,  on 
f  m'offrit  pluficurs  établiSemens  ;  j.e 
*•  n'en  voulus  accepter  aucun  que  je 
wn'euflTe  vu  l'Italie  :  j'en  entrepris  donc 
>  le  voyage  iorfqyç  j'avois  près  de 
9  quarante  ans.  » 

Il  avoit  pour  compagnons  de  voya- 
ge Jean  cc  Bernard  Boier ,  fils  de 
Baptifte  Boier  de  Gènes ,  premier  Mé- 
decin du  Roi  d'Angleterre,  Ç'étoient 
deux  jeunes  gei|s  dont  il  fait  uu  fort  ç^^ ^^^a 
grand  éloge  {a):  il  affare  qu'il  n'y  6.&ii.  ^[ 
^ypir  r^çn  dç  fi  ippdefle  ^  de  fi  docile  lo.  / 


ïrS  Vie 

&  de  fi  ftudieu^  ;  ce  qui  lui  feifd 
»croire  qu'ils  répondroient  aux  inteti 
tions  de  leur  père  ,  aux  foins  qu'il  à 
prendrojt ,    &  que  quelque  jour   î^ 
leroient  l'honneur  de  l'Angleterre. 
Ce  n^étoit  pas  comme  leur  Précep 
Xa^EfiJi.  tcur  (a)  qu'Èrafme  étoit  avec  eux  ; 

Rhénans,    ils  en  avoient  un   que  Fan  appelloil 

fifroUus.  Qifton  ;  mais  c'étoit  en  qualité  d'ami < 
oui  vouloir  bien  veiller  fur  leurs  étu^ 
des ,  .&  leur  donner  des  çonfeils.  Il 
ce  fut  qu'un  an  avec  eux,  après  le- 
quel teais  n'itant  pas  content  des  pro- 
4cedés  de  leur  père ,  il  fe  fépara  defes 
enfans  ,  fans  cependant  refter  brouillé 
^vec  lui  ;  car  après  fon  retour  dlta^ 
lie  ,  étant  à  Londres  l'onzième  No- 
Xh)  Efift.^^^^"^^  i;'i;2.il  dédia  Q?)  à  Baptifie 

M«  L.  10.  Boier,  prejrDier  Médecin  du  Roi,  la  tra- 

duftion  du  Traité  de  Lucien  de  l'Af- 

txologie.  Il  entretint  aufC  des  jiaifons 

avec  fes  enfans  ;  &  il  paroît  par  les 

Xc)  Efijl.  Lettres  (r  )  qu'Erafme  leur  a  /écrites , 

*?•  ^-  *5'  que  ce  fut  Clifton  qui  occafionna  le 
refroidiffement  entre  leur  père  &  lui^ 
Ce  Précepteur  fens  aucun  mérite  avoit 
fiirpris  la  confiance  du  premier  Médc" 
cin  j  &  l'avoit  indifpoCf  contrje  Erafmç 
dont  il  étoit  jaloux.  Au  refte  cette  in*- 
J(i)  EfiJl.  difpofition  ne  fut  qu'un  nuage  pafla- 

57-  L.  i6.gçr{d)  (jui  ji'im^rrpmpit  poJQt  jpo,u; 


toujours  leur  amitié  :  le  plus  grand  in- 
convénient qqien  réfuka ,  fut  ppurles 
£Js  de  Boier ,  qui  par  leur  féparation 
d'avec  Erafme  furent  livrés  à  un  tnzvi^r 
vais  Précepteur ,  &  perdirent  les  ava^T 
tage$  qu'Us  pouvoient  retirer  de  la 
<x)tiRpagnie    à\n  auffi  grand   maître 
cju'Er^fme,  La  première  ville  d'Italie 
pu  il  fit  quelque  féjour ,  fut  Turin  ;  i^ 
y  prit  le  grade  de  Dofteur  en  Théo- 
*Qgi^   (^)»   Il  atfure  dans  fonLivrç    /^j  g  .^ 
contre  Sutor ,  que  de  célèbres  Univer-  nketu    Ail 
fités  }ui  avoient  offert  de  le  recevoir'  Adaou 
Ôpîfteur ,  qu'il  l'ayôit  fefufé  J)lufieur| 
rois  ^  &  qu^enlin  il  avoit  prL^  ^  degré 
4ans  une  F^cujté  qui  n'étoit  pas  ^nè 
'  réputation.  Il  écrivit  au  Pgre  Servai? 
{b)  qu'il s'étoitfeitDofteur  en  Théo- î  (B}Bpifl. 
ïpgîe  wlgré  luj ,  8c  par  pure  pomplair  îf  •  6*  57. 
§pce  pour   fes  aiçis  qui  l'y  avoient*^  î*» 
prefque forcé  ;  ce  qai  prpuveroit c^^'à  . 
avoit  bien  ch^^é  de  fentiment ,  puiN 
qpe ,  comme  pous  ('avons  vu ,  il  dpn- 
i^qk  aptrefpis  pour  piotif  de  fon  voyâgç 
4'Italje ,  la  peceffité dje  s^y  procur/erie 
gr^de.dePoâteur^  &  d'acquérir  parr 
\\njie  pjy3  ^ranfîe  con^cïér^itioij.   Il 

feit 4aps  une  de  kstt^tvc^  ^f'U^W^^  <^)  %iy?- 
Qfi  la  politi^fte  des  Fiémontpis.  De  Tu-  u.  l  15. 
fin  11  ^lla  à  ^oulqgne  (d)  oh  il  ne  ,  .x  ^    ^ 
perte  tQîs-/ci  ^u  up  très-court  iejour^  y//^      ^ 


(I20         .       .'Vif  /      .      -      . 

craignant  de  s'y  trouvet  petidant  que 
cette  Ville  féroit  afliégée  :  car  il  y  ar- 
riva précifément  dans  lé  tems  que  lé 
Piïpe  Jules  IT.  cherchant  à  réunir  à 
l'Etat  Eccléfiaftique  toutes  les  Villes 
qui  en   avoiènt  été  enlevées   par  des 
(a)  Kai'  "furp^t^Ufs r  ne  parloit  pas  moins  (a) 
ttalduf  ^  an.  ^^^  de  mettre  Êouloghe.  à  feu  &  à 
^soé.     ».  lang ,  fi  les  Habitans  ne  lui  livroientk 
^^-  Seigneur  Bentivogle  ,  ou  du  moins  ne 

le  chi^lToient  de  chez  eux.  Ces  mena- 
ces ayant  QiFrayé  les  Boulenois  j  Ben- 
.■-  tiypgîe  prit  le  {jarti  de  s'enfuir  delà 

Ville  ,  qui  pour  lor$  ouvrit  les , portes 
^u  Saint  Ptre. 

,    Pendant  toute  cette  crife  Erafme 

(h)  Eftjl.  ^toit  allé  à  Florence  (  t  )  d*où  il  ne 

'35.  &  37'  rpvint'à  Boulogne  que  lorfque  le  Pape 

i.^*-    '    y  é  oit.  II-  y  arriyaaflfez  tôt  pour  être^ 

t;émoin   de  l'entrée    triomphante  'de* 

Jules  II.  La  Ville  s*et oit  fôumife  le*' 

(c)  naî'  ?  Novèn.bre  ly  o<>  (c)  ;  le  Pape  y  vint' 
mldnsy  fi.  je  lO  de  ce  mois^'  &  le  lendemain  il  y* 
2^  &  30.  ^t  une  entrée  fifuperbe,    qu'frafme 

gui  la  comparoit  avec  la  miarche  des 
Apôtres ,  ne  put  s'éaipêcher  d'en  être 
fcandalîfé  ,    &  d'en  témoigner  lohg- 

(d)  ApO' xçm^  après  fon  indignatjôq  (  J).' Les 
!^f^^  ^f'  tïidgm{i(:i:nces  que  Ion  vit  dans  cette 
lellum  5tU'  occafion ,  furent  un  lujet  de  fatyre  pout. 
«iV*.         les  cnneiois  de  Jalçs  'II*    L'Auteur  d\x' 

Pialogue 


p*^  Il  A  s  M  ?.  T2t 

'Dialogue  de  cePape  avec  S  Pierre  (a)  (a)  Dm» 
hit  ainfi  carier  Jules  :  »  Si  vous  pi'aviez  Volfius ,  ^ 
»vû  entrer  en  triomphe  dansrflouloCTe  l^^^^"" 
jÊ  amfi  qu  un  Roi ,  vous  auriez  peut-  ^       ^^ 
»  être  méprifé  tous  les  Triomphes  des 
arOftayes^  des^cipion»;  vous  ne  me 
.9  défappr^uveriez  pas  d'avoir  donné 
^tzm  de-preuves  de  valeur  pour  con- 
9  quérir  Boulogne.    Vous  euiliez  vft 
9  dans  ce  moment  d'un  feul  coup  d'oejl 
^  l'Eglife  militante  &  l'Eglife  triom-r 
»>phante.  »  Onpçut  voir  4è  détail  dj^ 
cette  fête  Pontificale  da(is  P^ris  d^ 
Grailis  4c  dans^^Rainaldus. 

Erafme^tant  i  LSuvain  avoit  6b» 
tenu  de  TEvêque  d'Utrecht  (b)  d^e  ns^égU 
ne  point  porter  l'habit  de  Chanoit\ç5^i.v4ittf 
Régulier  ,  à  condition  feulement  qu'il 
auroit  un  Scapul^ire  blanc.  iJ&nt  4e 
cette  difpenfe ,    il  S'habilla  de  noit 
©n  Italie  ,  confervant  toujours  le  Sca- 
çulaire  ;  ce  qui  penfa  Jui  iÇcfûter  If 
vie  à  Boulogne. 

La*pefte  .yfuFVint;  &  il  fut  or- 
donné que  ceux  qui  foigneroientles 
peftiferés  porteroient  un  linge  blanc 
lur  l'épaule  gauche  (c^  afin  qu'on  les  (c)  ^fi. 
reconnût  ,  &  qu'on  pût  les  éviter.  î.L.j^. 
'Erafme  étant  allé  rendre  vifiteà  un  de 
•fes  amis ,  fut  xencontré  par  deux  hom- 
*8cs  qui  lé  prirent  pour 4e  Médecin  de§ 


122  y   I  ,K 

pçftifercs;  &  étant  fort  ofFenfés.de^ 
qu'il  ne  fç.détournoit  pas  ,  ils  mirent 
repée  à  la  main ,  dans  l'intention  de 
letiier,  ce  qu'ils  euffentjait ,  s'il  ne  fç 
'fût  fauve  promptèment  dans  unemaîr 
ion  ,  d'où  une  ^fcmme  leur  cria  que 
celui  qu  ik  croyoient  être  le  Méiecm 
des  peftiferës  étoit  oin  Eccléfiafti* 
^ue. 

Un  autre  JQurjétant  en  chemin  pour 
aller  voir  une  de  fes  connoiffances> 
il  vit  tout  d'un  coup  urî  grand  notnbre 
de  gens  accourir  lîir  lui  avec  des  bâ- 
tons, &  en  jettant  des  pierres,^  criant^ 
Qu'on  tue  ce  chi^»  Heureufémçnt  qu^ 
ces  cris  tumultueux  un  jeune  Seigneur 
ÏUperbemerit  vitu  fprtit  de  fpn  Hôtel; 
Erafme  fe  réfugia  vers  lui ,  &  liii  de^ 
manda  quelle  pouvpit  êtrelacaufed'uç 
^igraiidmouvejmentj  à  quoi  le  jeunf 
homme  répondit ,  qtt€  e'étoit  ce  Sca^ 
pulairè  qu  Erafme  pçrtoit  qui  trom? 
poitle  Peuple,  &  qu'il 'i^ouvoit être 
îtlTuré  que  l'un  de  ces  jours  il  feroitaf? 
fommé ,  is'il  contiçupit  de  le  porter.Cç 
difcours  fit  faire  àes  réflexions  à  Eraf* 
me:  il  prit  dèsJors  la  réfolution  de 
cacher  Ion  fçàpulaire  fous  foii  Habit  'j 
&  afin  qu'on  ne  pût  pas  lui  feire  un 
crime  de  n'être  point  habillé  en  Chji- 
çipine  Régulier,  il  demanda  au  P?^^ 


^^'E  EA  sue;  #â| 

;ffà\es  If  •une  difpenfe  (a)  de  porter  W  ^p/l» 
xet  habit.  Le  P^pe  lui  accorda  la  dcr  ^^^^^i^ 
^DandC)  à  condition  ^'il  feroitv^tu 
tn  £cclé(lafiique;&a>€ine  il  lui  acco0-r 
ia  rabfolution  des  £iutes  qu'il  auroîr 
pu  (aire  en  manquant  de  porter  Tbar 
m  de  Oumoine  Régulier  :  Léon  X» 
ians  la  imte  confirma  J^  4^i^n&  it 
ion  pjrédeceflfeur  (i  ),  (h-)  ^ijtf 

Il   étudia  beaucoup  tout  le  t^n^^^nwL 
xju^ilfut  aBouJogne;  ilyfituneDécla^ 
«atiouen  deux'parti€s(c)  fur  }a  vie    (c)tf}fi^ 
ileligieufe.  XI  dili;ût<ia]is  la. première  9^'^* 
4out  ce  qu'il  falioit  pour  en  détourner^ 
£c  dans  la  fecppdt«  il,cnfeift)it  vpir  toq^ 
îles  avantages, 

Cet^Ouvrage  ^*a point  été  donné  m 
^Public.  Il  rejgut  fon  premier  Livre 
des  Antibarbares  (  d)  ;  il  fit  quelques-  (i^  %pfjl^ 
^66  de  Tes  tra4u^ions  d^  Ouvra-  9*  L  duu 
£es  Grecs.  Oa  le  prefla  plufîeurs  foi$ 
-kt  donner  quelques  leçons  publiques  j 
jnais  jamais  il  n'y  voulut  confpnqr  ^ 

Îarce  qu'il  écoit  perfuadé  (  e  )  que  les  W)1U.  ^• 
taliens  qui  ne  pouvoient  s'accoutumer  ^"-t .  V^ 
i  la  prononciation  latine  des  AUç-  [  yj^Ac 
4Bfimds,  fe  iiiocqu©roi.çnt.4e  lui.  Rcucblii 

Il  4cmnoît  quelque  partie  de  foiipa«lV|4w 
tems  à  ^éducation  des  jeunes  gens.,  p.  y j  j* 
ic  apparemment  qu'il  fut  peu  content 
g^»Sig  leur  comJ^it^Çj  au  de  leur  proi» 


ê 
*ô4  V  I  .B 

^         ^jgrès  ,   ou  xle  leur  reconnoiffance  !  caf 

•  dj^ns  une  Lettre  qu'il  écrivit  plùfieurs 
années  apr^s  fon  départ  d'Italie ,  il  fe 

Ïlaint  que  fon  inauvais  génie  Ta  engagé 
faire  quelques  éducations  à^  Boulo- 
gne (i).    /^     " 

*  Il  y  a  voit  pour  lors  dans  rU  nivcrfi- 
té  de  'c^te  -Ville  un  femeu'x  Profét 
feur  en  Langue  Grecque,  que  Fto 
appclloit  Paul  Bombâfias  ç^Erafrté  fe 
4ià  déTamitié  la  plus  étroite  avec  lui; 
&  leur  unioh  dura  tant  que  BomDafiUs 
vécut.  Ilsfurent'en  grand  tommerc^ 
:de  Lettres ,  '  comme  ^n  peut  en  juger 
.|)ar  le  recueil  de  celles  d'Êrafme.Lp 
Cardinal  Pucci  prit  danà  la  fuite  dès 
temspourfoh  Secrétaire  Bombafius , 

0}  Baiîe.  qui  périt  (a)malheureufeaient  ï  Rom^) 

C  ï  )  Qs^^à  ad  juvenes  gttimt ,  fcttê  m 
é  ,û  nullo  Hhfthûto  femper  fiiifi  atiefiiiret^  » 
quàm  excef fondai  am'  c^randu  adolefctmi' 
*ius  :  quanqtiam  Bononia  malûs  geni$$f  mcuf 
prcfemodùm  inv^lverat  illi  retu  'Epiftola 
'tnanufcripta  dé  Bajle  j^zî.  8,  Fafchte,  Fran- 
rifco  Afulano.  -        -     *    ' 

Cette  Lettre  n'a  jamais  été  imptimce  ; 
elle  ipV  été  compium^uée  très  obligez^^ 
ment  par  S.  E.  Monf^gnepr  le  Cardinal 
Paflîonei  Bibliothéquairc  de  rEglifc  Ro* 
maiiie,  qui  cherche  toutes  les  occznqns 
•'d'être  utile  a  la  République  des  Lettres»  1 
;4pnt  il  eA  un  des  grands  ornem^ns*      '  ^ 


brfque  i^Armée  du  Connétable  de 
fiourbon  s'empara  de  cette  Ville  Tau 
IJ27.  Ilyouloit  fe  ûuver  dans  le  Châ- 
teau Saint-Ânge  avec  le  Cardinal  Puc- 
ci  j  mais  ayant  été  çnveloppé  par  une 
troupe  de  Soldats  y  il  fut  inhumaine- 
ment malfacrè  ^  tandis  que  le  Cardinal 
eut  le  bonhçur  de  s'échapper.  Erafme 
avoit  la  plus  grande  eftime  pçurBomr 
bafîus :  il  a  afluré  ( a )  qu'il  n'ayoit  ]zr  (a)  Ref- 
mais  vu  perfonne  qui  eàt  tant  de  can-  ponfio  ai 
dcurque  ce  Savant,  .       .-    •  ^^^  ^^^^ 

Il  avoit  augmenté  confidérablement  'j^J^J'"'^'^  ' 
Tes  Adages  à  Boulogne*  Ilfouhaitoit 
avec  paffion  qu'ils  puflent  être  impri- 
i»és  par  Aide  Manuce  i  le  plus  célébra 
Imprimeur  àece^écle^iUui  écrivit  (t)  W  ^fjfl^ 
ïj'il  avoit  revu  "cet'  Ouvrage  avcc^^"^"'* 
grand  foin ,  &  qu'il  le  lui  offroit  à  im-* 
primer.   Aide  lui  fit  réponfe  fur  1er 
champ ,  que  ce  feroit  avec   le  plui    . 
grand  plaifir  du  monde  qu'il  le  charge  v 
roitdel'impreflîon  de  fon  Lïvre,  Eraf- 
me ayant  reçu   cette  J-ettre,  quitta 
Boulogne  oii  il  avoit  demeuré  un  peu 
I^us  d'un  an  (  c  )  î  il  alla  à  Venife ,  &   (••)  Co/rtp. 
fc  rendit  d'abord  ï  la  boutique  d'Al-'^'*'^* 
^5  où  on  le  fit  beaucoup  attendre  , 
Çwce  qu'on  ne  le  connoiflbit  pas.  On 
s!imag^noit  qu'il  pouyoit  être  du  nom* 
^^  de  ceux  que  la  curiofité  attiirois 

Fiij 


dans  cetiîè-  fameafe  Imprinferîe  ,  ^ 
^i  fouvent  '  importunoient  fort  Ma*" 
ituce  ;  mais  s' étant  fait  annoncer ,  Aider 
n'eut  pas  plutôt  entendu  fon  nom  ,- 
ôu'il  courut  à  lui ,  &  lui  demanda  par- 
don de  ravoir  fait  fi  long-^tems  atten- 
dre :  il  l'embfafla  cnfuite  tendrement, 
&  le  mena^  chez  André  Afulanus  fon 
Beau -père,  dont  la  maifon  devoir  être 
fon  logement.  Il  y  trouva  Jéfôipe 
Aléandre  qui  depuis  fut  Cardinal ,  & 
dont  nous  aurons  occafion  de  parfer. 
Erafrae  dans  fon  fécond  Livre  contre 
h  Prince  de  Carpi  fait  atnfr  Phiftoire 
de  cette  édition  des  Adages.  »  J'ayois, 
ai-dit-il  ,  apporté  d'Angleterre  tous 
»  les  matériaux  de  cet  Ouvrage  à  Ve- 
3ùf  nife.  J*ài  eu  l'ambition  qu*il  tom- 
i^bât  entre  les  mains  d^an  fenieuîC 
*  Imprimeur  ;  Aide  s'en  chargea  avec 
yi  plaifir  :  j'ai  été  près  de  huit  mois 
»  dans  la  maifon  d'Afulanus.  ^On  co- 
3»*pia  &  Ton  imprima  le  Livre  en  peu 
»detems  :  j'étois  fi  occupé,  que  je 
i>  n*avois  pas  «  un  moment  diô  temsi' 
»  moi  ;  Aide  avouoit  qu'il  étoit  étonné, 
5>  comment  au  milieu  du  bruit  eiFroya- 
»ble  que  feifoient  les  Ouvriers,  je 
s^pouvois  tant  écrire.  Je  revoyois  cba- 
*>•  que  feuille  après  les  autres  Correc- 
»•  wiF» ,  aiia  d<  pouvoir  «ncorc-fei^^ 


B^Er  A  SMÉ.  127 

»1es  dhangemensque  je  jugeois  à  pro- 
»pos.  11  y  a  voit  un  autre  Corredeur 
«que  l'on  appelloit  Séraphin.  Aide 
»  relifoit  après  moi  j  &  lorfque  je  lui 
*demandois  pôtirquci  il  prehoit  cette 
»  peine  ^  il  me  repondoit  que  c^éroit 
•  pours'inftruire.  Aide  m'a  prêté  plu- 
»  fleurs  m^nufcrits  j  &  il  n'a  pas  été 
=^le  feul  qui  m'ait  fait  ce  plaifir:  Ja- 
»  nus  Lafcaris ,  Marcus  Mufurus ,  Ba- 
*ptiûe  Egnatiys  &  Urbanus  Regius 
»m'en  ont^auflî  prêté,  ^r 

Jules  Scaliger,  dans  fa  féconde  Sa- 
tyre pleine  des  plus  furieux  emporte- 
ïûens,  nous/epréfentc  Erafme  à  Ve- 
fife  comme  fcandatifant  tous  ceux  avec 
^fquels  il  vivoit  par  fon  ivrognerie.' 
Il  afiure  qu'ayant  rencontré  à  Man- 
que Aide  Mânuc'e ,  ils'  s'entrerinrenf 
^Êrafme  j  que  ce  fameux  Imprimeur 
Kjl  avoua ,    qu'Erafme  lui-feul  faifoit 
plus  d'ouvrage  que  n'en  auroient  pu 
»^te  deux  autres  hommes  ;  mais  qu'il 
avoit  ajouté  que  le  tcms  qu'il  ne  don- 
"my  pas  au   travail ,  il  le  paffoit  à 
^ire  amplement  de  ^excellent  vin' 
Giec.  11  avoir  déjà  dit  dans  fa  prc- 
«îiere Satyre,  en s'adreflatït  àErafm^ 
^^me ,  „  Après  avoir  brifé  les  portes 
*  de  votre  Couvent ,  vous  vous  allâtes 
?^caçher  chez  Aide ,  comme  un  ours 
F  iiij 


m^'  Vit 

3»^qui  s^nfuft.  tes  Italien^  qui  ti^vaîl- 
àirloicnt  avec  vous  dans  cette  Impri- 
>•  merie,  éroient  indignés  dé  Voir  que 
»  tandis  qu'ils  faifoieftt  leurs  ouvrai 
a^ges ,  vous  allies^  diver  votre  vin# 
àrFalloit-il  être  à  table  f  vous  étiez 
ai'îeur  compagnon  ;    mais  dès  qu*fl 
i)  étoit  queftion  de  travailler,,  vou^ 
à»  vous  en  allie:^.  Ils  en  étoient  dans 
*une  telle  colère ,  qu'ils  avoient  bien 
3)  de  la  peiné  à'nevouîpas  maltraitef. 
i^Pai  eu  pour  Précepteurs  quelques- 
-uns de-ce§  gens* là  ;  &  ce  fdhr  eux- 
»  qui  m'ont  raconté   ces  faits.  »  Il 
eft  très- confiant  que  s'ils  ne  font  pàS 
entièrement  inventés  par  la  fureur  de 
vouloir  outrager  un  ennemi ,  ils  font 
du  moins  extrêmement  exagérés.  Nou$* 
M  B/>§?.  avons  déjà  vil  (a)  qu'il  étoit  en  liai- 
Mifi^        fon  d'eftime  &  de  confiance  avec  uA 
grand  nombre  de  Sâvans  qui  pour  lorî 
étoient  à  Venife  j  outre  ceux  aue  noua 
avons  nommés ,  il  futaufluires-con-^ 
fideré  de  Paul  CanaleNoble  Vénitien*, 
&  d'Ambroife  Leoit  de  Noie  très- 
fkmeux  Médecin ,  aved  lequel  il  con- 
ferva  un  commerte  de  Lettres.   Il  y 
(Jb)  Èpiftren  a  une  de  ce  Médecin  (b)  parmi 
p%,  Im  10.  celles  d'Erafme,   qui  lui  rappelle  lé 
fems  qu'ils  ont  pané  à  Veniiè  enfera- 
We  :  elle  prouve  que  ron|)ouvoit  faire 


B^E  R  A   s   M  E.  129 

fcavenir  Erafme  de  ce  tems-là  (ans 
f  expofer  à  rougir  ;   &  lui  dans  fa  ré- 
ponfe  (il)  ne  craint  pas  d'aflfurer,  eit  (a)  Epiff. 
prenant  à  térafoîii  Ambroife  Léon  lui-»^»  ^  *•• 
nSêmé ,  aù'il  avôit  été  très-lié  à  Venifé 
avec  Alde-BaptifteEgnatius,  Jérômt 
Aleandre  &  Marcus  Mufurus.  '  Enfiri 
il  avoit  affez  de  confidéràtîon  à  Ve^ 
nife  ,    pour  que  Jatfliis  ou  Jean  Lafca-* 
Hs,  Artibaflfedetrf  du  Roi  Louis  XIF, 
pihs  dé  la  République ,  Tenvoyât  (b)  (B)  Rép5i 
fouvent  priera  manger.  Le  fameux  Al-  fe  au  Pfii- 
Yiane  qui  commandoit  les  Troupes  dé^®**?  ^^^pV 
Venîfe,  un  des  pKis  célèbres  Généraux*  ^  ^^'^ 
dé  foft  fiéfcle  ,  Tftività  auflS"  à  dîner  "^  "^* 
ne  le  conhoîflant  que  par 'fa  réputa- 
tion ;'  mais  Erafme  ne  fut  pa^y  j»llèif  ; 
S^inême  il  ne  te  vit  jamais, 

Jules  Camille ,  Jules  Scaligei-  &  lé 
Fnnce  de  Carpi ,  tous  trois  ennemi* 
d*Erafme ,  ont  afifuré  (  c  )  (Jtfil  avoit  (c)  Ept/t* 
été  Cofi*e6leuri  ga^es  d*Alde,  &  paf  570.    Ap* 
tonfequèjîlf  foli  domeftiîjue  ;  mais  il  l^a  f  ^"^^  .^ 
toujours  nié  hautement  J  il  a  même  fou- p^^^^Q^^^ 
tenu  que  lorfqu^il  étôit  atrivé  à  Venile ,  J^  à  gV- 
11  jn  avoit  pas  befôirt  du^  fecburs  dei  tiui. 
Italiens  pour  y  vivre  »  &  qu'il  avoit 
affez  d'argent  pour  s'y  entretenir  penr* 
dant  deûx^  ans  >  fans  compter  celui 
qu^n  lui  enVôyoit  d'ailleurs.  ; 
Att  rcfte  nous   remarquerons,  qixç 

FV 


au 


dans  les  premiqrs  tetns  de  PIi»ptfeï€^* 
rie  la  profeffion-  de  Gorreâfcur  n'étoit 
en  aucune  façon  ignoble  :  elk  fut  exer-  - 
cée  par  les  plua  habiles  gens  ;   &  l'on  ^ 
voit  dans  le  nombre  des  premiers  Cerf- 
reâeurs  des  hommes  tres4mporta{is  ,^ 
tels  que  Jean  Lafçaris  dont  nous  ve^ 
nons  de  parler ,  ik  Màrct^s  MuIUrus^ 
qui  fut  élevé  psar  le  Pape  Leon^  X.'à  la 
dignité  d'Archevêque*  On  tr<>ttA^  dans 
(d)  Tome  Maittaire   (  a  )  la  lifte  des  pi^emieiTS 
Titp.10?.  Correfteurs,  parmi-lefqiiels  il  yadei 
noms  illuftres.  '  ) 

Malincrot ,  Dbyen  de  Munftef ,  r  ^ 
(^)  6he-  prétendu  (  k)  aufli  qu'Erafineavoit  éo$- 
fhler ,  ori-  Correéteur  d'Irtj|^iinerie,   Ce  n'étoit 
éin€     de  p^  pQur  lyi  en  feire  un  reproche.;  it 
Hmpnme.f^  foj.^^^.^  fur  le  témoignage  dePiôrre 
p^rt»  2.*.     Opmeer ,  qui  aflbre  dans  fa  Chroni*- 
que  q^'Enrfme  fit  cetteibntSlioii'à  Lo«P 
vain  ctez  Théodore  Martin^  Mais  ^ 
Cheviller  ôbferverqH'il  y  a  raifoirde 
douter  qu'il  ait  fait  cet   office  pjWC 
d'autres  livres  que  j^oor  les  liens»  - 
w  Car ,  dit-il ,  fi  Erafine  avoir  été  Co|- 
»  redeur  d'Imprimerie  àLouvain >  k  ■ 
»^0iiw:e  de  Carpi  &  Scaligf!r  qui  Ivf^ 
/«-ont  reproché  d^avoir  iak  cèçte  foflr 
s>4lion  à  Vernie  ,  n'auroiem |«as  maiït^ 
a»  que  d^-  dire-qu'iIUavoit  exercée  à  ^ 
y^4uO\kwin  i-m\ïi\ï  y  a  lieu -de^cpoir^ 


d'Érasme.  iji 

^qu'Erafmé  corrigcoit  feulement  fes 
•  propres  Ouvrages  chez  Théodore 
»  Martin  à  Louvain ,  ainfi  qu'il  le  fai- 
îToit  à  Venife  chez  Aide.  »  Zeltner 
tf  crû  (  a  )  qu'Èrafflie  avoir  été  Précep-   (a)  Maît- 
teur du  célèbre  PaulManuceîls  d'Aï- taire,  t.  3. 
de;  mais  nous  ne  voyons  rien  dans  fes  P^"*  *'  P* 
Ouvrages  qui jpuifle  confirmer  ce  fait.  ^^^' 
B  eft  Tort  pomble  qu'Erafme  ait  bien 
voulu  prendre  la  peine  d'examiner  le» 
premières  études  du  jeune  Manuce  ; 
ce  qui  eft  conftant  ,   ell  qu'il  n'étoït 
encore  qu'un  etifant,  lorfque  Erafme 
étoit  à  Venife  :  caf  dans  une  Lettre 
écrite  le  ij-  d^Oiftobre  lyip.  à  Am- 
broile  Léon  (b)  Erafme  fait  faire  fes  (^y  EfiJI. 
cbmpIimensàPaulManuce,qu'ilnom-ip.  L.  i^. 
itie  Manutiole ,  &qui,  dit-il ,  n'étoit 
encore  gu^un  enfaùt ,  qui  vendit  fouer 
^tour  de  nous  pendant  mon  féjour  à  ^ 
Venife. 

Les  jaloux  d'Ërafme  qui  n'ont  été 
C'ccupés  qui  diminuer  fa  gloire,  ont 
I^tendu  que  fon  féjour  chez  Aide 
wit  beaucoup  contribué  à  le  rendre 
p|^s  favant  qu  il  n'étoit.  Quand  cela 
fooit ,  on  ne  w(M  pzs'  trop  en  quoi 
«gloire  d'Erafme  en devrôit foufFrîr, 
Ifa  traité  férieufemeht  cette  queftion 
Qaiis  fes  Livres  contre  le  Prince  de 
v-itjriôc  (Contre  Curtius ,  qui  vouloienc 

F'vj 


131  V  I  i       ^  ^ 

faire  honneirt  a  Tltalie  des  progrès/ 
qu'ils  fuppofoient  qu'Erafme  y  avoic 
(a)  Efijî,  faits  dans  l'érudition:  il  eft  convenu  (ji)f 
Î7>  ^»  3 !•  que  le  défir  de  fe  perfeélionner  dans  le 
Grec(i)  avoit  été  un  des  motiFs  de 
fon  voyage  ;  maisii  a  foutenu,  <]ue  les 
^tildes  y  écqient  moins  brillantes  qu'iî 
ne  fe  l'étoit  imaginé,  parce  que  Içs' 
gvierres  leur  faifoient  un  grand  tort^ 
&  qu'il  favoit  beâùcpop  plus  de  Grec" 
&  ae  Latin  lorfqu'il  v  arriva ,  qu  if 
ft'ei^avoit  furla  fin  de  fa  vie,  D  a  alTu-^ 
ré ,  que  la  curiofité  Tavoit  conduit  erf 
fealie  plus  encore  que  l'envie  d'acquérir 
de  la  Icience.  »  Je  ne  dois  j-ien  à  ^Italie' 
af  de  ce  que  je  fâi;  difoir-il  au  Prince' 
*>  de  Carpi  'î  pHitàr  Dîèu  que  je  lut 
^  euffe  beaucoup  d'obligatiôtt  l  » 

Erafme  après  avoir  demeuré  quelque* 
tèms  chez  Aftfcîanus  avec    lequel  il'' 
mangeoit,  trouva  que  fon  tempéra- 
ment ne  s'accommodoit  pas  du  genre' 
4fe'vie  dà  beau-pere  d'Aide  :  il  s'en/ 
expliqua- avec  lui,   &    lui  demanda** 
(^y  ^é-  (b)  fi Aftïlanus  trouveroit  mauvais  qu'il  ^ 
ponfe  au  fe  iîc  apprêter  à  manger  dans  fa  cham- ' 
cï""-^  .  ^^  bre.  AWe  répondit  qu^il  écoit  fort  le  *• 
4htf^Uf«  ^  ^^^^^^  ^^  f^i^^  ce  qirf  lai  conyiendroic 
le^^mieux  j-qu'Afulanus  ne  prétendoit- 
teagêner  cri-  aucune  façon. 


,La  fanfé  d*ETafme  s'étoït  dérangé 
depuis  peu  ;  il  étoit  obligé  tl'avoif 
recours  à  un  régime  très-exaâ  :  il 
venoit  de  refTéiittr  iesprenûeresauein» 
tes  de  la  graveUe  y  qui  le  tourmenta  * 
cruellement  le  refte  de  Tes  jomrs  »  &  Itf 
mit  fouvent  fur  le  bord  de  fa  foife.  I^ 
écrivoit jplufieurs  années  après^fon  dé- 
port deyenifeâTFrariçbisAfiiiamis:*' 
»  Je  n'oublierai  Jamais  notre  ancienne 
»  aimtié  ;-4c  u  je  voulois  l'oublier, 
9  la  graVelle  que  f  ai  fentie  pour  ht 
9  première  iois-i  Venife-,  m^cn  fe-* 
»  roit  bien  rdteitvemr  (i).  »  Il  ju*»^ 
gea  donc  à  propos  de  manger  à  fonr 
particulier  9  &  àfes  dépens. 

L'£ditiondes  Adages^  qu'il  donna 
\  VénMè  rfeft  pas  la  plus  eoDçplette  î* 
c'eft  pourquoi  on  en  parlera  ailleur§«^ 
Les  Âdagas  ne  l'occupèrent  pas  feuls 
dans  cette  ViÙerî  il  y  revit  les  traduc- 
tions de  THécobe-  &  dlphigénie  en^ 
Â4dide  d'Euripide  y  Se  iV^  donnr 

(  1  )  Cette  Lettre  n'a'  jamais  été  impri- 
in^:  Monfeigneur  le  Cardinal  Palfaoncia  eu 
la'bohié  de  me  la  comcnuriiqûet." 

Ncc  cblitus  fam  noflrœ  friftina  èonfaetu»^ 
âittis  ;  nec'Ji  ioelim  oblivifci  i  finat  cmIch-'^ 
lut  y  qi^emiftic  frimim  cpllegi  ^  mcquefub'^* 
inie  refefeni  ,   Venetim  commontfacn.    Do-^' 
Salie,  i5^#  Cal,  Ajprilirfaiii -1513*' 


uhe  nouvelle  Edition/  fil  donna?  «ne  ' 
Edition  de  Téfcncé;  il  revit  le  texte 
de  PlaUte,  Seie  remit  en  meilleur  or- 
dre. On  a  prétendu  qu  Aide  lui  avoic  ^ 
{J)  2.«4- donné    quaram«    ducats   (^)     poui? 
mgima     fon  travail  fur  Piaiftej  mâi^  il  affuré- 
^uretu       qy«y    ^y^     jamais   reçu     que    ving^ 

Çb)  ri-  écuèfb). 
gmti  corQ'.    ,Totites  let  foir  qu'il  a  eu  oGcaffiônf 
Ttl^''^  parier  d'Aide,  il  l'a  toujours  feit 
^^'    '  '  '  avec  de  grands  témoignages  d*eflîmei' 
Il  en  eft  queflion  dams  les  Aàiifges  t"^ 
Fàrtide  A4rcy  yank  Umkieiiti,  Aide, 
ajjrès  Augufte  &  Vcfpafkwv    avoir 
adopté  cette  fentence  ;  Eraliâe    en^' 
,  .,   prend  occafion  de  foire  l'étoge  de  ce'* 
?ô . Chi- célébrief  Imprimeur  (c)  :  il  le  repré- 
clnturie  I  ^^^  coWïHie*  un  homme  dfrflilrié  à  ré- 
Pfov.  I.  p.*  tablir  la  profonde  érudîtiori*«NSi  quek  " 
401/  '   '  atfijuè  Dieu  ami  defe  Belles-Lettres  fa^ 
»  Vorife  les*  vœlix  de  notre  Aide  j  dit- 
»  il,  jepronrçts  aur  gens  de  I-»èrtre$^ 
aqf  qae.  d'ici  à  quelques  aniiéér  ils  au*^ 
,  »  ront  les  bons  Auteurs  qui  ont  écrit 
ar  en  Latin ,  en  Grec ,  en  Hébreu  ,  en  ' 
arChaldaïque  ;  qu'ils  auront  des  Ou- ' 
»  vrages  fur  tous  les  genres  de  Science  ^ 
•  imprimés  avec  foin,  de  forte  que 
»4'on  n'aura  plu6  rien  à  défiret^dans".- 
»^les  mat:e:es  à:  Liitérature.  G'efî" 
»iin  traViitHi^ni  d'HerciAe  ôc*  d'im 


I    pfcoiftagc  vTaiement  royal ,  de  rétablir 
I    »  ainfi  les  Billes^Lettres  qui  étoient 
I    3i  prefque  anéanties  ;^e -déterrer  ce 
»  qui  etoit  caché  ;  de  réparer  ce  qui 
^  étoit  mutilé';  de  corriger  ce  qui  étoit  / 
jr'défeélucux, -L'intention  d'Aide  eft- 
»  d'être  utile  à  l'univers  :  auflî  tout  ce 
»  au'il  y'a  de  Gens  de  Lettres  favori- 
»'lent   les  entreprifes  ;  les  Hongrois  -  ' 
p^'&  les  fôlonôié  même^  lui  envoient 
^^  d'anciens  manufcrits ,  afin  qu'il  les 
»»  donne  au  public ,  &'  ils  les  accomr^ 
ai^agrient  de  préfens.  » 

Aidé  en  {prvam  utilement  la  Repu- 
tilqae  des  Lettres,  atnaffa-  beaucoup 
d'argent.    Le  goÛt  pour  les  Livres 
Grecs  étjîit  venu  très-à  la  mode  :  il 
etr  profita  poûfr  vendre  fes  Livre»  fort 
dier;  de  quoi  iê  plaignit  amèrement  (tf)   (<»)    Mé-' 
Codrus  Urceus  naturellement  de  mau-*^^'''^^  Lit«  • 
vaàfe  humeur ,  ^  qpi  pour  fe  venger  yledTco. 
de  cette  cherfequ^il  regardoit  comme  dfysUrce- 
ttfi  monopole,  attaqua  i'exaâitiide  des  us ^  p,  a^^.- 
Imitions  d'Aide  malgré  la  grande  ré-  6t  ^i^. 
ptuation  qu'elles  a  voient.  Il  eft  forti 
un  nombre  immenfe  de-Livtes  Grecr 
âc^'îpaprimeried'Alde'^';  on  {)eut  ei^ 
yoirle'CWal0gae{i)dan^laBiblioté-  C^)   BihU" 
qt^  Grecque  der  M.- Eahricius.  ^>»t*  y  >•  ' 

'  Dès  que  les  Adages  eurent  été  im-  ^">P-^V  ' 
jaimés  à  Vçflâfe >  £rafme  fe*  prépara* 


â  Tortîr  dé  cette  VÏUe.  Ce  fiiV  àveé 
teaucoup  de  chagrin  qu'Aide  vit  ce 
départ.  Il  fit  pluneurs  inftances  pout 
le  retentr  entôre  qùdque  tems  :  il 
vouloit  étudier  fous  Jùi  lés  J>féceDtes 
dé  l'éloquence  ;  mais  Erafitie  s'etoît 
ta)' Epifl. engagé  (a)k aller  à  Padoue  près  d' A- 

luir^tf»/»  lexandre  fils  naturel  de  Jacque  Roi 
d'f^Qoffe,  qui  y  faifoitfes  étifdes ,  qudi 
qu'il  tût  déjà*  nommé  à  P Archevêché 
dé  Saint  André,  Il  avoit  envié  d'avott 
Erafme  pour  fonr  maître  d^éloquen- 
cé  :  il  fe  rendit  donc  jprès  de  cet  Ar^ 
éKevêgue  pour  préfidet^à  fes  étades; 
Ce  Fut  à  Padoue  qu'il  Té  lia   intimé^ 

t  ment  avec  deux  Savans  du  'prèmî^* 

dt'dre,  Marcus  MuTurus  de  Crète ,  Ôè 
Scijpit>n  Cartéromaque  de  Piftoie.  Mù- 
furus  étbh  un  des  plus  favans  Grecâ 
àiii  fût  venu  ènr  Occident  i  &  ce  qui 
étoit  rare  dans  les  Grecs',  H  (avoir 
le  Latin  à  étonner  (i).  Rhenanus'qui 
(0  Êpift.  Favoit  oui  dire  à  Erafme ,  affftre  C^) 

$t  X/xj.    qu'il  n'y  àvoitSflen  d'obfcur  pourMu- 
lurus  ;  qu'il  avoit  tout  lu ,  tout  dis- 
cuté ;  Qu'il  entendoit  parfeitement  li 
fable ,  r  Hïftoire  &  les  moeurs  des  Arfi 
itv  r  *à  ciens.  Il  profeflbit  le  Grec  à  Padouei 

^Jf!l^fj.lA:onX.kï  ayant  donné '(c)  un' titr* 

(  I  )  Ufjt^  ad  miratulihm''^ 


d'ÉBtA  SMTE.  t^f 

cKÀrchevêque  (i)  ,  il  quitta  Padoue  i 
&  vint  mourir  peu  de  tfms  après  i 
Rome.  Erafme  fit  auffi  une  étroite 
liaifon  avec  Louis  Texeira>  qui  fut 
Èiftituteur  de  Jean  III.  Roi  de  Pot* 
tôgal ,  loffqut  ce  Fnn(îe  n'étoit  pas 
encore  parvenu  au  Trône,  Il  en  hdt  ' 
reloge  dans  l'Epître  Dëdicatoire  de 
quelques  Ouvrages  de  faim  Chrifof- 
tome  au  Roi  de  Portugal  ;  &  il  met 
au  nombre  de  fes  bonheurs  d'avoir 
cennu  panicùlierement  Texeira. 

Sa  lanté  ayant  été  dérangée  à  Pa*    (a)  EfiJ, 
doue  (fl)^  il  alliaf à  Sienne  avec  l'Ar-  69.  L.  »y# 
chevêque  de  Saint  André  pour  fe  ré- 
tablir j    &  là  il  fiaifoit  des  Pièces  d*E* 
'      îoquence  pouf  l'inftrudïon  du  jeune 
Prélat.  ÎX  les  laiflfa  toutes  perdre  ,   à 
ia  réferve  d'une  feule  qu'il  retrouva 
plufieurs  années  après  dans  fes  papiers  9 
&  qu'il  envoya  au  Profetfeur  Henri 
Glareanus,  afin  que  s'il  en  écoitcon* 
tent  ^  il  exerçât  auffi  les  jeunes  gens 
da'ns  ce  genre  de  déclamâtlôit.  Il  ap- 
pelle Glareanus  {h )  Thorineur  de  la  {b)  Epn* 
Suiflfe.     Erafme  avoir  pour  lu>  la  plus  <^9«  ^«  *^/ 
grande  eftime;  il  en  fait  un  très- grand  - 
éloge  dans  plufieurs'  de  les  Lettresî 

{i)     A  Leone  Pûtittfice    Mêmvafienjem 
4r^hiefifs<faitim  jamHaCiuj%  Ejôft.  Rb«tfanîi  - 


(tf)  Efift.  Nous  y  apprenons  (a)  qu'étant  à  Co- 

^ •/*  ^  T  ^^0^  '  ^^  ^^^^^  ^Ç"  ^^  couronne  Poë"- 
il.'^^     'tique  des  mains  dèrEmpereur  Maxi- 
milien,}  qu'il  étoit  favant  en  Hiftoi- 
.  »xe  »  dn  Mufique ,   en  Cofmdgraphie  ,' 
^  en  Mathématiqueé  II  profeflfoit  à  Baf- 
(b)  Efift.  le  (  è  )  avec^iïfi  très-grand  fuccès  ;  & 
r'a- L.  iplorfque  la  révolution  en   nàîatïere  de 
Spijl.   2  2,  |(eiigio^  s'y  ftc^  il  quitta  cette  Ville  (c} 
MEpiJi  ^^^^  Erafme  pour  aller  à  Fribourg , 
'iti.  L.  1$.  oh  il  fut  auflî  Profeffcur  public. 

Ce  petit  Ouvrage  (  i  )  qu^Ef afintf 
envoya  à  GÎareanus  ,  avoir  pour  titre  ; 
Déclamation  touchant  la  Mort  y  elle 
eft' faite  dafis  le  dcffein  de  confoler  urr 
Père  qui  a  perdu  fon  fils  :  on  y  trouve 
toutes  les  raifuns  que  la  Philofophie 
&  la  Religion  peuvent  foomir  (  2  )• 
Ea-  proximité  der  Rome  augmentoit' 

(  1  )  Il  eftdans  Ip  quatrième  tome  d*E- 
rafmc ,  avec  ce  titre  ;  Ueclamatto  de  M^ree  y 
Jhti  confoîatioad  Patremfilii  ohitu  affitdtmé  '. 

(2)  Apres  cette  Déclamation,  il  y  en  a  ' 
titie  dani  le  quatrième  tome  d'Erafme,  qui' 
a  pour  titre  ;  DécUmatiancuU  nomine  Epif-  ' 
c^pi  refpwtdeniit  ih^  qm  fibi  nomîneTofuU 
gratulaU  ejfeniy  Ù^ommtmt  nomme  obedkn* 
tiam  quant  vocan$  detulijfem.  Ceft  un  Evé- 
qtie  qui  parle  ,  qui  connoît  l'importance  de 
fâ  place  qu'il  occupe ,  &  qui  promet  deùire^ 
defon  mieux  pour  la  remplir  dignement.  Ont 
û^^iÀt  pas  en  ^ucitemi^fetfetrtefOavt^i' 


lè  defir  qu'Erafme  avoit  de  voir  cette* 
Capitale  du  Monde  ;  il  pria  l'Arche- 
vêque foh  élevé  de  confentir  qu'il  s'é- 
loignât pour  quelque  tems  de  lui ,  & 
il  fe  mit  en  chenoin  pour  Rome.  Sa  ré- 
putation y  étoit  déjà  très- grande.  »  On' 
»  ne  peut  pas  dire  ,  aflure  Rbenanus , 
»  quels  furent  les  applaudiffemcns  & 
»  les  excès  de  joie  avec  lefquels  il  fuf 
:*  reçu  des  Gens  célèbres  ,  non-feule- 
»  ment  de  ceux  dont  l'état  &  la  fortune 
#étoient  n\édiocres,    mais  aufli  de 
w  ceux  qui  éî oient  dans  les  dignité* 
>>les  plus  élevées  &  dans  la  plus  haute 
ai>  faveur,  tels  que  Jean  de  Medicis, 
»  Gille  de  Viterbe  &  Dominique  Gri^ 
»  mani.  »  Le  Cardinal  Jean  de  Medi- 
cis eft  celui  qui  fuccéda  à  Jules  II.  qui 
étoit  pour  lors  affis^fur  le  Siège  de  S«- 
Kerre ,  &  qui  eft  connu  fous  le  nom 
•de  Léon  X.  Erafme  lui  écrivant  (a)   (a)  Epifl^- 
l^ulîeurs  années  après  ce  voyage  de  i«  ^»  »• 
Rome  ,  lui  rappellent  le  tems  qu'ils 
avoient  été  en  liaifon  particulière  ;  Si 
Eeon  luifaifant  réponfe  (fr)  convient    (h)  Ef^fi 
^e  dès  ce  temsr-la  même  il  l'eftimoit  ^78. 
beaucoup.  Gïlle  de  Viterbe  étoit  Gé- 
néral des  Auguftins  :  il  étoit  habile 
dans  les  troi's  Langues  favantes  ;  Léon  , 

X.l'éleva  à  la  dignité    de  Cardinal  ^JJ^/^' 
dans  la  célèbre  promotion  ^uil  fiçk  j^^y,  ,// 


4(5 


Yïi  ' 


La  manière  dont  Erafme  fit  coii4 
îfbiflance  avec  le  Cardinal  Dominique^ 
(jrimanî',  mérite '^d^être  rapportée; 
c^eft  lui-même  qui  en  a  foit  le  détail 
dans  une  Lettre  à' Auguftinus  Steu* 
chus ,  bù  'il  témdigîîéTa  profonde  douî 
leur  delà  mort  de  ce  digne  Cardinal. 

Pierre  Bembe  Noble  Vénitien  (  tf  ) 
V)  ^f^fi*  qui  depuis   fut  un  des  ornemens  dû 
g;J';  *pàcfé  Collège,  avoit  été  chargé  plif- 
^         ^*fieufs  fois  paf  le  Cardinal  Grimani 
d'inviter  Etaftne  à  le  venir>c3*r  ;  maî4 
lui  qui  aimdît  peu"' le"^  commerce  des 
Grands,    n'y  alla  qu^après  plufieurà 
iriftances,  &  plutôt  parce  qu'il   étoît 
hbntçux  de  refufer  tant  de  fois   les 
a<rarices1î'uri  fi  'Grand  Seigneur ,  qufe 
par  inclination.   Il  ne  trouva  perfonne 
dans  les  cours  ;  c'étoit  l'après-dînée  ; 
il'dbîînr  fon  cheval  Kfon  valet,  & 
monta  dans  les  appaitenrens.    Il  n'jr* 
ai^oit  pas  un  dorneffiquc  dans  les  troiî 
premières    antichambres    ;       tout« 
tes   portes    étoicht   ouvertes  :    il  né 
pôuvoit  revenir  de  (on    étonnement 
eft  voyant  une  fi  grande  folitude,  Etl^ 
fin  continuant  toujours  d'avancer  ,   il 
rèncontra  un  Grec   qui  gardoit  une 
t)()rte;  il  lui  demanda  ce  que  faifoit 
lè'CardinaL  CeGrec  qu'Eràfmeavoit 
|Nfis  pcnir  un  Médecifr>  lui  répcJhdit 


.|ue  fpn  Maître  étoit  çn  converfâtioji 
ivec  quelqueç  gens  <f  efprit  ;  &  il  de- 
manda à  Er^fme  ^  ce  qu'il  fouhaitoît. 
i  Maurois  voulu  ^  répondit-il ,  faluçr 
j>M,le  Cardinal;  mais  puifqu*il  eft 
•occupé",  je  reviendrai  une  ajitre  fois. » 
Il  prit  en  mêmé-tems  le  chemin  de  la 
pone ,  en  s'arrêtant  un  peu  pour  con- 
fidérerparles  fenêtres  la  bejle  vue.  Le 
Grec  revint  à  lui  »   pour  favoir  s'il  ne 
voùloit  rien  faire  dire  au  Cardinal  : 
»  Ce  n'eft  pas  la  peine  de  l'interrom- 
épre,    reprit  Erafme;  je  reviendrai - 
•  dans, peu.  »   Ilfe  contenta  d'e  dir^ 
ion  nom  que  le  Grec  lui  demanda.  Il 
ne  Veut  p*^  plutôt  entendu ,  qu'il  cou- 
rut à  l'appartement  du  Cardinal  fans 
qu'Erafme  s'en  apperçût;  ilep  fortït 
prefque  aùflîtôt  pour  le  prier  de  ne 
point  s'en  aller;  ôc  un  moment  après 
On  le  fit  entrer  chez  le  Cardinal.  Il  en 
fut  reçp  comme  s'il  eût  été  liii-même 
Cardinal  :  le  Prélat  lui  fit  donner  un 
iiége  ;  Se  ils  eurent  une  converfation 
;dc  plus  dé  deux  heures  ,  pendant  la- 
quelle le  Cardinal  nç  voulut  jamaï? 
foufirir  qvi'Erâfme  eût  le  chapeau  bas, 
La  Littérature  fut  le  fujet  de  leur  en- 
tretien. Le  Cardinal  exhorta  Erafiçp 
à  fe  fixer  à  Rome ,    oii  les  cens  de 
kérite  étoient  fûrs  de  trouver  de  % 


>feveur  ;  il  lui  offrit  en  meme-tems  (§ 

Maifon ,  &  mêiTie  de  partager  avec  lui 

fa  fortune ,  en  ajoutant  que  le  climat  de 

•^ome  conviendroit  à  fon  terupéramenr^ 

Jk  que  le  Palais  ovi  il  h.abjitoit  avoir  été 

tâti  par  un  Pape  qui  avoit  jjonné  ]gL 

.préférence  à  cet  eipplaçement ,  pomraç 

.jetant  dai^s  le  quartier  4e  Rome  le  plus 

fain.  Après  que  cette  converfatipn  eue 

duré  lon^-tems  ,  le  Cardinal  envoyg, 

^jchercher  fçn  neveu .:  c'était  jin  jeun$ 

homme  qui    étoit  déjà  ArchevêquÇ| 

^Lorfqu'il  entra,Erafme  vôulijt  fe  lever^ 

.IcCardinal  Ten  empêchaien  difant  qu'jî 

opnvenoit  que  ce  fût  le  Difciple'  qùiL 

ifât  debout  'devant, le  Maître*  Il  lui  4ç 

^Voir  enfuite  fa  Çibliothéqpe  comppf^ç 

des  meilleurs  Livres  écrits  en  tout^ 

fortes  de  Langues,    I^a  conyerfatioff 

tfinit  p^r  les  affurjiQççs  qpe  le  Çardins^ 

^tà  Erafme,  que  ks.^p^rçs  qp'il  Itjl 

^avoit  faites,  n^étoient  pas  de jBmpIei 

.complimens  [:  iHç.pria  dp  ne  pasj^-f 

ger  àe  lui  par  les  gens  de  Cour  or4i^ 

naires^   qmi   fpnt  beaucoi^p  de  pro.'? 

.ftieflcs  4ç  ^^y'oT^^  aqçùn  égarai  &  il 

/exigea  de  lui  qu'il  oe  fortiroît  pas  d§ 

'  Jlome  fan$  lui  faire  (encore  une  vifi» 

;jtc(  I  )jf  Mais  il  ne  tint  point  parolç^ 

(  1^  Le  péclamateur  qui  a  i^t^  jLîvi^ 


.pute  que  dès-lors  fon  parti  ^toît  pris 
dé  retourner  en  Angleterre,  oh.  on 
lui  faifoit  eipérç^r.une  fonune  brillan- 
te ;  &  il  craignoit  de  n^âvoir  pas  la 
Jbrce  de  rififter  i  Péloauence  &  aux 
bontés  du  Cardinal  (f)  qui  defiroit  (a)  Efl/h 
^vec  pafCon  de  le  retenir  à  Rome.  Il  u  L«  x« 
s'cft  Bien  repenti  depuis  de  n'avoir 
pas  accepté  les  propofitions  de  ce 
CardinaU  Sa  Biblioth'éque  étoit  apr^ 
celle  du  Pape  la  plus  confîdérablç 
tp'il  y  eût  pour  lors  iRome  (ir  )  •  on  (^)  VghJn 

Îrcomptoit  huit  mille  volurnes.  Ilétoit/n/,  Ualtfi 
tti-meme  très-infti:îiit ;  il  traduifit  d\l^^^^ ♦  ^ X» 
Italien  lé  Traité  de  S.  Chrifoftôm^  de  P*  ^3** 
llncompriébenfible  I^ature  .de  Dieu. 
^rafme  fut  auflî  en  liaifpn  avec  d'au* 
W  Cardinaux  »    dont  il  n*y  en  eut 
aucun  oui  ne  le  reçût  conmie  s'il  eue 
;été  fon  frère  ^ainfi  qu'U  nous  l'appren^ 

qui  a  pour  titre  :  Senttpiens  iEraftne  con* 
formts  à  ceux  de  VEglife  taihôlique  »  croh  '^ 
que  c'eft  le  Canfinal  4^  Saine  George  qui 
fcçut  fi  bien  Erafcne.  Cependant  cet  Auteur 
cite  la  Lettre  où  tout  le  détail  de  cette  con- 
verlâtion  fe  trouve  ;  il  faut  donc  qu'il  Tait 
lue  arec  une. grande  négligence,  pui(qu*il 
«ft  confiant  que  c*eft  le  Cardinal  Grim^oi. 
dont  Erafmedéploroitlamort,  &  qu'il  y  e^ 
iipnimé  comme  le  héros  de  cet  entri^tien* 

r  ^  r 


'144        y  ï  * 

(4)  Epiy?.  lui-même  (  a  ).  Il  étp^t^à  Kome  lorC» 
>.  Apfend.  (jue  Jules  |  J.  j  Retourna  jtprès  la  coij-» 
ib)Apolo'  cpêce  deJjoulQgne,  Il  y  vit  (é  )  Tea*» 
gîa  tfdvrr  tr^e  triomphante  ou'y  nt  ce  Pontife  yp: 
pu  Smwî- 28  Mars  I  yoy.   Kien  ne  n>anquoit  J|t 
^^'"^         la  magnificencp  de  ce  fj^^cje ,  doxjic 
on  peut  voir  la  defçnptioil  dans  Içs 
(c>    Ra>  Annules . (c )  ^£çcléliaftiques,     Il     f\up 
iifl/iiix,  iiii      y^:  Erafme  plutôt  un  fujet  de  t ridelle 
^ 4«         que  de  joie ,  ainli  que lavoit  été  l^ns- 
trée  triomphante  de  Jules  dans  Bouw- 
Jogne ,  parce  que  pour  lors  il  fit  e;i 
lui-nj^mc  la  ,c9m^araifon  de  la  con- 
jluite  humble  3u  Prince  dps  ^pptrj^ 
^vec  le  fuperbe  cortège  de  Ion  Suc- 
çefTeur ,  &  dans  la  fuite  il  ne  craignit 
point  d'en  faire  Iç^coptraûe  dans  içss 
Puvraggs;  ce  qui  lui  fut  reproché  p^r 
StunJMca ,  comme  s'il  avoit  infulté  aux 
Triomphes  de  TEglifé,  A  quoi  Eraljipie 
répondit ,  queje  Triomphe  de  TÉglile 
ne  confifte  point  Mans  un  fafte  très— 
^ain  &  d^ns|ine  oérerponie  mondaine^ 
4lont  même  rougiroit  un 'Prince  prp- 
fane  s'il  étoit  fage. 

Le  Cardinat  Raphaël  de  S.  Geor- 
j[e ,  un  djBS  Prélats  de  Rome  avec  ie- 
.,quel  Erafme  étoit  le  plus  lié ,  le  char- 
gea d'e  la  part  du  Pape  Jules  1 1.  de 
faire  lin  Ouvrage  au  fujet  de  la  guerre 
^j^Me  ce  Pontife projettoit  de  faire  aux 


15*  Er  ASM  F.  ^4/ 

toîtîens;  &  k  cette  occafion  Erafme 
iGt  deMx  Difcours  (a).  Le  premier  f^'  ^t^* 
étoit|)our  diffuadSr  Jules  de  feire  cette  ^*^*^'^ 
Querre.  Il  rapportok  dans  le  fécond 
les  raifons  cjpi  pouvoient  y  détermi- 
ner ;  &  cooime  il  étoit  pacifique  de 
fon  natureL  Se  qu'il  regardoit  la  Guerre 
fcomme  un  fléau  qu^  la  Religion  &  la 
raifon  <:ondsannent  également  quand 
eUe  n'eft  pas  abfolument  néceflaire  ^  il 
travailla  avec  plus  d'attention  le  pre* 
imer  Difcours  >  dont  l'original,  dit-il # 
périt  par  la  perfidie  de  quelqu'un. 

.  C'eft   à  ce  Traité  cju'il  fait  allur 
fion  dans  une  addition  i  fes  Adages  (h)  (t)  Chi* 
où  il  dit  :  P  Npus  parlerons  quelque  [j^^  *^* 
j»  jour  de  toi;it  ceci  plus  au  long ,  lorf-  ^^^"  **  '^ 
»  que  nous  donnerons  au  Public  le  Lir 
p^vre  que  nous  avons  6it  fous  le  titre 
^de  Déclamation  contre  la  Guerre  (r) , 
m  que  no^s  adreiOimes  à  Jules  II.  dans 
»  le  tems  qu'il  méditoit  la  Guerre  con« 
p  tre  les  Vénitiens.  »  Cet  Ouvrage  eft 
perdu  f  puifqu'il  n^  fe  trouve  point 
dans  l^  colleâion  de  fes  Livres. 

Il  peut  avoir  quelque  rapport  9vee 
la  CompTainte  àç  U  P<iix  dont  oi»  a 
déjà  parlé ,    6ç  qu'il  compofa  à  Ro-»  (^)   Cal^ 
me  (  c  )•  Jul^  1 1,  qui  fi^t  inCbroxé  du  kreucer^ 

(  I  -)  AntifoUm9f 

Tmf  k  ^ 


iûujet  de  .cette  DéclamatÎQn  i  Bc  dolM: 
ïes  fentimens  ne  s^acçordoient  poioe^ 
avec  ceux  d'Erafme,  l'envoya  cher- 
cher. Ce  ne  fut  piis  fans  ci^inte  qu^^ 
)aUa  è  l'Auâience  de  ce  Pontife  imp4'r 
jieux  &  violent  ;  mais  il  en  fut  quittj^ 
pour  une  réprimande  i^ite  avec  dou-; 
çcur,  &poûr  pnconfeil"  de  ne  jamais 
fe  mêkr  des  aiffaires  des  Princes.  Toitf 
ce  qu'il  v  av^it  à  Rome  de  Gens  iar 
vîins  fe  m  honneur  dç  fe  lier  intimé* 
ment  avec  Eralmè  -,  il  ftit  très-uni  a ve^: 
W  R*Pû"-Scipion  Cancromaque  (^  ).  Jl  Tavoïc 
^|^5T"^',^'aDord  connu  à  Boulogne  ;  mais  ce 
if- Voyez  f^^  à  Rome  qu'ils  prirent  l'un  ppi^ 
*'Hoge  de  l'autre  la  plus  grande  amiti^é.  CartercH 
Cattero-  maque  rendoit  de  fréquentes  vifites  ^ 
tnaquc    Erafme  ;  &;  après  avoir  p^ffé  pilleurs 
ValeHa- ^  ^eures  rafemble ,   Carteromaque  ref^ 
nus,  Jtfin- toit  ^  manger  avec  Uii^  &  quelque- 
fehcit.  Lit-  fois  ils  coùchoient  enfemole.  Ce  fut 
tpraf.  L.  1.  Cancromaque  qui  procura  la  connoif- 
£•  î  1^*      fance  de  Gille  oe  viterbe  à  Erafme  ^ 
qui  a  aflurë  qu'il  n'a  point  vu  d'homme 
plus  favant;que  Carcerômaque ,  &  plus 
floigné   4e  l'oftentatîon.      Thoma^ 
Pbasdre  fut  aufli  ami  d'Erafpie.  Il  étolt 
m  tfifi  garde  (fc)  de  la  Bibliothèque  Vatir 
ÎJji"'"'^*     cane,    ^ilavoit  été|>rôfefleùr  d'E- 
*    ^'       loquence  :  il  ;iypit  le  Jtalpnt  (ïe  p.arlejî 


I>'  £  R  A  s  H  E.  f  4f 

admirablement  bien  fur  le  ^hamp  ;  éc 
jR^ome  le  regardoît  rouime  le  Cicéroa 
^e  fon  fiicle  (i).  Jules  Camille ,  Fran- 
çois Spha^rula ,  Philippe  Beroalde  le 
jeune  y  furent  auffi  lies  avec  £rafme  ^ 
qui  ifldire  que  pendant  (on  Çéjour  ea 
Italie  il  n^eut  pas  la  fîxoindre  difpute 
avec  aucun  d.es  Savans  du  pays.  Il  a 
en  même-tems  déclaré ,  qu  il  n'y  avfcoit 
point  de  Nation  qui  lui  convint  mieux 
cpie  la  Nation  Italienne ,  &  dont  h 
iociét^  lui  fût  plus  agrés^le* 

Parmi  ceux  qui  cultivoient  dans  ce 
tems  la  Littérature  à  Rome ,  il  y  en 
avok  qui  enfeignoient  des  fentimens 
très-dangereux  j  ils  ne  craignoient  pa> 
tf  atcaauer  Timinortalité  de  Tame.  M 
Concile  4e  Latran  tenu  au  commçn^ 
cernent  du  /îxie.méfiéclç ,  Se  une  Bulle 
du  Pape  Léon  X.  {à)  font  dçs  preu^  f^)    t^- 
¥cs  confiantes  de  ce  ^it,  Erafme  ren-  ^^^t^»»* 
Contra  un  jour  un  de  ces  malheureux  ^j^'* 
îhUofophes  (  t  )  qui  fe  mit  en  tête  de    (b)Ecc!^- 
îui  prouver  que  le;5  anves  mourpie^tJî^T?^/. 

.  (  I  )  Nequfi  diu  fHipe  fuis  Thomas  Pha^ 
(irii/,  affluentifjpmnm  EloquepHét  flumen  , 
J«o  non  ûlias  eo  temfore  ora  do  darior ,  uf- 
qut  vehementîor  fuît ,  Romana  ipfe  queqàg 
^thedra  decus  &  otnamentum.  Valerianus 
^emfelic^tate^ificratQniin^L^  u  p.  iS/.Edii 


Î4^5  Viiï     . 

avec  les  .corps  qu'elles  înformoietii^ 
Son  principal  argurpcnt  étoit  fon<î^ 
fur  l'autprité  de  î^line  Je  N^tural^fte  , 
qui  traite  avep  mépris  ceuj  qui  crçiei^t 
qu'il  y  a  de  la  différence  pntre  la  na- 
ture ae«rame  des  bêtes  fie  de  ceUe  d^es 
iiommes.  Ërafme  lui  fît  voir  qi^e  1^  ma« 
niere  dont  Pline  r^fonnpit  lorfqu'U 
parle  de  la  natuf e  de  Tame ,  ét.oit  |î 
aKfurde  ,  que  ç'étoit  vouloir  f^  trom- 
per de  giaieté  de  cœur  dans  la  ipatiere 
du  monde  la  plus  importante  ^  qi^ 
d'admettre  des  fuppputipns  auflî  ex- 
travagantes que  celles  de  Pl^ne;  Jl 
crut  ^vpir  ainfi  confondis  ce  j>rétcndjti 
PhilofopheJ, 

Avec  de  pareils  principes ,  il  n'e|l 
pas  Turprenant  qu'il  y  ait  eu  à  Rom^e 
dans  ce  tcms  là  beaucoup  d'impie?, 
^rafme  rapporte  avec  douleur  ^  qull 
a  [été  Ipi  -  même  témoin  oculaire  dç 
plufieurs  btafphemes  exécrables,  qi|$ 
jdes  incréduleis  ofoient  avancer  en  pr^- 
fencc  de  plufieurs  perfpnnes  fanj  qu*pi| 
jUs  inquiétât  (  i  )•' 

(  I  )  At  jfgo  Rpma  hts  auribut  anOyi 
fuofdam  àbomtnanàh  blaffhemih  àehaccha^^ 
tes  in  thrSftum  f!r  in  itlîus  Apoflolos ,  idq%fe 
wuïih  mecum  fludîenMui  >  èr  quidem  im^ 
funi.  Ibtdpm  ntttUos  novi  ,  qui  cfûimemorf 
%flns  fi  di0a  hcrnndM  audip  à  wibuf4ép^ 


f 


tiOrfquM  fat  prêt  de  fortif  de  Ro- 
me, on  fît  encore  (tf)  de  nouvelles'  W  Efifl^ 
tfentative!!5  pour  Vy  l'etcnir  i  on  lai  of-  ^^* 
fHt  la  place  de  rénitencier ,  dont  les 
revenus  font  confidérables  j  on  lui  fit 
cAtendre  que  ce  (eroit  un  degré  pouf 
parvenir  à  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  éle- 
vé. Mais  il  avoit  pris  de  fi  grands  enga- 
gemens  avecTAligleterre^  qu'il  s'ima-» 
gina  qu'il  y  auroit  de  la  légèreté  & 
de  rinconUance  i  écouter  d'autres 
pfopofitions. 

Il  fortit  donc  de  Rome,  au  grand 
fegret  de  tous  ceux  qu'il  y  avoit  con-* 
mis  ;  ils  auroient  voulu  vivre  toujours 
avec  un  Savant ,  dont  la  fociété  éteit 
délicieufe.  Le  Cardinal  Raphaël  de  S« 
George  lui  écrivant  quelques  années 
après  (  fr  )  au  fujct  du  bruit  qui  couroitr  (h)  Epi/t. 
gu'il  alloit  revenir  à  Rome,  lui  té-  '3«  ^*  »*• 
tooigne  la  douleur  que  fon  départ 
avoit  caufé  à  fes  amis.  »  Vous  nousf 
I»  avez  affligés ,  lui  dit-il ,  lorfque  vous 
a*  êtes  parti  de  Rome  ;  venez  nous  ré- 
*  jouir  par  votre  retour.  »  Il  eut  auflî 
de  fon  cAté  beaucoup  de  chagrin ,  de 
lie  croire  dans  k  néceifité  d'abandon- 

iacerdotîbus  Aûl^éTomificia  Miniflrisy  idque 
in  iffd  Mijfi ,  fam  ctarè  ,  ut  fa  vox  ad  mtU'^. 
Hrum  auru  fnvenmh  Épift*  34«  !••  2^« 

G  iij 


tço  Vis 

Ber  une  Ville ,  où  il  avoît  taœ  ScicÛ 
puiiTans  amis  ,    dont  les  mœurs ,  le 
goût,  le  caraâere  étaient  conformes- 
(a)  Répon-  à  fa  manière  de  penfér  ( a).  Il  ne  lixC 
hs  à  Cur-  pas  longrtems  fans  fe  repentir  de  ne 
^^^  les  avoir  pas  crûs ,  d'autant-plus  que 

ks  efpérances  de  cette  brillante  for- 
tune qu'il  avoit  efperé  de  faire  en  An^ 
gleterre,  s'évanouirent  bientôt, 
n\  V  -n  ^^  fortant  de  Rome  ,  il  retourna  à 
KhlSi.  Sienne  (t) ,  oà  il  avoit  laiffé  F  Arche- 
vêque de  Saint  André ,  qui  fe  préparoir 
à  s'en  retourner  en  Écoffe  ;  naais  ne 
Voulant  pas  quitter  l'Italie  lans  avoir 
vu  Rome ,  Erafme  y  retourna  encore 
avec  lui.  Ils  allèrent  enfemble  jufqu'à 
Cumes  pour  y  voir  FAntre  de  la  Si' 
bylle;  1  Archevêque  retourna  enfuite 
cnez  le  Roi  fon  père. 

Erafme  n'a  jamais  eu  occafîon  de 

parler  de  ce  jeune  Prélat.,    qu'il  n'ea 

ait  fait  de  grands  éloges,   »  C'étoit  ,. 

(c)  Ada-  a»  dit  il  dans  fes  Adages  (à),  un  jeune 

^^ru^v^A*  »  homme  qui n'avoit  pas  encore  vingr 

"      ^  *^  ^  »  ans ,  &  qui  avoit  toutes  les  vertus 

»  que  Ton  peut  admirer  dansquelqu'uiif 

»  de  parfait.  Il  apprenoit  fous  moi  à 

y*  Sienne  le  Grec  &  la  Rhétorique.  »> 

Il  aimoit  tant  Tétude ,   qu^il  voulott 

apprendre  même  pendant  les  heures  da 

repas  ;  on  lui  lifoit  pendant  qu'il  niaiir 


V, 

2.   p.   SU 


tH.:> 


^oît  les  Epitres  des  Papes  5  ou  cmtU 
Gues  Ouvrages  de  S.  Jérôme  ou  de  S* 
Âuguftin.  11  avoit  fi  bien  profité  de 
fes  leélures  5  qu'à  dix-huit  ans  il  pou^ 
voit  paffer  pour  vtn  homme  fort  inf- 
truit.  Ce  fut  lui  qui  donna  à  Erafme 
f  Anneau  oh  étoit  gravé  le  Dieu-Ter- 
àie ,  dont  il  fe  fervit  (  a)  pour  foire  forf  W  Efijl. 
eachet ,  après  y  avoir  feit  graver  cette  ^^*  ^•.  3  *• 
devife ,  Concedtf  nulli ,  je  ne  cède  à 
perfonne  ;  ce  qui  lui  occafîûhna  des  re- 
proches &  des  difputcs ,  dont  on  ren^ 
dra  compte  ailleurs. 

Ce  jeUne  Seigneur  qui  donnolt  dé  l 

fi  grandes  eipérances ,  eut  une  fin  mal-» 
Beureufe.  Henri  Vlïl/Roi  d'Angle -• 
terre  âVoit  déclaré  la  guerre  à  la  Fran- 
ce par  complaifancé  pouif  le  Pape  Ju»* 
les  IL  Jacqué  IV.  Roi  d'Ecoffe  allié 
de  Louis  Xll.  crut  être  obligé  en  verta 
de  fon  alliance  avec  ce  Prince ,  de  dé- 
clarer la  guerre  auit  Anglois  :  il  en- 
tra eff  Angleterre  ^  la  tête  d  une  grofle 
armée ,  accompagné  de  Ton  fils  l'Ar- 
chevêiiue  de  Saint  André  ;  il  donna 
bataille  au  Comte  de  Surirey,  quicom- 
mandoit  l'Armée  Angloife.  Il  y  eut  une 
aftion  très^vi^c  à  Fîodden  (  i)  fur  la 
Tuvedelep  Septembre  lyij.  Le  Roi  f^^Rap-^ 
ià'Ecofle  y  fut  tué  avec  l'Archevêque  xhoirai,  u 
^  Saint  André  i  Guichardin  pré- ^  p.  7/. 

Giiij 


ïyi  V  I  « 

la)  Guî-  tend  (a)  que  plus  de  douze  mîlîé 
chardinjL.Ecoflbis  périrent  dans  cette  Batailles 
jÀy  n,  6*  Les  Angtois  fort  dévoués  pour  lors  aU 
Saint  Siège ,  crurent  que  cette  Vic- 
toire avok  été  mirâculeufe  ;  &  Tho-, 
ifias  Morus  oiï  le  croioit,  ou  ici^ 
gnoit  de  le  croire ,  ainfi  qu'on  peuC 
s*en  convaincre  par  une  pièce  de  Vert 
qu'il  fit  à  cette  occafion  (  i  ). 

(i)  Dum  ftusHtnricHs  viClricibus  ajfcrh 
êrmri 

RomanQ  te  iterùm  ,  Gatlia ,  Vomtfici  % 
Scotorum  Jacobus  regnum  Rex  ecce  Bruant 
num 

Occupât  infefiis  imfiut  agjntintbus^ 
Padera  mn  illum  toties  jmrata  moramur  y   • 

Ccnjugh  infratrem  fuin  ferai  arma  ftug  ; 
Quin  GalUfidei  comitemfe  adjungeret  hoSi  ^ 

Quin  cuferet  Pétri  mergere  naviculam» 
ikc  mirum  ejlf celer ê  hmc  fi  vir  cenceferit  ^ 
infans 

Cade  fatris  teneras  imhttit  ante  mântum 
Ergi  volente  Deo  periit  cum  ftrage  fuorum  ^ 

Exitus  &  [celer  urn  qui  filet  ejfe ,  fuit. 

Pour  bien  entendre  cette  fin^  îl  faut  (à* 
voir  que  Jacques  III.  père  de  Jacques  IV.fut 
tué  dans  une  Bataille  contre  les  Seigneurs  ré^ 
belles  ,  qui  avoient  à  leur  tête  Jacques; 
r.  Rafin  Thoirai  ^  t.  4t  p.  434?  Voyex  auffi 


d'  E  R  À  $  M  E.  13*3 

Efafihe  ne  refta  pas  long-tems  en 
Italie  après  le  départ  de  l*Archevêque 
de  Saint  André  :  il  en  fortit  fans  en  la- 
voir la  Langue  ;  ce  qui  Pempêcha  dd 
profiter  du  commerce  de  quelques  Sa- 
vans.  Il  rapporte  (a)  qu'étant  i  Vcnile,    C<»)  ^fifl» 
il  y  rencontra  Bernard  Gcricularius  de  '  *^  V    ^" 
Florence ,    qui  écrivoit  l'Hiftoire  en  ^f   ^" 
Latm  comme  Sallufte.  Il  voulut  lier  Livre, 
converfetion  av€fc  lut;  mais  Ocricula- 
riûs  né  répondit  qu'en  Italien.  Erafme 
eût  beau  lui, dire  (b)  qu'il  n'enten-  (^)V.54iir^ 
doit  pas  plus  cette  Langue  que  l'In- nV  Afîner- 
dienne  ;  1  opiniâtre  Florentin  perfifta  à  t/ii ,  p*  8ii« 
lîe  pas  vouloir  prononcer  un  mot  de 
Latiri  :  ainfi  ils  le  féparerent  fans  avoir 
pu  faire  aucune  converfation.  Si  parmi  il 

les  Savanis  de  ce  fiécle  il  y  en  a  voit  quel-'  \ 

cpies-uns  qui  avoient  de  la*  répugnance 
i  parler  Latin ,  àt  peur  que  la  nécef- 
feé  de  trouvcf  des  mots  &  d^arranget^ 
prompteroent  fes  phrafes  ne  les  accou- 
tumât à  s'éloigner  de  la  pureté  duftyle 
des  excellefls  Auteurs ,  il  y  en  avoic 
auflî  oui  pliis  curieux  de  la  tacilité  que 
de  l'élégance ,  ne  VDuloient  point  ap«- 
prendre  les  Langues  vulgaires ,  parce 
91'ils  avoient  réfola  de  ne  parler  ja- 

Bpjl.  Th.  Mort,  f,  su  le  5^.  aiprès  cellci 
éeMélànâbnr 


1^4  V  r  g 

mais  que  Latin.  Erafme  fut  de  cetiotif^ 

bre  î  il  ne  favoic  pas  plus  le  François 

que  ritalien ,  quoiqu'il  eût  fait  un  long, 

féjour  en  France.  ^  Qui  ne  me  trou- 

»  veroit  pas  ridicule ,  dit-il  dans  une 

de  fes  Remarques  contre  le  Syndic  Be- 

(4)  Sur  la  da  (  a  ) ,  «  fi  je  m'avifois  de  porter  mpn* 

Propofit.    ^  jugement  fur  un  Livre  écrit  en  Fran- 

Beda.         «►Çoîs,  moi  qui  ne  fuis  poim  au -fait 

»  de  cette  Langue  (  1)  ?  » 

Ce  fut  le  changement  arrivé  en  An^ 
gleterre  ,  qui  détermina  Erafme  i 
donner  la  préférence  à  ce  Royaume 
fur  l'Italie.  Henri  VII.  mourut  le  2Z 
Avril  lyop,  il  eut  pour  fucçeflfeur. 
Henri  VHL  fon  fils,  qui  avoir  pour 
Erafme  la  plus  grande  eftime#  Ils 
étoient  en  commerce  de  Lettres*  On^ 
en  a  encore  une  de  ce  Prince  pour  lors 
,,.,  „  ^n  Prince  de  Galles  (fr)  mul  adreffa  à^ 

i^Lzt.  E^^^"^  ^"  ^^^^^  ^  ^^^^  démontre  que- 
*       Henri  avoit  pour  lui  la  plus  parfaite 
cftime ,  &  qu'il  prenoit  un  grand  in- 
térêt à  fa  perfonne.  A  peine  fut-il  fur 
le  Tr^ne  ,  que  le  Comte  de  Monjoic 
(cl B0.  écrivit  i  Erafme  (  c)  le  27  Mai  i co^/ 
^*  >•  4«     tpt  ce  Pnnce  venoit  de  fuccéder  a  foD» 

(  »  )  Quis  enlmferret  me  ,  fi  de  hibrtk 
€alliçè  fcripQ  mihi  Jumerem  au^oritaten^ 
frgmnciandi  j   ekm  ejus  Lit.giM  fhrafm  V» 


!>'  Ê  È  A  s  M  «•  t;^ 

î*ere;  qu'il  n'y  avoic  rien  qu'Erafme 
ne  pût  efpérer  d'un  Roi  dont  le  ca- 
faâere  étoit  fi  excellent ,  dont  non- 
lèulement  il  étoit  connu ,  mais  qui  le 
mettoit  au  nombre  de  fes  amis ,  puif* 
que  de  &  propre  main  il  lui  écrivoit 
des  Lettres,  honneur  qu'il  n'avoit 
&it  qu'à  ti^èa-peu  de  perfonnes.  Il  le 
conjure  enfuite  de  venir  promptement 
adipircr  un  Prince  généreux ,  qui  dé^ 
daroit  publiquement  qu'il  aimoit  les 
Lettres  ^  &  qu'il  protegeroit  ceux  qui 
ks  cultivoienté  II  lui  apprend  en  mê- 
me  tems  que  l'Archevêque  de  Çantor- 
beri  lui  promcttoit  un  Bénéfice  s'il  re-« 
venoit  en  Angleterre  ;  &  pour  facili- 
^r  foii  retour ,  Morus  joignit  à  cette 
invitation  une  Lettre  de  change  dont 
Havoitfournlla  moitié  :  l'autre  étoit 
un  préfent  do  If  Archevêque-  D'autres 
amis  d'Etaûne  lui  écrivirent  en  même** 
tems  (  tf  )  de  fe  prêter  aux  e{péranees  (4)  Comp; 
de  la  fortune  qui  l'attendent  en  An-t/ii^e. 
gleterre  :  il  crut  donc  devoir  céder  à 
tes  inftarlces  ;  6c  petfuadé  qu'il  alloit 
trouver  des  monts  d'or  en  ce  Royau- 
me (  &  ) ,  il  prit  le  parti  d'aller  s'y  éta-  (é)  Répoti* 
Wir ,  réiblu  pour  Icmts,  d'y  pafler  le  fe  à  Ow* 
pAc  de  fes  jours;  ,  ^^ 

Il  prit  le  chemin  des  Grifons  (c),  (c)  EpJJl^ 
l^a  à  Coite  2  à  Confiance  dans  le  Rhtnanh 

Qy] 


1^6  Vf  r 

Brifgau  ;  il  vint  enfuite  à  ^trafBourjf  §► 
d'oà  il  alla  en  Hollande  voir  fa  fa-*^ 
mille  :  de- là  il  alla  faluer  les  amis  qu'il 
avoit  à  Anvers  &  à  Louvain  ;  il  ren-* 
dit  fes  devoirs  à  Adolphe  de  Bourgo^ 
{a)  Epsjt,  gne  (a)  qui  avoit  grande  envie  de  le 
lé^L.io.  retenir  chez  lui.  Il  lui  avoit  même  of-; 
fert  des  conditions  très  -  favorables  j 
mais  les  idées  flarteafes.de  l'heureux 
avenir  qu'il  fe  promectoit  en  Angle- 
terre ,  le  rcndoient  fourd  à  toutes  Icsi 
propofitions  qu'on  pouvoit  lui  faire*. 
Etant  arrivé  en  Angleterre ,  ii  defcen*. 
dit  chez  Thomas  Morus. 

Il  ne  fur  paslong-tems  fans  s^apper- 
cevoir ,  que.  les  complimens  des  KoÎ5 
mênaes  ne  font  pas  toujours  iuivis  des 
effets  qu'ils  devroient  annoncer.  L» 
guerre  des  Anglois  avec  la  France 
&  l'Ecbfle  étoit  un  obftacle  à  la  libé- 
ïaliié  de  fes  Mécènes  ;  l'Angleterre  e» 
avoit  beaucoup  fouffert  ;  &  pour  com- 
ble de  malheurs ,  les  vivres  y  étoient 
d'une  cherté  extrême. 

H  proféfla  à  Cambridge  &  à  Ox-I 

(h)  Apo  fort.  Morus  affure  (i)  qu'iU'acquit  une 

F ^-^  ^l'îf   grande  réputation  dans  ces  deux  Uni- 

fâfhe         V'-rlicés.j  qu  il  y  eut  un  grand  nombre; 

d  iicoliers ,  &  qu'elles  auroient  fou-» 

hiiité  toutes  deux  de  l'avoir  au  npiïtr 

bre-dc  km  Théologiçoîi. 


l 


Mafs  s^il  acquéroit  de  l^honneur  i  iï 
t'en  écoit  pas  plus  d'ans  Failance  :  caf 
il  dépenfoit  bneaucoup,  &  ne  tiroic 
rien  de  fes  Ecoliers.  Ceft  ce  qu'it 
tiande  en  confiderîce  à  Colet  ,  paf 
ane  lettre  («)  dattée  de  Cambridge  .  »  „  j^-^ 
&  du  Collège  de  1^  Reine  le  jour  de  ^  JJ'  ^^f^ 
Saint  Barthelemi  de  l'an  lyi  i.  »  Je 
as  n'efpere  pas  ,  lui  dit  -  il ,  de  pouvoir 

*  gagner  ici  aiTe^,  peur  garder  ce^ 
9  que  je  ref  ois>  de  mes  Mécènes  Que' 
»pourrois-je  tiïer  de  gens  qui  font 
9  tous  nus  ^  mot  qtn  fuis  bon  ,  it 
nqui  d'ailleurs  (uis  né  en  dépit  de 
»  Mercure  ?  La  dépenfe  eft  ici  tfès^ 
»grand:fe  ,  étrit-il(i)  à  un  autre  de  (^)  Bfi/^ 
»fes  Amis.  l\  n'y  a  pas  encore  cincj*^»  ^^  ^ 
»  mois  que  je  fuis  à  Cambridge  :  il 

»m'en  a  déjà  coûté  foixante  nobles  f 

*  &  je  n'en  ai  reçu  qu'un  de  mes  Eco- 
»  liers ,  encore  ai  -  je  eu  bien  de  la 
»  peine  à  l^accepter  «.  C'étoit  le  a&- 
Novembre  ïj* il, qu'il  écrivoit  ainfi;^ 
B  eft  confiant  par  ces  Lettres  i 
qu'il  fe  propofa  de  tirer  quelque  émo* 
wmentde  fes  leçons:  cependant  Mel-' 
chior  Adam  aùure  qu'il  les  donna  gro/^ 
tis;  ce  qui  paroîtroit  pouvoir  fe  prou« 

fer  par  la  lettre  d'Erafme  au  Père  Ser-^  |; 

vais  à  qui  il  mande  :  i«*  Il  y  a  ici  deux 
^VtÂ^ïùiés  r  q^i  ont  toutes  deuitf 


«•grande envie  de  m'avoîr*  JPai  ehfeî*' 
■P  gné  plufieurs  mois  le  Grec  &  l*E— 
i^criture  Sainte  à  Cambridge,  miais 
«  gratis  ;  &  f  ai  réfolu,  d'en^  agir  tou-- 
'  »  jours  de  même  <  Apparemment  Im 

5 eu  de  profit  qu'il  prévit  devoir  tirer 
e  fes  Ic^ns ,  à  caufe  de  l'indigence 
ou  de  Pavariçe  de  fes  Ecoliers  ,  liû 
fit  preridre  la  réfolution  de  ne  leur 
rien  demander.  B  entre  dans  le  détail 
de  fes  leçons»  dam  une  Lettre  à  Am«* 
^)|Bwjîrmooio>(4)  écrite  de  Cambridge  U 
|rt.-8,-    Îf6  0(9tobre  iS  "•  «  Jufqu'à  préfent  ^ 

*  dit-ii ,  f  ai  lu  la  Grammaire  de  Chri^ 
«folore:  je  n'avoispas  grand  raonde  5^ 
m  j'en  aurîii  apparemment  i^vtsi  lorf- 
^  que  je  commencerai  celle  de  Théo* 
ardore  Gaza.  Je  donnerai  peut-être 
a^  bientôt,  des  leçons  Théolo^qui^: 
«»  car  il  s'en  agit  préfentement.  L'ar-* 
argent  qui  m'en  revient   eft  fi  peu* 
w  confidérable ,  que  cela  ne  mérite  pas 
ar  d'attention  :  cependant  je»  rends  do 
r  bons  fervices  à  ceux  <jui  s'appliquent 
a» à  rétude  <  Une  &t  pas  long-tems 
£ms  fe  repentir  d'avoir  abandonné  l'I- 
talie; dès  le  II  de  Novembre  iji^*- 

{P)  Efifi^'û  écrïvoii  de  Cambridge  (fc)  à  <îe 

i.  £f  8,      même  Atombnio  :»  Il  n^  a  point  de 

»  malheur  que  je  ne  croye  avoir  mé-* 

•  mé  d'être  forti  dltjAie^,  &  d'avolu^ 


«  quitté  Rome ,  où  je  pouvois  me  li- 

»  net  aux  efpéfances  les  plus  flacteu* 

»  fes;  «t  H'  s*étendit  davantage  fdr  ce 

/ùjer  dans  fes  Lettres  écrites  aux  Car- 

àinauX'Grimani  &  Raphaël  de  S.Geor* 

gelé  demfeçMars  de  Pan  (tf)  ijiy.  W  ^fifir 

m  II  m'eft  impoffiblc,  dit- il  au  premier,  *•  ^»  *• 

m  de  ne  pas  regréter  Rome ,  lorfque 

»  je  fais  attention  aa  grand  nombre 

m  d'avantages  qu'on  trouve  réunis  clans- 

«cette  Ville,  la  plus  célèbre  qu'il  y 

»  ait  dans  le  monde  entier  :  une  liberté 

m  douce ,  de  riches  Biblîothe<ivies ,  de 

9  déliûeufes  converfations  avec  tant  de 

w  fçavsffîs  boounes ,  tant  de  Monument 

•  de  l'antiquité  ,•  &  enfin    les  plus 

»  grandes  lumières  recueillies  dans  un 

»feul  endroit  ;  &  quoique  ma  fortune 

»en'  Angleterre  toit   au-deffus  de 

»  mon  mérite ,  cependant  pour  dire  la^ 

«vérité  ,  elle  ne  répond  ni  à  mes  ef- 

«pérances,  ni  aux  promeiTes  de  mes 

»aims«  Mais  o'eft  plutôt  la  faute  des 

»temiqtte  la  leur  :  car  le  Roi  lui»mè- 

»me  qui  eft  très-généreux ,  qui  a  de 

»la  bonté  pour  moi ,  &  qm  en  parle 

I»  avamageufement  >  nous  a  été  enle- 

>  vif  I  ).par  les  orages  de  la  Guerre.  »- 

(  I  )  It'  écok  yeiitt  en  Flandre»  ppv  èuit 
b  Guerre  à  k  France. 


t6â  t'  i  i 

il  répéta  les   mêmes  chofes  dans  W' 

Lettre  au  Cardinal  de  Saint  Gear'4 

^.  L,%.  Ses  rtgfets  augmentèrent  encore^ 
lôrfqu'il  apprït  que  le  Cardin^:!  de  Mé^ 
dicis  avbit  fuccédé  à  Jules  IL  II  lui 
fit  part  de  fa  joie  jpar  une  grande  Let-^ 

(b)  Éptfi,  ^re  (  6  )  qu'il  lui  écrivit  de  Londres  lé 
Hf.  L.  2.      i^  Avril  I  y  ïj  ,  à  laquelle  Léon  X. 

(c)  Epijl.'^^?^^^^^  afFeâtufculemenf  (  ^)  le  id 
^  L.%.     Juillet  fuivam.  Il  s'en  fallut  peu  qu'E-^ 

rafme  ne  retournât  à  Rome  :  l'Evêque 
de  Rochèffer  ayartt  été  envoyé  à  cer-* 
te  Cour  ^  fit  favoir  à  Eràfme  que  ce 
fcroit  avec  graild  plaifir  qu'il  Pemitie* 
fieroit  avec  lui  ;  mais  Erafme  ne  put 
6as  profiter  de  cette'  favorable  occa^ 
non ,.  parce  quHl  ne  fut  pas  aveiti  àfle^ 
i  tems  pour  feirè  fes  préparatifs  pout 
un  fi  grand  voyage.  C'efè  ce  qu'il  man"' 
(2)  Ëpttl.  da  ( d)  au  Catdmal  de  Nantes ,  en  lui 

|f^9  L«  10.  répétant  qu'il  ne  pouvoir  fe  confoler 
d'avoir  quitté  Rome.  Il  étoit  très-lié 
avec  TEvêque  de  Rocheftier  dès  le  teno» 
de  fes  premiers  voyages  en  Angleter- 
re; 6C  ce  fut  pour  lui  témoigner  fa  rc*r 
*  Connoilfance  des  Wenfaits  qu'il  en 
f  0  '^Plfî*  ^v®^^  ^^Ç^  9  ^^'^^  ^"^  dédia  (e  )  ce  qu'ij 

^©.  jL.  30.  ^voit  commencé  à  traduire  du  Com- 
ment ire  de  Sain  Eaflle  fur  Ifaïè.  Il 
jo^en  acheta  pas  la  tntduâion  |  pareil 


qn  il  s'imagina  auc  cet  Ouvrage  n*é-^ 

toit  pas  du  grand  Saint  Ba(ile  ;  ce  oui 

cft  Toccafion  d'une  difpute  fur  laquelle 

les  Critiques  ne  font  pas  d'accord  (a)  ^a)  V.  V^ 

quoique  le  plus  grand  nombre  foit  op-^briciui^Bi^* 

pofé  au  fentimerit  d'Erafiae.  Mais  fi  fa  ^r^ca  ,  u 

fonune  n'étoit  pas  brillante ,  il  avoit^Pr^^*^* 

du  moins  la  confolation  d'avoir  pourj^^^^ç^^^^J. 

intimes  amis  tout  ce  qrfil  y  avoit  des.  Bafiîe  ^ 

plus  grand  &  de  plus  illuftre  en  An-*  u  9. 

gleterre.  Trois  hommes  fur  •  tout  du 

plus  rare  miérite  fe  lièrent  avec  lui 

de  la  plus  étroite  amitié ,  qui  dura  au«. 

tant  que  leur  vie;  Guillaume  Warrban^ 

Jean  Colet  &  Thomas  Morus. 

Warrham  étoit  le  plus  grand  Sei- 
gneur d'Angleterre ,  fufqu'à  ce  que  lai 
faveur  eût  alTbcié  au  Trône  Wollei,  Il 
étoit  Archevêque  de  Cantorberi ,  Ôc 
par  conféquent  Primat  du  Royaume  ;  .' 

il  remplifibît  avec  cela  la  place  de 
Grand-Chancelier.  Ce  ne  fut  que  peu 
de  tems  avant  fon  Voyage  d'Italie  9 
quErafme  eut  l'avantage  de  connoîrre 
ce  Prélat.  Il  fc  repentit  toujours  d'a- 
voir connu  trop  tard  un  Proteéleur  fi(^)Noteft,' 
généreux  :  il  aflure  (fc)  que  s'il  avoit  eu  fiir  le   x  ^ 
le  bonheur  d'avoir  eu  Warrham  pourcli^P"^*  d« 
Mécène  dans  fa  jeuneffe ,  'û  feroit  de-   ^'^P''^® 
venu  beaucoup  plus  favant  ;  mais  que  auxTheflii^ 
nalheureufement  ji  ne  fut  protégé  par  igniçiem.  ' 


*^^  V  i  É 

cet  Archevêque  que  lorfqu^il  étoii  cî^ 

jà  d'un  certain  âge  5  &  qu'il  touchoic 

prefque  à  fes  quarante  ans.  »  Dans  m* 

lUy  Cliîlîa-  ^  jeuneffe  >  dit-il  ailleurs  (  ^) ,  fî  j^euf- 

oe    10*     »  fe  répondu  aiïx  careffes  des  Grand»* 

Gent.    5.  ij»  nui  me  témoignoient  de  lamitié  ^* 

tftîo.^^*  ^*»  jaurois  fait  de  plus  grands  progrèsT 

»  dans  la  Littériafture  ;   i^is  le  trop" 

9)  grand  amour  de  la  liberté  m^a  misr 

»  aux  mains  avec  une  opiniâtre  pauvre- 

•»  té ,  ce  qui  auroit  duré  long-tems  ,  ff 

^  Guillaume  Wat'rham  nç  m'eût  forcé 

»  d'être  de  fes  amis;  Je  fis  l'effai  de  fes 

^  bontés  avant  mon  Voyage  d'Italie,  tr 

Ce  fut  lui  qui  contribua  à  faire  ve- 

U)  EfiJl.tnT  Erafmc  en  Angleterre  (b); il'luï 

tJienant.     ^^^-^  ^^^^^^  ^  Bénéfice,  &  il  lui 

tint  parole  :  il  le  nomma  k  la  Cure 
(O  Bhch'  d'Aldington  (c) ,  dans  le  Diocèfe  de 
faJlu^Ltv,  c^ntQrbéri  ;  elle  vaioit  près  de  cent 
*"*  nobles  de  revenu  (  i  ).  Erafraè  ne  crut 

pas  devoir  accepter  cette  place ,  non- 
feulement  parce  qu'elle  deipandoit  ré* 
fidence  9  mais  aùffi  parce  que  ne  fa-» 
cbant  pas  la  Langue  du  Pays ,  il  n'étoit 
pas  en  état  d'en  remplir  les  fondions*!^ 
^  l[d)  Ëfijf.  Warrham  leva  fon  fcrupul©(i),cri  lui  fai- 
^v^^9      fent  réfigner  cette  Cure  moyennant  une 
penflbtt  de  cent  écus.ll  reftoit  encote  un- 
autre  fcrupule  à  Ërafme  :  il  ne  trôuveic^ 
Çt)  AConnoir d^or <le  ce  taail4à»^ 


pis  équitable  que  celui  qui  étoit  chargé 
(b  delTervir  le  Bénéfice ,  n'en  touchât 
qu'une  partie  des  émolumens ,  qui  paf 
cec  arrangement  revenoient  à  un  hom» 
me  qui  ne  rendoit  aucun  fervice  à  \dt 
Paroide  ^  »  mais  ce  Prélat  qui  avoic 
»  une  vraie  piétés  me  raflura ,  dit  £raf« 
t»  me  9  en  déclarant  qo^ênfeig^anc  tou» 
»  les  Fadeurs  par  mes  Ouvrages  ^  je 
»  £ii(bis  plus  de  bien  que  je  n  en  au* 
»  rois  pu  faire  par  mes  Prédications 
«dans  une  Cure  :  ainfi  n'ayez  point 
»  de  répugnance ,  ajouta-t-il  f  &  j'aur 
»  rai  foin  de  cette  Eglifè,  » 

Erafme  rapporte  (a)  que  dans  plu-  W  ^t^^^ 
fieurs  occafronsWarrham  lui  avoir  don-  S^*^^'* 
né  des  preuves  de  fa  générofité  ;  qu'en 
diverfes  Ibis  il  lui  avoit  fait  prêtent  de 
plus  de  quatre  cens  nobles  j  &  qu'en 
m  feul  jour  il  lui  en  donna  cent  cin- 
quante (fc).  Souvent  il  refufoit  les  li-    (^)Efifii 
oéralités  de  ce  Prélat,  Il  n'aimoit  pas  ^^'«• 
à  expefer  fa  mifere  aux  Grands;  il  con- 
vient (c)  que  s'il  eût  ea  moins  de   fO  Efi/^ 
lépugnance  à  foire  connokre  fes  be-  '^^'   ^ 
foins  aux  Seigneurs  Anglois ,  il  au-      ■ 
loit  été  beaucoup  plus  a  fon  aife.  Il 
y  a  quelques  Lettres  de  Warrham  dans 
le  Recueil  de  celles  d'Erafmc  :  on  y 
remarque  un  caraftere  de  plaifanterie  , 
jtti  coQv^noit  fec^  à  £rafmc*^  Il  l& 


t64f  V  t  É 

f  f(MJ  Efîft.  congratuloit  un  jour  (  tf  )  fur  ce  qu^ii"' 

«?•  l*  7»étoit  rétabli  d'un  accès  de  gravelle.  • 
3Bt  A  quoi  bon ,  difok-rl  ^  toutes   ce» 
9>  pierres  dans  un  fi  petit  corps  comme 
SB'  le  vôtre  ?  Qu'en  peut-oft  faire  ?  Pour' 
9  vous  aider  à  vous  en  défaire ,  je  voûs^ 
9  envoie  trente   angelots  i  ayez  foîi»-- 
»  de  vous  rétablir ,  &  ne  nous  prive25^ 
3»  point  par  votre  maladie  de  nos  eC- 
»  pérances ,  &  de  ce  que  votre  fcience 
M  nous  met  en    droit  d'attendre  de 
»  vous.  «  Erafme  écrivek  auffi  à   ce 
Xh)  Ej)(/?. Prélat  fur  le  ton  plaifant  (^):  il  en^ 

Îf4«  L«  iCé  avoit  reçu  un  Cheval  ;'&  il  foupçon-^ 
noît  qu'au  préfent  de  l'archevêque 
on  avoit  fubftitué  une  mauvaife  bête  ^ 
il  en  badine  ainfï.  »  J'ai  reçu  le 
3>  Cheval  :  il  n'eft  pas  fort  beau  ;  mais' 
»  il  eft  bon  :  il  n'èft  fujet  à  aucun  pé- 
»  ché  mortel ,  fi  ce  n'eft  à  la  gour-f 
>>mandife  &  à  la  pareiTe.  Il  a  lest- 
ât vertus  d  un  bon  Confefleur  ;  il  eft- 
3»  prudent ,  humble ,  paifible  ;  il  ne 
»  mord  ni  ne  rue*  cr 

Warrham  avoit  aflez  d'amitié  pour 
0)  Eji/y?.  Erafme  (c)  pour  fe  charger  lui>mê-* 

'?•  ^  H.  me  de  lui  faire  tenir  l'argent  de  {et 
penfions  ,  lorfqu'il  n-'étoit  pas  en- 
Angleterre. 

Erafme  lui  témoigna  fa  recotmoif-^ 
^Ge>  ^  lui  dédiant  plufieurs  de  (ff 


f 


b^E  R  AS  M  S.  16  f 

fhvnges  ;  (on  Saint  Jérôme  dont  nous 
çarleroqs  ailleurs  (4)  »  Quelques  Tra-   (a)  Epi/f. 
du(3:ions  des  Dialogues  ae  Lucien ,  les  »•  ^^*  ^f  • 
Saturnales,  lé  Deuil,  Tlcaromenip- f P^-'^'    5^' 
pe,  méçuheôc  riphigénie  d'eu.J^^;*;.L 
lipide,  Il  pgroK  par  l'Ep^tre  d^diça-  ip.    Efiftp 
coire  de  riphigeaiç,  que  les  cl^œursij.  Lp%9% 
^ç^  Trag^édies  Grecques  (  1  )  n'^toient 
|as  de  fon  goût.  Ces  deux  Tragédies 
traduitejs  avoient  déjà  été  données  au 
Public  par  ÇraCpe;  mais  Içs  ayant  re-  ; 

vues  avec  foin ,  il  les  dédia  ià  l'Arche-p  ^   ' 

yêque  de  Cantorbéri.  Il  affure  dan^ 
VEpJtre  dédicatoire  de  THécube ,  qu'il 
ne  s'étoit  appliqué  à  la  TraduAion 
des  Livres  profanes  ,  que  pour  être 
plus  en  état  de  mieux  tr^dyjre  les  Ou- 
vrages qui  pouvoient  contribuer  au  ré- 
tabliÇçmsnt  de  la  Théologie  ,  tels  qyç 
les  Livres  Sacrés  &  les  Pères. 

Warrham  étoit  fort  fenfible  à  ces 
preuves  d'eftime  quç  lui  donnoit  Erat 
me:  il  lui  çaandpit  (/> ) qii'ayanr reçu  C*)  EftJ^ 
par  ^ui  Pifnmortjalité ,  dont  pii^fieiirs**  ^•^p 
l^ois  &  Empereurs  illuftres  d'ailleurs 
font  privés ,  il  ne  voit  pas  ce  qu  il 

(  I  )  Nufqu^m  enim  wihj  magis  {neptijji 
vtiemr  àntiquitas ,  qùàm  in  ejujmoài  choris , 
ttfc»  iwn  nimium  êffeÙét  uovè  hqui  ,  t/iV/j- 
yU  eloquenti^m ,  dumqne  verkorum  mir^rr 


' 


Ï66  Vis 

peut  lui  rendre  dans  ce  monde-d  i 
équivalent. 

LesTraduélions  d'Hécube  &  d'Iph 
^énie    avpient  déjà  été  imprimées  ' 
Paris  Tan  i  jo6.  par  Badius ,  qui  avo 
mis  à  la  tête  quatre  yers  à  l'éloge  d 
Traduâeur  (  i  ).  Les  ennemis  d'Era 
me  eurent  la  hardieffc  dans  la  fuitd; 
î«)  Ef tjl* de  publier  {a)  que  ce  n'étoitpas  li 
'4.  £•  XI.  qui  avoit  fait  ces  Traduftionsj  qu\, 
Efift'    53*  l'es  avoit  trouvées  quelque  part ,  jk  les 
^  avoit  données  fous  fon  nom  ;  &  qu'cW 

les  étoient  de  Rodolphe  Agricola,  î| 
(i)  B0*  renvoya  (  t  )  pour  toute  réponfe  à  cc\x% 
'0^0         qui  avoient  été  témoins  de  fpn  travail; 
jk  il  cite  Jean  Paludanus ,  Montjoie, 
Morus ,  Linacer ,  Groçin  &  Latimeo 
Erafme  tf  a  manqué  aucune  occafioa 
défaire  Féloge  deçe  Bien&iteur,  & 

f)endant  fa  vie,  &  après  fa  mort.  Il 
e  repréfente  au  Pape  Léon  X«  commic 
étant  tout  ce  qu'il  y  ^  de  plus  parfait 
fin  Angleterre  du  côté  de  rérudition, 
de  la  piété ,  de  toutes  les  vertus  EpiC- 
iropalçs  ,  §c  du  défit  jja'il  avoit  df 

^  1  )  L$qui  Latine  nefcithat  anti 
TragadUrum  Scriftor  exculnjjimus  ^ 
f^Ht  nunc  Camanu  lo^uens  EraJmiçU  î 
yarroniana  certat  Çloquenn^. 
pi^àttfàre  ^  u  »•  p^  zfp^ 


»•  E  R  A  s  M  s.  itff 

iMCpriferles  Sciences,  llalfurele  Car- 
dinal Grimani  (fl)que  l'Archevêque  W'E^^/f^ 
deCantorbéri  raimoit,  le  protégeoit,  i.  l.  4. 
Je  conjjloit  de  biçnfaits ,  en  forte  qu'il  Y,*  auffi  EA 
ne  pourroit  pas  recevoir  plus  4e  preu-  ^''^^  *®*  ^* 
vc$  de  bontés ,  ni  d'^n  Père ,  ni  d'un  '^' 
Frère.  Il  écrivoit  (  i  )  à  TAbbé  de  S.    (b)  Efijf^ 
3ertin  ^  ^  Ç^rafme  eft  préfentement  1  }•  t*.xo^ 
p>  métamorphofé  en  Anglois  :  il  doit 
«ces  ^ntimens  aux  bontés  qu'on  a 
»  pour  lui  en  Angleterre.  Parmi  ceu)j: 
'qui  me  font  du  bien,  je  niets  à  la 
•  tête  l'Archevêque  de  Cantorbéri^ 
»  le  Mécène  de  tous  les  gens  de  Let* 
»tres.  JBon  Dieu-Î  Quel  heureux  gé* 
»  nié ,  quelle  fécondité ,  qu^le  vivar 
«  dté ,  quelle  facilité  à  bien  traiter  les 
?  afiàires  les  plus  difficiles ,  quelle  éru^ 
»  ^ion ,  quelle  poUteffe ,  quelle  dou- 
»  ceurî  Jarrwiis  perfonne  n'efiforti  trifr 
»  te  d'avec  lui  ;  ce  qu^  eft  digne  d'uç 
pRoi.  Avec  cela  quelle   libéralité- 
**  quelle  modcftie  !  Lui  ieul  ignore  u 
*  grandeuj.  Enfin  perfonne  n'eft  plujl  r 

^confiant  ni  plus  fidèle  que  l^i  Qan^  .\ 

^l'amitié.  « 

Le  Cardinal  Wolfei  hiî  fit  éprouver 
des  dégoûts  fur  la  fin  de  fa  vie  j  &  ils  . 

V^ï^gagerent  (/;)à  fe  démettre  de  laJf;'*P'f 
Jignité  de  Grand-Ch;inçelier ,  qui  fup  J.  pTa*2 
W  \P  Fi^amp  donnée  k  Wolfei,  Loffr  ipj.      ^ 


qu 
Rc 


t6S  V  I  » 

]ue   lui-même  eut  été  difgracîé ,  U 
Xoï  voulut  rendre  les  Sceaux  à  Warr- 
(a)  Epiji.hzm  {a)i  m^is  il  les  refufa,  fous  pré- 
Jf.  l^  i#.  texte  que  Ion  grand  âge  ne  lui  p.er- 
Ijuetroit  plus  d'en  faire  les  fonftioqs. 
Jl  mourut  Tan  15*32^  Erafm<5  fut  pé- 
nétré à^  douleur  en  apprenant  cette 
mort  :  il  le  pei^it  ainfi  dans  fpn  Ec- 
cléfiafle^  »  Quelque  occupé  que  fut  ce 
^  Prélat  des  affaires  du  Royaume ,  ja- 
»*  mais  elles  ne  l*ont  empêché  de  rem*' 
m  plir  les  devoirs  d'Archevêque  ;  il 
»  fembloit  même  qu'il  en  fut  entiérç- 
9  ment  occupé  :  il  trouvpit  l.e  tems  de 
•    a»  dire  la  M  elfe  prcfque  ^ous  les  jours  ; 
ao  dé  donner  audience,  de  recevoir  les 
»  Ambafladeurs ,  de  donner  des  con- 
i»  feils  au  Roi ,  de  faire  la  vifite  de  fon 
»  Diocèfe  ,  &  même  d'avoir  des  mo- 
,  •  mens  pour  lire.  La  lefture  étoit  pouF 
»  lui  un  délaflement ,  ainfi  que  la  çon- 

•  veriation  aye.c  quelque  Savais.  Il 
»  avoit  fouvent  deux  cens  perfonnes  à 
»  manger  chez  lui ,  parmi  lefquelles  il 

.  p>y  avoit  des  Evêqu^s ,  des  Ducs  Sç 
»  des  Comtes.  Il  ne  reftoit  jamais  plu? 
m  d  une  heure  à  table  :  il  ne  buvoit 
w  point  de  vin  ^  la  petite  bière  étoit 
»  fa  boiflfon ,  encore  en  buvoit  il  forç 

*  peu.  Il  étoit  d'un  caraûere  fort  gai. 
p  II  ne  foupoit  point  ;  mais  s'il  ii'^fr 

•  ^      ?^if 


ifi  toit  chez  lui  quelqu'un  dip  fes  fwnU- 
P  liers ,  (du  nombre  defquels  j*étois., 
»il  les  voyoitfouperians  rien  manger^ 
«  ou  du  moins  trçs«-pçi;i  de  chofe.  S'il 
i»  ne  reftoit  perfonne  cfaçz  loi  ^  il  doQ- 
•  noit  à  la  prière  &  à  la  leélure  li? 
W'tems  du/ouper.  Il  ainK)it  la  plaifafl- 
i>  tarie ,  &  il  étpidui-même  fort  plair- 
?>fant;  mais  cfétçit  (ans  fieU  11  nt 
,»  laifla  en  mourant  que  ce  qui  étok 
"  précifément  néceflTaire  pour  payer  fef 
;»dett€;s.  Je  neifinirois  pas  ,  fi  je  vou^ 
p  lois  dire  tout  ce  qu'il  ip'^  voulu  doiv-  . 
;»ner.  » 

Burnet  Juge  ainfi  de  ce  Prélat.  (  ^  (a)  M^îe^ 
»  L'Angleterre  perdit  en  lui  un  bon  J."  ^^  *^  ^'^^^^ 
.»»  Canopifte  ,  un  grand  Miniftre ,  8c  f^^«^'  *^'  *♦ 
>vun  Courtifan  adroit,    Lejs  gens  dç 
*  Lettres  f^rtout  ie  regréterent  com- 
»  me  leur  Protefteur.»  Ne  drffimulons 
psque  l'Abbé  de  Longuerue  a  accu- 
la Warrham  ('^)  de  s'être  deshonoré  W    Vfytfis 
4ans  la  grande  fafFaire  du  Divorce  de  ^^^J^  ^'^« 
Henri  VIII.  il  prétend  cme  ce  Prélat  ™[f  ^  ^' 
|ut  folliciteur  puWic  du  Koi ,  &  que  Mém/  i.t 
«ans  l'affenîblée  tenue  â  Londres  de- Litté  ature^ 

Iyant  les  Légats  Gommiflaires  ,  il  futt.  8..p.  i86. 
convaincu  d  avoir  contrefait  la  figna- 
_  lure  deî'isher,  Evêque  de  Rochef- 
^^r.»  qui  n'avoit  jamais  voulu  confen- 
tir^uréfultatde  raflfemblée  desEviâr 
Sortie  l  U 


N  I  B 


lour  le  DVvorce;  èc  p<«r  ^a  nullité 
de  la  Difpenfe  de  Jules  U. 
'     Ce  quel' AbbfdeLonguerue, af- 
firme ûpofitivenient,   RaRinXhoirais 
ne  le  donne  <«)  que  çpmme  un  foup- 
(")  T.  î-'-on.  .i  L'Arihévêque  Je  Çantorbéri, 
h  »^-  P'idit.il,  préfenta  i^u  ^oi  un  icntfi,- 
^^^'         ,  gaé  de  to^s  les  Evêques ,,  dans  le^. 
•  quel  ils  condamooient  fon^mariagç 
„  ?oinme  contraire  à  IVnneteté  P"- 
»  blïque  &  au  droit  Divin.  Le  le«^ 
«  Fishcr .  Èvêoue  deRechefter ,  ayattf 
»  refufé  de  lejôgner ,  on.  prétend  que 
»  l'Archevêque  y  nût  ion  tiom  a  109 

»infçù.«.  ,         A      „  u 

Ce  qui  eft  plus  certain  ,  eft  que '« 

roariagede  Henri  ayeç  Catherine  d  AJ? 

ragôn  fût  fait  contre  le  fentm>entd| 

Warrham.  .  Lorfque  Henri  VIÏ.  eut 

«  conclu  le  mariage  de  Henri  fonj^ 

.  avècCatherinc^'Arragon.ditl ti*- 

,,, ,  ,^  „  torien  d'Angleterre  (b) .  l' Ar^h^vê- 

flh       -<\^^  WarrhSn  lui  dit  franchec^c« 

'•  '^*      .  ïue  ce  mariage  étoit  contraire  a  | 

.  Loi  de  Dieu .  contre  laquelle  la  U  V 

»  penfe  du  Pape  ne  pouvpit  êwe  d  a^ 

.  cun  effet.  »  Malgré  tout  cela  Hen 

ri  VIIL  étant  parvenu  à  U  Cof  ^J*. 

„e,    nelaiffapasd'épouferb?^ 

ceffe  contre  le    fentim«;Pt  d,e  w?*' 


:Amm^  ^i  auroit  épargné  une  in^ 
jfinifté  de  chagrins  à  Henri  .,  aux  Pa- 
pes ,  &  à  TEglifc  Catholique ,  s'il 
jAt  été  fuivi. 

Thomas  Cranmer  fuccéda  à  War- 
irham  dans  TArcheviché  de  Cantor- 
^eri  :  il  eut  pour  Erafme  les  fenrimens 
Qu'avoit  eus  fon  Prédéceffeur  (  ii  ) ,  &    (4)  EpiJL 
déclara  Qu'il  ne  prétendoit  point  ce-  ?•  L.  24. 
^er  à    warrham  dans   les  procédés 
qu'il  fe  propofoit  d'avoir  avec  EraC- 
me.  Il  lui  en  ^onna  même  des  preu- 
ves :  Thomas  Morus  lui  apprit  (b)  que    ç^^  £p*m 
Cranmer  étoit  dans  de  très-bonnes  4^^.    ^I 
difpofinons  à  fon  égard.  Erafme  fai-  pf»i» 
ipit  profeflîon  de  l'eftimer  ;  &  il  ne 
•craignit  point  de  rendre  fes  fentimens 
fublics.   ^^  C'eft,  difoit-il  (c),   un  (^  Ap©- 
»  Prélat  qui  non-feulement  eft  un  pro-  logie  i  U 
.wfond  Théologien  ,    mais  dont  lesj^^®  ^"  ^^ 

*  mœurs  vraiement  théologiques  an-  T^"*w^«. 

•  noncent  la  candeur.  »  Un  autre  ami 
«Erafme  plus  digne  d'être  avoué  que 
Cranmer  ,  fut  Jean  Colet ,  ^vec  le- 
quel il  vécût  pendant  plus  de  vingt  ans 
ians  la  plus  tendre  union.  Colet  avoit 

,cu  pour  Père  (.4  )  un  homme  fort  ri^   (d)  E0 
.  ^lïe,  qyfi  avoit  été  deux  fois  Maire  de  14.  U  is* 

l-ûncliies.  ÏY  étoit  l'aîné  de  dix  fre- 
j  ^^  (e)&de  onzefœurs,  aufquelsil  f^)  £/>/;?. 

fcvécuu  II  s'appliqua  dans  fa  jeumefleii^^  Uz^. 


^  la  Philofophie  j  &  il  fut.Maîtrpv^l 
Arts.  Il  n'y  eut  aucune  partie  des  Ma-' 
^ématiqués  qu'il  n'étiidiât.  Il  voyar 
gea  en  France  6c  en  Italie  ;  ce  fut-l|k 
qi^*il  fe  donna  tout  entier  à  la  lefture 
Acs  Pères  :  3*  Auguftin  i^toit  celui 
qu'il  goùtoit  ie  nioinsi  II  n^avoit  au-r 
cun  Livre  d'hiftoire  pu  Je  moralp 
qu'il  lî'eut  exan^iné.  Étant  de  retou^ 
eh  An|;îeteçre ,  il  vint's'éti^tlîr  à  Ox* 
^rt  /'où  il  expliqua  en  public  &gra;r 
tiûtement  Içs  Èpîtfes  de  S.  Paul.'  Cg 
fcVlà  où  Erafme  fit  coMioiffance  avep 
lui.  ,Ils  avoiejit  tôiis  (feux  pour  loi^ 
jjrès  4e  trente  ans  ;  Erafrne  avoit  deux 
qÙ  trois  moisplus  que  lujf.  Colet  reçi^ 
le  gradé  de  Dodleur  l^ns  1  avoir  de: 
mandé.  ^Le  Roi  Henri  VIL  Te  fitArenip 
a  Londres  pouf  le  nommer  Doyen  de 
S.  Paul,  ^pîace  très-ïionorable ,  qvf 
(ui  donnoit  rlnfpeftiori  du  Collège  dç 
ce  nom.  Son  Pçre  lui  laifla  en  mourant; 
vne  riche  fuccefliQn  ;  ïf  .l'employa  i 
établir  un  nouveau  Collège  a  Lon- 
dres ,  qu'il  dédia  à  l'Enîant-Jefus.  La 
maifon  étoit  magnifique.  Il  y  établi|C 
deux  .Maîtres  à  oiji  ifcjqnha  de  groç^ 
apppinteinens ,  ann  qu'ils  enfeignaflenjc 
gratuitement!  Il  ordonna  que  le  nom^r 
bre  des  Ecoliers  feroit  borné ,  &  qu*il 
ne  paflfcrpit  pas  fçize    dans  chaçjiîg 


Çlaffe.  fldépenfa  tout  fon  bien  à  cette 
fondation  ;  &  l^argent  qu'il  y  einployà 
monta   à  des  fommes  fl  excefUves  , 
qu'Erafmc  dît  qu*un  Satrape  même  e 
eût  été  effrayé.  Leur  connoiflfance  fe 
fit  dès   le  premîer  voyage  d'Erafmê 
eh  Angleterre.    Colet  rechercha  foii 
amitié  :  il  lui  écrivit  d'Oxfort  Tarî 
1497  (^)  lôrfquErafmé  écoit  dans  (a)  Efsft. 
cette  mèttit  ViHe ,  qu  il  le  connoiflbiî  J*  ^*  U 
beaucoup  de  réputation^ &  par  queP» 
ques-uns  de  fes  Ouvrages*;  que  lorf- 
au'il  avoit  été  à' Paris  fon    nom  ^ 
etoit  déjà  célèbre  ;  qu'il  favoit  d^ail- 
leurs  par  le  Prieur  de  la  Maifon  oh  il 
d;emeuroit ,  qu^il  étoit  un  très-faort^ 
ÛzQ  homme  ;  qu'il  lui  offroit  fes  fer^ 
vices,  &  qu'il  fouhâitoit  que  TAirgle- 
îèrre.  lui  fût  auflî  agéable  ;    qu'il  né  / 
doutoit  pas  qu  il  lui  feroit  utile  ;  8t 
qu'il  lui  feroit  toujours  très-attachë  » 
parce  qu'il  le  regardait   comme  uil 
iromme  de  bien  &  un  très-favant  hontî 
iàe.  Erafme  fut  très-fenfible  aux  avait*         ^ 
Ces  de  Colet  :  il  reçut  fes  louanges 
aVec  beaucoup  dé  modeftié(t)j  6c   (*)  E0'. 
dans  la  réponfe  qu'il  lui  fit ,  il  fe  peint  4-  L.  ^. 
âînfi.  «'Afin,  lui  dit-il,  que  vous  mè^M  ^^« 
»  connoiflîez  avant  de  fa  voir  fi  vous 
é  devez  m'aimer ,  je  vous  apprendrai 
t^qiievGfUstrouverez  en  moi  un  homm^i 

Hlij 


arqui  «•  utie  très- petite  fortOfte,    oâ^ 
ap  plutôt  qui  n'en  a  aucune;  un  homme*' 
»  ans  ambition  ^  qui  a  beaucoup  de 
9  penchant  à  l'aminë  ,  qui  n'eft  que 
f»  médiocrement  verfé  dans  les  Belles-»- 
»  Lettres  »  mais  qui  en  eft  l'admirateur 
*paflîonné,  qui  rtfpede  fincérement 
»  la  probité  des  autres  fans  vanter  la^^ 
>'{ienne,  qui  cède  à  tout  le  monde 
a»  du  c6té  dé  la  doétrine ,  mais  à  per- 
a^^fonne  pour  la  bonne  foi  :  flmplef 
»> franc,  libre»  incapable  de  diUimu- 
••lation ,  parlant  peu ,  &  de  qui  vous^ 
"^n'avez  rien  à  anendre  que  le  cœur*^- 
•  Si  vous  juger-qu'un  homme  de  ce  ca* 
3»-raôere  foit  digne  de  votre  amitié  ,- 
a»^  vous  pouvez  coBÈÇter  fur  Erafme.  » 
Ce  Prieur  qui  rendit  un  frbon  té- 
moignage d' Erafme  que  Colet  eut  en-- 
vie  de  le  connoître ,    s'appelloit  Ri- 
chard Charnoce  >  Prieur  dé  la  Maifon  ' 
&  de  l'tglifede  Chrift  :  Erafme  avoir 
pour  lui  autant  d'eftime  que  d'amitiés- 
(4^  Sf'A  *  C'eff,  difoit-il,  le  Prêtre  {a)  des  gra* 

^-t*  •  a»  ces'j  &  par  une  heureufe  réunion  on* 

aBf'troave  chez  lui  tous  les  genres  de- 

a»* Littérature  joints  à  la  politefte  &  i^ 

»la  probité.    J'iroîs  , .  ecrivoit-il  aa^' 

(h)  Efijl.  ^  Comte  de  Moîîtjoie  (b)  avecChar- 

^  ^*  ^*      «  noce  &  Colet  paffer  mes  jours  dani^ 
94!^QMrétmi^  de  la-Scithie«^a»^>  Gk^- 


.  !>''  E  R  A  SNL't.-  Ï7f 

ffoce  âîda  fouvent  £f afiné  dans  fes  bé- 
foins  pendant  fes  premiers  voyages  en*' 
Angleterre;  &Colec  lui  fut  très-uti- 
h  (a)   dans  les  derniers  :  &  bourfe  (4)  Epi/f^ 
Aoit  au  ferVice  de  fon  ami,  qui  n'y  n.   Epifl. 
avoLt  recduts  que  dans  les  grandes  ex-  '^•.  ^*  ^^* 
tréinités;;  f '/;  *'• 

^  Colet' voulut  engagef  Erafme  (b)  lb)\ifl^ 
*  expliquer  à  Oxfort  le  Pentateuque4ç,  i.  ji. 
du  Iiaïè  ;  mais  il  s'en  exciifa  ,  fur  ce 
qtf*il  n^^avoit  pas  fait  les  études  nécefr 
iaires  pour  bien  remplir,  les  vues  de 
Colet,  Ils  étoient  dans  l'habitude  dV 

f'îter,  fok  de  vive  voix  foït  par  écrit,; 
es  quéftions  qui  a  voient  rapport  à 
l^Eeriture  faïnte  ;  &  ils  n'étoient  pas 
toujours  d'accord.  Ils  eurent  une  dîf- 
pute  fur  la  crainte  quç  J.  Chrift  avoit" 
t'émôignée  de,  la  mort ,  qui  donna  oc- 
c^fîon  à  un  Ecrit  (  i  )  qu'Erafme  dé- 
dia à  Colet  :  il  y  examine  fi  J,  Chrift 
étoit  abandonné  de  la  Divinité  dans  le 
tem^  qu'il  demandoit  qjié  fî  cela  étoit 
'^pffible  ,  le  Calice  paffât  loin  de  lui. 
G'étoït  le  fentiment  de  quelques  Théo- 
logiens; mais  ce  n^étoit  point  celui 

(  I  )  Dffputattuncula  de  tttdh  »  favore  f 
Iffiftitia  Jefu  înflantefupflich  Crucit ,  déqm 
^itrbis  qmbuT  vifut  tji  mortem  def  recari  : 
f^er  ,  fi  fieri  p^efi  ,   tranjeat  à  me  Cali» 

Hinj 


d'Èrafine.  Il  veut  prouver  dans  feflt^ 
Ouvrage,  que  c'eft  en-tant  qu'Homme 
^e  L  Cbriil  a  parlé  ainfi ,  £c  qu'en 
cette  qualité  il  a  craint  la-mort ,  qui  eu 
ta  fuite  du  péahé ,  6c  q}û  fff  mauvaifc 
en  elle-même. 

Colet  après  avoir  vu  l'Ecrit  d'E- 
(&^  Eftfl-  rafme ,-jugea  (a ),qtt il  avoit  fort  bien 

^i  V.  $1.  défendu  fon  fentiment  :  il'ne  trouva 
cependant  pas  qu'il  l'eût  démontré  ;  il 
s'engagea  même  à  répliquer  quand  ït 
enauroitleloifir.- 

fl5:;AT)olo.     M.  l'Abbé  Marfolier  ( b)  Se  M.  Dii- 

ftf>Pf*43»J>în  ont  jugé,  querCùvragje  d'Erafmô 
étoit  très-beau.;  qu*ïlpouvoit  fervirde 
modèle  de  la  manière  de  traiter  les 
queftion^  théologiques  par  raifon ,  ô(, 
iûivant  les  principes  de- la -faine -Théo* 
l©gie  &  des  régies  de  foi»    ^ 

On  n'a  aucune  preuve  que  Colet  ait 
répondu  à  l'Ouvrage  d'Erafme*;  nou* 
n'avons  auffi  aucune  connoififance  des 
Commentaires  fur  le  Mouveau-Tefta- 
ment  que  Colet  devoit  donner  au  Pu» 
blic ,  &  dont  Erafme  pjirle  dans  un« 
(^  Êpî/l,  de  fes  Lettres  (c).  Il  y  a  quelque  âf)- 

fe  L.  lo.    parence  que  cet  Ouvrage  ne  mérite  ' 
pas  nos  regrets  :  car  Cole\  a  avoué  lui^ 
(ly  Kprjl/'mème  (-*d)  qu'il  ne  favôitpasleGrec/ 

3i,rL,2,     f3*ns  la  connoiffàncé  dikjuel  nous  ne 
femmes. rie»^  ,difoit-iU  11  fe  proppfôil- 


8f  rapprendre  fous  Erafme  même  fur 
tuf  fin  de  la  vie  :  »  Je  veux  être  votre 
^dtfciple  f   lui  écrivoic  il  ;    &  quoi 
«^qu'avancé  en  âge  &  près  de  la  Vleil- 
•leffe,  je  veux  a'I'e/emçtedrfCatoa 
P^  apprendre  la'Langue-Gfecqaé.  * 
'  Ce  fat  à  Colrt  qu^Ertfme  dédît 
FOuvrage  de  P Mtondancô  des  mots  ' 
&des  chofes  (  i  )-:  c'eft  uneefpéce  de* 
Rhétorique  faitfe:à  Tufàge  des  jeunes^ 
gens,   pouries  difpofer  à  parler  fur 
tDutesTortcsrde  fujets.  ïllé  eft  divifée'' 
di  deuif  Livrés  J  on  ^trouve  les  prin- 
cSpes  de  la  Grammaire,  &  lesmoyen^ 
de  s'exprimer  de  diverïeé  màrtieres  fur* 
un  même  fujet,  »  C'eft  moi ,  dit  EraC-* 
if  me,   qui  ai  imaginé  le  premier  ce* 
»  fujet ,  &  qui  l*ai  exécute.  J'ai  dofct» 
3^né  diverfes  fortnulês ,  oudâ  prin-« 
^cipesd'ampliffcâtîon  :  j'ai  commencé^ 
»  par  ce  qui  eft  général  ";  je  fuis  enfiri' 
*  venu  au  particulier.  »^' 
:  Quand  Èraffûelcdmméhça  à  travail-*^ 
ïcr  fuf  cet  OiiVrâge ,  il  n'avoit  aucutï 
déffein  de  le  dôîïner  aiu  PuWic;   mais 
s^fen  étant  répandu  quelques  copiés  ^  /  s  p^*jf 
fôh  infçu,   il  prit  k  part?  de  le  faire  ^4    ;^f^; 
irtiprimérlui  mê^tf.  iravôit'été  ébàù-  f^(/l.    8« 

!^é  à  Orléans  (  a  y  :  il  7  avôit'  OTfuité  i-'*  *4; 

.  * 


travaillé  en  thXxt  ;  &  oifiti  il  le  pief&ê^ 
tioBoa  en  Angleterre  pour  fianre  plaiiip  ' 
à  Colet,  qui  foahaitoîc  aVec^pa^oi^^ 
que  cet  Ouvrage  fervît  à  Tufage  desr» 
Ecoliers  de^  fo»-  nouveau  Coll^e«r- 
(S)  B^T?.  Erafme  avoit  d'abord  eu  deflêin  (n  ^v 

3:^  t»~9.  de  dédier  cette  Rhétorique  à  Adol-«  ^ 

pbe  de  Bourgogne  &  à  Battus ;.en^" 

fuite  le  trouvant  dans  un  grand  befbîK^ 

^  Efift,  d argent  (t)  ,  il  s'imagina  que  s'il  dé-^/ 

^«;^^iir#  HT.  dioit  un  Ouvrage  fait  pour  les  En&ns^^* 
au  jeune  Prince  d'Angleterre,  il  pour-» 
xoit  tirer  quelque  gratificaticm  de  h^:- 
Cour:  Ce  devoit  être  au  commence-*  * 
sient  de  I  jl  I  :  car  le  Prince  dont  il^* 
doit  être  id  queftion  ^  n^uit  le  pre-« 
mier  Janvier  de  cette  année ,  &  moiH/ 

fîyitapîii  j  rotà  la£n  de  Février  fuivaiit(c). 

Iffôiras  ,       Colet.  avant  même  que  ce  Prince* 

ii3j2îpî3xd.  mourût ,  pria  Erafme  de  lui  donner  kt** 

{j;Çéférence;  &  il  promit  quinze  Ange- 
ots^i  fi  ce  Liv^pe  lui  écoit  dédié.  EraC* 
mt  lès  a<^ceptaf  *&  il  le  dédia  àCo«  ' 
XiyMPA^  (d)  le 2^  Avril  lyia.Dêux-ansÔc- 
*9^^»'*^demi  après  il  fut  réimprimé  à  Straf- 
ie)  Bpiff.hoxxrg  (e)  revu  &^ augmenté  par  l*Au« 
a«vU  iS.teur.  Cet  Ouvrage  eut  un»  très-boa^ 
^.^j^foceès  :  Tonftal  ne  pouvoir  s'empê- 
^{?J^-diér  de  l'admirer  (f>  «Ileft  incroia^ 
(^  £^jy,«^«-ble,    écrivoit  Jean  Walfori*   (g)  i-^ 
ij.sUié»*  9*avec^uel  empreiiemeot  oa^ttAesii^ 


S^chà  le  Livre  De  Copia.   »  Gilbert 
Coufin  (  I  )  rappelle  un  Livré  d'or, 

Budée  n^en  a  voit  pas  une  fi  grande 
idée;  il  mandoit  à  Èrafme  (a)  que   (a)  Bpifl. 
plufieurs  gens  d'un  mérite  diftingué,^.   t.  4. 
«  même   de  ceux  qui   reftimoient ,  Epî/?.  iJJt 
croyoient  que  cet  Ouvrage  n'étoit  ni 
digne  de  fon  titre ,  ni  même  d'Eraf- 
roe.  A  cela  il  fit  réponfe  avec  une  ap-' 
parence  de  modeftie  (i) ,  quilsétoient    ,m  ^  ^a 
d'accord  :  »  cependant,  ajoute-t-fl  ,  ^5.  ij^^  * 
■>  il  y  a  plufieurs   perfonnes  dont  \c  Efifl.  m. 
»  fiiffrage  n^eft  pas  à  méprifer  ,'    qui 
»  le  louent  beaucoup.  Vous  n'en  faites 
aff'pas  grande  eftime  ,  dites-vous ,  par- 
ai ce  que  j'ai  tiré  plufieurs  chofes  des 
•  lieux  communs  ;  mais  duynoins  je 
»  mérite  quelque  louange,  pour  avoir 
»  le  premier  traité  ces  matières  avec 
»  plus  de*  foin  &  d'exà^Situde  que  les 
«  autres ,   ce  que  vous  ferez  obhgé 
»  d'avouer ,  fi  je  ne  me  trompe.  »  * 

Dans  le  fiecle  paiTé  ,  on  fit  ufage  ' 

|0   Qfionian  fa  repum^  Leilor  Jiudtofe^  ^ 
farania  ^ 

Virhrunjque  tibi  copia  larga  mode  : 
^Aureus4ih  aperirmirâ  bnvttate  Ubellut,   ' 

Qjfem  cuàis  dollar ^  Rottrodame,  manu»  • 

G>gnati  Opéra,  t«  i.  p.  401. 

*'      Hvj.: 


fi8b  Vie 

de   ce    Livre  dans   WnWerûté  Z^ 

Paris  ;     c'eft  ce  que   noup  apprenci 

(a)  Epljl. Mercier  {a)  ,    qui  le  traite  (k  Li-: 

Dedic*       vre  d'or.  Erafme  revit  audi  J'Ouvrag^- 

^^^-'^^cf*  ^  de  Guillaume  Lilius  à  la  folUcitatipt^ 

ColSiuï:  ^^  Col«.  LiUus  avoir  été  .ng,g4p« 
^  Colet  a  faire  une  petite  urammaire  ^ 
qui  avoit  pour  titre  (  i  )  :  De  la  cpni^ 
truâion  ae$  huit  parties  d'Qi^ifozu 
On  Tavoit  imprimée  fan$  nom  à'Axb^ 
^tçur,  &  ellç  avoit  été  attribu4^  è^ 
J^rafme.  ,Cc4et  le  pria  de  la  rçtoD«t 
cher  ;  &  U  la  publia  en  meUkur  qt^ 
dre  Tan  ijiy.  à  Baflç. 

Ce  ne  ^nt  pas-là  les  fêuls  Ouvr^^ 
ges  de  Granunaire  qu'ait  fait  !Çrafa^  s 
ojQ  imprima  en  i  jr44«  aprè«  fa  mprt  ^ 
un  abre^  de  Rhétorique  (fc)  q^'H 
Bek*  Fop^^^^^^  compofé  pour  D^mij^n  Qo^m 
pcns!  *^" Noble  Portugais,  à  qui  il  épriç  ^Aun; 
lieurs  Lettres  »    âc  qu'il  aimoit  aif^X 

i)our  le  prier  àe  venir  Ipg/^  pvee 
,.,  •-^,^..  ui  (c). 
^^  L.  3o«  Erafme  fît  un  Difcours  qui  eitune 
^(pece  de  Sermon,  pour  h  Collfg^ 
de  Colet  ;  il  a  pour  titre  ;  Difcours 
fur  r^fant  Je.'us  ,  prpnpn(;é  par  juti 
Enfant  dan^  l'Ecple  de  Cplef  ;  à^ 

C  I  )  D^  odo  Orationh  fartium  çonjimç*. 

tionu 


l^elte  il  y  a  uif  tableau  de  PSiffanC^ 
léfus  rejn^ienf é comnieenfelgnaht (ijt  " 

Le  Sermon  eft  divifé'^n  trôïs  par^ 
fifes.  La  ^pfemiercf  efr* un  Eloge  de- 
J»C.  enfertt-:  oi^fek  vôhr  dans  la  fe« 
ébndé-les  obligation!^ 'qMéles:  hommwf  ' 
oftt  à  J.-  C'  4a  ^éteflité  Hie  raimer  y , 
fesbemiéspôuyléiS' Enfittw,  «qu'il     .  ^ 

f&t  faire  poiir  Tiimcer  &  mériter  fei^ 
^ces;  la  trOifiémè  piirtie  re^réfenttf  ' 

fe  avantiages  "&  •  le»  doaceurt  d'uncr  • 
ih  Chrétierflfei  «f-^let  i^lfonlpenfe* 

Îii  eit  foht  les  fuites.  Le  Traduôeui* 
rahçôfe  dété  Difcoufs  (a)  a  jugé<^)M.Mur 
cjttli  étoif  de  la  dtfméiré  mipiflrflince  /o^«'*      ^ 
8c qu'on  -ne  pôUvoit  trop  exhortera* 
;  telire.  Colët  mourut  4  Londres  d'une* 
\  htdropifie  l'aw  I  y  Ip.  âgé  ""de  près  dc^ 
;  tifequame-^oislnsé'(^)Eràfme-en  fut^(^)  Eplflé^ 
tes  la  pluf^prôfottdfrdodearf  Itdé- J    L.  t^.  - 
cfera  que  dcpirià-trefite  ans  ilnyàvoit|/^(^*  ^^♦v. 
;  I*ett  uneHtiortqtiilûi^eûftauféùne^^^^^^     ^ 
i  9x£\  irande  triftetfe <îue  ^élcAï.  »  II"' 
»^efenttble,-difoir-il  ((f)  ,*quéfai  péif-  '(c)  Bftfl? 
•^ulnGolAla-iftoittèd^moA  même^V^^t^ 
*Quel  hompac  l'Angleterre  a  perdu  ! 
^^ifc^e^fttis  malheùrtux^'êefc  pri^ 

^fi^ro  in  nova  ScholâJoannis  Coltti  fer  eum^ 
^^ml  Londini\     in  quâ  ff^fidît  Ima^^i^ 


îjpti  14^  *  *^  ^^^^  (^i  î  ^*i*  il  ne  put  pas  c6n-i^ 
tehter  foh^défir,  |)arc«  qu^ti  ne  lut 
eii voya  ^a^  des  Mémoir ey  aflfefe  coi^-»' 
pîets.  Si  Erafme'eût  pôùf  lui  laplur 

Crfaîte  eftimej  luïdèfoh  côté  avoic 
plus  grande  idée  d'Erafme  :  il  nV 
pas  crtiilit 'dr  dire  que  le  nom  d*E- 
wtfme  fefôit  immortel  (  i  )}  &"^qu*il'^ 
r(tfEpift.  fe^croiroit  heureux  (fr)  d'être  dans  la* 
k^«  Ux.  plus  grande  mifcre,  &"deyo{reder  lar 
«illieme  partie  -de^  ia  ^dûârine  d'E- 
mfme.- Thcmiaé  IVfètôs  i^oÂébre  par* 
fafortunéV  parfa  difgrace,  &  par  la* 
teauré  de  fon-^génie ,  ne  fut  pas  moins* 
ami  d'Erafme  quer  Warrham  ,  &  quV 
^  Colet.  '    ,.  .       • 

ri) VÎ-  Des  Ameury(e) ,  dom-hrfiiffi-age^" 
«M.«rGa-  à  la  vérité  n'eftpaînf  un  grand  poids  ,> 
Z'^cu'^^^^^^^^^  que  la  cohnoiffence  de- 
rièufe,  L.  MoTûs*  &'d*Eiaûne  avoit  commencé* 
fy  S.  7.  p.  ^^""c  façon  finguKére.  Morus  rencoti' 
j||i  tra  un  homraTe  qui  pâtlok  très-agréa' 

blementi  &  qurrailbnnbit  trèt-bien  y 
,  après  Farcir  entendu  pendant  quelqûcr 
tems ,  il  s'écrfa'-tout-d'un-coup  :  ^  ovt 
a^  Vous  êtes  un  Démon,  ou  vous  êtéf 
«•Erafmei  »  &  il  fe  trouva  queffedi-ï 

^Xj)  mmtn  Efafmi  mHfùm  feri^ffi 


taraient  c'étoit  Eràfme,  Morus  nâqiïk 

i^ljondres  (  ^  )  dans  une  famille  médio-    W  Epijf.'^ 

cte;  Erafme  qut  l'a  connu  parfaite- ^''^Z*  ^«^^^ 

ment,  en  fait   ainfi  le  portrait  dans ^' '^^^* 

ime  Lettre  à  Hûttenus  ( S)  un  des  ad*-  W  Epi/f#' 

i&irateurs  de  Morus*,  &  qui  défirokJ^*  *"  *^«' 

lie  rien  ignorer  de  tout  ce  qui  re*; 

gardoit  cet  homme  célèbre;  »  Sa  taille 

»  n'eft  ni  grande  nV  petite  »  elle  eft 

»  bien  proportionnée  :  il  a  la  peau  fore»» 

»  blanche  ,  peu  de  barbe ,  les  yeux 

»  bleux.  Sa  fFfaifionojfnie  eft  gracieuft 

>»'&  riante;  it  eft  fort  guai ,  fans  ce* 

«pendant  donner  dans  la  boufonnerie'C 

w'fon  épaule  droite  paroît  un  peu  plus 

»  haute  que  la  gauche  ,  fur-tout  lorf** 

*quM  marche-;  ce  qui  eft  PefFet  d'u» 

•'ne  mauvaifé  habitudô  plutôt  que  de 

*»*fa  taille.  SéS  mains  fe  fement  un  peu    ^  .  ,    ^t 

^dela  campagne.*  Il  n*a  j^^iais  été ^^^^"^^^^^ 

•  fort-attentii  à  la  propreté  :  il  eft'^''''*'  * 
«très-peu  diflfcile  fur  k'nouî*riture. 

*  Dans  routée  fa  jeunefle  ilne  buvoit 
ï^prefque  que  de  l'eàu  :  il  âimoit mieux 
^les  nourfitures  groflîérds  que  les 
*»  mets  délicats  ;  les  légumes ,  les  fruits 
*^8c  les  œufs  épient  ce  qu'il  mangeoit 
^'avec  le  plus*  de  plaifir.    Il  fe  met 

'    'toujours  ftmplenftent ,  fi'cfe  n'eft  dans 
j    ^es  occafions  de  cérémonie ,  où  il 


ttÈ6         .     V  il-         ._  , 
a^ges.  .Onne  fauroic  imaginer  conî^f 
a^bien  il  eft  ennemi  du  cérémoniat 
3*  H  avoitdé  l'avçrfîon  pouf  la  Cour  y 
I»!  parce  qu'il  haîflbit  latyfaflpi«  ,  & 
•^.qu*il  aimoit  la  liberté  &  Pégalitér 
•►  Henri  Vlil,  eut  beaucoup  de  peine 
at'à  l'attirer  à  fa  Cour.  Quoiqu'il  ai- 
a»:me  beaucoup  le  repos  &  la  tran- 
»  quillité,  perfonne  ne  travaille  plus 
»  que  lui  Iprfque  cela  eft  néceffaire.  II" 
»  paroît  être  né  pour  l'amitié.  Il  eft 
a^aflez  peu  attentif  à  fes"  propres  af- 
«faires;  mais  il  eft  fort- occupé  de 
ai^^celles  de  fes  amis  :  enfin  c  eft  un' 
ar' modèle  pour  ceux  qui  ont  d^amis#^ 
»  Sa  fociété  eft  fi  charmante,  que  quel- 
»  que  trifte que  l'on foh ,  il  n'eftoas 
ai'poflîble  de  ne  pas  prendre  plaifiri?^ 
a*'  fon  entretien.  Dès  Tenfance  il  avoir 
aoraimé  la  plaifanterie ,  mais  lànsdon- 
31  nér"  dans   la  boufonnerie ,  ni   dan^ 
m  le  mordant.  Il  fit  quelques  Comédies" 
«•'dans  fa  jeuneffe  ,    &  roêmfe  il  les 
a^'joua  :  il  compofa^auffi  plufieurs  Epi- 
«^grammes.  Il  eue  des  inclinations^' 
a»  mais  fans  fcandaie.  Il  profita  plutôt 
.3*^des  ofctafions  qui  fe  préfenterent  t 
a*^  qu'il  ne  les  rechercha;  &  il  fut  plus' 
■^tenfîble  au  plaifir  d'aimer  qu'à  ce- 
^luf  des  fem.  Il  s'appliqua  de  botine^' 


mtÈt/û  étudia  le  Grec  &  la  Philo* 
a^ibpliie  malgré  fon  pere^  qui  Biena« 
»  çoit  de  le  déshériter ,   parce  qu'il- 
»  abàndoimoit  Técude-  des  Loix  qui 
^étoit  la  profeffion  de  fes  Aîicêtres.r 
*  Quelque  répu^nce  qu'il  eût  pour 
»ce  genre  de  vie,  il  tut  oblige  de- 
«l'embraffer  pour  ne  pas  fe  brouiller 
^Wfec  fa  famille  i  &~  il   s'y   acquit 
a^  une  fi   grande    réputati(Hi,  qu'il^ 
f*ny  avoit  point  à  Londres  d*Avo^ 
»  cat  amant  cônfulté  que  lui ,  &  qoi' 
*^  gagnât  autant.  Il  s'étoit  fort-appU- 
«que  à  l'étude  des  Pérès;  &  étant; 
•^encore  très- jeune,  îtiavôit expliqua- 
ntes Livres  de  Saint  Âuguftin  de  la- 
»  Cité  de  Dieu    en  préfence  d'un- 
^  nombreux  Auditoii^e ,  oîi  fe   trou- 
•^  voient  des  Prêtres  &  des  gens  a  van-* 
'•ces  en  âge,  qui  ne  fe  faifoient  pas- 
*une  honte  d'être  inftruits  par  un  jeu-  ' 
»ne  homme.  Projettant  d^embraffer 
•  l'état   Eccléfiaftique ,  il  fe  donna» 
s  tout  entier  â  la  piété  &  aux  moni- 
»  fications  ;  maisiaifant  réflexion  qu'il  - 
9»  lui  étoit  impoilîble  de  fe  pa(fer  de^ 
.  v^femme ,  il  aima  mieux  être  un  Ma- 
«•tichafte  qu'un  Prêtre  impur.  Il  étoic^ 
«d'un  défintéreffement  parfait   dans- 
^a .profeffion  d'Avocate  il  étoi^  tou^ 
nylui^  pptts  ïes^âGC<HaamQdemeD$f  itlù^ 


#>  Ju^e' des  Caufes  Civiles  à  Cioni 
aj^endant  quelques  années.  Il  expédia 
»  promptement  tthzçs  lés  Caufes 
a^  refufoit  leS'  ébicès  péhmfes  par 
*»  Loi;  ce  qu!  lui  fit  la  plus  gradi 
n  réputation ,  &  lui  procura  Tamit 
»  générale.  Le  Roi  Hehri  VIII.  ayaii 
»  entendu  parler  de  fon  lïiérite ,  ici 
»  ploya  en  quelques  ambaflades  do 
»  il  s'attjuita-  tout  au  mitvtx,  ;  &  il  en  I 
^'fi  cbnVent ,  quSl  voulut  atfôlume 
-«'rattacKèr'à  la?  Gour,  niàlgré  toi 
*  ce  que  put  faire  Mb¥u§  pour  s'o^ 
»  pofer  a  fa  fortune.   Henri  l'ain 
»  long-tems  à  un  point  qu'il  ne  poiï 
»  voit  vivre  fans  lui  :  il  lui  étoit  utSj 
sapeur  fesaffarres,  S'néc'èflaire  potî 
•►^iès  délaflfemens.  Son  élévation  ri 
a»  l'empêcha  point  àt  fe  fouvenir  à 
'»feS  anciens  artis,  ni- de  cultivera 
w  littérature;  Il  fefervôit  de  fon  cr^ 
••dit  prinèipalcment  pour  être  utilel 
»  {es  amis.  Col  et  diîbit  de  liiB  ,  que  c'é^ 
»'toit  le  premier  génie  d'Angreterre;*| 


On  lit  dans  fon  Epitaphe  aue  Fôn' 
lijÉpijE  trouve  daifisîes  Lettres  d'Eraimèf^)] 
l.'iy.  f»que  Morus  apr'ès  a^roir  été  appelle  y 


?jo^.  li  Cour;  fut  mis  dans  le  Confeildé 
Koî  &  créé  Chevalier  ,  nommé  Sous- 
Tréforler ,  &  enfuite  Chancelier;  qu*il 


Weitiçnt  ^  &  envoyé  plufienrs  fgjs 
anabaflade. 
Jl  parvint  à  tous  ces  hpnne^rs  fans 
savoir  brigués  (a).  Il  (ut  Chancelier  (a)  Efifl; 
jrès  la  difgrace  du  Cardinal  Wol- ^-   &  »^. 
i  ;•  refus  de  Varrham.  Ce  fiit  une  h  '  ^ff'A' 
âe  générale  dans  le  Royaume  ,lorf-/^*  -   *^* 
l'on  apprît  que  rhorçipe  le  plus  di- 
t  avoit  5^té  ^levé  à  la  plus  grande 
ce.  Il  ne  la  çonferva  p^s  long-tems: 
I  attachement  à  la  Religion  Catho* 
ue  lev  rendit  odieux  au  Roi^  qui 
ojettoit  de  rompre  entièrement  avec 
Coût  de  Rome,  Â^orus  prévoyant 
?YÛes  di4  Roij  donn^  fa^éu^iflioe 
M  la  digîiitéjde  Chancelier  ;  &  danj 
fe  fuite  ayant  refufé  dç  ^igper  TAéle 
jij^  Parlement  qui  déclaroif  nul  le  ma- 
tijigedtf  Henri  VIII.  avec  Caiçherinç 
d'Arragon ,  &  qui  aboliffoit  en  An- 
ri^tcrre  rautQtité  du  Pape ,  il  fut  etir 
'vçyé  à  la  Xour  ;  on  lui  fit  fon  procès  ;  . 

&  il  fut  condamné  (i).à  mourir  de (^^fii^Iait; 
1^  mort  des  traîtjcâ ,  c'eft  à-di^e  à  être  Acdd^icT 
pendu  &  cnfuite  éventré.  On  Imî  dit^^  Scien- 
eqfuiteque  le  Roi  ufantded^meice,^^^*^*^'/.^ 
l^i  feifoit  grâce  deice  fupplice ,  &  qu'il  ^^ 
auroit  feulement  la  t^tç  tranchée.  «  Je 
•.prie  Dieu  ,  réppndit-il,  {ans  témol-  , 
»^er  le  moindre  eftroi,  qu'il  pr^ 
Jtfcrye  tçus  jnes  axnif  d'uqe  jfçm^l^bl^ 


^4)  Rapîn  j,  çlétncflce.»  (^)  Il  conferva  jnf^tam 
^  p^*  ^'dernier  moment.çe  caraftere  de  gaief^ 
#'•/•  3'^'* qu'il  avoit  toujours  eu;  il  dit.i  celjjx 
jOui  lui  donnoit  la  ni)ain  pour  monter 
.iur  réchafaut  :  »  Je  vous  prie  de  yoy- 
»>  loir  bien  mVider  à  monter  5  lo<l^ 
^  s'agira  de  defcendre,  }e  il'incommo- 
^  dcçai  p^fonnç.    «  îLorfque  fur  I^ 
^ôint  d'être  décapité  il  eut  inis  fa  têtç 
lur  le  billot ,  il  s'apperçut  gue  fa  bar- 
tbé  étpit  engagée  Tous  fon  menton* 
il  fe  leva  promptement ,  en  difant  à 
j'Exécuteur  qu'il  fe  donriât  un  peu  de 
patience,  jufqu'à  ce  qu'il  eût  mis  fa  bai> 
ïpe  dans  une  feutré  fîtuation ,  p^rce 
que  n'ayant  pas  commis  de  trahifon^ 
il  n'étoit  pas  jufte  qu'elle  fût  coupée 
^rafme  qui  ayoit  pour  Morusja  plu$ 
gtande  eftime  ^  rattachement  le  plus 
-tendre ,  apprit  la  mort  de  cet  illuftrjç 
^h)  Efin.  ^  ^^^  1^  PÏ^s  excqflî ve  dQuleur  (fe)  > 
jt.  L.  ^.E-P  II  ipe  femble  que  je  fois  mort  avep 
fiji.  35.  L.  »Morûs,difoit-il  (c)  :-carnous  n'avions 
T)  E  •/?  ^  q"'^«aofieànous-cleux  ;  »  ^&  fans 
(m87*      '^^°*^  ^^^'[^  ^  ^^  ^"^  pquri:oit  en  pcQ- 
.  fer  le  Roi  4'Anglçterrç.,  il  en  fit  ua 
grand  éloge  le  6  Août  1^37.    dan^ 
la  Lettre  qui  eft  à  la  t|te  du  Prédji^ 
4;ateur  Evangélique.  Il  affur^  que  J'amç 
,de  Morus  étoit  plus  blanche  que  ia 
^^<^  î  <3i«P  l'Anglçterrç  ja^ (;putmnéç 


jk  produire  de  beaux  génies^  n'ep 
•voit  jamais  produit  &'  n  en  p^oduir 
roit  jainais  de  pareil  à  celui  de  Mo* 
/us.  Dans  cette  même  Lettre  Erafme 
donne  de  grands  regrets  à  la  mémoî-^ 
re  de  Jeati  Fisher  Eveque  de  Rochef 
ter ,  qui  yenoit  d^être  exécuté  le  ($ 
Juin  1 5*3  y*  pour  la  même  caufe  qui 
^voit  fait  périr  Morus. 

Morus  âyoit  toujours  eu  pour  Eral*    . 
me  l^  fentimeûs  les  plus  diftingués  : 
dès  qu'y  a  voit  commencé  à  le  cpn- 
noître,  ilTappelloit  (a)  la  moitié  de  (a)  EfîJI^ 
lui-même.  Lorfqu'U  eiit  donijé  la  dé-  '^.^  V^ 
jniffion  de  la  di^niré  de  Grand-ChaD-  g'^^-^  '^« 
celier ,  il  en  fit  part  à  Erafine  rar      *^' 
une  Lettre  {h)  dans  laquelle  il  lui  tait  {b)  Bfi^ 
entendre  qu'il  le  re|;arde  comme  \p,^'  ^*  *74 
Wemier  homme  de  fon  ^cîe.  Apres 
'^i  avoir  expofé  qi^e  fon  deflein  étoit 
^l'employer  le  mieux  qu'il  lui  feroit 
poflSble  le  tems  qui  lui  reftoit  à  vivre  , 
)l  ajoute  :  »  Au  refte  nous  ne  fomnx^ 
•  pas  des  Erafmes ,  &  nous  ne  devons 
»  pas  nous  attendre  que  Dieu  nous 
9  accorde  ce  qu'il  a  peut-être  accordé 
j*  à  vous  fe^l-   Q^el  eft  en  effet  le 
51  mortel  qui  malgré  les  incomipodit^ 
«  de  la   vieilieffe ,   &   des  maladie? 
3»  continuelles  capables  d'accabler  niê- 
»  me  un  jeune  homme ,  puiffe  donneç 


ii  tous  l^  ans  d'excellens  ïiWfet  ai 
^1^  public  ? .  c'eft  une  efpece  de  niiracle:| 
»  &  ce  <jui  eft  encore^plus  forptfinamj 
p  &  ce  qui  prouve  en  jnêsie  tems  uk 

•  courage  admirable ,  .c'eft  que  voui 
«>.ne  vous  laiflîez  point  détourner  p^ 
!•,  cette  nuiltitude  de  miférsîbles  criti^ 
9>  ques  que  la  jaloufle ,  vatre  génie  &i 
»  votre  incomparable  érudition  voi^j 

•  fufcitent;  mais  leur  malice  retombe 
9»  fur  eux ,  &  yous  n'en  paroiffezqiH 

'  ta)  Ef  (/?•  **  P^"^  grand,  p  Morus  fit  lui- même  (^ 

^o.  L»  -»?.  fon  Epitaphe ,  &  il  Terivoya  à  Eraf- 

me^,   dont  l'amitié  ^'étendoit  fur  toia 

ce  qui  appartenoit  auGrand-Cbance- 

(h)  Epijl.  lier.  Il  dédia  à  Jean  Moru3  fon  fik  (i) 

|j^.;L.  ;ij?*  le  Commentaire  qu'il  ay oit  fait  fur  unp 

Elégie ,  que  quelques-uns  attribuent  à 

Ovide ,  &  qui  a  pour  titre  ,  la  Noix. 

CetteEpître  dédicatoire  npus  apprend^ 

2ue  les  filles  de  Thomas  Moru? 
toient  en  liaifon.de  Lettres  avec  EraC- 
me ,  &  qu'elles  éfrivQienc  très-purer 
ment  en  Latiti. 

Ceft  à  Thomas  Morus  qu'eft  dcdié 

le  Livre  .célèbre  connu  fous  le  titi;pi 

XO  MorUdc  VELog^de  UFolie  (c).  L'Epître  dé- 

t^nqqrnium. dicatoire  qous  apprend  loccafion  ^ 

Je  fujet  de  .cet  jOuyrage  (  î  ).  ErjiffnC 

^,1  )   La  date  dç  jcette  Epure  iéSc^oite 

^evenanj 


D*Er  A  S  ME.  f5)f 

lÉfenant  d'Italie  pour  arriver  en  An- 
jgleterre  (a)  chercha  à  s'occuper  agréa-    W  ^f'-^^ 
fclemcnt  &tandisqu  il  étoit  à  cheval  ;  il"^^'  ^*  *^^ 
ne<nnit  pas  pouvoir  le  mieux  fairc,qu'«n 
compolant  l'Eloge  de  la  Folie.    Le 
nom  4elVtorus^i  en  Grec  a  quelque 
rapport  avec  le  mot  de  folie  dans  cet- 
te Langue  (fc),  ki  en  fit  venir  la  pre-     (h)  M9^ 
miereidée:  d'ailleurs  il  s'imagina  que*^^>^^^^ 
Morus  qui  itoit  une  «fpece  de  Démo- 
crite^  pourroit  prendre   plaifir  à  la 
ledure  d'un  pareil  Ouvrage.  Il  le  prie 
de  vouloir  bien  le  protéger  :  »  car  , 

•  dit-il ,  il  y  aura  affez  de  chicaneurs , 
9  qui  foutiendront  que  ces  bagat^Ue^ 

•  ne  conviennent  point  à  un  Théo-' 
p  logien ,  &  que  le  ftyle  en  eft  trop 
»  mordant.  Mais  ce  feroit  4tre  bien 
»  injufte  ,  que  d'interdire  ces  ibrtef 
»  d'amufemens  aux  Gens  de  Lettres , 
■>  fortout  fî  par  -  là  ils  peuvent  êtr^ 
»  plus  utiles  q^e  par  des  Livres  fér 
m  ricux.  Quant  au  reproche  de  mé-^ 
s»  chanceté ,  on  ne  peut  pas  nous  U 
»  faire  jivec  raifbn ,  puif^ue  nous  n'a* 

tfi  du  p  Juin  IÇ0.8,  &  eft  certainement 
fâulTe  ;  car  comme  l'a  déjà  remarqué  M,  le 
Clerc  *  Eralme  étoit  pour  lors  en  Italie  % 
(i  ce  fut  en  Angleterre  que  l'Eloge  de  If 
Folis  fut  çompofë. 

*  Btb.  choifie ,  /.  5«f  •  77* 


194  Vis 

p  vons  nommé  perfonne ,  ^  que  nojil 

f  nous  fûmmes  conceocjés  de  donnei^ 

p  des  confeils,  » 

Lorfqj^*Erafipe  commença  cçt  Oii* 

(«)   ^pft'  y  rage  (  ^)  ,  il  ne  fongeoit  qu'à  diflipef 

4p^l*    ad  1^  douleur  que  lui  çaufoit  un  gran4 

Vprpum.  ^^1  ^^  ^^j^^  ^  ^  rennui  dç  n'avoir 

pas  fes  Livres  qui  n'écpiehc  point  e&r 
.core  arrivés  en  Angleterre.  Son  det- 
-  fein  n'étoit  ppint  de  le  faire  iipprimer? 
âl  en  lut  le  commencement  à  fes  amisi 
qui  en  fiirent  fi  contens  qu^iis  le  pref- 
liprent  de  l'achever  ;  6?  en  ftpt  jour$ 
de  ten^s  il  le  finir.  Cet  élogç  de  h 
Folie  eft  unç  Satyre  très-ingénieufç 
de  tous  les  Etats*  L'auteur  y  critiqua 
avec  une  très-grande  liberté  lesThép- 
bgiens  $c  leis  Moines ,  qui  dans  1^ 
çomipencement  du  feiziecpe  fiéclç 
^voient  une  très-grande  çonfidération 
d/ans  le  monde.  Ërafme  ne  confultant 
que  fon  goût  pour  la  plaifanterie,ne 
ménage  pas  même  Jules  11  •  qui  étoiç 

Îour  lors  affis  fiir  le  Siège  de  Saint 
ierre  :  car  il  y  a  apparence  que  c'eft 
de  lui  dont  il  eft  parlé  dans  l'endroit 
pà  l'Auteur  dit  :  »  Vous  verrez  des 
»  Vieillards  décrépites  qi^i  pnt  autan? 
»  de  courage  qu  un  jeune  homme  t 
P  rien  ne  peut  les  détourner ,  ni  dé^ 
f  pçnfe  j  ni  pçiwej,  iQrCju'U  s'açiç 


T)'  E  R  A  s  m  R.  Ipf 

*•  de  troubler  les  Loix ,  U  Religion , 
«>  démettre  tout  m  confuûon.  Ils  ne 
a»  manquent  pas  de  flatteurs  qui  don- 
»  nent  le  nom  de  zèle ,  de  piété  & 
■»  de  force  k  une  folLe  fi  manifcfte.  Les 
»  Pontifes  font  fort  attentifs  à  amafler 
»  de  largent^  quant  aux  travaux  Apof* 
I?  toliques ,  ils  s'en  déchargent  fur  les 
»  Evêques,  les  Evêqucs  fur  les  Curés  t 
»  les  Curés  fur  les  Vicaires ,  &  ceuxr 
»  ci  fur  les  Frères  Meadians.  im 

On  ne  peut  connoître  tout  le  mé-' 
rite  de  ce  joH  Ouvrage,  au'en  le  lifant 
dans  l'original ,  parce- qu  il  efi  rempli 
d'allufiôns  trè --fines ,  qui  ont  rapport 
à  ce  qu'il  y  a  de  plus  élégant  dans  les 
pQeilleurs  Auteurs  de  TÂntiquiti  ;  ce 
qu'il  n'eft  pas  poffible  de  bien  faire 
lentir  dans  une  traduâion  :  c'eft  pour* 
quoi  ce  Livre  a  beaucoup  moins  de 
4:élébrité  préfcntement. ,  qu'il  n'en 
avok  dans  le  tems  oà  la  leâure  des 
Livres  écrits  en  Latin  ^étoit  plus  en 
wfege. 

Il  eut  un  fuccès  prodigieux.  Ayant 
été  apporté  en  France  (4)  on  1  ijn-  .(à)ErJf^ 
prima  à  Paris  fur  une  mauvaife  copie  5  ^^   ^^''^ 
(en  quelques  nK)is  on  en  fit  fept  édi-  ^''"'* 
tiens.  Il  fut  lu  iavec  le  plus  grand  plai- 
fir  {b)  par  les  Evêques ,  les  Arche-    (h)npiji. 
y%e?*  \^  Ripiis  &  li^  Cardinaux,  x^  i^  10.* 
^     Jij        . 


sr^6  V  1  B 

(c) Eplfl. heon  X.  le  lut  tout  cnûcr  {a);  Si 

'^7-    -^P  après  s'être  fort  amufé  à  cette  leâu- 

254#      ^c  >  îl  ^i^  ^"  plaifantant  :  »  Notre  Erafc 

»  ine  tient  auflî  fon  coin  dans  la  fo-p 

»  lie.  ^  Ni  lui ,   ni  les  autres  Papes 

liaus  le  Pontificat  defquels  il  vécut, 

ne  lui  firent  jamais  aucun  reproche 

fur  cet  Ouvrage.  Il  affure  dans  Ion 

Apologie  contre  Stunica,  qu'il  s'en 

vendit  plus  de  vingt  mille'  exempbi? 

res  ;  que  plufieurs  Princes  &  Evê7 

ques ,  &  même  des  Moines  ,  après 

l'avoir  lu,  lui  en  ^voient  fait  des  com? 

pîimens. 

(l)  EpW.     Jean  Watfon  lui  ^crlvoit  (fc)  qu'il 

13.  L.  I.     étoit  incroyable  combien  ce  livre  étoit 

recherché ,  &  qu'on  le  regardoit  comt^^ 

me  la  fouveraine  fagefle*  Adrien  Bar- 

(c)  Eplfl.  land,  Profeffeur  de  Louvain^affuroit  (c) 
•»5«  ^«  !•  que  dans  cette  Satyre  il  y  avoit  une 

érudition  admirable ,  une  grande  li- 
berté ,  un  peu  trop  de  cauflicité  & 
de  fel.  Il  ajoute  :  ^>  Cette  liberté  avoit 
98  dans  le  commencement  ofFenfé  quelr 
»ques-uns  qui  ne  vouloient  pas  que  leur 
?>  tolie  fût  reprife  par  la  Folie  ;  mais 
»  les  Savans  &  les  gens  de  bien  ont 
«>  lu  avec  le  plus  grand  plaifir  un  Ouf 
m  vrage  fi  élégant ,  fi  agréable  &  fi 

(d)  Ept/}.^  ^^^^^^\^  Vives  écrivant  de  Bruges 
ïop  ^.  17. 51  Erafme  (i) ,  lui  mande  qu'il  a  piflÉ 


a-Paris  ,^  où  il  s'eft  apperçu  que  ftl 
Folie  faifoit  les  délices  de  tout  le 
monde.  Paul-Jove  affure  que  ce  Livre 
cft  très-agréable ,  qu'il  a  eu  un  très- 
grand  fuccès ,  &  que  c'eft  lui  qui  a 
étendu  très-loin  la  réputation  de  fon 
Auteur  :  il  eft  vrai  qu'il  prétend  en 
même  tenas  que  c'eft  une  badinerie 
indigne  d'un  Eccléfîaftique* 

Gérard  Lyftrius  l'a  commenté  (a)i   (a)  Fo-i- 
Opmeerus  &  Deffelius  ont  crû  qu'E-  pens ,  ult^ 
tafine  s'étoit  caché  fous  ee  nom  ;  mais   Beîçric^. 
Patin  eft  perfuadé  que  c'eft  (i)  Lyftrius  W  P^éfagi 
lui-même  qui  a  fait  les  notes  qui  lui  ^  ^^^* 
font  attribuées^ 

L'éloge  de  la  Folie  a  été  traduk 
en  toutes  fortes  de  Langues.  Halluiti 
le  fit  paroître  en  François  dès  l'art 
lyiy,  Erafme  fut  très-noécontent  de 
teite  traduéèion  j  il  affure  dans  une 
Lettre  à  Lyftrius  (c)  que  le  Traduc-  W  ^/>'/^- 
teur  lui  fait  dire  des  chofes  auxqueU'*  ^'  *^ 
les  il  n'a  point  penfé ,  qu'il  en  avoït 
paffé  beaucoup  qu'il  n'entendoit  pas  ^ 
ic  qu'il  avoir  rendu  très-mal  pluueurs 
endroits. 

Cette  traduction  nuifit  beaucoup  à 
Erafine  (i):tout  le  monde  étant  à    (d)Er^^ 
portée  de  lire  cet  Ouvrage  ,  les  Théo-  *  m.  4j^ 
bgiens  &  les  Moines  qui  y  étoient^^^"^ 
l^n^  en  ridicule ,  crièrent  au  fcao^ 


fp8^  V  I  B 

^ale,   &avaficerentpubUqi!emef!tqiwr 
Yélog^e  de  la  Folie  étoit  ce  qp'on  avoit 
fait  de  plus  dangereux  contre  la  Re- 
ligion. Ceux  qui  attaquèrent  cet  Ou- 
vrage avec  le  plus  de  fureur  dans  les 
comraencemens ,  furent  Brifelot ,  Jean» 
de  Louvâin ,  Stuniea  &  le  Prince  de 
Carpi.  Brifelot  de  Carme  s' étoit  fait 
|ii)  Epift'Bénéàidiin  (a);  il  étoit  Dofteur  de 
M8d'i64.Sorb0nne:  (es  fureurs  contre  Erafîne 
Àf^ffjui.     mirent  en  colère  Morus ,  qui  dans  une 
de  fes  Lettres  le  traite  de  corBpofé 
de  folie ,  &  affure  que  c'eft  un  igr\o- 
rant  &  un^  méchant ,  qui  fe  déchaîne 
contre  un  très-honnête  homme  &  un 
très- fa vant  homme,  Jean  de  Louvaîti: 
étoit  Gardien  des  Cordeliers  d*Amf- 
(Sy  Epifi.  terdâm  (  b)  ;  il  difoit  hautement  qu'il 
iT4"    ^P'Y  ^voit  fujet  de  craindre  que  l'Eloge 
Un^        de  la  Folie  n'éloignât  les  jeunes  genst 
de  toute  Religion.  Le  Prince  de  Car- 
pi  enchériflbit  encore  fur  ce  difcours^ 
puifqu'il  afluroit  qu'il  y  avoit  autant 
d^impiécé  dans  cet  Ouvrage  ,  que  s'if 
tût  été  fait  par  Porphire  pu  par  Jo-^ 
lien  :  c'étoit  de  tous  les  Ouvrages^ 
d*Erafme  celui  contre  lequel  il  invec- 
tivoit  avec  le  plus  de  fureur.  Stunic» 
<:toit  encore  plus  emporté  ,  puifqu'it 
o^a  dire  que  ce  Livre  fe-nbloit  a>w3ir 
été  àiâé  par  la^  bouche  da  Diabie^ 


Il  eft  conftant  que  s'il  fit  une  grarr- 
de  réputation  à  Erafoie^  il  lui  fit  auill 
grand  tort  dans  l'efprit  de  plufieurs 
perfonnes ,  qui ,  conmae  le  remarque 
rloridus  Sabinus  ( fl)  ,  commencèrent  (a)  T^o^rt. 
dès  la  publication  de  cet  Ouvrage àM<^fA^î» 
avoir  mauvaife  idée  de  fa  Religion*    ^  ^' 

Parmi  fes  amis ,  il  y  en  eut  quel- 
Ques-uns  à  qui  cette  Satyre  déplut  ; 
t  Abbé  de  Saint  Bertin  étoit  du  nom- 
bre. Erafme  l'ayant  appris ,  lui  écri- 
vit (i  )  le  1 5  Décembre  i  J 17.  Il  fup-  (^)  Epifi. 
pofe  dans  .cette  Lettre ,  que  le  mécon*  *4«  ^*  »©• 
tentement  de  T  Abbé  de  Saim  Bertin  ne 
tombe  que  fur  la  tradudlion  Françoife 
^ui  avoit  été  faite  malgré  lui ,  &  dan^ 
kquelle  le  Tradudleur  avoit  fait  deî 
additions  &  des  changemens  qu'il  n'ap* 
prouvoit  pas  ;  il  ajoute  que  l'original  af 
eu  l'approbation  de  LeonX,  Sutor^ 
pour  ôter  ce  retranchement  à  Erafme  f 
a  prétendu  (  c  )  que  Léon  n'avoit  ap-  (c)  Epîfi. 
prouvé  que  Félegance  du  ftyle  ;  mais  ^^î* 
Erafme  répliqua  que  le  Pape  l'avoit 
approuvé ,  non-feulement  comme  bien 
écrie,  mais  auffi  comme  pouvant  être 
utile  aux  Théologiens  &  aux  Ortho- 
doxes. On  peut  juger  de  la  force  du 
faifonnement  de  Sutor ,  par  l'argu- 
*  inent  qu'il  employoit  pour  prouver 
^'Erafme  étoit  un  blafphémateur  dans 

I  iiij 


S<5»  V   ï  -Ê 

fon  Eloge  de  la  ï^olie*  Cieu ,  difoiC 
Sutor ,  eft  le  Qieu  des  Sciences  :  ^r 
Èrafme  attribue  les  Sciences  à  la  Fq- 
Ée  j  donc  il  blafphêhie.  Mais  abari- 
éonnoiis  ces  Critiques  au  mépris  qu'ils 
méritent ,  &  partons  de  gens  plus  rai- 
fonnables^ 

Martinùs  Ûorpiuis  ,     Dofteur  de 
Louvain ,  faifoit  profeflîon  d^être  un: 
4»y  Efili.  des  meilleurs  amis  d'Erafme  (  a  )  :  des 
'^^•**'         Théologiens  qui  n'étoient  pas  contens 
de  TEloge  de  la  Folie ,  cherchèrent  à 
ïe  prévenir  contre  cet  Ouvrage  ;   & 
ils  l'engagèrent  à  écrire  contre  Erafme 
à  ce  fujet  :  ce  fut  le  premier  de  fes  ad- 
verfaires  qui  ait  fait  un  Ouvrage  pu- 
felic  contre  lui.   Erafme  crut  devoir  y  ■ 
0}ÈfiJfé  répondre  par  (F)  une  Lettre  apologéti^ 
'^  U  5 1 .  que,  qu'il  adreffa  à  Martin  Dorpius  lui- 
même.   Elle  eft  écrite    avec  la  plus- 
grande  politeffe  ;   il  y  paroît  prefque 
fâché  d  avoir  publié  1  Eloge  de  la  F©- 
l-ie  ,  qui  lui  a  fait  à  la  vérité  beaucoup 
d'honneur ,  mais  auflî  qui  lui  a  lufcké 
beaucoup  d'ienriemis  :  il  affure  que  fon 
^  feul  objet  en  compofant  cet  Ouvrage  » 

a  été  de  donner  des  confeils  ,  d'être 
utile ,  de  travailler  à  la  réformation 
des  mœurs  ;  il  convierrt  que  ce  n'èfl 
pas  fans  quelque  raifon ,  qu  on  lui  a  re- 
proché que  le  principal  perfonnagj^ 


I^^E  R  A  s  If  K.  201 

4u  il  a  introduit  n'eft  pas  aflez  grave , 
|)Our  le  faire  parler  fur  des  matières 
auflî  férieufes  que  celles  qui  font  le 
fujet  du  Livre  :  il  foutient  avec  S.  Jé- 
rôme ,  que  les  critiques  générales*  ne 
doivent  ofFenferperfontie  ;  qu'il  n'avoir 
eu  en  vue  que  cette  efpéce  de  Théolo- 
glens^  qui  étoient  indignes  de  ce  nom  ; 

3ue  plufieurs  d'entre  ceux  qui  méritent 
'être  appelles  Théologiens,    d'une 
vie  exemplaire ,   d'une  grande  érudi- 
Hon ,  ne  lui  avcdent  jamais  fait  un  aufli 
ton  'accueil  qu'après  la  publication  de 
FEloge  de  h  Folie  ;  que  parmi  ceux- 
li  il  y  avoit  des  Eyêques.,  qui  étoietit 
plus  contens  de  TOuvrag^   que  lui- 
ttiême.  Il  fe  plaint  enfuite  que  fes  en*. 
Demis  fuppolent  qu'il  a  parlé  férieu- 
fement ,    lorfqu'il  n'eflr  queftionf  que 
de  plaifanter ,  &  qu'on  ne  fait  point 
^{fez  d'attention  que  c'eff  la  Folie  qui- 
^arle.  Dorpius  auroit  fouhaité  qu'E* 
fafme  eût  fait  l'éloge  de  la  Sageflfe  , 

Sui  auroit  été  une  efpéCe  de  Palino- 
ie;  mais  il  connolifoit  affez  le  ca-» 
fadere  dé  fes  ennemis ,  pour  être  per- 
ft'ddé  qu'il  ne  feroit  jamais  un  pareil 
Ouvrage  (ans  donner  encore  de  nou- 
velles prife^  à  leuf  mauVaife  volonté* 
Cette  réponfe  à  Dorpius  eft  datée 
i' Anvers  Tan  i  Jiy^.  Qeft  un  nK)délf 


^to^  V  r  w 

de  polîtcffc  :  dk  occupa  IutSxsa  frclp^ 

dant  douze  jour?-- 

Dorpius  fut  fi  touché  (fcs  procédé» 

lonnêtes  A'Erafinc,  qu'il  ferécofld- 

rd]  Von-  ijj  fincércment  avec  lui  (  a  )•  H  |ut 

^^'4  ^'';    écrivit  qu'il  étoit  très-Schë  d'être  en- 

f  m'Ar  tié  en  difpete  avec  lui.  Vl  ajoute  (fr.) 

p!  ;  J7.  '  que  les  Princes  &  les  Savans  parlent 

{h)  Eftfi.  de  fes  Ouvrages  avec  une  fi  grande^ 

74-  L.   5-admiration,qu'ilnc  croit  pas  que  dans» 

*;(^   x7'  1^5  Çiidcs  paflés  jamais  homme  de  Let^ 

^  ^        lies  ait  été  auffi  loué. 

Dorpius  faifant  un  difcours  pubbe* 
(cj  Eff/!.(e)ai  lyip.  parla  d'Erafme  avec 
4/f.  E0  iloge.  Bs  s'écrivirent  avec  cordîali* 
^' '  ^  '^'  té  (i> depuis  cette  difpute ;  &  Dor- 
kJf^.  ^^"pi^  étant  mort,  Erafme  le  regretta 
li)  EfiJI,  tendrement ,  comme  un  homme  qui- 
7.  L.  I.  £-  avoît  mérité  Teftime  de  tous  les  Sa- 
0^12.  /^ans(e>  :  il  déclare  quefifes  Livres 
fl\\u^.^  neavent  durer  long- tems ,  il  nelaijera 
ulorTIn  pas  périr  lamémoire  d'un  homme  fi  ef; 
cen.Bedda.  umablc.  Il  lui  fit  une  Epitaphe,  q^^ 
Ipi(>^  ^4.  en  donne  la  plus  grande  idée  (  1 V 

(  1  )  Mart:itHs  ubi  ferras  rtVquh  Vorfiusy 
Suum  orbtk  fanum  fief  farens  Hellandia^- 
Uhcologus-Ordo  luget  extinCium  decus  ; 
Iriftes  Camame  ,  candidis  cum  grmts  r 
c   lansum  P^tronum  hchrimu  defderani^ 


■.     '  !>'  É  R  A  S  6  f  .  40î 

^    ©ans  l'Àbregé  de  fa  Vie ,  6i  Eraf^ 
me  rend  compte  de  fes  difputes  ,    il 
déclare  qu'il  faut  omettre  celle  qu'il 
eut  avec  Dorpius  ^  parce  qu'il  avoir 
été  convenu  qu'elle  feroit  regardée. 
^  comme  non  avenue,    Thomas  Morus 
qui  étoit  ami  de  Dorpius  &  d'Eraf- 
^me ,  prit  parti  pour  fEloge  de  la  Fo* 
4iç  dans  une  Apologie  qu'il  en  fît  (  a  ) ,  (4)  P.  t4« 
;&  qu'il  adreflfa  à  Dorpius,     Erafme  »P»**s     l^t 
;^près  avoir  fait  l'Eloge  de  la  Folie  ,  ^"^"^  **• 
fut  deffein  de  faire  celui  de  la  Nature  ^p|*"^" 
'**&  de  la  Grâce ,  ainfi  qu'il  nous  Tap- 
'prend  lui-même  (ft  );  mais  après  quel-  (h)  Comf^^ 
<jues  réflexions  il  comprit  qu'un  fujetviV^, 
<auflî  difficile ,   Se  fur  leqiiel  les  Théo- 
'  légions  a  voient  des  fentimens  fi  diffé-;* 

Sidus  fuum  requirh  :  i  mors ,  inqtêienf , 
'  Cruddis  ,  jatr^x^  psi/a ,  inîq^a  &  invsdo'i' 
'  Jfan*  ^intttfmfus  fl9ri dam  arborent ftcans  p 
^jot  dotibuSy  tôt  ffetuiorbas. omnium 
ititffenja  vota  f  Vremttevoces  im fias  : 
tltfn  perih  ille  ;  viyif,  ac  dotes  fuaf 
.Hune  tuto  hahet  fubduClas /evo  pe/ïimok^ 
Sors  nojlraflenda  eft  :  gratuî,andum  eft  Dorftpé 
Hke  t&rrA  fervat .men  tffhofpstiiin  j/«r    .- 
.  parpifculum  9  q»od  ad  çanvfrm  bnccinm 
facem  refi^nans ,  optft^iareddetfidc. 
Agrès  l'Epit.  ^»du  19^*  Livre. 


104  V't,!r- 

rens ,  rexpoferoit  à  leurmâuvaîfofiu** 

meur,  &  il  abandonna  ce  projet,,  J> 

<4)    TraJ}.  a  affuré  (a  )'  que  s'il  avoir  pu  prévoir 

tibr.  cujuf"  les  troubles  qui  affligèrent  l^Eglife  peu 

dam  dmc-  jg  tems' après  que'  l'Eloge  de  la  Fofie 

'^^  parut ,  il  fe  feroit  bien  gardé  d^écrirç 

comme  il  avoit  fait.-  Il  n'imaginoic 

pas  que  Ton  abuferoit  dé  fes  plaifante-. 

ries  :  il  a  proteflé ,  qu'il  n'avoit  jamaw 

eu  en  vue  dans  fes  Ouvrages  que  l'uti- 

Rté  publique ,  la  gloire  de  T.  Chrift  Sf 

celle  de  TEglife  Catholique  ;    qu'fl 

avoit  toujours  eu  l'attention  d'éviter' 

tout  ce  qui  pouvoit  être  obfcene  ,  ouF 

lavorifer  les  féditions  &  les  faftions'jj 

&  nuire  à  la  piété  &  à  la  charité. 

Près  de  fîx  ans  après  là  mort  d'Era^ 
lïle,    Ta  Sbrbonne  toujours  tr?s-màt 
difgofée  pour  lui  décida  le  :^7  Jai¥- 
(ï) :D*Ar- vier    iy42,    (i)     qu'en    compofanT 
^nrré,   /.pËloge  delà  Folie,   Erafme  s'étoir 
iu  ^  *  15?.  ^(fclaré  fol  &  infenfé ,  même  impie-, 
injurieux  a  Dieu ,  S  Jefus  Chrift,  àlar 
Viergfe  ,  aux  Saints,  aux  Ordonnan- 
ces de  l'Eglifè  ,  aux  Cérémonies  Ec- 
cléfiafliques ,    aux  Théologiens ,  auX:^ 
Religieiix  Mendians,  qu'il  avoit  ofé 
infuiter  d^une  bouche  corrompue  ôc~ 
Jllafphénmtoire.  »  Cet  Ouvrage ,  con-- 
animiô  la  Sorbonne,  étant  auflS  perni^ 
^Qîcieux^d^  donc  être  détefté  2?V 


tttfus  Ie«  Chrétiens ,  iw  doit  point  êrie 
»mis  dans  les  mains  d&K)ut  le  monde  y 
•»  &doit  plutôt  être  fupprimé,  de  peur' 
»  que  ceux  qui  le  HroieBc  ne  dèvinlTen^ 
P  fols  &  inlenfés ,  &  enfin  hérétiques. 
Il  efl  confiant  par  cds  exprefCons  fi 
©utrées  &  fi  emportées  y  qUe  refprit  du 
Syndic  Beda ,  le  plus  grand  ennemi 

2u'ait  eu-  Erafme,  régnoit  encore  en 
orbontie.^  Nous  Saurons  qye  trop 
d'occafions  dl:  parler  de  fes>  fureurs. 
Les.  chofes  changèrent  beaucoup  à 
Rome  à  fon  égard  y*  Tes  ennemis  eu* 
.  fent  enfin^  le  ctédk  {a  )  de  faire  mec-  (a)  Vo&tf 
ire  à  iTnd^l'Ètoge  de  la  ï'olie ,  qui  vin. 
li'avoîtpas  étécenfuré  à  Rome  da«:s 
le  tems  qu'il  avoit  été  recherché  avec 
k  plus  d^empreffementr-Il  eft  vrai  qu'en^ 
examinant  cet  Ouvrage  à  la  rigueur ,  jt  i 

il  eft  difficile  de  le  juflifier  entiére- 
;  ment  >^  on  y  trouve  dfes  propofitions 
avancées  indifcretement  :  Erafme  Iuh 
méme  efl  convenu  y  qu'il  y- avoit  parlé* 
trop  librement  (  £  )s  qu'il  n'auroit  pas 
dû  y  introduire  J.  Chrift  (  2  ) ,  &  qu'il  (h)  ïl<?p<^*' 
auroit  beaucoup  mieux^fait  d'employer  ^^  J"  ^    .* 

(  I  y^LuJlntus  êltm  in  Mort  a  ,  ftd  incruen- 
ti,  licetforUjJe'flUs^atisMerh  Epift;  i< 
£.11. 

(  i  yportàffif  cHtiftunrin'  hoc  album  v^ 
ttHre-nonconviniaiv  JSjift.  4*»  L»  p  •: 


^Ecriture  faînte  d'urte  feront  plusr  êÊ^ 
fieufe  qu^il.  ne  Ta  faw  dans  cet  Ou-f 
trage, 

Erafme  eut  aliffi  en  Angleterre  m* 
Sntime  ami  dans  la  perfonne  d^André' 
Ammonio  de  Luques^  Itéroit  veni^ 
ehercher  fonune-dans  ce  Royawne  ;  te 
il  étoit  parvenu  :  à  devenir^é<îrec^ire^ 
^u-Roi  Henri  Villv  II  avok  entretenue 
.des  liaitons  avec  la^Caur  de  Rome  ^ 
qui  lui  avoit  donné  le  caraélera' 
de  Nonce  en*  Angleterre.*  Il  ét<cMt  «n^ 
grand  conamerce  ae  Lettres  avec  Eraîf-' 
me  ;  nous  en  avo^s  encore  quelques* 
tines*  Il  aimoit  fon  la'  Poëfie  :  on  peut- 
toir  le  Catalogue  de  fes  Ouvragèaf 
dans  Gefner  &  (kns  Baile.  ïlconfttî^ 
t*)'  ^pifl-  ^^^^  Erafme  (  a)  qui  lui  dëclaroit  akh- 

fo.L.8.    dèftement  qu'il  nefe  croyoit  pas  afliasT 

•habile  pour  corriger  Tes  Ouvrages  j  41 

•prbtefte  en  méme-tems  qu?il  admiroit 

tout  ce  qui  venoit  de  lui.    Ammoniki' 

«mourut  ^e  la  fuette  l*an  f  5*1?:  T1m>* 

(S)  E^/^.naas  Morùs  affurok  (fr)  qu'à:  fa  mortf 

*4k  L.  7Î     les  Lettres  &  les  Gens  de  bien  avoient 
£2iit  une  grande  perte.  Pluiièars  ^nnéti^ 
après  Erafme  le  regrettoit  encore  amè- 
rement. »  Que  fai  perdu-  d*aiîcienr 
(i)Ef/.'»  omis(c)  ,  difoit-il,  premièrement 

f.L.  ij.     j>    ndfé  Amnr.onio  de  Luques  î  Bonr 
y  Pisu  !  cruelle  finelTe  d'efprit ,  qiieUd^ 


r 

[    9^  mémcAvû  t  Son  efprit  élevé  ëtoit  aulÇ: 

•  éloigné  de  la  jialoufie  qpe  de  l'ava^ 
;»rice.  Une  mort  fubite  Pa  enlevé- f 
^Jorfqu'il  n  avoir  pas  encore  quarante 
■»ans ,  de  loriijue  la  faveur  des  Princes 
■^  &  fes  grandes  qualités  (  a)  Palloient  (a)  Éfifilt 
»  élever  aux  plus  grands  honneurs.  Itt4*   ^«  ^^ 

;»m  eft  impoâibk  le  ne  pas  pleurer  Ùl- 

*  mort  toutes  les  fois  que  je  penfe 

*  aux  agrénaens  de  fa  fociété,  »  Ce  fut' 
iChtz  Ammonio  qu'Eraftne  vit  pour  la 

première  fois  Louis  CanofTa,  dont  nou^ 
.  aurons  ailleurs  occafion  de  parler.  Le 
•bruit  couroit  à  Londres  (è)   oue  le    (h)E0ir 
t  î^e  Leoîï  X.  avoir  envoy-é  ua  Légat  ^  *j  9.   fi- 
dégnifé  en  Angleterre  ;  c^éroit  ^^^^'V^!! E^îjh' 
jfet  de  la  .  guerre  entre  la  France  & ,  ^^  £^  ^^^ 
.l'Angleterre.  Le  fait  étoit  vrai  ;  &çe 
Légat  étoisCanofla,  qui  étoit  defcen- 
ÀM  incpgnitb  chez  Ammonio.    Il  en- 
voya inviter  à  dîner  Erafme  qui  pe 
l^atteaddit  à  rien  ;.il  y  alla  j&  il  trou- 
va chez  fon  ami  un  homme  qui  avoit' 
w  habit  long  avec  des  cheveux  rc*- 
-  ttouflié« ,  n'ayant  pour  toute  fuite  qu'uit^ 
&ul  domeflique.  Ei^afme  lia- converJà- 
nonavôc  AmmQnio,  fans  faire  grande- 

•  attention  ar  €#t  autre  homsie  qui  étoio 
.  fréieiity  &  qui  étoit  cependant  Ca^ 
.  Boflk  Erafrae  demanda  en  Grec  à  fon* 

asai  qju  il  étc^t  y  Ammonio-  régondi»' 


Ifôf  fi* 

ëans  la  même  Langue  que  c'étoît  lit 
*g[ros  Marchand  :-^il  en  a  bien  Tair,  ré- 
pliqua Erafme ,  qui perfuadé  que  ce" 
foie  la  vérité  ,  •n^'eut  pas  de  grandi 
égards  poui?  le  prétendu  Négociant. 
On  fe  mit'  à  table^;  Erafme  ne  parti 
qu'à  Ammoniu  ,  traitant  avec  beau- 
coup d'in différence  Canofla.  Il  de- 
manda fi  le  bruit  qui  coufoit  que  Ledh 
X.  avoit  envoyé  en  Angleterre  un  Lé- 
gat ,  avoit  quelque  fondement  jAnî* 
monio  ayant  fait  entendre  qu'il  en 
étoit  quelque  chofe ,  Erafme  dit  :  »  Le 
9i  Pape  n'a  pas  befoinde  mes  confeilij 
^mais  s*il  m-avoit  cbnfiiité,  je  Ifli 
al  aurôîs  donné  an  autre  avis.  Que  Ità 
aft  euflîez- vous  cfonfeillé-  ,  répondît 
9i  Ammortio  f  Je  lui  aurais  fait  enteii- 
»i  dre ,  répliqua  Erafme  ,  qu^il  n'étoic 
*  ^  pas  encore  queftion  de  parler  de 
»  paix ,  prfrce  qu'elle-  ne  peut  pas  fe 
*  faire  toiit  d^un^  coup  ,  &  que  db 
30  qu'on  la  trîïlte ,  les  Militaires  fe  rfe- 
»  lâchent;  qa'il  auroit mieux  valuprô- 
3J  pôfer  une  trêve  de  trois  ans  ,  pen- 
>*  dant  laquelle  on  auroit  ea  le  teiiis 
*>  de  faire  un  traité  folide.  »  Ammomo 
approuva  ces  réfléxion'i ,  &  ajoura  t 
»  Mais  je  crois  qu<î  c^eft-là  Vobjet  du 
w  voyage  du  Légac.  Eft-il  Cardinàfl> 
3^  demanda  Eraimef  U  en  a  dumoi*^ 


Ô'^Êr  ASM  «•  ^6^ 

Jiïefprlt,  répondit  Ammonio.   Ceft 

*  quelque  chofe ,  dit  Erafroe  en  riant.'  » 
Pendant  toute  cette  convcrfaiion ,  Ca- 
Dofla  fe  tut  :  il  dit  eniîlite  c^elque  cho* 
fe  en  Italien ,  &  y  mêla  quelques  mots 
Latins  >  qui  firent  foupçonner  à  Eraf- 
me  que  ce  prétendu  Marchand  étoic 
an  homme  d'cfprit.  Il  fut  encore  biew 
plus  furpris ,  lorfquc  Canofla  fe  tour-: 
nant  de  fon  côté  fans  fe  faire  connoî- 
tre ,  lui  dit  :  >»  Je  lui«  étonné  qu'un- 

*  homme'  tel  qcie  vous  fe  détermine  à 
»  reflet  chesà  des  Barbares  ,  à  moins 
1»  que  vous  n'aioûez  mieux  être  feul  ici 
»  que  le  premier  à  Rome,  »  Eraf- 
tne  étonne  d'entendre  tenir  un  pa-^ 
reil  difc^urs  à  un  homme  qu'il  pre- 
fioit  toujours  pour  un  Négociant ,  ré-^ 
pondit  qu^il  étoit  dans  un  Royaume 
où  il  y  avoit  un  grand  nombre  de  Sa* 
vans  ;  qu'ail  aimoit  beaucoup  mieux  y 
tenir  le  dernier  rang ,  que  d'être  il 
Êome  fans  aucune  confidérationir 
Erafme  retourna  chct  lui ,  fans  avoir 
le  moindre  foupçon  de  la  commiffionf 
de  celui  avec  lequel  il  avoit  dîné.  Quel* 
ques  jours  après  Ammonio  lui  décou- 
vrit le  myftére ,  &  lui  copfeilla  d'aller 
i  Rom-e  avec  Canofla ,  qui  étoir  très- 
fevorablemcnt  difpofé  pour  lui  ;  maîs^ 
Jtt'en  eut  aucune  envie.  11  fit  de;»  p^ 


{jroches  à  fon  ami ,  qui  connoifloîe  li 
iberté  aveé  laquelle  il  avoir  coutume 
de  s'expliquer ,  de  ravoir  expofé  à 
bazarder  diverfes  chofes  quiauroicnc 
pu  ^  déplaire  à  un  Mimftfe  da  Papej 
mais  Canoffa  loin  d^être  m<?côTitent  dit 
ton  libre  &  hardi  d'Erafine,  lui  fit 
a  L  6  ^^^^^^  '^^  ^tnhïés  poflîbles  (a) ,  &prit 
^^ *'  •  *  'pour  lui  uîî  goût  tfrès-vif y  qu^il  confer- 
va  tam  quil  vécut, 

Erafme  ëtoit  en  Angleterre ,  lorf- 

qu'il  lui  arriva  m^  avanture  aflfez  fin- 

guliere,  qu'H  a  crû  devoir  râpportei' 

daîhs  (es  Colloques.  Il  alloit  à  cheval  à 

W  Exor>  Rich^moTîd  avec  quelques  amis  (  fc)V 

t*  335?.  ^^^  appeiloit  Polus ,  qui  fe  nvettanc 
tout  d'urt  coup  à  regarder  attentive^ 
ment  Iç  Ciel  qui  paroiflbit  fort  férainy 
fit  plufieurs  fignes  de  croix  y  en  s'é- 
criant  :  Ah,  qu'eft-ce  que  je  vois  /  Ceu^ 
qui  ëroient  près  de  lui  furpris ,  lui  de- 
inanderem  la  càufe  de  fa  frayeur;  it 
ne  leur  répondit  que  par  de  nouveâuiÉ 
^  fignes  de  croix ,  &  en  criant:  Dieu  f 
détournez  ce  funefte  préfage.  Ce  dîf- 
cours  ayant  augmenté  1»  terreur  &1» 
cdriofité,  Ne  voyez- vous  pas^  dit-il  i 
ce  Dragon  énorme  qui  a  des  cornes  de^ 
feu ,  &  dont  la  queue  eft  comme  ib 
cercle  i    On  lui  j-épondit  qu'on  nff 


d'Erasmi.         lit 
toyoît  rieiu  Quelque  tems  après  un 
bomme  de  la  compagnie  qui  vouloic 
qu'on  crût  qu'il  avoir  la  vue  meilleure 
que  fês  camarades ,  dit  qu'il  apperce- 
voit  quelque  chofe  :  \c%  autres  nonteuH 
de  ne  rien  voir ,  convinrent  qu'efFedi- 
tement  il  y  avoit  de  l'extraordinaire 
dans  le  Ciel  ;  &  ils  finirent  par  voir  le 
Dragon  qui  n'y  étoit  pas.  Au  bout  de 
trois  jours  il  paffa  pour  confiant  en 
Angleterre  qu^il  y  avoir  eu  un  Prodige 
dans  le  Ciel  ;  on  enchérit  fur  ce  qu  a- 
voir  dit  Polus ,  qui  jouit  ainfi  du  plai- 
fir  d'avoir  abufe  de  la  créduliré  dcs^ 
Èommes  r  quelques-uns  firenrdes  ré- 
fiexions  férieufcs  &  profondes  fur  les^ 
tffets  que  pouvoir  préfager  un  Phé- 
nomène fî  nngolren 

Cependant  les  Chanoines-Régulici^ 
qui  s'intéreffoient  à  la  gloire  d'Eraf- 
me ,   auroient  voulu  la  partager  avee 
lui.  Le  Père  Servais  avoit  fuccedé  k 
Werner  dans laPtiorature  duCouvent 
deStein  :  il  avoit  toujours  été  très- lié 
(jivec  Erafme ,  comme  on  peut  en  ju** 
gcr  par  les  Lettres    qtfFrafme  lui  ^ 
-écrites  ,  dans  lefqueQes  i\  l'appelle  le 
plus  cher  de  fesaaiis  («)  ,  &  lui  pro^  (^j  ept/fm 
têfte  qu^il  ne  parle  que  de  lui,  qu'il  ne  u  7.i».i  j» 
nnk  qu'à  lui ,  qu'il  eft  la  moitié  dfc  i>*  U  3«# 
loaame»  Dans^  tous  fes  difi^ens  ^o^ 


«î2  Vit  ^ 

yages  Erafme  avoit  confervé  avec  I 
êl)Efî_ft.vLn  commerce  de  Lettres   («a),  q 
ïi.  35.  3 î*  prouve  qu'il  y  avoit  tot^jours  eu  el 
37.  L.  3i.£r'eux  une  grande  tcndréffe  &  beai 
coup  de  confiîgice.   Dès  que  Serv; 
fut  Prieur  de  Stein ,   il  écrivit  à  Erj 
Hie  qui  étoit  en  Angleterre ,  pour  Tei 
gager  à  revenir  au  Cduvent  de  Stei 
Erafme  lui  fit  réponfe  d'Angleteri 
U)  Bib.  (^b  );  mais  il  ne  la  lui  envoya  qé'apri 
thoifîe»   t.  être  fotti  du  Royaume  :  elle  eft  dat( 
«•  ?•  17^.  ^e  Ham  près  Calais.  Illui  marque  d'i 
bord  que  fa  Lettre  lui  a  fait  un  piaift 
incroyaWc ,  pa!rce  qu'elle  prouve  qu'il 
kii  a  toujours  confervé  Ion  ancienne 
amitié  ;  il  prend  Dieu  à  témoin  qo^it 
eft  dans  la  réfelution  de  fâife  ce  qu'it 
croira  de   mieux   :  il  déclare  qu'il 
B'avoit  jamais  foflgé  à  quitter  le  Cou' 
tent ,    quoiqu'on  eût  employé  la  fé- 
dadion  pour  le  faire  Religieux  ;  qu'il 
n'en  étoit  forti  que  par  le  confcil  Sc 
avec  l'approbation  de  fes  Supérieurs  } 
qu'il  avoit  quelquefok  penfé  \  y  renh 
trer  ;  mais  qu'il  en  avoit  ét^  découméf 
parce  qu'il  avoit  fait  attention  aux  con^ 
verfations  des  Couvens  fi  froides  &  ft 
éloignées  de  l'efprit  du  Chriftianifmcj 
i  leurs  repas  tout  laïques ,  &  à  leur 
genre  de  vie  dont  il  ne  rèfteroit  rieiï 
ïe  bon^  fi  l'on  eo-  ôtoit  ce  c^'ofl  af» 


I  D*ERASMr.  Sf^- 

f^  cérémpnies.  Il  ajoute  que  fa  fanté 

jérat  fi  affbiblie  par  Ibp  âge  >  par  fe$ 

laaladies  &  par  fes  travaux ,  qu'il  cout 

l^it  rifque  ce  fe  tuer  &  de  ne  pas  leur 

donner  dç  fatisfaûion ,  s'il  rentroit 

jckez  eux.  Se  lailTant  enfuite  entraîr 

lier  par  la  haine  qu'il  avoit  pour  le$ 

Religieux ,  &  fans  garder  de  ménage-  • 

iBent  pour  le  Père  Servais  ,  il  ofe  dire 

ie  le  plus  grand  niai  de  la  Religion 

^retienne  vient  des«différens  Ordre$ 

eligieux,qui  doivent  cependant  peut- 

re  leur  naiflfance  à  un  zélé  pieux  ; 

t'il  n'y  a  rien  de  fi  corrompu  &  de 

[fi  impie  que  les  Religions  relâchées  ; 

,^e  même  dans  celles  qu'on  eflime  da^' 

\antage  ,  on  ne  trouve  que  de  froides 

Cérémonies ,  qui  ont  plus  de  rapport 

^u  Judaïfme  qu'à  Pefprit  de  J.  Chrift, 

Il  prétend  qu'il  feroit  beaucoup  mieuiç 

\  &  beaucoup  plus  conforme  au  fenti# 

nient  de  J»  Chrift  ,    de  regarder  le 

monde  Chrétfen   comme,  une  feule 

Maifon  &  un  feul  Monaftere;  de  croire 

que  le  Baptême  eft  la  meilleure  de  tou^ 

tes  lesJReliglons  ;  de  ne  fe  point  mettre 

en  peine  où  l'on  vit ,  mais  feulement 

de  bien  vivre. 

Il  fe  juftifie  enfuite  des  reproche^ 
çi'on  lui  faifoit  fur  fes  courfes  conti? 
jtwçllc$;il  Distend  que  jaipais  il  n>  çh^i^t 


at^  Vie 

gé  de  lieu,  fi  ce  n'étoit  lorfque  la  peftc 
i'y  avoit  forcé,ou  pour  des  raifons  d'é- 
tude ou  des  motifs  de  fancé  ;  que  dans 
tous  les  endroits  oà  il  avoit  été ,  il 
$ivoit  vécu  de  façon  à  mériter  l'eftime 
lie  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  hon- 
lîjêtes  gens.  Il  aUure  qu*il  n'y  a  point 
de  Pays  où  Ton  ne  cherche  à  l'attirer; 
qu'on  le  demande  en  Efpagne ,  en  Ita- 
lie ,  en  Angleterre,  enEcofle.  Il  fi» 
nit  par  lui  expof(W  les  raifons  qu'il  a 
eues  de  quitter  Thabit  de  Chanoine* 
Bégulier  ;  &  après  lui  avoir  fait  paît 
de  Tavanture  de  Boulogne^  qui  avoit 
pcnfé  lui  coûter  la  vie ,  il  lui  apprend 
qu'étant  arrivé  en  Angleterre  à  fon 
retour  d'Italie ,  il  avoit  voulu  repren- 
dre l'habit  de  ÇhanoinerRégulier  t 
&  qu'il  avoit  paru  ainfî  dans  le  PiJ' 
fclic  ;  mais  qye  fes  amis  l'avoient  averti 
.que  ce  n'étoit  point  l*u(age  en  Angle- 
terre de  voir  de  pareils  habits  ;  quç 
\e  Peuple  les  verroit  avec  impatience; 
ce  qui  î'avoit  engagé  à  reprendre  Tha- 
bit  ordinaire  des  Eccléfiaftiques.  H 
r.^mercie  le  Père  Servais  des  mouvç- 
ijiens  qu'il  promettoit  de  fe  donner 
pour  lui  procurer  une  place  avant?* 
geufe.  Il  ne  s'étoit  pas  expliqué  pl95 
clairement.  Erafine  avoue  qiu'il  ne  àç- 
yinp  pas  ce  que  ce  peyt  être  ,  k  W^^^* 


^       B*Î;  R  A  s   M  E,  21  f 

que  ce  ne  {bit  un  emploi  chezMeâ 
Religienfes  j  mais  il  lui  déclare  qu'une 
place  de  cpcte  sature  ne  lui  convient 
pas ,  furtout  après  avoir  refufé  d*en- 
trer  au  fer  vice  des' Archevêques  6C 
même  des  Rois.  11  ne  den^^ndoic  pas 
UBgTos  revenu  9  n'ayant  point  enviç 
de  s'enrichir  ;  il  promettoit  d'êtra 
contint  ,  ^pourvu  qu'il  eût  aflez  dç 
ÊMTtune  pour  pouvoir  étudier  tranquiU 
liment ,  &  avoir  les  befoins  qu'exi^-^ 
geoit  fa  mauvaiie  ianté.  1}  finit  en  pro-* 
'teftant  qu'il  partiroit  ce  jour-là  m^m^ 
pour  rentrer  dans  le  Couvent  de  Stein , 
s'il  pouvoit  fe  perfuader  que  ce  fût  ce 
(}u'il  y  avjoit  de  mieux  à  faire. 

Il  etoit  fort  tranquille  fur  fon  chat)* 

I  gement  d'état.  11  avoit  reçu  une  dif-      *- 

\  penfc  de  Rome  en  bonne  forme ,  qu^ 

I  PAtorifoit  à  refier  dans  le  monde  eij 

'  habit  £ccléfiafhque  :  il  s'étoit  adreifi^ 

à  Lambert  Qrunnius  Secrétaire- Apoff- 

toliquç  pour  l'avoir  ;  &  lui  avoit  écrit 

4  ce  fujet  la  Lettre  {a)  oh  fous  des  W  ^P^J^ 

iwms  empruntés  il  fait  l'hifloire  des  fé-  ^*  ^•Hi 

I  dudiofts   qui  furent  employées  pour 

l'engager  à  le  fair^  Moine,  Cette  Let^ 

tre  eft  fans  date  ;  mais  il  eft  confiant 

qu'ellefut  écrite  après  fon  retour  d'ita-r 

lie ,  puifqu'il  y  eft  parlé  de  Ta  vis  que 

fjs^mis  d'Aiïgleterrç  ï}fx  dofuvsrçnt  4| 


3t^^  Vis 

^Jtianger  rhabit  de  Chanoine-Régulief 
^  jcelui  d'Çccléfîaftique,  Il  n'y-parlç 
pas  avec  plus  de  difcrétion  des  Moi»- 
pes ,  que  dans  la  Lettre  au  Père  Ser^ 
y§iis  :  il  ne  craint  pas^çilire  qu'il  y  a 
plufieurs  Monafteres  qui  (bar  moins 
honnêtes  quie  des  mauyais  lieux  ;  qu'il 
y  en  a  d'autres ,  où  fi  Ton  ôte  leacér 
T^monics  ,&  l'extiéri^ur ,  il  n'y  a  point 
de  religibnp  II  cite  le  Cardinal  de  Slon^ 
qui  dans  un  repas ,  en  prifencede  pW 
fieurs  perfonnes ,  avoit  affuré  que  1«$ 
Pominicains  avoient  fnterré  vif  un 
jeune  Religieux ,  parce  que  fon  père  , 
homme  de  condition ,    fe  plaignoit 
qu'on  l'^t  réduit ,  &  menaçoit  d'enx- 
^oyer  la  violence  fi  on  ne  le  Uii  ren^ 
doit.  Il  cite  un  noble  Polonois ,    qui 
s'etant  endormi  dans  une  Eglife  ,    fiit 
réveillé  par  le  fpeâacle  de  deux  C5r-» 
deliers  qu'on  cnterroit  vifs.  Il  voudroit 
qu'il  ne  fût  pas  permis  de  faire  des 
yœux  avant  Page  de  quarante  ans.    Il 
iinit  en  priant  Grunnius  de  travailler  à| 
lui  faire  avoir  promptement  la  difpenfe 
de  fes  vœux  ^  &  de  ne  point  s'embar- 
rafler  de  la  dépenfe ,    qui  lui  feroit 
.    rembourCée  fixajftemçnt.  La  liberté  da 
cette  Lettre  dans  laquelle  on  defire»» 
roit  plus  de  prudence  ,    n'empêcha 
Doijçt  Qrunniu/s  d^lg  lire  toute  entière 

M 


I>*E  R  A  s  ME»  217 

iau  Pape  (a) ,  à  quelques  Cardinaux  ,    (a)  EpiU. 
&  i  d^autrcs  grands  rerfonnages  de  la  ^.  U  i4« 
Cour  de  Rome.    Le  ftvle  en  réjouit 
beaucoup  le  Pape ,  qui  a  cette  lefture 
témoigna  une  très-grande  indignation 
contre  ces  ravifleurs  d'enfans  :  c*eft 
ainfi  qu'il  traitoit  ceux  qui   emplo* 
yoient  de  mauvaifes  voies  pour  rem- 
plir le  monde  de  méchans  Moines  ;  ce 
qui  tournoit  au  préjudice  de  la  Reli- 
gion Chrétienne.  Il  fçut  fi  peu  mau- 
vais gré  à  Erafme  de  fes  expreffions 
1  libres  &  hardies ,  qu'il  donna  des  or- 
dres pour  que  leBrer  de  difpenfe  fût  ex- 
pediépromptement  &grtfm*  En  con- 
séquence de  la  volonté  du  Saint  Père, 
Gninnius  preffa  l'expédition  du  Bref 
de  difpenfe  ;  &  pour  l'accélérer ,  il 
fit  une  gratification  de  trois  Ducats  au 
Greffier. 

Cependant  Erafme  ne  trouvant  pas 
en  Angleterre  les  établiffemens  avan- 
tageux dont  on  i'avoit  flatté  (  i)  prit  (^)  Cort^î^ 
le  parti  de  revenir  en  Brabant ,  oà  ^^'^* 
Tinvitoit  Jean  Sauvage  Chancelier  de 
Charles  d'Autriche  Roi  d'Efpagne , 
fils  de  Philippe-le-Beau.  Il  ne  voulut 
pas  fortir  d'Angleterre  fans  avoir  pris 
congé  du  Roi,  &  des  principaux  Sei- 
gneurs qui  l'honoroient  de  leur  ami- 
tié. Le  Roi  Iç  traita  avec  beaucoup  de 
Tomzl.  K 


3îi8  Vie 

(4)  Epi  .  tonte  (a):  TEvêque  de  Lincoln  Im 
47*  L.  8     donna  des  efpérances  ;  TArchevêquc 
de  Cantorbcri ,  l'Evêque  de  Durham 
lui  firent  de  légers  préfens  en  argent* 
11  ne  comptoit  pas  quitter  l'Angle- 
terre pour  toujours  :  il  y  fit  encore  plu- 
fieurs  autres  petits  voyages  ;  &  quoi* 
qu'il  n'y  eût  pas  eu  toute  la  fatisfac- 
tion  qu  il  avoit  efperé  ,  il  a  toujours 
parlé  avec  .  rcconnoiflance   du  fcjour 
qu'il  y  avoit  fait  j  &  lur  la  fin  de  fa 
(b)  Efift.  vie  il  afliiroit  {h)  qu'il  n'a  voit  trouvé 
^*   •  '^*    nulle- part  d'auffi  bons_amis  que  dans  ce 
Royaume.    Guillaume  de  Lifle  a  pté- 
W  ^'I^"'^  tendu  (c)  que  le  féjour  d'Erafme  en  An- 
jumi  rts»    gjgçerre avoit  été^très^utileaux  Anglors, 
parce  qu'il  avoit  contribué  à  augmenter 
le  nombre  des  Sa  vans  dans  ce  Royaume. 
Il  eut  fujet  de  fe  plaindre    de  la 
dureté  des  Matelots  Anglois  dans  fa 
traverfée  d'Angleterre  en  Flandre  :  il 
(d)  Ep'Ji>  ^^urt  (d)  qu'ils  traitent  les  paflagers 
47.  L.  in   ^Q  façon    a    faire  dcfirer   de  trou- 
ver des  Turcs;  il   eft  furpris  que  le 
Roi  d'Angleterre  ne  réprime  pas  un 
fi  grand  défordre ,  qui  fait  un  très-  1 
grand  deshonneur  à  fon  Royaume,  ' 
parce  que  les  Etrangers  ne  font  pas 
plutôt  revenus  chez   eux  ,  qu'ils  ne 
s'occupent  qu'à  raconter  les  avanies 
qu'ils  ont  reçues  des  Matelots ,  par 


d'Erasmb.  ai9 

Icfquelles   on  juge   du  caraftere  de 
toute  la  Nation.  Il  eut  un  grand  cha- 
grin, dont  il  ne  fut  délivré  qu'en  abor- 
dant :  il  craignit  d'avoir  perdu  fa  mal* 
le  9  qui  étoit  remplie  de  fes  Manuf- 
crits  ;  mais  il  fe  trouva  qu'elle  étoic 
dans  un  autre  Navire  que  celui  qui 
le  portoit.  C'étoit  une  adrefle  des  Ma- 
telots Anglois  ,  de  mettre  les  coffres 
des  paffagers  dans  un  bâtiment  différent 
de  celui  dans  lequel  ils  étoient,  foie 
pour  pouvoir  voler  avec  plus  de  com- 
moditéjfoit  pour  fefeire  donner  Quelque 
argent  lorfqu'ils  les  rendoient  à  leurs 
maîtres.  Erafme  fe  rendit  prompt emerlt 
à  Bruxelles  ,  oh  il  fît  fa  Cour,  (a)  W  ^P'Jf^ 
au  Chancelier  Sauvage  qui  s'éroît  dé*  '^  *' 
cUré  fon   protedeur.  Sa  vie  ne  fut 
qu'une  fuite  de   courfcs  continuelles 
jufmi'à  la  fin  de  l'an  iy2i.  qu'il  alla 
fe  nxer  à  Bafle*  H  étoit  quelquefois 
à  Bruxelles  ,  fouvent  à  Louvain ,  à 
Anvers ,  &  à  Anderlac.  Il  fit  le  voya- 
ge de  Bafle  où  l'on  imprimoit  fes   (h^EptJf. 
Ouvrages  ;  mais  il  n'y  refta  que  fort- 3.  L.  %. 
peu(t)  dans  ce  premier  voyage.  Il  (c)  Eprjl. 
demeura  à  Louvain  chez  Jean  Palu-iy^. 
danus(c)  Profefleur  en   éloquence ,  W -^^  ^^(- 
cnfuite  dans  un  Collège  (d  )  avec  Noe-  '^^f^  ^'^^' 
vius ,  dont  il  fit  un  grand  éloge  après  ^^A*  ^^n 
,  fa  mort.  Il  Ibgeoit  à  Anvers  (e)  chez  j.  t.  23/ 

Kij 


•226  V   I   B 

Pierre  GîUe  ,  dont  Thomas  Moruii 
(a)  Eftfl,  difoix  {a)  qu'il  donneroit  volomier» 

,16.  L.  î.une   bonne  partie  de  fon  bien  pour 

demeurer  avec  un  homme  auili  favant  » 

auili  agréable  9  auffi  modefte  ,  &  ^ufÈii 

capable  d'amitié.  Erafme  en  connoififoit  j 

(^  EpiJI,  tout  le  mérite  :  il  déclaroit  (b)  qu'il  I 

11.  L,  Il  j^Q  changeroit  pas  un  ami  tel  que 
Pierre  Gille  pour  Pylade  même*  Lori^ 
qu'il  fe  maria  >  Erafme  fit  fon  épitha!« 
lame  ;  on  le  Jtrouve  dans  fes  (3ollo- 

(0  P.  3  30»  ques  (  c  ).  Quintin ,  Peintre  célèbre  > 
avoit  fait  dans  un  même  portrait  la 
figure  d*Erafme  &  celle  de  Pierre 
Gille  9  qui  tenoit  une  Lettre  que  Mo* 
rus  lui  avoit  écrite  ;  ce  qui  donna  oc- 
cafion  à  Morus  de  'faire  quelques 
vers  (  I  )  qui  prouvent  la  grande  unioa 

Su'il  y  avoit  entre  ces  trois  hommes 
,  ,  _^    .   luftres.  Le  Chanoine  Pierre  Wjcb- 
'^04.     &  man  étoit  Thôte  d'Erafine  ( d) ,  lorf- 


^11* 


(  I  )  (lusnti  olim  fuerant  Pollw  &  Cajl^ih 
amici  y 
Erafmum  tantôt  Mgidiumque  ferc, 
Mortit  ab  kis  dolet  ejfe  loco ,  conjun^tut  amm 
Tarn  frùpè  ,  quàm  quifqtMm  vix  queat  ejfi 
fibi. 
Sic  dejiderio  confuUum  eft  ahfenttt ,  ut  hor 

Reddat  amant  ansmum  Litteraj  corfusegi^ 
Epift.  7.  t.  3. 


" 


i<}u'il  alloit  à  Anderlac>  jolie  campa- 
gne près  de  Bruxelles ,  dont  Pair  lui 
étoit  fi  favorable ,   qu'il  ne  fe  paffoic 

EoJnt  d'année  ,   tant  qu'il  refta  dans 
î  Brabant,   qu'il  n'y  allât,  ou  qu'il 
n'eût  envie  d'y  aller. 

Le  premier  voyage  qu  Erafine  fit  à 
Ijouvain  (a)  après  avoir  quitté  l'An-  (d)EfiJK 
gleterre,  les  Magiftrats  lui  offrirent  ^^5*-* 
«ne  place  de  Profeffeur  dans  VUni- 
verfité ,  fans  qu'il  s'y  attendît.  Ce  fut 
le  Doyen  de  Saint  Pierre  de  Louvain 
qui  avoit  fait  les  démarches  pour  lui , 
&  fans  lui  en  parler.  Il  avoit  le  plus 
grand  crédit  ;  c'étoit  lui  qui  avoit  éle- 
^é  le  Roi  Charles.  Il  ne  fut  pas  long- 
items  après  avoir  ainfi  donné  des  preu- 
ves de  fon  eftime  &  de  fon  amitié 
pour  Erafme ,  fans  parvenir  au  Car- 
dinalat i  d'où  par  la  proteâion  de  fon 
augufte  Elève  il  parvint  au  trône  de 
Saint  Pierre ,  en  fuccédànt  à  Léon  X. 
qui  pour  lors  étoit  Pape. 

Erafme  fenfible  à  la  bonne  volonté 
des  Magiftrats  de  Louvain ,  ne  -crut 
cependant  pas  devoir  accepter  la  place 
qu'on    lui  offroit.  Il   rend  plufieurs 
raifons  de  fon  refus  (t)  :  première-    (h)  Epi  II; 
ment  il  ne  favoit  pas  la  Langue  du  ^8.  t.  3!. 
Pays;  d'ailleurs  il  n'aimoit  point  ce ^^'^'    3** 
genre  d'occupations.  Il  avoue  que  rien  ^*  *  ^' 

Kiij 


st,22  Vie 

ne  Fauroit  plus  ennuyé  que  de  s^en-^ 
tendre  demander  :  voudriez- vous  cor- 
riger ces  vers  ,  voir  ce  qu'il  y  a  à  re- 
faire à  cette  Lettre  ;  &  plufieurs  au- 
tres queftions  dans  le   même  goût. 
Henri  VIII.  avoit  déclaré  la  guerre 
à  la  France,  &  s'étoit  emparé  deTour- 
'  (â)Kapînnai(a).  Louis  Guillard  qui  enétoit 
Thoiras ,   Evêque^  ne  jugea  pas  à  propos  de  fe 
^•^^•l^'^*- rendre  dans  cette  Ville,  où  il  auroit 
*  ^*  été  obligé^e  faire  un  ferment  de  fi- 

délité à  un  Roi  étranger.  Le  Pape 
cédant  aux  inftances  du  Roi  d'An- 
gleterre, fuppofa  que  Guillard  fe  dé- 
mettoit  de  fon  Evêché ,  &  il  en  con- 
fia Tadminidration  ,  tant  pour  le  tem- 
porel que  pour  le  fpirituel  ^  à  Wol- 
lei ,  Cardinal  d'Yorck ,  qui  étoit  déjà 
fur  le  chemin  de  cette  prodigieufe 
fortune  qui  fit  l'étonnement  de  tome 
l'Europe.  Dès  qu'il  fut  le  maître  à 
Tournai ,  il  donna  un  Canonicat  de 
W  EfJA  la  Cathédrale  à  Erafme.  Ce  furent  (t) 
J^;  ^  le  Comte  de  Montjoie  &  Richard 
Samfbn  ,  Commiffaire  du  Cardinal 
dTorck  dans  le  Pays  de  Tournai ,  qui 
engagèrent  ce  premier  Miniftre  à  lui 
donner  ce  Bénéfice  j  mais  cette  colla- 
tion n'eut  pas  lieu  ^  foit  que ,  comme 
il  le  fait  entendre  ,  cette  place  le  ten- 
tât peu ,  ne  pouvant  la  garder  parce 


[d'Erasme.  225 

_  qa^il  n'étoit  pas  dans  la  réfolution  de 
'réfider.   C'eu  pourquoi   le  Cardinal 
d'Yorck   conféra  ce  même  Canonicat 
"à  un  autre  Eçptéfiaftique  (a  )  en  pr  o-    r^x  ^pifi^ 
mettant  de  dédommager  bientôt  Éral-i^.   L.  t! 
me  par  un  Bénéfice  plus  confidérable* 
Le  Chancelier  Sauvage  qui  vouloic 
le  retenir  dans  les  Pays-Bas  (i)  ,  lui    (h)Epifi. 
fit  de  grande/^promeffes  de  la  part  ^^•'^^P^"^* 
du  Roi   Catholique ,  &  lui  procura 
m  Canonicat  de    Courtrai  qu'il  ne 
garda  pas  longnem^:  il  le  réfigna, 
en  fe  réfervant  une  penfion  qui  lui  fut 
enlevée  (c)  Pan  1^25).  par  la  perfi-    (c)EpiJ!. 
die  inouie  de  Pierre  Barbioius  ;  c'eû  ^^*  ^*  1^» 
ainfi  qu'il  s'exprime ,  fans  entrer  dans 
un  plus  grand  détail.  Ce  procédé  de 
Barbirius'ell  d'autant  plus  fingulier  , 
q&'il  avoit  été  dans    la   plus  grande 
union  aVec  Eralme  (i  )  ,  &  qu'il  Ta-  W  ^P*Jf* 
voit  bien  fervi  pendant  qu'il  avoit  été  ^*  ^'  **• 
Chapelain  d'Adrien  VI.  Le  Roi  Ca- 
tholique ,  à  la  foUicitation  du  Chan- , 
celier  Sauvage ,  voulut  l'élever  à  une 
place  d'une  plus  grande  diftincSlion. 
On  le  fit  venir  d'Anvers  à  Bruxel- 
les (e)  où  la  Cour  étoit  :  il  fe  rendit-  ^^^  ^P^-^* 
d'abord  à  l'audience  du  Chancelier,  ^^*    *  ^* 
qui  fe  tournant  (  f)  du  côté  des  Con-   (fy^P^A 
feillers  qui   étoient  avec    lui  ^  dit  :  3^-  ^«  8. 
p  Voici  ua  homme  qui  ne  fait  pas  en- 
-  Kiiij 


^24  Vie 

»  core  ce  qu'il  eft  ;  «  &  adrelfant  en-' 
fuite  la  parole  à  Erafn^e  ,  il  lui  dit-: 
»  Le  Roi  a  eu  deifein  de  vous  faire 
»  Evêque  :  il  vous  avoir  même,nom- 
»  mé  à  un  Evêché  confidérable  en 
9»  Sicile  ;  mais  on  a  appris  depuis  qu'il 
»  étoit  du  nombre  de  ceux  qui  Ibnt 
30  réfervës  à  la  collation  du  Pape.  Le 
yi  Roi  a  écrit  au  Saint  Père ,  pour  le 
»  prier  de  confentir  que  vous  gardiez 
a»  cette  Prélature.  »  La  Lettre  du  Roi 
Catholique  ne  produidc  aucun  effet  à 
Rome  :  Erafme  n'en  eut  aucun  cha- 
grin ;  il  pria  même  fes  amis  de  ne  fe 
donner  aucun  mouvement  pour  lui 
procurer  un  Evêché ,  parce  qu'il  pré- 
fiéroit  le  genre  de  vie  qu'il  avoir  em- 
-  braflé  aux  plus  brillans  poftes  de  l'Ç- 

xé.Apm/.  8^^^^*  ^^"^  ^^  confoler ,  la  Cour  lui 
donna  (fl)  une  penfion  de  trois  cens  li- 

(h)  Epifl.  yj.g5^  L'intention  du  miniftere  (h)  étoit 
i4«    •  *3'  ^ç  \q  fixer  en  Brabant  par  ces  témoi— 

(c)  Epijî.  gnages  de  bonne  volonté.  Il  avoit  été 
f^^"^f  queftion  (c)  de  le  faire  Précepteur 
a 4 8.  dars^^  R^*  Charles:  ce  projet  n'eut  pas 
celles  d'E- lieu  5  Adrien,  depuis  Pape  fous  le 
rpfme.       nom  d'Adrien  VI.  avoit  eu  la  préfé- 

(a)  Epîjl.  rence.  On  parla  beaucoup  de  le  met- 
mm  ^  ^*  ^^^  auprès  du  Prince  Ferdinand  (  rf  ) , 
L.  <.*£pV.  f^^^^  du  Roi  Charles.  Le  Prince  de 
zu  L.  €.    Bergues  fe  donnQÎt  de  grands  mouve? 


r 


d'  E  R  A  s  M  E.  22jr 

mens  pour  lui  procurer  cette  place  : 
Ferdinand  le  défiroic  avec  emprefle- 
ment  ;  mais  Erafme  n'avoit  aucun  goûc 
pour  la  Cour,  &  une  des  raifons  qui 
r-en  détournoient  &  qu'il  avouoit  pu- 
bliquement ,  c'eft  que  fa  famé  étoit  fî 
foible ,  qu'il  ne  pou  voitjpas  changer  de 
régime  fans  courir  rifque  de  la  vie. 
Il^n  avoir  encore  d'autres  qu'il  n'a  pas 
ofe  confier  au  papier.  Elles  ne  ve- 
Doient  pas  du  caradére  du  Prince  : 
car  Eraîhie  en  fait  le  plus  beau  por- 
trait ;  il  aflure  que  c'etoit  un  jeune 
homme  d'un  naturel  admirable  ,  d'une 
docilité  incroyable ,  né  pour  la  pro- 
bité &  pour  la  vertu.  Il  ne  fçut  pas 
mauvais  gré'  à  Erafme  de  ne  s'être  pas 
vx)ulu  donner  tout  entier  à  lui  j  il  ne 
cefla  jamais  de  l'aimer  :  (a)  il  lui  fai-   (à)  Epîjf. 
foit  des  préfens,  il  lui  écrivoit  fré-**»»  ^pj* 
quemment ,  il  parloir  toujours  de  lui  ^3** 
en  public  avec  de  grands  éloges  ;  & 
un  jour  (b)  qu'Erafme  avoir  écrit  trois   (^)  Eptftm 
mots  au  Cardinal  de  Trente^  Chance-  *^«  ^  ^^* 
lier  de  Ce  Prince ,  pour  recommander 
quelqu'un  qui  vouloir  entrer  dans  les 
Gardes  de  Ferdinand ,  le  Chancelier 
en  parla  au  Prince  ,  qui  fur  le  champ 
accorda  la  place  à  celui  qu'Eraime 
protégeoit ,  en  difant  :  *>  Que  ne  fe- 
»  jois-je  pas  pour  mon  Précepteur  ?» 

Kv 


SL2S  Vie 

Erafme  n'ayant  pas  jugé  à  propos  dé 
s'attacher  à  Ferdinand ,  propofa  pour 
Précepteur  de  ce  Prince  Louis  Vives  y 
pour  lequel  il  avoit  une  grande  efti- 
(aSEpiJi.  ^^  •  *^  ^^^^^  (^)  auprès  du  Cardinal 
loi,  L^ip^  de  Croi  qu'il  avoit  élevé  ;  mais  cette 
propofîtion  qu'Erafme  avoit  faite  de 
fon  propre  mouvement ,  fans  confulter 
ni  le  Cardinal  de  Croi  ni  Vives,  mê#e 
n'eut  point  lieu.    Il  étoit  pour  Ibrs 
(h)  Ept/l.  dans  une  fi  grande  confidération  (  ^  ) 
Torifiali  î.  que  les  Doâeurs  de  Louvain  l'infcrivi- 
^'  i*         rent  fur  les  Régiftres  des  Doéleurs  en 
Théologie;  ce  qu'il  aima  mieux ,  dit- 
(c)  Epijl.  il  (  c)  que  d'accompagner  en  Efpagne 
13.  £.30  le  Roi  CJâtholique.  Le  Chancelier  Sau- 
vage auroit  fouhaité  qu'il  eût  fuivi  la 
C^)  Eptfl. Càuv  dans  ce  voyage  Çd)  ;  le  Gar- 
ai.  L.  3.  dinal  Ximenès  déuroit  auffi  beaucoup 
k^£f  *  dt  ^^  ^^  ^^*^  ^  Efpagne.  Il  eut  pour 
N.  Tefta"  ^"^^^^^"^  ^  l'Archevêché  de  Tole- 
ment.        de  le  Cardinal  de  Croi  ,  Neveu  de 
Chievre ,  Gouverneur  du  Roi  Char- 
'  les.  Erafme  avoit  tout  à  efpérer  de    1 
la  protection  de  ce  Prélat ,  avec  lequel 
(e>  EpiJI.  il  étoit  en  commerce  de  Lettres  (e), 
7»  ^.  ir.     &  qui  le  regardoit  comme  fon  maître; 
mais  ce  Cardinal  comblé  d'honneurs 
if)  Epiff  "^0^^"^  (/)  n'ayant  pas  encore  fini 
4j,  t/14.'^^  vingt -troifieme  année,  au  grand 

regret  d'Erafme  ,  qui  déplore  cette     1 


d'  E  R  A  s  M  E*  127 

«sort  dans  une  Lettre  à  Budëe  (a)  ,    (a)Epîfl. 
dans  laquelle  il  fait  l'éloge  de  ce  jeune  *^«  ^*  '4» 
Cardinal  qui  aimoit  les  bonnes  étu« 
des ,  &  qui ,  dit*il ,  ne  haïiToit  pas 
Ërafme. 

Il  pouvolt  donc  compter  fur  une 
infinité  d'agrémens  qu  ilauroit  trouvés 
en  Ëfpagne*  Il  a  été  perfuadé  dans 
la  fuite  (b)  que  s'il  eut  eu  la  complais   (^)  Efifi. 
iknce  de  fuivre  le  Chancelier  Sauva-  îf6* 
ge  dans  ce  Royaume ,  il  y  eût  pik 
faire    une  fortune  brillante;  mais  il 
n'eut  pas  la  moindre  tentation  de  quit- 
ter *la  Flandre  dans  ce  moment.  11  a 
affuré  (  c  )  qu'une  des  raifons  qui  l'a-  (c)  Eptfl. 
voient  détourné  de  £iire  ce  voyage,  *S*  ^  P* 
étoit  la  divifion  qui  régnoit  dans  la 
Cour  du  Roi  Charles.  Il  y  â  appa- 
rence qu'il  prit  un  parti  très-fage,  & 
que  fon  caradere  iranc  &  hardi,  & 
fon  antipathie   pour  la  plupart  des 
Moinçs  Se  pour  les  Théologiens  fco- 
laftiques  i  n'auroient  pas  convenu  aux 
Efpagnols.  Il  venoit  d'être  décoré  de 
h  dignité  de  Cônfeiller  du  Roi  (4)    (i)  0«çp# 
J>ar  la  prote<ftion  du  Chancelier  Sau-  ^^^^* 
vage.  On  aflfure  fe)  que  Morillon,   (0    '^y- 
Secrétaire  du  Roi ,  qui  aimoit  beau-  pens, JllAL 
coup  Eralmc,s'employa  aufli  avec  «le  ^^  ^*^^ 
pour  lui  procurer  ce  grade  ^  qui  étoit 

ILvj 


228  Vie 

à  la  vërîté  un  titre  honorable ,  maîs 
Xd)  Epi^.prefque  fans  fonftion  (a). 
II.  L.  J4.  Il  étoit  pour  lors  fort  occupé  du 
grand  procès  que  Reuchlin  avoit  à 
Rome  f  &  qui  faifoit  beaucoup  de 
bruit  dans  le  monde  :  en  voici  l'ocr 
caiion» 

Jean  Pfettercornn ,  Juif  converti  à 
la  Religion  Chrétienne,  avoit  vouhi 
engager  l'Empereur  Maximilien  à 
fupprimer  tous  les  Ouvragés  des  Juifiî. 
Reuchlin ,  un  des  plus  favans  hom- 
mes qu'il  y  eût  pour  lors  dans  les  trois 
Langues  lavantes ,  repréfenta  que  par- 
mi les  Ouvrages  des  Rabbins  ^  il  y  en 
avoit  de  très-utiles  ,  &  qu'il  feroit 
raifonnable  deconferverdu  moins  ceux 
dont  les  Chrétiens  pouvoient  faire  un 
bon  ufage ,  û  l'on  étoit  dans  la  ré- 
folution  d'anéantir  ceux  qui  étoîent 
injurieux  à*  la  Religion  Chrétienncr 
Cette  difcuflîon  donna  occafion  à 
deux  Livres  très-fameux  pour  lors  ^ 
&  préfentement  très-oubliés.  Pfetter- 
cornn foutint  qu'il  ne  falloit  faire  grâ- 
ce à  aucun  Livre  des  Juifs  :  il  fit  à 
ce  fujet  un  Ouvrage  qui  avoit  pour 
titre ,  Manuale  Spéculum  ,^  dans  lequel 
il  dépeignit  Reuchlin  comme  un  Juif 
déguifé>  qui  dans  le  fond;  du  cœur 


baïflbit  le  Chriftianifme.  Malhcureu- 
fement  pour  lui  il  étoit  fort  brouil- 
lé avec  les  Moines  :  il  avoit  fait  autre- 
fois une  Comédie  (a)  à  laquelle  il  avoit  (fjj*^^^"' 
donné  le  titre  de  Hermo  ;  il  s'y  moc- 1^^  '    '  '* 
quoit  de    quelques-uns  deux   avec  104, 

Elus  de  vérité  que  de  difcrétion. 
/Evêque  de  Worraes  lui  avoit  con- 
feillé  en  ami  defuppximer  cette  pièce  : 
il  avoit  fuivi  ce  fage  confeil  ;  mais 
quelqu'un  qui  avoit  trouvé  le  moyen 
tfen  avoir  une  copie ,  Tavoit  fait  im- 
primer à  l'infçu  de  Reuchlin.Les  Moi- 
nes irrités  ne  lui  pardonnèrent  jamais. 
Il  s'étoit  juftifié  des  accufations  que 
Pfettercomn  avoit  formées  contre  lui , 
&  il  avoit  fait  à  ce  fujet  le  Spéculum 
ôcutare. 

Les  Moines  crurent  avoir  trouvé 
une  occafion  de  fe  venger  de  lui  ;  & 
ils  ne  réchappèrent  pas  :  ils  entrèrent 
dans  cette  querelle.  Hoocftrate,Pricur 
des  Dominicains  de  Cologne ,  fe  mit 
à  la  tête  du  parti  contraire  à  Reu- 
chlin  ;  &  il  engagea  les  Théologiens 
de  l'Univerfité  de  Cologne  à  extraire 
du  Spéculum  Oculart  des  propofitions 
qu'ils  jugeoient  dignes  de  condamna- 
tion, Reuchlin  prétendit  que  ces  ex-  . 
traits  étoient  ipndéles  ;  &  il  fe  juftifia 
par  une  Apologie  adreffée  à  TÉmpe-  ^ 


2JO  V  I  ï 

reur.  Cette  difpute  occafîonna  un  pro- 
cès devant  PEledeur    de  Mayence. 
Reuchlin  nomma  pour  fon  agent  Pierre 
Stateiius  ,  oui  récufa  Hoocftrate  ;  k 
récufation  n  ayant  pas  été    admife  y 
Stateiius  appella  à  Rame.^Cependanf 
il  y  eut  à  Mayence  une  Sentence  con- 
tre Reuchlin.  Il  en  appella  mi  Pape  » 
qui  choVfit  TEvêque  de   Spire  pour 
connoître  de  cette  affaire  ;  il  nomma 
des  Juges  qui   citèrent   les  Parties, 
Hoocftrate  n'ayant  point  coînparu,fut 
(4)  H/^.  condamné  {a)  par  contumace  à  payer 
Vniverf.     j^g  dépens  évalués  à  cent  onze  Florins 
ff  '  'det'^'"^^  •  ^  délî^"oïï  des  Théologiens  de 
Domini-^  Cologne  fut  annullée  ^  &  te  Livre  de 
cains^  t.  x«  Keuchlin  juftifié. 
p.  68.  Bai-     Cependant  rUnîverfité  de  Cologne 
*^*  fit  brûlerie  Spéculum  Otulare  :  les  Fa- 

cultés d'Erphord ,  de  Mayence  ,  de 
Louvain  &  de  Paris  approuvèrent  ce 
qui  avoit  été  fait  à  Cologne  ;  &  la  Sor- 
bonne  rendant  raifon  de  fa  condamna- 
tion ,  décida  que  le  Livre  de  Reuchlin 
contenoit  des  propofitions  fufpeâes 
d'héréfie  ou  hérétiques ,  &  racritoit 
d^être  brûlé.  Le  Jugement  de  Rome 
n'avoit  pasencore  été  rendu  ;  les  Com- 
miflaires^ue  le  Pape  avoit  nommés  # 
éroient  favorables  à  Reuchlin:  Hooc- 
ûrate  que  cette  aifaire  avoit- attiré  k 


b'Erasmk.  25* 

Rome,  eut  le  crédit  d'obtenir  Tan 
iyi8.  un  ordre  aux  deux  Parties  de 
garder  le  filence.    On  aflfure  que  l'ar- 
gent ne  fut  pas  épargné  par  Hoocflrate 
pour  pouvoir  ainfî  fortir  de  ce  Procès, 
Lorfqu'il  étoit  pendant  à  Rome  , 
Erafme  ccrivoit  au  Pape  Léon  X  {a).  W  ^PM 
que  ReuchUn  étoit  un  homme  du  pre-  '* 
mier  mérite  dans  tous  les  genres  de 
Sciences  j    qu'il  étoit   le  phénix  &- 
Thonneur  de  l'Allemagne.  11  foUicita 
pour  lui  {b)  dans  les  termes  les  plus  {h)Epiftm 
prefl&ns  les  Cardinaux  Grimani  &  de  *•  *  J*  ^ 
oaint  Georges  :  iUes  î^flure  qu'en  pro-  ** 
tégeant  Reuchlin ,  ils  rendront  un  fer- 
vice  eâeittiel  aux  Sciences  &  aux  Gens 
de  Lettres  ,  qui  en  conferveront  une 
reconnoiffancc  infinie.  C'étoït  plutôt 
par  efprit  de  juftice  ,    &  par  l'eftimc 
nnguliere  qu'il  avoit  pour  Reuchlin , 
qu'il  prenoit  ainfî  fon  pani.  Ilsavoient 
peu  de  liaifon  enlemble  (  c  )  ;  Erafme    (c)  Epijl. 
ne  vit  qu'une  feule  fois  Reuchlin  à  ^  L.  ii, 
Francfort  :    il  eft  vrai  qu'ils  étoient 
en  commerce  de  Lettres.  Erafme  lui 
ccrivoit  (d)  pour  lui  donner  d'excel-    (d)  Epijf. 
lens  confeils  ;   il  l'avertifToit  de  ne  ^*    ^\  if» 
point  traiter  fes  adverfaires  avec  un^^'^^'''"' 
fi  grand  mépris ,  &  de  ne  pas  attaquer     ^^^^^^^* 
un  Ordre  entier ,   fous  prétexte  qu'il 
avoit  ûijet  de  fe  plaindre  de  quelques 


ij^t  Vis 

particuliers.  Il  crut  devoir  auffi  don- 
(a)  Epijlw^^^  ^^^  confeils  à  Hoocftrate  (fl)  à 
^9.L.  16.  qui  il  repréfenta  avec  politeffe,  quon 
defiroit  chez  lui  plus  de  modération  j 
que  cette  vertu  convenoit  à  un  Chré- 
tien ,  à  un  Théologien  &  à  un  Domi- 
nicain ;  qu'en  traitant  fon  adverfaire 
avec  plus  de  charité  ^  il  donneroit  lieu 
de  croire  que  c'étoit  le  zélé  de  la  Re- 
ligion Chrétienne  oui  ranimoit,&  non 
des  intérêts  particuliers  &  profanes. 
Le  Livre  de  Reuchlin  ne  reçut  au- 
•'  ^""^  flétriffure  à  Rome  (  fc  )  pendant 
'i\w ''  le  Pontificat  de  Léon  X.  Il  y  a  appa- 
fart.  j.  «.rence  que  la  recommandation  d  r-ral- 
307.  ^      me  qui  y  avoit  pour  lors  beaucoup  de 
puiflans  amis  &  de  crédit ,  lui  fut  fe- 
vorable  ;  le  Pape  étoit  perfuadé  d'ail- 
leurs' que  c'était  injuftement  qu  on  ac- 
cufoit  Reuchlin  &  fon  Livre  d'hérefie. 
On  penfa  moins  avantageufement  de 
lui  dans  la  fuite  des  tems  :  Paul  IV. 
&  Clément  VIII.  condamnèrent  fon 
Ouvrage ,  &  il  eft  mis  au  rang  des 
Livres  défendus  dans  VIndex  fiait  par 
ordre  du  Concile  de  Trente  ;  ce  qui 
a  fait  croire  aux  Auteurs  de  la  Biblio- 
thèque des  Dominicains  ,    que  Léon 
X.  ne  l'a  jamais  approuvé.  Mais  quand 
on  n'en  auroit  pas  la  preuve ,  les  Ou- 
vrages d'Exafme  même  en  fourniflent 


d'Erasme.  ^33 
une  ,  que  Pon  n'a  pas  toujours  eu  à 
Rome  attention  aux  Jugemens  favo- 
rables que  Léon  avoit  portés  de  quel- 
ques Livres. 

,  Ce  fut  l'affaire  de  Reuchlin  qui 
donna  occafîon  au  Livre  ingénieux  qui 
a  pour  titre,  Lettres  des  hommes  ohf- 
ci/rj,  que  quelques-uns,  comme  nous  le 
verrons  ailleurs ,  ont  attribué  à  Eraf- 
me.  On  y  trouve  TEpitaphed'Hooc- 
ftrate  ,  qui  fut  faite  de  fon  vivant 
même  par  quelque  ami  de  Reuchin  (i)  y 
mais  il  ne  mourut  que  pluûeurs  années 
après  que  cette  ingénieufe  Satyre  eut 
pam.  Le  bruit  courut  qu'en  mourant  il 
avoit  déclaré  (  ^  )  que  c'étoit  par  paf-  W  ^fîfi» 
fion  &  contre  fa  confcience  qu  il  avoit  'î*  ï"  ^99 
agi  contre  Reuchlin. 

Quelque  tems  après  la  mort  de  Reu- 
chlin, Erafme  crut  devoir  célébrer  ^^x  j^^^^^ 
la  mémoire  d'un  homme  pour  qui  il  comparable 
avoit  la  plus  profonde  eflime  :  il  cnliHeroëJo* 
fit  l'Apothéofe  dans  un  de  fes  Col-  ame  Reu- 
loques  (t),  où  il  introduit  un Çor- ^^f^'''^ >  ''^ 

(i)  Hîc  jacet  Hocjlratut  j  vhentem  ferre  ^^,^^^'*^ 
fattque  • 

Quem  fotuere  malt ,  non  fptuere  boni, 
iffe  queque  excedens  vitâ ,  indignants  ab  illat 
Majiusobkocj  quod  non  f  lus  nocuijfei 
erat. 


^54  ^  ^  ^  j, 

délier ,  qui  dit  avoir  vu  en  fonge  S. 

Jérôme  'qui  recevoir  Reuchlin  dans  4e 
Ciel ,  où  il  avoir  été  tranfporté  par 
les  Chœurs  des  Anges.  Erafme  finit 
cette  Apothéofc  en  invoquant  Reu- 
chlin ,  r  &  en  le  priant  de  protéger 
les  Langues  faimes,  de  punir  les  mé- 
chans  &  les  calomniateurs. 

Ce  Colloque  ne  plut  pas  à  tout  le 
monde  :  la  Sorbonnç ,  dans  la  cenfure 
qu'elle  fit  des  Colloques  Tan  1^26.  le 
blâma  d'avoir  mis  Reuchlin  au  nombre 
des  Saints  au  préjudice  de  l'autorité 
Apoftoliquc  ;  ce  que  l'on  ne  doit  pas 
faire  même  en  plaifantant ,  ajolite  la 
Faculté.  Malgré  ces  démonftrations 
d'eftime  &  d'amitié  qu'Erafme  donna 
à  Jleuchlin ,  &  pendant  fa  vie  &  après 
fa  mort ,  Hutten  dont  nous  aurons  oc- 
cafibn  de  parler  dans  la  fuite ,  ne  crai- 
gnit pas  d'accufer  Erafme  d'avoir  été 
injufte  à  l'égard  de  Reuchlin ,  parce 
qu'il  en  avoît  été  jaloux  ;  ce  qu'EraC- 
me  n'eut  pas  4e  peine  à  réfuter,  en 
faifant  voir  qu  il  avoir  follicité  à  Rome 
pour  Reuchlin  tandis  qu'il  y  avoir  fon 
grand  procès ,  &  qu'après  fa  moJrt  il 
avoir  fait  fon  Apothéofe. 

Dans  Je  même  tems  qu'Erafme  pre- 
Doit  un  fi  grand  intérêt  à  la  grande 
affaire  de  Reuchlin  j,  on  avoir  grand 


d'Eràsmk  aj/ 
âefirde  Tattirer  en  France.  Le  pre-, 
met  oui  en  fit  la  tentative  fut  Loui^ 
Canoifa ,  ce  Minif^re  du  F«ipe  avec 
Lequel  il  avok  faiit  connQiBTance  cbesf 
le  Nonce  Ammonip  d'une  feçpn  û  fin» 
l^lier^,.  Canpfla  que  le  Papç  avoit; 
çharjgé  (#)  de  feirç  la  paix  entre  les  f^)  y^^^^g 
Rois  de  France  &  d' Angleterre  ,  y  iiiufl.  u  j^ 
?voit  rçuflî  :  François  I.  avoifét^  fîM»^.ji^# 
çontçnt  de  fa  conduite ,  que  defitanç 
le  retenir  à  fon  fervice ,  il  lui  ayojç 
donné  TEvêché  de  Bayeux.  C^noff^ 
qui  avoit  de  la  littérature  &  aimoiç 
les  Gens  de  Lettres  ,  fç  relïbuyinç 
pour  lors  d'Ertfme  :  il  lui  éçriviç 
4'Amboire  le  13  Novembre  iSlèiJ^t  (h)EpiJI. 
qull  avoir  toujours  ti^  le  projet  dV*©.  l.  i. 
voir  auprès  de  lui  quelque  Savant  ay^ç  Bfift.  124* 
Ifquçl  U  pût  étudier,  dès  que  la  for- 
tttne  liB  traiteroit  favorablement  ;  qu'jl 
avoit)etté  les  yeux  fur  lui ,  parce  qu'il 
ii'y  avoit  pprfonne  avec  lequel  il  foji- 
kaitat  davantage  de  vivre ,  pour  jouir 
^  les  délicieufes  &  favantes  cohverr 
iatipns;  que  le  Pape  dont  il  étoic 
Nonce  en  France ,  lui  ayant  cpnferjf 
Tflvêehé  de  Bayeux  \  la  préfent^tjoii 
«lu  Roi  >  il  lui  en  faUoiî  part ,  &  1^ 
prioit  en  même-tems  de  venir  demey-r 
rer  avec  lui.  Il  raffurpit  qu'il  le  recer 
jflpiç  de  ibn  wewx  j    qu'il  e^^rpif 


qu'il  ne  fe  repenûroit  jamais  d'être 
venu  chez  l'Evêque  de  Bayeuxj  Se 
qu'en  attendant  qu'il  pût  lui  donner  de 
"  bons  Bénéfices ,  il  lui  affuroit  une  pen-r 
iîon  de  deux  cens  Ducats  ;  qu'il  le  dé- 
fray  eroit  avec  un  Domeftique ,  &  qu'il 
'lui  entretiendroit  deux  chevaux.  Eraf- 
me  fit  réponfe  à  l'Évêque  de  Bayeuit 
Tm)  EpiflX^)  q^'i'  ^^oit  extrêmement  content 
#jb  !•  i.^^s  propofitions  qu'il  lui  farfoit  ; 
qi^^lles  étoient  au-deffus  de  ce  qu'il 
méritoit;  mais  que  l'abfentedu  Chan- 
celier Sauvage  qui  l'avoir  introduit  atf 
fervice  du  Koi  Catholique  ,  Tempe- 
choit  de  pouvoir  faire  une  réponfé  pré- 
cifè  pt>ur  le  tems  préfent ,  &  qu'il  la 
/feroit  le  plutôt  qu'il  lui  fef oit  poflîble; 
On  ignore  fi  Erafme  confulta  à-ce  fu- 
jet  le  Chancelier  fon  proteéleur ,  ou  fî 
h.  réponfe  au  Nonce  Evêque  de  Ba- 
yeux^n'étoit qu'un  fimple  compliment; 
te  qu'il  y  a  ae  confiant ,  eft  que  les 
prenantes  invitations  de  fe  fiker  en 
France  que  lui  fit  peu  de  tems  après* 
lé  Roi  François  L  durent  lui. faire  ou-^ 
blier  celles  de  Çant)(ra, 

François  n'avoit  pas  plutôt  fuccé-^ 
'dé  à  Louis  XIÏ.  qu'il  s  éroit  déclaré 
le  Protefteur  des  Arts  &  des  Belles- 
Lettres.  Il  avoit  deflêin-  d'établir  i 
Paris  4jn  Collège  où  l'on  enfeignercit 


d'Erasmji.         257 
les  Langues  fa  vantes  (a)  >  à  Timita-    (4)  Epifi, 
lion    du    Collège  à    trois  Langues  ix»  L«ii« 
fondé  par  Buflidius  à  Louvain ,  à  Té-* 
tabliffenaent  duquel  Eraftne  ayoit  eu 
part.  Il  fe  perfuada  que  perfonne  ne 
pouvoir  mieux  Taider  ians  Texécu- 
tion  de  fon  projet ,  qu'Erafme  pour 
lequel  il  avoir  une  fi  grande  eftirQe  f 

Îpefuivant  Longolius  (i)  il  le  pré*  W  ^flfl* 
croit  même  à  Budée ,  qui  étoit  affez  î^**^ 
communément  regardé  dans  l'Europe 
comme  le  plus  favant  homme  qu'il  y 
eût. 

Le  Roi  rempli  de  ces  idées  favorables, 
défiroit  avecpaflîon  qu  Erafine  vint  en 
France  pour  être  à  la  tête  de  ce  nouveau 
Collège.  Il  fe  fit  à  ce  fujet  une  négo- 
ciation ,  dont  le  détail  fe  trouve  dans 
une  Lettre  de  Budée  (c)  écrite  à  Eraf-  (c)  Epijf^ 
me  le  j  Février  iji7*  Il  lui  mande 'V  L.i.e- 
que  la  veille  allant  Taprès-dînée  par- 1^^*  ^^h 
courir  les  Boutiques  des  Libraires  pour 
fe  délafler,  il  avoir  trouvé  dans  la 
Boutique  de  Jean  Petit ,   Guillaume 
Petit  ,    qu'il  croyoit  être^  parent  du 
Libraire.  C'étoit  un  grand  Théolo- 
gien de   l'Ordre  de  Saint  Domini- 
3ue  (d)  qui  étoit  pour  lors  Confelfeur  W  Scr$f$: 
u  Rpi ,  &  qui  depuis  fut  Evêque  ^'^'  ''''^^• 
h  Troyes,  &  mourut  Evêque  de  Sen-  ^"  *"  P-  '!*• 
Us.  Il  avoir  pour  Erafme  une  fi  gran- 


ijS  Vis 

de  eftime ,  que  Budée  dit  en  pkifan* 
tant  ,  que  le  feul  reproche  qu'il  eût 
à  lui  faire ,  étoit  de  donner  la  pré- 
férence à  un  Etranger  qui  lui  donnoit 
à  lui-même  de  la  jaloufie ,  parce  qu'il 
cbfcurcifToit'la  gloire  de  la  France. 
Leur  converfation  étant  tombée  fur 
Er^fme  ,  le  Confefleur  du  Roi  apprit 
à  Budée  qu'il  y  avoir  trois  jours  qu'il 
avoit  été  queftion  des  Gens  de  Lettres 
chez  le  Roi  ;  que  ce  Prince  avoitdit, 
qu'il  étoit  dans  l'intention  d'attirer  en 
France  par  de  bonnes  récompenfes 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  habiles  gens 
en  Europe  ,    &  de  faire  pour  ainfi- 
dire  un  Séminaire  de  Savans,  Guillau- 
me Petit  profita  de  l'occafion  pour 
faire  Péloge  d'Erafme  :  il  affura  que 
de  tous  les  Savans  étrangers ,  c'étoit 
lui  principalement  qu'il  falloit  attirer 
en  France ,  &  que  Budée  qui  étoit 
extrêmement  lié  avec  Erafme ,  étoit 
l'homme   du   monde  le  plus  capable 
de  l'engager  à  venir  à  Paris.  Le  Roi 
approuva  ce  qu'avoit  dit  fon  ConfeC- 
fcur;  il  témoigna  qu'il  défiroit  que 
Budée  écrivît  à  Eralme ,  que  s'il  veu- 
loit  venir  demeurer  en  France ,  il  pou- 
voit  compter  fur  un  Bénéfice  qui  vau- 
droit  au  moins  mille  francs  de  revenu, 
Ceft  ce  que  Budée  exécuta  par  cet- 


d*Erasm2.  23^ 

te  Lettre  ,  dans  laquelle  il  confcille  à 
Erafme  d'accepter  cette  propofition  , 
premièrement  parce  qu'ils  auroient  U 
iâtisfadion  de  vivre  enfesnble ,  fecon- 
dement  parce  que  c'étoit  une  occafion 
de  faire  tortune ,  &  de  parvenir  aux 
honneurs  &   à  la  confidération  :  & 
après  avoir  fait  un  magnifique  éloge 
du  Roi ,  il  ajoute  que  rAmbaflfadeur 
du  Roi  à  Bruxelles  avoit  déjà  dû  lui 
parler  à  ce   fujet;  qu^il  croyoit  que 
Guillaume  Copus  ,  premier  Médecin 
du  Roi ,  lui  en  écrivoit ,  Se  le  Roi  lui- 
même.  yy  Au  reftc ,  avant  de  venir 
9  en  France ,  prenez  vos  furetés  par 
»  le  miniftére  du    Père  Confefleur , 
»  dit-il  :  car  je  ferois  fâché  que  vous 
a»  fuflîcz  pris  pour  dupe   dans  cette 
»  négociation..  Vous  feriez  plaifîr  au 
»  Rei ,  &  vous  feriez  très-bien  de  lui 
»  écrire  une  Lettre  de  remerciement  » 
»  quelque   parti  que  vous'  preniez.  » 
Il  finir  par  fouhaiter  que  la  terre  s'en- 
tr'ouvre ,  pour  engloutir  ces  Corneil- 
les bavardes  dont  tous  les  jours  il  cre- 
voit  les  yeux  :  »  j'entends  ,  ajoute-t- 
«  il  ea  Grec ,  ces  faux  Théologiens 
»  qui  s'élèvent  contre  vous  ,  parce  que 
»  votre  réputation  &  votre  célébrité 
»  leur  donnent  de  la  jaloufie.  » 
L'Aoibaffadeur  du  Rgi  de  France 


440    .  Vie 

qui  ëtoit  pour  lors  à  Bruxelles ,  école 
le  célèbre  Etienne  Poncher  Evêque 
de  Paris  ,  à  qui  fon  mérite  avoit  pro- 
curé une  grande  fortune.  Il  étoit  fils 
(a)  Notes  du  (a)  Grenetier  du  Grenier  a  Sel  de 
^^  j?"*'  Tours.  Il  avoit  d'abord  été  Chanoine 
^  "  ^^^'''de  Saint  Gatien  de  Tours,  Confeil- 
lier-Clerc  au  Parlement  de  Paris ,  en- 
fuite  Préfident  aux  Enquêtes  ,  Evê- 
que de  Paris  en  lyo?.  Garde  des 
Sceaux  en  15*  12.  jufqu'en  15'iy.  en 
laquelle  année  il  les  remit  au  Roi  qui 
les  donna  J  Antoine  du  Prat.  Il  ne 
conferva  point  toute  fa  vie  TEvêché 
de  Paris  ;  il  fut  fait  Archevêque  de 
Sens  l'an  15'ip.  &  il  mourut  le  24 
Février  1^2^.  âgé  de  foixante  dix- 
huit  ans.  C'étoit  un  Prélat  d'un  rare 
(*)  Èfijt.  niérite.  Germain  de  Brie  afluroit  (  t  ) 
!•  L.  4.  que  fans  aucune  conteftation  c'étoit  le 
plus  rèfpeâable  Evêque  de  France 
par  la  fageffe  de  fes  mœurs ,  par  la  lu- 
périorité  de  fon  efprit ,  par  l'étendue 
de  fes  connoiflances ,  &  par  la  pro- 
teftion  qu'il  accordoit  aux  Gens  de 
Lettres.,  La  Cour  de  France  ,  après 
avoir  connu  ce  qu'il  valoir ,  l'employa 
dans  les  plus  grandes  affaires;  Char- 
les VIIL  Louis  XIL  François  L  fe 
fervirent  utilement  de  fon  ipiniftere. 
Il  avoit  un  fi  grand  crédit  à  la  Cour 
^  du 


d*Erasme.  '  24f 
3u  tems  de  Louis  XII.  que  Léon  X. 
le  pria  de  folliciter  auprès  du  Roi 
'l^aflàîre  que  le  Cardinal  des  Quatre- 
Saints  avoit  en  France  pour  PEvêché 
de  Vannes  ;  &  il  en  donne  cette  rai- 
fon ,  qu'il  a  appris  qu'il  n'y  avoit  point 
de  meilleure  recommandation  que  la 
fienne  auprès  du  Roi  (i). 

Poncher  étoit  d'autant  plus  propre 
à  engager  Erafme  à  venir  a  Paris  (a)  ,   (a\  Ftrfl 

3ue  fans  le  connoître perfonnellement, i^  L.  x« 
avoit  pour  lui  une  très-grande  efti- 
me.  Le  jour  d'après  que  Budée  eut 
fait  part  à  Erafme  des  intentions  du 
Roi ,  Guillaume  Copus  ,  premier  Mé- 
decin de  ce  Prince  ,    &  intime  ami 
d'Erafme ,  lui  écrivit  {b)  que  le  Con-  (k)  Bpijt^ 
feflfeur  de  François  L  &  François  de  ï7.  L.  i. 
Kochefort  qui  avoit  été  Précepteur  de  ^f^fi*  ^^^* 
ce  Prince  ,  lui  avoient  perfuadé  qu'il 
ne  pouvoit  rien  faire  de  plus  avanta- 
geux pour  les  Lettres ,  que  d'attirer 
Erafme  en  France  j  &  qu'en  confé- 

Juence  fa  Majefté  lui  avoit  ordonné 
e  lui  écrire  fi  l'on  pouvoit  fe  flatter 
de  l'avoir  à  Paris ,  &  à  quelles  condi- 
tions il  voudroit  y  venir.  Il  finiffoit 

(  I  )  Citm  ûutem  intelHgimus  ,  quanta  fi$ 
ûu^orhas  tua  afud  Regem.  Bref  de  Léon  X« 
dans  les  nouvelles  Lettres  de  Sadolet  im- 
primées à  Rome  en  17540 

Totnf  i  L 


54i  Vie 

par  cçs  mots  :  »  Le  Roi  promet  que  fî 
»  vous  voulez  venir  avec  nous  ici  f  ^ 
»  il  vous  recevra  de  façon  que  vous 
V  ne  vous  repentirez  jamais  d'y  être 
a»  venu,  *>  ' 

François  I.  ne  fe  contenta  point 

d'ordonner  aux  meilleurs  amis  d'E- 

rafine  de  lui  écrire  ;  il  lui  écrivit  de 

(a)  Efift. fa  propre  main  (a)  que  fon  arrivée  en 

ùdveT/ùs    ^^^"^^  ^"^  ^^^^^^  ^^  très-grand  plaifir^ 

hunenum.  .    Avant  ou'Erafme  reçût  ces  Lettres  ^ 

il   avoit  déjà  fait  connoiffance  avec 

'  (^)  Bfijl.  rAmbaflfadeur  de  France  (*  )  qui  la- 

11.  Ui.    yqJç  pj,j^  ^  manger,  &  preflé  de  la 

part  du  Roi  de  venir  a  Paris  s'y 
établir  ^  -fi  le  Roi  Catholique  y  con- 
fentoit  ;  il  lui  promettoit  même  en  foa 
nom  de  le  dédommager  de  toute  dé- 
peflfe  ,  &  de  lui  faire  une  gratifica- 
tion de  quatre-cens  écus  d'on  Eraf- 
(0  Eftft.  me  répondit    (  c  )   promptemcnt  au 

12.  L.  ai. Roi,  pour  lui  faire  fes  très- humbles 
l^  F  ^'^fî  ^^^'^crciemens  des  offres  avantagcufes 
iôd-*        '  S"'^'  ^\<>\i  eu  la  bonté  de  lui  faire  ^ 

lans  cependant  les  accepter  ni  les  re- 
fufer.  Il  congratule  ce  Prince  fur  ce 
qu'après  avoir  fini  la  guerre  avec  les 
Suifles  ,  il  ne  s*occupoit  qu'à  main- 
tenir la  paix  entre  les  principaux 
^  Princes  Chrétiens  ;  &  il  cite  avec 
un  grand  éloge  ce  fage  difçours  du 


204* 


d'  £  R  A  s  M  s.  h^ 

Koi ,  que  les  conceftations  des  Rois 
étoient  la  caufe  des  plus  grands  mal-* 
heurs  ;  que  s'il  étoit  poiCble  qu'ils 
vécufTent  eofemble  dans  une  -union 
parfaite ,  on  verroit  bientôt  renaître 
lâge  d'or ,  la  piété ,  les  bonnes  Loix , 
&  les  Arts  qui  font  les  fruits  de  ht 
Paix. 

Cette  Lettre  efl:  écrite  d'Anvers  le 
21  Février  i  y  17.  Ce  même  jour  Eraf- 
me  fit  réponfe  à  Budée  (a)  pour  lui  (^i)  Efjf, 
témoigner  qu'il  étoit  pénétré  de  re- 16.  L.  u 
connoiflance  de  la  bonne  volooté  du 
Roi.  3»  C'eft  à  vous  &  à  mes  autres 
> amis 9  lui  dit- il,  que  j'ai  l'obliga- 
»  tien  de  l'eftime  de  cç  Prince  :  vous 
»  m'avez  repréfènté  à  lui ,  non-pas  tel 
>  que  je  fuis ,  mais  comme  vous  fou* 
"haiteriez  que  je  fuffe.  »  Il  déclare 
qtfil  ne  peut  pas  faire  de  réponfe  po- 
fiiive  pour  le  préfent,  parce  qu'il  eft 
néceffaire  qu'il  confulte  le  Chancelier 
Sauvage  qui  étoit  parti  pour  Cam- 
brai, &  qu'en  attendant  fon  retour 
il  feroit  fes   léflexions ,  confulteroic 
fes  amis ,  &  lui  apprendroit  fes  der* 
jùeres  réfolutions  après  avoir  fçu  les 
intentions  du  Chancelier.  Il  finit  par 
Murer  que  la  France  lui  a  toujours 
^té  chère  ;  qu'il  fe  regarde  en  quel- 
que forte  coouQe  François  ,  parce 


84$  Vit 

Îue  fuivant  les   Cofmographes ,  la 
loUandc  eft  une  Province  de  France. 
Il  y  avoir  pour  lors  à  la  Cour  du 
Roi  Charles  un  Ambaffadeur  d'An- 
gleterre, qui  étoit  intime  ami  d'Eraf- 
me  î  c'étoit  Cutbert  Tunftal,  pour 
lors  Garde  des  Chanres  privées  3  dans 
la  fuite  Evêque  de  Londres,  puis  de 
:Durham  ,    le  plus    riche  &  le  plus 
confidérable  Evêché   d'Angleterre  1 
dont  il  fut  dépofé  fous  le  Régne  d'E- 
{f\Rapîn  douard  VI.  fils  deHenri  Vlil.  ftf)par- 
Thoiras,  /.  qq  q^'îi  défapprouvoit  le  changement 
é.  f.  68.     jç  Religion.  Il  étoit  fi  uni  avec  Eraf^ 
me,  que  celui-ci  n'avoit  point d'au-i 
tre  table  que  la  fienne  ,  lorfqu'il  étoiîl 
(h)  Epijl.  à  Bruxelles  (ft).  Il  crut  devoir  le  con- 
16.  L,  I.     fulter  au  fujet  de  la  propofition  qu'on 
lui  feifoit  de  venir  en  France.  Tunf- 
tal ,  peut-être  par  jaloufîe  contre  les 
François ,  fit  ce  qu'il  put-  pour  dif- 
<0  Eptjl.  fuader  Erafme  (  e  )  d'accepter  les  ofJ 
130.    offres  de  François  I.  »Les  Sa\aisdu 
fend.         »  Pays ,  lui  difoit-il ,  n'y  trouvent  pas 
»  de  Mécène  ;  c'eft  ce  que  déplora 
»Budée  lui-même  ,  l'honneur  de  ft 
•  Patrie.  Les  armes  y  font  en  hon-j 
3»  neur  ;  mais  fi  la  renommée  ne  nous 
*>  trompe  pas ,  il  faut  que  la  fcience 
?>  fe  cache.  » 
Ces  réflexions  pQUYQÎcm  être  vraiei 


1>^  E  R  A  5  M  E.  2^f 

avant  le  règne  de  François  L  mais 
les  chofes  etoient  bien  changées  de- 

Îuis  que  ce  Prince  étoit  monté  fur  le 
TÔne.  Il  y  avoit  plus  de  juftefle  dans 
ce  que  Tunftal  ajoutoit  ^  Que  les  Théo- 
logiens haïffoient  les  Belles-Lettres  ; 
3ue  de  Taveu  même  d'Erafme,  l'air 
c  Paris  ne  lui  convenoit  pas  ;  Se  qu'il 
devoit  être  tranquille ,  parce  qu'il  pou- 
voit  être  fur  que  l'argent  ni  les  amis 
ne  lui  manqueroient  jamais. 

Le  2 1  Février  lyiy.  Erafme  man- 
da à  Guillaume  Copus  (a)  auebien-  (a)  EpiJI. 
tôt  il  farcit  une  réponfe  précife  :  il  18.  l,  i. 
apprit  (i^)  à  André  Ammonio  &  ^^^a)  Epijf. 
Nonce  Canoffa,  Evêque  de  Bayeux,  ^7.    £.  jf] 
les  propofitions  que  le  Roi  de  Fran»  £/)(/?.  m. 
ce  lui  faifoit.  11  n'eft  pas  parlé  dans^*'^» 
les  Lettres  de  cette  année  de  quel  Bé- 
liéfide  le  Roi  vouloit  gratifier  Eraf- 
me ;  mais  il  eft  confiant  qu'il  lui  def» 
tinoit  la  Tréforerie  du  Chapitre  de 
Tours  ^  dont  le  revenu  alloit  dans  ce 
tems-là  à  plus  de  mille  livres  (  i  ). 

Budée  après  avoir  reçu  la  Lettre 
qu'Erafme  lui  avoit  écrite,  alla  à  Saint 

C  T  )  M.  le  Clerc  qui  ne  connoiflbit  pas 
les  noms  des  Dignités  des  Chapitres  de 
France,  appelle  une  Charge  de  Tréforiec 
cette  Tréforerie  qu'on  vouloit  donner  à  Eraf- 

L  ii] 


i4^  -V  I  K 

(a)  Efifl.  Maur  (fl)  oii  le  Roi  étoît;  c'ëtoit  le 
^o.A^f end.  ^oixr  des  Rameaux  de  l*an  lyiy.  Il 
trouva  ce  Prince  <jui  alloit  à  TEglife , 
fuivi  de  fon  Confefleur  &  de  François 
Dumoulin  de  Rochefort.  François  I. 
n'eut  pas  plutôt  apperçu  Budée ,  qu'il 
lui  deuianda  s*4l  avoit  reçu  des  Let- 
tres d'Erafme  :  Budée  les  lui  préfenta  j 
le  Roi  dit  qu'il  les  liroit  en  revenant 
de  rEglife.Âprès  qu'il  les  eut  lues,41  ne/ 
parut  pas  content,  »  Quelles  font  donc 
»  les  intentions  d'Erafme,  demanda-t  il 
a»  à  Budée  f  Car  il  ne  s'explique  pas 
»  clairement.  Ne  vous  a-t-il  pas  parlé 
»  plus  nettement  f  »  Rochefort  prit  la 
parole ,  &  affura  que  perfonne  n'étoit 
plus  capable  de  déterminer  Erafme 
que  Budée,  qui  s'offrit  de  lui  écrire 
encore.  »  Je  le  veux ,  dit  le  Roi,  »  Il 
alla  enfuite  dîner  ;  mais  comme  il  ne 
s'étoit  point  expliqué  fur  les  avanta- 
ges qu'il  vouloit  faire  à  Erafme ,  Bu-  j 
dée  déclara  à  ceux  qui  étoient  avec 
lui,  qu'il  n'écriroit  point  qu'il  n'eût 
quelque  chofc  de  pofîtif  à  mander , 
^  &  qu'on  ne  prît  des  engagemens  avec 

Erafme.  Cependant  l'Evêque  de  Paris 
étoit  revenu  de  fon   Ambaflade  de 
(h)  Ei>î/}  ^^^cUes  pénétré  de  là  plus  grande 
8  L.  4.  £*  cftînne  pour  Erafme  (b)  :  il  ne  ceflbit  ' 
fjjl.  HZ.  de  parler  de  fon  eiprit  >  de  fon  érudir 


d'  E  R  A  s  M  E.  247 

tîon  ,  de  fon  éloquence  ;  il  regardoic 
comme  un  grand  bonheur  d'avoir  vé- 
cu quelque  tems  avec  lui  ;  il  foute- 
noit  que  fon  mérite  étoit  encore  au- 
deflus  de  fa  réputation ,  quelque  gran- 
de qu'elle  fut  ;  qwe  jamais  les  Régions 
en- deçà  des  Alpes  n'avoient  produit 
de  Savant  fi  accompli  ;  qu'il  n'y  en 
avoit  pas  même  en  Italie  qu'on  pût 
lui  comparer,  »  Quand  il  parle ,  di- 
»foit-il,  quelle  fcience,  quel  agré- 
ai ment ,  quel  ftyle ,  quelle  mémoire  ! 
»  Ce  n'eft  pas  un  homme  ;  c'eft  la  Mu- 
w  fe  Attique  :  vous  jureriez  que  c'eft 
»  Démofthene  >  ou  quelqu'un  même 
»  de  fupérieur  à  Démofthene ,  s'il  peut 
»  y  en  avoir.  Il  a  pénétré  dans  le  fanc- 
»  tuaire  de  la  Philofophie  ;  il  entend 
»  parfaitement  Platon  ,  Ariftote ,  & 
»  les  plus  célèbres  Philofophes.  «  Uti 
témoignage  fi  avantageux  d'un  hom- 
me tel  que  Poncher,  ne  pou  voit  qu'aug- 
menter le  défir  que  le  Roi  avoit  de 
polTéder  Erafqie  a  Paris  :  auflî  le  fou- 
haitoit-il  avec  tant  d'empreflfement , 
qu'il  oflFrit  d'en  écrire  au  Koi  Catlio- 
lique  {a)  s'il  n'y  avoit  plus  que  fon  (a)  Epifi. 
confentement  qui  empêchât  l'heureux  î4.>.  i- , 
fuccès  de  cette  négociation. 

Mais  il  ne  paroït  pas  que  les  pro- 
pofitions  de  François  I.  ayent  jamais 
•         Liiij 


^4*8  V  I  È 

tenté  Erafme.  Il  s'eft  expliqué  à  cœur 
ouvert  dans  quelques  Lettres  qui  dé- 
voient êtte  fecfétes,  des  motifs  de  fon 
(d)  Epijl.  refus,  H  ne  trouvoit  pas  (a)  qu'il  y 
^  1 5.    Af-  gûç  afl-ç^  de  fond  à  faire  fur  les  efpe- 
^^^  *         rances  qu'on  lui  donnoit.  Il  fkvoit  que 
c'étoit  s'expofer  à  la  haine  de  plufieurs 
(h)  Eft%  Théologiens  (b)  que  de  concourir  à 
il.  t.  »i'l'établiffement  d'un  Collège  où   Ton 
apprendroit  le  Grec  &  THebreu.  Il  fe 
tbuvenoit  qu'il  ayoit  eu  beaucoup  à 
fouffrir  de  la  part  de  quelques  Doc- 
teurs ,    à  Toccafion  de  la  fondation 
du  Collège  Buflidien  à  Louvain.  Il 
(c)  Bfift,  appréhendoit  (  c  )  d'être  forcé  d'cn- 
Cr.tca  BU'  trer  dans  les  querelles  de  Théologie , 
^%pi74-  qui  commençoient  à  s'agiter  avec  une 
*  ^  ^  •       extrême  vivacité  dans  l'Europe ,  à  Toc-» 
cafion  des  propofitions  nouvelles  & 
hardies  avancées  par  Luther.  Enfin  il 
craignoit  Tefclavage  attaché  à  la  con- 
dition de  ceux  qui  fe  mettent  au  fer- 
Ci)  Efift.  vice  d'un  Prince.  Il  difoit  (  i  )  qu'il 
)  5*  L,  3.    vouloit  bien  leur  être  utile  à  tous  ;  mais 
qu'il  n'en  vouloit  fervir  aucun. 

Il  ne  parle  pas  fî  naturellement  dans 

'la  Lettre  qu'il  écrivit  à  l'Evêque  de 

(0  £;>//?. de  Paris  (e)  le    14  Février  iji8. 

5.L.  I.  E- Après  avoir  fait  un  grand  éloge  du 

ftJl*i}U    Hoi,  il  déclare  que  quelque  agrément 

qu'il  pût  trouver  en  France,  fon  âgç 


d'  E  R  A  s  M  fi;         24^ 

l'empêchoit  de  changer  de  lieu  ;  que 
d^ailleurs  les  bontés  du  Roi  Catho- 
lique pour  lui,  fes  bonnes  intentions 
pour  le  progrès  des  Belles-Lettres ,  le 
retenoient  dans  fon  pays  ;  qu'ainfî 
pour  le  préfent  il  ne  pouvoit  pas  pro- 
mer  des  offres  du  Roi  ;  mais  qu'il  en 
avoit  autant  de  rçconnoiflance  que  s'il 
les  avoit  acceptées  ;  que  dans  la  fuite 
il  tâcheroit  de  répondre  à  la  bonne 
volonté  d'un  fi  grand  Prince ,  lorf-. 
qu'il  le  pourroit  faire  convenablement  ; 
Se  que  fi  cela  ne  lui  étoit  pas  pofHble^ 
il  fe  regarderoit  toujours  comme  dé- 
voué à  la  France.  Comme  cette  ré- 
Sonfe  laiffoit  toujours  les  intentions 
'Erafme  dans  l'incertitude ,  TEvêaue 
de  Paris  rencontrant  un  jour  Budee , 
lui  demanda  {a)  s'il  ne  croioit  pas  (a)Eptfi. 
que  l'on  pût  faire  à  Erafme  telles  pro-  5»«  iL,  }• 
pofitions  qui  le  détermineroient  ï  ve- 
nir en  France.  Budée  répondit ,  que 
fi  le  Rcrt  avoit  encore  cette  afïiire  fore 
à  cœur  ,  il  s'offroit  d'en  écrire  à 
Erafme ,  quoique  de  l'humeur  dont  il 
le  connoifloit ,  a  jouta- 1- il ,  il  ne  vou- 
lût pas  même  d'un  bon  Evêché ,  s'il 
falloiti  commencer  à  vivre  à  la  Cour, 
Poncher  qui  étoit  fort  occupé  ,  char- 
gea Budée  d'écrire  à  Erafme,  afin 
de  favoir  fcs  derniçrçs  réfolutions  ;  U 


rijo  Vie 

lui  recommanda  de  lui  confeiller  de 
fi'^adrcfler  à  lui-même  Evêque  de  Pa- 
Tris ,  de  lui  ouvrir  fon  cœur ,  avec  pro- 
meffe  que  ce  feroit  lui  qui  négocie- 
roit  cette  afïàire  à  la  Cour.  En  con- 
féquence  de  cette  converfation ,  Bu- 
dëe  demanda  à  Erafme  quels  appoin- 
temens  il  fouhaitoit  :  il  raffuroit  que 
bientôt  il  auroit  un  Bénéfice  i  fi  Ton  en 
croyoit  PEvêque  de  Paris  j  il  lui  con- 
fellle  d'en  conférer  avec  fes  amis ,  de 
fe  confulter  lui-même  ,  &  d'écrire  à 
Poncher  ce  qu'il  veut  d'appointement , 
&  ce  qu'il  lui  faut  pour  les  frais  de 
fon  déménagemaiit  &  de  fon  voyage. 
Cette  Lettre  cft  du  12  Avril  i^iS. 
(  I  ).  La  négociation  dura  toute  Fan- 

C  I  )  Cette  Lettre  eft  certainement  du  iz 
Avril  151ÎJ,  Elle  fut  écrite  après  Tarrivée 
du  Roi  Catholique  en  Efpagne  :  or  Charles 
y  entra  *  dans  le  mois  de  Septembre  i$i7m 
Celte  même  Lettre  prouve,  que  les  premiè- 
res propofitions  qui  furent  feites  à  Era(me 
ée  venir  en  France ,  font  de  Tan  1517.  un 
an  avant  que  cette  Lettre  fut  écrite  9 
quoiqu'elles  foient  datées  de  Tan  1^15.  Mais 
outre  qu'il  ne  feut  pas  trop  s'arrêter  aux 
dates  des  premières  Lettres  d'Erafme  ,  il  ne 
faut  pas  oublier  que  c'étoit  l'ufage  dans  ce 
cems-là  de  ne  dater  les  Ades  de  Tannée 
nouvelle  qu'après  Pâques. 

iRainatduSi  an.  1^17  >    ^!  ii^» 


rrr^ 


d'  E  R  A  s  M  E.  25*  I 

née  :  car  une  Lettre  du  22  Octo- 
bre (a)  nous  apprend  qull  étoit  in-    (a)  Epi/!. 
vite  de  veniç  en  France  ;  mais  qu'il  *^4.    wp- 
n^avoit  point  deffein  d'y  aller.    On  P'"^* 
fit  de  nouvelles  tentatives  Tan  iy2^. 
ilparoît  même  (b)  qu'on  lui  failoit    C^)  Epifl^ 
efpérer  quelque  Evêché  :  car  il  écri-  ^^\^*  ^^* 
voit  le  2  Septembre  de  cette  année  à  ^^'•^'    ^^* 
François  Dumoulin  Evêque  de  Con-  p}/}^  ^\,  j^, 
dom ,  ^  Les  Evêchés  que  Sa  Majefté  10. 
»  me  promet  ne  me  tentent  pas.   Ils 
»  m'épuiferoient  du  peu  d'argent  que 
M  j'ai ,  m'engageroient  dans  des  det- 
wtes,  &  m'enleveroient  cette  libené 
»  fans  laquelle  je  ne  pourrois  pas  vivre 
»  trois  jours.  »   Il  y  avoit  une  nou- 
velle raifpn ,    qui  Tauroit  empêché 
d  écouter  les  propofîtions  de  la  Fran- 
ce :  le  Roi  Catholique  avoit  été  élu 
Empereur ,  au  grand  chagrin  de  Fran- 
cis L  qui  avoit  été  fon  Compétiteur 
l'Empire  ;  &  la  préférence  que  Char- 
les avoit  eue  fur  (on  rival ,  avoit  caufé 
des  haines  qui  mirent  toute  TEuropc 
en  feu.  Dans  ces  circonftanccs ,  Eraf- 
me  écrivoit  (c  )  :  »  Quoique  le  Roi  de  (c)  Adver* 
»>  France   m'invite  d'aller  chez  lui  ,  ^^^  Hutte- 
»  je  n'ai  garde  de  me  rendre  à  fes  ^^^'  ^PP* 
«propofîtions  j  ceux  qui  me  veulent  du  ^^p  ^^^•^' 
»mal  ne  manqueroient  pas  de  me  re-  *    ' 
»  procher ,  que  je  me  fui«  retiré  chez 

L  vj 


i 


55*2  Vil' 

»  un  ennemi  de  TEmpereur.  »  MaÎJ 
Quelque  efpérance  qu'il  ait  donnée  à 
les  amis  de  France  ,  jamais  il  n'eut 
intention  d'y  venir,  ainfi  qu'il  le  manda 
"(a)  Epijt.izns  la  fuite  à  Budée  {a).  N'oublions 
j^.  L.  10.  |)as  de  rapporter  un  trait ,  qui  prouve 
jufqu'où  les  Savans  portent  la  baÔcffe  & 
la  jaloufie.  Dans  le  commencement  de 
cette  négociation ,  quelques  gens  mal* 
intentionnés  pour  Erafme  ne  craigni- 
(i^)  Epjfy?  rent  pas  de  venir  trouver  Budée  (i) 
*ao.  L.  2.  pour  lui  repréfenter  que  fi  Erafme  ve- 
^fifi.  J04  noit  en  France ,  lui-même  &  les  au- 
tres Savans  du  Royaume  y  ieroient  en 
moindre  confidération  ,  parce  qu^on 
auroit  fujet  de  croire  qu'il  n'y  avoit 
qu'Erafmequi  pût  rétablir  la  Littéra- 
ture, C'eft  ce  que  nous  apprenons  par 
une  Lettre  de  Budée  à  Erafme ,  dans 
laquelle  cette  confidence  fe  trouve  en 
Grec.  Budée  reçut  avec  le  mépris 
qu'elle  méritoit  cette  repréfentation  ; 
&  il  répondit,  que  dans  tout  ce  qu'il 
avoit  fait  dans  cette  occafion  ,  il  avoit 
exécuté  les  ordres  pofitifs  du  Roi  , 
&  que  c'étoit  avec  le  plus  grand  plai- 
fir  du  monde  qu'il  avoit  obéi.  Erafme 
conferva  toute  fa  vie  une  très-grande 
reconnoiffance  des  fentimens  avanta- 
geux que  le  Roi  de  France  avoit  eus 
jpourlui  i  il  ofamêmç  donner  des  pr eu* 


d'Erasmb.  15*  j 

i  ves  de  la  vénération  qu'il  avoit  pour 
ce  Prince ,  dans  le  tems  de  fes  plus 
grands  malheurs.  Après  que  par  la 
perte  de  la  Bataille  de  Pavie  il  fut  de- 

;  venu  prifonnier  de  l'Empereur  ,  Eraf- 
meiie  craignit  pas  de  confeiller  publi- 

;  quement  à  fon  Maître  d'ufer  de  fa 
viftoire  avec  générofité.  »  Si  j'ëtois 
»  Empereur  ,  dit  -  il  dans  un  de  fes 
»  Dialogues  (a) ,  voici  comme  je  par-  (a)  DJalo^ 
•»  lerois  au  Roi  de  France.  Mon  frère,  g"©  ^"  ^^ 
»  quelque  mauvais  génie  nous  a  fait  P'^  «^  P^"- 
"  entrer  en  guerre  j  la  fortune  vous  a      '^  ^  ^- 
3>  fait  mon  prifonnier  :  ce  qui  vous  eft 
m  arrivé  peut  m'arriver  auflî  ;    vos 
»  malheurs  me  font  faire  attention  aux 
»  malheurs  attachés  à   la  condition 
M  humaine.  Nous  n'avons  que  trop  fait 

,  »  la  guerre  ;  difputons  d'une  autre 
»  manière  :  je  vous  rends  la  liberté  ; 
»  accordez-moi  votre  amitié.  Oublions 
»  le  paflfé.    Je  ne  vous  demande  point 

,  »  de  rançon  )  vivons  en  bons  voifîns , 
»  &  n'ayons  d'autre  ambition  que  celle 
»  de  nous  diftinguer  par  la  bonne  foi 
»  &  par  les  bienfaits*  Celui  qui  de  nous 
»  deux  remportera  la  viftoire ,  jouira 
»  du  plus  beau  de  tous  les  triomphes, 
»  Cette  aftion  de  clémence  me  fer 
»  plus  d'honneur  y  que  fi  j'avois  con 
p  quis  la  France  j  &  votre  reconnoif- 


a^4  Vie 

M  lance  vous  fera  plus  glorieufe ,  que { 
»  vous  m'aviez  chaffé  d'Italie.  » 

»  Qu'une  fi  belle  aftion  ,  ajoute 
a»  Erafme ,  feroit  d'honneur  à  l'Empe- 
3»  reur  !  il  n'y  a  point  de  Nation  qui  ne 
»  fe  fournît  volontiers  à  un  Prince  fi 
»>  clémenc  &  fi  humain.  » 
(d)  Chitrei  Qç^  ^yis  qu  Erafnae  donnoit  i  l'Em- 
Saxonta  ,  p^^-g^j.  ^  fervit  apparemment  de  mo- 

îo^'^Gu?-  ^^^^  ^  ^e^^i  ^^  l'Evêque  d'Ofma  Con- 
Chardin  ,  feflfeur  de  ce  Prince ,  dans  ce  fameux 
L.  K.n.  5.  Confeil  où  il  fut  délibéré  comnaenton 
Rapin.    gn  agiroit  avec  le  Roi  prifonnien  Le 
Thoiras,t.Confeireur  parla  le  premier,   &  fut 
S*  P* i5>i.    jjjyjg  qu'on  relâchât  François  I.  fans 
lui  impofer  aucune  condition.  Il  repré- 
fenta  que  par  cette  générofité  l'Empe- 
reur acquéreroit  une  gloire   immor- 
telle ;  qu'il  feroit  en  la  perfonne  de 
François  1.  un  véritable  ami,  Frideric 
Duc  d'Albe  rejetta  bien  loin  un  fen- 
timent  qui  n'étoit  pas  fait  pour  être 
approuvé  par  un  Militaire  féroce,  & 
qui  ne  pouvoit  plaire  (Ju'à  une  très- 
belle  ame  ;  il  foutint  qu'il  falloit  tirer 
de  la  viftoire  de  Pavie  tous  les  avan- 
tages qu  elle  devoit  naturellement  pror 
curer  :  l'Empereur  fuivit  ce  confeil.  Le 
Chancelier  Gattinare  defapprouva  le 
parti  queprenoit  l'Empereur;  ilaurok 
louhaité  que  le  fentiment  du  Confef- 


r    E 

I   feur  eut  prévalu.    Il  prévit  ,     ainfi 
qu'Erafnie  Tavoit  fait ,  que  fi  Charles 

■  exigeoit  dé  fon  prifonnier  des  condi- 
tions trop  dures,  non-feulement  la 
Paix  rie.leroit  pas  folide ,  mais  qu'il 
s'enfuivroit  une  guerre  encore  plus 
cruelle  que  celle  qu  on  s'imagineroit 
avoir  finie  :  aufli  ne  voulut-il  poiiit 
figner  le  Traité  de  Madrit. 

Après  que  François  I.  eut  recouvré 
la  liberté ,  Erafme  lui  en  fit  fon  com- 
pliment (  tf  ).  Il  ne  craint  pas  de  dire ,   (à)  Efjî. 
que  c'eft  avec  chagrin  qu  il  avoit  vu  4o-  L  zi. 
que  la  fortune  n  avoit  pas  répondu  con-  ^i'^^*  '*^* 
venablement  au  courage  &  aux  gran- 
des vertus  d'un  Prince  ,  qui  lui  avoit 
donné  tant  de  fois  des  preuves  de  fon 
aflFeélion  :  il  ajoute ,  ce  qui  eft  encore 

Ï>lus  hafdi  de  la  part  d'un  Sujet  de 
'Empereur,  «Quoique  cette  dernière 
»  Paix  ait  été  faite  a  des  conditions 
»  trop  dures  ,  pour  ne  pas  dire  injuf- 
»  tes ,   j^efpére  que  le  fouverain  arbi- 
*>  tre  des  chofes  humaines  amènera  tout 
»  à  bien.  »  Après  des  déclarations  fi 
publiques,il  n'eftpas  étonnant  qu'Eraf- 
me  ait  été  accufê  de  partialité  pour  la 
Nation  Françoifc,  Il  nous  apprend  (h)  (fi)  ^l'-fl* 
que  fon  affeftion  pour  les  François  lui  ^*  .^*  ^®* 
avoit  fait  des  ennemis ,   non-feulement  ^  -^  *   ^  ^* 
dans  fon  pays ,  mais  auifî  chez  les  Ân-^ 


aj6  Vie 

jglois;  il  ajoute  que  s'il  les  aime,  ce 
n*eft  point  par  intérêt  ,  puifque  de 
toutes  les  Nations  la  Françoife  cft 
celle  dont  il  a  reçu  le  moins  de  bien- 
faits. 

La  négociation  qui  s'étoit  faite  pour 
attirer   Ërafme  en  France.,    prouve 
qu'il  y  avoit  une  très  -  grande  union 
entre  lui  &  Budée ,  qui  étoit  aufli  re- 
gardé comme  un  des  principaux  or- 
nemcns  de  la  République  des  Lettres. 
Leur  amitié  étoit  montée  à   un  tel 
(a)  Epift^  Çoînt ,  qu'ik  étoient  convenus  (a)  de 
30.  L.   I.  le  communiquer  tous  leurs  amis.  Elle 
fut  quelquefois  obfcurcie  par  de  petits 
nuages  :  on  trouve  dans  leurs  Lenres 
refpeftives  des  expreflîons  dures  &  of- 
Xh)  Epi/l.  fenfantes  ;  il  y  en  aune  de  Budée  (  b  ) 
543-  Efifi.zstc  cette  Infcription  :  Budée  jufqu'à 
54.  L.  3»    préfent  ami  d'Erafme,  lui   dit  pour 
toujours  adieu.  Eralme ,  quoique  mé- 
content ,  ne  cherchoit  cependant  qu'à 
appaifer  fon  ami  5  &  pour  le  faire  ren- 
trer en  lui-même ,  il  déclaroit  au  com- 
fc)  ^?^'A mencement  de  fa  réponfe  (c),  que 
iSf .  Epijl.  quoique  fît  Budée  ,  il  feroit  toujours 
^^*  ^*  3*    fon  ami  &  fon  ferviteur.  Il  fc  plaint 
de  ce  qu'il  prend  mal  quelques-unes 
de  fes  plaifanteries ,    dont  l'intention 
n'étoit  point  de  le  fâcher  :  il  fuppofe 
même  que  Budée  ne  parioit  point  Hz 


D*  E  R  A  s  M  E,  5^7 

rieufement ,  &  que  fes  expreflîons  ap- 

prochoient  plus  de  Tironie  que  d'une 

véritable  haine.  Ge  qui  eft  confiant , 

eft  que  quoiqu'il  y  ait  eu  entre  ces  deux 

favans  hommes  d.e  petites  difcuflions  ^ 

&  peut-être  quelques  mouvemens  de 

jaloufie  ,  ils  sVimoient  &  s*eftimoicnt 

intérieurement.  »  Je  ne  crois  pas ,  dit 

»  Erafme  (  a  ) ,  qu'il  y  ait  perfonne   (a)  Eptjh 

n  qui  penfe  mieux ,   &  qui  parle  plus  xt.U  5« 

»  honorablement  de  Budée  que  moi , 

»  quoiqu'il  foit  affez  grand  pour  n'a- 

»  voir  pas  befoin  de  mon  éloge.  Il 

»  m'avoit  fait  un  défi  littéraires  je 

»  croyois  qu'il  aimoit  la  plaifanterie  ; 

>y  mais  il  m'a  répondu  en  bon  Fran- 

»  çois  >  pour  ne  pas  dire  quelque  chofe 

»  de  plus.    Vous  ne  m'apprenez  rien 

»  de  nouveau  en  louant  Budée ,  écri- 

«»  voit-il  à  Vives  (i);  mais  l'éloge  que  ^^Xf^5^* 

»  vous  faites  d  un  homme  que  j  aime  ^^^  j  ^^ 

»  tant ,  me  donne  un  vrai  plaifîr  :  quel-  Efijl.   X9ê 

••que  choie  qu'il  puiffe  écrire  contre  L.iu 

»  moi ,  jamais  je  ne  cefferai  d'être  fon 

»  ami..  Je  ne  fuis  point  réconcilié  avec 

»Budé-,  mande- t-il  à  Baptifte  Eg- 

»  naiius  (c)  :  car  je  l'ai  toujours  regardé  (c)  Epijt. 

Vcomme  un  homme  de  bien ,    d'une  3*  L.  i6; 

»  grande  doftrine ,  qui  avoit  bien  mé- 

»  rite  des  Lettres  &  des  Savans.  S'il 

»y  a  çu  entre  nous  quelque  brouille- 


2sS  Vie 

3»  rie  qui  ne  mérite  pas  qu'on  en  parle, 
99  ce  n'eft  pas  moi  qui  y  ai  donné  oc-  l 
»  cafion  j  ce  font  de  mauvaifes  lan- 
»  gués.  »  Il  faut  remarquer  que  ceue 
Lettre  fut  écrire  après  la  publication 
du  Cicéronien  ,  qui  caufa  quelcjue 
.  nuage  dans  leur  amitié,  Budée  ne  par- 
loit  pas  d'Erafme  avec  moins  d'efti- 
me  j  &  les  éloges  que  ces  deux 
hommes  célèbres  fe  donnoient  mutuel- 
lement ,  paroiflbient  fi  exceflîfs  à 
(a)  De  Sa^  Cardan ,    qu'il  a  déclaré  (a)  qu'il  ne 

^'^r?/  ^*  pouvoir  les  lire  fans  reffentir  un  mal  de 

3.^.147*   * 

^  cœur. 

Cpmme  ils  étoient  fans  contredit 

les  deux  plus  favans  hommes  de  leur 

fiécle,  c'étoit  un  problême  que  l'on 

agita  fouvent  de  leur  vivant,  lequel 

des  deux  méritoit  la  préférence.  Lon- 

gueil ,  célèbre  Cicéronien,  traira  cette 

queftion  dans  fa  Lettre  à  Jacques  Lu- 

(h)  Epffl.  cdts.  Doyen  d'Orléans  (&)•  Il  fou- 

62.  L.  3.   haite    de   favoir  de  lui  ,    pourquoi 

£/>//?.    54- François  I.  donne  la   préférence  à 

des^èSs  Erafme  fur  Budée ,  à  un  Allemand  fur 

de  Longo-  ^n  François  ,  à  un  Etranger  fur  un  de 

lius.  fes  Sujets ,  i  un  inconnu  fur  un  hdmrae 

qu'il  voit  fouvent.  »  Car  quant  à  l'é- 

»  rudition ,  dit-il ,  je  ne  vois  pas  en 

«>  quoi  Budée  cède  à  Erafme ,  foit  du 

3?  côté  des  Belles-Lettres ,  foit  du  côté 


b'  E  R  A  S  M  B.  ayp 

j>  des  Sciences  plus  dignes  d'un  Chré- 
»  tien.  Quant  au  ftyle  ,  ils  en  ont  cha- 
3»  cun  un  tout  différent ,  &  qui  dans 
^  fon  genre  mérite  d'être  ellimé.  Ils 
»  ont  tous  deux  une  grande  abondan- 
«  ce  :  l'un  eft  plus  étendu ,  l'autre  eft 
»  plus  ferré  ;  mais  en  même-tems  il 
«  eft  plus  profond ,  &  il  y  a  plus  de 
»  chofes  chez  lui.  L'un  eft  plus  pkin , 
»  &  l'autre  eft  plus  rapide.  Il  me  fem- 
3Bble  remarquer  dans  Budée  plus  de 
»  nerf,  plus  de  (ang  ,  plus  de  force  ; 
^  dans  Érafme ,  plus  de  chair  6c  de 
•couleur  :  dans  le  premier  ,  plus 
»  d'exadlitude  ;  dans  le  fécond ,  plus 
»  de  facilité.  L'un  efl  rempli  de  Sen- 
»  tences  ,  &  l'autre  de  plaifanteries  : 
»  Budée  donne  tout  à  Futilité  ;  Eraf- 
»  me  confulte  beaucoup  ce  qui  peut 
«  être  agréable  jHe  premier  brille  par 
3J  fon  attention ,  fon  efprit ,  fa  gra- 
»  vite ,  fa  dignité  j  l'autre  par  fon  art , 
»  fa  fubtilité  ,  fa  douceur ,  fes  agré- 
ai mens.  Vous  aimez  l'un  j  vous  ad- 
»  mirez  l'autre.  Budée  m'emporte  , 
»  Erafme  me  charme.  Budée  efl  heu- 
»  reux  dans,  fes  Métaphores  ,  grave 
»  dans  fes  Sentences  ,  varié  dans  fes 
a» figures,  fublimej  Erafme  efl  agréa- 
»  ble ,  modeflç  ,  fleuri ,  abondant ,  fa- 
»  çile  ^  clair.  Le  premier  efl  toujours  le 


26o  Vie 

»  même  ;  il  tonne ,   il  fulmine ,  lorf- 
»  qu'il  eft  queftion  de  reprendre  les 
»  défauts  de  notre  tems:  rautr^^même 
»  lorfqu'il  attaque  les  mœurs  corrora- 
»  pues ,  paroît  plutôt  fe  fervir  de  reme- 
»  des  doux ,  qu'avoir  recours  aux  opé- 
M  rations  violentes.   Si  Budée  avoit  à 
«écrire  l'Hiftoire,    il  reffembleroic 
»  plus  à  Thucidide  qu'à  Sallufte  ,  & 
»  Erafme  plus  àTite-Live  qu'à  Héro- 
»  dote.  S'il  falloit  faire  un  Poëme ,  le 
»  premier  feroit  plus  tragique,  plus  lié-  h 
3>  roïque ,    &  plus  abondant  en  Sen- 
w  tences  graves  ;  le  fécond  fe  tireroit 
»  mieux  d'une  Comédie ,  d'une  pièce 
»  Lyrique  ou  d'une  Elégie  :  il  s'élève 
»  pourtant   quelquefois  ;  mais  plutôt 
»  par  imitation  que  par  la  force  de  ion   j 
»  caraftere.    L'un  paroît  infpiré  pat 
•  Minerve  ;  l'autre  eft  toujours  ac- 
30  compagne  du   chœur  des  Grâces. 
»  Mais  ,  continue  Longueil ,  afin  que 
3>  vous  foyez  perfuadé  qu'il  n'y  a  rien 
»  de  parfait  dans  ce  monde ,    &  qu'il 
»  eft  impoffible  de  fatisfaire  tous  les 
»  hommes ,  je  vous  apprendrai  ce  (î|ue 
»  ceux  qui  croient  avoir  fait  quelque 
»>  progrès  dans  les  Lettres  ,    defire- 
»  roieht^  dans  ces  deux  Savans.    On 
»  reproche  à  Budée  d'être  trop  par- 
?>  fait,  &  à  Erafme  d'aimer  fes  défauts» 


r>'  E  K  A  s  M  E.  a6i 

»  Le  premier ,  dans  fà  fcrupuleufe 
»  exaditude  ,  oublie  fouvent  pour 
»  qui  il  écrit ,  n'étant  occupé  que  de 
»  chanter  pour  lui  &  pour  les  Mufes  ; 
»  Tautre  fe  livrant  trop  à  fon  génie  , 
»  s'imagine  que  les  choies  les  plus  com- 
»  munes  peuvent  trouver  place  dans  fes 
»  Ouvrages,  ce  qui  en  altère quelquc- 
*  fois  la  beauté.  Budée  donne  plutôt  à 
»  deviner  qu'il  n'explique  ;  Erafme 
»  trop  abondant  inonde  fa  matière.  Le 
»  premier  s'enfle  fouvent }  le  fécond 
»  i^mpe  ordinairement  :  l'un  plaît  ex- 
^  trêmement  aux  Savans  j  l'autre  fait 
*plaifir  même  aux  ignorans.  »  Lon- 
gueil  finit  par  déclarer  ^  qu'il  fe  con- 
tente de  rapponer  les  fuffrages  des 
Savans.  Cette  Lettre  ayant  été  envoyée 
à  Erafroe  ^  il  crut  devoir  écrire  à  Lon* 
gueil  (  a)  :  il  lui  déclare  qu'il  eft  bien  (^) ^pifi» 
éloigné  d'être  fâché  de  la  préférence  ^^-^^ 
qu'il  donne  à  Budée  fur  lui  j  qu'il  trou-  l^^^* 
ve  que  Budée  eft  trop  peu  loué ,  tan- 
,  dis  qu'il  le  loue  avec  trop  dçprofufion; 
qu'il  ne  fe  reçonnoiflbit  point  dans  les 
éloges  qu'il  failoit  de  fes  Ouvrages  5 
que  la  plus  grande  louange  que  l'on 
pouvoit  faire  delui,étoit  de  le  mettre  à 
la  fuite  de  Budée.  Il  aflure  que  c'eft 
avec  plaifir  &  profit  qu'il  a  vu  les  cri' 
tiques  qye  Ton  faifoit  de  fes. Ecrits: 


II» 


1 


262  Vit 

il  avoue  qu'il  ne  revoit  pas  fes  Ouvra- 
ges avec  aflez  d'attention  ;  qu'il  n'ap- 
porte pas  une  fcrupuleufe  cxaftitude 
dans  le  choix  des  mots ,  parce  qu'il 
s'imagine  que  cette  afFedlation  ne  con* 
vient  pas  à  quelqu'un  qui  tourne  fa 
principale  attention  vers  les  chofes, 
C'étoit  une^  critique  du  ftyle  de  Lon- 
gueil  ,  qui  dans  le  goût  des  admira- 
teurs outrés  de  Ciceron ,  n'employoit 
fes  belles  phrafcs  qu'à  dire  les  chofes 
les  plus  communes,  Erafme  finit ,  en 
affurant  Longueil  que  le  Roi  de  France 
ne  lui  donne  point  la  préférence  fur 
Budée ,  qu'il  n'avoît  eu  intention  que 
de  les  réunir. 

Cette  Lettre  eft  un  modèle  de  po- 

liteffe ,  &  devroit  fervir  d'exeinple  aux 

Savans  qui  s'imaginent  avoir  des  fu- 

jets  de  plainte  contre  leurs  Critiques. 

(a)  longo'  Longueil  a  prétendu  (a)  que  la  Let- 

lii  Epiji.  ^re  avoit  indifpofé  Erafme  contre  lui: 

ir.  if  2ii  ^^^^^^  1'^  "*^^  i  ^  ^1  en  apporte  pour 

f*  )reuve,  que  c'étoit  lui-même  qui 
'avoit  fait  imprimer.  Ce  qui  eft  conf- 
tant,  eft  que  lorfque  Longueil  écrivit 
cette  Lettre  ,  il  ii'avoit  jamais  vu 
Erafme;  ceft  lui-même  qui  l'affure. 
Depuis  étant  venu  à  Louvain  ,  il  alla 
^^)^^^^^- rendre  vifite  à. Erafme  (fc)  qui  le 
V*'* reçut  de  fon  mieux  j  ils  furent  trois 


d'  E  R  A  s  M  E.  2(^5 

jours  enfemblc.  Longueil  voulut  enga- 
ger Erafme  à  parler  dans  un  de  fes  Ou- 
vrages d'une  avanture ,  que  la  jaloufie 
des  Italiens  contre  les  Etrangers  qui 
parloient  bien  Latin  'lui  avoit  procu» 
rée  à  Rome  -,  mais  Erafme  qui  ne  vou- 
loit  point  fe  faire  de  nouveaux  enne- 
mis ,  n'ayant  pas  répondu  d'une  ma^ 
niere  qui  fatisfît  Longueil  9  il  refta 
perfuadë  que  ce  fut  une  des  caufes  qui 
indifpoferent  Longueil  contre  lui  le 
relie  de  fa  vie.  Le  Poëte  Nicolas 
\  Bourbon  qui  compara  Erafme  à  Bu- 
dée  ,  n'étoit  pas  éloigné  de  penfer 
comme  Longueil  ;  il  difoit  que  le  pre- 
mier étoit  plein  d'appas  ,  &  que  le 
fécond  enlevoit  (  i  )• 

Vives  admirateur  de  tous  les  deux, 
n'a  ofé  décider  de  la  préférence  ;  il  a 
prétendu  (  a  )    que  c'étoit  un  efprit  (a)  Epffx 
dans  deux  corps,  x  7 1 L.  1 1  • 

La  poftéritc  quijuge  ordinaîremetit 
mieux  que  le  fiécle  préfent ,  parce 
qu'elle  juge  après  que  les  haines ,  les 
jaloufies  &  les  partialités  font  étein- 
tes ,  a  décidé  en  faveur  d'Erafme.  Ce 

(  I  )  Sets  quid  ab  HolUinào  Franctu  Budaut 
Erafmo 
Différât  ?  hic  dtClis  allicU ,  file  rapît. 

Nicolai  BorboniiNugdr.L,i.Car,67.     ^ 


^^  Vie 

ii*eft  pas  qae  Ton  ne  convienne  de  la 
profonde  érudition  de  Budée  dans  la 
Litcérature  Grecque ,  auquel  égard  il 
pomToit  peut-être  l'emporter  fur  Eraf 
me  ;  nuis  celin-ci  l'empone  certaine- 
ment far  Budée  par  fes  agrémens ,  pai 
iâ  fécondité ,  &  par  la  variété  du  nom- 
bre infini  de  fes  Ouvrages  :  enfin  Bu 
dée  peu  lu  n'efi  connu  que  de  ceux 
qui  étudient  à  fond  les  Lettres-Grec- 
ques; &  Erafine  eft  œcore  entre  leJ 
mains  debout  le  monde. 

Dans  le  tems  à  peu  près  que  le  Roi 
de  France  penfoit  à  attirer  Erafme 
dans  fon  Royaume,  Emeft  de  Bavière 
qui  fiit  depuis  Evêque  de  Paflau  &  Ar- 
chevêque de  Saltzbourg,  projettoit 
dé  fau-e  fleurir  TUniverfité  d^ngol^ 
ilad ,  en  y  (àifant  venir  à  des  condi- 
tions avantageufes  tout  ce  qu'il  y  avoic 
.  de  plus  habiles  gens  en  Allemagne.  H 
jetta  d'abord  les  yeux  fur  Erafme  , 
très-réfolu  de  ne  rien  épargner  pouï 
l'avoir.  Il  fit  part  de  fon  projet  à  Ur- 
bain le  Roi ,  Profefleur  dlngolftad  ; 
ià)  Epijl.  &  le  Roi  en  écrivit  à  Jean  Faber  (4 
ij.  L*  2,  célèbre  Dominicain  ,  qui  depuis  fu^ 
Evêque  de  Vienne ,  qu'il  croioit  être 
avec  Erafme.  Il  lui  fit  part  des  inten- 
tions du  Prince  de  Bavière  ;  &  il  (^ 
pria  de  lui  faire  favoir  s'il  n'y  auroii 

pas 


'b'  E  R  A  s  M  K.  ±6^ 

Îas  moyen  d'engager  Erafme  à  être 
Vofeflfeur  ordinaire  à  Ingolftad.  S'il 
objeftoit  fon  âge ,  on  avoit  ordre  de 
lui  dire  qu'il  n*auroic  aucune  fatigue  ; 
que  le  Prince  demandoit  feulement 
que  par  fa  préfence  il  vint  mettre  en 
honneur  les  Etudes   de  llJniverfité 
d'Ingolftad.  Il  ajoutoit  que  fi  Eraf- 
me ,  avant  de   s'engager ,  jugeoit  à 
propos  de  venir  voir  le  Prince  Erneft 
&  examiner  les  lieux,  le  Prince  paye- 
roit  la  dépenfe  du  voyage ,  &  feroit 
volontiers  un  préfent  honnête.  Il  finit 
par  prier  Faber  d'employer  toute  fou 
éloquencepour  engager  Erafme  à  con- 
tenter le  Prince ,  &  \  donner  à  l'Alle- 
magne la  préférence  fur  tous  les  aur 
très  pays. 

Cette  négociation  (a)  fe  faifoit  de   W  Ep(,/f. 
concert  avec  Léonard  d'Ech  ^  Grand-  i^*  ^*  *• 
Maître  de  l'Ûniverfîté.  Le  Prince  a- 
voit    pris     cette    affaire    fi    fort    à 
cœur ,  qu'il  avoit  envoyé  un  exprès 
à  Bafle  ,  feulement  pour  en  accélérer 
la  conclufion  :  il  devoir  offrir  à  Eraf- 
me deux- cens  ducats  d'or  ,&  de  très- 
riches  Bénéfices  j   &  H  avoit  ordre 
d'engager  Erafme  à  facrifier  un  mois 
pour  venir  voir  Erneft  de  Bavière  » 
qui  avoit  le  plus  grand  défir  de  voir 
un  homme  fi  célèbre» 
Tomt  L  "  '       «  M 


z66  .Vie 

(a)  Efîfl.  Erafme  fit  rëponfe  à  Urbain  le  Roi  (a) 
j^.  I.  1. qu'il  étoit  très-fenfible  à  Teflime  & 
auxx  propofitions  que  lui  faifoit  le  Prin-^ 
ce  de  Bavière  ,  mais  qu'il  ne  lui  étoit 
pas  libre  de  s'attacher  à  aucun  Prinr 
ce  5  parce  qu'il  appartenoit  au  Roi 
Catholique  en  qualité  de  Confeiller^ 
11  promet  qu'il  ira  faire  fa  Cour  au 
Prince  ,  ne  fût-ce  que  deux  ou  trois 

S 'ours  ,  fi  fes  affaires  le  lui  permettent. 
[1  lui  donna  des  preuves  de  la  recoti- 
noiflfance  le  4  Novembre  15*17.  par 
(h)  Eftf.\2^  dédicace  de  fon  Quime-Curce.  Il 
34.  L.  i*   avpit  relu  cet  Auteur  avec  attention 
pendant  un  voyage  qu'il  avoir  fait  au 
Prinrems  de  cetie  même  année  en  An- 
gleterre ;  &  il  avoit  fait  quelques  corr 
reftions  dans  le  texte.  C'eft  a  l'occa- 
fion  de  cette  invitation  du  Prince  Er- 
neft  ,  que  le  Jéfuite  Gretfer  a  remer- 
cié   la  Providence    d'avoir     permis 
qu'Erafme  n'eût   point  été  tenté,  de 
venir  à  Ingolftad.   »   Notre   Acadé- 
(c)  Voyez.»  mie  ,  dit- il  (c) ,  a  couru  trois  grands 
Gret.Epift.  „  rifques  de  perdre  fa  Foi  :  le  prer 
îe^"?o!*™^^'  *^^Ven    iyi8.  Erafme  de 
los^e  d^£l  »  Ro^crdam  ikt  invité  d'y  venir  en- 
lahne  ,  p.  ^  feigner  les  Belles-Lettres  ;  le  fécond 
4z,  a»  lorl'qu'en  15*20.  Reuchlin  enfeignoit 

a>  ici  les  Langues  favantes  ;  &  le  troi- 
»iîeme,  lorfquc  dans  la  même  année 


b'  E  R  A  s  M  E.  26j 

•  on  ofFroit  une  penfion  confidérable 
»  à  Melanélon  ,  s  il  vouloir  venir  s.*é- 

•  tablir  ici.  Car  quoi  qu'Erafme  & 
»  Reuchlin  n^attaquaflent  pas  manifef- 
»  tement  la  Foi  Catholique ,  ils  la 
»  fappoient  fourdement ,  &  ils  étoient 
»  les  ennemis  monels  des  rits  Ecclé- 
i>  fiaftiques  &  des  corps  réguliers  ; 
»  or  un  faux  Catholique  nuit  plus  à  la 
»Foi  qu'un  Hérétique  déclaré.  Le 
»  Ciel  a  préfervé  notre  Académie 
»  &  toute  la  Bavière  de  ces  malheurs  : 
»  Erafme  n'y  vint  point  ,  Reuchlin 
»  n'y  refta  que  peu  de  tems ,  &  Luther 
»  retint  auprès  de  lui  Mélanélon.  » 
Erard  de  la  Mark,  Evêque  &  Prin- 
ce de  Liège  ,  qui  fut  auflî  Cardinal , 
ne  penfoic  pas  de  même  fur  Erafme  ; 

il  leregardoit  (a)  comme  une  efpece  (a)  Efffl. 
de  divinité  defcendue  du  Ciel  en  terre,  4  3»  i-  3- 
Il  lui  écrivit  (t)  que  s'il  vouloit  lui   [h)  EpIJI. 
faire  l'honneur  de  le  venir  voir,  (ce  45.  L^  j.* 
font  les  propres  termes  du  Prélat ,  )  ce 
feroit  la  chofe  du  monde  qui  lui  feroit 
le  plus  de  plaifir,  Erafme  répondit  à 
ce  Prince  (c)  le 7  Janvier  lyip.que  (c)  Epifl. 
le  mauvais  tems ,  fon  peu  de  famé  ,  4^.  L.  3. 
&  fes  grandes    occupations  l'empê- 
choient  de  voler  à  Liège  ;  mais  qu'il 
s'y  rendroit  dès  que  le  tems  feroit  un 
peu  plus  favorable  ,    &  qu'il  auroit 

Mij 


26È  _VlE 

moins  d'affaires  ;  que  fi  cependant  fon 
AlteflTe  le  vouloir  abfolument ,  il  cour 
reroit  fur  le  chanip  chez  lui.  Il  y  al- 
W  ^p(f*  ^^  ^^^  effeâivement  quelque tems après, 
73.  L.  25!  &  en  fut  très-bien  reçu.  Il  a  rendu 
publiquement  témoignage ,  qu'il  nV 
voit  pu  voir  ce  Prince  fans  l  aimer  & 
fans  Tadmirer  :  il  a  célébré  la  dou- 
ceur de  fes  mœurs ,  fa  politeflc  j  la 
pénétration  de  fon  efprit ,  fon  grand 
jugement ,  fon  amour  pour  les  Belles- 
Lettres  ,  &  enfin  fa  piété.  II  crut  de* 
voir  lui  donner  des  preuves  de  fa  re- 
connoiCTance  ,  en  lui  dédiant  fa  para- 
phrafe  fur  les  Epîtres  de  Saint  Paul 
aux  Corinthiens.  Chriftolphe  d'Uten- 
heim ,  Evêquc  de  Bafle  ,  n'eut  pas 
iTiOins  d'amitié  pour  Erafme.  La  pré- 
férence qu'il  avoir  donnée  à  Froben 
pour  l'impreffion  de  fes  Ouvrages ,  l'o- 
oligeoit  de  faire  de  fréquens  voyages 
à  B?.fle  :  il  y  rendit  fes  devoirs  à  TE- 
(h)  Etlfi.  vêque  qui  le  combla  de  politeffes  (b) 
j.  L.  8.  £.  lui  offi-it  fa  bourfe  ,.  &  l'obligea  d'ac- 
^T?*'n*  l\  cepter  un  cheval  qui  valoir  cinquante 

écrivit  le  13  Juillet  15*17.  fert  de 
preuve  de  la  grande  fatisfaftion  qu'» 
avoir  eue  de-  faire  connoiflance  avec 
lui  :  il  déclare  que  fa  fanté  ne  peut 
pas  être  en  danger,  fans  que  lesfcieni 


r>'  E  R  A  s  M  H.  26$i 

tes  &  la  République  des  Lettres  cou-  - 
rent  de  grands  rifques  :  il  ne  fouhaitc 
rien  avec  tant  d^empreifement  que  de 
vivre  avec  lui ,  de  jouir  de  fa  conver- 
fâtion  auflî  agréable  que  favante  ;  &c 
fi  Tair  de  Bafle  convient  à  fa'fanté , 
il  lui  offire  de  venir  partager,  fon  Pa- 
lais. 

Ces  politeffes  étoient  d'autant  plus 
llatteufes  pour  Erafme  ,  que  TEvêque 
de  Bafle  n'avoir  pas  la  réputation 
de  les  prodiguer.  Erafme  eut  auflî  (u- 
jec  d'être  content  (a)  des  habirans  C^)  ^P^/^^ 
de  Bafle  :  tout  le  monde  l'y  aimoit  ;  *  *•  ^  ^* 
chacun  le  regretta  Torfqu'il  en  partît  ; 
plufieurs  l'accompagnèrent  lorfqu'il 
monta  à  cheval  pour  fortir  de  Bafle  ; 
quelques  -  uns  verferent  des  larmes  ; 
enfin  il  étoit  fi  reconnoiflant  de  la 
gracieufe  récÂfon  qui  lui  avoit  été 
feite  à  Bafle ,  qu'il  avoit  pris  la  ré- 
folution  de  s'y  fixer ,  fi  la  Cour  ne 
faifoic  rien  pour  lui. 

Il  y  retourna  l'an  iyi8.  (t)  pour    (^^  Ep(/Î. 
y  veiller  à  l'impreflîon  de  fes  Ouvra- 184- 
ges.  Il  y  arriva  le  i  Juin  ;  c'étoit  la 
Fête  de  l'Affenfion  cette  année,  La 
chaleur  qu'il  avoit  fouflPerte  pendant 
le  voyage ,  l'avoit  extrêmement  in- 
commodé. Il  regnoit  dans  ce  môme    (A  Epia. 
tçms  (c)  une  maladie  contagieufe ,  i^^^, 

Miij 


270  '       ^  V   T   E 

qui  faifoît  mourir  beaucoup  de  tnofi- 
de  ;  c'ëtoit  une  roux  violente ,  qui 
ctoit  accompagnée  de  mal  de  tête  & 
de  douleurs  d'entrailles,  Erafme  fut 
attaqué  de  cette  épidémie  deux  jours 
-après  fon  arrivée  à  Bafle;  il  s'y  joi- 
(a'  E[if. gnit  une  -diflenterie  {a)   moyennant 

*8f.  quoi  il  fut  plus  de  fix  mois  à  ache- 

ver ce  qu'il  avoit  compté  faire  en 
deux  ou  trois  mois.  Antoine  Pucci , 
neveu  du  Cardinal  Laurent  Pucci , 
étoit  pour  lors  Nonce  à  Zuric  :  dès 
(h)  Efijl.  qu'il  fçut  Erafme  à  Bafle  (  fe  )  ,  il  le  fie 

347»  prier  de  le  venir  voir  ;  mais  fa  mau- 

vaife  fanté  &  fes  occupations  littérai- 
res ne  lui  permirent  pas  de  faire  ce 
voyage.  Cependant  Pucci  avoit  un 
défir  extrême  de  connoîcre  un  hom- 
me que  fon  Oncle  eftimffit  beaucoup , 
&  qui  étoit  intime  ami ïl  Paul  Bom- 
bafius ,  Secrétaire  du  Cardinal  Lau- 
(c)  Epijl.  rent  Pucci  ;  il  prit  le  parti  (  ^  )  de 

24.  L.  1.  yenir  à  Bafle ,  où  dès  qu'il  fut  arri- 
vé >  il  envoya  faire  des  complimens  à 
Erafme ,  &  le  prier  de  fe  rendre  chez 
lui ,  afin  qu'il  eût  le  plaifir  de  l'entre- 
tenir &  de  dîner  avec  lui.  Il  ,fir  en 
même  tems  prier  à  dîner  Rhenanus  1 
les  frères  Amorbaches  &  quelques  au- 
tres intimes  amis  d'Erafme.  Sa  fanté , 
ne  lui  permit  pas  de  fe  trouver  à  cç 


d'E  R  AS  M  E.  *27î 

repas  ,  de  forte  que  le  Nonce  voulant 
rembraflcr,  fut  obligé  de  le  venir  trou- 
ver dans  fon  petit  réduit.  Erafme  lui  fit 
(a)  quelque  tenis  après  de  très-humbles  (a)  Epfl. 
xemercieniens  de  toutes  ï^s  politeffes  j  *^»  ^  ^^ 
&  il  nous  apprend  par  cette  Lettre  , 
^ue  c'étoit  la  féconde  édition  de  fon 
Nouveau-Teftament  qui  l'avoit  fait  ve- 
nir à  Bafle  ;  que  fa  mauvaife  famé  &  la 
jpefte  Tavoient  obligé  de  fbnir  de  cette 
Ville ,  avant  que  cette  Edition  pût  pa- 
Tojtre.  Il  quitta  Bafle  étant  encore  en 
mauvais  état  ;  il  s'embarqua  fur  le 
Rhin  ,  &  vint  dîner  à  Brifac  >  d'où  il  (,h)  Epi  II. 
alla  coucher  dans  un  mauvais  Village^  *>•  ^*  ^• 
où  il  penfa  mourir.  Il  fe  trouva  avec 
plus  de  foixante  perfonnes  dans  une 
chambre  fort  petite  ,  qui  étoit  écauf- 
fée  par  un  poêle.  C'étoit  ce  qui  pou- 
voit  lui  arriver  de  plus  défagréable  : 
jamais  il  ne  put  s'accoutumer  à  cette 
manière  de  fe  chauffer  ;  &  il  a  affuré 
que  les  poêles  Tavoient  toujours  in- 
commodé* Il  alla  le  lendemain  matin 
à  Strasbourg,  où  le  Libraire  Sheure- 
^ius  qui  avoit  imprimé  quelques-uns  de  • 

fes  Ouvrages  ^  lui  envoya  du  vin.  H 
Teçut  la  vifite  de  fes  amis  ,  qui  le  dé*- 
i'ayerent  de    la  dépenfe   qu'il  avoit  - 
faite  dans  la  Ville.  Il  prit  un  cheval 
pour  aller  à  Spire  5  le  Doyen  l'eut 

M  iiij 


5272*  Vie 

pendant  deux  jours  chez  lui ,  &  le 
traita  au  mieux.  U  prit  là  un  chariot 
pour  aller  à  Wormes  &  de- là  à  May  en- 
ce  f  où  il  s'embarqua  pour  Poparde.  Le 
•  Receveur  de  la  Douane  appelle  Ef- 
chendelfer  ,  ayant  appris  qu'Érafme 
dont  la  réputation  étoît  parvenue  juf- 
qu  à  lui  j  étoit  à  Poparde ,  l'alla  cher- 
cher ,  &  l'obligea  de  venir  chez  lui. 
Erafmc  fut  fort  étonné  de  trouver  fes 
Ouvrages  au  milieu  des  Régiftres  de 
ce  Receveur,  qui  n'eut  pas  plutôt 
Erafme  chez  lui ,  qu'il  s  écria  qu'il 
étoit  trop  heureux  :  il  fit  venir  fes 
cnfens  ,  fa  femme  ;  il  envoya  cher- 
cher fes  amis  ;  &  comme  les  Batteliers 
s'impatientoient  d'attendre  Erafme,  il 
leur  envoya  bonne  provifion  de  vin  , 
&  promit  au  Maître  du  batteau  qu'il 
lui  teroit  remife  des  droits  de  Douane, 
à  caufe  du  plaifir  qu'il  lui  avoit  pro- 
curé de  voir  un  homme  tel  qu'Erafme. 
Il    confcrva  toute  fa  vie  de  l'amitié 

(d)  Ep/ff.pour  ce  Receveur;  il  lui  dédia  (a) 
3 3»  .^•^^•l'Interprétation  du  Pfeaume  xiv.  qu'il 

•  a  intitulé  de  la  pureté  de  l'Egiile  Chrér 

tienne  ,  dix-huit  ans  après  en  avoir  érc 
fi  bien  reçu.  Il  auroit  voulu  éviter 
de  paffer  par  Cologne ,  où  il  étoir 
peruiadé  qu'il  avoit  beaucoup  d'en- 
nemis depuis  qu'il  s'étoit  déclaré  fi 


D*  E  R  X  S  M  E.  275 

Télé  partifan  de  Reuchlin ,  dont  les 
Théologiens  de  Cologne  étoient  les 
délateurs  ;  mais  fon  valet  avoit  mené 
fcs  chevaux  dans  cette  Ville  :  il  fallut 
donc  qu'ily  allât.  Il  en  fortit  Bien  vite, 
aimant  mieux  rifquer  de  monter  un 
cheval  boiteux  pour  s'en  aller ,  qu'at- 
tendre quelque  tems  pour  avoir  une 
voiture  convnode.  Il  alla  à  Bedbure  , 
Château  du  Comté  de  Nouvel-aigle,  à 
cinq  lieues  de  Cologne  :  il  refta  cinq 
jours  chez  ce  Seigneur  qui  l'aimoic 
&  Teftimoit  beaucoup  ;  41  les  pafla 
fort  agréablement.  Il  y  revit  une  par- 
tie de  fon  Nouveau -Teftament.  Il 
avoit  p^fque  recouvré  fa  fanté"J  &  il 
avoit  formé  le  projet  d  aller  rendre  vi- 
fite  à  TEvêque  de  Liège ,  &  de  paffer 
en  A  ngletetre  pendant  l'Automne ,  & 
profiter  des  offres  que  le  Roi  d'An-* 
gleterre  lui  failoit.  Il  fortit  donc  du 
Château  de  Bedbure  par  un  très-mau- 
vais tems,  malgré  les  remontrances 
du  Comte  de  Nouvel  aigle  j  &  il  fe 
mit  dans  une  voiture  découverte.  Il 
feifoit  très- froid  ,  &  il  tomboit  de  la 
pluie  ;  il  arriva  la  nuit  à  Aix-la-Cha- 
pelle extrêmement  fatigué.  H  defcen- 
dit  dans  une  Auberge  ^  d'où  on  le 
mena  malgré  lui  chez  le  Chantre ,  qui 
avoit  quelques  Chanoines  à  fouper.  Le 

M  Y 


^74  V  I  H 

repas  n'ëtoît  que  de  carpes  ;  &  quoi- 
quUl  ne  pût  fouffrir  le    poiflbn ,  il 
mangea  beaucoup  ,  parce  qu'il  avoic 
grande  £aim.  Le  lendemain  il  alla  dî- 
ner. chc25  le  Vice -Prévôt,   où  il  ne 
trouva  encore  que  du  poiiTon  mal  cuit 
dont  il  mangea.    Etant  retourné  dans 
fon  Auberge ,    il  eut  une  grande  in- 
digeftion  accompagnée  d'pn  vomiiTe- 
ment.   Il  n'en  étoit  pas  encore  bien 
remis ,  qu'il  monta  à  cheval  pour  con- 
tinuer fa  route.  Il  alla  à  Maftriâ ,    de- 
là à  Tongres   en  très -mauvais  érar. 
>  Une  foiblefle  le  prit  au  fortir  de  Ton- 
gres :  on  le  mit  dans  un  chariot  cou- 
vert qui  le  mena  à  S.  Trudon ,   ou  il 
monta  à  cheval  pour  aller  à  Tenes.  Il 

Î)rit  là  une  voiture  ;  &  ce  ne  fut  pas 
ans  peine  qu'il  regagna  Louvain.  Jl  | 
ne  voulut  pas  defcendre  dans  fon  Col- 
lège ,  parce  que  comme  il  s'étoit  écor^ 
ché  en  fe  grattant,  &  que  le  mou* 
vement  du  cheval  avoit  augmenté  fes 
écorchûres,  il  appréhendoit  qu'on  ne 
les  prît  pour  des  iymptômes  de  pefte; 
ce  qui  auroit  fait  ton  à  fon  Collège. 
Cette  maladie  contagieufefaifoit  pour- 
lors  beaucoup  de  ravages.  Il-alla  donc 
chez  le  Libraire  Thierri ,  fur  l'amitié 
duquel  il  comptoir.    S'étant  couché  , 
pendant  qu'il  dormoit ,  un  abfcès  qu'il 


d'Erasme.  577 

avolt  \  fes  plaies ,  creva  ;  il  envoya 
chercher  un  Chirurgien  ,  qui  après 
l'avoir  examiné ,  dit  en  particulier  à 
fon  valet  &  à  Thierri  qu'Erafine 
avoit  la  pefte  :  il  promit  d'envoyer 
des  remèdes  ;  mais  il  alTura  qu  il  ne 
viendroit  pas  lui-même.  Erafmc  crut' 
devoir confulter  les  Médecins;  ils  dé- 
clarerez que  fon  mal  rfétoit  rien.  Ce« 
pendant  le  père  du  Chirurgien  étant 
venu  voir  Erafme ,  fut  du  même  avis 
que  fon  fils.  On  envoya  chercher  un 
autre  Chirurgien  ,  qui  fe  mocqua  de 
fen  confrère.  Le  plus  fameux  Méde- 
cin de  Louvain  fut  appelle  :  il  jugea 
que  les  urines  ne  faifoient  rien  crain- 
dre de  mauvais  ;  mais  Erafme  ne  lui 
eut  pas  plutôt  parlé  de  fes  plaies ,  que 
le  Médecin  trembla  :  il  s'imagina  que 
ces  écorchûres  étoient  de  véritables 
charbons  ;  &  au  lieu  de  revenir  com« 
me  il  l'avoVt  promis,  il  envoya  un 
Prêtre.  Erafinê  piqué  contre  les  Mé- 
decins ,  n'en  voulut  plus  entendre  par- 
ler. Il  fe  gouverna  à  fa  mode  :  il  prie 
pour  toute  nourriture  du  hachis  de 
poulet ,  avec  quelques  verres  de  vin 
de  Beaune  ;  &  en  trois  jours  fon  efto- 
mach  fe  rétablit.  Il  fe  remit  enfuite  à 
l'étude;  &  les  écorchûres  fe  guéri- 
rent. Après  avoir  été  ainfi  quatre  fc*. 

Mvj 


roaines  chez  le  Libraire  Thîerri ,  il 
retourna  guéri  dans  fon  Collège.  H 
avoit  fait  dire  à  fes  connoifTances  > 
qu'il  avoit  été  foupçonné  d'avoir  la 
pefte^  &  que  ceux  qui  auroient  peur 
îeroient  bien  de  ne  pas  venir  chez 
lui  :  cependant  plufieurs  de  fes  amb 
vinrent  lui  rendre  vifite.  Le  premier 
ite  tous  fut  Dorpius ,  avec  lequel  il 
avoit  eu  des  difcuffions  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Atenfîs  dont  nous 
parlerons  dans  la  fuite,  le  vint  voir 
^  W  Efifl*  auflî.  (a)  Cependant  il  venoit  de  foire 
**^*  une  grande  perte  ;  le  Chancelier  Sau- 

vage étoit  mort  depuis  peu ,  lorfqu'il 
étoit  entièrement  occupé  à  procurer 
l'avancement  d'Erafme.  L* Aumônier 
de  ce  Miniftre,  en  lui  apprenant  cette 
nouvelle ,  l'aflura  qu'il  auroit  eu  in- 
ceflamment  un  établiffement  folide ,  fi 
le  Chancelier  eût  feulemeat  vécu  trois 
(h)  Eptjl.  mois  davantage  (  fc  ).  Dans  les  pre- 
341.  £]?«/?•  miers  momens  de  la  douleur  quecauià 
29 ♦.    -^/"à  Erafme  la  mort  de  Sauvage ,  il  eut 
'^"  •         quelque  deflein  d'aller  en  Angleterre 

grofîter  de  la  bonne  volonté  que  le 
loI  ,  la  Reine  &  le  Miniftre  avoient 
pour  lui,  La  Reine  Catherine  d'Arra- 
(e)  Epfjl.  gon  l'eftimoit  tant  (  c  )  qu'elle  auroit 
St  Affçnd.  fouhaité  l'avoir  dans  la  maifon  pour 
qu'il  lui  fer  vît  de  Précepteur.  On  avoit 


i>*  E  R  A  s  M  ï.  ]277 

£dt  diverfes  tentatives  pour  Rengager 
à  le  fixer  dans  le  Royaume.  Dans  un 
petit  voyage  qu'il  avoit  fait  en  Angle- 
terre dans  le  Printems  de  l'an  lyiy. 
Îiour  quelque  affaire  particulière  {a) ,   (4)  Efifi: 
e  Roi  &  le  Cardinal  de  Wolfei  qui» 3.  L.  jq^ 
avoit  toute  l'autorité ,  le  reçurent  avec 
la  plus  grande  bonté  :  ib  lui  offri- 
rent un  magnifique  logement ,  &  fix- 
cens  Florins  de  revenu  s'il   vouloit 
relier  chez  eux.    Erafme  parut  très* 
{ènfible  à  ces  propofîtions  ;  mais  il  ne 
xefufa  ni  n'accepta  (  fc  ).  On  lui  promit  (B)  ^pij^ 
«ne  autrefois  un   Bénéfice    de  cent  nj* 
marcs  de  revenu.   Le  Roi  lui  faifoit 
fouvent  des  préfens  confidérables  ;  & 
4ans  une  Lettre  de  remerciement  (c)    W  Ep'A* 
qu  Erafme  écrivit  à  ce  Prince  le  2j  ^^•^  ^  î* 
Avril  ij'18.  au  retour  de  ce  dernier 
voyage  de  Bafle ,  il  lui  rend  grâces  des 
ornes  confidérables  qu'il  lui  a  faites  : 
il  affure  Sa  Majefté  Britannique  que 
bien  loin  de  le  refufer  ,  il  fe  feroit  un 
plaifir  de  travailler  même  fans  aucune 
rétributionpour  un  Prince,  qui  n'ac- 
corde fa  proteélion   quà  proportion 
des  vertus  qu'on  pouvoit  avoir ,    & 
des  fervices  qu'on  rendoit  aux  Lettres  ; 
de  forte  que  fa  Cour  qui  peut  fervir 
de  modèle  aux  Académies  Chrétien- 
pes  i  a  re^u  tant  de  louanges  des  plus 


^ 


ii78  Vît 

habiles  gens ,  qu'il  n'y  a|)oînt  dtJnî- 

verfité  qui  n'en  doive  être  jaioufe.  Il 

finit  par  aflurer  le  Roi ,  qu'après  fott 

édition  du  Nouveau-Teftament  qui 

lui  demandera  encore  quatre  mois ,  il 

fe  confacrera  tout  entier  à  fon  fervice. 

Il  avoit  pour  lors  la  plus  grande  idée 

'(a)  Efift.  de  la  Cour  d'Angleterre  (  a  )  ;  il  écri- 

377-  ^fift*  voit  à  un  Seigneur  Anglois ,  que  quoi- 

U.  L.  é.  q^,.j  regardât  les  Cours  des  Princes^ 

comme  des  miféres  brillantes ,  cefe- 

roit  cependant  avec  plaifir,    qu'il  fe 

mettroit  au  fervice  de  celle  d'Angle* 

terre ,  s'il  étoit  plus  jeune.  Dans  une 

Lettre  qu'il  écrivit  à  Henri  VIII.  le 

(b)  Rpijl.  ly  Mai  lyip    (b)  pour  le  féliciter 

%i.  L.  é.  f^^  i^  pj^j^  q^>^l  jjy^j^.  3^  rétabliffement 

•  de  la  paix  dans  TEkirope  ,  il  déclare 
qu'autrefois  il  avoit  de  l'averfion  pour 
les  Cours  des  Princes  j  mais  quelotf-^ 
qu'il  faifoit  attention  aux  vertus  du' 
Roi  &  de  la  Reine  d'Angleterre ,  au 
mérite  des  Miniftres  &  des  Seigneurs 
de  la  Cour  Britanni:}ue ,  il  avoit  le 
plus  *grand  defir  da  monde  d'y  aller, 
&  qu'il  ne  rougirôit  pas  de  fon  ambi- 
tion s  fi  fa  famé  encore  plus  que  fon- 

,  âge  ne  Ten  détournoit ,   &   qu'il  iroir 

d'autant-pîus  volontiers ,  qu'on  lui  6f- 

froît  des  conditions  très-avantageufes. 

C'écoit  l'incertitude  de  fa  fuuation 


Pi       .  ^    b*ER  À  SMf.  275 

*  igm  avoit  donné  à  Erafme  cette  feible 
,  l  tentation  d'aller  fe  fixer  en  Arigle- 

t  terre.  On  n\n  peut  douter  après  la 
1  Lettre  qu'il  écrivit  à  l'Archevêque  ce 
i  Cantorberi  Fan  f  J  ih.{a) Il  lui  mand < ,    (a^  rpfii  ' 
que  depuis  la  mort  du  Chancelier  fon  **^*    4P* 

•  protefteur  il  fetrouvoit  fort  embarraf-P'"''* 
lé  ;   qu'il  avoit  quelque  envie  de  le  re- 
tirer en  AnglfiteTre  ;  qu'il  efpéroit  que 
Warrham'voudroit  bien  augmenter  ta 
petite  fortune.  ^  ' 

Il  ne  conferv^  pas  long-tems  cepro- 
jet;  le  fac^ffeur  de  Sauvage  contribusj* 
•  ians  dout™  le  retenir  encore  quelque 
tems  dans  le  Brabant.  Ce  fur  Mercurin-  ' 
Gattinare ,    qui  en   même  tems  qu'il 
étoît 'Chancelier  du  Roi  Caiholiqué^ 
parvint  à  être  Cardinal.    Erafme  n'a- 
Voit  pas  eu  de  grandes  liailons  avec 
lui  avant  qu'il  eût;  été  décoré  de  la 
fligl^itédé  Chancelier;  mais  il  ne  fut 
cas  plutôt  en  place  ,    qu'il  eut  pour 
ÈranBe  la  plus'grande  confidéraiiony 
èomme  il  eft  aifé  d'en  juger  par  \es 
Lettres  qu'ils  fe  font  écrites  mutuelle- 
inent.   Erafme  lui'  recommandoit  (os 
amis  (b-)  avec  cette  confïanca  que  l'a-    (i,)  Epljk 
mitié  donne;  &  il  aflurôit  Erafme  (r)  iT.  L.  12^ 
qu'il  l'avoit  tou  ours  àimë^'  EfFeélive^   (^^  ^P'f^* 
toent  il  lui  donfta  des  preuves  de  &  ^ '.j  •  ^^* 
feonaf-vol€)5i^  dans  la  fuite >,  loriqu'âlj;^^^^^  ^^' 


3»^ 


*8ài  V  I  « 

çw  befpia  de  la  proteftion  dç  ce  1% 
mftre  pour  iPH?P^^'  filencç  4  fe?  f?? 
lonsniatçur? ,  ^ipfi  q«e  poijs  le  verrons 
»Ul§«FS  ;  &  lorfque  Qjttiparç  roourgi , 
t«)  E^(/Î.Pfafr?i#  dit  publiqupm,ent  (*)  qu'4 
Ôi,  L,  2tf,aveit  perd»  un  4?  fes  gf^^î^ç arois,  , 
Il  n'y  ayojt  pas  lojig-terps  que  Qfttt 
ripare  «oit  Çlwneelipr  du  Roi  Qathp» 
Uqjie ,  lorfqH'U  arriva  un  gr^nd  f  ^» 
geineM  dan?  Iç?  afiàjres  4e  l'Euri^f 
par  la  mort  de  l'Empereur  MaJ^iroi* 
lien.  Charles  Ko\  d'Çfpsigne,  fi>p  pe-. 
tit-fils ,  lyi  G»)ccé4.a.  L'ile<aipn  à  l'Eifir 
pire  d'un  Prince  déjà  fi  çiji^pf  d  pif 
[eurs,  caufa  une  glande  réyp^ytioi) 
dans  les  afï?ires  politiques  de  rp^ur?' 
pc  ,  taedis  qu'il  s'pp  préparoit  m 
encore  bien  plus  confiderable  dans  1? 
BLeligion ,  dont  nous  n'aurons  qwç  ^fiR 
©ccafion  de  parler. 

Erafme  nou?  a  ççaferyé  qjjeîquef 
détails  de  ce  qpi  s'ëtQil  paC^  à  ^ 
diette  de  l'EleéUpp  de  Çferjgf  Vf. 
^u^il  f»voit  de  l'EvêqHC  4?  U4s?-^ 
y  étoit  préfenpj  il?  «périteuf  d'.êtrf 
rapportés,  La  veille  du  j,Q»r,q!ie  Çk%H 
Xi-)  0:\ei  (m  élu.  à  l'Eippire(^)  t^fS  ^i 
*.  h  i8«  Çlcifteurs  pflpfiirewt.eeste  ^rpnde  m 
gnité  à  Frédéric  Elpa«j»F  de  Sajce  :  » 
la  ififoû  (C0RÔaTOi»eR.t }  Se  for  fop  fp 

iiis  les  Eleâfiitfs  bù  »pm.4^mmé 


1^  étoklePrinçe  qu*il  croyoît  de- 
voir,  être  choiiî .  pour  ^chçf  du  Coxps 
Kjennanique  »  il  fépondit  qu'il  écoic 
lerfuadé  que  le  meilleur  choix  que 
'onjpouvoic  Élire,  étoit  de  Charles  Roi 
i'£(pagne  :  en  conséquence  Charles 
^.fiit  elû  Empereur  le  28  Juin  i  ji^« 
^  Agens.du  nouvel  Empereur  qui 
mt  eii.£(pagne , .  crurent  devoir  faire 
m  préfent  de  trente  jnjlle  Jt'lorins  à 
^réderic  :  il  les  refufà  ;  &  (ur  la  prière 
a'on  lui  fit ,  quUl  peifmît  du  moins 
u'on^iftribuât  dix  mille  francs  aux 
DSçiers  de  fa  maiiofi,  il,r^onditif 
m  Ils  font  les  maîtres  de  recevoir  ,çe 
b.  qu'on  leur  offi-ira;  mais  je  déclarp 
m  que  celui  qui  prendra  Ceulçment  un 
mJcu  9  ne  râlera  pas  }e  lendemain  k 
p  •  mon   iervice.  «  -^Craignant  enfjiite 

I  qu'on. ne  lui  fit  de  nouvelles  inflaur 

II  ces,  le  lendemain  il  jnonta  à  chev^, 
&  s'en  alla. 

X'Europe  étoit  pour  lors  en  paix, 
ï^  Rois  de  France  §c  d'Angleterre 
^içnt  convenus  d Voir  une  entrevue  : 
^^lefeiîc  l'an  ij^o.  entre  Ardes  fie 
QuinesjA  elle  fut  fi  magnifique, ^'on 
Vi  donna  le  nom  de  Camp  .du  Dr^p 
^'Qr ,  qu'elle  conferve  encore  d^s 
VHiftoire.  L'Archevêque  de  Cantoi- 
tçrî  ^&  TJbomas  Mp^u?  S"^  dev-oient 

Tome./.  '  * 


accompagner  Henri  VIII.  manderez 
îd)  Epîfi.  ^  £^ftne  {a)  de  ne  pas  manquer  de  Ct 
il.  d*  2*,  trouver  à  Calais  ,  où  la  Cour  d'An-» 
L^  I }.       gleterre  devoit  d'abord  fe  rendre.  £rai« 
Efift*    ï^me  fui  vit  ce  confeil  :  il  fc  propola  da 
*•  ^*         lairc  quelques  vifites  au  Cardinal,  da 
Wolfei  j  qui  dans  ce  tenjs-là  éto.  î'^ro- 
prement  le   vrai  Roi  d'Angleterre  | 
(î)  Efift.  ®ais  (  t  )  ce  Miniftre  fe  trouva  fi  oc- 
kO«.L«  14  ^pé   à  Calais,   qu'Ërafme  aprè    Ml 
avoir  fait  une  fois  la  révérence  chvi 
}ui  ,  ne  crut  pas  devoir  fe  préient^ 
éavantage  pour  ne  pas  intcrronipra 
un  Miniilre  furchargé  des  plus-graiiiî 
des  affaires.  -Il  reçût  dans  le   même 
'  le)  £|>f7?.^ems  une  nouvelle  penfion  {c)  :  ce  fiis 
^mU*ii*    apparemment  le  Chancelier  Gattîaara 
qui  la  lui  procura.  Erafme  ne  nous  ap* 
^rend  point  à  quoi  elle  montoit  ;  il 
afllure  leulement  quelle  lui  fut  accor* 
dée  iàns  qu'il  fe  donnât  le  moindre 
mouvement  pour  l'obtenir  :  c'étoit  l'an 
15*20.  Il  y  eut  cette  même  année  une 
Xi)  E|f/?.Diette  à  Cologne  (^  où  Erafme  aC- 
Utmni.     fifta  en  qualité  de  Confèiller  de  l'Em- 
pereur. Il  y  fut  grande  queftion  de^ 
troubles  de  Religion ,    auxquels  les 
déclamations  de  Luther  avoient  donné 
lieu.  On  parlera  ailleurs  des  bons  con-» 
(eils  qu'Erafme  donna ,  &  qui  auroient 
&ns  doute  provenu  de  grands  malr 


r-^ 


d'Erasme,  28  j 

hturs ,  s'ils  euflent  été  fuivis.  Le  Car- 
dinal de  Wolfei  s'étant  rendu  à  Bru- 
ges près  de  TEmpereur  dans  l'Eté  de 
Tan  I  yai,  {a)  pour  y  conclure  de  la  (a)  Rapm  i 
prt  du  Roi  fon  Maître  une  ligue  entre  Thoiras  , 
le  r  ^e ,  l'Empereur  &  l'Angleterre ,  ^^  '^'  ^'  ^* 
Er»/.ae  alla  dans  cette  Ville  C^)  dans  P*  V^*  ^j^ 
Tefpérance  de  trouver  à  la  fuite  du  ^^  i^  ,^,  * 
Qrdinal  quelques-uns   des    Anglois 
"-ec  Icfquels  il  étoit  lié  de  la  plus  in- 
time amitié  :  Il  y  rencontra  (c)  Cutbert    W  ^pfi* 
'Tunftal ,  Thomas  Morus  &  Milord  '^*  ^*  *^' 
Mont  joie.  lifaifoit  fa  cour  à  l'Empe- 
reur (J)  ,  &  fe  trouvoit  aux  repas  oh  {à)  Efijt^ 
étoient  invités  les  Princes  &  les  Mi-  ^*  ^*  *3' 
niftres.    Chriftiern  Roi   de   Danne- 
raarc ,    à   qui   fa   tyrannie  a  voit  fait 
perdre  la  Couronne  ^  &  xjui  vouloit 
engager   l'Empereur    ^dont   il   avoit 
époufé    la  fœur  à   le  rétablir  fur  le 
Trône,  étoit  venu  à  Bruges.  Il  prioit 
Erafme  à  manger  :  il  l'auroit  même 
voulu  avoir  tous  les  jours  ii  fa  table; 
'  mais  Erafme  ne  voioit  qu'avec  répu- 
gnance un  Prince,  que  fes  violences 
avoient  rendu  odieux  à  tout  l'Univers, 
&  que  la  Cour  de  Rome  déteftoit , 
parce  qu'il  avoit  fait  emprifonner  le 
Miniftre  du  Pape  (e)  qui  levoit l'ar-    10    Rai-^ 
gent  des  Indulgences,  s'étoit emparé  "'''^'" ♦  ^"* 
du  profit  qu'il  avoit  feit,  avoit  fait  ^^*^''*'^^-' 


a84  Vie 

(4)  Mio.W  cruellement  mourir  pluGeurs  Prë- * 
p.  88.         lats  ,  &  s^ëtoit  enfi  .  déterminé  à  em- 
bralTer  le  Luthéranifme.   Ce  Prince  fi 
haï  &   fi    méprifé    avoit    cependant 
quelque  goût  pour  la  Littérature  :  il 
defira  beaucoup  pendant  fon  féjour  à 
Bruges  ,  d'avoir  des  conférences  fé- 
Ib)  Répon-  crêtes  avec  Erafme  (  t  )  ;  mais  comme 
feà  Hutte- celui-ci  fa  voit  avec  quelle  attention  il 
^^  étoit  obfervé  par  fes  ennemis ,   que 

leur  haine  rendoit  incapables  de  ren- 
dre juftice  à  fes  intentions  ,   il  refufa 
toujours  de  voir  en  particjjlier  Chrif- 
tiern ,  parce  qu'il  étoit  très-perfuadé 
que  cette  entrevue  ne  produiroit  au- 
cun bien  ,    &  rqu  on  lui  en  feroit  un 
grand  crime.   On  ne  pouvoir  guéres 
mener  une  vie  dont  Vapparence  fût 
plus  agréable ,   que  celle  qu'il  menoit 
pour  lors.  Il  mangcoit  chez  le  Cardi-. 
nal  de  Wolfei  ;  voioit  les  Evêques, 
les  Nonces  ;  étoit  en  grande  relation 
-  avec  les  Ambafladeurs,  qui  venoieçt 
'     fouvent  lui  rendre  yifite  à  Anderlac , 
oix  il  paffa  une  partie  du  beau  tems  de 
Tan  15*2 T.  &  dont  le  féjour  lui  plaifoit 
fc)  E^i/?.  infiniment.  Il  nous  a  appris  (c)  qu'il 
^py.         n'y  avoit  aucun  endroit  ,    où  il  étu- 
diât avec  une  fi  grande  tranquillité. 
,  Mais  elle  étoit  bien  troublée  par  la 
fureur  de  fes  ennemis,  dont  le  nom- 


d'  E  R  A  s  M  É.  2Sf 

Ire  augmentoit  tous  les  jours  ,     & 
dont  les  libelles»  les  calomnies,  les 

})ropos  infenfés  l'obligèrent  enfin  de 
brtir  du  Brabant.  Ne  pouvant  pas  le 
faire  mourir ,  ils  portéreht  leur  haine 
(a)  jufqu'à  répandre  à  toute  occa-  W  EfiH^ 
lion  le  bruit  de  fa  mort  :  ce  fut  prin*  ^**» 
cipalement  dans  le  tems  de  fon  der- 
nier voyage  à  Anderlac.  Les  uns  di- 
foient  qu'il  s'étoit  laiflTé  tomber  de 
cheval ,  &  qu'il  s'étoit  caflfé  la  tête  ; 
dWres  prétendoient  qu'il  étoit  mort 
de  la  fièvre  ;  enfin  on  le  faifoit  mou* 
rir  d'apoplexie.  Ce  qu'il  y  eut  d'heu- 
reux pour  lui ,  eft  que  jamais  il  ne 
s'étoit  fi  bien  porté  que  dans  le  tems 
qu'on  le  tuoit.  Si  la  nouvelle  de  fa 
mort  réjouiflbit  les  méchans ,  elle  af- 
fligeoit  prefque  tout  le  monde  (fc).  {b).Z$iJhi 
Un  jour  que  cette  nouvelle  paflbitf»!» 
pour  confiante  ,  un  Poète  compofa  ' 
une  Elégie  ,  dans  laquelle  il  ne  fe 
contentoit  pas  de  pleurer  Erafme  ;  il 
le  mettoit  au  nombre  des  Saints.  Nous 
avons  parmi  les  Poëfies  de  Nicolas 
Bourbon  une  Epitaphe  très-honora- 
ble faitç  à  l'occafion  du  faux  bruit  de 
fa  mort  ;  on  en  parlera  ailleurs. 

Il  n'écoit  embarraffé  que  du  choisi 
de  fon  azile.  La  France ,  l'Efpagne  ^ 
f Angleterre  ,    Vltalie  ,  l'Allemagne 


a8(J      ^         Vie 

lui  ofFroîent  des  retraites  glorîeufes  5 
H  n'y  avoit  prcfque  point  de  Prince  , 
qui  ayant  quelque  goût  pour  la  Litté* 
rature ,    n'eût  voulu  Tavoir  chez  lui* 
Outre  ceux  dont  nous  avons  déjà  par- 
lé ,  l'Elefteur  de  Saxe  lui  fit  propofer 
de  venir  dans  fes  Etats  ;  &  il  chargea 
t«)  Ep/j?. Bilibalde  (a)  intime  ami  d'Erafnae, 
Z$6.  Eftjl.  de  lui  en  écrire.  L'Evêque  d'Utreft , 
^^^*     -     grand-Oncle  de rEnjipcreur  Charles  V* 
(h)  Efîjî,  le  defîroic  (  i  )  aufli    avec  beaucoup 
Vio.^A^l  d'empreflement.  Le  Cardinal  Albert, 
fcnL         Archevêque  de  Mayence  ^  fouhaitoit 
avec  la  plus  grande  impatience  de  le 
voir  dans  fon  Eledorat.   Des  raifons 
^  (cî  Eptfi.  ou   des  prétextes  (  c  )    empêchoient 
n%.&  4 »•  toujours  Erafme  d'aller  à  Mayence  ; 
^*  '3»       le  Cardinal   lui   envoya  un  gobelet 
(d) Ept fl.à^un  travail  admirable  (d)  auquel  il 
^9.  L.  1^.  avoit  donné  le  nom  de  Gobelet  d*A^ 
mour  ;  &  il  lui  fit  dire  en  même-tems 
(e)  Epifl.  (  «  )  que  s'il  lui  faifoit  ce  préfent  lorf- 
%9.  L.  ii.qu'ilne  vouloitpasle  voir,  ilpouvoit 
juger  qu'il  lui  en  feroit  de  confidéra- 
bles  s'il  venoit  lui  rendre  vifite.  Quoi- 
(f) Epijl. qu'il  eût  écrit  en  lyiS.  (/)    qu'il' 
17  s •    -^P  avoit  fouvent  été  très- fâché  d'avoir 
/Vf  •/?  ^^^^^^  Rome^  &  que  pour  lors  il  au- 
^^  ^^^'roit  eu  honte  d*y  retourner,  à  caufe 
L.iuEpiji.^^  fes  cheveux  blancs  &  de  fon  âge 
14.  1. 17, avancé I  cependant  il  paroifîbit  (g) 


d'Erasme.  ^87 

avoir  envie  d'y  retourner  Tan  lyai. 
Il  y  a  lieu  de  croire  que  ce  qu'il  en 
difoir,    étoit  plûtgt  des  complimens 

Îu'il  faifoit  à  quelques  Prélats  de  la 
leur  de  Rome  ,    qu'une   réfolution 
bien  fincere.  Pouvoir- il  fe  flatter  de 
trouver  à  Rome  cette  liberté  &  cette 
tranquillité  qui  faifoient  tout  l'objet 
de  ies  defirs ,  &  qu'il  aimoit  tant  (a)     (a)Epfjré 
qu'il  crut  devoir  leur  facrifier  tous  les  t^.  u  11. 
autres  agrémens  qu'il  avoir  à  efpérer  ^Z'^-^*    ''• 
dans  fa  Patrie ,  &  dans  tous  ces  au^    *  *^* 
très  établiffemens  avantageux  qu'oh 
lui  propofoit  f 

Sa  fortune  étoit  pour  lors  dans  une 
fituation  aflez  favorable.  Richard  Pa- 
cxus  avoir  parlé  de  lui  dans  fon  Livre 
de  rUtilité  des  Etudes,  comme  étant 
dans  la  plus  grande  mifére  :  Erafme  en 

Çarut  fort  mécontent  ;  &  dans  une 
.ettre  du  14.  Mai  i  y  18.  (fc)  il  dé-  (*)  ^f^Ji 
date  que  celui  qu'on  repréfente  com- *^^* 
me  fi  miférable ,  a  trois-cens  ducats  de 
revenu  ,  fans  compter  les  préfens  qu'il 
reçoit  de  fes  Mécènes ,  &  ce  que  fes 
Ouvrages  peuvent  lui  rendre.  «  Il  en 
■>  auroit  bien  davantage  9  ajoute-t-il  , 
»  s'il  vouloit  fe  mêler  des  affirires  des 
"  Princes  ;    »  &  dans  une  Lettre  à    >.  >  ^  . -y^ 
Bombaflus    écrite   le    23  Septembre  yy^^  Ef}J}] 
.1J2I.  (c)  il  paroîc  fort  cpntent  de  14^  L.  i7» 


'2S8  V  I  « 

Pétat  de  fes  affaires.  »   Je  ne  fuis  pa^ 

m  fi  riche  que  vous  ,  lui  dit-il  ;  mais 

m  je  ceffe  de  me  plaindre  de  Mercure  r 

«ofai  de  quoi  vivre  honnêtement;  SC 

m  il  me  refte  encore  de  quoi  foulager 

w  un  ami  indigent  :  ainfi  il  s'en  fauc 

m  bien  que  Je   fois  à  charge  à  per- 

m  fonne.  »  C'eft  fans  doute  cette  ai- 

fance  qui  contribua  à  l'engager  à  fe 

retirer  à  Bafle ,  où  l'impreffion  de  fes 

Ouvrages  l'appelloit  fouvènt  ,    où  il 

avoit  un  grand  nombre  d'amis  ,   &: 

où  il  efpéroit  trouver  une  liberté  & 

une  tranquillité  qu'il  ne  goûtoit  pas 

dans  le  Brabant ,   &  dont  il  ne  pou- 

voit  pas  fe  flatter  de  jouir   dans  les 

Pays  où  on  l'appelloit.  Mais  avant  de! 

le  voir  établi  à  Bafle,  il  faut  rendre 

compte  des  Ouvrages  qu  il  avoit  déjà 

donnés  au  Public  ,   &  qui  lui  avoient 

acquis    la  réputation  d'un  très-beaa 

génie  ,  &  d'un  des  plus  favans  hom^ 

mes  de  l'Europe. 

Le  Manuel  du  Chrétien  (i)  fut  un  de 
fes  premiers  Ouvrages  :  il  fut  commen- 
tai) lE.fip.  ç.^  ^f  ijgjj  ^^  quinzième  fîécle  (a)  dans 

(  I  )  Enchiridton  mtlhis  Chrifiiani ,  fi" 
luberrimis  frœceftis  refertum.  : 

Il  n'eft  pas  queftion  de  Gens  de  guerre 
dans  cet  Ouvrage  ;  il  ne  regarde  que  les 
Chrétiens  eu  général, 

le 


d'Ekasms.  ù8p 

fc  Château  deTournehens  chez  la  Mar- 
Guife  de  Véere,  dans  le  tems  qu'Erafrae 
hiyant  la  pefte  qui  étoit  àParis,s'y  étoit 
réfugié  au  commencement  du  feiziéme 
fiécle.  Une  femme  très-pieufe,  qui 
avoit  un  mari  dont  elle  avoit  de  très- 
grands  fujets  de  fc  plaindre ,  enga- 
gea Erafme  à  faire  cet  Ouvrage  ;  elle 
efpéroit  qu'il  pourroit  contribuer  à  la  - 
converfion  de  fçn  mari.  L'intention 
de  l'Auteur  étoit  (a)  de  remédier  h  ^)  i?p^'/î. 
Terreur  trop  accréditée ,  que  la  Reli-  ^*  -^*  *-^* 
gion  confiUoit  dans  des  cérémonies 
&  des  obfervations  plus  que  Judaï- 
ques ;  ce  qui  étoit  caufe  que  là  vraie 
piété  étoit  négligée. 

Le  Manuel  eft  dédié  à  un  ami  qui 
vivoit  à  la  Cour ,  &  qui  n'eft  p^s  nom^ 
mé  ;  il  eft  divifé  en  treize  chapitres. 

Dans  le  premier,  l'Auteur  fait  voir 
que  la  vie  de  l'homme  eft  un  combat 
continuel  ,  ainfi  que  Ta  dit  le  faint 
homme  Job  ,  &  que  nous  ne  fau- 
rions  être  trop  en  garde  contre  les 
tentations  du  démon ,  qui  ne  cherche 
qu'à  nous  furp rendre.  Mais  ce  qui  doit 
nous  raffurcr ,  eft  que  Dieu  n'aban- 
donne pas  ceux  qui  font  leurs  efforts 
pour  réfifter  aux  affauts  de  cet  Efpric 
malin  ;  &  ils  doivent  être  affurés  qu'ils 


5tpo  Vie 

remporteront  la  vidoire  i  s'ils  ont  mi 
vrai  dtfir  de  vaincre. 

Le  fécond  chapitre  traite  des  armes 
du  Chrétien  ;  ce  font  la  Prière  ,  &  la 
Science  des  chofes  faintes.  La  connoif- 
fance  des  faintes  Ecritures  nous  met 
plus  à  portée  de  connoître  ce  qu'il  faut 
demander  à  Dieu.  Èrafrçje  fouhaite- 
roit  qu'avant  de  s'appliquer  férieufe- 
ment  à  l'étude  de  1  Ecriture  ,  on^  eût 
quelque  connoiffance  des  Poètes ,  & 
des  fentîmens  des  Philofophes  Payens. 
S.  Bafile  &  S.  Auguftin  croyoient , 
que  cette  connoiffance  préparoit  à  l'in- 
teHigence  des  Ecritures,  Il  eft  perfua- 
dé ,  que  de  tous  les  Philofophes  an- 
ciens les  Platoniciens  font  ceux  qui 
méritent  le  plus  notre  eftime  ,   parce 

3ue  leur  doftrine  approche  davantage 
e  celle  de  l'Ecriture  fainte.  Il  croit 
que  les  meilleurs  Interprètes  des  Li* 
vres  facrés  font  ceux  qui  fe  font  le  plus 
appliqués  à  l'explication  du  fens  Une- 
'  rai  ;  il  donne  la  préférence  à  Origenc, 
à  S.  Ambroife ,  à  S.  Jérv  me  &  à  S. 
Auguftin.  Il  veut  qu'on  fafle  grande 
attention  à  ce  qu'on  lit  :  il  traite  d'er- 
reur le  fentiment  de  ceux  qui  s'imagi* 
nent,  que  lafouveraine  piété  confifleà 
réciter  un  gjand  nombre  de  Pfeaujnes 


pe  ibuvent  on  n'entend  point  ;  il 
^eut  qu'on  cherche  à  en  pénétrer  TeC- 
)rit ,  qu'on  le  médite ,  parce  que  la 
néditation  des  Ecritures  nous  appren- 
ira  les  moyens  de  réfifter  à  nos  en- 
lemis ,   c'eft-à-dire  à  nos  pallions. 

Il  eft  prouvé  dans  le  troifiéme  cha- 
pitre, qu'il  y  a  une  véritable  &  une. 
àufle  fagefle ,  &  que  Ion  ne  peut  pas 
parvenir  à  la  vraie  fageffe  ,  fi  l'on  ne 
le  connoît  pas  foi-raêine.    L'homme 
intérieur    &   l'homme  extérieur  font 
fcxaminés  dans  le  quatrième  chapitre  ; 
\\  eft  queftion  dans  le  cinquième  des 
niverfes  difpofitions  des  hommes.  Le 
ïxicme  nous  apprend  ce  que  l'Ecri- 
re nous  enfeigne  fur  ce  double  hom- 
e  que  chacun  renferme  en  foi.  Le 
îptiéme  traite  des  trois  parties  qui 
^mpofent  Thomn^e  ,    la  chair  ,  l'ef* 
)rit  &  Tame  :  la  chair  eft  le  corps  , 
feforit   eft  cette  partie  de  l'ame  qui 
'sure  le  bien,  &  Tame  eft  cette  Fa- 
Até  de  l'efprit  qui   héfite  entre  le 
len  &  le  mal.  Le  huitième  chapitre 
pn^prend  quelques  princes   géné- 
|ux,  dont  il  faut  que  le  vr^  Chré- 
pn  foit  perluadé ,    &  qui   doivent 
1  fervir  de  régies  :  la  première  eft 
croire  tout  ce  qu^   les  Ecritures 
enfeignenti  la  féconde,  d'entrer 
Ni] 


sp2  '"  Vie 

avec  ardeur  dans  le  chemin  du  falut; 
de  ne  point  regarder  derrière  foi ,  de 
ne  fe  point  laifler  entraîner  parles  mau-' 
vais  exemples,  de  mourir  au  péché  i 
EUX  defirs  de  la  chair  ,  au  monde  j 
la  troifiéme  ,   de  ne  point  s'efFrayer 

{)ar  les  ubftacles  qu'on  rencontre  dans 
a  pratique  delà  vertu ^  &  d'être per- 
fuadé  que  le  bonheur  qui  accompagne 
une  conduite  Chrétienne,  dédomnriage 
abondamment  de  tous  les  défagrémens 
que  Ton  peut  rencontrer  dans  le  che- 
min delà  voie  étroite;  la  quatrième, 
de  rapporter  toutes  fes  aélions  à  Je- 
fus-Chrift  ,  d'avoir  toujours  préfents 
fa  conduite  &c  fes  préceptes ,  de  ne 
rien  faire  que  pour  lui  &  en  vue  de 
îiii  plaire.  Il  prend  de-là  occafion  de 
blâmer  les  dévotions  populaires ,  & 
de  les  traiter  de  fuperftitieufes,  »  L'un, 
30  dit  il,  va  faire  tous  les  jours  fes 
30  prières  à  Saint  Chriftophe  ,  &  fe 
tï  met  à  genoux  devant  fa  figure ,  dans 
a>  la  perfuafion  que  ce  jour- là  il  Ae  lui 
iD  arrivera  a^un  accident  mortel  ;  un 
30  autre  va  prier  S.  Rhoc,  parce  qu'il 
»  croit  qu'il  l'empêchera  d'avoir  la 
w  pefte  ;  celui-ci  jefûne  en  l'honneur  | 
5>  de  Sainte  Apolline,  pour  n'avoir  j 
»  pas  mal  aux  dents  ;  celui-là  va  voir  \ 
n  un  tableau  de  Job  ,  parce  qu'il  ef- 


1 


r- 


d'  E  R  A  s  ^  e;  ap^ 

.  i»  père  par-là  éviter  la  galle;  quelques- 
3>  uns  deftinent  une  partie  de  leur  gain 
»  aux  pauvres ,  afin  que  les  marchan- 
»  difes  qu'ils  ont  fur  des  VaiflTeaux  ne 
»  périffent  point  par  un  naufrage  :  il 
»  y  en  a  qui  allument  un  cierge  à  S. 
»  Hieron ,  afin  de  retrouver  ce  qu'ils 
»  ont  perdu  5  enfin  fuivant  nos  craintes" 
»  &  nos  defirs,nous  donnons  de  loccu- 
w  pation  aux  Saints  :  S.  Paul  eft  chargé 
n  de  faire  en  France  ce  qu'Hieron  fait 
>  chez  nous  ;  &  ce  que  S.  Jacque  ou 
»  S.  Jean  peuvent  dans^  un  pays  ,  ils 
»  n'ont  pas  le  pouvoir  de  le  faire* dans 
3D  un  autre.  Ces  fortes  de  dévotions 
»  qui  ne  fe  rapportent  point  à  Jefus- 
w  Chrift ,  ne  font  pas  fort  éloignées  de 
»  la  fuperftition  des  Payens  ,  qui  of- 
ufroient  la  dixième  partie  de  leurs 
»  biens  à  Hercule  pour  s'enrichir  ,  ou 
»  qui  facrifioient  un  Cocq  à  Efculape 
»3  pour  recouvrer  la  fanté ,  ou  qui  im- 
»  moloient  unTaureau  à  Neptune  pour 
»  avoir  une  navigation  heureufc,  » 

Cette  déclamation  d'Erafme ,  dans 
laquelle  il  y  avoit  de  la  vérité  peut- 
être  avancée  avec  trop  peu  de  ména- 
gement ,  lui  fit  beaucoup  d'ennemis* 
Ceux  qui  trouvoiént  leurs  intérêts 
dans  ces  dévotions  luperftitieufes ,  le 
Regardèrent  comme  un  ennemi  déclaré 
'        /  Niij 


i^4  V  I  H 

de  la  Religion  Catholique  ;  &:  ce  qm 
nuifit  beaucoup  à  Erafme  dans  l'efprit 
de  bien  des  gens  a  c  eft  que  peu  de 
tems  après  Luther  répéta  les  mêmes 
chofes ,  en  les  accompagnant  de  do- 
gmes contraires  à  la  dodrine  de  l'Egli- 
le.  Quelques  Théologiens  en  prirent 
occafion  de  traiter  Erafme  avec  fo- 
reur ,  &  de  l'indiquer  comme  le  chef 
de  la  rébellion   contre  FEglife  Ro- 
maine. Mais  il  y  avoit  une  extrême 
diiFérence  entre  Luther  &  lui.  Il  fou- 
(a)  Hift,  haitoit  avec  tous  les  gens  de  bien  (a) 
•les  Varia-  qu'on  réformât  les  abus ,  fans  attaquer 
lions, L,i. la  vérité  du  dogme  de  l'Invocation 
^'  ^*  des  Saints  :  Luther  &  fes  partifans  au- 

contraire  ne  s'élevoient  contre  les  abus, 
que  pour  attaquer  la  foi  de  l'Eglife 
avec  cet  efprit  de  fchifme  fî  contraire 
•  à  l^efprit  des  Pçres ,  &  fi  incompati- 
ble avec  la  vraie  piété.  Les  vérités 
que  Ton  ne  pouvoit  avancer  fans  cau- 
ier  quelque  trouble  dans  ces  tems 
d'ignorance  ^  ne  trouvent  point  de 
comradidion  depuis  que  l'on  eft  plus 
éclairé  :  le  Père  le  Brun,  dans  fcm 
Hiftoire  critique  des  Pratiques  fuperl-| 
titieufes  dédiée  au  Clergé  deFrance , 
penfoit  &  parloit  comme  Erafme,  a 
(b)  Tome  c^l^  P^^^  51"*i^  n'ofFenfe  perfonne  ;  à 
!•  p.  178.  il  appelle  fuperftitjons  (i )  tout  culcc 


<juî  ne  fe  rapporte  pas  à  Dieu. 

Mais  pour  en  venir  à  Erafme,  fon 
cinquième  principe  du  Chriftianifine 
efl  de  s*élever  des  chofes  vifibles  aux 
chofes  invifibles ,  de  fe  fervir  des  créa* 
tures  comme  d'un  degré  pour  parve- 
nir au  Créateur ,  &  d'être  toujours 
occupé  de  l'Eternité.  Il  traite  enfuite 
de  la  néceflîté  du  culte  intérieur^  fans 
lequel  l'extérieur  n'eft  d'aucune  uti- 
lité. De-lâ  il  inveélive  contre  les  Moi- 
nés  avec  beaucoup  d'indifcrétion  ;  il 
en  parle  comme  de  gens  dont  toute  la 
religion  confîfte  en  cérén)onies  ,  en 
travaux  corporels ,  &  chez  lefquels  en- 
fin il  n'y  en  a  que  très- peu  qui  ne 
foient  pas  charnels.  Le  fixiéme  prin-» 
cipe  de  la  vraie  piété  eft  de  prendre 
Jelus-Chrift  pour  modèle ,  fans  faire 
attention  aux  opinions  vulgaires  avan- 
cées fans  fondement.  Le  bon  Chrétien 
eft  celui  qui  attribue  à  Dieu  tout  le 
bien  qu'il  fait ,  qui  croit  que  fes  ri- 
cheffes  doivent  être  communes  entre 
lui  &  ceux  qui  font  dans  le  befoin , 
qui  hait  les  vices  &  non  les  hommes  > 
qui  fait  toat  le  bien  qu'il  peut  faire  » 
qui  s'intéreffe  à  tout  ce  qui  regarde 
fon  prochain ,  qui  regarde  les  hommes 
comme  fes  frères  ,  parce  qu'ils  font 
ïous  les  membres  d'un  même  corps. 

N  iiij 


a()6  -  V  i'e 

Erafine  traite  enfuite  des  devoîrt 
des  Magiftrats  &  des  Princes  ;  &  écou- 
tant plus  fon  zélé  &  fon  humeur  con- 
tre les  Théologiens  que  la  difcrétion  , 
il  s'étonne  que  les  Evêques  &  les  Sou- 
verains Pontifes  fe  foient  appropriés 
les  termes  de  puiflance  &  de  domaine, 
&  que  les  Théologiens  n'ayent  pas 
rougi  de  s'appeller  nos  Maîtres ,  après 
que  J.  Chrift  a  interdit  aux  Apôtres 
les  noms  de  Seigneur  &  de  Maître. 

Le  feptéme  principe  de  la  vie  Chré- 
tienne efti  d'afpirer  toujours  à  ce  qu'il 
y  a  de  plus  partait  ;  le  huitième  ,  de  ne 
jamais  fe  laiflfer  accabler  par  le  defef- 

Îioir  ;  le  neuvième ,  de  veiller  toujours  ; 
e  dixième ,  de  prier ,  de  méditer  YE* 
criture  fainte ,  de  s'occuper  de  chofes 
pieufes;  l'onzième,  de  rendre  gloire 
à  J.  Chrift,  fi  l'on  acte  affez heureux 
pour  rèfifter  à  la  tentation  j  le  douziè- 
me ,  d'oppofer  à  la  tentation  la  vertu 
oppofée  j  le  treizième ,  d'avoir  une 
confiance  raifonnable  que  l'on  rem- 
portera la  viéloirej  le  'quatorzième, 
de  ne  regarder  aucun'e  raute  comme 
légère  ,  d'éviter  toutes  les  mauvaifes 
kalDitudes,  même  celles  des  fautes  vé- 
nielles ;  le  quinzième ,  de  réfléchir 
fur  les  fuites  du  péché  ;  le  feiziéme,  de 
ne  point  tomber  dans  le  defelpoir  ^  ^ 


r^' 


»'  E  R  À  s  M  t.  2P7 

l'on  a  le  malheur  de  fuccomber ,  mais 
de  chercher  à  réparer  fa  faute;  le  dix- 
feptiéme,  de  méditer  fur  la  Croix  de 
J.  Chriil  &  fur  fon  exemple  ;    le  dix- 
huitième ,  de  réfléchir  fur  la  turpitude 
du  péché ,  &  fur  la  punition  qui  lui 
eft  préparée;  le  dix-neuviéme  ,   de 
penfcr  que  le  péché  nous  rend  ennemis 
de  Dieu  &  efclaves  du  diable   ;    le 
*  vingtième  ,    de  méditer  fou  vent  fur  la 
récompenfe  promife  aux  bonnes  ac- 
tions ,  &  fur  la  punition  dont  Dieu 
a  menacé  ceux  qui  en  commettroient 
de  mauvaifes;  le  vingt  &  unième,  de 
réfléchir  fur  la  brièveté  &  fur  l'incer- 
titude de  la  vie  ;  le  vingt-  deuxième  , 
de  faire  attention  fur  les  dangers  que 
courent  ceux  qui  différent  leur  péni- 
tence jufquà  la  mort. 

Après  ce  long  chapitre,  Erafme 
traite  dans  le  neuvième  de  ^impureté» 
Il  fait  voir  combien  la  débauche  eft 
honteufe;  quelles  en  font  les  fuites 
funeftes ,  les  avantages  de  la  chafteté; 
les  moyens  de  conlerver  cette  vertu , 
qui  font  d'éviter  les  occafions ,  d'être 
fobre,  de  ne  voir  que  des  gens  ver- 
tueux ,  de  favoir  s'occuper ,  de  lire 
FEcriture  fainte  &  de  prier.  • 

Le  chapitre  onzié.ne  eft  contre 
l'Avarice  j  le  douzième  contre  l' Am- 

■    Nv 


Qp8  Vit 

bition.  Erafme  y  fiait  voir ,  que  le  feûl 
honneur  véritable  eft  celui  que  pro- 
cure la  vertu  ;  que  Teflime  des  hom- 
mes ne  doit  point  être  le  motif  de  nos 
"aâions ,  d'autant  plus  que  la  plupart 
des  éloges  ne  font  guéres  fondés  en 
raifon.  Le  douzième  chapitre  eft  con- 
tre la  Vanité  :  TAuteur  y  prouve  que 
quand  nous  nous  connokrons  bieni 
nous  ne  trouverons  cpie  des  fujets  it 
nous  humilier.  Enfin  dans  le  treizième 
&  dernier  chapitre ,  Erafme  parle  con- 
tre la  Colère  &  contre  le  defir  de  la 
Vengeance  :  il  prouve  qu'il  eft  d'une 
grande  ame  de  pardonner  les  injures, 
&  que  il  nous  voulons  qu£  Dieu  ou- 
,  blie  nos  fautes,  il  ^ut aufli pardon-, 
ner  à  nos  ennemis. 

L'intention  d'Erafme  dans  ce  Livre 
avoir  été  de  faire  voir ,  que  Top  pou- 
yoit  fe  fàuver  dans  le  monde  ,  &  | 
qu'ainfi  il  n'étoit  pas  néceffaire  de  fe 
faire  Moine  pour  être  dans  la  voie  du 
CieL  Rempli  de  cette  idée ,  &  étant 
de  très-mauvaife  humeur  contre  les 
Moines ,  il  le  finit  par  ce  trait  qui 
lui  a  été  fort  reproché-^  &  qu'il  au- 
roit  mieux  fait  ou  de  fupprimer^  ou 
du  moins  d'étendre  davantage  ,  en 
*s  exprimant  avec  plus  d'exaftitude  :  (i) 
(  I  )  Monachéius  mn  eft  fmatj  fid  vit^ 


B^  E  R  A  s  M  s.  ap9 

»  Le  Monachifrae ,  dit  il ,  n'eftpas  la 
»  piété  ;  mais  un  genre  de  vie  unie  ou 
a»  inutile  fuivant  les  caraéleres  ou  les 
»  tcmpéramens  ;  je  ne  vous  exhorte  ni 
»  ne  vous  détourne  de  l'enabraffer.  » 

Cet  Ouvrage  fut  d*abord  connu 
fous  le  nom  a  Aphorifmes ,    à  caufe 
des  règles  qu'il  renferme.  Copus  écri- 
voit  à  Erafme  (a)  :  »  Je  n*ai  pas  en-   (a)  Epljf, 
m core  pu  voir  vos  Aphorifmes;  »  &  17- 1.  i. 
Erafme  lui  faifant  reponfe  (  ^  )  ,  »  Ne  (^)  Epi/tr 
»  vous  imaginez  pas ,    lui  dît-il ,  que  ï^«  ^»  »• 
!•  nos  Aphorifmes  ayent  quelque  rap- 
»  pon  à  ceux  de  votre  Hippocrate.  » 

Le  Manuel  eut  le  plus  grand  luc- 
cès  (c)  lorfqu'il  parut.  AdrianusBar'  (c)  Apo- 
landus  affuroit ,  que  c'étoit  un  Livre  ^^^'^  ^^^' 
d'or,  très-utile  à  tous  ceux  ^^^yo\x-^^^^^^P^^^* 
loient  renoncer  aux  plaifirs  du  monde ,  contre    le 
fuivre  le  chemin  de  la  vertu  &  appro-  Prince    é^ 
cher  de  J.  Chrift.  Il  citoit  un  célèbre  Carpi.  s  jk. 
Prédicateur  d'Anvers ,   qui  dans  une  ^'^' ^?^'^» 
alfemblée  de  gens  de  grande  diftinc*   '^'  '^^'■' * 
tion  avoir  foutenu  ,    qu'il  ny  avoit 
pas  mie  page  dans  ce  Livre  qui  ne 
fournit  le  fujet  d'un  bon  Sermon.*Bu- 
dée  en  parloit  (  d)  comme  dun  Ou^    (4)  Epijl, 

genus ,  pro  fuo  cuique  corporis  in^entique 
habhu  9  vel  utiU  vH  inutile  ;  ad  quoi  equi- 
dem  m  te  non  adkorsor  1  ità  ne  dehortor, 
iuidm* 

Nvj 


300  Vil  ~ 

vrnge  très-approuvé  par  tout  le  mondôj 
0 )  Epift.  L'Evêque  de  Bafle  Feftimoit  tant  (a),       j 
»2.  L,  7.   qu*il  le  portpit  toujours  avec  lui  ;  il 

avoit  fait  des  remarques ,  qui  remplif-       ! 
foient  toutes  les  marges  de  l'exemplaire      ' 
quil  en  avoir.  Petrus  Molellanus,  cé- 
lèbre Profeffeur  deLipfic,  qui  dans  fes- 
leçons  publiques  cxpliquoit  les  Auteurs      1 
Grecs ,  &  y  joignoit  des  leélures  pieu- 
(0  M.  1.  fes ,  faifoit  lire  le  Manuel  d'Erafme  (b) 
Adam,  p.  avec  le  Traité  deDoBrlnâChriftianâ 
^^*  •  de  Saint  Auguftin  &  d'autres  Ouvra- 

ges des  Pères  :  il  avoit  conçu  une  fi 
grande  eftime  pour  TAuteur  du  Ma- 
nuel ,  qu'il  avoit  réfolu  de  le  faire  fon 
héritier.  Ce  qui  eft  .encore  plus  flat- 
teur ,  c'eft  qu'Adrien  VI.  qui  étoit  le 
{)lus  célèbre  Théologien  de  Louvain  , 
orfque  le  Manuel  parut,  le  lut  &Pap- 
|i)  Epi/i*  prouva  (c).  Florimond  de  Remond  à 
9i.Ui9»  qui  l'on  ne  peut  foupçonner  de  pen- 
chant pour  tout  ce  qui  peut  favorifer 
(d)  v.Exer-  les  Novateurs ,  efl  convenu  (d)  en  par- 
diatio  cri-  lant  du  Manuel  &  des  autres  Livres 
uca,f.  44.  ^g  pj^j^  d'Erafme ,  que  la  leâure  de 
cet  Auteur  prife  fainement ,  imprime 
aux  cœurs  la  piété  &  la  craintes»  »  On 
»  ne  peut  nier ,  dit  M.  Dupin  ,  que  ce 
•  Livre  ne  foit  plein  de  belles  maxi- 
»  mes  &  d'inflruftions  très- utiles.  » 
Il  ne  faut  cependant  pas  croire  quç 


d^Erasme.  501 

ce  foît  un  Ouvrage  parfait  :  on  doit 
convenir  avec  M,  Dupin  ^  que  l'on  y 
trouve  des  chofes  qui  ne  convienneot    - 

?as  h  des  Livres  de  piété  faits  pour 
tre  mis  entre  les  mains  de  tout  le 
monde,  Erafme  lui-même  eft  convenu 
(d)  qu'il  y  avoit  diverfes  chofes  qu'il    (a)  Nottf 
n'auroit  pas  dû  y  mettre  :  il  pourroit  y  ^8.  fur  le 
avoir  plus  d'ordre  &  moins  de  répé-^hap.  i8. 
tirions ,  fur-to^t  dans  fes  règles.  Quel-  5  ^*  ^*" 
€ucs  Théologiens  de  ce  tems-là  n  en 
nrent point  de  cas  (i  )  par  une  railon    ^^j  ^p^jf^ 
qui  leur  fit  plus  de  tort  qu  à  Erafme  ;  7.  L.  ijv 
ils  dirent  qu'il  ne  falloit  pas  une  grande 
fcienee ,  pour  faire  un  Livre  dans  le- 

3uel  on  en  trouvoit  fi  peu.  Ils  enten- 
oient  par  fcienee  y  les  queftions  Scho- 
laftiques;  comme  fi  un  Livre  fait  pour 
infpirer  llB^our  de  la  piété  ou  pour 
l'entretenir,  devoir  être  rempli  de 
matières  féches ,  abftraites  5c  inutiles* 

D'autres  plus  favans  (c)  dans  les(f)  V. Dtf» 
voies  de  la  fpiritualité ,  n'ont  pas  pin. 
trouvé  dans  cet  Ouvrage  l'onûioa 
qu'ils  auroient  ^|(irée  dans  un  Livre  de 
piété.  MafFée  oT  Ribadéneïra  rappor- 
tent dans  la  Vie  de  Saint  Ignace  de 
Loyola,  que  ce  Saint  s'appercevant 
que  lifant  le  Manuel  d'Erafme  fa  dé- 
votion fe  réfroidiffoit ,  en  conféquence 
il  ne  lut  plus  fcs  Ouyragiss ,  &  défeni 


5ol  Vie  ^ 

dit  de  les  lire  dans  fa  Société.  Ceff 
auflî  par  cette  raifon  que  les'Cbanreux 
les  ont  interdits  chez  euiu  Un  des 
grands  fpirituels  du  dernier  (iéclei  ' 
(M.de  Saint  Cyran ,  dont  les  fentitnens 
étoient  d'ailleurs  bien  oppofés  à  ceux 
des  Jéfuites  »  )  penfoit  comme  Saine 
Ignace  fur  l'effet  de  la  lefture  des  Ou- 
vrages de  piété  d^Erafme.  Tout  Iç 
monde  ne  penfoit  pas  de  même  -,  plu- 
U)  Ep/y?.  fleurs  ont  avoué  (a)  qu'ils  n'a  voient 
Urvûtio.  pu  lire  le  Manuel  fans  fe  le^  tir  en- 
flammés pour  la  piété.  Erafme  qui  en 
futinftruit,  en  rendit  humblement  fes 
aâions  de  grâces  à  J.  Chrift  comme  i 
Tauteur  de  tout  bien.  Quelque  piété 
qu'il  y  ait  dans  le  Manuel ,  il  cft  conf- 
nnt  qu'il  s'en  faut  bien  *qu'il  foit  aulE 
touchant  que  le  Livre  ddtllmitation 
de  Jefus-Chrift  :  il  peut  bien  y  avoir 

t)lus  de  lumières  ;   mais  qu'eft-ce  que 
a  lumière  pour  les  dévots  ,  à  l'égard    j 
de  cet  efprit  de  componftion  ,    qui    ' 
après  avoir  arendri  l'ame,  l'unit  en    j 
quelque  forte  à  Dieiw  &  fait  goûter 
aux  gens  de  bien  les  lentimens  les  plus    1 
délicieux  qu'un  mortel  puiCe  éprou** 
ver  ?  '  j 

La  célébrité  du  Manuel  fut  fl  gran* 
\h)EptJî.àt9  qu'on  le  traduifit  (fc)  dans  les 
^i-  L.  1 3. principales  Langues  de  l'Europe:  il 


parut  en  François ,   en  Allemand ,  en 
Efpagnol  &  en  Italien  j  &  ces  traduc- 
tions nuifirent  beaucoup  à  l'Auteur , 
Rarce   qu'elles  mirent   en  colère  les 
lobes  &  les  Théologiens ,  .  &  fur- 
tout  celles  qui  fe  firent  en  Efpagne 
&  en  France.  Le  Tradafteur  Efpagnol 
de  cet   Ouvrage   sVppelloit   Alco- 
ran(a);   c'éroit  un  Archidiacre  :  fa   (a)  Eptjf^ 
tradudion  fut  fi  recherchée  ,    &  à  ^î-  '^  i^» 
caufe  de  la  réputation  d'Erafme ,   &'E?'^*j4î* 
à  caufe  de  la  piété  du  Livre ,  qu'il  n'y  y^^^'ex  JE- 
avoit  aucun  Ouvrage  qui  fût  autant  lu  ^/^^  ^,t/i/ 

?ue  le  Manuel  traduit.  Jean  Maldonat ,  1 7.  après 
îonfeiller  de  l'Empereur ,  écrivoit  d^  celles   de 
Burgos  le  premier  Septembre  i  ^26  ^^^^^^^* 
{b).  que  les  favans  Efpagnols  étoient    f^)  £^,^; 
occupés  à  traduire  en  leur  Langue  les  ^3  s.  Af^ 
Ouvrages  d'Erafme  ;  que  le  Manuel  ftni. 

Î}^roi{roit  déjà  en  ^Efpagnol  ;  &  que 
es  Libraires  qui  en  avoient  tiré  plu<« 
fleurs  milliers  d'exemplaires ,  ne  pou- 
voient  pas  fuffire  à  remprefifemenp  du 
PubUc. 

Lorfqu'il  fut  queftion  de  le  traduire 
en  Efpagnol  (c),  les  Moines  firent  (^j  £p/yf^ 
leurs  efforts  pour  arrêter  cette  traduc-^u  u  19% 
tion.  Un  Dominicain  Efpagnol  fit  un 
Mémoire  ^  dans  lequel  il  prétendit 
prouver  qu'il  y  avoit  deux  propofî- 
tûons  infoutenables  dans  le  Manuel; 


504  Vit 

Tune  par  laquelle  Erafme  paroît  ftûre 
confifter  lei>  iupplices  de  l'Enfer  dans 
les  leules  peines  d'efprit  ;  &  l'autre  où 
il  décide  que  le  Monàchilme  n'eft  pas 
une  pié'é.  Era  me  trouvîT  en  ECpagne 
même  un  Apologifte  ;  Louis  Coror 
lîclli  prit  fa  défenfe. 

Cette  accufation  donna  occafionà 
un  petit  Ecrit  d'Erafme  ,  (  i  )  dans 
lequel  il  fe  plaint  amèrement  de  la 
calomnie  de  ceux  ,  qui  vouioient  per- 
fuader  le  Public  qu'il  ne  croioit  pas 
qu'il  y  tût  un  feu  réel  dans  TEnferé 
Il  croit  à  la  vérité ,  que  la  doftrine 
du  feu  matériel  de  l'Enfer  eft  plus  clai- 
rement enfeignée  dahs  les  Théologiens 
que  dans  l'Eciitute.  Il  répond  à  la  fé- 
conde accufation  ,  que  fi  le  Mona- 
chifme  eft  une  piété ,  tous  les  Moi- 
nes font  donc  pieux. 

Quoiqu'il  taille  s^en  rapporter  a 
Erafme  fur  fes  lentimens ,  &  que  ce 
feroit  être  injufte  à  fon  égard ,  de  pré- 
tendre qu'il  n'a  pas  crû  le  feu  matériel 
de  TEnfer,  il  eft  pourtant  vrai  de 
dire  ,  qu'il  a  donné  lieu  à  l'accufa- 
tion  qui  a  été  formée  contre  lui ,  pa^ 
les  expreflions  peu  développées  qu'il 

(i)  Ex  Enchiridio  miluts  Chrijlianinô" 
tâta  quidam  y  pe/l  fu^putationes  morum 
Mcdd(^% 


B*  E  R  A  s  M  K.  ^Of 

employa  fur  ce  fujec  dans  fa  vingtième 
Régie  (i> 

On  lui  fit  une  autre  objeftion  $ 
mais  fi  abfurde ,  qu'elle  apprêta  à  rire 
k  tous  ceux  qui  entendoient  le  Latin. 
Il  avoir  fait  l^éloge   de  la  véritable 
Théologie  des  Apôtres ,  qui  avoir  fub-    (a)  Epifl* 
jugué  les  Rois  &  les  Philofophes;  il  45-  ^  i^* 
s'étoit  fervi  de  ces  mots ,  Germanam  ^J^^'^*^'^^ 
Theologiam.  Il  n'en  fallut  pas  davan-   ^    ^* 
tage  pour  faire  croire  à  un  de  fes  çn^ 
Demis  qu'il  avoir  voulu  faire  l'éloge 
de^  la  Théologie  des  Allemands  ;  il 
s'écrîa  que  c'étoit  blafphémer  la  vraie 
Théologie ,  puifque  l'Allemagne  étoit 
remplie  d'erreurs.      On  parlera  ail- 
leurs (b)  des  fuites  qu eurent  en Ef- (^)V.E^iyfi; 
pagne  les  mouvemens  des  Moines  con-  1 7*  L.  xj* 
tre  Erafme. 

Le  Tradufteur  François  du  Manuel 
fut  Louis  Berquin ,  Gentil-Homme  du 
pays  d'Artois ,  dont  nous  raconterons 
plus  bas  la  trifle  fin.  Son  penchant  aux 

(  f  )  Canon  vif  efimus.  Cum  intérim  ver^ 
msimpiorum  non  moritur^  &  inferos  fuot 
jam  afud  fuferos  patiuntur  ;  me  alia  efl 
fiamma  ,  in  quâ  cruciatur  dtveu  ilU  corn* 
mejfater  Evangelicus  ;  nec  alia  fuppiicia  in- 
férer um  y  de  qui  bus  muUa  fcrîffere  ?oëta  , 
quam  perpétua  mentis  anxietas  ^  quœ  fec* 
çanài  con^uetudinem  comitatur. 


50(î  V  I  K   ' 

nouvelles  erreurs  l'ayant  engagé  à  al 
térer  le  manuel  d'Erafme,  kâ  Théo 
logiens  témoignèrent  beaucoup  d'ani 
mofité  contre  cet  Ouvrage.  Trois  ans 
après  la  mort  d'£rafme ,  la  Sorbonne 
toujours  mal  difpofée  pour  lui ,  décida 
(4)  Coiîtîn.  le  dernier  Janvier  ij'3p(a).  à  la  ré- 

Î!/^^n"  '  ^"^^"*^"  ^^  ^^^^^  GuiUardEvêquede 
•  5  •  n.4.  ç^jj^j^^gj  ^  qy>^  falloir  lupprimer  le 

Manuel  comme  pernicieux  à  la  Reli- 
gion Chrétienne  ;  &  dans  une  ceofure 
de  la  Sorbonne  du  premier  Septem- 
Xh)  i.Tome  bre  1 5*4  j  (b)  il  eu  dit  que  ce  Livre 
d*Argen-    a  été  condamné  déjà  par  la  Fa&ilré , 
tré^p.ii;  ^  caufe  des  diverfes  erreurs  qui  y  font 
renfermées.   Cette   même  année  ^  le 
Parlement  de  Paris  par  un  Arrêt  du 
(r)  Ar- 14  Février  i ^45.  (c)  avoir  ordonné 
genué,   ^.  que  plulieurs  Livres  feroient  brûlés, 
*♦  /•  'i>»  ^  que  ceux  gui  les  vendroient  ouïes 
garderoient  feroient  punis  comme  hé- 
rétiques ou  fauteurs  d'hérétiques.  Le 
Chevalier  Chrétien  eft  au  nombre  de 
ces  Livres  proferits.  L'Arrêt  fut  exé- 
cuté au  parvis  de  TEglife  de  Notre- 
Dame  ,  au  fon  de  la  groffe  Cloche.  Il 
eft  à  propos  de  faire  attention ,  que 
cette  condamnation  ne  tombe  que  fur 
la  traduûion ,  qui  étoit  fort  différente 
de  roriginah 
La  publication  du  Traité  de  Tlnfli* 


i;'  E  R  A  s  M  E.  307 

^tîon  d'un  Prince  Chrétien  fuivit  de 
près  celle  du  Manuel  (  1  ).  Il  eft  di- 
nlé  en  onze  chapitres. 
^    Le  premier  regarde  l*ëducatian  du 
Prince.  L'Auteur  détaille  les  qualités 
qui  font  néceifaires  à  un  bon  Infiitu- 
teur.  Il  fout  qu'il  ait  de  la  douceur  , 
&  qu'il  la  réuniffe  avec  une  prudente 
féverité  :  il  ne  doit  laiiTer  approcher 
du  Prince  que  des  jeunes  gens ,  donc 
le  caraftere  foit  éloigné  de  Tefprit  de 
flatterie.  Toutes  les  leçons  que  l'on 
donne  au  Prince ,    doivent  tendre  à 
Jui  infpirer  de  l'amour  pour  la  vertu , 
&  de  l'horreur  pour  le  vice.   Il  faut 
|;uérir  fon   efprir  des   préjugés  ,   lui 
apprendre  la  Religion  dans  toute  fa 
pureté  ,  lui  inculquer  qu'il  doit  pré- 
.  lérer  la  juftice  à  fes  intérêts  ,    qu'il 
faut  qu'il  foit   bienfaifant ,    qu'il  re- 
garde fes  Sujets  comme  fes  enfens  , 
qu'il  agifle  comme  un  bon  père  de  fa- 
mille,  xju'il  n'ait  que  de  l'horreur  pour 
ces  difcours  de  tyraln  :  Je  le  veux  ^  jt 
îordonne  ,    ma  volonté  doit  ftrvir  de 
raijon  ;  que  l'on  me  haïjfe ,  pourvu  que 
Von  me  craigne.  Le  fécond  chapitre  cft 
fuc  les  dangers  de  la  flatterie  ,    &  fur 
la  néceflité  d'empêcher  les  femmes  &c 
les  menins  du  rrince   de    le   gâter, 
Jlrafme  veut  qu'on  lui  rende  familier* 
^«2  W^if^h  Princifh  Chrifiiani. 


5o8  .V  I  « 

les  Livres  qui  peuvent  lui  apprendre 
fes  devoirs  :  ceux  qu'il  confeille  (ont 
les  Proverbes  de  Salomon  ,  i'Ecclé- 
fiaftique,  l'Evangile,  les  Livres  mo-^ 
Taux  de  Plucarque ,  Séneque ,  les  Po« 
litiques  d'Ariftote  &  Içs  Offices  de 
Ciceron,  Il  veut  qu'on  joigne  les  bons 
exemples  que  l'Hiftoire  nous  propoîc, 
&  que  quand  on  en  rencontre  de  mau- 
vais ,  l'on  en  tire  parti  par  des 
réflexions  (âges  &  prudentes. 

Le  troifiéme  chapitre  eft  fur  la  con- 
duite que  le  Prince  doit  obferver  pen- 
dant la  paix.  L'Auteur  lui  recommande 
une  très-grande  attention  fur  le  choix 
de  fes  Miniftres;  de  ne  faire  jamais  de 
changement  dans  l'Etat  qu'avec  de 
très-grandes  précautions ,  n'y  ayant 
prefque  jamais  d'innovations  fans  trou- 
ble. Il  fouhaite  que  l'éducation  de  la 
JeuneflTe  foit  une  des  chofes  qui  l'oc- 
cupe îé  plus.  Le  quatrième  chaitre  eft 
fur  les  Impôts ,  qui  ne  doivent  être  ni 
injuftes.ni  excelpfs.    On  y  fait  voir 

au'il  eft  de  la  plus  grande  importance 
^  e  ne  pas  altérer  la  jnonnoie. 

La  bienfaifance  du  Prince^  fait  le 
fujet  du  cinquième  chapitre.  Il  doit 
'faire  du  bien  ;  mais  ce  n  eft  pas  en  dé- 

!)ouillant  les  uns ,  qu'il  doit  enrichir 
.  es  autres.  Les  étrangers  doivent  être 


" 


d'Erasme.  309; 

traites  chez  lui  avec  une  grande  juf- 
tlce. 

Le  fixiéme  chapitre  eft  fur  les  Loix; 
Erafme  fouhaireroit  qu'il  n'y  en  eût 
que  peu ,  qu'elles  fuflent  juftes  &  uti- 
les. Il  ne  voudroit  pas  qu'il  y  eut 
dans  TEtat  ni  oififs  ni  mendians  ;  il 
confeille  de  renfermer  dans  les  Hôpi- 
taux les  vieillards  &  les  impotens. 

Le_s  Magiftrats  font  le  fujet  du  fep- 
tiéme  chapitre.  L'Auteur  voudroit 
qu'ils  fuflent  d'un  certain  âge ,  afin 
qu^ils  euflent  de  Texpéricnce  ,  &  que 
le  Peuple  eût  pour  eux  de  la  confi- 
dération.  Il  approuve  la  maxime 
d'Ariftote  ,  que  la  Magiftrature  ne 
doit  point  produire  un  gros  revenu  , 
afin  qu'elle  ne  tente  point  l'ambition 
des  avares. 

'  Le  huitième  chapitre  eft  fur  les 
Traités  publics ,  dont  l'obiet  doit  toun' 
jours  être  l'intérêt  de  la  Nation  ,  fis 
qu'il  faut  obferver  avec  la  fidélité  la 
plus  inviolable.  L'Auteur  fouhaitçroit 
que  les  Nations  n'euffent  point  envie 
de  reculer  les  bornes  que  la  Nature 
femble  leur  avoir  prefcrites,  qu'elles 
ne  fuflent  occupées  qu'à  entretenir  la 
bonne  intelligence  avec  leurs  voifms, 
llavpit  en  vue  les  tentatives  des  Fran- 
çois fur  ritahe  :  car  U  ajoute ,  «  Le 


5to  V  t  « 

»  Royaume  de  France  qui  eft  le  plus 
».flori{fant  de  tous  les  Etats,  le  fe* 
»  roit  encore  bien  davantage  ,  s'il 
»  n'a  voit  point  porté  fes  armes  en 
»  Italie.  » 

Le  neuvième  chapitre  eft  fur  le 
Mariage  du  Prince.  Èrafme  lui  con- 
feille  de  choifir  une  femme ,  ou  dans 
fes  Etats,  ou  chez  fes  voifîns.  Il 
prétend  que  les  alliances  étrar^geres 
donnent  quelquefois  .  occafion  à  des 
guerres ,  &  même  à  des  révolutions. 
Il  croit  d'ailleurs  quune  Princelfe 
étrangère  n'eft  pas  heureufe  dans  un 
Royaume ,  dont  la  Langue  des  Ha- 
bitans  &  le  caraftere  des  elprits  font 
dîfférens  de  ceux  du  Pays  dans  lequel 
elle  eft  née. 

Le  dixième  chapitre  traite  des  oc- 
cupations du  Prince  pendant  la  paix. 
Erafme  vpudroit  qu'il  ne  cherchât 
qu'à  rendre  fes  Sujets  heureux ,  foie 
en  faifant  de  fages  Loix  ,  foit  en  ré- 
formant les  autres  ;  qu'il  veillât  fur 
la  conduite  des  Magiftrats  ;  qu  il  em- 
bellît fes  Villes;  qu'il  rendît  les  grands 
chemins  pratiquables  j  qu'il  fût  magni- 
fique dans  les  fêtes  publiques  »  dans 
feâ  édifices,  dans  les  réceptions  des 
Ambafladeurs  $  enfin  dans  tout  ce  qui 
eft  extérieur ,  mais  qu'il  fût  œconome 


r 


d'  E  R  A  S  M  H.  5  1 1 

(bns  tout  ce  qui  le  regarde  perfonnel- 
lement  ;  qu'il  fongeât  plus  k  faire  la 
félicité  de  fes  Peuples ,  qu'à,  étendre 
fa  dominatioij. 

Le  dernier  chapitre  eft  fur  la  Guerre. 
Un  bon  Prince ,  luivant  Erafme ,  n'en 
entreprendra  jamais,  qu'après  avoir 
épuifé  toutes  les  reffources  convena- 
bles pour  obtenir  la  paix ,  parce  que 
la  guerre  eft  la  caufe  des  plus  grands 
maux  ,  &  mêiBe  une  occafîbn  de  mal« 
heurs  pour  le  Peuple  vainqueur. 

Erafme  joignit  à  ce  Traité  la  Tra- 
duftion  de  celui  d'Ifocrate  gui  a  pour 
titre  ,  Préetptes  touchant  tAdminiftra" 
tioti  du  Royaumt  ;  &  il  les  dédia  tous 
deux  à  Charles  d'Autriche  Roi  Catho- 
lique (a)  fils  de  Philippe-le-Beau qui  (^j  £p/^^ 
étoit  mort  depuis  peu.   Il  vouloitpar  fi    l.  »y, 
ce  préfent  {h)  témoigner  à  ce  Prince  [b)  Efijl. 
la  reconroiflance  qu'il  a  voit  de  l'hon-  *•'«• 
neur  qu'il  lui  avoit  fait  de  le  nommer 
fon  Confeillier. 

Quelques  années  après  Erafme  revit 
rinâitution  du  Prince,  dans  le  def- 
fein  d'être  utile  au  Prince  Ferdinand 
frère  du  Roi  Catholique  ;  &  il  dédia 
cette  nouvelle  Edition  au  Chancelier 
Sauvage  fon  protcdleur ,  par  une  Epî- 
tre  datée  de  Bafle  le  i  y  Juillet  ly  1 8.  (^^  ^ptlf. 
(c)  Le  Roi  Charles  avoit  été  très- 58.  L.x9. 


Pr 


511  V  I  Ê 

(4)  Epift.  content  (  a  )  de  l'Ouvrage  d'Erafme  : 
Vedic.  de  il  lui  en  avoit  fait  faire  fes  remercie  • 
la  Par.  fur  niens  ;  Il  lui  avoit  donné  une  récom- 
J^^"*  penfe.  Erafme  ne  dit  point  ce  que 
(^) Répon- c'étoit  ;  mais  il  affure  (b)  que  s'il 
fe  a  Stutij.-  ^9^^^  p^g  mieux  aimé  une  fituation 

tranquille  qu'une  fortune  confidéra* 
'        ble  ,  Charles  l'auroit  mieux  traité. 

Le  Prince  Ferdinand  lut  avec  la 
plus  grande  fatisfaftion  rinftitution  du 
"'rince  Chrétien  :  il  Tavoit  toujours 

ic)  Ifiji.  avec  lui  (  c);   il  la  favoit  prefquepar 

F^*/?^  ^'  cœur:  il  temercia  Erafme  de  lui  avoir 

Le.Ei^jf.  ^^^^  ""  ^^  ^^^^  préfent. 

;  u  *JL.  3 1!  Ce  Livre  fut  trouvé  excellent ,  tant 
pour  la  beauté  de  Texpreflion  &  du 
ftyle ,  que  pour  Tutilité  des  préceptes 
héroïques  &  divins,  capables  de  ren- 
dre un  Prince  parfait  &  accompli- 
C'eft  ainfi  qu'en  parle  M.  Joli  dans  la 
Préface  de  fôn  Codicille  d'or.  Gilles 
Daurigny ,  Avocat  au  Parlement  de 
Paris  ,  fît  paroître  un  Extrait  des  pfus 
belles  Maximes  de  cet  Ouvrage  1  an 
lj'43.  fous  C€ titre,  Aureus  Coàicil* 
lus  ^  de  Inftttutione  Principis  Chriftianû 
Ces  Extraits  furent  traduits  &  impri- 
més en  François  l'an  i  ^^6.  par  Jean 
le  Blond  Seigneur  de  Branville ,  q^ 
leur  donna  pour  titre  :   Petit  Livre 

précieux  comme  Tor ,  dit  TEnfeig^^ 

nient 


d'Erasme.  jrj 

ment  dq  Prince  Chrétien.  En  i66^^ 
M.  Joli  Chanoine  de  TEglife  de  Pa^ 
ris  traduifît  dç  nouveau  ces  Extraits , 
&  les  donna  au  Public  dans  le  «  Codi- 
»  cille  d'or,  ou  petit  Recueil  tiré  de 
»  l'Inftitutiondu  PrinceChrétien,com-  ^ 
t>  pofé  par  Erafme ,  mis  premièrement 
»  en  François  fous  le  Roi  François  I. 
•  &  à  préfenr  pour  la  féconde  fois.  » 

Ceft  dans  la  curieufe  Préface  de  ce 
petit  Livre ,  que  M,  Joli  décide ,  qu'il 
n'y  a  aucun  Ouvrage  qui  foit  meilleur  3 
ni  plus  utile  pour  former  un  Prince 
qu  on    veut  êtrjc  très  -  Chrétien  aufli 
bren  d'efFet  que  de  Tiom  ,    que  celui 
d'Erafme    de  Tlnftitution  du  Prince 
Chrétien ,  non-feulement  pour  la  gran- 
deur du  génie  de  TAuteur ,  mais  aufli 
pour  l'excellence  &  la  beauté  de  fes 
préceptes ,  capables  de  rendre  un  Prin- 
ce parfait  &  accompli.  »  Sa  méthode 
»  auflî  eft  facile  ,  ajoute- t'il ,    en  ce 
»  qu'il  a  exprimé  fes  penfées  par  des 
*>  aphorifmes  ,    &  des  règles  qui  ne 
■  peuvent  pas  ennuyer  comme  un  dif- 
»  cours  continu ,  &  par  la  même  rai- 
»  fon  peuvent  entrer  &  demeurer  plus 
•aifément  dans  Tefprit.  »  Un  des  ad- 
mirateurs d'Erafme  fouhaitoit dans  len^ns  Je" 
fi^cle  palfé  (  a  )  qu'on  montrât  le  La-  rafme ,   p' 
tin  aux  enfans  des  Gwnds  dans  cette  j^r» 

TomcL  O 


5^4         y  T  B 

Inftitutîon  du  Prince.  »  Les  Peuplcsi 
»  difoit-il ,  en  feroient  pbs  heureux  : 
'  »  car  toutes  les  plus  belles  maximes 
»  que  les  fages  Payens  ont  données 
V  aux  .  Grands  pour  fe  conduire  en 
»  .Pères  dans  la  conduite  de  leurs 
»  Etats ,  y  font  toutes  rapportées  & 
9?  rendues  Chrétiennes ,  en  leur  pro- 
»  pofant  la  gloire  du  Ciel  pour  leur 
3i  fin ,  &  non  pas  la  gloire  de  la  terre , 
39  comme  faifoient  les  Payens  ,  & 
»  comme  le  font  les  mauvais  Chré- 
ae  tiens.  » 

Tandis  que  Milord  Montjoie  xom- 
mandoit  à  Tournai  pour  le  Roi  d'An- 
gleterre )  il.  eut  connoiflTance  d'un  an- 
cien Manufcrit  de  Suétone  qui  étoit 
dans  le  Monafterç  de  S.  Martin  de 
Tournai  :  il  le  communiqua  à  Erafme , 
oui  Texamina ,  &  en  prit  occafion  de 
donner  une  nouvelle  Edition  de  Sué- 
tone pl*us  corrcûe  que  celles  qui  avoient 
paru  jufqu'alors.  Il  avoir  d'abord  eu 
(4)  Efjfi.  deffein  (  a)^c  la  dédier  à  l'Archevê- 
30.  L.  3.  que  de  Mayencc;  mais  il  changea  de 
fentimeftt ,    &  il  la  dédia  le  y  Juin 

(b)  Ep//?.  iji?*    (t)  à  Frideric  Eleâ:eur  de 
i6.  L.  aS.Saxe,  &  au  Duc  George fonCoufin- 

(c)  £p//?.  germain.  L'Eledeur  le  remercia  (c) 
3<^.  L.  S'  par  des  Lettres  très-honnêtes.  L'an- 
née fuivante ,  le  1 5  Mars  i J 1 8.  Erafr 


d'E  R  A  s  M  E.  jiy  ^ 

iitie  dédia  fa  Déclamation  touchant  la 
louange  de  la  Médecine  (i)  à  Afi* 
nius,  Cétoit  un  célèbre  Médecin  » 
dont  Gilbert  Coufin  porte    ce  juge- 
ment (^)  ,  qu'il  étoit  très -profond  («)  Ognati 
dans  la  connoiflfance  des  cho(es  divi-  ^P^*'^  >  ?• 
nés  &  humaines ,   &  que  le  feul  re-  ^^^* 
proche  qu'on  pouvoit  lui  foire",  étoit 
d'être  tombé  dans  les  excès  des  Ci- 
céroniens  dont  nous  aurons  occaGon 
déparier.  Cette  Déclamation  fi)  étoit  (h)  E^iff. 
un  Ouvrage  fait  pendant  la  jeunefle  ^^^«« 
d'Erafme  ;  il  l'avoit  compofée  à  l'âge 
de  vingt-trois  ans.    Elle  étoit  reftée 
parmi  fes  papiers  :  les  ayant  un  jour  ^ 
examinés  ^  il  la  retrouva  ;  &  il  s'ima- 
gina  qu'elle  pourroit  faire   quelque 
plaifîr  au  Public. 

Il  revit  ('c  )  auflî  dans  le  même-  (c)  Eftft. 
tems  fes  Antibarbares.  Il  n'avolt  pas  5J-L.  ji. 
encore  vingt  ans  lorfqu'il  entreprit 
cet  Ouvragé  ,  qu'il  avoir  compofé 
dans  le  deflein  de  venger  les  Belles- 
Lettres  du  mépris  oà  elles  étoient. 
Il  retoucha  le  même  fujet  quelques 
années  après  ;  &  il  mit  fon  Ouvrage 
en  Dialogues ,  dans  la  perfuafîon  que 
fous  cette  forme  il  feroit  plus  agréa- 
ble. 

Il  étoit  partagé  en  quatre  Livres^ 

{a)  Dt  Laudc  MccUclna^ 

Oij 


Le  V 


VIE 

premier  étoit  une  réfutation  it 
ce  que  les  fuperftitieux  ou  les  hypo- 
crites avoient  coutume  d  objefter  con- 
tre rétude  des  Belles-Lettres.  Dans 
le  fécond,  Erafme  introduifoitunper- 
^  fonnage  ,  qui  eiûployoit  toutes  les  ar- 
mes de  l'Eloquence  pour  attaquer  TE- 
loqueiTce  même  ;  &  il  étoit  écrit  avec 
tant  d'art ,  que  lorfque  Colet  l'eut  vu, 
il  dit  à  Erafme  qu'il  étoit  convaincu 
qu'il  falloir  négliger  l'Eloquence.  Eraf- 
me lui  ayant  confeillé  de  fufpendre  fon 
jugement  jufqu'à  ce  qu'il  eût  vu  com- 
ment il  répondroit ,  Colet  parut  per- 
fuadé  qu'il  n' étoit  pas  poflîble  de  ré- 
futer ce  qui  avoir  été  dit  dans  ce  Li- 
vre contre  l'EIoauence.  C'étoit  cepen- 
dant l'intention  a'Erafme  dans  le  troi* 
fiéme  Livre ,  qui  ne  fut  jamais  achevé. 
Il  devoit  être  queftion  dans  le  qua- 
trième de  la  Poëfie,  Erafme  en  avoir 
feulement  amaffé  les  matériaux  :  il 
avoit  augmenté  le  premier  Livre  à 
Boulogne ,  dans  le  deflein  de  le  faire 
imprimer  ;  il  avoir  revu  le  fécond , 
lorfqu'il  étoit  prêt  de  quitter  l'Italie  ; 
il  les  avoit  laiffés  chez  Richard  Pa- 
(a)  Efifl.  caeus ,  qui  depuis  fucceda  (a  )  à  Co- 
11.  L.  II.  let  dans  le  Doyenné  de  S.  Paul ,  & 
que  le  Roi  Henri  VIIL  employa  en 
qualité  de  Miniftre  dans  les  Cours 
Etrangères* 


d'Erasme.  517 

Ces  deux  Livres  difparurent ,  par 
la  négligence  de  ceux  a  qui  Pacseua 
les  âvoit  confiés  :  Erafme  ne  regretta 
pas  beaucoup  le  premier ,  parce  qu'il 
le  fentoit  trop  de  la  jeuneflfe  de  T  Au- 
teur* Etant  revenu  à  Louvain  ,  il  ap- 
prit qu  il  y  avoir  plufieurs  copies  de  ce 
premier  Livre  répandues ,  &  même 
que  quelques-uns  de  fcs  amis  vou- 
loient  le  faire  imprimer.  C'eft  ce  qui 
l'engagea  à  le  revoir-,  &  à  le  donner 
lui-même  au  Public  ,  quoiqu'il  eût 
beaucoup  mieux  aimé  qumI  eût  été  en* 
tiérement  fupprimié  ,  fur-tout  depuis 
qu'avoit  paru  le  favant  &  ingénieux 
Ouvrage  d'Hermannus  fiufchius  qui  • 

avoir  pour  titre,  Défenfe  des  Belles-Let^ 
très  (  a  )•  L'objet  de  l'Auteur  étoii  de    (a)   rai* 
prouver ,  que  les  Belles-Lettres  étoient  '«'"  htma-. 
utiles  même  aux  Théologiens  :  Buf-  «»^^'*'» 
chius  traitoit  avec  beaucoup  de  mé- 
pris tous  ceux  qui  les  avoient  voulu 
décrier.    Son  Livre   itoit  dédié  au 
Comte  de  Nouvel- Aigle  ,   Chanoine 
de  Cologne  &  de^iége,    cet  ami^ 
d'Erafme  dont  nous  avons  déjà  parlé. 
L'Epître  Dédicatoire  eft  datée  du  3 
Février  15*18.  Erafme  dédia  le  pre- 
mier Livre  de  fes  Antibarbares  (  i  )  à 

(a)  An$ibarbarorum  Liber frimus. 

Oiij 


5t8  V  I  k 

(a)  r//^.  Jean  Sapîdus  (a)  Principal  du  Col- 

3f.  i^.  I.    lége  de  Sceleftat. 

Il  commence  ainfi  :  »  Etant  fort 
9  jeune ,  pour  éviter  la  pefte  qui  fei- 
99  (oit  de  grands  ravages  chez  nous , 
»  je  me  retirai  dans  une  campagne  de 
»  ferabant.  Herman  Guillaume  ,  le 
»  meilleur  de  mes  amis ,  que  j'aimois 
a»  dès  l'enfance  ,  le  compagnon  de  mes 
»  études  ,  vint  m'y  trouver.  Il  fit 
»  avertir  Jacques  Battus  Secrétaire  de 
»  la  Ville  de  Berghes ,  qui  accourut 
»  fur  le  champ.  Ils  rencontrèrent  le 
»  Médecin  Jodoc  avtc  Guillaume  Con- 
»  rad.   L'entretien   commença  par  fe 

•  M  plaindre  de  l'état  miférable  où  étoient 

9è  réduites  les  Belles- Lettres*  Battus 
»>  parla  vivement  contre  le  peu  de  ca- 
»  pacité  des  Maîtres  ,  &  contre  la 
»  mauvaife  éducation  que  Ton  don- 
»  noit  aux  jeunes  gens  :  il  étoit  af- 
»  fligé  du  peu  de  proteftion  que  ks 
»  Princes  donnoient  aux  Lettres  ;  de 
*»  rignorance  des  Moines  ,  qui  entre- 
»  prenoient  de  pitfuader  que  c'étoit 
»  une  hérefie  de  favoir  le  Grec  &  de 
»  parler  comme  Ciceron,  Son  zélé 
»  pour  la  belle  Littérature  s'échaufià 
»  enfuite  à  un  tel  point ,  qu'il  con- 
»  feilla  à  Guillaume  Conrad,  qui  étoit 
»'  un  des  principaux  Magiflrats  de  k 


»'  E  R  A  s  W  E,  51^ 

fi  Ville  de  Berghes ,  de  chafler ,  ou 
»  même  de  traiter  encore  plus  févere- 
»  ment  ces  ennenjis  des  Belles-Let- 
w  très.  Conrad  prétendit  qu'il  y  avoit  dfi 
»  très-bonnes  raifons  de  ne  pas  mettre 
*>  entre  les  mains  des  jeunes  gens  les 
»  Livres  des  Payens  ,  &  que  Texpé- 
■>  rience  apprenoit  qu'il  y  avoit  du 
»»  danger  à  les  lire.  A  ce  difcours 
»  Battus  ne  peut  pas  retenir  fa  colère  ; 

•  il  prend  fi  fort  à  cœur  l'honneur  éfc 
^  les  intérêts  des  anciens  Payens,  qu'il 
»>  laiffe  en  doute  s'ils  n'ont  pas  pu  être 
»&uvés  :  il£)it  voir  que  nous  leur 
«  avons  des  obligatons  infinies ,  puif- 
«  que  ce  font  eux  qui  ont  découvert  les 
*»  Sciences  ;  il  prétend  que  l'ignorance 
»>  eft  beaucoiip  p}u$  ï  redouter  que  la 
n  fdence ,  puifque ,  dit41 ,  plus  on  eft 
^  ûvant ,  plus  on  eft  modefte.  Il  in- 
p  vediye  enfuite  contre  le^  Scholafti- 
*ques,qu'il  déclare  ne  pouvoir  lire  fans 
3»  eprouverlcsplusfacheuxdegouts.il 
»  prouve  les  .avantages  de  la  Science  > 
a»  que  les  plus  célèbres  Pères  pnt  re-^ 
»  commandée.,  &  dont  ils  ont  fait  un 
w  excellent  ufagej  ce  qu'il  fait  voir 
»  par  les  exemples  de  S.  Auguûin  & 
»  de  S.  Jérôme.  Il  fait  après  ctla  une 
»  légère  énumeration  des  Savans  qui 

•  depuis  Moïfe  ont  fait  honneur  à  la 

Oiiij 


5^20  Vit 

»  ReKgîon  j  &  il  finit  par  prouver  qui 
i>  les  Pères ,  bien  loin  de  négliger  les 
»  Lettres  prophanes ,  s'y  font  exercés 
»  pour  embellir  leurs  Ouvrages,  » 

On  n'a  que  ce  premier  Livre  des  An- 
tibarbares.   Erafme  avoir  promis  de 
feire  imprimer  le  -fécond  s'il  pouvoit 
^  le  retrouver^  &  d'ajouter  .ce  que  fa 

mérnoire  &  fes  réflexions  pourroient 
lui.fournir  :  il  invite  ceux  qui  ont 
connoiflfance  de  l'endroit  où  pour- 
Toit  être  ce  qu'il  avoir  déjà  fait  fur 
cette  matière,  de  lui  en  faire  ^part; 
mais  apparemment  ceux  qui  lui  vo-t 
lerent  fon  Manufcrit ,  ne  Je  lui  refti- 
tuerent  point  :  car  on  n'a  que  le  pre- 
mier Livre  des  Antibarbares.  Il  fie 
beaucoup  d'ennemis  à  fon  Auteur  j 
^(a)Efifl.un  Moine  en  prit  occafion  (a)  de 
?8«  L,  12.  prêcher  avec  beaucoup  d'aigreur coti- 
,'  tre  Erafme  à  Louvain  dans  l'Eglifc 
de  Saipte  Catherine.  Son  deSeiri 
étoit  de  venger  l'Ordre  Monaftiquc 
traité  avec  trop  peu  déménagement 
dans  les  Antibarbares  ;  fon  zélé  le 
porta  jufqu'à  outrager  Erafme  ,  qui 
s'en  plaignit  au  Reéleur  de  l'Uni- 
verfité  de  Louvain. 

L'eftime  qu  Erafme  avoir  pour  la 
Grammaire  Grecque  de  Théodore 
Gaza ,  &  le  défir  de  favorifer  les  proi 


d'E  11  A  s  M  e;       32* 

grès  de  la  Littérature  Grecque,  l*en- 
gagèrent  à  traduire  la  Grammaire  de 
Gaza;  &  il  dédia  cette  Traduélion 
à  Jean^Cefaire  de  Juliers  le  23  Juin 
de  Tan  1 5 1 8  (  a  ).  (a)  Epijf. 

Sa  famé  ayant  été  fort  dérangée  par  i.  L.  ^p• 
fes  travaux  exceffifs  ,  on  lui  confeilla 
de  voyager  pour  la  rétablir.  Il  fortic. 
de  Louvain ,  pour  aller  voir  quelques 
Villes  de  Flaadre  &  de  Brabant. 
Comme  il  ne  pouvoit  pas  fe  pafTer  de 
Livres  ,  il  prit  avec  lui  les  Offices 
de  Ciceron ,  fes  Traités  de  TAmitié  , 
de  la  Vieilleffe  &  fes  Paradoxes.  Il 
les  lut  avec  grande  attention ,  fit  quel- 
ques notes  très-courtes ,  reftitua  quel- 
ques endroits  altérés ,  &c  en  donna  une 
Edition  qu'il  dédia  à  fon  ami  Jacques 
Tutor  ,  Profefleur  en  Droit  Canon  à 
Orléans ,  par  une  Epître  Dédicatoire 
datée  de  Louvain  le  10  Septemb^re 
i;ip  ib).  (h)  EftA 

Il  travailla  auffi  fur  les  Tulculanes.  ^7.  U  x^* 
Froben  avoit  formé  le  projet  de  don- 
ner au  Public  cet  Ouvrage  de  Cice- 
ron ;  il  pria  Erafme  de  le  lire  exaéle* 
msnt ,  &  de  fiaire  quelques  notes.  En 
conféquence  de  cette  prière  ^  Erafme 
fit  conférer  divers  Manufcrits  des  Tuf- 
culanes  ;  &  lorfqu'il  y  avoit  de  la  va- 
riété ,    il  examinoit  quelle  étoit  la 

Ov 


3!22  Vie 

meilleure  leçon  ,  &  mettoît  Iti  autref 
en  marge.  Il  fît  auflî  quelques  légères 
correélions  dans  le  texte  fans  le  fe- 
cours  des  Manufcrits  ;  &  il  y  joignit 
(J)  Eplfi.  de  courtes  notes.  Il  dédia  (a)  cet  Ou- 

^8.  L.  -tS^vrageà  Jean  Ulattenus.  L'Epître  Dé- 
dicatoire  eft  un  éloge  cxceffif  de  Ci- 
ceron ,  dont  il  parle  avec  le  même 
enthoufiafme  que  s'il  eût  été  infpiré  ; 
ce  qui  ne  plut  pas  aux  Théologiens, 
On  examinera  ailleurs  ies  fentimens 
fur  ce  fujet.  Ce  ne  fut  que  fur  la  fin 
de  fa  vie  qu'il  donna  cette  Edition  des 
Tufculanes.  Nous  en  parlons  après 
celle  des  Offices,  parce  que  fon  Epî- 
tre  à  Ulattenus  eft  fans  date. 

Les  Auteurs  Prophanes  6c  les  Au- 
teurs Sacrés  l'occupoient  dans  le  même 
tems.  Le  dernier  Juillet  de  l*an  i y  ip. 
C^)  Epijl.  (b)  il  dédia  l'Edition  de  S.  Cyprien  au 

4.L.  i8.   Cardinal  Laurent  Pucci.  Il  avoir  ap- 
pris que  dans  la  Bibliothèque  de  Gem- 
blours  il  y  avoir  deux  Manufcrits  fort, 
anciens  des  Ouvrages  de  S,  Cyprien  : 
CO  EpiJl,  il  écrivit  (  c  )  à  Antoine  Papinius  qui 

!ï^.  L.  2  1, en  étoit  Abbé,    qu'ayant  deflein  de 
I  donner  une  Edition  exafte  des  (Eu- 

^  vres  de  S.  Cyprien  ,  dont  les  Ecrits 

àpprochoient  de  l'efprit  Apoftolique, 
îl  ie  prioit  de  vouloir  bien  lui  commu- 
niquer ces  précieux  Manufctits,  L'Ab-* 


d^Erasme,  525 

béIuifitrëponfefiirlechamp(^)que  W  ^P*'^* 
c'étoit  avec  le  plus  grand  plaiûr  du  '^'  ^*  **• 
monde  qu  il  les  lui  envoyoit  ;  que  tout 
ce  qui  étoit  dans  la  Bibliothèque  de 
Gemblours  écoit  à  fon  fervice  ,  & 
fittême  qu  il  la  lui  enverroit  toute  en- 
tière, s'il  le-youloit. 

Lorfqu'il  étoit  plus  jeune,  ^.  Jé- 
rôme écoit  de  tous  les  Pères  (b)  celui  (^) Epift. 
pour  lequel  il  avoit  la  plus  grande  ^*  ^*  ^<i* 
cftime  î  naais  lorfqu'il  eut  lu  S.  Cy- 
prien  avec  plus  d'attention ,  il  fut  em- 
barraffé  auquel  des  deux  Pères  il  dévoie 
donner  la  préférence. 

Cette  Edition  donna  beaucoup  de 
peine  à  Erafœe  (  c  )  :  non-feulement  (^)  £p;jf^ 
il  en  cc^rrigea  le  texte ,   ipais  auflî  il  14.  l.  h. 
^augmenta  de  plufieurs  Ouvrages  de 
S.  Cyprien  oui  n'avoient  pas  encore 
paru  i  il  diftingua  les  légitimes  des 
fappofés  >  &  y  joignit  de  petites  no- 
tes.   Voici  le  jugement  que  porte  de 
fon  travail  le  dernier  Editeur  de  S.  - 
Oyprien ,  Dom  Prudent  Maran ,  dans 
b  Préfece  (d)  qu'il  a  niife  à  la  tête.  C^)  Pra^ 
de  l'Edition  de  M.  Baluze  :  »  Erafme/^"*^  >  ?•  *• 
*  qui  a  rendu  de  fi  grands  fervices  à 
wceux  qui  aiment  les  Lettres  &  les^ 
»  matières  Eccléfiafliques  ,    par  un  fij^ 
?  grand  nombre  d'Editions  de?  Pereis , 
«  a  travaillé  auffi  fur  S.  Cyprien.  Il  en 

Ovj 


324  V   1  B 

»parut  Tan  1 5*20.  ;  à  Bafle  cliez  Frobed 
»  une  Edition  par  fes  foinsjelleeift  beau- 
»  coup  plus  ample  que  celles  qui  avoient 
»  paru  jufqu'alors.  Cù  qu'il  y  a  d'éton- 
3>  nanc  ^  eft  qu'il  donna  coHune  étant 
/  a»  vraiementde.S,  Cyprien  ,  unLivre 
»>  qu'il  avoit  découvert,  &qui  a  pour 
9ytnvi  Du  double  Martyre  ^  à  Fortunat 
»  (  I  ) ,  dans  lequel  il  eft  parlé^4e  Dio- 
«  clet^  &  des  Turcs  (2).»Henri  Gra- 
vins  oc  Pamelius  penchenj:  à  croire^ 
que  c'eft  Erafme  lui-même  qui  a  com- 
pofé  cet  Ouvrage  fous  le  nom  de  S» 
Cyprien ,  dans  le  deflein  de  tromper 
le  Public;  mais  le  judicieux  M.  de 
Tillemont  rend  plus  de  juftice  à  Eraf- 
me,  quoiqu'il  s'en  feiUe  bien  qu'il  foie 
(a)  S.  Cy- prévenu  en  fa  faveur,  lorfqu'il  dit  (a): 
pnen ,  art.  ^  Erafme  à  qui  quelques-uns  attribuent 
>5.  »•  196.  ^  çg^^ç  fiftion  ^  étoit  trop  habile ,  pour 
«  en  faire  une  qui  fe  détruit  fi  vifible* 
»  ment.  «•  . 

L'étude  de  l'Ecriture  Sainte  fut  une 
des  principales  occupations.  d'Erafme 
pendant  un  grand  nombre  d'années» 

(  I  )  De  duflici  Martyrio  «  ad  Fortuna» 
tum. 

(z")  N,  17»  Si  quxs  Milef  mratus  in  ver-* 
ba  Cafaris  frofugeref  ad  lurcam» 

N.17.  Neque  enimfemperjaviunt  Ncrcncff 
Dioclmanii  Dccii  ac  Maximinh 


Le  premier  Ouvrage  qu'il  fit  fur  cette 
matière  ,  eft  l'explication  du  premier 
Pfeaume  j  qu'il  dédia  à  Beatus  Rhe- 
namis  (  i  )•  Il  compofa  ce  Commen- 
taire à  Saint  Omer  ,    oii  il  avoit  été 
Îaffer  quelques  jours  j   &  il  y  fil  fon 
^pître Dédicatoire,  qui  eft  datée  du 
jy  Avril  ly!;*.  C^)  Il  y  a  dans  ce   (à)  Epift: 
Commentaire  beaucoup  plus  de  morale  3»*  ^»  *^^ 
que  de  critique  ;  il  ep  eft  de  mêm«  de  . 
tout  ce  qu'il  a  fait  fur  l'Ancien-Tefta* 
ment. 

Mais  il  n'avoit  jamais  paru  depuis  le 
Chriftianifme  rien  de  comparable  à  fon  ^ 

travail  fur  le  Nouveau-Teftament  »  du 
côté  de  la  critique  &  de  la  fcience. 

La  Méthode  pour  parvenir  à  la 
vraie  Théologie  (  2  )  ,  fut  faite  pour 
fervir  de  Préfece  à  fon  Commentaire 
fur  le  Nouveau-Teftament  :  il  la  dé- 
dia le  22^Décembre  lyiy.  au  Car- 
dinal de  Mayence  (t  )  ;  il  la  coiûnolâ  (^)  Epi/f; 
pour  l'utilité  de  ceux  qui  veulent  s  ap-  ip.  L.  2^. 
pliquer  à  la  Théologie.  Il  exige  d'eux , 
non-feulement  une  exemption  des  vi- 
ces groffiers^    mais  autant    qu'il  eft 

C I  )  Enarratio  frimi  Pfalmi  juxta  Tro^ 
fologiam  foti{Jimum% 

(2)  Ratio  ^  feu  methodus  ferveniindi  ad 
veram  Thçologiam^ 


"H 


525  ."  V    l'  E 

poflîble,  un  efprit  dégagé  de  toQtt 
paflîon  &  entièrement  tranquille.  Il 
veut  qii'on  ait  un  profond  refpeél  pour 
l'Ecriture  Sainte  ;  que  ce  né  foit  point 
par  curiofité  qu'on  la  life ,  mais  pour 
devenir  meilleur.    Il  croit  que  pour 
l'entendre  parfaitement ,  il  faut  favoir 
les  Langues  Latine ,   Grecque  &  Hé- 
braïque. Il  penfe  avec  S.  Auguftin , 
que  ceux  qui  veulent  faire  de  grandi 
progrès  en  l'béologie ,  doivent  avoir 
des  notions  de  la  Dialeâique ,   de  la 
Rhétorique ,  de  l'Arithmétique ,  de  la 
Mufique ,  de  PHiftoire  naturelle ,  de 
la  Phyfique  ,  de  la  Géographie ,  des 
mœurs  des  Peuples  dont  il  eft  parlé 
dans  les  Livres  Sacrés.    Il  veut  que 
Fon  fâche  auffi  la  Grammaire  ,    lei 
Tropes  ,    Tufage  des  Allégories ,  & 
les  réglés  de  laPoëfîe,  parce  que  les 
Livres  des  Prophètes  font  rempds  de 
figures.     Il  ne  veut  pas  que  ceux  qui 
fe  deftinent  à  l'étude  de  la  Théolo- 
gie ,    s'occupent  trop  long-tems  des 
Sciences  prophanes  ,  &  même  de  la 
•Phîlofophie.    Le  principal  but  d'un 
Théologien  devant  être  de  bien  en- 
tendre l'Ecriture  ,  d^être  en  état  de 
rendre  compte  de  fa  Foi  ,*  &  non  paà 
de   répondre   à  des  queftions  frivo; 
les,  de  bien  parler  de  tout  ce  qui  a 


d'  E  R  A  s  ME.  52-/ 

rapport  à  la  piété ,  de  pet fuader  &  de 
toucher ,  il  faut  qu'il  commence  par 
étudier  la  Vie  &  la  Doctrine  de  Jelus- 
Chrift  &  des  Apôtres. 

Erafme  ap1-ès  avoir  fait  enfuite  ui 
abrégé  des  Prophéties  qui  annoncent 
J.  Chrift,  parle  de  l'autorité  des  Li- 
vres Divins  ;  &  il  avance  des  propo- 
fitions  qu'il  auroit  certainement  lup« 
primées ,  s'il  avoit  parlé  depuis  les  Dé- 
cifions  du  Concile  de  Trente.  >>  Ifaïe , 
»  dit-il ,  a  plus  de  poids  chez  moi  que 
»  Judith  ou  Efther  ;  l'Evangile  de  S. 
•Mathieu ,  que  l'Apocalypfe  attribuée 
»  à  S.  Jean.;  les  Epitres  de  S.  Paul  aux 
3)  Romains  &  aux  Corinthiens  ,  que 
»  celle  qui  eft  écrite  aux  Hébreux.  ^ 
Parlant  du  Symbole  des  Apôtres,  il 
infinue  qu'il  le  croit  fait  dans  le  Con- 
cile de  Nicée  ;  &  il  ajoute  cette  ré* 
flexion  qui  déplût  fort  aux  Théqlo* 
giens  :  »  Plût  à  Dieu  que  notre  Foi 
»  eût  été  contente  du  Symbole  dey 
«Apôtres  !  mais  dès  qu'elle  diminua^ 
f  parmi  les  Chrétiens ,  les  Symboles 
»  augmentèrent.  »  Il  fait  voir  enfuite*, 
que  les  Ecritures  démontrent  que  J. 
Chrift  eft  emmême-tems  Dieu  & 
Homme  ,  &  que  les  Juifs  ont  mérité 
l'abandon  dans  lequel  ils  font.  Il  ex- 
plique comment  s  eft  faite  la.conver- 


•328  V   l  lË 

lion  du  Monde,  Part  avec  lequel  S. 
Paul  fçait  attirer  les  âmes  à  J.  Chrift; 
la  Doélrine  Chrétienne  contre  Tam- 
bition  ,  Torgueil ,  Tenvie  de  domi- 
ner ;  ce  que  J.  Chrift  nous  a  enfeigné 
fur  ia  Foi  &  fur  la  Charité.  Il  parle 
cnfuite  contre  Texcès  des  cérémo- 
nies, w  Vous  les  blârrfez  donc  ,  me 
»  dira  quelqu'un  ,  ajoute-t'il  ;  '>  à  quoi 
il  répond  ,  »  Il  s'en  faut  beaucoup. 
»  J'approuve  les  rites  avec  lefquels 
»  rEglife  a  célébré  &  célèbre  encore 
»  fes  Myftéres  :  ils  donnent  de  la  ma- 
»  jefté  au  Culte  Divin  ;  mais  il  y  a 
3»  àceU  unemefure.  Je  n'approuve  pas 
»  que  les  Chrétiens  foient  furchargés 
9  de  conftitutions  humaines  ;  qu'on  at- 
3»  tribue  trop  d'efficace  aux  cérémo- 
»  nies ,  &  pas  aifez  à  la  piété  ;  que  les 
a»  Amples  y  mettent  une  trop  grande 
»  confiance  ;  qu'ils  négligent  l'eforit 
»  de  la  Religion ,  &  que  pour  les  lou- 
ai tenir  on  trouble  par  de  grands  mou- 
»  vemens  la  tranquillité  du  Chriftia- 
9  iiifme.  »  /  ^ 

Ces  réflexions,  danslefquellesileft 
confiant  qu'il  y  a  un  fond  de  vérité , 
cauferent  des  murmures  chez  les  Théo- 
logiens ,  parce  qu'Erafme  les  faifoit 
précifément  dans  le  tems  que  Luther 
coramçnjoit  fes  inveûives  contre  I'E^î 


r 


d'Erasme.         32^ 

glife  Catholique.  Erafme  détaille  en- 
fuite  les  principales  avions  de  Jefus- 
Chrift  qui  doivent  fervir  de  modèle 
aux  Théologiens  :  il  traite  des  Allégo- 
ries (a);  &  il  nous  apprend  qu'il     W    Pf 
avoit  commencé  un  Livre  fur  ce  lujet  Thyloguss 
qu'il  promettoit  d'achever  :  apparcm-  ^**^i*'''^'* 
ment  il  ne  l'a  pas  fini  ;  du  moins  il 
n'exifte  pas. 

Il  parle  enfuite  contre  l'abus  des 
termes  de  l'Ecriture  5  il  recommande 
l'étude  des  lieux  Théologiques.  Il  veut 
que]  pour  bien  entendre  l'Ecriture  , 
on  compare  les  paflages  qui  paroif- 
fçnt  fe  contredire  ;  &  il  affure  qu'en 
les  examinant  avec  attention ,  la  pré- 
tendue contradiftion  difparoîtra  bien- 
tôt. Il  fouhaiteroit  que  l'on  fçût  prêt 
que  par-coeur  l'Ecriture ,  fur-tout  le 
Nouveau-Teftamment.  Il  recommande 
pour  bien  l'entendre  de  lire  Origene ^ 
5.  Bafile  ^  S.  Grégoire  de  Nazianze, 
S.Athanafe ,  S. Cyrille ,  S.  Jean-Chri- 
foftome ,  S.  Jérôme ,  S.  Ambroife  » 
S.  Auguftin ,  S.  Hilaire.  Il  donne 
la  préférence  aux  Pères  Grecs  fur 
les  Latins  ,  &  aux  plus  anciens  fur 
ceux  qui  approchent  le  plus  de  nous. 
•11  ne  paroît  pas  avoir  une  grande 
eftime  des  Commentateurs  modernes 
(le  fon  tems ,   dans  lefquels  tout  ce 


530  Vie 

,  tju'on  trouve  de  bon  eft  copî(!  d'aprèl 
ceux  qui  avoient  écrit  avant  eux.  11 
traite  avec  un  grand  mépris  les  quef- 
tions  inutiles  de  la  Scholaftique  :  il 
affure  qu'elles  font  indignes  de  la  vraie 
Théologie  ;  qu'elles  font  condamnées 
par  l'Ecriture ,  &  peu  conformes  à  la 
floaniere  dont  les  Pères  ant  traité  la 
Théologie.  Ce  n'eft  pas  qu'il  blâme 
•entièrement  la  Scholaftique  ;  mais  il 
voudroit  que  l'on  ne  propofôt  dans  les 
Traités  Théologiques  aucune  queftion, 
dont  l'édairciflfcment  ne  fut  de  quel- 
que utilité.  Il  finit  ^  en  confeillant  de 
s'inftruire  plutAt  dans  les  Ecrivains  qui 
ont  vécu  dans  les  fiécles  peu  éloignés 
de  J.  Cbrift  &  des  Apôtres  ,  que  dans 
les  toodernes ,  qui  ont  plus  cherché  à 
donner  des  preuves  de  leur  fagacité 
^u'à  édifier. 

•  Après  cette.Méthode ,  il  y  a  une 
Exhortation  à  Tétude  de  la  Philofo- 
phie  Chrétientïe  (  i  ).  Erafme  51  ex- 
horte tous  les  Chrétiens  à  lire  rÉcri- 
ture ,  afin  qu'ils  s'y  inflruifcnt  du  vrai 
efprit  du  Chriftianifroe.  Erafmé  revit 
cette  Méthode  l'an  i  722.  elle^prouva 

/des  jugemens  bien  différens.    Rhena- 

• 

.  (  i  )  Paraclefis ,  td  f /?  Adhortatio  ni  Chrifi 
pam^  rhilofofhiajuditim*  j 


i>'Erasmk.  551 

nus  en  ayant  fait  une  Edition ,  la  dé^ 
dia  à  Jean  Faber  Vicaire  de  i'Evêque 
de  Confiance ,  que  fon  mérite  éleva 
depuis  à  l'Evêché  de  Vienne  en  Au- 
triche. Il  fut  fi  content  de  l'Ouvrage , 
qu'il  en  écrivit  une  Lettre  de  remer- 
ciement A  Erafme  (a)  dans  laquelle  il  M  Epifl. 
parle  de  ce  Livre  comme  étant  parfait  3  *•  ^-  ^« 
(b):  il  affure  que  la  ledlure  lui  a  don-  (^)  ^Y«^«- 
né  le  goût  de  la  vraie  Théologie  ÎL^Xf' 
qu'elle  a   produit  ce  même  effet  fur 
pluûeurs  autres  ;  &  qu'elle  avoit  ré- 
concilié avec  la  faine  Théologie  plu- 
fieurs  des  partifans  les  plus  outrés  de  la 
Scholaftique.  Le  Doifteur  Martin  Dor-  t 

eus  9    après  fa   féconciliation  avec 
rafnae  ,  lui  écrivoit  ( c)  qu'un  Théo-  (c)    Sup^ 
logien  de  Louvain  lui  avoit  affuré,JJ«^  enor* 
Qu'il  ne  pouvoitpaç  lire  cette  Méthode  g"  .  P"-^' 
fens  en  être  touché  d'admiration  julr   ^    ^' 
qu'aux  larmes.  S  utor  au  contraire  (^,    (d)   Ad^ 
prétendoit ,  qu'il  y  avoit  autant  de  "verJus  De- 
foutes  que  de  pages  dans  ce  Livre  ;  ^^^('^'^  ^**" 
mais  c'eft  un  homme  que  la  çaffion '*'^''* 
rend  in jufte.  Luther  en  avoit  d  abord 
été  affez  contenu  ;    mais  lorfqu'il  vit 
qu'Erafmeblâmoitfes  excès,  il  parla     ^^l   ^^^ 
de  ce  Livre  avec  cette  fureur  (  e  )  qu'il  lumniofif-' 
s'étoit  rendue  familière  :  il  ofa  dire^m^m    E- 
que  la  Méthode  d'Erafme  étoit  une  fiji.  Maru 
taillerie  de  J.  Chrift  ôc  de  tputes  fes  ^i^^^ri. 


332  V  r  B 

aâions,  que  le  Leâeur  ne  pouvoît 
y  puifer  que  du  dégoût  pour  la  Reli- 
gion ,  &  que  cet  Ouvrage  tendoit  à 
faire  croire  qu'elle  n'étoit  qu^une  fa- 
ble. 

Erafme  méprifa  avec  raifon  une  ca- 
lomnie (i  infenfée  ;  mais  ce  que  Lato- 
mus ,  Doéleur  de  Louvain  qui  jufquesr 
là  ayoit  été  fon  ami ,  écrivit  contre 
lui ,  le  chagrina  beaucoup.  Il  fit  un 
Dialogue  qui  avoir  pour  titre  >  Des  ' 
trois  Langues  ,  &  de  la  Méthode  d* étu- 
dier la  Théologie  (  i  )  :  fans  nommer 

(a)  Eptft.  Erafme ,  il  attaquoit fes  fentimens  (a) , 
H*  L*  ^.  &  il  infmuoit  qu'il  penfoit  comme  Lu- 
ther; en  forte  que  lorfque  ce  Nova- 
teut  étoit" réfuté ,  le  Leéleur  avoit  lieu 
de  croire  que  c'étoit  à  Erafme  à  qui 
FAuteur  s'adreflbît.  Le  nombre  de 
fes  ennemis  en  augmenta  :  il  fut  quel- 
que tems  à  héfitcr  s'il  répondroit  à 
Latomus  j  enfin  il  prit  le  parti  de  fe 
juftifier  par  une  Apologie  (2)  qu'il  fit 

(b)  Efijl  en  trois  jours  (  i  ). 

Bptz.  Epijl.     Le  principal  objet  de  Latomus  avoit 
.16  »  L»  d» 

{ I  )  De  tribus  Linguis ,  &  ratione  Jluàii 
Theologicù 

(i)  Afologia  refpiciens  quorumdam  fuf- 
ficfcnesacrumores  natos  ex  DialogQ  figurato  , 
qui  Jacobo  Latomofacrx  Theologia  Licenfiato 
injcribitur^ 


d'Erasme.  33} 

été  de  venger  les  Scholaftiques  , ,  qui 
commençoient  à  gerdre  beaucoup  de 
la  grande  eftime  ou  ils  avoient  été ,  & 
dont  il  avoit  été  parlé  dans  la  Méthode 
d'une  £açon  à  ne  pas  plaire  au  plus 
grand  nombre  des  Théologiens.  Eraf- 
me  en  prit  occafion  d'examiner  ce  que 
l'on  doit  penfer  des  Scholaftiques.  Il  î 

avoue  qu'il  y  a  chez  eux  plufieurs  cho- 
fes  qui  méritent  d'être  fçûes  :  il  dé- 
clare qu'il  ne  détournoit  pas  ceux  qui 
vouloient  s'appliquer  à  la  Théologie, 
de  lire  les  Thomas  ,  les  Scots ,  les 
Bonaventures  ,  les  Alexandres  ;  mais 

Îu'il  donnoit  la  préférence  aux  Perés» 
l  foutient  enfuite  l'utilité  des  Lan- 
gues favantes  pour  la  parfaite  intelli- 
gence des  Ecritures. 

Latomus  avoit  prétendu ,  que  l'étude 
de  la  Théologie  devoit  commencer 

{)ar  la  leélure  des  Scholaftiques ,  après 
cfquels  on  viendroit  aux  Pères  :  il  ap- 
f)réhendoit  que  fi  Ton  comm^ençoit  par 
ire  les  Pères ,  on  ne  pût  pas  s'accou- 
tumer au  ton  des  Scholaftiques.  EraC- 
tne  foutient  (a)  que  fi  Ton  fuit  cet  (a)  N«7^« 
ordre ,  il  eft  à  craindre  que  l'on  ne 
perde  trop  de  rems  aux  queftions  fub- 
tiles  &  inutiles,  &  qu'il  fepourroit 
fcirç  qu'après  y  avoir  pris  plaifir  ,  on 
ne  fut  plus  ,cn  état  de  profiter  de  la 


■  ?54  V  I  B 

ledlure  dçs  Pères  ;  ce  qui  ëtolt  arrivé 
à  plufieurs  perfonMs ,  ainfi  aue  Lata- 

'M  N.^4.  ^^^  lui-même  le  (avoit.  Il  déclare  (à) 
qu'il  ne  blâme  point  toutes  les  quef- 
tions  agitées  par  les  Scholaftiqucs  ;  il 
voudroit  feulement  qu^on  n'en  parlât 
jamais  devant  le  Peuple ,  &  qu'on  les 

(If)  N.  s6.  ^^^i^ât  avec  prudence.  Il  ne  blâme  (b) 
point  ceux  qui  accommodent  la  Phi- 
ofopbie  d'Ariftote  à  l'ufage  de  l'Eco- 
£ ,  mais  feulement  ceux  qui  attri- 
buent à  ce  Pfailofophe  la  même  auto- 
rité qu'aux  Evangiles.  Il  cite  Pic  de 

(0  N.  97M  l^lrande  (c)  qui  rcgrettoit  lesfix 
années  qu'il  avoit  paffées  à  lire  S.  Tho- 

Çd)Kjo7.^^^^  Scot  &  Albert.  Ilprotefte  (d) 
*  qu'il  ne  propofe  point  de  nouvelle 
Théologie ,  convme  l'en  accufenc  (ei 
calomniateurs  ;  que  tous  fes  vœux 
tendent  à  voir  renaître  l'ancienne 
Théologie  ,  c'eftà-dire  la  pofitive  1 
qui  avoit  «été  trop  négligée.  Cet  Ou- 
vrage eft  daté  de  Louvain  le  28  Mars 
de  l'an  iji^. 

Les  vœux  d*Erafme  ont  enfin  éré 
exaucés  ,•  &  la  Théologie  pofitive  Ta 

(0  Epifl.  emporté  fur  la  Scholaftique.il  a  crû  (e) 

17.  L.  II.  que  l'Ouvrage  de  Latomus  n'écoit 
pas  de  lui-feul  ;  que  plufieurs  gens  nial- 
întentionnés  pour  lui  y  avoient  mis  la 
main.  Dans  la  fuite  Latomus  fut  far 


cW  (a)  d'avoir  publié  cet  Ouvrage  :  il   W^   ^^ 
fit  prier  Erafme  de  lui  rendre  fon  ami-  y^'*-^**'  P*- 

qu  Jl  lui  fit  une  réparation.  Cette  ré- 
ponfe  eut  l'approbation  des  Savans  ;. 
&  Bilibalde  Perkeimer  affuroit  (b)^^^Wff- 
que  cet  Ouvrage  étoit  parfait  dans  fon  '**  '*• 
genre  (  i  ).  Il  y  avoit  déjà  long-tems 
que  les  Savans  de  France  &  d'Alle- 
magne fouhaitoient  avoir  une  Edition 
Grecque  du  Nouveau-Teflament.  Il 
n'y  en  avoit  point  encore  eu  de  fépa- 
rée  de  l'Ancien  :  Erafme  s'en  char- 
gea; il  y  joignit  une  nouvelle  Tra- 
duâion,  <^uil  accompagna  de  trè$- 
làvantes  notes. 

Cette  Edition  parut  à  Bafle  Tan 
iyi6.    C'eft  la  première  fois  ,   dit 
Maittaire  (c),  qu'on  ait  vu  leNou-  (c)  jffma^ 
veau-Teftament  en  Grec  ,  l'Edition  ^^^  Typogr. 
de  Complute  n'ayant  été  publiée  qu'en  ^'  ^*  h  ^ 
ï;22.  &  celle  d'Erafme  étant  de  Ym'''^^  ^* 

Erafme  ne  ménagea  rien  pour  ren- 
dre fon  Ouvrage  le  plus  parfait  qu'il 
lui  fut  polîîble.  »  On  ne  pourroit  ja- 
»mais  croire,  difoit-il  (^)  *  corn-    (d)  Efijf^ 
»  bien  il  m'en  a  coûté  de  peines.  Plût.  26.  L.  j? 

(  I  )  Mtrâ  quidam  brevitate  ,  fed  m  ni^ 
^il fieri  fojjit  abjolmius^ 


33^  V  I  « 

à  Dieu  que  la  République  Chté- 
9  tienne  en  tire  un  profit  équivalent  : 
j>  car  je  n'ai  eu  que  çch  en  vue.  J'ai 
n  coliationné  un  grand  nombre  de  Ma- 
»  nufcrits  Grecs  ;  j'ai  fuîvi  la  Verfion 
»>  qui  m'a  paru  la  meilleure^  j'ai  fait 
»  la  traduâion  la  plus  fidelle ,  &  en 
«  même-tems  la  plus  fîmple  que  j*ai 
»  pu ,  ayant  grande  attention  d'éviter 
■>  ce  qui  auroitpû  être  obfcur  ou  équi- 
m  voque  ;  je  n'ai  pas  toujours  rendu 
iy  mot  pour  mot  ;  mais  je  ne  me  fuis 
••  jamais  éloigné  du  fens.  J'ai  pris  pour 
»  guides  Origéne ,  S.  Bafile ,  S.  Chri* 
•  foftôme ,  S.  Cyrille  ,  S.  Jérôme  , 
»  S.  Ciprien  ,  S.  Ambroife  ,  S,  Au- 
•>  guflin.  J'y  ai  joint  des  notes ,  dan$ 
»  lefquelles  je  rends  compte  des  rai- 
»>  fons  qui  m'ont  déterminé  à  donner 
»  la  préférence  au  fens  que  j'ai  fuivi. 
»  Je  me  fuis  toujours  appuyé  fur  l'au  « 
»  torité  des  Anciens.  Mon  intention 
»  n'a  point  été  d  attaquer  la  Vulgate , 
33  dont  l'Auteur  ne  m'eft  pas  connu, 
»  quoiqu'il  foit  confiant  qu^elle  n'eft 
j>  ni  de  S.  Ciprien ,  ni  de  S.  Ambroi- 
»  fe  ,  ni  de  S.  Auguftin ,  ni  de  S.  Hi- 
iy  laire  ,  ni  de  S.  Jérôme.  J'^^is 
19  feulement  lorfqu'elle  s'eft  éloB^e 
*>  trop  fenfiblement  du  texte.  J'aiw- 
99  pliqué  plus  de  fix  cen:5  paffagcs , 

qui 


d'Erasme.  ^57 

^quiJHfqu'à  prélent  n'avoîcnt  pas  été 
«entendus  par  de  grands  Théolo- 
»  gi^ns.  » 

CefifrandOuvragefiit  dédié  au  Pape 
Léon  X.  {  a  )  L'Epître  Dédicatoire  eft   (4)  çp/^. 
daré^  de  Bafle  le  premier   Fjévrier/?.  U  i?# 
lyiô.  Après  avoir  fait  un  très-grand 
éloge  de  ^e  Pontife  ,    Erafaie  rend  ^ 

compte  de  fon  travail  :  il  s'étend  en* 
fuite  fur  les  louanges  de  l'Archevêque 
de  Cantorberi  fon  M,écene ,  dont  il  efr 

fére  que  \t  nom ,   joint  à  celui  du 
!ape  à  la  tête  de  fon  Ouvrage  ,    lui 
(erviça  de  recommandation. 

Il  avi)it  d^ikbord  eu  deflfcin  (i)  de  (i)  Epî/?* 
djédier  fon  Nouveau  -  Teftament  à  p.  L.  /• 
rEv^êque  de  Rochcfter  ;  mais  il  jugea 
qu'un  Livre  de  cette  importance  feroiç 
dédié  plus  jconvenablemefit  au  Souve- 
rain Pontife.  II  expliqua  à  TEvêquc 
de  Rochefter  les  raUbns  qui  Tavoienc 
déterminé  à  ce  changement  j  &  il  pa- 
XQÎt  que  ce  Prélat  en  fut  content. 

Erafme  envoya  (c)  des  exemplair  {c)  JB;/^. 
r€5  de  fon  Ouvrage  à  Rome  aux  Car- 16.  L,  f . 
inaux  Grimani  ^  Pucci ^  en  les  priant 
de  vouloir  bien  le  préfenter  à  Sa  Sain  * 
teté.  Léoi)  l'avoit  très-bien  reçu  ; 
mais  il  s'étoit  contenté  de  charger  ces 
deux  Eminences  de  le  remercier  de  fa 
par^t  La  première  Edition  fut  bientôt 
To/neL  P  / 


538  V  I  « 

enlevée  :  Erafine  fongea  à  en  donner 

pne  nouvdje  encore  plus  parfaite.  Il 

(a)  Epi  fi.  ^^^^^^  (^)  ^'^^  n'iroit  pas  à  Vpnife  ppijr 

,07.          y  donnef  cette  féconde  Edition  ;  mais 

U)n  amitié  pour  Froben  l'engagea  à  lui 

(A)  Efifl.  donner  la  préférence  (i  ).  Froben  dét 

IV  4.    4^p-{iTok  avec  paflSpn  de  réimprimer  k 

Itnd.         Nouvcau-Teftament  d'Erafme  :  il  lui 

^t  même  offrir  ^e  l'argent  pour»avoir 

ion  Manufcrit  ;  mais  Ërafme  peu  fen- 

fible  à  Tintjérêt  lui  fit  réponfe ,  qu'il 

ne  demandoit  rien  pour  lui  ;   que  ce 

?u!il  cxigeoit  feuleipent ,  iétpit  quç 
'roben  employât  l'argent  quUlvouloit 
lui  donner ,  à  rendrp  TEdition  nou^ 
velle  plus  exafte  &  plus  parfaite.  ï| 
fit  le  voyage  de  Baj^e  l'an  i  jiS^  pour 
veiller  fur  cette  impreflïon^ 

Voulant  confondre  ceux  qui  n*é- 
foient  occupés  qu'à  deshonorer  ff 
foi  &  à  décrier  fes  Ouvrages  ;  il  crut 
devoir  fe  donner  quelques  mouvemens 

f)pur  obtenir  un  Brct  du  Pape ,  par 
equel  il  paroîtroit  que  Sa  Sainteté 
auroit  approuvé  fon  travail  fur  le  Nou- 
yeau-Teuament.  Il  en  écrivit  à  ceux 
des  Cardinaux  fur  la  proteôion  def-^ 
quels  il  comptoit  davantage,  àBom- 
bafius  Secrétaire  du  Cardinal  Pucci , 
CO  £p{/?.  5c  à  Pucçi,  Nonce  en  Suiffe  &  neveu 
2  6.  L.  5.  du  Cardinal  (  c)  :  il  ne  demandoit  quç 


b'  E  R  A  s  M  b;  J^f 

tt  Br^f  pour  tome  récompenfè. 

JBombafius  conféra  {a)  i  ce  fujct  W  ^P^J^* 

!àuc  le  Cardinal  Pucci  fon  naaître  ,  ^*  ^*  **• 

qui  trouva  la  demande  d'Erafnie  fi 

faifonnable  y  qu'il  chargea  Bombafius 

dç  faire  un  modèle  de  Èref ,  qui  feroit 

envoyé  à  Oftie  pout  être  figné  par  1« 

Pape ,  qui  dê|>iih  deux  jours   écoit 

fôrti  de  Rome  pour  aller  dans  cetce 

Ville.  Un  événement  fingulier  retarda 

i'exf  édition  de  ce  Bref,  liétoit  arrivé 

4  Rome  un  jeune  François  appelle 

Sylvius ,  qui  s'éccrit  retiré  de- chez  le$ 

Béiiédidins.  Comme  il  fevoit  {è)  que  (h)  Efiji. 

k  nom  d'Eraûne  itoit  en  grande  re- ir.  L.  17. 

jcommàndation  ji  Rome ,  il  contrefit  &EfiJl.i6. 

4eux  Lettres  Àe  lui ,   l'une  à  Bom- 

tafius*  l'autre  au  Pape,  par  lefquel- 

les  il  les  prioit  d'être  favorables  à  ce 

jeune  homme.  Ils  y  furent  tous  deux 

trompés  ;  Sylvius  fut  reçu  parfaite- 

nient  par  le  Pape,  qui  lui  fit  les  plus 

grandes  promeiTes.  bombafius  ayant- 

appris  que  Sylvius  devoit  aller  à  Of- 

tiepour  revenir  à  Rome  le  lendemain, 

lui  donna  le  modèle  du  Bref,    afin 

Su'il  le  rapportât  figné  ;  il  fut  auflî 

chargé  d'une  Lettre  du  Cardinal  Puccî 

att  Pape  ,  &  d'une  autre  de  Bomba  fini 

au  Secrétaire  des  Brefs ,  pour  les  fup» 

plier  d'expédier  promptement  Taflàire 


54»  Vil/ 

d'Eraftne.  Sylvius  qui  étoit  d'une  mau^ 
vaife  fanté ,  tomba  malade  en  chemin  ^ 
&  pria  quelqu'un  de  porter  fes  Let- 
tres i  Oftie.  Elles  ne  fiirent  pas  plutôt    " 
renduj^  ,  que  le  Bref  fut  ligné.   Le 
Pape  deqnahda  à  voir  Sylvius  :  on  le 
cherchai;  ce  iiït  inutijlement ,  il  étoit 
mort.  Bombafius  qui  n'entendoit  par- 
ler de  rien ,  écrivit  de  nouveau  au  Sé^ 
cretaire  des  Brefs  pour  fe  plaindre  de 
fa  niégligence  ;  il  fit  réponfe  que  le 
Bref  étoit  expédié,  &  qu'il  Tavoitdu 
recevoir.  Cependant  Bombafius  ne  lé 
r-ccevant  p;as,  envoya  un  autre  modèle 
de  Bref  qjii  fut  figné  fur  le  champ  ;  il 
fut  envoyé  à  Marin  Carraccioli  Nonce 
ta)  EflfléV^^^  ^^  TEmpereur  (a)   <jui  le  fît    . 
5.L.  II.     rendre  à  Eraliiie,  en  Ipi  écrivant  des 
Lettres  tr^-obligeantes  :  il  eftdaté  de 
(h)  Ef tj{.^^^^  *^  10 Septembre  lyiS  {b). 
|o.  L.  ip.Léon  aflure,  qjie  le  travail  d'Erafme 
hxt  }ç  Npuveau-Teftament  lui  a  fait 
un  très-grand  plaifir  ,  parce  qu'il  y  a 
une  trèsrgr;aride  érudition ,  &  qu'il  eft 
très-approuvé  pgr  tout  ce  qu'il  y  a 
d'habiles  gens  ;  qp'il  conjeâure  par 
la  première  Edition  qui  paroiflbit  ac- 
complie >  <\up  cette  nouvelle  qui  eft 
çonfidérablement 'augmentée  fer^  très- 
utile  à  la  foionhodoxe,  &  à  ceux  qui 
s'appliquent  à  la  Théglpgiç*  ?»  Conti- 


i  flûeî  donc ,  ajoute  le  Pape ,  detra* 
«  vailler  pour  Tutilité  publique  ,  & 
»  preifez-vous  de  dc^ner  au  rublic  un 
i  Ouvrage  fi  faint.  Dieu  vous  en  ré- 
^compenfera  :  nous  rendrons  à  vos 
»•  travaux  la  juflice  qu'ils  méritent  ;  & 

*  vous  pourrez  compter  fur  l'ajppro- 
«bation  éternelle  des  vrais  (Jnré- 
i  tiens.  »  Ce  Bref  fut  la  feule  récom- 

penfe  (éi)qu'Erafme  reçut  de  la  Cour  ^a)  Efifl. 
At  Rome  pour  la  Dédicace  de  fon  ^'**»  - 
"Nouvciu-Teftament, 
■'  Après  le  Bfef  de  Léon  X.  &  FEpî- 
tre  Dédicatoire  à  ce  Souverain  Pon- 
tife, on  trouve  à  la  tête  de  l'Edition 
du  Nouvcau-Teftamenc  une  Préface  $ 

?ui  eft  une  exhortation  à  la  leâure  de 
Ecriture.  Erafme  voudroit  que  tout 
k  monde  la  lût  &  en  profitât  ;  il  ré- 
fute ceux  qui  blâmoient  les  Traduc- 
tions de  FEcrtture  en  Langue  vulgaire. 
»  QûelqajBS-uns ,  dit-il  (b)  regardent  (S)  EpîJI. 
»  comme' un  crime  de  traduire  lesLi^  Sx*  L.  i^» 

•  vres  làcrés  en  François  ou  en  An- 
»  glois  ;  mais  les  EyacfgeUftes  n  ont 
»pas  craint  d^écrire  en  Grec  ce  que 
»  Jefus-Chrîft  avoi!  dit  en  Syriaque  : 
»  les  Latins  ont  traduit  en  Latin  les 
»^  Ouvrages  des  Apôtres  ,  &  les  ont 
«mis  ainfi  h  h  ponée  du  Peuples  S. 
t  Ié£ÔjQQÇ  %  tiaduil  à$tm  la  Langue  dds 


34^  V  I  K 

»  Dalmates  l'Ecruure  :  je  vcm(îroîf 
»  qu'elle  fût  traduite  en  toute  Lianguesr 
»  !•  Chrift  défire  que  fa  Religion  fe 
9  répande  par-tout  :  il  eft  mort  pour 
9  tous  les  Hommes  ;  il  délire  d'être 
9  connu  de  tous»  » 

Les  Théologiens  qui  enfâgnàieot 
jcommunément  pour  lors  que  les  Tra« 
durions  de  TEcriture  en  Langue  vuN 
gaire  fai(bientplusde  mal  que  de  bien^ 
&  que  U  leâure  des  Livres  facrés  ne 
devoir  pas  être  mife  entre  les  nmns  à& 
tout  le  monde  »  défapprôoverent  ce 
que  nous  venons  de  citer  d'Eràfme  ; 
mais  ils  furent-  encore  bien  plus  mér 
contens  du  fouhait  qu'il  ùàt  dans  cette 
même  PréfeCe  :  il  vondipit  qu'âpre» 
que  les  Eûfans  baptifés  feroient  venus 
1  un  âge  raifonnable  $  on  leur  explii» 
^uât  les  engagemens  du  Baptême>' 
&  qtt  on  leur  demandât  s'ils  ratifioient 
les  vœuK  que  leurs  parens  avoient  £fiitt 
en  leur  sK>m  ;  auquel  cas  il  ferok 
très-convenable  de  renouvcller  publî* 
quement  leur  profeflîon  defoi.  Il  s^ob^ 
)e6le  deux  difficultés  :  la  première^ 
qu'il  fembleroit  qu'on  réitereroit  le 
èaptême  î  *  fecondement ,  qu'il  poui^ 
roit  arriver  que  quelques  uns  ne  vou»» 
droient  pas  ratifier  ce  qu'on  avoir  pro^ 
ie(U  pour  eux  dans  le^ur  Baptême»  ILxét 


d'  E  R  A  s  M  H*  943 

foni  i  la  première  objeélion ,  qu'il  ne 
propofe  point  un  nouveau  Baptême  > 
mais  feulement  de  confirmer  publique- 
ment les  obligations  que  Ton  avoic 
Srifes  dans  le  Baptême.  La  féconde 
ifBcuhé  lui  paroit  plus  grave  :  il  y 
répond  ^  qu'il  faut  toqp  tenter  pour 
engager  les  )eun^s  gens  à  confirmer 
leur  profeffion  de  foi  ;  que  fi  capet»- 
dant  on  ne  pouvoit  pas  y  tétfflîr ,  il 
vaudroit  peut-être  mieux  les  laiffer  li- 
t>res ,  que  de  leur  faire  violence.  La 
feule  peine  qu'il  voudroit  qu'on  leur 
impofat ,  cr'eu  la  privation  des  Sacré- 
mens  ju(qu  à  ce  qu'ils  rentraâfent  dans 
k  bon  ctlemîii.  Le  plris  grand  tîtombrà 
des  Théologiens  fut  extrêroenidntfcan- 
daUfé  de  ce  projet  prbpof(^  par  Eraf- 
^t  ^  ks  erïnemis  ne  naanquereiw  pas  de  ♦ 
le  relever  avec  véhémence  j  &  dans 
|a  fuite  il  auroit  fouhaité  (a)  n'avokC^)  S'^PP"^» 
Janwis  avancé  une  propofition  ,  qui  ^^^^p  ^. 
avoit  caufé  un  (ï  grand fcandale che^ ^J^\ 
fcs  Théologiens.  Cette  Fréfece  eft 
datée  du  1 4.  Janvier  i^y  22.  &par  con- 
fé^ent  n'étoit  point  à  la  tête  aes  deux 
premières  Editions  du  Nouveau-Tef- 
tamentd'Erafme.  Après  cette  Préface 
^1  y  a  une  Invitation  à  Tétude  de  la 
^ilofophie  Chrétienne ,  un  abrégé  &s 
*»  éloge  de  la  Do(arineEvangélique» 

giii} 


V  ï^ 

Erafme  pour   faire  voir   que  détm 

avec  raifon  qu'il  avoit  entrepris  une 

.nouvelle  Verfion/du  Nouveau -Tefta- 

.  ment  >  rapporte  quelques  elceim)les  de 

folécifmes  palpables  qui  font  dans  la 

Vulgate  (  I  )•  Il  y  a  après  €ela  une 

lide  de  quelques  paiTages  difficiles  9 

lur  l'explication  c^fquels  des  Inter- 

-prétes  très- célèbres  fe  font  trompés  :  il 

.  rapporte  ces  erreurs ,  pour  répondre 

à  ceux  qui  foutenoient  que  fon  Ou- 

.  vrage  étoit  inutile.  Il  expofc  enfuite 

quelques  exemples  des  paifages  où  la 

Vulgate  s'eft  vifiblement  élpignée  du 

texte  Grec;  &  il  fait  fon  Apologie 

:  contre  l'ingratitude  des  Théologiens  : 

il  déclare  qu'il  n'a  jamais  prétendu 

-s'éloigner   des  décifiens  de  FEglifc 

Catholique;  &  que  s'il  fe  trou  voit 

quelque  chofe  dans  ce  qu'il  avoir  écrit 

qui  n'y  fût  pas  exaâement  conforme  f 

il  le  rétrade,   &  veut  qu'on  le  re* 

garde  comme  lui  étant  échapé  contre 

fon  intention. 

Cet  Ouvrage  eut  les  approbations 
les  plus  flatteufes  :  Léon  X,  fit  le  plus 

(  t  )  En  voîd  deux  Exemples  ;  Quicunr 
^uû  te  angariaverit  j  mille  fajfut  voit  eut» 
iJo  ,  &  âUa  dm.  Matthieu  V«  41.  ^^^'' 
â^^es  gentium  iominantitr  torwn»    Matthictt 


)gnnà  ëloge  de  la  première  Edicion. 

On  en  faifoit  déjà  beaucoup  d'eftime , 

avant  que  l'on  fçût  ce  que  le  Pape  en 

penfoit  ;  mais  quand  le  Bref  du  Pape 

eut  été  rendu  public  »  on  rechercha  ce 

Livre  avec  encore  plus    d'emprefle- 

ment  (a)  ,  comme  ayant  été  approuvé  («)  Bifjf. 

par  l^Orade  du  Souverain  Pontife.  Le  ^*  ^»  '  *• 

Cardinal  Laurent;Campege  fi  eftimé  à 

Rome ,  nûindpit  â  Erafme  (  i  )  qu'il    (^)Epi/f. 

àvoit  dévoré  fonNouveau-Teftament:*»  ^  ^*» 

ce  font  les  propres  termes   de  cette 

Eminence.  Il  déclare  que  fa  piété  n'eft 

?as  Infériebre  i  fon  érudition  ;    2c  il 
eXfeorce  à  n'avoir  aucun  égard  aux 
écrite;  que  des  Ecrivains  auifiinfen- 
fés  qu'îtijuftes  peuvent  feire  contre  lui. 
Un  témoignage  fi  flatteur  f  c  )  du  Pré-    (c)  Efijl. 
lat  pour  lors  le  plus  confideré  qu'il  y  5*  L.  ti# 
eût  dans   l'Eglife  ,    remplit  de  joie 
Erafme  ,  qui  crut  devoir  remercier  le 
Cardinal  de  la  confolationque  lui  don<- 
lîoit  fon  fufErage  contre  les  injuftices 
de  fes  ennemis.  Il  n'y  eut  aucun  pays  ^ 
où  il  ne  fe  trouvât  des  Savans  qui  ren- 
dirent juftice  à  fon  travail.  Vives  paffa 
à  Paris  (  i)  peu  de  tems  après  que  la   ^^)  Enfl. 
féconde  Edition  du  Nouveau -Tofta-  to.  l.  */• 
ment  d'Erafrhe  eut  paru  :  il  n'étoit 
queftion  que  de  lui  dajis  toutes  les  con- 
jrjerfationsfavaQtesî   &  Vives  affurc 


54^       ^      V  t  K 

que  les  f  nncîpaux  Théologien»  dSi^ 
Goient ,  que  depuis  mille  ans  on  n'avok 
tien  fait  de  fiutiie  pour  la  piété  Chré- 
tienne que  rOuvragé  d'Êra&ie  fur  le 
Nouveau-Teftamenu  Nicolas  Berauà 
f4)  E/>(/?.luî  mandoic  fa)  que plulîeurs  Savant 
M|^.  lu  9voi<î^tfonNouveil^TTçfta,InêntàPa-• 
.      .     ;  iisr  &  que  parmi/çôux-lâ  il  y  avoir 
dès  Théologiens  d^un;fès-gfand'nom  y 
qui  Pàiiïiôient  préf^te^nt  avec.ajar 
tant  d*excès ,  (juMls  IV^éritliaï  au^ 
paravant  avec  injuftiçe»f^  Vôtre  nou* 
»  velle  Edition  ^.  ajoutc-t-il ,  vous  ^ 
n  réconcilié  ayej  be^ôûp  de  gpns  r 
n  quant  aux  bpjifiâtrçs^' 11^  font  kflei 
»  confondus  par  ;^ûs  /^(^çgïes".  3»  Oà 
penfoit  d2  même  en!  Ajeiym^  :  Bîli-T 
'0)  £;>/j?.balde  Pérkeimerécrivoltâ  Erâfnafe(*)i' 
lu  u  %.  *  que  fon  Nbuyeau-TeÛament  avoit  ini$i 
Ion  nom  ji  l^abrî  Je  l'injure  du  tems  ^^ 
qii^it  avoit  fait  une'  chofè  agéable  i 
Dieu  &  à  t^us  les  fidelles  ^  en  doii^ 
nant  un  Ouvrage  que  âeguis  mlUe-anj^ 
9n  n'avoit  pu  faire.,        . 

Plufieurs  des  plus  ifluffres  Pirélats- 
Fapprouvercnt  hautementi  l'Evêque  dç 
(ûj  tftpu  Batts  entr'aucres  (  c  )  j  &  Erafme  écri- 
4  i»i^  vant  au.  Pipe  Léon  X.  ne  craigniç 
point  de  fe  flatter  dafuflrage  de  cet 
ïTveqoe.  Ce  fut  en  Angleterre  que  cer 
Itouvcaa-Teûament  eut  le  plus  grancS 


b'  E  &  A  s  M  B*         347 
^cès.  L'Archevêque  de  Canto^-oeci 
^riypit  à  Erarme  (a)  le  20  Juillet  («)  Epîjl. 
l^i6.  qu'il  l'avoit  fait  voir  à  des  E\rô-  ^'  ^^-  ^j: 
ques  &  à  des  Do6ïeurs  ;   quils  enf^'^*^**- 
avoient  cous  été  très-contcns  ;  &  que     * 
fe  conformant  à  leur  jugement^  Ôc 
ayant  une  extrême  adîniration  pour 
toutes  les  produéïions  d'un  bommj^ 
ioQt  le  gienie  étoit  fi  divin  6c  U 
Icience  fi  merveilleuTe  9  il  ne  pouvoir 

Îue  louer  infiniment  un  fi  beau  travarl^ 
/Evêque  de  Roch^fter ,  fi  célèbre 
par  fi)n  zélé  pour  la  Foi  CathcAique,  ,♦ 
fourenoit  (  ^  )  que  dans  le  Nouveau-  (^y  É:pt/I. 
Teftament  traduit  par  Eràfine ,  il  nV  ^^^:  "^^^ 
avoit  nçn<  qm  put  laire  peine  à  uti^         i 
homme  fenfe  ^   qu^il  avoit  édairci  une 
infinité  d'enchroits  ,    &  qu'il  avoit  fi 
parfaitement  rempli  fon  objet,   quit 
n'y  avoit  plus  |)erfonne  qui  ne  fûç  ci* 
itat  de  lire  le  Nouveau-Tefiamene 
avec  pla«  de  facilité    qu'auparavant^ 
•ii'Evéque  de  Vincbeffer  difoit  publi-^ 
•Gucment'  (c)  que  la=  Verfion^d'Erafme'   CcyEh'J. 
éclaifciflfoit  fi^  bien  le  texte,    qu'elle î^r.. 
tenoit  lieu*  de  plufieurs  Commentai* 
Tes.  &iillaume  Latimer  (  i^  ne  favoic  (jy  E'p% 
«e  qu'il  devoir  le  plus  admirer  dan^  i^  L.  lOi 
cet  Ouvrage ,  •  ou  du  grand  travail  y 
ou  de  l'beurwfe  exécution;    Cutbert'  (^gf  ^pjjf'^ 
ïttoilal gfrétendok  (r)  qi^  l'oi^  r^  1.  &.}^. 


^54«   .  Vît 

trouvoit  dans  les  Rotes  d'ËraCne  ton! 
ce  qui  avoit  été  bien  repoarqué  par 
les  autres  Commentateurs ,  &  qu'il  ne 
laiflbit  rien  à  défirer.  Ammonio  Non- 
ce du  Pape  9  faifant  fon  compliment  à 
Erafme  fur  le  fuccès  de  fon  Nouvtiatt- 
1^)  E;>i;?.  Teftament ,  déclare  (^)  qu à  fon  avis 
7,  L.  ».  c'eft  un  Ouvrage  très-rclijMcux  »  très- 
néceffaîre ,  oui  doit  être^ftimé  de  tout 
letnonde,  aigne  «nfin  d'Erafme  &  da 
Pape  à  qui  il  devoit  être  dédié.  »  Con- 
»  tinuez ,  ajoute* t-il  ;  c'eft  ainfi  qu'oui 
>•  s'élève  jufqu'au  Ciel.  » 

Erafme  paroiffoit  affez  <:bntent  Veti 

Tan  I  y  1 7.  du  fuccès  de  fon  Nouveau* 

Teftamentj  il  en  écrivit  ainfi  à  TEvfr- 

que  de  Rochefter  lé  y  Juin  dé  cew 

(i)  Éftjl.  année  Qi)  :  »  On  craignoit  cet  Ouvrage 

5*  JU  ?•     »  avant  qu'il  parût  j  mais  depuis  qu'il 

»eft  public,  il  eft  étonnant  comoien 

-»  il  efi  approuvé  des    Théologiens 

»  fa  vans  &  de  bonne  foi.     Le  Prjeuî 

»  des  Chartreux  de  Fribourg ,  homme 

»  d'une  très-grande  confidération  dans 

»  fon  Ordre,  A  urcur  du  Livre  infltulé, 

»>La  Perle  PhHo/ophiquey  dit  qu^il  don- 

»  neroit  deux-cens  florins  d*or  pour  em- 

*•  pécher  que  ce  Livre  ne  pérît.»»  Louis 

l€)  Voyez  ^^^^  Théologien  de  Taris,   le  pre- 

Iprfi.i.  i.rtïïtr  de  fa  Licence,    en  fait  la  plus 

7-  grande  eftime  (  c).  Wolphang  Capico 


Pr^cateur  à  Baflc ,  homme  très^ha- 
bile  en  Hébreu ,  &  grand  Théolo* 
gien  ,  penfe  de  même*  Le  SuâragaM 
de  Cologne  eft  auffi  de  même  avis. 
Louis  Berus  dont  on  vient  de  parler  ^ 
étoit  de  Bafle.  Eralme ,  dans  une  Let- 
tre au  Cardinal  Laurent  Campege  (a)  3    W  ^P^J^* 
dit  que  c'étoit  un  homme  dont  la  naif-  *^*'  ^*  '^* 
fance  <toit  illuftre,  la  vie  très-régu- 
liere^  &  l'érudition  peu  commune*  Il 
avoit  conçu  unç  fi  grande  amité  pour 
Erafme  après  avoir  vu  fon  Nouveau- 
Teftament  (b)  qu'il  lui  avoit  offert  (^^  ^pf/f^ 
de  partager  avec  lui  fa  fortune  qu}  lo.  u  u 
étoit  très-confidérable;  6c  de  deux 
Prébendes  qu'il  avoit  9    il  voubt  fc 
dépouiller   d'une   pour  en  gratifier 
Erafme  qui  la  refufa. 

Après  fa  mort ,  les  vrais  connoif* 
feurs  lui  ont  rendu  juflice.  Jofeph  Set* 
liger  n'entra  point  dans  les  paffions  d0 
fon  per^e  :  il  affura  (c)  que  les  Notes  (c)  Scédi^, 
d^Erafme  fur  le  Nouveau-Teflamenti*'*^»*» 
contenoient  des  obfervations  très- 
doâcs,  &  que  Beze  avoit  fouvcnt  re- 
pris Erafme  à  tort;  voici  les  propres 
expreffions  de  ce  favant  homme  9  qui 
4è  croyoit  POracle  de  la.  République 
des  Lettres.  «  Bcze  s'amufe  &  s'abuleà 
«rejprendre  Erafme  ;  fon  Nouveau-Tel^ 
9  tament  e$  bon,  ^  M«  Huet  a  £ût  k^ 


5P  Vitf     -^ 

plus  grands  éloges  de  1*  Verfîoii  d'E-* 

ÇajDfcf^rafme?  ^  Safiddité,  dit-il  (*)>  & 

timo  gentre  m  {w  do^e  fimplicité  m'ont  toujours 

^f""^"    »  plù ,  fuihtouc  dans  br  traduaion  des 

•        »>  livres  facfés.  Je  lui  donne  la  prf 

*  férence  fur  ceux:  qui  ont  traduit  le 

^Nouveau-Teflament  j  il  s'eft  acquit^ 

3ï  de  ce  travail  en  rendant  mot  pour 

^  mot,  fentence  pour  fentènce  j  il  Or 

$>  réuni  la  clarté  avec  Télegance  dcb 

»  didion  ;  8e  lorfqu'U  n'a  pas  pu  trou- 

ji  ver  des  termes  Latms  qui  exprimaf- 

»  fent  précifément  le  itiiot  Grec,  il  a 

....  »  marcpïé  en  un  autre  caraélère  ce  qu'il 

*5i  avoit  été  obligé  defiAftituer,  wovir 

%  lant  par-là  faire  voir  îufqu'bà  allc^t 

p  fa  fidélité  :  aufli  fon  Oiwrage  méri- 

3»  ta-t-il  d'être  approuvé  par  un  Brf f 

»  du  Souverain  Pontife^  »>^ 

M.  Simon  qui  ne  loue  prefque  j^ 

«mais  qu'à^re^ret ,  prétend  qu^Écafine 

feiî  en  plufieurs  endroits  plutôt  le  roé- 

^  tier  d'un  Déclaméui:  qw  d^un  Intetr 

Ï8)  Hlft.  pï^^  (  ^)  ;  q^'il  *e  ^^  P^^  entière- 

critique  des  rement  fe  fier  à  fes  citations.  »  Ce^ 

principaux  jr pendant,  €ontinue-t-il ,  nonobfta«t 

€ommeii.^,çg5  défiauts^,  on^doît  lui  rendrecetçe 

^^'"'^*  ^Vi>iuftice,  qtî^Uaété  un.  des  plus  )iab^ 

»>  les  critiques  de  fon  teras.  pour  tout 

3»  ce  qui  appartient  à  l'étude  des  Li-' 

mHsn^  faerés^  ^  il  a  founû de gf and^ 


B".  lumières  à  ceux  qui  ^nt  travaillé 

»  après  lui  ;  on  ne  fauroit  trop  louer 

»  les    recherches    qu'il  a  faites,  »> 

^M.  te  Clefc  eft  entré  dans  un  plus 

grand  détail  (a).  »Ceux,  dit-il,  qui     W  B** 

»  ont  qudque  connôiffance  de  la  bonnç  ^  ^^  ^  ',  ^^ 

«manière  d'expliquer TEcmure Sain-    '         ^ 

V'té^  ont  toujours  beaucoup  effimé 

•>  cet  Ouvfage  d^Eràfine ,  dans  lequel 

>  il  s^ert  al:quitté  de  tous  les  devoirs 

»M*un  boii  Interprète  f  autant  qu  ot> 

»  pouvôit  le  faire  de  fon  tems ,  & 

»  dans  le^  circonftancés  où  il  fe  trou? 

'»  voit.  Prefaierement  il  a  çu  foin  de 

»  àôiirier  lë'Texte  Gfrec  ,  qui  n'étoit 

ii  J)a$  fort  commun  alors ,  *  auffi  cor- 

*  reft  qu'il  lui  a  été'poflîbre }"  &  pouf 

*  cela  il  a  confulté  les  Mahufcrits  qu'il 
»  a  pu  avoir  ,  &  lu  avec  foin  les  Feret 
»&  leé  Interprètes ,  dont  il  a  marqué^ 
»  les  variétés .  de  leélure  foigneul©^ 
a^^ipent  dans  les  notés.  Il  a  entreprît 
»  dé  faire  une  meilleure  Verfion  que  la- 

*  Vuigatc  i  &  l'on  ne  peut  pas  nier 
»  qu'il  n'y  ait  réuflî  à  plufieurs  égards  ^ 
»  quoique  depuis  qu'on  a  cultivé  da-^ 
*>  vantage  la  critique ,  on  foit  allé  plu$* 
ailoip  que  lui.  En  troifiéme  lieu  on: 
»  doit  recônnoîtrt  que  fes  notes ,  ou-^ 
»  tre  la  critique  de  la  Vulgate ,  ren^ 
?►  ferment  quantité  de  très-bennes  rar 


:t  marques  Philofophiaues  &  Théolo^ 
a»  gigues  ^  fondées  fur  la  cortnôlffancç 
M  qu  il  avoit  de  la  Langue  Grec(]^ 
»  &  du  ftyie  de  écriture  Sainte.  B 
»  eft  certain  qu'il  a  montré  le  cbemirt 
9  qu'il  falloit  fuivre ,  &  que  ce  n'eft 
j»  qu'en  perfeâipnnant  fes  principes  i 
w  qu*on  eft  allé  plus  loin.  » 

jLe  grand  nombre  d'Editions  que 

fon  Nouveau-Teftament  a  eues,  di 

une  preuve  de  Teftime  qu'on  en  fei- 

^  foit.  Il  y  en  a  eu  quatre  de  fon  vî- 

ld)Amœnuy^^^  (a}.;  la  première  en  lyKJ.h 


y  en  eut  une  cinquième.  Dans  la  dcr- 
liierc  Edition  des  Ouvrages  d'Erafmc 
feite  à  Leide  par  les  foins  de  M.  le 
Clerc  ,  le  Nouveau-Teftament  fait  le 
fixiéme  tome.  Les  Notes  qui  dans  les 
autres  Éditions  fe  trouvoient  à  la  fin 
du  Texte  facré  ,  ont  été  mifes  au  def- 
fous  dans  celle- ci  pour  la  commodité 
du  Leâeur. 

Malgré  les  fervices  împortans  qu'E- 
rafme  rendit  par  cet  Ouvrage  k  ceux 
qui  dcfiroient  entendre  parfaitement 
le  texte  du  Nouveau-Teftament  ♦  mal- 
gré la  multitude  &c  la  célébrité  de  fes 
approbateurs ,  cet  Ouvrage  lui  attira 


rf*  E  R  A  s  M  E.  5  M 

/  iàcs  enirsmis  qui  le  perfécutercnt  ju{- 
qu'à  la  mort,  La  hardieffe  de  fes  fen«- 
iimens  qui  alloic  quelquefois  jufqu'à 
findifcretion ,    le  mépris  qu'il  ténioi- 
gnoit  de  la  Schdaftique ,  mab  fur-touc 
le  peu  de  ménagement  avec  leauel  il 
parla  des  Théologiens  &  des  Moines 
dans  fes  notes ,  mrent  la  vraie  caufer 
de  leur  déchaînement.  Leur  conduite 
fouvent  ridicule ,  la  frivoli(jé  »  ou  plu- 
tôt Tabfurdité  de  quelques-unes  de  leuf  i 
objeftions,  démontrèrent  que  c'^étoit 
rbumeur  ou  le  défir  de  la  vengeance 
qui  £aifoient  agir  la  plupart.  Quelques- 
uns  de  ceux  qui  étoienc  les  plus  empor* 
tés  contre  lui  (  a  )  »  avouoient  que  ja*  (a)  EfiJI. 
oais  ils  n'avoient  lu  fon  Livre  ;  d'au*  ^.  u  st 
[  très  foutenoient  qu'il  y  avoit  de  la  té- 
mérité à  un  homme  qui  n*a*  cit  aucune 
teinture  de  la  vraie  Théologie,  d'avoir 
entrepris  de  travailler  fur  l'Ecriture; 
&  ils  entendement  par  Théologie  ^  U 
Scholaftiaue,  dont  Erafme  témoignoic 
aflez  publiquement   qu'il  £ûfoit  peu 
d'cftime.  Lrufage  de  fon  Livre  fut  in- 
tcrtUt  (fc)  dans  un  Collège  d'Angle-  (j)  Eptjl, 
terre  >  par  la  feiUe  raifon  au  il  n'étoit  i Oé  &•  u 
pas  permis  à  un  particulier  de  faire  une 
nouvelle  Traduâio»  de  l'Ecriture  fans 
Tordre  d'un  Concile-GénéraU  H  y  eut  (ç\  Epijl, 
Wi  Moine  qui  prétendit  (c  )  qu  Erafoaie  ifLsst/ 


Sfcoo'i 


*  ^^       /    /^^^^^  deffcin ,  que  a  îi*3 

^         ^^;^'^^amgile  étoit  une  fabley 

J^^^l^h6\t  fefvi  du  terme  Con- 

/j^«  f  qui  cependant  rend  exao* 

^^f  le  fens  de  rÀuteur  facré.  Lorf- 

oic  pour  répondre  à  fes  accufateurs  il 

^vy^prévaloit  du  Bref  de  Léon  X,  (^a) 

^J^ôn-on  lui  répondoit ,  que  le  Pape  s'étoîc 

^le?»  ^^  contenté  d'approuver  Féicgance  de  foa 

^^''       ftyle ,  &;ion  pas  le  fond  des  cboles^  j 

ce^qut  étoit  manquer  de  refpeélt  au  Par- 

|e,    &  mMifeftement  contraire  auiç 

propres  tcfmes  de  fon  Bref. 

Les  fautes  qu'il  reprit  dânsla  Vul- 
gâte  ,  exeiterenc  beaucoup  de  murmu* 
res.  Elle  étoit  dans  ce  teras-là  plus  rdP 
peâée  que  les  Textes  originaux  jur 
ceux  \  qui  leur  ignorance  en  interdiloic 
la  kaare/^  Sutor  dit  publiquement  r^ 
qu'Krafme  en  faifànt  une  nouvelle  Tra-  ' 
ouélionduNbuvcau-Teftament,  avoit 
eu  deflein  d'anéantir  la  Vulgate»    & 
d'y  fubftituerfa  Tradudion  %  ce  qu^l  j 
traite  d'intenàott  facrilége^  Titelman> 
Religieux  Francifcain  ,  prit  le  parti 
de  la  Vulgate  contre  Érafme.  M.  Si-    I 
\h),  Hîft.  mon  juge  (  fc  )  que  le  zélé  que  ce  bon 
iJes  princi.  Religieux  fit  paroître  pour  défendre 
&?dî!^'^^^^^^"^  Verfion  Latine  ,  n'eftpas 
'toujours  accompagné  d'une  véritable 
feience  >  &  qi/U^  auroit  combatta  \xm 


r 


è^ERÀSMÉ.  jyf 

tàvttdïrc  avec  plus  de  force  i  s'il  ne 
/écoit  pas  jette  lur  certaines  minutie» 
qui  ne  mérkoient  pas  d'être  relevée» 
fi  fortement.  Depuis  que  les  Langue» 
iavante$  ont  été  plus  cultivées ,   on  a 
j  pu  juger  avec  plus  de  liberté  de  lu 
Vulgate  fans  caufer  de  fcandale.  Sixte 
de  Sienne  5  de  l'Ordre  de  S.  Domini* 
que  y  dans  fà  Bibliothéc^e  facrée  y  eft 
convenu  (a)  que  Panctcnnc  Vulgate  W L.  s. fc 
Latine  na  pas  toujours  été  exempte  S.  Simon, 
de  fautes ,    &  qu'il  y:  a  des  défauts  J^** .  ^"^ 
4aBS  caie  d'aujourd'Iiui  ,   ainfi  queTeftISît, 
lont  remarqué  Santes-Pagnmus ,    ieL,5.c.i7» 
Chinai  Cajetan  ,  François  Forerius 
^lérôme  Oleafter^  Quelques  Savans 
iqui  la  Imputation  d'Ërafme  donnoit 
de  la  jalouiie  »    décrî^'enc  auffi.  foft 
Nouveau  •Teftament  :  tel  fut  Jules 
Scalig^r  »  çjfû  ne  s'accotdoit  point  en 
en  cela  avec  fon  fils  (  ^  ) ,  &  qui  ne  (ij  gptfl. 
craignk  pas  d'avancer  qu'Èrafme  n'a- 1|«  à  Ar- 
voit  pas  traduit,  mais  qu'il  avoit  dé-"*^^*  '•^ 
imx  le  Texte  facré.   Il  ne  donne  ai*.  ''^''« 
cane  preuve  d^lne  imputation  fi  odieu«i> 
fti  f^i  fait  plus  de  tort  à  Scaligerqu'à 
JEmfme. 

Les  critiques  ameres  &  trës-fou- 
*ent  injuftes  qu'il  éprouva  dans  cette 
<)CCafion  ,  lui  donnèrent  de  l'humeur 
Cjfintre  .le^enre  huiçain}  &  quelq^e^ 


,M)fJr.^Q^^^  j'aurai  fini  ma  leçon* 
Jf^i^'^^]0àoïi  du  Nouveau-Teftament, 
//' jf  "^^dit'^^  en  confidence  i  fesamis  > 
^'Jl  %ii']^^'^^^^^'^^  ou  je  nié'  chanterai 
^  ^que  pout  moi  &  pour  les  Mufei 
^  poifqu'on  récompenfe  ainfi  ceux  qui 
••font  de  leur  mieuk  pour  être  utiles 
a*  aux  Lettres,  »  Mais  ces  mouvemens 
de  dépit  eu  de  mifantropie  çédoient 
bientèt  f  ou  aii  défir  de  Tes  aitûs  qui 
l'engageoient  à  travailler ,  :OU  enlîn  à 
Thabitude  dans  lafquelle  il  éroitr d'écrit, 
re  depuis  qu^il  fe  conhoiiToir. 

Ses  ennemis  enfin  prévalurent  â 

Rome.   Paul  IV.  ayant   ordonné  de 

faire    un  Catalogue  des   Livres  qui 

Revoient  être  détendus ,  cetofdrerut 

exécuté  l'an  i  yyp.  »  Qp  y  cood  amna, 

»  dit  un  des  Hiftoriens  du  Concile  de 

C^)  Fra  »Trente(A)  les  Annotations d'Eraf- 

faolo ,  L  j»  me  fur  le  Nouveau-Teftament  ^  que 

é^tLS.      ^  Léon  X.  après  en  avoir  fait  la  fec- 

1»  ture  I  avoit  approuvées  par  un  Bcef 

1»  du  10  Septembre  i  f  i8.  » 

„    Quelque  approbation  qu  ait  eue  le 

travail  d'Eraune  fur  le  Nouveau-Tc^ 

tament ,  il  faut   cependant  convenir 

qu'indépendamment  de  plufieurs indif* 

crétions ,  il  y  a  divers  endroits  fof"» 

^eptibles  de  critique.  M.  le  Qerc  t0tf 


7 

b*  E  R  À  S  M  i;         5J7 

imfan  zélé  d'Erafa^e  qu'il  e(t  ^ 
Favoue,  en  faifant  cette  réflexion  en 
jeême-tems  {a)  »  qu'il  n'y  a  aucu»  Ça)  Blb^ 
Auteur  oàl'ori  ne  trouve  qudque  cHofe  chQ;ne ,  u 
îreprejicke.  On  lui  a  fur-^tout  repro-'*»  ?•  49* 
dié(i)  qii|il  favoit  txès-peu  rancienr  (i,)A^scr$^ 
se  Géograjdiie  ;  ce  qui  lui  a^fait  faire /1V4,  i*  i. 
êvërfes  feures  confidérables  dans  Us />*''*•  >•  ^* 
iremieres  Editions  de  fon  Nouveau-  *"  *^^'  ^ 

'eftament.  On  ne  tt  contenta  Voinv^^i^^r^^ 
k  l'attaquer  en  général  ;  il  parut  un  oéf,  15,  t. 
tond  nombre  d'Ecrits ,  dans  lefquels  4.  Crekh 

fi^t  graité  av,ec  indignité  &  indé-  animadv. 
^nce ,:  nous  aUqns  .rendre  compte  de?^**^'  ^*  P 
ces  Ouvrages  ,   &  des  réppnfes  quM» 
f^^rut  obligé  de  &ire  pour  fajUili^ 
flcatiop. 

Le  premier  qui  écrivit  contre  lui  ; 
fct  Jacques  le  Févred'Eftaples,  Eraf* 
m?  en  nit  d'autant  plus  furpris ,  qu^ 
le Jéyrp  étçit  fon  ami ,  &  qu'ils  ér 
tpient  eo  grajide  liaifbn.  Le  Févre  a-* 
voit  travaillé  fux  l'Ecriture   Sainte  i 
Xrafme  g  voit  crû  devoir  s'éloigner 
quelque  fois  de  fes  (entimens;  mais  ç'a- 
vpit  toujours  été  avec  la  plus  grande 
politçffe.  Le  Févre  en  avoir  été  ce- 
pôntjant  trè$-,piqué  ;  fie  dans  une  fé- 
conde éditijpn  jie   fes  Commentaires . 
J  fur  l'Epitre  de  Saint  Paul  aux  Hé- 
1  breux ,  il  releva  avec  aigreur  l^expli- 


5jr«  Vie 

«ation  qu'^rafine  avQÎt  donnée  I  ces* 


l 


un  peu  de  tems  moindre  que  les  An- 
imes, Le  Fiîyre  foutenoit  qu'il  fallotf 
interpréter  ainfi  :  vou3  l'avez  fait  un 
peu  inférieur  à  Dieu.  Jl  ixaite  Ërafme 
fort  durement  t  farce  qull  avoitpr^r 
tendu  qu^  Jefus-Chrift  entant  qu'hom» 
jne  étoit  non-feulement  inférieur  aux 
Anges ,  mais  gvoit  été  réduit  à  un  éca( 
plus  fâcheux  que  les  hommes  les  plus 
abjeds.  Il  foutient  que  ce  feminûent 
isift  impie  ,  très  -  indigne  de  Jefus- 
Çhrift  ,  ,cantrair,e  à  T^prit  ^  &  fondé 
ifeulement  fur  la  Lettre  qui  tue* 

Erafme  répondit  par  une  Apolo- 
logie  qu'il  adreffa  à  le  Fé  /re  lui  -  mêr 
^c  (i).  Après  s'être  plaint  de  ce 
qu'au  préjudice  de  leur  amkié  il  IV 
vw  ainfi  attaqué  fans  l'en  avertir, 
&  fans  avoir  daigné  avoir  une  confér 
ïence  avec  lui  ,  qui  les  auroit  peut- 
âtre  concilijés ,  &  prévenu  un  éclat 
fpandaleux ,  il  entre  dans  le  fond  de 
la  queftiojî  ;  &:  il  fait  voir  que  Saint 
Ambroife,  Saiiît  Hilair-e,  Saint  Aa- 
l^uftin  ,   Saint  Chrifoûome,  Théo* 


r 


^ihfkey  enfin  tous  les  anciens  Inter-* 

!>rctcs  ont  expliqué  comme  lui  le  paC- 
àge  du  Pfeauqae  huit ,  &  que  le  Fç- 
vre  n'avoit  pour  lui  que  Saint  Jérô* 
me.  Il  prouve  enfuite  que  Jefus-Chri(): 
cotant  qu'hoqame  a  été  aii-defTous  des 
Anges ,  puifqu'il  a  été  fujet  à  la  dou^ 
leur  &  aux  maladies.  Il  repréfente 
les  miféres  de  l'hun^anit^  auxquelles 
(lefuS'Chrift  même  a  été  e^nofé  :  enr 
fuite  prenant  un  ton  plus  véhément  ^ 
il  foutient  aû'il  y  a  de  1  ignorance  >  6c 
pèmt  de  r  impiétjé ,  i  prétendre  quç 
Jefus-Chrift  n'a  pas  été  humilié  par  Iç 
fupj)lice  de  la  Croix,pmfque  Saint  Paul 
k  lert  du  ternie  d  hpmiliationr  lorfr 
gu'il  parle  du  genre  de  mojrt  de  Je- 
wChrift.  Il  reproche  à  fonadverfai- 
le  la  longueur  de  fes  r;airunnemen< 
ineptes ,  fpn  défaut  de  Logique  »  fon 
peu  de  fens  commun  :  il  veut  enfuitç 
»juftifier  ce  qu'il  avoit  avancé,  que 
4ans  les  premiers  fiécles  de  l*Eglife 
TEpître  aux  Hébreux  n'étoit  pas  uni- 
verfellement  attribuée  à  $aint  raul  j  il 
cite  Saint  Jérôme ,  qui  a  prétendu  que 
plufieurs  e^  avoient  douté  ^  &  il  tait 
voir  que  Saint  Auguftin  &  Origenp 
ont  pènfé  de  mêipe. 

Il  finit  fon  Apologie»  en  priant  le 
Fevre  de  reprendre  pour  lui  fes  #i)cien$ 


^Xô  Vit 

lentimens  ^  .&  dje  ne  ppint  donner  à 
r£glife  le  trifte  Tpedade  xi'une  jjif- 
pute  fcajidaleiife  entre  deux  hommes 
qui  fe  foot  prqpofé  dfi  fficiUter  l'in* 
telligence  du  Nouveau  -  Teftament.  Il 
prétend  qu'il  auroit  pu  relever  plu- 
licurs  fautes  dans  le   Fevre  ;  mais 
qu*il  s'étoit  contenté  de  répondre  i 
ce  qui  le  regardoit  perfonnellemcnti 
&  qu'il  avoit  tâché  de  le  faire  avec 
tous  les   égards  dûs  à  un  ancien  & 
refpeâable  zm.  T14nit  Ton  Apologie 
en  traitant  le  Fevre, de  très-^favant,  & 
de  fon  trèsri^'and  a©i  ^  s'il  le  vouloit 
bien  permettre  :  elle  eft  dat;ée  de  LofU- 
vainJe  ^  Août  lyiy^  Il  ae  fut  pas 
,    quinze  jours,  à  la  ÇQmpofer.  Dès  qu  el- 
le fut  iaiprin\ée ,  kl  l^envoya  à  le  Fe- 
KayEtifi^yrç  (a),  A  qui  il  déclara  qu'il  avoit 
Âiç.    &    été  très-fâché   d'écrire   contre  lui, 
i^*i  «.      parce  qu'il  l'aime  beaucoup ,  &  qu^ 
£p0^   ,.û  ailleurs  il  a  une  très- grande  aver- 
i;,,  j/        fion  pour  le  genre  polémique.  Il  1« 
prie  de   mettre  fin  à  cette  djrpute, 
ou  du  moins  d'être  plus  modéré  dans 
fes  expreffions.  »  Npus  avons  aflfezré- 
»  joui  les  ignorans.,  dit-il  :  retenez  le 
»  rele  de  vos  amis  j'ai  fait  taire  juf- 
»  qu'à  préfent  les  miens.  Que  la  fincé* 
»  rite  Chrétienne  préfide  fur  nos  ac- 
ap  Ùom^  Vous  ne  trouverez  point  de 

fâuffetç 


r 


>»&ufieté  chez  moL  »  Erafine^  dans  l'a^ 
brégé  de  fa  viô ,  parle  de  cette  difpute , 
comme  ayant  été  la  première  de  tou* 
tesi  celles  qu^il.eut  :  car  il  s'éioit  pour- 
lors  réconcilié  avec  Dorpius  ;  &  il 
dit  qu'il  avoit  plus  de  cinquante  ans 
lorfqu*il  fat  obligé  de  fe  défendre  con- 
tre le  Févre. 

L'Apologie  d'Erafme  eut  un  très- 
grand  fuccès';  il  y  en  eut  quatre  édi- 
tions en  moins  dun  an  (a).  Il  s'eft  W  ^fîjf* 
flatté  d'avoir  remporté  une  vidloire^^'^V 
complette.  Il  aflure  (i)  que  les  parti-   ^^j  ^  .n 
Êns  même deleFevre en convenoicntj:  17».  ^^.* 
ce  qui  eft  confiant,  c'eft  que  le  Czt-pend. 
dinal  Laurent  Campege  lui  fit  des 
complimens  fur  cet  Ouvrage  (c);  Se  (c)  Eftjl. 
Bombafius  déclaroit  (d)  qu'il  a'avoit  2.  l.  \  z. 
rien  trouvé  de  fî  favant  que  cette  Apo-   ^^^  Eplfl, 
logie.  Il  écrivoi t  à  Erafme  :  »  Ce  n'a  pas  *  >  •  ^*  *• 
»  été  £àns  un  extrême  éconnement ,  que 
M  je  vous  ai  vu  attaqué  fi  violemment 
*par  un   hoçime  que  vous  m'aviejs 
»  repréfenté  comme  étant  auflî  favant 
»  que  prudent.  Il  avoit  cette  réputa- 
•  tionj  mais  il  femble  que  dans  cette  ,  ■ 

»  difpute  il  ait  renoncé  à  la  littéjfatu- 
»  re  &  au  fcns  commun.  » 

Cependant  Içs  amis  communs  d'E- 
lafme  &  de  le  Fcvre  trouvoient  trop 
de  vivacité  dans  T  Apologie  :  Louij  '^ 

T^mc  1  Q  ' 


^6à  Vi« 

Berus  en  fit  des  reproches  4  Ertf* 
(d)  Eptfl  mç  (a) ,  qui  lui  répondit  qu'il  avoil 
^Ind    "^^  été  obligé  de  fe  défendre  avec  véhé^ 
^^^  *         îxience ,  puifqu'il  s'âgiffoit  de  réfutet 
les  accufatiohs  de  folie  &  d'impiété 
que  le  Fevt^e  Jui  avoit  faites  d'une  6- 
con  fî  odieufe.  Budée  vit  auili  avec 
chagrin  deux  hommes  célèbres ,,  tous 
Idcux  îès  ^ïTiis ,  écrire  Tun  contre  l'au- 
ire  d'un  ftylfc  dont  leurs  ennemis  com- 
(h)  Epfft,  mutîs  triomphoîetit.  Erafme  (fr)  lui  fit 
51.  L.   3.1a  même  répotife  qu'à  Benis;  il  of- 
frit de  fupprimer Ton  Apologie  ,  file 
'   Fevre  de  fbn  c6té  vouloit  aufli  fup- 

Ï rimer  ce  qu'il  avoit  écrit  contre  lui* 
^.^  ^^,^..  'è  Févtne  né  fit  aucune  répdnfe(c). 
55-  i^*  h  îrafme  s'âdreiTa  i  lui ,  pour  le  prier 
Epiji.  5?.  L.  de  faire  paroître  quelque  écrit,àans  le- 
^•-  Guel  il  dédareroit  que  malgré  la  dif- 

férence de  leurs  fentimens  ils  étoient 
tou^rs  reftés  amis  ;  il  l'aflSxra  en  mè- 
ttiB  têms  xju'il  n'avoit  jamais  ^lé  de 
lui  qu'avec  amitié  &  honnêt^été  :  le 
Fevfe  ne  répondit  rien  i  ces  ^ôlîtef 
(â)  Efifi.'ks,  Le  bruit  courut  qu'il  t^jplique' 
xt.  L.  7' roit  (if)  :  hon- feulement  il  n'en  te  rienj 
(e)  Apolo-  taaiis  dani  la  fuite  il  le  rèp^tit  â'a- 
gie  contre  yQjj.  enga|é  cette  dîfpute,  &  ÊrafifiBB 
I^?T/^  affùré  (e)  que  leur  amitié  àvoit  été 
£'^\"p[ renouée  de  façon  qu^ils  àvoi^nt  t(X& 
L.  21.       deux  oublié  ce  tcms  de  rëftbidilfor 


toent.  EffeAivemek  il  nous  refle  des 
tertres  ^Erafme  à  le  Fèvre  écrites 
pludeuts  années  après  cette  dilpure  , 
où  Ton  retrouve  les  anciens  fentimens 

Ïu'lls  avôieilt  eus  l'un  pour  l'autre.  Le 
'evfe  vécut  encore  vingt  ans  après 
cet  éclat  :  il  mourut  ayant  plus  de  cent 
ans,  l*an  1537  (a )  un  an  après  Eral-  W  Cont 
ïne.  de  Fleuri  , 

Il  fe  trouva  enfuite  dans  la  néceffi.|[^^^^J^-  "• 
té  de  juftiiîerle  terme  dont  ils'étoit'^  ' 
Tervi  pour  traduire  le  mot  Grec  (V)  que  (})  Kiy*u 
$aint  Jean  avoit  employé  dans  le  pre» 
mîer  chapitre  de  Ion  Ëvangile  pour 
exprimer  là  féconde  Perfonne  de  la  Tri*- 
jûité.  La  -Vulgate  i'avoit  rendu  par 
V'erhum,,  &   Erafme  s'étoit  imaginé 
que  Sermo  rendoit  mieux  l'idée  de  TE- 
vangélifte  :  il  fubftitua  donc  Sermo  à 
Verbum.  Ce  chângeinetnent  fçanda- 
îifa.bien  dés  ^èns ,  qui  rçgardoient  1^ 
mot  Vtrhuniy  ou  Vérbéj  comme  con- 
sacré par  ITEgliti.  Jls  traîtoient  publi- 
S^  uem42nt  Erafmé  4^  novateur  &  de 
laTphémateur ,  qui  méritoit  au  moins 
d'être  lapidé.  Swndice  qui  avoit  été 
Cordelier,  ^quî  depuis  fut  Evêque , 
prêchant  à  Lôp4res,Xf  )  dans  le  Ci-  CO  Epijti 
inetieré  dé  S.  JPauU  c^n^mença  à  par-  ^î*  ^»  n» 
1er  de  la  cliarlté ,  «&  fihit  par  inveéli^ 
Ver  contre  Eraîmè»  II  protefta  que  c'en 


3^4    .        V  I  ë 

étoit  fait  de  la  Religion  Chrétiennes^ 
fi  Pon  n'abolliflfoit  pas  toutes  ces  nou- 
velles Traduirions  de  l'Ecriture.  H 
prétendoit  aue  la  hardieflfe  de  ces  Tra- 
dufteurs  n*etoit  plus  foutenable ,  de- 
jpuis  qu'Erafme  avoit  employé  le  terme 
de  Sermp  au  lieu  de  Verbuun  :  il  le  traita 
de  "petit  Grée  ;  &  s'adreffant  au  Maire 
de  Londres ,  aux  Magiftrats  .&  à  tous 
fes  auditeurs  r,  illes  conjura  de  prea- 
dre  en  main  les  intérêts  de  la  Reli- 
gion Chrétienne  qui  étoit  en  fi  grand 
danger.  Ce  même  Prélat  fe  je^a  uii 
jour  aux  pieds  du  Roi  &  de  la  Reînè 
d'Angleterre  en  préfencê  d'un  grand 
nombre  de  Seigneurs  &c  de  gens  fa- 
Vans.  Après  avoir  loué  leurs  Ancêtres 
de  ce  qu'ils  avoient  toujours  défendu 
avec  un  très  grand  zélé  l'Eglife  Ca- 
tholique contre  les  Hérétiques  8c  les 
îSchifmatiques ,  il  çxhorta  le  Roi  & 
la  Reine  à  fuivre  cet  exbmpîe  :  il  af- 
fiira  .que  jamais  la  Religion  n^avoit  été 
en  fi  grâftd  danger  \  qu'elle  étbît  ab- 
folument  perdue  ,  fi  l'on  ne  fiipprî- 
moit  les  noureaux  Livres  d*Erafinè. 
A  Bruxelles ,  à  Faris  ,  '  ôii  j^rêcha  aufli 
publiquement  contre  É'rafme ,  parce 
qu'il  nes'étoit  pas  feïvi  du  mot  de  Ver- 
be. Ces  déclamati,on§  le  mirent  dans  I4 


r 


t>*  E  R  A  S  M  «.  ^6f 

to^ceiGté  de  faire  fon  Apologie  (i). 
Après  avoir  déclaré  que  fa  Traduélion 
n  ttoit  feite  que  pour  leç  Gens  4e  Let-»» 
très ,  &  s'être  récrié  contre  la  calom* 
nie  de  ceux  qui  s'efforçoient  de  per- 
fuader  que  fon  intention  étoit  d'altér 
rer l'Evangile  ,  il  fiait  voir  que  Verbum 
icSermo  figniiient  la  même  chofe  ; 
que  Serma  exprime  mieux  ce  que  Saint 
Jean  avoiti  voulu  dir^  :  ilpjouve  que 
ks  Anciens  fe  font  fervis  du  terme  .. 
Sermo  préférablemc^t  à  Verbum'^  ce 
qu^il  juftifie  par  les  témoignages  de 
S.Cypricn ,  de  Tertullien  &  de  S. Au* . 
guflin.  11  cire  le  dix-huitiéme  chapitre 
du  Livre  de  là  Sageffe ,  dont  l'Auteur, 
s'explique  ainfi  (a)  :  Ommpotens  Sermo  (4)  Vt  tf^ 
ii^us  ;  ce  que  l'Eglife  a  toujours  en- 
tendu da  Verbe.  11  fait  voir  que  Scrma 
a  été  employé  pour  défîgner  la  fé- 
conde Perfonne  de  la  Trinité  &  Je-. 
fus-Chrifl  par  S.  Ambroife  ,  par  S# 
Jérôme ,  par  Laélançe  ^  par  Prudence 
oans  une  hynane  adoptée  par  l'EgUfe  p. 
Pmrifquejermo ,  Chrijîe  ,  par  S.  An- 
felme ,  par  S.  Thomas  &  par  la  glofle. 
Cet  Ouvrage  démontre  fans  répliaue, 
que  fbuvent  le  Verbe  efl  défigné  dans 
l'Antiquité  par  le  tçrme  de  Sermo. 
"  Çt)  Aplopi^  4e  J»  frinçffio  erat/ermf. 


S66  V  I  B 

Le  NouveauTTeftaracnt  d'Erafîné 
le  comiDtt  dans  Le  mème-tems  avec 
deux  Doâeurs  célèbres  ;  mais  ces  dîf« 
culfions  fe  paffcrent  avec  politefle  & 
honnêteté.  Jean  Echiûs  célèbre  Théo- 
logien d'IngoUlat ,  qui  depuis  fut  em^? 
ployé  pour  réprimer  IcLuthéranifine/ 
ayant  lu  les  notes  d'Erafine  y  lui  écri« 
vit  dlngoïftat  le  2  Février  de  Ta» 
(*>  Epiji.  iyiS  (tf.)..Il  commente  fa  Lçttre  par 
>j,  U  2.  les  louahgesf  :  il  àflure  que  fes  Ouvra- 
ges lye  mourront  jamais  ,  ^  Çc  que  paf 
Ion  érudition  il  s^étoît  prépare  rira- 
mortalité.  »  Car ,  ajoute-^il,  vous  ne 
a  devez  pas  ignorer  cç  que  penfe  de 
»  vous  l'Allemagne.  Je  ne  parle  pa^ 
.  ai  du  Souverain  rontife  >  '  éé  PItaliè  , 
»  de  la  France  &  de  l'Angleterre  ;  de 
1^  Teftime  que  l*on  y  a  pour  vos  Ou-^ 
»  vrages ,  de  l'enipreffement  avec  le- 
9  quel  ils  font  reçus  ;  de  forte  que  tout  [ 
,  3»  ce  qu'il  y  a  de  gens  habiles  font  ^raf^ 
»  mrenj  ,  fi  Fon  en  excepte  quelques 
^  Moines  &  quelques  Théôlogaftres.» 
B  lui  propôle  cnfuite  quelques  diffi- 
cultés ,  non  pas  dans  le  deiiein  de  le 
critiquer  ,  mais  feulement  pour  lui 
donner  lieu  de  s'expliquer^  &  démet- 
tre fes  partifans  en  état  de  le  défendre 
tontre  les  objeâions  de  fes  s^dverfai- 
yes.  5 sX%' dit-il,    plufieurs trouvent 


r 


»  mauvais  que  dans  yqs  notes  fur  le 
p  fécond  chapitre  de  S.  Mathieu  ^ 
i>  vous  9yez  inlinué  qiie  les  Evangé* 
»  liftes  fe  font  trompés  dans  leurs  cita« 
9  tarions  >  foit  qu'ils  n'ayent  pas  cité 
p  d'après  \q%  Ilivres,  foit  qu'ib  le  foienç 
»  trop  fié$  à  leur  mémoire.  20.  Vous 
»  dites  dans;  vos  notes  fur  le  dixième 
9  chapitre  4es  Adles  des  Apôtres ,  que 
9  lorfque  les  Apôtres  avoietit  écrit  en 
»  Grec ,  ils  avoient  confervé  le  carac- 
9  tere  de  leuf  Langue  maternelle ,  & 
p  qu'ils  avoient  appris  la  Langue  Grec- 
a?  que  ^  non  pas  dans  Dénaofthene  ,' 
¥  mais  dans  le  commerce  qu'ils  avoient 
p  eu  avec  le  Peuple  j  ce  qpi  eft  con- 
,  »  traire  à  l'opinion  commune ,  que  c*eft 
vparl'infpifation  du  Saint-Efprit  qulls 
•  ont  eu  ta  connoiiTançe  des  Langues.» 
îô.Echiusn'étoit  pas  content  du  peu 
ç'eftime  qu  Erafme  témoignoit  pour 
S*  Auguftin  ;  ce  qiui  donaoit  lieu  de 
croire  qu'il  n  avoit  pas  lu  les  Ouvrages 
de  ce  Père  ^  qui  étoit  la  plus  grande 
lumière  de  l'EgUfe  après  les  Apôtres 
(r).  Il  finit  fa  Lettre  avec  la  naême 

(  I  )  Koli  ergo ,  Erafme ,  tamum  Ecclejia 
lumen ,  quo  fofi  friroas  Ecclefiœ  columrtas 
nullmti  fiéh  iihfirius ,  tuo  judhU  chieni>' 
hfiru 


^9  Vit 

politefle  avec  laquelle  il  l'avoît  coin» 
mencée ,  en  donnant  à  Erafme  le  titre 
de  phénix  ,  &  du  plus  grand  orner 
ment  de  fon  iiécle. 
Erafmgfitréponfe  le  15*  Mai  fuîvant 
(«)  Epiff.  (a).  Il  prétend  que  ce  qu'il  a  dit  fur  le 
94.  !•  1.  défaut  de  mémoire  des  Apôtres  dans 
leurs  citations  >  il  ne  Ta  répété  qu'a- 
près Saint  Jérôme  ;  qu'on  n'en  jpçjat 
rien  conclure  contre  l'autorité  des  Ecri- 
vains Sacrés,  puifqu'ils  ont  été  infpi^* 
rés  par  le  Saint-Efprit  dans  les  cho-î 
fes  effentielles  ;  qu'il  ne  nie  point  ïe 
don  des  Langues  dans  les  Apôtres  ; 
qu'il  ne  s'enfuit  pas  qu'il  n  ayent  pu 
apprendre  le  Grec  dans  le  commerce 
qu'ils  avoicnt  avec  ceux  qui  parloient 
cette  Langue  dans  TOrient  ;  oue  ce 
qui  pourroit  faire  douter  qu'ils  rayent 
appris  par  Tinfpiration  dû  Saint-Ef-- 
prit ,  eft  qu^on  ne  pouvoit  pas  dou- 
ter qu'il  n'y  eût  de  la  barbarie  dans 
leur  ftyle  ;  que  Saint  Jérôme  ne  craint 
point  de  foutenir  en  plufieurs  endroits 
que  Saint  Paul  étoit  fort  peu  habile 
en  Langue  Grecque  >  que  Saint  Luc 
eft  plus  favant  en  Grec  qu'en  Hébreu  : 
enfin  il  foutient  la  préférence  de  Saint 
Jérômefur  Saint  Auguftin  ;  il  trouve 
très-mauvais  qu'on  l'accufe  de  n'avoir 
jpas  lû  U^  Quvrages  de  ce  Saint  Doc;: 


lîeùr,  fur  tout  après  cjû€  fes  Livres  font 
-remplis  des  citations  de  ce  Père ,  & 
<iue  Ton  eft  cottveou  qu'il  Tavoit  com- 
paré avec  Saint  Jérônaie.  Il  aflfure  que 
c*eft  le  premier  des  Pères  qu'il  ait  lu  ; 
^u'il  le  relit  tous  les  jours  lorfqu'il  eïi  • 
41  befoin , .  &  que  plus  M  le  lit ,  plus 
il  fe  confirme  dans  fon  fentiment  que 
»Saint  Jérôme  4oit  lui  être  préféré. 

La  Lettre  d'Echius  eft  écrite  avec 
•beaucoup  plus  de  ménagement  que  la* 
.réponfe  d'Èrafme  »  qui  laiflfe  entrevoir 
rquelques  mouvemens  d'aigreur.  Il  crut 
toujours  (a)\qw  ce  Théologien  étoit  ,^.  ^^a    - 
çr-évenu  contre  lui;&  un  jour  qu'E-^i,  l.  |o! 
•chius  avoir  parlé  d'un  Savant  qui  n'é« 
:toit  qu'un  enfant  en  Théologie  (  i  )  *  (h)  Efifi» 
Erafme  (bupçonna  que  c'étoit  lui  qui  S9^ 
:étoit  défigné  par  ce  trai^  méprifant.  Il 
n'eni. trou  voit  point  d'autre  çaifon  ,  que 
iè  chagrin  que  ce  Théologien  pour 
voit  avpir  de  n'avoir  pas  été  affez 
Joué  par  Erafme.  Bchius.  ayant  été  in- 
forme des  fdupçons  d'Erafme  ,   lui      • 
-écrivit  (c  )  four  lui  protefter  qu'il  n'a-   (c)  Eptjt. 
voit  eu  garde  de  l'avoir  en  vue  lorf-  So«  *•  $• 
^u'il  avoit  parlé  d'un  enfant  en  Théor 
iogie ,  puifqu  il  ne  parloit  jamais  de 
lui  que  comme  du  plus  éloquent  des 
Théologiens.   11  ne  lui  diffimule  pas 
que  fes  lenteurs  à  écrire  contre  les 
■^  Qv 


57^  V  î  * 

ennemis  de  la  Foi  lui  avoîcnt  déplia: 

Un  autre  Doâeûr  ^î  |ufques-ià  avoit 

ité  ^mi  d'£f  aftne ,  lui  donna  quelque 

.  f  (d)  Efift.  chagrin;  c'^toit  Jean  Briareus  (  a  )^ 

é^6.  Efift.  Vice  -  Chancelier  de  F0nîv«rfité  de 

*     '  ^^'Louvain ,  connu  fous  le  nom  d'Aten- 

ïis.  Ils  ëtoient  fi  lî^s,  qu'Erafme  fe  prér 

parant  à  donner  la  féconde  Ëditidln  de 

Ion  Nouveau-Teftamment ,  pria  Ateô- 

(h)  Efili.  fis  (  h)  d'examiner  la  prCTiiere ,  &  de 

lo^.  L.  i^,  luj  ^j^g  naturellement  ce  qu'il  en  pen- 
foit.  Atenfis  la  lut ,  &  prptefia  à  £ra& 
me  qu'il  regardoit  l'ouvrage  cpmme 
pieux ,  favant ,  &  entierémem  iïre- 
prébenfible.  La  feéonde  Edition  n'eut 
JCO  Epî^.  pas  plutôt  paru  (c)q(i' Atenfis  qui 

'7;-  ^tr  étoit  fort  fulceptible  deà  imprefiioBS 

P^^         qu'on  vouloit  lui  donner ,  fe  laiflTanc 
gouverner  par  quelques    Moines    & 
quelques  Théologiens^  &  déchaîna  piah 
bliquemcnt  contre  kf  Nc^v^u-Teuâ- 
tnénr  d'Erafme ,  &  rie  traigmt  pas  de 
dire  qu'il  ne  lui  reftoit  plus  d'autre 
parti  qu  à  mourir  de  douleur  ou  à  fê 
cacher.  Erafme  averti  de  ces  invec-' 
tives ,  pria  Atenfis  de  lui  foire  part  àt 
ce  qu'il  avoit  trouva  à  critiquer  :  Aten- 
iîs  lui  envoya  qudques  remarques  ;  il 
demandoit  des  explications  qui  remé- 
diaffentau  fcandale  qu'il fuppofoit  que 
iquelques  jndifcrétions  d'Erafme  pou^ 


B*  E  R  À  S  u  é:         |7i 

volent  faite  naître.  ErafiAe  travailla  i 
ces  explications»  &  il  les  communiqua 
^  Dorpius  qui  en  fut  content ,  à  l*ar- 
fiple  près  de  la  Confeilîon  auriculaire , 
que  Dorpius  foutenoit  avoir  été  infti* 
tuée  par  JeCiis-Cbrin: ,  de  dont  il  avoir 
voulu  qu'Ërafipiie  cQnvint» 

Cependant  Atoiiîs  qui  avoit    ut| 
çaraâtere  de  bonté  ,  &  qui  aimoit  les 
j^ettrcs ,  le  repentie  de  l'éclat  qu'il 
^vQÎt  fait  contre  Erafhxe  ;  il  chercha 
(es  occafions  de  fe  réconcilier.  £ra& 
yif  (e  i^ndiç  facilement  ;  il  y  eut  en -^ 
tr^evy  une  entrevue  dans  un  Collège 
de  Xouvain.  On  convint  d'oublier  le 
paffé  :  Atenlispronût  de£ûre  répara* 
tien  à  Ërafme  ;  &  £ra(me  s'engagea 
i  ne  ppitit  écrire  contre  les  Doreurs 
deLouvain.  La  réconciliation  fut  fin- 
çece.  Atpnfis  donna  (a)  une  preuve  (a)  Eflfi, 
très-fenfible  de  fon  parfait  rçtour.  Le  f  •    £.  7.  ' 
Vruit  couroit  du  Erafme  avoit  rappor-  ^P{fi'  ^^4. 
té  la  pefte  à  ton  retour  d'un  voyage  ^^^•^gg^^'^' 
de  £iafle  :  malgré  l'hprreur  générale 
contre  un  fléau  (1  terrible ,  Atenils  alla 
rendre  vifîte  à  Erafme.  Il  a  crû  que 
cette  difcuffion  avoit  caufé  la  mort 
4'Atenfis  (t)«   Il  étoit  incommodé ,  f^)  l^^5p^„^ 
lorfqu'on  Feng^agea  à  fe  déclarer  con-  fe  à  Hutw- 
tre  Erafme.  Il  étoit  d'un  tempérament  nus. 
çrès-foible^  les  agitations  de  corps  Se 
'  ^  Qvj 


jjk  V  I  « 

d'efprît  que  cette  difpute  Imî  occaa 

lîonna ,  le  réduifîrent  à  la  dernière  ex-, 

trémité.  En  mourant,  il  fit  déclarer î 

Erafme  qu'il  mouroit  fon  ami  &  foh 

ferviteur. 

Ces  querelles  ne  furent  que  les  pré-* 

liminaires  de  bien  plus  grandes  dif- 

putes.  Le  premier  de  fes  adverfaires  qui 

fit  un  Ouvrage  en  règle  contre  fon 

.  Nouveau-Teftament,fut  Edouard  Lée; 

Xa)  ReA ^'^^^^^  "^  ^^^^^^  i^)*  Maître -ès 

pQtifii  17.  Arts  dans  TUniverfité  dc-Loûvaini 

ad  novâs  qui  dans  la  fuite  fut  employé  dans  les 

•bjervai.    affaires  publiques  d'Angleterre.  11  al-i 

{b)  Efijl.hi  en  Efpagne  (i)  eh  qualité  de  Mi- 

^^9*        niflre  du  Roi  :  \\  releva  Cutbert  Tunf* 

tal  qui  étoit  intime  ami  d'Erafme.  Lée 

qui  penfoit  tout  différemment ,  y  por- 

(0  EfiH.  ta  fes  fureurs ,  &  y  caufa  (  c  )  de  très- 

^10.  grands  mouvemens  contre  Erafine, 

dont  on  parlera  ailleurs. 

Apparemment  que  le  Roi  Henri 
VIIl.  eut  lieu  d'être  content  des  fer- 
vices  de  Lée  ;  il  fut  fait  Archevêque     I 
(^)E|)î/î.  d'York  {d)  en   15*32.  Il  fe  trouva 
'%il7*        fort  embarraflfé  dans  le  tems  de  la  ré-      , 
volution  de  la  Religion  Catholique  en    I 
Angleterre.  Il  étoit  dans  les  intérêts    ^ 
CO  Burnet ,  ^^  P^P^  ^  ^^^  Burnet  (  f  )  ^  il  en  donna    J 
.  }L»  ^y         des  preuves  toutes  les  fois  qu'il  put  le   ^ 
feire  fgnj  k  perdre  dan?  Tefprit  d» 


x>'Erasms;  37  j' 

Roi  !  on  s'en  apperçut ,  lorfque  dans 
rAffenablée  de  la  Province  il  eut  tant 
de  peine  à  donner  au  Roi  la  qualité 
de  Chef  Souverain  des  Eglifes  d'An- 
gleterre. 

Il  avoit  été  ami  d'Erafme  (  a)  juf-    (a)EfsJf; 
qu'à  ce  que  le  Nouveau  -  Teftament  *^4.  Af-, 
eût  paru  ;  mais  dès  qu'il  fut  public ,  f 
Lée  fe  déclara  avec  paffion  contre  ce 
Livre  :  Erafme  a  même  prétendu  (t )  (^)  Aver-^ 
qu  avant  que  le  Livre  fe  débitât ,  Lée  ù&msBU 
qui  pour  lors  imoroit  le  Grec  ,  s'é- 
toit  vanté  qu'il, trouveroit  bien  des 
chofes  à  reprendre  dans  la  traduâion 
d'Erafme. 

Il  a  crû  (  c  )  que  les  ennemis  qu'il  ^^^  ^^^a 
avoit  à  Louvain  >  avoient  aidé  Lee  à  441, 
écrire  contre  lui.  Il  eft  cenain  qu'il 
en  avoit  beaucoup    (d)  parmi   les  jj)  ^fijt^ 
Théologiens  ;  &  pendant  le  tems  de  74^. 
cette  difpute  9   ceux  d'cntr'eux  qui 
étoient  mal  intentionnés   pour  lui  ^ 
ayantfait  des  extraits  des  endroits  qu'ils 
défapprouvoient  dans    les  Ouvrages 
à'Erafme,  les  envoyèrent  à  Adrien  ^ 

ai  fut  peu  de  tems  après  Pape  fous  le 

Bm  d'Adrien  VI.  pour  Tindifpofet.  \ 

encore  contre  Erafme ,  contre  lequel 
îl  étoit  déjà  prévenu  ;  mais  ils  ne  lui 
"fctnfirent  point  par  cette  démarche  :  • 

tar  Adrien  décida  qu'ils  faifoient  troj^ 


574    .  VîB 

de  bruit  pour  H  peu  de  chofe.  Erat 
me  inftruit  que  Lée  avoit  compofé 
un  Ouvrage  contre  lui ,  fit  tout  ce 
qui  dépendoit  de  lui  pour  prévaiiï  l'&r 
clat  que  pouvoit  faire  une  critique  oi 
fa  Religion  n^itoit  pas  ménage.  Il 
X^)  Efijl.  écrivit  à  Lée  (  £)  pour  lui  repféfca* 

*•  ù  17»  ter  que  Von  pouvoit  êtreaqtti,  &cm 
pas  penfèr  toujours  de  naême;  mais 
qu'il  y  avoit  des  procédés  qui  n'étoient 
pas  compatibles  avec  l'amitié  ;  que  les 
Sens  étoient  dé(âpprouvés  d'Âtenfis 
même  leur  ami  commun  ;  qu'effejftiyef 
ment  il  n'y  avoit  perfont^ejqui  ne  dût 
trouver  mauvais  que  Lée  eût  tout  d^UQ 
coup  changé  fon  amitié  en  liaine ,  & 
eût  écrit  contre  lui  pendant  fon  ab- 
fence  ,  fans  qu'il  eût  eu  le  moindre 
fujet  de  plaihte  perfonnelle  ;  qu  il  na 
jamais  voulu  avoir  aucupe  expÛcanoo 
lorfquils  fe  font  trouvés  dans  letiaê-' 
me  endroit  ;  qull  a  pris  pour  fujet  de 
fa  critique  un  Livre,dont  il  {avok  qu'oB 
préparoitune  nouvelle  Edition  ;  qu'il 
a  envoyé  fon  manufcrit  avec  affeda- 
tion  dans  les  Monafteres  où  Eraime 
avoit  des  eni^emis,  y  qu'il  n'a  jamais 
voulu  le  lui  communiquer,  qudque 
inftance  que  luien  ait  faite  Atenfis.  Il 

'      ^        fe  plaint  que  fon  Ouvrage  étoit  rem* 
pii  d'injures  ;  de  m|me  de  meufonges  f 


b'Er  ÀSMX.  57j 

kinfi  quePafluroient  ceux  qui  l'avoient 
viL  Après  avoir  fait  fes  réflexions  fur 
cette  conduite  »  peu  digne  d'un  Théo- 
logien qui  avoit  l'ambition  de  vouloir 
pafler  pour  un  homme  de  bien ,  £ra& 
me  déclare  qu'il  a  parmi  les  Allemands 
des  amis^fiiélés»  qu'ils  ibnt  capables 
d'employer  les  voies  de  fait  pour  le 
venger  ;  que  ce  ferott  apurement  con-p 
tre  les  intentions  i  mais  qu'il  ne  feroit 
peut-être  pas  le  maître  de  les  retenir, 
&  qu^il  croit  devoir  lui  en  donnei 
avis. 

Lée conientit  (a)  enfin  à  avoir  une  (a)  Epijh 
conférence  avec  Èrafme  ;  ils  fe  virent  i»  L.  17. 
dans  i'£glife  de  S.  Pierre  à  Louvain, 
Lée  foutint  qu'il  avoit  fait  plus  de  trois* 
cens  remarques  auxquelles  il  n'y  avoir 

Eoint  de  réplique;  £ra(me£n  demanda 
i  communication.  U  étoit  perfuadé 
qu'une  pareille  propofition  ne  pouvoic 
pas  être  rejettée ,  fumout  étant  faite  paç 
un  ancien  ami  :  il  promettoit  d'en  lai* 
^e  ufage  dans  la  nouvelle  Edition  qui 
n'étoit  pas  encore  en  vente ,  &  de  fai- 
re honneur  à  Lée  des  changemens  que 
fès  obfervations  auroient  occafionnés« 
Non-feulement  Lée  refnfa  une  deman- 
de (i  raiibnnable  ;  mais  il  ne  voului 
avoir  aucune  explication  fur  les  arci-. 
çles  qu'U  avoit  crû  dignes  de  cenfurc* 


g 


17^  Vit     ' 

Erafme  voyant  une  fi  grande  obffinâ^ 
non ,  propofa  à  Lée  de  faire  imprimer 
fôn  Ouvrage  ;  il  s'oflfrit  même  de  con- 
tribuer aux  frais  de  Pimpreflîon ,   & 
d'y  veiller  :^  rien  ne  fut  accepté  paf 
Lee,  Il  y  a  apparence  qu'il  n'ofoit  pas 
mettre  entre  les  mains  d'Erafme  un 
manufcrit,  où  il  étoit  traité  avec  la 
plus  grande  mdignité.  Erafme  lui  ayant 
propofé  de  le  foire  voir   à  Thomas 
Morus  leur  ami  commun ,  Lée  répons 
dit  que  Morus  étoit  trop  ami  d'Eraf- 
me.  Cependant  il  fut  queftion  entre 
Erafme  &  Lée ,    apparemment  dans 
Xa)  Obfer.^^^  autre  conférence  {a)  ,    de   ce 
44.  éd      qu'Erafme  avoit  écrit  fur  la  Généa^ 
Lem.        logie  de  J.  Chrift  ;  &  il  lui  fit  part  de 
quelques  remarques,  auxquelles  Erafme 
(^)  Oèferv.  "^^  ""  ^^  ^^^^  répondre  (fc  ). 
4^.  L'Ouvrage  de  Lée  fiit  long-temg 

manufcrit  avant  dêtre  imprimé.  Ses 
amis  afluroient  que  c'étoient  les  in- 
trigues d'Erafme  qui  en  avoient  re- 
.  tardé  la  publication  ;  ce  qu'il  atoujoui 
traité  de  très-grande  fauifeté. 

Il  parut  enfin  cet  Ouvrage ,  qu*E- 

(0  Efi/l.  rafme  appelle  (c)  une  rapfodie  feite 

17.  L.  I  T.  pj^f  ^ous  fes  ennemis  ,  qui  s  étoient  fer-^ 

Eprfl^ 907.  cond,  qui  fut  envoyé  à  Paris  pour 
&  999.      êtiç  imprimé.  Erafme  s'cft  imaginé  (J) 


que  le  Syndic  :  Beda ,  un  de  fes  plus 
violens  ennemis  ,  avoit  eu  part  à  cette 
féconde  critique  ;  &  ce  qui  fortifia  ce 
foupçon ,  eft  que  Beda  en  toutes  oc- 
cafions  parioit  d^  Lée  comme  d'un 
Théologien  accompli.  Les  critiques 
de  Lée  donnèrent  occafion  à  trois  Ou- 
vrages- Dans  le  premier  (  i  )  Erafine 
fe  plaint  que  la  cenfure  de  Lée  tom- 
boit  fur  des  endroits ,  qu'il  avoit  chan- 
gés dans  fa  féconde  Edirion.  Il  fait 
beaucoup  valoir  Tapprobarion  du  Pape 
Léon  X-  &  il  réfute  avec  force  (,a)W  Jt.  OU 
les  plaintes  de  Lée  contre  la  préten-/^''^* 
jàue  témérité  d'Erafme  ,  qui  s'étoit 
éloigné  de  la  Vulgate  i  ce  qu'il  n'avoic 

5)û  faire,  fi  l'on  en  croit  Lée,  fans 
bndalifer  les  Peuples ,  jjuifque  c'étoit 
leur  faire  croire  qu'on  innovoit  dans 
la  foi ,  &  fans  donner  un  fujet  de  triom- 
phe aux  Hérétiques,  parce  qu'on  les 
mettoit  en  droit  de  dire ,  qu'ils  avoienc 
été  condamnés  fur  l'autorité  d'une 
Ecriture  que  l'on  avoit  depuis  re- 
iettée.  Iln'étoit  pas  difficile  a  Erafme 
de  triompher  d'un  adverfaire  capable 
d'avancer  de  fi  grandes  abfurdités.    . 

(  i)  Liber,  quo  refpondet  annotationibus 
tduardi  Les,  quibus  ille  loc9S  aliquottaxart 
çQnatus  eft  in  qmtuw  Evangdiù» 


57^  Vis 

Le  fécond  Ouvrage  d'Erafrpe  con- 
tre Lée  (  I  )  eft  une  juftification  de 
fa  foi  attaquée  fur  difféïcns  arcicles , 
dont  on  parlera  ailleurs. 

Enfin  lirafme  dans  fon  troifiéme  Li- 
vre (2)   contre  cet  Ecoflbis   infiilc 
beaucoup  fur  le  Bref  de  Léon  X.  Ces 
trois  Ouvrages  furent  finis  en  quarante 
(a)  Eft(/î. jours  (a);  &  en  cinquante  ils  furent 
y 3 1 .  compofés  &  imprimés  (  ^  ). 

(h)  Epifi.      On  ne  peut  pas  traiter  un  ^dver* 

^^^^         faire  avec  plus  de  mépris  qu'ETrafoie 

(0  Aver-  *  ^^^  ^^^*  *  ^^^  '^  meure,difoit-il  (c), 

tiffement    »  fi  dans  fon  Livre  il  y  a  deux  bon- 

du i.Livre. »  ncs  remarques.  »  11  prétend  (d)  qi^c 

Wo^/fr-les  Anglôis  avoient  confeillé  à  Lée 

Fof.  II j.    jg  fupprimer  la  critique ,  qui  ne  pou- 

voit  que  déshonorer  fon  Auteur ,    & 

même  fa  Patrie.  Il  Tinvedive  encore 

plus  durement  dans  TAvertiflement  qui 

eft  à  la  tête  de  fa  féconde  réponfe.  »  11 

w  eft  fi  ignorant ,  dit-il ,  qu  on  ne  peut 

30  pas  même  dire  de  lui  ce  que  ceux  qui 

»  veulent  m'infulter  difent  de  moi ,    il 

9  n'eft  qu'un  Grammairien  ;  (  ce  font 

»  fes  termes.)  Il  a  fi  peu  d'efprit ,  qu'on 

30  ne  lui  trouve  pas  même  le  fens  com- 

. (i  )  Liber  alter  ,  quo  reffuiet  reliquh  Ob'- 
fervationibus  Eduardi  LeK 

(i)   Refpûnfio  ad    annofati$nes  Eduardi 
hei  in  Erajmum  mvas. 


!>'  E  R  A  s  M  s.  ^75f 

»inun  :  il  n'a  que  beaucoup  de  m^cnan- 
»  ccté.  C'eft  un  jeune  homme  qui  a  le 
9  maUxeur  d*êtrc  touroftoité  par  un  dé-» 
»  fir  violent  d'acquérit  de  la  gloire. 
JT  Telle  eft  ma  deftinée  >  qu'il  faut  qua 
aj'enfetgne  ceux  qui  me  critiquent , 
»  &  oue  i'annoblifle  ceux  qui  veulent 
n  me  déshom)ren  »  Bilibade  Pirkei- 
mer  n'avoit  pas  une  meilleure  idée 
de  la  critique  de  Lée  >  qu'il  appelle  (a)  («)  Èf(fl^ 
une  très-foUe  inventive  »  dans  laquelle  ^^4* 
il  n^y  avoit  ni  pudeur,  ni  efprtt»  m 
icience ,  ni  enfin  rien  de  bon.  Ilavoif 
même  cpnfeillé  à  Erafme  (b)  de  ne  (h)  Efijl; 
point  prendre  la  peine  de  répondre  :  ij.  L«  1S9 
c'étoit  auf&  le  Sentiment  de  plufieura 
autres  de  fes  amis  ;  mais  il  craignit 
que  Liée  ne  s'en  prévalût ,  &  n'attri-^ 
buât  à  impuiflance  le  mépris  qu'on  au^ 
roit  fait  de  lui.  Il  fit  préfent  au  Roi 
d'Angleterre  de  la  réponfc  aux  criti- 
ques de  Lée  {c).  (c)EpiJlé 

Il  y  a  beaucoup  de  minuties  dans  les  i*  ^*  x)« 
Ecrits  que  cette  difpute  occafionna  ;  ce 
qui  a  fait  dire  à  Erafine  (4)  :  »  Si  le  (d)  Aver- 
»  ledeur  veut  m'en  croire  ,  il  ne  per-  tiflTement 
•  dra  fon  tem^ ,  ni  à  lire  les  calomnies  ^"  *:"^'^« 
»  de  Lée  »  ni  à  entendre  mes  juftifica- 
»  tions.  » 

Cependant  il  y  a  quelque  profit  k 
&ire  dans  la  leâure  des  Apologies 


J[8o  V  t  B 

'Erafme  contre  Lée  ;  &  M,  Dupîn 
a  jugé  qu  elles  étoient  très-utiles ,  par- 
ce qu'elles  contetioietit  rexpUcation 
&  la  critique  de  plufieurs  paffages  dif* 
ficiles  du  Nouveau  -  Teftament.  Les 
réponfes  d'Erafme  font  écrites  d'un 
ftylc  très-amer  j  &  une  preuve  bien 
claire  qu'il  n'y  a  pas  toujours  rendu 
juftice  Lfon  adverfaire,  c'eftqu*ileft 
^)  Apolo- convenu  ailleurs  (a)  qu'il  avoit  pro- 
gie  contre  fité  des  remarquas  de  Lée.  Il  eft  vrai 
5utor.        ^^>jj  ajoute ,  qu'il  lui  étoit  arrivé  qu'a- 

Î)rè$  avoir  fait  des  cbangemens  en  con- 
équence  des  critiques  de  Lée,  il  avoit 
été  quelquefois  obligé  de  les  corri-. 

P^  Malgré  la  vivacité  avec  laquelle 

cette  difpute  fe  paiTa  »  quelques  amis 
U)  Àdver-  ^^^^^^^  d^Erafme  &  de  Lée  travail- 
fùf  Hune-  Ic'^cnt  l  les  réconcilier  (  fc  )  ;  &  il  y 
uam^         eut  entr'eux  une  apparence  d'accom- 
modement. Plufieurs  autres  critiques 
s*élever^nt  encore  contre  Je  Nouveau- 
Teftament  d'Erafme  :  Stunica ,  Ca- 
X    ranza  ,   le  Carme  d'Egmond ,  Beda 
le  Syndic  de  Sorbonne  ,   le  Chartreux 
Sutôr  fe  déclarèrent  violemment  con- 
tre lui  ;  mais  comme  ce  ne  fut  qu'après 
qu'il  eut  abandonné  le  Brabant ,  nous 
en  rendrons  compte  plus  bas. 

JLe  grand   fuccès    qu  avoit  eu  1^^ 


d'  Ê  R  À  s  M  ï;  58* 

Nouveau  Teftament  d'Etafme ,  fit  fou- 
baiter  qu'il  voulût  auflî  travailler  fur 
TAncien  -  Teftament.     Le    Cardinal 
Adrien  (  £)  qui  peu  de  tems  aprèsfut  (a)  Epift^ 
le  Pape  Adrien,  l'y  eihorta.  Le  Roi^^*  ^*  ^9» 
d'Angleterre  le  pria  auflî  (i)  de  faire  un  (b)  EfiJI. 
Commentaire  fur  tous  les  Pfeaumes.  »»•.  ^^  *Xi 
Plulîeurs  autres  perfonnes  le  défîroient  j 
mais  une  raifon  fans  rég^que  lempé- 
choit  de  fatisfaire  à  ces  empreflemens  : 
il  ne  favoit  point  aiTez  d'Hébreu  » 
pour  être  en  état  de  bien  commenter 
des  Livres  écrits  dans  cette  Langue  i 
fans    la  connoiffance   de   laquelle  il 
cft  împoflible  de  les  entendre  parfai* 
tement.  Il  avoit  voulu  l'apprendre  dans 
fa  jeunefle  (  c  )  ;  mais  il  n'y  fit  pas  de   C^)  ^/>/y?; 
grands  progrès.  Dans  la  fuite  lorfqu'iP^-**  -^-^«r 
tivoit  plus  de  cinquante  ans ,  il  voulut  ^'^*        . 
s'y  remettre  :  les  mêmes  raifons  qui  contre  Fan 
l'en  avoierit  dégoûtée  fubfiftoient  tpu-ber,  Mtth^* 
jours  ;   &  fon  âge  plus  avancé  le  dé-  àus^ 
termina  à  abandonner  cette  étude.    Il 
fut  fâché  de  ne  favôir  que  très-inipar- 
faitement  cette  Langue  ,  lorfqu  il  fe 
préparoit  à  donner  fon  Nouveau-Tef- 
tament  :  car  quoique  la  connoiffance 
de  la  Langue  Hébraïque  ne  foit  peut- 
être  pas  abfolument  néceffaire  pour 
la  parfaite  intelligence  des  Evangélif- 
jtes  &  des'Epîtres  deS  Apôtres ,  elle  y 


38^    --        V  I  B 

eft  cependant  fort  utile.  C'eft  ce  qui 
engagea  Erafme  à  prier  (Ecolampade> 
un  des  plus  habiles  HébraiTans  de  CjS 
C^cle ,  de  Faidér  dans  l'explication  de 
quelques  pafTages  du  Nouveau-Tefta- 
ment.  (Ecolampade  étoit  pour  lors  fort 
Jja)  Réppn- célèbre  (a)  par  fa  fcience  &parl^ 
le  â  Léc  j|)iété  :  il  fe  livra  depuis  entièrement 
^  *•         aux  nouvelles  opinions  ;    ce  qui  fit 
quelque  toif  à  Érafme  chez  fes  enne- 
mis. 

Il  n'avolt  pas  encore  abandonné  le 
Brabant ,  lonqu'il  fe  trouva  dans  la 
héçellîté  de  fe  juftifier  contre  les  re- 
proches qu'on  lui  faifoit ,  d'élever  Té- 
tât-du  mariage  au-deffus  de  la  virginité* 
Il  eft  vrai  que  dans  un  Ouvrage  fait 
dans  fa  jeuneffe  ,  &  imprimé  vingt  ans 
après  qu'il  eut  été  compofé  fur  Iji 
louange  du  mariage ,  il  avoit  parlé  peu 
éxadlement.  Il  parut  dans  le  têms  que 
les  Luthériens  par  leuts  écrits  &  par 
leur  conduite  témoignoient  publique- 
(h)  Variât,  ment  (b)  que  les  vœux  étoient  une  pîra- 
L.i.n.  13,  tique  Judaïque,  &  qu'il  n^  eh  à  volt 
point  qui  obligeât  moins  que  celui  de 
chafteté.  C'eft  ce  qui  engjagça  les  en- 
nemis d'Erafme  à  le  décrier,  comme 
.  penfant  de  même  que  Luther.  On  in- 
veftiva  contre  lui  dans  un  afte  public 
i  Louyaih  j  le  Vice-Chaûcelier  Aten-; 


D*E  R  A  s  M  I.  58^ 

ilis  fe  livra  aux  Complots  de  fes  enne- 
iftis  {a).  Erafme  fit  à  ce  fujet  fon  Apo-  (a)  Epifii 
logie  (  I  )  qrfH  dédia  aux  Enidians  Botz. 
de  TAcadémie  dé  Louvain.  Il  donne 
dans  cet  Ouvrage  la  préférence  à  la 
virginité  fur  le  mariage  ;  il  fuppofe  ce- 
pendant qu^ii  peut  y  avoir  des  circonT-^ 
tances  ^  où  pour  un  particulier  Tétat 
de  mariage  eft  celui  qui  lui  convient  le 
mieux. 

Si  Erafme  s'étoit  mal  expliqué  dans 
fon  éloge  du  mariage ,  ce  n'eft  pas  qu'il 
eût  un  fyftême  formé  fur  cette  matière  x 
car  dans  le  traité  du  mépris  du  monde 
compofé  pendant  fa  grande  jeunefie  j 
il  avoit  donné  (fc)  la  préférence  «^ft^cji. 
télibat  furie  mariage.  #>  Je  ne  condam-  * 
»  ne  point,  difolt-il>  le  matiage  ;  je  me 
»  fouviens  de  ce  qui  a  été  dit ,  au*il 
»  vaut  mieux  fe  marier  que  brûler  J  ap- 
»prouye  lémanagefeulementpour  ceuit 
à»  qui  ne  peuvent  s'en  paffer  :  je  con-^ 
»  vièfts  qu  il  n'eftpas  mauvais  ;  mais  il 
»  eft  fuivi  de  bien  des  mlferes ,  & 
»  comme  le  célibat  eft  beaucoup  plus 
)B  avantageux ,  il  eft  auffi  plus  heureut 
1»  en  une  infinité  de  chofes.  » 

(  I  )  Afdogia  frc  êpclamasiêne  hkurim^ 
nii ,  Lùvanitnjk  dcaiimitc  dm  frimas  in* 
çlitm  Jludiofit»  , 


5»4    '     .     Vi« 

Il  y  avoît  dëja  eu  une  Êdîtîon  àei 
^  Lettres  d'Erafme  ayant  qu'il  allât  s'é- 

tablir à  Bafle.  Plu(ieurs  années  aupa- 
(a)  EpîJI.  ^^^^^^  îl  avoit  écrit  à  un  de  fes  amis  (a) 
'30.  L.  juderamafler  autant  qu'il  le  pourroitles 
meilleures  Lettre,s  qu  il  avoit  écrites  : 
car,  ajoutoit-il,  »  mon  intention  eft 
a>  de  donner  au  public  dans  un  volu- 
»  me  mes  Lettres  à  Corneille  de  Ter- 
9>  gou  y  à  mon  cher  ami  Guillaume 
«>  Hérman ,  &  à  Servais,  »  Rhenanus 

ïb'iEpffk  ^"^  ^^^"^  ^^)  ^"^  donna  la  première 
j^^^  xf  Edition  des  Lettres  d'Erafme,  Il  a 
prétendu  qu'elle  n'avoit  pas  paru  fous 
aes  auspices  favorables  :  elles  avoient 
tc)Eti/f.  ^^^  imprimées  (  c)  avec  peu  d'exaûir 
yjf  L.  3.  *  ^"^^  î  cependant  elles  avoient  été  en- 
levées avec  le  plus  grand  empreffe- 
ment ,  dès  qu'elles javoient  été  en  ven- 
te. On  en  demandoit  une  nouvelle  Edi- 
tion ;  on  avoit  même  menacé  Erafme 
de  faire  imprimer  toutes  celles  qu'oçi 
pourroit  ramaffer  malgré  lui  ^  sîil  re- 
îufoit  de  les  donner  lui-même  au  Pu- 
blic. C'eft  ce  qui  l'engagea  à  en  faire 
un  recueil  qu'il  envoya  à  Rhenanus  y 
à  qui  il  écrivit  le  27  Mai  1^20.  pour 
le  prier  de  faire  choix  des  Lettres  qu^il 
croiroit  êcte  dignes  d'être  publiées. 
Il  le  prie  en  meme-tems  d'y  faire  les 
cprrediqns  qu'il  croiroit  neceflaires, 

foit 


foît  en  fupprimant  ce  qu'il  croîroit  pou* 
voir  nuire  à  la  réputation,  foit  en  rer 
tranchant  ce  qui  pourroitoiFenfer  quel- 
ques perfonnes.  Il  aflure  que  dans  fa 
jeuneue  il  avoit  écrit  beaucoup  de  Let« 
très ,  &  lorfqu  il  étoit  parvenu  à  un 
âge  viiil  ;  mais  qu'à  peine  en  avo:t-il 
écrit  une  dans  l'intention  qu'elle  fût 
imprimée  ;  qu'il  ne  fe  propofoit  que 
d'exercer  fon  ftyle ,  de  fe  défenjiuyer 
&  de  badiner  avec  fes  Amis.  Il  ra- 
conte à  cette  occafion  ,  que  lorfqu'il 
étoit  à  Sienne ,  Pifon ,  Ambafladeur . 
du  Roi  de  Hongrie  près  de  Jules  II.  fe 
trouva  aufli  dans  cette  Ville  ;  qu'ayant 
été  chez  un  Libraire,  il  avoit  vu  un 
roanufcrit  des  Lettres  d'Erafme  ;  qu'il 
l'avoit  acheté  &  le  lui  avoit  envoyé  ; 
que  quoiqu'il  y  eût  peut-être  diverfcs 
chofes  oui  n'étoient  pas  indignes  d'être 
fçucs ,  il  Tavoit  cependant  jette  au  feu. 
Il  ajoute  qu'étant  revenu  en  Brabant , 
il  avoit  appris  que  plufieurs  perfonr 
nés  avoient  des  manufcrits  de  fes  Let- 
tres 5  qu'il  en  avoit  brûlé  autant  qu'il 
en  avoit  pu  retirer  ;  mais  que  ne  pour 
Mint  pas  fapprimer  tout  ce  qu'il  y  ea 
avoit  d'exemplaires ,  il  avoit  enfin  con- 
fenti  qu'on  en  imprimât  quelquesrunes 
de  choifies  ;  que  c'eft  ce  qui  lui  avuijt 
fait  prendre  le^parti  de  les  revoir ,  d'a- 
Tome  !..  R 


^$6  V  1  B^ 

. jûuier  quelque  explication  4  ce  qiâ 
avoit  été  mal  interprété,  de  rctran* 
cb^  quelques  endroits  qui  avoientdé- 
plu  à  des  gens  qui  s'offenfoient  aifé- 
roent ,  &  d'en  adoucir  quelques  autres. 
Ces  précautions  ji'enapecherent  point 
<]ue  ^Edition  de  fcs  Lettres  ne  lui  ait 
doïîné  du  chagrin  ,  furtout  depuis  les 
difputes  que  Luther  avoir  occafîon- 
fiées  ,  qui  étoient  <aufe  que  fouvcnt 
Fon  interprétoit  mal  ce  qui  avoit  été 
écrit  à  bonne  ititention  ,  &  que  l'on 
fle  vouloît  point  foire  attention  que  ces 
chofes  avoient  été  écrites  avant  qu'il 
fôt  (pieftion  de  Luther. 
■  Ces  difpofitions  de  gens  mal  ititeQ>- 
tiownés  faifoient  fouhaiter  àErafmequc 
^Edition  de  fes  Lettres  ne  parût  point  : 
il  en  écrivit  à  Froben  ;  il  le  pria  de  les 
fupprimer  ,  ou  du  moins  d'attendre  à 
ks  publier  qu'il  fut  arrivé  à  Bafle. 
Mais  l^Edîtion  étoitprefque  finie  ;  & 
'Proben  dédara  qu'il  ne  pouvoir  pas  fc 
•difj^nfer  de  la  faire  paroître  :  c'eft  ce 
4qui  détermina  Erafroe  de  preffer  Rhc* 
napus  de  veiller  à  ce  que  cette  Edttioi 
4ui  procurât  be  moinsde  chagrio  qujil 
-ferme  poiSible;  il  offre  de  faire  ks  tm 
^s  éafftotts  qu'il  jugera  à  propos  de 
iîiettrèw  li  n'y  a  pas  d'apparence  que 
•Ehenanus  ait  fait  ufoge  de  la  liberté 
que  lui-donnoit  Eraûne, 


d^Ebasiie.  587 

:  Ces  Letrces  curent  un  très  -grand 

fiiccès.  Il  £n  donna  onenbuveUe  £di<- 

non  le  7  Aqùï  is^9*  for  les  itoflaoces 

de  Jérôme  Froben  y  qui  l'aflura  que 

éepub  deux  ans  les  Savans  les  deman* 

4oienta\nec  emprefifement*  Il  les  revit  » 

eo  ajouta  de  nouydles»j&  les  diviâ 

eo  livres^  ^ans  avoir  égard  à  l'ordre 

des  tems*  Jl  y  tn  a  escoce  pïuficurs  (a)  (a)   P.tpe- 

aui  ne  font  pas  imprimées  ;  M.  le  Car*  blo um ,  p, 

dmalEaffianci  en  a  découvert  quelques-  î  *  T* 

unes  à  Rome  »  dont  il  a  eu  la  bonté  de 

me  donner  communication. 

Les  Lettres  d*Erafme  tiennent  un 
Tang  diftingué  parmi  fes  Ouvrages: 
C'eft  une  des  plus  agéables  lefturei 
qu'il foit  poflible  de  faire  :  non-feule- 
ment on  y  apprend  la  plus  grande  par- 
tie  de  la  vie  d'Erafme  ;  on  y  voit  auffi 
i  découvert  fon  eara<9tere,  fon  efprit  9 
fon  enjouement  ;  il  y  a  aufli  un  très* 
giand  nondjre  d'Anecdofes  Littéral-' 
res.  Scaliger  le  fils  les  met  (i  )  au  rang  ^^)  ^^^7^. 
de  fes  meilleures  Œuvres;  &  Suver-^^roua. 
tius, dans  fon- Athene  Belgique,  en 
)Orte  ce  jugemw  9  qu'elles  ne  font 
as  un  de  fes  moindres  Ouvrages  ;  que 
on  y  apprend  toute  fa  vie  ;  que  Ton 
yvoif  fon  génie,  fon  caradere,  fes^^^j  DeSa- 
niœurs,  fon  érudition  &  fon  ame.  CTiV-fi^nnâ^  l. 
^n  a  remarqué  (c)  qu'elles  étoicnt  j»i>.  i^^ 

Rij 


^88  Vil,"  &c,. 

icritcs  avec  tant  d'art ,  qu'il  y  difok 
ks  chofes  les  phis  hardies  de  façon 
qu'on  ne  pouvoir  pas  lui  en  faire  un 
crime.  Morhof  (  i  )  après  en  avoir  loué 
les  agrémens  &  les  fineflcs ,  ajoute  que 
le  ftyle  n'en  eft  pas  mauvais  ;  qu'il  ne 
faudroit  cepeodant  pas  le  prendre  pour 
modèle,  quoiqu'il  (bit  aifé  &  naturel. 
Dolet  parle  de  ces  Lettres  avec  le  plus 
grand  mépris  (  2  );mais  il  étoit  dans  un 
moment  de  fureur  qui  lui  ôtoit  l'ufage 
de  fa  raifon. 

<  I  )  Eretfmi  Eptftolh  nihH  tfi  fuavtus  & 
âcutius^  Latittifas  in  illis  non  mala  ;  nw 
^uidem  talit  >   quant  ad  imitandum  aliquh 

proponere  ftbi  deùeat ,  fednatwa  ,^  extemfo^ 
ralis ,  &  inttrdum  aliquem  ex  rehus  coîo* 
rem  trahens,  Morhofius  dans  Val^ius  ,  ilift. 
crit*  Latinx  Lingùse ,  c.  ii*  n.  lo» 

(  *  )  Ahjeâiè,  frigide  ,  jejanè  fcrifta  ; 
fordida  Pmnia  ,  impur  a  cmnia  ^  m  aie  cklra 
•mnia*  Dolet ^  Dialogus  de  inûtatione  Q«! 
ceronianâ,  p^.i^« 


r 


V  I  E 

D'ERASME 

LIVRE  TROISIEME, 

Igui  contient  fin  hijloire  pendant  le  tenu 
qu'il  demeura  à  Bafle* 

LEs  pcrfécutiopf  continuelles 
qu'Erafme  avoic  à  foufFrir  dans 
le  Brabant  de  la  parc  des  Théolo* 
giens  &  des  Moines  »  les  inftances 
réitérées  qu'on  lui  faifoit  d'entrer  dans 
des  controvcrfes ,  qui  ne  convenoienc 
ni  à  Ton  carai^ere  ni  au  genre  d'é- 
tudes qu'il  avoit  embraffé^ ,  lui  firent 
enfin  prendre  la  réfolucion  de  s^expa- 
trier.rll  n^  avoit  point  de  pays  dans 
l'Europe  ou  il  n'eût  pu  faire  un  éta- 
bliffement  avantageux  :  on  le  défîroit 

E)ar-tout  ;  &  il  y  avoit  peu  d'Etats  ou 
*on  ne  cherchât  à  l'actiret  par  les' 
oâres  les  plus  rédui&nte3«  Il  donna 

R  iij 


^pô  Vie 

la  préférence  à. la  Ville  de  Êafle,  oS 
I^n  travaiUok  i  la  troîfiéme  Edition 
de  fon  Nouveau-Teftament. 

Le  célèbre  Jean  Frohcn,  quiho- 
noroit  la  profeflîem  de  Libraire  par 
*  fon  zélé  pour  la  Littérature ,  &  par 
dQS  vertus  qui  tôuchoient  plus  Eralme 
que  toutes  les  grandeurs  du  monde  , 
fcujiaitok  avçjç^pflîoa  iiîi'ilj£,.fi?âj: 
à  Bafle.  Dès  l'an  15 17.  il  avoir  dit 
.^  àLouisBeras  (^)  un  des  bqn^  amiJ 
12  p.  Âp-  aÉrafme. ,  que  s'il  vouloir  venir  à 
fend.  Bafle  ,  il  lui  offroit  fa  table  &  cent 
écus  d'or  par  an.  Ce  fut  Louis  Be^ 
rus  qui  fit  part  à  Erafme  dfe  ces  pro* 
pofitions  :  il  lui  oflfrit  en.même  temsde 
partager  ia  fortùriei  mais  ES-^fme  étofc 
J)0ur  lors  trop  à  fon  aife,  &  airiiok 
trop  l'indépendance ,  pour  fc  mettre 
€ri  quelque  forte  aux  gages  d'un  Li- 
braire. Cependant  les  dégoûts  qu^rf 
effuyoit  dans  le  Brabant ,  &  Tamotir 
de  îa^  libené,  f  engagèrent  à  fe  re- 
tirer dans  une  Ville  oiîi  il  étok  aimé 
&  eftimé ,  où  il  pourrdit  Vcitler  fanf 
peine  à  rimprelfioft  de  fes  Ouvrages, 
&  oà  il  fe  flattoit  qu'il  trouveroit  une 
tratiquitlité ,  qu^il  ne  pouvoit  pas  cf- 
p'érer  de  rencontrer  ailleurs. 

Ce  fut  dans  T Automne  de  Fannée 
%S^i*  <^'ii  fe  mit  car  chemin  potf^ 


r 


Bafle.  Ses  J^ettres  nous  apprennent  (a)  (a)  Epfl 
qu'U  étoit  encore  à  Andçrlacle  z^^9S* 
Septembre  de  cette  année  ,    &  qu'U 
^toit  armé  à  Bafle  dans  le  mois  de 
Novenobre  (b).  Il  avoit  pris  la  pr4.-   (*)  ^p^J^* 
caution  de  conferver  toujours  à  Loor  ^^^*    * 
vain  une  noaifon ,  foit  pour  feiçe  croire  ^^^* 
que  ce  n'étoit  pas  pour  toujours  qu'U 
«Mloignoit    du  Brabant  ^    foit  enfit 
pour  s'y  retirer ,  s'il  étoit  <^ligé  d^ 
fortir  de  Bafle..  Il  chargea  (  c  )  le  ftro»    (c)  Epift. 
fefleur  Conrad  Goclenius  de  lui.  louer  'î*  ^  )<>• 
cette  maifon  ;  il  lui  rcconsiBaand.e  qu'elle 
foit  commode ,  &  qu'il  y  ait  un  jar- 
din ,  &  qu  il  en  confère  avec  le  Doc- 
leur  Dorpius, 

Le  projet  qu*Erafme  avoVi  formé 
é'aUer  k  Bafle  ^  n'étoic  point  un  myf^ 
tere  :  il  y  avoit  fix  mois  quHl  fe  préf 

Çaroit  publiquement  à  ce  voy^e»  Le 
Téforier  de  rEwç>ereur  eiu:  Tatten- 
lion  (  (/  )  de  lui  avancer  ia  penfion  2  (d)  Epijl. 
eependanj  fes  enj^emis  firent  courir  Ifi^.  U  *}« 
bruit  dans  h  fuite  ,  que  ce  voyage 
avoit  été  une  évafton  fecrettet .  Il:  nl\ 
cependant  conftaftt  quli  l'avoit;  dil  k 
plusieurs  perfonnes  ;  qu  il  n'av<3ii  t  ree^r- 
idé  fon  départ ,  que  pour  attendre  q^e 
les  chemins  fuffcnt  plus  beauK  j  qu'it: 
^voit  été  fix  )our$  à  Louvala  dftfts  vm^ 
Auberge  jpoat  laii^er  quelque  ar^^ 

R  iiij 


5pi  V  I  K 

gentj  &  qu'il  y  avoit  vu  le  Nonce 
Aleandre  ^  à  qui  il  avoit  feit  part  de 
fon  voyage. 

-  Peu  de  tems  après  il  fe  mit  en  chemin. 
Il  trouva  à  Tena  un  Ofiicier  qui  avoit 
tine  efcone  confidérable  ;  il  alla  avec 
lui  jufqu'à  Spire  :  là  ils  fe  féparerent. 
Erafme  avoit  pris  fon  chemin  par  Co- 
blens  :  il  cooîptoit  en  fortir  fans  voir 
perfonne  j  mais  l'Gfficial  ayant  fçû 
qu'il  étoît  dans  la  Ville,  vint  le  cher- 
cher ,  &  l'obligea  de  venir  dans  fa 
maifon  :  il  alla  enfuite  à  Mayence.  U 
auroit  fouhaité  faire  fa  cour  au  Cardi- 
nal Archevêque;  mais  il  n'y  étoitpas: 
il  y  vit  Capiton.  De  Mayence  il  alla 
à  Wormes  ,  où  il  auroit  voulu  voir 
Hermannus  Bufchius  :  il  envoya  le 
chercher  dans  la  Ville  ;  mais  on  ne 
le  trouva  pas.  Pendant  ce  tems-là 
Mr^l'me  étoit  fort  mal  à  fon  aife  dans 
une  chambre  où  il  y  avoit  un  poêle  : 
-  il  s'apperçut  que  fa  fanté  qui  étoit  affez 
bonne ,  tonamençoit  à  s'afFoiblir  j  ce 
qu'il  attribua  plus  à  la  puanteur  du 
poêle  9  qu*à  la  chaleur  de  Wormes.  Il 
viflt  en  grande  diligence  à  Spire  ;  il 
alla  âefcendre  chez  Thomas  Tbruc- 
fes  qui  en  étoit  Doyen.  Il  avoit  fou- 
vent  invité  Erafme  de  venir  chez  lui  ; 
d'aiUeur^  toutes  les  Auberges  étoknt 


d'Er.as.mï.  ^  5P5' 
remplies  de  Soldats.  Il  étqît  tard  :  le 
ï)oyen  étoit  à  table  avec  plufieurs  Cha  * 
nqines;  Erafme  s*y  mit  avec  eux.  Le 
poêle  étoit  fort  chaud  5  Erafme  s'en 
trouva  bientôt  incommodé  :  il  fut 
deux  jours  à  fe  rétablir.  De  Spire  il 
fe  rendit  1  Strasbourg  ,  où  il  donna 
deux  jours  à  fes  amis  :  de-là  il  alla 
à  Scheleftad ,  à  Colmar ,  &  enfuite  à 
Bafle>  accompagné  de  Rhenanus.  Il 
y  fut  reçu  avec  les  plus  grandes  dé- 
monftrations  de  joie.  Dès  que  TEvê-* 
que  de  Bade  le  fçut  arrivé ,  il  lui  écri- 
vit ,  pour  lui  témoigner  la  fatisfadlioû 
que  lui  donnoit  fon  retour.  Les  Ma- 
gîftrats  ,  les  Éccléfiaftiques  ,  les  Pro- 
fefleurs  vinrent  lui  faire  leurs  compli- 
mens.  Toute  la  Ville  qui  avoir  défiré 
avec  empreflement  fon  retour  à  Bafle  , 
avoit  été  informée  qu'il  devoir  venir 
plufieurs  jours  avant  qu'il  arrivât  :  ce- 
pendant fes  ennemis  n'avoiçnt  pas  rougi 
de  répandre  le  bruit ,  qu'il  étoit  allé 
à  Wittemberg  faire  profeffion  publique 
du  Luthér^nifrae. 
Il  fe  porta  aifez  bien  à  Bafle  tant 

Îp'on  n'y  alluma  point  les  poêles.  Le 
roid  étant  devenu  fi  grand  qu'il  étoit 
impoffible  de  fe  paffer  de  feu  ,  Erafme 
confentit qu'on  les  allumât;  mais  à  con- 
d.tioa  qu'on  n'y  mettroit  que  peu  de 


.5P4  VIE. 

bois.  Cette  complaifance  lui  coftw 
cher  :  il  lui  furvïnt  un  débordement 
de  pituite  >   fuivi  d^accès  violens  de 

gravelle  ;  enforte  quil  n'y  avoit  point 
e  jour  qu^il  ne  rendît  du  gravier: 
fon  eftomac  eii  même-teiïis  fe  déran- 
gea. Cet^tat  malheureux  n'empêchoit 
5 oint  qu'il  n'étudiât  avec  beaucoup 
'application  :  il  revit  fbn  Nouveau- 
iTeftament  ;  il  fit  fa  Paraphrafe  fur  S. 
Mathieu  qu1l  dédia  à  TEmpcreur.  Ce- 
pendant ce  Prince  fe  préparoit  à  for- 
tir  du  Brabànt  ,  &  ayant  d'aller 
en  Efpagne  ,  il  avoit  projette  de  pafr 
fer  en  Angleterre  pour  y  voir  le  Roi-, 
&  prendre  avec  lui  des  arrarigemens 
contre  la  France.  Le  voyage  de  l'Em- 

Sereur  ayant  été   annoncé ,  les  amis 
'Erafme  lui  écrivirent  qu'il   conye- 
noit  qu^il  vint  faire  îa  coiir  à  l'Empe- 
reur avant  fon  départ.  Sur  le  champ  il 
(4)  Eftji,  écrivit  {a)ï  Jean  Carondelet  Arcne- 
.47.  L.  19.  vêque  de  Palerme ,  Miniftre  de  l'Em- 
pereur^ que   fur  les  nouvelles  quil 
avoit.  reçues  du    prochain  déport  de 
^  Charles  V.^  il  alloit  partir  pour  Bru- 
xelles ,  pourvu  cependant  qu'il  fût  fut 
d'y  arriver  avant  que  l'Empereur  fût 
en  chemin  pour  fon  grand  voyage.  Il 
prie  en  même-tems  ce  Prélat  de  lui  ac- 
corder fà  proteélion^pour  le  faire  payer 


d^Erasmb;  3pf^ 
à  I  avenir  de  fa  penfion  ,  &  pour  en* 
gager  l'Empereur  à  le  défendre  contre 
fes  calomniateurs.  3»  }e  me  conduis  ici, 
»  dit-il ,  de  façon  que  tous  les  Lu- 
»  thérieos  ont  pour  moi  une  haine  vio- 
9  lente  >  qu'ils  me  déchirent  par  leur^ 
9  injures  &  par  leurs  libelles.  Erafme 
m  he  manquera  jamais  à  la  Foi  Chré^ 
»  tienne ,  ni  à  la  gloire  de  l'Empereur. 
9  Je  ferai  de  mon  mieux  pour  que  ce 
»  Prince  ne  fe  repente  jamais  de  m'a- 
»  voir  honoré  du  titre  de  fon  ConfeiU 
a»  len  9 

Il  reçut  apparemment  des  nouvel- 
les ,  que  pourvu  qu'il  fe  preflfât ,  il 
feroit  encore  à  tems  de  faire  fa  cour  . 
à  l'Empereur  avant  fon  départ.  Il  fe  mit 
donc  en  chemin  (a)  pour  le  Brabant ;    M Ep\^. 
mais  il  ne  fut  pas  plutôt  arrivé  à  Sche-  ^°*  ^'  *** 
leftat ,  qu'il  eut  un  graijd  accès  de  fiè- 
vre caufé  par  la  chaleur  qu'il  avoir 
eue  en  chemin  :  il  fut  quatre  jouris  à  fe 
rétablir  chez  Rhenanus  ,  après  lef- 
quels  il  jugea  à  propos  de  retourner  à. 
Bafle ,  d'où  il  écrivit  à  la  Cour  que  fa 
lànté  n€L_lui  avoit  pas  pei^is  d'aller  à 
Bruxelles. 

L'Empereur  reçut  très-bien  fes  ex- 
cufes.  Il  le  mit  en  chemin  pour  l'An-   (^)  Rap^^ 
gleterre  ;  il  arriva  à  Douvres  (6)  le  Thoiras    . 
z6  Mai  IC22.  fie  il  fe  rendit  à  Lon-*  5-  ?•  i^^- 

Rvj 


3P^  V  i  X 

dres.  Dans  un  repas  oi  ce  Prince  fe 
trouva  avec  le  Roi  d'Angleterre ,  il 
fut  queftion  d'Erafme;  Charles  V.  en 
parla  très-honorablement  ^  &  fit  un 
très-grand  éloge  de  fes  Ouvrages: 
quelques-uns  de  ceux  qui  fe  troqjferenc 
préfens  à  ce  repas  ,  apprirent  a  Ijraf- 
me  ce  qui  s'étoit  dit  dans  cette  con- 
verfation.  Le  Pape  Léon  X.  venoitde 
mourir  ;  &  il  avoit  eu  pour  fucceflfeur 
Adrien  VI,  qui  quoi  qu*abfent  de  Ro- 
me ,  avôit  été  élu  d'une  voix  unanime 
le  p  Janvier  i5'22.  Erafme  ayant  ap- 
pris cette  éleâion ,  crut  devoir  écrire 
au  nouveau  Pontife ,  dont  il  étoit  con- 
(a'  Eftfé  nu- 11  lui  mande  (  a  )  qu'il  n'aura  point 
,^.  U  zj.  recours  à  la  Rhéthorique,pour  lui  feire 
fon  compliment  fur  la  plus  grande  des 
dignités  à  laquelle  il  vient  d'être  élevé, 
puifquil  fait  de  fcience  certaine,  que 
ce  n  eft  qu'avec  la  plus  grande  répu- 
gnance qu'il  a  accepté  le  Pontificat  J 
que  s'il  ne  ne  lui  eft  pas  permis  de  con- 
gratuler Sa  Sainteté ,  c'eft  une  nou- 
velle raifon  defe  réjouir  avec  TEglife 
de  réleftion  d'un  Chef,qui  a  toutes  les 
vertus  qu'exigent  les  malheureufes  cir- 
conftances  dans  lefquelles  fe  trouve  le 
Chrift.anifme.  Il  lui  adrefla  en  mêroe- 
tems  l'Edition  du  Commencaire  d'Ar- 
nobe  fur  les  Pfeaumes.  Il  finit  par  fup: 


d'  E  R  A  s  M  K  59*7 

J)fier  Sa  Sainteté  de  vouloir  bien  fuf- 
pendre  fon  jugement  fur  les  calomnies 
que  fes  ennemis  pourroient  faire  con- 
tre lui ,  jufqu'à  ce  qu'il  fe  foit  juftifié. 
Le  Commentaire  d'Arnobe  fur  les 
Pfeaumes  qu'Erafmç  dédia  au  Pape  (a)  (4)  Eptfl. 

Sir  une  Epître  dédicatoire  datée  de  9*  U  i8* 
afle  le  i  Août  lyaa.  vènoit  d'être 
découvert  depuis  peu  à  FranckendaU 
Ërafme  en  Toffirant  au  Saint  -  Père  y 
lui  rappelle  qu'il  avoit  autrefois  étu- 
dié la  Théologie  fous  lui.  Il  croyoit 
que  cet  Ouvrage  étoit  du  même  Ar- 
nobe   qui  a  écrit  contre  les  Payens  j 
mais  il  a  été  en  cela  abandonné  de 
tous  les  Critiques  (i  )  qui  font  perfua-  (i)TiIIem# 
dés  qu'Erafme  a  trop  loué  ce  Com-t.4.p.f74. 
mentaire,  &  qu'il  n'a  été  fait  qu'après  ^'^-  choi- 
le  Concile  de  Calcédoine.  On  prétend  %'  ^\^* 

^    '  '     r  j»  A*  P.00.0C87. 

que  Cujas  avoit  li  peu  d  eltime  pour  Sixuis  Se« 
ce  Livre,  qu'il  difoit  que  c'étoit  lenen(îs,B;A. 
feul  dont  il  n'avoit  pu  tirer  aucun  pro-y^»^.  L,  4« 
fit.  Erafme  écrivit  encore  une  autre  -^^P^" 
Lettre  au  nouveau  Pape ,  dans  laquelle  ^  j^-""cave* 
il  offre  de  faire  part  a  Sa  Sainteté  par  hift.B-^.F^- 
des  Letres  fecrettes ,  d'un  moyen  qu'il  bricUy  t.  u 
croyoit  capable  de  rétablir  pour  long  p«  t7o. 
tems  la  tranquillité  dans  l'Eglife  (  c).  /^)  £a,^, 
»  Si  vous  l'approuvez,  ajoute-t-il,  il  ne  i,  L.  13. 
»  tiendra  qu  à  vous  d'en  faire  ufage  ; 
»fi  vous  le  défapprouvez ,  là  chofe 


^^n        •  Vu 

li  n'aura  pas  défaite  »  parce  qu'il  n*y 
>•  aura  que  nous  deux  qui  en  ferons 
»  inftruits.  »  Il  finit  par  fupplier  Sa 
'  Sainteté  de  vouloir  bien  être  fiavora- 
ble  à  la  Ville  de  Bafle  dans  une  afiai- 
re  jufte  ,  dont  il  n'explique  aucune 
circonftance  :  il  aflfure  le  Saint  -  Pcre 
Qu'elle  avoitun  fi  grand  attachement 
pour  le  Saint-Siège ,  furtout  à  caufe 
du  Concile  qui  y  ayoit  été  célébré  au- 
trefois ,  qu'elle  méritoit  la  faveur  de 
Sa  Sainteté. 

Il  eft  fingulier  qu'Erafme  dans  une 
Lettre  de  recommandation  au  Pape, 
n'ait  pas  craint  de  rappeller  le  fouve- 
nir  d'une  Aflemblée  auflî  odieufe  à  la 
Cour  de  Rome ,  que  l'étoit  le  Concile 
de  Bafle- 

Les  amis  même  d'Erafme  n^étoient 
<^)Ilépon-pas  trop  perfuadés  (^)  que  le  Pape 
afe  à  Hutte- recevroit  avec  bonté  fes  avances.  Ses 
«us.  ennemis  avoient  tâché  d'indifpofer  le 

Saint- Père  contre  lui  ,  *en  le  repré- 
fentant  comme  un  homme  qui  n'avoit 
aucun  zèle  pour  la  Religion  Catholi- 
que ,  &  qui  favorifôit  entièrement,  & 
même  par  fes  écrits  ,  indireAement  a 
la  vérité,  les  erreurs  nouvelles  qui  eau- 
.  foient  tant  de  troubles  dans  TEglife 
C)n  fot  bien  furpris ,  lorfque  les  Bre» 
que  5a  Sainteté  lui  adrelïa ,  forcJH 


i>'Er  AS  M  E.  39î^ 

tendus  publics.  Le  premier  eftdupre- 
Inièr  Décembre  IJ22.  (a),  Adrien  (a)  EpiJI; 
déclare,  qu'il  a  reçu  les  Lettres  d*Eraf-  3«  I-  }• 
me  &  fon  Epître  Dédicatoire  d' Arno- 
be  avec  un  très-grand  plaifîr  j  qu'il 
les  a  relues  plus  d'une  fois  ,  parce 
qu'elles  venoienc  d'un  homme  dont  il 
à  toujours  extrêmement  eftimé  l'éru- 
dition ,  &  à  caufe  du  refpe(a  qu'il  y 
témoignoit  pour  la  Religion  &c  pour 
là  perfonne.  Il  ne  diflîmule  pas  qu'on 
d  cherché  à  le  prévenir  contre  lui  , 
&  à  le  rendre  fufpeâ:  de  Luthéra- 
nifine;  mais  qu'il  n'ajoutoit  pas  faci- 
lement foi  aux  délations  qu'on  lui  fai- 
foit ,  fur-tout  contre  les  gens  doues 
&  vertueux ,  qui  font  d'autant-plus  fu- 
jets  aux  traits  de  l'envie ,  que  leur 
doârine  eft  plus  éminente.  Il  l'ex- 
horte à  écrire  contre  les  nouvelles 
héréfies ,  ne  pouvant  pas  faire  un  meil- 
leur ufage  de  fes  rares  talens  ,  qu'en 
les  employant  pour  la  défenfe  de 
i'Eglife  ;  ce  qui  étoit  le  meilleur  moyen 
de  confondre  ceux  qui  vouloient  ren- 
dre fa  foi  fufpede.  Adrien  finit  par 
j>arkr  à  Erafme  du  tems  qu'ils  avoient 
autrefois  paffé  à  Louvain  ,  occupés 
tous  deux  agréablement  de  l'étude  ;  il 
l'invite  de  venir  à  Rome  après  que 
l'hiver  fera  paffé ,  pour  y  travailler 


400  V  I  K 

contre  les  ennemis  de  l'Eglife  >  il  liu 
offre  Tufage  de  fa  Bibliothèque  , 
d'avoir  avec  lui  de  fréquentes  conver- 
fations ,  &  de  lui  procurer  des  confé- 
rences avec  ce  qu'il  y  avoit  de  plus 
pieux  &  de  plus  lavant  à  Rome.  »  Nous 
9  aurons  foin  que  dans  peu  vous  ne 
*>  vous  repentiez  pas ,  ni  de  votre  voya- 
»  ge  ,  ni  de  vos  faints  travaux ,  dit  le 
a»  Pape  ,  ainfi  que  Jean  Faber  très- 
9  zélé  &  très-dode ,  votre  ami  parti- 
»  culier  &  votre  grand  Panégyrifte, 
93  pourra  s'en  expliquer  plus  au  long 
»  avec  vous,  ou  de  vive  voix  oupai: 
»  écrit.  M 

Le  fécond  Bref  du  Pape  Adrien  VI. 

à  Erafme  fut  écrit  moins    de    deux 

-  mois  après  celui-ci;  il  eft  du  25  Jan- 

(a)  Epîjl.  vier  1 5-23  (  a).  Il  y  répète  à  peu  près 

4.  L.I3.  1^5  mêmes  chofes  :  il  paroît  fouhaiter 
avec  emprefiement  le  confeil  fecret 
dont  Eralme  lui  avoit  parlé;  il  le  preflê 
encore  de  venir  promptement  à  Rome, 
à  moins  qu'il  ne  vît  clairement  qu'en 
reftant  à  Bafle  ,  il  feroit  plus  utile  à 
Dieu  &  à  l'Eglife.  '  Il  promet  d'expé- 
dier promptement  l'affeire  de  la  Ville  • 
en  faveur  de  la  recommandation  d'-E- 
rafme,&  de  Taitachement  de  cette  Ville. 
{h)  Epli.  ^^  ^aint  Siège.  Erafme  en  conféquence 

i. L.  %7.    des  ordres  du  Pape,  lui  envoya  (^) 


d'£  R  A  s  me;  401 

le  projet  qu'il  avoir  formé  pour  ré- 
tablir la  paix  dans  l'Eglife.  Qet  Ecrit 
fi  intéreffant  ne  fubfifte  plus  (  i  )  ; 
mais  ce  que  nous  favons  d  ailleurs  des 
fentimens  d'Eralme ,  nous  met  en  droit 
de  conjedlurer  qu'il  confeilloit  de  re- 
trancher les  abus ,  d'accorder  le  Ca- 
lice aux  Laïques  ,  le  mariage  aux  Prê- 
tres ,  en  un  mot  tout  ce  lut  quoi  l'oii 
pouvoit  fe  relâcher  ,  fans  altérer  le 
fond  de  la  Religion.  Erafme  afliire 
qu'Adrien  ne  fut  point  offenfé  de  fa 
liberté  ;  mais  que  cependant  il  ne  lui 
fit  point  de  réponfe,  ce  qui  lui  fie 
croire  que  fori  confeil  n'avoir  pas  été 
approuvé  par  le  Pape. 

Ce  n'étoit  pas  feulement  Adrien  qui 
Idéfiroit  avec  empreffement  qu'Erafme 
vint  s'établir  à  Rome  ;  les  Savans  de 
cette  Ville  lui  écrivoient  (  a  )  les  let-  (a)  Eptjf^ 
très  les  plus  preffantes  pour  Ty  attirer.  ^*  ^*  ^h 
Le  Cardinal  de  Sion  fur-tout  l'en  fol- 
hcitoit  très-vivement  :  il  lui  en  fit  par- 
ler par  plufieurs  perfonnes  ;  il  lui  en 
écrivit  même  deux  fois  des  lettres  rem- 
plies d'amitié.  Il  lui  faifoit  entrevoir , 
3u  il  n'y  avoir  rien  donr  il  ne  pur  fe 
arrer  s  il  venoit  s'établir  à  Rome  ;  & 

(  I  )  A  moins  que  ce  ne  foit  la  Lettre 
vingtième  du  dix- huitième  Livre  >  ^uc  nouir 
À'aTons  pas  eiuiéie. 


40a  V  I  B 

indépendamment  des  grandes  e%éran- 
ces  qu'il  lui  feifoit  entrevoir ,  il  pro- 
mettoit  âe  lui  faire  une.penfion  de  cincf 
cens  ducats  par  an  >  &  de  payer  les 
frais  du  voyage.  Sylveft.er  Prieras  ^ 
Maître  du  fàcré  Palais  «  qui  avoir  beau« 
coup  de  crédit  à  la  Cour  du  Pape  t 
lui  écrivit  en  meme^tems,  qu'il  ne  pou* 
voit  rien  faire  de  mieux  que  oe  fe 
rendre  à  Rome. 

Tant  d'inftances  fi  gracieufa  &  fi 
îéiterées  triomphèrent  enfin  de  fes  ré- 
pugnances.; il  le  mit  en  chemin  pour 
Confiance   malgré  tous  fes  amis  de 
Ba.fle.  Son  dçfein  étoit  d'aller  de  Conf* 
tance  à  Rome*  Il  étoit  accon^agné  de 
'  Kh^nanus  &c   de  Henri  EppendorâF» 
dont  il  étoit  aufli  fatisfait  pour  lors  que 
dans  la  fuite  il  en  fut  mécontent  j  il  le 
regardoit  comme  un  homme  de  condi- 
•c-         tion  très^inftruit ,    &  d'une   fociécé 
très-agréable.  Ils  defcendirent  à  Conf- 
tance  chez  le  Chanoine  Jean  Botzemc 
fon  intime  ami ,  qu'il  repréfente  com- 
m€  un  modèle  de  poUteCTe  &  de  can- 
deur ,  &  comme  îanni  des  Grâces  & 
^         des  Mufes.  Tout  refpiroit  le  bon  goût 
(4)  Eptfl.  ^^^^  ^^  maifon  (  a  )  ;  &  le  Maître  ca  # 
j8.  L.  lo.éroiî^  fi  gai   &  fi  aimable  ^  que  fes 
manières    ,     fuivant    les    exprelfions 
d'Erafme,  étoient  capables  de  reffufî. 
citer  un  mort. 


d'  E  R  Â  s  M  E.  4^) 

La  première  chofe  qu'Erafine  lui 
demanda  ,  fut  de  ne  prier  perfonne  à 
jnanger  avec  bi  :  car  outre  qu'il  n'ai- 
moit  pas  les  rq^  nombreux  ,  il  écoic 
fort  &tigaé  du  voyage  y  &  d'ailleurs  it 
amt  aâuellement  un  accès  de  grarelle. 
Dès  que  fEvêque  de  Confiance  le  fçut 
arrive ,  il  vouktt  lui  donner  à  manger  ; 
mù&  Bcitzeme  repréfenta  ii  ce  Prélat , 
que  k  famé  d'Eraâ&e  ne  lui  permet** 
toit  pas  d'accepter  Fbonneur  qu'il  vou- 
bit  lui  foire.  L'Evêque  content  de  cet*- 
u  excufe^cnroyapar  fon  Maître-d'Hôw 
tel  quelques  perdrix  à  Erafme  :  il  lui 
fit  en  même^tems  offrir  tout  ^e  qui 
éxm  cher  Im  ;  &  Erafme  profita  de 
tette  borne  voloBté*  Il  étoit  traité 
avec  tsn;  d'amkié  &tanc  de  confldé-* 
rsKion  ,    qo'il  n^avost  rien  à  défirev 

Savane  meilleure  &nté;  otrl'accabloit 
e  prëfens  ::  les  uns^hii  envoyoient  du 
via  excellent ,  d'autres  du  gibier  ou 
eu  poiffon  ;  les  Magîftrats  lui  firent 
le  préfent  de  Ville  :  des  Muficiens  ve-5 
iK)ient  lui  donner  une  iérénade  pour  lui 
feire  honneur;  c'etoit  ainfi  qu'on  ho- 
îK)roit  les  Etrangers  d'une  grande  con- 
fidération.  Lorsqu'il  fut  an  peu  réta» 
Wi  de  fon  accès  de  gravelle ,  il  reçut 
les  vifites  de  quelques  perfonnes  choi* 
S«$»  L'Evêque  voulut  abfolument  lu^ 


404  V  r  s 

donner  à  manger.  Botzeme  pria  le  Pré- 
lat que  le  repas  ne  fut> pas. nombreux  j 
parce  qu'outre  qu'Eraune  les  haïffoit, 
fa  fancé  n'étoit  pas  encore  affez  bien 
rétablie  :  TE vêque  fe  conforma  à  fes 
înteimons  ;  &  il  n'invita  que  la  com- 
pagnie ordinaire  d'Erafme.  11  alla  en- 
fuite  rendre  vifite  à  Ennius  Filonardus 
Evêque  de  Veroli ,  Nonce  du  Pape  : 
ils  étoient  en  commerce  de  Lettres.  Il 
reçut  Erafme  avec  les  plus  grandes 
démonftrations  d'amitié;ils  fiirent  long- 
tems  feuls.  Cétoit  un  Prélat  d'une 
grande  expérience  dans  les  affaires  (a)i 
(a)  Ughel*  il  avoit  été  queftion  de  le  faire  Cardi- 
lus,  italU  nal  dès  le  Rontificatvde  Iules  IL  mais 
facra ,  M.  ^g  Souverain  Pontife  étant  mort  avaat 
'•'^  ^*     d'avoir  pu  donner  des  preuves  de  fa 
bonne  volonté  à  Ennius ,  il  neiiit  bo» 
noré  que  long- tems  après  de  la  Pouqpre 
Romaine,fous  le  Pontificatde  Paul  ÏII* 
Il  étoit  prêt  à  retourner  en  Italie  î  il 
preflbit  Erafme  de  l'accompagner  :  c'é* 
toit  bien  fon  intention.  Il  avoit  réfolu 
d'aller  paffer  quelques  jours  chez  le 
Cardinal  de  Trente ,  qui  Thonoroit  de 
fon  amitié ,  avant  d'aller  à  Rome.  Ses 
amis  avoient  beau  lui  repréfenter,  que 
fa  fant<^  p'étoit  pas  affez  bonne  pour 
qu'il  entreprît  un  auffi  grand  voyage 
que  celui  de  Rome  :  il  n'écoutoit  point 


t>'  E  K  À  s  M  E.  40y 

leurs  remontrances  ;  mais  un  nouvà 
accès  de gravelle  lobligca  de  changer 
jde  fcntiment ,  &  de  reprendre  le  cne*- 
min  de  Bafle ,  après  avoir  demeuré  près 
de  trois  femaines  à  Conftance  :  avant 
de  revenir  chez  lui ,  il  alla  à  Schaf- 
foufe. 

Etant  de  retour  à  Balle ,  il  voulut 
goûter  ,du  vin  de  Bourgogne  dont  lui 
avoit  fait  préfent  Nicolas  Dielbac>, 
Doyen  &  Coadjuteur  de  Bafle.  Le 
goût  pe  lui  en  plut  pas  d'abord  beau- 
coup ;.  mais  fon  eftomac  s^en  trouva  fî 
bien  qu'il  fe  crut  rajeuni.  Il  s'imagina 
que  ce  vin  étoit  un  excellent  préferr 
vatîf  contre  la  gravelle ,  dont  il  attri-- 
buoit  les  fréquens  &  videns  accès  aux 
vins  de  Suiite  :  dans  cette  idée  il  bif*- 
fa  entrevoir,  que  s'il  étoit  difficile  de 
tra»fporter  du  vin  de  Bourgogne  à 
Bafle  :>  il  pourroit  aller  s'établir  eh 
Bourgogne;  il  en  dit  quelque  chofe  à 
l' Archevêque  d'Embrun,  qui  pourîors 
étoit  Ambafladeur  de  France  en  SuiC- 
f#,  &  qui  rendoit  fouvent  des  vifites  à 
Erafme.  Ce  Miniftre  promit  d'obte-i- 
nir  un  pafleport  du  Roi  ;  le  Cardinal 
Jean  de  Lorraine ,  Budée ,  Bcraud  , 
Brice  le  •foUiciterent  :  le  Roi  l'accor-? 
da  avec  plaifir  ;  &  la  première  fois 
qu  il  vit  Bud^e  après  que  le  pafleport 


4^tf  V  I  »  ^ 

eut  été  expédié  ,  U  bî  dit  :  »  E4 
-m  bien ,  nous  aurons  donc  bien-tôt  le  ' 
M  Fevre  chez  nous  ?  »-  Budée  ayant 
xépondu  cpt  le  Fevte  étôît  en  Fran^ 
ce  j  le  Roi  reprit  :  »  je  voulc»s  dire 
9>  Erafine  ;  fon  paffepart  eft  prêt.  »  H 
lui  fut  envoyé  :  c'étoit  dans  le  mois 
(à)  Eptfl.it  Novembre  JJ22  (a  )•  .environun 
'^97*   &    mois  après  (on  retour  à  Baile.  Il  foi* 
>3^»1         foit  entendre  que  dès  que  ie  beatften» 
viendroit ,  ilpaniroit  pour  la  France; 
mais  (bit  qu'il  n*en  ait  jamais  eu  vé- 
ritablement la  pénfée  ,  fok  que  corn- 
et) Efifi.mQ  il  Ta  aflîiré  (fc) ,  ilfît  réflexion 
'f4^«  que  s'il  alloit  en  France  dans  le  tems 

que  le  Hoi  &l  TEmperoir  éioient  en- 
gagés dans  iftie  grande  guerre,  fe^ 
ennemis  ne  manqueroient  point  de  le 
noircir  auprès  de  l'Empereur ,  com- 
me un  traître  qui  Te  réfugioit  che2 
Tcnnemi  de  fon  Prince ,  il  ne  fît  point 
ufage  du  paflèport  tie  .François  I. 
to quoique,  dit- il,  la  guêi're  ne  me 
j»  regarde  en  rien.  Je  ir  aurois  pas  été 
•  en  France  pour  y  conamander  u$t 
»  Armée ,  ni  pour  demander  de  grands 
»  emplois  au  Roi ,  mais  feulement  pour 
P  y  vivre  plus  agréablement  avec  quel- 
»  ques  gens  de  Lettres  de  mes^mis.  * 
Le  Chanoine  Botzeme  qui  reçut  fi 
gracieufement  Erafoi^  à  Confiance^ 


d'  E  R  A  s  M  E.  407 

le  venoit  fouvent  voir  k  Bafle  ;  c'eft 
hii  à  qui  Erafme  a  adrcffé  lé  Cata- 
logue de  fes  Ouvrages.  Botzcme  avoic 
des  amis  parmi  les  Novateurs ,  qu'il 
recevoir  quelquefois  chez  lui  :  il  n'en 
feUutpas  davantage  pour  le  rendre  fuf- 
pe6t  ;  on  lui  fie  des  afBiires  à  Rome; 
Sadolet  le  protégea  (a);  &  il  paroît  C«)  Eptfid 
que  Ta  foi  fut  juftifiée.  Erafme  en  re-  *^»  ^*  *<^ 
mercia  ce  Prélat;  &  il  Wure  queja- 
msûs  Botzeme  n'a  rien  dit ,  qui  pût 
feire  croire  qu'il  penchât  pour  le  Lu-, 
tliéranifme. 

.  Cependant  lorfqu*il  eut  tranfpird(i)  (h)  Epîjl^ 
qu'Erafme  n'étoit  pas  fixé  pour  tour  ^^^' 
|out?s  à  Bafle,  &  qu'il pourroit  peut- 
être  bien  aller  en  France*,  l'Empereur 
fit  entendre  qu'il  fouhaitoit  qu-il  re- 
vint dans  le  Brabant  ;  &  la  Gouver- 
nante des  Pays-bas  qui  Taimoit  &  qui 
l'eftimoit-,  lui  fit  dire  qu'il  ne  feroit 
point  payé  de  iès  penfions  tant  qu'il  ne 
reviendroit  pas  xians  fon  Gouverne- 
nient.  C'étoit  Marguerite  d'Autriche 
fille  unique  de  l'Empereur  Maximi- 
îien ,  &  {Rir  conféquent  tante  de  l'Em- 

fereur,   EUe  avoit  d'abord  été  fiancée 
an  1485,  à  Charles  VIII.  Koi  de 
France  (c)  qui  Uii  préféra  Anne  de    CO  Fop- 
Bretagne;  elle  fut  cnfuite  mariée  auP^^s,  M, 
Prince  Jean,  fils  unique  de  Ferdinand  ^^k^<^^' 


4^tf  V  I  »    ,     , 

tut  tké  expédié,  il  i"  Où  la  metîoit 

•^bicn,  nous  zma^/ï^^'^'^f^^'^V^^^f' 
^'  Fevre  chez  r  ^"^  ^"^  *^  ,P^^^^  ^^ 
xépondu  que  »  '^'^^^  cependant  allez 
ce  le  Roi  *i^^fp^^^  ^^^^  ^^^  momens 
„  Erafine  '/  P^^^  ^^^^^  ^^^  ^^"^  ^^^^ 4^ 
lui  fut  e;^^^5'C^^^^^^^  • 
(4)  Epijl.  de  Na^^  jg        jj.  Demoifelle , 

697.  &   mo\f/;         .     1        ^  a       11 

^j^j  |<  .  ^>  Jeux  mari^  ,  &  encore  eft  pucelle. 

'  p  tempête  ayant  ceffé  fans  qu'il  ar- 

/ivât  d'accidens ,    elle  aborda  en  Ef- 

pagne  j  mais  le  Prince  à  qui  elle  étoit 

^  W  ^         deftinée ,  mourut  avant  la  confomma- 

^^^  tion  du  mariage.  Enfin  elle  époufa  Yzn 

I  COI  •  Philiben  Duc  de  Savoie ,  dont 

/  elle  n'eut  point  d'enfans"  :  elle  fut 

/  veuve  en  i  J04.  Charles  fon  neveu  lui 

iavoit  donné  le  gouvernement  des  Pays* 

bas  l'an  lyijf.  elle  le  conferva  juf- 

qu'au  premier  Décembre  i^jo,  jour 

de  fa  mort ,  lorfqu'elle  étoit  âgée  de 

cinquante  ans.  Adrien  VI.  mourut  lé 

14  Septembre  ij*^^.  il  étoit  moifiS 

favorable  à  Erafme  lorfqu'il  mourut , 

que  lorfqu'il    parvint  au  Pontificat; 

Trois  chofes  y  contribuèrent  :  il  auroit 

voulu  voir  Erafme  à  Rome  ;  il  auroit 

fouhaité  qu'il  eût  écrit  contre  Luther; 

&  enfin  les  cônfeils  qu'il  avoit  donnés 

à  Sa  Sainteté  ;  ne  lui  avoient  pas  plu; 

ce 


d'Erasme;  "i^o^ 

^  m  dire  à  Erafmé  {a )  qu'il    (a)  Ep//f. 

■^  >ens  à  Rome  ',  qui  ne  cher-  64 ^* 

^   ^  ^.  oerdre  de  réputation , 

^'^^  jrprèfqoe  fait  du tems 

'X  car,  ajoute- t*il,  m^ayanc 

Aui  donner  fecrettement  mon 
ar  le  moyen  de  remédier  aux 
MX  de  FEglile ,  je  lui  en  commu- 
niquai une  partie,  &  je  le  trouvai 
9  enfuite  changé   à  mon  égard.  »  Il 
I    n'y  avoir  pas  de  quoi,  en  être  furpris  ; 
cet  efprit  de  conciliation  aux  dépens 
des  anicles  de  Difcipline  auxquels  la 
Cour  de  Rome  pcenoit  le  plus  grand 
intérêt ,  nepouvoit  que  déplaire  à  un 
Pontife  aum   grave    &  auflî  févere 
Qu Adrien-:  d^ailleurs  cette  complai- 
•fance'  d'Erafme  pour  les  Novateurs  , 
fembloît  favoriier.  les  dilations  de  ceux 
<pii  vouloicnt  rendre  fe  foi  fufpcde       '    ' 
fat  des:articles  phjs  import^ans. 

Les.  propres  aveux  d'Erafme  fuffi- 
fent  pour  démontrer  le*  peu  d'exafti- 
tude  de  M;  MarfoUier  ,  lorfqu'il  a 
iécrit  (  i  )  qu'Adrien' ne  vécut  pas  qflez  (^)  Apolo- 
-loiîg-tenos  pour  exécuter,  comme  c'é-gic,  p.  ^5. 
toit  fon  mffein  ,  "les  excellcns  avis 
qu'Erafme  lui  avoir  envoyés  pour 
éteindre  Théréfie  de  Luther.  Jules  de 
Médicis ,  connu  fous  le  nom  de  Clé- 
ment VII.  fuccéda  le  ip  Novembre 
TomeL  S 


4x01  Vie 

15-23.  ah  bon  Pape  Adrien.:  Il  iè^ 
clara  puWk|Ueiaaent  au  Commencement 
de  fon  Pontificat ,  qu'il  étoit  très-bie» 
^ifpofé  pour  Ërafine.    Ses  amis  s'em- 
t>reflerent  de  lui  mander ^ccaieagJNÉar 
ble  nouvelle  ;  Hte  lui  "fifett:  f avoir  qu'il 
y  avoit  tout  à  «fpérer  pour  hi,  s'il 
vouloit  venir  à  Rome.    Ges  Lettres 
lui  firent  un  extrême  plaifir^  Il  parok 
que  dans  ce  montent  il  avoit  quelque 
envie  d'alfër^voiir  le  Pape  :  car  il^ri- 
(4)  Efijl^vok  le  a?  Janvier  15534.  (  a ) aU»Gaft- 
667.  iif//?idinalde:Sioiî,  giu'irfeinettroitCDrou^v 
3<î.  L.  io.(^ç  pour  Roeietlès  qm  4e  tôÉis  yadoi>'i| 
ciroit  ,   dût  ce  vôy^e  lui  coûter  fetlj 

(b)  Ej,,;/?,  vie.  Il  croyoh  avoir  (è)  de  très-h 
608.  reuxpréfegcs  de  la  bonne  vokincé 

,  Pape  poat  lui  ;  il  bi  écrljvit  le  i? 

(c)  £p(/?,Tmrhrf:ft4(c.)qMeîIa  joie  qu'il  a 
!•  !•  i^.  ^^Jg  çjç  jrj,^  excitation  ati  fiouvi 

Pontificar,  aveit  enqore  été 
fée  par  les  Lettres  àe  fes  amis, 
lui  avôient  ap{)ris  les  feminieii9  &vi 
rablcs  qrie  Sâ.Saioteté  avoitpour  ' 
Après  s'êtfe  ^uite  jiïfiîfië  contre 
déclamations  :de  Stumca ,  il  prp 
que  ^'il  peut  fc  Iflattcr  df;jtroaVer 
la  proteélion  contre  lés  caloitomès 
fes  ei?!3emis  ,  il  n'y  a  qitc  la  mort 
la  gravelle  qui  pourront  Tempe 
d'aller  à  Rome» 


d'  E  R  A  SIM  X.         41  i 

Il  eut  une  occalion  d'y  aller  (a)  (d)  Eprjf. 
«vcc  tous  les  agrémens  poflibles.*<5i.  L.  ip. 
L'Empereur  ayant  appris  l'éleûion  dp 
CUmem  -VII.  réfolut  de  lui  aivoyer 
'  une  Ambaffade  {blennelje ,  pour  le  fé- 
liciter fur  fon  exaltation.  Charles  V.  Sç 
la  Gouvernante  des  Pay$4)a6  &  tante 
moknt  fouhaité  ,  qu'Eraiine  eut  été 
iâ  cette  diputation  ;  mais  fa  fanté  qui 
ieenoit  oe  jour  en  jo^r  plus  mau- 
vaife,  &c  qui  étoit  afSigée  cont'inueU 
lement  par  des  accès  violens  de  gra* 
velle,  Tempêcherent  d'accepter  cçtte 
honorable  commiflion. 

Malgré  le  tpauvais  jétRt  oh  il  fe  trouf 
wit,  il  entreprit  un  petit  voy^edans 
b  beaux  jours  de  Tan  15*24.  L'Ar- 
fievêque  de  Palerme  Çb)  trèsrppi05iAt  (^)  Epifl. 
la  Cour  de  l'Empereur  dont  il4toii:p7.  t,  j^. 
finiftre ,  avoit  qn  frère  appjellé  Ferji     -^ 
irondelet,  Archidijacre  d^  ^fençon» 
I  étoit  en  relation  de  Lqtt^res  f^vec 
Srafine ,  qu'il  follicitoit  fr^quempient 
i  le  venir  yoit ,  lui  c^ant  mêipae  de 
recevoir  chez  lui  pour 'toujours, 
ftfm^  fe  fent^t,afli^  bien  d?ps  Jci» 
aux  jours  du  Friwems  ,  çtipnta  k 
levai ,  &  alla  d'abprd  à  Poilc^ntru  far 

l'Evêque  de  B^flc.  11  q'y  refta 
un  joup;  mais  U  prcfmit  d'y  faire  uh 
us  lon^  féjour  lor^u?il  y.rcpafleroit» 


41^  ^^  ^  ^ 

Delà  il  fè  mit  en  cbemin  pour  Bé^ 
fançon.  L'Archidiacre  n'étoit  paspour 
lors  à  la  Ville  ;  mais  Erafme  fut  reçu 
chez  lai  comoie  fi   le  maître  de  la . 
maifon  y  eût  ^é  :  on  lui  dépêcha  ua 
exprès  à  (on  Abbaye  où  il  étoit  ;  & 
il  revint  fur  le  champ.    Le  bruit  -ne 
le  fiut  pas  plutôt  répandu  dans  Befaft- 
çon  qu'Erafine  y  etoit^  ^e  le  Ma- 
giftrac  lui  envoya  du  vin  de  préfent, 
fe  de  l'avoine  pour  fes  chevaux.  L'Ar- 
chidiacre pour  lui    faire  honneur  » 
prient  beaucoup  de  monde  à  manger  i 
avec  lui  ;  on  lui  faifoit  préfent  de  trè^ 
beaux  poiflbns  &  de   l'hipocras.    Il 
pa(ïa  deux  ou  trois  jours  en  grands 
repas  chez  l'Archidiacre  ou  chez  l'Of- 
ficial  ;  il  s  en  trouva  fon  incommodé. 
Les  Magiftrats  avoient  réfolu  de  lui 
-donner  un  jgrand  régal  ;  mais  il  les 
remercia  y  en  les  affûtant  qu'il  ne  pou- 
voir f  as  l'accepter  fans  courir  rifoue 
de  tomber  férictifement  malade.  Les 
Chanoines  fe  diftinguerent  par  les  hon- 
neurs qu  ils  loi  rendirent}  ils  avoient 
une  fi  grande  envie  de  lefixeràBe-l 
-fançon  5  qu'ils  Itâi  offrirent  une  (Jou- 
able Prébende ,  ^une  maifon  &  de  l'ar- 
gent ,:  s'il  vouddit  y  refier  :  les  Magif- 
trats promettôknt  outre  cela  cemécus 
par  an,  Èr^fmo  répondit  à  ces  politeiir 


D'Ekâsmk.  41  j 

fe,  qu'il  en  étoit  aufli  reconnoiflanc 
que  s'il  les  avoit  acceptées  ;  qu'il  n'é- 
toit  venu  à  Befançon  ,  que  pour  y 
voir  Ton  ancien  ami  l'Archidiacre  ; 
qu'il  n'y  feroit  pas  même  venu ,  s'il 
Tavoit  fçû  à  -  fon  Abbaye  ;  que  s'il 
avoit  à  vivre  à  Befançon ,  il  fe  con-. 
tenteroit  de  Tamitié  qu'on  ki  témoi- 
gnoit ,  tant  parce  qu'il  étoit  content 
de  fa  fortune,  que  parce  qu'il  aimoic 
mieux  la  liberté  que  l'argent,  Cepen^- 
dant  les  grands  repas  l'avoient  incom- 
modé ;  il  fut  oblige  de  garder  la  cham- 
bre pendant  trois  ou  quatre  jours  pour 
faire  diette  :  il  dînoit  d'un  œuf,  gU 
d'un  peu  de  hachis  de  poulet  ;  &  Il 
buYoit  de  l'eau  dans  laquelle  on  avoit 
«is  dufucre.  On  lui  avoit  défendu  de 
parler  ;  de  fone  que  l'Archidiacre 
même  navoit  pas  la  permiffion  de 
s'entretenir  avec  lui,  Lorfqu  il  fe  trou- 
va un  peu  mieux ,  il  fongca  à  s'en  al^' 
1er.  On  le  combla  de  politeffes  à  fon 
départ  :  cependant  les  Luthériens  qui 
pour  lors  étoient  mécontens  de  lui , 
répandirent  le  bruit  qu'Erafme  n*avoit 
nullement  réuflî  à  Befançon  ,  &  qu'oii 
l'en  avoit  vu  lortir  avec  le  plus  grand 
plaifir  du  monde.  Cette  feufle  nou- 
velle alla  julqu'à  Paris  ;  &  elle  donna 
QÇcaûoQ  à  Ërafme  d'écrire  à  Beda  2 

Siij 


4^4  V  I  K 

pour  lui  mander  comment  les  cliofes 
s'étoient  paffées  dans  ce  voyage. 
Il  revint  à  Bafle  dans  un  état  très- 
'  ' (a)  Efijl.  lan'guiffant  (a ).  Après  être  un  peu  ré- 
30.  L.  18.  tabli ,  il  eut  un  fî  violent  accès  de  gra- 
velle ,  que  fa  vie  fut  en  danger.  Faber 
ConfelTeur  du  Roi  Ferdinand  qui  étoit 
venu  à  Brifac  ^  à  Fribourg ,  ki  mân-  ' 
^)  EpîftA^  (fr)  que  le  Prince  défiroït  avoir 
3 z  7.    A}'  «^e  conférence  avec  lui  j  &  il  lui  con- 
pnd.         fèilla  d'avoir  cette  complaifence ,  qui 
pourroit  lui  être  avantageufe.  Erafme 
perfuadé  que  Ferdinand  vouloit  Tcn- 
tretenir  des   divifions    qui    agitoient 
pour  lors  TEglife ,  refufa  de  fortir  de 
Bafle,  Sa  fanté   lui  fervoit  de  pré- 
textes mais  fa  véritable  raifon  étoit 
3u'il  y  avoit  pour  lors  trop  de  chaleur 
ans  les  efprits  ;  qu'ainfî  c'étoit  en- 
Tain  qu'on  fe  flatteroit  de  pouvoir  par* 
venir  à  un  accommodement ,  &même 

Î[u*il  n'y  avok  que  des  chagrins  à  ef- 
uyer  pour  ceux  qui  propoferoiertt  des 
voies  de  conciliation.  Le  Livre  qu*E- 
rafmc  venoit  de  faire  paroître  cotise 
Hutten ,  étoit  ce  qui  avoit  fi  fort  ta- 
ché les  Luthériens. 

Hutten  étoit  un  Gentilhomme  de 

(c)  Bur-  Franconie  (  c),.  qui  avoit  la  réputation 

chard ,  F»  d'être  un  dfes  plus  beaux  Elptits  de 

^'^  fon  fiécle.  Il  avmt  beauqop  de  lit^ 

lurc  î  Etetûnç  &,  lui  avoient  vécu  m 


d'E  R  A  s  M  E.  4t^ 

une  très  -  grande  union.  Les  Lettres 
d'Erafiïie  (ont -remplies  de  témoigna- 
ges d'eftime  pour  Hutten.  »  Je  fuis  ra- 
»  vi ,  mandoit  -  il  à  Budée  (  tf  ) ,  que    (a)  Efifi. 
»  vous  approuviez  Hutten  :  car  fon  et  Ji-  ^^  }• 
w  prit  me  feit  un  plaifir  inexprimable. 
wTout  le  monde  admire  de  plus  en 
»  pluç  le  génie  d'Hutten  $  ëcrivoit-il 
»  au  Oardinal  de  Mayence  (  fr  )  j  &  (k)  Epifl, 
•  Votre  Grandeur  en  le  protégeant ,  i^-  ^«  ^« 
»  fe  feh:  eftimer  de  tous  les  gens  de 
»  Lettres.  Je  me  flatte  (  c  )  que  ce  fçra  ^c)  Ep/. 
*>UB  grand  ornement  de  l'Allemagne  ii,  L.  u. 
Ȕ^il  vit,    &  que  Votre  Grandeur 
»  continue  de  le  protéger,  w  II  rappel- 
bit  (  d  )  les  délices  de  la  Langue  La-    /^>  ^p.jf^ 
tine.  Hutten  fe  livra  avec  emporte-  26.  l.  h! 
ipent  aux  nouveautés  de  Luther  ;  êc  V.  auflî  E* 
il  devint  fi  odieux  à  la  Gourde  Kofift*  ^s.U 
me,  que  le  Pape  Léon  X.  écrivit  à  ^^*        ' 
PArchevêgue  de  Mayence  de  lui  en-  ^ 

voyer  ce  mrieux  pieds  &  poings  liés. 
Il  fut  donc  obligé  de  fe  cacher.  Il 
alla  voir  Erafme  (e)  qui  étoit  encore  à  z^)  Bdie. 
Louvatn  :  il  eutun  entretien  fecret  avec 
hi  ;  &  il  lui  avoua  qu'il  étok  àahs  lé 
deffein  d'écrire  contre  la  Cour  de^Ro^» 
me.  Erafine  fit  ce  qu'il  put  poUr  l'en 
détourner ,  en  lui  reprélentant  le  dan- 
gtt,  la  folie  ,  &  rinutilité  d'un  tel 
ptojet.  N'-ayam  pas  pûle  perfuader^il 

Siii) 


^i6  Vie 

lui  dédara  qu'il  ne  vouloît  pas  cft  et^ 
tendre  davantage*  Il  avoit  fait  un  grand 
(a)  Efifl.  ^I^g^  de  Hutten  (a)  dans  TEpître  dé- 
25.  L,  1^.  dicatoire  de  fa  Méthode  pour  parvenir 
à  la  vraie  Théologie ,  adreffée  au  Car- 
dinal de  Mayencej  il  le  retrancha  dans 
une  féconde  é4ition.  Hutten  qui  s*é-: 
toit  flatté  qu'il  çntraîneroit  Erafme 
dans  le  parti  de  Luther ,  fut  très-pi- 
qué :  il  lui  ût  dire  qu'il  renonçoit  à 
(on  amitié ,  fi  jannais  il  écrivoit  con*» 
tre  Luther  ;  &  il  difoit  publiquement 
qu'Erafme  ne  haïflbit  Lyther,quepar* 
ce  que  les  Livres  de  ce  Novateur  é- 
toient  plus  recherchés  que  les  fiens. 
Il  ne  perdoit  cependant  pas  le  projet 
de  féduire  Erafme.  Il  vint  à  Bafle  dans 
ce  deflfein  ;  il  fit  demander  une  confé- 
rence à  Erafme  par  Eppendorff.  Eraf" 
me  fit  réponfe  qu'il  ne  pouvoit  pas 
le  voir,  parce  que  cette  vifite  feroit 
trop  de  bruit  ;  qu'on  ne  manqueroit 
yas  d'en  écrire  au  Pape,  à  l'Émpe- 
<reur ,  au  Roi  d'Angleterre  ;  qu'il  n'en 
iréfulteroit  aucun  avantage  pour  Hut- 
ten ;  &  que  quant  à  lui ,  une  pareille 
conférence ,  dans  les  circonftances  cri- 
tiques où  ils  fe  trouvpient ,  pourroit 
lui  être  très-préjudiciable.  Il  chargea 
Eppendorff  d'accompagner  cette  ré- 
ponfe  de  politelfes  capables  d'en  adouj 


b'ErasMSs;  417 

clr  la  féchereffe.  Erafme  s^eft  îmagi- 
tié  (a)  qu'EppendorflP ,  au  lieu   de  (a)  Epift. 
chercher  à  appaifer  Hutten ,  n'avoit  Goclenh, 
tnivaillé  qu'à  l  animer  davantage  con-  f^*-'^  ^  *^* 
tre  lui*  11  y  avoit  encore  une  autre    '^L'y^I 
raifon  fecrette  (  fc)  qu'Erafme  cacha  à    ^h)  Efift. 
Hutten  ,  mais  dont  il  ne  fit  pas  miC- 1  ij.  l-»i5# 
tere  à  Melanélon  ;   c'eft  qu  Hutten 
perdu  de  débauches  5  &  étant  dans  la 
plus    grapde  miière ,  ne*  fâchant  qu« 
devenir ,  auroit  fouhaité  s'établir  chez 
Erafmcqui  nef vouloit  point  avoir  chez 
lui  un  Chef  de  parti ,  qui  eût  fait  de 
fa  demeure  une  maifon  de  cabale  coi.- 
trel^Eglife  Romaine.  Hutten  fut  très-- 
choqué  de  la  réponfe  que  lui  rendit 
EppemJorfF;  il   menaça  de  foire  pa- 
roître  uti  Libelle  centre  Erafme ,  qui 
lui  écrivit  (c)  une  partie  des  raifons  (c)  Epî/l. 
qu^il  avoit  eues  de  ne  pas  le  recevoir  3.  l.  17 • 
diez  lui  :  il  le  fupplie  par  leur  ancicA- 
ne   amitié  de  ne  point  foire  d'éclat 
fcandaleux.  Hutten  reçut  très- mal  cet- 
te politeffejtll  fit  paroître  un  Libelle 
contre  Erafnie ,  dans  lequel  il  le  re- 
préfentoit  comme  un  Apoftat ,  qui  s'é- 
'  joit  laiffé  corrompre  pour  faire  la  guer-  ^^^  ^V^" 
•  re  à  l'Evangile  :  il  lui  reprochoit  fon  ^j^H^jt^g.^^ 
amour  pour  la  gloire  ,  qui  le  portoit  nus, 
-  à  parler  mal  de  tous  ceux  dont  il  étoit 
jaloux ,  tels  qu'étoient  Reuchlin  &  Lu- 
iber,  §  .^ 


fî8  Vie 

Quelques-uns  de  ces  Libelles  étoient 
déjà  tépandus  dans  le  Public  y  lorfqu'oo 
vînt  dire  à  Ërafineipie  s'il  vouloit  don- . 
ner  quelque  argent  k  Hutten  y  il  of- 
froîc  de  iapprimer  fbn  Ouvrage.  £raf- 
me  répondit  que  puifqu'il  avoit  corn*- 
meoce  à  être  diftribue  >  il  n*y  avoic 
plus  lieu  à  aucun  accommodement  : 
c'eft  à  cet  écrit  au'il  oppofafon  Epon- 
ge (  i  )  qu  iF  dédia  au  tameux-Zwin- 
^    Xd)  Bf f/fc^e  (  «  ).  Cette  répoitfe  fut  Êdte  en  fîx 
91»  L»3i.  j^Qxxts  de  tems.  Erafme  y  rapporte  les 
^iccuiàtions  6c  les  reprodies  de  Huttei^ 
il  3x'a  pis  de  peine  à  fe  juftifîer.  Quel- 
<ques-uns  ont  crû  que  les  Moines  Hooo- 
iRrate  &Egmondavoient  engagé  Hut- 
ifen  à  écrire  -comne  £rafine  ;  &  il  avoit 
^u  penchant  k  le  croire* 

Le  Libelle  de  Hunen  avoit  chagriné 
£ra&te«  Un  Libraire  «pipellé  Scottus 
l'imprima  à  SccaiBourg  ;  Erafme  en 
^ona  fes  plaintes  aux  Magiftrats  de 
cette  Ville,  Il  aflure  dans  les  Lettres 
(h)lfijl.mi  leur  écrivit  {h)  qut  FOuvrage 
%i.  L.  xoi  (le Hutten  étoit  £  extravagant»  qu'il 
^voit  même  déplu  à  Luther  &  à  Me- 
lanâon.  U  y  avoit  à  Strafbourg  un 
homme  qu'EraTme  r^;ardoit  comme 

(  1  )  Sf^ngia  ëàvtrpks  ^ifftrgints  Hui^ 


p*  Erasme.  419 

Ton  ami  ;  on  Fappelloit  Qafpard  He- 
dion.  Il  lui  avoit  envoyé  les  Lettres 
qu'il  ^crivoit  aux  Magiftrats  de  Straf- 
jbourg.  Hedioh  les  rendit;  mais  en 
même-tems  il  follicita  pour  le  Libraire, 
qui  ne  fut  point  puni,  Erafme  s'en 
plaignit  à  Hedion  même  (^):  il  lui  W  ^f^J^* 
reprë&nta  que  cette  borné  pour  Scot-  5*  ^  *^* 
tus  étoit  une  vraie  cruauté  pour  lui  ; 
qu^il  ne  manqueroit  pas^den  abufer, 
ainfî  qu'il  Ven  étoit  vanté.  ^ 

^utten  mourut  quelque  tems  après 
la  publication  de  les  écrits ,    le  29 
Août  X5'2p.  Tes  débauches  avancèrent 
fa  mort.  On  prétend  (fc)  qu'en  mourant,   (h)  Eftjl. 
îl  témoigna  de  grands  regrets  d'avoir  ^^f^* 
cédé  aux  foUicitations  de  ceux  qui  Ta* 
voient  engagé  d'écrire  contre  Erafme, 
Cette  diipute  ne  finit  point  avec  lui  ; 
Gthon  Brunfeldefon  ami  la  continua  9 
&  fe  répandit  en  invedives  contre 
Erafine.  Il  avoit  fait  mettre  (c)  à  la  (c)  M.A- 
tête  d'un  de  fes  Libelles  un  portrait**^™*    ^ 
d'Erafme  ,  au-deffous  duquel  étoit  le 
nom  de  Bad. 

La  difcuflîon  d'Erafme  iavec  Hut- 
ten  le  brouilla  avec  Hertflannus  Buf-  (d)  Vie  cfe 
chius,  qui  jufques  là  avoit  été  fon  ami,  Bufchlus 
&  qu*il  avoit  loué  dans  fes  Ouvrages.  P?^  j*^" 
Ils  étoientà  peu  près  de  m^me  âge  (d)j  1,3,  'j^  * 
Us  Evoiénc  étudié  enfemble  à  I)e*ix6. 

Svj 


j 


4^0  V  I  * 

venter.  Bufchius  ëtoît  très  •  lié  aved 

Hutten  :  il  prit  fon  parti  contre  Erat 

me  jufqu'à  taire  des  Libelles  contre 

{a"  Epift.  lui  (  a  )  ,  &  à  prêter  fa  pluaie  aux  en- 

36.  L.  3o.nemis  d'Erafme,  qui  fut  très- indigné 

^    de  ce  procédé,  »  Bufchi^s ,  écrivoit- 

(^)  Epifl.  »  il  à  un  de  fes  amis  (  t  ) ,  eft  encore 

4  y  JL  30.»  plus  furieux  qu'Hutten;  lui  que  f  ai 
a>  toujours  loue ,  que  j^aî  très-bien 
3>  reçu  à  Bai^e ,  à  qui  je  n'ai  jamais 
»  fait  que  des  honnêtetés ,  fait  impri* 
•>  mer  quelque  chofe  contre  moi.  » 
L'an  ï^2$.  £rafme  fut  extrême- 
(c)  Epift.  méat  incommodé   (  c  )  :  il  eut  de  fi 

ao2.  Le i^.  longs  &  de  fi  violens  accès  de  gra* 
velle  dans  le  mois  de  Juillet  ^  qu'on 
défefperoit  prefque  de  fa  vie.  Il  en  fut 
encore  plus  tourmenté  vers  la  Fête  de 
Noël  ;  il  fouffroit  tant ,  que  la  mort 
dans  un  état  fi  douloureux  lui  paroif- 
•Ibit  un  bjen.  Ilfe  défit  de  fes  che- 
vaux, ne  croyant  pas  pouvoir  jamais 
monter  à  chevaU  Cette  même  année 
le  Cardinal  Laurent  Campege,  que  le 
Pape  avoit  envoyé  en  qualité  de  Lé- 
gat en  Allemagne ,  écrivit  à  Erafme 
les  Lettres»  les  plus  prefTantes  pour 
l'engager  à  fe  fendre  auprès  de  lui  j 
il  promettoit  de  l'employer  dans  les 
grandes  affaires  qui  faifoïent  l'objeç 
de  fa  mifiion,   Erafme  lui  fiç*  répj;)$fc;. 


i>'E  R  A  s  M  t:  42f 
le  21  Février  i  ^26.  que  fa  fantë  étoit 
fi  mauvaife ,  qu'il  ne  lui  étoit  pas  pof- 
iible  de  voyager  ,  fur-tout  pendanc 
Fhiver ,  où  il  feroit  obligé  de  s'expofer 
.  à  la  chaleur  des  poêles  qui  le  rendoienç 
toujours  très- malade  -,  que  d'ailleurs  il 
avoir  des  aâàires  indifpenfables  à  Bafle 
ju(qu'à  la  mi-Carême ,  parce  qu'oay 
imprimoit  quelques-uns  de  fes  Ouvra- 
ges qui  demandoient  fa  prêfence.  Il  fi' 
niflbit  par  dédarer ,  que  cependant  fi 
fa  fanté  fe  rétabliffoit  un  peu  »  il  fe 
mettroit  volontiers  en^  chemin  pour 
Faller  trouver  dès  qu'on  ne  feroit  phis 
iifage  des  poêles. 

Dans  le  même   tems  le  Cardii\al 
Wolfei  (  fl  )  faifoit  des  tentatives  pour  (a)  Epij!, 
l'attirer  en  Angleterre,  en  lui  promet-  3J»  ^*  *'^  . 
tant  tout  ce  qu'il  pouvoit  efpérer  de  (à 
proteéliqn*   Eralme  len  remercia  par  . 
une  Lettre  datée  de  Bafle  le  24;  Avril 
i.jfap.  dans  laquelle  \\  aflure  que  ia 
lanté  eft  fi  mauvaife  »  que  le  moindre 
changement  d'air  l'incommode  confi* 
dérablement.    Il  ajoute  qu'on  l'invi-^ 
toit  d'aller  en  Efpagne  ,  en  lui  faifanc 
entendre  qu  il  n'y  avoir  aucun  pays  oi 
fon  nom  fût  en  plus  grand  honneur  à 
la  Gour,  chez  les  Eveques  &  Ïôs  Sa-  .»: 
vànsj  que  le  Pqnce  Ferdinand  dont 
J^'çfpî'W  8c  le,  çafaftcre  lui  pUjfoigRt        .     • 


420         y 

venter.  Bufr^^     ^;;j,  ^^^j^  ^^^ç^^^^ 

Hutten  •      ^^;acarer  auprès  de  lui ,  en 

î^?  ^'        ,J^/^s  offres  gracieufes  ;  qu  An- 

?'u^'i'.       '       ^/^^^  Evêque  de  Plofco ,  lui  avoit 

^  '       \^'  j^        /f,a  nom  du  Roi  &  des  Grands , 

J^  /'engager  par  de  grandes  promef- 

(è>)  Epifi         palier  paffier  fes  derniers  jours  dans 

*3-  i*  3  ^KoyaumedePolegne;  quepkjfieuïs 

5cigR€urs  Potenois  s'ëtoienc  joints , 

&  lui  avoicnt  feit  les  mêmes  fdllicitar 

^  tions>  en  les  accompagnant  de  ma^- 

fiques  préfens. 

Il  fit  fes  rcmercîemens  à  FEvêquc 
f>;  Efîll.àt  Plofto  le  p  Septembre  1^26  (a). 
^^  L  21.  Il  déclare ,  qu'il  fent  avec  toute  la  re* 
connoiflance  poffible  les  bontés  du  Roi 
ôc  de  la  Reine  de  Pologne  5  mais  que 
fa  mauvaife  fanté  ,  &  les  difputes  dans 
lefquelles  il  étoit  pour  lors  engagé ,  & 
qui  intéreffoient  fon  honneur  &  (à  re- 
ligion^ ne  lui  permettoient  pas  de  s'é- 
loigner de  Bafle.  Vers  lemême  temsj 
(^)  £p(/?,  le  Roi  Ferdinand  lui  offrit  (^)  qua- 
21.  jL.  lettre- cens  florins  de  pcnfionpour  venir 
à  Vienne,  où  il  n'auroir rien  à  feire. 
Il  y  eut  l'an  ^^26.  une  Conférence 
(c)  Rai'  ^  ^^^^  fur  les  matières  de  Religion  (0« 
ffj/(i«/,4«Xe  Sénat  de  Bafle  pria-Erafme  de  fe 
1  ^  itf .   ».  rendre  à  cette  aflfembîée  ;  mais  il  p^e- 
$2.  Eftjl*  texta  fa  mauvaife  ^artté  pour  ne  pas  s'y 
^  ^ ^'         trouver.  Xe  réfultat  fut ,  qae  la  dpc-^ 


!>'  E  p'A  s  M  ?*  ^2^ 

"vie  de  TEglife  Catholique  y  fut  con- 
^^e  malgré  tous  les  efforts  d!<Eco* 
.apade  (^a).  (4)  Oh 

Erafme  avoit  une  confolation ,  au  ^1^"'» 
milieu  des  perfëcudons  qu'il  avoit  à 
ibufBrir  dans  prefque  tous  les  pays  d^ 
l'Europe  de  la  part  des  Moines  &  des 
iThjéologieBs  ;  c'ëtoiem  Les  aflur^ncc^ 
d'eftime  &  de  pr^teâion  qu'il  rece- 
voit  de  tout  ce  qu'il  y  avoit  de  plus 
^  grand  dans  le  inonde.  Le  Chanc^ar 
Mercurin  Gattinare  lui  donna  des  té- 
moignages de  la  plus  parfaite  confidé- 
ration  9  dans  la  Lettre  qu'il  lui  écrà-- 
vit  de  Valladolid  le  10  Février  i;'27. 
dans  le  tems  précifément  où  Beda^ 
Syndic  de  Sorhonne  ,  employoit  foo 
crédit  &c  (es  intrigues  pour  le  faire 
condafaner  par  la  Faculté  de  Théolo- 
gie de  Paris.  4»  Je  me  fçais  bon  gxé  y 
a»  lui  difoit  le  Chancelier  de  TEmpifi- 
ji  reur  {  fc)  de  me  rencontrer  en  quel-  n,)£*,in^ 
w  que  chofe  avec  ^n  auflî  grand  homnae  j  ^^  x-.  x7# 
•»  que  vous.  Vous  m'écriviez  que  vous 
a»  quitteriez  la  vie  avec  moins  de  re- 
a»  gtôt  y  Ç\  vous  aviez  la  fatis&dion 
•»  de  voir  avant  votre  mort  la  tran- 
«auilUté  rétablie  dans  le  monde  :  pl&c 
»  a  Dieu  que  je  puffe  avoir  ce  plaifir- 
-m  là  !  c'eft  ce  que  je  défire  avec  le  plus 
«>  d'ardeurt  Si  tous  les  Princes  &  l«a 


424  .  Vie 
tf  Evêqués  penfoient  comme  l'Empé* 
a»reur,  nous  n'aurions  rien  à  défirer 
»  pour  le  bonheur  de  la  République 
f»  Chrétienne;  mais  malheureufement 
3»  lés  chofes  vont  mal,  parce  quofl 
»  ne  confulte  que  fon  intérêt  particu- 
3»  lier.  Je  ne  défefpere  pas  cependant 
ài^ue  bientôt  l'on  ne  fe  concilie,  & 
»  qu'on  ne  remédie  aux  maux  qui  ont 
ij  donné  occafion  à  toutes  ces  divi- 
li»^iis.  Quant  à  ce  qui  vous  regarde , 
»  je  fais  combien  il  y  a  d'envie  dans 
•>  le  monde ,  &  combien  il  y  a  que  les 
»  méchans  &  les  ignorans  ne  peuvent 
»  fouiFrir  ,  ni  les  gens  de  bien  ,  ni  lés 
»  Savans,  Mais  comme  vous  ne  vous 
•»  propofez  que  la  gloire  de  Dieu  & 
»  l'utilité  publique  ,  en  quoi  les  lan- 
»  gués  des  méchans  pourroient^llcs 
w  vous  nuire ,  tant  que  vous  continue- 
nt rez  à  travailler  au  progrès  des  bon- 
•»  nés  Lettres,  des  meilleures  études  & 
»  de  la  vraie  piété  f  Plût  à  Dîeu.qu* 
»  je  pufle  vous  donner  des-preuves  dif- 
59  tinguées  de  ma  bonne  volonté  !  voas 
•w  verriez  que  je  parle  fmcérement: 
»  je  ferai  enîbrte  que  vous  vous  en  ap- 
^»  percevrez  bientôt.  J'ai  écrit  à  l'Uni- 
a^verfité  deLouvainj  je  vous  enroi* 
»une  copie  de  la  Lettre.  Je  fuis  fuï" 
^ti  pris  de  la  pétulance-  &  dç  l^effi^Ç" 


b'  E  R  A.  s  M  ï.  417, 

;i»terie  de  ces  gens-là.  Soyez  tranquil- 
»  le ,  ayez  foin  de  votre  fanté ,  &  ecri* 
»>  vez-moi  fouvent,  », 

Cétoit  appareniment  à  la  proteftion 
du  Chancelier  ,  qu'il  fut  redevable  de 
Pordre  que  l'Empereur  donna  qu'on 
lui  payât  fa  penfion  :  on  ne  les  payoit 
pas  aux  autres  j  c'étoit  une  grâce  (a)    (a)  Efifii 
qu'on  devoit  lui  faire  ,    fans  tirer  à  6$8. 
conféquence  pour  les  autres  Penfion- 
tiaires.  Ce  défaut  de  payenient  l'avoic 
mis  {b)  dans  un  grand  embarras.  Lsi  (b)  Efijîi 
vie  étoit  fort  chç^e  à  Bafle  :  d ailleurs  ï3«  L.  xi. 
fes  maladies  continuelles  exigeoient  de» 
dépenfes  extraotdinaires  (  c  )  ;  il  ne  (c)  Efîjt: 

Sou  voit  pas  vivre  à  moins  de  fix-cens7S3'  ^t*fi* 
orins  d'or  par  an.  Il  fe  trouva  dana^^»  ^*  *•* 
la  néceflitë  d'emprunter  ;  &  Torfqu'il 
écrivoit  en  Brabant  aux  Miniftres  de 
l'Empereur  >  qu'il  les  prioit  d'exécuter 
les  ordres  qu'ils  avoient  reçus  4  foa 
fujet ,  ils  s'en  excufoient  fur  les  gran- 
des dépenfes  de  la  guerre.  Ils  lui  pro- 
mirent (i)  cependant  de  lui  payer  tou5   (^  j^^ijf; 
les  arrérages  de  fa  penfion ,  s'il  rêve-  6%^. 
noit  dans  le  Brabant.  La  Princeffe  Gou- 
vernante (c)  lui  fit  efpérer  de  nouvel-  (0  Ef(/?i 
les  gratifications,  s'il  vouloit  quitter 7 P» 
Bafle  pour  retourner  à  fa  Cour.  Il  lui 
étoit  dû</)le  i  Septembre  ijrsy.   (f)EpiJli 
feuit-cens  florins  d'or  pour  quatre  3117747, 


426  V    T    K 

nées  de  penfion ,  d'où  il  réfulte  qu'efc 
le  étoit  de  deux-cens  florins  par  an. 
Ce  fut  à  l'occafion  de  ces  ordres  fi 
mal  exécutés  de  rEœpereur ,  qu  il  dit 
(4)  Ej>ii?«avec(a)  ce  ton  plailant  dont  il  fei- 
17.  L.  i7*foit  uîàge,  même  dans  les  adverfitési 
&  au  milieu  des  pk&s  grandes  fouâFran- 
ces ,  Que  TEmpereur  étoit  mieux  obéii 
lorfqu  il  ordonnoit  qu'on  levât  des  im- 
pôts ,  que  lorfqu'ii  mandoit  que  l'oa 
payât. 

Sigifiwond  Roi  de  Pologne  avoit  té- 
moigné dans  plufîeurs  oc^afions  qu'il 
avoit  une  eRwç  fingtiliere  pour  £raf- 
me ,  &  que  ce  feroit  à  £1  très-gran- 
de  &tisfaàion  qu'il  le  verroit  venir 
4ans  fon  Royauoie  >  ou  il  lui  donne^ 
jroit  de&  preuves  de  fon  afFeâion.  Eraf-, 
me  crut  que  la.bieoféance  l'obligeoid 
d'en  témoigner  fa  reconnoiifance  à  ce 
Prince  :  il  lui  écrivit  le  i5  Mai  i  J^7» 
Il  le  félicite  fur  la  paiEon  qu'il  a  àt 
r/cablir  le  calme  dans  l'Europe  ;  il  le 
r^rde  comme  le^eul  Prince  capable 
par  fes  grandes  qpali^  de  procurer 
un  fi  grand  Im^u  :  il  le  loue  de  ce  qu'a- 
près la  mort  du  Roi  de  Hongrie  &  de 
/  wbei»€  fon  Neveu,  fur  la  uMSjceffion 
duquel  il  avoit  des  droits ,  il  envoya 
des  Ambaiïàdeurs  aux  Etats  de  ces 
,  deux  Royaumes^,  pour  les  exhorter  i 


B*  E  ^  A  s  M  B.  42*7 

clioîfîr  pour  Roi  celui  qu'ils  croirojent 
être  le  plus  capable  de  les  rendre  heu- 
reux ,  &  les  auurer  qu'il  n'avoir  aucune 
prétention,  parce  qu'il  étoit  content 
de  ce  qu'il  poffédoit. 

Sîgifmond  lui  fit  une  réponfe  très- 
gracieufe  {a)  qui  étoit  accompagnée    (a)Epift. 
a  un   préfent  ;  il  n'ofe  pas  fe  flatter  i7*  ^'  **• 
qu'il  puiffe  fe  réfoudre  à  venir  en  Po- 
logne ,  après  avoir  refufé  les  avanta- 
ges que  tant  de  Princes  lui  offroient 
pour  l'attirer  chez  eux.  Erafme  le  re- 
mercia par  une  très-belle  Lettré  (  i  ) ,    (b)  Ef}0. 
dans  laquelle  il  paroît  qu'il  eft  agréa-  '*•   ^  *}• 
blement  touché  de  l'cftime  d'un  fi 

Srand  Prince.  Il  fut  extrêmement  af- 
igé  fur  la  fin  de  l'an  1x27.  de  la 
perte  de  fon  grand  ami  Jean  Froben  ^ 

2ui  mourut  a  apoplexie.  Il  fit  pan  (c)  (c)  Mfift. 
e  fa  profonde  douleur  à  un  Chartreux  ^*  ^*  **»i 
de  fes  amis.  Il  aflure  qu'il  avoit  crû 
pouvoir  fupporter  avec  confiance  les 
accidens  ae  cette  vie  ;  mais  que  la 
mort  imprévue  de  Jean  Froben  l'avoit 
confterné  à  un  point ,  que  rien  ne  pou- 
voir foulager  la  trifteffe  dans  laquelle 
il  étoit  ;  que  le  tems  même  fembloit 
l'augmenter  ;  qu'il  l'aimoit  encore  plus 
pour  le  zèle  qu'il  avoit  pour  le  progrès 
des  Belles-Letttres  ,  que  pour  l'atta- 
f:hement  q^u'il  avoit  pour  lui.  Après 


.^ 


428  V  1  S 

avoir  fait  l'éloge  de  fa  candeur ,  de  li 
bîen-faifance ,  de  fa  douceur ,  »  Avec 
M  quelle  adreffe ,  continue  t  ilj  ne  cKer- 
0»  choit-il  pas  les  occafionsde  mefai- 

•  re  quelque  préfent  ?  Je  ne  Tai  jamais 
»  vu  fi  content,  que  lorfque  par  quel- 
wque  fineffe,  ou  à  force  de  prières  V 

•  il  m'avoit  obligé  de  recevoir  quel- 
•»  que  chofe.  J'étois  obligé  de  preiîdre 
•»  les  plus  grandes  précautions ,  &  dV 
9  voir  recours  à  toute  ma  Rhétorique 

•  pour  imaginer  quelque  raifon  de 
»  r  empêcher  de  fe  fâcher  lorfque  je 
»  le  refiifois  :  c'étoit-là  notre  dlfpute 
■•  continuelle.  » 

Froben  avoir  compté  qu'Erafme  lo- 
geroit  toujours  chez  lui  à  Bafle  :  ^ 
étoit  enchanté  d'avoir  chez  lui  un  anû 
qui  lui  étoit  fi  utile ,  &  dont  la  fociété 
etoit  délicieu{e;mais  Erafme  jugea  qu'il 
feroit  beaucoup  plus  commodément 
à  fon  particulier ,  que  fa  fanté  s'en 
trouveroit  mieux ,  &  qu'il  feroit  plus 
le  maître  de  fon  tems.  Il  fortit  donc 
de  chez  Froben ,  au  grand  regret  de 
cet  excellent  homme.  Il  ne  logea  que 
dix  mois  chez  lui  ;  &  pour  le  dédom- 
j^)  Epifl*  mager  (a  )  de  la  dépenfe  qu'il  lui  avoit 

14.  L.  10.  caufée ,  il  l'obligea  de  recevoir  cent 

£piJl,Bou>  cinquante  florins  d'or. 

Cette  fépairgtiçn  ne  çaufe  aucjn  tu 


ï>^  E  R  à:  s  M  f .  JLljjf 

Froîdiffcmentenrr'eux.  Erafme  célébra 
les  venus  de  Ton  ami  par  deux  Epita*-; 
phes.>  dont  l'une  eft  eh  Latin  &  l'au-^ 
trc  en  Grec  (  i  ).  Il  avoir  été  le  Par- 
rein  de  fon  fécond  fils  que  l'on  appel- 
loit  Joannes  Erafmius  Froben  :  c'eft  S 
lui  que  les  Colloques  font  dédiés.  H 
conferva  toujours  une  très-grande  ami- 
tié pour  la  famille  de  fon  cher  compe^ 
re  ;  c'eft  aînfi  qu'il  appelloit  Jean 
Froben  :  il  aida  Jérôme  Froben ,  TaiH 
né  de  fes  enfans ,  k  foutenir  l'honneu^ 

(  i)  Arida  Johannis  tegit  hic  Ufis  ojpi  PrM 
béni  : 
Orbe  viret  toto  nefcia  fama  mori^ 
Moribus  hanc  niveit  mtruît ,  Jludiifque  ji94 
vandi^  ; 
Qua  nmc  mœjla  jacent ,  orha  farenu  fu9^ 
Renulif^   ûrnavit  veterum  monumema  Sê^ 
fhorum  9 
Arre  »  ntani ,  r«r/x,  être,  favore,  fidei< 
Jîuîc  vitam  in  cmlis  date  j   numinajujlaf 
feretmem  : 
Fernos  in  terris  fama  per^nnit  erii* 

Le  fens  de  TEpigramme  Grecque  cft  i 
qn'on  né  doit  pas  pleurer  la  mort  d  ua 
homme  qui  s^eft  rendu  immortel,  par  (es 
vertus,  par  fa  réputation,  &  par  les  Ou-. 
jrrages  qu'il  a  communiqués  au  Public. 


4}o  V  I  H 

W  Appen^àc  cette  célèbre  Imprimerie  (a).  Uan* 

àix,Efift.  née  d'après  la  mort  de  Froben ,  c'eft- 

17.  Mait-â-dire  Pan  ijaS.  il  y  eut  encore  de 

faire ,  1. 1.  nouvelles  tentatives  de  la  part  de  l*An- 

Epifi.   80.'  g^^^^^^  pour  engager  Erafme  à  venir 

L.  19.  £- finir  fts  jours  dans  ce  Royaume.  Le 

piT?»  5f  •  L.  Roi  lui  écrivit  lui-même  (fc)  pour  le 

3'-  faire  rcflbuvenir  de  ce  qu'il  avoit  dit 

(b)  Epijl.  autrefois ,  qu'il  avoit  choifi  FAngle- 

79*     •  ^9'  t^rre  pour  être  Fazile  de  fa  yieillefle. 

(0  Eftfi.  il  raflfiira  (c)  qVil  lui  feroit  ua  fî  boi» 

jit  L.  %7.  parti ,  qu'il  auroit  tout  lieu  d'être  con- 

rent,  &  qu'il   regardera  comme   ua 

très  -  grand  bienfait  de  jouir  de  ion 

agréable  fociété,  &  de  pouvoir  avoir 

recours  à  fes  bons  conlèils  1  donc  il 

compte  faire  ufage.  ^  En  réuhifTant  nos 

•  travaux ,  continue  le  Roi ,  TE  van- 
»  gile  de  Jefus-Chrift  fera  mieux  dé- 
li  rendu.  Outre  le  grand  nombre  d  a- 
>  mis  que  vous  avez  ici ,  jfe  n  auroîs 
»  pas  de  peine  à  vous  unir  avec  tout 
a^ce  qu'il  y  a  de  plus  grand  ^ans  ce 
»  Royaume.  Si  c'eft  la  liberté  qui  fai§ 
»  Tobjet  de  vosdéfirs ,  je  vous  déclare 
3»  que  je  n'exige  ri^en. de  vous ,  &  que 
^  vous  ferez  le  maître  de  vivre  dans 

•  quelque  endroit  du  Royaume  que 
»  vous  fouhaiterez  dans  la  plus  gran- 
»  de  liberté.  Vous  me  trouverez  tou- 
»  jours  très  «  difpofé  à  vous  9ccorder 


d'Er  A  SM  !•  Jj^^t 

5  tout  ce  qui  pourra  contribuer  à  l'a-  / 

»  grément  de  votre  vie ,  &  à  la  tran- 
••quillité  de  vos  études.  Répondez 
»  donc  prbmptement  à  nos  vœux  j  ex«  i^ 
»  cellent  homme.  »  Quoique  dans  l'é- 
tat où  étoient  les  afiàires ,  Erafme  * 
ainfi  qu'il  l'écrit  à  Morus,  n'eût  d'autre 
reflburce  pour  être  tranquille  que  I9 
tombeau ,  il  envoya  cependant  en  An-^ 
gleterre  un  jeune  homme  qui  lui  étoit 
attaché ,  que  l*on  appelloit  Quirinus  i 
afin  de  conférer  avec  Tes  amis»  & 

"d'examiner  avec  eux  quel  parti  il  con- 
venoit  qu'il  prît.  C'^  ce  qui  retarda 

Ta  réponfè  au  Roi  ;  mais  en  attendant 
qu'il  la   fît,  il  pria  Morus  d'aflurer 

ie Roi  defa  reconnoiflTânce. 

Ce  ne  fut  que  fort  long-terns  après 
avoir  reçu  la  Lettre  de  Hfenri ,  qu'E- 

'rafme  répondit  à  ce  Prince  (a).  îl  (4)  Eptjl. 

Vexcufa  d'e' profiter  de  fa  bonne  vd-7j»  t.  *•. 

'lonté  fur  fdn  âge,  fur  la  ,f6ibleffede 

Ta  fanté,  fur  la  longueur  du  voyage;, 
fur  le  danger  dé  voyager -dans  un  t^nis^ 
où  les  chemins  étoient  remplis  de  vo- 

"leurs ,  fiir  la  fatig;ùe  que  lui  caufoit  la 

'navigation  ,  &  fur  les  bruits  tetribles 
de  guerre.  Il  ajoute  /  q'ûe  quoiqu'il  y 
ait  encore  .d^autrés'faifom  qui  le 'dé- 
tournent dé  ce  voyage  qu'il  ti'ofe  pas 
confier  à  des  Lettres ,  il  avoit  envoyé  , 


4^1  V  I  B      * 

un  de  fcs  Domeftiques  en  Angleter- 
re ,  afin  d'être  informé  de  la  fituation 
des  chofes  ;  que  depuis  qu'il  étoit  par: 
ti,  il  avoit  penfé  mourir  vers  les  Fê- 
tçs  de  Pâques  j  que  quoiqu'il  fût  re- 
venu de  cette  maladie  ^  fes  forces 
étoient  beaucoup  diminuées  ;  que  foa 
Domcftique  qui  étoit  revenu ,  lui  avoit . 
rapporté  qu'il  n'y  avoit  aucune  fureté 
dans  les  chemins  ,  qu'ils  étoient  rem- 
plis de  foldats,  qui  ne  refpeéloient; 
ci  amis  ni  ennemis.  Il  finit  en  témoi- 
gnant une  très-grande  fenfibilité  pour 
toutes  les  invitations  gracieufes  que  le 
Koi  lui  avoit  faites  de  venir  dans  Ton 
Royaume  :  il  rejette  la  caufe  du  délai 
de  fâ  Lettre  fur  ce  qu'il  avoit  voulu 
attendre  le  retour  de  Quirinus ,  afin 
de  ppuvoir  faire  une  réponfe  pofitive. 
[  Cette  Lettre  eft  datée  du  i  Juin  lyaS» 
prè$  de  dix  mois  après,  la  Lettre  de 
fïenri  VIIL  qui  avoit  été  écrite  le  i8 
Septembre  précédent. 

Outre  ces raifons  qui  pouvoient  être 
avouées  publiquement  ^  il  .y  en  avoit 
une  fecrette  dont  Erafmé  n'ofoit  rien 
dire  au  Roi.  Il  étoit  pourlors  quef- 
tion  de  la  granc^e  affaire  du  pivorce 
de  Henri  VlII.  avec  la  Reine  Cathe- 
rine. Le  Roi  n'auroit  certainement  pas 
manqué  de  vouloir  engager  Erafme  à 

y 


b'  E  K  A  s  M  E.  45'J 

y  prendre  part,  11  était  trop  attaché 
4  la  Reine d  Angleterre ,  pour  approu- 
ver les  odieux   procédés  du  Roi.  Il 
écrivit  à  Catherine  pendant  ce  grand 
procès  une  Lettre  (a)  qui  contenoit  (a)  Efifl.^ 
des  motifs  de  confolation  pour  cette  ^p*  L.  19*  , 
Princeffe  infortunée.  Il  fut  très-long - 
tems  à   croire  que  cette  afiàire  s'ac- 
commoderoit  (tw),  &  que  le  Roi  fe    (b)  Ept\ 
^concilieroit  avec  la  Reine.  L'atta-4j.  U  ij. 
chement  qu'il  avoit  pour  eux  ,  le  lui 
faifoit  efpérer  :  il  fut  trompé  dans  fes 
conjeftur^s. 

•  Les  ennemis  d^E^rafme  l'ont  accufé' 
de  n'avoir  pas  agi  avec  candeur  &  fin- 
cérité  dans  l'affaire  du  divorce.  >3  Dans 
»  cette  conjondure  délicate  ^  dit  l'un  . 
»  d'eux  (c) ,  où  les  gens  de  bien  fe  dé-  r<r)Crirîqu5 
»  clarerent  pour  Catherine  aux  dépens  d^^  Marfoi- 
»  de  leur  vie  ,  Erafme,  fiiivantrHif-ii^r>P-i^^- 
'^  torien  Sanderus,  '  joua  .des  deux  fe- 
^lon  fa  coutume,   &  n'inclinoit  de 
w'part  ni  d'autre  ,  de  peur  de  perdre 
»  les  bonnes  grâces  du  Roi  qui  étoit 
»  enivré  de  fa  paffion.  » 

On  ne  trouve  rien  dans  les  Ouvra- 
ges d'Erafœe,  qui  puiffe  faire  croire 
■qu'il  ait  donnéla  moindre  approba^ 
tion  à  la  conduite  du  Roi  dans  l'affaire 
du  divorce.  Il  fit  publiquement  (  d )  (,')gs;^. 
i'éloge  de  TEvêquede  Rochefter  &  de  4a.  l.  U» 
Tome  L  T 


4?4  V  lE 

Thomas  Manjs.,  après  qu'Us  eurent 
été  mia  à  Boort»  pour  i)'avoir  pas  ei> 
pour  Henri  une  çomplaifance  qu'ils  nç 
pouvoient,  concilier  ave^  leyr  çonf^ 

^  cience,  Da^nea  Goës  écrivit  à,  Erafnaç 

à  Toccalaon  <feçj»gwv3âs  4ifçou^s  qi4  £î 

tenoiem  à  cft  fuJQt  ;.  ^  voici  (a,)  ce 

(a)  Ef //?.  q^*£J.a^îi^e  liùrép<è^t,  »  Quj^ntfàce 

*^-  •^'  *7  3J,  q^^  yQ^3  g|ç  ï^n4e?;  >  qu^  quelqaesf 
»un&  omï  dit  à  Ltouvain  que  f  étojji^ 
»  pour  ceux  qui  approuvent  Iç  divorcç 
V  du  Roi  j  ^  &  que:MQi|s.feri§z  hien;^ç 
a»  de  favoir  ce  qu'il  leur  faytrépomjr^j» 
»vous  n'me'à  qu'à  leur  dir«  ce  ve^fec 
»  du  Ffigabrane»:  Lours  d^m^  ignt  do? 
»  flécbes.;  leur  langue  eft:  une  ép^ç 
>x  tranehantet  .  Je  lUi§  fei^  peçfc^dé 
31  qu'aucuB  ho0)iï)p  grave  n*a  pu  tenir 
*  un  pareil  difçour5  ;  il,n'^  pu  vep'y: 
ji  ao  que  de  jQea  bavarda  caui^iques  do$ 
w  le  monde,  eit  retjPkpU.  J^ai^is  pw 
g».fanne  ne  iia.'a.  entec^d»!  approuver;  b 
m  Roi  ou  le  d^lapprouv^r  ;  jf'ai.tour 
»  joiira  téaioigné  que,  j'étQis  très-fâché 
35  que  ce  Prince  ,  d'ajUe^rs  très-hen* 
H.  rewx  ,  fe  fut  j^itté  diic^Si  c^  l^yfin- 
xthe»  Je  fojuhaiioi»  qu'il  fife.tpj^joui? 
«  en  boftnç  iiitdligence  avec.l'^.mpe- 
»  reur ,  parce  que  JQ  crpyojs;  qpg  cett|S 
»  union  écoit  nécefl&ire  pour  najuntcnir 
A  la. tranquillité  publiquoi*  N'y  auroif! 


d'E  »  A  s  ME.  417 

m  il  pas  eu  de  la  témérité  &  de  la  fo- 
9  lie  à  Hioi  9  de  décider  une  queftion 
Cl  fi  difficile  fan5*en  être  requis  ^  lorf- 
»  que  les  plus  habiles  gens  d* Angle- 
»  terre ,  &  le  Légat  Apoftolique  Lau- 
«•rent  Campege  très-habile  Jurifcon- 
»  fuite,  différoient  de  donner  leur  ju- 
»  geraent  ?  J'aime  avec  raifon  le  Roi 
9  d'Angleterre,  ayant  reçu  tant  de 
épreuves  de  fes  bontés,  quoique  de- 
»  puis  le  commenceiùent  de  cette  af- 
»  faire 'il  ne  m'ait  fait  aucun  bien. 
»  Quant  à  la  Reine ,  je  l'aimois  &c  je 
1»  l^aime  encore  pour  plufieurs  raifons  ; 
»  &  fi  je  ne  me  trompe ,  je  fuis  en  cela* 
»  d'accord  avec  tous  les  gens  de  bien. 
»  Je  crois  même  que  le  Roi  ne  la  hait 
•  pas.  Comment  aurois-je  été  affez 
a»  mal  confeillé  pour  n^  mêler  de  moi- 
»  même  dans  une  affaire  (1  odieufe ,  à 
»  laquelle  je  n'aurois  pas  voulu  pren- 
9»  dre  part  ,  quand  même  j'en  aurois 
9  été  prié  &  prelfé  f  Aucun  Prince  ne 
m  ma  demandé  mon  fentiment.  Il  eft 
••bien  vrai  qu'il  y  a  deux  an»  que  deux 
m  Seigneurs  de  la  Cour  de  l'Empe- 
»  reur  me  preiferent  pourfavoir  ce  que 
p  je  penfois  fur  cette  matière  :  je  leur 
I  répondis ,  ce  qui  étoit  vrai ,  que  je 
»  ne  l'avois  jamais  examinée.  Ils  s'en 
►  allèrent,  après  m'avoir  alfuré  que  ce 
^        -^  Tij 


4^5  Vie 

w  n'étoit  point  par  ordre  de  l'Empc- 
»  rcur  qu  ils  étoient  venus  chez  moi. 
n  Depuis  nul  mortel  ne  m*a  fait  au-. 
»  cune  queftion  fur  cette  aflfeire.  » 

Tandis  qu'on  le  recherchoit  de  toutes 
parts,  &  qu'il  pré  voyoit  qu'il  feroit 
bientôt  obligé  de  fortir  de  Bafle ,  il 
reçut  une  Lettre  de  François  Afula- 
niis,fils  d'André  beau-pere  d'Aide  Ma- 
nuce  ,  qui  lui  recommandoit  un  jeune 
homme  de  Tréfile  >  &  le  prioit  de  di- 
riger fes  études.  Erafme  liii  .fit  ré- 
pçnfe  vers  Pâques  de  Tan  lysS.  *Il 
lui  mande ,  qu'il  avoit  toujours  eu  de 
Faverfion  pour  fe  mêler  de  l'éduca- 
tion des  jeunes  gens  ;  que  fon  mauvais 
génie  Tavoit  engagé  dans  cette  défa- 
gréable  occupation  lorfqu  il  étoit  à 
Boulogne  ;  mais  que  préfentement  fa 
iànté  ne  lui  permettoit  pas  de  fe  don- 
ner ces  foins ,  non-plus  que  la  fitua- 
tion  des  affaires ,  qui  paroiflbient  faire 
craindre  de  grands  orages.  Il  le  ren- 
voie à  fon  ami  Glareanus  beaucoup 
plus  propre  que  lui  à  cette  fonftiôn. 
(a)  E/>//?.  Il  ^to^^  Profeifeur  à  Bafle  (a)  ci  il 

13.  t.  i9p 

*  Cette  Lettre  n'a  Jamais  été  imprimée  : 
M  le  Cardinal  Paflîonei  a  eu  la  bonté  i!e 
la  faire  copier  fur  un  manufcrit  rfe  la  Bi-! 
bliotheç^ue  Vatica^ne ,  ôc  de  me  l'envoyer. 


.    d*Er  AsMS.  437 

enfeîgnoit  avec  fuccès.  Il  avoit  reçu 
dans  fa  jeuneffe  la  couronne  Poéti- 
que {a)  Hes  mains  de  l'Empereur  W  ^H/'- 
Maximilien  :  il  écrivoit  très-bien  ;  il^*  ^*  *• 
avoit  de  l'érudition  ,  du  génie  ;  il  fa- 
voit  bien  l'Hiftoire,  la  Cofmogra- 
phie ,  la  Mufique  &  les  Mathémati- 
ques ,  ainfi  que  nous  Tavons  déjà  re- 
marqué. 

Cette  même  année  lyaS.  Erafme 
eut  une  affeire  très-défagréable  ,   &  ^ 
même  humiliante  pour  un  homme  de 
fon  âge  &  de  fa  réputation.  Il  avoic  -^ 
fait  connoiffance  avec  Henri  Eppen- 
dôrff,  que  George  Duc  de  Saxe  avoic 
chargé  de  lui  porter    un  préfent  ; 
c'étoient  trois  lingots  d'argent ,    qui 
avoient  été  tirés  des  mines  du  Prince. 
Erafme  eif  le  remerciant ,  parle  d'Ep- 
pendorfF  (b)  comme  d*un  jeune  hom-  W  ^p^ff* 
me  d'un  caraâtere  admirable.  Le  Duc'^*  *  *®* 
George  en  conféquence    de   l'éloge  *  '^' 
ou'Erafme  en  faifoit,  lui  fit  une  grati- 
fication (c)    pour  le  mettre  en  état  (0  ^pîfi* 
d'achever  fes  études.    Il  alla  à  Fri-^^^^^«*'** 
bourg  ,  où  aulieu  d'étudier ,  il  fe  li- 
vra à  la  débauche  &  à  la  crapule.  Il 
fit  des  efcroqueries  à  un  point  qu'il 
ut  obligé  d'en  fortir.  Il  vint  à  Bafle  ; 
il  s'introduifit  chez  Erafme ,  qui  n'étant 
point  informé  de  cette  mauvaife  con- 

Tiij 


l 


438  Vie 

duite  j  le  prit  en  amitié.  Il  avoit  une 
grande  inclination  pour  les  Luthé- 
riens ;  &  voyant  qu'Erafflie  ne  vou- 
loit  point  fe  livrer  au  parti  des  Nava- 
teurs  ,  il  lui  rendoit  fourdement  tous 
les  mauvais  fervices  qui  dépendoient 
de  lui  :•  il  en  difoit  tout  le  mal  pof- 
fible.  Ce  fut  lui  qui  aigrit  Hutten 
contre  Erafme ,  qui  ayant  enfin  décou- 
vert les  perfidies  d'Eppendorff,  crut 
devoir  en  donner  avis  au  Duc  George. 
Il  manda  donc  à  ce  Prince,  qu'il 
feroit  très -bien  de  rappeller  Eppen- 
dorfF,  qui  faifoit  un  très-mauvais  uïagc 
de  fon  tems.  Il  lui  faifoit  entendre , 
qu'il  étoit  très-livre  à  la  Éa6li<?n  des 
Evangéliftes  ,  c'eft-à  dire  des  Luthé- 
riens ,  que  le  Duc  George  détefioit. 

Cette  Lettre  étant  tombée  on  ne 
fait  point  par  quelle  voie  entre  les 
mains  d'Eppendorff,  il  fe  prépara  a 
faire  affigner  Erafme  en  réparation 
d'honneur  ,  &  à  lui  demander  des 
dommages^  intérêts  :  il  lémcnaçoit 
d'en  venir  à  des  voies  de  fait,  fiEraf" 
me  ne  lui  faifoit  pas  fatisfadion.  Ses 
amis  lui  confeillerent  de  s'accommo- 
der ,  &  fur-tout  d'éviter*  d'avoir  un 
{>rocès  dans  un  Tribunal ,  où  on  par- 
oit  une  Langue  qui  lui  étoit  incon- 
luie ,  &  dont  les  Jugçs  livrés  aux  nott« 


b'E  H  A  s  M  E.  43P 

Veiles  ôpihions ,  feroient  plus  favora- 
bles à  foti  aàverictire  qu'à  lui.  Erafme 
confentit  de  voir  chez  tui  Eppendorf 
en  préfefKre  de  Rhenanas  ôc  de  Lom« 
Berus.l  La  Lettre  <jui  faifoit  le  fujec 
de  la  querelle  fut  -montrée.  Erafine  la 
défavoua  :  il  prétendit  qu'elle  n'étoit 
point  de  fon  ëcritulie,  &  que  d'ailleurs 
elle  n'étoilpas  fignée;  ceiqui  en  ôtoit 
toute  l'autorité.  Ces  raifons  ne  firent 
aucune  ittipreflîon  fur   EppendorfFi 
4t  comrhe  û  fe  fentoir  fort  ému  ,  il  de  • 
manda  jufqu'ôu  lêndemainpour  donner 
les  conditions  auxquelles  il  confentoit 
d'oublier  ce  qui  s'étoit  paifé.  Effedli- 
vement  le  lenaertiain  il  apporta  à  Rhe- 
fianus  tin  écrit  qui  fut  communiqué  à 
Erafme ,  dans  lequel  il  difoit  ,    i""* 
Qu*Erafme  Tayant  perdu  d'honneur  par 
une  Lëtye  écrite  à  un  Prince  qui  avoit 
fur  lui  droit  de  vie  &  de  mon,  &  par 
d'autres  Lettres  écrites  à  divers  par- 
ticuliers ,  il  étoit  ftédeffaire  qu'il  réta* 
blît  fa  béputatiort  ^  ce  qui  ne  pouvoir 
fe  faire  cotiveïiafcleiôéftt  que  par  une 
EpîtrèDédicatoîre' qu'il  lui  addreffe- 
roit ,    &  dans  laquelle  il  lui  feroit  des 
réparations  fur  teut  le  mal  qu'il  avoit 
dit  contre  lui. 

2"^.    Qu'Erafrrte   écrîroit  au  Duc 
OeoT^-uhe  Lettre  iJUi  pût  être  lue  à 

T  iiij 


44^  Vie 

fa  Cour  ^  dans  laquelle  il  fe  rétraôe* 
roit.  EppendorfF  exigeait  que  cette 
Lettre  lui  feroit  montrée ,  afin  qu'il 
examinât  fî  par  des  expreiCons  indi- 
redes,  Erafme  ne  lui  faifoit  pas  plus 
de  mal  que  de  bien. 

3^  Il  demandoit  gu'Erafme  fût 
condamné  à  cent  ducats  aamende  pour 
les  |)auvresJe  Fribourg ,  &  à  deux- 
cens  pour  ceux  de  Strasbourg ,  dont 
la  diftributiojr feroit  faite  par  Ep^en- 
dorff  fui  van t  fa  volonté.  Cet  écrit  fi« 
niffoit  par  ces  termes  :  »  Si  Erafme  re- 
»  fufe  ces  conditions ,  qu'il  fâche  que 
»  j*aime  mieux  m'expofer  à  perdre  la 
»  vie  que  la  réputation.  » 

Erafme  répondit  à  ce  mémoire  , 
qu  il  ne  croyoit  point  avoir  écrit  la 
Lettie  dont  EppendorfF  fe  plaignoitj 
qu'il  fe  fouvenoit  feulement  d'avoir 
mandé  au  Duc  George  ,  qu'il  feroit 
bien  de  donner  un  emploi  honnête 
à  EppendorflF,  pour  le  tirer  de  l'ôi- 
fiveté  dans  laquelle  il  vivoit.  Quant  à 
TEpître  Dédicatoire  ,  qu'il  ne  fe  fe- 
roit pas  de  peine  d'en  faire  une  à 
EppendorfF  ,  s'il  fe  réconcilioit  fin- 
cérement  avec  lui  j  qu'il  lui  accorder 
roit  même  des  chofes  plus  importan» 
tes ,  s'il  pouvôit  compter  fur  fon  ami- 
tié.   Il   promcttoit  d'écrire  au  Duc 


d'Erasme;  44.1 

George.  Quant  à  l'amende  pour  les 
pauvres,  Erafme  difoit  qu'il  prëcen- 
doit  être  le  maître  de  fes  aumônes  , 
&  qu'il  les  feroit  quand  Dieu  lui  en 
infpireroit  lapenfée. 

Le  mémoire  d'EppendorfF  &  la 
rëponfe*  d'Erafme  furent  mis  entre  les 
mains  dcRhenanus  &  d'Amerbac ,  qui 
avoient  été  nommés  arbitres  de  cette 
difcution.  Ils  décidèrent  qu'Erafme 
accorderoit  l'Epître  Dédicatoire  ; 
•  qu'il  écriroit  au  Duc  George  ;  qu'il 
donneroit  vingt  florins ,  qui  feroient 
diftribués  aux  pauvres  par  les  arbitres  , 
fans  que  cette  aumône  tirât  à  confé- 
quence  ;  que|  la  réconciliation  feroit 
fincere  »  &  qu'EppendorfF  fuppri- 
meroit  ce  qu'il  avoir  écrit  contre 
Erafme.  Cette  fentence  arbitrale  eft 
datée  du  3  Février  I5'28. 

Les  deux  partis  l'approuvèrent  & 
la  {îgnerent(a)  :  ils  burent  dans  le  {«)  ^ifi* 
même  gobelet ,  &  rompirent  entr'eux  ^^'  ^'  l^* 
un  morceau  de  pain  ;  ils  fe  donnèrent 
la  main.  Il  y  eut  un  grand  repas  de  ré- 
conciliation. EppendorfF  prêt  à  for- 
tir  de  B^fle  vouloir  avoir  la  Lettre  pour 
le  Duc-Oeorge  ;  Erafme  la  promit  ainft 
que  TEpître  Dédicatoire.  L'accom- 
modement paroiflfoit  prefque  confomr 
jTiC;    lorfqu'Erafme  apprit  qu'Eppea- 

Tv 


44^  Vis 

^orfF  difoit  publiquement ,  qu'il  avok 
obligé  Erafme  de  fc  loumettre  à  des 
conditions  que  lui  EppendorfF  n'au- 
roit  pas  voulu  accepter  pour  trois 
mille  écus  :  il  envoya  un  de  fesdomef- 
tiques  répandre  le  'bruit,  qu'Erafme 
avoit  été  condamné  à  Bafle  à*  Tamen- 
de,  &  à  écrire  contre  lui-même. 

Erafme  informé  de  ce  qui f^ difoit, 
fit  un  Ouvrage  (  i  )  pour  fe  juftifier. 
11  y  prétend  que  s'il  a  accepté  lescoa- 
ditions  diftées  par  les  arbitres  3  c'étoic 
pour  le  bien  de  la  paix;  qu'il .n'étoit 

{>ôiht  convenu  que  la  Lettre  qu'on 
ui  reprochoit  fut  de  lui  ;  qu'il  fe 
pourroit  faire  qu'elle  eût  été  fuppo- 
lée ,  ou  du  moins  altérée  j  que  le  Duc 
George  avoit  lui-même  écrit  à  Ep- 
pendorfF que  dans  la  Lettre  qu'Eraf- 
me  lui  avoit  écrite ,  il  n'y  avoit  point 
ces  phrafes  injurieufes  dont  fe  plair 
gnoi  t  EppendorfF. 

Comme  il  ne  ceffoit  de  mal  parler 
d'Erafme ,  celui-ci  ne  crut  plus  être 
obligé  de  remplir  la  condition  de 
l'Epître  Dédicatoire.  Les  amis  d'Ep- 
pendorff  crièrent  à  la  p^îdie  : 
Erafme  répondit  que  la  cdBuite  de 

C  I  )  Uiilis  éiâmonttio  adyersiu  mindA- 


D*  E  R  A  s  M  E.  443 

fon  adverfaite  le  juftifioit  aflez  ;  que 
cependant  il  étoit  dans  Tint^tion  de 
donner  cette  EpîtreDédicatoire,  dont 
.le  tcms  n'a  voit  pas  été  fixé  ;  mais  que 
ce  ferolt  quand  Eppcndorff  cefleroit 
de  mal  parier  de  lui.  C'eû  ainfi  que 
fe  tetmina  cette  prétendue  réconcilia» 
tion.  EppendorfF  fit  imprimer  quel» 
^ue  tertïs  après  on  Livre  en  réponfe  à 
celui  d'Ërafme  (  î  )  s  c'eft  dans  cet 
Ouvrage  que  la  batardife  femble  avoir 
été  reprochée  pour  la  première  fois  à 
Erafmé  (a).  ^  (a)  Biîb 

Le  Duc  George  ne  rendit  point  fes  "p^^  \^  vi - 
bonnes  grâces  à  EppendorfF:  il  man-  ^.  ^^^^^^^^^ 
da  à  Erafme  {b)  qu'il  ne  vouloir  plus   //^n  ^y^^^ 
Voir  cet  avanturief;  &  il  luiconfeilla34p.  Af* 
de  ne  point  fe  commettre  avec  un  tel  ftnd. 
perfonnage. 

Cependant  Erafme  fe  trouvoit  pour-* 
lors  dans  uh  très-grand  embarras.  La    . 
faveur  que  le  Luthéranifme  trouvoit  à 
Balle,  lui  en  avoit  rendu  lé  fëjow  peu 
agréable  (r)  ;  il  'v<>uloit  abfolurrient    (^j  £p/y?, 
enfortir.Les  Novateurs  leméprifoient,  Go^lenia. 
comme  un  homme  qui  n'dvoit  pas  le 
courage  de  fe  déclarer  pour  la  vérité. 

C  f  )  Ad  D.  Erafmi  Roter od ami  It hélium  » 
ctti  titti^us  :  adversiis  mendacium  &  obtrecr 
iruà)onsm  uttlis,  adrfjotimo* 

Tvj 


444  Vie 

Les  Catholiques  d'un  autre  côté  luî  re* 
prochoient  de  refter  dans  une  Ville,  qui 
prenoit  publiquecaent  le  parti  des  nou- 
velles opinions.Dans  ces  peines  d'efprit, 
il  écrivit  à  GocleniuSjProfeflfeur  àLou- 
vain,  fon  intime  ami  ( i  )  :  h  Si  j'avois 
•  connu  le  génie  &  la  perfidie  des  Al- 
»  lemands ,  j'auroïs  mieux  aimé  aller 
»  chez  les  Turcs  que  de  venir  ici.  Mon 
»  parti  eft  pris  de  me  retirer  de  Bafle. 
8»  Je  fuis  invité  d'aller  en  France  ;  on 
»  m'y  fouhaite  avec  paflîon  :^on  me 
»  fait  les  plus  belles  promeffes  pour 
»  m'y  attirer  ;  mais  je  crains  que  le 
.  n  Printems  ne  foit  affreux  pour  les 
a»  François,  tant  l'efp rit  de  l'Empereur 
»  eft  irrité.  Le  Pape  mefavorife,  auflî- 
»  bien  que  tous  ceux  qui  ont  le  plus 
»  de  crédit  fur  fon  efprit  ;  mais  je  crains 
»  d'être  obligé  d'entrer  dans  des  dif- 
»  putes  de  controverfe  :  d'ailleurs  je 
»  ne  vois  pas  trop  que  je  puiffe  être  en 
»  fureté  dans  un  Pays  oîx  règne  Aléan- 
»  dre  mon  ennemi  caché.  Je  défiré- 
»»  rois  aller  à  Padoue  ou  à  Veniifè  ; 
»  mais  on  me  feroit  venir  à  Rome.  Je 

(  I  )  M.  le  Clerc  place  maUà  -propos  cette 
Lettre  Fan  1515.  puifqu^il  y  eft  parlé  de 
la  difcuffion  avec  FppendoriF,  qui  eft  cer- 
tainement de  l'an  15^8.  Bik,  cho'Jie  ^  f*^* 


d'  E  R  A  s  M  e;  445* 

a»  fefteral  encore  ici  en  vironhuit  jours, 
»  &  enfuite  je  prendrai  mon  parti.  >> 

Erafme  écrivoit  cette  Lettre  dans  le 
tenas  que  Charles  V.& François  I.Vin- 
fultoient  publiquement  par  des  écrits 
indignes  de  la  Majefté  de  fi  grands 
Princes  (a)  ,  &  vouloient  faire  croi- f^jy^Rapîn 
re  qu'ils  avoient  le  deffein  de  finir  leur  Thoiras ,  t. 
querelle  corps  à  corps  par   un  com-  S»  p*  *53« 
bat  fingulier. 

La  révolution  qui  arriva  ii  Bafledans 
le  mois  de  Février,  obligea  enfin  Eraf- 
me d'en  fortir.  Il  y  avoir  déjà  long- 
tems  que  la  nouvelle  Religion  y  avoic 
fait  de  grands  progrès  ,  lorfque  le  8 
Février  iy2p.  (  i?)  les  Luthériens  af-  (b)  Ama- 
femblés   dans   l'Eglife   des  Jacobins /^J  Sculte^ 
députèrent  au  Sénat ,  pour  demander^'-  ^îfl^i^' 
que  les  S.énateurs  zélés  pour  la  Reli-^^'^J    ^^é'. 
gion  Catholique  fuffent  dépofés.  Les  j^n ,  1,  ém 
Mutins  s'étoient  emparés  des  Places 
publiquesde  la  Ville ,  fans  néanmoins 
être  armés.    Le  Sénat  répondit  qu'il 
confentoit  que  les  Sénateurs  dont  on 
étoit  mécontent  ,   n'affiftaffent  point 
aux  délibérations  dans  lefquelles  il  fe- 
roit  queftion  de  Religion.  Cette  ré- 
ponfe  n'ayant  point  fatisfait  les  mé- 
contens  ,   le  Peuple  qui    étoit  dans 
leur  intérêt ,  prit  le  deifein  de  chan- 
ger le  Gouyeroement j  il  s'arma^  & 


44-^  Vie 

s  empara  de$  Tours  &  des  Portes. 
Le  lendemain  quelques-uns  des  mécon- 
tens-à  qui  le  foin  de  1^  patrouille 
avoir  été  commis ,   entrèrent  daûs  \i 

Îrincipale  Eglife  »     renverferent  les 
mages  &  les  figures  des  Saints  ;  ce 
qui  ayant  été  fçû  dans  la  Ville ,  on  vit 
auflîtôt  accourir  trois- cens  hommesar- 
mes ,  qui  btilerent  les  Statues ,  Figu* 
gures  &  Images  qui  avoient  été  épar* 
gnées  :  ils  allèrent  en  faire  autant  dans 
les  autres  EgUfes.  En  même-teîns  douze 
des  Sénateurs  les  plus  zélés  pour  la  Re- 
ligion Catholique  furent  dépofés;  &  il 
parut  un  Décret,  portant  que  la  Mclfe 
.leroit  abolie ,  &  que  Ton  ne  (buffriroit 
plus    d'Images   dans    les  EgHfes  de 
jBafle  Se  dans  le  reflfort.  îl  fut  de  plu^ 
ordonné  ,  qu'à  Tàvenir  lorfqu'il  s'agi*^ 
roit  de  la  Religion  ,    ou  de  quelque 
affaire  très-confidérable  ,     le  Sénat 
ièroit  obligé  d'admettre  à  {es  délibé- 
rations deux- cens  foixante  Citoyens. 
Le  f  G  Février ,  qui  cette  année  étoic 
le  iour  des  Cendres ,  les  Statues  furent 
diftribuées  aux  pauvres  ^  afin  qu'ils  ert 
filTent  du  feu.  Cette  diflriburion  ayant 
caufé  quelque  tumulte ,    il  fut  réglé 
qu'on  les  bruleroit  publiquement  ;  ce 
q;ui  fut  exécuté  dans  neuf  bûchers  de* 
vanc  la  principale  Eglife. 


I^'  E  R  A  s  M  E.  447 

Le  12  Février  deux-cens  foixante 
Bourgeois  furent  aflbciésau  Sénat;  le 
23.  la  Ville  approuva  fans  aucun  tu* 
multe  tout  ce  qui  venoit  d'être  fait. 
Cette  révolution  (a)  (e  fit  fans  qu'il  (a)  Efîfl. 
y  eût  du  fang  répandu ,  ni  aucune  mai-  6.  L.  iz. 
ion  pillée.  Un  des  prinapaux  M agif- 
trats  (  t  )  jugea  à  propos  de  fe  fauver  ^b)  Epjl. 
la  nuit  ;  c'étoit  celui  qui  ivoit  le  plus  13.  L.  24* 
à  craindre ,  parce  que  c'étoit  lui  qui 
avoit  témoigné  un  plus  grand  zélé  con- 
tre les  progrès  delà  nouvelle  Religion. 
Ses    ennemis    ne  le   menaçoient  pas 
moins  que  de  le  pendre  dans  la  place 
publique. 

Pour  lors  Erafme  réfolut  très-fé- 
rieufement  de  fortir  de  Bafle  fecrette- 
ment  ;  mais  il  étoitembarraffé  du  choix 
de  fa  retraite.  Il  exprime  l'état  critique 
de  fa  (ituation  dans  une  Lettre  écrite  au 
Cardinarde  Trente  le  24  du  mois  de 
Février  i  y2p.»  Votre  prudence,luidit- 
jpiLpeut  bien  conjeâurer  dans  quel  état 
»  je  me  trouve.  Ce  n'eft  pas  que  j'aye 
a>  à  craindre  de  la  Magiflrature  ;  mais 
»  il  y  a  d'ailleurs  tant  de  populace  dans 
»  cette  Ville,  j'y  ai  plufieurs  ennemis.Ii 
»  eft  vrai  que  j'y  ai  auflî  quelques  amis  i 
*>  nrais  leur  créait  eft  bien  peu  confidé- 
»  rable  dans  ces  circonftaçces-ci,  Je 
w  youdrois  bien  que  mes  amis  puflent 


44*^  Vie 

»  me  procurer  une  Lettre  du  Roi  Fer- 
»  dinand  ,  qui  m'appelleroit  auprès 
»  de  luii  comme  s'il  vouloir  m'em- 
»  ployer  à  fon  fervice  ;  j'efpére  que 
»  moyennant  cela  il  me  feroit  plus  fa- 
»cile  de  fortir  d'ici.  Il  n'y  a  point  de 
»  Ville  que  j'aimaflTe  autant  que  Spire; 
»  mais  je  crains  que  ma  mauvaife  fanté 
»  ne  puifle  pas  s'accommoder  d'un  en- 
^  droit  (î  tumultueux ,  &  où  il  y  a  tant 
»  de  Princes.  Fribourg  n'eft  pas  loin 
••  d'ici  ;  mais  c'efl:  une  petite  Ville  dont 
»le  Peuple  eft  fort  fuperftitieux  Jl  y  a 
»tîéja  long-temsque  je  ne  puis  pas  man- 
»  ger  de  poiflbn  fans  mettre  ma  fanté 
»  en  grand  danger;  &  quoique  j'aye 
»  une  permiflîon  du  Pape  de  .manger 
<c  gras  les  jours  maigres ,  le  petit  Peu- 
»  pie  ne  laifleroit  pas  de  fe  Icandalifer 
30  &  décrier,  lorf qu'il  fauroit  que  je 
y*  n'obferve  pas  la  loi  du  maigre ,  quel- 
w  que  bonne  raifon  que  j'en  aye.  » 
Lorfqu'il  fouhaitoit  d'avoir  une 
(a)  Epi/?«  Lettre  du  Roi  Ferdinand ,  (a)  ce  n'eft 
37-  ^«  i^«  pas  qu'il  voulûtaller  à  Vienne  :1a  lon- 
gueur du  voyage  &  fa  mauvaife  fanté 
l'en  détournoient  ;  mais  il  ne  cher- 
choit  qu'un  prétexte ,  pour  irtipofer  à 
ceux  qui  auroient  voulu  le  forcer  de 
r^fter  à  Fribourg.  Il  eut  quelque  def- 
fein  d'aller  s'établir  à  Befançôn  :  il  y 


D*  E  R  A  s  m'  e.         449 
envoya  quelqu'un  de  confiance  ,  qu'il 
chargea  de  s'informer  des  amis  qu'il 
y  avoit  s'il  convenoit  qu'il  s'y  fixât  ; 
ils  lui  confeillerenf  de  choifir  un  au- 
tre endroit  pour  plufieurs  raifons  j  dont 
la  principale  étoit  (a)  qu'il  y  avqit   («)  Efîfl^ 
pour  lors  de  la  divifion  entre  le  Cler-  i^i-^»  ^^ 
gé  &  la  Magiftrature.  On  foupçon- 
noit  dans  Bafle  qu'il  en  vouloit  fortir  ; 
&  l'on  en  étoit  très-fâché  :  cependant 
fa  réfolution  étoit  prife  ;  &  il  fe  déter- 
mina enfin  à  donner  la  préférence  à  la 
Ville  de  Fribourg  en  Brifgau.   Il  y 
avoit  dans  cette  Ville  un  hojnme  d'un 
rare  mérite  ,     qui  depuis  très-long- 
tems  lui  étoit  fort  attaché  j    c'étoit 
Udalric  Zafius ,  un  des  plus  célèbres 
Jurifconfultes  de  fon  fiécle.  Il  joignoit 
(i)  à  une  profonde  connoiffancc  du  (^)  Bptjl^ 
Droit  beaucoup  de  littérature.  C'étoit  3^'»  L-  !• 
la  candeur  même  (c)  |&  l'ami  le  plus    (^) ^fifi* 
généreux.    Il  y  avoit  long  tems  qu'il  l^'.yT'  ^^ 
vivoit  avec  Erafme  dans  la  plus  grande  ^  *^  '       ' 
union  ,  &  qu'il  avoit  pour  lui  une  ef- 
time  fmguliere.  Dès  Tan  1 5 1  y*  il  avoit 
le  plus  grand  défir  de   voir  Erafme. 
Cette  année ,  mariant  une  de  fes  filles , 
il  lui  écrivit  {d)  pour  h  prier  de  venir  (d)  Eptjh 
aux  noces  :  il  lui  ofFroit  l'a  maifon  ,  &  33-    -^JP* 
de  payer  les  frais  du  voyage  ;  &  il  l'aft  P^"^* 
fiiroit  que  rUniverfité  leroit  comblée 


J 


4î"<3^  Vie 

de  joi^  fi  elle  pou^oit  le  voir.  Les  2lU 

W  Epi^. foires  d'Erafme  («)  ne  iui  ayant  pas 

?^'  -permis  de  facisfaire  aux  envpr^flfemôns 

de  Zafius ,  celui-ci  le  foUicita  encore 

très*viveaient   de  venir   à  Fribourg 

.  WEpifi.Yznnée  fui  vante  ;    il  lai  déclare  (b) 

#4»  L.  z.  q^'ii  y  ^[\  fi  ^éfivé ,  que  Ton  ne  man- 

Guèroit  pas .  d'écrire  fur  les  Regiftfes 

de  l'Uni verficé  qu'Erafme  étoit  venu 

à  Fribourg,  s'il  vouloit  avoir  cette 

complaifance,    11  céda  enfin  à  fes  em- 

preffemens;  &  Zafius  en  fut  fi  enchanté^ 

ÎO  Epi/Ï. qu'il  difoit  (c)  au'il  n'âvoit  plus  de 

38,  L.  3.    regret  à  h  vie  depuis  qu'il  avoir  va 

-Erafme^ 

Cependant  avant  de  fe  fixer  dàn* 

Fribourg,  il  Voulut  examiner  par  lui* 

mêoie  fi  le  féjour  lui  en  convîen- 

■  j.  _  .-  droit.  Il  y  fit  deux  courts  voyages  (d) 

ioi^T&^^^^  les  mois  de  Février  &  de  Mars 

1054.*       de  r^n  lya^.  Ce  fut  aj^a^emment 

:  dans  un  de  ces  deux  voyages ,,  qu  il 

eut  cette  gracieufe  réception  dont  il 

eft  parlé  dans  une  Lettre  de  François 

(f)  Crenii  Falaix  (  e  ).  Les  Magifltats  ,  la  No* 

'Animad.     WeiTe ,  l'Univerfité  allèrent  au  devant 

fart,  f .  f.  de  lui ,  lui  firent  les  compUmens  les 

^*'®*         plus  flatteurs',  l'appellant  Tappui  & 

fe  protecteur  des  Etudes*  Les  Magif" 

trats  lui  firent  préfent  d'un  gobelet 

de     vermeil     travaillé    avec    beaa^ 

jçoup  d'art.    Le  Collège  lui  donna 


» 


d*Era.smh,  45*1 

ui\e  ceinture  dorée ,  qui  ne  cédoit  en 
rien  au  gobelet  ;  &  lorfqVil  fortit  de 
Fribourg  ,   quelques  Gentilshommes 
l'accompagnèrent  jufqu  aux  portes  de 
Bafle  :  il  avoit  été  défrayé  de  toute  fa 
dépenfe.  Ce  petit  féJQur  de  Fribourg 
le  détermina  a  donner  la  préférence  à 
cette  Ville.  Rhenanus  a  prétendu  (a)   (a)  Ëfifii 
que  Bernard  de  Gles ,   Cardinal  de  «^^»^Y* 
Trente  ,    avoit  contribué  à  lui  fair«  ^-  ^^^^ 
choifir  cette  Ville  qui  étoit  de  la  do- 
mination du  Roi  Ferdinand  »   dont 
TEvêque  de  Trente  protefteur  d'Eraf- 
me  étoit  Chancelier,   Si  ce  fut  ave# 
beaucoup  de  peine  {h)  que  les  bon-    (h)^tifi* 
nêtes  gens,  même  ceux  dont  il  n'ap-  **•  ^'  *^' 
prouvoit  pas  les  dogmes  ,    le  virent 
4ans  la  réfolution  d'abandonner  Bafle, 
il  en  eut  aufli  beaucoup  de  regret;  & 
il  le  témoigna  publiquement  (c)  par    (e)  EfiJI. 
quatre  Vers  qu'il  fit  lorfqu'il  en  fortit  lo.  L.  a. 
(  I  )  ,  dans  lefquels  il  déclare  qu'il  y  a  M.  Adam, 
pafifé  fort  agréablement  le  tems  qu'il 

{i)  Jétm^  Baflca^  vale^  quâ  mvnUrbt aU 

tera  multis 
Annis  €xhibmt  gràtius  hoffitium* 
aine  frecor  omnia  lata  fîhi  ;   fimul  illud , 

Erafino 
Hofpes  uti  ne  unqumn  m/lior  aivcniat. 


4^2  V  r  B 

y  a  demeuré  ,  &  foit  des  vœux  pour 
cette  Ville,  II  étoit  ehcore  à  Bafle , 
lorfqu'il  arriva  cette  avanture  dont  il 
(j)  Epijl.  fut  témoin  (  ^  ) ,  &  qui  a  quelque  rap- 
13.  L*  13. port  à  ce  que  l'on  vit  autrefois  à 
Jérufalem  avant  la  prife  de  cette  Ville 
par  les  Romains.  Un  Anabaprifte  par- 
courut tous*  les  quartiers  de  la  Ville 
pendant  plufieurs  jours ,  en  criant  : 
»  Faites  pénitence ,  la  colère  de  Dieu 
»  vous  menace.»  Il  alla  dans  TEglife 
Cathédrale ,  où  il  fe  répandit  en  in- 
vedives  contre  les  vices  des  Ckanoi- 
•nes.  11  entra  aufli  dans  les  Egliles  des 
Luthériens ,  qu'il  traira  encore  plus 
durement;  il  les  appella  des  aflaflîns 
•  d'ames.  Quelqu'un  lui  ayant  demandé 
ce  qu'il  falloir  faire  pour  appaifer  la 
colère  de  Dieu  ,  il  le  regarda  de  trar 
vers  ,  en  lui  répondant  :  »  Pharifien> 
*  pourquoi  me  tentez-vous  f  L'Efprit 
»  ne  m'a  pas  ordonné  d'en  dire  da- 
»  vantage.  «  Il  avoir  déjà  fait  la  même 
chofe  à  Montbéliard  ;  ce  qui  l'avoit 
fait  mettre  en  prifon  pendant  trois 
mois.  Les  Magiftrats  de  Bafle  jugèrent 
à  propos  de  le  faire  enfermer.Lonqu'on 
le  menoit  en  prifon  ,  il  crioit  toujours 
malgré  les  menaces  de  ceux  qui  l'y  trai' 
noient,  faites  pénitence.  Après  qu'il 
eut  été  quelque  tems  daps  la  prifon  i 


d'Erasme.  45*3 
on  l'en  tira ,  a  condition  qu'il  fom- 
roit  de  Bafle ,  &  qu'il  ne  rentreroit 
point  dans  le  pays.  11  alla  àLùcerne, 
où  il  fut  traité  avec  J)lus  de  rigueur  : 
il  y  fut  condamné  à  être  brûlé  j  ce 
qui  fut  exécuté.  Erafme  avoit  compté 
être  à  Fribourgà  Pâques  (a)  i  riaais  (4)  Epfjf:, 
un  rhume  accompagné  de  fièvre  &  J^*  ^*  i^« 
d'opprelGon  le  furprit  au  milieu  du 
mois  de  Mars  ,  &  l'empêcha  de  fe 
menre  en  chemin  auflîtôt  qu'il  auroic 
voulu.  D'ailleurs  il  vouloir  voir  avant 
fon  dépan  Jérôme  Froben ,  qui  étoit 
allé  à  Francfort,  &  qulpouvoit^Iui 
apporter  des  Lettres ,  ou  de  la  Cour 
de  Brabant ,  ou  de  la  Diette  de  Spire, 
qui  Tauroient  pu  obliger  de  changer  la  - 
marche. 

Tandis  qu'il  étoit  à  Bafle ,  plufieurs 
Curieux'fc  rendirent  dans  cette  Ville , 
pour  y  voir  un  homme  dont  la  répu- 
tation faifoit  un  fi  grand  bruit  dans 
l'Europe^- Pierre  Duchâtel-fut  de  ce 
nombre.  Il  étoit  pour  lors  fort  jeune. 
Erafme  ayant  apperçû  en  lui  de  très- 
grandes  difpofitiorw-à  faire  des  pro- 
grès dans  les  Sciences  (b)  le  plaça  (^)Gal!an- 
chez    Froben   où   il   corrigeoit    les  ^lus.  Baile. 
épreuves  ;  il  y  refta  jufqu'à  ce  qu'Eraf-  (^^  ^PV^* 
me  fortit  de  Bafle.  Il  conferva  ^o^-gt]/?     ^''* 
jours  de  la  reconnoiffance  (c)  pour ^f^ 7*. 


45*4  V  I  K 

les  procédés  qu'Erafme  avoît  eus  pour, 
lui  y  ainfi  qu'on  peut  en  juger  par  une 
Lettre  d'Erafmc ,  qui  l'invite  de  venir 
àFribourg  manger  un  poulet  avec  lui , 
&  qui  le  remercie  des  perdrix  qu'il 
lui  a  envoyées.  Jl  lui  aononce  qu^il 
cft  fur  le  point  de  faire  une  grande 
fortune  ;  &  ce  préfage  fut  accompli  : 
car  Duchâtel  fut  fucceffivement  Evê- 
que  de  Mâcon,  de  Tulle  &  d'Or* 
léans  j  &  fut  élevé  à  la  dignité  de 
Grand  -  Aumônier  de  France.  On  a 
prétendu  que  Calvin  avoit  été  un  de 
ceux ,  que  la  curiofîté  avoit  engagés 
à  aller  à  Bafle  pour  voir  Erafme;  qu'il 
lui  avoir  été  préfenté  par  Bucer,  & 
qu'après  s'être  entretenu  fur  les  œatie-? 
res  de  Religion,  Erafme  étonné  des  pa- 
(m^  Baîle ,  radoxes  de  Calvin  avoit  dit  :  »*  (a)  Je 
art.  Calvin,  »  vois  une  grande  pefte  s'élever  dans 
note  a  a.  „  l'Eglife  contre  TEglife,  »  Mais  com- 
me ce  fait  n'a  pour  garant  que  FIo- 
rimondde  Rémond,  il  eft  très- permis 
d'en  douter,  auffi-bien  que  d'un  cocte 
fait  par  Bûflard  au  fujet  d'Erafme. 

Il  prétend  que^ndant  fon  féjour  à 
Bafle  ,  Erafme  fut  fait  Refteur  de 
rUniveffité.  M.  Dupin  l'a  répété  d'a- 
près Boiffard ,  qui  ajoute  que  Hugue 
\  Babelus  qui  avoit  été  fon  Précepteur, 
&  avoitétélié  avec  Erafme,  luiavoi^ 


appris  qu  Eraftne  pendant  fon  "Reélo- 
wt  avoir  voulu  réprimer  l'infolence 
des  Ecoliers  ;  que  n'y  ayant  pas  réuflî ,, 
il  s'étoit  n)is  dans  une  fi  grande  co- 
lère >  qu'il  avoit  brûlé  une  partie  des 
privilèges  de  llUniverfité. 

Ces  faits  m'ayant  paru  ti;ès-peu 
vrai-femblables  >  malgré  l^autorite  de 
Boiflard  &  le  prétendu  rapport  de  Ba- 
belu& ,  j'ai  confulté  deux  hommes  il- 
luflres  ,  à  qui  tout  ce  qui  regarde 
rUniverfité  de  Bafle  eft  très-çonnu* 
Le  prenjier  eft  le  célèbre  M,  Scheph- 
lin,  doat  le  nom  eft  connu  fi  avan- 
tageufement  de  tous  ceux  oui  ne  font 
pas  étrangers  dans  la  République  de$ 
tettre^  :  il  ma  mandé  que  le  récit  de 
Joiffard  ne  méritoit  aucune  créance  ; 
1^.  quErafmc  n'avoit  jamais  été.Reç; 
teur  de  TUniverfité  de  Bafle  5  2°.  que 
les  privilèges  de  l'Univerfîté  éxiftoienc 
encore  en  original  ;  que  M.  Ifelin  les 
avoit  copiés  &  fait  imprimer  dans  fon 
Edition  de.  la  Chronique  de  Suifïêj 
écrite  en  Allemand  par  Tfchuddi. 

M.Beél:,  Doûeur  Se  Profefleurert 
Théologie.,  &  premier  Bibliothécaire 
de  Bafle ,  entre  encore  d'ans  un  plus 

frand  détail  dans  une  réponfe  à  M. 
alcbnet,  fi  célèbre  par  fon  érudition, 
par  fa  bienfaifançç ,  &  par  le  wk  qu'il 


4î^  Vie 

a  pour  le  progrès  des  fcîences.  Il  vou- 
lut bien  écrire  à  Bafle  en  cônféquence 
d'un  entretien  que  j'avois  eu  avec  tui  : 
il  s'adreffa  à  M.  le  Profefleur  Brouiker, 
qui  mourut  peu  de  tems  après  avoir 
reçu  fa  Lettre  ;  mais  en  mourant  il  la 
remit  entre  les  mains  de  M.  Beftfon 
Collègue,  qui  écrivitàM.Falconet, 
qu*il  avoit  confulté  tous  les  Savans  du 
Pays  qui  avoient  fait  une  étude  parti- 
culière de  THiftoire  Littéraire  de  Baf- 
le ,  &»qu*ils  s^accordoient  tous  fur  ces 
trois  poipts;  i^  Qu'Erafme' n'avoir 
jamais  été  Reéleur  de  PUniverfité  de 
Bafle  ;  2^  QueTes  privilèges  defUni- 
verfité  n'avoient  point  été  déchirés  ni 
brûlés;  3^  Que  l'Académie  en poffe- 
doit  encore  les  originaux  dans  fes  Ar- 
chives, 

Mais  avant  que  nous  parlions  de  ce 
que  fit  Erafme  à  Fribourg ,  nous  en- 
trerons dans  le  détail  des  Ouvrages 
qu'il  fit  paroître  tandis  qu'il  réfidoît 
à  Bafle  ;  nous  verrons  enfuite  quelle 
part  il  a  eue  à  PHiftoire  du  Luthéra- 
nifme ,  puifque  ce  font  les  perfécu- 
tions  qu'il  eut  à  fouffrir  à  Toccafion 
de  la  révolution  de  Religion ,  qui  le 
déterminèrent  à  quitter  Bafle  pour  al- 
ler à  Fribourg. 

Il  n'y  eut  point  d'année  tant  qu  ^1 

demeura 


r 


d'  E  R  A  S  M  e;  45*7 
deipsura  à  Bafle  ,  qu'il  ne  donnât  au 
Public  plufieurs  Livres,  parmi  lefquels 
il  y  en  a  de  fort  importans.  Il  n'y  avoit 
pas  long-tems  qu'il  y  étoitjorfqtf'il  dé- 
dia fon  Saint  Hilaire  à  Jean  Caronde- 
let.  Archevêque  de  Paierme:  TEpî- 
tre  Dédicatoire  eft  datée  du  y  Janvier 

I  jaa.  Il  avoit  d'abord  eu  le  deflein  (a)   (a)  Efi,t 
de  dédier  l'Edition  de  ce  P^re  au  Roi  î^i-  ^^- 
François  I.  mais  fes  amis  l'en  décour-  P^'^'^* 
nerent ,  fans  doute  par  la  raifon  qu'é- 
tant Sujet  &  Confeiller  de  l'Empereur, 

II  ne  lui  convenoit  pas  d'avoir  des  liai- 
fons  avec  un  Prince  qui  étoic  enga- 
gé dans  une  guerre  terrible  avec  l'Em- 
pereur fon  Maître.  Il  affure  (6)  l'Arche-  (h)  Epijl. 
vêque  de  Paierme  dans  cette  EpîtreS.L.  zS. 
Dédicatoire,  que  l'Edition  de  Saint 
Hilaire  lui  a  encore  donné  plus  de 

peine  ,  que  ce  qu'il  avoit  déjà  fait  pa- 
roître  de 'Saint  Jérôme,  dont  nous 
aurons  bientôt  occafion  de  parler, 
parce  que  le  texte  de  Saint  Hilaire 
et  oit  plus  corrompu ,  &fa  phrafe  plus 
difficile.  Il  prétend  qu'il  n'y  a  au- 
cun Auteur,  fur  le  texte  duquel  les 
Copiûcs  ayent  plus  abufé  de  leur , té-, 
mérité  j  qu'elle  avoit  été  jufqu'à  ajou-. 
ter  des  préfaces,, des  fins,  désphrafes 
entières  au  milieu  d'une  page ,  &  quel- 
quefois jufqu'à  vingt  çu  trente  lignes 


4;8  V  I  E 

de  fuite  :  il  foutient  que  lorfqu^ils^mr 
trouvé  des  opinions  différentes  de  cel- 
les qui  font  reçues  ,  ils^i'ont  pas  c^int 
d'y  faire  des  changeroens  ;  il  aflure  en 
avoir  découvert  plus  de  vingt  exena- 
ples.  Il  en  cite  un  tiré  du  dixiéonHe  Li- 
vre de  la  Trinité ,  où  le  Saint  Doc- 
teur paroît  avoir  crû  que  le  corps  & 
l'ame  de  Jrfus-Chrift  n'étoient  pas  fuf- 
ceptibles  de  douleur  ;  ce  que  le  Co- 
pine a  corrigé  par  une  parenthefe.  Il 
déclare  avoir  trouvé  plus  de  trente  de 
ces  correftions.  Il  foutient  que  cette 
hardieffe  ne  peut  fe  jtiftifier  ;  que  îes" 
Copiftes  auroient  bien  mieux  fait  de 
fuivre  Texemple  de  Pierre  Lombard , 
qui  au  lieu  d'altérer  le  texte  des  Pè- 
res ^  fe  contente  de  joindre  quelque 
fcholie  ,  oh  il  précautionne  le  Ledleur 
contre  Tinexaftitude  des  pâffages  qu'il 
emploie.  Il  inveélive  enfuite  contre 
les  Théologiens ,  qui  agitent  une  in- 
finité de  queftions  d'une  curiofîté  dan- 
gereufe  ,  tandis  qu^ils  feroient  bien 
mieux  de  travailler  à  guérir  leurs  âmes 
de  Tenvie,  la  haine  &  l'orgueil.  »  Vous 
ji  ne  ferez  pas  damné,  dit- il ,  fi  vous 
a»  ignorez  fi  le  Saint- EfpYit  a  lin  prin- 

*  cipe  ou  deux  ;  mais  vous  le  ferez 
»  certainement ,  fi  vous  ne  tâchez  d'a- 

•  voir  les  fruits  du  Saint-Eiprit.  L'Eru- 


d'Erasme*  45-9 

9  didon  Théolog'ique  confifte  à  ne  dé- 
»  finir  que  ce  que  les  Ecritures  nous  en- 
M  feignent.  La  foi  confiftoit  autrefois , 
»  plus  dans  la  bonne  vie  >  que  dans  la 
»  profeflîon  des  articles  ;  la  néceffité  a 
»  obligé  d'en  faire.  On  n'en  fit  d'a- 
xbord  que  fort  peu.  La  méchanceté  - 
3>  des  Hérétiques  obligea  les  Ortho- 
»  doxes  d^examiner  avec  plus  d'atten- 
»  tion  les  Ecritures  ;  leur  opiniâtreté 

*  engagea  les^Conciles  à  Éaire  des  Ca- 
»  nôns.  Le  Symbole  de  la  foi  com- 

*  mença  à  être  plutôt  dans  les  écrits 

»  que  dans  lesefprits.  Il  y  avoit  prefque  ^ 
»  autant  de  Confeffions  de  foi ,  qu'il  y 
»  avoit  d'hommes.  Les  articles  aug- 
»  menterent ,  &  la  fincérité  diminua. 
»  Les  difputes  s'échauffèrent  ;  la  cha- 
»  rite  fe  refroidit.  La  dodrine  de  Je- 
»  fus-Chrift  qui  ne  connoiflbit  pas  les 
»  difputes  de  mots ,  commença  a  dé-» 
»  pendre  des  fecours  de  la  Philo- 
»  fophie>  G'étoit-là  le  premier  dégrp 
»  des  maux  de  TEglife.  L'autorké  des 
»  Empereurs  qui  prirent  part  à  toutes  /^ 
»  les  difputes ,  n'avança  pas  beaucoup 
»  la  pureté  de  la  Foi.  Enfin  on  en  vint 
»  à  des  difputes  fophiftiques  ;  &  il  en 
»  eft  forti  des  milliers  d  articles.  On 
»  eut    recours  aux  menaces  &   à  la 

*  force  pour  obliger  de  croire  ,  fans 


'4c8  V  iiL-/ 

de  fuite  :  il  fourie-.-^^il  n'y  a  que  ce  qui 

trouvé  des  opir'-  M  puitfe  être  agréa- 

les  qui  font  r  ^hrift . . ...  Pour  nous , 

dV  faire  ^  -^clis  que  S.  Hilaire  ,  nous 

avoir  r' >  appeller  le  Saint-Efprit  vrai 

pies.  /^"  procédant  du  Père  &  du  Fils  ; 

vr  /ce  que  les  Anciens  pendant  long- 

/rems  n'ont  pas  eu- la  hardieffe  de 

,  décider!   Les  premiers  progrès  de 

^  rEglife  ont  plutôt  été  dans  la  pu- 

»  reté  de  la  vie  ,    que  dans  j'exafte 

»  connoiflfance  de  la  Divinité.  El  e 

3»  n  a  .jamais  tant  perdu ,  quelorfqu'elle 

90  a  paru  gagner  du  côté  de  l'érudi- 

»  tion  Philofophique  &  des  riche/Tes 

«>  de  ce  monde  :  non  pas  que  les  fi-. 

»  cheffes  foient  mauvaifcs  en  foi  j  mais 

>9  c  eft  qu'elles  occupent  trop  les  hom- 

3.  mes.  L'érudition  n'eft  pas  mauvaife; 

a»  mais  c'efl  ordinairement  une  caufe 

m  de  faflions  &  de  difputes.  »  - 

Se  laiflant  enfuite  entraîner  par  un 
excès  de  tolérance  ,  il  entreprend  de 
pftifier  en  quelque  forte  les  Ariens. 
»  Leur  Dogme,  dit  il ,  étoit  foutenu 
».  par  plulieurs,  gr^ds  Auteurs.  Ils 
«avoient  pour  eux:  quelques  paffages 
»  de  l'Ecritureen  apparence  ,  &  des 
. »  raifons  qui  avoient  de  la  vraifem* 
»  blance  :  l'Empereur  étoit  de  ce  parti) 
•>  qui  étoit  fuivx  d'un  très-grand  noms 


D^  E  R  A  é  M  H.  4^1 

enforrc  qu'il  auroit  fallu  en 
c'étoit  le  nombre  qui  dût 
'  remporter.  Enfin  la  difpute 
*V  des  chofes  fort  éloignées 
.telligence  de  Teforit  humain.  » 
^ette  Préface  f  dans  laquelle  on  ne 
peut  nier  qu'il  n'y  ait  beaucoup  de  cho* 
les  indifcrettes  &c  bazardées ,  caufa  du 
fcandale ,  &  augmenta  le  nombre  des 
ennemis  d'Erafme»  Elle  fut  condam- 
née à  Rome  :  la  Sorbonne  en  reprit 
plufieurs  propofitions  ;  les  Bénédic- 
tins eh  ont  fait  une  critique  févere 
dans  h  Préface  de  leur  Edition  de  S* 
Hilaire,  dans  laquelle  ils  conviennent 
cependant  que  l'Edition  d'Erafme  a 
ion  mérite»  &  que  Mir^us  qui  en  a 
donné  une ,  fait  un  grand  éloge  de 
celle  d'Erafme. 

Deux  articles  fur-tout  ofFenferent     - 
les  Théologiens  :  la  juftification  des 
Ariens;  &  cette  proportion  :  nous  ofons 
fipptller  le  Saint  -  Efprit  vrai  Dieu. 
Nous  verrons  ailleurs  comment  il  a  ré- 
pondu au  reproche  qu'on  lui  faifoit 
de  favorifer  TArianiCme  ;  quant  à  ce 
qu'il  avoir  dit  du  Saint  -  Efprit ,  il 
s'imagina  (a)  pouvoir  juftifier  la  har-  {a)  Reffon^ 
dieffe  de  fes  expreflîons  par  les  paroles jîo  fd  nom- 
que  l'Eglife  emploie   dans  le  Sacri-  ^^s  Beddaî- 
fice  de  h  Meffe ,  lorfqu'eUe  dit  :  Nous  '^'* 

yiij 


4(^1  V  i^K 

cfons  dire  Nôtre  -  Père.  Mais  il  eft 
bien  ailé  de  s'appercevoir  ,  combien 
'  cette  réponfe  eu  peu  folide.  Erafnie 
fcmble  accufer  de  témérité  ceux  qui 
appelloient  le  Saint-Efprit  vrai  Dieu  ; 
au  lieu  que  les  termes,  dont  TEglife  fe 
'fert ,  font  un  Aéle  d'humilité ,  à  peu- 
près  équivalent  à  celui  du  Centurion 
dans  FEvangile. 

Ërafme  qui  confervoit  toujours  une 
grande  vâicration  pour-  le  Roi  Fran- 
çois ï.  crut  devoir   lui  faire  préfent 
de  fon  Saint  Hilaire.  Le  Roi  fit  donner 
(a)  EfiJ}. ucntt  écus  (a)  k  celui  qui  le  lui  ap- 

^otz.  porta  ;  mais  Erafine  n'eut  qu'un  corn* 
pliaient  pour  remerciement. 

Peu  de  jours  après  qu'il  eut.  fini  fâ 
Préface  de  Saint  Hilaire,  il  dédia  à 
TEmpereur  Charles  V.  fa  Paraphrafe 
for  S,  Mathieu  :  PEpître  Dédicatoire 
eft  dû  13  Janvier  ij^s.  Il  nous  yap- 
^b)  Eftjl,  prend  (  b  )  que  le  Cardinal  de  Sion , 

4/.  L.  29.  après  av<JÎr  vu  les  Paraphrafes^  qu'il 
avoir  faites  des  Epîtres  des  Apôtres , 
l'avoit  exhorté  à  entreprendre  le  même 
travail  fur  S*  Mathieu  ;  que  la  diffi- 
culté de  Fouvrage  lui  avoir  fait  faire 
plufieurs  objedlions  ;  mais  qu'il  n'avoit 

f)as  pu  réfifter  à  l'autorité  de  ce  Pré- 
at.    Il  finit  fon  Epître  Déçlicatoire 
par  faire  reflbuvenir  l'Empereur,  qui 


d'E  R  A  s  M  E.  4<Jj 

<£roit  pour  lors  engagé  dams  une  très- 
grande  guerre  avec  le  Roi  de  France, 
quHl  n*y  a  point  de-guerre,  ni  ù  jufte 
ni  fi  modérée  qu'elle  Ibit,  qui  n^occa- 
fionne  une  infinité  de  crimes  &  de 
malheurs ,  &  que  la  plus  grande  par- 
tie des  maux  que  les  guerres  entraînent 
néceifairement  avec  elles ,  retombent 
fur  ceux  qui^  ne  les  ont  pas  mérités. 

fjraTme  ne  fut  que  deux  mois  à  faire 
cette  Paraphrafe  (a).  Il  mita  la  tête   C^)  Eptfl. 
un  Avertiflemcnt ,  dans  lequel  il  prou-  <  i^^*  Epift* 
ve  que  l'Ecriture  fainte  devant  être  4  ^'  ^•^i* 
i'ufage  de  tous  les  hommes ,  il  feroit 
k  fouhaiter  qu'elle  fut  traduite  en  tou- 
ttes  Langues. 

La  Paraphrafe  fur  S.  Mathieu  fut 
très-bien  reçue  à  la  Cour  de  l'Em- 
pereur. Jean  Glapion  Cordelier  &: 
Confeflfeur  de  Charles  V.  la  lui  pré- 
fenta  dans  fa  Chapelle  en  oréfence  de 
plufieurs  Seigneurs.  Charles  en  prit 
occafion  de  faire  Téloge  d'Erafrae  :  il 
dit  que  ce  n'étoit  pas  le  premier  Li- 
vre qu'il  lui  eût  dédié  }  qu  il  avoit 
fait  pour  lui  le  Prince  Chrétien;  qu'il 
avoit  fait  le  Panégyrique  du  Roi  fou 
Père  ;  enfin  il  déclara  publiquement 
que  ce  pféfent  lui  étoit  agréable.  Il 
ne  fe  contenta  pas  même  de  le  dire;  il 
écrivit  à  ce  fujec  à&  Lettres  très  grz^- 

Viiij 


4^4  Vie 

cieufes  &  très-honorables  à  firallne; 

Ceux  oui  avoient  le  plus  de  crédit  à  la 

(a)  Epifl. ^^"^  ^^  l'Empereur  {a)    lui  firent 

5  3.  L.  10.  part  de  la  fatisfaélion  que  ce  Prince 
avoit  fait  paroître,  &  entr'autres  fon 
Confeffeur,  le  Chancelier  Gattinare 
&  l*Archevêque  de  Palerne.  Ils  lui 
mandèrent  en  même-tems ,  que  quoi- 
que Ton  ôtât  ou  que  Pan  retranchât 
la  plupart  des  penfions  ,  non-feule- 
ment on  ne  toucheroit  pas  à  la  fienne. 
Mais  qu'il  pouvoit  fe  flatter  de  quel- 
que grande  récompenfe  de  la  part  de 
la  Cour.  Cette  Paraphrafe  ayant  été 
traduite  en  Italien  ,  fut  condamnée  à 

(h)  Pofle-Rome  (b).  Nous,  dirons  un  mot  des 

vin.  autres  Paraphrafes ,  afin  de  ne  point 

féparer  ce  qui  regarde  un  même  fujet» 

(c)  Epifl.'     ^^  Paraphrafe  fur  Saint  Marc  (  c) 

69.  L.  i^[  eft  dédiée  au  Roi  François  I.  &  TE- 
pître  Dédicatoire  eft  datée  du  i  Dé- 
cembre ij'23.  Erafme  fe  flattoit  pour 
lors  que  bientôt  la  paix  feroit  rétablie 
dans  l'Europe  :  il  fait  des  vœux  pour 
voir  promptement  un  fi  grand  bien; 
&  pour  faire  prendre  au  Roi  des  fen- 
timens  pacifiques ,  il  s'étend  beaucoup 
fur  les  malheurs  que  la  guerre  entraine 
toujours  avec  elle.  Il  louhaite  que  la 
^tranquillité  régne  dans  tous  les  Pays 
Chrétiens  ,&  fur  -  tout  en  France  | 


D'  E  R  A  s  M  Ee  4^jr,  . 

qu'il  regarde  commç  le  Pays  de  TEu- 
rope  qui  jufqu'alors  a  été  le  plus  re-      ^ 
Figieux  &  le  plus  floriffant.  La  Para- 
phrafe  fur  Saint  Luc  avoit  été  faite  {à)   (a)  Eptjî. 
quelque   tems  avant  cette  dernière  ;7o.  L.  19. 
elle  eft  dédiée  au  Roi  Henri  VIIL  par 
une  Lettre  datée  du  25  Août  lyaj. 
La  Paraphrafe  fur  l'Evangile  de  Saint 
Jean  eft  dédiée  (  fc  )  au  Prince  Ferdi-  (b)  Efifl. 
nand,  frere  de  l'Empereur,  par  unezi.  i.  »?• 
Lettre  datée  du  5*  Janvier  I5'23,  Eraf- 
me  y  avança  une  propoficion ,  qui  dans 
la  fuite  fut  relevée  par  le  Syndic  Be^- 
da ,  &  par  la  Sorbonne  :  il  y  préten- 
dit y  que  quoique  dans  tous  les  fiécles 
rEyangile  ait  été  honoré  ,  cependant 
depuis  quatre-eens  ans  il  y  avoit  moins, 
de  zélé,  chez  la  plupart  its  hommes. 
S'il  n'a  voulu  parler  que  du  relâche- 
ment dans  la  difçipline  &  dans  les 
mœurs  ,  c'eft  une  vérité  conftante,  qui 
a   depuis  été  répétée  par   nos  plus 
grands, Dodeiirs.;  il  fuffit  de  nommer 
M.  Bpfluet  & 'M.  î^leuri.  Cétoit  le 
Cardinal  de  Mayence  8c  TEvêque  de 
Rochefier  (c)  qui    avoient    engagé   ^^^^  j^^i,^^ 
Erafnae  à  faire  la  Paraphrafe  fur  Saint  41,  u  io- 
J^an  j  &'ils  l'en  avoient  d'autant  plus 
preCTé  ,  qu'ils  efpéroient  que  cet  Ou^ 
yrage  ferviroit  de  Commentaire  à  ce-' 
lui  de  tous  les  Evangiles  qu'ils  regaf-» 
'      ""'  Vv 


^66  VtK 

doient  comme  le  plus  difficile.  Le  Prin- 
9     ce  Ferdinand  ayant  fçu  par  Erafme 
lui-même  qu'il  vouloir  lui  dédier  cet- 
te Paraphrafe ,  lui  écrivit  que  ce  pré- 
'  (a)  Ej)//?.fcnt  {a}  lui  fcroit  très  -  agréable  5  & 
;43*  I.  20. après  l'avoir  reçu,  il  lui  m  une  grà- 
(^)  £p/y^.  tificatioh  de  cent  florins  (fr).  Erafme 
B  tx.        rapporte  dans  un  de  fes  Ouvrages  [(c) 

(c)  Liitgaa ,  au*un  Cordelier  qui  lifoii  la  Paraphra- 
p.  »49.  ed.fe  f^J.  s^jftt  Jean,  en  étoit  très-con- 
j^   y^"*    tcnt.  Il  avoit  tout  approuvé,  jufquà 

^  *  ce  qu^étant  à  la  fin  ,  il  fiit  fcandaUlé 
de  l^endroit  oh  l'Auteur  avertit  de  ne 
pas  mettre  toute  fa  confiance  dans  des 
chofes  extérieures ,  ni  s'imaginer  qu'on 
fera  furement  fauve,  fi  l'on  fe  fiait en- 
févelif  avec  l'habit  de  Saint  François 
ou  celui  de  Saint  Dominique.  Le  Cor- 
delier n'eut  pas  plutôt  lu  cet  avis ,  que 
fur  le  champ  il  défapprou>>'a  tout  ce 
gu'il  avoit  approuvé  jufqu?alors  :  il 
m  plus  ;  il  engagea  fes  Confrères  à  or- 
donner qu'aucun  Cordelier  ne  pour- 
roit  plus  lire  les  Livres  d'Erafme.  »  Si 
»  j'avois  feulement  parié  de  Fhabit  de 
»  Saint  Dominique,  ajoute  - 1-  il,  je 
»  n'en  aurois  pas  été  moins  bon  Chre- 
»  tien  ;  un  feul  mot  m'a  rendu  Héré- 
»  tique  chez  ce  CordeB'er.  » 

(d)  Eptfi.      Il  ^voit  eu  deffein  (d)  de  dédier 
1.  u  19.    la  Paraphrafe  des  Aftes  des  Apôtres 


d'  E  Bt  A  s  M  e;  4^7 

^u    Cardinal    Volfei  ;    mais  fes  amis 
de  Romt  lui  ayant  appris  les  fentimens 
favorables  que  Ciment  VII.  qui  ve« 
coit  de  fuccéder  à  Adrien  VL  avoit 
pour  lui ,  il  crut  devoir  lui  en  témoi« 
.  ^ner  ùt  recoanoifiance ,  en  lui  dédiant 
cette  Paraphrafe  par  une  Lettre  daté^ 
•du  ai  Janvier  is^  Le  Pape  l'en  re- 
fliercia  (a)  par  un  Bref  honorable,  qui  W  ^P^A 
^toit  accompagné  de  deux-cens  flo-^^*  ^*  3*- 
rins ,  &  de  grandes  promefTes.  A  la  té- 
te  Ae  cette  Paraphrafe  (b)  eftTHif-  W  Epifi. 
toire  des  Voyages  de  Saint  Pierre  Se  ^^'  ^'  *^« 
de  Saint  PauL 

La  Paraphrafe  de  TEpître  de  Saint 
Piaul  aux  Romains  efi  dédiée  au  Cardi* 
ml  Grimani  (  c)  par  une  Lettre  datée  (^)  Epiff. 
de  Louvain  le  13   Novembre  iji7«7^*  L.  19. 
Il  avoit  d'abord  eu  deffevn  (i)  de  la  (i)  Epifi. 
dédier  au  Cardinal  deMayancei  mais*^*  ^*  M* 
il  s'imagina  que  le  nom  d'un  Cardi- 
nal qui  demeureroit  à  Rome ,  convien- 
droit  mieux  i  la  tête  d'une  Epîcre  aux 
Romains^  Le  Cardinal   Grimàni  fut 
trèsrcont€Bt  de  cet  Ouvrage  j  &  £raf- 
me  a  prétendu  (e)  qu'il  awit.  extrême*  Cf )  Aâver^ 
ment  plû  aux  Sa  vans*  ^^^    Suto* 

Les  Paraphrafes  des  deux  Epîtrp['^'^^f^J^- 
aux  Corinthiens  font  dédiées  au  Car- 
dinal de  la  Mitfc  Evêque  de  Liège , 
par  une  Epître  datée  de  Louvain  le  £ 

Vvj 


458  V  I  B 

Février  i y  ip.  Il  vouloît  par  ce  pfé4 
(a"  Efffi.  fent  (  a  )  le  remercier  de  la  bonne  ré- 
73.  L.  i^.  cepuon  qu'il  lui  avoit  faite.  11  y  traite 
de  Tancienne  Difdpline  Eccléfiafti- 
que  ;  &  il  y  bazarde  cette  propofîtion 
qui  eflfuva  un  grand  nombre  de  criti- 
ques :  il  ofa  dire ,  qu'il  lui  paroîtroic 
bien  plus  confonne  à  la  pureté  da 
ChrifËanifine  &  à  la  doftrine  des  Apô- 
tres &  de  TEvangile ,  s'il  n'y  avoir 
point  de  loi  au  fujet  des  alimens ,  & 
fi  Ton  fc  contentoit  d'avertir  de  Ji'ufer 
que  de  ceux  qui  conviennent  à  notre 
tempéramment  ,  fans  luxe ,  avec  fb- 
brieié  &  adion  de  grâces.  Parlant  en- 
fuite  des  difputes  qui  ont  divifé  les 
Chrétiens  ,  il  prétend  que  du  teros 
d'Arius  le  monde  étoit  dans  l'incerti- 
tude de  quel  côté  il  pencheroit.  Il 
fouhâitoit  après  cela ,  que  S.  Paul  fe 
fut  expliqué  davantage  fur  l'état  des 
âmes  après  la  mort ,  où  elles  font , 
fi  elles  jouiffent  de  la  Gloire ,  fi  les 
âmes  des  impies  font  tourmentées  dès- 
àpréfent,  fi  nos  prières  peuvent  les 
•  '  fecourir  j  fi*  le^  Indulgences  du  Sou- 
'  :  verain  Pontife  les  tirent  fur  \t  champ 

'~\        de  l'état  de  fduffrance  j  ce  qui  donne 
occafion  de  difptite   i  ptufieurs  ^  & 
•fur  quoi  l'on  ne  difputeroit  pas ,  fi  S# 
Paul  avoit  prononcé  clairement. 


D*  E  Ë  A  s  M  b;  4.6^ 

îl  n'eft  pas  furprenant  que  ces  pro- 
pofitions  ,  comme  nous  le  verrons  , 
-  ayent  excité  de  grands  tumultes  chez 
les  Théologiens.  Cette  Paraphrafe  au- 
refte  fut  très-bien  reçue  ;  &  Richard 
Facaeus  lui  écrivoit  (a)  qu'il  Tavoic  (a)  Efilt^ 
lue  avec  une  très-grande  attention;*»  l^^u 
qu'il  «n  avoit  beaucoup  profité  ;  & 
qu'il  pouvoir  fe  flatter  d'entendre  pré- 
ientement  les  Epîtres  de  S.  Paul  aux 
Corinthiens ,  ce  qu'il  n'avoit  pas  pu 
faire  jufquà  préfent;  qu'elles  lui  pa- 
roiflbient  aduellement  fi  claires  ^  qu'il 
alloit  renoncer  à  tous  les  autfcs  Corn* 
meptaires  pour  ne  fe  fervir  que  de  (a 
Paraphrafe.  Le  même  jour  qu'Erafme 
dédia  fa  Paraphrafe  fur  les  Epîtres  aux 
Corinthiens  au  Cardinal  de  la  Marc , 
il  dédia  celle  fur  l'Epître  aux  Ephe- 
fiens  au  Cardinal  Laurent  Campege.  Il 
fe  plaint  amèrement  {h')  dans  (on  Epr-  çy^  Eftjf* 
tre  Dédicatoire  de  la  Théologie  de  74.  L.%9f 
fon  tems ,  qui  négligeant  les  Livres 
facrés ,  n'étoit  occupée  que  de  quef- 
tions  inutiles.  Il  décide  que  c'eft  plu- 
tôt un  Art  qu'une  fageffe  ;  que  l'on  y 
trouve  ptus  d'oftentation  que  de  vraie 

{)iété  ;  qu'elle  a  été  corrompue  par 
'ambition,  l'avarice,  la  flatterie,  lef- 
prit  de  difpute  &  la  fuperftition.  Il  fe 
plaint  que  dans  les  difputes  des  Théor 


470  ViB 

lôgiens ,  il  y  a  plus  de  fiel  que  d*ëf u* 

dition ,  plus  d'injures  que  de  jugement  t 

Elus  d'efprit  de  parti  que  d^amour  de 
L  vérité  j  que  les  Sermons  même  ne 
font   pas    exempts   de  -déclamations 
odieules  &  injuftes  }  que  l'on  y  entend 
des  inveélives  fcandaleufes ,  telles  que 
celles-ci  :  »  Donnez^vous  bien  de  garr 
»  de  que  vos  enfens  n'apprennent  le 
a^Grec;  c'eftlà  la  fource  des  héré- 
a^  fies  :  évitez  les  Livres  d'Erafme,<jui 
f  altère  l'Oraifon  Dominicale,  leMa- 
»  jçnificat ,  l'Evangile  de  S.  Jean.  Ve- 
9  nez  at  fecours ,  Magiflrats  ;  accou* 
w  rez ,  Citoyens  :  éloignez  de  fi  grands 
»  maux.  »  Il  fe  flatte  malgré  ces  dif- 
cours,  que  fes  Paraphraies  dureront 
toujours ,  parce  qu'elles  font  approu- 
vées par  ceux-mêmes  qui  n'épargnent 
aucuns  de  fes  autres  Ouvrages*  Il  fi- 
nit -Cette  Epître  par  faire  reffouvenir 
le  Cardinal  Campege   d'un  j  difcours 
qu'il  lui  avolt  tenu  à  Bruges  à  la  fin 
irun  repas  9  que  dans  quelque  Cour 
^ue  fott  le  Cardinal  Campege  ^  £ra(^ 
me  y  aura  uô  ami  très-dévoué. 

La  Parapfarafe  des  deuf  Epîtres  à 

Timothée ,  de  celles  à  Tite  &à  Pbi- 

lemon ,  fut  dédi«  l'an  1 5  ip.  à  Phi- 

(a)  Eprfl.  lippe  de  Bourgogne  Evêque  d'Utfeft 

7>.  L.i^.{a).  Celle ^es   deux  Epîtres  de  S. 


u'Erasme.  47» 

Kerre ,  &  celle  de  l'Epître  de  S.  Jude  ; 
eft  dédiée  (a)  au  Cardinal  Wolfei    (a)EflJli 
fans  date.  Celle  de  l'Epître  de  S.  Jac  7^-  ^'  »'♦ 
ques  eft  dédiée  au  Cardinal  de  Sion  Qj)   (i)  Efifti 

far  une  Epître  Dédicatoire  datée  de  ??•  L.  »^, 
iouvain  le  lé  Décembre  i  f'^P*  ^^^^ 
voulut  point  paraphrafer  l'Epître. aux 
Hébreux,  parce  qu'outre  que  le  ftyle 
qui  lui  paroiffoit  fentir  le  Rhéteur  pla^ 
tôt  que  l'Apôtre ,  lui  avoit  feit  croire 
Qu'elle  n'étoit  pas  de  S.  Paul ,  elle  ren- 
iermoit  beaucoup  de  difficulté. 

Enfin  la  Paraphrafe  des  Epîtres  de 
Sv  Jean  eft  dédiée  au  même  Cardinal 
de  Sion  (  c).  CO  ^fifi. 

11  ne  jugea  pas  à  propos  de  para-  li.  1. 19. 
pbrafef  l'Apocalypfe  {d)  ;  il  ne  croyoit    W)  Ep»«. 
pas  que  ce  Livre  fût  fufceptibledepa-'"   '   ^ 
raphrafe ,  même  de  Commentaire.  Les 
paraplirafes  «TErafrae  curent  un  jrès- 
grand  fuccès.    Les  premières  qui  pa- 
rurent eurent  l'approbation  des  Papes 
Léon  X.  &  Adrien  VL  &  Erafme  ne 
craignit  pas  de  dire  publiquement  an 
Prince  de  Carpi  (  e  ) ,  que  ion  travail  «  ^/;;^; 
en  ce  genre   n^avoit  déplu  à  aucun  ç^^^, 
bon  Théologien  ;  ^Jue  plufieurs  hom- 
mes d'une  fcience  diftinguée  lui  en 
avoient  fait  des  remercieœefts  ;  que  -  * 
ccux-mémesquin'étoient  pas  cor.tens. 
de  fes  autres  Ouvrages ,  ne  fe  plai^ 


47^  V  lï 

gnoient  point  de  fes  Paraphrafes;    ' 
Les  plus  grands  Critiques  en  ont 

S)orté  un  jugement  très-favorable.  Jo* 
èph  Scaligerafluroit,  qu'elles  étoient 
un  excellent  Commentaire  j  écoutons- 
(4)  S<r4%r- le  décider  (a)  :  »  Cétoit  un  grand 
rana.         ^  homme  qu  Erafme  :  il  a  fait  une  di- 
»  vine  Paraphrafe  j    jamais  Papifte  » 
3»  Luthérien  ni  Calvinifte ,  n  a  fait  un 
*»  meilleur  Livre  ni  plus  élégant ,  igue 
»  la  Paraphrafe  fur  le  Nouveau -Tefta- 
»  ment.  »  M.  Simon  qui  n  eft  pas  fort 
(h)  Hift.  prévenu  en  faveur  d'Erafroe-,  avoue  {b) 
critique  des  4"^  fes  Paraphrafes  lui  ont  attiré  beau- 
principaux  coup  d'eftime.    M.  MarfoUier  a  pré- 
tommen-  tendu  (  c  )  qu'il  y  avoit  peu  de  Livres 
Ç"'s  '  ^  qui  fuflent  plus  utiles  aux  Prédicateurs 
(o'  Apolo-  qui  veulent  annoncer  TEvangile  uti- 
gie  d'Eraf-  lement  &  folidenfent ,  que  les  Para- 
me,p.t4^.phrafes  d'Erafme. 

Ce  fut  fur-tout  en  Angleterre  oà 
elles  furent  extrêmement  bien  reçues  ; 
elles  y  étoient  regardées  coipme  le  Li- 
vre le  plus  propre  à  faciliter  l'inttlli- 
gence  du  Nouveau-Teftament,  On  les 
*(i)Burnet,traduifît  en  Anglois  (d)  dans  le  tems 
L.i,i. part,  que  le  Schifme  fe  formoitj  &  il  fut 
lib.   choi-  ordonné  que  chaque  Paroiffe  acheté; 
le,^  ^^^^*  roit  un   exemplaire  de   cette  Para- 
phrafe ,  &  qu'on  la  joindroit  à  laBir 
ble.  C^la  ne  fe  fit  point  à  la  vérité 


'    d'  E  R  A  s  M  E.  473 

fans  quelque  contradiftion  :  Gardiner/ 
Evêque  de  Winchefter  foutint  qu'il  y 
avoir  quelques  fautes  dans  l'Ouvrage 
d'Eraune,que  d'ailleurs  fon  Tradudeur 
s'écoit  trompé  ;  mais  TArchevêque  de 
Cantorberi  prérendit  qu'à  tout  pren- 
dre ,  c  étoit  ce  qu'il  y  avoit  de  meil- 
leur en  ce  genre. 

Si   Erafme  eut  un  grand  nombre 
d'illuftres  Approbateurs ,  il   eut  auf- 
{i  beaucoup  de  Critiques ,  dont  quel- 
ques-uns portèrent  leur  paflîon  jufqu'au 
ridicule.   Tels  étoient  ceux  dont  le 
Prince  de  Carpi  {a)  répétoit  les f(5up-(4}  Adver^ 
çons  ;  ils  prétendoient  que  l'intention  ^^'  Carfenz 
d'Erafme   en  faifant  fes  Paraphrafes  J^^^ 
étoit  de  les  fubftituer  au  texte  de  -l'E- 
criture Sainte,  même  dans  les  Eglifes. 

Ce  futfurtout  en  Sorbonneque  ces 
Paraphrafes  furent  mal  reçues  ;  à  quoi 
les  mouvemens  du  Syndic  Beda  con- 
tribuèrent beaucoup.  Le  LibrJIre  Con- 
rad Refch  apporta  à  Paris  (b)  au  corn-  (h)  D'Ar^' 
mencement  de  l'an  1 5*24.  quelques  gsntré  , 
exemplaires  des  Paraphrafes  d^ErafmeP^"'  ^'j^P* 
fur  Saint  Marc  &  fur  Saint  Luc;  &viiîer,parû 
ayant  deffein  de  les  imprimer ,  il  vou-  4,  c.  5. 
lut  avoir  une  permiffion  du  Parlement 
de  Paris  par  le  crédit  de  François  de 
Loin ,  Confeiller  au  Parlement ,  &  in-   (^)  ^pfjfj 
time  amid'Ërafme  (c).  De  Loin  fa-i^,  l.  u 


474  Vie 

chant  qu'il  étoit  défendu  par  les  Ar- 
rêts du, Parlement  de  rien  imprimer 
qui  eût  rapport  à  la  Religion ,  qui 
n'eût  été  approuvé  ^  ou  par  la  Sor- 
lionne  »  ou  pajr  des  CommifTaires  nom- 
mes  par  elle^  envoya  le  Livre  à  Beda» 
en  l?  priant  de  Texaminer  &  de  lui  en 
dire  fon  fentiment.  Beda  le  lut,  & 
envoya  à  de  Loin  ânquante  propo- 
fitions  qu'il  en  avoit  extraites ,  &  qu'il 
croyoit  erronées  ou  fufpeéles  d'erreur. 
Le  Libraire  Refch  ne  pouvant  douter 
de  la  mauvaife  difpoution   de  Beda 
contre  Erafine ,  prit  des  mefures  pour 
faire  examiner  le  Livre  par  la  Sor-: 
bonne  :  il  y  eut  des  ComaûfTaires  nom- 
més f  qui  après  avoir  fait  la  leâure  du 
Livre  ,  firent  leur  jrapport ,  qu'il  y 
avoit  plufîeurs  propofitions  pernicieu- 
fes  dans  cet  Ouvrage.   Elles  furent 
lues  ;  &  en  conféquence  de  cette  lec- 
ture il  Éit  décidé ,  que  ce  Livre  ne 
pouvoit  pas  être  imprimé  à  Paris,. & 
il  n'en  fut  plus  queftion.  On  verra 
ailleurs  les  objeâions  que  l'on  faifoit 
à  Erafme ,  &  fes  réponfes, 
La  Faculté  de  Théologie  de  Lou- 
(a)  D'A    ^^^^  "^  ^^  P^^  P^"^  favorable  à  Eraf- 
gentré   to'  "^^î  ^^^^  condamna  fes  Parâphrafes  (a), 
me  I,  p.  ^7^  Jean  Henteniu^ ,  Dominicain  &  Doc* 
ludex.       teur  de  la  Faculté  de  Louvain ,  eut 


d'Erasme.  47^ 

ordre  l'an  lyyy*  de  la  part  de  la  Fa- 
culté de  recueillir  les  propofitions  con- 
damnables 'qui  fe  trouyoient  dans  les 
Ouvrages  d'£ra(me  :  fon   travail  fe 
voit  (  tf  )  dans  la  Bibliothèque  de  Lou-  (a)  in  faf* 
vain.  A  la  fin  de  fon  recueil  9  on  lit  ft^  Acade- 
ces  paroles  :  »  Il  faut  remarquer  qa^^^j^  i^a" 
»  toutes  les  objeiftions  que  Ton  fait  ^^^/"-"'ilu' 
»  Erafme  fur  les  conftitutions  humair  Beigicat  p% 
»  nés ,  fujp  les  cérémonies  dévotes ,  Sf. 
â»  fur  le  célibat ,  fur  le  mariage ,  fur 
»  le  pouvoir  du  Pape ,  fur  le  maigre^ 
»  les  Fêtes  ,  les  jeûnes ,  les  calom* 
9  nies^^;>ntre  les   Théologiens  ,  les 
»  Evêques  &  les  Princes ,  il  fe  jufti- 
M  fie  toujours  &  ne  convient  jamais  de 
a>  fes  torts ,  qui  font  cependant  très** 
»  évidens.  Il  dit  qu'il  a  fait  ce  qu'un 
9y  Paraphrafte  devoit  faire  ;  qu'il  a  fait 
»  parler  Jefus-  €hriû ,  les  Apôtres  9  j 

V  les  Evangéiiftcs ,  comme  on  devoit 
9  parler  dans  la  primitive  Eglife  ]  &; 
4»  qu'il  n'imaginoit  pas  les  troubles  qui 
«  arrivèrent  dans  les  derniers  tems.  » 
Nous  avons  vu  qu'f  rafme  n'avoit 

Eas  parlé  avec  affez  d'èxaûitude  de  la 
lOi  qui  oblige  les  Chrétiens  de  faire 
maigre  certains  jours  :  il  n'avoit  pas 
craint  de  dire  (  fc  )  dans  un  de  fes  Col-  W  P.  6  éé: 
loquts  ,   que  s'il  étoit  Pape ,  il  per-  ^^'  C/rnViir 
mettroit  à  tout  le  monde  de  manger 


47^  Vie 

ce  qui  lui  feroit  du  bien  ,  pourvu  que 

ce  fût  avec  modération  &  aâion  de 

grâces.  Depuis  en  écrivant  contre  Be- 

(a)  Supput.  da  (  (z  )  il  avoit  approuvé    Gerfon  , 

tror  Bed-  d'avoir  enfeigné  qu'il  pourroit  arriver 

d>x  ,  frop.  tel  cas  oh  un  Chartreux  qui  ne  vou- 

*'^*  droit  pas  manger  de  la  viande,  pé- 

cheroit,  de  même  que  celui  qui  lui  en 

refuferoit. 

Ces  propofitions  cauferent   beau- 
coup de  fcandale  dans  un  tcms  ,  oà 
Finobfervation  de  la  Loi  du  maigre 
paflbit  pour  une  conviélion  de  Luthé-: 
ranifme ,  de  l'aveu  même  dt^afme  f 
{h)}lyferaf  qui  nous  apprend  (b)  que  deux  hom- 
P!^^  ♦  '•    mes  coururent  rifque  de  la  vie  en  Fran- 
Epifi.'  71.  ^^  '  P^"^  avoir  fait  gras  deux  jours  de 
L.  20.      *  Carême ,  quoique  malades.  On  avoit 
toujours  agi  avec  févérité  en  France 
contre  ceux  qui  ne  rftpeéloicnt  pas  les 
Loix  de  l'Eglife  à  ce  fujet.  Dans  les 
commencemens  de  la  Monarchie  ,  on 
les  puniffoit  de  mort.  M.  Balufe  trou- 
(OP.iojp.  ve  (  c)  que  la  peine  étoit  bien  grande  ; 
rafiu  t.  ».  mais  il  foutient  qu'elle  étoit  néceflai- 
re  pour  empêcher  dé  retomber  dans 
le  paganifme.  Dans  la  fuite  des  tems 
on  fut  moins  cruel  ;  il  n'en  coûta  point 
la  vie  aux  tranfgreffeurs  de  la  Loi , 
(i)  Effais  ,"^^^s  l'honneur.  M.  de  Sainte  Foi  (i) 
.  p.  4 îl  rapporte  dans  fes  Effais  fur  Tbiftoire 


t.  2 


i>*  E  R  A  s  M  e;  477 

de  Paris  ,  qu'un  Guré  de  Saint  Méri , 
fur  la  fin  du  quatorzième  ficelé,  fit 
condamner  un  de  fes  Paroiflîens  à  fai- 
re amende  -  honorable  un  Dimanche  à 
la  porte  de  fa  Paroifle,  pour  avoir 
mange  de  la  viande  un  Vendredi.  De- 
puis le  Calvinifme  ,  on  augmenta  la 
rigueur  de  la  Loi  en  France  ;  &  Ré- 
gnier de  la  Planche  rapporte  (  a  )  que  W  Com^l 
Tan  lydo.  la  Cour  de  Parlement  fit^^l^/f"® 
défenfes  à  tous  Bouchers ,  Rôtiffeurs ,  f^  ^^\l^' 
Vivandiers    &   autres    que  le    Bou*  gj^n^  p.^^j 
cher  de  l'Hôrel-Dieu  ,  de  vendre  .du- 
rant le  Carême  aucune  chair,  fous 
peine  de  la  hart* 

La  punition  que  l'on  infligepit  en 
Pologne  à  ceux  qui  violoient  la  Loi 
du  maigre  du  tems  de  Ditmare ,  qui 
vivoit  fur  la  fin  du  dixième  fiecle  & 
au  commencement  du  onzième ,  eft 
finguliere ,  &c  mérite  d'être  rappor-. 
tée  :  on  leur  arrachoit  les  dents  (  i  )• 

(  1  )  Qiiicumque  foji  feptuage/imam  car^ 
nem  mandacajfe  tnvenitur ,  abfcifis  demibus  , 
graviter  f  unit  tir,  Lex  namque  dîvîna  in  his 
regionihi^s  noviter  exortu ,  fofeftate  tali  ^ 
meliiis  quàm  jejunio  ab  Efijcofis  inJlUmo  , 
eorrQhoratuf. 

Ditmarus ,  initio  Libri  odavi. 
Voyez  aufïi  Balufe ,  notes  fur  les  Capinilair 
res,  p.  10 j^.  ' 


478        .       ViK 

Erafine  înftroit  qoe  fes  expreflîons  au 
fujet  de  la  défenfe  de  manger  gras  les 
jours  prohibés  avoient  déplu  à  plu- 
ileurs  perfonnes  ,  crut  devoir  s'expli- 
quer ;  &  il  adreâa  une  Lettre  apo- 
logétique (i)  à  TEvêquc  de  Bafle 
M  ^f{fl»  fur  cette  naatiere  (  ^i)  ,  datée  de  Bafl,e 

91.  L.  \9.  jg  lendemain  de  Pâques  de  l'an  15-22. 

^*J^  43.  £Ug  ^^  £y^  imprimée  qu'avec  le  con- 
fentement  de  ce  Prélat.  Il  y  fait  d'a- 
bord l'éloge  da  jeûne ,  qu'il  appelle 
un  fecours  pour  la  vraie  piété ,  quand 
on  en  fait  un  bon  ufage.  Ses  effets  font 
I®.  de  réprimer  les  défirsde  la  chair, 
en  l'empêchant  de  fe. révolter  contre 
Tqfprit  j  2®,  d'appaifer  la  colère  de 
Dieu  j  par  la  punition  que  nous  nous 
infligeons  nous  -  mêmes.  L'Ancien- 
Teftament  nous  apprend  en  plufîeurs 
endroits  ,  que  le  jeûne  eft  un  des 
moyens  de  fléchir  la  colère  divine; 
&  Jefus-Chrift  nous  a  enfeîgné  qu  il 
y  avoir  une  cfpece  de  Démon  qui  ne 
le  chaiToit  que  par  le  jeûne  &  par  la 
prière.  L'Eglife  naiflante  n'étoit  oc- 
cupée que  de  jeûnes  &  de  prières. 

(  i  )  Dejiderii  Urajmi  Epifiol^  Afclcgeti- 
CA  y  de  imerdiUo  efu  camtum ,  dequefitmli- 
eus  homtnum  confiituthnihus  ;  a4  Rêver cn^ 
dum  in  ChriJIc  Patrem ,  &  lllufirem  ?iitu  i- 
fem^  ChriJlûfhoTHm  Efifcojpttm  Bafilienfem, 


D*  E  R  A  s  M  e;  47P 

Ce  n'ëtoit  pas  qu'il  y  eût  aucun  pré- 
cepte qui  obligeât  les  Chrétiens  de 
jeûner  ;  chacun  fe  livroit  à  fa  dévo- 
tiçn ,  fans  y  être  forcé  par  la  Loi. 
Cet  ufage  de  jeûner  étant  établi  dans 
TEglife  par  le  tacite  confentement  des 
Peuples ,  fut  confirmé  par  l'autorité 
des  Evêques  ,  &  enfuite  par  celle  de 
PEvêque  de  Rome ,  qui  s'appercevoic 
que  le  zeie  des  Fidelles  fe  refroidifr 
foit.  On  fit  des  Loix  que  Ton  ne  peut 
violer  fans  manquer  à  l'ordre  public  9 
d'autant  plus  que  la  pratique  du  jeû- 
ne eft  fondée  fur  l'exemple  des  Pror 
phetes ,  de  S.  Jean-Baptifte ,  de  Jefus- 
Chrift  même  ,  des  Apôtres  &  des 
Pères  qui  l'ont  recommandé  comme . 
un  des  moyens  d'appaifer  la  colère 
de  Dieu.  S'il  y  avoit  des  ufages  dont 
les  circonftances  pourroient  faire  dé- 
firer  l'abolition,  du  moins  elle  de- 
vroit  fe  faire  fans  tumulte  :  c'eft  ainfi 
que  Jefus  -  Chrifl  &  Saint  Paul  ont 
agi.  Erafme  vouloit  par-là  condamner 
les  Sedateurs  de  Luther ,  qui  fous 

£  rétexte  de  changer  les  articles  de 
)ifcipline  défapprouvés  par  leur  Maî- 
tre ,  caufoient  de  grands  troubles  dans 
l'Etat. 

Il  vient  enfuite  aux  Fêtes.  Il  croyoit 
que  Saint  Paul  n  avoit  point  fait  de 


48o  V  I  «      ^ 

diftinélion  entre  jour  &  jour ,  &  qu  a- 
près  lui  on  ordonna  que  le  Dimanche 
feroit  fêté ,  afin  que  le  Peuple  s'af- 
femblât  pour  entendre  la  parole  de 
Dieu.  Après  cela  vinrent  les  Fêtes 
dont  le  Peuple  fut  furchargé ,  parce 
que  fouvent  il  y  en  eut  d'établie^  fans 
néceffité ,  &  pour  des  caufes  très-lé- 
gères. Cette  multitude  de  Fêtes  dont 
on  pôurrbit  fe  pafler ,  a  plufieurs  in- 
convéniens.  Elle  eft  préjudiciable  au 
Peuple,  qu'elle  empêche  de  travail- 
ler j  &  au  lieu  de  s'occuper  de  cho- 
fes  pieufes ,  Texpérience  apprend  qu'il 
n'emploie  ces  jours-là  qu^à  la  crapule 
&  à  la  débauche.  Il  croit  donc  qu  on 
.feroit  très-bien  d'en  fupprimer  le  plus 
grand  nombre  ,  &  de  permettre  au 
Peuple  de  travailler  après  avoir  aflîflé 
à  l'Office,  filebefoin  de  famille  l'exi- 
ge ,  ou  m^me  fi  c'eft  pour  faire  quel- 
ques aumônes.  Ces  changemens  ne  doi- 
vent pas'  être  faits  tumultueufenient 
par  le  Peuple  ,  mais  feulement  par 
Tautorité  des  Supérieure ,  fans  que  la 
tranquillité  publique  en  foufte. 

Il  parle  enfuite  du  mariage  des  Prê- 
tres. Il  croit  qu'il  auroit  été  à  propos 
de  leur  permettre  pour  lors  d'avoir  des 
femmes  :  par- là  on  arrêteroit  les  fcan- 
dales  du  grand  nombre  de  ceux  qui 

vivant 


D'E  R  A  s  MB.  481; 

Vivent  dans  l'incontinence  jils  feroicnc 
beaucoup  plus  en  état  de  faire  du  bien. 
Il  étoit  perfuadé  que  auand  les  Eve- 

Sues  confentiroient  à  abolir  le  célibat 
es  Prêtres  ,  lesOfficiaux  quitiroienc 
un  grand  profit  des  amendes  dont  ils 
puniffoient  les  Prêtres  concubinaires , 
s'y  oppoferoienr. 

Il  #vient  enfuite  au  jeûne.  Il  pa- 
roît  perfuadé  qu'un  homme  très-fobre 
rfeft  obligé  de  jeûner  aue  dans  ces  tem« 
de  calamités ,  où  il  eu  queftion  d'ap- 
paifer  la  colère  de  Dieu.  Il  ne  vou- 
droit  pas  qu'on  menaçât  de  Tenfer  ceux 
qui  violent  des  jeûnes  établis  par  les 
hommes.  Il  paroît  douter  que  ces  me- 
naces ayent   été  approuvées  par  les 
Pontifes.    11  blâme  ceux  qui  s'imagi- 
nent remplir  Fefprit  de  la^  loi  du  jeûne , 
en  failànt  très-grande  chère  eh  mai- 
gre. Il  voudroit  qu'on  petrfiît  l'ufagé 
de  la  viande  les  jours  maigres ,  dans 
ies  pays  où  il  n'y  a  point  de  poiflbn  i 
»  car ,  dit-il ,  interdire  la  viande  lorf- 
»  qu'il  n'y  a  point  de  poiffon,  c'eft 
»  ordonner  la  famine.    »  Il  croit  que 
l'inégalité  des  tempérammens,  &  la  di- 
verfité  des  pays  ,  devroienc  empêcher 
de  faire  des  régies  générales.   Il  eft 
d'avis  qu'il  eft  plus  convenable  que  ce 
foient  les  Cures  qui  donnent  les  dif-î 


1^82  Vie 

Î)enfes  du  jeûne ,  parce  qu'ils  connoiÈ 
ent  mieux  leurs  Paroimens  que  les 
Evêques  même  ne  les  connoiffent.  Il 
ibuhaiteroit  que  les  difpenfes  fe  don- 
naflent  gram,  que  les  caufes  en  fiaffént 
toujours  juftes  :  w  auquel  cas  ,  dit- il , 
»  il  ne  faut  point  exiger  d'argent  ;  & 
30  fi  elles  ne  le  font  pas  ,  à  quoi  fert  la 
•  difpenfe?»  ^ 

Il  examine  enfuite ,  plutôt  ^ait-il , 

f)Our  s'inftrùire  que  pour  décider,  fi 
a  loi  du  jeûne  oblige  fous  peine  de 
péché  monel  ceux  qui  ne  Tobferve? 
roient  pas  ,  ou  par  ignorance ,  ou  à 
caufe  de  la  foibleue  de  leur  tempéram- 
ment ,  &  npn  point  par  mépris.  Il 
penche  alfcz  ï  croire  ,  que  ceux  qui 
ont  établi  le  jeûne  ont  été  affez  cha- 
ritables ,  pour  n'avoir  pas  fouhaité  que 
ceux  qui  ne  l'obferveroient  pas ,  fut 
fent  pumj^  par  des  fupplices  éternels* 
»  Je  ne  répéterai  point  ici,  ajoute-t-il, 
X  ce  que  plufîeurs  Théologiens  célé- 
â»  bres  ont  affuré,  que  les  Prélats 
a»  n'av oient  point  droit  d^ordonner  aur 
i  çuné  chofe  fous  peine  de  péché  mor-* 
i^  te) ,  à  moins  que  ce  ne  foit.  une  dé* 
?>pendancede  laLoiDiv'mej  ce  que 
3»  je  ne  prétends  ni  approuver  ni  réfur- 
*>  ter*  »  Il  finit  par  faire  des  fouhaits 
pour  la  Tuppreffico;!  dç^.  jioix  arbi^ai«p 


tes  5.  pourvu  qu'en  les  retranchant  la 
vraie  piété  augmente ,  &  que  ce  qu'on 
ôte  au  JudaïTme ,  on  le  rende  au  Qxrif* 
mnifme  :  ce  fontfes  exprefHous.il  pré« 
tend  qu'il  s'agiflbit  pour  lors  d'obli- 
ger-de  faire  maigre  le  Mercredi,  Il 
déclare  qu'il  n'a  jamais  confeillé  à  per*- 
fonne  de  faire  gras  les  jours  maigres 
fens  nédeffité  '  ;-  qu'il  a  toujours  été 
d'ayis  qif  il  felloit  fuivre  les  ufages  re- 
çus ;'&  que  quoique  fâ  mauvaife  fanté 
&  fon  averfion  naturelle  pour  le  p.oiC- 
fon  le  mettent  en  danger-  prefque  tous 
les  Carêmes  y  quoique  4es  Médecins 
lui  ayetit  oïdbmvé  de  faii*egras ,  il  ne 
leur  avait  obéi  qu'une  feule  fois  en 
Italie  ,  forcé  parie  Médecin  qui  le 
menaçoit  de  la  mon,  s'il  ne  renonçoit 
au  maigre  :  à  qui  cependant  il  n'obéit 
pbiftt  entièrement  5»  is  étant  contenté  de 
ikniîllôné  gras  avec  des  jaunes  d'œufe* 
Il  eô  Ufoit  encore  de  même  quelques 
î^uTs  dânè  les?  Carêmes  y  toujours  par 
ordre  du  Médecin,  &avec  une  dif- 
fehfe  de  R^me. 

^  Il  s  en^  fallût  bien  que  cette  Lettre 
Apologétique  réconciliât  Erafme  avec 
fcgS'-Tfeeôl^liens.  -Beda-  en  fût  très- 
«âttldâlifé^i  il  ^foùtW  qu'elle  étoit  faJ 
vôraWe^aXix  Lutïiérlens.'  'Erafme  pté-  (a)  Epi  h 
|fend[îit>(a><jUellè  leur  àvoit; fondé- ?.*^*  *^* 

Xij 


/Vis 
/  ^^fffc  ce  qu'il  avoit  écrit  à  PEvè^ 

f%  Bafle  ,  il  n'avoit  pas  craint  de 
^^]Xt  (  a  )  au  Cardinal  Cainpege  > 
(*)  ^^!^&  même  aux  Papes  Adrien  V  I.  & 
r''%  Clément  VU.    Il  déclare  qu'U  eft 
^*  ^      perfuadé  que  le  jeûne ,  les  Fêtes ,    le 
célibat  des  Prêtres ,  avoient  été  intro- 
duits par  de  bçhnes    intentions ,  St 
conduifoient  à.  la  piété;  qu'il  avoit  fi 
peu  blâmé  lé  célibat  des. Prêtres  ^  qu'il 
avoit  dit  en  propres  termes ,  que  rien 
ne  feroit  plus  à  fouhaiter  que  de  voir 
les  Prêtres  fans  femmes  s'occuper  en- 
tièrement du  ferviae   de  .  Die^>    U 
croyoit  cependant  que  d^ips  Tétaj^  ac- 
tueloù  étpient  les,  stff^iyes  en  Alie- 
magne  ,    ce  ,  qu'<;m-  poi^itj  f^ire/  de 
mieux,  étoit  de  permettre  le  mariage 
{h)EftJi.{h)  aux  Prêtres  &;  aux  Moines*     ;- 
3.  i^  il.       Tout  ce  qa'Erafm.e^put  4ii:§  '.^n  fa 
faveur,  n'empêcha  po'^nt-que  fa  J^t^ 
fOChevr.tre  ne  fût  cenfurée  à  Paris  (.p)  J  .& 
)er,part.4.  Chrétien  Weçhel  1§  vendant  ^ngn^çK- 
c.  4.  tant  la  cenfurç  qui  çp .  av^it  été  faite  , 

njniverfité  voulut  lui  fj^ire  une  affiiire 
'  Tan  I  jr  34.  Elle  fut  mifeà  Tlnde^  dans 
(^  Poflc-la  fuite  (i)  des  tem?*;,.      \    o  A 
vin.  pçs  t):oi&  ajïtiçks  .qui  îop:  \^  jujes 

dje^cette:>Letfi:^:r  '^\fA^ï^  ^eu^Jiittefrt 
quels  Erafijae  a  ^^pfeir^j^rçeiï^tjljl^^ 
.  par  ce  q^k<sft  g^^ndepiÂs  ^u'il  eft 


D^  E  R  A  s  M  tf.  48/ 

taort.  Il  n*y  a  que  peu  de  pays,  oti 
l'on  n'ait  retranché  un  grand  nombre 
de  Fèces  :  Rome  ne  s'eft  ppintoppoCée 
à  ces  fuppreffions;  Tout  ce  qu  il  y  a 
de  Politiques  habiles  voudroient  qu'on 
en  diminuât  encore    la  trop  grande 
quantité  ;  &  les  gens  éclairés  font  très- 
çonyaincus ,  que  cela  peut  fe  faire  fans 
que  ia Religion enfouffre; 
5  Qviant  ^u  mariage  des  Prêtres ,  per- 
fipfnne  n  jgîïore  avec  quel  empreffenjent 
4  futdejQ^andé  par  les  François  &  par 
les  AUemans  pendant  le  Concile  de 
ïrente.  Us  fe  fondoient  en  partie  (a)  (a)  Onu&e* 
Ipr  ce  fameux  Apophtegme  du  PapeFrapaolo  » 
P/e  tr.que  FEglife  Occidentale  avoit  ^'  7» 
oéfendu  lei  mari3ge  aux-  Prêtres  pour 
dpî?onnps.'i:;^CMisj^  mais  qu'il  le  leur 
^lloit  peroftôttre  maintenant  pour  d'au«; 
très  meilleures, 

La  queftion  du  péché  qu'encourt 
celui  qui  n'obéit  pas  à  la  loi  du  jeûne  ,^ 
eftplus  {lé|ic2ge*;  Onine-fera  peut-être' 
aa  fâché  d^l^oîr. ici  ce, que  rapporte 
ce  fujeç^le  Cardinal  Sadolet,  dans 
Ion  Cpmmentaire  lur  l'Epître  aux  Ro- 
mains (b).  Il  nous  apprend  que  Gille (b]  F  i tS^. 
de  Viterbe  &  Thomas  Cajetan  ,   qui  ^'«  ^P(/^'  ^^ 
depuis  furent  tous  deux  Cardinaux  Z^^'"^"^'*, 
dilputpiçnî  h^  jour  avec  le  Cardinal  ^ 

LaufgQt  Compege»,  pouriavoir,fil!o-5} 

"Xiij 


ï 


4?^  V  I  B 

Biiifion  d'un  jeûne  commandé  qui  ne  fe 
fait  point  par  mépris ,  étoit  un  péch^^ 
^  monel.  Le  Cardinal  Campege  &  Ca- 
jetan  foutenoient  qu'elle  ne  l'étoii  pas  : 
Ms  difoient  que  le  jeune  écaïit  inftitaé 
pour  réprimer  la  concuptfcence ,  celm 
qui  étoit  affez  heureux  pour  être  venu 
a  ce  degré  de  perfeélion  de  n'avoir 
pas  befoin  de  recourir  à  ce  temede» 
pouvoit  fe  di^enfer  du  jeûne.  Gille 
etoit  d'un  avis  contraire  :  il  fdutéfioit 
que  le  jeûne  obligeoic  fous  peine  de 

Séché  tous  ceux  qui  pouvoient  jeûner. 
Is  convinrent  cependant- tous  trois  ^ 
-  qu'il  feroit  convenable  que  k  Pape  ac- 
cordât des  Indifl^cnces   à  ceux  qui 
Jeâneroient  ;  &  que  ceux'cpii  ne  jeu- 
neroient  pas  ,  pourvu  que- ée^ne  fut  ni' 

})ar  mépris  ni  par  opiniâtreté ,  ne  fuP 
ent  pas  coupables  de  péché  mortel. 
C'étoit  précuément    ce  que  penfoit 
Erafme. 
(4)  Eitfi.   Il  dédia  le  ^yMaî  xpLi.\c^\tïm- 
f  I .  JL.  x9'Xi  de  la  manière  d'écrire  des  Lettres  (i) 
à  Nicolas  Beraud.   II  y  avoît  près  de 
trente  ans  que  cet  Oûvragîe  avoit  été 
C^)  JSpî/î.  ébauché   à  Paris  (fc)  pour  Milord 
i^tz.         Monjoie ,  loriqu'Erafme  lui  enfeignoit 

(  I  )  Pf  ràiione  cwfcribeiM  EfiJMdt^  Il 
•â  aiUG  intitulé^  Dt  c4n^ihindii  ^iftolU^ 


1>*E  R  ASME.  487 

k  Rhétorique.  Il  n'avoir  pas  mis  plus 
de  Vingt  jours  à  le  compofer  ;  &  il 
fongeoit  fi  peu  à  le  donner  au  Public , 
qu'il  en  avoit  donné  Toriginal  à  Mont- 
joie  fans  en  garder  de  copie.  Quelques 
amis  quir  Tavoient  vu,  prièrent  Eraf- 
me  d'y  mettre  la  dernière  main  :  car  il 
étoit  tort  imparfait  ,  &  n'étoit  pas 
même  achevé.  Erafme  Tàyânt  relu  » 
h'avoifàucune  envie  de  le  retravailler  ; 
Biais  quelqu'un  qui  avoit  trouvé  lé 
moyen  d'en  avoir  une  copie  ,  la  fit  im* 
primer  à  Lyon  après  y  avoir  fait  des  • 
additions  &  des  retranchement  j  Se 
fouslehomd'Erafme  (f  )  il  dédia  cç  '(4)  Èp-Ji 
Livre  à  PaluèaniiSj  qu'il  ipi^elloit  Erafmi^' 
Pierre,  ne  fâchant  p^s  que  Paliidaniis '"'^^'^^^^•* 
avoit  Jean  pour  furnom.  Erafme  pour  ^^^^*"  ^•""^ 
lors  fe  crut  obligé  d'employer  quel- 
ques jours  à  retoucher  ce  Livre;  ce 
qui  lui  caufa  beaucoup  d'ennui.  H  e(t 
partagé  en  foixante  &  quatorze  chapi- 
tres ,  oh  fe  trouve  tout  ce  qui  peiît 
avoir  rapport  à  la  manière  d'écrite  des 
Lettres  ;  on  y  rencontre  plufieufs  di-  ^ 
greflîons.  Il  y  eri  a  une  à  la  louange  du 
iaiairiâge  ,  qu^il  fetoble  mettre  an-deflii* 
de  la  virginité  j  ce  qui  lui  attira  des 
affaires  de  la  part  des  Théologiens , 
qui  trouvoient  très-mauvais  qu'il  ne 
portât  point  l'exaiahude   Tbéologi* 

Xiiij 


àf  -^  ^^^^  '^  ptaifanterie; 
P^onxxi  («)  cette  déclama^ 
^  ,^/  ^//7  faveur  du  mariage  à  Milord 

p^  0f^^  '  ^?  Seigneur  dit  à  Erafme 
p//eftoit  perfuadé  qu'il  n'y  avoir 
^itït  d'état  plus  heureux  que  k  maria- 
^.  Erafme  lui  confeilla  de  fufpendre 
/on  jugement ,  jufqu'à  ce  qu'il  eût  lu  ce 
qu'il  fe  propofoit  de  répondre  en  fa- 
veur du  célibat  j  mais  Montjoie  après 
l'avoir  lu ,  fut  beaucoup  plus  content 
du  plaidoyer  en  faveur  du  mariage. 
Quand  Erafme  commença  cet  Ou- 
(H)  Efijï.yrzge,  il*avoit  deffein  (b)  deledé- 
4^.  l.^.  dier  au  Prince  Adolphe,  fils  de  la 
Marquife  de  Véçrc ,  fi  Battus  le  ju- 
geoit  à  propos.  Ce  projet  n'eut  pas 


îpomt, 

(d)  Pag.  beaucoup  (d)  ;  il  le  traite  de  Difciple 
11.  Edit.  ingrat  ,  &  de  perfide  ami.  «  H  a 
<®  ï^40.  ^  çaffé,  dit-il ,  la  meilleure  partie  de 
9»  la  vie  dans  les  Cours  des  Princes  ; 
V  ic  enfuite  chargé  de  riches  Bén^fi* 
m  ces ,  il  a  fongé  tard  à  devenir  fage , 
»  &  à  acquérir  des  connoiffances  qui 
»  n'enrichiflent  pas.  » 

Nous  joindrons  àcet  Ouvrage  ce* 
lui  de  la  manière  d'étudier ,  qui  eft 
^dr^ffée  à  Pierre  Wittier ,  Profeffcujî 


tn  Belles-Lettres ,  qui  aypit  prie  Erai- 

me  (a)  de  lui  donner  une  Méthode  (a)  EfIJt. 

pour  étudier  les  Belles-Lettres  (  i  )•    i  ?.  ^}9.% 

Il  veut  que  l'on  commence  par  les 
Grammaires  Grecque  &  Latine.  ^B 
.ciroyoit  que  la  meilleure  Grammaire 
Grecque  étqit  celle  de  Théodore  Ga- 
"i^  ,&  après  celle-là  celle  4e  Conftaa- 
tin  Lafcari^*  lia  Grammaire  Latine  la 
meilleure  entre  les  anciennes ,  eft  celle  . 
jde  Diomede  ;  celle  de  Perottus  eft  de 
toutes  les  modernes  celle  qui  vaut  lé 

^  Il  confeille  de  commencer  la  leéiu- 
icdes  Auteurs  Grecs  par  Lucien ,  de 
Jii;e  enfuite  Démofthene  &  Hérodote  : 
quant  aux  Poètes ,  il  veut  qu'on  com- 
mence par  Âriftophane  ,  après  lequel 
oir  vienctra  à  Homère  &  à  Euripide. 
Il  croit  qu'il  faut  condmencer  l.e  Latin 
par  Térence ,  auquel  oh  pourra  join- 
dre quelques  Comédies  de  Plaute-; 
après  quoi  on  lira  Virgile  5  Horace, 
Cicéron  ,  Cefiir  &  Sallufte.  Il  recom- 
mandede  lire  avec  attention  Laurent 
y  aile  :  il  veut  qu'on  lui  joigne  Donat 

<  I  )  CJe  Ifîvre  a  pour  titre  /  De  fludîo  'hg- 
^narum  Utterarum  ;  il  eft  aufïi  intitulé. ,    De 
ratione  ftuiti ,  Epi  K  1 3.  L.  2 p.  &  De  raiîone  ' 
jltéàmiêm  &  injiùuenài  Lîbsros  »  Epift.Botz» 

X  V 


êc  biomedè,  qui  oht  explîicjjië  les  figu- 
res de  Réthohguéi  q[u'on  apprenne  les 
régies  de  la  V'erfîucatioii ,  &  les  prin- 
cipes de  la  Rhétorique.  Il  iconfeille  la 
Dialeftique  d^Ariftote.  Il  croit   que 
pour  cultiver  fa  mémoire  9  il  faut  tranC- 
trire  les  chofes  les  pjus  rejnoiarqua'bles'; 
îl  fouhaiteroit  même  qu'oo^  les  écrivît 
Tur  les  murailles  de  fa.fchambre^,'  fiir 
fes  vitres,  afin  Qu'elles  fe  gravaffetit 
mieux  dans  la  mémoire.  Il  donne  en- 
fuite  des  leçons  aux  Maîtres.  Il  veut 
qu'ils  étudient  la  Philofophie  dans  Pla- 
ton ,  dans  Ariftote ,  dans  Xhéophra^ 
te  &  dans  Plotin.  II!  vient  enfuité  aux 
Interprètes  de  PEcriture-Sainte  :  il 
décide  qu'Origene  eft  le  meilleur; 
que  Saint  Chriioftoiïie  eft  le  plus  fub- 
til  &  le  plus  agréable  ;  que  5wiint  Ba- 
'file  eft  \t  plus  pieux;  que  oaint  Aijn- 
'broife  eft  admirable  pour  le  fens,  allé- 
gorique ;  &  que  Saiiit  Jérôme  expli- 
que très- bien  les  difficultés  du  Texte 
Sacré. 

Il  confeille  d'étudier  1^  Géogra* 

fhie  dans  Mêla  qui  eft  CQurt  ;  dans 
tolemée  qui  eft  tpès  -  fâvimt  ;  dans 
Pline  qui  eft  trèsexaél  ;  dans  Scrabon 
où  il  y  a  bien  d'autres  chofés  à  ap- 
prè  idre  que  la  Qéographié.  On  doit . 
étudier  la  généalogie  des  Dieux  ^  {| 


Ton  veut  cntendrer  les  Fables  :  on  la 
trouvera  dans  Hefîode  &  dans  Boca<* 
<e,  quia  traité  cette  matière' mieux 
qu'on  ne  devoir  l'attendre  d'un  Ecri- 
vain de  fon  fiecle.  Il  fouhaiteroit  quQ 
les  Maîtres  fuflent  un  peu  d'Aftro^ 
nomie ,  de  Mulîque ,  &  même  d'Ar-j 
çhkeélure.  «  C'eu  exiger  beaucoup.de. 
9  connoiflances ,  s'objeéle  - 1  -  il  :  »  â 
^uoi  il  répond  oue  s'il  en  demande 
beaucoup  a  un  leul ,  c'eft  pour  i'ar» 
vantagede  plufieurs.  »  Je  veux,  dit  il, ^ 
•  que  le  Maître  ait  une  grande  le6lu^ 
^  re ,  afin  qu'il  épargne  beaucoup  de 
»  peine  à  fes  Difciples.  » 

Il  expofe  enfuite  fon  fentiment  fur 
les  Thèmes.  Les  fujets  doivent  être  , 
ou  une  Hiftoire  méiiiorable ,  ou  une 
Fable  qui  contienne  un  fens  moral , 
d'oi  il  réfulte.  quelque  utilité  pour  U 
<?ofîduite  de  la  vie ,  ou  une  Sentenccf  / 
oii  la  defcription  de'quelqué  cliofe  de 
retriarquable.  Il  voudroit  que  lorfqùe 
Iei5  Maîtres  ont  des  Ecoliers  avancés,, 
ils  leur  donnaflfent  à  compofcr  une  Let- 
tre un  peu  embarraflame,  foit  en  Grec» 
foi^  en  Latin  ,  où  un  Apologue ,  ou 
quelque  récit.  Il  eft  d'avis  qu'on  oc- 
cupe beaucoup  les  jeunes  gens  de  la 
traduftion  des  Livres  Grecs  ^  qu'on 
leur  fafle  faire  des  amplifications.  Il 

Xvj 


recommande  aux  Maîtres  de  faifîr  f  d* 
tes  les  occafions  que  la  Fable  ou  rifif- 
toire  pourront  fournir ,  pour  former 
les  mœurs  de  leurs  Difciples,  Ce  petit 
Ouvrage  ne  faurok  être  trop  lu  ni 
trop  médité  par  ceux  qui  forft  deftinér 
à  élever  des  jeunes  gens  ;  &  c^eft  ainfi 

2u*en  penfoit  Gilbert  Coufin  (  i  ).  Le 
Commentaire  (  2  )  fur  le  Pfeaume  (t^ 
cond  fut  fait  Tan  I5'22.  Il  y  eft  parlé 
de  la  mort  de  Léon  X^  comme  étant 
encore  récente  :  or  ce  Pape  mourut  le 
il  Décembre  iy2u  Erafrae  fuppofe 
que  -le  Roi  Prophète  a  eu  principale- 
ment Jefus  -  Chrift  en  vue  dans  ce 
Pfeaume.  L^an  2  J23 .  eft  celui  où  Eraf- 
me  fit  le  moins  d'ouvrages  5  il  ne  pa- 
rut de  lui  que  la  prière  Dominicale 

{  I  )  V9sfifcirejuvaf,  (liidiis  quit  cpmmoiia. 
oriQ 
Servetur  ;  quâvi's  quisjit  in  amfcofus;  \ 
Qud  ratione  fofkos  deceaf  dê^ofque  Pottas 
Tangere  ;  qui  frudlus  fojjit  &  inde  capi  ; 
Si  quid  in  his  rims  quod  mfi^  nfpuaf  j  am*. 
ffum  \ 

Senfibus  hune  litrum  vohhe ,  mde  kgtevem. 

(»)    Enarratio  Pfqlmi  fiçmdi  :  Q^an 
firtmu€run$  gentçs  î 


pour  lesfcpt  jours  de  la  femaîne  (  i  ) , 
aédiée  à  Jufte-Louis  de  ^ifembourg/ 
Secrétaire  &  Ambaffadeur  de  Sigiï- 
mond ,  Roi  de  Pologne  :  TEpître  Dé- 
dicatoire  (a)  eft  datée  du  24  O6I0-    (ayEpifl; 
bre  1 5" 23*  Ce  Seigneur  avoit  fôuhai-  ^6.  L.  %9i 
té  quErafme  travaillât  fur  ce  fujet; 
&  pour  Vy  déterminer ,  il  lui  avoit  fait* 
un  préfent  très-élégant  ;  c'eft  tout  ce 
que  Ton  en  fçait. 

L*Exomologefe ,  ou  la  maniéré  de 
fe  confeffer,  eft.(2)  le  premier  Ou- 
vrage  qu'Erafme    fit    paraître    Tan^ 
ir24«  il  le  dédia  (i)  à  François  du*  (h)Efiflé 
Moulin  de  Rochefort,  défigné  Evê-jo.  U  ^9^ 
ue  de  Condom,  C'eft  celui  qui  avoit 
té  Précepteur  de  François  I.  &  qui 
étoit  entré  dans  la  négociation  dont 
Tobjet  étoit  de  faire  venir  ferafme  en 
France.  Le  Roi  l*avoit  nommé  Eve-* 
que  de  Concjom  {^c)tr\  vertu  du  Con*  (c)  Dupiai 
cordât  ;  mais  comme  Péxécution  de 
ce  traité  fouffirit  beaucoup  de  difficul- 
tés en  France  >  Rochefort  céda  fon     - 

Ci)  Precatio  Domtnica  y  digefla  infeftem 
fartei  juxtaJeftemdieT*  Ceft-là  le  titre  que 
«et  Ouvrage  a  dans  la  coUeâion  des  (Ëuyres: 
d'Erarfme  \  mais  dans  la  première  Edition  il 
efi  un  peu  différent  :  Preca$iû  Domtnica  in 
Jeptem  -portionei  dijlributa, 

Ç^)  Eixomologelir  ,  Jîve  modut  cohftendi. 


î 


494  Y  I  K 

4roit  à  Erard  de  Groflîles  ^  qui  avolt 
•été  élu  par  le  Chapitre. 

L*Epitre  Dédicatoire  d'Erafmc  etf 
du  24  Février  :  elle  nous  apprend , 
que  les  violens  accès  de  gravelîe  qu'il 
avoir  eus  l'année  dernière  pendant  le- 
mois  dç  Juillet  &  à  Noël ,  ravoiènc' 
«Jcterroiné  à  écrire  fur  cette  matière» 
comptant  aller  Bientôt  paroître  devant 
i)ieu 
Erafme  commence  par  traiter  de  l'Au* 
teur  de  laConfeflion  auriculaire;  il  n'ofe 
décider  qui  eft-cequi  Ta  inftituéejmais 
il  foutiènt  qu'elle  eft  fi  utile ,  que  lé$^ 
panifans  même  de  Luther  n'ont  pas  pff 
révoquer  en  doute  fes  avantages.  Il' 
déclare  que  s'il  fe  fentoit  la  conscience 
chargée  d'un  péché  mortel  ^  il  n'auroit 
pas  la  hardielfe  d'approcher  de  la  Sain- 
te Table  fans  s'être  réconcilié  parle 
miniftere  d'un  Prêtre  ,  &  qu'il  feroit 
très-fâché  de  mourir  fans  avoir  recours 
i  un  remède  fi  falutaire»  L'objet  de 
(on  Ouvrage  efl  d'expofer  les  avanta- 
ges de  la  ConfefEon ,  &  les  devoirs  des 
Confefleurs. 

,  Le  principal  avantage  de  la. Confef-f 
fion  eft  d'humilier  le  Pécheur  ;  le  fe-* 
corfd  efl  de  Tinftruir^  ;  le  troifieme  j 
de  l'empêcher  de  fe  défefpérer  à  la' 
vue  de  i'énormité  de  fes  crimes  i  le 


.      D*  É  R  A  s,  M  B.  4^  r 

quatrième.,  de  lui  procurer  l'éclaircil-i 
fement  de  fts  (crupulesj  le  cinquième, 
dé  l'obliger  de  réfléchir  fur  fa  condui-* 
te  &  fur  fes  mauvaifes  habitudes  ;  là 
fixieme  9  de  prév^enrr  les  rechutes  pat 
la  honte  qu'il  y  a  à  découvrir  fesjpé- 
ch^  ;  le  leptlcme  ,  que  la  Confemoiï 
fious  met  dans  la  iiéceflhé  de  travail-* 
1er  à  nous  connoîtrej  le  huitième, 
^ue  la  çriere  du  Prêtre  cft  utile  pout 
attirer  fur  nous  la  grâce  du  Ciel  ;  le 
neuvième  ,  que  la  pénitence  rétablit 
f  homme  dans  la  fociété  des  enfans  de 
Bieu.  Erafme  fait  voir  enluite  ,  que 
te  mépris  de  la  Corifeflîun  eft  un  pé- 
ché grave  qui  mené  au  paganifme, 
dans  lequel  on  voit  retomber  plufieurs 

})erfonnes ,  fous  le  faux  prétexte  de  la 
iberté  Evangélique.  Il  vient  enfuite 
aux  maux  auxquels  laConfeffion  a  don» 
tïé  lieu  par  la  méchanceté  des  hom- 
me» :  le  premier  èft ,  qu'elle  a  fouvenc 
caufé  la  perte  des  jeunes  Confeffeurs  ; 
fecondement ,  elle  leur  infpire  de  l'or- 
gueil &  de  la  hauteur.  On  a  vu  des 
Confeffeurs  abufer  de  la  ConfefTion 
pour  {éduire  leurs  Péhitenres  :  il  affure. 
avoir  appris  d'un  Confeffcur  ,  qu'il 
àvoit  confeffé'  un  malheureux  Direc- 
te r  de  Religieufes  ,  qui  en  avoir  en- 
fraîné  deux-  cens  dans  le  défordre. 


I 


Le  cinquième  danger  de  la  Con&f^ 
fion  eft  rindifcrétion  des  Confefleurs  > 
qui  a  mis  Quelquefois  leurs  Pénitens 
CD  danger  de  perdre  la  réputation  & 
la  vie  ;  le  fixieme  »  que  la  Confellioii 
accoutume  lesPécheurs  à  parler  de  leurs 

{')échés  fans  borne  ;  lefeptieme,  qu*eU 
e  a  été  une  occafion  de  dçfefpoir  pour 
plufîeurs;  le  ^tieme^  que  pluueurs 
perfonnes  s^imaginent  qu'il  fuffit  defe 
coDfefifer,  pour  obtenir  la  rémifllon  de 
fespéchés ;  le  neuvième ,  que  fa  Con- 
femon  n*eft  fouvent  qu'hypocrifie  & 
facrilége.  Il  conclut  que  les  ConfeC* 
.feurs  ncfauroient  être  ni  trop  pieux 
ni  trop  éclairés  ;  qu'il  faut  avoir  une 
grande  attention  dans  le  choix  d'un 
Confeffeur  ;  &  qu'on  ne  peut  pas  trop 
s'examiner  quand  on  veut  feire  une 
çonfefGon  fmcere  &  utile.  Il  parle  en-» 
fuite  de  la  manière  de  fe  confeffer  ;  & 
il  donne  d'excellens  préceptes  aux 
Confefleurs  &  aux  Pénitens.  Il  finit 
par  expofer  les  remèdes  que  l'on  peut 
oppofcr  aux  abus  de  la  Confeflion. 

Cet  Ouvrage  fut  très-malreçu  desi 
Théologiens;  ils  blâmèrent  hautement 
le  doute  que  l'Auteur  avoit  fait  pan 
roître  fur  Kinflitution  de  la  Confefî 
fion  :  nous  vetron?  ailleurs  comment 
il  chercha  à  exçufer  ce  pirrhonifme* 


d'Erasme;         497 
J\  fit  dans  la  fuite  (a)  quelque  chan-  (4)  ».  Lî- 
gement  à  ce  Livre  ,   voulant  par-là  vre  adver-. 
calmer  ceux  qui  s'en  fcandalifoient.  Le  *^  ^*'^* 
jugement  que  Cardan  fit  de  cet  Ou- 
vrage mérite  d'être  rapporté.  »  Eraf- 
»me,  dit-il  (fc),  a  fait  Féloge  de  (^^?f^^ 
»  la  Confeffion  ;  mais  en  même-tems  il  ^'''"j^^^ 
a»  a  apporté  des  raifons  capables  de  ^'  ' 
»  détourner  de  la  Confeilion ,  &  elles 
w  font  plus  fortes  que  celles  quHl  a  em- 
^  ployées  pour  la  Confcflîon.  Il  y  a 
9  de  rart  dansxe  Livre  j  mais  le  jpro- 
»  jet  en  eft  mauvais  ,  parce  que  dans 
»  les  matières  de  foi  le  doute  eft  cn- 
»  core  plus  dangereux  que  Terreur*.  » 
Berquin  qui  fuivoit  les  nouvelles 
opinions ,  traduifit  en  François  ce  Lw 
vre  d'ErafmeCc);   ,&  il  inféra  dans  (c)  Conu 
cette  traduftion  plufieurs  propofitions  de  Fleuri  , 
contraires  à  la  Doélrine  de  TEglifel'-  M«.  »• 
Catholique  :  c'eft  pourquoi  le  Parle-  ^®* 
ment  de  Paris  condamna  au  feu  le  14^ 
Février  1 5*4 5.  plufieurs  Livres,  par- 
mi lefouels  fe  trouve  la  Manière  de  fe 
confelïer  d'Erafme;  mais  cette  coa- 
damnation  ne  regarde  que  la  traduc- 
tion de  Berquin. 

La  Paraphrafe  fur  le  troifiëme  Pfeau- 
me  (  I  )  eft  dédiée  à  Melchior  Wan-. 

(  I  )  Farapkrafit  in  Pfalmum  III.  Domi'^ 
ne,  quiàmM^Hcati  ^  &c. 

/ 


498  V  I  B 

dal  j  Théologien  dç  Louvaîn ,  par 
une  Epître  datée  du  2  J  Février  1^2,^. 
c'eft-à-dire ,  le  jour  d'après  qu^Erafine 
eut  dédié  fon  Exomologefe  jà  TEvê- 
que  défigné  de  Condom.  EraCne  rap- 
porte tout  ce  Pfeaume  à  Jefus-Chrift. 
Ce  fut  l'an  1524.  qu'il  acheva 
l'Edition  de  S,  Jérôme  j  les  Lettres 
avoient  déjà  paru  en  lyKÎ.  Erafme 
avoit  fait  une  étude  particulière  des 
Ouvrages  de  ce  Père,  pour  lequel. il 
avok  la  plus  profonde  vénération.  Il 
(«)  jBf(/?.écrivoit  dès  l'an  149P  {a):  J'ai  la 
l^*  ^»  /•  99  plus  grande  ardfeur  d'éclaircir  par 
ji  jun  Commentaire  les  Epîtres  de  Sï 
»  Jérôme,  Quelque  Dieu  m'a  inipiré 
»  d'entreprendre  un  fi  grand  Ouvragé, 
»  €|ui  n'a  jamais  été  tenté  par  perfonne, 
*  J'y  fuis  porté  par  le  refpeà  que  j*ai 
»  pour  la  piété  de  cet  homme  célefte  » 
»  qui  eft  fans  contredit  le  plusfavant 
»»-&  le  plus  éloquent  de  tous  les  Chré- 
•»  tiens.  Sçs  Ouvrages  qui  font  dignes 
»  d'être  lus  &  appris  par  cœur ,  foiït 
3»  très-  peu  lus ,  par  conféquent  peu  ad- 
w  mirés ,  &  encore  moins  entendus* 
»  Je  connois  toute  la  difficulté  de  l'en- 
1»  treprife  :  il  faut  d'abord  corriger  les 
3^  fautes  du  texte  qui  eft  très^.cbrron^ 
»  pu; ,  éclaircir  tout  ce  qui  regarde 
»  l'antiquité.  *  Il  me  iemble  que  per» 


B*  E  R  A  s  M  E.  4P$ 

m  fonne  n'écrit  avec  plus  d*art  que  ce 
m  Père  :  il  peut  aller  de  pair  avec 
»  Ciceron  -,  •&  même  fi  Tamoiir  que 
I»  fai  pour  ce  faint  homme  ne  me 
*»  trompe  ;  .lorfijue  je  le  compare  avec 
p  Ciceron  ,  je  défire  quelque  chofir 
»  dans  ce  Prince  de  l'Eloquence.  » 

Douze  ans  après  cette  Lettre  écrite  > 
IL  étoit  encore  tout  aulli  entboufiafiné 
de  fon  travail  ùxi  S.  Jérôme.  Il  écri* 
voit  à. Ammonio  (»)  le  premier  Sep ^  (a)  Eptjt4 
ïexiire  i5 1 1.  »i  J'ai  un  fi  graliA  <léfir  19*  ^»  *f 
•>  de  corriger  &  d'éclaircir  par  des 
p  fcholics  les  Ouvrages  de  S.  Jérôme > 
^  qu'il  me  feinble  que  •  je  fois  animé 
f  par  quelque  iDieu.  Je:  Tai  déjà  preCi- 
•»;quetout  collatiduhé  avec  d'anciens 
^manufcrits;  &  f  y  ai  fait  beaucoup 
?  de  correâions.  Il  m'en  a  coûté  bien 
«^  de  l'argent,  » 

Il  s'étend  davantage  fur  ce  fujet 
dans  la  Lettre  au  Pape  Léon  X.  (t)  ^^j  E^iji^ 
Ai.^  Avril  îjiy*  Après -avoir  feit  u  L.  >• 
le  plus  grand  éloge  de  S.  Jérôme  » 
que  pat  une  louange  exceffive  il  ap- 
pelle» non- feulement  le  premier  des 
Théologiens  •Latins ,  mais  le  feul  qui 
mérite  prefque  le  nom  de  Théolo-^ 
gien ,  parce  qM'il  a  effacé  tous  les  au* 
très  par  Téminence  de  fa  doftrine ,  il 
aâurc  xjûe  les  Ouvra|;es  d'un  fi  grand 


yoo         •    ^      V  I  K 

homme  qui  devroient  être  entre^leé 
mains  de  tout  le  monde  ,  font  fi  cor- 
rompus ,  qu'ik  ne  peuveiît  pas  être  en- 
tendus même  des  Savans  ;   qu'excité 
Ear  des  gens  habiles  &  par  xles  Pré- 
m  9  il  avoit  entrepris  de  travailler  à 
rétablir  &  à  éclaircir  le  texte  de  ce 
Père.  Il  nomme  parmi  les  Evêques 
^ui   l'ont  exhojî^  d'eotteprendre  ce 
grand  travail  «  fiUiUâunœ.  Warrham 
Archevêque  de  C^titori>«i.,  &  Jean- 
Pierre  Caraffc  Evêquô-  ,de  Th«ate  , 
Nonce  en  Angleterre:  c*éft  lui  qui 
depuis  fut  Pape  fous  le  nom  de  Paul  IV. 
Erafme  en  avoit  pour  lors   la  plus 
grande  idée.  :  il  e^iitle  réloquesce) 
^'intégrité ,  la  gratté  &  W  piété  dece 
Prélat;  iUffurequ-ilétoit  habiledans 
les  trois  Langues  ;fa vantes  ,  qu'il  ex- 
celloit  dans  la  Théologie  »  enfin  que 
fes  verjus  dévoient  le  faire  regarder 
comme  un  des  Qrnemens  de  VEglifc 
.  de  Rome  3  6c  cômm^  w  modèle  par^^ 
fait  pour  l'Angletecre^^ 
.    Il  déclare  eQfpité  >  que  ce  font  les 
Lettres  de  S.  Jérôme  qu'il  s'eft  chargé 
de  donner  au  Public  j  qu'il  les  a  re- 
vues fur  les  anciens  manufcrits  j  qu'il  a 
rétabli  divers  psfflage^  par  fes  conjec- 
tures ;  qu'il  a  reftitué  le  Grec  ;. qu'il  a 
fyouté  .de^.Scholies  d^ns  tîous  les  e&i 


x>'Erasmb.  ^of 

droits  qui  pouvoient  arrêter  le  Lee-  > 
teur;  qu^il  avoit  {éparé  ce  qui  avoit 
été.  faulTement  attribué  à.  ce  Père  » 
d'avec  fes  Ouvrages  légitimes  j  qu'il 
y  avoit  joint  les  Préfaces  St  les  re-    . 
marques  qui  pouvoient  être  utiles  au 
Leâeur.  Il  afTure  que  ce  travail  lui  a 
prefquje  coûté  la  rie  ^  &  quH  ne  craint 
pas  de  dire  avec  fernient ,  qu^il  avoit 
eu  plus  de  pebe  à  rétablir  &  éclaircir 
\fis  Ouvrages  de  S.  Jérôme ,  que  ce 
Saint  n'en  avoit  eu  à  les  faire.    On 
cômmençoit  déjà  à  faire  à  Bafle  cette 
EdhionjrErafme  prend  dc-là  occafion 
de  louer  Fi:9ben  t  &  ceux  qui  étoient 
Occppé$  i  contribuer  à  donner  S.  Jé4 
tome.  Rpyçhlin  ^  Conon.de  Nurem- 
berg Dominicain  ,   Rhenànus,    le»    • 
Frères  Amorbaces  -,  travailloient  en^ 
femble  à  cet  Ouvrage  ;    pour  lui  , 
U  s'étoit  réferVé  les  Epîtres,  Son:  in- 
tention ppuff  lors  étoit  dt  dédier  au 
Pape  cette  Edition  (a),  qu'il  avoir  (a)  Eptjl. 
d'abord  déftinée  à  l'Archevêque  de»«L.  *.  & 
CâDtorberi.  ^0^  ^ 

.  Il  fe) rendit  1  Ç^fle  (i)  pour  être  (^)  Epi/i^ 
plus  à  portée  de  veiller  fur  l'Ouvra- /l/j^naiii, 
ge-Xe,prçn>îer  tome  qtu  contient  lefr 
l,ettrcs  de  Saint  Jérôme ,  parut  e»  ^.^ 

tj|i(î.  ;  &  quoiqu'il  ait  voulu  le  dédiée 
ij^çp^iXtriC^pendapti  l'Epîtrç  D6i 


yol  Vis 

dicatoire  qui  eft  du  i  Avril  lp6i 
eftadreiTéeà  GuillaumeWarrham.Hiùt 
ans  après  ,  c'eft-à-dirc  lan  1524; 
f  rafine  donna  les  autres  Ouvrages  de 
Saint  Jérôme ,  dédiés  auffi  à  TEvêi 
que  de  Cantorbéri ,  en  deux  nou- 
veaux tomes.  L'£pître  ]>édicatx>ire  du 
fécond  eft  du  i  Juîq  ij^2,^  &  celle 
du  troifieme  eft  du  y  du  même  mois« 
Cette  Edition  dont  Erafme  cotnptoit 
retirer  des  louanges  8c  de  id  recon^ 
noiflànce ,  fut  extrêmement?  critiquée^ 
On  ne  peut  pas  en  parler  plus  mal, 
oue  le  fit  Marianus  Viâdrius  iitii 
rEpître  Dédicatoîre  de  Saint  Jénàme 
adfeflée  à  Pie  IV.  Il  pféfendit  M^ 
reflitué  près  de  qùînzé-céDS'paflàges, 

3ui  étoient  corrompus  dans  rEdition 
'Erafme,  ou  par  la  faute  ;  ou  parce- 
qu^il  ne  les  avoit  pas  rétablis.  Il  fou- 
tint  que  les  Scholies  étùiertt  recfrpli^ 
d'erreurs  &  d'ignoranc^s^qu'élleS  prdU-^; 
voient  qu'il  n'^étoit  pas  fort  habile  daffJ 
le.  Grec.  Mais  JolephScàliger  trouva* 
(d)  St4/i-  que  (a)  la  cenfure  de  Marian'us  Vie-' 
gêrana.  tonus  étoit  outrée  j  il<:dhveAoit  -ce- 
pendant gu'Erafme  avoir  étïé  trof>  har- 
di dans  les  rcôitûtions,'&  (fi'il'avdfc 
corrompu  plufieurs  pàflâge^.  Ge  (^tiî 
oft  confltanti,  eft'  qiie  cette-  Èditiari 
B'pit  pas  un'é  ap^iobàtidn*eom^€ttef 


I>*  E  R  A  s  M  E.  yo J 

Elle  fut  condamnée  par  Paul  IV.  ce* 
lui-même  qui  avoit  exhorté  Erafme  ' 

à  l'entreprendre ,  &  dont  il  avoit  feit 
un  .fi  grand  éloge  dans  fa  Lettre  à 
Léon  X.  BuUingerus  écrivit  {a)  dc(a)Amœnb 
Rome  Tan  iy/7»  »  Le  Pape  Paul  IV. '^^'f  Lwf- 
»  fait  ici  brûler  des  Livres  ;  tous  ceux  ^^Tlf'^^*  *• 
»  d'Erafme  l'ont  été.  On  brûle  même  lR  J^T 
»  Saint  Cyprien ,  Saint  Jérôme ,  Saint  hUcâ  Jm* 
9  Auguftin ,  fous  prétexte  qu'ils  font  torùate 
m  fouillés  par  les  Scholies  d'Erafme.  »  combuflh  ^ 
Il  eft  certain  qu'il  y  avoit  des  har-  *^*  *^'   ?• 


A99. 


dielTes  dans  les  remarques  d'Erafme^' 

qui  dévoient  caufer  des  fcandales  chez 

les  Théologiens.      Il   parloir  (  b  )(*)Tomfré 

contre lespelerinages:  il  foutenoit que  ^^\l^^'  ^ 

la  Confeflion  auriculaire  qui  avoit  été      '       ' 

fagement  établie  par  l'Eglife,  n'étoic 

Sas  encore  en  ufage  du  tems  de  Saint 
érôme.  Il  avoit  dit  (c)  eh  parlant   (c)  Efîjî. 
des  Ariens  &  des  Catholiques,  qu'il  DedicatAix 
avoit  été  long-tems  douteux  de  quel  *•  ^°°*^» 
côté  l'Eglife  fe  tourneroit  ;  que  l' A- 
rianifme  étoit  plutôt  une  faâion  &  un 
fchifme ,  qu'une  héréfie  ;  qu'il  y  avoit 
eu  pendant  un  tems  preique  autant 
d'Ariens  que  de  Catholiques  ;  &  aue 
les  Ariens  étoient  fupérieurs  en  élo- 
quence &  en  dodrine  à  leurs  adver-   ^j%  ^pifl^ 
faires.  Il  avoit. parlé  (d)  des  Livres D^diV*/. dû 
Sacrés  de.  rAncien-Teftament  qui  n'é-  y  tome. 


yo4  Vie 

toient  écrits  qu  en  Grec  ,  comme  n'é- 
tant pas  Canoniques. 

11  n'en  fallok  pas  davantage  pouf 
fouleyer  contre  lui ,  fur  tout  dans  un 
tems   ou  les  Théologiens  étaient  fi 
fort  en  garde  contre  tout  ce  qui  pou* 
voit  fevoriferJe  Luthéranifme.  Les 
moindres  prétextes  fuffifoient  pour  dé- 
crier Eraime  ;  &  la  haine  de  fes  enne- 
mis étoit  portée  à  des  excès  quidégé- 
tiéroient  en  ridicule.  Ce  qui  le  paflTa  à 
Toccafion  de  l'édition  de  S.  Jérôme  , 
(cn  eft'une  preuve  bien  fenfible.  Un 
JEvêque  de  l'Ordre  de  Saint  Domi- 
'  Xâ)  Efijl.mquc  (a),   ConfelTeur  de  la  Reine 
^.    I.    ^.  d'Angleterre ,  voulut  perfuader  à  cet- 
liftft.^.L.^^  Princeffe  quErafine  n'étoit  qu'un 
•**  téméraire,  puifqu'il  ofoit  entrepren- 

dre de  corriger  les  Ouvrages  d'un  aulr 
fi  grand  Doéleur  que  Saint  Jérôme. 
La  Reine  peu  au  fait  de  ces  matières  » 
^  trouva  un  Seigneur  Proteâeur  d'Eraf^ 
me  ;  &  elle  lui  demanda  fi  Saint  Je*- 
rôme  n  avoit  pas  été  un  très  -  fàvant 
homme,  s'il  n'étoit  pas  dans  le  Ciel? 
Ce  Seigneur  en  ^tant  convenu:»  Com»  ' 
m  ment  défendrez-vous  votre  Erafme  y 
9  continua-t-elle ,  qui  ofe  corriger  les 
»  Ouvrages  de  Saint  Jérôme  ?  En  fait- 
9  il  plus  que  ce  Saint  ?  Le  Courtilan 
n'eut  pas  de  peine  à  juflifier  fon  ami, 

& 


D*  E  R  A  s  M  K.  ypy 

&  à  démontrer  que  ce  n^étoit  pas  cor- 
riger un  Auteur ,  que  d'en  donner  une 
Edition  plus  correéle  que  celles  qui 
avoient  déjà  paru.  Le  i  Juillet  de  l'an 
i5'24.ErafmeficfonAveFt4{rement(a)   W  £/>(/?• 
de  fon  Diélionnaire  Grec  j  c'étoit  une  *'•  ^•*** 
augmentation  de  celui  de  Jacques  Ce- 
ratinus,  qui  n'avoit  entrepris  fon Lc- 
xîcon  que  for  les  preflantes  foUicita- 
■  tiens  d^Erafme.  Ce  Diftionnaire  qui 
dans  ce  tems-là  avoit  fon  mérite,  a 
été  oublié   depuis  que  Conftantin,      * 
Henri-Etienne  &  Portus  ont  fi  bien 
expliqué  la  fignification  des  termes 
Grecs. 

Ceratinus  étoit  fort  habile  (fc)  dans   ^^^  ^pîH. 
la  Langue  Grecque  &  dans  la  Langue  12.  L.  17, 
Latine  j  il  fut  Profefleur  dan^  le  Col- 
lège des  Langues  à  Tournai.  On  vou- 
lut lui  donner  une  place  de  Profefleur 
en  (c)  Langue  Grecque  dans- le  Col-   (c)  Eptfi 
lege  des  trois  Langues  à  Louvain;  mais  i^.t.  xo* 
il  donna  la  préférence  à  FUniverfité 
de  Lipfic ,  oà  Erafme  par  fon  crédit 
auprès  du  Duc  George  de  Saxe ,  lui 
procura  la  place  de  Profefleur  en  Lan- 
gue Grecque  vacante  par  la  mort  de 
Môfellanus.  Ceratinus  avoit  pour  Eraf-  W)  Efi/f* 
me  la  plus  grande  eftime  (i)  ;  il  lui|**  ^^  *^- 
a  dédié  un  Ouvrage  fur  la  pronon- f^^-^*  ^^' 


V 


Sp6  V  I  X 

ciation  des  Lettres  Grecques  t  '  )•  î^ 
le  regardolt  comme  le  Prince  de  la 
liittérature*  L'Evêque  de  Bafle  avoir 
dédié  UM  Chapelle  'aux  miféricordes 
du  Seigneur  ;  ji  pria  Erafme  de  faire 
un  Serinonfur  ce  fujet,  Erafme  fatif- 
-fir.proroptement  auxdéfir&du  Prélat; 
(A^EfiJl^^W  dédià.çe  petit  Ouvrage  (2)  à  i't 

3 y.  L.  i5'.vêquçdc.Bafle(fl)  le  Jip  Juillet  ipf 
Jl  y  avance  qu'il  feroit  plus  conrem* 
ble  de  commencer  les  Sermons  par  iiH 
•        voquêr  Jefus-Chrift ,  que  par  Tin  voca- 
tion de  la  Vierge;  ce  qui  pourroit 
Êdre  croira  que  l'iavocation  delà  Vier« 
gc  au  commencement  des  Sermons  n'é- 
toitpasefk:ôreak>Srsiinufageufliverfel.  | 
Le  Docfteur  Mattin  Dorpius ,  qui  ctqit  . 
fincérement  réconcilié   avec  Erafiuci 
lorfque  ce  Sermon  parut ,  lui  écrivoit  j 

(h)  Supfuu  (  t  )  qu'il  rfa  voit  pu.  le  lire  fans  en  être  i 

frror^/ai-    touché  jufqu'aux  Urmes. 

ctnjMeid^.     j^^  leadem^in  qu'Erafme  avoît  dé- 
dié cet  Ouvrage  à  TEv^que  deBatlcj 
(c)  Epifl.  il  dédia  (c  )  la  Comparaïfoo  de  h  vit* 

40. 1.  tp.  ginité  &.  du  roartycc  (  3  )  à  Elic  to* 

(  i  )  Dffottsf  Imerarttm^  ffdeferùmGf^ 
€arum, 

(  1  )  D^  magnhadw  nHjimvrdîafttm  D^i 
mini  C^ncio. 


D*  E  R  A  s  M  E.  yoy 

fcaeus ,  Dîréfteur  des  Religîeufes  Mac- 
cabées  à  Cologne.  Il  fait  Téloge  de 
la  virginité  &  du  martyre  :  il  eft  en 
doute  qui  des  deux  mérite  la  préfé* 
lence  ;  il  coaclut  que  la  virginité  efl 
une  efpece  de  martyre,  &  qu^une  Vier- 
ge Chrétienne  doit  être  dans  lalîifpo- 
fitipn  de  fouifrir  le  martyre»  Il  nnit 
J)ar  repréfenter  quelle  doit  être  la  vie 
d^unc  Vierge  vraiment  Chrétienne. 

Les  Colloques  d'Erafme  parurent 
Tan  15*24.  dans  leur  perfeélion.  Il  y 
•voit  déjà  plufieurs  années  {a)  que^^)  j^Ms - 
pour  exercer  fon  ftyle,  &  pour  èttç  udoribuu 
utile  aux  jeunes  gens ,  il  avoit  compo- 
fé  des  Dialogues  qu'il  ne  comptoit  pas 
devoir  être  imprimés.  Un  certain  Ho- 
lonius  trouva  le  moyen  d'en  avoir  un 
exemplaire  ;  &  il  le  vendit  fort  cher  à 
Froben  ,  à  qui  il  perfuada  qu'il  lui 
donnoit  la  préférence  fur  plufieurs  au- 
tres Libraires  9   qui  lui  en  offroient 
beaucoup  d'argent.  Froben  les  impri- 
ma ;  &  ils  parurent  en  fort  mauvais 
état  :  car  outre  que  l'on  y  avoit  inféré 
plufieurs  chofes  fort  ridicules  (fc)  ,  il  (^)  EraCmi 
:y  avoit  des  fautes  groflîeres  contre  la  't^^"'^ 
•pureté  de  la  Langue  Latine  ;  néan-    **  ^^  * 
moins  ils  furent  très-bien  reçus  du  Pu- 
blic. Ce  fucccs  engagea  Era'meàles    ' 
levoir.  Il  y  ajouta  plufieurs  principes 


JoS  V  r  K 

qu'il  croyoît  capables  de  former  Tef- 
prit  ic  les  mœurs  des  jeunes  gens  ;  il 
chercha' à  tourner  en  ridicule  plufieurs 
abus  qui  s'étoicnt  introduits  *  &  qui 
étoient  autorifés  par  ceix  qui  trou- 
voient  leur  intérêt  à  entretenir  ces  er- 
reurs |)opulaires.  Il  croyoit  que  la  lec- 
ture de  cet  Ouvrage  auroit  cet  avan- 
tage ,  qu'elle  donneroit  aux  jeunes 
gens  des  principes  de  Poëfie ,  de  Rhé- 
thoriqu^ ,  de  Phyfique  &  de  Morale. 
Il  y  en  avoit  déjà  eu  plufieurs  Edi- 
tions, lorfqu'après  Pavoir  revu  &  aug- 
(a)  Efijl.  ijienté  confidérablement ,  il  le  dédia  (a) 
i%s  t.  19.  iç  i  Août  1 5*24.  à  Jean  Erafmius  Fro- 
ben  fon  Filleul  (  i  )  qui  pour  lors  n'a- 
(b)  EfiJ!^  voit  que  huit  ans.  Les  additions  (  b  ) 
^ofz»         qu'Erafme  y  avoit  faites  excitèrent  de 

<^)^f"** grands  murmurofi  chez  les  Moines  &  1 
pdoeie    "  ^^^  Théologiens.  Le  Carme  Degmond 
dErafme  ,  fig^ala  le  premier  fon  zèle  ;  il  foutintj 
p.  9u         qu'il  y  avoit  quatre  héréfies  dans  lesj 
(d)in  An-  Colloques.  Pighius  prétendit.  (  c  )  quel 
'^''"w-'m  '  ^°"^  les  Volumes  de  Luther  n'étoiencj 
V^ntJii   ^'  pas  fi  danerereux  que  ce  Livre  fi  peii 
WitaUtn-    Chrétien  ;  c  cft  ainu  qu  il  le  traitoit- 
iis , fart.  I.  Antonius   Sulger  ,   Bénédidin  {à)i 
f.'\i%.  A'  n'en  parle  pas  avec  moins  de  fureur  jj 

rr.aïutates    ^^^Q.      ç^^ç^^^  j^^  ^   ^^  LJyj.^  ^\^^ç  J^, 
littéraux^  n  j>  i       j  >• 

7.  tome      flammes ,  d  autant  plus  dangereux  qu  • 
p.  110,        '    (1)  Cçllc^uhrum^iber. 


•.      d'Erasme;  ]ro^ 

feft  plus  agréable.  Le  venin  fe  gliffe 
îtifenfiblement  ;  &  vous  êtes  empoi- 

-;-  fonné  en  le  lifant  ,^îf?àht  que  vous 
Vous  en  foyez  apperçu.  Le  Critique 

.  de  r Apologie  d^Erafme  eft  tout  aufli 
mal  diljpofé  contre  cet  Ouji;rage  ;  il 
prétend  que  jamais  Livre  ne  fut  plus 
propre  que  celui  des  Colloques  à  cor- 
rompre- les  moeurs  ,  à  infpirer  l'irré- 
ligion ,  .&  à  fournir  aux  libertins  des 
traiis  de  fatyre  contre  tout  ce  qu*il  y 
à  de  plus  facré. 

Ce  fut  à  Paris  où  les  Colloques  eur 
rent  le  plus  de  fuccès ,  &  éprouvè- 
rent les  plus  grandes  contradiftions. 
Colineeri  avoir  imprimé  (^)  jufqu'à  (a)  Ep/y?. 
vingt-quatre  mille  exemplaires,  qui  *î^*  ^»  ^^* 
furent  bientôt  enlevés ,  parce  que  le 
bruit  couroit  qu'ils  alloient  être  con- 
damnés* Ce  fiit  Beda ,  Syndic  de  Soi^- 
bonçÊ^  qui  contribua  plus  que  perfon- 
rie Jrla  profcription  de  ce  Livre  :  il       . 
ëtoit  perfuadé  que  les  Livres  d'Eraf- 
me  n'étoient  pas  moins  dangereux  que 
ceux  de  Luther.  La  Sorbonne  étant  " 
affembléele  26  Mai    \s^6.  (*)  il  ff)  J'Ar- 
l'engagea  à  décider*  que  dans  le  Livre  ^^^\  *  *^*t^ 
des  Colloques  il  y  avoir  plufieurs  cho-  fu'ivaates» 
•fes   erronées,  fcandaleufes  ,   impies; 
&  que  l'Auteur,  payen  en  cela  ,  trai- 
|(oic  la  Religion  Chrétienne  &  fes  Sain- 

Yiij 


jio  Vis 

tes  obfervaoces  avec  le  plus  grana  mé-- 
pris.  La  Faculté  reprend  les  termes 
peu  décens  avec  lefquels  il  parle  des 
habits  des  Religieux ,  des  vœux  que 
Ton  fait  aux  Saints ,  des  Pèlerinages , 
de  la  ConfefCon ,  des  Ordonnances  dé 
TEelife  jMes  difputes  Théologiqûes , 
de  1  abfHnence  du  maigre ,  de  la  pré-* 
férence  du  mariage  fur  la  vil-ginité  > 
de  invocation  des  Saints ,  de  la  prière 
pour  les  Morts  :  elle  Tacculè  de  re- 
nouveller  les  erreurs  des  Ariens  ,  de$ 
Wiclefîftes ,  des  Vaudois  ^  des  Luthé- 
riens, &  de  divers  autres  Hérétiques; 
&  en  conféquence  la  leâure  de  ce  Li- 
vre eft  interdite,  de  peur  que  le  venin 
qui  s'y  trouve ,  n'éloigne  entièrement 
les  Leéleurs  de  la  Keligion  Chréi 
tienne. 

La  Sorbonne  non  contente  d'avoir 
ainfi  flétri  Erafme ,  pourfuivit  fon  Li-» 
vre  au  Parlement ,  par  cette  Reguêtc 
qu'elle  lui  préfenta  :  «  Supplient  hum* 
3»  blement  les  Doyens  &  Doéleùrs  de 
»  la  Faculté  de  Théologie  de  Paris. 
9  Comme  depuis  trois  ans  ou  environ, 
^•par  Ordonnance  de  la  Cour,  au- 
cf  cuns  Huiflîers  d'icelle  ,  en  la  pré- 
at  fence  de  M.  l'Avocat  Lifet ,  &.aur 
9  cuns  Doéleurs  de  la  Faculté  prî-r 
?  rent  es  maifons  d'aucuns  Libraires 


d'E  R  A  ^  MB.         yir 
»  de  ladite  Univerfité    quantité  de 
»  Livres  ,    Ôc  iceûx  ensporterent  au 
»  Greffe  de  ladite  Co«r  f  ^'on  difoiç 
tr  contenir  pïufièurj?  erfeuf s  contre  far 
»'Foi  &  les  bonnes  mœurs ,  entre  tef- 
vQVLch  étoit  un  petit  hme  intk«lé  : 
vFantiliarium  CôllequiorHmfi^mulaifper 
mDefidtrhcm  Eraftnum  ,  UtofiiA  Livre 
ar  a  depuî»  été  fort  augmenta ,    &  re-* 
9^  connu  paf  ledit  Era  f  nie  par  phideof r 
»•  fois  :  &  potti-  ce  qu'efilhe»  tfdditîoiig  y 
arapbfiears  erreurs  adjointes  atexpre-** 
«'mieres,  qui  fe  li(lnt  aux  jeiuies  getir 
^  étudians    en  Grâtomàire   ett  cette- 
arUniverfité  de  P^ris  &  ^lleora,  èofw 
•^pkfienrs  gens  de  bien  avertis ,  confi-*^ 
*4érant  que  ta  le<9îure  dtoîit  livre  eft 
n  fort  pemicleufe    a%rKdi«s    efï^fans  r 
tr  pourtant  que  l'Auteur ,  qoclcompie 
3Ef  il  foit  j  les  induit ,  &  tous  ceux  qû 
.i^le  lîfent ,  fous  ombre  Ai  beau  lan^*' 
»•  gage  ,  it  perverfe  doftf ine ,  telle 
a»  qp'eft  celle  de  Luther  ;.  c  eft  à  {k^- 
•  voir,   à   cotifcmner  fes^  Conflits- 
ce  rions  &  ComfiÂafidefiiens  de  l^Eglife: 
«touchant  les  jeftnes  &  abftiaençes^, 
»  ï  peu  prifer  le  commandement  d© 
a»  Confeffion  ,  &  de  prier  &  recpéplr 
j»  la  Benoîce  Vierge   Marie    &   les 
«Saints,  les  voeux  &  honnête  c^ré- 
9t-  monies-  de  Religion- ,  &  autrses  feiar 

Yiiij 


»  blables  obfêrvanccs  de  TEglife ,  Icf- 
»>  quelles  chofesontëté  puis  n'agueres 
9  remontrées  à  ladite  Faculté ,  &*re- 
•  quis  qu'eHe  voulût  foire  vifitcr  & 
»  examiner,  ledit  Livre  par  fes  Dé- 
p  pûtes  ;  ce  qui  a  été  fait  i  &  après  le 
w  rapport  défaits  Députés ,  vu  &  con- 
»  fideréles  erreurs  contenues  audit  Li- 
ai^ vre  augmenté  &  ici  attaché  ,  avec 
a»lefdites  erreurs  extraites  d'iceki, 
a»  auroit  condamné  ledit  Livre ,  comme 
»  il  appert  par  la  coDcîuûon  de  ladite. 
»  Faculté  pareillement  ici  attachée: 
»  Ce  confidéré  ,  &  même  qu*il  n'eft 
a?  rien  plus  mauvais  ne  dommageable  à 
>•  la  chofe  publique ,  que  bailler  à  jca- 
*>nes  gens  telles  doélrines,  jouxte  €f 
m  que  dit  S.  Paul ,  Corrumpunt  bmi 
^  mores  colloquia  pravaj  Vousplaue 
«pourvoir  &  ordonner  audit  aflaire» 
»  enforte  que  la  doftrine  dudit  Livre. 
#foit  extirpée  de  ce  Royaume  j  &  vous 
*^  ferez  bien ,  &c.  » 
'  On  ne  fçait  pas  ce  que  le  Parle* 
ment  fit  en  conléquence  de  cette  Re- 
quête ;  mais  il  efl  confiant  que  le  Roi 
François  L  ne  fut  pas  content  de  la 
vivacité  avec  laquelle  la  Faculté  agit 
(a)  Che-  ^^^^  occafion,  C'efl  ce  qui  p^* 

riller,parr  ^^^^  évidemment  par  la  I^ettre  (a)  qû« 
5u  c.  5.  *  ce, Prince  écxmi  d'Aflab^iTç  au  Par^ 


b'Er  AS  M*.         ^  yi; 

lèment  lep  Avril  iy2^.  elle  étoîc  ainfî 
conçue  :  »  Et  parce  que  Nous  fomnaes 
»  dûement  acertenés  ,  qu'indjfFércm- 
99  ment  ladite  Faculté  &c  leurs  fuppôts 
»  écrivent  contre  un  chacun ,  en  dé- 
à»  nigrant  leur  honneur  ,  érat  &  re- 
i>  nommée,comme  ont  fait  contre  EraC- 
•»  me  ,  &  pourroient  s'efforcer  à  faire 
»  1  Jfcemblable  contre  autres  ,  Nous 
»  vous  commandons  que  mandiez  in- 
»  continent  ceux  de  ladite  Faculté  , 
*  qu'ils  n'ayent  en  général  ni  en  par- 
»  ticulier  à  écrire  ni  compofer  &  im- 
!•  primer  chofes ,  qu'elles  n'ayént  pre- 
^  miérement  été  vues  &  approuvées 
••par  vous  ou  vos  Commis,  &  en 
«•  pleine  Cour  délibérées.  » 
'  La  Sorbonne ,  après  avoir  condamné 
les  Colloques ,  fe  propofa  (a)  de  faire  {a)  Du 
approuver  fa  cenfure  par  le  corps  de  Boulai ,  t. 
i'Univerfité  .  &  d'empêcher  parla  ^•P- *'^- 
que  les  Colloques  ne  fuflent  lus  dans 
les  Clafles.  Dans  une  alfemblée ,  Beda 
expofa  ce  qui  avoit  été  fait  en  Sor- 
bonne :  les  Facultés  de  Droit  &  de 
Médecine  donnèrent  kur  approbation 
à  ce  qui  avoit  été  décidé  par  la  Faculté 
de  Théologie;  mais  les  Arts  furent 
divifés  :  la  Nation  Françoife  condamna 
les  Colloques';  la  Nation  Allemande 
fut  d'avis  qu'on  ne  les  enfeignât  plus  :    - 

Yv 


1 

Tavis  de  la  Picardie  &  de  la  Normale 
die  étoit  qu'on  envoyât  à  Eraiime  une 
lifte  des  erreurs  qu'on  lui  attribuoxt  ^ 
&  qu'on  l'engageât  à  les  condamne^ 
lui-même  ;  ce  qui  auroit  été  plus  coor 
forme  i  la  charité  Chrétienne  9  &  auH 
roit  produit  de  meilleurs  effets^  qu'une 
condamnation  que  la  haine  &  la  brigue 
pouvoient  avoir  procurée*  ^ 

(a)  D'Ar-     ^^^  1'*"  ij'aS.  (a)  vers^lafindii 
jtermé ,   t.  ^^^  ^^  Juillet ,  il  y  eut  un  Régler 
2«  p.  52*     ment  fait  par  l'UniVerllté  aux  Mathur 
rins,  pour  ^défendre  de  lire  les  Col* 
ques  dans  les  CiafTes.  En  conféquence 
le  Reâeur  fit  un  Décret ,  <fù  fut  a&: 
ché  dans  tous  les  carrefours  de  l'Unir 
verfité.  Erafme  fut  fort  piqué  de  ce  qui 
fe  paffa  en  cette  occafion  5  il  en  par-* 
(h)  EfiJf.lQii  (ji)    comme    d'une  conjuration     j 
%9.  L.  ly.  j^n^e  paj  Bôda.  Il  y  a  lieu  de  dou-*: 
ter  fi  ce  Décret  fut  pleinement  exé- 
cuté :  car  dans  une  Lettre  datée  du 
(0  Epijl.  17  Mai  i^3<î.  (c)  après  s'être  plaint 
y  j.  L.  17.   de  deux  Cordeliers ,  qui  avokent  eu  le 
crédit  d'epnpêcher   qu'on  ne  lût  fes 
Colloques.^  Dple  #   il  dit  qu'il  en  eft 
d'aurant-plus  furpris,  que  cet  Ouvrage 
s'imprime  &  fe  vend  à  Ps^ris.  Il  tut 
(d)  D'Ar  ^'^^^^^  queftioû  des  Colloques  en  Sor- 
gcntré ,  t.  bonne  après  la  mort  d'Eraîme  :.on  les 
»*p«  i^7.   CQudamna  en  général  {d)i  &  le  27 


ij^vler.  ^5*^  la  Faculté  en  cçnfurat 
quelques  propoficions.  Il  y  a  grande 
apparence  >  que  le  Concile  de  Sens  de 
iVn  1528.  (tf  )  auquel  préfidoit  An-  (fl)il«W- 
ipine  Ouprat  Archevêque    de  cwe^^'^^'^^^s 
Ville,  Chancelier  de  France  &  Car  ^y^-^^*^ 
^pal,  amtenvue.Ejaifme,  larfquil'tré,;;}  p. 
paxie  dés  hénéfies  aue  des  hoaimes.8o« 
{lerv^ers^  gUileiit  dàps  dès.  Colloques  fa^ 
n^iliersé 

«  Les  Colloques  trouvèrent  aulC  de 
lacomradÂâioQ  en  Angleterre*  Erafme 
wport^  fes  plaintes  m  Cardinal  Wol- 
f ei ,  à  qui  il  manda  (  i  )  :  »  J'ai  appris  (h)  zplfî^ 
».que  la  vente  des  Colloques  ëtoir  dé-  j  j.  L.  >i. 
%  tendue  en  Angleterre  ;  f  en  fuis  d'au- 
».  tant-plus  furpris ,  qil'on  les  vend  li- 
M^breflo^ecu  à  Louvain  &;  à  Paris  ,  oh  il 
Mr  y  a  des  enaenfiis  déclar<^s  des  bonnes 
».  Lettres ,  qui  par  cette  raifon  ne  peu - 
aK.vent  nfte  fo.uffrir.  Que  votre  Gran- 
it dçur. commette  quelau'un  pourexa- 
«  miner  ce  Livre.  Si  1  on  trouve  quel- 
»«  que  chofe  d^impie ,  je  confens  qu^oa 
•.Tefface  ;  mais  fi  ce  ne  font  aue  des 
»  minuties  »  il  n'y  a  qu'à  confulter  des 
w  gens  de  bien ,  &  y  faire  les  change- 
»  mens  qu  iis  jugeront  à  çrqpos,  afin 
a»  que  la  Jeunefle  en  puifle  tirer  quel- 
,que  utilité,»  11  écrivit  (c)  à  l'Èvê-  fc)  E^\^^ 
ue  de  Lincola  conformément  à  ce4ï«  t.  s.c« 

Yvj         - 


$i6  Vie         '    \ 

qu'il  mandoit  au  Cardinal  Archevff^ 
que  d*Yorc  ,  qu'il  étoit  prêt  i  corri- 
£;er  dans  fes  Colldaues  ce  qu'on  lui 
leroit  voir  y  être  reprehenfible. 
Les  Colloques  furent  traduits  en  £{^ 
(a)  B;?!^.  pagnol  (a);  mais  ils  effuyerent  des 
*338»    ^'  critiques  très-ameres  en'  Efpagne.  Il 
fend*         y  a  même  apparence  qu'ils  furent  con- 
damnés au  feu  après  la  mort  d'Eraf* 
(h)  Bib.  noe  :  car  voici  ce  qu'on  lit  (  i  )  dans 
choifîe  de  une  Lettre  de  Clenarddu  4^  Décembre 
Colomicz,  i;'4o.»  Le  Marquis  de  Grenade  vient 
p.  4^^»      ^  ^ç  m'écrire  que  les  Colloques  d'EraC: 
»  me  étoient  deôinésau  feu.»  A  Rom^' 
lorfque  le  Pape  Paul  III.  voulut  fei- 
(c)  Slci-  re  une  réformation  dans  l'Eglife  (c),  if 
San ,  L,  j.  nomma  des  Cardinaux  &  des  Prélats  ^i 

f)our  lui  donner  \€^  avis  qu'ils  croyoienc 
es  plus  convenables.  Ils  opinicrent  k 
bannir  des  Ecoles  les  Colloques  d'E- 
rafme,  comme  capables  de  faire  de 
niauvaifes  impreflîons  contre  la  bonne 
dodrine  dans  Fefprit  des  jeunes  gens. 
Melanélon  que  fes  engagemens  avec 
Luther  avoient  indifpofé  contre  tout 
ce  qui  venoit  de  Rome,  en  parle Hen 
ces  termes  da;is  une  Lettre  à  Caméra^ 
Xà)  Epijt.  rîus  (  d  ).  »  Il  vient  de  paroître  une 
205.  !-•  4*  »  ridicule  délibération  des  Cardinaux 
»  touchant'  les  abus  à  corriger;  on  y 
»  défend  de  faire  lire  dans  les  Claâes 


b'  E  r  a  s  m  t;         yï*7 

h  les  Colloques  d'Erafme  ;  &  Ton  a 
»  employé  pour  cette  fomeufe  délibé- 
a»  ratiotn  des  Héros  tels  que  Sadolet  ic 
99  Aléaiïdre.  Que  peut  -  on  efpérer 
»  après  ceci  ?  » 

Enfin  les  Colloques  furent  condam- 
nés par  l^Inmiifition  ,  &  mis  dans  la 
,  pf'emiere  claue  des  Livres  défendus.  II 
cû  certain  que  cet  Oi^rage  devoit  na-. 
turellement  exciter  de  grands  mur- 
mures. Les  partifans  les   plus  .zélés 
d'Eraûne  (a)  ne  peuvent  dilconvenir ,  (a)  M.  A- 
qu'il  ne  foit  rempli  d'indifcrétion ,  &  dam  •  Vie 
qu'il  ne  s'y  trouve  des  propofitions  ^'^^^^'  * 
bazardées.  Jl  avoit  d'autant  plus  de  p^    "„*^ 
tort ,  qu'il  écr^voit  dans  un  tems  ora-  PoSevin! 
geux ,  où  il  devoit  apponer  plus  d'at-  Baillet,t.2.* 
tention  que   perfonne  ,  à  caufe  du  part.  2.  pw 

erand  nombre  de  fes  ennemis  quiexa-  ***•  J"Sc- 

♦      •  •  '11'  ment  des 

mmoient  tout  ce  qui  venoit  de  lui  avec  s^-^j 

la  plus  grande  rigueur.  Mais  tel  étoit 
fon  caraélere  ,  que  lorfqu'un  bon  mot 
fe  préfentoit  fur  quelque  matière  que 
ce  fût ,  il  né  pouvoit  ^as  s'y  réfuter. 
-Il  en  eft  convenu  lui-même  (fc).  »J'a-  (h)    Jid' 
»  voue  ,  difoit-il ,  que  par  la  difpofi-  versùtja^ 
»  tion  de   mon  efprit ,  je  fuis   trop  j^^^jf^' 
3t  porté  à  la  plaifanterie ,  non-feuie-  ^^^^T.   ' 
9i  ment  dans  mes  difcours  familiers , 
3^  mais  auffi  en  écrivant.  »  C'eft  fur- 
tout  dans  fes  Colloques   que  fe  fait 


fentir  fon  goût  pour  la  ndllerie  ;  ett 
voici  un  exemple.  >>I1  y  en  a>  dit-^ 
»ii,  qui  ont  recouvré  la  ùtmé^  en  fa 
a»  revêtant  d'un  habtt  de  lao^in  ovk 
xj  F*  '  ''  "  ^^  Cordelier  (  a  )  :  k  même  choie 
*^;/Jj;;!-»leurferoit  peut-être  arrivée,  s'ils  fe 
déforma.    ^  ^OTent  Couverts  do  manteau  de  quel-* 
(h)  LcnoHzt  y»  que  coquin  (  t  )«  3»  (^leL  fcandalQ 
/«//##.       une  propofition^e  cette  nature  ne  de-^ 
voit-elle  pas  caufer  cbes  les  Mo'mes  > 
dans  un  tems  oà  il  étok  très-à  la  mo- 
de de  fe  revêtir  par  efprit  de  piété  des^ 
habits  de  quelque  Ordre  Religieux  ^ 
Si  cette  dévoûon  étoic  deventfê  une 
fuperftition ,  il  étoit  bon  d'en  rcpceii-^ 
dre  les  abus  ;  mais  ce  ne  devoit  pa& 
être  avec  des  termes,  dont  non-feule- 
ment les  gens  de  bien ,  ma»  même  ler 
gens  du  monde  ne  fepermetcenc  ^ 
mais  l'ufage. 

Il  fcandaltfa.   aoâî  beaucoup    les. 
Théologiens ,  lorfqu'il  ne  craignit  p^ 
(0  p.  ^^.  ^^v^^c^^  (^)  9  que  plufieurs  s'abfte^ 
Tietasfuc'  noient  de  la  Théolc^ie,  pacce  qû'ilr 
rilii^  appréhendoient  qu'elle  ne  les  fît  chan- 

celer dans  la  Religion  ,  lorfqu^ib 
voyoient  que  tout  étoit  réduit  en  quef- 
tion.  Il  eft  vrai  que  la  méthode  des 
Scholaftiques  étoic  de  propofer  les 
objedions ,  av^nt  d'établir  leurs  The- 
ies  ;  mais  oç  n'écoit  pas  qu'ils  révoqua^/ 


fiait  en  doute  les  propofitîons  qa^ils 
examinoient  :  c'eft  que  c'étoit  un  ufa- 
ge  reçu  ^  ainfî  qu'on  peut  s'en  con- 
vaincre en  ouvrant  feulement  U  fom- 
me  de  Saint  Thomas.  Dans  les  Dia- 
logues qui  ont  pour  titre,  le  Repas 
profane,  &  le  Repas  Religieux ,  Eraf- 
me  s^exprime  f\  témérairement  fur  la 
Loi  du  maigre  i  fur  lé  jeûne  &  fur  l'o- 
bfervation  des  Fêtes ,  qu'il  avoue  qu'il 
en  a  voit  eu  de  là  confuuon.  Vives  qui 
l'aimoit   beaucoup ,  lui   écrivit  (a)    (a)  Efijfm 

Î)0ur  lui  avouer',  que  plufieurs  per-^^-   «prèi 
bnnes  lui  ,avoiçnt  demandé  à  quoi  ^^^^  ^^ 
bon  traiter  ces  matières  dans  un  Ou-  ^on,^*  * 
vrage  fait  pour  dies  enfens  ;  qu'il  n'a- 
voir rien  de  fatisfaifant  à  leur  répon- 
dre ,  parce  qu'il  penfoit  comme  eux  ; 
que  comme  il  nt  doutoit  cependant 

rs  qu'ilneût  eô  de  bormes  raifons  , 
le  prioit  de  les  lui  apprendre ,  afin 
d*étre  en  état  de  répondre.  Mais  Eraf- 
me  lui-même  a, déclaré,*  qu'il  n'étoit 
p^s  content  de  tout  ce  qu'il  a  voit  écrit 
dans  ces  Dialogues  ;  que  celui  qui 
avoit  pour  xitré  le  Repas  Religieux , 
avoit  été  imprimé  i  fon  infçu ,  & 
qu  il  n'avoit  pas  pu  le  fupprimer.  La 
Lettre  qu'il  fait  écrire  par  la  Vierge 
dans  le  Dialogue  fur  les  Pèlerinages , 
ç&  (b)  une  preuve   que   c^elque- ;(^) p, 41  ii 


lois  fon  jugement  Tabandonnoît.  Il 
fuppofe  que  la.Mere  de  Jefus-Chrift 
écrit  à  quelqu'un  ,  pour  le  féliciter  de 
ce  que  fuivant  la  Doftrine  de  Luther  , 
il  cherche  à  pèrfuader  fortement  qu'il 
eft  inutile  d'invoquer  les  Saints»  Il  eft 
vrai  qu'après  cela  il  reprend  des  abus 
intolérables  j  mais  croyoit-il  y  remé- 
dier, en  employant  comme  autorité 
un  nom  auflî  odieux  chez  les  Catho- 
liques que  celui  de  Luther  ?  N'étoit- 
ce  pas  plutôt  s'expofer  à  partager  la 
taine  générale,  qu'avoit  pour  lui  l'E- 
glife  Romaine  f  Mais  s  il  n'eft  pas 
poflîble  de  juftifier  tout  ce  qu'Erafme 
a  hazardé  dan^  cet  Ouvrage ,  il  eft  du 
moins  certain  que  les  critiques  qui  en 
furent  faites ,  lervirent  à  mettre  fa 
Catholicité  en  évidence ,  puifqu'il  dé- 
favoua  les  erreurs  qu'on  lui  attribuoît. 
Il  fit  des  remarques  fur  les  cenfures 
que  l'on  avoir  faites  des  Colloques  : 
(a)  Dupin  ,  elles  fe  réduifirent  à  dire  (^i  )  ï".  que 
BihLEcchf.  l'ona  falfifié  quelques-unes  de  fes  pro- 
pt  i80f  pofitions  ;  2°.  que  l'on  en  a  pris  plu- 
fieurs  à  contre-fens  ;  3^.  qu'on  lui  en 
attribue  qui  font  tirées  des  Dialogues  • 
oi\.le  principal  perfonnage  n'eft  pals 
celui  qui  eft  approuvé  j  4.^.  qu'il  n'a 
point  prétendu  attaquer  les  pratiques 
de  la  ^«iritable  dévotion  ;  mais  feule*: 


ment  celles  qui.  font  fupefftitieufes  ;  • 
jrS*  qu'il  a  feulement  blâmé  les  excès, 
&  la  trop  grande  confiance  qu'on  a 
dans  ces  chofes,  qui  eft  fouvent  capfe 

âu'on  néglige  des  devoirs  effenticls  de 
religion. 

•  Il  eft  fi  confiant  que  la  cenfure  de 
Sorbonne  avoi't  quelquefois  paffé  les 
bornes  de  la.  modération  ,  que  Nico- 
las Mercier ,  Sous-Principal  de  Na- 
varre, dans    la  révifion  des  Collo- 
ques faite  dans  le  fiécle  dernier  pour^ 
liifage  de  l'Univerfité  de  Paris ,   &    '       * 
approuvée  par  Jes  plus  favans  Doc- 
teurs de  Sorbonne ,  n'a  pas  jugé  à 
propos  de  fupprimer  deux  propofitions 
qui  avoient  été  traitées  d'erronées  dans 
la  cenfure  (a).:  Vxxne  regardoit  Dieu   0^)  ^P\fi* 
lePcre>  &  Tautre  le  Saint-Eforit.  Il  ^\^''Z''' 
jugea   apparemment  que  les  Apolo-  venier*  In* 
gies  d'Erafme  l'avoient  fuffifamment  qmritto   de 
juflifîé  ;  &  perfonne  ne  fç  plaigwt,  fidcp.i^^* 

:  Outre  les  reproches  que  Ton  fît  à  *  ^^^*  .  • 
Erafme  d'avoir  gUffé  de  mauvais  prin-  f^  JJ^'^J;'^* 
cïpes  dans  cet  Ouvrage^  capables  d'al-  y^    Epît; 
térer  la  foi  des  jeunes  gens  ,  Jofeph  d'Erafme 
Scaliger  prétendit  (b)  qu'il  y  avoit  14-  ^•»5'« 
quelques  fautes  contre  la  pureté  du  ^  <Ie  CoU^ 
ftyle  ;  &  Jules-Cefar  Scaliger  fon  pcre  Jj^^g^^^^^^ 
^ura  dans  fon  fécond  difcours  contre  (^)  scali"^ 
Èi;aûne>  qu'il  s'étoit  approprié  un  g<r4ii4» 


-ri2  ViH 

M  De  r«.'Dialogue  de  Leonicas  (a)  >  qu'il  avoiê 
térh  luio.  donné  comfite  étant  de  lui  ;  mais  c'eft 
UQ  ennemi  fi  emporté  &  fi  déx^iibn^ 
nable  »  qu'il  ne  mérite  pas  d'être  crik 
lorfquM  accuiè  faiu  donner  depreayes* 
Mal^é  le  déchaînement  des  Théo- 
logiens &  dés  Moines  contre  les  Col- 
loques, il  n'y  a  peut-ètse  poim  de 
Livre  qui  ait  été  aoffi  recherché.  Il 
fut  traduit  en  plufieurs  Langues.  Nous 
avons  déjà  va  qu'ils  avoient  été  tra- 
duits en  EfpagnoL  Petro  Lauto  de 
W  Kb,  Modene  les  mit  en  Italien  (  J );  &  Ci 
g||jj^.^*traduaion  eft  eftimée-Il  n'en  eft  pas 
p.  ^6.    '  ^  même  de  celles  que  nous  avons  en 
François.  H  y  en  a  ftne  ancienne  de 
Chapuzeau  ,  dont  Colonvtez  porte  un 
jugement  peu  âvorablè.  Quamt  à  cel- 
le de  G^ieudeville ,  on  voit  bien  qu'il 
a  eu  envie  de  réjouir  le  Leâeur  \  mais 
•  fes  bouffonneries  font  fi  mal  tournées, 
que  fi  ceux  qui  lifent  (k  traduâion 
ont  envie  de  rire  ,  c'eft  certainemeut 
Oeftt^^  dépens  du  TraduAeur.  Perfonne 
p/Ts /*  &  ^^^  mieux  jugé  des  Colloques  que  le 
p#  7f  3.  éd.  favant  Critique  Daniel  Hcinfius ,  lorf- 
îc  1 7i^.     qu'il  a  dit  (c),qu'Erafme  ne  s'étoit  peint 
nulle- part  fi  bien  que  dans  cet  agréa- 
ble Ouvrage;  qu'il  y  donnoit  des  pré- 
ceptes d'une  façon  qui  devoit  plaire  5 
l^ueles  plaiiàntenes^  &  les  chofesfj^s:. 


d'Erasmk;     ^       y2j' 

rieufes  qu'on  y  trouvoit ,  ëtoîent  d'au- 
tant plus  utiles ,  qu'elles  avoient  rap- 
port à  ce  qui^  fe  paflbit  dans  la  vie 
ordinsure  ;  &  que  tandis  qu'il  inftrui- 
foit ,  il  apprenoit  à  parler. 

Dans  le  fiécle  dernier  Nicolas  Mer- 
cier ,  Sous-Principal  du  Collège  de    * 
Navarre ,  ne  craignit  point  de  mettre 
les  Colloques  d'Erafme  entre  les  mains 
des  Ecoliers  de  TUniverfité  de  Paris  j  > 

&  il  en  parle  dans  fa  Préface  comme 
de  rOuvrage  le  plus  utile  au'il  y 
ait  pour  la  jeunefle,  puifqu^il  ëtoit 
agréable  &  utile  ,  qu'il  infiruifoit 
en  divertiffant;  &  que  le  ftyle  en  étoit 
très-pur.  Il  eft  vrai  qu'il  a  retranché  • 

})lufieurs  chofes  qui  avoient  été  cen- 
urées  avec  raifon  ;  &  en  ceb  il  n'a 
fait  que  fuivre  les  intentions  d'Erafme, 
dont  un  Secrétaire  nommé  Cannius 
avoit  retouché  les  Colloques.  Cette  ré- 
vifion  n'eft  pas  venue  jufqu'à  nous,  (a)   C^)  ^^P" 

Avant  de  quitter  ce  qui  regarde  les  ^t^L'-  - 
Colloques  ,  nous  parlerons  d*un  autre 

frand  chagrin  qu'ils  occafionnerent  à 
jrafme.  Un  Dominicain  Saxon ,  nom- 
n\é  Lambertus  Campefter,  s'avifade 
prendre  le  nom  d'Erafme ,  &  de  don- 
ner une  Edition  des  Colloques ,  dans 
laquelle  il  retrancha  tout  ce  qui  avoit 
liéplu  à  fes  Confrères  9  c^efl-à^  dire  ^ 


y!i4  U  I  « 

ce  qui  avoît  rapport  aux  Moînes ,  aul 
vœux,  aux  pèlerinages ,  aux  indul* 
gences,  H  ne  le  contenta  point  de  cela  : 
il  ajouta  une  Préfecc  dans  laquelle  il 
convenoit  en  fort  mauvais  Latin ,  que 
^   dans  les  premières  Editions  des  Col- 
loques il  y  avoit  plufieurs  chofes  con- 
formes à  la  Doârine  de  Luther  ;  mais 
qu'il  fe  rétraftoit;  que  fon  âge  avancé 
&  la  piété  Ty  engageoient  ;  que  tant 
quHl  vivroit ,  il  corrigeroit  fes  Ecrits, 
afin  d'épargner  à  fes  Mânes  les  dou- 
leurs de  rÉnfer, 
La  hardieflfe  de  ce  Moine  mit  Erafme 
^  dans  une  étrange  colère  :  il  fe  plaignit 

amèrement  de  cette  impofture  dans 
un  Ecrit  qu'il  rendit  public  (  i  )  ;  il 
releva  les  ignorances  &  les  abfurdi- 
tés  dont  ces  additions  étoicnt  rem- 
plies. Après  avoir  lu  cette  plainte , 
on  ne  peut  douter  que  cette  Edition 
altérée  de  Lambertu$  Campefter  n'ait 
Xa)  Eftjî,  ^x^é  vendue  publiquement ,  puifqu'E- 

a^M)  des^^'"^^  ^'^  ^^^  ^  ^^  nomme  ilm- 
Jacobins  ^prinf^^ur  {a).  Cependant  les  Auteurs 
t. a.  p.  si^  dc^^  Bibliothèque  des  Jacobins  (fc  ) 

(i)  De  fycofhantiis  &  impoflurh  cujuf* 
dam  DQminicam  ,  qui  in  G  allia  CoUoquia 
Erajmi  à  fe  ridicule  interpolata  e4i  cur4r 
ff9rat.  A  la  fiit  des  Colloques. 


D^  E  R  A  s  M  B.  ^    ^2f 

n'ont  pas  craint  de  s'avancer  jufqu'à 
dire ,  qu'il  y  avoit  toute  apparence 
qu'Erafme  avoit  ajouté  foi  à  de  faux 
bruits ,  &  que  Lambertus  Campefles 
n'avpit  jamais  donné  une  Edition  dei 
Colloques  d'Erafme,  puifqu'ils  rfa-. 
voient  pu  trouver ,  ni  cette  Edition  , 
ni  perfonne  qui  Teût  vue.  . 

Lambertus  Cartipefter  finit  fes  jours 
d'une    (a)   manière   peu    édifiante,  (à)  Efîlf: 
Après  avoir    ainfi   mutilé  les  Col-  5^»  ^  3«« 
loques  d'Erafme,  il  alla  à  Lyon,  oii^^^-   3*« 
s'étant  vanté  d'être  le  meilleur  ami   '  *^* 
d*Erafn(ie,  il  trouva  un  homme  qui 
le  croyant  fur  fa  parole ,  lui  fit  beau-^ 
coup  ae  politeffes.  La  reconnoiflfan-- 
ce  qu'il  en  eut  fut  de  lui  voler  trois-* 
cens  écus  :  on  courut  après  lui  \  8c 
on  l'attrappa  lorfqu  il  mangeoit    cet 
argent  avec  dçs  Filles.  11  s'échappa , 
&  il  fe  réfugia  à  Zorft  ,  Ville  du 
Duché  de  Juliers ,  où  ayant  apoûafié , 
il  fut  fait  Miniftre  de  TEvangile.  Il 
devint  auflî  furieux  contre  les  Catho- 
liques ,  qu'il  avoit  été  zélé  dans  fa 

(  I  )  Voici  comtne^il  parloit  (l'Erafme  eit 
apofirophant  Luther  ;  là  qttod ,  fimeminifti^ 
dudum  "Ërafmus  no/Ier  ,  &  excelje ,  &faiu* 
tarifer  monuit  ;  cujus  exemflo  &  rnonito  mag^ 
no  iuo'  bono  ^tinam  faruiîfef  !  Bib.  des  Ja^ 
^ç%\>ins,  t.  I»p.  5  3^  ,    ' 


S^^  V  I  8       ^ 

première  Religion  :  car  îiavoît  écrit 
coatre  Luther ,  &  il  avoir  même  cité 
Erafme  avec  honneur.  Son  caraAere 
ftditieux  ayant  déplu  au  Duc  de  Ju- 
liers ,  il  manda  aux  Habitans  de  Zorft 

3u'ils  lui  feroient  plaifîr  de  le  chaiTer 
e  cHez  eux  ;  mais  comme  il  n'y  avoit 
pas  beaucoup  de  fubordination  dans 
ces  tems  de  troubles ,  ils  firent  réponfe 
au  Duc  qu'ils  ne  pouvoient  pas  fe 

Saffer  de  leur  Miniftre.  Les  Auteurs 
e  la  Bibhotheque  des  Jacobins  ont 
cru ,  que  l'amour  de  leur  Ordre  devoir 
les  difpenfer  de  fuivre  les  régies  de 
FHiftoire^  ils  fe  font  bien  gardés  de 
parler  de  l'apoftafie  de  Lambertus 
Campefter^  en  faifànt  l'abrégé  de  fa 
vie. 

Erafme  finit  l'an  iy24«  par  un  pe- 
tit préfent  qu'il  (  i  J  fit  à  Marguerite 
Morus ,  fîUe  du  Chancelier ,  &  fem- 
me de  Guillaume  Roper  ;  c'étoit  un 
(a)  Pi*f^'  Commentaire  fur  deuxHymnes  de  Pru- 
ies  in  pru-  dence  :  l'Epître  Dédicatoire  eft  datée 
dentium     ^q  la  Fête  de  Noël  de  Tan  I5'24- 
Commet^a-      Dolet  traite  avec  mépris  ces  Com- 
YJ^^^'  ^^[ mçntziTes  (a);  mais  Erafme  lui-mê- 
jg^     '       me  n  en  avoit  pas  une  grande  idée.  H 

(  I  )  Commtnurmt  in  duos  Hymnos  Fnf^ 
dcmii,  de  Natali  &  Epifhémii  Fneri  hju. 


^  à  de  Pinjuftice  à  blâmer  un  Savant , 
{)arce  que  tous  fes  Ouvrages  ne  font 
pas  de  la  plus  grande  importance.  Il 
n'y  a  point  d'homme  de  Lettres ,  qui 
ne  fe  Icrit  fouvent  délaflfé  de  fes  gran- 
ides  emreprifcs  par  quelque  petit  Ou-    , 
vrage.  Cdui-ci  fut  TefFet  de  la  com- 
plaifimcc  quHl  croyoit  devoir  avoir 
jpour  la  fille  d'un  de  fes  meilleurs  amis. 
Il  commença  l'an  i  j'25'.  par  un  Ser- 
mon fur  le  quatrième  Pfeaume  (  i  )  > 
(qu'il  adreffa  à  l'Evêque  de  Lincoln 
ie  s  Janvier  (n).  Ilyavoit  déjà  plu-  (j)  Efifi^ 
.fieurs  années  que  ce  Prélat  étant  à  3^,  Lii$4 
Calais  avec  Erafme ,  l'avoit  voulu 
œgager  à  faire  un  Commentaire  fur 
les  Pfeaumes*,   &  depuis  il   lui  en 
.avoit  écrit  plufieurs  fois.  Quelques 
Savans  ^  &  des  Princes  auflî  fe  joi- 
gnirent à  l'Evêque  dç  Lincoln ,  pour 
obtenir  la  même  chofe  d'Erafme  :  il 
s'en  dé&ndit  par  des  raifons  qui  lui 
paroiffoient  fans  réplique  ;  mais  ceux 
qui  lui    faifoient  ces  inftances  n'en 
ayant  pas  été  fatisfaits ,  Erafme  s'i- 
magina qu'il  les  contenteroit ,  s'il  ex- 
pliquôit  quelques  Pfeaumes  ,  ce  qu'il 
entreprit  dès  que  fes  autres  études  le 

(  I  )  Concio  in  Pfalmum  4.    CUm  inv*-,  ^ 


Ji8  V  I  K  • 

lui  permirent.  Il  promît  à  l'Evêquë. 
de  Lincoln  de  continuer  à  travailler 
fur  les  Pfeaumes ,  s*il  étoit  content  da 
Commentaire  de  celui-ci  :  il  le  rap- 
porte tout  entier  à  JefusChrift. 
Le  8  Février  15*2^.  Erafme  dédia 
(a)Efift.yiij^Q  (^)  le  Naturalifte  à  Staniflas 
14.  ^•^«•Thurzon  Evêque  d'Ôlmutz,  Il  décide 
que  THiftoire  naturelle  de  Pline  n'èft 
pas  un  Livre ,  mais  un  tréfor  qui  ren- 
ferme tout  ce  qui  mérite  d'être  connu  ; 
il  aflureque  de  tous  ceux  qui  ont  tra- 
vaillé fur  Pline ,  perfonne  nç  TaTaît 
plus  heureufement  qu'Hermolaus  Bar-» 
barus ,  qui  a  fait  plus  de  reftitutions 

Îue  tous  les  autres.  Biïdée ,  Beraud»' 
ean  Céfaire  ont  aufli  employé  utile- 
ment leur  tems  à  corriger  le    texte 
.  de  ce  grand  Auteur ,  qui  étoit  en  fort 
mauvais  état,  par  la  négligence  des 
^    Copiftes  &  des  Imprimeurs.  Erafmfe 
fît  plufieurs  correâions  par  le  fccours 
d'un  très-ancien  manufcrir.  Le  Pêne 
Hardouin  n'a  pas  crû  devoir  mettr'e 
Erafme  au  rang  de  ceux  qui  ont  ren- 
du ferviçe  aux  Lettres ,  en  travaillant 
fur-  Pline  :  il  n'en  dit  pas  un  mot  dans 
fa  Préface,  dans  laquelle  il  ne  traite  pas 
trop  bien  Hermolaus  Barbarus ,  qu*il 
"    fuppofe  avoir  été  nommé  au  Cardi- 
nalat, quoique  Ughellus  qui  a  dû  mieux 

fa  voir 


D'  E  R  A  s  M  ï.  5*29 

favoîr  le  détail  de  la  vie  de  ce  Noble 
&  Savant  Vénitien ,  n'en  dife  pas  un 
mot. 

Le  douzième  jour  du  mois  de  Mai 
de  Tan  15-25'.  Erafme  dédia  (a)  à  (a)  Epijf. 
Thibaud  Bietrice  Curé  de  Porentru  ^"^^  ^  *^* 
la^  Liturgie  de  Nôtre-Dame  de  Lau- 
rette  (  i  ).  Il  y  ajouta  lin  Sei*mon  en 
Thonneur  de  la  Vierge ,  dans  lequel 
il  fait  voir  comment  on  doit  l'imiter. 

Cette  Liturgie  fut  approuvée  par 
Antoine  de  Vergî  ,  Archevêque  de 
Befançon  ;  fon  Mandement  efl  du  20 
Avril  15*  24.  on  la  lui  avoit  fait  voir 
fans  doute  manufcrite.  Ce  Prélat  y 
parle  d'Erafme,  comme  d^un  Savant  qui 
rend  de  grands  fervices  aux  Belles- 
Lettres  8c  à  la  Religigm 

Le  1 6  Mai  1 5*  2  j .  Erafme  fit  l'Epî- 
tre  Dédicatoire  du  Livre  de  Cœtîus  (b)  ^*5  ^?^^* 
touchant  le  libre  arbitre;  &  il  l'en-  *^-  ^'  ^^* 
voya  à  Florien  Motin. 

Le  plus  conlidérable  Ouvrage  qu'il 
ait  fait  Tan  15-25'.  eft  fon  Traité  de  la 
Langue  (  2  )  :  il  eft  dédié  à  Chrifto- 
phe  Schudlovietzci ,  Palatin  &  Caf- 
telan  de  Cracovie ,  &  Chancelier  de 
Pologne;  l'Epître  Dédicatoire  eft  du 

(  I  )  Vutrgla  Vîrgtnts  Lauretana. 

(  z  \Lingua  yfivg  de  Lingtii^  ufa  &  abafa^ 

TOTTÎC  L  Z 


f^o  V  I  ï  ' 

(a)  Epljl.  14.  Août.  Il  la  finit  modeftement  (a)f 

éi.  u  19'  en  retïwrquant  que  le  fujet  qu'il  a  en- 
trepris  eft  fort  étendu ,  &  qu'il  appré^ 
hende  qu'ayant  voulu  nnêler  le  pro- 
phane  avec  le  facré ,  il  n'y  ait  de  la 
confufîon  dans fon  Ouvrage,  d'autant 
plus  qu'il  n'avoit  pas  eu  Iç  tems  d*y 
mettre  la  dernière  main. 

Ce  Livre  cft  une  Déclamation  con- 
tre ceux  qui  font  un  mauvais  ufage  de 
la  Langue  ;  il  finit  par  d'excellens 
confeils* 

Le  Chancelier  de  Pologne  témoi- 
gna à  Erafme  la  fatisfadion  qu'il  avoit 
de  cet  Ouvrage  ,  par  le  préfent  d^une 
(h)  Efijt.  Cueillere  &  d'une  fourchette  d'or  (t> 

63.  L.  II.  Ce  Livre  eut  un  grand  fuccès  ;  en 
un  an  Froben  en  fit  trois  éditions.  La 
première  itoit  pleine  de  fautes  d'im- 
preflîon  ;  &  Erafme  nous  a  appris  lui- 

(<r)V.Baile.  même  (c)  que  quand  iljut  queftion 
de  le  réimprimer ,  il  fut  fort  embar- 
raflCé ,  parce  qu'il   eut  beaucoup  de 

*  peine  à  déchitrer  fa  copie. 

Il  y  a  beaucoup  de  hbené  dans  cet 

(i)Poffevin.  Ouvrage  ;  il  fut  mis  à  l'Index  (d)  dans 

la  fuite  des  tems,  Jules  Scaliger  en  a 

parlé  avec  le  plus  grand  mépris  :  il 

(e)  Eftjlj  jjg  ]g  traite  pas  moins  e  )  que  de  dé- 

'ol'd^Fei-  teftable  Commentaire ,  à  qui  Erafme  a 

j^n,  donné  le  nom  de  Langue.     i\Iais  fa 


d'Erasme.  f^i  "*' 

lâîoc  potâ  l'Auteur  a  feit  dégénérer 
la  critique  en  chicanne  à  un  tel  point  9 
que  le  favant  &  judicieux  Gérard  Vof- 
fius  a  crû   devoir  prendre  le  parti  , 
d*Erafme  ccmtre  Scaliger ,  dans  fon 
grand  Traité  de  l'Idolâtrie  (a)»  Eraf-  (a) h. 4.ch. 
me  étoi^  mécontent  de  Tinjudicede  'î- 
fes  CailRrs ,  que  quelquefois  Tenvie 
de  ne  plus  écrire  le  prenoit  (  i  ).  Cette  fi)  EpH^ 
réfolution  ne  duroit  pas  long-tems  (  c  ).  7  5  ^ . 

Il  y  a  voit  déjà  piufieurs  années  ^^0£p«^v 
que   Milord  Monjoie  (  d  )   qui  étôic  fj^'  ^pifi. 
Grand  Maître  de  la  Maifon  de  la  Rei-  go®. 
ne  d'Angleterre,   avoit,  prié  Erafme 
fon  intime  anû  de  £aire  un  Ouvrage 
£ur  le  mariage.  Il  y  avoit  confenti  ; 
mais  fa  fanté  ,  &  des  occupations  lit- 
téraires très-prelfées ,    Tavoient  em- 
pêché de  le  mûr  auffitot  qu*il  l'auroit 
fouhaitë.  Il  s'y  Ternit  le  plutôt  au^ii 
ki  fut  poflible  ;   &  il  le  dédia  a  la 
Reine  d^ Angleterre  le  1  j  Juillet  1 5  2(5# 
Il  parle  dans  cette  Epître  Dédicatoire 
(  e  )  du  mariage  de  cette   Princefle   (e)  Epsfl. 
comme  étant  très-fortuné  ;  &  ilaffure4i.  A  *^« 
que  c'eft  fans  flatterie.  Il  avoit  déjà 
dit  quelques  années  auparavant  (/) ,    Cf)  ^pl^* 
que  le  mariage  du  Roi  Se  de  la  Reine     '  •  * 
d'Angleterre  étoit  un  modèle  de  chaf- 
teré  &  d*union. 

Les  malheurs  de  la  Reine  Cathe- 


ïîi  Vie 

rine  d'Arragon  fuivirent  de  près  la 

publication   du  Livre  qu'Ersrfme  lui 

dédia  :  car  la  grande  affaire  du  divorce 

commença  l'an   lyay,   &  THiftoire 

(4)  Rapîn  d'Angleterre  nous  apprend  (a)  que 

Thoiras, /.dès  Tan  1^26.  le  Roi  avoir  pris  le 

y  h  *4».  parti  de  répudier  la  Reine,  ^ 

Le  Livre  d?Erafme  a  pour  titre 
l'Inftitution  du  Mariage  Chrétien  (i). 
Il  eft  divifé  en  trois  panies  :  dans  la 
première ,  l'Auteur  expofe  ce  qu'il 
faut  faire  pour  entrer  heureufemenc 
dans  la  fociété  conjugale  ;  il  parle 
dans  la  féconde  des  moyens  d'être 
heureux  dans  le  mariage  }  &  dans  la 
troifiéme  il  traite  de  l'Education  des 
enfans. 

Le  mariage  eft ,  félon  lui ,  l'union 
légitime  &  perpétuelle  d'un  homme      ^ 
&  d'une  femme ,  qui  ont  deffein  d'avoir     j 
des  enfans  ;  moyennant  quoi  ils  s'en-     j 
gagent  à  vivre  enfemble ,  &  à  parta- 
ger leurs  fonunes. 

De  cette  définition  Erafme  conclud , 
que  quoique  l'Eglife  tolère  les  unions 
entre  une  femme  avancée  en  âge  & 
^un  vieillard,  &  entre  ceux  dont  la  flé- 
rilité  eft  conftatée^  ce  ne  font  pas  ce- 
pendant de  vrais  mariages  :  il  prérend 
que  quoique  la  virginité  élevé  jufqu'à 
.    (  1  j  Çhriltiani  matrimenii  Inftùutiê. 


ia  dignité  Anjgélique  ,  il  y  a  cepen- 
dant quelque  chofe  dans  le  mariage 
au  deffus  de  cette  vertu ,  puifque  c'ell 
un  Sacrement. 

Il  traite  enfuite  du  fentiment  des 
anciens  Théologiens,  Il  aflure  qu'ils 
ne  regardoient  pas  le  mariage  comme 
un  véritable  Sacrement ,  &  qu'ils  ne 
crpyoîent  pas  qu'il  y  eût  une  grâce 
particulière  qui  fût  attachée  à  Tunîoa 
conjugale  ;  mais  qu'ils  avoient  été 
abandonnés  par  les  Modernes  ,  qui 
étoient  tous  convenus  que  ceux  qui 
fe  raarioient  avec  les  difpoficions  re- 
quifes,  recevoient  une  grâce  parti- 
culière ,  ainfi  que. ceux  qui  partici- 
poient  aux  autres  Sacremens. 
.  M.  Boileau ,  Doékeur  de  Sorbonne , 
a  penfé  à  peu-près  de  même  qu'Eraf- 
me ,  dans  fon  Traité  des  empêchemens 
du  mariage  ,  dont  le  trpifieme  chapi- 
tre a  pour  objet  de  prouver ,  que  ' 
plujîeurs  DoSiiurs  Schola/liques  rCont 
point  cru  que  le  mariage  f&t  un  Sacre^ 
ment  comme  les  autres  ,  quoiqu'ils  le 
truffent  véritahle  ^  &  que  VEgUfe  n'a  ' 
point  condamné  leurs  Jentimens. 

Erafme  examine  après  cela  ,  pour- 
quoi le  mariage  a  plutôt  écé  appelle 
matrimonium  qnepatrîmonium  :  il  croit 
que  c'eft  parce  que  la  naiflance  des  en- 

Z  iij 


S3^  Vie 

fans,  leur  nourriture  ,  leur  éducaH 
tion  pendant  leur  grande  jeuneffe ,  re» 
gardent  principalement  la  mère. 

Dès  qu'il  a  été  généralement  con* 
venu  que  le  nnariage  étoit  un  Sacre- 
ment ,  les  Evêques  fe  font  attribué  la 
connoifiance  particulière  de  toutes  les 
queftions  qui  avoient  rapport  à  cette 
matière  j  ils  ont  fouténu  qu'elles  leur 
appartenoicnt.  Le  Droit  Canon  a  ré* 
glé  ce  qui  concernoic  les  mariages  ^ 
&  a  même  réformé  k  ce  fujet  les  Loix 
civile». 

La  dodlrrne  des  Papes ,  à  laquelle 

celle  des  Théologiens  d'un  très-grand 

(a)  M.  Boi^  nom  eft  conforme  (  /i  )  ,  eft  que  le  con* 

le  au   le     fentement  des  Parties  déclaré  en  pré* 

prouv-e  ,    fej^çç  l*un  de  Vautre,  f^t  l'effence du 

^  •        mariage.  Mais  comme  ce  font  les  hom« 

mes  qui  ont  fait  cette  décifiori ,  ib 

font  les  maîtres  d^'y  faire  des  change* 

mens-rErafme  traite  enfuite  des  empc* 

chemens  d'une  manière favante  8c  (en- 

fée.  Il  n'approuvoit  point  les  mariages 

tlandeftins  :  il  aurpît  voulu    que  les 

mariages  des  enfans  de  femille  faits  fe- 

cretemerit  fans  le    confentemeot  de 

leurs  parens ,  fuffent  regardés  comme 

nuls  ;  ce  qui  eft  conforme  aux  ufages 

du  Royaume  de  France.  Il  auroit  fou- 

haité  que  l'EgUfe  ordonnât.,   que  1^ 


d'Erasme.         f^f 

mariages  ne  fûflent  valides  ,  qu^apr^ 
que  les  Parties  auroient  été  fe  préfen- 
.  ter  devant  le  Magiftrat  accompagnées 
de  témoins,  pour  déclarer  qu'elles  vou- 
loient  fe  marier. 

Il  s'étend  beaucoup  fur  l'attention 
nécellaire  pour  faire  un  choix  auffi  iti« 
téreifant  pour  toute  la  fuite  de  la  vie  p 
que  celui  d'une  femme.  Il  donne  en- 
fuite  d'excellens  confeils  pour  vivre 
heureufénaent  dans  le  mariage.  Il  blâ- 
me les.  indécences  qui  fe  commettent 
dans  les  fêtes  qui  accompagnent  la  ce- 
IdDration  des  noces ,  de  même  que  les 
ûcpénfes  exceflîves  qui  fe  font  dans 
ces  tem$-là  ,  &  qui  confommenr  quel- 
quefois en  un  jour  les  revenus  de  plu-  c 
fleurs  années.  Il  finit  ^  en  traitant  de 
l'éducation  des  enfans ,  qu  il  commence 
dès  le  plus  bas  âge. 

Cet  Ouvrage  eft  rempli  de  chofes 
excellentes.  Il  feroit  à  défirer  qu'il 
trouvât  un  Traducteur  habile  ,  qui  en 
relevant  les  endroits  qui  ont  juftement 
mérité  la  critiqué ,  &  qui  l'ont  fait 
mettre  à  l'Index  (  a  )  ,  mît  tout  le  (à)?oS:Qvm 
monde  en  état  de  profiter  d'un  Livre, 
qui  renferme  tant  de  réflexions  utiles 
pour  Tufage  général  de  la  vie.  ^^^  j5  -^^ 

La  Reine  d'Angleterre  en  fut  très-  lo.  &  j^. 
contente  î  elle  lui  fit  un  préfent  (&)•  L.  %6. 

Ziiij 


S^6  Vie 

Cependant  Erafme  y  avance  une  pro- 
poution»  qui  dans  la  fuite  du  tems 
aura  dû  donner  lieu  k  des  réflexions 
défàgréables  ;   il  y  foutient  que  lors- 
qu'il peut  y  avoir  divorce ,    il  n'y  a 
jamais  eu  de  vrai  mariage.  Les  en« 
nemis  d'Erafme  donnèrent  d'étranges 
preuves  de  leur  ignorance ,   dans  les 
déclamations  qu'ils  firent    contre  ce 
Livre  (  i  ).  Loiiis  Berquin  le  tradui- 
lît;  mais  fon  attachement  aux  nouvel- 
(a)   Bîb.  f^s  opinions  l'engagea  à  défigurer  (  a  ) 
choi'îe  ,  t.  un  Ouvrage  ,    qui  ne  contenoit  déjà 
<  •  p.  I  f  o.  que  trop  de  propofîtions  hardies,     % 
La  Veuve  Chrétienne  (  2  )  fut  corn* 

Sofée  quelque  tems  après  l^Inftitution 
u  mariage.  Jean  Henkelius ,  Pj;édi- 
cateur  de  Marie  Reine  de  Hongrie  ,  - 
fœur  de  Charles  V.  &  de  Ferdinand  , 
&  veuve  de  Louis  Roi  de  Hongrie  , 

3ui  venoit  de  fe  noyer  après  la  perte 
e  la  Bataille  de  Mohats  contre  le 

(  I  )  En  EfpagTie  ,  un  Dominicain  crut 
voir  un  très- grand  blafphcme  dans  cette  pro* 
pofîtion  d'Erafme^  où  il  fe  plaint  qu'on  élevé 
àTEpifcopat  des  gens  débauchés.  Il  avoit 
dit  :  Sed  tanquim  parus  futm  recipùur  ad 
quatuor  au$  quirique  Efifcofas.  Il  s'étoit 
imaginé  que  putus  défignoit  Scortum  mafcu* 
Iktn  9  &  Eftfcofa  une  concubine*  Eftft*  84* 

(  »  )  Fidua  Chrijlians^ 


d'Erasme:  v  5*37  - 
Grand  -  Seigneur  Soliman  ,  engagea 
Erafme  à  faire  cet  Ouvrage,  &  à  le 
dédier  à  la  Reine  de  Hongrie.  Il  en 
fait  un  très -grand  éloge  ;  il  prouve 
par  fon  exemple ,  qu'il  eft  poflible  d« 
mener  une  vie  Chrétienne  dans  les 
Cours.  Il  eft  parlé  dans  ce  Livre  de 
toutes  les  Veuves  célèbres  par  leur 
piété ,  dont  l'Ecriture  fait  mention. 

Glai^deDefpenfe  ,  fameux  Doûeur 
de  Sorbonne ,  eftimoit  tant  cet  Ecrit 
(a)  qu'il  en  a  fait  un  Abrégé  ,  pour (4)  DapU. 
fervir  de  conclufion  à  ce  qu'il  avoit 
jécrit  fur  les  Veuves, 
.La  Reine  Marie  fut  très-fatisfaite 
<  fc  )  de  l'Ouvrage  d'Erafme  ;  elle  n'y   (b)  Efif. 
trouva  à  reprendre  que  les  louanges  31»  ^»  ^f* 
qu'il  lui  avoit  données.  Elle  lui  écri- 
vit (c)   pour  le  remercier;   &  nous   (^)  Ep(/f# 
?vons  encore  la  réponfe  quelui  fit  Eraf-  lo,  &  4^. 
^e.   Il  ne  paroiffoit  pas  extrêmement  l*-  *^« 
c'ontent  de  ce  travail,  (i)  Un  Correc- 

(  I  )  Un  Correâeur  d'Imprimerie  roécon* 
tent  de  ce  •  qu'Erafme  ne  lui  avoit  pas  fait  de 
préfènt ,  fubftitua  dans  cette  Phrafe  dans  la- 
quelle il  eft  queftion  de  la  Reine  de  Hon- 
grie ,  même  illâ  ufam  eam  femper  fuijje  , 
^aa  talent  fœminam  décent  «  mentulà  ,    au 

«de  mente  illâ.  Il  y  eut  mille  Exemplai-  - .  ^ 

de  dlftribués  avant  qu'on  y  mît  un  car- 
toa.    £p//?.  12.7^.  E^ijl,  ^8.  t.  30. 

Zv 


S^S  Vf* 

teur  d'Imprimerie  lui  joua  un  tour  ân^ 
(a)  Epifi.  g'^^^  (  ^  5  >  lorfque  cet  Ouvrage  sim- 
24.  L.  If.  primoit. 

Epi  /.  104.  La  manière  de  prier  Dieu  (  1  )  fuie 
^  *^»  ^es  deux  Ouvrage»  dtns  la  colledion 
des  Livres  d'Erafme  ;  elle'eft  dédiée  à 
Hierolas  deLafco  9  Palatin  de  Siradie. 
en  Lithuanie.  Erafme  y  prouve  la  né- 
cefCizé  de  la  prière  ;  il  rapporte  tout 
ce  que  TEcriture  dit  à  ce  wjet*  B  re- 
commande à  ceux  qui  prient  Dieu  5 
de  faire  principalement  attention  à 
deux  chofes  :  i^  à  celui  à  qui  ils  ad« 
reffent  leurs  prières  ;  2?.  àett^-^êmes; 
Il  veut  que  touteà  nos  priéfes  n'ayent 
pour  but  que  la  vie  éiernèHe,  tl  exa^ 
mine  quelle  doit  être  lafôrmuHe  des 
prières  ;  il  croit  qu'elles  font  d'autant 

Î)lus  parfaites ,  qu'elles  font  plug  côn^ 
ormes  aux  expreffions  de  l'Ecriture  > 
Se  aux  Colkdes  ufitées  dans  l'Êglife; 
Les  prières  doivent  fe  kire  au  nomd^ 
JefuS'Chrift  ^  Nôtre-Sauveur  &  Nô- 
tre Médiateur. 

Erafme  fouhaitoit  que  les  prières 
publiques  ne  fulTent  pas  trop  longues. 
Il  n'approuvoit  pas  les  Princes ,  qui 
paffoient  une  partie  d^e  tem'.tems-à  ré- 
citer le  Breviaite  ;  il  autoit  mig 
aimé  que  s'ils  n'ont  point  d'affaîr 
(  1 }  Mvdm  orandi  Ùium^ 


d'E  R  AS  M  E*   .        ^59 
preflfées ,  ils  lûflent  l'Ecriture  fainte  , 
&   principalement  les   Proverbes  dp 
Saloraon  ,   ou  les  Livres  des  Payens 
qui  peuvent  les  inftruire  de  leurs  de- 
voirs ,  tels  que  font  les  Politiques  & 
les  (Economiques  d'Ariftotc ,   h  Mo- 
rale ,  les  Offices  de  Ciopron ,  les  L,o\k 
^cJa  République  de  Platon ,  Ifpcrate 
éi  la  Cyropédie  de  Xenophon.  Il  pré^ 
tend  qu'un  Prince  prie  Dieu ,  lorfqu'il 
r-empUt  bien  les  devoirs  de  la  Royauté. 
Le  27,Aoûc  1^26.  Erafoe  dédia 
(a)  fon  Edition 4e  S.  Irénée  (  i  )   à    (a)  ^pSfi, 
Bernard  de  Çles  Evêque  de  Trente,  j.  l.  18. 
jqui  quelques  années  après  fiit  promu 
au  Cardinalat  (fc  ).  C'àoit  un  des  pro-  (h)  UghtU 
tefteurs  des  plus  zélés  d'Erafme  :  il  l"s»t-  ^.p* 
défiroit  ardemment  de  le  pofféder  chez  ^^h^pfi* 
lui.  La  publication  des  Ouvrages  d'un  ^  *    '  *°* 
Fere  fi  ancien  &  fi  refpeâable  devoir 

(  ï  )  Ofw  erudîi^inum  Dlvi  Iren/ti  ♦ 
Epifcopi  U^4^nenfis ,  in  quinque  Librçx  di' 
gejfi^im,  in  quibus  mire  retegit  &  confutAt 
ve^um  Hiirçfeon  impias  àc  portenttfas  opi' 
niones  y  tx  vctuftijjlmorum  Codicum  collatto^  / 

ftf ,  fuanmm  licuit ,  cmendatum ,  opcrd  Défi- 
derii  Erafmi  Roterodami  ;  ac  nunc  ^imum 
in  l^cem  edimm  opéra  Joannis  Frobenii  :  ad.- 
dittts  efl  index  rerum  fcita  dignarunu  Apud 
inclitam  Bazileam,  i  J  i6.  aimgratiâ  <y  pri'- 
viiegîo  Cafureot 

Zvj         ' 


'54^  Vie 

être  d^autant  plus  agréable  au  Public  ^ 

Îue  jufqu'alors  il  en  avoit  été  privé» 
Lrafme  croyoit  que  S.  Irenée  a  écrit 
en  Latin  ;  mais  en  cela  il  a  été  aban- 
(a)  Pape-  donné  de  tous  les  Critiques  (a)  :  lui- 
blount.  Ca-  j^^^ç  h^fiç^  depuis  fur  cette  queftion. 
i^ônt.Maî"  Quoique  cette  Edition  ^ait  été 
fuet.  pp^mptennent  enlevée  (fc)  ,  &  qu  une 

(b)  £|)i^.  leU.'^dcrait  bientôt  fuivie ,  cependant 
4j.  L.  lo^gUç  ^^ji-ès-imparfaite*    Le  judicieux 
&  favant  Père  Maffuet  en  parle  ainfi 
dans  la  Préface  de  fa  belle  Edition  de 
(OPKfece#S.  Irenée  :  »(c)  Quoiqu'on  ait  beau- 
V  coup  d'obligation  à  Ërafme  ,   qui 
»  d'ailleurs  a  fi  bien  mérité  des  Let- 
»tres,  d'avoir  le  premier  publié   les 
»  Livres  de  S.  Irenée,  il  eft  fâcheux 
w  que  privé  des  meilleurs  manufcrits  , 
»  il  n'ait  pas  pu  mieux  faire.  Son  Edi- 
3»  tion  eft  fi  pleine  de  fautes,  de  la- 
»  cunes ,  de  périodes  inutiles ,  que  fou- 
»  vent  l'on  cherche  Irenée  dans  Ire- 
»  née ,  fans  pouvoir  découvrir  ce  qu'il 
»  penfe.  »  Erafme  fe  trouva  l'an  i  C^(J. 
dans  la  néceffité  de  juftifier  fa  doc- 
trine fur  l'article  de  TEuchariftie.  (Eco- 
lampade  &  Pellican  s'éroient  ouverte- 
ment déclarés  contre  la  Réalité  ;   leur 
liaifon  avec  Erafme  avoit  fait  foup- 
çonner,  qu'ils  étoient  de  même  femi- 
ment.  Il  eft  certain  qu'Erafme  avoit 


d'  E  R  A  s  M  ï;  y+Y 

beaucoup'  d'eftime  pour  (Ecolâmpade  : 

il  en    fit  l'éloge  en  écrivant  .contre 

Stunica  ;  &  dans  fa  Lettre  contre  les 

Miniftres  de  Strasbourg  ,  il  avoue  qu'il 

aime  fbn  efprit  &  fa  Icience.    Œco  • 

lampade  de  ion  côté  avoit  une  grande 

vénération  pourErafme  ;  il  lui  en  avoit 

même  donné  des  preuves  très*jndif- 

crettes  :  car  dans  la  Préface  d'un  Livre 

très- contraire  à  la  Doélrine  de  l'Egli- 

fe  Romaine ,  il  l'avoit  cité  j  en  l'ap- 

lant  Notre  grand  Erafme  j  ce  qui  lavoit 

il  fort  fâché  (  a  )  qu'il  avoit  écrit  à    ^^y  j^ip^ 

(Ecolâmpade  9   que  ce  au'il  pouvoitij.  L.  184 

foubaiter  de  mieux  dans  l  état  critique 

ofi  étoient  les  affaires,  c'étoit  de  n'être 

ni  l'objet  de  fes  louanges ,  ni  celui  de 

iès  blâmes.  "> 

Conrad  Pellican  avoit  été  Corde- 
lierj   &  dans  cet  état  il  avoit  fi  fore 
goûté  la  Paraphrafe  d'Erafme  fur  l'Epî* 
tre  de  S.  Paul  aux  Romains  ,  quil 
l'avoit  fait  lire  publiquement  dans  le 
Couvent  deBafle  (  fc  )  :  en  conféquence  (h)Fahricih 
les  autres  Ouvrages  d'Erafme  avoient  Hijl.  Bîb.t. 
été  lus  dans  quelques  Monafteres  de  ^*  {•  4i8» 
l'Ordre  de  Saint  François.    Pellican 
dans  la  fuite  des  tems  ayant  embraffé 
les  nouvelles  Opinions  ,  fortit  de  fon 
Couvent ,  fe  fît  publiquement  Luthé* 
rien ,  Ôc  fe  maria. 


54^  V  t  B 

(Ecolampade  attaqua  dan$  ce  temSf^ 

là  la  Préfence  réelle  avec  beaucoup  de 

(â)  Varia- doftrine,  dîtM.Boffuet  (a)  ,  Grun,^ 

^^^^^•éloquettcejîdouces  qu'il  y  avo'u,  filoa 

**^'        Erafinet  dequoiféduirey  /UJeponyoit 

£r  que  Dieu  U  permît  »  les  Elus-mémeu 

Dieu  les  mettait  à  cette  épreuye. 

Le  Sénat  de  Bafle  ayant  ckargé 

(h)  Epê^.Erafine   (b)    d'examiner    le   Livre 

jif,  L.  3i*d'(Bcolampade,  il  déclara  qu'il  l'avoic 

troussé  favant»  éloquent,  bien  &it  ^ 

*>  J'ajouterois  pieux ,  difoit*il  (c) ,  s'il 

fc\  Bptfi*  •  peut  y  avoir  de  la  piété  dans  ce  qui 

J9.  L.  zi«  M  eft  contraire  au  femiment  de  l'Egli- 

Efijl.  44*  M  fc ,  dont-on  ne  doit  pas  s'éloigner.  » 

bn^^L  r'      Pettican  avoit  dit  à  Luther  &  ré- 

2^^  -        pandu  par  tout  ,   que  les  lemiineiis 

d'Erafme  fur  VEuchariftie  n'étoientpas 

conformes  à  ceux  de  l'£gtifeRomaine> 

&  que  s'il  parloit  différemment  de  ce 

qu'il  penfoit,  c'étott  par  prudence. 

Non-feulcmcntces  difcours  s'étoient 
répandus  publiquement  ;  mais  il  avoir 
'     paru  un  Livre  (  i  )  fins  nom  d'Impri- 
meur ,  ni  de  la  Ville  où  il  avoit  ^té  im- 
primé ,  dans  lequel  on  entreprenoit  de 

(t)  DoêHg^mi  Erafml  Roterodumi  ac  Afar- 
riifi  Lutheri  ofinio  de  Catnâ  Domini  Noftri 
Jefn-Chrifli  ,  nu^er  édita  ,  decimo-oCÛvo 
aie  A^riliu 


B*  E  R  A  s  M  é;  5^45 

Srouver  la  conformité  des  fcntimens 
'Erafm«  avec  ceux  de  Luther.  On  y 
voyoit  à  la  fin  le  nom  de  Ludopictu 
Leopoldus  ;  mais  il  étoit  incertain  fi 
c  étoit  l'Auteur  ou  Tlmprimeur  qui 
avoit  voulu  fe  nommer. 

Dès  qu'Eralme  eut  vu  ce  libelle ,  il 
le  réfota  (  i  ).  Il  prétend  Ça  )  que  ja-    (a)  Epijfm 
mais  il  n'a  rien  avancé  dans  (es  Ecrits,  f  t*  L.  je» 
^ui  pût  âvorifer  le  fcntiment  de  ceux    - 
qui  ne  croyoient  pas  la  Pré&nce  réelle  ; 
éc  que  tout  ce  qu'on  a  dit  à  ce  fujet 
•  contre  lui  »  n'eu  qu'un  riflu  de  calom- 
nies. Il  vient  enfuite  au  Livre  d'Œco- 
lampade.  »  J'approuve,  dit- il,  trois 
M  chofes  dans  ion  Ouvrage ,  la  fciei^ 
w  ce ,  le  rayonnement  &  l'art.  Je  ne 
•»  me  repens  point  de  l'aVoir  lu ,  parce 
w  qu'il  y  a  plufieurs  chofes  dites  avec 
•»  piété  (ùr  Tufage  du  Corps  Se  du  Sang 
f>  de  Jeûis-Chrifl:  ;  faurois  même  dé- 
icide volontiers  que  c'eft  un  Ouvrage 
n  piëttx^  fi  l'Auteur  n'y  foutenoit  pas 
«  un  Dogme  que  l'Eglife  a  çondamn4 
»  comme  impie.  Eft-ce  peitfer  comme 
»>  Œcolampade ,  que  de  parler  de  fon 
a»  Livre  qvec  poUteffe  f  »  Cet  Ouvrage 
t&  datéxlû  mois  de  Juin  1 5  25» 

(  I  )    Dejiderii  Erafmi  frtef>i^iarum  U". 
hlli  cujufdam  dete^ht 


'^544  V  I  E 

Il  prétendit  dans  un  autre  Ouvrage 
éiMlili  (  ^  H"^  ^^  jugenaent  qu'il  âvoit  porté 
^^^^J^"'"'*  du  Livre  d'Œcolampade  bienexami- 
né,devoit  être  regardé  comme  une  pro-^ 
feffion  de  la  Foi  Catholique;  mais  la 
politeffe  dont  il  a  voit  accompagné  la  ré- 
ponre  faite  au  Sénat  de  Bafle ,  ne  pou- 
voit  que  déplaire  à  ces  Théologiens  , 
qui  regardent  comme  une  impiété  les 
moindres  ménagemens  pour  l'erreur^ 
&  même  pour  ceux  qui  ont  le  mal<« 
heur  de  fe  tromper.  Il  avoir,  écrit  le. 
(h)  Epiji*  ^S  Maî  152^.  à  FAflemblée  de  Bade 
45,  u  ip.  (  O  >  q^i  ^voit  été  indiquée  pour  exa- 
miner la  matière  de  TEuchariftie ,  qu^l 
avoir  eu  grande  envie  de  fè  trouver  à 
Bade  où  il  avoir  été  invité ,  &  oii  le 
Sénat  de  Bafle  auroit  fouhaité  qu'il  ie 
rendît ,  fi  fa  mauvaife  fanté  ne  Teûc 
empêché  d'entreprendre  ce  voyage.  Il 
fe  plamt  enfuite  du  Libelle,  où  Ton 
compare  fon  fentiment  avec  celui  de 
Luther  :  il  aflure  qu'il  eft  difficile  de 
•décider  s'il  y  a  plus  de  folie  que  de 
malice.  Il  foutient  que  dans  tous  fes 
Ouvrages  il  n'y  a  pas  un  paffage  , 
d'où  l'on  puiffc  conclure  qu'il  penfe 
différemment  de  l'Eglife  Catholique 
fur  l'article  de  l'Euchariftie ,  &  que 
jamais  perfonne  ne  Ta  entendu  ap- 
prouver les  nouvelles  Opinions.    Il 


d'  E  R  A  s  M  E.  545 

prend  Dieu  à  témoin  j  que  jamais  il 
n'a  penfé  autrement  que  r  EgUfe  Ca- 
tholique.  Il  crut  devoir  auffi  écrire  à 
Pellican  (  a  )  pour  lui  porter  fes  plain-  (4)  Ef  (/!, 
tes  de  ce  qu  il  avoit  dit  comme  en  P5*  Ui$^ 
fecret  à  quelqu'un  qui  l'avoit  répété 
à  Erafroe ,  qu'ils  penloient  l'un  &  l'au- 
tre de  même  fur  l'article  de  l'Eucha- 
riftie*  Pellican  avoit  dit  dans  les  com-* 
mencemens ,  qu'il  falloit  convenir  que 
le  Corps  de  Jelus-Chrift  étoit  fous  les 
Efpéces  du  pain  &  du  vin  ;  mais  qu  il 
falloit  s'en  rapporter  à  Dieu  fur  la  ma- 
nière de  cette  préfence.  Erafme  qui 
avoit  de  l^averfion  pour  les  queftions 
curieufes  de  la  Scholaflique  »    avoit 
trouvé  la  propofuion  de  Pellican  aifez 
ràifonnable  ,  pçurvû  que  par-là  on 
n'exclût  pas  la  Préfence  réelle  ;  mais 
Pellican  ne  s'en  était  pas  tenu  à  cette 
généralité  :  il  avoit  foutenu  qu'il  n'y 
avort  que  du  pain  &  du  vin  dans  l'Eu- 
chariftie,&  qu'Erafme  le  croyoit  auflî* 
bien  que  lui.  Il  lui  déclare  qu'il  veut 
être  regardé  tomme  le  plus  méchant 
de  tous  les  hommes ,  fi  jamais  il  a  at- 
taqué ,  ou  en  plaifantant  ou  férieufç- 
ment .  la  Préfence  réelle.  Il  prend  J. 
Chrift  à  témoin ,  que  jamais  le  fenti- 
ment  contraire  ne  lui  eft  venu  dans 
l'efprit  :  il  prouve  enfuite  la  vérité  èsx, 


Doge 


Vie 

)ogine  crû  dans  TEglife  Catholique  ; 
&  il  déclaré  qu'il  aimeroit  mieux  ipou* 
rir  que  de  s'en  éloigner,  Pellican  me- 
(4)  £p(/?. naça  (a)  Erafme  de    la  plume   de 
^6,  u  I?.  Zwingle;  mais  il  n'en  fut  pas  fort 
effrayé  :  il  lui  répondit  hardiment  que 
dix  Zwingles  ne  lui  feroient  pas  peur. 
(*)  Epiji.     Il  y  eut  une  conférence  (fc)  entre 
^6.  u  18.  Erafme  &  Pellican  pour  s'expliquer* 
Pellican  ne  voulut  jamais  convenir  que 
la  Subftance  du  Corp^  de  J.  Chrifl  fût 
dans  l'Euchariftie  ;  mais  il  fut  obligé 
d'avouer,  que  c'étoit  la  première  fois 
qu'il  l'avoit  dit  en  préfence  d'Erafme-, 
&  que  jamais  Erafme  ne  lui  avoir  rien 
dit,   qui  pût  favorifer  le   fentimenc 
contraire  au  Dogme  de  la  Préfence 
réelle;  que  bien  loin  de*là  ,  il  avoic 
toujours  parlé  conformément    à    la 
'  le)  Efifi.  Doarine  de  TEglife  (  c  ).  Comme  les 
7^7*         difcours  de  Pellican  avoient  fait  beau- 
coup de  bruit ,    Erafme  écrivit  de 
tous  côtés  qu'on  le  calomnioit  ;  il  fit 
même    imprimer  une  Lettre  qui  fut 
traduite  en  Allemand  en  forme  d'Apo- 
logie ,  afin  qu'elle  fût  répandue  &  lue 
dans  toute  rAUemaghe.  Il  ménagea 
i^fT      ,•![  cf^core  moins  Carloftad  que -Pellican; 
Jros^Ep//î.  ^^  app^loî^  fe  Livres  très-infen{2s  (d). 
ùdvlrf.Mi'  Il  n'en  jugeoit  que  fur  le  rapport  qu'ot> 
nijl.  Arg.  lui  en  avoit  faic  :  car  il  n'entendoic  pas 


D' E  R  A  s  M  B.  5*47 

la  Langue  Allemande  dans  laquelle  ils 
écoient  écrits.   On  fçait  que  1  opinion 
de  Carloftad  étoit  qœ  {a)  ,  p^r  ces  (a)  Variât, 
paroles ,  Ceci  tjl  mon  Corps ,  J,  Chrift  L.  x.  n.  7, 
iàns    audm   égard  à    ce  qu'il  don- 
tioit ,  vouldir  feulement  fe  montrer 
lui-même  affis  à  Table  comme  il  étoic 
avec  fes  Difciples  :  »  imagination  fi 
s»  ridicule  9  dit  M*  BoiTuet ,  qu'on  a 
»  peine  à  croire  qu'elle  sût  pu  entrer 
9  dans  l'efprit  d'un  homme.  »  £ra(me 
avoit   comiliericé   (i)  tm   Ouvrage  (h)  Epijté 
pour  réfuter  Carloftad  ;  mais  il  ne  (c)  45.  ^»  \9* 
racheva  pas.    Aurefte  il  n  éioit  pas  ^  J^,  ^^^^ 
extrêmement  profond  dans  cette  ma- 
tière ;  il  en  cft  convenu  lui-même  {i}.   /^  ^p}» 

Erafme  fut  fort  occupé  l'an  ly^y»  si/. 
de  la  traduAion  des  Ouvrages  des 
Pères  Grecs.  Il  dédia  (e)  le  3  Mars  ^^\  ^^iji- 
de  cette  année  à  TEvêque  de  Lincoln  gs.  L«  %i^ 
la  Trâduélion  de  la  Lettre  de  S.  Atha- 
nafe  à  Sérapion.    Il  traduifit  auflî  les 
Traités  fur  la  Virginité  &  fur  le  Péché 
contre  le  Saint  Efprit.    Il  s'cft  ima- 
giné q»e  S.  Athanafe    n'étoit  point 
l'auteur  de  ce  dernier  Ouvrage  j  en 
quoi   il  a  été  réfuté  par  le  Père  de 
Montfaucon ,  qui  le  rend  à  S.  Atha- 
nafe ,  non- feulement  parce  que  les  M'a- 
nufcrits  le  lui  donnent ,  mais  auili  par- 
ce que  Ton  y  reconnoît  le  ftylc  &  U 


-  y^i  V  r  H 

méthode  de  ce  Saint.  Il  a  ttavalUé  fut 
(é)  Epifi  Origcne  {a)  :  il  a  traduit  ronziéme 

!>•  U  19.^^^^  >  &  ^"c  partie  du  douzième  des 
Commentaires  de  cet  ancien  Auteur 
Eccléfiaftique  fur  S.  Mathieu,  c'eft- 
à-dire ,  ce  qu'il  avoit  écrit  fur  le  cha- 
pitre treizième ,  quatorzième  ,  quin- 
zième &  feiziéme  ae  cet  Evangèlifte  ; 

ib)  V.  L.  &  il  a  fait  un  petit  Traité  (  à  )  fur  la 

x8.  Epjji.  Vie,  le  ftyle,  la  doftriïie  &  les  Livres 

Sme&k^'Origene. 

.leptiéme.  ^^  ^^^^^  (^)  ^^  ^4  ^^^^  ^  S^l*^  ^^^^ 
(0  Eplu.  III.  Roi  de  Portugal ,  cinq  Sermons 
Ij.  U  ip.de  S.  Chrifoftome  contre  les  Juifs, 
qui  n'avoient  jamais  été  donnés  au  Pu- 
blic :  il  les  traduifit  fur  un  ancien  Ma- 
nufcrit  envoyé  de  Venjfe  ;  il  y  joignit 
quatre  autres  Sermons  fur  le  Lazare , 
cinq  fur  la  Vifion  d'Ifaïe  &  fur  le  Roi 
Ofias ,  &  un  fur  le  Martyr  ^Philogo- 
nus.  Il  a  auili  traduit  une  partie  du 
Commentaire  fur  les  Pfeaumes  attribué 
à  S.  Chrifoftome  ;  mais  il  ne  l'acheva 
pas  ,  dans  le  dpute  oà  il  étoit  fi  cet 
Ouvrage  étoit  vraiement  de  S*  Chri- 
foftome. 

C'etoit  au  Grand  Roi  Emmanuel , 
qu'Erafme  avoit  eu  deffein  de  dédier 
ces  Traduftions  ;  mais  ce  Prince  étant 
mort  avant  qu'elles  parulfent ,  il  les 
dédia  à  Jean  IXL  fon  fils.  Il  le  repré*. 


d'  E  R  A  s  M  t.  y4J> 

fente  dans   fon  Epître    Dédicatoire 
comme  un  Prince  excellent,  qui  n'étant 
encore  âgé  que  de  vingt]-  (ix   ans  , 
avoit  déjà  rétormé  les  abus  qui  s'é-. 
toient  introduits  dans  la  manière  dt 
rendre  la  juftice ,   avoit  augmenté  fa 
Marine  ,  &  éloigné  de  Tes  Etats  toù* 
tes  les  difputes  oui  pouvoient  nuire  à 
la  vraie  piété.  Il  aflure  que  ce  Prince 
étoît  très-inftruit ,  non^feulement  dans 
les  Langues  Grecque  &  Latine ,  mais 
auffien  Mathématique,  en  Aftronomie, 
dans  la  Géographie  &  dans  llliftoire* 
Il  promit  de  donner  dans  la  fuite  d*au^ 
très  Tradudlions  de  S.  ChriTofiôme  ; 
ce  qu'il  exécuta  trois  ans  après.  Eraf- 
me  après  avoir  publié  fon  Traité  de  la 
Manière  de  prier ,  trouva  deux  Orai- 
fons  de  S.  Chrifoftôme  qui  avoient 
rapport  au  même  fujet,  &  qui  n'a  voient 
pas  encore  été  traduites.  Il  voulut  fujr 
le  champ  les  comparer  avec  fon  Ou- 
vrage ;  il  trouva  que  ce  que  le  Saint 
avoit  fait  étoit  fi  fupérieur  à  fon  tra- 
vail ,  qu'il  auroit  fupprimé  la.  Manière 
de  prier ,  fi  cela  avoit  étépoflible.   Il 
déclare  qu'il  n'eft  à  Tégard  de  Saint 
Chrifoftôme,   que  ce  qu'une  fourmi 
eft  à  un  Chameau.  C  eft  à  Maximilien 
de  Bourgogne  (a)  Abbé  de  Middel-  f^j  ^^^j^^ 
bourg,  qu'eft  dédiée  la  Tradu(aion 84.  L.  *>. 


'55*0  Vie 

de  ces  deux  Difcours  ;  l'Epître  Décfir 

catoire  eft  fam  date. 

(4)  Epijl.  ^^  ^?  ^^^^  ^5^7*  Eï^"^  dédia  (ay 
|7.  L.x/,^  Cardinal  Jean  de  Larmne  la  Tra- 
dtiâiori  du  Commentaire  de  S.  Jean. 
Chrifoftôme  fur  l'Epître  aux  Galates  ^ 
<}ui  n'avcÂt  pas  eocore  été  traduit  ea 
Latin  :  après  ce  Commentaire ,  il  y  a  ^ 
h  Traduftion  de  deux  Homélies  ds 
S.  Chrifofiôme  fur  PEfacre  aux  Pfai^ 
Uppîens.  Le  Cardinal  de  Lormnit  (ut 
(ei^ble  à  la  polttefle  d'Eralme  :  il 
donna  ordre  qu'on  lui  fîtunpréfent  do 
quelques  vaiiTelles  d'argent  s  mais  fes 
ordres  ft'ayant  pas  éé  exécutés  , 
Erafme  qui  fevoit  les  kttcntions  de  ce 
(h)  Ej^î/?. Prince  ,  lui  manda  (fc)  qu'on  n'y 
é  j.  L.  ic.  avoit  pas  fatisfait. 

Le  1 5  Août  il  dédia  fon  Edition 
de  S.  Ambroife  à  Jean  de  La£bo,  Ar« 
X       .-  çhevêquc  àç  Gnefiie  :  il  affure  (c) 
,    £  ^g;  *  qu'elle  hu  a  coûté  beaucoup  de  foins 
°*    *         oc  de  peines.  Ce  fiit  en  confidcration 
de  Jean  de  Lafco  neveu  de  TArche-  ' 
vêque  de  Gneûie,   qu'Erafime  dédia 
Saint  Ambmife  k  ce  Piéîat,     Il   y 
,  avoit  une  grande  union  emre  Jean  de 
Lafco  neveu  du  Prélat  &  Erafme  :  il 
avoit  demeuré  un  mois  chez  lui-;  & 
Erafme  mettoit  au  nombre  de  fes  bon- 
heurs d'avoir  connu  un  jeune  homme 


i>'E  R  A  s  M  r;  yyt 
É  ÎTage.  C*eft  le  même  à  qui  il  vendit 
fà  Bibliothèque  ^  g^mme  nous  le  ver^ 
sons  ailleurs. 

Cette  Edition  de  S*  Ambroife  n'a 
pas  eu  une  grande  approbation  :  les 
Bénédi<Sfim  ont  prétendu  (a)  quMle  (a)  Pré£ic# 
n'avoit  point  répondu  à  l'attente  des  d3  S.  Am^ 
Savans  ;  qu  Eralme  s'étoit  plus  fié  i  broife» 
fes  conjeftures  qu'à  Tautorité  des  Ma- 
nufcrits  ;  &  M.  Dupin  en  conféquence 
de  ce  jugement ,  a  décidé  que  l'Edi- 
tion de  S.  Ambroife  donnée  par  Erafr 
me  étoit  pldne  de  fautes. 

Le  14  Août ,  Erafme  dédia  (b)k    (h) Epijl. 
Nicolas  de   Marville  ,   Principal  du» 4»  U  aï» 
Collège   Buslidien  de  Louvain  ^  la 
Traduftion  de  l'Ouyrage  de  S.  Chri- 
loftôme  fur  Babylas. 

Le  Ciceromen  (  i  )  qu'Erasme  pu- 
blia Tan  I5'28.  fut  un  des  Ouvrages 
qui  cau(a  le  plus  de  mouvement  dans 
la  Littérature  ;  il  cft  dédié  à  Jean  Ulat- 
tenus,  par  une  Lettre  datée  du  14 
Février  15-20  (c):  il  étoit  Principal  (c)  Epijf. 
du  Collège  d'Aix-la-Cbapdle,'  L'ob-  21.L.  ii>* 
jet  de  ce  Traité  étoit  de  réfuter  une 
nouvelle  Sede  qui  avoir  pris  Iç  nom 
de  Cicerpniens  ,  &  qui  enfeignoit  que 
Ciceron  étoit  le  feul  Auteur  qu^on 

(  I  )  Ciceronianut ,  Jive  de  o^timo  ^cnerâ 


dût  lire  &  imiter,  Erafine  perfuadé  - 
avec  raifon  qu'il  ;j  avoit  de  Texcès 
dans  cette  admiration  pour  Ciceron  ,^ 
entreprit  d'y  remédier  ;  &  pour  y 
réuffir>  il  compofa  fon  Ciceropien  en 
forme  de  Dialogue.  Il  y  a  trois  In- 
terlocuteurs ,  à  qui  il  donne  le  nom 
de  Bulephorus  ,  d'Hypobgus  &  de 
Nofoponus.  Ce  dernier  eft  un  Cice- 
ronien  fi  zéléj  qu'il  n'a  pas  moins 
d'averfîon  pour  tous  les  Ecrivains  La- 
tins ,  fi  Ton  en  excepte  Ciceron,  que 
les  Chartreux  en  ont  pour  la  viande  : 
B  auroit  crû  pécher  contre  la  Langue 
Latine  ,  d'employer  aucun  mot  qui 
n'eût  pas  été  dans  Ciceron  j  &  il  au- 
roit mieux  aimé,  difoit-il,  être  un 
parfait  Ciceronien ,  que  d'être  Con- 
lui ,  Souverain  Pontite ,  ou  même  que 
d'être  canonifé,  Bulephorus  plus  judi- 
cieux fe  récrie  contre  cette  admira- 
tion outrée  pour  Ciceron.  Il  fait  voir 
2u'on  ne  doit  pas  la  porter ,  jufqu'à 
onner  l'exclufion  aux  autres  bons  Au- 
teurs qui  ont  écrit  en  Langue  Latine#' 
Il  prouve  que  nous  avons  perdu  plu- 
(leurs  Ouvrages  de  Ciceron.,  dans  lef- 
quels  il  n'eu  pas  douteux  qu'il  n'y  eût 
de  très -bonnes  e5tpreffions,*quipour- 
roientbien  ne  fe  pas  trouver  dans  les 
Livres  qui  nous  refient  de  lui ,  &c  qui 

n'en 


i>'*Erasmê.  yf^ 

n'en  font  pas  moins^de  la  bonne  La- 
tinité. Il  remarque  enfuite  que  Cicé- 
ron  n'ayant  pas  écrit  fur  tous  les  fujers  f 
n'a  pas  pu  employer  dans  fes  Ouvrages 
tous  les  termes  ufités  dans  la  Langue 
Latine.  Il  foutient  que  Cicéron  lui- 
même  n*a  pas  toujours  été  content  de 
ce  qu'il  avoit  écril:  j  &  il  répète  ce 
qu'il  avoit  déjà  dit  ailleurs  (a)  ^^(a^p^-fi^ 
grand  fcandale  des  Cicéroniens ,  qu'il  5,  Hilairc! 
y  avoit  dans  Cicéron  plufieurs  fautes 
contre  la  Langue  Latine.  Il  fait  voir 
que  fi  leur  fyftème  étoit  fondé ,  jamais 
un  Théologien  ne  pourroit  être  Cicé- 
ronien  ,  puifqu'il  n'eft  pas  poflîble  de 
trouver  dans  Cicéron  tous  les  termes 
néceflaires  pour  exprimer  les  vérités 
Théologiques.  Il  prouve  que  les  Ci- 
céroniens donnent  dans  un  excès  que 
Cicéron  lui-même  auroitblâmé ,  puif- 

Sue  s'éîant  donné  la  liberté  d'inventer 
c  nouveaux  mots ,  il  n'auroit  pas  pu 
defapprouver  cette  licence  dans  ceux 
qui  auroient  voulu  parler  de  chofes  qui 
lui  étoient  inconnues. 

Ce  difcours  de  Bulephofus  fait  une 
fi  grande  impreilîon  fur  Hypologus , 
qu'il  fe  rend  à  l'évidence  de  ces  raifons. 
Nofoponus  eft  un  peu  ébranlé;  mais  il 
eft  retenu  par  les  reftes  d'une  maladie 
dont  il  étoit  attaqué  depuis  long-tems. 
Tome.  L  A  a       • 


^e  Dialogue  eft  très- agréable;  off 
trouve  un  jugement  railbnnë  fur  le 
lyle  de  tous  ceux  qui  avoient~écrit  en 
Latin  jufqu'à  Erafme.  Mais  cette  par- 
tie de  rOuvrage  eut  le  fort  qu'auront 
toujours  ceux ,  où  Ton  prétend  déci- 
der du  mérite  des  Auteurs  vivans; 
c'eft-à-dire  quelle  fit  beaucoup  de 
mécontens.  Quelques-uns  dont  il  nV 
voit  pas  crû  devoir  parler ,  fe  plai- 
es) Eftji.  gnirent  (  a  )  d'avoir  été  oubliés  ;  d'au- 
66.  X..  20  très  fe  récrièrent  contre  Pexaâ:itu4c 
£f /y?,  f .  L.  ^gg  jugemens  :  on  prétendoit  qu'il  y 
\%  6\,\ï'  ^^^^^  ^^^  Auteurs  trop  loués ,  d'au- 
vcs.  £f  (/?.  ^^^^  q^i  ^^  rétoient  pas  affez.  Cepea- 
19,    après  dant  il  avoit  tâché  d'apporter  dans  fa 
ce^es    de  critique  la  plus  grande  impanialité  j 
Melanfton.  y  j^y^j^  mtmQ  rendu  juftice  à  Hutten 
&  à  Stunica ,  fes  plus  grands  ennemis. 
On  fut  fur  tout  choqué  en  France 
th)  Efi/l.  de  (b)  ce  qu'il  avoit  paru  mettre  en 
87.  L.  *o.  parallèle  Budée  avec  le  Libraire  Ba- 
dins ,  &  préférer  ce  dernier^  au  plus 
favant  homme  qu'il  y  eût  en  France  : 
on  difoit  publiquement  que  c'étoit  com- 
parer Therfite  à  Achille.  Jean  Lafca- 
ris ,  quoique  loué  dans  le  Cicéronien , 
(c)  Efffl.  g^  ^Ç3  Epigrammes  (  c)  trïs-piguantes 
**^' contre  cette  comparaifon.  Tu(an  qui 
avoit  l'obligation  à  Budée  de  très- 
bien  fjavojr  la  Langue  Grecque  ,  crut 


b' Erasme.  f^f 

flevolr  venger  fon  Maître  par  un  dif- 
tique   offenianc    pour    £ra{me  (  i  )  > 

Sui  eut  beaucoup  de  cours.  Cepend- 
ant Tufan  qui  malgré  fon  attachera- 
ment  à  Buâée  confervoit  toujours  un 
grand  refpeft  pour  Erafme ,  fut  très- 
fôché ,  lorfqu'il  fut  qu'une  Epigram- 
me  qu'il  n'avoit  pas  faite  pour  êcre  "" 

publiée ,  qu'il  avoir  récitée  en  fecret  à 
un  de  fes  amis  dans  la  chaleur  de  cet- 
te difpute^  avoit  été  répandue;  il 
pria  Germain  de  Brie ,  ami  d*£rafme 
&  le  fien ,  de  faire  fa  paix  avec  Eraf- 
me ,  en  l'affurant  qu'il  V aimoit  &  TeC- 
timoit  autant  même  que  fon  Maître 
Budée,    &  qu'il  défavouolt  ce  qui 
avoit  pu  lui  échapper  dans  un  mo- 
ment de  vivacité.  Érafme  déclara  (a)   (a')  ^flfi. 
.  à  Germain  de  Bricf  qu'il  ne  vou-*î«  ^*  *!• 
loir  aucun  mal  à  Tufan ,  &  même 
qu'il  étoit  dans  la  difpofition  de  lui 
accorder  fon  amitié,  EfFedivement  il 
lui  écrivit  (t)  une  Lettre  très-  polie,dans    f^)  jç-^/^. 
laquelle  il  l'affure  qu'il  n'a  jamab  eu  ii«  l.  i$^ 
I      la  nooindre  haine   contre  lui  ;  qu'il 
I     avoit  attribué  oc  qui  s'étoit  paffé  au 
I     grand  attachement  qu'il  avoit  pour 

(  I  )  Dèfint  mirari  quare  poftfonat  Erajtmu 

Budœum  Badio  ;  pluffavet  ilU  fari, 
thms  ©olet,  d0  ImiuQictr.  f.  i^i. 
L  Aaij 


y;(5  Vis      ' 

Budëe  ;  &  qu'il  fouhaîtoît  âvoîr  <îef 
amis  au(G  ardens  que  lui.  Il  déclare 
Gue  c*eft  avec  grand  plaifir,  qiie  con- 
formément à  fes  défirs  Tufan  lui  jine 
une  amitié  étemelle. 

Budée  n'avoit  pas  d'abord  été  fore 
ia)  Efîjf.  ofFenfé  (  a)  du  parallèle  qui  avoir  été 
17.  !..  22.  fait  de  lui  avec  Badius  5  mais  fes  amis 
^^'^•*°^ 3 -ayant  travaillé  à  Tanimer  contre  Eraf- 
me ,  ils  y  réuflîrenr  :  il  fe  plaignit*  ' 
Otte  affaire  fît  beaucoup  de  bruit  en 
France  :  François  I.  en  entendit  pair- 
(^)  Epi/t.  ^^^  î  ^^  voulut  favoir  ( b)  de  quoi^ il 
71.  L.  20.  s'agiflbit.  Quelqu'un 'qui  n'étoit  pas 
dans  les  intérêts  d'Erafme>  dit  à  fce 
/>**•/!  Prince ,  que  mécontent  de  Budée  (  t:) 
>8.  t.  ir.  ^"^  ^^^"^'^^^  mauvais  quil  parlât  mal 
des  François ,  il  avoir  vQulu  fe  ven-, 
*  gcr  de  lui  en  le  comparant  à  Badius«, 
Erafme  s'imagina  qu'il  ferok  taire 
les^  Mécontens  ,  en  déclarant  que  ja- 
mais .fon  intention  n'avoit  été  de  cem- 
parer  en  tout  Badius  &  Budée  ;  que 

})erfonne  ne  connoiflbit  mieux  quç  lui 
e  mérite  de  Budée,  &  ne  l'aimoic 
davantage  ;  qu'il  avôit  fîmplement: 
examiné  leur  flyle*  Mais  ces  répop- 
fes  ne  fatisfirent  point  les  amis  de  Bu- 
dée ;  &  Germain  de  Brie ,  intime  ami 
{d)  Epijl.  de  CCS  deux  Savans ,  confeilla  à  EraP- 
17.  L.  **.  me  (d) ,  de  changer  cet  endroit ,  d'y 


mettre  du  moins  quelque  cor^iftiort  ^ 
ott  de  rendre  quelque  Lettre  publi- 
que ,   par  laquelle  il  paroîtroit  foire 
foisfaftion  à  Budée.  Erafme  répon- 
dit à  cette  Lettre  (a)  en  faifant  le  (a)  Efîl^. 
plus  grand  éloge  de  Budée  ;  il  pro-  *8.  L.  n. 
mit   de  changer  dans  une    nouvelle  ^?'A^^*' 
Edition  cette  comparaifon ,  qui  avoit 
été  un  fi  grand  fujet  de  fcandale  pour 
les  François ,  quoiqu'il  crût  cepen- 
dant s'être  affez  juftifié  par  fon  ex- 
plication. Effeftivemenc  dans  la  fé- 
conde Edition  du  Ciceronianus  le  chan- 
gement fut  foit  ( t)  ;  &  avant  quelle  ,    -  ^ 
parût ,  il  ayoit  fait  (c  )  les  poUteffes 2/.  je  ga- 
qu'il  croyoit  fuffifanres  ,  pour  détour-  jjus, 
nçr   les   mauvaifcs  impreflîons  qu'on    (c)  Epsfi. 
avoit  voulu  donner  à  Budée  contre  ô4«  I-  *®* 
lui. 

.  Au  refte,  quelque  inférieur  que  fût  le 
Libraire  Jofle  Bade  Âfcenfîus  à  Budée, 
c'étoit  néanmoins  Qf)  un  homme  d'un  (d)  ChevîN 
rare    mérite.    Tritheme  aflfure   qu'il  l^^"*  >^  ^^k* 
étoit  très-érudit  dans  les  Belles-Let- ^®  Tlmpr. 
très  a  favant  dans  les  Ecritures ,  Phi-P*"^^**'  ^'^* 
lofophe  ,   Rhéteur ,  Poète  ,  célèbre 
par  fon  efprit  &  par  fon  éloquence. 
Tous  ceux  qui  ont  parlé  de  lui  ont 
attliré ,  qu'il  ^toit  très-favant.  Ce  fut 
fur  tout   en  Italie  que  le  Cicéronien 
fj^t  extrêmement  mal  reju.  Ceux  qui 

Aaiij  e 


Gonn< 


V  I  R 
îonnoieft  dans  les  excès  qu'lSrafme 
avoit  entrepris  de  corriger  ,  firent 
courir  le  bruit ,  que  fon  intention  en 
déprimant  Cicéron ,  avoit  été  d'a- 
néantir en  quelque  forte  les  Ouvra-" 
ges  de  ce  Grand -Homme,  afin  que 

(m)  Efiftm  dans  la  fuite  on  ne  lût  que  les  fiens  (a). 

570i  Jules-Camille  fit  un  Livre  exprès  pour 

autorifer  ces  difcoui;s  j  &  Paul-Jovc 
les  a  adoptés. 

Erafme  fut  d'autant  plus  étonné  de 

cet  odieux  foupçon ,  que  dans  la  Pré- 

(h)EfiJl.f2i^^  de  fon  Cicéronien  (fc)  il  avoit 

**t  ^-  *)^*  déclaré  en  termes  exprès  ,  qu'il  y 
auroit  une  extrêmg  folie  à  vouloir  dé- 
tourner de  l'imitation  de  Cicéron  ceux 
qui  s'appliquent  à  l'éloquence.  H  fe  ré-  • 
crie  encore  contre  cette  accufation 
dans  fa  réponfè  à  Curtius ,  où  il  s'ex- 
plique ainfi  :  »  On  veut  me  faire  paf- 
»  fer  pour  un  ennemi  déclaré  de  Ci- 
M  céron ,  moi  qui  admire  encore  plus 
9  la  profondeur  de  fon  génie  que  fon 
»  éloquence ,  quoique  je  fois  perfuadé 

(c)  EptJl.»quQ  (c)  ce  qu'il  y  a  de  plus  élo- 
28.  L.  2z.»  quént  doitfe  taire  devant  lui.  » 

Il  n'avoit  pas  toujours  parlé  de- 

(d)  Epi/f.  ïnême  :  il  a  avoué  (d)  qu'à  vingt  ans 
\i8.  t.  28.il  avoit  bien  de  la  peine  à  lire  pen- 
dant un  long  -  tems  les  Ouvrages  de 

(e)  Epifl.^^^^^oni  il  n'avoit  pas  craint  d'avan*^ 
%p.  L.  $•    CCI  puHlqucûaent  (e)  que  Saint  Jéa 


!>•  E  R  A  s  M  K.  S^p 

lôme  écrivoit  mieux  que  Cicéron  >  & 
eue  les  Ouvrages  {a)  de  ce  Prince   W  ^ptjf. 
m  l'éloquence  profane  n'étoient  pas^'  ^*  *^* 
exempts  de  quelques  folécifmes.  Quel- 
que chofe  qu'il  pût  dire  pour  fa  jufti- 
m%cion  ^  il  ne  put  jamais  appaifer  les 
Ciçéroniens.  Gilbert  Coufin  {b)  (on  (h)  Cêgna$t 
Domeftique  &  fon  ami ,  eft  convenu  ^P^fi*     p* 
que  depuis  la  publication  du  Cicëro-^^**  ^ 
irien,  les    admirateurs  d'Erafme  qui^^^* 
avoient  été  en  très-grand  nombre, 
diminuèrent  beaucoup* 

Cen'étoitpas  chez  ces  Cicéroniens 
d'Italie  que  i  on  trouvoit  des  admira- 
teurs  d'Erafme  :  car  les  Italiens  étoient 
perfuadés  (c)  qu'on  ne  parloit  bien  (c)  B^ifi» 
iju'en  Italie;&le  préjugé  national  étoit  ^*®* 
porté  fi  loin  ,  qu  ils  retranchoîent  (d)   (d)  Efijl. 
du  nombre  des  Savans  Erafme  &  Bu-  8»i« 
<  dée  :  ils  ne  comprenoient  fous  ce  nom 
que   ceux  qui  méritoient  d'être  ap- 
pelles Cicéroniens  ;  &  ils  défendoient 
de  lire  les  Ouvrages  d'Erafme  &  de 
Budée  à  ceux  qui  youloient  préten- 
dre à  la  gloire  de  bien  écrire.  De 
tous  les  Etrangers  ,  le  feul  Longueil 
étoit  excepté  :  il  avoit  forcé  les  Ita- 
liens à  approuver  fon  ftyle  ;  &  en  con* 
fidération  de  la  belle  Latinité ,  il  fut..  ^. 
fait  Citoyen  de  Rome;  ce  qui  Souffrit ^y^^^^^^*^! 
cependant- de  la  difficulté  (e)  parhioHt  ' 

Aaiiij 


'5^o  V  I  S        .-        ^ 

feule  raifon  que  dans  un  dIfcour$  il 
avoit  eu  la  hardieiTe  de  comparer  la 
France  à  l'Italie ,  &  de  faire  Téloge 
d'Erafme  &  de  Budëe. 

Mais  ce  qu'il  y  avoit  de  plus  inex- 
cufable  dans  ces  Cicéronîens  jr  c'efl: 
qu'ils  avoient  tranfporté  jufques  ilans  . 
la  Théologie  Chrétienne  des  expref- 
fions  deftinées  au  Paganifine,  C'eft 
ce  qui  ne  s'apperçoit  que  trop  daos 
les  Ouvrages  du  Cardinal  Betnbe  ^ 
(a)  V.  Val  un  (  A  )  des  plus  fameux  Cicéroniens, 
chfUF,  Htji^^^  3»^  ^  ^  p^j.jçj.  ^g  rExcommunication  , 

l7/î^«^  ^  *  il  lui  donne  le  nom  d'interdidion  du 
c  11.  n.  3.  feu  &  de  l'eau.  La  Vierge  n'eft  con- 
^Jîiceron ,    nue  chez  lui  que  fous  le  terme  de  Déèf- 
t.ii.p.37î.fé.  Lorfqu'il  parle  de  Dieu  (fc)  c'eft 
2?^  ^^7;  toujours  au  pluriel-  Il  raconte  Péléva- 
j'^^pp.^yi* tion  d'un  Pape,  qui  eft  redevable  de 
503.    5 1 }.  fa  dignité  aux  Dieux  (  i  )  Immortels  5 
5^7-    '      &  ce  qui  eft  encore  plus  inconceva- 
ble ,  c'eft  que  Léon  X.  écrivant  au  Roi 
François  I.  le^  Mai  15*  17.  pour  Ten- 
>        T  •  g^geï  à  faire  la  guerre  aux  Turcs  ,  il 
vreVcÎLeV- l'y  exhorte  (e>  par  les  Dieux  &  par 
trcs    de     les  hommes ,  per  Deos  atque  homines. 
Bembe,i7e,     Ces  excès  avoient  fcandalifé  Eraf- 
Ltttre  ,  P'me,  &  étoient  entrés  dans  les  raifons 
Hd)  Ep'ifl  3?^  ^"'^  avoient  fait  entreprendre  fon 
%x.  l.zb[ èicéronien.  »  Je  foupçonne ,  4it-il  (d) 
(i)  Deprum  Immorsâlitun bénéficiai 


D'ERÀSMëé  5^1 

idans  fon  Epître-Dédicatoîre ,  que 
m  fous  prétexte  de  nous  faire  Cicéro- 

•  niens ,  on  veut  nous  rendre  Payens  ,  <\\ 
M  quoique  les  Belles  -  Lettres  ne  doi-  .4 
»  vent  avoir  d'autre  but  que  la  gloire  ^ 

•  de  Dieu  &  de  Jefus-Chrift  ;  mais  je 
»  m^pperçois  que  quelques  jeunes  gens 

a»  que  l'Italie  nous  renvoie  »  ne  font  '^ 

»  pas  trop  bien  difpofés  pour  la  Reli- 
»  gion.  »  Il  s  explique  plus  ouverte- 
ment dans  une  Leitre  à  François  Ver- 
^^!^^.\  Pfofeffeur  enLangue  Grec-  (aysp^jf. 
que  a  Alcala.  »  II  paroit  depuis  peu  ly.  l.%o» 
»  une  nouvelle  troupe  d'ennemis ,  dit- 
w  il  ;  ils  fe  trouvent  mal ,  lorfqu'on 
»  emploie  les  Belles^Lcttres  pourpar- 
»  1er  de  Jefus-Chrifi;  comme  fi  toute 
<»  rélégance  étoit  renfermée  dans  le 
»  Paganifme.  Jupiter  très-bon  &  très-» 
9  grand  fonne  mieux  à  leurs  oreilles , 
9  que  Jefus  -  CJirifl  Rédempteur  du 
â»  monde;  &  Pères  confcripts  ,  que 
•»  les  Saints  Apôtres*  Cefl  prefque 
a»  chez  eux  une  chofe  plus  honteufe 
»  de  n'être  pas  Cicéronien ,  que  de 
»  n'être  pas  Chrétien.  Je  dirai  à  To- 
9>  reille  ce  que  j'en  penfe  :  il  y  a  là- 
»  deifous  un  Paganifme  caché ,  qui  leur 
a»  tient  pfus  i  cœur  que  la  gloire  de 
«•Jefus^Chrifl.  Je  ne  crains  pas  d'ê- 
fçre  effîicé  duran^  des  Cicéroniens  > 

Aav 


^$62  V  I  K      ,  , 

»  pourvu  que  je  fois  au  nombfv*  cfe§ 

»  Chrétiens,  llscroyent,  dit-  il  dans 

Xu)  Eplft.  »  une  autre  Lettre  (  a  ) ,  qu'il  eft  plus 

ti4.  L.  10.  »i  honteux  de  n'être  pas  Cicéronien, 

•»  que  d'être  appelle  Hérétique.  » 

£nfin  pour  achever  ce  qui  regarn 

de  le  Fanatifme  de  ces  Littérateurs  ^ 

(b)  Nice- on  aflure  (b)  que  Lazare  Buonami- 

ton,  u  19. cas ,  Cicéronien  ardent,   déclaroit 

P*  '^J'      qu'il  airaeroit  mieux  parler  comme 

Cicéron  que  d'être  Pape ,  &  que  s'il 

avoit  à  choilir  entre  l'Empire  d'Au- 

gufte  &  l'éloquence  de  Cicéron ,  il 

donneroit  la  préférence  au  talent  de 

Xe)  Hijl.  Cicéron  j  &  le  Cardinal  Bembe.  (  c  ) 

Biiu  ftf^ri- jj^qJç  une  fi  grande  paffion  pour  la 

Clan.  . j.  p.  y^pyçj^çjQjj  ^g  jjjçjj  écrire  en  Latin  , 

qu  il  la  préféroit  au  Marquifat  de  Maa*- 

toue. 

Le  Cicéronien  fouleva  contre  Erafl 
me  deux  Ecrivains  »  qui  le  traiterem: 
avec  la  plus  grande  indignité.  Jules 
<i) Maie- Scaliger  (i)  i'attaqua  le  preoûier.  Il 
laire/t.  3.  jédîa  fon  difcours  aux  jeunes  gens 
l^'^Jg?'^''*'''  bien  nés  (i)  5  &  cette  Epitre  eft  datée 
d'Agenle  1$  Mars  lyji.  U  dit  aue 
.   puifqu'Erafme  avoit  mal  parlé   des 
autres ,  il  devoit  s'attendre  à  un  pa- 
reil traitement.  Il  aflure  que  la  raifbn 
pour  laquelle  fa  critique  n'a  pas  pan| 
<  I  )  Of:mU  Adohfcintihuim 


B'  E  R  À  s  M  E.  jrtf  3 

plutôt ,  c  eft  qu'il  n'avoit  pu  voir  ce 
miférable  («)  Ouvrage  d'Erafme,le  C«)Nf/i- 
Cicéronien ,  que  long-ceros  après  qu'il  ^'^^* 
avoir  été  publié ,  parce  que  les  Mar- 
chands ne  fe  chargeoient  qu'avec  ré- 
pugnance des  Ouvrages  de  PAuteur. 
Après  un  pareil  début ,  on  devoit  s'at- 
tendre à  ne  voir  pas  Erafme  ménagé  i 
mais  il  faut  lire  ce  libelle ,  pour  pou- 
voir comprendre  jufqu'où  vont  la  fu- 
reur &  l'emportement  dans  un  hom- 
me  de  Lettres  en  colère.  Erafme ,  fi 
l'on  en  croit  Scaliger ,  efl  un  ivro-. 
gne ,  un  Baureau ,  un  parricide ,  un 
monflre  ^  'un  nouveau  Porphire  ;  le 
véritable  Auteur  du  Lutbéranifme  » 

2ui  a  .commencé  par  attaquer  Jefus- 
^hrift ,  Dieu  même ,  pour  de-là  paf- 
(er  à   Cicéron^  tâcher  de  l'anéantir 

Sour  fe  mettre  à  fa  place  »  &  intro- 
uire  une  nouvelle  éloquence  (  i  )• 
Quoiqu'un  écrit  qui  ne  contenoic 

(  î  )  Melchior  Adam  a  feit  des  notes  fut       * 
ce  Oifcours*    B^/Vr  j    note  B.  anicU  de  M. 
Adam. 

Une  Lettre  cCBrafine  *  nous  apprend  , 
que  ce  libelle  de  Scaliger  fut  imprimé  clan* 
defiinetnenc  à  Paris  9  &  qu'on  fut  quelque 
tems  fans  pouvoir  obtenir  la  permifuoa  de 
le  publier. 

Aavj 


5^4     .  ,    V  I  «  '/ 

que  des  injures  auflî  atroces ,  fie  métU 
tat  qu'un  très-profond  mépris  ,  Eraf- 
roe  en  fut  néanmoins  très  offenfé.  »  Ce 
»  Libelle,  écrivoit-il  à  un  de  fes  amis^ 
Xa)  Eftfi.  »  eft  (  a  )  fi  furieux ,  qu'Orefte  n'au- 
36p.  Af-  3»  roit  pu  rien  écrire  de  plus  infenfé.  » 
fend.         jj  foupçonnoit  que  le  Syndic  Beda  yt 
aVôit  pu  avoir  quelque  part ,  &  y  glif- 
fer  des  traits  contre  lui  ;  »  car,  difoit- 
m  il ,  c*eft  fon  ufage  d'en  agir  ainfi  y 
a>  toutes  les  fois  que  l'on  fait  paroître 
»  à  Paris  quelque   Ouvrage   contre 
,  f»  moi.  »  Cependant  Beda   défavoua 

ce  Libelle^  qu'il  trouvoit trop  empor- 
té. Erafme  foupçonna  que  Camille  pou- 
voît  avoir  auffi  aidé  Scaliger  ;  mais  il 
croyoit  que  le  Nonce  Aléandre  étoit 
le  véritable  Auteur  de  ce  Libelle  :  il 
(b)  Efift»  lui  en  porta  {b)  mêmîe  fes  plaintes*^ 
iîi8,iSj>îyî.  Aléandre  nia  qu'il  eût  eu  la  moindre 
S70»  part  à  cet  Ouvrage  ;  il  en  prit  même 

-occafion  de  déclarer  à  Erafme,  qu'il 
l'avoit  toujours  aimé ,  &  qu'il  l'aime- 
roit  toujours.  Erafme  ne  l'en  crut  pas  ; 
il  s'imagina  que  fi  Aléandfe  défavouoit 
la  part  qu'il  avoit  eue  au  Libelle  que 
l'on  attribuoit  à  Scaliger ,  c'étoit  pour 
n'être  pas  chargé  de  la  honte  qui  rc- 
jailliflToit  fur  l'Auteur  d'un  Ouvrage 
fi  odieux*  Toutes  les  affurances  d'a- 
mitié ^ue  çc  Prélat  lui  j^ifoit  >  étoient 


t>'  E  R  À  s  M  *;  <'Sf 

tégardées  comme  tout  autant  de  fauf- 
fctés  par  Erafme  ,  qui  croyoit  ne  pou- 
voir pas  douter  des  mauvaife  inten- 
tions d'Aléandre.  Ceft  de  lui  dont  il 
Eirle  énigmatiquement  {a)  dans  une  (4) Eptfi^ 
ettre  à  un  de  fes  meilleurs  amis,  »  Il  S9%  !••  jo, 
w  y  a ,  dit-il ,  un  très-adroit  fcélérat 
»  qui  voudroit  £siire  périr  Eraime  9  âc 
»  qui  cependant  voudroit  foire  croire- 
»  qu'il  eu  de  fes  grands  amis.  3» 

Le  Libelle  de  Scaliger  {h)  caufa  (]b)  Mor-: 
une  indignation  générale  ;  &  un  ami  rhius. 
d'Erafme  lui  écrîvoit  (c)à  ce  fujet  :    (c)  Epi/l^ 
9  Les  honnêtes-gens  approuvent  tous  3^^*  ^f:^ 
9  que ,  vous  ne  vouliez  pas  répondre  f^^^» 
a>  aux  calomnies  de  Scaliger.  QUel  que 
»  foit  l'Auteur  du  LibeUe  qu'il  s'at-  * 
»  tribue ,  c'eft  un  boufon ,  un  ridicuy 
•»  le  >  un  conteur  de  fobles  qui  man*« 
9  que  du  fens  commun.  «» 

Scaliger  ayant  été  informé  qu'on 
doutoit  qu'il  fût  TAuteur  du  difcours 
contre  Erafme,  en  témoigna  la  plus 
grande  colère  :  il  écrivit  une  Lettre 
pour  revendiquer  cet  Ouvrage V  non 
content ,  il  en  compofa  un  fécond  en^- 
core  plus  furieux  que  le  premier ,  daH 
té  de  Viviers  le  27  Septembre  1^3  y. 

C'eft  une  Satyre  fi  injurieufe ,  qu'on 
ne  peut  la  lire  fans  reffentir  la  plus 
grandejndignation  contre  l'Auteur^ 


^6S  ViJt  . 

Il  y  convient  que  fon  premier  difcourâ^ 
avoit  paru  rempli  de  fureur ,  même 
aux  ennemis  d'Èrafme  ;  U  aflure  que 
s'il  Ta  compofé ,  c'eft  à  la  foUicita- 
tion  de  plufieurs  Savans  :  il  en  nomme 
plufîeurs ,  entr'autres  Nicolas  Léoni- 
cenus  ,  Pierre  Pomponace  /  Cœlius, 
Rhodiginus»  Louis  Gaurid  &  Jean, 
Jucundus*  Il  repréfente  Erafme  com-, 
me  un  avare  9  un  ivrogne ,  un  fuper- 
be  ,  une  furie  qui  fe  déchaîne  contre 
la  Religion.  Il  rappelle  l'écueil  de  la 
vraie  éloquence  ;  il  le  traite  de  monl^ 
ue  odieux  à  l'Italie ,  à  la  France ,  à 
l'AUetnagne  3  dont  les  écrits  font  U 
honte  du  nom  Chrétien. 

Erafme  n'eut  pas  le  déplaifir  de  voir 
cet  indigne  écrit;  il  ne  fut  iînprimé 

au'après  fa  mort  en  i  J37.  Ces  deux 
ifcours  étoient  devenus  fort^rares, 
lorfque  Mauflfac  les  fit  imprin^r  à 
Touloufe  l'an  1621.  Il  y  joignit  (i) 
plufieurs  Lettres  que  Scaliger  avoit 
écrites  aux  Collèges  de  Paris  ^  en 

(  X  )  Juin  Ca farts  Scaligeri  adversùs  De/l 
Erafmttm  Orationes  dua  Bloquemia  Romémm 
vindices  ,  unà  cum  ejufdem  Epiflolts  &  opuf- 
culisaliquêt  non^ùm  evulgatis^quibus  de  nové 
etiam  accedunt  Probltmata  Gaflicana  ,  ut  re- 

£eriri  pPtuerunf.  Tolofâe  Teâoragum ,  apud 
)omimcum  fiofc  «$c  Petnim  BoIç«  i6jl  u 


©•  E  R  A  s  M  e;         ]f  iÎ7 

leur  envoyant  fon  premier  difcours; 
il  y  en  a  aufli  une  à  Arndld  Ferron  , 
où  il  enchérit  encore  en  injures  con- 
tre Erafme  fur  celles  qui  étoient  dans 
fes  deux  fatyres  ;  ce  aue  l'on  n'auroit 
pas  imaginé  être  poifiole. 

Les  honnêtes-gens  voyoient  avec 
chagrin  Erafme  attaqué  u  durement. 
Omphaliùs  qui  étoit  fon  ami ,  jauiC- 
bien  que  celui  de  Scaliger  »  travailla  à 
leur  reconciliation  ;  &  ce  qui  eft  très- 
iîngulier,  c'eft  qu'il  y  réumt.  II  enga* 
gea  Scaliger  à  écrire  le  14  Mai  1 J2  tf. 
une  Lettre  (a)  dans  laquelle  rendant  ^^j    j^^^ 
juftice  à  Erafme ,  il  déclare  qu'il  l'a-  Lettre    da 
voit  toujours  admiré.  Il  convient  qu'il  Recueil  de. 
a  rendu  de  très-grands  fervices  aux****^^ 
Lettres  j  il  protefte  qu'il  refpefte  fes 
travaux ,  Ôc  qu'il  celle  d'être  fon  en- 
nemi. 

Erafine  ne  vécut  que  trois  mois  après 
^e  cette  Lettre  eut  été  écrite.  Lor& 

Îue  Scaliger  apprit  fa  mort ,  il  fit  fon 
Ipitaphe ,  où  il  tâcha  de  réparer  fes 
injuflices.  Il  s'y  plaint  de  la  mort  pré- 
maturée d'Erafme ,  avant  qu'ils  euf- 
f  ènt  été  parfaitement  réconciliés  y  &  il 
le  traite  de  Divinité  (  1  ). 
.(  I)  Tune  efiammoreris}  ah  9  quidmelini 
quif  ^  Erafme  , 
'4nte  meus  quhnfit  cêmiliatus  am9rl 


î«8  V  î  H 

Tous  ceux  qui  ont  tiu  occaCon  de' 
parler  de  cette  difpute  entre  Erafme 
&  Scaliger  ,   font  convenus  que  les  ' 
procédés   de  Scaliger  ne  pouvoicnt 

Sas  fe  juftîfier.  Joîeph  Scaliger,  fils 
e  Jules ,  quoique  mécontent  du  Ci- 
céronien  ,  n*approuvoit  point  la  con- 
duite  de  Jules  Scaliger.  »  Mon  père  ,  ' 
(«)  Scali'  I,  difoit-il  (a) ,  attaqua  Erafme  en  Sol-  . 
gtfûMa.  ^  jaç .  (iepuis  après  avoir  étudié ,  il  vit 
a»  qu*Era(me  itoit  un  grand  perfon- 
»  nage.  Peut%tre  mon  père  n  avoit  pas 

Tune  etiam ,  cuîtam  farvusfuit  orbis  *•: 

ExpUres  mentis  fiilmina  torva  sue  i 
trgq  Sidtrtis  fojlquam  ejl  fuhve^  quadrii 

'Afque  Dti  Uto  lînguA  recepts  finu  , 
ïlle  egp  qui  infana  rideham  vulnna  monts  > 
•     Conditaque  iftrna  teU  trtfdcAmtmu  ^ 
4d  quodvis  flufcù  snomtntttm  y  ac  territuf 
âdffoy  1 

Maxima  quùm  vidcam  numind  pojjc  morU 

• 

A  la  marge  de  cette  Epitaphe  Merula  avoît  » 
mts  la  note  fuivante  :  L*amitié  qui  avoit  été 
rompue  par  les  deux  Difcours  de  Scaliger 
contre  Erafme  ,  .fe  feroit  rétablie,  fî  ce 
grand  homme  eût  vécu  encore  quatre  mois  y' 
c'eftce  qui  m'a  été  alluré  par  on  homme  qui 
étoittrii-aufâit. 


1»  lA  ou  n'entendoif  pas  Erafme  :  après 
•>  avoir  vu  fes  Ouvrages  il  fe  repen-* 
»  tit  d'avoir  écrit  contre  lui.  » 

On  lit  encore  dans  le  Scaligerana  ; 
que  Jules  Scaliger  a  voit  écrit  beau- 
coup de  Lettres  contre  Erafme  ,   &, 
qu'elles  avoient  été  imprimées.  »•  Je 
»  les  ai  fait  fupprimer ,  feit-on  dire  à 
m  Jofeph  Scaliger ,  &  en  ai  les  exem- 
»  plaires  céans^  qui  m'ont  coûté  foixan- 
»  te-douze  écus  d'or,  trente  fix  dour 
w  blés  piftoles.  J'ai  commandé  à  Jo- 
3»  nas  de  les  brûler  après  ma  mort.  »  Si 
Jofeph  Scaliger  a  véritablement  tenu 
ce  difcours ,    fes  intentions  n'ont  pas 
été  exécutées  après  fa  mort  :  car  il  y 
a  toute  apparence  que  les  Lettres  que 
Mauifac  a  depuis  données  au  Public  ^ 
font  celles  que  Scaliger  vouloit  qu'on 
brûlât.  M.  de  Thou,  quoiqu'ami  de 
Jofeph  Scaliger ,   n'a  pas  crû  pouvoir 
fe  difpenfer  de  blâmer  fon  père.  »  Sca- 
a»  liger ,  dit  ce  grand  Hiftorien ,  écri- 
aD  vit  contre  Erafme  ,   peut-être  par 
a^  une  raifon  jufte ,  mais  qui  ne  devoit 
m  pas  commettre  de  fî  grands  hommes 
»  1  un  contre  l'autre.  Il  inveftiya  con- 
»  tre  lui ,  non-feulement  dans  un  Dif- 
»  cours  qui  efl  entre  les  mains  de  tout 
»  le  monde ,  mais  auflî  dans  un  autre 
m  que  l'on  ne  trouve  pas  aifémenc>  Ôc 


570  V  1,5. 

»  qui  n'eft  pas  écrit  avec  moins  d*aî* 
^  **greur,  par  lequel  il  avoue  qu*il  eft 
»  fauteur  du  premier.  Mais  comme  il 
M  étoit  véritablement  généreux ,  il  Ce 
»»  repentit  depuis ,    &  témoigna  par 

•  écrit  qu'il  étoit  fâché  de  ne  s'être 

•  point  réconcilié  avec  Erafme  :  car  il 
»  avoit  en  vénération  fa  doélrine ,  à 

'     •         »  laquelle  étoit  jointe  une  finguliere 

»  pieté.   »  M.  T eiflîer  obfcrve^  à  ce 

(il) T.  i.p.  fujet  {à)  que  les  plus  zélés  Partifâns  de 

SU»  Scaliger  ne  peuvent  pas  excufer  fes  em- 

porteœens.  »  Il  traite ,  dit-il ,  auflî  ma! 

3*  cet  excellent  Critique ,  que  s'il  avoit 

»  avancé  les  plus  horribles  blafphê-» 

»  mes  >  êc  qu'il  fût  coupable  des  cri« 

»  mes  les  plus  honteux.  «  M.  Simon 

(b)  Lettre (^)  penle  de  même;  &  il  ajoute  , 

II.  du  3;  au  on   trouve   beaucoup   d*érudition 

aans  les  deux  Difcours  de  Scaliger , 

&  qu'ils  ne  feroient  pas  indignes  de  ce 

grand  homme ,  s'il  n'y  avoit  pas  mêlé 

(c)  Chevi-  tant  d'injures.  Merula  a  prétendu  (  c) 
1er, orig.de que  le  fécond  Difcours  de  Scaligej 
rJmprime- avoit  (i  fort  fâché  Erafme  ,  qu'il 
ne  ,  part.  ^^^  ^^^j^  f^^j^  acheter  à  Paris  tous  les 

**  ^'  ^'      exemplaires  qu'on  en  avoit  pu  trouver. 
Crenius  ajoute ,  qu'il  n'en  étoit  refté 

(d)  p^rM.  qu'un  feul  entre  les  mains  de  Jofeph 

ni$.  liger  faifoit  une  troifiéme  Satyre  cou-- 


tre  Erafine  dans  le  tems  qu'il  mourut , 
&  qu'elle  fut  perdue  dans  le  pillage  de 
h  première  Guerre  civile  ;  ce  qui  a 
été  répété  par  Fellerus  (a).  Mais  ces  (a)  Felleri 
Anecdotes  font  conftamment  faulTes  ,  monumema 
puifque  le  fécond  Difcours  de  Scali-  tnediïa ,  f; 
ger  ne  ftit  imprimé  apparemment  que  ^®^'  *"• 
contre  fon  intention ,  &  un  an  après  ^^^^* 
la  mon  d'Erafme  ,    &  que  lorfqu'il 
rtourut  (i)  Scaliger  étoit  au  défef- (^)LaMon- 
|>oir  d'avoir  fi  indignement  traité  un  no|e  ,  dani 
hiomme  fi  eftimablc.  Dolet  qui  écri-  5^*^^^ 
?it  auffi  contre  Erafme ,  ne  témoigna  ^^^e    £* 
pas  moins  de  fureur  que  Scaliger.  Il  Maittaire  ; 
fit  imprimer  l'année   qui  précéda  la  t.  3.  part. 
Hiort  d'Erafme,  un  Dialogue  fous  le  ?'"'•''•  P»*i 
titre  de  l'Imitation  de  Ciceron  (  i  )• 
Les  Interlocuteurs  font  Thomas  Mo- 
tus ,  &  Simon  de  Ville-neuve.  Morus 
cfl  partifan  d'Erafme;  mais  Ville- neu- 
ve en  parle  avec  le  plus  grand  mépris. 
G'eft ,   fi  on  l'en  croit ,   un  mauvais 
bouffon,  un  vieillard  gui  radotte;  fes 
Ouvrages  &  fon  ftyle  font  traités  avec 
h  plus  grande  indignité.  S'il  n'a  pas' 
répondu  à  Scaliger,  c*efl  qu'il  n'avoir 

(  I  )  Sfepham  Doleti  Dialogus  ,  de  Tmita- 
tione  Ciceroniana,  advenus  Deftderium  Eraf" 
mum  ,  *fro  ChriJIophoro  Longalio.  Lugdtini  ^ 
Mfud  Sebajlianum  Qryphium.  i  )  }  5  • 


^de  de  fe  commettre  avec  ùû  pa^.  ; 
rcU  Athlète.  L^objet  àw  Gcéronierl , 
fi  on  Ten  croit ,  étoit  d'empêcher  qu'on 
De  fe  propoiat  le  flyle  de  Ciceron  pour 
modèle.  Il  attaque  enfuite  le  jugement 
qu'Erafme  a  poné  des  Modernes  :  il 
prétend  qu'il  n'y  a  point  d'exadli-î 
tude  ;  que  l'on  n'y  trouve~que  de  la 
partialité.  Il  l'accufe  d'être  prévenu 
contre  la  Nation  Françoi(e  ,  &  de 
profiter  de  toutes  les  occaûons  de  lui 
donner  des  preuves  de  fa  mauvaise  vo-> 
lonté.  Apres  avoir  attaqué  l'efprit  & 
l'érudition  d'Erafine  ,  îTfoutient  qu'il 
eft  inconftant ,  léger  ,  double  »  ef« 
croc  &  parafite. 

Quoique  cet  Ouvrage  foit  rempli 
de  fureur  &  d'emportement ,  il  vaut 
cependant  la  peine  aêtre  lu.  L'Auteur  - 
qui  poffédoit  très-bien  Ciceron,  l'a 
juftiné  au  fujet  de  quelques  critiques 
faites  un  peu  trop  légèrement  par 
Erafme. 

Cet  Ecrit  le  fâcha  beaucoup  ;  Se 
comme  dans  ce  tems-là  il  étoit  fort  oc- 
cupé de  la  haine  qu'il  fuppofoit  qu'A-. 
(a)  Ef(^.  léandre  avoir  contre  lui  (aj,    il  le 
.  Li- 

pas 
.  p.  vrai.  Ue  qu'il  y  a  de  imgulier ,  elt  que 
110,         Jules  Scaliger  Çb)  après  avoir  lu  cette 


Satyre,  non-feqlement  ne  l'approuva 

i^oint  f    mais  fe  plaignit  gue  Dolet 
'avoit  pillé.  Erafme  déclata  (a)  qu'il  (g^  jtpijf^ 
ne  répondroit  point  à  un  Libelle  fin^j, 
injufte  &  fi  déraifonnable  j  mais  Flo- 

>  ridus  5abinus  prit  le  parti  d'Erafme  » 
&  il  aflfura  (  i  )  que  TOuvrage  de  Do-  (*)  LilUcn: 

'  kt  étoît  dépourvu  de  fcience  &  de  ^^^^'/»  '• 
jugement  ;  qu'il  s'étoit  imaginé  acqué-  "^^*  ^*» 
rir  de  la  gloire  i  en  attaquant  un  fi 
grand  homme  ;  mais  qu^il  devôit  fa- 
'  voir  f  que  ce  n'étoit  jamais  qu'en  trem- 
blant qu'on  pouveit  s'éloigner  des  dé* 
citions  d'un  fi  favant  homme. 

Bolet  fit  un  nouvel  Ouvrage  (c)(r)V.Maît» 
dans  lequel  Erafme  ne  fut  pas  plus  taire,  ann. 
épargné  que  dans  le  premier.  Il  y  con-^^^^^^^r  3* 

.  vient,  que  les  amis  d'Erafme  ont  trou- J^^^'*^*^* 

i  vé  fon  Dialogue  violent;  »  mais  duf-        ' 
•>  fent-ils  frémir  de  rage ,  rje  dirai  mon 
•  fçDtimejit.    Or  je  jenfe  qu'Erafipe 
i>  n'étoit  ni  de  fens  troid ,  ni  n'avpiç 

'  »  la  tête  faine ,  lorfqu'il  compofa  fon 
»  Cfcéronien.  « 

Le  Dialogue  de  Dolet  lui  fit  peu 

*  d'honneur.»!!  en  avcMtefpéré  un  triom- 
»  phe ,  dit  Guillaume  de  Lifle  (  d  )  ;  il    ^^q 
m  ne  remporta  que'  la  bonté  de  ftv^r/,|„^^^  ^^'* 
»  calomniçr,  »>  Erafii^e  ne  {ut  pas  plu-  (.Njvjai^tai. 
tôt  mort,  que  Ûolet  rentra  en  lui-re  ,  p.  38. 
même  (e).  il  fe  repentit  publique- Hcroldus.' 


^74  .  ViH  .  - 
ment  d'avoir  traité  fi  indignement  nÛ 
homme  d'un  fi  grand  mérite  :  il  cher- 
cha Toccafion  de  parler  de  lui  ;  il  Pap» 
pella  Thonneur  de  l'Allemagne ,  f  or- 
nement de  fa  Patrie  ,  un  favant  com- 
parable à  ce  que  l'Italie  &  la  France 
avoient  de  plus  illuftre. 

Dolet  que  fes  Ouvrages  fur  laLah- 
gue  Latine»  fa  difpute  contre  Ërafme 
&  fa  mort  funefte  ont  rendu  célèbre  » 
étoit ,  félon  quelques-uns  y  bâtard  du 
Ba^  François  I.  mais  Baile  a  fait  voir 
ctrils  fe  trompoient.  11  étoit  né  avec 
du  génie  ;  mais  il  avoit  encore  plus  de 
prétomption.  Il  s'étoit  imaginé  qu'il 
porteroit  l'honneur  du  nom  François 
aufli  loin  que  la  réputation  de  l'eiprit 
r«)BaiUct,pQ^yQjç  jjferj  &  il  n'a  voit  pas  craint 

i^X  ^.^^  ^^  ^^^^  *^  ^^^  François  L  dans  ces 
{•14U    *  Vers  (a): 

Vivre  je  veux  pour  l'honneur  de  la  France» 
Que  je  prétends  3  fi  ma  mort  on  a^ayancet 
Tant  célébrer  ,  tant  orner  par  écrits  ^ 
Que  l'Etranger  n'aura  plus  à  mépris 
Le  nom  François ,  Se  bien  nioins  aotre  L^m« 

Laquelle  on  tient  paovre  en  tome  Harangue* 
♦ 
Il  fembloit  avoir  quelque  preflenti- 
ment  de  fa  mon  malbeureufe.  Elle  ne 


îd'  E  R  A  s  M  b;  nr 

t)OUVou  pas  rêcre  davantage  ;  il  fût 
brûlé  à  Paris  le  3  Août  1 5-46.  parce 
qu  il  fut  convaincu  dUrrélieion  :  on 
croit  communément  que  ce  fut  à  caufe 
de  fon  attachement  au  Luchéranifme. 
Il  fçroit  fort  furprenant  qu  il  eût  été 
le  martyr  du  Luthéranifme  »    après 
avoir  dit  dans  fa  Lettre  à  Guillaume 
Scasva  (a)  y  que  l'on  voit  à  la  tête(«)V.Maie4 
de  fon  Dialogue  de  l'Imitation  de  Ci-  ^^^^^  »  ^-  $• 
céron.  qullfemocque  de  lafoUe  de  J^'J;^'^'^^ 
ceux ,  qui  par  une  ridicule  opiniâtreté  "'  ^** 
s'expofent  à  la  mort  pour  les  opinions 
de  Luther.  Ceft  ce  qui  a  déterminé 
M.  Shelorne  S  foutenir  dans  fes  Amé- 
nités Hiftoriques  Eccléfiafliques  & 
Littéraires  (  t  ) ,  que  Dolet  n'etoit  pas  (h)  T.  i.  pj 
mort  Proteftant  ;  &  il  en  appone  pour  97  $• 

{)reuve  (  c  )  que  Calvin  parlant  de  lui ,  ^c)  ?.  ^op^ 
'a  accufé  d'avoir  mépril^  l'Evangile  » 
ce  qu'il  n*eût  certainement  pas  dit , 
s'il  eût  crû  qu'il  fut  mort  pour  la  nou- 
velle Religion.  Ceux  qui  ont  vu  Do- 
let ,  &  qui  ont  eu  occaâon  déparier 
de  lui  9  ont  aifuré  que  c'étoit  l'homme 
du  monde  qui  avoit  la  phyfionomie  )a 
plus  fîniftre,    &  qu'il  reflembloit  à 
quelqu'un  que  l'on  mené  à  la  roue  ;  ^  ^  ^ome 
celt.  le  jugement  quen  pone  JeanQ^;  (-,7^ 
Odon  (d  )  en  écrivant  à  GilbcrtCou-  Cognait/ 


$i6  T  1  » 

Un  autre  Savant  avoît  encore  pré- 
paré un  Livre  contre  Erafme  ;  &  il 
(û)  Efifl.  avoit  pris  pour  titre  (  a)  .•  Guerre  ci- 
h»;*»  vïle  entre  les  Ciciromens  Gr  les  Par^ 
tifans  £Ergfme  ;  on  y  fuppofoit  qu^E- 
rafine  étbit  ennemi  de  Cicéron.  On  n'a 
aucune  connoiffance  que  cet  Ecrit  ait 
été  publié. 

Le  Gicéronîen  d'Erafme  n'eut  pas 

en  général  une  grande  approbation  : 

il  n'y  eut  prefque  que  Vives  qui  en 

WtofOr-fir  réloge  (t)   quoiqu'U  y  eût  été 


19.  de  Vi-  avoît  plufieurs  chofes  favantes  &  ingë- 

^^1    ^^^T  ^^^"^^^  ^^"^  ^^^  Dialogue  ^  convient 
celles     aeq^j^  y  ^  des  traits  cachés  contre  Ci- 

•  ton.  céron.  Borremans  juge  (  e  )  qu'Erafme 

(<i)  Sabi*  dans  cet    Ouvrage  n'a  pas  toujoui-s 
nus  ,  Hou  confervé  le  caraftere  qu'il  auroit  dû 
fubcîs.  l'.j.  donner  à  fes  Perfonnages ,  &  que  celui 
r/*Borrc-  S"'^^  ^^^"^  ^^^^  "^  Cicéronien ,  eft  bien 
mans ,  var.  éloigné  de  parler  comme  Cicéron.  En- 
ud.  c.  4.fin  Mauflac,  en  faifknt  imprimer  le 
j.  1^.        Cicéronien   &  les  deux  Difcours  de 
Scaliger ,  déclare  dans  fon  Epître  Dé- 
dicatoire  à  Guillaume  du  Vair  Garde 
des  Sceaux ,  qu'Erafme  ne  parle  exac- 
tement ni  de  Cicéron ,  ni  de  plufieurs 
Italiens  illuflrest 

Cette 


d'Erasme,  '5'77 

Cette  même  année  que  parut  le  Ci- 
céronien ,  Erafme  fe  trouva  obligé  de 
fe  juftifier ,  au  fujet  de  la  Devife  qu*il 
avoit  adoptée  ^  Concéda  nullL  II  écri- 
vit une  Lettre  Apologétique  à  Alfonfc 
iValdefius,  Secrétaire  deiEmpereur, 
datée  du  premier  Août  i^iS.  {a)  Il  (a)  Ep'/l. 
y  répond  à  Taccufation  de  fes  ennemis ,  ^ ^/  ^*  '• 
qui  vouloient  faire  croire  que  inten- 
tion d'Erafme  étoit  de  perfuader  à 
rUnivers  ,  qu'il  n*y  avoit  perfonne 
dans  le  monde  à  qui  il  eût  voulu  cé- 
der. Il  déclare  que  cet  orgueil  eft  fi 
éloigné  defon  caraélere,  que  pour  peu 
qu'on  lifefes  Ouvrages ,  on  y  verra  que 
bien  loin  de  vouloir  l'emporter  fur  tous 
4es  autres ,  il  eft  toujours  prêt  à  céder 
à  tout  le  monde  j  que  ceux  qui  vivoient 
avec  lui,,  fa  voient  que  la  vanité  étoit  de 
tous  les  vices  celui  pour  lequel  il  avoit 
4e  plus  d'averfion  ;  &  qu'il  étoit  tou- 
jours plus  prêt  à  dire  avec  Socrate  ^ 
«  Je  ne  fçais  qu'une  feule  chofe  j.  c'eft 
«>  que  je  ne  fçais  rien ,  »  que  d'affurer 
qu*il  ne  çédoit  à  perfonne.    Il  rap- 

Îorte  après  cela  l'Hiftoire  du  Dieu 
'erme ,  qui  ne  voulut  pas  même  ce-  ' 

dqr  à  Jupiter ,  fuivant  les  Annales  des 
Romains;  &  il  fait  enfuite  le  récit  des 
xaifons  qui  Tavoient  engagé  à  s'appro- 
pôer  la  Devife,  qui  avoit  occaiionné 
Tome  L  B  b 


les  reproches  qu'on  lui  faifbit.  L*Ar-i^ 
chevêque  de  Saint  André  étant  prêt  à 
retourner  en  EcofTe  chez  le  Roi  fou 
père,  fît  préfentà  Erafinede  quelques 
Anneaux ,  parmi  lefquels  il  y  en  avoit 
tin  oà  étoit  enfermée  une  Pierre  qui 
jrepréfentoit  le  Dieu  Terminus*  Il  y  fit 
graver  cette  Devife ,  qui  convient  na- 
turellement au  Dieu  Terme;  mais,  ii 
on  l'en  croit,  il  avoit  encore  une  au*^ 
tre  intention  :  il  regardoit.ce  Dieu 
Termmus  comme  un  fymbole  de  lai 
mort  ;  &  il  vouloit  que  cette  Bague  & 
cette  Devife  lui  fiflent  faire  une  àtten- 
tention  continuelle  qu'il  n'étoit  pas 
loin  du  dernier  moment.  Cette  Apor 
logie  d'Erafme  occafionna  deux  Ou- 
Tê)  Crenif^^^S^^  (*)  •  ^'^^  de  Pierre  Rubus, 
Animadv.  4^^  réfuta  les  raifons  qu'Erafme  apport 
fart.  II.  j.toM  pour  fe  joftifier;  &  l'autre  de 
15  »•  Chriftien  Philerenus,  qui  réfuta  Ru- 

tus  (  I  ). 

Dans  le  mois  d'Août  de  cette  mêw 

(h)  Epi/Î.^^^""^^  lyaS.  Erafine  dédia  (i)4 

58.  L.  i^!  TEvêque  ^  Lincohi  le  Commentai- 

"H 

(  1  )  Chrijliani  Phtlereni  EpifloU  Apola-^ 
fimca  ad  candidos  Mufarum  Alumnos ,  qui 
'Erafmi  Roterodami  Annulare  Symlfolwn ,  con-- 
cedo  tmlti  ,  àb  tmperitâ  Pétri  Rubi  cûlwfn», 
niétfmdhmip.  1^4ij*ai  ^dRh^num.  i6^j. 


1>^  E  R  A  s  M  E.  5*7^ 

Te(i)  fur  le  PfeaumeSy.  Une  fut  que 
fept  jours  à  le  cciDpofer,enc6re  avoit-il . 
bien  d'autres  affaires  :  car  il  étoit  ac- 
tuelletnent  occupe  (tf  )  à  faire  rouler  /^j  ^pif}^ 
feptpreflfes.  Sadolet  pour  lors  Evêque  lo.  U  tf. 
de  Carpentras  fut  extrêmement  con- 
tent de  ce  petit  Ouvrage  :  il  écrivoic 
i  Erafme ,  au  il  Tavoit  lu  avec  la  plus 
grande  fatisraftion  j  qu'il  y  avoit  re- 
connu cette  force  admirable  de  gé- 
nie ,  &  cette  fécondité  qui  faifoit  le 
caraélere  de  fes  Livres.  Il  ajoute  qu'il 
tie  cefle  d'admirer  fa  vertu  &  fa  confc 
tance ,  en  ce  qu'il  continue  toujours 
de  travailler  utilement  pour  les  bon- 
nes Lettres  &  pour  les  mœurs ,  mal- 
gré la  jalouiie  de  fes  ennemis.  Le  Dia- 
logue fur  la  vraie  prononciation  du 
Larin  &  du  Grec  (  2)  parut  en  1 5*2  8* 
il  eft  dédié  (  6  )  à  Maximilien  de  Bour-  (h)  Epijf. 
gogne,  fils  d'Adolphe,  &  par  con-20.  t.  19. 
féquent  petit  -  fils  de  la  Marquife  de 
Wéere. 

On  a  prétendu  qu'une  mauvaife  plai- 
fanterie  avoit  donné  occafion  à  cet 
Ouvrage,  Glareaiius  ^  dit -on  ,  ayant 
été  dîner  chez  Erafme  ,    lui  donna 

(i  )  Expojttio  concionalis'  in  Pfalmum  8f. 
C  1  )  De  re6lâ  Latini  Gracique  fermonis 
fronuncUtione» 

Bbij 


580  V    t   B 

commeccrtaîn  un  coçte  defà  façon  ^ 
qu'il  étoit  venu  à  Paris  des  Grecs  ^ 
qui  avoient  décidé  qu'on  y  prononçoit 
mal  la  Langue-Grecque ,  &  qu'erfGrec 
le  Beta  &  l'Eta  fe  prononçoient  com- 
me on  les  écrit.  On  ajoute  qu'Erafme 
fuppofant  que  Glareanus  lui  difoic  vrai^ 
avoit  fait  en  conféquence  ce  Dialogue  t 

311'ii  falloir  prononcer  le  Grec  comme 
fuppofoit  qu'on  le  prononçoit  en 
Grèce, 

Quoiqn'il  en  foit  de  cette  Anecdo- 
te, qui  a  été  avancée  par  un  certain 
Henricus  Coracopetreus ,  &  adoptée  ; 
(a)  Voffius, par  Gérard  Voflius  ( a)  &  par  Rodol- 
•Anftarque;pheVeftein,  il  eft  certain  que  fi  Gla- 
V  V  ft  ^^  teanus  joua  ce  tour  à  Erafme ,  ils  n'en 
tro  €rJc'a  ^^^^^^^^  P^^  brouillés  :  car  quelques 
&  genuinà  années  après  Erafme  en  faifoit  le  plus 
hingux      grand  éloge  (fc)  au  Cardinal  de  Tren- 
Crœc<ffro*  te  ,  &  le  prioit  de  le  recommander  au 
IT^'^'ul  ^^^  Ferdinand.  Erafme  changea  dans 
^'^^N^^p'^Ma^uite  de  fentiment  à  l'égard  de^-^a 
21.  L.  24! Prononciation;  &  il  revînt  à  celle 
qui  étoit  en  ufage.  Les  Interlocuteurs 
de  ce  Dialogue  font  un  Ours  ôc  un 
Lion. 

Il  y  aplufieurs  chofes  importantes 
M  Traité  ^^"^  ^^  Traité  fur  l'Education  des  En* 
p.  911.  &fens.  Erafme  veut  (  c)  qu'après  leur 
#13.         avoir  donné  les  principes  du  Grjec  &  du 


d'Erasme;  j'Si 

Latin  »  on  leur  apprenne  Ja  Dialeâi- 
t^uCf  la  Rhétorique,  la  Géographie  , 
r Arithmétique ,  la  Mufique ,  PAftro- 
nomie ,  autant  de  Médecine  qu'il  en 
&ut  pour  gouverner  &  famé ,  un  peu 
jàe  Phyfique  &  beaucoup  de  Morale. 
Il  fouhaiteroit  qu'un  jeune  homme  eût 
quelque  légère  idée  de  toutes  ces  àU 
verfes  Sciences ,  afin  que  lorfqu'il  fera 
parvenu  à  un  âge  raifonnable  >  ilpuiife 
choifîr  lui-même  le  genre  d'Etudes 
pour  lequel  il  fe  fentira  le  plus  d'inclir 
nation. 

Quintilien  avoit  dit  (a)  que  c'éfoît  («)  L  i.  c. 
un  artifice  connu  de  tout  le  monde  ,  n* 
de  faire  jouer  les  Enfans  avec  des  let« 
très  d'ivoire  ;  &  il  avoit  confeillé  , 
lorfqu'ils  commençoient  à  écrire ,  de 
élire  graver  le  mieux  qu'on  pourroit 
toutes  les  lettres  fur  une  planche.  Eraf 
me,  conformément  à  l'idée  de  ce  grand 
Maître,  confeillé  de  foire  &ire  des 
lettres  d'ivoire  ;  moyennant  quoi  la 
connoiflance  des  lettres  &  la  leâure  ne 
feront  plus  qu'un  jeu  pour  les  Enfans. 
C'dtt-à-peu  près-là  1  idée  du  Bureau 
Typographique  inventé  de  nos  jours , 
&  qu'Erafme  auroit  du  moins  approur 
vé ,  tant  qu'il  n'auroit  été  queftion  de 
s'en  fervir  que  pour  apprendre  à  lire 
aux  ^nfans« 

BbiiJ 


581  Vie 

(4"  P.9é^.  Il  infifte  beaucoup  (  a  )  fur  la  nécef-* 
êi^ôs»  fité  de  bien  prononcer  ;  &  il  rapporte 
ii  ce  fujec  un  £ût  fingulier ,  dont  il 
•voit  été  témoin.  L'Empereur  Maxî- 
milien  fut  un  jour  harangué  par  plu- 
iieurs  Ambafladeurs  ;  leurs  difcours 
étoient  en  Latin  ,  fuivant  Tufage  de 
ce  tems-là.  Le  premier  qui  parla ,  étoit 
un  François  du  Pays  du  Mans  :  (à 
Harangue  étoit  en  aflfez  bon  Latin; 
mais  on  l'auroit  pris  pour  du  mauvais 
François^  parce  qu'il  parloit  comme 
on  prononce  dans  fa  Province  :  ceux 
qui  i  entendoiént  ne  pouvoient  s'empê- 
cher de  rire  j  ce  qui  rendit  TOrateur 
il  confus  9  qu'il  ne  put  achever  fon 
difcours.  Celui  qui  répondit  au  nom  de 
l'Empereur ,  voulant  dire  ces  paroles  » 
Gejarea  Majejlas  benè  gaudet  videre  vos^ 
Cr  oratiomm  veflram  libenttr  audivit  ^ 
prononça  zwSvCc^farta  Magheftaî  pêne 
caudetjiderefos ,  &  horationtmfeftram 
lipenter  audifit.  Alors  les  éclats  de  rire 
augmentèrent.  Un  Danois  &  un  Zé* 
landois  parlèrent  enfuite  :  on  n'auroit 
jamais  imaginé  que  ce  fût  en  Latin 
qu'ils  haranguàflent  j  de  fone  que  cette 
Audience  tint  lieu  de  Comédie  à  £ra{^ 
me ,  &  à  tous  les  Gens  de  Lettres  qui 
étoient  préfens. 
Ce  fut  ^ans  ce  même-tçms  >  qu  £^ 


d'Erasme,  ^8j 

rafme  écrivit  fa  Lettre  (a)  aux  Saintes  M  Eptjt. 
Vierges  de  TOrdre  de  S.  François  3»  ï-  lo. 
confacrées  à  J.  C.  proche  Cambridge 
(  I  ).  M.  MarfoUier  qui  Ta  traduite  » 
en  parle  comme  d'une  pièce  excellen- 
te :  »  Erafme»  dit-il,  y  fait  voir  les 
a»  avantages  de  la  vie  Religieufe ,  &  le 
»  droit  qu  elle  donne  au  bonheur  éter- 
a>  nel,  pourvu  qu'on  ne  la  réduife  pas 
»  à  des  pratiaues  purement  extérieur 
j»  res  i  mais  qu  on  la  fafle  confifter  dans 
»  l'imitation  de  J.  Chrift,  &  dans  la 
»  pratique  de  toutes  les  venus  dont  il 
»  nous  a  donné  l'exemple.  »  Il  y  parle 
de  l'utilité  des  fouffrancçs  ,  de  la  pa- 
tience Chrétienne ,  de  la  foumiflion  à 
la  volonté  de  Dieu,  &des  vues  qu'il 
a ,  lorfqu'il  permet  que  les  juftes  foient 
affligés  &  perfécutés  dans  cette  vie  :  en 
un  mot  il  y  fait  des  réflexions  très- 
utiles  fur  ces  Paroles  d'Ifaie  ,  y*  Votre 
»  force  fera  dans  le  filence  &  dans  ref*: 
»  pérance.  » 

Dans  le  mois  de  Janvier  de  l'an 
15*29.  Erafme  dédia  {b)  Séneque  à  {b)  Epilt. 
Pierre ,  Evêque  de  Cracovie  &  Chan-  ï*«  ^-  *8f 
cejier  de  Pologne.  Il  avoir  déjà  eu  part 
à  une  Edition .  de  cet  Auteur  ,  qui 

(  I  )   Sacrit  Virgînibut  juxta  Divi  Fran» 
cifci  înftitutum  Çhrifto  milifansibut  ^  froft 


5^4  V  t  K 

avoit  été  dédiée  à  TEvêque  âe  jDuf- 
ham*  Etant  en  Angleterre  ,  il  avoit 
trouvé  i  Cambridge  quelques  manuf« 
crits  de  divers  Ouvrages  de  Séneque  : 
il  les  collationna  avec  ce  qui  étoitim** 
primé  ;  &  il  mit  en  marge  les  Variant- 
tes  &  (es  conjeâures.  Il  chargea  un  de 
fes  amis  de  donner  une  nouvelle  Edi- 
tion de  Séneque  avec  ces  additions  :  cet 
ami  s'en  acquitta  avec  tant  de  négligen- 
ce ,  qu  Eralme  ayant  vu  cette  Edition  » 
en  fut  très-honteux.  Il  arriva  encore 
un  autre  malheur  :  il  avoit  donné  op- 
dre  au  Libraire  de  porter  un  exemplaire 
de  cette  Edition  de  Séneque  à  F Evê- 
xpiede  Durham  à  qui  elleétoit  dédiée: 
ce  Libraire  n'en  fit  rien  ;  &  cepen- 
dant il  aflura  Erafmè  qu'il  avoit  exé>* 
xmé  fa  commiffion.  Dans  les  Let- 
tres qu'Erafme  eut  occafion  d'écrire 
à  ce  Prélat ,  il  fuppofoit  que  Séneque 
qui  lui  avoit  été  dédié  lui  avoit  été 
remis.  L'Evêque  de  Durham  prit  oe 
difcours  pour  une  fon  mauvaife  plai« 
fanterie  ,  &  reçut  très- mal  Erafme  » 

2ui  ignorant  l'infidélité  du  Libraire  , 
toit  allé  voir  ce  Prélat  avec  confiance. 
Cçtte  première  Edition  n'ayant  point 
fatisfait  Erafme  >  il  travailla  à  une  fé- 
conde 9  qui  efl  beaucoup  meilleure  que 
la  première:  c'eft  celle-ci  qu'il  dédia 


k  TEvêque  de  Cracovie.  il  fut  aidé 
dans  ce  nouveau  travail  par  Matthieu 
Fortunatus  Hongrois ,  qui  par  le  fe* 
cours  d'un  manufcrit  (^),  rétablit  le  \a)  Epift. 
Texte  des  Queftions  naturelles  qui  étoit  4**  ^*  .*'• 
rempli  de  fautes;  &  c'étoit  précifé- 
naent  celui  des  Ouvrages   de  Séné* 
que  dont  les  manufcrits  avoient  man- 
qué à  Erafme.    Il  fit  auflî  ufage  desi 
notes ,  que  Rodolphe  Agricola  avoit 
mifes  aux  marges  a  une  ancienne  Edi- 
tion de  Séneque ,  dans  lefquelles  il  y 
avoit  des  correftions  tr^s-heureufes. 
Sigifmond  Gelenius ,    Corredleur  de 
rimprimerie     de   Froben  ,      rendit 
de  très-bons  fervices  a  Erafme   dans 
cette   Edition.   On  y  trouve  une  Vie 
de  Séneque  faîte  par  un  Auteur  qu'E- 
rafme  ne  nomme  point,  mais  que  nous  . 
favons  d'ailleurs   avoir   été  François 
Pétrarque  (  i  ) .  Dans  fon  Epître  Dédi-     (a)  Fab. 
catoire,  Erafme  traite  de  la  Religion  B/^.Ltf^/«^# 
de  Séneque  :  il  fait  voir  qu  il  n'a  point  ^"?P*  h 
été  Chrétien;  que  les  Lettres  qu'on  a  5^^* 
fous  fon  nom  à  S.  Paul ,  font  fuppo- 
fées  ,  ainfi  que  celles  de  S.  Paul  à  Sé- 
neque. »  Si  on  le  lit  comme  un  Payen , 
»  dit-il,  on  trouvera  qu'il  approche 
.  »  quelquefois  du  Chriftianifme;  mais  fî 
»  on  le  lit  comme  un  Chrétien ,  «il  ne 
•  fera  pas  difficile    de  s'appçrcevoir 


S^6  Vit' 

»  Qu'il  n'eft  au'unTayen.  «•    CeR  ce 

2a  Erafme  démontre ,  en  rapportant 
iverfes  erreurs  de  Séneque  diamétra- 
lemenc  oppofées  aux  principes  fonda- 
mentaux du  Chriftianifine  :  il  traite 
cnfuite  exaftement  de  fon  ftyle.  Il  lui 
reproche  quelques  obfcénités  :  il  Tac- 
cufe  d'être  quelquefois  Dëclamateur 
obfcur  î  cependant  il  convient  qu'on 
peut  le  lire  avec  beaucoup  de  fruit. 

Cette  Epître  Dédicatoire  peut  être 
regardée  comme  contenant  d'excellens 
Prolégomènes  ,  très-utiles^i  ceux  qui 
veulent  lire  utilement  Sénecjiie.  Jo- 
(a)  Scfl/i- feph  Scaliger  en  a  parlé  (a)  avec 
gerana.  beaucoup  d'éloge  ;  &  il  a  affuré  qu'E- 
rafme  y  avoir  traité  très-judicicufe- 
ment  de  Séneque.  L'Evêque  de  Cra- 

(h)  Epifl  ^^^^^  ^^Ç^^  *^^^  plaifir  (fc)  le  préfent 

58.  L.l 5*.  ^'Erafme  :  il  lui  écrivit  une  Lettre 

upifl.    jo.fort  tendre;  &  il  lui  envoya  quelque 

Lmiy        argent.  Il  mourut  quelque  tems  avant 

(c)  £p//?. Erafme ,  qui  fut  très-affligé  (c)   de 

li,^.  L.  17.  cette  mort  ;.  il  en  fit  le  plus  bel  éloge 

dans  une  Lettre  à  l'-Archevêque  de 

Gtiefne. 

Le  premier  Février  ly^p.  Erafme 
'(d)  Eptjl.^^^^^  {^)  ^  Charles  Utenhove  quel- 
%l.  L,  iS.ques  fragmens  de  S.  Chrifoftôme.  Le 
ip  du  même  mois  il  adrefla  à  Titel- 
^  ie)  Efijî,  man  Gravius  (  c  )  le  Livre  de  Lac- 
los !•        unce ,  De  Opifcio  Dei. 


to'  E  R  A  s  M  ï;         'jlSy 

Erafme  publia  encore  quelques  au- 
tres Ouvrages  avant  de  s'établir^  à 
Fribourg  ;  mais  comme  ils  font  liés 
avec  l'affaire  du  Luthéranifme  »  on  OQ 
parlera  dans  le  Livre  fuivant. 

Fin  du  Tome  frmkri 


.  Fautes  à  corriger^ 

PAge  1.  ligne  6.  Zevenbegue ,  lifez  Zej 
venberge. 
Tag.  ç.  liffne  27.  Boyard ,  lif,  Boi0ârd. 
Pag.  i  5»  lig.  %7.€à  Diflertation ,  ///*.  la  DiCr 

fertation» 
Vftd.  not.  margm  (h)  Remî ,  ///.  RevîJ. 
Pag.  1 7.  lig.  fenult  Rémi ,  lif.  Revii* 
Pag.  51,  lig.  10.  de  Maus  ,  lif,  d'£maùs# 
Pu^.  3  ^  lig.  io,&  ii.<:on'defcendaçes  ,  //yi 

condelcendances. 
Pag.  34.  //g^.  14.  l'habilité ,  lif  Thabileté. 
Pag,  f  8.  lig,  IS.&2.6.  Grocenf ,  lif.  Grocin. 
Uid^  lig.  i8.  Lavacer,  /f/^Linacer» 
Pag.  tf  8.  //ç.  7.  Scholaftique  ,  /iff.  ScotifHque. 
Pag,  88.  //^^  10.  d'Adrien ,  ajoutez  VI. 
Pj^  97.  /i^.  14.  n'avokriefleu^  ///.  n'aoroit 

rien  eu. 
Pag.  loi.  //g.  13.  Regîtjs ,  lif.  HJBgias* 
r^ç.  113.  lig*  i8.  Il  recul,  lif.  Il  reviu 
P^^-  ï  47-  lig.  ip«  fixieme ,  //f,  lelxieme* 
Pag,  1-2 o.  /rg.  antefen*  ut  hor.  Wm^ut  horum^ 
Pfg»z^S,lig»  i4.BufIk}ien9  /i/^  Buslidien* 
Pag.  t%^.  l4g.  lo.du  Comté,  lif.  du  Comte. 
Pag.  ISO. lig»  23.  Déclameur,  /£^ Déclama* 

teur. 
:Pag.  352.%.  I*  Philofophiqtiè  ,  i^.'Philo- 

logiques- 
Pag»  19%.  lig.  i6.&  17.  qu'à  la  chaleur  de 
,  Worxnes.  Il  vint ,  ///.  qu'à  la  chaleur.  De  - 

Wormcs ,  il  vint. 
Pag.  448.  lig.  fénult.  à  Fribourg ,  lif.  à  Bâle. 
Pag,  5 M .  lig.  24.  1 5  lo.  lif  I Ç28. 
Pag-  S7o.lig0fémlt.  11  ajoute,  lff%  Il  fou  r 
tient.  ^/  >