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Full text of "Visite a l'exposition universelle de Paris, en 1855 : contenant ..."

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VISITE 

V  L'EXPOSITION 

UNIVERSELLE 

DE   PARIS,   EN    1855 


CE  VOLUME 

A    ETE    IMPRIMÉ    EN    UNE    JOURÎIEE 

PAR  CH.  LAHURE 

IMPI'.IMKm   DU   SÉNAT   ET  DE  LA   COUR   DE  CASSATION 

riiP  de  Vaugirard,  9,  à  Pari? 


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lOX  UXIMRSELLE  DE  1855, 


Ijr^  jllmje/fmf'r,j7tA>T7>fZfùiois  6 


VISITE 

A  L'EXPOSITION 

UNIVERSELLE 

DE  PARIS,  EN  1855 

CONTENANT 

<°  L'énumération  des  objets 
sur  lesquels  doit  se  porter  principalement  l'attention  des  visiteurs 

•2°  L'indication  des  places  où  se  trouvent  ces  objets 

3"  Tous  les  renseignements  nécessaires 

relatifs  à  leur  mécanisme,  à  leur  emploi,  à  leur  fabrication 

à  leur  prix,  etc. 

PUBLIE  AVEC  LA  COLLABORATION  DE  MÎJ. 

AlcaD,  professeur  au  Conservatoire  îm-  ^  C.    Nepveo,    entrepreneur   de    travaux 
périal  des  Arts  et  Alétiers;  <      publics; 

Baudement,   professeur  au  Conserva- ^  H.  Pélîgot,  préparateur  au  Conserva- 
toire :  j      toire  ; 

Stf>^nîlIoii ,    bibliothécaire   au    Conser-   '  Proonîer,  ingénieur  civil  ; 

vatoire;  ^  SîlbernaaDn,  conservateur   fies  eollec- 

Delbronck  aîné,  architecte;  ^      lions  au  Conservatoire; 

Deherain,   préparateur   de    chimie    au  ^  e.  Xrélat,  professeur  au  Conservatoire- 
Conservatoire;  ?      architecte  ingénieur    de  la   Commission 

Fortin   Hermann,  constructeur  d'in-  ?      impériale; 

struments  pour  les  sciences;  ^  U.  Trélat,  dDCteur  en  médecine  ; 

J.  Gaudry,  ingénieur  civil;  ^  Tresca,  sous-directeur  du  Conservatorn- 

Mollnos,  ingénieur  civil  ;  7      impérial  des  Arts  et  Métiers  :  etc..  etc. 

SOUS  LA  DIRECTION  DE  M.  TRESCA 

Inspecteur  principal  de  l'Exposition  française  à  Londres,  ancien  commissaire 
du  classement  à  l'Exposition  de  1855 


PARIS 


LIBRAIRIE  DE  L.  HACHETTE   ET  C 

RUE   PI  ERRE-SARRAZIN,    N"    14 

1855 

Droit,  de   traduction  r-^serve 


CENÎER 


AVIS. 


Les  lettres  et  les  chiffres  qui  servent  à  indiquer  les  emplace- 
ments occupés  par  les  divers  produits ,  sont  ceux  qui  ont  servi  au 
placement. 

Dans  l'Annexe,  les  piliers  ont  été  numérotés  de  l  à  146  à  partir 
(Je  la  place  de  la  Concorde ,  et,  dans  le  sens  transversal,  les  seules 
lettres  A .  B ,  C ,  D  indiquent  les  distances  à  partir  du  côté  du 
bord  de  l'eau. 

Dans  le  Palais  principal  et  les  bâtiments  de  la  carrosserie ,  les 
chiffres  régnent  dans  le  sens  longitudinal ,  les  lettres  dans  le  sens 
transversal. 


VISITE 

A  L'EXPOSITION 


UNIVERSELLE. 


INTRODUCTION  HISTORIQUE. 


Le  public  a  si  souvent  été  entretenu  des  défauts  que  pré- 
sentent les  locaux  affectés  à  l'Exposition  universelle  de  1855, 
des  retards  que  son  ouverture  et  son  achèvement  ont  éprou- 
vés ,  des  ennuis  supportés  par  les  exposants ,  des  inconvé- 
nients subis  par  le  public  faute  d'une  ventilation  suffisante, 
qu'il  ne  sera  sans  doute  pas  superflu  et  qu'il  paraîtra  peut- 
être  de  toute  justice  de  lui  faire  connaître ,  en  quelques  mots , 
quelles  ont  été  les  difficultés  ,  les  résistances  à  vaincre  pour 
achever  les  choses  au  point  où  elles  sont  aujourd'hui  et  pour 
expliquer  comment,  malgré  le  désir  unanime  de  donner  à 
cette  grande  solennité  industrielle  tout  l'éclat  possible  et 
une  splendeur  digne  de  la  France,  la  diversité  dans  les  opi- 
nions sur  son  succès  probable  et  l'influence  des  circonstances 
ont  exercé  sur  la  marche  des  préparatifs  une  action  regret- 
table. 

La  Commission  impériale,  créée  par  le  décret  du  24  sep- 
tembre 1853  pour  diriger  et  surveiller  l'Exposition  univer- 
206  a 


2  VISITE 

selle ,  sous  la  présidence  de  son  Altesse  Impériale  le  Prince 
Napoléon,  avait,  dès  le  29  du  môme  mois,  formé  dans  son 
sein  une  sous-commission  chargée  de  préparer  l'exécution  de 
cette  grande  œuvre. 

La  première  et  la  plus  grave  des  questions  qui  préoccupè- 
rent cette  sous-commission  présidée  par  le  Prince,  fut  celle 
de  l'insuffisance  du  bâtiment  appelé  le  Palais  de  l'Industrie, 
qui  n'offrait,  avec  ses  galeries,  qu'une  superficie  de  45  000 
mètres  pour  réunir  les  produits  de  l'industrie  du  monde  en- 
tier à  une  seconde  exposition  universelle,  tandis  qu'à  la  pre- 
mière,  dans  des  circonstances  peu  favorables,  97  000  mètres 
carrés  avaient  à  peine  suffi.  Après  plusieurs  séances  consa- 
crées à  la  discussion  de  cette  grande  difficulté  et  à  la  recher- 
che des  moyens  de  la  résoudre,  une  députation  de  la  sous- 
commission  ,  accompagnant  son  président ,  alla  demander  à 
l'Empereur  la  permission  de  lui  exposer  les  besoins  de  la  si- 
tuation. Dans  une  audience  que  Sa  Majesté  voulut  bien  lui 
accorder  dans  les  premiers  jours  de  février  1854^  la  sous- 
commission  exposa  qu'une  superficie  de  105  000  mètres  car- 
rés était  nécessaire  et  que  ,  si  l'on  voulait  employer  le  Palais 
de  l'Industrie  à  l'exposition  universelle,  il  était  de  toute 
nécessité  d'y  ajouter  de  spacieuses  annexes.  L'Empereur, 
Convaincu  de  l'exactitude  de  ces  appréciations  ,  autorisa  la 
sous-commission  à  lui  présenter  le  projet  des  annexes  qu'elle 
jugerait  nécessaires. 

Le  14  février  1854,  la  sous-commission  chargea  deux  de 
ses  membres,  M.  le  général  Morin  et  M.  Vaudoyer,  d'examiner 
les  projets  d'annexés  présentés  par  la  Compagnie  du  Palais  de 
l'Industrie,  et  au  besoin  d'en  préparer  d'autres.  Le  17  février, 
un  rapport  fut  lu  à  la  sous-commission  à  l'appui  d'un  projet 
d'annexés  qui  portait  la  surface  totale  à  90  000  mètres  carrés. 
L'emplacement  appelé  le  Jeu  de  Paume  était  élargi  ainsi 
que  l'avenue  qui  conduit  à  l'allée  d'Antin,  par  la  suppression 
d'une  rangée  d'arbres  de  chaque  côté  ;  deux  vastes  galeries 
de  25  mètres  y  étaient  élevées  et  formaient  le  prolongement 
du  bâtiment  principal  auquel  elles  auraient  servi  d'entrée. 
Autour  de  ce  bâtiment ,  des  galeries  de  20  mètres  de  largeur 
en  accroissaient  la  superficie  ,  et  l'on  obtenait  ainsi  un  sup- 
plément de  50  à  60  000  mètres  donnant  en  tout,  avec  le 
palais  principal ,  95  à  100  000  mètres  carrés.  Le  reste  devait 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  3 

être  fourni  par  l'enceinte  extérieure  dans  laquelle  on  pro- 
posait d'enclore  une  partie  du  carré  Marigny. 

Cette  construction,  exécutée,  à  l'extérieur,  en  maçonnerie, 
de  même  apparence  que  le  palais  principal ,  et  à  l'intérieur 
en  fonte  et  en  fer ,  n'était  pas  estimée  à  plus  de  5  500  000  fr. 

Ce  projet  fut  immédiatement  soumis  à  Sa  Majesté  ,  et  le  21 
février  4  854,  le  prince  Napoléon  annonçait  que  1  Empereur 
l'avait  approuvé,  ainsi  que  les  demandes  formulées  par  la 
sous-commission  pour  son  exécution. 

Mais  le  prince  Napoléon  partit  alors  pour  l'Orient ,  et  ce  ne 
fut  que  le  3  mai  suivant  que  la  sous-commission  apprit  de 
M.  le  ministre  d'État,  qui  la  présidait  en  l'absence  du  Prince, 
qu'en  raison  de  la  diiticulté  de  la  construction  des  annexes 
qui  avaient  été  proposées,  et  des  circonstances  dans  lesquel- 
les l'Exposition  devait  avoir  lieu  ,  il  avait  été  décidé  qu'on  se 
contenterait  du  local  existant  pour  les  produits  des  manufac- 
tures et  que,  pour  les  machines  et  les  instruments  d'agricul- 
ture, on  pourrait  avoir  recours,  si  cela  était  nécessaire ,  à 
des  constructions  temporaires. 

Des  idées  bien  difïérentes  de  celles  qu'avait  exprimées  la  com- 
mission dominaient;  et,  comme  on  le  voit,  au  lieu  d'une  expo- 
sition splendide,  plus  riche  que  celle  de  Londres,  on  pouvait 
craindre  de  n'obtenir  qu'une  exposition  restreinte,  influencée 
par  les  circonstances  de  la  guerre.  La  commission  persista  dans 
son  opinion  précédente,  et  réclama  vivement  contre  cette  res- 
triction qu'elle  regardait  comme  fatale  ;  mais. elle  ne  put  faire 
revenir  sur  le  projet  qui  réunissait  l'Exposition  entière  dans  un 
local  unique,  et  ce  ne  fut  que  le  23  juin  suivant  qu'elle  apprit 
qu'un  traité,  pour  lequel  elle  n'avait  pas  été  consultée,  avait 
été  passé  avec  la  compagnie  du  Palais  de  l'Industrie  pour  la 
construction  d'une  annexe  de  4  200  mètres  de  longueur  sur 
25  mètres  de  large,  destinée  à  fournir,  sur  le  quai  de  la  Con- 
férence, un  complément  de  surface  de  30  000  mètres. 

Après  plusieurs  observations,  la  sous-commission  demanda 
qu'au  moins  cette  annexe  fût  reliée  au  palais  prmcipal  par  une 
ou  plusieurs  galeries  transversales,  et  elle  chargea  M.  le  général 
Morin  et  M.  Vaudoyer  de  préparer  des  études  en  ce  sens. 

Le  projet  qui  fut  présenté  quelques  jours  après  et  qui  reçut 
l'approbation  de  la  sous-commission,  se  rapprochait  beaucoup 
de  la  disposition  actuelle. 


4  VISITE 

Dans  ceprojet,leJeudePaume  était  couvert  par  une  galerie, 
qui,  prolongée  jusqu'auprès  du  quai  delà  Conférence,  venait, 
par  l'effet  de  l'obliquité  forcée  des  lignes,  s'approcher  de  très- 
près  de  l'extrémité  de  l'annexe,  ce  qui  permettait  de  donner 
à  ces  deux  bâtiments  une  façade  monumentale  et  de  leur 
ménager  une  entrée  commune  près  du  pont  de  la  Concorde. 
On  avait  aussi  proposé  d'occuper  le  panorama,  de  l'entourer 
de  galeries  circulaires  et  de  le  prendre  pour  centre  d'une  ga- 
lerie de  jonction  avec  l'Annexe;  mais  à  ce  moment  on  regarda 
comme  impraticable  l'expropriation  prononcée  depuis,  et  il 
fallut  se  borner  à  utiliser  deux  allées  existantes  pour  les 
transformer  en  galeries  couvertes  de  jonction  ,  entre  le  Palais 
et  TAnnexe. 

Ce  projet,  qui  avait  du  moins  le  mérite  de  former,  de  l'Expo  - 
sition  ,  un  ensemble  unique  et  de  lui  donner  encore  un  assez 
grand  caractère,  fut  approuvé  par  la  sous-commission,  mais 
il  ne  put  obtenir  la  sanction  de  M.  le  ministre  d'État,  et  dès 
lors  il  fallut  se  résigner  à  organiser  le  mieux  possible  l'Expo- 
sition dans  deux  bâtiments  n'offrant  ensemble  qu'une  super- 
ficie disponible  de  70  000  mètres  carrés,  auxquels  cependant 
un  étage  de  galeries  établies  dans  la  moitié  seulement  de 
l'Annexe,  ajouta  environ  8400-  mètres,  ce  qui  formait  un 
total  de  78  400  mètres  carrés. 

La  préparation  des  règlements  généraux,  et  les  détails  de 
la  correspondance  avaient  été,  par  le  décret  d'institution,  con- 
fiés à  M.  Arles  Dufour  età  M.  Thibaudeau  que  leurs  profondes 
connaissances  des  nécessités  d'une  grande  entreprise  appe- 
laient naturellement  aux  fonctions  de  secrétaires  généraux. 

La  classification  des  produits  fut  confiée  à  une  commission 
qui  en  arrêta  les  bases ,  à  la  suite  de  nombreuses  séances 
auxquelles  assistèrent  MM.Morin,  Leplay,  Rondot,  de  Chan- 
courtois,  Focillon  et  moi  ;  chacun  de  nous  se  chargea  de  la 
rédaction  des  classes  qui  étaient  le  plus  en  rapport  avec  ses 
aptitudes  personnelles. 

Sous  la  direction  de  M.  le  général  Morin  ,  je  préparai  les 
différents  projets  de  répartition  entre  les  puissances  étrangères 
et  la  France. 

Les  termes  du  premier  projet  donneront  une  idée  complète 
de  l'esprit  qui  présidait  dès  lors  aux  préparatifs  de  l'Exposi- 
tion : 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  5 

Projet  de  répartition  pour  l'Exposition  de  18i>5. 

«  Les  espaces  occupés  par  les  différentes  nations  à  Londres 
ont  servi  de  base  à  ce  projet,  si  ce  n'est  en  ce  qui  concerne  la 
France  et  TAngleterre. 

«  Pour  la  France,  on  s'est  reporté  aux  expositions  quin- 
quennales, qui  ont  fourni  les  indications  suivantes  : 

Expositions  ,,p,3,,,,,  3,,f,,,  ,,,,„.  ^J^^,,^ 

1834 2447  l4  288'"-<=  6,84"»-<= 

1839  3381  16  600  4,94 

1844 3960 17  760  4,49 

1849 4532  27  040  5,96 

«  Les  circonstances  fâcheuses  au  milieu  desquelles  l'Exposi- 
tion de  1849  a  dû  se  produire  ne  permettent  pas  de  supposer 
qu'il  y  ait  moins  de  5000  exposants  français  en  1855.  Les 
chiffres  précédents  indiquent  qu'il  faut  compter  pour  chacun 
d'eux  un  espace  de  6  mètres  carrés,  passages  compris,  puis- 
que cet  espace  était  de  5'", 96  à  l'exposition  de  4849,  bien 
qu'aucune  machine  n'y  lût  mise  en  mouvement. 

a  L'exposition  de  Londres  confirme  d'ailleurs  ce  chiffre  : 
l'espace  moyen  par  exposant  y  était  de  6"^27  ,  et  pour  la 
France,  seulement,  de  6"%51. 

«  On  a  donc  pensé  qu'il  y  avait  lieu  de  compter,  au  mini- 
mum, 5000  exposants  français,  à  raison  de  6  mètres  pour 
chacun,  représentant  par  conséquent  un  espace  de  30  000  mè- 
tres carrés. 

a  L'espace  alloué  à  l'Angleterre  a  été  déterminé  par  d'autres 
considérations.  Les  commissaires  anglais  qui  ont  été  récem- 
ment envoyés  à  Paris  ont  déclaré  que,  pour  qu'ils  puissent 
s'occuper  avec  succès  de  l'exposition  de  1855  ,  il  était  néces- 
saire qu'une  surface  en  tables,  de  40  000  pieds  leur  fût  assu- 
rée, soit  environ  4000  mètres  carrés,  sans  compter  celle  qui 
serait  occupée  par  les  machines  de  chemins  de  fer  et  les  appa- 
reils d'agriculture.  A  Londres ,  l'espace  total  était  de  2,80  fois 
aussi  grand  que  l'espace  occupé  par  les  objets  exposés,  en  telle 
sorte  que ,  sur  les  mêmes  bases  '  ,  la  surface  demandée  par 

4 .  Il  y  a   lieu  de  croire  que  la  disposition  du  palais  des  Cliarapg- 


6  VISITE 

les  commissaires  anglais  serait  4000  x  2,  80  =  11  200  mè- 
tres carrés,  soit  12  000  en  tenant  compte  du  matériel  des  che- 
mins de  fer  et  des  machines  agricoles. 

«  Cette  demande,  d'ailleurs,  n'a  rien  d'exagéré,  puisque  la 
France  occupait  à  Londres  M  144  mètres,  c'est-à-dire  une 
surface  équivalente.  Cette  surface  de  12  000  mètres  ne  re- 
présenterait encore  que  1738  exposants,  si  l'espace  de  6™, 39 
occupé  par  chaque  exposant  anglais  à  Londres  était  reconnu 
nécessaire. 

«  L'Angleterre  comptera  donc,  au  minimum,  pour  1750  ex- 
posants, occupant  un  espace  total  de  12  000  mètres  carrés. 

((  Au  point  de  vue  de  l'exposition  de  1 855,  comme  à  celui  de 
l'exposition  de  1851,  l'Angleterre  et  la  France  sont  dans  une 
position  tout  exceptionnelle,  qui  motive  suffisamment  le  mode 
exceptionnel  de  répartition  dont  les  bases  viennent  d'être  in- 
diquées. 

«  Les  autres  pays ,  au  contraire,  se  trouvent  dans  une  posi- 
tion presque  identique  par  rapport  aux  deux  expositions. 
L'espace  occupé  par  eux  à  Londres  paraît  devoir  leur  être  in- 
dispensable à  Paris  ;  il  conviendra  même  d'allouer  une  surface 
un  peu  plus  grande  à  nos  voisins  immédiats  qui,  comme  la 
Belgique  et  la  Suisse,  ont  des  industries  similaires  aux  nôtres, 
ou  qui,  comme  la  Sardaigne  et  l'Espagne,  ont  plus  de  facilités 
pour  nous  adresser  leurs  produits. 

«  La  Suède  et  le  Danemark,  qui,  par  des  circonstances  im- 
prévues, n'ont  pu  paraître  à  Londres  qu'avec  très-peu  de 
produits,  devront  disposer  d'une  surface  plus  en  rapport  avec 
l'importance  de  leur  industrie. 

«  Si,  d'un  autre  côté,  l'on  remarque  que  les  États-Unis  n'a- 
vaient qu'imparfaitement  utilisé  la  surface  de  4120  mètres 
qu'ils  occupaient  à  Londres,  et  qu'à  New-York  même  leurs 
produits  ne  comprenaient  qu'une  surface  presque  égale,  de 
4500  mètres ,  on  ne  s'étonnera  plus  que  cette  grande  nation 
n'ait  été  comprise  dans  la  répartition  actuelle  que  pour 
3000  mètres  seulement. 

«  La  même  observation  est  applicable  à  la  Russie,  qui  a  été 


Élysées  ne  pormeUra  pas  d'utiliser  aussi  bien  la  surface  totale,  et  que 
les  passaijes  devront  occuper  plus  des  deux  tiers  de  cette  surface. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  7 

comptée  pour  1000  mètres  carrés  :  mais  l'on  sent  toute  l'in- 
certitude de  ce  chiffre  au  milieu  des  circonstances  actuelles. 

«  Il  est  vrai  que  le  projet  ne  comprend  que  les  États  ayant 
réellement  figuré  à  l'exposition  de  Londres  :  plusieurs  qui  s'y 
étaient  fait  inscrire,  tels  que  le  royaume  de  Naples,  l'Arabie 
et  le  Maroc,  n'y  ont  cependant  envoyé  aucun  produit  ;  il  est 
permis  d'espérer,  d'ailleurs,  que  beaucoup  d'autres ,  parmi 
lesquels  les  grands  États  de  l'Amérique,  prendront  part  à 
l'exposition  de  1855,  bien  qu'ils  n'aient  été  aucunement  re- 
présentés à  celle  de  1851.  Mais,  en  l'absence  de  bases  certai- 
nes sur  lesquelles  il  serait  possible  d'établir,  quant  à  présent, 
leurs  parts  dans  la  superficie  totale,  on  doit  certainement  ad- 
mettre que  les  envois  de  ces  contrées  établiront  une  compen- 
sation surabondante  par  rapport  à  la  surface  éventuellement 
dévolue  à  la  Russie  ;  en  portant  à  70  000  mètres  carrés  la  su- 
perficie totale,  on  réserverait  ainsi  de  1500  à  2500  mètres 
pour  être  distribués  au  fur  et  à  mesure  des  demandes  qui  par- 
viendraient à  la  Commission  delà  part  des  États  non  désignés 
dans  la  répartition  actuelle. 

«  Telles  sont  les  considérations  d'après  lesquelles  a  été  pré- 
paré le  tableau  suivant,  dans  lequel  les  chiffres  ont  été,  d'ail- 
leurs, fractionnés  en  nombres  ronds,  de  manière  à  allouer  le 
même  espace  aux  différents  pays  qui  avaient  figuré,  pour  des 
surfaces  à  peu  près  égales,  à  l'exposition  de  Londres. 


VISITE 


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A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  9 

«  Ces  chiffres  établissent  en  faveur  de  chacun  des  pays  qui 
y  sont  dénommés  une  part  plus  considérable  que  celle  qui  leur 
était  dévolue  à  Londres  ;  mais,  pour  exercer  envers  eux  une 
telle  libéralité,  la  France  seule  se  trouvera  forcée  de  se  res- 
treindre aux  proportions  des  dernières  expositions  nationales. 
Il  suffira  d'ailleurs  de  jeter  les  yeux  sur  ce  tableau  pour  re- 
connaître la  nécessité  d'obtenir  une  superficie  minimum  de 
70  000  mètres  carrés,  sans  laquelle  il  serait  impossible  d'assu- 
rer à  chaque  nation  un  espace  proportionné  à  ses  besoins,  j) 

En  acceptant  les  bases  de  cette  répartition  ,  sauf  quelques 
modifications  de  détail,  la  commission  impériale  admettait 
qu'un  espace  supplémentaire  de  25  000  mètres  serait  obtenu 
par  des  annexes,  et  quelques  jours  plus  tard  elle  acceptait, 
avec  le  projet  suivant,  le  chiffre  de  80  000  mètres  qui  servit 
de  base  aux  allocations  officielles  transmises  le  1 2  et  le  1 8  août 
à  M.  le  ministre  des  affaires  étrangères.  Voici  ce  projet  ; 

«  Les  nouvelles  dispositions  prises  pour  les  annexes  du  palais 
de  l'Industrie  exigent  une  répartition  par  pays,  en  détermi- 
nant dès  à  présent  les  produits  qui,  suivant  leur  nature, 
doivent  prendre  place  dans  chacun  des  deux  bâtiments. 

«  En  distribuant  parmi  les  vingt-sept  classes  françaises  les 
produits  qui  ont  concouru  à  l'exposition  de  iSol,  on  arrive- 
rait aux  résultats  suivants  ,  pour  l'espace  occupé  par  chacun 
des  sept  groupes  de  la  classification  adoptée  par  la  Commission 
impériale. 

Espace  occupé  à  Londres  Proportions  par  rapport  à  l'espace 

par  total  occupé  par  k-s  produits 

les  produits  dé  chaque  groupe.  de  l'industrie. 

1"  groupe 4433  0,133  \ 

2"^  groupe 7365  0,222  [0436 

3*   groupe 2658 0,081  ) 

4«   groupe 3030  0,092  ^ 

5«  groupe 4699  0,143  f     ,^, 

6^  groupe 5336  0,162  T'^'^^ 

7«   groupe 5584  0,167/ 

«  On  voit,  d'après  cette  énunnération,  qu'il  serait  convenable 
de  placer  dans  le  bâtiment  principal  les  quatre  dernières 
classes,  et  de  réserver  pour  l'Annexe  les  produits  des  trois 
premières. 

«  La  surface  disponible  du  bâtiment  principal étantde  45000 


iO  VISITE 

mètres,  il  en  résulterait  que  celle  de  l'Annexe  devrait  être  de 
(45,000  ^Ifl  =)  35,000  mètres,  ce  qui  est  à  peu  près  la 
surface  du  bâtiment  projeté  sur  le  quai  de  la  Conférence. 

«  La  surface  totale  serait  alors  de  80  000  mètres,  c'est-à-dire 
de  iO  000  mètres  de  plus  que  dans  le  précédent  projet  de  ré- 
partition. 

«  De  ces  10  000  mètres,  5000  devraient  être  réservés  à  la 
France  par  suite  des  demandes  nombreuses  qui  sont  déjà  si- 
gnalées pour  les  machines  en  mouvement  ;  on  pourrait,  pour  la 
même  raison ,  augmenter  de  3  000  mètres  l'espace  réservé  à 
l'Angleterre,  tout  en  accordant  aux  autres  pays,  et  particu- 
lièrement au  Zollwerein,  à  l'Autriche  et  à  la  Belgique,  des 
augmentations  proportionnelles,  ce  qui  conduirait  aux  chiffres 
suivants  : 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE. 


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a  Ces  chiffres  seraient  dignes  de  la  France,  puisqu'ils  éta- 
blissent, en  faveur  de  tous  les  pays,  une  surface  plus  grande 
que  celle  qu'ils  occupaient  respectivement,  à  Londres.  Il  n'y 
a  d'exception  à  cet  égard  que  pour  les  États-Unis  et  la 
Chine.  » 

Les  détails  historiques  que  nous  avons  donnés  relative- 
ment à  la  réalisation  de  ces  80,000  mètres  montrent  qu'outre 
la  perte  de  temps  que  des  discussions  souvent  stériles  en- 
traînaient, le  service  exécutif  de  l'Exposition  avait  à  résoudre 
un  problème  devenu  d'autant  plus  difficile  par  la  réduction 
de  l'espace  mis  à  sa  disposition,  que  d'une  autre  part  et  à 
l'inverse,  on  avait,  par  tous  les  moyens  de  la  publicité  et  de 
l'action  gouvernementale  ,  provoqué  tous  les  industriels  du 
monde  à  se  présenter  à  ce  grand  concours. 

L'organisation  du  service  intérieur  de  l'Exposition  éprou- 
vait aussi  des  modifications  et  des  incertitudes,  et  ce  ne  fut 
que  le  31  octobre  1854,  que  le  commissariat  général  fut  défi- 
nitivement  constitué  par  la  nomination  de  M.  le  général 
Morin,  qui  avait  agi  jusqu'alors  comme  président  du  comité 
exécutif,  et  qui  fut  investi,  comme  commissaire  général,  de 
tous  les  pouvoirs  nécessaires.  A  partir  de  la  même  époque, 
les  fonctions  de  commissaiie  du  bâtiment  appartinrent  à 
M.  Vaudoyer.  Le  service  général  du  classement  m'avait  été 
confié  dans  les  premiers  jours  de  juin.  En  même  temps , 
M.  Natalis  Rondot  avait  été  nommé  commissaire  du  cata- 
logue, et  M.  Trélat  architecte-ingénieur  de  la  Commission 
impériale. 

Les  chiffres  étant  arrêtés  ,  il  appartenait  au  service  d'exé- 
cution de  désigner  les  emplacements  eux-mêmes.  Nous  avions 
un  instant  pensé  à  réunir  ensemble  les  produits  d'une  même 
classe  à  quelque  nationalité  qu'ils  appartinssent ,  mais  il  eût 
fallu  à  l'avance ,  pour  mettre  ce  projet  à  exécution ,  connaître 
l'importance  des  produits  de  chaque  classe,  et  pour  la  France 
et  pour  chacun  des  pays  étrangers.  Nous  ne  pouvions  espé- 
rer que  ces  renseignements  nous  parviendraient  en  temps 
convenable,  et  dès  lors  nous  avons  dû  nous  borner  à  assigner 
des  emplacements  à  l'ensemble  de  l'exposition  de  chaque  con- 
trée. Mais  combien  de  considérations  durent  influencer  la  dé- 
cision. Nous  ne  pouvions  placer  les  pays  étrangers  dans  l'An- 
nexe :   ils  se  seraient  plaints  d'être  relégués  loin  de  l'exposi- 


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A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  13 

tion  principale  ;  nous  ne  pouvions  y  placer  exclusivement  la 
France ,  la  surface  eût  été  trop  petite  ,  et  nous  pensions  dès 
lors  que  c'eût  été  prendre  pour  nous  le  local  le  plus  conve- 
nable et  le  mieux  approprié  à  une  exposition  de  l'Industrie. 
Le  mieux  était  de  partager  les  deux  bâtiments  entre  tous  les 
intéressés.  On  a  vu  plus  haut  sur  quelles  bases  il  a  été  possible 
d'indiquer  à  l'avance,  dans  l'ordre  de  la  classification  adop- 
tée ,  les  produits  qui  pourraient  trouver  place  dans  l'un  et 
dans  l'autre  bâtiment  ;  on  a  naturellement  réservé  le  palais 
principal  pour  les  objets  manufacturés  ,  dont  l'ornementation 
et  les  formes  gracieuses  se  prêteraient  mieux  à  un  grand  effet 
d'ensemble,  et  l'on  a  consacré  plus  particulièrement  l'An- 
nexe aux  produits  naturels  et  aux  machines.  Celle  division  , 
moins  philosophique  que  le  mélange  de  tous  les  produits  simi- 
laires ,  porte  avec  elle  un  caractère  important  qu'une  autre 
solution  n'eût  pas  offerte  :  d'une  part,  toutes  les  richesses 
du  sol,  classées  géographiquement  ;  d'autre  part,  les  produits 
de  l'industrie  ,  offrant  une  plus  facile  comparaison.  La  néces- 
sité de  fournir  de  l'eau  et  de  la  vapeur  aux  machines,  en  for- 
çant à  réunir  en  un  même  point  ces  grands  instruments  du 
travail ,  venait  encore  compléter  cette  division  rationnelle. 

Chaque  pays  eut  donc  dans  le  palais  principal  une  part 
calculée  sur  les  47  pour  100  de  son  allocation  totale  :  il 
trouva  dans  l'Annexe  le  surplus,  soit  dans  la  section  des 
machines  jusqu'à  concurrence  de  ses  besoins,  soit  pour  tout 
ce  qui  ne  sera  pas  de  cette  nature  dans  la  section  des  pro- 
duits. 

Il  était  dès  lors  possible  de  partager  le  palais  principal, 
mais, il  fallait  avant  tout  arrêter  un  plan  général  de  circula- 
tion que  la  disposition  des  lieux  rendait  difficile,  alors  surtout 
que  le  premier  devoir  consistait  à  ne  perdre  aucun  espace.  C'est 
à  cette  époque  que  nous  visitâmes  le  Palais  en  détail,  et  que 
nous  reconnûmes  l'absolue  nécessité  d'éclairer  la  partie  du 
rez-de-chaussée  située  au-dessous  des  galeries  ,  de  manière  à 
pouvoir  au  besoin  négliger  les  ouvertures  vitrées  sur  les 
Champs-Elysées,  pour  trouver  des  surfaces  verticales.  Ce  ne 
fut  pas  sans  quelque  résistance  que  nous  fîmes  adopter  le 
principe  des  ouvertures  nombreuses,  dès  lors  pratiquées  dans 
le  plancher,  et  sans  lesquelles  le  rez-de-chaussée,  trop  obscur 
encore  malgré  l'abatage  de  quelques  arbres,  n'eût  pu  être 


14  VISITE 

utilisé.  Mais  ces  ouvertures  nous  enlevaient  encore  une  par- 
tie de  cette  place  que  nous  devions  ménager  à  tout  prix  ,  et 
l'étude  des  dispositions  intérieures  devenait  par  ce  fait  plus 
difficile. 

C'est  alors  que  fut  adopté  le  projet  de  distribution  générale 
dont  la  suite  des  événements  s'est  chargée  d'indiquer  les  avan- 
tages ,  et  qu'il  nous  a  fallu  poursuivre  au  milieu  de  toutes  les 
critiques.  Nous  eussions  sans  doute  préféré  ménager  au  mi- 
lieu de  cette  nef  quelques  grands  effets,  nous  eussions  volon- 
tiers évité  ces  salles  intérieures  qui  la  rétrécissent ,  si  les  né- 
cessités de  la  situation  n'avaient  commandé  de  tout  utiliser. 
Un  mètre  perdu,  c'était  un  exposant  de  moins:  le  choix 
n'était  pas  difficile, 

Telle  est  l'origine  de  notre  grande  ligne  de  vitrines-tro- 
phées, que  Ton  a  voulu  depuis  lors  qualifier  du  nom  de  vi- 
trines d'honneur  ;  en  nous  permettant  d'utiliser  mieux  l'es- 
pace, elles  avaient  d'ailleurs  l'avantage  de  déguiser  le  vice 
principal  de  la  construction  ,  cette  grande  voûte  qui  vient 
jusqu'à  terre  et  qui  faisait  ressembler  le  Palais  à  un  vaste 
hangar.  Les  vitrines-trophées,  en  limitant  la  vue,  forment 
comme  les  pieds  droits  de  cette  voiàte,  et  lui  rendent  la  pro- 
portion qui  lui  manquait. 

Obligés  d'arrêter  les  dispositions  générales  en  l'absence  de 
tous  renseignements,  nous  fixâmes  d'une  manière  invariable 
les  massifs  des  tables  à  deux  mètres  de  largeur ,  nous  propo- 
sant d'utiliser  ensuite  cette  dimension  en  fractions  exactes  de 
un  mètre  et  de  cinquante  centimètres,  suivant  la  nature  des 
produits.  L'exposition  de  Londres  nous  avait  appris  que,  pour 
tous  les  objets  manufacturés ,  la  profondeur  de  un  mètre  est 
la  meilleure. 

Cest  aussi  dans  ce  mémorable  précédent  que  nous  avons 
puisé  le  désir  de  voir  apparaître  les  produits  similaires  par 
vastes  assortiments,  avec  installation  commune.  Les  vitrines 
ont  été ,  je  ne  crains  pas  de  le  dire  ,  une  de  mes  grandes 
préoccupations  ,  et  tout  en  reconnaissant  qu'une  partie  des 
retards  éprouvés  sont  dus  à  ma  persistance  à  cet  égard  , 
lorsque  je  me  dégage  de  toute  considération  personnelle  ,  je 
me  félicite  encore  aujourd'hui  d'avoir  soutenu  cette  thèse  at- 
taquée de  toutes  parts.  Les  vitrines  collectives  sont  pour 
beaucoup  dans  le  grandiose  des  installations,  je  dirai  même 


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A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  15 

dans  la  variété  des  aspects,  chaque  industrie  s'étant  groupée 
sous  une  forme  particulière.  Une  circulaire  spéciale  prescrivit 
aux  exposants  des  profondeurs  et  des  hauteurs  réglemen- 
taires. 

Ce  n'était  pas  tout  que  d'avoir  décidé  en  principe  que  tous 
les  pays  seraient  représentés  dans  le  palais  principal ,  il  fal- 
lait encore  indiquer  à  chacun  sa  place  ;  de  nouvelles  diffi- 
cultés nous  attendaient.  Les  galeries  supérieures  étaient  évi- 
demment celles  qui  se  prêtaient  le  mieux  à  une  exposition, 
mais  il  était  impossible  de  les  donner  à  tout  le  monde; 
chacun  d'ailleurs,  si  petit  qu'il  fût,  tiendrait  à  faire  briller 
son  drapeau  sur  la  nef  ;  la  justice  voulait  que  Ton  fît  un  sa- 
crifice à  ceux  qui  devaient  envoyer  un  moins  grand  nombre 
de  produits.  Ces  considérations  et  d'autres  encore  conduisirent 
à  ne  placer  sur  le  sol  que  les  grandes  nations  qui  se  trouve- 
raient ainsi  moins  favorisées  au  premier  étage.  L'Angleterre, 
les  États-Unis,  la  Belgique,  l'Autriche,  le  Zollwerein  furent 
seuls  avec  la  France  à  occuper  le  rez-de-cliaussée  ;  chaque 
pays  occupa  dans  la  galerie  l'emplacement  situé  au-dessus  de 
celui  qu'il  occupait  sur  le  sol  ;  toutes  les  autres  contrées  fu- 
rent distribuées  au  premier  étage  ,  aux  dépens  surtout  de  la 
place  que  la  France  aurait  dû  proportionnellement  y  conser- 
ver. Sous  ce  rapport ,  la  Confédération  suisse  est  en  quelque 
sorte  la  plus  favorisée  ;  c'est  elle  qui  a,  dans  la  répartition,  la 
plus  grande  part,  après  les  pays  déjà  cités  ,  et  toute  son  ex- 
position du  Palais  est  dans  la  galerie  supérieure.  Pour  satis- 
faire d'ailleurs  à  cette  condition  de  donner  à  tous  vue  sur  la 
nef,  l'Exposition  française  abandonna  son  terrain  le  meil- 
leur à  la  Sardaigne  et  aux  États  pontificaux  à  l'est,  à  l'ouest 
à  l'Espagne  et  au  Portugal. 

La  Suède,  la  Norvège,  le  Danemark  et  la  Hollande  d'une 
part,  la  Toscane  et  les  pays  orientaux  de  l'autre,  occupèrent 
les  deux  galeries  transversales. 


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Répartition  de  l'espace  alloué  à  la  France. 

Les  chiffres  qui  précèdent  indiquent  comment  nous  avons 
pu  échapper,  par  l'étude  des  faits  antérieurs,  aux  incertitudes 
de  toute  nature  qui  pesaient  sur  les  préparatifs  de  l'Exposi  r 


J6  VISITE 

tion.  Examinons  maintenant  ce  qui,  dans  les  travaux  du  clas- 
sement, regarde  plus  particulièrement  la  France.  Par  les  soins 
ducommissariatgénéral,  199  comités  départementaux  avaient 
été  constitués  en  France  avec  mission  de  provoquer  dans  leurs 
circonscriptions  respectives  l'adhésion  des  industriels,  et 
pour  les  engager  à  paraître  dignement  au  grand  concours. 
Dans  les  premiers  jours  d'octobre,  la  plupart  des 'comités 
avaient  adressé  Tindication  sommaire  des  espaces  demandés 
sur  les  listes  d'inscription,  et  l'état  récapitulatif  de  ces  de- 
mandes, établi  avec  grand  soin  dans  les  bureaux  du  secrétariat, 
fut  envoyé  à  M.  le  commissaire  général.  Dès  lors  on  put  voir 
dans  quelle  situation  fâcheuse  le  manque  d'espace  plaçait  la 
commission  impériale  ;  les  demandes  avaient  dépassé  les  espé- 
rances les  plus  exagérées,  ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  par 
le  rapport  suivant  qui  porte  la  date  du  11  octobre  1854,  et 
qui  émane  plus  particulièrement  du  service  du  classement  ; 
le  même  esprit  de  déférence  envers  les  gouvernements  étran- 
gers se  remarque  dans  toutes  les  pièces  officielles  émanant  de 
la  commission  impériale. 

«  J'ai  pris  connaissance  des  états  récapitulatifs  des  différents 
comités  des  départements,  et  du  relevé  général  qui  en  a  été 
fait  par  les  soins  du  secrétariat,  afin  de  préparer,  suivant 
votre  désir,  un  projet  de  répartition  de  l'espace  réservé  à  la 
France,  entre  les  différentes  localités. 

«.  Voici  les  bases  sur  lesquelles  ce  projet  de  répartition  me 
paraît  devoir  être  établi. 

«  Parmi  les  renseignements  fournis  par  les  comités,  il  en  est 
deux  auxquels  il  ne  m'a  pas  semblé  possible  d'accorder  la  moin- 
dre confiance  :  la  profondeur  moyenne  n'est  pas  un  élément 
qui  puisse  servir  de  base  à  une  évaluation  simple,  et  d'ail- 
leurs elle  a  été  faussement  évaluée  dans  la  plupart  des  dé- 
partements, le  comité  de  la  Seine,  seul,  ayant  nettement  in- 
diqué qu'il  préférait  ne  donner  aucune  évaluation  pour  la 
profondeur  moyenne.  Quant  aux  questions  que  soulève  la. 
hauteur,  elles  se  trouvent  suffisamment  éclairées  par  les  in- 
structions récemment  données  aux  comités  relativement  aux 
vitrines,  en  ce  qui  concerne  les  objets  de  petite  dimension; 
et  il  est  inutile  d'observer  que  les  grands  objets  ne  sauraient 
être  soumis  à  aucune  réglementation. 

«  La  longueur  des  façades  des  expositions  est  dès  lors  le  seul 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  17 

document  sur  lequel  un  projet  de  répartition  puisse  être  con- 
venablement basé.  En  additionnant  les  chiffres  des  1 99  comités 
français,  on  arrive  à  une  longueur  totale  de  28  kilomètres, 
sans  y  comprendre  les  dix  comités  suivants  qui  n'ont  pas  en- 
core adressé  leurs  bulletins  au  secrétariat  :  ce  sont  les  comités 
de  Rodez,  Rochefort,  Calvi,  Valence,  Pont-Audemer,  Cher- 
bourg, Bar-le-Duc,  Montreuil,  Rouen  et  Mirecourt. 

«  En  l'absence  de  renseignerçients  positifs  émanant  de  ces 
comités,  il  m'a  paru  convenable  de  leur  assigner  un  espace 
moyen,  égal  à  la  moyenne  des  demandes  des  autres  comités, 
celui  de  la  Seine  excepté  :  la  longueur  totale  en  façade  se 
trouve  ainsi  portée  à  29  kilomètres  ;  c'est  d'après  ce  chiffre 
total  que  j'ai  pu  fixer  la  proportion  des  réductions  à  opérer. 

«  Le  plan  général  des  distributions  dans  le  bâtiment  princi- 
pal étant  maintenant  complet,  j'ai  pu  calculer  la  longueur  de 
façade  que  l'exposition  française  y  pourra  trouver  ;  cette 
longueur  est  de  5  kilomètres,  à  quelques  mètres  près;  et,  d'a- 
près cette  mesure,  j'estime  que  l'Annexe  présentera  seulement 
4  kilomètres  de  façade  :  en  tout  9  kilomètres.  Prise  dans  son 
ensemble,  la  longueur  en  façade  doit  donc  être  réduite  dans 
la  proportion  de  9  à  29,  c'est-à-dire  à  31  pour  iOO. 

«  Resterait  à  savoir  s'il  convient  de  faire  porter  cette  réduc- 
tion d'une  manière  uniforme  sur  tous  les  espaces  demandés 
par  les  différents  comités,  ou  si  une  étude  spéciale  des  be- 
soins de  chacun  doit  faire  prévaloir  le  système  d'une  réduc- 
tion variable. 

«  Le  premier  mode  offre  sans  contredit  l'avantage  d'une 
grande  simplicité,  et  ne  laisse  prise  à  aucune  réclamation  ; 
l'autre,  au  contraire,  est  d'une  application  difficile,  et  ne 
saurait,  il  faut  bien  le  dire,  être  appliqué  en  toute  connais- 
sance de  cause. 

«  A  première  vue,  il  aurait  été  naturel  de  penser  que,  l'expo- 
sition de  1 855  étant  la  première  en  France  qui  fît  appel  à  cer- 
tains produits,  aux  produits  naturels  particulièrement,  il  con- 
viendrait de  traiter  plus  favorablement  la  province  au  préjudice 
de  la  capitale,  qui  compte  dans  son  sein  une  foule  de  petites 
industries,  très-intéressantes  sans  doute,  mais  qui  n'ont  été 
jusqu'ici  acceptées  dans  les  expositions  précédentes  qu'avec 
une  certaine  réserve. 

«  L'examen  plus  attentif  des  chiffres  nous  a  démontré  que  ce 
206  b 


18  VISITE 

qu'il  était  juste  de  faire  en  faveur  des  produits  naturels  s'était 
fait  tout  naturellement  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  leur  venir 
en  aide. 

a:  A  l'exposition  de  1 849,  le  département  de  la  Seine  comptait 
61  exposants  sur  100,  les  départements  39. 

«  Pour  1 835,  le  chiffre  des  demandes  pour  Paris  n'est  que  de 
48  pour  100,  le  chiffre  des  départements  s'élevant  ainsi  de  39 
à  52. 

«  Il  nous  a  semblé  dès  lors  que  la  réduction  devait  être  opé- 
rée entre  les  comités  au  prorata  des  demandes,  et  qu'ainsi  il 
y  avait  convenance  à  vous  proposer  d'allouer  à  chaque  co- 
mité un  espace  représenté  par  une  façade  égale  aux  31  cen- 
tièmes de  la  façade  demandée  par  chacun  d'eux. 

ï  S'il  était  nécessaire  de  fixer  en  mètres  carrés  la  surface 
mise  à  la  disposition  de  chaque  comité,  il  suffirait  de  multi- 
plier par  1  met.  20  cent,  cette  façade,  ce  chiffre  étant  la  me- 
sure de  la  profondeur  moyenne  présentée  par  les  emplace- 
ments réservés  à  l'installation  des  produits  dans  le  bâtiment 
principal.  L'espace  en  mètres  carrés  serait  donc,  pour  chaque 
comité,  représenté  par  37  centièmes  du  chiffre  de  la  demande 
en  façade,  avec  instruction,  quant  aux  profondeurs,  d'avoir 
égard  aux  prescriptions  indiquées  dans  la  circulaire  pour  les 
vitrines. 

«  Il  sera  sans  doute  préférable  de  faire  porter  la  réduction 
sur  le  nombre  des  exposants,  laissant  ainsi  à  chaque  exposi- 
tion individuelle  les  éléments  nécessaires  pour  qu'elle  soit 
aussi  complète  que  possible. 

«  On  peut  déjà  indiquer,  à  titre  de  renseignement,  quel  sera 
le  nombre  approximatif  des  exposants  français.  Le  chiffre  des 
inscriptions  est  de  12  795  exposants  ;  il  s'élèvera,  lorsque  les 
renseignements  seront  complets,  à  plus  de  13  000,  et  cepen- 
dant il  importe  que  ce  nombre  soit  réduit  à  un  maximum  de 
6000. 

«  Les  statistiques  des  précédentes  expositions  portent,  y 
compris  les  passages  ,  l'espace  occupé  en  moyenne  par  chaque 
exposant  à  plus  de  six  mètres  carrés  (6  mètres  30  à  l'expo- 
sition de  1849,  6  mètres  50  à  l'exposition  universelle  de 
1851).  Cette  évaluation  par  exposant  en  porterait  le  nombre, 
pour  les  35  000  mètres  carrés  réservés  à  la  France,  à  35000  di- 
visé par  6  ou  5833,  soit  à  44  pour  100  des  demandes  inscrites. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  19 

«  Si  ces  bases  sont  admises,  il  en  résulterait  donc  que  le  pro- 
jet définitif  de  répartition  auquel  elles  conduiront  forcément 
réduira  à  31  pour  100  la  longueur  totale  en  façade  demandée 
pour  les  divers  comités  français,  et  que  le  nombre  des  expo- 
sants se  trouvera  réduit,  par  la  force  même  des  choses,  aux 
44  centièmes  des  demandes  inscrites. 

«  La  France  sera  donc  traitée  plus  sévèrement  encore  que 
les  pays  étrangers  à  l'exposition  universelle  de  1855.  » 

Porté  par  M.  le  commissaire  général  à  la  sanction  de  la 
sous-commission,  le  lendemain,  ce  rapport  fut  approuvé  quant 
au  principe  de  la  répartition ,  mais  en  laissant  à  chaque  co- 
mité le  soin  de  répartir  entre  le  nombre  d'exposants  qui  lui 
paraîtrait  le  plus  convenable  l'espace  mis  à  sa  disposition. 

Il  est  peut-être  intéressant  de  connaître  les  résidences  des 
comités  français  et  l'espace  alloué  à  chacun  d'eux  :  on  a  joint  à 
ces  renseignements  les  dates  de  l'arrivée  des  bulletins  des- 
tinés à  faire  connaître  définitivement  le  nombre  des  exposants 
et  l'espace  attribué  par  comité. 


20 


VISITE 


TABLEAU 

DE   LA   RÉPARTITION   ENTRE   LES   COMITÉS   FRANÇAIS 
DE   l'espace   réservé   A   LA   FRANCE. 


3'rà. 

a  S 


DÉPARTEMENTS. 


AS.., 


AISNF. 

ALLIEU  

ALPES  (basses-). 
ALPES (HAUTES-) 
AP.DECUE 

ARDENNES. 


AUBE 

AUDE.  . . . 

AVE-ÏRON 


BOUCHES-DU-RHÔSE. 
CALVADOS 


COMITÉS. 


Boorg  

Beliey 

Gex 

Nantua 

Trévoux 

Laon 

Sainl-Quenlin. 

Vervins 

Moulins 

Moiilluçon  .... 

Dignes  

Gap o.. 

Privas 

Annonay 

Largeniière.  .. 

Mézières 

Sedan 

Relhel 

Uocroi 

Vouziers 

Poix 

Pamicrs 

Saint-Girons.  . 

Troyes 

Carcassonne... 
Casielnaudary. 

Limoux 

Narbonne 

Rodez 

Espalion 

Milhau 

Sainl-Affrique. 
Viliefranche... 

Marseille 

Caen 


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1  mars 

43     » 

9  déc. 

A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE. 


21 


DÉPARTEMENTS. 


CALVADOS  (Suite).... 


CANTAL. 

CHARENTE 

CHAIŒNTE-IÎJFÉRIEURE 

CHER 

CORRÈZE 

CORSE 

côte-d'or 

CÔTES-DU-NORD 


CREUSE 

DORDOGNE  .  . 

DOLBS 

DUÔME 

EURE 

EURE-ET-LOIR 
FIMSTERRE... 
GARD , 


GARONNE  (HAUTE-). 


COMITÉS. 


Baveux 

Falaise 

Lisieux 

l'ont-rÉvè(]ue  . .. 

Vire 

Aurillac 

Anguulênie 

La  Uochelle 

Kochefort 

St-Jean-d'Angely 

Bourges  

Tulle 

Ajaccio 

Bastia 

Calvi 

Corte 

Sarteiie 

Dijon 

Beaune 

Cbàtillon-s. -Seine 

Semur 

Saint-Brieuc.  .. 

Quiritin 

Loudeac 

Dinan  

Guimgamp 

I.annion 

nueret 

Périgueux 

Besançon  

Valence 

Saint-Dié 

Nyons 

Montélimart. .. . 

Andelys 

Bernay 

Évreux 

I.ouviers 

Pontaiidemer.. . 

Cliartres 

Quiniper 

Mnies 

Mais 

Uzès 

Vigan  

Toulouse 


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22 


VISITE 


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101 

102 
103 
104 
105 
106 
107 
108 
109 

110 
111 
112 
113 
114 
115 
116 
117 
118 
119 
120 
121 
122 
J'23 
124 
125 
12(> 


DÉPARTEMENTS. 


GF.RS 

GinONDE .  . 

HÉRAl'LT 

ILLE-ET-VILAINE 


INOP.E 

INDRE-ET-LOIRE, . 
ISÈRE 

JURA 

LANDES 

LOIR-ET-CHER.... 

LOIRE 

LOIRE   (HAUTE-).  .. 
LOIRE-INFÉRIEURE. 

LOIRET 

LOT 

LOT-ET-GARONNE.. 

LOZÈRE 

MAINÈ-ET-LOlRE... 

MANCHE 


COMITÉS. 


Auch 

Bordeaux  

Montpellier 

Béziers 

Lodèvc  

Saint-Pons 

Hennés 

Saint-Malo ...... 

Fougères  

Viti  é 

Hedon 

Montt'ort 

Chàteauroux  . ... 

Tours 

Grenoble 

Vienne 

La-Tour-du  Pin. 
Saint-Marcellin. . 
Lons-le-Saulnier. 
Moni-de-Marsan. 

Saint-Sever  

Dax 

Biois „ .. 

Komorantin 

Vendôme 

Saint  Etienne...  . 

Monthrison 

Roanne  avec  St- 

Étienne 

Le  Puy 

Nantes 

Orléans 

Cahors 

Gourdon 

Figeac 

A«en 

Mende 

Angers 

Cholet 

Sauniur 

Avranches 

Cherbourg  

Coutances 

Morlain 

Saint-], ô 

Valugnes 


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A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE. 


23 


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128 
129 
130 
131 
132 
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134 
135 
136 
137 
138 
139 
140 
141 
142 
143 
144 
145 
146 
147 
148 
149 
150 
151 
152 
153 
154 
155 
156 
157 
158 
159 
160 
161 
162 
163 
164 
165 
166 
167 
168 
169 
170 
171 
172 


DÉPARTEMENTS. 


MAUNE 

MARNE   (haute-) 
MAYENNE 

MEURTHE 

MKUSE  

MOUBIHAN 

MOSELLE 

NIÈVr.E 

NOUD 


OISE 

ORNE 

PAS-DE-CALAIS 


PUY-DE-DOME 

PYKÉNÉES  (BASSES-).  • 
m-RÉNÉES  (HAUTES-). 
PYRÉNÉES-OKIENTALES 

RHIN   (BAS-) 

RHIN   (HAUT-) 

RHÔNE 

SAÔNE   (HAUTE-) 

SAÔNE-ET-LOIRE 

SARTHE 

SEINE 

SEINE-ET-MARNE 

SEINE-ET-OISE 


COMITÉS  . 


Chàlons 

Reims 

Chauniont 

Laval 

Mayenne 

Chàteau-Gonlier. 

Nancy 

Bar-le-Duc 

I. orient 

Metz 

Sairei^uemines. . 

Nevers 

Avesnes  

Cambrai 

Douai 

Diinkerque 

Hazebrouck  

Lille 

Valenciennes.. . , 

Conipiégne 

Senlis 

Clermont 

Beauvais 

Alençon 

Arras 

Béthune  

Boulogne-sur-Mer 
Montreuil-s-Mer. 
Sainl-Omer  ...... 

Sainl-l'oi 

Clerinont-Ferr.. . 

Pau. 

Tariies 

Perpignan., 

Strasbourg 

Colmar 

Lyon 

Vesoul 

Gray 

Lure 

Maçon 

Chàloi)S-s-Saône. 

Le  Mans 

Paris 

Melun 

Versailles 


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13  mars 

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44 

40     )) 

7avnl 

6248 

5000     » 

7avril 

120 

100     « 

23  déc. 

123 

160     » 

6  fev. 

24 


VISITE 


a 

5.'i 

c.^ 

c  = 

cS 

DEPARTEMENTS. 

Zb 

:^ 

z 

173 

SEIXE-INFÉUIEURE 

174 

175 

1-6 

178 

179 

180 

DEUX-SEVP.ES 

181 

SOMME    

182 

TARN. 

I82b 

183 

184 

185 

186 

TARNET-GARONNE. .. 

187 

VAl; 

188 

189 

190 

191 

VALCLUSE  

192 

VENDÉE 

193 

VIFNXli 

19  i 

VIENNE  (HAUTE-) 

195 

VOSGES  

195 

197 

198 

199 

YONNF       

COMITÉS. 


Rouen  ... . . 

Elbeuf 

Dieppe.... 
Le  Havre.. 

Bolbec 

Neufcliàiel 

Yvelot 

Niort 

Amiens  . . . 
Albi 


Castres  

Gaillac 

Lavaiir 

Moniauban. .. 

Bi'ii,'iiules 

Giasse 

Diaguignan  . . 

l'uulon 

Avignon 

Napoléon -Vendée 

Polders 

Limoges 

Épinal 

Mirccourt. ... 

llemiremont 

Saint-Dié 

Auxerre 


il 


155 

51 

41 

32 

8 

15 

12 

33 

147 

20 

» 

34 

5 

1 

21 

5 

7 

7 

37 
24 

38 
87 
37 
18 
19 
37 
48 


ISO 

25 

30 

5 

10 

15 

25 

170 

9 

35 

3 

1 

20 

2 

4 

4 

16 

25 

16 

32 


a  .5 


27  fév. 
25déc. 
22déc. 

1  déc. 

28  déc. 
16  déc. 

5  déc. 
iodée. 

10  mars 

6  déc. 
12  déc. 

23  mars 

4  janv 

I  4  mars 

9  déc. 
9  déc. 

11  déc. 

24  mars 
24  mars 

26  déc. 
24  dec. 

9  déc. 
30 janv 

1  déc. 

5  déc. 
23  déc. 

9  déc. 

II  déc. 


La  loi  d'une  proportionnalité  rigoureuse  ne  fut  pas  ap- 
pliquée cependant  d'une  manière  absolue;  nous  prîmes  soin 
d'examiner  pour  chaque  circonscription  si  le  chiffre  demandé 
par  exposant  était  plus  ou  moins  exagéré,  et  nous  tînmes 
compte  de  cette  circonstance  dans  les  chiffres  définitifs. 

Les  administrations  publiques  restaient  en  dehors  de  cette 
répartition,  ainsi  qu'un  certain  nombre  d'établissements  in- 
dustriels de  premier  ordre  qu'il  était  important,  au  point  de 
vue  national ,  de  voir  figurer  avec  tout  l'éclat  désirable  au 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  25 

concours  de  toutes  les  nations.  C'est  ainsi  que  la  commission 
impériale  se  réserva  de  statuer  directement  sur  les  demandes 
de  M.  Schneider,  du  Creuzot,  de  MM.  Nicolas  Schlumberger 
et  André  Kœcklin,  dans  l'Alsace,  de  M.  Cail  et  Cie,  de 
M.  Mercier,  de  Loaviers,  etc. ,  etc. 

Malgré  toutes  les  précautions  prises,  la  répartition,  on  le 
pense  bien,  fut  l'objet  de  réclamations  nombreuses  pour  les- 
quelles M.  le  secrétaire  général  dut  entretenir  une  volumi- 
neuse correspondance,  dont  les  éléments  devaient  émaner  de 
nous,  qui  avions,  en  définitive,  la  responsabilité  de  l'organi- 
sation intérieure  et  de  la  répartition  des  places.  Mais  la  diffi- 
culté devint  plus  grande  encore  au  moment  où  nous  arrivèrent 
les  bulletins  individuels  dont  nous  avons  parlé  déjà  : 
80000  mètres  étaient  distribués  sur  le  papier,  nous  n'en  avions 
toujours  en  réalité  que  75  000,  dont  45  000  appartenaient  aux 
expositions  étrangères;  le  surplus  nous  donnait  à  peine 
42  000  mètres  de  surface  utilisable  pour  la  France,  d'après 
les  plans  adoptés  pour  les  passages  et  pour  les  emplacements 
que  les  produits  devaient  occuper.  Sur  ces  4  2  000  mètres, 
nous  n'en  avions  que  500  en  réserve  pour  les  éventualités  im- 
prévues, mais  toujours  à  la  condition  que  nous  trouverions, 
de  manière  ou  d'autre,  l'emplacement  supplémentaire  qui 
manquait  à  notre  total  de  80  000. 

Les  bulletins  des  comités  arrivaient  lentement,  mais  la 
plupart  avec  des  augmentations  de  surface,  auxquelles  il  nous 
était  impossible  de  satisfaire.  De  là  la  nécessité  de  voir  par 
nous-mêmes  toutes  les  demandes,  de  les  restreindre,  de  les 
discuter ,  d'éclairer  dans  leurs  réclamations  les  présidents 
des  comités  eux-mêmes,  de  manière  à  maintenir  toujours  les 
chiffres  de  notre  répartition  primitive. 

L'arrivée  des  documents  de  province  devint  plus  abondante 
à  partir  du  4"  janvier,  et  il  fut  nécessaire  de  doter  immé- 
diatement le  service  du  classement  du  personnel  destiné  à 
préparer  les  travaux  d'organisation  intérieure. 

Dès  le  commencement,  M.  Savoye  avait  été  nommé  com- 
missaire adjoint;  M.  Picot  fut  nommé  inspecteur  principal; 
l'inspecteur  ingénieur  de  la  galerie  des  machines,  M.  Lecœu- 
vre,  avait  coopéré  jusqu'alors  au  service  d'installation  des 
machines  confié  à  M.  Trélat,  et,  par  arrêté  du  18  janvier, 
MM.  Robin  ,  Grobost ,  Loyau  ,  Duranton  ,  Marlin  ,  Forest , 


26  VISITE 

Gromort,  Dahistein ,  Duffourc  d'Antist,  Sauvageot  et  de 
Saint-Martin  furent  désignés  pour  remplir  les  fonctions  d'in- 
specteurs ;  6  sous-inspecteurs,  MM.  Peligot,  Houzeau,  Hoa- 
rau  ,  Masson ,  Domergue  et  Decombes  remplirent  les  mêmes 
fonctions  sous  un  autre  titre  ;  enfin  4  employés  aux  écritures 
vinrent  compléter  le  personnel  qui  devait  classer  les  produits, 
recevoir  plus  de  30  000  colis,  distribuer  et  désigner  les  places 
à  plus  de  20  000  exposants;  c'était  environ  1  fonctionnaire 
pour  4  500  colis  et  1000  exposants;  tout  devait  être  fait  en 
moins  de  cent  jours.  MM.  Marlm  et  Robin  quittèrent  le  ser- 
vice ,  pojr  cause  de  santé ,  pendant  le  cours  des  opérations. 
MM.  Hoarau  et  Sauvageot  n'ont  demandé  à  se  retirer  qu'après 
l'ouverture  de  l'Exposition. 

Pour  faciliter  le  travail,  en  même  temps  que  pour  réunir 
tous  les  éléments  qui  devaient  y  concourir  simultanément , 
le  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers  mit  à  la  disposition  de 
la  Commission  impériale  les  locaux  nécessaires  au  service  du 
classement  et  à  celui  du  catalogue,  confié,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  à  l'habileté  de  M.  Natalis  Rondot,  et  dont  l'organi- 
sation définitive  date  de  la  même  époque. 

Aussitôt  l'arrivée  des  pièces ,  des  relevés  furent  faits  de 
tous  les  produits  annoncés  par  catégories  d'industrie,  de  ma- 
nière à  pouvoir  connaître  toujours  le  total  des  allocations 
faites  à  chaque  catégorie  de  produits  :  ces  totaux  étaient  in- 
dispensables pour  pouvoir  réunir  avec  ensemble  tous  les  en- 
vois de  même  nature.  Chaque  bulletin  individuel ,  vérifié  préa- 
lablement par  moi ,  était  enregistré  de  la  sorte  et  transmis  en- 
suite au  catalogue.  Les  difficultés ,  et  elles  furent  nombreuses , 
étaient  jugées  chaque  jour  par  M,  le  commissaire  général,  et 
les  bulletins  étaient  réservés  jusqu'à  réponse  du  comité  com- 
pétent aux  observations  transmises  par  nous  à  M.  le  secré- 
taire général. 

En  même  temps  des  fiches  individuelles  étaient  faites  pour 
chaque  exposant  ;  classées  à  leur  tour  par  nature  de  produits, 
elles  devaient  nous  servir  à  vérifier  les  relevés  directement 
faits  sur  les  listes  départementales.  Ce  travail  fastidieux  et 
pénible  fut  abordé  de  la  meilleure  grâce;  nous  y  travaillâmes 
tous  de  concert,  puisant  ainsi,  dans  cet  exercice  d'écriture, 
l'habitude  qu'il  nous  fallait  acquérir  pour  classer  plus  tard 
sur  le  terrain. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  2T 

La  date  fixée  pour  la  remise  des  bulletins  définitifs  était 
celle  du  i"  novembre,  mais  elle  fut  prorogée  jusqu'au  30  du 
même  mois.  On  peut  voir,  par  le  tableau  qui  précède,  com- 
bien ces  envois  furent  relardés;  sur  les  199  comités  français, 
112  seulement  étaient  en  règle  le  45  janvier, 
428  —  le  31  janvier, 

435  —  le    7  février, 

443  —  le  17  février, 

466  —  le    7  mars, 

4  83  —  le  20  mars. 

Les  renseignements  des  départements  n'étaient  donc  pas 
complets  quatre  mois  après  l'époque  fixée  pour  l'achèvement 
de  cette  opération  préliminaire. 

Mais  on  se  ferait  encore  une  opinion  très -inexacte  des 
embarras  que  de  pareils  retards  ont  dû  apporter  dans  toutes 
nos  opérations,  si  l'on  n'observait  que  les  comités  les  plus 
importants  figurent  parmi  les  moins  pressés  :  les  166  listes 
déjà  reçues,  à  la  date  du  7  mars,  ne  représentaient  que  la 
moitié  environ  de  l'espace  utilisable  réservé  à  la  France  ; 
Paris,  Amiens,  Valenciennes,  Le  Puy  ,  Toulouse,  etc.,  etc., 
n'avaient  encore  transmis  aucun  renseignement. 

Chaque  jour  suffisait  à  son  travail;  nos  relevés  étaient  au 
courant  ;  nos  cartes  étaient  terminées ,  le  personnel  allait  se 
plaindre  de  n'avoir  plus  rien  à  faire,  quand  enfin  la  liste  de 
la  Seine  arriva,  c'est-à-dire  3200  noms  dont  les  produits  de- 
vaient occuper  une  surface  totale  de  7000  mètres  carrés ,  2000 
de  plus  que  ne  le  permettait  le  chiffre  fixé  à  5000  dans  l'état 
de  répartition  définitif. 

Toute  augmentation  était  impossible  :  tout  retard  était  un 
danger;  le  comité  de  la  Seine  avait  eu  à  examiner  tant  de 
demandes,  que  l'examen  auquel  il  s'était  livré  l'avait  conduit 
en  quelque  sorte  à  la  veille  de  l'ouverture;  un  nouveau  tra- 
vail de  commission  était  impossible ,  et  c'est  alors  qu'aidé  de 
M.  'VarcoUier  fils,  en  ce  moment  secrétaire  adjoint  du  jury, 
j'obtins  de  M.  le  commissaire  général  l'autorisation  de  reviser, 
avec  chacun  de  MM.  les  présidents  de  section,  les  listes  pré- 
parées par  eux  ,  en  prenant  pour  points  de  comparaison  les  es- 
paces alloués  dans  les  départements  aux  industries  similaires. 
Commencée  le  3  mars,  cette  révision  fut  terminée  le  15,  grâce 
au  dévouement  de  tous  les  membres  du  jury  d'admission ,  qui 


28  VISITE 

voulurent  bien ,  dans  cette  circonstance  difficile ,  m'honorer 
d'une  bienveillance  dont  je  ne  saurais  trop  les  remercier. 

Toujours  est-il  que  les  lettres  d'admission  des  exposants 
du  comité  de  la  Seine  n'ont  pas  été  reçues  avant  le  15  mars; 
six  semaines  avant  l'ouverture  de  l'Exposition,  nos  princi- 
paux fabricants  ignoraient  encore  s'ils  étaient  refusés  ou  ad- 
mis :  en  l'absence  de  toute  décision,  chacun  s'était  arrêté  dans 
ses  préparatifs,  et  si  d'autres  causes  ne  devaient  être  consi- 
dérées comme  prépondérantes  pour  retarder  l'installation  des 
produits,  celle-ci  seule  eût  été  suffisante  pour  ne  pas  per- 
mettre à  l'industrie  parisienne  de  figurer  dès  les  premiers 
jours,  avec  son  éclat  accoutumé ,  dans  les  galeries  de  l'Expo- 
sition. 

Le  tableau  suivant  fait  connaître  les  résultats  du  travail 
d'admission  :  les  chiffres  réservés  correspondaient  à  des  ex- 
posants qui  avai(mt  demandé  des  espaces  considérables,  sur 
lesquels  on  espérait  obtenir  des  réductions  de  quelque  im- 
portance. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE. 


29 


TABLEAU 

PRÉSENTANT  PAR  CLASSES  LES  NOMBRES  DES  EXPOSANTS 
ADMIS  ET  RÉSERVÉS  AVEC  LA  DÉSIGNATION  DES  DIVERSES 
SUPERFICIES  QUI  LES  CONCERNENT. 


____^B9aB 

il 

NOMBRE  DES  EXPOSANTS 

SURFACES 

il 

admis. 

réservés 

totaux. 

admises. 

réservées 

totales. 

1 

37 

4 

41 

53  35 

29  24 

82  59 

2 

22 

22 

24  07 

6  » 

30  07 

3 

35 

„ 

35 

49  95 

»  >) 

49  95 

4 

63 

1 

64 

434  98 

22  75 

457  73 

5 

85 

1 

86 

390  23 

»  » 

390  23 

6 

112 

9 

121 

476  11 

80  45 

556  56 

7 

43 

5 

48 

80  45 

21  » 

101  45 

8 

2i6 

8 

224 

142  41 

9  37 

151  78 

9 

121 

17 

138 

92  42 

123  12 

215  54 

10 

333 

1 

334 

229  47 

15  60 

245  07 

tt 

146 

1 

147 

76  97 

4  » 

80  97 

12 

87 

87 

87  20 

>.  >, 

87  20 

13 

31  1 

44  « 

3 

78 

39  90 
15  >> 

25  50 

80  40 

14 

56 

9 

65 

64  06 

41  70 

105  76 

15 

58 

1 

59 

25  95 

2  >. 

27  95 

16 

76 

1 

77 

59  50 

..  50 

60  » 

n 

216 

14 

230 

345  50 

74  50 

420  » 

18 
19 
20 
21 
22 

72 

» 

72 

119  50 

»  » 

119  50 

23 

>> 

23 

32  40 

j)  » 

32  40 

76 

1 

77 

212  17 

6  » 

218  17 

31 

31 

47  20 

»  >) 

47  20 

19 

„ 

19 

17  35 

»  » 

17  35 

23 
24 
25 

105 

» 

105 

157  72 

»  » 

157  72 

186 

8 

194 

333  36 

18  .. 

351  36 

375 

375 

272  30 

»  >) 

272  30 

26 

262 

4 

266 

145  84 

8  25 

154  09 

27 

173 

10 

183 

227  16 

111  15 

338  31 

3103 

98 

3201 

4252  52 

599  13 

4851  65 

Des  renseignements  que  j'ai  pu  faire  prendre  dans  les  docu- 
ments officiels,  il  résulte  qu'en  1851  le  Comité  exécutif  était 


30  VISITE 

en  possession,  dès  la  fin  de  novembre,  de  toutes  les  listes 
d'exposants,  à  l'exception  de  celles  de  Manchester  et  de 
Londres,  qui  ne  furent  complétées  qu'au  commencement  de 
février.  On  sait  d'ailleurs  que  l'ouverture  de  cette  Exposition 
avait  été  fixée,  et  a  eu  réellement  lieu  au  1"  mai. 

Les  documents  étrangers  n'avaient  pas,  au  point  de  vue  des 
travaux  du  classement,  la  même  importance  que  les  docu- 
ments français,  puisque  nous  ne  nous  proposions  d'intervenir 
en  rien  dans  l'arrangement  intérieur  des  compartiments  al- 
loués aux  autres  pays  ;  mais  la  date  de  leur  arrivée  n'a  pas 
laissé  que  d'avoir  une  influence  considérable  sur  la  rédaction 
du  catalogue  de  M.  Rondot. 

Voici  toutefois  les  dates  de  l'arrivée  des  premiers  rensei- 
gnements officiels  pour  chaque  pays  : 


Dates  d'arrivées  des  premiers  documents  reçus  des  divers  pays 
représentés  à  l'exposition  de  1865. 

Angleterre 25  février. 

Zollwerein 9  mars. 

Autriche 10  avril. 

Belgique 15  mars. 

États-Unis 15  février. 

Suisse 5  février. 

Hollande 15  mars. 

Turquie 15  mars. 

Danemarck 20  avril. 

Egypte 15  mai. 

Espagne 10  avril. 

Portugal 15  mai. 

Rome 10  avril. 

Sardaigne 24  février. 

Suède  et  Norvège 2  mai. 

Toscane 15  avril. 

Tunis 1o  mai. 

États  du  nord  de  l'Allemagne. . .  15  février. 

États  de  l'Amérique  méridionale.  10  mai. 

Grèce 19  mars. 

L'arrivée  tardive  de  ces  documents  peut  faire  pressentir  que 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  31 

de?'  retards  du  même  ordre  ont  eu  lieu  pour  l'arrivasie  des 
colis,  sans  lesquels  aucune  installation  définitive  n'était  pos- 
sible. Quelques  caisses  isolées  avaient  été  reçues  au  Palais 
de  l'Industrie  dans  le  courant  du  mois  de  février;  les  récep- 
tions furent  encore  peu  nombreuses  en  mars,  et  ce  fut  seule- 
ment en  avril  que  les  envois  furent  assez  considérables  pour 
nous  offrir  des  embarras  sérieux,  alors  qu'il  fallait  les  rece- 
voir à  la  fois  dans  le  palais  et  dans  l'annexe  et  les  surveiller 
dans  ces  deux  constructions  qui  n'étaient  encore  closes  d'au- 
cun côté. 

Les  premiers  arrivages  avaient  dû  être  placés  provisoire- 
ment dans  le  bâtiment  principal,  d'où  il  fallut  ensuite  les 
transporter  à  l'annexe.  Aussitôt  que  le  dépouillement  des  do- 
cuments écrits  nous  avait  permis  d'assigner  une  place  aux 
diverses  industries  qui  devaient  être  reçues  dans  le  palais, 
chaque  caisse  était  portée  dans  la  salle  même  où  les  produits 
devaient  être  installés,  et  cette  disposition  importante  fut 
exécutée  avec  l'ordre  le  plus  parfait;  mais,  par  suite  des 
heureuses  circonstances  que  nous  aurons  à  signaler  bientôt, 
nous  verrons  que  les  locaux  affectés  à  certaines  industries 
spéciales  durent  pour  la  plupart  changer  de  destination,  ce 
qui  vint,  dans  une  grande  proportion,  entraver  la  plupart  des 
mesures  d'ordre  qui  avaient  été  mûrement  débattues  et  arrê- 
tées au  commencement  des  opérations.  Ces  mesures,  cha- 
que fois  modifiées  quand  les  circonstances  en  faisaient  en- 
trevoir la  nécessité,  n'eurent  pas  toujours  pour  effet  de 
régler  toutes  les  difficultés  avec  la  précision  qu'elles  auraient 
inévitablement  atteinte  s'il  n'était  survenu  aucune  modifi- 
cation. 

Vers  la  fin  du  mois  de  mars  les  travaux  de  dépouillement 
étaient  complètement  terminés,  au  moins  pour  les  documents 
transmis.  Un  grand  nombre  de  places  collectives  étaient  déjà 
distribuées  sur  le  papier;  mais  il  devenait  nécessaire  de  dis- 
tribuer le  service  entre  toutes  les  personnes  qui  devaient  y 
coopérer,  pour  désigner  dès  lors  les  emplacements  indi- 
viduels. 

Plusieurs  d'entre  nous  s'étaient  jusqu'alors  mis  constam- 
ment ,  au  palais  de  l'Exposition,  à  la  disposition  de  toutes 
les  demandes  individuelles;  mais  à  partir  de  cette  date,  le 
service  du  classement  y  fut  complètement  installé  dans  des 


32  VISITE 

locaux  qui  n'étaient  pas  terminés  encore,  mais  qui  suffirent  à 
tous  les  besoins. 

A  partir  de  cette  époque,  chaque  inspecteur  fut  chargé 
d'un  service  spécial;  la  première  édition  du  catalogue  donne 
la  nomenclature  de  cette  distribution,  qui  fut  plus  tard  mo- 
difiée suivant  l'état  d'avancement  de  telle  ou  telle  partie  du 
service. 

M.  Savoye  avait  pris  la  direction  de  la  réception  des  colis: 
M.  Picot  voulut  bien  se  charger  de  la  concentration  de  tous 
les  documents  et  de  toutes  les  mesures  d'ordre  que  leur  con- 
servation exigeait;  M.  Dahlstein  continua  la  direction  des 
plans  d'ensemble,  sur  lesquels  était  faite  avec  la  plus  grande 
exactitude  la  désignation  de  toutes  les  places  assignées. 

C'est  au  moyen  de  cette  distribution  du  service ,  dans  la- 
quelle chacun  avait  des  attributions  déterminées ,  mais  sou- 
mises à  une  direction  générale,  qu'il  devint  possible  d'a- 
chever en  grande  partie  pour  le  15  avril  la  répartition  des 
places  dans  le  palais  principal  ;  dans  l'annexe  les  travaux 
étaient  moins  avancés^  surtout  dans  la  section  des  produits  , 
par  suite  de  la  non-livraison  de  la  galerie  supérieure,  dont 
les  travaux,  en  encombrant  le  plancher,  ne  nous  permirent 
d'utiliser  jusqu'alors  ni  l'élage  ni  le  sol. 

Pour  donner  à  cette  partie  du  travail  son  caractère  propre, 
il  m'a  paru  utile  de  faire  dresser  un  état  complet  des  dates 
de  l'arrivée  des  colis  français  et  étrangers  ;  les  documents  re- 
cueillis dans  le  prst  report  des  commissaires  anglais  pour 
l'Exposition  de  185!  noiis  ont  permis,  dans  cet  état,  d'indi- 
quer d'une  manière  comparative  les  mêmes  dates  pour  les 
deux  expositions  universelles.  Un  enseignement  important 
doit  ressortir  de  ces  chiffres,  qui  ont  été  continués  jusqu'à  la 
fin  de  juin. 


A   L'EXPOSITION   UMVERSELLK. 


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A  L'EXPOSITIOX   UNIVERSELLE.  3f) 

De  ces  cliiffres  officiels  que  nous  avons  restreints  autant  que 

possible,  il  résulte  que  les  arrivages  étaient,  aux  différentes 
époques ,  les  suivants  : 

1851,  1855. 

Le  \  5  février 181  » 

22      —     4,057  » 

28      —     3,681 

8  mars 5,970  » 

15    —     8,199  15 

22     —    10,420  1,485 

31     —     14,282  4,351 

5  avril 18  850  7  842 

12     —     23  875  11  125 

19     —     24  302  14  233 

30     —     28  681  17  779 

10  mai 29  223  21  660 

17  —  29  348  22  430 

24  —   29  483  22  710 

31'—   29  950  24  186 

7  juin 30  001  24  459 

14  —    30  035  24  744 

22  —   30  089  25  272 

30  — 30  236  25  978 


Le  15  mars,  on  avait  reçu  à  Londres  plus  de  8000  colis;  à 
Paris,  15  seulement,  et  cette  différence  ne  fait  qu'augmenter 
jusqu'au  12  avril,  époque  à  laquelle  elle  s'élève  à  12  000. 
Tandis  qu'à  cette  époque  l'Exposition  de  Londres  avait  reçu 
les  quatre  cinquièmes  de  ses  colis,  l'Exposition  de  Paris  n'é- 
tait en  possession  de  ces  quatre  cinquièmes  que  le  10  mai, 
cinq  jours  avant  l'ouverture  de  l'Exposition. 

Tandis  que  pendant  le  mois  de  mai  l'Angleterre  a  reçu 
1300  colis,  la  France  en  a  reçu  7000;  en  juin,  les  chiffres 
respectifs  sont  de  250  et  de  1500. 

On  s'étonnera  sans  doute  que  l'Exposition  de  1855  accuse 
un  moins  grand  nombre  d'envois  que  celle  de  1851.  Cela 
lient  uniquement  à  ce  que  les  fabricants  parisiens  ont  apporté 
leurs  produits  sans  emballage,  et  que  si  ceux  de  Londres  ont 
fait  de  même,  ils  sont  incomparablement  moins  nombreux,  la 


36  VISITE 

capitale  de  l'Angleterre  n'étant  pas,  à  l'égale  de  la  nôtre,  une 
ville  manufacturière. 

Encore  bien  qu'il  ne  m'appariienne  pas  d'examiner  les 
causes  de  ces  différences,  que  je  ne  puis  attribuer  qu'aux  in- 
certitudes de  la  e>iluation  générale,  il  ne  sera  pas  inutile 
d'observer  que  les  retards  les  plus  cons'uiérables  se  remar- 
quent dans  les  envois  des  puissances  étrangères. 

L'Angleterre  avait  encore  à  recevoir  le  4"  mai  1855 
2000  colis  ;  la  France  n'en  atlendait  plus  à  la  même  date,  en 
1851,  que  340.  Les  États  allemands  du  Zolwerein  ne  reçu- 
rent à  la  première  Exposition  que  46  colis  après  le  30  avril  ; 
il  en  a  reçu  500  à  partir  de  la  même  époque,  en  1855.  L'Au- 
triche, après  le  1"  mai  de  cette  année,  a  encore  admis 
1600  colis,  tandis  qu'à  Londres  son  contingent  ne  s'est  com- 
plété que  par  42  colis  seulement.  Tous  les  autres  États  sont 
dans  une  semblable  situation ,  et  ils  doivent  s'attribuer  une 
orande  part  dans  les  retards  dont  les  journaux  étrangers  se 
sont  plaints.  La  moyenne  des  retards  pour  les  nations  étran- 
gères seulement  est  d'environ  six  semaines;  n'eussions-nous 
eu  que  ces  seules  difficultés  à  surmonter,  qu'encore  nous 
aurions  fait  preuve  d'une  diligence  plus  grande,  en  étant 
prêts  le  15  juin,  comme  l'était  le  bâtiment  de  Hyde  Park  au 
jour  de  l'ouverture,  c'est-à-dire  fort  incomplètement.  Après 
avoir  disculpé  la  France  du  reproche  d'inexactitude  qu'un 
examen  moins  attentif  pourrait  lui  attribuer,  examinons  à  un 
autre  point  de  vue  les  préparatifs  de  l'Exposition.  En  fixant 
au  l*""  mars  la  limite  à  laquelle  les  colis  devaient  être  admis, 
la  commission  impériale  était  loin  de  compter  que  la  moitié 
seulement  des  envois  serait  réunie  le  20  avril,  dix  jours  avant 
l'ouverture  annoncée;  elle  n'avait  pu  prévoir  que,  même  à 
cette  époque,  l'état  des  bâtiments  ne  permettrait  pas  de  rece- 
voir les  produits,  et  que  les  exposants  eux-mêmes  refuseraient 
d'exposer  aux  inconvénients  d'un  bâtiment  inachevé,  tous  les 
objets  présentant  quelque  délicatesse  ou  quelque  frai\'heur. 

Mais  il  nous  faut  remonter  en  arrière  pour  apprécier,  dans 
leurs  conséquences,  les  modifications  de  superficie  que  le  re- 
tour du  Prince  entraîna.  Dans  la  partie  française,  les  manu- 
factures impériales  avaient  été  placées  près  de  la  porte  nord- 
est  ;  autour  d'elles,  les  meubles,  les  instruments  de  musique 
venaient  prendre  place;  puis,  en  remontant  vers  l'ouest. 


A   L'EXPOSITION  L'MVERSELLE.  liT 

I  imprimerie,  les  dessins  de  fabrique  et  la  plastique  indus- 
trielle, la  céramique,  la  verrerie,  les  bronzes,  les  armes  et  la 
quincaillerie.  La  plupart  des  places  étaient  distribuées  déjà; 
la  lin;j;erie  et  la  confection  devaient  occuper  la  grande  2;alerie 
latérale;  les  tissus,  au  rez-de-chaussée,  étaient  dès  lors  en 
possession  des  salles  occupées  aujourd'hui  par  Lille ,  par 
Reims  et  par  les  centres  de  l'industrie  drapière. 

Beaucoup  de  départements, ceux  surtout  qui  avaient  le  plus 
tardé  à  se  mettre  en  règle,  demandaient  des  augmentations 
d'espace;  certaines  industries  parisiennes  étaient  en  récla- 
mation; le  déficit  contre  lequel  nous  n'avions  cessé  de  com- 
battre allait  en  augmentant. 

Tel  était  l'état  des  choses  lorsqu'à  son  retour  le  prince  Na- 
poléon, plus  que  jamais  convaincu  de  l'insuffisance  du  hical 
et  de  la  nécessité  de  réunir  Tannexe  au  bâtiment  principal , 
fit  décider  roccupalion  du  Panorama  et  sa  jonction  à  ces 
deux  bâtiments  au  moyen  d'une  galerie  et  d'un  passage  au- 
dessus  du  Cours-la-Reine,  ainsi  que  cela  avait  été  proposé  dès 
le  mois  de  juillet  18oi.  Il  obtenait  en  même  temps  la  clôture, 
jusque-là  refusée,  de  la  portion  des  Champs-Elysées  qui  est 
aujourd'hui  occupée  par  divers  hangars. 

Sans  c<^s  accroissements  de  superficie  et  cette  réunion  des 
deux  bâtiments,  il  eût  été  impossible  de  recevoir  tous  les 
produits  admis,  et  en  levant  les  objections  qui  avaient  été, 
en  son  absence,  opposées  à  ce  projet,  S.  A.  I.  a  rendu  à 
l'Exposition  un  immense  et  incontestable  service;  mais  cette 
mesure  tardive  vint  apporter  de  nouveaux  relards  au  classe- 
ment même  des  produits.  La  distribution  dt-s  espaces  aux 
exposants  français,  qui  avait  été  terminée  et  tracée  sur  le 
terrain  après  tant  de  labeurs  et  de  peines,  était  à  refaire  en 
entier,  et  des  travaux  d'installation  déjà  très-avancés  durent 
être  sacrifiés. 

Son  .4ltesseTmpériale,danssa  sollicitude  pour  les  demandes 
le?  plus  fondées,  décida  qu'une  nouvelle  annexe,  communi- 
quant avec  les  deux  palais,  couvrirait  dans  toute  sa  largeur 
l'avenue  occupée  aujourd'hui  par  le  hangar  de  l'agriculture. 
Nous  proposâmes  aussitôt  un  nouveau  projet  de  distribution  ; 
le  lendemain  de  celte  décision,  des  in.-tructions  nouvelles 
avaient  été  approuvées  par  M.  le  commissaire  général .  et 
chacun   travaillait  au  nouveau  projet.   L'étude  de  certaines 


38  VISITE 

difficultés,  particulièrement  celles  qu'entraînerait  pour  l'Au- 
triche la  communication  à  établir  sur  son  terrain,  amenèrent 
bientôt  à  la  pensée  d'occuper  le  panorama.  Ce  fut  le  20  avril 
que  cette  décision  fut  prise,  décision  dont  la  portée  a  exercé 
sur  le  succès  de  l'entreprise  une  influence  si  considérable, 
mais  qui  avait,  au  point  de  vue  de  la  rapidité  des  travaux, 
ce  double  inconvénient  d'exiger  encore  une  fois  des  disposi- 
tions nouvelles  pour  l'installation  des  produits  déjà  pourvus 
de  leurs  emplacements ,  et  de  conduire  à  un  nouveau  choix 
dans  les  produits  qui  occuperaient  la  galerie  de  communica- 
tion. 

Tandis  que  dans  le  cas  de  la  galerie  unique,  nous  y  au- 
rions mis  la  quincaillerie,  la  grosse  céramique ,  les  instru- 
ments de  précision,  les  appareils  de  chirurgie,  ce  qui  concerne 
le  chauffage  et  l'éclairage,  il  nous  fallut  au  contraire  grouper 
autour  du  panorama  les  produits  les  plus  brillants,  destinés 
à  former  cortège  aux  chefs-d'œuvre  des  manufactures  impé- 
riales. Les  meubles,  les  instruments  de  musique,  leâ  tapis,  les 
papiers  peints,  les  dessins  industriels  furent  proposés  à  l'ap- 
probation de  Son  Altesse  Impériale,  et  aussitôt  les  emplace- 
ments déjà  distribués  dans  le  palais  à  ces  industries  durent 
céder  à  d'autres  le  droit  acquis,  et  dans  bien  des  cas,  l'instal- 
lation commencée.  Le  travail  ainsi  modifié  reçut  une  exécu- 
tion aussi  prompte  que  possible,  et  l'on  voit  par  la  note  ci- 
jointe,  que  j'ai  écrite  dans  la  nuit  du  14  au  15  mai,  et  que 
Son  Altesse  Impériale  a  fait  insérer  dans  le  catalogue  officiel, 
que  toutes  les  dispositions  étaient  alors  prises,  qui  ont  été 
définitivement  exécutées. 


Distribution  des  objets  exposés. 

«  Les  bâtiments  consacrés  à  l'Exposition  universelle  de  1 855 
devaient  se  composer  d'abord  du  palais  de  l'Industrie,  con- 
struit sur  le  carré  Marigny,  et  de  l'annexe  établie  sur  la  rive 
droite  de  la  Seine,  sur  une  longueur  de  1200  mètres,  depuis 
la  place  de  la  Concorde  jusqu'au  nouveau  pont  de  l'Aima. 
Par  décision  de  S.  A.  I.  le  prince  président  de  lacommission 
impériale,  ces  deux  bâtiments  sont  en  ce  moment  réunis  par 
une  galerie  de  jonction  qui,  partant  de  l'entrée  sud  du  palais. 


A  L'EXPOSITION   UJNIVEKSELLE.  30 

traverse  et  entoure  l'ancien  panorama,  et  conduit  au  rez-de- 
chaussée  de  l'annexe  par  un  double  pont  sous  lequel  on  a  pu 
conserver  la  circulation  du  Cours-la-Reineetdel'alléelatérale. 

ce  Une  vaste  enceinte  de  22  087  mètres  carrés  a,  en  outre, 
été  réservée  autour  du  panorama  pour  placer  les  objets  d'un 
grand  volume,  les  modèles  de  constructions,  divers  pavillons, 
des  vitraux,  et  un  hangar  de  1500  mètres  carrés  de  surface 
pour  les  voitures  et  les  machines  agricoles. 

((  La  libre  circulation  des  visiteurs  dans  cette  enceinte,  cjui 
donne  accès  à  d'immenses  buffets ,  ajoutera  sans  doute  un 
grand  intérêt  à  l'Exposition. 

«  La  surface  totale  recouverte  est  ainsi  répartie  entre  les 
différentes  constructions  : 

«  Palais  principal,  y  compris  les  marquises 

d'entrée 32  665  mètres. 

«  Annexe  aveclebàtiment  des  chaudières.     33  700 

«  Galerie  de  jonction  ,  avec  les  buffets.  .       9  026 

«  Galerie  des  voitures  et  des  machines  agri- 
coles       1  500 

a  Surface  couverte  dans  l'enceinte  par  ap- 
proximation          500 

«  Total.  .  .   .  107  510  mètres. 

(c  Le  bâtiment  de  l'Exposition  de  Londres  présentait  en  rez- 
de-chaussée  et  galeries,  une  surface  totale  de  94  000  mètres 
seulement. 

((  Les  différents  pays  qui  ont  pris  part  à  l'Exposition  y  sont 
représentés  chacun  en  plusieurs  endroits;  en  général,  les 
produits  des  onze  premières  classes  du  système  de  classifica- 
tion ont  été  placés  dans  l'annexe;  mais,  dans  ce  bâtiment 
même,  les  machines  sont  toutes  placées  entre  l'avenue  d' An- 
tin  et  Chaillot,  tandis  que  les  autres  produits  occupent  l'autre 
moitié  du  bâtiment,  entre  la  place  de  la  Concorde  et  l'avenue 
d'Antin. 

«  Dans  chacune  de  ces  divisions,  comme  dans  le  palais  prin- 
cipal, les  différents  produits  d'une  même  nation  se  trouvent 
groupés  ensemble,  et  pour  chacune  d'elles  on  s'est  efforcé  de 
réunir  les  produits  similaires. 

((Les  surfaces  occupées  parles  diverses  nations  se  trouvent 
ainsi  réparties  : 


40 


VISITE 


PALAIS  PRINCIPAL. 


nu't. 

France 2'2  664 

Angleterre 9  l4l 

Etals  de  l'Association 

allemande 4  855 

Autriche 2  8;'8 

Belgique 2  604 

Siiisse 1  î  Kl 

Etats-Unis ifii9 

Hollande 300 

Turquie 330 

Danemark 300 

Egypte 363 

Espagne 338 

Etats  Romains 307 

Etats  Sardes 350 

Portugal 33G 

Suède  et  Norvège 300 

Toscane 315 

Tunis 130 

Villes  hanséaliques...  138 

Grèce 104 

Etats    de    l'Amérique 

du   sud 216 


SecLion 

des 
produits, 


met 
6888 
3608 

2732 
2132 
984 
656 
984 
570 
246 
207 
2i6 
162 
164 
328 
108 
3 15 
246 
164 
108 
82 

246 


Sert!  on 

fies 
macdi- 

nés. 


met. 
8316 
3348 

1296 
972 
972 
54 
270 
120 

40 


40 


GALERIE 

de 

jonction. 


met. 
8000 


met. 
45  8n8 
16  100 

8  883 

5  932 

4  560 

1826 

2  87  3 

990 

576 

547 

6i>9 

490 

471 

678 

444 

655 

561 

294 

246 

186 

462 


«  Ces  chill'res  ne  comprennent  pas  les  surfaces  des  escaliers, 
buffets  et  dépendances. 

((  Dans  le  palais  principal,  la  moitié  du  rez-de-chaussée  est 
exclusivement  occupée  par  les  produits  français,  La  nef 
contient  des  pièces  monumentales  de  tous  les  pays.  En 
face  des  produits  manufacturés  de  la  France  se  trouvent  ceux 
de  l'Angleterre,  des  États-Unis  d'Amérique,  de  la  Belgique, 
de  l'Autriche  et  des  États  de  l'Associiilion  allemande. 

«  Dans  la  galerie  supéric'ure,  les  nations  étrangères  occupent 
une  place  proporlionnellement  plus  grande  par  rapporta  celle 
qui  est  réservée  à  la  France,  et  leurs  [)roduits  y  sont  disposés 


A  L'EXPOSITlOiN   L'iNl VEUSELLE.  M 

dans  l'ordre  suivant,  en  parlant  de  l'escalier  principal  et  en 
faisant  le  tour  de  la  galerie  vers  la  gauche:  France,  Sardai- 
gne,  États-Pontificaux,  Toscane,  Grèce,  Turquie,  Tunis, 
Égypie,  Angleterre,  Étals  Unis,  Amérique  du  sud,  Belgique, 
Autriche,  Association  allemande,  Villes  hanséatiques,  Dane- 
mark, Suède  et  Norvège,  Hollande,  Suisse,  Espagne,  Portu- 
gal, France. 

«  Des  nécessités  partculières  ont  obligé  à  modifier  en  quel- 
que point  cet  ordre  dans  l'annexe,  où  il  est  remplacé  par  la 
disposition  suivante,  en  partant  de  la  place  de  la  Concorde. 

«  Section  des  produits  :  Angleterre,  États-Unis,  Amériquedu 
sud,  Tunis,  Egypte,  Turquie,  Grèce,  Toscane,  Élats-Pontifi- 
caux, États  sardes, Portugal  et  E^pagne, Suisse,  Hollande, Villes 
han;éaiiques,  Danemaik,  Suéde  et  Norvège,  Étals  de  l'Asso- 
ciation allemande,  Autriche,  Belgique  et  France. 

a  Section  des  machines  ;  France,  Belgique,  Autriche,  Asso- 
ciation allemande,  Angleterre,  Hollande,  Suisse,  Danemark, 
Suède,  Norvège  et  Étals-Unis  de  l'Amérique  du  sud. 

«  Les  instruments  agricoles  et  les  voitures  sont  pour  la  plu- 
part réunis  dans  les  constructions  qui  entourent  le  pano- 
rama. 

«  Une  partie  des  produits  français  étant  en  outre  distribués 
dans  la  galerie  de  jonction,  il  ne  sera  peut-être  pas  inutile 
d'indiquer  en  quelques  mots  dans  cette  noie  comment  ils  se 
trouvent  répartis. 

«  Annexe  :  En  partant  de  l'avenue  d'Antin  et  se  dirigeant 
vers  la  place  de  la  Concorde,  on  trouvera  successivement  au 
rez-de-chaussée  les  produits  de  l'A'gérie  et  des  autres  colonies 
françaises,  les  matières  minérales  et  les  produits  métallur- 
giques, compris  dans  la  première  classe  du  système  de  clas- 
sement, ceux  des  classes  2,  3,  8,  9,  10,  11  et  12. 

«  Les  machines  qui  forment  les  classes  4,  5,  6  et  7  se  trou- 
vent immédiatement  auprès  de  l'entrée  principale,  en  face  de 
l'avenue  d'Antin. 

«  La  galerie  de  jonction  contiendra,  d'un  côté,  les  objets  de 
métal,  la  quinc;iilierie,  la  coutellt^rie,  les  fontes  moulées,  les 
modèles  de  constructions  civiles  et  les  armes.  Elle  renfermera 
dans  l'autre  partie  de  son  pourtour  les  meubles  et  les  instru- 
ments de  musique  que  les  nouvelles  dispositions  prises  ont 
permis  d'enlever  au  bâtiment  principal,  réservé  dès  lurs  aux 


42  VISITE 

tissus  (le  toutes  sortes,  à  la  céramiijue  et  à  la  \errerie,  aux 
bronzes,  à  la  bijouterie,  à  lorfévrerie,  à  riniprimerie,  à  l'art 
industriel  et  aux  articles  de  fantaisie. 

a  Les  produits  des  manufactures  impériales  et  les  diamants 
de  la  couronne  trouveront  place  dans  la  partie  centrale  de 
l'ancien  panorama. 

«  Le  commissaire  du  classement, 
«  H.  T.  » 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  des  heureuses  dispositions  prises 
sous  la  direction  de  M.  le  général  Morin,  pour  la  réception  des 
produits,  pour  l'installation  du  service  des  douanes,  pour  le 
déchargement  et  le  bardage  des  colis,  pour  le  service  médi- 
cal, pour  la  distribution  des  cartes  provisoires  et  définitives 
des  exposants  ;  chaque  jour  amenaitses  difficultés, qui, suivant 
leur  degré  d'importance,  étaient  décidées  par  le  président  de 
la  commission  impériale  ou  par  les  fonctionnaires  compétents; 
mais  il  est  une  question  plus  grave  qui  a  exercé  aussi  une 
énorme  influence  sur  la  rapidité  des  aménagements  extérieurs  : 
nous  voulons  parler  de  l'installation  des  vitrines. 

La  compagnie  du  palais  de  l'Industrie  qui  avait  pris  l'i- 
nitiative de  l'exécution  des  divers  bâtiments,  et  qui  les 
avait  construits  en  vertu  de  contrats  spéciaux,  avait  cru 
trouver  dans  ses  contrats  mêmes  le  droit  absolu  pour  elle 
d'exécuter,  sans  distinction,  tous  les  travaux  d'emménagement 
intérieur,  soit  pour  le  compte  individuel  des  exposants,  soit 
pour  celui  de  la  commission  impériale.  Cette  prétention  qui 
ne  nous  parut  pas  suffisamment  justifiée,  et  qui  d'ailleurs 
paraissait  en  opposition  manifeste  avec  l'article  du  règlement 
général,  fut,  après  pourparlers,  discutée  en  sous-commission, 
La  décision  qui  intervint,  tout  en  refusant  de  sanctionner 
une  prétention  si  nettement  formulée,  maintint  à  la  compa- 
gnie le  droit  d'exécuter  les  travaux,  dont  le  règlement  par 
la  commission  serait  d'ailleurs  obligatoire,  tout  en  réservant 
aux  exposants  la  faculté  de  les  faire  exécuter  par  eux-mêmes, 
ou  par  telsouvriersqu'il  leur  plairait.  Nous  fûmes  en  consé- 
quence invités  à  adresser  les  exposants  à  la  compagnie,  tout 
en  les  informant  toujours  qu'ils  n'étaient  aucunement  tenus  à 
s'adresser  à  elle.  La  faculté  de  faire  régler  les  mémoires  par 
la  commission  impériale  fut  sans  doute  la  raison  dominante 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  43 

qui  fil  affluer  chez  les  entrepreneurs  de  la  compagnie  des 
demandes  nombreuses,  que  ceux-ci  ne  s'étaient  pas  suffisam- 
ment mis  en  mesure  d'exécuter,  alors  surtout  que  l'exécution 
des  cloisons  et  des  tables,  à  la  charge  de  l'administration, 
avait  été  forcément  confiée  aux  mêmes  entrepreneurs. 

De  tous  les  travaux  d'installalion,  ce  sont  ceux  relatifs  à  la 
confection  des  vitrines  qui  éprouvèrent  les  plus  grands  retards; 
aux  plaintes  qu'on  lui  adressait  sur  le  défaut  apparent  d'acti- 
vité dans  les  travaux  dont  il  était  chargé,  le  principal  entre- 
preneur répondait  que  tout  le  montage  se  faisant  chez  lui,  la 
mise  en  place  ne  demanderait  qu'un  temps  très-court ,  et  un 
grand  nombre  d'exposants,  tant  étrangers  que  français, 
exprimèrent  les  plus  vifs  mécontentements,  lorsque,  après  les 
délais  expirés,  ils  reconnurent  que  leurs  travaux  étaient  à 
peine  commencés.  De  là  des  récriminations  interminables  qui 
nous  forcèrent,  à  un  instant  donné,  à  introduire  de  nouveaux 
entrepreneurspourfaireà  la  hâte  les  travaux  les  plus  urgents. 
Quelques  difficultés,  survenues  d'ailleurs  sur  la  question  du 
payement  des  mémoires,  n'ont  peut-être  pas  été  sans  influence 
sur  la  lenteur  de  certains  travaux  ;  peut-être  aussi  les  con- 
structeurs du  bâtiment  trouvaient-ils  dans  les  retards  des  in- 
stallations individuelles,  cet  avantage  qu'on  penserait  moins 
à  leur  attribuer  les  lenteurs  de  leur  propre  travail. 

Des  difficultés  d'un  autre  genre  se  levèrent  bientôt  sur  les 
limites  des  droits  de  la  Compagnie  du  palais  de  l'Industrie  et 
delà  Commission  impériale,  en  ce  qui  concernait  une  foule 
de  détails  du  service  intérieur;  elles  ne  purent  être  réglées 
qu'après  de  nombreux  pourparlers  et  des  difficultés  sé- 
rieuses. 

A  mesure  que  les  préparatifs  du  classement  avançaient ,  il 
devenait  de  plus  en  plus  nécessaire  de  presser  l'achèvement 
du  bâtiment  principal  et  de  l'annexe  pour  y  faire  les  prépa- 
ratifs d'installation  des  produits;  mais,  sans  action  directe, 
sans  pouvoir  sur  les  entrepreneurs  de  la  Compagnie,  le  com- 
missaire général  ne  pouvait  que  réclamer  une  action  plus 
vive  de  la  part  du  ministère  d'État.  Des  difficultés  réelles,  et 
dont  il  est  juste  de  tenir  compte  à  la  Compagnie,  apportaient 
à  ses  travaux  des  retards  très-fâcheux  et  indépendants  de  sa 
volonté.  La  prolongation  des  froids,  les  exigences  des  ou- 
vriers, tout  concourait  à  empêcher  l'achèvement  des  travaux, 


ii  MSI  TE 

et  les  relards  lurent  tels  que  le  bâtiment  principal,  qui  de- 
vait être  livré  le  31  janvier  1854,  le  fut  à  peine  le  6  mai,  huit 
jours  avant  la  séance  d'ouverture,  et  que  l'annexe  ne  l'a  été 
que  plus  de  six  semaines  après. 

A  travers  toutes  ces  complications,  une  question  impor- 
tante, négligée  à  l'origine  des  études  sur  le  bâtiment  princi- 
pal, celle  de  la  ventilation  d'un  local  couvert  en  verre  et 
destiné  à  recevoir  un  public  si  nombreux,  avait  été,  encore 
à  temps,  vers  la  fin  de  1854,  soulevée  par  la  commission  et 
examinée  par  M.  le  général  Morin  et  par  M.  Vaudoyer;  mais 
les  moyens  qu'ils  avaient  indiqués  alors ,  bien  que  d'une 
exécution  facile  à  cette  époque,  n'avaient  pas  été  acceptés, 
et  elle  était  restée  en  suspens  jur^que  vers  le  milieu  de  février, 
époque  à  laquelle  M.  le  ministre  d'État  chargea  une  commis- 
sion spéciale,  présidée  par  M.  Regnault,  de  lui  proposer  une 
solution. 

Mais  déjà  le  plancher  était  posé,  une  grande  partie  des 
tables  étaient  en  place,  et  il  n'était  plus  possible  d'établir  des 
canaux  d'appel  convenablement  multipliés  et  répartis.  La 
commission  fut  obligée  de  se  borner  à  prescrire  l'ouverture 
de  deux  galeries  d'appel  parallèles,  de  grandes  sections  desti- 
nées à  amener,  dans  les  passag^^s  et  sous  les  tables,  de  l'air 
qui  y  arriverait  par  les  orifices  extérieurs  du  bâtiment,  et  à 
faire  ouvrir,  dans  le  faîte  des  arcs  en  f»  r,  des  lanternes  d'é- 
chappement. Ces  moyens,  employés  tardivement,  ont  entraîné 
des  travaux  qui  ont  troublé  et  entravé  l'installation  des 
produits  de  manière  à  donner  lieu  à  des  réclamations  nom- 
breuses et  fondées  de  la  part  des  commissaires  étrangers,  et 
l'expérience  a  prouvé  que  l'appel  de  l'air,  au  lieu  de  se  faire 
parles  galeries,  avait  simplement  lieu  par  les  portes  et  par 
les  fenêtres  du  palais.  La  quantité  d'air  évacué  a  d'ailleurs 
été  trouvée  suffisante,  et  d'environ  28  mètres  par  personne, 
en  admettant  qu'il  y  ait  25  000  visiteurs  dans  le  palais. 

Pour  en  finir  avec  les  difficultés  inliérentes  au  bâ'iment,  il 
nous  reste  à  dire  quels  effets  fâcheux  l'action  du  soleil  et 
celle  de  la  pluie  qui  tombait  à  travers  les  toitures,  et  surtout 
à  l'annexe,  exercèrent  longtemps  leur  influence,  non  pas 
seulement  en  détériorant  les  produits,  mais  en  arrêtant  leur 
installation. 

J'ai  fait  faire  a  la  date  du  2i  avril,  par  l'un  des  inspecteurs 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  45 

du  service  de  classement,  un  état  abrégé  de  ce  qui  manquait 
au  bâtiment  principal  pour  être  terminé. 

A  cette  date ,  la  porte  de  l'entrée  principale  n'était  pas  po- 
sée, non  plus  que  celles  des  entrées  e.>t  et  ouest.  Celles  des 
quatre  pavillons  d'angle  étaient  en  place,  mais  sans  ferrures 
et  sans  vitrages.  Le  dallage  en  bitume  près  des  entrées  était 
à  peine  commencé. 

Aucun  water  closet  n'était  encore  établi  dans  ce  bâtiment, 
qui  devait  quelques  jours  plus  tard  recevoir  des  milliers  de 
visiteurs;  aucun  paratonnerre  n'était  encore  posé  à  cette  épo- 
que; mais  ce  travail  fut  exécuté  plus  tard  avec  une  précision 
et  une  ponctualité  admirables  sous  l  habile  direction  de 
M.  Bridel. 

Le  conduit  de  ventilation  était  encore  incomplet  sur  divers 
points,  ainsi  que  le  plancher,  aux  endroits  où  il  avait  été  en- 
levé pour  la  construction  de  ce  conduit.  Les  supports  en  fer 
de  la  lanterne  supérieure  manquaient  en  différents  endroits, 
mais  ils  étaient  mis  en  place  pour  toutes  les  lanternes  de  la 
nef.  La  pose  du  vitrage  entraînait  de  graves  inconvénients 
pour  l'installation  des  produits,  par  suite  des  nombreux  dé- 
bris de  verre  qui  tombaient  à  chaque  instant. 

Le  sol  et  les  toitures,  on  le  voit,  étaient,  avec  les  portes  et 
les  fenêtres,  les  parties lesmoins  avancées,  celles  par  lesquelles 
se  terminait  le  travail.  Nous  avons  dit  déjà  comment  les  be- 
soins d'une  ventilation  suffisante  avaient  exigé  à  cet  égard  quel- 
ques travaux  supplémentaires,  et  l'on  conçoit  toute  la  gêne  que 
la  conduite  de  ces  opérations  a  dû  apporter  dans  l'organit-ation 
de  tous  les  aménagements  intérieurs.  En  même  temps,  la  re- 
confection du  plancher,  qui  avait  été  fait  jointif,  quoique  par 
parties  détachées,  et  dans  lequel  il  fut  reconnu  plus  tard  qu'il 
convenait  de  laisser  des  vides  entre  les  planches,  était  venue 
bouleverser  toutes  les  cloisons  et  toutes  les  tables  déjà  con- 
struites, à  tel  point  que  quelques-unes  d'entre  elles,  bien  que 
convenablement  établies  d'abord,  se  trouvèrent  à  la  suite  de 
cette  opération  entièrement  disloquées. 

Une  commis'iion  nommée  par  M.  le  ministre  d  État  pour  la 
réception  du  bâtiment,  accrpta  les  travaux  le  25  avril  ;  mais 
la  commission  impériale  n'en  prit  effectivement  possession  of- 
ficielle que  le  3  mai  suivant. 

Un  état  semblable  fut  dressé  relativement  aux  travaux  d'in- 


46  VISITE 

slallation  intérieure ,  en  reîard  par  le  fait  des  divers  entre- 
preneurs ;  mais  il  serait  sans  intérêt  de  l'énumérer  ici. 

Pendant  que  les  travaux  se  terminaient ,  et  jusqu'à  ce  que 
l'appropriation  entière  fût  complète,  les  fabricants  parisiens 
refusèrent  absolument  d'apporter  leurs  produits,  de  telle  sorte 
qu'un  certain  nombre  de  salles,  plus  particulièrement  consa- 
crées à  l'industrie  parisienne,  restèrent,  jusqu'après  l'ouver- 
ture, entièrement  vides. 

Cependant  l'ouverture  de  l'Exposition,  fixée  primitivement 
au  4"  mai,  fut  remise  au  15,  et  les  travaux  continuèrent  avec 
une  croissante  activité,  dans  tous  les  points  où  ils  étaient 
possibles.  Le  seul  espace  qui  pût  être  réservé  pour  le  trône 
et  pour  les  principaux  corps  de  l'État  était  le  centre  même  du 
palais.  Le  centre  sur  lequel  nous  installâmes  la  belle  fontaine 
qu'on  y  voit  aujourd'hui,  et  toute  la  salle  de  l'orfèvrerie  fran- 
çaise, durent  être  réservés  pour  la  cérémonie,  au  rez-de- 
chaussée;  la  grande  galerie  latérale  qui  règne  au  pourtour  de 
la  nef,  au  premier  étage,  fut  garnie  de  banquettes  pour  les  in- 
vités. Ce  balcon  magnifique,  dans  lequel  les  places  principales 
étaient  distribuées  à  la  bijouterie  française  qui  les  occupe  si  bien 
aujourd'hui ,  ne  put  recevoir ,  avant  la  cérémonie  d'ouverture , 
que  ces  lustres  en  bronze  ,  en  cristal  et  en  pierreries  qui  de- 
vaient, d'après  le  projet  arrêté,  en  faire  le  principal  ornement. 
Les  tapis  qui  devaient  se  dresser  à  l'arrière  de  cette  galerie 
ne  s'obtinrent  qu'avec  la  plus  grande  difticulté,  les  exposants 
ne  voulant  les  mettre  qu'après  l'installation  des  vitrines  dont 
le  placement  était  impossible  encore.  Quoi  qu'il  en  soit ,  la 
cérémonie  d'ouverture  ne  laissa  rien  à  désirer  :  l'exposition 
était  loin  d'être  complète,  mais  le  spectacle  principal ,  celui 
du  pourtour  de  la  nef,  qui  faisait  en  quelque  sorte  le  pro- 
gramme de  la  promenade  officielle,  était  orné  suffisamment. 

Le  succès  d,e  l'Exposition  était  dès  lors  décidé. 

Les  quinze  jours  qui  suivirent  furent  employés  à  distribuer 
les  places  aux  nouveaux  exposants  qui,  d'abord  refusés  par  le 
comité  de  la  Seine,  avaient  été  admis  par  Son  Altesse  Impé- 
riale après  examen  de  M.  Leplay ,  chargé  déjà  à  ce  moment 
de  diriger  le  bureau  des  réclamations.  Ces  exposants  supplé- 
mentaires n'avaient  pu  recevoir  leurs  allocations  respectives 
avant  que  l'on  sût  si  quelque  emplacement  restait  encore  dis- 
ponible parmi  les  profhiits  siiriilaires. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  47 

Le  travail  était  devenu  plus  actif  dans  l'Annexe  aussitôt 
que  les  préoccupations  de  la  cérémonie  d'inauguration  avaient 
été  terminées;  les  places  du  panorama  avaient  été  arrêtées, 
afin  qu'aussitôt  la  livraison  du  bâtiment  on  pût  procéder  à 
leur  distribution;  l'ornementation  des  escaliers,  celle  du 
palais  et  celle  de  la  partie  supérieure  des  vitrines  étaient  en 
cours  d'exécution. 

Par  suite  d'une  autorisation  spéciale  de  M.  le  ministre  d'É- 
tat, M.  le  commissaire  général  avait  enfin  pu  faire  la  com- 
mande des  toiles  destinées  à  intercepter  les  rayons  du  soleil, 
dont  l'influence,  malgré  le  dépoli  des  carreaux ,  avait ,  sur  les 
produits  délicats ,  une  action  telle  que  les  vitrines  se  défor- 
maient sur  quelques  points  et  que  les  industriels  trouvaient, 
dans  cette  nouvelle  cause  d'avarie,  une  raison  presque  suffi- 
sante d'abstention. 

Tel  est  le  cadre  très-abrégé  des  opérations  multiples  aux- 
quelles l'administration  dut  se  livrer  :  sans  action  directe  sur 
les  constructeurs,  sans  autorité  pour  une  foule  de  détails  de 
service  que  la  Compagnie  trouvait  trop  souvent  occasion  de 
discuter,  elle  était  la  plupart  du  temps  conduite  à  agir  au 
milieu  d'obstacles  de  tout  genre  qui  demandaient  à  la  fois  un 
respect  profond  pour  les  différents  intérêts  engagés  dans  une 
question  aussi  complexe  et  une  grande  fermeté. 

En  tenant  compte  des  immenses  difficultés  qu'elle  avait  eues 
à  surmonter,  la  commission  avait  fait  tout  ce  qu'humaine- 
ment il  lui  était  possible  de  faire  ;  si  tout  n'était  pas  prêt, 
tout  se  trouvait  préparé  et  le  temps  seul  devait  naturellement 
achever  l'œuvre. 

Ce  fut  lorsque  les  choses  se  trouvaient  en  cet  état,  qu'il 
survint  un  fait  dont  je  n'ai  point  ici  à  rechercher  les  causes, 
mais  qu'il  m'appartient  de  considérer  dans  ses  conséquences, 
notamment  en  ce  qui  concerne  l'influence  qu'il  a  eue  sur  ma 
conduite  ultérieure. 

M,  le  général  Morin  donna  sa  démission  de  commissaire 
général,  et  fut  remplacé  par  M.  Leplay. 

La  retraite  inattendue  du  chef  bienveillant  sous  les  ordres 
duquel  j'avais,  pendant  une  année  entière,  consacré  à  cette 
grande  entreprise  tout  ce  qui  m'est  donné  de  dévouement 
et  d'énergie,  m'affecta  douloureusement.  La  nomination  d'un 
nouveau  commissaire  général  devait  nécessairement  changer 


48  VISITE 

ma  position,  et  le  désir  exprimé  par  le  Prince  de  me  voir 
rester  au  poste  que  j'occupais  fut  la  seule  cause  qui  m'em- 
pêcha de  résigner  aussitôt  des  fonctions  qu'il  avait  daigné  me 
confier  sans  que  je  lui  en  eusse  adressé  la  demande. 

Ce  désir  fut  un  ordre  pour  moi  et  je  continuai  mon  service 
auprès  de  la  nouvelle  direction  Je  pensais  d'ailleurs  qu'en  se 
portant  héritière  du  fruit  des  travaux  et  des  veilles  de  celle 
qu'elle  remplaçait,  elle  se  montrerait  envers  celle-ci,  sinon 
reconnaissante,  tout  au  moins  animée  de  ce  vulgaire  respect 
humain,  qu  à  défaut  d'autres  sentiments,  on  affiche  en  pareil 
cas  pour  ceux  dont  on  héiite. 

Eh  bien  !  il  n'en  fut  pas  ainsi  ;  la  retraite  du  général  Morin 
fut  suivie  d'abord  de  sourdes  attaques  contre  lui,  qui  se 
traduisirent  immédiatement  en  mauvais  vouloir  contre  tous 
ceux  qu'on  lui  savait  le  plus  particulièrement  affectionnés  : 
sourdes  attaques ,  qui  ensuite  et  à  mesure  qu'on  profilait 
davantage  des  bonnes  dispositions  qu'il  avait  prises,  se  chan- 
gèrent en  hostilité  déclarée. 

Quant  à  moi,  en  me  décidant  à  rester  à  mon  poste,  j'atta- 
chais surtout  uh  vif  inlérêl  à  connaître  le  résultat  de  la  grande 
expérience  qu'avait  ordonnée  l'Empereur. 

Lors  de  la  dernière  visite  que  Sa  iMajesîé  avait  faite  à  l'Expo- 
sition, il  avait  été  décidé  que  l'entrée  du  palais  de  l'Industrie 
serait  gratuile  le  dimanche  28  mai.  J'avoue  que  ce  ne  fut  pas 
sans  une  certaine  émotion  que  j'attendis,  ce  jour-là,  l'anivée 
de  la  foule,  qui  devait  condamner  ou  sanctionner  les  disposi- 
tions que  nous  avions  toujours  regardées  comme  suffisantes 
pour  la  circulation  d'un  public  nombreux.  La  galerie  du  Pano- 
rama n'était  point  encore  ouverte,  non  plus  que  l'Annexe, 
et  pourtant  quatre-vingt  mille  personnes  furent  admises  sans 
discontinuité;  aucun  désordre,  aucun  encombrement  ne  fut 
signalé  nulle  part.  Cependant  la  foule  entrait  partout  à  sa 
fantaisie,  sans  suivre  aucune  voie  obligatoire  :  le  comparti- 
ment indien  fut  le  seul  dans  lequel  nous  fûmes  obligés  d'établir, 
vers  la  fin  de  lé  journée,  un  sens  déterminé  à  la  circulation. 

L'expérience  dès  lors  était  pour  moi  complète  :  les  disposi- 
tions que  nous  avions  arrêtées  pour  ks  deux  autres  bâti- 
ments, la  galeiie  du  Panorama  et  l'Annexe  étant  encore  plus 
favorables  sous  ce  rapport  :  je  regardai  notre  œuvre  comme 
achevée. 


LTnil 


Lmiiieu 


ri     c    1  A  01  Ç  1  a  -.    w    s       ~^  . 


Irrai  /jr/tfff/'"  /•    hi/otff  /Jir/jo/.r  0/  l'arut 


l'ALAIS  I)K  i;  l.\l)rSTRIK(.K.\KXE). 


=ç^ 


Rez-(lpQiauss(v,(Du  milieu  de  l'allée  d'Antin  à  la  place  de  la  Concoi'de). 


^  -Y  f  ^  f  f  i-  f  f  f  fzfz:^. 


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fF5 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  i9 

Dégagé  de  celle  principale  préoccupation,  toute  d'intérêt 
général,  je  deviens  plus  libre  de  refléchir  sur  ma  position 
personnelle.  Plusieurs  dissidences  d'opinion  avec  le  nouveau 
commissaire  général,  la  prévoyance  d'autres  plus  nombreuses 
qui  ne  pouvaient  manquer  de  surgir  entre  nous  dans  l'ave- 
nir, enfin  le  juste  mécontentement  que  me  causèrent  quelques 
modifications  administratives,  me  décidèrent  à  supplier  de 
nouveau  S.  A.  L  de  recevoir  ma  démission  que,  cette  fois, 
elle  voulut  bien  accepter.  Mais  en  me  retirant ,  j'offris  néan- 
moins de  me  mettre  à  la  disposition  de  M.  le  commissaire 
général  pour  lui  prêter  un  concours  officieux  que  pouvait  né- 
cessiter la  direction  dont  il  était  si  inopinément  chargé. 

En  fciisant  cette  offre  qui  ne  fut  pas  acceptée,  j'avais  pensé 
que  ce  concours  pourrait  être  encore  utile,  non  certes  par 
ma  valeur  personnelle,  mais  par  les  renseignements  dont  j'é- 
tais en  possession.  J'avais  supposé  que  c'était  par  pur  dévoue- 
ment à  la  chose  publique,  qu'un  homme  d'une  po.-ition  élevée 
avait  consenti  à  se  dévouer  à  l'entier  achèvement  d'une  œuvre 
qu'il  avait  trouvée,  pour  le  moins  fort  avancée  et  ma  retraite 
toute  volontaire  me  faisait  un  devoir  de  ne  point  l'abandonner 
dans  les  premières  ditficultés. 

Il  a  paru  successivement  dans  le  Moniteur  universel  et 
dans  plusieurs  autres  journaux,  sous  la  forme  de  communi- 
cations, émanant  delà  direction  actuelle,  une  série  d'articles 
pleins  de  malveillance  et  d'accusations  mensongères  contre 
l'ancienne  administration.  Ne  pouviez-vous  donc  profiter  en 
silence  des  labeurs  de  ceux  qui  vous  ont  remis  un  travail 
presque  achevé,  qui  vous  ont  livré  des  plans  que  vous  avez 
suivis  à  la  lettre,  sans  chercher  à  mettre  à  leur  charge  tous 
les  mécomptes  inévitables  dans  une  pareille  entreprise,  sans 
s'efforcer  d'ameuter  contre  eux  tous  les  mécontentements  in- 
séparables du  conflit  de  tant  d'intérêts  opposés?  Pense-t-on 
s'être  grandi  et  n'est-ce  point  un  triste  piédestal  que  celui 
d'une  aussi  injuste  polémique?  L'opinion  des  hommes  consi- 
dérables qui ,  par  suite  de  leurs  fonctions  officielles ,  ont 
suivi  les  travaux  de  près,  est-elle  donc  si  indifférente  qu'on 
lui  préfère  celle  d'un  public  irréfléchi  et  frondeur,  qui  s'in- 
(luiète  fort  peu  de  savoir  par  qui  et  comment  l'Exposition 
s'est  faite  ? 

L'honorable  général  sur  cpii  a  porté  le  fort  de  vos  attaques 
206      "  d 


80  VISITE 

a  pu  les  dédaigner,  moi-même  je  les  eusse  passées  sous  silence 
si  d'autres  que  moi  n'y  eussent  été  intéressés,  me  tenant 
pour  satisfait  d'avoir  pu  faire  mon  devoir  dans  mes  fonctions 
difficiles,  heureux  surtout  des  nombreux  témoignages  de  sym- 
pathie que  j'ai  reçus  de  toutes  parts ,  au  moment  où  ma  démis- 
sion fut  connue. 

J'ai  cru  devoir  raconter  simplement  les  faits  ;  le  public  est 
maintenant  à  môme  d'apprécier. 

Mais  je  ne  regarderais  pas  cette  partie  de  ma  tâche  comme 
complètement  achevée,  si  je  la  terminais  sans  rendre  ici  un 
solennel  et  respectueux  hommage  au  prince  qui  a  su,  sous 
l'ancienne  administration  comme  sous  la  nouvelle,  imprimer 
à  l'ensemble  des  travaux  l'impulsion  de  sa  prodigieuse  acti- 
vité. Il  est  peut  être  permis  de  demander  si  cette  influence 
prépondérante  est  respectée  autant  qu'elle  a  droit  de  l'être 
dans  cette  continuelle  insistance  que  l'on  apporte  à  éta- 
blir entre  les  deux  administrations  une  démarcation  si  tran- 
chée. Les  résultats  eussent  été  assurément  les  mêmes , 
puisque  la  haute  volonté  du  prince  présidait,  dans  tous  les 
cas,  aux  opérations. 

Les  difficultés  inséparables  d'une  nouvelle  direction  vinrent 
entraver,  pendant  une  quinzaine  de  jours  au  moins,  la  rapidité 
des  travaux  d'achèvement ,  et  il  est  juste  de  tenir  compte  de 
ces  retards  inévitables  si  l'on  veut  apprécier  avec  convenance 
la  part  de  ce  qu'a  fait  chacun. 

Pour  ne  point  nuire  à  l'ensemble  de  cet  exposé,  nous  n'a- 
vons jusqu'ici  parlé  que  du  bâtiment  principal  :  on  sait  main- 
tenant en  quel  état  nous  l'avons  livré  à  l'administration  qui 
nous  a  succédé  ;  mais  il  est  indispensable  de  nous  re- 
porter à  quelques  mois  en  arrière,  et  d'examiner  comment 
ont  été  conduits  les  travaux  dans  l'Annexe.  En  ce  qui  con- 
cerne les  dispositions  générales  à  prendre  pour  la  mise  en 
mouvement  des  machines,  le  lecteur  sait  déjà  que  la  commis- 
sion impériale  s'était  confiée  à  l'habileté  de  M.  E.  Trélat  qui, 
comme  commissaire  adjoint  du  service  du  bâtiment,  avait  en 
même  temps  à  s'occuper  des  travaux  de  construction  de  l'An- 
nexe. 

Le  bâtiment  proprement  dit  et  même  les  galeries  supérieu- 
res ont  été  exécutés  comme  le  bâtiment  principal  ;  mais 
tout  ce  qui  concerne  l'installation  des  machines  a  été  remis, 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  51 

quant  à  l'exécution,  à  M.  Nepveu,  sous  la  direction  de  M.  Tré- 
lat  et  avec  l'utile  collaboration  de  M.  Lecœuvre  ,  attaché  au 
service  du  classement  comme  inspecteur  des  machines. 

Confiée  M.  Trélat,  le  service  d'installation  des  machines 
devait  se  suffire  à  lui-même,  et  je  n'aurais  à  revendiquer 
ici  aucune  part  d'action,  si  les  dispositions  générales  que 
j'ai  été  chargé  de  prendre  n'avaient  donné  lieu  à  quelques 
critiques;  je  tiens  à  garder  la  part  de  responsabilité  qui  m'ap- 
partient. 

Le  projet  de  distribution  générale  étant  arrêté,  nous  vîmes 
bientôt  qu'il  serait  convenable  de  placer  les  machines  vers 
l'extrémité  de  Chaillot;  nous  pensions  dès  lors  que  le  fonc- 
tionnement des  appareils  serait  pour  le  public  un  attrait  puis- 
sant, et  qu'en  forçant  tous  les  visiteurs  à  explorer  ia  galerie 
la  plus  éloignée  ,  nous  assurions  d'une  manière  plus  complète 
une  circulation  aussi  uniforme  que  le  peut  permettre  une  exposi- 
tion. Il  avait  été  décidé  que  l'eau,  que  la  vapeur  seraient  mises 
gratuitement  à  la  disposition  des  exposants,  ainsi  qu'un  arbre 
général  de  transmission  sur  lequel  ils  emprunteraient  la  puis- 
sance mécanique  dont  ils  auraient  besoin. 

Nous  avions  pendant  longtemps  espéré  que  la  Commission 
impériale  finirait  par  sanctionner  le  projet  qui  lui  avait  été 
soumis  par  M.  le  général  Morin,  pour  la  construction  de  deux 
galeries  élevées  de  i  mètres  chacune,  dans  toute  sa  lon- 
gueur. En  formant  comme  un  vaste  balcon ,  d'où  l'on  pour- 
rait observer  toutes  les  machines  en  mouvement,  ces  galeries 
auraient  sans  aucun  doute  ajouté  beaucoup  à  la  beauté  du 
coup  d'oeil.  Dans  le  cas  où  elles  auraient  été  construites,  il 
eût  été  peut-être  convenable  de  fixer  latéralement  les  trans- 
missions ,  si  le  défaut  absolu  d'une  résistance  suffisante  ne  se 
fût  rencontré  dans  le  mode  de  construction  des  piles,  exécu- 
tées exclusivement  en  petits  matériaux  de  rebut.  Celte  raison  et 
le  désir  de  donner  un  grand  effet  à  l'ensemble  de  cette  instal- 
lation engagèrent  avec  raison  M.  Trélat  à  placer  un  arbre 
unique  dans  l'axe  même  du  bâtiment. 

La  question  de  savoir  si  cet  arbre  serait  placé  sous  le  sol  ou 
au-dessus  avait  une  telle  importance  ,  comme  dépense  et 
comme  caractère,  qu'elle  fut  étudiée  avec  le  plus  grand  soin. 
En  Angleterre,  les  arbres  n'avaient  point  une  disposition  uni- 
que, parce  qu'ils  étaient  établis  par  chaque  constructeur,  à  ses 


o!2  VISITE 

frais  et  suivant  ses  convenances  propres.  La  Commission  im- 
périale se  proposant  d'être  à  cet  égard  plus  généreuse,  une 
disposition  générale  était  nécessaire.  Plusieurs  industriels  an- 
glais, parmi  lesquels  nous  citerons  sans  hésiter  MM.  Platt 
et  Cie,  regardaient  Farbre  supérieur  comme  absolument  in- 
dispensable ;  mais  cette  raison  ne  fut  pas  la  plus  importante 
de  celles  qui  nous  déterminèrent.  Si  l'on  songe  que  les  cour- 
roies ,  pour  transmettre  d'une  manière  commode  le  mouve- 
ment, doivent  avoir  une  certaine  longueur,  il  est  facile  de 
comprendre  que  celte  longueur  ne  peut  ôlre  obtenue  avec  un 
arbre  sous  le  sol  qu'à  la  condition  d'en  éloigner  davantage 
les  machines  et  de  perdre  ainsi  un  emplacement  considérable, 
tant  par  cette  cause  que  par  suite  du  passage  des  courroies  à 
la  hauteur  du  plancher.  H  fallait  d'ailleurs  une  installation 
qui  se  prêtât  à  toutes  les  circonstances  possibles.  Si  nous  ne 
nous  trompons,  l'expérience  a  prouve  suraboridamment  que 
la  disposition  adoptée  satisfait  à  toute  la  généralité  du  pro- 
blème. Nous  avons  d'ailleurs  établi  qu'aucune  considération 
ne  pouvait  nous  permettre  de  perdre  la  moindre  parcelle  de 
terrain  ,  et  cette  disposition  est  de  beaucoup  la  plus  favorable 
sous  ce  rapport. 

D'un  autre  côté,  la  hauteur  des  supports  a  fait  l'objet  de 
quelques  observations;  mais  on  oublie  qu'au  moment  où 
M.  Trélat  en  arrêtait  les  dimensions  sur  un  spécimen  en  bois 
qu'il  avait  placé  dans  l'Annexe  ,  la  galerie  était  encore  indé- 
cise, et  que  la  hauteur  actuelle  fut  jugée  par  tous  la  meilleure 
pour  satisfaire  à  la  fois  la  vue,  au  premier  étage  comme  au  rez- 
de-chaussée. 

Le  principe  de  cette  disposition  ayant  d'ailleurs  été  sanc- 
tionné par  M.  le  général  Morin  ,  alors  commissaire  général ,  il 
faut  bien  croire  qu'au  point  de  vue  de  l'agencement  mécani- 
que, elle  était  réellement  la  plus  favorable. 

Le  commissaire  du  classement  n'eut  d'ailleurs,  il  le  répète, 
à  intervenir  en  aucune  façon  dans  les  travaux  d'installation 
proprement  dits;  il  n'eut  plus  tard  à  s'entendre  avec  M.  Tré- 
lat que  pour  la  désignation  des  emplacements  offerts  aux  ma- 
chines des  différents  pays,  alors  que  It's  commissaires  étrangers 
furent  en  position  de  préciser  les  espaces  dont  ils  auraient 
besoin  pour  leurs  machines. 

Cette  distribution  ne  put  avoir  lieu  (|ue  le  15  avril:  a 


A  L'KXPOSITION  UNIVERSELLE.  ri:', 

cette  époque,  chaque  pays  fut  mis  en  possession  do  tout  l'es- 
pace qui  lui  revenait  encore,  soit  dans  la  section  des  machi- 
nes ,  soit  dans  la  section  des  produits  ,  de  manière  à  réaliser 
autant  que  possible  les  chiffres  primitifs  des  allocations  offi- 
cielles. 

Les  travaux  de  M.  Nepveu  marchèrent  >  à  partir  de  cette 
époque,  avec  une  merveilleuse  activité;  mais  les  tables 
destinées  à  recevoir,  vers  l'extrémité  est  du  bâtiment,  les  au- 
tres proluits  des  douze  premières  classes,  ne  purent  s'exé- 
cuter qu'avec  lenteur,  au  milieu  des  colis  nombreux  qui  en- 
combraient le  sol  et  df  s  ouvriers  qui  achevaient  le  bâtiment 
lui-même.  En  ce  qui  concerne  la  France,  les  places  étaient 
distribuées  pour  toutes  les  industries  qui  ne  devaient  pas 
trouver  place  dans  le  bâtiment  du  Panorama,  et  la  plupart 
des  vitrines  collectives  étaient  en  cours  d'exécution  avant 
l'ouverture  officielle. 

Les  travaux  étaient  moins  avancés  dans  le  bâtiment  du  Pa« 
norama,  qui  ne  fut  livré  à  la  Comm  s-ion  impéiiale  que  vers 
le  25  mai,  époque  à  laquelle  cependant  toutes  les  dispositions 
intérieures,  les  tables  et  les  cloisons,  étaient  aiiêtées  sur 
plan  à  peu  près  comme  elles  ont  été  depuis  lors  exécutées. 

A  l'époque  de  notre  démission  ,  le  30  mai ,  aucun  des  deux 
bâtiments  qui  ont  reçu  depuis  lors  les  pioduits  de  la  carros- 
serie française  et  étiangère ,  n'existait  mêm.e  en  projet;  les 
produits  agricoles,  à  ce  moment  installés  dans  l'Annexe,  ne 
furent  transportés  que  plus  tard  à  la  suite  des  instiuments  de 
l'agriculture,  pour  lesquels  nous  avions  fait  construire  le  han- 
gar dans  lequel  ils  se  trouvent  aujourd'hui. 

D  après  ce  qui  précède  ,  on  peut  voir  que  si  des  retards  re- 
grettables ont  eu  lieu  relativement  à  l'achèvement  des  travaux, 
du  moins  aucune  fausse  manœuvre  n'est  venue  peser  sur  les 
opérations  ultérieures,  les  seuls  changements  qui  aient  été 
apportés  depuis  étant  réellement  sans  importance  au  point  de 
vue  de  l'effet  général. 

Quelques  semaines  spulement  après  notre  retraite,  au  mo- 
ment même  où  les  travaux  du  jury  allaient  commencer,  les 
jurés  angliiis  étaient  les  premiers  à  proclamer  les  mérites  de 
l'Exposition  ;  l'opinion  publique  a  ratifié  ce  jugement  qu'il 
importe  de  conserver,  en  souvenir  de  la  bienveillance  con- 
stante de  tons  les  fonctionnaires  étrangers.  Voici  textuelle- 


d4  visite 

ment  la  note  inscrite  au  Moniteur  du  2  juillet  dernier  :  «  Dans 
une  réunion  des  divers  jurys  anglais  pour  l'Exposition  univer- 
selle, tenue  aujourd'hui,  rue  du  Cirque,  n"  H,  sous  la  prési- 
dence de  lord  Ashburton,  il  a  été  résolu  unanimement  qu'il 
est  désirable  tV attirer  l'attention  du  public  anglais  sur  le  grand 
mérite  de  r Exposition  et  sa  supériorité  dans  les  produits  ex- 
posés sur  celle  de  1851  ,  et  quelle  est  éminemment  digne  de 
l'attention  des  artistes,  des  manufacturiers,  de  leurs  ouvriers 
et  de  toutes  les  classes  du  royaume  uni.  »  D'autres  commis-^ 
sions  ont  également  adopté  des  résolutions  analogues. 

Cependant  l'administration  ne  restait  pas  inactive.  Son 
état-major  avait  été  modifié  par  l'adjonction  de  plusieurs 
hommes  de  talent,  et  tout  le  personnel  qui  s'était  formé  avec 
nous  depuis  le  commencement  des  opérations  était  là  pour 
l'éclairer  sur  toutes  les  mesures  prises  et  sur  les  décisions  à 
prendre.  Les  principaux  soins  du  commissariat  général  durent 
se  porter  sur  divers  travaux  d'achèvement  parmi  lesquels  nous 
nous  bornerons  à  signaler  les  plus  importants. 

L'ornementation  du  palais,  confiée  à  M.  Vaudoyer,  qui  s'ad- 
joignit M.  Rqssigneux,  fut  l'objet  d'améliorationsremarquables. 
Nous  avons  dit  que  la  fontaine  monumentale  du  centre  de  la  nef 
était  en  place,  mais  les  bancs  circulaires  et  les  fleurs  dispo- 
sées au  pourtour  ne  furent  installés  qu'après  notre  départ.  La 
toile  de  la  toiture,  en  étoffes  de  couleur  rayée,  produit  un 
effet  très-satisfaisant;  l'arrangement  des  couronnements  des 
vitrines  principales,  pour  lequel  nous  avions  commencé  à  em- 
ployer des  corbeilles  de  fleurs  d'un  aspect  fort  agréable,  fut 
complété  par  une  toiture  uniforme  ,  rayée  en  bleu  et  blanc, 
qui  égayé  sans  monotonie  la  vue  générale.  Des  rideaux  en 
mousseline  brodée  furent  placés  en  portières  dans  les  galeries 
supérieures  peut-être  avec  une  trop  grande  profusion  ;  de 
nouveaux  objets  furent  autorisés  à  occuper  la  nef,  déjà  un 
peu  embarrassée,  et,  sous  ce  rapport,  nous  exprimerions  vo- 
lontiers quelques  regrets  de  ce  que  le  principe  qui  avait  pré- 
sidé jusqu'alors  au  choix  des  objets  qui  devaient  occuper  ces* 
emplacements  principaux  ne  continua  pas  à  être  observé. 
Nous  n'avions  placé  de  celte  façon  que  les  pièces  monumen- 
tales, qui  avaient  dès  lors  leur  raison  d'être  exceptionnelle- 
ment exposées  ;  il  y  aurait  eu  plus  d'effet  d'ensemble  si  l'on 
n'avait  entremêlé  parmi  eux  cette  quantité  de  petits  objets  qui 


pan^ora: 


' tjte,x^£/>ha7>d' M  . Borut^joiffiK^  /^i- 


flcheu^'  de 


X\RPD' 


IPAL 


Fàfi^r  /Tnv>£rn€^A:^tiu.  KyAfU</Tjruc.J>uJ3oif  6 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  55 

changent  complètement  le  caractère  de  celte  partie  de  l'Expo- 
sition. 

L'Annexe  s'est  terminée  sans  aucune  modification  impor- 
tante, si  ce  n'est  pour  les  produits  de  l'agriculture  qui ,  à 
l'exception  de  ceux  de  M.  Vilmorin,  ont  été  réunis  aux  instru- 
ments agricoles ,  dans  le  hangar  prolongé.  Restée  sous  la 
direction  de  M.  Trélat,  la  galerie  des  machines  est  absolument 
ce  qu'elle  devait  être  dès  le  principe. 

Le  bâtiment  du  Panorama  et  le  palier  qui  le  sépare  de  l'An- 
nexe ont  été  plus  particulièrement  arrangés  par  h  s  soins  de 
la  nouvelle  administration  ,  quoique  la  partie  centrale ,  que 
nous  avions  réservée  en  faveur  des  manufactures  nationales  , 
ait  été  disposée  sous  la  direction  de  M.  Chabrol,  architecte  du 
ministre  d'État. 

Les  emplacements  principaux,  occupés  aujourd'hui  par  les 
fontes  de  M.  Ducel  et  par  la  chaire  de  M.  l'abbé  Choyer, 
étaient  désignés  à  notre  départ;  les  autres  ne  l'étaient  encore 
sur  les  plans  que  collectivement  pour  chaque  nature  d'indus- 
trie, à  peu  près  comme  on  le  voit  aujourd'hui  sur  le  terrain. 
Cependant  la  salle  des  dessins  industriels  ne  devait  point,  dans 
notre  projet,  utiliser  la  galerie  extérieure  du  sud-ouest,  ré- 
servée alors  pour  le  buffet  ;  celle  du  sud  est  occupée  aujour- 
d'hui par  la  quincaillerie  ;  elledevait  avoir  la  même  destination. 

Nous  avons  dit  déjà  que  les  hangars  de  la  carrosserie  ont 
été  construits  aux  derniers  moments,  par  suite  des  admissions 
supplémentaires,  le  long  du  bâtiment  principal,  emplacement 
que  nous  avions  souvent  proposé  pour  des  annexes,  mais  qui 
nous  avait  été  refusé  constamment  pour  ne  pas  nuire  à  l'effet 
principal. 

L'horlogerie ,  placée  d'abord  sur  les  deux  voies  du  passage 
de  communication,  n'en  occupe  plus  qu'une  seule  aujourd'hui. 
Cette  galerie,  ainsi  réduite,  peut  encore  témoigner  des  diffi- 
cultés que  l'on  rencontre  pour  obtenir  une  disposition  conve- 
nable avec  des  vitrines  isolées  et  sans  projet  d'ensemble. 
Toute  l'Exposition  aurait  eu  le  même  aspect  si  le  principe 
des  vitrines  collectives  n'avait  pas  fait  l'objet  d'une  règle  gé- 
nérale dans  la  plupart  des  cas  obligatoire. 

Ces  notions  historiques  données,  il  nous  reste  à  indiquer 
quelle  a  été  la  marche  croissante  du  nombre  des  visiteurs 
depuis  l'ouverture  de  l'exposition.  Pour  donner  plus  d'inté- 


50 


VISITE 


rèt  à  cesindicalions,  nous  mettrons  en  regard  les  chiffres  cor^ 
respondanls  pour  l'exposition  de  I80I. 


F.XI'OSITION   1)K   1855 


20  mai 

27  mai 

3  juin 

10  juin 

17  juin  — 
24  juin.. . 

1*'  juillet 

8  juillet., 
15  juillet. 
22  juillet. 
29jiiinet. 

6  août... 
12  août... 
10  août... 


NOMBRE 

PRIX 

de 

d'entrée. 

per.>^ori- 

\v.  c. 

nes. 

0,20 

»       y> 

[Gratuit.^ 

80  118 

0,20 

42  908 

0,2(> 

o4  587 

0,20 

61  81!) 

0,20 

86  606 

0,20 

62  208 

0,20 

62  107 

0,20 

73  521 

0,20 

86t)12 

0,20 

910:4 

0,20 

74  224 

0,20 

dt  000 

0,20 

1 

EXI'OSiriON  DE   18;: 


24  mai 

29  mai 

5  juin  — 
9  juin. . . . 

17  juin.... 

24  juin.. . , 
l"juiUet 
8  juillet. 

15  juillet. 

22  juillet. 

29  juillet. 
5  août . . 

12  août... 

19  août... 


NOMBRE 

PRIX 

de 

d'entrée 

person- 

nes. 

fr.  c. 

3,25 

34812 

1,25 

52  518 

1,25 

55  837 

1,25 

54  •.  04 

1,25 

68  155 

1,25 

08  3!)4 

1,25 

51  009 

1,25 

65  902 

1,25 

74  122 

1,25 

«18  161 

1.25 

69  036 

1,25 

68  069 

1,25 

58  554 

1,25 

57  079 

On  voit  par  ce  rapprochement  que  les  chiffres,  de  nos  jours 
à  20  c.  (le  dimanche) ,  donnent  un  total  notablement  supé- 
rieur à  celui  des  visiteurs  à  1  fr.  23  c.  de  l'Exposition  de  Lon- 
dres; on  doit  donc  espérer  que,  pendant  les  mois  de  sep- 
tembre et  d'octobre,  le  nombre  des  visiteurs  s'élèvera  au- 
dessus  de  ^109  000,  qui  est  le  chiffre  le  plus  élevé  que  l'on  ait 
atteint  à  l'Exposition  de  I80I  ;  encore  ce  chiffre  n'a-t-il  été  ob- 
tenu que  pendant  deux  jours,  les  7  et  8  octobre,  c'est-à-dire 
à  la  veille  de  la  fermeture  qui  a  eu  lieu  le  11  de  ce  mois  ;  la 
nôtre  n'est  annoncée  que  pour  le  31  octobre. 

Les  prix  d'entrée,  en  France  ,  pour  des  opérations  de  ce 
genre,  ne  sont  pas  acceptés  avec  la  même  facilité  qu'en  An- 
gleterre, par  suite  sans  doute  de  l'habitude  contractée  de  vi- 
siter gratuitement  toutes  les  Expositions;  l'augmentation  ce- 
pendant se  fait  aussi  remarquer  pour  les  entrées  à  1  fr.  ;  tan- 
dis qu'au  commencement  le  nombre  des  visiteurs  ne  s'élevait 
guère  au-dessus  de  30  000,  plusieurs  journées  du  mois  d'août 
dénotent  la  présence  de  plus  de  90  000  personnes. 


A  L'EM'OSlïlOiN   UNIVERSELLE.  M? 

Un  autre  élément  d'appréciation  fera  mieux  connaître  Tim- 
portance  relative  des  deux  grands  concours  :  encore  bien  que 
le  nombre  définitif  des  exposants  ne  soit  pas  officiellement 
arrêté,  puisque  de  nouvelles  admissions  se  font  encore,  il  nous 
a  paru  qu'il  serait  intéressant  de  faire  connaître  les  nombres 
comparatifs  des  exposants  de  chaque  nation  en  1851  et  en '1855. 

Nous  avons,  dans  la  li^te  ci-jointe,  rangé  les  différents 
pays  d'après  ces  nombres  eux-mêmes. 

TABLEAU    DU    NOMBRE    DES    EXPOSANTS  DE    CHAQUE    NATION 
EN    1851    ET   EN    1855. 


/France 

Empire  français.  ;  Algérie 

\  Colonies 

Royaume  uni  de\  ArA+„^^^i 

laGiv.nde-Brela-)?.^^^/™.P°l^ 

^^neetdlrlande.)^^^^'^^^^ 

Royaume  de  Prusse 

Empire  d'Autriche 

Royaume  de  Belgique 

Royaume  d'Espagne  et  colonies  espa 

gnôles 

Royaume  de  Portugal  et  colonies  por 

tugaises 

Royaume  de  Suède 

Royaume  des  Pays-Bas 

Confédération  suisse 

Royaume  de  Wurtemberg 

États  sardes 

Grand-duché  de  Toscane 

Royaume  de  Bavière 

Royaume  de  Grèce 

États-Unis  d'Amérique 

Royaume  de  Norvège 

République  mexicaine 

Royaume  de  Saxe '. 

A  reparler 


18ol. 


9-;  90) 

7iJ4  10  691 
177^ 

^^^^!  2  4i5 
985)  ^^'^ 

1313 

1296 
686 

568 

443 
417 
411 
408 
207 
198 
197 
172 
131 
13U 

121 

107 
9(j 


20  027 


1641  i 
(i9(  1710 


620 


I     - 


;3Si 

872 
731 
500 

286 


157 
1 17 
113 
2f.3 
109 

95 

99 
999 

30 
499 
Compris  avec 
la  Suède. 

12 
190 


14  175 


VISITE 


Report. 


Monarchie  danoise 

Villes  hanséatiques 

Grand  duché  de  Bade 

Grand-duché  de  Hesse 

États  pontificaux 

Duché  de  Nassau 

Ville  libre  de  Francfort-sur-le-Mein. . 
Grand-duché  de  Luxembourg 

Royaume  de  Hanovre 

Duché  de  Brunswick 

Duchés  de  Anhalt,  Dessau  et  Cœlhen. 
Électoral  de  Hesse 


du 


République  de  la  Nouvelle -Grenade. 

Grand-duché  d'Oldenbourg 

Duché  de  Saxe-Cobourg- Gotha.. . 
Confédération  argentine,   empire 

Brésil 

République  de  Costa-Rica 

République  dominicaine 

Egypte 

République  de  Guatemala 

Royaume  Hawaïen 

Principauté  de  Lippe-Detmold 

Empire  ottoman 

Principautés  de  Reuss 

Grand-duché  de  Saxe-Altenbourg. . 

Duché  de  Saxe-Cobourg 

Duché  de  Saxe-Meiningen 

Grand-duché  de  Saxe-Weimar 

Principauté  de  Schaumbourg-Lippe.. 
Principauté    de    Schv/artzbourg-Ru 

dolstadt 

Tunis 

Russie ,  Chine  et  Perse 


Totaux 


20  027 
90 
89 
88 

74 
71 
69 
24 
23 

18 

IG 
15 
14 


m 


14175 
39 
134 
Compris  avec 
la  Prusse. 
80 
62 
13 
.33 
6 
Compris  avec 
la  l'nisse. 
Id. 
Id. 
Id. 


Compris  avec 
13       l'Arnérique 

1      du  Sud. 
.  „   (Compris  avec 
^'^       la  Prusse. 
11 


1* 


20  709 


305 


14  837 


*  L'empire  oUoman,  l'Egypte,  Tunis,  etc.,  ne  sont  compris  dans  ce 
tableau  pour  un  si  petit  nombre  d'exposants,  que  parce  que  les  produits 
ont  été  envoyés  par  les  gouvernements  eux-mêmes. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  r)9 

On  peut  dire  que  le  palais  de  l'Industrie  et  ses  annexes  ren- 
ferment les  produits  de  plus  de  20  000  exposants;  la  moitié 
en  plus  du  chiffre  officiel  de  l'Exposition  de  Londres. 

Celte  différence  est  à  elle  seule  un  immense  succès. 

Je  ne  terminerai  pas  celte  nolice  sans  adresser  mes  bien 
sincères  remercîments  à  tous  mes  collaborateurs  pour  le  zèle  et 
le  dévouement  qu'ils  ont  apportés,  pendant  mon  administra- 
tion, dans  l'accomplissement  de  leur  tâche;  je  leur  suis  sur- 
tout reconnaissant  d'avoir  continué  leurs  bons  offices  après 
notre  départ;  c'est  à  leur  coopération  assidue  qu'il  faut  en 
grande  partie  attribuer  la  complète  réussite  de  la  grande  en- 
treprise qui  doit  jeter  sur  l'industrie  française  un  nouvel  éclat. 
C'était  avec  une  bien  vive  satisfaction  que  je  recevais  de  la 
bouche  du  prince,  dans  l'une  de  ses  nombreuses  visites  dans 
lesquelles  il  apporte  tant  d'intérêt  et  d'affeclion  pour  les  arcs 
industriels  ,  l'assurance  que  ces  services  avaient  été  conve- 
nablement appréciés  par  Son  Altesse  Impériale  et  les  hommes 
qui  y  consacrent  leurs  veilles. 

MM.  les  commissaires  étrangers  voudront  bien  aussi  rece- 
voir l'hommage  public  de  ma  gratitude  pour  l'extrême  bien- 
veillance que  j'ai  toujours  rencontrée  dans  mes  nombreux  rap- 
ports avec  eux;  je  conserve  précieusement ,  comme  titre  de 
famille,  les  lettres  par  lesquelles  la  plupart  d'entre  eux  ont 
bien  voulu  m' exprimer  les  regrets  qu'ils  avaient  éprouvés  de 
la  résolution  que  j'avais  prise  en  me  retirant.  J'espère  que  la 
continuation  de  leur  bienveillance  ne  sera  pas,  à  la  fin  de 
l'Exposition  ,  sans  profit  pour  les  collections  du  Conservatoire 
des  arts  et  métiers.  H.  T. 


DESCRIPTION  GENERALE 

DE  L'EXPOSITION. 


La  première  exposition  des  produits  de  toutes  les  nations 
s'est  ouverte  à  Londres  en  '1851  le  1"  mai  dans  le  bâti- 
ment justement  appelé  le  palais  de  Cristal,  dont  les  dimen- 
sions dépassaient  toutes  celles  des  expositions  antérieures  : 
la  longueur  du  palais  était  de  564  mètres  (ISol  pieds)  et  sa 
largeur  n)aximum  de  1481. 

La  capitale  de  l'Angleterre,  si  riche  en  squares  et  en  parcs, 
avait  consacré  l'une  de  se.-<  promenades  1rs  plus  fréquentées  à 
cette  grande  entreprise,  dans  le  plus  admirable  site,  auprès 
de  la  rivière  de  lu  Serpentine,  dont  les  eaux  arrosent  la  [lariie 
ouest  de  la  ville.  A  proximité  des  quartiers  les  plus  riches, 
entre  la  ville  et  la  campagne,  cette  situation  ressemblait  assez 
à  celle  qui  est  occupée  par  notre  palais  de  l'industrie;  seule- 
ment les  pâturages  de  Hyde-Park  sont  remplacés  par  la  ma- 
gnifique promenade  des  Champs-Elysées,  la  Serpentine  par 
la  Seine ,  les  brouillards  de  la  Tamise  par  le  soleil  de  la 
France. 

La  principale  voie  conduisant  au  palais  de  Cristal,  était 
Piccadily,  cette  grande  route  de  Londres  qui  aboutit  au  mo- 
nument de  Wellington,  après  avoir  côtoyé  les  parcs  piinci- 
paux  de  Saint  James  et  du  Régent ,  qui  renferment  les  palai> 
royaux. 

Notre  palais  de  l'Industrie  est  desservi  par  plusieurs  gran- 
des voies  de  communications:  la  grande  avenue  des  Champs- 
Elysées  et  le  cours  la  Reine  sont  les  principales,  et  l'on  y  ar- 
rive avec  une  grande  facilité,  par  les  boulevards,  par  les 
quais,  par  la  rue  de  Rivoli,  le  Palais-Royal  et  les  Tuileries. 


VISITE  A   L'EXPOSITION    LNIVERSELLE.  (51 

Vins,  rapprochée  du  centre  de  la  capitale,  entourée  de  nom- 
breux monuments  admirablement  placés,  la  grande  fête  indus- 
trielle est  moins  isolée  en  France  qu'elle  ne  l'était  au  milieu 
de  Ilyde-Park. 

Une  différence  essentielle  doit  d'ailleurs  être  faite  ;  tandis 
que  l'exposition  de  l'Industrie  attirait  à  Londres  tous  les  visi- 
teurs, nous  avons  cette  fois  plusieurs  expositions  qui  se  dis- 
putent les  regards;  l'exposition  des  Beaux-Arts,  celle  de  la 
Société  d'horticulture,  qui  se  renouvelle  chaque  semaine, 
celle  des  animaux  reproducteurs  qui,  par  suite  des  condiiions 
spéciales  qu'elle  entraîne,  n'a  pu  durer  que  peu  de  temps. 

Si  nous  entrons  au  palais  de  l'Industrie  par  la  porte  princi- 
pale, nous  ne  sommes  pas,  il  faut  en  convenir,  éblouis  comme 
on  l'était  à  Londres  par  ce  vaste  transept  au  fond  duquel 
quelques  arbres  restés  debout  venaient  former  une  imposante 
ornementation.  L'entrée  de  noire  bâtiment  étant  placée  sur 
sa  longue  face  il  n'était  pas  possible  de  ménager  un  effet  de 
môme  importance.  L'œil  est  plutôt  étonné  des  nombreuses 
merveilles  qu'il  rencontre  à  chaque  pas  qu'il  n'est  ébloui  par 
la  première  inspection. 

On  trouve  trop  petit  le  Palais  lorsqu'on  le  compare  à  celui 
de  Londres,  mais  celui  de  Londres  n'offrait  pas  cette  somptuo- 
sité des  objets  disposés  dans  la  nef,  il  ne  possédait  pas  ce 
balcon  qui  permet  d'embrasser  d'un  coup  d'œil  tout  l'ensem- 
ble; il  n'avait  pas  surtout  ces  galeries  supérieures  dont  les 
voûtes  sont  d'un  admirable  aspect. 

Le  grandiose  du  bâtiment  de  Hyde-Park  n'était  pas  exempt 
d'une  certaine  monotonie  que  le  nôtre  ne  comporte  pas;  la 
rotonde  du  Panorama,  la  galerie  circulaire  qui  l'entoure,  le 
Jardin  avec  ses  instruments  agricoles  et  la  carrosserie,  ne  res- 
semblent en  rien  au  palais  principal  ;  con>acrés  à  des  produits 
de  natures  différentes,  chacun  de  ces  emplacements  est  ap- 
proprié à  cette  nature  même. 

Tous  les  espaces  sont  si  bien  utilisés  et  la  variété  en  est  si 
grande  que  l'on  croirait  avoir  tout  vu  lorsqu'on  se  trouve  au 
bas  de  l'escalier  de  jonction  :  on  croit  sortir  de  la  vaste  en- 
ceinte et  l'on  se  trouve  dans  un  nouveau  monle,  qui  n'a  ni 
commencement  ni  fin,  qui  renferme  les  richesses  naturelles 
les  plus  variées  et  les  plus  inattendues  d'un  côté,  tandis  que 
de  l'autre  se  déroulent  une  innombrable  quantité  d'engins 


62  VISITE 

puissants,  dont  une  pareille  réunion  n'a  jamais  existé  ;  l'An- 
nexe, palais  des  produits  bruts  et  des  machines,  n'a  pas  moins 
de  1200  mètres  de  longueur,  le  double  environ  de  la  longueur 
du  palais  de  Hyde-Park. 

La  nef  principale  du  palais  a  une  ouverture  de  48  mètres; 
les  voûtes  supérieures  S^,  et  celle  de  l'Annexe  27. 

A  Londres  le  transept  avait  une  largeur  de  28  |mètres  seu- 
lement; la  nef  longitudinale  21  mètres. 

Le  palais  principal  et  les  annexes  ont  été  exécutés  sur  les 
dessins  de  M.  Viel  par  MM.  Yorck  et  Cie ,  entrepreneurs  géné- 
raux, dont  M.  Barrault  et  M.  Bridel  ont  été  les  ingénieurs.  La 
dépense  totale  des  constructions  s'est  élevée  à  environ  18  mil- 
lions qui  se  répartissent  de  la  manière  suivante  : 

Palais  principal 13  millions. 

Annexe 4-  millions. 

Panorama 1  million. 

L'appropriation  de  ce  dernier  bâtiment  a  été  conduit  par 
M.  le  commandant  Guillaumot  et  par  M.  Chabrol ,  architecte 
du  ministère  d'État. 

La  compagnie  concessionnaire  du  Palais  a  pour  directeur 
M.  le  comte  de  Rouville,  et  pour  administrateurs  MM.  Ardouin, 
Ricardo  et  Bouissin. 

Le  palais  de  Hyde-Park,  proposé  d'abord  en  adjudication 
publique,  a  été  entrepris  sur  des  plans  nouveaux  et  plus  éco- 
nomiques ,  par  MM.  Fox  et  Henderson  ,  sur  les  dessins  de  sir 
Joseph  Paxton. 

Le  caractère  architectural  est  bien  différent  pour  les  deux 
bâtiments  ;  à  Londres,  point  d'ornementation  :  une  construc- 
tion simple  en  fonte  et  en  bois,  sans  maçonnerie,  couverte  en 
verre  ;  à  Paris,  des  murs  en  pierre  décorés  avec  art,  mais  qui 
ne  servent  en  rien  à  la  solidité  de  l'édifice,  la  construction  re- 
posant entièrement  sur  les  colonnes  en  fonte.  A  Londres,  des 
toitures  planes  vitrées  de  sept  mètres,  de  support  en  support , 
si  ce  n'est  dans  les  parties  principales,  la  nef  et  le  transept; 
à  Paris,  des  voûtes  en  verre  dépoli  dans  toutes  les  parties  de 
l'édifice. 

A  Londres,  la  surface  totale  s'élevait  à  95  000  mètres,  en 
y  comprenant  les  passages  et  les  cours  intérieures ,  l'admi- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  63 

nistration  et  les  buffets  ;  à  Paris,  elle  doit  être  estimée,  si 
l'on  y  comprend  le  jardin  ,  comme  il  suit  : 

Palais  de  l'Industrie 50  737  mètres. 

Galerie  du  quai  de  Billy 41  540 

Panorama  et  pourtour 9  026 

Terrain  enclos  de  barrières 22  087 

Total 423  390 

Les  conditions  des  deux  entreprises  sont,  comme  on  le  voit, 
bien  différentes;  nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  cette  com- 
paraison, nous  bornant  à  donner  quelques  indications  géné- 
rales sur  la  disposition  des  produits  en  4  855. 

Palais  principal. 

La  grande  nef  est  occupée  par  les  produits  monumentaux 
de  toutes  les  nations,  parmi  lesquels  on  remarque  les  fon- 
taines des  exposants  français,  le  trophée  de  la  marine  an- 
glaise, le  trophée  des  terres  cuites  de  l'Autriche ,  le  phare  de 
l'administration  des  travaux  publics,  la  statue  du  feu  roi  de 
Prusse.  Une  glace  de  Saint-Gobain,  une  glace  belge,  deux 
chaires  des  Pays-Bas ,  des  autels  en  orfèvrerie  et  en  marbre , 
des  bronzes  complètent  dignement  cet  ensemble  dont  notre 
planche  indique  le  caractère  principal. 

Au  rez-de-chaussée,  la  partie  sud  appartient  entièrement 
aux  nations  étrangères;  la  partie  nord  à  la  France.  Sur  les 
deux  fronts,  vingt  vitrines  monumentales  renferment  des 
produits  remarquables.  Derrière  ces  vitrines,  des  salles  sur 
lesquelles  plane  la  vue  des  galeries,  sont  consacrées  à  autant 
d'industries  distinctes  :  ce  sont  pour  la  France,  l'imprimerie, 
la  plastique  industrielle,  les  coffrets  et  les  jouets  d'enfants,  la 
céramique,  la  verrerie,  lorfévrerie  et  enfin  les  bronzes,  cette 
gloire  de  l'industrie  parisienne. 

On  trouvera  dans  l'introduction  historique,  page  4  5,  la  ré- 
partition de  l'espace  entre  les  différentes  contrées,  soit  au  rez- 
de-chaussée,  soit  au  premier  étage  :  les  plans  ci-joints  suffi- 
ront d'ailleurs  pour  indiquer  les  divers  emplacements  occupés 
par  chacune  d'elles. 


64  VISITE 

Les  tissus  de  luxe  ,  les  fleurs  artificielles  ,  la  bijouterie  l'ont 
de  la  galerie  supérieure,  dans  la  partie  française,  un  véritable 
paradis  des  dames. 


Panorama  et  jardin. 

Au  centre  d'une  grande  salle  circulaire,  dans  laquelle  la 
lumière  est  adroitement  ména:j;ée,  s'élève  une  vaste  estrade 
au  sommet  de  laquelle  les  di;imanfs  de  la  couronne  attirent 
de  nombreux  visiteurs;  tout  autour,  les  chefs-d'œuvre  de  la 
manufacture  de  Sèvres,  se  dessinent  en  silhouettes  gracieuses 
auprès  du  service  de  l'empereur,  sorli  des  ateliers  de  M.  Chris- 
tone. 

Les  murs  sont  ornés  des  magnifiques  tapis  des  Gobelins  et 
deBeauvais,  qui  représentent  dignement  les  manufactures 
impériales  auprès  des  tapisseries  de  M.  Sallandrouze  et  des 
moquettes  d'Aubusson.  Quelles  perfections  dans  ces  produits: 
ces  couleurs  inaltérables,  fixées  sur  le  bi-ciiit  ou  le  tissu,  as- 
surent à  ces  œuvres  d'art  l'admiration  des  siècles  à  venir. 

La  galerie  au  pourtour  renferme  d'une  part  les  instruments 
de  musique,  les  armes  et  la  coutellerie;  de  l'autre,  tous  les 
produits  de  fébénisterie  française  auprès  desquels  les  dessins 
de  nos  artistes  industriels  occupent  une  galerie  spéciale. 

Dans  le  jardin,  deux  hangars  contiennent  la  carrosserie  de 
la  plupart  des  nations  représentées  au  Palais  de  l'Industrie, 
l'Angleterre  et  l'Autriche  exceptées.  Le  bâtiment  des  instru- 
ments et  des  produits  agricoles  étale  les  conquêtes  dont  les 
arts  mécaniques  ont  doté  l'agriculture. 

Dans  le  jardin  ,  des  modèles  de  construction,  le  yacht  de 
l'empereur,  le  modèle  d'une  hélice  et  un  grand  nombre  de 
pièces  de  dimensions  considérables  entourent  la  galerie  cir- 
culaire qui  est  le  principal  bulfet  de  l'établissement.  La  can- 
tine pour  les  ouvriers  et  les  hommes  de  service  est  placée 
tout  auprès  du  modèle  de  cité  ouvrière  qu'a  fait  construire 
M.  Glarck,  et  qui  sera  meublé  bientôt  de  tous  les  objets  spé- 
cialement destinés  aux  populations  ouvrières. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  65 


Annexe. 

Le  plan  général  que  nous  donnons  des  annexes,  indique  à 
la  fois  la  distribulion  entre  les  nations  étrangères  pour  la  sec- 
tion des  produits  et  pour  celle  des  machines. 

Dans  la  section  des  produits,  une  double  galerie  de  7  mètres 
de  largeur,  disposée  pour  recevoir  les  produits  les  moins  en- 
combrants, est  surtout  remarquable  par  les  produits  naturels 
des  colonies  les  plus  importantes,  et  par  les  nombreux  instru- 
ments scientifiques  qu'elles  renferment.  Au  rez-de-chaussée  se 
trouvent  les  produits  minéraux  et  métallurgiques,  les  produits 
agricoles  des  pays  étrangers,  les  substances  alimentaires  et 
les  produits  chimiques. 

Vers  le  centre  de  l'annexe,  la  section  des  produits  se  ter- 
mine par  l'exposition  des  colonies  françaises  et  les  magni- 
fiques collections  de  l'Algérie. 

Si  ces  témoins  de  la  fécondité  du  globe  n'offrent  pas  tou- 
jours une  variété  suffisante  pour  attirer  les  regards  des  visi- 
teurs les  plus  pressés,  la  section  des  machines,  au  contraire, 
jouit  du  rare  privilège  d'être  favorablement  apprécié  par  tous. 
Ces  masses  de  fer  de  toutes  formes  qui  travaillent  le  métal  le 
plus  résistant,  la  pierre  la  plus  dure,  les  bois  les  plus  difficiles 
aussi  bien  que  les  fils  les  plus  fins  et  les  tissus  les  plus  légers, 
excitent  l'admiration  générale.  Cette  longue  galerie  dans  la- 
quelle le  mouvement  est  partout,  qui  décèle  par  quels  moyens 
l'homme  a  su  soumettre  à  ses  besoins  la  puissance  des  eaux 
et  celle  de  la  vapeur,  qui  fait  voir  comment  les  mille  doigts 
de  la  mécanique  peuvent  être  doués  de  tous  les  genres  de  pré- 
cision ,  laisse  bien  loin  derrière  elle  la  galerie  par  laquelle  la 
commission  royale  de  Londres  avait  inauguré,  en  1851,  ce 
genre  d'expositions. 

La  disposition  générale  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'ingé- 
nieur qui  a  dirigé  les  travaux  et  au  constructeur  qui  les  a  si 
habilement  exécutés. 

Notre  plan  général  indique  les  emplacements  occupés  par 
les  machines  des  principales  contrées. 

Les  indications  qu'il  renferme  seront  suffisantes  pour  faire 
connaître  au  visiteur  où  il  devra  chercher  les  différents  pro- 
duits ;  mais  il  nous  a  paru  désirable ,  avant  de  nous  livrer  à 
200  e 


66  VISITE 


un  examen  comparatif  des  produits  similaires  ,  de  jeter  un 
coup  d'oeil  rapide  sur  l'Exposition  de  chaque  pays. 


FRANGE. 

Annexe,  section  des  produits,  travées  44  à  71,  de  A  à  D.  — 
Annexe,  section  des  machines,  travées  71  àlU,  deAàD.  — 
Bâtiment  des  produits  agricoles.  —  Bâtiment  de  la  carrosserie. 
—  Panorama  tout  entier.  —  Palais  principal,  rez-de-chaussée, 
travées  1  à  32,  de  A  à  H.  —  Palais  principal,  galerie,  tra- 
vées 1  à  10 ,  de  A  à  B  ;  10  à  23 ,  de  A  à  0  ;  23  à  32 ,  de  A  à  B. 

Dans  l'examen  comparatif  des  produits  des  différentes  clas- 
ses, la  France  occupe  nécessairement  une  assez  large  place 
pour  qu'il  soit  inutile  de  décrire  ici  le  caractère  spécial  que 
présente  son  Exposition. 

Dans  les  arts  du  dessin  ,  dans  les  articles  de  luxe  ,  elle  n'a 
de  rivale  nulle  part  ;  le  bon  goût  qui  préside  aux  œuvres  de 
nos  ariistes,  le  sentiment  général  de  la  forme  ont  dès  long- 
temps imprimé  leur  influence  dans  la  plupart  des  industries 
françaises.  Nous  verrons  d'ailleurs  sur  quels  points  la  France, 
soit  au  point  de  vue  agricole,  soit  au  point  de  vue  de  l'indus- 
trie manufacturière,  a  su  maintenir  en  sa  faveur  une  évidente 
supériorité. 

Afin  de  rendre  plus  facile  la  recherche  des  produits  fran- 
çais ,  nous  avons  reproduit  la  table  suivante  qui  pourra  être 
consultée  avec  fruit. 

Les  lettres  A,  J  et  P  qui  précèdent  la  désignation  indiquent 
qu'en  général  les  produits  de  la  même  nature,  qui  appartien- 
nent aux  pays  étrangers ,  sont  placés  dans  l'Annexe ,  dans  le 
Jardin  ou  dans  le  Palais  de  l'industrie. 


Nomenclature  des  produits  français,  avec  l'indication 
des  emplacements  qu'ils  occupent. 

A.    Aciers  et  coutellerie. . .  Panorama. 

P.    Armes Panorama. 

J.    Agriculture      (  instru- 
ments d') Jardin, 

^,  Agricoles  (produits).,.  Jardin, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  67 

A.   Alimentaires  (substan- 
ces)    Annexe  ;  A  à  B  ;  44  à  49. 

P.   Bijouterie Palais  ;  g.  G  à  D  ;  Il  à  20. 

P.    Bronzes Palais;  r.-d.-c.  D.  à  F  ;  20  à  29. 

P.    Bonneterie Palais;  r.-d.-c.  E  àF;  1  à  3. 

P.   Broderies Palais;  g.  B  etC  ;  2  à  28. 

P.    Brosserie,  vannerie. . .  Palais;  r.-d.-c.  G  à  D;  2à  8. 

P.    Boutons Palais  ;  r.-d.-c.  C  à  D;  20  à  24. 

A.   Boissons Annexe;  r.-d.-c.  A  à  B;  47  à  53. 

P.   Cotons  filés  et  tissés  . .  Palais  ;  r.-d.-c.  A  à  G  ;  1  à  6. 

P.   Couvertures  et  flanelles.  Palais  ;  r.-d.-c.  D  à  G  ;  30  à  32. 

P.   Chaussures Palais  ;  r.-d.-c.  C  à  D  ;  17  à  30. 

P.    Chapellerie Palais  ;  r.-d.-c.  G  à  E  ;  1  à  3. 

P.  A.  Constructions  navales.  Annexe;  r.-d.-c.  A  àD  ;  14  à  16. 

A.   Conslruction     (  maté- 
riaux de) Annexe;  r.-d.-c.  B  à  D;  S4à60. 

P.  A.  Cordages Palais;  r.-d.-c.  A  à  B;  14  à  12. 

P.    Châles Palais  ;  g.  A  ;  24  à  32. 

P.    Coffrets  et  nécessaires.  Palais;  r.-d.-c.  B  à  A;  9  à  11. 
P.  J.  Carrosserie  ,  sellerie  , 

bourrellerie Jardin. 

A.   Cuirs  et  peaux Annexe;  r.-d.-c.  AàD;  73  à112. 

A.   Caoulchouc,  gutta-per- 

cha,  etc ,..:...  Annexe;  g.  A  à  D  ;  59  à  65. 

P.  A.  Chauffage, appareils, etc. Annexe;  r.-d.-c. BàD  ;  48  à  54. 

P.   Dentelles Palais  ;  g.  B  à  G;  14  à  20. 

P.   Draps Palais;r.-d.-c.  ;  AetB;24à32. 

P.    Dessins  de  fabrique. . .  Panorama. 

P.    Étoffes  de  soies Palais  ;  g.  A  à  G  ;  5  à  26. 

P.    Éventails  et  écrans. . .  Palais;  r.-d.-c.  C  à  D;  19  à  21. 

P.    Fleurs  artificielles Palais;  g.  B  à  G;  10  à22. 

P.   Fourrures Palais  ;  r.-d.-c.  D  à  G  ;  1 . 

p.   Gravures,  lithographies 

et  photographies. . .  Palais;  r.-d.-c.  B  à  G;  3  à  8. 

P.    Ganterie Palais;  r.-d.-c.  G  et  D;  30  à  32, 

P.  A.  Horlogerie Annexe  ;  r.-d.-c.  BàD;  44  à  47. 

P.   Imprimerie  et  librairie.  Palais;  r.-d.-c.  B  à  F  ;  3  à  8. 
P.  A.  Instruments  de  préci- 
sion    Annexe;  g.  G  à  B;  44  à  52,  et 

r,-cl.-c.  BàC;  47  à  48. 


68  VISITE 

P.  Jouets  d'enfants ^^^^'''^ '•-^:'''- ^^V  llï'll' 

P.  Laines  filées Palais  ;  r.-d  -c.  A  a  C  ;  20  a  32. 

P.  Mérinos Palais;  r.-d.-c.  B  a  C;  19  a22. 

A.   Machines Annexe;  A  a  B;  73  a  112. 

p     Meubles Panorama. 

P.  A.  Marbrerie Marquises  est  et  ouest. 

P.   Musique    (  instruments 

(\q\ Panorama. 

P.    Modes    et     confection  ,     i,  tr-ihn 

pour  dames Palais;  r.-d.-cetg.BetG,  1  a4. 

4     Mines      Annexe;r.-d.-c.  AaD;5éaGD. 

P     Orfévr'erie P^'^^^' ^-l""  "''!'' îo" 

P    Porcelaines  et  poteries.  Palais;  r.-d.-c.  A  a  E;  13  a  19. 

A*   Papiers Annexe;  g.  G  à  D;  52  a  57. 

p"    Parapluies  et  camées..  Palais;  r.-d.-c.  Ca  D  ;  9  a  14. 
P  A  Papiers  peints  et  déco- 
rations   Panorama. 

A     Produits  chimiques. . .  Annexe;  A  aB;  49  a  59  . 

a!    Quincaillerie Panorama. 

P.    Soies  grèges  et  cocons.  Palais  ;  g.  A  a  B  ;  30  a  32 

p^   Toiles..! Palais;r.-d.-c.  AaB;10a15. 

p'   Tapis  Panorama. 

P    Tapisseries Palais;  g.  B  à  C;  10  à  22. 

p     Vitraux  et  stores Palais  ;  escaliers. 

P.  Velours  et  peluches...  Palais;  g.  B  à  G;  8  a  12. 
p!   Voyage  (articles  de) .. .  Jardin. 

Nous  avons  dit  pour  quelles  raisons  il  nous  paraissait  inutile 
de  décrire  sommairement  le  caractère  de  l'Exposition  fran- 
çaise •  on  trouvera  dans  les  notices  suivantes  un  aperçu  gé- 
néral sur  celles  de  chaque  pays,  en  commençant  par  l'Algérie 
et  les  colonies  françaises. 


ALGÉRIE. 

Annexe ,  section  des  produits  ;  travées  65  à  70,  de  A  à  D. 

Dans  l'espace  réservé  à  nos  colonies,  et  c'est  justice,  l'Al- 
gérie occupe  la  plus  grande  place;  à  gauche  ,  se  trouvent  ses 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  69 

bois,  ses  denrées  alimentaires  ;  au  milieu,  ses  vins,  ses  huiles, 
ses  matières  textiles;  à  droite  enfin,  dans  les  galeries,  les  pro- 
duits de  l'industrie  arabe  ou  coloniale  et  les  objets  fabriqués 
avec  ces  matières  premières. 

La  collection  de  bois  de  TAlgérie  est  très-complète  :  essen- 
ces de  nos  climats  et  arbres  tropicaux,  chênes  verts,  chénes- 
liéges,  palmiers,  thuyas,  orangers,  oliviers,  cèdres,  se  trou- 
vent réunis  dans  notre  colonie  africaine  et  peuvent  y  atteindre 
des  dimensions  énormes  si  on  en  juge  par  le  tronc  d'olivier 
sauvage  qui  aurait  eu  plus  de  mille  ans  d'existence. 

Parmi  les  bois  d'ébénisterie  ,  le  thuya  se  place  en  première 
ligne;  ses  belles  teintes  sombres,  ses  veines  brunes  sur  un 
fond  rouge  et  chaleureux ,  expliquent  la  préférence  qu'on  lui 
a  donnée;  des  pianos,  des  meubles,  des  caisses  à  liqueur, 
montrent  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  de  cet  arbre  précieux. 
M.  Testut,  ébéniste  à  Alger,  a  exposé  un  grand  nombre  de 
beaux  produits  exécutés  soit  en  thuya,  soit  en  olivier,  dont 
la  couleur  est  beaucoup  plus  claire ,  et  qui  rappellent  dans 
des  tons  plus  jaunes  l'acajou  neuf.  Nous  avons  remarqué 
surtout  un  meuble  en  thuya  et  en  houx  coloré  en  bleu  noi- 
râtre, rehaussé  d'ornements  en  cuivre. 

Dans  la  partie  nord  de  l'Exposition  sont  placées  les  huiles 
de  l'olivier  domestique  ;  cette  galerie  obscure  que  personne 
ne  regarde  et  où  se  trouvent  réunis  les  huiles,  les  vins  et  les 
laines  d'Algérie  nous  paraît,  si  on  y  ajoute  les  céréales,  ren- 
fermer tout  l'avenir  de  notre  belle  colonie;  deux  systèmes 
sont  en  effet  en  présence  :  faut-il  tenler  en  Algérie  la  culture 
des  denrées  coloniales,  du  sucre,  du  coton,  même  du  thé,  ou 
bien  faut-il  que  nous  ayons  en  Afrique  une  succursale  de 
notre  Provence,  qui  nous  donnera  des  céréales,  du  vin,  de 
l'huile,  de  la  garance,  de  la  soie  et  de  la  laine  fine?  Le  pre- 
mier système  paraît  être  celui  du  gouvernement  ou  plutôt 
celui  du  général  qui  dirige  l'administration  spéciale  de  l'Al- 
gérie: un  grand  prix  de  10  000  francs  a  été  décerné  en  effet 
aux  cultivateurs  de  coton,  sans  qu'aucune  récompense  ana- 
logue soit  venue  encourager  les  producteurs  de  céréales;  le 
second,  surtout  représenté  par  M.  Decaisne,  professeur  de 
culture  au  Muséum ,  qui ,  dans  ses  leçons  comme  dans  ses 
écrits,  soutient  son  opinion  avec  l'énergique  passion  pour  le 
bien  qu'il  apporte  dans  toutes  ses  œuvres.  Nous  ne  pouvons 


10  VISITE 

entrer  ici  dans  la  discussion  que  nécessiteraient  des  ques- 
tions d'un  si  haut  intérêt;  cependant,  quand  on  songe  à  la 
rareté  et  au  prix  considérable  de  la  main-d'œuvre  en  Algérie; 
quand  on  voit  que  d'un  côté  il  y  a  tout  à  créer,  tandis  que  de 
l'autre  il  n'y  a  qu'à  continuer  la  culture  à  laquelle  le  sol  est 
propre,  puisqu'elle  y  existe  de  toute  antiquité,  il  nous  semble 
qu'il  n'y  a  pas  à  hésiter. 

La  garance,  le  cochenille,  le  tabac,  le  lin,  le  ricin,  l'oli- 
vier, le  mûrier,  la  vigne  ,  l'asphodèle,  telle  est  l'extrême  va- 
riété de  plantes  industrielles  que  porte  le  sol  algérien. 

Blé  dur  et  tendre,  maïs,  orge,  avoine,  dattes,  telles  sont 
les  denrées  alimentaires  dont  l'Algérie  peut  déjà  exporter  des 
quantités  considérables.  Les  céréales  algériennes  paraissent 
d'une  qualité  tout  à  fait  supérieure,  et  la  palme  qu'avait  ob- 
tenue l'Australie  en  185'!  pourrait  bien  cette  année  passer  à 
notre  colonie  d'Afrique. 

La  culture  des  fruits  sera  encore  pour  ce  pays  la  source 
d'une  grande  richesse;  elle  ne  disparaît  de  notre  Provence 
que  pour  se  retrouver  de  l'autre  côté  de  la  Méditerranée.  Les 
oranges ,  les  citrons ,  les  fruits  frais  et  confits  seront  sans 
doute  prochainement  un  article  important  d'exploitation  pour 
l'Algérie. 

Les  laines  enfin  ,  dont  nous  voyons  un  grand  nombre  d'é- 
chantillons et  qui  méritent  toute  l'attention  ,  forment  une  des 
parties  les  plus  importantes  de  la  collection  des  produits 
algériens.  L'Arabe  est  éminemment  pasteur;  sa  richesse  ré- 
side presque  exclusivement  dans  ses  troupeaux.  Il  y  attachera 
donc  un  soin  tout  spécial  et  se  hâtera  de  les  améliorer  si  on 
le  pousse  dans  cette  voie,  si,  en  lui  achetant  plus  cher  des 
produits  plus  parfaits,  on  le  met  à  même  d'améliorer  ses  toi- 
sons au  moyen  de  croisement  avec  des  béliers  mérinos  ;  ce 
croisement  est  appelé  à  réussir  d'autant  mieux  que  l'examen 
que  M.  Bauderaent  a  fait  d'un  grand  nombre  d'échantillons 
algériens  l'a  conduit  à  penser  que  déjà  plusieurs  troupeaux 
avaient  reçu  autrefois  du  sang  mérinos,  si  toutefois  les  mé- 
rinos eux-mêmes  n'étaient  pas  originaires  de  nos  provinces 
barbaresques.  Au  reste ,  quelques  producteurs  ont  exposé 
des  échantillons  de  toisons  croisées  qui  présentent  d(\jà  un 
grand  progrès  sur  la  laine  commune  des  races  indigènes. 

Les  vitrines  de  la  galerie  nord  renferment  les  produits  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  71 

l'industrie  arabe  :  écharpes  légères  et  transparentes  brodées 
d'or  et  de  soie,  burnous  rouge  et  blanc,  gaudourahs  de  mous- 
seline transparente,  riches  éventails  de  plumes  d'autruche, 
maroquins  repoussés ,  bottes  de  cavaliers  armés  de  longs 
éperons,  babouches  de  femme  sans  talon  ornées  d'or ,  vraie 
chaussure  de  haremavec  laquelle  on  ne  peut  faire  un  pas, 
mais  qui  donne  à  la  démarche  cette  nonchalance  ,  cette  pa- 
resse de  mouvement  qui  est  un  des  charmes  des  mau- 
resques. 

Puis  la  selle ,  les  harnais  ,  les  armes  de  l'homme  de  grande 
tente,  de  l'argent  sur  le  velours  et  le  cuir,  de  l'argent  encore 
sur  le  fusil  et  sur  le  yatagan  ;  on  sent  que  ces  richesses  porta- 
tives conviennent  à  un  peuple  non  attaché  au  sol ,  qui  veut 
tout  transporter  avec  lui  ;  peuple  nomade  qui  vit  sous  la 
tente,  qui,  lorsqu'il  est  poursuivi,  chasse  ses  troupeaux  de- 
vant lui,  et  fuit  vers  le  désert,  sur  sa  jument  rapide,  animal 
de  cette  race  célèbre,  aussi  élégante  que  robuste,  aussi  résis- 
tante que  vive,  qui  deviendra  aussi  l'une  des  causes  de  pros- 
périté de  la  colonie. 

Les  richesses  minérales  de  l'Algérie,  encore  mal  connues, 
mal  exploitées ,  se  sont  discréditées  au  point  que  les  actions 
des  mines  de  Mouzaïa  et  de  Tenez  sont  cotées  à  la  Bourse  aux 
prix  les  plus  bas  ;  les  échantillons  déminerais  sont  assez  beaux 
cependant,  et  il  est  possible  que  la  non-réussite  de  ces  affaires 
tienne  plutôt  à  une  mauvaise  administraiion  qu'à  une  pau- 
vreté réelle  des  mines  ;  de  la  galène,  du  fer  oligiste,  de  la 
limonite,  promettent  à  l'Algérie  du  plomb  et  du  fer;  enfin,  les 
marbres  sont  déjà  une  richesse  tout  acquise  qu'elle  pourra 
exploiter  quand  ses  voies  de  communication  seront  plus  par- 
faites. Nous  avons  remarqué  entre  autres  quelques  beaux 
échantillons  de  marbre  portor  qui  ne  se  trouve  plus  nulle 
part  ailleurs.  L'agate,  connue  sous  le  nom  d'onix  africain,  est 
un  magnifique  produit  spécial  à  l'Algérie;  les  plaques  qui 
existent  à  l'Exposition  sont  de  toute  beauté;  la  demi-trans- 
parence, les  veines  coloriées,  le  fond  blanc  jaspé  de  cette  belle 
variété  de  quartz  en  feront  une  des  matières  premières  les 
plus  recherchées  pour  la  confection  de  la  sculpture  d'orne- 
ment. 

Si  Ton  se  rappelle  qu'il  y  a  à  peine  quinze  ans  qu'on  s'oc- 
cupe sérieusement  de  cette  partie  africaine  de  notre  territoire, 


72  VISITE 

on  comprend  qu'on  ne  soit  pas  encore  arrivé  plus  loin.  Ce 
qu'on  devait  demander  à  cette  exposition,  c'était  de  montrer 
non  pas  ce  qui  était  fait  en  Algérie,  mais  ce  qu'on  pouvait  y 
faire;  l'exposition  des  produits  minéraux  et  végétaux  prouve 
qu'un  immense  avenir  attend  cette  succursale  de  la  France, 
où  nous  pourrons  faire  ce  qui  nous  manque  en  Europe  ;  des 
céréales  qui  nous  donneront  un  complément  utile  toujours, 
indispensable  quelquefois;  des  huiles  que  notre  midi  ne  fait 
plus  qu'avec  peine;  des  vins,  si  la  terrible  maladie  qui  ruine 
nos  vignerons  continue  encore  ses  ravages  ;  de  la  soie,  enfin, 
de  la  laine  fine  si  nous  suivons  l'exemple  de  l'Angleterre , 
nous  réservant  de  faire  de  la  viande  chez  nous  comme  elle  a 
fait  chez  elle,  et  faisant  de  la  laine  fine  en  Algérie  comme  elle 
en  fait  à  Victoria  et  à  Melbourne. 


COLONIES  FRANÇAISES. 

Annexe ,  section  des  produits  ;  travées  69  à 

La  pauvreté  et  le  petit  nombre  des  échantillons  envoyés 
par  nos  colonies  a  conduit,  sans  doute,  au  système  de  classi- 
fication que  nous  avons  vu  en  vigueur  dans  l'exposition  de 
nos  colonies.  Tous  les  produits  réunis,  agglomérés,  sans  dis- 
tinction de  pays,  qu'ils  viennent  des  Antilles  ou  du  Sénégal, 
de  la  Guyane  ou  de  la  Réunion ,  forment  sans  doute  un  en- 
semble assez  satisfaisant  au  premier  coup  d'œil,  mais  cette 
confusion  augmente  énormément  les  difficultés  d'un  examen 
sérieux.  Il  nous  semble  qu'il  eût  été  plus  digne  et  en  même 
temps  plus  utile  de  montrer  franchement  notre  pauvreté; 
plus  elle  aurait  été  évidente  et  palpable,  et  plus  viie  on  se 
serait  occupé  de  la  détruire....  Il  est  difficile  de  guérir  quand 
on  cache  son  mal. 

Le  Sénégal  et  le  Gabon  sont  peu  représentés  à  l'Exposition, 
ou  du  moins  leurs  produits  éparpillés  sont  difficiles  à  appré- 
cier. Le  Gabon  nous  a  envoyé  un  bel  échantillon  d'huile  de 
palme  qui  pourra  devenir  d'un  haut  intérêt  pour  le  commerce 
de  ce  comptoir;  le  Sénégal  envoie  des  dents  d'éléphant ,  de 
la  gomme  ,  du  caoutchouc,  des  résines,  de  l'indigo  et  des 
armes  sauvages. 


A  L'EXPOSITION  UiMVERSELLE.  73 

L'exposition  de  l'île  de  la  Réunion  est  plus  riche,  elle  appa- 
raît toujours  avec  ses  cafés  et  son  sucre,  ses  épices,  muscade, 
girofle  et  cannelle;  l'huile  de  coco  qu'elle  envoie  pourra  de- 
venir un  article  d'exportation  intéressant,  maintenant  qu'on 
emploie  cette  huile  en  grande  quantité  dans  la  confection  des 
savons. 

Nous  avons  trouvé  dans  nos  colonies  des  Antilles  des  pro- 
duits analogues;  leur  café  et  leur  sucre  continuent  à  être  leur 
principale  richesse,  grâce  à  la  législation  spéciale  qui  les  pro- 
tège ;  en  revanche ,  notre  Guyane  n'a  rien ,  et  c'est  là  une 
grande  faute.  On  s'est  beaucoup  occupé  depuis  quelque  temps 
de  la  Guyane  ;  on  espérait  et  on  espère  encore  arriver  à  quel- 
ques résultats  en  faisant  de  cette  colonie  un  lieu  de  déporta- 
tion ;  mais  l'occasion  était  belle  pour  montrer  les  richesses 
naturelles  de  cette  contrée ,  tandis  qu'on  sera  encore  dans 
l'avenir  réduit  à  discuter  dans  le  vide  comme  par  le  passé  , 
sans  avoir  vu,  sans  avoir  eu  entre  les  mains  les  produits  de 
cet  immense  territoire  inculte  et  inoccupé.  La  faute  est  d'au- 
tant plus  grave,  que  la  Guyane  anglaise  a  une  fort  belle  expo- 
sition bien  classée,  et  dont  plusieurs  produits  montrent  tout  le 
parti  que  les  Anglais  ont  déjà  su  tirer  de  cette  conquête  qu'ils 
ne  possèdent  cependant  que  depuis  quarante  ans. 

Nos  possessions  de  l'Inde  nous  ont  envoyé  deux  magots; 
au  moins,  on  ne  leur  attachera  pas  plus  d'importance  qu'elles 
n'en  ont. 

De  tous  nos  établissements  d'outre-mer  ,  deux  seulement 
peuvent  être  appelés  à  un  grand  avenir  :  l'Algérie  sera  une 
seconde  France,  jeune,  fertile,  peuplée  par  le  trop  plein  de  la 
mère  patrie;  elle  pourra  lui  donner  les  matières  premières 
que  celle-ci  mettra  en  œuvre;  enfin  ,  la  Guyane,  l  immense 
Guyane,  saine  quand  on  pénètre  à  l'intérieur,  pourrait  pro- 
duire toutes  les  denrées  coloniales  que  sa  latitude  lui  per- 
met de  cultiver  et  qui  réussissent  si  bien  dans  les  possessions 
anglaises  voisines.  Le  succès  de  l'Algérie  est  maintenant  cer- 
tain, mais  celui  de  la  Guyane  est  douteux  encore  si  le  gouver- 
nement ne  se  décide  à  soutenir  cette  colonie  avec  une  éner- 
gique patience  contre  la  malveillance  dont  elle  est  l'objet. 


fi  VISITE 


ROYAUME  UNI  DE  LA  GRANDE  BRETAGNE 
ET  DE  L'IRLANDE. 

Annexe,  section  des  produits  ;  travées  i  à  10  de  A  à  D,—  Annexe, 
section  des  machines;  travées  126  à  142  de  A  à  D.  —  Jardin.— 
Palais  principal ,  rez-de-chaussée  ;  travées  1  à  16  de  H  à  N.  — 
Palais  principal,  galerie;  travées  1  à  15  de  K  à  N. 

L'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851,  au  succès  de 
laquelle  nos  industries  françaises  avaient  si  heureusement 
concouru,  devait  être  pour  nous  un  gage  de  l'empressement 
qu'apporteraient  les  grands  manufacturiers  de  l'Angleterre  à 
se  rendre  à  notre  premier  appel.  L'hésitation  fut  cependant 
grande.  L'opinion  publique  se  préoccupa  pendant  quelque 
temps  des  questions  économiques  qui  ferment  aux  produits 
anglais  le  marché  de  la  France,  et  la  plupart  des  industriels 
ne  paraissaient  vouloir  prêter  à  l'Exposition  leur  concours  que 
dans  le  cas  où  il  leur  serait  permis  d'espérer ,  dans  un  pro- 
chain avenir ,  un  abaissement  notable  dans  les  droits  de 
douane.  En  profitant  avec  habileté  de  notre  communauté  d'in- 
térêts dans  la  question  européenne  ,  le  dévouement  des  com- 
missaires anglais  parvint  cependant  à  rallier  les  plus  hostiles, 
et  plus  de  deux  mille  exposants  ont  envoyé  leurs  produits  à 
l'Exposition.  Les  nombreuses  colonies  anglaises,  qui  ne  sont 
pas  comprises  dans  ce  nombre,  ajoutent  encore  à  la  splendeur 
de  l'ensemble  par  l'immense  variété  de  leurs  produits. 

Nous  jetterons  un  coup  d'œil  rapide  sur  la  physionomie 
générale  des  galeries  anglaises,  les  plus  (Complètes  après  celles 
de  la  France.  Les  colonies  seront  examinées  à  part,  ces  pour- 
voyeuses de  la  métropole  offrant  chacune  un  caractère  propre 
qu'il  est  utile  de  mettre  en  évidence;  les  Indes,  le  Canada, 
l'Autriche  nous  offriront  surtout  d'intéressantes  richesses. 

Dans  la  classe  des  mines  et  de  la  métallurgie,  nous  aurions 
pu  désirer  une  collection  plus  imposante,  eu  égard  à  l'im- 
mense développement  que  le  traitement  du  fer  a  pris  dès  long- 
temps dans  l'industrie  des  îles  britanniques,  si,  en  regardant 
de  plus  près  les  produits  exposés,  nous  n'y  trouvions  un  choix 
à  la  fuis  sobre  et  judicieux  de  toutes  les  branches  les  plus  im- 


A  L*EXPOSITÏON  UNIVERSELLE.  7S 

portantes  de  cette  industrie;  on  s'étonne  à  première  vue  du 
petit  nombre  d'objets  ;  bientôt  on  n'est  pas  moins  étonné  de 
leur  importance.  La  source  de  toute  la  fortune  de  nos  voisins, 
•  la  houille  ,  devait  surtout  figurer  au  premier  plan  ;  264  échan- 
tillons réunis  par  le  board  of  trade  dans  tout  le  royaume,  sont 
là  pour  attester  combien  les  exploitations  de  ce  précieux  com- 
bustible sont  nombreuses.  Les  cokes  qui  les  accompagnent, 
particulièrement  ceux  de  Newcastle,  exciteront  l'envie  de 
toutes  les  nations  moins  bien  traitées.  Les  briquettes  compri- 
mées d'anthracite  et  de  bitume,  pour  les  forges,  la  marine  et 
les  locomotives,  sont  là  pour  attester  le  parti  que  nos  voisins 
savent  tirer  de  ce  combustible  si  riche,  mais  d'un  emploi  dif- 
ficile ;  c'est  à  peine  si  chez  nous  l'anthracite  est  exploitée  pour 
quelques  fours  à  chaux  ;  rarement  et  comme  par  exception 
pour  le  chauffage  de  quelques  usines. 

Quoique  les  produits  de  l'industrie  du  fer  soient  exposés 
sous  le  nom  collectif  du  Département  des  sciences  et  des 
arts,  et  que,  par  conséquent,  ils  doivent  faire  l'objet  d'un 
éloge  d'ensemble,  tant  pour  la  beauté  des  échantillons  que 
pour  leur  judicieux  arrangement,  nous  nous  permettrons  de 
citer  d'une  manière  toute  spéciale  deux  rails  qui,  par  leurs  di- 
mensions, peuventplus  particulièrement  édifier  les  visiteurssur 
la  puissance  de  production  des  usines  anglaises  :  un  rail  Barlow 
de  i6'",02,  un  rail  Brunel  de  24"^^, 45,  une  manivelle  colossale 
pour  machine  de  bateau  ,  un  canon  en  acier  fondu  ,  sont  au- 
tant de  pièces  importantes  dans  cette  remarquable  collection, 
qu'on  pourrait  simplement  appeler  une  carte  d'échantillons, 
tant  il  est  vrai  qu'elle  représente  les  véritables  produits  com- 
merciaux. 

Parmi  les  autres  productions  minérales  ,  nous  nous  borne- 
rons à  citer  encore  celles  de  l'exploitation  de  M.  Sopwith;  on 
trouverait  difficilement  une  illustration  plus  complète  des 
procédés  employés  dans  le  traitement  des  minerais  de  plomb 
argentifère. 

Les  fontes  moulées  de  Coal  Brookdale  Company  sont  d'une 
belle  exécution  sans  doute  ,  mais  nous  leur  reprocherions  vo- 
lontiers la  négligence  de  leurs  dessins. 

Ne  quittons  pas  les  produits  minéraux  sans  dire  un  mot  de 
cette  belle  carte  géographique  de  M.  Mylne,  qui  ne  le  cède 
en  rien,   sous  aucun  rapport,  aux  plus  belles  cartes  connues. 


76  VISITE 

Les  productions  végétales  occupent,  dans  les  envois  des  colo- 
nies anglaises,  une  large  place.  Leur  prodigieuse  variété  ,  leur 
action  dans  l'industrie  manufacturière  et  dans  l'alimentation 
du  pays,  leur  assignaient  naturellement  un  rôle  considérable 
à  l'Exposition  de  4855.  Mais  nous  n'étions  pas  autant  préparés 
à  voir  figurer  les  produits  agricoles  de  l'Angleterre  avec  un 
tel  éclat.  Tandis  que  les  envois  des  Indes  frappent  par  une 
variété  qui  exclut,  pour  ainsi  dire,  toute  classification  métho- 
dique, ceux-ci  nous  apparaissent  dans  un  ordre  admirable,  et 
nous  permettent  d'apprécier  d'un  seul  coup  d'œil  les  résultats 
de  cette  culture  perfectionnée  dont  la  nécessité  d'une  large 
production  a  su  doter  cette  grande  nation.  Les  céréales ,  les 
légumineuses ,  les  fourrages,  les  bois  sont  pris  dans  les  pro- 
duits naturels  eux-mêmes;  les  racines  et  les  fruits  sont  repré- 
sentés par  des  imitations  parfaites;  les  animaux,  par  des 
peintures  soignées.  Cette  collection,  dans  son  ensemble  ,  fait 
le  plus  grand  honneur  au  professeur  Willson  qui  l'a  faite  : 
nous  regrettons  seulement  que  la  place  qui  lui  a  été  affec- 
tée dans  l'annexe  soit  un  peu  éloignée  des  grandes  lignes 
de  circulation  ;  il  faut  monter  dans  les  galeries  pour  la 
voir. 

Puisque  nous  parlons  d'agriculture,  disons  un  mot  des  in- 
struments ,  de  ces  instruments  de  l'Angleterre,  si  bien  con- 
struits, si  bien  étudiés  sous  tous  les  rapports.  Ils  sont  là  tous  : 
charrues,  herses,  rouleaux,  extirpateurs,  semoirs,  pour  repré- 
senter le  système  de  culture  mécanique,  si  cette  expression 
est  permise,  que  nos  voisins  ont  adoptée.  Chacun  des  appareils 
remplit  parfaitement,  son  but;  mais  ce  but  n'étant  pas  le 
même  que  celui  que  nous  nous  proposons  avec  les  instruments 
similaires,  ils  ne  sont  applicables  chez  nous  qu'à  la  condition 
de  les  employer  tous.  Les  machines  locomobiles ,  qui  com- 
mencent à  s'acclimater  en  France,  les  moissonneuses,  les  fau- 
cheuses, les  faneuses,  les  machines  à  battre,  dont  une  pour  la 
force  d'un  homme,  forment  l'arsenal  agricole  de  l'exploita- 
tion anglaise  ,  sans  contredit  le  plus  complet  et  le  plus  par- 
fait qui  ait  été  jusqu'alors  réuni.  Trois  constructeurs  surtout 
sont  à  la  tête  de  cette  industrie  ;  M,  Croskill  ,  M.  Garrett  et 
fils,  M.  Ramsomes  et  fds  ont  des  usines  importantes.  Les  in- 
struments agricoles  de  l'Angleterre  sont  construits  dans  des 
ateliers  complets  ;  leur  construction  est  chez  nous  livrée  trop 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  77 

souvent  aux  charrons  de  village  ;  différence  essentielle  qui  a 
bien  aussi  sa  raison  d'être  dans  le  morcellement  de  notre 
sol. 

Les  machines  anglaises  sont  remarquables  par  l'invention 
et  par  l'exécution.  Lorsque  les  Penn,  les  Whitworth,  les  8le- 
phenson,  les  Fairbairn  figurent  au  nombre  des  exposants,  la 
France  peut  s'enorgueillir  de  ne  pas  être  en  arrière,  et  d'op- 
poser aux  œuvres  du  génie  anglais  ses  chefs-d'œuvre. 

Les  machines  motrices  sont  moins  nombreuses  qu'en 
France  dans  la  partie  anglaise  de  l'Exposition.  Si  nous  excep- 
tons les  belles  machines  de  Fairbairn,  les  essais  rationnels 
de  Siemens,  nous  voyons  en  général  un  point  d'arrêt  dans  la 
construction  des  machines  à  vapeur;  cependant  les  machines 
de  bateaux  préoccupent  vivement  les  constructeurs  anglais. 
Mais  les  machines  outils,  les  machines  de  filature  et,  en  géné- 
ral toutes  les  machines  de  fabrication  sont  l'objet  de  conti- 
nuels perfectionnements.  La  grande  presse  hydraulique  de 
Dunn,  pour  essayer  la  résistance  des  bois  et  des  câbles ,  les 
machines  outils  de  Whitworth,  celles  aussi  de  Buckton,  parmi 
lesquelles  une  machine  pour  tailler  les  engrenages  et  une 
autre  pour  tailler  les  molettes,  la  scierie  de  John  Birch,  qui  a 
servi  à  la  construction  du  Palais-de-Cristal  de  Londres ,  la 
tréfilerie  de  Johnson  ,  peuvent  donner  aux  visiteurs  des  no- 
tions assez  complètes  sur  l'emploi  des  moyens  mécaniques 
usités  dans  le  travail  des  métaux  et  du  bois. 

Les  opérations  successives  de  la  filature  du  coton  sont  exé- 
cutées devant  le  public  par  les  belles  machines  de  MM.  Platt 
frères  ;  la  machine  à  peigner  le  lin  ,  de  MM.  Comb  et  Cie  ;  le 
tissage  mécanique  de  M.  Smith  et  frère,  donnant  230  coups 
de  navette  à  la  minute  ;  le  beau  Jacquart  à  double  effet  du 
même  fabricant,  enfin  le  métier  à  moquettes  de  M.  Wood 
complètent  l'assortiment  des  machines  employées  dans  les 
arts  textiles.  Ce  dernier  appareil  ,  qui  coupe  la  trame  pour 
produire  le  velouté  ,  a  été  acquis,  quant  au  principe  ,  à  l'Ex- 
position même,  pour  l'énorme  prix  de  230  000  francs. 

La  locomotive  Stephenson ,  célèbre  par  le  nom  de  son  in- 
venteur, ne  présente  aucune  supériorité  sur  nos  machines 
françaises.  La  pompe  d'Appold  étonne  toujours  la  foule  par 
la  nappe  d'eau  qu'elle  entretient;  un  autre  appareil,  de 
M.  de  Bergue,  cherche   à  lui  faire  une  concurrence  dans 


78  VISITE 

laquelle  il  lui  sera  difficile  de  l'égaler  quant  à  l'effet  utile 
produit. 

Parmi  les  machines  de  moindre  importance,  nous  citerons, 
pour  l'élégance  de  leurs  principes  et  l'intérêt  qu'elles  offriront 
aux  visiteurs,  un  appareil  de  M.  Cripps,  de  Manchester,  pour 
graver  sur  rouleaux  les  dessins  d'étoffes  dessinées  sur  papier, 
au  moyen  d'une  transmission  par  courroies  en  ressorts  d'a- 
cier ;  un  indicateur  de  niveau,  de  M.  Coffey  ,  avec  soupape 
selfacting,  se  fermant  d'elle-même  si  le  tube  indicateur  vient 
à  se  briser  ;  une  charmante  petite  machine  pour  marquer  de 
numéros  successifs  les  tickets  de  chemins  de  fer;  enfin  ,  le 
ventilateur  de  Lloyd,  qui  ne  doit  faire  aucun  bruit  quand  il 
fonctionnera;  nous  verrons  bien. 

Nulle  part,  si  ce  n'est  à  Paris  et  à  Bruxelles,  on  ne  fait 
aussi  bien  la  carrosserie  qu'à  Londres  ;  aussi  les  voitures  an- 
glaises attirent-elles  l'attention  générale.  Tout  est  si  bien 
en  ce  genre,  qu'il  est  à  peine  permis  de  dire  que  les  voitures 
de  MM.  Davis  et  fils,  celle  de  M.  Rock,  le  dog-cart  de  M.  Sta- 
rey  ont  une  légère  prééminence. 

L'horlogerie  anglaise  est  toujours  irréprochable,  mais  ne 
présente  cette  année  aucune  nouveauté  fort  essentielle  ; 
nous  nous  bornerons  à  distinguer  les  produits  de  deux  maisons 
importantes  de  Londres,  celles  de  MM.  Davis  et  fils,  et  de 
MM.  Frodsham  et  Baker,  pour  leurs  chronomètres.  L'exposi- 
tion des  instruments  d'optique  est  plus  complète  et  compte 
des  instruments  de  premier  ordre  :  nous  parlerons  en  détail 
du  grand  cercle  méridien  du  professeur  Airy,  dont  un  modèle 
en  bois  et  carton  a  les  honneurs  de  la  nef  :  plusieurs  autres 
observatoires,  celui  d'Edimbourg,  celui  de  Kew,  ont  envoyé 
la  plupart  de  leurs  instruments  d'observation  pour  l'astrono- 
mie et  la  météorologie.  Lord  Wrottesley,  lord  Ross  ont  suivi 
l'exemple  des  établissements  publics.  Le  modèle  du  téles- 
cope de  lord  Ross ,  est  accompagné  d'épreuves  photogra- 
phiques du  monde  planéteiire  :  ces  représentations  sont  toutes 
fort  intéressantes.  Les  microscopes  de  M.  LuddsetdeM.  King, 
de  Bristol,  sont  d'une  excellente  construction,  et  les  prépara- 
tions microscopiques  deTopping  sont  bien  faites.  Les  appa- 
reils enregistreurs  d'Oshr  et  de  Brooke  sont  tout  à  fait  excep- 
tionnels. On  sait  que  les  observations  météorologiques  de 
l'observatoire  royal  de  Greenwich  sont  toutes  faites  avec  les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  79 

beaux  instruments  que  le  Conservatoire  des  arts  et  métiers 
de  Paris  s'était  empressé  d'acquérir  en  1851,  et  ce  sont  ceux- 
là  même  qui  sont  exposés  au  Palais  de  l'Industrie.  L'image 
photographique  continue  que  l'on  obtient  de  toutes  les  varia- 
tions barométriques,  thermométriques  et  autres,  permet  de 
conserver  une  trace  permanente  des  différents  phénomènes  ; 
ces  instruments  ne  sont  pas  encore  répandus  en  France,  mais 
l'observatoire  de  Paris  vient  d'en  étudier  la  marche.  La  col- 
lection des  instruments  trigonométriques  du  lieutenant-géné- 
ral James,  de  l'arme  du  génie,  est  la  plus  complète  que  l'on 
puisse  voir. 

Les  appareils  de  chauffage  et  de  télégraphie  figurent  en 
grand  nombre  dans  la  neuvième  classe  ;  l'appareil  fumivore 
du  docteur  Arnott,  les  grilles  deHoole,  les  soufflets  de  M.  Omons 
sont  surtout  intéressants.  Les  appareils  électriques  du  profes- 
seur Wheastone,  le  télégraphe  électrique  de  Walker  employé 
sur  le  Soulh-Easthern-Railway,  celui  de  W.  Henley,  auquel 
un  aimant  artificiel  sert  de  pile,  ainsi  qu'un  appareil  du 
même  genre  avec  lequel  il  peut  obtenir  et  transmettre  à  une 
distance  quelconque  une  étincelle  incendiaire;  la  collection 
des  fils  métalliques  pour  télégraphes  sous-marins,  mines,  che- 
mins de  fer,  de  M.  Newall,  sont  principalement  dignes  d'inté- 
rêt :  un  spécimen  du  câble  de  Calais  à  Douvres  fait  partie  de 
cette  dernière  collection. 

Non  loin  de  ces  objets  sont  les  modèles  destinés  aux  écoles 
du  département  des  sciences  et  arts  :  l'institution  de  Marlho- 
rough-House,  a  été  fondée  avec  les  fonds  provenant  de  l'expo- 
sition universelle  de  1 85 1 .  Bien  que  gérée  par  une  commission 
indépendante,  sous  la  présidence  de  S.  A.  R.  le  prince  Al- 
bert, cette  entreprise  ne  voulut  faire  aucun  bénéfice.  Tous 
les  fonds  disponibles  devaient,  aux  termes  même  de  sa  con- 
stitution, être  employés  en  faveur  du  développement  de  l'in- 
dustrie. Il  n'en  pouvait  être  fait  un  meilleur  usage  que  par  la 
création  de  ce  nouveau  service  public ,  qui,  sous  une  admi- 
nistration intelligente,  a  su  répandre  ses  bienfaits  dans  toutes 
les  provinces  du  royaume.  Les  modèles  exposés  sont  ceux 
que  l'établissement  central  fait  établir  au  meilleur  marché 
possible  pour  les  céder  encore  avec  réduction  de  prix  aux 
établissements  secondaires  ;  on  s'est  moins  attaché  à  produire 
fies  modèles  irréprochables  qu'à  les  rendre  facilement  accegv 


80  VISITE 

sibles  par  leur  prix,  et  c'est  à  ce  point  de  vue  surtout  qu'il 
importe  de  les  juger,  encore  bien  que  plusieurs  soient  d'une 
exécution  parfaite. 

M.  le  professeur  Willis  s'est  placé  dans  le  même  ordre  d'i- 
dées pour  la  construction  de  ses  intéressants  modèles  de  mé- 
canique. Sa  double  machine  d'Atvood  fait  immédiatement 
saisir  quelques  lois  de  la  chute  des  graves  et  quelques  prin- 
cipes élémentaires  de  la  science  ;  le  joint  universel  de  Hooke 
avec  ses  plateaux  divisés  rend  un  bon  compte  de  toutes  les 
circonstances  du  mouvement  transmis  par  cet  organe. 

Le  département  des  sciences  et  arts  a  déjà  obtenu  des  ré- 
sultats considérables  depuis  quatre  ans  :  il  s'est  mis  résolijment 
à  l'œuvre  pour  faire  pénétrer  le  goût  des  arts  dans  les  masses, 
et  déjà  quelques  objets  de  l'exposition  anglaise  sont,  sous  le 
rapport  de  la  forme,  bien  supérieurs  aux  produits  similaires 
à  l'exposition  de  1851. 

Les  produits  chimiques,  les  substances  al'imentaires,  les 
instruments  de  chirurgie  seront  examinés  dans  leurs  classes 
respectives  avec  les  détails  convenables.  Disons  que  les  pro- 
duits chimiques  proprement  dits  sont  plutôt  des  produits 
exceptionnels  de  laboratoire  que  des  objets  de  grande  fabri- 
cation :  la  collection  de  Londres  était  plus  industrielle  que 
celle  d'aujourd'hui.  Le  prussiate  rouge  de  Kind,  sa  naphta- 
line, les  beaux  produits  de  M.  Warren  Delarue,  le  camphre, 
le  calomel,  le  sublimé  corrosif  de  Baker  sont  parmi  les  pro- 
duits les  plus  intéressants.  Les  appareils  en  platine  de  Ben- 
thums  et  Froends  sont  tout  à  fait  remarquables.  Le  graphite 
désagrégé  chimiquement  de  Brodu  appelle  d'autant  plus  l'at- 
tention que  cette  matière  réduite  en  poudre,  purifiée  par  lévi- 
gation  et  rassemblée  par  pression  dans  le  vide  en  blocs  suffi- 
samment résistants ,  sert  à  la  fabrication  de  ces  excellents 
crayons  dont  l'Angleterre  a  le  monopole  et  dont  la  mine  est 
détachée  par  sciage  des  blocs  ainsi  obtenus.  Il  paraît  que  la 
désagrégation  s'obtient  au  moyen  de  l'acide  sulfurique. 

Les  cuirs  et  les  papiers  qui  se  rattachent  aux  industries 
chimiques  ont  d'habiles  représentants  :  les  cuirs  tannés  de 
M.  Hepburn,  les  maroquins  pour  reliure  de  MM.  Watson  et 
Robert,  les  maroquins  pour  sellerie  de  MM.  Wilson  et  Walker 
sont  de  la  plus  parfaite  fabrication.  Aussi,  voyez  comme  ils 
sont  mis  en  œuvre  dans  ces  nombreux  spécimens  do  la  selle- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  81 

rie  anglaise  dont  M.  Langdon  surtout  peut  être  fier.  Les  pa- 
piers de  luxe  de  M.  Delarue  dans  le  palais,  ceux  de  Holling- 
worth  dans  l'annexe,  la  collection  des  nouvelles  matières 
premières  employées  dans  la  fabrication  et  réunies  par  le  mi- 
nistre du  commerce,  les  vieux  cordages  et  le  papier  qui  en 
provient,  de  M.  Lamb,  forment  unesériedesplus  intéressantes. 

La  classe  des  substances  alimentaires  se  fait  surtout  remar- 
quer par  les  fromages  les  plus  renommés  et  les  conserves  de 
bœuf  salé. 

La  marine  et  l'art  militaire,  celui  des  constructions  civiles 
devaient  être  largement  représentés  à  l'exposition.  Le  grand 
trophée  de  la  nef,  d'un  aspect  un  peu  sauvage,  a  le  rare  mérite 
d'attirer  l'attention  générale.  Composé  de  tous  les  éléments 
principaux  du  matériel  naval,  il  est  surtout  remarquable  par 
ces  modèles  si  bien  exécutés  de  navires,  de  barques,  de  ba- 
teaux pêcheurs,  de  bateaux  de  sauvetage,  du  comité  de  Sun- 
derland.  Les  dessins  de  R.  Napier  et  fils,  parmi  lesquels 
celui  du  bateau  à  vapeur  le  Persan,  maintenant  en  construc- 
tion, de  la  puissance  de  1000  chevaux,  et  de  3600  tonnes, 
sont  moins  visités,  malgré  l'intérêt  réel  qu'ils  présentent,  que 
la  coupe  longitudinale  du  James  Buyns,  qui  laisse  voir  tous 
les  aménagements  intérieurs  et  l'ameublement  de  ce  navire 
plus  spécialement  chargé  pour  l'Australie. 

Si  l'on  voulait  caractériser  d'un  mot  la  puissance  maritime 
de  l'Angleterre,  il  suffirait  de  citer  les  nouvelles  construc- 
tions de  Blackwall  :  ce  bâtiment,  qu'exécute  en  ce  moment 
jM.  Scott  Russell,  disposera  de  3000  chevaux  de  force  et  pourra 
porter  30  000  tonnes.  Telle  est  la  richesse  de  l'Australie  que 
les  Anglais,  pour  communiquer  avec  elle,  n'hésitent  pas  à 
préparer  d'aussi  prodigieux  moyens  de  transport. 

Le  choix  sera  difficile  pour  faire  seulement  quelques  cita- 
tions parmi  les  modèles  de  construction.  Le  modèle  en  relief 
des  docks  et  du  port  de  Sunderland,  ceux  du  pont  de  Salt-Ash, 
du  pont  de  Chepstow,  par  Brunel ,  celui  du  Merinos-Salt  de 
Bradfort,  le  Victoria-Bridge,  enfin  le  magnifique  modèle  du 
Britannia,  ce  premier  pont  tubulaire  qui  relie  l'Angleterre  à 
TÉcosse,  tels  sont  ceux  qui  suffisent  pour  faire  apprécier  les 
ressources  immenses  dont  nos  voisins  disposent  dans  les 
constructions  qu'ils  savent  élever  partout  où  leur  commerce 
en  demande. 

206  f 


8^  VISITE 

Toutes  les  industries  des  métaux  ouvrés  sont  amenées  depuis 
longtemps  en  Angleterre  à  un  degré  de  perfection  que  les 
moyens  mécaniques  dont  disposent  toutes  les  usines  ontcontri- 
bué  depuis  vingt  ans  à  développer  encore  ;  cependant  ellesn'ont 
pas  également  répondu  à  l'invitation  qui  leur  était  faite  en  ce 
moment  par  la  France.  Tandis  que  la  fabrication  des  aciers  et 
celle  des  outils  de  toutes  sortes  a  pris  soin  d'envoyer  ses  plus 
beaux  et  ses  meilleurs  produits ,  la  quincaillerie  proprement 
dite  s'est  presque  entièrement  abstenue,  ou  du  moins  n'a 
envoyé  qu'une  représentation  insuffisante  des  nombreux 
articles  qu'elle  fait  en  si  grande  quantité  ;  serait-ce  que  les 
conditions  du  concours, bien  différentes  pour  ces  deux  indus- 
tries principales,  ont  encouragé  les  uns  et  conseillé  l'absten- 
tion aux  autres?  Encore  bien  que  la  France  possède  quelques 
fabriques  d'acier  fin,  que  quelques-unes  de  nos  usines  préfè- 
rent quelquefois  aux  aciers  anglais,  c'est  là  un  fait  exception- 
nel qui  ne  saurait  suffire  pour  contester  la  supériorité  géné- 
rale des  aciers  anglais  sur  les  nôtres.  La  maison  anglaise  de 
W.  Jackson  est  encore  en  possession  du  marché  français, 
sinon  pour  toutes  les  grosses  pièces,  au  moins  pour  tous  les 
aciers  de  taillanderie  et  de  qualité,  elle  tient  encore  le  pre- 
mier rang  sur  notre  importante  maison  Jackson  frères,  Petin, 
Gaudet  et  C%  et  sur  les  beaux  produits  prussiens  de  M.  Krupp. 
Les  aciers  fondus  de  la  maison  Bedford,  à  Schefifield,  illustrés 
par  là  plus  belle  collection  de  limes  que  l'on  puisse  voir,  ceux 
de  Specer  et  Jackson,  les  ressorts  [de  Tliurton  et  fils,  et 
dotant  d'autres,  soutiendraient  encore  la  supériorité  des 
aciers  anglais  en  l'absence  de  la  maison  principale.  Les  faux 
de  Gurfelt  et  fils,  les  faucilles  de  Butterley,  Hobson  et  Cie, 
ajoutent  encore  à  l'importance  de  cette  magnifique  exposi- 
tion. 

Les  arts  métallurgiques  se  sont  tellement  développés  en 
Angleterre ,  que  partout  où  la  fabrication  mécanique  peut 
être  introduite,  la  beauté  des  résultats  et  le  bas  prix  ne  lais- 
sent rien  à  désirer.  Mais  aussitôt  que  la  main-d'œuvre  devient 
considérable,  nos  grands  établissements,  favorisés  par  le  bas 
prix  des  salaires,  peuvent  soutenir  avec  avantage  la  concur- 
rence. Nous  pourrons  citer  tels  articles  de  serrurerie,  qui, 
fabriqués  en  France  avec  les  fers  anglais,  vont  se  vendre  en 
Angleterre  à  des  prix  inférieurs  aux  produits  anglais  eux- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  83 

mêmes,  quoique  chargés  de  frais  de  transports  et  de  droits 
considérables. 

Parmi  les  petits  objets  en  métal,  nous  trouvons  en  général 
des  formes  commodes,  mais  bizarres,  exécutées  avec  tout  le 
soin  et  la  solidité  désirables  ;  mais  ces  objets  d'usage  journa- 
lier nous  semblent  souvent  trop  chargés  d'ornements  et  de 
moulures  sans  but  et  sans  originalité.  Nous  avons  cependant 
remarqué  beaucoup  de  choses  intéressantes,  les  petits  bronzes 
pour  l'ébénisteriede  Wooldridge,  les  tuyaux  et  appareils  à  gaz, 
de  Russell  et  Cie,  la  serrurerie  d'appartement,  de  Hart  et  fils,  et 
de  Boobbyer,  les  serrures  de  sûreté  de  Bramah,  les  articles 
de  fantaisie  d'Allen  et  Moore,  les  services  de  table  et  de  thé 
de  Griffiths  et  Cie,  les  poteries  en  fer  émaillé  de  Henrich  et 
fils,  surtout  ses  tubes  pour  conduites  d'eau;  les  mors  et  autres 
articles  de  sellerie,  de  Valsall,  se  recommandent  à  divers  titres, 
mais,  eu  général,  pour  le  prix  et  l'exécution.  Les  aiguilles 
anglaises  ont  une  supériorité  bien  établie;  les  tôles  vernies 
de  Hopkins,  les  cheminées  de  plusieurs  fabricants  ne  nous 
paraissent  ni  commodes  ni  bien  appropriées  au  combustible 
minéral,  le  seul  employé  en  Angleterre  pour  les  usages  domes- 
tiques. Peu  habitués  à  ces  formes  anormales,  nous  les  jugeons 
peut-être  avec  trop  de  sévérité  ;  les  fourneaux  de  cuisine  se 
rapprochent  davantage  des  nôtres  ;  ceux  de  MM.  Benham 
et  fils  sont  parfaits  :  rien  n'y  manque,  et  ils  ne  sont  point 
surchargés  d'ornements. 

La  grille  en  fonte  de  M.  Baylegs,  qui  se  trouve  à  l'est  de  la 
nef,  est  certainement  la  meilleure  pièce  d'ornement  en 
fonte. 

Si  l'exposition  de  l'orfèvrerie  anglaise  a  pour  but  de  mon- 
trer que  la  Grande-Bretagne  est  riche  et  qu'elle  peut  laisser 
dormir  impunément  de  gros  capitaux,  elle  a  parfaitement 
réussi ,  car  il  est  rare  de  voir  réunies  d'aussi  grandes  masses 
d'argent  ;  mais  si  nos  voisins  ont  cru  exposer  des  objets  d'art, 
ils  se  sont  considérablement  trompés.  Le  mauvais  choix  des 
sujets  a  beaucoup  contribué  à  cette  non-réussite  ;  des  accidents 
de  chasse ,  des  scènes  historiques,  des  épisodes  de  romans  ne 
sont  pas  toujours  faits  pour  fournir  un  thème  à  des  œuvres 
dont  les  conditions  sont  aussi  spéciales  qu'un  vase,  une  ai- 
guière ou  un  candélabre.  Le  goût  un  peu  bourgeois  de  la  com- 
mande a  mis  l'artiste  dans  In  nécessité  de  placer  de  petites 


8i  VISITE 

figures  les  unes  à  côté  des  autres,  sans  pouvoir  les  réunir  et  les 
grouper  en  une  ligne  agréable  à  l'œil. 

La  pièce  de  la  société  des  orfèvres  de  Londres  nous  semble 
être  ce  qu'il  y  a  de  meilleur,  ce  genre  étant  une  fois  admis, 
et  cependant  là  encore  l'exécution  artistique  laisse  à  désirer  ; 
les  figures  sont  mal  dessinées,  peu  élégantes  et  bien  décidé- 
ment en  argent.  Personne  ne  pourra  croire  qu'elles  s'anime- 
ront jamais. 

Deux  choses  cependant  méritent  l'attention  :  un  bouclier 
et  plusieurs  vases  en  argent  bruni  dont  le  ton  sobre  permet 
de  voir  les  détails  ,  tandis  que  le  brillant  des  autres  objets 
produit  un  miroitement  qui  fatigue.  Ces  œuvres  ont  été  des- 
sinées et  exécutées  par  un  Français. 

M.  Elkington  a  seul  une  exposition  réellement  remarqua- 
ble. Dans  une  vitrine  de  la  galerie  ,  on  peut  voir  des  imita- 
tions littérales  de  l'antique  et  de  l'art  indien  qui  valent  mieux 
que  les  œuvres  du  cru  anglais.  L'exemple  de  M.  Elkington, 
qui  a  certainement  pris  modèle  sur  nos  artistes,  devrait  être 
suivi.  L'Angleterre  est  assez  grande,  elle  est  assez  supérieure 
à  toutes  les  nations  dans  plusieurs  industries,  pour  avouer 
franchement  qu'elle  est  inhabile  à  certaines  choses ,  et  puis- 
qu'elle est  riche ,  qu'elle  prenne  nos  sculpteurs  et  nos  peintres  ; 
ils  la  guideront  plus  sûrement  dans  la  bonne  voie,  ils  la  ra- 
mèneront au  beau  style  de  l'école  florentine  du  xvi^  siècle 
qui ,  en  somme,  n'a  jamais  été  surpassée. 

La  bijouterie  anglaise  est  bien  supérieure  à  son  orfèvrerie, 
autant  d'un  côté  il  y  a  de  lourdeur  et  de  richesse  grossière: 
autant  ici  il  y  a  de  délicatesse  et  de  bon  goût.  L'exposition 
est  tout  à  fait  remarquable  par  la  beauté  des  pierres ,  cela  va 
sans  dire,  mais  aussi  par  l'extrême  habileté  de  la  monture: 
ce  que  nous  n'attendions  pas.  Les  diamants,  les  rubis,  les 
saphirs  se  lient  les  uns  aux  autres  sans  qu'on  s'en  doute;  l'ar- 
gent disparaît  sous  ces  flots  de  pierreries.  Les  bijoux  en  or 
sont  travaillés  avec  une  rare  perfection  de  main-d'œuvre  : 
entre  autres  les  tissus  entrelacés  pour  parures,  de  M.  Bisson. 

Puisque  nous  en  sommes  aux  œuvres  d'art,  nous  pouvons 
passer  aux  poteries  anglaises;  nous  aurons  là  beaucoup  à 
apprendre.  Les  arts  céramiques  sont  arrivés  à  de  beaux  résul- 
tats en  Angleterre  ;  elle  fait  aussi  bien  que  nous  les  })orcelaines 
et  les  faïences  de  luxe,  si  nous  réservons  toutefois  les  chefs- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  85 

d'œuvre  de  notre  manufacture  impériale.  Mais  elle  fait  infini- 
ment mieux  les  grès  et  les  terres  cuites  pour  les  arts  et  les 
manufactures. 

Quelques-uns  des  objets  de  M.  Minton  sont  tout  à  fait  hors 
ligne  ;  nous  avons  surtout  admiré  de  petits  vases  à  forme  len- 
ticulaire qui  portent  des  ornements  d'or  et  des  figures  peintes 
dans  ces  tons  sobres,  pâles,  qu'affectionne  M.  Gérome,  et 
dont  il  donna  un  si  beau  spécimen  dans  le  grand  vase  de  l'ex- 
position de  Londres,  Deux  candélabres  offerts  par  S.  M.  la 
reine  Victoria  à  l'empereur  sont  de  très-bon  goût;  nous  n'au- 
rions pas  cru  que  le  biscuit  de  porcelaine  put  aussi  bien  se 
placer  à  côté  du  bronze.  M.  Minton  a  encore  de  belles  imita- 
tions de  l'étrusque  et  des  bustes  d'après  l'antique  qui  jouent 
le  marbre  à  s'y  méprendre.  Au  reste  nous  ne  sommes  pas 
seuls  de  notre  avis  ;  le  nombre  de  vendu  exposé  sur  les  pro- 
duits de  M.  Minton ,  fait  voir  qu'il  est  fier  de  montrer  que  les 
Français  ont  apprécié  son  talent  et  son  habileté. 

Les  poteries  de  grès  dénotent  une  fabrication  bien  plus 
avancée  que  la  nôtre;  de  grands  appareils  pour  les  distilleries 
et  les  opérations  chimiques,  des  serpentins  énormes  munis 
de  robinets,  une  foule  de  pièces  que  nous  employons  ordinai- 
rement en  fer-blanc  ou  en  étain  sont  là  en  terre  cuite  et  en 
grès,  et  il  est  inutile  de  parler  de  l'économie  que  peut  procu- 
rer cette  substitution. 

La  cristallerie  anglaise  est  en  retard  au  contraire.  Les  ver- 
res taillés  et  moulés  sont  lourds;  ils  n'approchent  pas  de  cette 
légèreté,  de  cette  forme  ample  et  délicate  dont  la  mode  s'est 
répandue  en  France  depuis  quelques  années.  En  revanche 
certains  articles  spéciaux  sont  parfaits  :  de  grandes  jattes  à 
mettre  le  lait,  une  foule  d'objets  usuels  se  recommandent  par 
leur  bon  marché.  L'exposition  de  MM.  Chance  frères  et  Cie, 
de  Oldbury  ,  nous  arrêtera  un  instant  :  et  d'abord  de  magni- 
fiques objectifs  de  0"',74  de  diamètre  ;  on  comprend  toute  la 
difficulté  d'exécuter,  sans  un  défaut,  sans  une  soufflure,  une 
pareille  masse  de  verre  qui  pèse  plus  de  60  kilog. 

Le  bloc  de  verre  dans  lequel  le  disque  est  taillé  pèse  plus 
de  200  kilog.;  c'est  dans  ce  bloc  qu'il  faut  chercher  dans  tous 
les  sens  une  masse  qui  présente  l'homogénéité  désirable,  tail- 
ler, puis  faire  recuire;  cette  dernière  opération  est  la  plus 
dangereuse;  souvent  le  disque  se  brise  en  refroidissant.  Les 


86  VISITE 

objectifs  de  MM.  Chance  sont  au  nombre  de  deux,  l'un  exis- 
tait à  l'Exposition  de  ISol  ;  on  a  mis  5  ans  avant  d'obtenir  le 
second. 

Nous  trouvons  à  côté  de  ces  objectifs  de  grandes  masses  de 
verre  dépoli  pour  les  serres,  et  des  vitres  d'un  mètre  carré  de 
deux  couleurs,  rappelant  les  verres  de  Bohême  :  un  verre 
blanc  et  un  verre  coloré  sont  accolés ,  puis,  à  l'aide  de  l'acide 
fluorhydrique,  on  enlève  le  verre  coloré  par  places ,  et  on 
obtient  ainsi  une  gravure  en  creux,  blanche,  qui  produit  un 
joli  effet  en  se  détachant  sur  le  fond  rouge. 

Les  fenêtres  du  grand  escalier  de  l'Est  portent  quelques  vi- 
traux appartenant  à  la  chambre  des  lords  dont  nous  ne  par- 
lons que  pour  mémoire. 

La  fabrication  des  tissus  est ,  chez  un  peuple ,  la  première  à 
laquelle  il  se  livre,  parce  qu'elle  satisfait  à  ses  besoins  les 
plus  impérieux  lorsqu'il  a  pourvu  à  sa  subsistance.  Nous 
voyons  ensuite  cette  fabrication  se  développer  avec  une  rapi- 
dité toujours  croissante  à  mesure  que  toutes  les  autres  in- 
dustries manufacturières  lui  servent  en  quelque  sorte  de 
bases  dans  ses  périodes  successives  d'accroissement.  Si  ces 
observations  sont  fondées,  rien  ne  saurait  mieux  peindre  la 
puissance  industrielle  de  l'Angleterre  que  l'importance  de 
ses  industries  textiles  :  en  aucun  point  du  globe  ces  indus- 
tries ne  sont  à  beaucoup  près  aussi  développées  :  cherchant 
partout  ses  matières ,  la  Grande-Bretagne  envoie  partout  ses 
produits,  et  son  commerce  d'exportation  en  tissus  est  la 
source  la  plus  abondante  de  son  incroyable  prospérité.  Les 
cotons ,  les  laines ,  les  soies  que  son  climat  ou  d'autres  né- 
cessités lui  refusent  ,  elle  les  obtient  le  plus  souvent  en 
échange  des  mêmes  produits  dont  elle  a  quadruplé  la  valeur 
par  le  travail. 

L'industrie  du  coton  est ,  de  toutes  ,  la  plus  importante  et 
la  plus  prospère  ;  Manchester,  qui  en  est  le  principal  centre , 
lui  doit  d'avoir  décuplé  sa  population  en  cinquante  ans.  L'An- 
gleterre seule  met  en  œuvre  quatre  fois  autant  de  coton  que 
la  France. 

C'est  surtout  au  point  de  vue  commercial  que  l'exploitation 
des  cotonnades  a  été  faite  ;  Les  districts  de  Manchester  et  Sal- 
ford  se  sont  fait  représenter  en  masse  :  on  a  pris  chez  chaque 
fabricant  ce  qu'il  fait ,  non  de  plus  beau  ,  mais  le  mieux ,  et 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  87 

ies  produits  ont  été  placés  de  manière  que  les  visiteurs,  les 
acheteurs  surtout,  puissent  les  examiner  à  loisir  sur  les  vastes 
comptoirs  qu'il  occupent.  Malgré  cette  simplicité  d'arrange- 
ment ,  ces  tissus  n'en  forment  pas  moins  la  plus  riche  et  la 
plus  belle  collection  qui  ait  jamais  été  faite.  Aucun  nom  n'est 
sur  les  produits  ,  mais  un  carnet  d'échantillons  bien  fait  suffit 
pour  enregistrer  chaque  jour  des  ordres  importants. 

Quoique  l'introduction  encore  récente  du  coton  en  Europe 
ait  modifié  d'une  manière  notablela  prééminence  qu'avaient  eue 
jusqu'alors  les  différentes  industries  qui  s'exercent  sur  la 
laine,  les  emplois  variés  que  l'on  fait  de  cette  matière,  pure 
ou  mélangée ,  lui  ont  permis  de  subsister  et  de  s'accroître  à 
côté  de  l'industrie  cotonnière.  La  population  deBradford  s'est 
élevée,  de  1801  à  1830,  de  6400  à  23  000  âmes.  Leeds,  qui 
fabrique  en  grande  quantité  les  draps  ,  ne  s'est  fait  repré- 
senter que  d'une  manière  insuffisante,  sinon  par  rapport  à 
la  bonne  qualité  des  produits,  du  moins  par  leur  quantité. 
Les  tissus  pour  robes  d'Halifax  et  de  Glascow  sont  convoités 
par  nos  parisiennes,  qui  ne  peuvent,  à  prix  d'argent ,  s'en 
procurer.  Ceux  de  M.  Akroid  et  fils  attirent  surtout  les  re- 
gards. 

La  belle  collection  des  popelines  d'Irlande  jouit  avec  les 
châles  d'Ecosse  de  la  même  vogue.  Parmi  ceux-ci ,  les  tartans 
de  M.  Alorgan  et  Cie,  parmi  ceux-là  les  tissus  de  MM.  Pim 
frères  et  Cie,  de  Dublin,  ont  les  honneurs.  Les  châles  de 
MM.  Kerr  et  Scott ,  et  ceux  de  MM.  Claburn  et  Crisp  ne  dif- 
fèrent des  châles  français  que  par  leurs  prix  plus  favorables. 

Les  tissus  d'Alpacca  de  MM.  Sait,  Titus  et  Cie  sont  d'au- 
tant plus  admirés  qu'il  est  impossible  de  se  les  procurer  en 
France. 

Quoique  quelques  essais  d'éducation  du  ver  à  soie  aient 
été  faits  en  Angleterre  sans  grand  succès,  et  que  par  consé- 
quent toute  la  matière  que  la  fabrication  des  soieries  con- 
somme provienne  exclusivement  du  commerce  extérieur ,  la 
valeur  de  la  matière  brute  actuellement  mise  en  œuvre  atteint, 
si  elle  ne  dépasse,  125  millions  de  francs.  Manufacturées  dans 
un  grand  nombre  de  villes  ,  les  soieries  anglaises  sont  nota- 
blement inférieures  aux  nôtres  ;  nous  excepterons  cependant 
de  cette  appréciation  générale  quelques  moires  antiques,  celles 
de  M,  Clarke  et  celles  de  MM.  Kempe  Stone  et  Cie  ,  les  ma- 


88  VISITE 

gnifiques  velours  de  M.  Th.  Kempe,  les  très-beaux  crêpes  de 
MM.  Grout  et  Cie.  Les  autres  tissus,  les  rubans  surtout,  sont 
d'une  infériorité  marquée,  et  ils  n'ont  d'autre  mérite  que  leur 
bon  marché. 

Tel  est  l'avantage  d'une  puissante  organisation  commer- 
ciale et  industrielle  que  les  tissus  de  MM.  Harrop,  Taylor  et 
Pearson ,  exclusivement  confectionnés  avec  des  soies  de 
Chine ,  ont  un  prix  moitié  moindre  que  celui  des  tissus  de 
Lyon  fabriqués  avec  la  soie  française.  Les  étoffes  de  soie  pour 
tentures  de  MM.  Kerth  et  Cie  font  un  bon  effet. 

Le  lin  est  un  des  produits  les  plus  importants  de  l'Irlande, 
mais  les  quantités  sont  insuffisantes,  on  le  pense  bien,  pour 
alimenter  toutes  les  fabriques  du  royaume  :  70  millions  de 
kilogrammes  sont  tirés  du  dehors.  Dundee  ,  Arbroust ,  Belfast 
sont  les  principaux  sièges  de  l'emploi  du  chanvre  et  du  lin. 
Lorsqu'on  se  rappelle  l'importance  des  tissus  damassés  en 
Angleterre,  on  s'étonne  que  cette  grande  industrie  ne  soit 
pas  mieux  représentée  au  Palais  des  Champs-Elysées,  quoique 
M.  Beveridge  de  Dumferline  ait  une  exposition  remarquable; 
les  toiles  à  voiles  et  les  batistes  sont  plus  favorisées  sous  ce 
rapport. 

La  bonneterie  anglaise  jouit  d'une  grande  réputation  qu'elle 
mérite  à  tous  égards  :  solidité  et  bon  marché  ,  ce  sont  là  les 
seules  qualités  dont  on  ait  à  s'inquiéter  dans  les  produits  de 
cette  nature.  Les  bas,  les  tricots  se  présentent  à  des  prix  dont 
nous  ne  nous  doutons  pas  en  France;  à  côté  des  dentelles  si 
connues  d'Angleterre  ,  et  qui  sont  magnifiquement  représen- 
tées à  l'Exposition,  se  trouvent  des  rideaux  brodés  à  la  méca- 
nique d'un  bon  marché  fabuleux,  article  peu  connu  chez  nous 
et  qui  y  aura  un  grand  succès  s'il  peut  s'introduire  en  fran- 
chise. Le  confort  anglais  ne  saurait  se  passer  de  tapis  :  aussi 
les  manufacturiers  se  sont-ils  mis  à  l'œuvre  et  ont-ils  pro- 
duit ces  tapis  assez  jolis  et  à  si  bon  marché  qu'on  en  rencontre 
partout  à  Londres  d;ms  les  appartements  comme  sur  les  esca- 
liers; ce  qui  est  encore  un  luxe  chez  nous  est  une  habitude 
de  l'autre  côté  du  détroit.  Nous  n'avons  rien  vu  d'aussi  bril- 
lant,  non  pas  que  nos  tapis  de  Beauvais  et  des  Gobelins , 
mais  que  nos  produits  habituels  français.  En  revanche,  nous 
avons  vu  des  tapis  dont  toutes  les  bourses  peuvent  appro- 
cher, ce  qui  vaut  mieux.  Toutes  les  fois  qu'elle  peut  fabri- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  89 

quer  en  grand  pour  les  masses ,  que  les  machines  peuvent 
jouer  le  rôle  le  plus  important  dans  la  production  ,  l'Angle- 
terre triomphe  et  nous  laisse  loin  derrière  elle.  C'est  le  carac- 
tère propre  de  cette  belle  exposition  anglaise  :  infériorité  de 
l'artiste,  supériorité  de  l'ouvrier  :  faire  bien,  beaucoup,  à 
bon  marché,  voilà  ce  que  fait  l'Angleterre  !  Faire  beau  mais 
peu ,  voilà  malheureusement  ce  que  fait  la  France  ,  avec  ses 
produits  élégants  qui  restent  l'apanage  des  classes  aisées  et 
ne  pénètrent  pas  dans  les  masses. 

Les  industries  concernant  l'ameublement  et  la  décoration 
ne  sont  pas  une  des  parties  les  plus  brillantes  de  l'exposition 
anglaise  ;  cependant  les  galeries  du  rez-de-chaussée  qui  ren- 
ferment cette  classe  comptent  quelques  objets  d'un  haut  in- 
térêt. 

Un  autel  en  pierre  de  Caen ,  dans  le  goût  du  moyen  âge, 
destiné  à  une  chapelle  de  l'Immaculée  Conception  ,  est  d'un 
bon  style  gothique  et  l'exécution  en  est  très-soignée. 

Quelques  corniches  en  carton  pierre,  d'après  des  dessin:; 
probablement  français,  sont  les  choses  les  plus  intéressantes, 
en  y  ajoutant  toutefois  les  produits  d'une  nouvelle  industries 
qui  nous  paraît  appelée  à  un  grand  avenir. 

M.  Magnus  de  Londres  expose  des  chambranles  de  cheniinéi^ 
en  ardoises  émaillées  au  grand  feu  ,  qui  jouent  très-bien  lu 
marbre  et  qui  ont  sur  lui  l'avantage  d'un  extrême  bon  mar- 
ché ;  quand  les  ornements  sont  de  bon  goût ,  les  produits  de 
M.  Magnus  ne  laissent  rien  à  désirer. 

Les  ébénistes  anglais  n'ont  envoyé  qu'un  petit  nombre  de 
meubles  au  grand  concours  de  1855  ;  presque  tous  ces  objets 
en  style  gothique  sont  assez  ordinaires;  ils  sont  solides,  per- 
sonne n'en  doutera ,  mais  ils  exagèrent  même  un  peu  cette 
qualité  qui  dégénère  en  une  lourdeur  exagérée. 

Nous  dirons  plus  loin  tout  le  prix  que  nous  attachons  au 
meuble  de  Graham  ;  cette  œuvre  exceptionnelle  demande  à 
être  examinée  en  détail. 

Quelques  lits,  quelques  chaises  gothiques,  un  buffet  en  bois 
sculpté,  enfin  un  meuble  compliqué  servant  de  bibliothèque., 
de  pupitre  à  feuilleter  les  livres  et  à  écrire,  c'est  là  presque 
toute  l'exposition  des  meubles  anglais. 

Si  nous  passons  sous  silence  la  marqueterie,  les  boîtes  mi- 
roitantes imitant  les  laques  indiennes,  nous  ne  pouvons  nous 


90  VISITE 

dispenser  de  citer  quelques  sculptures  sur  bois  très-remar- 
quables. M.  Wallis,  à  Louth  ^Lincoln),  a  plusieurs  groupes 
d'oiseaux  :  bécasses  et  perdrix  exécutées  avec  un  talent  hors 
ligne;  nous  trouvons  près  de  là  plusieurs  bouquets  de  fleurs 
également  sculptés  sur  bois  ,  mais  bien  inférieurs  aux  œuvres 
de  M.  Wallis. 

Les  papiers  peints  anglais  couvrent  les  murs  du  grand  es- 
calier de  l'est  ;  ils  sont  bon  marché,  et  de  plus  les  fabricants 
de  la  Grande-Bretagne  ont  la  sagesse  de  ne  pas  demander  à 
cette  industrie  plus  qu'elle  ne  peut  faire;  les  papiers  sont 
couverts  de  dessins  de  fantaisie  ;  ce  ne  sont  pas  de  mauvais 
tableaux  comme  ceux  que  font  maintenant  nos  fabricants 
en  ce  genre.  Une  bordure  qui  règne  le  long  du  vestibule  de 
l'est,  copiée  de  l'Alhambra,  est  d'un  fort  bon  effet. 

Dans  ce  même  escalier,  nous  trouvons  une  collection  de 
bois  d'ébénisterie  et  de  marbres  imités ,  bien  supérieurs  à 
tout  ce  que  nous  connaissions  en  ce  genre. 

Le  caoutchouc  se  trouve  sous  toutes  les  formes  dans  l'expo- 
sition anglaise  comme  dans  la  nôtre:  bateaux,  manteaux, 
vêtements  de  plongeur,  souliers,  bretelles,  manches  de  cou- 
teau, bois  de  fusil,  tout  est  en  caoutchouc;  les  vêtements 
imperméables  sont  bien  confectionnés ,  et  quelquefois  le 
caoutchouc  est  entièrement  dissimulé  dans  une  étotfe  légère; 
les  prix  sont  encore  un  peu  élevés  ,  mais  nul  doute  que  si  la 
demande  continue  à  croître  comme  elle  le  fait  depuis  quelque 
temps,  on  arrivera  à  produire  ces  articles  à  prix  réduit. 

Au  milieu  de  l'exposition  des  chaussures,  qui  nous  ont  paru 
peut-être  moins  élégantes  que  les  nôtres,  nousavons  rencontré 
un  nouveau  mode  de  fabrication  qui  conduit  à  un  bon  marché 
extrême  :  les  bottines  de  troupe  de  M.  Atoff  ,  de  Londres,  ne 
coûtent  que  ï  fr.  60  c.  ;  les  chaussures  de  chasse,  un  peu  plus 
soignées,  reviennent  à  5  francs. 

Le  manque  d'indication  des  prix  ne  nous  a  pas  permis  de 
découvrir  ces  produits  fabriqués  à  des  prix  très-faibles,  pour 
femmes  et  enfants,  ([ui  avaient  été  remarqués  à  l'exposition 
de  Londres,  chez  MM.  llickson,  dont  l'exposition  actuelle  doit 
renfermer  cependant  des  articles  analogues,  sinon  supérieurs, 
des  souliers  d'enfants  à  5  fr.  la  douzaine,  42  cent,  la  paire, 
des  souliers  de  femme  à  7  fr.  50  c.  la  douzaine,  à  62  cent,  la 
paire.  La  douzaine  de  bottines  confectionnée  en  Angleterre 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  91 

pour  l'exportation  commençait  à  55  fr.  en  1851,  il  est  pro- 
bable que  les  prix  en  sont  encore  baissés. 

Les  cliaussures  pour  femmes  n'ont  rien  de  bien'remarquable, 
il  nous  paraît  seulement  impossible  que  les  produits  que  ren- 
ferment les  vitrines  puissent  jamais  être  vendus  :  les  Anglaises 
ne  sont  pas  des  Cendrillons  et  les  petits  souliers  exposés  sont 
de  la  taille  de  la  célèbre  pantoufle  de  verre. 

Si  vous  n'aimez  pas  ces  gants  de  peau,  bien  faits,  mais  de 
tons  bizarres,  voyez  ceux  de  laine  et  de  drap  que  l'Angleterre 
exporte  en  grande  quantité,  et  qui  présentent  solidité  et  bon 
marché.  Les  ganis  anglais  s'exportent  en  Amérique.  La 
Grande-Bretagne  consomme  peu  elle-même  les  produits  de  sa 
ganterie,  et  c'est  à  la  France  qu'elle  demande  ses  articles  de 
luxe. 

Le  peuple  anglais ,  voyageur  et  ami  du  confort ,  devait 
mettre  grand  soin  aux  nécessaires  de  toilette  :  l'exposition  en 
renferme  en  effet  quelques-uns,  d'une  très-grande  richesse  et 
de  très-bon  goût,  montés  en  argent  et  en  vermeil;  peut-être 
même  la  recherche  a-t-elle  été  un  peu  trop  loin,  et  personne 
ne  fera  croire  à  un  homme  sérieux  qu'on  ait  besoin  d'au- 
tant de  petits  outils  pour  se  laver  les  mains  et  se  faire  la 
barbe. 

Des  nécessaires  de  toilette  à  la  librairie,  la  transition  est 
brusque,  mais  il  n'y  a  qu'un  pas  à  faire  à  l'exposition  pour 
rencontrer  les  livres  et  les  photographies  anglaises  ;  on  nous 
permettra  donc,  sans  autre  excuse,  de  nous  y  transporter. 

Les  Anglais  ont  une  grande  collection  de  gravures  et  de 
lithographies  au  Palais  de  l'Industrie,  qui  aurait  "peut-être  été 
mieux  placée  au  Palais  des  Beaux-Arts;  on  connaît  le  remar- 
quable talent  des  graveurs  anglais,  dont  les  œuvres  sont 
bien  souvent  au-dessus  des  tableaux  originaux  qu'elles  repro- 
duisent. M.  Mac  Queen,  de  Londres,  a  plusieurs  planches 
très-johes,  entre  autres  celle  de  l'oncle  Tobie  et  la  veuve 
dans  la  diligence  (Tristam  Shandy).  Les  petits  enfants,  éta- 
blis sur  un  banc  et  apprenant  leurs  leçons,  sont  remplis  de 
naturel  et  de  finesse;  on  a  pu  obtenir,  parles  procédés  de  la 
stéréotypie,  toute  la  suite  de  la  Petite  Passion  d'Albert  Durer, 
la  facilité  de  refaire  un  nouveau  cliché  quand  celui  qu'on  em- 
ploie est  fatigué,  permettra  de  tirer  un  nombre  d'épreuves 
pour  ainsi  dire  infini  de  ces  belles  gravures.  Il  serait  à  désirer 


92  VISITE 

que  la  même  opération  fût  reproduite  pour  toutes  les  cslam- 
pes  dont  on  a  conservé  les  bois  originaux. 

Les  tons  durset  crus  des  épreuves  lithochromiques  montrent 
que  cette  nouvelle  méthode  n'est  pas  encore  arrivée  à  toute 
la  perfection  désirable,  mais  si  on  ne  peut  obtenir  d'œuvres 
d'art,  on  appliquerait  cependant  ces  procédés  très-utilement 
aux  dessins  d'ornement  et  de  machines. 

Les  photographies  anglaises  sont  fort  belles,  nous  avons  été 
tout  à  fait  séduit  par  quelques  paysages  aux  tons  gris  et  har- 
monieux dont  les  sites  sont  encore  plongés  dans  leslDrouillards 
du  matin.  Nous  n'avons,  dans  notre  exposition,  rien  qui  soit 
supérieur  à  la  collection  de  la  société  photographique  de  Lon- 
dres. 

Quelques  épreuves  tirées  de  la  reproduction  complète  des 
collections  de  la  reine  d'Angleterre  composent  un  fragment 
du  plus  haut  intérêt  et  que  tous  nos  peintres  devraient  aller 
voir.  Nous  avons  surtout  remarqué  les  Trois  Grâces^  des  frag- 
ments du  Massacre  des  Innocents,  la  Vierge  aux  enfants,  plu- 
sieurs têtes  d'après  nature,  une  Lécla  reproduite  d'après  les 
dessins  originaux  de  Raphaël  ;  le  fac-similé  est  complet.  On 
est  là  en  contact  immédiat  avec  le  maître  sans  une  pensée 
entre  la  sienne  et  la  vôtre;  les  épreuves  de  M.  Thompson  nous 
ont  paru  atteindre  la  perfection  de  M.  Delessert  dans  sa  re- 
production du  Marc  Antoine,  ou  de  MM.  Bisson  dans  celle  des 
Rembrandt  ;  remarquons  de  plus  que  les  photographies'^de  nos 
habiles  artistes  ont  été  exécutées  d'après  des  gravures  qui  se 
prêtent  mieux  à  la  reproduction. 

Nous  apprécions  la  netteté  de  caractère  des  livres  anglais, 
et  les  gravures  sur  bois  qu'ils  renferment  sont  fort  jolies; 
plusieurs  d'entre  elles,  exécutées  par  M.  Thompson,  sont  au 
niveau  de  ce  qu'on  fait  de  meilleur.  Ces  livres  illustrés  nous 
ont  paru  peut-être  un  peu  chers  ;  ajoutons  que  si  nous  avons 
trouvé  dans  l'exposition  anglaise  de  sérieux  in-folios,  reliés  et 
imprimésavec  tout  le  soin  désirable,  nous  n'avons  rien  trouvé 
d'aussi  complet,  d'aussi  charmant  que  le  petit  Horace  de 
M.  Firmin  Didot,  c'est  là  un  chef-d'œuvre  de  goût  auquel 
l'exposition  anglaise  n'a  rien  à  opposer. 

Les  reliures  bon  marché  sont  très-convenables  :  le  livre 
entièrement  sombre  donne  aux  lettres  d'or  du  titre  beaucoup 
de  relief.  Les  reliures  de  prix  nous  ont  paru  moins  heureuses, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  93 

elles  sont  trop  chargées ,  on  voit  trop  qu'elles  ont  voulu  être 
riches  :  ce  sont  plutôt  des  reliures  de  livres  d'étrennes  desti- 
nées à  faire  de  l'effet,  que  des  œuvres  sérieuses  comme  les 
apprécient  les  amateurs. 

Il  ne  nous  reste,  pour  avoir  passé  en  revue  toute  l'exposition 
anglaise,  qu'à  dire  quelques  mots  des  instruments  de  musique, 
il  nous  a  semblé  que  la  collection  la  plus  complète  appartenait 
à  M.  Érard,  qui  a  plusieurs  pianos  et  une  harpe.  Les  pianos, 
au  lieu  d'être  en  acajou  comme  on  les  aime  en  France ,  sont 
en  général  en  noyer;  au  reste,  on  ne  trouve  rien  de  nouveau 
dans  cette  industrie  arrivée  déjà  à  une  perfection  remar- 
quable. 


POSSESSIONS  DES  INDES. 

Annexe,  section  des  produits,  travées.  —  Palais  principal, 
galeries,  travées ,  1  à  3,  K  et  L. 

Il  n'est  peut-être  pas,  dans  tout  le  Palais  de  l'Industrie,  une 
partie  qui  ait  un  cachet  plus  spécial  que  le  coin  sud-est  de 
la  galerie  où  se  trouve  l'exposition  des  Indes.  On  voit  là, 
rassemblés,  dans  quelques  vitrines,  tous  les  produits  de  cette 
terre  à  laquelle  tout  le  monde  a  rêvé.  Tissus,  meubles, 
armes,  jouets,  bijoux;  tout  est  là,  c'est  complet,  surtout 
parce  que  rien  n'y  est  ajouté.  L'honorable  Compagnie  a  eu 
le  bon  esprit  de  n'apparaître  nulle  part  ;  sa  main  n'a  agi  que 
pour  transporter  toutes  ces  merveilles  à  Paris,  mais  elle  leur 
a  conservé  tout  leur  caractère  et  toute  leur  naïveté. 

Singulier  peuple  que  ces  Hindous!  qui  ont  tout  inventé 
deux  mille  ans  avant  Jésus-Christ,  et  qui  en  sont  restés  là, 
regardant  passer  le  monde  sans  se  donner  la  peine  de  le 
suivre:  vivant  près  des  Anglais  comme  près  des  Mogols ,  avec 
leurs  castes  nettement  dessinées,  leur  soumission  aveugle  à 
la  fatalité,  à  la  loi  du  plus  fort,  servant  leurs  vainqueurs  sans 
se  mêler  à  eux. 

Que  de  richesses  accumulées  dans  cette  exposition,  et  des 
richesses  qui  seront  toujours  inconnues  en  France  et  même 
s'éloigneront  d'elle  de  plus  en  plus,  maintenant  qu'il  nous 
faut  faire  absolument  du  bon  marché. 

Au  milieu,  la  tente  du  rajah  s'étale  dans  toute  sa  splendeur 


94  VISITE 

avec  ses  tapis  de  velours  rouge  brodé  d'argent;  on  croirait 
qu'elle  n'est  vide  que  pour  un  instant  :  les  lits  de  repos  sont 
à  leur  place;  sur  les  étagères ,  les  jeux  d'échecs  d'ivoire  et  de 
corail  n'attendent  que  les  mains  des  joueurs;  les  pipes  cise- 
lées, la  coiffure  du  prince  indien  ,  ses  éventails  de  plume,  ses 
armes,  sont  épars  sous  sa  tente.  Entouré  de  tout  ce  luxe,  fu- 
mant, rêvant,  se  laissant  vivre  comme  il  est  si  facile  de  le 
faire  en  Orient,  ces  fantômes  de  princes  souverains,  regar- 
dant danser  les  bayadères ,  se  font  éventer  par  leurs  ser- 
viteurs, tandis  que  la  vieille  dame  de  Londrefi ,  comme  ils 
appellent  la  Compagnie,  veille  à  tous  leurs  besoins,  les  dé- 
barrassant de  tout  soin  comme  de  toute  puissance.  On  peut 
voir  à  quelques  pas  une  collection  de  petites  poupées  qui  sont 
la  fidèle  image  de  cette  existence  sans  but,  l'étiquette  elle- 
même  vous  le  dit  :  modèle  d'un  prince  indien  avec  sa  suite. 
En  effet,  c'est  un  vrai  modèle;  car  celui  qui  est  en  chair  et 
en  os  est  aussi  impassible  et  aussi  inerte. 

Des  coffrets  de  bois  de  sandale,  des  boîtes  d'ivoire  et  de 
marqueterie  montrent  à  quelle  perfection  peut  arriver  ce 
travail  indien,  travail  lent,  mesuré,  qui  produit  des  mer- 
veilles en  prenant  son  temps.  Les  petites  statuettes  d'ivoire, 
de  bois  peint,  dont  l'exposition  abonde,  montrent  tout  un 
côté  de  ce  vieux  peuple  enfant  qui  s'amuse  à  faire  des  jouets 
et  qui  les  fait  si  bien.  A  côté  des  processions  ou  marchent  les 
éléphants,  entre  des  files  de  graves  soldats  anglais,  revien- 
nent les  fameuses  divinités  à  six  bras  et  à  triples  rangs  de 
mamelles,  images  de  ce  peuple  si  nombreux,  si  fécond ,  mais 
dont  les  bras  sont  sans  énergie,  dont  la  tête  sans  fierté  se 
courbe  sous  le  bùton. 

Les  châles,  le  désespoir  des  fabricants  français,  sont  voi- 
sins de  l'exposition  anglaise;  les  uns  sont  sobres  de  tons, 
leurs  couleurs  rabattues  se  marient  sans  se  heurter;  chez  les 
autres ,  au  contraire ,  l'éclat  des  rouges  les  plus  vifs ,  des  verts 
les  plus  crus  vient  lutter  avec  d'éblouissantes  broderies  d'or 
et  d'argent;  mais  toujours  dans  ces  gammes  harmonieuses 
qui  font  le  charme  de  ces  fins  tissus.  Qui  a  inventé  aussi  ces 
dessins  bizarres  qui  les  couvrent?  Dans  queis  nuages  vaga- 
bonds a-t-on  pu  découvrir  ces  courbes  gracieuses  qui  s'en- 
chevêtrent, reviennent,  circulent  sans  qu'on  y'voie  ni  com- 
mencement ni  fin! 


A  l'exposition  universelle.  95 

Les  bijoux ,  dont  quelques-uns  renferment  des  pierres  d'un 
grand  prix,  sont  d'une  finesse,  d'une  légèreté  inouïes;  à  côté 
des  saphirs  transparents,  on  voit  les  diamants  de  Tlnde,  les 
plus  beaux  du  monde ,  montés  à  jour  sur  des  fils  d'argent  qui 
s'agitent  sous  le  souffle.  Les  vases  d'argent  émaillés  de  bleu 
ont  des  formes  d'une  parfaite  élégance ,  qui  renvoient  bien 
loin  derrière  eux  les  gros  blocs  d'argent  poli  de  l'exposition 
anglaise,  les  statues  de  Pierre  le  Grand  ,  etc. 

Ah  !  chers  voisins  et  alliés,  faites  du  fer,  de  la  viande,  et 
tissez  du  coton;  mais  laissez  vos  Indiens  vous  faire  des  bijoux, 
des  vases  et  des  châles,  ils  s'y  entendent  mieux  que  vous. 

Les  armes  présentent  l'assemblage  le  plus  singulier  :  il  y  a 
là  des  fusils  sur  lesquels  un  homme  a  passé  sa  vie  à  fouiller 
précieusement  des  ciselures,  qu'il  a  rehaussées  d'or  et  même 
d'émail  avec  de  petites  figures  charmantes;  mais  ce  sont  des 
fusils  à  mèche,  et  un  troupier  n'en  voudrait  pas  ;  il  y  a  des 
sabres  de  ce  fameux  acier  indien ,  que  l'Angleterre  ni  la 
France  ne  savent  faire,  des  yatagans  formidables  et  puis  un 
appareil  propre  à  égratigner  l'ennemi.  Il  y  a  encore  des 
casques  d'où  pendent  de  longues  cottes  de  mailles,  des  cas- 
ques empanachés  d'aigrettes  fines  et  délicates,  des  arcs,  des 
piques,  des  poignards  dont  la  lame  va  se  repliant  comme  un 
serpent. 

Un  bon  marché  inouï  de  main-d'œuvre,  des  spécialités 
absolues,  l'absorption  de  tous  au  profit  de  quelques-uns  : 
voilà  l'Inde. 

Notre  spirituel  voyageur  Jacquemont  avait  une  suite  de 
trente  serviteurs,  et  il  ne  dépensait  pas  25  louis  par  mois;  il 
était  obligé  d'avoir  trois  hommes  pour  soigner  un  cheval,  un 
pour  couper  l'herbe,  un  pour  panser  la  bête,  et  un  troisième 
pour  lui  apporter  à  boire.  Il  ne  serait  venu  à  aucun  d'eux 
l'idée  anarchique  de  cumuler  ces  trois  fonctions,  et  si  le 
coupeur  d'herbe  était  mort,  le  palefrenier  se  serait  fait  rouer 
de  coups  plutôt  que  de  donner  une  poignée  de  foin  à  l'animal 
qu'il  étrillait. 

Quelques  Anglais  suffisent  à  conduire  cet  immense  conti- 
nent qui  subit  la  loi  sans  la  comprendre  et  sans  la  discuter. 
Les  guerres  sérieuses  n'ont  pas  été  avec  les  Hindous,  mais  avec 
les  Afghans  qui  sont,  au  contraire,  assez  belliqueux,  mais 
qui  n'ont  plus  les  talents  de  leurs  voisins  du  sud. 


96  VISITE 

Cette  masse  innombrable  de  travailleurs  produisant  au 
profit  de  quelques  privilégiés,  travaillant  lentement,  et  tou- 
jours dans  le  même  sens,  a  dû  produire  facilement  les  mer- 
veilles que  nous  voyons  ici  et  qui  ne  sont  réalisables  que 
dans  ces  conditions. 

Nous  venons  de  parler  longuement  des  objets  manufac- 
turiers de  l'Inde,  mais  c'est  depuis  peu  de  temps  qu'ils  sont 
goûtés  en  Europe,  et  le  sol  lui-même  produit  des  denrées  qui 
ont  les  premières  attiré  les  Européens  dans  ce  pays  du  soleil. 
Le  poivre  noir  et  blanc,  les  matières  colorantes,  l'indigo, 
entre  autres,  qui  est  pour  l'Inde,  maintenant,  l'objet  d'un  si 
grand  commerce;  le  thé  qu'elle  produit  et  qu'elle  reçoit  de  la 
Chine  ;  les  fibres  résistantes  et  soyeuses  de  ses  végétaux,  aloès, 
plantain,  etc.;  les  huiles,  celle  de  ricin  qui  peut  maintenant 
être  appelée  à  de  grandes  applications  industrielles;  le  tabac, 
les  soies,  les  laines,  ces  magnifiques  laines  du  Thibet  qu'on 
cherche  à  acclimater  dans  notre  Algérie. 

Des  dents  d'éléphants,  des  peaux  de  tigre,  des  gommes,  des 
parfums,  de  grandes  nattes,  sur  lesquelles  il  est  si  bon  de 
s'étendre  sous  un  ciel  de  feu,  se  trouvent  encore  dans  l'expo- 
sition de  l'annexe. 

Que  dirons-nous  de  Ceylan;  c'est  une  migration  de  l'Inde 
qui  reflète  tous  ses  produits  manufacturés  et  denrées  natu- 
relles, tout  ce  que  peut  produire  un  sol  fertile,  inépuisable, 
avec  des  irrigations  bien  entendues,  un  peuple  énervé  qui 
travaille  peu,  il  est  vrai,  mais  qui  travaille  pour  rien  ;  pauvre 
grand  peuple,  toujours  conquis,  toujours  absorbé,  et  qui  n'a 
plus  d'histoire. 

AUSTRALIE. 

Annexe,  section  des  produits;  travées.  —  Palais  principal, 
salon  de  l'escalier  sud-est. 

L'Australie,  se  présente  avec  un  caractère  tout  spécial  qu'il 
nous  faut  examiner;  l'or  et  la  laine,  voilà  les  deux  richesses 
de  l'Australie;  l'or  a  été  découvert  récemment,  et  il  a  déjà 
attiré  dans  la  colonie  un  mouvement  d'affaires  et  d'individus 
qui  aura  forcément  la  plus  grande  importance  sur  le  dévelop- 
pement futur  de  ce  nouveau  monde. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  97 

L'Angleterre  a  compris  que  sur  son  sol  morcelé,  envahi  par 
la  culture,  à  côté  de  sa  population  dense  et  exigeante,  il  fallait 
chez  elle  faire  des  produits  alimentaires  ;  aussi  a-t-elle  poussé 
ses  races  de  moulons  exclusivement  vers  la  boucherie,  s'inquié- 
tant  peu  ou  pas  de  la  laine.  Elle  avait  en  Australie,  au  contraire, 
d'immenses  prairies,  admirablement  disposées  pour  le  par- 
cours; c'est  là  qu'il  fallait  faire  de  la  laine,  et  c'est  là  qu'elle 
en  a  fait.  Elle  vient  encore  tous  les  ans  acheter  en  France, 
en  Saxe,  les  plus  beaux  béliers  mérinos  pour  les  exporter  en 
Australie;  aussi  est-elle  déjà  arrivée  à  de  remarquables  résul- 
tats :  la  finesse  des  toisons  qu'elle  expose,  leur  longueur  de 
mèche  ne  laissent  rien  à  désirer. 

De  la  houille,  des  minerais  de  cuivre  et  d'étain,  quelques 
fourrures,  des  peaux,  des  denrées  alimentaires,  du  riz  et  des 
céréales  entrent  encore  dans  les  produits  de  la  colonie. 

Les  céréales,  qui  avaient  été  considérées  à  juste  titre  comme 
les  plus  belles  de  l'Exposition  de  4851  ,  doivent  nous  arrêter 
un  instant.  Le  sol  de  la  colonie  de  Sydney  est  tellement  riche, 
qu'une  surface  de  plusieurs  milliers  d'ares  cultivés  en  blé  a 
rendu  en  1852  dix-huit  boisseaux  par  are,  sans  que  le  sol  ait 
reçu  aucun  engrais  et  sans  même  qu'on  se  soit  préoccupé 
d'un  système  régulier  d'assolement. 

Le  maïs  réussit  bien  aussi  dans  la  colonie.  Malheureuse- 
ment la  cherté  de  la  main-d'œuvre,  à  cause  de  l'attrait 
qu'exercent  les  mines  d'or,  a  empêché  jusqu'à  présent  la  cul- 
ture du  coton  de  prendre  un  grand  développement. 

Ajoutons  qu'une  assez  grande  quantité  de  vins  se  rencon- 
trent dans  l'exposition  australienne  ;  ces  vins,  qui  parais- 
sent pour  la  première  fois  en  France,  ne  sont  pas  encore 
assez  connus  pour  qu'on  puisse  se  prononcer  sur  leur 
valeur. 

Une  collection  de  bois  incomplète  encore,  dit  le  catalogue 
de  l'Australie ,  bien  qu'elle  soit  déjà  considérable,  donne  les 
plus  belles  espérances  pour  cet  article  d'exportation.  Le  bois 
d'ébénislerie,  avec  lequel  sont  établies  les  vitrines  de  l'esca- 
lier, n'est  cependant  pas  très-beau;  il  rappelle  un  peu,  mais 
incomplètement ,  notre  thuya  de  l'Algérie. 

Appuyée  d'un  côté  sur  la  production  de  la  laine  fine,  de 
l'autre  sur  les  masses  d'or  que  fournit  son  sol,  conduite  par  le 
génie  entreprenant,  hardi  des  Anglais,  l'Australie  voit  s'ouvrir 
306  g 


98  VISITE 

devant  elle  la  plus  belle  carrière,  et  le  jour  n'est  peut-être  pas 
loin  ou  elle  pourra  peser  d'un  grand  poids  sur  les  destinées 
du  monde  civilisé. 


CANADA. 

Annexe,  section  des  produits;  travées  10  à  13,  de  A  àD.  —  Annexe, 
section  des  machines;  travées  142  à  143,  A. 

A  l'exception  du  Mexique,  des  petites  républiques  qui  se 
trouvent  au  sud  de  cet  État,  et  des  possessions  russes  du 
nord-ouest ,  toute  l'Amérique  septentrionale  est  peuplée  par 
la  race  anglaise. 

Toute  la  région  centrale  de  ce  grand  continent  constitue 
maintenant  les  États-Unis  et  est  indépendante.  Mais  l'Angle- 
terre a  conservé  la  partie  septentrionale  qui  porte  le  nom  gé- 
nérique de  Nouvelle-Bretagne.  La  plus  grande  partie  de  cette 
immense  étendue  de  terrains  est  continuellement  ensevelie 
sous  les  glaces  et  la  neige ,  aussi  ne  nous  occuperons-nous 
spécialement  que  des  provinces  méridionales  du  Canada,  dont 
l'exposition  est  des  plus  intéressantes. 

Le  Canada  se  divise  en  deux  provinces  dont  la  physiono- 
mie est  bien  distincte  :  le  haut  Canada  est  occupé  par  les 
Anglais;  le  bas  Canada,  qui  nous  appartenait  autrefois,  a 
conservé  les  mœurs,  les  lois,  presque  le  cœur  français. 

L'émigration  continuelle  de  la  Grande-Bretagne,  qui  va  se 
fixer  surtout  dans  le  haut  Canada,  augmente  rapidement  la 
population  de  cette  province,  qui  est  maintenant  la  plus  peu- 
plée. L'émigration  française  est  nulle  dans  le  bas  Canada; 
mais  malgré  ce  désavantage  la  population  marche  aussi  vers 
un  accroissement  rapide.  D'après  les  documents  les  plus  ré- 
cents, on  peut  porter  à  deux  millions  d'âmes  la  population 
des  deux  provinces  réunies. 

Le  gracieux  trophée  qui  s'élève  au  centre  de  l'espace  ré- 
servé au  Canada  nous  indique  immédiatement  quel  est  le 
caractère  spécial  des  productions  de  ce  pays.  A  la  base  se 
rangent  des  barriques  remplies  de  denrées  alimentaires ,  cé- 
réales ,  viandes  et  poissons  conservés  ;  sur  la  partie  supérieure 
s'élève  un  faisceau  de  billes  de  bois  de  construction  qui  sup- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  99 

portent  les  outils  de  l'agriculteur  et  du  bûcheron;  enfin  des 
pelleteries  entremêlées  aux  pavillons  britanniques  couron- 
nent le  sommet. 

Arrêtons-nous  donc  un  instant  devant  ces  différents  pro- 
duits, et  examinons  en  premier  lieu  les  bois. 

Dans  les  exportations  de  1853,  les  produits  des  forêts  en- 
traient pour  47  millions,  juste  la  moitié  des  exportations  to- 
tales. Ce  résultat  montre  assez  de  quelle  importance  sont  pour 
le  Canada  les  immenses  forêts  qui  couvrent  une  partie  de  son 
sol.  Les  essences  du  nord  de  l'Amérique  sont  en  général  celles 
que  nous  rencontrons  en  Europe  :  le  chêne,  le  noyer,  dont 
les  échantillons  sont  magnifiques,  le  charme,  l'orme,  le  sapin 
et  le  cèdre.  Citons  encore  le  tamarac,  ou  épinette  rouge,  em- 
ployé avec  succès  à  la  construction  des  navires.  Les  pins 
dont  est  couverte  la  côte  du  Labrador  atteignent  des  dimen- 
sions considérables ,  et  sont  recherchés  pour  le  gréement  des 
vaisseaux. 

Les  Canadiens  savent  employer  habilement  ces  richesses 
naturelles  :  toute  la  boissellerie  envoyée  à  l'Exposition  est  re- 
marquablement traitée;  il  en  est  de  même  de  la  menuiserie; 
le  trophée  est  muni  d'une  porte  bien  construite  et  dont  le  prix 
arriverait  à  peine  à  17  francs;  en  France  une  porte  semblable 
coûterait  au  moins  30  francs. 

Les  céréales  sont  un  article  important  d'exportation  pour 
le  Canada;  les  maraîchers  de  Montréal  ont  aussi  conservé  les 
traditions  de  la  belle  culture  française,  et  ils  exportent  leurs 
fruits  et  leurs  légumes  dans  plusieurs  parties  de  l'Amérique 
septentrionale. 

Malgré  la  guerre  d'extermination  qui  a  un  peu  dépeuplé  les 
forêts  canadiennes,  l'Exposition  renferme  plusieurs  belles 
fourrures ,  parmi  lesquelles  se  distinguent  celles  des  renards 
noirs  et  argentés;  le  prix  de  cette  fourrure  est  incroyable,  elle 
atteint  quelquefois  600  francs  pour  une  seule  peau  de  renard 
noir.  Le  trophée  est  surmonté  d'un  castor,  cet  animal  intéres- 
sant qui  a  presque  disparu. 

Les  poissons  conservés  et  tous  les  produits  qu'on  extrait  de 
leurs  dépouilles  ,  ainsi  que  de  celles  des  grands  mammifères 
aquatiques  qu'on  rencontre  encore  dans  l'océan  Arctique,  en- 
trent pour  une  part  notable  dans  le  commerce  du  Canada.  La 
baie  où  va  se  jeter  le  fleuve  Saint-Laurent  est  connue  pour 


100  VISITE 

l'extrême  abondance  du  poisson,  elles  pêcheries  y  font  chaque 
année  des  bénéHces  considérables. 

Les  richesses  minérales  du  Canada  consistent  surtout  enfer 
et  en  cuivre.  Des  gisements  censidérables  de  cuivre  natif  ont 
été  découverts  récemment  près  du  lac  Supérieur,  et  l'exploi- 
tation en  est  déjà  commencée  ;  l'Exposition  en  renferme  plu- 
sieurs beaux  échantillons,  ainsi  que  despyritesde  cuivre  et  des 
malachites;  de  la  blende,  de  la  galène  argentifère,  de  l'argent 
et  de  l'or  natif  complètent  la  belle  collection  des  produits  mé- 
talliques du  Canada. 

Depuis  longtemps  habité  par  des  Européens,  ce  pays  pos- 
sède déjà  une  industrie  habile,  de  jolies  voitures,  de  beaux 
tissus,  une  belle  collection  de  taillanderie,  qui  montrent  que 
le  temps  n'est  peut-être  pas  loin  où  les  importations  en  pro- 
duits manufacturés  n'auront  plus  au  Canada  l'importance 
qu'elles  ont  encore.  Les  machines  agricoles  du  Canada  sont 
les  plus  perfectionnées  du  monde  ,  et  ne  le  cèdent  en  rien  à 
celles  de  l'Angleterre  elle-même. 

Au  reste,  la  richesse  de  la  colonie  se  montre  dans  les  énor- 
mes travaux  d'art  qu'elle  entreprend  ;  elle  est  couverte  d'un 
réseau  de  chemins  de  fer  qui  viennent  de  tous  côtés  rejoindre 
le  fleuve  Saint-Laurent,  cette  immense  artère  de  l'Amérique 
septentrionale  que  de  nombreux  travaux  mettent  en  commu- 
nication avec  les  grands  lacs.  La  facilité  de  la  navigation  et  le 
bon  marché  qui  en  résulte  pour  les  voyageurs  et  les  marchan- 
dises donneront  à  cette  grande  route  une  importance  prépon- 
dérante pour  les  communications  avec  l'Amérique  occiden- 
tale, et  pourront  faire  une  sérieuse  concurrence  au  canal  de 
l'État  de  New-York.  Le  grand  fleuve  lui-même  va  être  traversé 
près  de  Montréal  par  un  pont  destiné  au  passage  d'un  chemin 
de  fer  :  sa  longueur  sera  de  près  de  2  kilomètres.  Une  co- 
lonie qui  exécute  de  pareils  travaux  pour  s'éviter  des  frais 
de  transbordement  est  certes  dans  une  belle  voie  de  pro- 
spérité. 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  iOl 


COLONIES  ANGLAISES. 

Annexe,  galerie;  travées  1  à  13,  A  et  D.  —  Palais  principal , 
palier  de  l'escalier  sud-est. 

Le  génie  entreprenant  de  la  race  anglo-saxonne,  les  gran- 
des guerres  de  l'Empire  pendant  lesquelles  la  marine  anglaise 
a  dominé  les  mers  durant  vingt  ans,  ont  doté  le  royaume- 
uni  d'un  grand  nombre  de  colonies  sur  tous  les  points  du 
globe;  nous  avons  déjà  parlé  des  Indes,  cet  immense  conti- 
nent qui  appartient  à  une  société  de  marchands,  mais  le  cap 
de  Bonne-Espérance  et  l'île  Maurice,  en  Afrique,  le  Canada, 
la  Guyane  et  la  Jamaïque  en  Amérique,  enfin  l'Australie,  voilà 
encore  des  possessions  britanniques  appelées  à  un  immense 
avenir,  et  qui  montrent  déjà  maintenant  où  elles  pourront 
arriver  plus  tard. 

La  Guyane  doit  nous  occuper  spécialement.  Nous  avons  là 
aussi  un  territoire  énorme,  mais  les  gouvernements  successifs 
qui  y  ont  envoyé  des  colons  paraissent  avoir  pris  à  tâche  de  rui- 
ner cette  possession  dans  l'estime  de  la  mère  patrie,  et  quand 
un  homme  dit  qu'il  va  à  Cayenne,  on.  le  considère  en  France 
comme  un  homme  mort.  Cependant  la  Guyane  française  est 
exactement  dans  la  même  situation  que  la  colonie  anglaise. 
Très-rapprochées,  elles  ont  le  même  climat,  les  mêmes  pro- 
ductions, et  nul  doute  que  si  nous  avions  une  exposition  de  la 
Guyane  française,  nous  y  trouverions  la  répétition  delà  belle 
exposition  de  la  colonie  britannique.  Celle-ci  produit  du  sucre 
en  quantités  considérables;  en  1854,  la  colonie  a  exporté  83 
millions  de  livres  anglaises  de  sucre  et  2  millions  de  gallons  de 
rhum.  Remarquons  de  plus  que  ce  sucre  pourrait  être  parfai- 
tement raffiné  dans  la  colonie  qui  possède  les  machines  pro- 
pres à  celte  opération,  mais  le  gouvernement  a  mis  sur  l'intro- 
duction de  ces  produits  des  droits  tels,  que  la  colonie  n'exporte 
que  des  cassonades. 

La  Guyane  britannique  ne  fait  plus  ni  coton,  ni  café,  pro- 
ductions dans  lesquelles  elles  réussissait  cependant,  mais  les 
droits  d'exportation  l'ont  encore  forcée  à  abandonner  ces  cul- 
tures. Son  exposition  de  bois  est  des  plus  remarquables  :  bois 


loi  VISITE 

de  marine  ,  bois  d'ébéiiisterie  les  plus  variés  croissent  spon- 
tanément sur  tout  le  sol. 

Quelques-unes  de  ces  plantes  donnent  en  outre  des  fibres 
textiles  qui  paraissent  supérieurs  à  notre  chanvre,  qui  n'exi- 
gent presque  aucune  culture.  Les  fibres  de  plusieurs  palmiers, 
brillantes  et  solides  ,  pourront  sans  doute  être  employées  aux 
usages  les  plus  variés  ;  celles  du  bananier  ,  dont  les  Indiens 
fabriquent  des  cordages  d'une  résistance  remarquable,  celles 
d'agava,  du  mahoe,  sont  encore  recueillies  sur  les  plantes 
qui  les  produisent,  mises  à  rouir  pendant  quinze  jours  ou 
trois  semaines,  puis  propres  à  la  fabrication. 

Les  fécules  les  plus  variées,  banane,  igname,  arrow-root,  les 
gommes,  les  résines,  les  huiles  sont  encore  les  produits  natu- 
rels de  cette  belle  colonie,  qui,  malheureusement,  n"a  pas 
encore  assez  d'habitants,  puisqu'elle  n'en  compte  pas  90  000, 
et  sur  ce  nombre  à  peine  4000  Européens,  y  compris  la  garni- 
son. II  n'est  pas  douteux,  cependant,  que  celte  exposition 
aura  un  effet  excellent  sur  la  prospérité  de  la  colonie  en 
montrant  toutes  les  richesses  dont  elle  est  douée;  ajoutons  que, 
d'après  des  statistiques  officielles,  les  côtes  seules  de  la 
Guyane  sont  attaquées  de  temps  à  autre  par  la  fièvre  jaune, 
mais  que  l'intérieur  du  pays  est  parfaitement  sain,  et  qu'on  y 
rencontre  des  cas  de  longévité  extraordinaire. 

La  Jamaïque  est  la  plus  importante  des  Antilles  anglaises. 
Sucre,  café,  rhum  d'une  réputation  universelle,  piment, 
arrow-root ,  bois  de  teinture  et  d'ébénisterie  :  tels  sont  les 
articles  d'exportation  de  cette  colonie  à  peu  près  semblables 
à  ceux  des  autres  Antilles. 

Nous  avons  remarqué  avec  intérêt  les  fibres  du  lace  Balk 
découpées  en  lames  extrêmement  minces,  de  manière  à  four- 
nir une  sorte  de  tissu  fort  élégant  à  mailles  écartées,  et  que 
les  créoles  paraissent  employer  comme  -ornement  sur  des 
étoffes  de  soie. 

La  belle  colonie  du  Cap,  que  les  Anglais  prirent  aux  Hol- 
landais pendant  les  guerres  de  l'Empire  et  qui  leur  fut  dé- 
finitivement laissée  en  4  814,  est  bien  représentée  dans  l'expo- 
sition des  colonies  anglaises.  Nos  alliés  ont  là  une  possession 
importante  au  point  de  vue  maritime,  et  qui  leur  assure  un 
lieu  de  relâche  très-utile  pour  leurs  vaisseaux  qui  se  rendent 
dans  les  Indes  ;  la  rude  guerre  que  leur  font  les  Cafres  est  aussi 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  103 

une  excellente  école  pour  l'année  britannique.  D'après  des  chif- 
fres qui  remontent  à  une  dizaine  d'années,  la  colonie  exporte- 
rait annuellement  pour  une  valeur  de  6  millions  de  francs;  ces 
exportations  consistent  spécialement,  comme  le  montre  l'ex- 
position, en  bois  d'ébénisterie,  bois  de  construction;  en  vins, 
et  parmi  eux  le  fameux  vin  de  Constance ,  remarquable  sur- 
tout par  sa  rareté;  enfin  en  produits  animaux  provenant  des 
nombreux  troupeaux  que  nourrit  le  sol  du  Cap ,  et  aussi  en 
dépouilles  des  bêtes  sauvages  qui  s'y  rencontrent,  éléphants , 
autruches ,  etc. 

Les  habitants  du  cap  de  Bonne-Espérance,  descendants  des 
Hollandais  depuis  longtemps  fixés  sur  le  soi,  constituent 
une  race  à  part  :  les  Afrikanders,  aimables,  doux,  flâneurs, 
qui  contrastent  singulièrement  avec  la  roideur  extrême  des 
Anglais,  dont  les  habitudes  finissent  cependant  par  déteindre 
sur  les  mœurs  des  premiers  colons. 

L'émigration  se  dirige  peu  vers  la  colonie  du  Cap,  dont  la 
prospérité  pourra  être  sérieusement  menacée  lorsque  l'Angle- 
terre trouvera  dans  le  canal  de  l'isthme  de  Suez  un  chemin 
plus  rapide  pour  se  rendre  à  ses  possessions  des  Indes. 

L'ile  Maurice,  voisine  de  notre  île  de  la  Réunion,  n'appar- 
tient aux  Anglais  que  depuis  1810;  jusque-là  elle  avait  été 
colonie  française.  Elle  se  défendit  courageusement,  mais  finit 
par  succomber.  En  1815,  les  Anglais  nous  rendirent  l'île 
Bourbon  et  gardèrent  l'île  de  France,  dont  les  productions 
sont  semblables  à  celles  de  sa  voisine;  elle  est  pourvue  de 
plusieurs  ports  excellents,  tandis  que  notre  colonie  n'en  a 
aucun;  du  café,  du  sucre,  de  l'indigo  ,  des  épices,  des  bois; 
tel  est  l'aspect  de  l'exposition  de  cette  colonie  anglaise. 

L'importance  des  produits  envoyés  par  le  Canada  et  l'Aus- 
tralie nous  engage  à  en  faire  l'objet  d'un  examen  spécial. 

SUÈDE,  NORVÈGE  ET  DANEMARK. 

Annexe  ,  section  des  produits,  travées  25  et2G,  A  et  D.— Annexe, 
section  des  machines,  travées  145  et  146,  B  et  C.  —  Palais  prin- 
cipal, galerie,  travées  30  à  32  ,  H  à  I. 

Ces  trois  contrées,  qui  occupent  le  nord  de  l'Europe,  ont 
conservé,  dans  l'état  de  leur  industrie,  un  rapprochement 


lOi  MSITE 

que  leurs  relations  politiques  ont  dû  contribuer  à  rendre  plus 
intime.  La  Suède  et  la  Norvège,  quoique  obéissant  au  même 
monarque,  ont  cependant  deux  gouvernements  distincts,  et  le 
signe  de  l'union  entre  les  trois  pays  se  laisse  voir  sur  leurs 
drapeaux  respectifs. 

Pour  consacrer  autant  que  possible  ces  bonnes  relations, 
les  produits  sont  groupés  ensemble,  quoique  distingués  par 
les  emblèmes  de  chaque  pays,  soit  dans  le  bâtiment  principal, 
soit  dans  l'annexe. 

La  Suède  est  la  seule  des  trois  contrées  qui  nous  ait  envoyé 
quelques  machines  importantes,  parmi  lesquelles  une  machine 
de  bateau  fort  remarquable,  d'où  l'on  pourrait  conclure  que 
cette  puissance  est  beaucoup  plus  avancée  que  les  autres  dans 
les  arts  mécaniques;  l'on  sait  d'ailleurs  combien  ses  richesses 
minérales  ont  contribué  au  développement  et  à  la  prospérité 
de  sa  métallurgie.  Ailleurs,  cependant,  la  première  place  sem- 
ble lui  échapper  :  les  porcelaines  du  Danemark,  par  exemple, 
sont  bien  supérieures  aux  siennes,  et,  dans  les  ébauches  de 
l'industrie  norvégienne,  on  voit  déjà  poindre,  dans  quel- 
ques directions,  une  inspiration  artistique  que  la  Suède  ne 
possède  pas  au  même  degré  et  dont  la  Norvège  est  sans 
doute  redevable  à  l'impulsion  donnée  par  quelques  peintres 
célèbres  dont  elle  a  raison  de  s'enorgueillir.  Nous  dirons  en 
quelques  mots  ce  qui  distingue  principalement  les  trois  expo- 
sitions. 

La  Suède  a  la  presque  totalité  de  ses  produits  dans  le  bâti- 
ment principal ,  si  l'on  en  excepte  ses  machines  et  ses  fers 
qui  sont  placés  vers  les  deux  extrémités  de  l'annexe.  Ses 
échantillons  de  fer  de  toutes  dimensions  sont  d'une  qualité 
vraiment  prodigieuse  :  contournés  à  froid  sous  toutes  les  formes, 
ils  ne  paraissent  pas  avoir  le  moins  du  monde  souffert  dans 
leurs  qualités  essentielles;  aussi  le  fer  de  Suède  est-il  partout 
recherché  pour  les  objets  dans  lesquels  il  est  besoin  d'un  mé- 
tal de  qualité  supérieure.  Quelques  spécimens  de  forge,  d'armes 
à  feu  et  d'armes  blanches  suffisent,  au  reste,  pour  constater 
les  avantages  de  la  production  suédoise  sous  ce  rapport;  on 
comprend  que  de  pareilles  armes  doivent  résister  à  tous  les 
chocs  sans  se  briser;  et  ce  n'est  pas  sans  étonnement  que  l'on 
voit  des  lames  de  sabre  qui  se  redressent  sans  aucun  accident 
après  avoir  été  pliées  en  cercle  jusqu'à  ce  que  les  deux  exlré- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  105 

mités  se  joignent  :  les  fusils  ont  peut-être  le  défaut  d'être  d'un 
poids  trop  considérable. 

Nous  avons  déjà  dit  un  mot  des  machines  delà  Suède  ;  elles 
sont  d'une  exécution  surprenante,  et,  bien  qu'elles  soient  en 
petit  nombre,  on  peut  en  conclure  que  ce  pays  est  surtout 
avancé  dans  les  arts  faisant  em.ploi  du  métal  qui  constitue  sa 
principale  richesse.  Les  produits  manufacturés  sont  loin  d'at- 
teindre à  une  pareille  perfection. 

Les  vases  et  les  meubles  de  porphyre  et  de  marbre  sont 
moins  beaux  que  ceux  envoyés  en  1851  à  l'exposition  de 
Londres  ;  les  meubles  ne  sont  point  d'un  goût  irréprochable; 
mais  quelques  instruments  de  précision,  assez  bien  faits,  quel- 
ques spécimens  de  verrerie  et  de  porcelaines,  des  toiles  da- 
massées, des  châles,  des  soieries  et  des  étoffes  pour  meubles, 
enfin  quelques  papiers  peints  et  de  belles  fourrures,  laissent 
pressentir  l'importance  que  l'industrie  suédoise  se  dispose  à 
prendre  dans  un  avenir  prochain. 

Nous  mentionnerons  encore,  dans  l'Annexe,  comme  objet 
exceptionnel,  un  traîneau  qu'on  ne  croirait  point  fait  pour  le 
roi  Oscar,  mais  qui  est  orné  de  fourrures  admirables,  parti- 
culièrement de  petit  gris. 

Quoique  la  Norvège  ait  envoyé  moins  de  produits  que  les 
pays  qui  l'avoisinent,  et  que  son  industrie  soit  certainement 
moins  avancée,  son  exposition  offre  cependant  quelques  ob- 
jets dignes  d'intérêt.  On  remarquera  surtout,  dans  l'Annexe, 
ses  échantillons  de  sapin  du  Nord  dont  l'importance  est  bien 
connue  et  dont  quelques  spécimens  atteignent  un  mètre  de 
diamètre.  Les  petits  cabriolets  de  montagne  à  voie  étroite, 
pour  une  seule  personne,  sont  à  la  fois  solidement  établis,  bien 
suspendus  et  d'une  légèreté  extraordinaire  :  est-ce  pour  cela 
qu'ils  sont  installés  dans  la  galerie  supérieure?  Le  traîneau  de 
Finlande,  en  forme  de  bateau,  avec  son  voyageur  en  costume 
national  et  son  attelage  spécial  pour  un  renne ,  forme  un  objet 
de  curiosité  fort  original. 

L'industrie  minéralogique  de  la  Norvège  n'est  représentée 
que  par  un  petit  nombre  d'échantillons  et  un  petit  monument 
en  talc. 

Dans  le  palais,  on  ne  saurait  citer  vraiment,  comme  produits 
remarquables,  que  quelques  sculptures  sur  bois  dans  le  style 
byzantin,  bien  imparfaites  encore,  et  de  beaux  atlas  lilhogra- 


iOG  VISITE 

phiés  que  l'on  peut  louer  sans  réserve.  Deux  ou  trois  cylindres 
en  verre  fabriqués  pour  vitrage,  quelques  costumes  natio- 
naux ,  divers  tissus  communs ,  des  articles  de  vêtement . 
parmi  lesquels  des  chaussures  en  caoutchouc,  forment  à  peu 
près  le  complément  de  l'exposition  de  Norvège.  Une  table  de 
salle  à  manger  d'un  beau  bois  et  d'un  bon  travail  est  disposée 
pour  prendre  cinq  ou  six  formes  différentes  :  on  la  croirait 
faite  pour  nos  petits  appartements  de  Paris,  dans  lesquels  on 
sait  de  moins  en  moins  comment  réunir  quelques  personnes. 

Les  produits  du  Danemark  se  rapprochent  davantage  de  l'en- 
semble de  la  fabrication  allemande  ;  nous  n'y  avons  point  vu 
de  minéraux,  mais  des  outils  de  taillanderie  et  des  instruments 
d'agriculture  accompagnent  une  collection  de  céréales  et  de 
laines  qui  peut  donner  une  assez  juste  idée  de  l'agriculture 
du  pays. 

Quelques  dynamomètres  et  d'autres  instruments  de  préci- 
sion d'une  construction  nouvelle  indiquent  les  tendances  ac- 
tuelles de  l'industrie.  Des  chronomètres  et  une  très-belle  col- 
lection d'échappements  portent  le  nom  célèbre  de  Jurgensen. 

Dans  une  autre  direction,  des  rouleaux  de  papier  mécanique 
montrent  aussi  de  grands  progrès  accomplis;  ils  sont  placés 
dans  le  voisinage  de  quelques  essais  de  fabrication  d'ustensiles 
en  gutla-percha.  Nulle  part  le  filigrane  d'acier  ne  se  fait  avec 
plus  de  perfection,  non  plus  que  les  meubles  en  vannerie  et 
en  fil  de  métal.  Des  instruments  de  chirurgie,  deux  appareils  à 
douche  très-bien  construits,  de  la  coutellerie,  de  jolis  échantil- 
lons de  poterie  d'étain  dans  le  genre  anglais,  quelquesspécimens 
de  bronze,  de  très-beaux  médaillons  et  statuettes  en  porcelaine, 
de  magnifiques  pelleteries  de  phoque,  d'ours  blanc,  des  peaux 
de  renne  accompagnant  les  gants  fabriqués  avec  elles  et  qui 
sont  d'une  exécution  irréprochable,  des  tissus  imprimés  de 
laine  et  de  coton  de  couleurs  un  peu  tranchantes,  enfin  des 
pianos  qu'on  croirait  français,  forment  les  objets  principaux 
parmi  les  envois  du  Danemark  au  Palais  de  l'Industrie. 


A  L^EXPOSITION   UNIVEKSELLE.  10' 


PAYS-BAS. 


Annexe,  section  des  produits;  travées  23  à  24,  A  à  D.  —  Annexe, 
section  des  machines;  travées  144  à  145,  C  —  Palais  principal, 
galerie  ;  travées  30  à  32,  G  à  H. 

L'exposition  des  Pays-Bas  présente  deux  caractères  bien 
distincts,  si  l'on  considère  séparément  les  produits  euro- 
péens et  ceux  des  Indes  Orientales,  qui  sont  peut-être  trop 
confondus  dans  les  emplacements  qui  leur  sont  consacrés  en 
commun.  Nous  sommes  cependant  conduits  à  décrire  sépa- 
rément chacun  de  ces  groupes,  qui  appartiennent  à  deux  civi- 
lisations bien  distinctes  que  les  relations  commerciales  ne 
suffisent  pas  à  rapprocher.  La  métallurgie  de  la  Hollande  ne 
se  fait  point  remarquer  par  de  nombreux  spécimens  :  parmi 
eux,  le  cuivre  sous  toutes  les  formes,  provenant  des  usines 
de  M.  Anthoven,  de  La  Haye,  et  de  MM.  Folkers  et  C% 
d'Amsterdam,  est  le  seul  métal  qui  soit  convenablement 
représenté;  quelques  articles  de  poêlerie  en  fonte  sont  in- 
suffisants pour  constater  l'avènement  de  l'industrie  néerlan- 
daise que  l'on  retrouve  cependant  avec  une  incontestable 
supériorité  dans  la  galerie  des  machines  en  mouvement.  Les 
appareils  de  la  société  V Atlas ,  son  compteur  à  eau ,  qui 
est  utilisé  sur  une  conduite  dans  le  palais  principal,  et  les 
diverses  machines  à  vapeur  qui  figurent  à  l'Exposition ,  sont 
d'une  exécution  satisfaisante,  tout  en  ne  présentant  aucune 
particularité  nouvelle. 

MM.  Van  Stolz  frères  ont  pris  la  peine  de  réunir  une  col- 
lection de  onze  cent  vingt-sept  échantillons  de  produits  agri- 
coles, la  plupart  récoltés  dans  le  pays.  Les  lins  rouis  à  l'eau 
chaude  de  M.  Ochtmann,  et  la  vitrine  qui  l'avoisine  doivent 
attirer  à  bon  droit  notre  attention.  Cette  vitrine  porte  une 
mention  ainsi  conçue  :  La  guerre  avec  la  Russie  privant  le 
commerce ,  entre  autres  productions ,  de  son  chanvre ,  Vexpo- 
sant  a  pour  but  de  montrer  à  Vinduslrie  textile  des  matières 
premières  d'autres  contrées.  Ces  matières  premières  consistent 
en  lins  ou  chanvres  de  Manille,  de  Java,  du  Brésil,  de  la 
Hongrie,  de  Naples,  delà  Westphalie,  du  Hanovre,  et  en 


108  VISITE 

différents  filaments  de  Java  désignés  sous  les  noms  d'agave , 
rameh,  koffs ,  pisang  ,  etc.,  etc.  Il  appartenait  à  la  Hollande 
de  continuer  à  l'Exposition  le  rôle  si  important  qui  lui  a  si 
longtemps  appartenu  dans  le  commerce  du  monde. 

Son  exposition,  dans  l'annexe,  se  complète  d'ailleurs  par  des 
tabacs,  des  cordages  de  toutes  sortes  très-remarquables, 
quelques  carreaux  émaillés  dans  le  genre  flamand,  des  pa- 
piers et  de  nombreux  produits  chimiques.  Les  cires  des  Indes 
et  les  acides  gras  fabriqués  à  Amsterdam  ont  produit  de  très- 
belles  bougies  pour  l'éclairage. 

Parmi  les  denrées  alimentaires,  la  Hollande  a  eu  soin  de 
nous  envoyer  ses  fromages,  ses  pains  d'épices,  ses  eaux-de- 
vie,  ses  liqueurs  ,  ses  farines,  et  surtout  ses  sucres  qui  sont 
d'une  fort  belle  fabrication  ;  une  raffinerie  importante  a  été 
récemment  établie  à  Java. 

La  carrosserie  de  M.  Hermans  ne  laisse  rien  à  désirer,  par- 
ticulièrement sa  calèche,  très-sobre  d'ornements,  destinée  à 
Sa  Majesté  néerlandaise.  Dans  la  galerie  du  palais  principal, 
les  produits  de  la  Hollande  sont  trop  en  contact  avec  ceux  du 
Japon  :  l'avantage,  au  point  de  vue  du  goût,  n'est  pas  tou- 
jours au  profit  des  premiers,  quoique  les  autres  laissent  voir 
déjà  une  certaine  tendance  vers  les  formes  européennes; 
cette  observation  est  surtout  applicable  aux  meubles,  si  l'on 
veut  en  excepter  toutefois  les  l3eaux  objets  en  imitation  de 
laque  de  Chine,  de  M.  Leeyers,  d'Amsterdam,  qui  se  rap- 
prochent nécessairement  de  ceux  du  Japon  pour  la  délicatesse 
du  travail  et  pour  la  forme.  A  en  juger  cependant  par  quel- 
ques chefs-d'œuvre,  la  sculpture  sur  bois  est  en  grand  hon- 
neur en  Hollande  comme  en  Belgique  :  la  chaire  de  vérité,  de 
MM.  Cuypers  et  Stoizenberg,  et  celle  de  M.  L.  Veneman,  sont 
en  effet,  comme  coupe  et  comme  travail  de  bois,  les  deux 
pièces  capitales  de  TExposition;  d'un  style  simple  et  d'une 
exécution  hardie,  ces  deux  monuments  concourent  heureuse- 
ment à  la  décoration  de  la  nef  principale. 

Les  modèles  de  constructions  navales  ne  pouvaient  man- 
quer d'être  nombreux  parmi  les  envois  de  la  Hollande;  nous 
n'avons  particulièrement  remarqué  que  la  suite  des  poulies  de 
toutes  dimensions  réunies  dans  l'Annexe.  La  plupart  des  in- 
struments de  précision  sont  relatifs  à  la  marine,  ou  aux  obser- 
vations de  laboratoire. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  109 

D'autres  grandes  industries,  exploitées  plus  spécialement 
en  Hollande,  ont  également  envoyé  leurs  œuvres  :  celle  de  la 
taille  des  diamants,  particulièrement  chez  M.  Dumoulin;  la 
fabrication  des  toiles  fines,  des  draps,  des  couvertures  de 
laine,  et  celle  des  lapis  de  haute  laine,  d'une  beauté  et  d'un 
bas  prix  exceptionnels,  surtout  chez  M.  Kenkensfeldt,  de 
Delf,  et  chez  M.  Khonemberg;  enfin  les  œuvres  typogra- 
phiques de  M.  Enschédé ,  de  M,  Vomkens,  et  la  volumineuse 
collection  de  la  Société  de  librairie  néerlandaise.  La  passe- 
menterie d'or  et  d'argent  aussi  bien  que  l'orfèvrerie  ne  se 
distinguent  des  produits  anglais  ni  par  la  forme,  ni  par  la 
sobriété  avec  laquelle  l'argent  massif  est  employé. 

Ces  indications  rapides  établissent  suffisamment  que  les 
arts  industriels  n'ont  point  encore  atteint  la  même  préémi- 
nence que  le  commerce  chez  cette  nation  qui  a  été  la  pre- 
mière du  monde;  les  progrès  accomplis  annoncent  cependant 
une  ère  nouvelle  inaugurée  déjà  par  la  présence  de  près  de 
cinq  cents  exposants  au  Palais  de  l'Industrie. 

Les  meubles  en  laque,  aux  couleurs  brillantes  et  si  variées, 
les  porcelaines  si  délicates  et  les  bronzes  fort  originaux  du 
Japon  occupent  une  place  importante,  nous  dirons  même  la 
meilleure  place  dans  l'emplacement  dont  les  Pays-Bas  dis- 
posent au  palais  principal.  On  sait  que  l'empire  japonais  ,  plus 
clos  que  ne  l'est  la  Chine  par  sa  muraille  fantastique  ,  reste 
absolument  fermé  aux  étrangers  de  toutes  les  nations;  les 
Chinois,  les  Chorcins  et  les  Hollandais  peuvent  seuls  commu- 
niquer avec  Nangosuck ,  dans  l'île  de  Kuisiu;  encore  cette 
communication  n'est-elle  tolérée  que  pour  un  seul  bâtiment 
de  la  marine  hollandaise  admis  à  y  charger  des  marchandises 
indigènes  en  échange  d'autres  produits  européens  adressés  par 
le  gouvernement  néerlandais  aux  autorités  du  Japon.  On  com- 
prend dès  lors  tout  l'intérêt  qui  s'attache  à  ces  curiosités 
japonaises  dont  nous  n'avions  pas  vu  d'aussi  complète  réunion. 

COLONIES  NÉERLANDAISES. 

Annexe,  section  des  produits;  travées  23  à  24,  de  G  à  D. 

Java,  les  Moluques  et  plusieurs  des  îles  de  l'archipel  in- 
dien .  dans  les  mers  situées  entre  l'Australie  et  la  Chine , 


110  VISITE 

sont  pour  les  Pays-Bas  ce  que  sont  depuis  longtemps  les 
Indes,  et  ce  qu'est  déjà  l'Australie  pour  l'Angleterre.  Sous 
l'influence  du  même  climat  les  colonies  néerlandaises  récol- 
tent les  mêmes  produits,  tandis  que,  sous  le  rapport  des  ob- 
jets manufacturés,  c'est  à  peine  si  l'on  y  retrouve  les  traces 
de  la  civilisation  de  l'Inde ,  dans  les  produits  les  plus  com- 
muns et  les  moins  recherchés,  dans  ceux-là  même  qu'on 
chercherait  en  vain  dans  l'exposition  des  Indes  anglaises. 
Dans  la  galerie  supérieure,  les  produits  des  Indes  Orientales 
néerlandaises,  recueillis  par  le  comité  local  de  Java,  ont 
conservé  leur  caractère  primitif:  ce  sont  bien  là  les  nattes, 
les  vases  qui  indiquent  l'enfance  des  arts;  les  cotonnades  et 
les  ombrelles  y  viennent  attester  le  commerce  avec  le  monde 
de  l'Occident.  D'ailleurs,  une  riche  variété  de  produits  natu- 
rels, parmi  lesquels  les  bois,  le  caoutchouc,  la  cire,  la  coche- 
nille, constate  l'importance  commerciale  de  ces  possessions 
lointaines;  mais  cette  importance  est  bien  mieux  encore  mise 
en  lumière  par  l'exposition  collective  de  la  Société  de  com- 
merce des  Pays-Bas,  à  Amsterdam;  car  c'est  à  elle  qu'appar- 
tient cet  immense  trophée  qui  n'a  pas  moins  de  douze  mètres 
de  hauteur  et  dix  mètres  de  diamètre  à  sa  base,  et  qui  n'est 
cependant  formé  que  des  produits  des  possessions  néerlan- 
daises dans  les  Indes  Oiientales, 

La  partie  inférieure  du  trophée  se  compose  de  vingt-quatre 
vitrines  contenant  les  échantillons  des  produits  importés  par 
la  société  dans  la  mère  patrie;  plus  haut  se  trouvent  les  em- 
ballages qui  servent  au  transport  des  diverses  denrées  ;  au- 
dessus  sont  inscrits  les  noms  des  résidences  de  Java  et  des 
principales  possessions  voisines.  La  Société  de  commerce  a 
fait  des  dépenses  considérables  pour  la  réunion  et  l'installa- 
tion de  ces  produits,  qui  forment  un  tout  fort  original  et  très- 
satisfaisani. 

Ce  qui  l'est  plus  encore  ,  c'est  que  les  importations  des  co- 
lonies dans  les  Pays-Bas  dépassent  chaque  année  le  chiflVe 
énorme  de  30  millions  de  francs. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  111 


ROYAUME  DE  BELGIQUE. 

Annexe ,  section  des  produits ,  travées  41  à  44 ,  A  à  D.  —  Annexe , 
section  des  machines,  travées  112  à  i  16  ,  A  à  D.  —  Bâtiment 
des  instruments  d'agriculture.  —  Bâtiment  de  la  carrosserie.  — 
Palais  principal,  rez-de-chaussée,  travées  17  à  21 ,  H  à  N.  — 
Palais  principal,  galerie,  travées  11  à  20,  K  à  N. 

La  Belgique  occupe  au  palais  des  Champs-Elysées  une 
place  beaucoup  plus  étendue  que  ne  sembleraient  le  compor- 
ter sa  population  et  son  importance  commerciale.  Le  grand 
nombre  des  produits  exposés  à  Londres  et  l'espoir  d'un  meil- 
leur résulat  encore  à  celle  de  1855  avaient  conduit  la  Com- 
mission impériale  à  classer  la  Belgique  parmi  les  nations  les 
plus  favorisées,  et  ses  produits  occupent  dans  le  palais  prin- 
cipal, entre  les  États-Unis  de  l'Amérique  et  l'Autriche,  un 
emplacement  considérable. 

L'empressement  des  exposants  belges  doit,  sans  doute,  être 
attribué  en  grande  partie  au  voisinage,  à  la  communauté  de 
langage,  aux  relations  constantes  de  commerce  avec  la  France  ; 
mais  il  atteste  aussi  une  grande  activité  de  travail,  une  pro- 
duction industrielle  incontestable. 

Dans  le  palais,  quatre  genres  de  produits  attirent  surtout 
l'attention  et  représentent  en  quelque  sorte  le  cœur  et  les 
deux  extrémités  du  pays.  Bruxelles  brille  par  ses  dentelles;  la 
province  de  Liège  se  recommande  par  une  variété  de  draps 
et  une  collection  d'armes  très-considénible,  tandis  que  la 
Flandre  expose  des  fils  et  des  toiles  dignes  de  sa  vieille  répu- 
tation. 

Dans  la  galerie  supérieure ,  les  dentelles  étalent  leurs 
dessins  élégants  et  leurs  admirables  réseaux.  Les  armes, 
les  toiles  et  les  draps  occupent  la  plus  grande  partie  du  rez- 
de-chaussée.  Il  y  a  des  échantillons  pour  toutes  les  conditions, 
pour  toutes  les  bourses.  Ces  produits,  par  leur  bon  marché 
relatif,  défient  toute  concurrence  et  s'expédient  à  l'Étranger 
dans  presque  toutes  les  directions.  La  draperie  s'exporte  en 
Amérique,  les  toiles  suivent  en  partie  la  même  voie,  et  con- 
jointement avec  les  fils,  elles  se  consomment  aussi  dans  plu- 


112  VISITE 

sieurs  contrées  de  l'Europe.  Les  armes  de  luxe  alimentent  le 
marché  de  Paris,  et  celles  de  guerre  sont  demandées  par- 
tout. 

Le  caractère  spécial  de  ces  produits  est  leur  bas  prix.  On 
peut  faire  partout  aussi  bien  qu'en  Belgique  ;  mais  l'on  ne 
saurait,  sans  partialité,  mettre  ce  pays  sur  l'arrière-plan,  si 
l'on  met,  en  regard  du  goût  et  de  la  solidité  de  ses  produits, 
l'indication  de  leur  valeur  commerciale. 

L'exposition  belge  ne  renferme  ni  chefs-d'œuvre,  ni  tours 
de  force;  elle  s'adresse  aux  consommateurs,  aux  hommes  sé- 
rieux beaucoup  plus  qu'à  la  foule  curieuse  et  avide  de  choses 
extraordinaires.  Et  cependant  elle  a  bien  aussi  son  côté  at- 
trayant. A  part  les  dentelles  qui  attirent  les  regards  du  public 
élégant,  elle  appelle  l'attention  des  visiteurs  par  une  immense 
glace  (16  mètres  carrés  environ)  de  Floreflfe  qui  se  trouve 
dans  la  nef  et  qui  semble  servir  d'enseigne  à  l'exposition 
belge,  aussi  bien  que  les  riches  broderies  d"'or,  d'argent  et  do 
soie  de  M.  Van  Halle  de  Bruxelles. 

A  l'étage,  derrière  les  dentelles,  sont  rangés  les  cotons,  les 
étoffes  de  fantaisie  ,  les  instruments  de  musique  ,  la  poterie, 
la  verrerie  et  plus  loin  les  tapis,  les  marbres,  etc.,  etc. 

Il  y  a  peu  de  meubles  parmi  les  produits  belges  si  l'on  en 
excepte  des  parquets  et  des  portes  d'appartements  que  re- 
commande un  travail  parfait  ;  mais  l'industrie  métallurgi- 
que, par  ses  applications  les  plus  usuelles  (classe  xxi),  tient 
une  grande  place  et  laisse  deviner  qu'à  l'annexe  on  retrou- 
vera, non  sans  quelque  importance,  le  fer  et  le  zinc  à  côté  des 
machines  et  des  produits  agricoles. 

Dans  l'annexe,  la  place  occupée  par  la  Belgique  est  moins 
grande,  mais  il  faut  remarquer  qu'avant  d'arriver  à  la  galerie 
du  Cours-la-Reine  on  trouve,  sous  des  tentes ,  entre  cette 
galerie  et  le  palais  principal,  les  voitures  et  les  instruments 
aratoires  de  la  Belgique  à  côté  de  ceux  de  la  France.  Ce  dé- 
membrement de  produits  enlève  sans  doute  à  l'ensemble 
quelque  chose  de  sa  grandeur,  lui  cause  un  certain  préjudice 
dans  l'esprit  des  masses  ;  mais  il  aurait  permis  de  comparer 
plus  efficacement  les  produits  des  divers  peuples,  si  tous 
avaient  bien  voulu  adopter  ce  mode  de  morcellement.  Du 
reste,  l'essai  qu'on  en  a  fait  sur  les  machines  agricoles  et  sur 
les  voitures  peut  porter  des  fruits  pour  l'avenir,  et  amener 


A   L'EXPUSITIOIN    UINIVEHSELLE.  M^ 

une  organisation  beaucoup  supérieure  à  celle  dont  l'Angle- 
terre avait  donné  l'exemple  en  1851. 

La  carrosserie  de  Bruxelles  a  une  ancienne  réputation  à  sou- 
tenir; aussi  est-elle  entrée  en  lice  avec  ses  meilleurs  fabricants. 

Les  machines  et  les  produits  de  l'agriculture  tiennent,  les 
uns  et  les  autres,  un  rang  honorable  ;  les  machines  industrielles 
et  le  matériel  des  chemins  de  fer  couronnent  dignement  le 
contingent  belge. 

Peut-être  devrait-on  regretter  que  nos  voisins  si  riches  en 
produits  naturels,  en  charbons,  en  minerais  de  fer,  de  zinc, 
de  plomb,  aient,  jusqu'à  un  certain  point,  négligé  cette  partie 
de  leur  exposition  ;  ils  n'ont  pas  donné  non  plus  une  idée  sai- 
sissante de  leur  production  métallurgique.  Il  y  a,  sans  doute, 
des  expositions  de  fonte  d'un  grain  et  d'une  couleur  parfaites, 
des  fers  dont  la  nervure  ne  laisse  rien  à  désirer.  Le  jury  saura 
sans  aucun  doute  apprécier  ces  qualités  ;  mais,  pour  le  public, 
cette  partie  de  l'exposition  belge  est  tout  à  fait  insuffisante;  Se- 
raing  seul  offre  u  nepièce  forgée  qui  attirera  l'attention  générale. 

En  résumé,  l'exposition  belge,  qui  compte  700  exposants,  a 
un  caractère  très-sérieux;  elle  est  éminemment  commerciale. 
Malgré  les  lacunes  qu'elle  présente,  on  peut,  après  l'avoir  visitée, 
se  faire  une  assezjuste  idée  des  échanges  que  toutes  les  nations 
pourraient  utilement  faire  avec  la  Belgique,  pour  peu  que  l'on 
énumère  avec  soin  les  prix  indiqués  sur  la  plupart  des  produits. 


VILLES  ANSÉATIQUES. 

Annexe,  section  des  produits  ,  travées  25  à  26,  A  et  B.  —  Palais 
principal ,  galeries,  travées  30  à  32 ,  L. 

Les  villes  de  Hambourg  ,  Brème  et  Lubeck  sont  plus  con- 
nues par  leur  immense  commerce  que  par  les  industries  qui 
leur  sont  propres;  et,  quoique  le  nombre  de  leurs  exposants 
soit  assez  considérable,  il  ne  faut  point  s'étonner  de  l'absence 
de  tout  caractère  national  dans  l'ensemble  des  produits.  Quel- 
ques-uns cependant  ne  laissent  pas  que  d'être  très-remar- 
quables, et  nous  pourrions  citer  une  vingtaine  de  noms  parmi 
les  83  exposants  des  villes  libres,  qui  ne  sont  pas  sans  intérêt. 
206  h 


114  VISITE 

Les  cigares  importés  à  Hambourg,  ou  fabriques  dans  cette 
ville  avec  les  tabacs  étrangers ,  constituent  une  branche  de 
commerce  importante  qui  est  bien  représentée.  A  cette  in- 
dustrie se  lie  celle  de  la  fabrication  du  papier  à  cigarettes  ; 
ce  papier,  fait  avec  les  tiges  et  les  débris  du  tabac,  est  encore 
une  curiosité  qui ,  grâce  à  l'accroissement  indéfini  du  nom- 
bre des  fumeurs,  est  sans  doute  appelé  à  un  certain  avenir. 

Les  cuirs  tannés  et  vernis  de  Hambourg  méritent  aussi  une 
mention  particulière,  ainsi  que  les  chaussures  dans  la  confec- 
tion desquelles  ils  sont  employés. 

Les  meubles  sont  établis  avec  soin  et  sont  certainement 
d'une  grande  solidité  ,  mais  on  ne  saurait  y  rencontrer  les 
conditions  artistiques  qui  seules  pourraient  motiver  les  prix 
élevés  auxquels  la  plupart  d'entre  eux  sont  cotés.  Il  faut  tou- 
tefois excepter  les  sièges  et  autres  ouvrages  en  vannerie ,  qui 
sont  à  la  fois  d'une  très-belle  exécution  et  d'un  prix  peu 
élevé. 

L'industrie  des  conserves  alimentaires  ne  pouvait  manquer 
de  figurer  parmi  les  produits  des  villes  anséatiques  ;  les  prix 
sont  très-modérés,  et  l'on  sait,  en  examinant  les  boîtes, 
que  les  produits  qu'elles  renferment  jouissent  d'une  réputation 
européenne. 

Les  produits  exposés  par  les  différents  États  du  sud  de 
l'Allemagne  présentent  à  peu  près  le  même  caractère. 

Le  grand-duché  du  Luxembourg  se  fait  remarquer  cepen- 
dant par  ses  peaux  de  chevreau  pour  gants,  et  par  une  bi- 
bliothèque en  fonte  pour  laquelle  une  grande  somme  de  tra- 
vail a  été  dépensée  au  profit  du  plus  grand  dévergondage  de 
goût  que  l'on  puisse  rencontrer. 

Francfort  expose  surtout  des  caractères  d'imprimerie  et  des 
ouvrages  de  typographie  et  de  lithographie. 

Le  grand-duché  de  Hesse  compte  ,  au  nombre  de  ses  pro- 
duits, de  magnifiques  objets  de  galvanoplastie,  des  peaux, 
des  cuirs  vernis,  des  nécessaires  et  des  chaussures. 

Dans  l'exposition  de  l'électoratde  Hesse,  on  trouve  princi- 
palement des  bijoux,  des  émaux  et  des  jouets  d'enfants. 

Oldembourg  se  distingue  par  sa  bijouterie  en  pierre  dure  et 
(luelques  autres  contrées  par  des  produits  assez  importants 
pour  qu'il  en  soit  fait  une  mention  spéciale. 
Nos  lecteurs  nous  sauront  gré  de  leur  donner,  sur  l'indu- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  i15 

strie  tout  exceptionnelle  des  pierres  dures,  quelques  détails 
intéressants. 

Elle  compte  à  peu  près  160  moulins  à  polir  l'agate ,  qui  oc- 
cupent 1600  ouvriers. 

Environ  250  perceurs  d'agate,  contre -maîtres  et  apprentis, 
y  sont  employés. 

Les  pierres  polies  sont  montées  par  350  orfèvres  patentés, 
occupant  1100  ouvriers. 

Le  production  brute  dépasse  annuellement  2  500  000  francs 
dans  lesquels  la  main-d'œuvre  est  comprise  pour  moitié,  ce 
qui  porte  en  moyenne  à  750  francs  par  tète  le  salaire  des  po- 
lisseurs, qui  s'élève  pour  les  plus  habiles  jusqu'à  2000  francs 
et  plus.  Du  reste,  ces  polisseurs,  perceurs  et  orfèvres  travail- 
lent tantôt  pour  leur  propre  compte ,  tantôt  sur  les  ordres  des 
marchands  d'agate  ,  qui  leur  fournissent  souvent  les  des- 
sins et  les  modèles. 

Outre  les  agates  qui  proviennent  des  mines  d'Oberstein  et 
de  ses  environs,  on  travaille  principalement  les  pierres  du 
Brésil ,  les  topazes ,  améthystes ,  cornalines  ,  chalcédoines  , 
aventurines,  le  jaspe  oriental,  l'ouyr,  le  lapis-lazuli,  etc. 

La  plupart  de  ces  pierres  polies  se  vendent  en  Angleterre, 
en  France,  en  Allemagne,  en  Belgique,  dans  l'Amérique  du 
Nord.  Les  pierres  montées  sont  surtout  destinées,  soit  aux 
foires  de  Leipzig  et  de  Francfort,  soit  aux  marchés  améri- 
cains. 


ROYAUME  DE  PRUSSE , 

bans  l'exposition  duquel  se  trouvent  aussi  les  produits  de  l'Unior. 
de  la  Thuriuge,  du  grand-duché  de  Mecklenbourg,  des  duchés 
de  Brunswick  et  Anhalt-Dessau ,  des  principautés  de  Lippe  et 
Schauraburg-Lippe  et  de  la  ville  libre  de  Francfort.  — Annexe, 
section  des  produits,  travées  27  à  33,  A  à  D.  —  Annexe,  sec- 
tion des  machines,  travées  120  à  12G,  A  à  D. — Palais  principal, 
rez-de-chaussée ,  travées  24  à  30 ,  H  à  L.  —  Palais  principal , 
galerie ,  travées  24  à  30 ,  L  à  N. 

L'exposition  prussienne  est  une  des  plus  importantes  au 
Palais  de  Tlndustrie,  tant  par  le  nombre  de  ses  e.\pooan(s 


i  \  6  VISITE 

que  par  l'importance  et  la  variété  des  produits  :  elle  résume 
en  quelque  sorte  toute  l'exposition  allemande,  qui  se  recom- 
mande surtout  par  le  caractère  de  vérité  qu'elle  présente  ; 
moins  qu'ailleurs,  les  produits  ont  été  fabriqués  en  vue  de 
^expù^ition  :  11  est  vrai  que  celte  bonne  foi  doit  être  consi- 
dérée comme  une  condition  indispensable  de  la  plupart  des 
productions  de  l'Allemagne  ,  dont  le  principal  mérite  consiste 
dans  des  prix  que  Ton  regarderait  ailleurs  comme  impos- 
sibles. 

Si  l'on  considérait,  comme  dernier  terme  de  la  civilisation, 
la  fabrication  des  produits  à  bas  prix  pour  la  consommation 
générale,  nul  doute  qu'il  ne  faille  accorder  à  l'Allemagne  une 
prééminence  marquée;  ses  articles  principausr  sont  ceux  ,  en 
efïet,  dont  l'usage  est  le  plus  répandu  et  qui  se  prêtent  même 
à  une  grande  fabrication ,  sans  exiger  un  matériel  considé- 
rable. Il  y  a  moins  de  manufactures  en  Prusse  qu'en  France 
et  en  Angleterre  ,  mais  il  y  a  beaucoup  plus  d'artisans. 

La  fabrication  des  draps  et  des  toiles,  les  articles  de  coutel- 
lerie, de  quincaillerie,  la  fonderie  de  fer  et  de  zinc,  et  en 
général  l'emploi  industriel  de  tous  les  métaux  communs  sont 
en  Allemagne  d'une  exploitation  presque  générale  ;  il  faut 
y  joindre,  pour  quelques  localités,  certaines  fabrications  spé- 
ciales ,  telles  que  celles  des  cotons,  des  soieries,  des  armes, 
des  outils,  des  terres  cuites,  des  jouets  d'enfants,  des  usten- 
siles de  ménage,  etc.,  etc..  pouvant  occuper,  dans  quelques 
localités,  un  grand  nombre  de  bras  peu  rétribués. 

L'introduction  des  machines-outils  et  des  machines  de  fa- 
brication a  contribué  plus  qu'aucune  autre  circonstance  à 
modifier,  sur  la  plupart  des  points,  les  conditions  économiques 
de  la  production  dans  ces  contrées ,  mais  cette  introduction 
même  porte  l'inHuence  des  progrès  qu'elle  entraîne  à  sa 
suite  sur  les  principaux  objets  de  la  fabrication  antérieure, 
plutôt  qu'elle  n'a  eu  pour  résultat  la  création  d'industries 
nouvelles. 

A  cette  amélioration  a  succédé ,  depuis  une  dizaine  d'an- 
nées surtout ,  un  progrès  sensible  sous  le  rapport  du  goût  et 
du  dessin,  à  tel  point  que  les  formes  sont  méconnaissables, 
et  que  certains  produits  de  l'orfèvrerie ,  de  l'industrie  des 
bronzes,  des  soieries ,  des  porcelaines  et  de  la  fonderie  ne  le 
cèdent  en  rien ,  sous  ce  rapport,  aux  productions  les  plus  re- 


A  L'ËXPOSÏTION  UNIVERSELLE.  147 

marquables  des  nations  considérées  comme  les  premières  dans 
les  arts  d'imitation.  En  examinant  avec  attention  l'exposition 
allemande,  on  sent  cependant  que  ce  progrès  n'est  pas 
général  :  à  côté  de  produits  très-irréprochables,  on  rencontre 
souvent  des  formes  bizarres  ,  que  le  contraste  met  davantage 
en  lumière,  mais  dont  la  Prusse  a  su,  mieux  que  tous  les 
autres  États  allemands,  se  garder.  Cette  transition  toutefois 
ne  peut  se  faire  sans  quelques  écarts  regrettables,  qui  se 
rencontrent  quelquefois  jusque  dans  le  mode  d'installation  des 
produits. 

Le  royaume  de  Prusse,  qui  s'étend  au  travers  de  l'Alle- 
magne depuis  la  France  jusqu'à  la  Russie,  se  divise  en  deux 
parties  séparées  par  le  Hanovre ,  la  Hesse  et  le  duché  de 
Brunswick.  La  Prusse  rhénane  est  le  principal  centre  de 
l'industrie,  puis  aussi  la  Westphalie;  et  il  est  curieux  de 
suivre  sur  la  carte  le  prodigieux  mouvement  industriel  de 
toutes  les  contrées  allemandes  qui  avoisinent  la  France  , 
depuis  la  Belgique  jusqu'à  la  Suisse.  Le  grand -duché  de 
Bade,  la  Bavière  et  surtout  le  Wurtemberg,  participent, 
autant  que  les  provinces  rhénanes,  à  celte  activité  qui  se  fait 
sentir  encore  dans  les  différents  pays  de  Saxe. 

D'un  autre  côté  ,  le  voisinage  de  la  mer  du  Nord  et  de  la 
Baltique  exerce,  sur  le  commerce  des  États  du  nord  de  l'Alle- 
magne, une  influence  non  moins  marquée  ;  Berlin,  Breslau  , 
Stettin  et  Magdebourg ,  sont  les  principaux  côtés.  L'examen 
des  produits  exposés  par  les  différents  États  ne  peut  manquer 
de  mettre  en  relief  ces  différentes  causes  d'influence. 

Dans  l'Annexe,  les  matières  minérales  de  la  Prusse  occupent 
une  place  considérable  :  les  houilles  maigres  et  les  cokes  de 
la  vallée  de  Sarrebruck,  assez  semblables  aux  produits  simi- 
laires du  centre  de  la  France,  sont  réunis  en  collection  par  les 
soins  de  l'administration  royale  des  mines  avec  les  houilles 
grasses  du  même  bassin  ,  et  forment  comme  une  introduction 
à  la  métallurgie  du  fer,  si  bien  représentée  tout  auprès.  Les 
combustibles  minéraux  d'Essen,  près  de  Dusseldorf,  laissent 
beaucoup  plus  à  désirer.  Presque  tous  les  métaux  figurent  à 
côté  de  leurs  minerais  :  le  plomb,  le  cuivre,  le  nickel,  l'ar- 
gent, mais  surtout  le  fer  et  le  zinc  se  trouvent  exposés  dans 
leurs  différents  états  de  préparation  ;  les  usines  de  fer  n'ont 
oublié  ni  le  combustible  ni  les  fondants,  ni  aucune  des  modifi- 


an  VISITE 

calions  apportées  parla  fabrication  dans  les  métaux  préparés. 
Les  minerais  de  fer  et  ceux  de  zinc  sont  surtout  nombreux  et 
importants  :  le  fer  carbonate  des  houillères,  rencontré  vers 
1849  sur  les  rives  de  la  Ruhr,  occupe  une  place  distinguée 
à  côté  des  anciennes  exploitations  du  pays.  Par  les  ruptures 
ménagées  dans  les  spécimens  de  fonte  ,  le  visiteur  distingue 
facilement  les  fontes  blanches ,  les  fontes  grises  et  les  fontes 
truitées  :  quelques  échantillons  présentent  un  caractère  la' 
melleux  très-remarquable. 

11  serait  difficile  de  citer  les  plus  importants  parmi  ces 
échantillons  nombreux,  dont  quelques-uns  atteignent  des 
dimensions  inusitées;  nous  avons  remarqué  cependant  les 
fers  et  les  tôles  de  MM.  Stumm  frères,  ceux  de  la  société  ano- 
nyme du  Phénix,  une  tôle  du  poids  de  750  kilogr.  d'une  ré- 
gularité remarquable,  de  MM.  Jacobi  ,  Haniel  et  Huyssen  ; 
ainsi  que  les  tôles  de  quelques  fabricants,  aussi  minces  que 
des  feuilles  de  papier  ;  aussi  M.  le  comte  de  Renard  distri- 
bue-t-il  pour  adresses  de  petits  carrés  de  tôle  de  fer ,  dont 
l'épaisseur  n'atteint  pas  trois  centièmes  de  millimètre  ,  et  qui 
lui  servent  de  cartes  de  visites.  Rien  déplus  élégant  que  les 
ornements  fabriqués  avec  les  tôles,  dans  le  genre  des  fers 
repoussés  des  xv*  et  xvi^  siècles. 

Le  laminage  du  zinc  réalise  les  mêmes  progrès  :  les  feuilles 
n°'  16  et  au-dessous  ,  de  MM.  Ruffer  et  Cie,  de  Breslau  ,  sont 
d'une  fabrication  tout  à  fait  exceptionnelle.  Leurs  tôles  de 
zinc  ondulées  méritent  également  une  mention  particulière. 
Nous  rencontrerons  dans  la  même  voie  les  trois  établissements 
prussiens  de  la  société  de  la  Vieille-Montagne,  qui  expose 
également  en  Belgique,  en  France  et  dans  le  duché  de 
Bade 

La  fabrication  du  nickel ,  dit  argent  allemand ,  n'est  pas 
sans  importance  en  Prusse;  MM.  Herbers,  d'Iserlohn,  et  Kay- 
ser,  de  Naumbourg,  en  Silésie,  préparent  ce  métal  avec  une 
pureté  telle  qu'il  ne  contient  plus  ni  arsenic  ni  soufre. 

Les  produits  les  plus  remarquables  de  la  métallurgie  prus- 
sienne sont  ceux  de  M.  F.  Krupp ,  dont  les  aciers  fondus 
avaient  déjà  fait  grande  sensation  en  1851.  Il  s'est  en  quel- 
que sorte  surpassé  lui-même.  Le  bloc  d'acier  fondu  de 
5000  kilogrammes,  plusieurs  rouleaux  de  laminoirs,  un  canon 
flu  calibre  de  12,  un  ressort  chargé  de  3000  kilogrammes,  sont 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  H 9 

lous  des  objets  remarquables  ,  dont  la  parfaite  homogénéité 
se  trouve  suffisamment  établie  par  les  belles  cassures  de  quel- 
ques autres  pièces.  Les  cloches  en  acier  fondu,  delà  société  de 
Bockum,  ont  un  son  magnifique  qui  n'est  que  trop  attesté  pour 
les  oreilles  des  visiteurs  par  l'usage  exagéré  qu'on  en  fait 
dans  l'Annexe.  Les  fers-blancs  des  hauts-fourneaux  d'Ein- 
tracht  méritent  aussi  d'être  mentionnés  particulièrement. 

Les  cuivres  laminés  de  Heckmann  ,  et  surtout  les  appareils 
évaporatoires  pour  sucreries,  construits  dans  ses  ateliers,  sont 
bien  faits  pour  accompagner  les  riches  minerais  de  cuivre  py- 
riteux,  de  cuivre  carbonate  et  même  de  cuivre  natif  que  ren-» 
ferme  cette  division  de  l'exposition  prussienne. 

Les  produits  agricoles  sont  d'un  haut  intérêt  ;  ils  se  com^ 
posent  principal.ejnent  de  laines  ,  de  céréales  et  de  lins  ; 
quelques  toisons  de  Silésie ,  Posnanie  et  du  Brandebourg 
présentent  les  plus  belles  qualités  de  laines  fines. 

Dans  les  arts  chimiques,  les  acides  de  la  distillation  des 
corps  gras,  les  substances  préparées  pour  la  teinture  de 
Trommsdorf,  les  plus  beaux  peut-être  de  l'Exposition,  les  prO' 
duits  divers  de  l'industrie  sucrière  sont  bien  préparés  et  d'un 
bas  prix  remarquable.  Des  effets  de  coloration  fort  singuliers 
sont  obtenus  par  quelques  gouttes  de  plusieurs  substances 
distribuées  sur  divers  tissus  et  étendues  en  repliant  l'é- 
toffe sur  elle-même  ;  ces  premiers  essais  du  D'  Runge  sont 
loin  de  dire  que  ce  procédé  n'ouvrira  pas  une  voie  nouvelle 
dans  laquelle  M.  Jobard  avait  voulu  déjà  trouver  un  moyen 
d'improvisation  pour  les  tissus  industriels.  11  va  sans  dire 
que  quinze  Farina  se  disputent  la  palme  pour  la  véritable 
eau  de  Cologne  ;  il  paraît  que  cette  industrie  n'est  pas  des 
moins  lucratives. 

L'exposition  prussienne ,  dans  l'Annexe,  est  complétée  par 
les  cuirs ,  des  courroies  bien  fabriquées ,  les  mêmes  objets  de 
cuirs  vernis  pour  l'exportation  ;  par  des  amadous  formidables 
qui  serviraient  au  besoin  de  vêtements,  puisqu'on  en  fait  déjà 
des  casquettes ,  sans  doute  non  incombustibles  ;  par  des  pa- 
piers de  toutes  sortes,  parmi  lesquels  il  convient  de  distinguer 
les  papiers  non  filigranes ,  en  couleur,  de  MM.  Ebart  frères, 
de  Berlin,  et  par  toutes  sortes  d'objets  en  caoutchouc  naturel, 
vulcanisé  ou  durci ,  voire  même  le  buste  de  l'empereur  Na- 


120  VISITE 

poléon  l^'  à  Sainte-Hélène,  qui  est  vraiment  d'une  exécution 
très-parfaite;  enfin  par  quelques  instruments  de  précision,  les 
articles  de  poêlerie  et  les  papiers  peints. 

Parmi  les  instruments  de  précision  en  verre ,  les  modèles 
pour  la  cristallographie  sont  intéressants,  quoique  l'exécution 
laisse  peut-être  à  désirer;  mais  le  télégraphe  de  MM.  Siemens 
et  Halske  attire  l'attention  générale;  on  sait  que  l'un  des  as- 
sociés faisait  profiter  de  son  appareil  la  Russie,  pendant  que 
l'autre  rendait  à  l'armée  alliée  le  même  service. 

Nulle  part  ailleurs  la  fabrication  des  appareils  de  chauf- 
fage par  le  gaz  n'est  aussi  avancée  ;  les  fourneaux  et  calori- 
fères de  M.  Eisner,  de  Berlin,  nous  montrent  les  petits  foyers 
à  double  courant  d'air,  dans  lesquels  les  gaz  mélangés  vien- 
nent brûler  à  la  surface  d'une  toile  métallique. 

En  machines,  l'exposition  prussienne  est,  sinon  complète, 
du  moins  intéressante  ;  ses  machines  à  vapeur,  ses  locomo- 
tives ,  sa  sucrerie  à  vapeur,  ses  presses,  ses  cardes,  quelques 
machines  de  la  fabrication  des  draps  et  des  papiers ,  et  un 
métier  Jacquart ,  attestent  un  mérite  d'exécution  que  l'état 
d'avancement  de  son  industrie  métallurgique  ne  peut  que 
faire  progresser. 

Conformément  au  plan  général,  les  produits  des  quinze  der- 
nières classes  sont  placés  dans  le  bâtiment  principal,  et  nous 
y  retrouvons  tout  d'abord  les  métaux  sous  toutes  les  formes  ; 
les  outils  d'acier,  la  coutellerie  de  Henkels  et  Schmoiz,  les 
armes  blanches  d'Hœller  et  Eunenschlok  qui  sont  exportées 
en  grand  nombre  en  Amérique  et  en  Asie;  les  cuivres  es- 
tampés pour  ornements  et  boutons;  la  tréfilerie  de  fer  et  de 
cuivre;  les  tuyaux  sans  fin  en  plomb  et  en  étain  ;  les  cuivres 
guillochés  pour  cadres,  tabatières  et  autres  emplois;  les 
aiguilles  de  toutes  sortes ,  particulièrement  celles  des  fa- 
briques Printz  Schleicher  et  Beissel ,  à  Aix-la-Chapelle  ;  les 
articles  de  sellerie  en  argent,  de  Berlin;  les  coffres-forts 
de  toutes  dimensions  jusqu'à  celle  d'un  simple  registre,  surtout 
ceux  de  MM.  Sommermeyer  et  Cie  ;  les  ustensiles  de  ménage 
en  fer  élamé,  les  poêles  en  fonte  d'un  travail  parfait,  forment 
une  série  non  interrompue  d'ouvrages  en  métal ,  jusqu'aux 
fontes  de  Berlin  et  aux  plus  beaux  ouvrages  d'orfèvrerie.  Des 
éventails  du  comte  Stolberg  qu'on  prendrait  pour  de  la  den- 
telle, si  ce  n'était  leur  rigidité;  des  couvertures  en  fonte, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  121 

fondues  sur  des  modèles  en  papier  découpé,  et  presque  aussi 
délicates,  nous  montrent  ce  que  nos  voisins  font  et  ce  que 
nous  ne  pouvons  encore  faire. 

Les  armes  de  luxe  et  lorfévrerie  sont  représentées  par  des 
produits  fort  estimables,  particulièrement  comme  ciselure,  et 
la  galvanoplastie  en  argent  fm  ne  pourrait  revendiquer  une 
œuvre  d'un  plus  beau  travail  que  le  bas-relief  offert  par  la 
ville  de  Berlin  au  prince  de  Prusse ,  à  l'occasion  du  25"  an- 
niversaire de  son  mariage. 

La  fonderie  du  zinc  excelle  aussi  dans  rexécution  des  or- 
nements de  l'habile  architecte  Diebitsch  dans  le  style  de 
l'Alhambra ,  et  la  statue  de  bronze  damasquinée  de  Frédéric- 
Guillaume  III,  au  centre  de  la  nef,  fait  le  plus  grand  honneur 
à  rÉcole  des  arts  et  métiers  fondée  par  le  célèbre  Beuth,  dont 
l'influence ,  ainsi  que  celle  de  l'architecte  Schinkel,  a  exercé 
une  action  si  considérable  sur  les  destinées  industrielles  de 
l'Allemagne  :  leurs  ouvrages  se  trouvent  dans  la  grande  logo 
aux  galeries,  ornée  de  leurs  bustes. 

Citons  encore  les  poêles  en  fonte ,  les  dorures  sur  bois  les 
plus  solides  ,  les  boutons  les  plus  variés  de  Ritzel  et  de  Greeff, 
pour  compléter  Ténuméralion  des  principaux  articles  de 
quincaillerie. 

Les  tissus  prennent  une  grande  part  dans  l'exposition 
prussienne  ;  on  y  remarque  entre  autres  les  cotonnades  imi- 
tant les  fourrures  de  différents  animaux,  de  Gladbach  ;  les 
velours  de  laine  de  Schœller  et  fils  ;  de  très-beaux  velours  et 
peluches  de  laine ,  des  velours  et  des  tissus  de  soie ,  des 
tissus  légers  dans  le  genre  de  Mulhouse  et  de  Paris;  enfin 
les  draps  de  toutes  sortes  dont  la  collection  est  aussi  complète 
qu'on  puisse  le  désirer;  l'industrie  du  défilochage  est  déjà 
depuis  quelque  temps  acclimatée  en  Prusse. 

Quoique  Berlin  ait  quelques  ébénistes  habiles  ,  on  ne  voit 
point  dans  son  exposition  de  meubles  remarquables,  si  ce 
n'est  quelques  laques  de  Stobwassen  d'une  très-belle  exé- 
cution; les  instruments  de  musique,  en  petit  nombre,  sont 
venus  de  Berlin,  Breslau,  Dantzig,  Brunswick,  Cologne, 
Dusseldorff  et  Werel. 

La  manufacture  royale  de  porcelaines  représente  presque 
seule  l'industrie  céramique  ;  mais  ses  principales  pièces,  par 
leurs  décorations  et  leurs  peintures,  sont  d'une  perfection  très- 


122  VISITE 

remarquable  ;  les  Uthophanies  en  blanc  et  en  couleur ,  qui 
sont  appliquées  aux  fenêtres  de  l'escalier  sud-ouest ,  appar- 
tiennent au  même  établissement  ;  et,  parmi  les  produits  plus 
ordinaires,  MM.  Villeroy  et  Boch ,  qui  occupent  un  des  tro- 
phées de  la  nef,  ont  des  biscuits  et  des  poteries  fort  inté- 
ressantes. 

Dans  les  arts  de  reproduction  enfin,  nous  rencontrons  des 
livres  de  sciences  en  grand  nombre  et  d'une  très-belle  exé- 
cution chez  MM.  VVieweg  et  Winkelmann;  mais  nous  avons 
particulièrement  remarqué  les  chromolithographies  de  Rei- 
mer ,  de  Berlin,  et  quelques  cartes  géographiques.  Les  cartes 
muettes,  exécutées  au  pinceau  sur  papier  ciré,  ouvrent  une 
méthode  nouvelle  dans  l'enseignement  de  la  géographie ,  en 
ce  qu'elles  permettent  de  tracer  à  la  craie  tous  les  détails  omis 
à  dessein,  et  de  les  effacer  ensuite. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  magnifique  reliure  de  l'album 
donné  au  prince  et  à  la  princesse  de  Prusse  par  les  provinces 
du  Rhin;  les  vues  les  plus  pittoresques  et  les  scènes  histo- 
riques les  plus  intéressantes  de  ce  beau  pays ,  dues  pour  la 
plupart  aux  principaux  peintres  de  Dusseldorff,  sont  réunies 
dans  une  œuvre  d'art ,  en  ivoire  et  orfèvrerie ,  d'un  travail 
tout  à  fait  remarquable. 

M.  le  commissaire  de  la  Prusse  représente ,  auprès  de  la 
commission  impériale ,  en  même  temps  que  le  royaume  de 
Prusse,  un  certain  nombre  d'États  de  l'Allemagne  :  ce  sont 
les  duchés  d'Anhalt-Dessau  et  Cœthen,  le  duché  de  Bruns- 
wick, le  royaume  de  Hanovre,  la  principauté  de  Reuss ,  bran- 
che aînée  (la  principauté  de  Reuss,  branche  cadette,  a  délégué 
un  commissaire  spécial),  le  duché  de  Saxe-Cobourg,  le  duché 
de  Saxe-Cobourg-Gotha ,  la  principauté  de  Lippe  et  Schaum- 
bourg-Lippe,  celle  de  Schwarzbourg-Rudolstadt,  le  duché 
de  Saxe-Meininger,  le  grand-duché  de  Mecklembourg  et  celui 
de  Saxe-Weimar.  Les  produits  de  ces  différents  États  alle- 
mands sont  réunis  à  ceux  de  la  Prusse  et  sont  d'ailleurs 
trop  peu  nombreux  pour  qu'il  soit  possible  d'entrer  dans 
quelques  détails  à  leur  sujet;  nous  dirons  seulement  que  la 
fabrication  des  objets  en  métal  et  que  l'industrie  des  laines  et 
des  draps  constituent  la  partie  dominante  de  ces  expositions 
partielles.   Les  différents  genres  d'impression  ,   la  galvano- 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  123 

plastie,  et  surtout  la  fabrication  des  jouets  d'enfants  occupent, 
après  ces  industries  principales,  la  place  la  plus  impor- 
tante. 


GRAND-DUCHÉ  DE  BADE. 

Annexe,  section  des  produits,  travées  26  et  27,  C.  —  Section 
des  machines,  123  et  124.  —  Galerie  d'agriculture,  2  à  6.  — 
Palais  principal,  rez-de-chaussée  et  galerie. 

Les  cent  exposants  du  grand -duché  de  Bade  ont  fourni  des 
produits  à  presque  toutes  les  divisions  de  la  classification  of- 
cielle,  les  ressources  de  ce  pays  industrieux  le  portant  à  la 
fois  vers  l'agriculture,  les  mines  et  la  plupart  des  manufac- 
tures. L'exploitation  minérale  de  la  vallée  de  Kinzig,  dont 
l'existence  remonte  à  une  époque  fort  éloignée,  présente  une 
collection  remarquable  de  minerais  de  plomb  et  de  cuivre,  à 
côté  desquels  la  société  de  la  Vieille-Montagne  a  disposé  les 
spécimens  de  ses  mines  des  environs  deWieslach,  autrefois 
abandonnées ,  mais  qui  ont  acquis  depuis  lors  une  grande 
importance.  Tandis  que  ,  dans  l'exposition  prussienne ,  le  lin 
et  la  laine  formaient  la  plus  grande  part  des  produits  agri- 
coles ,  nous  rencontrons  ici  les  bois,  les  céréales,  le  chanvre 
et  le  tabac  ;  sous  l'infiuence  d'un  heureux  climat,  et  par  l'em- 
ploi de  bonnes  méthodes  de  culture,  le  grand-duché  de 
Bade  a  pu  rendre  sa  production  agricole  considérable. 

Les  bois  de  la  forêt  Noire  sont  exportés  au  loin  ,  particu- 
lièrement pour  la  France  et  pour  Paris;  la  production  du 
chanvre  en  i853  dépassait  3  500  000  kilogrammes,  et  elle 
s'est  encore  élevée  l'an  dernier;  cette  matière  textile,  très- 
résistante,  est  recherchée  pour  la  fabrication  des  toiles  à 
voiles  et  des  cordages  de  marine  ;  la  plupart  des  échantillons 
sont  d'excellente  qualité,  aussi  la  semence  est-elle  aussi  fort 
recherchée.  Plusieurs  producteurs  ont  exposé  des  tabacs  du 
pays  ,  dont  la  production  s'élevait ,  particulièrem.ent  dans  le 
Palatinat,  à  plus  de  7  millions  de  kilogrammes.  Les  feuilles 
de  MM.  Fraumann  et  Cie  et  de  M.  Hirschhorn  et  fils  méritent 
un  intérêt  particulier.  Le  houblon  des  mêmes  contrées  ne 
le  cède  en  rien  à  ceux  de  Bohême  et  de  Bavière.  Le  .lardin 


124  VISITE 

Central  d'agriculture  d'Heidelberg ,  transporté  en  iSoO  à 
Carlsruhe,  d'après  les  plans  de  son  directeur,  feu  Mezger, 
figure  au  nombre  des  exposants  par  des  spécimens  des  diffé- 
rentes cultures  du  pays,  qui  doivent  aux  écrits  de  cet  agri- 
culteur la  plus  grande  partie  des  améliorations  réalisées. 

La  construction  des  machines  a  pris  ,  dans  le  grand-duché 
de  Bade  comme  en  Wurttemberg,  une  activité  remarquable. 

La  locomotive  à  grande  vitesse  de  la  société  de  Carlsruhe, 
est  d'une  très-bonne  exécution.  Étant  chargée  de  62  tonnes  1/2, 
elle  brûle  5''  85  de  coke  par  kilomètre,  avec  une  vitesse  de 
64  kilomètres  à  l'heure  ;  son  prix  est  de  60  000  francs  avec 
son  tender. 

Les  pompes  à  incendie  de  M.  Metz  sont  d'une  exécution 
très-soignée  :  c'est  cet  industriel  qui  a  organisé  dans  diffé- 
rents pays  de  l'Allemagne  le  service  des  pompiers  volontaires; 
le  fourgon  spécial  sur  lequel  il  transporte  tous  ses  appareils 
de  sauvetage  en  cas  d'incendie  est  très-bien  entendu. 

Le  grand-duché  de  Bade  est  le  berceau  de  la  fabrication  de 
l'horlogerie  dans  la  forêt  Noire  :  fondée  dans  le  milieu  du 
XVII*  siècle,  cette  fabrication  produit  aujourd'hui  de  600  à 
700  000  pièces.  En  1 847  on  comptait  1 568  maîtres  et  2566  ou- 
vriers, exclusivement  employés  à  cette  industrie,  sans  comp- 
ter les  femmes  et  les  enfants  qui  sont  fréquemment  chargés 
de  quelques  opérations  spéciales.  Par  la  fondation  d'une 
école  d'horlogerie  à  Furtwangen  en  1850,  le  gouvernement, 
en  fournissant  aux  fabricants  des  modèles  bien  confectionnés 
et  de  bon  goùi,  a  considérablement  contribué  aux  perfection- 
nements introduits  depuis  lors.  Le  travail  est  en  général  divisé 
de  manière  à  faire  descendre  autant  que  possible  le  prix  de 
vente,  et  l'on  est  étonné  de  la  précision  à  laquelle  certaines 
pièces,  établies  dans  ces  conditions,  peuvent  atteindre. 

La  fabrication  des  cuirs  est  bien  représentée,  notam- 
ment par  les  produits  de  MM.  Heintze  et  Freudenberg  :  on 
sait  que  l'on  attribue  à  la  parfaite  qualité  du  tan  de  la  forêt 
Noire  et  de  l'Odenwald  la  bonne  préparation  des  cuirs  dans 
cette  contrée. 

Les  vins  du  Rhin  et  les  kirschenwasser  de  la  forêt  Noire 
ne  pouvaient  être  oubliés  parmi  les  produits  badois  :  19  000 
hectares  de  terre  sont  consacrés  à  la  viticulture,  et  la  pro- 
duction ne  s'élève  pas  à  moins  de  i30  000  hectolitres. 


A  L'EXl'OSlTlOiN    LMVEHSELLE.  125 

Les  eaux  minérales  de  Freyersbach ,  Rippoldsau ,  Anto- 
gast,  Pelersthal,  Griesbach ,  Baden-Veiler ,  Langenbruken, 
ont  toutes  des  propriétés  particulières  qui  les  font  recher- 
cher :  les  analyses  du  professeur  Bunsen,  d'Heidelberg,  don- 
nent des  indications  fort  intéressantes  sur  leur  composition. 

Nous  trouvons  encore  dans  l'exposition  badoise  des  toiles 
métalliques,  des  garnitures  de  cardes,  des  appareils  et  pro- 
duits chimiques,  des  cigares,  dont  ceux  de  MM.  Mayer  frères 
sont  très-remarquables,  des  gravures  de  la  maison  Artaria  et 
Fontaine  et  des  instruments  de  musique. 

Nous  mentionnerons  particulièrement,  parmi  les  manufac- 
tures de  tissus,  les  velours  de  coton  de  la  Société  pour  la  fi- 
lature et  le  tissage  à  Eltlingen  ;  ces  produits  sont  remarqua- 
bles par  le  complet  assortiment  des  couleurs,  et  les  produits 
en  laine  et  soie  de  M.  Kœchlin  et  fils,  ainsi  que  les  mouchoirs 
de  coton  de  M.  Herosé,  que  l'on  peut  citer  parmi  les  pre- 
miers industriels  de  l'Allemagne,  ne  peuvent  manquer  d'être 
également  remarqués;  les  industries  du  coton  seulement  n'a- 
limentent pas  moins  de  417  fabriques,  occupant  9000  ou- 
vriers. 

Des  industries  si  diverses  et  déjà  si  développées  chez  une 
population  de  i  360  000  âmes,  confectionnant  pour  plus  de 
50  millions  de  produits,  constatent  une  heureuse  tendance 
vers  une  prospérité  qu'il  suffira  d'encourager  pour  en  obtenir 
de  plus  importants  résultats  encore. 


ROYAUME  DE  WURTEMBERG. 

Annexe,  division  des  produits,  travées  27  à  28.  —  Annexe,  divi- 
sion des  machines,  travées  124  à  127.  —  Bâtiment  des  instru- 
ments d'agriculture.  —  Palais  principal,  rez-de-chaussée,  tra- 
vées 29  et  30 ,  I  et  J.  —  Palais  principal ,  galerie ,  travées  29  et 
30,  N. 

Les  produits  de  Wurtemberg,  quoique  envoyés  en  petit 
nombre  et  par  182  exposants  seulement ,  forment  un  ensem- 
ble remarquable,  caractérisant,  avec  une  grande  exactitude, 
l'industrie  allemande  au  milieu  de  laquelle  cette  partie  de 
l'Exposition  apparaît  cependant  avec  les  quahtés  qui  lui  sort 


1:26  VISITE 

propres;  tous  les  genres  d'industrie  s'y  rencontrent  avec  des 
spécimens  intéressants  qui  font  de  l'exposition  wurtember- 
geoise  un  des  types  les  plus  complets  au  Palais  de  l'Industrie. 
La  classe  des  produits  minéraux  est  représentée  par  les  pierres 
à  aiguiser,  les  pierres  de  construction  et  les  pierres  ponces 
artificielles,  dont  une  fabrique  très-renommée  existe  à  Bieti- 
gheim.  Les  os  broyés  pour  engrais,  les  instruments  de  l'Insti- 
tut royal  pour  l'agriculture  et  l'art  forestier,  de  beaux  échan- 
tillons de  houblon  et  la  collection  complète  des  laines  du 
^yurtembe^g  représentent  convenablement  les  tendances  agri- 
coles du  pays. 

La  fabrication  des  machines,  plus  ordinairement  réservée 
aux  grandes  nations ,  est  représentée  par  des  cardes  d'une 
bonne  exécution  et  surtout  par  les  produits  des  usines  d'Ess- 
lingen ,  chargées  de  la*construction  des  locomotives  Engerth 
pour  le  Sœmmering,  et  de  nombreuses  commandes  pour  les 
chemins  de  fer  du  Nord  et  du  Midi  en  France.  Les  deux  lo- 
comotives exposées  par  ces  usines  portent  les  numéros  de 
construction  268  et  271,  et  elles  sont  toutes  d'une  remarqua- 
ble exécution. 

On  connaît  la  précision  avec  laquelle  marchent  les  horloges 
de  la  forêt  Noire  ;  quoique  exécutés  en  bois,  et  en  apparence 
assez  gros,  ces  instruments  ont  quelquefois  une  précision  ex- 
trême que  Ton  rencontrera  souvent  chez  les  huit  exposants 
de  ces  articles. 

Les  Allemands  sont  grands  amateurs  de  collections  :  celle 
des  fossiles  de  Souabe  et  de  Franconie ,  et  celle  des  plantes 
médecinales  du  Wurtemberg,  sont  tout  à  fait  remarquables. 

C'est  au  Wurtemberg  qu'est  due  l'invention  des  ardoises 
artificielles,  d'un  usage  plus  satisfaisant  pour  l'écriture  et 
pour  l'enseignement  que  les  ardoises  ordinaires  :  les  produits 
de  l'inventeur  méritent  de  fixer  l'attention  des  visiteurs  de 
l'Exposition. 

Dans  les  arts  chimiques,  le  sulfate  de  quinine,  l'amadou, 
le  cirage  à  base  de  glycérine,  qui  utilise  une  matière  en- 
core sans  emploi,  les  savons  de  toutes  espèces,  les  gélatines 
pour  colle  forte ,  les  cuirs  et  les  maroquins ,  les  carmins  et 
les  outre-mers,  les  papiers  de  chiffons,  de  bois  et  de  paille  , 
blancs  et  des  couleurs  les  plus  variées,  indiquent  une  fabri- 
cation fort  avancée  et  très-économiquement  conduite. 


A   L'EXPOSiTlOlS   UNIVERSELLE.  127 

Sous  le  numéro  92 ,  M.  Wagner  a  réuni  de  nombreux  échan- 
tillons de  pierres  de  construction  :  les  granités,  les  grès,  les 
calcaires  démontrent  une  précieuse  richesse  en  matériaux  de 
ce  genre,  parmi  lesquels  il  convient  de  distinguer  particuliè- 
rement les  grès  du  terrain  Kuperien  supérieur,  qui  sont 
employés  à  la  construction  de  la  cathédrale  de  Cologne  et  des 
principaux  monuments  de  l'Allemagne.  Les  chaux  hydrauli- 
ques et  ciments  de  MM.  Leube  frères,  à  Ulm,  figurent  digne- 
ment à  côté  de  cette  collection. 

Les  manufactures  du  Wurtemberg  ont  dès  longtemps  acquis 
une  grande  importance,  la  coutellerie,  les  outils  de  tous 
genres  ,  particulièrement  les  faux  et  faucilles,  les  toiles  métal- 
liques ,  les  objets  de  quincaillerie  et  les  meubles  en  métal , 
jouissent  d'une  réputation  bien  défendue  par  les  articles  ex- 
posés :  nulle  part  on  ne  trouverait  une  exposition  plus  com- 
plète que  celle  des  faux  et  faucilles  de  MM.  Haucisen  et  fils, 
de  Stuttgard,  suivant  les  formes  usitées  en  France,  en  Alle- 
magne j  en  Italie,  en  Suisse,  en  Pologne,  en  Hollande  et 
presque  en  Amérique  ;  ces  articles  font  l'objet  d'exportations 
considérables. 

On  voit,  par  cet  exposé  rapide ,  combien  les  produits  du 
Wurtemberg  sont  variés,  et  il  faudrait  citer  encore  ses  verres 
ornés,  dits  verres  mousseline ,  ses  draps  et  cuirs  de  laine,  ses 
toiles,  sa  bonneterie  d'une  qualité  extrême,  ses  chapeaux  de 
feutre  d'un  bas  prix  extraordinaire;  ses  jouets  d'enfants  font 
une  concurrence  sérieuse  à  Nuremberg,  en  Bavière  ;  l'impri- 
merie de  Stuttgard  a  envoyé  de  très-belles  œuvres,  et  il  n'est 
pas  jusqu'aux  instruments  de  musique  qui  ne  soient  repré- 
sentés par  une  fabrique  de  pianos  des  plus  importantes. 


ROYAUME  DE  SAXE. 

Annexe,  sectioti  des  produits,  travées  28  à  29,  C— Palais  pnn- 
cipal,  rez-de-chaussée,  travées  27  à  29 ,  J  à  L. 

Le  royaume  de  Saxe,  situé  au  centre  de  l'Allemagne  ,  n'est 
représenté  à  l'Exposition  que  par  environ  cent  exposants,  la 
plupart  de  Leipsick ,  de  Dresde  ,  de  Chemnitz.  L'industrie 
saxonne  produit  annuellement  en  fil  de  coton,  tissus  de  lin, 


i^8  \1S1TE 

de  coton,  de  laine,  toiles  cirées,  broderies,  dentelles,  bon- 
neteries, jouets  en  bois  ,  instruments  de  musique,  pour  envi- 
ron 200  millions  de  francs,  tant  pour  l'exportation  maritime 
que  pour  les  marchés  continentaux. 

Parmi  les  conditions  favorables  à  ce  grand  développement 
de  l'industrie  manufacturière  en  Saxe,  il  faut  en  première  li- 
gne placer  ses  combustibles  minéraux  :  la  houille  des  deux 
bassins  de  Plauen  et  Zwickau  est  de  très -bonne  qualité  et 
l'extraction  annuelle  s'élève  déjà  de  9  à  10  millions  d'hectoli- 
tres. Les  lignites  sont  également  en  aussi  grande  abondance 
en  Saxe  et  ceux  exposés  sous  le  numéro  3  sont  vraiment  re- 
marquables. 

L'exposition  du  pays  dénote  l'importance  de  ses  laines  et 
de  tous  les  produits  textiles  :  les  machines  de  la  filature  et  du 
tissage  y  ont  suivi  les  progrès  des  produits  eux-mêmes. 

La  fdature  de  coton  occupe  500  000  broches,  réparties  en- 
tre 120  établissements  ;  la  filature  de  la  laine  cardée  et  de  la 
laine  peignée,  220  000;  dans  cette  dernière  industrie  la  pei- 
gneuse  Schlumberger  devient  d'un  usage  général.  La  filature 
de  lin  semble  au  contraire  avoir  perdu  par  la  concurrence 
de  l'Irlande  la  plus  grande  partie  de  son  ancienne  activité. 

Le  tissage  a  pris  en  même  temps  une  extension  considérable 
et  l'on  pourrait  considérer  la  Saxe  comme  une  vaste  manufac- 
ture de  tiss'js  de  toutes  sortes,  parmi  lesquels  cependant  les 
draps  et  lu  bonneterie  doivent  être  signalés  à  la  fois  pour  leur 
bas  prix  et  leurs  qualités.  Le  catalogue  spécial  publié  par 
M.  le  commissaire  de  Saxe  renferme  des  indications  précieuses 
sur  les  prix  de  ces  différents  tissus ,  parmi  lesquels  les  étoffes 
pour  meubles  et  les  dentelles  occupent  encore  un  rang  impor- 
tant. 

En  générel  l'industrie  du  lissage  ne  s'exerce  pas  en  ce  pays 
dans  de  vastes  ateliers;  les  tisserands  travaillent  chez  eux 
comme  nos  ouvriers  lyonnais;  l'introduction  progressive  du 
tissage  mécanique  modifie  de  jour  en  jour  ce  mode  de  tra- 
vail et  changera  nécessairement,  dans  un  avenir  rapproché, 
les  conditions  économiques  de  la  production  dans  ce  pays. 

Nous  citerons  encore  les  huiles  volatiles  parmi  les  produits 
de  l'exposition  saxonne,  quatre  exposants  de  Leipsick  ayant 
envoyé  sous  ce  rapport  des  collections  vraiment  remar- 
quables. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  120 


ROYAUME  DE  BAVIÈRE. 


Annexe  ,  section  des  produits  ;  travées  26  à  2T ,  A  à  B.  —  Palais  prin- 
cipal, rez-de-chaussée:  travées  30  à 32,  GàL.  — Palais  principal, 
galerie;  travées  31  à  32,  L  etM. 

Quoique  les  fabriques  d'objets  manufacturés  ne  forment 
pas  en  Bavière  un  faisceau  considérable,  il  est  pourtant  in- 
contestable que  depuis  une  vingtaine  d'années  les  sciences  et 
les  arts  y  ont  fait  d'étonnants  progrès.  L'examinateur  sérieux 
trouvf^ra,  dans  l'exposition  bavaroise,  la  preuve  de  ces  progrès 
remarquables  ;  quoique  les  produits  envoyés  ne  présentent  pas 
en  général  le  brillant  éclat  et  le  goùL  qui  distinguent  ceux  de 
quelques  autres  contrées  ,  on  y  trouvera  cependant  des  objets 
d'un  mérite  incontestable,  parmi  lesquels  il  faut  citer  parti- 
culièrement une  magnifique  collection  de  minerais  formée  par 
la  direction  générale  des  mines  et  des  salines  à  Munich.  Cette 
ville  a  toujours  été  réputée  pour  ses  instruments  scienti- 
fiques, et  bien  qu'elle  présente  les  excellents  télescopes  de 
M.  Bauder.  il  n'en  faut  pas  moins  regretter  l'absence  de 
M.  Merz  et  fils,  les  dignes  successeurs  de  Fraunhofer,  dont  les 
produits  cependant  avaient  été  annoncés. 

Parmi  les  produits  chimiques,  on  remarquera,  par  son  bas 
prix,  l'extrait  de  noix  de  galle  de  MM.  Borer  et  Porzetius  de 
Ratisbonne  ,  les  crayons  très-renommés  de  MM.  Faber  de 
Slein ,  près  Nuremberg ,  et  surtout  les  bronzes  en  poudre  qur 
pendant  longues  années  ont  assuré  à  la  Bavière  le  monopole 
de  l'approvisionnement  de  l'Europe. 

On  sait  la  réputation  dont  jouit  M.  Adam  Kuchenrenter  pour 
ses  pistolets  de  tir,  rayés,  qui  portent  avec  une  étonnante 
précision  jusqu'à  une  distance  de  500  mètres.  Une  carabine 
à  deux  canons  de  ce  constructeur  mérite  la  plus  grande  at- 
tention. 

MM.  Klelt  et  Cie,  les  habiles  constructeurs  du  Palais  de  l'In- 
dustrie de  Munich  en  1854,  n'exposent  que  des  clous  et  des 
épingles,  mais  la  fabrication  de  ces  menus  objets  est  chez  eux 
d'une  importance  considérable. 

M.  Steigervald  représente  principalement  l'industrie  de  Ja 
206  i 


130  VISITE 

cristallerie  en  Bavière  ;  ses  grands  vases  égyptiens  et  mores- 
ques ne  le  cèdent  en  rien  ,  sous  le  rapport  de  la  fabrication . 
aux  produits  les  plus  remarquables  de  ce  genre,  et  la  rapidité 
avec  laquelle  la  plus  grande  partie  des  produits  exposés  par 
cet  industriel  se  sont  vendus,  témoigne  suffisamment  du  bon 
goût  qui  a  présidé  au  choix  des  modèles. 

La  pierre  lithographique  de  Munich  ne  pouvait  manquer  de 
figurer  à  l'Exposition  de  1855  :  celle  de  MM.  Fischer  et  Kluge 
est  d'une  beauté  remarquable,  et  quoiqu'il  faille  surtout  cher- 
cher les  mérites  des  produits  bavarois  dans  les  objets  de 
grande  consommation,  il  ne  faut  point  négliger  cependant  de 
mentionner  les  gravures  photographiques  de  M.  L.  Schomnyer, 
et  surtout  les  portraits  de  M.  F.  Honfstangl  qui  sont  peut-être 
les  plus  beaux  spécimens  de  ce  genre,  que  la  photographie 
puisse  revendiquer  dans  le  Palais  de  l'Industrie. 

Le  nombre  des  exposants  bavarois  ne  s'élève  qu'à  125  : 
on  aurait  pu  croire  à  un  plus  grand  empressement  de  la  part 
des  industriels  qui  ont  assisté  à  la  grande  exposition  de  Mu- 
nich l'an  dernier,  si  les  désastres  amenés  par  le  cruel  fléau 
qui  a  frappé  cette  ville,  au  milieu  de  la  splendeur  de  cette 
exposition,  n'avaient  considérablement  refroidi  le  zèle  des  plus 
ardents.  Réduite  à  ses  modestes  proportions,  l'exposition  de 
la  Bavière  n'en  doit  pas  moins  être  comptée  parmi  les  plus  in- 
téressantes, en  ce  qu'elle  ne  contient  que  les  produits  habi- 
tuels de  l'industrie  du  pays.  Le  nombre  des  exposants  bava- 
rois était  à  Munich  de  2460,  parmi  lesquels  63  obtinrent  la 
grande  médaille,  263  la  médaille  dhonneur,  et  531  une  men- 
tion honorable. 


CONFÉDÉRATION  SUISSE. 

Annexe,  section  des  produits,  travées  20  à  22,  A  à  D.  —  Palais 
principal,  galerie,  travées  22  à  39,  B  à  G. 

Pour  un  pays  de  deux  millions  et  demi  d'habitants,  l'expo- 
sition de  Suisse  est  relativement  considérable;  ses  limites 
sont  d'autant  plus  faciles  à  reconnaître  dans  le  palais  prin- 
cipal, que  son  exposition  est  gracieusement  entourée  d'une 
ceinturede  broderies,  devant  lesquelles  les  dames  font  station. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  431 

On  y  voit,  en  outre,  les  articles  les  plus  variés  d'horlogerie, 
de  bijouterie,  des  soieries  unies,  des  rubans,  des  coton- 
nades, avec  leurs  nombreuses  variétés,  des  bourres  de  soie, 
qui  constituent,  sans  qu'on  s'en  doute,  une  branche  très-im- 
portante et  très-productive  de  fabrication,  des  colons  filés  et 
teints,  des  articles  de  paille  et  de  sculpture  en  bois,  des  in- 
struments de  mathématiques,  des  outils,  si  multiples  pour 
l'horlogerie,  des  pianos,  des  parquets,  dont  les  exposants 
ont  reçu  des  commandes  pour  les  palais  du  Louvre  et  de 
Saint-Cloud,  des  cuirs  et  peaux,  des  télégraphes  usuels  et 
perfectionnés,  des  dessins  de  machines,  plusieurs  reliefs  de 
la  Suisse  ou  d'une  partie  de  ce  pays,  des  meubles,  des  cara- 
bines, si  chères  aux  Suisses,  et  qu'ils  manient  si  adroite- 
ment, de  la  poterie,  et,  entre  autres,  trois  remarquables 
poêles  en  faïence  et  des  vins  des  bords  du  lac  Léman.  N'ou- 
ijlions  pas  de  mentionner  deux  petites  vitrines  devant  les- 
quelles la  foule  passe  sans  même  y  jeter  un  coup-d'œil  :  l'une 
contient  de  tous  petits  ressorts  pour  chronomètres,  l'autre  des 
p.int  et  des  crowii-glass ,  produits  remarquables  qui  ont  ob- 
tenu la  grande  médaille  à  Londres. 

La  Suisse  a  une  exposition  d'industrie  dans  toute  l'acception 
du  mot.  Ses  principaux  produits  sont  répandus  dans  toutes 
les  parties  du  monde  :  en  Orient,  aux  États-Unis,  dans  l'Amé- 
rique méridionale,  en  Chine,  sur  la  côte  de  Guinée,  etc. 

Ces  énormes  montres  que  vous  voyez  dans  une  des  vitrines 
de  Neufchatel,  sont  destinées  à  l'empereur  et  aux  mandarins 
de  la  Chine.  Le  siège  principal  de  la  fabrication  des  montres 
est  dans  les  montagnes  arides  du  canton  de  Neufchatel,  et  il 
s'en  fait  un  millier  par  jour,  depuis  le  prix  de  20  fr.  jusqu'à 
celui  de  1000  fr. 

A  Genève,  c'est  l'horlogerie  fine  et  à  enjolivements  qui  se 
fabrique  le  plus  ;  vous  y  voyez  des  montres  dont  les  dimen- 
sions extérieures  ne  dépassent  pas  celles  d'un  franc,  en- 
châssées dans  des  lorgnons  ou  des  carnets  de  cartes  de 
visite. 

Le  canton  de  Saint-Gall  et  le  demi-canton  d'Appenzell  se 
livrent  avec  succès  à  la  fabrication  des  broderies ,  des  mous- 
selines et  des  cotonnades.  Ces  deux  petits  pays ,  dont  la  po- 
pulation réunie  dépasse  à  peine  200  000  âmes,  font  pour 
plus  de  50  millions  d'articles  d'exportation. 


d32  VISITE 

Ces  stores  et  rideaux  que  vous  admirez  se  confectionnent 
dans  les  familles  pendant  le  cours  des  longs  hivers  et  l'inter- 
ruption des  travaux  des  champs.  Industrie  morale  qui  mérite 
encouragement,  et  à  laquelle  nous  souhaitons  une  prospérité 
croissante. 

Les  soieries  de  Zurich  sont  exposées  collectivement  par 
cinquante-huit  fabricants  de  ce  canton.  Elles  ne  sont  pas 
comparables  à  celles  de  Lyon,  sans  doute,  mais  elles  offrent 
le  précieux  avantage  d'un  extrême  bon  marché.  Il  y  en  a 
beaucoup  à  1  fr.  50  c.  le  mètre. 

Les  rubans  forment  la  principale  fabrication  de  la  riche 
ville  de  Bâle,  qui  croît  en  importance  d'année  en  année.  Ces 
rubans  joignent  à  la  distinction  le  mérite  du  bon  marché;  mé- 
rite qui  ne  peut  pas  toutefois  être  apprécié,  puisque  les  expo- 
sants de  Bâle  ont,  malgré  toutes  les  sollicitations,  refusé  de 
désigner  les  prix ,  tant  est  grande  la  crainte  de  MM.  les  com- 
missionnaires ,  qui  interviennent  toujours  entre  le  producteur 
et  le  consommateur. 

Les  articles  de  paille  occupent  une  longue  suite  de  vitrines  : 
c'est  encore  une  branche  importante  de  fabrication  en  Suisse  ; 
le  siège  principal  en  est  dans  la  partie  catholique  du  canton 
d'Argovie  ,  et ,  dans  une  mesure  beaucoup  plus  restreinte , 
à  Fribourg;  ces  articles ,  ainsi  que  ceux  d'horlogerie,  sont 
admis  en  France  avec  des  droits  modérés,  mais  les  broderies, 
les  mousselines,  les  cotonnades,  les  cuirs,  en  sont,  comme  on 
sait,  complètement  exclus. 

L'économiste  se  demande  comment  l'industrie  peut  prospérer 
dans  un  pays  placé  dans  des  conditions  si  peu  favorables  :  à 
une  grande  distance  de  la  mer,  sans  matières  premières,  sans 
houille,  sans  douanes  protectrices. 

Et  cependant,  non-seulement  l'industrie  manufacturière  n'y 
décline  pas,  mais  elle  s'y  développe  d'une  manière  remar- 
quable. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  133 


EMPIRE  D'AUTRICHE. 

Annexe,  section  des  produits  ,  travées  35  à  41 ,  A  à  D.  —  Annexe, 
section  des  machines,  travées  ll6àl2l,AàD.  —  Palais  prin- 
cipal, rez-de-chaussée,  travées  21  à  25,  H  à  N.  —  Palais  prin- 
cipal, galerie ,  travées  20  à  25  ,  K  à  N. 

On  chercherait  vainement,  dans  l'exposition  autrichienne, 
un  caractère  industriel  bien  prononcé  :  les  tendances  du  tra- 
vail manufacturier  sont  loin  d'être  identiques  dans  toutes  les 
parties  du  vaste  empire,  formé  d'éléments  si  divers  ;  l'Italie 
autrichienne  se  fait  remarquer  par  sa  prédilection  marquée 
pour  tous  les  arts  d'imitation,  négligés  ailleurs  d'une  manière 
fâcheuse  ;  l'industrie  de  la  Bohême  ne  ressemble  pas  à  celle 
de  la  Hongrie,  quoiqu'on  puisse  regarder  ces  deux  contrées 
comme  les  centres  principaux  des  industries  agricole  et  mi- 
nérale du  pays. 

Malgré  ce  défaut  d'ensemble,  que  l'on  aperçoit  bientôt  en 
visitant  avec  attention  l'exposition  autrichienne,  elle  ne  laisse 
pas  cependant  que  de  présenter,  par  la  variété  de  ses  pro- 
ductions, un  grand  intérêt,  tantôt  au  point  de  vue  de  l'élé- 
gance et  de  la  bonne  qualité  de  certains  produits  ;  mais  dans 
la  plupart  des  cas,  par  les  conditions  économiques  particu- 
lières à  ses  industries  principales. 

La  Moravie  et  la  Hongrie  se  font  surtout  remarquer  par 
leurs  exploitations  minérales  dont  l'administration  impériale 
des  mines  a  formé,  dans  les  différents  districts,  une  excel- 
lente collection  technologique.  Les  houilles  et  les  cokes  qui 
figurent  à  l'Exposition  proviennent  en  grande  partie  de  la 
Bohême  et  de  la  Moravie  ;  mais  les  mines  de  Steyordef,  en 
réunissant  à  leurs  charbons  les  minerais  de  fer  carbonate 
qu'elles  possèdent,  peuvent  cependant  fournir  d'exacts  ren- 
seignements sur  la  valeur  des  combustibles  de  la  Hongrie  ; 
ceux  de  la  Transylvanie  sont  également  bien  représentés  par 
les  produits  des  mines  de  Magyar  Hermany.  Un  bloc  remar- 
quable de  lignite  provient  des  mines  de  Léoben  (Styrie).  La 
plupart  des  fers  autrichiens  sont  traités  au  charbon  de  bois, 
particulièrement  ceux  destinés  à  la  fabrication  de  l'acier  :  les 


134  VISITE 

usines  d'Innerberg  en  Styrie,  celles  de  Freybuch  en  Carinthie 
qui  produisent  Tacier  dit  des  Curmes  à  la  double  marque, 
celles  de  Jenbuch,dans  leTyrol.  doivent  être  comptées  parmi 
les  plus  intéressantes.  Le  pudlage  au  gaz  de  tourbe  est  un 
des  traits  caractéristiques  de  la  fabrication  autrichienne  : 
plusieurs  forges  ont  obtenu  des  succès  remarquables  dans 
cette  direction,  et  l'établissement  de  Secco,  à  Milan,  présente 
plusieurs  échantillons  de  fer  obtenus  sans  autre  combustible. 
L'exposition  la  plus  importante  pour  les  pièces  de  grandes 
dimensions  est  celle  de  MM.  Rosthorn  et  Dickmann.  Les  au- 
tres métaux  sont  aussi  l'objet  d'une  exploitation  notable  :  les 
plombs  deBlecberg  et  de  Untersitzen,  les  zincs  d'Auronzo,  les- 
cuivres  de  Brixlegy  et  de  Kitzbiihl,  dans  le  Tyrol,  l'étain  des 
différentes  mines  de  Bohême  attestent  une  variété  de  pro- 
duction fort  remarquable.  Le  tellure  est  un  produit  important 
au  laboratoire  général  des  monnaies  de  Vienne  ,  le  mercure 
s'exploite  à  Brùnn,  le  nickel  et  le  cobalt  à  Berndorf,  l'anti- 
moine et  l'argent  en  Hongrie,  principalement  à  Iglo  ,  les  mi- 
nerais aurifères  à  Kremnitz, 

Lelaminage  du  cuivre,  du  laiton,  et  des  différents  alliagesdu 
nickel  et  du  cuivre,  connus  sous  les  noms  d'alfucia,  de  pack- 
fond,  de  maillechort,  constitue  une  fabrication  très-avancée 
dans  les  districts  des  forges.  Une  feuille  de  packfond  des  usines 
de  M.  Schailer,  près  Vienne,  n'a  pas  moins  de  14  mètres  de 
longueur.  Les  laitons  laminés  de  Tafilmethas  sont  d'une  par- 
faite fabrication. 

Les  échantillons  de  produits  agricoles  ne  font  pas  défaut 
dans  l'exposition  autrichienne.  On  y  remarque  les  blés,  les 
orges,  les  seigles,  les  avoines  de  Hongrie,  de  Moravie  et  de 
Bohême,  les  riz  de  la  Lombardie  analogues  à  ceux  de  nos  dé- 
partements d'Alger.  L'empereur  Ferdinand  expose  de  fort 
jolis  colzas  de  son  domaine  de  Prague.  Le  maïs  a  été  l'objet 
d'essais  très-intéressants  ;  l'épi  dépouillé  de  sa  graine  et  con- 
verti en  farine  a  été  soumis  à  une  sorte  de  panification  ;  les 
biscuits  obtenus  avec  cette  substance  ont  contribué  déjà  à  la 
nourriture  de  5  ou  600  personnes  l'an  dernier,  et  permettent 
d'espérer,  en  temps  de  disette ,  de  trouver  ainsi  les  éléments 
d'une  alimentation  supplémentaire.  En  se  bornant  à  la  con- 
casser, on  l'emploie  avantageusement  à  la  nourriture  des 
bestiaux. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  4  35 

Les  tabacs  occupent  une  place  importante  dans  l'exposition 
autrichienne  ;  ceux  de  la  Gallicie  sont  les  meilleurs,  si  on  les 
compare  avec  les  produits  similaires  delà  Hongrie,  de  la  Si- 
lésie,  de  la  Lombardie,  dont  les  nombreux  échantillons  sont 
réunis  par  les  soins  de  Tadministration  impériale. 

Les  laines  constituent  le  produit  agricole  le  pins  important 
de  l'Autriche  :  nulle  part  les  toisons  n'ont  été  plus  soigneuse- 
ment préparées  pour  l'exposition,  et  nulle  part  on  ne  ren- 
contre une  collection  plus  intéressante,  La  société  pour  amé- 
liorer la  production  de  la  laine  en  Bohème,  n"a  rien  négligé 
pour  que  les  plus  beaux  troupeaux  fussent  dignement  repré- 
sentés ;  on  remarque  surtout  les  toisons  du  comte  François 
de  Thun  Honenstein,  celles  du  prince  Ad.  Swarzemberg,  bien 
connu  par  ses  constants  efforts  en  faveur  de  l'agriculture, 
celles  du  comte  de  Mundy.  Les  laines  du  troupeau  des  fer- 
miers réunis  et  bien  d'autres  encore  qu'il  conviendrait  de  citer, 
rendront  la  lâche  du  Jury  bien  difficile  lorsqu'il  s'agira  de 
répartir,  entre  les  exposants  de  l'Autriche,  les  récompenses  que 
ne  peut  manquer  de  leur  attirer  cette  f^xposition  tout  excep- 
tionnelle par  ses  nombreuses  variétés,  et  ses  qualités  supé- 
rieures. En  général  ces  laines  sont  destinées  à  la  carde  :  nous 
n'avons  vu  qu'un  seul  échantillon  de  laine  à  peigner. 

Les  pians  de  drainage  de  M.  Kreuter  sont  intéressants  : 
cet  ingénieur,  depuis  o  ans,  n'a  pas  drainé  moins  de  5000  piè- 
ces de  terre. 

Les  bois  du  comte  Zomoeski  offrent  un  intérêt  particulier 
pour  la  marine.  Ses  chênes,  sapins  et  frênes  de  Gallicie  pour 
raient  être  amenés  sur  le  marché  français  avec  des  avantages 
marqués.  Les  mélèzes  en  grume  de  M.  Bumert,  et  en  planches 
débités  peuvent  alimenter,  comme  bois  d'harmonie,  tous  les 
facteurs  d'instruments  de  musique. 

Les  cuirs  de  Hongrie,  particulièrement  ceux  de  MM.  PoUak 
fils  et  de  M.  Suess  ont  une  réputation  bien  méritée  :  quelques 
peaux  en  poils  complètent  cette  partie  de  l'exposition  autri- 
chienne. Les  articles  do  sellerie  les  accompagnent  :  les  selles 
variables,  pour  tous  chevaux,  au  moyen  d'un  arçon  régu- 
lateur, ne  présentent  aucune  nouveauté  d'invention. 

La  quincaillerie,  les  produits  chimiques  et  les  substances 
alimentaires  occupent  les  deux  galeries  de  l'Annexe.  La  tail- 
landerie de  la  Carinthie  et  de  la  Styrie  sont  remarquables  ; 


136  VISITE 

les  produits  surtout  de  M.  J.  Zeitlinger,  de  M.  Weinmes- 
ter,  et  ceux  de  MM.  Gobel  et  Gie,  dans  la  haute  Hongrie. 
Les  scies  de  M.  Miller  et  Gie  sont  d'une  excellente  fabri- 
cation. Sans  être  aussi  complète  sous  ce  rapport  que  l'ex- 
position prussienne,  celle  de  l'Autriche  est  encore  remarqua- 
ble, et  a  souvent  l'avantage  du  bon  marché.  Les  armes 
communes  auxquelles  on  pourrait  reprocher  surtout  leur 
mauvaise  mise  en  bois,  sont  fabriquées  à  des  bas  prix  extra- 
ordinaires ;  où  trouverait-on  ailleurs  des  pistolets  à  4  francs  la 
paire?  Les  cadrans, étiquettes  et  ustensiles  en  fonte  émaillée 
sont  également  d'un  bas  prix  remarquable.  Quelques  instru- 
ments de  mathématiques  et  de  précision ,  et  parmi  ces  der- 
niers les  nouvelles  batteries  galvanique  de  M.  Jedlik,  Esapo 
et  Hamar,  occupent,  avec  quelques  pièces  d'horlogerie,  l'une 
des  galeries  latérales. 

Les  bougies  d'acide  stéarique  et  les  allumettes  allemandes 
doivent  sans  doute  au  grotesque  de  leur  arrangement  d'oc- 
cuper une  place  spéciale  dans  l'avenue  principale:  les  autres 
produits  des  industries  chimiques  occupent  la  galerie  du  côté 
de  la  Seine.  Les  papiers  de  Josefstal  et  ceux  de  Lorenz  fils  et 
Echmann,  sont  cités  pour  leur  bonne  fabrication  ;  les  céruses 
et  les  savons  font  l'objet  d'une  industrie  considérable. 

Les  collections  de  farines  sont  assez  importantes,  celle 
principalement  de  la  société  impériale  des  moulins  à  vapeur 
de  Vienne  ;  les  sucres  indigènes  de  M.  le  comte  de  Larish- 
Meennich  à  Freistadt,  ceux  de  M.  Richter,  préparés  directe- 
ment en  cubes  de  I  à  2  centimètres  de  côté,  pour  les  usages 
domestiques,  annoncent  que  cette  fabrication  est  très-avancée 
en  Silésie  et  en  Bohème  :  cette  industrie  compte  d'ailleurs  un 
assez  grand  nombre  d'exposants.  Nous  ne  dirons  rien  des 
sculptures  fondantes  en  sel  gemme  de  la  direction  des  salines 
et  des  domaines  de  Hongrie  :  bientôt  il  ne  restera  rien  de  ces 
échantillons  bizarres. 

L'immense  bouteille  figurée  avec  des  milliers  de  bouteilles 
des  diff'érents  vins  de  l'Autriche,  de  M.  Scherzer,  pourrait  à 
bon  droit  paraître  ridicule,  si  elle  n'était  destinée  à  faire  con- 
naître une  des  plus  grandes  richesses  de  l'Autriche,  richesse 
méconnue  ou  à  peine  appréciée  en  France.  Le  vin  est  peut- 
être,  sous  ce  rapport,  le  fait  capital  de  l'exposition  autri- 
chienne; sans  parler  des  vins  fins,  dont  quelques-uns  sont  de 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  137 

très-bonne  qualité,  il  importe  que  l'on  n'ignore  pas  avec, 
quelles  facilités  les  différents  crus  de  l'Autricbe  pourront 
arriver  sur  le  marché  français  dans  des  conditions  de  prix 
très-favorables  ;  les  vins  de  Tokay  sont  chers,  mais  ce  que 
l'on  appelle  les  vins  de  commerce,  et  ce  sont  précisément 
ceux-là  que  M.  Scherzer  a  réunis,  se  vendent  à  un  prix  rela- 
tivement très-inférieur. 

C'est  surtout  dans  le  palais  principal  que  l'exposition  d'Au- 
triche laisse  apercevoir  l'absence  d'ensemble  que  nous  indi- 
quions tout  à  l'heure.  En  réunissant,  par  groupes  distincts, 
les  produits,  dans  des  salles  bien  décorées,  on  a  cependant 
cherché  à  atténuer  ce  défaut  par  une  installation  convenable. 

Les  cuivres  estampés  occupent  une  petite  place  auprès 
d'objets  de  toutes  sortes  que  l'on  pourrait  qualifier  du  nom 
générique  d'industrie  parisienne  de  l'Autriche,  si  les  fabri- 
cants qui  ont  contribué  à  cette  réunion  n'avaient  pris  soin  de 
négliger  tout  à  fait  la  forme,  ou  de  n'y  penser  que  pour  la 
rendre  plus  tourmentée  et  plus  bizarre.  Nous  examinerons  ces 
produits  dans  leur  ensemble,  parce  que  si  nous  voulions  les 
citer  en  détail ,  il  nous  serait  impossible  de  ne  pas  indiquer 
que  la  plus  grande  partie  se  compose  de  pipes  de  toutes  sortes, 
particulièrement  en  écume  de  mer  :  on  n'en  verra  jamais 
une  égale  collection.  On  sait  que  la  matière  première  se  ré- 
colte en  Crimée ,  et  quelques  beaux  échantillons  nous  mon- 
trent celte  singulière  substance  en  grande  masse  ;  d'un  grain 
fin  et  homogène ,  on  ne  pourrait  mieux  la  comparer  quà  la 
faïence  fine  pour  sa  blancheur  et  son  aspect  général ,  si  n'é- 
tait son  étonnante  légèreté.  Elle  est  ici  tourmentée  de  mille 
manières,  ciselée,  creusée,  représentant  sur  le  bout  d'une 
pipe  colossale  jusquà  des  sujets  à  huit  ou  dix  personnages  , 
qui  peuvent  bien  contribuer  un  peu  à  faire  ptrdre,  par  leur 
masse,  tout  l'avantage  pour  lequel  nous  avons  dit  que  cette 
substance  était  recherchée.  A  côté  des  têtes  de  pipes ,  les 
tuyaux  de  toute  espèce;  l'arsenal  est  tout  à  fait  complet. 

Les  boulons  de  nacre  ne  sont  pas  moins  nombreux  que  ces 
instruments  des  loisirs  de  l'Allemagne,  et  ils  dénotent  au 
moins  une  industrie  fort  avancée  par  la  variété  que  les  diffé- 
rents fabricants  ont  su  mettre  dans  leurs  produits.  A  voir  ceux 
de  iM.  VVinter,  on  croirait  que  tous  les  boutons  du  monde 
sont  confectionnés  dans  ses  ateliers.  Les  petits  monuments  en 


d38  VISITE 

nacre  de  M.  Schwartz  sont  très-brillants,  sinon  jolis;  ils  sont 
très-recherchés  et  d'un  beau  travail  :  quelques-uns  d'entre 
eux  ont  jusqu'à  30  centimètres  de  hauteur:  Les  jouets 
d'enfants  de  toutes  sortes  sont  d'un  bas  prix  extraordinaire; 
ceux  en  bois  blanc  sculpté,  dans  le  genre  suisse,  ne  laissent 
pas  de  présenter  un  caractère  de  naïveté  fort  original.  A  côté 
d'eux,  les  cannes,  parleur  nombre  et  leurs  variétés,  sem- 
blent se  disputer  avec  les  pipes  la  prééminence  dans  l'exposi- 
tion autrichienne.  Les  ciselures  des  pommes  de  quelques-unes 
d'entre  elles  sont  tellement  grandes  et  tellement  contournées, 
que  le  seul  moyen  de  s'en  servir  sagement  consisterait  à  les 
tenir  par  l'autre  extrémité.  A  en  juger  par  l'exposition ,  on 
doit  croire  que  cette  industrie  n'est  pas  sans  importance  en 
Autriche.  Citons  encore,  pour  compléter  la  description  de 
cette  première  salle,  les  boîtes  et  encadrements  en  composi- 
tion plastique  ;  quelques-uns  de  ces  objets  se  vendent  40  et 
50  centimes  la  douzaine,  nous  n'avons  pas  le  droit  de  de- 
mander qu'ils  soient  d'une  forme  gracieuse. 

Les  papiers  de  fantaisie  gaufiés  ou  marbrés  de  M.  Kneper 
forment  une  fabrication  importante  aussi  par  l'extrême  bon 
marché,  le  format  grand-raisin  de  toutes  les  sortes  ne  se 
vendant  que  30  francs  la  rame.  L'exposition  de  M.  Wert- 
heim,  de  Vienne,  est  bien  plus  intéressante  encore  :  sa  grande 
fabrication  lui  permet  d'obtenir  tous  les  outils  à  des  prix  im- 
possibles ailleurs  :  ses  rabots  montés  ,  de  tous  profils,  à  i  fr. 
la  paire,  vaudraient  trois  f(>is  autant  partout  ailleurs.  Des 
presses  à  papier,  des  coffres-forts,  et  parmi  eux  les  pro- 
duits remarquables  de  M.  Kosak  demandent  à  être  particu- 
lièrement cités  pour  leur  bonne  construction  et  le  fini  du 
travail.  Les  bronzes  et  la  bijouterie  sont  peu  nombreux;  di- 
sons seulement  que  les  tabatières  en  argent,  et  surtout  les 
belles  parures  de  grenat,  méritent  d'être  mentionnées  :  nulle 
part  on  ne  fait  mieux  en  ce  genre ,  et  ces  produits  ont  un  ca- 
ractère particulier  qu'on  voudrait  retrouver  plus  souvent  en 
visitant  les  galeries  autrichiennes.  La  fonderie  de  fer  de 
Kitschelt  a  également  envoyé  quelques  produits  intéressants. 

La  Bohême  nous  avertit  que  dans  les  arts  de  la  verrerie  et 
de  la  céramique  nous  trouverons  beaucoup  à  admirer;  aussi 
les  trophées  de  la  nef  sont-ils  consacrés  à  ces  industries  prin- 
cipales. La  porcelaine  se  distingue  plutôt  par  le  caractère 


A  L'EXPOSITrON  UNIVERSELLE.  4  39 

propre  de  l'industrie  allemande ,  le  bon  marché  ,  que  par 
des  qualités  particulières.  Les  imitations  de  Chine,  cependant^ 
sont  très-remarquables  ,  et  la  fabrique  du  comte  de  Thun 
tient ,  à  n'en  pas  douter  ,  le  premier  rang.  L'industrie  des 
terres  cuites  est  peut-être  plus  complètement  représentée  que 
celle  de  la  porcelaine  :  celles  de  M.  Brunseweller ,  de  Wa- 
gram,  disposées  en  pyramide  dans  la  nef,  ont  à  la  fois  le 
mérite  d'une  bonne  exécution  et  d'un  bas  prix.  A  en  juger  par 
le  dessin  qui  accompagne  dans  l'Annexe  les  produits  cérami- 
ques de  M.  Miesbucq,  qui  expose  aussi  cette  jolie  fontaine  en 
terre  cuite  que  l'on  remarque  presque  au  centre  de  la  nef, 
nous  devons  considérer  cette  fabrique  comme  une  des  plus 
importantes ,  sinon  comme  la  plus  considérable.  M.  Miesbucq 
est  le  Minton  de  Vienne  et  l'un  des  plus  grands  producteurs 
de  l'Autriche. 

La  cristallerie  de  la  Bohème  soutient  sa  vieille  réputation, 
et  si  les  produits  de  la  France  lui  sont  quelquefois  égaux  et 
supérieurs  sous  le  rapport  du  goiit  et  de  la  forme,  nous  ne 
pourrions  méconnaîlre  sans  injustice  le  mérite  des  couleurs 
et  du  travail.  Peut-être  a-t-on  fait  plus  d'efforts  en  1851  ,  mais 
tels  qu'ils  sont ,  les  produits  de  M.  Gebruder  ,  ceux  du  comte 
de  Harrach  ,  ceux  surtout  de  M.  Mayer  neveu,  doivent  être 
comptés  parmi  les  plus  beaux  de  l'exposition  de  1855.  Les 
cristaux  gravés  de  Negenburth  sont  d'une  perfection  inimi- 
table. Le  filigrane  en  verre,  de  Venise,  est  exposé  par  M.  Tom- 
masi ,  les  plus  belles  aventurines,  par  M.  Biguglia;  mais 
pourquoi  cette  belle  matière  est-elle  si  fâcheusement  intro- 
duite dans  tous  ces  objets  de  verrerie  ,  dont  le  caractère 
principal  devrait  être  celui  d'une  grande  légèreté?  Les  essais 
de  reproduction  en  verre  des  médailles  et  des  camées  laissent 
deviner  ,  chez  M.  Pantosek ,  une  industrie  pour  laquelle  nulle 
substance  ne  saurait  présenter  plus  d'avantage.  Les  ustensiles 
en  verre  pour  la  chimie  de  M.  Stolzle  sont  d'une  exécution 
et  d'un  bas  prix  fort  remarquables. 

Les  tissus  forment  la  principale  richesse  de  la  fabrication 
autrichienne,  remarquable  surtout  par  ses  draps  et  ses  soieries. 
Le  damassé  de  fil  est  d'une  belle  exécution  ,  ainsi  que  le  prou- 
vent surtout  les  produits  de  M.  Oberlecthner,  les  mouchoirs 
imprimés  du  comte  de  Narrach  ,  les  cotons  de  M.  Dornalzer  , 
de  Plugen  ;  les  teintures  Andrinople  de  M.  Ganal  et  Cie,  les 


140  VISITE 

crins  tissés  et  quadrillés  pour  meubles  ont  bien  aussi  leur 
importance.  Les  draps  ,  d'une  excellente  fabrication ,  sont 
d'un  bas  prix  extraordinaire  ;  ces  beaux  drap^  militaires  , 
particulièrement  les  draps  blancs ,  dont  l'Autriche  fait  un  si 
grand  usage  ,  sont  cotés ,  chez  M.  Skène ,  4  fr.  75  c.  le  mètre  ; 
les  étoffes  pour  pantalons,  de  Strakish ,  à  5  fr.  50  c.  et  6  fr. , 
Offermann  ,  Scholler,  etc.,  sont  dans  des  conditions  pres- 
que identiques. 

Les  châles  sont  plus  surprenants  encore;  Rossi,  Klawatsh, 
Krammer,  Zusel  en  exposent  à  24  francs  qui  ne  laissent  rien 
à  désirer,  et  ces  maisons  considérables  en  fabriquent  dans 
tous  les  genres.  Les  étoffes  de  soie  pour  meubles  de  JN'ell,  celles 
deNaas  et  les  nombreux  tapis  de  cet  éminent  industriel,  ca- 
ractérisent surtout  la  fabrication  autrichienne,  dont  les  tissus 
de  soie  ne  le  cèdent  en  rien  aux  plus  renommés. 

Les  pelisses  de  voyage  en  fourrures,  avec  ornements  de  cou- 
leurs en  cuir  et  en  laine  ont  une  ampleur  et  un  confortable 
tout  à  fait  particuliers  ;  ce  costume  national  est  d'un  effet 
excellent.  Les  beaux  vêtements  en  feutre,  de  M.  Muck,  de  Pra- 
gue, pour  hommes  et  pour  femmes,  doivent  aux  mêmes  formes 
d'attirer  également  l'attention  générale. 

L'Autriche  se  faisait  remarquer  à  Londres  par  ses  belles 
ébénisteries  :  elle  a  été  beaucoup  plus  sobre  celte  fois,  quoi- 
qu'un meuble  très-remarquable  de  M.  Rosani  mérite  d'être 
apprécié;  mais  c'est  à  M.  Thonet  qu'appartient  la  première 
place  parmi  les  meubles  ordinaires  fabriqués  en  bois  débité 
sur  la  longueur  des  fibres,  puis  courbés  au  feu  ;  ses  sièges  sont 
d'une  solidité  à  toute  épreuve  en  même  temps  qu'agréables 
par  la  forme.  Cette  innovation  est  une  de  celles  qu'il  importe 
d'encourager.  Les  coffrets  en  imitation  de  vieux  chêne ,  de 
MM.  Stammer  et  Breul,  donnent  lieu  déjà  à  une  exploitation 
considérable  :  le  prie-Dieu  en  marquetterie,  qui  se  trouve  au- 
près de  leur  exposition  dans  la  nef,  sort  également  de  leurs 
ateliers.  La  reliure  et  la  maroquinerie  sont  chez  M.  Girardet 
des  industries  considérables  ,  exécutées  dans  ses  divers  ate- 
liers comme  on  exécute  les  objets  d'art.  Les  boîtes  à  ouvrage 
de  M.  Klein  sont  aussi  d'une  bonne  et  solide  exécution. 

L'imprimerie  impériale  de  Vienne  conserve  toujours  sa 
prééminence,  surtout  par  l'invention  :  aucun  établissement 
public  n'a  plus  fait  pour  l'industrie;  ses  produits  galvanopla- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  Mi 

stiques  et  ses  chromolithographies  ont  été  trop  bien  appréciés 
à  Londres  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  revenir  sur  ce  sujet. 
Ses  tableaux  en  chromotypographie  ne  sont  pas  moins  remar- 
quables, mais  le  nouveau  mode  de  reproduction  des  objets 
d'histoire  naturelle  estpeut-élre  ce  qui  mérite  les  plus  grands 
éloges.  Une  petite  branche,  avec  ses  feuilles,  étant  passée  au 
laminoir  entre  deux  planches  de  zinc  et  de  plomb  doux,  laisse 
une  empreinte  en  creux  sur  celle-ci,  qui,  reproduite  par  les 
procédés  de  la  galvanoplastie ,  permet  ensuite  de  multiplier 
par  l'impression  tous  les  détails  de  l'empreinte  originale;  les 
collections  de  plantes,  les  broderies,  les  dentelles  et  les  tissus 
de  toutes  sortes,  soumis  à  ce  procédé,  fournissent,  à  en  juger 
par  les  résultats,  des  images  très-satisfaisantes.  Les  copies 
galvanoplastiques  de  camées  ,  les  gravures  hyalographiques 
sur  verre  sont  aussi  fort  intéressantes.  La  carte  d'Europe,  la 
carte  topographique  des  États  pontificaux  ,  et  la  plupart  des 
ouvrages  typographiques  ,  sont  d'ailleurs  en  tous  points  des 
chefs-d'œuvre. 

Les  reliures  d'album,  en  velours  gaufré  en  or,  constituent 
l'une  des  spécialités  de  l'industrie  milanaise. 

Les  gravures  par  zinc  de  Forster  suffisent  pour  prouver  que 
ce  mode  de  reproduction  facile  est  d'un  avenir  assuré  :  les 
grandes  photophées  de  Conti  ont  le  défaut  d'être  un  peu  du- 
res. Celles  exécutées  par  Lorent,  de  Venise,  sont  d'une  harmo- 
nie de  tons  étonnante  :  on  sait  d'ailleurs  que  l'emploi  du 
papier  ciré  pour  recevoir  les  épreuves  négatives  ajoute  beau- 
coup à  la  douceur  des  tons  dans  les  œuvres  photographiques. 

La  facture  des  instruments  en  cuivre  est  en  Autriche  fort 
avancée,  et  les  spécimens  exposés  témoignent  de  l'importance 
de  cette  industrie.  Les  pianos  sont  peu  nombreux  ;  nous  n'en 
connaissons  qu'un  seul,  encore  son  mérite  est-il  très-discuté. 
Les  accordéons  doivent  être  considérés  plutôt  comme  jouets 
que  comme  instruments  sérieux. 

Les  détails  qui  précèdent  suffiront  sans  doute  pour  faire 
connaître  l'importance  de  findustrie  dans  les  contrées  qui 
nous  occupent.  Près  de  4800  exposants  se  sont  présentés 
au  concours;  un  très-grand  nombre  ne  peuvent  manquer  d'y 
recueillir  de  nouvelles  distinctions. 

L'exposition  autrichienne  laisse  deviner  que  la  construc- 
tion des  machines  n'a  pas  encore  fait  tous  les  progrès  désira- 


142  VISITE 

bles  :  les  spécimens  sont  peu  nombreux  ;  l'exécution  laisse 
souvent  à  désirer.  La  locomotive  Engerth  ,  dont  Tapplication 
se  répand  partout  en  Allemagne  et  sur  plusieurs  chemins  de 
fer  français  ,  n'est  représentée  en  Autriche  que  par  un  des- 
sin, tandis  que  le  Wurtemberg  l'a  construite.  Cette  impor- 
tante machine  sera  considérée  sans  doute  comme  une  ample 
compensation  à  la  pénurie  que  nous  sommes  obligés  de  si- 
gnaler. L'exposition  très-variée  de  M.  Schmid,  de  Vienne, 
une  presse  mécanique  lithographique  et  typographique  de 
Sigl,  et,  parmi  les  métiers  de  filature  de  tissages,  deux  car- 
des, une  pour  la  laine,  l'autre  pour  le  coton,  et  un  banc  à 
broches  constituent  à  peu  près  les  machines  principales  de 
r Autriche  qui  compte  encore  cependant  deux  locomotives, 
dont  une  avec  son  tender ,  sortant  des  ateliers  de  M.  Gun- 
ther  ,  est  d'une  jolie  disposition. 

La  carrosserie  ressemble  à  celle  que  l'on  fait  partout  ail- 
leurs, si  ce  n'est  toutefois  la  voiture  d'apparat  d'un  mauvais 
goût  extrême,  et  dont  la  décoration  rappelle  assez  celle  de  nos 
corbillards  de  luxe. 


ITALIE. 

Les  seules  contrées  qui  aient  pris  part  au  grand  concours 
de  1855  sont ,  avec  les  États  sardes  ,  le  grand-duché  de  Tos- 
cane et  les  États  du  pape.  Le  royaume  des  Deux-Siciles ,  qui 
n'a  point  pris  une  part  officielle  à  l'exposition,  a  cependant 
les  produits  d'un  exposant  dans  le  palais  de  l'Industrie  :  il  en 
est  de  môme  du  duché  de  Parme  :  deux  cheminées  de  marbre 
et  une  psyché  d'un  charmant  style  qui  attire  l'attention  géné- 
rale dans  la  nef,  sont  toutefois  les  seuls  produits  envoyés 
par  cet  État  indépendant. 

ÉTATS  SARDES. 

Annexe,  section  des  produits;  travées  18  à  20,  C  et  D.  — '  Palais 
principal,  galerie  ;  travées  7  à  lO,  B  à  D. 

L'exposition  des  États  sardes,  bien  qu'incomplète,  révèle 
néanmoins  le  véritable  caractère  d'un  pays  producteur,  où 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  143 

l'agriculture  et  l'industrie  manufacturière  ont  fait  des  progrès 
remarquables. 

La  minéralogie  qui ,  dans  les  montagnes  de  la  Savoie ,  du 
Piémont,  de  la  Ligurie  et  de  la  Sardaigne,  est  aujourd'hui 
l'objet  d'études  et  de  recherches  importantes  ,  brille  dans  les 
collections  de  minerais  de  la  chambre  de  commerce  de  Cham- 
béry  et  de  l'institut  technique  de  Turin.  On  y  remarquera  aussi 
les  échantillons  envoyés  par  plusieurs  sociétés,  dont  les  capi- 
taux importants  ne  tarderont  pas  sans  doute  à  donner  à  la 
production  des  métaux  un  développement  considérable,  no- 
tamment du  fer  de  la  vallée  d'Aoste,  dont  les  bonnes  qualités 
sont  bien  connues 

Tout  récemment  on  a  su  trouver  l'emploi  de  bois  très-pré- 
cieux, qui  précédemment  restaient  dédaignés. 

D'heureuses  innovations  dans  les  instruments  d'agriculture 
témoignent  du  progrès  général. 

Les  produits  naturels  du  sol  sont  représentés  par  des 
échantillons  qui  en  constatent  la  fertilité,  même  dans  les  val- 
lées froides,  comme  celle  d'Aoste  où  l'on  est  parvenu  à  ré- 
colter du  maïs  bien  mùr  et  d'excellente  qualité. 

Les  huiles  exposées  proclament  la  même  vérité  en  même 
temps  qu'elles  dévoilent  les  conditions  d'une  bonne  fabri- 
cation. 

En  mécanique,  l'application  de  l'électricité  à  la  Jacquart, 
par  M.  Bonelli ,  est  un  heureux  point  de  départ  pour  les  pro- 
grès futurs  de  celte  contrée,  que  constatent  déjà  les  beaux 
produits  de  l'école  d'horlogerie  de  Cluse,  fondée  par  le  gou- 
vernement, sous  la  direction  de  M.  Benoît,  ainsi  que  quelques 
échantillons  exposés  par  d'autres  fabricants. 

Les  produits  chimiques  sont  peu  abondants;  mais  leur  pe- 
tit nombre  prouve  néanmoins  que  les  États  sardes  ne  sont  pas 
en  arrière  dans  ce  genre  de  fabrication. 

Les  cuirs,  les  peaux  vernies  et  cirées  ainsi  que  les  fourrures 
témoignent  également  de  la  bonté  des  méthodes  suivies  dans 
leurs  préparations. 

La  production  et  la  conservation  des  substances  alimen- 
taires sont  représentées  par  des  échantillons  qui  prouvent 
des  soins  intelligents,  surtout  dans  le  nettoyage  du  riz  et  la 
préparation  des  pâtes. 

Les  vins  d'Asti  et  de  Caluso,  dont   la  réputation  est  bien 


144  VISITE 

méritée,  ceux  non  moins  célèbres  de  Vernaccia  (île  de  Sar- 
daigne)  sont  dignement  représentés  ainsi  que  les  vins  d'O- 
ranges récoltées  sur  les  bords  de  la  Méditerranée  depuis 
Gênes  jusqu'à  Nice. 

Les  nombreuses  sources  d'eaux  thermales  qui  surgissent 
dans  les  États  sardes,  ne  sont  représentées  que  par  la  collec- 
tion des  eaux  de  la  Savoie,  envoyées  par  la  société  médicale 
de  Chambéry,  et  par  celle  des  eaux  de  diverses  sources  ex- 
ploitées par  la  société  des  sources  minérales  de  Valdieri. 

Les  échantillons  d'ergotine,  extraite  du  seigle  ergoté,  de 
M.  Bonjean,  prouvent  que  l'art  des  préparations  pharmaceu- 
tiques est  loin  d'être  négligé  en  Piémont. 

L'adoption  que  paraît  avoir  faite  le  gouvernement piémontais, 
pour  son  artillerie,  d'une  lumière  de  canon  facilement  rem- 
plaçable,  connue  sous  le  nom  de  , (/min  Matins,  trouvera,  nous 
l'esjiérons,  sa  sanction  complète  sur  les  champs  de  bataille  de 
la  Crimée. 

Les  échantillons  de  marbre,  naturels  ou  artificiels,  ainsi 
que  les  ardoises,  sont  très-remarquables. 

La  serrurerie  est  représentée  par  des  produits  que  distin- 
guent leur  précision  et  leur  prix  peu  élevé. 

Les  arts  d'ornement  sont  brillamment  représentés  par  un 
lustre  magnifique  en  cristal  déroche,  exécuté  par  MjNL  Pansa 
frères,  de  Turin. 

Les  produits  des  arts  céramiques  sont  peu  abondants,  mais 
nous  appellerons  l'attention  sur  des  briques  réfractaires  d'une 
très-bonne  qualité. 

L'industrie  cotonnière,  aujourd'hui  convenablementoutillée, 
nous  offre  des  échantillons  de  tissus  blancs  et  teints  de 
bonne  qualité. 

La  draperie  n'a  qu'un  seul  représentant  dont  les  beaux 
échantillons  et  le  prix  modéré  font  regretter  l'absence  d'au- 
tres concurrents. 

La  soie  est  la  branche  principale  de  la  production  piémon- 
taise,  qui  occupe  un  espace  considérable  où  figurent  les  pro- 
duits de  trente-quatre  exposants  ,  ainsi  qu'une  collection 
commune  à  tous,  offrant  aux  regards,  dans  toute  leur  sim- 
plicité, les  conditions  successives  et  diverses  de  cette  pré- 
cieuse matière. 

Les  velours^  dans  les  qualités  supérieures,  sont  toujours,  à 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  li.^; 

tous  les  titres,  dignes  de  l'ancienne  réputation  du  velours  de 
Gênes,  berceau  de  cette  belle  industrie. 

Les  progrès  contemporains  se  font  également  remarquer 
dans  les  échantillons  des  autres  espèces  de  soieries,  qui  prou- 
vent à  quel  degré  d'avancement  sont  parvenus  les  nombreux 
fabricants  du  Piémont. 

Nous  signalerons  encore  quelques  beaux  ouvrages  de 
sculpture  en  bois  et  de  marqueterie,  des  imitations  de  fruits 
d'une  rare  perfection  ,  et  quelques  produits  très-remarquables 
dans  l'art  typographique,  la  lithographie  et  la  pholhographie. 

GRAND-DUCHÉ  DE  TOSCANE. 

Annexe,  section  des  produits,  travées  i6  à  18,  C  et  D:  palais 
principal,  galeries;  travées  1  à  4  de  D  à  E. 

La  Toscane,  par  les  produits  naturels  et  industriels  qu'elle  a 
présentés  au  grand  concours  de  toutes  les  nations,  paraît  bien 
digne  de  la  réputation  dont  elle  jouit.  L'industriel  et  le  sa- 
vant sont  égalemeat  intéressés  à  étudier  son  exposition,  qui 
nous  fait  voir  d'une  manière  assez  complète  ses  grandes 
ressources  naturelles  et  les  efforts  que  l'on  a  déjà  déployés 
pour  en  tirer  un  parti  avantageux. 

Elle  nous  offre  -199  exposants,  parmi  lesquels  se  distingue 
rinstitut  technique  de  Florence,  qui  réunit  à  ses  admirables 
collections  les  appareils  scientifiques  construits  dans  ses 
ateliers.  Sa  collection  des  produits  du  règne  inorganique  soi- 
gneusement classés  d'après  leur  ordre  straligraphique  et  d'après 
leur  utilité  industrielle  est  une  des  plus  riches  qui  figurent  îi 
l'Exposition  et,  peut-être,  la  seule  qui  présente  une  aussi 
belle  ordonnance  et  tant  de  variété.  On  n'y  voit  point  d'or  ni 
de  pierres  précieuses,  mais  l'argent,  le  mercure,  le  cuivre,  le 
fer,  l'antimoine,  le  plomb,  le  manganèse,  le  chrome  compen- 
sent assez  de  l'&bsence  d'autres  richesses  moins  immédiate- 
ment applicables.  L'art  de  bâtir  s'y  trouve  représenté  par  les 
ciments,  les  pierres  réfiactaires ,  les  pierres  meulières,  les 
granits  et  les  marbres  dont  la  beauté  n'a  presque  pas  de 
rivales.  Tous  les  arts  y  reconnaissent  les  calcaires  saccha- 
roïdes,  les  serpentines,  les  agates ,  les  jaspes,  les  pierres  11- 
206  j 


146  VISITE 

thographiques ,  les  dépôts  calcaires  que  certaines  sources 
abandonnent  spontanément  à  la  surface  des  corps,  et  les  ala- 
bastrites blanches  comme  de  la  neige,  faciles  à  travailler, 
qui  offrent  l'aspect  des  plus  beaux  marbres.  La  chimie  voit 
avec  bonheur  dans  cette  longue  série  de  minéraux  le  soufre 
et  l'acide  borique,  l'alun  et  le  sel  gemme,  le  graphite  et  les 
plus  belles  ocres  du  monde.  La  présence  de  nombreux  spé- 
cimens d'anthracites,  de  lignites  et  de  tourbes  montre  que  le 
sol  de  la  Toscane  renferme  de  quoi  alimenter  les  industries 
dont  la  chaleur  est  le  principe  d'activité.  Mais  les  collections 
de  l'Institut  technique  n'embrassent  pas  seulement  les  ma- 
tières minérales  ;  les  bois  de  toute  espèce  révèlent  au  visiteur 
de  l'Exposition  tout  ce  que  l'industrie  peut  tirer  d'un  sol 
naturellement  favorisé  par  la  nature. 

Les  exposants  particuliers  ont  joint,  à  cette  réunion  de  mi- 
nerais, des  mines  qui  se  trouvent  en  complète  exploitation  en 
Toscane  et  surtout  ceux  du  fer  provenant  de  l'île  d'Elbe,  ceux 
de  cuivre  de  la  mine  de  Montentini,  ceux  de  plomb  et  d'argent 
de  la  mine  du  Botum,  ceux  d'antimoine  de  la  mine  de  Mon- 
tini,  les  serpentines  provenant  des  nouvelles  carrières  de 
M.  Carpi  de  Pradt,  dont  MM.  Visconti  et  Herenci  et  M.  Scheggi 
ont  profité  pour  sculpter  les  candélabres,  les  vases,  la  grande 
coupe  qu'on  voit  à  l'Exposition,  les  produits  des  laguni  bora- 
cifères  de  M.  le  comte  Larderel  et  d'autres  encore  qu'il  serait 
superflu  de  nommer. 

Une  mine  qu'il  ne  faut  point  négliger  ,  quoiqu'elle  ne  soit 
pas  encore  exploitée  très  en  grand  ,  c'est  celle  de  houille  de 
Monte-Bamboli,  dont  MM.  Meilland,  Cuillon  et  Formigli,  de 
Livourne,  ont  déjà  commencé  à  livrer  les  produits  aux  usines- 
et  aux  manufactures  de  la  Toscane. 

Relativement  au  règne  organique  il  ne  faut  pas  oublier  la 
collection  de  produits  agricoles  présentés  par  l'académie  des 
géorgophiles  et  celle  de  produits  forestiers  de  M.  Siemoni,  qui 
a  même  envoyé  à  l'Exposition  des  échantillons  très-remar- 
quables des  bois  des  forêts  royales  du  Casentino. 

Si  des  produits  bruts  on  passe  aux  produits  travaillés,  on 
aperçoit  immédiatement  le  fer  de  l'île  d'Elbe  utilisé  à  l'état 
de  fonte  brute  dans  la  fonderie  de  Follonica,  à  l'état  de  fonte 
de  deuxième  fusion  par  MM.  Benini  et  Michelagnoli  de  Flo- 
rence; à  l'état  de  fer  en  barre,  par  M.  le  sénateur  Fenzi,  et 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  147 

par  la  maison  des  pauvres  de  Florence;  et  à  l'état  d'acier  qui 
peut  mordre,  sans  s'ébrécher,  sur  le  porphyre,  par  M.  Tonti. 

Les  instruments  de  jardinage,  d'une  construction  nouvelle, 
qui  sont  présentés  par  M.  Terhlio,  les  ciseaux  et  les  couteaux 
de  MM.  Buffi  et  Curtucci,  sont  construits  avec  les  aciers  tos- 
cans. Un  objet  assez  remarquable  de  fer  repoussé  a  été  pré- 
senté par  M.  Ignesti  ;  c'est  un  casque,  tout  d'une  pièce  ,  tiré 
d'une  planche  de  la  grandeur  d'un  demi-mètre  carré.  Le 
cuivre  travaillé  en  vase  par  M.  Brucci  ;  les  belles  serrures, 
quoique  assez  compliquées  de  M.  Ciani,  les  mors,  gourmettes, 
mousquetons,  grappins  de  M.  Beru ,  méritent  une  mention 
spéciale.  MM.  Jeffrey  et  Parkin,  et  M.  Barry  ont  rendu  un 
très-grand  service  à  la  Toscane  en  y  construisant,  dans  les 
ateliers  des  chemins  de  fer  Léopold  et  Maria-Antonia,  une 
grande  partie  du  matériel  nécessaire  à  l'exploitation  et  à  l'en- 
tretien de  ces  chemins  de  fer,  et  des  machines,  instruments, 
outils  que  jadis  on  réclamait  de  l'étranger. 

L'exposition  toscane  nous  montre  aussi  la  tendance  agri- 
cole du  pays  par  ses  vins,  ses  huiles  d'olives,  de  lentisque  et 
de  pignons;  ses  alcools  de  vin,  d'asphodèle  et  d'arbousier  re- 
présentent une  très-grande  richesse  du  sol.  Les  produits  du 
règne  animal  ne  le  cèdent  guère  en  importance  et  en  beauté  ; 
les  laines,  la  soie,  la  cire  et  les  crins  sont  en  Toscane  au 
moins  aussi  beaux  que  partout  ailleurs.  Puisque  notre  inten- 
tion est  de  parler  ici  des  choses  plus  remarquables  de  l'exposi- 
tion toscane,  il  nous  est  impossible  de  ne  pas  rappeler 
MM.  Gonti,  Vyde,  Gonnin  ,  Nannucci ,  Musini,  c'est-à-dire 
les  représentants  de  l'industrie  des  chapeaux  de  paille,  qui  est 
toute  spéciale  à  la  Toscane,  et  place  ce  pays  au  premier  rang 
parmi  ceux  qui  fabriquent  des  objets  de  luxe  d'une  rare  per- 
fection. M.  Pelucini  prépare  des  tissus  très -recherchés  en  paille 
et  crin  ,  imitant  parfaitement  les  tissus  suisses. 

Les  tissus  de  soie,  de  laine  ,  de  lin  et  de  chanvre,  sans  être 
aussi  parfaits  que  possible  ,  promettent  beaucoup  pour  l'ave- 
nir industriel  du  pays.  MM.  Jossi  et  Bruscoli,  M.  Linsi, 
M-  Jurentino,  MM.  Borgagniet  Borgognini  pour  les  tissus  en 
soie,  M.  Padriddii  pour  ceux  de  coton,  M.  Ricci  pour  les 
draps ,  M.  Manetti  pour  les  tissus  mixtes  de  laine  et  coton  , 
et  de  coton  et  soie  méritent  bien  d'être  nommés.  Les  toiles  à 
voile  et  les  câbles  de  M.  Ferrigni  sont  au-dessus  de  tout  éloge. 


548  VISITE 

L'art  du  tanneur  et  du  corroyeur  ne  sont  pas  restés  en  ar- 
rière ;  et  la  sellerie  et  la  botterie  qui  ont  atteint  une  perfection 
assez  remarquable  savent  maintenant  utiliser  les  cuirs  et  les 
peaux  du  pays. 

La  céramique  et  l'art  de  la  verrerie  ont  pris  en  Toscane  un 
développement  considérable  depuis  quelques  années.  Non- 
seulement  on  y  a  perfectionné  la  fabrication  des  différents  ob- 
jets en  terie  cuite  ordinaire,  mais  on  a  pu  fabriquer  des 
pierres  d'une  très-grande  dimension  et  améliorer  la  na- 
ture et  la  couleur  des  couvertes.  M.  le  marquis  Ginori  et 
M.  Villorini  ont  envoyé  à  l'Exposition  des  poêles  en  terre  cuite 
d'une  forme  très-élégante.  La  porcelaine  travaillée  autour,  la 
porcelaine  coulée,  les  tableaux  de  grande  dimension  et  les  faïen- 
ces de  la  fabrique  de  M.  Ginori  ne  laissent  rien  à  désirer  com- 
parativement aux  produits  des  fabriques  de  France  et  de 
Saxe. 

Les  objets  exposés  dans  le  palais  de  l'Industrie  montrent 
encore  que  la  Toscane  a  la  gloire  de  ne  point  avoir  d'émulé 
dans  plusieurs  industries  d'un  mérite  incontestable.  Les  mo- 
saïques en  pierres  dures ,  connues  sous  le  nom  de  mosaïques 
de  Florence,  surtout  celles  de  la  manufacture  royale,  sont 
d'un  si  haut  mérite  et  d'une  si  grande  richesse  que  peu 
d'objets  résultant  du  travail  de  l'homme  pourraient  réunir  au- 
tant de  valeur  et  de  beauté.  Les  ouvrages  en  serpentine  et  les 
grandes  pièces  en  albâtre  qui  constituent  un  des  plus  jolis 
ornements  du  compartiment  toscan  dans  le  palais  de  l'Indus- 
trie sont  aussi  les  seuls  produits  de  ce  genre.  Les  ouvrages  en 
scagliola,  la  spécialité  des  bronzes  d'art  exibés  par  M.  Papi  de 
Florence,  parmi  lesquels  on  admire  des  objets  d'un  travail 
assez  singulier,  et  entre  autres  une  plante  où  la  nature  se 
trouve  réellement  saisie  sur  le  fait ,  sont  de  même  des  choses 
qu'on  chercherait  en  vain  ailleurs. 

Rappelons  enfin,  pour  compléter  ce  tableau  ,  les  admirables 
faïences  historiques  imitées  des  anciennes  faïences  italiennes, 
faites  dans  la  manufactuie  du  marquis  Ginori  et  envoyées 
à  l'Exposition  par  INL  Frippa  ;  les  marqueteries  si  admirées 
de  M.  Nolli  ;  les  parquets  en  marqueterie  de  MM.  Chalon 
et  Estienne  ;  les  sculptures  en  bois  de  MM.  Rossi ,  Marin- 
ghi ,  Leoncini  et  Lombardi  ;  les  fleurs  en  cire  de  Mme  Borbo- 
tini,  m.algré  les  avaries  qu'elles  ont  éprouvées  dans  le  trans- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  149 

port ,  et  les  violons  de  M.  Giovannetti  qui  luttent,  dit-on,  de 
sonorité  et  de  douceur  avec  les  meilleurs  instruments  anciens 
de  ce  genre. 

ÉTATS  PONTIFICAUX. 

Annexe,  rez-de-chaussée,  travées  18  à  19,  C  etD.  —  Palais 
principal,  galerie,  travées  3  à  7  de  B  à  D. 

Les  produits  des  États  pontificaux  n'occupent,  dans  l'An- 
nexe ,  qu'un  emplacement  fort  limité  ,  mais  plusieurs  d'entre 
eux  présentent  un  intérêt  réel  ;  le  beau  bloc  d'alun  de  roche  , 
qui  est  essentiellement  une  production  du  sol  romain,  n'a 
plus  aujourd'hui  l'importance  qu'il  aurait  eue  encore  au  com- 
mencement de  ce  siècle:  l'alun,  comme  on  le  sait,  peut  se  fa- 
briquer partout  avec  les  argiles. 

Parmi  les  substances  agricoles  nous  avons  surtout  remar- 
qué la  collection  des  bois  exploités  dans  la  province  de  Bolo- 
gne, les  pommes  de  pin  de  Ravenne,  fruit  du  pinus  pinea  ^ 
dont  les  belles  amandes  sont  recherchées  dans  la  confiserie, 
les  plus  beaux  chanvres  du  monde  envoyés  par  l'institut  agri- 
cole de  Ferrare,  des  graines  de  chanvre  qui  font  l'objet  d'ex- 
portations de  quelque  importance ,  du  ricin  ,  du  riz  ,  etc.,  etc. 
Le  citrate  de  chaux  qui  accompagne  ces  produits  est  obtenu 
directement  avec  les  oranges  inutiles  à  la  consommation.  Les 
gélatines ,  qui  sont  encore  dans  le  palais  principal ,  sont  d'une 
bonne  préparation. 

Deux  industries  principalement  figurent  dans  l'exposition 
pontificale ,  celles  des  soies  grèges  et  des  mosaïques.  Les  soies 
exposées  par  M.  Saluri  et  par  M.  Féoli  ne  le  cèdent  en  rien 
aux  plus  belles  soies  des  autres  provinces.  Les  mosaïques  de 
Galland  sont  d'une  rare  exécution  ;  un  tableau  du  Forum  ro- 
main dont  les  dimensions  atteignent  I'",o0  sur  75  centimètres, 
et  ces  tables  et  guéridons  ,  ornés  de  guirlandes  de  fleurs  sur 
fond  noir,  montrent  bien  ce  que  l'on  peut  faire  en  ce  genre. 
Les  fleurs  surtout  sont  admirées.  Quant  au  mode  de  fabrication 
de  ce  que  l'on  appelle  mosaïque  miniature  ,  le  mot  n'est  pas 
déplacé  pour  plusieurs  des  mosaïques  de  Galland  ;  on  sait  que 
la  matière  première  se  compose  de  marbres  ou  plus  générale- 
ment d'émaux  en  baguettes  de  diverses  formes,  colorées  en 


150  VISITE 

toute  nuance  ;  on  extrait  de  ces  baguettes  de  petits  prismes 
qui  sont  assemblés  sur  du  ciment  romain  ;  lorsque  ce  travail 
d'assemblage  est  terminé  ,  il  suffit  de  polir  la  surface  pour 
faire  apparaître  les  tons  dans  toute  leur  vivacité.  La  mosaï- 
que, ainsi  faite,  est  une  peinture  inaltérable  qui  est  néces- 
sairement d'un  grand  prix;  le  tableau  principal  ne  vaut  pas 
moins  de  25  000  francs. 

Quant  aux  mosaïques  des  bijoux  communs  qui  sont  plus 
grossièrement  assemblées  sans  doute ,  elles  peuvent  être 
vendues  depuis  4  franc  jusqu'à  30  ;  elles  sont  aussi  remar- 
quables au  point  de  vue  du  bon  marché  ,  que  les  œuvres  de 
Galland  le  sont  au  point  de  vue  de  l'art. 

Les  camées  en  pierres  fines,  de  M.  Michelini,  sont  aussi 
d'une  perfection  admirable  :  la  sardoine,  la  cornaline,  entre 
autres  pierres  dures  ,  sont  principalement  employées  par  cet 
artiste  avec  une  finesse  de  goût  et  d'exécution  qui  ne  se  trouve 
que  dans  quelques  carnées  antiques.  La  Vénus  de  Milo,  son 
plus  grand  sujet  en  pierre  occidentale,  est  du  prix  de  6000  fr. 
Les  marbres  sculptés  de  Jacometti  et  de  Pauliaca  sont  d'un 
beau  travail  ;  la  grande  coupe  en  jaune  de  Sienne  de  cet  ex- 
posant ne  pourrait  trouver  une  place  convenable  que  dans 
un  musée. 

Rome  est  plus  adonnée  à  l'industrie  qu'aux  beaux-arts,  les 
autres  parties  de  son  exposition  témoignent  encore  de  ce  ca- 
ractère national  :  voyez  plutôt  ce  meuble  en  marqueterie  qui 
peut  être  cité  comme  un  modèle  de  travail,  par  M.  Gutti; 
parmi  les  coraux,  ce  collier  dont  les  chaînons  entrelacés,  sur 
une  longueur  de  25  centimètres ,  ont  été  détachés  d'une  même 
pièce,  ces  fleurs  en  cire ,  de  M.  Dies  et  de  son  élève ,  cette  re- 
production en  bronze  doré  de  la  colonne  Trajane  ,  chef- 
d'œuvre  de  patience  et  de  ciselure  de  M.  Stragna,  les  photo- 
graphies enfin  dont  quelques-unes  sont  bien  réussies. 

Les  cordes  de  boyaux  de  Rome  sont  estimées,  et  cette 
industrie  se  rattache  encore  aux  beaux-arts;  la  préparation 
des  stucs ,  les  carrelages  en  poterie  sont  dans  le  même  cas. 
Nous  n'avons  ailleurs  à  citer  que  quelques  tissus,  quelques 
papiers,  et  un  instrument  spécial  de  chirurgie  dont  il  sera 
parlé  plus  loin.  Le  nombre  des  exposants  ne  s'élève  pas  à 
plus  de  soixante. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  151 


ROYAUME  D'ESPAGNE. 

Annexe ,  section  des  produits  ,  travées  I6  à  18  ,  A  et  B.  —  Palais 
principal,  galerie ,  travées  26  à  29 ,  B  et  D. 

L'Espagne  ne  compte  pas  moins  de  500  exposants,  sans  y 
comprendre  ceux  de  ses  possessions  d'outre-mer  à  la  Havane 
et  à  Puerto-Rico.  Ce  nombre  aurait  pu  être  beaucoup  plus 
considérable  si  l'appel  fait  par  le  gouvernement  avait  été 
mieux  entendu,  particulièrement  en  ce  qui  concerne  les  soies 
et  soieries,  les  tissus  de  coton  et  les  draps.  Valence,  qui  est  le 
centre  principal  de  l'industrie  séricicole,  s'est  absolument  abs- 
tenue. 

Les  machines  surtout  font  défaut  à  l'exposition  espagnole  , 
quoique  les  procédés  de  la  métallurgie  soient  depuis  long- 
temps en  usage  dans  un  pays  aussi  richement  doté  en  miné- 
raux utiles. 

Nous  avons  vu  dans  l'exposition  française  de  M.  Boignues  et 
Cie,  un  tuyau  de  conduite  d'eau  pour  la  ville  de  Madrid  qui 
n'a  pas  moins  de  92  centimètres  de  diamètre,  et  une  notable 
partie  de  la  canalisation  dans  laquelle  ce  tuyau  doit  prendre 
place,  s'exécute  cependant  dans  les  usines  du  pays  :  mais  le 
défaut  d'outillage  et  d'expérience  dans  ces  sortes  de  travaux 
permet  à  l'Angleterre  de  les  livrer  à  pied  d'oeuvre  à  meilleur 
marché  qu'ils  ne  seraient  obtenus  sur  place. 

L'Espagne  possède  tous  les  éléments  d'une  industrie  per- 
fectionnée, mais  l'obligation  de  faire  venir  de  France  ou  d'An- 
gleterre jusqu'aux  moindres  machines  est  un  des  caractères 
les  plus  frappants  de  Tindustrie  espagnole. 

La  métallurgie  se  trouve  représentée  plutôt  par  des  matiè- 
res brutes  que  par  des  spécimens  de  fabrication  :  les  dimen- 
sions des  échantillons  de  fer  espagnol  indiquent  jusqu'à  un 
certain  point  combien  on  pourrait  utiliser  mieux  ces  richesses 
minérales. 

L'établissement  d'artillerie  de  Travia  figure  cependant  au 
nombre  des  exposants  pour  un  canon  du  calibre  de  32  et  pour 
une  machine  à  fabriquer  les  balles  de  fusil. 


1S2  VISITE 

114  échantillons  de  houille,  provenant  pour  la  plupart  des 
Asturies,  permettent  de  croire  que  le  combustible  minéral  est 
abondant  dans  cette  contrée  :  le  charbon  est  maigre  et  d'une 
grande  densité,  mais  quelques  morceaux  de  coke,  particuliè- 
rement ceux  du  district  dOUomigo,  ne  paraissent  pas  impro- 
pres aux  usages  métallurgiques. 

Plusieurs  établissements  ont  envoyé  des  minerais  de 
plomb,  de  cuivre,  de  zinc,  de  manganèse  et  d'argent,  parmi 
lesquels  il  convient  de  distinguer  particulièrement  les  plombs 
d'Almeria,  l'argent  natif  de  la  province  de  Guadalaxara;  la 
mine  d'étain  de  Zamora,  et  surtout  le  cinabre  de  la  compagnie 
minière  Asturienne,  sont  d'un  grand  intérêt. 

Les  métaux,  à  l'exception  du  plomb  et  du  mercure,  sont  en- 
core peu  exploités  ;  le  fer  s'obtient  habituellement  par  conver- 
sion directe  du  minerai;  on  sait  d'ailleurs  qu'il  présente  toute 
la  ténacité  et  toute  la  ductilité  désirables. 

Le  soufre  de  Murcie,  le  sel  gemme  de  Cardona,  les  mar- 
bres deSégovie,  complètent  la  série  des  substances  minérales. 

L'agriculture  et  l'art  forestier  doivent  surtout  aux  établis- 
sements royaux  de  figurer  convenablement  à  l'Exposition  : 
La  collection  de  l'école  forestière  de  Villaviciosa  est  fort  sé- 
rieuse ;  elle  se  compose  de  nombreux  échantillons  de  bois,  de 
charbons  et  cendres  de  bois,  résines,  écorces,  spartes,  etc.; 
les  instruments  de  l'art  forestier  y  figurent  à  côté  des  produits. 

Les  lièges  bruts  et  ouvrés,  les  huiles  et  produits  résineux 
envoyés  par  d'autres  établissements  complètent  admirable- 
ment cet  ensemble,  auquel  on  ne  pourrait  faire  d'autre  repro- 
che que  celui  d'être  composé  d'échantillons  trop  petits  pour 
être  expérimentés. 

Les  céréales,  les  lupins,  les  fèves,  la  garance  sont  au  nombre 
des  produits  agricoles  avec  les  fruits  du  caroubier,  et  les 
figues  du  cactus ,  qui  croît  spontanément  en  Espagne  comme 
en  Algérie,  des  amandes  et  des  noisettes  des  meilleures  va- 
riétés. L'arachide  et  le  ricin  se  trouvent  aussi  parmi  les  pro- 
duits exposés  dans  la  collection  de  l'Institut  agricole  de  Bar- 
celone ;  les  huileset  surtout  les  vins  si  renommés  de  l'Espagne 
ne  sont  pas  d'une  moindre  importance  que  les  produits  de 
même  nature  dans  aucune  autre  partie  de  l'Exposition. 

Producteur  autrefois  des  laines  les  plus  fines,  le  royaume 
d'Espagne  cherche  à  reprendre  son  ancien  rang ,  et  les  trou- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  153 

peaux  de  la  reine  ont  fourni  des  toisons  de  race  saxonne  acclima- 
tée qui  ne  le  cèdent  po'nt  aux  produits  de  la  Saxe  elle-même. 

Nous  ne  voyons,  parmi  les  produits  chimiques  à  citer,  que 
quelques  bougies  stéariques  et  des  cuirs,  en  faisant  toutefois 
mention  toute  spéciale  des  maroquins  de  Madrid.  Les  produits 
céramiques,  à  l'exception  des  carreaux  de  faïence  de  Valence 
et  de  quelques  pièces  de  verrerie  ,  ne  présentent  aucun  inté- 
rêt particulier,  non  plus  que  les  articles  d'ornements  religieux 
et  d'orfèvrerie;  mais  nous  ne  saurions  trouver  trop  d'éloges 
pour  les  armes  et  autres  objets  en  métal  de  MM.  Zuloaga 
père  et  fils;  les  produits  de  ces  habiles  artistes  suffiraient 
pour  indemniser  l'exposition  espagnole  des  lacunes  que  cer- 
taines industries  laissent  paraître  ;  la  ciselure  sur  fer,  la  da- 
masquinure,  la  gravure  à  l'eau-forte,  non  plus  que  l'art  du 
repoussé,  n'ont  jamais  eu  des  interprèles  d'un  plus  remar- 
quable et  plus  varié  talent.  Un  groupe  d'oiseaux  morts ,  ciselé 
dans  la  masse  et  un  bouclier  en  fer  repoussé  sont  dus  plus 
particulièrement  à  M.  Zuloaga  fils,  qui  a  fait  également  les 
cires  de  la  plupart  des  autres  pièces,  parmi  lesquelles  il  faut 
citer  une  couverture  d'album  en  fer,  damasquinée  à  l'intérieur, 
gravée  à  l'eau  forte  au  dedans  ;  la  beauté  du  travail  ne  permet 
pas  que  l'on  critique  la  singularité  de  l'objet  :  l'album  est 
néanmoins  un  peu  lourd.  Une  boîte  à  pistolets,  dont  toutes  les 
pièces  ont  été  ciselées  et  damasquinées  dans  le  style  maures- 
que, et  qui  est  destinée  au  général  Narvaez ,  ne  le  cède  en 
rien  aux  deux  pièces  capitales  de  celte  exposition  ,  une  dague 
et  un  sabre  dont  les  poignées  sont  de  la  plus  belle  exécution. 
Les  figures,  ciselées  en  ronde  bosse,  se  détachent  merveil- 
leusement sur  l'ensemble  du  travail,  dont  la  damasquinure 
est  tout  à  fait  irréprochable  :  la  gravure  des  lames  et  des 
fourreaux  complète  dignement  ce  travail. 

Les  armes  à  feu ,  dans  différents  styles ,  témoignent  encore 
des  mêmes  qualités  chez  ces  artistes  ;  mais  l'un  des  fusils ,  tout 
à  fait  semblable  pour  le  goût  et  l'exécution  aux  armes  de  luxe 
de  l'industrie  parisienne,  nous  a  permis  d'apprendre  que 
MM.  Zuloaga  ont  travaillé  pendant  quelque  temps  à  Paris;  il 
est  éminemment  intéressant  de  voir  ce  que  peut  produire  un 
artiste  formé  à  l'école  française,  lorsque  son  talent  a  pu  s'inspi- 
rer des  besoins  et  des  habitudes  d'un  peuple  qui  a  conservé, 
dans  plus  d'une  direction,  son  originalité  première. 


15i  VISITE 

La  fabrication  des  tissus  n'a  pas  fait ,  au  Palais  de  l'Indus- 
trie, les  envois  qu'elle  aurait  pu  faire;  nous  avons  déjà  parlé 
de  l'abstention  presque  complète  de  Valence;  la  province  de 
Barcelone  ,  la  plus  manufacturière  du  royaume ,  ne  s'est  fait 
représenter  que  par  un  petit  nombre  d'exposants  ;  néanmoins 
les  soieries,  particulièrement  celles  de  M.  Escuder,  de  Barce- 
lone, suffisent  pour  assigner  un  rang  supérieur  à  ces  pro- 
duits ;  les  crêpes  de  Chine  brodés  ,  de  José  Reig,  sont  égale- 
ment d'une  excellente  fabrication  ,  ainsi  que  les  chenilles  de 
couleurs  étagées  de  M.  Font.  La  fabrication  des  blondes  et 
des  dentelles  forme  un  des  traits  caractéristiques  de  l'indus- 
trie espagnole.  M.  Fiter  est  considéré  comme  le  premier  fa- 
bricant de  ces  élégants  tissus  ;  ceux  qui  proviennent  de  la 
fabrication  mécanique  de  M.  Roldos  méritent  également  l'at- 
tention. 

Les  draps  particuliers  du  pays  ,  dits  satins ,  parmi  lesquels 
ceux  de  M.  Casonova ,  les  draps  fins  de  la  province  de  Barce- 
lone, particulièrement]de  MM.  Gally  et  de  M.  Trins  à  Turrusa, 
remarquables  par  la  modicité  des  prix,  donnent  une  juste 
idée  de  la  fabrication  espagnole.  Les  couvertures  communes 
de  Palencia,  en  laine  dite  Chuzza,  forment  un  produit  impor- 
tant qu'il  ne  faut  apprécier  qu'au  point  de  vue  du  bon  mar- 
ché ,  les  couleurs  et  le  dessin  ne  pouvant  sans  doute  être  jugés 
favorablement. 

C'est  aussi  dans  la  Catalogne  que  l'industrie  du  coton  est 
principalement  concentrée  ;  elle  compte  25  exposants,  mais 
elle  pourrait  en  fournir  en  bien  plus  grand  nombre  :  les  pro- 
duits ressemblent  d'ailleurs  à  tous  les  cotons  imprimés. 

En  dehors  de  ces  branches  principales  de  la  fabrication  es- 
pagnole, nous  citerons  encore  quelques  pianos  assez  ordi- 
naires, un  secrétaire  et  une  psyché  appartenant  à  la  reine  ; 
d'un  beau  travail  de  marqueterie ,  ces  meubles  ne  sont  pas 
d'un  aspect  irréprochable.  Les  gants  de  Madrid  sont  de  qualité 
supérieure  et  d'un  prix  relativement  favorable  ;  enfin  les  li- 
thographies des  principaux  chefs-d'œuvre  du  musée  de  Ma- 
drid ,  témoignent  de  l'état  d'avancement  des  arts  de  reproduc- 
tion en  Espagne. 

Les  produits  les  plus  intéressants  de  l'île  de  Puerto-Rico 
consistent  en  bois  indigènes  et  en  fils  de  bananier,  de  mugney, 
d'ananas;  parmi  ceux  de  la  Havane,  les  cigares  occupent  né- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  155 

cessairement  la  première  place:  mais  il  faut  citer  à  côté  d'eux 
une  casquette  en  crin  blanc  ,  d'un  charmant  travail ,  et  sur- 
tout les  esterillas  ou  paillassons,  qui  sont  d'un  usage  général 
dans  les  pays  chauds. 


ROYAUME  DE  PORTUGAL. 

Annexe,  section  des  produits,  travées  18  et  19,  A  et  B.  —  Palais 
principal ,  galerie ,  travées  23  et  26,  B  à  D. 

L'exposition  portugaise  compte  441  exposants ,  représentés 
pour  la  plupart  par  des  spécimens  peu  nombreux,  dont  les 
dimensions,  particulièrement  pour  les  produits  naturels,  lais- 
sent souvent  à  désirer.  L'ensemble  de  cette  exposition  ne 
manque  cependant  pas  d'intérêt,  surtout  pour  les  produits  des 
nombreuses  colonies  portugaises.  Le  conseil  des  colonies  à 
Lisbonne  a  bien  voulu  porter  des  soins  tout  particuliers  au 
choix  des  échantillons  destinés  au  grand  concours  de  1855; 
c'est  à  lui  que  nous  sommes  redevables  des  produits  de  la 
province  d'Angola  et  de  Benguela,  dans  l'A-frique  ocxiden- 
tale,  de  la  province  des  îles  du  cap  Vert,  de  Bissao,  Cacheo, 
et  dépendances  dans  la  Guinée,  de  la  province  des  îles  de 
Saint-Thomé  et  Principe  dans  le  golfe  de  Guinée ,  de  la 
province  de  Mozambique,  Sofala  et  Rios  de  Senne,  à  l'est  de 
l'Afrique,  de  la  province  de  Goa,  Damao  et  Duc,  dans  l'Inde 
portugaise,  et  de  la  province  de  Macao,  Solor  et  Timor,  en 
Chine  et  dans  l'Océanie. 

Quelques  exposants  sont  venus  aussi  représenter  l'archipel 
des  Açores,  et  la  province  des  îles  de  Madère  et  de  Porto- 
Santo. 

L'industrie  a  encore  peu  de  place  dans  l'exposition  de  la 
métropole ,  surtout  dans  celles  des  colonies.  Les  citations 
qui  viennent  d'être  faites  annoncent  suffisamment  une  grande 
variété  de  produits  agricoles,  parmi  lesquels  les  céréales, 
les  huiles  d'olives  et  les  vins,  ont  une  importance  prépondé- 
rante. 

Les  blés  tendres  et  les  blés  durs,  les  orges,  le  riz,  le  maïs, 
dénotent  une  production  agricole  des  plus  riches  ;  le  Portugal, 


156  VISITE 

en  effet,  suffit  à  sa  consommation  sous  ce  rapport;  soixante 
échantillons  d'huiles  d'olives,  envoyés  par  vingt  producteurs 
différents;  soixante-cinq  exposants  de  vins  de  diverses  prove- 
nances, suffisent  pour  caractériser  ces  deux  produits  princi- 
paux; les  seuls  vins  de  Porto  alimentent  un  grand  commerce 
d'exportation,  principalement  avec  l'Angleterre;  ceux  de 
l'Estréniadure,  assez  semblables  à  notre  bordeaux,  sont  peu 
connus;  les  muscats  mousseux,  cependant,  seraient  surtout 
appréciés  avec  faveur;  les  liqueurs  et  les  fruits  confits  sont 
aussi  très-remarquables. 

Le  miel  et  le  carthame,  les  cuirs  forts  de  Porto,  les  con- 
serves de  porc  salé  dEvoror,  les  sucres  raffinés  de  Lisbonne, 
figurent  encore  parmi  les  produits  importants  de  la  péninsule 
portugaise.  Les  cigares  fabriqués  avec  les  tabacs  du  Brésil  et 
les  bois  de  l'île  de  iMadére,  fournissent  à  l'industrie  manu- 
facturière un  contingent  précieux. 

Un  modèle  de  pressoir  et  quelques  grands  vases  de  poterie 
qui  portent  dans  le  pays  le  nom  de  Talha,  témoignent  heu- 
reusement des  procédés  qui  se  sont  perpétués  en  Portugal, 
pour  la  préparation  et  la  conservation  de  ses  vins  spiritueux. 
Les  produits  de  l'agave  sont  intéressants,  cette  plante  pou- 
vant être  utilisée  pour  ses  fibres  textiles,  dont  la  finesse 
leur  a  fait  donner  le  nom  de  soie  végétale;  elle  sert  aussi 
à  la  fabrication  du  papier  et  à  la  confection  d'ouvrages 
en  vannerie  fort  curieux.  Le  suif  végétal  de  Mafarra  est  aussi 
une  substance  sur  laquelle  il  est  bon  d'appeler  l'attention  pu- 
blique. Une  belle  collection  de  bois  et  de  lièges  offre,  dans 
l'exposition  portugaise,  d'autant  plus  d'intérêt  que  les  bois  de 
construction  n'ont  pas  été  oubliés  à  côté  des  bois  d'ébénis- 
terie. 

Les  marbres  du  Portugal,  particulièrement  le  rose,  les  pou- 
dingues  de  même  couleur,  le  jaune  de  Sienne  qu'on  ne  trouve 
plus  nulle  part  ailleurs,  le  jaune  et  le  vert  antiques,  figurent 
avec  distinction  parmi  les  produits  de  la  marbrerie.  Un  bel 
échantillon  de  malachite  est  placé  parmi  les  produits  miné- 
raux de  l'Annexe. 

Le  combustible  minéral,  découvert  en  1851  ,  et  qui  es? 
exposé  par  deux  industriels,  M.  Croft  et  M.  Lacorda,  pourra  don- 
ner quelque  essor  aux, exploitations  métallurgiques.  M.  Braga, 
de  Lisbonne,  figure  auprès  de  ces  échantillons  de  houille  et  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  157 

lignite,  pour  quelques  spécimens  de  minerais  d'étain,  nouvel- 
lement reconnus. 

Les  porcelaines  de  M.  Pinto  Basto,  unies  et  décorées,  sont 
d'un  prix  qui  serait  encore  digne  d'intérêt  si  Texécution  en 
était  moins  parfaite.  Les  essais  de  grandes  pièces  laissent 
encore  beaucoup  à  désirer,  mais  les  statuettes  sont  en  général 
bien  réussies.  Les  poteries  noires  de  M.  Damazio  sont  inté- 
ressantes par  leur  légèreté  spécifique  et  leur  bas  prix.  L'appa- 
reil de  Woolf,  qui  accompagne  dans  le  Palais  quelques  pote- 
ries, est  assurément  d'une  très  bonne  fabrication.  La  fabrique 
de  plombs  de  chasse  de  M.  Cardozo  a  quelque  importance  ; 
les  fontes  de  fer,  pour  usages  domestiques,  de  MM.  Furia  et 
Damazio,  leurs  sièges  en  métal,  peuvent  être  considérés 
comme  point  de  départ  dans  l'emploi  industriel  des  métaux 
ordinaires.  La  sellerie,  la  construction  des  instruments  chi- 
rurgicaux, sont  plus  avancés  ;  les  statuettes  en  filigrane  d'ar- 
gent, de  Ribeiro,  sont  moins  intéressantes  par  le  dessin  que 
par  le  travail,  mais  les  pierres  montées  de  M.  Pinto  é  Souza, 
sont  de  tous  points  irréprochables. 

Bien  que  les  laines  du  Portugal  ne  figurent  point  en  nature 
à  l'Exposition,  la  fabrication  des  draps  est  considérable.  Les 
draps  fins  de  MM.  Larcher  et  Neveux,  qui  fabriquent  eux- 
mêmes  leurs  peignes  et  leurs  cardes,  sont  en  grande  répu- 
tation ;  les  draps  de  troupe  à  2  fr.  50  c.  le  mètre,  sont  confec- 
tionnés avec  les  laines  du  pays.  La  petite  ville  de  Covilha  se 
consacre  spécialement  à  la  draperie.  La  compagnie  de  Torres 
Novas  s'occupe  particulièrement  des"  toiles  à  voile  et  des 
coutils;  la  compagnie  lisbonnaise  de  filature  et  de  tissage 
emploie  mille  ouvriers  et  quiitre-vingts  chevaux  de  force,  à  la 
fabrication  des  tissus  de  coton,  qui  sont,  pour  la  plupart,  in- 
troduits par  contrebande  en  Espagne.  Bragance  est  le  prin- 
cipal centre  de  la  production  séricicole,  qui  est  habilement 
mise  en  œuvre  à  Lisbonne  et  à  Porto.  Les  dentelles  communes 
font  l'objet  d'une  grande  consommation  ;  les  cordages  de  tous 
genres,  particulièrement  ceux  fabriqués  avec  les  fibres  du 
phormium  tenax^  occupent  à  l'Exposition  une  place  inté- 
ressante. 

Les  bouquets  en  moelle  de  figuier,  imitant  l'ivoire,  sont  les 
spécimens  d'une  industrie  toute  spéciale;  il  en  est  de  même 
des  boîtes  à  fil  décorées,  qui  ont  une  certaine  vogue.  Les  gants 


158  VISITE 

en  peau  de  chèvre,  bien  fabriqués,  à  bas  prix,  quelques 
meubles  en  marqueterie,  d'un  travail  ordinaire,  un  très-beau 
guéridon  de  marbre;  enfin,  de  beaux  spécimens  d'impression, 
obtenus  sur  composition  en  filets  de  zinc,  complètent  i'énumé- 
ration  des  objets  qu'il  nous  a  été  donné  de  remarquer  plus 
attentivement  dans  l'exposition  du  Portugal. 


CONTRÉES  ORIENTALES. 

De  l'Italie  jusqu'à  la  Chine ,  le  monde  a  changé  d'aspect. 
La  civilisation  européenne  est  remplacée  par  la  poésie  vague 
de  ces  pays  tant  vantés  de  l'Orient  dont  les  misères,  moins 
connues ,  ne  sont  pas  moins  réelles  que  les  nôtres.  Ce  que  nous 
nommons  le  progrès  est  inconnu  chez  ces  peuples,  primitifs 
encore  ,  chez  lesquels  la  masse  travaille  pour  un  seul ,  tandis 
que  tous  nos  efforts,  au  contraire,  tendent  à  diriger  notre 
production  toujours  croissante  vers  les  besoins  de  ces  mêmes 
masses,  qui  ne  consomment  que  pour  produire  davantage.  La 
Grèce  et  la  Turquie  marquent  la  route  de  l'Inde. 


GRÈCE. 

Annexe,  section  des  produits:  travées  20  à  21,  A  et  B.  —  Palais 
principal,  galerie,  travées  2  à  5,  de  E  à  F. 

La  Grèce  moderne  est  une  nation  de  fraîche  date  qui  n'a 
pas  encore  créé  d'industrie  caractérisée  :  au  point  de  vue  in- 
dustriel ,  la  Grèce  est  ce  qu'elle  était  autrefois ,  elle  n'a  au- 
cune originalité  qui  la  distingue  des  autres  contrées  de 
l'Orient. 

Ses  produits  naturels  ,  qu'il  faut  chercher  en  quatre  points 
différents  dans  la  galerie  et  au  rez-de-chaussée,  ont  cependant 
une  certaine  importance  :  les  marbres  en  forment,  dans  l'An- 
nexe, la  partie  la  plus  considérable.  Le  marbre  blanc  de  Paros, 
le  marbre  rouge  de  Mantinée ,  le  pentélique ,  etc. ,  se  pré- 
sentent avec  cette  transparence  nacrée  ou  ces  belles  teintes 
brunes  qui  les  ont  fait  rechercher  de  tout  temps.  Les  ciments 


•      A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  i^9 

volcaniques  de  Sanlorin  ,  cette  île  sortie  des  ondes  sous  les 
yeux  de  l'homme,  ont  des  propriétés  remarquables  ;  le  soufre 
de  Naxos ,  plusieurs  échantillons  de  pierres  meulières  et 
quelques  pierres  lithographiques  représentent  suffisamment 
les  richesses  minérales  de  la  presqu'île  grecque. 

Le  miel  du  mont  Hymettus ,  les  raisins  de  Corinthe  et 
d'Élide,  deux  espèces  bien  distinctes,  les  céréales,  le  colza 
nouvellement  introduit  en  Grèce  ,  le  tabac  et  les  cigarettes 
d'Athènes,  constituent,  avec  les  huiles  d'olives  et  surtout  les 
fameux  vins  de  Malvoisie,  un  assez  bel  ensemble  de  produc- 
tions végétales.  Les  peaux  tannées  viennent  du  Brésil  et  sont 
seulement  préparées  en  Grèce  ;  mais  les  éponges  et  les  soies 
sont  bien  des  produits  nationaux.  Les  éponges  d'Argolide  sont 
les  plus  grandes  qu'on  puisse  voir;  les  soies  sont  belles  et  la 
filature  d'Athènes  est  une  des  plus  importantes  parmi  celles 
des  pays  séricicoles. 

Les  produits  manufacturiers  sont  peu  nombreux  :  quelques 
chaussures  en  maroquin  ,  mais  surtout  une  collection  extrê- 
mement complète  de  vêlements,  sont  là  pour  nous  faire  con- 
naître comment  s'habillent,  au  xix^  siècle,  les  arrière-petits- 
neveux  de  Léonidas  et  de  Périclès  ;  les  gazes  de  soie  ,  d'une 
incomparable  légèreté,  sont  bien  celles  que  portait  la  fiancée 
d'Abydos  ;  ces  vestes  brodées  d'or,  ces  armes  ciselées  sont 
celles  de  Giaour.  Byron  a  éclairé  la  Grèce  du  reflet  de  son 
génie;  on  ne  la  voit  qu'à  travers  le  prisme  séduisant  de  ses 
brillantes  descriptions. 

Les  monuments  se  sont  encore  mieux  conservés  que  le 
costume  national,  et  les  photographies  que  l'Exposition  nous 
offre  nous  dédommagent  amplement  des  lacunes  nombreuses 
que  nous  pourrions  signaler.  Un  manuscrit,  le  Bouquet  clas- 
sique d'Athènes,  réunit,  à  des  vues  bien  faites,  des  indications 
bibliographiques  étendues  et  l'herbier  moderne  des  végétaux 
qui  s'élèvent  sur  les  ruines  de  l'art  antique.  L'imprimerie  et 
la  gravure  sur  bois  témoignent  seules  de  la  culture  des  arts  à 
Athènes. 


460  VISITE 


TURQUIE. 


Annexe ,  section  des  produits  ;  travées  19  à  20,  de  A  à  B,  —  Palais 
principal,  galerie;  travées  1  à  6,  de  G  à  H. 

L'empire  ottoman  ,  dont  le  sort  préoccupe  si  vivement  les 
Éiats  européens,  a  senti,  malgré  les  soins  de  toutes  sortes  qui 
viennent  l'assaillir,  qu'il  devait  répondre  à  l'appel  de  la 
France,  sa  plus  ancienne  et  plus  constante  alliée. 

Toutes  les  provinces  de  l'empire  ottoman  ont  envoyé  leurs 
produits  qui  sont  dispo.-és  dans  d'élégantes  vitrines. 

Les  produits  naturels  de  l'Annexe  présentent  de  l'intérêt; 
ceux  de  la  Turquie  d'Europe  sont  de  beaucoup  les  plus  abon- 
dants; l'Asie  Mineure  n'apparaît  que  de  loin  en  loin,  l'activité 
industrielle  de  ces  grandes  civilisations,  dont  l'histoire  a  con- 
servé le  souvenir ,  a  complètement  disparu  ;  quelques  Bé- 
douins pillards  ,  chassant  devant  eux  de  maigres  troupeaux, 
parcourent  le  sol  classique  où  s'élevaient  Ninive  et  Babylone. 
où  ont  vécu  Sémiramis  et  Alexandre. 

Une  belle  collection  d'huiles  et  quelques  savons  ,  des  ma- 
tières textiles^,  chanvre,  lin  et  coton,  du  pavot,  du  sumac, 
du  tabac,  ce  tabac  jaune  et  parfumé  si  agréable  dans  les 
tchibouks  et  les  narghilés;  de  belles  laines  de  la  Valachie, 
des  fourrures,  des  plumes  d'autruche,  du  maroquin  que  nous 
importions  il  y  a  soixante  ans  et  que  nous  laissons  loin  der- 
rière nous  maintenant  ;  tels  sont  les  produits  les  plus  intéres- 
sants classés  dans  l'Annexe- 

Ajoutons-y  cependant  une  collection  complète  de  matières 
médicales  otTerles  à  l'École  de  pharmacie  de  Paris  par 
M.  Délia  Sudda,  pharmacien  en  chef  de  l'armée  ottomane. 

Nous  remarquons  des  cocons  énormes  de  la  race  de  vers  à 
soie,  créée  par  M.  Dalgue  Mourgue  d'après  son  système  de 
croisement  des  races.  Puis  des  étoffes  imprimées  sorties  de 
la  manufacture  impériale  ;  des  tapis  d'un  bleu  foncé  avec 
bordure  d'ornements  blancs  ou  rouges  détachés  par  un  filet 
blanc,  en  un  mot,  comme  dans  l'Inde,  en  Egypte  et  à  Tunis , 
des  couleurs  franches ,  primitives ,  qui  s'harmonisent  parfai- 


A  L'EXPOSITION    LiNlVERSELLE.  IGl 

tement  avec  la  vigueur  de  ton  de  la  nature  de  ces  climais 
orientaux. 

Nous  voyons  aussi  de  belles  étoffes  de  soie ,  rouges  ou 
blanches,  lamées  d'or  et  d'argent,  légères  et  transparentes, 
qui  décèlent  une  fabrication  assez  avancée. 

Des  instruments  de  musique  de  toutes  sortes,  des  armes 
damasquinées  et  une  profusion  de  tuyaux  de  pipes,  décorés 
en  or,  en  argent,  en  nacre  et  paille,  des  tasses  à  café  dans 
des  porte-tasses  en  filigranes  d'argent,  et  de  petites  tables  en 
ébène  avec  incrustations  de  nacre  et  d'argent ,  sur  lesquelles 
les  femmes  turques ,  assises  sur  ces  beaux  tapis  que  nous 
avons  vus ,  prennent  leur  café ,  sont  les  objets  les  plus  origi- 
naux de  ce  peuple  conquérant  si  vite  abâtardi,  qui  faisait 
trembler  l'Europe  il  y  a  deux  cents  ans  et  qu'on  est  obligé  de 
défendre  maintenant. 

Feti  llannet  a  envoyé  des  produits  très-remarquables, 
comme  forme,  de  sa  fabrique  de  porcelaines  d'Indjer-Kene. 

Nous  avons  remarqué  des  portraits  photographié^  d'Omer- 
Pacha  et  de  ses  aides  de  camp  ,  et  la  photographie  d'un  mo- 
nument projeté  par  M.  Bilezikdji,  architecte,  en  mémoire  de 
la  promulgation  du  tanzimat  et  de  l'alliance  de  la  France,  de 
l'Angleterre  et  de  la  Turquie. 

Nous  ne  devons  pas  sortir  du  quartier  oriental  du  Palais  de 
l'Industrie  ,  sans  féliciter  l'architecte  qui  a  su  si  bien  harnio- 
nier  la  décoration  des  vitrines  avec  les  pays  dont  elle  de- 
vaient renfermer  les  produits. 

Toutes  ces  expositions  orientales  sont  uniquement  com- 
posées d'objets  de  luxe;  ces  nations  se  personnifient  encore 
dans  une  classe  riche  et  supérieure  par  la  naissance;  la  masse 
du  peuple  disparaît;  on  ne  travaille  pas  pour  lui,  ou  ce  qu'on 
fait  ne  vaut  pas  la  peine  d'être  montré. 


EGYPTE. 

Palais  principal,  galerie;  travées  1  à  4,  de  I  à  J. 

Depuis  la  conquête  que  nous  en  avons  faite  à  la  fin  du 
siècle  dernier,  l'Eiiypte  a  déjà  fait  des  pas  sensibles  dans  la 
voie  du  progrès;  l'élan  que  lui  avait  imprimé  le  contact  de 
20G  h 


16-2  VISITE 

notre  civilisation  active,  continué  par  JNléhemet-Ali ,  l'ont 
déjà  placé  bien  en  avant  des  autres  États  mahométans ,  et  le 
percement  de  l'Isthme  de  Suez  que  l'on  va  entreprendre 
pourra  la  relever  complètement  et  faire  renaître  une  splen- 
deur éclipsée  depuis  tant  de  siècles.  Les  écoles  militaires, 
fondées  à  l'imitation  de  nos  écoles  françaises,  semblent  avoir 
apporté  un  certain  mouvement  scientifique,  si  nous  en  ju- 
geons par  une  collection  de  livres  assez  complète  sur  la  géo- 
métrie, l'art  nautique,  etc. 

La  fécondité  de  lÉgypte  est  proverbiale,  aussi  son  exposi- 
tion  de  produits  naturels  est-elle  très-remarquable  :  blé, 
maïs,  riz,  se  reproduisant  indéfiniment  avec  les  inondations 
fécondantes  du  Nil  ;  de  l'indigo,  des  gommes,  des  dattes,  de 
la  cochenille,  du  soufre,  du  marbre  magnifique  et  ce  granité 
dont  sont  sortis  tant  de  monuments  gigantesques,  sont  les 
principaux  produits  végétaux  et  minéraux  du  sol  égyptien. 

Les  objets  fabriqués  ont  le  même  caractère  que  ceux  de 
Turquie,  étoffes  de  soie  et  de  laine  rayées  d'or,  pipes,  armes, 
selles  de  velours  rehaussées  de  broderies,  présentent  toujours 
cette  même  richesse  de  la  race  conquérante,  accompagnée  de 
la  misère  la  plus  complète  de  la  race  vaincue  ,  plus  malheu- 
reuse ici  que  dans  les  autres  États  orientaux. 

Ce  qui  manque  à  celte  exposition  ,  c'est  un  caractère  spé- 
cial ;  on  eût  changé  les  écriteaux  et  mis  Turquie  à  la  place 
d'Egypte,  que  tout  le  monde  s'y  serait  trompé. 

L'Egypte  n'est-elle  donc  plus  qu'une  province  turque,  ne 
reste-t-il  plus  rien  de  ces  trésors  de  science  d'Alexandrie- 
depuis  Sésostris,  le  grand  conquérant  des  âges  héroïques , 
jusqu'à  Cléopâtre,  ce  type,  toujours  jeune  de  grâce  et  de  vo- 
luptéj  tout  a-t-il  disparu?  Il  faut  le  croire,  tant  de  peuples 
ont  passé  sur  ce  pays  sans  cesse  dévasté!  Le  sabre  des  Arabes 
a  commencé  la  destruction  ,  puis  celui  des  Turcs  est  venu 
l'achever  ;  leur  despotisme  brutal  a  tué  toute  résistance,  et  les 
malheureux  feilahs  ne  savent  plus  rien  de  leurs  splendeurs 
passées;  plus  misérables  que  leurs  aïeux  ,  ils  n'élèvent  même 
pas ,  au  prix  de  leur  sang ,  ces  pyramides  gigantesques  pour 
dire  aux  âges  futurs  leur  souffrance  et  leur  martvre. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  163 

TUNIS. 

Palais  principal,  galerie;  travées  1  à  4,  de  H  à  I. 

L'exposition  de  la  régence  de  Tunis  est  riche  en  vêtements 
de  toutes  sortes  ;  burnous  en  laine  blanche  avec  ornements 
d'or,  tuniques,  pantalons  larges,  manteaux,  calottes  du  pays 
et  babouches  en  velours;  ces  costumes  des  grands  dignitaires 
sont  tout  couverts  de  broderies  d'or  et  d'argent,  afin  de  frap- 
per iïmagination  du  peuple. 

Nous  avons  remarqué  une  selle  en  velours  rouge  couverte 
de  broderies  d'or  et  d'argent  formant  de  jolis  entrelacs  arabes, 
avec  des  glands  en  or,  qui  donnent  à  cette  selle  un  caractère 
bien  oriental. 

Des  brûle-parfums ,  de?  bracelets  en  or  émaillé  et  ciselé 
sont  d'un  style  bien  original. 

En  un  mot  l'esposition  de  Tunis  est  très-brillante,  dans  le 
petit  nombre  des  produits  envoyés. 


ÉTATS-UNIS  D'AMÉRIQUE. 

Annexe  ,  section  des  produits;  travées  13  à  14,  de  C  à  D.— Annexé, 
section  des  machines;  travées  143  à  144,  de  A  à  D.  —  Palais 
principal,  rez-de-chaussée;  travées  15  à  18,  de  H  à  L. 

On  est  cruellement  désappointé  quand ,  arrivé  au  pavillon 
qui  indique  les  galeries  de  l'Union  ,  on  rencontre  à  peine 
quelques  échantillons  de  coton,  quelques  machines  et  divers 
objets  de  caoutchouc;  qui  n'aurait  cru  que  ce  peuple  améri- 
cain ,  qui  semble  avoir  atrophié  toute  la  partie  artistique  de 
la  nature  humaine  pour  se  concentrer  dans  l'agriculture^  l'in- 
dustrie et  le  commerce,  qui  aurait  cru  que  cette  nation ,  qui 
doit  tant  à  la  France,  qui  l'a  aidée  de  son  épée  et  de  son  ar- 
gent dans  la  guerre  de  l'indépendance  ,  qui  aurait  cru  qu'elle 
reculerait  devant  le  grand  concours  de  4  855  ! 

Le  peu  de  succès  de  l'exposition  de  New-York ,  des  mal- 
entendus entre  le  gouvernement  central ,  ceux  des  différents 


loi  VISITL 

États  qui  constituent  l  Union  et  les  exposants  eux-mêmes, 
ont  contribué  à  faire  manquer  l'exposition  des  Étals-Unis; 
ce  sont  des  excuses,  en  effet,  mais  qui  ne  détruisent  pas  le 
mauvais  effet  produit. 

Les  États-Unis  d'Amérique  occupent  un  territoire  énorme, 
presque  aussi  grand  que  l'Europe,  et  qui  présente  les  climats 
les  plus  variés;  la  population  va  se  doublant  en  vingt-cinq 
ans;  les  émigrations  si  fréquentes  de  l'Europe  entrent  pour 
une  part  considérable  dans  cet  accroissement  rapide,  et  les 
causes  qui  poussent  à  cette  émigration  existant  toujours  ,  il 
est  probable  qu'elle  se  continuera  encore  longtemps.  Si  la 
population  continue  la  marche  qu'elle  suit  en  ce  moment  , 
avant  la  fin  du  siècle  les  États-Unis  auront  une  population  de 
4  00  millions  d'habitants. 

Quelle  puissance  n'aura  donc  pas  alors  cette  masse  énorme 
douée  de  cette  activité  fébrile,  de  ce  besoin  de  travail,  de 
cet  amour  de  création  qui  distingue  les  premiers  pas  d'une 
grande  nation  ;  ce  peuple  né  il  y  a  cinquante  ans  ,  qui  a  plus 
de  chemins  de  fer,  plus  de  canaux  que  l'Angleterre,  qui  pos- 
sède autant  de  vaisseaux  qu'elle  et  qui ,  placé  sur  un  sol  fé- 
cond ,  inépuisable  ,  peut  en  faire  sortir  toutes  les  richesses  : 
du  fer,  de  l'or,  de  la  houille,  du  bois,  du  coton,  du  sucre  ;  un 
peuple  sans  armée  et  qui  a  su  vaincre  les  troupes  anglaises  . 
qui  avaient  lutté  contre  Napoléon,  qui  a  su  se  créer  une  marine 
militaire  aussi  rapidement  qu'il  fait  toutes  choses,  et  sur  la- 
quelle il  peut  entretenir  1 20  000  des  meilleurs  marins  du  monde. 

L'Espagne  possédait  la  Californie  depuis  trois  cents  ans, 
le  Mexique  depuis  quarante,  ils  n'y  avaient  rien  fait  ;  ce  terri- 
toire fut  cédé  aux  États-Unis  en  18i8.  Maintenant  San-Fran- 
cisco  fait  un  commerce  plus  grand  que  la  Nouvelle-Orléans, 
et  qui  pourra  prochainement  atteindre  celui  de  New-York. 

Orgueilleux ,  croyant  le  monde  fait  pour  eux  et  capables 
de  se  donner  raison  d'une  hardiesse  qui  va  jusqu'à  la  témé- 
rité dans  leurs  luttes  contre  la  nature  ou  contre  les  hommes, 
tenant  haut  et  ferme  leur  drapeau  libéral,  froidement  ver- 
tueux, étroitement  dévots,  les  Américains,  extrêmement  ha- 
biles dans  les  affaires  commerciales,  y  apportent  la  persévé- 
rance qui  fait  le  succès. 

Pleins  de  respect  pour  les  femmes  ou  plutôt  ne  s'occupant  pas 
d'elles,  ils  vivent  plus  avec  leur  tète  qu'avec  le  cœur  ;  les  Etats 


A  L'EXPOSITION   INIVERSELLE,  16r. 

du  Nord  détruisent  les  Peaux  rouges  qui  les  gênent,  tandis 
que  les  États  du  Midi  conservent  l'esclavage  qui  leur  est  utile. 

Deux  mots  peignent  complètement  l'amour  effréné  du  tra- 
vail et  de  la  production  qui  distingue  les  Anglo-Américains. 
Forward,  en  avant,  vaincre  les  obstacles,  triompher  de  toute 
résistance,  arriver  vite ,  au  risque  de  sauter  en  route,  peu 
importe,  en  avant!  Make  mone?/,  produire  une  richesse,  créer 
une  entreprise  nouvelle,  être  riche  pour  être  puissant  ;  de  là 
ces  faillites  si  fréquentes  aux  États-Unis  et  qui  passent  ina- 
perçues ;  ceux  qui  sont  ruinés  ne  s'amusent  pas  à  plaider,  ils  se 
mettent  au  travail  et  bientôt  retrouvent  une  nouvelle  fortune. 
Cet  esprit  de  spéculation  se  traduit  même  dans  le  langage;  au 
lieu  de  :  Je  pense,  les  Américains  disent  :  Je  calcule. 

Les  Américains  sont  essentiellement  commerçants  et  agri- 
culteurs. Les  importations  s'élèvent  de  180  à  200  millions  de 
doUards  par  an  (le  dollard  vaut  à  peu  près  5  francs).  Les 
exportations  de  produits  nationaux  ont  été,  en  1851,  d'environ 
180  millions,  et  celles  des  produits  étrangers  de  15  millions. 
Les  principaux  articles  d'exportation  «ont  les  suivants  : 

Cotons 65  à  1 00  000  000  dollards. 

Farine,  blé,  maïs 30  000  000 

Bœuf,  porc,  lard,  produits  ani- 
maux   13  000  000 

Tabac 8  000  000 

Bois    de  construction,  produits 

des  forêts 7  000  000 

Produits  de  la  mer,  huile  de  ba- 
leine    2  500  000 

Le  tonnage  complet  des  États-Unis  est  de  3  535  45i  ton- 
neaux; c'est  plus  qu'en  aucun  autre  pays,  si  l'on  en  excepte 
la  Grande-Bretagne.  On  a  construit,  en  1850,  aux  États-Unis, 
1360  navires;  le  nombre  entier  des  navires  parés  dans  les 
ports  de  l'Union  était,  en  1850,  de  18195. 

Les  États  de  la  Nouvelle-Angleterre,  dont  le  sol  est  moins 
fertile  que  dans  les  États  du  Sud,  le  climat  moins  favorable, 
sont  plus  essentiellement  manufacturiers;  ce  sont  eux  qui 
travaillent  pour  l'Union  les  étotfes  de  coton  et  de  laine,  les 
cuirs,  les  métaux,  etc. 


466  VISITE 

Au  Sud  ,  au  contraire ,  s'étend  la  culture  du  coton ,  la 
grande  richesse  de  l'Union,  l'élément  le  plus  énergique  de  sa 
puissance,  avec  lequel  elle  tient  entre  ses  mains  les  États  eu- 
ropéens, l'Angleterre  surtout. 

Au  coton,  au  tabac,  il  faut  joindre  les  céréales  que  les 
Américains  produisent  en  quantités  considérables;  le  maïs, 
entre  autres,  qu'importe  maintenant  l'Angleterre,  soit 
pour  le  consojnmer  en  nature ,  soit  pour  le  transformer  en 
boissons  fermentées  (wisky)  ;  la  Californie  commence  à  plan- 
ter des  vignes  ,  dont  les  produits  pourront  faire  un  jour  une 
concurrence  redoutable  aux  vins  français,  portugais  et  espa- 
gnols; enfin,  les  richesses  minérales  des  États  de  l'ouest  et  du 
nord,  l'or  de  la  Californie,  le  cuivre  et  le  fer  du  lac  Supérieur, 
entrent  encore  pour  une  part  notable  dans  les  exportations 
des  Anglo-Américains. 

Que  pourra  nous  enseigner  leur  exposition?  Nous  trouvons 
quelques  échantillons  de  coton  et  pas  de  tissus  fabriqués;  on 
croit  généralement  que  les  Américains  ont  eu  raison  de 
s'abstenir  pour  ce  dernier  produit;  quelques  objets  de  bos~ 
sellerie,  bien  fabriqués  et  assez  élégants,  en  bois  de  cèdre 
blanc  et  rouge  entremêlés  ;  quelques  livres,  quelques  épreuves 
daguerriennes,  enfin  une  immense  quantité  d'objets  en  caout- 
chouc durci  exposés  par  M.  Goodyear  qui,  au  reste,  possède 
également  une  vitrine  dans  nos  produits  français. 

L'exposition  américaine  ne  peut  rien  nous  apprendre  ; 
l'Union  est  habitée  par  un  grand  peuple ,  tout  le  monde  le 
sait,  mais  il  faut  le  savoir,  car  l'Exposition  tendrait  à  prouver 
le  contraire. 

Quelques  objets  cependant  viennent  témoigner  de  l'état 
d'avancement  auquel  sont  parvenus  les  arts  chez  ce  peuple. 

Les  balances  et  les  poids  étalons  ,  qui  ont  été  donnés  par 
le  congrès  à  notre  Conservatoire  des  arts  et  métiers ,  et  qui 
lui  ont  été  remis  par  M.  Vattemare,  sont  d'une  exécution  tout 
à  fait  remarquable.  Une  des  balances  ,  entre  autres,  ne  sau- 
rait être  mieux  faite  ni  par  Deleuil  ni  par  Blanchi. 

Dans  les  machines,  l'exposition  américaine  reprend  toute 
son  originalité  :  la  machine  à  vapeur  chronomètre ,  à  double 
cylindre  oscillant,  de  MM.  Tousley  et  Heed,  fera  époque  dans 
l'art  des  constructions  mécaniques  ;  le  découpoir  circulaire, 
de  M.  Thompson,  est  un  nouvel  outil,  d'un  très-bon  usage, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  107 

malgré  la  négligence  de  l'exécution  ;  la  machine  à  réduire  la 
ronde  bosse ,  de  M.  Blanchard,  exécute  devant  le  public  son 
travail  d'une  manière  irréprochable. 

Une  machine  très-ingénieuse  pour  faire  les  sacs  de  papier, 
une  autre  pour  travailler  le  bois,  de  M.  Moore,  dénotent  la 
tendance  générale  en  Amérique  de  tout  faire  avec  les  machines. 

Nous  ne  parlons  ni  des  machines  à  coudre  ni  des  fameux 
revolvers  ,  ces  armes  qui  peuvent  tirer  dix  fois  sans  disconti- 
nuer. Les  uns  et  les  autres  sont  d'invention  américaine  :  ce 
peuple,  en  tout,  veut  économiser  le  temps. 


MEXIQUE. 

Palais  principal,  galerie;  travées  16  à  17,  de  K  à  L. 

De  tous  les  États  américains  peuplés  par  les  Espagnols, 
le  Mexique  est  le  seul  qui  ait  une  exposition  de  quelque  im- 
portance. Toute  proportion  gardée,  elle  est  certainement  plus 
complète  que  celle  des  États-Unis. 

Indépendant  seulement  depuis  une  cinquantaine  d'années, 
sans  cesse  tourmenté  par  la  guerre  civile,  mal  dirigé,  assez 
imprudent  pour  s'attaquer  successivement  à  la  France  et  aux 
États-Unis,  le  Mexique  est  loin  d'avoir  atteint  le  développe- 
ment dont  il  est  susceptible.  La  richesse  de  ses  mines  d'ar- 
gent, la  fertilité  de  son  sol  qui  produit  abondamment  une 
foule  de  produits  recherchés  en  Europe,  pourraient  cependant 
lui  assigner  une  belle  place  parmi  les  États  américains;  mal- 
heureusement le  Mexique  a  dans  l'Union  un  voisin  ambitieux, 
peu  scrupuleux  sur  le  choix  des  moyens,  qui  semble  vouloir 
prendre  partout  ce  qui  lui  convient,  sans  se  soucier  autrement 
du  droit  des  gens;  voisin  qui  lui  a  déjà  ravi  le  Texas  et  la  Cali- 
fornie, et  qui  probablement  ne  s'arrêtera  pas  dans  cette  voie 
de  conquête.  Si  les  Mexicains  tiennent  à  leur  indépendance, 
qu'ils  soient  forts  en  devenant  unis,  qu'ils  recherchent  l'al- 
liance des  grands  États  européens  qui,  seuls,  seraient  capables 
de  les  défendre  contre  l'envahissement  des  Anglo -Américains. 

Tous  les  voyageurs  qui  ont  parcouru  le  Mexique  s'accordent 
sur  le  manque  de  voies  de  communication  ;  leur  absence  est 
assez  complète  pour  paralyser  une  partie  des  transactions 


1 08  VISITE 

commerciales.  Il  y  a  certainement  une  fraction  importante  de 
ia  minime  population  mexicaine  qui  passe  sa  vie  entière  à 
conduire  les  mulets  chargés  des  transports. 

De  l'argent  natif,  de  l'argent  antimonio-sulfuré  se  trouvent 
en  abondance  dans  les  mines  du  Mexique,  les  plus  riches  du 
monde;  elles  fournissent  annuellement  environ  537  000  kilo- 
grammes d'argent,  112  millions  de  francs  ;  l'or  y  est  moins 
abondant,  les  gisements  ne  produisent  guère  que  4  à  5  mil- 
lions de  francs;  le  mercure  qu'on  emploie  pour  l'amalgamation, 
existe  également  au  Mexique;  du  fer,  de  la  houille,  du  cuivre 
complètent  les  richesses  minérales  de  cette  contrée  privilégiée. 

De  la  soie  brute  et  travaillée,  des  matières  textiles,  du  maïs 
et  les  autres  céréales,  des  huiles  de  plusieurs  espèces  diffé- 
rentes, du  cacao,  du  café,  de  la  cannelle,  du  coton  qui  pour- 
rait devenir  pour  le  Mexique  une  source  inépuisable  de 
richesses,  comme  il  l'e^t  devenu  pour  la  Louisiane,  de  l'in- 
digo, des  bois  de  teinture  les  plus  variés,  de  la  cochenille,  du 
tabac,  tels  sont  les  échantillons  les  plus  intéressants  des  pro- 
duits végétaux  du  Mexique. 

Les  produits  fabriqués  n'ont  pas  un  caractère  bien  spécial. 
Ce  sont  des  imitations  plus  ou  moins  parfaites  de  ce  qu'on 
fait  habituellement  en  Europe  ;  quelques  vases  cependant  sur 
lesquels  resplendissent  des  viva  Francia  ont  un  cachet  assez 
national  ;  on  reconnaît  dans  leur  forme  un  peu  bizarre,  dans 
les  dessins  qui  les  recouvrent,  les  traces  de  celte  ancienne 
civilisation  mexicaine  si  cruellement  détruite  par  les  Espa- 
gnols ;  des  articles  de  harnachement  ont  aussi  une  grande 
originalité;  les  larges  étriers  damasquinés  d'argent,  les  épe- 
rons à  mollettes  énormes  bien  ciselés  sont  un  des  luxes  du 
peuple  mexicain,  essentiellement  cavalier. 

Ajoutons  enfin  plusieurs  livres  de  l'imprimerie  établie  à 
Mexico  par  M.  Decaen,  et  qui  ressemblent  plus  aux  livres 
anglais  qu'aux  nôtres. 

Qu'adviendra-t-il  du  Mexique?  On  ne  le  sait.  Cependant  l'in- 
térèt  qu'il  semble  avoir  apporté  à  l'exposition  de  18bo  prouve 
qu'il  commence  à  comprendre  qu'un  pays,  tout  en  conservant 
une  sage  liberté,  doit  se  préoccuper  avant  tout  de  la  produc- 
tion matérielle,  que  le  temps  des  discussions  et  des  agitations 
stériles  est  passé  ,  que  le  travail  est  désormais  la  seule  voie 
ouverte  à  l'humanité. 


A  L'EXPOSITION  INIVERSELLE.  1(19 

La  république  de  Guatemala  est  placée  à  l'Exposii  ion  comiiK^ 
en  Amérique,  à  côté  du  Mexique;  son  exposition,  un  peu  tar- 
dive, est  intéressante  cependant;  elle  nous  offre  une  belle 
collection  de  sa  faune  ailée,  de  ces  oiseaux  aux  couleurs 
éclatantes  qui  animent  la  belle  végétation  tropicale.  Du  maïs, 
du  bois  de  teinture,  du  tabac,  quelques  étoffes,  des  hamacs, 
tels  sont  les  principaux  produits  que  nous  envoie  ce  petit 
État. 

AMÉRIQUE  DU  SUD. 

Annexe,  section  des  produits;  travées  12  à  13,  de  A  à  B. 

A  part  la  magnifique  exposition  de  la  Guyane  anglaise, 
l'Amérique  du  Sud  s'est  peu  préoccupée  de  l'appel  de  la  France. 
Le  Brésil  n'a  rien  pour  ainsi  dire;  celte  immense  contrée, 
magnifiquement  douée  de  tous  les  avantages  naturels,  d'une 
végétation  splendide,  la  plus  riche  du  globe  peut-être,  de 
bestiaux  innombrables,  de  mines  qui  fournissent  de  l'or,  des 
diamants,  de  l'argent,  du  platine,  du  fer;  ce  dernier,  si  abon- 
dant dans  la  province  des  mines,  qu'il  pourra  un  jour  appro- 
visionner pendant  de  longues  années  le  monde  entier  ;  de 
tout  cela  le  Brésil  ne  lire  encore  qu'un  bien  médiocre 
parti.  Serait-il  donc  vrai  que  l'homme  n'arrive  à  produire  que 
lorsqu'il  y  est  forcé  par  son  contact  avec  une  nature  avare, 
qui  ne  le  nourrit  que  lorsqu'elle  est  sans  cesse  sollicitée  par 
le  travail,  et  qu'au  contraire,  quand  elle  se  pare  de  toute  sa 
beauté,  quand  elle  lui  offre  abondance  et  variété,  il  se  repose 
sur  elle  du  soin  de  son  existence,  et  tombe  dans  l'inaction  ? 
L'histoire  du  genre  humain  tend  à  le  prouver  :  la  France, 
l'Angleterre,  la  Russie  sont  autrement  puissantes,  avancées, 
industrieuses,  que  la  molle  Espagne  et  tous  les  États  qu'elle 
a  peuplés  dans  les  deux  Amériques. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  Brésil  est  bien  jeune  encore,  et  on  peut 
espérer  son  réveil  ;  outre  les  produits  de  ses  mines  qui  se- 
raient une  richesse  de  premier  ordre,  si  l'exploitation  était 
habilement  conduite,  s'il  existait  des  voies  de  communication, 
ce  grand  empire  aura  encore  deux  sources  inépuisables  de 
prospérité  :  ses  bestiaux  qu'il  serait  bien  facile  d'améliorer, 
ou  du  moins  de  mettre  en  état,  si  on  résout  le  grand  problème 


170         VISITE  A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE. 

de  la  conservation  des  viandes  dont  tant  d'esprits  se  préoc- 
cupent maintenant  ;  enfin  ses  bois,  ses  bois  de  teinture,  qui 
ont  été  depuis  la  découverte,  et  qui  sont  encore  maintenant, 
les  produits  de  son  sol  les  plus  recherchés. 

Le  sucre,  le  café,  le  cacao,  le  tabac,  les  quinquinas,  tels 
sont  les  denrées  que  le  Brésil  exporte  et  qu'il  pourrait  expor- 
ter en  quantités  infiniment  plus  considérables.  Notre  com- 
merce avec  le  Brésil  est,  au  reste,  assez  important,  bien  qu'il 
soit  inférieur  à  celui  des  Anglais;  nous  portons  dans  cette 
partie  de  l'Amérique  du  Sud  des  toiles  fines,  des  étoffes  de 
soie,  de  la  bonneterie,  de  la  parfumerie,  des  objets  de  mode 
et  de  fantaisie,  des  livres  enfin  dont  nous  avons  le  monopole 
exclusif.  Cette  absorption  de  toutes  les  littératures  par  la 
littérature  française  est  un  fait  assez  curieux  ;  en  Espagne, 
en  Amérique,  en  Angleterre  même,  les  journaux  publient  des 
traductions  de  nos  romans,  et  les  théâtres  des  pièces  imitées 
des  nôtres  ;  Paris  est  bien  décidément  l'Athènes  du  monde 
moderne,  le  grand  producteur  littéraire  et  artistique  qui  tra- 
vaille pour  le  monde  entier. 

L'exposition  de  la  Nouvelle-Grenade  est  un  peu  plus  com- 
plète que  celle  du  Brésil;  comme  matières  premières,  nous 
avons  remarqué  de  la  nacre,  des  écailles,  différentes  espèces 
de  quinquina,  de  la  vanille,  du  café  ;  quelques  échantillons  de 
galène  et  quelques  minerais  de  cuivre  sont  les  seuls  produits 
minéraux  que  nous  envoie  cet  État. 

Parmi  les  objets  fabriqués  se  placent  en  première  ligne  ces 
fameux  tissus  de  paille  connus  dans  le  monde  entier;  les  cha- 
peaux de  Panama,  les  étuis  à  cigares  sont  tressés  avec  une 
finesse  et  une  légèreté  qui  expliquent  les  prix  élevés  aux- 
quels ils  arrivent  sur  les  marchés  européens. 

Le  Paraguay ,  si  longtemps  fermé  aux  étrangers,  semble 
vouloir  maintenant  lier  quelques  relations  avec  les  États 
européens.  Au-dessous  de  son  drapeau  et  de  son  écusson,  sur 
lequel  on  voit  un  lion  formidable,  on  rencontre  des  produits 
végétaux  assez  variés,  plusieurs  substances  médicinales  (sal- 
separeille, séné,  etc.),  du  tabac  et  du  coton. 

La  Bolivie,  le  Pérou,  le  Chili  sont  complètement  absents; 
de  Buenos-Aires,  nous  avons  reçu  une  collection  assez  com- 
plète de  minerais. 


EXAMN  COMPARATIF 

DES    PRODUITS 

DANS  L'ORDRE  DE  LA  CLASSIFICATION  OFFICIELLE 


SYSTÈME  DE  CLASSIFICATION. 

1"  Croupe  :  Industries  ayant  pour  nhjet  principal  l'extraction 
ou  la  production  des  matières  brutes.  —  V  classe  :  Art  des 
mines  et  métallurgie.  —  2*  classe  :  Art  forestier,  chasse,  pêche 
et  récoltes  des  produits  obtenus  sans  culture.  —  3*  classe  :  Agri- 
culture, y  compris  toutes  les  cultures  de  végétaux  et  d'animaux. 

2*  Groupe  :  Jndustries  ayant  spécialement  pour  objet  l'emploi 
des  forces  ^mécaniques  —  4'^  classe  :  Mécanique  cénérale  appli- 
quée à  l'industrie.  —  5^  classe  :  Mécanique  spéciale  et  matériel 
des  chemins  de  fer  et  des  autres  modes  de  transport.  —  6"  classe  : 
Mécanique  spéciale  et  matériel  des  ateliers  industriels.  — 
7*  classe.  Mécanique  spéciale  et  matériel  des  manufactures  de 
tissus. 

3*  Groupe  :  Industries  spécialement  fondées  sur  l'emploi  des 
agents  physiques  et  chimiques,  ou  se  rattachant  aux  sciences 
et  à  renseignement.  —  8*  classe  :  Arts  de  ])récision,  industries 
se  rattachant  aux  sciences  et  à  l'enseignement.  —  9*  classe  : 
Industries  concernant  l'emploi  économique  de  la  chaleur,  de 
la  lumière  et  de  l'électricité.  —  10"  classe  :  Arts  chimiques, 
teintures  et  impressions,  industries  des  papiers,  des  peaux,  du 
caoutchouc,  etc.  —  11*  classe  :  Préparation  et  conservation  des 
substances  alimentaires. 

4"  Groupe  :  Industries  se  rattachant  spécialement  aux  professions 
savantes.  —  12'' classe  :  Hygiène,  pharmacie,  médecine  et  chi- 
rurgie.— 13*  classe  :  Marine  et  art  militaire.  —  14*  classe  :  Con- 
structions civiles. 

5*  Groupe  :  Manufactures  de  produits  minéraux.  —  16*  classe  : 
Industrie  des  aciers  bruts  et  ouvrés,  —  16'  classe  :  Fabrication 
des  ouvrages  en  métaux,  d'un  travail  ordinaire.—  17*  classe  : 
Orfèvrerie,  bijouterie,  industrie  des  bronzes  d'art.  — 18* classe  : 
Industrie  de  la  verrerie  et  de  la  céramique. 

C*  Groupe  :  Manufactures  de  tissus.  —  19*  classe  :  Industrie  des 
cotons.  —  20*  classe  :  Industrie  des  laines.  —  21*  classe  :  In- 
dustrie des  soies.  —  22*  classe  :  Industrie  des  lins  et  des  chan- 
vres. —  23*  classe  :  Industrie  de  la  bonneterie,  des  tapis,  de  la 
passementerie,  de  la  broderie  et  des  dentelles. 

7*  Groupe  :  Ameublement  el  décoration,  modes,  dessin  industriel, 
imprimerie,  musique.  —  24*"  classe  :  Industries  concernant  l'a- 
meublement et  la  décoration.  —  25*  classe  :  Confection  des  ar- 
ticles de  vêtement,  fabrication  des  objets  de  mode  et  de  fantai- 
sie. —  26'"  classe  :  Dessin  et  plastique  appliqués  à  l'industrie, 
imprimerie  en  caractères  et  en  laille-douce,  photographie,  etc. 
27*  classe  :  Fabrication  des  instruments  de  musique. 


EXAMEN  COMPARATIF 

DES   PRODUITS 


PREMIÈRE   CLASSE. 

Art  des  mines  et  métallurgie. 

Le  but  que  nous  nous  proposons  dans  cette  noie  n'est  pas 
de  donner  une  description  détaillée  des  objets  exposés,  un 
catalogue  complet  de  tous  les  produits  relatifs  aux  industries 
des  mines  et  aux  arts  métallurgiques;  c'est  un  travail  qu'on 
ne  peut  faire  au  début  d'une  vaste  Exposition,  et  qui  nous  se- 
rait rendu  impossible  aus^i  bien  par  les  limites  que  nous  de- 
vons nous  imposer,  que  par  le  temps  qu'il  nécessiterait  ;  c'est 
donc  dans  un  autre  esprit  que  nous  offrons  ces  lignes  au 
public.  Le  développement  remarquable  de  l'industrie  à  notre 
époque,  répondant  à  des  besoins  toujours  nouveaux,  pousse 
toutes  les  branches  des  arts  dans  une  voie  de  progrès  rapides. 
Tous  ces  besoins  se  traduisent  clairement  par  la  nature  des 
perfectionnements  accomplis,  par  la  tendance  générale  de 
ceux  qu'on  recherche;  aussi  le  caractère  des  expositions 
subit-il  des  transformations  frappantes,  et  aucune  industrie, 
peut-être,  ne  porte  le  cachet  d'une  aussi  ardente  activité  que 
celle  dont  nous  allons  nous  occuper.  C'est  donc  le  carac- 
tère de  cette  Exposition  universelle  que  nous  allons  essayer 
d'esquisser,  en  otïrant  à  l'appui  les  exemples  les  plus  remar- 
quables qui  nous  ont  paru  le  déterminer.  Nous  croirons  avoir 
rendu  quelques  services  au  visiteur,  en  lui  mettant  en  main, 
pour  ainsi  dire,  un  fil  conducteur  qui  l'aidera  à  former  son 
jugement,  et  même  à  réparer  les  nombreux  oublis  que  nous 
ferons  certainement  dans  un  examen  si  rapide. 


17  i  VISITE 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  nous  arrêter  aux  nombreuses 
collections  minéralogiques  qui  figurent  à  l'Exposition^  les  pro- 
duits du  sol  de  presque  toutes  les  parties  du  monde  s'y  trou- 
vent représentés,  depuis  les  minerais  de  fer  les  plus  communs 
jusqu'aux  pépites  d'or  de  l'Australie  ;  mais  une  description  de 
cette  nature  n'offre  d'intérêt  qu'autant  qu'elle  est  fort  dé- 
taillée ;  nous  abandonnerons  donc  ces  collections  à  la  curiosité 
du  visiteur,  pour  arriver  tout  de  suite  à  des  questions  plus 
générales.  Nous  nous  occuperons  d'abord  des  travaux  relatifs 
à  l'exploitation  des  minçs. 


Exploitation  des  mmes. 

Le  premier  objet  qui  frappe  les  yeux  est  un  modèle  curieux 
de  l'exploitation  d'une  couche  des  mines  d'Anzin.  La  couche 
exploitée  est  inclinée  de  75  degrés  à  l'horizon  ;  le  système 
d'exploitation  s'appelle  méthode  des  gradins  renversés.  Voici 
en  quoi  il  consiste  : 

On  commence  par  foncer  en  dehors  de  la  couche  un  puits 
qu'on  prolonge  jusqu'à  une  Certaine  profondeur;  on  perce 
alors  une  galerie  dans  la  direction  de  la  couche,  bien  reconnue 
par  les  travaux  de  recherches  préparatoires,  et  on  l'arrête  à 
la  couche  elle-même.  Au  point  d'intersection  on  ouvre  dans 
la  couche  une  galerie  horizontale.  On  répète  exactement  le 
même  travail,  en  poussant  la  profondeur  du  puits  à  40  mètres 
plus  bas  ;  en  sorte  qu'au  moyen  d'une  nouvelle  galerie  hori- 
zontale, on  partage  la  couche  en  tranches  isolées  de  20  mètres 
de  hauteur,  soutenues  par  les  boisages  de  la  galerie  infé- 
rieure; on  réunit  ensuite  les  galeries  horizontales  par  des 
puits  perpendiculaires  percés  dans  la  couche  elle-même,  et  on 
établit  dans  un  de  ces  puits  un  plan  incliné  qui  doit  servir  à 
l'exploitation  de  la  portion  de  couche  séparée.  Ces  plans  in- 
clinés se  composent  simplement  d'un  wagon  attaché  au  moyen 
d'une  corde  passant  sur  une  poulie,  et  dont  l'autre  extrémité 
est  fixée  à  un  contre-poids  assez  lourd  pour  faire  remonter  le 
wagon  vide  à  la  partie  supérieure  du  puits,  mais  qui  est  en- 
traîné lui-même,  lorsque  le  wagon  est  chargé  de  houille.  Les 
ouvriers  s'échelonnent  alors  sur  la  face  latérale  de  la  couche; 
le  premier  enlevant  au  moyen  de  pics  le  coin  inférieur,  jus- 


A   l'exposition    IINIVEHSELLE.  ilo 

qu'à  une  profondeur  de  4  mètres  environ  et  sur  une  hauteur 
de  2  mètres.  La  houille,  ainsi  abattue,  est  jetée  dans  la  galerie 
inférieure  et  enlevée  comme  nous  le  dirons  plus  loin.  L'ouvrier 
placé  immédiatement  au-dessus  de  lui  attaque  ensuite  la  sur- 
face qui  lui  est  opposée  et  enlève  une  autre  tranche  de  houille  de 
i  mètres  de  longueur,  sur  2  mètres  de  hauteur,  pendant  que 
le  premier  ouvrier  abat  lui-même  une  autre  tranche  de  mêmes 
dimensions.  Le  travail  continue  ainsi,  les  ouvriers  s'échelon- 
nant  les  uns  au-dessus  des  autres,  de  manière  que  le  front  de 
la  portion  de  couche  enlevée,  présente,  à  peu  près,  l'aspect  de 
gradins  renversés,  d'où  cette  méthode  d'exploitation  tire  son 
nom.  A  mesure  que  ces  ouvriers  avancent,  ils  placent  der- 
rière eux  un  boisage,  composé  de  pièces  de  bois  debout,  serré 
fortement  au  moyen  de  cales  contre  les  deux  parois  du  ter- 
rain, et  destinés  à  en  prévenir  l'éboulement.  Un  plancher  est 
placé  sur  ces  bois  et  sert  au  roulage  de  la  houille  jusqu'au 
\vagon  du  plan  incliné  qui  la  descend  dans  la  galerie  infé- 
rieure. On  ne  peut,  en  effet,  l'y  jeter  directement  sous  peine 
de  la  réduire  en  morceaux  trop  menus,  ce  qui  diminue  consi- 
dérablement sa  valeur  commerciale. 

C'est  donc  dans  cette  galerie  inférieure  que  se  rend  en  défi- 
nitive la  houille  dont  se  compose  la  couche,  sur  une  hauteur 
d'environ  20  mètres;  il  faut  de  là  la  transporter  au  puits 
d'extraction,  par  lequel  elle  devra  être  montée  au  jour.  Le 
roulage,  dans  cette  galerie,  se  fait  au  moyen  de  chevaux;  ils 
traînent  des  trains  de  petits  wagons  de  la  contenance  de 
5  hectolitres  chacun. 

Quelque  extraordinaire  que  puisse  paraître  aux  personnes 
étrangères  à  cette  industrie  ce  travail  si  dangereux  et  si  inté- 
ressant du  mineur,  il  ne  faut  pas  croire  que  toutes  les  couches 
des  mines  d'Anzin  soient  d'une  exploitation  aussi  facile  que 
celle-ci.  Les  couches  du  bassin  du  nord  sont  beaucoup  moins 
épaisses  que  celles  du  bassin  du  centre  de  la  France.  Il  y  a 
des  couches  exploitées  dans  le  nord  qui  n'ont  pas  0'"  ,60  d'épais- 
seur; l'inclinaison  de  quelques-unes  de  ces  couches  est  voi- 
sine de  l'horizontale.  Comme  il  importe  de  n'enlever  que  la 
plus  petite  quantité  possible  de  terrain  sans  valeur,  elles 
sont  exploitées  sur  une  faible  épaisseur  ;  le  mineur  se  glisse 
entre  les  deux  parois  du  terrain  qui  renfermait  la  houille,  et 
l'abat  en  travaillant  couché;  le  nom  de  ce  mode  d'exploitation 


170  VISITE 

en  peint  mieux  la  difticulté  que  nous  ne  pouriions  le  faire  :  il 
s'appelle  abatage  à  col  tordu. 

Lorsque  le  minerai  est  amené  à  la  partie  inférieure  du 
puits,  il  faut  l'enlever  jusqu'au  jour,  et  celte  partie  de  l'exploi- 
tation est  une  des  plus  intéressantes  et  de  celles  qui,  dans  ces 
dernières  années,  a  reçu  les  perfectionnements  les  plus  ingé- 
nieux et  les  plus  féconds;  nous  devons  appeler  l'attenlion 
sur  ce  point,  car  l'Exposition  de  1855  est  elle-même  très-re- 
marquable sous  ce  rapport. 


Extraction. 

Pendant  longtemps  le  seul  mode  d'élévation  du  minerai 
consistait  en  une  espèce  de  tonneaux  appelés  bennes  ou  ciiffals, 
dont  la  forme  et  la  capacité  variaient  suivant  les  usages,  et 
dans  lesquels  on  versait  le  contenu  des  wagons  qui  servaient 
au  roulage  dans  la  mine.  Ces  cuffats  étaient  ensuite  enlevés  au 
moyen  d'espèces  de  treuils  ou  bobines,  mues  par  une  machine, 
jusqu'à  l'orifice  du  puits  où  ils  étaient  vidés,  la  houille  étant 
ensuite  transportée  au  dépôt  au  moyen  de  wagons  ordinaires. 
Ce  procédé,  encore  usité  dans  un  très-grand  nombre  de 
mines,  présente  beaucoup  d'inconvénients,  La  manœuvre  du 
chargement  de  ces  cutfats  est  longue,  et  cause  un  certain 
déchet  résultant  du  bris  de  la  houille  lors  du  transvasement. 
Ces  cufïats  ne  peuvent  être  remontés  qu'à  une  vitesse  d'en- 
viron V^SO  par  seconde,  ou  2  mètres  au  plus;  au  delà,  on 
s'exposerait  à  les  faire  choquer  violemment  contre  les  parois 
du  puits,  à  rompre  le  câble,  et,  par  suite,  aux  plus  graves  ac- 
cidents. 

D'un  autre  côté,  le  percement  d'un  puits  est  une  opération 
souvent  fort  difficile  et  qui  absorbe  de  grands  capitaux  ;  on 
conçoit  donc  qu'il  soit  de  la  plus  haute  importance  de  perfec- 
tionner les  moyens  d'extraction,  de  manière  à  faire  produire  à 
un  puits,  dans  un  temps  donné,  la  plus  grande  quantité  de 
minerais  possible. 

Dans  les  exploitations  au  moyen  des  cuffats  les  mieux 
installés,  au  grand  Hornu  (Belgique),  par  exemple,  où  Ton 
em[)loie  des  cuffats  contenant  21  hectolitres,  avec  une  vitesse 
ascensionnelle  de  2  mètres  par  seconde,  on  peut  enlever  au 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  177 

maximum  300  à  350  cuffats,  dans  une  journée  de  douze  heures, 
ce  qui  porte  la  quantité  maximum  de  houille  extraite  par  jour 
à  7000  hectolitres  environ.  En  moyenne,  il  faut  réduire  ce 
chiffre  à  4  ou  6000  hectolitres. 

Un  progrès  immense  apporté  à  cet  état  de  choses  fut  l'in- 
vention des  cages.  Cette  méthode  d'extraction,  appliquée 
depuis  longtemps  en  Angleterre  aux  mines  de  Newcaslle, 
importée  depuis  quatre  ou  cinq  ans  en  Belgique,  et  plus  ré- 
cemment en  France,  est  représentée  dans  le  modèle  exposé 
par  la  compagnie  d'Anzin. 

Ces  cages  consistent  en  un  châssis  en  fer  à  deux  étages, 
attaché  au  câble  du  treuil  et  guidé  au  moyen  de  glissières  et 
de  deux  grands  madriers  placés  dans  toute  la  hauteur  du 
puits,  contre  la  paroi.  Les  wagons  arrivant  du  chantier  même 
où  travaille  le  mineur,  amenés  au  bord  du  puits  par  les  che- 
vaux, sont  poussés  dans  la  cage  qui  en  contient  ainsi  quatre. 
On  supprime  donc  le  transvasement  dans  la  benne;  de  plus, 
la  vitesse  de  ces  cages,  ainsi  guidées,  peut  être,  avec  toute 
sécurité,  portée  à  3  mètres  par  seconde  et  même  plus;  les 
wagons  arrivés  au  jour  sont  poussés  à  l'extrémité  de  la  plate- 
forme qui  règne  à  l'orifice  du  puits,  et  de  là,  versés  dans 
d'autres  wagons  qui  emmènent  la  houille  au  dépôt;  celle-ci, 
depuis  le  chantier  d'abatage  jusqu'au  dépôt,  n'a  donc  subi 
qu'un  seul  transvasement.  La  durée  d'une  ascension  est  ainsi 
réduite  de  plus  d'un  tiers,  en  sorte  qu'un  puits  qui,  exploité 
par  la  méthode  des  cufîats^  ne  pouvait  fournir  que  7000  hecto- 
litres en  une  journée  de  douze  heures,  produira  facilement 
9  ou  10  000  hectolitres  par  le  fait  de  l'application  des  cages. 
Il  y  a  en  Angleterre  des  puits  ainsi  exploités,  dont  la  pro- 
duction journalière  est  de  12  000  hectolitres.  On  conçoit  sans 
peine  l'influence  que  doit  avoir  cet  ingénieux  perfectionne- 
ment sur  le  prix  de  la  houille  extraite. 

La  rupture  du  câble  qui  sert  à  enlever  les  cages  est  évi- 
demment un  accident  qui  peut  avoir  de  terribles  conséquen- 
ces ;  les  ouvriers  sont  descendus  dans  la  mine  et  remontés 
après  leur  travail,  soit  dans  la  benne,  soit  dans  les  cages  elles- 
mêmes.  Tout  le  monde  a  présent  à  la  mémoire  le  souvenir  de 
quelques-uns  de  ces  accidents  funestes ,  qui  ont  souvent 
coûté  la  vie  à  plusieurs  hommes  à  la  fois;  c'est  un  danger  que 
toute  la  prévoyance  possible  ne  saurait  entièrement  écarter, 
206  / 


178  VISITE 

La  mine  de  Decize  expose  un  appareil  ingénieux  dont  le 
but  est  de  prévenir  les  conséquences  de  la  rupture  d'un  cable; 
cet  appareil  consiste  en  deux  barres  de  fer  croisées,  dont 
l'extrémité  inférieure  est  taillée  en  biseau,  et  dont  la  partie 
supérieure  est  armée  d  un  contre-poids,  en  sorte  qu'il  pré- 
sente absolument  l'apparence  d'une  paire  de  ciseaux  entr'ou- 
verte;  cet  appareil  est  interposé  entre  le  câble  et  la  cage  ,  de 
manière  qu'il  conserve  sa  position  tant  que  le  câble  est  tendu; 
mais  si  ce  dernier  vient  à  casser,  les  deux  contre-poids  sont 
lâchés  et  les  branches  des  ciseaux  s'ouvrent  et  viennent  pé- 
nétrer dans  le  bois  des  glissières  qui  servent  à  guider  la  cage, 
en  l'arrêtant  ainsi  dans  sa  chute;  cet  appareil  est  ingénieux, 
simple,  et  nous  paraît  devoir  bien  fonctionner. 

Les  cages  ne  sont  pas  le  dernier  mot  des  progrès  de  l'exploi- 
tation des  mines;  nous  avons  encore  à  parler  d'un  modèle 
exposé  par  M.  Varoquié,  de  Mariemont,  en  Belgique ,  qui 
représente  une  méthode  nouvelle,  digne  du  plus  haut  intérêt, 
La  première  idée  de  ce  système  d'extraction  est  reproduite 
dans  un  modèle  représentant  la  coupe  d'un  puits  avec  un 
appareil  spécialement  destiné  à  la  descente  et  à  la  remonte 
des  ouvriers. 

Nous  avons  dit  que  dans  les  mines  exploitées  au  moyen  de 
bennes ,  la  descente  et  la  remonte  des  mineurs  se  fait  au 
moyen  de  ces  bennes,  et  pour  les  mines  contenant  seulement 
une  centaine  d'ouvriers,  la  longueur  de  cette  opération  para- 
lyse pour  un  temps  considérable  le  travail  d'extraction  du 
puits.  C'est  pour  obvier  à  cet  inconvénient  que  M.  Varoquié  a 
imaginé  la  disposition  dont  nous  parlons  ;  elle  consiste  en 
deux  grandes  tiges  de  bois,  descendant  jusqu'au  fond  même 
du  puits  et  portant  une  série  de  plateaux  tous  séparés  par  la 
même  distance  de  6  mètres.  Lorsque  la  machine  est  au  repos, 
les  plateaux  se  correspondent  tous  ;  lorsqu'on  la  met  en  mouve- 
ment, une  disposition  particulière  communique  aux  deux 
tiges  un  mouvement  allernatif  régulier  d'ascension  et  de  des- 
cente dont  l'amplitude  est  exactement  égale  à  la  distance  de 
deux  plateaux  ;  si  maintenant,  un  ouvrier  veut  descendre,  il 
se  place  sur  le  plateau  fixé  à  la  tige  qui  va  s'abaisser;  il  des- 
cend avec  elle  de  la  distance  d'un  plateau  ,  et  se  trouve  ainsi 
porté  en  face  du  second  plateau  de  l'autre  tige.  Pendant  un 
temps  d'arrêt  do  trois  secondes  qui  so  produit  alors,  il  passe 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  179 

sur  ce  plateau,  fixé  à  la  tige  qui  va  descendre  à  son  tour,  tandis 
que  l'autre  remonte;  il  se  trouve  alors  arrivé  en  face  du  troi- 
sième plateau  de  la  première  tige ,  sur  lequel  il  passe  et  ainsi 
de  suite,  en  sorte  qu'à  chaque  mouvement  des  tiges  il  descend 
de  6  mètres.  On  voit  alors  avec  quelle  rapidité  se  fait  l'opé- 
ration de  la  descente  ou  de  la  remonte  des  mineurs,  puisque 
si  on  suppose  un  homme  placé  sur  chaque  plateau,  la  machine 
conduira  au  fond  de  la  mine  ou  au  jour  un  homme  toutes  les 
vingt-cinq  secondes  à  peu  près,  et  de  plus,  les  plateaux  peu- 
vent facilement  en  contenir  deux  ou  trois  à  la  fois.  La  ma- 
chine de  M.  Varoquié  peut  ainsi  descendre  ou  remonter  cent 
soixante  mineurs  dans  l'espace  d'une  heure  dans  un  puits  de 
200  mètres  de  profondeur. 

Le  deuxième  modèle  qui  est  accolé  à  celui-ci  représente  une 
machine  basée  absolument  sur  le  même  principe,  mais  adap- 
tée à  la  descente  et  à  la  remonte  des  wagons.  Il  suffit  pour 
opérer  la  transformation  de  remplacer  les  plateaux  par  un 
appareil  de  leviers  à  contre-poids  qui,  lorsque  le  wagon  vient 
se  présenter  devant  eux  par  suite  du  mouvement  alternatif 
des  tiges,  s'empare  de  ce  wagon  et  le  transporte  jusqu'au 
plateau  suivant. 

On  se  figure  aisément  la  puissance  immense  de  production 
qu'offrirait  un  puits  exploité  par  un  sembable  procédé,  puis- 
qu'à  la  rigueur,  celte  machine,  une  fois  mise  en  fonctionne- 
ment régulier,  pourrait  amener  au  jour  un  wagon  toutes  les 
vingt  ou  vingt-cinq  secondes.  Malheureusement  cet  appareil 
n'est  pas  encore  exécuté,  et  ce  modèle  n'est  que  la  repro- 
duction d'un  projet. 

Deux  exposants  français,  MM.  Degousée  et  Mulot,  représen- 
tent l'industrie  des  sondages,  avec  tous  les  instruments  qui 
servent  à  ces  travaux  difficiles,  tels  que  tarières,  clefs  pour 
enlever  les  sondes  et  outils  cassés,  etc.  M.  Degousée  a  exposé 
un  modèle  intéressant  du  montage  complet  d'une  sonde,  avec 
le  treuil  autour  duquel  s'enroule  la  chaîne  qui  sert  à  donner 
à  la  sonde  un  mouvement  alternatif  et  la  machine  motrice  ; 
quelques  nouveaux  perfectionnements  ont  été  encore  apportés 
par  MM.  Degousée  et  Laurent  aux  méthodes  et  aux  instru- 
ments de  sondage  qui  leur  sont  déjà  redevables  de  tant  de 
progrès. 

Une  des  plus  graves  difficultés  de  ces  opérations,  lorsque  le 


180  VISITE 

sondage  pénètre  à  une  grande  profondeur,  est  le  poids  con- 
sidérable des  tiges ,  qui  se  brisent  souvent  en  retombant 
an  fond  du  trou  de  sonde  lorsqu'on  effectue  le  battage;  on  a 
obvié  depuis  longtemps  à  cet  inconvénient  en  interposant 
entre  les  dernières  tiges  de  sonde  et  les  tiges  supérieures  une 
coulisse  qu'on  appelle  du  nom  de  son  inventeur,  coulisse 
d'iEynhausen,  disposée  de  telle  sorte  que  le  battage  est  effec- 
tué seulement  par  quelques  tiges,  les  tiges  supérieures  se 
trouvant  équilibrées  au  moyen  d'un  contre-poids.  Dans  la 
disposition  présentée  par  M.  Degousée,  l'outil  retombe  seul  et 
la  tige  entière  est  équilibrée. 

Les  Chinois  ont,  depuis  longtemps,  imaginé  un  mode  de 
sondage  fort  élémentaire  qui  consiste  à  percer  le  trou  au 
moyen  d'un  outil  qu'on  soulève  et  qu'on  laisse  retomber 
alternativement  au  moyen  d'une  corde.  Ce  procédé  est  peu 
employé  en  Europe  pour  plusieurs  raisons  ;  d'abord  il  est  dif- 
ficile de  maintenir  la  verticalité  du  trou  de  sonde,  l'outil 
n'étant  pas  guidé  d'une  manière  rigide,  comme  avec  les  tiges 
métalliques;  de  plus,  on  ne  peut  effectuer  le  rodage,  opéra- 
tion qui  consiste  à  arrondir  le  trou  de  sonde  en  communi- 
quant à  Toutil  un  mouvement  de  rotation  au  moyen  des  tiges. 
M.  Degousée  a  remédié  au  premier  de  ces  inconvénients,  en 
employant  simplement  un  outil  plus  long;  au  second,  en  fai- 
sant passer  la  corde  dans  un  tube  qui  ne  sert  à  rien  pour  le 
battage,  mais  qui  permet  de  roder.  Il  exécute  en  ce  moment 
avec  succès,  d'après  cette  méthode,  un  sondage  déjà  parvenu 
à  4oO  mètres. 

M.  Mulot  expose  un  appareil  dont  le  but  est  de  forer, 
comme  un  trou  de  sonde,  un  puits  de  mine  de  4  mètres  de 
diamètre;  mais  ce  procédé,  appliqué  au  foncement  d'une 
avaleresse  dans  le  Nord ,  paraît  avoir  échoué  devant  la  grave 
difficulté  des  niveaux. 


Aérage  et  éclairage  des  mines. 

Le:=î  vastes  excavations,  les  nombreuses  galeries  souterraines 
qui  composent  une  mine  en  exploitation  ne  tarderaient  pas 
à  contenir  un  air  impropre  à  la  respiration  ,  si  on  ne  prenait 
soin  de  le  renouveler  par  des  moyens  artificiels.  La  profon- 


A  L'EXPOSITION    LiNlVEUSELLE.  181 

deur  à  laquelle  ces  travaux  parviennent  et  leur  disposition  gé- 
nérale ne  permettent,  en  effet,  l'établissement  d'aucun  courant 
d'air  naturel,  si  ce  n'est  dans  des  cas  tout  à  fait  exceptionnels; 
tandis  que  la  respiration  et  surtout  l'exhalaison  des  gaz  mé- 
phitiques et  souvent  même  inflammables,  provoquée  par  Ta- 
balage  des  parois  du  minerai,  tendent  à  vicier  rapidement 
l'atmosphère  de  ces  galeries. 

Il  est  donc  nécessaire  de  pourvoir  à  l'aérage  des  galeries  de 
mine  par  l'emploi  de  moyens  mécaniques.  On  se  sert,  à  cet 
effet  de  foyers  d'aérage  et  de  machines  soufflantes  ou  aspi- 
rantes. Les  foyers  d'aérage  se  placent  dans  des  puits  qui 
agissent  alors  absolument  comme  des  cheminées  ordinaires. 
L'écoulement  de  l'air  est  déterminé  par  la  diminution  de 
densité  de  la  colonne  d'air  du  puits  .  résultant  de  l'élévation 
de  la  température. 

Quant  aux  machines  soufflantes,  il  en  existe  une  très- 
grande  variété.  Ces  machines  agissent  généralement  par  aspi- 
ration. Il  existe  à  l'Exposition  plusieurs  ventilateurs  :  l'un 
vient  des  mines  de  Blanzy  et  consiste  en  un  ventilateur  à 
ailes  métalliques  en  hélice,  mis  en  mouvement  par  une  m£- 
chine  directe,  dont  la  disposition  est  ingénieuse;  l'autre  est  le 
ventilateur  Fabri,  appliqué  déjà  en  Belgique,  depuis  environ 
quatre  ans,  à  la  mine  de  Saint-Pierre.  Ce  ventilateur  se  com- 
pose de  deux  arbres  munis  d'espèces  de  grandes  dents  d'en- 
grenage; ces  deux  arbres  sont  animés  de  mouvement  en  sens 
contraires  au  moyen  de  deux  manivelles  et  bielles  attachées  à 
la  tige  du  piston  d'une  machine  verticale,  par  le  moyen  d'ure 
traverse;  la  longueur  des  dents  et  leur  forme  sont  combinée  s 
de  façon  que  deux  d'entre  elles  soient  toujours  en  contact;  il 
s'ensuit  que  les  deux  dents  suivantes,  avec  le  coursier  dans 
lequel  se  meut  le  ventilateur,  forment  une  espèce  de  caisi^e 
fermée,  au  fond  de  laquelle  aboutit  l'orifice  du  puits,  et  dont 
la  capacité  s'agrandit  à  mesure  que  les  dents  s'éloignent.  Il  y 
a  donc  aspiration  de  l'air  du  puits  qui  est  projeté  au  dehois 
sur  tout  le  contour  du  coursier.  C'est  une  machine  excellente 
et  dont  l'effet  utile  est  considérable.  Le  ventilateur  de  M.  Fa- 
bri et  celui  de  M.  Lemielle,  de  Valenciennes,  rivalisent  en 
Belgique  par  leurs  bons  effets. 

La  présence  de  gaz  inflammables  dans  les  mines  de  houille 
est  une  des  causes  de  danger  les  plus  redoutables  qu'on  ren- 


18^  VISITE 

contre  dans  l'exploitation.  Il  n'est  personne  qui  n'ait  entendu 
parler  d'un  certain  nombre  d'accidents  terribles  causés  par 
\e  grisou,  et  qui,  surtout  autrefois,  prenaient  souvent  la  pro- 
portion d'un  véritable  désastre. 

Le  grisou,  ou  hydrogène  protocarboné,  est  un  gaz  qui  se 
produit  par  la  décomposition  spontanée  des  matières  végé- 
tales. Les  cavités  que  renferment  les  couches  de  houille  en 
sont  donc  souvent  remplies,  et  lorsque  le  pic  du  mineur  vient 
les  ouvrir,  le  gaz,s'échappant  par  l'issue  qui  lui  est  offerte,  se 
répand  dans  les  galeries,  se  mélange  à  l'air  qu'elles  renfer- 
ment, et  souvent  dans  des  proportions  telles,  que  le  contact 
d'une  lampe  allumée  détermine  une  explosion   formidable. 

Avant  l'admirable  invention  de  Davy,  aucun  moyen  efficace 
n'était  connu  pour  se  préserver  de  ce  danger.  Les  seules 
précautions  en  usage  consistaient  en  un  aérage  qui  entraînait 
le  gaz  à  mesure  qu'il  se  répandait  dans  les  galeries  et  empê- 
■chait  le  mélange  d'air  d'atteindre  la  proportion  à  laquelle 
l'explosion  devient  à  craindre.  Quelquefois  aussi  on  allumait 
le  gaz  partout  où  il  se  produisait,  et  en  le  brûlant  ainsi  à 
mesure,  on  en  prévenait  l'accumulation;  mais  il  est  inutile  de 
dire  que  l'on  ne  devait  pas  avoir  une  confiance  complète  dans 
ces  moyens  insuffisants,  et  que  de  graves  accidents  continuè- 
rent à  le  prouver  de  temps  à  autre. 

La  lampe  de  Davy  fut  le  premier  préservateur  imaginé  con- 
tre ce  fléau,  et  les  services  qu'elle  rendit  peuvent  être  mesu- 
rés à  l'élan  de  reconnaissance  qu'elle  souleva  chez  les  mineurs 
anglais  et  aux  marques  éclatantes  qu'ils  en  donnèrent  à  son 
auteur.  Le  principe  de  cette  lampe  est  très-simple;  il  est 
fondé  sur  la  propriété  que  possèdent  les  toiles  métalliques 
d'éteindre  les  gaz  en  combustion  qui  les  traversent;  ainsi,  si 
on  pose  une  toile  métallique  au-dessus  de  la  flamme  d'une 
bougie,  en  la  rapprochant  de  la  mèche,  le  métal  prenant  aux 
gaz  dégagés  la  chaleur  nécessaire  à  leur  combustion,  à  la  fa- 
veur de  sa  grande  conductibilité,  on  voit  ces  gaz  s'éteindre, 
et  il  ne  passe  plus  au-dessus  de  la  toile  que  de  la  fumée. 
Davy  eut  l'idée  de  construire  une  lampe  dont  la  flamme,  ainsi 
que  toutes  les  issues  par  lesquelles  l'air  nécessaire  à  la  com- 
bustion peut  entrer  ou  les  produits  de  la  combustion  sortir, 
soit  complètement  enveloppée  de  toiles  métalliques ,  qui  em- 
pêchent par  conséquent  la  flamme  de  la  lampe  d'allumer 


A   LKXPOSlTlOiN   UNIVERSELLE.  183 

Je  mélange  combustible  dont  peut  alors  se  composer  impu- 
nément l'atmosphère  ambiante.  L'usage  de  ces  lampes,  immé- 
diatement répandu  dans  toutes  les  mines  où  le  grisou  exis- 
tait,  a  considérablement  réduit  le  nombre  des  accidents 
auxquels  il  donnait  lieu.  Il  n'est  pourtant  pas  prudent  de 
séjourner  avec  cette  lampe  dans  des  galeries  dont  l'air  con- 
stitue un  mélange  explosif,  ce  qui  arrive  lorsque  la  proportion 
du  gaz  est  à  celle  de  l'air  dans  le  rapport  de  un  à  douze 
environ;  on  voit  alors  la  flamme  de  la  lampe  s'allonger, 
prendre  une  teinte  bleuâtre,  et  le  mineur  averti  doit  se  re- 
tirer en  tenant  sa  lampe  très-bas,  car  le  grisou  dont  la  pe- 
santeur spécifique  est  à  peu  près  la  moitié  de  celle  de  l'air, 
tend  toujours  à  se  concentrer  dans  la  partie  supérieure  des 
galeries. 

La  lampe  de  Davy  fait  partie  de  l'exposition  des  mines 
d'Anzin,  à  côté  d'un  certain  nombre  de  lampes  qui  recher- 
chent toutes  le  même  perfectionnement.  Le  modèle  primitif  de 
la  lampe  de  Davy  a  en  effet  un  inconvénient  grave  pour  les 
mineurs,  dont  le  travail  est  généralement  payé  à  la  lâche, 
et  qui  par  conséquent  attachent  une  grande  importance  à  élre 
bien  éclairés  :  c'est  de  ne  donner  que  peu  de  lumière.  Du- 
ménil,  Mueseler  et  d'autres  inventeurs  ont  cherché  à  la  ren- 
dre plus  éclairante;  mais  le  prix  et  le  poids  en  sont  toujours 
augmentés  en  même  temps.  On  verra  dans  l'Exposition  un 
assez  grand  nombre  de  ces  modifications. 


Préparation  mécanique  des  combustibles.  —  Lavage. 

La  houille  est  généralement  mélangée  de  schistes,  de  pyrites 
composés  de  sulfures  et  arséniures  métalliques,  et  de  quelques 
autres  corps  étrangers  qui,  suivant  les  applications  auxquelles 
on  la  destine ,  peuvent  être  fort  nuisibles;  ainsi,  dans  les 
traitements  métallurgiques,  la  présence  du  soufre  altère 
considérablement  la  qualité  du  fer  obtenu  ;  si  elle  doit  être 
convertie  en  coke  pour  l'usage  des  chemins  de  fer,  comme  il 
est  de  la  plus  grande  importance  de  n'employer  pour  les 
machines  locomotives  que  des  combustibles  possédant,  sous 
un  volume  donné,  la  plus  grande  chaleur  spécifique  possible, 
il  est  fort  intéressant  de  débarrasser  la  houille  de  tous  ces 


184  VISITE 

corps  étrangers  qui,  d'ailleurs,  dans  ce  dernier  cas,  produisent 
en  se  brûlant  des  g.iz  nuisibles  à  la  conservation  des  foyers 
et  des  tubes  des  chaudières.  On  peut  obtenir  des  houilles 
presque  complètement  pures,  au  moyen  d'une  opération  qu'on 
appelle  le  lauafje  et  qu'on  fait  actuellement  subir  à  la  presque 
totalité  des  houilles  qui  sont  transformées  en  coke  pour  l'usage 
des  chemins  de  fer. 

Le  principe  de  cette  opération  est  basé  sur  ce  fait,  bien 
simple  à  concevoir,  que  si  on  entraîne  dans  un  courant  d'eau 
deux  corps  de  densités  différentes,  le  plus  lourd  se  déposera 
le  premier  et  sera  ainsi  séparé  de  l'autre.  Or,  les  schistes 
argileux  et  les  pyrites  qui  sont  mêlés  à  la  houille  ont  une 
densité  notablement  supérieure  à  la  sienne  ;  il  s'ensuit  qu'en 
opérant  sur  de  la  houille  réduite  en  morceaux  de  petite 
grosseur,  et  en  la  jetant  dans  un  caniveau  dans  lequel  on 
fait  couler  de  l'eau,  les  schistes  ^e  déposeront  à  l'origine  du 
conduit,  et  la  houille  pure  pourra  être  recueillie  à  l'autre 
extrémité.  C'est  ce  qu'on  appelle  le  lavage  au  moyen  des 
tables  allemandes.  En  Belgique  ,  on  emploie  aussi  d'autres 
appareils;  ce  sont  les  caisses  à  piston  ;  ces  caisses  se  compo- 
sent d'une  sorte  d'auge  en  bois  contenant  de  l'eau  et  commu- 
niquant à  la  partie  inférieure  avec  un  cylindre  également  en 
bois,  dans  lequel  se  trouve  un  piston  auquel  on  donne  un 
mouvement  alternatif  de  bas  en  haut  et  de  haut  en  bas,  qui 
se  communique  naturellement  à  l'eau  contenue  dans  l'auge. 
Dans  cette  auge,  se  trouve  une  grille  inclinée  sur  laquelle  on 
jette  la  houille  en  petits  fragments;  le  mouvement  de  l'eau 
soulève  toute  la  masse  à  chaque  coup  de  piston,  et  les  corps 
se  placent  alors  par  ordre  de  densité,  les  schistes  sur  la  grille 
et  la  houille  à  la  partie  supérieure.  M.  Cérard  expose  un 
appareil  fondé  sur  ce  dernier  principe;  c'est  une  machine 
complète  et  ingénieuse,  mais  qui  n'est  peut-être  pas  assez 
simple  pour  le  travail  un  peu  grossier  qu'elle  doit  effectuer, 
et  nous  ne  sachons  pas  que  les  résultats  industriels  en  soient 
encore  bien  établis. 

Ces  méthodes  de  lavage  sont  applicables  à  toute  espèce  de 
minerais  que  l'on  veut  séparer  de  leur  gangue,  c'est-à-dire 
des  corps  étrangers  qui  contiennent  le  minerai  et  qu'on  est 
contraint  d'abattre  en  même  temps  dans  la  mine  ;  dans  ce 
cas ,  il  faut  préalablement  soumettre  le  minerai  à  l'action 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE,  iSo 

mécanique  de  pilons  qu'on  nomme  bocards ,  afin  de  les 
réduire  en  petits  fragments. 

Nous  devons  aussi  dire  quelques  mots  d'une  industrie  qui 
n'est  pas  très-ancienne,  c'est  celle  des  houilles  agglomérées. 

L'exploitation  d'une  mine  produit  toujours  une  quantité 
plus  ou  moins  considérable  de  menu,  c'est-à-dire  de  houille 
réduite  en  très-petits  morceaux  dont  la  valeur  commerciale 
est  très-faible.  On  a  imaginé  d'utiliser  ces  menus ,  en  les  pu- 
rifiant d'abord  au  moyen  d'un  lavage  et  en  fabriquant  des 
espèces  de  briques  à  l'aide  d'un  corps  agglutinant,  tel  que  des 
résidus  de  goudrons  ou  de  schistes  très-bitumineux;  on  est 
arrivé  à  produire  ainsi  un  excellent  combustible  et  à  utiliser 
ces  produits  sans  valeur  dont  les  mines  de  houille  se  trou- 
vaient encombrées  et  qu'on  était  pourtant  forcé  d'extraire, 
caries  houilles  menues  sont  sujettes,  lorsqu'elles  sont  laissées 
en  tas  au  contact  de  l'air,  à  entrer  dans  une  sorte  de  fermen- 
tation à  la  suite  de  laquelle  leur  température  s'élève  assez 
pour  qu'elles  arrivent  à  s'enflammer  spontanément.  L'aban- 
don de  ces  houilles  menues  dans  une  mine  déterminerait 
donc  des  incendies  souvent  impossibles  à  éteindre.  La  mine 
de  Blanzy,  et  quelques  autres  du  département  de  la  Loire, 
exposent  des  produits  de  ce  genre  fort  intéressants. 

Métallurgie  du  fer.  —  Fonte, 

Le  fer,  ce  métal  dont  les  propriétés  sont  si  précieuses,  et 
les  usages  industriels  si  nombreux,  se  trouve  très-répandu 
dans  la  nature.  On  sait  que  le  fer  à  l'état  natif  n'est  qu'une 
rare  exception  qui  n'appartient  même  pas,  pour  ainsi  dire, 
à  la  constitution  minéralogique  du  globe.  On  peut  donc  dire 
que,  sauf  des  cas  tout  à  fait  exceptionnels,  nous  ne  trouvons 
le  fer  qu'à  l'état  de  combinaison ,  principalement  avec  l'oxy- 
gène ,  le  soufre,  l'arsenic,  le  phosphore,  etc.,  et  souvent 
sous  forme  de  sels,  comme  le  fer  carbonate.  Tous  ces  mine- 
rais ne  sont  pas  également  propres  à  la  production  du  fer  ;  la 
présence  du  soufre,  du  phosphore,  de  l'arsenic,  altère  pro- 
fondément les  qualités  du  métal,  et  la  difficulté  qu'on  trouve 
à  séparer  ces  corps  force  à  rejeter  comme  inutiles  une  immense 
quantité  de  ces  minerais.  On  ne  peut,  en  effet,  considérer 
comme  minerais  de  fer  proprement  dits  que  les  oxydes,  qui 


180  VISITE 

comprennent,  du  reste,  un  assez  grand  nombre  de  variétés, 
telles  que  l'oxydule  de  fer,  le  fer  oligiste,  les  hématites 
rouges,  jaunes  et  brunes,  et  les  carbonates  qu'on  trouve  cris- 
tallisés ,  c'est  alors  le  fer  carbonate  spathique ,  ou  à  l'état 
amorphe,  c'est  le  fer  carbonate  des  houillères  ;  ce  dernier  mi- 
nerai se  trouve,  en  effet,  dans  certaines  mines,  alternant 
avec  des  couches  de  houille. 

Les  préparations  mécaniques  qu'on  fait  subir  aux  minerais, 
pour  les  rendre  propres  au  traitement  métallurgique,  dépen- 
dent beaucoup  de  leur  nature  ;  mais  elles  se  réduisent  tou- 
jours à  un  bocardage,  c'est-à-dire  à  une  opération  qui  a 
pour  but  de  concasser  le  minerai  en  morceaux  de  faibles  di- 
mensions, en  un  lavage  pour  séparer  les  schistes,  enfin,  en  un 
grillage  qui  a  souvent  pour  double  but,  de  désagréger  le  mi- 
nerai par  l'action  de  la  chaleur  et  de  faire  partir  l'arsenic  et 
le  soufre  qu'il  peut  contenir,  en  les  transformant  en  acides 
arsénieux  et  sulfureux,  lesquels  en  vertu  de  leur  état  gazeux, 
se  dégagent  dans  l'atmosphère. 

Il  existe  deux  méthodes  de  préparation  du  fer  : 

L'une,  la  plus  ancienne,  est  connue  sous  le  nom  de  méthode 
catalane;  elle  n'est  applicable  qu'aux  minerais  très-riches  ;  ce 
sont  généralement  des  fers  oligisles  ;  l'esprit  de  cette  méthode 
est  fort  simple ,  il  consiste  à  mélanger  le  minerai  avec  du 
charbon  de  bois  dans  un  fourneau  dont  la  forme  est  celle 
d'une  espèce  de  creuset  rectangulaire  et  dans  lequel  le  char- 
bon est  brûlé  à  l'aide  d'un  courant  d'air  forcé;  il  se  produit 
alors  de  l'oxyde  de  carbone ,  qui  s'empare  de  l'oxygène  allié 
au  fer,  la  gangue  forme  avec  une  partie  du  fer  une  combinai- 
son' fusible  à  la  température  du  foyer  et  se  sépare  à  l'état 
liquide,  en  sorte  qu'à  la  fin  de  l'opération  on  retire  du  creuset 
une  masse  spongieuse  qui,  soumise  à  l'action  du  marteau, 
donne  un  fer  d'excellente  qualité. 

L'autre  mode  de  traitement  des  minerais  consiste  dans 
l'emploi  du  haut  fourneau,  c'est  de  beaucoup  le  plus  répandu. 
Il  s'applique  aux  minerais  riches  ou  pauvres  ;  c'est  le  seul  qui 
soit  employé  en  Angleterre,  en  Allemagne  et  en  France,  à  de 
très-faibles  exceptions  près.  Les  différences  essentielles  qui 
le  distinguent  de  la  méthode  catalane  sont  l'élévation  de  la 
température,  beaucoup  supérieure  dans  le  haut  fourneau  à  celle 
du  foyer  catalan,  et  l'emploi  des  fondants.  Nous  avons  dit 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  187 

que  dans  la  mélhode  catalane  la  gangue  se  séparait  du  métal 
en  formant  avec  le  fer  une  combinaison  fusible  à  la  tempéra- 
ture du  foyer.  Mais  lorsque  le  minerai  est  pauvre  la  produc- 
tion de  semblables  scories  causerait  un  déchet  trop  considé- 
rable. On  protège  alors  le  fer,  en  ajoutant  de  la  cliaux  ou  de 
l'argile  suivant  la  composition  de  la  gangue  ;  cette  gangue  à 
la  température  élevée  du  haut  fourneau  forme  avec  ces  fon- 
dants une  scorie  fusible,  dans  la  composition  de  laquelle  il 
n'entre  qu'une  quantité  de  fer  insignifiante. 

Un  haut  fourneau  est  une  tour  conique  de  15  à  20  mètres 
de  haut  environ ,  dont  l'intérieur  a  à  peu  près  la  forme  de 
deux  cônes  renversés.  A  la  partie  supérieure  se  trouve  un 
large  orifice  qu'on  appelle  yueulard  ;  à  la  partie  inférieure, 
une  sorte  de  bassin  qu'on  nomme  creuset.  Le  minerai  et  les 
fondants  se  chargent  à  la  partie  supérieure,  et  par  couches 
alternatives,  avec  du  charbon  de  bois  ou  du  coke,  quelquefois 
un  mélange  des  deux,  ou  même  de  la  houille.  Une  combustion 
active  du  charbon  est  entretenue  au  moyen  d'un  violent  cou- 
rant d'air  lancé  à  la  partie  inférieure  du  fourneau  par  des 
machines  soufflantes;  le  minerai  est  alors  réduit  et  on  trouve 
dans  le  creuset  un  métal  qui  n'est  pas  du  fer,  comme  dans  la 
méthode  catalane,  mais  une  combinaison  de  fer  et  de  char- 
bon qu'on  appelle  fonte.  C'est  de  ce  métal  qu'on  tire  ensuite 
le  fer  au  moyen  d'une  série  d'opérations  que  nous  décrirons 
plus  loin  en  peu  de  mots.  Dans  cette  méthode,  la  production 
de  la  fonte  est  continue,  c'est-à-dire  qu'un  haut  fourneau, 
une  fois  allumé,  marche  souvent  pendant  plus  d'un  an  sans 
interruption,  en  produisant  chaque  jour  de  8  à  12  tonnes  de 
fonte  en  général  ;  mais  il  y  en  a  qui  fournissent  jusqu'à 
18  tonnes. 

La  fonte  joue  dans  l'industrie  un  rôle  considérable,  tout  à 
fait  différent  de  celui  du  fer,  en  rapport  avec  ses  propriétés 
très-différentes  elles-mêmes  ;  la  fonte  est,  en  effet,  beaucoup 
plus  fusible  que  le  fer,  moins  résistante  que  lui,  si  on  la  soumet 
à  un  effort  de  traction,  elle  n'est  pas  malléable;  au  reste, 
toutes  ces  propriétés  varient  dans  de  grandes  limites  avec  les 
différentes  espèces  de  fonte. 

La  fonte,  par  sa  fusibilité,  se  prête  donc  au  moulage,  et 
c'est  par  là  que  ses  applications  se  trouvent  si  multipliées. 

On  emploie ,  dans  le  moulage ,  des  fontes  de  première  et 


188  VISITE 

de  deuxième  fusion;  la  première  se  coule  au  sortir  même  du 
haut  fourneau;  autrement  on  fait  usage  de  fontes  de  diverses 
provenances  qu'on  fait  refondre  dans  des  fourneaux  spé- 
ciaux ;  le  moulage  en  deuxième  fusion  a  sur  le  premier 
l'avantage  de  permettre  l'emploi  de  mélanges,  qui  condui- 
sent à  un  métal  d'une  qualité  déterminée,  et  par  suite  de 
n'être  pas  soumis  aux  variations  qui  se  produisent  toujours, 
plus  ou  moins,  dans  la  marche  d'un  haut  fourneau.  Quant  à 
la  finesse  des  produits,  on  peut  l'obtenir  également  dans  le 
moulage  en  première  fusion  ;  elle  dépend ,  avec  la  qualité 
de  la  fonte,  de  celle  du  sable  qui  sert  à  confectionner  les 
moules  et  du  soin  apporté  dans  le  travail. 

Moula},^e. 

Voici  en  quelques  mots  les  principales  opérations  du  mou- 
lage. 

Les  divers  procédés  employés  varient  avec  la  forme  et  les 
dimensions  des  pièces  que  l'on  veut  obtenir. 

La  fonte  a  la  propriété  d'augmenter  de  volume  en  passant 
de  l'état  liquide  à  l'état  solide;  elle  éprouve  ensuite  un  re- 
trait en  se  solidifiant.  Ce  retrait  est  d'autant  plus  grand, 
pour  des  fontes  fabriquées  de  la  même  manière,  qu'elles 
sont  moins  grises^  c'est-à-dire  qu'elles  contiennent  moins  de 
charbon  interposé  à  l'état  de  graphite. 

Le  moule  dans  lequel  on  coule  la  fonte,  à  raison  delà 
haute  température  du  métal ,  de  sa  dilatation  et  du  reirait 
qu'elle  prend,  doit  être  réfractaire,  peu  conducteur,  et  pou- 
voir se  déformer  sans  grande  résistance;  de  plus,  la  tempé- 
rature de  la  fonte  dilate  l'air  renfermé  dans  le  moule,  vapo- 
rise l'eau  contenue  dans  la  matière  qui  le  constitue;  il  doit 
donc  permettre  le  libre  dégagement  de  ces  gaz,  autrement 
on  s'exposerait  à  le  briser  ou  à  ne  le  remplir  qu'incomplè- 
tement. 

La  matière  employée  pour  les  moules  est  toujours  com- 
posée de  sable  légèrement  argileux,  mélangé  d'un  peu  de 
charbon. 

On  distingue  deux  espèces  principales  de  moulage  : 

'1°  Le  moulage  en  sable  vert; 

"2"  Le  moulage  en  sable  d'étuve. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  189 

Le  moulage  en  sable  vert  est  employé  pour  les  pièces  de 
faibles  dimensions  et  surtout  de  faible  épaisseur.  La  matière 
que  l'on  emploie  pour  le  moule  se  compose  de  quatre  cin- 
quièmes de  sable  et  d'un  cinquième  de  houille  que  l'on  broie 
ensemble.  Ce  sable  est  tamisé  et  ensuite  humecté  pour  lui 
donner  une  certaine  cohésion.  Le  mélange  de  la  houille 
avec  le  sable  a  pour  but  de  rendre  le  moule  très-poreux 
et  de  permettre  un  dégagement  facile  aux  gaz  qui  sont  très- 
abondants  ,  le  moule  n'étant  pas  desséché  avant  qu'on  y 
introduire  la  fonte. 

Le  moulage  en  sable  d'étuve  s'emploie  pour  les  pièces  de 
grandes  dimensions  et  qui  demandent  des  surfaces  très-lisses. 
Les  moules  employés  dans  ce  cas  doivent  être  plus  solides 
que  dans  le  moulage  en  sable  vert.  Ils  se  composent  de 
sable  de  carrière  légèrement  argileux  ,  mélangé  avec  un 
vingtième  de  son  volume  de  houille;  le  mélange  est  broyé 
très-fin,  puis  tamisé  et  humecté  d'un  peu  d'eau  au  moment 
de  l'emploi.  Gomme  un  pareil  moule  est  peu  poreux  et  qu'il 
ne  permettrait  pas  un  dégagement  facile  des  gaz,  on  le  sèche 
avant  de  couler  la  fonte.  Cette  dessiccation  augmente  beau- 
coup la  résistance  du  moule,  aussi  les  pièces  moulées  par 
ce  procédé  doivent  avoir  des  formes  telles  qu'elles  puissent 
prendre  leur  reirait  sans  que  le  moule  doive  se  déformer, 
et,  même  dans  ces  circonstances,  le  retrait  se  produit  in- 
complètement et  la  pièce  perd  de  sa  résistance.  Tous  les 
moules,  en  sable  vert  ou  d'étuve,  sont,  avant  qu'on  retire 
le  modèle  ,  percés  d'un  grand  nombre  de  petits  trous  pour  le 
dégagement  des  gaz. 

Les  moules  sont  desséchés  dans  des  étuves  spéciales  ou 
sur  place,  qirand  ils  sont  de  dimensions  trop  considérables. 

Pour  faire  le  moule  d'une  pièce  ,  on  se  sert  généralement 
d'un  modèle  présentant  les  formes  et  les  dimensions  de  la 
pièce,  en  ayant  égard  aux  modifications  que  doit  apporter 
le  retrait.  Ces  modèles  sont  en  métal  quand  on  veut  obtenir 
des  surfaces  très-lisses  ou  quand  ils  doivent  servir  à  mouler 
un  nombre  de  pièces  très-considérable,  telles  que  des  coussi- 
nets de  chemins  de  fer,  des  poteries,  des  ornements,  etc.; 
dans  presque  tous  les  cas  ils  sont  en  bois. 

Quand  la  pièce  est  très-importante  et  qu'elle  présente  des 
surfaces  de  révolution,  on  se  sert  pour  faire  le  moule  d'un 


490  VISITE 

profil  en  bois ,  que  l'on  fait  tourner  autour  d'un  axe,  et  qui 
donne  au  sable  la  forme  de  la  pièce. 

Pour  retenir  le  sable,  que  le  moulage  soit  en  sable  vert  ou 
en  sable  d'étuve,  on  se  sert  de  deux  châssis  de  fonte  pouvant 
se  superposer;  leur  position  relative  est  maintenue  par  trois 
ou  quatre  broches  fixées  sur  l'un  d'eux  et  qui  entrent  dans 
les  oreilles  de  l'autre. 

Le  moulage  se  fait  de  la  manière  suivante  :  on  commence 
par  placer  le  modèle  dans  le  châssis  inférieur;  on  tasse  du 
sable  autour,  de  façon  à  remplir  le  châssis,  puis  on  met  en 
place  le  châssis  supérieur  et  on  lui  fait  subir  la  même  opéra- 
tion; on  enlève  ensuite  le  châssis  supérieur,  puis  le  moule 
(ses  formes  doivent  être  telles  que  cette  opération  soit  possi- 
ble); on  pratique  plusieurs  trous  dans  le  sable  du  châssis  su- 
périeur, les  uns  pour  introduire  la  fonte,  et  les  autres  pour 
servir  de  trop-plein  et  laisser  dégager  l'air  contenu  dans  le 
moule.  Les  moules  en  sable  vert  sont  saupoudrés  avec  du 
poussier  de  charbon  de  bois  qu'on  lisse  sur  le  moule  avec  une 
spatule,  puis  les  châssis  sont  replacés  et  on  procède  au  cou- 
lage de  la  fonte.  Les  moules  en  sable  d'étuve  sont  couverts 
d'une  couche  de  charbon  de  bois  délayé  dans  l'eau ,  puis 
sèches  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

Les  pièces  creuses,  telles  que  colonnes,  tuyaux,  etc.,  sont 
d'abord  moulées  pleines;  puis  on  introduit  dans  l'intérieur 
du  moule  un  tuyau  de  fonte  percé  de  trous  recouverts  d'une 
terre  très-poreuse  qui  permet  aux  gaz  de  se  dégager  dans 
l'intérieur  du  tuyau  par  les  trous  percés  à  sa  surface.  Ce 
tuyau  ou  noyau  laisse  entre  sa  paroi  et  celle  du  moule  l'é- 
paisseur exacte  qu'on  veut  donner  à  la  fonte. 

L'exposition  française  est  riche  en  fontes  moulées  en  pre- 
mière et  deuxième  fusion. 

Les  fonderies  de  MAL  Pinart  frères  ,  à  Marquise,  exposent 
des  modèles  de  poutres  en  fonte  qui  ont  servi  à  la  construc- 
tion des  caves  de  la  gare  du  chemin  de  fer  de  l'Ouest ,  à 
Paris,  et  de  plusieurs  ponts  du  chemin  de  fer  d'Auteuil.  Ces 
poutres,  remarquablement  exécutées,  ont  présenté  quelques 
dinicullés. 

Les  poutres  qui  soutiennent  les  trottoirs  des  ponts  du  che- 
min de  fer  d'Auteuil  sont  très-légères;  elles  offraient  de 
grandes  surfaces  à  remplir  sur  de  faibles  épaisseurs,  ce  qui 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  191 

est  une  difficulté  sérieuse  d'exécution  ;  elles  ont  été  fort  bien 
réussies. 

La  collection  des  modèles  exécutés  à  cette  usine  est  inté- 
ressante; elle  donne  une  idée  du  rôle  que  joue  actuellement 
le  métal  dans  les  constructions.  Il  faut  ajouter  pourtant  que 
l'emploi  de  la  fonte ,  comme  poutres ,  tend  de  plus  en  plus 
à  se  borner  à  des  ouvrages  de  faibles  dimensions;  la  plus 
grande  sécurité  offerte  par  le  fer,  la  résistance  supérieure 
de  ce  métal ,  le  fait  préférer  pour  des  travaux  d'une  grande 
importance,  surtout  lorsqu'on  arrive  à  des  poutres  assez 
longues  pour  ne  pouvoir  être  moulées  d'une  seule  pièce  et  qui 
exigeraient  alors  des  assemblages. 

MM.  Pinart  exposent  également  des  conduites  d'eau ,  des 
roues  de  wagon  de  terrassement ,  qui ,  dans  le  moulage  ,  ont 
reçu  une  trempe  profonde,  de  0"',007  environ;  la  dureté  que 
la  fonte  obtient  ainsi  leur  assure  une  longue  durée.  Cette 
trempe  s'obtient  par  l'emploi  d'un  moule  dont  une  partie  est 
en  métal.  La  fonte  en  fusion,  au  contact  d'un  corps  très-con- 
ducteur, se  refroidit  brusquement  et  acquiert  une  très-grande 
dureté.  Ce  genre  de  moulage  porte  le  nom  de  moulage  en  co- 
quille. 

Nous  trouvons  à  côté,  dans  l'Annexe,  un  affût  de  canon  de 
Fourchambault,  d'une  belle  exécution.  Ces  affûts  en  fonte 
sont  destinés  à  des  canons  de  rempart. 

Ici,  tout  en  avouant  notre  incompétence,  nous  devons  ex- 
primer un  doute  qui  nous  est  venu  depuis  longtemps  à  l'es- 
prit; la  fonte  est-elle  bien  le  métal  qui  convenait  à  cet  usage? 
Est-il  logique  d'exposer  aux  ravages  d'un  boulet  un  affût 
composé  de  pièces  minces  d'un  métal  très-cassant  qu'un  choc 
violent  doit  faire  voler  de  toutes  parts  en  éclats?  Cette  tenta- 
tive est  sans  doute  un  progrès  sur  les  affûts  de  bois  sujets  à  la 
pourriture,  aux  attaques  des  insectes,  et,  par  suite,  à  une 
destruction  rapide;  mais  l'emploi  du  fer  n'est-il  pas  clairement 
indiqué,  dans  cette  circonstance,  par  toutes  ses  propriétés  et 
surtout  par  la  facilité  des  réparations?  Il  nous  semble  que  la 
question  n'est  guère  douteuse,  mais  nous  devons  la  léguer  à 
de  plus  expérimentés  sur  cette  matière  spéciale. 

La  même  usine  expose  une  fort  belle  conduite  d'eau  desti- 
née à  la  ville  de  Madrid;  elle  a  3  mètres  de  longueur  sur  0"',90 
de  diamètre  et  0"',016  d'épaisseur. 


192  VISITE 

La  fonderie  de  Gonches,  dans  l'Eure,  est  représentée  par 
une  cloche  de  près  de  4  mètres  de  diamètre;  sur  la  faible 
épaisseur  de  0'",0I3.  Dans  ces  conditions,  c'est  un  travail 
d'une  grande  difficulté  et  d'une  exécution  remarquable. 

En  entrant  dans  l'Annexe  par  la  porte  du  milieu,  on  aper- 
çoit un  fort  bel  arceau  sortant  de  la  fonderie  de  Mazières, 
c'est  une  pièce  de  fonte  digne  de  la  réputation  de  cette  usine. 
Une  grande  partie  des  fontes  qui  entrent  dans  les  construc- 
tions métalliques  exécutées  dans  ces  derniers  temps  sortent 
des  ateliers  de  Mazières.  Nous  citerons  ,  par  exemple ,  les  en- 
tablements de  la  gare  du  chemin  de  fer  de  l'Ouest,  une  partie 
du  Palais  de  l'Industrie,  des  halles  centrales,  etc. 

Nous  avons  reporté  à  la  classe  15  les  indications  que  nous 
avions  à  donner  sur  les  procédés  du  moulage.  Depuis  une 
vingtaine  d'années,  la  fonte  de  fer  a  remplacé  le  bronze  dans 
un  grand  nombre  d'applications,  et  si  la  substitution  n'est  pas 
encore  plus  complète,  il  faut  l'attribuer  àce  que  la  fonte  ne  peut 
se  prêter  avec  la  même  facilité  que  le  cuivre  aux  réparations 
et  aux  retouches  ultérieures  ;  aussi ,  doit-elle  être  réservée 
aux  objets  de  construction,  aux  grandes  pièces  monumentales 
et  à  tous  les  usages  dans  lesquels  la  délicatesse  de  la  forme 
n'est  point  de  nécessité. 

L'Exposition  ne  renferme  pas  de  pièce  de  fonte  d'un  poids 
exceptionnel,  mais  un  assez  grand  nombre  sont  remarquables 
parleursdimensions,  avec  l'augmentation  successive  desquelles 
les  difficultés  du  moulage  deviennent  presque  insurmontables. 
La  plupart  des  machines-outils  anglaises  sont  très-intéressan- 
tes par  leurs  beaux  bâtis  en  fontes  sur  lesquels  nous  aurons 
à  revenir  avec  quelque  attention  ;  la  nécessité  dans  laquelle 
elles  ont  mis  les  constructeurs  d'obtenir  des  pièces  de  for- 
mes variées  a  contribué  puissamment  à  reculer,  sous  ce  rap- 
port, les  limites  du  possible  ;  nous  avons  vu  quelquefois  des 
masses  de  fonte  dont  le  poids  s'élevait  jusqu'à  30  000  kilogram- 
mes, et  dont  l'exécution  ne  laissait  cependant  rien  à  désirer  ; 
nous  pourrions  citer  sous  ce  rapport  une  grande  arcade  de 
balancier  qui  devait  servir  à  la  fabrication  des  couverts  d'ar- 
gent par  estampage,  et  qui  sortait  des  ateliers  de  M.  Auguste 
Pehet ,  ainsi  que  des  tables  à  couler  les  glaces  de  la  fonderie 
de  M.  Cave. 

D'autres  usines  ont  également  exposé  des  produits  fort  re- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  193 

marquables  et  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  décrire 
faute  d'espace. 

Métallurgie  du  fer. 

Les  constructions  métalliques  se  répandent  de  plus  en  plus 
dans  l'industrie.  Le  développement  excessif  des  chemins  de 
fer,  en  forçant  à  construire  des  gares  immenses,  des  ponts 
à  grandes  travées,  entourés  de  diflicultés  que  l'emploi  des 
matériaux  ordinaires  ne  pouvait  surmonter,  a  déterminé  l'in- 
troduction définitive  du  fer  dans  les  constructions  ,  et  les  pro- 
priétés de  résistance  de  ce  métal ,  la  facilité  avec  laquelle  il 
se  prête  aux  formes  les  plus  utiles,  aux  combinaisons  les  plus 
économiques  que  la  science  enseigne  à  choisir,  tendent  à  ac- 
croître tous  les  jours  l'importance  de  son  rôle.  Cette  conquête 
d'un  élément  de  construction  nouveau  et  puissant  sera  carac- 
téristique pour  l'art  de  notre  époque.  La  métallurgie  du  fer  a 
dû  en  ressentir  une  puissante  impulsion  ,  tant  sous  le  rapport 
du  développement  que  sous  celui  du  progrès  et  des  perfec- 
tionnements de  ses  procédés  ;  c'est,  en  effet,  ce  que  l'Exposi- 
tion actuelle  va  nous  permettre  de  constater. 

Afin  de  bien  faire  comprendre  l'importance  des  dilïicultés 
déjà  vaincues  et  la  voie  actuelle  du  progrès,  nous  allons  es- 
sayer d'inrjiquer  en  peu  de  mots  les  principes  fondamentaux 
de  la  métallurgie  du  fer. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que,  pour  retirer  le  fer  de  son 
minerai,  à  part  la  méthode  catalane  qui  n'entre  que  pour 
une  très-faible  proportion  dans  la  production  européenne  ,  il 
fallait  commencer  par  fabriquer,  au  moyen  d'un  haut  four- 
neau, de  la  fonte,  c'est-à-dire  une  combinaison  de  fer  et  de 
charbon;  pour  convertir  cette  fonte  en  fer,  il  faudra  donc 
simplement  lui  enlever  ce  charbon ,  et  c'est  à  quoi  on  arrive 
au  moyen  de  deux  opérations,  le  pudcllage  et  le  hallage. 

Pour  puddler  la  fonte,  on  la  place  dans  un  four  à  réverbère, 
où  elle  se  trouve  portée  à  une  haute  température  et  soumise  à 
l'action  des  gaz  résultant  de  la  combustion  du  charbon,  sur 
\me  grille  placée  en  tête  du  four.  L'action  combinée  de  la 
chaleur  et  de  ces  gaz  brûle  le  charbon  de  la  fonte ,  et  il  reste 
sur  la  sole  du  four  une  masse  spongieuse  composée  d'éléments 
de  fer  et  de  divers  corps  étrangers  fusibles  à  la  haute  tem- 
20G  Ml 


494  VISITE 

pérature  à  laquelle  elle  se  trouve  portée  et  qu'on  nomme 
scories  On  réunit  alors  la  masse  de  fer  en  une  boule,  on  la 
retire  du  four  avec  de  fortes  pinces  et  on  la  porte  sous  un 
lourd  marteau.  Le  martelage  réunit  les  molécules  entre  elles, 
les  soude  et  exprime  les  scories  ;  on  amène  ainsi  la  masse  de 
fer  à  une  forme  lectangulaire  et  on  la  porte  encore  rouge  au 

laminoir.  '      *    „„ 

Un  laminoir  consiste  en  deux  cylmdres  superposes  et  par- 
faitement parallèles  ,  sur  lesquels  sont  creusées  des  canne- 
lures qui  peuvent  être  de  formes  très-différenles.  Ces  cy- 
lindres sont  mis  en  mouvement  au  moyen  d'une  machine  a 
vapeur  et  animés  de  vitesses  égales,  mais  en  sens  contraires. 
Aune  extrémité  du  cylindre  se  trouvent  des  cannelures  tres- 
larses     de  forme  ogivale;  elles  vont  en  dmiinuant  jusqu  au 
bout  du  cylindre.  On  conçoit  alors  que  si  on  vient  présenter 
la  masse  de  fer  devant  la  première  cannelure,  et  qu'elle  soit 
a^sez  grande  pour  en  permettre  l'introduction  ,  elle  s  y  trou- 
vera  entraînée  tout  entière  à  la  faveur  de  la  vitesse  dont  les 
cvlindres  sont  animés  et  en  sortira  ayant  subi  un  certain  al- 
lonsement  et  pris  la  forme  de  la  cannelure,  en  vertu  de  la  mal- 
léabilité  que  le  fer  pos^^èûe  à  cette  température  élevée.  Ea 
réDétant  la  même  opération  dans  un  certain  nombre  de  canne- 
lures placées  sur  ditîérents  laminoirs,  qui  composent  ce  qu  oa 
appelle  un  train,  on  arrive  donc  à  transformer  a  masse  de  fer 
martelée  en  une  barre  de  fer  d'une  certaine  longueur  et  de 
Son  rectangulaire.  On  coupe  alors  ces  barres  de  f.r  com- 
posées d-un  fer  qui  s'appelle  fer  puddlé  ,  qui  n'est  m  bien 
S  ,  ni  homogène,  m  pur,  et  on  forme  avec  les  morceaux 
des  paquets  qu'on  place  dans  un  four  analogue  au  four  a 
nuddler  et  qu'on  appelle  four  à  baller  ou  a  rechauffer.  Lorsque 
Haquet  est  arrivé  au  blanc  soudant ,  on  le  relire  et  on  le 
aminé  dans  descybndres  portant  des  cannelures  qm  amènent 
successivement  le  fer  à  la  forme  définitive  qu'on  veut   lui 

^''c'est  à  peu  près  ainsi  que  sont  fabriqués  les  rails ,  les  fers 
^nnt  la  section  a  la  forme  d'un  T ,  les  cornières  ou  fers 

Scontou-rnées,  qu'on  comprend  sous  le  nom  genenque 
de  fers  spéciaux.  La  dernière  cannelure  du  laminoir  a  alor.^ 
exactement  la  forme  de  la  barre  de  fer  finie. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  195 

Pour  la  tôle,  on  procède  à  peu  près  de  même  ;  seulement 
les  laminoirs,  au  lieu  de  porter  des  cannelures,  sont,  au  con- 
traire, parfaitement  polis.  C'est  en  les  rapprochant  plus  ou 
moins  que  l'on  produit  des  tôles  d'épaisseurs  différentes. 
On  trouvera, 'du  reste,  dans  la  partie  de  l'Annexe  où  sont 
placées  les  machines  en  mouvement ,  et  du  côté  de  l'eau , 
deux  modèles  représentant  Tinstallalion  d'une  forge  anglaise 
complète,  avec  trains  de  laminoirs,  marteaux,  cisailles,  etc., 
qui  donneront  une  idée  exacte  de  l'ensemble  de  ce  travail. 

Telles  sont,  bien  en  abrégé,  les  principales  opérations  qui 
constituent  la  métallurgie  du  fer.  Les  difticullés  qu'elle  offre 
sont  nombreuses  ;  à  part  celles  qui  sont  relatives  au  puddiage 
et  au  réchauffage,  sur  lesquelles  nous  ne  nous  arrêterons  pas  , 
parce  qu'elles  sont  communes  à  tous  les  fers  ,  le  laminage  qui 
détermine  la  forme  définitive  de  la  barre  en  présente  souvent 
de  graves;  les  barres  peuvent  pécher,  en  effet,  par  défaut  de 
soudage  entre  les  éléments  qui  les  composent  ;  elles  peuvent 
présenter  des  vices  de  forme  ;  leur  poids  est  limité  par  celui 
des  paquets  qu'on  peut  mettre  dans  les  fours  et  manœuvrer 
facilement  ;  leur  longueur  l'est  également  par  la  difficulté  des 
manœuvres,  par  le  refroidissement;  car  si  le  laminage  dure 
trop  longtemps ,  la  barre  se  refroidit  et  perd  la  malléabilité 
nécessaire  pour  se  plier  à  la  forme  des  cannelures;  enfin  par 
suite  de  l'insuffisance  des  machines. 

Le  passage  d'une  barre  entre  les  laminoirs  donne  lieu  à 
des  pressions  énormes  sur  les  cylindres  ;  ces  pressions  cor- 
respondent à  des  résistances  considérables  qui  tendent  à 
arrêter  la  machine.  Lorsqu'on  lamine  des  barres  de  faible 
longueur,  la  machine  se  ralentit  durant  le  passage  de  la 
barre,  mais  ne  s'arrête  pourtant  pas  à  cause  de  la  masse  de 
tous  ses  organes,  du  volant  qui,  se  trouvant  en  mouvement, 
peuvent  l'entraîner  pendant  un  certain  temps;  mais  si  la 
barre  est  trop  longue,  la  machine  s'arrête,  à  moins  d'être  elle- 
même  d'une  force  considérable.  Comme  point  de  comparai- 
son ,  il  suffit  de  réfléchir  que  pour  laminer  un  rail  Barlow  de 
40  à  12  mètres  de  longueur,  il  faut  une  machine  d'environ 
450  chevaux. 

La  forme  des  cannelures  peut  arriver  à  être  aussi  une  diffi- 
culté très-considérable. 

Imaginons  ,  par  exemple ,  qu'on  veuille  laminer  un   fer 


i96  VISITE 

ayant  la  forme  d'un  T;  la  dernière  cannelure  du  cylindre 
devra  avoir  exactement  cette  forme,  la  plus  lon.2;ue  branche 
du  T  étant  placée  sur  la  ligne  de  contact  des  deux  cylindres, 
l'autre  dans  le  sens  perpendiculaire  et  partagée  par  moitié 
entre  les  cylindres  supérieur  et  inférieur.  Si  cette  dernière 
branche  est  trop  longue,  lextrémilé  du  fer  qui  la  remplit  va 
se  trouver  entraînée  par  le  frottement  d'un  point  du  cylindre 
animé  d'une  vitesse  notablement  inférieure  à  celle  des  points 
situés  sur  la  ligne  de  contact;  il  s'ensuit  que  les  différents 
points  de  la  soction  du  fer  à  T  se  trouvent  sollicités  par  des 
vitesses  très-différentes;  conséquemment  la  barre  tendra  à  se 
déchirer  longitudinalement  et  le  laminage  pourra  devenir  im- 
possible. 

Pour  les  tôles,  les  difficultés  sont  de  même  nature;  le  poids 
des  grandes  tôles  est,  comme  pour  les  fers  laminés,  limité  par 
celui  des  paquets,  leur  longueur  par  les  manoeuvres  ;  lorsqu'on 
veut  arrivera  des  épaisseurs  très-faibles,  on  rencontre  un 
obstacle  dans  le  refroidissement  qui  devient  alors  excessive- 
ment rapide. 

Les  besoins  de  l'industrie  ont  fait  depuis  longtemps  réaliser 
de  grands  progrès  sous  tous  ces  divers  rapports.  Il  arrive, 
en  effet,  que  toutes  les  fois  qu'on  surmonte  une  des  difficultés 
que  nous  venons  d'énumérer  ,  c'est  toujours  au  profit  d'une 
certaine  branche  de  lart. 

La  construction  des  ponts  en  tôle  a  introduit  d'une  ma- 
nière courante  la  fabrication  de  tôles  de  grandes  dimensions 
comme  longueurs  et  co-nme  épaisseurs.  Il  est  clair,  en  effet, 
que  l'emploi  des  grandes  tôles  est  un  moyen  de  diminuer  le 
nombre  des  joints  dans  ces  constructions  et,  par  suite,  le 
poids  du  métal  et  même  le  travail.  Oa  sait,  en  effet ,  que  les 
joints  se  font  au  moyen  de  plates-bandes  ou  cowcre-jom^s, 
qui  sont  d'autres  tôles  qu'on  place  de  chaque  côté  du  joint  des 
deux  tôles  à  réunir,  placées  bout  à  bout  et  qui  sont  rivées  avec 
chacune  de  ces  deux  tôles;  or,  dans  beaucoup  de  ponts  ac- 
tuellement construits,  le  poids  total  des  couvre-joints  s'élève 
à  deux  cinquièmes  environ  du  poids  total  du  métal  employé. 
On  conçoit  donc  toute  l'importance  qu'il  y  a  à  réduire  le 
nombre  de  ces  joints,  fût-ce  d'un  tiers  ou  d'un  quart ,  au 
moyen  de  l'emploi  de  matériaux  de  grandes  dimensions. 

Pour  les  fers  spéciaux  en  forme  de  T,  de  double  T,  etc.  ,  il 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  197 

y  a  le  même  avantage  à  obtenir  de-j,  pièces  longues  et  de  sec- 
tions un  peu  considérables  :  c'est  un  progrès  de  cette  nature 
qui  a  fait  ennployer  le  fer  dans  la  construction  des  planchers 
des  maisons  particulières,  usage  maintenant  très-générale- 
ment répandu.  Bientôt  le  besoin  se  fit  sentir  de  barres  de  fer 
laminé  plus  longues  et  de  plus  grandes  sections,  pouvant,  en 
un  mot,  supporter  des  charges  plus  considérables  et  fournir 
des  poutres  toutes  prèles  pour  construire  de  petits  ponts, 
des  fermes  de  charpente  de  grandes  portées  ,  des  plaques 
tournantes,  etc.  C'est  alors  que  parurent  les  fers  à  T  de  l'usine 
de  la  Providence,  qui  ont  jusqu'à  0"',30  de  hauteur,  et  cet 
exemple,  inspiré  comme  toujours  par  la  nécessité,  fut  bientôt 
imité  par  un  grand  nombre  d'usines. 

On  peut  dire,  du  reste,  qu'il  n'y  a  pas  de  limite  dans  cette 
voie  et  que  bien  des  progrès,  encore  retardes  par  de  vieilles  in- 
stallations, seront  réalisés  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins 
long;  nous  en  trouverons  un  exemple  dans  la  fabiication  des 
rails.  On  sait  que  les  voies  de  la  pkqiart  des  chemins  de  fer 
français  sont  faites  avec  des  rails  à  double  champignon,  placés 
bout  à  bout  et  reposant  dans  des  coussinets  en  fonte  portés 
eux-mêmes  sur  des  traverses  en  bois.  La  partie  la  plus  défec- 
tueuse de  ces  voies  est  toujours  le  joint  des  deux  rails;  de- 
puis fort  longtemps  la  longueur  des  rails  les  plus  longs  est 
de  6  mètres,  il  serait  maintenant  facile  à  un  grand  nombre 
d'usines  de  livrer  à  l'industrie,  d'une  manière  courante,  des 
rails  d'une  longueur  double,  ce  qui  réduirait  ainsi  de  moitié 
l'inconvénient  du  joint. 

Quelques  exemples,  pris  à  l'Exposition,  vont  nous  per- 
mettre de  constater  la  valeur  des  progrès  accomplis  dans- 
nôtre  métallurgie,  et  si  cette  industrie  n'a  pas  encore  atteint 
la  puissance  de  production,  qui  recommande  la  métallurgie 
anglaise  à  l'admiration  des  hommes  spéciaux,  il  n'est  pas 
moins  vrai  qu'elle  a  pris  dans  ces  derniers  temps  un  déve- 
loppement bien  remarquable  et  qui  donne  pour  un  avenir 
prochain  de  plus  giandes  espérances  encore. 

La  fabrication  des  rails  s'est  enrichie  de  nouvelles  bran- 
ches ;  les  rails  Brunel,  fabriqués  pour  la  première  fois  chez 
M.  Martial  Leclerq,  pour  le  chemin  d'Auteuil,  sont  mainte- 
nant définitivement  introduits  dans  l'industrie  française.  Le 
chemin  de  fer  du  Midi,  dont  la  voie  est  en  partie  dans  ce 


498  VISITE 

système,  en  a  fait  laminer  à  Aubin  et  à  Decazeville;  c'est  un 
rail  assez  difficile  à  fabriquer  à  cause  du  défaut  de  symétrie 
de  sa  section.  Aubin  expose  un  de  ces  rails  dont  la  longueur 
est  de  12"', 50. 

Une  importation  bien  plus  remarquable  encore  est  celle 
du  rail  Barlow.  Cette  voie  est  construite  au  moyen  de  rails 
de  très-grandes  dimensions,  d'une  forme  qui  leur  permet  de 
s'appuyer  directement  sur  le  sable,  ce  qui  supprime  l'em- 
ploi du  bois  et  des  coussinets;  les  rails  sont  rivés  les  uns 
aux  autres,  en  sorte  que  toute  la  voie  est  solidaire. 

Ces  rails,  d'une  forme  qui  présente  les  plus  grandes  diffi- 
cultés à  obtenir  au  laminoir,  pèsent  45  kilogrammes  par 
mètre  courant.  Decazeville  et  Commentry  en  exposent  des 
spécimens;  cette  fabrication  exige  un  montage  spécial  dans 
les  usines  et  des  machines  d'une  grande  puissance. 

Les  forges  de  Denain  et  d'Anzin  exposent  des  rails  du  mo- 
dèle du  chemin  de  fer  du  Nord  d'une  longueur  de  15  mètres. 

Le  pays  de  Galles  (usine  de  Tredegar  et  de  Rhymney), 
expose  des  échantillons  magnifiques  de  rails  à  double  cham- 
pignon de  26  mètres  de  longueur  et  de  rails  Barlow  de 
'\6  mètres.  On  peut  juger  par  là  de  la  différence  qui  existe 
encore  entre  le  montage  de  ces  usines  et  celui  des  nôtres.  Les 
produits  métallurgiques  de  la  Prusse  nous  montrent  égale- 
ment des  rails  d'une  longueur  remarquable  parmi  lesquels  on 
en  distingue  de  23  mèires. 

La  fabrication  française  des  fers  spéciaux  est  magnifique  ; 
Commentry  expose  des  cornières  de  17"', 60  de  longueur,  dont 
les  branches  ont  0"',170  de  hauteur;  il  y  a  quelques  années, 
en  France,  des  cornières  de  10  à  12  mètres  de  long,  avec 
des  branches  de  O'^jlOO  étaient  regardées  comme  une  grande 
difficulté. 

Nous  recommandons  à  l'attention  du  visiteur  les  fers  à 
T  de  Montataire,  qui  sont  très-beaux  ;  la  collection  des  fers 
de  la  Providence,  qui  a  produit  les  plus  grands  échantillons 
dans  ce  genre,  ainsi  que  l'exposition  anglaise  à  l'extrémité  de 
l'Annexe. 

Les  fers  ronds  laminés  sont  représentés  par  de  fort  beaux 
échantillons;  mais  le  plus  remarquable  est  celui  qui  est  en- 
voyé par  la  société  allemande  du  Phœnix-Thenin  ;  il  a  0"',267 
de  diamètre,  7"',015  de  longueur,  et  pèse  3348  kilogrammes. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  199 

Montataire,  Commentry,  Anzin,  le  Creuzot ,  ont  exposé  des 
tôles  qui  rivalisent  de  beauté  sous  le  rapport  de  la  qualité  et 
•de  la  difficulté  d'exécution  : 

Une  tôle  de  Commentry  a  1 8  mètres  de  long  et  pèse  700  ki- 
logrammes; 

Une  tôle  de  Montataire  pèse  le  poids  énorme  de  1550  kilo- 
grammes ; 

Une  autre  de  Denain  et  Anzin  ,913  kilogrammes. 

Le  Creuzot  expose  une  belle  tôle  emboutie  et  un  spécimen 
de  bordage  en  fer  forgé,  destiné  aux  nouvelles  canonnières 
que  le  gouvernement  fait  construire;  ce  sont  des  plaques  de 
0'",'I1  d'épaisseur,  à  l'épreuve  du  boulet. 

Nous  devons  signaler  aussi  des  tôles  d'Audincourt,  très- 
minces,  embouties  sous  forme  de  bouteilles  ;  on  ne  peut  exé- 
cuter une  pièce  semblable  sans  des  matériaux  de  qualité  tout 
à  fait  supérieure.  La  Belgique  a  envoyé  des  tôles  minces  qui 
ne  sont  pas  moins  remarquables. 

Quoique  la  plupart  de  ces  produits  soient  exceptionnelle- 
ment fabriqués  pour  l'Exposition,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue 
qu'en  indiquant  la  limite  de  ce  qui  est  possible  comme  art ,  ils 
ont  une  signification  intéressante  ,  en  montrant  de  combien 
la  limite  de  ce  qui  est  praticable,  au  point  de  vue  industriel, 
s'est  trouvée  reculée.  Ainsi,  il  y  a  déjà  plusieurs  années, 
l'usine  de  Commentry  fournissait  pour  la  construction  du  pont 
d'Asnières,  et  d'une  manière  courante,  des  tôles  de  8"\16  de 
longueur  sur  0'",70  de  largeur,  dont  le  poids  moyen  était 
•de  600  kilogrammes. 

Nous  n'abandonnerons  pas  la  tôlerie  sans  signaler  un  pro- 
duit également  nouveau  et  qui  a  pris  un  vif  intérêt  par  l'ap- 
plication qui  en  a  été  faite  par  M.  Flachat ,  ingénieur  en  chef 
du  chemin  de  fer  de  Saint-Germain,  à  la  couverture  de  la 
gare  des  marchandises  de  la  gare  des  Batignolles;  nous  vou- 
lons parler  de  la  tôle  ondulée.  Cette  tôle  est  fabriquée  d'une 
manière  fort  ingénieuse  par  l'usine  de  Montataire,  en  faisant 
passer  des  tôles  réchauffées  préalablement  dans  un  laminoir 
d'une  forme  spéciale ,  d'où  la  tôle  sort  avec  des  cannelures 
profondes  de  O^'jOSO  sur  0"',160  de  largeur;  l'épaisseur  de  la 
tôle  peut  d'ailleurs  varier,  mais  elle  est  généralement  de  0'",002 
à  0'",003.  On  conçoit  que  la  forme  de  cette  tôle  cannelée  lui 
■donne  une  grande  rigidité,  en  sorte  qu'elle  a  été  employée 


200  VISITE 

comme  couverture,  sans  le  secours  d'aucune  pièce  de  char- 
ponte,  à  Batignolles  et  aux  gares  chi  chemin  de  fer  d'Auteuil  ; 
il  y  a  quelques-unes  de  ces  dernières  qui  ont  jusqu'à  18  mètres 
de  largeur  et  dont  la  couverture  se  compose  d'une  simple 
feuille  de  tôle  ondulée,  repliée  en  arc  de  cercle.  C'est  un  mode 
de  couverture  simple,  économique  et  élégant  à  la  fois,  qui 
est  certainement  destiné  à  une  grande  faveur.  Nous  devons 
ajouter  que  les  tôles  ondulées,  fabriquées  ju-qu'alors  en 
Angleterre,  présentaient  bien  moins  de  difficultés;  c'étaient 
des  feuilles  cannelées  dans  une  sorte  d'étampe,  dont  les  on- 
dulations n'avaient  pas  plus  de  0"',03. 

Kous  ne  pouvons  pas  non  plus  passer  sous  silence  les 
belles  pièces  de  forge  envoyées  par  l'Allemagne  et  quelques 
usines  françaises'. 

Les  ateliers  de  M.  Gavé  ont  exposé  quelques  pièces  remar- 
quables, entre  autres  une  boîte  à  graisse  tout  entière  en  fer 
forgé  et  amenée  par  l'emploi  seul  du  marteau  à  des  formes 
presque  définitives,  et  une  tige  de  pston,  pour  un  pilon  co- 
lossal du  poids  de  8000  kilogrammes  ,  également  en  fer  forgé 
et  destiné  à  forger  des  arbres  moteurs  de  grande  dimension 
pour  la  marine  impéi  iale. 

jMM.  Russery-Lacombe  de  Rive-de-Giers,  ont  envoyé  une 
belle  bielle  de  bateau  à  vapeur ,  qui  montre  à  quelle  préci- 
sion peut  arriver  un  travail  de  forge,  et  un  essieu  coudé,  dont 
la  forme  est  préparée  au  rnaiteau-pilon.  C'est  une  innovation 
qui  nous  paraît  heureuse.  Les  essieux  coudés  pèchent  géné- 
ralement par  le  coude,  qui  dans  le  mode  de  fabrication  ordi- 
naire est  découpé  dans  une  masse  de  métal  qu'on  réserve  à 
cet  effet  à  la  forge,  et  qui  par  suite  ne  subit  qu'un  martelage 
incomplet.  L'essieu  de  M,  Russery-Lacombe  et  Cie  ne  pré- 
sente pas  cet  inconvénient  et  doit  être  par  conséquent  plus 
résistant. 

Le  cadre  qui  nous  est  imposé  nous  force  à  terminer  ici  cette 


< .  L'exposition  de  MM.  Pelin  et  Gaudet,  entre  autres  pièces  de  forge,, 
se  recommande  par  un  mortier  en  fer  martelé  d'un  beau  travail.  Comme 
pièce  importante  par  son  poids  ,  nous  citerons  le  modèle  ù'un  arbre  ii 
sis  coudes,  construit  pour  la  marine  impériale.  CeUe  pièce  pèse  23  GOO"^. 
C'est  a  notre  connaissance  la  plus  considérable  qui  ail  été  exécutée  eu 
France. 


A    L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  201 

esquisse,  beaucoup  trop  rapide  ;  il  nous  faut  donc  négliger  une 
foule  de  produits  intéressants,  (lont  un  grand  nombre  méri- 
tent une  attention  toute  spéciale;  nous  espérons  pourtant  que 
les  indications  succinctes  auxquelles  nous  avons  dû  nous  bor- 
ner pourront  aider  le  visiteur  à  les  découvrir  et  à  les  appré- 
cier par  lui-même. 

Marbres  et  ardoises. 

Nous  ajouterons  seulement  encore  quelques  mots  sur  les^ 
marbres  et  les  ardoisps. 

Parmi  les  produits  français ,  la  palme  nous  paraît  revenir 
sans  contestation  possible  à  l'Algérie  et  à  la  Corse.  L'exposi- 
tion du  ministère  de  la  guerre  présente  des  spécimens  admi- 
rables de  marbres  et  d'agate,  et  la  Corse  envoie  des  colonne.- 
en  marbres  gris  et  verts  qui,  outre  leur  beauté,  paraissent 
pouvoir  être  livrées  au  commerce  à  des  prix  qui  permettent 
d'en  tirer  pai  ti.  Il  nous  semble  que  ces  colonnes  figureraient 
mieux  sur  le  péristyle  d'un  hôtel  moderne  que  les  ornements 
surchargés  au  moyen  desquels  on  cherche  maintenant  à  atti- 
rer l'attention. 

Nous  signalerons  aussi  de  très-beaux  échantillons  de  mar- 
bres piémontais  et  espagnols. 

Les  ardoisières  d'Angers,  de  la  Mayenne  et  de  la  Sarlhe . 
exposent  de  fort  belles  ardoises  propres  à  des  escaliers  à  vis 
et  même  à  certains  usages  de  luxe,  tels  que  des  tdbles  de  bil- 
lards. —  On  peut  voir,  en  effet,  une  ardoise  destinée  à  ce 
dernier  emploi,  qui  a  3'", 30  de  long  sur  une  largeur  de  1"',60 
et  0"',020  d'épaisseur.  Un  spécimen  de  ces  dimensions  qui 
ne  [)résente  pas  de  défauts  est  rare. 


202  VISITE 


CLASSE  II. 

Art  forestier,  chasse,  pêche  et  récoltes  de  produits  obtenus 
sans  culture. 

Le  domaine  de  cette  classe  et  celui  de  la  classe  suivante  se 
touchent  souvent  d'assez  près  pour  risquer  de  se  confondre  ; 
il  importe  de  définir  clairement  l'un  et  l'autre. 

La  classe  suivante  comprend  tous  les  produits  obtenus  par 
la  culture  périodique  et  régulière  de  la  terre,  aussi  bien  que 
par  l'élevage  des  anim.aux  domestiques,  c'est-à-dire  par  l'a- 
griculture et  la  zootechnie. 

Dans  la  classe  qui  va  nous  occuper  ici  viennent  se  ranger 
les  produits  du  sol  forestier,  et  tous  ceux  que  l'homme  tire  du 
règne  végétal  et  du  rèi^ne  animal ,  en  dehors  des  conditions 
communes  de  l'exploitation  agricole  et  zootechnique. 

Dans  ces  limites ,  l'Exposition  se  fait  remarquer  surtout  par 
deux  ordres  de  produits,  mieux  représentés  que  les  autres  par 
le  nombre  et  l'importance  des  objets:  les  bois,  auxquels  se 
lie  l'indusirie  si  intéressante  et  si  utile  de  leur  conservation  ; 
et  les  matières  textiles  de  toute  nature,  à  l'exception  des  lai- 
nes et  des  cotons  qui  rentrent  dans  la  classe  suivante. 

Quelques  produits  d'une  consommation  plus  restreinte  et 
plus  spéciale,  tels  que  les  épices ,  les  matières  tinctoriales, 
les  gommes,  méritent  aussi  une  mention  ,  mais  ne  se  présen-» 
tent  pas  avec  autant  de  richesse  dans  les  échantillons,  au- 
tant de  cachet  dans  l'ensemble.  Ils  forment,  dans  l'économie 
générale  de  l'exposition  des  produits  de  cette  classe,  l'acces- 
soire et  non  le  principal. 

Les  arbres  s'en  vont  de  l'Europe  ;  l'Allemagne  seule  est  en- 
core forestière  ;  la  France  ,  la  Belgique,  l'Angleterre  ont  déjà 
vu  ou  voient  chaque  jour  leurs  bois  diminuer.  En  Belgique 
et  en  Angleterre  ,  la  culture  des  arbres  isolés  a  pris  beaucoup 
d'importance,  et  suppléera  peut-être  en  partie  à  la  disparition 
des  forêts;  la  {7rande-Breta,j:ne  fait  d'ailleurs,  en  ce  moment, 
d'immenses  efllorts  pour  peupler  ses  landes  ,  ses  collines  im- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  203 

productives  ,  une  grande  partie  de  l'Ecosse  d'arbres  conifères 
et  en  particulier  de  cèdres  de  l'Himalaya. 

Aux  yeux  de  beaucoup  de  personnes ,  cette  disparition  des 
arbres  forestiers  n'a  rien  d'anormal  ni  rien  d'inquiétant;  elles 
n'y  voient  quel'usage  et  non  l'abus  du  droit  de  propriété  ;  elles 
admettent  qu'on  ne  défriche  que  pour  mettre  en  culture,  et 
que  tout  le  monde  gagne  là  où  le  propriétaire  seul  paraît  faire 
un  bénéfice  ;  elles  nient  que  le  déboisement  ait  une  influence 
quelconque  sur  la  salubrité  du  pays  ;  elles  appellent  le  mo- 
ment où  la  houille  remplacera  le  bois  pour  le  chauffage,  oii 
le  fer  se  substituera  au  bois  pour  les  constructions. 

Dans  de  certaines  limites,  et  quand  on  ne  les  pousse  pas 
jusqu'à  leurs  conséquences  systématiques  et  extrêmes,  ces 
idées  ne  manquent  pas  de  justesse;  on  peut,  en  fait  de 
construction  ,  considérer  le  bois  comme  la  matière  première 
de  l'enfance  de  l'industrie  ,  et  le  fer  comme  la  matière  pre- 
mière d'une  période  avancée  de  perfectionnement.  Mais  il  ne 
faut  pas  trop  généraliser,  et  il  y  a  deux  genres  de  travaux 
de  premier  or  ire  qui  demandent  encore  une  production  con- 
sidérable de  bois  :  l'ébénisterie  et  les  constructions  navales. 

C'est  ainsi,  au  reste,  que  pensent  les  Anglais  qu'on  n'ac- 
cusera pas  de  ménager  l'emploi  du  fer,  et  de  tenir  aux  vieux 
errements.  Nous  venons  d'indiquer  les  tentatives  qu'ils  font 
sur  le  sol  des  Iles  Britanniques  ;  leur  préoccupation  sur  ce 
point  se  trahit  mieux  encore  par  les  efforts  étonnants  de  leurs 
colonies. 

La  magnifique  exposition  des  colonies  anglaises  se  caracté- 
rise par  deux  sortes  de  matières  ,  celles  que  nous  avons  indi- 
quées comme  étant  les  plus  remarquables  de  la  classe  en- 
tière :  les  bois  et  les  fibres  textiles.  Ces  deux  produits  ne  sont 
pas  les  seuls  que  présentent  ces  colonies,  mais  ils  sont  telle- 
ment prépondérants,  qu'ils  dominent  et  éclipsent  tous  les 
autres.  La  Guyane  anglaise,  l'Australie,  le  Canada,  la  Ja- 
maïque se  distinguent  surtout  par  des  échantillons  bien 
choisis,  nombreux,  extrêmement  variés. 

Un  exemple  fera  comprendre  l'importance  qu'a  pour  l'An- 
gleterre la  production  des  bois  de  construction  navale.  Un 
petit  retour  sur  nous-mêmes  nous  montrera  que  cette  produc- 
tion n'a  pas  moins  d'intérêt  pour  notre  pays. 

On  estime,  en  général ,  qu'il  entre  1  mètre  cube  461  déci- 


i20i  VISITE 

mètres  cubes  de  bois  par  tonne  anglaise  dans  la  construction 
d'un  navire.  Donc  un  navire  de  mille  tonneaux  absorbera 
4  461  mètres  cubes  de  bois. 

Ces  H(j\  mètres  cubes  de  bois  se  décomposent  de  la  ma- 
nière suivante  :  1169  mètres  cubes  de  bois  résistant  pour  la 
coque,  et  292  mètres  cubes  de  cèdre,  pin,  sapin  et  autres 
bois  légers  employés  pour  le  pont ,  les  cabines  et  ouvrages^ 
intérieurs  divers. 

Comme  le  poids  spécifique  des  bois  varie  avec  l'espèce ,  il 
est  clair  que  les  M  69  mètres  cubes  qui  entrent  dans  la  coque 
ne  pèseront  pas  également  s'ils  sont  de  bois  de  chêne  ou  s'ils 
sont  de  bois  d'acajou. 

Supposons  donc  qu'ils  soient  de  chêne  anglais.  Ce  bois 
pèse  853  kilogrammes  7  par  mètre  cube;  les  1-169  mètres 
cubes  de  la  coque  donnent  donc  un  poids  de  997  975  kilo- 
grammes. 

Quant  aux  bois  légers  ,  ils  ])èsent,  en  moyenne  ,  590  kilo- 
grammes le  mètre  cube  ;  ils  entreront  donc  pour  172  28ù  ki- 
logrammes dans  le  poids  du  navire. 

Ajoutons  à  ces  deux  nombres  102  000  kilogrammes  pour 
les  mâts,  cordages  ,  voiles,  chaloupes,  agrès  de  toute  sorte, 
nous  trouverons  pour  le  poids  total  de  notre  vaisseau  de 
mille  tonneaux  anglais,  le  nombre  rond  de  1  272  000  kilo- 
grammes. 

Si  le  navire  était  construit  en  acajou  de  Honduras,  les 
chiffres  seraient  modifiés.  Ce  bois  ne  pesé  que  683  kilogram- 
mes le  mètre  cube.  Les  11 69  mètres  de  la  coque  pèseraient 
donc  798  427  kilogrammes  qui,  ajoutés  auxdeux  poids  que  nous 
avons  trouvés  plus  haut  pour  les  bois  légers  et  pour  les  agrès 
divers  ,  donnent  le  chiffre  rond  de  1  073  000  kilogrammes 
pour  le  poids  total  du  navire. 

Le  vaisseau  construit  en  acajou  de  Honduras  pèse  donc 
200  000  kilogrammes  de  moins  que  le  navire  con^truit  en 
bois  de  chêne  anglais.  Or,  comme  on  calcule  qu'un  vaisseau 
vide  déplace  la  moitié  de  son  volume  d'eau,  il  restera  dans  le 
vaisseau  en  acajou  un  espace  disponible  où  pourront  se  loger 
100  000  kilogrammes  de  chargement,  en  plus  de  ce  que  con- 
tient le  vaisseau  en  chêne. 

C'est  en  acajou  qu'étaient  construits  les  vaisseaux  Erebus 
et  Terror  qui  ont  fait  le  voyage  au  pôle  antarctique  sous  le 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  205 

commandement  de  sir  James  Ross.  L'un  de  ces  bâtiments, 
sous  le  commandement  de  Franklin  ,  s'est  perdu  ensuite  au 
pôle  arctique. 

Remplacer  le  bois  de  chêne  par  des  bois  durs  obtenus  sur 
le  sol  colonial,  c'est  donc  là  \me  question  fort  importante 
pour  l'Angleterre  ,  d'autant  qu'elle  ne  produit  plus  guère  de 
chêne,  et  que  le  continent  lui  vend  fort  cher  le  peu  qu'il  ex- 
ploite encore.  Aussi  l'impoi talion  de  ces  bois,  et  en  particu- 
lier des  bois  d'acajou  en  Angleterre  s'est-elle  beaucoup  ac- 
crue dans  ces  derniers  temps.  Jusqu'en  18i3,  les  importa- 
tions d'ac.njou  de  toutes  variétés  et  de  toutes  provenances 
avaient  été  de  22  millions  de  kilogrammes  par  année 
moyenne;  elles  se  sont  élevées  depuis  à  34  millions  de  kilo- 
grammes par  an,  et  l'on  remarque  dans  les  chiffres  des  années 
dernières  une  tendance  plus  grande  encore. 

A  côté  de  cette  importation,  la  nôtre  n'est  rien.  Les  An- 
glais emploient  l'acajou  en  planchers  ,  en  poutres  ;  nous  ne 
l'employons  qu'en  placage. 

Les  forêts  de  la  Guyane  britannique,  celles  de  l'Australie 
et  des  Antilles  paraissent  surtout  destinées  à  répondre  aux 
besoins  du  Royaume-Uni,  sous  ce  rapport.  Plusieurs  bois  de 
la  Guyane  anglaise  rivalisent  avec  le  fameux  bois  de  Teck, 
del'lnde  et  de  Ceyian  ,  reconnu  pour  être  extrêmement  dur 
et  l'emporter  en  durée  sur  le  meilleur  chêne. 

On  peut  citer,  entre  autres,  les  variétés  jaune  et  noire  du 
Greenheart  [Necfandra  Rodiœi)  dont  l'Exposition  présente  de 
belles  coupes  transversales.  La  résistance  de  ce  bois  ,  surtout 
de  la  variété  noire  ,  aux  forces  de  tension  et  de  compression, 
le  rend  extrêmement  précieux  pour  les  constructions  navales. 
Le  bois  est  fin  ,  uni  de  grain  ,  sans  nodosités  et  très-dur. 

A  côté  du  Greenheart,  et  peut-être  avant  lui,  se  place  le 
Mora  {Mora  excelsa),  l'arbre  le  plus  magnifique  des  forêts  de 
la  Guyane,  et  dont  la  tête,  souvent  portée  à  30  et  45  mètres, 
domine  toutes  les  autres  essences.  Il  n'est  pas  rare  que  le  tronc 
mesure  18  mètres  avant  la  naissance  des  branches,  et  prenne 
45  et  50  centimètres  d'équarrissage.  Sa  dureté,  son  grain  serré 
et  croisé  qui  le  rend  dilficile  à  fendre,  la  tendance  de  ses 
branches  à  se  contourner,  destinent  cet  arbre  à  jouer  un  rôle 
important  dans  les  constructions  navales,  auxquelles  il  four- 
nira particulièrement  des  quilles  solides  et  des  pièces  courbes. 


206  VISITE 

Aussi  le  Lloi/d  a-t-il  classé  le  Mora,  comme  le  Greenheart, 
parmi  les  huit  premières  essences  navales.  Des  expériences, 
continuées  pendant  dix  ans,  ont  prouvé  que  ces  bois  sont  plus, 
solides  et  plus  durables  que  le  chêne.  Depuis  dix  à  douze  ans, 
des  chargements  considérables  sont  arrivés  à  Liverpool  et  à 
Greenock. 

Des  bois  analogues  ou  des  espèces  excellentes  pour  l'ébé- 
nisterie  et  la  droguerie,  figurent  en  grand  nombre  dans  l'expo- 
sition des  colonies  anglaises ,  il  est  impossible  de  les  énumérer 
ici.  Mais  il  est  évident  que  plusieurs  des  Eucahjplus  de  la 
Nouvelle-  Hollande  pourront  remplacer  les  acajous.  Le  Dacry- 
dium  Franklinii  ^  ou  Pin  Huon,  ainsi  appelé  du  nom  d'un 
officier  qui  faisait  partie  de  la  célèbre  expédition  dEntre- 
castaux,  et  qui  l'a  fait  connaître  le  premier,  donne  un  bois 
jaune  d'or  des  plus  brillants,  qui,  d'ici  à  peu,  aura  un  rôle 
important  dans  l'ébénisterie.  Nous  ne  serions  pas  étonnés 
non  plus  que  la  tabletterie  de  luxe  fît  bon  accueil  à  un  bois 
qui  nous  semble  être  un  aca»na,  et  dont  l'Australie  nous  pré- 
sente un  échantillon,  sculpté  de  manière  à  imiter  un  pied  de 
violette.  Ce  bois  répand,  en  effet,  la  plus  douce  odeur  de 
violette,  et  en  emplit  la  cloche  sous  laquelle  on  emprisonne 
son  parfum.  De  petits  coffrets  de  ce  bois  seraient  bien  préfé- 
rables à  ceux  de  bois  de  santal. 

Le  Canada  présente,  dans  ses  produits  forestiers,  un  carac- 
tère tout  diflérent,  mis  en  relief  sous  une  forme  très-pitto- 
resque par  le  trophée  qui  le  personnifie  dans  l'Annexe.  Ce 
sont  des  pins,  des  sapins,  des  chênes  blancs,  des  articles  de 
boissellerie  et  de  vannerie,  des  bois  de  fente  diversement 
ouvrés,  des  bois  légers  et  à  teintes  pâles,  des  essences  rési- 
neuses qui  prennent  un  grand  développement  en  même  temps 
qu'une  grande  homogénéité,  et  qui  sont  excellents  pour 
mâture,  pour  voliges,  pour  toutes  les  industries  qui  se  ratta- 
chent à  la  sjlviculture.  Les  bois  du  Canada  complètent  ainsi 
les  ressources  forestières  que  les  colonies  anglaises  offrent  à  la 
métropole.  Le  noyer  noir  seul  rappelle  les  bois  plus  solides; 
ses  teintes  brunes  et  chaudes  tranchent  vigoureusement  sur  le 
fond  blanchâtre  des  essences  auxquelles  le  charmant  trophée 
canadien  doit  sa  couleur  un  peu  uniforme. 

Cette  nature  toute  particulière  des  bois  du  Canada  donne, 
au  point  de  vue  forestier,   quelque  chose  d'allemand  à  cette 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  207 

colonie  anglaise.  Tout  y  est  enveloppé  de  bois  blanc  ;  les  grains 
qu'a  envoyés  le  pays  sont  enfermés  dans  de  charmants  petits 
tonneaux,  nets,  légers,  propres  et  coquets. 

Ce  rapprochement  nous  conduit  à  signaler  de  très-beaux 
bois  de  mélèzes,  exposés  par  l'Autriche,  préparés  et  sciés  pour 
les  tables  d'harmonie,  pour  les  objets  de  lutherie  en  général. 
Ces  sapins  et  des  chênes  envoyés  par  le  même  empire,  sont 
d'une  homogénéité  et  d'une  régularité  de  couches  admirables. 

Gomme  bois  d'ébénisterie  comparable  à  ce  que  les  pays 
étrangers  exposent  de  plus  remarquable,  il  faut  citer  les 
énormes  loupes  de  Callitris  quadrivalvis  ou  Thuya  articulata, 
dont  un  ébéniste  d'Alger  a  envoyé  de  magnifiques  échantil- 
lons. C'est  avec  ce  bois  que  les  anciens  faisaient  leurs  tables 
si  renommées  sous  le  nom  de  ciiri.  Dans  le  commerce  de 
Paris,  ces  loupes  si  vives  de  ton,  si  ronceuses,  si  riches  sous 
le  vernis,  se  vendent  '1  fr.  50  cent,  le  kilogramme. 

Il  serait  à  désirer  que  l'administration  forestière  surveillât 
avec  soin  l'aménagement  de  ces  bois  ;  sans  cela,  ils  peuvent 
être  vite  épuisés  par  la  spéculation,  et  les  loupes  qui  en  font 
toute  la  valeur  ne  se  montrent  que  sur  des  arbres  de  cent  à 
cent  cinquante  ans. 

Ces  loupes  ligneuses  d'Algérie  sont  bien  plus  brillantes  et 
plus  chaudes  de  ton  que  les  loupes  exposées  par  la  colonie 
hollandaise  d'Amboine  et  dont  l'une  est  estimée  1200  francs. 

Nous  ne  parlerons  des  bois  d'olivier  que  pour  dissuader 
l'Algérie  de  leur  attacher  quelque  importance.  La  culture  de 
l'olivier  est  une  de  celles  qui  appartient  le  plus  légitimement 
à  l'Algérie,  comme  nous  le  dirons  en  passant  en  revue  les 
produits  de  la  classe  suivante  ;  mais  ce  n'est  pas  comme  bois 
de  travail  que  cet  arbre  doit  être  exploité. 

Il  en  est  tout  autrement  du  chêne-liége,  naturellement  associé 
à  l'olivier  dans  le  climat  méditerranéen,  mais  plus  méridional 
que  lui.  L'Algérie  peut  en  disputer  l'exploitation  à  TEspagne, 
à  la  Sardaigne,  à  Naples,  à  la  Turquie.  Les  beaux  échantillons 
qu'elle  présente  prouvent  qu'elle  est  bien  en  position  de  sou- 
tenir cette  concurrence. 

On  sait  que  c'est  à  l'âge  de  40  ans  que  le  chêne-liége  a 
acquis  une  valeur  commerciale;  à  partir  de  cet  âge  on  l'exploite 
de  dix  en  dix  ans,  et  chaque  arbre  donne,  en  moyenne,  50  ki- 
logrammes de  liège  à  40  ans,  100  kilogrammes  à  100  ans. 


tOS  VISITE 

La  Corse  et  notre  département  du  Var,  sur  une  étendue  de 
deux  à  trois  myriamètres,  de  la  Seyne  à  l'embouchure  du  Var, 
possèdent  des  chênes-liéges.  L'Aleérie,  pour  ce  produit  comme 
pour  tous  les  autres,  peut  continuer  et  développer  notre  Pro- 
vence au  delà  de  la  Méditerranée. 

La  quantité  de  liège  importée  en  France  est  considérabie  ; 
elle  s'élève  à  365  000  kilogrammes  en  liège  brut,  et  à 
I  472  000  kilogrammes  en  bouchons  et  liège  ouvré.  La  pres- 
que totalité  de  cette  dernière  importation  est  faite  par  l'Espa- 
gne ;  les  Étals  sardes,  puis  l'Espagne  ont  la  plus  grande  part 
dans  l'importation  du  liège  brut.  Les  bouchons  pour  vins  de 
(Champagne  se  vendent  à  raison  de  30  à  120  francs  le  mille  ; 
les  bouchons  pour  vins  de  Bordeaux,  valent  de  18  à  iO  francs. 
Rien  n'est  petit  en  industiie,  et  l'Algérie  peut  se  laisser 
tenter  parlesbénélices  que  promettent  ces  chiffres  d'importa- 
tion et  ces  prix  de  vente. 

Après  les  bois  et  peut-être  avant  eux  se  placent  les  fibres 
textiles  que  nous  trouvons  si  répandues  à  l'état  d'exploitation 
ou  d'essais  dans  les  expositions  des  colonies  anglaises.  Deux 
idées  préoccupent  nos  voisins  •  satisfaire  au  besoin  de  leur 
marine,  et  renouveler  les  matières  premières  qui  entrent  dans 
la  composition  des  papiers. 

Le  chlore  et  l'eau  de  Javelle,  si  généralement  employés  dans 
le  blanchissage  du  linge,  ont  altéré  profondément  les  chiffons 
qu'on  emploie  à  la  fabrication  du  papier.  De  nombreux  efforts 
sont  faits  depuis  longtemps  en  Angleterre,  en  Allemagne  et 
chez  nous  pour  substituer  des  matières  premières  vierges  à 
ces  chiffons  que  l'usage  a  réduits  en  filaments  ténus,  sans  rési- 
stance, sans  cohésion,  en  véritable  poussière.  M.  Yelli.  notre 
compatriote,  s'est  occupé  de  cette  question  depuis  1836,  et  la 
nouvelle  industrie  lui  doit  de  remarquables  progrès. 

Toutes  les  colonies  anglaises  s'ingénient  à  trouver  de  nou- 
velles substances  propres  à  renouveler  les  anciennes  fibres. 
On  peut  remarquer  les  fibres  de  bananier,  le  chanvre  de  Ma- 
nille et  une  matière  dont  on  se  préoccupe  beaucoup  depuis 
quelque  temps,  sous  le  nom  de  China  grass. 

Le  bananier  e^t  l'objet  d'études  fort  sérieuses  à  la  Jamaïque 
et  surtout  à  la  Guyane  anglaise.  D'après  les  calculs  faits,  dans 
cette  dernière  colonie,  par  un  propriétaire  qui  a  Texpé- 
rience  de  dix  ans  de  culture,  sur  une  surface  de  200  hectares. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  209 

on  trouve  qu'en  exploitant  le  bananier  exclusivement  pour  sa 
fibre  textile  et  en  négligeant  son  fruit,  on  peut  obtenir,  en 
deux  ans,  après  trois  coupes  de  h'jit  en  huit  mois.  1 1  250  tiges 
environ  par  hectare.  Chaque  tronc  pèse  de  33  à  34  kilogram- 
mes, et  toute  sa  partie  solide  consiste  en  fibres  reliées  entre 
elles  par  du  tissu  cellulaire.  Celte  partie  solide  forme  le  dixième 
du  poids  du  tronc  ;  l'eau  y  est  contenue  dans  la  proportion  de 
90  pour  100,  et  l'on  retire  1  kilog.  134  de  fibre  texlde  propre, 
et  681  gr.  de  fibre  décolorée.  On  récolterait  donc  tous  les 
deux  ans  par  hectare  de  20  à  21  000  kilogrammes  de  matière 
textile,  dans  lesquels  les  fibres  propres  figureraient  pour 
12  ou  13  000  kilogrammes,  et  les  fibres  décolorées  pour 
7  ou  8000  kilogrammes. 

L'entretien  d'une  plantation  de  bananiers  coûte  750  francs 
pour  les  deux  ans  ;  Tenlèvement  et  le  transport  des  tiges  à 
l'exploitation  s'effectuent  à  raison  de  5  francs  pour  100  tiges, 
soit  562  fr.  50  cent,  pour  ces  opérations  durant  les  deux  ans. 
Le  total  des  frais  d'exploitation  s'élèverait  donc  à  1312  fr. 
oO  cent,  pour  une  récolte  de  11  250  troncs  fournissant  de  20 
à  21  kilogrammes  de  fibres  textiles.  Cela  porte  à  11  centimes 
et  demi  le  prix  de  revient  du  tronc,  et  à  6  cent.  4  celui  du 
kilogramme  de  fibres. 

Pour  l'extraction  de  la  fibre  du  bananier  on  a  imaginé  di- 
verses machines,  et  un  large  projet  est  maintenant  présenté 
par  M.  Sharp,  de  Londres,  qui  propose  de  consacrer  une 
somme  importante  à  construire  un  système  complet  de  ma- 
chines, et  à  organiser  une  usine  en  grand  pour  exploiter  la 
libre  du  bananier  à  la  Guyane  anglaise.  L'industrieuse  An- 
gleterre saura,  sans  doute,  tirer  du  bananier  tout  le  parti 
possible,  mais  la  nature  de  la  fibre  permet  de  douter  qu'on 
puisse  jamais  l'utiliser  pour  des  tissus  d'une  finesse  même 
moyenne. 

Quant  au  China  grass^  il  en  est  autrement  ;  c'est  une  ma- 
tière première  qui  a  certainement  le  plus  bel  avenir  ;  les  fils 
en  sont  blancs,  brillants,  lustrés  et  solides;  ils  peuvent  at- 
teindre une  grande  finesse,  se  laissent  facilement  teindre,  et 
prennent  les  nuances  les  plus  délicates. 

Mais  qu'est-ce  que  ce  China  (^rass?  L'histoire  en  est  curieuse 
et  instructive. 

11  y  a  dix  ans,  en  avril  1845,  le  savant  professeur  de  Cul- 
20G  n 


âfO  VISITE 

ture  du  Jardin  des  Plantes,  M.  Decaisne,  publiait  une  note 
sur  une  plante  économique,  nouvelle  pour  l'Europe,  exploitée 
depuis  un  temps  immémorial  en  Chine  et  dans  quelques  par- 
lies  de  l'Inde,  où  sa  fibre  donne  des  étoffes  d'une  finesse, 
d'une  blancheur,  d'une  solidité  comparables  à  celles  des  plus 
beaux  tissus  de  lin.  Cette  plante  était  le  Ramie,  VUrtica  ou 
Bœhmerîa  ulilis  des  botanistes. 

Cinq  ans  plus  tard,  le  même  savant  envoya  des  échantil- 
lons de  filasse  de  Ramie  au  ministre  du  commerce,  en  le  priant 
de  charger  une  commission  de  filateurs  de  se  prononcer  sur 
la  valeur  industrielle  de  cette  nouvelle  matière.  L'examen  fut 
superficiel  de  la  part  de  certains  commissaires  ;  les  autres 
reconnurent  à  la  plante  quelque  mérite;  mais  la  chose  en 
resta  là. 

Cependant  M.  Decaisne  obtint  des  graines  de  VUrtica 
utilis,  apportées  de  Chine  par  M.  le  capitaine  de  vaisseau 
Freycinet,  Semées  au  Muséum,  sous  un  climat  beaucoup  plus 
froid  que  celui  de  leur  pays  d'origine,  ces  graines  donnèrent, 
en  pleine  terre,  des  tiges  do  1  mètre  et  demi  de  hauteur.  Des 
plants  en  furent  envoyés  à  la  pépinière  d'Alger,  à  celle  de 
Biskra  et  au  Gabon.  Peut  être  les  beaux  échantillons  qui  figu- 
rent au  Palais  de  l'Industrie,  dans  l'exposition  de  l'Algérie, 
viennent-ils  de  là. 

En  '1852,  des  instances  auprès  du  ministre  de  la  marine 
obtinrent  qu"on  tenterait  la  culture  du  Ramie  dans  nos  colo- 
nies intertro[)icales  et  en  parliculier  à  la  Guyane.  L'expérience 
n'a  pas  encore  été  essayée. 

Consulté,  en  1853,  sur  l'opportunité  qu'il  y  aurait  à  intro- 
duire, dans  le  Midi  et  en  Algérie,  une  certaine  plante  oléifère, 
l'Argan  du  Maroc,  dont  on  faisait  beaucoup  de  bruit,  M.  De- 
caisne répondit  au  ministre  de  la  marine  qu'il  n'y  avait  rien 
à  attendre  de  cet  arbre,  et  profita  de  l'ouverture  pour  recom- 
mander encore  la  culture  du  Ramie.  On  distribua  les  graines 
de  l'Argan  aux  pépinières  de  l'État  ;  on  laissa  le  Ramie  en 
Chine  et  à  Java,  qui  nous  en  montrent  à  l'Exposition  de  ma- 
gnifiques spécimens. 

Importée  depuis  peu  en  Angleterre,  une  certaine  filasse  y 
fait  fureur  ;  l'exposition  universelle  de  Londres  a  enthousiasmé 
en  sa  faveur  les  industriels  et  les  jurys  :  on  la  désigne  sous  le 
nom  de  China  grass. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  2H 

Ce  China  grass  est  tout  simplement  le  Ramie,cet  Urtica  uti- 
Us  qui  n'a  pu  être  prophète  chez  soi  et  qui  fera  peut-être  son 
chemin,  maintenant  qu'il  nous  vient  d'ailleurs. 

Il  n'y  a  plus  d'hésitation  sur  la  valeur  de  cette  précieuse 
ortie  :  la  Chine  l'emploie,  depuis  les  époques  les  plus  reculées 
de  ses  anciennes  dynasties,  à  fabriquer  des  tissus  renommés; 
les  Indes  orientales  l'exploitent  dans  le  même  but,  et  l'on  sait 
qu'au  xvr  siècle  elles  vendaient  à  l'Europe  des  étoffes  faites 
avec  cette  plante,  que  les  Hollandais  préféraient  aux  étoffes  de 
lin  ;  la  matière  première  fut  elle-même  reçue  en  nature  dans 
les  Pays-Bas,  et  servit  à  y  fabriquer  une  sorte  de  batiste  ou 
mousseline.  Les  indigènes  des  Moluques  et  des  grandes  îles 
de  l'archipel  indien  emploient  aussi  le  Ramie  pour  tissus, 
cordages  et  filets,  et  des  expériences  exécutées  récemment 
avec  le  plus  grand  soin  par  ordre  du  gouvernement  hollan- 
dais, ont  m.ontré  que  la  quantité  de  fibres  obtenues  du  Ramie 
dépasse  le  rendement  du  meilleur  lin  ;  que  la  ténacité  de  ces 
fibres  est  plus  grande  que  celle  du  lin  et  du  chanvre;  que  leur 
blancheur  et  leur  beauté  éclipsent  celles  du  lin. 

Suivant  la  commission  hollandaise,  cette  substance  si  re- 
marquable pourrait  être  apportée  sur  les  marchés  d'Europe 
en  grande  quantité,  et  vendue  de  1  fr.  20  à  1  fr.  60  le  kilo- 
gramme, prix  du  meilleur  lin.  Il  y  aurait  là,  pour  les  posses- 
sions hollandaises  de  l'Inde  orientale,  une  place  importante  à 
prendre  dans  le  commerce  d'importation.  Il  n'est  pas  douteux 
que  cette  plante  ne  réussît  à  Pondichéry,  à  Cayenne,  et  même 
en  Algérie,  dans  les  marais  de  la  Calle,  par  exemple,  où  vé- 
■cales, 
gètent  spontanément   quelques  plantes  des  régions  [Iropi- 

Dans  leur  impatience  de  régénérer  leurs  fibres  textiles  pour 
améliorer  leurs  papiers,  les  Anglais  avaient  cru  trouver  une 
nouvelle  matière  excellente  et  toute  prête;  c'étaient  les 
langes  des  momies  que  renferment  tous  les  sarcophages  d'E- 
gypte. Un  essai  fait  à  Londres,  en  1847,  avec  quelques-unes 
.de  ces  bandelettes  et  toiles  de  lin,  donna  des  papiers  et  des 
bristols  admirables.  On  calcula  que  les  tombeaux  d'Egypte 
pourraient  bien  fournir  20  millions  au  moins  de  quintaux  mé- 
triques de  tissus  de  lin,  et  qu'il  y  aurait  une  belle  matière  à 
produire  et  de  beaux  bénéfices  à  faire  si  l'on  mettait  en  pâte 
è  papier  les  bandelettes  et  la  cendre  des  morts.  Des  industriels 


212  VISITE 

proposèrent  au  vice-roi  de  lui  acliPter  ces  dépouilles  des 
tombeaux  anciens;  il  est  probable  qu'ils  attendront  longtenif.s 
une  réponse  favorable. 

Le  caractère  des  colonies  hollandaises  est  tout  autre  que 
celui  des  colonies  an^^Iaiies.  Les  fibres  textiles,  et  en  parti- 
culier le  Ramie,  y  figurent  encore  avec  quelques  bois,  mais 
leurs  produits,  extrêmement  variés,  comprennent  surtout 
des  épices  admirables,  de  belles  matières  tinctoriales,  des 
cafés  et  des  thés.  Le  caractère  y  est  cosmopolite. 

Le  trophée  (]ui  réunit,  dans  l'axe  de  l'Annexe,  toutes  ces 
récoltes  des  colonies  néerlandaises  ,  traduit  bien  le  caractère 
du  pays  et  du  peuple.  Ces  caisses,  ces  tonnes,  ces  ballots  . 
ces  sacs,  n'ont  pas  été  préparés  pour  le  jour  de  l'Exposition  ; 
ce  sont  les  enveloppes  habituelles  dans  lesquelles  le  com- 
merce hollandais  livre  au  monde  les  produits  de  son  sol  colo- 
nial. On  y  sent  la  mer,  le  goudron  ,  tous  les  parfums  du  bord, 
îl  semble  que  le  navire  vient  d'entrer  dans  le  port  et  qu'on 
vient  de  viJer  la  cale  sur  le  pont.  De  ce  tonneau  défoncé 
s'échappent  par  milliers  les  noix  du  muscadier  ;  celte  caisse 
forcée  montre  les  magnifiques  cylindres  de  la  cannelle;  ce 
baril  ouvert  jette  ,  com.me  une  corne  d'abondance,  de  super- 
bes cubes  d'indigo;  cet  autre  verse  les  minces  feuillets  de 
la  gomme-laque.  Voici  du  poivre ,  du  café,  du  thé,  des  clous 
de  girofle  dans  cette  coupe  indienne.  Cette  balle  évenlréecsl 
toute  pleine  des  fibres  du  Ramie,  dont  un  écheveau  est  sus- 
pendu à  l'angle  de  cette  caisse.  De  ce  côté,  s'ouvre  une  boite 
de  cigares;  de  cet  autre,  se  montrent  de  belles  feuilles  de  la- 
bac  de  Hollande.  Il  y  a  dans  ce  fouillis  de  richesses  ,  dans  ce 
chaos  de  matières  brutes  qui  donnent  l'existence  à  mille  in- 
dustries, une  sorte  de  sentiment  de  sa  valeur;  cela  respTo 
l'intelligence  du  producteur,  l'art  du  commerçant,  rartivit.é 
de  ce  grand  peuple,  autrefois  le  maître  des  mers,  qui  sut  si 
bien  tirer  échange  de  tout,  encaquer  ses  harengs,  Iroquei 
ses  tonnes  infectes  contre  des  tonnes  d'or.  Rien,  dans  le  Pa- 
lais de  l'Industrie  ,  n'a  plus  de  dessin ,  de  couleur  et  de  vie, 
que  ce  trophée  dans  lequel  s'engagent  les  plis  du  drapeau  na- 
tional ,  comme  poussé  par  le  vent  de  mer. 

Par  ses  productions,  Ceylan  se  rattache  au  groupe  hol- 
landais des  îles  à  épices,  et  c'est  aussi  ce  caractère  que  pré- 
sentent la  plupart  de  nos  colonies  françaises.  On  remarque 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  213 

entre  autres  produits,  le  rocou  de  notre  Guyane  ,  matière  co- 
lorante, d'un  jaune  rougeâtre  riche  ;  les  gommes  du  Sénégal , 
l'huile  de  palme  du  Gabon,  la  vanille,  le  cacao,  le  café  de 
lile  de  la  Réunion  ,  le  café  de  la  Guadeloupe. 

Les  épices  ont  eu,  chez  les  peuples  anciens,  une  très- 
grande  importance  comme  condiments  et  agents  digestifs; 
elles  ont  aussi  été  Irès-recherchées  par  les  peupl  s  modernes  , 
jusqu'à  ce  que  le  café  et  le  thé  aient  pris  une  partie  de  l(Hir 
rôle. 

La  France  importe  environ  146  000  kilogrammes  de  can- 
nelle ,  dont  134  000  désignés  comme  venant  de  Chine. 

La  muscade  a  été  inti-oduite  de  Batavia  à  l'île  de  France 
en  1753,  et  plus  tard  à  Cayenne.  Nous  en  importons  à  peu 
près  5  ou  6000  kilogrammes  sans  coques,  2  ou  3000  kilo- 
grammes avec  coques,  et  6  ou  700  kilogrammes  de  macis, 
sorte  de  réseau  à  larges  mailles  qui  enveloppe  la  noix.  L'An- 
gleterre en  a  fait  de.s  plantations  considérables  à  Sumatra 
et  au  Bengale;  elle  en  consomme  environ  10  000  kilogrammes 
l)ar  mois. 

La  culture  du  giroflier,  d'abord  confinée  dans  les  Molu- 
ques,  fut  importée,  en  1770 ,  à  l'île  de  France,  par  le  célèbre 
Poivre;  puis  se  répandit  à  Bourbon,  à  la  Martinique,  à 
Saint-Domingue,  à  Cayenne.  La  France  importe  annuelle- 
ment 233  OuO  kilogrammes  de  clous  de  giroQes  ,  qui  ne 
sont  autre  chose  que  des  fleurs  et  des  ovaires  non  fécondés  , 
et  133  000  kilogrammes  de  griffes  ou  grappes  qui  portent  les 
fleurs. 

Le  poivre  noir  est  d'une  consommation  beaucoup  plus 
étendue.  Nous  en  recevons  2  millions  et  demi  à  3  millions 
de  kilogrammes,  fournis,  pour  la  presque  totalité,  par  les 
Indes  hollandaises  et  anglaises. 

11  ne  faut  pas  croire  que  le  commerce  des  épices  soit  une 
question  de  peu  d'importance;  il  a  troublé  la  paix  du  monde, 
ensanglanté  l'Océan,  et  c'est  par  lui  qu'ont  été  ouvertes  les 
mers  des  Indes.  Aujourd'hui  si  vulgaires,  les  épices  fines  ont 
été  d'abord  réservées  au  luxe  le  plus  délicat  ;  elles  ont  donné 
leur  nom  à  certaines  redevances  judiciaires  ;  sous  François  I*'' 
et  Henri  IV,  la  corporation  des  marchands  d'épices  avait  le 
second  rang,  immédiatement  après  celle  des  drapiers.  Son 
domaine  était  alors  bien  limité ,  et  n'avait  pas  encore  envahi, 


âl4  VISITE 

comme  aujourd'hui,  à  peu  près  tout  ce  qui  peut  se  vendre  en^ 
petit  détail. 

En  dehors  des  produits  que  nous  venons  de  passer  en  re- 
vue, comme  étant  les  plus  remarquables  de  cette  classe  et 
comme  caractérisant  l'état  ou  les  tendances  commerciales 
des  peuples,  nous  ne  voyons  guère  à  citer,  pour  mémoire, 
que  les  fourrures  de  bêtes  fauves  exposées  en  si  grand  nom- 
bre par  les  Indes  anglaises  et  l'empire  ottoman. 

Nous  terminerons  par  quelques  observations  sur  une  indus- 
trie qui  s'annexe  à  la  production  des  bois,  et  prend  une  im- 
portance de  premier  ordre  dans  Fétat  actuel  de  notre  écono- 
mie forestière;  nous  entendons  parler  des  procédés  de  con- 
servation des  bois  de  M.  le  docteur  Boucherie, 

L'exposition  de  M.  Boucherie  comprend  deux  parties  :  des 
modèles  de  chantiers  sur  lesquels  il  prépare  les  bois  qu'il  s'a- 
git de  conserver,  et  des  pièces  de  bois  qui  démontrent  l'ef- 
ficacité de  sa  méthode  de  pénétration  :  le  procédé  et  les  ré- 
sultats. 

Le  procédé  est  simple,  les  frais  de  matériel  sont  presque 
nuls.  Une  corde  serrée  à  l'extrémité  des  pièces  de  bois  y 
forme  un  réservoir  dans  lequel  est  conduit ,  par  un  tube  en 
caoutchouc  ,  le  liquide  d'injection  qui  s'écoule  d'une  cuve 
soutenue  à  une  certaine  hauteur  par  un  petit  échafaudage. 
La  pression  suffit  pour  engager  le  liquide  dans  la  pièce  de 
bois  et  la  pénétrer. 

Une  bille  de  hêtre  ,  de  70  centimètres  de  diamètre,  fendue 
de  manière  à  laisser  voir  le  bois  dans  toute  sa  longueur  et 
jusqu'au  cœur  suivant  le  rayon  ,  montre  que  la  pénétration 
est  complète  dans  les  deux  sens. 

Quant  à  la  sûreté  du  procédé  et  à  sa  valeur  pratique,  une 
démonstration  nous  en  est  donnée  par  deux  ordres  de  faits 
qui  ne  laissent  subsister  aucune  ombre  de  doute.  Ces  faits 
sont  les  traverses  de  chemin  de  fer,  et  les  poteaux  des  lignes 
télégraphiques  exposés  par  l'inventeur. 

Six  traverses  de  chemin  de  fer  avec  leurs  coussinets  ont 
été  retirées  de  la  voie,  après  huit  années  d'un  séjour  consé- 
cutif dans  la  terre,  et  sont  aujourd'hui  au  Palais  de  l'Indus- 
trie. 

Une  de  ces  traverses  était  de  bouleau  non  injecté;  elle  a 
ubi  une  altération  profonde,  elle  se  décompose  et  tombe  en 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  215 

pourriture.  Ses  voisines ,  qu'on  avait  laissées  aussi  à  l'état 
naturel,  comme  terme  de  comparaison,  n'ont  pu  être  re- 
trouvées, ou  bien  ont  laissé  à  leur  place  une  masse  plus  ou 
moins  saisissahle  de  terre  et  de  matière  organique,  du  ter- 
reau au  lieu  de  bois. 

Les  autres  traverses  de  bouleau,  de  hêtre,  d'aune,  de 
charme  et  de  pin ,  pénétrées  par  le  liquide  conservateur,  sont, 
après  un  semblable  service  de  huit  années,  parfaitement 
saines,  même  à  leurs  parties  les  plus  superficielles,  qui  ré- 
sistent absolument  comme  le  bois  frais,  quand  on  cherche  à 
les  entamer  avec  le  couteau. 

Or,  après  un  séjour  de  huit  ans  dans  la  terre,  les  traverses 
du  meilleur  chêne  sont  déjà  en  voie  de  décomposition  ;  les 
coussinets  n'y  sont  plus  solidement  fixés  ,  parce  que  les  che- 
viliettes  ne  peuvent  plus  serrer  dans  un  bois  altéré  et  ra- 
molli; il  devient  indispensable  de  les  changer  de  place. 

Le  même  résultat  n'est  pas  moins  évident  sur  les  poteaux 
des  lignes  télégraphiques.  Ceux  que  M.  le  docteur  Boucherie 
expose  ont  été  retirés  au  mois  de  juin  dernier,  après  un  ser- 
vice de  neuf  années  :  ils  sont  aussi  sains  qu'au  jour  de  leur 
mise  en  place.  On  ne  peut  apercevoir  la  moindre  modification 
appréciable  sur  les  lamelles  des  couches  les  plus  extérieures; 
il  n'y  pas  la  plus  légère  différence  de  texture  ni  de  solidité 
au  point  où  la  partie  aérienne  du  poteau  s'unit  à  la  partie 
souterraine. 

Nous  citons  ces  faits,  parce  qu'ils  sont  le  résultat  d'appré- 
ciations officielles  qui  mettent  hors  de  toute  contestation  l'effi- 
cacité de  la  méthode  du  docteur  Boucherie.  D'importantes 
applications  industrielles  de  ce  procédé  ont  déjà  été  faites. 

Aujourd'hui,  tous  les  poteaux  des  lignes  télégraphiques, 
sans  exception,  ont  été  préparés  ainsi;  ils  sont  au  nombre 
de  deux  cent  cinquante  mille  ,  et  n'ont  coûté  à  l'État  qu'en- 
viron 2  millions  de  francs,  ce  qui  les  met  au  prix  moyen 
de  8  francs  pièce.  Un  examen  récent  a  prouvé  qu'ils  n'ont 
subi,  après  neuf  années  de  service,  aucune  espèce  d'altéra- 
tion. 

Si  ces  mêmes  lignes  eussent  été  construites  en  poteaux  de 
chêne,  comme  l'avait  été  la  ligne  primitive  de  Rouen,  les 
frais  de  premier  établissement  auraient  été  doublés,  et  la  du- 
rée eût  été  réduite  à  cinq  années.  L'adoption  de  ces  bois  a 


216  VISITE 

donc  déjà  permis  à  l'État  de  bénéficier  de  2  millions  au 
moins  sur  les  frais  d'inslallation ,  et  d'une  somme  presque 
égaie  sur  les  frais  d'entretien. 

Les  administrations  des  chemins  de  fer  ont  été  plus  lentes 
à  adopter  pour  traver.-^es  les  bois  préparés  ;  il  leur  fallait  des 
garanties  de  durée  que  l'expérience  et  le  temps  pouvaient 
seuls  leur  donner.  C'est  à  1847  que  remonte  la  première  four- 
niture; elle  était  de  vingt-cinq  mille  billes,  que  la  compagnie 
du  Nord  fît  placer  sur  la  voie  de  Cieil  à  Saint-Quentin.  Depuis 
cette  époque,  et  jusqu'à  la  fin  de  1854,  les  commandes  di- 
verses n'ont  pas  dépassé  cent  mille  traverses.  Cette  année,  il 
en  a  été  demandé  deux  cent  mille  qu'on  prépare  actuellement 
sur  vingt  chantiers  étabfs  dans  les  départements  des  Arden- 
nes,  de  l'Oise,  de  l'Aisne,  de  la  Marne,  de  la  Seine-Infe- 
rieure  ,  de  la  Loire-Inférieure  ,  etc. 

La  marine  aussi  a  songé  à  utiliser  la  découverte  :  sept  cents 
stères  sont  à  l'essai. 

Les  faits  sont  décisifs,  et  nous  n'hésitons  pas  à  dire  que  ja- 
mais lasciencL»  n'adonné  à  la  pratique  un  procédé  plus  simple, 
moins  coûteux  et  plus  certain. 

Tous  ceux  qui  se  préoccupent  des  questions  d'intérêt  pu- 
blic peuvent  j^révoir  l'avenir  et  Timportance  de  cette  nouvelle 
industrie;  il  suffit  de  mettre  en  parallèle  l'état  de  notre  pro- 
duction et  celui  de  nos  besoins. 

On  sait,  en  effet,  que  les  forêts  ont  été  depuis  quelque 
temps  dépeuplées  ou  défrichées  de  manière  à  diminuer  dans 
une  proportion  considérable  les  ressources  de  l'avenir.  Le  dé- 
peuplement a  surtout  porté  sur  le  chêne,  auquel  on  a  toujours 
donné  la  préférence,  pour  les  travaux  des  villes,  sur  toutes  les 
autres  essences.  La  production  de  toutes  les  forêts  est  de  onze 
cent  mille  stères  au-dessous  de  la  consommation.  Nos  états 
de  douane  de  1833  constatent  l'entrée  en  France  de  bois  de 
toute  sorte,  pour  une  valeur  de  vingt-huit  millions  de  francs. 

D'un  autre  côté,  en  négligeant  la  consommation  des  bois 
pour  tous  les  services,  et  en  ne  considérant  que  les  besoins  des 
chemins  de  fer  pour  la  construction  et  l'entretien  de  leurs 
voies,  on  trouve  que,  très-prochainement,  il  aura  été  placé 
sur  toutes  les  voies  établies,  vingt  millions  de  traverses  qui 
devront  être  renouvelées  en  totalité  tous  les  dix  ans;  à  6  fr.  50 
en  moyenne  par  traverse,  c'est  une  dépense  décennale  de 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  217 

130  millions  de  francs.  Il  ne  sera  plus  possible  de  fournir  à 
cette  immense  consommation  qu'au  moyen  des  essences 
tendres  ;  et  ces  essences  ne  peuvent  être  employées  qu'après 
avoir  subi  une  préparation  eificace. 

La  question  que  résout  l'ifivention  du  docteur  Boucherie  est 
donc  des  plus  importantes.  Nous  sommes  certains  que  le  jury 
usera  de  tous' les  moyens  de  contrôle  et  d'enquête  qu'il  a  à  sa 
disposition  pour  juger,  en  dernier  ressort,  du  mérite  réel  du 
procédé,  et  éclairer  enfin  le  public  sur  la  valeur  comparative 
des  différentes  méthodes  proposées  dans  le  même  but. 

Les  ingénieurs  anglais  suivent  avec  une  grande  anxiété  l'in- 
vention de  notre  compatriote.  Espérons  que  l'histoire  de  la 
conservation  des  bois  ne  fera  pas  pendant  à  l'histoiredu  Uamie. 

Vue  analogie  très-lointaine,  une  analogie  de  nom  seule- 
ment, nous  conduit  à  dire  un  mot  d'un  produit  exposé  par 
M.  Meyer,  de  Hambourg,  sous  le  nom  de  bois-marbre.  Nous 
avions  supposé  d'abord  qu'il  s'agissait  ici  de  procédés  d'in- 
jection des  bois;  il  n'en  est  rien.  Ce  bois-marbre  paraîtêtre 
simplement  obtenu  par  l'agglutination  de  la  sciure  de  bois, 
d'ivoire,  dos,  etc.,  à  l'aide  d  une  pâte,  d'une  sorte  de  mastic. 
On  peut  donner  à  la  masse  toutes  sortes  do  nuances,  de  ma- 
nière à  imiter  les  marbres,  les  bronzes,  les  bois,  et  il  est  fa- 
cile de  comprendre  que  cette  masse  peut,  avant  sa  solidifi- 
cation, recevoir  ainsi  toutes  sortes  de  formes  par  le  moulage, 
le  coulage  ou  autres  procédés.  Elle  reçoit  d'ailleurs  un  beau 
poli  et  ne  manque  pas  d'effet,  comme  le  montrent  les  meubles 
fabriqués  avec  cette  matière  qui  n'a  rien  de  commun,  on  le 
voit,  avec  les  procédés  d'injection  et  de  conservation. 


CLASSE  m. 

Agriculture,  y  compris  toutes  les  cultures  de  végétaux, 
et  d'animaux. 

Dans  aucune  classe  les  produits  ne  sont  plus  variés  que 
dans  celle-ci;  dans  aucune  ils  ne  sont,  non  plus,  aussi  inté- 


218  VISITE 

ressants.  C'est  là  que  se  trouvent  nos  aliments  et  nos  vête- 
ments, la  base  la  plus  large  de  notre  industrie  et  de  notre 
commerce. 

Au  milieu  de  cette  innombrable  diversité  de  produits,  il  en 
est  quelques-uns  qiii  se  distinguent  cependant  et  par  leur  im- 
portance même,  et  par  la  beauté  exceptionnelle  de  leurs  re- 
présentants à  l'Exposition,  et  par  l'étude  qu'ils  provoquent 
dans  l'intérêt  de  notre  pays. 

Les  céréales,  les  laines  et  les  cotons  prennent  le  premier 
rang,  à  une  grande  dislance  des  autres  produits  qui  pourront 
nous  occuper;  nous  leur  conserverons  dans  notre  examen  la 
place  et  l'importance  qu'ils  prennent  au  Palais  de  l'Industrie. 
în'ous  parlerons  ensuite  de  la  production  d'un  engrais  désigné 
sous  le  nom  de  guano  de  poisson  ,  puis  d'une  collection  d  é- 
chantillons  des  sols  arables  et  des  sous-sols  de  l'arrondisse- 
ment de  Valenciennes,  dans  lesquels  se  révèle  l'existence  d'un 
des  plus  précieux  amendements  que  puisse  réclamer  l'agricul- 
ture. Nous  aurons  enfin  quelques  mots  à  dire  sur  un  atlas  agri- 
cole qui  paraît  des  mieux  entendus  et  doit  être  des  plus  utiles. 

Nous  toucherons  ainsi,  par  les  points  les  plus  saillants,  à 
chacune  des  granJes  catégories  que  comprend  celte  classe  ; 
questions  de  constitution  du  sol,  études  statistiques,  produc- 
tions de  la  terre  et  des  animaux  domestiques;  nous  aurons 
ainsi  essayé  d'embrasser,  sinon  d'épuiser  le  vaste  ensemble 
qui  se  présente  à  nous  si  compliqué  de  détails. 

Une  exposition  particulière,  celle  de  l'Algérie,  fixera  plus 
spécialement  notre  examen,  comme  elle  attire  les  yeux  des 
visiteurs  par  la  place  qu'elle  occupe  et  qu'elle  remplit  si  bien 
au  centre  de  la  galerie  annexe.  C'est  une  personnalité  qui  se 
révèle  avec  éclat  ;  il  importe  d'apprécier  ses  tendances  et 
de  chercher  comment  s'établit,  entre  elle  et  la  métropole, 
l'harmonie  d'efforts  qui  doit  tourner  au  profit  de  toutes 
deux. 

Sous  le  rapport  des  céréales,  l'Algérie  tient  la  tête  à  l'Expo- 
sition. Ses  blés  durs  sont  magnifiques,  et  ceux  de  la  colonie 
agricole  de  Saint-Louis  sont  remarquables  entre  tous  par  leur 
qualité  générale  et  uniforme.  Les  richelles  de  Naples  que  nous 
montre  l'Algérie  sont  bien  supérieures  aux  plus  belles  que  Na- 
ples nous  ait  jamais  données.  Grâce  à  la  nature  de  son  climat, 
l'Algérie  peut  avoir  achevé  sa  récolte  en  mai  et  juin,  l'expé- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  21^ 

dier  en  France  dès  le  mois  de  juillet.  Nous  pouvons  donc 
juger  sa  récolte  de  1855  :  blés  et  orges  sont  très-beaux. 

On  peut  surtout  admirer  des  blés  d'Abyssinie  et  une  orge 
de  même  provenance,  plus  hâtive  que  les  nôtres  d'un  mois. 
Ces  grains  proviennent  d'un  envoi  fait  par  Shimper  au  Muséum 
de  Paris,  qui  les  a  ensuite  distribués  aux  différentes  pépi- 
nières d'Algérie.  Celle  de  Biskra  seule  a  compris  l'importance 
de  ce  don,  et  a  cultivé  les  nouvelles  plantes  avec  un  soin  que 
le  succès  couronne. 

L'intelligence  et  la  persévérance  peuvent  tout  attendre  de 
la  fécondité  du  sol  algérien,  signalée  par  des  prodiges  d'une 
végétation  depuis  longtemps  proverbiale.  Pline  raconte  qu'Au- 
guste reçut,  de  cette  partie  de  l'empire,  une  belle  gerbe  de 
blé  formée  par  quatre  cents  tiges  s'élevant  d'un  seul  pied.  Une 
autre,  de  trois  cent  soixante  épis  nés  d'un  seul  grain,  fut  of- 
ferte à  Néron.  Shaw  rapporte  avoir  vu  un  pied  de  froment 
garni  de  cinquante  chaumes,  et  avoir  appris  qu'un  gouver- 
neur de  province  en  avait  reçu  un  qui  en  portait  cent  vingt. 
A  l'exposition  de  1849,  nous  avons  vu  deux  pieds  de  blé  por- 
tant, l'un  cent  vingt-deux,  et  l'autre  cent  cinquante-deux  épis. 
Des  grains  d'orge  ont  rendu  jusqu'à  trois  cent  douze  épis.  Il  y 
a,  dans  cette  terre  algérienne,  une  fécondité  latente  accumulée 
par  le  repos,  qui  lui  rend  tous  les  avantages  de  la  virginité. 

Ce  n'est  pas  seulement  par  la  qualité  de  ses  céréales  que 
notre  colonie  se  dislingue,  c'est  aussi  par  le  développement 
que  cette  culture  prend,  pour  le  plus  grand  bénéfice  de  la  co- 
lonie elle-même  et  de  la  mère-pairie.  11  y  a  quelques  années, 
l'Algérie  tirait  de  l'étranger  la  majeure  partie  du  blé  et  de  la 
farine  de  sa  consommation  ;  depuis  que  la  loi  dedoua^nes  lui  a 
ouvert  nos  ports,  elle  a  fourni  à  la  France  un  excédant  de 
consommation  important.  En  1 853,  elle  nous  a  vendu  près  d'un 
million  d'hectolitres  de  céréales  ;  en  1 854,  elle  a  exporté,  prin- 
cipalement pour  l'armée  d'Orient,  près  de  2  millions  d'hecto- 
Utres  de  blé  et  d'orge,  2  300  000  kilogrammes  de  farine,  et 
plus  de  2  millions  et  demi  de  pain  et  biscuit  de  mer. 

On  estime  que  les  blés  tendres  y  pèsent  régulièrement  de 
80  à  85  kilogranmies  l'hectolitre,  au  lieu  de  75  à  76  kilogr. 
qu'ils  donnent  chez  nous.  Les  prix  auxquels  se  sont  vendus 
les  blés  en  Algérie,  au  mois  de  mai  dernier,  alors  qu'ils  at- 
teignaient leur   maximum  de  cherté  en   France,    montrent 


220  VISITE 

aussi  quelles  ressources  promet  à  l'avenir  l'extension  de  la 
culture  des  céréales  dans  notre  colonie  africaine  ;  l'hectolitre 
a  valu  lo  francs  en  moyenne;  les  prix  extrêmes  ont  été 
Il  fr.  50  et  20  francs. 

Si  jamais  culture  a  été  indiquée  par  la  nature  à  l'homme, 
c'est  bien  certainement  celle  des  céréales  en  Algérie.  Il  est 
inutile  d'ins'ster  pour  montrer  que  c'est  aussi  dans  cette  cul- 
ture que  la  France  trouvera  le  secours  le  plus  utile  que  puisse 
lui  prêter  sa  colonie. 

Outre  sa  collection  de  céréales,  et  en  particulier  de  fro- 
ments, la  p'us  belle  de  l'Exposition,  l'Algérie  nous  montre  en- 
core de  jolis  1ms  en  graines,  de  magnifiques  oranges  et  citrons, 
de  belles  plantes  fourragères.  Ses  luzernes  et  la  richesse  de 
ses  prairies  nous  font  rêver,  pour  l'Algérie,  une  bien  grande 
prospérité  par  Télevage  des  animaux  domestiques.  Nous  re- 
viendrons tout  à  l'heure  sur  cette  grave  question. 

Auprès  de  l'Algéiie,  mais  au-dessous  d'elle,  se  place  l'Au- 
stralie pour  la  qualité  de  ses  grains.  Puis  vient  le  Canada  qui 
se  distingue  par  un  ensemble  de  produits  de  premier  choix,  les 
seuls  qu'il  ait  exposés,  et  qu'il  a  merveilleusement  exposés.  Les 
blés  sont  extraordinairement  remarquables;  les  avoines  sont 
très-belles;  les  pavots  pour  l'exiraction  de  l'huile,  les  pois 
gris  pour  fourrages  sont  admirables.  Voilà  deux  grandes  co- 
lonies que  le  Royaume-Uni  peut  montrer  avec  orgueil  au  reste 
du  monde.  Si  nous  pouvons  leur  opposer  l'Algérie  sous  le 
rapport  de  la  qualité  des  céréales,  elles  reprennent  le  dessus  , 
Tune  pour  ses  bois,  et  l'Australie  pour  ses  laines  dont  nous  par- 
lerons bienlôL  II  est  vrai  que  notre  établissement  africain  est 
de  date  plus  récente  ;  mais  le  temps  n'est  pas  l'élément  qui 
nous  a  manqué,  ni  celui  qui  a  décidé  du  succès  des  colonies 
anglaises  dont  nous  parlons  :  nous  dirons  plus  loin  comment 
.s'explique  la  situation. 

Deux  produits  distinguent  surtout  l'exposition  de  l'empire 
autrichien  :  les  céréales  et  les  vins.  Quelques  récoltes  d'une 
importance  secondaire  y  figurent  aussi  avec  honneur  ,  et 
nous  citerons  les  plus  remarquables. 

Les  blés  et  surtout  les  seigles  de  la  Bohême,  les  houblons  des 
mêmes  provinces,  les  maïs  de  Hongrie  et  de  Styrie,  les  orges 
de  Hongrie,  et,  entre  autres,  celles  de  Deutsch-Kreutz  et  des 
Bénédictins  de  Saint-Martinsberg;  tels  sont  les  produits  qui 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  221 

SB  placent  iiu  ])remicr  rang  dans  l'immense  variété  de  produits 
de  cet  immense  empire. 

Les  houblons  de  Bavière  et  surtout  les  très-beaux  échan- 
tillons belges  de  Poperingue,  le  disputent  aux  houblons  de 
Bohème.  Aux  beaux  maïs  de  Hongrie  et  de  Siyrie,  on  peut 
opposer  ceux  d'Algérie  et  de  Portugal.  La  Suède  aussi  nous 
montre  quelques  maïs  hâtifs  qu'on  s'étonnerait  de  trouver 
dans  un  pays  aussi  septentrional,  si  l'on  ne  se  rappelait  qu'un 
été  court,  mais  chaud,  suffit  à  la  maturation  de  ce  grain.  Les 
seigles,  les  avoines,  mais  particulièrement  les  blés  de  la  Suède 
sont  d'une  qualité  supérieure;  la  pesanteur  annoncée  des  blés 
est  bien  extraordinaire  ;  on  la  porte  à  8i  kilogrammes  l'hec- 
tolitre. 

Quelques  blés  tendres  d'une  belle  qualité,  de  jolis  seigles 
et  des  orges  tout  à  fait  hors  ligne  ,  caractérisent  l'exposition 
agricole  du  Danemark. 

La  Belgique  tient  une  belle  place  par  les  produits  de  sa  grande 
culture,  et  ceux  de  sa  culture  de  plantes  industrielles.  Elle 
offre  en  très-beaux  échantillons  ,  des  houblons,  des  blés  ad- 
mirables, des  lins  très-remarquables  de  Courlray  et  de  Ter- 
munde,  un  sarrasin  argenté  de  la  Campine,  le  seigle  de  Rome, 
qui  fait  son  chemin  dans  cette  Sologne  belge  que  les  efforts 
persévérants  du  pays  gagneront  à  la  culture,  pour  le  plus 
grand  bien  d'une  population  nombreuse. 

La  Hollande  présente  peu  de  choses  :  une  petite  collection 
de  haricots;  une  grande  collection  de  blés  étrangers  insuffi- 
samment instructive,  faute  d'étiquettes  correctes.  C'est  dans 
son  sol  colonial  que  se  trouve  la  richesse  agricole  de  la  Hol- 
lande; son  territoire  européen  est  surtout  occupé  par  un  ma- 
gnifique bétail  élevé  spécialement  en  vue  de  la  laiterie. 

Le  Portugal  a  une  belle  série  de  blés,  et  surtout  des  blés 
rouges  très-fins.  Ses  seigles  sont  de  qualité  moyenne;  ses 
orges,  médiocres,  sont  bien  au-dessous  des  orges  autrichiennes 
et  danoises.  Ses  riz  sont  assez  fins,  et  pourraient  prendre  un 
très-beau  rang,  si  la  chambre  de  commerce  de  Lugano  n'avait 
présenté  une  magnifique  collection  de  riz  de  premier  mérite. 

Des  amandes,  des  figues  sèches  d'une  qualité  supérieure, 
des  gesses,  des  lupins  et  surtout  des  pois  chiches  d'une  éton- 
nante beauté,  complètent  l'exposition  du  Portugal  dans  ce 
qu'elle  offre  de  plus  saillant. 


222  VISITE 

La  Grèce  a  d'assez  belles  vesces,  une  assez  jolie  collection 
de  blés  durs,  et  de  beaux  sésames.  Le  miel  du  mont  Hymelte 
qu'elle  expose,  est  très-beau  et  excellent,  dit-on;  l'agriculture 
reste  ainsi  fidèle  aux  traditions  des  poêles. 

Les  blés  de  la  Turquie  sont  très-beaux,  mais  sales  ;  il  faut, 
toutefois,  en  excepter  ceux  de  Candie,  dont  tous  les  produits 
sont  supérieurs,  et  par  la  qualité  et  par  la  netteté  des  échan- 
tillons. En  général,  les  orges  et  les  riz  ont  été  mauvais  en 
Turquie;  les  avoines  et  les  sorghos  médiocres,  les  maïs  bons. 
Quelques  produits  particuliers  appellent  aussi  l'attention  sur 
l'exposition  turque  :  des  anis,  des  pistaches  et  des  châtaignes 
superbes,  de  beaux  sésames  d'Andrinople,  des  mûres  blan- 
ches, séchées,  d'un  usage  général  parmi  les  femmes  turques, 
et  assez  bonnes,  à  ce  qu'il  paraît.  Le  miel  d'Angora  est  infé- 
rieur à  celui  du  mont  Hymelte. 

Nous  venons  d'indiquer  les  produits  qui  nous  paraissent 
dignes  entre  tous  d'appeler  l'examen  des  visiteurs  pour  les- 
quels l'Exposition  est  une  occasion  d'études;  nous  avons  ré- 
servé, pour  en  parler  en  dernier  lieu,  les  produits  agricoles 
de  la  France  et  de  l'Angleterre. 

L'analyse  de  spécimens  aussi  divers,  aussi  nombreux  et 
aussi  importants  que  le  sont  ceux  de  ces  deux  grands  pays, 
est  impossible  ici,  et  serait  de  nul  intérêt  pour  le  but  que  nous 
nous  proposons.  Une  circonstance  heureuse  nous  permettra, 
cependant,  de  continuer,  pour  la  France  et  pour  l'Angleterre, 
la  tâche  que  nous  avons  entreprise,  de  comparer  et  de  caracté- 
riser l'exposition  des  divers  peuples,  sans  trop  étendre  notre 
champ,  ni  éparpiller  nos  recherches. 

En  effet,  les  produits  agricoles  du  sol  français  et  ceux  du  sol 
anglais  se  trouvent  résumés,  en  quelque  sorte,  dans  deux 
magnifiques  collections  exposées,  l'une  par  la  maison  Vilmo- 
rin, de  Paris,  l'autre  pnr  le  département  des  sciences  et  arts, 
de  Londres.  L'une  et  l'autre  présentent  une  admirable  réunion 
de  céréales  en  paille  et  en  épis,  de  grains  et  graines  pour 
semence,  de  plantes  fourragères,  tinctoriales,  économiques. 
Les  variétés  sont  nombreuses;  tous  les  sols,  tous  les  climats 
y  peuvent  trouver  les  plantes  qui  leur  conviennent. 

La  collection  anglaise  se  développe  sur  un  grand  espace  et  y 
étale  des  spécimens  bien  choisis,  bien  nets,  dun  beau  volume. 
La  collection  française  compte  deséchanlillons  bien  plus  nom- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  223 

breiix  sur  une  surface  moindre,  et  se  distingue  par  sa  richesse 
exceptionnelle,  surtout  par  la  connaissance  profonde  des  va- 
riétés et  leur  détermination  exacte.  Nous  ne  ferons  que  répé- 
ter une  vérité  bien  connue  de  ceux  qui  ont  étudié  ces  ques- 
tions délicates,  et  mise  hors  de  doute  à  chaque  exhibition 
nouvelle,  en  disant  que  notre  compatriote  est,  en  Europe, 
l'homme  qui  connaît  le  mieux  les  céréales  au  point  de  vue 
scientifique  et  praticiue. 

On  peut  caractériser  d'un  mot  ces  deux  admirables  collec- 
tions :  celle  de  France  est  plus  scientifique  ,  celle  d'Angleterre 
est  plus  statistique. 

Le  département  des  sciences  et  arts  de  Londres  a  placé, 
devant  les  vitrines  de  son  exposition,  des  tableaux  destinés  à 
faciliter  l'enseignement  botanique  et  l'étude  si  complexe  des 
céréales.  Ces  tableaux,  parfaitement  réussis,  montrent  plu- 
sieurs espèces  de  divers  genres  décomposées  en  leurs  parties 
constitutives,  de  manière  à  faire  voiries  relations  des  organes 
entre  eux,  et  à  mettre  en  évidence  les  différences  caractéristi- 
ques. C'eit  une  dissection  de  la  plante  elle-même  faite  par  la 
science  au  profit  de  la  pratique,  et  fixée  d'une  manière  per- 
manente sur  le  papier  :  c'est  un  herbier  analytique. 

M,  Vilmorin  expose  aussi  son  bel  atlas  indiquant  les  varié- 
tés des  plantes  de  culture,  et  présente  les  premières  feuilles 
d'un  ouvrage  où  seront  représentées  les  graminées  utiles.  Le 
dessin  et  la  couleur  donnent  une  image  fidèle  de  chaque 
plante;  l'exactitude  est  parfaite.  De  telles  planches  à  côté  des 
tableaux-herbiers  de  l'Angleterre,  simplifient  l'étude  des  vé- 
gétaux ,  sans  lui  rien  ôter  de  sa  précision  scientifique,  et  la 
rendent  accessible  à  tous. 

Nous  devons  mentionner,  dans  le  même  ordre  d'idées,  une 
belle  collection  de  graines  agricoles  de  Carlsruhe,  dont  le 
grand  mérite  consiste  à  présenter  les  types  mêmes  de  l'ou- 
vrage de  Metzger  sur  les  céréales  d'Europe. 

Après  les  plantes  qui  donnent  à  l'homme  sa  nourriture, 
une  des  plus  précieuses  et  des  plus  importantes  est  le  coton- 
nier ;  c'est  aussi  une  de  celles  dont  se  préoccupent  le  plus  au- 
jourd'hui les  pays  producteurs  et  les  pays  manufacturiers. 

Il  y  a  longtemps  que  l'Amérique  emploie  le  coton  comme 
plante  textile.  Le  manteau  d'une  momie  du  plateau  de  Tunja, 
examiné  par  le  docteur  Roulin,  était  de  coton,  et  partout  où 


224  VISITE 

les  conquérants  pénétrèrent,  ils  trouvèrent  le  coton  en  pleine 
culture.  Ainsi,  Colomb  vil  leco'on  cultivé  à  Cuba,  en  '1492; 
Cortez,  au  Mexique,  en  1519;  Pi/arre,  au  Pérou,  en  1522;  de 
Vaca,  au  Texas  et  à  la  Louisiane,  en  1536.  Sir  Waller  Ra- 
leigb,  à  la  fin  du  xvi*  siècle,  le  trouva  cultivé  dans  la  Virgi- 
nie et  la  Caroline  du  nord,  et  il  était  exploité  dans  la  Caroline 
du  sud  et  la  Géorgie  longtemps  avant  la  révolution  de  1776. 

Ce  ne  fut  cepen  iant  que  vers  la  fin  du  xviir  siècle  que  le 
coton  entra  dans  le  commerce  comme  objet  d'écbange  impor- 
tant. La  variété  sea  islancl,  nommée  chez  nous  Geornie  longue 
soie,  la  plus  belle  de  toutes  les  variétés  connues,  était  cultivée 
dans  la  Caroline  du  sud,  dès  1790.  Le  champ  où  fut  tenlé  le 
premier  essai  de  culture  de  cette  variété,  renfermait  la  place 
même  où,  en  1562,  Jean  Ribault,  le  pionnier  des  explorateurs 
français  en  Amérique,  éleva  une  colonne  de  pierre  pour  pren- 
dre possession  du  territoire  au  nom  de  la  France.  C'est  de  ce 
champ  même  que  le  gouvernement  a  tiré,  pour  l'Algérie,  les 
graines  qui  ont  permis  à  notre  colonie  de  récolter  les  magnifi- 
ques échantillons  de  coton  longue  soie  exposés  au  Palais  de 
l'Industrie. 

Un  autre  rapprochement  n'est  pas  moins  curieux.  Les  plus 
beaux  échantillons  de  la  Caroline  du  sud  à  lExposilion  sont 
certainement  ceux  de  MM.  Seabrook  et  Mekel  ;  les  plus  beaux 
cotons  longue  soie  de  l'Algérie,  récoltés  en  1854  et  présentés 
par  M.  Goby,  de  Blidah,  sont  indiqués  comme  provenant  des 
graines  de  M.  Seiibrook,  de  Charleslown,  à  qui  le  ministre  de 
la  guerre  les  avait  achetées.  Si  les  cotons  des  deux  prove- 
nances ont  entre  eux  tant  de  ressemblance,  il  ne  faut  pas  s'en 
étonner  ;  la  supériorité  de  l'un  explique  la  supériorité  de 
l'autre. 

Mais  ce  n'est  pas  par  le  résultat  même  obtenu  dans  la  qua- 
lité du  coton,  que  la  question  de  l'opportunité  de  cette  cul- 
ture en  Algérie  peut  être  résolue;  il  faut,  avant  tout,  se  ren- 
dre compte  de  l'état  actuel  de  la  production,  de  celui  de  la 
consommation  ,  et  des  besoins  combinés  de  la  France  et  de 
l'Algérie, 

Aujourd'hui,  le  premier  pays  producteur  de  colon  est  l'U- 
nion américaine;  nous  avons  dit  pius  haut  que  la  culture  de 
celte  plante  n'y  a  commencé  à  être  quelque  peu  importante 
que  vers  la  fin  du  dernier  siècle.  En  1747,  sept  balles  seulement 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  225 

furent  expédiées  de  Charlestown  en  Angleterre  ;  et  lorsque,  en 
178-4,  le  même  port  envoya  en  Angleterre  71  balles  nouvelles, 
c'est-à-dire  8  à  9  mille  kilogrammes,  la  cargaison  fut  saisie 
comme  contrebande,  sous  prétexte  qu'il  était  tout  à  fait  im- 
possible que  l'Amérique  eût  produit  une  aussi  grande  masse  de 
coton. 

En  1791,  le  total  des  exportations  des  États-Unis  était  d'en- 
viron 86  000  kilogrammes  de  coton. 

En  1793,  il  s'éleva  à  3  millions  de  kilogrammes. 

En  1820,  il  atteignit  le  chiffre  de  80  millions  de  kilo- 
grammes. 

En  1840,  celui  de  358  millions  de  kilogrammes. 

En  1850,  celui  de  448  millions  de  kilogrammes. 

En  1833,  celui  de  587  millions  de  kilogrammes,  évalués 
600  millions  de  francs. 

En  soixante  ans  à  peu  près,  la  production,  ou  pour  parler 
plus  exactement  l'exportation  est  donc  devenue  près  de 
7  mille  fois  plus  forte,  en  suivant  les  lois  d'une  progression 
croissante  qui  ne  semble  pas  devoir  s'affaiblir. 

C'est  un  des  plus  magnifiques  exemples  du  développement 
d'une  industrie;  c'est  une  des  valeurs  les  plus  considérables 
que  puisse  jeter  un  seul  produit  du  sol  dans  le  pays  produc- 
teur. Et  si  l'on  considère  que  la  valeur  de  la  matière  brute  est 
au  moins  quadruplée  par  la  fabrication,  on  arrive  au  total 
énorme  de  plus  de  2  milliards  de  francs,  comme  exprimant  la 
richesse  annuelle  due  au  coton  seulement. 

Quant  aux  bénéfices  de  fabrication,  on  peut  les  estimer  à 
1500  millions  de  francs  ,  dont  un  cinquième  tout  au  plus 
s'applique  aux  Étals-Unis,  le  reste  aux  manufactures  de 
l'Europe  :  à  celles  d'Angleterre  en  première  ligne,  à  celles  de 
France  ensuite. 

Pour  l'année  qui  se  termine  au  1"'"juin  1834,  l'Angleterre  a 
reçu  286  millions  de  kilogrammes  ;  la  France  a  reçu  directe- 
ment d'Amérique,  sans  compter  ce  qu'elle  peut  avoir  tiré  de 
la  Grande-Bretagne ,  64  millions  de  kilogrammes.  L'importa- 
tion en  Espagne,  par  les  ports  de  la  Méditerranée,  n'est  qu'un 
cinquième  de  celle  de  la  France,  et  surpasse,  cependant,  celles 
de  toutes  les  autres  puissances  continentales. 

Mais  les  États-Unis  ne  sont  pas  les  seuls  producteurs  de 
coton.  Dans  la  campagne  de  1853,  où  nous  venons  de  voiries 
206  0 


226  VISITE 

États-Unis  figurer  pour  587  millions  de  kilogrammes,  TÉgypte 
a  produit  31  millions;  les  Indes  orientales,  30  millions:  le  Bré- 
sil, "25  millions;  et  quelques  autres  pays,  6  millions  de  kilo- 
grammes. 

La  production  totale  de  coton  pour  l'année  1853  ,  s'élève 
donc  à  679  millions  de  kilo:j;rammes,  quantité  qui  représente 
l'importance  du  marché  qui  s'ouvre  devant  la  production,  et 
qui  est  bien  faite  pour  tenter  les  pays  auxquels  leurs  condi- 
tions climatériques  et  agricoles  laissent  l'espoir  de  voir  réussir 
la  culture  de  cette  plante.  On  comprend  donc  que  l'Algérie 
ait  été  tentée. 

Cependant  la  place  est  déjà  bien  prise  par  les  pays  produc- 
teurs que  nous  venons  de  citer,  et  la  marche  incessamment 
croissante  de  leur  production  n'indique  pas  qu'ils  soient  dis- 
posés à  renoncer  à  une  culture  aussi  fructueuse   II  est  vrai 
que  les  manufactures  des  États  Unis  se  développent  et  con- 
somment une  quantité  de  plus  en  plus  considérable  de  coton, 
qui  s'est  élevée  de  1  million  200  mille  kilogrammes  en  1825. 
à  121  millions  de  kilogrammes  en  1853,  c'est-à-dire  qui  a  plus 
que  centuplé  dans  l'espace  de  28  ans.  Il  est  vrai  encore  que  ce 
développement  des  manufactures  américaines  est  stimulé  par 
le  désir  de  s'emparer  de  l'importation  de  tissus  grossiers  et 
rustiques  en  Chine,  et  de  s'assurer  ainsi  la  consommation 
d'une  population  de  300  millions  d'individus   Mtiis  il  n'est  pas 
moins  vrai  aussi  que  les  conditions  de  culture  sont  exception- 
nellement favorables  au  coton  dans  ce  pays;  que  tous   les 
efforts  d'un  grand  nombre  d'États  se  dirigent  naturellement 
et  forcément  vers  ragiiculture;  que  les  terres  n'y  sont  pas  d'un 
prix  élevé  ;  que  la  population  n'est  pas  assez  nombreuse  pour 
commander  la  production  des  denrées  alimentaires  ;  que  la 
main-d'œuvre  n'y  est  cependant  pas  chère;  que  le  dévelop- 
pement des  manufactures  n'ira  pas  très-loin  ,  gêné  qu'il  est , 
malgré  la  possession  de  la  matière  première  et  les  avantages 
de  la  navigation  la  plus  économique  du  monde,  par  la  con- 
currence des  marchandises  étrangères  sur  les  marchés  inté- 
rieurs ,  et  gêné  au  dehors  par  le  bas  prix  des  produits  avec 
lesquels  lutte  et  peut  lutter  l'Angleterre;  déjà  les  fabricants 
en  sont  à  réclamer  des  droits  protecteurs  élevés,  qui  leur 
garantissent  au  moins  leur  marché,  bien  que  le  tarif  actuel 
soit  déjà  de  25  pour  100  de  la  valeur.  11  est  donc  certain  qu'il 


A  L'EXPOSITION  UTVIVERSELLE.  227 

sera  bien  longtemps  encore  de  l'intérêt  de  l'Amérique  de 
produire  une  matière  qu'il  est  de  l'intérêt  bien  entendu  des 
peuples  du  continent  de  manufacturer  et  de  consommer. 

Ce  n'est  pas  nous  ,  d'ailleurs  ,  qui  sommes  directement 
menacés  par  la  concurrence  industrielle  des  États-Unis,  c'est 
l'Angleterre  qui  voudrait  fabriquer  assez  pour  s'opposer,  sans 
trop  de  sacrifices,  à  l'envahissement  de  la  consommation  chi- 
noise par  les  Américains,  Aussi  l'Australie  essaye-t-elle  d'a- 
jouter à  la  production  de  l'Inde,  et  elle  expose  de  beaux 
cotons  obtenus  sur  son  sol. 

Cependant  une  difficulté  s'opposera,  en  Australie,  à  l'exten- 
sion considérable  de  la  culture  du  coton ,  c'est  le  manque  de 
bras;  et,  bien  que  des  travailleurs  de  divers  pays,  notamment 
des  Chinois,  y  soient  attirés,  il  pourrait  bien  arriver  pour 
l'Australie  ce  qui  est  arrivé  pour  la  Guyane  anglaise. 

Jusqu'en  1820,  le  coton  a  été,  pour  cette  Guyane,  le  prin- 
cipal article  d'exportation:  mais  l'énorme  accroissement  delà 
production  du  coton  dans  l'Amérique  du  Nord  ,  l'abaissement 
des  droits  sur  les  cotons  étrangers,  le  prix  de  la  main-d'œuvre, 
nécessairement  plus  élevé  avec  le  travail  libre  qu'il  ne  l'était 
dans  les  États  à  esclaves  de  l'Union  américaine,  forcèrent  la 
Guyane  anglaise  à  abandonner  le  coton  pour  le  sucre. 

Il  y  a,  dans  cette  histoire,  un  enseignement  pour  rÂlp:érie. 
Elle  se  trouve  en  face  d'un  concurrent  aguerri,  possesseur 
d'une  terre  riche,  au  milieu  de  conditions  extérieures  très-favo- 
rables, chez  lequel  le  crédit  est  admirablement  organisé,  qui 
a  la  main-d'œuvre  à  bas  prix  ,  des  transports  faciles;  elle  lui 
oppose  une  population  de  3  millions  dindigènes  et  de  1 40  mille 
Européens  ,  répandue  sur  une  surface  de  40  millions  d'hec- 
tares, le  manque  de  bras,  le  manque  d'argent,  le  manque  de 
routes. 

On  espère  cependant,  parce  que  les  variétés  qui  réussissent 
le  mieux  en  Algérie  sont  précisément  celles  qui  rapportent 
davantage,  et  en  particulier  la  variété  longue  soie,  qui  obtient 
toujours  les  plus  hauts  prix  sur  le  marché.  Mais  il  faut  obser- 
ver que  l'emploi  de  cette  magnifique  variété  est  d'autant  plus 
restreint  qu'elle  est  plus  belle;  qu'elle  se  paye  aujourd  hui 
d'autant  plus  cher  qu'elle  est  offerte  en  moindre  quantité: 
qu'on  en  récolte  annuellement,  en  Amérique,  40  000  balles, 
sur  lesquelles  lOOOO  balles  au  plus,  c'est-à-dire  1  million  et 


228  VISITE 

demi  de  kilogrammes,  entrent  en  France;  que  la  métropole 
ne  consommerait  pas  la  quantité  tout  entière  produite ,  si 
celte  quantité  devenait  un  peu  considérable,  et  que  l'Algérie 
produirait  ainsi  pour  d'autres  marchés,  alors  que  nous  man- 
querions peut-être  de  denrées  beaucoup  plus  nécessaires.  Il 
faut  remarquer  encore  qu'il  est  bien  plus  important  pour  notre 
industrie  cotonnière  de  fabriquer  pour  la  grande  consomma- 
tion que  pour  la  consommation  restreinte. 

La  Guyane  anglaise  aussi  pourrait  produire  d'immenses 
quantités  de  coton,  et  des  plus  belles  variétés,  comme  le 
montrent  les  échantillons  qu'elle  expose,  et  comme  le  prouve 
son  passé;  mais  sa  situation  économique  ne  lui  conseille  pas 
de  poursuivre  ce  but,  et  elle  en  prend  un  autre. 

La  culture  du  coton,  telle  qu'elle  se  pratique  dans  les  États 
de  l'Union  où  se  récoltent  les  plus  belles  variétés,  exige,  d'ail- 
leurs, un  travail  considérable  et  une  attention  de  tous  les  in- 
stants; chaque  travailleur  y  surveille  exclusivement  une  très- 
petite  surface.  Or ,  le  chiffre  de  la  population  algérienne, 
comparé  à  l'étendue  du  pays,  donne  moins  dcl  habitant  pour 
12  hectares.  Quelque  négligence  dans  la  culture  porte  vite 
atteinte  au  développement  et  au  rendement;  le  sol  sec  et  sili- 
ceux est  nécessaire,  un  sol  argileux  est  nuisible;  le  drainage 
doit  être  parfait.  Toutes  ces  conditions  ne  se  trouvent  pas 
toujours  réunies  en  Algérie. 

On  remarque  entre  les  rendements  attribués  à  l'Algérie  et 
les  rendements  des  États-Unis,  des  différences  considérables. 
Ainsi,  le  coton  Géorgie,  longue  soie,  donnerait,  en  Algérie, 
1460  kilogrammes  de  produit  brut  et  267  kilogrammes  de 
produit  net,  tandis  qu'on  n'obtient  aux  États-Unis  que  566  ki- 
logrammes bruts  et  139  kilogrammes  nets.  La  variété  Loui- 
siane rendrait  2005  kilogrammes  bruts  et  oOI  kilogrammes  nets 
en  Algérie,  alors  qu'aux  États-Unis  elle  ne  donne  que  lOOoki- 
loorammes  bruts  et  335  kilogrammes  nets.  Ces  écarts  extraordi- 
naires, au  bénéfice  de  l'Algérie,  où  les  récoltes  seraient  ainsi 
deux  fois  plus  fortes  qu'aux  Étals-Unis,  ne  sont  malheureu- 
sement pas  la  conséquence  de  conditions  exceptionnellement 
favorables  à  notre  colonie.  Ils  s'expliquent  quand  on  se  rap- 
pelle que  les  rendements  des  cotons  algériens  ont  été  calculés 
d'après  les  résultats  fournis  pas  des  cultures  conduites  avec 
un  soin  tout  spécial,  sur  de  petites  surfaces;  on  se  tromperait 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  229 

si  l'on  prenait  ces  calculs  pour  base  d'une  exploitation  faite 
dans  les  conditions  ordinaires  de  grande  culture. 

Malgré  toutes  ces  considérations,  qui  ne  lui  ont  pas  échappé 
certainement,  le  gouvernement  français  fait  tous  ses  efforts 
pour  animer  et  soutenir  la  production  du  coton  en  Algérie.  Il 
fournit  des  graines  aux  colons;  il  achète,  et  promet  d'acheter 
jusqu'en  1857,  les  cotons  récoltés  par  les  planteurs;  il  accor- 
dera, jusqu'en  1859,  des  primes  à  l'exportation  en  France  des 
cotons  algériens;  il  allouera,  jusqu'à  la  même  époque,  des 
primes  à  l'introduction  en  Algérie  de  machines  à  égrener;  il 
distribue  des  prix  provinciaux  importants;  il  délivrera,  au  nom 
de  l'Empereur  et  sur  sa  liste  civile,  un  prix  annuel  de  20000  fr. 
au  planteur  algérien  qui  aura  récolté  les  meilleurs  produits  en 
coton  sur  la  plus  grande  échelle. 

Ces  encouragements  produiront  problablement  le  résultat 
qu'on  veut  obtenir  ;  ils  sont  nécessaires  au  début  de  l'entre- 
prise, et,  sans  eux,  la  culture  du  coton  tomberait  ou  serait 
déjà  tombée  ;  ils  ont  déterminé  l'ensemencement  de  7  à  800  hec- 
tares. On  espère  que  les  Arabes  seront  gagnés  à  la  culture  du 
coton.  Mais,  même  avec  la  certitude  du  succès,  on  se  demande 
si  l'intérêt  combiné  de  la  métropole  et  de  la  colonie  n'appelle 
pas  d'autres  tentatives,  et  s'il  ne  serait  pas  plus  important,  aux 
premiers  temps  de  l'établissement  agricole,  de  donner  d'au- 
tres cultures  pour  base  au  progrès  futur.  Ce  que  nous  avons 
déjà  dit  sur  les  céréales  et  ce  que  nous  allons  dire  sur  les 
laines,  nous  permettra  de  répondre  à  cette  question. 

Les  laines  exposées  au  Palais  de  l'Industrie  forment  trois 
groupes  nettement  caractérisés  dans  leur  ensemble  :  les  laines 
longues  de  l'Angleterre;  les  laines  courtes  de  l'Allemagne  ;  les 
laines  intermédiaires  àe  la  France. 

Les  laines  anglaises,  classées  très-méthodiquement,  com- 
prennent une  centaine  d'échantillons  qui  donnent  une  idée 
très-exacte  de  la  valeur  des  races  ovines  de  l'Angleterre,  au 
point  de  vue  de  la  toison.  Toutes  ces  laines  ne  sont  pas  des 
laines  longues  au  même  degré,  mais  celles  dont  la  mèche  reste 
plus  courte  ont  cependant  les  qualités  générales  des  laines 
longues  du  type  anglais,  et  se  rapprochent  déplus  en  plus  de 
ce  type. 

En  effet,  la  laine,  pour  l'éleveur  anglais,  est  l'accessoire,  la 
viande  est  le  principal  ;  et  l'on  sait  que  toutes  les  conditions 


230  VISITE 

qui  favorisent  la  formation  du  mouton  de  boucherie,  amènent 
l'élongation  du  brin,  nuisent  à  la  laine  courte  et  fine.  Les 
laines  des  races  anglaises  Southdoivn,  Cheviot,  Dorset,  ne 
peuvent  être  considérées  comme  courtes  que  relativement  aux 
très-longues  mèches  des  races  Lincoln^  Dishley,  Cotswold  et 
autres  ;  mais  elles  ne  sont  pas  réellement  des  laines  courtes 
comme  l'entend  la  fabrication  des  étoffes  drapées  fines,  comme 
le  sont  les  admirables  laines  exposées  par  l'Allemagne. 

Au  reste,  les  Anglais  n'ont  pjis  la  moindre  prétention  à  pro- 
duire chez  eux  la  laine  fine;  leurs  conditions  agricoles,  leurs 
conditions  sociales,  l'intérêt  national  leur  imposent  l'obligation 
de  produire  de  la  viande,  et  ils  ont  accepté  cette  situation 
avec  le  parti  pris  industriel  qui  les  distingue.  De  cette  situa- 
tion, ainsi  comprise  et  acceptée,  sont  sortis  d'admirables  ré- 
sultats. Ils  ont  doublé  en  un  siècle  leur  population  ovine,  qui 
monte  aujourd'hui  à  40  millions  de  têtes,  comme  la  nôtre.  Ils 
entretiennent  ces  40  millions  do  moutons  sur  31  millions  d'hec- 
tares, tandis  qu  il  nous  faut  53  millions  d'hectares  pour  le  même 
nombre  de  moutons.  Leurs  races,  exclusivement  façonnées 
pour  la  boucherie,  leur  donnent  deux  fois  plus  de  viande  que 
les  nôtres,  et  sont  tuées  à  un  âge  deux  fois  moins  avancé. 

Cela  ne  veut  pas  dire  qu'en  spécialisant  ainsi  leurs  races 
ovines  et  en  les  ramenant  toutes  à  un  même  type,  celui  des 
bêtes  à  viande,  les  Anglais  n'aient  rien  obtenu  même  pour  la 
laine.  La  laine  est  devenue  certainement  plus  commune;  mais 
elle  a  gagné  en  longueur,  en  vigueur,  en  brillant,  ce  qu'elle 
a  perdu  en  finesse,  en  douceur  et  en  moelleux.  Cette  laine 
longue  lisse  est,  comme  laine  à  peigne,  admirablement  appro- 
priée à  la  fabrication  des  étoffes  rases  dont  la  consommation 
s'étend  chaque  jour  davantage. 

Il  ne  faut  pas  croire  d'ailleurs  que  l'Angleterre  ait  renoncé 
pour  cela  à  produire  et  à  employer  la  laine  courte.  Ce  qu'il 
n'était  pas  avantageux  de  faire  chez  elle,  elle  l'a  fait  dans  ses 
colonies.  L'Australie,  'Van  Diémen  et  le  Cap  lui  fournissent 
de  belles  laines  mérinos  qui  lui  permettent  d'élever  sa  fabri- 
cation détotfes  drapées  presque  au  niveau  de  sa  fabrication 
d'étoffes  rases,  et  d'exploiter  la  laine  mérine  peignée. 

Les  toisons  exposées  par  l'Australie  sont  admirables  de  fi- 
nesse; on  peut  leur  reprocher  seulement  le  défaut  dont  il  est 
si  difficile  de  garantir  les  toisons  fines,  le  manque  de  tassé 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  231 

On  remarque  avec  plaisir  les  laines  de  M.  Mac  Arthur,  le  fils 
du  capitaine  Mac  Arthur  qui  introduisit  à  Sydney  le  premier 
troupeau  de  mérinos,  et  donna  ainsi  une  preuve  de  la  netteté 
de  vue  avec  laquelle  il  avait  compris  les  intérêts  de  la  colonie 
et  de  la  métropole.  Les  laines  exposées  par  M.  Mac  Arthur 
sont  fournies  par  des  moutons  du  troupeau  même  élevé  par 
son  père ,  et  conservé  depuis  dans  le  plus  grand  état  de  pu- 
reté. 

La  quantité  de  laine  fine  que  l'Angleterre  reçoit  mainte- 
nant de  ses  colonies  de  l'Océanie  et  du  Cap  s'élève  à  plus  de 
20  millions  de  kilogrammes  qui  s'ajoutent  aux  94  millions  de 
kilog.  de  laine  que  lui  fournit  son  territoire  européen. 

Ce  magnifique  résultat  obtenu  en  une  cinquantaine  d'an- 
nées, a  permis  aux  fabi  icants  anglais  de  s'exonérer  en  partie 
du  tribut  qu'ils  étaient  forcés  de  payer  aux  autres  pays  pro- 
ducteurs pour  la  laine  fine  dont  ils  avaient  besoin.  Ainsi  la 
quantité  de  laine  que  l'Angleterre  demande  aujourd'hui  à 
i'E.-pagne  est  trente  fois  plus  faible  qu'elle  n'était  au  commen- 
cement de  ce  siècle.  L'importation  des  laines  allemandes  est 
diminuée  des  deux  tiers.  L'importation  ru^se  est  restée  station- 
naire  depuis  vingt  ans. 

Voilà  les  conséquences  d'une  amélioration  bien  entendue 
des  moyens  de  production  ;  voilà  comment  l'agriculture  et  l'in- 
dustrie doivent  se  donner  la  main. 

En  France,  nos  laines  les  plus  parfaites  sont  en  majeure 
partie  intermédiaires ,  c'est-à-dire  propres  à  peu  près  égale- 
ment au  peigne  et  à  la  carde ,  aux  étoffés  rases  et  a  la  drape- 
rie. Cela  résulte  de  plusieurs  causes. 

îsous  avons  songé  assez  tard  à  l'amélioration  de  nos  mou- 
tons, et  nous  avons  porté  d'abord  tous  nos  soins  sur  la  laine. 
Les  mérinos  d'Espagne  ont  été  introduits  ;  ils  ont  été  alliés  à 
un  grand  nombre  de  nos  races  indigènes,  et  le  résultat  de  ce 
croisement  a  été  naturellement  une  laine  de  qualité  moyenne. 
De  plus,  on  a  employé  très-communément  comme  reproduc- 
teurs des  béliers  métis  qui  ne  pouvaient  pousser  à  raffinement 
de  la  toison.  Dans  la  majorité  des  cas,  la  finesse  n'était  pas 
d'ailleurs  possible  à  obtenir  économiquement,  de  sorte  qu'on 
a  cherché  à  compenser  la  qualité  par  la  quantité.  Ceci  s'est 
produit  même  pour  les  mérino^  purs  dont  on  a  voulu  corriger 
les  défauts  d'organisation,  grandir  la  taille  ,  augmenter  le 


232  VISITE 

poids  de  tonte.  En  un  mot  nous  avons  voulu  associer  la  pro- 
duction de  la  viande  à  la  production  d'une  laine  de  grande 
valeur,  et  nous  avons  réussi  à  rester,  pour  l'une  et  pour  l'au- 
tre, dans  un  état  moyen  dont  il  nous  faudra  forcément  sortir. 

En  effet,  à  mesure  que  l'agriculture  fera  des  progrès,  elle 
supprimera  ses  jachères ,  auo;mentera  ses  ressources  en  four- 
rages, sentira  la  nécessité  d'utiliser  économiquement  ces  four- 
rages en  les  donnant  à  des  animaux  excellents  consomma- 
teurs ;  elle  sera  poussée  à  choisir  les  races  de  boucherie. 

A  mesure  aussi  que  la  population  grossira  ,  que  le  prix  du 
sol  s'élèvera  ,  les  progrès  de  l'agriculture  seront  sollicités  et 
commandés,  et  toutes  les  conséquences  que  nous  venons  d'in- 
diquer s'imposeront. 

En  définitive,  les  essais  que  nous  faisons  pour  produire  no- 
tre état  intermédiaire,  transformation  de  la  race  mérine,  dé- 
veloppement des  métis,  croisement  avec  les  races  anglaises, 
trahissent  le  sentiment  de  cette  pression  du  milieu.  Mais  nous 
nous  roidirons  en  vain  :  ou  bien  nous  marcherons  résolument 
dans  la  voie  de-5  améliorations  agricoles  qui  nous  poussent  à 
la  production  de  la  viande  pour  le  plus  grand  profit  de  nos 
populations;  ou  bien  nous  resterons  en  arrière,  et  perpétue- 
rons la  gêne  des  producteurs  et  des  consommateurs.  L'indus- 
trie comme  l'agriculture  est  engagée  dans  cette  question,  et 
nous  croyons  que  la  logique  l'emportera. 

Aujourd'hui,  avec  notre  population  de  40  millions  de  mou- 
tons ,  nombre  égal  à  celui  que  possède  l'Angleterre  ,  nous  ne 
produisons  que  74  millions  de  kilogrammes  de  laine,  dans  les- 
quels les  laines  fines  ou  intermédiaires  figurent  pour  18  à 
20  millions  de  kilogrammes.  Il  ne  reste  donc  à  notre  industrie 
lainière  que  55  millions  de  kilogrammes  de  laines  communes, 
très-inférieures  aux  lames  longues  anglaises.  Nos  fabricants 
sont  donc  forcés  d'acheter  au  dehors  la  presque  totalité  de 
leurs  laines  fines,  et  de  demander  à  l'Angleterre  ,  à  Andrino- 
ple  ,  à  Salonique,  à  cent  autres  lieux  une  grande  partie  de 
leurs  laines  longues.  Nous  rappellerons  que  ce  produit  infé- 
rieur en  laine ,  nous  l'obtenons  sur  une  surface  presque  dou- 
ble de  la  surface  du  sol  anglais,  avec  des  animaux  qui  don- 
nent moitio  moins  de  viande,  et  sont  tués  à  un  âge  double. 

Qu'y  a-t-il  à  faire  pour  modifier  cei  état  de  choses?  Amé- 
horer  les  moyens  de  production  en  prenant  résolument  le 


A  L  EXPOSITION   UNIVERSELLE.  233 

parti  industriel  qu'a  pris  l'Angleterre,  en  spécialisant  les 
spéculations  :  à  la  métropole,  la  production  des  races  de  bou- 
cherie; à  la  colonie  algérienne,  celle  des  races  à  laine  fine. 
Nous  allons  revenir  sur  ce  point ,  après  avoir  achevé  la  revue 
des  laines  exposées  au  Palais  de  l'Industrie. 

Nous  avons  dit  que  les  laines  françaises  étaient  générale- 
ment intermédiaires.  Les  toisons  de  mérinos  purs ,  celles  de 
métis-mérinos,  celles  de  dishley-mérinos ,  celles  mêmes  de 
Rambouillet  prouvent  assez  la  vérité  de  cette  appréciation , 
qui  de^  ient  bien  plus  exacte  encore  quand  on  étudie  les  trou- 
peaux de  la  France.  En  effet ,  les  éleveurs  qui  exposent  des 
toisons  montrent  tout  naturellement  leurs  laines  les  plus  fines , 
celles  qui  s'éloignent  le  plus  du  type  intermédiaire  dont  ils  se 
contentent  dans  leur  production  courante,  et  qui  est  ainsi 
bien  plus  général  dans  les  troupeaux  français  que  dans  les 
vitrines  françaises  de  l'Exposition. 

Deux  exposants  français,  habitués  aux  succès  et  connus 
chacun  par  une  nature  de  laine  particulière,  sont  restés  fidè- 
les à  leur  passé.  M.  Graux,  de  Mauchamp,  montre  ses  belles 
laines  longues,  soyeuses,  exceptionnelles;  M.  le  général  Gi- 
rod ,  de  l'Ain ,  ses  lairies  de  Naz ,  courtes  ,  fines ,  qui  rivalisent 
avec  les  laines  électorales.  Les  unes  et  les  autres  sont  fournies 
par  des  mérinos  purs.  Les  laines  de  Mauchamp  ont  leur  ori- 
gine dans  un  accident  dont  l'éleveur  a  eu  l'intelligence  de 
comprendre  la  valeur  et  qu'il  s'applique  à  perpétuer  dans  un 
troupeau  de  plus  en  plus  nombreux,  depuis  1828.  Les  laines 
de  Naz  sont  dues  aux  soins  persévérants  du  propriétaire,  qui 
a  commencé,  en  1798,  une  sélection  en  vue  de  la  finesse , 
dans  un  troupeau  de  mérinos  qui  s'est  constamment  reproduit 
en  lui-même. 

Du  troupeau  de  Naz  aux  laines  de  l'Allemagne ,  la  transition 
est  facile:  ces  laines  sont  toutes  des  laines  fines  et  courtes  du 
type  électoral  qui ,  de  la  Saxe  s'est  répandu  en  Prusse,  dans 
les  divers  États  de  l'Autriche  et  même  en  Russie,  en  Austra- 
lie, au  Cap  et  ailleurs. 

L'Allemagne  doit  ses  belles  laines  aux  connaissances  toutes 
spéciales  de  ses  éleveurs,  qui  ont  bien  compris  les  conditions 
de  la  production  dans  un  pays  où  la  population  est  rare  ,  où 
les  grandes  propriétés  se  prêtent  mieux  à  l'agriculture  pasto- 
rale, où  la  viande  n'est  pas  aussi  demandée,  où  l'on  peut  la 


234  ,  VISITE 

sacrifier  à  la  laine.  Tous  les  troupeaux  d'où  sont  tirés  les  laines 
qui  figurentà  l'Exposition  sont  nombreux,  renommés,  et  plu- 
sieurs appartiennent  à  la  grande  aristocratie.  La  Moravie  ,  la 
Bohème,  la  Silésie,  le  grand-duché  de  Posen  ,  la  Saxe  ont  en- 
voyé d'admirables  laines,  non-seulement  par  leur  finesse, 
mais  aussi  pour  le  tassé  et  l'uniformité  du  brin.  Nous  ne  pou- 
vons résister  au  plaisir  de  citer,  entre  autres,  les  magni- 
fiques toisons  de  Bohème  ,  exposées  par  M.  le  baron  de 
Mundy,  et  qui  nous  semblent  les  plus  belles  de  toutes  celles 
qui  figurent  au  Palais  de  l'Industrie. 

En  comparant  les  belles  laines  d'Espagne  à  ces  belles  laines 
allemandes  dontl'ongine  est  pourtant  espagnole,  on  sent  de 
combien  l'agriculture  est  restée  en  arrière  de  l'autre  côté  des 
Pyrénées.  Les  laines  de  Ségovie,  les  léonnaises  sont  dégéné- 
rées et  s'abâtardissent;  les  laines  des  troupeaux  Churras  sont 
tout  au  plus  bonnes  pour  matelas  et  pour  couvertures.  La 
Couronne  essaye  de  ressusciter  les  anciennes  races  du  pays  ; 
elle  emploie,  dans  ce  but,  le  bélier  saxon,  et  l'idée  est  bonne, 
si  la  production  de  la  laine  superfine  est  celle  que  doit  entre- 
prendre l'Espagne  dans  les  conditions  où  elle  se  trouve.  Mais 
le  choix  des  iDéliers  doit  être  mieux  fait.  Il  est  évident  qu'on  a 
cherché  surtout  l'exlréme  finesse,  sans  se  préoccuper  des 
autres  qualités  de  la  toison ,  et  spécialement  de  l'uniformité 
de  qualité  ;  il  en  est  résulté  des  toisons  légères  ,  inégales  et 
mécheuses. 

Nous  avons  différé  jusqu'ici  de  parler  des  laines  d'Afrique, 
pour  terminer  notre  revue  par  elles.  Ces  laines  sont  générale- 
ment communes,  mais  elles  ne  manquent  pas  de  nature  dans 
beaucoup  de  tribus  arabes.  La  province  d'Oran  est  la  moins 
bien  partagée  ;  puis  vient  la  province  d'Alger;  la  province 
de  Constantine  renferme  les  meilleures  laines  des  divers 
types. 

Rien  ne  serait  plus  facile  que  d'améliorer  nos  laines  d'Afri- 
que ;  de  simples  modifications  dans  l'élevage  aujourd'hui  tout 
à  fait  barbare  produiraient  seules  d'excellents  effets;  le  croi- 
sement par  les  béliers  des  races  fines,  ceux  de  Naz,  de  Saxe 
ou  de  la  plaine  d'Arles  ,  amèneraient  rapidement  la  population 
ovine  à  l'état  où  la  peuvent  désirer  notre  industrie  et  nos  con- 
sommateurs; les  résultats  obtenus  déjà  à  la  ferme  d'Arbal  le 
prouvent  de  reste.   De  faibles  dépenses  suffiraient  à  ce  but 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  235 

qui  ne  demande ,  pour  être  atteint,  qu'un  peu  de  persévé- 
rance. 

L'Algérie  possède  10  millions  de  moutons  au  moins  qui 
produisent  annuellement  16  millions  de  kilogrammes  de 
laine,  sur  lesquels  la  consommation  indigène  prend  2  mil- 
lions. Il  reste  donc  1i  millions  de  kilogrammes  de  laine  dis- 
ponibles, mais  d'une  laine  commune. 

Si  ces  14  millions  de  kilogrammes  étaient  de  laine  compa- 
rable à  la  laine  des  colonies  anglaises,  et  si  nos  74  millions 
de  kilogrammes  de  laine  métropolitaine  égalaient  les  laines 
des  îles  britanniques,  outre  les  avantages  que  retireraient  l'a- 
griculture et  les  consommateurs,  l'industrie  trouverait  à  sa 
disposition  des  qualités  qu'elle  demande  en  vain  aujourd'hui 
à  nos  producteurs.  Et  il  est  bien  clair,  en  outre,  que  la  popu- 
lation ovine  augmenîerait  en  France  comme  en  Algérie.  Nous 
aurions  plus  de  laine,  des  laines  de  qualités  mieux  appro- 
priées aux  besoins  de  notre  fabrication;  nous  aurions  en 
même  temps  plus  de  viande. 

De  cette  façon  ,  les  progrès  agricoles  marcheraient  de  pair 
dans  notre  pays  et  dans  notre  établissement  africain  ;  ils  se 
soutiendraient  et  se  compléteraient.  Ils  aideraient  au  dévelop- 
pement de  notre  industrie  lainière  ,  bien  autrement  impor- 
tante actuellement  que  l'industrie  cotonnière.  Celle-ci  produit 
aujourd'hui  une  valeur  de  580  millions  à  la  consommation  et 
de  50  millions  à  l'exportation;  l'industrie  lainière  produit 
805  millions  à  la  consommation  et  116  millions  à  l'exporta- 
tion. Mais,  en  outre,  l'avenir  s'ouvre  bien  plus  vaste  pour 
l'industrie  de  la  laine  que  pour  lindustrie  du  coton. 

Les  céréales  et  les  laines  ,  voilà  les  deux  produits  qui  doi- 
vent servir  de  pivot  à  toute  l'agriculture  algérienne,  dans  l'in- 
térêt de  la  France  comme  dans  celui  de  l'Algérie,  dans  l'in- 
térêt du  colon  et  dans  celui  de  l'indigène,  qui  ne  peut  plus 
être  désormais  laissé  en  dehors  de  notre  mouvement. 

Puis  l'Algérie  doit  concentrer  entre  ses  mains  et  féconder 
pour  la  France  toutes  les  richesses  culturales  des  parages 
avoisinant ,  au  nord  et  au  sud ,  la  grande  ligne  méditerra- 
néenne qui  s'étend  de  Gibraltar  à  la  Syrie.  Elle  doit  s'appro- 
prier la  culture  de  nos  oliviers  qui  nous  quittent ,  celles  des 
mûriers  et  des  vignes  qui  s'y  annexent ,  et  les  cultures  com- 
plémentaires qui  lui  sont  naturellement  indiquées,  les  tabacs, 


236  VISITE 

les  soies,  la  cochenille,  la  garance,  les  oranges.  Elle  est  ap- 
pelée à  remplacer  pour  nous  l'Espagne  que  nous  ne  possédons 
pas,  la  Provence  qui  se  transforme. 

Elle  peut  laisser  dans  le  jardin  d'Alger,  comme  curiosités 
pour  le  botaniste,  les  cannes  à  sucre,  le  café  et  autres  végé- 
taux des  tropiques. 

On  a  répété  bien  souvent  que  le  dernier  mot  de  la  chimie 
sur  les  engrais  est  phosphate  et  azote,  et  l'expérience  a  prouvé 
que  la  science  est  dans  le  vrai.  Des  engrais  azotés  très- 
précieux  sont  maintenant  offerts  au  commerce,  mais  en 
quantité  trop  petite  encore  ;  les  phosphates  sont  beaucoup 
plus  rares.  Le  nouvel  engrais  nommé  guano  de  poisson  pro- 
met une  addition  importante  aux  sources  d'azote  et  même 
de  phosphate.  Nous  dirons  quelques  mots  des  richesses  que 
nous  apportent  ce  guano  de  poisson  et  le  phosphate  de  chaux 
du  Nord. 

Le  nom  de  guano  de  poisson  ou  ichthyo-guano  est  assez 
mal  choisi,  en  ce  qu'il  semble  indiquer  une  communauté 
d'origine  entre  cet  engrais  et  celui  qui  est  connu  dans  le 
commerce  sous  le  nom  de  guano  du  Pérou. 

Ce  dernier  guano  est  le  résultat  de  l'accumulation,  durant 
des  siècles,  des  excréments  d'oiseaux  nombreux  qui  habitent 
les  îlots  et  quelques  points  de  la  côte  de  la  mer  du  Sud  , 
spécialement  sur  le  littoral  du  Pérou.  L'engrais  qu'on  désigne 
sous  le  nom  de  guano  de  poisson  est  obtenu  en  traitant  con- 
venablement les  débris  de  la  grande  pêche  et  les  poissons  si 
nombreux  que  dédaigne  la  consommation  ,  et  qui  sont  sans 
valeur  commerciale. 

Cet  engrais  a  cela  de  commun  cependant  avec  le  guano 
du  Pérou,  qu'il  est  pulvérulent,  facilement  transportable, 
qu'il  peut  être  employé  à  l'époque  où  le  cultivateur  juge 
avantageux  de  le  donner  à  la  terre,  qu'il  est  très-riche  sous 
un  petit  volume ,  qu'il  emprunte  sa  puissance  fertilisante  à 
une  source  étrangère  ,  qu'il  ne  prend  rien  à  notre  sol  et  lui 
donne  le  bénéfice  entier  de  ses  éléments  de  fécondité. 

L'idée  d'utiliser  comme  engrais  les  poissons  et  les  débris 
de  la  grande  pêche  n'est  pas  précisément  nouvelle ,  mais 
c'est  récemment  qu'on  en  a  fait  l'application  pratique  en 
grand.  L'honneur  de  cette  initiative  revient  à  un  agriculteur 
du  Finistère,  M.  de  Molon,  qui  eut  plus  tard  pour  collabo- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  237 

rateur  M.  Thurneyssen ,  avec  lequel  il  établit  une  usine  à 
Concarneau ,  entre  Lorient  et  Brest,  à  un  kilomètre  environ 
de  Quimper.  Le  soin  de  continuer  l'œuvre  si  bien  commencée 
appartient  maintenant  à  la  Société  générale  maritime,  qui  est 
devenue  propriétaire  des  procédés  de  fabrication  de  l'engrais, 
et  qui  en  expose  des  échantillons  au  Palais  de  l'Industrie. 

Les  moyens  mis  en  usage  pour  obtenir  V engrais -poisson 
consistent  à  opérer  d'abord  la  cuisson  des  matières  tout  hu- 
mides, poissons  entiers  et  débris,  dansune  chaudière  à  double 
enveloppe,  dans  laquelle  on  introduit  la  vapeur  sous  la 
pression  de  quatre  à  cinq  atmosphères.  Cette  cuisson  est 
achevée  en  une  heure  au  plus ,  et  la  substance  cuite  est  im- 
médiatement soumise  à  une  pression  très-forte.  On  obtient 
ainsi  des  espèces  de  tourteaux  qu'on  divise  à  l'aide  d'une 
râpe  semblable  à  celle  qu'on  emploie  pour  les  betteraves 
dans  les  fabriques  de  sucre  ;  puis ,  la  pulpe  qui  résulte  de  ce 
travail  est  soumise  à  une  dessiccation  méthodique  dans  une 
étuve,  où  la  reçoivent  des  châssis  de  toiles  tendues,  qui  sont 
entraînés  dans  un  sens  contraire  à  celui  que  suit  l'air  chaud 
en  mouvement.  Enfin,  la  matière,  ainsi  desséchée,  est  jetée 
dans  la  trémie  d'un  moulin ,  qui  la  réduit  en  poudre  fine  et 
parfaitement  sèche.  Il  ne  reste  plus  qu'à  l'enfermer  dans  des 
sacs  ou  des  barriques  pour  l'expédier  à  destination. 

L'engrais-poisson  sec ,  à  l'état  pulvérulent ,  correspond  à 
22  pour  4  00  du  poids  des  poissons  ou  des  débris  de  poissons 
à  l'état  naturel. 

La  fabrication  de  cet  engrais  peut  être  alimentée  par  des 
sources  diverses.  On  y  peut  employer  les  débris  provenant 
de  la  préparation  des  sardines  ;  on  peut  pécher  spécialement 
pour  elle  des  poissons  qu'on  néglige  aujourd'hui ,  et  qui  se 
montrent  quelquefois  par  bancs  immenses  dans  certains 
parages  ;  on  peut  exploiter,  et  l'on  exploite  déjà  les  débris  de 
la  préparation  des  morues.  Une  usine  fonctionne  à  Terre- 
Neuve,  depuis  quatre  ans,  à  cet  effet. 

Si  l'on  considère  que  la  pêche  de  la  morue,  à  Terre-Neuve, 
donne  annuellement  1  400  000  tonneaux  de  poissons  frais, 
dont  700  000  tonneaux  sont  utilisés  par  les  pêcheurs,  et 
700  000  tonneaux  jetés  à  la  mer  ou  sur  le  rivage  en  pure 
perte,  on  comprendra  de  quel  intérêt  il  est,  pour  notre  agri- 
culture, de  recueillir  ces  précieux  débris. 


238  VISITE 

Ces  700  000  tonneaux  de  matières  restées  inutiles  peuvent 
fournir ,  après  cuisson  ,  compression  ,  dessiccation  et  pulvé- 
risation, 140  à  150  millions  de  kilogrammes  de  l'engrais 
riche  qui  nous  occupe.  C'est  le  chargement  de  300  navires 
de  500  tonneaux  chacun  ;  c'est  h  fumure  de  plus  de 
350  000  hectares,  à  400  kilogrammes  par  hectare. 

Par  sa  composition  ,  V engrais-poisson  correspond  au  meil- 
leur guano  du  Pérou  :  il  donne  10  à  12  pour  100  d'azote  et 
16  à  22  pour  100  de  phosphate.  Son  efficacité  n'est  pas  dou- 
teuse ,  elle  est  établie  par  de  nombreuses  expériences  faites 
par  des  agriculteurs.  Peut-être  même  son  action ,  qui  sera 
moins  rapide  que  celle  du  guano  péruvien,  en  raison  de  sa 
■constitution  même ,  sera-t-elle  plus  certaine  et  plus  avanta- 
geuse, mieux  appropriée  aux  développements  des  plantes. 

En  admettant  que  le  prix  de  V engrais-poisson  soit  de 
20  francs  les  100  kilogrammes,  pris  dans  un  des  ports  d'em- 
barquement, comme  l'établissait  M.  de  Molon,  les  matières 
fertilisantes  ne  dépasseraient  pas  le  prix  auquel  l'agriculture 
peut  raisonnablement  payer  l'azote  et  les  phosphates  pour 
faire  une  bonne  opération.  Dans  ce  cas  même,  l'agriculture 
payerait  ces  matières  moins  cher  qu'en  achetant  l'engrais  pé- 
ruvien. Cela  prouve  de  quelle  importance  est,  pour  notre 
agriculture,  la  fabrication  du  nouvel  engrais  ,  si  supérieur  à 
tous  les  autres  engrais  artificiels  qu'on  a  jusqu'ici  prônés, 
par  sa  richesse  même  et  par  la  nature  des  produits  qu'il 
donne. 

Nous  devons  quelque  reconnaissance  à  ceux  qui  ont  su 
rendre  utiles  des  débris  négligés  auparavant,  et  qui  étaient 
trop  volumineux  et  trop  lourds  pour  être  transportés  écono- 
miquement à  quelque  distance  des  lieux  où  ils  se  trou- 
vaient, 

V engrais-poisson  n'est  pas  un  des  produits  les  moins  im- 
portants de  l'Exposition,  bien  qu'il  attire  peu  les  regards  et 
occupe  peu  de  place.  Nous  en  dirons  autant  du  phosphate  de 
chaux,  dont  les  échantillons  se  perdent  dans  la  collection  des 
sols  et  sous-sols  de  l'arrondissement  de  Valenciennes,  expo- 
sée, comme  nous  l'indiquons  plus  haut,  par  M.  Delanoue. 

Le  nouvel  amendement  découvert  dans  le  Nord  par  M.  De- 
lanoue, puissant  à  la  fois  par  sa  chaux  et  par  son  acide  phos- 
phorique,  occupe  un  bassin  fluvio- lacustre  qui  s'étend  de  Bre- 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  239 

teuil  à  Aix-la-Chapelle,  de  Calais  à  Bavay.  La  carte  géologique 
de  France  le  désigne  sous  le  nom  de  Lœss;  c'est  ce  que 
M.  Dumont  appelle  limon  hesbayen  dans  ses  belles  cartes 
de  Belgique  exposées  au  Palais  de  l'Industrie. 

C'est  sans  doute  à  la  présence  de  cette  substance  que  la 
Gaule  belgique  doit  sa  fertilité  antique,  car  elle  a  formé  le 
sol  et  constitue  encore  aujourd'hui  le  sous-sol  de  cette 
contrée. 

Un  exemple  fera  comprendre  l'importance  de  cette  couche. 
On  peut  évaluer  à  15  kilogrammes  environ  par  hectare  l'acide 
phofphorique  qu'enlève  au  sol  chaque  récolte  de  froment. 
Le  Lœss  en  contient  5/10  000.  La  couche  arable,  estimée 
à  20  centimètres  d'épaisseur  ou  "2000  mètres  cubes  par 
hectare,  pèsera  4  millions  de  kilogrammes  qui  représentent 
l'énorme  quantité  de  2000  kilogrammes  d'acide  phosphorique 
par  hectare  seulement,  quantité  bien  supérieure  à  celle  qu'en- 
lève la  récolte,  et  qu'entretiennent  cependant  les  fumiers 
très-phosphatés  employés  dans  le  pays  :  les  tourteaux ,  l'en- 
grais flamand,  etc.  On  peut  donc  emprunter  au  Nord  un 
amendement  extrêmement  important,  dont  l'absence  explique 
en  partie  la  stérilité  de  la  Campine,  des  Ardennes ,  de  la 
Sologne. 

L'obstacle  qui  existait  à  l'emploi  du  phosphate  de  chaux, 
son  haut  prix,  n'existe  plus.  L'administration  des  mines  avait 
déjà  signalé  la  présence  de  phosphate  en  rognons  dans  la  craie 
du  nord  ;  M.  Delanoue  vient  de  le  découvrir  en  couche  régu- 
lière, constituant  le  réservoir  le  plus  abondant  d'acide  phos- 
phorique qu'on  ait  peut-être  encore  reconnu,  ayant  plusieurs 
myriamètres  d'étendue,  60  à  80  centimètres  d'épaisseur,  dans 
un  pays  où  les  voies  de  communication  sont  faciles ,  les 
moyens  d'extraction  et  d'exportation  commodes. 

Après  la  découverte  du  guano,  aucune  découverte  ne 
pourrait  être  plus  importante  pour  l'amendement  du  sol 
arable. 

Nous  terminons  en  citant,  dans  l'ordre  des  travaux  scienti- 
fiques et  statistiques,  un  allas  destiné  à  résumer  tous  les  do- 
cuments généraux  qui  peuvent  intéresser  l'agronome.  Cet 
atlas  a  été  conçu  et  exécuté  par  M.  Nicolet,  avec  une  intelli- 
gence et  un  bonheur  qui  révèlent  une  inst.fuction  profonde  et 
une  grande  habileté  artistique.  Il  présente,  en  quatorze  cartes 


240  VISITE 

imprimées  en  couleur,  accompagnées  de  douze  tableaux  com- 
plémentaires de  texte  ,  des  renseignements  qu'on  ne  recueil- 
lerait qu'avec  infiniment  de  peine  dans  mille  publications 
éparses  et  coûteuses  sur  les  climats,  la  distribution  des  pluies, 
la  géologie  agricole,  la  direction  des  vents,  la  répartition  des 
plantes ,  des  animaux  ,  des  cultures  ,  sur  toutes  les  questions 
de  physique  et  de  météorologie  dans  leurs  rapports  avec 
l'agriculture. 

Ces  cartes  se  complètent  l'une  l'autre  ;  en  les  rapprochant 
on  rapproche  les  faits  de  leurs  causes,  et  l'on  fait  naître  de  leur 
comparaison  des  points  de  vue  nouveaux,  des  explications 
soudaines,  des  aperçus  inattendus.  C'est  la  théorie  de  la 
pratique  sous  une  forme  simple,  claire,  rapidement  saisis- 
sable,  sur  des  problèmes  cependant  très-complexes. 


CLASSE  IV. 

Mécanique  générale  appliquée  à  Tlndustrie. 

La  quatrième  classe  comprend  toutes  les  machines  motri- 
ces, et  leurs  applications  aux  opérations  les  plus  générales, 
c'est-à-dire  celles  qui  se  rencontrent  dans  la  plupart  des  opé- 
rations mécaniques,  sans  qu'elles  appartiennent  spécialement 
à  telle  ou  telle  fabrication.  Le  nom  de  machines  motrices 
sous  lequel  on  comprend  les  moteurs  hydrauliques,  les  mou- 
lins à  vent,  les  machines  à  vapeur,  ne  doit  point  faire  suppo- 
ser que  ces  machines  créent  de  la  force  ;  elles  n'ulihsent  au 
contraire  qu'une  portion  de  la  puissance  mécanique  qui  est 
mise  à  leur  disposition  par  la  chute  de  l'eau,  le  mouvement 
de  l'air  ou  la  force  expansive  de  la  vapeur  :  une  autre  portion 
est  perdue  en  frottements  et  autres  résistances  passives,  et  la 
perte  résultant  de  ces  causes  s'élève  souvent  à  plus  de  la  moi- 
tié de  ce  que  l'on  appelle  le  travail  moteur. 

Au  point  de  vue  dynamique,  la  meilleure  machine  est  celle 
qui  réduit  cette  perle  au  minimum  :  de  là  la  nécessité  d'avoir 
des  appareils  appelés  dynamomètres,  qui  sont  destinés  à  me- 


A  L'EXPOSlTlOiN   LIS'IYEUSELLE.  24j 

surer  le  travail  développé  sur  l'arbre  moteur  ou  le  travail  con- 
sommé par  telle  ou  telle  machine  de  fabrication. 

Les  dynamomètres  sont  dits  de  traction,  lorsqu'ils  sonl 
destinés  à  mesurer  le  travail  transmis  en  tirant,  comme  celui 
des  chevaux  attelés  à  une  voiture;  ils  sont  appelés  dyna- 
momètres de  rotation^  lorsqu'ils  peuvent  mesurer  le  travail 
transmis  à  tel  ou  tel  arbre  de  transmission  :  lorsque  la  puis- 
sance motrice  est  empruntée  à  la  force  musculaire  de  l'homme 
travaillant  à  la  manivelle,  on  se  sert  d'un  appareil  de  même 
nature  qui  prend  le  nom  de  manivelle  dynamoméîrique. 

Comme  dynamomètres  de  traction  ,  ceux  de  M.  le  général 
Morin  paraissent  avoir  le  monopole  de  la  précision,  en  ce  qu'ils 
enregistrent  par  un  trait  ineffaçable  tous  les  efforts  exercés 
par  l'attelage,  quelles  que  soient  leurs  variations.  Le  dynamo- 
mètre anglais  de  Bentaaln'a  pas  la  même  exactitude,  mais  son 
montage  sur  un  avant-train  bien  disposé  lui  permet  d'être 
très-commodément  employé  pour  les  expériences  de  traction 
sur  les  charrues.  Le  nouvel  avant-train  disposé  sur  l'appareil 
de  M.  Morin  a  été  emprunté  à  l'excellente  disposition  de  l'ap- 
pareil anglais. 

Comme  dynamomètres  de  rotation,  ceux  de  M.  Morin,  plus 
ou  moins  modifiés  par  M.  Clair,  sont  pour  ainsi  dire  seuls  en 
usage.  Nous  avons  cependant  remarqué  dans  l'exposition  an- 
glaise un  instrument ,  bien  établi  dans  le  genre  du  dynamo- 
mètre de  White,  qui  permet  de  remplacer  dans  les  expérien- 
ces de  travail ,  le  frein  de  Prony,  par  une  disposition  ayant 
l'avantage  de  tarer  \a  machine  pendant  que  l'opération  indus- 
trielle s'effectue.  Le  Danemark  a  également  envoyé  deux 
instruments  dignes  d'intérêt. 

Il  nous  serait  impossible  dans  cette  note  succincte  de  pas- 
ser en  revue  tous  ces  petits  appareils  destinés  à  mesurer  la 
pression  dans  les  machines,  à  assurer  le  niveau  dans  les 
chaudières,  etc.  Nous  nous  bornerons  à  indiquer  les  manomè- 
tres métalliques  qu'un  habile  constructeur,  M.  Bourdon ,  a  sub- 
stitués aux  anciens  manomètres  à  mercure  :  nous  rencontrons 
dans  la  même  voie  M.  Desbordes  en  France,  et  MM.  Schaffer 
et  Budenberg  en  Prusse. 

L'indicateur  du  niveau  de  M.  Lethuillier  Pinel,  au  moyen 
d'une  aiguille  aimantée,   qui  suit  à   travers  l'épaisseur  du 
verre  tous  les  mouvements  du  flotteur,  permet  d'éviter  les 
206  P 


242  VISITE 

stufiBng-box  ,  dont  la  garniture  ne  pouvait  être  parfaite,  alors 
qu'il  fallait  laisser  une  liberté  suffisante  pour  que  la  tige  du 
flotteur  put  fonctionner. 

Les  compteurs  à  eau  sont  peu  nombreux ,  mais  la  question 
qu'ils  se  proposent  de  résoudre  ayant  une  grande  importance, 
nous  nous  permettrons  de  citer  la  petite  turbine  de  Sce- 
ment  qui  mesure  le  débit  par  le  nombre  de  tours  qu'elle  fait 
sous  l'action  du  liquide  en  mouvement,  et  le  compteur  de  la 
société  l'Atlas  à  Amsterdam,  qui  mesure  d'une  manière  fort 
ingénieuse  tout  le  liquide  qui  passe,  au  moyen  d'augets  dis- 
posés pour  le  recevoir.  Cet  appareil  placé  dans  le  palais  prin- 
cipal, 45,  A,  nous  a  paru  d'un  grand  intérêt. 

Les  autres  appareils  du  même  ordre,  tels  que  l'anémomètre 
de  M.  Morin,  divers  compteurs  à  gaz,  etc.,  demanderaient 
une  description  trop  minutieuse  pour  que  nous  puissions 
nous  livrer  à  un  examen  approfondi.  Les  balances  pour  usa- 
ges commerciaux,  les  bascules  ordinaires  de  toutes  dimen- 
sions, depuis  les  plus  petites  jusqu'à  celles  qui  pèsent  une 
locomotive,  ne  présentent,  depuis  l'Exposition  de  Londres, 
aucune  amélioration  qui  mérite  d'être  signalée.  M.Béranger  à 
Lyon,  et  M.  Schmidt  à  Vienne  sont  lesdeux  industriels  qui  ont 
apporté  sous  ce  rapport  les  collections  les  plus  complètes.  La 
bascule  pour  locomotives  de  M.  Sagnier  est  d'une  très-belle 
exécution. 

L'Exposition  ne  renferme  aucun  manège  isolé  ;  nous  en  au- 
rons plusieurs  à  citer  en  parlant  des  machines  agricoles:  ce- 
lui de  M.  Pinet,  dans  le  jardin,  présente  une  disposition  très- 
remarquable. 

L'absence  des  moulins  témoigne  de  l'éloignement  toujours 
plus  marqué  dont  ces  moteurs  trop  incertains  sont  l'objet. 

Moteurs  hydrauliques. 

Dans  tout  moteur  hydraulique,  l'on  doit  commencer  par 
avoir  égard  au  volume  d'eau  que  l'on  possède  et  à  la  hauteur 
de  chute ,  c'est-à-dire  à  la  différence  des  deux  niveaux  d'arri- 
vée et  de  sortie  d'eau. 

L'importance  d'une  chute  s'évalue  en  prenant  le  produit  du 
poids  de  l'eau  dont  on  dispose  dans  un  temps  donné  par  la 
hauteur  verticale  dont  elle  descend. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  243 

Les  appareils  qui  reçoivent  l'eau  portent  le  nom  de  récep- 
teurs hydrauliques  et  ne  peuvent  jamais  recueillir  qu'une  par- 
tie de  ce  produit.  Le  but  que  Ton  se  propose  doit  donc  tendre 
à  se  rapprocher  le  plus  possible  de  ce  maximum  théorique. 

Les  systèmes  de  récepteurs  hydrauliques  dont  on  fait  usage, 
sont  : 

1°  Les  roues  à  augets,  qui  reçoivent  l'eau  soit  à  leur  som- 
met, soit  entre  le  sommet  et  le  centre; 

2"  Les  roues  à  palettes,  emboîtées  dans  des  coursiers  cir- 
culaires qui  reçoivent  l'eau  soit  par  des  vannes  en  déversoir, 
soit  par  des  orifices  avec  charge; 

3"  Les  roues  à  palettes  planes ,  qui  reçoivent  l'eau  eu 
dessous; 

•4"  Les  roues  à  aubes  courbes ,  qui  reçoivent  l'eau  à  la  par- 
tie inférieure  par  des  vannes  inclinées; 

5°  Les  roues  à  axe  vertical,  nommées  turbines. 

C'est  du  choix  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  systèmes  que 
dépendent  en  grande  partie  les  résultats  que  l'on  retire  d'une 
chute  :  aussi,  avant  de  prendre  une  détermination,  doit-on 
se  rendre  un  compte  bien  exact  de  la  chute  et  du  volume  d'eau 
à  dépenser  aux  différentes  époques  de  l'année. 

Les  quatre  premières  espèces  de  roues  ne  sont  représentées 
à  l'Exposition  que  par  des  modèles  sans  importance. 

Le  modèle  de  M.  Chaverondier,  de  Saint-Germain-Laval 
vLoire),  représente  une  roue  en  dessous,  à  grande  vitesse, 
qui  a  une  largeur  double  de  celle  de  la  vanne. 

MM.  Waddington  frères,  de  Saint-Remi-sur-Avre  (Eure- 
et-Loir),  exposent  un  modèle  de  roue  décote  entièrement 
construit  en  tôle.  Lafonçure  est  garnie  d'armatures  en  fer  qui 
dispensent  d'arbre. 

La  roue  de  M.  Flageollet,  de  Vagney  (Vosges),  est  en  des- 
sous, sans  tète  d'eau  et  à  suspension.  Le  modèle  que  l'on 
rencontre  à  l'Exposition  est  exécuté  avec  soin  et  montre  une 
disposition  bien  entendue. 

Les  turbines  peuvent  dépenser  des  volumes  d'eau  très-va- 
riables, fonctionner  hors  de  l'eau  ou  sous  l'eau  avec  une 
grande  vitesse,  sans  perte  sensible  dans  le  rendement;  elles 
sont,  depuis  quelques  années,  recherchées  par  les  propriétaires 
d'usines.  Les  nombreuses  dispositions  que  l'on  trouve  dans 
l'Exposition  indiquent  la  vogue  dont  elles  jouissent. 


2ii  VISITE 

Lon  distin2;uedeux  espèces  de  turbines  :  1°  celles  qui  pren- 
nent l'eau  et  la  rendent  à  la  même  distance  de  l'axe,  et  2°  celles 
qui  prennent  l'eau  à  une  certaine  distance  de  l'axe  et  la  ren- 
dent à  une  distance  plus  granfle.  Les  turbines  de  MM.  Fon- 
taine, Brou  et  Froment,  Tenbrinck  et  Dychkoff,  Roy  et  Lau- 
rent, et  Mesnier  et  Chenneval  appartiennent  à  la  première 
espèce;  celles  de  MM.  Cousin  frères,  Fourneyron,  Canson, 
Duvoiret  de  l'administration  des  mines  de  Jenbach  dépendent 
de  la  seconde.  Nous  allons  les  examiner  successivement. 

MM.  Fontaine,  Braud  et  Froment,  de  Chartres  (Eure-et- 
Loir),  ont  employé  à  plusieurs  reprises,  un  vannage  à  papillon 
qui  avait  l'inconvénient  très-grave  d'exiger  un  effort  très- 
considérable  pour  être  mis  en  mouvement.  Ces  constructeurs 
ont  corrigé  l'inconvénient  que  nous  venons  de  signaler,  au 
moyen  d'une  bande  annulaire  en  gutta-percha  pouvant  s'en- 
rouler sur  deux  cônes  en  fonte  dont  les  axes  sont  dirigés  dans 
le  même  plan.  En  faisant  décrire  au  système  de  cônes  une 
demi-conférence ,  l'on  découvre  ou  l'on  masque  tous  les  ori- 
fices des  directrices.  Les  applications  qui  ont  eu  lieu  jusqu'à 
présent  ont  donné  d'excellents  résultats. 

MM.  Tenbrinck  et  Dychkoff,  de  Bar-le-Duc  (Meuse),  expo- 
sent une  turbine  dans  laquelle  chaque  directrice  est  garnie 
d'une  vanne  horizontale.  L'on  peut  à  volonté  les  manœuvrer 
deux  à  deux  ou  les  ouvrir  et  les  fermer  toutes  à  la  fois.  Cha- 
cune d'elles  est  mise  en  mouvement  au  moyen  d'un  pignon 
et  d'une  crémaillère.  L'arbre  est  à  pivot  inférieur  et  plonge 
dans  un  grand  réservoir  d'huile  que  l'on  peut  visiter  au  moyen 
d'une  ouverture  pratiquée  dans  un  tube  cylindrique  en  fonte 
qui  entoure  l'arbre  de  la  turbine. 

La  turbine  de  MxM.  Roy  et  Laurent,  de  Dijon  (Côte-d'Or)  , 
est  à  bâche  fermée.  Le  vannage  s'effectue  à  l'aide  de  clapets 
que  l'on  soulève  successivement  à  la  main.  Chacun  d'eux 
recouvre  l'intervalle  compris  entre  deux  directrices. 

MM.  Mesnier  et  Chenneval,  de  Pontoise  (Seine-et-Oise) ,  ont 
aussi  cherché,  comme  dans  les  dispositions  précédentes,  à 
dépenser  des  volumes  d'eau  variables.  Chaque  directrice  ren- 
ferme une  vanne  verticale.  On  les  soulève  successivement  une 
-à  une,  deux  à  deux,  trois  à  trois,  etc. ,  de  façon  à  avoir  les 
orifices  mobiles  constamment  pleins  d'eau. 

Dans  les  turbines  que  nous  venons  d'examiner,  l'eau  se 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  245 

dirige  de  haut  en  bas,  tandis  que,  dans  celles  qu'il  nous  reste 
à  voir,  l'eau  se  dirige  horizontalement. 

MM.  Cousin  frères,  de  Bordeaux  (Gironde),  exposent  une 
turbine  présentant  comme  ensemble  la  disposition  de  la  tur- 
bine Fourneyron,  Le  tracé  des  aubes  n'est  pas  celui  donné  par 
cet  ingénieur  distingué;  l'on  a  suivi  la  méthode  de  M.  Weis- 
bach  ,  qui  a  l'avantage  de  faciliter  la  sortie  de  l'eau.  Les  aubes 
sont  partagées  sur  leur  hauteur  par  une  cloison  horizontale 
qui  permet  de  dépenser  plus  avantageusement  des  volumes 
d'eau  très-variables.  L'arbre  de  la  turbine  est  à  pivot  supé- 
rieur. Une  partie  des  ateliers  de  la  poudrerie  de  Saint-Médard, 
près  Bordeaux ,  est  mise  en  mouvement  par  une  turbine  con- 
struite sur  ce  modèle,  et  l'administration  est  très-satisfaite  des 
résultats  qu'elle  donne. 

M.  Fourneyron,  de  Paris,  dont  nous  venons  de  citer  le  nom 
en  parlant  de  la  turbine  de  MM,  Cou?in  frères,  par  des  cir- 
constances indépendantes  de  sa  volonté,  n'a  pas  encore  ter- 
miné son  installation.  La  turbine  que  l'on  peut  voir  mainte- 
nant, se  compose  d'un  appareil  double  dans  lequel  l'eau  arrive 
par  la  partie  supérieure  et  par  la  partie  inférieure.  Dans  cha- 
que portion ,  l'eau  se  distribue  dans  deux  compartiments  d'où 
elle  sort  verticalement  et  horizontalement,  de  sorte  que,  par 
le  fait,  le  récepteur  de  M.  Fourneyron  est  formé  de  quatre 
turbines.  Il  est  établi  de  façon  à  pouvoir  dépenser  le  maxi- 
mum du  volume  fourni  par  le  cours  d'eau,  et  à  ne  renfer- 
mer aucun  moyen  de  régler  la  dépense.  Le  vannage  doit 
se  trouver  dans  la  seconde  turbine,  qui  n'est  pas  encore 
montée.  En  adoptant  cette  disposition,  qui  supprime  complè- 
tement les  directrices ,  M.  Fourneyron  se  propose  de  réduire 
considérablement  les  dimensions  des  turbines  destinées  à 
dépenser  de  très-grands  volumes  d'eau. 

M.  Canson,  d'Annonay  (Ardèche),  a  pour  but,  dans  la 
construction  de  sa  turbine,  de  diminuer  sensiblement  le 
prix  de  revient.  Pour  y  arriver,  il  supprime  les  directrices  et 
il  fait  venir  l'eau  dans  l'intérieur  de  la  turbine  par  un  tuyau  en 
tôle.  Comme  dans  les  turbines  Fourneyron  ordinaires,  l'eau  sort 
à  peu  près  tangentiellement  à  la  roue.  Le  pivot  de  l'arbre  est 
supprimé  et  remplacé  par  une  embase  reposant  sur  deux  galets. 
M.  Canson  expose  un  second  récepteur  à  axe  horizontal ,  qui 
a  beaucoup  d'analogie  avec  celui  que  nous  venons  de  décrire» 


246  VISITE 

M.  Duvoir,  de  Liancourt,  a  joint  à  son  envoi  de  machine  à 
vapeur,  une  turbine  à  réaction,  composée  d'un  axe  creux 
portant  des  bras  courbes,  également  creux.  En  ouvrant  le 
robinet  d'arrivée  d'eau,  l'appareil  tourne  dans  un  sens  opposé 
à  celui  de  la  sortie  du  liquide.  Le  frottement  de  l'eau  contre 
les  parois  intérieures  des  tubes  absorbe  une  partie  consi- 
dérable du  travail  moteur,  de  sorte  que  le  rendement  est 
moindre  que  dans  tous  les  appareils  que  nous  venons  d'exa- 
miner. 

La  partie  étrangère  de  l'Exposition  ne  nous  montre  qu'une 
seule  turbine,  c'est  celle  envoyée  par  l'administration  impé- 
riale des  mines  et  forges  de  Jenbuch  (Tyrol).  Elle  est  f -rmée 
d'aubes  courbes  maintenues  entre  deux  anneaux  horizontaux. 
L'eau  arrive  tangentiellement  à  la  roue,  au  m.oyen  d'un  canal 
rectangulaire  garni,  près  de  la  turbine,  d'une  vanne  verticale. 
Ces  roues ,  proposées  depuis  longtemps  par  le  général  Ponce- 
let,  sont  très-répandues  aux  États-Unis  d'Amérique  et  en  Autri- 
che ,  où  elles  donnent  de  très-bons  résultats.  Elles  sont  très  peu 
connues  en  France  ;  c'est  à  peine  si  l'on  en  rencontre  quelques 
exemples  dans  les  environs  de  Toulouse.  Il  est  essentiel  d'a- 
jouter que,  pour  obtenir  un  rendement  considérable,  elles 
ont  besoin  d'une  grande  chute. 

Chaudières  à  vapeur- 

Les  chaudières  à  vapeur  servent  à  produire  de  la  vapeur 
d'eau  à  une  pression  plus  ou  moins  élevée,  que  l'on  emploie 
soit  comme  force  motrice  soit  comme  moyen  de  chauffage. 

Les  vases  dont  on  fait  usage  sont  complètement  fermés,  et 
se  construisent  soit  en  cuivre,  soit  en  tôle.  C'est  à  ce  dernier 
métal  que  Ton  donne  habituellement  la  préférence,  à  cause 
•du  bas  prix  auquel  on  peut  se  le  procurer. 

Quand  une  chaudière  à  vapeur  doit  fournir  de  la  vapeur 
sous  une  pression  voisine  de  celle  de  l'atmosphère,  on  peut 
lui  donner  la  forme  que  l'on  veut,  en  se  servant  de  tôles  assez 
minces;  lorsqu'au  contraire  l'on  a  besoin  de  vapeur  à  haute 
pression,  les  formes  sont  très-limitées;  l'on  emploie  le  plus 
ordinairement  des  chaudières  cylindriques,  en  donnant  aux 
feuilles  métalliques  qui  les  composent  des  épaisseurs  conve- 
nablement calculées.  Avec  celte  forme  simple,  les  foyers  sont 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  247 

extérieurs,  mais  dans  certains  cas,  comme  dans  les  locomo- 
tives et  dans  les  bateaux  à  vapeur,  on  est  obligé  d'employer 
des  foyers  intérieurs,  ce  qui  complique  énormément  les  dis- 
positions. On  ne  peut  se  passer  de  surfaces  planes  qui  exigent 
des  armatures  très-solides  pour  s'opposer  à  la  déformation. 

Les  chaudières  envoyées  à  l'Exposition  sont  fort  peu  nom- 
breuses et  toutes  françaises. 

Si  nous  nous  transportons  dans  le  bâtiment  des  chaudières 
destinées  à  fournir  delà  vapeur  aux  machines  en  mouvement, 
nous  trouvons  trois  chaudières  à  bouilleurs  superposés  de 
M.  Farcot.  Dans  les  chaudières  ordinaires  à  bouilleurs,  ceux-ci 
sont  placés  sous  le  réservoir  d'eau  et  de  vapeur  appelé  vulgai- 
rement corps  de  chaudière.  Au  lieu  de  les  disposer  de  cette 
manière,  M.  Farcot  a  eu  l'idée  de  superposer  les  bouilleurs  et 
de  les  ranger  latéralement  à  la  chaudière.  Les  produits  de  la 
combustion  agissent  directement  sur  le  corps  de  chaudière 
et  passent  successivement  autour  de  chacun  des  bouilleurs, 
en  commençant  par  le  bouilleur  supérieur.  L'eau ,  au  con- 
traire, entre  dans  le  bouilleur  inférieur,  s'élève  dans  le  suivant 
et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'elle  arrive  dans  le  corps  de 
chaudière  où  elle  est  sur  le  point  d'être  réduite  en  vapeur.  Il 
en  résulte  que  l'eau  suit  un  chemin  opposé  à  celui  de  la 
flamme  et  qu'elle  s'échauffe  graduellement,  tandis  que  les  gaz 
chauds  se  refroidissent  de  plus  en  plus,  en  se  rapprochant  de 
la  sortie.  C'est,  en  grandepartie,  cette  heureuse  innovation  qui 
a  valu  à  M.  Farcot  la  moitié  du  prix  de  10  000  francs  proposé 
par  la  Société  d'encouragement. 

A  côté  de  l'une  des  chaudières  de  M.  Farcot,  nous  voyons  la 
chaudière  à  foyer  intérieur ,  que  MM.  Nepveu  et  Cie  ont  con- 
struite d'après  les  plans  de  M.  Molinos.  C'est  une  chaudière  de 
locomotive  dans  laquelle  se  trouve,  à  l'extrémité  de  la  grille, 
une  cloison  méplate  remplie  d'eau,  servant  d'autel ,  et  forçant 
la  flamme  à  se  renverser  avant  d'entrer  dans  les  tubes.  Derrière 
la  grille  et  sur  les  côtés,  sont  pratiquées  des  ouvertures  circu- 
laires communiquant  avec  un  ventilateur,  et  que  l'on  règle  au 
moyen  de  plaques  ou  registres.  Le  but  de  cette  di^^position  est 
de  brûler  la  fumée  et  de  produire  une  plus  grande  quantité 
de  vapeur  avec  un  poids  donné  de  combustible;  mais  dans  les 
appareils  de  ce  genre ,  il  est  excessivement  difficile ,  pouï  ne 
pas  dire  impossible,  de  n'introduire  que  le  volume  d'air  stricte- 


248  VISITE 

ment  nécessaire  à  la  combustion  des  gaz.  Les  expériences  que 
Je  jury  se  propose  de  faire  apprendront  si  cette  disposition 
répond  aux  vues  de  son  auteur. 

Un  peu  plus  loin,  nous  trouvons  l'appareil  de  M.  Beau- 
fumé,  que  MM.  Pommereau  et  Cie  ont  fait  établir.  Il  consiste 
en  un  foyer  avec  grille,  entièrement  fermé  dans  lequel  l'air 
est  lancé  par  un  ventilateur,  et  en  un  fourneau  renfermant 
une  chaudière  à  vapeur  ordinaire.  Le  combustible  que  l'on 
introduit  dans  le  foyer  par  la  partie  supérieure,  sans  établir 
de  communication  avec  l'air  extérieur,  se  transforme  en  gaz 
combustible,  que  l'on  brûle  ensuite  sous  la  chaudière  à  l'aide 
d'une  partie  de  l'air  du  ventilateur.  Les  produits  de  la  com- 
bustion s'échappent  à  une  faible  température,  sans  donner  de 
fumée.  Dans  les  expériences  qui  ont  eu  lieu  dernièrement  à  la 
pompe  à  feu  de  Chaillot,  M.  Grouvelle  a  constaté  une  produc- 
tion de  1 0^^,54  de  vapeur  par  kilogramme  de  houille  brûlée. 

Nous  arrivons  à  la  chaudière  de  M.  Clavières,  qui  se  com- 
pose d'un  grand  nombre  de  tubes  verticaux  aboutissant  à 
des  tubes  horizontaux.  Tout  cet  ensemble  de  tuyaux  est 
placé  au-dessus  d'un  foyer  dans  l'intérieur  d'un  fourneau  en 
maçonnerie,  de  façon  à  profiter  de  la  chaleur  rayonnante  du 
combustible.  Le  but  de  cette  disposition  est  d'avoiidans  la 
chaudière  un  volume  d'eau  très-faible,  et  d'obtenir  prompte- 
ment  de  la  vapeur  à  haute  pression.  Ce  système,  dont  on  fait 
usage  sur  les  bateaux  de  la  compagnie  des  bateaux  porteurs, 
nous  semble  très  compliqué  et  d'un  nettoyage  difficile. 

Si  nous  rentrons  dans  l'Exposition  ,  nous  trouvons,  vers  le 
milieu  de  l'Annexe,  dans  le  voisinage  de  la  fontaine  de 
MM.  Béchu  et  Leclerc,  les  belles  chaudières  à  vapeur  de 
M.  Durenne  fils.  Elles  sont  toutes  deux  à  foyer  intérieur. 
L'une  d'elles  est  simplement  exposée  comme  travail  de  chau- 
dronnerie :  c'est  une  chaudière  de  machine  locomobile.  Afin 
de  pouvoir  mieux  en  apprécier  le  mérite,  M.  Durenne  a  eu 
soin  de  ne  pas  la  faire  peindre.  Il  est  difficile  d'atteindre  une 
pareille  perfection  ,  qui  indique  un  atelier  bien  monté  et  bien 
dirigé.  La  seconde  chaudière  présente  des  dispositions  nou- 
velles, qui ,  pour  être  bien  comprises,  ont  besoin  de  quelques 
explications.  Elle  est  formée  de  plusieurs  tronçons  réunis 
par  des  boulons.  Le  premier,  de  forme  rectangulaire,  ren- 
ferme uniquement  le  foyer,  et  les  suivants,  de  forme  cylin- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  249 

drique,  sont  composés  de  cylindres  traversés  par  des  tubes 
en  grand  nombre.  Chaque  compartiment,  monté  sur  quatre 
roues,  forme  pour  ainsi  dire  une  chaudière  complète.  Le 
dernier  porte  la  cheminée.  Ces  divers  tronçons  sont  mis  en 
communication  ,  par  le  haut  et  par  le  bas ,  au  moyen  de  tubes 
en  cuivre.  Les  produits  de  la  combustion  qui  se  dégagent  du 
foyer  traversent  les  tubes  du  premier  compartiment ,  et  trou- 
vent à  la  suite  une  chambre  où  ils  se  dilatent;  ils  passent  à 
travers  le  second  faisceau  de  tubes  ,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à 
leur  entrée  dans  la  cheminée.  Pendant  ce  cheminement,  l'eau 
qui  vient  dans  le  tronçon  qui  porte  la  cheminée,  s'y  échauffe; 
i'eau  la  plus  chaude  de  ce  compartiment  arrive ,  au  moyen  d'un 
tube  convenablement  disposé ,  à  la  partie  inférieure  du  sui- 
vant, et  parvient  de  proche  en  proche  dans  la  portion  qui  ren- 
ferme le  foyer  où  elle  est  sur  le  point  d'être  réduite  en  va- 
peur. Comme  dans  la  chaudière  de  M.  Farcot,  les  gaz  chauds 
sont  en  contact  avec  l'eau  la  plus  chaude,  et  ne  sortent  de 
la  chaudière  qu'avec  la  température  convenable  pour  avoir  un 
bon  tirage.  C'est  une  disposition  qui  n'est  pas  encore  sanc- 
tionnée par  une  expérience  prolongée,  mais  elle  est  remplie 
d'avenir.  M.  Durenne  a  obtenu,  avec  du  charbon  de  qualité 
ordinaire ,  9  kilogrammes  de  vapeur  par  kilogramme  de 
houille  brûlée. 

Près  de  la  chaudière  de  M.  Durenne,  nous  avons  la  chau- 
dière tabulaire  à  foyer  intérieur  de  MM.  Duez  frères,  de 
Fives  (Nord).  Elle  présente  un  peu  d'analogie  avec  celle  que 
nous  venons  d'examiner.  La  partie  de  la  chaudière  qui  ren- 
ferme le  foyer  est  complètement  isolée  de  celle  qui  contient 
les  tubes  :  l'eau  arrive  dans  celte  dernière  portion  avant  de 
se  rendre  dans  la  première,  ce  qui  s'obtient  au  moyen  d'un 
tube  de  communication  situé  à  la  partie  supérieure.  MM.  Duez 
ont  appliqué  ce  système  aux  chaudières  à  bouilleurs.  Cette 
disposition  ne  figure  à  l'Exposition,  qu'en  dessin. 

En  parcourant  le  catalogue  officiel,  nous  voyons  figurer, 
parmi  les  exposants  de  générateurs  à  vapeur,  les  noms  de 
MM.  Belleville  et  Isoard.  Jusqu'à  présent,  ces  messieurs  ont 
manqué  à  l'appel;  il  eût  été  pourtant  intéressant  d'examiner 
leurs  produits,  qui,  à  une  certaine  époque,  ont  excité  vive- 
ment l'attention  publique.  Les  avantages  de  ces  deux  sys- 
tèmes  sont  les   suivants  :  sécurité  complète  ,  diminution 


250  VISITE 

considérable  de  poids  et  de  volume ,  production  rapide  de 
vapeur  à  haute  pression  et  emploi  de  la  vapeur  sèche.  A 
côté  de  ces  avantages  précieux,  il  y  a  malheureusement  un 
inconvénient  considérable  résultant  de  l'énorme  difficulté  du 
nettoyage. 

Les  deux  chaudières,  dont  nous  venons  de  dire  quelques 
mots,  nous  conduisent  naturellement  auprès  du  modèle  de 
générateur  de  M.  Boutigny.  La  chaudière  de  cet  exposant  se 
compose  d'un  cylindre  terminé  vers  le  bas  par  une  demi- 
sphère  et  fermé  dans  le  haut  par  un  couvercle.  L'intérieur 
de  ce  cylindre  contient  des  diaphragmes  percés  de  trous  et 
superposés.  Cet  ensemble  se  place  dans  un  fourneau  en 
maçonnerie  qui  ne  présente  aucune  particularité.  La  pro- 
duction de  la  vapeur  étant  instantanée,  il  arrive  constam- 
ment, parla  partie  supérieure,  la  quantité  d'eau  nécessaire 
à  la  vaporisation.  Avec  ce  système,  construit  sur  une  très- 
petite  échelle,  M.  Boutigny  a  obtenu  une  quantité  de  vapeur 
assez  considérable,  puisqu'il  a  eu  7'', 50  de  vapeur  par  kilo- 
gramme de  houille.  M.  Boutigny  attribue  ce  résultat  satis- 
faisant à  ce  fait,  que  la  chaudière  est  toujours  décapée  et 
que  les  dépôts  de  sels  calcaires  se  forment  sur  les  dia- 
phragmes. 

Avant  de  quitter  les  appareils  de  production  de  vapeur,  il 
nous  reste  à  appeler  l'attention  des  visiteurs  sur  l'appareil  de 
MM.  Beaumont  et  Mayer,  qui  est  destiné  à  produire  de  la 
vapeur  par  le  frottement.  Ils  arrivent  à  ce  résultat  en  faisant 
tourner,  à  la  vitesse  de  400  tours  par  minute,  un  cône  en 
bois,  revêtu  d'une  tresse  en  chanvre  imprégnée  d'huile  dans 
l'intérieur  d'un  cône  métallique  faisant  partie  d'une  chau- 
dière à  vapeur  remplie  d'eau.  Le  problème  que  ces  m.essieurs 
ont  en  vue  est  de  convertir  les  forces  naturelles  perdues  en 
chaleur  utile.  Tl  nous  est  impossible  d'exprimer  la  moindre 
confiance  dans  l'emploi  de  ce  système,  qui  doit  absorber  un 
travail  de  frottement  très-considérable. 

La  chaudière  en  tôle  d'acier,  essayée  à  dix-huit  atmosphè- 
res, de  MM.  Jackson  frères,  Peters,  Gaudet  et  Cie,  ouvre  une 
voie  nouvelle;  bien  que  l'acier  soit  encore  plus  cher  que  la 
tôle  à  poids  égal,  la  résistance  de  plus  grands  efforts  sur  ce 
métal  permet  de  réduire  considérablement  les  épaisseurs  , 
et  de  réahser  ainsi  une  réduction  de  poids  considérable.  Il 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  251 

est  impossible  d'ailleurs  de  voir  de  la  chaudronnerie  d'an 
plus  beau  travail. 

Comme  il  importe  d'alimenter  les  chaudières  avec  de  l'eau 
à  une  température  élevée,  il  est  intéressant  de  faire  attention 
à  l'appareil  de  MM.  Legris ,  Choisy  et  Ligon,  qui  est  monté 
sur  l'une  des  machines  à  vapeur,  servant  à  remplir  d'eau  les 
réservoirs  nécessaires  au  fonctionnement  des  machines.  Cet 
appareil  utilise  une  partie  de  la  vapeur  d'échappement  de  la 
machine  pour  le  chauffnge  de  l'eau  d'alimentation,  qui  ac- 
quiert ainsi  une  température  de  100  degrés. 

Machines  à  vapeur. 

Dans  les  premières  applications  de  la  vapeur  d'eau  comme 
force  motrice,  l'on  n'eut  en  vue  que  l'élévation  des  eaux  qui 
gênaient  l'exploitation  des  mines.  Plus  tard,  l'on  entrevit  la 
possibilité  d'appliquer  la  force  élastique  de  la  vapeur  d'eau  à 
d'autres  travaux;  c'est  au  célèbre  Watt  que  revient  l'hon- 
neur d'avoir  réalisé  cette  idée.  Quand  il  voulut  Ja  mettre 
à  exécution,  il  fut  arrêté  dès  le  début  par  des  difficultés 
de  tous  genres;  ainsi,  en  dehors  des  moyens  d'exécution 
qu'il  dut  créer,  il  eut  à  déterminer  les  pressions  de  la 
vapeur,  correspondantes  aux  différentes  températures,  les 
volumes  et  les  poids  correspondants  aux  diverses  pressions, 
les  quantités  d'eau  nécessaires  au  refroidissement  de  la 
vapeur  et  les  dimensions  des  chaudières  pour  obtenir  un 
poids  donné  de  vapeur  d'eau.  A  la  suite  d'un  travail  inouï,  il 
parvint  à  construire  la  machine  à  vapeur  que  nous  voyons 
journellement,  soit  dans  les  établissements,  soit  sur  les  ba- 
teaux à  vapeur. 

Elle  a  été  perfectionnée,  et  surtout  simplifiée  par  un  grand 
nombre  d'ingénieurs  et  de  mécaniciens  ;  mais  les  dispositions 
principales  n'ont  pas  été  changées,  les  indications  numéri- 
ques qu'il  a  fournies  sont  restées  les  mêmes.  Les  moyens 
d'exécution  ont  été  modifiés  et  améliorés,  c'est  ce  qui  a  per- 
mis d'entreprendre  des  projets  auxquels  il  eût  été  impossible 
de  songer.  L'on  effectue  maintenant  au  moyen  de  machines- 
outils  ce  que  l'on  était  autrefois  obligé  d'exécuter  à  la  main. 
L'on  construit  de  la  sorte  beaucoup  mieux  et  à  plus  bas  prix. 
La  diminution  des  prix  résulte  encore  des  modifications  que 


252  VISITE 

l'on  a  proposées  et  réalisées  depuis  quelques  années.  Autre- 
fois l'on  se  croyait  forcé  de  suivre  les  modèles  de  Watt  qui 
comprenaient  des  balanciers,  des  bielles,  des  manivelles,  des 
entablements  en  fonte  d'un  poids  considérable  et  d'un  travail 
excessif;  peu  à  peu  on  est  parvenu  à  sortir  de  ces  disposi- 
tions et  à  construire  des  machines  à  mouvements  directs  qui 
n'ont  pas  tardé  à  conduire  aux  machines  horizontales.  En 
môme  temps  que  l'on  osait  s'écarter  si  loin  des  vieilles  habi- 
tudes, on  essayait  d'augmenter  les  vitesses  des  pistons  à 
vapeur.  Ces  tentatives  ayant  été  couronnées  de  succès,  elles 
ont  trouvé  beaucoup  d'imitateurs  ;  aussi  existe-t-il  peu  de 
mécaniciens  s'occupant  exclusivement  de  la  construction  des 
machines  à  balanciers. 

Ce  sont  surtout  les  machines  de  bateaux  à  vapeur  qui  se 
sont  ressenties  des  améliorations  que  nous  venons  de  signaler  ; 
nous  pouvons  à  peu  près  affirmer  que  l'on  ne  construit  plus 
de  machines  à  balanciers  pour  la  navigation.  La  substitution 
presque  générale  des  hélices  aux  roues  à  palettes  contribue 
encore  à  l'adoption  des  machines  horizontales,  aussi  bien  dans 
la  marine  militaire  que  dans  la  marine  marchande. 

L'application  immédiate  des  moteurs  à  vapeur  aux  opéra- 
teurs est  un  progrès  au  moins  aussi  important  que  celui  de 
l'augmentation  de  la  vitesse,  cela  permet  de  supprimer  un 
grand  nombre  de  pièces  intermédiaires  qui  absorbent,  en  frot- 
tement, un  travail  très-considérable.  Nous  aurions  pu  trouver, 
dans  lExposition  un  plus  grand  nombre  d'exemples  de  cette 
idée  féconde,  mais  il  y  en  a  bien  assez  pour  montrer  le 
parti  que  l'on  peut  tirer  de  l'appropriation  convenable  de  la 
machine  à  vapeur  au  travail  que  l'on  a  en  vue  d'exécuter. 

Si  les  Anglais  sont  restés  longtemps  nos  maîtres  en  fait 
de  constructions  de  machines  à  vapeur ,  nous  n'avons  plus 
rien  à  leur  envier  maintenant,  nous  pouvons  marcher  de  pair 
avec  eux,  nous  leur  sommes  même  supérieurs  sous  le  rapport 
du  meilleur  emploi  de  la  vapeur  comme  force  motrice.  Cette 
supériorité  tient  au  prix  élevé  des  combustibles  qui  a  obligé 
nos  ingénieurs  à  trouver  des  dispositions  économiques. 

De  tous  les  moteurs,  ce  sont  les  machines  à  vapeur  qui 
rendent  les  plus  grands  services,  parce  qu'on  peut  les  appli- 
quer partout,  dans  toutes  les  industries,  depuis  la  filature  du 
fil  le  plus  fin  et  le  plus  délicat  jusqu'au  travail  des  pièces  for- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  253 

gées  les  plus  lourdes.  L'on  ne  doit  pas  pour  cela  négliger  les 
moteurs  hydrauliques,  qui  sont  d'un  emploi  si  économique 
chaque  fois  que  l'on  dispose  d'une  chute  d'eau. 

Une  machine  à  vapeur  se  compose  essentiellement  d'un 
cylindre  fermé  à  chacune  de  ses  extrémités,  dun  piston  et 
de  conduits  disposés  d'une  manière  convenable  pour  l'entrée 
et  la  sortie  de  la  vapeur.  Quand  la  vapeur  a  terminé  son  ac- 
tion sous  le  piston ,  elle  se  rend  dans  l'air  ou  dans  un  appa- 
reil rempli  d'eau  froide  appelé  condenseur,  destiné  à  l'anéan- 
tissement presque  complet  de  la  pression.  Pendant  que  la 
vapeur  s'en  va  de  la  partie  inférieure,  il  en  arrive  par  la  par- 
tie supérieure  qui  sert  à  son  tour  à  pousser  le  piston  en  sens 
contraire ,  et  ainsi  de  suite.  L'on  obtient  de  la  sorte  un  mou- 
vement alternatif  ou  de  va-et-vient. 

Si  l'on  intercepte  l'entrée  de  la  vapeur  à  partir  d'un  certain 
point  de  la  course  du  piston  ,  le  reste  de  la  course  sera  par- 
couru par  l'efiet  de  Texpansion  ou  de  la  dilatation  de  la  va- 
peur. La  machine  est  alors  dite  à  détente.  Suivant  que  la  ma- 
chine est  avec  ou  sans  détente,  et  avec  ou  sans  condensation, 
Ton  distingue  quatre  espèces  de  machines  à  vapeur,  savoir  : 

1"  Les  machines  à  vapeur  sans  détente  et  sans  condensa- 
tion; 

2°  Les  machines  à  vapeur  à  détente  et  sans  condensation  ; 

3°  Les  machines  à  vapeur  sans  détente  et  à  condensation; 

•4"  Les  machines  à  vapeur  à  détente  et  à  condensation. 

Suivant  les  fonctions  que  remplissent  les  machines  à  vapeur, 
l'on  peut  avoir  à  considérer  les  machines  fixes,  les  machines 
locomotives,  les  machines  locomobiles  et  les  machines  de 
bateaux;  nous  ne  nous  occuperons  ici  que  des  machines  à 
vapeur  fixes. 

Machines  à  cylindres  verticaux. 

Les  premières  machines  à  vapeur  que  l'on  aperçoit ,  lors- 
que l'on  entre  dans  la  galerie  des  machines,  sont  celles  de 
MM.  Powell,  Scott  et  Lacroix  père  et  fils,  de  Rouen,  qui  cnt 
exposé  trois  machines  de  mêm.e  puissance  et  à  peu  près  de 
même  forme.  Chacune  d'elles  est  de  la  force  de  quarante  che- 
vaux et  du  système  de  Wolf ,  ou  à  deux  cylindres  de  diamè- 
tres différents.  Dans  ce  système,  la  vapeur  vient  directement 


254  VISITE 

dans  le  petit  cylindre  où  elle  agit  à  pleine  pression,  passe 
dans  le  grand  cylindre  où  elle  est  forcée  d'occuper  un  vo- 
lume plus  considérable,  puis  sort  de  ce  cylindre  pour  aller 
au  condenseur,  où  l'on  obtient  un  vide  d'autant  plus  parfait 
que  la  machine  est  mieux  établie. 

Les  deux  cylindres  dont  il  vient  d'être  question,  sont  le 
plus  souvent  entourés  d'une  enveloppe  vulgairement  appelée 
chemise;  la  vapeur  circule  entre  cette  enveloppe  et  les  cy- 
lindres avant  de  commencer  son  action.  MM.  Powell  et  La- 
croix père  et  fils  ont  établi  une  cloison  dans  la  chemise,  de 
façon  à  empêcher  la  circulation  de  la  vapeur  de  la  chaudière 
autour  des  cylindres.  La  vapeur  passe  d'abord  autour  du  petit 
cylindre  ,  entre  dans  ce  cylindre,  va  dans  le  grand ,  et  enfin , 
sort  entre  ce  cylindre  et  Tenveloppe. 

Dans  Id  machine  de  M.  Scott,  les  choses  ne  se  passent  pas 
tout  à  fait  ainti  :  la  vapeur  de  la  chaudière  arrive  dans  le 
petit  cylindre,  passe  dans  le  grand,  et  se  rend  directement 
dans  le  condenseur.  L'on  empêche  le  refroidissement  des 
deux  cylindres  à  l'aide  d'un  courant  de  vapeur  que  l'on  prend 
sur  le  tuyau  d'arrivée  de  vapeur.  Cette  disposition  nous  semble 
préférable  aux  précédentes  qui  sont  elles-mêmes  supérieures  à 
ce  que  l'on  pratiquait  auparavant. 

A  côté  de  ces  grandes  machines  à  balanciers,  avec  entable- 
ments destinés  à  être  encastrés  dans  des  murs,  se  trouve  la 
machine  de  M.  Lecouteux,  de  Paris,  également  du  système 
de  Wolf.  Étant  d'une  force  moins  considérable,  le  balancier 
est  porté  sur  deux  bâtis  triangulaires  reliés  au  moyen  d'en- 
tretoises.  Comme  dans  le  système  de  Wolf,  les  deux  cylindres 
sont  contenus  dans  une  chemise,  dans  l'intérieur  de  laquelle 
arrive  la  vapeur  de  la  chaudière  ;  mais  les  entrées  et  les  sorties 
de  la  vapeur  sont  tellement  combinées  que  l'on  peut  marcher 
à  volonté  avec  les  deux  cyUndres  ensemble  ou  séparément. 
Chacun  d'eux  porte  un  tiroir  à  détente  variable  au  moyen  de 
cames  mises  en  mouvement  par  le  modérateur.  Cette  innova- 
tion fort  heureuse  fait  honneur  au  successeur  de  M.  Moulfa- 
rine,  qui  a  construit  les  belles  machines  motrices  de  la  Mon- 
naie de  Paris. 

M.  Legavrian ,  de  Lille,  s'est  proposé,  dans  la  machine 
qu'il  a  envoyée  à  l'Exposition,  d'obtenir  une  grande  puissance 
avec  un  minimum  de  matière.  La  disposition  qu'il  a  suivie  ne 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  235 

peut  être  mieux  comparée  qu'à  deux  machines  de  Wolf  ré- 
unies, dans  lesquelles  on  a  supprimé  l'un  des  petits  cylin- 
dres. Pour  que  le  petit  cylindre  puisse  alimenter  de  vapeur 
chacun  des  grands,  on  donne  à  son  piston  une  vitesse  double 
de  celle  des  grands  pistons.  C'est  ce  constructeur  qui  a  par- 
tagé avec  M.  Farcot  le  prix  de  10  000  fr.  proposé  par  la 
Société  d'encouragement.  Nous  croyons  que  la  nouvelle  dis- 
position ne  sera  pas  adoptée  par  les  industriels,  et  que  M.  Le- 
gavrian  reviendra  à  la  machine  qui  lui  a  valu  une  aussi  haute 
distinction. 

A  peu  de  distance  de  la  machine  de  M.  Legavrian ,  nous 
voyons  la  machine  à  vapeur  de  M.  Trésel ,  de  Saint-Quentin, 
qui  n'a  eu  d'autre  but,  en  exposant,  que  d'indiquer  son  sys- 
tème de  détente.  Le  mécanisme  en  question,  qui  a  paru  à 
l'Exposition  de  1849,  présente  les  avantages  suivants,  sa- 
voir :  de  faire  arriver  la  vapeur  avec  la  tension  qu'elle  pos- 
sède dans  la  chaudière  ,  d'opérer  la  détente  à  tous  les  points 
de  la  course,  d'introduire  la  vapeur  sur  le  piston  par  une 
ouverture  complètement  démasquée  aux  7[100  de  la  course, 
et  d'admettre  le  même  volume  de  vapeur  au-dessus  qu'au- 
dessous  du  piston. 

Ces  avantages  sont  obtenus  au  moyen  de  deux  tiroirs  :  l'un 
de  distribution  et  l'autre  d'arrêt  pour  intercepter  les  passa- 
ges. Le  premier  se  meut  dans  un  cadre  rectangulaire ,  et  le 
second  dans  un  cadre  formé  de  quatre  courbes.  Il  serait  à  dé- 
sirer que  cette  disposition,  donnant  d'excellents  résultats, 
se  répandît;  car  c'est  la  seule  détente  rationnelle  qui  ait  été 
faite  jusqu'à  présent. 

M.  Hermann  a  joint  à  son  exposition  de  machines  à  fa- 
briquer le  chocolat ,  une  machine  à  vapeur  à  condensation 
et  à  détente  variable  par  le  modérateur,  qui  fait  fonc- 
tionner une  faible  partie  de  l'arbre  de  transmission  de 
mouvement.  Le  cylindre  vertical  est  monté  sur  un  enta- 
blement supporté  par  quatre  colonnes.  L'arbre  à  manivelle  , 
placé  près  du  sol ,  reçoit  son  mouvement  de  la  part  de  la  tige 
du  piston ,  par  l'intermédiaire  d'une  bielle  ayant  la  forme 
d'un  cadre,  à  l'un  des  angles  duquel  est  articulée  une  trin^;le 
qui  fait  marcher  le  levier  des  pompes.  L'avantage  de  cette 
disposition  est  d'avoir  une  bielle  assez  longue,  sans  trop 
élever  le  cylindre  à  vapeur  au-dessus  du  sol.  L'ensemble 


256  VISITE 

est  compliqué,   lorsque    l'on  veut   fonctionner  à  condensa- 
tion. 

L'une  des  machines  en  mouvement ,  qui  attire  le  plus  l'at- 
tention des  visiteurs,  est  celle  de  M.  Flaud ,  de  Paris.  Elle 
se  compose  principalement  de  deux  cylindres  à  vapeur  avec 
pistons  agissant,  par  l'intermédiaire  de  bielles,  sur  un  arbre  à 
manivelles  coudées  à  angle  droit.  Les  pièces  qui  la  consti- 
tuent se  retrouvent  dans  toutes  les  machines  à  vapeur;  ce  qui 
la  distingue  des  autres,  c'est  qu'elle  donne  un  plus  grand 
nombre  de  coups  de  pistons;  l'arbre  à  manivelles  ne  fait  pas 
moins  de  250  révolutions  par  minute.  Le  grand  avantage  de 
semblables  machines  est  d'avoir  des  moteurs  très-puissants 
sous  un  très-petit  volume,  et,  par  suite,  à  très-bas  prix. 
Leur  côté  faible  est  de  ne  pas  être  d'un  emploi  économique, 
à  cause  du  volume  de  vapeur  compris  entre  le  piston  et  le 
couvercle  que  l'on  perd  à  chaque  pulsation.  M.  Flaud  a  en- 
core deux  autres  machines  verticales,  appliquées  l'une  à  la 
carde  de  M.  Clénet,  l'autre  aux  pompes  de  M.  Delpech.  Elles 
sont  d'une  simplicité  remarquable  et  fonctionnent  également 
avec  une  vitesse  considérable. 

Machines  à  cylindres  horizontaux. 

Parmi  les  machines  verticales,  nous  n'en  avons  trouvé 
qu'une  seule  faisant  marcher  une  petite  partie  de  l'arbre  de 
transmission  de  mouvement.  Le  reste  de  l'arbre,  en  ce  qui 
concerne  les  machines  françaises ,  fonctionne  à  l'aide  de  ma- 
chines horizontales  que  nous  allons  passer  en  revue.  Quant  à 
celles  en  repos ;,  nous  nous  bornerons  à  examiner  les  princi- 
pales. 

En  venant  du  côté  de  la  place  de  la  Concorde,  c'est-à-dire 
en  nous  dirigeant  vers  l'ouest,  nous  arrivons  d'abord  à  la 
machine  à  vapeur  de  MM.  Révollier  et  Cie,  de  Saint-Étienne, 
qui  présente  plusieurs  perfectionnements  intéressants  à  faire 
connaître.  Le  plus  important  se  trouve  dans  le  mode  de  dis- 
tribution de  la  vapeur.  Chaque  extrémité  du  cylindre  est 
munie  d'une  boîte  à  deux  compartiments  percés  de  deux  ou- 
vertures circulaires  servant,  Tune  à  l'introduction,  l'autre  à 
la  sortie  de  la  vapeur.  Ces  ouvertures  sont  garnies  de  sou- 
papes, dites  de  Gornouailles  ,  que  l'on  soulève  à  l'aide  d'un 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  257 

effort  très-peu  considérable.  Elles  portent  des  tiges  aboutis- 
sant aux  extrémités  d'un  T  qui  reçoit  son  mouvement  par 
l'intermédiaire  d'une  excentrique  et  d'une  bielle.  L'oscillation 
de  ce  T  est  telle  que,  lorsqu'on  baisse  l'une  des  soupapes,  l'on 
soulève  l'autre.  L'avantage  de  cette  disposition  est  de  dimi- 
nuer la  longueur  des  conduits  d'arrivée  de  vapeur,  de  pou- 
voir soulever  les  soupapes  sans  faire  éprouver  de  fatigue 
à  la  machine,  et  d'introduire  presque  instantanément  le 
volume  de  vapeur  nécessaire  à  chaque  pulsation.  Cette 
machine,  construite  pour  le  service  d'extraction  d'une  mine, 
est  à  détente  variable  à  la  main ,  afin  de  pouvoir  augmenter 
la  puissance  du  moteur  au  fur  et  à  mesure  de  l'approfondis- 
sement des  travaux. 

Les  coussinets  des  paliers  qui  portent  l'arbre  du  volant 
sont  en  quatre  parties,  de  façon  à  pouvoir  les  serrer  horizon- 
talement et  verticalement.  C'est  une  disposition  que  l'on  de- 
vrait introduire  dans  la  construction  de  toutes  les  machines 
horizontales. 

La  machine  à  vapeur  de  M.  Bourdon  est  également  à  dé- 
tente et  sans  condensation.  La  détente  de  cette  machine 
s'effectue  d'une  manière  particulière;  elle  s'obtient  au  moyen 
d'une  plaque  appliquée  contre  le  tiroir  de  distribution,  que 
l'on  règle  à  la  main  au  moyen  d'une  came  extérieure.  Le  cy- 
lindre à  vapeur  est  entouré  d'une  chemise  dans  l'intérieur  de 
laquelle  on  fait  circuler  un  petit  jet  de  vapeur  que  l'on  prend 
sur  le  tuyau  d'arrivée  dans  le  voisinage  delà  boîte  de  distri- 
bution. Cette  chemise  est  revêtue  de  bois  afin  d'empêcher 
autant  que  possible  la  déperdition  de  la  chaleur. 

La  machine  de  M.  Farcot,  qui  vient  ensuite ,  est  une  ma- 
chine de  cinquante  chevaux,  à  détente  variable  et  à  conden- 
sation. 

Le  cylindre  à  vapeur  est  entouré  de  toutes  parts  par  une 
couche  de  vapeur  contenue  dans  un  second  cylindre  que  l'on 
enveloppe  lui-même  d'une  couche  de  bois. 

La  détente  a  lieu  par  l'intermédiaire  du  modérateur  qui  fait 
tourner,  dans  l'intérieur  de  la  boîte  de  distribution,  une  came 
contre  laquelle  vient  heurter  une  plaque  poussée  par  la  vapeur 
contre  le  tiroir  de  distribution.  Suivant  la  position  que  cette 
plaque  occupe  la  vapeur  entre  plus  ou  moins  longtemps  dans 
l'intérieur  du  cylindre.  Cette  disposition,  qui  fonctionne  très- 
206  q 


258  VISITE 

bien  quand  elle  est  bien  réglée,  est  malheureusement  com- 
pliquée :  il  serait  à  désirer  qu'on  pût  la  simplifier. 

L'eau  d'injection  du  condenseur  ne  se  projette  pas  direc- 
tement sur  la  vapeur  comme  cela  se  pratique  habituellement, 
elle  traverse  des  tôles  percées  de  trous  qui  sont  placées  pour 
retarder  son  arrivée  et  la  transformer  en  pluie  fine.  Les 
pompes  à  air  avec  clapets  en  caoutchouc  sont  à  double  effet. 
Deux  de  ces  clapets  servent  pour  l'air  et  les  deux  autres 
pour  l'eau. 

La  dernière  machine  qui  fait  fonctionner  la  transmission 
est  celle  de  l'école  d'Angers  qui  a  été  construite  pour  une 
exploitation  ardoisière  des  environs  d'Angers.  Cette  machine 
exécutée  avec  assez  de  soin,  à  part  l'arbre  coudé  qui  laissée 
désirer,  fonctionne  aussi  convenablement  qu'on  peut  le  désirer. 

En  revenant  sur  nos  pas  ,  il  nous  reste  à  signaler  un  cer- 
tain nombre  de  machines  horizontales  en  mouvement.  Parmi 
celles-ci,  nous  trouvons  les  petites  machines  de  M.  Flaud, 
faisant  marcher,  l'une  une  pompe  de  M.  Éloy,  et  l'autre  une 
machine  à  faire  les  parquets  de  M.  Sautreuil,  de  Fécamp. 

Ces  machines,  sont  excessivement  simples  et  fonctionnent 
à  grande  vitesse  comme  les  machines  verticales  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Elles  sont  établies  de  façon  à  éviter  les  dé- 
rangements; l'on  peut  les  employer  en  toute  confiance  dans 
un  grand  nombre  de  circonstances. 

M.  Flaud  a  encore  une  machine  à  vapeur  horizontale ,  dite 
petit  cheval  d'alimentation  ,  elle  est  destinée  à  l'alimentation 
des  chaudières  à  vapeur.  La  bielle  ayant  été  remplacée  par 
une  coulisse,  le  volume  de  la  machine  est  aussi  réduit  que 
possible. 

L'amélioration  principale  introduite  par  M.  Flaud  dans  les. 
machines  depuis  l'exposition  dernière  consiste  dans  l'élargis- 
sement considérable  qu'il  a  donné  à  toutes  leurs  parties  frot- 
tantes. Sans  modifier  le  frottement,  il  arrive  de  cette  manière 
à  éviter,  en  grande  partie,  la  destruction  des  principaux  or- 
ganes par  l'use. 

M.  Duvoir  de  Liancourt  s'est  proposé  de  construire  des  ma- 
chines à  vapeur  en  supprimant  les  boîtes  à  étoupes  des  tiges 
de  piston. 

Pour  arriver  à  ce  résultat ,  il  s'est  trouvé  forcé  d'employer 
dans  chaque  appareil  deux  cylindres ,  deux  pistons  et  deux 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  259 

tiges.  Dans  cette  machine  ,  la  vapeur  n'agissant  qu'à  simple 
effet,  l'on  a  presque  doublé  le  volume  nécessaire.  L'on  a  en 
outre  remplacé  le  frottement  d'une  tige  de  petit  diamètre  par 
celui  d'un  piston  d'un  diamètre  beaucoup  plus  considérable. 
Quoique  cette  machine  fonctionne  facilement,  nous  ne  voyons 
pas  bien  le  progrès  que  l'auteur  a  voulu  réaliser.  Le  seul 
avantage  d'une  semblable  disposition  ,  c'est  que ,  les  pistons 
étant  visibles  sur  l'une  des  faces,  il  est  facile  d'apercevoir  les 
fuites,  quand  elles  se  déclarent. 

En  continuant  l'examen  des  machines  en  mouvement,  nous 
arrivons  auprès  des  deux  petites  machines  envoyées  par  l'École 
des  arts  et  métiers  de  Châlons  de  la  force  de  trois  à  quatre  che- 
vaux chacune  L'une  d'elles  met  en  mouvement  le  ventilateur 
de  M.  Lemielle,  de  Valenciennes,  tandis  que  l'autre  est  attelée 
à  rhydro-extracteur  de  M.  Tulpin,  de  Rouen.  Les  dispositions 
de  ces  machines  sont  simples  et  bien  choisies.  L'exécution  due 
à  des  élèves  qui  ont  encore  peu  l'habitude  du  travail  des 
pièces  mécaniques  est  très-remarquable. 

Dans  les  machines  à  vapeur,  surtout  lorsqu'elles  ont  des 
dimensions  très-considérables,  la  manœuvre  du  tiroir  de  dis- 
tribution est  très -difficile  ,  à  cause  de  l'énorme  pression 
exercée  par  la  vapeur.  M.  Maldent,  de  Bordeaux,  a  exécuté 
une  disposition  qui  répond  assez  bien  au  but  qu'il  s'est  pro- 
posé. Le  tiroir  percé  de  deux  ouvertures  glisse  à  frottement 
doux  entre  la  table  des  lumières  du  cylindre  et  une  pièce 
tenue  à  distance  fixe,  portant  des  ouvertures  pour  l'introduc- 
tion et  l'échappement  de  la  vapeur.  Les  différentes  surfaces 
rodées  avec  soin  sont  en  contact  tellement  immédiat  qu'il 
n'existe  aucune  fuite. 

L'encadrement  de  la  boîte  de  tiroir  étant  supprimé  ,  l'on 
peut  vérifier  les  fuites  et  les  réparer  quand  il  s'en  déclare. 

A  peu  près  en  face  de  cette  machine  l'on  aperçoit  une 
machine  à  vapeur  de  trente  chevaux  exposée  par  l'école 
d'Aix.  Cette  machine  doit  servir  de  moteur  djms  une  garan- 
cerie.  Pour  indiquer  le  mode  de  transmission  de  mouvement, 
l'on  a  monté  deux  des  différentes  paires  de  meules  qu'elle 
doit  faire  tourner.  Cette  école ,  d'une  fondation  plus  récente 
que  celles  d'Angers  et  de  Châlons ,  a  su  former  des  élèves 
assez  habiles  pour  exécuter  la  machine  que  l'on  voit  dans 
l'Exposition. 


260  VISITE 

Les  réservoirs  d'eau  servant  à  tout  le  service  des  machines 
et  appareils  en  mouvement  sont  alimentés  par  des  pompes 
que  l'on  fait  marcher  au  moyen  de  deux  machines  à  vapeur 
à  détente  variable  et  à  condensation,  construites  par  MM.  Nep- 
veu  et  Cie.  La  variation  de  la  détente  s'obtient  à  l'aide  de  la 
coulisse  Stephenson.  Ces  machines  sont  bien  traitées  et  ne 
laissent  rien  à  désirer. 

Une  des  heureuses  applications  de  la  vapeur  comme  force 
motrice  consiste  à  employer  le  moteur  destiné  à  un  outil  dé- 
terminé de  manière  à  éviter  autant  que  possible  les  transmis- 
sions lourdes  ou  compliquées.  Nous  en  trouvons  quelques 
exemples  dans  l'Exposition. 

MM.  André  Kœchlin,  de  Mulhouse,  ont  établi  une  machine 
à  vapeur  spéciale  pour  faire  marcher  leur  belle  machine  à 
imprimer  les  étoffes. 

M>L  Thomas  et  Laurens  donnent  directement  le  mouvement 
à  un  cylindre  soufflant  au  moyen  d'une  machine  à  vapeur 
horizontale.  Ils  suppriment  de  la  sorte  les  organes  compliqués 
de  transmission  de  mouvement  dont  on  faisait  autrefois  usage. 

Les  mines  de  Blanzy  ont  exposé  un  ventilateur  à  axe  ver- 
tical et  à  ailes  courbes  que  l'on  fait  tourner  directement  à 
l'aide  d'une  petite  machine  à  vapeur  horizontale. 

M.  Gratiot,  d'Essonne,  a  envoyé  une  pile  à  papier  qui  re- 
çoit son  mouvement  au  moyen  d'une  machine  à  vapeur  ap- 
pliquée contre  la  cuve  de  la  pile. 

M.  Voruz  s'est  borné  à  l'envoi  de  la  cuve  d'une  pile  à  pa- 
pier qui  est  également  conduite  par  un  moteur  spécial. 

Ces  quelques  applications  suffisent  pour  faire  comprendre  le 
parti  que  l'industrie  peut  tirer  de  l'emploi  des  machines  à 
vapeur  agissant  directement  sur  les  machines  et  outils  que 
l'on  a  besoin  de  mettre  en  mouvement. 

En  outre  de  l'avantage  qui  résulte  de  la  simplification  des 
transmissions  de  mouvements,  l'on  est  certain  de  ne  jamais 
éprouver  de  cliômages,  parce  que,  tandis  qu'un  moteur  est 
en  réparation  ,  les  autres  continuent  à  effectuer  leur  travail. 

Les  machines  horizontales  en  repus  sont  assez  nombreuses. 
Parmi  les  plus  remarquables  à  citer,  nous  avons  celles  de 
MM  Cail  et  Cie.,  de  Paris.  L'une  d'elles  est  à  détente  sans 
condensation  ,  et  l'autre  est  à  détente  avec  condensation.  La 
pompe  à  air  de  cette  dernière  est  également  horizontale  et 


A  L'EXPOSITION    UiNlVERSELLE.  :261 

reçoit  son  mouvement  par  l'inlermédiaire  d'un  balancier.  L'en- 
semble de  ces  machines  est  très-satisfaisant ,  tant  sous  le 
rapport  des  formes  que  sous  celui  de  l'exécution.  Elles  ne 
renferment  pas  des  dispositions  nouvelles  de  nature  à  faire 
progresser  l'industrie  des  moteurs  à  vapeur  ,  mais  les  pièces 
dentelles  sont  composées  sont  si  bien  groupées,  si  bien  agen- 
cées qu'elles  échappent  à  toute  critique. 

M.  Farinaux,  de  Lille,  expose  une  machine  à  vapeur  hori- 
zontale du  système  de  Wolf .  à  détente  variable.  Les  deux 
cylindres  sont  fondus  d'un  même  morceau ,  le  petit  cylindre 
seul  est  entouré  d'une  chemise.  Une  détente  mise  en  mouve- 
ment par  le  modérateur  est  appliquée  sur  le  petit  cylindre. 
Elle  se  compose  de  deux  glissières  situées  l'une  en  avant  et 
l'autre  en  arrière  du  tiroir  de  distribution  et  reliées  au  mo- 
dérateur par  l'intermédiaire  de  deux  petites  tiges.  Quand  le 
modérateur  n'agit  pas,  la  machine  marche  sans  détente, 
mais,  lorsque  les  boules  s'écartent,  les  deux  glissières  vien- 
nent masquer  en  partie  les  orifices  de  distribution  du  cylindre 
à  vapeur,  et  il  y  a  détente.  La  détente  est  d'autant  plus 
grande  que  les  boules  du  modérateur  sont  plus  écartées. 

Le  condenseur  est  en  avant  des  deux  cylindres,  ce  qui  né- 
cessite, pour  transmettre  le  mouvement  à  la  manivelle,  l'em- 
ploi d'une  énorme  bielle  à  fourche  qui  n'est  pas  d'un  bel 
effet. 

Dans  cette  machine,  l'on  a  eu  surtout  en  vue  de  mettre  toutes 
les  pièces  aussi  en  évidence  que  possible  ;  c'est  ce  qui  donne 
à  l'appareil  une  complication  plus  apparente  que  réelle. 

MM.  Tenbrinck  et  Dyckhoff,  de  Bar-le-Duc,  ont  envoyé  à 
l'Exposition  une  machine  à  vapeur  horizontale  qui  ne  diffère 
des  autres  machines  de  même  espèce  que  par  le  moyen  qu'ils 
ont  employé  pour  faire  varier  la  détente.  Elle  a  lieu  à  l'aide 
de  roues  dentées  avec  rochets  ,  disposées  de  façon  à  tourner 
dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  suivant  que  les  boules  du  mo- 
dérateur s'élèvent  ou  s'abaissent.  Par  l'intermédiaire  d'arbres 
et  de  roues  d'angles,  l'on  parvient  à  augmenter  ou  à  rétrécir 
les  orifices  du  tiroir  de  distribution,  et,  par  suite  ,  à  obtenir 
une  détente  variable- 

M.  Frey  expose  une  machine  de  40  chevaux  à  détente  va- 
riable. Pour  diminuer  l'usure  du  cylindre  ,  la  tige  du  piston 
traverse  les  deux  couvercles  qui  ferment  les  extrémités,  mais 


262  VISITE 

cette  disposition  n'est  pas  nouvelle.  La  détente  est  obtenue 
au  moyen  d'une  came  à  courbes  variables ,  montée  sur  l'arbre 
du  modérateur.  L'une  des  extrémités  de  la  tige  du  tiroir  porte 
un  galet  et  l'autre  est  munie  d'un  petit  piston  qui  force  le 
galet  à  s'appuyer  contre  la  came.  L'on  évite  le  choc  qui  a  lieu 
lorsque  le  tiroir  se  ferme  par  un  ressort. 

Pour  terminer  ce  que  nous  avons  à  dire  sur  les  machines  à 
vapeur  horizontales,  nous  citerons  les  noms  de  MM.  Rouffet 
et  Martin  ,  de  Paris,  et  M.  MarioUe-Pingnet ,  de  Saint-Quen- 
tin, qui  ont  exposé,  les  premiers  des  machines  à  détente  sans 
condensation  ,  et  le  dernier  une  machine  à  détente  avec  con- 
densation. Ces  trois  machines,  qui  ne  présentent  pas  de  dispo- 
sitions particulières ,  sont  très-bien  exécutées. 

Machines  à  vapeur  oscillantes. 

La  plus  importante  des  machines  oscillantes  envoyées  à 
l'Exposition  est  celle  de  M.  Boyer,  de  Lille.  Elle  est  à  deux 
cylindres  et  à  condensation.  L'on  reconnaît  en  la  voyant  l'ha- 
bile exécution  de  ce  constructeur  de  premier  ordre  qui  con- 
struit de  si  belles  et  si  bonnes  machines  à  balancier.  Nous 
craignons  cette  fois  que  l'expérience  ne  réponde  pas  aux  vues 
de  l'auteur  qui  n'a  eu  d'autre  but  que  de  diminuer  le  prix  de 
vente. 

M.  Béchu  a  exposé  une  petite  machine  oscillante  dans  la- 
quelle la  distribution  de  la  vapeur  a  lieu  au  moyen  de  deux  ti- 
roirs superposés.  Le  tiroir  de  distribution  fixe  est  mû  par  un 
excentrique  à  cames  qui  démasque  brusquement  les  orifices 
du  cylindre.  L'autre  tiroir  sert  pour  la  détente  que  l'on  rend 
variable  à  la  main  en  diminuant  sa  course. 

La  dernière  machine  oscillante  que  nous  ayons  à  citer  a  été 
©nvoyée  par  l'association  des  tul listes  de  Saint-Pierre-lès- 
Galais.  Cette  petite  machine  sert  à  faire  fonctionner  le  métier 
à  tulles  qu'ils  ont  exposé. 

Machines  rotatives. 

L'Exposition  française  renferme  très-peu  de  machines  à  va- 
peur rotatives.  La  seule  qui  mérite  d'être  mentionnée  est  celle 
de  M.  Moret,  construite  d'après  les  dispositions  indiquées  par 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  263 

M.  Pecqueur.  Elle  se  compose  d'un  bras  ou  piston  se  mou- 
vant circulairement  dans  l'intérieur  d'une  enveloppe  annu- 
laire. La  distribution  s'opère  au  moyen  de  deux  plaques  ho- 
rizontales qui  avancent  et  reculent  dans  un  plan  passant  par 
l'axe  de  l'arbre.  M.  Moret  a  rendu  ce  système  plus  parfait  en 
modifiant  les  presse-étoupes  de  l'arbre  de  transmission  de 
mouvement. 

Machines  à  air  et  à  vapeurs  combinées. 

Les  machines  à  air  sont  très-rares  à  TExposition,  on  ne 
peut  citer  que  celle  de  M.  Franchot.  Ce  moteur  accomplit 
son  action  au  moyen  de  réchauffement  et  du  refroidissement 
subits  de  quatre  masses  d'air  passant  successivement  d'une 
chambre  chaude  dans  une  chambre  froide.  L'exposant  an- 
nonce une  dépense  d'un  kilogramme  de  charbon  par  force  de 
cheval  et  par  heure.  Il  est  douteux  que  l'on  puisse  obtenir  un 
résultat  semblable. 

M.  Pascal,  de  Lyon,  a  exposé,  sous  la  dénomination  de  mo- 
teur générateur  à  combustion  comprimée,  un  appareil  qui 
trouve  parfaitement  sa  place  à  côté  des  machines  à  air.  Il  se 
compose  de  quatre  parties  bien  distinctes  :  un  foyer  renfermé 
dans  un  récipient  clos  de  toutes  parts,  une  pompe  à  air,  un 
cylindre  à  vapeur  ordinaire  avec  sa  boîte  de  distribution  et 
une  petite  pompe  alimentaire.  On  brûle  le  combustible  dans 
le  foyer  avec  le  secours  de  la  pompe  à  air,  on  produit  au- 
dessus  du  foyer  de  la  vapeur  instantanée,  on  mélange  les 
produits  de  la  combustion  avec  la  vapeur  surchauffée  et  l'on 
envoie  le  tout  dans  le  cylindre  moteur.  Il  paraît  que  l'on  ob- 
tient des  résultats  excessivement  économiques,  avec  des  ap- 
pareils de  ce  genre,  mais  jusqu'à  présent  l'inventeur  s'est 
abstenu  de  les  faire  connaître.  Il  sera  très-curieux  de  visiter 
le  bateau  portant  un  appareil  moteur  de  ce  système,  qui  doit 
venir  se  montrer  sur  la  Seine,  pendant  la  durée  de  l'Expo- 
sition. 

Les  machines  à  vapeurs  combinées  de  M.  Du  Tremblay  ont 
abordé  par  une  autre  voie  le  problème  de  raïuélioration  des 
machines  à  vapeur.  Imaginez  qu'on  fasse  rendre  la  vapeur 
d'échappement  dans  un  vase  métallique  renfermant  une  très- 
grande  quantité  de  tubes  remplis  d'éther  ou  de  chloroforme, 


264  VISITE 

liquides  qui  se  réduisent  en  vapeur  à  très-basse  température  ; 
l'eau,  en  se  condensant  dans  ce  vase,  vaporisera  une  cer- 
taine quantité  de  ce  liquide,  qui  pourra  agir  par  sa  force  ex- 
pansive  sur  une  nouvelle  machine  en  tout  semblable  à  la 
première;  ce  principe  fécond  permet  d'utiliser  une  seconde 
fois  la  chaleur  produite,  mais  il  est  nécessaire  d'avoir  dans  ce 
second  appareil  des  clôtures  parfaites,  si  l'on  ne  veut  avoir  à 
craindre  les  fuites  de  ces  vapeurs  secondaires,  très-facilement 
inflammables  et  d'ailleurs  d'un  prix  élevé. 

Les  applications  déjà  faites,  par  M.  Du  Tremblay,  de  son 
système  ne  laissent  pas  que  d'avoir  une  assez  grande  impor- 
tance; on  construit  en  ce  moment  de  grandes  machines  de 
bateaux  pour  l'emploi  des  vapeurs  combinées^  expression  qui 
est  vicieuse ,  en  ce  sens  que  les  deux  vapeurs  sont  toujours 
parfaitement  isolées  l'une  de  l'autre. 

La  revue  des  machines  françaises  étant  terminée,  le  visi- 
teur voudra  bien  nous  permettre  de  le  conduire  dans  les  parties 
étrangères,  où  nous  continuerons  à  observer  le  même  ordre. 

Machines  à  cylindres  verticaux. 

La  première  machine  qui  se  présente  lorsque  l'on  quitte  les 
machines  françaises,  est  celle  de  M.  Schmid,  de  Vienne  (Au- 
triche). Elle  est  établie  d'après  le  système  de  Wolf  sans  double 
enveloppe  ;  la  vapeur  agit  à  haute  pression  dans  le  petit  cy- 
lindre et  se  détend  dans  le  grand.  L'appareil  étant  de  puis- 
sance moyenne,  le  balancier  est  supporté  par  des  bâtis  trian- 
gulaires reliés  à  l'aide  d'entretoises.  On  ne  rencontre  aucune 
disposition  nouvelle  dans  cette  machine,  mais  on  peut  affir- 
mer que  sa  construction  est  très-soignée  et  ne  laisse  rien  à 
désirer. 

En  nous  dirigeant  du  côté  de  Chaillot,  nous  arrivons 
auprès  de  la  machine  de  MM.  Van  Vlissengen  ,  Van  Helle, 
Derosne,  Cail  et  Cie,  à  Amsterdam  (Hollande),  qui  fait  partie 
d'un  appareil  à  cuire  le  sucre  dans  le  vide.  Elle  est  à  détente 
variable  et  à  condensation.  Dans  les  machines  à  balancier, 
on  fait  presque  toujours  usage  du  parallélogramme  de  Watt, 
pour  que  la  tige  du  piston  à  vapeur  se  dirige  verticalement; 
dans  celle-ci,  pour  simplifier  la  construction,  on  a  remplacé 
le  parallélogramme  par  deux  guides  en  fonte,  dans  lesquels 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  265 

glissent  des  coulisseaux.  Des  traverses  relient  les  extrémités 
de  ces  guides  aux  sommets  des  supports  du  balancier.  C'est  la 
seule  particularité  saillante  de  cette  machine  qui  est  assez 
bien  traitée. 

MM.  Cail,  Hallot  et  Cie,  de  Bruxelles  (Belgique),  nous  pr^ 
sentent  une  machine  motrice  verticale,  destinée  à  faire  le  vide 
dans  un  appareil  à  cuire  le  sucre.  Ce  système,  plus  ramassé 
que  le  précédent,  est  plus  convenable  pour  le  service  auquel 
il  est  affecté. 

La  plus  belle  machine  à  cylindre  vertical  que  nous  ayons 
à  considérer  à  l'étranger  est  sans  contredit  celle  de  M.  Fair- 
bairn,  de  Manchester  (Angleterre). 

L'appareil  qu'il  a  envoyé  à  l'Exposition,  et  qui  fait  marcher 
les  machines  de  filature  anglaises,  se  compose  de  deux  ma- 
chines à  colonnes  du  système  connu  vulgairement  sous  le 
nom  de  machine  Fairbairn.  Ces  machines  sont  à  détente  fixe 
par  recouvrement  du  tiroir  et  sans  condensation.  L'arbre  à 
manivelles  situées  à  angle  droit,  porte  une  roue  dentée  ser- 
vant à  la  fois  de  volant  et  de  roue  d'engrenage.  Cette  roue 
engrène  avec  un  pignon  monté  sur  l'arbre  de  transmission  ; 
l'entente  des  dispositions  et  les  soins  apportés  dans  la  con- 
struction font  voir  que  l'on  est  en  présence  d'une  maison  de 
premier  ordre. 

La  machine  à  vapeur  de  MM.  Neumann  et  Esser,  d'Aix-la- 
Chapelle  (Prusse),  est  à  détente  et  sans  condensation.  Elle  est 
formée  d'un  cylindre  soutenu  au-dessus  du  sol  sur  deux  co- 
lonnes cannelées,  d'une  tige  de  piston  agissant  par  l'intermé- 
diaire d'une  bielle,  sur  un  arbre  à  manivelle  situé  près  du  sol, 
et  de  deux  excentriques  circulaires  servant,  l'un  au  tiroir  de 
distribution  et  l'autre  à  celui  de  détente.  L'exécution  de  cette 
machine  est  très-satisfaisante  ;  s'il  y  avait  une  critique  à 
faire,  elle  porterait  sur  l'ensemble  du  système,  qui  ne  nous 
paraît  pas  présenter  une  grande  solidité. 

En  nous  transportant  à  lextrémité  de  la  galerie  des  ma- 
chines, nous  nous  trouvons  en  présence  de  la  machine  à  va- 
peur à  détente  variable  et  sans  condensation,  de  M.  Bolinder, 
de  Stockholm  (Suède).  Son  cylindre  est  attaché  sur  le  sol,  et 
l'arbre  a  manivelle  est  élevé  à  une  certaine  hauteur.  La  plaque 
de  fondation  du  cylindre  et  le  support  de  l'arbre  sont  reliés 
par  un  bâti  en  fonte  fixé  contre  un  mur.  Les  guides  delà  tige 


^6  VISITE 

de  piston  sont  attachés  sur  ce  bâti  et  sont  disposés  de  manière 
à  pouvoir  être  rapprochés  au  fur  et  à  mesure  de  l'usure. 
Les  deux  tiroirs  destinés,  l'un  à  la  distribution  fixe  et  l'autre 
à  la  détente,  sont  en  avant  du  cylindre,  et  au  lieu  d'être 
mus  par  des  excentriques  sont  mis  en  mouvement  par  une 
manivelle.  La  variation  de  la  détente  s'obtient  au  moyen 
d'une  pièce  à  coulisse  montée  sur  le  bouton  de  manivelle. 
Dans  les  machines  à  détente ,  la  mise  en  marche  est  quel- 
quefois difficile  ;  pour  obvier  à  cet  inconvénient,  on  remarque 
un  robinet  qui  met  en  communication  les  deux  boîtes  à  ti- 
roirs. La  machine  est  munie  de  deux  pompes  alimentaires 
que  l'on  fait  fonctionner  par  l'intermédiaire  d'une  bielle  et 
d'un  excentrique.  Cette  disposition  permet  de  pouvoir  faire 
marcher  les  pompes  à  la  main,  ce  qui  est  très-commode  dans 
bien  des  circonstances.  Cette  machine,  parfaitement  entendue 
dans  son  ensemble  et  dans  ses  détails,  est  exécutée  d'une 
manière  très-remarquable. 

La  machine  sphérique  de  M.  Gray,  de  Londres  (Angleterre), 
trouve  sa  place  à  côté  des  machines  que  nous  examinons 
maintenant.  Le  piston  de  cette  machine  est  demi-circulaire 
et  reçoit  de  la  part  de  la  vapeur  un  mouvement  oscillatoire 
qui  lui  fait  décrire  un  arc  d'une  certaine  amplitude  à  chaque 
oscillation.  Le  piston  est  attaché  sur  un  arbre  horizontal  qui 
traverse  deux  boîtes  à  étoupes.  L'une  des  extrémités  de  cet 
arbre  porte  un  levier  ou  demi-balancier,  qui  transforme  son 
mouvement  de  va-et-vient  en  un  mouvement  de  rotation  par 
l'intermédiaire  d'une  bielle  et  d'un  arbre  à  manivelle.  Cette 
machine,  qui  fonctionne  régulièrement,  fait  mouvoir  une 
partie  de  la  transmission. 

Avant  de  clore  la  liste  des  machines  à  vapeur  verticales, 
nous  avons  à  indiquer  les  petites  machines  d'alimentation  de 
M.  Luschka,  de  Laibach  (Autriche),  et  de  MM.  Schaëffer  et 
Budenberg,  de.Magdebourg  (Saxe).  Ces  deux  machines  ont  cela 
de  remarquable,  que  la  distribution  a  lieu  directement  sans 
l'emploi  d'excentriques. 

Les  tentatives  que  fait  M.  Siemens  pour  appliquer  aux  ma- 
chines à  vapeur  le  système  de  régénération  de  la  chaleur,  au 
moyen  des  toiles  métalliques  d'Éricson  ,  sont  assurément  plus 
rationnelles  que  celles  entreprises  dans  la  même  direction  sur 
l'air  seul.  Les  expériences  qui  pourront  être  faites,  à  l'Expo- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  267 

sition  même,  sur  la  machine  à  trois  cylindres  de  M.  Siemens 
ne  peuvent  manquer  de  jeter  un  grand  jonr  sur  cette  question 
importante. 

Machines  horizontales. 

La  plus  importante  des  machines  horizontales  que  l'on 
trouve  dans  l'exposition  étrangère  est  celle  de  M.  Schmid ,  de 
Vienne,  exposant  dont  il  a  été  déjà  question  en  parlant  des 
machines  verticales.  Elle  est  destinée  à  faire  marcher  une 
pompe  horizontale  à  double  effet.  Les  pistons  à  vapeur  et  à 
eau  sont  fixés  sur  la  même  tige,  et,  afin  de  donner'moins  de 
longueur  possible  à  l'appareil,  l'on  a  fait  usage  de  deux 
bielles  latérales. 

La  forge  impériale  de  Révitza  expose  une  machine  hori- 
zontale ayant  à  peu  près  les  mêmes  dimensions  que  celle  de 
M.  Schmid.  Cette  machine ,  beaucoup  moins  bien  exécutée 
que  la  précédente,  ne  présente  d'autre  particularité  que 
l'emploi  de  la  coulisse  de  Stephenson,  qui  permet  de  varier 
la  détente  et  de  faire  tourner  l'arbre  à  manivelle  dans  les 
deux  sens. 

MM.Cail,  Hallot  etCie,  à  Bruxelles,  présentent  une  machine 
motrice  horizontale  mettant  en  mouvement  une  pompe  à  air 
et  une  pompe  à  eau  pour  le  service  d'un  appareil  à  cuire  le 
sucre.  La  disposition  de  cette  machine  présente  beaucoup 
d'analogie  avec  les  machines  exposées  par  la  maison  Cail 
et  Cie  de  Paris. 

La  pompe  d'Appold  est  mise  en  mouvement  par  la  machine 
à  vapeur  de  MM.  Barrett,  Exall  et  Andrewes ,  de  Reading 
(Angleterre).  Cette  machine  ne  mériterait  aucune  mention 
spéciale  si  elle  ne  faisait  pas  marcher  l'appareil  qui  fixe  tant 
l'attention  des  visiteurs. 

M.  Steenstrup,  de  Christiania  (Norvège),  a  envoyé  une  pe- 
tite machine  à  vapeur  de  trois  chevaux,  dans  laquelle  tous  les 
mouvements  sont  directs.  La  tige  du  piston  se  trouve  à  la  fois 
guidée  par  une  douille  et  par  un  support  placé  sous  le  point 
d'articulation  de  la  bielle.  Cette  dernière  disposition  nous 
paraît  complètement  inutile  dans  un  appareil  d'une  aussi 
faible  puissance.  L'on  ne  se  sert  pas  d'excentrique  pour 
transmettre  le  mouvement  au  tiroir,  on   fait  usage  d'une 


268  VISITE 

petite  manivelle  fixée  sur  le  bouton  de  la  grande  manivelle. 
Cette  petite  machine  est  bien  entendue  et  très-bien  exécutée. 

Machines  oscillantes, 

La  machine  de  M.  Lestor-Stordeur,  d'Houdeng-Aimeries 
(Belgique),  se  compose  de  deux  cylindres  oscillants  agissant, 
par  l'intermédiaire  des  tiges  de  piston  ,  sur  deux  manivelles 
situées  à  angle  droit  sur  l'arbre  de  transmission  de  mouve- 
ment. La  distribution  de  la  vapeur  s'effectue  sans  tiroir,  au 
moyen  d'ouvertures  pratiquées  dans  les  supports  et  les  tou- 
rillons. C'est  une  disposition  très-simple;  mais  elle  occa- 
sionne une  grande  dépense  de  vapeur,  à  cause  des  fuites  qui 
se  manifestent  après  fort  peu  de  temps  de  service,  et  dont  on 
ne  peut  se  rendre  maître. 

En  se  dirigeant  du  rôté  de  Chaillot ,  l'on  trouve  la  machine 
de  M.  Williams  (Angleterre),  qui  fait  marcher  une  partie  de 
la  transmission  de  mouvement.  Elle  oscille  à  la  partie  supé- 
rieure du  cylindre  sur  un  entablement  supporté  par  quatre 
colonnes.  Le  tiroir  de  distribution  ,  placé  au-dessus  du  cou- 
vercle du  cylindre,  se  meut  à  l'aide  d'une  coulisse,  dont  on 
varie  l'inclinaison  avec  un  levier  mis  à  la  disposition  du  con- 
ducteur de  la  machine. 

Dans  le  voisinage  de  la  porte  Chaillot,  nous  arrivons  au- 
près de  quatre  machines  envoyées  par  MM.  Tousley  et  Reed, 
de  New- York  (États-Unis).  L'une  de  ces  machines  est  sans 
détente  et  sans  condensation.  Le  principe  de  la  disposition 
dont  on  a  fait  usage,  est  de  pratiquer  des  ouvertures  sur  les 
conduits  qui  amènent  la  vapeur  dans  l'intérieur  du  cylindre 
et  de  la  faire  venir  en  même  temps  par  des  points  diamétra- 
lement opposés,  de  manière  à  éviter  les  frottements  produits 
par  la  pression  de  la  vapeur. 

Les  supports  sur  lesquels  le  cylindre  oscille  sont  creux  et 
partagés  en  deux  parties  égales  par  une  cloison.  La  cliambre 
supérieure  sert  à  l'introduction  de  la  vapeur,  et  celle  infé- 
rieure à  l'échappement.  Ces  chambres,  percées  d'ouvertures 
latérales,  sont  mises  successivement  en  communication  avec 
le  dessus  et  le  dessous  du  piston.  Chaque  support  est  percé 
au  centre  d'une  ouverture  conique  dans  laquelle  pénètre  l'un 
des  tourillons  servant  à  l'oscillation  du  cylindre.  Ces  sup- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  269 

ports  sont  appliqués  contre  les  surfaces  frottantes  au  moyen 
de  vis  que  l'on  serre  au  fur  et  à  mesure  de  l'usure. 

Les  inventeurs  se  sont  surtout  appliqués  à  simplifier  les 
dispositions  des  machines  oscillantes.  Ils  y  sont  parvenus  de 
la  manière  la  plus  heureuse,  en  supprimant  les  excentriques 
et  les  tiroirs,  qui  sont  toujours  gênants  dans  la  construction 
des  machines  de  cette  espèce. 

La  seconde  machine ,  composée  de  deux  cylindres  accou- 
plés, esta  détente  et  sans  condensation.  Lorsqu'elle  marche 
à  pleine  vapeur,  la  distribution  est  absolument  la  même  que 
dans  la  machine  que  nous  venons  de  décrire;  il  n'en  est  plus 
de  même  quand  elle  fonctionne  à  détente.  La  disposition  dont 
on  se  sert  pour  cela,  se  compose  de  deux  anneaux  placés  à 
chaque  extrémité  des  cylindres,  ayant  extérieurement  le  dia- 
mètre intérieur  du  cylindre.  Ces  anneaux  portent  deux  tiges 
transversales  traversant  les  couvercles.  Quand  on  ne  veut 
pas  de  détente,  ils  viennent  se  loger  dans  des  cavités  pra- 
tiquées dans  les  fonds,  mais  lorsqu'on  désire  de  la  détente, 
l'on  s'arrange  de  façon  à  placer  les  anneaux  devant  les  lu- 
mières du  cylindre  et  à  présenter  un  obstacle  vis-à-vis  les 
tiges  qui  glissent  dans  les  couvercles.  Plus  cet  arrêt  se  pré- 
sente vite,  plus  la  détente  a  de  durée.  L'obstacle  dont  on  fait 
usage  est  formé  de  deux  bras  montés  sur  un  arbre  que  l'on 
manœuvre  à  la  main.  Pendant  l'oscillation  du  cylindre,  les 
tiges  qui  passent  à  travers  les  fonds  viennent  heurter  les  bras 
tenus  dans  la  position  que  l'on  désire;  par  suite  les  anneaux 
masquent  les  orifices  d'introduction  de  la  vapeur,  et  il  y  a 
détente. 

Cette  machine  présente  une  autre  particularité  :  elle  con- 
tient une  valve  creuse  au  moyen  de  laquelle  on  peut  marcher 
dans  les  deux  sens,  régler  la  vitesse  et  arrêter  le  mouvement. 

La  troisième  machine,  à  cylindre  oscillant,  ressemble  beau- 
coup à  la  première  ;  elle  est  seulement  disposée  de  manière  à 
faire  trois  mille  tours  par  minute. 

La  dernière  machine  ne  devrait  pas  figurer  parmi  les  ma- 
chines oscillantes;  c'est  un  petit  cheval  d'alimentation  à  cy- 
lindre horizontal,  dans  lequel  la  pompe  à  eau  est  montée  sur 
le  prolongement  de  la  tige  du  piston  à  vapeur.  La  distribution 
de  vapeur  a  lieu  directement,  au  moyen  d'un  bras  monté  sur 
la  tige  du  piston,  qui  vient  frapper  deux  arrêts  fixés  sur  la 


270  VISITE 

tige  du  tiroir  de  distribution.  Celte  disposition  n'est  pas  nou- 
velle,  elle  se  retrouve  dans  les  appareils  alimentaires  de 
MM.  Penn  et  fils ,  de  Londres. 

Les  trois  premières  machines  de  MM.  Tousley  et  Reed  sont 
excessivement  remarquables  par  suite  des  innovations  qu'elles 
présentent;  mais  elles  pèchent  un  peu  sous  le  rapport  des 
formes,  qui  sont  loin  d'être  gracieuses. 

Machines  rotatives. 

M.  Guibal ,  de  Mons  (Belgique) ,  expose  un  appareil  à  dé- 
tente et  à  condensation ,  formé  de  deux  machines  rotatives. 
La  vapeur  agit  à  haute  pression  dans  la  première  machine ,  et 
se  détend  dans  la  seconde.  Chacune  d'elles  est  composée  d'un 
tambour  dans  lequel  se  meut  un  piston  plan ,  incliné  sur  l'axe 
de  l'arbre  de  transmission  de  mouvement.  Les  pistons,  ne 
portant  pas  de  garniture ,  ne  peuvent  s'opposer  aux  fuites  qui 
doivent  se  manifester  peu  de  temps  après  la  mise  en  marche. 
Ce  système,  quoique  fort  simple,  a  selon  nous  peu  d'avenir. 

Les  étrangers ,  ainsi  que  les  Français,  ont  fort  peu  de  ma- 
chines rotatives;  nous  n'avons  à  citer  que  celles  de  MM.  Wal- 
ker  et  Nicole,  exposants  anglais. 


Grues  fixes. 

Parmi  les  divers  engins  servant  à  la  manœuvre  des  far- 
deaux ,  l'Exposition  ne  nous  présente  guère  que  cinq  ou  six 
grues,  lesquelles  sont  remarquables  d'ailleurs  par  leur  bonne 
exécution. 

La  construction  des  grues  a  été,  depuis  dix  ou  douze  années, 
tellement  perfectionnée  par  la  plupart  des  plus  habiles  con- 
structeurs, tant  en  France  qu'en  Angleterre,  que  les  machines 
de  ce  genre,  si  l'on  en  excepte  la  grue  hydraulique  à  trans- 
mission, de  M.  Vorutz,  ne  comportent  aucune  nouvelle  com- 
binaison. 

Ce  genre  de  machines  se  rencontre  aujourd'hui  dans  toutes 
les  industries,  et  chacun  sait  qu'elles  servent  à  soulever  et  à 
manœuvrer  de  lourds  fardeaux.  C'est  surtout  depuis  l'emploi 
des  voitures  locomotives  que  l'on  s'est  occupé  de  l'établisse- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  271 

ment  de  grues  capables  de  soulever  des  poids  de  30  000  et 
même  de  40  000  kilogrammes. 

La  grande  grue  exposée  par  les  ateliers  Gavé  peut  porter 
35  000  kilogrammes.  C'est  une-  fort  belle  machine ,  montée 
avec  tout  le  soin  et  la  solidité  qu'exigent  ces  sortes  d'appareils. 
MM.  Bourgougnon  et  Cie,  successeurs  de  M.  Gavé,  ont  conti- 
nué avec  succès  les  divers  genres  de  construction  qui  consti- 
tuaient la  spécialité  de  cette  importante  usine. 

Outre  les  grandes  machines  à  vapeur  transatlantiques  et  ces 
lourdes  pièces  qui  exigent  un  outillage  de  premier  ordre , 
M.  Gavé  avait  aussi  toujours  construit  des  grues  d'une  par- 
faite exécution.  Ge  qui  distingue  principalement  celle  exposée 
par  M.  Bourgougnon  cette  année ,  c'est  la  forme  de  l'arbre 
vertical  dont  la  légèreté  apparente  n'exclut  point  la  solidité , 
bien  que  l'appareil  ne  soit  point  double ,  ainsi  qu'il  arrive 
souvent  dans  les  grues  d'une  grande  puissance. 

La  grue  exposée  au  centre  de  l'Annexe  par  M.  Vorutz  aîné, 
constructeur  à  Nantes  ,  présente  une  combinaison  toute  nou- 
velle et  digne  d'examen. 

Jusqu'à  ce  jour  les  grues  étaient  presque  exclusivement 
manœuvrées  par  la  force  de  l'homme  appliquée  à  une  mani- 
velle simple  ou  double;  mais  lorsque  l'appareil  doit  fonction- 
ner d'une  manière  presque  continue,  cette  manœuvre  devient 
excessivement  coûteuse. 

Le  mouvement  de  rotation  de  l'arbre  vertical  qui  porte  le 
treuil  de  la  machine  devait  nécessairement,  sinon  rendre  dif- 
ficile, au  moins  compliquer  l'application  d'une  force  mécani- 
que. Aussi  n'avait-on  point  encore  eu  recours  à  l'emploi  régu- 
lier de  la  vapeur. 

M.  Vorutz  vient  de  combiner  la  force  mécanique  de  la  va- 
peur avec  le  principe  de  la  presse  hydraulique  ,  et  son  appa- 
reil constitue  une  application  remarquable  de  ce  principe. 

L'arbre  vertical  renferme  le  corps  d  une  presse  hydrauli- 
que dont  le  piston  est  surmonté  d'une  crémaillère  verticale 
qui  met  en  jeu  les  engrenages  du  treuil ,  et  la  presse  hy- 
draulique fonctionne  elle-même  par  l'adjonction  d'une  petite 
machine  à  vapeur  placée  à  telle  distance  qu'on  voudra.  Elle 
porte  sur  son  bâti  la  pompe  foulante,  qui  est  mise  en  commu- 
nication avec  le  pied  de  la  grue  au  moyen  d'un  petit  tuyau 
d'un  centimètre  de  diamètre  et  d'une  Iongu<'ur  quelconque. 


272  VISITE 

Le  cadre  trop  restreint  de  notre  compte  rendu  ne  nous 
permet  point  d'entrer  dans  des  détails  de  construction;  nous 
nous  bornerons  à  dire  que  cette  ingénieuse  combinaison  est, 
sous  tous  les  rapports,  d'une  fort  belle  exécution,  et  qu'elle 
témoigne  de  la  sagacité  de  l'inventeur. 

Les  grues  de  cette  espèce  qui  ont  figuré  à  l'Exposition  de 
Londres  et  qui  sont  maintenant  répandues  dans  plusieurs  docks 
de  l'Angleterre,  alimentent  d'une  autre  manière  leurs  presses 
hydrauliques.  Une  machine  à  vapeur,  ou  même  une  simple 
conduite,  est  chargée  d'une  manière  continue  de  remplir  d'eau 
un  réservoir  supérieur  dans  lequel  une  pression  suffisante 
est  au  besoin  maintenue;  ce  réservoir  est  mis  en  communica- 
tion avec  la  presse  par  un  simple  robinet  qu'il  suffit  d'ouvrir 
ou  de  fermer  pour  obtenir  le  mouvement  ou  le  repos.  Les  di- 
vers mouvements,  celui  du  câble  et  celui  de  rotation  de  tout 
l'appareil ,  s'obtiennent  ainsi  dans  le  sens  que  l'on  désire 
toutes  les  fois  qu'il  en  est  besoin  ,  sans  aucun  arrêt  dans  le 
moteur  principal.  L'appareil  de  M.  Vorutz  est  moins  impor- 
tant, mais  plus  applicable  au  travail  moins  régulier  que  la 
plupart  de  nos  grues  ont  à  faire. 

Pompes. 

Les  pompes  que  nous  offre  l'Exposition  ,  si  l'on  en  excepte 
la  pompe  d'Appold,  ne  sont  remarquables  que  par  leur  bonne 
exécution  et  par  quelques  perfectionnements  de  détail,  dus  à 
l'emploi  nouveau  du  caoutchouc.  C'est  donc  sur  ce  point  que 
nous  appellerons  plus  particulièrement  l'attention. 

Citons  cependant  de  suite,  comme  objet  curieux,  une  pompe 
rotative  de  M.  Franchot,  qui  paraît  avoir  eu  le  premier  l'idée 
du  principe  de  l'appareil  plus  connu  sous  le  nom  de  pompe 
Jobard;  un  galet  décrivant  une  circonférence  autour  d'un 
arbre  moteur  comprime  un  tube  en  caoutchouc  disposé  circu- 
lairement  ;  par  l'effet  de  cette  compression  qui  suit  la  marche 
du  galet ,  l'eau  est  aspirée  et  en  même  temps  refoulée  d'une 
manière  continue.  Cette  disposition  si  simple  fonctionne  bien; 
si  le  caoutchouc  s'use  rapidement,  il  peut  être  facilement 
remplacé,  et  l'extrême  simplicité  de  cet  appareil  permet  de  le 
recommander  dans  certains  cas  pour  l'approvisionnement 
domestique. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  ^73 

Le  même  exposant  exhibe  une  canne  hydraulique  pouvant 
élever  l'eau  à  une  grande  hauteur,  sans  piston  ni  aucun  mou- 
vement de  rotation.  Un  tuyau  en  cuivre,  vertical,  tenu  en 
suspension  par  un  ressort,  plonge  au  fond  d'un  puits  et  s'é- 
lève par  sa  partie  supérieure  au-dessus  du  sol,  à  la  hauteur 
de  quelques  mètres  ;  il  est  muni  inférieurement  d'une  bonne 
soupape.  On  peut ,  en  appuyant  avec  la  main  sur  le  ressort, 
lui  imprimer  verticalement  un  petit  mouvement  rapide  d'os- 
cillation ;  l'eau  contenue  dans  le  tube  reste  presque  immobile 
par  suite  de  son  inertie,  et  permet  dès  lors  à  l'eau  du  puits  de 
soulever  la  soupape  d'une  hauteur  égale  à  l'oscillation;  c'est 
ainsi  que  cette  eau ,  passant  dans  le  tube  et  retenue  par  la 
soupape,  s'élève,  par  une  suite  continue  de  petites  secousses, 
jusqu'au  sommet  du  tube.  La  simplicité  de  cet  appareil  le  ren- 
dra utile  dans  bien  des  cas,  et  son  prix,  sans  doute  peu  élevé, 
permettra  d'en  répandre  l'usage  dans  l'agriculture  ou  la  cul- 
ture des  jardins.  Il  ne  faudrait  cependant  pas  espérer  de  son 
emploi  un  grand  effet  utile,  le  ressort  n'ayant  d'autre  effet 
que  de  faciliter  la  manœuvre. 

M.  Yarz,  de  Toulouse,  expose  une  pompe  qu'il  appelle 
hydrodynamique,  dont  le  principe  est  intéressant  et  dont  une 
application  en  grand  a  été  faite  lors  des  fondations  du  pont  de 
Londres  ;  cette  machine  n'est  autre  qu'une  pompe  de  Vera 
modifiée.  Imaginez  une  courroie  sans  fin  en  gutta- percha,  dé- 
coupée à  jour  par  des  trous  en  furme  de  trèfles,  et  passant  sur 
un  cylindre  horizontal  qu'on  a  placé  directement  au-dessus 
du  puits ,  à  un  mètre  du  sol  ou  davantage ,  suivant  la  hau- 
teur à  laquelle  on  veut  élever  l'eau.  La  partie  inférieure  de  la 
courroie  plonge  au  fond  du  puits,  et  elle  y  est  maintenue  par 
un  rouleau  de  tension  fixé  à  demeure.  Dès  qu'on  tourne  le 
cylindre  supérieur  au  moyeu  d'une  manivelle,  la  courroie  suit 
le  mouvement,  et  chacune  de  ses  découpures ,  en  venant  suc- 
cessivement plonger  au  fond  du  puits,  entraîne  un  peu  d'eau 
nouvelle.  Par  l'effet  de  la  capillarité  et  de  l'attraction  molé- 
culaire, qui  la  maintiennent  attachée  et  suspendue  à  la  cour- 
roie ,  une  partie  de  cette  eau  parvient  jusqu'au  cylindre  supé- 
rieur. A  ce  moment ,  soit  par  compression  contre  la  surface 
cylindrique,  soit  par  suite  du  mouvement  circulaire,  elle 
abandonne  la  courroie  et  retombe  dans  une  auge  disposée  con- 
venablement pour  la  conduire  dans  le  réservoir  à  alimenter. 
206  r 


274  VISITE 

La  gutta -percha  étant  à  peu  près  inaltérable  dans  l'eau,  et 
ne  subissant  dans  ce  travail  aucune  usure  sensible  ,  l'appareil 
paraît  devoir  fonctionner  bien  des  années  sans  aucun  en- 
tretien. 

Celui  qui  est  exposé  peut,  avec  cinq  courroies  de  cinq  à  six 
centimètres  de  largeur  chacune,  fournir  125  litres  d'eau  par 
minute.  La  seule  nouveauté  de  cette  machine  consiste  dans  les 
découpures  et  le  choix  de  la  matière;  en  général,  ces  appa- 
reils ne  donnent  qu'un  effet  utile  très-faible. 

Il  en  est  presque  toujours  ainsi  pour  tous  ces  appareils  siin- 
ples,  que  chaque  exposition  fait  surgir  et  qui  tournent  toujours 
dans  le  même  cercle. 

Passons  maintenant  à  l'examen  des  pompes  proprement 
dites ,  c'est-à-dire  des  machines  à  pistons  et  à  clapets  ;  nous 
remarquons  d'abord  une  petite  pompe  de  M.  Stolz  fils,  à  deux 
corps  et  à  deux  pistons.  Elle  diffère  des  pompes  ordinaires  à 
double  effet  en  ce  qu'elle  n'a  plus  besoin  de  clapet  d'aspiration, 
et  que  l'un  des  deux  pistons  refoule  l'eau  dans  la  colonne  d'as- 
cension, lorsque  la  tige  monte  ou  descend. 

M.  Letestu  expose  deux  belles  pompes  à  simple  effet, 
qui  élèvent  ensemble,  à  15  mètres  de  hauteur,  '1250  litres 
d'eau  par  minute,  qu'elles  tirent  de  la  Seine  pour  le  service 
de  la  grande  galerie  des  machines.  Ses  pompes  à  incendie  , 
d'une  exécution  parfaite ,  sont  remarquables  par  l'excellente 
disposition  des  clapets  d'aspiration  et  d'ascension.  Tous  deux 
sont  garnis  en  caoutchouc,  ou  plutôt  d'un  tissu  de  toile  à 
plusieurs  épaisseurs  superposées,  entre  chacune  desquelles 
alternent  des  rondelles  de  caoutchouc;  le  tout  comprimé  for- 
tement, de  manière  à  ne  former  qu'une  substance  solide,  com- 
pacte et  élastique. 

M.  Letestu  emploie  aussi  des  soupapes  ayant  la  forme  d'une 
pomme  d'arrosoir ,  parfaitement  libres  sur  leur  siège  et  sans 
aucun  guide;  de  telle  sorte  qu'elles  retombent  exactement  et 
rapidement  à  leur  place,  quoique  s'étant  soulevées  assez  haut 
pour  laisser  passer  les  corps  solides  que  l'eau  entraîne  avec 
elle  dans  les  tuyaux  d'aspiration.  Elles  sont  chaussées  d'un 
caoutchouc  vulcanisé,  qui  épouse  leur  forme  comme  un  man- 
chon ,  et  les  rend  ainsi  hermétiques ,  sans  exposer  le  siège  à 
aucune  usure  ou  détérioration ,  comme  avec  les  clapets  mé- 
talliques. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  273 

M.  Letestu  préfère  ce  dispositif  aux  clapets  sphériques; 
ceux-ci ,  dont  le  noyau  est  en  fonte  ou  en  grenaille  de  plomb, 
sont  recouverts  également  d'.un  caoutchouc  vulcanisé ,  mais 
qu'il  est  impossible  de  couler  sur  le  métal  sans  laisser  exté- 
rieurement un  léger  bourrelet  qui  nuit  à  la  fermeture  du 
clapet, 

M.  Nillus  jeune ,  du  Havre  ,  expose  une  pompe  du  système 
dit  des  prêtres^  qui  n'est  remarquable  que  par  sa  bonne  exé- 
cution. On  l'emploie  avec  avantage  pour  la  marine  et  pour 
des  épuisements  à  de  petites  profondeurs. 

Les  pompes  à  incendie  de  MM.  Fiaud  et  Guérin,  de  Paris, 
sont  excessivement  commodes  et  parfaitement  exécutées,  mais 
elles  ne  présentent  aucune  innovation  sérieuse. 

Enfin  la  grande  pompe  anglaise  d'Appold  mérite  une  men- 
tion particulière. 

Cette  puissante  machine ,  excellente  pour  élever  l'eau  à  de 
petites  hauteurs ,  convient  surtout  au  dessèchement  des  ma- 
rais. Semblable,  à  peu  près,  au  ventilateur  tel  que  l'a  proposé 
M.  Combes,  elle  se  compose  d'un  axe  horizontal  animé  d'une 
très-grande  vitesse  de  rotation ,  armé  d'un  certain  nombre 
d'ailes  courbes  qui  tournent  dans  un  cylindre  fermé  ou  tam- 
bour. Ce  cylindre  communique  avec  le  réservoir  inférieur  au 
moyen  d'un  double  tuyau  d'aspiration  qui  part,  à  droite  et  à 
gauche,  de  son  centre,  et  qui  est  surmonté  d'un  tuyau  verti- 
cal formant  la  colonne  d'ascension  pour  la  conduite  de  l'eau 
dans  un  réservoir  supérieur.  Par  le  mouvement  rapide  des 
ailes,  l'eau  est  aspirée  et  chassée  avec  énergie  dans  la  colonne 
d'ascension  qui  lui  offre  un  large  débouché.  Elle  présente  les 
avantages  d'être  d'un  prix  peu  élevé  ,  relativement  au  volume 
d'eau  quelle  débite;  son  seul  inconvénient  est  d'exiger  un 
mouvement  rapide  de  rotation ,  qu'il  n'est  possible  d'obtenir 
que  par  des  transmissions  compliquées;  cette  rapidité  devant 
augmenter  en  même  temps  que  la  hauteur  à  laquelle  on  doit 
élever  l'eau  ,  cet  appareil  ne  convient  que  pour  de  faibles  élé- 
vations; mais,  comme  il  ne  contient  aucun  piston,  aucune  sou- 
pape, il  n'est  sujet  à  aucun  dérangement.  Cette  machine  est, 
sans  contredit ,  parmi  les  pompes  hydrauliques  ,  ce  que  l'Ex- 
position nous  présente  de  plus  intéressant. 

La  pompe  de  M.  Lessertois  est  fondée  sur  le  principe  de 
celle  d'Appold  ;  mais  elle  est  moins  parfaite  que  cette  der- 


276  VISITE 

nière,  l'aspiration  ne  s'y  opérant  que  d'un  seul  côté.  La  ma- 
chine ne  pourrait  fournir,  pour  les  mêmes  dimensions,  qu'une- 
quantité  d'eau  beaucoup  moindre. 

Ventilateurs  et  souffleries. 

Les  machines  les  plus  importantes  de  la  section  qui  nous 
occupe  sont  les  machines  à  piston  et  les  ventilateurs. 

Les  machines  à  piston  sont  ordinairement  composées  d'un 
ou  plusieurs  cylindres  en  fonte  dans  lesquels  se  meuvent  des 
pistons  également  en  fonte,  garnis  de  cuir.  Les  extrémités  de 
chaque  cylindre  portent  des  clapets  qui  permettent  l'entrée  et 
la  sortie  de  l'air.  La  tige  de  piston  traverse  le  couvercle  du 
cylindre  et  reçoit  son  mouvement  soit  directement,  soit  par 
l'intermédiaire  d'un  balancier. 

Les  souffleries  à  piston  que  l'on  rencontre  à  l'Exposition 
diffèrent  beaucoup  de  la  disposition  généralement  usitée,  que 
nous  venons  de  décrire  sommairement. 

La  machine  soufflante  la  plus  remarquable  est  sans  contre- 
dit celle  de  MM.  Thomas  et  Laurens ,  qui  est  mise  en  mouve- 
ment par  une  machine  à  vapeur  horizontale,  à  détente  et  à 
condensation.  Dans  cet  appareil,  les  clapets  sont  remplacés  par 
un  tiroir  de  distribution  posé  à  découvert  et  pressé  contre  la 
table  des  lumières  par  des  ressorts.  L'air  entre  et  sort  absolu- 
ment de  la  même  façon  que  la  vapeur  dans  une  machine  à 
vapeur.  Les  avantages  de  cet  appareil  sont  assez  nom- 
breux ;  il  permet  de  marcher  sans  bruit  avec  une  vitesse  de 
150  coups  doubles  de  piston  par  minute,  de  voir  ce  qui  se 
passe  dans  l'intérieur  du  cylindre  et  dans  la  distribution,  et  de 
diminuer  les  chances  de  grippement  du  tiroir,  parce  qu'il  n'est 
appuyé  contre  le  cylindre  que  par  une  pression  assez  faible. 

La  machine  à  vapeur  qui  donne  le  mouvement  à  la  machine 
soufflante  est  établie  de  manière  à  pouvoir  fonctionner  à 
grande  vitesse.  Pour  améliorer  le  vide  du  condenseur,  l'injec- 
tion de  l'eau  froide  a  lieu  aussi  près  que  possible  de  l'échap- 
pement de  la  vapeur  et  l'eau  arrive  en  pluie  fine. 

Cet  appareil,  construit  par  M.  Bourdon,  avec  beaucoup  de 
soin,  fonctionne  à  l'Exposition  avec  une  grande  régularité;  les- 
machines  de  ce  système  sont  appelées  à  se  répandre  dans  tous 
les  établissements  où  l'on  a  besoin  d'air  comprimé. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  277 

MM.  Cail  et  Cie  ont  parmi  les  machines  qui  sortent  de  leurs 
ateliers  une  soufflerie  établie  d  après  le  système  de  MM.  Tho- 
mas et  Laurens.  Elle  est  construite  plus  solidement  et  pré- 
sente plus  de  sécurité  que  la  première ,  qui  laisse  à  désirer 
dans  quelques-uns  de  ses  détails. 

Antérieurement  à  la  machine  de  MM.  Thomas  et  Laurens, 
une  disposition  analogue  avait  été  employée  par  MM.  Schnei- 
der et  Cie,  du  Creuset. 

La  machine  soufflante  de  MM.  Vauthier  et  Gibour,  de  Di- 
jon, est  composée  d'un  cylindre  horizontal  en  fonte,  fermé  par 
deux  fonds  percés  d'un  grand  nombre  d  ouvertures,  recouvertes 
intérieurement  d'une  matière  flexible.  Ces  ouvertures  servent 
à  l'introduction  de  lair,  qui  a  lieu  avec  une  contraction  pres- 
que nulle.  L'air  sort  du  cylindre  par  l'intérieur  de  la  tige  du 
piston ,  qui  est  mise  directement  en  mouvement  au  moyen 
d'une  machine  à  vapeur  horizontale. 

Les  machines  de  ce  système  peuvent  fonctionner  avec  une 
assez  grande  vitesse  et  fournissent  une  quantité  d'air  égale 
aux  j^  du  volume  engendré  par  le  piston. 

Cette  disposition,  quoique  assez  simple,  ne  vaut  pas  à  beau- 
coup près  les  machines  à  tiroir.  Elle  n'est,  selon  nous,  appli- 
cable qu'aux  machines  soufflantes  d'une  faible  puissance. 

Un  ventilateur  se  compose  habituellement  d'un  tambour 
dans  lequel  se  meuvent  avec  une  grande  vitesse  plusieurs  ailes 
attachées  solidement  sur  un  axe.  L'dir  entre  au  centre  par 
deux  ouvertures  circulaires  et  sort,  soit  par  la  totalité  de  la 
circonférence,  soit  par  un  tuyau  qui  y  prend  naissance. 

Dans  le  premier  cas,  le  ventilateur  est  aspirant,  et  dans  le 
second ,  il  est  foulant. 

Lorsqu'on  fait  marcher  les  ailes,  l'air  qui  les  entoure  tend  , 
par  l'effet  de  la  force  centrifuge,  à  s  éloigner  du  centre  et  à  se 
diriger  vers  la  circonférence.  Il  se  produit  ainsi  un  courant 
d'air,  qui  est  d'autant  plus  actif  que  la  vitesse  de  rotation  est 
plus  grande. 

Les  machines  à  piston  servent  dans  les  hauts  fourneaux  et 
dans  toutes  les  applications  où  l'on  a  besoin  d'air  à  une  pres- 
sion élevée,  tandis  que  les  ventilateurs  sont  employés  dans 
l'aérage  des  habitations ,  dans  les  forges  et  surtout  dans  les 
fonderies. 

M.  le  capitaine  d'artillerie  Orrlinaire  de  La  Colonge,  atta- 


278  VISITE 

ché  à  la  poudrerie  de  Saint-Médard ,  près  Bordeaux ,  a  envoyé 
à  l'Exposition  universelle  un  ventilateur  dans  lequel  il  a  suivi 
les  proportions  indiquées  dans  un  mémoire  qu'il  a  présenté, 
il  y  a  quelques  années,  à  l'Académie  des  sciences. 

Il  est  établi  de  façon  à  donner,  avec  une  vitesse  de  1260 
tours  par  minute,  un  volume  de  mille  litres  d'air  par  seconde 
sous  une  pression  de  0"',135  d'eau  ,  en  exigeant  une  force  mo- 
trice de  3  chevaux  6  dixièmes. 

Les  expériences  qui  ont  eu  lieu  récemment  ont  constaté 
que  l'auteur  ne  s'était  pas  trompé  dans  ses  prévisions,  ce  qui 
nous  donne  lieu  d'espérer  que  nous  ne  tarderons  pas  à  possé- 
der une  théorie  sur  laquelle  on  pui?se  compter. 

M.  de  La  Colonge  ne  s'est  pas  appliqué  à  faire  disparaître 
le  bruit  désagréable  que  l'on  entend  dans  tous  les  ventila- 
teurs établis  jusqu'à  présent.  D'autres  constructeurs  se  sont 
occupés  de  cette  question  importante ,  entre  autres  M.  Llyod , 
de  Londres ,  qui  a  résolu  la  question  de  la  manière  la  plus 
heureuse.  Les  palettes  courbes  de  son  ventilateur,  qui  a  en- 
viron 1  mètre  de  diamètre ,  sont  fixées  solidement  sur  deux 
troncs  de  cônes  opposés  par  leur  partie  concave.  Les  petites 
bases  sont  garnies  de  cercles  en  cuivre  ayant  intérieurement 
des  diamètres  égaux  à  ceux  des  entrées  d'air  des  enveloppes. 
Comme  dans  les  ventilateurs  ordinaires,  l'air  entre  par  la 
partie  centrale  et  sort  par  la  circonférence. 

MM.  Dubied  et  Ducommun  ,  de  Mulhouse,  et  Mou'Ssard ,  de 
Paris,  ont  apporté  aux  ventilateurs  des  modifications  analo- 
gues qui  doivent  également  faire  disparaître  le  bruit. 

La  société  des  mines  de  Blanzy  expose  un  ventilateur  des- 
tiné à  renouveler  l'air  des  galeries  d'une  houillère.  Il  est  à 
axe  vertical  portant  pour  ailes  des  portions  d'hélice.  Ce  venti- 
lateur est  mis  directement  en  mouvement  par  une  petite  ma- 
chine à  vapeur.  La  disposition  est  simple  et  doit  donner  de 
bons  résultats. 

Les  ventilateurs  qu'il  nous  reste  à  examiner  s'éloignent 
sensiblement ,  sous  le  rapport  du  principe ,  de  ceux  que  nous 
venons  de  passer  en  revue. 

Le  ventilateur  de  M.  Lemielle ,  de  Valenciennes,  se  com- 
pose de  deux  cylindres  excentrés,  l'un,  fixe,  muni  de  deux  ou- 
vertures servant  à  l'entrée  et  à  la  sortie  de  l'air,  et  l'autre,  mo- 
bile garni  de  deux  panneaux  disposés  de  manière  à  empêcher 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  27t) 

la  communication  entre  les  deux  ouvertures.  Le  cylindre  fixe 
est  extérieur  et  construit  en  maçonnerie  ;  celui  mobile  est  in- 
térieur et  formé  de  cercles  à  croisillons  recouverts  de  madriers. 
Ce  dernier  porte  deux  faces  planes,  parallèles  entre  elles,  sur 
lesquelles  sont  articulés  deux  panneaux  mus  par  des  tiges  qui 
appuient  constamment  leurs  extrémités  contre  la  surface  in- 
térieure du  cylindre  enveloppe. 

Les  ventilateurs  de  ce  système  peuvent  être  à  axe  horizon- 
tal ou  vertical.  Dans  le  premier  cas  l'arbre  est  mis  en  mou- 
vement par  une  poulie,  tandis  que  dans  le  second  il  est 
mû  directement  par  une  machine  à  vapeur  horizontale.  Les 
deux  dispositions  se  trouvent  à  l'Exposition  ;  il  n'y  a  que  la 
première  qui  fonctionne.  Les  expériences  n'ayant  pas  encore 
eu  lieu  ,  l'on  ne  peut  pas  affirmer  que  l'effet  utile  soit  consi- 
dérable ;  mais  il  y  a  lieu  d'augurer  favorablement.  Dans  ce  sy- 
stème ,  la  pression  du  vent  est  5  ou  6  fois  plus  élevée  que  dans 
le  ventilateur  ordinaire  ;  c'est  un  avantage  qu'on  ne  manquera 
pas  d'utiliser  dans  bien  des  circonstances. 

Vient  enfin  le  ventilateur  pour  l'aérage  des  mines,  de  M.  Fa- 
bry,  construit  par  M.  Colson,  à  Haine-Saint-Pierre  (  Belgique). 
Cet  appareil  se  compose  principalement  de  deux  arbres  hori- 
zontaux parallèles  garnis  de  roues  à  trois  palettes  qui  s'en- 
grènent et  se  meuvent  dans  deux  coursiers  cylindriques  en 
maçonnerie.  Le  ventilateur  dont  il  s'agit  se  place  sur  l'ori- 
fice du  puits  et  peut  à  volonté  aspirer  ou  refouler  l'air  sui- 
vant le  sens  dans  lequel  on  fait  tourner  les  roues.  C'est  une 
propriété  excessivement  précieuse  dans  les  appareils  de  ce 
genre ,  ce  qui  fait  que  ce  système  est  appelé  à  rendre  d'im- 
menses services.  Le  mouvement  des  roues  est  obtenu  de  la 
manière  la  plus  simple.  Un  cylindre  à  vapeur  est  disposé  ver- 
ticalement entre  les  arbres,  à  égale  distance  des  centres  ;  l'ex- 
trémité supérieure  de  la  tige  du  piston  porte  une  traverse  aux 
extrémités  de  laquelle  sont  articulées  deux  bielles  comman- 
dant deux  manivelles  fixées  sur  les  arbres.  Ces  manivelles 
doivent  être  inclinées  de  telle  façon ,  qu'elles  fassent  con- 
stamment le  même  angle  avec  l'horizontale  passant  par  le 
centre  des  arbres.  Avec  une  pareille  disposition ,  la  tige  du 
piston  à  vapeur  tend  à  s'élever  et  à  s'abaisser  verticalement  ; 
il  n'y  a  par  conséquent  pas  besoin  de  se  servir  de  guide ,  ce 
qui  simplifie  sensiblement  la  construction . 


280  VISITE 

Il  est  fâcheux  que  les  limites  étroites  de  notre  compte 
rendu  nous  aient  empêché  d'entrer  dans  des  développements 
plus  étendus;  nous  espérons  néanmoins  que  ces  notions  suf- 
fisent pour  que  le  public  puisse  apprécier  les  améliorations 
sensibles  que  l'on  a  apportées  dans  la  construction  des  ma- 
chines soufflantes ,  depuis  un  petit  nombre  d'années. 


CLASSE  V. 

Mécanique  spéciale  et  matériel  des  chemins  de  fer  et  des  autres 
modes  de  transport. 

L'importance  toujours  croissante,  et  dont  on  ne  peut  pré- 
voir le  terme,  du  trafic  des  chemins  de  fer,  et  son  extension 
dans  des  proportions  si  considérables  depuis  une  dizaine  d'an- 
nées, se  trouvent  dignement  représentées  à  l'Exposition  uni- 
verselle de  1855,  sous  le  rapport  de  l'engin  principal  de  ce 
trafic,  la  locomotive. 

On  ne  compte  pas  moins  de  22  locomotives  dans  la  galerie 
des  machines,  et  presque  toutes  sont  remarquables  par  les 
tendances  qu'elles  dénotent  dans  l'esprit  des  ingénieurs. 

Mais  avant  d'examiner  le  point  caractéristique  de  ces  ten- 
dances dans  chaque  pays,  il  n'est  pas  inutile  de  donner  une 
définition  succincte  et  une  description  sommaire  des  princi- 
paux éléments  qui  composent  la  locomotive. 

Une  machine  locomotive  qui  n'est,  à  proprement  parler, 
qu'une  machine  à  vapeur  attachée  à  sa  chaudière,  portée  elle- 
même  sur  un  train  de  roues,  qui  lui  sert  à  la  fois  de  support 
et  de  propulseur,  est  composée  de  trois  appareils  distincts  : 
•1°  le  producteur  de  force  ou  chaudière,  2°  le  distributeur  de 
force  ou  mécanisme,  3°  Vutilisateur  de  la  force  ou  le  véhicule. 
La  chaudière ,  destinée  ,  comme  tous  les  appareils  de  vapori- 
sation ,  à  produire  la  plus  grande  quantité  de  vapeur,  dans  le 
temps  le  plus  court ,  et  avec  le  moins  de  dépense  possible ,  se 
compose,  à  son  tour,  essentiellement,  d'un  foyer  intérieur,  de 
tubes  conducteurs  de  l'air  chaud,  d'une  boîte  à  fumée,  récep- 
teur des  gaz  qui  se  dégagent  de  la  combustion ,  d'une  chemi- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  281 

née  qui  rejette  ces  gaz  dans  l'atsmosphère ,  de  la  chaudière 
proprement  dite ,  vase  métallique  contenant  l'eau  et  la  va- 
peur. En  outre  des  différentes  pièces  accessoires  qui  en  font 
partie  intégrante,  telles  que  prise  de  vapeur,  régulateur,  sou- 
pape de  sûreté,  tube  de  niveau  d'eau,  robinet  d'épreuve,  sif- 
flet d'alarme,  manomètre,  trou  d'homme,  robinets  réchauf- 
feurs, robinets  de  vidange,  pompes  alimentaires,  cendrier. 

Le  mécanisme,  destiné  à  transmettre  le  mouvement  au  véhi- 
cule, doit  consommer  le  moins  de  vapeur  possible,  en  donnant 
le  plus  grand  résultat  utile.  Il  se  compose  des  cylindres  et  de 
leur  boîte  de  tiroir,  dans  lesquels  se  meuvent  les  pistons  mu- 
nis de  leur  tige  qui  traverse  le  fonds  du  cylindre,  en  passant 
à  travers  une  presse  éloupe  {stuffing  box),  fermant  toute  issue 
à  la  vapeur.  La  tige  se  termine  par  une  tête  (crosse  ou  co- 
quille) faite  d'un  bloc  de  métal  carré,  formant  deux  semelles 
qui  glissent  sur  deux  pièces  en  métal,  fortement  reliées  au 
châssis,  nommées  glissières  et  qui  servent  à  guider  le  mouve- 
ment alternatif  de  la  tige  du  piston.  Cette  tête  reçoit  la  petite 
tète  de  la  bielle  motrice,  forte  tige  en  fer  forgé  qui  transmet 
le  mouvement  alternatif  rectiligne  du  piston  aux  roues  mo- 
trices, en  le  transformant  en  un  mouvement  circulaire  con- 
tinu. Cette  transformation  se  fait  au  moyen  d'une  manivelle 
portant  un  bouton  pour  recevoir  la  tète  de  la  bielle. 

Pour  que  la  transformation  du  mouvement  alternatif  recti- 
ligne en  un  mouvement  circulaire  ait  lieu,  il  suffit  que  le 
rayon  de  la  manivelle  soit  égal  à  la  moitié  de  la  course  du  pis- 
ton. Dans  la  machine  locomotive  ,  la  manivelle  est  remplacée 
soit  par  un  coude  sur  l'essieu  moteur,  soit  par  un  bouton  de 
manivelle  fixé  surun  renflement  du  moyeudes  roues  motrices. 
Dans  le  premier  cas.  la  machine  a  généralement  des  cylindres 
à  l'intérieur  des  roues  ;  dans  le  second,  elle  les  a  à  l'extérieur. 

L'essieu  moteur,  ainsi  mis  en  fonction  par  le  mouvement  du 
piston,  commande  à  son  tour  le  tiroir  d'introduction  de  va- 
peur dans  les  cylindres,  au  moyen  d'une  manivelle  d'un  petit 
rayon  qui  imprime  au  tiroir,  au  moyen  d'une  bielle,  un  mou- 
vement alternatif  de  va-et-vient. 

En  pratique,  la  manivelle  de  distribution  est  remplacée  par 
un  excentrique,  et  la  bielle  prend  alors  le  nom  de  barre  d'ex- 
centrique. 

Deux  excentriques   pour  chaque  cylindre  sont  attachés  à 


282  VISITE 

l'essieu  moteur.  Dans  les  anciennes  machines  ,  chaque  barre 
d'excentrique  se  terminait  par  un  V  ou  pied  de  biche,  em- 
brassant ,  dans  toutes  les  positions ,  le  bouton  placé  à  l'extré- 
mité inférieure  du  levier  de  distribution  ;  les  deux  barres  d'ex- 
centriques, étant  liées  entre  elles  par  une  entretoise  articulée, 
pouvaient  être  abaissées  ou  relevées  par  l'appareil  de  distri- 
bution de  marche,  de  telle  sorte  que  le  mécanicien  pouvait,  à 
volonté,  régler  l'introduction  de  vapeur,  de  manière  à  obtenir 
lamarche  en  avant  et  la  marche  en  arrière.  M.  Stephenson  a  rem- 
placé cette  disposition  par  une  coulisse  en  arc  de  cercle,  qui  réu- 
nit les  extrémités  des  deux  barres  d'excentriques,  et  dans  la^ 
quelle  se  trouve  engagée  à  frottement  la  tête  de  la  tige  du 
tiroir.  Cette  coulisse  porte  le  nom  de  son  inventeur.  On  obtient, 
par  le  déplacement,  en  haut  ou  en  bas,  de  cette  coulisse,  par  rap^ 
port  au  bouton  de  la  tige  du  tiroir,  le  changement  d'introduction 
de  vapeur,  et ,  par  conséquent ,  le  changement  de  marche.  Elle 
est,  en  outre,  appliquée  à  produire  la  détente  variable.  Cette 
dernière  disposition  est  maintenant  la  plus  généralement  adop- 
tée. Le  déplacement  de  la  coulisse  s'obtient  par  un  appareil 
dit  de  changement  de  marche,  qu'il  est  inutile  de  décrire  ici, 
et  dont  un  des  bouts  se  trouve  à  la  portée  de  la  main  du  mé- 
canicien. 

Un  organe  intermédiaire  entre  la  chaudière  et  le  méca- 
nisme est  le  tuyau  d'échappement  de  la  vapeur,  dont  les  dis- 
positions varient  suivant  les  constructeurs.  Ce  tuyau  d'échap- 
pement est  placé  dans  la  boîte  à  fumée  et  aboutit  à  la  base 
de  la  cheminée.  On  a  profité  de  l'échappement  de  la  vapeur 
pour  activer  le  tirage  de  la  cheminée ,  et  maintenant  on  rend 
cet  échappement  variable  en  faisant  varier  la  section  de  l'ori- 
fice qui  livre  passage  à  la  vapeur. 

Le  véhicule  se  compose  du  châssis  ou  bâti,  cadre  rectangu- 
laire dont  les  deux  brancards  ou  longerons  en  fer  plat,  posés  de 
champ,  ou  en  bois  armé  de  tôle,  portent  la  chaudière,  et  dont 
les  traverses  d'avant  et  d'arrière,  généralement  en  bois,  ser- 
vent d'attache  au  crochet  de  traction,  à  la  barre  d'attelage, 
aux  chaînes  de  sûreté  et  de  guide,  aux  tampons  de  choc  et 
d'écartement.  Le  châssis  est  relié  aux  roues,  dont  le  nombre 
varie  de  quatre  à  huit,  en  s'appuyant  au  moyen  des  plaques 
de  garde  des  ressorts  de  suspension  et  de  la  boîte  à  graisse  sur 
la  fusée  des  essieux. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  283 

Telles  sont  les  dispositions  généralement  adoptées  dans  la 
construction  des  machines  locomotives,  dispositions  qui,  jus- 
qu'à ce  jour,  varient  surtout  dans  leurs  détails,  mais  non  dans 
leur  ensemble. 

Les  besoins  du  trafic  des  chemins  de  fer  ont  donné  nais- 
sance à  trois  classes  de  machines  locomotives  : 

i°  Machines  à  voyageurs,  à  grande  vitesse; 

2°  Machines  mixtes,  à  voyageurs  ou  à  marchandises; 

3°  Machines  à  marchandises,  à  petite  vitesse,  à  très-grande 
force. 

Les  machines  à  voyageurs  se  distinguent  par  l'indépen- 
dance des  roues  motrices  et  leur  grand  diamètre. 

Les  machines  mixtes  ont,  en  général,  quatre  roues  cou- 
plées, et  leur  diamètre  moyen  est  de  1'",70. 

Les  machines  à  marchandises  ont,  en  f^énéral ,  six  roues 
couplées,  et  leur  diamètre  ne  dépasse  guère  1™,50. 

Deux  graves  questions  partagent  les  ingénieurs,  tant  en 
France  qu'en  Angleterre  :  ce  sont  celles  relatives  à  la  place 
des  cylindres,  soit  à  l'intérieur,  soit  à  l'extérieur  du  châssis, 
et  au  poids  des  machines,  ainsi  qu'à  la  répartition  de  ce  poids. 
Depuis  la  facilité  qu'on  a  obtenue  de  se  procurer  des  essieux 
coudés  de  bonne  qualité,  on  est  généralement  revenu  aux  cy- 
lindres intérieurs.  Quant  à  la  question  du  poids,  quoique  nous 
ayons,  depuis  dix  ans  déjà,  des  faits  suffisants  pour  nous  éclai- 
rer, la  méthode  de  ces  observations  a  été  tellement  différente 
pour  chaque  ingénieur,  qu'il  est  difficile  d'arriver  à  une  opi- 
nion pratique  basée  sur  l'expérience.  On  ne  peut  s'empêcher 
de  regretter  vivement  ce  manque  d'ensemble  dans  la  manière 
d'observer  et  de  compter  les  dépenses  du  service  de  traction, 
en  pensant  aux  immenses  résultats  pratiques  qu'aurait  pu 
donner  un  même  mode  d'observation. 

La  tendance  générale  de  l'Exposition  française  est  de  don- 
ner aux  machines  locomotives  un  poids  considérable,  réparti 
sur  un  grand  nombre  de  paires  de  roues.  Cette  tendance ,  qui 
s'était  déjà  manifestée  depuis  plusieurs  années,  a  donné  heu 
en  Allemagne  au  système  Engerth,  dont  le  caractère  prin- 
cipal est  la  liaison  du  tender  à  la  machine  par  une  articu- 
lation qui  sert  à  répartir  le  poids  total  sur  les  roues  de  la 
machine  et  du  tender.  En  Angleterre ,  au  contraire ,  quoique 
ce  pays  soit  représenté  à  l'Exposition  par  un  nombre  insufïi- 


284  VISITE 

sant  de  locomotives  pour  pouvoir  juger  ses  tendances,  nous 
croyons  qu'on  revient  aux  machines  légères. 

Dans  la  visite  que  nous  faisons  ci-après  des  machines 
exposées,  nous  avons  considéré  le  tender  comme  partie  in- 
dispensable de  la  machine  et  l'avons  examiné  en  même  temps 
qu'elle. 

Un  fait  bien  remarquable  à  l'Exposition  de  4  855,  c'est  la 
tendance  presque  générale  pour  les  machines  à  vapeur  fixes  à 
adopter  les  machines  à  grande  vitesse,  avec  les  dispositions 
analogues  à  celles  employées  pour  le  mécanisme  des  locomo- 
tives. Ce  fait  et  celui  de  l'emploi  de  l'acier  pour  remplacer  les 
pièces  principales  des  machines  sont  sans  contredit  les  plus 
saillants  de  1  Exposition  et  donneront  d'ici  â  peu  d'années  des 
résultats  inattendus. 


Machine  à  marchandises  de  M.  Polonceau ,  construite  dans  les 
ateliers  de  la  Compagnie  d'Orléans,  gare  d'Ivry.  B.  73. 

Cette  machine,  à  six  roues  couplées,  est  à  cylindres  inté- 
rieurs inclinés  vers  l'essieu  moteur;  les  tiroirs  sont  verticaux 
et  placés  sur  le  côté  extérieur  du  cylindre  et  en  dehors  des 
roues;  ils  marchent  par  une  distribution  extérieure.  Cette 
disposition  est  extrêmement  heureuse  parce  qu'elle  rend  la 
réparation  el  l'entretien  faciles  et  peu  dispendieux.  Nous  ne 
doutons  pas  que,  par  la  suite,  elle  ne  soit  plus  généralement 
adoptée. 

Châssis.  —  Le  châssis  est  extérieur  aux  roues  et  composé  de 
deux  longerons  en  fer  forgé  avec  les  plaques  de  garde  venues 
de  forge. 

Essieux.  —  Les  trois  essieux  sont  intercalés  entre  la  boîte  à 
feu  et  la  boîte  à  fumée;  celui  du  milieu  est  coudé  et  porte 
au  dehors  les  boîtes  à  graisse,  les  excentriques  de  distribu- 
tion et  la  manivelle  d'accouplement  en  fer  forgé.  Les  mani- 
velles du  milieu  sont  d'une  seule  pièce  avec  les  poulies  d'ex- 
centrique, elles  relient,  par  des  bielles  d'accouplement  les 
manivelles,  rapportées  également  aux  extrémités  des  essieux 
d'avant  et  d'arrière  pour  l'accouplement  des  roues. 

La  charge  sur  '  ju  moteur  se  trouve  répartie  en  trois 
pomts  de  sa  longueur  par  trois  ressorts,  dont  deux  supérieurs 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  285 

attachés  sur  les  longerons,  et  un  inférieur  au  milieu  attaché 
à  un  longeron  central  fixé  au-dessous  de  la  chaudière  sur  les 
supports. 

Bielles.  —  Les  bielles  motrices  sont  à  fourche  à  deux  bran- 
ches parallèles ,  embrassant  la  coquille  du  piston  et  livrant 
passage  au  support  des  glissières.  La  grosse  tête  de  bielle  est 
à  chape  mobile  avec  coin  de  serrage  à  vis  au  lieu  de  cla- 
vettes. 

Distribution. — La  distribution  est  à  coulisse  renversée;  le 
relevage  s'effectue  sur  le  coulisseau,  il  est  bien  étudié  et  par- 
faitement exécuté.  La  coulisse  double  ,  dont  la  convexité  est 
tournée  vers  l'essieu  moteur,  est  suspendue  par  son  milieu 
et  oscille  autour  d'un  point  fixe  pris  sur  le  longeron.  Le  cou- 
lisseau ,  attaché  à  une  grande  bielle  de  tiroir,  est  mobile  ver- 
ticalement dans  la  coulisse  et  manœuvré  par  l'arbre  de  rele- 
vage, quand  on  marche  à  petite  introduction  et  qu'on  change 
la  marche. 

L'arbre  de  relevage  est  porté  par  trois  supports  ;  les  deux 
extrêmes  sont  fixés  sur  la  barre  d'écartement  des  plaques  de 
garde,  et  celui  du  milieu  au  support  des  glissières,  fixé  lui- 
même  au  support  d'avant,  en  tôle  et  cornière,  de  la  partie 
cylindrique  de  la  chaudière. 

Pompes.  —  Les  pompes  sont  à  petite  course,  fixées  exté- 
rieurement sur  les  longerons;  le  plongeur  est  mû  par  une 
bielle  fixée  et  articulée  à  l'arrière  du  collier  d'excentrique  de 
la  marche  en  arrière. 

Prise  de  vapeur.  —  Le  régulateur  est  placé  dans  une  boîte 
à  l'avant  de  la  chaudière  un  peu  en  arrière  de  la  cheminée. 

On  a  appliqué  à  cette  machine  la  grille  fumivore  de 
M.  Chobrzenski,  qui  a  donné,  dans  des  expériences  faites  au 
chemin  d'Orléans,  ^  4|2  d'économie  de  houille  rapportée 
à  la  dépense  actuelle  de  coke. 

En  résumé,  cette  machine  est  très-bien  exécutée  et  établie 
avec  soin;  elle  peut  traîner,  nous  assure-t-on,  en  service  or- 
dinaire, un  train  de  45  wagons  chargés  de  6000  kilogrammes. 

Voici  les  éléments  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  le  but 
et  sur  la  construction  de  cette  machine. 

Elle  a  été  exécutée  en  trois  mois  :  commandée  le  9  jan- 
vier 1855,  elle  a  été  terminée  le  iO  avril. 

Les  avantages  qu'on  a  recherchés  sont  les  suivants  : 


286  VISITE 

1°  Abord  facile  de  toutes  les  pièces  du  mécanisme  pour  la 
visite,  le  nettoyage  et  l'entretien  ; 

2°  Augmentation  des  surfaces  de  frottement,  obtenue  par 
suite  de  l'espace  réservé  à  chacune  des  pièces,  et  par  consé- 
quent diminution  de  l'usure  ; 

3°  Abaissement  du  centre  de  gravité  de  la  chaudière  et  al- 
longement de  la  cheminée. 
Les  dimensions  principales  sont  les  suivantes  : 

Surface  de  chauffe -1 ,34  mètres. 

Diamètre  des  cylindres 0,42 

Course  des  pistons 0,65 

Diamètre  des  roues 1,57 

La  chaudière  est  timbrée  à  8  atmosphères. 
Le  poids  de  la  machine  est  de  26  585  kilogrammes. 
Le  poids   de    la    machine  chargée    d'eau    et   de   coke , 
30  950  kilogrammes. 

Les  essieux  d'avant  portent 4  0184  kilog. 

du  milieu    Id 4  0  562 

—  d'arrière     Id i  0 184 


Ville  de  Genève  :  machine  mixte  construite  dans  les  ateliers 
de  M.  André  KœcMin.  A  73. 

Cette  machine  a  ses  quatre  roues  d'arrière  couplées;  la 
bielle  motrice  se  trouve  en  arrière  de  celle  d'accouplement  ; 
elle  a  ses  cylindres  extérieurs  et  horizontaux  avec  tiroirs 
intérieurs  et  verticaux.   Elle  est  à  détente  variable. 

Châssis.  —  Il  est  composé  de  deux  longerons  en  fer  avec 
plaques  de  garde  rapportées. 

Essieux.  —  Les  trois  essieux  sont  entre  les  boîtes  à  feu  et  à 
fumée.  Celui  du  milieu  est  moteur;  les  roues  du  milieu  et 
d'arrière^  à  moyeux  en  fonte  portent  les  boutons  moteurs  et 
d'accouplement. 

Cylindres  et  mouvement.  —  Les  cylindres  sont  appliqués 
extérieurement  aux  longerons  avec  deux  glissières  à  chaque 
cylindre,  soutenues  d'un  bout  sur  le  couvercle  et  de  l'autre 
sur  un  support  fixé  au  longeron. 

Distribution.  —  La  distribution  est  faite  par  deux  tiroirs 
à  chaque  cylindre  au  moyen  de  deux  coulisses  :  l'une ,  ordi- 
naire, double,  suspendue  par  son  milieu  à  l'arbre  de  relevage  ; 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  287 

l'autre,  donnant  le  mouvement  au  premier  tiroir,  est  articulée, 
par  son  extrémité  supérieure,  à  un  support  boulonné  à  la  chau- 
dière, l'autre  extrémité  est  commandée  par  un  bouton  pris 
sur  le  collier  d'excentrique  de  la  marche  ;  la  détente  s'effectue, 
dans  cette  dernière  coulisse,  par  le  coulisseau  qu'on  abaisse 
ou  qu'on  lève  au  moyen  d'un  levier  spécial  qui  se  trouve  à 
la  portée  du  mécanicien.  Chaque  tige  de  tiroir  passe  dans  un 
guide  rond  appliqué  sur  le  longeron  ,  celle  qui  prend  son 
mouvement  sur  la  coulisse  ordinaire  est  assemblée  au  prolon- 
gement du  coulisseau  par  un  serrage  fixé  à  clavette. 

La  première  coulisse  améliore  d'une  manière  sensible  la 
distribution  produite  par  la  coulisse  ordinaire,  en  rectifiant 
en  partie  ses  inconvénients  ;  la  détente  n'est  cependant  pas 
parfaite;  avec  ce  système,  on  n'obtient  toujours  qu'un  rétré- 
cissement d'ouverture.  Les  guides  des  tiges  de  tiroir,  étant 
ronds,  sont  moins  coûteuses  de  contruction  et  d'un  entretien 
plus  facile.  Quoique  l'assemblage  du  prolongement  du  coulis- 
seau avec  la  tige  de  tiroir  soit  fixe  et  rende  ainsi  le  tiroir 
plus  long  à  régler  ,  celte  construction  a  l'avantage  de  dimi- 
nuer les  chances  de  réparation. 

Foyer.  —  Le  foyer  est  muni  à  la  partie  inférieure  de  bou- 
chons de  lavage,  bien  disposés  pour  empêcher  qu'il  reste  du 
tartre  sur  le  cadre  ou  dans  les  entretoises. 

Prise  de  vapeur.  —  Le  dôme  de  prise  de  vapeur  se  trouve  à 
l'arrière  un  peu  en  avant  de  la  boîte  à  fumée. 

Le  mouvement  de  cette  machine  est  très -bien  fait,  les 
pièces  sont  dégagées  et  les  formes  convenables;  les  surfaces 
de  frottement  sont  larges,  bien  proportionnées;  l'entretien 
et  le  graissage  des  pièces  sont  faciles  à  faire.  Cette  machine, 
tout  en  présentant  un  aspect  de  légèreté  dans  son  ensemble , 
peut  soulever  facilement  des  trains  très-chargés,  sur  des  che- 
mins à  fortes  rampes,  à  une  vitesse  convenable. 

Machine  à  marchandises  avec  tender  articulé  à  l'arrière  (sys- 
tème Engerth),  construite  au  Creusot  par  MM,  Schneider  et  Gie. 
B  74. 

Le  caractère  distinctif  du  système  Engerth  est  de  reporter 
sur  les  roues  du  tender  une  partie  du  poids  de  la  machine , 
afin  d'obtenir  une  plus  grande  adhérence  sans  fatiguer  la 


288  VISITE 

voie  par  une  surcharge  sur  un  même  point.  Cette  répartition 
du  poids  se  fait  au  moyen  d'une  articulation  entre  le  tender 
et  la  machine ,  articulation  surtout  remarquable  dans  la 
machine  du  Creusot.  Nous  y  reviendrons  dans  sa  descrip- 
tion. 

La  locomotive  de  MM.  Schneider  et  Cie  est  à  six  paires  de 
roues,  dont  les  trois  d'avant  seulement  sont  couplées;  les 
cylindres  sont  extérieurs,  horizontaux  avec  tiroirs  en  dessus, 
inclinés  vers  l'essieu  moteur. 

Distribution.  —  La  distribution  est  extérieure  avec  coulisse, 
oscillant  au  moyen  d'une  bielle  de  suspension  autour  d'un 
point  fixe,  pris  en  dessous  du  tablier.  Solidement  maintenue 
en  cet  endroit,  la  coulisse  po-te  au  milieu,  pour  la  suspen- 
sion, des  oreilles  latérales  qui  permettent  le  passage  à  la  four- 
chette de  la  bielle  à  tiroir  qui  embrasse  le  coulisseau.  Celui-ci, 
fixé  à  l'extrémité  d'une  longue  bielle  de  tiroir,  est  manœuvrée 
par  l'arbre  de  relevage  ou  de  changement  de  marche. 

Châssis.  — Il  y  a  deux  châssis,  l'un,  celui  de  la  machine 
proprement  dite,  est  extérieur  et  composé  de  deux  longerons 
avec  plaques  de  garde  et  barres  d'écartement  découpées  d'un 
seul  morceau;  l'autre,  celui  du  tender,  est  extérieur  et  égale- 
ment composé  de  deux  longerons  évidés  avec  plaques  de 
gardes  et  barres  d'écartement. 

Essieux.  —  Les  trois  paires  de  roues  couplées  sont  placées 
entre  les  boîtes  à  feu  et  à  fumée;  celle  du  milieu  ne  porte  pas 
de  boudin.  L'essieu  d'arrière  est  moteur;  les  roues  sont  à 
moyeu  en  fer  forgé,  qui  porte  les  boutons  moteurs  et  d'ac- 
couplement. Les  bielles  d'accouplement  sont  en  dedans,  contre 
les  m.oyeux  ;  les  bielles  motrices  au  dehors,  et  semblables  à 
celles  des  machines  Crampton. 

Les  boutons  moteurs  sont  terminés  par  une  manivelle  por- 
tant les  deux  excentriques  de  la  distribution  qui  se  trouve  à 
l'intérieur  des  glissières. 

Pompes.  —  Les  pompes  sont  fixées  de  chaque  côté  contre  le 
support  des  glissières  ;  le  plongeur  est  mû  par  un  bras  de  le- 
vier venu  de  forge  avec  la  tige  du  piston. 

Prise  de  vapeur. — Le  régulateur  est  à  l'avant  delà  machine, 
et  un  tuyau  d'admission  pénétrant  dans  la  base  de  la  chemi- 
née et  dans  la  boîte  à  fumée  sert  à  distribuer  la  vapeur  aux 
cylindres. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  289 

Grille.  —  La  grille  est  mobile,  e  tse  manœuvre  du  dessus  du 
tablier. 

Tencler  articulé.  — Le  tender  est  supporté  par  six  roues,  une 
paire  à  l'avant  de  la  boîte  à  feu  et  les  deux  autres  à  l'ar- 
rière. 

Le  châssis  du  tender  extérieur  aux  roues  est  articulé  et  at- 
taché à  l'avant  du  foyer  qu'il  entoure  ,  au  moyen  d'une  tra- 
verse horizontale  solidement  boulonnée  aux  extrémités  avant 
des  longerons.  Un  bouton  d'articulation  fixé  dans  cette  tra- 
verse oscille  et  tourne  dans  le  sens  transversal  de  la  voie, 
dans  une  armature  en  fer  forgé  solidement  fixée  contre  les 
longerons  intérieurs  delà  machine  qu'elle  entretoise;  le  jeu 
ménagé  au-dessus  et  au-dessous  de  la  traverse  permet  le  dé- 
placement vertical  de  l'avant  du  tender,  pendant  qu'il  oscille 
et  tourne  autour  du  bouton  comme  centre. 

Ce  boulon ,  sorte  de  cheville  ouvrière  ,  lie  le  tender  à  la 
machine  d'une  manière  intime ,  en  permettant  le  déplacement 
latéral  dans  les  petites  courbes ,  et  le  déplacement  vertical 
dans  les  inégalités  de  la  voie. 

Le  châssis  du  tender  porte  une  partie  du  poids  de  la  ma- 
chine qu'il  distribue  aux  roues  d'avant  et  du  milieu  de  cet 
appareil. 

Cette  répartition  s'obtient  au  moyen  d'un  robuste  support 
enfer  forgé,  rivé  contre  l'enveloppe  de  la  boîle  à  feu,  et 
portant  une  calotte  hémisphérique  emboîtée  dans  une  glissière 
pouvant  glisser  en  frottant  par  sa  partie  inférieure  sur  un 
patin  horizontal  en  fer,  fixé  solidement  sur  le  châssis  du  lon- 
geron du  tender.  Ce  patin  ,  entouré  de  rebords  rapportés , 
forme  réservoir  d'huile  de  manière  à  baigner  constamment 
le  glissoir.  Le  mouvement  du  glissoir  est  celui  que  peut  faire 
le  tender  en  tournant  latéralement  autour  de  son  centre  d'ar- 
ticulation. 

Caisses.  —  La  capacité  destinée  au  coke  se  trouve  au-des- 
sus du  tablier  du  tender,  et  la  caisse  réservée  à  l'eau  est  au- 
dessous  du  tablier,  dessus  et  entre  les  longerons  extérieurs. 

Frein.  —  Le  frein  n'agit  que  sur  les  quatre  roues  d'arrière. 
Les  quatre  sabots,  deux  de  chaque  côté,  sont  suspendus  et 
articulés  par  le  milieu  de  leurs  ferrures,  ce  qui  leur  permet 
de  saisir  et  de  frotter  concentriquement  les  bandages ,  quelle 
que  soit  la  hauteur  du  châssis  ou  de  la  machine  par  rapport 
20G  * 


290  VISITE 

au  centre  des  roues.  Ou  sait  que  cette  hauteur  varie  suivant 
l'approvisionnement  d'eau  et  de  coke  plus  ou  moins  grand 
dans  le  tender  et  la  machine. 

Ressorts  de  suspension.  —  Cette  machine  tender,  quoi- 
que ayant  douze  roues,  n'est  supportée  que  par  huit  points  : 
la  machine  en  quatre  points,  et  le  tender  également  en  quatre 
points.  L'essieu  du  milieu  et  celui  d'arrière,  ou  moteur  de  la 
machine,  ont  deux  grands  ressorts  longitudinaux  en  com- 
mun ;  les  extrémités  de  ces  ressorts  pressent  et  appuient  sur 
les  boîtes  à  graisse  du  milieu  et  d'arrière  d'un  môme  côté  ; 
de  cette  façon  le  châssis  de  la  machine  ne  porte  que  par 
deux  points  sur  les  quatre  roues  d'arrière  et  du  milieu  ;  les 
quatre  roues  darrière  du  tender,  qui  supportent  l'action  du 
frein,  sont  chargées  de  même  par  deux  grands  ressorts  lon- 
gitudinaux; la  seule  différence  est  que,  pour  la  machine,  les 
ressorts  sont  intérieurs  aux  longerons  ,  et  pour  le  tender  ex- 
térieurs aux  longerons. 

Au  résumé ,  celte  machine  est  un  magnifique  échantillon 
de  la  science  d'exécution  et  de  l'habileté  que  les  ingénieurs  du 
Creusotont  mise  à  tirer  parti  du  système  Engerth  dans  tous 
les  détails  de  construction.  Elle  fait  le  plus  grand  honneur  aux 
considérables  établissements  de  MM.  Schneider  et  Cie. 
Voici  les  principales  dimensions  de  celte  machine  : 

Surface  de  chauffe 4 61  "',130 

Diamètre  des  cylindres 0   ,48 

Course  des  pistons 0   ,64 

Diamètre  des  roues 1    ,30 

La  chaudière  est  timbrée  à  huit  atmosphères. 

Poids  de  la  machine  vide 35  500  kil, 

Poids  du  tender  vide 13  000 

Poids  total  vide 48  500 

Poids  de  la  machine  pleine.- iO  800  kil. 

Poids  du  tender  plein 21  300 

Poids  total  pleine 62  1 00 

Répartition  des  poids  sur  les  essieux. 

Essieu  d'avant  de  la  machine. 12  000  kil. 

Essieu  de  milieu       id * 12  000 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  291 

Essieu  d'arrière  de  la  machine 12  000  kil. 

Point  d'appui  du  foyer  sur  longerons  de 

tender " 4  800 

Essieu  d  avant-tender 4  300 

Essieu  de  milieu  d'avant-tender 8  500 

Essieu  d'arrière  d'avant-tender 8  oOO 

U  Duc  de  Brabant  :  Machine  à  marchandises  (système  Engerth) 
conslruite  à  Serang  par  MM.  Cockerell.  (P.  115\ 

Cette  machine  a  douze  roues  :  huit  sont  couplées,  les  quatre 
autres  soutiennent  le  tender  proprement  dit. 

Les  cylindres  sont  horizontaux,  placés  extérieurement,  ainsi 
que  le  mouvement  et  la  distribution.  La  boîte  à  feu  entre  dans 
l'avant  du  tender  et  forme  corps  avec  ce  dernier  par  une  arti- 
culation à  trois  pivots,  dont  l'un  est  placé  au-dessous  de  la 
chaudière,  et  les  deux  autres  entre  les  longerons.  Cette  division 
en  deux  parties  distinctes  de  la  machine  permet,  comme 
dans  la  machine  du  Creuset,  de  franchir  sans  inconvénient 
les  courbes  de  petit  rayon. 

Mouvement.  —  Les  cylindres  sont  horizontaux ,  avec  tiroir 
incliné  placé  en  dessus.  La  crosse  à  chape  du  piston,  dans 
laquelle  s'introduit  la  bielle  que  commande  l'essieu  de  la 
troisième  paire  de  roues,  est  maintenue  par  deu\  glissoirs. 

Distribution.  —  Les  deux  poulies  d'excentriques  sont  en 
fonte,  clavetées  sur  un  tourillon  cône,  venu  de  forge  avec  la 
manivelle.  La  coulisse  est  simple ,  renversée  et  porte  sur  le 
côté  deux  oreilles  dans  lesquelles  les  tètes  de  barres  d'excen- 
triques s'articulent.  Elle  pivote  sur  son  milieu  par  un  sup- 
port à  tourillon,  rapporté  au  moyen  de  deux  rivets  fraisés.  Le 
point  de  relevage  de  la  barre  du  coulisseau  est  très-jjrès  de 
la  coulisse,  l'autre  extrémité  de  cette  barre  commande  le  guide 
hexagonal  par  un  bout  de  saillie,  venu  de  forge  sur  ce  der- 
nier. La  tige  du  tiroir  passant  dans  le  milieu  de  ce  guide  s'y 
trouve  boulonnée  de  chaque  côté,  et  le  guide  glisse  lui-même 
dans  un  support  appliqué  sur  la  face  du  longeron. 

Pompe.  —  La  pompe,  fixée  sur  le  bout  du  support  soute- 
nant les  extrémités  des  glissières,  est  commandée  par  la  crosse 
du  piston  portant  une  tète  dans  laquelle  vient  se  fixer  le  bout 
du  plongeur. 


292  VISITE 

Couplement.  —  Les  trois  premières  roues  sont  couplées  par 
une  même  bielle  portant  une  articulation  au  milieu;  la  qua- 
trième paire  est  couplée  à  la  troisième  au  moyen  d'engrena- 
ges droits  dont  deux  sont  calés  sur  les  essieux ,  et  le  troisième 
intermédiaire ,  fixé  sur  un  arbre  attaché  à  un  châssis  sup- 
portant le  pivot ,  est  boulonné  aux  longerons  du  tender  dans 
lesquels  se  trouve  maintenue  la  quatrième  paire  de  roues. 
Ces  trois  engrenages  sont  en  acier  fondu  et  trempé.  Les 
contre-poids  des  roues  sont  venus  de  forge  avec  les  rayons. 

Suspension.  —  La  charge  supportée  par  les  deuxième  et 
troisième  paires  de  roues  se  trouve  transmise  de  chaque  côté 
par  un  seul  ressort  dont  chaque  extrémité  s'appuie  sur  les 
boîtes  à  graisse  ;  le  collier  porte  à  sa  partie  inférieure  une  tige 
passant  dans  l'entretoise  des  plaques  de  garde,  à  sa  partie 
supérieure  un  œil  dans  lequel  vient  s'adapler  une  patte  à 
teton  fixée  à  la  face  extérieure  du  longeron- 
Foyer.  —  Le  foyer  est  muni  d'une  grille  fumivore  à  étages , 
dont  l'introduction  dans  les  machines  locomotives  est  due  à 
M.  Chobrzenski,  et  permet  l'emploi  de  la  houille  comme  com- 
bustible, avantage  considérable  avec  la  disette  ac'uelle  du 
coke. 

Chaudière.  —  La  chaudière  produit  une  grande  quantité 
de  vapeur  équivalente  à  la  dépense  des  cylindres ,  elle  a 
2351  tubes  de  5'"  de  longueur,  de  0,050  de  diamètre  intérieur. 

Tender.  —  Le  tender  peut  recevoir  une  grande  quantité  de 
coke  (au  moins  3500  k,).  La  caisse  à  eau  est  en  partie  en 
dessous  du  parquet  ;  elle  contient  environ  10  mètres  cubes 
d'eau. 

Frein.  —  Le  frein  agit  dans  l'intervalle  des  deux  essieux 
d'arrière,  et  porte  de  chaque  côté  deux  sabots  mis  en  mouve- 
ment par  des  bielles  inclinées  au  moyen  d'une  vis  verticale; 
une  barre  d'écartement  empêche  les  essieux  de  s'éloigner.  Le 
frein  est  très-puissant  et  enraye  les  sabots  très-promptement. 

Cette  machine  a  fait  le  service  entre  Lille  et  Amiens  pen- 
dant deux  mois. 

Dans  un  voyage  d'essai  fait  avant  de  l'envoyer  à  l'Exposi- 
tion ,  elle  a  donné  les  résultats  suivants ,  en  traînant  46  wa- 
gons chargés  de  houille  et  de  coke  ,  et  pesant  ensemble 
669  040  kilog.  :  la  distance  de  28  kilomètres  a  été  franchie  en 

h.  5  m.  à  l'aller,  et  en  4  h.  2  m.  au  retour. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  293 

Le  temps  accordé  aux  machines  à  marchandises  à  6  roues 
couplées  est  1  h.  15s.,  et  elles  remorquent  en  train  normal 
30  wagons  chargés  de  10  tonnes,  soit  420  tonnes  :  il  y  a  donc, 
avec  une  vitesse  plus  grande,  une  différence  de  249  tonnes  en 
faveur  de  ces  machines.  C'est  certainement,  au  point  de  vue 
de  l'exploitation  et  du  trafic,  un  avantage  notable  et  une  faci- 
lité de  circulation  considérable  ;  mais  ce  genre  de  machine 
demande  un  entretien  considérable  et  très-dispendieux,  et 
nécessite  un  matériel  de  plaques  tournantes  appropriées  à  leur 
poids,  en  même  temps  qu'elles  fatiguent  la  voie  dans  une 
proportion  notable;  l'avenir  seul  pourra  décider  complètement 
la  question. 

Nous  croyons  que  cette  tendance  générale  en  France  rers 
l'usage  de  machines  d'un  poids  considérable  provient  plu- 
tôt de  l'organisation  des  chemins  de  fer  que  de  besoins  réels , 
car  elle  ne  répend  pas  du  tout  avec  la  voie,  trop  faible 
pour  de  semblables  charges,  que  possèdent  actuellement  ces 
moyens  de  communication.  Ne  serait-ce  pas  à  la  division  en 
deux  services  toujours  distincts  et  souvent  hostiles  de  la  voie 
et  de  l'exploitation  qu'elle  est  due  ? 

La  Gironde  :  Machine  mixte  construite  par  MM.  E.  Gouin  et  Cie. 

(A.  75). 

Cette  machine  porte  son  tender  à  l'arrière,  ce  qui  permet 
de  lui/ faire  porter  sa  provision  d'eau  et  de  combustible, 
et  supprime  le  poids  mort  en  l'utilisant  à  augmenter  la  puis- 
sance ou  force  d'adhérence  de  la  locomotive. 

(>ette  disposition  peut  être  bonne  pour  des  machines  des- 
tinées à  des  services  spéciaux ,  tels  que  ceux  des  terrasse- 
ments, mines,  etc.  Elle  ne  nous  paraît  pas  applicable  sur  une 
grande  échelle  sans  de  graves  inconvénients,  tels  que  de  sur- 
charger l'essieu  de  l'arrière,  d'augmenter  le  nombre  des 
roues,  d'obliger  à  des  arrêts  fréquents  pour  renouveler  l'eau 
et  le  coke. 

Elle  est  bien  exécutée ,  mais  sa  forme  n'est  pas  satisfai- 
sante. 

Voici  ses  principales  dimensions  : 

Surface  du  foyer 8"', 86 

Surface  des  180  tubes 97"\83 


294  VISITE 

Diamètre  des  cylindres 0"',42 

Course  des  pistons 0"',o6 

Diamètre  des  roues  motrices..  4 '",74 
Son  poids  est  de  27  tonnes. 

L'Aigle  :  Machine  à  grande  vitesse,  système  Blavier  et  Larpent, 
construite  dans  les  ateliers  de  MM.  Gouin  et  Cie.  (D.  75.) 

Cette  locomotive  présente,  comme  caractère  distinctif,  la 
séparation  de  la  chaudière  en  deux  parties  :  l'une,  placée  au- 
dessous  des  essieux  des  roues  motrices ,  est  l'appareil  généra- 
teur de  vapeur;  l'autre  est  un  réservoir  de  vapeur  qui  se 
trouve  placé  au-dessus  des  mêmes  essieux  et  en  communi- 
cation avec  la  précédente  par  deux  tubulures  semblables  à 
celles  qui  existent  dans  les  chaudières  à  bouilleurs  des  ma- 
chines fixes. 

Les  résultais  qu'on  a  cherchés  par  cette  nouvelle  combinai- 
son nous  paraissent  les  suivants  : 

Avec  deux  roues  d'un  grand  diamètre  (2"", 80),  le  centre  de 
gravité  de  tout  le  système  se  trouve  aussi  bas  que  possible, 
puisqu'il  est  au-dessous  des  essieux  des  grandes  roues;  de  là 
doit  résulter  une  grande  stabilité  dans  la  marche  de  cette 
machine  aux  plus  grandes  vitesses;  d'autre  part .  par  le  cou- 
. plement  des  deux  essieux,  on  obtient  une  adhérence  suffi- 
sante pour  remorquer,  aux  vitesses  ordinaires,  les  trains  les 
plus  lourds  sur  des  profils  accidentés. 

La  surface  de  chautîe  est  de  '130  mètres  carrés,  les  cylin- 
dres ont  0"',4o  de  diamètre  et  0"',80  de  course;  la  charge  sur 
les  essieux  couplés  est  de  29  tonnes,  en  sorte  qu'on  a  pu 
remorquer  facilement,  dit-on,  sur  la  ligne  de  Paris  à  Chartres, 
qui  a  des  rampes  de  6  et  8  millim.,  des  Irains  de  marchandises 
de  275  tonnes. 

Ainsi,  cette  machine  semblerait  permettre  non-seulement 
d'atteindre  pour  les  trains  express  des  vitesses  effectives  de 
80  à  100  kilomètres,  avec  dimmution  de  chances  de  déraille- 
ment par  suite  de  l'abaissement  de  son  centre  de  gravité, 
mais  encore  de  suffire  à  assurer  le  service  des  trains  de  mar- 
chandises sur  la  plupart  des  lignes  de  chemins  de  fer,  lorsque 
la  composition  normale  des  trains  ne  dépasse  pas  250  tonnes 
(28  ou  30  wagons  chargés  de  6  tonnes). 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  2^5 

Les  expériences  relatives  à  la  consommation  de  cette  ma- 
chine ont  été,  dit-on,  satisfaisantes;  il  est  à  regretter  vive- 
ment que  la  nécessité  de  l'envoyer  a  lExposition  n'ait  pas 
permis  de  recueillir  des  résultats  assez  complets  pour  être 
entièrement  fixé  à  cet  égard. 

On  a  pu  seulement  constater,  dans  les  voyages  d'essai,  que 
la  vapeur  passe  dans  les  cylindres  dans  un  état  de  sécheresse 
remarquable,  et  que  le  tirage  présentait  une  grande  régula- 
rité due  à  la  hauteur  de  la  cheminée  (environ  3'", 50),  et  que 
le  foyer,  d'une  disposition  spéciale,  favorisait  la  combustion 
complète  de  l'oxyde  de  carbone  dans  la  chambre  de  combus- 
tion. 

Si  l'expérience  vient  confirmer  les  résultats  que  se  sont 
proposés  les  inventeurs,  ce  ne  sera  pas  un  des  moindres 
avantages  de  pouvoir  réduire  à  un  seul  type ,  d'un  poids  mo- 
déré de  28  tonnes ,  le  matériel  des  locomotives  des  chemins 
de  fer,  dont  le  trafic  n'est  pas  trop  considérable. 

Le  mécanisme  de  cette  locomotive  est  bien  traité,  il  est  fa- 
cile à  entretenir  et  à  visiter,  et  présente  un  aspect  robuste 
que  cette  disposition  a  permis  de  lui  donner. 

Nous  ne  témoignerons  qu'un  seul  regret,  qui  peut-être  ne 
se  justifiera  pas  par  l'expérience,  c'est  la  faiblesse  apparente 
des  roues  motrices,  faisant  craindre  à  première  vue  un  flé- 
chissement qui  pourrait  donner  lieu  à  de  graves  conséquen- 
ces, s'il  existait. 

En  tout  cas,  on  ne  saurait  trop  féliciter  les  auteurs  de  cet 
essai,  qui  peut  conduire  les  locomotives  dans  une  voie  de 
progrès  toute  nouvelle. 

Ferrache  :  Machine  à,  voyageurs  construite  par  UU.  Cail  et  Cie. 
(P.  8;î.) 

Cette  machine ,  remarquable  échantillon  de  la  fabrication 
de  MM.  Cad  et  Cie,  a  le  singulier  mérite  de  n'avoir  pas  été 
faite  spécialement  et  soignée  en  vue  de  ITxposition.  C'est 
une  machine  fort  bien  faite,  semblable  en  tout  à  celles  qui 
sortent  journellement  des  ateliers  de  ces  constructeurs  ,  dont 
l'habileté  et  la  bonne  et  consciencieuse  exécution  sont  géné- 
ralement reconnues. 


296  VISITE 


Machine  de  M.  Zaïiian-Sabatier  et  Cie ,  de  Bruxelles.  [P.  Uô." 

Les  cylindres  et  les  mouvements  se  trouvent  placés  exté- 
rieurement, le  tiroir  est  horizontal  et  au-dessus  des  cylindres. 

Distribution.  —  Les  barres  d'excentriques  sont  fixées  à  un 
très-grand  coulisseau  suspendu  en  son  milieu  par  deux  ju- 
melles reliées  à  l'arbre  de  relevage;  il  monte  et  descend  dans 
une  coulisse  en  deux  morceaux ,  soudés  chacun  à  un  bout 
d'arbre  horizontal  et  fermés  à  leurs  extrémités  par  une  entre- 
toise ;  le  tout  formant  arbre  horizontal  de  renvoi  avec  cou- 
lisse tournant  sur  son  axe;  en  relevant  progressivement  le 
coulisseau  dans  la  coulisse,  la  course  du  tiroir  augmente  dans 
le  même  rapport.  Le  coulisseau  étant  très-long  et  demandant 
très-peu  de  parcours  pour  donner  au  tiroir  les  courses  maxi- 
mum convenables  pour  la  distribution,  il  tend  moins  à  pren- 
dre du  jeu  que  ceux  des  coulisses  ordinaires.  Le  graissage  se 
fait  très-facilement  par  des  évidements  pratiqués  dans  son 
épaisseur;  la  coulisse  est  très -simple  de  construction  et 
facile  à  entretenir. 

Longerons.  —  H  y  a  un  double  longeron  de  chaque  côté, 
garni  de  bois  dans  le  milieu  ;  les  plaques  de  garde  sont  sou- 
dées dessus  :  c'est  l'annienne  disposition  abandonnée  aujour- 
d'hui. 

Ressorts. — Chaque  roue  est  munie  d'un  ressort  de  suspen- 
sion ,  ce  sont  les  formes  des  anciens  ressorts  mal  calculées 
et  disproportionnées  par  rapport  à  la  charge  qu'ils  suppor- 
tent. 

Sablière.  —  La  sablière  est  placée  sur  le  milieu  du  corps 
du  cylindre  de  la  chaudière,  conduisant  de  chaque  côté  le 
sable  sous  les  roues  motrices  par  des  tuyaux  tournant  gra- 
duellement à  l'aide  d'une  tringle  à  poignée,  placée  à  la  por- 
tée du  mécanicien,  qui  en  accélère  ou  en  ralentit  le  mouve- 
ment suivant  la  nécessité. 

Cette  machine  a  172  tubes  de  4o  "V"  de  diamètre  intérieur 
et  pèse  22  tonnes;  elle  peut  remorquer  des  trains  à  voyageurs 
à  raison  de  50  à  60  kilomètres  à  l'heure,  avec  15  wagons, 
sur  des  chemins  qui  ne  présentent  pas  de  fortes  rampes. 


A  L'EXPOSITION  INIVERSELLf-:.  29" 


Machine  à  grande  vitesse,  construite  par  M.  Borsig,  de  Berlin. 

Cette  machine  est  à  cylindre  extérieur,  avec  des  roues  mo- 
trices de  2  mètres  de  diamètre  appliquées  au  milieu  des  deux 
autres  paires  de  roues. 

Mouvement.  —  Les  bielles  sont  en  acier  fondu  trempé,  la 
petite  tête  est  fixée  à  la  crosse  du  piston  par  une  traverse 
portant  deux  coulisseaux  en  fonte  ,  lesquels  glissent  dans 
quatre  glissières  avec  mises  en  acier.  Ces  glissières  sont  d'un 
bout  appuyées  sur  les  couvercles  du  cylindre,  de  l'autre  sur 
un  support  fixé  au  longeron.  Ce  support  est  relié  avec  celui 
du  côté  opposé  par  une  entretoise,  ce  qui  rend  les  glissières 
parfaitement  rigides  et  solidaires  Tune  de  l'autre. 

Distribution.  —  Les  coulisses  sont  placées  intérieurement . 
elles  sont  simples,  suspendues  chacune  par  leur  milieu,  au 
moyen  de  deux  jumelles  prenant  le  levier  de  relevage;  les 
barres  d'excentriques  sont  d'une  seule  pièce  avec  le  corps  de 
l'excentrique,  le  prolongement  du  coulisseau  est  rond  et  passe 
dans  un  support  appliqué  intérieurement  au  longeron,  la  tige 
du  tiroir  est  reliée  à  ce  prolongement  par  un  clavettage  coni- 
que et  un  écrou  ;  par  ce  moyen  on  peut  faire  avancer  ou  re- 
culer le  tiroir;  les  clavettages  habituels  n'ont  pas  cet  avan- 
tage. 

Pompes.  —  Elles  sont  fixées  sur  le  fond  du  foyer  et  reliées 
par  une  entretoise  qui  maintient  leur  écartement;  elles  se 
trouvent  commandées  par  l'excentrique  de  la  marche  en  ar- 
rière, par  une  bielle  recourbée,  passant  en  dessous  de  l'essieu 
moteur  et  boulonnée  au  collet  du  collier  d'excentrique;  le  peu 
de  distance  qu'il  y  a  entre  la  pompe  et  l'essieu  moteur  ne 
permettrait  pas  de  les  commander  comme  on  le  fait  habitiiel- 
lement;  les  tuyaux  d'aspiration  et  de  refoulement  n'otfrent 
aucun  coude ,  c'est  une  très-bonne  disposition  qui  empêche 
les  pompes  de  perdre. 

Suspension.  —  Chaque  roue  porte  son  ressort  de  suspen- 
sion; ceux  d'avant  et  du  milieu  sont  reliés  par  un  balancier 
articulant  au  longeron  ,  ce  qui  fait  que  quel  que  soit  le  choc 
éprouvé  par  l'une  ou  par  l'autre  paire  de  roues  ,  il"  se  trouve 
annulé  en  se  portant  sur  l'autre  ressort;  c'est  d'un  grand 
avantage  pour  une  machine  à  grande  vitesse,  parce  que  les 


298  VISITE 

secousses  multipliées  ne  se  font  pas  sentir  sur  le  tablier  et  ne 
tendent  pas  à  ébranler  le  mouvement. 

Fo?/er.— Le loyerest bien proportionnéà  la  surfacedechauffe 
et  aux  cylindres,  la  chaudière  contient  156  tubes  de  45  niil- 
lirn.  de  diamèîre  intérieur,  et  d'environ  4"', 50  de  longueur. 

Dans  cette  machine,  les  surfaces  de  frottement  sont  bien 
entendues;  toutes  les  précautions  sont  prises  pour  un  grais- 
sage facile,  tout  le  travail  est  parfiiitement  fait,  très-soigné, 
et  les  pièces  sont  bien  étudiées;  l'entretien  doit  être  presque 
nul,  et,  en  tout  cas,  il  est  facile  à  faire  et  peu  di^^pendieux. 
Cette  machine  étant  très-légère  ne  tend  pas  à  détruire  la  voie^ 
tout  en  pouvant  remorquer  des  trains  express  assez  forts  à 
une  très-grande  vitesse  sur  des  chemins  à  moyennes  rampes. 

Tender.  —  Il  est  monté  sur  ses  roues  et  peut  contenir  une 
grande  quantité  d'eau  et  de  coke.  Le  frein  enraye  toutes  les 
roues;  chacune  se  trouve  comprimée  par  deux  sabots,  ce  qui 
ne  tend  pas  à  détruire  le  parallélisme  des  roues.  Ce  frein  est 
très-puissant ,  mais  il  coûte  fort  cher  d'établissement. 

Les  ressorts  de  suspension  sont  encastrés  dans  les  longe- 
rons, à  l'endroit  de  la  partie  servant  de  plaque  de  garde.  Ces 
vides  ainsi  faits  augmentent  la  largeur  des  longerons  et  les 
rendent  lourds  d'aspect.  L'emploi  de  six  roues,  dans  ce  cas, 
est  un  peu  une  exagération  ,  car  le  tender  ordinaire  à  quatre 
roues  avec  fusées  convenables  remplirait  le  même  but. et  coû- 
terait moins^cher. 

Trifclds  :  Machine  à  grande  vitesse,  sysLème  Crampton,  cunslruite 
à  Essienger  par  M.  Em.  Ke^sler,  (P.  12G.) 

Avant  de  décrire  cette  machine,  quelques  mots  sont  né- 
cessaires pour  dire  à  nos  lecteurs  ce  qu'est  le  système 
Crampton. 

L'habitude  des  chemins  de  fer  et  une  sécurité  assez  com- 
plète, firent  naître  le  besoin  d'augmenter  la  vitesse.  On  ne 
pouvait  arriver  à  cet  accroissement  de  vitesse  qu'en  aug- 
mentant le  diamètre  des  roues  motrices,  ce  qui  avait  le 
grave  inconvénient  de  trop  élever  le  centre  de  gravité  dans 
le  système  ordinaire.  En  1849  ou  50,  M.  Crampton  eut  l'idée 
de  placer  les  roues  motrices  tout  a  fait  à  l'arrière  de  la  chau- 
dière; il  se  donnait  ainsi  la  possibilité  d'augmenter  leur  dia- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  21)9 

mètre  autant  qu'il  le  jugeait  convenable.  Ce  changement  en- 
traîna  quelques  dispositions  nouvelles. 

Cette  machine  de  M.  Kessler  a  ses  cylindres  appliqués  sur 
les  longerons,  entre  les  roues  du  milieu  et  celles  d'avant;  la 
bielle  commande  l'essieu  d'arrière,  la  manivelle  et  les  poulies 
d'excentrique  sont  d'un  seul  morceau  calé  en  avant  de  la 
roue  sur  l'essieu  ,  le  tuyau  d'échappement  passe  par-dessous 
la  machine  et  traverse  la  boîte  à  fumée  pour  se  rendre  dans 
la  cheminée. 

Distribution.  — Le  mouvement  se  trouve  placé  du  côté  du 
longeron,  la  coulisse  est  en  deux  morceaux,  articulant  par  son 
milieu  sur  deux  jumelles  reliées  à  l'arbre  de  relevage.  Le  pro- 
longement du  coulisseau  est  carré,  passant  dans  deux  guides 
appliqués  sur  les  longerons,  la  tige  du  tiroir  prend  son  mouve- 
ment sur  ce  prolongement  entre  les  deux  guides.  Les  guides 
carrés  sont  généralement  abandonnés  maintenant  et  sont  rem- 
placés par  des  guides  ronds  moins  coûteux. 

Régulateur.  —  Lerégulateur  est  placé  verticalement  et  glisse 
dans  un  secteur  juxtaposé  à  celui  du  changement  de  marche. 

La  sablière  est  placée  sur  le  tablier  longitudinal  près  du 
garde-corps  à  la  portée  du  mécanicien  et  n'offrant  aucun 
obstacle  pour  la  circulation  sur  le  tablier. 

Plate- forme. —  Les  roues  motrices  passent  à  travers  le  tablier 
transversal;  elles  sont  recouvertes,  laissent  entre  elles  un 
grand  emplacement  très-utile  pour  le  service  des  mécani- 
ciens. 

Les  pièces  du  mouvement ,  la  distribution  et  les  pompes  sont 
toutes  très-faciles  de  démontage  et  d'entretien ,  elles  sont  dé- 
gagées et  en  harmonie  l'une  avec  l'autre,  le  travail  est  très- 
soigné  et  la  machine  a  un  aspect  fort  satisfaisant. 

Tender. — Le  tender  a  six  roues,  chacune  porte  un  ressort  de 
suspension  encastré  dans  les  longerons,  ces  derniers  sont  en 
deux  pièces  garnis  de  bois  dans  leur  intervalle. 

Boîtes  à  graisse.  —  Les  boîtes  à  graisse  peuvent  recevoir  une 
grande  quantité  de  graisse,  la  partie  de  devant  s'ouvre  à  vo- 
lonté et  permet  de  visiter  la  fusée  et  de  vider  le  dessous  des 
boîtes. 

Caisse  à  eau.  —  La  caisse  à  eau  est  en  partie  en  dessous  du 
parquet,  elle  peut  contenir  un  grand  volume  d'eau,  et  l'empla- 
cement du  coke  est  aussi  très-vaste. 


;iOO  VISITE 

Ce  système  a  l'avantage  d'abaisser  le  centre  de  gravité  et  de 
rendre  ainsi  la  stabilité  plus  grande. 

Frein.  — Le  frein  enraye  les  six  roues  à  la  fois,  chacune  par 
deux  sabots  qui  les  compriment ,  le  parallélisme  se  trouve  ainsi 
maintenu. 

Prise  d'eau. — !La  prise  d'eau  se  fait  par  un  robinet  avec  ca- 
dran choisi  pour  connaître  le  degré  d'ouverture.  L'emploi  d'un 
robinet  est  plus  simple  que  le  clapet  actuel ,  mais  peut-être 
conserve-t-il  moins  bien  l'eau.  Ce  tender  est  très-léger,  d'une 
bonne  forme,  appropriée  à  celle  de  la  machine. 

Emperor  :  machine  à  voyageurs  construite  par  M.  Stephenson. 
(D.  141.] 

Cette  machine  est  extrêmement  intéressante,  non  pas  sous 
le  rapport  de  la  nouveauté,  mais  parce  qu'elle  présente  et 
résume,  sans  doute,  les  derniers  perfectionnements  et  l'opinion 
de  l'habile  ingénieur  qui  l'a  construite. 

Elle  porte  ses  cylindres  et  son  mouvement  à  l'intérieur,  les 
roues  motrices  sont  au  milieu. 

Cylindres  et  mouvement.  —  Les  cylindres  sont  réunis  et  fixés 
aux  longerons;  les  tiroirs  sont  verticaux,  et  communiquent 
dans  la  iiiême  boîte  à  vapeur.  La  petite  tête  de  bielle  porte 
une  traverse  qui  passe  à  chaque  bout  dans  un  coulisseau 
glissant  dans  deux  glissières  soutenues  d'un  bout  au  cou- 
vercle du  cylindre,  de  l'autre,  à  une  entretoise  qui  relie  les 
longerons  ;  cette  entretoise  servant  de  support  au  corps  cy- 
lindrique. 

Distribution. — La  coulisse  est  simple  ;  deux  jumelles  la  re- 
lèvent par  sa  partie  supérieure;  le  même  boulon  d'attache 
prendl'œil  de  la  barre  d'excentrique  de  la  marche  en  avant; 
le  coulisseau  est  fixé  à  deux  autres  jumelles  dont  l'une  des 
extrémités  donne  le  mouvement  à  la  tige  du  tiroir,  par  l'in- 
termédiaire d'une  bielle  clavelée  dessous  ;  l'autre  extrémité  est 
suspendue  à  une  petite  bielle  qui  s'articule  à  un  support  bou- 
lonné à  l'entretoise  des  longerons. 

Celte  disposition  a  l'avantage  de  soulager  d'une  manière 
très-notable  la  perturbation  qui  a  lieu  sur  le  coulisseau,  et  de 
lui  faire  prendre  beaucoup  moins  de  jeu. 

Pompes.  —  Elles  sont  appliquées  sur  la  face  de  la  boîte  à  feu  : 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  301 

Commandées  par  deux  tiges  recourbées;  elles  embrassent 
l'essieu  moteur,  et  prennent  de  l'autre  bout  le  collier  d'excen- 
trique de  la  marche  en  arrière;  cette  disposition  ne  pourrait 
pas  être  évitée  à  cause  du  peu  d'espace  qui  existe  entre  la 
boîte  à  feu  et  l'essieu  moteur. 

Suspension. — Chaque  roue  a  son  ressort  de  suspension  placé 
au-dessus  des  longerons. 

Longerons. — lis  sont  doubles  et  garnis  de  bois  à  l'intérieur. 
La  machine  peut  remorquer  des  trains,  de  50  à  60  kilomètres 
à  l'heure,  avec  une  forte  charge. 

Peut-être  peut-on  reprocher  à  ce  système  l'inconvénient  de 
donner  lieu  à  un  grand  entretien  ,  de  rendre  la  visite,  le  net- 
toyage et  le  graissage  difficiles. 

L'exposition  de  M.  Stephenson  prouve  qu'il  n'a  dévié  en 
aucun  point  de  son  ancien  système;  on  y  retrouve  exacte- 
ment les  mêmes  dispositions  que  celles  existantes  dans  ses 
anciennes  machines. 

Ce  fait  est  très-remarquable  et  il  se  reproduit  pour  les  che- 
mins de  fer  français,  sur  le  chemin  de  fer  de  Rouen  qui  de- 
puis son  origine  a  conservé  les  mêmes  types  de  machines  et 
a  satisfait  aux  exigences  d'un  service  important. 

L'Angleterre  nous  a  envoyé,  en  outre,  une  machine  de 
M.  Firbairn,  qui  n'a  d'autre  intérêt  que  d'avoir  été  construite 
dans  les  ateliers  de  cet  habile  constructeur  ;  une  seule  parti- 
cularité est  à  remarquer  :  sa  suspension  sur  des  ressorts  en 
caoutchouc. 

Elle  a  aussi  exposé,  pour  représenter  le  système  Crampton, 
une  machine  construite  en  France  dans  les  ateliers  de 
MM.  Cail  et  Cie.  La  compagnie  du  Nord  ,  à  qui  elle  appar- 
tient, a  eu  l'heureuse  idée  d'y  afficher  son  parcours  total, 
soit  269  045  kilomètres,  depuis  le  mois  de  mai  18*9  au 
1"  juin  1855.  C'est  le  plus  bel  éloge  qu'on  puisse  faire  de  cet 
engin,  et  la  compagnie  du  Nord  aurait  su  joindre  à  ce  rensei- 
gnement la  vitesse  moyenne  de  ce  parcours  ,  le  prix  moyen 
de  l'entretien  et  de  la  dépense  de  combustible,  afin  d'initier 
autant  que  possible  le  public  aux  dépenses  que  nécessitent 
ces  puissants  engins. 

On  remarque  encore,  dans  l'Annexe,  d'autres  machines  que 
nous  aurions  désiré  examiner,  quoique,  à  vrai  dire,  elles  n'of- 
frent rien  de  saillant,  que  quelques  particularités  de  détail 


302  VISITE 

insignifiantes  au  point  de  vue  général.  Le  reste  du  matériel 
roulant  des  ciieniins  de  fer,  représenté  par  un  petit  nombre 
de  véhicules,  compte  quelques  voitures  et  quelques  wagons. 

Nous  dirons  seulement  quelques  mots  de  ceux  de  la  Bel- 
gique et  de  la  Suisse,  qui  présentent  quelques  particularités 
intéressantes. 

Le  wagon  à  voyageurs  ,  qu'expose  la  première  de  ces  con- 
trées, est  une  élégante  voiture  de  première  classe  qui  ap- 
partient au  chemin  de  fer  de  Luxembourg  et  qui  est  con- 
struite par  M.  Pauwells  de  Bruxelles.  La  caisse  est  assez 
haute  pour  que  les  voyageurs  puissent  se  tenir  debout  dans 
les  trois  compartimenis,  parmi  lesquels  celui  du  milieu  est 
plus  vaste  que  les  autres  ;  chaque  compartiment  contient 
quatre  fauteuils  qui  peuvent  être  transformés  en  couchers  et 
qui  donnent  à  cette  voiture  un  confortable  tout  spécial. 

Le  wagon  suisse,  d'une  longueur  de  quatorze  mètres,  est 
divisé  en  chambres  qui  communiquent  entre  elles  par  un 
couloir  longitudinal.  Celle  voilure  ,  destinée  aux  chemins  de 
fer  de  l'Amérique,  est  très-élégamment  meublée  ;  une  dispo- 
sition particulière  des  trains  rend  possible  cette  longueur  ex- 
ceptionnelle, même  dans  les  coudes. 

Le  wagon  à  marchandises  exposé  par  M.  Colson  présente 
une  disposition  toute  nouvelle  qui  pourrait  le  faire  désigner 
sous  le  nom  de  wagon  roulant.  Ce  sont  en  effet  deux  cylindres 
garnisde  bandages  circulairesqui  roulent  à  la  manière  ordinaire 
sur  la  voie  ;  les  cylindres  sont  munis  de  trappes  au  moyen  des- 
quelles s'opèrent  le  chargement  et  le  déchargement  des  maté- 
riaux en  vrague  que  cet  appareil  doit  Iransporler.  On  prétend 
que  pour  les  longs  parcours  celle  disposition,  quiabaisseautant 
que  possible  le  centre  de  gravité  ,  et  qui  permet  de  diminuer 
le  poids  mort,  demande  même  pour  les  houilles  un  chargement 
très-coùteux  et  très-soigné,  pour  peu  que  l'on  veuille  éviter  la 
pulvérisation  de  la  matière  ;  une  cloison  diamétrale,  soli- 
daire avec  l'essieu  fixe,  ,tend  au  reste  à  diminuer  cet  inconvé- 
nient, en  immobilisant  la  charge  pendant  que  le  cylindre  seul 
tourne  autour  d'elle. 

Un  wagon  en  fer,  par  M.  Nepveu  et  Cie,  présente  un  mode 
nouveau  de  construction.  Le  châssis,  entièrement  établi  avec 
les  fers  du  commerce,  dénote  la  tendance  actuelle  de  l'indu- 
strie, et  réalise  une  diminution  notable  dans  le  poids  de  la  voi- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  303 

ture,  si  on  le  compare  à  celui  des  constructions  ordinaires  en 
bois.  Cette  disposition  ne  peut  manquer  d'avojr  de  l'avenir. 

Carrosserie. 

La  carrosserie  compte,  à  l'Exposition  ,  76  exposants,  dont 
33  Français,  14  Anglais,  5  Belges,  5  Autrichiens,  3  des  Pays- 
Bas,  \  des  États  sardes,  2  du  Canada,  4  Suédois,  5  Norvé- 
giens, 1  Mexicain  et  enfin  1  Ilambourgeois.  Leurs  produits 
sont  au  nombre  de  87,  comportant  :  5  voitures  de  gala,  1  ber- 
line, Sllandeaux,  2o calèches,  10  coupés,  7 américaines,  6 phaé- 
tons,  5  Victoria,  3  cabriolets  à  quatre  roues,  2  tilburys, 
2  voitures  de  chasse,  2  breeck,  4-dog-cait,  1  cab,  1  char  à 
bancs,  1  omnibus,  3  voitures  de  fantaisie,  3  véhicules  dont 
l'usage  est  spécial  au  pays  de  provenance,  et  enfin  3  traîneaux. 

Il  est  à  remarquer  que  les  spécimens  envoyés  par  les  qua- 
tre premières  nations  se  rapprochent  pour  la  pl-jpart  des  for- 
mes adoptées  en  France ,  et  que  les  différences  que  l'on  re- 
marquait autrefois  à  cet  égard  ont  presque  complètement 
disparu  5  il  est  certain  qu'en  imitant  les  formes  françaises 
les  produits  de  nos  voisins  ont  beaucoup  gagné  en  légèreté  et 
élégance.  Il  est  juste  cependant  de  dire  que  ce  progrès  paraît 
moins  sensible  chez  l'Autriche,  car  si  une  ou  deux  de  ses  voi- 
tures sont  construites  avec  légèreté,  la  plupart  ont  conservé 
la  lourdeur  et  les  formes  disgracieuses  de  l'ancienne  carrosse- 
rie. Ainsi ,  il  existe  certainement  une  différence  très-marquée 
sous  le  rapport  du  goût  entre  la  voiture  d'apparat  du  maire 
de  Vienne,  de  MM.  Laurenzi  etCie,  et  les  voitures  d'ap- 
parat exposées  par  MM.  Clochez,  Leclerc  .  de  Paris ,  et  Goner 
frères,  de  Bruxelles.  Autant  cette  dernière  est  légère,  gra- 
cieuse de  forme  et  flatte  l'œil  par  l'heureuse  disposition  de  ses 
ornements,  autant  la  première,  qui  lui  est  certes  supéiieure 
comme  richesse  de  détail,  choque  le  regard  par  le  mauvais 
goût  de  ses  décorations  et  la  lourdeur  de  la  galerie  qui  la  sur- 
monte :  ce  couronnement  peut  avoir  son  mérite,  mais  il  se- 
rait mieux  placé  sur  un  autel  que  sur  une  voiture. 

Le  royaume  des  Pays-Bas  est  plus  exempt  des  reproches 
que  nous  faisons  à  l'Autriche,  et  nous  devons  reconnaître  que 
la  carrosserie  de  MM.  Hermann  et  Cieest  bien  traitée. 

Il  est  pénible ,  à  côté  des  efforts  tentés  par  les  autres  con- 


304  VISITE 

trées,  d'avoir  à  constater  l'absence  complète  de  la  Prusse. 
Nous  savons  cependant  que  les  fabricants  de  cette  nation  ne 
peuvent  pas  être  taxés  d'impuissance  et  que  les  produits  de 
Berlin  et  de  Magdebourg  peuvent  facilement  soutenir  la  com- 
paraison avec  ceux  des  autres  puissances  de  l'Europe;  nous 
ne  savons  donc  quelle  peut  être  la  cause  de  cette  fâcheuse 
abstention  de  la  Prusse,  et  nous  devons  d'autant  plus  la  re- 
gretter que  cette  nation  n'a  rien  épargné  pour  être  dignement 
représentée,  dans  toutes  les  autres  branches,  au  concours  uni- 
versel de  l'industrie. 

Le  Canada,  mieux  inspiré,  ne  s'est  pas  effrayé  des  distances; 
cette  colonie  n'a  pas  craint  d'affronter  la  lutte,  et  nous  nous 
plaisons  à  reconnaître  que,  malgré  ce  que  peuvent  avoir  d'é- 
trange pour  nous  certains  détails  auxquels  nous  ne  sommes 
pas  habitués,  les  voitures  exposées  par  MM.  Clovis  Leduc  de 
Montréal  et  Edouard  Gingras,  de  Québec,  ne  manquent  ni  de 
fini,  ni  de  goût,  et  réunissent  ce  que  l'on  recherche  ordinaire 
ment,  la  solidité  et  la  légèreté. 

En  chargeant  M.  Wilson  ,  de  Mexico,  de  nous  envoyer  un 
spécimen  de  sa  fabrication ,  la  république  mexicaine  a  voulu 
nous  prouver  les  efforts  faits  par  elle  pour  se  mettre  à  la  hau- 
teur de  l'industrie  européenne;  quoique  un  peu  lourde,  la  ca- 
lèche exposée  par  ce  fabricant  est  très-soignée  dans  tous  ses 
détails,  et  peut  être  mise  avec  avantage  en  comparaison  avec 
celles  de  ses  confrères  d'Europe. 

Ce  coup  d'oeil  jeté  sur  l'ensemble  des  produits  de  la  carros- 
serie, il  ne  nous  reste  plus  qu'à  signaler  ceux  qui  ont  le  plus 
particulièrement  fixé  notre  attention. 

Rendons-nous  d'abord  dans  la  tente  dont  l'entrée  fait  face  à 
l'avenue  d'Antin. 

La  première  voiture  qui  frappe  nos  regards  est  une  voiture 
de  chasse  complètement  construite  en  fer  poli  de  M.  Clovis 
Dumont,  d'Abbeville;  elle  est  d'une  exécution  remarquable, 
tous  les  détails  en  sont  très-soignés,  et,  quoique  le  bois 
soitpartout  remplacé  par  le  fer,  elle  nous  a  paru  très-légère,  et 
cet  essai  de  M.  Clovis  Dumont  nous  semble  devoir  être  cou- 
ronné de  succès. 

Trois  autres  breeck  sont  exposés  par  MM.  Delongueil,  Gra- 
vier, de  Valenciennes,  et  Mulhbacher  frères.  Ces  voitures  réu- 
nissent, aux  commodités   que  l'on    recherche  généralement 


A   L'EXPOSITION    LiNiVEKSELLE.  305 

dans  ce  genre  de  véhicules,  l'élégance  de  formes  et  la  solidité. 
Celle  exposée  par  M.  Delongneil  nous  a  paru  surtout  parfaite- 
ment conçue  dans  tous  ses  détails. 

La  carrosserie  de  luxe  se  trouve  principalement  représentée 
pour  la  France  par  MM.  Clochez  et  Leclerc ,  de  Paris.  Les 
deux  voitures  envoyées  par  M.  Clochez  pèchent,  selon  nous, 
par  la  profusion  de  sculpture  et  le  bariolage  d'ornementation 
qui  produisent  un  effet  de  très-mauvais  goût.  Nous  préférons 
la  calèche  de  M.  Leclerc,  qui ,  quoique  encore  un  peu  chargée 
d'ornements  de  bronze,  nous  a  paru  plus  digne  de  fixer  l'at- 
tention. ^L  Leclerc  présente,  du  reste,  une  idée  neuve  qui 
pourra  peut-être  produire  de  bons  résultats  dans  l'avenir  : 
son  système  consiste  à  recouvrir  extérieurement  chaque  pan- 
neau d'une  glace,  de  sorte  que  la  peinture  ou  la  garniture  ex- 
terne, se  trouvant  complètement  garantie,  n'est  plus  exposée 
à  être  endommagée  par  la  pluie  ou  la  boue.  Si,  comme  nous 
l'a  affirmé  M.  Leclerc,  il  peut  éviter  que  l'eau  ne  s'introduise 
entre  la  glace  et  le  bois,  il  y  aura  un  grand  avantage  à  adop- 
ter son  système  pour  toute  espèce  de  voiture,  car  la  peinture 
extérieure  est  ce  qui  souffre  le  plus  et  se  détériore  le  plus 
vite. 

Les  voitures  de  ville  sont  naturellement  en  plus  grand  nom- 
bre que  les  voitures  de  gala,  et  ce  genre  est,  eu  général,  bien 
traité  ;  elles  présentent  plus  de  goût  et  d'harmonie  dans  tou- 
tes les  parties  ; 'et ,  pour  notre  compte,  nous  avouons  que 
nous  préférons  la  sévère  simplicité  des  calèches  exposées  par 
MM.  Lelorieux  et  Dunaime  au  luxe  de  celles  de  M.  Clochez. 
Nous  croyons  que  tout  le  monde  pensera  avec  nous  qu'il  est 
impossible  de  trouver  une  serrurerie  mieux  finie,  une  forme 
plus  gracieuse,  une  garniture  mieux  soignée  que  celle  delà 
voiture  exposée,  sous  le  n"  1064,  pai-  M.  Lelorieux.  MM.  Du- 
naime, Dameron  et  Rothschild  ont  aussi,  sous  les  n"*  1050, 
1053  et  1072,  trois  calèches  qui  ont  été  traitées  avec  con- 
science, et  dont  le  travail  ne  laisse  rien  à  désirer.  Du  reste, 
la  comparaison  des  produits  groupés  au  Palais  de  l'industrie 
confirme  une  fois  de  plus  la  supériorité  incontestable  de  la 
fabrique  de  Paris  sur  toutes  les  autres  carrosseries  du  monde. 
Il  est  cependant  juste  de  dire  que  MM.  Bergeron  ,  de  Bor- 
deaux, et  Cliquenon  frères,  de  Lille,  ont  exposé,  le  premier, 
deux  voitures,  dont  une  calèche  fort  élégante,  et  le  second , 
206  t 


306  VISITE 

trois  voilures,  parmi  lesquelles  un  coupé  avec  incrustation 
en  bois  des  îles  et  en  cuivre ,  produisant  un  très-bon  effet  et 
méritant,  sous  tous  les  rapports,  d'être  mis  en  parallèle  avec 
la  carrosserie  de  Paris. 

Nous  croyons  devoir  citer  encore  à  l'attention  des  visiteurs 
un  phaéton  àsiége  mobile  de  M.  Hayot,  de  Caen.  En  le  sépa- 
rant en  deux,  on  peut  former  à  volonté  une  voiture  à  deux 
roues  ou  à  quatre  roues,  et  lui  conserver,  malgré  ce  change- 
ment, sa  solidité  et  son  élégance.  Ce  système,  appliqué  avec 
intelligence,  peut  rendre  de  grands  services,  surtout  pour 
les  campagnes. 

Un  omnibus,  sortant  des  ateliers  de  MM.  Boutherie  et  Cie, 
nous  a  paru  avoir  subi  dans  ses  dispositions  intérieures  des 
modifications  utiles  aux  voyageurs,  et  être  traité,  pour  ce  qui 
est  de  la  construction,  avec  tout  le  soin  que  ce  carrossier  ap- 
porte à  tout  ce  qui  sort  de  ses  ateliers.  Nous  ne  terminerons 
pas  cet  examen  sans  exprimer  le  regret  de  ne  pas  rencontrer 
dans  l'Exposition  plus  de  voitures  de  campagne.  M.  Veder- 
kelr,  de  Colmar,  est  le  seul  qui,  sous  le  n°  1077,  ait  exposé 
un  char  à  banc  ,  et ,  bien  que  cette  modeste  voiture  paraisse 
déplacée  au  milieu  des  riches  équipages  ,  il  eût^été  à  désirer 
que  d'autres  eussent  suivi  son  exemple,  car,  s'il  en  eût  été 
ainsi ,  bien  des  visiteurs  auraient  pu  trouver  un  véhicule  dont 
l'usage,  importé  dans  leur  pays,  eût  pu  être  plus  approprié  à 
ses  besoins  que  ceux  employés  jusqu'à  ce  jour.' 

Les  exposants  beiges  sont  peu  nombreux  et  se  réduisent  à 
quatre  ou  cinq.  Leurs  produits  méritent  cependant  une  men- 
tion toute  spéciale;  ceux  de  MM.  Goner  frères,  de  Bruxelles, 
sont  surtout  remarquables  par  le  soin  apporté  dans  leur  con- 
struction ,  par  le  fini  de  la  ferrure  et  l'élégance  des  formes. 
La  berline  demi-gala,  exposée  par  cette  maison,  est  surtout 
digne  d'attention.  Les  sculptures  et  les  moulures  sont  d  une 
exécution  très-soignée;  la  contruction  de  la  caisse,  bombée 
devant  et  derrière,  a  dû  présenter  des  difficuliés  réelles,  qui 
ont  été  résolues  delà  manière  la  plus  heureuse.  Les  galons  de 
l'intérieur  sont  armoiries  et  ont  dû  être  fabriqués  sur  trois 
métiers  afin  que  les  couronnes  et  les  chiffres  fussent  placés  en 
regard  dans  les  différentes  parties  de  l'intérieur.  En  un  mot, 
chaque  détail  a  été  étudié  avec  tant  de  soin  que  nous  n'hési- 
tons pas  à  dire  que  cette  voiture  ne  peut  manquer  d'attirer  les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  307 

regards  de  tous  les  gens  de  goût,  et  méritera,  nous  n'en  dou- 
tons pas,  l'appiobation  des  personnes  compétentes.  MM.  Goner 
frères  ont,  en  outre,  exposé  deux  cabriolets  forme  Victoria., 
qui  prouvent  qu'ils  sont  aussi  habiles  dans  la  construction 
des  voitures  de  ville  que  dans  celle  des  voitures  de  luxe. 

Les  produits  présentés  par  les  Pays-Bas  paraissent  traités 
avec  conscience.  Nous  signalerons  une  calèche  de  ville  con- 
struite par  MM.  Hermans  et  Cie  pour  S.  M.  le  roi  des 
Pays-Bas,  et  qui,  sous  le  rapport  du  confortable  et  de  la 
bonne  exécution,  ne  le  cède  en  rien  à  celles  dont  nous  avons 
déjà  eu  occasion  de  parler.  Un  charmant  dog-cart  construit 
tout  en  fer  par  le  même  fabricant  a  aussi  attiré  notre  atten- 
tion. 

Pour  terminer  l'examen  des  voitures  exposées  dans  le  local 
affecté  plus  particulièrement  à  la  carrosserie  nous  n'avons  plus 
qu'à  signaler  la  calèche  exposée  par  M.  Wil?on  de  Mexico- 
cette  voiture  qui  lui  a  été  commandée  par  la  république  mexi- 
caine en  vue  de  l'exposition,  est  d'une  construction  un  peu 
lourde,  la  forme  en  est  peu  gracieuse  et  e^t  depuis  longtemps 
passée  de  mode  chez  nous;  cependant  nous  devons  recon- 
naître que  la  fabrication  en  est  bonne,  et  que  la  ferrure  et 
la  garniture  en  sont  très-soignées. 

Pour  terminer  Texamen  de  la  carrosserie,  il  faut  mainte- 
nant nous  rendre  aux  annexes.  Nous  trouvons  à  la  pile  l'17  D 
les  voitures  exposées  par  l'Autriche.  Elles  sont  peu  nombreu- 
ses, et  celles  exposées  par  MM.  Laurenzi  et  Cie  sont  les  seules 
qui  méritent  de  fixer  l'attention  ;  ce  sont  la  voiture  d'apparat 
du  maire  de  Vienne  et  un  coupé  de  ville.  Nous  avons  dit  plus 
haut  ce  que  nous  pensions  de  la  voilure  d'apparat;  sa  richesse 
d'ornementation  attire  seule  les  regards.  (Juant  au  coupé,  il 
nous  donne  meilleure  idée  du  goût  du  constructeur,  car  cette 
voiture  est  d'une  forme  gracieuse;  les  détails  en  sont  soignés, 
et  ne  laissent  rien  à  désirer. 

Plus  loin,  à  la  pile  127  D  nous  trouvons  l'Angleterre,  et 
dans  cette  partie  elle  est  encore  la  digne  rivale  de  la  France. 
Nousidevons  même  reconnaître  que  nos  voisins,  ens'attachant 
surtout  à  nous  envoyer  des  voitures  d'un  genre  sévère  et 
utile,  se  sont  plus  rapprochés  du  but  de  l'exposition. 

Nous  rencontrons  d'abord  un  phaéton  de  M.  Vrupp,  et  plus 
loin  des  voitures  du  même  genre,  de  MM.  Thorn  de  Londres 


308  VISITE 

et  de  M.  Starey  de  Nottingham.  Bien  que  les  deux  premiers 
soient  construits  avec  tout  le  soin  et  la  légèreté  que  demande 
ce  genre  de  véhicule,  celui  de  M.  Starey  appelé  cotlage- 
phaéton  est  digne,  par  son  ingénieuse  construction,  d'une 
mention  particulière. 

Cette  voiture  peut  affe-^ier  trois  formes  :  phaéton  à  deux 
places,  phaéton  à  deux  sièges  et  à  quatre  places,  et  la  même 
voiture  avec  siège  couvert.  Ce  qui  la  dislingue  surtout,  c'est 
sa  simplicité,  sa  légèreté  et,  pour  ainsi  dire,  l'instantanéité 
avec  laquelle  elle  change  de  forme  suivant  le  besoin  ;  à  cha- 
que instant  vous  pouvez  l'approprier  à  la  circonstance  dans 
laquelle  vous  vous  trouvez  ;  les  changements  de  forme  se  font 
aussi  bien  en  route  que  sous  la  remise,  de  sorte  que  vous 
n'êtes  jamais  exposé  à  vous  trouver  pris  au  dépourvu. 

Deux  fabricants,  MM.  Kesterton  de  Londres  et  Roch  et  fils 
ie  Hastings,  ont  exposé  sous  le  nom  d'amempton  et  de  dio- 
fophe,  deux  voitures  de  ville  qui  peuvent  aussi  se  transfor- 
mer de  manière  à  former  suivant  les  besoins  une  calèche 
entièrement  fermée ,  une  calèche  découverte  ou  un  char 
découvert. 

MM.  Davies  et  fils,  de  Londres ,  présentent  un  coupé  qui 
paraît  traité  consciencieusement  et  se  recommandée  l'atten- 
tion par  un  marchepied  qui  tient  si  peu  de  place  qu'il  se 
confond  avec  le  contour  de  la  voiture. 

Nous  avons  encore  remarqué,  dans  la  partie  anglaise,  trois 
calèches  fabriquées  avec  le  plus  grand  soin,  tant  sous  le 
rapport  de  la  serrurerie  et  du  charronnage  que  sous  celui 
de  la  garniture  intérieure;  elles  sont  de  MM.  Bigby  et  Ro- 
[)inson,  Peters  et  fils  et  Hopper  et  Cie,  de  Londres. 

Bien  que  les  quelques  voitures  exposées  dans  l'annexe 
du  côté  de  la  place  de  la  Concorde  n'offrent  pas  un  grand 
intérêt,  nous  engageons  le  visiteur  qui  veut  compléter  l'exa- 
men des  voitures  à  se  rendre  à  la  pile  M  D;  il  y  trou- 
vera, parmi  les  produits  du  Canada,  deux  voitures  :  l'une 
de  M.  Clovis  Leduc  de  Montréal ,  l'autre  de  M.  Edouard 
Gringar  de  Québec.  Ces  voitures  sont  d'une  forme  élégante,  et 
la  ferrure  a  été  surtout  traitée  avec  beaucoup  de  soin;  elles 
font  honneur  au  goût  des  constructeurs;  M.  Clovis  Leduc  a 
cependant  conservé  à  son  américaine  un  genre  décapote  qui 
n'est  plus  en  usage  depuis  longtemps ,  et  ({ui  lui  ôte  beaucoup 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  300 

de  sa  grâce,  et  M.  Edouard  Gringar  a  monté  la  sienne  sur  un 
train  et  des  roues  trop  peu  élevés;  ce  qui  nuit  à  l'har- 
monie qui  doit  toujours  régner  dans  toutes  les  parties  d'une 
voiture. 

En  passant  à  la  pile  24  D ,  nous  pourrons  encore  voir 
les  trois  voitures  norvégiennes  qui  ne  présentent  cependant 
qu'un  intérêt  de  curiosité  ,  car  nous  doutons  que  ce  genre  de 
véhicule,  qui  consista  en  un  siège  très-étroit  pour  une  seule 
personne  et  qui  est  monté  sur  un  train, fort  large  et  des  roues 
très-hautes,  puisse  jamais ,  dans  nos  contrées,  trouver  un 
emploi  utile. 

Sellerie. 

Cette  section  compte  98  exposants,  dont  29  à  la  France, 
9  à  l'Algérie,  31  à  l'Angleterre,  6  à  la  Belgique,  10  à  l'Au- 
triche, 5  aux  Pays-Bas,  3  à  la  Prusse,  2  au  Canada,  1  à  la 
Toscane  et  enfin  1  au  duché  de  Brunswick. 

Nous  allons  d'abord  examiner  les  produits  exposés  par  la 
France.  Ils  se  trouvent  pour  la  plupart  groupés  sous  la  tente, 
à  droite  de  la  porte  sud  du  grand  palais. 

La  première  vitrine  qui  frappe  nos  regards  est  celle  de 
M.  Bourse;  ce  fabricant  s'est  attaché  à  y  réunir  tout  ce  qui 
se  rapporte  à  son  industrie.  Nous  y  avons  remarqué  un  har- 
nais d'une  grande  richesse,  des  selles,  diles  anglaises,  tra- 
vaillées avec  soin  ,  des  brides  d'une  grâce  et  d'une  légèreté 
extraordinaires,  dont  la  finesse,  en  raison  de  l'excellente' 
qualité  des  matières  employées,  ne  nuit  en  rien  à  la  solidité. 
Enfin  une  selle  avec  harnachement  de  cheval  de  maréchal  de 
France  a  aussi  fixé  notre  attention,  les  détails  sont  bien  trai- 
tés; tout  y  est  riche,  mais  simple,  et  de  meilleur  goût  que 
les  harnachements  militaires  de  l'exposition  anglaise. 

MM.  Lambin  et  Prax  ont  fait  des  efforts  sérieux  pour  re- 
présenter dignement  leur  industrie.  La  plupart  des  objets 
qui  se  trouvent  dans  leur  montre  nous  ont  paru  remar- 
quables. Nous  devons  citer  comme  devant  être  mis  complè- 
tement hors  ligne  un  harnais  commandé  par  S.  A.  L  le  prince 
Murât;  le  soin  apporté  dans  tous  les  détails  de  fabrication  , 
le  fini  des  armes  et  des  chiffres  en  font  plutôt  un  objet  d'art 
qu'un  article  de  sellerie  .  et  malgré  tous  les  ornements  qui  le 


310  VISITE 

décorent,  il  est  impossible  de  rien  trouver  de  plus  léger,  de 
plus  coquet  et  de  meilleur  goût. 

Dans  la  sellerie  de  luxe  nous  avons  encore  remarqué  un 
harnais  d'une  grande  richesse  et  d'une  exécution  irrépro- 
chable de  MM.  Exmelin  et  Arlot  aîné. 

Sous  le  n"  99G,  M.  Garnier  présente  plusieurs  colliers  dont 
le  principal  mérite  est  un  ressort  qui  permet  d'élargir  ou  de 
rétrécir  le  collier  à  volonté.  Tout  en  ne  cherchant  en  aucune 
manière  à  déprécier  la  découverte  de  M.  Garnier,  nous  devons 
dire  que  son  système  nous  a  paru  n'être  pas  exempt  du  vice 
reproché  à  ses  devanciers,  et  qui  con-isle  en  ce  que  le  mé- 
canisme se  dérange  souvent  et  ne  résiste  pas  ordinairement 
au  tirage  du  cheval. 

Plusieurs  systèmes  ont  été  exposés  pour  dételer  les  che- 
vaux instantanément.  Ceux  de  MM.  Payr  et  Richard  frères, 
d'Abbeville,  sont  les  plus  simples;  mais  les  divers  moyens 
employés  dans  ce  but  nous  paraissent  avoir  l'inconvénient 
d'empêcher  d'alteler  le  cheval  avec  autant  de  solidité  qu'à 
l'ordinaire,  et  par  conséquent  de  nuire  toujours  au  tirage. 

L'anti-mors  de  M.  Chambon  peut  aussi  être  cité  comme 
un  moyen  nouveau  de  direction;  mais  il  nous  semble  d'une 
application  difficile  :  car  les  plaques  qui  se  trouvent  au-dessus 
des  naseaux  de  l'animal  et  servent  à  opérer  une  pression, 
doivent  nécessairement  enlever  le  poil  et  en  très-peu  de  temps 
défigurer  le  cheval. 

Quant  à  la  sellerie  étrangère,  nous  devons  reconnaître 
que  nos  voisins,  qui  autrefois  tenaient  le  premier  rang  dans 
ce  genre  de  fabrication  ,  n'ont  rien  négligé  pour  soutenir  leur 
ancienne  réputation.  Tous  les  genres  se  trouvent  représentés 
dans  celte  partie  de  leur  exposition. 

Nous  trouvons  cependant  que ,  malgré  tous  les  efforts 
tentés  par  les  fabricants  anglais,  les  produits  français  et 
belges  supportent  la  comparaison,  et  que  nos  selles  ne  le 
cèdent  aujourd'hui  en  rien  aux  leurs  sous  le  rapport  du  fini 
et  de  l'élégance. 

Nous  remarquons  d'abord  MM.  Garden  et  fils,  Blackwell 
et  R.  Cuff,  de  Londres,  dont  les  produits  sont  parfaitement 
traités;  le  choix  des  matières  employées  nous  a  paru  excel- 
lent. La  vitrine  de  M.  R.  Cuff  se  dislingue  de  celles  de  ses 
confrères  par  quatre  selles  de  cavalerie,  dont  deux  avec  har- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  311 

nacheinent  de  cheval  pour  officier  de  hussard  et.  de  dragon 
et  deux  autres  d'officiers  généraux.  Nous  devons  savoir  gré  à 
M.  Cuff  d'avoir  clierché  à  nous  initier  aux  uniformes  de  son 
pays;  ils  ne  manquent  pas  de  richesse,  mais  soit  défaut  d'ha- 
bitude ou  esprit  national,  nous  dirons  franchement  que  nous 
n'aimons  pas  ces  caparaçons  surchargés  d'ornements  qui 
nous  paraissent,  surtout  pour  les  officiers  inférieurs,  peu  en 
rapport  avec  les  grades.  Les  dessins  sont  d'assez  mauvais 
goût,  et  nous  préférons  la  sévère  simplicité  des  harnache- 
ments de  notre  cavalerie  ;  là  ,  la  splendeur  de  la  housse  n'é- 
crase jamais  le  cheval  ni  le  cavalier. 

Plusieurs  harnais  exposés  par  M.  Shipley  méritent  aussi 
une  mention  spéciale;  deux  brides  aux  armes  d'Angleterre  et 
de  France  sont  d'une  légèreté  et  d'un  bon  goût  remarqua- 
bles; nous  avons  aperçu  danslamême  vitrine  un  harnais  com- 
plet, dont  les  dessins  sont  exécutés  avec  des  plumes  découpées  ; 
quelle  que  soit  la  difficulté  que  doit  présenter  un  tel  travail , 
il  est  d'un  effet  très-heureux,  et  si  cet  assemblage  réunit  la 
solidité  à  l'élégance,  nous  ne  doutons  pas  qu'il  ne  soit  em- 
ployé par  la  suite  avec  succès. 

Citons  aussi  les  produits  de  M.  Dunlop,  de  Haddington. 
Ils  ne  se  recommandent  pas  comme  les  précédents  par  la  grâce 
et  la  légèreté,  les  formes  adoptées  par  ce  fabricant  sont 
même  assez  disgracieuses;  comme  travail  de  bourrelerie  ces 
produits  sont  dignes  de  fixer  l'attention  par  le  soin  qu'il  pa- 
raît avoir  apporté  dans  sa  fabrication  et  dans  le  choix  des 
matières  employées. 

On  trouve  auprès  de  l'américaine  de  M.  Clovis-Leduc,  de 
Montréal ,  un  harnais  dune  grâce  et  dune  légèreté  remar- 
quables, et  qui  fait  honneur  au  goût  de  M.  Georges  Barrington, 
de  Montréal.  Les  piqûres  de  ce  harnais,  faites  avec  beaucoup 
de  soin,  sont  surtout  d'un  effet  charmant. 

La  Prusse^ dont  nous  avons  eu  à  constater  l'absence  com- 
plète pour  la  carrosserie,  n'a  pas  fait  beaucoup  de  frais  pour 
la  sellerie.  Trois  selles  et  quelques  brides  sont  les  seuls  ob- 
jets exposés  par  ses  fabricants.  Les  selles  n'ont  rien  d'ex- 
traordinaire. Elles  sont  faites  avec  le  soin  que  l'on  apporte 
généralement  aux  produits  destinés  à  être  exposés;  mais  il 
n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  des  brides  de  M.  Kornbach 
qui   méritent  certainement   une  mention  spéciale,   sous  le 


312  VISITE 

rapport  de  la  légèreté  et  du  fini  du  travail,  et  nous  nous 
plaisons  à  reconnaître  qu'aucun  objet  du  même  genre  ne  leur 
est  supérieur. 

La  sellerie  exposée  par  l'Autriche  est  peu  nombreuse;  les 
harnais  sont  ordinaires,  et  si  quelque  objet  peut  attirer  l'at- 
tention, ce  sont  les  selles  exposées  par  M.  Loefler ,  car  elles 
réunissent  toutes  les  qualités  désirables  ;  élégance,  solidité  et 
bon  marché.  Nous  citerons  encore  la  bride  hongroise  de 
M.  Hoimberg  et  le  harnais  \alaque  de  M.  Sindel  d'une  lé- 
gèreté vraiment  remarquable. 

L'exposition  des  Pays-Bas  est  aussi  assez  restreinte;  nous 
ne  pouvons  cependant  passer  sous  silence  la  selle  à  l'usage 
des  chirurgiens  de  l'armée,  parfaitement  établie  et  réunissant, 
dans  son  aménagement ,  toutes  les  commodités  désirables. 

La  Belgique,  qui  depuis  quelques  années  a  réalisé  des  pro- 
grès sérieux  dans  ce  genre  d'industrie,  a  voulu  déployer  à 
l'Exposition  tous  ses  moyens;  aussi  voyons-nous  la  sellerie, 
bien  que  le  nombre  des  exposants  soit  peu  nombreux,  y  oc- 
cuper une  place  importante. 

La  vitrine  de  M.  Ladoubée-Lejeune  est  très-complète  et  ce 
fabricant  paraît  s'être  appliqué,  par  la  multiplicité  des  objets 
qu'il  a  exposé ,  à  prouver  qu'aucune  partie  de  son  art  ne 
lui  est  étrangère;  aussi  trouvons-nous  dans  cette  montre  de- 
puis le  harnais  de  luxe  jusqu'au  harnais  de  camion,  depuis 
la  selle  anglaise  jusqu'à  la  selle  de  cavalerie ,  et  cette  fabrica- 
tion n'est  inférieure  à  aucune  autre.  Les  harnais  et  les  selles 
sont  bien  soignés  et  réunissent  l'élégance  à  la  solidité.  Nous 
avons  surtout  examiné  avec  intérêt  deux  harnais  de  traîneau 
d'une  légèreté  ravissante. 

Pous  être  juste  nous  devons  dire  cependant  que  nous  pré- 
férons, pour  le  harnais  de  luxe  ,  le  genre  de  la  maison  Maré- 
chal, de  Bruxelles  :  ses  produits  sont  moins  lourds,  et  les  dé- 
tails sont  traités  avec  plus  de  goût  que  ceux  de  M.  Ladoubée- 
Lejeune. 

Nous  devons  encore  signaler  comme  travaillés  conscien- 
cieusement les  harnais  exposés  par  MM.  Théry  de  Gand,  et 
Rousseau  de  Liège. 

Avant  de  quitter  la  Belgique  nous  remarquons  encore  un 
genre  de  harnais  qui  lui  est  propre  ,  exposé  par  M.  Van 
Molle  d'Arsche.  Ce  harnais,  enrichi  d'une  multitude  d'orne- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  31  rî 

ments  de  cuivre,  est  plus  spécialement  en  usage  pour  les  bras 
seurs;  il  nous  a  paru  réunir  d'excellentes  qualités  sous  le 
rapport  du  travail  et  des  matières  employées,  mais  nous  ne 
nous  rendons  pas  bien  compte  de  la  profusion  avec  laquelle 
les  clous  et  les  plaques  de  cuivre  y  sont  jetés. 


CLASSE  VI. 

Mécanique  spéciale  et  matériel  des  ateliers  industriels. 

Le  titre  de  cette  classe  suffit  pour  indiquer  toute  l'étendue 
de  son  domaine  ;  il  n'est  plus  une  seule  industrie  qui  n'appelle 
à  son  aide  un  grand  nombre  de  ces  liabiles  auxiliaires  qui 
travaillent  plus  vite  et  mieux  que  ne  pourrait  faire  la  main  de 
l'homme,  et  qui  savent  se  prêter  à  toutes  les  exigences  en  dis- 
tribuant, suivant  les  besoins,  la  puissance  et  ra'2;ilité  dans 
les  conditions  les  plus  favorables  à  la  rapidité  et  à  la  bonne 
confection  du  travail. 

Il  nous  serait  impossible  ,  on  le  conçoit ,  d'examiner  un  à 
un  tous  les  appareils  de  cette  sorte  ,  disséminés  dans  tous  les 
points  de  la  galerie  des  machines  françaises  et  étrangères. 
Obligés  de  nous  restreindre  ,  nous  ferons  choix  des  appareils 
qui  nous  paraissent  présenter  un  plus  grand  intérêt  d'actuahté. 

Les  machines  à  travailler  les  pierres,  les  métaux  et  les  bois 
sont  celles  dont  l'usage  est  le  plus  générid. 

Un  exposant  autrichien ,  M.  Viltorelli ,  entretient  en  tra- 
vail une  machine  à  débiter  et  raboter  la  pierre,  dont  le  fonc- 
tionnement ne  laisse  rien  à  désirer.  Une  scie  à  plusieurs  lames 
verticales  débite  le  bloc  en  tranches,  pendant  que  des  burins 
écroùtent  la  surface  horizontale  qui  leur  fait  obstacle  dans  un 
sens  et  qu'ils  retournent  inactifs  dans  l'autre,  par  suite  de 
l'articulatioji  ménagée  dans  l'assemblage  de  chacun  d'eux  sur 
leur  support  commun. 

Le  travail  mécanique  des  pierres  et  des  marbres  a  pris,  sur 
les  lieux  mêmes  de  l'extraction,  un  développement  considé- 
rable, et  nous  regrettons  de  n'avoir  pas  un  ensemble  des  dif- 


314  VISITE 

férentes  machines  employées  dans  ces  industries,  particuliè- 
rement des  machines  à  moulures  dont  quelques-unes  sont  fort 
remarquables.  Nous  en  sommes  réduit  à  citer  un  appareil 
d'un  emploi  moins  :;énéral,  mais  d'une  disposition  ingénieuse, 
à  l'aidcï  duquel  MM.  Kabaiy  et  Deville  fi ères  taillent  leurs 
ardoises  suivant  les  formes  diverses  réclamées  par  le  con- 
sommateur. 

Le  visiteur  verra  travailler  avec  plaisir  la  machine  à  l'aide 
de  laquelle  M.  Chevalier  parvient  à  scier  les  pierres  les  plus 
dures,  le  verre,  le  quartz  ,  le  granit ,  et  le  moyen  dont  il  se 
sert  paraîtrait  plutôt  destiné  à  couper  des  matières  très-ten- 
dres, puisqu'il  est  emprunté  au  mode  assurément  bien  simple 
que  l'on  pratique  sur  nos  marchés.  Le  fil  de  fer  de  M.  Cheval- 
lier est  monté  comme  une  courroie  sans  fin  sur  deux  poulies, 
qui  lui  permettent  de  se  mouvoir  dans  le  même  sens  d'une 
manière  continue  ;  on  a  soin  d'approvisionner  de  sable  mouillé 
les  places  par  lesquelles  le  fil  e^t  en  contact  avec  le  bloc  à 
scier,  et  ce  sable,  entraîné  par  le  mouvement  même  du  fil, 
l'aide  à  faire  son  logement  dans  la  masse  jusqu'à  la  profon- 
deur convenable.  Les  spécimens  des  pièces  à  moitié  coupées, 
qui  sont  au  nombre  des  produits  de  cet  exposant,  témoignent 
d'une  manière  avantageuse  de  l'efficacité  de  son  procédé. 

La  machine  que  M.  Hermann  emploie  pour  lourner  ses 
vases  et  ses  cylindres  en  granit,  aurait  dignement  accompa- 
gné ce  petit  appareil  qui,  comme  lui,  s'attaque  aux  pierres 
dures. 

Les  machines  à  fabriquer  les  briques  et  les  tuyaux  de  drai- 
nage ont,  depuis  plusieurs  années  surtout,  l'avantage  d'une 
immense  popularité;  chaque  comice  agricole  a  voulu  possé- 
der la  sienne,  dont  la  plupart  du  temps  il  ne  fait  rien.  On 
sait  qu'en  général  ces  machines  opèrent  au  moyen  d'un  piston 
qui  refoule  la  terre,  dans  un  espace  qui  en  est  préalablement 
rempli.  La  terre  suffisamment  malaxée,  que  fon  renouvelle 
après  chaque  opération ,  se  trouve  chassée  par  la  pression  au 
travers  des  ouvertures  d'une  lilière,  et  vient  se  disposer  en 
une  masse  continue  ayant  la  forme  même  du  profil  qui  varie 
d'une  filière  à  l'autre.  Cet  organe  principal  a  tantôt  une  forme 
circulaire  ou  elliptique,  s'il  s'agit  de  tuyaux  de  drains,  tan- 
tôt une  forme  quadrangulaire  si  l'on  veut  en  obtenir  des  bri- 
ques pleines  ou  creuses.  Dans  tous  les  cas,  des  fils  de  fer, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  31  o 

tendus  sur  châssis  mobile ,  sont  disposés  pour  couper  le 
tuyau  sans  fin  à  la  longueur  convenable  pour  la  nature  du 
produit.  Lesbriques  creuses  de  M.  Boriespprêtentadn)irable- 
ment  à  ce  mode  de  travail.  A.  l'exception  de  la  machine  de 
M.  Touaiilon,  qui  se  sert  d'une  hélice  pour  diviser  et  malaxer 
la  terre,  et  qui  aurait  besoin  de  la  sanction  d'une  longue  ex- 
périence, tous  les  autres  appareils  sont  fondés  sur  le  même 
principe.  M.  Borie  et  M.  Calla,,  en  France,  M.  Whitehead, 
en  Angleterre ,  ont  envoyé  les  plus  importants.  La  machine 
verticale  de  M.  Clayton  ne  diffère  des  autres  qu'en  ce  que  la 
filière  est  placée  horizontalement. 

Dans  tous  les  cas,  une  sorte  de  fourcliette  en  bois  sert  à  en- 
lever du  tablier  sur  lequel  ils  avancent,  au  fur  et  à  mesure  do 
leur  confection,  les  tuyaux  coupés. 

Les  machines  destinées  au  travail  des  bois  sont  largement 
représentées,  tant  dans  la  partie  française  que  dans  la  partie 
étrangère. 

Dans  l'exposition  française,  nous  rencontrons  d'abord  la 
machine  à  débiter  les  moulures  et  pièces  contournées,  de 
M.  Périn.  Elle  se  compose  essentiellement  d'un  scie  à  lame 
sans  fin,  enroulée  sur  deux  poulies  garnies  de  cuir,  afin 
d'éviter  le  glissement  qui ,  jusqu'ici ,  s'était  produit  dans  ces 
sortes  de  machines.  La  scie  est,  en  outre,  guidée  par  deux 
pièces  de  bois  dans  lesquelles  elle  entre  un  peu ,  pour  empê- 
cher la  lame  de  se  voiler.  Au  moyen  de  cet  instrument, 
M.  Périn  débite  les  pièces  de  bois  des  formes  les  plus  contour- 
nées et  les  plus  bizarres.  On  peut  voir,  du  reste,  à  peu  de 
distance  de  sa  machine,  quelques  échantillons  débités  succes- 
sivement dans  le  même  bloc,  et  qui  s'emboîtent  avec  une 
merveilleuse  exactitude  les  uns  dans  les  autres,  comme  une 
lame  dans  son  fourreau. 

MM.  Delaporte  fils  et  Frisch  exposent  une  scie  qui  ne  dif- 
fère pas  sensiblement  de  la  précédente.  Les  guides  en  bois 
sont  remplacés  par  des  galets  ,  et  il  y  a  trois  séries  de  poulies 
porte-lames  ,  au  lieu  d'une  seule  ,  afin  de  pouvoir,  quand  on 
veut,  diminuer  les  frottements  en  employant  les  plus  petites 
poulies,  si  cela  est  possible. 

Dans  la  machine  à  mortaiser  de  M.  Damon,  la  mortaise  se 

,  fait  au  moyen  d'une  mèche  tournante.  On  avance  la  pièce  de 

bois  pour  faire  la  profondeur  et  la  largeur  voulues;  la  mor- 


316  VISITE 

taise  ayant  îles  angles  arrondis  ,  on  est  obligé  de  la  retoucher 
à  la  main.  La  machine  de  M.  Bernier  est  fondée  sur  ce  même 
principe.  Elle  est,  en  outre,  munie  d'un  tambour  à  deux  fers 
de  rabots  pour  faire  les  tenons. 

A  côté  de  ces  deux  machines,  se  trouve  celle  de  M.  Escafit, 
pour  fabriquer  les  queues  de  billard.  On  place  la  pièce  de  bois 
sur  deux  pointes  de  tour  à  bois  ,  et  elle  est  travaillée  par  un 
rabot  cheminant  dans  une  coulisse  en  pente  au  moyen  de 
deux  vis  sans  fin.  La  pièce  de  bois  tourne  à  grande  vitesse. 
On  obtient  au  moyen  de  la  pente  de  la  coulisse  la  conicité 
nécessaire.  Une  queue  de  billard  se  trouve  parfaitement  tour- 
née en  deux  minutes  et  demie. 

M.  Sautreuil,  constructeur  à  Fécamp,  expose  deux  ma- 
chines, l'une  destinée  au  rabotage  des  pièces  de  charpente, 
et  l'autre  au  travail  du  parquet.  Dans  la  première,  la  pièce  de 
bois  est  amenée  sur  des  galets,  et  serrée  contre  eux  par 
des  cylindres  en  fonte  cannelée  ,  munis  de  contre-poids  pou- 
vant se  régler  à  volonté,  suivant  les  dimensions  des  pièces. 
Elle  est  travaillée  par  quatre  tambours  tournants,  armés  de 
fers  de  rabots.  Deux  sont  horizontaux  et  deux  verticaux,  de 
manière  à  opérer  le  planage  à  la  fois  sur  les  quatre  faces. 
Elle  passe  ensuite  entre  quatre  galets,  deux  horizontaux  et 
deux  verticaux  qui  servent  à  la  guider,  et  qui  sont  réglés  au 
moyen  de  vis  de  pression.  Cette  machine  sert  à  faire  les  bor- 
dages  de  navires. 

La  machine  à  faire  le  parquet  fait  la  planure  sur  la  face  an- 
térieure, puis  la  rainure  et  la  languette  sur  les  deux  faces 
latérales.  La  planure  se  fait ,  comme  dans  la  machine  précé- 
dente, par  un  rabot  circulaire,  la  languette,  au  moyen  d'un 
tambour  à  double  fer,  et  la  rainure,  par  un  autre  tambour 
dont  le  fer  est  placé  au  milieu.  Ces  deux  tambours  sont  à 
axes  verticaux.  La  pièce  est  guidée  d'un  côté  par  un  bultoir 
fixe,  et  de  l'autre  par  un  buttoir  à  ressort,  afin  qu'elle  soit 
toujours  sufilsamment  maintenue.  Les  deux  machines  sont 
bien  exécutées  ,  avec  des  bàlis  solides  ,  et  dans  les  meilleures 
conditions  de  travail. 

M.  Quétel-Trémois  expose  également  une  machine  à  par- 
quets. Le  tambour  porte  trois  fers  inclinés  par  rapport  à 
l'axe  ,  et  disposés  de  manière  que  le  tranchant  soit  parallèle  à 
la  surface  à  raboter.  Une  règle  eu  bois,  placée  au-dessus  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  317 

l'axe  du  tambour  porte-fers,  sert  à  régler  leur  hauteur.  La 
pièce  est  guidée  en  partie  par  des  guides  plans,  et  en  partie 
par  des  galets  à  contre-poids.  Le  travail  de  la  rainure  et  de 
la  languette  ne  diffère  pas  sensiblement  de  celui  de  la  machine 
de  M.  Sautreuil. 

Gomme  les  précédentes ,  cette  machine  est  exécutée  avec 
soin  et  dans  de  bonnes  conditions  de  solidité. 

M.  Bandât  expose  une  scie  à  lame  droite  alternative  pour 
débiter  les  bois  de  placage. 

M.  Normand  ,  du  Havre  ,  a  monté  deux  machines  à  scier. 
L'une  d'elles  est  destinée  au  sciage  des  bois  de  membrures 
des  navires  avec  leurs  courbures,  équerrages ,  torsions  et 
changements  progressifs  d'épaisseurs.  Ces  différents  résultats, 
si  difficiles  à  obtenir,  sont  dus  principalement  à  la  suppres- 
sion presque  complète  du  lignage,  qui  se  réduit  au  tracé  d'une 
seule  courbe  suivant  gabarrit.  Les  scies  sont  conduites  et 
bandées  avec  précision,  et  les  pièces  de  bois  dirigées  dans  les 
conditions  voulues,  au  moyen  d'une  espèce  de  gouvernail  que 
manœuvre  facilement  l'ouvrier,  de  manière  que  chaque  élé- 
ment à  scier  vienne  toujours  se  présenter  dans  le  plan  des 
lames,  et  sous  l'angle  voulu  par  l'équerrage. 

La  seconde  machine  de  M.  Normand  est  une  scierie  droite, 
à  plusieurs  lames  imitant,  au  moyen  d'une  bielle  munie  d'un 
parallélogramme,  l'action  des  scies  à  bras,  qui  scient,  comme 
on  le  sait,  suivant  une  courbe.  Les  scies,  après  avoir  travaillé 
de  bas  en  haut,  se  relèvent  sans  toucher  la  pièce. 

Les  machines  de  M.  Normand  sont  deux  des  choses  les  plus 
intéressantes  de  notre  exposition  ,  et  résolvent  d'une  manière 
nouvelle  et  presque  complète  le  problème  difficile  du  sciage 
uiécanique. 

Un  peu  plus  loin  que  les  machines  de  M.  Normand,  se  trouve 
l'exposition  de  l'usine  de  Graffenstaden  ,  exclusivement  com- 
posée de  machines  outils  et  de  machines  à  bois.  Occupons-nous 
de  ces  dernières,  composant  l'outillage  complet  pour  le  travail 
des  wagons. 

Pour  faire  les  mortaises,  on  se  sert  de  deux  machines,  l'une 
pour  percer,  l'autre  pour  mortaiser .  La  machine  à  percer  est  dou- 
ble. Elle  se  compose  de  deux  porte-outils  portant  deux  mèches 
anglaises  verticales,  et  équilibrées  au  moyen'de  contre-poids. 
Le  mouvement  de  cette  machine  n'a  rien  de  particulier.  Elle 


318  VISITE 

peut  faire  des  trous  de  0,42  à  0,15  de  diamètre,  suivant  les 
mèclies  que  l'on  em-  ploie,  à  une  profondeur  réglée  selon  les 
besoins,  au  moyen  d'un  arrêt  mobile. 

Les  trous  une  fois  faits ,  on  fait  les  mortaises  au  moyen  de 
la  machine  à  mortaiser  ;  on  emploie,  dans  cette  machine,  des 
outils  coupants  sur  trois  faces,  et  pouvant  se  retourner,  afin  de 
faire  les  deux  extrémités.  On  va  de  suite  à  la  profondeur 
voulue  et  le  bois  avance  au  moyen  d'un  chariot.  Les  mâchoires 
sont  constamment  maintenues  parallèles  par  une  double  ma- 
nivelle articulée.  On  peut,  en  outre,  faire  varier  la  vitesse  du 
chariot,  en  le  faisant  avancer,  tantôt  par  un  double  engrenage, 
tantôt  par  une  crémaillère.  Le  chariot  est,  dans  les  deux  cas, 
mû  à  la  main. 

Outre  cette  machine,  on  en  trouve  une  autre,  dans  laquelle 
l'outil,  placé  horizontalement,  et  pouvant  sa  retourner  comme 
dans  la  précédente ,  est  mù  par  bielle  et  manivelle ,  qui  lui 
donnent  lo  mouvement  alternatif.  Celte  machine  est  desservie 
par  une  petite  machine  à  percer  dans  laquelle  l'outil  est  ho- 
rizontal. 

Dans  la  machine  à  tenons  doubles,  les  tenons  sont  faits  par 
des  fers  placés  sur  un  manchon,  et  inclinés  sur  l'axe  comme 
dans  la  machine  de  M.  Quétel.  Les  fers  sont  mobiles,  et  peu- 
vent être  rapprochés  ou  éloignés  l'un  de  l'autre  suivant  les 
besoins  du  travail.  L'arbre,  entièrement  en  acier  fondu,  est 
monté  sur  pointes,  afin  de  pouvoir  lui  donner  une  très-grande 
vitesse. 

On  peut  faire ,  avec  là  machine  à  tenons  simples  ,  plusieurs 
pièces  de  suite  ;  la  table  étant  assez  grande  pour  en  comporter 
un  certain  nombre,  il  suffit  de  remplacer  à  mesure  les  pièces 
terminées  par  des  pièces  nouvelles.  11  y  a  deux  porte-outils, 
qui  permettent  de  travailler  en  même  îemps  en  dessus  et  en 
dessous.  Le  manchon  porte,  outre  les  fers  de  rabots,  d'autres 
fers  perpendiculaires  à  la  pièce  qui  viennent  commencer  le 
travail  en  coupant  le  bois  debout.  De  celte  manière,  les  ra- 
bots n'ont,  pour  ainsi  dire,  qu'à  enlever  les  copeaux,  déjà  à 
moitié  séparés  par  les  premiers  fers.  On  peut  régler  les  outils 
de  façon  a  augmenter  ou  diminuer  à  volonté  la  profondeur  de 
la  partie  enlevée  et  à  faire  un  tenon  égal  ou  inégal.  Enfin  une 
scie  circulaire,  placée  latéralement,  vient  araser  la  pièce. 

Toutes  ces  machines  sont  d'une  admirable  exécution  ,  mu- 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  310 

nies  de  bâtis  solides  et  transporlables ,  et  les  quelques  mots 
(jne  nous  venons  de  dire ,  doivent  suffire  pour  faire  compren- 
dre l'avantage  que  l'on  peut  retirer  de  pareils  outils,  qui  sont, 
du  reste,  de  fabrication  courante  à  l'usine  de  GrafTenstaden. 
La  scierie  de  M.  Damey  est  une  scierie  à  vingt  lames,  bien  exé- 
cutée ,  mais  ne  présentant  rien  de  particulier. 

Nous  trouvons  encore  dans  l'exposition  française  le  des- 
sin d'une  machine  à  fabriquer  les  seaux,  barils,  brocs,  de 
MM.  Raiilard  père  et  fils,  au  moyen  de  laquelle,  en  em- 
ployant une  lame  courbe,  on  débite,  dans  un  bloc  de  bois, 
plusieurs  pièces  de  cette  nature ,  s'emboîtant  les  unes  dans  les 
autres,  en  ne  perdant  pour  ainsi  dire  que  la  sciure. 

Nous  rencontrons  encore  une  petite  vitrine  de  M.  Picot, 
renfermant  deux  modèles  au  dixième  de  machines  à  débiter 
les  bois  de  placage  sans  sciure.  La  première  coupe  les  bois 
d'une  épaisseur  de  un  dixième  de  millimètre  ;  les  feuilles 
ainsi  obtenues  sont  propres  à  la  lithographie,  à  faire  des 
cartes  de  visites,  etc.  La  seconde  est  destinée  au  travail  des 
bois  de  placage  en  grande  dimension  pour  l'ébènisterie.  Ces 
petits  modèles,  construits  avec  soin  par  l'inventeur  lui-même, 
sont  accompagnés  de  produits  fort  intéressants. 

MM.  Godraut  frères  exposent  une  machine  à  faire  les  par- 
quets ,  assez  semblable  à  celles  dont  nous  avons  déjà  parlé  , 
et  munie,  en  outre,  d'une  scie  circulaire  pour  ébarber  les 
planches.  M.  Ch.  Sester  présente  un  modèle  de  machine  à 
faire  les  coins  de  chemins  de  fer.  C'est  un  plateau  circulaire  , 
tournant,  sur  lequel  on  peut  faire  six  coins.  Le  travail  s'exé- 
cute au  moyen  d'un  rabot  mù  par  une  m.anivelle,  qui  lui 
donne  un  mouvement  alternalif. 

Nous  avons  enfin  les  machines  à  faire  les  bouchons.  Le 
principe  est  généralement  celui-ci  :  le  liège  pris  entre  deux 
mâchoires,  tourne  à  grande  vitesse,  tandis  qu'un  couteau 
dont  le  tranchant  va  1  gèrement  en  pente,  débite  le  bouchon 
auquel  il  donne  la  forme  un  peu  conique.  Telle  est  la  machine 
de  M.  Jacob.  Celles  de  M.  Duprat  ont  quelque  chose  de  plus. 
Dans  les  machines  précédentes,  en  effet,  quels  que  soient  les 
défauts  du  Iiége,  le  bouchon  se  trouve  coupé  de  la  même  ma- 
nière. Celles-ci,  au  contraire,  le  reprennent,  et  en  font  un 
autre  bouchon  plus  petit  que  le  premier.  Cette  opération  peut 
se  répéter  jusqu'à  ce  que  le  défaut  ait  entièrement  disparu. 


320  VISITE 

On  peut  donc  corriger  la  mauvaise  qualité  du  liège  et  faire 
des  bouchons  de  toutes  dimensions,  avantages  que  ne  pré- 
sentent pas  les  machines  ordinaires. 

Dans  l'exposition  étrangère,  nous  trouvons  en  Prusse  la 
machine  de  M.  Schvvartzkopff;  c'est  une  scie  à  vingt-quatre 
lames.  La  pièce  de  bois  est  maintenue  par  une  tige  verticale 
mobile  portant  un  rouleau,  et  on  empêche  l'écartement  indé- 
fini des  placages  débités  par  un  système  de  mâchoires  mo- 
biles. Ce  que  cette  machine  a  surtout  d'intéressant,  c'est 
qu'elle  est  mue  par  une  machine  à  vapeur  placée  sur  le  même 
bâtis.  Cette  machine  est  à  détente  fixe,  et  à  deux  tiges  de 
piston  au-dessus  des  porte-lames.  Elle  donne  deux  cents  coups 
de  piston  par  minute,  et  fait  faire,  par  conséquent,  deux  cents 
mouvements  alternatifs  aux  scies.  Cet  attelage  direct  peut 
avoir  d'assez  grands  avantages,  la  scie  étant  facilement  trans- 
portable et  pouvant  se  monter  et  s'employer  plus  commodé- 
ment à  quelque  endroit  que  ce  soit. 

M.  Nelson  Barlow,  de  New-Yorck,  expo?e  une  machine  à 
raboter,  qui  n'a  d'autre  particularité  que  des  fers  très-longs 
pouvant,  par  conséquent,  planer  sur  une  grande  largeur. 

La  machine  de  M.  Albin  Warth  est  de-tinée  à  faire  les 
pièces  contournées  comme  manches  de  plumeaux,  de  balais, 
etc.  L'outil  est  conduit  par  une  tige  articulée  qui  se  meut  sur 
une  pièce  ayant  le  profil  que  l'on  veut  obtenir,  à  peu  près 
comme  les  tours  à  portraits  de  M.  Collas. 

Nous  arrivons  à  l'expo.rition  du  Canada,  dans  laquelle  les 
machines  à  bois  ont  une  large  part. 

M.  Mumo,  de  Montréal,  expose  une  machine  à  parquets  qui 
ne  diffère  pas  sensiblement  des  précédentes,  et  I\iM.  Lellan 
et  Cie,  une  machine  à  mortaiser,  travaillant  intérieurement 
au  moyen  d'une  fraise,  et  à  l'extérieur  au  moyen  d'un  bé- 
dane. C'est  une  idée  nouvelle  véritablement  ingénieuse,  le 
travail  du  trou  préliminaire  et  celui  de  la  mortaise  pouvant 
ainsi  se  faire  simultanément. 

Nous  trouvons  enfin  une  machine  à  faire  les  gournables, 
une  machine  à  planer,  et  un  établi  mécanique  de  menuisier, 
de  M.  William  Rodden. 

Dans  la  machine  à  gournables  la  pièce  est  tirée  pendanf 
que  l'outil  tourne  autour  à  très-grande  vitesse,  et  lui  donne 
la  façon  voulue. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  321 

Le  planage  se  fait,  dans  la  machine  à  planer,  par  deux 
gouges  placées  aux  extrémités  d'un  bras  horizontal  tournant 
à  très-grande  vitesse. 

L'établi  de  menuisier  est  chose  très-intéressante  ;  on  fait, 
sur  ce  même  bâti,  le  rabotage,  la  moulure,  le  perçage,  les 
tenons,  le  chantournage,  la  rainure  et  le  sciage. 

Le  rabotage  et  la  moulure  se  font  sur  le  même  axe,  au 
moyen  de  rabots,  comme  dans  les  machines  ordinaires.  Le 
chantournage  s'opère  par  une  scie  à  chantourner,  assez  sem- 
blable à  celle  de  M.  Perrin,  dont  nous  avons  parlé.  Cette  ma- 
chine ,  quoique  n'ayant  rien  de  particulier  dans  chacun  de 
ses  éléments,  est  cependant  fort  remarquable  par  la  simpli- 
cité extrême  du  montage  et  des  transmissions  ,  par  son  peu 
de  volume,  et  enfin  par  son  prix ,  qui  n'est  que  de  2000  fr. 

Toutes  les  machines  qui  nous  ont  été  envoyées  par  le  Ca- 
nada sont  montées  sur  de  solides  bâtis  en  bois  d'un  aspect 
agréable,  qui  remplacent  économiquement,  dans  ce  pays,  les 
bâtis  en  fonte  de  nos  machines. 

Nous  ne  sommes  entrés  dans  des  détails  aussi  nombreux 
sur  les  moyens  mécaniques  de  travailler  le  bois ,  que  parce 
que  la  plupart  de  ces  appareils  sont  encore  nouveaux,  à 
peine  employés  exceptionnellement  dans  quelques  industries 
depuis  cinq  ou  six  ans.  Ces  machines  promettent  de  fournir 
une  carrière  aussi  importante  que  celle  des  machines-outils, 
que  tous  les  ateliers  de  construction  possèdent ,  quoique  leur 
introduction  en  France  date  à  peine  de  quarante  ans. 

La  généralité  de  l'emploi  de  ces  dernières  machines  nous  per- 
mettra de  ne  présenter  à  ce  sujet  que  quelques  considérations. 

Tandis  qu'à  la  fin  du  dernier  siècle  les  machines-outils , 
dans  le  sens  propre  que  nous  attachons  à  ce  mot,  n'exis- 
taient pour  ainsi  dire  qu'en  miniature  dans  l'outillage  de  l'hor- 
logerie, nous  avons  vu  successivement  l'Angleterre  les  appro- 
prier à  des  constructions  de  plus  en  plus  importantes.  Les 
dimensions  de  ces  nouveaux  exemplaires  des  tours,  des  ma- 
chines à  percer,  des  machines  à  raboter  et  à  limer ,  en  appe- 
lant sur  elles  l'attention  des  hommes  les  plus  habiles  dans  les 
travaux  d'atelier,  •  prirent  successivement  des  formes  nou- 
velles ,  appropriées  en  quelque  sorte  au  nouveau  monde 
qu'elles  devaient  peupler.  Les  supports  en  fer,  remplacés 
d'abord  par  des  bâtis  en  bois,  n'eurent  plus  bientôt  la  stabi- 
206  M 


322  VISiïË 

lité  nécessaire;  le  fer  employé  sous  toutes  les  formes,  mais 
plus  particulièrement  assemblé  comme  on  assemble  les  char- 
pentes, fut  bientôt  appelé  à  consolider  ces  appareils,  dont  la 
principale  condition  est  d'être  parfaitement  rigides. 

L'emploi  plus  général  de  la  fonte  vint  ajouter  à  ces  trans- 
formations, qui  aboutissent  aujourd'hui  à  établir  ces  bâtis  en 
fonte  d'une  seule  pièce,  qui  caractérisaient,  il  y  a  quelques 
années  encore,  les  machines  anglaises,  mais  qui  maintenant 
sont  également  employés  chez  nous.  Whitvvorlh,  dont  l'ex- 
position est  encore  cette  année  si  remarquable,  doit  être  con- 
sidéré comme  le  principal  promoteur  de  cette  transformation  , 
dont  l'importance  est  tout  à  fait  capitale. 

L'avantage  qu'ont  les  constructeurs  anglais  de  n'exécuter 
que  leurs  propres  modèles  ,  en  petit  nombre  pour  chaque  na- 
ture de  machines,  assure  à  ces  modèles  mêmes  tous  les  per- 
fectionnements de  l'expérience,  en  même  temps  qu'il  évite  le 
renouvellement  continuel  des  travaux  de  modelage ,  dont  nos 
constructeurs  ne  tiennent  pas  un  compte  suffisamment  exact. 

Le  caractère  essentiel  des  machines  de  Whitv^orth  se  re- 
trouve encore  dans  celles  de  MM.  Spink  Shepherd  et  Mill, 
et  dans  celles  de  MM.  Smiih,  Beacock  et  Tannett.  Le  mé- 
canisme particulier  à  l'aide  duquel  on  obtient  le  retour  ra- 
pide de  l'outil  dans  la  plupart  de  ces  machines,  ne  paraît 
pas  avoir  eu  la  sanction  générale  de  l'expérience,  et  les 
quatre  outils  opposés  dans  les  tours  à  chariot  ne  sont  plus 
employés  que  pour  des  usages  particuliers. 

MM.  Decoster,  Calla,  Ducommuu  et  Dubied,  Cail  etCie, 
Vurrull,  Middleton  etElwell,  sont,  avec  l'usine  de  Graffens- 
taden,dans  l'exposition  française,  les  principaux  représen- 
tants de  la  construction  des  machines-outils,  très-bien  com- 
posées, exécutées  avec  une  rare  perfection.  Ces  machines 
laissent  quelquefois  à  désirer  sous  le  rapport  de  la  meilleure 
répartition  du  métal. 

Le  tour  à  quatre  outils  de  M.  Polonceau,  pour  roues  de 
wagons,  n'a  rien  à  redouter  d'une  comparaison  avec  celui  de 
Whitworth  :  une  moindre  élévation  de  l'axe  du  tour  au-des- 
sus du  sol  lui  a  permis  de  diminuer  d'une  manière  notable  les 
dimensions  et  le  poids  du  bâti;  la  machine  anglaise  cependant 
conserve  encore  l'avantage  de  pouvoir  être  comparée  à  ce  chef- 
d'œuvre. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  323 

M.  Hartmann,  de  Chemnitz,  expose  une  petite  machine  à 
raboter,  dans  laquelle  le  retour  rapide  de  l'outil  est  obtenu 
par  deux  roues  dentées  elliptiques,  qui  se  commandent  l'une 
l'autre,  en  tournant  chacune  autour  de  son  foyer.  L'applica- 
tion de  ce  système  au  métier  Jacquart ,  envoyé  par  le  même 
exposant,  paraît  produire  de  très-bons  résultats,  malgré  la 
difficulté  de  donner  aux  dents  les  profils  convenables. 

Le  marteau  avec  tampon  en  caoutchouc  de  ]\1.  Schmerber, 
du  Haut-Rhin ,  et  la  machine  à  forger  de  M.  Whitworth  ,  qui 
déjà  avait  fait  sensation  à  Londres,  doivent  être  particulière- 
ment mentionnés. 

La  cisaille  américaine  de  M.  Richmond  de  Boston ,  malgré 
la  forme  assez  disgracieuse  de  son  bâti,  doit  être  considérée 
comme  une  nouvelle  conquête  ;  elle  coupe  la  tôle  au  moyen 
de  deux  cisailles  circulaires  laissant  entre  elles  une  certaine 
distance;  coupée  sur  ses  deux  faces  à  la  fois  ,  la  tôle  se  sé- 
pare uniquement  par  le  prolongement,  dans  toute  son  épais- 
seur, de  la  fente  commeiîcéepar  cette  double  action. 

C'est  surtout  dans  l'industrie  parisienne  que  l'on  trouve 
une  mulîitude  de  petites  machines  employées  à  découper  et  à 
façonner  le  métal ,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  d'obtenir  de  nom- 
breux exemplaires  d'une  même  pièce.  MM.  Frey  et  Stoltz  se 
distinguent  par  leurs  machines  a  clous,  qui  transforment  en 
pointes  de  Paris  le  fil  de  fer  de  toutes  dimensions,  la  ma- 
chine se  chargeant  elle-même  de  former  la  tête  par  un  coup 
vigoureux  ,  à  la  suite  duquel  la  pointe  est  coupée  par  des  mâ- 
choires d'une  forme  spéciale;  l'introduction  du  caoutchouc, 
comme  ressort,  dans  les  machines  de  M.  Stoltz,  n'est  pas 
une  modification  sans  importance. 

Les  machines  à  faire  les  épingles,  celles  qui  tournent, 
plient  et  aplatissent  le  fil  de  cuivre  en  forme  d'agrafes; 
celles  qui  arrivent  au  même  résultat  au  moyen  du  découpage 
de  la  tôle  de  laiton;  les  découpoirs  à  faire  les  maillons 
pour  le  tissage ,  parmi  lesquels  nous  pouvons  citer  ceux  de 
M.  Lefort,  qui  enlèvent  à  la  fuis  et  concentriquement  plusieurs 
maillons  de  dimensions  différentes  dans  la  même  pièce;  la 
machine  à  faire  les  capsules  en  une  seule  passe,  par  M.  le 
capitaine  Humbert;  les  laminoirs  cannelés  de  M.  Clément 
(Aude)  pour  la  préparation  des  petites  pièces  de  métal  pour 
filature,  et  particulièrement  pour  la  fabrication  des  fers  demi- 


324  VISITE 

ronds  pour  goupilles;  l'ingénieuse  machine  de  M.  Kurtz, 
pour  forger  par  cintrage  et  pression  les  fers  à  cheval;  les 
cisailles  de  M.  Reymondon  ,  pour  fabriquer  les  ressorts  de 
parapluies;  les  cisailles  droites  et  circulaires  de  M.  Chaleyer  ; 
enfin  mille  autres  machines  de  ce  genre  indiquent  tous  les 
services  qua  les  conceptions  mécaniques  les  plus  diverses 
rendent  journellement  à  un  grand  nombre  de  professions. 

Machines  agricoles. 

Si  nous  n'avions  dû  considérer  que  la  France,  il  eût  été 
plus  convenable  sans  doute  d'apprécier,  à  côté  des  produits 
agricoles,  les  instruments  de  culture  qui  ne  sont  pas  à  propre- 
ment parler  des  machines  ;  mais  si  nous  jetons  un  coup  d'œil 
sur  les  appareils  agricoles  que  l'Angleterre  a  réunis  vers  le 
commencement  de  l'Annexe,  enlre  les  piles  9  et  10,  il  devient 
difficile  d'établir  une  démarcation  bien  tranchée  entre  les 
simples  instruments  de  culture  et  les  machines. 

Tandis  que  la  construction  de  ces  appareils  est  livrée  chez 
nous  trop  souvent  au  charron  du  village,  quelquefois  au  la- 
boureur lui-même,  de  l'autre  côté  du  détroit  les  machines 
agricoles  alimentent  des  ateliers  considérables,  qui  comptent 
leurs  ouvriers  par  centaines  et  qui  possèdent  toutes  les  res- 
sources de  l'outillage  mécanique. 

Celte  différence  d'origine  se  traduit  assurément  par  un  ca- 
ractère bien  différent  dans  les  instruments  des  deux  pays. 

D'une  solidité  et  d'une  simplicité  irréprochables,  les  instru- 
ments de  labour,  en  Angleterre,  sont  confectionnés  sur  des 
types  invariables  dont  l'expérience  a  proclamé  les  succès.  Es- 
sayées sur  notre  terre  de  P'rance  ,  les  charrues  anglaises  ont 
effectué  leur  travail  avec  une  aisance  et  une  netteté  à  laquelle 
nous  ne  sommes  pas  habitués. 

Ce  serait  cependant  une  erreur  grave  que  de  croire  qu'il 
suffirait  d'apporter  en  France  les  charrues  renommées  de 
Bail,  deRansome,  deHornsby,  ces  premiers  constructeurs  de 
l'Angleterre,  pour  en  obtenir  aussitôt  des  résultats  satisfai- 
sants. Les  charrues  anglaises,  qui  donnent  lieu  à  un  tirage 
moindre  que  les  nôtres,  ne  satisfont  pas  à  toutes  les  condi- 
tions auxquelles  nous  voulons  que  satisfassent  nos  charrues. 
Elles  rcto'îrnonl  spn>  doute  le  sol  avec  une  régularité  par- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  32S 

faite,  mais  pour  peu  qu'il  soit  argileux  ,  cette  première  opé- 
ration le  laisse  sans  l'avoir  aucunement  divisé.  Ce  premier 
instrument  se  trouve  donc  lié  aux  façons  ultérieures  que  nos 
voisins  font  subir  au  sol  avec  leurs  rouleaux  Croskill,  formés 
de  rondelles  indépendantes  qui  émiettent  le  sol  et  qui  for- 
ment un  des  caractères  de  leur  culture  perfectionnée. 

Tout  se  tient  en  agriculture,  le  drainage,  la  façon  de  la 
terre  et  les  moyens  d'en  récolter  les  produits  :  avec  le  drai- 
nage il  n'est  plus  nécessaire  de  cultiver  en  billons  élevés;  la 
culture  à  plat  rendra  le  travail  du  sol  plus  facile  et  conduira 
nécessairement  à  l'emploi  de  ces  machines  à  moissonner  qui 
ne  peuvent  encore  qu'avec  peine  arracher  à  la  terre  ses  ri- 
chesses dans  nos  terrains  accidentés. 

L'Amérique  qui  manque  de  bras  ,  le  Canada  surtout ,  sem- 
ble avoir  devancé  l'Angleterre  dans  la  voie  qui  vient  d'être 
indiquée  :  aussi  les  instruments  des  contrées  américaines 
semblent-ils  déjà  faits  pour  des  pays  beaucoup  plus  avancés. 

Les  semoirs  à  tubes  articulés  qui  distribuent  à  la  fois  les 
semences  et  l'engrais,  les  faneuses,  les  machines  à  ramasser 
le  foin,  fonctionneront  d'autant  mieux  que  l'on  s'approchera 
davantage  des  conditions  qui  viennent  d'être  indiquées. 

Tous  ces  engins  sont,  il  faut  le  dire ,  d'un  emploi  difficile 
chez  nous;  nos  semoirs,  nos  herses  et  nos  autres  instru- 
ments n'ont  point  encore  les  dimensions  usitées  en  Angle- 
terre, parce  que  leur  manœuvre  serait  plus  difficile  ;  la  divi- 
sion exagérée  de  la  propriété  foncière  sera  d'ailleurs  un 
obstacle  permanent  à  l'introduction  des  machines  qui  de- 
mandent toujours  quelque  entretien  et  qui  sont  d'un  prix  re- 
lativement élevé. 

Dans  les  essais  dynamométriques,  la  charrue  de  Grignon, 
et  même  notre  charrue  ordinaire,  dite  charrue  de  Brie,  occu- 
pent un  rang  honorable  que  les  instruments  belges  peuvent 
également  revendiquer. 

Les  instruments  des  autres  pays  ressemblent  plus  ou  moins 
à  ces  types  principaux. 

Nous  ne  dirons  rien  des  nombreux  instruments  accessoires 
tels  que  les  cultivateurs,  extirpaleurs,  houes  à  cheval,  herses, 
rouleaux,  qui  affectent,  suivant  les  différentes  contrées ,  les 
formes  les  plus  diverses  :  la  herse  de  Norvège,  cependant  doit 
être  citée  pour  son  action  tout  à  fait  remarquable. 


326  VISITE 

Les  machines  à  moissonner  présentent  au  plus  haut  degré 
un  intérêt  de  nouveauté  et  d'actualité.  Aussi  ont-elles  été 
dernièrement  essayées  dans  une  expérience  solennelle,  en  pré- 
sence de  S.  A.  I.  le  prince  Napoléon.  Les  moissonneuses  de 
M.  Mac  Cormick,  de  M.  Wright,  de  M.  Manny,  qui  toutes 
trois  sont  envoyées  par  les  États-Unis,  et  celle  de  M.  Cour- 
nier  (France),  ont  rapidement  et  sans  encombre  achevé  leur 
travail.  Les  autres  ont  dû  renoncer  par  suite  d'accidents  sur- 
venus dans  le  cours  de  l'opération. 

Il  est  juste,  cependant,  de  dire  que  celle  de  M.  Moody 
(Canada),  munie  d'un  mouvement  automatique  de  râteau  pour 
faire  les  javelles,  avait  précédennnent  bien  opéré.  Ces  mou- 
vements, imitant  d'une  nmnière  remarquable  le  développe- 
ment du  bras  de  l'homme,  ne  nous  paraissent  pourtant  pas 
d'une  application  facile  dans  les  travaux  champêtres. 

L'Exposition  possède  près  de  quarante  machines  à  battre , 
dont  le  travail ,  comme  on  le  sait ,  tend  de  plus  en  plus  à  rem- 
placer celui  des  batteurs  au  fléau.  Un  certain  nombre  d'entre 
elles,  choisies  par  le  jury,  ont  été  essayées  en  même  temps 
que  les  moissonneuses. 

Nous  serions  fort  embarrassé  de  dire  lequel  de  ces  appa- 
reils a  donné  les  meilleurs  résultats.  Citons  scnlement  pour  la 
rapidité  du  travail  celui  de  U.  Pitts,  de  Buffalo  (États-Unis^, 
qui  a  dévoré  en  une  demi-heure  190  gerbes  de  blé  encore 
presque  vert.  Cette  machine  bat  le  blé  en  long,  et  brise  par 
conséquent  la  paille.  Celle  de  M.  Duvoir,  qui  travaille  en  tra- 
vers, les  machines  de  M.  Pinet  et  de  M.  Clayton  ,  ont  donné 
de  bons  résultats.  Il  est  regrettable  que  les  appareils  de 
MM.  Lotz  aîné,  Renaud  et  Lotz,  Cumming,  etc.,  n'aient  pu 
être  transportés;  ils  doivent,  du  reste,  être  essayés  sous  peu 
de  jours,  avec  toutes  les  autres  machines  à  battre. 

Ce  genre  d'appareils  fonctionne  au  moyen  de  manèges  ou 
de  machines  à  vapeur,  la  plupart  montées  sur  roues  et  con- 
nues sous  le  nom  de  machines  locomobiles.  Très-nomibreuses 
en  Angleterre,  ces  machines  commencent  à  être  employées 
chez  nous  :  nous  pourrions  citer  tel  département  de  la  France 
dans  lequel  une  industrie  nouvelle  s'exerce  avec  grand  succès: 
un  entrepreneur,  avec  sa  locomobile  et  sa  machine  à  battre,  va 
d'exploitation  en  exploitation  battre  le  grain  à  prix  débattu. 
Les   locomobiles   de    Calla,    de   Clayton,   de    Cumming, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  327 

de  Lotzne  laissent  aucune  supériorité,  ni  à  l'Angleterre  ni  à 
la  France. 

Plusieurs  machines  à  battre,  mues  par  manivelles,  sont 
exposées  en  Angleterre,  en  Autriche  et  en  Allemagne. 

Machines  des  industries  chimiques  et  alimentaires. 

Parmi  les  pièces  les  plus  importantes  de  l'exposition  fran- 
çaise, le  moulin  à  cinq  paires  de  meules  de  MM.  Froment, 
Fontaine  et  Brault  peut  être  cité  ajuste  titre,  tant  pour  le 
mouvement  des  meules,  dit  mouvementé  friction,  où  chaque 
meule  peut  être,  à  un  moment  quelconque  du  travail,  rendue 
indépendante  des  autres,  que  pour  la  nouveauté  de  sa  vanne 
et  sa  manœuvre  facile.  C'est  une  vanne  en  gulta -percha ,  à 
morceaux  articulés,  recouvrant  entièrement  les  orifices  de  la 
turbine  au  moment  de  la  fermeture ,  et  pouvant  les  découvrir 
petit  à  petit  en  s'enroulant  autour  de  deux  cônes  mus  par  une 
tige  et  un  engrenage. 

D'autres  moulins ,  à  bras,  à  manèges  et  à  vapeur,  se  trou- 
vent dans  la  galerie  des  machines,  ainsi  qu'une  intéressante 
exposition  d'éléments  de  meunerie  de  MM.  Grellet  père  et  fils, 
de  Rouen. 

Mentionnons  également  ici  le  tamis  à  fécule  de  M.  Huck , 
perfectionnement  de  ceux  de  MM.  Dailly  et  Saint-Etienne,  et 
les  appareils  à  nettoyer  les  grains,  trieurs  et  cribleurs,  à  la 
main  et  mécaniques,  de  M.  Vachon,  de  Lyon.  Quant  aux  nom- 
breux pétrins  mécaniques  et  à  la  grande  quantité  de  machines 
à  boucher  les  bouteilles  ,  ils  dénotent  peut-être  un  esprit  d'i- 
mitation que  l'on  pourrait  justement  critiquer. 

Parmi  les  appareils  des  industries  chimiques,  nous  ne 
pourrons  citer  que  quelques-uns  de  ceux  qui  sont  employés 
dans  les  industries  les  plus  importantes  :  nous  commencerons 
par  ceux  de  la  fabrication  et  du  raffinage  du  sucre. 

La  fabrication  du  sucre  de  cannes  remonte  aux  temps  les 
plus  reculés.  Ce  n'est,  au  contraire,  que  depuis  quarante-cinq 
ans  environ  que  l'on  pratique  l'extraction  du  sucre  de  bette- 
raves. Cependant,  cette  industrie,  exploitée  dans  tous  les 
pays  industriels  de  l'Europe,  a  acquis  un  développement 
énorme,  et  est  aujourd'hui  bien  plus  avancée  que  la  sucrerie 
coloniale. 


328  VISITE 

Rappelons  d'abord  en  quelques  mots  la  série  d'opérations 
de  la  sucrerie  indigène  : 

La  betterave,  lavée  le  plus  convenablement  possible  afin 
d'enlever  les  pierres  et  la  terre  qui  pourraient  altérer  les 
râpes,  est  soumise  ensuite  au  râpage,  destiné  à  la  réduire  en 
pulpe  propre  à  être  pressée.  La  pulpe  est  ensuite  livrée  aux 
presses  qui,  par  un  certain  nombre  d'opérations  successives, 
i'épuisent  d'une  manière  à  peu  près  complète  en  séparant  de 
la  partie  solide  le  jus  qui  est  recueilli  dans  un  vase  à  ce  des- 
tiné, et  envoyé  immédiatement  à  la  chaudière  à  déféquer. 
La  défécation  a  pour  but  de  purger  le  jus  des  matières  étran- 
gères solubles  qu'il  contient,  et  se  fait  au  moyen  de  la  chaux, 
qui,  agissant  chimiquement  sur  ces  matières,  transforme  les 
sels  solubles  en  sels  insolubles,  facilement  séparables  du  jus 
sucré.  Celui-ci  est  aussitôt  recueilli  et  filtré,  puis  évaporé 
dans  une  première  chaudière  qui  le  concentre  de  manière  à 
lui  faire  marquer  10**  à  l'aréomètre  Baume,  de  5"  environ 
qu'il  marquait  à  la  sortie  de  la  chaudière  à  déféquer.  La  fil- 
tration  a  lieu  sur  un  filtre  chargé  de  noir  animal  en  grains,  et 
le  but  de  cette  opération  est  d'enlever  le  plus  possible  l'excès 
de  chaux  qui  se  trouve  presque  nécessairement  dans  le  jus 
déféqué,  et  de  le  décolorer  un  peu.  Le  liquide,  à  la  sortie  de 
la  chaudière  évaporatoire,  est  dirigé  sur  un  deuxième  filtre 
où  il  se  clarifie  de  nouveau  et  perd  de  plus  en  plus  sa  cou- 
leur; puis  on  lui  fait  subir  une  seconde  évaporation  destinée 
à  l'amener  à  marquer  25"  à  l'aréomètre.  Filtré  de  nouveau ,  le 
jus  est  concentré  dans  une  troisième  chaudière  où  il  atteint  la 
consistance  sirupeuse  caractérisant  la  fin  de  l'opération.  Celte 
dernière  concentration  s'appelle  la  cuite.  Le  sirop,  suivant 
qu'il  a  été  cuit  à  l'air  libre  ou  dans  le  vide,  est  alors  conduit 
dans  des  rafraîchissoirs  ou  dans  des  réchauffoirs  dans  les- 
quels commence  la  cristallisation. 

Lorsque  les  cristaux  sont  suffisamment  formés,  on  racle  les 
bords  du  cristallisoir  afin  de  les  répartir  dans  la  masse,  puis 
on  procède  à  l'égouttage  et  au  clairçage  des  sucres,  soit  au 
moyen  des  formes,  soit  en  employant  les  appareils  à  force 
centrifuge.  Ces  deux  opérations  ont  pour  but  d'éliminer  du 
sucre  la  mélasse  ou  sucre  incristallisable  qui  s'y  trouve  mé- 
langée, et  de  lui  donner  le  grain  et  la  couleur  à  peu  près 
blanche  qui  constituent  les  sucres  bruts  de  belle  qualité.  Les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  329 

résidus  sont  eux-mêmes  recuits  et  soumis  à  la  cristallisation, 
à  l'égouttage  et  au  clairçage,  jusqu'à  ce  que  l'on  n'obtienne 
plus  de  cristaux  ;  c'est  par  ce  procédé  que  l'on  fabrique  des 
sucres  de  deuxième,  troisième  et  quatrième  jet,  d'une  qualité 
généralement  inférieure  à  ceux  du  premier  jet. 

La  canne  à  sucre,  étant  beaucoup  plus  riche  que  la  bette- 
rave et  contenant  peu  de  matières  élraniières,  est  loin  de  né- 
cessiter un  traitement  aussi  compliqué.  Il  suffit  de  presser  les 
cannes  en  les  écrasant,  de  déféquer  le  jus,  de  l'évaporer  et 
de  le  cuire,  puis  de  faire  cristalliser  les  sirops  ,  et  enfin  d'o- 
pérer le  clairçage  et  l'égouttage,  sans  avoir  besoin  de  nom- 
breuses pressions  et  filtrations  sur  noir,  comme  dans  le  tra- 
vail de  la  betterave. 

Le  sucre  brut  colonial  ou  indigène  est  ensuite  soumis  au 
raffinage  destiné  à  éliminer  les  matières  étrangères  et  la  mé- 
lasse qui  se  trouvent  encore  interposées  dans  les  cristaux,  et  à 
lui  donner  un  aspect  et  une  forme  plus  agréables.  Il  serait 
trop  long  d'énumérer  ici  les  opérations  successives  de  ce  tra- 
vail. Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'elles  consistent  essentielle- 
ment en  fonte  du  sucre  brut,  clarification  par  le  sang  ou  les 
œufs ,  filtrations  diverses,  cuite  et  cristallisation  ,  puis  enfin  , 
égouttages,  clairçages  et  étuvages. 

Examinons  maintenant  les  différents  appareils  destinés  à  la 
sucrerie  indigène  et  coloniale,  et  commençons  par  rendre 
compte  de  l'exposition  de  MM.  Cail  etCie,  qui  se  sont  depuis 
longtemps  acquis  dans  la  fabrication  de  ces  appareils  une  ré- 
putation européenne. 

La  râpe  à  betterave  de  M.  Cail  a  sur  les  râpes  ordinaires 
l'avantage  de  présenter  des  sabots  couverts  avec  transmis- 
sion en  dessous,  ce  qui  permet  de  faire  arriver  les  betteraves 
entre  les  poussoirs  et  le  cylindre  râpeur  au  moyen  d'un  râ- 
teau, sans  qu'il  soit  nécessaire  de  les  pousser  avec  la  main  , 
comme  cela  arrive  trop  souvent  avec  les  autres  râpes,  néces- 
sité qui  occasionne  des  accidents  fréquents. 

La  presse  de  première  pression  est  destinée  à  remplacer  les 
presses  à  vapeur  qui  agissent  d'une  manière  trop  brusque  et 
déchirent  souvent  les  sacs  dans  lesquels  est  renfermée  la 
pulpe.  Les  engrenages  sont  calculés  de  façon  à  opérer  une 
pression  lente  et  continue  ,  condition  indispensable  d'un  bon 
travail. 


330  VISITE 

Nous  trouvons  aussi  dans  l'exposition  de  M.  Cail  une  chau- 
dière à  cuire  dans  le  vide ,  un  moulin  à  cannes  ,  puis  l'ap- 
pareil à  quintuple  effet  pour  l'évaporation  et  la  cuile  ,  l'appa- 
reil Rousseau  et  l'appareil  Shuzembach  destiné  à  rextraction 
du  jus  de  betteraves  par  lévigation  méthodique. 

La  chaudière  à  cuire  dans  le  vide  et  le  moulin  à  cannes  ne 
sont  remarquables  que  par  le  soin  qui  a  présidé  à  leur  con- 
struction, et  ne  présentent  aucune  disposition  nouvelle.  Il 
n'en  est  pas  de  même  de  l'appareil  à  quintuple  effet,  qui  se 
compose  d'un  appareil  dit  à  triple  effet,  auquel  on  a  adjoint 
un  système  de  serpentins  condensateurs. 

L'appareil  à  triple  effet  a  pour  but  d'économiser  le  com- 
bustible. Il  se  compose  de  trois  grandes  chaudières  tubulaires; 
le  liquide  à  concentrer  se  trouve  autour  et  au-dessous  des 
tubes  ,  dans  l'intérieur  desquels  circule  la  vapeur  destinée  au 
chauffage.  Une  pompe  à  air  et  un  condenseur  sont  destinés  à 
faire  le  vide  dans  les  chaudières,  qui  communiquent  ensemble 
au  moyen  d'un  système  de  robinets. 

Pour  produire  l'économie  de  combustible,  on  se  sert  pour 
chauffer  la  première  chaudière  des  vapeurs  perdues  de  la  fa- 
brique; pour  la  seconde,  on  emploie  les  vapeurs  provenant  de 
la  première,  et  l'on  chauffe  la  troisième  par  la  vapeur  que 
produit  l'ébullition  du  liquide  dans  la  seconde.  Le  vide  est 
toujours  moindre  dans  la  première  chaudière  que  dans  les 
deux  autres. 

La  concentration  a  lieu  de  5  à  15"  dans  la  première  chau- 
dière ,  de  15  à  25°  dans  la  seconde,  et  de  25"  au  point  de 
cuite  dans  la  troisième,  quand  cet  appareil  est  employé  seul. 
Lorsque ,  au  contraire  ,  on  se  sert  en  outre  des  serpentins 
condensateurs,  on  commence  par  rapprocher  le  jus  en  le 
faisant  couler  sur  ces  serpentins  qui  sont  chauffés  intérieure- 
ment par  la  vapeur  provenant  de  la  troisième  chaudière. 
L'action  de  Tair  sur  le  jus  et  le  grand  nombre  de  surfaces  de 
chauffe  accélèrent  l'opération. 

Tel  est  le  principe  de  l'appareil  à  quintuple  effet,  ainsi  ap- 
pelé par  suite  des  quatre  effets  successifs  de  la  vapeur  et  de 
l'effet  produit  par  l'air.  Nous  avons,  quant  à  nous,  grande 
confiance  en  l'appareil  à  triple  effet,  et  nous  sommes  parfai- 
tement convaincu  de  ses  excellents  résultats  au  point  de  vue 
économique;  mais  nous   ne  pensons  pas  que  l'addition  des 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  331 

serpentins  soit  heureuse.  Ce  système  de  serpentins  est  loin 
d'être  nouveau,  et  a  eu  quelque  succès  aux  colonies,  où  il 
économise  la  bagasse,  seul  combustible  dont  on  puisse  dispo- 
ser; mais  il  a  été  bientôt  abandonné,  le  cuivre  se  couvrant 
presque  inévitablement,  au  contact  de  l'air  et  des  sirops, 
d'une  certaine  quantité  de  vert-de-gris  qui,  passant  dans  le 
sucre,  lui  donnait  une  qualité  vénéneuse  des  plus  préjudi- 
ciables. En  outre,  nous  avons  peine  à  croire  que,  lorsque  l'o- 
pération est  bien  conduite  et  l'appareil  bien  fait ,  la  vapeur 
sortant  de  la  troisième  chauriière  soit  à  une  température  as- 
sez élevée  pour  produire  quelque  elfet.  surtout  dans  les  pays 
chauds. 

La  défécation,  pour  être  bien  faite,  exige  presque  toujours 
un  excès  de  chaux  qu'il  est  ensuite  très-difficile  d'éliminer. 
M.  Rousseau  a  imaginé  un  procédé  qui  consiste  à  faire  bar-- 
boter,  dans  le  jus  déféqué  et  filtré,  un  courant  d'acide  car- 
bonique qui  transforme  la  chaux  à  l'état  libre  en  carbonate 
de  chaux  insoluble  parfaitement  séparable.  C'est  l'appareil 
qui  sert  à  mettre  ce  procédé  en  pratique  qui  se  trouve  exposé 
sous  le  nom  d'appareil  Rousseau.  Quant  à  ra[)pareil  de 
M.  Shuzombach,  il  est  destiné  à  opérer  l'extraction  du  jus 
par  la  macération,  c'est-à-dire  au  moyen  d'un  lavage  métho- 
dique. Il  se  compose  d'une  série  de  bâches  étagées,  en  fonte, 
munies  de  robinets  de  vidange,  agitateurs,  tamis,  etc.,  et  com- 
muniquant ensemble.  La  pulpe  ou  les  cossettes,  placées  dans 
ces  vases,  se  trouvent  épuisées  par  l'eau  que  Ion  y  fait  cou- 
ler, et  qui  se  charge  de  plus  en  plus  de  matière  saccharine, 
jusqu'à  épuisement  à  peu  près  complet.  On  a  depuis  long- 
temps tenté  ce  mode  d'opération,  qui.  jusqu'ici,  n'avait  pas 
parfaitement  réussi,  le  liquide  fermentant  très-souvent,  par 
suite  de  son  contact  prolongé  avec  l'air.  On  dit  cependant 
beaucoup  de  bien  de  l'appareil  de  M.  Shuzembach  ,  encore 
tout  nouveau.  Il  ne  peut  d'ailleurs  présenter  le  même  incon- 
vénient dans  les  distilleries,  où  la  fermentation  rapide  du  jus 
ne  saurait  être  un  obstacle. 

La  maison  Cail  expose  encore  im  appareil  à  force  centri- 
fuge, pour  l'égouttage  et  le  clairçage,  construit  d'après  le 
système  breveté  de  MM.  Roîph,  Seyrig  et  Cie.  Nous  ne  sau- 
rions donner  trop  d'éloges  à  l'excellente  construction  de  tou- 
tes ces  machines. 


332  VISITE 

En  dehors  de  celle  exposilion,  on  Irouve,  dans  la  parlie 
française  :  un  appareil  évaporatoire  de  M.  Boutigny  fils,  con- 
struit d'après  le  même  principe  que  le  cône  de  Lembeck;  une 
énorme  chaudière  à  cuire  dans  le  vide,  de  M.  Légal,  d'un  bon 
travail  de  chaudronnerie,  mais  à  laquelle  se  Irouve  adaptée 
une  série  de  regards  dont  le  sens  nous  échappe.  M.  Numa 
Grar  a  envoyé  deux  appareils  conjugués  à  force  centrifuge  ; 
ce  sont  les  deux  premiers  appareils  de  cette  nature  con- 
struits en  France.  L'emplacement  de  M.  Decosler  renferme 
aussi  un  appareil  à  force  centrifuge  avec  application  de  son 
système  de  paliers  graisseurs.  Enfin,  M.  Le  Gavrian  expose 
un  appareil  à  force  centrifuge,  dit  turbine  à  pains,  destiné  à 
accélérer  le  travail  d'égouttage  et  de  clairçage  des  pains  au 
raffinage.  Nous  n'insisterons  pas  sur  celte  machine,  qu'il  suf- 
fit de  regarder  pour  la  comprendre. 

Dans  la  partie  étrangère,  on  trouve  :  en  Belgique,  l'appa- 
reil à  triple  effet,  l'appareil  Rousseau  et  une  chaudière  à 
cuire  dans  le  vide,  exposés  par  MM.  Gail,  Halot  et  Cie.  Ces 
machines  sont  bien  construites.  La  chaudière  à  cuire  est  sur- 
tout remarquable  comme  travail  de  chaudronnerie. 

La  maison  Van  Vlissingen  et  Dudok  .  Van  Heel  et  Derosne 
et  Cail,  d'Amsterdam,  expose  également  un  appareil  à  triple 
effet,  d'une  bonne  construction,  qui  ne  diffère  des  précédents 
que  par  quelques  modifications  de  détail  assez  insignifiantes. 

Enfin,  nous  trouvons,  dans  la  section  des  produits  delà 
galerie  du  quai  de  Billy,  un  appareil  à  triple  effet  de  M.  Heck- 
mann,  de  Berlin,  composé  de  trois  grandes  chaudières  en 
cuivre  rouge.  Cet  appareil  est  bien  travaillé,  mais  nous  ne 
pouvons  comprendre  cette  profusion  de  cuivre,  métal  beau- 
coup plus  cher  que  la  fonte,  qui  le  remplace  si  avantageuse- 
ment dans  les  appareils  de  M.  Cail. 

La  fabrication  de  l'alcool  de  betteraves,  indiquée,  comme 
chose  possible,  par  M.  Dubrunfaut,  dès  4825,  n'a  été  mise 
sérieusement  en  pratique  qu'en  1852,  époque  à  laquelle  le 
prix  élevé  des  alcools  de  vins  permit  aux  fabricants  d'obtenir 
avec  certitude  un  résultat  avantageux. 

Ce  fut  encore  M.  Dubrunfaut  qui  imagina  les  procédés  de 
fabrication,  et  parvint  à  les  faire  adopter  à  un  grand  nombre 
d'industriels.  Ce  savant  et  ingénieux  chimiste,  qui  a  rendu  à 
l'industrie  sucrière  de  si  grands  services,  particulièrement  en 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  333 

vulgarisant  les  procédés  d'utilisation  des  mélasses ,  tant  pour 
la  fabrication  de  l'alcool  que  pour  celle  du  sucre,  indiqua 
l'emploi  des  acides  pour  opérer  la  fermentation  directe  du  jus 
de  betteraves  sans  se  servir  de  levure  de  bière,  ou  en  n'em- 
ployant qu'une  dose  minime  de  cette  substance. 

Trois  procédés  principaux  sont  actuellement  usités  :  celui 
de  M.  Dubrunfaut  a  pour  but  d'employer  le  matériel  des  su- 
creries, tantôt  pour  l'extraction  du  sucre,  tantôt  pour  la  fabri- 
cation de  l'alcool,  en  traitant  le  jus  de  betterave  par  une 
petite  quantité  d'acide  sulfurique,  de  manière  à  utiliser  le 
ferment  contenu  dans  cette  racine.  C'est  la  transformation 
des  sucreries  en  fabriques  d'alcool. 

Le  procédé  de  M.  Champonnois  est  surtout  applicable  à 
l'exploitation  rurale.  Il  se  sert  d'un  système  de  macération 
particulier,  qui  consiste  à  épuiser  la  betterave,  divisée  par 
un  coupe-racines,  au  moyen  de  la  vinasse  même  de  l'opération 
précédente.  MM.  Cail  et  Cie  ont  exposé  un  modèle  d'en- 
semble de  distillerie  agricole  suivant  ce  procédé ,  modèle 
qui  en  donne  une  idée  parfaitement  exacte,  et  qui  permet  de 
comprendre  toute  l'économie  que  les  cultivateurs  peuvent 
apporter  dans  la  fabrication  de  l'alcool. 

M.  Leplay  a  voulu,  au  contraire,  constituer  des  établisse- 
ments industriels  spéciaux  et  exclusifs  pour  cette  fabrication. 
Son  système  consiste  dans  la  fermentation  et  la  distillation 
des  rubans  de  betteraves  en  nature,  sans  extraction  préalable 
de  jus  ;  la  fermentation  a  lieu  par  un  courant  de  vapeur  d'eau 
au  milieu  des  morceaux.  Ce  procédé  repose  donc  sur  la  con- 
centration de  l'alcool  dans  la  betterave  même,  d'où  on  l'extrait 
ensuite  par  la  distillation.  Le  modèle  de  distillerie  exposé  par 
MM.  Hurtrel  et  Cie  montre  très-bien  la  marche  des  opéra- 
lions. 

Quoique  plusieurs  moyens  aient  été  proposés  pour  opérer 
la  distillation  et  la  rectilication  proprement  dites,  la  plupart 
des  fabricants  s'en  tiennent  aux  colonnes  distillatoires  et  aux 
appareils  rectificateurs  de  Derosne  et  de  Laugier. 

MM.  Cail  et  Cie  présentent  des  cuves  de  macération 
en  tôle,  système  Champonnois,  pour  opérer  sur  12  000  kilog. 
de  betteraves  par  jour,  avec  les  tuyaux  et  robinets  néces- 
saires; un  petit  appareil  à  distiller,  système  continu  de 
(allier  Blumenthal,  perfectionné  par   Derosno,  pouvant  tra- 


334  VISITE 

vailler  12  000  litres  de  jus  par  vingt-quatre  heures;  un  autre 
appareil  du  même  système,  pour  le  travail  de  80  000  litres 
de  jus  dans  le  môme  temps;  enfin  un  appareil  de  rectification 
pouvant  produire  4  2  000  litres  d'alcool  rectifié. 

Dans  tous  ces  appareils,  d'un  travail  de  chaudronnerie 
très-soigné,  les  cylindres  en  cuivre  sont  assemblés  par  le  sys- 
tème ordinaire  de  brides  avec  pinces  en  fer,  usitées  en  pareil 
cas. 

L'appareil  de  M.  Egrot  fils,  destiné  aux  exploitations  agri- 
coles, est  disposé  de  manière  à  pouvoir  opérer  sur  des  ma- 
tières liquides  ou  semi-fluides.  Les  joints  sont  faits  au  moyen 
de  brides  en  laiton  assemblées  par  des  boulons  de  même 
métal.  Les  brides  en  fer  nous  eussent  paru  préférables,  tant 
à  cause  de  leur  prix  moins  élevé  que  de  la  résistance  plus 
grande  du  métal. 

Nous  trouvons  dans  l'appareil  de  Mme  veuve  Ducoudun  et 
Bardies  aîné,  quelques  perfectionnements  intéressants.  D'a- 
bord le  serpentin  destiné  à  conduire  les  vapeurs  alcooliques 
au  réfrigérant  est  vertical,  au  lieu  d'être  horizontal,  ce  qui 
présente  l'avantage  de  placer  les  tubes  de  retour  à  des  hau- 
teurs difiérentes  ,  d'obtenir  par  conséquent  les  vapeurs  à  dif- 
férentes températures,  et  de  faciliter  par  là  la  marche  de 
l'opération.  Cet  appareil  comporte,  en  outre,  un  système  par- 
ticulier de  joints,  consistant  en  un  collier  brisé,  en  fer,  en 
forme  de  pince,  embrassant  le  cuivre,  et  le  serrant  au  moyen 
de  deux  boulons.  Entre  le  fer  et  les  deux  épaisseurs  de  cui- 
vre, se  trouve  interposée  une  rondelle  de  caoutchouc,  des- 
tinée à  empêcher  complètement  le  passage  de  l'air.  En 
somme,  c'est  un  appareil  bien  entendu  et  bien  construit. 

M.  H.  Mouquet-Descamps  expose  un  appareil  de  distillation 
et  de  rectification  datis  lequel  on  remarque  le  serpentin  ver- 
tical comme  dans  l'appareil  précédent;  puis  une  modification 
assez  notable  dans  la  construction  des  plateaux  de  la  colonne 
évaporafoire,  modification  destinée  à  augmenter  les  surfaces 
de  contact;  enfin  la  suppression  de  l'enveloppe  du  réfrigérant 
et  quelques  autres  perfectionnements  de  détail.  Le  travail  de 
chaudronnerie  est  bien  entendu. 

La  colonne  distillatoireen  fonte,  de  M.Traxler,est,du  reste, 
en  tout  semblable  aux  colonnes  ordinaires  en  cuivre.  Cet  ap- 
pareil, fonctionnant  convenablement,  au  dire  de  l'inventeur, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  33o 

offre  d'assez  grands  avantages  économiques.  Il  a  été  fondu 
chez  MM.  Muel  Wahl  et  Cie,  avec  tout  le  soin  désirable. 

Seule  des  nations  étrangères ,  la  Belgique  nous  adresse 
quelques  appareils  de  distillerie;  ce  sont  le  condensateur  à 
colonne  continue  de  M.  de  Miilder,  de  Nivelles,  et  l'appareil 
de  M.  Delaltre,  de  Bruxelles,  distillant  75  000  litres  de  jus 
par  jour,  et  l'amenant  de  4"  à  28^.  L'un  et  l'autre  sont  d'un 
travail  ordinaire,  et  ils  ne  présentent  aucune  disposition  nou- 
velle importante. 

Typographie  et  imprimerie. 

Presses  typographiques. — Les  presses  typographiques  et 
lithographiques  abondent  à  l'Exposition.  Le  plus  grand  nombre 
des  premières  fonctionne,  les  unes  sans  rien  produire ,  les  au- 
tres fournissant  des  exemplaires  plus  ou  moins  nombreux 
d'ouvrages  divers. 

Disons  de  suite  qu'aucune  ne  présente  un  système  réelle- 
ment nouveau  ,  mais  que  toutes  se  distinguent  par  d'impor- 
tants perfectionnements  de  détails  et  une  remarquable  exécu- 
tion.'Si  aucune  n'atteint,  dans  les  ateliers  français  ,  l'énorme 
tirage  de  quelques  presses  anglaises  ou  américaines,  quelques- 
unes,  notamment  les  presses  dites  universelles  de  M.  Marinoni , 
donnent,  assure-t-on,  le  chiffre  très-raisonnable  de  6000  jour- 
naux à  l'heure. 

On  peut  diviser  en  deux  catégories  les  presses  mécaniques 
qui  fonctionnent  dans  l'exposition  française.  Les  presses  à 
cylindres ,  c'est-à-dire  celles  où  la  pression  est  exercée  par 
un  ou  plusieurs  cylindres  dont  la  circonférence  se  développe 
sur  la  forme,  et  celles  à  platiiie ,  où  la  pression  s'exerce  dans 
les  conditions  de  l'ancienne  presse  à  bras. 

M.  Dutartre  s'est  acquis,  depuis  longtemps,  une  réputation 
bien  méritée  dans  la  construction  des  premières,  qu'il  destine 
plus  spécialement  aux  ouvrages  de  luxe  comportant  des  vi- 
gnettes, qu'aux  tirages  rapides,  à  grand  nombre. 

L'une  de  celles  qu'il  expose  peut  tirer  deux  couleurs  à  la 
fois  sur  une  même  feuille  et  permettre,  par  conséquent,  un 
tirage  plus  rapide  des  aquarelles  typographiques  dont  la  mai- 
son P.  Dupont  exposait  de  magnifiques  spécimens  en  4849,  et 
que  M.  Pion  termine  devant  le  public  de  l'Exposition  avec  une 


336  VISITE 

presse  Marinoni ,  en  appliquant  la  dernière  teinte  sur  deux 
vues  du  Palais  de  l'Industrie, 

Après  ces  noms,  nous  pouvons  encore  citer  ,  comme  ayant 
fait  leurs  preuves,  pour  l'exécution  des  presses  à  grand  tirage, 
ceux  de  MM.  Normand  et  Giraudot. 

La  seconde  catégorie  ,  celle  des  presses  mécaniques  à  pla- 
tine, ne  peut  pas  lutter  avec  toutes  les  presses  à  cylindres 
quant  à  la  rapidité  du  tirage;  mais  elle  présente  sur  celles-ci 
l'avantage  de  ménager  le  caractère  par  la  simultanéité  de  la 
pression  sur  la  surface  entière  d'une  forme  dont  toutes  les  let- 
tres résistent  à  la  fois  ;  tandis  que,  dans  les  presses  à  cylindres, 
la  pression  ne  s'exerce  que  par  une  arête  de  ceux-ci,  et  n'est 
supportée  que  par  un  nombre  de  caractères  comparativement 
très-petit.  Aussi,  avant  les  presses  à  cylindres  de  M.  Dutar- 
tre,  considérait-on  comme  impossible  le  tirage  soigné  d'un 
ouvrage  à  vignettes,  autrement  qu'avec  la  presse  a  platine 
manœuvrée  à  la  main. 

Feu  Selligue  est  le  premier  qui ,  à  notre  connaissance  ,  ait 
songé  à  faire  marcher  mécaniquement  une  presse  à  platine. 
Celle  qu'il  exposait  en  1834  avait  pour  principe  le  levier  funi- 
culaire et  avait  beaucoup  d'analogie  avec  la  presse  monétaire 
qui,  dans  l'Annexe,  frappe  les  médailles commémoratives  de 
l'Exposition.  Ce  principe  a  été  particulièrement  appliqué  à  de 
nombreuses  presses  à  bras. 

Dans  la  presse  mécanique  à  platine  qu'expose  M.  P.  Du- 
pont, et  à  l'invention  de  laquelle  l'un  de  ses  conducteurs  de 
machines,  M.  Victor  Derniame,  a  pris  une  grande  part,  le  le- 
vier funiculaire  de  Selligue  est  réduit  à  une  seule  bielle  qui 
donne  la  pression  {réglée  à  volonté)  ,  lorsque  sa  direction 
coïncide  avec  celle  de  la  manivelle  motrice  de  la  ma- 
chine. 

M.  Derniame  a  fait  une  très-heureuse  application  de  cette 
condition  aussi  simple  qu'ingénieuse  à  une  jolie  petite  presse 
à  épreuves,  qui  épargne  à  la  fois  le  caractère,  le  temps  de 
l'ouvrier  et  qui  surtout  donne  des  épreuves  d'une  lisibilité 
parfaite. 

Nous  louerons  également  une  presse  à  bras  avec  toucheur 
mécanique  des  mêmes  inventeurs. 

De  nombreuses  tentatives  ont  été  faites  pour  obtenir  méca- 
niquement le  tirage  des  épreuves  lithographiques. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  337 

La  machine  imaginée  il  y  a  quelques  années  par  M.  Perrot, 
l'ingénieux  auteur  de  la  perroline  ,  aurait  très-probablement 
atteint  le  but  s'il  l'avait  confiée  à  des  mains  plus  soigneuses, 
si  ceux  qui  l'exploitaient  avaient  envisagé  les  résultats  qu'elle 
pouvait  donner  à  un  autre  point  de  vue  que  celui  du  tirage  le 
plus  nombreux  possible. 

Deux  presses  de  ce  genre  figurent  encore  dans  l'exposition 
de  M.  P.  Dupont.  Dans  l'une  d'elles,  due  à  la  coopération  de 
MM.  Dupont,  Daret  et  Carlier,  l'encrage  de  la  presse  se  fait  à 
la  main  et  permet  les  épreuves  les  plus  soignées,  la  machine 
à  vapeur  ne  déterminant  que  la  pression. 

Dans  l'autre,  à  l'invention  de  laquelle  ont  pris  part 
MM.  Vaté,  Huguet  et  Carlier,  l'encrage  et  le  mouillage  de  la 
pierre  se  font  mécaniquement. 

La  première  peut  tirer  600  exemplaires  par  jour  ;  la  seconde 
peut  atteindre  4000  feuilles. 

On  a  fait  de  nombreuses  tentatives  pour  tirer  mécanique- 
ment les  épreuves  de  planches  en  taille-douce  ,  et  nous  ne 
croyons  pas  qu'aucune  ait  franchement  réalisé  les  conditions 
de  la  pratique  industrielle. 

L'essuyage  de  la  planche  paraît  avoir  été  partout  la  pierre 
principale  d'achoppement. 

M.  Fontaine,  de  Marseille,  expose  une  presse  double  qui 
n'est  pas  complète  à  l'Exposition  ,  mais  dont  nous  avons  pu 
examiner  les  autres  conditions  dans  un  atelier  où  on  la  ter- 
mine. Le  dispositif  employé  pour  l'essuyage  nous  a  paru  aussi 
simple  qu'intelligemment  conçu,  et  nous  a  fait  concevoir  l'es- 
poir que  ce  problème  difficile  est  enfin  résolu. 

Parmi  les  nombreuses  presses  en  tout  genre  destinées  à  l'u- 
sage des  particuliers,  comme  presses  à  copier,  à  timbrer,  etc., 
qui  figurent  à  l'Exposition ,  nous  appellerons  particulière- 
ment l'attention  des  visiteurs  sur  les  produits  de  la  maison 
Lecoq,  qui  se  distingue  surtout  par  la  spécialité  des  appareils 
qui  permettent  le  contrôle  efficace  d'un  très-grand  nombre 
d'opérations  commerciales  ou  industrielles. 

Nous  citerons  d'abord  une  machine  destinée  au  numéro- 
tage mécanique,  et  par  conséquent  sans  erreur  possible,  des 
obligations  émises  par  les  compagnies  industrielles  ou  finan- 
cières, tant  sur  la  souche  que  sur  les  coupons  qu'on  en  doit 
détacher,  en  même  temps  qu'elle  y  appose  un  timbre  à  la  fois 
206  V 


338  VISITE 

sec  et  humide,  c'est-à-dire  réunissant  les  deux  conditions  du 
relief  en  blanc  et  de  la  couleur. 

Mais  ce  qui  nous  a  le  plus  intéressé ,  au  double  point  de 
vue  des  résultats  obtenus  et  du  mérite  remarquable  des  moyens 
employés ,  ce  sont  les  appareils  destinés  à  l'impression  et  au 
contrôle  des  billets  de  voyageurs  sur  les  chemins  de  fer. 

Beaucoup  de  ces  billets  représentent  une  valeur  assez  éle- 
vée, et  on  conçoit  la  sollicitude  des  administrations  pour  un 
service  aussi  important,  les  mesures  prises  pour  assurer  une 
prompte  et  régulière  distribution  ,  et  les  précautions  contre 
le  détournement,  la  contrefaçon  ou  la  falsification  de  ces 
billets. 

Dans  le  principe,  on  s'est  servi  et  on  se  sert  encore  ,  dans 
quelques  gares,  d'une  bande  de  papier  détachée  d'une  souche, 
portant  un  numéro  d'ordre,  la  désignation  de  la  classe  et  les 
noms  des  stations  de  départ  et  d'arrivée. 

A  ces  bandes  de  papier  on  a  substitué  des  billets  ou  petits 
carrés  de  carlon  imprimés  et  numérotés  en  feuilles  par  les 
procédés  typographiques,  puis  découpés  ensuite.  Alors,  comme 
avec  le  système  précédent,  les  erreurs  de  composition  étaient 
fréquentes  et  le  contrôle  fort  laborieux  sinon  impossible.  Mais 
c'était  déjà  un  progrès.  Le  prix  de  revient  de  ces  cartons  était 
de  5  fr.  50  c.  le  mille. 

Un  mécanicien  anglais,  M.  Edmondson,  eut  le  premier  l'i- 
dée d'une  machine  destinée  à  l'impression  et  au  numérotage 
successif  des  billets  découpés  à  l'avance.  Cette  machine  fut 
immédiatement  adoptée  même  sur  le  continent,  parce  qu'elle 
permettait,  dans  les  bureaux  mêmes  de  la  gare  ,  l'impression 
de  8  à  '10  000  billets  par  jour. 

La  France  ne  devait  pas  longtemps  rester,  sur  ce  point,  tri- 
butaire de  l'Angleterre.  M.  Lecoq  ,  remplaçant  ces  procédés 
insuffisants  par  une  intelligente  et  fort  jolie  machine  qui  figure 
à  l'Exposition,  a  donné  à  chaque  compagnie  les  moyens  d'im- 
primer elle-même  dans  ses  bureaux  les  billets  nécessaires  à 
sa  circulation. 

A  l'aide  de  cet  ingénieux  appareil,  les  cartons  de  billets,  dé- 
coupés à  l'avance  par  une  machine  spéciale,  sont  imprimés 
et  numérotés  simultanément,  à  la  vitesse  de  1 0  000  par  heure, 
soit  en  moyenne  70  000  par  jour,  par  une  seule  personne  et 
sans  fatigue.  Le  prix  de  l'impression  et  du  numérotage  s'est 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  339 

par  là  abaissé  à  2  fr.  3a  c.  le  mille  ;  économie  dont  on  com- 
prendra l'importance,  si  l'on  considère  que  beaucoup  de  com- 
pagnies consomment  annuellement  de  5  à  6  millions  de  billets. 
Ajoutons  que  leur  impression  comme  délicatesse  et  netteté  ne 
laisse  absolument  rien  à  désirer. 

Les  billets  une  fois  imprimés,  il  fallait  les  compter  et  véri- 
fier l'exactitude  du  numérotage.  L'ingénieur  anglais  pourvut 
à  ce  besoin  par  un  petit  appareil  qui  fut  d'abord  jogé  suffi- 
sant ,  mais  qui  aujourd'hui  ne  peut  soutenir  la  comparaison 
avec  celui  auquel  M.  Lecoq  a  confié  les  mêmes  fonctions.  Ce- 
lui-ci non-seulement  compte  et  vérifie  les  billets ,  mais  en- 
core applique,  sur  la  tranche  de  chacun,  une  portion  de  lettre 
ou  d'un  dessin  dont  l'ensemble  résulte  de  la  superposition 
régulière  des  billets  comptés  et  contrôlés,  et  qui,  tout  en  ren- 
dant un  compte  rigoureux  de  la  place  qu'occupait  chaque  bil- 
let dans  le  travail  du  numérotage,  permet  de  reconnaître  im- 
médiatement toute  soustraction  ou  substitution  de  billets.  Le 
produit  de  cet  appareil  est  double  de  celui  de  la  machine  à 
imprimer,  soit  i  30  à  140  000  billets  par  jour. 

Après  l'impression  ,  le  numérotage  et  le  contrôle  rigoureux 
des  billets  vient  l'opération  la  plus  délicate  du  service; 
nous  voulons  parler  de  la  distribution  des  billets  aux  voya- 
geurs ,  distribution  qui  doit  être  instantanément  précédée  de 
l'application,  sur  chaque  billet,  de  la  date  du  jour  et  du  nu- 
méro du  train  en  partance.  Il  ne  s'agit  rien  moins  que  de  da- 
ter et  distribuer,  en  quelques  minutes,  plusieurs  centaines  et 
quelquefois  un  millier  de  billets.  M.  Lecoq  y  a  pourvu  au 
moyen  d'appareils  qui  peuvent  dater  jusqu'à  1800  billets  en 
iO  minutes,  avec  la  même  délicatesse  de  lignes  que  le  fait  sa 
machine  à  imprimer. 

Comme  tous  les  appareils  typographiques,  celui-ci  exige  des 
soins  particuliers  de  nettoyage  ,  faute  desquels  tout  leur  mé- 
rite disparaît,  il  laissait  donc  à  désirer  sous  ce  rapport,  puis- 
qu'on ne  pouvait  pas  le  confier  aux  mains  du  premier 
venu. 

Tout  récemment ,  M.  Lecoq  y  a  pourvu  au  moyen  d'un 
autre  appareil  qui,  avec  une  rapidité  au  moins  égale  ,  appli- 
que en  creux,  dans  le  corps  même  du  billet,  à  l'aide  de  carac- 
tères tranchants,  une  impression  aussi  distincte  que  celle  de 
ses  premières  machines.  L'administration  y  trouve  encore  uue 


340  VISITE 

nouvelle  et  plus  sérieuse  garantie  contre  la  falsification  ou  la 
contrefaçon  des  billets. 

Enfin  nous  terminerons  cette  revue  rapide  de  l'exposition 
de  M.  Lecoq  par  l'indication  d'une  autre  machine  non  moins 
ingénieuse,  au  moyen  de  laquelle  il  frappe  en  creux  ,  sur  de 
petits  blocs  de  métal,  les  caractères  qui ,  dans  l'impression 
des  billets,  apparaissent  en  blanc  sur  fond  coloré. 

Les  machines  de  la  Prusse  et  de  l'Angleterre  n'atteignent 
pas  le  même  degré  de  perfection. 

Fonderie  de  caractères.  —  La  fonte  des  caractères  typogra- 
phiques paraît  tendre  à  sortir  enfin  des  habitudes  de  la  rou- 
tine,  où  elle  semblait  retombée  après  le  gigantesque,  mais 
presque  stérile  effort  de  la  fonderie  polyamatype. 

L'Exposition  nous  offre  plusieurs  appareils  destinés  à  fon- 
dre mécaniquement  les  caractères.  Celui  qui ,  en  France ,  pa- 
raît l'emporter  quant  à  présent,  est  celui  de  M.  Derriey  ,  qui 
conserve  le  moule  traditionnel ,  dans  lequel  un  piston  injecte 
la  matière  en  fusion.  On  paraît  reprocher  à  l'emploi  de  ce 
moule  l'inconvénient  de  ne  pas  se  débarrasser  de  lui-même 
des  portions  de  métal  qui ,  sous  la  pression  du  jet ,  se  logent 
dans  les  joints  ;  ce  qui  diminuerait  la  rapidité  de  la  fonte  en 
obligeant  l'ouvrier  à  un  nettoyage  fréquent. 

Ce  reproche  ne  peut  pas  s'adresser  à  l'appareil  de  M.  John- 
son de  Londres,  qui  fonctionne  dans  l'Annexe,  parce  que 
toutes  les  pièces  qui  forment  le  moule,  se  séparent  complète- 
ment quand  la  lettre  est  fondue,  et  se  nettoient  d'elles-mêmes 
dans  leur  mouvement  de  séparation. 

M  Derriey  est  également  l'inventeur  d'appareils  pour  cou- 
per les  filets  d'après  des  angles  variés,  pour  former  des  figures 
diverses,  notamment  dans  les  encadrements  ornés.  On  lui 
doit  également  l'invention  de  cadrais  cambrés  permettant 
l'exécution  de  figures  rondes  ,  ovales  et  serpentées,  de  toutes 
grandeurs ,  qui  offrent  d'utiles  ressources  à  la  typographie- 
"^  Nous  si'^nalerons  également,  comme  très-ingénieuses ,  les 
machines ''de  MM.  Melin  et  Doré,  au  moyen  desquelles  les 
vieilles  interlignes  sont  converties  très-rapidement  en  espaces 
de  tous  les  corps.  Leur  appareil  permet  aussi  l'exécution  ra- 
pide des  onglets  de  tous  les  angles  et  des  filets  dits  systé- 
matiques. 

Enfin  ,  M.  Cardon,  de  Troyes,  expose  une  machine  qui  a 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  U\ 

pour  but  la  fabrication  de  caractères  dont  la  tige  est  en  métal 
typographique ,  mais  dont  l'œil  est  en  laiton.  La  machine  ne 
fonctionne  pas,  et  c'est  la  vue  seule  des  caractères  exposés 
qui  nous  a  renseigné  sur  son  but,  le  Catalogue  désignant 
l'exposition  de  M.  Gardon  sous  le  nom  de  presse  d'impri- 
merie. 

Composition  mécanique  des  caractères  typographiques.  — 
Les  premières  tentatives  pour  produire  mécaniquement  la 
composition  des  caractères  typographiques  paraissent  remon- 
ter, du  moins  pour  la  France,  à  une  quinzaine  d'années. 

On  sait  que,  dans  les  conditions  ordinaires,  cette  opération 
consiste  à  prendre  un  à  un ,  avec  la  main ,  ces  mêmes  carac- 
tères placés  dans  des  boîtes  appelées  cassetins ,  à  les  ranger 
côte  à  côte  dans  une  espèce  d'équerre  en  fer  nommée  compos- 
teur ;  puis,  lorsque  cette  équerre  est  remplie  entre  les  deux 
talons  qui  limitent  la  ligne,  à  lajwsfi^er,  c'est-à-dire  à  lui  don- 
ner sa  longueur  précise  en  augmentant  ou  diminuant  réguliè- 
rement l'écartement  des  mots  ,  au  moyen  de  petits  paralléli- 
pipèdes  moins  hauts  que  les  caractères  et  qu'on  appelle  des 
espaces.  Les  lignes  sont  successivement  placées  les  unes  à 
côté  des  autres  sur  une  galée ,  espèce  de  cadre  à  rebords  où 
elles  finissent  par  former  des  pages  qu'on  dispose  ensuite 
dans  un  châssis  de  fer,  où  elles  sont  fortement  serrées,  de 
manière  à  ne  former  qu'un  bloc  de  toutes  les  nombreuses 
pièces  qui  composent  cet  ensemble  qui  prend  alors  le  nom  de 
forme. 

En  1842,  M.  le  baron  Séguier  rendait  compte,  à  l'Académie 
des  sciences,  de  l'invention  de  M.  Gaubert,  qui  faisait  alors 
grand  bruit  et  dont  on  ne  parle  plus  aujourd'hui. 

D'après  le  rapport ,  l'opération  s'exécutait  au  moyen  de 
deux  machines,  la  première  appelée  distributeuse,  la  seconde 
composeuse. 

Les  fonctions  de  la  distributeuse  consistaient  à  séparer  tous 
les  caractères  d'une  forme ,  et  à  classer  tous  ceux  de  même 
espèce  dans  les  conditions  qui  permettaient  à  la  composeuse 
d'en  faire  une  nouvelle  forme.  Jetés  pêle-mêle  sur  un  plan  in- 
cliné garni  de  canaux,  ces  caractères  arrivaient  à  un  organe 
formé  de  plusieurs  aiguilles  qui ,  s'appuyant  sur  chacun 
d'eux,  exploraient  toute  la  surface  qui  leur  était  présentée  , 
en  s'enfonçant  dans  des  crans  qui  servaient  à  distinguer 


842  VISITE 

chaque  caractère.  Si  celui-ci  se  présentait  convenablement , 
c'est-à-dire  sur  le  côté  où  les  crans  désignaient  son  espèce  , 
il  était  immédiatement  conduit  à  son  récipient  spécial  et  placé 
dans  la  position  exigée  par  la  composeuse.  Si,  au  contraire,  il 
se  présentait  dans  une  position  anormale,  les  aiguilles,  qui  ne 
rencontraient  qu'un  cran  dit  de  retournement ,  l'envoyaient 
sous  d'autres  organes  qui  le  retournaient  et  le  conduisaient  à 
sa  destination. 

Les  caractères ,  convenablement  disposés  par  la  distribu- 
teuse,  étaient  placés  sur  la  composeuse.  Un  clavier  ,  dont  les 
touches  correspondaient  à  un  récipient  spécial,  en  faisait  sortir 
les  caractères  un  à  un  lorsque  cette  touche  était  attaquée  par 
le  doigt ,  et  chacun  allait  prendre  le  rang  qui  lui  était  assigné 
par  l'ordre  même  dans  lequel  les  touches  étaient  attaquées. 

La  composeuse  de  M.  Delcambre,  qui  figure  dans  la  nef, 
réalise  les  diverses  conditions  que  nous  venons  d'énumérer. 
Elle  avait  déjà  paru  aux  expositions  de  1844  et  de  1849. 

La  distributeuse  exige  la  lecture  des  paquets  à  distribuer , 
■qu'une  pédale  promène  au-dessus  d'une  rangée  de  rainures 
dans  chacune  desquelles  l'ouvrier  fait  tomber  le  caractère  qui 
•lui  est  attribué. 

Si  nous  sommes  bien  renseigné ,  ces  deux  appareils  ne 
fonctionnent  encore  que  dans  l'imprimerie  de  M.  Delcambre. 

Ses  machines  rencontrent  une  sérieuse  concurrence  dans 
l'appareil  simultanément  compositeur  et  distributeur  exposé 
par  M.  Sorensen,  de  Copenhague.  A  la  vérité,  il  exige,  comme 
l'appareil  Gaubert,  des  caractères  de  formes  spéciales,  c'est- 
à-dire  comportant  des  crans  dont  le  nombre  et  la  position 
différencient  chacun  d'eux.  Tous  ont  cependant  en  commun  un 
cran  en  queue  d'aronde  placé  à  la  même  hauteur. 

L'ensemble  extérieur  de  l'appareil  est  un  cylindre  vertical 
formé  de  l'assemblage  de  tiges  de  cuivre,  correspondant,  en 
nombre,  à  celui  des  caractères  et  laissant  entre  elles  un  cer- 
tain espace. 

Le  cylindre  se  compose  de  deux  parties  dont  la  supérieure 
est  mobile  et  tourne  sur  la  partie  inférieure,  au  moyen  d'une 
pédale  dont  les  conditions  sont  telles  que,  dans  le  mouvement 
de  rotation,  le  cylindre  supérieur  s'arrête  un  instant,  à  cha- 
que coïncidence  de  ses  rainures  verticales  avec  celles  du 
cvlindre  inférieur. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  343 

La  «composition  à  distribuer  est  placée  dans  les  rainures  du 
cylindre  vertical,  dont  une  des  faces  porte  une  languette  à 
queue  d'aronde  qui  se  loge  dans  le  cran  de  même  forme  pra- 
tiquée sur  le  corps  du  caractère.  Celte  même  languette  règne 
sur  toute  la  longueur  de  chaque  rainure  du  cylindre  infé- 
rieur. Mais  l'entrée  de  ces  rainures  porte  une  cjarde  analogue 
à  celle  des  serrures,  c'est-à-dire  qu'elle  est  découpée  de  ma- 
nière que  ses  saillies  correspondent  exactement  aux  crans 
de  l'un  des  caractères  employés,  de  sorte  que  ce  caractère 
seul  peut  s'y  introduire  lorsqu'il  passe  sur  cette  garde,  dans 
le  mouvement  périodique  du  cylindre  supérieur,  et  que  chaque 
caractère  trouve  dans  ce  même  mouvement  la  rainure  qui  lui 
est  propre. 

Supposons  maintenant  le  cylindre  inférieur  convenable- 
ment garni  de  caractères  occupant  leur  rainure  spéciale, 
et  le  cylindre  supérieur  chargé  de  caractères  à  distribuer.  Le 
compositeurseplace  devant  un  clavier  disposé  au  bas  de  l'ap- 
pareil ,  et  ses  doigts  appuyant  successivement  sur  les  touches 
correspondant  chacune  à  un  caractère  spécial,  font  sortir  ce- 
lui-ci de  sa  rainure  d'où  il  s'engage  dans  un  canal  qui  le 
mène  à  un  grand  composteur ,  où  ,  comme  dans  les  appareils 
précédemment  décrits,  il  occupe  le  rang  que  lui  ont  assigné 
les  doigts  du  compositeur  qui,  manœuvrant  en  même  temps 
sa  pédale,  opère  la  distribution  des  caractères  placés  au  haut 
du  cylindre. 

Les  caractères  qui  servent  à  l'Exposition,  au  fonctionnement 
de  cet  appareil  sont  loin  d'être  neufs,  et  nous  avons  pu  lire, 
sur  une  ligne  qu'ils  formaient,  qu'ils  proviennent  de  l'impri- 
merie du  Journal  de  Copenhague,  le  Fœdrelander,  où  fonc- 
tionne la  machine  de  M.  Sorensen. 

De  même  que  les  deux  autres  machines  que  nous  avons  déci  i- 
tes,  celle-ci  présente  l'inconvénient  sérieux  d\mQjustipcation 
manuelle  ,  ce  qui  atténue  notablement  les  avantages  qu'elles 
présentent  au  point  de  vue  de  la  rapidité  de  la  composition. 

Machine  à  imprimer  les  tisms.  —  Parmi  les  machines  à  in:- 
primer  les  tissus,  nous  appellerons  particulièrement  l'atten- 
tion des  visiteurs  de  l'Exposition  sur  celle  de  MM.  André 
Kœchlin  et  Cie,  de  Mulhouse,  parce  qu'elle  est  le  type  de 
celles  qu'on  emploie  généralement  dans  les  fabriques  d'Al- 
sace. Elle  peut  imprimer  simultanément  quatre  couleurs. 


344  VISITE 

La  netteté  de  l'impression  dépend  en  grande  partie  de  la 
perfection  avec  laquelle  on  construit  cette  espèce  de  machine, 
dont  la  solidité  est  une  condition  essentielle,  surtout  en  ce  qui 
concerne  les  points  d'appui  des  cylindres  gravés  qui  exercent 
chacun  une  pression  indépendante  de  celle  des  trois  autres. 
Cette  disposition  a  été  pour  beaucoup  dans  le  succès  de  la 
machine  ,  qui  diffère  encore  des  divers  systèmes  employés  en 
France  et  en  Angleterre  par  les  conditions  au  moyen  des- 
quelles sont  commandés  les  cylindres. 

Au  lieu  de  placer  les  roues  dentées  sur  les  axes  mêmes  des 
cylindres,  MM.  A.  Kœchlin  et  Cie  ont  préféré  placer  celles-ci 
sur  des  arbres  de  rallonge  qui  portent  chacun  une  boîte 
d'emmanchement.  Ce  dispositif  permet  de  donner  aux  roues 
un  grand  diamètre,  et  par  conséquent  de  trouver  plus  facile- 
ment le  rapport  exact  à  établir  entre  les  diflerents  dessins 
gravés  sur  les  quatre  cylindres.  Ces  arbres  de  rallonge  sont 
placés  dans  un  bâti  spécial  où  sont  disposées  deux  poulies 
motrices  fixe  et  folle  qui ,  au  moyen  de  deux  courroies,  peu- 
vent transformer  la  rotation  uniforme  de  4  50  tours  par  mi- 
nute, qu'elles  reçoivent  du  moteur,  en  deux  vitesses  diffé- 
rentes. Deux  manchons  de  débrayage  permettent  en  outre 
deux  autres  vitesses.  Il  résulte  de  cette  disposition  que  l'on 
peut,  pendant  la  marche  même  de  la  machine,  lui  donner 
l'une  ou  l'autre  des  quatre  vitesses  dont  ce  mécanisme  per- 
met de  disposer. 

Ce  n'est  que  comme  spécimen  d'application  directe  du  mo- 
teur à  la  machine  que  MM.  Kœchlin  y  ont  joint  une  petite 
machine  à  vapeur  d'une  simplicité  remarquable  et  dont  ils  se 
seraient  probablement  passé  si ,  au  moment  du  montage,  ils 
avaient  été  bien  certains  de  pouvoir  disposer  à  leur  gré  de  la 
force  et  de  la  vitesse  qui  leur  étaient  nécessaires. 

La  machine  exposée  a  fonctionné  à  l'Exposition  en  impri- 
mant deux  couleurs  seulement,  parce  que  l'emplacement 
qu'elle  occupe  eût  rendu  difficile  l'impression  à  quatre  cou- 
leurs. Mais  pendant  le  peu  de  temps  qu'elle  a  travaillé  pres- 
que incognito,  attendu  le  peu  de  bruit  qu'elle  fait,  elle  a  im- 
primé 3(ï  000  mètres  de  calicot  et  de  jaconas  appartenant  à 
MM.  Dolfus-Mieg  ,  qui  ont  également  fourni  les  imprimeurs  , 
les  couleurs  et  les  cylindres  gravés. 

On  concevra   sans    peine  qu'une   machine  qui   imprime 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  345 

3000  mètres  en  douze  heures  ne  fonctionne  pas  tous  les  jours, 
ni  du  matin  au  soir,  à  l'Exposition,  d'autant  plus  que  les  pro- 
duits qu'elle  y  donne  ne  pouvant,  faute  d'étuves,  y  être  sè- 
ches à  mesure  de  leur  confection ,  sont  fabriqués  en  pure 
perte. 

MM.  Doifus-Mieg  possèdent,  à  Dornach,  près  de  Mulhouse, 
douze  machines  du  même  système  que  celle  dont  nous  nous 
occupons.  Lorsque  ces  douze  machines  fonctionnent ,  elles 
peuvent  imprimer  par  jour  60  kilomètres  de  tissus. 

Machines  à  sculpter. 

A  l'extrémité  ouest  de  l'Annexe  fonctionnent  deux  machines 
autour  desquelles  s'empressent  les  visiteurs  que  n'a  pas  re- 
butés une  promenade  de  1200  mètres.  Ce  sont  les  machines  à 
sculpter  de  M.  Blanchard,  de  Boston. 

L'une  d'elles  produit,  sur  marbre,  des  bustes;  l'autre  ,  des 
médaillons  de  même  matière.  Dans  toutes  deux,  le  modèle  en 
bronze  reçoit  un  mouvement  de  rotation  que  la  machine  im- 
prime également  au  morceau  de  marbre  à  travailler,  de  ma- 
nière que  tous  deux  font  leur  révolution  exactement  dans  le 
même  temps.  Un  système  de  leviers  équilibrés  porte  sur  un 
point  une  touche  ou  pointe  mousse  qui  repose  sur  le  modèle, 
et,  sur  un  autre  point,  une  espèce  de  foret  tournant  avec  une 
grande  rapidité.  Les  leviers  sont  tellement  combinés  que 
chaque  mouvement  de  la  touche  est  reproduit  par  le  foret , 
mais  diminué  de  grandeur.  Supposons-les  réduits  au  quart. 
Si  l'on  fait  tourner  le  modèle  et  le  morceau  de  marbre,  toutes 
les  saillies  que  la  touche  rencontrera  la  soulèveront;  elle 
s'abaissera  quand  elle  se  trouvera  sur  une  dépression.  Or, 
comme  tous  les  mouvements  de  la  touche  sont  répétés,  mais 
réduits  au  quart,  par  le  foret,  celui-ci  pénétrera  tantôt  plus, 
tantôt  moins  dans  le  marbre,  et  laissera,  sous  sa  trace,  les 
mêmes  saillies  et  les  mêmes  dépressions  que  la  touche  aura  ren- 
contrées sur  le  modèle  ;  et,  comme  à  chaque  tour  de  celui-ci, 
tout  le  système  de  leviers  s'est  déplacé  d'une  petite  quantité, 
de  manière  que  la  touche  et  le  foret  décrivent  une  spirale  au- 
tour du  modèle  et  du  marbre,  le  résultat  final  est  la  repro- 
duction ,  au  quart,  sur  le  marbre,  du  modèle  en  bronze. 

Nous  ne  pouvons  partager  l'admiration  que  cause  cette  ma- 


346  VISITE 

chine  aux  visiteurs  de  l'Exposition,  parce  que  nous  savons  de 
insu  que  nous  avons  beaucoup  mieux  en  France. 

Les  machines  de  M.  Collas ,  dont  l'exposition  de  M.  Bar- 
bedienne  montre  les  magnifiques  produits,  sont  assurément 
plus  exactes  dans  leurs  résultats  parce  qu'elles  sont  beaucoup 
moins  compliquées,  et  ne  comportent  qu'un  très-petit  nombre 
d'articulations  d'une  précision  et  d'une  délicatesse  infinies. 
Ajoutons  que  pour  travailler  le  marbre  et  même  l'acier  (car  il 
reproduit  jusqu'aux  coins  des  médailles),  le  modèle  peut  n'être 
qu'un  plâtre  à  peine  effleuré  par  la  touche.  L'exposition 
de  M.  Sauvage  prouve  également  que  les  machines  à  sculp- 
ter françaises  n'ont  rien  à  redouter  de  la  concurrence  amé- 
ricaine. 

A  cette  occasion,  nous  croyons  devoir  rectifier  une  erreur 
qui  s'est  beaucoup  propagée  depuis  l'ouverture  de  l'Exposi- 
tion. On  attribue  aux  seules  machines  de  M.  Sauvage  la  pro- 
priété d'exécuter  directement  les  rondes  bosses,  et  Ton  pré- 
tend que  M.  Collas  est  obligé  de  découper  son  modèle  en 
fragments  assez  petits  pour  être  disposés  sur  ses  machines  à 
l'état  de  bas-relief.  Ces  conditions  étaient  effectivement  celles 
qu'appliquait  M.  Collas  il  y  a  une  vingtaine  d'années;  mais 
nous  pouvons  affirmer  que,  depuis  plus  de  quinze  ans,  il  ob- 
tient directement  les  rondes  bosses  qu'il  exécute  entièrement 
d'une  seule  pièce,  lorsque  les  formes  s'y  prêtent,  les  bustes, 
par  exemple,  ou  par  tronçons,  lorsqu'un  membre  de  la  statue 
ou  une  draperie  s'interpose  entre  la  touche  et  une  autre  por- 
tion de  la  pièce  à  reproduire. 

Il  n'est  pas  plus  vrai,  comme  on  le  prétend  encore,  que  les 
machines  de  M.  Sauvage  n'exigent  aucune  section  du  modèle 
ou  de  la  copie  ;  les  nombreux  joints  qu'on  peut  constater  dans 
les  pièces  de  son  exposition  y  donnent  le  démenti  le  plus 
formel. 

Enfin,  et  comme  dernière  rectification  d'assertions  sans 
fondement,  nous  dirons  que,  comme  celles  de  M.  Sauvage,  les 
machines  de  M.  Collas  peuvent  donner  des  copies  plus  grandes 
que  le  modèle,  parce  que,  comme  lui,  il  n'a  qu'à  mettre  l'un 
à  la  place  de  l'autre  ,  et  qu'en  outre,  ce  que  ne  ferait  peut- 
être  pas  M.  Sauvage,  il  peut  donner  à  ses  produits  les  dimen- 
sions exactes  de  l'original. 

Nous  n'avons  pas  vu  les  machines  de  M.  Sauvage,  mais 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  347 

nous  avons  trop  bien  étudié  celles  de  M.  Collas  pour  croire 
qu'elles  puissent  être  surpassées  en  précision. 

Machines  diverses. 

Le  travail  du  cuir  se  trouve  représenté  par  les  machines  à 
refendre  de  M.  Salomé  et  de  M.  Schuloff ,  destinées  à  faire,  par 
une  espèce  de  dédoublage,  avec  des  peaux  de  vaches,  des 
cuirs  fins  à  l'usage  de  la  carrosserie  et  d'autres  industries  ana- 
logues; par  les  machines  à  rebrousser  de  MM.  Rabatti  et  Ret- 
tiget  de  M.  Chaumont,  qui  opèrent  mécaniquement  le  travail 
jusqu'ici  si  pénible  du  rebroussage  ,  enfin  par  la  machine  à  re- 
battre de  M.  Bérendorf,  travail  destiné  à  augmenter  la  sou- 
plesse du  cuir. 

L'éjarreuse  de  M.  Chaumont  a  pour  but  de  préparer  le  poil 
de  lapin  propre  au  feutrage. 

La  peau  est,  en  effet,  couverte  do  deux  espèces  de  poils,  l'un 
très-fin  et  ayant  au  plus  haut  degré  la  qualité  feutrante ,  l'au- 
tre gros  et  se  refusant  complètement  à  ce  travail.  C'est  ce  der- 
nier qu'il  s'agit  d'éliminer;  M.  Chaumont  y  arrive  en  soumet- 
tant le  poil  à  deux  lames  marchant  en  sens  contraire  et  se 
rapprochant  assez  pour  enlever  les  gros  poils,  tandis  que  les 
plus  lins  passent  dans  lintervalle. 

Pour  les  préparations  du  papier,  nous  avons  deux  piles  à 
triturer  les  chiffons,  l'une  à  AL  Gratiot,  l'autre  à  M.  Vormz. 
Toutes  deux  sont  fondues  d'une  seule  pièce,  et  sont  exposées 
uniquement  comme  travail  de  fonderie. 

La  machine  à  papier  de  M.  Lhuillier  est  extrêmement  inté- 
ressante comme  spécimen  remarquablement  exécuté  d'une  de 
nos  industries  nationales.  Elle  ne  présente  pas,  du  reste,  dans 
sa  construction,  de  caractère  spécial.  On  sait  que  cette  ma- 
chine, à  laquelle  est  livrée  la  pâte,  fournit  à  l'autre  extrémité 
des  rouleaux  de  papier  entièrement  terminé. 

Nous  terminerons  cette  revue  par  l'indication  des  machines 
employées  dans  la  fabrication  du  chocolat. 

M.  Hermann  en  expose  une  série  complète  qu'accompa- 
gnent des  machines  à  broyer  pour  les  substances  pharmaceu- 
tiques et  pour  les  produits  vénéneux. 

Mais  c'est  surtout  dans  l'exposition  de  M.  Devinck  que  nous 
trouverons  des  machines  ingénieuses  qui  pèsent,  moulent  et 


348  VISITE 

transportent  les  tablettes  de  chocolat  à  un  autre  appareil  qui 
les  enveloppe  absolument  comme  le  ferait  l'ouvrière  la  plus 
habile. 

M.  Devinck  se  plaît  à  reconnaître  qu'une  grande  partie  de 
ces  inventions  est  due  à  son  contre-maître,  M,  A.  Daupley. 


CLASSE  VIL 

Mécanique  spéciale  et  matériel  des  manufactures  de  tissus. 

La  septième  classe  comprend  toutes  les  machines  spéciale- 
ment destinées  à  la  filature  et  au  tissage,  c'est-à-dire  à  la 
transformation  en  fils  des  matières  premières,  connues  sous 
la  dénomination  générique  de  matières  filamenteuses,  et  à  la 
transformation  de  ces  fils  en  tissus  de  toute  espèce,  unis  ou 
façonnés. 

Avant  de  nous  occuper  de  ces  machines,  qu'il  nous  soit 
permis  de  rappeler  en  quelques  mots  l'origine  de  ces  deux 
industries  au  point  de  vue  mécanique.  La  filature  automa- 
tique, dont  les  procédés  ont  acquis  aujourd'hui  un  si  haut 
degré  de  perfection,  est  cependant  une  industrie  assez  récente. 
Ainsi  que  le  dit  M.  Alcan  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Essai  sur 
les  maliéres  textiles,  ce  ne  fut  qu'en  4760  que  les  Anglais, 
voyant  l'accroissement  que  prenait  leur  commerce  d'étoffes, 
tant  avec  les  pays  voisins  qu'avec  les  colonies  américaines, 
sentirent  le  besoin  de  produire  un  plus  grand  nombre  de  fils 
et  cherchèrent  à  construire  une  machine  qui,  mue  par  un  seul 
ouvrier,  en  produisît  plusieurs  à  la  fois,  résultat  que  le  rouet, 
jusque-là  seul  en  usage,  ne  permettait  pas  d'obtenir.  C'est 
alors  que  fut  imaginé  le  célèbre  métier  appelé  Jenny  ou  Jean- 
nette, qui,  perfectionné  peu  à  peu,  nous  donne  aujourd'hui 
le  métier  MulUJenny  self  acting  opérant  d'une  manière  en- 
tièrement automatique  l'étirage,  la  torsion  et  le  renvidage 
du  fil.  Le  grand  nombre  de  produits  que  l'on  put  obtenir  né- 
cessita bientôt  des  perfectionnements  analogues  dans  les  ma- 
chines à  préparer.  On  remplaça  donc,  pour  le  cardage  et  les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  349 

autres  opérations  préliminaires,  le  travail  à  la  main  par  le 
travail  mécanique  et  la  filature  automatique  fut  inventée. 

Le  manque  de  fils  avait,  comme  nous  l'avons  dit,  nécessité 
ces  différents  perfectionnements.  La  grande  quantité  de  fils 
qu'ils  permirent  de  produire  fit  chercher  les  moyens  de  les 
employer,  et  l'on  substitua,  pour  les  étoffes  unies,  les  mé- 
tiers à  tisser  mécaniques  aux  métiers  ordinaires.  Ce  fut  encore 
en  Angleterre  que  cette  industrie  prit  naissance. 

Le  tissage  façonné,  au  contraire,  tel  qu'il  se  pratique  au- 
jourd'hui,  est  d'origine  toute  française,  et  les  travaux  de 
Vaucanson  et  de  Jacquard  sont  assez  récents  pour  qu'il  soit 
inutile  de  les  rappeler. 

Ces  préliminaires  une  fois  posés,  commençons  la  revue  des 
machines  de  la  filature  et  du  tissage  exposées  par  les  différents 
pays,  en  suivant  l'ordre  de  la  classification  générale. 

Les  peignes,  les  cardes,  les  rots,  les  semples,  les  canettes, 
bobines,  broches,  etc.,  sont  disséminés  dans  tous  les  points  du 
Palais. 

Ainsi,  tandis  que  pour  la  France,  une  partie  de  ces  produits 
est  au  palais  principal ,  et  l'autre  à  l'Annexe,  dans  la  galerie 
des  machines,  l'Angleterre,  la  Belgique,  les  ont  placés  tous 
avec  leurs  machines,  et  la  Prusse  dans  la  section  des  produits 
de  la  galerie  du  quai.  Du  reste  ces  éléments,  qu'il  est  im- 
possible de  faire  fonctionner,  sont  difficiles  à  juger  et  nous 
nous  bornerons  ici  à  citer  quelques  noms,  qui  ont  acquis  à 
bon  droit  une  grande  célébrité  industrielle  et  commerciale. 
Tels  sont  pour  la  France  MM.  Scrive  frères  et  Miroude, 
dont  les  importantes  fabriques  de  rubans  de  cardes  fournis- 
sent la  plus  grande  partie  de  nos  établissements  de  filature; 
MM.  G.  Peugeot  et  Cie,  fabricants  de  cylindres  cannelés  et  de 
pression,  broches,  plates-bandes  pour  métiers,  bouc'nons, 
crapaudines  et  appareils  de  transmission  par  engrenages  pour 
donner  le  mouvement  aux  broches;  et  M.  Fleury,  fabricant  de 
cylindres  de  pression. 

Il  y  a  en  outre  un  grand  nombre  de  peignes  à  lin,  peignes 
à  tisser,  rots,  broches,  etc. 

Dans  l'exposition  étrangère,  nous  avons  remarqué  en 
Prusse  des  rubans  de  cardes  bien  travaillés,  et  nous  citerons 
comme  fabrication  nouvelle  ceux  de  M.  Risler,  d'Aix-la-Cha- 
pelle, dans  lesquels  le  cuir  est  remplacé  par  une  bande  de 


3o0  VISITE 

caoutchouc  vulcanisé;  l'Angleterre  a  envoyé  aussi  un  grand 
nombre  d'éléments  de  filature,  parmi  lesquels  des  rubans  de 
cardes  de  M.  W.  Horsfall,  de  Manchester,  dont  les  pointes 
sont  montées  sur  un  fort  tissu  de  lin  ;  l'un  de  ces  rubans  a  tra- 
vaillé pendant  treize  ans  dans  la  filature  de  M.  Feray  à  Es- 
sonnes,  sans  altération  sensible. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  filature  automatique  du 
coton  est  d'invention  anglaise,  et,  depuis  le  moment  où  elle  a 
été  imaginée,  l'Angleterre  n'a  cessé  de  rester  à  la  tête  de  cette 
industrie;  à  tel  point  que  nos  filateurs  acceptent  difficilement, 
aujourd'hui  encore,  des  machines  fabriquées  dans  d'autres 
pays.  Aussi  les  Anglais  ont-ils,  comme  nous  le  verrons,  une 
exposition  de  machines  de  filature  presque  exclusivement 
composée  de  machines  à  coton. 

Occupons-nous  d'abord  de  la  partie  française.  L'Alsace 
nous  offre  un  grand  nombre  de  machines  pour  les  préparations 
et  la  filature  du  coton,  machines  sur  lesquelles  nous  revien- 
drons bientôt. 

En  dehors  de  cette  exposition ,  nous  rencontrons  peu  de 
machines  de  celte  catégorie. 

M.  Lecœur  expose,  collectivement  avec  M.  Dannery,  une 
grande  carde  débourreuse.  L'invention  de  M.  Lecœur  a  pour 
but  d'augmenter  la  production  de  la  carde,  et  d'après  lui,  de 
la  doubler.  Sous  les  cylindres  cannelés  se  trouve  une  traverse 
à  couteau,  qui  facilite  le  nettoyage  du  coton,  et  la  surface 
de  cardage  est  considérablement  augmentée.  Le  but  de 
M.  Dannery  est  de  remplacer  le  débourrage  à  la  main  des  cha- 
peaux, qui  offre  de  graves  inconvénients,  par  le  débourrage 
mécanique;  il  parvient  à  faire  cette  opération  d'une  manière 
satisfaisante  en  débourrant  plus  souvent  les  chapeaux  les 
plus  rapprochés  de  l'alimentation,  qui  sont  naturellement  ceux 
dans  lesquels  se  logent  le  plus  les  impuretés.  En  somme,  la 
machine  de  M.  Lecœur,  avec  le  perfectionnement  de  M.  Dan- 
nery, est  une  chose  intéressante,  dont  l'industrie  du  coton 
peut  tirer  un  parti  sérieux. 

M.  Clenet  présente  une  carde  à  coton,  dont  le  mécanisme 
est  le  même  que  celui  de  toutes  les  cardes,  et  qui  n'a  d'autre 
particularité  que  d'être  conduite  directement  par  une  petite 
machine  à  grande  vitesse  de  M.  Flaud. 

M.  Dubrute  fils  expose  aussi  une  carde  à  coton  dont  les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  331 

cylindres  et  le  grand  tambour  sont  en  fonte  et  qui  est  bien 
exécutée. 

M.  Danguy  jeune  nous  montre  un  rota-frotteur  et  un  banc 
d'étirage.  Le  rota-frotteur  est  muni  d'entonnoirs  de  sortie  et 
conduits  d'arrivée  mobiles  et  faciles  à  changer,  pour  per- 
mettre le  frottage  en  gros,  en  moyen  et  en  fin.  Il  est  en  outre 
perfectionné  dans  sa  construction  par  la  disposition  des  brosses 
qui  font  pression  sur  les  rouleaux  d'étirage. 

Le  banc  d'étirage  est  à  huit  rubans,  et  fait  un  étirage  de  1 
à  12.  Les  rubans  viennent  se  réunir  sur  une  table  inclinée, 
d'où  ils  tombent  dans  une  boîte  de  laquelle  on  les  dirige  au 
troisième  et  dernier  passage.  Ces  deux  machines  sont  bien 
exécutées. 

IMM.  Gallet  et  Dubus  exposent  un  métier  Mull-.Tenny,  de 
432  broches  pour  le  coton,  dont  le  système  de  commande  de- 
puis la  poulie  motrice  jusqu'aux  tambours  commandant  les 
broches,  est  entièrement  par  engrenages,  ce  qui  régularise  la 
tension  des  broches  en  annihilant  les  effets  de  contraction 
et  d'extension,  produites  par  les  variations  hygrométriques  de 
l'air.  Le  mouvement  de  renvidage  est  obtenu  à  l'aide  de  deux 
roues  hélicoïdales,  afin  de  rendre  cette  opération  moins  fati- 
gante. Enfin  les  chaînes  à  la  Vaucanson  qui  conduisent  le  cha- 
riot sont  mises  en  mouvement  exclusivement  par  des  roues 
dentées;  de  cette  manière  il  n'y  a  pas  de  glissement,  la  vi- 
tesse du  chariot  est  toujours  régulière,  et  Ion  peut  facilement 
la  varier  au  moyen  de  changements  d'engrenages. 

Le  métier  de  MM.  Gallet  et  Dubus  est  bien  exécuté,  et  pré- 
sente, comme  on  le  voit ,  un  grand  intérêt.  Il  est  regrettable 
qu'il  ait  dû  être  placé  en  dehors  des  machines  en  mouve- 
ment, et  que  l'on  ne  puisse,  par  conséquent,  juger  de  son 
travail. 

Dans  la  partie  étrangère,  nous  ne  trouvons  de  machines  à 
coton  que  dans  l'exposition  anglaise.  Là,  par  exemple,  cette 
industrie  est  largement  représentée,  et  offre  tout  l'intérêt  d'un 
ensemble  complet  de  fabrication. 

MM.  Dobson  etBarlow,  deBolton,  exposent  deux  machines 
brevetées  de  M.  Evan  Leigh;  Tune  est  une  carde  dont  les  cha- 
peaux se  nettoient  seuls,  et  l'autre  une  machine  à  réunir,  au 
moyen  de  laquelle  on  obtient  une  nappe  pour  le  second  pas- 
sage, nappe  composée  de  cinquante  à  soixante  rubans. 


352  VISITE 

M.  J.  Mason,  de  Rochdau,  présente  un  banc  à  broches  en 
gros  avec  rebords  brevetés,  des  plateaux  diviseurs,  un  frein  et 
un  mouvement  à  dégager  ;  les  broches  font  800  tours  à  la 
minute;  un  banc  à  broches  en  fin  avec  ces  mêmes  éléments, 
les  broches  faisant  1200  tours  à  la  minute;  un  métier  continu, 
une  carde  à  coton  et  un  étirage;  il  expose  en  outre  un  métier 
à  tisser  mécaniquement  des  étoffes  de  grande  largeur. 

MM.  J.  EIce  et  Cie  exposent  un  batteur  à  un  seul  volant, 
une  carde,  un  laminoir  à  quatre  têtes,  six  rubans;  un  banc  à 
broches  en  gros  de  48  broches;  un  banc  à  broches  en  fin  de 
80  broches;  deux  métiers  Mull-Jenny  self  acting  de  340  bro- 
ches chacun  entièrement  pareils;  enfin  un  métier  continu  de 
160  broches  et  deux  dévidoirs  à  compteurs. 

L'exhibition  de  MM.  Platt  frères,  d'Oldham,  se  compose 
d'un  assortiment  complet  de  filature  de  coton.  Nous  allons 
donner  l'énumération  et  l'explication  de  ces  machines,  d'après 
l'exposant  lui-même ,  afin  de  faire  comprendre  le  travail  du 
coton  : 

1"  et  2'  Opération.  Batteur-étaleur  :  l'ouvreur  divise  et  net- 
toie le  coton  après  le  passage  par  des  cylindres  alimentaires, 
en  le  soumettant  à  l'action  des  volants;  les  boutons  sont  re- 
jetés en  dessous,  et  la  poussière  enlevée  par  un  ventilateur; 
par  l'action  du  batteur-étaleur,  le  coton  se  trouve  battu  et 
nettoyé  à  un  degré  supérieur  et  réuni  en  masse. 

3*=  Opération.  Carde  en  gros  :  purifie  le  coton  et  en  aligne 
les  fibres,  qui  sont  disposées  en  rubans. 

4^  Opération.  Machine  à  doubler  :  réunit  plusieurs  rubans 
en  une  seule  nappe  large  et  unie  qui  s'enroule  sur  une  en- 
souple. 

5"  Opération.  Carde  en  fin  :  achève  le  travail  de  la  carde  en 
gros,  et  forme  un  ruban  plus  fin. 

6*  Opération.  Banc  d'étirage  :  étire  les  rubans  accouplés  de 
la  carde  en  fin  et  les  dispose  en  rubans  encore  plus  fins;  six 
têtes,  huit  rubans. 

7*  Opération.  Banc  à  broches  en  gros  de  28  broches  :  conti- 
nue l'opération  de  l'étirage,  et  donne  à  la  mèche  une  légère 
torsion,  en  l'enroulant  sur  des  bobines. 

8*  Opération.  Banc  à  broches,  intermédiaires  de  68  broches  : 
double  la  mèche  en  gros,  l'étiré  et  lui  donne  la  torsion  en 
l'enroulant  sur  des  bobines  de  plus  petite  dimension. 


A  L'EXPOSITION   LMVERSELLE.  'AoA 

9*  Opération.  Banc  à  broches  en  fin  de  88  broclies  :  doubir 
la  mèche  en  moyen ,  l'étiré  et  lui  donne  plus  de  torsion  en 
l'enroulant  sur  des  bobines  plus  petites. 

10^  Opération.  Métier  à  iiier  sell-acling  de  200  broches: 
étire  la  mèche  en  fin,  la  transforme  en  fil,  et  la  dispose  sur 
des  bobines  en  forme  de  canettes. 

M'  Opération.  Métier  continu  de  '112  broches:  employé 
quelquefois  en  place  du  métier  Mull-Jenny  pour  filer  les  nu- 
méros forts.  Enroule  les  fils  sur  des  bobines  à  di.-ques. 

'12*=  Opération.  Métier  continu  doubleur  de  92  broches  : 
réunit  et  tord  ensemble  deux  ou  plusieurs  fils  pour  faire  des 
fils  plus  forts. 

13''  Opération.  Métier  à  relor.lre  self-actiniz;  de  200 broches: 
double  et  tord  ensemble  deux  ou  plusieurs  fils,  en  les  dis- 
posant sur  des  canettes  propres  à  être  employées  au  tis- 
sage. 

MM.  Platt  frères  exposent  aussi  une  machine  à  émeri  pour 
aiguiser  les  tambours  et  chapeaux  de  cjirdes  ,  et  deux  métiers 
mécaniques  à  tisser,  l'un  pour  le  calicot,  l'autre  pour  la  fu- 
laine. 

Terminons  ici  la  revue  des  machines  de  la  troisième  section , 
et  disons  que  cette  industrie,  qui  n'est  représenter^  que  par  la 
France  et  l'Angleterre,  a,  sauf  les  machines  de  MM.  Sclilum- 
berger,  peu  de  progrès  à  enregistrer.  Les  machines  anglaises, 
qui  toutes  sont  d'une  très-bonne  exécution,  n'offrent,  comme 
perfectionnement,  qu'un  intérêt  médiocre,  et  l'on  peut  expri- 
mer le  regret  que  ces  machines  ne  se  distinguent  que  par  leur 
construction,  'lu  reste  vraiment  rcmiîrquuble,  leur  ensemble 
et  leur  heureuse  disposition,  qui  fait  bien  voir  les  opérations 
succci^sives  de  la  matière. 

Nous  croyons  devoir  étudier  dans  leur  ensemble  les  ma- 
chines de  I  exposition  collective  du  Haut-Hhin,  sans  faire 
rentrer  chacune  d'elles  dans  la  spécialité  à  laquelle  elle  ap- 
partient. Cette  exposition,  quoique  composée  de  machines  à 
destinations  diverses,  présente  en  effet  un  intérêt  d'ensemble 
que  n'offrirait  plus,  à  beaucoup  pi  es,  chacune  d'elles  déta- 
chée du  groupe  que  les  con-tructeuis  ont  désiré  former 

Le  département  du  Haut  Rhin  est  sans  contredit  l'un  des 
plus  industriels  de  France ,  et  la  construction  des  machines  de 
filature  y  a  acquis  un  degré  de  perfection  qui  nous  permet 
206  aj 


3oi  VISITE 

enfin  de  lutter  avec  l'Angleterre,  dont  nous  avons  été  si  long- 
temps tributaires. 

M.  André  Kœchlin  expose,  en  outre  de  sa  locomotive,  un 
batteur  étaieur  à  deux  volants,  muni,  à  la  sortie  du  coton  , 
d'une  double  paire  de  cylindres  cannelés,  à  vitesses  diffé- 
rentes, destinés  à  produire  un  commencement  d'étirage.  Cette 
machine,  qui  n'a  du  reste  rien  de  particulier,  est  remar- 
quable par  sa  grande  solidité  et  le  soin  avec  lequel  elle  est 
construite.  Le  même  constructeur  présente  aussi  une  ma- 
chine à  imprimer  à  quatre  couleurs,  mue  par  une  machine 
à  vapeur  horizontale,  qui  travaille  avec  une  grande  précision. 

Nous  rencontrons  ensuite  l'épurateur  à  coton  de  M.  G.  A. 
Risler.  Cette  machine,  destinée  à  remplacer  la  carde,  est 
munie  de  quatre  cylindres  alimentaires,  et  forme  trois  rubans 
qui  viennent  se  réunir  en  un  seul.  Elle  a  subi ,  depuis  l'Expo- 
sition de  Londres  où  elle  a  obtenu  la  grande  médaille,  un 
perfectionnement  qui  consiste  en  ce  que  le  coton  qui  n'a  pas 
été  pris  par  les  deux  premiers  peignes,  et  qui  est  resté  sur  le 
grand  tambour,  est  repris  par  un  troisième  placé  en  dessous, 
et  travaillé  de  nouveau.  Le  ruban  formé  par  le  troisième  pei- 
gne est  généralement  d'une  qualité  inférieure  aux  deux  autres, 
et  peut  être  dirigé  sur  une  autre  bobine,  afin  de  le  séparer 
de  ceux-ci.  L'épurateur  fait  en  douze  heures  90  à  100  kilo- 
grammes de  coton  bien  ouvert  et  mieux  nettoyé  qu'à  la  carde 
ordinaire,  avec  économie  de  déchet  et  de  main-d'œuvre. 
Elle  est  construite  par  M.  A.  Kœchlin  avec  tout  le  soin  pos- 
sible. 

M.  Léopold  Muller  fils  expose  un  banc  à  broches  à  com- 
pression de  1 20  broches,  système  ordinaire;  un  MuU-Jenny 
et  un  métier  continu  de  220  broches  pour  la  filature  de  la 
laine  peignée,  où  la  commande  ordinaire  de  broches  est  rem- 
placée par  son  système  d'engrenages  coniques,  dont  chaque 
broche  est  rendue  indépendante  et  peut  être  arrêtée  instanta- 
nément par  la  simple  pression.  Ce  système,  qui  exige  moins 
de  force  que  les  commandes  par  cordes  à  boyaux ,  a  l'incon- 
vénient de  produire  un  bruit  insupportable.  Aussi  MM.  C. 
Peugeot  et  Cie  ont-ils  eu  l'idée  de  le  modifier  en  remplaçant 
les  deux  engrenages  coniques  par  une  série  de  quatre  engre- 
nages, deux  coniques  et  deux  droits;  de  cette  manière  on 
peut  faire  en  bois  la  roue  droite  qui  commande  le  pignon ,  et 


A  L'EXPOSITION   UNIVEHSELLE.  355 

les  deux  roues  coniques  engrenant  avec  une  vitesse  beaucoup 
moindre ,  le  bruit  est  considérablement  diminué. 

M.  Stamm  présente  un  banc  d'étirage  finisseur  à  pots  tour- 
nants pour  le  coton  ;  un  métier  continu  à  filer  d'un  côté  et  à 
retordre  de  l'autre,  de  224  broches,  et  un  banc  à  broches  à 
compression,  de  120  broches.  Ce  banc  à  broches  n'est  pas 
muni  de  la  cuirasse  ordinaire,  qui  empêche  le  coton  de  tom- 
ber dans  les  engrenages.  Toutes  ces  machines  sont,  du  reste, 
bien  construites. 

L'exposition  de  M.  F.  J.  Griin  se  compose  d'un  batteur 
étaleur,  une  carde  à  coton,  une  carde  à  laine  peignée,  un 
bobinoir  réunisseur  pour  la  laine  et  un  dévidoir. 

Le  batteur  est  à  un  seul  volant ,  avec  commencement  d'é- 
tirage ,  comme  celui  de  M.  A.  Kœchlin.  Le  tambour  de  la  carde 
à  coton  est  un  tambour  en  fonte,  fondu  d'une  seule  pièce  avec 
les  deux  croisillons,  ce  qui  constitue  une  assez  grande  diffi- 
culté vaincue.  La  carde  à  laine  est  construite  avec  des  cylin- 
dres en  stuc  et  n'a  rien  de  particulier.  Le  dévidoir  est  muni 
d'un  système  de  va-et-vient  destiné  à  distribuer  également  le 
fil.  Toutes  ces  machines  sont  construites  avec  un  grand  soin. 

M.  Stehelin  expose  un  métier  MuU-Jenny  self-acting  de 
504  broches,  système  ordinaire. 

M.  Th.  Loos  présente  une  carde  à  coton  dont  l'alimentation 
se  fait  au  moyen  d'un  cylindre  cannelé  tournant  sous  une  auge 
en  fonte;  le  coton  est  pris  entre  le  cylindre  et  l'auge,  qui  sert 
en  outre  à  recevoir  les  matières  étrangères  rejetées  par  la 
carde.  Le  grand  tambour  est  en  stuc  comme  dans  toutes  les 
cardes  exposées  par  les  constructeurs  de  l'Alsace. 

M.  G.  Bornèque  expose  deux  métiers  à  tisser,  l'un  à  deux, 
l'autre  à  quatre  couleurs.  Ces  métiers  sont  munis  de  cartons 
de  Jacquard  en  bois,  dont  les  trous  portent  des  chevilles.  Ces 
chevilles,  de  différentes  longueurs,  soulèvent  alternativement 
des  leviers  qui  font  mouvoir  la  boîte  contenant  les  bobines, 
de  manière  à  lancer  la  bobine  qui  doit  faire  le  travail.  On  peut 
donc,  par  ce  moyen,  tisser  une  étoffe  à  plusieurs  couleurs, 
sans  se  préoccuper  du  dessin.  Ce  système  n'est,  du  reste,  ap- 
plicable qu'aux  étoffes  à  carreaux  ou  à  bandes  dans  le  sens  de 
la  trame. 

MM.  Nicolas  Schlumberger  et  Cie  exposent  trois  assorti- 
ments complets  de  préparations  de  filature.  Le  premier  est 


356  VISITE 

desliné  au  travail  des  malièrcs  courtes  soies,  le  second  à  ce- 
lui des  maiières  à  soies  moyennes,  et  le  troisième  aux  prépa- 
ralioiis  des  maiières  longues  soies. 

L'assortiinent  destiné  aux  matières  courtes  soies,  c'est-à- 
dire  au  cnton  et  à  la  laine  peignée  à  filaments  courts,  se 
compose  de  cinq  machinss,  une  carde,  une  peigneuse,  un  banc 
d'étirage,  un  banc  à  broches  et  un  métier  à  filer  self-aciing. 

La  carde  e.-t  une  carde  à  hérisson:5,  c'est-à-dire  le  système 
ordinaire  des  cardes  à  laine  peignée,  dont  tous  les  cylindres 
sont  en  stuc. 

La  peigneuse  est  construite  dans  le  système  ordinaire  des 
peigneuses  Heilmann,  système  qui  consiste  à  tra\ailler  la 
matière  par  mèches,  et  dont  la  substitution  à  la  peigneuse 
Collier,  substitution  due  en  très-grande  partie  à  M.  N.  Schlum- 
berger,  a  moJifié  d'une  manière  radicale  le  peignage  et  la 
filature.  Celle-ci  est  à  six  têtes  et  à  mouvement  continu. 

Le  banc  d'étirage  comprend  trois  passages.  Le  premier  avec 
coupe-nappes  mécanique  et  bascideur,  et  dégrenage  auto- 
matique. Le  deuxième  est  à  couloirs  et  à  pots  oscillants.  Ces 
pots  oscillants  remp'acent  les  pots  tournants  pour  opérer  la 
distribution  régulière  de  la  matière.  C'est  une  boite  rectangu- 
laire portée  sur  des  roues  qui  reposî-ntsur  un  chemin  de  fer; 
cette  boîle  reçoit  un  mouvement  alternatif  d'un  pignon  en- 
grenant tantôt  au-dessus,  tantôt  au-dessous  d'une  crémaillère. 
Cet  appareil,  généralement  substitué  par  M.  Schlumberger 
aux  pots  tournants,  donne  d'excellents  résultats. 

Le  troisième  passage  est  un  étirage  dans  lequel  la  matière 
vient  s'enrouler  sur  des  rouleaux  presseurs,  et  où  la  com- 
pression a  toujours  lieu  au  même  point  par  le  moyen  d'un 
ressort  qui  appuie  constamment  la  matière  sur  le  rouleau. 

Dans  le  banc  à  broches  mi-fin  de  soixante-quatre  broches, 
le  mouvement  progressif  du  chariot  est  donné  par  un  double 
disque  sur  lequel  vient  frotter  une  poulie  à  bande  de  cuir 
qui  monte  à  mesure  que  la  bobine  s'emplit,  et  diminue  par 
conséquent  la  vitesse.  L'ailetie  de  la  broche,  au  lieu  d'être 
creuse  comme  le  sont  ordinairement  les  ailettes  de  ces  ma- 
chines pour  le  coton,  est  pleine  et  parfaitement  lisse.  Le  fd 
passe  par  deux  œils,  l'un  en  haut,  l'autre  à  l'ej^trémité  de 
l'une  des  branches,  et  est  constamment  pressé  contre  la 
bobine  au  moyen  d'un  ressort  intérieur. 


A  1/EXPOSlTION   (NIVERSELLE.  3.S7 

Le  métier  à  filer  automate  compte  cinq  cent  quatre  bro- 
ches, dont  les  mouvements  sont  singulièrement  doux,  com- 
parés à  ceux  des  métiers  ordinaires.  Cela  tient  à  un  système 
nouveau  à  friction  plate  qui  permet  d'éviter  les  secousses  et 
les  mouvements  brusques  que  produisent  les  métiers  munis 
d'arbres  à  excentriques. 

L'assortiment  destiné  à  la  filature  des  filaments  moyens 
sert  spécialement  au  travail  des  laines  moyennes,  telles  que 
les  laines  mérinos.  Il  se  compose  de  sept  machines  qui 
sont  : 

Une  nappeuse,  qui  n'est  autre  chose  que  la  peigneuse  Pou- 
pillier  perfectionnée. 

Un  démêloir,  d'invention  nouvelle,  qui  dresse  et  parallélise 
parfaitement  les  brins  de  la  laine,  de  manière  à  préparer  au 
travail  de  la  peigneuse,  et  cela  au  moyen  d'un  cylindre  garni 
de  dents  en  hélice,  à  barrettes  sortant  et  rentrant  alternati- 
vement pour  faciliter  le  délivrage  de  la  matière.  Une  pei- 
gneuse, du  système  lleilmann,  munie  d'une  pince  à  double 
centre  qui  permet  de  rapprocher  plus  ou  moins  le  peigne 
fixe  de  la  pince,  et  par  conséquent  de  peigner  des  laines  plus 
courtes,  ce  qui  augmente  la  production. 

Trois  bancs  d'étirage,  dans  lesquels  se  trouve  l'application 
d'une  idée  dominante  que  iM.  Schiumberger  applique  d'une 
manière  complète  et  exclusive  à  la  filature  de  la  laine  peignée, 
et  qui  est,  afin  d'obtenir  un  étirage  plus  complet,  de  remplacer 
le  premier  cylindre  supérieur  par  un  cylindre  à  cannelures  pro- 
fondes, et  le  cylindre  inférieur  par  un  héiisson  dont  les  dénis 
sont  disposées  de  telle  sorte  que  les  cannelures  du  cylindre 
supérieur  engrènent  entre  les  dents  du  hérisson,  de  façon  à  y 
faire  entrer  la  laine  aussi  profondément  que  possible.  Ce 
système  se  trou^^e  reproduit  dans  les  ti'ois  bancs  d'étirages 
dont  nous  nous  occupons.  Le  premier  est  un  étirage  à  quatre 
têtes,  avec  couloirs  et  pot  oscillant;  le  second  un  étirage  à 
bobines  et  à  compression  ;  et  le  troisième  un  étirage  avec 
l'rottage  en  gros  et  bobines  comprimées.  C'est  une  espèce  de 
banc  à  broches  en  gros  à  bobines  horizontales. 

La  septième  machine  de  cet  assortiment  est  un  banc  à 
broches  frotteur,  de  trente-six  broches.  Ce  banc  à  broches 
présente  une  particularité  remarquable.  Comme  il  est  destiné 
au  travail  de  la  bourre  de  soie  de  deuxième  largeur,  c'est-à- 


358  /  VISITE 

dire  des  déchets  de  bourre  de  soie  donnés  par  la  peigneuse, 
aussi  bien  qu'à  celui  de  la  laine,  et  que  la  bourre  de  soie  n'a 
pas  besoin  de  torsion  à  ce  moment  du  travail,  les  ailettes 
peuvent  à  volonté,  et  par  un  simple  mouvement  de  débrayage, 
tourner  ou  ne  pas  tourner  de  manière  à  opérer,  suivant  la 
matière,  avec  ou  sans  torsion. 

L'assortiment  destiné  au  travail  des  matières  longues  soies 
doit  préparer  spécialement  les  laines  longues,  les  étoupes,  la 
bourre  de  soie  longue,  et  enfin  le  lin  et  le  chanvre  coupés  en 
deux  ou  trois,  et  ramenés  à  la  longueur  de  l'étoupe.  Il  se  com- 
pose de  cinq  machines  :  un  démêloir,  une  peigneuse,  un  éta- 
leur,  un  banc  d'étirage  et  un  banc  à  broches. 

Le  démêloir  est  construit  suivant  le  môme  principe  que  celui 
dont  nous  avons  parlé  ;  il  alimente  la  peigneuse  qui  est  tou- 
jours une  peigneuse  Heilmann,  et  qui  est  munie  d'un  tambour 
nappeur  à  palettes  dentelées  dans  lesquelles  les  étoupes  sont 
poussées  et  entrées  à  fond  par  un  cylindre  cannelé  afin  de 
faciliter  la  sortie  régulière  de  la  matière. 

L'étaleur  est  un  étaleur  à  gills,  à  deux  rubans,  avec  appli- 
cation de  doubles  rouleaux  d'appel. 

L'étirage  est  un  étirage  à  deux  têtes,  à  six  rubans,  avec  ap- 
plication de  doubles  rouleaux  d'appel. 

Le  banc  à  broches  est  un  banc  de  quarante  bobines,  à  gills, 
avec  le  système  d'aileltes  et  de  mouvement  du  chariot  ordi- 
naire. 

L'exposition  de  MM.  Nicolas  Schlumberger  et  Gie  est,  en 
somme,  la  plus  complète  de  toutes  celles  des  constructeurs  de 
machines  de  filature.  Il  est  presque  superflu  d'ajouter  que 
ces  machines,  parfaitement  entendues,  sont,  en  outre,  admi- 
rablement exécutées.  M.  Schlumberger  a,  comme  M.  Mercier, 
l'avantage  d'être  en  même  temps  constructeur  et  filateur,  et 
ces  deux  conditions  sont,  évidemment,  aussi  favorables  que 
possible. 

Ajoutons  que  M.  Schlumberger  est  l'un  des  principaux  pro- 
moteurs de  l'industrie  de  la  filature  dans  le  Haut-Rhin,  dont 
nous  venons  d'examiner  les  produits  ;  que  cette  industrie, 
qui  a  pris  un  si  grand  essor,  lui  doit  un  nombre  considérable 
de  perfectionnements  importants,  et  nous  aurons  rendu  justice 
à  un  de  nos  industriels  les  plus  éminents  et  les  plus  honora- 
bles. Disons  enfin  que  l'exposition  de  MM.  Schlumberger  brille 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  :r^<> 

au  milieu  de  celle  de  l'Alsace,  et  vient  rehausser  encore  l'éclat 
de  cette  partie,  déjà  si  remarquable,  de  l'exposition  française. 

La  filature  mécanique  du  lin  et  du  chanvre  n'existe  vérita- 
blement que  depuis  1810,  c'est-à-dire  depuis  l'invention  de  la 
peigneuse  imaginée  par  Philippe  de  Girard. 

La  première  opération  que  subit  le  lin  est  le  rouissage; 
puis  viennent  le  battage  et  le  teillage.  Nous  avons  à  PExposi- 
tion  plusieurs  machines  à  teiller,  et  entre  autres  celle  de 
M.  Ch.  Mertens,  de  Gheel  (Belgique),  et  celle  de  M.  Farinaux 
jeune,  de  Lille. 

La  machine  de  M.  Ch.  Mertens  est  entièrement  nouvelle. 
Le  lin  est  conduit  par  une  pince  faisant  chaîne  sans  fin,,  entre 
deux  cuirs  sans  fin,  munis  de  baguettes  en  bois  qui  le  battent 
et  enlèvent  la  partie  corticale;  puis  il  est  repris  par  une 
deuxième  pince,  au  moyen  d'une  seconde  machine  semblable, 
tournée  en  sens  contraire  ,  qui  teille  la  partie  qui  était  tenue 
par  la  première  pince.  Le  lin,  en  sortant  de  cette  machine,  est 
parfaitement  teille. 

Dans  la  teilleuse  de  M.  Farinaux  jeune,  le  lin  est  pris  entre 
deux  cylindres  en  fonte,  caimelés  et  tournants,  dont  le  plus 
petit  placé  à  la  partie  supérieure,  a  en  outre  un  mouvement 
de  va-et-vient  destiné  à  enlever  la  paille.  Puis  il  est  conduit 
entre  deux  autres  cylindres  cannelés  en  bois,  avec  mouvement 
circulaire,  qui  achèvent  le  travail. 

Nous  n'avons  pas  vu  le  travail  de  cette  machine,  mais  nous 
doutons,  à  sa  simple  inspection,  qu'elle  opère  le  nettoyage 
aussi  bien  que  celle  de  M.  Mertens,  dont  les  produits  sont 
vraiment  remarquables. 

Après  le  teillage,  le  lin  subit  l'opération  du  peignage.  Nous 
rencontrons  dans  l'exposition  française  les  peigneuses  de 
M.  Ward  et  de  M.  Lacroix,  et  dans  l'exposition  anglaise,  celles 
de  MM.  Combe  et  Cie,  de  Belfort. 

La  machine  de  M.  Lacroix  est  destinée  au  peignage  des 
lins  coupés  en  deux  ou  trois,  où  les  pinces,  au  lieu  d'être 
poussées  les  unes  par  les  autres,  sont  conduites  par  un  méca- 
nisme spécial,  et  tournent  en  avançant,  au  lieu  d'avancer  d'a- 
bord et  tourner  ensuite.  De  plus,  les  porte-pinces  sont  dou- 
bles, ce  qui  permet  de  peigner  en  même  temps  deux  poignées 
de  lin. 

M.  Ward  expose  trois  machines  à  peigner  le  lin.  L'une  de 


360  VISITE 

ces  machines  est  destinée  au  travail  du  lin  long,  l'autre  à  ce- 
lui du  lin  coupé  moyen,  et  la  troisième  à  celui  du  lin  coupé 
en  plu?ieurs  morceaux. 

Ces  trois  machines  sont  construites  dans  le  même  esprit, 
c'est-à-dire  que  toutes  trois  sont  à  peignes  tournant  dans  un 
seul  sens,  et  à  m.ouvement  de  rotation  des  pinces,  destiné  à 
permettre  le  travail  de  la  matière  des  deux  côtés.  La  construc- 
tion en  est  soignée. 

AJM.  Combe  et  Cie  exposent  deux  machines  à  peigner,  l'une 
les  lins  long-*,  et  l'autre  les  lins  coupés;  le  système  de  ces  deux 
peigneuses  e?t  le  contraire  du  précédent,  c'rst-à-dire  que  ce 
sont  les  peignes  qui  ont  un  mouvement  circulaire  alter  natif, 
afin  de  pouvoir  travailler  le  lin  dans  ces  deux  sens,  tandis  que 
les  pinces  ont  simplement  un  mouvement  rectiligne.  Ces  deux 
machines  sont  bien  construites,  et  nous  préférons  ce  mode  d'o- 
pérer au  précédent,  qui  a  l'inconvénient  d'eumêler  un  peu  le 
lin  au  moment  où  la  pince  se  retourne. 

MM.  Windsor  frères,  de  Lille,  exposent  une  grande  étaleuse 
pour  lin  long  ou  chanvre,  offrant  quelques  perfectionnements 
de  détails,  puis  un  assortiment  de  p  épjirations  pour  le  lin 
coupé  en  trois  et  quatre,  et  devant  être  lilé  des  n°*  80  à  150. 
Cet  assortiment  se  compose  de  : 

'1°  Une  étaleuse  à  quatre  rubans; 

2"  Un  premier  étirage  à  deux  tètes,  huit  rubans  chacune; 

3°  Un  second  étiiage,  deux  lèles,  dix  rulians  chacune; 

!i°  Un  troisième  étirage,  deux  tètes,  douze  rubans  chacune; 

5°  Un  banc  à  broche»  de  soixante  brothes. 

Toutes  ces  niachines  comi-oitent  des  frotteurs  en  bois  mo- 
biles sous  les  rouleaux.  Le  banc  à  broches  est  muni  d'un  cône 
de  friction,  marchant  sans  courroie.  Ces  machmes  sont  éta- 
blies dans  de  bonnes  conditions  de  construction  et  de  vente 
courante. 

Le  métier  à  fder  le  lin,  de  M.  Vennin  Dérégniaux,  n'offre 
rien  de  particulier. 

Enfin,  la  marine  impériale  nous  a  envoyé  deux  machines, 
l'une  à  filer  le  lin,  qui  opère  à  la  fois  l'étirage  et  la  toraion,  et 
l'autre  à  tie-str  les  coidages  Ces  deux  machines  sont,  sans 
doute,  tiè.^-iuiéressantes,  mais  elles  ont  l'inconvénient  dètre 
construites  d'une  manière  fort  lourde,  et  d'avoir  déjà  plus  de 
vinst  années  de  date. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  361 

Outre  ces  machines  .  nous  rencontrons  l'assortiment  pour  la 
filature  des  matièies  longues  soies  de  MM.  N.  Schlumberger 
et  Cie,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

Les  machines  destinées  au  travail  de  la  laine  se  divisent  en 
deux  catégories  bien  distinctes  :  la  filature  de  la  laine  peignée 
et  celle  de  la  laine  cardée.  La  laine  peignée,  destinée  au  tis- 
sage des  mérinos,  des  cachemires  d'Ecosse,  et  en  général  des 
étoffes  rases,  exige  des  fils  d'une  régularité  parfaite,  et  dont 
les  é  éments  soient  aussi  parallèles  que  possible.  C'est,  comme 
nous  le  verrons,  la  grande  différence  qui  existe  entre  le  pei- 
gné et  le  cardé. 

La  France  est  presque  seule  représentée  pour  cette  indus- 
trie, dont  on  a  tant  cherché,  depuis  quelques  années,  à  mo- 
difier les  éléments.  La  tendance  aujourd  hui  la  plus  générale 
est  le  peignage  par  mèche.^,  inauguré  par  Josué  Heilmann. 
Nous  rencontrons,  dans  cette  voie,  la  peigneuse  de  iM.  Hector 
Collette,  qu'un  déplorable  accidenta  enlevé  à  l'industrie,  au 
moment  où  il  venait  de  mettre  la  dernière  main  à  son  œuvre. 
Cette  peigneuse  est  formée  d'un  grand  plateau  circulaire  tour- 
nant ,  muni  à  sa  circonférence  de  trois  rangs  de  peignes;  sur 
trois  points  de  la  circonférence  sont  placés  d'autres  peignes 
animés  d'un  mouvement  circulaire,  perpendiculaire  à  celui 
du  plateau.  La  laine,  livrée  par  mèches  aux  peignes  du  plateau 
circulaire,  au  moyen  d'une  alimentation  à  mouvement  alter- 
natif, est  reprise  par  l'un  des  peignes  de  côté,  passe  successi- 
vement entre  les  dents  des  trois  peignes,  et  est  rendue  aux 
peibjnes  circulaires  qui  la  livrent  entre  des  rouleaux  déli- 
vreurs, d'où  elle  s'eni  ouïe  sur  une  bobine,  tandis  que  la  blouse 
est  enlevée  des  dénis  du  peigne  par  une  brosse,  qui  la  fait 
tomber  dans  une  boîie  destinée  a  la  rt^cevoir.  Une  conduite 
de  vapeur  permet  de  chauffer  les  peignes,  condition  essentiel- 
lement avantageuse,  et  la  division  du  cercle  peigneur  en  trois 
zones  munies  d'éléments  identiques,  fait  que  l'on  peut  ti  availler 
à  la  tois  trois  couleurs  diiierentes.  La  machine  de  M.  Collette 
mérite  donc,  à  tous  égards,  les  éloges  les  plus  sincères;  son 
mécanisme  est  ingénieux  et  simple,  et  rend  le  travail  facile  à 
comprendre. 

La  peigneuse  de  M.  Collet  fils  n'est  autre  chose  que  le  sys- 
tème déjà  connu  de  M.  Poupillier,  qui  n'a  jamais  donné  un 
peignage  complet.  KHe  travaille  sans  faire  de  blouse. 


362  VISITE 

M.  Vigoureux  expose  un  bobinoir.  Le  perfectionnement 
consiste  essentiellement  dans  une  disposition  spéciale,  par 
suite  de  laquelle  plusieurs  mèches  passent  en  même  temps, 
sans  se  réunir  ou  se  mêler  pendant  le  travail,  dans  le  même 
peigne  et  sur  le  même  buffle  frottoir,  et  enfin  s'enroulent  tou- 
jours distinctes  et  sans  mélange  sur  la  même  bobine.  Les 
avantages  de  cette  machine  sont  de  faire  autant  et  mieux  avec 
un  matériel  beaucoup  moins  considérable,  et  par  suite,  coû- 
tant infiniment  moins  cher,  et  exigeant  moins  d'espace,  de 
force  motrice  et  de  surveillance.  Cette  machine,  d'un  véritable 
intérêt,  a  été  exécutée  dans  les  ateliers  de  M.  Pierrard  Par- 
paite ,  avec  tout  le  soin  que  ce  constructeur  apporte  à  ses 
travaux. 

MM.  Bruneaux,  père  et  fils,  de  Rethel,  exposent  un  bobi- 
noir finisseur.  Cette  machine,  d'une  longueur  totale  de  '1:^"',80, 
est  bien  construite,  et  offre  dans  le  travail  des  perfectionne- 
ments sensibles. 

M.  Pierrard  Parpaite  présente  un  assortiment  d'appareils 
destinés  au  peignage  mécanique  de  la  laine,  des  étoupes,  de 
la  bourre  de  soie,  etc.,  avec  l'application  d'un  système  nou- 
veau dénommé  étireur  à  mouvement  progressif. 

L'invention  du  système  consiste  dans  la  combinaison  d'un 
mouvement  progressif,  communiqué  à  des  barrettes  ou  porte- 
aiguilles  indépendantes,  au  moyen  de  deux  plateaux  mobiles 
à  rainures  curvilignes,  et  de  deux  courbes  excentriques  fixes. 
Les  peignes  barrettes  garnis  d'aiguilles  sont  commandés  de 
manière  à  s'écarter  de  plus  en  plus  les  uns  des  autres  depuis 
l'entrée  jusqu'à  la  sortie  de  la  matière  qui  vient  sortir  d'une 
manière  continue  hors  des  rangées  d'aiguilles,  au  point  où 
celles-ci  ont  acquis  leur  maximum  de  vitesse.  Cette  opération 
s'effectue  par  un  étirage  qui  achève  de  dresser  les  filaments, 
déjà  préparés  par  le  démêloir. 

M.  Pierrard  dispose  le  nriême  appareil  en  tête  de  chaque 
passage  d'étirage  de  filature,  en  remplacement  des  peignes 
circulaires  et  des  gills  généralement  en  usage.  D'après  l'in- 
venteur, cette  application  perm.et  de  travailler  la  matière  fila- 
menteuse avant  et  après  le  peignage,  et  de  diminuer  le  nom- 
bre des  passages  avant  la  filature.  Les  produits  des  machines 
de  M.  Pierrard  ne  nous  ont  pas  paru  répondre  complètement 
au  programme.  La  laine  estbouchonneuso,  oljusqu'ici  ces  ma- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  363 

chines  ne  semblent  pas  faire  un  travail  supérieur  à  celui  des 
anciens  systèmes.  Nous  devons  cependant  savoir  gré  à 
M.  Pierrard  de  ses  efforts  persévérants,  et  des  progrès  qu'il  a 
fait  faire  au  travail  de  la  laine  peignée. 

Dans,  l'exposition  étrangère,  nous  ne  trouvons  qu'un  banc 
à  broches  en  fin  pour  la  laine  peignée  de  M.  Hartmann,  de 
Chemnitz  (Saxe-Royale).  C'est  un  banc  à  broches  ordinaire, 
d'une  bonne  construction. 

La  laine  cardée  doit  servir  au  travail  des  étoffes  feutrées  et 
foulées.  Aus^i  les  conditions  de  bonnes  qualités  du  fil  sont- 
elles  toutes  différentes  de  celles  qu'exige  le  fil  de  laine  pei* 
guée. 

Pour  celui-ci,  en  effet,  il  est,  avant  tout,  nécessaire  de  pa- 
ralléliser  les  filaments  et  de  ménager  leur  longueur,  afin  d'ob- 
tenir un  fil  droit  et  aussi  uni  que  possible,  tandis  que  l'usage 
de  la  laine  cardée  exige,  avec  toutes  les  conditions  ordinaires 
de  régularité  ,  que  les  filaments  soient  enchevêtrés  les  uns 
dans  les  autres  ,  pour  conserver  le  plus  possible  à  la  matière 
sa  propriété  feutrante.  L'étoffe  devant,  en  outre,  être  tirée  à 
poils,  il  est  nécessaire  que  les  fils  présentent  autant  de  pointes 
que  possible,  afin  que  le  tissu  soit  plus  garni  de  poils  à  sa 
surface. 

Après  le  désuintage  et  le  lavage  qui  se  font  de  la  môme  ma- 
nière pour  les  peignés  et  les  cardés,  la  laine  est  séchée,  soit 
par  les  moyens  ordinaires,  soit  au  moyen  d'un  hydro-extrac- 
teur ou  appareil  à  force  centrifuge  ;  l'appareil  exposé  par 
M.  Tulpin,  de  Rouen,  dont  il  a  déjà  été  parlé,  remplit  toutes 
les  conditions  désirables,  tant  au  point  de  vue  de  la  trans- 
mission du  mouvement  que  par  la  supériorité  de  sa  con- 
struction. 

La  laine  en  sortant  de  la  machine  contient  encore  10  à  15 
pour  100  d'eau;  elle  est  séchée,  soit  dans  un  séchoir  à  air 
chaud,  soit  à  l'air  libre,  soit  enfin  dans  une  machine  cù  l'on 
fait  agir  simultanément  le  chauffage  et  la  ventilation. 

La  matière  subit  alors  l'opération  du  battage,  puis  celle  de 
l'échardonnage.  La  première  machine  échardonneuse  intro- 
duite en  France  en  1846  est  due  à  i!>!M.  Sykes  et  Ogden, 
d'Huddersfield,  qui  exposent,  dans  la  partie  anglaise,  un  spéci- 
men de  leur  système,  perfectionné  par  l'augmentation  du 
nombre  de  lames  de  peignes  sur  le  cylindre  principal.  Le  but 


?>C>i  VISITE 

de  celte  addition  est  d'augmenter  le  travail  de  la  machine,  tout 
en  diminuant  son  volume. 

M.  Laoureux ,  de  Verviers,  cessionnaire  du  brevet  de 
iMM.  Sykes  et  Ogden  pour  la  Belgique,  exposent  deux  machi- 
nes de  ce  genre,  dont  l'une  est  la  reproduction  à  peu  près 
exacte  de  l'ancien  système  des  inventeurs,  et  dont  l'autre  a 
subi  une  modification  qui  consiste  à  remeltre  en  travail  les 
chardons  qui  contiennent  encore  de  la  laine.  Ces  deux  ma- 
chines sont  d'une  construction  médiocre. 

L'échardonneuse  dont  nous  venons  de  parler  a  le  grave 
inconvénient  de  briser  les  filaments  de  la  laine.  MM.  Houget 
et  Teston,  autres  constructeurs  de  Verviers,  ont  cherché  à 
atténuer  ce  résultat  fâcheux  en  ajoutant  deux  cylindres 
échardonneurs  à  lames  dentelées  en  hélice.  Celte  machine  re- 
met également  en  travail  les  chardons  qui  entraînent  de  la 
laine,  et  le  tambour  principal  est  armé  alternativement  de 
lames  et  de  dents,  afin  de  commencer  l'opération  du  louve- 
tage.  La  construction  en  est  soignée  comme  celle  de  toutes  les 
machines  de  MM.  Houget  et  Teston. 

Après  le  battage  et  l'échardonnage,  la  laine  subit  l'opéra- 
tion du  louvetrige.  Suivant  la  qualité  de  la  laine,  le  louvelage 
a  lieu  une  ou  deux  fois.  Les  laines  courtes  et  douces  ne  sont 
passées  qu'une  seule  fois  au  loup ,  après  avoir  été  graissées 
d'environ  20  pour  100  d'huile  d'olive  ou  de  colza,  ou  ,  mieux 
encore,  d'oléine.  Le  loup  de  M.  A.  Mercier,  de  Louviers,  com- 
porte toutes  les  conditions  voulues  de  solidité  et  de  bonne 
construction;  la  disposition  des  dents  en  spirale  sur  le  grand 
tambour,  et  l'alimentation  au  moyen  de  deux  paires  de  rou- 
leaux cannelés  avec  vitesses  différentes  permettent  d'ouvrir  la 
laine  d'une  manière  uniforme  et  satisfaisante,  qui  facilite  le 
cardage  et  ménage  les  garnitures  de  cardes. 

L'opération  qui  suit  le  louvelage  est  le  cardage.  Nous  trou- 
vons dans  la  galerie  des  machines  un  assez  grand  nombre  de 
cardes  :  MM.  Verken,  d'Aix-la-Chapelle,  exposent  un  assorti- 
ment complet  composé  d'une  carde  briseuse  avec  cylindre  et 
tambour  en  bois,  d'une  carde  repasseuse  avec  cylindre  et 
tambour  en  fonte,  et  d'une  carde  boudineuse,  à  un  seul  pei- 
gneur,  avec  cylindre  et  tambour  en  tôle.  Cette  carde  produit 
des  boudins  sur  deux  points  différents ,  au  moyen  d'un  pei- 
gne à  intervalles  réguliers  qui  en  opère  la  division,  système 


A   L  EXPOSITION    LMVEHSELLE.  llGri 

qui  ne  réussit  généralement  qu'avec  des  laines  fines  ayant 
des  (ih)ments  réguliers  et  d'une  longueur  nioyennej  La  con- 
struction de  ces  machines  n'offre,  du  reste,  rien  de  particu- 
lier. L'exécution  en  est  convenable. 

MM.  Houget  et  Teston  pié.-entent  aussi  un  assortiment 
complet  de  cardes  à  laine,  dont  tous  les  cylindres  sont  en 
Fonte.  Ce  système  a  l'inconvénient  d'augmenter  inutilement 
le  poids  de  la  machine  ,  les  pe'its  cylindres  en  bois  pouvant 
paifaitement  être  établis  dans  de  bonnes  conditions.  La  carde 
boudineuse  de  MM.  Houget  et  Teston  est  une  carde  à  deux 
ptMgneurs.  Elle  est  munie  d'un  système  d'étirage  dont  la  pra- 
tique n'a  pas,  jusqu'ici,  démontré  l'utilité. 

M.  Grlinn  expose  une  carde  pour  le  travail  du  cardé  pei- 
gné, dont  nous  avons  déjà  fait  mention. 

M.  Vimont,  de  Vire,  expose  un  métier  continu  destiné  au 
filage  de  la  laine  cardée.  Jusqu'à  ce  jour,  les  métiers  MuU- 
.lenny  à  étirage  ont  seuls  été  employés  dans  cette  industrie; 
le  métier  de  M.  Vimont  est  donc  une  chose  toute  nouvelle,  et 
il  nous  Hst  impossible  de  juger  de  son  importance  avant  que 
ses  résultats  soient  connus. 

Nous  avons  déjà  parlé  du  loup  de  M  A.  Mercier;  examinons 
à  présent  les  autres  machines  qu'il  expose,  composant  un  as- 
sortiment complet  de  filature  de  laine  cardée. 

La  laine,  à  sa  sortie  du  loup,  est  portée  sur  la  toile  sans 
fin,  partagée  en  deux  parties  ég.des,  et  placée  derrière  le 
grand  tambour  de  la  carde  briseuse,  et  vi^nt  former  à  la  sortie 
deux  rubans  qui  s'enroulent  sur  une  bobine.  Soixante  de  ces 
bobines  sont  placées  derrière  la  carde  repasseuse  ,  et  produi- 
sent à  leur  tour  deux  rubans  qui  s'enroulent  sur  deux  bobi- 
nes. Ces  bobines  sont  elles-mêmes  placées,  au  nombre  de 
soixante,  derrière  la  carde  boudineuse  et  fournissent  chacune 
un  ruban  à  la  sortie  de  celle-ci,  après  avoir  passé  sous  les 
rouleaux  à  mouvement  de  va-et-vient  qui  opèrent  le  frottage. 
La  carde  boudineuse  est  une  carde  à  deux  peigneurs. 

Le  fd,  à  sa  sortie  du  cardage,  est  tra'.aillé  par  un  métier 
Mull-Jenny,  à  simple  vitesse  ,  de  deux  cent  dix  broches.  Ce 
métier,  d'une  construction  spéciale  pour  ce  genre  de  filature, 
est  d'une  grande  simplicité,  et  permet  d'obtenir,  sans  tâtonne- 
ment et  avec  une  grande  régularité,  la  finesse  de  fd  et  la  tor- 
sion demandées. 


366  VISITE 

Les  bobines ,  produites  par  le  métier  en  gros  ,  sont  réunies 
au  nombre  de  vingt-cinq  sur  de  longues  bobines  qui  sont 
placées  sur  le  métier  en  fin,  et  qui  peuvent  lui  fournir  une 
quantité  de  laine  suffisante  pour  un  travail  de  deux  jours. 

M.  Mercier  expose  deux  métiers  en  fin  de  trois  cents  broches 
chacun.  Ces  métiers  sont  à  double  vitesse  et  à  mouvement 
d'étirage  mécanique,  se  modifiant  au  moyen  de  pignons  de  re- 
change, suivant  les  divers  genres  de  laines  et  les  différentes 
finesses  de  fils,  et  peuvent  être  conduits  deux  à  deux  par  un 
seul  ouvrier,  avec  l'aide  de  deux  rattacheurs.  De  même  que 
le  métier  en  gros,  ils  sont  munis  de  compteurs  de  livraison 
et  de  torsion,  numérotés  de  manière  à  calculer,  avec  assu- 
rance et  sans  tâtonnement,  la  finesse  et  le  nombre  de  tours  de 
torsion  à  donner  aux  fils. 

Comme  complément  de  son  assortiment  de  filature,  M.  Mer- 
cier présente  deux  dévidoirs  à  échantillonner,  qui  donnent 
exactement  le  numéro  du  fil  après  le  passage  à  la  carde  bou- 
dineuse  et  les  passages  aux  métiers  à  filer  en  gros  et  en  fin. 

Il  présente  enfin  une  carde  avec  avant-train  pour  la  prépa- 
ration de  la  laine  peignée,  dont  le  principal  mérite  est  de  mé- 
nager les  filaments  de  la  laine,  mais  que  nous  ne  pouvons 
juger,  au  point  de  vue  du  travail ,  cette  machine  n'étant  pas 
encore  en  fonction. 

L'exposition  de  M.  Mercier  doit  enfin  comprendre  un  mé- 
tier mécanique  à  tisser  les  draps  et  nouveautés,  qui ,  s'il 
réussit,  comme  permet  de  l'espérer  la  réputation  justement 
acquise  du  constructeur ,  résoudra  un  des  graves  problèmes 
économiques  de  ce  genre  de  tissage. 

Pour  résumer  en  quelques  mots  l'impression  que  nous  a 
produite  l'exposition  de  M.  Mercier,  nous  dirons  que  l'on  re- 
connaît facilement  que  ces  machines  sont  établies  par  un 
homme  qui  comprend  à  la  fois  la  construction  et  la  filature. 
Elles  sont  disposées  de  manière  à  faciliter  le  travail,  et 
comme  elles  doivent  l'être  dans  une  filature  bien  entendue. 
La  double  profession  de  cet  industriel  lui  a  permis  de  con- 
struire des  machines  qui  répondent  parfaitement  aux  besoins 
de  l'industrie  à  laquelle  elles  sont  destinées,  en  même  temps 
qu'elles  offrent  toutes  les  garanties  désirables  de  solidité  et 
de  bonne  construction.  Enfin,  M.  Mercier  a  su  conserver, 
comme  nous  devions  nous  y  attendre,  le  rang  qu'il  a  conquis 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  3(57 

à  l'Exposition  de  1849  et  à  celle  de  Londres,  où  il  a  obtenu 
la  grande  médaille. 

M.  Th.  Chenevière  expose,  dans  le  même  emplacement  que 
M.  Mercier,  une  carde  boudineuse  et  un  métier  à  filer  en 
gros. 

La  carde  de  M.  Chenevière  est  construite  en  vue  d'une  idée 
assez  originale  pour  laquelle  ont  été  pris  déjà  plusieurs  bre- 
vets et  un  entre  autres  par  M.  Bournot,  de  Rouen.  C'est  une 
carde  boudineuse  ,  à  un  seul  peigneur,  à  loquettes  continues 
produites  par  la  réunion  de  huit  à  dix  rubans  et  destinée  à 
faire  des  fils  jaspés  suivant  une  loi  déterminée.  Si  l'on  veut, 
par  exemple,  obtenir  un  fil  contenant  un  dixième  de  laine 
noire  et  neuf  dixièmes  de  laine  blanche  ,  on  alimente  la  carde 
avec  un  ruban  de  laine  noire  pour  neuf  rubans  de  laine  blan- 
che, produits  dans  les  mômes,  conditions ,  et  la  loquette  que 
l'on  obtient  est  formée  dans  les  proportions  voulues,  avec 
une  régularité  ,  pour  ainsi  dire  ,  mathématique. 

Le  métier  à  filer  en  gros  est  un  bély  de  quatre-vingts  bro- 
ches, filant  à  grand  écartement,  etmuni,  à  cause  de  cela  ,  de 
cylindres  et  rouleaux  de  pression  cannelés ,  afin  d'éviter  le 
glissement  des  fils  pendant  l'étirage,  glissement  que  produi- 
rait la  grosseur  du  fil. 

Ces  deux  machines,  qui  sortent  l'une  et  l'autre  des  ateliers 
de  M.  Mercier,  sont  exécutées  avec  le  même  soin  et  la  même 
entente  que  celles  qu'il  a  exposées  lui-même. 

L'industrie  de  la  soie,  abandonnée,  dans  les  contrées  sérici- 
coles,  aux  ouvriers  des  campagnes,  est  restée  longtemps  en 
souff'rance.  Ce  n'est  que  depuis  ces  dernières  années  que 
quelques  personnes,  industriels,  savants  et  ingénieurs  com- 
prirent combien  cette  industrie  était  arriérée  ,  et  songèrent  à 
la  relever,  les  uns  en  perfectionnant,  comme  d'Arcet  et  Ca- 
mille Beauvais,  le  mode  d'éducation  du  ver  à  soie  ;  d'autres  ^ 
comme  MM.  Robinet,  Guérin-Menneville,  E.  Péligot,  en  étu- 
diant sa  structure  et  les  phases  diverses  de  son  existence; 
d'autres  enfin,  en  cherchant  des  moyens  plus  rationnels  de 
travailler  la  soie.  De  ce  nombre,  est  M.  Alcan,  l'habile  pro- 
fesseur du  Conservatoire,  qui,  de  concert  avec  M.  Limet, 
imagina  un  procédé  de  filage  par  lequel,  s'aidant  du  vide  pour 
imbiber  le  cocon  ,  et  perfectionnant  les  moyens  mécaniques, 
il  arriva  à  tirer  de  ce  cocon  une  quantité  de  soie  de  4  0  pour  4  00 


368  VISITE 

supérieure  à  celle  que  l'on  obtenait  ordinairement,  en  dimi- 
nuant d'autant  ia  quantité  de  frison,  qu'il  obtient  d'ailleurs 
d'une  qualité  supérieure. 

Aujourd'hui,  le  but  que  doivent  se  proposer  surtout  les  fila- 
leurs,  c'est  de  dévider  la  soie  directement  sur  les  bobines 
propres  au  tissage,  sans  la  faire  passer  par  les  diverses  opé- 
rations qu'elle  subit  dans  les  procédés  en  usage. 

Bien  des  essais  ont  été  tentés  pour  atteindre  ce  résultat. 
De  ce  nombre  nous  devons  citer  l'appareil  de  M.  Meynard,  de 
Vairéas,  qui  fait  circuler  la  soie,  avant  de  l'amener  à  la  ta- 
velle, dans  une  étuve  chauffée  à  la  vapeur ,  destinée  à  la  sé- 
cher paifaitement.  Nous  craignons  que  M.  Meynard  n'ait  pas 
complètement  rempli  le  but  qu'il  se  proposait,  la  soie  devant 
parcourir  dans  cette  étuve  un  grand  nombre  de  circuits,  et 
ne  pouvant,  par  conséquent,  être  menée  assez  vite  pour  pro- 
duire un  travail  suffisant  sans  se  casser  ni  se  nouer,  et  l'étuve 
fermée  ne  permettant  pas  de  rattacher  facilement  les  bouts  et 
de  voir  le  travail.  La  difficulté  paraît  cependant  avoir  été 
complètement  levée,  et  c'est  encore  à  M.  Alcan  qu'est  dii  ce 
progrès.  On  peut  voir  dans  la  \itrine  de  MM.  Maillard  et  Cie, 
à  la  galerie  supérieure  du  Palais  de  l'Industiie,  des  soies  d'une 
très  l3elle  qualité,  dévidées  directement  sur  bubiies.  Malheu- 
reusement ce  procédé  ,  qui  n'est  pas  encore  connu,  ne  peut 
être  donné  ici.  Mais  nous  espérons  que  bientôt  le  public  sera 
appelé  à  l'apprécier,  et  nous  ne  doutons  pas  qu'd  ne  soit 
accueilli  par  les  industriels  comme  il  mérite  de  l'ôire. 

L'Exposition  nous  offre  aussi  quelques  appareils  destinés  à 
la  filature  de  la  soie,  tels  que  ceux  de  M.  Michel,  dans  la  par- 
lie  française,  et  dans  la  partie  étrangère  des  machines  venant 
de  la  Lombardie.  Ces  machines  ont  sur  les  appareils  ordi- 
naires l'avantage  d'une  bonne  exécution  et  de  quelques  per- 
fectionnements mécaniques,  mais  ce  sont  toujours  les  anciens 
systèmes  de  filage,  qui  ne  présentent  aujourd'hui  quun  inté- 
rêt assez  médiocre. 

La  corderie  n'est  représentée  que  par  le  métier  de  la  marine 
impériale,  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Quant  aux  machines  de 
]MM.  Moiselet,  Gautron.  etc.,  c'est  toujours  le  sy>tème  connu 
de  bobines  à  axes  tournants,  où  les  fils  se  réunissent  sur  un 
axe  commun,  dont  la  rotation  leur  donne  la  torsion  néces- 
saire, système  que  l'on  peut  voir  travailler  dans  la  plupart 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  8G0 

des  fabriques  de  passementerie.  Pour  l'ourdissage,  nous  ne 
rencontrons  que  quelques  machines  assez  insignifiantes. 

Les  machines  de  M.  Deshayes,  pour  fabriquer  les  cordons 
de  montre,  les  bourses,  les  lilets,  offrent  au  contraire  un 
intérêt  tout  spécial.  La  première,  destinée  à  faire  les  cordons 
de  montre,  exécute  le  travail  mécanique  que  font  les  enfants 
avec  un  moule;  l'autre  est  une  amplification  de  celle-ci,  qui 
permet  de  faire  en  quelques  minutes  une  bourse  parfaitement 
terminée,  avec  la  fenle,  la  forme  et  les  dimensions  ordinaires. 
Ces  deux  machines,  très-bien  construites,  fonctionnent  avec 
une  régularité  et  une  précision  parfaites. 

Depuis  quelques  années  on  a  cherché  à  régénérer  les  fils 
provenant  des  tissus  usés.  C'est  le  but  du  défilochage ,  in- 
dustrie qui  s'opère  chimiquement  ou  mécaniquement.  Le 
travail  chimique  est  destiné  aux  étoffes  mélangées  dans  les- 
quelles entrent  une  matière  animale  et  une  matière  végétale, 
telles  que  laine  et  coton,  ou  soie  et  coton,  etc.,  et  dont  on 
veut  conserver  la  matière  animale,  c'est-à-dire  la  soie  ou  la 
laine,  qui  a  toujours  une  valeur  plus  grande  que  le  coton  ou 
le  lin.  Plusieurs  moyens  ont  été  proposés  pour  parvenir  à  ce 
résultat;  presque  tous  reviennent  à  détruire  la  matière  vé- 
gétale au  moyen  de  l'acide  chlorhydrique  ,  qui  n'attaque  pas 
la  matière  animale.  Ce  procédé,  dû  à  M.  Leloup.  donne  des 
produits  remarquables,  que  l'on  peut  voir  au  Palais  de  l'In- 
dustrie dans  la  vitrine  de  MM.  Leloup  et  Izart  Cousins. 

L'opération  mécanique  consiste  presque  toujours  en  une 
espèce  de  louvetage,  qui  déchire  le  tissu  et  le  dé.^agrége.  Il  y 
a  dans  l'exposition  française  deux  ou  trois  machines  de  ce 
genre,  qui  n'ont  rien  de  particulier.  Quel  que  soit,  du  reste, 
le  mode  de  fabrication,  l'opération  une  fois  terminée,  la  ma- 
tière doit  être  remise  en  œuvre  pour  être  de  nouveau  trans- 
forniée  en  fils. 

On  sait  à  combien  d'emplois  variés  se  prête  aujourd'hui  le 
caoutchouc.  Il  n'y  a  cependant  dans  l'Exposition  aucune 
machine  destinée  à  sa  mise  en  œuvre,  à  l'exception  des  mo- 
dèles de  M.  Couturier,  qui  représentent  huit  machines  desti- 
nées à  l'épurer,  à  le  triturer,  à  le  diviser  en  fils,  à  régénérer 
les  déchets.  Ces  modèles  sont  bien  exécutés  et  fonctionnent 
convenablement,  malgré  leurs  petites  dimensions. 

Nous  arrivons  aux  métiers  pour  le  tissage  uni  et  le  tissage 
206  xj 


370  VISITE 

façonné.  Les  métiers  à  hautes  lisses  étant  complètement  ab- 
sents de  l'Exposition  ,  nous  n'aurons  à  nous  occuper  que  des 
métiers  à  basses  lisses. 

Le  tissage  mécanique  des  étoffes  unies  est,  comme  nous 
l'avons  dit,  d'origine  anglaise,  et  les  métiers  établis  en  Angle- 
terre sont  généralement  meilleurs  et  plus  estimés  que  les  mé- 
tiers français.  Cela  tient  essentiellement,  d'après  nous,  à  leur 
construction  plus  solide  ;  les  Anglais  ayant  à  meilleur  marché 
les  métaux,  et  principalement  la  fonte,  qui  est  l'élément  es- 
sentiel du  bâti  d'un  métier  mécanique,  lui  donnent  plus  de 
poids  que  nous  ne  faisons.  Aussi  l'Angleterre  a-t-elle  envoyé 
un  grand  nombre  de  ces  machines,  tandis  que,  à  part  ceux 
de  M.  Bornèque,  dont  nous  avons  parlé  ,  nous  n'en  rencon- 
trons aucun  dans  l'exposition  française. 

Ceux  qui  sont  exposés  par  les  Anglais  sont  extrêmement  re- 
marquables, tant  par  leur  stabilité  que  par  l'entente  de  toutes 
les  pièces.  Il  y  a,  entre  autres,  un  métier  à  tisser  la  toile  à 
voiles  de  MM.  Ch.  Parker  et  fils,  de  Dundee,  dont  tous  les 
éléments  sont  calculés  et  exécutés  avec  une  parfaite  intelli- 
gence et  une  extrême  précision. 

Au  contraire  du  tissage  mécanique  pour  les  étoffes  unies, 
le  tissage  façonné  est  d'invention  toute  française.  M.  Marin 
nous  montre,  à  l'appui  de  cette  assertion,  une  série  de  mo- 
dèles représentant  l'histoire  de  celte  industrie.  Le  travail  de 
M.  Marin  se  compose  de  neuf  machines  qui  font  connaître  les 
phases  qu'a  traversées  la  partie  mécanique  du  tissage  façonné 
depuis  1606  jusqu'à  nos  jours.  Énonçons  en  quelques  mots 
cet  abrégé  historique. 

1606.  Premier  métier  à  la  grande  tire,  monté  à  Lyon  par 
Claude  Dagon. 

1717.  Machine  inventée  par  J.  B.  Garon  ,  supprimant  un 
tireur  de  lacs. 

1725.  Invention  de  Basile  Bouchon  qui  imagine  le  papier 
percé,  et  met  ses  aiguillettes  en  communication  avec  les 
cordes  du  semple. 

47:28.  Falcon  coordonne  le  papier  percé,  l'aiguillette  et  le 
crochet;  fixe  ce  crochet  par  son  extrémité  supérieure  à  la 
corde  du  semple  ,  en  lui  faisant  faire  fonction  de  continuité. 

1746.  Vaucanson  supprime  le  semple,  la  rame  et  le  cassin 
qui  entraînaient  une  masse  de  cordes  ,  et  un  tireur  de  lacs 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  371 

pour  les  faire  mouvoir,  au  moyen  d'une  mécanique  placée 
sur  le  métier;  fait  marcher  le  métier  par  une  pédale  au  moyen 
de  Taiguillette,  du  crochet,  de  la  griffe,  d'un  cylindre  et  d'un 
carton  percés  de  trous;  fait  fonctionner  seuls  la  navette,  le 
battant,  les  lisses,  en  employant  des  cames  mues  par  une 
manivelle;  enroule  l'étoffe  par  un  régulateur  à  vis  sans  fin. 

1775.  Ponçon  invente  une  petite  mécanique  armée  de  ca- 
vacine  et  de  lamettes  qui  s'abaissent  en  enlevant  les  liga- 
tures, par  le  mouvement  de  bascule  de  l'alléson  fixé  au 
plancher. 

4798.  Versier  étend  la  puissance  de  la  mécanique  Ponçon  , 
en  employant  d'autres  moyens  plus  compliqués. 

1804.  Jacquard,  après  plusieurs  essais  infructueux,  rem- 
place, dans  le  métier  Vaucanson,  le  cylindre  par  un  prisme 
percé  de  trous,  le  carton  cylindrique  par  un  carton  sans  fin; 
modifie  les  éléments  principaux  du  métier,  et  imagine  la  cé- 
lèbre machine  à  laquelle  il  a  donné  son  nom. 

1854.  M.  Michel  améliore  le  métier  Jacquard  en  l'armant 
d'un  crochet  à  double  tranche,  qui,  par  son  élasticité ,  favo- 
rise le  dégriffement  des  crochets  de  leurs  lamettes,  sans  pro- 
duire ni  bruit  ni  frottement. 

1854.  M.  Bonelli  invente  le  métier  électrique.  Le  modèle 
exposé  est  du  système  de  M.  Pascal. 

Nous  avons  laissé  parler  l'exposant,  nous  n'entreprendrons 
pas  de  le  réfuter;  nous  dirons  seulement  qu"il  est  fâcheux 
que  le  travail  si  intéressant  de  M.  Marin  n'ait  pas  été  exécuté, 
au  point  de  vue  matériel,  avec  tout  le  soin  désirable. 

La  tendance  la  plus  générale  en  ce  moment  est  de  rem- 
placer, dans  le  tissage  façonné,  les  cartons  du  métier  Jac- 
quard par  du  papier  continu,  ce  qui  produit  une  économie 
notable.  Une  des  grandes  difficultés  à  vaincre  pour  mettre 
ce  système  en  pratique,  réside  dans  l'extensibilité  du  papier 
en  contact  avec  l'air  humide,  cause  incessante  d'erreurs,  les 
trous  du  papier  pouvant  ne  plus  se  trouver  en  correspon- 
dance avec  ceux  de  l'éiui  à  crochets.  Cette  difficulté  paraît 
avoir  à  peu  près  disparu  ,  et  l'usage  des  métiers  de  cette 
nature  chez  quelques-uns  de  nos  principaux  fabricants  de 
châles,  nous  fait  espérer  que  ce  perfectionnement  est  au- 
jourd'hui un  fait  acquis. 

Il  y  a  dans  l'Exposition  plusieurs  machines  qui  résolvejit 


372  VtSlTK 

ce  problème.  Ce  sont  principalement  les  machines  de  MM.  Ac- 
klin,  Bertrand  EspOiiy,  et  Junot  et  Blanchet. 

Le  système  de  M.  Acklin  est  depuis  assez  longtemps  déjà 
appliqué  chez  M.  Deneyrousse,  et  c'est  en  IVmpJoyant  qu'il 
iait  ces  beaux  chàle-i  spouliiiés  que  l'on  peut  admirer  au  Pa- 
lais de  l'Industrie.  Dans  ce  métier,  les  crochets  sont  manœu- 
vres au  moyen  d'aiguilles  placées  au-dessus  d'un  cylindre 
percé  de  petits  trous  sur  lequel  roule  le  papier  continu  percé 
de  trous  corre.^pontlants.  La  réiluction  des  trous  est  telle  que 
le  carton  ordinaire  du  métier  Jacquard  est  remplacé  par  une 
bande  de  papier  dix  à  quinze  fois  plus  petite,  ce  qui  aug- 
mente encore  Téconomie  que  procure  la  substitution  du 
papier. 

La  machine  de  M.  Blanchet  opère  à  peu  près  de  la  même 
manière,  seulement  le  cylindre  remplaçant  le  prisme  du  mé- 
tier ordinai.e  est  en  cuivre  et  percé  de  trous  beaucoup  plus 
grands  que  ceux  de  M.  Acklin,  ce  qui  nécessite  l'emploi  d'ai- 
guilles plus  fortes.  Le  papier  employé  par  M.  Blanchet  e^t  ce 
papier  d'emballage  connu  sous  le  nom  de  papier  goudron. 
La  machine  possède  en  outre  un  système  de  rouleaux  sur 
lesquels  vient  circuler  le  papit-r  de  manière  à  lui  donner  à 
tout  insant  une  tension  égale.  Ce  métier  fonctionne  dans  de 
bonnes  conditions. 

Le  système  employé  par  M.  Bertrand  est  très-différent  des 
deux  précédents.  Le  prisme  percé  de  trous  de  Jacquard  est 
aussi  remplacé  par  un  cylindre  en  bois  dont  les  trous  conver- 
gent veis  le  centre;  mais  là  des  aiguilles  viennent ,  comme 
dans  les  métiers  ordinaires ,  butter  latéralement  contre  ce 
cylindre  recouvert  de  papier  percé.  La  boîte  élastique  est  en 
outre  remplacée  par  une  simple  planchette  qui,  à  chaque 
coup  de  trame,  vient  frapper  contre  les  extrémités  des  cro- 
chets et  détermine  leur  entrée  ou  leur  non-entrée  contre  le 
cylindre.  Celte  machine  a  donc  l'avantage  sur  les  deux  au- 
tres de  ne  rien  changer  au  montage  ordinaire  que  le  prisme 
percé,  et,  à  ce  titre,  nous  pensons  que  si,  comme  l'affirme 
3L  Frédéric  Hébert  fils,  chez  lequel  elle  fonctionne,  elle  donne 
d'aussi  bons  résultats,  nous  devons  la  considérer  comme  la 
plus  avantageuse. 

Ces  différents  systèmes  reviennent  à  peu  près  ,  comme  il 
est  facile  de  s'en  convaincre,  à  la  machine  de  Vaucanson  , 


A  L'EXPOSITION  lmvekselll:.  :;v:; 

(Juiis  laquelle  le  carton  entourant  le  cylindre ,  et  (ju  il  fallait 
enlever  et  renouveler  à  chaque  instant,  est  remplacé  par  un 
papier  continu  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  renouveler.  Ainsi 
l'invention  de  Jacquard  fut  un  perfectionnement  de  celle  de 
Vaucanson,  perfectionnement  qui  consiste  à  rendre  le  travail 
plus  continu,  et  les  inventeurs  actuels  ont  cherché  à  réunir 
et  à  confondre  les  deux  systèmes,  afin  de  faire  jaillir  du  con- 
tact de  ces  deux  grands  génies  une  étincelle  plus  brillante. 

D'autres  constructeurs,  comme  M.  Nicolle  et  M.  Lacroix, 
ont  cherché  un  autre  perfectionnement  qui  consiste  à  équili- 
brer les  plombs  que  l'on  est  oblii^é  de  lever  pour  faire  1  ou- 
verture de  la  chaîne  à  chaque  coup  de  navette. 

Dans  la  machine  de  M.  Nicolle,  il  y  a  une  double  grilTe  et 
doubles  crochets.  L'agpncement  est  tel  que,  lorsque  d'un  côté 
on  lève  un  certain  nombre  de  crochets,  le  même  mouvement 
fait  baisser  de  l'autre  un  nombre  de  crochets  égal  au  premier. 
De  cette  manière  le  travail  de  l'ouvrier  est  considérablement 
allégé,  surtout  pour  un  tissu  à  deux  ou  trois  couleurs  seule- 
ment, où  le  nombre  de  fils  à  lever  par  datte  esl  très-considé- 
rable. 

M.  Lacroix  place  la  machine  Jacquard  sur  un  levier  mobile 
qui  lui  permet  de  faire  l'ouverture  des  fils  en  dessus  et  en 
dessous,  moitié  par  moitié.  La  partie  des  fils  qui  descend 
fait  équilibre  à  la  partie  qui  monte  ,  de  manière  que  l'ouver- 
ture s'opère  pour  ainsi  dire  d'elle-même.  Cette  machine  qui 
fonctionne  mécaniquement  présente  encore  un  autre  carac- 
tère nouveau  et  important.  Les  plombs  sont  remplacés  par  des 
fils  de  caoutchouc.  On  obtient  par  là  une  économie  notable  , 
une  plus  grande  facilité  de  montage  et  la  tension  se  rè.^le  plus 
aisément.  En  outre  on  supprime  le  plomb  dont  les  émanations, 
dues  au  frottement,  sont  éminemment  nuisibles  à  la  santé  des 
ouvriers. 

La  plupart  des  constructeurs  de  métiers  à  mailles  ont  en- 
voyé leurs  produits  à  l'Exposition.  MM.  Motte  et  Berihelot 
en  présentent  l'un  et  l'autre  une  série  assez  nombreuse  des- 
tinée au  travail  des  bas,  des  chaussettes,  jupons,  etc.  Ces 
métiers  ont  reçu  quelques  perfectionnements  de  détail  dont  il 
est  difficile  de  nous  occuper  ici. 

M.  Rousselot  expo-e  aussi  un  métier  circulaire  établi  d'a- 
près son  système  qui  difière  des  autres  par  la  construction  de 


37i  VISITE 

ses  roues  de  cueillement  ot  la  manière  de  les  placer  sur  le 
métier.  Son  petit  modèle  commandé  par  le  Conservatoire  des 
arts  et  métiers  est  construit  à  grosse  jauge  et  d'un  diamètre 
convenable  pour  fabriquer  les  chaussettes  en  laine  drapée, 
dites  sans  coutures. 

M.  Poivret  présente  un  métier  circulaire  à  faire  les  cache- 
nez,  où  se  trouve  l'application  d'une  idée  toute  nouvelle.  C'est 
un  métier  circulaire,  dit  métier  à  broches  ,  dans  lequel  deux 
fils  sont  enroulés  sur  des  aiguilles  à  crochet,  et  où  un  autre 
crochet  vient  à  chaque  tour  du  plateau  enlever  l'un  des  fils 
et  le  placer  au-dessus  de  l'autre.  Ce  métier  produit  par  jour 
dix  à  quinze  douzaines  de  cache-nez  ;  il  est  établi  avec  goût 
et  précision. 

Le  travail  du  tulle  est  représenté  parle  métier  exposé  par 
la  société  des  tuUistes  de  Saint-Pierre-lès-Calais  ,  métier  qui 
est  certainement  une  des  pièces  les  plus  remarquables  de 
l'Exposition,  tant  par  l'heureuse  combinaison  des  éléments 
que  par  l'exécution  parfaite  de  la  machine.  C'est  un  métier  à 
tulle  bobin  perfectionné ,  avec  application  du  système  Jac- 
quard. Cette  machine  mise  en  mouvement  par  un  petit  mo- 
teur à  vapeur  ad  hoc,  fait  mécaniquement  les  tulles  façonnés 
sur  une  largeur  de  5"', 50. 

Nous  trouvons  également  dans  l'exposition  française  trois 
métiers  à  filets  dont  deux,  celui  de  M.  Zambeaux  pour  la  fa- 
brication des  filets  de  luxe  et  celui  de  MM.  Réponty  et  Ciepour 
les  filets  de  pêche,  sont  construits  d'après  le  système  Pec- 
queur,  tandis  que  celui  de  M.  Ratte  en  diffère  en  ce  que  le 
métier  Pecqueur  fait  le  filet  en  long,  tandis  que  celui  de 
M.  Ratte  le  fait  en  travers.  Ce  métier  est,  comme  celui  de 
M.  Zambeaux,  parfaitement  exécuté. 

Quant  aux  métiers  à  broder,  nous  en  rencontrons  un  dans 
la  galerie  anglaise  qui  n'est  autre  que  celui  deHeilmann  légè- 
rement perfectionné.  Cette  machine  a  l'inconvénient  d'exiger 
une  certaine  somme  de  travail  à  la  main  ;  celle  de  M.  Barbe 
Schmitz,  au  contraire,  placée  à  l'entrée  de  la  partie  française, 
travaille  d'une  manière  tout  automatique.  Il  est  fâcheux  que 
le  cadre  de  cet  ouvrage  ne  nous  permette  pas  d'en  indiquer 
les  détails  qui  en  font,  malgré  la  barbarie  de  l'exécution ,  une 
de  nos  machines  les  plus  intéressantes. 

Il  est  presque  superflu  de  dire  que  les  machines  à  coudre 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  375 

sont  en  très-grand  nombre  dans  les  galeries  française,  an- 
glaise et  américaine.  L'invention  de  toutes  ces  machines  est 
originaire  d'Amérique.  Trois  systèmes  sont  en  présence  :  le 
point  de  cliaînette ,  le  point  indécousable  et  le  troisième  for- 
mant une  espèce  de  tissu.  Nous  remarquons  principalement 
dans  l'exposition  française  la  machine  de  MM.  Journeaux  et 
Leblond,  dite  translucide,  et  dans  la  partie  américaine  toutes 
les  machines  placées  à  l'extrémxité  de  la  galerie  du  quai ,  de- 
vant lesquelles  le  public  est  constamment  attiré  ,  et  qui  mon- 
trentréunies  les  différentes  méthodes  employées.  Le  perfection- 
nement et  l'application  usuelle  de  ces  machines  touchent,  du 
reste,  à  une  question  du  plus  haut  intérêt,  car  elles  t-ont  des- 
tinées à  améliorer  la  position  véritablement  pénible  des  ou- 
vriers employés  aux  travaux  de  couture  ,  travaux  extrême- 
ment fatigants,  tout  en  diminuant  sensiblement  les  prix  de 
main-d'œuvre  et  en  faisant  des  coutures  pour  ainsi  dire  in- 
destructibles. 

Parmi  les  machines  à  apprêter,  la  partie  qui  se  trouve  le 
plus  largement  représentée  est  celle  qui  concerne  les  apprêts 
du  drap.  Le  drap  subit  en  effet ,  après  le  tissage,  des  apprêts 
nombreux  et  indispensables  à  sa  qualité  ;  ce  sont  principale- 
ment le  foulage  ,  le  lainage  et  le  tonrlage. 

Le  foulage  a  pour  but  de  développer  la  propriété  feutrante 
des  laines  cardées,  exclusivement  employées  dans  le  tissage  du 
drap  ,  et  le  résultat  d'un  bon  travail  est  une  retraite  régulière 
et  déterminée  de  l'étoffe  dans  tous  les  sens  de  sa  surface  et 
une  augmentation  d'épaisseur  proportionnelle  ,  sans  diminu- 
tion de  l'élasticité  naturelle.  On  ne  peut  obtenir  ces  condi- 
tions que  par  le  rapprochement  des  fils,  qui  doivent  être 
resserrés  de  telle  façon  que  les  espaces  laissés  par  les  dents 
du  peigne,  lors  du  tissage,  disparaissent  complètement.  Pen- 
dant longtemps  le  foulage  s'est  fait  par  des  machines  com- 
posées essentiellement  d'auges  dans  lesquelles  était  placé  le 
drap  qui  était  foulé  par  des  pilons  mus  au  moyen  de  cames. 
Ce  système,  vicieux  à  plusieurs  points  de  vue,  a  été  remplacé 
par  celui  des  machines  opérant  le  foulage  par  la  pression  de 
cylindres  rotatifs  dont  nous  avons  plusieurs  spécimens.  Les 
fouleuses  de  M.  Malteau  et  celle  de  M.  Legros  sont  des  fouleuses 
ordinaires,  de  cette  nature,  avec  pression  sur  les  cyhndres 
par  des  poids  et  des  leviers.  Ce  système  de  pression  a  i'in- 


376  MSllE 

convénietit  d'être  dilficile  à  régler.  Le  foulage  ,  Irup  préci- 
pité au  commencement  de  l'opération,  devient  trop  lent  à 
la  fin. 

M.  Desplas  a  remplacé  les  poids  et  leviers  par  des  ressorts 
métalliques  dont  l'élasticité  règle  la  pression  qui  augmente 
d'intensité  à  me-ure  que  le  tissu  augu  ente  d'épaisseur,  et 
rend  la  régularité  du  travail  indépendante  du  plus  ou  moins 
d'intelligence  de  l'ouvrier.  Cette  machine  permet  d'opérer  sur 
les  draps  les  plus  légers  et  les  plus  forts. 

INIM.  Houget  et  Teston,  de  Verviers,  cessionnaires  du  brevet 
de  M.  De^plas,  pour  la  Belgique,  ont  exposé  une  foulpuse  du 
même  système,  à  laquelle  ils  ont  ajouté  quelques  perfection- 
nements. Le  cylindre  supérieur,  en  cuivre,  au  lieu  d'être  en 
bois,  est  cannelé,  ce  qui  remplace  en  partie  le  battage  des 
anciens  foulons.  Il  y  a  de  plus,  en  avant,  dpux  cylindres  can- 
nelés verticaux,  destinés  à  opérer  le  déplissage.  Le  drap, 
placé  dans  un  double  fond,  n'e.-t  amené  qu'au  fur  et  à  mesure 
de  l'avancement  de  l'opération.  Cette  machine  est  bien  con- 
struite et  dans  de  bonnes  conditions  de  travail. 

En  parlant  des  fouleu.-es,  nous  ne  pouvons  résister  au  désir 
de  dire  quelques  mots  des  ingénieuses  machines  de  M.  Lav.lle, 
pour  la  fabrication  des  chapeaux  de  feutre.  La  première  est 
deslinée  à  condenser  le  poil  et  à  donner  à  la  matière  une 
forme  conique.  Le  poil  est  amené  par  une  toile  sans  fin  à  une 
brosse  tournant  à  très-grande  vitesse,  qui  se  projette  par  lori- 
fice  d'tme  trémie  sur  un  cône  percé  de  trous,  tournant  très- 
doucement,  dans  l'intérieur  duquel  un  aspirateur  produit  un 
vide  imparfait.  Le  poil  s'attache  aux  parois  du  cône  et  forme 
une  espèce  de  tissu  que  l'on  plonge  dans  l'eau  bouillante, 
pour  lui  donner  di^  l'adhérence,  puis  le  feutre  est  porté  à  la 
machine  à  fouler;  on  s'arrange  de  manière  à  placer  entre  les 
rouleaux  des  épaisseurs  à  peu  près  égales,  ce  que  l'on  fait  en 
mettant  It^s  fuîmes  l'une  sur  l'autre  en  sens  contraire,  la 
partie  supérieure  étant  toujours  beaucoup  plus  mince  que  la 
partie  inférieure.  La  machine  à  feutrer  se  compose  de  deux 
rangées  de  cylindres  en  feutre  serré,  disposés  en  quinconce 
l'une  sur  l'autre ,  et  entre  lesquels  s'engage  l'étotfe.  Ces 
cylindres  sont  animés  d'un  mouvement  très-lent  de  rotation 
et  d'un  mouvement  de  translation,  qui  opèrent  ce  feutrage. 
Les  cylindres  inférieurs  trempent  dans  un  bassin  plein  d  eau 


A  L'EXl>08lTJ0iN    UNIVEUSELLE.  'Ml 

chaude,  et  une  boite  supérieure,  munie  de  plusieurs  robinets, 
permet  aussi  de  verser  de  l'eau  chaude  sur  le  tissu,  condition 
indispensable  au  feutrage.  Le  tissu  se  rétréc  t  de  plus  en 
plus,  en  passant  plusieurs  fois  dans  cette  machine,  et  arrive 
à  l'état  convenable  pour  être  mis  sur  forme;  opération  qui 
se  fait  à  la  main.  M.  Laville  a  fait  en  outie  quelques  amélio- 
rations à  cette  machine  ,  et  s'occupe  encore  de  la  perfection- 
ner, de  manière  à  en  faire  un  appareil  pouvant  répondre  aux 
besoins  de  l'mdustriedrapière. 

Le  lainage  a  pour  but  de  démêler  les  poils  que  développe 
le  foulage  à  la  surface  du  tissu  ,  et  que  l'action  persistante  et 
prolongée  des  foulons  froisse  et  mêle  dans  tous  les  sens.  Lors- 
que l'étoffe  est  lainée,  c'est-à-dire  lorsque  les  filaments  sont 
rangés,  et  pour  ainsi  dire  peignés,  aussi  parallèlement  que 
possible,  à  la  surface  du  tissu,  l'étoffe  est  dite  tirée  à  poils. 

Nous  trouvons  dans  l'exposition  française  quelques  machi- 
nes à  lainer,  et  entre  autres,  celle  de  M.  Beck-Deparrois,  dont 
la  construcîion  est  véritablement  remarquable. 

La  partie  travaillante  des  machines  à  lainer  est  un  cylindre 
garni  de  chardons.  Bien  des  tentavives  ont  été  faites  pour 
remplacer  les  chardons  naturels  par  des  éléments  mécaniques. 
Ces  tentatives  étaient  restées  iusqu'à  présent  sans  résultat. 
M.  Nos-d"Argence  paraît  avoir  résolu  le  problème.  Ses  bros- 
ses ,  exposées  à  côté  de  la  machine  de  M.  Beck-Deparrois, 
sont  composées  d'un  lissu  de  caoutchouc  vulcanisé,  garni  de 
pointes  en  laiton,  par  conséqu(  nt  moins  oxydables,  dont  l'ex- 
trémité offre  la  parfaite  imitation  du  crochet  du  chardon  na- 
turel. 

Dos  attestations  d'industriels,  et  plusieurs  récompenses 
décernées  à  M.  Nos-d'Argence ,  nous  permettent  de  penser 
que  ces  chardons  métalliques  donnent  un  bon  résultat,  et 
dans  ce  cas,  son  invention  a  une  véritable  portée. 

Dans  la  partie  étrangère ,  nous  remarquons  une  laineuse 
de  M.  Gessner,  d'Aue  (Saxe),  dans  laquelle  le  système  de  ten- 
sion de  1  étoffe  est  obtenu  à  l'aide  de  deux  séries  de  petits  cy- 
lindres à  axes  inclinés,  et  tournés  en  sens  contraire.  La 
tension  est  parfaitement  régulière,  et  peut  être  variée  sui- 
vant les  besoins.  La  machine  laine  en  six  endroits  diffé- 
rents ,  et  peut  ainsi  faire  beaucoup  plus  d'ouvrage  que  les 
machines  ordinaires.  L'exécution  est  remarquable. 


378  VISITE 

Les  étoffes  communes  seules ,  telles  que  les  couvertures, 
les  castorines ,  restent  tirées  à  poils.  Les  tissus  fins,  comme 
les  draps,  subissent  au  contraire,  après  le  lainage,  l'opé- 
ration du  tondage,  dont  le  but  est  de  couper  et  égaliser 
les  fibres  qui  ont  été  amenées  à  la  surface  par  le  précédent 
apprêt,  afin  de  faire  présenter  au  tissu  un  duvet  égal  et  d'une 
longueur  à  peine  sensible. 

Ce  travail  se  faisait  autrefois  à  la  main  ,  au  moyen  de  longs 
ciseaux,  appelés  forces,  dont  la  manœuvre,  extrêmement 
difficile  et  pénible,  exigeait  des  ouvriers  très-robustes  et 
habiles.  La  mécanique  est  venue  remédier  à  cet  état  de  cho- 
ses ,  et  les  anciennes  forces  sont  universellement  remplacées 
par  des  tondeuses  mécaniques  ,  dont  l'élément  principal  est 
un  cylindre  garni  de  lames  hélicoïdales ,  tournant  à  grande 
vitesse  sur  le  tissu ,  dont  on  peut  le  rapprocher  plus  ou  moins, 
suivant  le  genre  de  drap  à  tondre  et  la  période  du  travail. 
L'étoffe  doit  être,  en  outre  ,  parfaitement  tendue,  pour  éviter 
les  accidents  que  pourraient  causer  un  pli  ou  l'interposition 
d'un  objet  étranger. 

La  première  tondeuse  mécanique  fut  la  tondeuse  transver- 
sale, inventée  par  Collier,  dans  laquelle  le  cylindre  porte- 
lames  chemine  sur  le  drap.  MM.  Houget  et  Teston  ont  exposé 
une  machine  de  cette  nature,  qui  vient  compléter  leur  expo- 
sition ,  déjà  si  remarquable. 

M.  Thomas  ,  de  Berlin ,  présente  également  une  tondeuse 
transversale ,  bien  exécutée  ,  dans  laquelle  on  trouve  quel- 
ques perfectionnements  de  détail ,  pour  régler  la  tension  du 
tissu  et  la  distance  entre  la  table  et  le  couteau. 

Ce  système  a  un  grand  inconvénient  ;  le  travail  est  inter- 
mittent ,  et  il  y  a  une  perte  de  temps  notable.  Aussi,  Collier 
lui-même  chercha  à  l'améliorer  et  parvint  à  rendre  l'opéra- 
tion continue ,  en  rendant  fixe  tout  l'appareil  tondeur,  et 
faisant  passer  le  drap  sur  la  table,  entre  les  lames  tran- 
chantes. 

La  tondeuse,  ainsi  construite,  est  la  tondeuse  longitudi- 
nale, qui,  perfectionnée  depuis,  a  presque  totalement  rem- 
placé la  précédente. 

Plusieurs  de  ces  machines  sont  exposées.  Nous  citerons 
dans  la  partie  française  celle  de  MM.  Schneider  et  Legrand, 
et  dans  la  partie  étrangère,  celle  de  M.  Troupin  de  Verviers, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  370 

et  de  M.  Verken ,  d'Aix-la-Chapelie,  dont  nous  avons  déjà 
mentionné  l'assortiment  de  cardes  à  laine. 

Nous  terminerons  ici  la  revue  des  machines  de  filature  et 
de  tissage ,  regrettant  que  le  cadre  de  cet  ouvrage  ne  nous 
ait  pas  permis  de  nous  étendre  sur  cette  partie  dont  l'intérêt 
est  incontestable ,  et  nous  ait  forcé  d'abréger  considérable- 
ment bien  des  détails  qu'il  eût  été  désirable  de  donner. 


CLASSE  VIII. 

Arts  de  précision.  —  Industries  se  rattachant  aux  sciences  et  à 
l'enseignement.  — Poids  et  mesures.  — Appareils  divers  de  mesu- 
rage  et  de  calcul. 

Bien  que  les  poids  et  mesures  soient  peu  nombreux,  ils 
offrent  cependant  un  intérêt  particulier  dans  la  collection 
appartenant  au  Conservatoire  impérial  des  arts  et  métiers. 
On  y  trouve  des  mètres  et  des  kilogrammes  rigoureusement 
conformes  aux  prototypes  déposés  aux  archives  de  l'État. 
Cette  conformité  a  été  olitenue  au  moyen  de  méthodes  et  d'ap- 
pareils dus  à  M.  Silbermann,  et  qui  permettent  d'apprécier 
directement,  dans  le  vide,  des  fractions  de  deux  à  trois  cen- 
tièmes de  milligrammes.  Les  kilogrammes  ont  une  densité 
uniforme  de  8  ,  ce  qui  donne  125  centimètres  cubes  pour  le 
volume  du  kilogramme.  Nous  signalerons  un  comparateur- 
balance  de  M.  Silbermann,  exécuté  par  M.  Blanchi,  pour 
obtenir  le  rapport  exact  entre  deux  mesures  ,  soit  par  exem- 
ple entre  le  mètre  et  un  pied  étranger.  Nous  allons  essayer 
d'en  donner  une  idée.  Les  deux  mesures  sont  placées  sur 
le  fléau  d'une  balance  spéciale  très-délicate,  de  manière  à  se 
toucher  sur  l'arête  du  couteau  central;  puis  les  couteaux 
des  deux  plateaux  sont  amenés  à  coïncider  exactement  avec 
l'autre  extrémité  de  chaque  mesure.  On  établit  d'abord  l'é- 
quilibre au  moyen  de  poids  quelconques;  puis  on  place  un  ki- 
logramme dans  le  plateau  qui  appartientà  la  mesure  étrangère, 
et  on  rétablit  l'équilibre  par  le  poids  nécessaire  dans  l'autre 
plateau.  Ce  dernier  poids  ,  exprimé  en  fractions  de  kilo- 


380  VISITE 

giaunue,  donne  la  longueur  exacte  de  la  inusurf  conij)arée  au 
melre,  puisque,  dans  ce  cas,  les  poids  sont  en  raison  inverse 
de  la  longueur  des  bras  de  levier,  et  que  ceux-ci  ont  exacte- 
ment la  longueur  des  mesures  à  comparer. 

Une  pat  tie  des  pièces  qui  composent  la  collection  du  Con- 
servatoire figurent  également  dans  les  expositions  de  M.  Blan- 
chi et  de  MM.  P\ibre  et  Kunemann. 

M.  Richer  expose  un  mètre  divisé,  sur  lequel  trois  verniers 
s'accordent  à  un  deux-centième  avec  la  division. 

On  trouve  chez  M.  Deleuil  des  balances  et  des  poids  et 
mesures  très-bien  exécutés. 

Un  vif  intérêt  s'attache  à  la  grande  machine  arithmétique 
de  M.  Thomas,  qui  donne  des  produits  de  trente  chiffres. 
C'est  du  liiNO,  même  pour  les  calculs  astronomiques  les  plus 
élevés  ,  qui  n'auront  probablement  jamais  besoin  d'une  aussi 
minutieuse  approximation.  Ajoutons  que  des  appareils  beau- 
coup plus  molettes  dans  leurs  prétentions  permettent  de  sa- 
tisfaire aux  exigences  ordinaires. 

N'oublions  pas  de  signaler  à  l'attention  des  visiteurs  les 
machines  à  calculer  de  MM.  Maurel  et  Jayet ,  qui  sont  placées 
dans  l'Annexe. 

Nous  signalerons  les  règles  logarithmiques  de  M.  Gravet 
qui,  pouvant  se  replier  sur  elles-mêmes,  donnent  des  nombres 
beaucoup  plus  élevés  que  les  règles  ordinaires.  Nous  félicitons 
M.  Gravet  de  son  heureuse  idée.  Les  sept  chiffres  qu'on  peut 
lire  sur  sa  règle  dispenseront  de  recourir  aux  grandes  tables 
logarithmiques, 

M.  Ribou,  du  Conservatoire,  expose  une  machine  très- 
ingénieuse  pour  diviser  les  mesures  courantes  sur  des  plans 
divers. 

La  balance  monétaire  si  ingénieuse  de  M.  le  baron  Séguier 
figure  parmi  les  produits  de  M.  Deleuil.  Les  pièces  jetées 
dans  une  trémie  sont  pesées  et  divisées  par  l'appareil  même 
en  trois  lots  distincts.  Cinq  balances  y  reçoivent  cinq  pièces 
à  la  fois.  Le  soulèvement  de  chacune  d'elles  laisse  l'aiguille 
verticale  si  la  pièce  est  droite  de  poids,  ou  la  fait  pencher 
d'un  côté  ou  de  l'autre  si  cette  pièce  est  supérieure  ou  infé- 
rieur à  la  tolérance  légale.  Dans  chacune  de  ces  trois  positions. 
l'aiguille  rencontre  un  obstacle  distinct  qu'elle  met  en  mou- 
vement, et  qui  découvre  une  ouverture  spéciale  dans  laquelle 


A  i;K\P0SlilON  L'NlVEKSEKLi:.  :^81 

la  pièce  tombe ,  d'où  résulte  la  répartition  indiquée  plus 
haut. 

Nous  n'avons  que  des  éloges  à  donner  aux  balances  en 
tout  genre  qu'exposent  la  maison  Schwilgué  et  la  maison  Dé- 
ranger. 

Nous  signalerons  ,  dans  la  partie  anglaise  ,  le  yard-étalon 
du  Rev.  Sheepshanks ,  dont  la  suspension  sur  huit  rouleaux 
s'équilibrant  deux  à  deux  est  remarquable  par  la  liberté 
qu'elle  laisse  à  la  dilatation  de  la  mesure. 

Nous  indiquerons,  à  côté,  les  balances  de  M.  Oertling, 
donnant  les  quinzièmes  de  milligrammes  au  moyen  d'un  poids 
curseur  sur  le  fléau. 

M.  Steinheil  de  Munich  a  exposé  un  mètre,  un  kilogramme 
et  un  autre  kilogramme  subdivisé  en  treize  parties.  Le  mètre 
est  en  glace,  et  les  deux  kilogrammes,  sont  en  quartz,  moins 
altérab;e  que  les  métaux.  Ils  ont  été  étalonés.  il  y  a  quinze  ans, 
sur  les  prototypes  français.  M.  Arago  a  constaté  leur  exacti- 
tude à  trois  centièmes  de  millimètres  près  pour  le  mètre,  et  à 
trois  centièmes  de  milligrainmes  pour  les  poids. 

M.  Litmana,  de  Stockolm,  a  exposé  une  très-bonne  ba- 
lance de  précision,  à  poids  curseur  pour  les  plus  petites  di- 
visions. 

Les  États-Unis  sont  représentés  dans  cette  section  parles 
poids  et  mesures  que,  par  l'entremise  de  M.  Vattemare  , 
ils  ont  donnés  au  gouvernement  français.  Ces  pièces  ne  i-ont 
pas  le  momd'O  ornement  des  collections  du  Conservatoire. 
Elles  consistent  en  étalons  du  yard  ,  de  la  livre,  avoir  du 
poids,  de  ses  multiples  et  de  ses  diviseurs,  de  la  livre  troy, 
du  gallon,  dubuschel  et  de  leurs  subdiviseurs;  enfin,  en  deux 
balances  de  précision  accusant  le  demi-milligramme,  l'une 
pour  un  kilogramme  ,  l'autre  pour  dix  kilogrammes  dans 
chaque  plateau. 

Ces  magnifiques  pièces  ont  été  exécutées  par  M.  Saxton, 
chef  des  ateliers  du  bureau  des  poids  et  mesures  de  l'Union, 
et  vérifiées  par  le  docteur  Bâche,  intendant  général  des  poids 
et  mesures. 

Eu  échange  de  ce  cadeau,  la  France  a  envoyé  aux  États- 
Unis  une  collection  complète  de  son  système  métrique ,  qui 
paraît  devoir  prochainement  être  adopté  par  l'Union  améri- 
caine. 


382  VISITE 

Non  loin  de  là  se  trouvent  des  mesures  de  longueur  mé- 
triques et  autres  en  caoutchouc  seulement,  exécutées  à  Sains- 
Denis  par  M.  Mallet. 

Horlogerie. 

Jusqu'au  x'  siècle,  la  mesure  du  temps  n'eut  pour  organe 
que  les  gnomons  ou  cadrans  solaires,  les  clepsydres  à  eau  et 
les  sabliers. 

Gerbert,  né  en  Auvergne,  et  qui  fut  pape  sous  le  nom  de 
Sylvestre  II,  serait,  si  l'on  en  croit  la  tradition,  l'inventeur 
des  horloges  à  poids,  comportant  l'échappement  encore  ap- 
pliqué dans  les  montres  communes,  sous  le  nom  d'échappe- 
ment à  palettes  ou  à  roue  de  rencontre.  Ce  qui  est  plus  certain, 
c'est  que  les  premières  horloges  connues  ont  paru  en  Europe 
quelque  temps  après  sa  mort,  arrivée  l'an  4  003. 

La  première  mention  d'une  horloge  à  sonnerie  a  été  faite 
par  dom  Galmet  vers  M  20,  mais  il  n'en  cite  pas  l'auteur. 

Vers  1370,  Charles  V,  dit  le  Sage,  fit  venir,  d'Allemagne  à 
Paris,  Henri  de  Vie,  pour  y  construire  la  première  horloge  pu- 
blique qui  fut  placée  dans  la  tour  du  palais,  encore  connue 
sous  le  nom  de  Tour  de  V Horloge. 

Mais,  avant  de  pousser  plus  loin  cette  courte  revue  chrono- 
logique, définissons  en  quelques  mots  les  conditions  généra- 
les au  moyen  desquelles  on  arrive  à  la  mesure  du  temps. 

Une  horloge,  une  pendule,  une  montre  se  composent,  en 
principe,  d'une  force  motrice,  poids  ou  ressort,  agissant  sur 
une  série  de  mobiles,  roues  et  pignons,  dont  le  dernier,  si  au- 
cun obstacle  ne  s'y  opposait,  prendrait  un  mouvement  de  ro- 
tation d'autant  plus  rapide  que  le  nombre  de  ces  mobiles  se- 
rait plus  grand. 

C'est  en  mettant  un  obstacle  périodique  au  mouvement  du 
dernier  mobile  qu'on  parvient  à  atteindre  le  but  final  qu'on  se 
propose,  la  mesure  du  temps. 

Qu'on  suppose,  en  effet,  une  aiguille  fixée  sur  l'extrémité 
d'un  certain  nombre  des  axes  qui  portent  les  roues  et  les  pi- 
gnons ;  elles  pourront  indiquer,  sur  un  cadran  divisé,  la  vitesse 
relative  de  chacun  d'eux,  de  manière  à  marquer,  par  exem- 
ple, les  secondes  pour  l'axe  qui  ferait  un  tour  en  une  minute, 
les  minutes  pour  celui  dont  la  révolution  se  fait  en  une  heure, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  383 

et  enfin  les  heures  pour  l'axe  dont  la  période  est  de  douze 
heures. 

Jusqu'au  milieu  du  xvii'  siècle,  l'obstacle  au  mouvement 
continu  du  rouage,  et  auquel  on  a  donné  le  nom  d'échappe- 
ment, a  eu  pour  régulateur,  très-peu  exact,  de  la  périodicité,  le 
balancier  circulaire  qui  est  resté,  grâce  aux  perfectionnements 
postérieurs,  celui  des  pièces  portatives. 

En  1583,  Galilée,  se  trouvant  dans  la  cathédrale  de  Pise,  fut 
frappé  de  la  régularité  des  oscillations  d'un  lustre  suspendu  à 
la  voûte.  Il  en  conclut  la  possibilité  d'obtenir,  d'un  poids  sus- 
pendu à  un  fil,  des  conditions  de  précision  jusqu'alors  incon- 
nues dans  la  mesure  du  temps. 

L'expérience  lui  apprit  que  plus  la  longueur  du  fil  était 
grande,  plus  les  oscillations  du  peîidule  étaient  lentes,  et  réci- 
proquement. 

Il  ne  tarda  pas  à  constater  que  la  durée  des  oscillations 
d'un  pendule  est  comme  la  racine  carrée  de  sa  longueur,  ou  en 
d'autres  termes  que  les  longueurs  des  pendules  sont  comme  les 
carrés  du  temps  de  leurs  oscillations.  Plus  tard  il  constata  que, 
pour  un  même  pendule,  les  grandes  oscillations  ont  plus  de 
durée  que  les  petites. 

Sous  cette  forme  si  simple ,  le  pendule  devint ,  entre  les 
mains  de  Galilée,  un  instrument  précieux  pour  les  observa^ 
tiens  astronomiques. 

En  1641,  devenu  aveugle  et  confiné,  par  suite  de  sa  con- 
damnation, dans  la  villa  d'Arcetri,  près  de  Florence,  il  expli- 
qua à  son  fils  Vincenzio,  et  à  Viviani,  l'un  de  ses  disciples, 
les  conditions  au  moyen  desquelles  il  avait  imaginé  d'appli- 
quer le  pendule  aux  horloges,  et  mourut  quelques  mois  après, 
c'est-à-dire  le  8  janvier  1642. 

Ce  ne  fut  toutefois  que  dans  le  mois  d'avril  1649  que  Vin- 
cenzio Galilée  entreprit  l'exécution  matérielle  de  l'invention 
de  son  père.  Sa  mort,  arrivée  le  16  mai  suivant,  empêcha  l'a- 
chèvement complet  de  l'horloge,  à  laquelle  il  ne  manqua  tou- 
tefois que  les  dispositions  particulières  au  mouvement  et  à 
l'ajustement  des  aiguilles. 

Ces  détails  se  trouvent  consignés  dans  une  lettre  de  Viviani 
au  cardinal  Léopold  de  Médicis,  sous  la  date  du  20  août  1659. 
On  y  trouve  la  description  des  conditions  réalisées;  mais  cette 
description  était  alors  accompagnée  de  dessins  (^ui  en  facili- 


384  VISITE 

talent  l'intelligence,  et  qui  n'ont  pas  été  retrouvés  avec  le 
texte  de  la  lettre,  publié  en  1821. 

En  étudiant  ce  texte,  en  en  discutant  les  expressions,  M.  Bo- 
quillon  est  parvenu  à  rétablir  l'œuvre  de  V.  Galilée,  qui  fi- 
gure aujourd  hui  à  l'Exposition  parmi  les  beaux  produits  de 
M.  J.  Wagner  neveu,  auquel  l'exécution  en  a  été  confiée.  Cette 
pièce  est  destinée  au  Conservatoire  impérial  des  arts  et  mé- 
tiers. 

En  i658,  Huyghens  publia  à  la  Haye  un  opuscule  dans  le- 
quel il  décrit  les  conditions  imaginées  par  lui  de  celte  même 
application. 

En  1666,  l'Académie  del  Cimento  publia  ses  Saggi.  Elle  y 
annonce  qu'elle  s'est  servie,  dans  ses  expériences,  d'une  horloge 
à  pendule  dont  Galilée  avait  eu  la  première  idée,  réalisée 
plus  lard  par  son  fils. 

Huyghens  réclama  contre  cette  assertion,  et  c'est  à  l'occa- 
sion de  sa  réclamation  que  paraît  avoir  été  écrite  la  lettre  de 
Yiviani. 

Nous  avons  dit  que  le  balancier  circulaire  était  resté  le  ré- 
gulateur des  pièces  portatives.  Jusqu'à  l'époque  où  nous 
sommes  arrivés,  ce  régulateur  méritait  à  peine  ce  nom  qu'il 
justifia  beaucoup  mieux  lorsqu'on  lui  eut  appliqué  la  résis- 
tance d'un  petit  ressort  spiral  qui ,  bandé  par  le  mouvement 
du  balancier  dans  une  direction,  réagit  pour  le  ramener  dans 
la  direction  contraire.  C'est  vers  1674  qu'on  fit  cette  appli- 
cation, également  réclamée  par  Huyghens,  mais  que  lui  con- 
testèrent Hooke  en  Angleterre,  et  en  France  l'abbé  Haute- 
feuille. 

Mais  un  pendule  ,  un  balancier  circulaire  se  dilatent  par 
la  chaleur,  se  contractent  par  le  froid,  et  la  persistance  indé- 
finie de  leurs  dimensions  est  d'une  nécessité  absolue  si  l'on 
veut  obtenir,  dans  la  marche  de  la  pièce,  toute  la  précision 
désirable. 

Vers  1726,  Graham  est  parvenu  le  premier  à  obtenir  cette 
compensation  pour  le  pendule  en  le  terminant  inférieurement 
par  un  tube  de  verre  contenant  du  mercure  qui,  s'élevantdans 
le  tube,  lorsque  le  pendule  s'allonge,  et  réciproquement, 
maintient,  à  la  même  distance  du  [)oint  de  suspension,  le  cen- 
tre de  gravité  du  pendule,  ou  plutôt  ce  qu'on  est  convenu 
d'appeler  le  centre  d'oscillation  placé  un  peu  plus  haut.  Peu 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  385 

après  Harrison  obtint  le  même  résultat  par  la  combinaison 
de  tiges  de  métaux  dont  la  dilatation  est  différente.  Cette 
heureuse  application  a  eu  lieu  vers  le  milieu  du  siècle  dernier. 
Mais  c'est  à  Pierre  Leroi,  horloger  français  de  la  même  époque, 
qu'on  doit  la  première  compensation  du  balancier  circulaire. 

Galilée  avait  reconnu  que,  dans  un  même  pendule,  les  os- 
cillations n'avaient  pas  la  même  durée  dans  les  grands  et 
petits  arcs,  ces  derniers  étant  parcourus  plus  rapidement. 
Huyghens  y  remédia  en  obligeant  le  centre  de  gravité  du 
pendule  à  parcourir  un  arc  de  cycloïde. 

Mais,  vers  la  fin  du  xvir  siècle,  l'invention  de  l'échappement 
dit  à  ancre,  par  Hooke,  permettant  de  ne  faire  parcourir  au 
pendule  que  de  très-petits  arcs  circulaires,  on  put  en  obtenir 
un  isochronisme  beaucoup  plus  exact.  C'est  à  Ferdinand 
Berthoud  (1768)  qu'on  doit  la  découverte  de  l'isochronisme 
du  balancier  circulaire  pour  les  grandes  et  petites  oscilla- 
tions. 

Un  pendule  ou  un  balancier  circulaire  ne  peut  conserver 
indéfiniment,  de  lui-même,  le  mouvement  qu'on  lui  a  une  fois 
imprimé.  Le  frottement  de  ses  points  de  suspension,  la  résis- 
tance de  l'air  sont  des  causes  qui  diminuent,  à  chaque  oscil- 
lation, la  quantité  de  son  mouvement,  et  qui  finiraient  par 
l'arrêter,  si  chaque  perte  n'était  pas  réparée  par  une  res- 
titution équivalente  de  mouvement. 

Cette  restitution  s'opère  par  l'échappement ,  mécanisme 
intermédiaire  entre  le  dernier  mobile  et  le  pendule  ou  le 
balancier.  De  sorte  que  si ,  d'un  côté,  ce  dernier  règle,  par 
ses  oscillations  isochrones ,  la  périodicité  du  mouvement  du 
rouage,  celui-ci  lui  restitue ,  à  son  tour,  sous  l'action  de  la 
force  motrice ,  le  mouvement  qu'il  perd  à  chaque  oscillation. 

Mais  cette  restitution,  pour  une  pièce  bien  réglée,  doit  être 
rigoureusement  la  même  à  chaque  instant,  sous  peine  de  faire 
varier  l'horloge. 

Les  inégalités  de  la  force  motrice  ,  lorsqu'elle  arrive  au 
dernier  mobile ,  et  qui  sont  produites  par  des  causes  aussi 
nombreuses  que  variées  ,  sont  l'obstacle  principal  et  presque 
unique  qui  s'oppose  à  l'isochronisme  des  oscillations,  puisque 
la  grandeur  de  l'arc  parcouru  est  nécessairement  en  raison 
de  l'impulsion  que  cette  force  donne  au  pendule  ou  au  balan- 
cier. 

200  ^ 


386  VISITE 

Dans  toutes  les  pièces  d'horlogerie,  la  cause  la  plus 
ordinaire  de  ces  variations  réside  dans  celles  de  la  fluidité 
des  huiles,  qui  se  modifie  avec  la  température  et  diminue 
avec  le  temps. 

Dans  les  pendules  ou  horloges  à  poids,  la  rigidité  des  cordes, 
variable  avec  l'état  hygrométrique  de  l'air ,  produit  encore 
des  variations  correspondantes  dans  l'action  de  la  force 
motrice. 

Mais  c'est  surtout  dans  les  pièces  à  ressort  que  ces  varia- 
tions sont  plus  grandes  par  suite  des  inégalités  souvent  consi- 
dérables que  présente  ce  genre  de  moteur. 

Le  remontoir  d'égalité,  dont  les  premiers  essais  remontent 
au  commencement  du  xvii®  siècle,  a  pour  but  d'y  remédier. 
Il  consiste ,  en  principe ,  dans  un  organe  remonté  périodique- 
ment par  la  force  motrice ,  et  qui  agit  seul  sur  les  derniers 
mobiles  de  l'horloge. 

Telles  sont  les  conditions  générales  que  comportent  le  plus 
ordinairement  les  pièces  d'horlogerie  dites  de  précision.  Toutes 
sont  susceptibles  de  réalisations  très-diverses,  et  leur  énon- 
ciation  préalable  nous  a  paru  nécessaire  pour  donner  plus  de 
clarté  aux  indications  trop  concises  auxquelles  nous  restreint 
forcément  l'espace  accordé,  dans  notre  revue,  à  cette  portion 
importante  de  l'Exposition  universelle. 

C'est  dans  le  même  but  que  nous  placerons  d'abord  nos 
lecteurs  devant  les  produits  de  l'horlogerie  monumentale , 
parce  que  les  dimensions  des  organes  permettent  d'en  saisir 
et  d'en  apprécier  le  fonctionnement  sans  le  secours  de  la 
loupe ,  et  que  cette  étude  préliminaire  leur  facilitera  beau- 
coup l'intelligence  des  pièces  dont  la  petitesse,  et  presque 
toujours  l'enveloppe ,  ne  leur  permettra  pas  de  voir  le  mé- 
canisme intérieur. 

Le  plus  éminent  des  représentants  de  cette  catégorie  à 
l'Exposition  est  sans  contredit  M.  J.  Wagner  neveu,  qui,  après 
avoir  longtemps  dirigé  les  ateliers  de  son  oncle,  a  fondé  sa 
maison  en  1836,  et  n'a  pas  laissé  passer  une  seule  exposition 
sans  y  apporter  de  nouvelles  conditions  aussi  remarquables 
par  leur  utilité  pratique  qu'ingénieuses  dans  leurs  disposi- 
tions. 

Il  nous  servira  donc  souvent  de  point  de  départ  dans  notre 
appréciation  trop  rapide  des  progrès  contemporains. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  387 


Compensations. 

La  compensation  de  M.  J.  Wagner  est  d'une  simplicité 
remarquable.  Une  barre  de  zinc,  ou  mieux,  de  cuivre  rouge, 
plus  homogène  que  le  zinc  du  commerce,  est  placée  horizon- 
talement au  haut  de  la  cage  de  l'horloge,  et  vient  buter  contre 
le  talon  d'un  petit  levier  coudé  en  équerre,  dont  le  bras 
horizontal  porte  la  tige  du  pendule.  Ce  talon  est  mobile  au 
moyen  d'une  vis  de  rappel  pour  régler  sa  position  relativement 
à  la  longueur  du  pendule  et  à  celle  de  la  barre  de  cuivre, 
ainsi  qu'à  la  dilatabilité  de  la  tige  du  pendule.  Lorsque  la 
barre  de  cuivre  s'allonge  par  la  chaleur,  elle  pousse  le  talon 
du  levier  dont  le  bras  horizontal  se  relève,  et  avec  lui  le  pen- 
dule dont  les  ressorts  de  suspension  glissent  dans  la  fente  du 
pince-lame,  à  partir  de  laquelle  se  mesure  la  longueur  réelle 
du  pendule. 

Une  disposition  analogue  a  été  postérieurement  imaginée 
par  M.  Brocot  père  pour  les  pièces  de  cheminées.  D'autres 
artistes  français,  notamment  M.  Paul  Garnier,  ont  modifié 
d'anciennes  dispositions  de  la  compensation  dite  à  gril,  en 
faisant  agir  les  tiges  les  plus  dilatables  sur  deux  leviers,  dont 
l'extrémité  porte  une  boule  métallique  relevée  quand  la  tige 
s'allonge,  abaissée  quand  elle  se  raccourcit,  ce  qui  maintient, 
à  la  même  distance  du  point  de  suspension,  le  centre  d'oscil- 
lation de  tout  le  système. 

Les  horlogers  anglais  ont  généralement  conservé,  pour  le 
pendule,  la  compensation  à  mercure  de  Graham.  Nous 
avons,  toutefois,  rencontré  une  exception  chez  M.  Th.  Cole, 
de  Londres.  Sa  compensation  consiste  en  deux  plaques  su- 
perposées, formées  chacune  de  deux  métaux  différemment 
dilatables.  Les  moins  dilatables  sont  en  regard,  et  le  tout  est 
placé  entre  un  écrou  et  la  sphère  métallique  qui  sert  de  len- 
tille. Une  élévation  de  température  produit  la  convexité  des 
deux  plaques,  et  par  conséquent  le  soulèvement  de  la  sphère. 
Nous  savons  qu'une  disposition  du  même  genre  a  été  très- 
antérieurement  appliquée  par  M.  Duchemin,  dont  le  succes- 
seur, M.  Redier ,  expose  deux  beaux  régulateurs  à  gril  dont 
deux  tiges  sont  en  aluminium.  La  très-grande  légèreté  de  ce 
nouveau  métal  présente  cet  avantage  de  donner  à  un  pendule 


388  VISITE 

compensé  des  conditions  plus  voisines  de  celles  du  pendule 
théorique,  en  rapprochant  le  centre  de  gravité  du  système  de 
ce  qu'on  nomme  en  horlogerie  le  centre  d'oscillation. 

Nous  regrettons  que,  dans  l'exécution  de  l'horloge  du  Palais 
de  l'Industrie,  M.  Collin  ait  fait  précisément  le  contraire ,  en 
surchargeant  le  haut  de  son  pendule  de  masses  métalliques 
qui  éloignent  notablement  ces  deux  points  l'un  de  l'autre. 

Nous  signalerons  surtout,  en  regrettant  de  ne  pouvoir  les 
décrire  ,  les  dispositions  imaginées  par  MM.  Ch.  Frodsham , 
de  Londres,  et  qui  permettent  de  diminuer  ou  d'augmenter  les 
effets  de  la  compensation  pour  accommoder  ses  chronomètres 
nautiques  aux  variations  extrêmes  de  température  qu'ils 
peuvent  avoir  à  supporter. 

Échappements. 

Plusieurs  volumes  seraient  nécessaires  pour  décrire,  même 
succinctement,  les  nombreuses  variétés  d'échappements  qui 
figurent  à  l'Exposition.  Nous  nous  bornerons  à  signaler  les 
plus  remarquables. 

Disons  d'abord  qu'on  peut  les  grouper  en  quatre  classes 
très-distinctes  :  Les  échappements  dits  à  repos ,  parce  que , 
pendant  une  certaine  portion  de  l'oscillation,  le  rouage  est 
complètement  arrêté;  l'échappement  dit  à  recul,  parce  que  le 
rouage  marche  dans  une  direction ,  au  moment  où  il  donne 
l'impulsion  au  pendule,  et  dans  la  direction  contraire  pendant 
le  reste  de  l'oscillation  ;  l'échappement  dit  libre,  parce  que, 
l'impulsion  donnée ,  le  pendule  ou  le  balancier  est  tout  à  fait 
indépendant  du  rouage.  Enfin  ce  dernier  échappement  est 
dit  à  force  constante  lorsque  le  pendule  ou  le  balancier  reçoit 
effectivement  toujours  la  même  impulsion  ,  et  que,  comme, 
dans  les  autres  échappements,  il  n'est  pas  obligé  de  dégager 
le  rouage  ,  de  le  mettre  en  liberté,  fonction  qu'exerce  alors 
un  organe  particulier.  Chacune  de  ces  classes  peut  encore 
se  subdiviser  en  échappements  à  chevilles,  à  ancres,  à  cy- 
lindres, à  palettes,  etc.,  etc. 

Des  indications  qui  précèdent,  il  résulte  évidemment  que  le 
meilleur  échappement  est  l'échappement  à  force  constante. 
Mais  l'extrême  délicatesse  des  organes  qui  le  composent  en 
élève  considérablement  le  prix. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  389 

Le  premier  échappement  de  ce  genre  qui  mérite  véritable- 
ment le  nom  que  son  auteur  lui  a  donné ,  est  d'Abraham 
Bréguet,  dont  le  petit-fils  soutient  dignement  la  haute  ré- 
putation, non-seulement  pour  l'exécution  irréprochable  des 
pièces  qui  sortent  de  ses  ateliers,  et  d'heureuses  innovations 
dans  l'horlogerie  de  précision,  mais  encore  par  les  progrès 
sérieux  que  la  télégraphie  électrique  doit  à  son  intelligente 
initiative. 

Plus  tard  M.  Paul  Garnier  atteignit  le  même  résultat  en 
appliquant  des  conditions  de  principe  à  peu  près  identiques, 
dans  une  belle  pièce  qui  figure  parmi  celles  qui  composent 
le  trophée  de  l'horlogerie.  Le  même  trophée  contient  une 
magnifique  horloge  de  M.  Wagner  neveu,  comportant  égale- 
ment un  échappement  à  force  constante  que  nous  recomman- 
dons à  l'attention  des  connaisseurs. 

M.  Vérité,  de  Beauvais,  dont  nous  aurons  occasion  de  par- 
ler plus  loin  est  également  l'auteur  d'un  échappement  à  force 
constante,  qui  figura  très-honorablement  à  l'exposition  de 
1844,  et  qui,  depuis  cette  époque,  nous  en  avons  la  preuve, 
donne  l'heure  avec  la  plus  rigoureuse  exactitude  dans  un 
nombre  considérable  de  pièces  du  palais  de  justice  de  Beau- 
vais. 

Si  nous  signalons  un  autre  échappement  de  la  même  classe 
qu'exposait  M.  Brosse,  de  Bordeaux,  à  la  même  époque,  nous 
aurons  très-probablement  épuisé  complètement  le  sujet  qui 
nous  occupe:  car  tous  les  autres  échappements  qu'il  nous  a  été 
donné  d'étudier  depuis  l'exposition  de  1 834,  mettant  à  la  charge 
du  pendule  le  dégagement  du  rouage,  arrêté  par  une  force  né- 
cessairement variable,  lui  faisaient  dépenser ,  dans  ce  dégage- 
ment, une  force  également  variable  que  no  pouvait  exactement 
compenser  limpulsion  constante  qu'il  recevait.  On  a  pu 
amoindrir,  par  des  dispositions  souvent  très-ingénieuses,  les 
variations  de  la  perte  de  force  due  à  ce  dégagement,  sans 
pourtant  parvenir  à  les  faire  disparaître. 

Nous  placerons,  dans  cette  dernière  catégorie,  un  échappe- 
ment à  ressorts  très-ingénieux  de  M.  ïh.  Cole,  de  Londres, 
où  ce  dégagement  est  restreint  à  un  degré  remarquable. 

Grâce  à  l'emploi  des  remontoirs  qu'il  a  variés  sous  les 
formes  les  plus  ingénieuses,  et  à  leur  parfaite  exécution,  les 
autres  échappements  de  M.  Wagner  neveu  approchent  éga- 


390  '      VISITE 

lement  très  près  de  la  limite  théorique.  Plusieurs  présentent 
des  conditions  aussi  remarquables  que  nouvelles. 

La  roue  d'échappement,  dans  la  presque  totalité  des  appa- 
reils chronométriques,  est  l'avant-dernier  des  mobiles  sur 
lesquels  s'exerce  la  force  motrice  qui  y  arrive  successivement 
amoindrie,  et  seulement  capable  de  réparer  les  pertes  de  vi- 
tesse du  pendule.  Aussi  donne-t-on  à  cette  roue  la  plus  grande 
légèreté  possible.  M.  Redier  a  eu  l'heureuse  idée  d'exécuter, 
en  aluminium,  le  métal  le  plus  léger  connu,  des  roues  d'é- 
chappement de  deux  des  régulateurs  qu'il  expose.  Espérons 
que,  parmi  les  qualités  encore  si  peu  étudiées  de  ce  nouveau 
métal,  ou  de  ses  alliages,  se  trouvera  celle  de  résister  aussi 
bien  que  le  cuivre  au  frottement  des  becs  de  l'ancre. 

Nous  signalerons  également  parmi  les  artistes  auxquels 
cette  importante  partie  de  l'horlogerie  doit  des  progrès  réels, 
M.  Achille  Brocot,  de  la  maison  A,  Brocot  et  Delettrez. 

Isochronisme, 

Mille  tentatives  ont  été  faites  pour  obtenir  une  même  durée 
dans  les  oscillations,  quelles  que  soient  les  variations  de  la 
force  motrice  sur  le  dernier  mobile.  Dans  le  plus  grand  nom- 
bre, quant  au  pendule,  le  problème  a  consisté  à  maintenir  une 
même  amplitude  à  ses  oscillations.  Nous  signalerons  comme 
ayant  obtenu  un  résultat  très-satisfaisant  dans  cette  direc- 
tion, M.  Loseby,  de  Londres,  qui  y  est  parvenu  au  moyen  d'un 
ressort  très-flexible  que  rencontre  le  pendule  lorsqu'il  atteint 
une  certaine  limite,  et  qui,  réagissant  sur  lui,  réduit  d'abord 
la  longueur  de  la  course  dans  une  direction  et  accélère  son 
retour  dans  l'autre. 

Mais  cette  disposition,  d'ailleurs  très-logique,  exige  une 
très-grande  délicatesse  d'exécution  et  un  assez  long  tâtonne- 
ment dans  le  choix  des  ressorts  et  de  la  position  qu'on  doit 
lui  donner. 

Nous  croyons  le  problème  résolu  avec  plus  de  certitude  et 
de  précision  au  moyen  des  conditions  exposées  par  M.  J.  Wa- 
gner neveu. 

Il  donne  au  pendule,  par  une  augmentation  convenable  de 
sa  longueur,  une  tendance  au  retard,  constamment  combattue 
par  un  organe  additionnel  dont  la  résistance  progressive,  dans 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  391 

des  conditions  qu'on  peut  faire  varier  à  volonté,  réduit  d'a- 
bord la  grandeur  ou  la  durée  de  l'arc  d'oscillation,  et  s'ac- 
croît ou  s'amoindrit  en  raison  même  de  la  tendance  à  l'ac- 
croissement ou  à  la  diminution  de  cette  même  amplitude, 
puis  accélère  le  retour  du  pendule  dans  les  mêmes  rapports. 

Dans  les  spécimens  exposés,  l'organe  additionnel  est  un  pen- 
dule qu'il  appelle  satellite,  beaucoup  plus  petit  que  le  pendule 
principal  qui  reçoit  l'impulsion  et  auquel  il  est  articulé. 

Or,  un  petit  pendule,  livré  à  lui-même,  fait  ses  oscillations 
dans  un  temps  plus  court  qu'un  grand  ;  sa  solidarité  avec  ce 
dernier  doit  par  conséquent  accélérer  l'oscillation  commune. 

Si  l'on  considère,  d'un  autre  côté,  que  les  points  d'articu- 
lation peuvent  s'établir  sur  toute  la  longueur  de  chacun  des 
deux  pendules  ;  que,  par  conséquent,  on  peut  déterminer,  à 
volonté,  l'amplitude  des  oscillations  de  l'un  par  rapport  à  une 
amplitude  donnée  de  l'autre  ;  et  que,  dans  tous  les  cas,  le 
nombre  de  degrés  parcourus  par  le  pendule  satellite  est  tou- 
jours plus  grand  que  pour  le  pendule  principal  ;  qu'enfin, 
pour  un  poids  donné  de  celui-ci,  on  peut  faire  varier  à  vo- 
lonté le  poids  du  pendule  satellite,  on  comprendra  que,  sur 
trois  conditions  :  longueur,  poids  et  points  d'articulation  des 
deux  pendules,  deux  étant  données,  on  peut  trouver  la  troi- 
sième satisfaisant  aux  conditions  d'isochronisme  pour  les 
grands  comme  pour  les  petits  arcs.  Car,  dans  certains  cas, 
on  peut  dépasser  de  beaucoup  la  limite,  c'est-à-dire  obtenir 
de  grands  arcs  plus  rapidement  parcourus  que  les  petits. 

L'isochronisme  des  oscillations  d'un  balancier  circulaire  ré- 
sulte le  plus  souvent  du  choix  du  ressort  spiral]  employé,  et 
surtout  de  celui  des  points  d'attache  des  extrémités  de  ces  res- 
sorts, dont  l'élasticité ,  vu  leur  extrême  finesse,  est  quel- 
quefois sensiblement  modifiée  par  les  variations  de  la  tempé- 
rature. La  maison  Lutz,  de  Genève,  fabrique  des  spiraux,  pour 
montres  et  chronomètres  ,  qui  ont  l'incroyable  propriété  de 
rester  identiques  à  eux-mêmes  après  avoir  été  chauffés  sur  une 
plaque  d'acier  préalablement  blanchie  et  à  laquelle  on  donne 
un  recuit  qui  dépasse  le  bleu  foncé.  L'expérience,  répétée  un 
grand  nombre  de  fois  par  le  jury  de  Londres,  et  récemment 
par  le  jury  parisien,  a  constamment  donné  le  même  résultai. 
Ajoutons  que  le  ressort  trempé  de  nouveau  ne  présente  aucune 
variation  sensible  dans  son  élasticité. 


VISITE 


Isochronisme  d"un  pendule  et  d'un  mouvement  continu. 

Nous  avons  dit  que  la  condition  fondamentale  de  tous  les 
appareils  chronométriques  résidait  dans  l'arrêt  régulièrement 
périodique  du  rouage,  et  par  conséquent  dans  le  mouvement 
intermittent  des  aiguilles  indicatrices  de  la  durée  des  pé- 
riodes. 

Il  était  réservé  à  M.  J.  Wagner  neveu  de  réaliser  un  mou- 
vement continu  rigoureusement  isochrone,  et  qui  plus  est, 
de  régler  cet  isochronisme  au  moyen  des  oscillations  alterna- 
tives d'un  pendule;  en  d'autres  termes,  de  combiner  une  série 
de  rouages  dans  des  conditions  telles,  qu'un  certain  nombre 
des  mobiles  sont  soumis  à  la  condition  d'un  arrêt  périodi- 
que, tandis  que  les  autres,  marchant  d'une  manière  continue, 
sans  aucune  intermittence ,  règlent  nécessairement  leur  vi- 
tesse sur  celle  des  mobiles  qui  subissent  l'arrêt  périodique. 

La  simultanéité  du  mouvement  périodique  et  du  mouve- 
ment continu  pour  certains  mobiles  d'un  même  rouage  résulte 
d'abord  de  l'application  ingénieuse  d'un  remontoir  inventé 
précédemment  par  l'auteur,  et  qui,  au  lieu  d'être  remonté  à  de 
grands  intervalles,  l'est  à  chacune  des  oscillations  du  pendule 
dont  il  détermine  le  mouvement  par  sa  descente.  Le  poids  de 
l'ancien  remontoir  est  remplacé  par  une  cloche  suspendue  à 
l'extrémité  d'un  levier;  d'où  il  résulte  que  la  cloche  s'élève  et 
s'abaisse  d'une  certaine  quantité  à  chaque  oscillation  du  pen- 
dule. Un  volant  à  ailettes  tourne  dans  l'intérieur  de  cette 
cloche,  sous  l'action  directe  des  mobiles  dont  le  mouvement 
est  continu  ;  l'air  renfermé  dans  la  cloche  se  meut  donc  avec 
les  ailettes  du  volant  qui  lecliassent  par  l'ouverture  annulaire 
que  forme  l'intervalle  qui  sépare  le  bord  inférieur  de  la  clo- 
che d'un  plateau  horizontal  placé  au-dessous.  Cet  air  est  rem- 
placé, d'une  manière  continue,  par  une  même  quantité,  à 
laquelle  une  ouverture  supérieure  de  la  cloche  livre  passage, 
mais  qui ,  n'étant  animée  d'aucune  vitesse,  modère  celle  du 
volant  qui  lui  communique  graduellement  une  partie  de  la 
sienne.  Supposant  établi  l'isochronismedes  deux  mouvements, 
admettons  une  augmentation  de  la  force  motrice  ;  cette  aug- 
mentation ne  produira  aucun  résultat  sur  le  pendule  qui  ne 
icçoit  son  impulsion  que  du    remontoir;  mais  clic  forcera 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  393 

celui-ci  à  s'élever  plus  haut  que  dans  l'état  normal,  et  cette 
plus  grande  hauteur  sera  proportionnelle  à  l'augmentation 
de  force  motrice.  Or,  une  plus  grande  hauteur  du  remontoir 
produit  le  même  résultat  pour  la  cloche,  et  grandit  propor- 
tionnellement l'ouverture  annulaire  servant  à  l'écoulement  de 
l'air,  qui  s'échappe  plus  abondamment,  mais  est  remplacé 
par  une  quantité  proportionnelle  d'air  nouveau  dont  l'inertie 
s'oppose  à  l'augmentation  de  vitesse  du  volant ,  et,  si  tout 
est  convenablement  réglé,  maintient  l'isochronisme  de  son 
mouvement  et  de  celui  des  autres  mobiles  avec  celui  du  pen- 
dule. 

On  voit  que  ces  ingénieuses  dispositions  sont  susceptibles 
d'utiles  et  nombreuses  applications.  Au  moyen  d'un  mouve- 
ment continu  et  rigoureusemeut  réglé,  on  peut  pommer  sur  un 
cadran  ou  sur  un  cylindre  les  plus  minimes  fractions  du  temps 
avec  l'exactitude  la  plus  rigoureuse ,  et  constater  ainsi  la 
véritable  durée  de  nombreux  phénomènes  dont  l'étude  avait 
besoin  do  ces  conditions.  Déjà,  sous  l'inspiration  de  M.  le  gé- 
néral Morin ,  un  appareil  a  été  construit  pour  démontrer 
directement  les  lois  de  la  chute  des  corps  au  moyen  d'un  long 
cylindre  vertical ,  tournant  avec  une  vitesse  uniforme,  et  sur 
la  circonférence  duquel  un  poids  tombant  verticalement  laisse 
une  trace  permanente  de  son  passage  dans  les  instants  suc- 
cessifs de  sa  chute. 

Ajoutons  que,  de  tous  les  appareils  chronométriques,  celui- 
ci  estencore  le  mieux  disposé  pour  transmettreélectriquement, 
à  toute  distance,  l'heure  et  ses  plus  petites  subdivisions.  Mais 
avant  de  passer  à  la  catégorie  des  horloges  électriques,  en 
assez  grand  nombre  à  l'Exposition  ,  ne  quittons  pas  M.  J, 
Wagner  sans  signaler  l'application  qu'il  a  faite ,  à  un  rouage 
de  sonnerie,  d'une  denture  hélicuïde  qui ,  dans  ses  conditions 
particulières,  peut  s'appliquer  aux  engrenages  de  force,  et 
que  nous  espérons  bien  voir  employer  prochainement  à  la 
propulsion  des  navires  par  l'hélice,  car  cet  engrenage  com- 
portant des  pignons  même  d'une  seule  dent,  permet  la  plus 
grande  vitesse  possible  du  propulseur  avec  un  très-petit  nom- 
bre de  mobiles. 

Les  ditïicullcs  que  présente  l'exécution  de  ce  genre  d'en- 
grenages en  ont  jusqu'à  présent  restreint  l'application  pra- 
tique. Nous  avons  vu,  avec  un  vif  intérêt,  une  machine  très- 


394  VISITE 

ingénieuse  de  M.  Deshays,  au  moyen  de  laquelle  on  obtient 
des  engrenages  hélicoïdes  avec  la  même  facilité  que  les  den- 
tures ordinaires. 

Au  haut  de  l'un  des  escaliers  du  pont  de  communication 
se  trouve  une  pièce  d'horlogerie  qui  présente  les  formes  géné- 
rales d>'un  fléau  de  balance.  Sur  la  vitrine  on  lit  ces  mots  : 
Cette  horloge  marche.  Cette  indication  qui  fait  sourire  les  pas- 
sants, est  loin  d'être  superflue  :  car,  malgré  l'avertissement, 
il  faut  une  attention  soutenue  pour  se  convaincre  que  le 
mouvement  annoncé  est  réel.  Le  même  écriteau  ajoute  que 
cette  horloge  peut  marcher  pendant  trente^trois  ans  sans 
être  remontée.  Sans  nous  prononcer  sur  le  mérite  d'une  pièce 
que  nous  n'avons  pu  suffisamment  étudier ,  nous  dirons  à 
M.  Thomas  que,  pendant  les  trente-trois  ans,  la  pièce  aura 
plus  d'une  fois  besoin  d'être  démontée  pour  changer  les  huiles 
dont  l'épaississement  sera  d'autant  plus  rapide,  que  le  mouve- 
ment de  ses  mobiles  est  plus  lent. 

Horloges  électriques. 

Les  premières  conditions  sérieuses  de  l'application  de  l'é- 
lectricité de  la  chronométrie  remonteraient  à  1838  ,  si  l'on 
adopte  les  assertions  de  M.  Bain,  qui  toutefois,  n'a  pris  sa 
patente  en  Angleterre  qu'en  1841 ,  ou  à  1839  si,  n'admettant 
que  des  documents  authentiques,  on  prend  pour  point  de 
départ  le  brevet  bavarois  de  M.  Steinhel. 

En  France,  et  presque  simultanément,  nous  pouvons  citer 
MM.  Froment  (1846),  Bréguet  et  P.  Garnier.  Disons  cepen- 
dant que  celui-ci  nous  paraît  être  le  premier  qui  en  ait  fait 
une  application  publique  dans  une  gare  de  chemin  de  fer  où 
une  seule  pièce  d'horlogerie  envoie  électriquement  l'heure  à 
un  certain  nombre  de  cadrans. 

Parmi  les  pièces  de  ce  genre  qui  figurent  à  l'Exposition, 
nous  signalerons  d'abord  celle  de  M.  Froment,  dont  nous 
allons  essayer  de  donner  une  idée. 

Au  haut  du  pendule  est  fixé  un  petit  bras  horizontal  armé 
d'une  pointe  verticale  au-dessus  de  laquelle  se  trouve  une 
petite  masse  suspendue  à  l'extrémité  d'un  ressort  horizontal, 
qui  repose  sur  un  levier  portant  un  contre-poids  en  fer  doux. 
Lorsqu'à  l'extrémité  de  la  course,  la  pointe  verticale  du  pen- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  395 

dule  touche  la  petite  masse ,  le  courant  s'établit ,  le  contre- 
poids du  levier  est  attiré  par  un  électro-aimant ,  et  le  ressort, 
livré  à  lui-même,  laisse  à  la  petite  masse  qui  le  termine  toute 
son  action  sur  le  pendule  dont  elle  accompagne  le  retour 
pendant  un  certain  temps.  Le  contact  cesse  alors,  le  courant 
ne  passe  plus ,  le  contre-poids  du  levier  retombe  et  l'autre 
bras  relève  le  ressort  à  sa  hauteur  première.  Cette  très-petite 
pièce,  indépendamment  de  ses  propres  aiguilles,  fait  marcher 
à  distance  les  trois  aiguilles  d'un  grand  cadran  de  clocher. 

Examinons  maintenant  l'horloge  électrique  de  M.  Vérité, 
de  Beauvais. 

Comme  dans  son  horloge  de  1844,  les  pertes  de  vitesse 
de  son  pendule  sont  périodiquement  réparées,  à  chaque  os- 
cillation, par  l'action  d'un  même  poids,  qui  prend  ici  la  forme 
d'une  petite  cloche  métallique  et  qui  se  pose  sur  une  pointe 
placée  à  l'une  des  extrémités  d'une  barrette  horizontale  fixée 
au  pendule ,  sans  que  celui-ci  ait  aucun  dégagement  à  pro- 
duire, aucune  résistance  variable  à  vaincre.  La  pointe  arri- 
vée au  contact  intérieur  de  cette  cloche  suspendue  à  un  fil 
métallique  très-fin,  un  courant  électrique  s'établit^  et  un 
électro-aimant  abaisse  une  pièce  mobile  à  laquelle  la  cloche 
est  suspendue,  ce  qui  laisse  à  cette  cloche  toute  son  action 
sur  le  pendule.  Lorsque,  au  retour  de  celui-ci,  le  contact 
cesse  entre  la  pointe  et  la  cloche,  le  courant  ne  passe  plus; 
mais  il  est  rétabli  bientôt  dans  un  nouvel  électro-aimant, 
lorsqu'une  seconde  pointe ,  fixée  sur  l'autre  bras  de  la  bar- 
rette ,  vient  toucher  une  autre  cloche  placée  dans  les  mêmes 
conditions  que  la  première ,  et  dont  les  fonctions  sont  par 
conséquent  les  mêmes. 

C'est,  comme  on  le  voit,  le  poids  seul  des  deux  cloches  qui 
donne  l'impulsion  au  pendule;  et,  comme  ce  poids  reste 
constant,  comme  la  hauteur  de  leur  descente  est  toujours  la 
même ,  l'impulsion  que  reçoit  le  pendule  est  constante  dans 
toute  la  rigueur  du  mot  chronométrique,  puisque  le  simple 
contact  du  pendule  avec  la  cloche  détermine  instantanément 
les  fonctions  de  celle-ci. 

Si  nous  ajoutons  que  la  source  électrique  à  laquelle 
M.  Vérité  emprunte  la  force  motrice  qui  détermine  l'abais- 
sement des  cloches  est  très-faible ,  qu'elle  se  compose  d'un 
seul  couple  d'une  extrême  simplicité,  dont  l'action  utile  peut 


396  VISITE 

se  prolonger  plus  de  six  mois  sans  qu'on  ait  besoin  de  s'en 
occuper,  nos  lecteurs  seront  sans  doute  d'accord  avec  nous 
sur  le  mérite  exceptionnel  de  la  pièce  que  nous  venons  de 
décrire. 

L'horloge  électrique ,  qui  figure  parmi  les  magnifiques 
pièces  d'horlogerie  de  MM.  Detouches  et  Houdin,  est  due  à 
la  fertile  imagination  du  gendre  de  ce  dernier,  M.  Robert- 
Houdin,  l'habile  et  ingénieux  sorcier,  dont  la  réputation 
bien  méritée  est  aussi  universelle  que  l'exposition  qui  nous 
occupe.  Si  cette  pièce  n'a  pas  le  caractère  saisissant  de  sim- 
plicité qu'offre  l'horloge  de  M.  Vérité ,  et  que  nous  aurions 
probablement  trouvé  très-remarquable  dans  celle  de  M.  Ro- 
bert-Houdin  sans  la  présence  de  sa  sœur  aînée,  nous  loue- 
rons, sans  restriction,  les  dispositions  vraiment  ingénieuses 
qui  la  distinguent  et  en  font  une  pièce  d'un  mérite  peu 
commun ,  comportant  au  surplus  tous  les  résultats  que  nous 
avons  signalés  dans  l'œuvre  de  son  concurrent. 

L'action  des  cloches  de  M.  Vérité  est  ici  remplacée  par 
celle  de  deux  petits  ressorts  périodiquement  bandés  d'une 
même  quantité  par  deux  électro-aimants,  et  dont  la  réaction 
donne  l'impulsion  au  pendule. 

M.  P.  Garnier,  par  une  heureuse  application  de  l'échappe- 
ment à  force  constante  dont  nous  avons  parlé  plus  haut ,  a 
également  réalisé  les  conditions  d'une  horloge  purement  élec- 
trique, en  donnant  à  un  électro-aimant  la  mission  de  relever 
périodiquement  le  poids  qui  donne  l'impulsion  au  pendule. 

Enfin  nous  indiquerons,  comme  envoyant  électriquement 
l'heure  à  deux  cadrans,  l'horloge  même  du  Palais  de  l'In- 
dustrie, exécutée  par  M.  Collin. 

Après  avoir  signalé  les  points  saillants  et  pour  ainsi  dire 
exceptionnels  de  l'exposition  chronomélrique ,  il  nous  reste 
à  parler  des  fabricants  qui  se  sont  bornés  à  se  distinguer 
par  l'excellente  exécution  de  leurs  produits  ou  par  quelques 
conditions  de  détail  d'une  moins  grande  importance. 

Disons  d'abord  que  parmi  les  exposants  déjà  nommés, 
aucun  ne  doit  être  exclu  de  la  catégorie  que  nous  abordons , 
et  que  les  pièces  exécutées  par  eux  ne  le  cèdent  à  aucune 
autre  en  qualité  ou  en  élégance. 

En  grosse  horlogerie,  nous  signalerons  d'abord  M.  Gourdin 
de  Mayet  (Sarthe) ,  dont  les  pièces  intelligemment  composées 


Z91 

sont  d*une  exécution  assez  remarquable  pour  se  passer  de 
cette  coquetterie  de  frisé,  tout  au  plus  tolérable  dans  les 
pièces  de  petites  dimensions,  et  qui  a  le  grave  inconvénient, 
en  offrant  à  la  vue  un  papillotage  qui  l'éblouit,  de  déguiser  la 
pureté  des  formes  et  le  mérite  des  ajustements. 

Nous  dirons  de  M.  Collin  que  son  horloge  du  Palais  de 
l'Industrie  offre  un  ensemble  des  plus  élégants ,  d'une  symé- 
trie irréprochable,  digne  en  un  mot  du  monument  qu'elle 
décore;  mais  qu'il  est  à  regretter  que  le  court  espace  de 
temps  qu'il  annonce  avoir  été  employé  à  sa  composition  et 
à  son  exécution  ,  lui  ait  fait  fendre  des  dents  de  roues  dont 
les  faces  ne  sont  pas  parallèles  à  l'axe,  et  qui  ne  touchent 
les  ailes  des  pignons  ou  les  fuseaux  des  lanternes  que  par 
une  arête  qui  y  laisse  une  trace  bien  marquée;  qu'enfin 
le  défaut  de  concentricité  entre  la  grande  roue  qui  commande 
les  cadrans  destinés  à  indiquer  l'heure  relative  de  différents 
pays ,  rend  l'engrenage  de  cette  roue  trop  fort  sur  certains 
points,  trop  faible  sur  d'autres.  Nous  l'engagerons,  lorsque 
le  temps  le  lui  permettra ,  à  faire  disparaître  aussi  le  tré- 
mulement  fâcheux  de  son  remontoir  au  moment  où  il  arrive 
soit  au  bas  soit  au  haut  de  sa  course,  et  qui  se  communique 
jusqu'à  la  roue  d'échappement. 

En  copiant  les  dispositions  si  intelligentes  et  si  écono- 
miques employées  par  M.  J.  Wagner  neveu  pour  appliquer 
la  fonte  aux  sonneries  des  horloges  publiques,  M.  Blin  aurait 
dû  pousser  l'imitation  jusqu'au  bout,  en  laissant  sur  la  face 
libre  des  pignons  le  collet  qui ,  chez  le  premier,  donne  à  la 
denture  une  solidité  plus  grande.  Les  horloges  de  fonte  de 
M.  Hudde  ont  le  même  point  de  départ.  Nous  ne  sommes 
cependant  pas  absolument  convaincus  que  ses  axes  en  fonte 
présentent  toute  la  solidité  désirable. 

L'horlogede  M.  Petry  présente  cette  singularité  d'un  balancier 
circulaire  appliqué  à  une  pièce  fixe.  Les  conditions  de  son 
échappement  nous  ont  paru  remarquablement  ingénieuses, 
mais  nous  avons  quelque  peine  à  croire  que  ces  conditions  réa- 
lisent l'économie  annoncée  sur  l'emploi  du  pendule  ordinaire. 

Dans  l'horloge  de  M.  Hirt,  la  sonnerie  des  quarts  remonte 
le  mouvement  proprement  dit.  Cette  disposition  ne  nous  paraît 
pas  nouvelle  en  tant  que  but.  Nous  remarquons  aussi  un  peu 
de  complication  dans  son  échappement. 


398  VISITE 

Nous  n'émettrons  pas  d'opinion  sur  le  mérite  des  échappe- 
ments en  corne  de  M.  Galle.  C'est  au  temps  seul  à  prononcer. 
Nous  dirons  seulement  qu'il  a  été  précédé  dans  cette  applica- 
tion par  M.  Duclos,  auteur  de  ces  pendules  en  carton  qui  ont 
si  longtemps  figuré  dans  le  passage  Vivienne. 

Enfin  les  pièces  de  i\I.  Dorléans  nous  ont  paru  d'une  exécu- 
tion très-convenable. 

Après  un  commencement  d'établissement  dans  l'Annexe, 
M.  Bernardin,  au  moment  où  nous  écrivons,  remonte  sur  le 
palier  du  grand  escalier  sud  du  Palais  une  immense  pièce  qu'il 
désigne  sous  le  nom  d'horloge  astronomique,  et  qui  est  recou- 
verte d'un  nombre  considérable  de  cadrans  donnant  chacun 
une  indication  distincte. 

Les  horloges  monumentales  venant  de  l'étranger  sont  peu 
nombreuses  à  l'Exposition  ;  la  plupart  n'y  marchent  pas  ou 
sont  placées  de  manière  à  ne  pouvoir  être  convenablement 
examinées. 

Nous  pouvons  indiquer  toutefois  comme  présentant  des 
conditions  d'une  exécution  convenable  l'horloge  de  M.  Mann- 
kardt,  à  Munich,  placée  dans  l'axe  de  l'Annexe,  celle  de 
M.  Bennet,  à  Londres,  occupant  la  même  position  dans  la 
partie  anglaise;  et  celle  de  M.  Weiss,  de  Gross-Glogau  (Silé- 
sie) ,  placée  dans  la  galerie  nord  de  l'Annexe.  Cette  dernière 
présente  une  disposition  de  remontoir  à  barillet  caché  dans 
un  pignon,  qui  n'est  pas  nouvelle  en  principe,  mais  qui  offre 
un  caractère  original. 

Petite  horlogerie. 

L*espace  et  surtout  le  temps  nous  manquent  pour  établir  les 
distinctions  plus  ou  moins  exactes,  mais  consacrées  entre 
l'horlogerie  dite  de  précision  et  celle  du  commerce;  et,  comme 
les  noms  que  nous  allons  citeront  tous  acquis  une  honorable 
réputation  par  la  qualité  de  leurs  produits,  nous  croyons  ne 
pouvoir  mieux  faire  que  de  suivre  à  leur  égard  l'ordre  alpha- 
bétique du  catalogue. 

Nommer  MM.  Berthoud ,  c'est  rappeler  un  nom  justement 
célèbre  et  toujours  dignement  porté.  Nous  avons  déjà  fait  la 
même  remarque  à  l'occasion  de  M.  Bréguet. 

Nous  reproduisons  ici  le  nom  de  M.  Ach.  Brocot,  comme  au- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  399 

teur  de  quantièmes  non  moins  variés  qu'ingénieux  dans  leurs 
combinaisons  et  qui  donnent  les  lunaisons  à  moins  d'une  tierce 
près  par  mois.  Nous  ajouterons  que  la  maison  Brocot  et  De- 
lettrez  se  distingue  aussi  par  la  beauté  et  Télégance  de  ses 
bronzes  d'art. 

M.  Brocot  aîné,  frère  du  précédent ,  se  recommande  égale- 
ment par  l'excellente  qualité  de  ses  produits. 

Dire  que  M.  Dumas,  de  Saint-Nicolas,  est  le  digne  succes- 
seur de  M.  Motel,  son  beau-père,  pour  la  fabrication  des  chro- 
nomètres et  des  pièces  de  précision,  c'est  nous  dispenser  de 
toute  autre  formule  d'éloge. 

La  réputation  de  M.  Jacob,  également  de  Saint-Nicolas,  est 
trop  bien  établie  depuis  longtemps  dans  la  même  carrière  pour 
que  nous  ayons  besoin  de  le  signaler  autrement  que  par  son 
nom. 

Les  pièces  de  précision  ,  exécutées  par  W.  Raby,  acquéreur 
de  la  fabrique  d'horlogerie  de  Versailles,  jouissent  d'une  répu- 
tation méritée. 

M.  Redier,  dont  nous  avons  déjà  fait  connaître  les  heureuseâ 
applications  de  l'aluminium,  se  distingue  non-seulement  par 
la  parfaite  exécution  et  l'élégance  de  ses  pièces  de  précision, 
mais  encore  par  l'immense  fabrication  de  petits  réveille-matin 
à  bas  prix  qui,  en  y  comprenant  des  pendules  portatives, 
presque  toutes  destinées  au  marché  anglais  ,  s'élève  annuel- 
lement au  chiffre  énorme  de  35  à  40  000  pièces. 

Les  compteurs  à  pointage  de  M.  Rieussec  se  recommandent 
toujours  par  leurs  prix  modérés  et  leur  bonne  exécution. 

Enfin  nous  terminerons  cette  nomenclature  des  exposants 
français  par  M.  Henri  Robert  qui  s'est  fait  depuis  longtemps 
une  réputation  méritée  dans  la  construction  de  ses  pièces  tant 
de  précision  qu'à  l'usage  civil. 

Nous  sommes  bien  moins  renseignés  sur  les  produits  chro- 
nométriques  des  nations  étrangères.  Toutefois,  nous  avons 
pu  en  étudier  suffisamment  quelques-uns  pour  en  donner  à 
nos  lecteurs  une  appréciation  motivée. 

Dans  la  partie  anglaise  nous  pouvons,  sans  craindre  d'erreur 
possible,  signaler  M.  Ch.  Frodsham  comme  le  représentant  le 
plus  éminent  de  la  chronométrie  britannique.  Sa  maison  fon- 
dée par  le  célèbre  Arnold,  a  conservé,  sous  la  direction  de  son 
père  et  la  sienne,  les  bonnes  traditions  du  maître,  qui,  dans 


400  VISITE 

les  mains  du  possesseur  actuel,  se  sont,  en  même  temps  que 
ses  propres  découvertes ,  formulées  en  règles  pratiques  que 
M.  Ch.  Frodsham  a  généreusement  livrées  à  la  concurrence 
du  monde  entier,  au  moyen  de  tables  dont  la  publication  est 
assurément  un  bienfait  pour  l'horlogerie  de  précision.  Nous 
engageons  ses  confrères  à  examiner,  avec  le  soin  qu'elles 
méritent ,  les  ébauches  de  ses  balanciers  compensateurs 
où  se  retrouvent  toutes  les  phases  successives  de  leur  exécu- 
tion. 

Indépendamment  de  la  bonne  exécution  de  ses  pièces, 
M.  Cole  ,  déjà  nommé,  se  distingue  surtout  par  l'originalité, 
l'élégance  et  le  bon  goût  des  accessoires  qui  les  décorent. 

Nous  n'avons  également  que  des  éloges  adonner  à  iMM.  Au- 
bert  et  Klaftenberger,  Davis,  Frodsham  et  Baker,  Nicole  et 
Capt,  Poole,  et  enfin  Webster  dont  les  produits  soutiennent 
dignement  la  réputation  de  l'horlogerie  anglaise. 

L'horlogerie  suisse  est  représentée  par  76  exposants  qui 
pour  la  plupart  ont  une  réputation  bien  méritée.  Dans  l'im- 
possibilité d'assigner  un  rang  à  chacun  d'eux,  pressé  que 
nous  sommes  par  le  temps  et  l'espace,  nous  signalerons  comme 
les  plus  remarquables,  par  l'importance  de  leur  fabrication  et 
l'excellence  de  leurs  produits,  MM.  Paleck,  Philippe  et  Cie,  à 
Genève,  et  E.  Audemars,  au  Brassus,  canton  de  Vaud. 

Dans  les  États  sardes,  nous  appellerons  l'attention  des  con- 
naisseurs sur  les  magnifiques  produits  de  l'École  royale 
d'horlogerie,  dirigée  par  M.  Benoit,  ancien  fondateur  de  la 
fabrique  de  Versailles. 

En  Bavière,  nous  indiquerons  à  la  curiosité  de  nos  lecteurs, 
moins  l'horloge  dite  polytopique  de  M.  Henle,  de  Munich,  qui 
au  moyen  de  dispositions  longtemps  employées  avant  lui, 
donne  l'heure  actuelle  pour  un  grand  nombre  de  lieux  divers, 
que  la  notice  fort  originale  qu'on  trouve  souvent  au  bas  de 
cette  pièce,  et  qui  a  pour  but  de  prouver  l'existence  simulta- 
née de  trois  jours  consécutifs  de  la  semaine  pour  certains 
lieux  découverts  par  des  navigateurs ,  les  uns  venant  de  l'O- 
rient, les  autres  de  lOccident. 

Dans  l'exposition  autrichienne,  nous  signalerons  l'impor- 
tante fabrication  de  la  maison  Suchy  et  fils,  à  Prague ,  qui 
alimente  de  pendules  la  presque  totalité  de  l'Allemagne. 

Enfin,  nous  retrouvons  en  Danemark  le  nom  célèbre  de 


A  L'EXPOSITION  UiNIVERSELLE.  401 

Jurgensen,  dont  le  fils  nous  paraît  soutenir  dignement  la  ré- 
putation. 

La  plupart  des  produits  dont  nous  venons  d'entretenir  nos 
lecteurs  ne  constituent  pas,  dans  les  mains  des  exposants,  une 
véritable  fabrication  dans  le  sens  ordinaire  du  mot.  Un  trèS' 
petit  nombre  exécutent  la  totalité  des  pièces  qui  entrent  dans 
une  pendule  ou  dans  une  montre.  Le  blanc,  c'est-à-dire  le 
mouvement  entier,  moins  l'échappement,  leur  est  fourni  par 
des  fabricants  dont  les  produits  vont  maintenant  nous  oc- 
cuper. 

La  maison  Japy ,  de  Beaucourt  (Haut-Rhin),  occupe  évi- 
demment le  premier  rang  dans  cette  fabrication  par  l'abon- 
dance incroyable  de  sa  production,  par  le  bas  prix  et  la  bonne 
qualité  de  ses  produits,  qui  trouvent  de  nombreux  débouchés 
dans  le  monde  entier. 

Saint-Nicolas  d'AUiermont,  village  des  environs  de  Dieppe, 
est  le  rival  de  Beaucourt.  Mais  la  fabrication  y  est  divisée  en 
un  certain  nombre  de  maisons,  parmi  lesquelles  la  plus  con- 
sidérable, en  même  temps  que  l'une  des  plus  en  réputation, 
est  celle  de  MM.  Borromée  Délépine  et  Candey,  qui  ont  ac- 
quis l'établissement  justement  célèbre  de  Pons,  fondateur 
de  cette  fabrication  à  Saint-Nicolas. 

Parmi  les  autres  maisons  de  cette  localité  dont  il  nous  a 
été  donné  d'apprécier  les  produits  ,  nous  citerons  MM.  Dumas 
et  Jacob  déjà  nommés,  et  Cailly  aîné. 

A  Besançon  ,  nous  citerons  MM.  Ferrier  et  Bataille  aîné;  à 
Montbéliard,  MM.  Marti  et  Vincenti  ;  et  à  Berne  (Doubs), 
M.  Japy  fils. 

Nous  allons  dire  quelques  mots  d'une  espèce  d'horloges  qui, 
par  leurs  dimensions,  tiennent  le  milieu  entre  l'horlogerie 
monumentale  et  celle  dont  nous  venons  de  nous  occuper.  Elles 
portent  le  nom  de  comtoises,  parce  qu'elles  se  fabriquent  en 
Franche-Comté.  Leur  marche  est  généralement  très-bonne; 
et,  placées  au  haut  d'une  gaîne,  elles  figurent  fréquemment, 
dans  beaucoup  d'appartements  en  guise  de  régulateurs.  Le 
catalogue  ne  nous  a  révélé  que  deux  exposants  de  cette  caté- 
gorie ,  ce  sont  MM.  Bailly-Comte,  père  et  fils,  à  Morez  (Jura), 
qui  jouissent  d'une  réputation  méritée,  et  Mme  veuve  Reydor 
et  fils,  de  la  même  ville. 

Il  nous  reste  à  parler  d'une  dernière  espèce  d'horlogerie 
206  aa 


402  VISITE 

dont  l'énorme  fabrication  fait  vivre  un  nombre  considérable 
d'habitants  du  grand-duché  de  Bade  et  du  royaume  de  Wur- 
temberg; il  s'agit  des  coucous  de  la  forêt  Noire,  qui  malgré 
les  droits  d'entrée  et  la  distance,  se  vendent  à  un  bas  prix 
incroyable  dans  les  villages  du  monde  entier.  Le  plus  grand 
nombre  s'exécute  en  bois  :  axes,  roues  et  pignons,  pivots  en 
fil  de  fer,  échappement  en  tôle  pliée  à  la  pince,  et  cependant 
elles  donnent  l'heure  avec  assez  de  précision  pour  régler  con- 
venablement les  travaux  du  cultivateur. 

Parmi  les  dix-huit  exposants  de  ces  deux  nations  qui  figu- 
rent au  catalogue,  un  seul  accepte  franchement  le  mot  coucou^ 
et  cinq  désignent  leurs  produits  sous  le  nom  d'horloges  de  la 
forêt  Noire.  Le  mot  horloge  caractérise  presque  tous  les  au- 
tres. Nous  ferons  cependant  une  exception  pour  M.  Kalten- 
bach,  àFurtwangen  (Tryberg),  dans  le  grand-duché  de  Bade, 
qui  expose  des  pièces  de  marine. 

Instruments  de  précision. 

Les  différentes  industries  qui  concourent  à  la  confection  des 
objectifs  achromatiques  sont  en  général  représentées  chez  tous 
les  opticiens.  Nous  citerons  d'abord,  comme  pièce  marquante, 
l'objectif  achromatique  de  M.  Lerebours,  appartenant  à  l'Ob- 
servatoire impérial  de  Paris.  Cet  objectif  de  37  centimètres  de 
diamètre  et  de  8™, 80  de  foyer  est  destiné  au  bel  instrument 
parallactique  que  M.  Brunner  finit  en  ce  moment,  et  qu'il  est 
bien  à  regretter  de  ne  pas  voir  figurer  à  l'Exposition. 

Après  cet  objectif,  nous  citerons  ceux  de  moindre  dimen- 
sion qui  sont  destinés  aux  lunettes.  M.  Bardou  a  exposé  des 
objectifs  montés,  c'est-à-dire  des  télescopes  réfracteurs  dont 
la  bonne  qualité  est  généralement  appréciée  :  il  y  a  des  lunettes 
de  ce  genre  depuis  2  mètres  et  plus  de  foyer  jusqu'aux  plus 
petites  dimensions;  des  quantités  considérables  en  ont  été 
fournies  par  lui  aux  corps  d'officiers  des  diverses  armées  en 
Orient. 

Pour  les  lunettes  de  petites  dimensions,  un  artiste  très-ha- 
bile, M.  Bertaud,  a  exposé  des  produits  bien  appréciés  par 
les  hommes  compétents.  Ces  produits  ne  sont  pas  seulement 
des  verres  objectifs,  mais  toutes  autres  espèces  de  verres  et 
de  cristaux  employés  en  optique.  Cette  même  spécialité  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  403 

la  taille  des  cristaux,  pour  la  polarisation,  a  fondé  la  supériorité 
de  la  maison  Soleil ,  qui  s'est  en  quelque  sorte  emparée  du 
monopole  de  ces  produits. 

M.  Duboscq,  aussi  successeur  de  M.  Soleil,  mais  pour  la 
partie  instrumentale ,  a  exposé  tout  ce  que  l'optique  possède 
de  plus  nouveau  :  son  saccharimètre  pour  mesurer  la  richesse 
saccharine  des  sirops ,  au  moyen  de  la  lumière  polarisée ,  son 
colorigrade  par  extinction ,  ses  polarimètres ,  le  photomètre 
polarisant  de  M.  Babinet,  l'héliostat  de  M.  Silberniann,  modifié 
à  nouveau  par  l'auteur ,  les  stéréoscopes  par  réflexion  et  par 
réfraction ,  enfin  tous  les  appareils  et  instruments  d'optique 
scientifique  et  industrielle  sont  fabriqués  par  cet  habile  con- 
structeur. 

M.  Radiguet ,  si  renommé  pour  ses  verres  plans  parallèles, 
en  a  exposé  quelques  spécimens. 

Il  faut  encore  citer  M.  Jamia  comme  constructeur  d'objec- 
tifs pour  appareils  photographiques.  Il  est  parvenu ,  par  le 
choix  de  la  matière  employée  et  celui  des  courbures,  à  mettre 
l'opérateur  à  l'abri  du  défaut  de  coïncidence  entre  le  foyer 
optique  ou  de  l'image  nette,  et  le  foyer  chimique  qui  con- 
vient à  la  netteté  de  l'action  sur  les  substances  impression- 
nables; ces  foyers  sont  en  général  très-distincts. 

Nous  avons  remarqué  d'excellentes  lunettes  parmi  les  ob- 
jets exposés  par  M.  Steinheil,  de  Munich.  Leur  essai  nous  a, 
une  fois  de  plus,  certifié  le  talent  de  cet  habile  artiste. 

Dans  l'exposition  anglaise,  cette  spécialité  n'est  pas  séparée 
des  instruments  dans  lesquels  les  verres  sont  employés. 

On  sait  que,  parmi  les  sciences  d'observation,  l'astronomie 
est  peut-être  celle  qui  pousse  la  précision  le  plus  loin;  aussi, 
les  instruments  qu'elle  emploie  demandent  l'étude  la  plus 
élevée  de  la  part  du  savant  et  l'habileté  la  plus  complète  de 
la  part  du  constructeur.  Plusieurs  instruments  figurent  à  l'Ex- 
position ,  soit  à  l'état  de  modèles ,  soit  à  l'état  de  machines  sé- 
rieusement exécutées  et  prêtes  à  fonctionner. 

Ces  instruments  sont  des  télescopes  réfracteurs  de  diver- 
ses dimensions;  ces  lunettes,  quand  il  s'agit  de  préciser  la  di- 
rection de  leur  axe  par  rapport  aux  lignes  et  aux  plans  aux- 
quels l'astronome  rapporte  ses  observations,  ont  besoin  d'être 
montées  de  manière  à  pouvoir  déterminer  sur  des  cadrans 
divisés  chacune  deâ  positions  qu'ils  occupent.  L'instrument 


404  VISITE 

est  un  cercle  mural,  ou  cercle  méridien,  ou  lunette  méri- 
dienne, quand  la  lunette  ne  peut  se  mouvoir  que  dans  le 
plan  méridien  ,  par  suite  de  la  fixité  des  deux  supports  de  son 
axe  horizontal.  L'instrument  est  appelé  théodolite  ou  cercle 
astronomique,  lorsque  les  deux  supports  sont  montés  sur  un 
plateau  horizontal,  mobile  autour  d'un  axe  vertical  ;  dans  ce 
cas  le  plateau  lui-même  est  divisé  et  se  nomme  cercle  azi- 
muthal. 

Enfin  si  l'appareil  était  incliné  sur  l'horizon  de  manière  à 
rester  constamment  parallèle  à  l'axe  terrestre,  il  s'ensuivrait 
que  le  cercle,  divisé  perpendiculairement  à  cet  axe,  serait  pa- 
rallèle au  plan  de  l'équateur;  ce  cercle  divisé  se  nomme  alors 
cercle  équatorial ,  et  l'instrument,  dans  son  ensemble,  se 
nomme  équatorial  ou  parallactique. 

L'exposition  française  n'offre  aucun  instrument  de  la  pre- 
mière espèce. 

Quant  à  la  deuxième,  M.  Brunner  a  exposé  un  grand  cercle 
astronomique  dont  les  cercles  sont  fixes,  dont  les  vis  d'arrêt 
portent,  sur  un  autre  cercle  concentrique,  un  cercle  droit, 
de  manière  à  n'exercer  sur  celui-ci  aucune  pression;  les  cer- 
cles sont  divisés  de  cinq  en  cinq  minutes,  les  micromètres 
mesurent  la  seconde  et  laissent  estimer  le  dixième  de  se- 
conde. 

Le  même  artiste  a  encore  exposé  un  autre  modèle  de  ce 
genre,  mais  plus  petit;  ce  dernier  permet  le  retournement  de 
Taxe  horizontal  avec  son  cercle  et  sa  lunette;  la  précision 
qu'apporte  ce  retournement  dans  ces  observations  est  presque 
incroyable;  en  eiïet,  une  seule  petite  série  d'observations 
ainsi  faites  a  donné,  à  très-peu  près,  le  même  chiffre  que  la 
moyenne  de  dix  mille  observations  faites  avec  de  grands  in- 
struments qui  n'ont  pas  la  faculté  de  pouvoir  être  retournés. 
Cet  instrument,  fixé  dans  le  plan  du  méridien,  remplace  le 
cercle  mural. 

Il  est  regrettable  que  M.  Brunner  n'ait  pas  été  autorisé  à  ex- 
poser le  grand  instrument  parallactique  qu'il  achève  pour 
i'Ob&ervatoire  de  Paris  :  il  eût  bien  figuré  à  l'Exposition  par 
sa  bonne  confection  et  ses  dimensions  colossales;  sa  lunette, 
qui  doit  recevoir  l'objectif  de  M.  Lerebours ,  aura  8'", 90  de 
longueur.  Le  pied,  en  fonte,  a  6  mètres  de  hauteur  et  près 
de  4  mètres  de  largeur  dans  le  sens  cju  méridien.  Les  cer-« 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  403 

clés  divisés,  ont  1"',80  de  diamètre,  et  sont  entièrement 
coulés  d'une  seule  pièce  :  limbe  ,  rayons  et  moyeu  en  bronze  , 
ont  partout  une  même  épaisseur  ;  afin  de  prévenir  les  inégalités 
dans  la  dilatation  ,  un  soin  particulier  a  présidé  au  moulage. 

L'exposition  de  M.  Brunner  est  encore  remarquable  par  la 
méthode  qu'il  emploie  dans  le  mesurage  des  bases;  sa  dispo- 
sition des  deux  règles  de  Borda ,  son  aboutissage  et  son  ali- 
gnement méritent  d'être  étudiés. 

Nous  avons  encore  à  citer  en  France  ,  et  dans  la  nef,  une 
lunette  parallactique  de  M.  Sécrétan,  de  24  centimètres  de  dia- 
mètre et  de  4  mètres  de  foyer,  placée  au  milieu  de  six  tiges 
parallèles,  reliées  entre  elles  par  des  tirants  ;  les  extrémités  de 
ces  six  tiges  sont  à  chaque  bout  prises  dans  une  pièce  métalli- 
que qui  se  termine  par  un  tourillon  ;  l'axe  de  rotation  est  si- 
tué parallèlement  à  l'axe  de  la  terre,  ses  extrémités  sont  ap- 
puyées sur  deux  collets,  fixés  chacun  sur  son  massif  spécial  en 
granit;  un  mouvement  d'horlogerie  fait  mouvoir  l'axe. 

M.  Froment  n'a  jusqu'à  présent  exposé  qu'un  petit  théodo- 
lite, mais  sa  division ,  comme  on  sait,  est  parfaite.  Le  miroir 
qu'il  a  exécuté  pour  M.  Foucault,  pour  la  détermination  de  la 
vitesse  de  la  lumière ,  tourne  au  moyen  d'une  turbine  à  va- 
peur, sous  haute  pression ,  avec  une  vitesse  de  douze  mille 
tours  à  la  seconde. 

D'autres  instruments,  que  M.  Froment  a  construits,  servant 
à  la  démonstration  de  la  persistance  du  mouvement  de  rota- 
tion d'un  mobile  homogène  autour  de  son  axe,  sont  pareille- 
ment exposés.  M.  Foucault  démontre  directement,  par  cet  ap- 
pareil, que  le  mouvement  continue  dans  le  plan  même  de  la 
première  oscillation. 

Nous  citerons  encore  ici ,  en  fait  d'instruments  de  ce  genre, 
les  cercles  sextants  et  octants  de  M.  Védy  et  de  M.  de  Gravet , 
qui  gardent  le  degré  de  supériorité  que  les  maisons  dont  ils 
sont  les  successeurs  avaient  acquis. 

M.  Porro,  dont  les  produits  sont  placés  dans  le  jardin  , 
achève  d'y  installer  un  instrument  équatorial ,  une  lunette 
zénithale  cathyalitiqne  d'un  décimètre  d'ouverture,  un  instru- 
ment méridien,  des  lunettes,  et  divers  autres  appareils  de 
son  invention,  que  nous  regrettons  de  n'avoir  pu  examiner 
encore. 

Signalons  cependant  une  ingénieuse  combinaison  de  pris- 


i6^  VISITE 

mes,  au  moyen  de  laquelle  un  très-petit  appareil  devient  im- 
médiatement, entre  les  mains  d'un  naturaliste,  un  excellent 
microscope  ou  une  très-bonne  longue-vue.  Appelons  égale- 
ment l'attention  sur  le  mécanisme  non  moins  ingénieux  qui 
détermine  le  mouvement  de  la  grande  lunette,  et  qui  nous 
paraît  appelé  à  recevoir  de  nombreuses  applications  indus- 
trielles. 11  se  compose  de  deux  axes  qui  peuvent  se  com- 
mander sous  tous  les  angles,  depuis  0  jusqu'à  90^,  et  dont 
les  rapports  de  vitesse  peuvent  être  quelconques,  depuis  0 
jusqu'à  l'unité. 

Passons  maintenant  à  un  autre  groupe  d'instruments  d'op- 
tique. 

M.  Nachet  expose  des  microscopes  de  première  puissance 
et  de  diverses  dispositions,  permettant  à  plusieurs  personnes 
à  la  fois  de  voir  un  même  objet  :  il  en  a  ainsi  à  deux,  trois  et 
quatre  corps ,  se  réunissant  par  la  réflexion  sur  des  prismes 
placés  sur  l'objectif  combiné  unique. 

Il  a  poussé  la  confection  des  objectifs  de  microscopes  jus- 
qu'aux moindres  dimensions  ;  ainsi,  un  de  ses  objectifs  com- 
posés a  été  combiné  avec  des  lentilles  de  deux  tiers  de  milli- 
mètre de  diamètre  et  un  quart  de  millimètre  de  distance 
locale  :  ce  jeu  unique  est  donné  aux  collections  du  Conserva- 
toire des  arts  et  métiers. 

M.  Oberhauser  présente  aussi  des  microscopes  de  très-bonne 
qualité;  il  a  apporté  des  dispositions  propres  à  pouvoir  exami- 
ner les  objets  dans  le  vide  :  cette  disposition  offre  de  grands 
avantages  dans  certaines  circonstances. 

Dans  l'exposition  de  M.  Chevalier  figurent  des  microscopes, 
un  théodolite,  des  appareils  d'optique  pour  la  démonstration, 
et  des  instruments  de  météorologie  parmi  lesquels  un  baromè- 
tre étalon  bien  construit. 

Les  successeurs  de  Gambey  tiennent  à  honneur  de  conser- 
ver, dans  leurs  instruments  divisés,  théodolites,  cercles  répé- 
titeurs, boussoles  de  variation,  la  supériorité  qu'avait  acquise 
lillustre  chef  de  cette  maison. 

M.  Dumoulin  a  réalisé  un  instrument  applicable  aux  grands 
nivellements;  cette  machine,  destinée  à  relever  le  profil  d'un 
terrain,  se  charge  el!e-mênie  d'en  tracer  une  exacte  repré- 
sentation ,  sur  laquelle  on  peut  inscrire  toutes  les  observa- 
tions de  distance  et  de  hauteur. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  407 

Nous  ne  pouvons  décrire  cet  instrument  enregistreur,  mais 
on  comprend  qu'à  l'aide  d'un  pendule  qui  conserve  une  posi- 
tion verticale,  et  d'un  mouvement  de  papier,  commandé  par 
une  roue,  il  soit  facile  de  réaliser,  sous  diverses  formes,  les 
conditions  qui  viennent  d'être  indiquées. 

Dans  la  division  anglaise,  le  modèle  en  vraie  grandeur  du  cer- 
cle méridien  de  l'observatoire  de  Greenwich,  mérite  une  atten- 
tion toute  particulière.  Ce  premier  observatoire  de  l'Angleterre 
n'est  pas  au  milieu  de  la  capitale,  comme  celui  de  Paris,  mais 
à  quelques  lieues  de  Londres,  à  une  distance  jugée  suffisante 
pour  que  toutes  les  influences  d'un  grand  centre  de  mouve- 
ment soient  à  peu  près  éteintes  ;  de  plus,  un  sol  solide  et  un 
horizon  bien  découvert  font  de  Greenwich  un  lieu  parfait  pour 
toutes  les  observations  stationnaires  d'astronomie  et  de  mé- 
téorologie. Dans  cet  observatoire,  les  instruments  sont  isolés 
les  uns  des  autres;  chacun  est  logé  dans  un  pavillon  spécial. 

Le  cercle  de  Greenwich  présente  des  dispositions  particu- 
lières dont  on  peut  saisir  l'ensemble  sur  le  grand  modèle  en 
bois,  mais  dont  les  détails  sont  plus  apparents  sur  les  divers 
modèles  à  demi-grandeur  qui  l'accompagnent. 

Cet  instrument,  dont  nous  avons  indiqué  l'usage,  est  com- 
posé comme  il  suit  :  sa  lunette  traverse  le  milieu  de  l'axe  de 
suspension  horizontal ,  les  deux  bouts  de  la  lunette  s'équili- 
brent l'un  l'autre.  Le  cercle  divisé  est  monté  sur  l'axe  à  la 
droite  de  la  lunette  ;  un  cercle  pareil ,  mais  non  divisé ,  est 
à  la  gauche;  il  sert  de  contre-poids  et  porte  les  vis  d'arrêt. 
L'axe  porte,  vers  les  deux  tourillons,  sur  deux  anneaux,  sus- 
pendus chacun  à  un  bras  de  levier  dont  l'autre  extrémité 
porte  un  contre-poids  qui  contre-balance  le  poids  de  l'instru- 
ment qui  arrive  seulement  à  toucher  ses  collets  sans  les 
charger. 

L'axe  roulant  est  creux,  il  porte  un  objectif  et  des  repères 
dont  une  lunette  fixe,  à  distance,  peut  certifier  l'invariabilité. 

Pour  certifier  d'autre  part  l'horizontalité  de  la  lunette,  et, 
par  suite,  le  zéro  effectif  de  la  division  du  cercle,  deux  lunet- 
tes horizontales,  pareilles  à  la  précédente,  sont  en  avant  et  en 
arrière  de  l'instrument,  à  la  hauteur  exacte  du  plan  horizontal, 
passant  par  l'axe  des  lunettes  collimatrices  qui,  ainsi  que  les 
supports  de  la  lunette,  sont  établis  sur  des  massifs  de  pierre 
de  taille  bien  fondés  sur  le  sol.  Cet  instrument  a  une  lunette 


408  VISITE 

d'environ  3  mètres,  son  cercle  a  1'",60  de  diamètre.  Une  dis- 
position spéciale  est  apportée  à  cet  appareil  pour  permettre  la 
"visée  par  réflexion  sur  bain  de  mercure;  ce  bain  est  porté  sur 
le  côté  d'un  parallélogramme  que  l'observateur  peut  faire 
mouvoir  facilement  et  amener  au  point  voulu;  dans  ce  cas, 
après  avoir  fait  l'observation  par  réflexion ,  on  fait  l'observa- 
tion directe  et  l'on  obtient  un  angle  double  et  une  correction 
d'horizon. 

L'éclairage  des  divisions  du  cercle  est  bien  disposé;  six  mi- 
croscopes à  vis  micrométriques  sont  destinés  à  la  lecture ,  et 
cet  appareil  mérite ,  par  son  importance  ,  une  étude  spéciale. 

La  lunette  parallactique  de  M.  Cooke,  ainsi  que  celle  de 
l'observatoire  de  M.  Hartwel ,  sont  représentées  par  des  mo- 
dèles réduits  à  une  petite  proportion  ;  l'instrument  de  M.  Hart- 
wel est  figuré  avec  tout  le  relief  de  son  observatoire. 

Les  ingénieurs  hydrographes  ou  de  la  surveillance  des  côtes 
{coast  surweij)  d'Angleterre  ont  exposé  deux  de  leurs  règles, 
pour  mesurer  les  bases  des  triangulations,  chacune  de  4 
yards;  des  thermomètres  indiquent  la  température  des  rè- 
gles, et  des  microscopes  accouplés  pointent  sur  les  talons 
saillants  horizontaux  des  bouts  en  présence.  Ces  microscopes 
sont  à  mouvement  micrométrique.  Les  niveaux  de  pente  de 
la  forme  de  ceux  d'Egault,  de  petits  et  des  grands  théodolites 
de  Nairne,  une  lunette  méridienne  et  son  cercle  à  système 
pour  retournement,  sont  le  bagage  des  instruments  pratiques 
de  ce  corps ,  nous  disons  pratiques ,  car  ils  portent  tous  la 
trace  d'un  long  service,  preuve  de  leur  bon  emploi.  Ils  sont 
accompagnés  des  travaux  graphiques ,  gravés  sur  cuivre,  des 
matrices,  planches  et  feuilles  imprimées  des  caries  et  plans 
qu'ils  ont  servi  à  relever. 

L'institut  polytechnique  de  Vienne  a  placé  dans  la  nef  une 
lunette  méridienne  de  1"',80  de  longueur,  munie  de  deux 
cercles  divisés,  chacun  de  oO  centimètres  de  diamètre;  l'in- 
strument est  établi  sur  deux  massifs  de  pierre;  il  nous  paraît 
bien  conditionné  pour  un  observatoire  particulier.  Cet  instru- 
ment est  fait  par  M.  Starke  qui  expose  encore  d'autres  instru- 
ments de  géodésie  bien  exécutés. 

Parmi  les  instruments  pour  les  sciences  se  trouve  l'appareil 
de  M.  Blanchi,  adopté  pour  mesurer  la  densité  de  la  poudre 
de  guerre  ;  c'est  par  le  poids  du  mercure,  dont  on  jauge  le  vo- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  409 

lume  par  différence  dans  le  réservoir  qui  contient  ce  liquide, 
qu'on  arrive  à  trouver  la  densité  d'un  poids  déterminé  de 
poudre. 

Le  nouvel  appareil  de  la  condition  des  soies  et  autres  ma- 
tières filamenteuses  de  M.  Persoz  trouve  nécessairement  sa 
place  ici.  La  soie  étant  une  matière  très-hygrométrique ,  il 
est  devenu  nécessaire,  vu  son  prix  élevé,  de  la  vendre,  en 
tenant  compte  de  son  état  de  sécheresse  ;  à  cet  effet  des 
échantillons  sont  pris  dans  la  masse,  pesés  d'abord  ,  puis  mis 
dans  une  étuve  chauffée  à  lOo  degrés  et  pesés  dans  ces  con- 
ditions, après  un  séjour  suffisamment  prolongé  ;  la  différence 
entre  les  pesées  indique  le  poids  d'eau  que  la  soie  contenait 
primitivement;  il  est  facile  alors,  par  une  règle  proportion- 
nelle, de  déduire,  du  poids  du  ballot,  le  poids  d'eau  qu'il  ren- 
ferme. 

Un  grand  nombre  de  machines  et  d'appareils  de  physique 
figurent  à  l'Exposition.  MM.  Fabre  et  Kunemann,  successeurs 
de  M.  Pixii ,  présentent  une  machine  pneumatique,  composée 
par  M.  Silbermann  jeune ,  et  qui  offre  de  grands  avantages 
dans  des  expériences  complexes,  vu  qu'elle  est  disposée  de 
manière  à  correspondre  à  deux  récipients  à  la  fois,  et  qu'elle 
permet  l'introduction  et  la  sortie  simultanée  de  divers  gaz. 
Une  collection  de  tuyaux  et  d'instruments  d'acoustique  dont 
quelques-uns  sont  nouveaux,  tels  que  le  polycorde  sur  lequel 
toutes  les  expériences  acoustiques  des  cordes  peuvent  se  réa- 
liser; une  machine  électrique  dont  le  plateau  est  en  caout- 
chouc vulcanisé,  etc.  ;  enfin  une  pile  hydro-électrique  à  un 
seul  liquide  dont  la  construction  est  bien  entendue. 

MM.  Breton  frères  exposent  une  quantité  d'appareils  élec- 
tro-dynamiques appliqués  soit  à  l'enseignement,  soit  à  la  mé- 
decine. 

M.  Gollardeau  soutient  la  réputation  de  ses  aréomètres, 
thermomètres  et  autres  instruments  en  verre. 

M.  Fastré ,  qui  s'occupe  spécialement  des  baromètres  et  des 
thermomètres,  en  a  exposé  plusieurs  d'une  construction  excel- 
lente. La  graduation  des  tubes  est  parfaite. 

M.  Golaz  a  spécialisé  son  industrie  en  exposant  les  divers 
appareils  pneumatiques  employés  par  M.  Regnault  dans  ses 
recherches  sur  la  dilatation  de  l'air  et  des  autres  gaz,  sur  celle 
du  mercure ,  etc. 


440  VISITE 

M.  Ruhmkorff  expose  des  appareils  d'un  genre  nouveau 
qui  ont  pour  but  l'application  de  l'électro- magnétisme  à 
l'étude  de  son  action  sur  les  autres  corps  de  la  nature.  Cet 
habile  constructeur  a  imaginé  un  appareil  d'induction  qui 
produit  des  courants  d'étincelles  d'électricité  statique,  provo- 
quées par  l'électricité  de  la  pile. 

M.  Walferdin  expose  le  résultat  de  ses  longues  recherches 
sur  la  thermométrie ,  au  point  de  vue  de  la  météorologie  et 
des  expériences  délicates.  Citons  son  thermomètre  à  maxima 
à  déversoir,  qui  permet  de  faire  servir  la  même  échelle  à 
toutes  les  distances  de  l'échelle  thermomélrique  quoiqu'il  ne 
porte  qu'un  petit  nombre  de  degrés,  divisés  en  centièmes.  Son 
thermomètre  à  minima  offre  les  mêmes  avantages  que  le  pré- 
cédent. Ces  deux  instruments  ont  par  lui  été  réunis  en  un  seul. 

Citons  encore  ses  thermomètres,  métastatique  à  mercure, 
différentiel  à  alcool ,  hypsométrique  remplaçant  le  baromètre 
pour  les  mesures  de  hauteur,  etc. 

M.  Walferdin  remarquant  que  le  thermomètre  à  mercure 
peut  indiquer  depuis  —  40,  température  de  congélation  de  ce 
liquide  jusqu'à +  360  de  son  échelle,  terme  de  son  ébullition, 
a  ainsi  une  course  de  400  degrés  centésimaux,  et  comme  la 
température  de — 40  existe  à  peine  dans  les  régions  les  pius 
froides  de  la  terre,  c'est-à-dire  jamais  dans  les  régions  habi- 
tées, il  trouve  que  les  observateurs,  pour  éviter  les  signes-j- 
et—  de  notre  échelle  centésimale  feraient  mieux  d'écrire  0  au 
droit  de  —  40  mercure  fondant,  40  au  point  de  la  glace  fon- 
dante, UO  à  l'eau  bouillante  et  400  au  point  du  mercure 
bouillant.  En  avançant  ainsi  l'échelle  de  40  degrés  toutes  les 
observations  deviendraient  positives,  ce  qui  éviterait  aux 
observateurs  une  foule  d'erreurs  provenant  de  l'interpréta- 
tion seule  des  signes.  Cette  considération  ne  nous  paraît  pas 
suffisante  pour  changer  les  points  fixes  consacrés  par  l'usage; 
mais  l'instrument  a  l'avantage  d'être  d'accord  avec  le  thermo- 
mètre à  air  depuis  le  commencement  de  son  échelle  jusqu'à 
près  de  100  degrés  au-dessus  de  l'eau  bouillante;  l'avance 
qu'il  prend  jusqu'à  l'ébullition  du  mercure  est  seulement  de 
iO  degrés.  Or  pour  cette  dernière  portion ,  peu  employée  du 
reste,  on  est  toujours  tenu  d'avoir  une  table  de  réduction. 
Nous  conseillons  aux  hommes  de  science  de  visiter  cette  ex- 
position ,  car  elle  est  curieuse  à  d'autres  titres  encore. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  411 

On  trouve  en  Angleterre  les  maisons  suivantes  : 

M.  Th.  King  expose  des  microscopes  de  grand  prix.  M.  Pil- 
lischer  et  MM.  Smith  et  Beck  n'exposent  non  plus  que  ce 
qu'ils  ont  de  mieux  en  microscopes.  Mais  nous  n'avons  pu 
essayer  ces  instruments. 

Les  appareils  météorologiques  français  sont  peu  nombreux. 

M.  Du  Moncel  expose  une  série  d'appareils  enregistreurs 
électro-dynamiques  ;  ces  appareils  s'adressent  déjà  à  plusieurs 
genres  d'observations ,  tels  que  les  phénomènes  thermométri- 
ques et  anémométriques.  A  l'exception  des  précédents  instru- 
ments, l'Exposition  est  relativement  pauvre  en  France  en  in- 
struments de  météorologie.  C'est  en  Angleterre  encore  qu'il 
nous  faut  voir  les  appareils  les  plus  intéressants. 

La  Société  britannique  pour  l'avancement  des  sciences  a 
institué  un  observatoire  météorologique  à  Kew,  près  de 
Londres ,  pour  la  vérification  des  instruments  de  précision , 
magnétiques  et  météorologiques  ;  elle  a  exposé  ces  divers 
appareils,  fort  remarquables  tant  dans  leurs  détails  que  dans 
leur  ensemble.  Il  est  très-utile  pour  le  météorologiste  surtout 
de  visiter  ce  bel  ensemble  d'appareils  tantôt  automoteurs  ou 
enregistreurs,  tantôt  ordinaires,  c'est-à-dire  pour  observation 
directe,  tantôt  enfin  pouvant  fonctionner  des  deux  façons,  et 
dont  l'invention  appartient  à  grand  nombre  d'auteurs. 

Les  instruments  enregistreurs  sont  ou  photographiques 
ou  à  style.  L'une  des  séries  comprend  les  appareils  de 
M.  Brooke,  qui  appartiennent  au  Conservatoire  des  arts  et 
métiers  de  Paris  ;  pour  les  thermomètres ,  la  lumière  fixe 
d'un  bec  à  gaz  frappe  la  tige  du  thermomètre  qu'elle  tra- 
verse pour  aller  ensuite  frapper  la  feuille  de  papier  photogé- 
nique qui  doit  recevoir  l'impression.  Mais  comme  chaque  di- 
vision du  thermomètre  forme  un  obstacle  au  passage  de  la 
lumière,  cette  division  se  trouve  marquée  sur  le  papier  ;  et 
comme  le  mercure  de  la  tige  empêche  aussi  la  lumière  de 
traverser,  le  sommet  de  sa  colonne  sera  marqué  sur  le  papier 
par  la  limite  de  l'action  éclairante  ;  quant  à  la  succession  de 
l'observation,  elle  est  obtenue  parce  que  la  feuille  de  papier 
sensible  se  trouve  entraînée  sur  un  cylindre  qui  fait  un  tour 
en  24  heures  et  reçoit  ainsi  l'observation  non  interrompue 
pendant  tout  ce  temps.  Le  baromètre  a  une  disposition  ana- 
logue. Les  boussoles  de  variation  diurne,  de  variation  de 


412  VISITE 

force  horizontale  et  de  force  verticale,  nécessaires  pour  l'é- 
tude des  forces  magnétiques  terrestres,  portent  chacune  un 
miroir  sphérique  sur  lequel  tombe  la  lumière  d'un  bec  fixe  ; 
cette  lumière,  après  sa  réflexion  sur  le  miroir,  tombe  sur  un 
système  de  lentilles  cylindriques  qui  la  concentre  derrière 
eux  sur  le  papier  sensible  disposé  comme  pour  le  thermomè- 
tre. Pour  6  appareils  différents ,  il  y  a  3  cylindres  tournants 
qui  portent  le  papier  photogénique ,  qui  après  les  24  heures 
d'observation  est  traité  comme  à  l'ordinaire,  pour  faire  venir 
et  fixer  l'impression  qu'il  a  reçue. 

Une  disposition  remarquable,  parmi  les  instruments  patronés 
par  l'observatoire  de  Kew,  distingue  un  anémomètre  nouveau 
de  M.  Robinson,  qui  donne  la  vitesse  du  vent.  Il  consiste  en  un 
axe  vertical  dans  lequel  sont  fixés  4  rayons  égaux,  à  l'extré- 
mité de  chacun  desquels  se  trouve  une  calotte  hémisphérique  : 
ces  4  calottes  sont  comme  4  cuillers  dont  les  manches  se- 
raient fixés  à  l'axe.  Ce  système  à  tout  vent  a  une  action  rota- 
toire  toujours  proportionnelle  à  l'intensité  du  courant.  Divers 
appareils  de  ce  genre  enregistrent  de  différentes  manières. 

Dans  la  montre  de  M.  Eliot,  on  trouve  quelques  instru- 
ments d'observation,  parfaitement  exécutés,  particulièrement 
pour  la  pratique  des  ingénieurs. 

M.  Adie  expose  un  grand  nombre  d'instruments  météorolo- 
giques, baromètres,  thermomètres,  etc. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  ces  instruments  sont  réunis 
sous  le  patronage  de  l'observatoire  de  Kew,  qui  a  représenté 
d'une  façon  complète  la  disposition  en  plein  air,  mais  dans 
leur  cabine  à  jalousies,  de  tous  les  appareils  thermométri- 
ques, hygrométriques,  psychrométriques,  etc. 

On  voit  parmi  eux  de  curieuses  solutions  trouvées  par 
M.  Ronald  pour  l'enregistrement  automatique  des  hauteurs 
barométriques  au  moyen  de  la  photographie. 

La  majeure  partie  des  appareils  enregistreurs  sont  à  mou- 
vement continu;  fort  peu  ont  un  mouvement  périodique; 
sans  aucun  doute,  les  premiers  sont  de  beaucoup  préférables 
aux  derniers,  quoique  ces  derniers  l'emportent  de  beaucoup 
encore  sur  les^observations  isolées,  faites  par  les  observateurs 
eux-mêmes. 

On  voit  encore  dans  cette  collection  l'anémomètre  de  Ro- 
binson, les  baromètres  étalons  d'Adie,  de  Newcomen,  et  une 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  413 

très-belle  collection  de  boussoles  d'observateur ,  faites  par 
Jones,  par  Baron  et  par  d'autres  constructeurs. 

Cette  réunion  de  plus  de  deux  cents  appareils  forme  le  plus 
bel  ensemble  d'instruments  météorologiques,  et  sera  pour 
les  hommes  de  science  un  des  faits  les  plus  considérables  de 
l'Exposition. 

Dans  l'exposition  prussienne,  nous  avons  remarqué  un  ba- 
romètre enregistreur  périodique  de  M.  Hempel  ;  et  parmi  les 
instruments  de  Geissler  à  Bonne,  des  hygromètres,  des  vapo- 
romètres  et  des  thermomètres  hypsométriques  ou  pour  mesu- 
rer les  hauteurs,  dont  les  degrés  sont  divisés  en  mille  parties. 

Les  cartes  ,  modèles  et  documents  d'astronomie ,  de  géo- 
graphie ,  de  topographie  et  de  statistique,  sous  le  point  de 
vue  de  l'enseignement,  sont  assez  largement  représentés 
à  l'Exposition ,  particulièrement  les  cartes.  L'imprimerie  im- 
périale a  son  pourtour  extérieur  tapissé  de  cartes  géologiques, 
de  cartes  générales  et  particulières,  etc.,  dont  les  modèles 
lui  sont  fournis  par  l'école  des  Mines  et  le  dépôt  de  la  guerre. 
On  y  remarque  surtout  une  carte  de  France  au  quatre-vingt 
millième ,  qui  est  l'ensemble  des  cartes  partielles  exposées  à 
côté.  Le  ministère  de  l'agriculture ,  du  commerce  et  des  tra- 
vaux publics  a  pareillement  exposé  des  atlas  de  nivellement 
et  autres  extraits  des  documents  des  ingénieurs  des  ponts  et 
chaussées. 

M.  Bauerkeller  a  produit  de  très-belles  cartes  en  relief  ou 
gaufrées,  en  couleur,  très-propres  à  l'enseignement  de  visu. 

En  Angleterre,  nous  trouvons  plusieurs  reproductions  gal- 
vanopiastiques  de  cartes  gravées ,  ce  qui  permet  d'extraire  de 
l'original  telle  ou  telle  carte  spéciale.  L'Autriche  ,  l'Institut 
impérial  militaire  de  géographie  à  Vienne  ,  présentent  aussi 
de  belles  cartes  d'ensemble;  nous  dirigerons  spécialement 
l'attention  sur  celles  de  la  direction  de  statistique  administra- 
tive ,  faites  d'après  le  système  de  M.  Streffleur,  Ces  cartes 
forment  des  reliefs  ,  mais  avec  des  couches  de  niveau  à  éche- 
lon ;  ces  diverses  couches  ont  des  teintes  diverses ,  afin  de 
mieux  faire  apercevoir,  dans  les  nivellements  généraux,  les 
points  de  niveau.  On  comprendra  de  quelle  utilité  dépareilles 
cartes  doivent  être  pour  le  tracé  des  grandes  voies  de  com- 
munication. D'autres  ont  été  faites  par  diverses  administra- 
tions dans  des  vues  spéciales,  en  représentant  par  des  courbes 


414  VISITE 

plus  ou  moins  accidentées,  des  données  statistiques  de  toute 
nature. 

M.  Bardin,  chef  des  travaux  graphiques  à  l'École  polytech- 
nique, a  exposé  un  très-grand  nombre  de  reliefs  en  plâtre  ser- 
vant à  l'enseignement  du  dessin  en  général  ;  parmi  ces  plans 
en  relief,  à  diverses  échelles,  pour  l'étude  de  la  topographie, 
quelques  modèles  sont  mis  à  l'effet  par  des  teintes  et  des 
couleurs  qui  font  illusion,  tant  ils  sont  parfaits. 

Un  grand  nombre  d'études  de  stéréotomie  représentent  avec 
une  netteté  parfaite  les  diverses  surfaces  des  corps  réguliers 
ainsi  que  les  pénétrations  des  uns  par  les  autres  ;  enfin  des 
études  des  quatre  grandes  espèces  de  roches,  sont  des  minia- 
tures de  pans  de  montagnes  soigneusement  relevés  et  réduits 
à  une  échelle ,  qui  permet  de  saisir  d'un  seul  coup  d'oeil  tout 
le  caractère  des  diverses  roches. 

M.  Silbermann  jeune  a  exposé  une  très-grande  suite  de 
tableaux  représentant  des  appareils  nouveaux  en  expérience 
et  un  grand  nombre  de  tableaux  de  chiffres  qui  en  résument 
les  résultats  ;  ses  tableaux  peints  à  l'huile  représentent ,  soit 
les  phénomènes  optiques  de  diffraction  ou  de  polarisation,  soit 
ceux  tout  aussi  curieux  et  aussi  instructifs  de  la  météorologie; 
composés  pour  le  cours  de  M.  Regnault,  professeur  de  physique 
au  Collège  de  France,  ces  modèles  constituent  le  plus  bel 
ensemble  que  possède  l'enseignement  des  sciences  physiques. 

Un  autre  exposant,  M.  Mabrun,  a  fait  des  tableaux  analo- 
gues pour  l'enseignement  de  la  mécanique. 

Enfin  ,  MM.  Armengaud,  Fouché,  A.  Leblanc  et  Robert  ont 
exposé  à  divers  endroits  des  tableaux  représentant  les  plans 
d'un  grand  nombre  de  machines  industrielles.  La  plupart  de 
ces  dessins  sont  d'une  rare  perfection. 

Si  dans  la  majeure  partie  des  États  étrangers,  le  matériel  de 
l'enseignement  élémentaire  fait  défaut  à  l'exposition ,  l'An- 
gleterre a  cependant  compris  sa  tâche  et  elle  a  exposé  un 
très-grand  nombre  de  modèles  pour  l'art  du  dessin,  à  tous  les 
degrés  et  pour  tous  les  genres;  ces  modèles  sont  pris  dans 
ses  écoles  de  1851.  Quelques  modèles  gradués  de  sculpture 
accompagnent  pareillement  cette  collection,  à  laquelle  sont 
jointes  des  photographies,  sur  animaux  vivants  de  toute  es- 
pèce, et  un  très-'grand  nombre  d'autres  pour  servir  à  l'étude 
de  l'histoire  naturelle,  ainsi  que  des  modèlei  parfaits  d'ani* 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  415 

maux  pour  le  dessin  ;  la  réussite  de  ces  épreuves  ne  laisse 
rien  à  désirer. 

On  voit  aussi,  tout  auprès,  diverses  collections  de  figures 
géométriques  en  fil  de  métal  et  nombre  d'autres  en  relief, 
servant  pareillement  à  former  le  coup  d'œil  de  Tèleve  dessi- 
nateur; ces  figures  rappellent  entièrement  la  méthode  de  Fer- 
dinand Dupuis,  si  bonne  dans  les  résultats  rapides,  obtenus 
à  Paris  et  partout  où  on  lui  en  demandait  l'application. 


CLASSE  IX. 

Industries  concernant  l'emploi  économique  de  la  chaleur, 
de  la  lumière  et  de  l'électrité. 

Fabrication  des  allumettes  chimiques.  La  fabrication  des 
allumettes  chimiques  ,  qui  est  aujourd'hui  très-étendue  ,  tire 
son  origine  de  l'emploi  du  phosphore  découvert  en  Allemagne, 
vers  4680.  Après  avoir  passé  par  un  grand  nombre  d'amélio- 
rations, elle  paraît  enfin  être  arrivée  à  un  haut  degré  de  per- 
fectionnement. Ainsi  les  allumettes  bien  fabriquées  ne  produi- 
sent plus  d'explosion  en  s'enflammant  et  ne  projettent  plus  au 
loin  des  parcelles  de  phosphore  dont  les  brûlures  sont  si  cui- 
santes; les  causes  d'incendie  sont  ainsi  considérablement  ré- 
duites. Ces  précieux  progrès  résultent  de  la  suppression  du 
chlorate  de  potasse;  le  soufre  lui-même,  qui  paraissait  être 
indispensable  à  i'ignition  du  bois  et  dont  l'odeur  est  si  insup- 
portable ,  a  été  remplacé  par  l'acide  stéarique  fondu.  Le  fait 
le  plus  important  qui  soit,  à  cet  égard,  révélé  par  l'Exposi- 
tion, consiste  dans  cette  nouvelle  préparation  qui  ne  s'en- 
flamme que  quand  elle  est  frottée  sur  une  surface  spéciale- 
lement  imprégnée  de  phosphore  rouge. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  suivre  le  mode  de  fabrication  de 
ce  modeste  produit ,  l'un  des  plus  énergiques  principes  de 
mouvement  et  de  vie  des  innombrables  créations  de  l'esprit 
humain,  amoncelées  dans  l'Exposition.  On  place  les  allumettes 
dans  des  cadres  où  elles  sont  fixées  pour  être  transportées  en 
plus  grand  nombre  à  la  fois,  et  on  les  dépose  ainsi  &ur  de# 


446  VISITE 

plaques  en  fonte,  assez  chaudes  pour  faire  légèrement  roussir 
le  bois;  ce  résultat  obtenu,  on  les  transporte  immédiatement 
sur  d'autres  plaques  ou  bassins  plats  pour  les  plonger  de  3  ou 
4  millimètres  dans  l'acide  stéarique  fondu  aubain-marie,  dont 
une  certaine  quantité  s'élève,  par  l'effet  de  la  capillarité, 
dans  le  tissu  ligneux.  Après  refroidissement ,  on  plonge  les 
allumettes,  dans  une  composition,  étendue  à  froid  sur  une  table 
de  marbre  et  obtenue  par  le  mélange,  au  bain-marie  ,  de 
phospore  ,  de  colle  forte  ou  de  gomme  ,  d'eau ,  de  sable  fin  et 
de  diverses  matières  colorantes,  telles  que  celles  qui  ont  servi 
à  produire  les  dessins  exposés  par  divers  fabricants. 

Les  allumettes  sont  ordinairement  livrées  au  commerce 
après  la  dessiccation  ;  mais,  dans  cet  état,  elles  doivent  être 
conservées  dans  des  endroits  secs.  Pour  les  mettre  plus  com- 
plètement à  l'abri  de  l'humidité,  on  a  recours  à  une  dernière 
opération,  qui  consiste  à  recouvrir  la  pâte  phosphorée  qui 
garnit  leurs  extrémités  d'une  couche  d'acide  stéarique,  for- 
mant un  léger  vernis. 

L'exposition  de  l'Autriche,  où  l'industrie  des  allumettes  est 
exploitée  sur  une  échelle  si  vaste,  qu'on  estime  à  vingt  mille  le 
nombre  des  ouvriers  qui  y  travaillent,  présente  des  échantillons 
très-remarquables  en  ce  sens  qu'ils  sont  le  résultat  de  la  fa- 
brication journalière;  le  bois  de  l'allumette  est  travaillé  avec 
soin  et  la  cause  première  tient  au  bas  prix  de  la  main-d'œu- 
vre. Ce  travail,  qui  exige  un  peu  d'habileté,  se  fait  manuel- 
lement, car  les  machines  à  tailler  les  bois  ronds  sont  encore 
peu  répandues.  C'est  dans  cette  partie  de  la  fabrication  des 
allumettes  seulement,  que  le  consommateur  peut  prétendre, 
surtout  en  France ,  à  une  plus  grande  amélioration  dans  les 
produits. 

Cette  industrie  est  représentée  en  Autriche  par  les  fabri- 
ques de  MM.  Samuel  de  Majo,  A.  M.  PoUak,  J.  Preshel  et 
N.  Rœmer,  à  Vienne;  MM.  W.  Suda  et  Cie,  à  Brlinn,  Cl.  de 
Bretton,  à  Zlin,  et  B.  Fiirlh,  à  Schiittenhofen  ;  en  Suède,  par 
celle  de  Jonkoping,  et,  en  France,  par  celles  de  MM.  Ziegler 
et  Cie,  à  Remelfing  ;  Couturier  et  Cie,  à  Sarreguemines  (allu- 
mettes rondes  à  12  cent,  le  mille  jusqu'à  65  cent.),  et  pour  les 
allumettes  de  fantaisie;  MM.  Merkel,  Eliot  et  Sigle,  à  Paris. 

Combustibles  destinés  au  chauffage  économique.  —  Fabrica- 
tion des  houilles  agglotnérées.  L'extraction  du  charbon  produit 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  417 

une  grande  quantité  de  menus  fragments,  dont,  il  y  a  quinze 
ans,  les  exploitations  de  mines  trouvaient  diflacilement  le  dé- 
bouché, en  raison  de  l'impossibilité  de  les  brûler  sur  les  grilles 
des  fourneaux  en  usage. 

Ces  établissements  ont  dirigé  leurs  recherches  sur  les 
moyens  d'utiliser  avantageusement  les  menus  charbons  ,  et 
divers  procédés  ont  donné  naissance  à  l'exploitation  des  péras 
artificiels  ou  houilles  agglomérées. 

Les  procédés  consistent  tous  à  laver  et  cribler  mécanique- 
ment les  houilles  menues  pour  en  extraire  les  parties  schis- 
teuses et  terreuses,  à  les  concasser  uniformément  après 
qu'elles  ont  été  lavées  et  égouttées  ,  et  enfin  ,  après  avoir  été 
séchées  à  l'air ,  à  les  mélanger  à  chaud ,  à  200"  environ , 
avec  8  parties  de  brai  ou  goudron  de  houille,  à  l'aide  d'un 
four  circulaire  dont  l'intérieur  est  constamment  en  mouve- 
ment. Ce  mélange  est  transporté  à  bras  ou  mécaniquement 
dans  des  moules  de  diverses  formes,  puis  soumis  à  l'action  de 
presses  hydrauliques  puissantes.  Ce  moulage  produit  un  con- 
tact intime  entre  la  houille  et  le  goudron,  et  l'adhérence  aug- 
mente encore  par  le  refroidissement. 

Les  houilles  agglomérées  ont  ordinairement  plus  de  consis- 
tance que  la  houille  naturelle,  et,  à  cause  de  leurs  formes  ré- 
gulières ,  elles  tiennent  à  peu  près  deux  dixièmes  moins  de 
place  ;  leur  prix  est  peu  élevé,  elles  se  brûlent  très-régulière- 
ment en  produisant  moins  d'escarbilles  et  leur  combustion 
plus  complète  doit  donner  plus  de  chaleur  que  la  houille  seule 
qu'elles  contiennent.  La  conservation  ne  demande  aucun 
soin;  les  déchets  qui  consistent  dans  les  résidus  provenant  de 
la  casse  des  fragments  au  moment  où  on  les  brûle,  sont  très- 
faibles  et  ces  différents  avantages  les  font  rechercher  pour  le 
service  de  la  marine. 

La  France  présente  à  l'Exposition  les  plus  beaux  échantil- 
lons de  ces  produits.  On  remarque  ,  en  etîet,  un  bloc  de  près 
d'un  mètre  cube  et  les  fragments  d'un  autre ,  exposés  par  la 
Société  des  houilles  de  Saint-Elienne ,  dont  l'usine  spéciale 
d'agglomérées  est  située  à  Givors. 

Les  mines  de  la  Chazotte,  à  Saint-Etienne,  présentent  aussi 
des  échantillons  très-remarquables  par  leur  compacité  et  leur 
brillant.  Ce  sont  des  cylindres  de  8  centimètres  produits  à  rai- 
son de  5000  kilogrammes  à  l'heure,  par  une  opération  conti- 
206  b& 


4\S  VISITE 

nue  sous  une  pression  de  150  atmosphères  et  avec  une  force 
motrice  de  35  chevaux. 

Le  prix  de  30  francs  la  tonne  est  marqué  sur  les  produi^s 
de  ces  deux  usines. 

Vient  ensuite  la  Belgique  représentée  par  MM.  Dehaynin 
père  et  fils,  à  Montigny-sur-Sambre  ,  et  par  M.  Van  Cutsen 
van  Neerdingen,  à  Molenbeek-Saint-.lean-îès-Bruxelles,  dont 
les  charbons  sont  solidifiés  sans  l'emploi  du  goudron  et  méri- 
tent à  ce  titre  un  examen  particulier. 

Fabrication  du  charbon  végétal  moulé.  Cette  industrie  ,  qui 
date  de  quelques  années  seulement ,  est  due  à  M.  Popelin- 
Ducarre;  elle  consiste  à  utiliser  les  débris  de  différentes  ma- 
tières carbonisées  et  agglomérées  sous  forme  de  petits  cylin- 
dres de  dimensions  semblables  au  charbon  de  bois,  en  em- 
ployant le  goudron  provenant  des  usines  à  gaz  pour  relier  les 
débris  entre  eux.  Cette  fabrication  ,  qui  possède  des  analogies 
avec  celle  des  houilles  agglomérées,  est  particulièrement  re- 
marquable par  les  procédés  de  moulage  et  de  carbonisation 
auxquels  elle  a  recours.  Le  rôle  du  goudron  y  est  différent: 
non-seulement  il  participe  à  l'adhérence  des  particules  ,  mais 
encore  et  surtout  il  suffit  en  partie,  par  la  combustion  des  va- 
peurs de  ses  carbures  d'hydrogène  les  plus  volatils,  à  la  car- 
bonisation elle-même ,  en  laissant  jusqu'à  25  parties  de  son 
poids  de  charbon. 

Les  opérations  comprennent  le  broyage,  le  mélange,  le  mou- 
lage, le  séchage,  la  carbonisation  et  l'étoufîage  qui  s'exécu- 
tent toutes  par  des  moyens  mécaniques.  Les  débris  de  ma- 
tières combustibles  employés  sont  ordinairement  la  pous- 
sière de  bois,  le  poussier  de  charbon  de  tourbe  provenant  des 
fonds  de  bateaux  et  magasins,  les  résidus  des  usines  à  gaz  et 
des  magasins  de  coke,  et  le  charbon  des  brindilles  des  forêts, 
des  bruyères,  etc.,  qui  demande,  pour  être  utilisé,  une  carbo- 
nisation spéciale,  mais  largement  compensée  par  une  densité 
d'environ  33  pour  100,  et  qui  est  toujours  plus  régulière  que 
celle  du  charbon  de  bois  ordinaire. 

Les  matières  premières  de  la  fabrication  des  charbons  ag- 
glomérés par  moulage  et  par  carbonisation,  qui  se  composent 
uniquement  de  goudron  et  de  charbon  pulvérulent,  donnent 
lieu  ,  suivant  la  proportion  du  goudron  et  la  nature  des  rési- 
dus des  charbons  employés ,  à  des  produits  de  qualités  diffé- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  419 

rentes  ;  ainsi,  la  première  qualité  de  ces  charbons  est  produite 
par  le  mélange  des  poussiers  de  charbons  de  bois  durs  conte- 
nant le  moins  de  cendres  et  de  50  à  60  pour  1 00  de  goudron , 
qui  laisse  encore ,  après  la  carbonisation ,  près  du  quart  de 
son  poids  de  carbone  pur  dans  le  charbon  moulé  ;  la  seconde 
qualité  se  compose  de  résidus  de  poussiers  de  différentes 
origines  et  de  40  pour  100  de  goudron  de  houille  ;  viennent 
ensuite  les  résidus  de  tourbe,  de  coke,  qui  produisent  plus  de 
cendres,  mais  donnent  une  combustion  encore  très-réguhère. 

Aux  cendres  laissées  par  les  charbons  végétaux  moulés,  on 
reconnaît  qu'il  entre  dans  leur  composition  une  certaine  quan- 
tité d'argile  qui  atteint  parfois  jusqu'à  25  pour  100,  et  c'est 
sans  doute  à  cet  agent,  qui  sulDsiste  dans  un  grand  état  de 
division  ,  qu'est  due  la  propriété  conservatrice  du  feu  que 
possèdent  ces  charbons. 

L'économie  présentée  par  leur  emploi  en  a  répandu  rapi- 
dement l'usage,  et  l'Exposition  nous  montre  que  cette  indus- 
trie a  déjà  acquis  une  grande  extension  par  le  nombre  des 
usines  qui  fabriquent  actuellement  ce  genre  de  combustible. 

MM.  Popelin,  Ducarre  et  Cie  exposent  des  charbons  moulés 
de  leur  fabrication  courante,  des  charbons  purs  pour  les  piles 
électriques  et  des  modèles  de  machines  et  de  fours  à  carbo- 
niser. 

M\L  Testelin  et  Cie,  Magniadas  et  Cie,  Ad.  Caron  et  J.  Mil- 
lochan  présentent  aussi  à  l'Exposition  des  échantillons  de  ces 
produits. 

Fabrication  de  la  tourbe  condensée  et  séchée,  et  de  la  tourbe  car- 
bonisée. La  tourbe  est  une  substance  très-combustible,  brune, 
spongieuse  et  tendre  ,  qu'on  trouve  en  amas  considérable 
dans  les  terrains  marécageux.  Elle  est  presque  toujours  recou- 
verte d'une  couche  de  terre  végétale  ou  de  sable  ,  el  s'étend 
ordinairement  sur  de  grands  espaces  de  terrain.  Les  tour- 
bières sont  formées  par  l'accumulation  de  débris  de  végétaux 
disposés  en  couches  horizontales  séparées  quelquefois  par  des 
nappes  de  limon  ;  elles  forment  assez  souvent  des  terrains  sur 
lesquels  on  ne  peut  marcher  sans  enfoncer,  et  présentent  par- 
fois Taspect  d'îles  flottantes  à  la  surface  des  eaux.  La  couche 
extérieure  est  d'une  consistance  spongieuse  et  lâche  ;  plus 
bas,  la  tourbe  est  noire  et  compacte,  et,  vers  le  fond,  les  vé- 
gétaux sont  entièrement  décomposés  et  forment  une  espèce 


420  VISITE 

de  pâte  assez  liquide.  La  tourbe  paraît  se  reproduire  inces- 
samment, mais  on  ne  connaît  pas  encore  le  mode  de  sa  for- 
mation. 

L'exploitation  ordinaire  consiste  à  débiter  cette  matière  avec 
la  bêche ,  en  briques  qu'on  fait  sécher  à  l'air  en  les  dressant 
et  appuyant  l'une  contre  l'autre  pour  qu'elles  égouttent;  on 
les  range  ensuite  par  tas  et  on  les  retourne  de  temps  en 
temps,  puis  on  les  dispose  en  meules  au  fur  et  à  mesure 
qu'elles  sont  sèches.  Quand  la  tourbe  est  en  bouillie ,  on  la 
met  dans  des  moules  où  on  la  bat  et  la  pétrit  le  plus  souvent 
avec  les  pieds. 

Le  chauffage  de  la  tourbe  est  peu  coûteux  ;  on  n'en  connaît 
pas  d'autre  dans  certaines  parties  de  la  France,  de  la  Hol- 
lande, du  Hanovre,  de  la  Westphalie,  de  l'Ecosse  et  aussi  du 
nord  de  l'Amérique;  mais  la  tourbe  a  l'inconvénient  de  déga- 
ger beaucoup  de  fumée ,  de  donner  une  odeur  très-féti^de  et 
d'occuper  trop  de  place,  à  cause  de  sa  faible  densité,  pour  être 
transportée  sur  d'autres  lieux  de  consommation  que  ceux 
avoisinant  les  points  de  son  extraction. 

Les  améliorations  ont  consisté  dans  l'application  de  moyens 
propres  à  comprimer  ou  condenser  la  tourbe  naturelle  et 
dans  ceux  de  sa  carbonisation  en  vases  clos.  On  est  ainsi  par- 
venu à  des  résultats  manufacturiers  très-importants  et  l'on 
obtient  maintenant  du  charbon  de  tourbe  excellent  et  à  bas 
prix  qui  s'emploie  en  grande  quantité,  même  pour  les  besoins 
domestiques. 

Parmi  les  échantillons  de  ce  produit,  déposés  à  l'Exposi- 
tion, on  doit  surtout  remarquer  les  tourbes  condensées  et  sé- 
chées,  les  échantillons  de  tourbe  travaillée  et  polie,  de  tourbe 
carbonisée  et  d'agglomérés  d'anthracite  et  de  tourbe  de 
M.  Challeton ,  à  Clermond-Ferrand  ;  les  tourbes  carbonisées 
de  MM.  Chabert  et  Cie,  à  Saint-Just-des-Marais  ,  en  France; 
les  briques  de  tourbe  comprimée,  de  M.  Kingsford,  en  Angle- 
terre, et  les  tourbes  naturelles  de  M.  Scobell,  à  Montréal,  au 
Canada. 

Fabrication  des  bougies.  L'industrie  de  l'éclairage  au  moyen 
de  l'acide  stéarique  appartient  entièrement  à  la  France , 
c'est  aux  travaux  de  nos  chimistes  et  de  nos  manufacturiers 
que  chacun  doit  de  ne  plus  se  servir  de  ces  sales  chandelles 
de  suif  qui  éclairaient  nos  pères;  grâce  à  la  chimie,  la  plus 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  421 

pauvre  famille  est  mieux  éclairée  maintenant  dans  son  taudis, 
que  Louis  XIV  dans  Versailles. 

Les  acides  gras  dont  on  fait  les  bougies  s'obtiennent  par  deux 
procédés  différents,  par  saponification  et  par  distillation;  par- 
lons du  premier  procédé  qui  est  le  plus  anciennement  connu. 

C'est  aux  beaux  travaux  do  M.  Chevreul  qu'on  doit  les  pre- 
mières idées  nettes  sur  la  constitution  des  corps  gras.  C'est 
lui  qui  le  premier  a  pensé  à  isoler  les  acides  pour  en  faire  des 
bougies;  mais  à  côté  du  nom  de  M.  Chevreul  il  faut  placer 
celui  de  M.  de  Milly  qui,  le  premier,  a  rendu  les  procédés 
industriels  et  qui  a  tant  contribué,  en  France  comme  à  l'É- 
tranger, à  la  création  de  l'industrie  stéarique. 

Pour  obtenir  les  acides  gras ,  on  saponifie  le  suif  par  la 
chaux,  on  décompose  ainsi  cette  matière  grasse  en  acides 
gras  combinés  à  la  chaux  et  en  une  matière  soluble  dans  l'eau, 
la  glycérine,  qui  n'a  pas  encore  reçu  grande  application.  Cette 
combinaison  des  acides  gras  avec  la  chaux  est  décomposée 
par  l'acide  sulfurique,  on  obtient  ainsi  du  sulfate  de  chaux 
et  les  acides  gras  du  suif  qui  sont  au  nombre  de  trois  ;  l'un  est 
tout  à  fait  liquide,  l'acide  oléique  ;  les  deux  autres  sont  solides, 
l'acide  margarique  et  l'acide  stéarique.  Le  mélange  des  trois 
acides  est  soumis  à  la  presse ,  l'acide  oléique  s'écoule ,  les 
acides  solides  restent  donc  seuls,  il  n'y  a  plus  qu'à  les  fondre, 
à  les  laver  et  à  les  couler  dans  des  moules  dont  l'axe  est  oc- 
cupé par  des  mèches  tressées ,  préalablement  plongées  dans 
une  dissolution  faible  d'acide  borique. 

Ce  procédé  donne  des  produits  très-beaux  ,  mais  il  ne  peut 
s'appliquer  aux  matières  grasses  de  toutes  sortes  ,  non  plus 
qu'à  certaines  huiles ,  comme  l'huile  de  palme  que  l'Afrique 
fournit  cependant  en  grande  quantité  et  à  bon  compte.  Pour 
obtenir  l'acide  stéarique  ou  l'acide  palmitique  au  moyen  de 
ces  différentes  matières,  il  faut  employer  un  autre  procédé 
dû  en  grande  partie  aux  ;beaux  travaux  de  M.  Frémy,  sur  la 
saponification  sulfurique. 

En  traitant  les  suifs  ou  l'huile  de  palme  par  l'acide  sulfuri- 
que, on  décompose  ces  matières  grasses  de  la  même  façon 
qu'en  les  traitant  par  la  chaux.  Les  acides  gras  isolés  sont 
distillés  au  milieu  d'un  courant  de  vapeur  d'eau  surchauffée; 
les  produits  débarrassés  de  l'acide  oléique  à  l'aide  de  la 
presse  sont  lavés  et  peuvent  être  livrés  à  la  fabrication. 


422  VISITE 

L'acide  oléique  que  nous  avons  vu  éliminé  par  l'action  de 
la  presse  est  employé  depuis  quelque  temps  à  la  fabrication 
des  savons. 

Maintenant  que  nous  sommes  au  courant  des  procédés, 
passons  rapidement  en  revue  les  produits  exposés  dans  l'An- 
nexe, qui  renferme  toutes  les  matières  grasses  propres  à 
l'éclairage. 

L'Angleterre  a  exposé  à  l'entrée  de  l'Annexe,  à  gauche,  une 
vitrine  plus  riche  qu'élégante,  dans  laquelle  on  remarque, 
outre  de  fort  belles  bougies  et  de  gros  pains  de  savon,  des 
échantillons  d'huile  de  palme  successivement  modifiée  sous 
l'influence  des  acides,  jusqu'à  la  séparation  complète  de  l'a- 
cide palmitique,  qui  joue  dans  cette  huile  le  même  rôle  que 
l'acide  stéarique  dans  les  suifs.  Au  reste,  presque  toutes  les 
fabriques  qui  distillent,  emploient  l'huile  de  palme;  les  vitrines 
des  fabricants  français  (MM.  de  Milly,  Poisat,  Moinier  et  Jail- 
lon)  renferment  également  de  beaux  produits  obtenus  avec 
cette  huile  de  palme.  Une  des  fabriques  les  plus  importantes 
dans  laquelle  on  distille  cette  huile  est  celle  de  M.  Motard,  à 
Berlin.  Cet  habile  industriel  ne  se  sert  que  de  ce  procédé,  et 
son  exposition  est  remarquable  sous  ce  rapport,  car  il  est 
parvenu,  malgré  les  difficultés,  à  de  très-beaux  résultats. 
M.  le  docteur  Motard  est  Français,  ancien  associé  de  M.  de 
Milly,  et  c'est  un  des  hommes  qui  ont  le  plus  contribué  à  la 
création  de  cette  belle  industrie  stéarique. 

L'Autriche  est  représentée  par  trois  ou  quatre  grandes  mai- 
sons, celle  de  Milly  Kerzen,  qui  porte  encore  le  nom  de  fa- 
brique de  l'Étoile,  celle  d'Apollo  Kherzen,  dont  la  grande  py- 
ramide s'élève  au  milieu  de  l'Annexe;  celle  d'Himmelbauer 
fournit  aussi  de  beaux  produits,  parmi  lesquels  on  peut  re- 
marquer un  buste  de  l'Empereur  en  acide  stéarique,  qui  n'est 
pa?  remarquable  seulement  par  la  difiiculté  vaincue. 

La  Belgique  et  la  France  ont  exposé  de  fort  beaux  échantil- 
lons d'acide  stéarique,  entourés  de  faveurs  blanches,  roses, 
tricolores,  etc.,  qui  sont  placés  dans  la  galerie  sud  de  l'An- 
nexe. Leur  examen  ne  pouvant  rien  nous  apprendre  de  nou- 
veau, nous  ne  devons  pas  nous  y  arrêter. 

En  dehors  des  acides  gras  obtenus  par  la  saponification  et 
la  distillation,  M.  de  Milly  expose  des  acides  bruts,  saponifiés 
avec  une  quantité  de  chaux  extrêmement  faible,  4  pour  100 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  423 

du  poids  des  graisses  au  lieu  de  14  à  15  pour  100;  de  là,  on  le 
voit,  une  grande  économie,  non  pas  tant  de  chaux,  ce  qui  se- 
rait peu  important,  que  dacide  sulfurique,  ce  qui  l'est  beau- 
coup plus. 

On  comprend,  en  effet,  que  le  savon  calcaire  produit  ren- 
fermant une  quantité  de  chaux  moindre,  il  faudra  une  quan- 
tité d'acide  sulfurique  moindre  aussi  pour  le  décomposer. 

A  côté  de  ces  produits  obtenus  plus  économiquement,  nous  en 
trouvons  d'autres  qui  sont  dus  à  un  perfectionnement  apporté 
récemment  à  la  production  des  acides  gras  par  distillation. 
Lorsqu'on  traite  les  graisses  par  l'acide  sulfurique,  il  arrive 
ordinairement  que  cet  acide  agit  trop  énergiquemeat  sur  une 
partie  de  la  matière,  il  se  forme  des  composes  noirs,  dus  à  la 
désorganisation  des  suifs,  et  c'est  autant  de  perdu  ;  M.  Fremy 
est  arrivé  récemment  à  empêcher  cette  action  trop  énergique, 
à  mieux  régler  l'opération,  de  façon  à  diminuer  considérable- 
ment ou  même  à  supprimer  entièrement  les  pertes  dues  à 
cette  action  trop  vive  de  l'acide  sulfurique. 

Dans  le  coin  à  gauche  de  la  vitrine  de  M.  de  Milly  se  trouve 
un  grand  flacon  d'acide  sébacique,  acide  gras  solide  obtenu 
en  grande  quantité  par  M.  Bonis.  Cet  acide  peut  déjà  servir 
utilement  dans  la  fabrication  des  bougies  et  leur  donne  une 
dureté  et  un  brillant  plus  grands;  il  empêche  la  cristallisation 
trop  rapide,  et,  à  ce  titre,  il  est  avantageusement  mélangé 
aux  acides  mous  et  trop  cristallisés  provenant  de  la  distilla- 
tion ;  il  remplace  la  cire  que  les  fabricants  étaient  obligés 
d'employer  pour  arriver  aux  mêmes  résultats. 

Enfin,  à  côté  de  eet  acide  sébacique  se  trouve  un  flacon 
d'alcool  caprylique,  un  corps  complètement  nouveau  celui-là, 
et  qu'on  doit  encore  à  M.  Bouis  Cet  alcool  s'obtient  en  distil- 
lant de  l'huile  de  ricin  au  contact  d'une  dissolution  de  soude 
très-concentré;  l'alcool  caprylique  distille  et  l'acide  sébaci- 
que se  trouve  dans  les  produits  fixes.  Quand  les  droits  qui 
pèsent  encore  sur  l'entrée  de  l'huile  de  ricin  en  France  se- 
ront levés,  la  fabrication  de  cet  alcool  propre  à  l'éclairage, 
propre  à  dissoudre  les  résines  qui  entrent  dans  la  confection 
des  vernis,  cette  fabrication,  disons-nous,  aura  réellement 
une  grande  importance,  et  c'est  une  nouvelle  conquête  indus- 
trielle qui  vient  s'ajouter  au  mérite  scientifique  du  travail  de 
M.  Bouis. 


424  VISITE 

Les  savons  sont  tellement  liés  à  la  fabrication  des  acides 
gras  qu'on  nous  excusera  d'en  dire  ici  quelques  mots  : 

MM.  Demarson,  M.  Piquier,  M.  Pivert,  les  parfumeurs  élé- 
gants, se  placent  à  côté  de  M.  Bully  et  de  son  vinaigre  ;  enfin, 
nous  n'avons,  par  exemple,  qu'un  seul  Farina  au  lieu  de  onze 
qui  se  tiennent  par  la  main  dans  l'Exposition  prussienne.  Au 
reste,  comme  ils  sont  tous  le  seul,  le  vrai,  le  véritable,  il  n'y 
a  pas  de  choix  à  faire. 

An  reste,  la  parfumerie  française  jouit  d'une  grande  répu- 
tation qu'elle  mérite  par  la  finesse  de  ses  produits;  on  peut 
admirer  le  talent  d'étalage  qu'elle  a  développé  dans  son  ex- 
position à  gauche  de  l'Annexe. 

On  sait  que  l'huile  de  coco,  mélangée  aux  matières  propres  à 
fournir  des  savons,  jouit  de  la  propriété  de  faire  retenir  à  ces 
savons  une  très-grande  quantité  d'eau  ;  il  en  résulte  que  tous 
les  savons  préparés  avec  cette  huile ,  ou  dans  lesquels  elle  en- 
tre, renferment  à  égalité  de  poids  une  quantité  de  matière 
utile  moindre  que  les  savons  dont  cette  matière  est  exclue.  — 
Tous  les  savons  allemands  et  belges  renferment  de  l'huile  de 
coco,  ils  sont  de  plus  faits  par  empàtage.  Aussi  leur  qualité 
est-elle  inférieure  à  celle  de  nos  savons  français.  Les  savons 
de  Marseille  exposés  sont  très- bien  faits,  mais  ils  commen- 
cent à  perdre  de  leur  ancienne  réputation  ;  la  concurrence  et 
la  soif  du  gain  ont  porté  la  plupart  des  fabricants  à  falsifier 
leurs  produits  courants  ;  aussi  les  savons  d'acide  oléique  pré- 
parés avec  plus  de  soin  et  de  bonne  foi,  et  qui  contiennent 
25  pour  100  d'eau  seulement;  sont-ils  maintenant  cotés  à  des 
prix  supérieurs  aux  savons  de  Marseille. 

Chauffage  et  ventilation  des  habitations. 

On  distingue  quatre  principaux  procédés  parmi  ceux  em- 
ployés pour  utiliser  au  chauffage  la  chaleur  obtenue  par  la 
combustion  du  bois,  du  charbon  ,  de  la  houille,  du  coke,  de 
la  tourbe  ou  de  l'anthracite.  Ces  procédés  sont  le  chauffage 
direct  par  rayonnement  du  calorique  à  feu  nu  ou  couvert, 
comme  dans  les  cheminées  et  les  poêles,  le  chauffage  par  l'air 
chaud  comme  dans  les  calorifères  des  appartements,  le  chauf- 
fage par  circulation  d'eau  et  celui  par  la  vapeur,  employés 
dans  les  serres ,  les  grands  établissements ,  hôpitaux ,  etc. , 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  42o 

où  il  est  nécessaire  d'échauffer  et  de  ventiler  des  masses  d'air 
considérables. 

Quoique  les  cheminées  aient  reçu  de  nombreux  perfection- 
nements dans  les  temps  modernes  et  qu'elles  doivent  demeu- 
rer, longtemps  encore,  le  mode  de  chauffage  le  plus  agréable 
par  la  présence  du  feu ,  et  le  plus  sain  par  le  renouvellement 
continuel  et  abondant  de  l'air  des  appartements,  elles  ne  pré- 
sentent pas  moins  le  chauffage  le  plus  imparfait  et  le  plus 
dispendieux ,  car  c'est  à  peine  si  elles  permettent  d'utiliser 
les  quinze  ou  vingt  centièmes  de  la  chaleur  totale,  développée 
par  la  combustion  du  bois  ,  du  coke  et  de  la  houille  qu'on 
emploie  généralement  dans  ces  appareils.  Cette  énorme  perte 
de  calorique  provient  de  la  position  même  du  foyer  et  du 
passage  du  courant  d'air  indispensable  à  la  combustion  qui 
entraîne  dans  l'atmosphère  une  portion  de  la  chaleur  produite. 

Le  tirage  des  cheminées  est  dû  à  un  courant  ascendant  qui 
s'établit  dans  le  tuyau  par  suite  de  la  différence  de  la  tempé- 
rature ou  de  la  densité  de  l'air,  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur 
de  ce  tuyau  ;  une  section  de  tuyau  exactement  suffisante  pour 
le  passage  de  la  fumée  et  une  hauteur  convenable,  sont  les 
conditions  principales  d'un  bon  tirage  ,  en  y  joignant  toute- 
fois celle-ci,  que  les  ouvertures  de  l'appartement  laissent  en- 
trer assez  d'air  pour  alimenter  le  courant. 

Par  l'effet  du  rayonnement  du  calorique  qui  émane  de 
leurs  foyers  isolés,  les  poêles  ont  un  grand  pouvoir  émissif  et 
échauffent  rapidement,  surtout  s'ils  sont  en  fonte,  la  masse 
d'air  au  milieu  de  laquelle  ils  sont  placés.  L'air  qui  alimente 
la  combustion  est  pris  dans  la  pièce  et  entre  sous  la  grille  ,  la 
fumée  se  dégage  à  la  partie  supérieure  et  gagne,  en  se  refroi- 
dissant dans  un  tuyau  plus  ou  moins  long,  celui  de  la  cheminée. 

C'est  un  des  modes  de  chauffage  les  plus  économiques  et 
les  plus  répandus,  mais  il  est  loin  d'être  salubre  ;  le  renou- 
vellement de  l'air  dans  l'appartement  est  presque  nul  et 
beaucoup  de  personnes  ne  peuvent  supporter  l'odeur  désa- 
gréable ,  nuisible  et  quelquefois  assez  intense  dans  les  poêles 
en  fonte,  qu'on  attribue  à  la  décomposition  des  matières  or- 
ganiques en  suspension  dans  Pair,  par  suite  de  leur  contact 
avec  les  parois  chaudes  du  foyer  et  des  tuyaux. 

Le  chauffage  par  l'air  chaud  comprend  les  calorifères  d'ap- 
partement et  ceux  destinés  à  distribuer  la  chaleur  dans  des 


426  VISITE 

corps  debâtimentà  entiers.  Les  premiers  se  composent  d'an 
foyer,  comme  dans  les  poêles  ,  et  de  plusieurs  espèces  d'en- 
veloppes dans  lesquelles  l'air,  ordinairement  pris  a  l'extérieur 
de  la  pièce,  est  échauffé  avant  de  se  répandre  dans  celle-ci. 
Les  grands  calorifères  se  placent  le  plus  souvent  dans  les  ca- 
ves ;  l'air  s'échauffe  sur  les  parois  extérieures  du  foyer  et  des 
tuyaux  qui  emportent  les  produits  de  la  combustion  dans  une 
cheminée ,  puis  s'élève  aux  différents  étages  en  vertu  de  sa 
moindre  densité  résultant  de  l'élévation  de  sa  température , 
et  se  distribue  dans  les  appartements  par  des  bouches  de  cha- 
leur placées  près  des  planchers  afin  qu'il  se  répartisse  unifor- 
mément dans  toute  la  hauteur  de  ses  appartements. 

L'usage  aujourd'hui  très-répandu  de  la  houille,  pour  chauf- 
fer nos  habitations,  a  donné  un  grand  développement  à  la  fa- 
brication des  cheminées  et  des  calorifères ,  et  l'exposition 
offre  une  variété  presque  infinie  de  ces  sortes  d'appareils, 
parmi  lesquels  se  distinguent  par  leurs  formes  élégantes,  le 
goût  de  la  composition  et  la  perfection  du  travail ,  les  produits 
de  MM.  Laury,  Lecocq ,  Chevalier,  Pauchet  et  Aubert  en 
France ,  Bailey,  Edwards  et  Hoole  en  Angleterre ,  Delaroche 
frères  et  Ganton  en  Belgique  et  Staib  en  Suisse. 

La  plupart  de  ces  exposants  présentent  en  outre  une  série 
complète  d'appareils  de  chauffage  en  fonte,  appliqués  aux 
besoins  domestiques  ,  tels  que  fourneaux  économiques,  four- 
neaux de  cuisine,  etc.;  mais  la  fabrication  spéciale  de  ces 
derniers  appareils  est  surtout  représentée  par  les  fonderies 
d'Hayange  et  de  Gousances,  les  manufactures  de  MM.  Godin 
Lemaire,  Vinet-Odlin  et  Gie  et  André  père  et  fils  en  France, 
et  les  fonderies  de  Tangerhlitte  en  Prusse. 

Les  perfectionnements  qui  paraissent  les  plus  caractérisés 
dans  le  chauffage  par  les  cheminées  et  par  les  calorifères 
à  air  chaud  sont  dus  à  M.  le  docteur  Arnott  de  Londres  et  à 
M.  Chaussenot  de  Paris. 

M.  Arnott  a  imaginé,  il  y  a  plusieurs  années,  un  procédé 
très-ingénieux  pour  opérer  la  combustion  de  la  houille,  et 
qui  a,  depuis,  donné  naissance  à  divers  systèmes  destinés  à 
faire  disparaître  la  fumée  des  machines  à  vapeur  et  des  usines 
établies  dans  les  villes.  L'idée  est  des  plus  simples  :  on  place  le 
combustible  dans  une  sorte  de  boîte  dont  le  fond  est  mobile  et 
qui  reçoit  à  volonté  un  mouvement  d'élévation  au  moyen  d'un 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  427 

levier  qu'on  manœuvre  de  temps  à  autre  à  la  main ,  on  allume 
le  feu  comme  à  Tordinaire,  et  dès  que  la  couche  supérieure 
est  incandescente,  ce  qui  a  lieu  très-rapidement,  commence 
la  distillation  de  la  couche  de  charbon  située  au-dessous  et  à 
la  hauteur  des  orifices  qui  fournissent  l'air  indispensable  à 
la  combustion ,  en  sorte  que  les  gaz  qui  se  dégagent  de  cette 
couche  inférieure  sont  obligés  de  traverser  le  charbon  incan- 
descent, qui  les  brûle  à  peu  près  complètement  sans  laisser 
trace  de  fumée.  La  boîte  ou  foyer  contient  le  charbon  destiné 
au  chauffage  de  toute  la  journée;  il  suffit  par  instants  d'en 
relever  le  fond  pour  amener  au  niveau  des  orifices  et  par  suite 
au  contact  de  l'air,  une  nouvelle  couche  de  charbon. 

La  ventilation  de  l'appartement  est  assurée  à  l'aide  d'une 
ventouse  ou  soupape,  en  équilibre  parfait  sur  ses  axes,  éta- 
blie \ers  le  plafond  et  mise  en  communication  avec  le  tuyau 
de  cheminée;  le  renouvellement  de  l'air  ayant  lieu  à  la  fois 
par  le  foyer  et  par  cette  ventouse  ,  se  fait  sous  une  pression 
constante  et  d'une  manière  uniforme  dans  le  sens  de  la  hau- 
teur de  la  pièce. 

Dans  les  calorifères  du  système  de  M.  Arnott,  la  combus- 
tion s'opère  par  le  même  principe,  mais  d'une  m.anière  plus 
simple;  une  fois  rempli  de  charbon  l'appareil  fonctionne  tout 
le  jour  sans  aucun  soin  et  avec  une  grande  régularité.  11  se 
compose  d'un  cylindre  vertical  intérieur  dans  lequel  on  place 
le  charbon ,  la  partie  inférieure  est  terminée  par  une  grille 
ordinairement  hémisphérique  et  la  partie  supérieure  est  fer- 
mée par  un  couvercle  reposnnt  sur  du  sable.  Ce  cylindre  est 
entouré  d'une  double  enveloppe,  celle  extérieure  contient  l'air 
chaud  en  circulation  et  l'autre  communique  à  la  cheminée; 
l'air  destiné  à  la  combustion  est  dirigé  vers  la  grille  hémi- 
sphérique ,  arrive  sur  le  combustible  qui  ne  brûle  qu'à  cet 
endroit,  traverse  cette  grille ,  pénètre  dans  l'enveloppe  exté- 
rieure et  s'échappe  dans  la  cheminée  ;  la  fumée  de  la  houille 
située  au-dessus  de  celle  qui  brûle  ne  pouvant  trouver  issue 
par  le  haut  du  cylindre  de  charge  est  obligée  de  redescendre 
et  vient  se  brûler  sur  le  charbon  de  la  couche  incandescente 
qui  est  constamment  alimentée  par  la  houille  supérieure 
transformée  en  coke,  descendant  par  son  propre  poids.  L'ad- 
mission de  l'air  sur  la  grille  s'obtient  par  une  soupape  dont 
on  peut  régler  l'équilibre  assez  exactement  pour  que  les 


428  VISITE 

moindres  variations  de  pression  et  de  vitesse  de  l'air  à  Tinté- 
rieur  de  l'appareil  en  modifient  convenablement  le  passage; 
la  proportion  d'air  introduit  est  ainsi  tellement  exacte  qu'il 
est  possible  de  brûler  la  quantité  de  charbon  que  contient  le 
calorifère  en  un  temps  déterminé,  et  d'obtenir  ainsi  une  tem- 
pérature constante. 

M.  Chaussenot  a  modifié  aussi  le  système  de  chauffage  à 
air  chaud ,  d'une  manière  qui  semble  présenter  quelques 
avantages;  au  lieu  d'un  calorifère  échauffant  l'air  environnant 
par  le  contact  de  ses  parois,  immédiatement  soumises  à  l'ac- 
tion du  foyer;  c'est  une  chaudière  hermétiquement  fermée, 
contenant  un  nombre  convenable  de  tubes  en  forme  de  si- 
phons, disposés  pour  le  passage  de  l'air;  l'eau  de  la  chau- 
dière est  chauffée  et  l'air  circulant  dans  les  tubes  entourés 
d'eau  de  tous  côtés  ,  vient  s'emparer  du  calorique  qu'il  porte 
ensuite  dans  les  endroits  où  il  est  nécessaire,  suivant  le  sys- 
tème ordinaire. 

Le  chauffage  par  circulation  d'eau  chaude  est  établi  sur  le 
principe  du  déplacement  successif  des  couches  horizontales  de 
l'eau,  en  vertu  de  leur  changement  de  densité  par  l'action  de 
la  chaleur.  Il  consiste  à  déterminer  un  mouvement  circula- 
toire et  continu  d'eau,  qui ,  après  s'être  échauffée  dans  une 
chaudière,  monte  directement  par  un  tuyau  dans  un  ou  plu- 
sieurs réservoirs  hermétiques ,  placés  dans  les  combles  de 
l'édifice  que  l'on  veut  chauffer,  puis  redescend  dans  une  série 
de  tuyaux,  en  passant  par  toutes  les  parties  de  cet  édifice  pour 
y  laisser  sa  chaleur  et  revenir  enfin  à  la  chaudière  d'où  elle 
était  partie  ;  des  récipients  ou  poêles  à  eau  chaude  sont  dis- 
posés sur  le  passage  des  tuyaux  de  retour;  dans  l'intérieur  de 
ces  poêles  sont  des  tubes  en  fonte,  mis  en  communication  avec 
l'air  extérieur  par  des  conduits  pratiqués  au-dessous  du  plan- 
cher ;  cet  air  s'échauffe  dans  les  tubes  et  se  dégage  ensuite  au- 
dessus  des  poêles. 

On  a  appliqué  le  chauffage  à  l'eau  chaude  dans  un  grand 
nombre  d'établissements  et  dans  divers  hôpitaux,  et  la  chaleur 
que  peuvent  fournir  les  réservoirs  des  combles  y  a  aussi  été 
utilisée  pour  obtenir  une  ventilation  par  appel  de  l'air.  A  cet 
effet,  des  conduites,  disposées  dans  l'épaisseur  des  murs  et 
prenant  leur  origine  dans  les  pièces  où  l'air  doit  être  renou- 
velé ,  vont  aboutir  dans  une  cheminée  d'appel  qui  débouche 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  429 

dans  l'atmosphère  et  au  centre  de  laquelle  sont  situés  les  ré- 
servoirs faisant  partie  du  système  de  circulation  de  l'eau 
chaude.  Par  une  cause  analogue  à  celle  qui  produit  le  tirage 
des  cheminées,  l'air  est  aspiré  dans  ces  conduites,  avec  une 
vitesse  qui  tient  au  degré  de  température  auquel  il  peut  être 
porté  par  le  calorique  que  l'eau  cède  aux  parois  des  réser- 
voirs, et  que  celles-ci  lui  transmettent.  Ce  mode  de  ventila- 
tion présente  plusieurs  inconvénients  :  d'abord  la  vitesse  de 
l'air  est  nécessairement  différente  pour  chaque  étage,  à  cause 
de  la  hauteur  différente  des  conduits,  ensuite  la  suspension 
du  chauffage,  en  été,  amène  naturellement  la  suspension  de 
la  ventilation,  enfin  différentes  causes,  telles  que  l'ouverture 
des  portes,  des  fenêtres,  les  changements  dans  l'état  de  l'at- 
mosphère, peuvent  chacune  déterminer  l'interruption  du 
renouvellement  de  l'air  dans  une  ou  plusieurs  parties  de 
l'édifice. 

Le  chauffage  par  la  vapeur  est  fondé  sur  la  propriété  qu'ont 
les  vapeurs  de  restituer  leur  calorique  de  vaporisation  lors- 
qu'elles se  condensent.  Les  moyens  d'application  consistent  à 
produire  la  vapeur  dans  une  chaudière  semblable  à  celles  des 
machines  à  vapeur,  puis  à  la  faire  circuler  à  l'aide  de  tuyaux 
dans  des  capjveaux  construits  sous  les  planchers  des  pièces 
qu'on  se  propose  de  chauffer  ,  et ,  en  dernier  lieu  ,  à  diriger 
l'eau  de  condensation  vers  les  chaudières  au  moyen  de  tuyaux 
particuliers.  La  vapeur  se  condense  dans  ces  conduites  et  cède 
à  l'air  circulant  dans  les  caniveaux  tout  son  calorique  latent 
au  fur  et  à  mesure  que  s'effectue  la  condensation  ;  cet  air 
échauffé  sort  par  des  bouches  de  chaleur  et  s'élève  dans  l'ap- 
partement. On  dispose  souvent  dans  les  chambres  des  réci- 
pients ou  poêles  à  eau  chaude ,  dans  lesquels  serpentent  les 
tuyaux  de  vapeur  et  qui  contiennent  des  tubes  laissant  passer 
l'air  des  caniveaux  dans  ces  chambres,  en  contribuant  encore 
à  son  échauffement. 

L'un  des  avantages  de  ce  système  est  de  pouvoir  porter  la 
chaleur  à  de  grandes  distances  et  d'échauffer  en  même  temps 
très-rapidement. 

La  ventilation  peut  s'obtenir ,  mais  avec  les  mêmes  incon- 
vénients, comme  dans  le  chauffage  par  circulation  d'eau 
chaude,  en  établissant  dans  les  combles  un  réservoir  de  va- 
peur d'une  surface  de  chauffe  convenable. 


430  VISITE 

Jusqu'à  présent  on  n'a  guère  employé  que  le  chauffage  à 
Teau  et  les  ressources  de  ventilation  qu'il  présente,  pour  le 
service  des  hôpitaux  et  des  grands  établissements,  dans  les- 
quels le  renouvellement  de  l'air  est  une  nécessité  de  premier 
ordre.  Mais  l'administration  des  hôpitaux  vient  de  mettre 
«n  présence  dans  celui  de  Lariboisière,  les  deux  derniers 
procédés  mentionnés  ci -dessus.  Les  dix-huit  salles  com- 
prises dans  les  six  pavillons  de  cet  hôpital  sont  chauffées  et 
ventilées,  celles  des  pavillon:^  formant  l'aile  gauche,  par  les  ap- 
pareils de  MM.  Léon  Duvoir  Leblanc,  établis  selon  le  système 
du  chauffage  à  l'eau  et  de  la  ventilation  par  appel ,  et  celles 
des  pavillons  de  l'aile  droite  par  les  appareils  construits  par 
M.  Farcot,  d'après  les  projets  de  MM.  Laurens  et  Thomas  .  et 
destinés  à  chauffer  par  la  vapeur  et  à  ventiler  mécani- 
quement. 

On  connaît  déjà  les  principes  du  chauffage  dans  l'un  et 
l'autre  cas  et  celui  de  la  ventilation  par  appel  ;  il  reste  donc 
à  donner  une  idée  de  la  manière  avec  laquelle  s'opère  la  ven- 
tilation mécanique. 

La  vapeur  des  chaudières  ,  avant  de  se  distribuer  dans  les 
conduits  qui  portent  la  chaleur  dans  les  salles,  met  en  mou- 
vement une  machine  dont  le  travail  est  appliqué  à  faire  agir 
des  ventilateurs  à  force  centrifuge;  ces  ventilateurs  aspirent 
l'air  recueilli  à  une  grande  hauteur  dans  l'atmosphère,  et  au- 
dessus  des  bâtiments,  et  le  refoulent  dans  un  lar2:e  tuyau  qui 
le  porte,  par  ses  embranchements,  dans  les  caniveaux  de  toutes 
les  salles  à  ventiler  ;  l'air  pénètre  ensuite  dans  ces  salles  après 
s'être  échauffé  au  contact  des  conduites  de  vapeur  et  des  poêles 
à  eau.  L'air  vicié  des  salles  est  ainsi  constamment  refoulé  par 
de  l'air  neuf,  dans  des  passages  ménagés  dans  l'épaisseur  des 
murs,  et  qui  aboutissent  aux  combles  des  pavillons,  dans  des 
cheminées  en  communication  avec  l'atmosphère.  En  été,  la 
ventilation  s'opère  seule  et  la  vapeur,  à  la  sortie  de  la  ma- 
chine ,  peut  être  utilisée  complètement  pour  l'usage  des  bains 
et  de  la  buanderie. 

Les  effets  de  cette  ventilation  ,  dont  on  dispose  à  volonté, 
présentent  des  avantages  qui  leur  sont  propres;  l'expérience 
faite  sur  une  grande  échelle,  à  l'hôpital  de  Lariboisière,  dé- 
montre, par  exemple,  qu'en  été,  la  ventilation  peut  atteindre 
jusqu'à  130  mètres  cubes  d'air  renouvelé  par  heure  et  par 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  431 

ïit,  dans  le  système  mécanique  de  MM.  Laurens  et  Thomas. 
Les  médecins  ont  observé  l'influence  heureuse  de  cet  abon- 
dant aérage  sur  la  santé  des  malades  et  sur  les  suites  des 
opérations  chirurgicales.  L'examen  comparatif  auquel  on  se 
livre  en  ce  moment  ne  peut  manquer  de  fixer  l'opinion  sur 
les  valeurs  respectives  des  deux  systèmes. 

L'abaissement  du  prix  du  gaz  a  fait  penser  dans  ces  derniers 
temps  à  construire  des  appareils  spéciaux  pour  son  utilisation, 
comme  combustible,  au  chauffage  des  habitations.  On  ren- 
contre à  l'Exposition  quelques-uns  de  ces  appareils;  ceux  de 
M.  R.  W.  Elsner,  de  Rerlin,  présentent  une  grande  variété 
d'applications  ;  ceux  exposés  par  M-  Bailey,  le  calorifère  à  gaz 
de  M.  Laury  et  la  cheminée  de  M.  Marini  offrent  aussi  des  dis- 
positions assez  ingénieuses,  mais  il  ne  paraît  pas  encore  que 
l'usage  de  ces  appareils  soit  assez  économique  pour  pouvoir 
rivaliser  avec  les  moyens  ordinaires  de  chauffage. 

Une  nouvelle  source  de  chaleur  vient  d'être  récemment 
proposée  à  l'industrie,  mais  jusqu'à  cet  instant  elle  est  encore 
restée  sans  applications,  il  s'agit  d'utiliser  une  force  naturelle 
quelconque  et  sans  usage,  comme  pourrait  en  offrir  un  cours 
d'eau,  à  faire  mouvoir  rapidement  une  machine  produisant  un 
grand  frottement  et  développant  par  ce  fait  une  chaleur  in- 
tense. Cette  idée  de  MM.  A.  Beaumont  et  A .  Mayer  a  été  ma- 
térialisée par  eux  ,  par  la  construction  d'une  machine  qu'ils 
ont  exposée;  c'est  une  chaudière  de  quatre  hectolitres  envi- 
ron contenant  dans  sa  longueur  un  tube  conique  enveloppé 
par  l'eau,  et  dans  lequel  le  frottement  s'effectue  par  la  rota- 
tion rapide  dun  cône  en  bois;  le  frottement  produit  la  cha- 
leur, se  communique  immédiatement  à  l'eau  et  l'échauffé 
jusqu'à  en  élever  la  température  au  point  de  déterminer,  en 
trois  ou  quatre  heures  de  marche ,  une  pression  de  trois  at- 
mosphères dans  la  chaudière.  Si  cette  machine  n'est  pas  appe- 
lée à  rendre  des  services,  elle  est  au  moins  intéressante  par 
son  mode  de  production  de  vapeur. 

Chauffage  de  l'air  pour  le  service  des  foyers  métallurgiques. 

La  fonte  des  minerais  qui  fournissent  à  l'industrie  les  divers 
métaux  qu'elle  consomme,  exige  différentes  espèces  de  four- 
neaux. Ceux  appelés  hauts  fourneaux,  à  cause  de  leur  éleva- 


432  VISITE 

tion,  qui  atteint  parfois  seize  à  dix-huit  mètres,  servent  généra- 
lement à  la  conversion  du  minerai  de  fer  en  fonte  de  fer;  ces 
immenses  fourneaux,  dans  lesquels  le  bois,  le  coke  ou  la 
houille  sont  mélangés  avec  le  minerai,  nécessitent  pour  l'ali- 
mentation du  combustible  et  la  fusion  du  métal,  la  projection 
au  moyen  de  machines  soufflantes,  d'un  volume  d'air  consi- 
dérable. Jusqu'à  ces  derniers  temps  ils  étaient  alimentés  par 
de  l'air,  pris  à  la  température  de  l'atmosphère  et  dont  l'intro- 
duction était  une  cause  de  refroidissement;  on  a  essayé  depuis 
de  projeter  dans  l'intérieur  de  ces  foyers  l'air  échauffé  par 
avance  à  une  haute  température,  et  ces  essais  ayant  produit 
une  amélioration  importante  dans  la  qualité  de  la  fonte  et  dans 
l'économie  du  combustible,  l'usage  de  cette  méthode  s'est  ré- 
pandu rapidement  dans  la  plupart  des  usines. 

L'Exposition  n'offre  cependant  aux  regards  des  métallur- 
gistes qu'un  seul  appareil  destiné  à  cette  opération,  c'est  celui 
de  MM.  Laurens  et  Thomas. 

Leur  appareil  se  compose  d'un  ou  de  plusieurs  tubes  chauf- 
feurs, placés  horizontalement  ou  verticalement,  suivant  les  lo- 
calités, mais  dans  la  plupart  des  cas  dans  cette  dernière  posi- 
tion ;  chacun  de  ces  tubes  consiste  en  un  cylindre  de  fonte  d'un 
assez  gros  diamètre,  dont  la  surface  intérieure  est  garnie  d'une 
série  de  lames  venues  de  fonte  et  rangées  symétriquement ;,]a 
saillie  de  ces  lames  n'est  guère  que  le  huitième  du  diamètre 
du  tube;  il  reste  dans  l'intérieur  de  celui-ci  un  vide  cylin- 
drique que  l'on  remplit  par  un  noyau,  consistant  en  un  tuyau 
de  fonte,  fermé  par  les  deux  bouts;  on  constitue  ainsi  un 
espace  annulaire  pénétré  de  toutes  partspar  des  lames  saillan- 
tes et  compris  entre  la  surface  intérieure  du  tube  chauffeur 
et  la  surface  extérieure  du  noyau,  C'est  dans  cet  espace  annu- 
laire ainsi  composé  que  passe  l'air  à  chauffer.  L'appareil, 
composé  d'un  nombre  de  tubes,  déterminé  par  l'importance 
du  fourneau,  est  ordinairement  placé  le  plus  près  possible  de 
chaque  tuyau,  pour  éviter  un  trop  long  parcours  de  l'air 
chaud  ,  et  on  le  chauffe  par  les  gaz  provenant  du  gueulard. 
Les  tubes  d'un  même  appareil  sont  réunis  et  communiquent 
l'un  à  l'autre,  de  manière  que  l'air  entrant  dans  le  premier, 
passe  ensuite  par  tous  les  autres,  à  travers  les  lames  de  fonte 
qui  soutirent  la  chaleur  à  leurs  parois,  pour  arriver  au  dernier 
et  pénétrer  dans  le  fourneau  par  la  tuyère.  La  flamme  du  gaz 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  433 

en  combustion  se  trouve  en  contact  avec  la  surface  extérieure 
des  tubes  chauffeurs,  sans  pouvoir  pénétrer  dans  leur  inté- 
rieur; elle  circule  d'abord  autour  du  dernier  tube,  celui  qui 
communique  à  la  tuyère,  puis  passe  au  précédent  et  arrive 
en  dernier  lieu  sur  le  premier,  qui  reçoit  directement  l'air 
de  le  machine  soufflante,  pour  s'en  aller  enfin  dans  la  che- 
minée, ou  dans  un  autre  four,  s'il  lui  reste  encore  de  la  cha- 
leur utilisable;  de  telle  sorte  que,  la  marche  de  l'air  étant 
inverse  de  celle  de  la  flamme,  cet  air  est  chauffé  graduelle- 
ment dans  chaque  tube,  et  qu'en  sortant  du  dernier,  pour  en- 
trer dans  la  tuyère ,  il  eat  à  son  maximum  de  température  ou 
à  300^  environ. 

Ce  système  est  d'une  grande  simplicité  et  peut  s'appliquer 
également  à  tous  les  fourneaux  métallurgiques,  en  augmen- 
tant ou  en  diminuant  le  nombre  des  tubes  chauffeurs,  qui 
sont  au  nombre  de  deux  pour  les  fourneaux  à  charbon  de  bois 
et  à  une  tuyère,  de  deux  à  chaque  luyère  de  fourneau  à  coke, 
et  pour  les  grands  hauts  fourneaux  soufflés  des  deux  côtés,  de 
deux  appareils  de  trois  tubes  chacun.  La  surface  de  chauffé 
est  considérable,  car  elle  comprend  non-seulement  la  surface 
extérieure  des  tubes  en  contact  avec  la  flamme,  mais  encore 
la  surface  des  lames  saillantes,  chauffées  par  l'effet  de  la  con- 
ductibilité du  métal,  et  la  surface  du  noyau  intérieur  qui  est 
elle-même  suffisamment  chauffée  par  le  rayonnement  du  calo- 
rique. Cette  dernière  circonstance,  en  évitant  de  faire  passer 
la  flamme  dans  le  noyau  pour  le  chauffer,  supprime  l'emploi, 
au  lieu  de  tubes  chauffeurs,  des  tubes  annulaires ,  dans  l'in- 
térieur desquels  passerait  la  flamme;  ils  ne  pourraient  être 
formés  que  par  deux  cylindres  concentriques  réunis  par  des 
joints,  tandis  que  le  mode  actuel  permet  d'en  diminuer  le 
nombre. 

Cette  surface  de  chauffe  considérable ,  à  l'établissement 
de  laquelle  concourt  la  majeure  partie  de  la  fonte  qui  entre 
dans  la  construction,  donne  la  faculté  de  diminuer  le  volume 
de  l'appareil,  et  par  suite  le  poids  de  cette  fonte.  La  disposi- 
tion des  tubes  permet  enfin  de  placer  les  quelques  joints  qui 
existent  seulement,  à  l'abri  du  contact  du  feu  et  de  diminuer 
ainsi  les  chances  d'accidents  et  les  réparations. 

L'exposition  de  MM.  Laurens  et  Thomas  se  recommande 
encore  à  d'autres  titres  à  l'attention  des  maîtres  de  forge, 
206  ce 


434  VISITE 

ainsi  leur  machine  soufflante  à  tiroir,  mue  par  la  vapeur,  et 
que  l'on  peut  aussi  faire  mouvoir  par  Teau  ,  donne  dans  un 
espace  tres-réduit  un  soufflage  aussi  puissant  en  volume  que 
les  grandes  souffleries,  d'où  il  résulte  économie  sur  le  prix  de 
la  machine,  économie  sur  les  fondations  et  économie  sur  le 
régulateur  ou  réservoir  d'air,  que  la  vélocité  de  ce  genre  de 
machine  permet  d'amoindrir  considérablement.  Leur  laminoir 
présente  une  grande  ténacité  et  une  grande  résistance,  résul- 
tant de  leur  mode  particulier  de  coulage  et  de  la  nature  de  la 
fonte  employée.  On  remarque  enfin  le  modèle  d'un  haut  four- 
neau à  sept  tuyères,  muni  des  appareils  propres  à  Tutilisation 
de  ses  gaz,  et  qui  se  distingue  particulièrement  par  le  système 
de  fermeture  hydraulique  de  son  gueulard,  dont  les  applica- 
tions sont  déjà  nombreuses. 

Dessiccateurs  et  torréfacteurs  de  matières  diverses,  appareils 
à  distiller,  condensateurs,  etc. 

Parmi  les  appareils  imaginés  pour  sécher  et  torréfier  les 
matières  de  toutes  sortes  dont  l'emploi  réclame  ce  genre  d'o- 
pérations, le  torréfacteur  mécanique  de  M.  E.  Rolland  est 
celui  dans  lequel  la  perfection  semble  avoir  atteint  le  plus 
haut  degré. 

Les  appareils  employés  ordinairement  pour  la  torréfaction 
du  café  ou  du  cacao ,  les  séchoirs  de  toutes  sortes,  les  fours  à 
torréfier  le  tabac  et  les  autres  appareils  analogues  sont  à 
chargement  intermittent;  ils  donnent  généralement  des  pro- 
duits très-irréguliers ,  exposent  les  ouvriers  aux  émanations 
souvent  peu  salubres  qui  se  dégagent  des  matières  soumises  à 
l'action  d'une  température  élevée  et  sont  enfin  très-peu  éco- 
nomiques sous  tous  les  rapports.  Le  torréfacteur  mécanique 
paraît  remédier  à  tous  ces  inconvénients  et  donner  à  la  torré- 
faction et  à  la  dessiccation  des  matières  diverses  tous  les  avan- 
tages des  opérations  industrielles  qui  se  font  avec  une  conti- 
nuité et  une  régularité  parfaites. 

Il  se  compose  d'un  long  cylindre  en  tôle,  armé  à  l'intérieur 
d'un  certain  nombre  de  saillies  en  forme  d'hélices  allongées, 
garnies  elles-mêmes  de  fourches  convenablement  recourbées. 
Ce  cylindre  est  placé  horizontalement  et  tourne  sur  lui-même; 
la  matière  à  torréfier  est  introduite  par  l'une  des  extrémités  et 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  435 

se  trouve  aussitôt  entraînée  par  la  paroi  en  mouvement; 
comme  elle  est  retenue  sur  cette  paroi  par  les  saillies  ou  héli- 
ces, elle  peut  atteindre  le  haut  de  l'appareil  ;  mais  arrivée  là , 
elle  retombe  par  son  propre  poids  et  se  retourne  en  même 
temps,  de  telle  sorte  que  les  parties  qui.  au  commencement 
de  la  révolution,  étaient  en  contact  avec  la  tôle  inférieure  du 
cylindre,  forment  après  un  demi-tour  la  couche  supérieure 
de  la  masse,  et  ceci  se  répétant  successivement,  la  matière  est 
retournée  en  tous  sens;  mais  au  moment  où  elle  glisse  des  hé- 
lices élevées  pour  retomber,  elle  tend,  dans  ce  mouvement,  à 
suivre  la  pente  de  ces  saillies  et  elle  avance  effectivement, 
dans  le  sens  de  la  longueur  du  cylindre,  d'une  quantité  plus 
ou  moins  grande  suivant  l'inclinaison  des  hélices;  la  matière 
passe  ainsi  graduellement  et  tout  en  se  retournant,  d'une  ex- 
trémité à  l'autre  de  l'appareil.  Dans  le  cas  où  la  matière  à 
torréfier  est  filamenteuse,  les  fourches  fixées  sur  les  hélices 
se  chargent  d'étirer  les  pelotons  que  le  roulement  continu 
peut  former. 

Le  cylindre,  enveloppé  sur  la  moitié  supérieure  de  son  con- 
tour par  un  demi-cylindre  également  en  tôle,  est  disposé  dans 
un  fourneau ,  de  manière  à  être  convenablement  entouré  par 
les  gaz  de  la  combustion,  tout  en  ayant  la  facilité  d'exécuter 
librement  le  mouvement  de  rotation  que  lui  communique  un 
mécanisme  extérieur;  il  accomplit  ce  mouvement  sur  quatre 
galets  qui  le  supportent  en  même  temps  à  ses  deux  bouts  ,  et 
se  trouve  par  ce  fait  complètement  dégagé  dans  son  intérieur. 
La  plus  grande  partie  de  la  chaleur  que  le  fourneau  émet  par 
rayonnement  sert  à  chauffer  l'air,  qui  entre  dans  le  cylindre 
par  le  même  côté  que  la  matière  à  torréfier,  et  vient  aider  à  la 
dessiccation. 

La  matière  est  amenée  continuellement  à  l'une  des  extré- 
mités par  des  soupapes  qui  s'ouvrent  à  l'instant  où  les  hélices 
laissent  l'entrée  libre.  Ces  soupapes  sont  elles-mêmes  alimen- 
tées par  une  roue  à  palettes  ou  distributeur ,  tournant  assez 
rapidement  et  divisant  d'une  manière  uniforme  la  masse  de 
matière  qui  lui  est  superposée;  un  peigne  métallique  étire 
constamment  les  brins  pour  faciliter  cette  division.  Après  son 
passage  dans  toute  la  longueur  du  cylindre,  la  matière  enfin 
torréfiée  vient  sortir  par  l'autre  extrémité;  elle  tombe  alors 
dans  une  caisse,  communiquant  par  sa  partie  supérieure  avec 


430  VISITE 

une  grande  cheminée  d'appel  où  se  rendent  toutes  les  vapeurs 
produites,  et  garnie  à  sa  partie  inférieure  d'une  soupape  dou- 
ble ;  cette  soupape,  équilibrée  par  un  contre-poids  convenable, 
s'ouvre  d'elle-même  quand  elle  a  reçu  une  certaine  quantité 
de  matière,  et  se  referme  aussitôt  après  la  sortie  de  celle-ci. 
De  cette  manière,  toute  entrée  inutile  de  l'air  froid  est  évitée. 

Le  degré  de  torréfaction  se  règle  à  volonté,  d'abord  en  aug- 
mentant ou  diminuant  la  vitesse  du  mouvement,  pour  laisser 
moins  longtemps  ou  plus  longtemps  chaque  partie  de  la  sub- 
stance à  torréfier  en  contact  avec  la  paroi  chaude  du  cylin- 
dre, et  ensuite  en  augmentant  ou  diminuant  l'introduction  de 
l'air  dans  le  foyer ,  pour  élever  ou  abaisser  la  température. 
Le  premier  résultat  s'obtient  suivant  la  manière  ordinaire,  en 
montant  sur  des  tambours  coniques  la  courroie  qui  transmet 
le  mouvement;  le  second  est  obtenu  par  le  moyen  d'un  ther- 
mo-régulateur. Ce  dernier  appareil,  de  l'invention  de  M.  Rol- 
land, est  fondé  sur  le  principe  de  la  dilatation  des  gaz  fixes; 
il  s'adapte  au  foyer  et,  au  moyen  d'organes  assez  simples,  fait 
mouvoir,  avec  une  grande  sensibilité,  deux  soupapes  qui  rè- 
glent l'introduction  de  l'air  et  maintiennent  ainsi  la  tempéra- 
ture au  degré  favorable  à  l'opération. 

L'appareil  qui  figure  à  l'exposition  a  été  disposé  spéciale- 
ment pour  le  traitement  des  matières  filamenteuses,  et  paraît 
en  effet  satisfaire  aux  exigences  du  travail  compliqué  que  leur 
manipulation  comporte;  on  n'aurait  qu'à  le  simplifier  pour  le 
rendre  convenable  au  traitement  du  café,  du  cacao,  de  la  chi- 
corée, du  malt,  des  graines,  des  légumes  et  d'une  infinité 
d'autres  matières.  Des  appareils  établis  d'après  ce  système 
fonctionnent  depuis  plusieurs  années  pour  la  torréfaction  des 
tabacs. 

La  dessiccation  est  aussi  employée  comme  moyen  de  déter- 
miner d'une  manière  absolue  la  quantité  d'humidité  conte- 
nue dans  la  soie.  Cette  opération,  appelée  conditionnement, 
exige  des  appareils  particuliers,  dont  l'exposition  de  M.  Rogeat, 
de  Lyon,  nous  offre  plusieurs  types. 

Le  prix  élevé  de  cette  matière  et  sa  propriété  naturelle 
d'absorber  et  de  retenir  facilement  une  assez  grande  quantité 
d'eau,  propriété  mise  à  profit  par  la  fraude,  firent  sentir,  dès 
longtemps,  le  besoin  de  pouvoir  constater  exactement  l'hu- 
Diidité  dont  elle  peut  se  charger,  au  delà  de  celle  qu'elle  pos- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  437 

sède  dans  son  état  normaL  A  cet  effet,  !a  ville  de  Lyon  et 
celles  où  le  commerce  des  soies  donnait  lieu  à  d'importantes 
transactions  créèrent  d'abord,  il  y  a  une  cinquantaine  d'an- 
nées, un  établissement  public  ayant  pour  but  de  contrôler  le 
poids  de  cette  matière  précieuse;  on  y  pe.-ait  la  balle  de  soie 
à  son  entrée,  puis  on  en  exposait  le  contenu  pendant  vingt- 
quatre  ou  quarante-huit  heures  dans  des  armoires  grillées, 
disposées  sur  les  côtés  de  longues  salles  dans  lesquelles  la 
température  était  constamment  maintenue,  à  l'aide  de  poêles, 
entre  18  et  20  degrés  réaumur;  la  soie  était  ensuite  pesée  de 
nouveau  etrendue  avec  la  marque  indiquant  le  poids  de  vente. 
A  peine  ce  procédé  de  conditionnement  fut-il  mis  à  exécution 
qu'on  en  reconnut  les  vices,  il  présentait  effectivement  plu- 
sieurs causes  d'erreurs  :  ainsi  les  soies  placées  près  des  poêles 
séchaient  davantage  que  celles  qui  en  étaient  éloignées,  ou 
bien,  d'autres  très-mèches  et  prêtes  à  être  retirées  absor- 
baient l'humidité  de  celles  placées  nouvellement  dans  leur 
voisinage.  La  chambre  de  commerce  de  Lyon  chercha  à  re- 
médier à  ces  inconvénients,  et  grâce  à  sa  persévérance  et  au 
concours  de  M.  Gamot,  directeur  de  la  condition  de  cette  ville, 
un  nouveau  procédé  conçu  par  M.  L.  Talabot,  et  apportant  une 
solution  complète  à  ce  problème  difficile,  fût  enfin  appliqué 
en  l'année  1 843  ;  depuis  lors  toutes  les  villes  industrielles  ont 
emprunté  à  Lyon  cette  nouvelle  méthode  de  conditionnement. 
Le  procédé  ingénieux  de  M.  Talabot  consiste  à  prendre  le 
poids  net  de  la  balle  de  soie,  à  en  extraire  dans  les  différentes 
parties  quelques  écheveaux  qui  représentent  alors  l'humidité 
de  toute  la  masse,  à  peser  immédiatement  ces  mêmes  éche- 
veaux et  à  les  exposer  ensuite,  suspendus  au  fléau  d'une  ba- 
lance, dans  un  appareil  maintenu  constamment  à  la  tempéra- 
ture de  110  degrés  centigrades,  jusqu'à-^  e  que  cette  balance 
reste  en  équilibre  ;  le  poids, qu'elle  accuse  à  cet  instant  est  le 
poids  absolu  de  la  soie  dépourvue  de  toute  humidité.  On 
possède  ainsi  les  éléments  nécessaires  pour  déterminer  la 
perte  d'humidité  de  toute  la  balle  ,  le  poids  primitif  de  cette 
dernière,  le  poids  des  échantillons  qui  la  représentent  et  le 
poids  absolu  de  ceux-ci;  il  ne  reste  plus  qu'à  établir  une 
proportion  :  si,  par  exemple,  les  échantillons  ont  perdu  '15 
pour  cent  de  leur  poids  dans  l'appareil,  la  balle  pesant  pri- 
mitivement  100  kilogr.  doit  être  réduite  au  poids  de  85 


438  VISITE 

kilogr.;  mais  on  a  reconnu  que  l'état  ordinaire  delà  soie  était 
de  contenir  11  pour  100  d'humidité  ,  alors  on  est  convenu  de 
restituer  au  poids  absolu  cette  proportion  fixe  pour  établir  le 
poids  marchand,  lequel  serait  alors  pour  la  balle  de  l'exemple 
ci-dessus  :  91  kilogr.  35;  cette  convention  n'a  d'ailleurs  au- 
cun inconvénient,  puisque  les  termes  de  l'opération  sont  con- 
nus, et  cet  usage  tient  plus  aux  habitudes  du  commerce  qu'à 
la  nécessité  d'y  avoir  recours. 

L'appareil  dans  lequel  s'opère  la  dessiccation  des  échantil- 
lons de  soie  se  compose  de  deux  cylindres  concentriques  ver- 
ticaux en  métal  ;  la  partie  supérieure  est  fermée  par  un  cou- 
vercle percé  d'une  fente  pour  laisser  passer  une  tige  sus- 
pendue à  l'un  des  bras  d'un  fléau  de  balance  ;  la  partie 
inférieure  de  cette  tige  est  disposée  en  un  cercle  armé  de 
crochets,  ces  crochets  supportent  lesécheveaux  à  sécher  dans 
le  cylindre  intérieur  chauffé  au  moyen  de  la  vapeur;  la  ba- 
lance établie  au-dessus  de  l'appareil  est  renfermée  en  partie 
dans  une  cage  vitrée  et  mise  ainsi  à  l'abri  de  l'air;  enfin,  du 
côté  opposé  aux  cylindres,  existe  un  casier  en  métal  contenant 
les  tiroirs  dans  lesquels  on  place  les  échantillons  qui  doivent 
être  successivement  éprouvés.  Pour  opérer  la  dessiccation,  on 
enlève  le  couvercle  du  cylindre  extérieur,  on  suspend  les 
écheveaux  pesés  d'avance,  on  referme  l'appareil  et  on  laisse 
la  soie  ainsi  exposée  à  la  chaleur  de  110  degrés,  jusqu'à  ce 
que  la  balance  n'accuse  plus  aucune  variation  ;  ce  poids  des 
écheveaux  étant  constaté  et  contrôlé  par  une  double  épreuve, 
on  retire  la  soie  et  on  procède  à  une  autre  opération. 

Le  système  de  M.  Talabot  présentait  un  seul  inconvénient  : 
celui  d'exiger  pendant  trois  heures  le  séjour  de  la  soie  dans 
l'appareil  ,  et  par  conséquent  une  perte  de  temps  et  de  com- 
bustible; M.  Persoz,  directeur  de  la  condition  des  soies  de 
Paris  ,  et  M.  Rogeat ,  de  Lyon  ,  y  ont  obvié  en  remplaçant  le 
mode  de  chauffage  à  la  vapeur  par  un  séchage  à  l'aide  d'un 
courant  d'air  chaud  obtenu  très-rapidement  par='des  becs  de 
gaz  ou  par  l'emploi  du  charbon  ;  de  cette  manière  la  dessicca- 
tion ne  dure  plus  qu'une  demi-heure. 

Plusieurs  millions  de  kilogrammes  passent  annuellement 
dans  les  établissements  de  condition^  et  depuis  quelques  an- 
nées l'industrie  de  la  laine  elle-même  a  recours  à  ce  moyen 
exact  de  garantie  et  de  contrôle. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  439 

Les  appareils  de  M.  Rolland ,  pour  la  panification  méca- 
nique ,  apportent  enfin  les  perfectionnements  que  l'on  était 
en  droit  d'exiger  dans  une  opération  aussi  importante  que 
celle  de  la  fabrication  du  pain  ;  le  pétrin  mécanique  est  très- 
simple,  il  se  compose  d'une  auge  demi-cylindrique  dans 
laquelle  se  meut,  à  l'aide  d'une  manivelle,  un  axe  garni  de 
lames  courbes;  le  four  est  circulaire  et  chauffé  par  un  foyer 
indépendant,  il  contient  une  sole  mobile  ou  plate-forme,  mue 
à  la  main  et  de  l'extérieur  par  une  manivelle  et  quelques  en- 
grenages. L'emploi  de  ces  deux  appareils  se  multiplie  chaque 
jour  et  fait  espérer  que  les  opérations,  naguère  si  primitives, 
de  la  pRnification  se  feront  bientôt  avec  toute  la  propreté  et 
la  perfection  désirables. 

Outre  les  appareils  précédents,  l'Exposition  présente  en- 
core de  toutes  parts  de  nombreuses  applications  de  la  cha- 
leur, remarquables  à  différents  titres.  Parmi  celles  qui  se 
recommandent  le  plus  par  l'utilité  des  résultats  qu'elles  pro- 
curent, la  distillation  de  l'eau  de  mer  est  sans  contredit  l'une 
des  plus  intéressantes,  et  sous  ce  rapport  il  faut  distinguer  les 
appareils  de  MM.  Rocher,  de  Nantes,  et  E.  Sasse,  en  Suède, 
qui  peuvent  transformer  l'eau  saumâtre  de  la  mer  en  eau  po- 
table, pour  tout  un  équipage,  et  cela  sans  grande  dépense 
et  par  le  fait  seul  de  la  préparation  des  aliments. 

Les  appareils  distillatoires  ou  de  concentration  des  liquides 
de  toutes  sortes,  de  MM.  Boutigny,  Traxler,  Tribouillet  et 
Duyck,  offrent  aussi  un  grand  intérêt. 

Enfin  les  appareils  de  MM.  VVolf,  en  Wurtemberg,  et 
Couty,  en  France,  pour  souder  le  plomb,  le  cuivre,  le  platine 
même ,  en  profitant  de  la  chaleur  développée  par  la  com- 
bustion du  gaz  hydrogène;  les  petites  forges  de  M.  Enfer, 
pour  fondre  et  couler  le  platine;  celles  de  M.  Delaforge;  les 
systèmes  à  blanchir  le  linge  ,  de  MM.  Ducommun  et  Radies, 
Bouillon  et  Gervais;  la  buanderie  américaine,  de  M.  King; 
les  fourneaux  à  préparer  les  produits  pharmaceutiques,  de 
MM.  Wolfmuller,  en  Bavière,  et  Miirle,  dans  le  duché  de 
Bade,  et  l'appareil  de  M.  Choisy-Lignon,  pour  utiliser  l'eau 
de  condensation  des  machines ,  méritent  chacun  une  atten- 
tion particulière. 


440  VISITE 


Éclairage. 


L'éclairage  s'obtient  généraiement  par  la  simple  combus- 
tion de  corps  capables  de  produire  une  flamme  éclairante.  La 
flamme  n'étant  elle-même  que  l'effet  de  la  combustion  d'un 
gaz ,  il  suit  que  les  matières  solides  et  les  matières  liquides 
doivent  d'abord  donner  naissance  à  un  produit  gazeux  pour 
pouvoir  fournir  une  flamme.  C'est  en  effet  ce  qui  arrive  :  si 
on  chauffe  un  corps  suffisamment,  pour  le  volatiliser  ou  le  dé- 
composer en  gaz  et  enflammer  ce  gaz,  c'est-à-dire  si  on  al- 
lume ce  corps,  le  produit  gazeux  obtenu  brûle  et  donne  assez  de 
chaleur  pour  en  volatiliser  ou  décomposer  une  nouvelle  partie^ 
et  fournir  une  nouvelle  quantité  de  gaz  qui,  s'enflammant  à 
à  son  tour,  produit  le  même  effet,  et  prolonge  ainsi  l'existence 
de  la  flamme.  Mais  un  gaz  en  brûlant  n'est  pas  toujours  ca- 
pable de  produire  une  flamme  éclairante;  il  faut,  pour  qu'une 
flamme  présente  ces  conditions,  qu'elle  contienne  dans  son 
intérieur  des  matières  solides  résistant  à  l'action  de  sa  tem- 
pérature; ce  sont  effectivement  ces  parties  solides  qui,  por- 
tées à  l'incandescence ,  la  rendent  visible  et  lui  prêtent  tout 
son  éclat.  La  plupart  du  temps,  le  gaz  se  charge  lui-même 
d'introduire  ces  molécules  solides  dans  la  flamme  qu'il  donne, 
soit  par  le  produit  solide  résultant  de  sa  combustion,  soit  à 
cause  des  dépôts  que  sa  combustion  laisse. 

Les  substances  qui  remplissent  le  mieux  les  conditions  exi- 
gées par  leur  emploi  pour  l'éclairage,  et  qui,  par  ce  fait  et 
aussi  parleur  bon  marché,  servent  le  plus  ordinairement, 
sont  :  le  suif,  les  graisses,  la  cire,  le  blanc  de  baleine,  les 
acides  stéariques  et  margariques,  et  différents  mélanges  de 
ces  corps,  l'huile  de  colza,  l'huile  minérale  de  schiste  et  le 
gaz  liquide,  ou  mélange  d'alcool  et  d'esprit  de  bois,  dont  l'u- 
sage est  assez  restreint  ;  enfin  le  gaz  hydrogène  carboné,  dans 
lequel  d'ailleurs  les  substances  précédentes  se  résolvent  en 
dernier  lieu  au  moment  de  leur  combustion. 

L'emploi  des  matières  solides  ne  nécessite  aucun  appareil 
spécial,  on  se  borne  à  donner  à  ces  matières  des  formes  con- 
venables que  leur  consistance  leur  permette  de  conserver; 
ainsi  on  les  moule  et  on  en  fait  des  cylindres  de  diverses  di- 
mensions, appelés  chandelles,  bougies,  cierges,  etc.,  et  dont 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  iii 

l'axe  est  une  mèche  de  coton.  C'est  dans  cette  mèche  que  s'o- 
père la  combustion  :  aussitôt  qu'elle  est  enflammée,  le  corps 
gras  au-dessous  d'elle  entre  en  fusion,  s'élève  dans  cette  mè- 
che par  l'effet  de  la  capillarité,  y  éprouve  une  décomposition 
par  suite  de  la  température  élevée,  et  donne  naissance  au 
gaz  hydrogène  carboné  qui  s'allume  et  produit  la  flamme. 

Les  perfectionnements  apportés  dans  ces  produits  consistent 
principalement  dans  la  fabrication  des  corps  gras,  fabrication 
qui  est  du  domaine  de  la  chimie  ;  mais  comme  progrès  d'ap- 
pareil ,  il  faut  remarquer  néanmoins  les  moules  mécaniques  à 
chandelles  de  M.  Cahouet,  qui  permettent  de  donner  une 
grande  rapidité  au  moulage,  en  même  temps  qu'une  grande 
régularité. 

La  fabrication  des  liquides  destinés  à  l'éclairage  est  aussi 
une  opération  chimique,  et  par  conséquent  également  étran- 
gère à  la  9*  classe  ;  cependant  celle  de  l'huile  de  schiste  semble 
s  y  rattacher  ,  en  ce  sens  que  cette  huile  est  uniquement  utili- 
sée à  l'éclairage  ;  on  l'obtient  du  schiste  bitumineux  par  une 
distillation  ordinaire  et  après  plusieurs  purifications.  Des 
échantillons  assez  remarquables  en  ont  été  envoyés  à  l'Expo- 
sition par  MM.  Wiesmann  et  Cie,  à  Bonn  ;  Legros  et  Cie,  par  la 
Compagnie  bourbonnaise  etl'usine  de  Sainte-Maine,  en  France. 

L'usage  de  Ihuile  végétale  ou  minérale  pour  l'éclairage 
exige  nécessairement  des  appareils  appelés  lampes  pour  con- 
tenir et  présenter  peu  à  peu  ces  liquides  à  la  combustion.  Le 
nombre  des  appareils  différents  imaginés  pour  arriver  à  ce  ré- 
sultat est  considérable,  et  leurs  dispositions  ont  toutes  pour 
but  de  faire  que  l'huile  arrive  constamment  et  régulièrement 
à  la  mèche,  ni  en  trop  petite  quantité  ,  ni  en  trop  grande,  et 
qu'il. passe  un  courant  d'air  suffisant  pour  accomplir  la  com- 
bustion. 

D'abord  les  lampes  furent  composées  d'un  réservoir  assez 
large  pour  conserver  longtemps  et  sensiblement  le  même  ni- 
veau au  liquide  quiy  était  contenu,  etqui  communiquait  avec 
la  mèche  par  un  tube;  puis  ce  réservoir  fut  disposé  pour  éta- 
blir un  niveau  constant  dans  le  conduit  placé  au-dessous  et 
correspondant  avec  la  mèche  :  lorsque  le  niveau  baissait  dans 
ce  conduit,  il  laissait  libre  l'ouverture  du  réservoir,  l'air  pé- 
nétrait, et  l'huile  s'écoulait  jusqu'à  ce  que  le  niveau  remonté 
fermât  cette  ouverture.  Dans  l'un  et  l'autre  cas,  le  réservoir 


442  VISITE 

situé  au-dessus  de  la  mèche ,  outre  le  peu  de  stabilité  et  de 
gracieuseté  qu'il  donnait  à  l'appareil,  interceptait  encore 
une  certaine  partie  de  la  lumière.  Les  lampes  Carcel  ont  obvié 
à  ces  inconvénients  :  l'huile  arrive  à  la  mèche  par  l'effet  de 
petites  pompes  formées  d'une  simple  baudruche  faisant  office 
de  piston  et  mues  par  un  mécanisme  d'horlogerie;  le  tout 
étant  placé  dans  l'intérieur  d'un  cylindre  et  au-dessous  de  la 
mèche  donne  à  l'ensemble  une  forme  stable  et  susceptible  de 
recevoir  autant  d'ornementations  qu'on  le  veut. 

Mais  de  toutes  les  lampes,  celle  à  modérateur,  tout  en  étant 
très-régulière  dans  son  fonctionnement,  est  en  même  temps 
la  plus  simple,  la  plus  économique  et,  par  suite,  la  plus  gé- 
néralement employée.  Cette  lampe  ,  de  l'invention  de  M.  Fran- 
chot ,  se  compose  d'un  ressort  en  spirale  tendu  par  une  cré- 
maillère qu'on  relève  au  moyen  d'un  pignon;  ce  ressort  agit 
constamment  en  appuyant  sur  un  cuir  embouti  ou  piston, 
pour  comprimer  l'huile  placée  dans  la  partie  inférieure  du 
cylindre  qui  contient  le  système,  et  la  faire  monter  .jusqu'à 
la  mèche  par  un  tube  particulier.  Ce  tube  d'ascension  de 
l'huile  est  composé  de  deux  parties  :  Tune,  fixée  au  piston, 
est  mobile  avec  lui  et  s'engage  dans  l'autre  ,  faisant  partie  du 
bec,  d'une  plus  ou  moins  grande  quantité,  suivant  que  le 
piston  est  plus  haut  ou  plus  bas.  C'est  dans  ce  tube  qu'est 
placé  le  modérateur ,  simple  tige  métallique  tenue  d'un  bout 
à  la  partie  fixe ,  et  pénétrant  par  l'autre  dans  la  partie  mo- 
bile ,  de  manière  à  gêner ,  surtout  dans  cette  dernière ,  qui  est 
la  plus  étroite,  la  marche  de  Ihuile  qui  passe  entre  cette  tige 
et  le  tube  ;  le  mouvement  est  d'autant  plus  ralenti  que  le  mo- 
dérateur est  plus  engagé  dans  la  partie  mobile,  c'est-à-dire 
que  le  piston  est  plus  haut,  le  ressort  plus  tendu  et  l'huile 
plus  sollicitée  à  s'élever  ;  au  contraire ,  lorsque  le  piston  ar- 
rive vers  le  bas  de  sa  course,  et  que  le  ressort,  possédant 
moins  de  force  ,  n'élève  plus  autant  d'huile ,  le  tube  mobile 
est  descendu ,  la  tige  est  dégagée  de  ce  tube,  et  le  passage  au- 
tour d'elle  est  plus  facile.  On  comprend  d'après  cela  que  la 
force  du  ressort  et  les  dimensions  de  la  tige  modératrice  étant 
convenablement  déterminées,  la  compensation  des  effets  de 
ces  deux  pièces  puisse  donner  à  l'huile  un  mouvement  régulier. 
L'excès  d'huile  à  la  mèche  retombe  dans  le  cylindre  et  repasse 
sous  le  piston  lorsqu'on  le  relève. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  4i3 

Quant  à  la  manière  d'amener  assez  d'air  sur  la  mèche ,  elle 
consiste  à  faire  de  cette  mèche  un  manchon  autour  et  dans 
l'intérieur  duquel  on  établit  un  courant,  à  l'aide  d'une  chemi- 
née de  verre  placée  sur  le  bec. 

Outre  cesdiflérentes  dispositions,  les  lampes  prennent  en- 
core de  nombreuses  formes,  suivant  qu'on  veut  les  affectera 
certains  besoins;  t(41essont,  par  exemple,  celles  des  mineurs, 
qui  sont  des  lampes  portatives  dont  la  flamme  est  entourée 
d'une  toile  métallique. 

Les  lampes  à  l'huile  minérale  de  schiste  présentent  une 
position  différente;  le  liquide  étant  beaucoup  plus  fluide  que 
l'huile  de  colza ,  le  simple  effet  de  la  capillarité  en  fait  monter 
dans  la  mèche  une  quantité  suffisante  pour  entretenir  la  com- 
bustion ,  circonstance  qui  permet  de  faire  de  l'appareil  un 
simple  vase  dans  lequel  plonge  une  mèche  ;  seulement,  comme 
l'huile  minérale  donne  dans  sa  combustion  beaucoup  de  char- 
bon ou  de  fumée  ,  il  faut  faire  arriver  sur  la  mèche  un  fort 
courant  d'air  pour  exciter  cette  combustion ,  ce  que  l'on  ob- 
tient en  plaçant  dans  l'intérieur  de  la  mèche  un  disque  hori- 
zontal forçant  l'air  à  s'en  rapprocher  et  à  sortir  plus  rapide- 
ment. Ces  lampes  donnent  une  belle  lumière,  mais  fument  fa- 
cilement, et  répandent  une  odeur  peu  agréable  qui  gênera 
longtemps  le  développement  de  leur  usage. 

Il  y  a  encore  les  lampes  à  gaz  liquide  ou  alcool  dénaturé 
(mélange  d'esprit  de  bois  et  d'alcool)  différant  des  précédentes 
seulement  par  la  mèche  qui  est  enfermée  dans  un  petit  tube 
percé  de  trous  ;  c'est  par  ces  trous  que  le  gaz  de  la  décompo- 
sition du  liquide  de  la  mèche  sort  et  s  allume  ;  la  flamme  d'une 
forme  assez  gracieuse  présente  autant  de  petits  jets  qu'il  y  a 
de  trous.  Cette  espèce  de  lampe  est  moins  économique  que 
celle  du  schiste,  mais  elle  donne  beaucoup  moins  d'odeur. 

Les  bâtiments  de  l'Exposition  renferment  un  grand  nombre 
de  lampes,  très-variées  de  dispositions,  mais  fondées  presque 
uniquement  sur  le  principe  du  modérateur;  la  plupart  ne 
sont  que  des  occasions  d'ornementations  ou  de  ciselures  et  ne 
peuvent  être  examinées  qu'a  ce  point  de  vue.  Cependant  les 
lampes  à  modérateur  de  M.  Hadrot  jeune  et  Cie  dont  on  voit 
des  exemples  dans  le  Diorama  jouissent  d'une  réputation  mé- 
ritée pour  la  lumière  vive,  constante  et  prolongée  qu'elles 
fournissent;  celles  de  M.  Neuburger  offrent  en  outre  l'avan- 


iU  VISITE 

tage  de  l'économie  et  delà  longue  durée,  par  suite  du  grand 
réservoir  qu'elles  possèdent  et  de  la  disposition  qui  ne  laisse 
arriver  à  la  mèche  que  la  quantité  d'huile  exactement  dépen- 
sée par  la  flamme.  Les  lampes  phares  de  M.  Aubineau  et 
celles  de  M.  Noël  Bosselut  sont  remarquables  par  leurs  gran- 
des dimensions,  tandis  qu'au  contraire  les  lampes  lilliputien- 
nes de  M.  Guillaume  attirent  l'attention  par  leurs  proportions 
exiguës  et  mignonnes.  La  petite  lampe  de  ménage  de  M.  Des- 
sales se  recommande  à  la  classe  ouvrière  par  la  modicité  de 
son  pjix  et  la  faible  dépense  que  son  usage  occasionne.  Les 
loupes-lampes  pour  les  graveurs,  de  M.  Ferreux,  sont  une 
heureuse  application  des  lampes  aux  arts.  Enfin  les  lampes 
suspendues  de  M.  Dardonville  ,  qui  sont  facilement  transpor- 
tables et  applicables  par  ce  fait  aux  navires  ,  celles  de 
M.Bourgogne  qui  annoncent  elles-mêmes,  par  une  sonnerie, 
l'instant  où  elles  manquent  d'huile ,  et  qui  servent  aussi  de 
timbres  de  table;  la  magnifique  exposition  de  M.  Schlossma- 
cher  et  Cie  et  les  lampes  de  M.  A.  Ribot  qui  sont  destinées  à 
l'emploi  du  gaz  liquide,  méritent  aussi  une  mention  particu- 
lière. 

L'étranger  nous  offre  aussi  plusieurs  types  de  lampes  qui 
n'ont  rien  de  particulier  dans  leur  construction  et  qui  ne  peu- 
vent se  comparer  à  la  variété  infinie  de  ceux  des  fabriques 
françaises  ;  cependant  on  doit  signaler  la  fabrication  de 
MM.  Mariann  ,  Allen  et  Moore  en  Angleterre. 

La  disposition  des  mèches  est  une  considération  assez  im- 
portante dans  l'éclairage  par  les  corps  liquides  ou  solides,  et 
sous  ce  rapport  il  faut  citer  M.  Brochet,  de  Paris,  et  M.  Senne, 
d'Erfurth  (Saxe). 

Eclairage  au  gaz. 

L'éclairage  par  le  gaz  est  une  industrie  récente  qui  a  pris 
dans  ces  derniers  temps  une  extension  considérable. 

il  consiste  à  produire  du  gaz  et  à  l'envoyer  dans  tous  les 
endroits  où  il  doit  être  consommé,  c'est-à-dire  à  produire 
d'avance  la  décomposition  qui  s'effectue  dans  la  mèche  des 
chandelles  ,  des  bougies  ,  des  lampes  ,  etc.  Toutes  les  matières 
organiques  soumises  à  la  distillation  en  vase  clos  sont  capa- 
bles dejproduire  du  gaz  hydrogène  carboné,  mais  le  gaz  est 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  4ir> 

plus  ou  moins  éclairant  suivant  la  nature  de  ces  matières; 
les  substances  solides  ou  liquides  qui  servent  à  l'éclairage 
ordinaire  pourraient  être  ainsi  employées  avec  succès  à  la  fa- 
brication du  gaz,  mais  on  leur  préfère  la  houille  à  cause  de 
son  prix  peu  élevé,  du  résidu  ou  coke  que  sa  distillation  laisse 
et  qui  possède  encore  une  certaine  valeur,  et  enfin  des  pro- 
duits ammoniacaux  qui  suffisent  à  eux  seuls  pour  payer  les 
frais  d'épuration  du  gaz. 

La  houille  est  soumise  à  la  distillation  dans  des  cornues  de 
terre  réfractaire  ou  de  fonte,  chauffées  au  rouge;  la  décom- 
position s'effectue,  le  gaz  s'échappe  et  il  reste  du  coke  que 
l'on  remplace  par  d'autre  houille.  Le  gaz  dégagé  contient  tou- 
jours des  substances  étrangères,  nuisibles  à  son  emploi  et 
dont  il  faut  absolument  le  débarrasser;  c'est  pourquoi,  au 
sortir  des  cornues,  il  passe  dans  divers  appareils  appelés  ba- 
rillets, réfrigérants,  épurateurs,  destinés  à  retenir  la  plus 
grande  partie  des  matières  solides ,  hquides  et  gazeuses  qui 
l'accompagnent. 

Le  gaz  purifié  arrive  dans  le  gazomètre,  réservoir  en  tôle 
où  il  s'accumule  et  d'où  il  part  pour  se  distribuer  à  tous  les 
points  de  sa  consommation  ,  quand  l'heure  de  sa  distribution 
est  venue. 

Au  lieu  de  houille,  on  distille  aussi  quelquefois  certaines 
huiles,  que  Ton  fait  tomber  goutte  à  goutte,  à  cet  effet,  sur 
du  coke  chauffé  au  rouge  dans  des  cornues  ;  la  chaleur  dé- 
compose l'huile  et  il  se  forme  du  gaz  dont  le  pouvoir  éclai- 
rant est  trois  ou  quatre  fois  plus  grand  que  celui  du  gaz  ordi- 
naire. 

Le  gaz,  livré  aux  consommateurs  à  raison  d'un  prix  déter- 
miné par  mètre  cube,  passe  dans  un  compteur  avant  d'ar- 
river au  bec.  Ce  compteur  est  un  axe  horizontal  garni  d'au- 
gets  et  tournant  dans  une  enveloppe  cylindrique  contenant 
de  l'eau  jusque  passé  cet  axe;  le  gaz  vient  par  un  tuyau, 
remplit  les  augets  un  à  un  et  les  oblige  à  tourner  ;  chacun  à 
mesure  qu'il  est  plein,  amène  son  gaz  dans  la  partie  supé- 
rieure du  cylindre  où  se  trouve  le  tuyau  qui  le  conduit  au 
bec.  Le  nombre  de  tours  est  indiqué  par  des  aiguilles,  mues 
par  l'axe  à  augets,  sur  le  devant  du  compteur,  et  on  en  déduit 
facilement  la  quantité  de  gaz  consommée  d'après  la  capacité 
connue  des  aucets. 


446  VISITE 

Les  becs  à  gaz  sont  de  plusieurs  espèces  :  dans  les  uns  le 
gaz  sort  par  une  petite  couronne  métallique,  percée  de  trous, 
l'air  passe  en  dedans  et  en  dehors  de  cette  couronne  et  active 
puissamment  la  combustion  ;  le  bec  porte  une  galerie  pour 
soutenir  une  cheminée  de  veire;  dans  les  autres,  le  gaz  sort 
en  lame  mince,  par  une  fente  étroite,  et  produit  une  flamme 
de  forme  analogue  à  celle  d'un  éventail;  dans  certains,  enfin, 
dits  becs  Manchester,  le  gaz  sort  par  deux  trous  obliques  et 
les  jets  de  flamme  qui  résultent  de  cette  disposition  viennent 
se  rencontrer  mutuellement  et  produire  en  sens  inverse  une 
espèce  d'écusson  ;  ces  derniers  présentent  plus  d'économie 
dans  la  coMibuslion  du  gaz,  que  les  becs  à  éventail. 

L'Exposition  ne  montre  pas  que  l'industrie  du  gaz  ait  fait  de 
notables  progrès,  et  l'on  doit  regretter  de  ne  pas  y  voir  les 
dernières  modifications,  récemment  proposées  dans  le  but 
d'obtenir  une  plus  grande  économie  ;  à  l'exception  du  système 
pour  l'extraction  du  gaz  de  MM.  Boysen  etCie,  de  Hambourg, 
et  de  quelques  plans  d'usines,  on  ne  retrouve  guère  que  des 
appareils  particuliers,  relatifs  à  la  conduite  et  à  la  consomma- 
tion du  gaz,  tels  que  tuyaux,  robinets,  compteurs,  lanternes, 
becs  et  cheminées,  pour  la  fabrication  desquels  il  faut  dis- 
tinguer MM.  Siry  Lizard  et  Cie,  Dumont,  Maccaud,  Mareni, 
Laurot  et  Bengel,  et  Voruz  et  Fessard,  en  France,  et  MM.Fell 
et  Bâte,  Bailly,  Paddon  et  Ford  et  T.  Glover,  en  Angleterre. 

La  lumière  une  fois  produite,  on  peut  parvenir  à  lui  don- 
ner une  intensité  assez  considérable  à  l'aide  d'abat-jour 
ou  réflecteurs,  dont  l'effet  est  de  renvoyer  dans  un  sens  les 
rayons  lumineux  qui  divergeaient  dans  l'autre  et  d'accumuler 
ainsi  la  lumière  sur  un  point  plus  restreint.  Les  réflecteurs  sont 
des  surfaces  concaves,  métalliques  et  polies,  présentant  une 
courbe  parabolique  ou  sphérique,  dont  la  lumière  occupe  le 
foyer  ;  c'esi  de  la  construction  de  cette  courbe  que  dépend  la 
qualité  du  réflecteur,  mais  c'est  une  condition  dont  on  se 
préoccupe  peu  quand  il  s'agit  de  réflecteurs  communs.  Ils 
sont  généralement  utilisés  pour  les  signaux,  par  les  chemins 
de  fer  et  la  marine.  M,  Camus  mérite  d  être  mentionné  comme 
l'un  des  fabricants  qui  ont  apporté  le  plus  d'améliorations 
dans  la  construction  de  ces  appareils;  M.  Ghasel  et  M.  Blazy- 
Jallifier,  à  Paris,  et  MM.  Thorton  et  fils,  de  Birmingham,  pré- 
sentent aussi  des  signaux  à  réflecteurs,  d'une  bonne  con- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  Ul 

struction  ;  le  falot  de  locomotive  de  MM.  H.  Piper  et  Bro,  du 
Canada,  se  distingue  surtout  par  ses  grandes  dimensions  ;  on 
doit  enfin  citer  les  appareils  nouveaux  de  MM.  Fortin  ller- 
mann  :  ce  sont  des  falots  de  locomotive  et  des  signaux  pour 
arrière  de  train  qui  éclairent,  au  moyen  du  gaz,  pendant  dix 
et  vingt  heures,  avec  beaucoup  de  fixité  et  sans  extinction 
possible,  et  qui  s'aperçoivent  à  de  grandes  distances. 

Les  abat-jour  sont  de  simples  cônes  ou  pyramides  tron- 
qués, de  papier  ou  de  métal,  blancs  à  leur  surface  intérieure 
et  diversement  ornementés  à  leur  surface  extérieure  ;  ils 
s'emploient  seulement  sur  les  chandelles,  les  bougies  ou  les 
lampes,  pour  ramener  la  lumière  de  haut  en  bas  ;  divers 
moyensplus  ou  moins  ingénieux  les  tiennent  fixés  sur  la  bougie 
ou  sur  le  verre  de  la  lampe.  La  fabrication  des  abat-jour  oc- 
cupe un  grand  nombre  d'ouvriers  et  forme  à  elle  seule  presque 
une  industrie  ;  on  remarque  à  l'Exposition  les  jolis  abat- 
jour  de  M.  Auguste,  et  ceux  en  acier  fabriqués  d'un  seul 
morceau,  en  y  comprenant  même  le  support. 

Phares. 

Les  phares  sont  des  feux  qu'on  allume  sur  les  côtes  et  à 
l'entrée  des  ports  pendant  la  nuit,  pour  servir  de  guides  aux 
navigateurs. 

La  lumière  est  d'abord  produite  par  une  lampe  puissante 
à  trois  ou  quatre  mèches  concentriques  ,  puis  projetée  au 
loin  par  divers  moyens  capables  de  la  rendre  visible  à  de 
grandes  distances.  On  employait  autrefois  ponr  obtenir  ce 
dernier  résultat,  de  simples  réfiecteurs  paraboliques,  aujour- 
d'hui on  fait  usage  uniquement  de  lentilles  à  échelons  de 
Fresnel.  Ces  lentilles,  qui  remplacent  également  les  grandes 
lentilles  d'une  seule  pièce  dont  la  construction  était  difficile 
et  les  effets  très-incomplets,  sont  formées  d'un  segment  de 
sphère,  entouré  d'une  suite  d'anneaux  concentriques  ayant 
une  courbure  calculée  pour  que  chacun  ait  le  même  foyer 
que  le  segment  central.  Tous  les  rayons  lumineux  d'une  lu- 
mière placée  au  foyer  d'une  de  ces  lentilles  complexes,  ar- 
rivent sur  sa  surface,  et  se  réunissent,  après  l'avoir  traversée, 
en  un  large  faisceau  parallèle.  Comme  l'affaiblissement  de  la 
lumière  a  lieu  principalement  en  raison  de  la  divergence  des 


448  VISITE 

rayons  qu'elle  émet,  la  lumière  traversant  une  lentille  à 
échelons  doit  rester  intense  et  avoir  une  portée  considérable. 

Les  phares  sont  composés  d'une  ou  deux  lentilles  de  cette 
espèce  ,  quand  ils  sont  de  simples  feux  de  ports,  et  de  plu- 
sieurs disposées  en  polygone  pour  les  feux  de  premier  ordre. 
Dans  les  deux  cas,  les  lentilles  sont  mises  en  mouvement  au- 
tour delà  lampe  par  un  mécanisme  d'horlogerie  ,  de  manière 
que  les  faisceaux  de  lumière  qu'elles  produisent  sont  succes- 
sivement amenés  sur  chaque  point  de  l'horizon  :  er  laissant 
d'ailleurs  entre  eux  des  intervalles  moins  lumineux  ils  forment 
ainsi  des  éclats  et  des  éclipses  de  lumière  dont  la  durée  régu- 
lière et  déterminée  sert  à  distinguer  uu  phare  d'un  feu  acci- 
dentel ou  d'un  autre  phare  voisin. 

Ordinairement  pour  les  feux  déports,  les  lentilles  mobiles 
se  meuvent  autour  d'un  cylindre  composé  d'échelons  sembla- 
bles à  ceux  de  ces  lentilles  ,  mais  disposés  circulairement  au- 
tour de  la  lampe  et  superposés  les  uns  aux  autres.  Le  système 
des  verres  de  ce  cylindre  ramène  et  projette  la  lumière  du 
foyer  en  couches  horizontales,  de  manière  à  former  autour  du 
phare  un  anneau  lumineux  constant,  dans  lequel  se  meuvent 
des  segments  de  lumière  plus  éclatante,  résultant  de  la  con- 
centration des  rayons  de  cet  anneau  par  les  lentilles  mobiles 
qui  les  rencontrent  et  produisent  les  éclats  périodiques. 

Le  dôme  et  la  partie  inférieure  des  phares  sont  formés 
d'anneaux  prismatiques  de  verre,  tellement  inclinés,  qu'ils 
réfléchissent  horizontalement  toute  la  lumière  qu'ils  reçoivent 
de  la  lampe  et  forment  aussi  des  nappes  lumineuses  fixes.  On 
fait  maintenant  les  lentilles  à  échelons  de  la  hauteur  des 
phares  et  se  réunissant  à  la  partie  supérieure  pour  former  le 
dôme  ;  les  éclats  et  les  éclipses  ont  lieu  alors  dans  toute  cette 
hauteur. 

Le  palais  de  l'Exposition  renferme  plusieurs  phares  remar- 
quables ,  celui  du  ministère  de  l'agriculture,  du  commerce  et 
des  travaux  publics,  construit  par  M.  H.  Lepaute  ,  sous  la 
direction  de  MM.  Reynaud  et  Degrand,  et  que  l'on  voit  fonc- 
tionner au  sommet  de  la  tour  qui  s'élève  dans  le  transept, 
semble  atteindre  la  limite  des  perfectionnements  que  l'on 
puisse  faire  subir  à  ces  précieux  appareils;  viennent  ensuite 
ceux  de  M.  H.  Lepaute  dont  l'exposition  renferme,  en  ou- 
tre, diverses  dispositions  de  lentilles,   ceux  de  M.  Sautter 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  449 

et  Cie  de  Paris ,  et  enfin,  le  phare  à  feu  fixe  de  MM.  Chance 
frères,  de  Birmingham. 

Production  et  emploi  de  l'électricité.  —  Piles  électriques. 

Les  piles  électriques  sont  des  appareils  destinés  à  former 
une  source  constante  d'électricité.  Ces  appareils  sont  basés 
sur  la  propriété  que  possède  toute  réaction  chimique  de  dé- 
gager une  certaine  quantité  de  ce  fluide,  et  ils  doivent  satis- 
faire à  la  condition  de  produire  la  réaction  capable  d'en  don- 
ner la  plus  grande  quantité  possible  d'une  manière  continue. 

Une  infinité  de  corps  peuvent  donner  lieu  à  celte  réaction 
et  servir  ainsi  à  la  construction  d'un  nombre  considérable  de 
piles  différentes. 

Parmi  celles  que  l'on  emploie  généralement  ,la  plus  éner- 
gique et  la  plus  simple  est  celle  de  Bunsen,  Elle  se  compose 
d'un  pot  de  faïence,  ou  de  verre,  rempli  d'acide  sulfurique 
étendu  d'eau,  et  contenant  un  manchon  de  zinc  qui  est  plongé 
aussi  dans  le  liquide;  dans  l'intérieur  du  manchon  de  zinc, 
on  place^un  vase  poreux  en  terre  cuite  qui  laisse  communi- 
quer lentement  le  premier  liquide  avec  l'acide  azolique  con- 
centré qu'il  contient  lui-même,  et  dans  lequel  plonge  un  cy- 
lindre de  charbon  préparé. 

L'existence  du  zinc,  de  l'acide  sulfurique  et  de  l'acide  ni- 
trique dans  le  même  vase,  détermine  une  réaction  chimique 
particulière,  dont  le  résultat  physique  principal  est  la  forma- 
tion de  deux  électricités  différentes;  celle  qu'on  appelle  posi- 
tive se  rend  au  charbon  qui  prend  alors  le  nom  de  pôle  posi- 
tif, et  l'électricité  négative  vient  sur  le  zinc  ou  pôle  négatif. 
Si  on  adapte  à  chacun  de  ces  pôles  un  fil  conducteur ,  soit 
par  exemple  un  fi'  de  cuivre  ,  et  qu'on  réunisse  l'extrémité 
libre  de  ces  deux  fils,  il  s'établira  immédiatement  un  courant 
électrique. 

On  remplace  quelquefois  le  charbon  par  une  lame  de  pla- 
tine, et  les  acides  par  d'autres  liquides  ,  mais  c'est  toujours 
le  même  résultat,  et  en  définitive  la  pile  précédente  est  celle 
qui ,  jusqu'à  présent ,  mérite  la  préférence  ,  lorsqu'on  veut 
obtenir  des  effets  énergiques  et  constants,  tels  qu'on  a  besoin 
pour  l'éclairage  électrique  ou  pour  les  moteurs. 

La  pile  de  Daniell  est  aussi  d'un  usage  tr ès-fi  équent ,  mais 
206  dd 


450  VISITE 

alors  seulement  qu'on  désire  un  courant  faible,  très-régulier  \ 
et  prolongé,  ainsi  qu'il  est  utile  pour  la  télégraphie  électrique  | 
et  la  galvanoplastie.  Cette  pile  est  composée  également  d'un  I 
pot  prmcipal  contenant  le  manchon  de  zinc  et  l'acide  sulfu-  I 
rique  étendu  ou   une  dissolution  de  sel  marin,  mais  le  vase  | 
poreux  contient,  au  lieu  d'un  charbon,  un  cylindre  creux  de  \ 
cuivre  rouge  baignant  dans  une  dissolution  saturée  de  sulfate  \ 
de  cuivre  et  portant  des  fragments  de  ce  sel  destinés  à  rem- 
placer constamment  celui  qui  se  dissout.  Il  se  produit  une 
réaction  un  peu  différente  de   la  précédente,  mais  donnant 
lieu  au  même  résultat,  c'est-à-dire  production  des  deux  élec-  | 
tricités;  le  zinc  est  toujours  le  pôle  négatif,  et  le  cuivre,  qui 
remplace  le  charbon,  est  le  pôle  positif. 

On  réunit  ordinairement  une  quantité  plus  ou  moms  grande  i 
de  l'un  ou  l'autre  de  ces  appareils  pour  constituer  une  pile, 
plus  puissante  dans  laquelle  alors  chaque  pot  n'est  plus  qu'un  i 

élément.  ^  i 

Outre  les  piles  de  diverses  espèces  et  peu  différentes  de 
celles  connues  jusqu'à  ce  jour,    l'Exposition    en  présente 
quelques-unes  qui  paraissent  assez  nouvelles.  Ainsi,  la  pile 
électro-hydro-dvnamique   de  M.  Chenot  fonctionne  sous  l'in- 
fluence des  liquides  à  haute  température',  la  batterie  galvani-  j. 
que    de  grande  dimension  de  MM.  Jedlik,  Esapo  et  Hamard,  ij 
dans  laquelle  les  vases  sont  formés  de  pâte  de  coton  à  poudre,  ;| 
semble  annoncer  des  résultats  particuliers;  enfin  M.  Grovefait  j 
voir  un  exemple  de  sa  pile  dont  les  données  sont  si  smgu-  ' 
lières  et  les  effets  si  surprenants. 

Éclairage  électrique. 

La  pile  électrique  est  la  source  de  lumière  la  plus  intense 
que  nous  possédions.  Si  on  approche  ,  en  effet,  lesextiémités 
libres  des  deux  fils  d  une  pile  assez  puissante,  mais  en  laissant 
entre  eux  un  petit  intervalle,  le  courant ,  quoique  le  circuit  j 
ne  soit  pas  ainsi  complètement  fermé ,  franchira  cet  inter-  ' 
vallo  et  se  montrera  sous  l'apparence  d'étincelles  excessive- 
ment brillantes,  se  succédant  rapidement  et  produisant  une 
lumière  vive  et  continue.  Mais  c'est  surtout  à  l'incandescence 
des  extrémités  des  fils  rapprochés  que  Ion  doit  cette  lumière, 

Pour  utiliser  ce  phénomène  à  l'éclairage  on  a  ajouté ,  aux 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  451 

extrémités  des  fils  conducteur»,  deux  baguettes  de  charbon 
dur  et  compacte.  Ce  sont  ces  charbons  assez  rapprochés  l'un 
de  l'autre  pour  livrer  passage  au  courant,  qui  deviennent  in- 
candescents et  donnent  naissance  à  une  lumière  éblouissante. 
Une  autre  difficulté  s'est  présentée  dans  l'emploi  de  l'éclai- 
rage électrique  :  celle  de  régulariser  l'écartement  des  char- 
bons. Il  faut,  en  effet,  que  cette  distance  soit  toujours  la 
même,  et  il  n'en  peut  être  ainsi  ordinairement,  car,  outre  In 
légère  combustion  que  les  charbons  éprouvent,  et  que  Ton 
éviterait  d'ailleurs  en  les  plaçant  dans  un  vase  où  le  vide 
serait  fait,  il  y  a  volatilisation  et  transport  du  charbon  d'un 
pôle  sur  l'autre. 

Plusieurs  appareils  ont  été  proposés  pour  obtenir  entre  les 
charbons  une  distance  toujours  égale.  Ils  sont  composés  en 
principe  d'un  électro-aimant  intercalé  dans  le  circuit  et  agis- 
sant sur  un  mécanisme  qui  a  pour  mission  de  relever  conti- 
nuellement les  charbons  l'un  contre  l'autre ,  à  mesure  qu'ils 
se  volatilisent.  Cet  électro-aimant  est  un  morceau  de  fer 
doux  que  le  fil  métallique  entoure  plusieurs  fois  en  passant, 
et  qui  est  seulement  aimanté  ,  lorsque  le  circuit  est  établi,  il 
est  fortement  aimanté  quand  les  charbons  se  touchent  parce 
que  le  courant  passe  facilement,  ou  plus  faiblement  quand 
les  charbons  s'éloignent ,  et  par  suite,  susceptible  de  deux  ac- 
tions différentes  qu'on  utilise  pour  obtenir  la  régularité  de  la 
lumière- 

Les  expositions  de  MM.  Dubosq,  DeleuiV,  Breton  et  Loiseau 
en  France,  offrent  divers  systèmes  de  ces  appareils  qui  sont 
particulièrement  remarquables. 

Galvanoplastie,  dorure  et  argenture  galvaniques. 

La  galvanoplastie  est  une  heureuse  application  de  la  pro- 
priété qu'ont  les  courants  électriques  de  décomposer  les  sels 
métalliques.  Elle  consiste  simplement  à  déposer  une  couche 
de  métal  sur  toute  substance  conductrice  de  l'électricité,  ou 
rendue  conductrice  au  moyen  d'un  enduit,  tel,  par  exemple, 
que  la  plombagine.  Cela  se  fait  en  fixant  au  fil  venant  du 
pôle  négatif  d'une  pile,  la  pièce  à  recouvrir  de  métal  ou  à  gal- 
vaniser, et  au  fil  du  pôle  positif  une  plaque  du  métal  à  ap- 
pliquer; puis,  en  plongeant  ces  deux  fils  avec  les  objets  qu'ils 


452  VISITE 

portent  pendant  un  certain  temps,  dans  une  dissolution  sa- 
turée-d'un  sel  contenant  ce  métal  en  combinaison.  Le  courant 
se  trouvant  ainsi  fermé,  car  la  dissolution  doit  être  conduc- 
trice de  l'éleclricité,  il  y  a  décomposition  du  sel;  le  métal  de 
ce  sel  va  se  déposer  lentement  sur  le  pôle  négatif,  c'est-à-dire 
sur  la  pièce  à  recouvrir;  l'acide  et  l'oxygène  se  portent 
sur  le  pôle  positif  où  est  la  plaque  ,  attaquent  et  dissolvent 
les  surfaces  de  cette  plaque  pour  remplacer  en  partie,  dans  la 
dissolution,  1b  métal  déposé.  Après  cette  opération,  la  pièce 
à  galvaniser  se  trouve  recouverte  d'une  couche  métallique 
d'autant  plus  solide  et  résistante,  que  le  dépôt  se  sera  formé 
avec  plus  de  lenteur  et  plus  de  régularité  dans  le  courant 
électrique. 

On  agit  pareillement  avec  les  métaux  qui  peuvent  entrer 
dans  une  combinaison  soluble  et  dont  la  dissolution  est  con- 
ductrice de  l'électricité. 

C'est  par  ce  procédé,  en  effet,  qu'on  dore  et  argenté  tous; 
les  métiiux,  qu'on  recouvre  d'une  couche  de  cuivre  plus  ou. 
moins  épaisse,  les  empreintes  en  creux,  prises  sur  les  mé-- 
dailles,  b:is-reliefs,  etc.,  qu^on  peut  aussi  reproduire  avec 
une  fidélité  parfaite  le  travail  de  ciselure  le  plus  délicat,  les; 
ornements  les  plus  compliqués  et  multiplier  à  l'infini  les  > 
œuvres  des  grands  artistes. 

Les  ga'eries  de  l'Exposition  nous  présentent  dans  tout  leur 
parcours  des  preuves  iuconie^tables  de  celte  merveilleuse  facul- 
té. De  nombreux  bas-reliefs,  des  trophéesd'armes,  desbustes,, 
des  statues  même  sont  à  chaque  pas  autant  de  sujets  d'admi-- 
ration.  On  distingue  surtout  les  statues  de  MM.  Elkingtoni 
Mason  et  Cie  de  Londres,  le  bas-relief  les  Willis ,  de- 
M.  Kress,  à  OfT.mback,  les  compOïitions  de  fleurs  et  les  in- 
sectes de  M.  Piedallu,  de  Rennes;  une  poignée  d'épée  de' 
M.  Delacourt,  un  grand  bas-relief  dargent  de  M.  Wollgolds, 
à  Berlin,  et  divers  échantillons  remarquables  de  broderies, 
dentelles  et  passementeries  métalliques  de  M.  Marion ,  de' 
Paris. 

Moteurs  électriques. 

Lorsqu'un  courant  électrique  rencontre  dans  le  circuit  qu'il 
parcourt  un  morceau  de  fer  doux  et  s'y  enroule  un  grand 
nombre  de  fois ,  ce  morceau  de  fer ,  comme  on  l'a  vu  précé- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  453 

demment,  est  instantanément  aimanté,  quelquefois  même 
avec  force,  et  cela  tout  le  temps  que  le  courant  est  établi, 
puis  retombe  avec  la  même  instantanéité  dans  son  premier 
état  d'indifférence  aussitôt  que  le  circuit  est  rompu.  Ce  mor- 
ceau de  fer  doux  est  recourbé  en  fer  à  cheval,  et  autour  de 
ses  extrémités  s'enroule  plusieurs  fois  le  fil  conducteur,  re- 
couvert de  soie  pour  éviter  toute  déperdition  d'électricité.  Il 
présente  ainsi  l'aspect  de  deux  bobines  réunies  auxquelles  on 
donne  le  nom  d'éleclro-aimant. 

C'est  cet  électro-aimant  qui  est  le  principe  sur  lequel  repose 
l'établissement  des  moteurs  électriques.  Sa  fonction,  dans  ces 
appareils,  con?iste  uniquement  à  attirer  par  instants  une 
pièce  de  fer  doux  appelée  armature,  qui  ne  peut  s'en  appro- 
cher complètement.  A  chaque  attraction  ce  fer  s'avance  vers 
l'électro-aimant,  lequel,  perdant  aussitôt  sa  puissance,  lui 
laisse  continuer  en  sens  inverse  le  mouvement  qu'il  a  reçu  , 
mais  qui,  reprenant  ensuite  son  action  attractive,  le  ramène 
du  premier  côté  pour  lui  faire  produire  ainsi  un  mouvement 
continu  de  va-et-vient. 

Tantôt,  au  lieu  d'être  ramené  à  sa  première  position  par  le 
même  électro-aimant,  l'armature  se  trouve,  après  son  pas- 
sage, sous  l'influence  d'un  second  qui  la  fait  arriver  de  la 
même  manière  sur  un  troisième,  et,  en  continuant  ainsi, 
elle  exécute  un  mouvement  de  rotation. 

D'autres  fois  encore  ,  le  fer  doux,  attiré  par  intermittence  , 
communique  un  mouvement  de  va-et-vient  à  un  balancier 
qui,  lui-même,  fait  tourner  un  volant;  c'est  l'impulsion  que 
ce  volant  possède  qui  relève  le  fer  après  chaque  attraction 
pour  le  rendre  propre  à  subir  l'influence  d'une  attraction  nou- 
velle, ou  bien  c'est  un  second  électro-aimant  qui,  lorsque  le 
premier  a  fini  son  action ,  attire  un  second  fer  doux  placé  à 
l'autre  extrémité  du  balancier  et  relève  le  premier  fer. 

Dans  ces  divers  systèmes  ,  le  mouvement  produit  se  charge 
lui-même  de  réunir  ou  de  séparer  les  deux  fils  conducteurs 
pour  établir  ou  rompre  le  passage  du  courant  et  donner  ou 
retirer  à  l'électro-aimant  son  pouvoir  attractif. 

Peut-être  est-il  réservé  à  ces  sortes  d'appareils  un  avenir 
plus  brillant,  mais  jusqu'à  ce  jour  les  résultats  obtenus  ne 
laissent  pas  entrevoir  îa  possibilité  de  leur  faire  acquérir  une 
importance  assez  grande  pour  offrir  une  nouvelle  ressource  à 


454  VISITE 

l'industrie  ;  tous  les  moteurs  électriques  actuels  ne  servent 
guère,  en  effet,  qu'aux  besoins  de  la  science,  pour  l'exécu- 
tion de  certaines  expériences  demandant  beaucoup  de  préci- 
sion. La  dépense  occasionnée  par  les  acides  et  les  métaux  de 
la  pile,  qui  surpasse  de  beaucoup,  pour  la  même  force,  celli>  du 
combustible  des  plus  faibles  machines  à  vapeur,  est  une  des 
causes  principales  qui  retarde  leur  développement,  et  si  de 
grands  perfectionnements  doivent  survenir,  on  peut  supposer 
qu'ils  seront  presque  uniquement  apportés  à  la  production  de 
l'électricité. 

Tous  les  moteurs  exposés  se  rapprochent  dn  même  prin- 
cipe et  montrent  combien  de  dispositions  différentes  on  peut 
adopter  pour  arriver  au  même  résultat  ;  toutes  les  combinai- 
sons mécaniques  semblent  avoir  été  mises  en  œuvre  pour  pro- 
duire le  mouvement  rotatif. 

Parmi  les  moteurs  que  présente  l'Exposition,  on  dislingue 
ceux  de  M.  Froment,  remarquables  autant  par  la  perfection 
de  l'exécution  que  pour  leur  fonctionnement  régulier,  de- 
puis longtemps  connu  ,  et  les  nombreuses  variétés  de  moteurs 
de  l'invention  de  M.  Dézôlu.  Deux  surtout  sont  remarqua- 
bles :  dans  l'un  l'électricité  est  distribuée  par  une  détente 
fort  ingénieuse  ;  l'autre  fonctionne  indifféremment  sous  pres- 
sion ou  dans  le  vide. 

Télégrajhes  électriques. 

La  vitesse  avec  laquelle  l'électricité  parcourt  les  fds  métal- 
liques, et  qu'on  suppose  de  plus  de  100  000  kilomètres  par 
seconde,  est  la  cause  première  qui  a  fait  penser  à  l'établisse- 
ment des  télégraphes  électriques;  mais  ce  n'est  que  récem- 
ment qu'une  nouvelle  propriété  des  courants  ayant  été  décou- 
verte, l'on  a  pu  réaliser  avec  succès  cette  pensée  et  obtenir 
des  résultats  surprenants,  dépassant  tout  ce  que  les  premiers 
essais  pouvaient  faire  espérer. 

Cette  propriété,  sur  laquelle  reposent  les  télégraphes  ac- 
tuels, est  celle  qu'ont  les  courants  électriques  de  donner  l'ai- 
mantation à  un  morceau  de  fer  doux  tout  le  temps  seulement 
qu'ils  l'entourent.  Ce  fer  doux  est  replié  ordinairement,  de 
manière  à  présenter  la  forme  d'un  fer  à  cheval ,  et  on  enroule 
un  grand  nombre  de  fois,  sur  ses  extrémités,  le  fil  conduc- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  455 

leur  dans  lequel  passe  le  courant ,  et  que  l'on  recouvre  de 
soie  pour  éviter  la  déperdition  de  rélectricilé.  On  obtient  ainsi 
une  sorte  de  donble  bobine  que  l'on  appelle  électro-aimant. 

Les  télégraphes  électriques  se  composent  donc  en  prin- 
cipe :  d'une  pile  placée  à  une  station,  d'un  électro-aimant 
placé  à  une  autre  et  d'un  fil  conducteur  venant  d'un  des  pôles 
de  la  pile  jtjsqu'à  l'électro  aimant ,  puis,  revenant  ensuite  à 
l'autre  pôle  en  formant  ainsi  un  circuit  pour  le  passage  du 
courant.  A  la  première  station  de  départ,  on  ferme  ou  on  ouvre 
le  circuit  et  on  établit  ou  on  détruit  à  volonté  le  courant;  en 
même  temps  et  par  ce  fait,  à  la  station  d'arrivée,  l'électro- 
aimant  prend  ou  perd  l'aimantation  et  devient  capable  de  pro- 
duire un  effet  mécanique  que  l'on  peut  appliquer  à  faire 
mouvoir  un  petit  système  quelconque.  Le  fil  conducteur,  au 
sortir  des  bobines,  n'a  pas  besoin  de  revenir  au  !>econd  pôle 
de  la  pile,  il  suffit  de  le  mettre,  ainsi  que  le  pôle  qui  lui  cor- 
respond ,  en  communication  intime  avec  le  sol  qui ,  étant  con- 
ducteur de  l'électricité,  se  charge  de  fermer  le  circuit. 

Ces  éléments  des  télégraphes  sont  invariables  et  les  appa- 
reils différent  seulement  entre  eux  par  le  système  de  fermeture 
ou  d'ouverture  du  circuit,  c'est-à-dire  par  le  manipulateur  et 
*par  le  système  de  signal  que  l'on  fait  produire  à  l'électro-ai- 
mant  à  l'aide  du  récepteur. 

On  peut  rapporter  les  télégraphes  électriques  à  trois  types 
principaux  ;  le  télégraphe  à  cadran,  le  télégraphe  à  signaux 
et  le  télégraphe  écrivant. 

Dans  le  télégraphe  à  cadran  ,  le  premier  imaginé  par 
M.  Wheastone,  le  courant  quittant  le  pôle  positif  de  la  [)ile  se 
rend  dans  le  manipulateur,  à  une  lame  de  cuivre,  formant 
ressort  et  s'appuyant  continuellement  sur  l'une  des  treizedents 
d'une  roue  métallique;  il  passe  ensuite  dans  une  seconde 
lame  faisant  également  ressort,  mais  dont  l'extrémité  e?t  une 
lame  tellement  taillée,  qu'il  n'y  a  contact  avec  les  dents  de  la 
roue  qu'à  un  certain  moment  de  leur  passage  et  séparation 
tout  le  reste  du  temps,  de  là,  circulation  et  interruption  du 
courant.  De  cette  seconde  lame,  le  courant  pa^se  dans  le  fil 
qui  le  mène  à  l'autre  station  dans  le  récepteur  :  là,  il  entre 
dans  les  bobines  d'un  électro-aimant  qui  attire  alors  un  petit 
levier,  ou  armature  en  fer  doux,  mobile  autour  d'une  de  ses 
extrémités  et  portant  une  fourchette  à  son  autre  bout.  Ce 


456  VISITE 

levier  ainsi  attiré  par  l'électro-aimant,  lorsque  le  courant 
passe,  reprend,  aussitôt  que  ce  dernier  est  rompu,  sa  position 
primitive  que  tend  à  lui  faire  conserver  l'action  d'un  petit 
ressort;  il  résulte  ainsi  un  mouvement  de  va-et-vient  du  le- 
vier et  de  sa  fourchette,  lequel  mouvement  transmis,  par  cette 
fourchette,  sur  une  roue  à  rochet  de  treize  dents,  détermine 
enfin  la  rotation  d'un  aiguille  placée  sur  l'axe  de  la  roue  et 
qui  se  meut  sur  un  cadran  divisé  portant  les  vingt-cinq  lettres 
de  l'alphabet  et  un  espace  vide  pour  les  repos. 

On  comprend  qu'autant  de  fois  le  courant  est  établi,  ou 
rompu,  autant  de  mouvements,  soit  d'aller,  soit  de  retour, 
exécutent  le  levier  et  sa  fourchette,  autant  de  demi-dents,  si 
l'échappement  est  convenablement  disposé,  passe  la  roue  à 
rochet,  et  autant  de  lettres  indique  l'aiguille. 

Pour  établir  ou  interrompre  le  courant,  il  suffit  simplement 
de  faire  marcher  la  roue  métallique  du  manipulateur  qui  se 
charge,  par  le  contact  et  la  séparation  alternative  de  ses  dents 
et  du  ressort  à  came,  de  fermer  ou  d'ouvrir  le  circuit;  on  fait 
passer  ainsi  autant  de  demi-dents  qu'on  veut  montrer  de 
lettres.  On  ajoute,  à  cet  effet,  sur  l'axe  de  cette  roue  du  ma- 
nipulateur, une  aiguille  qu'on  manœuvre  à  la  main  sur  un 
cadran  semblable  au  précédent,  de  manière  que  les  aiguilles 
des  deux  stations  étant  au  même  point,  si  l'on  fait  passer  un 
certain  nombre  de  lettres  à  l'aiguille  du  manipulateur,  celle 
du  récepteur  de  la  station  en  franchira  le  môme  nombre  ;  en 
sorte  que  les  aiguilles  des  deux  stations  indiqueront  toujours, 
au  même  instant,  la  même  lettre. 

Pour  avertir  l'employé  d'une  station  qu'une  dépêche  va  lui 
être  transmise,  on  adapte  à  cette  station  une  sonnerie,  que 
cet  employé  doit  introduire  dans  le  circuit  aussitôt  qu'une 
correspondance  est  suspendue.  Cette  sonnerie  porte  une  dé- 
tente, mue  par  un  électro-aimant  à  la  manière  des  télé- 
graphes. 

La  forme  et  les  dispositions  du  télégraphe  de  M.  Wheastone 
ont  été  modifiées  avec  quelques  avantages;  iM.  Bréguet  a 
changé,  par  exemple,  la  fonction  de  l'électro-aimant  dans  le 
récepteur,  en  employant  son  effet  à  retenir  ou  à  laisser  tour- 
ner la  roue  à  rochet,  sollicitée  à  ce  mouvement  par  un  méca- 
nisme d'horlogerie  spécial.  La  roue  dentée  du  manipulateur  a 
également  été  remplacée  par  un  disque  mobile  sur  l'axe  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  457 

l'aiguille  et  portant  une  rainure  circulaire  régulièrement  si- 
nueuse, dont  les  sinuosités  s'avancent  vers  le  centre  à  chaque 
deux  lettres  et  dans  laquelle  s'engage  l'extrémité  d'un  levier; 
cette  extrémité  suit  les  sinuosités  lorsque  le  di?que  est  en 
mouvement,  et  s'avance  ou  se  recule  à  chaque  lettre,  en 
transmettant  ainsi  le  même  mouvement  à  l'autre  extrémité  du 
levier,  celle-ci  vient  alors  presser  l'un  ou  l'autre  de  deux 
ressorts  placés  de  chaque  côté,  et  ferme  ou  ouvre  le  circuit, 
ce  qui  produit  encore  une  action  différente  de  l'électro-aimant 
pour  chaque  lettre. 

Dans  un  autre  télégraphe  dû  à  M.  Froment,  le  manipula- 
teur a  été  transformé  en  une  caisse  à  clavier  portant  autant 
de  touches  que  de  lettres.  Un  arbre  placé  dans  cette  caisse 
tend  continuellement  à  tourner  par  l'effet  d'un  mouvement 
d'horlogerie,  et  à  entraîner  dans  sa  marche  la  roue  qui  ouvre 
ou  ferme  le  circuit  ;  mais  il  est  retenu  par  un  cliquet,  que  la 
simple  pression,  sur  une  touche  quelconque,  relève  d'ail- 
leurs. Sur  le  contour  et  dans  la  longueur  de  cet  arbre,  sont 
disposés  en  hélice,  autant  de  petites  cames  que  de  touches, 
et  chacune  de  ces  cames  buttant  sur  la  touche  correspon- 
dante que  l'on  abaisse  pour  laisser  l'arbre  libre  d'exécuter 
son  mouvement,  arrête,  après  une  fraction  de  tour,  ce  même 
mouvement  et  celui  de  la  roue,  à  un  point  particulier  de  leur 
circonférence  et  détermine  ainsi  un  certain  nombre  d'inter- 
mittences du  courant.  Quant  au  récepteur ,  il  est  resté  ce 
qu'il  était  dans  le  télégraphe  primitif. 

Le  télégraphe  à  cadran  a  été  profondément  modifié  dans 
ces  derniers  temps  par  M.  Siemens.  Son  télégraphe  est  dis- 
posé pour  envoyer  aussi  bien  que  pour  recevoir  une  dépêche, 
et  l'on  peut  avec  un  seul  appareil  répondre  à  chaque  instant 
à  celui  qui  parle ,  ou  lui  demander  la  rectification  d'une 
erreur.  La  disposition  consiste  donc,  en  deux  cadrans  exac- 
tement semblables,  analogues  au  récepteur  du  télégraphe 
ordinaire  et  placés  chacun  à  l'une  des  stations;  l'armature, 
pareillement  attirée  par  l'électro-aimant,  fait,  à  chaque  va- 
et-vient,  passer  une  demi-dent  de  la  roue  à  rochet,  et  par 
suite  une  lettre  à  l'aiguille.  Mais  l'arrivée  de  l'armature  sur 
l'électro-aimant  détermine,  par  une  pière  spéciale,  la  rup- 
ture du  circuit  et  aussitôt  cette  armature  qui  est  tirée  con- 
stamment par  un  ressort,  revient  à  sa  première  position.  Ce 


458  VISITE 

second  mouvement  rétablit  le  courant ,  l'attraclion  se  fait  de 
nouveau  sentir,  et  ainsi  de  suite,  de  manière  qu'il  y  a  une 
alternative  continuelle  d'aller  et  retour,  qui  se  traduit  en  une 
rotation  trèsrapi  Je  de  l'aiguille  sur  le  cadran.  Les  appareils 
des  deux  stations,  communiquant  par  le  fil  conducteur, 
concourent  simultanément  à  la  fermeture  et  à  l'ouver- 
ture du  même  circuit  et  leurs  aiguilles  marchent  rigoureuse- 
ment ensemble;  si  on  vient  alors  suspendre  la  marche  de 
l'une  d'elles,  en  restant  sur  une  lettre,  il  en  résultera  le 
prolongement  d'un  passage  ou  d'une  interruption  du  cou- 
rant, qui  arrêtera  nécessairement  la  marche  de  l'autre  sur  la 
même  lettre;  de  là,  la  possibilité  de  correspondre.  M.Sie- 
mens a  aussi  disposé  cet  appareil  pour  être  accompagné 
d'un  mécanisme  lui  permettant  de  donner  la  dépèche  im- 
primée. 

Le  télégraphe  à  signaux  de  M.  Bréguet,  adopté  par  l'admi- 
nistration des  lignes  télégraphiques  de  France,  fait  paraître 
au  lieu  de  lettres  les  mêmes  signes  que  ceux  au! refois  en 
usage  dans  la  télégraphie  aérienne.  Il  n'est  pour  ainsi  dire 
que  la  réunion  de  deux  télégraphes  à  cadran  ordinaires,  car 
si  Ton  suppose  deux  de  ces  télégraphes  manœuvres  en  même 
temps,  et  di.-pos,és  pour  faire  produire  à  leurs  aiguilles  indi- 
catrices, mobiles  aux  extrémités  d'une  ligne  noire  peinte  sur 
le  cadran  du  récepteur,  huit  positions  dans  un  tour  au  lieu 
de  vingt-six  qu'exige  l'alphabet,  on  aura  lidée  principale  du 
télégraphe  à  signaux. 

On  emploie  généralement  en  Angleterre  un  télégraphe  à 
signaux  ,  fondé  sur  l'action  des  courants  électriques  sur  les 
aimants  naturels.  Il  consiîte  en  une  aiguille  d'acier  verticale, 
aimantée,  s'intiinant  à  droite  ou  à  gauche  par  l'effet  de  l'at- 
traction d'un  courant  électrique  qui  l'environne  et  dont  on 
change  alternativement  la  direction,  en  amenant,  par  un  mé- 
canisme très-simple,  chacune  des  extrémités  du  fil  établissant 
le  circiiit,  tantôt  sur  un  pôle,  tantôt  sur  l'autre  de  la  pile. 
L'aiguille  aimantée  transmet  tous  ses  mouvements  à  une  ai- 
guille indicatrice  placée  sur  le  même  axe  à  l'extérieur  de  la 
boîte  renfermant  le  système,  et  dont  les  nombres  d'oscilla- 
tions à  droite,  à  gauche  ou  combinés,  forment  autant  de 
signes  conventionnels.  Quelquefois  on  profite  des  oscillations 
de  l'aiguille  extérieure  pour  la  faire  frapper  sur  deux  timbres 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  459 

de  sons  différents  et  placés  de  chaque  côté.  L'audition  peut 
alors  supi)léer  à  la  vue  pour  la  réception  de  la  dépêche. 

Les  télégraphes  écrivant  présentent  une  supériorité  incon- 
testable sur  ceux  à  cadran  et  à  signaux  par  l'avantage  qu'ils 
possèdent  de  laisser  des  traces  ou  des  empreintes  de  la  dé- 
pêche transmise.  Divers  appareils  ont  élé  construits  pour 
atteindre  ce  résultat  et  parmi  eux,  celui  de  M.  Froment  se 
distingue  spécialement  par  l'exactitude  de  son  fonctionne- 
ment, la  netteté  et  la  forme  des  signes  tracés.  Le  récepteur  se 
compose  des  bobines  électro-magnétiques  ordinaires,  d'une 
armature  portant  un  crayon  et  d'un  mouvement  d'horlogerie 
amenant  lentement,  par  l'intermédiaire  de  petits  tambours, 
une  bande  étroite  de  papier  sous  le  crayon  ;  le  mouvement 
de  va-et-vient,  résultant  de  l'action  de  l'électro-aimant  et 
donné  à  l'armature  et  à  son  crayon,  fait  tailler  et  avancer  en 
même  temps  à  mesure  qu'il  s'use,  ce  crayon  sur  le  papier, 
pour  qu'il  y  appuie  constamment.  Ce  mouvement  combiné 
avec  la  marche  du  ruban  de  papier,  donne  lieu  à  une  série  de 
petites  lignes  tranversales,  très-distinctes,  liées  une  à  une 
par  leurs  extrémités  et  formant  des  dentelures.  Lors  d'un 
arrêt,  l'armature  et  son  crayon  restant  stationnaires,  il  se 
produit  sur  la  bande  une  simple  ligne  longitudinale,  partant 
du  groupe  obtenu,  et  se  brisant,  pour  former  une  nouvelle 
série  de  dentelures,  aussitôt  qu'on  donne  un  nouveau  signal. 
En  convenant  d'avance,  que  la  quantité  des  lignes  transver- 
sales, renfermées  dans  chaque  groupe,  servira  à  déterminer 
la  lettre  ou  l'idée  qu'il  faudra  attribuer  à  ce  groupe,  on 
comprend  qu'il  ne  s'agisse  plus ,  pour  transmettre  une 
idée,  que  d'ouvrir  ou  de  fermer  successivement  le  circuit, 
autant  de  fois  qu'il  est  besoin  de  lignes  transversales  pour 
l'exprimer. 

Le  manipulateur  se  compose  d'un  disque  mobile  sur  son 
centre  et  portant  un  certain  nombre  de  boutons  manœuvra- 
bles à  la  main  ;  à  quelque  position  que  soient  ces  boutons,  ils 
sont  toujours  chacun  en  face  d'un  des  numéros  fixes,  marqués 
autour  de  leur  disque  à  partir  de  0,  et  en  continuant  la 
suite  des  nombres  1,2,  3,  4,  etc.,  de  manière  qu'un  bouton 
étant  amené  au  0,  en  tournant  en  sens  inverse  de  la  gradua- 
tion ,  on  aura  fait  passer  devant  ce  point  autant  de  boulons 
que  le  chiffre  fixe ,  placé  en  face  du  premier,  indiquait  d'u- 


460  VISITE 

nités.  Sous  ce  premier  disque  il  y  en  a  un  second  qui  tourne 
avec  lui  et  joue  le  même  rôle  que  la  roue  dentée  des  télé- 
graphes ordinaires;  c'est-à-dire,  qui  laisse  passer  ou  inter- 
rompt le  courant,  et  comme  chacune  de  ces  actions  a  lieu  au 
passage  de  chaque  bouton  devant  le  0 ,  il  suit  qu'autant  de 
boulons  l'on  fera  passer  devant  ce  point  fixe,  autant  de  fois 
le  circuit  sera  fermé  ou  ouvert.  Il  suffit  donc  de  tourner  le 
premier  disque  d'un  nombre  de  boutons  égal  à  celui  des  lignes 
que  Ton  veut  faire  entrer  dans  un  groupe,  ou,  en  d'autres 
termes,  amener,  au  point  fixe  0,  le  bouton  placé  en  face  le 
numéro  représentant  le  nombre  de  lignes  à  tracer,  pour  faire 
paraître  sur  le  ruban  de  papier  la  représentation  de  la  lettre 
ou  de  l'idée  qu'on  veut  exprimer.  Les  arrêts  indispensables 
pour  reprendre  un  autre  bouton  donnent  lieu  à  la  petite  ligne 
longitudinale  utile  pour  séparer  les  groupes;  de  plus  grands 
arrêts,  pour  séparer  les  phrases,  donnent  une  ligne  plus 
longue. 

Le  télégraphe  écrivant  de  M.  Morse  est  d'une  disposition 
assez  siiDple.  Les  signes  sont  des  traits  plus  ou  moins  longs 
accompagnés  d'un  ou  plusieurs  points,  et  formant,  par  les 
diverses  combinaisons  dont  ils  sont  susceptibles  avec  ces 
points,  des  groupes  séparés  auxquels  on  attache  une  signifi- 
cation quelconque.  Ces  traits  et  points  sont  obtenus  par 
l'enfoncement  plus  ou  moins  prolongé  d'un  poinçon  métal- 
lique, faisant  office  de  crayon,  sur  une  bande  de  papier, 
comme  dans  le  système  de  M.  Froment;  seulement  l'un  des 
tambours  sur  lequel  passe  cette  bande  est  élast^ue,  ou 
mit  ux,  porte  une  rainure  circulaire  dans  laquelle  lg|)oinçon 
s'engage  et  oblige  le  papier  à  se  gaufrer.  Ce  poinçon  est  fixé 
au  bout  du  levier  dont  l'armature  subit  l'action  de  l'électro- 
aimant,  et  il  agit  seulement  sur  le  papier,  lorsque  celte  arma- 
ture est  attirée.  En  fermant  le  circuit  plus  ou  moins  long- 
temps, on  peut,  d'après  cela,  faire  marquer,  par  le  poinçon, 
des  lignes  plus  ou  moins  longues  et  des  pomts.  Ce  télégraphe 
a  subi  de  nombreuses  modifications  et  transformations,  géné- 
ralement assez  peu  importantes  et  sans  avantages  marqués. 

Les  services  que  rendent  chaque  jour  les  télégraphes  élec- 
triques ont  porté  la  plupart  des  savants  et  des  constructeurs 
à  rechercher  des  moyens  nouveaux  pour  simplifier  et  étendre 
les  ressources  des    appareils  destinés  à  la  transmission  des 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  461 

signaux.  L'Exposition  universelle  montre  que  tous  les  pays 
sont  préoccupés  au  plus  haut  degré  de  rendre  général  l'emploi 
de  cette  belle  découverte,  l'une  des  plus  grandes  du  siècle. 

Par  l'examen  rapide  des  nombreux  appareils  exposés,  on  re- 
connaît que  les  télégraphes  à  cadrans  ne  sont  plus  guère  em- 
ployés ,  et  que  partout  la  tendance  est  portée  presque  exclu- 
sivement vers  l'usage  des  télégraphes  écrivants.  L'Angleterre 
seule  reste  s'a!ionnaire  à  cet  égard  ;  elle  semble  ne  pas  tenir  à 
modifier  son  mode  de  correspondance  qui,  d'ailleurs,  est  très- 
simple  et  consiste,  comme  on  le  sait,  à  se  servir  des  télégra- 
phes magnétiques.  Les  lignes  télégraphiques  françaises  em- 
ploient encore  les  signaux;  cependant  elles  commencent 
aujourd'hui  à  se  servir  des  télégraphes  à  dépêches  écrites  ;  la 
plus  grande  partie  de  l'Allemagne  et  des  États-Unis  se  servent 
depuis  longtemps  de  ce  dernier  moyen  de  transmission  de 
dépêches. 

La  France,  l'Allemagne  et  la  Suisse  offrent  les  appareils 
dont  la  construction  est  la  plus  parfaite  ;  on  trouve,  en  effet, 
les  divers  types  de  télégraphes  établis  sur  les  principes  déjà 
connus,  mais  avec  des  modifications  de  tous  genres,  dans  les 
expositions  de  MM.  Froment,  Bréguet,  P.  Garnier,  en  France; 
GurltetCie,  en  Prusse;  Briiggmann,  à  Brème;  J.  Berg,  et 
Sœrrenden,  en  Suède  ;  dans  celles  de  la  compagnie  Eastern- 
Railway;  de  MM.  Dering,  Henley,  en  Angleterre,  etllipp,  en 
Suisse. 

Maiifâplus  grands  perfectionnements  apportés  à  la  télé- 
graphijfertrique,  et  qui  ont  des  caractères  tout  à  fait  nou- 
veaux,^Sdusà  l'invention  de  M.  le  docteur  Gintl,de  Vienne, 
qui,  le  premier,  a  eu  la  pensée,  par  des  combinaisons  toutes 
spéciales,  déduites  des  résistances  diverses  qu'on  peut  faire 
éprouver  à  l'électricité  dans  son  passage  par  les  électro  ai- 
mants ,  et  de  l'introduction  de  piles  locales  dans  un  même 
courant,  de  transmettre  ,  dans  les  deux  sens  d'un  même  fil, 
deux  dépêches  à  la  fois.  Les  appareils  de  M.  Gintl  sont  expo- 
sés par  les  ateliers  impériaux  du  télégraphe  de  Vienne. 

M.  Wartmann ,  de  Genève ,  a  construit  aussi  des  appareils 
destinés  à  produire  les  mêmes  effets  ;  mais,  de  tous,  ceux  de 
M.  Siemens,  de  Berlin,  se  distinguent  par  des  modifications 
importantes,  apportées  à  l'idée  de  M.  Gintl,  qui  ont  fait 
acquérir  à  leur  fonctionnement  une  exactitude  rigoureuse. 


462  VISITE 

L'imagination  reste  confondue  quand  on  voit  ces  télégra- 
phes transmettre  dans  le  même  instant  deux  dépêches  diri-  ; 
gées  en  sens  inverse,  et  qu'on  suppose,  au  premier  abord,  . 
devoir  se  croiser  dans  le  même  fil.  On  donne  de  ces  nou-  : 
veaux  appareils  diverses  explications  qui  ne  permettent  pas  ; 
encore  d'être  fixé  sur  la  nature  des  phénomènes  qui  s'accom-  i 
plissent. 

i 

Sonnerie  électro-télégraphique,  applications  diverses  de  j 

l'électricité,  fils  électriques.  ^ 

i 
Tous  les  télégraphes  précédents  applicables  aux  grands  j 
services  publics  n'offrent  plus  les  mêmes  avantages  lorsqu'il  ' 
s'agit  de  les  faire  servir  à  l'industrie  et  aux  besoins  dômes-  J 
tiques;  il  faut  dans  celte  dernière  circonstance  des  appareils  : 
d'une  pratique  facile  et  d'une  disposition  peu  coûteuse. 

M.  Mirand.  de  Paris,  est  arrivé  à  ce  résultat  depuis  long-  i 
temps  cherché  :  il  préi^ente  à  l'Exposition  une  sonnerie  élec-  ' 
tro-télégraphique  d'une  grande  simplicité,  qui  a  déjà  de  ; 
nombreuses  applications  et  qui  est  destinée  à  en  recevoir  un 
nombre  bien  plus  considérable.  Son  appareil  peut  servir  dans  i 
tous  les  grands  établissements  :  usines,  hôpitaux,  hôtels, etc.;  ; 
dans  les  maisons  particulières  pour  correspondre  à  tous  les  j 
étages;  il  peut  aussi  être  appliqué  dans  les  chemins  de  fer.  | 
pour  faire  correspondre  sur  un  convoi  le  mécanicien  avec  le  j 
garde-frein  du  dernier  wagon ,  et  dans  la  marine  pour  la  ' 
transmission  des  ordres  d'une  extrémité  à  l'autre  des  na- 
vires ;  il  comble  enfin  une  lacune  laissée  par  la  télégraphie  1 
électrique  et  d'une  importance  assez  grande,  en  ce  sens  | 
qu'elle  consiste  à  mettre  l'emploi  de  l'électricité  à  la  portée  : 
des  besoins  de  tous  les  jours. 

Le  principe  de  cette  sonnerie  est  l'action  directe  de  l'élec-  | 
tro-aimant  sur  la  tige  portant  le  marteau,  de  manière  à  faire  : 
frapper  à  celui-ci  un  coup  pour  chaque  attraction.  A  l'aide  ! 
de  n)oyens  de  communication  et  de  transmis-ion  ingénieux,  ; 
on  peut  établir  une  correspondance  en  attribuant  d'avance  ■ 
une  signification  particulière  aux  combinaisons  que  l'on  peut  | 
produire,  de  coups  de  marteau  simples  et  de  roulement,  i 
Les  appareils  de  M.  Mirand  sont  incontestablement  remar-    \ 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  463 

quables,  autant  par  leur  extrême  simplicité  que   par  leur 
exactitude  et  le  peu  d'entretien  qu'ils  réclament. 

On  dislingue  encore  dans  les  différentes  applications  de 
l'électricité  aux  sciences  et  à  l'industrie,  l'anémographe  pour 
mesurer  la  direction,  la  durée  et  la  force  des  vents;  un  régu- 
lateur de  la  température  et  un  système  de  communication 
entre  les  trains  des  chemins  de  fer,  de  M.  du  Moncel;  l 'élec- 
tro-trieuse de  M.  Chenot,  construite  par  M.  Froment  pour 
la  séparation  du  fer  dans  les  minerais;  l'appareil  électro-dy- 
namique et  celui  électro -médical  de  M.  Breton;  ceux  de* 
M.  Deleuil  et  de  M.  Beckking,  en  Hollande  ;  et  enfin  l'appareil 
électro-magnétique  de  M.  Henley,  en  Angleterre,  pour  faire 
sauter  les  mines. 

Les  fils  employés  pour  établir  les  circuits  électriques  sont 
de  plusieurs  espèces  ,  ils  sont  généralement  de  fer  galvanisé 
pour  les  circuits  aériens,  de  fer  ou  de  cuivre  et  recouverts 
d'une  couche  assez  épaisse  de  gutta-percha  pour  les  circuits 
souterrains,  et  présentent  une  construction  un  peu  plus  com- 
pliquée quand  ils  sont  destinés  à  traverser  les  mers.  Dans  ce 
dernier  cas ,  tous  les  fils  d'une  même  direction  sont  recouverts 
chacun  de  gutta-percha,  puis  réunis  dans  une  enveloppe  gé- 
nérale de  la  même  substance  et  constituent  ainsi  un  cylindre 
unique;  enfin,  un  cerlain  nombre  de  fils  de  fer  a-sez  gros 
entourent  ce  cylindre  en  formant  une  hélice  très-allongée,  et 
de  manière  à  faire  présenter  à  l'ensemble  l'aspect  d'un  câble 
métallique. 

Les  fils  destinés  à  former  les  électro-aimants  sont  de  dif- 
férents métaux,  mais  le  plus  ordinairement  de  cuivre  rouge, 
recouvert  de  soie  pour  les  très-petits  diamètres,  et  de  coton 
pour  les  plus  gros,  afin  de  les  isoler  complètement  et  de  trans- 
mettre, sans  déperdition,  l'électricité  qu'ils  sont  destinés  à 
propager. 

La  fabrication  de  ces  derniers  fils  est  représentée  particu- 
lièrement par  M.  Prud'homme,  de  Paris,  qui  expose  une  série 
d'échantillons  comprenant  tous  les  diamètres  usités. 

Les  expositions  de  MM.  Newal  et  Cie ,  Kupper  et  Cie ,  en 
Angleterre  ,  et  Felten  et  Guilleaume ,  en  Prusse,  nous  mon- 
trent la  collection  complète  des  modèles  de  câbles  déjà  posés 
et  de  ceux  qui  doivent  bientôt  franchir  la  Méditerranée,  de 
l'Italie  en  Afrique. 


464  VISITE 


CLASSE  X. 

Arts  chimiques ,  teintures  et  impressions,  industries  des  papiers,  , 

des  peaux  ,  du  caoutchouc  ,  etc.  j 

î 

II  y  a  soixante  ans  à  peine  que  les  nombreuses  recettes  dis-  i 

séminées  dans  les  usines  métallurgiques,  dans  les  teinture-  j 

ries,  dans  les  officines  des  pharmaciens,  se  sont  réunies  en  un  ; 
faisceau  qui  a  constitué  la  chimie;  si,  jetant  un  coup  d 'œil  en 

arrière,  on  examine  le  chemin  parcouru  dans  ce  court  espace  \ 

de  temps  par  cette  science  si  jeune  encore,  on  sera  émerveillé  ■ 

des  découvertes  industrielles  auxquelles  elle  a  donné  nais-  '■ 

sance  ;  on  comprendra  tout  ce  qu'elle  pourra  faire  sortir  du  i 

champ  si  vaste  qui  s'ouvre  devant  elle.  ; 

Quelques  années  après  que  la  grande  école  de  la  fin  du  ; 

xviir  siècle,  que  Scheele,  en  Allemagne,  Pricstley  et  Caven-  ; 

dish,  en  Angleterre,   Lavoisier,   Guyton   de  Morveau,  Ber-  i 

thollet,  en  France,  avaient  fondé  la  chimie  scientifique,  plu-  ' 

sieurs  grandes  découvertes  industrielles  vinrent  montrer  la  j 

fécondité  des  nouvelles  doctrines,  ■ 

Au  commencement  du  siècle,  Berthollet  découvrait  le  blan-  ; 

chiment  du  chlore  pour  les  tissus  et  le  papier  ;  Leblanc  fabri-  j 

quait  la  soude  artificielle,  la  soude,  cette  matière,  de  première  \ 

uti.ité,  employée  en  si  grande  quantité  par  les  verreries,  les  i 

savonneries,  etc.  \ 

Plus  tard.  M.  Chevreul,  dans  ses  magnifiques  travaux  sur  ; 

les  corps  gras,  donnait   le  premier  l'idée  de  remplacer  les  ' 

chandelles  de   suif  par  ces  belles   bougies  sléai-iques,   que  i 

M.  de  Milly  arrivait  bientôt  après  à  fabriquer  écononiiquement.  | 

L'éclairage  au  gaz,  l'épurage  des  huiles  venaient  s'ajouter  à  ' 

cette  nouvelle  industrie  et  métamoiphosaient  complètement  : 
^a^pect  de  nos  cités. 

L'art  de  la  teinture  faisait  de  nombreux  progrès  ;  une  nou-  • 

velle  matière,  le  caoutchouc,  d'abord  employée  timidement,  I 
affecte  bientôt  les  formes  les  plus  diverses,  se  prête  aux  usages 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  -465 

les  plus  variés  sous  l'influence  des  modifications  que  la  chi- 
mie lui  fait  subir. 

La  pharmacie,  armée  de  nouveaux  médicaments  énergiques, 
arrive  à  supprimer  complètement  la  douleur  dans  les  opéra- 
tions chirurgicales  à  l'aide  de  lélher  et  du  chloroforme,  ces 
agents  aussi  merveilleux  que  redoutables.- 

Enfin,  en  même  temps  que  la  science  agronomique  se  con- 
stitue avec  les  nombreux  travaux  de  M.  Boussingault,  le  grand 
problème  de  la  conservation  des  viandes,  c'est-à-dire  l'alimen- 
tation à  bon  marché,  fait  chaque  jour  de  nouveaux  progrès 
et  arrivera  bientôt,  sans  doute,  à  une  solution  complète. 

L'importance  et  l'éclat  de  ces  découvertes,  qui  se  sont  suc- 
cédé si  rapidement,  le  nombre  d'hommes  éminents  qui  pour- 
suivent ces  recherches ,  l'intérêt  toujours  croissant  qui  s'at- 
tache à  ces  travaux ,  font  croire  que  la  chimie,  qui  en  est 
encore  à  son  début,  nous  reserve  de  nouvelles  créations 
aussi  fécondes  qu'inattendues. 

Les  produits  chiîniques  et  pharmaceutiques ,  sont  presque 
entièrement  placés  dans  la  galerie  sud  de  l'annexe,  à  l'excep- 
tion des  flacons  peu  nombreux  des  Anglais  qui  sont  déposés  au 
rez-de-chaussée. 

L'exposition  des  produits  chimiques  est  tout  à  fait  remar- 
quable par  le  nombre  et  la  beauté  des  objets  qui  la  compo- 
sent; quelques-uns  d'entre  eux  étaient  tout  à  fait  inconnus, 
et  beaucoup  d'autres  n'avaient  jamais  paru  en  masses  consi- 
dérables. 

L'Angleterre  nous  a  semblé  un  peu  au-dessous  de  sa  répu- 
tation et  de  ce  qu'elle  aurait  pu  nous  montrer;  il  est  possible, 
au  reste,  que  cette  partie  de  son  exposition  soit  encore  incom- 
plète ,  au  moment  ou  nous  écrivons. 

A  part  quelque  sels  de  lilhine  peu  connus  en  France ,  et  qui 
sont  en  quantités  relativement  considérables,  nous  n'avons 
rien  trouvé  de  bien  remarquable. 

Son  prussiate  jaune  n'est  pas  plus  beau  que  celui  que  tout 
le  monde  a  exposé  (tous  les  fabricants  de  produits  chimiques 
en  ont  mis  un  ou  plusieurs  échantillons);  mais  il  présente  ce- 
pendant un  intérêt  particulier  parce  qu'il  est  fabriqué  par  une 
méthode  parfaitement  en  harmonie  avec  la  richesse  de  l'An- 
gleterre en  combustible,  et  avec  son  respect  pour  toutes  les 
matières  propres  à  donner  des  engrais.  En  France,  on  obtient 
206  ee 


466  VISITE 

le  prussiate  en  calcinant ,  dans  des  appareils  de  fer,  avec  du 
carbonate  de  potasse,  du  charbon  animal  très-riche  en  matiè- 
res azotées,  et  provenant  de  cornes,  de  vieux  cuirs,  etc.  Les 
Anglais  procèdent dilTéremment,  ils  ont  monté,  à  Newcastle, 
une  fabrique  où  le  produit  s'obtient  par  l'action  directe  de 
l'azote  de  l'air  sur  du  charbon  imprégné  de  carbonate  de 
potasse;  on  combine  ensuite  le  cyanure  de  potassium  formé 
avec  du  carbonate  de  fer,  pour  faire  le  prussiate  jaune.  C'est 
ainsi  qu'on  obtient  le  beau  sel  cristallisé  qui  sert  surtout  à  la 
fabrication  du  bleu  de  Prusse;  le  haut  prix  du  combustible 
empêcherait  probablement  le  procédé  anglais  d'être  écono- 
mique chez  nous;  il  est  fâcheux  qu'il  en  soit  ainsi,  car  la 
fabrication  du  prussiate  jaune  consomme  annuellement  plus 
de  trois  millions  de  kilogrammes  de  matières  animales  qui 
pourraient  être  utilement  employés  par  l'agriculture. 

En  parcourant  la  galerie  sud  de  l'annexe,  nous  rencontrons 
d'abord  les  produits  allemands,  Autriche  et  Prusse,  devant 
lesquels  nous  devons  nous  arrêter  longtemps;  au  point  de  vue 
scientifique,  cette  exposition  est  peut-être  plus  riche  que  la 
nôtre. 

La  manufacture  royale  de  produits  chimiques  de  Schone- 
beck ,  près  de  Magdebourg  (Saxe  ,  royaume  de  Prusse) ,  nous 
montre,  entre  autres  produits  curieux,  des  métaux  alcalins  en 
masses  considérables. 

Il  n'y  a  pas  cinquante  ans ,  pendant  que  la  France  soutenait 
la  grande  guerre  contre  les  Anglais,  l'Académie  des  sciences 
décerna,  malgré  la  rivalité  des  deux  nations,  le  grand  prix 
des  sciences  physiques  à  sir  Humphry  Davy,  pour  avoir  le 
premier  décomposé  les  alcalis  caustiques,  la  potasse  et  la 
soude,  et  en  avoir  extrait  deux  métaux,  le  potassium  et  le 
sodium.  Le  chimiste  anglais  préparait  à  peine  quelques  déci- 
grammes  des  nouveaux  corps.  Gay-Lus^ac  et  M.  Thénard  en 
fabriquèrent  bientôt  de  plus  grandes  quantités ,  et  chaque 
collection  put  alors  avoir  une  petite  parcelle  des  nouveaux 
métaux  ,  dont  les  prix  étaient  encore  extrêmement  élevés. 
M.  Brunner,  puis  enfin  M.  Deville  sont  arrivés  à  nous  donner 
'ces  métaux  en  telles  masses  et  avec  tant  de  facilité,  que  le 
sodium  pourra  servir  de  base  à  une  industrie,  au  lieu  d'être, 
comme  il  était  encore  il  y  a  six  mois,  un  produit  de  labora- 
toire et  de  collection. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  467 

Il  est  fâcheux  que  ces  métaux  soient  conservés  dans  l'huile 
de  naphte,  qui  ne  les  préserve  qu'imparfaitement  de  l'oxy- 
dation; aussi  présentent-ils  une  couleur  terne  et  grisâtre; 
tandis  que  s'ils  étaient  placés  dans  le  caprylène ,  nouvel  hy- 
drogène carbuné  découvert  récemment  par  M.  Bouis,  ces  mé- 
taux conserveraient  la  belle  couleur  argentée  qui  les  caracté- 
rise. 

On  peut  voir  encore  dans  l'exposition  que  M.  Macquart , 
de  Bonn  (Prusse  Rhénane),  a  réuni  aux  produits  photographi- 
ques et  daguerriens,  acide  actique ,  acide  pyrogallique,  col- 
lodion  ,  brome,  une  série  d'acides  très-intéressante  :  acide 
butyrique  ,  acide  lactique  ,  acide  valérianique  et  de  plus 
quelques  produits  rares,  tels  que  l'huile  des  hollandais,  le 
chloroforme  de  M.  Shonebeck,  un  échantillon  d'acide  phos- 
phorique  vitreux  de  la  plus  belle  apparence. 

Nous  trouvons  dans  l'exposition  du  docteur  Lamatsch  ,  de 
Vienne  ,  une  remarquable  collection  d'éthers  composés  obte- 
nus en  ma>ses  considérables.  C'est  là  ce  qu'aucun  fabricant 
français  n'a  montré.  Il  appartenait  en  effet  à  l'Allemagne,  qui 
a  tant  contribué  à  faire  progresser  la  chimie  organique,  de 
montrer  qu'elle  fabrique  avec  facilité  tous  les  produits  qu'elle 
emploie  journellement  dans  ses  recherches. 

Les  autres  produits  chin:iiques  du  docteur  Lamatsch  sont 
encore  préparés  avec  beaucoup  de  soin  et  même  arrangés 
avec  un  certain  goût ,  ce  qui  est  assez  rare  chez  nos  voisins 
du  Rhin. 

L'exposition  de  M.  Seybel,  à  Liebing,  près  Vienne,  nous  a 
semblé  aussi  digne  de  remarque. 

La  Belgique  nous  apparaît  avec  les  nombreux  produits  du 
zinc,  que  son  sol  lui  fournit  en  si  grande  abondance,  et 
qu'elle  a  su  si  habilement  exploiter.  Parmi  tous  les  objets 
fabriqués  avec  ce  métal ,  l'oxyde  connu  sous  le  nom  de  blanc 
de  zinc  est  le  seul  qui  nous  regarde.  Ce  composé  est  main- 
tenant employé  comme  couleur.  Il  ne  présente  pas  les  graves 
inconvénients  de  la  céruse,  il  ne  noircit  pas  aux  émanations 
sulfurées,  il  se  travaille  sans  risques  pour  la  santé  des  ou- 
vriers ,  tandis  que  la  céruse  occasionne  ces  terribles  mala- 
dies connues  sous  le  nom  de  coliques  de  plomb ,  et  qu'on  est 
bien  souvent  impuissant  à  guérir.  Ce  blanc  de  zinc  se  fabri- 
que maintenant  en  France  en  grande  quantité  ;  tout  le  monde 


468  VISITE 

a  pu  voir  aux  environs  d'Asnières  la  belle  usine  que  la  société 
des  mines  de  zinc  de  la  Vieille-Montagne  y  a  élablie. 

Cette  société  a  encore  exposé  quelques  échantillons  de  verre 
à  base  de  zinc  qui  paraissent  aussi  beaux  que  le  cristal, 
mais  qui  ne  pourront  de  longtemps  entrer  dans  les  usages 
domestiques  ;  l'oxyde  de  zinc  ne  se  vitrifie  pas  par  le  sable 
comme  loxyde  de  plomb,  mais  par  l'acide  borique,  dont  le 
prix  est  encore  considérable. 

A  côté  du  zinc,  nous  trouvons  dans  l'exposition  belge  le 
cadmium,  qui  est  beaucoup  plus  rare,  et  qui  fournit  une 
belle  couleur  jaune  quand  il  est  combiné  avec  le  soufre. 

M.  Basse,  de  Curegbem-lez  Bruxelles,  a  une  belle  série  d'hui- 
les préparées  pour  Ihorlogerie  ,  la  conservation  des  métaux , 
pour  les  machines  et  les  filatures. 

Arrivons  en  France,  oîi  se  remarquent  plusieurs  produits 
d'une  haute  importance,  en  première  ligne  l'aluminium,  ce 
nouveau  métal  si  récent  et  si  vite  populaire.  M.  Rousseau  en 
a  exposé  une  petite  quantité ,  mais  on  a  réservé  pour  le 
Panorama  la  plus  grande  partie  de  ce  qui  est  déjà  fabriqué  ; 
des  lingots  se  trouvent  sur  un  meuble  de  velours  adossé  au 
mur  circulaire  ,  et  quelques  objets  fabriqués  sont  placés  dans 
l'exposition  de  M.  Christofle.  M.  Sainte-Claire  Deville  a  pu- 
blié ,  il  y  a  six  mois  à  peine  ,  les  procédés  qu'il  a  employés 
pour  obtenir  des  quantités  notables  d'aluminium,  qui  avait 
été  ,  au  reste  ,  déjà  isolé  depuis  longtemps  par  le  chimiste 
allemand  Wœhler. 

L'aluminumi  peut  se  tirer  des  aluns,  qu'on  fabrique,  comme 
l'on  sait,  avec  des  schistes  ,  qui  sont  très-abondants  à  la  sur- 
face du  globe.  Ainsi  les  minerais  sont  très-communs  ;  malheu- 
reusement l'extraction  est  difficile  et  assez  compliquée.  L'alu- 
mine une  fois  extraite  des  aluns ,  il  faut  la  transformer  en 
chlorure  :  cette  opération  peut  encore  réussir  en  grand  ,  bien 
qu'elle  présente  des  difficultés  ;  enfin  ce  chlorure  d'alumi- 
nium ,  qu'au  reste  M.  Deville  a  exposé  à  côté  de  ses  Imgots  , 
est  décomposé  par  du  sodium ,  un  de  ces  métaux  alcalins 
dont  nous  avons  parlé  déjà,  et  dont  M.  Deville  a  perfec- 
tionné l'extraction  en  vue  d'obtenir  l'aluminium.  Cette  dé- 
composition du  chlorure  d'aluminium  par  le  sodium  ne 
marche  pas  encore  avec  toute  la  régularité  désirable.  Quoi 
qu'il  en  soit,  nous  avons  bon  espoir;  l'argent  ne  fait  pas  dé- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  469 

faut  à  M.  Deville  ,  un  auguste  personnage  y  a  pourvu.  Nous 
espérons  donc  qu'on  arrivera  à  transformer  en  opération  in- 
dustrielle lopération  de  laboratoire  qui  a  donné  l'aluminium 
existant  déjà. 

Supposons  donc  le  métal  obtenu  en  grande  quantité  et  à  bas 
prix  (maintenant  il  est  aussi  cher  que  l'or),  examinons  ses 
propriétés.  11  est  d'une  légèreté  extrême  ,  c'est  là  sa  prin- 
cipale qualité;  il  ne  fond  qu'à  une  température  élevée  (son 
point  de  fusion  est  voisin  de  celui  de  l'argent)  ;  il  est  encore 
doué  d'une  sonorité  spéciale  qui  permettra  de  l'employer  uti- 
lement dans  la  fabrication  des  instruments  de  musique.  Voilà 
bien  des  avantages  :  mais,  il  faut  le  dire,  lorsqu'il  est  tra- 
vaillé ,  il  perd  beaucoup  de  son  brillant,  si  nous  en  jugeons 
du  moins  par  les  trois  petits  objets  fabriqués  qui  se  trouvent 
dans  l'exposition  de  M.  Christofle  :  sa  couleur  gris  foncé 
rappelle  plutôt  celle  du  zinc  et  celle  de  l'étain  que  celle  de 
l'argent  ou  du  platine;  enfin  a-t-il  une  ténacité,  une  dureté 
suffisantes  pour  être  employé  aux  usages  habituels  des  mé- 
taux ,  c'est  ce  dont  il  est  permis  de  douter.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  serait  imprudent  de  rien  préjuger;  ce  travail  est  entre  des 
mains  habiles,  entreprenantes,  qui  ne  laisseront  pas  péricliter 
l'œuvre  qu'elles  ont  déjà  si  bien  commencée. 

Pour  en  revenir  à  M.  Rousseau,  nous  trouvons  encore  dans 
son  exposition  un  bel  échantillon  de  sesquichlorure  de  chrome, 
un  beau  corps  violet  qui  jouit  de  la  singulière  propriété  d'être 
insoluble  dans  l'eau  pure  et  de  se  dissoudre  en  quantités  indé- 
finies, quand  cette  eau  est  additionnée  d'une  quantité  extrê- 
mement petite  d'un  composé,  très-voisin,  de  protochlorure  de 
chrome. 

L'ensemble  de  cette  vitrine  est  très-satisfaisant,  les  choses 
y  sont  bien  classées,  sans  embarras,  sans  clinquant;  on  y 
remarque  encore  de  beaux  échantillons  d'acide  gallique  et 
d'acide  pyrogallique,  dont  la  photographie  consomme  mainte- 
nant de  si  grandes  quantités. 

M.  Rousseau  prépare  maintenant  en  grand  l'acide  hydro- 
fluosilicique  qui  était  assez  rare  il  y  a  encore  quelques  années, 
et  qu'il  peut  donner  à  iO  fr.  les  100  kilos.  On  nous  assure 
même  que  les  prix  baisseront  encore. 

MM.  Véron  et  Fontaine  ont  exposé  les  beaux  sels  de  co- 
balt de  M.  Fremy,  du  valérate  de  potasse  en  quantité  consi- 


470  VISITE 

dérable,  de  l'urée  parfaitement  blanche  et  cristallisée.  Près 
d'un  pain  de  sel  ammoniac  gigantesque,  nous  trouvons  dans 
l'exposition  de  Cournerie  de  Cherbourg  un  grand  flacon  de 
brome,  de  Tiode  jen  lames  larges  comme  deux  doigts,  des 
iodures  de  potassium  parfaitement  cristallisés;  tous  ces  pro- 
duits ont  pris  depuis  peu  une  grande  importance  dans  la 
pharmacie  et  dans  les  arts  photographiques. 

MM.  Agard  ,  Prat  et  Cie  ont  exposé  les  produits  que 
M.  Balard  a  su  tirer  des  eaux  mères  des  salines  de  la  Médi- 
terranée, par  une  méthode  aussi  simple  qu'élégante. 

M.  Plisson  a  exposé  une  série  de  produits  intéressants  fa- 
briqués sous  la  direction  de  M.  Henri  Buffet;  ce  ne  sont  pas 
des  produits  de  choix  et  cela  n'en  vaut  que  mieux  ;  il  est  plus 
intéressant,  en  effet,  de  savoir  ce  qu'on  peut  acheter  que  de 
voir  des  produits  rares  fabriqués  spécialement  en  vue  de  l'Ex- 
position. Nous  avons  remarqué  dans  celte  même  case  un 
siphon  pour  les  acides,  très-commode  et  qui  évitera  bien  des 
touries  cassées  et  bien  des  jambes  brûlées;  le  petit  modèle 
d'appareil  pour  la  distillation  de  l'acide  azotique  est  bien 
conçu ,  et  il  présente  une  stabilité  qui  doit  aussi  prévenir  les 
accidents. 

M.  VVittmann  expose  de  l'acide  phosphorique  vitreux  très- 
pur  ,  de  l'acide  benzoïque  très-cristallisé  et  de  beaux  échan- 
tillons d'iodure,  de  mercure  et  de  plomb. 

Nous  trouvons  à  côté  du  prussiate  jaune  qui  se  rencontre  à 
chaque  pas,  du  cyanure  de  potassium  dont  la  fabrication  pré- 
sente de  l'intérêt,  maintenant  que  ce  sel  est  employé  en 
grande  quantité  dans  les  fabriques  de  dorure  et  d'argenture 
ou  de  cuivrage  par  voie  électrique.  Quelques-unes  de  ces 
nouvelles  industries  donnent  de  remarquables  produits,  té- 
moin l'exposition  de  M.  Christofle;  quelques-unes  aussi  don- 
nent des  produits  d'une  grossièreté  un  peu  trop  primitive, 
témoin  les  deux  soldats  de  zinc  recouverts  de  cuivre  de 
M.  Eug.  Paillard. 

Bien  que  nous  soyons  moins  riche  que  les  Allemands  en  pro- 
duits organiques  rares,  nous  pouvons  citer  la  remarquable 
collection  de  la  série  acétique  de  MM.  Bobée  et  Lemire.  Les 
acétates,  l'acide  acétique  cristallisable ,  l'acétone,  l'esprit  de 
bois  s'y  trouvent  en  quantités  considérables. 

M.  Leroy  de  Vitry-le-François  expose  aussi  un  beau  flacon 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  i71 

de  salicine  qu'on  n'est  pas  habitué  à  voir  en  masses  aussi 
considérables. 

La  fabrique  Coignet,  de  Lyon,  a  exposé  une  quantité  relati- 
vement considérable  de  phosphore  noir  ;  dans  cet  état,  ce  corps 
simple  est  moins  inflammable  et  on  peut  le  manier  à  l'air 
sans  prendre  toutes  les  précautions  qu'exige  le  phosphore 
blanc  qui  occasionne  parfois  de  si  terribles  accidents. 

L'Autriche  a  mis  aussi  dans  son  exposition  un  échantillon 
de  ce  même  phosphore  noir,  qui  est  préparé  peut-être  depuis 
longtemps  ou  qui  a  été  mal  lavé,  car  il  est  extrêmement 
acide. 

Au  bas  de  l'escalier  qui  conduit  à  la  section  des  produits 
chimiques,  il  faut  remarquer  les  beaux  échantillons  de  prus- 
siate  jaune  et  rouge  de  l'usine  de  Bouxviller ,  dont  cet  arti- 
cle est  une  des  spécialités. 

Près  de  là  se  trouve  le  platine  travaillé  de  MM.  Desmoutis, 
Chapuis  et  Cie  ,  qui ,  au  reste ,  ne  rentre  pas  directement  dans 
le  sujet  que  nous  traitons  maintenant. 

La  gélatine  est  abondante  à  l'Exposition,  en  feuilles  minces 
et  déliées,  colorées  des  couleurs  les  plus  vives,  portant  des 
épreuves  photographiques  ,  servant  d'enveloppes  aux  médica- 
ments à  saveur  désagréable  ;  elle  se  présente  sous  des  formes 
bien  différentes.  MM.  d'Enfer  frères  nous  montrent  les  diffé- 
rentes phases  de  la  fabrication  de  la  gélatine  ;  cette  matière 
se  prépare  en  faisant  macérer  dans  des  vases  clos  des  os 
avec  de  l'eau  portée  à  une  température  de  106°  environ.  C'est 
à  Darcet  qu'on  doit  la  construction  d'un  appareil  économique 
propre  à  cette  fabrication,  qui  pourra  prendre  un  développe- 
ment énorme  si  les  viandes  conservées  au  moyen  dune  cou- 
che de  gélatine  sont  susceptibles  de  supporter  de  longues 
traversées  sans  s'altérer. 

M.  Pitont  a  d'énormes  cylindres  de  gélatine  coloriée,  par- 
faitement transparents;  il  prépare  \e  jiapier gélatine  spéciale- 
ment pour  les  graveurs  et  les  metteurs  sur  bois  ,  celte  géla- 
tine fine  et  transparente  pourra  aussi  utilement  servir  aux 
recherches  microscopiques. 

Un  grand  nombre  d'industriels  joignent  à  la  fabrication  de  la 
gélatine  celle  des  colles-fortes,  qui  se  produisent  surtout  main- 
tenant avec  des  cuirs  avariés,  avec  des  d( 
qui  ne  peuvent  être  d'aucun  autre  usage. 


472  VISITE 

Les  produits  pharmaceutiques  présentent  aussi  un  grand 
intérêt.  M.  Alfred  Labarraque  a  exposé  un  énorme  flacon  de 
sulfate  de  quinine  ;  cette  fabrication  est  devenue  d'une  grande 
importance  pour  la  France.  M.  Aubergier  a  su  tirer  de  notre 
pavot  indigène  une  grande  quantité  de  morphine  qu'on  peut 
voir  à  côté  du  sulfate  de  quinine  de  M.  Labarraque. 

En  même  temps  que  des  produits  chimiques  interressants , 
M.  Meunier  a  exposé  une  série  d'extraits  de  plantes  médi- 
cinales bien  préparés. 

Nous  devrions,  avant  d'abandonner  cette  belle  exposition  , 
des  produits  chimiques,  passer  en  revue  encore  bien  des  vi-  j 
trines  intéressantes;  mais  nous  devons  nous  occuper  mainte-  ; 
nant  de  la  parfumerie  dont  les  spécimens  sont  nombreux,  ha-  , 
bilement  classés  chez  nous,  comme  chez  les  Anglais  et  les  \ 
Allemands.  ; 

Les  savons  s'obtiennent  la  plupart  du  temps  par  la  saponi-  \ 
fication  des  huiles.  Cette  opération  peut  se  faire  avec  de  la  1 
soude  ou  de  la  potasse.  Dans  le  premier  cas,  on  obtient  des 
savons  durs;  dans  le  second,  des  savons  mous;  ces  deux  pro- 
duits sont  les  seuls  qui  soient  solubles  dans  l'eau;  la  chaux 
donne  un  savon  insoluble,  elle  précipite  même  les  savons  so-  : 
lubies;  aussi  dit-on  d'une  eau  calcaire  qu'elle  ne  prend  pas  \ 
le  savon.  : 

On  voit  à  l'Exposition  des  savons  de  toutes  couleurs,  de  1 
tout  prix,  de  toute  odeur,  des  savons  à  1  fr.  50  le  pain  etdes  ' 
savons  à  1  fr.  le  kilogramme.  Une  chose  nous  étonne  toujours,  i 
c'est  que  les  produits  de  la  parfumerie  coûtent  encore  des  prix  i 
aussi  exorbitants.  Quand  on  vend  1  fr.  un  savon  au  benjoin  ! 
d'une  odeur  ravissante,  on  doit  se  dire  qu'il  entre  dans  ce  \ 
produit  des  matières  fort  chères  et  fort  rares.  En  effet,  il  est  ' 
formé  de  corps  gras,  de  soude  et  d'urine  de  cheval  putréfiée,  I 
et  de  plus,  de  40  pour  100  d'eau;  mais  les  parfumeurs  sont 
d'habiles  gens  qui  ont  le  talent  de  vous  entortiller  les  choses  ; 
dans  de  nombreux  papiers  dorés,  argentés,  avec  des  adresses  i 
et  des  images,  toutes  choses  qui  diminuent  la  marchandise  ' 
mais  qui  augmentent  le  prix.  \ 

En  France,  les  couleurs  fines  de  M.  Lefranc  sont  tout  à  ] 
fait  dignes  d'attention,  ainsi  qu'en  Angleterre  celles  de  ! 
M.  Naumann  de  Londres,  qui  nous  envoie  entre  autres  choses  ■ 
des  couleurs  pour  l'aquarelle,  que  nos  voisins  doivent  prépa- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  473 

rer  mieux  que  nous,  à  voir  la  préférence  qu'ont  tous  les  ar- 
tistes pour  leurs  produits. 

Parmi  les  métaux  dont  les  composés  sont  employés  comme 
matières  colorantes,  le  plomb  avec  son  carbonate,  la  céruse 
avec  ses  oxydes,  la  litharge,  le  massicot  et  le  minium,  son 
phosphate,  son  iodure;  le  plomb,  disons-nons,  se  présente  en 
première  ligne.  La  fabrication  de  la  céruse  est  surtout  une  in- 
dustrie importante,  que  l'introduction  récente  du  blanc  de 
zinc  n'a  pas  fait  abandonner. 

MM.  Delaunay  et  Cie,  de  Tours,  ont  de  beaux  échantillons 
de  ces  différentes  matières  colorantes  à  base  de  plomb. 

M.  Orsat,  de  Clichy,  expose  aussi  une  belle  série  de  céruses 
obtenues  par  le  procédé  dit  de  Clichy,  et  par  le  procédé  hol- 
landais. 

Le  mercure,  qui  fournit  le  vermillon,  le  cuivre,  qui  donne 
des  couleurs  bleues  et  vertes,  le  fer,  enfin,  dont  les  rouges  et 
jaunes  sont  si  bon  marché,  et  qui,  combiné  au  prussiate 
jaune,  donne  le  bleu  de  Prusse,  sont  des  métaux  intéressants 
au  point  de  vue  de  la  fabrication  des  couleurs  ;  mais  nous  n'a- 
vons remarqué  aucun  produit  bien  nouveau  dans  ces  indus- 
tries, et  nous  ne  pouvons  nous  y  arrêter  davantage. 

Parmi  les  matières  colorantes  végétales,  lindigo  que  nous 
fournissent  l'Inde  anglaise  et  les  colonies  hollandaises  se  pré- 
sente au  premier  rang  avec  les  bois  de  teinture  de  l'Améri- 
que. La  garance,  qui  est  si  répandue  maintenant  dans  le  sud 
de  la  France,  doit  nous  occuper  spécialement  pendant  quel- 
ques instants. 

La  Hollande  nous  envoyait  naguère  une  grande  quantité  de 
garance,  mais  des  impôts  établis  sur  cette  importation  ont  lar- 
gement développé  la  culture  en  France,  qui  en  fabrique  mainte- 
nant pour  elle  et  pour  l'exportation.  En  4840,  cette  exporta 
tion  a  atteint  le  chiffre  de  treize  millions  de  francs  ,  qui  doit 
être  bien  dépassé,  maintenant  que  l'Algérie  apporte  un  contin- 
gent considérable  de  cette  matière  colorante. 

MM.  Thomas  frères,  à  Angres  (Vaucluse) ,  MM.  Faure  et 
Escoffier,  M.  Boudin,  M.  CasteÙan,  également  de  Vaucluse,  en- 
voient de  beaux  échantillons  des  principes  colorants  de  la  ga- 
rance, dont  la  culture  est  des  plus  importantes  pour  ce  dépar- 
tement. 
Les  racines  de  la  garance  ne  contiennent,  comme  l'a  mon- 


474  VISITE 

tré  M.  Decaisne,  qu'une  matière  colorante  jaune  :  elle  ne  prend  ! 
une  teinte  rouge  qu'au  contact  de  l'air.  Les  racines  pulvéri-  \ 
sées  sont  mises  en  contact  avec  de  l'eau  ,  frottées  et  lessivées  ! 
à  plusieurs  reprises  afin  d'enlever  toute  la  partie  solide  à  froid  ;  \ 
la  matière  colorante,  ainsi  préparée,  porte  spécialement  le  i 
nom  de  garance.  Le  résidu,  traité  par  l'acide  sulfurique,  puis  \ 
filtré  et  lavé,  porte  le  nom  de  garancine  :  cette  nouvelle  ma-  ; 
tière  colorante  est  maintenant  d'un  grand  usage.  i 

Le  rouge  d'Andrinople,  dont  nous  voyons  plusieurs  échan-  i 
tillons  dans  l'exposition  autrichienne  et  dans  l'exposition  ! 
anglaise,  a  encore  pour  base  la  garance.  , 

Une  couleur  de  fabrication,  mais  qu'on  imite  bien  partout,  ! 
est  l'outremer  articiel.  La  belle  couleur  bleue,  connue  sous  le  i 
nom  d'outremer  naturel,  se  tire  du  lapis-lazuli,  minéral  assez  i 
rare  composé  d'alumine,  de  silice  et  d'un  peu  de  chaux  ;  pour 
préparer  l'outremer,  on  porte  le  lapis-lazuli,  débarrassé  de  sa  ; 
gangue  par  un  triage  à  la  main ,  à  une  haute  température,  j 
puis  on  rétonne  en  le  jetant  dans  du  vinaigre  froid  ;  la  chaux  j 
se  dissout,  on  reprend  la  matière  qu'on  pulvérise  avec  soin,  l 
L'outremer  naturel  est  d'un  prix  extrêmement  élevé  :  il  a  été  ï 
jusqu'à  trois  mille  francs  le  kilogramme ,  aussi  son  emploi  j 
était-il  très-limité.  j 

La  société  d'encouragement  avait  établi  un  prix  pour  l'in- 
vention dun  procédé  capable  de  fournir  le  bleu  d'outremer  à 
moins  de  deux  cents  francs  le  kilogramme.  C'est  M.  Gimet 
qui  obtint  ce  prix  :  les  procédés  qu'il  emploie  sont  tenus  se- 
crets, cependant  on  obtient  de  bons  produits  de  la  façon  sui- 
vante : 

On  lessive  avec  soin  de  l'argile  ordinaire  pour  enlever  tous 
les  grains  de  sable  qu'elle  peut  contenir,  et  on  la  mélange  avec 
du  sulfure  de  sodium  obtenu  par  la  réduction  du  sulfate  de 
soude,  au  contact  du  charbon  à  une  haute  tempéra'ure  :  le 
mélange  précédent  est  additionné  d'une  dissolution  de  sulfate  j 
de  fer  pur.  Les  matières  sont  desséchées,  puis  chauffées  au  i 
rouge  dans  une  moufle  au  milieu  d'un  courant  d'air  :  c'est  là  i 
la  partie  délicate  de  l'opération  ;  quand  on  chauffe  trop  peu,  on  i 
n'obtient  pas  d'outremer  ;  quand  on  chauffe  trop,  on  altère  les  ^ 
nuances.  La  matière  pulvérisée ,  lessivée  est  encore  remise  au  i 
feu  ,  et  un  dernier  lavage  sépare  l'outremer  en  différents  pro-  i 
duits.  :■ 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  475 

Les  échantillons  d'outremer  sont  nombreux  à  l'Exposition. 
M.  Guimet,  l'inventeur  du  procédé,  se  place  naturellement  en 
première  ligne;  l'outremer  ne  se  vend  plus  maintenant  que 
deux  francs  le  kilogramme,  et  on  emploie  annuellement  pour 
deux  millions  de  cette  matière  colorante,  spécialement  dans 
l'industrie  des  papiers  peints. 

M.  Guillon,  de  Lyon,  M.  Draenkel  (Seine-Inférieure), 
M.  Courtial,  à  Grenelle,  exposent  de  beaux  échantillons,  ainsi 
que  M.  Branu,  de  Gand;  M.  Seizer,  à  Weitenegg,  sur  le  Da- 
nube (Basse-Autriche),  et  M.  Kutzer,  de  Prague,  réussissent 
l'un  aussi  bien  que  l'autre  ce  beau  produit. 

Nous  devons  encore  parler  du  carmin  que  fournit  la  coche- 
nille; cette  matière  première  présente  pour  nous  un  grand 
intérêt,  maintenant  que  notre  Algérie  peut  fournir  une  quan- 
tité considérable  de  cette  matière  première,  dont  elle  a  exposé 
de  nombreux  échantillons. 

Le  carmin  est  composé  de  la  matière  colorante  de  la  coche- 
nille, d'une  matière  animale  qui  y  est  également  renfermée, 
des  éléments  du  sel  qu'on  emploie  pour  déterminer  la  préci- 
pitation. 

La  préparation  du  carmin  est  encore  une  opération  délicate  ; 
pour  réussir,  il  faut  une  longue  habitude  auxquelles  les  recet- 
tes ne  peuvent  suppléer. 

On  fait  ordinairement  bouillir  la  cochenille  avec  du  carbo- 
nate de  potasse,  on  y  ajoute  ensuite  de  l'alun  pulvérisé,  qui 
transforme  la  liqueur  cerise  foncé  obtenue  d'abord  en  un  rouge 
vif  de  carmin  ,  on  ajoute  enfin  de  la  colle  de  poisson  ,  qui  dé- 
termine la  précipitation  du  carmin  ;  la  liqueur,  encore  forte- 
ment colorée,  sert  à  la  préparation  des  laques. 

Le  carmin  peut  être  employé  en  le  mélangeant  simplement 
avec  les  substances  à  colorer  ;  quand  il  doit  servir  à  la  teinture 
il  faut  le  dissoudre  dans  l'ammoniaque  caustique,  puis  laisser 
la  liqueur  à  l'air;  quand  elle  n'a  plus  d'odeur,  elle  est  bonne 
à  employer. 

Les  laques  se  préparenten  précipitant  les  matières  colorantes 
au  moyen  de  l'alumine;  on  place  dans  le  bain  dont  on  veut 
obtenir  la  couleur,  une  dissolution  d'alun  et  une  autre  de  carbo- 
nate de  soude,  on  ajoute  parfois  une  petite  quantité  de  sel  d'é- 
tain  qui  modifie  les  nuances;  c'estainsique,  dans  le  bain  de  co- 
chenille, l'oxyde  d'élain  ajouté  donne  une  belle  laque  cramoisie. 


476  VISITE 

Nous  rencontrons,  dans  la  galerie  sud  de  l'annexe,  un  grani 
nombre  d'échantillons  de  carmin,  de  laques  et  de  matière 
textiles  desséchées  et  lessivées,  et  des  teintes  obtenues  ai 
moyen  de  ce  carmin.  M.  Champenois,  de  Paris,  expose  d'au- 
tres teintes  au  carmin  des  tons  les  plus  vifs  et  les  plus  bril 
lants;  en  Prusse,  M.  Jager ,  à  Barsnen  (Prusse  Rhénane) 
offre  aussi  de  beaux  échantillons. 

Avant  de  quitter  ce  trop  rapide  examen  des  matières  colo- 
rantes ,  nous  devons  dire  quelques  mots  d'un  système  d'im 
pression  qui  pourra  sans  doute  conduire  à  de  bons  résultats 
M.  Griine,  de  Berlin,  a  exposé  des  lainages  dont  les  couleur 
sont  obtenues  au  moyen  d'une  simple  réaction  chimique  entn 
deux  sels  ,  qui  peuvent ,  par  leur  combinaison  ,  donner  nais- 
sance à  des  couleurs  variables;  les  dessins  obtenus  ainsi  on 
une  bizarrerie,  un  inattendu  qui  ne  sont  pas  sans  un  certaii 
charme. 

Cuirs  et  Peaux.  j 

Les  peuples,  dans  un  état  de  civilisation  peu  avancée  j 
ignorant  encore  l'art  de  tisser  les  vêtements,  ont  naturelle- 
ment employé  les  dépouilles  des  animaux  pour  se  garantit  I 
des  intempéries  des  saisons.  L'histoire  nous  montre  ainsi  tou^  I 
les  peuples  anciens  couverts  de  peaux  de  bêtes,  tuées  à  la  ! 
chasse  ou  déjà  domestiquées  ,  et  les  voyageurs  observent  les  \ 
mêmes  faits  chez  les  peuplades  encore  sauvages  des  diverses  j 
parties  du  globe.  ! 

Les  peaux,  se  corrompant  rapidement  quand  elles  ne  sont  j 
pas  soumises  à  un  traitement  spécial,  ont  dû  de  tout  temps 
recevoir  des  préparations  plus  ou  moins  complètes  avant  j 
d'être  employées.  Les  procédés  sont  très- variables ,  car  en 
Amérique  les  peuples,  ignorant  l'usage  du  tanin,  se  con- 
tentaient de  faire  subir  aux  peaux  une  préparation  pratiquée 
avec  les  débris  mêmes  des  animaux  dont  elles  provenaient. 

En  Europe,  l'emploi  de  l'écorce  de  chêne  à  la  conserva- 
tion des  peaux,  se  perd  dans  la  nuit  des  temps.  En  France, 
nous  trouvons  des  ordonnances  datant  du  \i^  siècle,  qui  rè- 
glent la  fabrication  et  le  commerce  des  cuirs,  l'une  et  l'autre 
en  pleine  activité  déjà. 

L'intervention  de  l'État  dans  cette  industrie,  les  impôts  et 
les  mesures  vexatoires  dont  elle  était  accompagnée  mirent 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  477 

souvent  cette  industrie  à  deux  doigts  de  sa  perte.  L'emploi 
de  procédés  trop  rapides  vint  aussi  plus  récemment  déni- 
grer la  valeur  de  nos  cuirs  sur  les  marchés  étrangers.  Mais 
l'habileté  de  nos  fabricants  et  leur  persévérance  (levaient 
finir  par  triompher  successivement  de  ces  obstacles,  qui 
étaient  venus  relarder  leurs  progrès,  et  l'industrie  des  cuirs 
est  maintenant  une  des  sources  les  plus  importantes  de  la 
richesse  nationale. 

Il  est  difficile  d'établir  d'une  façon  certaine  la  production 
annuelle  de  notre  pays.  Quelques  villes,  il  est  vrai,  possèdent 
des  documents  officiels;  mais  le  grand  nombre  d'abatages 
qui  s'exécutent  à  la  campagne,  sans  aucun  moyen  de  con- 
trôle, passent  inaperçus  dans  la  production  générale. 

D'après  M.  Fauler*,  l'ensemble  des  industries  qui  s'occu- 
pent de  travailler  les  peaux  et  de  les  rendre  propres  aux  dif- 
férents usages  auxquels  elles  sont  employées,  représenterait 
un  chiffre  de  300  millions  réparti  de  la  façon  suivante  : 

Bœufs,  vaches,  veaux  préparés  (3  700  000  têtes  abat- 
tues)       68  200  000  fr. 

28  millions  de  produits  bruts  importés,  qui 
travaillés  valent •     56  000  000 

400  000  cuirs  de  chevaux  valant  corroyés 

16  à  17  fr.  la  pièce 6  800  OQQ 

Total 131  000  000  fr. 

6  à  7  millions  de  moutons  abattus  valant 
1  fr.  50  la  pièce 10  000  000  fr. 

Chèvres,  chevreaux,  agneaux  ,  porcs 7  000  000 

Débris,  poils,  cornes  ,  colle,  crins 4  000  000 

Total 152  000  000  fr. 

qui,  avec  les  pelleteries,  donnent  160  000  000  de  francs, 
somme  qu'il  faut  à  peu  près  doubler,  si  l'on  considère  le  prix 
de  la  main-d'œuvre  nécessaire  pour  transformer  ces  produits 
bruts  en  objets  manufacturés,  gants,  fourrures,  chaussu- 
res, etc. 
Les  procédés  de  préparation  des  peaux  varient  suivant  les 

1.  Travaux  delà  commission  française  à  l'Exposition  de  1851 , 
tome  V. 


478  VISITE 

usages  auxquels  celles-ci  sont  destinées.  Occupons-nous  d'a- 
bord du  procédé  employé  pour  les  cuirs  mous ,  nous  n'aurons 
que  peu  de  clioie  à  changer  pour  les  cuirs  forts.  Quant  aux 
cuirs  vernis,  aux  maroquins  et  aux  peaux  destinées  aux  mé- 
gissiers  et  aux  chamoiseurs,  ils  subissent  des  traitements 
spéciaux  dont  nous  aurons  à  nous  occuper  plus  tard. 

Le  procédé  généralement  suivi  en  Europe,  pour  tanner  les 
cuirs  mous,  consiste  en  quatre  opérations  successives  : 

4°  Le  pélanage; 

2"  L'épilage; 

3"  Le  gonflement  ; 

4°  Le  tannage. 

La  première  opération  a  pour  but  de  disposer  les  poils  et 
les  chairs,  encore  adhérentes  aux  peaux,  à  les  abandonner; 
elle  s'exécute  en  faisant  passer  celles-ci  dans  des  laits  de  chaux 
de  plus  en  plus  actifs.  Après  ce  traitement,  on  procède  à  l'é- 
pilage, c'est-à-dire  qu'on  enlève  mécaniquement,  à  l'aide 
d  un  instrument  tranchant,  les  poils  et  la  chair  dont  l'adhé- 
rence à  la  peau  est  sensiblement  diminuée  par  l'action  de  la 
chaux.  On  polit  ensuite  la  peau,  on  lui  donne  une  surface 
lisse  et  égale  au  moyen  du  frottement  avec  une  pierre  de 
grès. 

Le  pélanage  ne  s'effectue  à  l'aide  de  la  chaux  ou  mieux  à 
l'aide  de  la  soude  caustique ,  ainsi  qu'on  la  proposé  récem- 
ment, que  pour  les  peaux  destinées  à  la  moUeterie.  Pour  les 
cuirs  forts  on  se  contente  de  faire  subir  aux  peaux  entassées 
dans  une  chambre  portée  à  une  température  de  20  à  25  de- 
grés, une  légère  fermentation  putride.  Cette  échauffe,  assez 
rapide,  est  suivie  de  l'épilage  qui  se  fait  de  la  même  façon 
que  celui  des  peaux  de  molleterie. 

La  troisième  phase  de  l'opération,  le  gonflement,  a  spécia- 
lement pour  but  de  rendre  les  peaux  propres  à  absorber  le 
tanin.  A  cet  effet,  on  plonge  les  peaux  dans  du  jus  de  tan 
aigri ,  préparé  avec  de  la  tannée  (tan  déjà  épuisé  et  ne  conte- 
nant plus  que  quelques  faibles  portions  de  tanin),  les  peaux 
séjournent  successivement  dans  des  jusées  de  plus  en  plus 
concentrées,  après  quoi  on  les  abandonne  à  elles-mêmes 
pendant  quinze  jours. 

Le  gonflement  des  peaux  destinées  à  la  confection  des 
cuirs  forts  ne  diffère  pas  sensiblement  de  l'opération  précé- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  479 

dente,  spécialement  destinée  aux  cuirs  mous;  la  liqueur  est 
seulement  rendue  plus  acide  au  moyen  d'un  peu  d'acide  sul- 
furique;  cette  addition  doit  être  faite  avec  précaution  ,  car  un 
excès  d'acide  rend  les  cuirs  cassants  et  nuit  singulièrement  à 
leur  durée. 

Après  ces  trois  opérations  préparatoires,  les  peaux  sont 
propres  au  tannage  proprement  dit. 

Les  peaux  molles  gonflées  sont  portées  dans  des  cuves  de 
maçonnerie  enfoncées  en  terre;  on  les  stratifié  avec  du  tan 
réduit  en  poudre  ;  lorsque  la  cuve  est  remplie ,  on  place  sur 
la  dernière  peau  une  couche  de  tannée,  et  on  la  charge  de 
planches.  On  fait  alors  arriver  dans  la  cuve  de  l'eau  chargée 
de  tan  en  quantité  suffisante  pour  humecter  toute  la  masse. 
Ce  contact  dure  quatre,  six  ou  huit  mois  ,  suivant  l'épaisseur 
des  cuirs.  On  ouvre  une  fois  la  fosse  pendant  cette  période, 
on  reiiie  les  peaux  et  le  tan  épuisé,  et  on  replace  les  peaux 
avec  de  nouveau  tan ,  de  manière  que  les  cuirs  qui  étaient 
au  fond  de  la  cuve  reviennent  à  la  partie  supérieure.  Les 
peaux  sont  alors  complètement  converties  en  cuirs  qu'on 
nettoie  et  qu'on  livre  à  la  corroierie. 

Les  cuirs  forts  sont  traités  comme  les  cuirs  mous ,  seule- 
ment l'épaisseur  de  la  peau  étant  plus  considérable  ,  il  leur 
faut  un  plus  long  séjour  dans  les  fosses  pour  que  le  tanin 
pénètre  jusqu'au  milieu  de  la  masse.  Après  cette  opération  , 
les  cuirs  forts  présentent  une  consistance  spongieuse  qu'il 
faut  faire  disparaître  ;  on  y  arrive  par  le  martelage ,  qui  con- 
siste à  soumettre  les  cuirs,  lorsqu'ils  sont  secs,  à  une  forte 
pression,  soit  en  les  frappant  au  moyen  d'un  marteau,  soit 
en  les  faisant  passer  entre  des  cylindres  qui  les  pressent  sans 
chocs. 

Le  temps  extrêmement  long,  pendant  lequel  les  peaux  doi- 
vent rester  en  fosse,  occasionne  une  stagnation  de  capitaux 
qu'il  est  toujours  désirable  de  voir  cesser  ;  aussi  a-t-on  fait 
de  nombreux  essais  pour  arriver  à  un  tannage  plus  rapide. 

Plusieurs  de  ces  procédés  consistent  à  confectionner  avec 
les  peaux  des  sacs  dans  lesquels  on  introduit  du  tan  ,  puis  de 
l'eau  sous  une  certaine  pression.  On  comprend  que  cette 
pression  même  tend  à  faire  sortir  le  liquide  chargé  de  tan- 
nin à  travers  les  pores  de  la  peau  ,  et,  par  conséquent  peut 
déterminer  une  combinaison  plus  rapide.  Mais  il  est  tou- 


180  VISITE 

jours  à  craindre  que  cette  opération  ne  nuise  à  la  solidité  du 
cuir, 

M.  W.  Drake  remplit  les  sacs  avec  une  solution  froide  de 
tan ,  et  le  liquide  qui  exsude  est  remplacé  dans  le  sac  jusqu'à 
ce  que  le  durcissement  des  peaux  soit  opéré.  A  la  fin  on  ac- 
tive l'opération  en  élevant  à  60  degrés  la  température  de  l'a- 
telier. 

M.  TurnbuU  produirait,  dit-il,  en  quatorze  jours  l'opération 
qui  demande  dix-huit  mois,  et  économiserait  les  deux  tiers 
de  l'écorce  de  chêne  en  faisant  passer  par  endosmose  le  li- 
quide tannant  à  travers  la  peau? 

En  tannant  à  la  flotte^  on  pourrait  en  trois  semaines  faire 
passer  à  l'état  de  cuir  les  peaux  déjà  gonflées  :  on  n'aurait 
qu'à  garder  pendant  tout  ce  temps  les  peaux  dans  des  infu- 
sions tiinnantes  qu'on  remplacerait  fréquemment  par  des  in- 
fusions de  plus  en  plus  fortes. 

Nous  ne  parlons  que  pour  mémoire  du  procédé  de  Séguin  , 
qui,  par  l'emploi  des  acides,  arrivait  aussi  plus  prompte- 
ment,  mais  qui  ne  donnait  que  des  produits  inférieurs.  Le 
discrédit  dans  lequel  sont  tombés  nos  cuirs  par  l'emploi  de  ce 
procédé,  doit  rendre  nos  fabricants  très-réservés  dans  l'adop- 
tion de  ces  nouvelles  méthodes  non  encore  contrôlées  par  une 
longue  expérience. 

Les  cuirs  mous  qui  arrivent  du  tannage  sont  livrés  au  cor- 
royeur,  dont  l'art  a  pour  but  de  leur  donner  du  brillant,  de  la 
souplesse  par  l'introduction  de  corps  gras  et  souvent  aussi 
d'une  matière  colorante  entre  leurs  pores. 

Les  cuirs  sont  dits  en  suif  ou  en  huile,  suivant  qu'on  em- 
ploie l'un  ou  l'autre  de  ces  corps  gras  dans  leur  préparation. 
On  fait  auï^si  usage  maintenant  du  dégras,  qui  provient  de  la 
saponification  des  huiles  en  excès  employées  dans  la  chamoi- 
serie.  Les  cuirs  en  suif  sont  surtout  employés  par  les  celliers- 
bourreliers  :  on  les  prépare  en  les  flambant  légèrement  a  un 
feu  clair,  et  en  appliquant  sur  leurs  deux  faces  du  suif  fondu; 
on  laisse  le  cuir  s'imbiber  pendant  huit  à  dix  heures,  puis  on 
donne  une  coloration  noire  avec  de  l'acétate  de  fer. 

L'industrie  des  cuirs  vernis,  à  peu  près  inconnue  il  y  a  vingt 
ans,  a  fait  de  rapides  progrès  sous  l'influence  des  nombreuses 
demandes  dont  ils  sont  l'objet. 

Les  procédés  sont,  en  général,  tenus  secrets;  cependant 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  481 

nous  pouvons  indiquer  somhiairement  comment  on  arrive  à 
donner  aux  cuirs  cet  éclat  et  ce  brillant  qui  les  font  re- 
chercher. 

Pour  vernir  les  cuirs,  on  leur  fait  subir  deux  opérations  suc- 
cessives : 

l""  Apprôtage  de  la  peau  ; 

2"*  Vernissage  proprement  dit. 

La  peau,  tannée  avec  un  soin  particulier,  est  soumise  à  des 
ponçages  successifs  qui  ont  pour  but  de  faire  un  fonds  sur  le- 
quel on  dépose  l'apprêt.  Celui-ci  consiste  d'abord  en  un  mé- 
lange de  minium  ou  de  litharge  et  d'huile  de  lin,  auquel  on 
ajoute  des  ocres  ou  de  la  craie ,  suivant  la  finesse  de  la  pecu 
à  garnir.  On  donne,  à  des  intervalles  de  quelques  jours,  plu- 
sieurs couches  que  l'on  polit  avec  beaucoup  de  soin.  L'opéra- 
tion a  lieu  sur  la  fleur  ou  sur  la  chair,  suivant  les  usages  aux- 
quels on  destine  les  produits  fabriqués. 

Sur  le  premier  appiêt,  on  en  dépose  un  second  dans  lequel 
entrent  encore  l'huile  de  lin  et  la  litharge,  mais  les  matières 
terreuses  y  sont  remplacées  par  du  noir  d'ivoire  ou  du  bleu  de 
Prusse;  on  y  ajoute,  de  plus,  une  certaine  quantité  d'essence 
de  térébenthine.  On  obtient  ainsi  un  fonds  bien  noir  et  bien 
glacé,  propre  à  recevoir  le  vernis. 

Ce  vernis  est  con:iposé  d'huile  d'apprêt,  de  bitume  de  Judée, 
de  bleu  de  -Prusse  et  de  vernis  gras  au  copal  ;  lorsqu'il  est 
appliqué,  on  dessèche  les  peaux  pendant  plusieurs  jours  dans 
une  étuve  chauffée  à  60"  environ. 

Les  cuirs  de  Russie  sont  tannés,  non  plus  avec  l'écorce  du 
chêne,  mais  avec  une  décoction  d'ôcorce  de  saule,  sur  laquelle 
on  les  travaille  pendant  quinze  jours  environ.  On  les  imprè- 
gne enfin  du  côté  de  la  chair  avec  l'huile  empyreumatique 
provenant  de  la  distillation  de  l'écorce  de  bouleau;  ils  pré- 
sentent une  odeur  particulière  qui  éloigne  les  insectes,  de 
sorte  que  les  cuirs  ne  sont  jamais  attaqués. 

Toutes  les  peaux  dont  nous  avotis  parlé  jusqu'à  présent 
sont  soumises  au  tannage  avant  d'être  liviées  à  la  fabrication, 
mais  les  industries  de  la  mégisserie,  de  la  cliamoiserie  ne  font 
pas  usage  de  ces  peaux  tannées  ;  les  cuirs  hongroyés  et  les  maro- 
quins sont  aussi  rendus  imputrescibles  par  d'autres  moyens. 

Les  peaux  destinées  à  foimer  des  cuirs  hongroyés,  em- 
ployés surtout  par  les  bourreliers  et  carrossiers,  ne  sont  pas 
206  ff 


482  VISITE 

épilées;  on  les  tond  avec  soin,  et,  après  les  avoir  imbibées  de  i 

chlorure  d'aluminium,  on  les  place  dans  une  di.-solulion  d'à-  1 

lun,  et  on  les  expose  ensuite  à  l'air  et  au  soleil  pour  les  lais-  i 

ser  sécher.  i 

Les  cuirs  sont  ensuite  passés  au  suif  comme  nous  l'avons  \ 

déjà  vu.  1 

La  mégisserie  emploie  des  peaux  d'agneau  et  de  chevreau.  ! 
Pour  ébourrer  ces  peaux,  on  les  enduit  soit  de  chaux  et  d'or- 
piment (sulfure  d'arsenic) ,  soit  de  sulfure  de  calcium ,  le  poil 

lombe  au  bout  de  vingt-quatre  heures.  On  les  plonge  ensuite  ■ 

dans  un  bain  de  son  aigri ,  dans  lequel  l'acide  lactique  dé-  ■ 

veloppé  opère  le  gonflement;  les  peaux  gonflées  sont  rendues  j 
imputrescibles  en  les  plongeant  dans  du  chlorure  d'aluminium, 

obtenu   par  la  double  décomposition  de  Talun   et   du   sel  j 

marin.  | 

Ces  peaux  sont  ensuite  blanchies  en  les  laissant  tremper  I 
dans  un  bain  composé  de  farine,  de  jaune  dœuf  et  de  la  li-  j 
queur  saline  tiède  qui  a  servi  à  l'opération  précédente.  On  j 
comprend  qu'il  va  là  un  perfectionnement  énorme  à  appor- 
ter; la  dépense  occasionnée  par  l'emploi  des  jaunes  d'œuf  est  . 
en  effet  très-considérable;  au  reste,  la  question  est  maintenant  j 
à  l'élude  ,  et  nous  ne  doutons  pas  que  l'habile  expérimenta-  ■ 
teur  qui  s'en  occupe  n'arrive  bientôt  à  une  solution  favo-  j 
rabie. 

Le  chamoiseur  emploie  les  mêmes  peaux  que  le  mégissier  j 

et  leur  fait  subir  les  mêmes  préparations  préliminaires,  mais  i 

lorsqu'elles  sortent  du  bain  de  son ,  il  les  imprègne  d'huile  de  ] 

poisson  ,  en  les  foidant  sous  le  choc  d'un  pilon ,  puis,  les  lais-  , 

sant  sécher  et  recommençant  encore  cette  préparation  à  plu-  , 

sieurs  reprises;  l'excès  dhuile  est  enlevé  au  moyen  d'une  les-  • 

sive  légère  de  potasse;  le  savon  qui  en  résulte  constitue  le  | 

dégras.  •  j 

Pour  terminer  ces  longs  détails  techniques  ,  il  nous  reste  à  I 

dire  quelques  mots  des  maroquins.  Ce  n'est  que  vers  le  milieu  ' 

du  dernier  siècle  que  l'on  commença  en  France  à  teindre  quel-  ' 

ques  peaux.  Il  n'y  a  pas  encore  soixante  ans  que  nous  étions  i 

réduits  à  tirer  nos  beaux  maroquins  du  Levant  et  d'Angle-  : 

terre;  enfin  IVIM.  Paule  et  Kemph  fondèrent,  au  commence-  j 

ment  de  ce  siècle,  l'usine  de  Chuisy,  où  ils  obtinrent  les  beaux  i 

rouues  connus  encore  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  rou-  i 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  483 

ges  de  Choisy;  vers  1815  ou  1820,  on  sut  faire  les  bleus;  à  la 
même  époque,  en  imitant  les  procédés  allemands,  on  obtint,  à 
Strasbourg,  les  belles  teintes  mordorées  qui  furent  bientôt  si 
recherchées  pour  la  chaussure. 

L'introduction  du  vernis  aurait  pu  faire  grand  tort  à  la  fabri- 
cation des  maroquins,  si  on  ne  ifùt  arrivé  en  même  temps  à 
produire  de  beaux  chagrins  dont  la  reliure  fit  dès  lors  grand 
usage. 

On  confectionne  le  maroquin  avec  des  peaux  de  chèvre  et 
souvent  de  mouton.  On  fait  revenir  les  peaux  sèches  en  les  te- 
nant plongées  pendant  deux  à  quatre  jours  dans  de  l'eau  pro- 
venant d'une  opération  précédente;  on  les  écharne ,  on  les 
épile  à  la  chaux,  et  on  les  dégorge  en  les  faisant  digérer  pen- 
dant vingt-quatre  heures  dans  un  bain  de  son  aigri. 

Les  peaux  destinées  à  être  teintes  en  ronge  sont  choisies 
avec  beaucoup  de  soin,  sans  aucune  espèce  de  taches  et  par- 
faitement dépouillées  de  l'excès  de  chaux.  On  les  soumet  à  la 
teinture  avant  de  les  tanner  :  pour  cela  elles  sont  cousues 
deux  à  deux,  la  chair  en  dedans,  de  manière  à  former  un  sac; 
puis  elles  sont  passées  successivement  dans  un  bain  de  chlorure 
d'étain  et  dans  un  bain  de  cochenille.  Après  les  avoir  rincées, 
on  découd  une  partie  du  sac  et  on  y  introduit  du  sumac  en 
poudre,  on  y  insuiïle  de  l'air,  et,  après  avoir  ficelé  de  nou- 
veau l'ouverture  du  sac,  on  les  plonge  dans  un  bain  léger  de 
sumac,  où  des  ouvriers  l'agitent  pendant  quatre  heures.  Après 
le  passage  dans  un  second  bain  plus  chargé  de  sumac,  les  peaux 
sont  tannées. 

Les  maroquins  d'autres  couleurs  sont  tannés  au  sumac 
avant  de  passer  à  la  teinture;  la  couleur  noire  est  donnée  par 
de  l'acétate  de  fer,  le  bleu  par  une  dissolution  froide  d'indigo 
blanc,  le  jaune  par  une  dissolution  froide  dépine-vinette;  les 
violets  et  les  lilas  par  de  la  cochenille  appliquée  sur  des  peaux 
bleues. 

L'Exposition  de  lindustrie  est  extrêmement  riche  en  peaux 
sous  ditiêrents  états.  L'Angleterre,  dont  nous  rencontrons  les 
produits  à  l'entrée  de  l'Annexe,  compte  une  trentaine  d'expo- 
sants; les  cuirs  forts  sont  de  belle  qualité  et  d'un  poids  très- 
élevé  qui  sont  d'un  bon  usage,  surtout  pour  la  semelle  des 
chaussures  fortes.  L'écharnage  n'est  peut-être  pas  toujours  aussi 
complet  qu'il  devrait  être. 


i84  VISITE 

MM.  Peto  et  Bryan,  de  Westminsler,  présentent  des  cuirs 
for's  et  des  maroquins  obtenus  avec  la  même  peau  ,  en  dé- 
tachant, avant  le  tannage,  la  fleur  de  la  chair;  le  cuir  fort , 
quand  l'opéialion  est  bien  faite,  conserve  toute  sa  valeur, 
et  on  a,  comme  produit  supplémentaire,  la  fleur  qu'on  peut 
maroquiner. 

MM.  Wilson  ,  Walker  et  Cie ,  à  Leeds  (York),  ont  une  belle 
collection  de  maroquins,  des  couleurs  les  plus  variées,  pré- 
parés pour  la  reliure. 

M.  Clark,  à  Street,  M.  Deed .  à  Londres,  exposent  plusieurs 
peaux  de  mouton  préparées  avec  leur  laine,  qui  ne  laissent 
rien  à  désirer. 

La  Belgique  a  envoyé  de  bons  produits  bien  tannés,  soit 
avec  des  peaux  vertes ,  soit  avec  les  produits  importés  de 
Buenos-Ayres  et  du  Brésil.  M.  Massange  Nivolay,  à  Stavenot 
(Liège),  M.  Piret  Pauchet,  à  Namur,  conservent  la  réputation 
dont  ils  jouissent  à  si  juste  titre  en  Allemagne,  où  leurs  pro- 
duits sont  recherchés. 

M.  Taillet,  Boom  et  Cie,  à  Eureghem,  envoient  des  cuirs 
vernis.  Cette  industrie,  nouvellement  introduite  en  Belgique, 
y  réussit  bien  et  exporte  ses  produits  en  Angleterre  et  en 
Allemagne. 

Nous  retrouvons,  dans  l'exposition  suisse,  les  produits  re- 
marquables de  M.  Mercier  qui  lui  ont  déjà  valu  une  mé- 
daille de  prix  à  lExposition  de  Londres ,  comme  corroyeur. 
MM.  Hauser  nous  présentent,  l'un  des  cuirs  vernis,  l'autre 
des  cuirs  tannés  auxquels  on  ne  peut  rien  reprocher. 

Bien  que  quelques-uns  des  cuirs  forts  de  l'Allemagne  ne 
soient  pas  épilés  avec  tout  le  soin  désirable,  cette  contrée 
réussit  dans  plusieurs  articles  ;  les  vernis  sont  fabriqués  en 
grande  quantité  surtout  dans  le  Zollwerein ,  et  bien  qu'ils 
soient  peut-être  inférieurs  aux  nôtres  comme  qualité,  leur  bon 
marché  peut  nous  faire  une  concurrence  sérieuse.  L'Allema- 
gne est,  au  reste,  le  seul  pays  qui  puisse  nous  disputer  le  pre- 
mier rang  pour  cette  industrie  des  cuirs  vernis  pour  chaussu- 
res, dans  laquelle  l'Angleterre  s'est  peu  ou  point  engagée. 
Nous  avons  remarqué  dans  l'exposition  d'Autriche,  outre  un 
grand  nombre  de  bons  produits  appartenant  aux  Étals  alle- 
mands, des  cuirs  bien  préparés  envoyés  parle  royaume  lom- 
bardo-vénitien. 


A  1/EXPOSlTION  UNIVERSELLE.  485 

Nous  avons  en  France  une  exposition  des  plus  complètes, 
représentée  par  deux  cent  quarante  exposants.  Nous  avons, 
en  effet,  outre  nos  cuirs  forts  que  nous  faisons  aussi  bien  que 
l'Angleterre,  et  peut-être  mieux  que  l'Allemagne,  bien  qu'aux 
mêmes  prix,  plusieurs  spécialités  dans  lesquelles  nous  n'avons 
pas  de  rivaux. 

Nos  cuirs  de  veau  tannés  pour  fabriquer  les  tiges  de 
bottes,  sont  d'une  supériorité  universellement  reconnue,  et 
nous  les  exportons  même  en  Angleterre.  Cette  fabrication  est 
favorisée  par  la  bonne  qualité  de  nos  produits  indigènes,  et 
par  celle  de  nos  écorces  qui  donnent  un  tannage  blanc  et 
doux,  surtout  celle  du  chêne  vert  du  Midi,  qui  communique 
au  veau  et  à  la  chèvre  une  souplesse  toute  particulière. 

Nos  vernis  pour  sellerie  seraient  aussi  jugés  supérieurs  à 
ceux  des  Anglais,  s'ils  étaient  tous  semblables  a  ceux  de 
M.  Gauthier,  de  Paiis. 

Citons  dans  cette  industrie  iMM.  Dubois,  Ducruy,  Guillet. 
Hardy,  Giraud,  etc. 

M.  Dehaux-Lacour  ,  à  Guise  (Aisne) ,  expose  des  produits 
obtenus  par  les  nouvelles  méthodes  de  tannage  par  filtration, 
qui,  à  première  vue,  semblent  posséder  toutes  les  qualités 
des  cuirs  préparés  par  les  anciens  procédés. 

M.  Knoderer,  de  Strasbourg  ,  nous  montre  aussi  des  pro- 
duits fabriqués  en  trois  mois,  qui  semblent  de  bonne  qualité. 

M.  Pleunn,  de  Pont- Audemer  (Eure),  dédouble  les  peaux  de 
bœufs  et  de  vaches,  et  produit  ainsi  des  cuirs  d'épaisseurs 
difl'érentes,  qu'il  fait  employer  à  divers  usages. 

Les  parchemins  sont  aussi  représentés  à  l'Exposition  : 
M.  Berthault-Alademise  en  possède  une  belle  collection. 

Enfin,  Annonay  a  aujourd'hui  le  privilège  à  peu  près 
exclusif  de  la  préparation  des  chevreaux  pour  gants. 

Cette  industrie,  limitée  longtemps  à  l'emploi  des  peaux 
indigènes,  devint,  à  partir  de  4  827,  sous  l'intelligente  im- 
pulsion de  iM.  Boudard  père,  l'entrepôt  où  plusieurs  nations 
étrangères  envoyaient  des  peaux  pour  y  venir  ensuite  cher- 
cher des  gants. 

D'après  les  statistiques  les  plus  récentes,  les  fabriques 
d' Annonay,  si  bien  représentées  aux  Champs-Elysées  par 
MM.  Tracol,  Rouveure,  etc.,  fabriquent  annuellement  pour 
33  à  35  millions  de  gants,  dont  les  ^  s'exportent  en  Angle- 


486  VISITE 

terre  et  en  Amérique;  la  France  ne  consommait  que  1  de 
cette  énorme  production. 

Papiers. 

On  peut  juger  approximativement  l'état  de  prospérité  d'un 
pays  par  la  consommation  plus  ou  moins  grande  qu'il  fait  de 
certaine  produits.  Parmi  ceux-ci,  le  papier  peut  être  considéré 
comme  donnant  des  indications  fort  exactes.  Ce  n'est,  en  effet, 
que  lorsque  les  premiers  besoins  matériels  sont  satisfaits 
qu'on  songe  à  s'in^^truire  des  choses  passées  et  actuelles,  qu'on 
achète  des  livres  et  des  journaux  ;  il  y  a  donc  un  intérêt  réel 
à  étudier  la  marche  qu'a  suivi  le  développement  de  cette  in- 
dustrie qui  est  maintenant  arrivée  à  une  production  énorme 
qu'elle  dépassera  encore  bientôt. 

Les  Chinois  se  servent,  de  toute  antiquité,  d'un  papier  dit 
papier  de  riz ,  qui  est  formé  par  des  bandes  de  la  moelle  d'un 
arbre  particulier  découpées  en  lames  hélicoïdales  parallèle- 
ment à  l'axe  de  la  plante. 

Le  papyrus  d'Egypte  fut  employé  pendant  toute  l'antiquité 
à  la  fabrication  du  papier  ;  l'emploi  de  ce  produit  se  constate 
même  encore  en  Europe  au  x*  siècle;  des  bandes  de  fibres  de 
papyrus  étaient  entre-croisées,  puis  battues,  pressées  et  sé- 
chées,  suivant  la  finesse  des  fibres  employées  et  la  perfection 
du  travail  ;  le  papyrus  était  employé  à  différents  usages,  le 
hicratique  était  notre  papier  superfm;  lesaïtique,  la  qualité 
moyenne;  enfin  le  tenaïtique  était  surtout  propre  aux  em- 
ballages. 

En  Europe,  avant  l'introduction  du  papier  de  coton,  de 
lin  et  de  chanvre  qui  nous  arriva  d'Orient,  comme  presque 
tous  les  germes  de  nos  industries  actuelles,  on  se  servait  du 
parchemin  (peau  de  mouton),  ou  du  vélin  (peau  de  veau)  dont 
la  solidité  et  la  durée  sont  si  remarquables. 

L'Italie  et  TEspagne,  qui  avaient  au  moyen  âge  plus  de  re- 
lations que  le  nord  de  l'Europe  avec  les  Arabes,  commencè- 
rent à  fabriquer  le  papier  vers  le  xii«  siècle. 

Ce  ne  fut  qu'au  xiv  siècle  que  cette  industrie  prit  nais-, 
sance  en  France.  Comme  il  fallait  faire  concurrence  aux  peaux 
si  bien  préparées  dont  l'usage  était  général,  on  fut  obligé  de 
se  servir  de  chiffons  blanchis  par  des  procédés  plus  lents  que 


,   A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  487 

ceux  que  nous  employons  aujourd'hui,  mais  en  même  temps 
moins  dangereux  pour  la  solidité  des  fibres  végétales  ;  on 
collait  le  papier  à  la  gélatine,  et  on  obtenait  ainsi  des  pro- 
duits d'une  solidité  remarquable ,  comme  on  peut  le  voir 
dans  les  anciennes  éditions,  qui  ont  conservé  jusqu'à  nous 
leurs  qualités  primitives. 

Actuellement ,  tous  les  papiers  sont  fabriqués  avec  de 
vieux  chiffons  de  chanvre,  de  lin  et  aussi  de  coton  ;  on  em- 
ploie encore  en  Angleterre  et  en  France,  mais  surtout  dans 
celte  première  contrée,  une  grande  quantité  de  résidus  des 
fabriques  de  cordes. 

En  Angleterre,  la  quantité  de  chiffons  produite  annuelle- 
ment, qui  s'élève  cependant  à  82  millions  500  000  kilogrammes, 
est  loin  de  suffire  à  la  fabrication ,  aussi  l'importation  est- 
eile  de  8  millions  124  000  kilogrammes  ,  dont  la  moitié  pro- 
vient des  villes  Anséatiques. 

Les  papiers  anglais  seraient  d'une  mauvaise  consistance  si 
la  gran<ie  quantité  de  vieux  cordages  et  de  toiles  d'embal- 
lage qui  entrent  dans  la  fabrication  ,  ne  venaient  compenser 
la  masse  énorme  de  coton  consommé  dans  la  Grande-Bre- 
tagne, masse  qui  se  iransforme  entièrement  en  papiers. 

En  France,  en  1849,  d'après  M  Antoine  Firmin  Didot,  au- 
quel nous  empruntons  tous  ces  chiffres  intéressants',  on  n'em  - 
ploie  que  63  millions  de  kilogrammes  de  chiffons,  nous  avons 
moins  de  toiles  d'emballage  et  de  cordages,  mais  comme  le 
linge  de  chanvre  et  de  lin  est  plus  abondant ,  nos  matières 
premières  sont  supérieures  à  celles  des  Anglais.  Nous  trou- 
vons dans  la  quantité  de  chiffons  produite  en  France  et  en 
Angleterre  la  preuve  que  nos  populations  sont  décidément 
moins  aisées.  L'Angleterre  consomme  annuellement  par  tête 
3  kilogrammes  de  linge  ;  en  France,  2  kilogrammes  seulement. 

L'exporl,ation  des  chiffons  est  prohibée  en  France;  l'impor- 
tation ne  s'élève  qu'à  1  million  605  093  kilogrammes.  Par 
rapport  à  l'Angleterre ,  l'importation  est  dans  la  proportion 
de  4   à  5. 

On  emploie  deux  méthodes  bien  différentes  pour  trans- 
former les  chiffons  en  papier,  l'une  connue  sous  le  nom  de 

^ .  Travaux  de  la  Commission  fraïK^niise  à  lExposilion  de  Londres 
de  185». 


488  VISITE 

fabrication  continue,  c'est  la  plus  récente  et  celle  qui  donne 
maintenant  les  produits  les  plus  nombreux  ;  l'autre,  déjà  an- 
cienne, mais  encore  employée  dans  certains  pays  et  qu'on 
nomme  fabrication  à  la  cuve  ou  à  la  main. 

Occupons-nous  d'abord  de  la  fabrication  continue. 

Les  chiffons  sont  d'abord  triés  en  diverses  catégories,  sui- 
vaal  leur  propreté  et  leur  provenance  ;  ils  serviront  à  faire  des 
produits  de  valeurs  différentes. 

Les  premières  opérations,  qui  portent  le  nom  de  lessivage 
et  de  rinçage,  ont  pour  but  de  débarrasser  les  chiffons  des 
matières  étrangères  qui  les  salissent;  le  lessivage  se  fait  ordi- 
nairement au  moyen  de  cristaux  de  soude  qu'on  rend  caus- 
tiques au  moyen  de  la  chaux. 

Les  chiffons  déjà  lessivés  sont  soumis  à  l'action  de  cylin- 
dres armés  de  dents  qui  déchirent  et  séparent  les  fibres,  et 
qui  commencent  la  confection  de  la  pâte,  celte  opération 
porte  le  nom  de  déflage.  Pendant  le  défilage,  les  chiffons 
sont  complètement  lavés,  et  on  peut  procéder  à  leur  Uan- 
chiment,  qui  se  fait  au  moyen  du  chlore;  on  emploie  cet  agent 
énergique  presque  toujours  liquide  à  l'état  de  chlorure  de 
chaux,  l'usage  du  chlore  gazeux  est  réservé  à  certaines  pâtes 
spéciales.  C'est  au  chimiste  français  Berthollet  qu'on  doit  l'ap- 
plication des  propriétés  décolorantes  du  chlore  au  blanchi- 
ment du  papier.  La  pâte  blanchie  est  soumise  au  broyage, 
pendant  laquelle  elle  se  lave  complètement  et  prend  de  l'iio- 
mogénéité;  les  dernières  traces  de  chlore  étant  enlevées  par 
les  sulfites  alcalins,  la  pâte  est  colorée  ou  soumise  immédiate- 
ment au  collage,  quand  on  veut  l'employer  blanche.  En  An- 
gleterre, ce  collage  se  fait  à  la  gélatine  ;  en  France,  on  emploie 
de  préférence  une  colle  dite  végétale,  formée  de  colophane 
dissoute  dans  de  la  soude  caustique  à  laquelle  on  ajoute  de  la 
fécule  et  de  l'alun;  il  se  forme  une  combinaison  insoluble  qui 
est  la  base  de  ce  procédé  de  collage. 

La  pâte  liquide  et  décolorée  que  nous  avons  obtenue  doit 
être  enfin  transformée  en  papier;  elle  va  d'abord  passer  au  tra- 
vers de  grilles  métalliques  où  elle  se  tamise  en  se  débarras- 
sant des  parties  parfaitement  broyées  qui  formeraient  des 
inégalités  qu'il  faut  éviter.  La  pâle  tamisée  est  placée  sur  des 
toiles  métalliques,  où  elle  s'égoulte,  se  feutre  et  prend  de 
l'adhérence.  C'est  à  ce  moment  que  se  font  les  filigranes  par 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  489 

des  dessins  que  portent  les  toiles  métalliques,  ou  au  moyen 
d'un  cylindre  sur  lequel  les  dessins  sont  tracés  en  relief.  La 
pâte  refoulée  aux  endroits  où  elle  a  été  en  contact  avec  ces 
dessins  prend  dans  ces  points  une  épaisseur  moindre  ;  en 
opposant  le  papier  à  la  lumière  il  sera  facile  de  voir  les  ca- 
ractères lumineux  se  détachant  sur  un  fond  plus  opaque.  Elle 
passe  ensuite  entre  des  rouleaux  recouverts  de  drap  qui  ex- 
priment l'eau  dont  la  pâte  se  débarrasse  complètement  entre 
les  cylindres  sécheurs  :  ceux-ci  sont  en  fonte  et  chauffés  au 
moyen  de  la  vapeur  qui  circule  dans  leur  intérieur. 

Le  papier  terminé  est  confectionné,  mais  il  doit  être  encore 
soumis  à  différentes  opérations  avant  d'être  livré  à  la  con- 
sommation :  il  doit  être  lissé,  satiné  ou  glacé.  On  obtient  ces 
deux  premières  qualités  en  faisant  passer  entre  deux  cylindres 
plus  ou  moins  rapprochés  les  feuilles  de  papier  placées  elles- 
mêmes  entre  des  feuilles  de  carton  :  toutes  les  aspérités  du 
papier  disparaissent  dans  ce  nouveau  frottement,  et  on  ob- 
tient le  poli  que  demande  la  consommation;  le  poii  extra, 
le  glacé,  ne  peut  s'obtenir  qu'en  faisant  passer  le  papier  entre 
des  feuilles  de  cuivre  ou  de  zinc. 

L'invention  do  la  machine  à  papier  ne  date  que  de  la  fin 
du  xviir  siècle  ;  ce  fut  à  Essonne,  dans  la  papeterie  de  Fran- 
çois Didot,  que  furent  faits  les  premiers  essais  de  la  machine 
à  papier  continu. 

Les  circonstances  politiques  forcèrent  Didot  à  aller  en  An- 
gleterre chercher  des  moyens  de  construire  son  appareil.  Ce 
fut  seulement  en  1809  que  la  machine  fonctionna  régulière- 
ment. En  France,  la  première  fut  établie  à  la  papeterie  de 
Sorel,  près  Anet,  en  '1810. 

La  fabrication  du  papier  à  la  main  est  encore  en  usage 
dans  les  pays  peu  avancés,  et  même  chez  nous  pour  fabriquer 
certains  articles  spéciaux.  Ainsi  jusqu'à  présent  on  ne  peut 
fabriquer  autrement  les  papiers  buvards,  les  papiers  à  filtrer 
non  plus  que  les  papiers  à  lavis,  qui  exigent  le  collage  à  la 
gélatine  par  l'ancien  procédé,  collage  qui  ne  s'exécute  que 
lorsque  la  feuille  est  fabriquée. 

Il  est  rare  maintenant ,  même  dans  le  procédé  de  fabrica- 
tion à  la  main,  qu'on  soumette  les  chiffons  à  la  fermentation 
putride  connue  sous  le  nom  de  pourrissage,  ou  à  la  pile, 
comme  dans  le  nouveau  procédé,  on  blanchit  au  chlore  et  on 


490  VISITE 

termine  la  pâte  aux  hocards ,  système  de  maillets  qui ,  sou- 
levés par  des  coins,  retombent  à  intervalles  égaux  sur  la 
pâte  et  la  triturent  complètement. 

La  trituration  terminée,  un  ouvrier  en  place  les  produits  sur 
une  forme  composée  d'un  cadre  rectangulaire  de  bois,  muni 
dans  toute  sa  longueur  de  fils  de  lailon  assez  rapprochés;  au 
moyen  d'un  mouvement  de  va-et-vient,  il  étale  sa  pâte  sur  sa 
forme  et  la  distribue  à  peu  près  également;  la  feuille,  d'abord 
égouttée  légèrement,  est  retournée  sur  une  feuille  de  feutre, 
unspcond  feutre  est  placé  au-dessus  de  la  feuille  de  papier, 
puis  encore  du  papier  et  encore  du  feutre,  jusqu'à  ce  qu'on 
obtienne  une  pose ,  qui  est  alors  soumise  à  l'action  de  la 
presse.  Le  papier  séché  à  l'air  libre  est  collé,  puis  apprêté  et 
livré  à  la  consommation. 

Nous  venons  de  voir  que  la  fabrication  du  papier  reposait 
exclusivement  sur  les  chiffons.  La  masse  énorme  de  ces  ma- 
tières importées  déjà  en  Angleterre,  prouve  qu'il  y  a  en  ce 
pays  une  inégalité  manifeste  entre  la  production  des  chiffons 
et  la  demande  pour  la  fabrication  du  papier.  Cet  état  de 
choses  ne  fera  qu'augmenter  encore;  les  populations  s'éclai- 
rent de  plus  en  plus,  il  leur  faudra  des  journaux  et  des  livres 
plus  nombreux.  Il  serait  donc  de  toute  importance  de  trouver 
un  procédé  économique  pour  transformer  en  pâte  à  papier 
certains  végétaux  abondants  soit  en  France,  soit  même  à 
l'étranger.  Jusqu'à  présent  on  n'avait  pas  pu  y  réussir,  les 
frais  de  défilage  et  de  blanchiment  surtout  étaient  trop  consi- 
dérables. On  nous  assure  cependant  que  MM.  Yelli  et  Louvié 
viennent  de  résoudre  le  problème,  et  qu'ils  vont  exposer  des 
papiers  obtenus  avec  des  plantes  communes  et  non  encore 
employées,  telles  que  les  joncs  des  marais,  le  jonc  à  pail- 
lassons ou  scirpus,  le  typha  ou  roseau,  le  sparganicum  ou 
ruban  d'eau.  Il  n'est  pas  besoin  d'appuyer  sur  les  avantages 
énormes  que  procurerait  cette  nouvelle  industrie  qui  permet- 
trait à  la  papeterie  de  prendre  tout  son  essor  et  de  n'être 
plus  arrêtée  par  la  production  des  chiffons  nécessairement 
limitée.  La  fabrication  du  papier  à  bon  marché  est  certaine- 
ment un  des  problèmes  dont  la  solution  serait  des  plus  avanta- 
geuses pour  l'instruction  etlamoralisation  des  classes  pauvres. 

Les  papiers  sont  exposés  presque  tous  dans  la  galerie  nord 
de  l'Annexe. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  491 

Les  produits  exposés  devaient  être  et  sont  en  effet  remar- 
quables, mais  rien  de  bien  nouveau  n'a  frappé  nos  regards. 

MM.  FirminDidot  exposent  des  échantillons  obtenus  à  l'aide 
d'un  blanchiment  plus  rapide  :  le  nouveau  procédé  consiste  à 
faire  arriver  dans  la  pile  à  blanchir  un  courant  d'acide  carbo- 
nique qui  décompose  le  chlorure  de  chaux  et  met  le  chlore  en 
liberté;  l'action  est  ainsi  plus  rapide. 

La  papeterie  du  xMarais  et  de  Sainie-Marie  montre  un  grand 
nombre  d'échantillons  de  papiers  filigranes  pour  valeurs  ; 
cette  spéciabté  prend  maintenant  une  grande  importance, 
puisque  c'est  la  seule  chose  que  la  photographie  ait  de  la 
peine  à  reproduire  exactement ,  et  que  c'est  seulement  à 
l'aide  des  hligranes  qu'il  est  possible  de  distinguer  un  billet 
de  banque  réel  d'un  billet  imité  par  la  photographie. 

MM.  Bianchet  frères  etKléber,  à  Rives  (Isère),  exposent  une 
belle  collection  de  papiers  à  la  cuve  et  à  la  mécanique;  celte 
maison  a  la  spécialité  de  cartons  préparés  avec  des  matières 
animales  pour  les  gargousses  d'artillerie. 

Angouléme  conserve  sa  vieille  réputation.  M.  Chetenet  s'est 
attaché  aux  papiers  de  filigrane. 

MM.  Lacroix ,  les  lauréats  de  la  Charente  ,  exposent  encore 
des  produits  remarquables. 

Le  Puy-de-Dôme  reste  fidèle  au  papier  à  la  cuve  avec 
M.  Gombeyre  Thouvuilhas.  Les  Vosges  réunissent  les  deux 
fabrications. 

M.  Glenisson  et  Van  Genechlew,  d'Anvers  ,  envoient  des 
papiers  de  toutes  sortes.  M.  Godm  de  Huy ,  sur  la  Meuse, 
expose  des  rouleaux  formidables  de  plus  d'une  lieue  de  lon- 
gueur. La  machine  à  fabrication  continue  explique  au  reste  la 
fabrication  de  celte  feuille  de  papier  gigantesque. 

La  Bavière ,  la  Prusse  ,  l'Autriche  envoient  de  bons  pro- 
duits auxquels  il  serait  trop  long  de  nous  arrêter.  En  Angle- 
terre, la  fabrique  de  M.  HooUingworth,  à  Maidstorne  (Kent), 
envoie  une  collection  complète  de  tous  les  genres  de  papier. 

Le  ministre  du  commerce  anglais  a  exposé  aussi  une  série 
de  produits,  dans  lesquels  passent  les  cordages  de  rebut  pour 
être  transformés  en  papier  d'emballage. 

M.  Louis  Pielte,  au  Pont-d'Oie,  près  Arlon  (Belgique),  ex- 
gose  une  belle  collection  de  papiers  de  paille.  Le  Journal  des 
fabricants  de  papier,  imprimé  sur  papier  de  paille  pur,  pré- 


i92  VISITE 

sente  un  grand  progrès  sur  les  papiers  fabriqués  sans  chif- 
fons. 

Nous  empruntons  encore  à  l'excellent  rapport  de  M.  Firmin 
Didot  quelques  chiffres  sur  l'état  de  la  fabrication  du  papier 
chez  les  différentes  nations  qui  ont  envoyé  des  produits  à 
l'Exposition. 

L'Afrique  et  l'Asie  ne  possédaient,  en  1851,  qu'une  papeterie 
chacune  ,  l'une  près  du  Caire,  l'autre  près  de  Smyrne.  L'A- 
mérique du  Sud  n'en  a  pas. 

La  production  annuelle  flel'Angleterre  a  été  de  62  960  000  ki- 
logrammes en  1850,  représentant  une  valeur  de  70  millions 
de  francs.  L'Ecosse  produit  14  300  009  kilogrammes,  et  l'Ir- 
lande un  peu  plus  de  3  millions  de  kilogrammes. 

Les  Royaumes  Unis  possèJent  i03  machines  sans  fin  et 
400  cuves. 

En  France,  nous  avons  210  machines  et  250  cuves,  et  nous 
ne  produisons  annuellement  que  il  680  000  kilogrammes;  c'est 
donc  30  millions  que  la  Grande-Bretagne  produit  de  plus  que 
nous. 

LeZollwerein  possède  890  papeteries  ayant  -140  machines  à 
papier  fabriquant  environ  25  200  000  kilouTammes. 

L'Autriche  fabrique  13  millions  de  kilogrammes  et  la  Suisse 
en  fabrique  autant,  qu'elle  consomme  entièrement  chez  elle. 

Si  on  admet  comme  réel  ce  que  nous  avons  dit  au  commen- 
cement de  cet  article,  en  réduisant  la  comparaison  à  la  France 
et  à  l'Angleterre,  nous  trouvons  que  chaque  habitant  du 
Royaume-Uni,  l'exportation  étant  déduite  des  deux  parts, 
consomme  2  kilogrammes  5  de  papier,  tandis  qu'en  France 
chaque  habitant  n'en  consomme  que  1  kilogramme. 

Ainsi  la  nation  anglaise  serait  dans  une  position  matérielle 
deux  fois  meilleure  que  la  nôtre;  ces  chiffres  n'ont  pas  une 
valeur  absolue,  mais  en  rapprochant  ce  qu'ils  indiquent  de 
ce  qui  ressort  de  tous  les  autres  objets  de  consommation,  on 
voit  de  la  façon  la  plus  nette  que  l'Angleterre  est  dans  un  état 
de  richesse  et  de  pro--péritébien  supérieure  celui  delà  France. 

Tabacs. 

On  attribue  généralement  à  Jean  Nicot  l'introduction  du 
tabac  en  France;  cependant  Thivet,  qui  visita  l'Amérique 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  i93 

bien  avant  Nicot,  réclame  la  priorité  dans  un  gros  in-folio 
publié  en  1517  : 

((  Je  me  puis  vanter  avoir  esté  le  premier  en  France  qui  a 
apporté  la  graine  de  cette  plante,  et  pareillement  semée,  et 
nommée  ladite  plante  l'herbe  angoumoise.  Depuis,  un  quidam 
qui  ne  fit  jamais  le  voyage,  quelques  dix  ans  après  que  je 
fus  de  retour,  lui  donna  son  nom.  » 

Quoi  qu'il  en  soit,  jamais  une  plante  n'a  eu  une  destinée 
aussi  accidentée  que  le  tabac.  Au  x\iv  siècle,  Urbain  Vill 
excommunie  lespriseurs;  les  empereurs  de  Russie  leur  cou- 
pent le  nez,  le  sultan  Amurath  IV  condamne  les  fumeurs  à 
mort,  et  malgré  ces  persécutions  ou  peut-être  à  cause  d'elles, 
la  consommation  du  tabac  va  toujours  en  croissant  avec  une 
rapidité  extraoïdinaire.  Depuis,  les  gouvernements,  au  lieu 
de  proscrire  l'usage  du  tabcic,  s'en  sont  faits  marchands,  et  la 
France  à  elle  seule  a  gagné  aux  impôts  établis  sur  cette  ma- 
tière, en  cinquante-neuf  ans,  de '1811  à  1850,  plus  de  deux 
milliards  ! 

Le  tabac  estune  plante  annuelle  qui  se  reproduit  par  semail- 
les; celles-ci  se  font  ordinairement  à  la  fin  de  mars;  au  bout  de 
deux  mois  les  plantes  sont  assez  fortespour  être  transplantées; 
lorsque  les  feuilles  commencent  à  se  couvrir  de  taches  jaunes, 
le  moment  de  la  récolte  est  venu ,  on  coupe  les  feuilles  ou  les 
tiges,  on  les  fane  et  on  les  sèche  pendant  plusieurs  mois,  on 
réunit  alors  les  feuilles  en  manoques  de  dix  à  douze,  et  on  en 
forme  des  masses,  recouvertes  de  planches  légèrement  pres- 
sées. Nous  avons  à  l'Exposition  de  nombreux  échantillons  de 
ces  manoques;  la  manufacture  impériale  des  tabacs  de  Vienne 
on  montre  une  belle  collection,  remarquable  surtout  par  la 
longueur  des  feuilles. 

Quand  letabac  estarrivé  à  cetélaf,  ilest  trié  en  diverses  ca- 
tégories, suivant  la  fabrication  spéciale  à  laquelle  il  est  destiné. 

Les  tabacs  présentent  des  propriétés  très-diverses,  suivant 
les  espèces;  le  principe  actif  qu'ils  renferment,  la  nicotine, 
se  trouve  en  quantités  très- variables  aussi:  nos  tabacs  fran- 
çais en  contiennent  de  6  à  7  pour  1 00,  tandis  que  le  Maryland 
n'en  renferme  que  2  pour  100. 

Nos  tabacs  à  priser  et  à  fumer  sont  toujours  des  mélanges 
de  différentes  espèces;  les  cigares  sont  au  contraire  souvent 
fabriqués  avec  des  es[-èces  uniques. 


494  VISITE 

Nos  manufactures  françaises  font  un  tabac  à  priser  qui 
jouit  d'une  grande  réputation.  Il  se  fabrique  en  grandes 
masses  de  plusieurs  milliers  de  kilogrammes  à  la  fuis;  on  choi- 
sit pour  cette  fabrication  des  tabacs  cor=és  comme  le  Virginie, 
et  des  tabacs  forts  comme  nos  tabacs  français.  Le  premier 
donne  l'arôme,  les  derniers  produisent  le  montant. 

Les  feuilles  de  tabac,  après  avoir  été  mouillées  avec  de 
l'eau  légèrement  salée,  sont  hachées  ,  puis  réunies  en  masse 
de  quatre  mètres  de  haut  sur  quatre  à  cinq  mètres  de  large; 
ces  masses  fermentent  lentement ,  une  partie  de  la  nicotine 
se  détruit  en  dégageant  des  sels  ammoniacaux;  on  active  ou 
on  ralentit  cette  fermentation  en  permettant  ou  empêchant  le 
contact  de  l'air.  Au  bout  de  cinq  ou  six  mois  on  démolit  les 
masses;  et  on  procède  au  râpage  au  moyen  de  grands  moulins 
analogues  à  des  moulins  à  café. 

Le  mélange  des  diverses  espèces  de  tabac  ,  l'habileté  avec 
laquelle  on  a  fait  marcher  la  fermentation  conduisent  à  une 
réu.ssite  plus  ou  moins  parfaite  ;  un  bon  tabac  à  priser  doit 
présenter  de  la  force  qui  est  produite  par  les  sels  ammonia- 
caux, et  en  même  temps  du  montant  qui  est  dû  à  la  nico- 
tine. 

Pour  fabriquer  le  tabac  à  fumer  on  hache  les  feuilles  après 
les  avoir  écotées,  puis  on  les  sèche  d'abord  sur  des  tables  de 
tôle,  dans  lesquelles  circule  de  la  vapeur  à  120  degrés;  cette 
opération  produit  le  frisé  que  ne  donnerait  pas  une  dessica- 
tion  a  l'air  libre;  le  tabac  est  ensuite  séché  dans  des  chambres 
où  règne  une  température  de  20  degrés. 

Notre  tabac  ordinaire  à  fumer,  notre  caporal  jouit  à  l'étran- 
ger d'une  grande  réputation  ainsi  que  notre  tabac  à  priser. 

On  ne  fabrique  en  France  que  les  cigares  inférieurs  du 
prix  de  5  et  de  10  centimes;  tous  les  cigares  plus  chers  sont 
achetés  tout  fabriqués  à  l'étranger. 

Les  feuilles  employées  à  la  fabrication  des  cigares  sont  de 
deux  espèces  :  les  feuilles  d'intérieur  et  les  feuilles  pour  robes  ; 
celles-ci  doivent  être  aussi  grandes  que  possible  et  avoir 
belle  apparence. 

Les  feuilles  d'intérieur,  légèrement  humides  afin  d'être  sou- 
ples, sont  réunies  par  la  cigarière  de  façon  à  leur  donner  à 
peu  j)rès  la  forme  d'un  cigare;  elle  les  entoure  d'abord  d'un 
morceau  plus  grand  qu'on  appelle  cape,  puis  de  la  robe  qui 


A  L'EXPOSITIOTs'  UNIVERSELLE.  495 

recouvre  le  tout,  et  dont  elle  contourne  l'extrémité  qu'elle  fixe 
au  moyen  d'une  goutte  de  gomme. 

Les  cigares  doivent  être  fumés  aussi  secs  que  possible  ; 
aussi  le  gouvernement  les  laisse-t-il  assez  longtemps  dans 
des  boîtes  avant  de  les  livrer  au  commerce;  les  débitants  les 
conservent  eux-mêmes  pendant  plusieurs  mois,  et  enfin  les 
amateurs  achètent  leurs  cigares  parfois  plusieurs  années 
d'avance;  dans  les  pays  du  Nord,  surtout  en  Belgique  où  les 
tabacs  ne  sont  pas  soumis  à  une  régie  comme  en  France,  il 
n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  collections  de  plusieurs  mil- 
liers de  cigares. 

Nous  trouvons  dans  un  article  intéressant  de  M.  Frém.y, 
longtemps  professeur  à  la  manufacture  des  tabacs  de  Paris, 
les  chiffres  suivants,  pour  la  vente  en  i  847  : 

6774  000  kil.    de  poudres; 

10  3i9  000  de  tabacs  à  fumer; 

44  000  rôles  minces  filés; 

281  000  gros  rôles  ; 

7  685  carottes  à  râper  ; 

435  339  carottes  à  fumer  ; 

1 7o  000  cigares  havanes  ; 

515  408  cigares  français. 

Le  produit  brut  de  la  vente  a  été  de  M  5  779  000  fr.  Le  bé- 
néfice net,  de  85  900  000  francs. 

Il  résulte  de  la  comparaison  de  ces  chiffres  à  ceux  de  plu- 
sieurs années  précédentes,  que  la  fabrication  de  la  poudre  est 
à  peu  près  stationnaire,  que  celle  des  tabacs  à  mâcher  et  à 
râper  tend  à  décroître,  que  celle  du  tabac  à  fumer  et  des  ci- 
gares augmente  considérablement. 

En  Algérie,  la  culture  du  tabac  commence  à  faire  de  rapides 
progrès  et  pourra  devenir  une  grande  source  de  richesses  pour 
cette  colonie,  les  achats  qu'y  fait  le  gouvernement,  s'accrois- 
sant  d'une  façon  remarquable  chaque  année  ;  ainsi,  en  1845, 
les  achats  avaient  été  seulement  de  85  190  kil: ,  tandis  qu'ils 
s'élevaient  à  plus  de  400  000  kil.  deux  ans  après  ,  en  1847. 

Au  Palais  de  l'Industrie,  l'Algérie  a  envoyé  quelques  échan- 
tillons de  cigares  et-  de  tabac  exposés  à  l'extrémité  de  la  ga- 
lerie sud  de  l'Annexe.  On  comprend  qu'il  est  dilficile  d'ap- 
précier la  valeur  de  ces  produits  à  travers  les  caisses  qui  les 


496  VISITE 

renferment,  mais  nous  avons  admiré  la  prodigieuse  variété 
d'espèces  de  cigares  exposés;  ce  serait  peut-être  un  exemple 
à  suivre  pour  nos  manufactures  impériales  dont  le  catalogue 
n'est  pas  varié. 

L'Allemagne  a  de  belles  expositions  de  tabac,  et  il  devait  en 
être  ainsi;  la  douce  ivresse  du  tabac  convient  spécialement  à 
la  rêverie  de  nos  voisins  du  Rhin  ;  la  manufacture  impériale 
de  Vienne  a,  dans  le  bas  côté  nord  de  l'Annexe,  une  fort  belle 
et  fort  grande  vitrine. 

Les  tabacs  prussiens  sont  représentés  par  sept  exposants 
qui  ont  de  petits  cigares  jaunes  et  clairs  pour  dames,  et  de  for- 
midables et  noirs  régalias  pour  les  liommcs  sérieux. 

Les  États-Unis  d'Amérique  ne  nous  envoient  aucun  échan- 
tillon de  tabacs,  cependant  nous  importons  de  ce  pays  des 
quantités  considérables  de  produits  de  choix;  en  27  ans, 
de  \Si\  à  1847,  les  États-Unis  ont  vendu  à  l'Europe  pour 
470  millions  de  tabac. 

Caoutchouc. 

On  désigne,  sous  le  nom  de  caoutchouc ,  un  principe  immédiat 
contenu  en  dissolution  dans  le  suc  laiteux  de  plu-ieurs  plantes 
de  l'Amérique  du  Sud  et  des  Indes  Orientales.  Ce  sont  sur- 
tout les  grands  arbres  de  la  famille  des  orties  et  des  euphor- 
bes qui  le  fournissent  en  plus  grande  abondance.  A  Java,  à 
Assam,  à  Sincapore,  le  caoutchouc  se  retire  de  différents 
figuiers  et  particulièrement  du  ficus  elastica.  Au  Brésil  et  à  la 
Guyane,  on  l'extrait  du  siphonia  cahucha.  C'est  même  de 
cetie  dernière  variété  qu'il  tire  son  nom. 

Pour  se  procurer  le  caoutchouc,  les  Indiens  pratiquent  sur 
l'écorce  de  ces  arbres  de  profondes  incisions,  tout  autour  du 
tronc,  depuis  la  base  jusqu'aux  branches  les  plus  élevées,  et 
ils  reçoivent  dans  des  callebasses  ou  dans  de  grandes  feuilles 
ployées  en  bonnet  le  suc  laiteux  qui  s'en  écoule.  Abandonnée 
à  elle-même,  cette  sève  s'épaissit  peu  à  peu  par  suite  de  la 
lente  évaporation  de  l'eau  qu'elle  renferme,  devient  visqueuse 
et  collante,  et  finit  par  se  figer  en  une  matière  solide  éminem- 
ment élastique. 

Comme  une  pareille  évaporation  exige  beaucoup  de  temps, 
surtout  quand  il  s'agit  de  solidifier  une  grande  masse  de 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  497 

liquide,  il  arrive  souvent  que  pour  la  l'ondre  plus  rapide  ,  les 
naturels  du  pays  confectionnent  des  moules  eu  terre  qu'ils 
immergent  successivement,  et  un  grand  nombre  de  fois,  dans 
le  suc  convenablement  épaissi.  Lorsqu'ils  jugent  le  dépôt  de 
caoutchouc  assez  abondant,  ils  brisent  le  moule  et  en  font 
sortir  les  fragments  par  une  ouverture  ménagée.  C'est  du 
moins  ainsi  qu'est  préparé  le  caoutchouc  en  poires,  qu'on 
trouve  dans  le  commerce. 

Malgré  les  incertitudes  qui  régnent  encore  sur  la  date  réelle 
à  laquelle  le  caoutchouc  fut  connu  en  Europe,  ii  parait  que  ce 
fut  un  certain  Fresneau  qui  en  fit  la  découverte  à  Gayenne  ; 
cependant,  c'est  véritablement  du  célèbre  Lacondamine  qu'on 
reçut,  en  '1751  ,  la  première  description  scienlitique  de  cette 
substance. 

Tel  qu'il  nous  est  expédié  de  l'Améiique  et  de  l'Asie,  le 
caoutchouc  contient  beaucoup  d'impuretés.  L'espèce  noire 
surtout,  qui  nous  arrive  de  Java,  est  souillée  de  pierres  et  de 
débris  de  bois  qui  la  rendent  tout  à  fait  impropre  à  la  fabii- 
cation.  On  épure  maintenant  le  caoutchouc  en  le  faisant  passer 
dans  les  broyeurs  mécaniques,  dont  M.  Couturier,  mécan  cien, 
expose  un  petit  modèle  dans  la  galerie  des  machines  du  Palais 
de  l'Industrie. 

Le  broyeur  se  compose  de  deux  cylindres  cannelés  dis- 
posés horizontalement  et  animés  d'un  mouvement  circulaire, 
de  sorte  que  le  caoutchouc  brut  qui  a  subi  l'étreinte  de  ces 
puissantes  machines  se  trouve  débarrassé  des  pierres,  et  con- 
verti en  une  feuille  rugueuse  qu'une  courte  ébiiliition  dans 
un  bain  alcalin  suffit  pour  épurer  entièrement.  En  compri- 
mant fortement,  dans  un  cylindre  de  fonte,  un  grand  nombre 
de  ces  feuilles,  on  les  sou  Je  ensemble  de  manière  à  en  faire 
des  blocs  cylindriques  d'une  giande  homogénéité  qui  servent 
ensuite  de  matière  première  aux  objets  de  fabricatiun. 

La  matière  transportée  sur  la  machine  à  couteau  horizontal 
dont  M.  Guibalest  l'inventeur,  ou  sous  le  tranchant  du  cou- 
teau circulaire  exposé  par  M.  Couturier,  on  en  fabrique  à 
volonté  les  feuilles  qui  sont  employées  dans  la  confection  des 
étoffes,  ou  les  rubans  qui  sont  plus  tard  convertis  en  fils. 
•  C'est  au-si  avec  succès  qu'on  fait  u-age  de  caoutchouc  dis- 
sous dans  certaines  huiles  essentielles,  pour  enduire  les  sur- 
faces des  tisïus  légers,  et  les  rendre  imperméables  à  l'eau 
205  gg 


498  VISITE 

sans  en  augmenter  sensiblement  le  poids,  ni  en  altérer  la  sou- 
plesse. 

Malgré  les  résultats  déjà  acquis,  l'industrie  du  caoutchouc 
était  néanmoins  condamnée  à  périr  à  cause  de  l'état  instable 
des  objets  qui  sont  confectionnés  avec  cette  substance.  Le 
caoutchouc,  en  effet,  se  durcit  par  le  repos  et  le  froid,  et  se 
ramollit  par  le  maniement  et  la  chaleur.  Tel  produit  qui  trou- 
vait son  emploi  en  été  devenait  donc  inutile  dans  une  saison 
moins  chaude..  Cette  restriction  était  un  inconvénient  qu'il 
fallait  conjurer,  puisqu'il  paralysait  la  nouvelle  industrie  dans 
son  essor  même.  On  y  parvint  fort  heureusement  à  l'aide  de 
la  vulcanisation.  On  appelle  ainsi  une  opération  qui  consiste 
à  immerger  les  feuilles  de  caoutchouc  dans  un  bain  de  soufre 
fondu.  L'agent  chimique  se  combine  en  petites  proportions  au 
caoutchouc,  et  en  mitigé  les  propriétés  de  manière  à  le  rendre 
aussi  insensible  aux  chaleurs  tropicales  qu'aux  hivers  les 
plus  rigoureux. 

Les  usages  du  caoutchouc  vulcanisé  sont  immenses.  On  en 
fait  des  tampons  de  machines,  des  rondelles  pour  cylindres, 
des  courroies ,  des  tuyaux  de  toute  dimension,  des  appareils 
chirurgicaux,  des  coussins  électriques,  des  robinets,  des  fils, 
des  rouleaux,  des  ressorts,  des  vêtements  de  toute  es- 
pèce, etc.,  etc. 

En  forçant  la  vulcanisation,  c'est-à-dire  en  ajoutant  à  une 
pâte  de  caoutchouc  le  cinquième  environ  de  son  poids  de 
fleurs  de  soufre,  et  chautfant  le  mélange  à  150  degrés, 
M.  Goodyear  vient  de  nous  doter  d'un  nouveau  produit  dur 
et  rigide  comme  le  marbre,  et  susceptible  aussi  d'un  beau 
poli.  Les  applications  variées  auxquelles  il  a  su  faire  con- 
courir sa  précieuse  découverte  nous  font  pressentir  un  bel 
avenir  pour  cette  industrie  naissante. 

On  peut  en  juger  déjà  par  la  brillante  exposition  que  pos- 
sède au  palais  des  Champs-Elysées  la  Compagnie  qui  exploite 
ses  procédés.  C'est  avec  ètonnement  qu'on  admire  ces  man- 
ches de  couteau  sculptés,  ces  crosses  de  fusil  ornées  de  sujets 
moulés  avec  art,  ces  jumelles  de  théâtre  et  mille  autres  arti- 
cles d'optique  et  de  tabletterie,  autrefois  l'apanage  de  Tébène 
et  du  buftle ,  aujourd'hui  entièrement  confectionnés  avec 
le  caoutchouc  durci  de  M.  Goodyear.  On  y  remarque  aussi, 
faits  avec  la  même  substance,  des  meubles  richement  dorés, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  i99 

des  bijoux  montés  de  perles  fines,  des  plats  à  dessins  chinois, 
des  instruments  de  musique,  tels  que  violons  et  clarinettes, 
des  candélabres,  une  maciiine  électrique  très-remarquable, 
et  dans  un  ordre  de  produits  plus  usuels,  des  cravaches  et 
dés  cannes  très-flexibles,  plusieurs  instruments  de  chirurgie, 
des  poudrières  et  autres  objets  de  chasse;  diverses  mesures 
métriques,  des  moUelies  à  imprimer,  des  bobines  et  des  na- 
vettes, des  peignes  ordinaires  et  des  peignes  à  tisser,  rempla- 
çant avec  avantage  ies  mêmes  instruments  en  fer,  si  oxyda- 
bles par  l'air  humide. 

M.  Goodyear  expose  aussi  des  planches  de  caoutchouc  durci 
destinées  au  doublage  des  navires  et  qui,  par  leur  bas  prix  et 
leur  légèreté  pourront,  dit-on,  être  substituées  aux  feuilles  de 
cuivre  actuellement  en  usage. 

La  librairie  n'a  point  été  oubliée  dans  cette  riche  collection, 
et  l'on  peut  apprendre  l'histoire  de  la  fabrication  merveil- 
leuse qui  nous  occupe  dans  un  livre  imperméable,  dont  les 
feuillets  en  caoutchouc  vulcanisé  sont  revêtus  d'une  élégante 
reliure  en  même  matière  durcie.  Quoiqu'il  soit  à  regretter 
qu'une  pareille  innovation  arrive  quatre  mille  ans  après  le 
déluge,  nous  n'appelons  pas  moins  sur  elle  l'attention  des 
baigneurs  qui  aiment  à  goûter  dans  l'onde  les  plaisirs  de  la 
lecture. 

La  Compagnie  américaine  présente  également  une  inté- 
ressante exposition  de  caoutchouc  simplement  vulcanisé.  Il 
s'y  trouve  des  cartes  géographiques  imprimées,  des  étoffes  et 
des  vêtements  divers  ,  et  parmi  les  jouets  d'enfant,  des  chiens 
et  des  oiseaux  donnant  de  la  voix  par  la  simple  pression  des 
doigts  sur  le  corps.  Il  y  a  également  de  somptueux  matelas  à 
eau  chaude. 

Enfin  ,  le  service  militaire  y  possède  des  tentes  imperméa- 
bles et  des  pontons  dune  confection  très-soignée. 

Cette  Compagnie,  dans  sa  féconde  initiative  ,  ne  s'est  pas 
contentée  de  trouver  les  moyens  de  soulager  le  souffrant, 
d'égayer  l'enfance,  de  mettre  à  l'abri  des  dangers  de  l'inon- 
dation le  manuscrit  du  poète  ou  les  archives  des  peuples, 
elle  a  aussi  pensé  à  venu-  eu  aide  à  certaines  infirmités.  Le 
nouveau  système  de  chaussure  qu'elle  a  créé  en  est  la  preuve 
irrécusable,  et,  bàtons-nous"  de  le  dire,  l'énigme  la  plus 
subtile  pour  tous  les  curieux  qui  l'admirent.  Les  rondelles  en 


500  VISITE 

caoutchouc  gris  qui  sont  disséminées  dans  la  semelle  des 
bottines  font  naître  véritablement  les  conjectures  les  plus 
bizarres,  à  tel  point  que  beaucoup  de  personnes  se  figurent 
être  en  présence  de  porte-monnaie  suspendus  avec  artifice  à 
la  partie  de  l'habillement  la  moins  susceptible  dètre  oubliée 
et  celle  aussi  qui  dans  la  foule  ne  redoute  point  l'invasion 
d'une  main  étrangère.  Pour  d'autres  esprits  ce  système  est 
une  véritable  mystilication.  C'est  même  notre  opinion  au- 
jourd'hui que  nous  avons  appris  que  ces  rondelles  ne  sont 
que  des  soupapes  qui  ventilent  l'intérieur  de  la  chaussure, 
par  la  pression  que  le  pied,  en  mouvement,  exerce  tur 
elles. 

Quant  aux  bateaux^  dits  de  sauvetage  ou  insubmersibles, 
s'ils  n'ont  point  à  redouter  l'impétuosité  des  vagues,  au  moins 
nous  paraissent-ils  craindre  l'angle  du  récif  ou  la  dent  de 
quelque  hôte  marin.  Si  curieux  qu'ils  soient,  ils  ne  peuvent 
cependant  rivaliser  avec  celui  que  M.  Edmiston  ,  de  Londres, 
a  fabriqué  et  que  tout  le  monde  voudra  voir.  Il  faut  d'ailleurs 
reconnaître  que  notre  alliée  d'outre-mcr  a  montré  celte  fois , 
dans  son  exposition  de  caoutchouc,  une  réserve  à  laquelle 
elle  ne  nous  avait  pas  toujours  accoutumés,  et  que  s'il  n'y  a 
que  deux  ou  trois  exposants  anglais  qui  soient  entrés  dans  la 
lice,  au  moins  ce  sont  autant  de  champions  qui  peuvent 
rompre  une  lance.  Le  Palais  de  l'Industrie  n'a,  en  effet,  rien 
à  opposer,  pour  le  bon  marché  uni  au  confortable,  aux  pa- 
letots imperméables  de  M.  Wansbrough  :  vêtements  de  bon 
goût  que  nos  lions  des  boulevards  s'honoreront  de  porter  cet 
hiver.  Confectionnés  avec  une  étoffe  Orléans  de  couleur  très- 
variée  et  une  doublure  d'une  imitation  de  drap  gris  ou  mar- 
ron fort  heureuse,  ces  par-dessus  contrastent  très- agréable- 
ment avec  l'aspect  monotone  des  caoutchoucs  français. 

En  Belgique,  au  moins,  les  manteaux  imperméables  que 
nous  payons  à  Paris  45  à  20  fr.  ne  valent  que  8  fr.,  et 
c'est  la,  pour  la  fabrication  belge  ,  un  véritable  progrès  qu'il 
est  juste  de  signaler. 

Le  Prussien,  au  contraire,  paraît  tenir  à  ses  vieilles  habi- 
tudes; il  aime  son  roi  et  même  son  parapluie  à  en  juger  par 
l'exposition  de  Berlin  qui  ne  possède  a  peine,  parmi  ses  nom- 
breux articles  en  caoutchouc,  qu'un  vêtement  pendu  dans 
l'angle  obscur  d'une  vitrine.  L'application  de  la  gomme  élas- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  oOl 

tique  est  cependant  très-bien  comprise  dans  ce  pays.  Les 
feuilles,  les  tubes  et  la  plupart  des  cylindres  en  caoutchouc 
vulcanisé  de  MM.  Woigt  et  VVinde,  de  Berlin,  sont  d'un  beau 
travail,  et  le  portrait  de  l'auguste  martyr  de  Sainte-Hélène  est 
d'un  heureux  effet  comme  moulage.  Les  dimensions  des  pièces 
expo-ées  montrent  en  outre  que  cette  industrie  a  déjà  pris  un 
grand  accroissement,  et  qu'elle  pourra  un  jour  se  montrer  la 
rivale  de  l'industrie  française,  à  la  condition,  toutefois,  de 
réformer  ses  procédés  de  vulcanisation  ,  car  si  son  travail  est 
intelligent  pour  la  confection  des  articles  qu'elle  livre  au 
commerce,  il  laisse  beaucoup  à  désirer  dans  la  préparation 
delà  matière  première.  Le  caoutchouc  vulcanisé  de  MM.  Woigt 
et  Winrie,  et  Fonrobert,  renferme  un  excès  de  soufre  qui  le 
rend  cassant,  et  c'est  pour  cette  raison  que  les  feuilles  et  les 
tubes  de  leur  exposition  se  déchirent  sous  l'influence  d'une 
faible  traction.  Les  grosses  pièces  elles-mêmes,  quoique  d'un 
beau  grain  ,  se  laissent  entamer  par  l'ongle  ,  épreuves  que  ne 
ledoutent  point ,  par  exemple  ,  les  pièces  semblables  de 
M.  Guibal,  dont  la  matière  vulcanisée  est  d'une  souplesse 
incomparable. 

Les  sinuosités  que  présentent  les  parois  des  tuyaux  de  gros 
diamètre,  accusent  également  dans  celte  importante  branche 
de  l'industrie  lemplui  de  moyens  de  fabrication  encore  bien 
primitifs,  et  confirment  l'opinion  qu'on  se  fait  de  l'ensemble 
de  l'exposition  prussienne:  qu'elle  se  trouve  aujourd'hui  dans 
la  grande  voie  du  progrès ,  à  l'étape  même  où  les  produits 
français  s'étaient  arrêtés  il  y  a  six  ans. 

Ces  assertions  paraîtront  incontestables  à  tous  ceux  qui  vi- 
siteront la  riche  exposition  de  la  France.  (Galerie  du  quai, 
côté  de  la  Seine,  premier  étage,  colonnes  58-63.) 

11  n'y  a  personne  qui  n'admirera  ce-^  articles  piarisiens  qui 
ont  valu  à  leurs  auteurs,  MM.  Guibal  et  Rattier,  une  réputa- 
tion européenne  si  justement  méritée.  Nulle  part  on  ne  trouve 
plus  de  coquetterie  ravissante,  dans  les  jarretières  de  femmes 
coloriées  comme  les  fleurs. 

Et  cette  richesse  d  effet  obtenue  avec  si  peu  de  chose  est 
tellement  inhérente  à  la  production  française,  qu'on  la  ren- 
contre même  dans  les  objets  d'un  usage  vulgaire.  Les  chaus- 
sures, les  casquettes,  les  coussins  de  M.  Guibal ,  sont  infini- 
ment supérieurs  aux  mêmes  articles  prussiens ,  et  cependant , 


502  VISITE 

chez  l'un  comme  chez  l'autre,  c'est  toujours  du  caoutchouc,, 
du  fil  et  de  la  toiie  réunis  ensemble. 

Toutefois,  la  partie  sérieuse  et  nouvelle  de  l'exposition 
française  ne  consiste  pas  tnntdans  les  formes  et  l'aspect  bril- 
lant des  objets,  que  dans  l'amélioration  de  la  matière  pre- 
mière elle-même,  et  l'étenrlue  de  ses  applications.  Le  caout- 
chouc vulcanisé  des  producteurs  français  est  vraiment  un 
produit  remarquable  qui  diffère  essentiellement  du  caout- 
chouc dur  et  sec  fabriqué,  il  y  a  quelques  années,  par  les 
mêmes  fabricants.  M.  Rousseau-Lafarge  en  expose  sous  forme 
de  tampons  et  ressorts  de  wagons,  de  clapets  de  machines  à 
vapeur,  etc.,  des  échantillons  hors  ligne,  et  MM.  Aubert  et 
Gérard  en  ont  envoyé  de  grandes  masses  également  bien 
dignes  d'attention.  Les  caprices  de  la  fantaisie  ont,  à  leur 
tour,  trouvé  en  MM.  Barbier  et  Deaubrée,  de  Clermont-Fer- 
rand,  des  interprètes  intelligents,  car  à  côté  d'une  exposition 
sérieuse  de  caoutchouc  filé,  il  y  a  une  multitude  de  gourdes 
et  de  blagues  à  tabac  ornées  de  chinoiseries  coloriées,  toutes 
filles  de  la  potichomanie.  Symbole  de  la  gaieté,  elles  invitent 
naturellement  à  la  danse  et  personne  n'exposait  plus  à  pro- 
pos des  chaussures  que  MM.  Hutchin^on  et  Henderson;  leurs 
produits  sont  d'ailleurs  d'une  confeetion  délicate  et  très-soi- 
gnée; notre  seule  crainte,  c'est  qu'ils  ne  rencontrent  que  peu 
de  pieds  assez  mignons  pour  les  chausser,  excepté  cependant 
pour  la  colossale  botte  d'honneur  qu'ils  exposent  dans  le  Pa- 
lais et  dont  Perrault,  dans  ses  Contes  des  fées,  a  depuis 
longtemps  indiqué  l'emploi. 

Les  tissus  imperméables  ne  sauraient  être  omis  dans  cette 
longue  nomenclature,  puisqu'ils  constituent  la  branche  la 
plus  imposante  du  caoutchouc  manufacturé.  Nous  signalerons 
donc  avec  plaisir  les  riches  étoffes  de  tenture  de  MM.  Hutchin- 
son  et  Henderson,  et,  parmi  elles,  la  grande  toile  peinte  que 
le  public  admirerait  beaucoup  moins  si  elle  ne  représentait 
pas  l'un  des  brillants  faits  d'armes  de  notre  brave  armée 
d'Orient. 

Quant  aux  vêtements  en  caoutchouc,  ce  sont  toujours  ceux 
de  MM.  Rattier  et  Gaibal  qui  ont  consersé  le  monopole  de  la 
distinction. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  503 

CLASSE   XI. 

Préparation  et  conservation  des  substances  alimentaires. 

Le  règne  végétal  et  le  règne  animal  fournissent  un  très- 
grand  nombre  de  matières  alimentaires  que  l'industrie  trans- 
forme de  mille  manières,  pour  le  plus  grand  profit  des  con- 
sommateurs et  du  commerce.  De  ces  matières,  les  unes 
peuvent  être  consommées  dès  qu'elles  sortent  des  mains  de 
l'industrie,  ou  sont  dans  un  état  qui  leur  permet  d'attendre 
plus  ou  moins  longtemps  la  convenance  de  l'acheteur;  les 
autres,  au  contraire,  ne  conservent  les  qualités  qui  les  dis- 
tinguent que  durant  un  temps  quelquefois  fort  court,  et  il 
faut  les  préserver  de  toute  altération  jusqu'au  jour  où  on  les 
utilise. 

De  là  deux  opérations  industrielles  distinctes  :  la  prépara- 
tion et  la  conservation  des  substances  alimentaires.  De  là 
aussi  deux  divisions,  deux  titres  sous  chacun  desquels  il 
convient  de  classer  les  produits  que  renferme  cette  classe. 

Les  substances  alimentaires  qui  n'exigent  qu'une  simple 
préparation,  celles  qu'on  n'est  pas  obligé  de  soumettre  à  des 
procédés  spéciaux  de  conservation,  peuvent  se  rapporter  à 
quatre  groupes  principaux  :  les  produits  tirés  des  céréales  et 
des  plantes  féculentes;  les  sucres;  les  vins,  alcools  et  li- 
queurs ;  les  chocolats,  cafés  et  thés. 

Les  substances  alimentaires  qui  constituent  des  conserves 
se  peuvent  distinguer  aussi  en  quatre  catégories  :  conserves 
de  fruits,  de  légumes,  de  ragoûts,  de  viandes. 

Malgré  le  nombre  considérable  et  l'importance  commerciale 
de  ces  substances  diverses,  nous  ne  pourrons  en  parler  que 
d'une  manière  générale  et  par  aperçu  sommaire  :  cela,  pour 
deux  raisons. 

Tous  ces  produits  ne  se  cachent  pas  seulement  derrière  les 
vitrines,  ils  s'enferment  dans  mille  enveloppes  différentes, 
boîtes,  bouteilles,  flacons,  tonneaux,  que  le  visiteur  ne  peut 


504  VISITE 

ouvrir.  Or,  pour  juger  du  mérite  de  ces  matières  destinées  à 
l'aJimentation,  il  faut  connaître  le  procédé  à  l'aide  duquel 
elles  sont  obtenues,  il  faut  aussi  apprécier  e  gusta  la  valeur 
propre  de  chacun  d'eux.  La  dégusîation  même  ne  suffit  pas 
toujours  ;  l'analyse  chimique  est  souvent  nécessaire  pour  dé- 
terminer la  richesse  des  produits,  celle  des  farines,  par 
exemple;  l'expérience,  et  une  expérience  prolongée,  est  quel- 
quefois indispensable,  notamment  pour  le-  conserves. 

D'un  autre  côté,  la  description  des  procédés  de  préparation 
ou  de  conservation  des  substances  alimentaires  font  l'objet 
tout  particulier  d'un  volume  de  la  Bibliothèque  des  chemins 
de  fer,  auquel  nous  devons  naturellement  r3nvoyer  les  lecteurs. 

Notre  tâche  se  borne  donc  nécessairement  à  caractériser 
chacun  des  grands  pays  qui  figurent  à  l'Exposition,  par  la 
nature  de  produits  spéciaux  qui  le  distinguent;  à  fournir  quel- 
ques renseignements  sur  l'importance  industrielle  de  quelques 
substances;  à  compléter  le  volume  que  nous  venons  de  citer  , 
par  l'indication  des  procédés  nouveaux  qui  offrent  quelque 
intérêt. 

En  rai-on  de  rimporlanc<^  tout  actuelle  de  la  question  , 
la  conservation  des  viandt^s  appellera  principalement  notre 
attention. 

Aucune  série  n'est  plus  nombreuse  que  celle  où  viennent 
se  ranger  les  produits  multipliés  tirés  des  céréales  et  des 
plantes  féculentes  :  farines  de  toute  espèce,  gruaux  et  gré- 
sillons,  grains  décortiqués  et  piles,  gluten  granulé  et  en 
feuilles;  pâtes  alimentaires  indéfiniment  diversifiées  pour 
potages,  purées,  crèmes;  pâles  d  Italie,  macaronis,  nouilles, 
vermicelles,  semoules;  fécules,  amidons,  dexlrine,  glucose; 
sagou,  tapioca,  pains  de  toutes  natures  ,  biscuits  de  toutes 
sortes  et  de  toutes  formes  ;  biscuits  de  mer,  de  Reims,  biscuits 
glacés;  petits-fours,  pâtisseries  sèches...;  l'énumération  est 
impossible. 

Il  est  également  difficile  de  nommer  toutes  les  sortes  de 
vins,  tous  les  mets  en  conserves  qui  ont  été  envoyés  à  l'Ex- 
position ;  les  noms  sans  la  dégustation  ne  diraient,  d'ailleurs, 
pas  grand'chose. 

Ce  qu'il  est  facile  de  remarquer  c'est  que,  pour  la  beauté 
des  farines,  et  pour  la  variété  des  transformations  auxquelles 
l'emploi  des  céréales  peut  donner  naissance,  la  France  avec 


A   L'EXPOSITION  UMVERSELLE.  oOo 

l'Algérie  se  place  au  premier  rarii];.  Le  Canada  et  la  Guyane 
anglaise  font  honneur  aux  îles  Biitanniques  pour  leurs  farines 
et  leurs  fécules.  La  Prusse  et  l'Autriche,  l'Espagne  et  les 
villes  Anséatiques  ont  aussi  de  beaux  échantillons. 

Les  pâtes  alimentaires  des  États-SarJes.  celles  de  la  Toscane 
surtout  sont  d'une  finesse  étonnante,  et  qui  justifie  bien  la 
réputation  proverbiale  de  l'Italie  en  ce  genre.  La  France  seule 
peut  lutter  avec  ces  produits  dont  les  autres  pays  ne  sont 
pas  riches. 

Les  Étals  Américains,  nos  colonies  et  les  colonies  de  nos 
voisins  ont  desproduits  féculents  particuliers,  empruntés  à  des 
plantes  de  leurs  zones.  Ainsi  la  république  Mexicaine  présente 
des  fécules  de  Janipha  Manihoc ,  ou  cassave;  d'Arroic-root, 
foiirnie  par  les  racines,  ou  plus  exactement  par  les  liges  sou- 
terraines du  Marantû  arundinacea  et  autres  plantes  ,  même 
i^àv  la  Janipha  Manihic  que  nous  venons  de  nommer  ;  des 
sayous,  que  peuvent  fournir  beaucoup  de  végétaux  ,  tels  que 
le  Cycas  circinalis,  VAreca  olemcea,  nommé  chou  palmiste 
aux  Antdles,  le  Phœnix  favinifera,  ['Arenga  sœxharifera,  les 
Sayusfarinifera  et  Rumpliii,  c'est-à-dire  des  plantes  de  la 
grande  et  belie  famille  des  Palmiers  ou  de  celle  des  Cycadées, 
qui  lui  est  voisine. 

Outre  ses  cassaves  douces  et  amères  qu'elle  nous  offre  en 
tranches  sèches,  en  farine,  en  fécule ,  en  pains  ,  la  Guyane 
anglaise  présente  encore  des  matières  féculentes  nombreuses 
tirées  de  diverses  espèces  d'ignames  ,  de  la  palate  douce,  de 
la  banane,  de  la  mangue,  et  d'autres  plantes  encore.  Tous 
ces  produits  sont  étudiés  avec  soin  au  point  de  vue  hygié- 
nique, économique  et  commercial;  on  sent  que  les  colons 
anglais  se  préoccupent  beaucoup  des  moyens  d'utiliser  les 
produits  naturels  et  facilement  obtenus  dans  leurs  colonies. 

Quelques  mots  suffiront  pour  faire  comprendre  limnor- 
lance  de  ces  végétaux  sous  le  climat  tropical,  et  même  comme 
objet  d'importation. 

On  peut  récolter  à  l'hectare  vingt-quatre  mille  kilogr. 
environ  de  racines  fraîches  qui  donnent  la  cassave;  cette  ré- 
colte produit  huit  à  neuf  mille  kilogr.  de  farine,  six  à  sept 
cents  kilogr.  de  cassare^p,  sucre  épaissi  de  la  plante,  très- 
usité  com.me  condiment,  surtout  pour  préparer  le  pepper-pot 
des  Indes  Occidentales,  et  enfin  plus  de  deux  cents  kilogr. 


506  VISITE 

de  fécule.  Le  produit  en  argent  serait  de  cinq  mille  francs  en- 
viron par  hectare,  et  les  colons  anglais  pensent  que  la  farine 
de  cassave  serait  bien  accueillie  sur  les  marchés  d'Ecosse  et 
d'Irlande  ,  si  l'exportation  en  devenait  quelque  peu  impor- 
tante. Séchées  dans  la  saison  favorable  et  transportées  en 
tranches  sur  ces  mêmes  marchés ,  les  racines  dont  il  s'agit 
s-eraient  peut-être  mieux  reçues  encore,  car,  en  les  faisant 
tremper  un  peu  avant  de  les  faire  cuire,  elles  reprennent  à 
peu  près  leur  état  primitif,  et  deviennent  un  succédané  im- 
portant de  la  pomme  de  terre, 

Si  l'on  pouvait  trouver  une  méthode  facilement  praticable 
et  suffisamment  économique  de  conserver  les  bananes  ,  ce 
fruit  est  tellement  abondant  aux  colonies  et  à  si  bas  prix, 
que  l'exportation  en  deviendrait  avantageuse.  Un  régime  ou 
grappe,  mûri  sur  un  seul  pied,  se  compose  souvent  de  'ICO  à 
180  fruits,  et  pèse  plus  de  30  kilogr.  En  admettant  le  poids 
moyen  de  17  kilogr.  par  régime,  on  trouve  qu'une  plantation 
de  bananiers,  sur  une  surface  de  100  mètres  carrés  enviion, 
donnerait  16  à  17  cents  kilogrammes  de  matière  alimentaire. 
M.  de  Humboldt  a  calculé  qu'on  récolte  sur  le  même  espace 
15  kilogr.  de  froment  ou  ié  kilogr.  de  pommes  de  terre;  le 
produit  des  bananes  serait  donc  à  peu  près  120  fois  celui  du 
froment  et  40  fois  celui  de  la  pomme  de  terre,  en  poids.  Il  est 
vrai  que  la  matière  alimentaire  fournie  par  les  bananes  ne 
peut  être  comparée,  à  poids  égal,  à  celle  qui  vient  du  froment 
ou  même  des  pommes  de  terre;  mais  M.  de  Humboldt  estime 
qu'à  surface  égale  et  proportionnellement  à  la  valeur  nutritive 
réelle  des  deux  plantes,  la  banane  peut  nourrir  2o  fois  plus 
d'individus  que  le  froment.  On  comprend  donc  que  l'atten- 
tion des  colons  se  porte  sur  cette  plante,  qui  peut,  comme  nous 
l'avons  vu  déjà,  fournir  encore  une  matière  textile  de  quelque 
valeur. 

Nos  colonies  et  les  colonies  étrangères  ont  envoyé  de 
beaux  échantillons  de  sucre;  la  France,  et  en  particulier  le 
département  du  Nord  ,  expose  des  sucres  de  betteraves  bruts 
et  claircés,  blancs  et  candis,  et  à  toutes  les  périodr's  de  la 
fabrication.  La  Belgique  et  la  Prusse  ,  puis  ,  à  une  certaine 
distance,  l'Autriche,  montrent  aussi,  par  leurs  produits, 
que  la  fabrication  du  sucre  de  betteraves  a  pris  chez  elles  une 
importance  de  premier  ordre. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  SOT 

On  sait  que  la  maladie  qui  sévit  depuis  quelques  années 
sur  la  vigne  a  inspiré  l'idée  dexlraire  l'alcool  des  betteraves, 
et  qu'un  grand  nombre  d'usines  se  sont  montées  à  cet  effet. 
Les  pays  que  nous  venons  de  signaler  comme  exploitant  la 
fabrication  du  sucre  de  betterave  sont  aussi  ceux  qui  ont 
envoyé  à  l'Exposition  des  alcools  nouveaux. 

Cette  industrie  récente  survivra  certainement  à  la  cause  qui 
l'a  produite  accidentellement,  et  il  est  piobable  qu'elle  ne 
nuira  pas  à  la  fabrication  du  sucre,  comme  elle  l'a  fait  dans 
la  campagne  dernière.  En  effet,  les  betteraves  à  sucre  deman- 
dent des  terrains  particuliers  qui  ne  fournissent  pas  aux 
plantes  certains  sels  qui  s'opposeraient  à  la  cristallisation. 
Pour  l'alcool ,  ces  sels  ne  sont  pas  le  moins  du  monde  un  ob- 
stacle ,  de  sorte  qu'on  pourra  cultiver  sur  des  sols  particuliers 
et  distincts  les  betteraves  à  sucre  et  les  betteraves  à  alcool. 
L'agriculture  y  gagnera  en  amélioration  de  ses  méthodes  ,  en 
augmentation  d'engrais  et  de  bétail.  Le  consommateur  y  ga- 
gnera aussi,  spécialement  en  production  de  viande,  car  les 
résidus  de  la  distillation  sont  utilement  employés  dans  l'ali- 
mentation des  animaux. 

Les  grains,  les  fruits  et  certains  tubercules  ont  aussi  été 
exploités  pour  la  fabrication  de  l'alcool.  La  Belgique  nous 
montre  ses  genièvres;  la  Prusse  et  l'Allemagne  ,  des  eaux-de- 
vie  de  grain;  l'Autriche,  des  alcools  de  prunes;  la  Corse  et 
la  Toscane,  des  alcools  d'asphodèles;  plusieurs  de  nos  dé- 
partements ,  des  alcools  de  sorgho  ,  de  safran ,  de  topinam- 
bour. L'avenir  seul  peut  dire  la  valeur  industrielle  de  ces 
alcools  divers,  qui  ne  paraissent  pas,  cependant,  devoir  le 
disputer  avec  quelque  succès  aux  alcools  de  vin ,  de  bette- 
rave et  de  grain. 

Tout  fait  espérer,  d'ailleurs,  que  la  vigne  n'est  pas  con- 
damnée à  disparaître ,  ni  même  à  nous  priver  longtemps  en- 
core de  ses  produits. 

La  France  a  une  belle  place  dans  l'industrie  vinicole,  et 
elle  présente  au  Palais  de  1  Industrie  de  nombreux  échan- 
tillons bien  capables  de  sauvegarder  sa  vieille  réputation. 

L'Autriche  expose  aussi  un  grand  nombre  de  \ins  fameux 
tirés  de  tous  les  points  de  son  empire  :  Moravie  ,  Bohême  , 
Hongrie  ,  basse  et  haute  Autriche,  Transylvanie,  Esclavonie, 
Styrie,  Venise.  Un  magnifique  et  immense  cône,  tout  entier 


508  VISITE 

formé  de  bouteilles,  fiiz;iire  de  la  manière  la  plus  heureuse 
l'importance  de  la  production  des  vins  pour  ce  grand  État. 

Le  duché  de  Bade,  le  grand-duché  de  Hesse,  la  Prusse, 
viennent  se  grouper  auprès  de  l'Autriche  pour  des  vins  ana- 
logues. 

Les  États-Sardes,  la  Suisse,  la  Toscane, ^  présentent  aussi 
des  vins  empruntés  aux  meilleurs  crus. 

L'Espagne  et  la  Grèce  montrent  leurs  vins  particuliers. 
C'est  à  côté  des  vins  d'Espagne  que  se  placent  les  vins  de 
l'Algérie.  Nous  avons  déjà  dit  que  notre  colonie  africaine  peut 
s'approprier  toutes  les  productions  hispaniques,  et  particu- 
lièrement les  vins. 

Il  y  a  longtemps  que  l'usage  du  vin  s'est  étendu  à  toute 
lEurope  méridionale,  grâce  au  moyen  de  conservation  et  de 
transport  qu'offrait  une  invention  toute  gauloise,  celle  des 
tonneaux.  De  l'Europe,  quelques  plants  ont  passé  au  nou- 
veau continent,  qui  possède  plusieurs  espèces  de  vignes  sau- 
vages; l'Afiique  a  obtenu  le  vin  de  Constance,  en  plantant  au 
f'ap  un  cep  de  Bourgogne;  l'Australie  récolte  des  vins  dont 
elle  présente  des  échantillons  au  Palais  de  l'Industrie. 

Pour  la  France,  la  production  des  vins  est  une  des  plus 
importantes  et  des  plus  caractéristiques  de  son  sol  ;  elle  four- 
nit au  commerce  les  variétés  en  quelque  sorte  infinies  de  ses 
Bourgogne,  Beaujolais,  Champagne,  Bordeaux,  Côte-Rotie  , 
vins  du  Midi  et  autres. 

On  estime  que  l'étendue  cultivée  en  vignobles  est  de  près 
de  2  millions  d'hectares,  produisant  environ  4-4  millions 
d'hectolitres  de  vin.  En  1853,  il  est  sorti  des  entrepôts  de 
Bercy  et  de  Paris  ,  936  849  hectolitres;  en  supposant,  ce  qui 
est  très-probable,  que  cette  quantité  ait  été  consommée  à 
Paris  même,  elle  porte  à  un  peu  plus  de  93  litres  la  consom- 
mation individuelle ,  pour  une  population  d'un  million  de 
tètes,  c'est-à-dire  à  1  litre  par  tète  tous  les  quatre  jours. 
C'est  là  une  consommation  relativement  élevée,  surtout  pour 
les  villes  de  la  moitié  septentrionale  de  la  France ,  où  l'on 
consomme  de  la  bière  ou  du  cidre  et  peu  de  vin  ;  mais  on  voit 
qu'elle  n'a  cependant  rien  de  bien  extraordinaire.  Il  est  même 
certain  que  cette  moyenne  cache  des  termes  extrêmes  dont 
les  maxima  ne  s'appliquent  pas  à  la  consommation  de  la 
partie  de  la  population  livrée  à  des  travaux  pénibles. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  509 

L  Allemagne  et  la  Prusse  ont  envoyé  des  échantillons  de 
bière;  l'Espagne,  des  échantillons  d'un  certain  vin,  qualifié 
de  vin  d'orange,  dont  nous  ne  connaissons  que  le  nom,  et 
que  nous  retrouvons  à  l'exposition  des  États-Sardes  et  à  celle 
de  notre  colonie  de  la  Martinique. 

A  côté  des  liqueurs  faites  en  France,  viennent  se  placer 
celles  de  ses  colonies  de  la  Réunion ,  de  la  Guadeloupe  et  de 
la  Martinique,  qui  ont  un  cachet  local,  comme  le  bay-rhum 
delà  Guadeloupe,  obtenu  de  la  distillation  du  myrtiis pimenta. 

Le  grand-duché  de  Bade  expose  son  kirscliwaser  de  la 
foret  Noire,  pour  lequel  nos  départements  vosgiens  entrent 
en  concurrence  avec  lui  ;  il  présente  aussi  ses  eaux  de  myr- 
tylleset  des  liqueurs.  La  Prusse  parait  s'attachera  tout  ce  qui 
peut  vulgariser  larome  du  punch  :  liqueurs,  essence  de 
punch  au  rhum  ,  sirops  de  punch  ,  etc. 

Les  Pays-Bas  soutiennent  leur  antique  réputation,  et  présen- 
tent leurs  liqueurs  fines  à  côté  de  leur  sucre  raflBné  et  de  leur 
pain  d'épico. 

Ils  présentent  aussi,  dans  leur  exposition  coloniale,  de 
belles  collections  de  cafés  et  de  thés  ,  auxquels  nous  opposons 
les  cafés  de  nos  colonies ,  auxquels  l'Angleterre  oppose  ses 
thés  de  ri^de.  Ces  collections  sont  nombreuses  ,  très-variées. 
et  peuvent  donner  lieu  à  une  étude  technique  extrêmement 
intéressante. 

On  sait  que  la  culture  du  café  est  ancienne  ,  et  qu'elle 
existait  en  Ethiopie  de  temps  immémorial,  quand  les  Arabes 
de  l'Yemen  reçurent  cet  arbre  précieux  de  leurs  voisins 
d'Ethiopie.  Il  est  proba'ble  que  Mahomet,  en  déconseillant 
l'usage  du  vin,  contribua  à  répandre  l'usage  du  café,  qui  ne 
pénétra  cependant  que  tard  en  Europe.  Les  premiers  cafés 
publics  s'établirent  en  'lo54  à  Constantinople,  en  '1615  à  Ve- 
nise, en  1644  à  Marseille,  en  4652  à  Londres,  en  1653  à 
Paris. 

Quand  Louis  XIV  reçut  l'ambassade  de  Mohamed  IV,  l'en- 
voyé Soliman-Aga  offrit  au  grand  roi  une  boîte  de  café  , 
comme  un  présent  des  plus  rares.  L'usage  de  la  nouvelle 
liqueur  resta  confiné  dans  quelques  maisons  de  grands  sei- 
gneurs,  attaqué  par  les  uns,  défendu  par  les  autres,  mais 
s'étendant  peu.  Heureusement  les  médecins  prohibèrent  le 
café  comme  dangereux  pour  la  santé  et  comme  un  poison  des 


^\0  VISITE  :; 

plus  sûrs,  quoique  des  plus  lents.  Chacun  voulut  dès  lors  j 

s'empoisonner,  et  l'usage  du  café  se  généralisa  bientôt.  ji 

Le  premier  café  public  de  Paris ,  fondé  par  l'Arménien  i 
Paskal ,   qui   accompagnait  l'ambassadeur  turc    auprès   de.f 

Louis  XIV ,  ne  réussit  pas.  Aujourd'hui,  le  prix  des  établisse-  i 

ments  de  cette  nature  atteint  un  chiffre  qu'on  serait  tenté  de  j 

considérer  comme  faux,  s'il  n'était  consciencieusement  con-  j 

trôlé.  Ainsi,  le  fonds  du  café  Villette  s'est  vendu  250  000  fr.  ;  j 

celui  du  café  de  la  Rotonde,  312  000  fr.  ;  celui  du  café  de  \ 

Foix,  524  000  fr.  Il  est  vrai  que  ces  maisons  ne  débitent  pas  j 

seulement  du  café  ;  mais  le  café  a  été  l'occasion  de  leur  dé-  ; 

veloppement,  et  reste  encore  la  base  principale  et  la  plus  j 
lucrative  de  leur  exploitation. 

Ce  sont  les  Hollandais  qui  ont  commencé  les  premiers  à  ; 

cultiver  le  café  dans  leurs  colonies  :  Van  Horn  le  porta,  en  ■ 

1690,  de  ÎNIoka  à  Batavia.  Plus  tard, -en  1706,  Henri  Zvvaar-  j 

dekroon  l'introduisit  en  Hollande,  et  un  pied  du  précieux  ar-  j 

buste  fut  apporté  de  Hollande  au  Jardin  des  Plantes  de  Paris,  j 
en  '17  U. 

Tenu  en  serre  chaude  comme  objet  de  curiosité ,  le  caféier 
se  multiplia  cependant  assez  à  Paris  sous  les  yeux  d'Antoine 
de  Jussieu,  pour  qu'on  songeât  à  en  doter  nos  colonies.  Déjà, 
en  1717,  la  Compagnie  des  Indes  de  Paris  avait  fait  trans- 
porter quelques  plants  de  Moka  à  Bourbon;  en  1720.  le  capi-  ] 
taine  De  Clieux  reçut,  du  Jardin  des  Plantes  de  Paris,  trois  i 
pieds  de  caféier  pour  les  transporter  à  la  Martinique.  Dans  i 
la  traversée ,  qui  fut  longue  et  pénible,  au  point  que  les  offi-  i 
ciers,  comme  l'équipage,  durent  être  mis  à  la  demi-ration  j 
d'eau,  deux  pieds  périrent  malgré  le  dévouement  de  De  Clieux  ■ 
qui  partageait  sa  ration  avec  ses  plantes.  Un  seul  caféier  par-  ■ 
vint  en  assez  bon  état  à  la  Martinique  ,  et  c'est  lui  qui  est  la  ; 
souche  de  ces  vastes  plantations  qui  couvrent  ai)jourd'hui  les  | 
Antilles,  toutes  les  contrées  chaudes  du  continent  américain,  i 
Leur  point  de  départ  est  dans  les  serres  du  Muséum  d'histoire  ' 
naturelle  de  Paris. 

On  peut  cultiver  2500  arbres  par  hectare  ;  les  caféiers  rap-  i 
portent  à  leur  troisième  année,  et  durent  de  quarante  à  qua-  i 
rante-cinq  ans.  Le  terroir  et  sans  doute  les  conditions  exté- 
rieures ont  modifié  cette  plante  en  variétés  très-ditférentes  : 
d'arôme,  et  fort  distinctes  dans  le  commerce.  : 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  51 J 

Durant  ia  dernière  période  décennale ,  la  consommation 
moyenne  a  été,  par  an,  de  15  millions  de  kilogrammes  de  café 
en  Angleterre  ;  elle  a  été  de  16  millions  de  kilogrammes  en 
France.  Eu  égjird  à  la  population  respective  des  deux  pays, 
cela  donne  un  demi-kilo,^ramme  ou  500  grammes  par  tête, 
pour  l'Angleterre  ,  et  deux  cinquièmes  de  kilogrammes  ou 
400  grammes  par  tête,  pour  la  France. 

Il  est  à  désirer  que  la  consommation  du  café  s'élève  en 
France  ,  dans  l'intérêt  de  nos  colonies,  dans  celui  de  nos  su- 
creries indigènes,  et  aussi  dans  l'intérêt  de  la  santé  de  nos 
populations.  On  a  remarqué,  en  effet,  que  la  consommation 
du  cale  remplace  celle  des  alcools  quand  ceux-ci  deviennent 
Irès-chers  ;  c'est  ce  qui  s'est  produit  notamment  en  Belgique, 
c'est  ce  qui  se  produira  peut-être  aussi  chez  nous ,  sous  l'in- 
fluence des  circonstances  atmosphériques  qui  diminuent 
notre  production  alcoolique,  et  sous  l'influence  des  mesures 
législatives  qui  frappent  les  alcools  d'un  droit  plus  élevé. 

Dans  cette  prévi-ion  ,  nos  colonies  doivent  faire  de  grands 
efforts  pour  entrer  plus  largement  dans  la  consommation  de 
la  métropole.  Aujourd'hui,  les  cafés  de  l'Inde  figurent  pour  un 
quart  dans  notre  consommation;  nos  cafés  coloniaux,  pour 
7  à  8  pour  100  seulement  II  ne  faudrait  pas  que  notre  marché 
fût  envahi  par  les  cafés  de  l'Inde,  du  Brésil,  de  Java. 

Comme  le  café,  le  thé  est  devenu  d'un  usage  presque  géné- 
ral en  Europe ,  où  son  introduction  ne  remonte  pas  au  delà 
du  xvii°  siècle.  Il  nous  vient  de  la  Chine  ,  où  il  constitue  la 
principale  richesse  du  pays  et  où  il  est  répandu  presque  par- 
tout, contrairement  à  ce  qu'on  a  cru  pendant  longtemps.  Les 
procédés  de  culture  et  surtout  de  préparation,  usités  dans 
l'empire  chinois,  sont  restés  inconnus  jusqu'en  ces  derniers 
temps;  mais  les  recherches  des  voyageurs,  et  en  particulier 
celles  de  M.  Fortune,  ont  jeté  de  grandes  lumières  sur  ces 
questions. 

De  la  Chine  ,  la  culture  du  thé  a  été  importée  par  les  An- 
glais dans  leurs  possessions  de  l'Inde  ,  et  elle  y  réussit  très- 
bien,  surtout  dans  l'Assam,  où  elle  a  lieu  sur  une  très-grande 
échelle;  les  thés  d'Assam  arrivent  aujourd'hui  à  Londres. 

Au  Bré-il,  le  thé  a  réussi  au  point  de  vue  cultural,  mois 
non  au  point  de  vue  commercial;  c'est-à-dire  que  la  plante 
bien  soignée  y  a  prospéré,  mais  que  le  produit  revenait  excès- 


512  VISITE 

sivement  cher,  et  restail  bien  loin  des  thés  chinois  par  i'a- 
rome. 

Essayée  à  l'Ile-de-France,  la  culture  du  thé  a  donné  des 
produits  jugés  très-médiocres.  Tentée  en  France  nième,  cette 
culture  n'a  fourni  que  des  produits  in>ignifiants  comme  qua- 
lité et  comme  quantité.  On. voudrait  l'introduire  aussi,  avec 
tant  d'autres  cultures,  dans  noire  colonie  algérienne,  qu'on 
semble  vouloir  charger  de  produire  tout  ce  qui  est  exception- 
nel. Tout  en  applaudissant  aux  efforts  consciencieux  de  ceux 
qui  se  proposent  un  tel  but .  nous  ne  pouvons  approuver  ler.r 
enthousiasuie  un  peu  irréfléchi ,  ni  partager  leurs  illusions 
que  nous  considéions  comme  daiigereuses. 

On  peut  estimer  que  la  production  annuelle  du  thé  s'élève 
en  Chine  à  1  milliaid  et  demi  de  kilogrammes;  la  consomma- 
tion seule  de  ce  pays  en  exige  900  millions  de  kilogrammes. 

L'Angleterre ,  oii  furent  importés  56  kilogrammes  de  thé 
en  '1669,  en  consomme  aujourd'hui  17  à  18  millions  de  kilo- 
grammes par  an,  c'est-à-dire  750  giammes  environ  par  tête. 
En  France,  l'usage  du  thé  se  répand  peu  ;  longtemps,  et  sur- 
tout dans  les  départements  méi'idionaux  ,  on  n  y  a  accepté  le 
thé  que  comme  médicament,  comme  digestif  et  tonique.  Nous 
n'en  consommons  que  IbOOOO  kilogrammes,  moins  de 
5  grammes  par  tête  et  par  an.  L'Angleterre  consomme  donc 
plus  de  café  et  plus  de  thé  que  la  France. 

Les  Hollandais  ,  qui  avaient  abandonné  la  culture  du  thé  , 
y  reviennent  maintenant  avec  énergie  ,  et  l'on  peut  dire  avec 
succès,  si  l'on  en  juge  par  les  échantillons  remarquables  que 
nous  montrent  leurs  colonies  des  Indes -Orientales. 

Nous  ne  pouvons  mentionner  que  pour  mémoire,  et  sans 
rien  préjuger  sur  leur  valeur  absolue,  les  succédanés  du  café 
présentés  par  des  exposants  de  France,  d'Autriche  et  d'autres 
pays  ;  aussi  bien  que  les  cacaos  et  chocolats  exposés  sous 
mille  formes  appétissantes  à  côté  de  bonbons,  de  gelées,  de 
produits  divers  de  l'art  si  inventif  de  la  confiserie. 

Nous  arrivons  aux  conserves. 

Par  la  nature  des  substances  qu'ils  exposent  dans  cette 
catégorie,  les  divers  pays  se  caractérisent  nettement. 

La  France  a,  dans  ce  genre,  l'exposition  la  plus  variée, 
grâce  à  la  variété  même  de  son  climat  et  a  sa  double  situation 
de  puissance  maritime  et  continentale.  Ainsi,  elle  présente 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  ol3 

d'admirables  fruits  bien  conservés,  qui  sont,  pour  Bordeaux, 
par  exemple,  l'objet  d'un  grand  commerce;  des  ragoûts  de 
toutes  sortes,  préparés  par  les  mains  habiles  des  Chevet  et 'en- 
fermés dans  des  boites  qui  font  le  tour  du  monde  ;  des  lé- 
gumes de  toute  nature,  qu'elle  a  l'honneur  d'avoir  préparés 
la  première  par  l'emploi  de  procédés  dont  nous  dirons  tout 
à  l'heure  quelques  mots.  Elle  commence  même  à  se  préoccu- 
per de  la  préparation  et  de  la  conservation  des  viandes  :  nous 
allons  aussi  parler  de  ces  essais. 

L'Espagne,  la  Grèce,  les  pays  méditerranéens  envoient  des 
conserves  de  fruits  magnifiques  ,  des  figues  ,  des  olives,  des 
câpres,  des  raisins  de  Corinthe.  Il  y  a ,  dans  cette  catégorie 
de  produits,  une  belle  place  à  prendre  pour  notre  Algérie, 
qui  est  appelée,  non-seulement  à  nous  vendre  des  primeurs, 
mais  aussi  à  exploiter  très-avantageusement  l'industrie  des 
fruits  conservés  et  confits. 

Nos  colonies  présentent  les  fruits  très -variés  de  leurs 
climats. 

L'Autriche,  la  Prusse,  la  Belgique  exposent  très-peu  de 
conserves. 

Les  Iles  Britanniques  et  leurs  colonies  se  distinguent  par 
de  splendides  jambons,  des  fromages  énormes,  des  viandes 
salées,  des  conserves  destinées  à  l'approvisionnement  de  la 
marine.  On  sent  la  préoccupation  d'un  peuple,  grand  consom- 
mateur, ayant  à  pourvoir  aux  besoins  d'une  flotte  immense, 
de  nombreux  bâtiments  de  commerce.  Les  jambons  d'Fork 
sont  admirables;  ceux  du  Canada  ont  une  magnifique  appa- 
rence, même  les  jambons  d'ours,  qui  tentent  l'appétit  curieux 
de  plus  d'un  visiteur  à  l'Exposition.  Les  tonnes  de  viandes 
salées ,  envoyées  par  l'Australie,  paraissent  fort  bien  conser- 
vées. On  admire  dans  l'exposition  des  lies  Britanniques  un 
porc  tout  entier  à  l'état  de  conserve,  transformé  en  une  véri- 
table galantine. 

Dans  le  même  ordre  de  produits ,  les  Villes  Anséatiques 
offrent  aussi  de  belles  provisions  aux  navires  du  commerce  ; 
l'armée  anglaise  a  beaucoup  tiré  de  Lubeck  pour  la  guerre 
d'Orient. 

Les  procédés  de  conservation ,  usités  dans  tous  les  pavs, 
sont,  en  général,  ceux  d'Appert,  perfectionnés  par  Fastier, 
et,  pour  le  lait,  ceux  de  M.  de  Lignac.  Nous  revoyons,  à  cette 
206  hh 


514  VISITE 

exposition,  les  produits  de  la  maison  Chollet  et  Cie,  et  ceux  de 
la  maison  Morel-Fatio  et  Cie,  qui  exploitent  des  procédés  dif- 
férents de  conservation  des  légumes  et  sont  aujourd'hui 
fusionnés.   Ils  ont  de  nombreux  imitateurs. 

Il  est  inutile  de  faire  comprendre  l'importance  des  procédés 
de  conservation  des  légumes  pour  la  culture  potagère  ,  pour 
les  consommateurs ,  pour  le  commerce.  Tout  le  monde  sait 
Fextension  croissante  que  prend,  depuis  une  vingtaine  d'an- 
nées surtout,  la  production  des  légumes  et  des  fruits,  non- 
seulement  autour  des  grands  centres  de  population  comme 
Paris,  mais  sur  presque  tous  les  points  du  territoire.  L'éta-" 
blissement  de  voies  de  communication  plus  nombreuses  et 
plus  rapides  permet  aussi  l'envoi  de  ces  produits ,  d'un 
point  du  pays  à  l'autre,  de  la  Provence,  du  Languedoc,  de 
l'Algérie  sur  Paris.  Il  est  probable  ,  il  est  certain  que  la  cul- 
ture en  grand  des  légumes  et  des  fruits  se  généralisant,  et  le 
réseau  des  chemins  de  fer  s'étend  ant,  la  circulation  de  ces 
denrées  sera  plus  importante  et  plus  complète,  qu'elle  aura 
même  les  contrées  du  Nord  pour  tributaires  ,  et  que  nos  dé- 
partements méridionaux,  avec  notre  Algérie,  trouveront  là 
des  relations  commerciales  fort  fructueuses ,  une  source 
inespérée  de  prospérité. 

Les  procédés  nouveaux  de  conservation  permettent  à  l'hor- 
ticulture française  de  prendre  un  développement  plus  large 
encore,  de  garder  pour  ainsi  dire  indéûniment  des  produits 
souvent  éphémères,  de  les  réduire  sous  un  volume  tel,  qu'on 
les  puisse  exporter  au  loin  avec  profit.  C'est  là  le  grand  ser- 
vice que  peuvent  rendre  les  procédés  de  M.  Masson  exploités 
d'abord  par  la  maison  Chollet  et  Cie  ,  et  qui  ont  déjà  fourni 
à  nos  armées  de  terre  et  de  mer  des  cargaisons  entières  de 
légumes  :  le  régime  alimentaire  de  nos  marins  et  de  nos  sol- 
dats s'est  ainsi  sensiblement  amélioré. 

Ces  procédés  consistent  dans  une  prompte  dessiccation  par 
des  courants  d'air  chaud  ,  après  épluchage  ,  puis  dans  une 
compression  sous  la  presse  hydraulique.  Les  légumes  sont 
de  la  sorte  ré  iuits  en  plaques  qui  s'emballent  facilement.  Une 
caisse  de  fer-blanc,  de  la  capacité  d'un  mètre  cube,  peut 
renfermer  25  000  rations  de  25  grammes  chacune,  représen- 
tant 200  grammes  environ  de  légumes  frais.  Il  suffît  d'im- 
merger dans  l'eau  froide  ou  tiède  la  ration  sèclie,  durant  cinq 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  513 

ou  six  heures,  pour  que  les  légumes  reprennent  leur  volume, 
leur  aspect,  leur  couleur.  On  les  soumet  alors  à  la  cuisson 
selon  les  habitudes  ordinaires. 

Les  administrateurs  de  la  marine  des  pays  étrangers  ont 
adopté  ces  légumes  ainsi  préparés  ;  l'administration  de  la 
marine  des  États-Unis  s'est  livrée,  à  ce  sujet,  à  des  expé- 
riences dont  nous  parlerons  plus  loin. 

Sur  les  traces  de  M.  JMasson,  qui  a  eu  l'honneur  d'ouvrir  à 
l'industrie  cette  voie  nouvelle,  où  elle  réalisera  certainement 
encore  bien  d'autres  progrès  ,  d'autres  expérimentateurs  se 
sont  occupés  du  même  problème.  Un  des  plus  zélés  est 
M.  Gannal,  plus  connu  pour  ses  procédés  d'embaumement  que 
par  ses  méthodes  de  conservation  des  matières  alimentaires. 
Préoccupé  d'abord  des  moyens  de  conserver  les  viandes  de 
boucherie,  M.  Gannal  parvint  bientôt  à  conserver  parfaite- 
ment les  végétaux  les  plus  difficiles  à  dessécher,  des  plantes 
grasses  qui  ont  toujours  fait  le  désespoirdes  expérimenlateurs. 
Il  arriva  enfin  à  trouver  le  moyen  de  conserver  les  légumes 
d'une  manière  si  parfaite,  que  l'Académie  ,  à  laquelle  il  sou- 
mettait ses  résultats ,  jugea  convenable  de  recommander  la 
méthode  au  ministre  de  la  marine,  comme  pouv<int  rendre  de 
grands  services  dans  l'approvisionnement  de  la  flotte. 

Pour  ne  pas  nuire  à  sa  découverte  par  les  idées  lugubres 
et  les  préjugés  que  pouvait  éveiller  son  nom,  M.  Gannal  fit 
exploiter  son  procédé  sous  un  autre  nom  que  le  sien,  sous  celui 
de  la  maison  Morel-Fatio  et  Cie,  qui  est  restée ,  après  la  mort 
de  linventeur,  seule  propriétaire  delà  méthode,  et  qui  expose 
au  Palais  de  l'Industrie  comme  associé  de  la  maison  f.hol- 
letetCie. 

Cette  méthode  n'a  rien  de  commun  avec  les  procédés  d'em- 
baumement auxquels  l'auteur  doit  sa  réputation  européenne; 
elle  diffère  complètement  de  la  méthode  de  M.  Masson.  Celle- 
ci  défigure  toujours  plus  ou  moins  les  plantes  en  les  réduisant 
en  plaques,  et  les  rend  tout  à  fait  méconnaissables  jusqu'à  ce 
qu'elles  aient  été  soumises  à  l'action  de  l'eau  ;  l'autre,  au  con- 
traire, les  garde  avec  tous  leurs  caractères,  forme  et  cou- 
leur. 

En  1853 ,  la  maison  Morel-Fatio  et  Cie  a  soumis  à  la  prépa- 
ration ,  au  moyen  de  huit  appareils  cubant  chacun  deux  mè- 
.tres,  plus  de  525  mille  kilogrammes  de  légumes  ;  elle  a  livré 


5i6  VISITE 

une  plus  grande  quantité  de  produits  au  commerce  en  -ISoi; 
elle  vient  de  porter  ses  appareils  au  nombre  de  20,  à  Paris,  et 
de  fonder  au  Mans  une  succursale  qui  utilisera  U  de  ces 
appareils  un  peu  plus  grands  encore  que  ceux  de  Paris. 

Si  nous  ne  donnons  pas  de  renseignements  de  même  na- 
ture sur  la  maison  Chollet  et  Cie,  c'est  que  le  lecteur  trouvera, 
dans  le  volume  de  la  Bibliothèque  des  chemins  de  fer,  qui 
traite  des  Substances  alimentaires  ,  des  détails  sur  1rs  procé- 
dés Masson  et  sur  le  travail  de  la  fabrique  de  MM.  Chollet 
et  Cie ,  tandis  qu'il  n'est  pas  question  dans  ce  livre  des  pro- 
cédés exploités  par  MM.  Morel-Fatio  et  Cie.  Nous  essayons 
de  compléter  ici  ce  chapitre. 

D'après  des  expériences  faites  à  Brest,  sur  les  ordres 
du  préfet  maritime  ,  et  aux  États-Unis  ,  par  l'administration 
de  la  marine  ,  il  semblerait  que  les  deux  procédés  ne  réussis- 
sent pas  également  bien  pour  certaines  plantes,  qu'ils  ont 
en  quelque  ^orle  une  spécialité  en  raison  de  la  nature  des  lé- 
gumes sur  lesquels  ils  s'exercent. 

La  commission  de  Brest  a  reconnu  que  les  légumes  préparés 
par  MM.  Morel-Fatio  et  Cie  ont  gardé  toutes  leurs  qualités, 
leur  odeur,  leur  saveur,  leur  couleur;  que  les  juliennes 
échaudces  des  mêmes  industriels  paraissent  supérieures  aux 
choux  desséchés  par  le  procédé  Masson  ;  que  la  variété  et  la 
saveur  de  leurs  légumes  les  feraient  préférer  indubitablement 
par  les  marins,  qu'elles  cuisent  en  moins  de  temps,  avec 
moins  d'eau,  et,  par  conséquent,  avec  une  moindre  dépense 
de  combustible. 

D'autre  part,  la  commission  américaine,  en  comparant  les 
choux  préparés  d'après  le  procédé  Gannal  aux  choux  préparés 
d'après  le  procédé  Masson ,  a  trouvé  les  premiers  mauvais 
pour  les  approvisionnements  de  la  marine,  et  les  seconds 
très-bons.  Elle  a  confirmé  le  jugement  de  la  commission 
française  sur  les  juliennes,  tout  à  fait  supérieures  d'après  le 
procédé  Gannal,  médiocres  daprès  le  procédé  Masson.  Les 
carottes  ont  été  trouvées  excellentes  de  part  et  d'autre.  Les 
pommes  de  terre,  excellentes  d'après  le  procédé  Gannal,  se 
sont  montrées  d'un  goût  désagréable  d'après  le  procédé 
Masson. 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  cette  analyse  des  rap- 
ports des  deux  commissions.  Ce  que  nous  en  avons  dit  suffit 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  517 

pour  prouver  que  les  deux  méthodes,  comme  toutes  les  mé- 
thodes du  monde,  ont  leurs  avantages  et  leurs  inconvénients, 
les  défauts  de  leurs  qualités.  Nous  ne  comparons  pas  les  prix 
de  revient  sur  lesquels  nous  n'avons  pas  de  données. 

Ce  qui  paraît  préférable  dans  le  procédé  Gannal ,  c'est  la 
belle  apparence  des  légumes  et  la  perte  moindre  de  leur 
arôme;  ce  qui  semble  plus  avantageux  dans  le  procédé  Mas- 
son  ,  c'est  la  condensation  des  produits  sous  un  volume  moin- 
dre ,  qui  les  rend  plus  commodes  pour  les  transports. 

Nous  l'avons  dit,  il  y  a  encore  des  progrès  à  réaliser  dans 
cette  industrie  dont  la  France  doit  surtout  recueillir  de  grands 
avantages,  et  pour  ses  déparlements  moins  septentrionaux, 
et  pour  ses  provinces  algériennes.  D'autres  compléteront 
l'œuvre  commencée  avec  tant  de  succès  déjà  par  les  hommes 
qui  ont  si  bien  mérité  de  leur  pays. 

La  conservation  des  viandes,  plus  difficile  encore  que  celle 
des  légumes  et  plus  importante,  préoccupe  en  ce  moment 
beaucoup  d'expérimentateurs  ;  nos  compatriotes  se  distin- 
guent à  l'Exposition  par  leurs  tentatives,  et  nous  dirons 
même  par  leurs  succès. 

C'était  déjà  un  point  important  que  d'avoir  pu  conserver 
dans  des  boîtes  ,  d'après  les  procédés  perfectionnés  d'Appert, 
des  viandes  qu'on  pouvait  transporter  au  loin  sans  qu'elles 
s'altérassent.  Les  essais  nouveaux  promettent  davantage. 

C'est  dans  la  période  des  vingt-cinq  années  dernières  qu'on 
a  commencé  à  s'occuper  sérieusement  et  avec  suite  du  pro- 
blème ;  les  voyages  aux  terres  arctiques ,  la  recherche  d'un 
passage  au  nord-ouest,  les  excursions  dans  des  régions  inac- 
cessibles ont  fait  sentir  l'avantage  qu'il  y  aurait  à  pouvoir 
s'approvisionner  de  viande.  La  marine  militaire  et  marchande 
a  compris  aussi  de  quelle  utilité  serait  une  pareille  ressource. 

Outre  leurs  avantages  hygiéniques  ,  les  conserves  de  vian- 
des en  boîtes  de  petites  dimensions  offrent  de  grands  avan- 
tages économiques  sur  les  viandes  salées  de  bœuf  ou  de  porc. 
Le  procédé  est  simple ,  l'appareil  peu  coûteux  ;  on  évite  la 
dépense  des  barriques,  les  frais  d'arrimage,  les  pertes  résul- 
tant du  coulage,  de  la  réduction  et  de  la  présence  des  os.  De 
plus ,  si  un  accident  arrive  à  un  baril  de  viande  salée ,  la  fuite 
de  la  saumure  peut  compromettre  tout  le  contenu ,  tandis 
que  les  viandes  gardées  dans  des  boîtes  de  fer-blanc  ne  cou- 


ol8  VISITE 

rentpas  de  risque  ;  une  boîte  endommagée  n'occasionne  d'ail- 
leurs que  la  perte  d'un  à  deux  kilogrammes  de  viande. 

Sous  la  forme  que  les  nouveaux  procédés  donnent  aux 
viandes,  les  avantages  semblent  devoir  être  plus  considéra- 
bles encore.  Voici  sur  ce  point  les  renseignements  que  nous 
pouvons  présenter. 

Une  société  s'est  constituée  sous  le  nom  de  Compagnie  ali- 
mentaire de  Buenos- A fjres ,  pour  exploiter  des  procédés  parti- 
culiers de  conservation  des  viandes  dans  l'Amérique  méridio- 
nale, et  partout  où  existent  de  grands  troupeaux  d'animaux 
qu'on  tue  seulement  pour  en  obtenir  le  suif  et  le  cuir.  Cette 
société  expose  des  viandes,  des  tablettes,  des  biscuits  de 
viande  obtenus  par  ses  méthodes  qui  restent  son  secret. 

D'après  les  exposants,  les  viandes  seraient  conservées 
fraîches  durant  un  temps  illimilé ,  et  ils  en  montrent  des 
échantillons  préparés  depuis  quinze  mois  qui  seraient,  d'a- 
près eux.  exactement  aujourd'hui  ce  qu'ils  étaient  au  premier 
jour.  La  viande  conserverait  sa  transparence,  sa  couleur 
rouge;  elle  laisserait,  après  quinze  mois  de  conservation, 
suinter  le  sang  sous  le  couteau,  et  ne  donnerait  d'autre  saveur 
que  celle  de  la  viande  fraîche. 

Pour  la  préparer  en  bouilli,  il  suffirait  de  la  placer  dans 
l'eau  et  de  la  soumettre  à  l'action  du  feu ,  absolument  comme 
on  le  fait  de  la  viande  qu'on  vient  d'acheter  chez  le  boucher; 
pour  la  rô'ir ,  on  la  ferait  préalablement  tremper  quelcpjes  in- 
stants dans  l'eau  tiède. 

La  viande  préservée  par  les  procédés  propres  aux  expo- 
sants, peut  être  transportée  sans  être  enfermée  dans  des  vases, 
privés  d'air,  sans  plus  de  précautions  qu'on  n'en  prend  pour 
les  biscuits  de  mer. 

Les  tablettes  présentées  par  la  même  société  n'auraient 
aucune  analogie  avec  les  tablettes  de  bouillon  dont  il  a  déjà 
été  question  dans  le  commerce.  La  viande  à  l'état  frais,  n'ayant 
subi  ni  l'action  de  l'eau  ni  celle  du  feu,  y  serait  associée  à  des 
légumes  secs,  de  manière  à  donner  des  tablettes  qui  contien- 
draient, sous  un  poids  très-faible  ,  tous  les  éléments  du  pot- 
au-feu.  Une  ébullition  de  vingt  minutes,  une  demi-heure 
tout  au  plus,  suffirait  pour  donner  un  excellent  bouillon. 

Ces  tablettes  pourraient  ne  contenir  que  de  la  viande  de 
baeuf,  et  permettre  ainsi  de  faire  à  volonté  une  soupe  au  pain, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  ol9 

un  vermicelle ,  une  semoule  ou  tout  autre  potage;  elles  pour- 
raient aussi  fournir  les  éléments  du  bouillon  ,  unis  à  ceux 
d"une  julienne,  aux  choux  ou  à  l'oseille.  Il  existerait  aussi  des 
tablettes  donnant  du  bouillon  de  poulet  ou  du  bouillon  de 
veau  avec  de  l'oseille.  Pour  ces  préparations  ,  tous  les  déchets 
de  l'étal  pourraient  être  utilisés,  et  les  inventeurs  pensent 
que  leurs  procédés  fourniraient  à  bon  marché  des  bouillons 
aux  armées  de  mer  et  de  terre,  aux  voyageurs,  aux  habitants 
des  campagnes,  aux  bureaux  de  charité. 

Enfin  la  même  société  prépare  encore  un  biscuit  de  viande 
qu'elle  présente  comme  supérieur  aux  produits  de  ce  nom 
qui  ont  été  imaginés  jusqu'ici. 

Depuis  quelque  temps  déjà ,  la  marine  américaine  et  les 
voyageurs  du  nouveau  continent  font  usage  d'un  biscuit  de 
viande  qui  porte  le  nom  de  son  inventeur,  Gail  Borden ,  et 
qui  a  attiré  vivement  l'attention  à  l'Exposition  universelle  de 
Londres.  Ce  biscuit  présente,  sous  la  forme  la  plus  simple  et 
la  plus  économique  qu'on  eût  encore  trouvée ,  une  combinai- 
son de  farine  de  froment  et  de  viande  de  bœuf;  c'est  une 
sorte  de  gâteau  plat,  sec  ,  inodore,  cassant,  qui  se  peut  gar- 
der un  très-longtemps  sans  s'altérer.  Avec  de  l'eau  chaude  et 
un  assaisonnement  approprié  au  goût  du  consommateur,  on 
obtient  rapidement  ainsi  une  soupe  savoureuse,  agréable, 
très-nutritive,  ayant  quelque  chose  de  la  consistance  du 
sagou. 

D'après  le  jury  de  Londres ,  une  livre  de  ce  biscuit  contient 
la  matière  nutritive  de  cinq  livres  de  bœuf  de  première  qua- 
lité,  moins  la  graisse,  mélangée  avec  une  demi-livre  delà 
meilleure  farine.  Il  suffît  d'une  once  de  ce  biscuit  râpé  et  bouilli 
dans  une  pinte  d'eau,  pour  avoir  un  excellent  potage  d'une 
haute  valeur  nutritive.  L'inventeur  affirme,  et  le  jury  appuie 
cette  affirmation ,  que  dix  livres  de  ce  biscuit ,  ajoutées  à  une 
convenable  quantité  d'eau,  fournissent  un  aliment  suffisant, 
par  son  volume  comme  par  sa  faculté  nutritive  ,  non-seule- 
ment pour  maintenir  un  homme  en  bonne  santé  ,  mais  pour 
entretenir  les  forces  d'un  travailleur  durant  un  mois. 

L'analyse  chimique  a  montré  que  la  viande  ,  aussi  bien  que 
la  matière  amylacée ,  existent  dans  ce  biscuit  sans  altération 
aucune.  Il  contient  en  moyenne  près  de  32  pourri  00  des  prin- 
cipes azotés  qui  constituent  la  chair  musculaire. 


520  VISITE 

Dernièrement,  l'Académie  des  sciences  a  été  appelée  à  exa- 
miner un  biscuit-viande  préparé  par  M.  Callamand,  avec  de  la 
farine  de  pur  froment,  de  la  viande  cuite  et  des  légumes. 
D'après  l'auteur ,  250  grammes  de  ce  biscuit  donneraient , 
avec  2  litres  d'eau  et  un  assaisonnement  convenable ,  6  ra- 
tions de  soupe  grasse.  Des  expériences  faites  par  la  commis- 
sion, au  Conser\atoire  des  arts  et  métiers,  sur  les  indications 
de  l'inventeur,  ont  donné  pour  la  composition  de  ce  biscuit 
un  peu  plus  de  83  pour  100  des  matières  qui  entrent  dans  la 
confection  du  biscuit  ordinaire,  et  un  peu  moins  de  17  pour 
100  do  viande  sèche  et  assaisonnement  sec. 

La  commission  a  préparé,  avec  250  grammes  de  ce  biscuit, 
une  soupe  analogue  à  celle  qu'on  obtiendrait  avec  du  biscuit 
ordinaire  trempé  dans  un  bouillon  gras,  mais  contenant  de 
plus  toute  la  chair  cuite  à  laquelle  le  bouillon  doit  ses  quali- 
tés. Notre  compatriote  aurait  donc  obtenu  un  résultat  au 
moins  égal  à  celui  qui  recommande  le  biscuit-viande  de  Gail 
Borden  ,  et  fournirait  ainsi  le  moyen  de  se  procurer,  en  peu 
de  temps,  une  nourriture  agréable,  substantielle,  avantageuse 
dans  tous  les  cas  de  guerre,  d'expéditions  maritimes  ou  de 
voyages  lointains. 

Le  biscuit -viande  qu'expose  la  Compagnie  alimentaire  de 
Buénos-Ayres  n'aurait  rien  de  commun  avec  les  produits  de 
même  nom  dont  nous  venons  de  parler.  Outre  les  éléments 
des  autres  biscuits  homonymes ,  il  contiendrait  la  viande 
fraîche,  ni  cuite,  ni  salée,  en  proportion  plus  ou  moins  consi- 
dérable et  variable  à  volonté.  Des  expériences  viendront  sans 
doute  confirmer  toutes  les  promesses  de  cette  exposition. 

Une  autre  société,  la  Société  générale  de  conservation  des 
viandes,  dont  les  essais  ont  préoccupé  dernièrement  l'opinion 
publique ,  nous  montre  des  viandes  et  des  subtances  de  toute 
sorte  conservées  à  l'aide  d'une  matière  tirée  de  la  viande 
même,  et  désignée  sous  le  nom  àecu7iservatine.  Pour  expliquer 
en  quoi  consiste  cette  conservatine  et  comment  on  l'obtient , 
nous  résumerons  les  opérations  exécutées,  au  mois  de  juillet 
dernier,  devant  la  commission  supérieure  des  subsistances  mi- 
litaires de  la  guerre,  chargée  de  se  rendre  compte  de  la  valeur 
du  procédé. 

Un  bœuf,  du  poids  de  38i  kilogrammes  sur  pied  ,  abattu 
et  divisé  en  quatre  quartiers,  selon  la  pratique  de  la  boucherie 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  .      S2i 

parisienne  ,  a  été  découpé  en  morceaux  de  2  kilogrammes  au 
minimum  et  de  5  kilogrammes  au  maximum. 

Le  boucher  désosse  à  mesure  qu'il  découpe,  et  il  s'applique, 
en  formant  ses  morceaux,  à  suivre  les  aponévroses,  de  manière 
à  laisser  intactes  et  à  isoler  les  masses  musculaires  des  mem- 
bres. Il  est  important  de  ne  pas  attaquer  sans  nécessité  le 
corps  du  muscle,  de  ne  pas  l'inciser  inutilement,  de  conserver, 
en  un  mot ,  la  surface  des  morceaux  aussi  lisse  et  unie  que 
possible.  Dans  ce  but ,  on  enlève  tout  ce  qui  fait  saillie,  les 
graisses,  les  vaisseaux  sanguins  qui  ne  pénètrent  pas  dans 
l'épaisseur  des  muscles,  aussi  bien  que  les  ecchymoses,  s'il  y 
en  a,  et  l'on  ouvre  toutes  les  cavités  qu'on  rencontre.  Il  est 
facile  de  comprendre  qu'on  évite  ainsi  le  séjour  de  l'air  dans 
la  masse,  et  que  la  surface  bien  unie  ne  laissera  aucune  brin- 
dille saillante  où  l'altération  trouverait  prise. 

En  même  temps  que  se  préparent  les  morceaux  destinés  soit 
à  être  bouillis  ,  soit  à  être  rôtis ,  soit  à  rester  crus,  on  met  de 
côté  tout  ce  qui  doit  servir  à  la  préparation  de  la  conservatine, 
c'est-à-dire  les  os  dégarnis  de.  leur  moelle  et  cassés  au  coupe- 
ret en  petits  fragments,  la  queue  et  tous  les  menus  débris  qui 
résultent  du  découpage,  toutes  les  chaires  tendineuses  et  de 
basse  boucherie,  telles  que  les  gîtes,  le  collier,  les  joues,  etc. 

Pour  le  bœuf  dont  il  s'agit,  on  a  obtenu  230^,600  en  mor- 
ceaux destinés  à  être  conservés,  46*^,650  en  morceaux  divers 
devant  entrer  dans  la  préparation  de  la  conservatine ,  et 
^  04'', 560  en  os,  graisse,  moelle  et  queue  de  l'animal.  Toutes 
ces  parties  donnent  un  poids  total  de  381^,810  qui,  comparé 
au  poids  brut  du  bœuf,  laisse  2'',  190  représentant  la  perte  par 
l'évaporation  et  le  découpage. 

Pendant  que  sont  bouillis  et  rôtis  les  morceaux  qu'on  a  des- 
tinés à  ces  préparations  ,  on  fabrique  la  conservatine.  Toutes 
les  parties  que  nous  venons  d'indiquer  comme  employées  à 
cette  fabrication  sont  placées  dans  des  chaudières  avec  deux 
litres  d'eau  par  kilogramme  de  viande  ,  et  soumises  à  l'action 
d'un  feu  violent  jusqu'à  l'ébullition  complète  de  l'eau.  Le  feu 
est  ensuite  modéré  ,  le  liquide  écume  et  dégraissé  ,  et ,  après 
douze  heures,  passé  au  tamis.  Les  viandes  restées  sur  le  tamis 
et  dans  la  chaudière  sont  mises  sous  presse,  et  Ton  en  exprime 
les  sucs  autant  que  possible. 

Ces  sucs  ,  ajoutés  au  liquide  tamisé ,  sont  versés  dans  des 


522  VISITE 

chausses  à  filtrer,  et  le  liquide  ainsi  épuré  est  soumis  de  nou- 
veau à  l'ébullilion,  durant  laquelle  on  agite  à  la  spatule.  Quand 
le  tout  est  réduit  à  consistance  sirupeu-e,  c'est-à-dire  après 
six  ou  sept  heures  de  feu  modéré,  on  ajoute  de  la  gomme  et  du 
sucre  en  quantité  proportionnée  à  la  masse  du  liquide  ;  on 
remue  à  la  spatule  durant  dix  minutes  ,  et  l'on  transvase  le 
liquide  pour  le  laisser  refroidir  jusqu'à  35  degrés  centigrades. 
A  ce  moment,  on  verse  4  centilitres  d'alcool  à  83  degrés  par 
kilogramme  de  liquide,  et  la  conservatine  est  préparée. 

Cette  conservatine ,  ou  sorte  de  gelée  ,  est  placée  dans  de 
grandes  terrines  ,  à  la  température  de  3b  degrés  centigrades  ; 
les  terrines  sont  portées  au  séchoir  où  sont  suspendues  les 
viandes  ;  puis  chaque  morceau  est  plongé  dans  la  conservatine 
durant  quelques  secondes.  On  suspend  de  nouveau  les  viandes 
jusqu'au  lendemain,  pour  attendre  une  seconde  immersion. 

Ainsi  enveloppées  de  toutes  parts  de  la  gelée  préservatrice, 
les  viandes  de  toute  nature  seraient  mises  à  l'abri  de  toute 
altération,  pendant  un  temps  que  les  exposants  garantissent 
être  d'un  an  au  moins.  Pour  utiliser  les  viandes  ainsi  prépa- 
rées, il  suffit  de  les  plonger  quelques  instants  dans  l'eau  pure 
assez  échauffée  pour  faire  fondre  l'enveloppe  gélatineuse.  On 
les  traite  alors  comme  à  l'ordinaire,  si  elles  sont  crues  ;  on  les 
consomme,  si  elles  sont  bouillies  ou  rôties. 

L'expérience  du  temps  est  nécessaire  pour  juger  la  valeur  de 
cette  méthode,  et  les  essais  que  tente  l'administration  de  la 
guerre  sont  extrêmement  intéressants  et  importants;  ils  nous 
diront  ce  que  nous  devons  attendre  du  procédé. 

Déjà  l'on  a  rendu  publics  les  résultats  d'une  expérience  faite 
au  mois  d'avril  dernier.  Une  cuis-e  de  bœuf  cru^  du  poids  de 
4-5  kilogrammes  environ,  et  enveloppée  depuis  six  mois  de 
conservaline ^  a  été  découpée  comme  on  le  fait  à  l'étal.  La 
viande ,  au  rapport  des  témoins  ,  avait  conservé  sa  couleur 
vive,  les  chaires  étaient  fraîches  et  élastiques;  la  graisse  ,  les 
os,  la  moelle  se  présentaient  dans  l'état  où  se  trouvent  ces 
parties  sur  l'animal  récemment  abattu.  Un  morceau  du  tendre 
de  gi'te,  cuit  sur  le  gril  comme  beefsteak  ordinaire,  a  été  trouvé 
excellent,  et  un  juj;e  compétent ,  M.  Chevet ,  en  a  loué  la  sa- 
veur, comme  il  avait  loué  le  fumet  de  la  viande  crue. 

Si  ce  succès  se  confirme  ,  les  inventeurs  de  ce  procédé  au- 
ront certainement  réalisé  un  grand  progrès  dans  l'art  de  la 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  523 

conservation  des  matières  animales.  Il  paraîtrait  que  leur  dé- 
couverte s'applique  également  à  la  conservation  du  poisson  , 
du  gibier ,  de  la  volaille,  des  légumes  frais,  des  fruits,  des 
graisses,  du  beurre,  etc. 

Pour  transporter  les  aliments  ainsi  préparés  ,  il  serait  inu- 
tile de  les  enfermer  dans  des  vases  particuliers;  on  pourrait 
les  expédier  en  caisses  ou  même  à  l'air  libre ,  comme  toute 
autre  denrée  qui  n'a  rien  à  redouter  des  agents  extérieurs. 

Le  prix  de  revient  de  ces  préparations  ne  doit  pas  être 
élevé,  car  on  utilise  toutes  les  parties  de  l'animal ,  et  même 
les  viandes  comprimées  qui  ont  servi  à  préparer  la  conserva- 
tine.  Assaisonnées  convenablement,  ces  viandes  sont  em- 
ployées à  la  fabrication  de  saucissons  ou  comestibles  d'autre 
nature. 

Voici  enfin  une  découverte  plus  merveilleuse  encore,  la 
plus'merveilleuse  de  rExpo?ition  universelle  de  ISoS,  si  elle 
tient  tout  ce  qu'elle  promet,  comme  nous  pouvons  l'espérer. 
>ï.  Lamy  conserve  dans  leur  état  naturel  toutes  les  substances 
lesplusaltérables,  les  plus  impressionnables,  sans  les  soumettre 
préalablement  à  aucune  dessiccation,  cuisson  ou  compression, 
sans  les  enfermer  hermétiquement  dans  le  vide,  sans  les  en- 
tourer d'une  enveloppe  protectrice. 

C'est  par  l'application  de  la  science,  et  non  par  hasard,  que 
M.  Lamy  a  trouvé  sa  méthode.  Aujourd'hui  industriel  à  Cler- 
mont-Ferrand,  M.  Lamy  est  licencié  es  sciences  physiques  et 
mathématiques,  et  professur  de  l'Université.  Il  n'a  pas  révélé 
son  secret ,  mais  on  sait  quelles  sont  les  deux  opérations  fon- 
damentales qu'il  fait  subir  aux  substances  qu'il  veut  con- 
server. 

La  première  consiste  à  précipiter  ou  à  coaguler  le  principe 
albuminoïde  dent  la  fermentation  est  la  cause  primitive  de  la 
décomposition  et  de  la  putréfaction  des  matières  organiques  , 
animales  ou  végétales.  La  précipitation  ou  la  coagulation  de 
ce  principe  a  lieu  en  vase  clos,  par  l'action  d'un  corps  gazeux 
choisi  par  l'inventeur.  Dans  beaucoup  de  cas  ,  et  ,  par  exem- 
ple, pour  la  viande  de  boucherie  ,  cette  opération ,  prolongée 
durant  quelques  jours,  suffit  pour  que  la  substance  soit  indéfi- 
niment inaltérable. 

Mais,  pour  d'autres  substances,  comme  le  gibier,  les  fruits 
les  légumes ,  il  faut  compléter  cette  première  opération  par 


524  VISITE 


une  seconde  qui  a  pour  but  d'enlever  à  l'atmosphère  qui  en- 
toure la  substance ,  l'oxygène  sans  lequel  la  fermentation  et  I 
la  putréfaction  ne  peuvent  avoir  lieu.  L'inventeur  emploie  ,  à  1 
cet  effet ,  certains  sels  qui  ne  sont  d'ailleurs  aucunement  en 
contact  avec  l'aliment. 

Annihiler  le  ferment,  éloigner  l'oxygène,  tels  sont  les  deux  ^ 

résultats  que  paraît  obtenir  M.  Lamy  pour  conserver  les  sub-  i 

stances  alimentaires.  j 

Il  expose,  dans  sa  vitrine  ,  des  gigots  de  mouton  conser-  j 

vés,  l'un  depuis  cinq  ans,  l'autre  depuis  dix  ans,  libres  au  ^j 

milieu   de  l'atmosphère   et  sans  aucune   protection   contre  i 

l'action  des  chaleurs  de  l'été  ou  contre  les  émanations  dan-  ] 

gereuses.  j 

Des  perdrix  sont  conservées  avec  leurs  entrailles  et  leurs   , 

plumes.  Des  raisins,  des  abricots,  des  pêches,  des  reine-  i 

Claude,  des  poires  de  beurré,  des  oranges,  des  nèfles,  des  ! 

truffes  ont  gardé  leur  aspect  frais  et  vivant.  Des  choux-fleurs   ; 

ont  gardé  leur  couleur  et  leur  rigidité  natun4les.  Il  paraît   | 

qu'un  gigot  et  des  choux-fleurs,  semblables  à  ceux  qui  sont   " 

exposés,  ont  figuré  avec  honneur  sur  la  table  du  chef  de  TÉ-   \ 

tat.  Une  maison  de  Paris  fournie  per  l'inventeur  a  vendu,    ; 

durant  l'hiver  dernier,  des  abricots  et  des  pêches  qui  se    ^ 

payaient  1  fr.  et  1  fr.  25  c.  la  pièce.  ' 

Le  lait  peut  aussi  être  conservé  par  les  mêmes  moyens,  et    ; 

M.  Lamy  montre  deux  flacons  bouchés  à  l'émeri,  ouverts  et    ! 

fermés  incessamment,  dans  lesquels  est  enfermé  du  lait  trait    î 

il  y  a  six  mois,  sans  qu'il  ait  subi  d'altération.  I 

Des  betteraves ,  entières  et  coupées ,  du  jus  de  betteraves ,    i 

même  de  la  levure  de  bière,  ferment  si  instable,  peuvent  être    ' 

conservés  avec  le  même  succès.  j 

M.  Lamy  peut  montrer  un  magnifique  chevreuil  conservé    i 

depuis  plus  de  deux  ans,  un  saumon,  un  brochet,  un  turbot,    ' 

destinés   à  figurer  à  un  banquet  dans  quelque  circonstance    I 

solennelle.  ! 

H  paraît  que  ces  procédés  de  conservation  n'ajoutent  qu'une    i 

dépense  insignifiante  au  prix  de  la  substance  :  10  centimes    ■ 

par  kilogramme  de  viande  ou  par  litre  de  lait;  1  franc  par    i 

1 000  kilogrammes  de  betteraves  ou  par  hectolitre  de  jus.  ^ 

Les  avantages  d'une  telle  découverte ,  comme  de  toutes    ' 

celles  dont  nous  venons  de  donner  une  idée,  ne  consistent  pas    j 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  525 

tant  dans  la  possibilité  de  pouvoir  conserver  les  substances 
alimentaires  d'une  année  à  l'autre,  que  dans  la  facilité 
qu'elles  fournissent  de  prendre  de  la  viande  là  où  elle  est 
abondante  et  à  bon  marché,  pour  la  porter  sans  perte  là  où 
elle  est  rare  et  chère. 

Or,  il  est  des  pays,  comme  l'Amérique  méridionale,  comme 
le  Canada,  comme  l'Australie ,  où  les  bœufs  et  les  moutons  se 
trouvent  quelquefois  en  nombre  considérable,  et  où  l'on  est  ré- 
duit aies  tuer  pour  prendre  leur  cuir  ou  leur  suif.  Si  leur  chair 
pouvait  être  conservée,  il  n'est  pas  douteux  qu'elle  trouverait 
à  se  placer  sur  les  marchés  européens,  pour  le  plus  grand  pro- 
fit des  classes  pauvres. 

Souvent ,  il  est  vrai ,  les  animaux  qu'on  immole  ainsi  sont 
âgés  et  dans  un  état  de  maigreur  qui  n'est  pas  favorable  à  la 
qualité  de  leur  viande.  Mais  si  l'industrie  s'emparait  de  la 
question,  elle  trouverait  facilement  le  moyen  de  soumettre  les 
animaux  à  une  sorte  de  petit  engraissement  préalable  qui 
donnerait  plus  de  valeur  à  leur  chair. 

Un  des  traits  caractéristiques  de  l'Exposition  universelle  de 
^855  sera  incontestablement  cette  préoccupation^,  qui  se  tra- 
hit sous  tant  de  formes,  du  problème  de  la  conservation  des 
matières  alimentaires,  et  tout  particulièrement  des  viandes. 
La  France  paraît  destinée  à  garder  la  plus  belle  part  d'initia- 
tive et  de  succès  dans  cette  belle  et  utile  industrie. 


CLASSE  XIL 

Hygiène ,  pharmacie ,  médecine  et  chirurgie. 

Cette  classe  de  produits  comprend  tout  ce  qui  se  rattache 
plus  ou  moins  directement  à  la  conservation  de  la  santé  des 
hommes  et  des  animaux  :  hygiène  publique  et  privée,  sub- 
stances pharmaceutiques  naturelles  ou  fabriquées,  instru- 
ments et  appareils  de  chirurgie,  préparations  anatomiques; 
tels  sont  les  titres  généraux  sous  lesquels  se  rangent  tous  les 
objets  que  nous  avons  à  étudier  ici.  Ce  cadre  est  large,  comme 


526  VISITE 

on  le  voit;  c'est  l'arsenal  tout  entier  de  la  médecine  appliquée 
à  l'homme  sain  ou  malade.  Par  malheur,  l'Exposition  est  pau- 
vre sur  certains  points,  tandis  que  nos  richesse»  abondent  sur 
d'autres.  Aussi  serons-nous  obligés  d'exprimer  plus  souvent 
des  désirs  que  des  jugements.  Cela  est  vrai,  surtout  pour 
l'hygiène,  etjnous  n'en  sommes  nullement  surpris;  il  était  dif- 
ficile de  mettre  sous  les  yeux  du  visiteur  ces  vastes  systèmes 
de  salubrité  qui  sont  liés  d'une  manière  si  intime  à  l'économie 
des  grandes  villes.  Et  d'ailleurs  un  grand  nombre  d'indus- 
tries concourent  à  leur  édification  ;  que  d'essais  infructueux, 
que  de  tentatives  et  de  réformes  avant  d'arriver  à  une  solution 
convenable!  Nous  aurons  donc  à  faire  de  nombreuses  incur- 
sions dans  diverses  branches  de  science  çt  d'art  qui  semblent 
au  premier  abord  complètement  distinctes  de  notre  sujet,  mais 
qui  s'y  rattachent  cependant  comme  éléments  fondamentaux. 
Un  des  premiers  et  des  plus  importants  besoins  de  toutes  les 
grandes  villes,  c'est,  sans  aucun  doute,  Papprovisionnement 
des  eaux  en  quantité  et  en  qualité  suffisantes.  Nous  ne  vou- 
lons pas  étudier  ici  les  grands  travaux  d'art  que  nécessitent 
presque  toujours  des  détournements  ou  des  prises  d'eau  de 
sources  ou  de  rivières  faites  souvent  à  des  distances  considé- 
rables du  lieu  de  la  consommation.  Il  est  cependant  quelques 
résultats  généraux  qu'il  importe  de  faire  connaître  ici.  On 
s'accorde  généralement  à  reconnaître  qu'une  quantité  d'eau 
de  100  litres  par  jour  et  par  individu  répond  d'une  manière 
suffisante  aux  besoins  journaliers.  Quelques  villes  doivent  à 
de  grands  travaux  d'aménagement  de  pouvoir  fournir  leurs 
habitants  d'une  manière  beaucoup  plus  large.  Aujourd'hui 
Rome,  quoique  privée  de  la  cinquième  partie  de  ses  eaux, 
donne  encore  à  chaque  habitant  près  de  -1000  litres;  chaque 
maison  de  Londres  peut  avoir  900  litres  d'eau  pour  10  centi- 
mes, tandis  qu'il  eût  fallu,  pour  obtenir  une  pareille  quantité 
par  les  transports  à  bras,  employer  240  000  individus,  presque 
toute  la  population  valide,  et  dépenser  227  millions  de  francs. 
La  ville  de  Paris  est  beaucoup  moins  bien  dotée  :  elle  ne 
donne  guère  que  3  à  4  litres  d'eau  par  jour  et  par  individu 
pour  les  bains  et  lavoirs  ;  nous  ne  connaissons  pas  le  chiffre 
relatif  des  consommations  ménagères.  Cette  pénurie  préoccupe 
depuis  longtemps  l'administration  et  les  ingénieurs,  et  leur  a 
fourni  un  sujet  d'études  rempli  d'intérêt  et  de  difficultés. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  527 

La  clarification  des  eaux  est  faite  en  grand  dans  quelques 
localités.  L'Exposition  ne  nous  a  montré  aucun  modèle  de  ce 
genre.  Nous  n'avons  pu  examiner  que  des  fontaines  fihrantes 
employées  dans  la  vie  domestique,  ou  des  filtres  portatifs  d'uu 
volume  très-peu  considérable.  Ces  filtres  sont  tous  constitués 
par  des  lames  ou  des  vases  de  pierre  poreuse  qui  arrêtent  à 
leur  surface  les  immondices,  mais  qui  offrent  l'inconvénient 
grave  de  s'encrasser  et  de  ne  pouvoir  se  nettoyer  eux-mêmes. 
Nous  aurions  aimé  à  voir  des  fontaines  filtrantes  de  ce  genre 
fonctionnant  de  bas  en  haut  et  de  haut  en  bas,  et  pouvant 
ainsi  se  nettoyer  elles-mêmes. 

Un  des  problèmes  de  Ihygiène  publique  les  plus  larges  et 
les  mieux  étudiés  de  nos  jours  est  relatif  à  l'enlèvement  des 
immondices  de  la  voie  publique  et  des  habitations,  à  l'établis- 
sement des  voiries  de  toute  nature  et  aux  cimetières;  de 
grands  progrès  ont  été  faits  depuis  vingt  ans.  Il  existe  sous 
ce  rapport  un  contraste  frappant  entre  le  midi  et  le  nord  de 
la  France.  A  Paris,  surtout,  la  législation  des  voiries  et  des 
fosses  d'aisances  a  été  complètement  modifiée  depuis  quelques 
années  :  les  voiries  de  Bondy  et  d'Aubervilliers  sont  de  vé- 
ritables usines  où  les  détritus  animaux  de  toute  espèce  sont 
préparés  et  traités  en  grand  de  manière  à  en  extraire  tous  les 
produits  utiles  qu'ils  contiennent.  Les  peaux  des  animaux 
sont  enlevées  et  envoyées  immédiatement  aux  ateliers  de 
tannerie;  l'ébullition  à  la  vapeur  dans  de  grands  vases  clos 
établit  la  séparation  des  huiles  et  graisses,  des  os  destinés  à  la 
fabrication  du  noir  animal  et  des  chairs  dont  on  retire  diverses 
substances  ammoniacales. 

Les  fosses  d'aisances,  il  y  a  quelques  années  encore,  étaient 
dévastes  réservoirs,  trop-  souvent  perméables,  et  contenant 
un  mélange  de  matières  solides  et  liquides  qui ,  filtrant  à  tra- 
vers les  parois,  donnaient  lieu  à  des  émanations  dangereuses. 
Aujourd'hui  les  fosses,  quelles  quelles  soient,  doivent  être 
parfaitement  étanches  et  doivent  permettre  la  séparation  des 
liquides  et  des  solides  :  les  premiers  devant  être  n^jelés  après 
désinfection  sur  la  voie  publique,  les  seconds  devant  être 
transportés  au  dépotoir  de  la  ViUette. 

Il  existe  plusieurs  systèmes  de  séparation  et  d'cxti action 
des  matières;  M.  Richer  a  exposé  une  coupe  réduite  d'une 
fosse  à  séparation  constante,  très-usitée  à  Paris  ;  il  a  donné 


o28  VISITE 

des  échantillons  assez  beaux  de  divers  produits  chimiques 
extraits  des  eaux  de  voirie  à  l'usine  de  Bondy  :  ce  sont  des 
sels  ammoniacaux  et  de  Tammoniaque  liquide.  Un  autre  ex- 
posant a,  dit-on,  un  système  de  vidange  atmosphérique  que 
nous  n'avons  pu  voir  :  nous  ne  connaissons  donc  pas  les  par- 
ticularités de  ce  nouvel  a])pareil.  Mais  nous  savons  que  la  vi- 
dange par  aspiration ,  à  l'aide  de  pompes ,  s'opère  sur  une 
grande  échelle  dans  notre  ville. 

MM.  Rozier  et  Mothes  ont  exposé  un  système  de  cuvette 
inodore  qui  nous  paraît  présenter  de  grands  avantages  pour 
les  lieux  publics,  les  bouches  d'égouts,  etc.  La  soupape  des 
cuvettes  s'ouvre  d'elle-même  lorsqu'elle  supporte  un  certain 
poids  proportionnel  à  l'importance  de  la  bouche  et  fait  arriver 
un  courant  d'eau  considérable  :  la  soupape  se  ferme  dès 
qu'elle  est  débarrassée  des  matières  qu'elle  contenait  ;  ces 
appareils  sont  d'une  extrême  simplicité ,  ils  sont  construits 
solidement ,  en  fonte  et  sans  aucun  mécanisme,  c'est  un 
contre-poids  adapté  à  la  soupape  qui  la  maintient  fermée  et 
qui  la  ramène  à  cette  position  quand  elle  a  été  ouverte.  Nous 
avons  encore  vu  d'autres  appareils  inodores  présentant  di- 
verses modifications  qui  nous  ont  semblé  moins  importantes  : 
ce  sont  des  appareils  à  courant  d'air,  sans  eau  ;  des  appareils 
dont  l'extrême  simplicité  permet  de  les  adapter  à  tous  les 
cabinets  d'aisances.  Nous  n'y  insisterons  pas  davantage. 

L'art  des  embaumements  et  de  la  conservation  des  corps 
n'est  pour  ainsi  dire  pas  représenté  à  l'Exposition  univer- 
selle, et  on  en  prendrait  une  mauvaise  idée  par  les  faibles 
échantillons  qui  y  sont  déposés.  Cet  art  a  été,  depuis  plus  de 
vingt  ans,  l'objet  d'études  sérieuses  et  suivies.  Nos  procédés 
actuels  diffèrent  totalement  de  ceux  qu'employaient  les  an- 
ciens :  ils  agissaient  à  l'extérieur  des  corps ,  soit  en  les 
soustrayant  autant  que  possible  au  contact  de  l'air,  soit  en 
les  entourant  de  substances  aromatiques  liquides  et  pulvéru- 
lentes. La  chimie  a  mis  entre  nos  mains  des  substances  dont 
l'action  est  beaucoup  plus  puissante  et  plus  durable,  et  nous 
ne  nous  contentons  plus  de  les  appliquer  superficiellement  ou 
de  les  faire  pénétrer  par  imbibition,  mais  des  injections 
poussées  dans  l'arbre  circulatoire  les  mettent  en  rapport  in- 
time avec  les  éléments  les  plus  délicats  des  tissus  organiques. 
Ces  procédés  de  conservation  sont  de  nature  à  rendre  les  plus 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  529 

grands  services  dans  les  cas  judiciaires,  dans  les  cas  de  trans- 
ports lointains  et  pour  les  études  anatomiqups.  On  emploie 
aujourd'hui,  dans  tous  les  amphithéâtres  de  dissection,  les 
méthodes  et  les  liquides  de  M.  Sucquet.  Cinq  ou  six  litres 
d'hyposulfite  de  soude  (qui  coûtent  environ  1  fr.  50),  injectés 
dans  les  artères  d'un  cadavre,  peuvent  le  conserver  à  l'abri 
de  la  putréfaction  pendant  trois  semaines  ou  un  mois.  Si  on 
veut  garder  pendant  un  temps  plus  long  des  pièces  prépa- 
rées, il  faut  employer  le  chlorure  de  zinc  en  lotions.  Les 
tissus  se  décolorent  légèrement,  durcissent  et  peuvent  rester 
en  cet  état  pendant  plusieurs  années. 

L'Exposition  ne  renferme  pas  de  préparations  conservées 
par  ce  procédé,  mais  on  peut  en  voir  dans  nos  musées  ana- 
tomiques  et  surtout  dans  celui  de  la  faculté  de  mé  iecine. 

Nous  avons  examiné  avec  attention  les  produits  exposés 
par  M.  Lamy  dans  les  conserves  alimentaires,  au  point  de 
vue  de  l'application  de  ses  procédés  aux  travaux  anato- 
miques.  Le  grand  mouvement  des  méthodes  connues  et  em- 
ployées jusqu'ici  est  de  durcir  les  parties  molles;  il  en  résulte 
qu'un  moulage  peint  en  plâtre  ou  en  cire  est  à  peu  près  aussi 
utile.  Au  contraire,  M.  Lamy  a  un  gigot,  des  perdrix,  prépa- 
rés depuis  plusieurs  années,  et  qui  sont  aussi  flexibles  que  le 
premier  jour;  les  graisses,  la  fibre  musculaire  ont  une  cou- 
leur normale.  Il  y  aurait  donc  grand  intérêt  à  connaître  et  à 
essayer  cette  méthode  au  point  de  vue  scientifique  ;  elle  est 
jusqu'ici  tenue  secrète  par  son  inventeur. 

Les  incessantes  recherches  des  conseils  d'hygiène  et  de  sa- 
lubrité, la  sollicitude  d"une  administration  de  plus  en  plus 
éclairée  ont  provoqué  et  déterminé,  dans  la  salubrité  des  con- 
structions et  des  villes,  des  modifications  de  la  plus  haute 
importance. 

Jusqu  à  ces  dernières  années,  tous  les  efforts  s'étaient 
bornés  à  de  tristes  enquêtes  qui  venaient  révéler  l'état  déso- 
lant des  habitations  dans  plusieurs  de  nos  grandes  vdles. 
C'était  dans  les  grands  centres  manufacturiers  surtout 
qu'existaient  ces  désolants  réduits,  asiles  de  misère  et  de  ma- 
ladies. Nous  n'avons  pas  à  entrer  ici  dans  de  plus  amples 
détails  sur  ce  sujet  de  douloureuses  méditations. 

Grâce  à  Dieu,  depuis  1849  s'est  opéré  un  des  plus  sérieux 
changements  dans  la  police  hygiénique  des  habitations.  Cn 
206  î't 


530  YISITE 

a  imposé  aux  propriétaires  et  aux  constructeurs  l'obligation 
d'éclairer  et  d'aérer  les  escaliers,  les  corridors,  les  chambres 
où  s'entassent  souvent  pendant  la  nuit  dix  et  douze  indi- 
vidus. Nous  verrons  bientôt  disparaître,  nous  l'espérons  du 
moins,  ces  ruelles  d'escalier  obscures  et  fangeuses  qui  ser- 
vent de  lit  aux  eaux  croupissantes  de  toute  une  maison.  La 
ville  de  Paris  applique  aujourd'hui  un  remède  héroïque  à 
cette  plaie.  Le  percement  de  larges  rues,  la  destruction  des 
quartiers  sombres  et  étroits,  l'établissement  de  squares,  de 
promenades  plantées  d'arbres  ,  un  système  convenable  de 
départ  des  eaux  ménagères  et  industrielles,  voilà  qui  dénote 
un  état  de  civilisation  véritablement  avancé,  demandant  au 
médecin  et  à  l'économiste  de  poser  les  données  du  problème, 
en  laissant  à  l'architecte  et  à  l'ingénieur  le  soin  de  les  ré- 
soudre. 

Nous  n'avons  pas  à  signaler  ici  quels  changements  se  sont 
effectués  pendant  ces  dernières  années  dans  l'art  des  construc- 
tions considéré  en  lui-même;  quelques-uns  d'entre  eux 
nous  semblent  cependant  avoir  une  certaine  influence  sur  la 
salubrité  des  édifices.  On  fabrique  aujourd'hui  en  quantité 
considérabh^  des  pierres  artificielles,  des  briques  creuses  et 
dont  les  cavités  communiquant  les  unes  avec  les  autres,  éta- 
blissent dans  l'épaisseur  des  murailles  des  courants  de  ven- 
tilation qui  doivent  avoir  pour  effet  de  s'opposer  à  l'humidité. 

Signalons  encore  ici  l'heureux  emploi  du  stuc  pour  les 
parois  de  certains  locaux  destinés  à  des  usages  spéciaux.  On 
ne  saurait  trop  louer  l'administration  des  hôpitaux  de  Paris 
d'avoir  (ait  revêtir  de  stuc  les  murs  et  les  plafonds  de  toutes 
les  salles  de  malades  à  Thôpilal  La  Riboisière  et  des  salles  de 
dissection  à  l'amphithéâtre  des  hôpitaux. 

La  production  de  la  chaleur  artificielle  })Our  nos  besoins 
domestiques  ou  pour  ceux  de  l'industi  ie  a  été  depuis  longtemps 
l'objet  d  études  particulières  et  pour  les  savants  et  pour  les 
constructeurs  d'appareils.  Disons  quelques  mots  des  différents 
procédés  de  chauffage  considérés  au  point  de  vue  de  l'hygiène. 
Dans  l'immense  majorité  des  habitations  on  n'emploie  que 
les  poêles  et  les  cheminées;  les  calorifères  sont  réservés  aux 
grands  établissements  ou  aux  édifices  publics.  Chacun  de  ces 
syslènies  présente  des  inconvénients  et  des  avantages;  c'est 
donc  par  un  emploi  bien  approprié  qu'on  pourra  en  tirer  le 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  531 

meilleur  parti.  On  pourrait  définir  d'une  manière  très-géné- 
rale le  poêle  et  la  cheminée  en  disant  que  l'un  chauffe  beau- 
coup, mais  établit  un  courant  d'air  insuffisant,  tandis  que 
l'autre  n'utilise  qu'une  faible  portion  de  la  chaleur  produite, 
le  dixième  au  plus ,  mais  en  revanche  renouvelle  très-bien 
l'air  des  appartements.  On  vient  souvent  en  aide  à  cette  cir- 
culation en  pratiquant  des  ventouses  à  proximité  du  foyer; 
mais  ces  ventouses  introduisent  de  l'air  froid  qui  ne  laisse 
pas  que  de  nuire  au  chauffage. 

On  a  cherché  à  remédier  à  ces  inconvénients,  soit  avec  des 
cheminées-poêles,  à  foyer  plus  ou  moins  couvert  et  qui  ti- 
rent bien  dans  des  appartements  clos  et  sans  ventouses;  soit 
à  l'aide  de  systèmes  ayant  pour  résultat  de  chauffer  l'air  pris 
au  dehors  avant  de  l'introduire  à  l'intérieur. 

M.  Fondet  a  exposé  plusieurs  modèles  construits  sur  ce 
principe  :  le  fond  et  la  partie  supérieure  du  foyer  sont  consti- 
tués par  une  double  rangée  de  tubes  de  fonte  très-serrés  et 
à  travers  lesquels  passe  la  fumée.  Ces  tubes  sont  en  commu- 
nication avec  l'air  extérieur  qui  s'échauffe  en  les  traversant 
et  qui  est  appelé  à  Tintérieur  par  le  tirage  du  foyer. 

Cesystèuie  réalise  donc  deux  perfectionnements,  1°  l'utili- 
sation d'une  plus  grande  quaintité  de  chaleur  produite, 
2°  une  ventilation  très-suffisante  de  l'appartement. 

M.  Boquillon,  de  son  côté,  expose  des  grilles  d'apparte- 
ment qui  ont  la  propriété  de  brûler  la  fumée  de  la  houille. 
Elles  sont  mobiles  sur  un  axe  horizontal  ;  ce  qui  permet  de 
placer,  sous  le  combustible  déjà  passé  à  l'état  de  coke,  la 
houille  neuve  dont  la  fumée  s'enflamme  en  traversant  une 
portion  de  la  masse  incandescente. 

Les  appareils  de  chauffage  en  grand  ont  été  surtout  étudiés 
■en  France  par  MM.  Grouvelle  et  Léon  Duvoir.  lisent,  dans 
plusieurs  grands  établissements,  réalisé  un  progrès  consi- 
dérable. Le  système^  de  M.  Grouvelle,  mis  en  pratique  à  la 
prison  Mazas,  offre  le  double  avantage  de  maintenir  dans 
toutes  les  parties  chauffées  de  ce  vaste  établissement  une 
température  égale,  et  d'aspirer  dans  les  cellules  et  les  corri- 
dors l'air  qui  doit  servir  à  la  combustion  du  foyer  central; 
cette  aspiration  se  fait  par  les  tuyaux  de  descente  des  plombs 
et  des  fosses  d'aisances.  Toutes  les  émanations  méphitiques 
sont  donc  attirées  et  détruites  par  le  foyer  de  combustion. 


532  VISITE 

M.  Duvoir  a  employé  à  l'église  de  la  Madeleine  des  disposi- 
tions non  moins  ingénieuses.  Pour  empêcher  le  refroidisse- 
ment causé  par  l'ouverture  continuelle  des  portes,  il  a  fait  des 
appels  d'air  au  niveau  de  chacune  d'elles,  de  telle  sorte  que 
l'air  froid  du  dehors  est  pour  ainsi  dire  arrêté  au  passage  et 
ne  peut  refroidir  celui  de  l'intérieur  chauffé  par  son  appareil 
à  circulation  d'eau. 

S'il  est  une  chose  qui  nous  étonne,  c'est  de  ne  pas  voir  ce 
procédé  de  chauffage  en  grand,  qui  concilie  à  la  fois  l'éco- 
nomie et  la  salubrité,  se  répandre  davantage  pour  les  édifices 
particuliers.  Nous  avons  peine  à  comprendre  qu'on  ne  fasse 
pas  de  tentatives  de  ce  genre  dans  ces  belles  et  luxueuses 
constructions  qui  s'élèvent  de  tous  côtés  dans  Paris.  Il  y  au- 
rait économie  considérable  et  pour  les  locataires  et  pour  les 
propriétaires,  et  en  même  temps  les  appartements ,  les  cor- 
ridors, les  escaliers,  seraient  entretenus  à  toute  heure  du 
jour  à  une  égale  température.  Au  lieu  de  cela  et  grâce  à  la 
routine,  nous  nous  chauffons  très-mal  et  à  grands  frais  ;  il 
faut  attendre  une  ou  deux  heures  avant  que  la  température 
intérieure  ait  acquis  un  degré  convenable;  une  porte  s'ouvre, 
et  nous  sommes  assaillis  d'un  courant  d'air  froid  ;  nous  pas- 
sons dans  une  pièce  voisine  et  non  chauffée,  nous  éprouvons 
une  différence  de  cinq  et  dix  degrés.  Certes,  ce  n'est  pas  là 
toute  la  perfection  désirable.  Cette  perfection ,  sinon  com- 
plète, tout  au  moins  plus  grande,  elle  existe,  nous  n'avons 
qu'à  vouloir  l'employer  ;  mais  il  faut  le  vouloir. 

Notons,  avant  de  terminer  ce  qui  a  rapport  au  chauffage, 
une  série  de  petits  appareils  exposés  en  Prusse  par  M.  Elsner. 
Un  tuyau  de  caoutchouc,  appliqué  sur  un  bec  de  gaz,  est  muni 
lui-même  d'un  autre  bec  à  son  extrémité  libre  ;  le  gaz  vieni 
briller  sous  une  toile  métallique  d'une  forme  qui  peut  varier 
suivant  le  besoin,  etqui  tantôtsupporteunebouilloire,  un  vase 
de  cuisine,  un  fer  à  repasser,  etc.  Cette  idée  nous  a  semblé 
à  la  fois  ingénieuse  et  utile;  économie  de  temps,  économie  de 
combustible,  elle  présente  ces  deux  avantages. 

L'éclairage  au  gaz  est  aujourd'hui  universellement  adopté 
sur  la  voie  publique  et  dans  une  foule  d'établissements  par- 
ticuliers. Nous  n'avons  pas  à  dire  ses  avantages,  nous  signa- 
lerons quelques  inconvénients  qu'il  présente  :  des  fuites  à 
travers  les  tuyaux  peuvent  occasionner  ou  de  terribles  ex- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  533 

plosions,  ou  l'asphyxie  des  personnes  qui  pénètrent  dans  les 
apparlements  dont  l'atmosphère  est  ainsi  viciée.  Les  procédés 
de  puriflcation  qui  tendent  à  se  perfectionner  chaque  jour, 
les  systèmes  de  becs  qui  permettent  une  combustion  plus 
complète,  doivent  atténuer  autant  qu'il  est  possible  les  effets 
délétères  des  fuites.  D'autre  part ,  la  meilleure  construction 
des  gazomètres  et  des  tuyaux  de  conduite  ,  leur  position  su- 
perficielle dans  tous  les  bâtiments,  rendent  les  explosions 
plus  rares  d'année  en  année. 

Nous  n'avons  rien  vu  à  l'Exposition  qui  nous  offrît  un  objet 
d'étude  intéressant.  Les  appareils  à  gaz,  à  huile,  à  liquide 
schisteux  ou  autres,  ne  présentent  rien  de  spécial  au  point 
de  vue  hygiénique. 

Un  grand  nombre  d'industries ,  l'Exploitation  des  mines, 
celle  des  carrières,  certaines  exploitations  métallurgiques,  la 
fabrication  des  glaces  et  d'autres  encore  exposent  les  ou- 
vriers qui  se  livrent  à  ces  travaux  à  des  dangers  de  toute 
nature.  Pour  les  mines  et  les  carrières ,  les  explosions,  les 
asphyxies,  les  chutes  et  les  blessures;  pour  les  ateliers  où 
se  travaillent  l'acier,  le  cuivre,  le  plomb,  le  mercure,  pour 
ceux  où  se  produisent  des  vapeurs  et  des  poussières  délétères, 
la  menace  continuelle  de  maladies  graves  bien  connues  des 
ouvriers  et  des  médecins.  On  conçoit  quel  intérêt  puissant 
pousse  les  iniiustriels  et  les  savants  à  chercher  par  tous  les 
moyens  possibles  à  prévenir  ou  à  annuler  ces  causes  inces- 
santes de  danger. 

La  galerie  des  machines  de  l'Exposition  contient,  en  France, 
en  Belgique  et  en  Angleterre,  un  certain  nombre  de  venti- 
lateurs fondés  sur  différents  principes  et  destinés  à  l'exploi- 
tation des  mines  ou  à  l'usage  des  grands  ateliers.  Nous  n'avons 
pas  à  juger  ici  la  valeur  intrinsèque  de  ces  appareils  ;  il  nous 
suffira  de  dire  que  leur  emploi  se  généralise  de  plus  en  plus 
à  mesure  que  l'hygiène  des  centres  d'exploitation  s'améliore 
et  se  perfectionne.  Nous  ferons  les  mêmes  remarques  sur 
les  appareils  destinés  à  empêcher  les  chutes  dans  les  puits 
des  mines;  des  divers  systèmes  de  lampes  de  mineurs,  qui 
ont  pour  but  de  prévenir  les  explosions.  Ces  produits  appar- 
tiennent naturellement  à  l'industrie  des  mines  et  leur  appré- 
ciation trouve  mieux  sa  place  dans  la  partie  de  ce  livre  qui  la 
concerne. 


534  VISITE 

Un  certain  nombre  de  réformes  et  d'améliorations  ont 
été  faites  depuis  quelques  années  dans  divers  ateliers.  C'est 
ainsi  que  la  fabrication  des  blancs  de  zinc  tend  à  se  substi- 
tuer à  celle  des  blancs  de  plomb  qui  exposait  les  travailleurs 
à  des  empoisonnements  d'une  nature  grave.  Les  ouvriers 
tourneurs  et  ciseleurs  en  cuivre  présentent  parfois  des  symp- 
tômes de  colique  cuprique  offrant  un  caractère  analogue. 
Enfin  on  a  signalé  dans  ces  derniers  temps  une  maladie  spé- 
ciale aux  aiguiseurs  d'armes  blanches  et  de  grosse  coutellerie; 
cette  maladie,  observée  surtout  à  la  manufacture  d'armes  de 
Châtellerault,  et  provoquée  par  l'aspiration  continuelle  de 
poussières  métalliques  et  siliceuses,  consiste  en  une  toux 
quinteuse  et  fatigante  ,  souvent  accompagnée  ou  suivie 
d'hémoptysies  graves  et  d'altérations  profondes  du  côté  des 
poumons. 

Nous  n'avons  rien  vu  à  l'Exposition  qui  se  rapportât  à 
l'hygiène  de  ces  professions  diverses  ;  nous  savons  cependant 
que  des  efforts  ont  été  tentés  dans  ce  but,  et  surtout  à  la  ma- 
nufacture de  Châtellerault;  c'est  par  une  ventilation  très- 
énergique  à  la  surface  des  meules  qu'on  enlève  continuelle- 
ment les  poussières  nuisibles  qui  s'y  forment. 

Nous  avons  vu  à  l'Exposition  quelques  systèmes  de  sau- 
vetage applicables  dans  les  cas  dincendie  et  d'inondation. 
Il  existe  dans  la  partie  française  quelques  machines  éléva- 
toires  d'un  volume  en  général  peu  considérable,  montées  sur 
un  chariot  qui  en  permet  un  facile  transport  et  qui  peuvent, 
lorsqu'elles  sont  dépliées,  atteindre  à  des  hauteurs  variables, 
Ces  machines  ne  sont  pas  employées  dans  le  service  des 
pompiers  de  Paris  ;  nous  ne  pouvons  donc  rien  dire  sur  leur 
valeur  et  leur  utilité;  elles  nous  semblent  cependant  de  nature 
à  rendre  de  grands  services  dans  certains  cas.  A  leur  aide 
on  pourrait  atteindre  et  sauver  des  personnes  enveloppées 
de  tous  côtés  par  les  flammes  dans  des  points  cernés  par  lin- 
cendie. 

Un  exposant  portugais  a  présenté  un  sac  de  sauvetage  qui 
nous  semble  inférieur  dans  son  emploi  à  celui  dont  se  servent 
les  pompiers  de  notre  ville  ;  c'est  une  sorte  de  panier  de  forte 
toile  que  l'on  accroche  par  ses  quatre  angles  à  une  corde,  et 
qu'on  laisse  glisser  le  long  de  l'édifice  incendié.  Celui  que 
nous  employons  consiste  en  un  tube  de  toile  carré  qui  se  fixe 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  535 

à  l'aide  de  deux  bâtons  par  son  extrémité  supérieure  à  une 
ienélre  quelconque  du  bâtiment  envahi  par  les  ilammes;  on  y 
précipite  indifl'éremment  les  hommes  et  les  choses  dont  on 
veut  opérer  le  sauvetage.  Cette  espèce  de  sac  est  solidement 
maintenu  à  sa  partie  inférieure  par  deux  hommes  qui  reçoi- 
vent tout  ce  qui  tombe.  Nous  avons  vu  répéter  par  des  pom- 
piers la  manœuvre  de  ce  sac  :  plusieurs  hommes  se  précipi- 
taient successivement  la  tête  la  première  dans  son  ouverture; 
la  chute  est  très-rapide,  mais  elle  s'amortit  vers  le  bas,  et 
n'offre  conséqueinment  aucun  danger. 

Un  costume  de  pompier  est  placé  dans  l'exposition  prus- 
sienne :  nous  n'y  avons  rien  remarqué  de  particulier  qu'un 
casque  dont  les  garnitures  de  cuir  et  la  visière  fenètrée  pro- 
tège mieux  la  tête  que  celui  qu'on  emploie  généralement  en 
France. 

Au  sujet  des  pompes  à  incendie ,  nous  nous  bornerons  à 
cette  remarque  que  la  France  est  peut-être  le  seul  pays  où 
l'on  emploie  des  pompes  traînées  à  bras  :  dans  toutes  les  ex- 
positions étrangères,  ces  appareils  sont  disposés  de  manière  à 
être  attelés.  Ces  deux  systèmes  ont  évidemment  leurs  avan- 
tages :  dans  les  villes  comme  Paris  ,  où  les  postes  de  secours 
sont  régulièrement  disséminés  et  en  général  peu  distants  du 
foyer  d'incendie,  le  service  par  les  hommes  est  évidemment 
beaucoup  plus  rapide;  mais  dans  les  petites  villes  et  les  cam- 
pagnes, où  la  pompe  peut  être  appelée  dans  des  lieux  fort 
éloignés,  le  cheval  nous  paraît  supérieur  en  permettant  une 
plus  grande  célérité  et  en  évitant  aux  hommes  une  fatigue 
inutile. 

Il  existe  en  Angleterre  une  institution  royale  et  nationale 
des  canots  de  sauvetage  qui  a  organisé  sur  toutes  les  côtes  du 
royaume-uni  un  service  complet  de  canots,  de  pilotes,  de 
bouées,  etc.  Cette  société,  qui  existe  depuis  trente  ans,  a  déjà 
soustrait  9200  personnes  à  une  mort  imminente.  Elle  a  ex- 
posé plusieurs  modèles  réduits  des  bateaux  qu'elle  emploie; 
ceux-ci  sont  construits  en  général  de  manière  à  présenter  une 
très-grande  surface  avec  le  plus  petit  poids  possible;  ils 
portent  sur  les  côtés  des  espaces  creux  et  parfaitement  clos, 
qui  les  rendent  insubmersibles;  ils  sont  montés  sur  des  trucs 
spéciaux  munis  de  treuils  et  qui  permettent  de  les  transporter 
rapidement  sur  tel  point  de  la  côte  [qui  réclame  leur  emploi. 


536  VISITE 

Nous  avons  vu  aussi  un  bateau  insubmersible  construit  en 
caoutchouc  :  c'est  une  sorte  de  couronne  allongée ,  gonflée 
d'air,  et  dont  on  rend  les  côtés  rigides  au  moyen  de  deux 
planchettes  de  bois  qui  s'appliquent  à  leur  surface  et  qui 
portent  les  systèmes  des  avirons.  Tout  cet  appareil ,  privé 
d'air,  peut  être  plié  et  renfermé  dans  un  sac  qu'un  seul 
homme  transporte  facilement.  Ce  n'est  pas  la  première  ten- 
tative de  ce  genre  qui  ait  été  faite;  mais  jusqu'ici  ces  sortes 
de  bateaux  sont  restés  à  l'état  d'essai;  nous  ne  croyons  pas 
qu'ils  aient  jamais  été  employés. 

Les  sociétés  de  sauvetage  de  France  qui  existent  dans  la 
plupart  de  nos  ports  n'ont  exposé  aucune  pièce  de  leur  ma- 
tériel. Nous  n'avons  donc  pu  établir  aucune  comparaison 
entre  les  procédés  des  deux  pays. 

L'administration  de  la  guerre  a  fait  placer  dans  la  galerie 
de  la  grosse  carrosserie  une  voiture  pour  les  blessés,  un 
fourgon  d'ambulance  et  une  cantine  d'ambulance  volante; 
la  bonne  construction  de  la  voiture  destinée  aux  blessés  a 
excité  notre  attention;  elle  est  destinée  à  deux  hommes,  qui 
reposent  sur  deux  lits-brancards  roulants  sur  des  galets;  la 
surface  des  lits  et  les  côtés  de  la  voiture  sont  rembourrés  de 
crin  et  recouverts  de  grosse  toile  vernie  rouge  ;  l'aération  se 
fait  par  quatre  fenêtres  à  jalousies  placées  sur  les  côtés;  le 
siège  de  la  voiture  peut  recevoir  deux  autres  blessés  moins 
grièvement  atteints  ;  une  caisse  oblongue  placée  au-dessous 
est  destinée  aux  armes  et  buffleteries.  Tout  cela  est  léger  et 
bien  suspendu  sur  quatre  ressorts.  Cette  voiture  est  évidem- 
ment supérieure  aux  modèles  précédemment  adoptés. 

Les  cantines  d'ambulance  volante,  qui  appartiennent  aux 
anciens  modèles  de  1841,  ont  été  faites  surtout  pour  l'armée 
d'Afrique.  Elles  étaient  transportées  à  dos  de  mulet  partout 
où  les  voitures  ne  pouvaient  pas  pénétrer.  Ce  sont  quatre 
caisses ,  représentant  la  charge  de  deux  animaux  et  renfer- 
mant sous  ce  volume  peu  considérable,  en  linge,  instru- 
ments, appareils  à  fracture  et  médicaments,  tout  ce  qui  peut 
être  nécessaire  à  un  petit  corps  d'armée. 

Nous  aurions  aimé  à  voir  exposés  les  brancardè  portatifs 
et  démontants  qui  sont  ou  qui  étaient  en  usage  dans  nos 
services  d'ambulance. 

Un  grand  nombre  d'objets,  épars  sur  tous  les  points  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  537 

l'Exposition ,  ont  des  rapports  plus  ou  moins  directs  avec 
l'hygiène  privée.  Mais  ce  serait  complètement  sortir  des 
limites  de  cet  article,  que  de  se  livrer  à  un  pareil  examen. 
Nous  nous  bornerons  à  signaler  ici  quelques  tendances  géné- 
rales qui  s'expriment  aujourd'hui  par  leurs  moyens  matériels 
d'exécution. 

Si  nous  voulions  entrer  dans  les  détails  intimes  de  la  toi- 
lette, nous  trouverions  à  coup  sûr  autant  de  variétés  que 
d'individus.  Deux  points  nous  semblent  plus  spécialement 
dignes  d'attention  :  l'usage  des  différents  cosmétiques  et 
l'emploi  de  l'eau.  Certes,  à  en  croire  nos  parfumeurs,  dont 
l'exposition  est  du  reste  pleine  d'élégance  et  de  séduction, 
nous  serions  en  possession  de  moyens  aussi  efficaces  qu'a- 
gréables pour  prévenir  ou  guérir  ces  mille  et  une  infirmités 
qui  sont  le  fait  même  de  l'âge  et  de  la  vie  :  l'eau  de  Jouvence 
est  pour  eux  la  pierre  philosophale.  En  dehors  de  ces  préten- 
tions peu  sérieuses,  nous  devons  reconnaître  que  l'emploi  de 
certaines  liqueurs  aromatiques  et  balsamiques  ne  peut  qu'être 
utile.  Nous  citerons  parmi  elles  les  eaux  de  Cologne  de 
toutes  espèces,  les  eaux  dentifrices,  enfin  quelques  vinai- 
gres. Par  malheur  ces  denrées  sont  en  général  d'un  prix 
élevé,  et  sont  conséquemment  l'apanage  du  bien-être  déjà 
luxueux;  l'eau  simple,  comme  élément  indispensable  de 
notre  toilette  quotidienne,  est  une  question  d'un  intérêt 
beaucoup  plus  réel.  Nous  n'hésitons  pas  à  le  déclarer  :  c'est 
avec  un  profond  sentiment  de  convoitise  que  nous  nous 
sommes  arrêtés  devant  les  nombreux  appareils  de  porcelaine 
et  de  faïence  qui  existent  dans  l'exposition  anglaise. 

C'est  une  chose  usuelle  à  Londres  et  en  Angleterre,  que  ces 
larges  cuvettes,  libres  ou  fixées  à  la  muraille,  et  pouvant 
contenir  cinq  ou  six  litres  d'eau;  c'est  à  peine  si  les  nôtres 
ont  la  capacité  d'un  ou  de  deux.  Espérons  que  l'exemple  des 
fabricants  anglais  ne  sera  pas  perdu,  et  que  les  nôtres  mar- 
cheront dans  celte  voie. 

Les  bains,  envisagés  au  point  de  vue  hygiénique  et  médi- 
cal, pourraient  prêter  à  de  longues  considérations;  mais 
nous  devons  nous  borner  ici  à  l'examen  des  appareils  qui 
ont  été  exposés.  Ce  sont  surtout  des  baignoires,  plus  intéres- 
santes à  cause  de  la  matière  et  du  procédé  de  fabrication, 
qu'en  raison  de  leur  but.  Celles  de  ce  genre  qui  nous  ont  le 


538  VISITE 

plus  frappés  sont  construites  en  fonte  de  fer  émaillée  à  l'in- 
térieur. Du  reste,  rien  qui  se  rapporte  au  matériel  des  grands 
établissements  :  c'est  là  une  lacune  bien  regrettable,  car  nous 
avons  beaucoup  à  faire  dans  cette  direction.  Un  exposant  de 
Hambourg,  M.  Krahnstover,  et  un  autre  des  Pays-Bas,  ont 
exposé  des  appareils  hydrothérapiques  pour  douches,  bains 
de  pluie,  aspersions  de  toute  espèce  :  ces  appareils  ne  nous 
ont  offert  rien  de  particulier. 

Nous  avons  examiné  avec  plus  de  détail  et  plus  de  soin 
deux:  appareils  destinés  aux  bains  d'air  comprimé  ou  raréfié. 
Le  premier  de  ces  appareils  ne  portait  aucune  indication  de 
nom  ni  de  numéro  d'ordre;  nous  ne  savons  à  qui  il  appar- 
tient. C'est  un  cylindre  de  cuivre  de  deux  mètres  de  hauteur, 
fermé  par  en  haut,  et  portant  à  la  partie  inférieure  un  large 
pas  de  vis  qui  permet  de  mettre  l'appareil  en  communication 
avec  une  pompe  aspirante  et  foulante.  C'est  donc  une  vaste 
cloche  dans  laquelle  on  enferme  le  patient.  M.  Emile  Tabarie 
a  exposé  un  appareil  beaucoup  plus  complet  et  beaucoup 
mieux  disposé  que  le  précédent.  C'est  une  chambre  cylin- 
drique aussi,  d'environ  \'",bO  de  diamètre,  s'ouvrant  à  l'ex- 
térieur par  une  porte  hermétiquement  close  au  moment  de 
l'action  ,  et  éclairée  par  quatre  petites  fenêtres  de  glace  ser- 
ties et  soigneusement  rivées  dans  la  paroi.  Un  tube  de  cuivre 
très-fort  met  cette  chambre  en  communication  avec  un  réser- 
voir rempli  d  air  comprimé  que  lui  envoie  une  pompe  voi- 
sine. M.  Tabarie  possède  d'autres  appareils  qu'il  n'a  pas 
exposés,  destinés  à  agir  localement  sur  telle  ou  telle  portion 
de  l'individu.  Ce  système  de  bain  ou  de  grande  ventouse  ne 
constitue  pas  une  idée  absolument  neuve;  déjà  M.  Pravaz 
avait  insisté  sur  la  valeur  thérapeutique  des  bains  généraux 
d'air  comprimé  qu'il  employait  beaucoup;  d'autre  part,  la 
botte  de  M.  Junod  est  l'idée-mère  des  bains  locaux  de  cette 
nature.  Nous  devons  cependant  reconnaître  que  M.  Tabarie 
a  le  mérite  d'avoir  régularisé  l'application  de  ces  procédés, 
d'avoir  construit  des  appareils  qui  répondent  mieux  aux  exi- 
gences variées  de  la  thérapeutique.  H  a  fondé  à  Montpellier 
un  établissement  qui  fonctionne  aujourd'hui  sous  la  direction 
de  M.  Bertin,  professeur  agrégé  de  cette  faculté.  Il  s'en  faut 
de  beaucoup  que  l'expérience  définitive  ait  assis  les  bases  de 
ce  mode  de  traitement,  peu  employé  jusqu'ici;  nous  n'avons 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  53î> 

donc  à   formuler  aucun  jugement,   mais  il  était  de   notre 
devoir  d'accorder  quelques  lignes  à  ces  appareils. 

Un  assez  grand  nombre  d'échantillons  d'eaux  minérales 
ont  été  exposés;  les  unes  naturelles,  les  autres  fabriquées. 
L'établissement  de  Vichy  a  montré  en  même  temps  les  sels 
alcalins  extraits  de  ses  eaux.  Nous  avons  vu  asissi  deux  ou 
trois  machines  destinées  à  la  fabrication  en  grand  des  eaux 
minérales  et  gazeuses;  en  tant  que  machines,  nous  n'avons 
pas  à  les  examiner  ici.  Nous  remarquerons  seulement  que 
la  consommation  des  boissons  gazeuses  et  surtout  des  eaux  de 
seltz  est  aujourd'hui  l'objet  d'un  commerce  très-étendu.  Les 
fabricants  les  livrent  presque  constamment  dans  de  petits 
appareils  connus  sous  le  nom  de  siphons,  très-avantageux 
pour  l'usage  de  nos  tables,  en  ce  qu'ils  évitent  les  éruptions 
violentes  du  liquide. 

Un  grand  nombre  d'inventeurs  ont  fabriqué  depuis  quel- 
ques années  des  appareils  portatifs  pour  la  production  écono- 
mique et  immédiate  de  l'eau  desellz.  Le  plus  employé  de  tous 
est  l'appareil  Briet,  qui  consiste  en  deux  globes  de  cristal 
superposés  et  vissés  l'un  à  l'autre;  il  évite  le  mélange  des 
produits  de  réaction  des  sels  avec  l'eau  qui  est  placée  dans 
le  globe  supérieur.  Cet  appareil  est  mis  en  usage  dans  tous 
les  hôpitaux  de  Paris  pour  la  fabrication  des  eaux  de  seltz ,  de 
sedlitz ,  de  Spa ,  etc. 

Les  boissons  en  général  ont  été  examinées  dans  un  précé- 
dent article.  Bornons-nous  à  remarquer  la  mauvaise  tendance 
de  l'industrie  au  sujet  des  boissons  destinées  à  remplacer  le 
vin  qui  nous  manque  depuis  quelques  années.  N'élait-il  pas 
possible  en  effet  de  chercher  et  de  trouver  mieux  que  le 
Sombrico  mousseux ,  le  Swar  du  Rhin ,  l'Oued-Allah ,  ou 
ruisseau  de  Dieu,  et  d'autres  que  nous  oublions  volontaire- 
ment? Ces  noms  pompeux  et  mousseux  justifient  notre  cri- 
tique. 

De  beaux  produits  pharmaceutiques  ont  été  exposés  en 
Angleterre,  en  Allemagne  et  en  France.  C'est  parLiculière- 
ment  la  préparation  des  alcaloïdes,  la  purification  de  cer- 
taines résines  et  des  huiles  de  foie  de  morue  et  de  ricin,  qui 
ont  préoccupé  les  chimistes  de  ces  différents  pays. 

M.  Benckiser^  du  grand-duché  de  Bade,  a  de  magnifiques 
cristaux  de  nitrate  de  plomb ,  de  tartrate  de  potasse  et  de 


540  VISITE 

soude  (sel  de  Seignette)  et  surtout  d'acide  tartrique.  M.  Ca- 
matsch,  de  Vienne,  fait  des  résine^  décolorées  de  jalap  et  de 
scammonée  qui  sont  d'une  bonne  fabrication,  mais  cependant 
inférieures  à  ce  que  nous  trouverons  chez  M.  Dorvault,  en 
France.  On  peut  dire  en  somme  que  les  produits  chimiques 
allemands  témoignent  d'une  très-belle  et  très-savante  fabri- 
cation. On  sait,  du  reste,  que  ce  pays  fournissait  et  fournit 
encore  la  majeure  partie  des  alcaloïdes  qui  proviennent  de 
l'opium  et  de  la  belladone. 

Nous  avons  examiné  avec  un  grand  intérêt  certains  pro- 
duits de  l'exposition  française.  Ce  sont,  entre  autres,  des 
échantillons  d'opium  indigène,  de  lactucarium,  de  quin- 
quina, de  MM.  Labaraque,  du  Havre,  et  Âubergier,  de  Gler- 
mont.  On  sait  combien  M.  Aubergier  a  travaillé  cette  ques- 
tion de  la  culture  de  l'opium  dans  nos  contrées  :  les  résultats 
auxquels  on  est  parvenu  nous  donnent  lieu  de  croire  à  une 
solution  complète  et  définitive  du  problème.  M.  lissier,  au 
Conquet  (Finistère),  a  de  très-beaux  produits  iodiques  et 
bromiques  extraits  en  grand  des  algues  et  des  fucus.  Tous 
les  pharmaciens  connaissent  aujourd'hui  les  extraits  secs 
préparés  dans  le  vide  par  M.  Berjot,  de  Caen  :  il  en  a  une 
collection  complète.  Notons  encore  la  belle  exposition  de 
poudrrs  végétales  et  d'extraits  de  MM.  Ménier  et  Cie  ;  les 
préparations  d'aconit  et  de  ciguë  de  M.  Guillermont,  de  Lyon; 
les  huiles  de  foie  de  morue  et  de  ricin  de  MM.  Royer  et  Berthé, 
qui  emploient  des  procédés  spéciaux  de  fabrication  et  de  cla- 
rification. Nous  avons  réservé,  pour  les  mentionner  d'une 
manière  toute  particulière,  l'exposition  de  M.  Dorvaux  et 
celle  de  MM.  Robiquet  père  et  fils,  Boyveau  et  Pelletier. 
Nous  avons  vu  chez  le  premier  des  cristaux  très-beaux  de 
citrate  de  magnésie  et  d'urée,  des  résines  de  jalap  et  de  scam- 
monée parfaitement  cristallisées;  chez  les  autres  une  magni- 
fique collection  d'alcaloïdes  et  surtout  de  l'asparagine,  de 
l'alizarine  (alcaloïde  de  la  garance)  d'une  très-belle  couleur, 
du  fer  réduit,  de  1  huile  de  ricin  presque  incolore. 

Nous  nous  bornerons  à  ces  citations ,  bien  assurés  que 
tous  ces  produits  seront  visités  avec  intérêt  par  les  pharma- 
ciens et  les  chimistes. 

Quoique  les  instruments  et  appareils  de  chirurgie  ne  s'a- 
dressent qu'à  un  public  Irès-restreint ,  leur  fabrication  est, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  541 

on  doit  le  concevoir,  une  des  plus  vieilles  industries.  Il  suffit 
de  jeter  les  yeux  sur  ces  vieux  livres ,  qui  sont  comme  les 
archives  de  l'art,  pour  se  convaincre  que  dès  les  temps  les 
plus  reculés  ,  les  chirurgiens  avaient  réclamé  les  secours  des 
couteliers  et  des  mécaniciens.  Mais  cet  examen  rétrospectif 
montre  en  même  temps  le  nouvel  essor  qu'a  pris ,  depuis  le 
commencement  de  ce  siècle  ,  cette  belle  et  secourable  indus- 
trie. Des  découvertes  miportantes  en  chirurgie,  l'emploi  de 
matières  nouvelles,  les  procédés  de  fabrication  plus  réguliers 
et  plus  savants  ,  caractérisent  l'état  actuel  de  nos  progrès. 

Avant  d'entrer  dans  un  examen  plus  approfondi  du  sujet, 
il  est  nécessaire  de  jeter  un  coup  d'oeil  général  sur  la  situa- 
tion relative  des  différents  pays ,  envisagés  à  notre  point  de 
vue.  Des  fabricants  d'instruments  de  chirurgie  existent  au- 
jourd'hui dans  la  plupart  des  capitales  de  l'Europe,  mais 
nous  montrerons  plus  loin  l'influence  directe  qu'exerce  sur 
eux  la  fabrication  française.  Les  couteliers  anglais,  qui  ont 
sous  la  main  leur  excellent  acier ,  dont  la  réputation  est  bien 
connue,  marchaient  pour  ainsi  dire  seuls  en  dehors  de  nous. 
Ils  avaient  leurs  modèles  à  part ,  leurs  instruments  di^tincts, 
à  tel  point  qu'il  était  toujours  facile  de  reconnaître  ce  qui  ve- 
nait des  ateliers  de  Londres  ou  de  ceux  de  Paris.  C'est  dans 
cet  état  de  choses  qu'arriva  l'Exposition  de  1851 ,  et  quoique 
le  jury  international  n'ait  décerné  aucune  médaille  de  premier 
ordre  ,  notre  supériorité  fut  hautement  reconnue  et  proclamée 
par  tous.  Depuis  cette  époqne,  les  expositions  de  Dublin,  de 
Munich  et  de  New-York  ont  valu  aux  exposants  français  des 
distinctions  toutes  spéciales  dues  à  l'intelligente  fabrication 
et  à  la  beauté  de  leurs  instruments. 

A  l'Exposition  actuelle  ,  presque  tous  les  pays  ont  envoyé 
au  moins  quelques  produits;  l'Angleterre  seule  manque  pour 
ainsi  dire  à  lappel.  Ça  été  un  profond  sujet  d'étonnement 
pour  nous,  que  de  voir  la  pauvreté  des  objets  qu'elle  envoie 
au  concours.  Pourquoi  les  Weïs ,  les  Savigny  et  d'autres  en- 
core font -ils  défaut  à  cette  grande  lutte?  Ont-il->  craint  de  ne 
pas  trouver  de  rivaux  dignes  d'eux ,  ou  bien  croient-ils  leur 
supé)  iorité  assez  bien  assise  pour  qu'il  toit  inutile  d'en  don- 
ner des  preuves  nouvelles?  Nous  n'avons  pas  à  répondre  à  ces 
questions,  mais  nous  avons  cru  devoir  les  placer  ici. 

Nous  avons  cependant  vu  dans  l'exposition  anglaise  quel- 


512  VISITE 

qiies  instruments  dont  nous  ne  connaissons  pas  les  auteurs  ; 
ce  sont  pour  la  plupart  des  aiguilles,  des  crochets  ,  des  porte- 
fils  destinés  aux  sutures  et  aux  ligatures  profondes;  une 
aiguille  pour  la  staphylaraphie.  Ces  instruments  sont  l'en- 
fance de  l'art;  nous  ne  connaissons  pas  un  chirurgien  de    i 
Paris  qui  voudrait  employer  cette  aiguille  à  staphylaraphie.     i 
M.  Yourg ,  de  Glascow  ,  a  des  modèles  de  davier  pour  les    j 
denlistes ,  dont  les  mors  ,  tranchants  par  leur  pointe  et  moulés    \ 
sur  la  forme  de  la  dent,  agissent  à  la  fois  en  serrant  la  dent    | 
et  en  la  chassant  comme  un  coin  de  son  alvéole.  Il  existe  en-    ! 
core  une  autre  boîte  d  instruments ,  mais  elle  reste  obstiné-    j 
ment  voilée  aux  yeux  du  public  :  nous  n'avons  pu  en  prendre    \ 
connaissance.  On  aperçoit  sous  un  globe  de  verre  un  appareil  .  ] 
roulé  et  plié  sur  lui-même ,  que  nous  avons  reconnu  être  celui    ; 
de  Carte,  de  Dublin,  destiné  à  opérer  la  cure  radicale  des    | 
anévrismes  par  la  compression  continue ,  mais  s'exerçant  sur   i 
des  points  différents.  C'est  là  le  premier  appareil  de  ce  genre    ■ 
qui  ait  été  construit.  Heureuse  innovation  chirurgicale  que   '; 
M.  Charrière,  en  s'éclairant  des  conseils  des  chirurgiens,  a    ; 
rendue    plus    parfaite    et    plus    généralement    applicable.    \ 
M.  Walde ,  de  Londres,  expose  des  sondes  en  tissu  élastique,    ' 
bien  régulières  et  bien  calibrées;  M.  Litle,  de  Charlton ,  un   i 
bras  artificiel  excessivement  inférieur  à  ceux  qui  sortent  des  i 
ateliers  de  Paris;  M.  Charles  Reine,  de  Londres,  a  un  luxe  de  j 
cornets  acoustiques  qui  fait  prendre  sa  vitrine  pour  un  éta-   5 
lage  de  ferblantier.  Le  lit  à  caisse  d'eau  du  docteur  Arnott ,   | 
exposé  par  MM.  Smith  père  et  fils ,  de  Londres  ,  peut  rendre   . 
de  grands  services  dans  certains  cas  de  maladies  longues  où  '{ 
on  ne  peut  lever  les  malades.  Ce  lit  a  été  expérimenté  avec  j 
succès  à  i'Hôtel-Dieu  de  Paris.  Il  consiste  en  une  caisse  de  } 
2  mètres  de  long  sur  1  mètre  30  centimètres  de  large,  dont  j 
la  paroi  siipérieure  est  formée  d'un  tissu  imperméable,  mais 
souple  et  flexible  ;  cette  caisse  est  remplie  d'eau ,  de  telle 
sorte  que  la  paroi  supérieure  flotte  sans  être  tendue  à  la  sur- 
face du  liquide  :  un  sommier  de  crin  est  placé  par-dessus  et 
constitue  l'unique  matelas  de  cet  appareil.  On  comprend  fa- 
cilement que  ce  lit  conserve  une  élasticité  et  une  souplesse 
constantes.  Nous  avons  vu  encore  des  bandages  herniaires  du 
docteur  Arnott,  pouvant  s'allonger  ou  se  raccourcir  selon  le 
besoin,  disposition  dénuée  d'intérêt,  car  un  bandage  ne  sert 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o43 

en  général  qu'à  un  seul  individu  ;  des  dents  nninérales  à  tiges 
métalliques  creuses,  de  MM.  Ash  et  fils,  dont  la  couleur 
imite  bien  celle  des  dents  naturelles.  Les  appareils  électro- 
générateurs,  de  M.  Mening,  peuvent  faire  le  pendant  de  ceux 
de  M.  Pulvermacher,  de  Paris;  nous  n'avons  pas  à  nous  y 
arrêter. 

Deux  exposants  belges,  MM.  Biondetti  et  Bonnels,  nous 
montrent,  le  premier,  des  appareils  prothétiques  et  des  ban- 
dages en  acier,  le  second,  divers  instruments  de  chirurgie. 
Kous  ne  voyons  pas  quel  grand  avantage  il  y  a  d'employer 
uniquement  le  fer  et  l'acier  dans  la  fabrication  des  membres 
artificiels;  d'autres  substances,  le  bois,  le  cuir,  offrent  des 
ressources  qu'on  a  tort  de  négliger,  et  nous  croyons  qu'en  les 
utilisant  on  arrive  à  imiter  les  formes  d'une  manière  plus 
exacte,  avec  un  poids  moins  considérable.  M.  Bonnels  est  un 
ancien  ouvrier  de  M.  Charrière  :  tous  ses  instruments  se  res- 
sentent de  son  éducation  professionnelle.  Nous  avons  remar- 
qué parmi  eux  une  belle  boîte  à  amputation  ;  du  reste ,  rien 
de  nouveau. 

M.  Luppold  ,  de  Stettin  (Prusse) ,  présente  un  céphalotribe 
et  quelques  bandages  herniaires  à  pelote  d'ivoire;  son  cépha- 
lotribe manque  de  force  dans  les  manches ,  il  a  de  plus  l'in- 
convénient de  se  serrer  avec  une  longue  vis  transversale  qui 
en  rend  l'action  lente  et  qui  augmente  beaucoup  son  volume. 
Nous  n'avons  trouvé  aux  États-Unis  qu'un  appareil  destiné 
à  la  guérison  du  bégayement ,  appareil  dont  il  nous  a  été  im- 
possible de  deviner  le  mode  d'action  ;  mais  nous  avons  vu 
quelques  très-jolis  instruments  en  caoutchouc  durci  :  ce  sont 
des  canules,  des  ambouts,  des  seringues  à  injection.  Cette 
nouvelle  matière,  à  la  fois  élastique  et  résistante,  et  pouvant 
acquérir  un  très-beau  poli ,  nous  paraît  réservée  à  un  bel 
avenir  dans  une  foule  d'industries. 

Le  Portugal,  représenté  par  M.  Antoine  Polycar ,  a  fait 
aussi  ses  envois  :  c'est  une  boîte  à  amputation,  une  série 
d'instruments  pour  les  yeux,  une  trousse  très-complète  de 
dentiste ,  le  tout  copié  sur  nos  modèles  a'il  y  a  dix  ans. 

Les  expositions  les  plus  complètes  sont  celles  de  Copen- 
hague et  de  Christiania ,  et  nous  avons  été  agréablement  sur- 
pris en  en  faisant  la  découverte.  La  capitale  de  la  Norvège 
est  représentée  par  deux  exposants,  MM.  Gallus  et  Mette.  Le 


544  VISITE 

premier  présente,  entre  autres,  des  instruments  de  M.  Sé- 
dillot  pour  la  staphylaraphie  ,  ceux  de  M.  Leroy  d'Étiolles  , 
de  Liier,  etc.;  une  scie  de  Heine,  d'une  bonne  tournure, 
des  lilhoclastes  et  des  litholabes.  Du  reste,  le  tout  est  soigneu- 
sement étiqueté  avec  le  nom  de  son  auteur,  c'est  une  probité 
de  fabricant  dont  il  faut  savoir  gré  à  M.  Gallus.  M.  Mette  a 
une  boîte  pour  l'opération  de  la  fistule  vésico-vaginale  et  les 
céphalotribes  du  professeur  Herberg ,  de  Christiania;  les 
premiers  instruments  nous  ont  paru  présenter  quelques  dis- 
positions intéressantes. 

M.  Camillus  Nyrop  ,  de  Copenhague ,  paraît ,  à  en  juger  par 
son  exposition,  être  un  fabricant  fort  occupé  et  versé  dans  son 
art  ;  sa  vitrine  est  bien  remplie  ,  elle  contient  des  bandages , 
des  appareils  prothétiques  et  orthopédiques,  et  un  grand  nom- 
bre des  instruments  qu'emploie  la  chirurgie  humaine  et 
même  vétérinaire.  Il  n'y  a  dans  tout  cela  rien  de  bien  nou- 
veau, mais  c'est  bien  fait,  bien  exécuté  ,  le  but  de  l'instru- 
ment est  bien  compris  et  presque  toujours  bien  rempli. 

Quelques  pas  plus  loin,  le  docteur  Lauggard,  de  Hambourg, 
qui  dirige  dans  ce  pays  un  établissement  orthopédique, 
montre  différents  bandages  et  les  appareils  qu'il  emploie  dans 
sa  maison.  Cette  exposition  est  très-soignée,  et  tout  ce  qu'elle 
renferme  nous  a  paru  d'une  irréprochable  fabrication. 

Enfin  M.  Giovani ,  de  Bologne ,  a  un  modèle  de  trépan-scie 
que  nous  avons  examiné  avec  attention  à  cause  de  son  carac- 
tère d'originalité.  C'est  un  instrument  qui  peut  recevoir  à  son 
extrémité  tantôt  un  perforatif  avec  sa  couronne,  tantôt  une 
scie  qui  offre  les  plus  grandes  analogies  avec  celle  de  Heine; 
le  tout  est  mis  en  mouvement  par  une  roue  dentée  de  six  à 
sept  centimètres  de  diamètre,  et  qui  porte  une  manivelle  à 
son  côté  extérieur.  Nous  ne  trouvons  qu'une  objection  sé- 
rieuse à  faire,  mais  elle  a  sa  valeur  ;  la  difficulté  du  démon- 
tage empêche  de  nettoyer  et  d'entretenir  convenablement  l'ap- 
pareil. 

L'exposition  française  pour  les  instruments  proprement  dits 
de  chirurgie  est  surtout  représentée  par  trois  fabricants, 
MiM.  Chanière,  Liier  et  Mathieu.  MM.  Charrière  père  et  fils 
sont  à  la  tête  de  la  plus  importante  maison  de  Paris.  Tous  les 
instruments  se  fabriquent  dans  leurs  ateliers;  ils  occupent  un 
personnel  considérable ,  qui  peut  répondre  à  toutes  les  exi- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  545 

gences  les  plus  variées  de  la  médecine,  de  la  chirurgie,  de 
l'orthopédie.  Les  maisons  de  MM.  Llier  et  Mathieu ,  quoique 
moins  importantes  au  point  de  vue  commercial ,  ont  des  ate- 
liers qui  ne  le  cèdent  en  rien  à  la  première.  Une  rivalité  con- 
stante entre  ces  trois  fabricants  les  tient  toujours  en  haleine, 
et  les  fait  marcher  ensemble  vers  de  continuels  progrès. 

Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  des  détails  circonstanciés 
de  description  ,  il  faudrait  un  volume  entier  pour  remplir  cette 
tâche-;  nous  nous  bornerons  à  quelques  indications  sur  les  in- 
struments les  plus  remarquables. 

A  commencer  par  la  simple  trousse  du  praticien ,  que  de 
petites  modifications  heureuses  elle  a  subies  depuis  quelques 
années  !  Quoi  de  plus  joli  et  de  plus  coquet?  Ces  instruments 
de  douleur  et  de  torture  se  présentent  sous  l'aspect  le  plus 
charmant  et  le  plus  gracieux. 

Le  trépan ,  dont  l'emploi  remonte  à  Hippocrate  ,  est  aujour- 
d'hui ,  grâce  à  une  foule  de  petits  changements  que  nous  ne 
pouvons  dire  ici ,  un  instrument  simple ,  se  démontant  et  se 
remontant  avec  aisance,  et  d'une  application  aussi  facile  que 
certaine.  La  nombreuse  série  d'instruments  destinés  à  la  pra- 
tique des  opérations  sur  l'œil,  nous  présente  une  foule  de  petits 
points  curieux  et  intéressants  :  quelques-uns  sont  des  chefs- 
d'œuvre  de  mécanique.  Nous  avons  vu  des  aiguilles  à  cataracte 
conserver  la  finesse  de  leur  tranchant  et  de  leur  pointe  après 
avoir  coupé  ou  gratté  des  substances  dures  comme  la  corne  et 
l'ivoire.  Nous  signalerons  à  l'attention  publique  les  aiguilles 
creuses  pour  l'opération  de  la  cataracte  molle,  aiguilles  creuses 
qui  communiquent  avec  un  petit  appareil  aspirateur  constitué 
par  une  sphère  de  caoutchouc.  Nous  avons  des  aiguilles  à  ca- 
taracte à  lame  mobile  sur  le  manche,  des  aiguilles-pinces  : 
une  petite  touche  placée  sous  le  doigt  de  l'opérateur  permet 
de  produire  les  différents  mouvements.  Les  délicates  et  mi- 
nutieuses opérations  de  la  pupille  artificielle  ont  suggéré  aux 
fabricants  l'idée  d'instruments  pour  la  plupart  très-ingénieux, 
mais  dont  l'usage  n'est  pas  général ,  soit  à  cause  de  leur  prix 
très-élevé ,  soit  en  raison  de  certaines  difficultés  de  ma- 
nœuvre. 

Il  existe  un  très-grand  nombre  d'ophthalmostats  ou  fixateurs 
de  l'œil.  Nous  signalerons  entre  autres  une  petite  érigne  de 
M.  Liier,  formée  par  deux  brancjies  aiguës  dont  la  courbure 
206  jj 


•)46  VISITE 

regarde  en  sens  inverse.  Un  léger  mouvement  de  rotation 
suffit  pour  accrocher  la  conjonctive;  on  peut  alors  exercer 
des  tractions  dans  tous  les  sens ,  sans  craindre  de  voir  l'in- 
strument lâcher  prise. 

Les  opérations  qui  s'exécutent  dans  la  cavité  buccale  ré- 
clament l'emploi  d'un  assez  grand  nombre  d'instruments  cu- 
rieux. Une  des  plus  délicates  d'entre  elles,  la  staphyloraphie, 
a  donné  lieu  à  des  inventions  multipliées.  Le  problème  à  ré- 
soudre était  de  pouvoir  passer  commodément  d'arrière  en 
avant  un  fil  de  ligature  à  travers  le  voile  du  palais.  L'illustre 
auteur  de  cette  belle  conquête  chirurgicale,  M.  Roux,  n'em- 
ployait que  des  aiguilles  à  petite  courbure,  solidement  main- 
tenues dans  un  porte-aiguille.  Nous  avons  depuis  l'instrument 
de  M.  Dupierris  ;  c'est  une  petite  aiguille  très-courte,  portée 
sur  une  tige  courbe  :  une  autre  aiguille,  en  forme  de  crochet, 
passe  d'avant  en  arrière  et  la  ramène  enfin  en  avant;  l'instru- 
ment de  M.  Leroy  d'ÉtioUes,  dont  l'action  analogue  est  encore 
plus  simple  et  plus  facile  ;  l'aiguille  de  M.  Rouyer,  qui  après 
avoir  percé  d'avant  en  arrière,  s'ouvre  en  manière  de  pince, 
et  saisit  le  fil  qu'elle  ramène  en  avant.  Citons  encore  l'ap- 
pareil de  M.  Sédillot,  qui  est  caractérisé  par  l'emploi  de  pla- 
ques de  caoutchouc  montées  sur  une  tige,  et  que  l'on  porte 
derrière  le  voile  du  palais  pour  servir  de  point  d'appui  aux 
aiguilles. 

On  pratiquait  autrefois  l'ablation  des  amygdales  avec  le 
bistouri  et  la  pince  de  Museux,  ou  pince-Airigue  ;  Fahnestock, 
chirurgien  américain,  a  construit  dans  ce  but  un  instrument 
qui  porte  son  nom  et  qui  est  aujourd'hui  d'un  usage  général. 
Cet  instrument  a  été  beaucoup  amélioré  depuis  deux  ans. 
Chacun  de  nos  fabricants  a  donné  des  modèles  nouveaux,  des- 
tinés pour  la  plupart  à  agir  d'une  seule  main  ;  ils  sont  tous 
extrêmement  ingénieux,  mais  s'il  nous  fallait  établir  un  choix, 
nous  donnerions  la  préférence  à  celui  de  M.  Mathieu,  à  raison 
de  l'excessive  facilité  de  son  emploi  et  de  son  nettoyage.  Enfin, 
nous  avons  vu  chez  M.  Liier  un  modèle  tout  à  fait  or-iginal, 
agissant  à  l'aide  de  deux  manches  qu'il  suffit  de  rapprocher 
comme  ceux  d'un  davier.  Il  y  a  encore  un  tonsillitome  très- 
curieux,  mais  très-peu  employé  :  il  s'arme  comme  un  fusil  à 
rouet  ;  le  doigt  qui  presse  sur  une  gâchette  fait  partir  le  ressort, 
et  l'opération  est  faite;  ce  résultat  peut  paraître  séduisant 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  547 

pour  les  gens  du  monde,  mais  la  saine  chirurgie  doit  proscrire 
ces  moyens  par  trop  brillants. 

L'extraction  des  dents  est  une  opération  trop  commune  et 
trop  douloureuse  pour  qu'on  n'ait  pas  travaillé  beaucoup  la 
fabrication  des  instruments  qu'elle  nécessite.  Nous  avons  re- 
marqué les  daviers-clefs  que  M.  Charrière  fabrique  pour 
M.  Paul  Simon  ;  des  fraises,  pouvant  agir  dans  tous  les  sens, 
qui  viennent  des  ateliers  de  M.  Liier. 

Les  opérations,  en  général,  et  celles  qui  se  pratiquent  sur 
les  membres,  réclament  l'emploi  d'un  grand  nombre  d'instru- 
ments dont  nous  ne  citerons  que  les  principaux  :  des  bistouris 
fixes  et  mobiles,  avec  des  systèmes  de  fermeture  très-variés  ; 
des  cisailles,  parmi  lesquelles  nous  devons  mentionner  la  pince 
ostéotome  de  M.  Liier  ;  des  scies  qui  nous  donnent  un  des  plus 
beaux  exemples  des  résultats  où  peuvent  arriver  les  efforts  in- 
cessants des  fabricants.  Nous  avons,  outre  les  scies  à  lames 
simple  et  droite,  variées  d'épaisseur,  de  force  et  de  dispo- 
sition^ des  rachitomes  ou  scies  à  deux  lames  parallèles,  la 
scie  à  chaîne,  la  scie  de  Heine  dont  nous  avons  déjà  parlé, 
celle  de  Martin  qui  peut  agir  dans  tous  les  sens  et  toutes  les 
directions,  la  scie  de  Stromeyer  pour  les  résections.  Ces  der- 
niers instruments  sont  rarement  employés,  mais  ils  rendent 
de  grands  services  dans  certains  cas,  et  rien  ne  pourrait  alors 
les  remplacer.  N'oublions  pas  la  pince  pour  la  réduction  des 
luxations  du  pouce  et  des  doigts,  fabriquée  il  y  a  quelques 
années  par  M.  Liier. 

La  lithotritie  et  les  rétrécissements  de  l'urètre  ont  donné 
lieu  depuis  vingt  ans  à  la  création  d'un  arsenal  complet.  On 
a  perfectionné  de  toutes  les  manières  et  de  toutes  les  façons 
les  litholabes,  les  lithoclastes.  On  a  successivement  appliqué, 
comme  moyens  de  pression  ou  d'écrasement,  le  marteau,  la 
vis  et  le  pignon.  Nous  signalons  toute  cette  série  à  l'attention 
de  nos  visiteurs,  comme  digne  d'exciter  leur  curiosité. 

M.  Mathieu  a  fabriqué,  sur  les  indications  de  M.  Chassaignac, 
un  instrument  connu  sous  le  nom  d'écraseur  linéaire,  et  qui 
semble  avoir  donné  déjà  quelques  résultats  intéressants  :  c'est 
une  scie  à  chaîne,  sans  dents,  dont  les  deux  extrémi  tés  passent 
dans  un  tube;  un  mécanisme  très-simple  permet  de  resserrer 
graduellement,  et  avec  une  grande  force,  l'anse  flexible  qui 
forme  la  chaîne;  on  arrive  à  couper  ainsi,  par  écrasement, 


"^48  VISITE 

des  parties  molles,  sans  aucune  trace  d'hémorrhagles;  on 
conçoit  l'utilité  de  cet  instrument  pour  certaines  tumeurs  très- 
vasculaires. 

Des  essais  d'anesthésie  locale,  à  l'aide  du  chloroforme  et  de 
l'éther,  ont  été  tentés  il  y  a  un  an  d'après  les  indications  de 
M.  Hardy,  de  Dublin.  MM.  Charrière  et  Mathieu  ont  fait  des 
appareils  destinés  à  favoriser  l'évaporation  rapide  du  liquide; 
cette  méthode  n'a  pas  eu  tout  le  succès  qu'on  pouvait  en 
espérer. 

L'électricité  tend  à  devenir  chaque  jour  un  agent  thérapeu- 
tique plus  important.  Nous  avons  remarqué  un  appareil  de 
M.  Breton,  et  celui  de  M.  Duchenne,  de  Boulogne,  avec  lequel 
il  a  fait  de  si  curieuses  études  sur  la  physiologie  musculaire. 
D'autre  part,  M.  Mathieu  a  construit  quelques  appareils  fort 
ingénieux  pour  porter  le  cautère  électrique  dans  les  cavités 
profondes,  et  le  faire  agir  au  moyen  d'une  interruption  du 
courant,  à  l'instant  précis  où  on  atteint  la  partie  malade;  nous 
ne  doutons  pas  qu'il  y  ait  beaucoup  à  espérer  de  cette  nou- 
velle méthode  de  cautérisation. 

Le  fait  le  plus  saillant  dans  l'art  du  bandagiste  est  certai- 
nement remploi  du  caoutchouc  vulcanisé.  M.  Gariel  a  fait  de 
ce  sujet  une  étude  complète,  et,  sur  ses  indications,  MM.  Ga- 
lante et  Cie  fabriquent  aujourd'hui  toute  une  série  d'appareils 
très-employés  en  chirurgie. 

L'exposition  des  appareils  de  prothèse  est  très-riche  en 
France.  Nous  y  avons  remarqué  d'une  manière  particulière 
les  yeux  artificiels  de  M.  Boissonneau,  accompagnés  d'une 
série  d'imitations  des  types  les  plus  saillants  des  maladies  de 
ces  organes  ;  des  dents  et  dentiers  artificiels,  avec  des  procédés 
orthopédiques  pour  la  bouche,  dus  à  MM.  de  Villemure  et 
Paul  Simon,  de  Paris,  Souplet,  de  Troyes,  Weill,  de  Rouen. 

Les  membres  artificiels,  qui  sortent  surtout  des  ateliers 
d'instruments  de  chirurgie,  sont  arrivés  aujourd'hui  à  un  haut 
degré  de  perfection.  L'amputation  sus-malléolaire  de  la  jambe 
peut  être  complètement  dissimulée  ;  celle  de  la  cuisse,  quoique 
nécessitant  un  système  plus  complexe,  peut  encore  permettre 
la  marche  d'une  manière  régulière,  en  évitant  à  peu  près 
complètement  le  fauchage  des  jambes  de  bois.  Rien  au  monde 
ne  saurait  remplacer  la  main,  le  plus  merveilleux  de  tous  les 
instruments;  et  cependant,  nous  connaissons  des  mains  de 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o49 

buis  gantées,  copiées  sur  les  meilleurs  modèles,  et  qui  peuvent, 
avec  leurs  ressorts,  suffire  à  l'accomplissement  d'une  foule  de 
petits  actes  de  la  vie;  elles  peuvent  tenir  une  plume,  des 
cartes  à  jouer,  une  cuiller,  etc.  C'est  véritablement  là  un  beau 
côté  de  l'industrie  qui  nous  occupe,  et  nous  savons  des  ma- 
lades qui  s'estiment  trop  heureux  d'avoir  un  membre  de  bois 
et  de  fer,  après  avoir  perdu  celui  que  la  nature  leur  avait 
donné. 

Les  études  anatomiques  comportent  un  matériel  assez 
étendu  d'installation  et  d'instruments;  il  eût  été  désirable  que 
quelques  exposants  se  préoccupassent  des  amphithéâtres  de 
dissection  au  point  de  vue  de  leur  aménagement  intérieur.  11 
y  a  tout  à  faire  dans  ce  sens.  Quoi  de  plus  triste,  de  moins 
hygiénique,  de  plus  mal  installé  sous  tous  les  rapports,  que 
l'École  pratique  de  la  Faculté  de  Paris  !  On  dirait,  en  péné- 
trant dans  cet  établissement,  que  le  chauffage,  la  ventilation, 
la  fourniture  des  eaux,  manquent  de  procédés  et  de  ressources, 
et  qu'on  ne  connaît  rien  de  mieux  que  de  mauvais  poêles  en 
fonte,  des  tables  de  la  même  matière,  retenant  à  leur  surface 
un  épais  enduit  de  malpropretés,  des  fenêtres  insuffisantes  et 
sans  cesse  ternies  par  une  buée  humide  et  malsaine. 

Parmi  les  instruments  qu'on  y  emploie,  nous  noierons  seu- 
lement les  appareils  do  M.  Charrière  pour  injections  au  mer- 
cure, et  une  nouvelle  seringue  de  M.  Mathieu,  permettant,  à 
l'aide  d'un  mouvement  de  va-et-vient  du  piston  dans  les  deux 
sens,  de  faire  des  injections  continues. 

La  plastique  anatomique  et  anatomo- pathologique  nous 
offre  quelques  expositions  intéressantes  dans  différents  pays, 
mais  surtout  en  France.  M.  J.  Town,  de  Londres,  a  exposé 
des  pièces  de  cire  peintes,  imitant  parfaitement  certaines  ma- 
ladies éruptives  de  la  peau  :  ses  pièces  d'anatomie  normale 
sont  beaucoup  moins  bonnes.  M.  Zeiler,  de  Munich,  a  préparé 
en  bois  et  papier  mâché  diverses  pièces  représentant  des  types 
de  races  humaines,  le  cerveau,  la  structure  de  l'oreille,  celle 
de  l'œil  ;  sous  le  rapport  de  la  finesse  des  détails  et  de  la  fidé- 
lité d'exécution,  M.  Zeiler  reste  de  beaucoup  au-dessous  de 
M.  Auzoux.  Nous  noterons  encore  des  moulages  en  cire  et 
plâtre,  représentant  des  poulpes,  calmars,  seiches,  des  têtes 
de  nègres  et  d'Indiens,  exécutées  par  M.  Stahl,  mouleur  du 
Muséum  de  Paris;  ils  sont,  en  général,  d'une  très-bonne  exé- 


ooO  VISITE 

cution.  Les  pièces  de  M.  Thibert,  en  cuir  repoussé  et  peint, 
imitent  souvent  la  nature  avec  beaucoup  de  vérité  ;  nous  avons 
vu  des  maladies  des  os,  une  coupe  de  tumeur  blanche  du 
genou,  les  altérations  pathologiques  de  la  morve,  de  la  fièvre 
typhoïde  et  de  l'éléphantiasis  des  Arabes.  De  toutes  ces  expo- 
sitions, la  plus  importante,  sans  aucun  doute,  est  celle  de 
M.  le  docteur  Auzoux,  Après  trente  années  d'un  travail 
constant.  M.  Auzoux  est  arrivé  à  la  fabrication  de  mannequins 
et  de  pièces  d'une  remarquable  solidité,  d'une  très-grande 
fidélité  d'exécution,  soit  dans  la  forme,  soit  dans  la  couleur; 
loin  de  nous  la  pensée  de  dire  que  ces  préparations  doivent 
suppléer  aux  dissections  pénibles  et  laborieuses,  et  aux  pa- 
tientes recherches  qui  doivent  être  faites  sur  le  corps  de 
l'homme  et  sur  celui  des  animaux;  mais  en  dehors  de  cela, 
pour  les  collèges  et  tous  les  établissements  d'instruction  géné- 
rale, les  pièces  d'anatomie  plastique  sont  d'une  précieuse  res- 
source, et  permettent  d'enseigner  aux  élèves,  d'une  manière 
assez  exacte,  les  premiers  éléments  de  l'anatomie  et  de  la 
physiologie  humaine  et  comparée.  Ces  modèles  de  tares  et  de 
mâchoires  du  cheval,  destinés  aux  régiments  de  cavalerie, 
mettent  à  chaque  instant  sous  les  yeux  des  officiers  de  remonte, 
des  aspects  et  des  formes  qui  leur  sont  d'une  constante  utilité. 
Nous  mentionnerons  en  terminant  les  pièces  d'ostéologi^  très- 
bien  préparées  par  MM.  Guérin  et  Vasseur  :  ce  sont  des 
sculptures  de  l'organe  de  l'ouïe,  de  la  mâchoire  inférieure  et 
supérieure,  des  têtes  désarticulées,  tous  les  os  étant  main- 
tenus à  distance  dans  leurs  rapports  normaux  ;  ces  pièces  sont 
fort  utiles  pour  l'enseignement. 

Enfin,  dans  différents  pays,  en  Prusse,  dans  le  Wurtemberg, 
dans  la  Savoie  et  en  France,  existent  des  animaux  empaillés 
qui  se  recommandent  par  la  bonne  conservation  des  formes  et 
par  l'imitation  des  attitudes. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  551 


CLASSE  Xlll. 

Marine  et  art  militaire. 

L'Angleterre  et  la  France  possèdent  à  elles  seules  les  trois 
quarts  des  usines  consacrées  à  la  construction  des  machines 
de  navigation  en  Europe.  L'Autriche,  la  Prusse,  la  Suède,  la 
Russie,  la  Suisse,  la  Belgique  et  les  autres  États  de  notre  con- 
tinent, n'ont  guère  chacun  plus  de  un  ou  deux  [ateliers.  La 
France  seule  en  compte  quinze,  non  compris  les  chantiers  de 
construction  de  navires,  et  sur  ce  nombre  nous  en  pourrions 
nommer  six  de  premier  ordre  où  l'on  construit  une  machine 
de  500  à  1000  chevaux  en  moins  de  temps  qu'il  n'en  fallait 
il  y  a  vingt  années  pour  donner  à  une  usine  une  machine  de 
30  chevaux. 

L'Angleterre  a  environ  le  double  de  notre  nombre  d'ateliers 
français. 

Néanmoins,  l'Exposition  compte,  relativement,  peu  de 
machines  de  navigation.  C'était  une  des  branches  d'industrie 
les  mieux  représentées  à  Londres  en  ISot .  Mais  l'Exposition 
de  Londres  s'est  ouverte  et  close  en  pleine  paix.  Les  con- 
structeurs anglais  travaillaient  alors,  non-seulement  pour 
leur  nation,  mais  encore  et  surtout  pour  la  Russie,  armant 
sans  le  savoir  de  trop  prochains  adversaires.  En  France, 
PExposition  s'ouvre  dans  des  circonstances  bien  différentes  . 
Déjà  celle  de  1849,  entreprise  au  lendemain  d'une  révolution 
qui  semblait  avoir  tout  frappé  ,  avait  offert  à  l'Europe  stupé- 
faite les  merveilles  d'une  industrie  où  le  génie  le  disputait 
au  nombre  et  à  l'importance  des  produits  ;  mais  il  était  donné 
à  notre  époque  de  surpasser  l'exhibition  de  Londres  par  une 
Exposition  qui  fera  la  gloire  de  la  France. 

Se  rappelle -t-on  qu'il  n'y  a  pas  un  an  on  se  demandait  en- 
core si  les  préoccupations  d'une  guerre,  devant  coûter  tant  de 
millions,  ne  rendraient  pas  impossible  ce  concours  de  tous  les 
peuples  dans  l'enceinte  pacifique  du  Palais  de  l'Industrie?  Et 


552  VISITE 

cependant  quelles  merveilles  ne  réunit-il  pas  en  mécanique 
comme  dans  les  arts? 

On  y  compterait  pour  la  marine  une  machine  à  vapeur  de 
1000  chevaux  et  plusieurs  de  200  à  600  chevaux,  si  on  n'avait 
pas  été  forcé  de  les  reprendre  à  l'Exposition  de  Paris  pour  les 
exposer  le  plus  tôt  possible  devant  l'ennemi  dans  la  Baltique 
ou  dans  la  mer  Noire. 

L'énumération  de  celles  qui  ont  pu  rester  au  Palais  de  l'In- 
dustrie sera  donc  bientôt  faite. 

Les  constructeurs  français  en  exhibent  trois,  plus  diverses 
séries  de  modèles;  l'Angleterre  n'offre  cette  fois  que  des  mo- 
dèles, nombreux  il  est  vrai,  et  parmi  lesquels  deux  fonction- 
nent à  la  vapeur  dans  la  galerie  du  bord  de  l'eau  et  peuvent 
mériter  le  nom  de  machines  proprement  dites.  L'Autriche 
offre  un  modèle  de' bateau  de  rivière  ;  la  Suède  et  la  Hollande 
ont  chacune  une  machine  de  bateau;  la  Belgique  présente  une 
magniûque  pièce  de  forge  proposant  une  nouvelle  forme  de 
gouvernail,  et  voilà  toute  l'exposition. 

Le  cadre  qui  nous  est  ici  réservé  ne  nous  permet  pas  de 
décrire  chaque  appareil  en  particulier ,  d'autres  publications 
l'ont  fait.  Ce  sont  des  observations  d'ensemble  que  nous  allons 
présenter. 

Le  premier  point  capital  à  signaler  aujourd'hui  dans  la  na- 
vigation à  vapeur  est  la  grande  puissance  donnée  aux  appa- 
reils moteurs.  Non-seulement  il  faut  transporter  en  un  seul 
chargement  ce  qui  faisait  autrefois  le  fret  de  deux  ou  trois 
navires ,  mais  on  veut  aller  vite.  Le  commerce  fait  des  bâti- 
ments aussi  grands  que  les  vaisseaux  de  ligne,  la  marine  de 
guerre  à  son  tour  demande  à  la  vapeur  une  puissance  motrice 
prodigieuse.  Les  bateaux  de  rivière,  plus  audacieux  encore, 
veulent  égaler  la  vitesse  des  chemins  de  fer.  Or,  on  a  posé  en 
principe  que  la  force  motrice  des  machines  croissait  à  peu  près 
en  raison  de  la  racine  carrée  de  la  vitesse  voulue. 

Ce  n'est  pas  tout  à  fait  exact,  mais  c'e?t  assez  voisin  de  la 
vérité  pour  expliquer  à  quel  point  les  bâtiments  actuels  doi- 
vent l'emporter  en  puissance  motrice  sur  ceux  que  la  naviga- 
tion employait  il  y  a  quelques  années.  Un  bateau  de  rivière 
de  100  chevaux  était  une  merveille  il  y  a  dix  ans.  Le  modèle 
que  l'Autriche  nous  offre  à  l'Exposition  est  la  réduction  d'un 
pijroscaphe  du  Danube  muni  d'une  machine  anglaise  et  oscil- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o53 

lante  de  la  force  de  240  chevaux;  sa  vitesse  atteint,  dit-on, 
vingt  kilomètres  à  l'heure.  Sur  le  Rhône  il  existe  deux  bateaux 
d'une  vitest^e  extraordinaire,  de  la  force  de  500  chevaux  cha- 
cun. EnOn  nous  trouvons  à  l'Exposition  le  modèle  de  V Ameri- 
can, steamer  de  1000  chevaux  qui  atteint,  ainsi  que  plusieurs 
autres,  trente  kilomètres  de  vitesse  à  l'heure. 

Parmi  nos  vaisseaux  de  guerre,  nous  sommes  sur  le  point 
d'en  posséder  quatre  de  près  de  1 000  chevaux  et  deux  de  1 200  ; 
Ceux  de  force  inférieure  se  nomment  à  peine  maintenant;  et 
voilà  que  laissant  loin  derrière  lui  ce  que  les  constructeurs  de 
navires  avaient  entrepris  jusqu'ici  de  plus  hardi ,  un  ingénieur 
anglais,  mais  d'origine  française,  M.  Brunel,  fait  construire  un 
steamer  géant  qui  aura  225  mètres  de  long,  25  mètres  de 
large,  23  000  tonneaux  de  jaugeage  et  2600  chevaux  de  force. 
Ce  n'est  pas  un  projet  conçu  seulement  par  un  génie  auda- 
cieux, c'est  une  réalité.  Ce  monstrueux  bâtiment  est  en  chan- 
tier sur  les  bords  de  la  Tamise,  à  Londres  même,  dans  les 
usines  de  M.  Scott-Russel  ;  la  maison  Watt  fabrique  avec 
lui  les  machines,  et  l'Exposition  de  Paris  nous  offre,  à  l'en- 
trée de  l'Annexe  du  bord  de  l'eau,  une  manivelle  de  l'un  des 
appareils  moteurs,  un  morceau  du  bordage  en  tôle  du  bâti- 
ment, et  trois  vues  prises  au  daguerréotype  de  la  coque  au 
milieu  de  ses  échafaudages  sur  le  chantier.  Peu  de  maisons 
de  Paris  ou  de  Lyon,  avec  leurs  sept  ou  huit  étages,  l'emporte- 
raient en  hauteur  à  côté  de  lui.  Le  point  capital  était  de  don- 
ner aux  parois  de  cette  immense  coque  une  solidité  et  une 
rigidité  suffisantes.  Dans  ce  but,  la  pièce  de  l'Exposition  nous 
montre  que  le  bâtiment  est  en  quelque  sorte  double;  qu'on  se 
représente  une  coque  plus  petite  logée  dans  une  coque  plus 
grande,  en  tous  sens,  de  \  mètre,  et  de  forme  analogue  à  la  pre- 
mière avec  une  infinité  de  cloisons  transversales  installées 
entre  deux.  En  un  mot  les  parois  de  la  coque  sont  formées  d'un 
ensemble  de  cellules  à  peu  près  dans  le  genre  du  fameux  pont 
tube  de  Convvay. 

Ces  simples  fragments  du  steamer  géant  de  M.  Brunel ,  de- 
vant lequel  le  visiteur  de  l'Exposition  a  peut-être  souvent 
passé  sans  les  honorer  d'un  regard,  sont  pourtant,  on  le  voit, 
bien  dignes  de  son  intérêt. 

Plus  loin ,  dans  l'Annexe ,  voici  l'exposition  de  la  marine 
impériale,  consistant  surtout  en  des  modèles,  à  la  description 


554  YiSlTE 

desquels  un  volume  entier  pourrait  être  consacré  :  c'est 
d'abord  la  réduction  au  dixième  de  la  machine  du  vaisseau 
le  Napoléon,  l'honneur  de  notre  escadre  du  Levant,  et  de  la 
machine  d'un  autre  vaisseau  semblable  à  VAlgésiras,  qui  sera 
bientôt  mis  à  l'eau. 

La  mise  à  l'eau  d'un  vaisseau,  cette  opération  si  palpitante 
d'intérêt,  nous  est  représentée  dans  un  autre  modèle  exposé 
par  l'administration  du  port  de  Rochefort.  Deux  phases  de 
l'opération  sont  sous  nos  yeux.  Dans  la  première,  le  vaisseau 
ruim,  récemment  lancé,  commence  à  prendre  sa  course  dans 
les  coulisses  savonnées  qui  lui  tracent  sa  route  hors  du  chan- 
tier où  on  l'a  construit;  des  deux  côtés  sont  les  câbles  de  re- 
tenue, grosses  chaînes  repliées  sur  elles-mêmes  et  nouées,  de 
mètre  en  mètre,  par  des  cordes  de  chanvre,  calculées  de  ma- 
nière à  rompre  sous  la  charge  du  navire  à  mesure  qu'il  descend 
vers  la  mer,  en  modérant  sa  course.  Dans  l'autre  phase  de 
l'opération,  nous  voyons  le  navire  à  l'eau,  les  chaînes  conti- 
nuant à  l'amarrer  après  avoir  rompu  tous  leurs  nœuds  dont 
les  débris  jonchent  le  sol. 

La  même  travée  nous  otîbe  encore  divers  modèles  de  bâti- 
ments dont  la  construction  a  été  confiée  à  l'industrie  privée  : 
l'un  nous  expose  l'arrimage  de  la  cale  d'un  vaisseau  ;  dans  un 
autre,  nous  pouvons  étudier  les  charpentes  en  fer  que  M.  Ar- 
mand, de  Bordeaux,  a  substituées  à  celles  en  bois  dans  les 
navires,  à  l'imitation  de  ce  qui  se  pratique  aujourd'hui  si 
généralement  pour  la  construction  des  maisons  et  monuments 
publics  de  Paris  et  de  Londres. 

Da  là,  nous  conduirons  le  visiteur  de  l'Exposition  à  la  gale- 
rie spécialement  consacrée  aux  machines.  L'établissement  du 
Creuset  y  a  mis  une  machine  horizontale  pour  bateau  à 
roues,  et  M.  Seaward,  de  Londres,  un  modèle  de  sa  machine 
atmosphérique  à  3  cylindres  verticaux  et  à  simple  effet, 
également  pour  bateau  à  roues.  M.  Gâche,  de  Nantes,  etl'usine 
suédoise  de  Motala  ont  exposé  :  le  premier ,  deux  machines 
et  la  seconde  une  machine  à  mouvement  direct  et  renversé, 
pour  navire  à  hélice.  Todd-Mac-Grégor  et  Rennie  ont  en- 
voyé, l'un  un  beau  modèle  au  quart  de  l'exécution,  l'autre  un 
dessin  de  machine  verticale  pour  frégate  à  hélice. 

Le  reste  de  l'exposition  des  machines  de  bateau  se  compose 
de  nombreux  modèles  ou  dessins  de  coques  de  navire,  d'hé- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  555 

lices  et  de  propulseurs  de  diverses  formes ,  plus  le  modèle, 
donné  au  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  parfaitement 
complet  et  fidèle  du  steamer  le  Danube ,  l'un  des  bâtiments 
de  la  Compagnie  française  des  messageries  impériales  et 
lune  des  plus  belles  pièces  de  l'Exposition. 

Les  tendances  générales,  révélées  par  l'étude  des  machines 
et  modèles  que  nous  venons  d'énoncer ,  se  réduisent  à  deux 
points  principaux  :  En  premier  lieu,  la  substitution  des  hélices 
aux  roues  continue  à  se  manifester  partout.  Mais  on  sem- 
ble, surtout  à  l'étranger,  revenir  au  système  de  la  transmission 
du  mouvement  par  engrenage  auxh  élices,  au  lieu  de  mouvoir 
directement  l'arbre  porte-hélice  comme  on  meut  directement, 
par  exemple,  l'essieu  des  rouesvmotrices  dans  les  locomotives. 

Les  deux  systèmes  sont  de  nouveau  en  présence  avec  leurs  dé- 
fauts et  leurs  avantages.  La  transmission  directe  prévaut  au- 
jourd'hui en  France.  Dans  la  machine  hollandaise,  dans  celle 
de  Rennie  et  de  Todd-Mac-Grégor  que  nous  offre  l'Exposition, 
la  rotation  de  l'hélice  est  accélérée  par  de  monstrueux  engre- 
nages :  ils  servent  de  volants  ;  ils  permettent  de  ralentir  la 
course  du  piston,  de  rendre  plus  doux  certains  frottements; 
mais  ils  conduisent  à  des  machines  d'une  complication,  d'un 
poids  et  d'un  volume  évidemment  antirationnels,  dans  un  na- 
vire où  tout  doit  au  contraire  être  simple,  allégé  et  réduit  de 
volume.  La  discussion  des  deux  systèmes  nous  entraînerait  à 
de  très-longs  développements  ;  mais,  nous  l'avouerons,  le  re- 
tour aux  engrenages  de  la  part  de  constructeurs  aussi  expéri- 
mentés que  MM.  Todd  et  Rennie  ,  auxquels  se  joignent  d'au- 
tres ingénieurs  justement  célèbres,  est  un  fait  grave  qui 
rétablit  le  doute;  heureux  si  la  manie  d'imiter,  si  la  mode 
qui  ne  respecte  pas  plus  les  machines  qu'autre  chose,  n'amène 
pas  légèrement  une  réaction  contre  les  machines  à  mouve- 
ment direct  dans  la  navigation. 

Une  seconde  question  bien  grave  et  plus  incertaine  encore 
est  soulevée  par  la  comparaison  de  la  machine  du  Creuset 
avec  les  autres  systèmes  exposés.  Todd,  Rennie,  Penn  dans 
sa  machine  oscillante,  Seaward  dans  son  système  atmo- 
sphérique à  trois  cylindres ,  se  sont  proposé  d'occuper  le 
moindre  espace  dans  la  coque  ;  l'usine  de  Motala  et  M.  Gâche 
ont  été  plus  loin  :  on  sait  que  dans  tout  navire  la  partie  infé- 
rieure de  la  carène  est  rétrécie  vers  la  quille ,  et  que  l'extré- 


556  VISITE 

mité  postérieure  de  la  coque  est  amincie  pour  former  l'é- 
videment  arrière,  en  sorte  que  le  bâtiment  ne  contient  en  ces 
parties  qu'un  espace  étroit  difficile  à  employer  dans  l'emmé- 
nagement et  dont  la  section  présente  un  triangle  renversé. 
Eh  bien  !  c'est  cette  partie  du  navire  que  l'ingénieur  de  Mo- 
tala  et  M.  Gâche  ont  su  utiliser  pour  l'installation  de  la  ma- 
chine. Ce  dernier  constructeur ,  obligé  de  placer  l'appareil 
moteur  au  milieu  de  la  coque  dans  les  bateaux  à  voyageurs 
qui  vont  faire  le  trajet  rapide  de  Paris  à  Rouen,  a,  pour  mé- 
nager l'espace,  mis  les  machines  au-dessus  des  chaudières. 

Quant  au  Creusot,  son  système  est  l'opposé  du  précédent. 
Jugeant  qu'il  ne  peut  être  employé  aucun  moyen  pratique 
pour  empêcher  la  coque  de  se  déformer  sous  le  poids  de  la 
machine,  qui  la  charge  sur  un  seul  point,  l'ingénieur  donne  à 
l'appareil  moteur  la  plus  grande  longueur  possible  pour  ré- 
partir la  charge  sur  une  grande  étendue.  Le  premier  sys- 
tème satisfait  évidemment  plus  la  raison  ;  mais  le  second  a 
aussi  pour  lui  la  consécration  d'une  longue  expérience;  les 
motifs  de  préférence  ne  pourraient  être  développés  que  par  de 
très-longues  discussions;  nous  n'avons  pu  poser  ici  que  le 
problème. 

Nous  ne  dirons  rien  de  l'exécution  des  machines  exposées. 
Avec  des  soins,  de  l'intelligence  dans  la  conduite  des  ateliers, 
la  distribution  et  la  surveillance  du  travail  ,  il  n'y  a  plus  de 
constructeurs  qui  ne  puissent  bien  faire ,  surtout  quand  il 
s'agit  d'offrir  ses  produits  aux  regards  des  visiteurs  du 
monde  entier. 

Le  Creusot  a  depuis  longtemps  fait  ses  preuves;  Todd  , 
Seaward  ,  le  constructeur  hollandais  Wlissingen  ont  comme 
les  premiers  apporté  tous  les  soins  voulus  à  leur  exécution. 
Quant  à  l'usine  suédoise  de  Motala  ,  que  peu  de  personnes 
connaissaient  sans  doute ,  elle  a  révélé  son  existence  par  une 
machine  où  le  génie  des  détails  et  le  fini  du  travail  sont 
également  remarquables. 

Nous  demandera-t-on  maintenant  nos  critiques  sur  les 
machines  des  bateaux?  Des  critiques  générales,  nous  n'en 
avons  pas  à  faire;  nous  avons  mis  en  présence  diverses  opi- 
nions, divers  systèmes  qui  ont  leur  raison  d'être  et  entre  les- 
quels le  choix  est  bien  difficile  ;  le  lecteur  jugera  s'il  le  peut. 
Quant  aux  critiques  de  détails,  il  eût  fallu  étudier  chaque 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o57 

machine  séparément  dans  cette  note.  Encore  ces  critiques 
se  fussent-elles  bornées  à  quelques  parties  trop  compliquées 
ou  d'un  abord  difficile. 

Pour  ce  qui  regarde  ces  divers  projets  d'appareils  nou- 
veaux ,  dont  l'expérience  n'est  pas  même  annoncée  et  dont 
beaucoup  n'ont  pas  encore  reçu  une  forme  discutable  et  sont 
à  l'état  d'étude  ébauchée,  nous  n'avons  pas  cru  que  l'éten- 
due limitée  de  cet  article  nous  permît  d'en  entretenir  le 
lecteur. 

A  part  ces  ébauches  et  pour  nous  résumer,  nous  dirons 
que  l'exposition  des  machines  de  navigation  contient  peu  de 
choses,  mais  toutes  dignes  du  plus  haut  intérêt. 

Un  dernier  mot  pour  signaler  un  produit  d'un  intérêt  tout 
actuel,  admis  à  l'Exposition. 

Vers  le  milieu  de  l'Annexe,  deux  maîtres  de  forge,  M.Schnei- 
der, du  Creusot,  et  l'association  Pétin,  Gaudet  et  Jackson,  de 
Rive-de-Gier,  ont  exhibé  d'énormes  planches  de  fer  laminé, 
larges  de  80  centimètres,  sur  10  centimètres  d'épaisseur  et  4  à 
5  mètres  de  long.  Comme  ouvrage  de  forge  et  qualité  de  fer, 
ces  deux  pièces  sont  déjà  d'un  grand  intérêt;  mais  elles  cap- 
tiveront bien  mieux  encore  l'attention  quand  on  saura  que  ce 
sont  des  fragments  du  bordage  de  batteries  flottantes,  cita- 
delles bardées  de  fer,  destinées  abattre  les  forteresses  russes 
et  à  recevoir  impunément  leurs  boulets. 

Ce  sont  de  très-puissants  navires  à  vapeur  d'une  extrême 
stabilité  et  d'un  tirant  d'eau  assez  faible  pour  approcher  de 
très-près  ces  murailles  ennemies,  que  des  écueils  naturels  ou 
artificiels  ont  protégées  jusqu'ici  contre  nos  flottes.  Ces  batte- 
ries flottantes,  suflisamment  définies  parleur  nom,  consti- 
tuent, avec  les  chaloupes  canonnières  qui  ont  déjà  rendu  de  si 
grands  services,  deux  armes  de  guerre  nouvelles,  dont  on  at- 
tend de  grands  eiTets,  et  que  la  présence  des  bordages  de  fer  à 
l'Exposition  nous  conduisait  naturellement  à  signaler  dans  ce 
compte  rendu  des  appareils  de  navigation. 

Armes  et  projectiles. 

L'Exposition  présente  un  très-bel  assortiment  d'armes  de 
guerre  et  d'armes  de  chasse.  Parmi  ces  dernières ,  il  en  est 
plusieurs  qui  sont  de  véritables  œuvres  d'art,  et  dont,  à  ce 


r)58  VISITE 

titre ,  le  prix  s'élève  à  de  fortes  sommes.  On  peut  donc  voir, 
côte  à  côte,  un  fusil  de  10  fr.  et  un  fusil  de  10  000  fr.  Entre 
ces  deux  extrêmes  de  nombreux  intermédiaires  sont  dignes 
aussi  de  fixer  l'attention. 

Dans  la  partie  française,  il  faut  citer  en  première  ligne 
l'exposition  du  ministre  de  la  guerre  et  celle  du  ministre  de 
la  marine,  qui  comprennent  tous  les  modèles  d'armes  de 
guerre,  à  feu  ou  blanches. 

Nous  signalerons  surtout  dans  la  première,  le  mousqueton 
du  commandant  Treuille  de  Beaulieu  ,  exécuté  d'après  le  pro- 
gramme exprès  de  l'Empereur,  et  dont  sont  armés  les  cent- 
gardes.  Une  coupe  réelle,  faite  dans  l'une  de  ces  armes, 
permet  d'en  embrasser  d'un  coup  d'œil  tout  le  mécanisme, 
dont  la  simplicité  est  extrême. 

Dans  l'une  des  moitiés ,  la  balle  est  au  repos;  dans  l'autre, 
l'arme  a  déjà  fait  feu  et  le  projectile  est  en  mouvement.  Le 
mousqueton  peut  être  terminé  par  un  sabre-latte  qui  le  trans- 
forme en  une  lance  redoutable,  qui  n'a  pas  moins  de  2"", 18  de 
longueur. 

Depuis  la  guerre  d'Orient,  les  journaux  parlent  fréquem- 
ment d'une  arme  qui,  dans  les  mains  de  nos  chasseurs  d'A- 
frique et  dans  celles  des  tirailleurs  anglais,  est  devenue  la 
terreur  des  Russes,  par  la  justesse  et  la.portée  de  son  tir.  Ils 
désignent  généralement  cette  arme  sous  le  nom  de  carabine 
Minié. 

Faisons  en  quelques  mots  l'historique  de  ce  redoutable  in- 
strument de  destruction. 

Dans  l'ancienne  carabine,  le  projectile  sphérique  était  un 
peu  plus  gros  que  l'àme  du  canon  rayé  en  hélice,  dans  laquelle 
on  l'enfonçait  à  coups.de  maillet,  ce  qui  exigeait,  pour  la 
charge,  un  temps  tellement  considérable,  que  la  carabine  était 
à  peu  près  abandonnée  dans  les  armées  ,  lorsque  M.  Delvigne 
entreprit,  en  1826,  delà  réhabiliter. 

Son  point  de  départ  fut  l'emploi  dune  balle  sphérique  des- 
cendant librement  dans  le  canon,  au  fond  duquel  elle  s'arrê- 
tait sur  les  bords  d'une  chambre  plus  étroite  contenant  la 
poudre.  Quelques  coups  d'une  baguette  suffisamment  lourde 
y  aplatissaient  la  balle,  qui  se  moulait  ainsi  dans  les  rayures, 
condition  qui  l'assimilait  à  la  balle  forcée  de  l'ancienne  ca- 
rabine. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  r^rJO 

Plus  tard  il  substitua  à  la  balle  sphérique  une  balle  rylin- 
dro-conique  ,  creuse  dans  la  partie  cylindrique,  et  qui  était 
refoulée  au  moyen  d'une  baguette  dont  la  tête  portait  une 
creusure  conique  dans  laquelle  se  logeait  la  pointe  de  la  balle, 
maintenue  ainsi  dans  l'axe  du  canon.  Le  tir  devint  alors  d'une 
justesse  prodigieuse. 

En  1842,  M.  Thouvenin  ,  de  concert  avec  M.  Minié,  créa  la 
carabine  à  tige ,  comportant  une  balle  cylindro-conique,  mais 
pleine ,  que  la  baguette  comprin:ie  sur  une  tige  d'acier  fixée 
au  centre  du  bouton  de  culasse.  Ces  conditions  sont  aujour- 
d'hui celles  delà  carabine  de  nos  chasseurs  d'Afrique. 

En  1849,  M.  Minié  reprit  la  balle  creuse  de  M.  Delvigne 
dans  la  cavité  de  laquelle  il  logea  un  culot  tronc  conique  de 
fer  qui,  chassé  par  les  gaz  de  la  poudre,  s'enfonce  dans  cette 
cavité ,  dilate  les  parois  de  la  balle  et  les  force  à  se  mouler 
dans  les  rayures  avec  plus  d'énergie  que  ne  le  fait  le  refoule- 
ment par  la  baguette. 

Il  est  juste  de  dire  que,  très-antérieurement,  M.  Delvigne 
avait  constaté  que  ces  mêmes  gaz ,  en  pénétrant  dans  la  cavi- 
té de  la  balle,  en  déterminaient  l'enfoncement  plus  complet 
dans  les  rayures. 

Il  paraît  que  les  Anglais,  qui  d'abord  avaient  adopté  le  cu- 
lot de  M.  Minié,  jugent  aujourd'hui  suffisante  la  dilatation  de 
la  balle  par  les  gaz  de  la  poudre. 

Nous  croyons  que,  en  présence  de  ces  faits,  il  faut  recon- 
naître que  l'initiative ,  ainsi  que  la  base  de  cette  importante 
modification  appartiennent  à  M.  Delvigne ,  et  qu'il  serait  de 
toute  justice  d'accoler  son  nom  à  celui  de  M.  Minié  dans  la 
désignation  delà  nouvelle  arme. 

M.  Pidault,  des  forges  d'Audincourt,  expose  des  fusils 
achetés  par  l'Empereur,  et  dont  les  canons  sont  emboutis  par 
les  procédés  ingénieux  de  ]\l.  Palmer.  Ils  se  chargent  par  la 
culasse,  d'après  un  système  qui  permet  d'employer  la  car- 
touche actuelle  d'infanterie,  ce  qui  n'avait  jamais  eu  lieu  jus- 
qu'ici. 

Les  manufactures  de  Saint-Etienne,  de  Mutzig  et  de  Châ- 
tellerault  figurent  honorablement  par  leurs  produits. 

MM.  Coulaux,  de  Klingenthal,  exposent  des  cuirasses  de  la 
garde,  exécutées  en  acier  fondu  ,  de  MM.  Jakson.  Elles  sont 
impénétrables  à  la  balle  dans  la  condition  des  épreuves,  et 


r>60  VISITE 

pèsent  environ  3  kilogrammes  de  moins  que  les  cuirasses  en 
usage  jusqu'ici. 

Si  nous  abordons  les  armes  de  chasse ,  nous  remarquerons 
que  le  système  prédominant  est  celui  de  Lefauclieux,  plus  ou 
moins  heureusement  modifié.  Nous  trouvons  une  exception 
remarquable  dans  celui  de  M.  Gasiinne-Renette,  qui,  bien  que 
se  chargeant  par  la  culasse,  n'exige  pas  le  mouvement  de  bas- 
cule du  canon  ,  ce  qui  donne  à  l'arme  une  solidité  beaucoup 
plus  grande  et  permet  en  même  temps  un  tir  très-rapide. 

Nous  recommanderons  l'emploi  d'un  petit  mécanisme  de 
M.  Guérin  ,  pouvant  s'adapter  à  la  plupart  des  armes  à  feu, 
et  qui  a  pour  but  d'arrêter  le  jeu  des  gâchettes  lorsque  l'arme 
n'est  pas  entre  les  mains  du  chasseur.  Par  la  pression  que  la 
main  exerce  sur  la  poignée  du  fusil,  lorsqu'on  met  celui-ci  en 
joue,  les  gâchettes  se  trouvent  libres;  et,  en  pressant  la  dé- 
lente, le  coup  part.  Enfin,  la  portion  extérieure  du  mécanisme 
peut  s'enlever  facilement  à  volonté ,  lorsqu'on  n'est  pas  en 
chasse,  et  rendre  presque  impossibles  les  accidents  déplora- 
bles qui  ont  lieu  si  fréquemment  par  suite  de  l'oubli  ou  de 
l'abandon  momentané  de  fusils  chargés. 

Les  amateurs  d'armes  de  luxe  trouveront,  dans  les  vitrines 
de  l'arquebuserie  parisienne,  de  nombreux  sujets  d'admira- 
tion. Partout  l'art  le  dispute  à  la  richesse  de  la  matière ,  et 
l'emporte  souvent. 

A  vrai  dire ,  nous  ne  sommes  pas  bien  certain  que  ces  ad- 
mirables ciselures  aient,  pour  la  plupart,  d'autre  destination 
que  celle  de  figurer  dans  leur  boîte  ou  dans  un  trophée;  nous 
ne  voudrions  pas  répondre  que  leur  usage  ne  fût  pas  accom- 
pagné de  quelques  inconvénients,  tel,  par  exemple,  que  celui 
de  s'écorcher  la  joue  en  l'appuyant,  pour  le  tir,  contre  les 
raille  et  une  saillies  que  le  ciseleur  a  fait  surgir  sur  la  cro-se 
d'un  fusil,  ni  que  les  mains  en  puissent  impunément  serrer 
la  poignée  ou  la  sous-garde. 

Ces  remarques  ne  s'adressent  pas  toutefois  aux  belles 
armes  commandées  par  l'Empereur  à  M.  Gastinne-Renette, 
sur  des  dessins  approuvés  par  S.  M.  Ces  armes  se  composent 
d'un  fusil  à  deux  coups ,  d'une  paire  de  pistolets,  et  d'un  fusil 
à  un  coup,  système  des  cent-gardes;  enfin  d'un  couteau  de 
chasse  et  d'une  épée. 

L'or,  l'argent  qui  y  sont  prodigués  y  brillent  moins  par  leur 


A. L'EXPOSITION   lUMVKKSELLE.  561 

éclat  que  par  l'art  infini  avec  lequel  une  main  habile  les  a 
travaillés. 

En  les  voyant,  on  croit  impossible  de  faire  rien  de  plus 
beau,  ni  surtout  de  plus  riche;  et  cependant,  tout  à  côté, 
dans  la  même  vitrine,  apparaissent  une  carabine  et  une  paire 
de  pistolets  (système  Gastinne) ,  commandés  par  le  vice-roi 
d'Egypte,  où  l'art,  s'aidant  du  goût  oriental,  a  su  faire  quel- 
que chose  de  plus  brillant  encore  ,  grâce  aux  diamants,  aux 
rubis,  aux  émeraudes  qui  y  sont  prodigués.  On  se  fera  peut- 
être  une  idée  de  cette  magnificence,  digne  des  Mille  et  une 
Nuits,  lorsque  nous  aurons  dit  que  trois  petites  cartouchières 
valent  à  elles  seules  près  de  100  000  francs. 

Pressé  par  le  temps  et  l'espace  nous  passons  sous  silence 
d'autres  pièces  riches  de  M.  Gastinne-Renetle,  pour  signaler 
l'excellente  fabrication  de  ses  armes  ordinaires  et  surtout  de 
ses  canons  de  fusil  dont  la  solidité  est  telle  (nous  parlons  de 
visu)  qu'ils,  ne  crèvent  qu'à  la  dix-huitième  épreuve,  compor- 
tant successivement  chacune  une  charge  en  plus,  de  poudre 
et  de  plomb  de  chasse;  cette  énorme  résistance  est  due  à  un 
mode  particulier  de  fabrication  qui  consiste,  en  principe,  à 
substituer,  au  ruban  plat  ordinaire,  enroulé  sur  une  chemise 
de  tôle,  deux  rubans  triangulaires  formant,  l'un,  une  vis, 
l'autre,  son  écrou  que  le  marteau  réunit  l'un  à  l'autre  en  for- 
mant des  soudures  croisées  sur  des  plans  obliques  dans  les- 
quels les  travers  sont  absolument  impossibles. 

Ne  quittons  pas  ce  sujet  sans  dire  que  les  canons  fabriqués 
par  M.  Léopold  Bernard,  pour  les  arquebusiers  de  Paris,  sont 
toujours  dignes  de  son  ancienne  réputation.  N'oublions  pas 
non  plus  ceux  de  son  frère  Albert. 

'  Dans  le  plus  grand  nombre  des  vitrines  de  Tarquebuserie 
française,  à  côté  des  armes  de  luxe,  produits  souvent  excep- 
tionnels, exécutés  en  vue  de  l'Exposition,  on  trouvera  de  belles 
et  bonnes  armes  d'un  prix  abordable  pour  tout  le  monde. 

Citer  sur  ce  point  MM.  Blanchard,  Beringer,  Garon,  Clau- 
din,  Devisme,  Gauvain  ,  Lefaucheux,  Lefaure,  Lepage-Mou- 
tier ,  Thomas ,  etc. ,  c'est  rappeler  à  nos  lecteurs  des  noms 
bien  connus,  jouissant  d'une  réputation  justement  méritée. 

Qui  ne  connaît  maintenant  les  revolvers  ,  ces  armes  qui 
permettent  le  tir  rapide  de  six  coups  consécutifs.  Us  abondent 
jï  l'Exposition.  Trois  paraissent  se  disputer  la  prééminence. 


5(3-2  VISITE  .  I 

Le  plus  ancien  en  date  est  celui  de  MM.  Coite,  puis  vient  i 
celui  de  M.  Lefaucheux,  et  enfin  celui  de  M.  Gastinne-Re-  | 
nette;  ce  dernier,  que  nous  avons  pu  examiner  à  loisir,  nous  \ 
a  paru  remarquable  par  sa  simplicité  et  la  sûreté  de  ses  . 
effets.  ; 

Nous  n'apprendrons  probablement  rien   de  nouveau  aux   : 
chasseurs  en  leur  signalant  l'excellente  qualité  des  cartouches  | 
de  chasse  que  fabrique  M.  Ghaudun  pour  tous  les  systèmes 
connus  d'armes  à  feu,  ainsi  que  celle  des  capsules  de  la  maison 
Gevelot  et  de  sa  rivale,  plus  connue  à  l'étranger,  la  maison  , 
Gaupillat.  ! 

Si  nous  passons  dans  les  expositions  étrangères,  nous  con-  j 
staterons  que  la  Belgique  a  voulu  conserver  son  rang  dans  j 
l'industrie  armurière,  et  que  ses  principales  maisons  ont  envoyé  ] 
de  nombreux  échantillons  de  leurs  produits.  i 

Dans  la  vitrine  de  M.  Mangeot ,   on  remarque  de  beaux  j 
fusils  dont  la  monture  en  bois  d'ébène  est  très-richement  j 
sculptée.  Le  revolver  Comblain-Mangeot  offre  l'avantage  de  i 
fournir  un  feu  continu  et  de  permettre  d'ajuster  à  loisir,  le 
chien  restant  immobile.  : 

MM.   Lepage  ,  qui  ont  une  maison  à  Paris,  ont  une  excel- 
lente collection  d'armes  de  toutes  les  fabriques  belges,  et  de  ; 
tous  les  prix,  depuis  les  fusils  Cadet,  à  5  fr.  50  c,  jusqu'aux  '[ 
fusils  de  chasse  de  500  francs  et  plus.  i 

La  maison  Falisse  et  Trapmann,  de  Liège,  présente  une  re-  ] 
marquable  collection  d'armes  de  guerre  de  toutes  les  nations,  • 
et  un  très-bel  assortiment  de  capsules  de  guerre  et  de  chasse,  ; 
et  de  cheminées.  ! 

M.  Lepage,  de  Liège,  expose  un  fusil  à  quatre  coups  d'un  ' 
système  nouveau.  Les  quatre  canons  sont  superposés  deux  à  , 
deux  ;  mais  il  n'y  a  que  deux  platines.  La  tête  des  chiens  est  i 
iirticulée  de  manière  à  s'allonger  ou  à  se  raccourcir  pour  j 
percuter  successivement  sur  les  deux  cheminées  de  droite  ou  ; 
de  gaucne.  j 

U.  Lemi/le ,  au  milieu  d'un  nombreux  assortiment  d'armes  ! 
de  guerre  et  de  chasse ,  expose  un  fusil  double  dont  la  crosse  , 
est  très-richement  sculptée. 

Les  armes  à  glissière  de  M.  Colette  méritent  de  fixer  l'at-  ! 
tention. 
Dans  les  vitrines  de  MM.  Jansen  et  Colard,  on  remarque  de  - 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o63 

Irès-belles  boîtes  de  pistolets.  Les  pistolets  de  M.  Colard  sont 
montés  en  ivoire  travaillé  avec  beaucoup  de  goût. 

M.  Malherbe  a  un  très-beau  fusil  et  une  paire  de  pistolets 
riches  qui  se  recommandent  à  l'attention  des  amateurs. 

MM.  Raick  et  fils  ont  exposé  de  belles  et  bonnes  armes  de 
chasse,  parmi  lesquelles  il  faut  remarquer  un  fusil  et  une  paire 
de  pistolets  dont  les  ciselures  sont  très-finement  exécutées. 

Nous  signalerons,  dans  les  États  sardes,  la  lumière  mobile 
pour  les  pièces  d'artillerie  désignée  par  son  auteur  sous  le 
nom  de  grain  Mathis. 

Elle  est  formée  d'une  espèce  de  boulon  en  cuivre  rouge  tra- 
versé par  un  trou  longitudinal,  et  dont  la  tête  se  loge  dans 
une  creusure  de  même  forme,  pratiquée,  dans  la  paroi  inté- 
rieure du  canon,  autour  du  trou  cylindrique  occupé  par  le 
corps  du  boulon,  dont  on  rive  l'autre  extrémité  à  l'extérieur 
de  la  pièce,  pendant  qu'on  soutient  la  tête  à  l'intérieur  au 
moyen  de  deux  mâchoires  en  fer  tenues  écartées  par  un  coin 
de  même  métal.  Si  l'on  a  besoin  de  remplacer  la  lumière,  il 
suffit  d'enlever  la  rivure  du  boulon  et  de  l'enfoncer  à  l'inté- 
rieur pour  faire  place  à  un  autre,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de 
renvoyer  la  pièce  dans  un  arsenal;  l'outillage  pour  cette  opé- 
ration se  bornant  à  un  poinçon ,  à  un  marteau ,  et  aux  mâ- 
choires décrites  plus  haut. 

En  Prusse  ,  l'objet  le  plus  intéressant  est  le  canon  d'acier 
fondu  de  M.  Krupp,  dont  la  durée  doit  être  indéfinie.  Les 
cuirasses,  également  en  acier  fondu,  du  même  fabricant,  sont 
très-notablement  allégées  sans  cesser  d'être  à  l'épreuve  de  la 
balle. 

La  fabrique  de  Solingen  est  dignement  représentée  par 
MM.  Liineschloss  et  Holler.  Les  vitrines  de  ces  deux  exposants 
renferment  chacune  une  très-riche  collection  de  lames  de 
toutes  formes  et  de  tous  modèles,  dont  les  prix  sont  très- 
modérés.  Ce  qui  distingue  la  fabrique  de  Solingen  ,  c'est 
(l'abord  la  beauté  du  poli  et  l'ornementation  en  or  des  lames. 
LUe  se  distingue  aussi  par  les  gardes  de  sabre,  en  fer  ou  en 
acier.  Nous  ferons  particulièrement  remarquer  deux  gardes 
d'épée,  une  paire  de  ciseaux  de  bureau  richement  ciselée, 
an  sabre  acheté  par  l'Empereur,  et  une  lame  portant  en  relief 
le  portrait  de  S.  M. 

Bien  que  les  principaux  arquebusiers  de  la  Grande-Bre- 


5b  i  VISITE 

tagne  aient  l'ait  défaut,  l'exposition  anglaise  se  distingue  par 
de  beaux  fusils  de  chasse.,  parmi  lesquels  nous  remarquons 
deux  fusils  vendus  au  prince  Albert  par  M.  Rigby,  de  Dublin. 

M.  Piedham  expose  un  système  de  chargement  par  la  cu- 
lasse, dans  lequel  le  fulminate  est  entlammé  par  une  aiguille, 
comme  dans  le  fusil  prussien. 

M.  Schlesinger  expose  aussi  un  système  de  chargement 
par  la  culasse  dans  lequel  le  chien  ordinaire  est  remplacé  par 
une  aiguille. 

Dans  la  quincaillerie  anglaise  s'est  fourvoyé  un  fusil  à  har- 
pon destiné  à  la  pèche  de  la  baleine. 

En  Bavière,  l'ancienne  et  célèbre  maison  Kutchenreuter  a 
exposé,  entre  autres  objets  d'arquebuserie,  un  beau  fusil  de 
chasse  et  une  paire  de  pistolets  dont  les  ciselures  et  les  sculp- 
tures sont  très-remarquables. 

Nous  signalerons,  dans  l'exposition  autrichienne,  une  cara- 
bine ciselée  par  Rinzi,  de  Milan,  qui  mérite  l'admiration  de 
tous  les  amateurs. 

M.  Bellot,  l'un  des  premiers  qui  aient  introduit  en  France 
la  fabrication  des  capsules,  et  qui  a  transporté  sa  maison  à 
Prague,  a  exposé  une  très-belle  collection  de  capsules. 

Les  amateurs  de  tir  pourront  voir  avec  intérêt,  dans  Texpo- 
silion  suisse,  plusieurs  arquebuses  en  usage  dans  les  tirs 
fédéraux. 

L'exposition  espagnole  se  distingue  par  de  magnifiques  ar- 
mes exposées  par  MM.  Zuloaga.  Les  unes  appartiennent  au  roi 
d'Espagne,  les  autres  au  maréchal  Narvaez;  toutes  offrent  des 
ciselures  du  plus  grand  mérite.  Les  auteurs  de  ces  belles  pièces 
(nit  également  e\})0sé  un  bouclier,  et  en  dehors  de  l'arquebu- 
-erie,  un  tableau  d'animaux  en  fer  ciselé  qui  les  classent  parmi 
les  grands  artistes. 

Les  curieux  doivent  aller  visiter,  dans  le  quartier  hollandais, 
descangiars  et  des  crics  malais  dons  les  lames  sont  empoison- 
nées. Les  fourreaux  sont  en  bois  rare  et  les  manches  ornés  de 
pierreries. 

Les  Indes  anglaises  ont  aussi  envoyé  de  nombreux  spéci- 
mens de  l'armement  des  indigènes. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  365 


CLASSE  XIV. 

Constmctions  civiles. 

L'art  des  constructions  fait  appel  aux  produits  des  indus- 
tries les  plus  diverses  ;  il  fait  emploi  des  matériaux  nombreux 
que  lui  offre  la  nature.  Ces  ressources  sont  aussi  dispersées 
dans  les  différentes  parties  du  Palais  de  l'Industrie,  qu'elles 
sont  variées  dans  la  nature;  aussi  le  visiteur,  désireux  de 
les  apprécier,  devra-t-il  se  préparer  à  parcourir  l'étendue 
presque  totale  de  ces  nombreuses  galeries  qui  constituent 
aujourd'hui  l'Exposition  universelle.  Nous  essayerons  de  le 
guider  pour  abréger  celte  course,  sans  toutefois  sortir  du 
cadre  tracé  par  la  classification  ,  qui  a  servi  de  base  à  Par- 
rangement  des  produits. 

Les  éléments  qui  prennent  la  première  place  parmi  les 
moyens  que  l'architecte  ou  l'ingénieur  mettent  en  jeu  sont 
assurément  les  matériaux.  Ils  prennent  dans  les  édifices  un 
rôle  déplus  en  plus  important,  à  mesure  que  leurs  qualités, 
leurs  dimensions,  leurs  propriétés,  en  un  mot,  sont  plus 
développées  et  plus  définies,  et  les  ouvrages  qu'ils  composent 
sont  surtout  caractérisés  par  l'emploi  de  ces  propriétés.  L'art 
inscrit  dans  ses  compositions  le  but  qu'il  veut  atteindre.  Les 
formes  qu'il  crée  servent  et  définissent  ce  but  ;  mais  unique- 
ment, selon  que  le  permet  la  matière  disponible.  Aussi  la 
nature  des  matériaux  influe-t-elle  sur  le  caractère  monumen- 
tal de  chaque  pays,  de  chaque  peuple.  Chaque  monument 
d'une  contrée  doit  avoir  son  originalité  déduite  de  la  destina- 
tion pour  laquelle  on  l'a  fait;  tous  les  monuments  d'une  même 
contrée  ont  une  tournure  de  famille  qu'ils  prennent  dans  la 
communauté  des  matériaux  qui  les  composent.  Les  arts  de 
tous  les  temps  nous  parlent  ainsi  :  l'antiquité,  le  moyen  âge 
et  notre  âge  aussi.  Quand  un  pays  est  largement  pourvu  de 
pierres  de  grande  résistance,  les  édifices  facilement  exécutés 
affectent  des  formes  simples ,  grandes  et  imposantes.  Quand 
les  petits  matériaux  seuls  se  présentent,  la  nécessité  de  dis- 


56G  VISITE 

positions  plus  cherchées  et  plus  difficiles  amène  à  des  for- 
mes ingénieuses,  mais  compliquées,  accidentées,  quelquefois 
pittoresques.  Là  où  les  bois  abondent,  un  autre  genre  de 
simplicité  se  produit  à  côté  d'une  apparence  de  légèreté  insé- 
parable de  cet  élément  végétal.  Quand  le  fer  arrive  avec  ses 
dimensions  si  commodes  dans  l'emploi  que  l'industrie  perfec- 
tionnée de  ces  derniers  temps  a  permis  d'atteindre,  on  voit 
entreprendre  des  ouvrages  audacieux  relativement  à  ceux  du 
passé  :  les  portées  et  les  vides  s'accroissent  ;  on  franchit  sans 
soutiens  intermédiaires  des  espaces  considérables;  le  pont 
de  Britannia  est  jeté  sur  un  bras  de  mer  avec  des  travées  de 
130  mètres.  Mais  les  œuvres  prennent  une  figure  grêle,  inu- 
sitée jusqu'alors,  tout  y  montre  une  propriété  de  résistance 
qui  frappe  l'œil ,  et  souvent  l'inquiète  péniblem.ent.  A  l'exa- 
men des  nombreux  efforts  de  production  minéralogique  ou 
industrielle  dont  on  rencontre  le  témoignage  à  chaque  pas 
dans  les  galeries,  l'esprit  tend,  malgré  soi,  à  s'appesantir  sur 
ces  distinctions  qui  portent  l'art  moderne  sur  un  terrain  si 
nouveau.  C'est  vers  le  caractère  qui  doit  appartenir  à  nos 
grandes  constructions  industrielles,  c'est  vers  la  juste  appré- 
ciation de  ce  caractère  que  se  tournent,  dans  la  pratique,  tous 
les  efforts  tentés  aujourd'hui  par  les  constructeurs.  Les  maté- 
riaux et  la  concurrence  qu'ils  se  font  prennent  donc  une  part 
considérable  dans  cette  question. 

Métaux. 

Depuis  quelques  années ,  les  métaux  se  sont  introduits 
dans  la  construction  en  augmentant  chaque  jour  et  de  plus  en 
plus  le  domaine  de  leurs  applications.  Ils  se  sont  approprié 
des  emplois  dont  ils  ne  paraissaient  d'abord  nullement  suscep- 
tibles. Ce  ne  sont  plus  simplement  des  combles  d'édifices,  que 
l'exception ,  d'ailleurs ,  voyait  seule  s'exécuter  en  cette 
matière,  ce  ne  sont  plus  des  applications  restreintes  et  secon- 
daires, telles  que  la  consolidation  des  parties  principales 
d'une  construction;  ce  sont,  au  contraire,  les  ouvrages  entiers 
et  les  plus  importants  comme  les  plus  courants  qui  se  font 
maintenant  tout  entiers  en  fer  :  les  tabliers  de  nos  ponts,  les 
fondations  des  grands  ouvrages,  les  planchers,  les  combles  et 
les  couvertures  mêmes  de  nos  habitations.  Les  pilotis  en  fer 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  567 

avis  si  généralement  employés  en  Angleterre,  en  concurrence 
avec  les  caisses  en  fonte  ,  le  mode  de  construction  de  toutes 
les  maisons  et  édifices  publics  récemment  érigés  à  Paris,  tous 
ces  travaux  nous  montrent  chaque  jour  l'importance  crois- 
sante que  prend  le  métal  dans  les  constructions. 

Pour  répondre  à  ce  besoin,  on  comprend  ce  qu'ont  fait  les 
forges  en  parcourant  les  expositions  de  nos  principales  usines 
et  celles  des  étrangers.  Les  prem.ières  surtout,  parce  qu'elles 
sont  les  seules  qui  fabriquent  le  fer  à  T,  cet  élément  précieux 
et  nouveau  si  généralement  employé  chez  nous  dans  la  con- 
struction de  planchers.  La  Provide^ice  (Annexe,  pile  63  D),  Mau- 
beuge  (Annexe,  pile  62  A),  et  Montataire  (Annexe,  pile  59  D) 
en  France,  nous  montrent  des  fers  à  T  de  tous  échantillons, 
propres  à  la  confection  de  toutes  espèces  de  planchers,  des 
cornières,  aussi  très-variées  dans  leurs  dimensions,  et  adop- 
tées à  l'agencement  de  pièces  composées  pour  les  résistances 
les  plus  diverses.  Les  fers  de  la  Providence  atteignent  à 
6"', 96  de  longueur  et  0"\30  de  hauteur.  Ceux  de  iMaubeuge 
ont  aussi  la  même  hauteur.  A  Montataire,  la  hauteur  n'ex- 
cède pas  0'",26,  mais  la  longueur  s'accroît  jusqu'à  '11"%45. 
Ces  dernières  dimensions  paraissent  plus  appropriées  aux 
besoins  industriels  qu'aux  exigences  du  bâtiment.  Montataire 
d'ailleurs  possède  des  tôles  ondulées  à  petites  ondulations  qui 
s'appliquent  comme  couverture  sur  les  pannes,  en  suppri- 
mant les  chevrons  et  le  lattis.  Celte  usine  fabrique  aussi  des 
tôles  ondulées  courbes,  à  fortes  ondulations  (0'",16  sur  0'"0S) 
pour  l'établissement  de  couvertures  sans  fermes,  ni  pannes, 
ni  chevrons.  Ces  tôles  ont  été  employées  avec  succès  il  y  a 
deux  ans  par  M.  Eugène  Flachat  à  la  couverture  de  la  gare 
de  marchandises  du  chemin  de  fer  de  l'Ouest  (rive  droite). 
Elles  se  recommandent  comme  solution  aussi  économique  que 
simple  dans  les  cas  analogues  à  l'application  que  nous  venons 
de  signaler.  Les  avantages  de  cette  disposition  s'expliquent 
par  l'absence  de  pièces  secondaires,  par  ce  fait  que  la  lame 
de  métal  est,  en  réalité,  elle-même  un  ensemble  de  fermes 
constituées  par  les  parties  verticales  des  ondulations,  et 
qu'elle  forme  un  contreventement  général  par  toute  sa  surface 
horizontale. 

D'autres  usines,  le  Creusât,  Commentry,  etc.,  offrent  aussi 
en  France  les  éléments  de  construction  que  nous  venons  de 


o68  VISITE 

rencontrer.  Mais  ces  établissements  réservent  principalement  ! 

leurproduction  pour  les  fers  propres  aux  grands  travaux  publics  i 

ou  aux  constructions  mécaniques.  L'article  métallurgie,  qui  ! 

comprend  l'examen  des  forges  et  de  leurs  produits,  nous  dis-  i 

pense  de  parler  ici  des  rails  et  de  citer  les  prodigieux  résultats  \ 

auxquels  on  est  parvenu  lant  chez  nous  que  chez  nos  voisins,  j 

A  ces  résultats,  il  faut  joindre  les  belles  pièces  de  fonderie  i 

obtenues  par  presque  toutes  les  usines,  et,  comme  témoignage  ] 

des  ressources  que  donne  à  la  construction  cette  industrie,  | 
nous  citerons  Varc  de  l'étage  souterrain  des  halles  centrales 

de  Paris,  fondu  par  l'usine  de  Mazières  et  exposé  au  vestibule  \ 

central  de  l'Annexe  en  face   l'entrée;   la  conduite  d'eau  de  • 

Madrid,  fondue  par  l'usine  de  Fourchamhault  et  composée  de  i 
tuyaux  de  3  mètres  de  long,  qui  atteignent  jusqu'à  0"',92  de 
diamètre;  la  collection  des  modèles  de  poutres  exécutées  par 

l'usine  de  Marquise.  : 

Ce  bilan,  à  peine  indiqué,   nous  montre  assurément  de  ' 

grandes   richesses  et  qui  paraissent  suffisantes.  Cependant  ! 

l'industrie  n'échappe  pas  à  la  loi  générale  du  progrès.  Dès  ' 

qu'une  tentative  a  fait  faire  un  grand  pas  dans  un  sens,  une  ' 

tentative  voisine  se  produit  pour  marcher  à  côté ,  progrès-  ■ 

sive  aussi.  Rien  n'est  plus  clairement  écrit  que  cette  vérité  ; 

à  l'Exposition,  dans  les  différents  matériaux  de  construction  ' 

qui  y  ont  été  rassemblés.  On   a  vu  les  forges  de  tous  les  i 

pays  produisant  des  fers  de  construction,  préparés  avec  un  ; 
soin  et  une  prévoyance  remarquables  pour  f)resque  tous  les 

besoins  qui  peuvent  se  présenter  dans  l'établissement  des  i 

grandes  poutres  de  ponts,  des  planchers,  des  combles,  etc.  i 

C'est  un  état  industriel  très-avancé  qui  se  manifeste  surtout  \ 

par  la  suffisance  permanente  des  moyens  de  l'usinier  aux  ! 
demandes  qui  lui  sont  faites.  Cependant  observez.  Voici  que 

ces  ressources,  créées  surtout  en  vue  des  lacunes  que  nous  ■ 

présentaient  les  forêts  sur  le  continent,  vont  trouver  devant  ; 
elles  toutes  les  promesses  que  nous  font   les  innombrables 
échantillons  de  bois  de  toute  espèce,  venus  en  profusion  de 
toutes  les  colonies. 


Bois. 


Parcourez  l'exposition  du  Canada  dans  l'Annexe  (entre  les 
colonnes  11  et  13),  montez  aux  galeries»  latérales  supérieures, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  3«9 

longez  les  travées  où  sont  développées  les  collections  de  bois 
de  la  Jamaïque,  de  la  Guyane  anglaise  (pile  1  à  15,  côté  A), 
de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  ou  MM.  Moore  et  Mac  Arthur  ont 
réuni  et  étiqueté,  avec  tant  desoin,  plusieurs centainesdebilles 
de  bois;  examinez  les  échantillons  de  la  terrede  Van-Diemen, 
ceux  de  nos  colonies  même  où  l'on  a  malheureusement  été 
bien  avare  sous  le  rapport  des  dimensions  :  réunissez  et  com- 
parez les  propriétés  si  nouvelles  et  si  diverses  que  vous  pré- 
sentent ces  végétaux  pour  la  plupart  inconnus  jusqu'à  présent, 
et  voyez  s'il  n'y  a  pas  là  des  éléments  de  construction  dont 
on  doive  tirer  un  parli  très-important  dans  le  cas  où  ils  pour- 
raient nous  parvenir  économiquement  et  régulièrement.  Ce 
dernier  point  s'élucidera  assurément  avant  la  fin  de  l'Expo- 
sition. Les  travaux  des  jurys  nous  permettent  de  l'espérer, 
l'intérêt  des  exposants  nous  le  promet,  et  déjà,  si  nous  avons 
bien  pu  nous  renseigner,  nous  devons  penser  que  l'avenir  ne 
refusera  pas  au  continent  l'emploi  permanent  de  ces  magni- 
fiques matériaux. 

Les  immenses  forêts  de  la  Guyane  britannique  qui  n'ex- 
porte guère,  il  faut  le  dire,  jusqu'à  présent  plus  de  6  à  8000  mè- 
tres cubes  de  bois  de  construction  ou  d'ébénisterie ,  sont  à 
peine  assez  explorées  jusqu'à  présent  pour  qu'on  en  connaisse 
les  principales  essences.  Il  en  est  de  même  des  autres  colo- 
nies. Mais  que  le  besoin  de  consommation  se  fasse  sentir,  que 
la  hache  du  bûcheron  pénètre  plus  hardie  et  plus  intéressée 
au  milieu  de  cette  riche  végétation,  et  nous  verrons  bientôt 
apparaître  sur  nos  chantiers,  d'abord  des  variétés  nombreu- 
ses de  bois  d'ébénisterie  dont  nous  sommes  si  pauvres,  telles 
que  le  crab-trood,  le  caslana  ou  cèdre  roui)e,  le  mariwayana 
ou  cœur  pourpre ,  le  rradaduri  ou  pot  de  singe ,  le  palmier 
iooroo,  le  buraballi ,  le  sibadani ,  le  ivamara  ou  ébène  brun, 
Vacuf/uri,  le  hijafra  ballij,  le  ducalibaUi,  le  cartan,  etc.;  des 
bois  de  menuiserie,  tels  que  le  icaUaba,  le  kakarelli,  le  tcar- 
racoori  ou  cèdre  blanc,  le  simarouba,  le  bulbj,  le  ouriché,  etc.  ; 
des  bois  de  charpente  même,  tels  que  le  simeri,  déjà  employé 
en  Angleterre,  Vadabadani,  le  Idtchia ,  le  tiiranira ,  le  aru- 
mata,  le  morabaUi,  le  manibelli  ou  bois  chandelle,  \esipiri, 
le  tonka,  bois  présenté  comme  éminemment  durable. 

Voilà  les  collections  que  le  constructeur  ne  doit  pas  négli- 
ger de  visiter.  Elles  sont  pleines  d'intérêt,  surtout  quant  aux 


570  VISITE 

bois  de  menuiserie.  L'emploi  de  ces  bois  dans  nos  habitations, 
en  nous  offrant  des  surfaces  naturelles  agréables  à  l'œil ,  per- 
mettrait la  suppression  de  beaucoup  de  peintures  coûteuses 
salissantes,  que  nous  n'employons  la  plupart  du  temps  que 
parce  que  nos  bois  sont  pauvres  d'aspect  et  remplis  de  dé- 
fauts. 

Nous  devons  signaler  le  succès  complet  qu'obtient  à  l'Expo- 
sition le  trophée  du  Canada,  élevé  au  milieu  de  la  travée  11-1 2. 
Ce  sont  des  bois  d'espèces  variées,  mais  surtout  des  portes  , 
des  croisées  et  des  per.-iennes  fabriquées  au  Canada  même,  et 
qui ,  si  nous  sommes  bien  renseigné  ,  ne  reviendraient  en 
France  qu'à  un  prix  inférieur  de  15  pour  100  à  celui  que  nous 
payons  ici  pour  les  objets  de  facture  analogue,  sinon  identique. 
Les  Canadiens  n'en  sont  pas  seulement  arrivés  à  tirer  de  leurs 
grandes  forêts  les  beaux  types  qu'elles  renferment.  Ils  ne  se 
contentent  pas  d'exporter  pour  40  millions  de  bois  chaque  an- 
née. Leur  habileté  industrielle  s'est  employée  à  tirer  déjà  le 
parti  le  plus  économique  de  ces  matières  premières,  en  les  dé- 
bitant et  les  façonnant  avec  des  machines  qui  leur  permettent 
d'établir  sur  une  grande  échelle  et  d'oti'rir  commercialement 
les  objetsdemenuiseriecourante.ee  fait,  que  nos  voisins  d'An- 
gleterre ont  déjà  consacré,  devrait  fixer  quelque  peu  l'attention 
chez  nous.  De  gré  ou  de  force,  il  faudia  bien  que  nous  l'accep- 
tions, et  malgré  notre  juste  répugnance  à  voir  s'introduire  l'élé- 
ment de  fabricatioiidaus  l'établissement  de  nos  demeure*;, 
malgré  la  résistance  que  fait  et  doit  faire  l'artiste  à  cette  ten- 
dance qui  lui  enlève,  au  bénéfice  de  l'industriel,  une  part  d'ac- 
tion jusqu'ici  respectée,  la  loi  économique  fait  son  chemin. 
Elle  dit  à  l'industriel  de  supplanter  l'artiste  partout  où  le  con- 
sommateur peut  trouver  augmentation  de  bien-être  à  cette 
substitution  ;  elle  soutient  et  relève  le  courage  de  l'arlir-te  en 
changeant  le  milieu  de  ses  créations,  en  rehaussant  le  champ 
de  ses  études,  en  l'appelant  à  traiter  des  applications  plus 
grandes  et  plus  générales,  à  mesure  que  les  besoins  moraux 
des  sociétés  s'élargissent  et  s'augmentent.  Mais  tout  cela  c'est 
le  progrès  ,  et  le  progrès  fatal.  Inscrivons  donc  un  fait  dans 
nos  observations,  fait  heureux.  Le  Canada  nous  enverra  de 
bonnes  menuiseries  toutes  faites  en  bons  bois.  Il  nous  enverra 
aussi  des  bois  débités  sur  lesquels  nous  suivrons  son  exemple 
en  fabriquant  à  la  mécanique  des  portes,  des  croisées,  des 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  571 

persiennes,  des  lambris  que  le  commerce  dispensera  aux  ar- 
chitectes, lesquels  s'arrangeront  pour  le  mieux,  en  guidant 
de  leur  sage  influence  cette  fabrication  industrielle  ,  et  en  im- 
primant le  cachet  de  l'art,  c'est-à-dire  de  la  pensée  originale, 
à  tant  de  choses  qui  en  manquent. 

Mais  le  Canada,  qui  nous  entraîne  dans  des  prévisions  que 
nous  ne  pouvons  croire  hasardées,  n'est  pas  la  seule  contrée 
qui  présente  cette  espèce  d'intérêt  dépendant  de  tout  ce  qui 
est  nouveau  dans  le  champ  de  l'utile.  Plus  active,  plus  intel- 
ligente, plus  audacieuse  que  d'autres  peuples  lointains  aussi 
bien  pourvus  d'éléments  de  production  ,  cette  nation  attire 
particulièrement  sur  elle  l'attention.  Ce  que  nous  venons  de 
dire  concerne  en  même  temps  la  plupart  des  colonies.  Il  en 
est  une  toutefois  dont  nous  devons  spécialement  nous  oc- 
cuper. 

L'Algérie  ,  qui  ne  paraît  présenter  que  des  échantillons  de 
bois  propres  à  l'ébénisterie ,  ne  doit  pas  être  oubliée  par  le 
constructeur.  La  plupart  de  ces  bois  peuvent  ou  doivent  avoir 
une  application  prochaine  dans  les  boiseries  de  celles  de  nos 
habitations  privées  où  le  luxe  et  le  confortable  se  disputent 
la  satisfaction  de  nos  goûts  ou  de  nos  besoins.  Quel  architecte 
un  peu  avide  de  fantaisie  ou  de  variété  ne  prévoit  avec  envie 
le  moment  où  il  pourra  ajuster  dans  les  panneaux  de  ses 
portes  ou  de  ses  lambris,  ces  belles  teintes  ûe chêne  à  glands, 
doux,  dont  la  maille  rosée  est  d'un  aspect  si  coquet  et  si  nou- 
veau ?  Quelles  ressources  ne  trouverait-il  pas  dans  ces  belles 
faces  lV olivier  et  de  thuija  si  pittoresquement  accidentées , 
où  la  variété  et  l'harmonie  des  tons  se  marient  à  la  finesse  de 
la  contexture?  Ces  deux  essences,  très-répandues  sur  notre 
sol  africain,  fournissent  des  a?pects  différents  suivant  qu'on 
en  débite  la  racine,  la  loupe  ou  la  tige.  Il  faut  voir  les  bois  très- 
bien  travaillés  et  très-brillants  qui  figurent  sur  les  deux 
galeries  supérieures  de  l'exposition  algérienne,  pour  apprécier 
l'importance  que  peut  prendre  cette  production  végétale. 
Évitons  toutefois  de  juger  sur  les  meubles  que  quelques  ébé- 
nistes d'Alger  ont  envoyés.  Nous  sommes  trop  habitués  au 
goût  qui  préside  à  la  confection  de  nos  meubles  parisiens, 
pour  ne  pas  regretter  les  contrastes  de  tons  heurtés,  la 
lourdeur  des  moulures ,  la  banalité  et  le  manque  de  rapports 
dans  la  valeur  des  ornements  sculptés  qui  se  rencontrent  sur 


r>l±  VISITE 

ces  objets,  et  notre  œil  fatigué  estimerait  mal  la  matière  qu'il 
faut  voir  sous  cette  robe  d'emprunt  inopportune.  Une  table  a 
jeu  très-bien  galbée  ,  de  jolis  pianos,  parmi  lesquels  nous  si- 
gnalerons celui  de  l'extrémité  de  la  galerie,  côté  de  la  Seine, 
font  au  contraire  valoir  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer  des 
racines  et  des  loupes  d'olivier,  du  bois  de  thuya.  L'exposition 
du  ministère  de  la  guerre  possède  encore  un  spécimen  curieux 
qui  mérite  de  fixer  l'attention.  C'est  une  table  formée  d'une 
seule  tranche  de  cèdre,  débarrassée  de  son  aubier.  Celle 
tranche  a  4  mètre  60  de  diamètre,  et  montre  la  grosseur  que 
cet  arbre  atteint  quelquefois.  Sans  voir  dans  ces  dimensions 
un  élément  normal  sur  lequel  puisse  compter  l'industrie,  il 
faut  constater  que  la  province  d'Alger  est  la  source  de  cette 
production,  et  que  les  forêts  qu'elle  contient  sont  riches  en 
cèdres  de  celte  nature.  D'ailleurs  n(jus  avons  pu  voir  sur  les 
tables  de  l'exposition  algérienne,  des  essences  qui  tiennent  de 
plus  près  aux  applications  utiles  du  constructeur,  le  chêne 
zeem,  que  ses  grandes  dimensions  rendent  propre  aux  con- 
structions navales,  les  chênes-liége.  très-abondants. 

Il  paraît  que  plusieurs  cenlaines  de  mètres  cubes  de  ces 
différents  bois  sont  depuis  quelques  mois  parvenus  à  Paris, 
et  vont  alimenter  nos  ateliers  débénisterie.  Attendons  avec 
confiance  des  applications  plus  générales  pour  juger  de  leur 
emploi  possible  dans  nos  habitations.  Après  les  longs  ef- 
forts de  la  conquête,  voici  venir  peut-être  le  temps  où  il 
faut  prévoir  la  récolte,  et  se  préparer  à  savoir  en  user.  L'a- 
griculteur va  retourner  la  terre  féconde  qui  jadis  alimen- 
tait les  villes  romaines,  il  y  implante  la  culture  moderne  du 
coton  que  nos  habitudes  et  nos  besoins  réclament  de  déve- 
lopper sur  un  sol  national  ;  de  son  côté,  le  constructeur  doit 
participer  à  cet  élan,  en  lournant  les  yeux  vers  les  produits 
qu'une  industrie  naissante  paraît  lui  promettre  pour  un  pro- 
chain avenir.  A  ces  bois  que  nous  venons  d'examiner  se  joi- 
gnent, parmi  les  produits  algériens,  des  matériaux  minéraux 
devant  lesquels  nous  n'oublierons  pas  de  nous  arrêter,  quand 
nous  étudierons  les  pierres  et  les  marbres. 


A  L'EXPOSITION.  UNIVERSELLE.  573 


Pierres. 

Les  pierres  de  construction  se  présentent  en  échantillons 
assez  remarquables  en  deux  points  de  l'Annexe.  Vers  la  co- 
lonne 55,  côté  D  ,  se  trouve  une  collection  de  pierres  des  en- 
virons de  Caen ,  présentées  sous  les  noms  de  pierres  d'Alle- 
magne, à'Aubigny,  de  Rauvilleet  de  Fontenaij.  Ces  matériaux, 
qui  proviennent  des  affleurements  jurassiques  de  la  côte  de 
Bretagne,  sont  d'un  grain  fin,  très-homogènes,  susceptibles 
d'être  taillés  à  arêtes  vives,  et  très-propres  à  la  sculpture. 
Les  premières  surtout  conservent  ce  caractère;  les  deuxièmes, 
à  aspect  plus  cristallin,  sont  plus  dures  et  moins  faciles  à  tra- 
vailler: on  les  dit  quelquefois  gélives.  Les  autres,  qui  parais- 
sent être  des  calcaires  à  polypiers,  ont  été  jusqu'ici  plus  spé- 
cialement employées  dans  les  constructions  hydrauliques. 
Cette  exposition  nous  paraît  digne  d'un  véritable  intéi  et.  Nous 
avons  vu  ,  avec  quelque  espoir  de  les  retrouver  bientôt ,  sur 
nos  chantiers  de  construction  parisiens ,  ces  spécimens  de 
matériaux  qui  constituent  la  plus  grande  partie  des  belles 
églises  normandes  de  Caen,  de  Bayeux  et  de  Falaise.  Les  prix 
auxquels  ces  pierres  sont  extraites  dans  la  localité,  de  15  à 
35  francs,  suivant  le  degré  de  dureté,  ne  laissent  aucun  doute 
sur  la  possibilité  de  les  amener  à  Paris,   où  les  qualités, 
dépendant  de  leur  formation  géologique,  ne  laisseraient  pas 
que  de  leur  donner  des  avantages  marqués  sur  les  calcaires 
tertiaires.  Il  faut  regretter  de  ne  pas  voir  les  carrières  de  la 
Bourgogne ,  et  particulièrement  celles  de  la  Côte-d'Or,  repré- 
sentées à  l'Exposition.  Elles  avaient  à  fixer  l'attention  des 
constructeurs  sur  les  ressources  très-étendues  que  présentent 
en  calcaires  de  construction  leurs  riches  couches  jurassiques. 
Paris  et  ses  environs  sont  particulièrement  intéressés  à  puiser 
dans  ces  carrières  un  peu  éloignées,  il  est  vrai ,  mais  accessi- 
bles cependant,  depuis  que  nos  voies  de  communication  se 
sont  développées,  et  que  les  pierres  dures,  les  bancs  francs  et 
les  bancs  voyais  s'épuisent,  comme  ils  le  font  tous  les  jours 
dans  la  banlieue.  On  voit  dans  le  jardin  du  grand  Palais,  à 
côté  du  hangar  d'agriculture,  une  grande  meule  de  grès  des 
Vosges.  Cette  nature  de  pierre  est  amenée  depuis  quelques 
mois  sur  les  chantiers  de  Paris;  elle  a  servi  au  soubassement 


574  VISITE 

du  Palais  de  l'Industrie.  Sa  résistance  est  analogue  à  celle  de 
la  roche  de  Paris;  elle  se  coupe  assez  bien  à  l'eau,  et  offre  un 
ton  rosé  ou  vert  assez  agréable  ;  mais  elle  présente  souvent  des 
veines  qui  se  délitent. 

Parmi  les  produits  étrangers ,  nous  avons  remarqué  une 
pyramide  étagée  dans  l'ordre  géologique,  et  composée  des 
pierres  de  construction  du  Wurtemberg.  Celte  petite  construc- 
tion donne  une  idée  de  la  richesse  de  la  contrée,  et  laisse  pré- 
juger le  caractère  général  des  édifices  qui  y  sont  élevés.  C'est 
au  centre  de  la  galerie,  en  face  de  la  colonne  28  ,  qu'il  faut 
aller  observer  cette  réunion  méthodique  de  matériaux  qui 
présente  sur  quatre  faces  les  coïncidences  de  gisements  miné- 
ralogiques  de  mêmes  étages,  mais  différents  par  leurs  pro- 
priétés, quant  à  l'emploi  dans  les  constructions.  Sur  l'une  de 
ces  faces  on  lit  et  on  reconnaît,  à  partir  de  la  base,  le  granit, 
le  grès  bigarré,  cette  pierr'e  de  construction  que  nous  fournis- 
sent les  Vosges;  le  Muschelkalk ,  dont  on  fait  des  chaux  ,  des 
pavages  et  de  maçonneries;  le  grès  du  Keuper  supérieur,  dont 
est  construit  le  dôme  de  Cologne  ;  le  grès  de  Voolithe ,  qu'on  dit 
résister  au  feu  ;  le  calcaire  jurassique  supérieur,  dont  nous 
avons  de  si  beaux  échantillons  en  Bourgogne;  le  calcaire  ju- 
rassique à  crustacés,  et  le  grès  de  la  Molasse,  pierre  de  construc- 
tion de  qualité  inférieure. 

On  aurait  peu  de  chose  à  dire  des  granits  que  Vire  a  fait 
figurer  dans  la  galerie.  Les  environs  de  Bristol^  dont  les  ma- 
tériaux de  construction  sont  représentés  par  divers  échantil- 
lons de  calcaires  carbonifères  et  colorés,  nous  montrent  com- 
bien sont  restreintes  les  ressources  de  ces  contrées ,  où  les 
couches  inférieures  de  notre  croûte  terrestre  font  affleurer  les 
charbons  et  d'autres  richesses  minéralogiques.  Cette  petite 
collection  instructive  est  due  aux  soins  de  MM.  les  commis- 
saires royaux  à  l'Exposition  universelle  de  Londres  (1851). 
Nous  devons  nous  contenter  de  constater  en  passant  les  gra- 
nits el  calcaires  carbonifères  qui  sont  rangés  dans  le  Canada, 
le  long  de  la  paroi  D  et  les  porphyres  pour  pavés  et  macadams 
que  la  Belgique  expose  à  la  pile  44 ,  côté  A.  Les  pavages  très- 
solides  faits  avec  ces  matériaux  sont  très-glissants  sous  les 
pieds  des  chevaux,  et  l'expérience  ne  paraît  pas  avoir  prouvé, 
l'avantage  de  leur  utilisation  à  ce  second  emploi. 

A  côté  de  ces  matériaux  dont  nous  omettons  certainement 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o75 

une  bonne  part ,  il  convient  d'examiner  quelques  essais  de 
pierres  artificielles.  Pour  certaines  contrées  dépourvues  de 
pierres  naturelles,  la  question  mérite  intérêt.  Elle  en  présente 
même ,  au  dire  de  M.  Co>gnet,  sous  le  rapport  de  l'économie, 
dans  les  lieux  où  les  pierres  abondent  ;  à  Paris  ,  par  exemple. 
M.  Coignet  expose  à  la  travée  59,  A,  galerie  supérieure  de 
l'Annexe,  un  bloc  de  béton  analogue  à  celui  qui  a  servi  à  la 
construction  d'une  maison  édifiée  à  Saint-Denis,  et  dans  les 
murs  de  laquelle  il  n'entre  ni  pierres  ,  ni  briques,  ni  fer.  Cette 
construction  dont  les  fondations,  les  murs,  les  caves,  les 
voûtes,  les  arcs,  les  tableaux  des  baies  et  les  carrelages  sont 
en  béton ,  a  été  moulée  du  bas  en  haut  comme  on  fait  du  pise. 
Des  murs  isolés  de  18  à  20  mètres  de  hauteur  ont  été  exécu- 
tés. Tout  cela  est  fait  avec  un  béton  composé  de  cendres  et 
scories  de  houille^  et  de  chaux  grasse.  Quand  la  cendre  et  les 
scories  manquent  dans  la  localité  ,  on  fait  le  béton  avec  du 
sable,  du  cailloutis  et  de  la  chaux.  C'est  une  composition  qui 
produit  une  maçonnerie  annoncée  comme  plus  durable  que 
le  moellon  ordinaire  de  Paris,  et  offrant  sur  ce  dernier  une 
économie  de  50  pour  100.  Le  mètre  cube  reviendrait  à  6  francs 
à  peine.  Le  sahle,  la  terre  cuite  pïlée,  les  cendres  de  houille  et  la 
chaux  mélangés  donnent  une  matière  capable  de  remplacer  la 
meulière  et  la  brique,  et  son  pri::  n'atteint  pas  10  francs  le 
mètre. 

Il  n'est  possible  de  porter  aucun  jugement  sur  cette  nature 
de  produits  que  des  expériences  seules  pourraient  permettre 
d'apprécier.  Il  faut  cependant  reconnaître  que  ,  d'avance,  la 
([uestion  est  posée  par  cette  tentative  d'une  manière  très-in- 
téressante. Sa  solution  complète  ne  tend  en  etïèt  à  rien  moins 
qu'à  supprimer  les  mortiers,  éléments  jusqu'ici  indispensables 
dans  les  constructions,  mais  apportant  avec  eux  une  com- 
plication très-grande  de  travail  et  mille  incertitudes  de  ré- 
sultat. 

M.  Dumeml,  de  Mareuil-lès-Meaux,  nous  montre  une  autre 
pierre  artificielle  ,  mais  dont  l'élément  principal  est  le  plâtre, 
et  qui  se  fabrique  en  morceaux  isolés.  A  part  l'économie  et  la 
légèreté  qu'on  peut  ainsi  obtenir,  ce  qui  paraît  probable, 
puisque  cet  exposant  fabrique  et  construit  depuis  plusieurs 
années  avec  quelque  succès,  dit-on,  il  nous  paraît  qu'il  faut 
voir  là  un  progrès  industriel  beaucoup  plus  restreint  que  celui 


570  VISITE 

qui  serait  atteint  par  des  bétons  solides,  économiques  et 
moulables  sur  le  tas. 

La  galerie  des  machines  contient,  à  l'entrée  de  l'avenue  D, 
à  gauche,  dans  l'exposition  de  M.  Bérard,  un  inagmat  de 
laitier  que  cet  exposant  présente  comme  bloc  de  fondation 
maritime.  Cette  masse,  qui  a  plus  de  I  mètre  de  hauteur,  sur 
80  centimètres  de  base  en  carré,  offre  un  aspect  de  compacité 
et  de  résistance  qui  sont  appropriées  à  la  destination  annoncée. 
Elle  n'est  qu'un  échantillon  de  blocs  beaucoup  plus  considé- 
rables atteignant  jusqu'à  1  o  mètres,  que  l'usine  de  M.  Bérard, 
sise  à  Vaugirard,  fabrique  en  ce  moment  pour  le  port  de 
Cherbourg.  11  est  intéressant  de  suivre  une  expérience  en 
grand  sur  ces  matériaux  ,  dont  l'emploi  dans  les  travaux  à  la 
mer  substituerait  un  corps  vitrifié  ,  c'est-à-dire  résistant  à  un 
corps  sensiblement  décomposable,  comme  il  a  été  constaté 
que  le  sont  les  blocs  faits  avec  des  chaux  ou  des  ciments  hy- 
drauliques. D'un  autre  côté,  le  mode  de  fabrication  proposé 
semble  économique  et  n'exclut  pas  la  préparation  sur  place, 
puisque  c'est  une  simple  coagulation  de  briques  qu'il  s'agit 
de  faire  par  un  excès  de  cuisson.  Les  travaux  maritimes  sont 
tous  plus  ou  moins  liés  à  la  solution  de  ce  problème ,  qui  mé- 
rite l'attention  des  constructeurs. 

Ciments  ;  mortiers. 

Les  ciments  et  les  mortiers  sont  représentés  à  l'Exposition 
par  des  calcaires  propres  à  leur  fabrication,  par  des  poudres 
de  chaux  vives,  par  des  chaux  prises  ou  des  mortiers  em- 
ployés, par  des  objets  moulés.  Les  noms  de  MM.  Vicat  et  de 
Villeneuve,  en  France,  témoignent  de  la  persévérance  que 
ces  ingénieurs  apportent  dans  la  question  délicate  des  chaux 
magnésiennes,  qui  promettent  de  si  précieux  résultats  pour  les 
travaux  à  la  mer,  et  dans  l'utilisation  des  sous-carbonates 
calcaires,  d'où  (léj)end  la  prompte  solidification  des  mortiers, 
et  la  réduction  de  leur  prix  de  revient.  Trois  noms  anglais  di- 
sent que  les  tentatives  de  perfectionnement  dans  cette  appli- 
cation délicate  des  constructions  n'ont  pas  été  négligés  dans  le 
Royaume-Uni.  Ce  sont  MM.  Cottrill,  capitaine  Scott,  Work- 
inan.  En  'Wurtemberg,  MM.  Leube  frères,  d'Ulm,  ont  réuni 
des  échantillons  de  toutes  espèces  et  fourni  des  témoignages 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  o77 

d'expériences  assez  longues  déjà,  pour  attester  la  valeur  des 
produits  de  leurs  grands  établissements.  Mais  nous  le  dirons 
encore  ici,  c'est  l'apparence  seule  des  choses  que  l'on  peut  ju- 
ger pour  ces  espèces  de  proiuits  où  rien  n'est  important 
presque,  que  le  fond.  Dans  cette  course  rapide  que  nous  fai- 
sons ,  ce  n'est  point  pour  nous  un  espoir  que  de  dire  le  der- 
nier mot  sur  des  ob;ets  à  peine  découverts,  et  nous  saurons 
attendre,  pour  conclure,  les  résultats  d'études  profondes  et 
mûries  qui  ne  manqueront  pas  de  se  faire. 

Marbres  et  i)ierres  dures. 

Les  départements  de  la  Sarthe,  de  TAIlier  ,  de  la  Corse,  de 
la  Mayenne,  de  l'Isère,  de  l'Aude,  le  Boulonnais  et  les  Py- 
rénées ont  envoyé  des  marbres  qui,  s'ils  ne  présfntent  pas 
toutes  les  qualités  d'apparence  que  l'on  cherche  dans  cette 
matière  de  luxe,  dénotent  au  moins  les  recherches  actives 
qui  ont  été  faites  depuis  quelques  années  pour  découvrir  de 
nouvelles  carrières,  et  en  rendre  l'exploitation  possible  à  no- 
tre industrie. 

Les  marbres  de  Corse  étaient  connus  déjà  depuis  longtemps 
par  leur  richesse  de  tons  et  la  beauté  de  leur  poli.  Parmi  les 
contrées  nombreuses  et  lointaines  qui  furent  exploiées  pour 
découvrir  les  matières  qui  conviendraient  le  mieux  aux  diffé- 
rentes parties  du  tombeau  de  l'Empereur,  la  Corse  ne  fut  pas 
oubliée,  et,  tandis  qu'on  parcourait  la  Bretagne  et  les  Pyré- 
nées, tandis  que  la  Finlande  était  visitée,  des  recherches  se 
faisaient  dans  notre  île,  et  des  échantillons  remarquables 
étaient  réunis  à  Paris.  Quelques-uns  d'entre  eux  sati.-faisaitnt 
ajuste  titre  l'artiste  chargé  d'élever  ce  monument.  Malheu- 
reusement les  moyens  de  transport  manquaient,  les  routes 
n'étaient  pas  percées,  et  il  eut  été  impossible  d'amener  à  la 
mer  les  blocs  considérables  que  l'œuvre  des  Invalides  récla^ 
mait.  Il  fallut  renoncer.  Le  beau  grès  rouge  de  Finlande  l'em- 
porta sur  les  beaux  marbres  verls  de  Corse.  Il  paraît  pourtant 
que  cette  circonstance  ne  resta  pas  inutile,  puisque  nous 
voyons  arriver  aujourd'hui,  en  masses  très-importantes,  ces 
mêmes  matières  si  modestes,  dans  leur  volume,  il  y  a  dix  ans. 
Les  routes  se  sont  ouvertes  et  le  vert  antique  ,  le  vert  de  mer  y 
la  hrhhc  blanche,  \eportor,  un  marbre  assez  curieux  dit  à  tort 
20(5  U 


ola  VISITE 

cipolin^  et  le  bleu  turquin  sont  là  pour  attester  la  variété  et  \ 
le  nombre  des  carrières.  Les  colonnes  de  vert  et  de  bleu  iur-  | 
quin  sont  des  échantillons  très-remarquables,  et  je  ne  sais  \ 
vraiment  qui  n'aimerait  à  encadrer  son  foyer  avec  l'un  des  | 
autres  spécimens  voisins.  j 

Quatre  échantillons  de  VAude  se  font  remarquer,  parmi! 
lesquels  il  faut  signaler  un  beau  campan  rouge.  Si  ces  carriè-  ; 
res  sont  abondantes,  on  peut  leur  prédire  un  bel  avenir  et  | 
leur  assurer  une  concurrence  fructueuse  avec  les  carrières  i 
des  Pyrénées.  ', 

Le  département  des  Vosges  a  envoyé  quelques  échantillons  ] 
de  pierres  dures  taillées  et  polies.  Une  syénite  en  tablette,  tra-  i 
vaillée  avec  soin,  est  surtout  intéressante  et  doit  fixer  l'atten-  i 
tion  sur  un  produit  trop  rarement  offert  au  constructeur.  I 

Il  n'est  pas  possible  de  passer  devant  la  première  table  de  ï 
l'Algérie,  en  sortant  du  vestibule,  sans  admirer  les  magnifi-  ' 
ques  arrayonites  qui  y  sont  exposées  sous  le  nom  d'agates. 
Cette  belle  matière  blanche,  translucide  et  richement  veinée,  i 
se  ferait  désirer  dans  le  plus  coquet  boudoir,  où  Ton  aimerait  à  ; 
la  voir  contourner  des  galbes  gracieux  et  projeter  de  fines  : 
moulures  derrière  la  gaze  ou  la  soie  féminine  d'une  toilette  de 
printemps.  Deux  grandes  plaques,  dont  l'une  a  plus  de  2  mè-  i 
très  sur  80  centimètres,  nous  montrent  que  la  commune  ; 
à'Ain-Teikalek,  de  la  province  d'Oran ,  prèsTlemcen,  peut  | 
donner  cette  matière  sous  des  dimensions  telles  qu'on  la  ; 
puisse  utiliser  dans  tous  les  arts.  L'exploilation  est  à  3  kilom.  • 
de  la  mer ,  et  le  prix  du  mètre  cube  est  coté  par  le  ministère  I 
de  la  guerre  à  800  francs  ou  à  1000  francs.  C'est  le  prix  de  i 
nos  marbres  des  Pyrénées.  La  même  province  produit  aussi  ' 
un  vert  foncé  un  peu  mat  et  triste,  et  un  rouge  fauve  veiné,  , 
quelquefois  assez  harmonieux  de  ton,  toujours  d"un  beau  poli.  1 
Les  échantillons  sont  présentés  sous  des  dimensions  trop  fai-  i 
bies  pour  être  jugés  au  point  de  vue  de  l'application.  La  même  : 
observation  peut  s'appliquer  à  un  beau  jaune  de  Numidie ,  i 
marbre  dont  l'antiquité  fit  quelquefois  un  usage  si  pompeux  ,  ; 
et  à  différents  blancs  et  blancs  fleuris  qui  gisent  dans  la  pro-  ' 
vince  de  Constantine,  près  Philippeville,  avec  d'excellentes  ! 
conditions  d'exploitation,  à  400  mètres  de  la  mer.  Quelques  ■ 
morceaux  6.'albâtre,  de  porphyre  et  dQ  granit  complètent  la  j 
liste'des  matériaux  que  l'Algérie  offre  au  constructeur.  Quelle  j 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  ^^79 

est  leur  importance  et  quelle  facilité  de  débouchés  présentent 
les  gîtes  d'où  ils  proviennent?  C'est  ce  que  nous  n'avons  pu 
savoir.  Nous  n'avons  pas  parlé  avec  intention  de  deux  mor- 
ceaux assez  volumineux  d'un  marbre  gris  rayé  plutôt  que 
veiné,  et  assez  désagréable  d'aspect;  quoique  ce  calcaire  soit 
susceptible  de  poli  et  s'extraye  à  fleur  du  sol ,  il  ne  mérite 
vraiment  pas  qu'on  l'exporte. 

La  Belgique  a  exposé  comme  échantillon  de  marbre  une 
grande  table  de  4  mètres  de  longueur,  en  faux  style  Louis  XIV. 
Cet  objet  volumineux  n'a  d'autre  intérêt  que  ses  dimensions. 
Les  formes  lourdes  et  puissantes  en  même  temps  de  l'époque 
choisie,  conviennent  toutefois  à  cette  espèce  de  murbre  qui  a 
été  si  employé  dans  nos  palais  et  nos  châteaux  sous  le  nom 
de  rouge  royal. 

Mais  voici  la  magnifique  collection  que  l'Institut  royal  po- 
lytechnique de  Florence  a  réunie  à  la  colonne  18,  et  où  se 
rencontrent  les  spécimens  des  beaux  matériaux  dont  est  dotée 
la  ville  mère  de  toutes  les  grandes  œuvres  architecturales  de 
la  Renaissance.  Ce  n'est  pas  sans  envie  que  l'on  peut  jeter  les 
yeux  sur  le  macigno,  le  travertin,  les  albâtres,  les  serpenti- 
nes, les  jaunes  de  Sienne  et  les  rouges  variés  de  cette  contrée, 
qui  met  à  la  portée  de  ses  architectes  tant  d'éléments,  si  fa- 
ciles à  manier.  Que  d'explications  se  trouvent  dans  ces  tons 
superbes,  dans  ces  surfaces  limpides,  dans  ces  finesses  de 
contextures  pour  faire  comprendre  le  charme  et  la  grande 
tournure  monumentale  des  édifices  que  les  maîtres  de  la  Re- 
naissance ont  laissés  au  pays  toscan. 

La  Grèce  aussi  a  voulu  rattacher  la  pensée  de  ce  temps  à 
l'art  antique  qui  fut  sa  gloire,  et  montrer  les  efforts  qu'elle 
fait  aujourd'hui  pour  réparer  cette  longue  défaite  des  siècles, 
qui  lui  fit  oublier  et  perdre  ses  monuments,  après  lui  avoir 
enlevé  ses  institutions.  La  Grèce  ouvre  à  nouveau  le  sol  d'où 
sortirent  jadis  les  marbres  de  ses  temples.  Un  gros  échan- 
tillon de  rouge  antique,  deux  monuments  de  pentélique, 
un  porphijre  vert  de  Mantinée ,  quelques  brèches  de  Sparte 
attestent  des  recherches  dont  on  voudrait  voir  le  succès  cer- 
tifié par  l'exploitation  régulière  des  carrières  qui  ont  fourni 
Ces  matériaux.  (Ann. ,  pil.  20  et  21 .) 

L'Angleterre  possède  dans  le  vestibule  central  de  l'est 
(grand  palais)  de  magnifiques  pièces  de  serpentine  de  Cor- 


580  VISITE 

nouailles,  des  granits  polis  d'Aberdeen  et  des  marbres  ser- 
pentineux  d'Irlande.  Quelques  échantillons  de  dimensions 
réduites  et  manquant  de  franchise  dans  les  tons  constituent  la 
collection  que  l'Autriche  expose  dans  l'Annexe,  où  l'Espagne 
a  réuni  les  types  des  marbres  de  ses  provinces  non  loin  des 
marbres  serpentineiix  envoyés  par  le  Canada.  On  rencontre 
encore,  dis-éminés  dans  le  grand  palais,  les  beaux  albâtres 
orientaux  de  l'Egypte  (premier  étage,  est),  les  marbres  6'Olp, 
en  Westphalie,  employés  au  palais  du  roi  de  Prusse,  à  Berlin 
(nef,  extrémité  ouest),  et  les  porphyres  que  la  Suède  extrait 
d'Ëlfdalen.  Enfin,  pour  compléter  la  série  des  produits  expo- 
sés sous  le  nom  de  marbres  ou  de  pierres  dures  qui  ont  frappé 
notre  attention,  ^ignalons  un  granit  de  Norvège  gris,  sus- 
ceptible d'un  beau  poli  et  déposé  à  côté  d'un  bloc  de  Saiiit- 
Béal ,  dans  le  jardin,  à  l'angle  de  l'avenue  d'Antin. 

Parmi  les  matériaux  de  construction ,  l'ardoise,  par  ses  ap- 
plications spéciales,  conserve  une  place  encore  importante, 
malgré  la  concurrence  qui  lui  a  été  faite  par  les  métaux.  Ja- 
dis employée  presque  exclusivement  à  l'établissement  des 
couvertures  des  édifices,  dans  toutes  les  localités  où  elle  était 
exploitée,  elle  était  transportée  à  de  longues  distances  pour 
la  même  application,  et  supportait  ainsi  des  frais  secondaires 
dont  sa  légèreté  permettait  de  charger  le  coût  d'extraction.  En 
France,  par  exemple,  Angers  et  Fumay,  en  vertu  de  cette 
facilité  de  tran>ports,  alimentaient  presque  toute  la  surface 
du  pays,  et  il  n'était  pas  de  contrée ,  il  y  a  vingt  ans  encore, 
où  il  ne  fût  possible  découvrir  son  habitation  en  ardoises  de 
l'une  de  ces  localités,  pour  peu  qu'on  tînt  à  mettre  quelque 
luxe  ou  quelque  soin  dans  l'édifice  à  construire.  D'ailleurs, 
cette  matière  était  recherchée  pour  le  peu  de  charge  qu'elle 
apportait  sur  les  combles,  relativement  aux  poids  des  terres 
cuites,  qui  seules  pouvaient  entrer  en  concurrence  avec  elle. 
Mais,  d'une  part,  les  progrès  de  fabrication  des  tuiles,  deve- 
nues moins  lourdes  dans  l'application  par  des  procédés  plus 
ingénieux  d'assemblage;  d'un  autre  côté,  l'emploi  du  métal 
aux  couvertures  tendirent  à  restreindre  l'usage  de  l'ardoise. 
C'est  dans  ces  conditions  désavantageuses  que  se  trouvait, 
depuis  quelques  années,  l'ardoise  en  France;  c'est  comme 
réaction  à  cet  état  de  choses  qu'elle  se  présente  aujourd'hui  à 
l'Exposition.  Partout,  on  peut  le  dire,  l'exploitation  des  ar- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  KSI 

doisières  s'est  perfectionnée.  Angers,  nous  le  croyons,  a  donné 
le  premier  exemple  en  entrant  dans  une  voie  nouvelle,  et  en 
préparant  des  éléments  de  couverture  qui  ne  présentassent  pas 
le  seul  inconvénient  réel  qu'on  pût  reprocher  aux  toitures 
schisteuses  :  leur  peu  de  résistance  à  l'action  mécanique  des 
vents  et  des  ouvriers  appelés  à  marcher  sur  les  toits  pour  les 
entretenir.  Les  grandes  et  fortes  ardoises  de  C^eO  de  longueur 
et  de  5  millimètres  d'épaisseur,  substituées  aux  carte.lettes  et 
aux  grandes  carrées,  constituent  ce  progrès.  Sous  ces  dimen- 
sions et  avec  des  soins  de  pose  faciles  à  prendre,  en  employant 
des  voliges  saines,  des  clous  solides,  l'action  des  vents  est 
impuissante  à  enlever  l'ardoise,  aussi  bien  que  le  pied  de 
l'homme  à  la  casser.  Ce  sont  de  véritables  dalles,  très-résis- 
tantes et  très-bien  assises.  Tel  est  le  progrès  tenté  et  réussi, 
on  doit  le  dire,  par  plusieurs  de  nos  ardoisières,  par  Angers 
surtout,  dont  les  prix  sont  restés  très-avantageux  relative- 
ment aux  autres  matières  concurrentes.  Furnay  (Ann.,  54-55, 
D)  est  entré  aussi  dans  la  même  voie;  et,  avec  des  éléments 
moins  favorables,  un  schiste  moins  fin,  d'une  couleur  peu 
agréable,  cette  exploitation  présente  des  produits  aussi  inté- 
ressants que  ceux  qui  viennent  dètre  signalés.  Les  ardoises 
compactes  et  épaisses  propres  à  la  construction  des  cloisons, 
aux  dallages,  aux  marches  d'escalier,  etc.,  dont  les  Anglais 
font  un  usage  si  général,  se  montrent  aussi  dans  les  exposi- 
tions de  nos  ardoisières.  Une  table  de  billard  très-belle,  des 
caisses  à  arbustes,  un  banc  de  cour  ou  de  jardin,  des  gar- 
gouilles, etc.,  sont  présentés  par  Anciers,  tandis  que  MM.  Va- 
Uguié  et  Oie  nous  montrent  une  révolution  d'escalier  à  noyau 
plein ,  dont  chaque  marche  est  un  échantillon  remarquable 
d'ardoise.  Le  Finisterre,  la  Sarthe.  les  Ardennes  et  la  Mayenne 
sont  représentés  par  les  carrières  de  MM.  Planes  frères,  de 
MM.  Valiquié  et  Oie,  et  par  celles  de  Rimognes  et  de  Renare. 
Les  ardoisières  d'Olmiitz ,  qui  produisent  des  tablettes  à  in- 
crustations, et  cinq  exposants  dans  le  Canada,  nous  indi- 
quent les  ressources  en  celte  matière  que  les  pays  étrangers 
nous  ont  apportées.  Nous  regrettons  de  n'avoir  rencontré 
nulle  part  les  ardoises  du  pays  de  Galles  ni  celles  de  Wesl- 
moreland,  qui  sont  d'un  emploi  général  en  Angleterre. 

En  résumé,  et  pour  ce  qui  concerne  la  Fronce,  l'exploita- 
tion des  ardoisières  se  développe,  etles produits  qu'elle  livre 


582  VISITE 

au  commerce  sont  susceptibles  d'emplois  plus  étendus  qui  en 
maintiendront  l'usage,  malgré  la  concurrence  que  lui  font 
d'autres  matières.  Il  importe  pourtant  de  voir  bannir  de  nos 
magasins  de  construction  et  de  nos  chantiers  certains  schistes 
de  mauvaise  qualité  qui  se  reconnaissent  à  leur  aspect  stéa- 
titeux  et  qui  tombent  en  poussière  légère  ou  s'exfolient  après 
quelque  temps  d'emploi.  Nous  avons  remarqué  plusieurs  de 
ces  produits  auxquels  il  faut  de  beaucoup  préférer  les  ardoises 
d'un  grain  moins  fin ,  rugueuses  même ,  et  qu'on  craint  à  tort 
démettre  en  évidence  dans  une  e:sposilion.  Il  y  a  longtemps 
qu'en  Angleterre  on  a  constaté,  pour  les  couvertures,  la  su- 
périorité des  ardoises  rugueuses  sur  les  ardoises  lisses,  et  qu'on 
a  expliqué  ce  phénomène  par  le  jeu  laissé  entre  les  premières 
lorsqu'on  les  superpose,  et  la  libre  circulation  d'air  qui  s'v 
fait. 

Puisque  nous  venons  de  visiter  les  ardoises,  dont  les  cou- 
vreurs font  un  si  grand  usage  dans  tant  de  pays,  transportons- 
nous  au  Palais,  à  droite  de  l'entrée  nord,  pour  y  étudier  un 
produit  non  moins  utile  à  la  couverture  des  édifices.  Les 
tuiles  se  présentent  là  sous  les  formes  les  plus  diverses,  et 
dénotent  chez  les  fabricants  un  grand  esprit  de  recherche 
pour  maintenir,  de  leur  côté ,  leurs  produits  au  niveau  des 
nouvelles  exigences  du  constructeur.  Deux  types  principaux 
peuvent  servir  à  grouper  et  à  apprécier  les  formes  adoptées 
pour  les  terres  cuites.  La  disposition  à  joints  diagonaux,  qui 
s'obtient  par  l'agencement  de  tuWes  losangiques,  et  la  disposi- 
tion à  joints  verticaux  et  horizontaux,  que  produisent  les 
tuiles  carrées  ou  plus  particulièrement  rectangulaires.  Pour 
comprendre  la  valeur  de  ces  deux  dispositions,  il  faut  se  re- 
porter au  type  primitif,  à  ta  tuile  plate  ordinaire.  Lorsqu'on 
cherche  à  se  rendre  compte  de  l'agencement  susceptible  de 
produire  une  couverture  étanche  avec  cette  forme  élémen- 
taire, on  reconnaît  qu'il  faut  absolument  qu'une  toiture  ait  en 
chacun  de  ses  points  l'épaisseur  de  trois  tuiles  ,  si  l'on  veut 
être  assuré  que  les  joints  verticaux  et  horizontaux  se  recou- 
vrent parfaitement  ;  et  il  en  résulte  que  chaque  élément  de 
terre  cuite  ne  présente  à  la  vue  qu'une  partie  visible  ou  pu- 
reau,  égale  au  tiers  de  sa  surface  totale.  Cette  condition,  que 
l'expérience  impose,  montre  immédiatement  le  point  faible 
des  tuiles  plates,  qui  sont  toujours  très-lourdes,  et  qui,  par 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  m^ 

conséquent,  entraînent  à  des  surcroîts  inutiles  de  dépenses 
dans  la  construction  des  charpentes  des  combles.  Remédier  à 
ce  véritable  vice  dans  la  construction,  sans  bannir  cependant 
une  matière  très-résistante,  très-durable,  très-isolante,  et  la 
plupart  du  temps  peu  coûteuse,  tel  est  le  but  des  améliorations 
judicieusement  tentées  dans  l'industrie  du  tuilier  depuis  un 
certain  nombre  d'années.  Nous  voyons  aujourd'hui  les  résul- 
tats de  ces  tentatives  réunis  ;  et,  disons-le,  ils  constituent  de 
nouvelles  ressources  dont  il  n'est  pas  permis  de  négliger 
l'importance.  A  côté  de  la  tuile  plate  de  Bourgogne,  se  présen- 
tent: la  tuile  Courtois,  de  Paris;  la  tuile  de  Lorraine,  fabriquée 
par  M.  Amuller  et  M.  Demimuid,  de  Commercy,  disposée  en 
diagonale;  la  tuile  rectangulaire  d'Altkirch,  fabriquée  aussi  à 
Lyon,  à  Marseille,  à  Paris,  et  due  d'abord  à  M.  Gilardoni, 
puis  perfectionnée  par  MM.  E.  Muller  et  Cie;  la  tuile  plate  à 
simples  rebords  longitudinaux,  comme  celle  de  Londres;  la 
tuile  de  porcelaine.  Le  point  de  comparaison  auquel  nous 
rattachons  l'appréciation  de  ces  produits  étant  la  tuile  plate, 
et  particulièrement  celle  de  Bourgogne,  nous  devons  constater 
par  chiffres  les  inconvénients  que  nous  n'avons  fait  que  signa- 
ler. Cette  tuile  charge  chaque  mètre  carré  de  couverture  de 
88  à  90  kilogr.  ;  de  plus,  comme  la  pente  des  toits  se  déter- 
mine par  la  ligne  qui  joint  tous  les  points  extrêmes  supérieurs 
de  l'épaisseur  des  tuiles ,  cette  pente  est  d'autant  plus  roide 
que  la  partie  découverte  de  chaque  élément,  le  pureau,  est 
plus  court  par  rapport  à  l'épaisseur  même  de  cet  élément.  Il  en 
résulte  que,  dans  un  système  de  couverture  en  tuiles,  plus  le 
pureau  est  court,  ou  plus  il  y  a  d'épaisseur  de  tuiles  en  cha- 
que point  du  comble,  plus  ce  comble  doit  rapprocher  son 
inclinaison  de  la  verticale,  désavantage  qui  se  traduit,  dans 
une  certaine  mesure,  par  un  accroissement  de  matériaux  de 
charpentes  et  d'espace  couvert  difficile  à  utiliser.  La  tuile  de 
Bourgogne,  la  tuile  plate,  devons-nous  dire,  pour  parler  d'une 
manière  plus  absolue,  comporte  au  maximum  ces  deux  incon- 
vénients :  lourdeur  extrême  ,  inclinaison  très-grande  des 
toitures.  Les  tuiles  en  losange,  à  formes  plus  ou  moins  com- 
pliquées, sont  déjà  plus  avantageuses  ;  mais,  pour  peu  qu'on 
les  examine,  on  remarquera  qu'elles  ne  peuvent  donner  une 
toiture  étanche  qu'à  la  condition  de  présenter  partout,  à 
l'exception  d'un  sixième  de  la  surface  environ  ,  une  double 


mi  VISITE 

épaisseur  de  briques;  de  sorle  que  c'est  entre  40  et  45  kilo- 
grammes qu'il  faudra  charger  le  comble,  et  que  la  pente  sera 
encore  très-forte  relativement  aux  couvertures  en  tuiles  rec- 
tangulairement  disposées.  En  effet,  dans  ces  dernières,  les 
joints  horizontaux  et  longitudinaux  se  font  par  simples  re- 
couvrements en  feuillures,  ce  qui  réduit  au  minimum  les 
doubles  épaisseurs.  Observez  les  tuiles  Gilardoni  et  F.  Maller, 
et  vous  verrez  que  presque  toute  la  surface  ne  reçoit  qu'une 
épaisseur  de  terre  cuite;  c'est  ainsi  qu'on  réduit  la  charge  par 
mètre  à  38  ou  40  kilogr.,  et  que  la  pente  s'abaisse  à  un  mini- 
mum si  restreint,  que  toute  économie  est  satisfaite  en  même 
temps  que  l'artiste  conquiert  toute  liberté  d'action  dans  sa 
composition. 

Entre  les  tuiles  rectangulaires ,  il  faut  faire  encore  la  dis- 
tinction de  celles  dont  les  joints  longitudinaux  sont  continus, 
et  de  celles  dont  ces  joints  s'alternent  à  chaque  rang.  Les  pre- 
mières se  raccordent  facilement  sur  les  rilées ,  tandis  qu'il 
faut  des  coupures  pour  raccorder  les  autres,  coupures  moins 
stables  ,  moins  régulières,  plus  ouvrageuses  à  établir  que  le 
reste  de  la  couverture. 

Les  tuiles  en  porcelaine  ou  en  verre  n'ont  pas  subi  la  sanc- 
tion de  l'emploi  ;  la  terre  vernissée  n'est  encore  que  d'un  usage 
spécial;  mais,  si  la  tuile  rectangulaire  à  jomts  en  feuillures  se 
peut  fabriquer  à  des  prix  rapprochés  de  ceux  de  la  tuile 
ordinaire,  ce  qu'on  assure,  nous  ne  doutons  pas  que  les 
avantages  développés  plus  haut  et  les  dispositions  qu'on  a 
préparées  pour  assurer  l'attache  sur  le  lattis ,  et  pour  les  ren- 
forcer au  centre  contre  la  destruction  du  pied  du  couvreur,  ne 
fassent  de  ce  produit  un  élément  de  couverture  courante.  Ce 
fait  serait  la  constatation  d'un  deuxième  progrès  dans  Tart 
qui  nous  occupe.  On  verra  dans  d'autres  industries  que  tout 
ce  qui  touche  aux  couvertures  d'édifices  a  notablement  pro- 
gressé depuis  quelque  temps. 

A  côté  de  ces  nouvelles  ressources  de  construction,  exclu- 
sivement dues  à  la  France,  viennent  se  placer  les  briques 
creuses,  qu'on  fabrique  également  dans  notre  pays  et  en  An- 
gleterre. La  brique  creuse  n'a  pas ,  ainsi  qu'on  le  pense  trop 
généralement,  le  seul  avanta2;e  d'être  plus  légère  que  la  bri- 
que pleine.  Elle  est  aussi  plus  économique,  en  principe  au 
moins,  sinon  en  fait  jusqu'à  présent.  Au  point  où  en  est  la 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  SS.n 

fabrication  de  la  brique  aujourd'hui ,  les  plus  grosses  charges 
qui  pèsent  sur  les  briquetiers  sont  l'acquisition,  le  mélange,  lu 
façon,  le  séchage  et  la  cuisson  de  la  terre.  Toutes  ces  dépenses 
sont  réduites  par  la  fabrication  de  la  brique  creuse,  qui, 
si  elle  supprime  le  tiers  de  la  terre  nécessaire  à  la  bri- 
que pleine ,  économise  sur  toutes  les  mains-d'œuvre  qu'on 
vient  de  citer  et  sur  le  combustible ,  et  surtout  diminue  la 
casse  au  séchoir.  Ce  bénéfice  n'a  pas  encore  été  compris,  parce 
qu'il  n'a  pas  été  recueilli  par  le  consommateur,  que  le  fabri- 
cant, jusqu'ici  couvert  par  le  monopole  d'un  brevet,  n'a  in- 
térêt à  servir  qu'en  maintenant  ses  prix  au  niveau  de  ceux 
des  briques  ordinaires.  Mais  c'est  là  la  garantie  la  plus  cer- 
taine que  cette  fabrication  se  généralisera  à  l'avantage  de  l'art 
du  constructeur,  qui  doit  l'encourager;  car  elle  lui  assure  une 
condition  à  laquelle  il  faut  qu'il  attache  la  plus  grande  im- 
portance. Nous  voulons  parler  de  la  régularité  du  produit 
qu'il  met  en  œuvre.  La  difficulté  qu'on  éprouve  à  sécher  des 
masses  épaisses  d'argile,  et  l'aptitude  au  retrait  excessif  de 
cette  matière,  produisent,  pendant  le  séchage  et  la  cuisson, 
des  désordres  qui  sont  généraux,  et  qui  rendent  imparfaits  les 
produits  même  qu'on  ne  rebute  pas.  La  plupart  des  briques 
pleines  qu'on  emploie  sont  fendillées  dans  la  masse  et  ainsi 
affamées  dans  leur  résistance.  Quand  on  réduit  la  terre  à  de 
faibles  épaisseurs,  comme  cela  se  fait  dans  les  briques  creu- 
ses, ces  désordres  s'amoindrissent,  et,  quoiqu'on  ait  dans 
l'application  moins  de  matière  à  utiliser  sur  chaque  unité  de 
surface  pour  soutenir  les  pressions  des  ouvrages,  la  résis- 
tance relative  est  notablement  accrue,  en  même  temps  qu'elle 
est  régulièrement  obtenue  dans  chaque  brique.  On  a  parfaite- 
ment compris  ces  avantages  en  Angleterre  et  en  France,  où 
l'on  tend  à  développer  la  fabrication  de  la  brique  creuse. 
Chez  nos  voisins,  les  évidements  sont,  en  général,  circulaires; 
chez  nous  on  a  adopté  plus  particulièrement  des  vides  carrés. 
Nous  croyons  que  celte  dernière  forme  est  préférable,  parce 
qu'elle  favorise  la  régularité  du  retrait  en  ménageant  des 
épaisseurs  de  terre  égales,  dans  toute  la  masse.  Du  reste,  il  ne 
faut  attacher  qu'une  importance  secondaire  à  ce  fait,  et  recon- 
naître que  de  part  et  d'autre  les  efforts  ont  été  tentés  a^ec  au- 
tant d'ardeur  qu'ils  ont  produit  de  bons  résultats.  Les  briques 
creuses  s'appliquent  aujourd'hui  partout,  pour  établissements 


586  VISITE 

des  voûtes  et  pour  cloisons  en  porte  à  faux.  L'exposition  de  la 
maison  Borie  nous  montre  des  échantillons  variés  du  parti 
qu'on  peut  tirer  de  ce  produit  en  France. 

La  terre  cuite  nous  offre,  dans  les  bardeaux,  un  emploi,  si- 
non nouveau  ,  au  moins  utile,  à  l'exposition  de  M.  le  comte  de 
Pourtalis,  n°  5419  (Palais).  Le  bardeau  de  terre  cuite  trouve 
application  sur  les  planchers  où  le  plafonnage  inférieur  est 
inutile,  et  où  les  entrevoux,  soit  en  plâtre ,  soit  en  chaux ,  ne 
résistent  pas.  C'est  ce  qui  a  lieu ,  par  exemple,  sous  l'action 
de  l'humidité  chaude  des  étables  ou  des  écuries  de  campagne. 
Cette  fabrication  mérite  d'être  développée. 

Deux  industries  françaises,  qui  se  présentent  avec  la  con- 
sécration de  faits  d'expérience  déjà  anciens  et  nombreux, 
deux  industries  dont  les  procédés  ont,  depuis  plusieurs  an- 
nées, préoccupé  les  corps  savants  et  les  praticiens,  nous 
montrent  des  produits  d'un  intérêt  immense  pour  le  construc- 
teur. Nommer  les  hommes  qui  ont  créé  ces  industries,  MM.  Bou- 
cherie et  Kuhlmann,  c'est  faire  comprendre  qu'il  s'agit  de  la 
conservation  des  bois  et  des  pierres.  En  infiltrant  la  matière 
ligneuse  d'un  liquide  conservateur,  sulfate  de  cuivre,  en  pé- 
nétrant les  pierres,  les  calcaires  surtout,  avec  un  silicate  al- 
calin qui  bouche  les  pores  de  la  matière,  trop  accessible  aux 
causes  de  dégradation  de  l'atmosphère ,  MM.  Boucherie  et 
Kuhlmann  ont  trouvé  le  moyen  pratique  d'éviter  la  pourriture 
et  le  salpétrage ,  deux  implacables  ennemis  que  le  construc- 
teur rencontre  à  chaque  pas  sur  sa  route.  L'appréciation  des 
moyens  employés  par  ces  industriels  a  été  faite  dans  d'autres 
chapitres  de  ce  livre  ;  nous  devons  nous  borner  à  certifier  ici 
les  résultats  obtenus  et  leur  portée.  A  côté  du  hangar  des  in- 
struments agricoles ,  sur  le  revers  modeste  de  la  paroi  de  ce 
couvert  sont  rangées  de  vénérables  et  robustes  traverses  de 
chemin  de  fer,  qu'on  distingue  à  leur  apparence  saine,  à  leur 
couleur  verdasse.  Elles  sortent  de  terre  après  neuf  années 
d'usage,  portent  en  front  le  certificat  et  l'état  de  leurs  servi- 
ces, et  conservent  près  d'elles  les  restes  informes  et  presque 
poussiéreux  de  leurs  jumelles,  que  la  préparation  protectrice 
n'a  pu  défendre  de  la  destruction.  Voilà  des  bois  de  bouleau 
conservés  intacts  pendant  neuf  années  par  la  simple  infiltration 
du  sulfate  de  cuivre,  que  tant  d'ingénieurs  jugent  insuffisant, 
parce  qu'ils  n'en   connaissent  que  l'emploi  par  immersion. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  587 

l'emploi  imparfait.  L'efficacité  de  la  pénétration  par  le  pro- 
cédé Boucherie,  à  l'aide  d'une  pression  conduisant  le  liquide 
entre  les  fibres  encore  séveuses  du  végétal,  est  actuellement 
démontrée;  elle  est  complète;  elle  est  persistante  et  pro- 
tectrice. Est-elle  suffîsamm.ent  économique?  Quinze  francs  le 
mètre  cube,  pour  les  bois  tendres  qui  acquièrent  parla  péné- 
tration, non-seulement  les  aptitudes  d'emploi  des  bois  durs, 
mais  des  conditions  de  durée  bien  plus  complètes  ;  la  question 
n'est  pas  douteuse.  Dans  certaines  contrées,  l'intérêt  écono- 
mique de  la  pénétration  e?t  frappant.  Les  sapins  des  Landes, 
par  exemple,  valent  20  francs  le  mètre  cube.  Ces  bois  em- 
ployés en  traverses  de  chemm  de  fer  ne  peuvent  pas  durer 
plus  de  quelques  années,  six  ou  huit  ans.  En  les  préparant, 
on  porte  leur  prix  à  35  francs;  mais  ils  dureront  plus  que  des 
bois  durs  qu'on  n'obtiendrait  là  qu'à  des  prix  deux  fois  plus 
élevés.  Il  y  a  maintenant  en  France  quatre  ou  cinq  cent  mille 
traverses,  préparées  par  le  procédé  Boucherie,  un  très-grand 
nombre  de  poteaux  télégraphiques;  l'expérience  est  con- 
cluante. Que  les  praticiens  le  sachent  et  que  nos  grands  ou- 
vrages, où  le  bois  joue  en  grande  masse  un  rôle  permanent, 
en  profitent.  Il  est  temps  ;  voilà  18  ans  que  les  essais  de 
]M.  Boucherie  se  font  sans  interruption  et  les  lourdes  dépenses 
qu'exige  l'entretien  de  nos  voies  de  fer  ne  sauraient  être 
trop  tôt  réduites. 

En  silicatisant  la  pierre,  1\I.  Kuhîmann  a  rendu  à  l'art  des 
constructions  un  service  qui,  s'il  ne  comporte  pas  une  éco- 
nomie aussi  considérable  que  celle  résultant  delà  pénétration 
des  bois,  s'adresse  à  un  besoin  très-général.  Ce  qu'occasion- 
nent de  réparations  incessantes  les  dégradations  que  su- 
bissent les  pierres  soumises  à  l'humidité  ou  au  salpètrage 
dans  nos  édifices,  est  incalculable.  Le  but  que  la  siiicatisation 
atteint  est  non-seulement  de  préserver  les  pierres,  journelle- 
ment acceptées  dansnos  constructions;  mais  encore  de  rendre 
applicable  une  quantité  notable  de  ces  matériaux  laissés 
dans  les  carrières  comme  défectueux  à  cause  de  leur  trop 
grande  porosité.  L'arrosage  et  la  pénétration  sur  le  las  par 
Te  silicate  de  potasse  adonné,  avec  des  pierres  très- tendres  et 
très-poreuses,  les  résultats  les  plus  satisfaisants.  Cette  péné- 
tration, qui  est  plus  ou  moins  profonde  suivant  la  nature  de 
la  pierre,  est  une  modification  de  l'état  physique  de  la  matière 


o8S  VISITE 

qui  agit  toujours  au  delà  de  la  surface  et  qui,  par  conséquent, 
comporte  une  solidité  qu'on  n'obtient  jamais  avec  les  simples 
enduits  protecteurs  employés  jusqu'à  ce  jour.  On  a  déjà  des 
expériences  certaines  et  comparatives  faites  par  MM.  Violet-Ie- 
Duc  et  Lassus  aux  contre-forts  de  Notre-Dame,  par  M.  Duban 
à  l'hôtel  La  Trémouille,  et  au  Louvre,  etc.  Cette  application, 
d'abord  inabordable  comme  prix,  est  devenue  très-accessible 
par  des  perfectionnements  récents  de  fabrication,  et  l'on  peut 
maintenant  silicatiser  les  ravalements  des  façades  à  1  fr.  50  c. 
le  mètre,  voire  à  1  fr.  pour  les  grands  travaux.  Cela  n'élève 
pas  le  ravalement  de  la  pierre  tendre  au  prix  du  même  travail 
en  pierre  dure.  L'opération  de  la  silicati.-ation  est  d'ailleurs 
très  simple  :  elle  consiste  en  arrosages  continués  jusqu'à  ce 
que  la  pierre  refuse  de  se  laisser  pénétrer,  et  quoiqu'elle 
change  notablement  la  couleur  de  la  matière  après  l'emploi, 
le  ton  définitif  s'atténue  ensuite  sensiblement  et  conserve  une 
apparence  très-agréable.  Le  salpêtrage  ne  se  produit  plus,  les 
mousses  cessent  de  croître  sur  ces  surfaces  devenues  lisses, 
un  peu  brillantes  et  siliceuses.  11  faut  regretter  que  ce  résultat 
obtenu  sur  les  calcaires  ne  bénéficie  pas  encore  à  nos  en- 
duits en  plâtre,  dont  l'emploi  est  si  général,  si  commode,  si 
économique,  mais  qui  durent  si  peu  quand  ils  sont  soumis  à 
l'humidité  et  aux  pluies,  à  l'exposition  du  Sud. 

Arts  divers  se  rattachant  à,  la  construction. 

La  galerie  des  machines  a  conservé  le  tréteau  roulant  dont 
on  s'est  servi  pour  le  levage  d(;  différentes  parties  de  l'édifice 
intérieur  qui  constitue  la  tiansmission  de  mouvem.ent  à  la- 
quelle sont  attelées  les  machines  exposées.  Cet  échafaudage 
mobile,  très-simplement  et  très-économiquement  établi,  a 
très-bien  fonctionné  sous  des  charges  qui  ont  atteint  jusqu'à 
5000  kd.  La  charge  est  facile  à  manœuvrer  et  accessible  au 
travail  des  manœuvres  avant,  pendant  et  après  le  levage.  Les 
bois  légers  et  de  faible  équarrissage,  qui  composent  l'appareil, 
sont  judicieusement  disposés  pour  travailler  utilement  dans 
toutes  les  positions  de  la  charge.  L'écartement  variable  des 
jambes  permet  d'aller  chercher  des  points  d'appui  sur  le  sol, 
là  où  ils  sont  disponibles  ;  cette  condition  était  donnée  par  la 
nécessité  de  faire  le  levage  au  milieu  de  l'embarras  des  colis. 


A  L'EXPOSITION    UNIVERSELLE.  589 

(jnatre  hommes  transportent  le  tréteau  en  dirigeant  les  quatre 
loues  à  galets,  qui  servent  dappui  à  l'ensemble  sur  le  sol. 
Pendant  le  travail,  si  la  charge  est  lourde,  on  rabat  sous  les 
jambes  les  étais  à  charnières,  qni  y  sont  dij^posés  pour  soula- 
ger les  roues  et  l'on  attache  les  chaînes  qui  forment  entraits 
entre  les  quatre  pieds.  Cet  appareil  est  dû  à  M.  Nepveu  père. 
Il  n'est  qu'une  solution  particulière  dans  une  circonstance 
spéciale;  mais  il  est  bien  entendu  et  comporte  un  nouveau 
mode  d'emploi  des  bois  de  petites  dimensions  roidis  et  calés 
judicieusement  au  milieu  de  leur  portée. 

Nous  retrouvons  encore  le  même  exposant  dans  la  galerie 
haute  de  l'Annexe,  côté  du  Cours-la-Reine,  pile  17.  Ici  c'est 
un  comble  qui  s'offre  à  notre  vue  :  le  comble  des  ateliers  de 
construction  de  wagons  de  IMM.  Nepveu  et  Cie,  à  Clichy. 
M.  Nepveu  a  disposé  très-ingénieusement  sur  des  points 
d'appui  espacés  en  tous  sens  de  16  mètres,  des  fermes  dia- 
gonales formant  les  soutènements  principaux  de  la  toiture,  de 
manière  à  réserver  dans  chaque  carré  vide  du  plan,  de  vastes 
jours  centraux  pris  dans  le  toit  Les  arbalétriers  des  fermes 
diagonales,  qui  n'ont  pas  d'entraits,  sont  assemblés  à  blo- 
cheis  sur  les  piliers  et  composés  de  pièces  nombreuses  de 
faibles  équarrissages,  comme  d'ailleurs  les  pannes  et  toutes 
les  parties  du  comble.  M.  Nepveu,  défenseur  persévérant  et 
intelligent  du  bois  dont  les  applications  sont  aujourd'hui  si 
énergiquement  disputées  par  le  fer,  semble  avoir  cherché  à 
résoudre  d'une  autre  manière  le  problème  qui  préoccupait 
vivement  Philibert  Delorme,  quand  il  trouva  la  combinaison 
de  ses  combles  cintrés,  destinés  à  utiliser  les  bois  de  faibles 
dimen-ions. 

Sur  la  galerie  opposée  presque  en  face,  M.  Polonceau 
expose  à  nouveau  le  système  de  ferme  que  nous  avons  vu 
appliquer  pour  la  première  fois  au  chemin  de  fer  de  la  rive 
gauche,  il  y  a  18  ans.  La  combinaison  ingénieuse  des  contre- 
fiches,  bandées  par  des  cordes  en  fer  qui  s'attachent  sur  la 
pièce  même  qu'elles  soulagent,  a  rendu  d'éminents  services, 
en  permettant,  d'accroître  les  portées  des  fermes,  et  nous  re- 
voyons avec  satisf.iction  ce  système  si  vulgarisé  maintenant 
et  si  économique  pour  les  applications  du  fer  ou  du  bois  dans 
les  combles. 


590  VISITE 


Fondations. 


L'objet  le  plus  saillant  à  l'Exposition,  relativement  à  l'éta-  j 

blissement  des  fondations,  a  élé  apporté  par  l'Angleterre,  il 

MM.  Sunders  et  Mitchell  font  des  pieux  à  vis  avec  tige  pleine  ^ 

ou  tige  creuse.  Cette  espèce  de  pilotis  a  déjà  exercé  et  exercera  ■ 

une  influence  très-grande  sur  nos  travaux  hydrauliques,  en  \ 

facilitant  considérablement  leur  exécution.  Au  lieu  de  battre  s 

des  pieux  qui  entrent  difficilement  dans  le  sol  ébranlé  sou-  , 

vent  à  de  grandes  distances  par  l'opération  même  du  battage,  ! 

on  fait  pénétrer  progressivement  et  sans  choc  ces  engins  qui,  j 

non-seulement  se  fichent  ainsi  plus  exactement  à  la  place  ] 

qu'on  leur  assigne,  mais  qui  prennent  une  assiette  beaucoup  ] 

plus  complète  sur  l'aile  supérieure  de  l'hélice  métallique  qu'ils  j 

comportent.  Le  pieu  à  vis  peut  se  voir  à  l'extrémité  de  la  \ 

galerie  des  machines,  où  il  est  exposé  sous  différentes  dimen-  \ 

sions.  On  fonde  avec  cette  ressource  très-vite  et  facilement  sur  ! 

des  points  difficilement  accessibles.  Les  premiers  pieux  à  vis  ' 

ont  été  employés  en  1841  à  rétablissement  du  phare  de  Map-  \ 

lin  à  l'entrée  de  la  Tamise.  j 

On  voit  le  modèle  de  cette  construction  au  centre  de  la  ; 

nef  du  grand  palais.  Les  pieux  avaient  6™, 70  de  hauteur  et  ' 

l'aile  de  la  vis  1"',20   de  diamètre.    Le  banc  sableux  sur  , 

lequel  est   appuyée  la  construction  s'en  va  du  côté  de  la  j 

mer  et  l'on  s'occupe  de  reprendre  la  fondation  sans  détruire  \ 

l'édifice.   De  nouveaux  pieux   seront  fichés  dans  le  sol  à  ; 

12  mètres  de  profondeur  de  manière  à  atteindre  le  terrain  j 

dur.  Chacun  d'eux  aura  0"',40  de  diamètre.  Il  sera  formé  de  \ 

trois  tôles  enroulées  formant  une  épaisseur  d'environ  0™,08  et  ; 

portera  7000  kilogrammes.  La  seconde  application  des  pieux  ' 

à  vis  s'est  faite  au  phare  de  Gunfleet.  Depuis  lors,  l'Angleterre  ! 

a  fait  un  large  emploi  de  ce  moyen  de  fondation  ;  la  France  et  i 

les  deux  Amériques  ont  suivi  cet  exemple;  l'art,  en  un  mot,  j 

s'est  emparé  de  ce  progrès.  I 

Les  nombreux  travaux  entrepris  en  rivières  ou  sur  les  côtes  ! 

par  les  Anglais,  dans  ces  dernières  années,  ont  fait  naître  ; 

et  multiplier  des  diflBcultés  des  fondations  hydrauliques  qu'on  , 

ne  connaissait  pas  suffisamment  autrefois.  La  nécessité  d'exé-  \ 

cuter  promptement  et  d'achever  des  ouvrages  dont  l'im-  ; 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  591 

portance  permettait  des  sacrifices  économiques  considérables, 
a  forcé  l'art  à  trouver  des  solutions  en  rapport  avec  les 
difficultés  qu'on  rencontrait.  Les  vieilles  méthodes  devenues 
insuffisantes  ont  été  complétées  par  des  moyens  nouveaux. 
Nous  venons  de  signaler  les  pieux  à  vis.  Mais  à  côté  de  cela 
on  a  tenté  et  appliqué  avec  plus  ou  moins  de  succès  les  cais- 
sons métalliques,  qu'on  enfonçait,  soit  en  faisant  le  vide  à 
l'intérieur,  soit  en  y  comprimant  l'air  de  manière  à  pouvoir 
draguer  le  sol  pour  les  faire  descendre.  Cette  dernière  mé- 
thode, qui  paraît  avoir  donné  les  résultats  les  plus  satisfai- 
sants, nécessite  des  appareils  de  compression  assez  difficiles  à 
établir  pour  charger  et  faire  descendre  les  tubes.  Jusqu'à 
présent  ces  appareils  étaient  établis  sur  points  fixes  et  solides. 
MM.  G.  Nepveu  fils  et  Hermann  ont  imaginé  de  substituer  au 
point  d'appui  de  ces  attaches  fixes  le  poids  d'une  certaine 
quantité  d'eau,  qu'ils  puisent  au  lieu  même  des  travaux  et 
dont  ils  chargent  la  partie  de  l'appareil  à  laquelle  tiennent  les 
cloches  de  compression.  Quatre  bateaux  liés  à  angles  droits 
encadrent  l'espace  sur  lequel  doit  se  faire  la  fondation.  L'un 
de  ces  bateaux  porte  les  pompes  qui  doivent  élever  l'eau  dans 
les  capacités  ménagées  pour  la  recevoir,  et  d'où  elle  peut 
s'échapper  à  volonté.  Les  dispositions  sont  prises  pour  enfon- 
cer trois  caissons  en  même  temps,  et  pour  reporter  plus  ou 
moins  de  charge  sur  chacun  de  ces  caissons,  suivant  que  la 
résistance  du  sol  s'y  trouve  plus  ou  moins  grande.  Cet  appa- 
reil paraît  réunir  toutes  les  ressources  que  les  recherches  de 
l'art  ont  récemment  produites.  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  ait 
encore  été  appliqué.  Mais  il  aurait  dans  l'application  l'avan- 
tage que  présentent  les  caissons  et  celui  d'éviter  les  gênes  qui 
se  rencontrent  dans  les  maçonneries  faites  sous  l'eau;  car  à 
mesure  que  le  cylindre  de  fonte  descend  et  que  la  compression 
de  l'air  fait  refluer  l'eau,  on  travaille  à  sec  au  fond,  pour  dra- 
guer d'abord,  pour  maçonner  ensuite,  aussitôt  qu'on  est  par- 
venu à  fond.  Nous  avons  saisi  l'occasion  de  cette  étude  dont 
on  trouvera  les  beaux  dessins  réunis  au  vestibule  central  de 
l'Annexe,  pour  parler  de  cette  famille  de  grands  moyens  très- 
généralisés  en  Angleterre  et  dont  l'introduction  se  fait  actuel- 
lement en  France.  MM.  Fox  et  Henderson  exécutent  en  ce  mo- 
ment, d'après  un  système  analogue,  les  fondations  du  pont  de 
Saône  qu'on  reconstruit  à  Lyon  pour  la  traversée  du  chemin 


by:2  VISITE 

de  fer  en  remplacement  de  celui  qui  a  été  emporté  l'année 
dernière. 

L'art  difficile  des  fondations  et  des  travaux  hydrauliques 
auquel  les  cloches  à  plongeurs  ont  jadis  rendu  de  grnnds 
services,  utilise  encore  ces  appareils  qu'on  mmim  scaphaii- 
dres,  et  qui  ont  été  perfectionnés  notablement  depuis  quel- 
ques années.  C'est  encore  aux  Anglais  que  nous  devons  les 
plus  grandes  améliorations  apportées  à  ces  habillements  im- 
perméables ,  qui  permettent  à  l'homme  de  descendre  au  fond 
des  eaux  dans  un  milieu  d'air  incessamment  renouvelé  par 
des  pompes  fonctionnant  à  la  surface.  Recouvert  et  abrité 
par  ce  vêtement,  l'ouvrier  respire,  vit  et  travaille  dans  des 
conditions  analogues  à  celles  qu'il  renconlre  sur  le  sol;  il 
manœuvre  à  peu  près  comme  il  lui  convient  les  outils  et  les 
malériaux  dont  il  doit  disposer.  Les  scaphandres  anglais  de 
MM.  Siebe,  Heinke  et  Tylor  sont  réunis  dans  la  nef  du  Palais 
vers  l'extrémité  sud-est.  Ces  appareils  sont  très-bien  disposés 
et  exécutés  avec  grand  soin.  La  solidité  du  tube  d'arrivée 
d'air,  le  bon  agencement  des  poids,  l'exactitude  des  assem- 
blages du  casque,  la  facilité  qu'ils  présentent  pour  leur  prompt 
dégagement  en  cas  d'accidents  qui  exigeraient  le  rapide  retour, 
à  la  surface,  de  l'homme  malade  ou  blessé,  tout  cela  con- 
stitue la  perfection  et  l'efficacité  de  ces  appareils  pleins 
d'intérêt. 


Distributions  d'eau  et  de  gaz. 

Les  distributions  d'eau  et  de  gaz  sont  devenues  dans  nos 
villes  des  travaux  de  première  nécessité  qui  ont  pris  une 
extension  extrême  et  qui  s'exécutent  sur  une  échelle  telle- 
ment considérable  qu'on  ne  saurait  trop  en  simplifier  les 
éléments  et  la  main-d'œuvre.  Les  besoins  d'alimentation 
croissent  tous  les  jours,  les  conduites  se  multiplient  sous 
les  chaussées,  à  la  surface  desquelles  cependant  la  circulation 
augmente.  Les  possibilités  de  pose  ou  d'entretien  diminuent 
donc  tous  les  jours.  Dans  ces  conditions,  les  perfectionne- 
ments doivent  tendre  non-seulement  à  l'économie,  mais  aussi 
a  la  facilité  et  à  la  promptitude  d'installation.  Celui  qui  par- 
court les  galeries  de  l'Annexe  sous  cette  préoccupation  ren- 
contrera trois  espèces  de  produits ,  qui  attireront  son  alten- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  S93 

tion  ;  les  tuyaux  Petit,  les  tuyaux  Chameroy  et  les  appareils 
Fortin  Hermann. 

Quand  on  place  une  conduite  sous  terre,  à  part  le  déblai  et 
le  remblai,  qu'on  ne  peut  supprimer,  le  travail  le  plus  long 
est  la  façon  des  joints;  c'est  celui  qu'il  est  important  de  sim- 
plifier. M.  Petit  a  imaginé  un  joint,  qui  a  déjà  été  expéri- 
menté dans  plusieurs  circonstances  et  qui  permet  une  grande 
promptitude  d'exécution.  Ce  joint  est  formé  par  un  anneau 
de  caoutchouc,  compris  entre  les  extrémités  emboîtées  des 
deux  tuyaux  voisins.  Il  existe  dans  l'emboîtement  d'un  côté 
un  repos  femelle,  de  l'autre,  une  surface  de  serrage  mâle. 
Chacune  des  extrémités  porte  deux  oreilles  qui  se  brident  et 
se  claveltent  deux  à  deux  avec  les  oreilles  du  bout  de  tuyau 
voisin.  Le  serrage  s'opère  très-facilement  en  profitant  du 
poids  du  tuyau.  On  clavette  les  brides  du  haut,  le  caoutchouc 
étant  en  place.  Le  joint  bâille  en  bas.  On  presse  sur  l'extré- 
mité opposée  du  bout  en  pose,  on  serre  et  l'on  clavette  les 
brides  inférieures.  Deux  ou  trois  minutes  permettent  de  faire 
un  joint  pareil.  Ce  joint  a  de  l'avenir.  Nous  croyons,  toutefois, 
qu'il  importe  d'employer  du  caoutchouc  coulé  en  masse  et 
non  composé  de  lames  enroulées,  qui  se  détacheraient  dans 
le  serrage.  L'étanchéité  du  joint  exige  aussi  que  les  surfaces 
sur  lesquelles  repose  la  rondelle  soient  bien  coulées,  peut- 
être  même  dres^ées.  Enfin,  on  pourrait  trouver  que  les  ser- 
rages énergiques  seraient  plus  sûrs  si  les  oreilles  avaient  plus 
de  force  que  celles  qu'on  trouve  dans  les  modèles  de  M.  Petit. 

Les  conduits  de  M.  Chameroy  sont  connus  et  appréciés 
dans  la  pratique  depuis  plusieurs  années  déjà.  Leur  fabrica- 
tion très-économique  les  rend  applicables  dans  beaucoup  de 
circonstances  où  l'on  ne  pourrait  songer  à  l'emploi  d'autres 
produits.  Une  tôle  plombée  et  enroulée,  enduite  a  l'intérieur 
de  bitume,  et  à  l'extérieur  de  bitume  sablé,  deux  extrémités 
mâle  et  femelle  emboîtées,  constituent  l'élément  unique  de 
ces  conduits.  La  pose  et  le  transport  sont  faciles  à  cause  de 
la  légèreté  de  chaque  bout  de  tuyau;  le  joint  est  étanche,  il 
exige  peu  de  temps,  quoiqu'il  soit  moins  expéditif  que  celui 
de  M.  Petit.  Ces  sortes  de  conduites  conviennent  à  tous  les 
cas,  exce()téaux  forte?  pressions.  L'exposition  de  M.  Chameroy 
contient  des  tuyaux  de  diamètres  considérables  (i  mètre).  Ce 
constructeur  a  modifié  depuis  quelque  temps  le  mode  de  jonr- 
20G  mm 


594  VISITE 

tioii  de  ses  tuyaux.  Les  extrémités  ne  s'assemblent  plus  à  vis, 
comme  cela  se  faisait  d'abord.  Un  cône  tronqué  creux  en  alliage 
fondu  vient  se  placer  sur  l'un  des  bouts  extrêmes,  et  reçoit 
par  emboîtement  le  tuyau  voisin.  Cet  assemblage  est  certai- 
nement plus  expéditif  que  le  premier  ;  nous  doutons  qu'il  soit 
aussi  étanche. 

Nous  avons  remarqué  le  joint  de  M.  Trottier,  d'Angers, 
joint  composé  d'un  tuyau  en  caoutchouc  sur  lequel  un  galet 
interrompt  la  communication  par  roulement  et  aplatissement 
de  la  matière  élastique.  Il  faut  attendre  ce  que  l'expérience 
dira  de  cet  emploi  particulier  d'un  produit  encore  nouveau 
^  dans  ces  applications. 

M.  Fortin  Hermann  expose  une  série  d'appareils  composant 
un  système  nouveau  d'écoulement  pour  les  distributions  d'eau 
dans  les  villes.  Cet  ensemble  mérite  d'être  étudié.  La  disposi- 
tion en  est  bien  représentée  à  la  pile  121,  A,  galerie  des  ma- 
chines. En  ce  qui  concerne  les  conduites,  le  joint  de  M.  Her- 
mann paraît  résoudre  la  question.  Les  deux  extrémités  de  la 
conduite  à  réunir  sont  épanouies,  et  reçoivent  entre  elles  une 
bague  creuse  dont  la  .section  est  un  triangle  curviligne  sur 
deux  de  ses  côtés.  Trois  boulons  réunissent  les  épanouisse- 
ments des  tuyaux  en  pressant  la  bague  (de  plomb  et  étain) 
et  forment  ainsi  un  joint  de  même  espèce  que  celui  du  joint 
matté,  mais  dont  les  surfaces  de  contact  sont  beaucoup  plus 
étendues  et  plus  régulières.  —  Une  borne-fontaine  intermit- 
tente, une  borne  de  puisage  continu  pour  les  habitations  et 
une  bouche  sous  trottoirs  sont  disposées  de  façon  à  permettre 
l'écoulement  continu  à  gueule-bée,  quelle  que  soit  la  charge 
de  la  conduite.  Une  cuvette  de  repos  d'eau,  placée  immédia- 
tement avant  l'orifice  de  sortie,  permet  d'atteindre  ce  résul- 
tat, que  la  sécurité  des  passants  rend  très-intéressant  dans 
les  rues  des  villes.  Ces  questions  de  détails,  trop  négligées 
jusqu'à  présent ,  semblent  avoir  puissamment  préoccupé 
M.  Hermann,  qui  nous  montre  encore  une  vanne  très-étanche 
et  facile  à  manœuvrer.  Cette  vanne,  qui  fonctionne  déjà  aux 
réservoirs  de  la  galerie  des  machines,  se  compose  d'un  coin 
transversal  qui  ferme  ou  ouvre  la  conduite  en  recevant  en 
tête  l'action  directe  d'une  vis.  L'eïanc/ie'îïe  s'obtient,  parce  que, 
arrivée  au  milieu  de  sa  course,  la  vanne  passe  sous  un  galet, 
qui,  en  vertu  de  l'inclinaison  des  faces  de  la  pièce  de  ferme- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  KOr^ 

ture,  la  presse  de  plus  en  plus  contre  les  plans  de  jonction 
placés  du  côté  de  l'eau  retenue.  La  vanne  de  M.  Hermann 
est  un  bon  appareil  à  la  mise  en  mouvement  duquel  il  faudrait 
peut-être  apporter  quelques  modifications  pour  lui  faire  occu- 
per moins  de  place  au-dessus  des  tuyaux  si  on  voulait  en 
rendre  l'emploi  possible  dans  toutes  les  conduites  de  ville. 

Travaux  publics. 

Nous  laisserons  de  côté,  dans  cette  première  course  rapide, 
beaucoup  de  moyens  et  de  procédés  qui  s'appliquent  aux  dé- 
tails des  constructions,  et  qui,  s'ils  présentent  chacun  un  inté- 
rêt spécial,  manqueraient  de  lien  et  jetteraient  le  trouble  dans 
le  coup  d'œil  d'appréciation  générale  que  nous  entendons 
faire  ici.  Les  croisées,  les  parisiennes  et  les  jalousies,  les  char- 
nières, les  fiches  et  les  verrous,  les  fermetures  de  boutiques, 
les  rampes  d'escaliers,  les  mains  courantes  attireront  notre 
examen  très-sérieux  à  une  seconde  visite  plus  minutieuse. 
Nous  voulons  entrer  ici  dans  l'étude  des  travaux  publics, 
dont  différentes  nations  nous  donnent  des  spécimens  très- 
curieux. 

En  France,  il  faut  concentrer  sur  une  seule  exposition, 
celle  du  ministère  des  travaux  publics,  toute  l'attention  qui 
s'attache  à  cette  grande  question.  Le  ministre  de  l'agriculture, 
du  commerce  et  des  travaux  publics  a  fait  faire,  par  l'école 
des  ponts  et  chaussées,  une  collection  extrêmement  remar- 
quable, qui  présente,  dans  une  suite  de  modèles  aussi  bien 
exécutés  que  philosophiquement  conçus,  les  éléments  les  plus 
complets  qu'on  puisse  rencontrer  aujourd'hui  pour  apprécier 
la  nature,  Timporlance  et  le  caractère  distinclif  des  princi- 
paux travaux  exécutés  chez  nous  depuis  vingt-cinq  ans,  sur- 
tout depuis  l'établissement  des  chemins  de  fer.  Barrages  en 
rivière,  écluses,  aqueducs,  ponts,  viaducs,  phares,  etc.,  sont  re- 
présentés là,  soit  comme  types  des  meilleures  solutions  trou- 
vées par  les  ingénieurs  les  plus  distingués,  soit  comme  modè- 
les des  travaux  exécutés.  M.  Poirée  père,  inspecteur  général 
des  ponts  et  chaussées,  auquel  on  doit  les  barrages  à  aiguilles 
dont  l'emploi  est  si  utile  dans  les  limites  des  hauteurs  d'eau 
qu'on  rencontre  généralement  sur  nos  rivières  pour  rendre 
navigables  les  hauts  fonds  à  l'aide  de  retenues;  M.  Thénard. 


596  VISITE 

dont  le  système  à  contre-hausses  rend  si  facile  le  maniement 
do  la  retenue  pour  les  faibles  chutes  ;  M.  Chanoine  ,  qui 
profite  du  courant  même  et  des  crues  pour  manœuvrer  ses 
panneaux,  en  constituant  ainsi  des  barrages  automoteurs, 
viennent  dignement  témoigner  des  progrès  que  l'art  de  l'in- 
génieur a  faits  par  leur  intermédiaire  pour  l'amélioration  de 
nos  rivières.  C'est  à  eux  et  à  leurs  efforts  que  sont  dus  cer- 
tainement les  résultats  si  heureux  obtenus,  et  M.  Poirée,  qui 
a  tenté  le  premier  cette  solution  neuve  des  barrages  mobiles, 
pratiquée  avec  tant  de  persévérance,  a  mené  l'ingénieur  fran- 
çais sur  un  terrain  oij  nous  n'avons  rien  eu  à  emprunter  à 
nos  voisins  et  rivaux,  qui  ont  peu  fait  jusqu'à  présent  dans 
cette  voie. 

L'écluse  de  la  Monnaie,  à  Paris,  où  M.  Ch.  Poirée  a  fait 
plusieurs  tentatives  d'utilisation  de  la  tôle  et  de  nouvelles 
dispositions  pour  simplifier  et  régulariser  la  manœuvre  des 
portes,  est  une  tendance  qui,  si  elle  n'atteint  pas  complète- 
ment le  but  cherché,  «n  raison  des  difficultés  du  travail,  et 
peut-être  aussi  de  la  faiblesse  des  assemblages,  dénote,  de  la 
part  des  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  un  besoin  marqué 
de  mettre  au  service  de  leurs  travaux  la  ressource  féconde 
des  métaux,  peut-être  trop  exclusivement  repi-ussée  chez  eux. 

Le  grand  travail  de  M.  Montricher,  qui  fait  franchira  la 
Durance  une  profonde  vallée  dans  un  pays  où  l'on  compte 
une  magnifique  production  de  l'art  ancien,  est  le  témoignage 
d'une  aptitude  nouvelle  qui  semblait  n'avoir  jamais  pénétré 
l'esprit  des  ponls  et  chaussées,  et  auquel  d  faut  faTe  autant 
dhonneur  en  celte  circonstance  qu'à  l'ingénieuse  disposition 
de  cette  œuvre,  dont  l'exécution  a  été  aussi  bien  conduite  que, 
le  but  bien  atteint.  L'aspect  monumental  et  bien  caractérisé 
de  l'édifice  ne  le  ce  le  en  rien  à  l'entente  des  chantiers,  dont 
l'organisation  est  si  bien  indiquée  dans  le  modèle  à  un 
dixième.  11  y  a  de  1  art  dans  cette  œuvre,  que  l'œil  peut  explo- 
rer à  la  satisfaction  complexe  de  l'esprit  et  du  cœur.  On  n'y 
découvre  pas  seulement  le  bon  appareil  de  l'assise,  l'écono- 
mie de  la  mise  en  place,  la  rectitude  de  la  ligne,  la  ponctua- 
lité de  la  po-e ,  la  stabilité  de  l'ensemble;  on  comprei  d  et 
l'on  sent  que  ce  vaste  échafaudage  de  {)ierre  porte  une  utile 
cuvette  où  l'eau  coule  fraîche  et  féconde,  et  l'on  se  rappelle 
qu'une  grande  cité  va  recevoir  le  liquide  bienfaisant  qui  court 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  ol)7 

sur  le  couronnement  important  de  l'édifice.  Singulier  carac- 
tère de  ce  monument  ;  l'architecte  se  marierait-il  donc  enfin 
quelque  peu  à  l'ingénieur? 

De  jolis  modèles  de  ponts  en  pierre  :  le  pont  de  Bercy, 
solution  toute  particulière,  bonne  construction,  bon  exemple; 
des  viaducs  dont  nous  oublions  les  noms  ;  des  ponts  en  métal 
qui  sont  par  trois  fois  Texpression  d'efforts  individuels  indé- 
pendants du  corps  des  ponts  et  chaussées,  et  dont  l'école  a 
libéralement  exposé  les  spécimens,  sont  remplis  d'intérêt  ec 
soulèvent,  en  construction,  l'examen  des  questions  le  plus  à 
l'ordre  du  jour.  M.  E.  Flachat,  qui  tient  depuis  tant  d'années 
la  tète  des  chercheurs  irifatigables  auxquels  on  doit  les  pre- 
mières solutions  des  problèmes  nouveaux  que  chaque  jour 
fait  surgir,  a  été  appelé  à  montrer,  dans  la  collection  des 
ponts  et  chaussées,  son  pont  d'Amières,  cette  œuvre  où  il  lui  a 
été  donné  de  faire  une  chose  que  les  poutres  de  métal  permet- 
taient seules  d'aborder.  Le  pont  d'Asnières  est  une  recon- 
struction qui  a  été  faite  sur  le  lieu  même  d'un  pont  provi- 
soire, où  une  circulation  de  plus  de  cent  trains  par  jour  s'est 
constamment  continuée  pendant  les  travaux.  Pas  une  minute 
d'interruption  dans  ce  mouvement,  pas  un  accident  ne  peu- 
vent être  signalés  pendant  l'exécution  de  cet  ouvrage,  qui  a 
duré  plus  d'une  année. 

M.  E.  Martin  nous  montre  dans  son  pont  de  Tarascon  une 
direction  d'esprit  toute  spéciale  qui  ne  manque  pas  d'intérêt: 
employer  le  métal  dans  les  constructions  en  le  mettant  dans 
des  conditions  de  stabilité  qui  le  rendent  aussi  durable,  au.^si 
monumental  que  la  pierre.  Peut-être  n'est-ce  pas  encore  le 
moment  de  rechercher  ce  but,  que  le  prix  élevé  de  la  matière 
rend  difficile,  sinon  impossible  à  atieindre.  Peut  être  faut-il 
laisser  aujourd'hui  un  autre  rôle  au  fer  et  à  la  fonte  en  les 
employant  à  résoudre  des  problèmes  que  la  pierre  ne  permet 
pas  d  aborder,  avec  son  pouls  considérable  et  sa  résistance  re- 
lativement minime.  Néanmoins,  tout  ce  qui  tend  à  développer 
les  applications  et  à  consacrer  les  propriétés  des  matériaux  est 
typique  d'un  service  rendu  aux  progrès  de  l'art,  et  c'est  à  ce 
titre  qu'il  faut  étudier  les  moyens  présentés  par  M.E.  Martin 
dans  l'assemblage  de  ses  formes  et  la  tournure  de  son  œuvre, 
qsii  ne  manque  pas  d'un  certain  aspect  de  crànerie  complète- 
ment omis  dans  d'autres  constructions  métalliques. 


598  VISITE 

Le  pont  d'Arcole,  que  M.  Oudry  construit  en  ce  moment  à 
Paris,  est  le  type  de  l'audace  la  plus  grande  parmi  nos  der- 
nières tentatives  industrielles.  Le  ministère  ne  l'a  pas  oublié. 
Il  y  a  dans  cette  œuvre,  non  exécutée  complètement,  de  quoi 
faire  désirer  des  essais  qui  seront  prochains.  En  vertu  de 
certaines  considérations  théoriques  qui  appartiennent  à  l'au- 
teur, l'arc  est  réduit  à  la  clef  à  des  dimensions  extraordinai- 
rement  faibles,  ce  qui  a  permis  de  respecter  un  passage  suffi- 
sant en  hauteur  sur  le  fleuve,  en  n'élevant  pas  outre  mesure 
les  abords  des  quais.  Si  les  résultats  définitifs  sont  satisfai- 
sants, il  y  aura  là  une  solution  dont  l'intérêt  n'a  pas  échappé 
à  l'école  des  ponts  et  chaussées ,  puisqu'elle  a  bien  voulu  en 
faire  figurer  d'avance  les  éléments  dans  sa  collection. 

Il  ne  faut  pas  quitter  l'Annexe,  où  les  modèles  de  tous  ces 
travaux  sont  représentés  à  la  pile  17,  sans  voir  le  joli  modèle 
d'une  curieuse  réunion  d'ouvrages  d'art,  que  le  canal  de  la 
Marne  au  Rhin  et  le  chemin  de  fer  de  Strasbourg  ont  accu- 
mulés sur  un  pli  delà  Meuse,  près  de  Liverdun  :  tunnel,  pont- 
canal,  trois  ponts  en  dessus  du  chemin  de  fer,  deux  sur  ri- 
vière, un  sur  le  canal,  tout  cela  se  trouve  savamment  et  pit- 
toresquement  réuni  sur  une  surface  de  vingt  hectares.  C'est 
le  seul  spécimen  de  grand  ensemble  d'ouvrage  que  nous 
ayons  en  France.  De  même  nous  n'avons  qu'un  ouvrage  mari- 
time :  le  phare  de  Bréat ,  édifié  dans  des  conditions  très- 
difficiles.  Cette  œuvre  est  un  monument  d'art  et  un  modèle 
de  bonne  construction.  L'entente  de  la  disposition  judicieuse, 
le  besoin  de  caractériser  par  des  formes  expressives  une  desti- 
nation (Jonnée,  senties  tendances  auxquelles  M.  l'ingénieur  L. 
Raynaud  n'a  pas  hésité  à  se  laisser  aller,  faisant  la  part  de  ce 
qui  est  noble  et  grand  à  côté  de  ce  qui  est  nécessaire  dans 
l'art.  C'est  un  fait  grave  que  nous  révèle  l'Exposition  à  l'occa- 
sion de  ce  monument  si  lointain  et  si  peu  abordable  à  l'ob- 
servateur. 

Il  existe  dans  le  grand  palais,  à  l'extrémité  sud-est  de  la 
nef,  un  ensemble  de  modèles  de  travaux  d'art  anglais  qui, 
quoique  exposés  isolément,  offrent  un  intérêt  de  comparaison 
très-grand,  quand  on  en  fait  l'examen  après  la  collection 
française  des  ponts  et  chaussées.  Ici  ce  ne  sont  plus  exclusi- 
vement, comme  tout  à  l'heure,  des  ouvrages  de  détails,  re- 
marquables par  leur  étude  approfondie  et  le  judicieux  agence- 


A  L'EXPOSlTlOiN  UNIVERSELLE.  599 

ment  des  éléments  mis  en  jeu,  mais  de  grandes  conceptions 
brillantes  par  l'ensemble  et  la  portée  des  idées  d'où  elles  pro- 
cèdent. Au  milieu  d'une  douzaine  de  spécimens,  il  faut  dis- 
tinguer dans  cette  catégorie  le  grand  pont  tube  le  Britannia, 
dont  l'historique  est  aujourd'hui  connu  de  tout  le  monde, 
mais  qui  restera  comme  le  monument  le  plus  audacieux  que 
cette  époque  ait  produit  au  bénéfice  du  progrès  de  l'art  du 
constructeur.  Doubler  d'un  seul  coup  l'espace  limité  par  le 
possible  dans  ce  que  peut  tenter  l'ingénieur,  créer  un  modèle, 
un  précédent  à  la  portée  de  tous  pour  répondre  aux  besoins 
croissants  de  notre  industrie  des  transports,  tel  est  le  but 
atteint  à  la  gloire  de  M.  Stephenson,  qui  sut  concevoir,  en 
appelant  à  son  aide  le  contrôle  de  la  science.  Aujourd'hui, 
grâce  à  cette  construction  sur  laquelle  des  convois  de  chemin 
de  fer  franchissent  des  vides  de  140  mètres  et  aux  nombreuses 
expériences  auxquelles  elle  a  donné  lieu,  nous  voyons  partout 
se  faire  avec  sécurité  des  travaux  qui  simplifient  nos  tracés 
de  chemin  de  fer,  ou  qui  les  rendent  accessibles  quand  autre- 
ment ils  ne  l'eussent  pas  été.  C'est  ce  précédent  qui  permet, 
par  exemple,  de  faire  au  Canada,  sur  le  Saint-Laurent,  un 
pont  de  2744  mètres  de  long,  sur  lequel  le  chemin  de  fer  de 
Québec  atteint  jusqu'à  Montréal  (voir  ce  modèle,  Annexe,  expo- 
sition du  Canada,  pile  'r2).  L'influence  du  pont  de  M.  Stephen- 
son est  et  sera  immense  sur  nos  constructions ,  et  quelque 
intérêt  qu'il  présente,  c'est  bien  moins  par  l'intelligence 
et  le  mérite  extrême  qui  ont  présidé  aux  moyens  adoptés  que 
par  le  but  atteint  qu'il  faut  juger  de  l'importance  de  cet 
ouvrage. 

Voilà  un  premier  point  caractéristique  des  travaux  publics 
en  Angleterre.  Prenons  deux  autres  exemples,  entre  tous, 
pour  compléter  notre  jugement  et  rendre  à  nos  voisins  la 
justice  qu'ils  méritent  par  leur  grande  initiative.  Le  port  de 
Grimsby,  exécuté,  en  quelques  années,  à  l'embouchure  de 
l'Humber  pour  éviter  aux  navires  l'entrée  de  la  rivière  jusqu'à 
Hull ,  est  un  ensemble  de  travaux  des  plus  remarquables. 
Cette  installation  presque  instantanée  d'un  port  à  côté  d'un 
autre,  que  l'habitude  du  commerce  n'a  pas  encore  abandonné, 
mais  qui  le  sera  assurément  sous  peu,  cette  substitution 
opérée  uniquement  par  l'art  pour  amoindrir  les  difficultés 
des  transports  dans  une  contrée  où  les  besoins  d'exportation 


600  VISITE 

et  d'importation  sont  excessifs,  est  un  témoignage  de  puis- 
sance de  conception  et  d'exécution  sur  laquelle  il  n'est  pas 
permis  de  ne  pas  porter  l'attention.  M.  Rendel,  à  qui  l'on  doit 
ce  travail,  s'est  fait,  en  cette  circonstance,  autant  d'honneur 
par  un  succès  atteint  dans  une  entreprise  audacieuse,  que  par 
les  résultats  économiques  que  son  œuvre  ménage  à  tout  son 
pays.  D'ailleurs,  vue  de  moins  haut,  cette  question  de  l'éta- 
blissement du  port  de  Grimsby  comporte  une  suite  de  tra- 
vaux difficiles,  intéressants  et  tous  exécutés  sans  nuire  à  l'en- 
semble d'un  plan  très-bien  conçu.  Aujourd'hui  les  chemins 
de  fer  de  Manchester  ,  Sheffield  et  Lincolnshire  prennent  ou 
apportent  la  marchandise  dans  de  vastes  et  magnifiques 
magasins  qu'ils  entourent  de  leurs  voies  nombreuses  et  que  de 
larges  bassins  desservent.  L'entrée  du  port  est  bien  ménagée 
dans  la  grande  jetée  qui  a  été  construite  pour  limiter  le  bas- 
sin. Une  tour  de  90  mètres  de  hauteur  distribue  partout  l'eau 
et  la  charge  nécessaire  pour  suffire  à  la  manutention  des 
marchandises  sur  tous  les  points  de  rétablissement. 

A  quelque  distance,  en  remontant  aussi  sur  la  même  rive 
droite  de  l'Humber,  la  même  compagnie  des  chemins  de  fer 
cités  plus  haut  a  confié  à  M.  l'ingénieur  John  Fowler  l'exécu- 
tion d'un  por";  moins  important,  mais  plus  spécial,  et  qui 
complète  l'ensemble  des  facilités  offertes  maintenant  sjx 
transports  dans  ce  coin  de  l'Angleterre.  Ici  il  ne  s'agissait 
plus  du  service  des  grands  arrivages,  mais  du  mouvement 
des  voyageurs  et  des  marchandises  circulant  dans  l'intérieur 
et  passant  de  New-Holland,  où  les  amène  un  embranchement 
de  la  compagnie,  de  l'autre  côté  de  la  rivière  pour  joindre 
Beverlay,  York,  etc.  A  cet  effet,  tout  un  établissement  de 
magasins  et  une  gare  de  voyageurs  se  groupent  à  la  tète 
d'une  jetée  qui  communique  avec  un  long  ponton  de  char- 
gement et  de  déchargement  par  un  plan  incliné  mobile  sui- 
vant les  nécessités  des  marées.  Wagons  de  voyageurs  et  mar- 
chandises descendent  de  la  jetée  sur  le  ponton,  d'où  les 
bateaux  de  transports  les  prennent  pour  les  engager  sur  les 
voies  de  fer  de  l'autre  rive.  Ce  travail  est  en  quelque  sorte  la 
dépendance  de  celui  de  Grimsby,  quoiqu'il  émane  d'un  autre 
ingénieur. 

M.  John  Murray  a  créé  et  presque  achevé  aujourd'hui  à 
l'embouchure  de  la  Wear  un  port  nouveau,  en  acquérant  sur 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  601 

la  mer  un  espace  de  plus  de  500  000  m.  q.  Des  digues  d'en- 
ceinte ont  été  faites  très -économiquement  en  utilisant  les 
déblais  du  port  lui-même  et  à  l'aide  d'éperons  en  maçonne- 
rie, élevés  d'abord  du  côté  de  la  mer.  Une  entrée  nouvelle 
est  aujourd'hui  presque  terminée.  Des  écluses  nombreuses 
qui  maintiennent  le  niveau  du  canal;  des  élévateurs  de  char- 
gement et  de  déchargement  qui  communiquent  avec  les  voies 
de  fer  aboutissent  autour  du  bassin  ;  le  transport  d'un  ancien 
phare  de  20  mètres  de  hauteur  qu'on  a  dû  amener  de  toute 
pièce  d'une  distance  de  plus  de  100  mètres  pour  le  placer 
au  point  extrême  de  la  nouvelle  conquête  faite  sur  les  eaux^, 
sont  autant  de  difficultés  surmontées  avec  habileté  dans  ce 
grand  travail. 

Ces  trois  ouvrages  maritimes,  dont  les  modèles  sont  expo- 
sés à  côté  de  bien  d'autres,  nous  ont  paru  caractériser  l'état 
des  travaux  d'intérêt  public  en  Angleterre,  l'importance  qu'ils 
ont  prise,  la  large  place  qu'ils  tiennent  dans  la  traduction 
immédiate  que  le  pays  sait  faire  des  besoins  de  tous  en  y  ré- 
pondant par  de  larges  conceptions  ,  toujours  éditées  à  temps 
et  dans  la  mesure  qui  convient  à  la  durée  des  services  qu'on 
attend  d'eux.  Nous  y  découvrons  le  caractère  d'actualité  que 
l'économiste  doit  rechercher  avant  tout.  C'est  le  point  sail- 
lant qui  distingue  l'œuvre  confiée  aux  ingénieurs  anglais,  l'i- 
nitiative qui  leur  est  laissée,  le  stimulant  qui  les  fait  marcher 
de  l'avant.  C'est  prut-être  aussi  ce'qui  donne  souvent  à  leurs 
ouvrages  ra>pect  de  dé-ordre  contre  lequel  nous  réagissons  en 
France,  nous  qui,  moins  engagés  dans  les  questions  neuves, 
restons  attelés  à  la  recherche  des  solutions  parfaites  dans 
les  anciens  problèmes.  Il  y  a  assurément  beaucoup  de  philo- 
sophie à  faire  sur  l'art  de  l'ingénieur  devant  les  groupes  de 
travaux  exposés  en  France  et  en  Angleterre;  mais  il  fdut  en 
revenir  toujours  à  celte  appréciation  que  nos  voisins  nous 
préparent  les  questions,  et  que  nous  les  approfondissons  après 
qu'ils  nous  ont  apporté  les  résultats  de  leurs  expériences.  Nos 
etforts  se  traduisent,  il  est  vrai,  en  œuvres  plus  monumenta- 
les, plus  durables,  mais  plus  attardées.  Aussi  sommes-nous 
moins  pourvus  d'édifices  utiles,  quoique  plus  riches  en  mo- 
numents. 

Pour  apprécier  d'une  manière  générale,  les  progrès  qui  se 
sont  faits  partout  dans  l'art  des  constructions,  nous  aurions 


«02  VISITE 

besoin  de  parler  des  autres  nations.  L'Allemagne  ne  devrait 
pas  être  oubliée;  l'Allemagne  silencieuse,  qui  a  tant  produit 
depuis  dix  ans  en  grands  travaux  publics,  en  chemins  de  fer  : 
surtout.  Malheureusement  les  nations  du  centre  de  l'Europe 
ne  nous  ont  rien  envoyé  comme  spécimens  de  leurs  grands 
ouvrages  et  nous  devons  encore  nous  reporter  au  nord  de 
l'Amérique,  à  cette  ancienne  contrée  française  qui  n'est  plus 
à  nous  depuis  la  fin  du  dernier  siècle,  pour  constater  les 
résultats  heureux  des  efforts  étrangers.  Le  Canada  travaille 
partout  et  en  tout.  Il  ne  se  contente  pas  d'exploiter  des  forêts; 
il  se  couvre  de  voies  de  communication  ,  voies  d'eau  et  voies 
de  terre.  Il  a  rendu  navigable  sur  toute  sa  longueur  de  six 
cents  lieues,  le  fleuve  qui  arrose  tout  son  territoire.  De  Québec 
au  lac  Supérieur,  des  travaux  considérables  ont  été  faits  pour 
franchir  le  saut  de  Sa iiit- Louis,  les  rapides  de  Montréal,  le 
lac  Ontario,  le  lac  Erié^  la  chute  du  Niagara  et  le  saut  Saiîite- 
Marie.  Des  portions  de  canaux  latéraux  ont  été  exécutées, 
avec  des  écluses  importantes  où  l'on  a  ménagé  des  vannages 
spéciaux  composés  de  ventelles  très-étendues  pour  desservir 
une  navigation  très-active  en  débitant  promptement  le  con- 
tenu des  sas  et  évitant  ainsi  le  long  séjour  des  bateaux  dans 
chacune  de  ces  nombreuses  écluses.  On  voit  à  l'Annexe  des 
modèles  variés  des  portes  d'écluses  employées  au  Canada. 
Les  chemins  de  fer  s'établissent  rapidement  dans  cette  con- 
trée restée  toute  française  de  cœur,  et  le  pont  de  Saint-Lau- 
rent, dont  nous  avons  parlé  déjà,  donne  par  son  importance 
l'idée  de  ce  que  va  devenir  cette  industrie  dans  ce  pays  tra- 
vailleur. 

La  pensée  concluante  qui  doit  assaillir  l'esprit  après  l'ex- 
ploration que  nous  venons  de  faire  dans  les  différentes  par- 
ties de  l'Exposition  auxquelles  notre  art  s'intéresse  est  une 
certitude  de  progrès  très-marquée  partout  et  pour  tout.  Les 
matériaux  premiers  de  la  construction  sont  recherchés  et  ex- 
ploités dans  les  contrées  les  plus  lointaines,  ils  viennent  se 
montrer  et  s'offrir  à  nos  besoins;  la  pierre,  le  bois,  les 
métaux  se  disputent  l'emploi  qu'on  peut  en  faire  dans 
chaque  application.  Il  n'est  permis  d'être  nulle  part  le  défen- 
seur absolu  de  telle  ou  telle  matière  à  l'exclusion  des  autres. 
Toutes  se  présentent  également  à  nos  besoins  :  le  constructeur 
doit  savoir  choisir  désormais,  uniquement  au  point  de  vue  du 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  (503 

but  qu'il  veut  atteindre.  C'est  la  meilleure  condition  de  l'art  ; 
c'est  celle  qui  ouvre  la  porte  aux  conceptions  vraiment 
grandes  et  élevées  ;  c'est  celle  que  nous  conquerrons  de  plus 
en  plus  chaque  jour.  Tout  nous  le  dit  au  Palais  de  l'Indus- 
trie, où  la  France  s'est  particulièrement  inscrite  par  quelques 
résultats  qui  lui  appartiennent  à  elle  seule.  Chez  nous  seule- 
ment le  fer  à  T  est  devenu  élément  de  construction  courante. 
Chez  nous  seulement  des  procédés  industriels  certains  permet- 
tent de  conserver  les  bois  et  de  garantir  la  pierre.  Les  Anglais 
nous  ont  apporté  des  moyens  de  fondation  nouveaux,  qui  ont  la 
plus  grande  influence  sur  leurs  travaux,  qui  en  auront  une 
très-notai3le  sur  les  nôtres.  Ils  ont  entrepris,  sur  l'échelle  la 
plus  large,  des  conquêtes  immenses  qu'ils  exécutent  avec  une 
rapidité  sans  pareille.  Sans  abandonner  cette  voie  où  nous 
sommes  précédés,  nous  inscrivons,  sur  tous  nos  édifices,  le 
cachet  du  monument,  restant  ainsi  fidèles  à  l'art  qui  naquit 
chez  nous  au  milieu  des  conquêtes  morales  des  cinq  derniers 
siècles.  Enfin  pour  clore  ce  résumé,  pensons  en  sortant  à  tout 
ce  que  tentent  ces  jeunes  et  lointaines  nations  à  la  tête  des- 
quelles nous  avons  dû  plusieurs  fois  placer,  à  plus  d'un  titre, 
le  Canada. 


CLASSE  XV. 

Industrie  des  aciers  bruts  et  ouvrés. 

L'acier  est  une  combinaison  du  fer  avec  1  à  3  pour  4  00  de 
charbon;  il  contient,  en  outre,  quelques  traces  d'autres  mé- 
taux, tels  que  le  manganèse,  l'aluminium,  etc.  Il  est  impos- 
sible d'assigner  une  époque  à  sa  découverte ,  mais  on  sait  que 
son  usage  remonte  aux  temps  les  plus  reculés. 

La  propriété  caractéristique  de  l'acier  est  de  pouvoir  être 
trempé,  c'est-à-dire  d'acquérir  une  grande  dureté  si,  après 
l'avoir  chauffé  au  rouge,  on  le  refroidit  brusquement. 

Cette  dureté ,  produite  par  la  trempe ,  est  d'autant  plus 


G04  VISITE 

grande  que  l'acier  contient  plus  de  cliarbon  ,  qu'il  est  plus 
homogène  et  qu'il  est  refroidi  plus  rapidement. 

Si  on  porte  au  rouge  l'acier  trempé  et  qu'on  le  laisse  re- 
froidir lentement ,  il  perd  sa  dureté  et  revient  à  son  premier 
état. 

La  dureté  n'est  pas  le  seul  résultat  que  l'on  obtienne  par  la 
trempe;  lorsqu'elle  n'est  pas  trop  forte,  elle  augmente  aussi 
considérablement  l'élasticité  de  l'acier  :  on  tire  un  grand  parti 
de  celte  propriété  dans  la  fabrication  des  ressorts,  qui  doivent 
être  éminemment  élastiques. 

L'acier  a  une  densité  un  peu  supérieure  à  celle  du  fer;  il 
est  plus  dur  que  lui;  sa  ténacité  est  supérieure  d'un  tiers  en- 
viron. 

On  comprend  aisément  qu'un  métal  qui  a  ces  avantages  sur 
le  fer,  dont  l'emploi  est  si  répandu  ,  doit  avoir  lui-même  des 
applications  nombreuses. 

On  classe,  dans  l'industrie,  l'acier  en  trois  groupes  dis- 
tincts ; 

Les  aciers  naturels  ,  les  aciers  de  cémentation ,  les  aciers 
fondus. 

Nous  allons  passer  rapidement  en  revue  les  procédés  de 
fabrication  employés  pour  chacune  de  ces  espèces  d'acier. 

Les  aciers  naturels  s'obtiennent  soit  directement  au  moyen 
de  certains  minerais  ,  soit  en  faisant  subir  à  la  fonte  une  dé- 
carburation partielle. 

On  l'obtient  directement  dans  les  foyers  catalans  en  laissant 
en  contact  le  minerai  réduit  avec  le  charbon  incandescent;  il 
se  fait  alors  une  combinaison  du  charbon  avec  le  fer.  L'acier 
que  l'on  produit  ainsi  manque  d'homogénéité;  on  ne  le  pro- 
duit qu'en  très-petite  quantité  a  la  fois  et  presque  acciden- 
tellement; il  jouit  de  la  propriété  de  se  souder  facilement  au 
fer  sans  perdre  de  ses  qualités,  aussi  est-il  généralement  em- 
ployé de  cette  manière.  On  le  soude  au  fer  peur  fabriquer  des 
instruments  d'agriculture  très-grossiers  ,  pour  faire  des  tran- 
chants, des  pointes,  etc.  Du  reste,  on  proiiuit  fort  peu  de  cette 
espèce  d'acier. 

On  emploie  plusieurs  procédés  pour  décarburer  la  fonte  et 
l'amener  à  l'état  d'acier;  mais  le  principe  consiste  toujours  à 
la  mettre  en  fusion  et  à  la  laisser  en  contact  avec  des  scories 
qui  ont  une  action  oxydante  et  lui  enlèvent  une  partie  de  son 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  605 

charbon.  Quand  la  fonte  est  passée  à  l'état  d'acier,  de  liquide 
qu'elle  était  elle  se  transforn:ie  en  une  masse  spongieuse  as- 
sez consistante  pour  être  martelée  et  amenée  à  une  fornne  de 
prisme;  ce  prisme  est  divisé  ensuite  et  les  morceaux  sont 
étirés  en  barres  par  l'action  du  marteau. 

La  fabrication  de  l'acier  par  la  décarburation  de  la  fonte 
est  très-répandue  en  France,  dans  les  Vosges  et  le  Dauphiné. 
En  Allemagne,  en  Styrie,  en  Carinihie  et  à  Sigen,  la  décar- 
buration se  fait  dans  de  petits  foyers  à  parois  en  fonte;  on 
emploie  des  fontes  blanches  très-pures  ,  provenant  de  mine- 
rais spaihiqups,  traités  au  charbon  de  bois;  on  opère  sur 
120  à  130  kilogrammes  à  la  fois. 

Dans  le  Tyrol  et  dans  les  Vosges  on  fait  subir  à  la  fonte , 
3vant  de  la  décarburer,  une  fusion  appelée  mazéage  ;  elle  est 
ensuite  soumise  au  traitement  que  nous  venons  d'indiquer; 
on  opère  encore  sur  120  à  130  kilogrammes  de  fonte  à  la 
fois. 

La  méthode  suivie  dans  le  Dauphiné  diffère  de  celles  que 
nous  venons  de  citer,  en  ce  que  l'on  traite  une  plus  grande 
quantité  de  fonte  à  la  fois  (1200  kilogrammes),  et  que  la  décar- 
buration s'opère  dans  un  foyer  brasqué,  c'est-à-dire  que  les 
parois  sont  recouvertes  de  poussier  de  charbon  de  bois  for- 
tement tassé.  Cette  méthode  porte  le  nom  de  méthode  de 
Rive;  à  l'usine  d'Allevard,  qui  produit  beaucoup  d'acier  na- 
turel par  ce  procédé,  on  emploie  des  fontes  grises  ou  truitées, 
fabriquées  à  l'air  froid  avec  des  minerais  spathiques  et  du 
charbon  de  bois. 

Le  caractère  de  cet  acier  est  encore  de  manquer  d'homo- 
généité et  de  se  souder  sans  trop  se  décarburer ,  aussi  est-il 
soumis  à  un  raffinage  qui  consiste  à  casser  les  barres  après 
qu'on  les  a  préalablement  trempées,  à  en  faire  des  paquets 
que  l'on  chauffe  au  blanc  soudant ,  et  qu'on  étire  ensuite  au 
marteau  pour  les  amener  à  l'état  de  barres;  cette  opération 
est  répétée  deux  ou  trois  fois,  selon  le  degré  de  carburation 
de  l'acier  et  l'homogénéité  que  l'on  veut  obtenir.  Le  combus- 
tible employé  pour  la  décarburation  de  la  fonte  est  toujours 
du  charbon  de  bois;  pour  le  raffinage,  on  emploie  ordinaire- 
ment la  houille. 

La  fabrication  de  l'acier  puddlé  est  le  fait  capital  de  l'expo- 
sition métallurgique  :  elle  est  assez  peu  connue  encore  pour 


606  VISITE 

qu'on  nous  sache  gré  d'entrer  dans  quelques  détails  histo- 
riques. 

Les  premières  tentatives  pour  le  puddlage  de  l'acier  ont  été 
faites  en  Prusie,  par  M.  Stengel,  directeur  des  forges  royales  de 
Lohe,  près  Siegen,  en  1838.  Ces  premiers  essais,  continués 
par  M.  Stengel  jusqu'à  sa  mort,  n'ont  pas  eu  de  succès  immé- 
diat, mais  ils  ont  ouvert  la  voie  à  ceux  qui  sont  venus  après 
lui. 

Les  grandes  difficultés  éprouvées  par  M.  Stengel  avaient 
différentes  causes  :  la  forme  du  four  à  puddler,  l'emploi  du 
ventilateur,  et  la  nature  même  des  fontes  aciéreuses  ou  lamel- 
leuses  qu'il  employait.  La  qualité  des  produits  manquait  tout 
à  fait  de  régularité.  Quelques  charges  donnaient  de  l'acier  de 
très-bonne  qualité;  dans  d'autres  on  n'obtenait  que  du  fer  de 
qualité  supérieure. 

MM.  Boing,  Rohr  et  Cie,  à  Limbourg-sur-Lenne,  réussirent 
dès  1847  à  puddler  de  l'acier  en  grand,  et  de  qualité  assez 
bonne  pour  être  employée  par  les  fabricants  d'outils  de  Rem- 
scheid  et  de  Solingen ,  et  à  un  prix  tellement  bas  que  les 
aciers  bruts  fabriqués  au  charbon  de  bois  ne  pouvaient  plus 
soutenir  la  concurrence,  et  se  voyaient  dans  la  nécessité  d'a- 
bandonner leur  procédé  pour  suivre  l'exemple  de  cette  maison. 

C'est  de  cette  époque  que  date  le  puddlage  de  l'acier  qui  est. 
répandu  dans  un  certain  nombre  d'établis^ements  du  pays  de 
Siegen  et  des  contrées  environnantes. 

Pour  parvenir  à  ce  puddlage,  quelques  établissements  em- 
ploient les  fontes  aciéreuses  proprement  dites,  auxquelles  on 
mélange  des  fontes  fruitées  provenant  des  mêmes  minerais. 
On  obtient  alors  des  aciers  de  qualité  supérieure,  qui ,  étani 
corroyés,  se  vendent  aux  fabriques  de  Remscheid  ou  bien  aux 
fabricants  d'acier  fondu,  tels  que  M.  Krupp,  dont  l'exposition 
est  si  remarquable,  M.  Lohmann  et  autres. 

Dans  d'autres  établissements  on  emploie,  en  majeure  par- 
tie, des  fontes  à  meilleur  marché,  mais  toujours  mélangées  aux 
fontes  aciéreuses.  On  obtient,  suivant  les  proportions  de  ces 
mélanges,  des  aciers  appropriés  aux  usages  auxquels  on  les 
destine,  tels  que  bandages  de  roues  pour  les  locomotives  et 
les  wagons.  Ces  aciers,  il  faut  bien  en  convenir,  sont  de  qua- 
lité inférieure,  mais  leurs  prix  dépassent  peu  ou  pas  celui 
du  fer. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  607 

La  principale  différence  entre  les  fours  à  puddler  l'acier  et 
ceux  à  puddler  le  fer  consiste  dans  un  abaissement  de  la 
voûte  qui  produit  une  chaleur  plus  forte  et  plus  régulière. 
Le  travail  de  ce  puddlage  est  pénible.  11  faut  remuer  sans 
cesse,  surtout  quand  il  y  a  un  commencement  de  bouillonne- 
ment qui  indique  que  le  carbone  commence  à  s'oxyder,  car 
la  grande  difficulté  de  l'opération  est  de  ne  pas  enlever  à  la 
matière  tout  le  carbone  qui  lui  est  combiné.  On  tient  le  métal 
soigneusement  recouvert  de  scories  des  anciennes  forges  d'a- 
cier; on  y  ajoute,  vers  la  fin,  des  scories  très-fusibles,  mélange 
d'argile,  de  manganèse  et  de  sel.  On  obtient  ainsi  avec  des 
fontes  de  qualités  régulières,  des  qualités  d'acier  bien  égales. 
Lors  de  l'allumage  du  feu  et  tant  que  la  température  n'en  a 
pas  atteint  le  degré  convenable ,  on  fait  quelquescharges  en  fer. 

Vers  '1 844 ,  on  commença  à  Seraing  (Belgique) ,  dans  l'éta- 
blissement John  Cockerill  et  Cie,  des  essais  dans  le  même  but. 
Mais  là  se  trouvait  une  difficulté  réputée  insurmontable.  Outre 
qu'il  fallait,  comme  en  Prusse,  arriver  aux  procédés,  au  tour 
de  main  du  puddlage,  on  n'avait  pas  à  sa  disposition  les  mine- 
rais aciéreux  pour  les  employer,  sinon  en  totalité,  du  moins 
en  mélange.  Il  fallait  y  parvenir  avecdes  minerais  quelconques, 
et  c'est  ce  grand  problème  qui  paraît  résolu  dans  l'établisse- 
ment de  Seraing,  par  MM.  Pastor  et  Coste,  depuis  quatre  à 
cinq  ans. 

Les  minerais  argileux  exposés  comme  types  sont  ceux  que 
l'on  emploie.  L'exposition  de  Seraing  n'a  point  de  luxe;  elle 
offre  simplement  les  matières  premières  employées  dans  la 
fabrication,  et  la  série  des  divers  états  par  lesquels  a  passé  la 
matière  jusqu'à  sa  transformation  en  acier  fondu.  Quelques 
limes,  placées  là  simplement  comme  types  de  qualité,  com- 
plètent cet  envoi. 

Seraing  vient  de  doubler  ses  moyens  de  fabrication  afin  de 
pouvoir  vendre  ses  produits  à  l'état  d'acier.  Jusqu'alors  tout 
était  employé  dans  l'usine,  même  pour  les  innombrables  outils 
et  pour  les  machines  qu'elle  produit  journellement.  L'acier 
puddlé  y  vaut  35  centimes  le  kilogramme  et  l'acier  fondu 
de  60  à  70  centimes. 

Une  locomotive  construite  pour  le  chemin  de  fer  du  Nord 
et  qui  figure  à  l'Exposition,  construite  à  Seraing,  est  en  grande 
partie  en  acier  de  Seraing  seulement. 


COa  VISITE 

L'établissement  de  MM.  Schneider  et  Cie,  au  Creuzot,  pa- 
raît entrer  dans  la  même  voie  que  Seraing.  Mais  nous  man- 
quons de  renseignements  et  sur  l'importance  de  leur  fabrica- 
tion actuelle  et  sur  la  nature  des  minerais  qui  y  sont  employés. 

Que  l'invention  parte  de  Prusse,  de  Belgique  et  de  France, 
et  l'on  peut  très-bien  admettre  qu'elle  appartienne  à  chacun  en 
particulier,  vu  le  mystère  dont  on  avait  enveloppé  les  moyens 
de  fabrication  jusqu'à  ce  jour,  il  nVn  est  pas  moins  positif 
que  l'acier  produit  avec  un  minerai  quelconque  semble  devoir 
annoncer  une  révolution  complète  dans  cette  industrie,  et  faire 
substituer  l'acier  aux  fers  dans  ungrand  nombre  d'applications. 

Les  aciers  de  cémentation  s'obtiennent  en  carburant  le  fer  ; 
l'opération  se  fait  de  la  manière  suivante  :  on  place  des  barres 
de  fer  plat  dans  des  caisses  en  briques  réfraclaires  avec  un 
dixième  en  volume  de  poussier  de  charbon  de  bois;  on  ferme 
cette  caisse  hermétiquement;  on  la  chauffe  ensuite  au  rouge, 
et  l'on  maintient  cette  température  pendant  huit  jours.  Le  fer, 
au  bout  de  ce  temps,  s'est  combiné  avec  le  charbon,  dans 
toute  son  épaisseur. 

L'acier  ainsi  obtenu  ne  peut  être  employé  au  sortir  de  cette 
caisse;  il  n'est  pas  homogène;  il  présente  une  surface  couverte 
d'ampoules  qui  lui  ont  fait  donner  le  nom  d'acier  poule,  il 
doit  être  soumis  au  moins  à  un  martelage.  Ordinairement,  on 
lui  fait  subir  un  ou  deux  raffinages  ;  il  porte  alors  le  nom  d'a- 
cier à  un  ou  deux  éperons. 

Le  fer  employé  en  Angleterre  pour  la  cémentation  est  pres- 
que exclusivement  du  fer  de  Suède.  En  Allemagne,  on  cé- 
mente les  fers  de  Slyrie,  de  Carinthie  et  des  bords  du  Rhin. 
En  France,  on  emploie  des  fers  de  Suède,  et,  le  plus  souvent, 
des  fers  de  l'Ariéi^e. 

L'acier  fondu  s'obtient  en  fondant  les  aciers  naturels  ou  de 
cémentation,  ou  un  mélange  des  deux.  Cette  opération,  en 
rendant  l'acier  plus  homogène,  lui  donne  des  qualités  de 
beaucoup  supérieures. 

Pour  fondre  l'acier,  on  casse,  en  morceaux,  les'barres  d'acier 
cémenté;  on  les  met  ensuite  dans  un  creuset  en  terre  réfrac- 
taire  qui  peut  en  contenir  de  15  à  ^20  kilogrammes.  On  place 
ensuite  ce  creuset  dans  un  four  que  l'on  remplit  de  coke;  le 
tirage  se  fait  au  moyen  d'une  cheminée;  au  bout  de  trois  à 
quatre  heures  l'acier  est  en  fusion.  On  enlève  alors  le  creuset 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  609 

du  four,  et  on  coule  l'acier  dans  un  moule  en  fonte  appelé  lin- 
gotine,  dont  la  section  tranversale  est  octogonale. 

Dans  ces  derniers  temps,  on  a  substitué,  à  Saint-Étienne, 
l'emploi  de  la  houille  à  celui  du  coke  pour  fondre  l'acier;  on 
est  parvenu  à  réduire  ainsi  le  temps  de  la  fusion  de  près  de 
moitié,  en  réalisant  une  grande  économie  sur  le  combustible. 

L'acier  fondu  n'acquiert  ses  qualités  qu'après  avoir  été 
soumis  à  un  martelage  très-énergique  ;  pour  cela,  les  lingots 
sont  portés  à  la  température  rouge  et  soumis  à  l'action  du 
marteau,  puis  réchauffés  et  étirés  en  barres.  Cette  dernière 
opération  se  fait  aussi  au  laminoir. 

Nous  allons  maintenant  passer  en  revue  les  applications 
principales  de  l'acier;  l'Exposition  nous  en  présente  de  très- 
intéressantes  et  que  l'industrie  réclame  impérieusement  depuis 
quelques  temps. 

Nous  parlerons  d'abord  des  bandages  pour  machines,  loco- 
motives et  wagons.  Plus'eurs  spécimens  sont  exposés  par 
MM.  Frédéric  Krupp,  Jackson  et  l'usine  d'Ailevard;  ceux  de 
MM.  Knipp  et  Jack-on  sont  en  acier  fondu,  ceux  de  l'usine 
d'Ailevard  en  acier  naturel. 

Le  procédé  de  fabrication  de  M.  Krupp  nous  paraît  extrê- 
mement rationnel  et  du  plus  haut  intérêt,  car  il  donne  de  ma- 
gnifiques pnjduits;  nous  en  dirons  quelques  mo  s  : 

On  commence  par  fondre  un  lingot  d'un  poids  suffisant 
pour  en  tii  er  le  bandage  ;  pour  cela  on  verse  dans  un  moule, 
sans  interruption,  le  contenu  d  un  certain  nombre  de  creusets 
(et  la  fabiication  de  M.  Krupp  est  assez  considérable  pour 
produire  ainsi,  lorsqu'il  e.^t  nécessaire,  un  lingot  du  poids  de 
12000  kilo.^rammesj.  Le  lingot  a  environ  un  tiers  de  la  lon- 
gueur du  bandage  ;  on  perce  près  des  extrémités  du  lingot  deux 
trous  à  froid  que  l'on  réunit  par  une  fente  dans  toute  la  lon- 
gueur du  lingot;  on  le  porte  ensuite  au  rouge;  on  ouvre  la 
fente,  et  quand  la  pièce  a  une  forme  à  peu  près  circulaire,  on 
la  réchauffe  et  on  la  soumet  à  l'action  du  laminoir,  qui  lui 
donne  le  profil  et  qui  l'amène  exactement  au  diamètre  que  le 
bandage  doit  avoir  définitivement,  de  telle  sorte  qu'il  pourrait 
être  immédiatement  placé  sur  la  roue. 

Ces  bandages  subissent  donc,  dans  leur  fabrication,  un  éti- 
rage très-énergique  qui  leur  donne  une  grande  ténacité. 

Les  arbres,  les  essieux,  les  laminoirs  s'obtiennent  en  fon- 
206  rtn 


(310  VISITE 

dant  d"abord  un  lingot  d'un  poids  supérieur  à  celui  de  la 
pièce  que  l'on  veut  fabriquer,  en  le  martelant  énergiquement, 
carré  d'abord,  puis  rond,  de  manière  à  le  rendre  très-homo- 
gène. Des  spécimens  exposés  par  M.  Krupp  prouvent  que 
l'acier  qu'il  emploie  pour  cette  dernière  application  est  très- 
doux  et  prend  àla  trempe  une  très-grande  dureté.  Les  tables 
de  ses  cylindres  qui  sont  trempées  ne  peuvent  être  entamées 
par  la  lime,  tandis  que  les  tourillons  qui  ne  le  sont  pas  se 
liment  très-facilement. 

Une  application  des  plus  remarquables  de  l'acier  fondu  est 
celle  qui  a  été  faite  aux  canons  et  aux  mortiers;  on  com- 
prend, en  effet,  ce  qu'il  y  aurait  d'intéressant  à  substituer 
aux  canons  actuels  des  canons  plus  résistants,  moins  lourds 
de  moitié  et  d'un  prix  moins  élevé.  MM.  Krupp,  ont  exposé 
un  spécimen  de  ces  canons. 

Le  procédé  de  fabrication  employé  par  M.  Krupp  consiste 
toujours  à  couler  un  lingot  que  l'on  martèle  pour  donner  de 
l'homogénéité  et  de  la  ténacité  à  la  matière  ;  puis,  quand  il  a 
à  peu  près  la  forme  extérieure  du  canon,  on  le  fore  à  froid  et 
on  le  tourne  comme  on  le  fait  ordinairement  pour  les  canons 
en  bronze.  Pour  que  l'acier  soit  suffisamment  martelé,  il  faut 
dans  cette  fabrication  se  servir  de  marteaux  extrêmement 
lourds. 

Les  aciers  de  M.  Krupp  présentent  un  grain  très-fin  et 
très-blanc;  ils  sont  d'une  grande  malléabilité  et  très-tenaces; 
nous  citerons  comme  exemple  un  copeau  de  60  mètres  de 
longueur  enlevé  au  tour  sur  un  cylindre;  une  cuirasse  com- 
plètement aplatie  sans  qu'une  gerce  se  soit  produite,  et  qui 
a  résisté,  malgré  sa  légèreté ,  à  trois  balles  qui  l'ont  frappée 
au  même  endroit. 

M.  Jacob  Holtzer,  de  Firmini  (Loire),  a  aussi  exposé  des 
aciers  très-malléables  et  se  travaillant  facilement  à  la  lime  ; 
il  les  obtient  en  fondant  ensemble  de  l'acier  de  cémentation, 
fabriqué  avec  des  fers  de  Suède  et  de  l'Ariége  par  la  méthode 
ordinaire,  et  des  aciers  naturels;  la  proportion  des  deux 
espèces  d'acier  donne  un  acier  fondu  plus  ou  moins  doux, 
et  qui  jouit  de  la  propriété  de  se  souder  facilement. 

L'une  des  industries  qui  emploie  le  plus  d'acier  fondu, 
depuis  le  développement  considérable  qu'ont  pris  les  chemins 
de  fer,  est  celle  des  ressorts.  Nous  en  dirons  quelques  mots. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  OH 

Le  but  d'un  ressort  est  d'empêcher,  par  son  élasticité,  qu'un 
choc  produit  sur  une  partie  d'un  véhicule  ou  d'un  appareil 
quelconque,  soit  transmis  brusquement  à  l'ensemble.  L'élasti- 
cité des  ressorts  s'obtient  par  des  formes  spéciales  et  surtout 
par  la  trempe  des  lames  dont  ils  se  composent;  leur  fabrica- 
tion comporte  toujours  à  peu  près  la  série  d'opérations  sui- 
vante ; 

Les  feuilles  d'acier  que  l'on  emploie  sont  d'ordinaire  en 
acier  laminé  ;  on  commence  par  les  débiter  à  la  longueur  des 
lames  composant  le  ressort,  puis  on  perce  un  trou  au  milieu 
de  la  barre,  dans  lequel  doit  passer  un  boulon  qui  relie  toutes 
les  feuilles.  Pour  amincir  l'extrémité  des  feuilles,  on  les 
chautîe  dans  un  four  spécial,  et  quand  elles  sont  portées  au 
rouge,  on  les  engage  dans  deux  cylindres  de  laminoirdontl'un 
est  excentré,  de  manière  que  la  distance  entre  les  deux  cylin- 
dres varie  dans  une  révolution,  de  sorte  que  les  feuilles  intro- 
duites avec  facilité  d'abord  se  trouvent  comprimées;  une  frac- 
tion de  tour  suffit  à  terminer  cette  opération.  Les  feuilles 
amincies  sont  ensuite  coupées  rigoureusement  à  la  longueur 
qu'elles  doivent  conserver. 

Quelquefois  l'amincissement  des  feuilles  se  fait  en  usant 
la  lame  sur  une  meule,  mais  alors  on  reporte  cette  opération 
plus  tard  quand  les  feuilles  sont  cintrées  et  trempées. 

On  fait  ensuite,  avec  une  machine  spéciale,  une  saillie  et 
une  fente  à  l'extrémité  de  chaque  feuille  ;  elles  sont  disposées 
de  telle  sorte  que  les  saillies  d'une  feuille  entrent  dans  les 
fentes  pratiquées  aux  extrémités  de  la  feuille  inférieure. 

Les  feuilles  sont  ensuite  chauffées  dans  un  four  à  réverbère; 
quand  elles  sont  rouges,  on  les  passe  dans  un  appareil  qui 
leur  donne  la  courbure  qu'elles  doivent  avoir ,  puis  on  les 
plonge,  encore  rouges,  dans  l'eau.  Elles  sont  alors  trempées; 
leur  surface  présente  un  aspect  gris.  Dans  cet  état  la  trempe 
est  trop  forte,  l'acier  est  cassant.  Pour  lui  rendre  sa  malléa- 
bilité, on  lui  fait  subir  une  opération  appelée  recuit:  elle  con- 
siste à  exposer  chaque  lame  dans  un  four  particulier,  jusqu'à 
ce  que  la  température  s'élève,  au  point  cle  changer  sa  cou- 
leur, qui  d'abord  était  blanchâtre,  en  une  couleur  comprise 
entre  le  blanc  et  le  violet.  Lorsque  l'on  a  atteint  cette  cou- 
leur, on  plonge  la  lame  dans  l'eau  froide,  et  elle  se  trouve 
convenablement  trempée.  Les  couleurs  que  l'on  obtient  par  le 


612  VISITE 

recuit  se  succèdent  dans  l'ordre  suivant  :  le  fauve,  le  pour- 
pre, le  violet  et  le  bleu  ;  chaque  couleur  pour  une  même  qua- 
lité d'acier  correspond  à  un  degré  de  dureté  déterminée. 

Les  lames  ainsi  trempées  sont  blanchies  sur  de  grandes 
meules  à  aiguiser,  marchant  à  une  très-grande  vitesse;  toutes 
celles  entrant  dans  la  composition  du  ressort  sont  réunies,  et 
le  ressort  est  essayé  ;  quand  sa  flexibilité  est  reconnue  satis- 
faisante, il  est  livré  au  commerce. 

L'industrie  des  ressorts  est  représentée  à  l'Exposition  par 
les  produits  de  M.  Jackson,  Krupp,  l'usine  d'AUevard  et  quel- 
ques usines  d'Allemagne.  Les  aciers  employés  pour  les  res- 
sorts de  carosserie  sont  des  aciers  naturels  ou  de  cémenta- 
tion ;  l'acier  fondu  n'est  employé  que  pour  les  ressorts  des 
véhicules  de  chemins  de  fer. 

Tôles  en  acier  fondu. 

Les  principales  applications  de  ces  tôles  que  nous  voyons 
à  l'Exposition,  consistent  en  une  chaudière  à  vapeur  ordinaire 
exposée  par  MM.  Petin  et  Gaudet,  et  diverses  pièces  de  chau- 
dronnerie d'un  travail  remarquable. 

La  fabrication  des  tôles  d'acier  fondu  est  très-simple;  on 
commence  par  couler  dans  une  lingotière  une  plaque  de  4  à 
5  centimètres  d'épaisseur.  Elle  est  ensuite  laminée  à  l'épais- 
seur voulue,  en  la  réchauffant  quand  elle  présente  une  trop 
grande  résistance  au  laminage.  Le  laminage  se  fait  du  reste 
très-facilement,  l'acier  fondu  étant  très-maUéable. 

Les  avantages  que  présente  l'emploi  de  la  tôle  en  acier 
fondu  sur  la  tôle  ordinaire  ne  sont  pas  encore  établis  par 
l'expérience  ;  mais  on  ne  peut  douter  que  la  réduction  de 
poids  considérable  qu'elle  permet  à  sécurité  égale,  ne  tende 
à  généraliser  son  usage,  pour  les  chaudières  de  bateaux, 
locomotives,  etc.  En  la  soumettant  à  des  recuits  assez  fré- 
quents, elle  peut  d'ailleurs  être  emboutie  avec  la  plus  grande 
facilité. 

La  fabrication  des  faux  est  extrêmement  répandue  en  Eu- 
rope; elle  comprend  un  très-grand  nombre  d'opérations  de 
forge  qui  se  font  presque  toutes  avec  de  petits  martinets 
battant  un  très- grand  nombre  de  coups,  sauf  le  dressage  pour 
lequel  on  fait  usage  de  marteaux  à  main. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  (513 

Pour  tremper  les  faux,  on  les  plonge  dans  un  bain  de  corps 
gras,  composé  d'huile,  de  suif,  etc.  Cette  trempe,  quoique 
douce,  est  cependant  trop  forte  ;  pour  l'amener  à  un  état  con- 
venable, on  soumet  la  faux  à  un  recuit  dans  un  bain  de  sable 
chauffé.  On  juge  à  la  couleur  que  prend  la  faux  qunnd  il  est 
suffisant.  Elle  est  alors  dressée  délinitivement  et  recouverte 
quelquefois  d'un  enduit  composé  de  caoutchouc  dissous  dans 
l'alcool,  qui  la  préserve  de  l'oxydation. 

On  distin2;ue  les  faux  en  deux  groupes  principaux  :  celles 
qui  sont  entièrement  en  acier  d'une  seule  pièce,  et  qui  com- 
prennent les  faux  allemandes  et  françaises,  et  les  faux  com- 
posées d'une  lame  d'acier  attachée  sur  une  monture  en  fer. 

Les  faux  allemandes  sont  généralement  en  acier  naturel; 
elles  sont  malléables,  et  les  agriculteurs  se  servent  de  celle 
propriété  pour  en  refaire  le  taillant  à  froid  par  un  martelage, 
quand  il  est  trop  émoussé  pour  que  l'action  d'une  pierre  à 
aiguiser  soit  suffisante.  Elles  sont  fabriquées  en  Styrie,  Garin- 
thie,  dans  le  duché  de  Berg,  etc. 

Les  faux  française-^  représentées  à  l'Exposition  par  celles 
de  MM.  Jackson  et  Talabot,  Abatte,  Dorian  Holtzer  sont  en 
acier  fondu  très-doux  ;  le  tranchant  peut  se  faire  par  un  mar- 
telage. 

Les  faux  composées  d'une  lame  d'acier  avec  monture  en  fer 
sont  de  provenance  anglaise;  l'acier  des  lames  est  peu  mal- 
léable ;  le  tranchant  se  fait  exclusivement  par  l'aiguisage. 
Nous  signalons  celles  de  MM.  Sorby,  Butterly,  Hobson  et  Cie 
comme  les  plus  remarquables  en  ce  genre. 

L'application  la  plus  ancienne  de  l'acier  est  certainement 
celle  qui  a  été  faite  aux  objets  tranchants  pour  l'usage  domes- 
tique et  pour  les  outils  destinés  à  l'agriculture,  au  travail  du 
bois,  des  métaux,  etc.,  etc. 

Ces  objets  comprennent  la  coutellerie  et  la  taillanderie; 
parmi  les  outils  propres  au  travail  des  métaux  ,  nous  distin- 
guons plus  particulièrement  les  limes. 

La  coutellerie,  les  scies,  les  faux,  etc.,  etc.,  dans  lesquelles 
la  légèreté  est  une  qualité  essentielle,  sont  entièrement  en 
acier;  l'augmentation  de  main-d'œuvre,  qui  résulterait  de 
l'emploi  combiné  du  fer  et  de  l'acier  ,  serait ,  dans  presque 
tous  les  cas  ,  supérieure  à  l'économie  que  l'on  pourrait  réali- 
ser sur  le  pri.x  du  métal.  Ce  système  donnerait ,  d'ailleurs  ., 


614  VISITE 

pour  la  coutellerie  line  de  moins  beaux  poiis,  l'acier  poli  ayant 
beaucoup  plus  d'éclat  que  le  fer. 

Pour  les  objets  de  taillanderie,  au  contraire,  qui  doivent 
avoir  un  certain  poids  nécessaire  pour  utiliser  leur  qualilé 
tranchante  ,  et  qui  doivent  pouvoir  être  fabriqués  à  bas  prix , 
on  emploie  l'acier  exclusivement  pour  les  tranchants,  etc.  ;  le 
reste  de  l'outil  est  en  fer. 

Les  limes  sont  toujours  entièrement  en  acier ,  qu'on  utilise 
comme  acier  brut  quand  les  limes  sont  hors  de  service. 

La  coutellerie  et  les  objets  d'acier  en  général  présentent 
dans  leur  fabrication  la  même  série  d'opérations  qui  sont  tou- 
jours : 

Un  forgeage  suivi  d'un  travail  à  la  lime  ;  la  trempe  presque 
toujours  suivie  d'un  recuit  et  d'un  redressage  ;  puis,  pour  les 
objets  tranchants,  l'émoulage  et  l'aiguisage  ,  et  enfin  le  polis- 
sage quand  les  pièces  doivent  avoir  de  l'éclat. 

Nous  dirons  quelques  mots  de  ces  diverses  industries,  et 
nous  signalerons  en  passant  les  produits  exposés  qui  ont  le 
plus  frappé  notre  attention. 

Les  scies  se  fabriquent  généralement  avec  de  l'acier  fondu, 
laminé  d'abord  à  chaud,  puis  à  froid  quand  la  bande  d'acier 
est  arrivée  à  la  largeur  voulue. 

Elles  sont  trempées  de  la  même  manière  que  les  faux  ;  on 
leur  fait  ensuite  éprouver  un  recuit  et  un  dressage  entre  deux 
plaques  de  fonte  ou  de  fer  chauffées  jusqu'à  ce  que  leur  cou- 
leur arrive  au  jaune  ou  au  bleu,  suivant  la  qualité  de  l'acier 

Les  lames  passent  alors  au  polissage,  puis  on  enlève  les 
dents  à  l'emporte-pièce.  Pour  le  polissage  on  emploie  un  lapi- 
daire à  l'émeri.  Les  scies  les  plus  remarquables  sont  celles 
exposées  par  MM.  Spear  Jackson,  Goldenberg,  Couteaux,  etc. 

La  fabrication  des  outils  pour  le  travail  du  bois,  l'agricul-  j 
ture,  etc.,  etc.,  désignée  sous  le  nom  de  taillanderie,  con-  { 
somme  aussi  une  grande  quantité  d'acier.  L'acier,  dans  ces  i 
outils,  est  presque  toujours  allié  au  fer;  il  forme  exclusive- 
ment les  tranchants,  pointes,  etc.;  le  reste  de  l'outil  est  en  | 
fer.  Nous  donnerons  une  idée  générale  de  cette  fabrication.       j 

On  commence  par  ébaucher  la  pièce,  et  on  donne  la  forme  ■ 
définitive  aux  parties  qui  ne  doivent  pas  être  aciérées.  Ce  i 
forgeage  terminé,  on  procède  au  soudage  de  l'acier;  pour  cela  : 
on  applique  une  plaque  d'acier  sur  la  pièce  de  fer  ou  dans  ■ 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  615 

rintérieur,  après  l'avoir  ouverte,  selon  que  le  tranchant  doit 
être  sur  le  bord  ou  au  milieu  de  l'épaisseur  de  l'outil.  On 
chauffe  le  tout  au  blanc  soudant,  on  forge  et  on  étire  à  la 
forme  définitive.  Quand  on  emploie  l'acier  fondu,  on  chauffe  la 
pièce  de  fer  avant  que  d'appliquer  la  mise  d'acier,  et  on  inter- 
pose du  borax  entre  les  deux  pour  faciliter  la  soudure. 

La  pièce  étant  finie  de  forge  est  trempée  et  recuite. 

Le  recuit  s'opère  en  chauffant  la  pièce,  quand  elle  n'a  pu» 
de  grandes  dimensions,  sur  un  morceau  de  fer  rouge  ,  et  les 
pièces  de  grandes  dimensions,  dans  un  feu  spécial. 

Quelques  outils,  tels  que  les  mèches,  vrilles,  etc.,  sont 
composés  d'étoffes ,  c'est-à-dire  de  plusieurs  lames  de  fer  et 
d'acier  soudées  et  corroyées  avant  le  forgeage  de  l'outil. 

Après  la  trempe ,  les  pièces  sont  émoulues,  aiguisées  et 
polies. 

Quelques  outils  sont  exécutés  aujourd'hui  en  acier  fondu  ; 
ils  sont  principalement  employés  pour  la  sculpture,  l'ébénis- 
terie,  etc. 

Les  aciers  employés  pour  la  taillanderie  sont,  en  Angleterre, 
presque  exclusivement  des  aciers  de  cémentation  dits  aciers 
poules;  en  France,  des  aciers  naturels  del'Ariége,  obtenus 
par  la  méthode  de  Rive  ;  en  Allemagne  on  emploie,  en  grande 
partie,  les  aciers  naturels  de  la  Styrie  ,  de  la  Carinthie  et  du 
Tyrol 

Nous  citerons  comme  les  plus  remarquables  les  produits  de 
MM.  Sorby,  VV.  Jackson,  Taylor  frères,  Hotson,  pour  l'An- 
gleterre ;  pour  la  France,  MM.  Goldenberg,  Couleaux  et  Cie, 
Peugeot,  et  pour  l'Allemagne  MM.  Wertheim,  J.  D.  Post 
Lindruberg,  etc.,  etc. 

L'industrie  des  limes  est  représentée  par  les  productions 
les  plus  célèbres.  Nous  voyons,  en  effet,  dans  l'exposition  an- 
glaise, les  noms  de  MM.  Spencer,  Turton,  Spear  and  Jackson, 
Sorby;  dans  Texposition  allemande,  Mannesman.  Ilonsberg, 
Hansenclever.  En  France,  Goldenberg,  Goulot,  Bouvier  fils 
aîné,  Dumas,  Saint-Bris,  Monmouceau,  Bôranger,  Raoul,  etc. 

On  emploie  ,  en  Angleterre  ,  pour  la  fabrication  des  limes  , 
l'acier  cémenté,  et  plus  généralement  l'acier  fondu. 

Les  fameuses  limes  à  grosse  taille  de  N.  Spencer  sont  fabri- 
quées avec  de  l'acier  cémenté  provenant  du  fer  de  Suéde.  Gel 
acier  est  soumis  à  un  simple  étirage. 


61  (>  VISITE 

En  Allemagne,  on  se  sert  d'acier  naturel  pour  les  limes  à 
grosse  taille,  et  d'acier  fondu  pour  les  tailles  fines. 

En  France,  on  emploie,  en  général,  pour  les  grosses  limes, 
les  aciers  naturels  et  de  cémentation,  et  pour  les  limes  à 
tailles  fines,  l'acier  fondu, 

La  fabrication  des  limes  comprend  le  forgeage  ;  il  se  fait  à 
la  main.  Cependant,  quand  les  limes  sont  grosses,  elles  peu- 
vent être  ébauchées  au  martinet.  Après  le  forgeage ,  les  limes 
communes  sont  aiguisées  sur  la  meule;  les  limes  fines  sont 
blanchies  à  la  lime;  elles  sont  ensuite  soumises  à  un  recuit; 
pour  cela,  on  les  place  dans  une  caisse  en  tôle  fermée  hermé- 
tiquement dont  on  élève  la  température  au  rouge  blanc  ;  on 
laisse  ensuite  refroidir  lentement.  Au  sortir  de  la  caisse,  elles 
sont  limées  légèrement,  et  on  procède  à  la  taille  :  cette  opéra- 
tion se  fait  toujours  à  la  main.  Quand  la  lime  est  taillée,  elle 
est  portée  au  rouge,  puis  trempée  ;  pour  empêcher  la  décar- 
buration  de  la  lime  en  la  chauffant  quand  elle  est  taillée,  on 
la  recouvre  d'un  mastic  contenant  des  matières  carburées  e^ 
qui  la  préserve  du  contact  de  l'air.  La  trempe  s'opère  en  les 
plongeant  dans  un  baquet  d'eau  légèrement  acidulée,  et  conte- 
nant du  sel  ammoniac  et  du  sel  marin. 

Les  limes  se  voilent  ordinairement  à  la  trempe;  on  les  re- 
dresse en  les  plaçant  sur  deux  points  d'appui  et  en  les  sou- 
mettant à  l'effet  d'une  vis  de  pression.  On  les  chauffe  légère- 
ment pour  faciliter  le  redressage. 

Coutellerie. 

La  fabrication  des  lames  de  couteaux,  rasoirs,  canifs,  ci- 
seaux, etc.,  comprend:  le  forgeage,  le  limage,  la  trempe, 
l'aiguisage  et  le  polissage. 

Le  forgeage  se  fait  presque  toujours  à  la  main,  en  étirant  les 
barres  d'acier  sur  des  enclumes  spéciales.  Cependant,  aujour- 
d'Iiui,  M.Vî.  Sommerlet,  Dantan  et  Cie,  de  Nogent,  enlèvent 
les  lames  de  couteaux,  ciseaux,  etc.  à  l'emporte-pière  dans 
des  tôles  d'acier  fondu,  et  achèvent  de  leur  donner  la  forme 
par  un  estampage.  Ces  deux  opérations  remplacent  très-avan- 
tageusement le  forgeage  à  la  main  et  le  limage. 

Quand  les  pièces  sont  forgées,  elles  sont  soumises  à  un  re- 
cuit qui  doit  être  fait  en  vase  clos  pour  être  régulier,  (juand 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  Cl  7 

on  opère  sur  un  grand  nombre  de  pièces  à  la  fois.  Ce  recuit  a 
pour  objet  d'adoucir  l'acier  et  de  rendre  ainsi  le  travail  de 
la  lime  facile.  Quand  on  a  dégrossi  les  pièces  à  la  lime,  on 
les  trempe,  après  avoir  élevé  leur  température  au  rouge, 
soit  en  les  plongeant  dans  l'eau  pure  ou  dans  un  bain  com- 
posé d'huile  et  de  fuif ;  la  pièce  subit  ensuite  un  recuit  qui 
l'amène  au  degré  de  dureté  que  l'on  veut  obtenir.  Pour  les 
rasoirs,  on  s'arrête  généralement  à  la  couleur  jaune;  pour  les 
couteaux  et  les  ciseaux,  à  la  couleur  violette,  etc. 

Après  la  trempe,  les  lames  sont  amenées  à  leur  forme  défi- 
nitive par  l'émoulage  ;  elles  sont  ensuite  aiguisées  et  polies. 

On  se  sert,  pour  l'émoulage  et  l'aiguisage,  de  meules  en  grès 
(juartzeux  ,  tournant  avec  une  grande  vitesse;  pour  le  polis- 
sage on  emploie  des  lapidaires  de  bois  ou  couverts  d'une  peau, 
sur  lesquels  on  applique  des  poudres  dures,  au  moyen  de 
corps  gras  qui  les  rendent  adhérentes.  Les  plus  beaux  polis 
s'obtiennent  avec  les  poudres  les  plus  fines  et  des  lapidaires 
recouverts  de  peau;  quand  il  doit  être  éclatant  on  le  finit  à 
sec,  c'est-à-dire  sans  l'intervention  d'un  corps  gras. 

La  coutellerie  anglaise  est  représentée  à  l'exposition  par  les 
fameux  produits  de  Scheffield.  La  coutellerie  allemande,  par 
ceux  de  MM.  Schmattz,  Woesté  et  J.  L.  Blecif,  Holler.  La 
coutellerie  française,  par  les  produits  de  MM.  Sommerlet- 
Dantan  et  Cie,  Molaingy,  Stauvenghre,  de  Nogent,  pour  la 
coutellerie  fine;  par  ceux  de  MM.  Sabatier,  Dumon  et  Gérard, 
de  Thiers,  pour  la  grosse  coutellerie;  et  enfin  par  ceux  de 
M.  Charrière  fils,  de  Paris,  pour  les  instruments  de  chirur- 
gie. 

Les  aciers  employés  sont  l'acier  fondu  pour  la  coutellerie 
fine,  et  les  aciers  naturels  et  de  cémentation  corroyés  ou  bruts 
pour  la  coutellerie  ordinaire. 

Nous  devons  encore  dire  quelques  mots  d'une  nouvelle  ap- 
plic;ition  de  l'acier  fondu  que  M.  Verdie  expose  sous  le  nom 
de  produits  mixtes  de  fer  et  acier. 

Voici  le  procédé  de  fabrication  suivi  jusqu'à  présent.  Quand 
on  veut  recouvrir  d'acier  une  barre  de  fer,  on  commence  par 
porter  la  barre  de  fer  au  rouge  blanc,  puis  on  la  place  dans 
une  lingotière  ou  moule  qui  a  la  forme  générale  de  la  pièce 
que  l'on  veut  obtenir  :  quand  la  pièce  en  fer  est  placée,  on 
coule  de  l'acier  en  fusion  dans  la  lingotière.  On  obtient  une 


618  VISITE 

pièce  à  laquelle  on  donne  ensuite  la  forme  définitive,  par  un 
martelage  ou  même  par  un  laminage  quand  la  pièce  doit  avoir 
une  forme  prismatique.  Les  principaux  avantages  de  ce  pro- 
duit sont  d'être  meilleur  marché  que  l'acier  fondu  tout  en  rem- 
plissant le  même  but.  Dans  un  grand  nombre  des  applications 
de  l'acier,  il  arrive  en  effet  qu'on  n'utilise  pas  toutes  ses  pro- 
priétés, qu'on  ne  le  choisit  qu'en  vertu  de  quelqu'une 
d'entre  elles,  tandis  que  les  autres  sont  souvent  même  gê- 
nantes. Tels  sont  les  laminoirs  pour  petits  fers,  aciers,  mon- 
naies, etc.,  bandages  de  locomotives  et  wagons,  dans  lesquels 
le  rôle  de  l'acier  est  de  donner  des  surfaces  dures  pouvant 
être  trempés,  mais  où  l'on  n'utilise  pas  toute  sa  ténacité. 
Les  produits  mixtes  de  fer  et  d'acier  sont  très-propres  à 
ces  usages.  Ces  produits  peuvent  avoir  même  l'avantage  sur 
l'acier  fondu  pour  des  pièces  telles  que  des  bandages  de  roues 
de  locomotives,  qui  doivent  être  tournées  intérieurement,  le 
travail  du  fer  étant  beaucoup  plus  facile. 

Quelquefois  même,  pour  de  grosses  pièces,  ils  peuvent  pré- 
senter plus  de  sécurité  que  l'acier  fondu;  nous  avons  vu,  en 
effet,  que  ce  dernier  métal  ne  possède  toutes  les  qualités 
qu'après  avoir  été  soumis  à  un  martelage  énergique  qui  le 
rend  homogène.  Ce  martelage  devient  difficile  quand  la  pièce 
a  des  dimensions  considérables ,  et  l'intérieur  d'une  pièce, 
dans  ces  conditions ,  peut  avoir  une  résistance  inférieure  à 
celle  du  fer. 

Les  produits  exposés  par  M.  Verdie  sont  des  spécimens  de 
bandages,  rails,  tiges  de  piston  et  des  barres  carrées.  Si  la 
fabrication  de  ces  fers  chargés  d'acier  à  l'état  liquid^  ne  pré- 
sente pas  de  trop  grandes  difficultés ,  ils  sont  sans  cloute  ré- 
servés à  de  nombreuses  applications. 

En  résumé,  la  fabrication  de  l'acier  a  réalisé,  dans  ces  der- 
nières années,  d'immenses  progrès.  L'emploi  de  ce  métal 
encore  neuf,  pour  ainsi  dire,  se  répandra  certainement  dans 
les  arts  avec  une  grande  rapidité;  on  peut  même  ah'irmerque, 
grâce  à  ses  propriétés  précieuses,  l'acier  sera  substitué  au  fer 
dans  un  grand  nombre  d'applications,  qui  jusqu'à  présentent 
exclusivement  appartenu  à  ce  dernier  métal.  La  grande 
question  du  poids  des  machines  qu'on  retrouve  toujours  dans 
les  locomotives  et  dans  les  bateaux,  se  trouve  en  partie  réso- 
lue \ydv  l'emploi  de  l'acier,  qui  permettra  d'en  réduire  les  or- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  GlU 

ganes  ,  tout  en  leur  donnant  une  résistance  supérieure;  ce 
progrès,  qui  sera  immense  quand  l'abaissement  du  prix  de 
l'acier  l'aura  rendu  général,  a  été  déjà  réalisé  sur  quelques 
machines;  on  peut  voir  en  effet  à  l'Exposition  une  locomotive 
dont  les  essieux,  bielles  et  tous  les  organes  accessoires  sont 
exécutés  en  acier. 

Les  aciers  prussiens,  surtout  ceux  de  M.  Krupp,  ont  excité 
une  admiration  générale  et  méritée  ;  l'Angleterre  conserve 
encore  à  cette  Exposition  son  antique  supériorité  pour  les  ou- 
tils, tels  que  les  scies,  les  grosses  limes,  etc.;  quant  aux  pro- 
duits français,  ils  sont  tous  dans  une  voie  de  progrès  et  de 
développement  rapides;  Saint-Etienne  expose  des  aciers  fon- 
dus et  de  cémentation  d'excellente  qualité;  Allevard  et  un 
grand  nombre  d'usines  produisent  de  très-beaux  aciers  natu- 
rels. M.  Holtzer,  à  Firmini,  et  le  Creuzot  abordent  la  fabri- 
cation de  l'acier  puddlé,  industrie  destinée  à  rendre  son  emploi 
presque  général  dans  la  construction.  Enfin,  des  produits  ma- 
nufacturés remarquables  sortent  des  usines  de  MM.  Petin  et 
Gaudet,  Jakson  et  Cie.  Nous  citerons,  par  exemple,  les  tôles 
d'acier,  les  essieux,  les  bandages,  les  ressorts,  les  faux, 
etc.  L'ardeur  avec  laquelle  les  progrès  de  cette  industrie 
sont  poursuivis,  permet  d'espérer  que,  dans  peu  de  temps,  celte 
fabrication  ne  le  cédera  en  rien  à  celle  de  nos  voisins. 


CLASSE  XVI. 

Fabrication  des  ouvrages  en  métaux  d'un  travail  ordinaire. 

Les  détails  dans  lesquels  nous  sommes  entré  dans  plu- 
sieurs occasions ,  soit  sur  les  procédés  métallurgiques ,  soit 
sur  les  machines  employées  dans  la  fabrication  des  objets  en 
métal,  nous  permettront  de  ne  consacrer  aux  produits  de 
celte  classe  qu'un  espace  assez  restreint.  Nous  avons  déjà  vu 
par  quels  moyens  le  minerai  de  fer  est  amené,  dans  les  hauts 
fourneaux  ,  à  l'état  de  fonte  en  gueuse  ,  tantôt  réservée  pour- 


0-20  VISITE 

être  convertie  en  fer,  tantôt  employée  pour  les  fontes  de 
deuxième  fusion  :  nous  nous  arrêterons  un  instant  sur  les 
procédés  que  comporte  cette  dernière  opération. 

Les  ornements  en  fonte  de  fer  sont  représentés  par  les  pro- 
duits des  usines  de  Val-d'Osne,  de  M.  Ducel,  de  la  Company  de 
Coalbrookdale,  de  MM.  Requilé-Pequeur  et  Bukens  de  Liège, 
qui  nous  offrent  toutes  les  variétés,  depuis  les  plus  simples 
ornements  employés  dans  les  constructions  jusqu'à  des  statues 
qui  sont  de  véritables  objets  d'art.  On  distingue,  au  point 
de  vue  du  moulage,  deux  espèces  d'ornements  :  les  ornements 
plats  et  les  ornements  en  relief. 

Le  moulage  des  ornemeats  plats  se  fait  généralement  en 
sable  vert,  il  ne  présente  aucune  difficulté;  on  se  sert  de 
modèles  en  métal  de  formes  telles  qu'ils  puissent  se  dégager 
du  sable  sans  altérer  le  moule.  Pour  obtenir  des  surfaces  très- 
lisses,  on  emploie  des  modèles  bien  polis,  du  sable  fin  et  on 
repose  le  modèle.  Cette  0[)éraîioîi  consiste  à  remettre  le  mo- 
dèle dans  le  moule  après  en  avoir  saupoudré  l'extérieur  avec 
du  poussier  de  chatbon  de  bois  ;  on  obtient  ainsi  une  em- 
preinte définitive  bien  nette. 

Les  ornements  en  relief,  parmi  lesquels  se  trouvent  com*- 
prises  les  statues,  présentent  souvent  de  grandes  difficultés  de 
moulage  provenant  de  l'impossibilité  de  retirer  le  modèle  du 
moule  sans  le  briser. 

Pour  quelques  pièces  on  surmonte  cette  difficulté  en  em- 
ployant des  châssis  composés  de  plusieurs  pièces  contenant 
chacune  une  portion  du  moule  et  qui  peuvent,  grâce  à  celte 
disposition,  se  dégager  séparément  du  modèle. 

Dans  beaucoup  de  cas,  pour  de  grands  ornements  ou  des 
statues,  par  exemple,  on  a  recours  au  moulage  à  pièces  de 
rapport.  Ce  moulage  se  fait  généralement  aujourd'hui  en 
couvrant  le  modèle  de  pièces  de  sable  fortement  tassé,  assez 
nombreuses  et  appareillées  de  telle  façon  qu'elles  puissent 
toutes  être  retirées  facilement  sans  se  briser. 

Quand  le  modèle  est  ainsi  recouvert,  on  l'entoure  des  deux 
châssis  que  l'on  assemble  et  on  tasse  du  sable  entre  le  modèle 
recouvert  de  ses  pièces  de  sable  et  les  parois  du  châssis.  On 
sépare  ensuite  les  deux  parties  du  châssis  qui  portent  les 
empreintes  extérieures  des  pièces  rapportées  ;  chacune  de  ces 
pièces  est  ensuite  enlevée  et  fixée  à  sa  place  par  des  éi)inglcs 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  621 

en  fil  de  fer.  Quand  le  moule  est  ainsi  reconstitué,  on  le  porte 
à  une  dessiccation  aussi  complète  que  possible. 

Les  noyaux  qui  doivent  former  les  ornements  à  l'intérieur 
des  pièces,  se  font  en  tassant  du  sable  dans  un  moule  en  deux 
parties  au  moins  et  dans  l'intérieur  duquel  on  place  des  ar- 
matures disposées  de  manière  à  consolider  le  noyau  et  à 
former  le  vide  nécessaire  au  dégagement  des  gaz. 

Quand  le  moule  et  le  noyau  sont  suffisamment  secs,  on 
procède  au  remoulage.  Cette  opération  consiste  à  placer  le 
noyau  entre  les  deux  parties  du  moule  que  l'on  assemble  en- 
suite solidement;  les  positions  respectives  du  moule  et  du 
noyau  sont  conservées  au  moyen  de  petites  entretoises  pla- 
cées dans  le  vide  que  doit  remplir  la  fonte. 

Quand  le  moule  est  ainsi  préparé  on  coule  la  fonte. 

Les  statues  ne  sont  pas  toujours  exécutées  d'une  seule  pièce, 
elle  sont  souvent  composées  de  plusieurs  morceaux  que  l'on 
assemble  ensuite.  On  conçoit  que  dans  ce  cas  les  difficultés 
du  moulage  sont  considérablement  réduites. 

La  fonte  de  fer  a  remplacé  la  fonte  de  cuivre  pour  beau- 
coup d'ornements  en  relief;  les  procédés  de  moulage  sont  les 
mêmes,  seulement  on  emploie  un  sable  un  peu  plus  gros  et 
plus  réfractaire  pour  la  fonte  dont  le  point  de  fusion  est  plus 
élevé  et  qui  est  plus  fluide  que  le  cuivre. 

Le  prix  de  la  fonte  étant  beaucoup  moins  élevé  que  celui 
du  cuivre,  on  a  simplifié  la  forme  des  noyaux  des  ornements; 
on  évite  ainsi  des  difficultés  de  moulage  quelquefois  très- 
grandes,  en  augmentant  le  poids  de  la  pièce,  sacrifice  très- 
faible  quand  le  métal^est  la  fonte. 

L'usine  de  Niederbronn  nous  présente  une  grande  variété 
de  fonte  de  moulage  en  pièces  de  mécanique ,  ornements, 
poteries,  eîc. 

Comme  pièces  de  mécanique ,  nous  citerons  deux  ar- 
bres creux  du  poids  de  3000  kil.  d'une  exécution  remar- 
quable. 

Les  poteries  exposées  par  cette  usine  sont  d'une  grande 
légèreté.  Ces  pièces  ainsi  que  les  appareils  de  chauff'age,  se 
moulent  toujours  en  sable  vert. 

Les  poteries  en  fonte  telles  que  marmites,  casseroles,  etc., 
ont  l'inconvénient  de  s'oxyder;  on  a  d'abord  cherché  à  les 
préserver  de  cette  oxydation  par  un  étamage.  Aujourd'hui  on 


6-22  VISITE 

emploie  généralement  l'émail,  il  est  beaucoup  plus  solide.  On 
le  fixe  de  la  manière  suivante  : 

On  commence  par  enduire  l'intérieur  du  vase  d'une  pâte 
liquide  composée  de  quartz  et  de  borax  fondus  ensemble,  pul- 
vérisés et  mélangés  avec  de  l'argile.  On  saupoudre  cet  enduit 
avec  une  poussière  composée  de  feldspath,  de  borax  et  d'oxyde 
de  zinc;  on  porte  ensuite  le  vase  dans  un  four  dont  la  tem- 
pérature est  assez  élevée  pour  fondre  l'émail  et  le  rendre 
adhérent. 

Plusieurs  usines  en  France,  en  Angleterre  et  en  Allemagne 
nous  présentent  des  produits  de  cette  nature  parmi  lesquels 
il  convient  de  distinguer  ceux  de  M.  Paris,  de  Bercy,  et  sur- 
tout les  poteries  émaillées  pour  usages  domestiques ,  pour 
conduits  et  pour  baignoires  de  M.  Henrick  et  fils,  de  Stafford. 
Ces  industriels  ont  épuisé  pour  leur  exposition  toutes  les 
ressources  de  cette  industrie  encore  récente. 

Les  usages  des  métaux  sont  si  nombreux,  leur  ténacité  et 
leur  malléabilité  se  prêtent  si  bien  à  tous  les  besoins  de  l'in- 
dustrie, que  leur  emploi  tend  toujours  à  se  généraliser.  Com- 
bien de  menus  objets  qui  se  faisaient  la  plupart  du  temps  en 
bois,  se  font  maintenant  plus  économiquement  en  métal.  Les 
procédés  de  la  tréfilerie  et  de  l'estampage  font  tous  les  jours 
des  progrès,  parmi  lesquels  il  convient  de  citer  en  première 
ligne  ceux  qu'a  réalisés  M.  Palmer.  En  donnant  à  la  matière 
et  à  propos  des  recuits  convenables,  cet  habile  mécanicien  est 
parvenu  à  faire  des  tuyaux  emboutis  sans  soudure ,  dont  les 
applications  deviennent  chaque  jour  plus  variées.  Ses  ba- 
guettes en  tôle  pour  moulures  présentent  cette  année  plu- 
sieurs applications  fort  originales  et  absolument  nouvelles. 
Ses  modèles  de  persiennes  et  de  croisées,  construites  entière- 
ment en  fer  étiré,  sont  d'une  légèreté  dont  il  serait  impossible 
d'approcher  en  employant  le  bois.  Ces  premiers  essais  nous 
paraissent  être  un  gage  assuré  d'applications  nombreuses  et 
prochaines  dans  la  même  direction. 

Les  tuyaux  de  fer  creux  sans  soudure,  fabriqués  d'abord 
en  Angleterre,  n'ont  point  encore  trouvé  dans  la  pratique  un 
coulement  facile,  par  suite  de  leurs  prix  élevés.  L'assorti- 
ment exposé  par  M.  Russell ,  de  Londres ,  qui  comprend 
toutes  les  pièces  accessoires  pour  les  tubulures  et  pour  les 
joints  ,  montre  bien  toutes  les  ressources  dont  ces  tuyaux 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  62^ 

sont  susceptibles  ;  ils  sont  confectionnés  en  France  dans  une 
seule  usine,  celle  de  M.  Gandillot. 

Avant  d'énumérer  quelques  produits  spécimens  ,  nous  jet- 
terons un  coup  d'oeil  sur  les  divers  emplois  du  zinc  et  du 
cuivre  dans  les  arts. 

Zinc.  Ce  métal,  tant  comme  échantillons,  que  comme 
applications,  est  presque  exclusivement  représenté  à  l'Exposi- 
tion par  les  produits  de  la  société  de  la  Vieille-Montagne, 
qui  du  reste  par  une  ingénieuse  activité  en  augmente  tous 
les  jours  le  nombre  et  la  variété. 

Avant  d'énumérer  les  applications  du  zinc  qui  nous  parais- 
sent le  plus  dignes  de  remarque,  nous  dirons  quelques  mots 
sur  ses  principales  propriétés  et  sa  métallurgie. 

Le  zinc  a  une  densité  un  peu  inférieure  à  celle  du  fer  ;  il  est 
très-malléable  à  la  température  de  100°;  il  se  dilate  considé- 
rablement et  distille  au  rouge  blanc.  C'est  sur  cette  dernière 
propriété  qu'est  basée  sa  métallurgie. 

On  trouve  le  zinc  dans  la  nature  à  l'état  de  zinc  carbonate 
ou  calamine,  de  sulfure  ou  blende  et  de  silicate,  accompagnés 
d'une  gangue  argileuse  ou  calcaire.  Les  deux  premiers  mine- 
rais sont  seuls  exploités.  Le  premier  est  le  plus  commun. 

La  société  de  la  Vieille-Montagne  a  exposé  dans  l'annexe  de 
très-beaux  échantillons  de  minerais;  ils  proviennent  de  Bel- 
gique, de  la  Prusse  Rhénane,  du  duché  de  Bade,  etc.  Les  plus 
remarquables  sont  deux  blocs  de  calamine  de  3000  kilos  cha- 
cun ,  extraits  des  mines  de  Moresnet  et  de  Welkenraedt ,  en 
Belgique. 

La  première  opération  de  la  métallurgie  du  zinc  est  toujours 
un  grillage  qui  a  pour  résultat  de  transformer  le  minerai  en 
oxyde  de  zinc.  Ce  grillage  se  fait  dans  des  fours  analogues  aux 
fours  à  chaux.  Le  minerai  grillé  est  ensuite  pulvérisé  et  mé- 
langé avec  la  moitié  de  son  poids  de  houille,  puis  ce  mélange 
est  introduit  dans  des  cornues  en  terre  que  l'on  soumet  à  une 
température  très-élevée  dans  des  fours  spéciaux. 

Dans  ces  circonstances  l'oxyde  se  réduit  et  le  zinc  distille; 
il  se  rend  dans  une  allonge  ou  récipient  adapté  à  l'extrémité 
de  la  cornue.  Le  contenu  de  plusieurs  récipients  est  versé 
dans  une  lingotière  qui  en  contient  environ  ]'6  kilos. 

Les  lingots  sont  ensuite  refondus  et  mis  sous  une  forme  ap- 
propriée au  travail  qu'il  doit  subir:  on  le  couie  en  plaques 


624  VISITE 

quand  il  doit  être  laminé  en  feuilles,  en  baguettes  rondes 
quand  il  doit  être  tréfilé,  etc.,  etc. 

Le  zinc  est  employé  à  l'état  de  fonte,  de  feuilles  laminées, 
de  fils,  clous,  couleurs,  etc.,  etc. 

Le  produit  le  plus  important  de  l'Exposition,  comme  fonte 
de  zinc,  est  une  statue  équestre  de  l'Empereur  à  l'entrée  du 
pavillon  de  l'Est;  c'est  un  ouvrage  remarquablement  exécuté, 
et  d'une  valeur  artistique  tout  à  fait  digne  de  son  auteur, 
M.  Paillard. 

Le  moulage  en  fonte  de  zinc  ne  présente  rien  de  particulier 
pour  les  pièces  de  l'importance  de  celle-ci.  Il  comporte  les 
mêmes  opérations  que  le  moulage  en  fonte  ou  en  cuivre;  mais 
quand  les  pièces  doivent  être  reproduites  à  un  grand  nombre 
d'exemplaires ,  tels  que  les  sujets  de  pendules  ,  candéla- 
bres, etc.,  etc.,  on  peut  employer  pour  couler  le  zinc  des 
moules  en  métal  qui  servent  à  peu  près  indéfiniment.  Le 
prix  du  moulage  Irès-élevé  pour  les  ornements  en  funte  de 
fer  ou  en  bronze  est  presque  nul  avec  un  moule  qui  ne  se 
renouvelle  pas.  Ces  objets  peuvent  ainsi  se  vendre  à  tiès-bas 
prix. 

Le  zinc  à  l'état  de  feuilles  laminées  a  des  applications  ex- 
trêmement nombreuses  :  son  usage  est  très-répanCu  pour  les 
couvertures,  doublage  de  navires,  vases,  etc.,  etc. 

Les  sociétés  de  la  Nouvelle  et  de  la  Vieille  -  Montagne , 
l'usine  de  Risle  montrent  de  très-beaux  spécimens  de  feuilles 
laminées. 

Le  laminage  du  zinc  se  fait  avec  des  laminoirs  semblables  à 
ceux  qu'on  emploie  dans  la  fabrication  de  la  tôle,  seulement 
on  élève  la  ttmpérature  du  zinc  à  100°  pour  qu'il  acquière 
toute  sa  malléabilité. 

Une  application  déjà  très-répandue  du  zinc  en  feuilles, 
quoiqu'elle  ne  date  que  de  1849,  est  celle  des  zincs  emboutis 
pour  l'ornementalion;  les  ornements  en  zinc  repoussé  s'ob- 
tiennent par  un  simple  estampage  et  un  ou  deux  recuits. 

L'estampe  se  compose  d'un  moule  en  fonte  présentant  en 
creux  la  forme  que  doit  avoir  la  pièce  finie  et  d'un  mouton 
portant  à  sa  partie  inférieure  la  forme  de  la  pièce  en  relief 
(celte  partie  est  en  plomb). 

Pour  estamper  une  feuille  de  zinc  il  suffit  de  la  placer  sur 
le  moule  en  fonte  et  de  la  soumettre  aux  chocs  répétés  du 


A  L'E\1>0S1T10N  UiNlVERSELLE.  0-2o 

mouton;  pour  rendre  la  feuille  malléable  on  lui  fait  subir  un 
recuit  après  qu'elle  a  supporté  un  certain  nombre  de  chocs; 
ces  recuits  consistent  à  élever  sa  température  jusqu  à  80°. 

Ces  ornements  remplacent  avec  une  grande  économie  les 
ornements  en  fonte.  L'exposition  de  la  Vieille-Montagne  dans 
le  Palais  et  celle  de  l'usine  de  Risle  dans  l'Annexe  montrent 
tout  le  parti  que  l'on  peut  tirer  du  zinc  estampé  pour  l'orne- 
mentation. 

Nous  trouvons  encore  dans  le  zinc  himiné  des  feuilles  on- 
dulées pour  couvertures  ;  Tidée  de  cette  application  a  été 
suggérée  pour  l'emploi  de  la  tôle  ondulée  dans  les  couver- 
tures; nous  ne  croyons  pas  cependant  qu'on  puisse  con- 
struire avec  le  zinc  ondulé  des  couvertures  sans  charpente 
comnie  on  l'a  fait  avec  des  tôles.  Le  zinc  est  trop  peu  résistant 
et  son  prix  est  trop  élevé  pour  que  cette  application  soit  éco- 
nomique. 

L'emploi  du  zinc  est  substitué  à  celui  du  cuivre  et  du  fer 
pour  les  clous,  les  fils,  etc.,  réservés  à  certains  usages,  tels 
que  les  chevilles  de  navires,  les  tapisseries,  les  toitures  en 
ardoises,  etc.  Il  présente  sur  le  cuivre  l'avantage  du  bon 
marché  ,  et  sur  le  fer  celui  d'une  plus  grande  résistance  à 
l'oxydation.  La  Vieille-Montagne,  dans  le  Palais,  expose  des 
spécimens  de  tous  ses  produits  sur  la  fabrication  desquels 
nous  ajouterons  quelques  mots ,  pour  terminer  ce  que  nous 
pouvons  dire  ici  sur  le  zinc. 

Les  clous  et  les  fils  se  fabriquent  à  froid.  Les  clous  pour 
navires  de  grosses  dimensions  se  forgent  à  la  main,  ceux  de 
petites  dimensions  se  font  avec  des  machines  spéciales;  les 
clous  à  section  carrée  sont  découpés  dans  une  feuille  de  zinc; 
les  têtes  sont  faites  en  refoulant  une  certaine  longueur  du 
clou.  La  fabrication  des  fils  de  zinc  ne  diffère  de  celle  des  fils 
de  fer  qu'en  ce  que  le  fil  de  zinc  n'est  soumis  à  aucun  recuit. 
On  commence  p^r  couler  une  baguette  de  l^^oO,  elle  est  en- 
suite laminée,  jusqu'à  ce  que  son  diamètre  soit  réduit  à 
8  millimètres,  puis  enroulée  sur  une  bobine.  On  procède  alors 
au  treillage.  Celte  opération  consiste  à  faire  passer  le  fil  dans 
des  trous  de  diamètre  décroissant;  ces  trous  sont  percés  dans 
une  plaque  d'acier  trempée,  appelée  filière.  Elle  se  fait  de  la 
manière  suivante  :  on  amincit  l'extrémité  du  fil,  on  l'engage 
dans  le  trou  de  la  filière  et  on  la  fixe  sur  une  bobine  à  laquelle 
206  00 


626  VISITE 

on  donne  ensuite  un  mouvement  de  rotation.  Le  fil  étant 
forcé  de  s'enrouler  sur  cette  bobine,  passe  au  travers  du  trou 
de  la  filière  qui  est  fixe  et  prend  exactement  son  diamètre. 
On  répète  cette  opération  jusqu'à  ce  qu'on  soit  arrivé  au  dia- 
mètre voulu,  La  décroissance  des  diamètres  est  déterminée 
de  manière  que  le  fil  puisse  être  étiré  sans  se  rompre. 

Cuivre.  Le  cuivre  a  été  connu  de  toute  l'antiquité.  On  le 
trouve  dans  la  nature  à  l'état  natif,  d'oxyde,  de  cuivre  carbo- 
nate et  le  plus  souvent  à  l'état  de  sulfure  allié  à  des  sulfures 
de  fer,  d'antimoine,  de  plomb,  etc.  Certains  minerais  de  cuivre 
contiennent  de  l'argent  en  quantité  notable,  et  quelquefois 
même  du  mercure. 

Les  minerais  de  cuivre  sont  accompagnés  d'une  gangue 
quartzeuse  ou  argileuse. 

Les  minerais  de  cuivre  exposés  sont  tous  dans  l'Annexe. 
Nous  avons  remarqué  parmi  ces  nombreux  spécimens  le  mi- 
nerai argentifère  du  Canada,  les  cuivres  pyriteux  du  duché 
de  Nassau,  de  la  haute  Hongrie,  qui  contiennent  de  l'argent 
et  du  mercure ,  de  la  Toscane  et  enfin  des  mines  de  Ténès  qui 
présentent  de  plus  une  quinzaine  d'échantillons  de  minerais 
de  différentes  grosseurs  préparés  pour  la  fonderie  par  un  bo- 
cardage  et  un  lavage.  Le  cuivre  natif  du  lac  Supérieur  promet 
à  l'industrie  de  nouvelles  richesses. 

Le  traitement  des  minerais  de  cuivre,  quand  ils  se  compo-^ 
sent  d'oxyde  de  chivre  ou  de  cuivre  carbonate  consiste  à  les 
fondre  au  contact  du  charbon  dans  un  fourneau  à  cuve;  la 
combustion  dans  ces  fourneaux  est  activée  par  un  courant 
d'air  forcé.  Le  minerai  et  le  combustible  sont  disposés  par  lits 
alternatifs;  le  minerai  est  en  outre  mélangé  avec  une  certaine 
quantité  de  fondants  composés  ordinairement  de  scories  qui 
font  avec  la  gangue  du  minerai  un  corps  fusible  en  même 
temps  que  le  cuivre  et  qui  se  sépare  de  ce  dernier  par  la  dif- 
férence de  densité.  Le  cuivre  que  l'on  obtient  ainsi  doit  subir 
un  raffinage  avant  d'être  hvré  au  commerce;  il  est  appelé 
cuivre  noir. 

Quand  le  minerai  de  cuivre  est  composé  de  sulfure  de  cui- 
vre, de  fer,  etc.,  la  séparation  du  cuivre  est  beaucoup  plus 
ditïicile  et  nécessite  un  grand  nombre  d'opérations  qui  consis- 
tent toutes  en  un  grillage  du  minerai  suivi  d'une  fusion. 
Le  grillage  a  pour  objet  de  chasser  une  partie  du  soufre  eu 


A  L'EXPOSlTlOiX  UNIVERSELLE.  627 

le  transformant  en  acide  sulfureux  et  d'oxyder  le  fer  et  le 
cuivre. 

Dans  la  fusion  le  cuivre  s'allie  au  soufre  retenu  par  le  fer 
et  une  partie  de  ce  dernier,  en  se  combinant  avec  les  fondants 
que  l'on  ajoute  à  chaque  fusion,  fait  une  scorie  fusible. 

En  répétant  ces  deux  opérations  on  arrive  à  obtenir  du 
caiivre  qui  ne  contient  plus  que  très-peu  de  soufre  et  de  fer 
qu'on  peut  enlever  facilement  par  un  raffinage. 

Le  grillage  se  fait  en  tas  à  l'air  libre,  ou  dans  des  fours  à 
réverbère. 

La  fusion  s'opère  dans  des  fourneaux  à  cuve  ou  dans  des 
fours  à  réverbère. 

Le  combustible  employé  dans  les  fours  à  réverbère  est  tou- 
jours de  la  houille;  dans  les  fourneaux  à  cuve,  on  brûle  du 
coke  ou  du  charbon  de  bois. 

Le  raffinage  du  cuivre  consiste  en  une  fusion  du  cuivre  noir 
dans  un  four  à  réverbère  ou  dans  un  petit  foyer  brasqué;  le 
cuivre  en  fusion  est  soumis  à  l'action  d'une  flamme  oxydante, 
il  se  fait  encore  une  scorie  qui  entraîne  le  reste  du  fer  et  du 
soufre  que  contenait  le  cuivre;  on  donne  au  cuivre  raffiné  le 
nom  de  cuivre  rosette;  il  contient  un  peu  d'oxyde  de  cuivre 
qui  lui  ôte  sa  malléabilité;  pour  lui  donner  cette  qualité,  il 
faut  le  soumettre  à  une  nouvelle  fusion  et  réduire  l'oxyde  par 
le  contact  du  charbon. 

La  société  de  la  Haute-Hongrie,  outre  sa  collection  de  mine- 
rais, a  exposé  un  spécimen  des  produits  correspondants  à 
chaque  phase  de  la  méthode  qu'elle  emploie  pour  le  traite- 
ment de  ses  minerais.  Parmi  ces  spécimens  on  distingue  une 
■fort  belle  matte  d  argent.  Nous  dirons  à  ce  sujet  quelques 
mots  sur  les  moyens  d'extraire  l'argent  des  minerais  de  cui- 
vre. On  emploie  deux  méthodes  :  l'une  consiste  à  fondre  le 
cuivre  noir  avec  trois  ou  quatre  fois  son  poids  de  plomb  et  de 
refroidir  brusquement  l'alliage;  on  fait  ain?i  des  blocs  que 
Ton  soumet  ensuite  à  un  grillage;  dans  ce  grillage  le  plomb 
seul  fond,  en  entraînant  la  presque  totalité  de  l'argent. 

La  séparation  du  plomb  de  l'argent  se  fait  ensuite  très-faci- 
lement :  on  met  l'alliage  en  fusion  et  on  le  soumet  à  un  cou- 
rant d'air  qui  oxyde  le  plomb  et  le  transforme  en  litarge  qui 
est  liquide  et  qu'on  fait  écouler  au  fur  et  à  mesure  de  sa  for- 
mation. L'argent  ne  s'oxyde  pas,  il  se  concentre  dans  le  plomb 


Gi28  VISITE 

métallique  et  reste  seul  quand  le  plomb  est  passé  tout  entier 
à  l'état  de  litarge. 

Dans  la  deuxième  méthode,  qui  est  celle  employée  par  la 
société  de  la  Haute-Hongrie,  on  sépare  l'argent  du  cuivre  au 
moyen  du  mercure  par  ama/^'amaf/oAi.  Cette  méthode  comprend 
plusieurs  opérations  :  la  première  est  d'abord  la  pulvérisation 
du  cuivre  noir  suivi  d'un  grillage  de  la  poudre,  mélangée  de 

10  pour  100  de  sel  marin,  puis  deTamalgamation  proprement  i 
dite  qui  se  fait  en  agitant  dans  des  tonneaux  un  mélange 

composé  de  1000  kilos  de  la  matière  obtenue  après  le  gril-  '■ 

laie,  de  400  kilos  de  mercure  de  fer  ou  de  cuivre  et  de  '13  à  j 

18  O/o  d'eau.  Après  un  certain  temps,  le  mercure  s'empare  \ 

de  tout  l'argent.  Ces  deux  métaux  sont  ensuite  séparés  par  ' 

une  distillation.  | 

Le  cuivre  résidu  de  l'opération  est  soumis  à  une  nouvelle  | 
fusion  qui  donne  du  cuivre  noir. 

Le  cuivre  se  lamine,  s'emboutit  et  se  forge  très-facilement.  , 

Le  laminage  se  fiit  de  la  même  manière  que  celui  delà  tôle;  ■ 

comme  exemple  d'un  laminage  très  délicat,  nous  citerons  une  ; 

feuille  de  60  mètres  de  longueur  sur  0"',34  de  largeur,  ex-  ; 

posée  par  IMM.Osval  et  Warnod  de  Neiderbruck.  M.  Heckman  1 

de  Berlin,  l'usine  de  Romiily  et  de  Saint-Denis,  l'usine  de  \ 

Givet,  exposent  des  cuivres  laminés  qui  indiquent  des  moyens  ! 
de  laminage  très-puis.-ants. 

Comme  cuivies  emboutis,  les  plus  remarquables  sont  des  ; 

chaudières  piov-  nant  des  usines  de  Neiderbruck  et  de  Ro-  ; 

milly  :  un  cie  ces  produits  se  reconmiande  par  sa  légèreté,  et  ; 
l'autre  par  ses  dimensions  considérables  et  î-on  poids. 

Nous  signalerons  encore  des  plaques  de  foyers  de  locomo-  ' 

tives  étirée»  au  maiteau,  exposées  par  les  usmes  de  RomMly  1 

et  de  Saint  Denis.  I 

Le  cuivre  et  ses  divers  alliages,  l'étain  ,  le  plomb  et  quel- 
ques au  res  métaux,  sont  employés  pour  la  fabrication  d'un  : 
assez  grand  nombre  d'objets;  l'étain  remplace  avec  avantage  | 
le  zinc  (  our  le  moulage  en  coquille  d'un  grand  nombre  de  1 
stHtuettes  :  auss.tôt  que  le  métal  fondu  a  été  versé  dans  le  i 
moule,  on  le  \ide  de  toute  la  poiiion  non  solidifiée  encore  et  ; 
l'on  obtient  ainsi  dans  la  diminution  d'épaisseur  de  la  pièce  ! 
une  ample  compensation  au  prix  plus  élevé  du  métal.  La  cer-  i 
titude  que  le  fabricant  possède  souvent  d'écouler  un  grand 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  (\^Çt 

nombre  d'exemplaires  lui  permet  de  ne  rien  épargner  pour 
faire  ciseler  avec  soin  la  coquille  et  obtenir  ainsi  de  véritables 
œuvres  d'art  à  bas  prix. 

Les  mille  arlicles  de  la  quincaillerie  sont  représentés  par 
des  spécimens  si  nombreux,  qu'il  nous  serait  impossible  de 
nous  y  arrêter  avec  assez  de  détails  pour  que  notre  examen 
put  être  de  quelque  utilité  pour  le  lecteur  :  disons  toutefois 
que  la  maison  Japy  frères,  de  Beaucourt,  ne  le  cède  en  rien 
pour  la  perfection  et  pour  la  bonne  entente  des  modèles  aux 
produits  si  remarquables  et  si  variés  de  l'Allemagne  et  de 
l'Angleterre  :  à  égale  perfection,  ils  ont  su,  par  une  fabrica- 
tion mécanique  bien  dirigée,  faire  descendre  leurs  prix  au- 
dessous  de  leurs  concurrents  étrangers. 

La  fabrication  des  serrures  attirera  un  instant  notre  atten- 
tion. 

On  sait  que  les  serrures  à  gorges  mobiles  et  les  serrures 
à  pompe  ,  que  certains  fabricants  français  font  avec  beaucoup 
de  précision,  sont  toutes  deux  d'invention  anglaise.  Chubb's, 
de  Londres,  a  inventé  la  serrure  à  gorges  mobiles  et  délateur; 
Bramah  a  inventé  la  serrure  à  pompe. 

L'exposition  anglaise,  sauf  la  serrure  de  M.  Parwell,  de 
Londres,  ne  présente  rien  de  nouveau,  mais  des  produits 
bien  faits,  mieux  faits  ,  il  faut  le  dire,  que  ne  le  sont  ceux 
que  la  plupart  des  maisons  anglaises  livrent  habituellement 
au  commerce. 

La  serrure  de  M.  Parwell  repose  sur  une  idée  neuve  qui 
manque  un  peu  de  simplicité  et  qui  n'a  pas  encore  été  assez 
mise  en  usage,  pour  que  l'on  puisse  se  prononcer  sur  elle. 
On  peut  dire,  cependant,  sans  plus  attendre,  que  l'idée  est 
ingénieuse. 

Les  autres  pays  n'exposent,  en  serrurerie,  rien  qui  pré- 
sente des  conditions  exceptionnelles. 

Parmi  les  exposants  français,  nous  trouvons  l'habile  Gran- 
goir,  avec  ses  combinaisons  inî^énieuses  luttant  contre  la  ser- 
rurerie américaine,  à  laquelle  il  faut  rendre  ceite  justice, 
qu'elle  n'est  que  la  copie  de  l'idée  de  Robin  de  Rochefort , 
l'inventeur  des  clefs  à  pannetons  cbangeanis  sur  des  gorges 
mobdes. 

On  remarque  de  M.  Ocigné  un  demi-tour  monté  sur  un 
axe ,  comme  cela  se  fait  depuis  longtemps  pour  les  portières 


«iSO  VISITE 

Ae  voilures  ;  mais,  comme  ce  système  est  abandonné  dans  la 
carrosserie,  nous  doutons  que  cet  objet  puisse  être  d'un  bon 
usage  dans  le  bâtiment. 

MM.  Maquemnehen,  Boutté  et  Teissier  présentent,  d'après 
le  système  Pihet  ou  Ringé,  des  serrures  dont  le  chanfrein  se 
retourne  en  poussant  ou  en  tirant.  Cette  disposition  n'est  pas 
profitable  au  consommateur,  puisque  le  produit  est  altéré  par 
les  échancrures  nécessaires  au  retournement  du  demi-tour; 
le  marchand  seul  y  trouve  l'avantage  d'un  assortiment  moins 
grand  pour  sa  vente. 

MM.  Bricard  et  Gauthier,  dont  la  maison  est  plus  connue 
encore  sous  le  nom  de  leur  prédécesseur  M.  Sterlin ,  ne  pou- 
vaient manquer  de  figurer  avec  honneur  au  grand  concours. 

Sans  énumérer  ici  toutes  les  améliorations  faites  à  leurs 
produits,  antérieurement  à  la  dernière  Exposition,  nous  signa- 
lerons cependant  une  partie  des  perfectionnements  qui  ont 
été  faits  depuis  cette  époque.  La  plus  importante  est  celle  des 
serrures  avec  ajustement  tubulaire.  Il  résulte  des  dispositions 
adoptées  dans  ce  genre  de  serrures  une  marche  incomparable- 
ment plus  douce  et  plus  facile  que  tout  ce  qui  avait  été  fait 
précédemment.  Puis  un  autre  avantage,  non  moins  grand, 
c'est  qu'au  moyen  de  cet  ajustement  tubulaire,  les  imperfec- 
tions de  la  pose  sont  complètement  évitées  ;  le  malrond  que 
l'on  trouve  ordinairement  dans  l'ajustement  des  boutons 
doubles  sur  les  serrures  ne  peut  plus  avoir  lieu,  quelle  que 
soit  la  négligence  de  l'ouvrier  poseur.  Les  parties  où  les  frot- 
tements ont  lieu  sont  disposées  de  manière  à  les  rendre  pres- 
que nuls.  Les  foliots  ont  des  galets  au  bout  de  leurs  branches. 
Les  têtes  des  pennes  à  demi-tour  font  leur  glissement  sur  une 
pente  de  32  degrés.  Les  clefs  offrent  dans  certains  cas  des 
proportions  très-petites  et  très-commodes  pour  l'usage. 

Les  boutons  dos  serrures  ont  un  ajustement  qui  varie,  sans 
aucun  travail,  suivant  les  différentes  épaisseurs  des  portes, 
en  s'écartant  et  se  rapprochant  à  volonté.  Cet  avantage  est 
très-grand  pour  les  pays  où  l'on  ne  trouve  pas  d'ouvriers  ha- 
bitués au  ferrage. 

La  ferrure  des  croisées,  les  paumelles  et  les  fiches  ont  reçu 
des  améliorations  utiles ,  qui  rendent  leurs  frottements  plus 
doux  et  leur  durée  plus  grande. 
Nous  ne  sommes  entré  à  cet  égard  dans  quelques  détails 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  (>31 

que  parce  que  ces  améliorations  principales  sont  adoptées  par 
les  architectes  qui  dirigent  les  plus  grands  travaux  qui  s'exé- 
cutent en  ce  moment  dans  Paris. 

La  belle  porte  de  bronze  qui  est  à  l'entrée  de  la  crypte , 
sous  le  dôme  des  Invalides ,  est  fermée  par  une  serrure  dans 
la  clef  de  laquelle  MM.  Bricard  et  Gauthier  ont  foré,  à  une 
grande  profondeur,  une  croix  de  la  Légion  d'Honneur;  le 
panneton  découpé  représente  le  chiffre  impérial. 

En  parlant  des  chaudières  à  vapeur  et  des  appareils  em- 
ployés dans  la  fabrication  du  sucre,  nous  avons  indiqué  les 
principales  pièces  de  chaudronnerie ,  nous  retrouverons  en- 
core, en  parlant  des  meubles,  de  nombreux  spécimens  de  ce 
que  l'on  peut  faire  en  métal  ;  la  fabrication  des  meubles  en 
fer  a  donné  lieu  à  une  industrie  considérable  qui  prend  cha- 
que jour  de  nouveaux  développements. 

Nous  n'aurons  donc  à  citer  encore  que  l'emploi  des  métaux 
précieux,  particulièrement  celui  du  platine,  si  bien  repré- 
senté en  France  par  M.  Desmontes-Chapuis  et  Cie  et  par 
M,  Quenessen,  en  Angleterre  par  MM.  Benhams  et  Froud  ;  les 
grandes  pièces  de  ces  trois  fabricants  sont  d'une  exécution 
irréprochable. 


CLASSE  XYIL 

Orfèvrerie.  —  Bijouterie.  —  Industrie  des  bronzes  d'art. 

La  dix7septième  classe,  que  nous  allons  examiner,  est  l'une 
des  plus  riches  de  l'Exposition  ,  soit  par  le  prix  des  matières 
mises  en  œuvre,  soit  par  leur  valeur  artistique. 

Il  y  a  quelques  années,  les  bronzes  d'art,  encore  d'un  grand 
prix  ne  pouvaient  appartenir  qu'aux  plus  riches  ;  aujourd'hui, 
grâce  à  la  science  qui  a  trouvé  les  moyens  de  réduire  mathé- 
matiquement les  chefs-d'œuvre  de  la  sculpture,  dans  telle 
proportion  que  l'on  désire ,  plus  exactement  et  à  moins  de 
frais  qu'on  ne  peut  le  faire  en  copiant  ;  grâce  a  l'emploi  du 
zinc,  qui  remplace  le  bronze  et  coûte  moins  cher  que  lui. 


032  VISITE 

comme  matière  et  comme  ciselure;  grâce  surtout  à  la  galva- 
noplastie ,  les  œuvres  d'art  pourront  bientôt  embellir  la 
chambre  de  l'ouvrier  intelligent  et  remplacer  ces  plâtres 
informes,  ces  gravures  barbares  qui  satisfont  mal  ses  instincts 
artistiques. 

La  vue,  la  possession  de  ces  œuvres  d'art,  qui  bientôt  ne 
coûteront  pas  beaucoup  plus  que  les  bonshommes  de  plâtre 
et  les  gravures  coloriées  d'Épinal,  épureront  le  goût  et  con- 
tribueront à  moraliser  ceux  qui,  jusque-là,  n'avaient  pu  jouir 
que  par  la  pensée  des  œuvres  des  grands  maîtres. 

Les  inventions  merveilleuses  de  la  galnanoplastie,  de  la 
photofiraphie ,  qui  sont  considérées  par  beaucoup  d'artistes 
comme  devant  nuire  aux  arts,  seront  au  contraire  les  instru- 
ments de  leur  affranchissement. 

Nous  commençons  notre  revue  par  \ix  joaillerie  et  la  bijou- 
terie. 

Dans  la  grande  nef  du  palais,  une  foule  de  visiteurs  entoure 
une  vaste  vitrine,  les  dames  surtout  se  pressent  devant  ce 
brillant  assemblage  de  bronzes  d'art,  de  colliers,  de  bracelets, 
de  broches,  de  rivières  de  diamants  décorés  d'émaux,  en- 
châssés avec  art  dans  l'or  et  l'argent. 

Cette  vitrine  renferme  les  bijoux,  les  pièces  d'orfèvrerie  et 
les  bronzes  de  choix,  envoyés  par  plusieurs  exposants;  c'est 
pour  ainsi  dire  le  trophée  de  l'industrie  parisienne,  des  bronzes 
d'art,  de  l'orfèvrerie  et  des  bijoux. 

On  remarque  entre  autres  des  parures  de  M.  Lemonnier, 
un  diadème  de  MM.  Bapst,  des  bracelets  de  M.  Duron,  un 
élégant  vide-poche  de  Mme  veuve  Béchet,  des  coupes  et  cof- 
frets en  cristal,  montés  en  or  et  en  argent,  par  M.  Audot,  et 
un  surtout  de  M.  Maurice-Mayer. 

Toutes  ces  richesses  sont  dominées  par  la  belle  p^duleen 
bronze  doré,  style  Louis  XV,  exposée  par  M.  Paillard  qui,  à 
la  fois  artiste  et  fabricant  a  épuisé  toute  la  série  des  récom- 
penses industrielles. 

Presque  en  face  est  une  espèce  de  châsse  en  verre  entourée 
d'une  balustrade.  Sous  cette  châsse  sont  des  diamants  bruts 
et  travaillés,  exposés  par  M.  Halphen,  et  au  milieu  de  ces 
diamants,  une  pierre  qui  domine  majestueur^ement  les  autres, 
c'est  VÉtoile  du  Sud,  pierre  du  Brésil,  du  poids  de  125  carats. 

Un  peu  plus  loin  est  une  vitrine  devant  laquelle  une  fnule 


A  [/EXPOSITION  UNIVP:RSEU1:.  033 

curieiisG  se  presse  aussi;  cette  vitrine  contient  les  objets 
d'orfèvrerie  et  de  bijouterie  exposés  au  nom  de  M.  Froment- 
Meurice,  mort  il  y  a  quelques  mois  à  peine ,  et  dont  le  fils 
s'efîorce  de  suivre  les  bpaux  exemples. 

Des  fleurs  de  pierreries  reposent  sur  des  feuillages  émaillés 
qui  copient  la  nature.  Des  broches,  des  bagues  en  or,  avec 
médaillons  en  argent,  entourés  d'émaux  ,  sont  les  plus  jolis 
bijoux  que  l'on  puisse  voir.  Des  coupes  ,  des  vases  d'or  avec 
nielles  en  argent  encadrant  des  figurines  en  ronde- bosse  sont 
autant  d'objets  d'art.  En  voyant  ces  chefs-d'œuvre  et  ces 
bijoux  on  comprend  que  cette  vitrine  doit  exercer  une  at- 
traction invincible  sur  la  plupart  des  visiteurs  de  l'Exposi- 
tion. 

Au  premier  étage,  les  vitrines  de  MM.  Auguste  -  Paul , 
Guérin  ,  Bapst  et  Neveu,  Lefèvre,  Magniadas,  Heimann , 
Janvier,  Rouvenat,  ont  un  moins  grand  nombre  de  bijoux  que 
celle  de  M.  Froment-Meurice,  mais  ils  ne  sont  ni  moins  artis- 
tement  montés  ni  moins  beaux.  11  nous  faudrait  un  volume 
pour  décrire  toutes  ces  féeries,  mais  nous  ne  pouvons  faire 
moins  que  de  citer  les  châtelaines  et  broches  de  corsage  de 
M.  Guérin  de  Laval,  de  M.  Lecointe,  de  M.  Bapst,  et  de  M.  Ma- 
gniadas, qui  donne  à  ses  produits  une  gracieuse  originalité, 
de  M.  Heimann,  de  MM.  Caussin  et  Lauranson,  de  M.  Mana- 
nian  ;  avec  leurs  feuillages  émaillés  et  les  feux  de  leurs  dia- 
mants, ils  ressemblent  à  des  feuilles  couvertes  de  rosée.  La 
nature  est  si  belle  que  l'ambition  des  artistes  est  de  limiter 
et  de  la  fixer,  pour  ainsi  dire,  en  reproduisant  ses  effets  d'une 
manière  durable.  Les  joailliers  français  atteignent  ce  but,  et 
les  hommes  sérieux,  qui  dédaignent  ces  brillantes  parures, 
sont  encore  forcés  de  les  admirer  sous  le  rapport  de  l'art  et 
de  l'habileté  d'exécution. 

M.  Rouvenat  a  exposé  une  garniture  de  robe  en  diamants; 
cette  garniture  ayant  la  forme  de  Berthe  peut-être  démontée 
très-facilement  et  former  un  bandeau,  un  bouquet,  un  collier, 
une  broche,  en  un  mot,  une  parure  complète. 

Le  diadème  d'étoiles  en  brillants  de  M.  .lacta  ferait  ressem- 
bler à  une  reine  la  femme  qui  saurait  le  porter,  et  je  suis  bien 
sûr  qu'elle  emploierait  tout  son  pouvoir  pour  posséder  ensuite 
le  bel  éventail  de  MM.  Marret  et  Beaugrand,  le  bouquet  de 
pierreries  et  émaux  de  M.  Mellorio  et  les  bijoux  de  M.  Rudol- 


634  VISITE 

phi,  d'un  style  si  original,  qui  ressemblenl  à  des  bijoux  histo- 
riques. 

Les  parures  de  pierreries  montées  sur  argent  repoussé  et 
émaillé  de  M.  Petiteau  sont  vraiment  remarquables. 

MM.  Halley,  Chobillon  et  Lemoine  ont  des  vitrines  garnies 
d'une  profusion  de  croix  d'ordres  et  de  décorations  à  donner 
le  vertige  aux  ambitieux. 

Les  décorations  d'ordres  maçonniques  exposées  par  M.  Mi- 
gnet  fils  ne  sont  pas  moins  désirées  que  les  autres;  que  vou- 
lez-vous, c'est  la  faute  de  M.  Mignet,  ses  décorations  sont  si 
jolies! 

Mais  nous  ne  pouvons  quitter  les  joailliers  des  pierres  fines 
sans  mener  les  visiteurs  sous  la  rotonde  du  Panorama,  au 
centre  de  laquelle  M.  Lemonnier  expose  les  diamants  de  la 
couronne.  Tout  lemonde  connaît,  ou  du  moins,  adùentendre 
parler  du  gros  diamant  acheté ,  sous  Louis  XV,  par  le  régent , 
qui  lui  a  donné  son  nom  ;  ce  diamant,  qui  pèse  136  carats 
(27  grammes  320),  est  estimé  près  de  cinq  millions. 

La  plus  riche  des  quatre  parures  de  cette  collection  vaut 
plus  d'un  million,  un  simple  collier  vaut  130  000  fr. 

Le  plus  riche  objet  est  une  couronne  composée  de  5200 
brillants,  146  roses  et  59  saphirs.  La  valeur  réunie  de  toutes 
ces  pierres  atteint  1 4  millions  700  000  francs. 

Enfin ,  toutes  les  pierres  précieuses  appartenant  à  l'État 
sont  au  nombre  de  64  800  et  valent  près  de  21  millions. 

Revenons  au  premier  étage  du  Palais  et  continuons  notre 
revue  par  les  vitrines  de  MM.  Savary  et  Mosbach ,  Masson  , 
de  Mme  veuve  Béchet  et  Delecourt,  de  MM.  Braut,  Bouil- 
lette  et  Hyvelin,  Olivier  Fournier,  Regad ,  et  Benoît-Gonin 
du  Jura;  elles  ne  sont  pas  à  première  vue  moins  brillantes 
que  celles  visitées  d'abord,  et  cependant  les  pierreries  conte- 
nues dans  ces  dernières  vitrines  sont  fausses,  mais  si  bien 
imitées  que  beaucoup  de  visiteuses  y  sont  trompées;  comment 
croire,  en  effet,  que  ces  bijoux  si  bien  montés ,  aux  feuillages 
si  naturels,  aux  émaux,  aux  couleurs  si  vives,  servent  de  mon- 
ture à  des  pierreries  qui  n'en  sont  pas,  en  un  mot  à  du  strass. 
Le  corail  est  représenté  par  MM.  Barbaroux  et  Garaudy  de 
Marseille  qui  ont  envoyé  de  beaux  spécimens  en  colliers, 
bracelets,  broches,  etc.  M.  Arsène  Gourdin  expose  aussi  de 
beaux  bijoux  de  corail ,  entre  autres  un  bouquet  de  roses;  on 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  63r; 

trouve  au-dessous  de  sa  vitrine  un  intéressant  fragment  de 
rocher  de  coraiL 

M.  Truchy  et  M.  Constant  Valés  ont  exposé  des  perles  vraies 
et  fausses  de  toutes  dimensions. 

Les  dames  en  deuil ,  ne  doivent  pas  porter  de  bijoux ,  et 
une  femme  sans  bijoux,  disent-elles,  est  un  rosier  dépouillé 
de  ses  fleurs.  Heureusement ,  la  nature  est  inépuisable  de 
bonté  pour  elle?,  comme  l'homme  est  inépuisable  d'intelli- 
gence; voici  aiM.  Berge  de  Labastide  (Ariége),  Dufour  et 
Jahan-Manchon  de  Paris  qui  font  colliers,  bracelets,  broches, 
chaînes,  bagues,  etc.,  du  plus  beau  noir  ;  M.  Jahan  a  employé 
le  jais  pour  en  faire  un  cadre,  composé  de  feuilles  de  vignes 
et  de  grappes  de  raisin,  M.  Dufour,  toute  une  garniture  de 
cheminée  :  cadre  de  glace,  pendule,  candélabres,  garde-feu, 
le  tout  en  jais  très-finement  travaillé. 

En  demi-deuil,  on  ne  doit  porter  ni  le  jais  qui  est  trop  triste, 
ni  bijoux  d'or  et  de  pierreries  qui  sont  trop  gais;  MM.  Daniel 
et  Lesourt,  Bourgain  fils,  Frichot  et  Buisson  répondent  à  ce 
besoin  intermédiaire;  voyez  scintiller  leurs  vitrines  comme  si 
elles  étaient  remplies  de  diamants,  et  cependant  tous  ces  bra- 
celets, ces  croix,  ces  bijoux  de  toutes  sortes  ne  sont  qu'un 
brillant  composé  de  perles  et  de  plaques  d'acier  au  nombre 
inouï  de  facettes  ;  et  commeM, Dufour  voiciM. Frichot  qui  vous 
offre  aussi  une  garniture  de  cheminée  tout  en  acier  :  pendule, 
flambeaux,  garde-feu,  chambranle,  tout  brille,  car  chaque 
rayon  lumineux  se  reflète  dans  les  milles  facettes  de  l'acier. 

L'orfèvrerie  proprement  dite,  c'est-à-dire,  l'art  de  travailler, 
fondre,  ciseler  l'or  et  l'argent,  donne  un  résultat  moins  bril- 
lant que  l'art  de  la  joaillerie;  car  les  pierreries  si  naturelle- 
ment brillantes  embellissent  les  bijoux  et  contribuent  beau- 
coup à  l'effet  que  l'artiste  en  peut  obtenir.  Il  n'en  est  pas  de 
même  pour  les  bijoux  d'or  et  d'argent  seulement,  qui  n'ont 
de  valeur  artistique  que  celle  que  l'orfèvre  leur  a  donnée 
comme  modelage  et  ciselure.  Les  orfèvres  exposants  l'ont  bien 
compris,  car  tous  les  bijoux  sont  très-beaux;  quelques-uns 
sont  admirables  et  peuvent  passer  pour  des  œuvres  d'art  que 
Benvenuto  Cellini  contemplerait  avec  plaisir. 

Un  ostensoir  et  plusieurs  ornements  d'église,  envoyés  de 
Lyon  par  ÎNl.Favier  et  neveux,  commencent  la  série  de  l'orfè- 
vrerie religieuse;  l'ostensoir,  du  style  du  xii* siècle  est  dessiné 


<;3(;  VISITE  \ 

par  31.  Desjardins,  architecte.  Pourquoi  donc  toujours  reprO'  ; 
duire  le  style  des  époques  éloignées?  pourquoi  ne  rien  faire  i 
qui,  comme  œuvre  d'art  originale,  soit  digne  du  xix^  siècle.  '< 
M.  DesJRrdins  est  cependant  bien  capable  d'innover. 

Avec  sa  belle  agrafe  de  chape  Mlle  Fauveau  prend  une  ; 
place  importante  dans  la  vitrine  de  M.  Favier.  i 

Un  autel  en  orfèvrerie  repoussée,  sortant  des  ateliers  de  J 
M.  Poussielgue-Husand,  a  été  fait,  d'après  les  dessins  de  i 
M.  Questel,  architecte.  Cet  autel,  destiné  à  l'égliseSaint-Martin  i 
d'Ainay  à  Lyon,  est  du  style  du  xii*  siècle.  ; 

Lorsqu'il  s'agit  d'une  restauration  ou  d'un  objet  mobilier  ; 
destiné  à  un  monument  existant,  on  ne  saurait  blâmer  l'artiste  ; 
de  faire  son  œuvre  du  même  style.  \ 

M.  Viollet-Leduc,  l'habile  architecte,  a  fourni  pour  la  cathé-  j 
draledeClermont  les  dessins  d'un  autre  autel  dont  l'exécution,  : 
en  vermeil  et  cuivre  doré,  n'est  pas  le  moindre  titre  de  M.  Ba-  ' 
chelet.  i 

Comme  travail  d'émaux  et  d'orfèvrerie,  ces  autels  sont  re-  ; 
marquables,  quoique  les  candélabres  soient  un  peu  lourds  i 
dans  leurs  détails.  Le  tabernacle  de  l'autel  de  M.  Questel  est  : 
très-joli. 

Ne  quittons  pas  l'orfèvrerie  religieuse  sans  parler  de  la  re-  : 
liure  or  et  argent  d'un  livre  d'heures,  envoyé  par  M.  Thouret.  : 
Deux  bas-reliefs  de  l'Ancien  Testament,  deux  autres  dont  les  i 
sujets  sont  puisés  dans  les  nouvelles  Écritures,  sont  encadrés,  j 
dans  des  rinceaux  délicieux  :  ces  quatre  bas-reliefs  sont  du  i 
sculpteur  Justin.  : 

Un  ostensoir  en  or  et  argent  avec  ornement  de  pierreries  et  i 
d'émaux  est  exposé  par  M.  Thiéry. 

Dans  les  bijoux  proprement  dits,  l'or  et  l'argent  se  marient  ■ 
harmonieusement,  et  les  émaux  viennent  souvent  ajouter  à  , 
l'effet  d'ensemble.  Ceux  exposés  par  M.  Rudolphi  ont  un  ce-  I 
ractère  original  ;  on  remarque  un  beau  vase  à  plateau  d'argent  ■ 
avec  bas-reliefs  représentant  des  scènes  de  la  mythologie  scan-  ; 
dinave.  \ 

Dans  la  vitrine  trophée,  M.  Lesueur  expose  une  coupe  in-  ' 
diennesur  laquelle  est  une  figure  bien  campée,  au  pied,  un  In-  i 
dien  renversé  combat  contre  un  tigre.  L'énergie,  la  beauté  de  \ 
ces  sculptures  que  M.  Lesueur  a  exécutées  lui-même  dénotent  ' 
un  talent  remarquable.  '< 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  037 

La  vitrine  de  M.  Wiese  est  des  mieux  composées,  et  il  fau- 
drait admirer  longuement  tous  les  objets ,  coffrets  en  or  et 
argent  ciselés  et  émaillés,  bijoux,  entre  autres  un  bracelet  com- 
posé de  médaillons  d'or  enchaînés  les  uns  aux  autres;  ces  mé- 
daillons, du  milieu  desquels  surgissent  de  petites  têtes  renais- 
sance en  argent,  entourées  d'ornements  émaillés,  sont  d'une 
grande  valeur  artistique. 

Tout  près  de  cette  collection  sont  un  vase  et  des  armes  ap- 
partenant au  baron  Bio;  les  armes,  ornées  d'incrustation  en 
or  ont  été  faites  sous  la  direction  de  M.  Le  Page. 

Le  vase  en  argent  repoussé  est  de  M.  Wechte,  artiste  fran- 
çais qui  modèle  des  vases  dont  les  figures  rappellent  les 
grands  maîtres  florentins,  même  Michel-Ange,  s'il  est  permis 
de  lui  comparer  quelqu'un.  Nous  trouverons  dans  l'Exposition 
anglaise  des  œuvres  de  M.  'VVechte  encore  plus  importantes 
que  cele-ci,  M.  Wechte  étant  en  Angleterre  depuis  plu- 
sieurs années. 

Un  surtout  de  table  argent  et  or,  dont  l'ensemble  est  ma- 
jestueux, avec  détails  et  figures  bien  agencées,  forme  la 
pièce  principale  de  l'exposition  de  M.  Durand;  nous  regret- 
tons de  ne  pas  connaître  le  nom  de  l'artiste  qui  a  modelé  ce 
surtout, 

Un  bel  huilier  en  argent  ciselé,  dans  lequel  des  bouteilles 
en  cristal  bleu  font  un  très-bon  effet,  est  exposé  par  M.  Cos- 
son-Corby;  un  service  à  Ihé  en  argent  émaillé,  de  style 
arabe,  par  M.  Marrel  aîné. 

Nous  remarquons  encore  un  magnifique  bouclier  de  chasse 
avec  figures  d'hommes  et  d'animaux  en  ronde  bosse  dans  des 
médaillons  entourés  de  branches  de  feuillage;  le  bouclier  est 
en  tôle,  les  figures  et  ornements  en  bronze  argenté  par  l'é- 
lectricité. Cette  pièce,  exposée  par  iM.  Casses  ,  a  été  compo- 
sée et  modelée  par  M.  Fournier.  sculpteur. 

M.  Ros>igneux  expose  une  jolie  coupe  d'argent. 

Un  joli  cotfret  à  bijoux  en  argent  se  remarque  au  milieu 
des  objets  exposés  par  M.  Veyrat. 

Les  vitrines  d'orfèvrerie  placées  dans  la  galerie  supérieure 
ne  sont  pas  moins  richement  garnies,  et  nous  regrettons  de  ne 
pouvoir  y  jeter  qu'un  coup  d'œil  rapide.  N'oublions  pas  cepen- 
dant les  richesses  exposées  par  MM.  Auguste-Paul,  au  milieu 
desquelles  domine  un  couteau  de  chasse,  style  Louis  XIV. 


638  VISITE  î 

avec  poignard  de  défense;  la  gaine  et  la  poignée  de  ce  cou-  \ 
teau,  fondu  et  ciselé  en  argent,  ont  été  dessinées  par  M.  Dié-  | 
terle.  Voici  les  vitrines  de  M.  Thénard  et  de  M.  Roucou  qui  ' 
toutes  deux  sont  pleines  de  pommes  de  cannes  et  de  cachets  ' 
d'or,  d'argent  et  de  bronze,  dont  quelques-uns  sont  des  , 
objets  d'art,  La  place  voisine  est  remplie  avec  les  dés  de  î 
M.  Lorillon ,  dés  en  or,  en  argent ,  avec  des  émaux,  dés  enfin,  j 
qui  sont  capables  de  donner  envie  de  coudre  aux  plus  pares-  ' 
seuses.  j 

L'exposition  de  M.  Lecointe,  déjà  garnie  d'un  beau  ciboire   \ 
et  de  parures,  s'enrichira  encore  dans  quelques  jours  d'un 
magnifique  service  à  thé  or  et  argent,  auquel  cet  artiste  tra-   ■ 
vaille  avec  ardeur,  et  qui  sera  décoré  de  gravures  à  l'eau-   j 
forte  par  l'habile  graveur,  M.  Salmon.  i 

Voici  des  verres  montés  en  or  et  en  argent,  un  narghilez  ; 
et  un  magnifique  poignard  dont  la  poignée  est  un  squelette;  ■ 
sur  la  gaine,  aussi  en  argent,  Satan  précipite  un  damné.  Ce  : 
sujet  dramatique  est  bien  rendu,  Satan  a  l'air  très-féroce  et  : 
le  damné  très-désespéré.  ' 

N'oublions  pas  les  jolies  tabatières  en  or  et  en  argent  de 
M.  Chancefoin  et  de  M.  Picard  ,  et  les  bijoux  de  M.  Andral 
d'Aurillac,  de  M.  Lateltin. 

Voici  des  bracelets  de  i\I.  Ray  et  des  chaînes  en  or  sans 
incrustation  d'émaux  de  M,  Prudhomme,  et  cependant  ces  ! 
bracelets  et  ces  chaînes  sont  superbes  par  le  fini  du  travail;   j 
tous  ces  anneaux  ,  toutes  ces  plaques  s'emboîtent  et  se  re-  ■ 
couvrent  comme  les  écailles  d'un  poisson. 

Ces  coffrets,  ces  flacons  de  cristal,  renfermés  dans  des  | 
branchages  d'or  et  d'argent  enrichis  d'émaux,  sortent  des  \ 
ateliers  de  MM.  Tournay  et  Mumerelle.  i 

Cette  magnifique  collerette,  composée  de  petites  étoiles  I 
d'argent  reliées  entre  elles  par  des  fils  si  légers  que  le  tout  ! 
ressemble  à  de  la  dentelle  ,  fait  honneur  à  M.  Dafrique.  '■ 

Ces  résilles ,  ces  bracelets  et  bijoux  en  filigrane  d'or  et  '■ 
d'argent  sont  de  M.  Payen.  ' 

Ce  beau  collier  en  or,  pierres  et  émaux,  est  exposé  par 
M  Janvier. 

Ce  bouquet  de  lis  et  de  roses  en  argent,  de  grandeur  natu-  '. 
relie,  de  M.  Plique,  prouve  que  l'homme  peut  tout  imiter,  l 
tout  faire,  même  ce  qui  paraît, impossible  :  voyez  plutôt! 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  (339 

M.  Grichois,  qui  a  inventé  l'orfèvrerie  inter-cristal,  et  qui,  à 
l'intérieur  du  cristal  d'une  coupe,  d'une  assiette,  d'un 
verre,  suspend  des  guirlandes  d'argent  ou  d'or. 

Voici  M.  Toussaint  qui  a  fait  le  contraire  de  ce  que  font 
les  autres  orfèvres;  si  MM.  Greliche,  Morel ,  Drault,  Darlay 
et  Latreille,  de  Bordeaux,  Berdoulat,  de  Toulouse,  et  tant 
d'autres,  imitent  les  plantes  et  les  fleurs  avec  l'or  et  l'argent, 
M.  Toussaint  fait  de  l'orfèvrerie  avec  les  plantes.  Au  moyen 
de  l'électricité,  il  recouvre  les  feuilles,  les  fleurs,  d'une 
couche  d'argent  ou  d'or,  ou  bien  il  trouve  les  éléments  de 
ses  compositions  dans  la  partie  ligneuse  des  feuilles  dessé- 
chées du  cactus ,  en  forçant  la  nature  à  lui  faire  ses  modèles. 
Pouvait-il  choisir  un  meilleur  artiste?  M.  Clément,  de  Lou- 
dun  (Vienne),  a  fait  comme  lui,  et  il  a  exposé  un  magni- 
fique arbuste  avec  des  oiseaux,  obtenus  d'après  nature  par 
la  galvanoplastie. 

Nous  arrivons  en  courant  devant  les  vitrines  des  objets 
d'orfèvrerie  argentée,  dorée  ou  plaquée,  qui  peuvent  à  cer- 
tains égards  rivaliser  avec  l'orfèvrerie  d'or  et  d'argent. 

Les  pièces  de  cette  orfèvrerie  sont  dorées  ou  argentées  au 
feu  par  quelques-uns,  par  d'autres  au  moyen  de  l'électri- 
cité; ce  dernier  moyen  est  employé  par  MM.  Casses  et  par 
M.  Christofle,  qui  expose  sous  la  rotonde  du  Panorama  un 
service  de  table  pour  cent  couverts ,  dont  plusieurs  parties 
sont  en  argent;  les  autres  sont  argentées  par  l'électricité. 
M.  Flosange,  M.  Boëx ,  M.  Gueyton,  dont  nous  aurons  à 
parler  à  propos  des  bronzes,  M.  Halphen,  qui  peut  vendre 
des  couverts  argentés  à  6  francs,  MM.  Lionnet  frères,  etc., 
sont  tous  dans  le  même  cas. 

Ces  dépôts  de  métaux  précieux  s'obtiennent  par  une  voie 
électrique  de  la  façon  suivante.  Dans  un  bain  de  cyanure  de 
potassium,  on  fait  dissoudre  un  sel  d'or  ou  un  sel  d'argent; 
on  place  ensuite  au  pôle  négatif  d'une  pile  assez  énergique  de 
Bunsen  les  pièces  de  cuivre  à  recouvrir;  au  pôle  positif  se 
trouve  une  lame  d'or  ou  d'argent.  Aussitôt  que  le  courant 
passe,  le  métal  précietix  se  dépose  sur  le  cuivre  j  et  comme 
celui  de  la  plaque  se  dissout  à  mesure ,  la  liqueur  conserve 
toujours  la  même  saturation  et  peut  donner  un  dépôt  homo- 
gène. On  fait  une  opération  tout  à  fait  analogue  pour  recou- 
vrir de  cuivre  les  objets  de  zinc  et  obtenir  les  produits  nom- 


(iiU  VISITE  4 

mes  bronze-composition  :  on  remplace  les  sels  d'or  et  d'argent  ^ 
par  du  suïïate  de  cuivre  qu'on  ajoute  au  cyanure  de  potassium  \ 
comme  précédemment,  et  les  plaques  des  métaux  précieux  | 
sont  remplacées  par  une  anode  de  cuivre.  ^ 

MM.  Savard,  Plichon  ,  n'emploient  pas  ces  nouveaux  pro-  -; 
cédés,  ils  font  des  bijoux  plaqués,  c'est-à-dire  en  cuivre  ou  ■ 
en  alliage,  recouverts  d'une  feuille  d'or  à  0,750,  le  même  i 
titre  que  celui  de  la  bijouterie  d'or.  ■ 

MM.  Balaine,  Haliot,  Mme  veuve  Naudin ,  M.  Sanders ,  i 
M.  Marguerie,  M.  Bender,  M.  Dobbé,  M.  Foasse ,  M.  Dura-  j 
four,  M.  Lelong,  M.  Callot,  ont  exposé  de  tres-jolis  bijoux,  ; 
dorés  par  l'un  ou  par  l'autre  des  procédés  dont  nous  venons  : 
de  parler.  i 

MM.  de  Ruolz  et  de  Fontenay  et  M.  Fougères  exposent  des  '' 
objets  d'orfèvrerie  et  des  couverts  faits  avec  un  alliage  ! 
massif,  sans  placage,  remplaçant  l'argenterie  et  coûtant  i 
beaucoup  moins.  j 

M.  Moussier  a  exposé  des  couverts,  des  plateaux ,  etc.,  en  | 
un  métal  imitant  l'argent,  sans  alliage  de  cuivre,  sain,  j 
solide  et  n'ayant  pas  besoin  d'argenture  ;  ce  métal ,  que  l'on  ! 
ne  pourrait  ciseler  aussi  finement  que  l'argent,  est  d'un  bon  | 
marché  inouï,  comparativement  aux  prix  ordinaires;  ainsi  i 
un  couvert  coûte  5i  fr.  50  c,  la  douzaine  de  cuillers  à  café,  ! 
6  francs. 

Cette  partie  de  l'Exposition  est  sans  nul  doute  une  des  plus 
intéressantes;  faire  à  bon  marché  est  une  condition  absolue  • 
maintenant;  mais  on  est  heureux  de  voir  qu'on  soit  arrivé  à  : 
donner  à  ces  produits  une  valeur  artistique  réelle.  S'il  n'y  a  i 
plus  guère  en  France  de  grandes  fortunes  capables  de  payer  ' 
à  leur  valeur  de  beaux  vases  d'or  et  d'argent ,  il  y  a  beaucoup  ; 
de  gens  de  goût  qui  sont  bien  aises  de  pouvoir  acheter  des  ; 
œuvres  d'art.  M.  Christofle,  M.  Halphen,  en  France;  M.  El-  j 
kington,  en  Angleterre,  nous  semblent  avoir  bien  compris  ! 
l'esprit  du  siècle,  et  sans  doute  le  succès  leur  prouvera  qu'ils  | 
mafchent  dans  la  bonne  voie.  ; 

11  nous  faut  quitter  les  questions  d'économie  usuelle  pour  I 
remonter  dans  le  domaine  des  arts.  j 

Kous  avons  à  examiner  les  jolis  produits  exposés  par  les  ' 
cmaiUeurs;  mais  admirons  auparavant  ces  délicates  incrusta-  i 
lions  d'or  et  d'argent  sur  acier  qui  sont  dues  au  talent  de  ' 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  641 

M.  Pérot.  Ces  coffrets  d'acier  damasquinés  sont  exposés  par 
M.  Henry. 

Nous  regrettons  de  ne  pas  voir  ici  les  gravures  à  i'eau- 
forte  et  les  incrustations  d'or  et  d'argent  que  M.  Salmon  fait 
avec  tant  de  goût  et  de  soin. 

N'oublions  pas  les  jolis  animaux  presse-papiers  or,  argent 
et  bronze  de  M.  Bouchet. 

L'art  de  réinailleur  a  été  peu  cultivé  pendant  quelque 
temps  :  les  procédés  étaient  perdus  ;  lorsque  ,  il  y  a  quelques 
années,  des  artistes  cherchèrent,  et,  aidés  par  d'habiles  chi- 
mistes, retrouvèrent  les  procédés  employés  par  les  émailleurs 
du  moyen  âge.  M.  Legost  est  un  de  ces  savants  artistes  à  qui 
Ton  doit  une  partie  de  ces  découvertes;  il  a  restauré  les 
émaux  de  plusieurs  des  tombeaux  de  la  crypte  de  Saint- 
Denis,  et  exposé  des  bronzes  avec  dessins  champlevés  remplis 
d'émaux  fondus,  rappelant  les  formes  et  le  caractère  des 
émaux  des  xr  et  xii'  siècles. 

On  doit  à  M.  Chariot  de  nouvelles  formes  de  vases,  de 
coupes  qu'il  sait  décorer  d'émaux  recouverts,  par  parties, 
de  feuilles  d'or  découpées  en  ornements  capricieux.  Ces 
étoiles  et  ces  ornements  d'or,  semés  sur  le  bleu  ou  sur  le 
rouge  de  l'émail  de  ces  jolies  coupes,  leur  donnent  un  ca- 
chet tout  particulier;  ces  œuvres  ne  sont  pas  seulement  une 
imitation  du  passé,  elles  présentent  un  caractère  de  nou- 
veauté remarquable. 

M.  Gossart  a  produit  et  exposé  de  belles  tasses,  des 
flacons,  des  coupes  émaillées  et  montées  en  bronze,  qui 
ressemblent  à  la  belle  porcelaine  de  Sèvres. 

M.  Deverdun  est  parvenu  à  imiter,  au  moyen  de  Témail,  le 
jaspe  et  le  lapis;  ces  imitations  intéressantes  lui  ont  valu 
pour  elles  l'entrée  du  musée  de  Sèvres. 

Voici  un  autre  émailleur  de  talent,  M.  Dolin,  qui  a  pro- 
duit des  plats  et  des  assiettes  qui ,  comme  dessin  et  couleurs, 
rappellent  les  faïences  de  Bernard  de  Palissy. 

Les  émailleurs  français  sont  peu  nombreux ,  mais  leurs 
produits  sont  remarquables;  nous  verrons  tout  à  l'heure  que 
les  émailleurs  des  autres  nations  n'ont  produit  que  des 
émaux  sur  bijoux,  et  qu'ils  sont  surpassés  par  les  nôtres. 

La  sculpture  sur  camées ,  sur  onyx  et  sur  cornaline  est  re- 
présentée par  M.  Titus  Albités  ,  quelques-uns  des  por- 
206  pp 


642  VISITE 

traits  faits  par  cet  artiste  rappellent  les  beaux  camées  an- 
tiques. 

La  mosaïque,  qui  est  d'origine  italienne,  a  aussi  ses  repré- 
sentants français  à  l'Exposition ,  MM.  Robert  et  Barri.  Tout 
le  monde  sait  que  l'art  du  mosaïste  en  bijoux  consiste  à 
poser  et  sceller  les  uns  près  des  autres  d'imperceptibles  mor- 
ceaux de  marbres  de  couleurs  différentes,  et  de  représenter 
ainsi  des  monuments,  des  animaux  ou  des  paysages.  Ce  tra- 
vail est  long  et  ne  se  prête  pas  à  la  fougue  artistique;  de  plus 
ses  résultats  sont  peu  satisfaisants  lorsqu'on  examine  les 
mosaïques  de  près;  c'est  un  travail  de  patience  et  de  détail. 
qui  ne  produit  un  très-bon  effet  que  de  loin. 

M.  .Inrry  a  exposé  une  table  dont  le  dessus  est  en  mo- 
saïques de  lapis  luzzuli;  elle  est  aussi  remarquable  à  cause 
du  pied  en  argent  qui  la  supporte  et  du  cadre  qui  l'entoure. 
Des  enfants  se  poussent  pour  atteindre  en  grimpant  une  cor- 
beille de  fruits  qui  supporte  cette  table.  La  mosaïque  du  des- 
sus est  d'un  fini  sati^falsant;  l'orfèvrerie  du  pied  et  de  la 
bordure  est  une  œuvre  d'art.  Cette  partie  de  l'œuvre  a  toutes 
nos  préférences. 

L industrie  des  bronzes  d'art  comprend  la  sculpture,  le 
moulage,  la  ciselure  et  la  dorure. 

Le  sculpteur  apporte  son  œuvre,  le  fondeur  la  prépare 
pour  la  fonte,  le  monteur  en  bronzes  en  rassemble  les  tron- 
çons épars  et  la  livre  au  ciseleur;  la  dorure  et  la  mise  en  cou- 
leur complètent  cette  série  d'opérations  dont  le  prix  ne  laisse 
pas  que  d'être  considérable. 

Plusieurs  fabricants  ont  cherché  à  réduire  ce  prix  en  rem- 
plaçant le  cuivre  par  le  zinc,  dont  la  valeur  intrinsèque  est 
beaucoup  moindre,  qui  se  cisèle  beaucoup  plus  facilement, 
et  qui ,  lorsqu'on  fond  en  coquille,  c'est-à-dire  dans  des 
moules  de  métal,  peut  quelquefois  n'être  pas  retouché.  La 
plupart  du  temps  on  recouvre  le  zinc  d'une  couche  de  cuivre 
par  voie  galvanique,  le  cuivre  est  ensuite  ôronse  par  diffé- 
rents procédés. 

Les  fabricants  de  bronze  prétendent  que  l'on  ne  peut  ob- 
tenir une  reproduction  en  zinc  aussi  belle  et  aussi  nette 
comme  ciselure  qu'avec  le  bronze;  MM.  Miroy,  Boy,  Laureau, 
Lefèvre,  Duchâieau,  Dubois  et  Soûlas  ont  exposé  des  sta- 
tuettes, des  candélabres  et  des  presse-papiers  en  zinc  fondu 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  0i3 

dont  l'aspect  est  aussi  beau ,  dont  les  ciselures  sont  aussi 
fines  que  si  ces  produits  étaient  en  bronze.  Il  est  cependant 
difficile  d'obtenir  une  couleur  en  tous  points  satisfaisante  et 
durable. 

Dans  la  grande  nef  sont  de  grandes  figures  ,  d^s  chevaux 
et  des  candélabres  en  bronze  sortis  des  ateliers  de  M.  Calla, 
de  M.  Thiébault,  de  M.  Morin,  de  iM.  Viltoz,  de  M.  de  La- 
broue  et  de  M.  Eloy  Dupont.  Au  fond  de  la  nef,  et  sur  un 
piédestal  très-élevé,  est  une  statue  de  reine  toute  dorée  des 
pieds  à  la  tête  et  exposée  par  MM.  Eck  et  Durand.  La  lumière 
joue  et  glisse  sur  cette  masse  de  dorure  et  produit  de  singu- 
liers chatoiements  sur  le  visage  de  cette  pauvre  reine.  Des 
figures  dorées  font  très-bon  effet,  mais  lorsqu'elles  sont  pe- 
tites; M.  Graux-Marly  l'a  bien  compris  à  propos  de  ses  tor- 
chères ,  dont  les  draperies  seules  sont  dorées. 

Nous  voici  devant  l'exposition  de  M.  Barbedienne  :  au  fond , 
la  réduction  d'une  porte  du  baptistère  de  Florence,  chef- 
d'œuvre  de  Lorenzo  Ghiberti ,  le  grand  ariiste  florentin ,  à 
gauche  ,  le  Laocoon  en  bronze  ;  à  droite,  le  Moïs,e  de  iMichel- 
Ange;  en  avant  le  Penseroso ,  le  Jour  et  la  Nuit  de  Michel- 
Ange;  la  Vénus  de  Milo,  et,  comme  chefs-d'œuvre  modernes, 
la  Pénélope  de  Cavelier,  la  statue  équestre  de  François  P''  par 
Clésinger;  le  tout  entremêlé  de  vases,  de  coupes,  de  brûle- 
parfums  byzantins,  de  statuettes,  de  cachets  d'un  goût  et 
d'une  exécution  irréprochables;  parmi  tous  ces  trésors  nous 
distinguons  les  amphores  de  Henri  Cahieux ,  jeune  sculpteur 
moissonné  ces  mois  derniers  ;  ces  trépieds  qui  ressemblent  à 
l'antique  sont  aussi  de  lui. 

Et  tous  ces  bronzes  de  l'antiquité  et  du  moyen  âge  ne  sont 
pas  des  copies  plus  ou  moins  exactes  des  chefs-d'œuvre  ori- 
ginaux ,  mais  des  réductions  mathématiques  obtenues  par  les 
procédés  de  M.  Collas,  procédés  à  l'aide  desquels  la  réduction 
s'opère  mécaniquement  à  une  échelle  déterminée. 

Si  nous  n'avions  encore  tant  à  voir,  nous  dirions  quelques 
mots  du  bénitier  byzantin  en  or  et  émaux  par  M.  Legost,  qui, 
dans  quelques  jours,  viendra  augmenter  la  splendeur  de  l'ex- 
position de  M.  Barbedienne. 

La  montre  de  M.  Denière  est  aussi  très-bien  et  très-riche- 
ment composée.  Au  premier  plan ,  voici  tout  un  service  de 
table  en  bronze  doré  exécuté  dans  les  ateliers  de  M.  Denière 


644  VISITE 

pour  i\I.  Kisseleff,  ex-ambassadeur  de  Russie.  Nous  rei^Tet- 
tons  de  ne  pas  savoir  le  nom  du  sculpteur  qui  a  produit  ces 
beaux  feuillages  et  ces  jolis  enfants  si  mutins.  iVi.  Denière  a 
aussi  exposé  une  profusion  de  pendules ,  de  candélabres  en 
bronze  doré  et  non  doré;  des  copies  d'après  des  sculpteurs 
de  l'antiquité ,  du  moyen  âge  et  de^nos  jours. 

Entre  autres  bronzes  remarquables,  MM.  Raingo  ont  exposé 
une  belle  pendule  représentant  l'Alliance  de  l'Art  et  de  la 
Science;  c'est  une  bonne  idée  bien  exprimée. 

MM.  Susse  ont  exposé  de  belles  réductions  en  bronze,  obte- 
nues par  le  procédé  de  M.  Sauvage  ,  parmi  lesquelles  nous  re- 
marquons la  Véjius  de  Milo,  VAtalante  et  la  Sap/^o  de  Pradier. 

Voici  beaucoup  de  groupes  de  Cumberworlh  reproduits  en 
bronze  et  exposés  par  M.  Daubrée. 

Un  sculpteur  de  Caen,  M.  A.  Lechesne,  a  exposé  lui-même 
plusieurs  de  ses  œuvres  en  bronze  ;  nous  remarquons  un  joli 
coffret,  des  vases  et  des  groupes  d'animaux. 

Tout  auprès,  un  autre  sculpteur,  fatigué  de  subir  les  exi- 
gences des  fabricants,  s'est  fait  fabricant  lui-même;  regar- 
dez ses  œuvres  :  ces  animaux  si  naturels,  si  foits  [si  intel- 
ligents, jusque  dans  leur  férocité,  ne  peuvent  être  que  les 
œuvres  de  Barye. 

Personne,  en  effet,  ne  sait,  comme  cet  artiste  éminent,  ani- 
mer le  bronze,  lui  souffler  la  vie  et  le  mouvement.  M.  Barye 
est  professeur  au  Muséum  d'Histoire  naturelle,  et  c'est  là  un 
excellent  choix  qu'ont  fait  les  administrateurs  de  ce  grand 
établissement;  il  est  en  effet  essentiellement  naturaliste, 
chaque  animal  a  son  caractère  spécial  bien  saisi ,  son  mouve- 
ment parfaitement  étudié;  d'autres  font  peut-être  aussi  bien 
que  M.  Barye,  personne  ne  fait  aussi  vrai  ! 

Là,  c'est  un  fabricant  de  bronze  qui  est  sculpteur,  aussi 
M.  Noël  fils  sait-il  donner  aux  bronzes  qui  passent  par  ses 
mains  un  cachet  tout  particulier. 

M.  Delafontaine  est  un  artiste  de  mérite;  voyez  ce  petit 
lustre  byzantin  ,  si  joli  de  forme  et  de  détails  ,  ces  vases  et  ces 
candélabres  antiques.  M.  Delafontaine  a  aussi  reproduit  le 
danseur  et  le  masicie'i  napolitain ,  de  M.  Duret. 

Quelle  jolie  et  sainte  figure  que  celle  exposée  par  M.  Dé- 
pensier! Elle  lient  une  croix  de  bois  er  porte  V Évangile;  elle 
i^st  humble  et  son  doux  sourire  réconforte  ceux  qui  la  regar- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  645 

dent;  c'est  bien  ainsi  que  nous  comprenons  la  Religion  chré- 
tienne. 

Pourquoi  donc  les  fabricants  de  bronze  ne  mettent-ils  pas 
sur  les  produits  le  nom  de  l'artiste  qui  a  créé  ces  chefs-d'œu- 
vre? nous  n'aurions  pas  à  regretter  sans  cesse,  en  voyant  des 
œuvres  si  remarquables,  de  n'en  pouvoir  nommer  les  auteurs. 

M.  de  Labroue  ne  craint  pas  de  désigner  les  sculpteurs  à 
qui  il  doit  ses  beaux  modèles;  aussi  lisons-nous  sur  plusieurs 
groupes  très-remarquables ,  entre  autres  celui  d'Héloïse  et 
d'Abailard,  le  nom  de  E.  Chatrouse;  nous  reconnaissons  aussi 
le  groupe  d'esclaves  de  M.  Lévêque. 

Nous  voyons  chez  M.  Paye,  Vecce  Homo  et  la  Vierge  de  Cal- 
mels,  plusieurs  figures  par  M.  Dubois  et  par  M.  Blavier;  chez 
M.  Graux-Marly,  les  belles  figures  porte-lampes,  grandeur 
nature,  de  M.  Ch.  Buhot. 

Chez  M.  Boyer,  un  beau  groupe  formant  pendule  :  Vlndus- 
trie  écrasant  r Ignorance .^  par  M.  Piat. 

Chez  M.  Gautier  nous  reconnaissons  le  Faune  de  M.  Le- 
quesne  ,  un  joli  groupe  de  M.  Adrien  Fourdrin  ;  chez  MM.  Dn- 
plan  et  Salles,  des  groupes  d'animaux  de  Comoleyra. 

Mais  arrrétons-nous  un  moment  devant  la  belle  pendule 
exposée  par  MM.  Vauvray.  Cette  pendule  est  destinée  à  per- 
pétuer le  souvenir  de  l'Exposition  universelle  de  1855. 

Au  centre  le  génie  des  arts  et  de  l'industrie  appelle  tous  les 
peuples  à  l'Exposition.  L'Europe  arrive  portant  la  presse  qui 
un  jour  doit  émanciper  tous  les  peuples  ;  V Afrique  la  suit  ; 
l'Asieei  V Amérique  v'xewwQni  déposer  leurs  produits  aux  pieds 
du  génie,  VOcéanie  étonnée  regarde. 

Cette  pendule  est  accompagnée  de  deux  candélabres  sous 
la  forme  de  palmiers  au  pied  desquels  reposent  l'Art  et  la 
Science.  Ces  figures  allégoriques  sont  bien  comprises  et  expri- 
ment bien  ce  qu'elles  représentent  ;  elles  sont  dues  à  M.  Sal- 
mon ,  sculpteur;  le  dessin  d'ensemble  est  de  MM.  Vauvray, 
M.  E  Gallien ,  architecte,  a  dirigé  l'arrangement  et  la  déco- 
ration de  ce  petit  monument ,  et  M.  Deurbergue  a  ciselé  les 
figures.  A  la  bonne  heure  MM.  Vauvray  font  la  part  de  tous 
ceux  qui  les  ont  aidés  !  c'est  justice. 

MM.  Delesalle  ont  exposé  un  piédestal  en  marbre  noir  for- 
mant pendule,  sur  lequel  est  la  statue  équestre  du  général 
Bonaparte;  aux  angles  du  piédestal  sont  deux  tambours  et 


646  VISITE 

deux  trompettes  de  l'armée  républicaine  ;  ces  figures  sont  de 
M.  Leveel. 

M.  Bonnotte  a  exposé  plusieurs  pendules  avec  figures  en 
bronze  d'un  très-bon  style,  des  coupes  et  des  candélabres, 
des  penduies  dun  effet  original  tout  en  bronze  et  composées 
de  feuilla.ues  sur  lesquels  sont  posés  des  oiseaux;  les  feuil- 
lages sont  d'un  vert  plus  vif  que  le  bronze  de  la  pendule  et 
paraissent  naturels. 

M.  Bonnotle  a,  dans  son  compartiment,  un  joli  cadre  de 
glace  coriipDsé  de  feuillages  et  d'oiseaux  en  bronze  doré  qui 
sort  des  atf  liers  de  M.  Matifat  père. 

Mais  le  temps  nous  presse  :  voyons  en  courant  la  pendule 
et  les  vases  byzantins  de  M.  Bouionnois  ;  la  jolie  cheminée  en 
marbre  blanc  avec  bronze  doré  de  MM.  Lerolle  frère  ,  et  leur 
beau  lu  ^tre  avec  branches  et  feuilles  de  vigne  en  bronze  doré, 
et  grappes  de  raisin  en  cristal  ;  ce  groupe  de  sept  figures  fondu 
d'un  seul  jet  par  M.  Grignon-Meusnier,  et  ces  pendules  en 
marbre,  décorées  de  peintures  sur  porcelaines  et  ornées  en 
bronze;  les  pendules  de  M.  Houdebine  avec  ses  gravures  au 
burin  dont  les  traits  sont  dorés  ensuite  (procédé  Verdin).  Les 
bronzes  d  art  et  de  fantai?ie  de  MM.  Dardouville,  Détourbet 
et  Broquin,  Sorel-Douce,  Fétu  ,  Bigot,  Bernard  ,  Carrier,  de 
Lyon ,  etc. ,  etc.  Nous  en  passons  et  des  meilleurs.  Mais 
avant  d'arriver  aux  imitations  de  bronze,  levez  les  yeux  et 
voyez  ce  joli  lustre  en  bronze  doré  avec  fleurs  de  porcelaine 
peinte  et  cristaux ,  qui  sort  des  ateliers  de  M.  Marquis. 

Dans  la  galerie  sont  suspendus  de  beaux  lustres ,  les  uns 
tout  en  bronze  doré ,  les  autres  en  bronze  doré  et  cristaux ,  sor- 
tant des  ateliers  de  MM.  Charpentier,  Boyer,  Weygaud  ,  Gal- 
lois et  Lacan ière  :  le  lustre  du  Clique,  dessiné  par  M.  Hittorf, 
a  été  f.iit  dans  les  ateliers  de  M.  Lacarrière  qui  a  fait  aussi, 
je  crois,  le  lustre  si  original  et  si  beau  que  M.  Barthélémy 
avait  imaginé  pour  la  salle  qui  porte  son  nom. 

Si  nous  nous  arrêtons  devant  les  étalages  de  MM.  Boy, 
Bourdon,  Miroy,  Laureau  ,  Dubois  et  Soûlas ,  nous  pourrons 
nous  croire  encore  chez  des  fabricants  de  bronze,  tant  ces 
figures,  ces  coupes,  ces  candélabres  sont  fins  et  purs;  ce- 
pendant ces  objets  sont  en  imitation. 

Voyez  les  imitations  de  petits  bronzes  d'art  de  M.  Laureau, 
et  les  grandes  statues  de  M.  Boy  et  de  M.  Mifoy  ;  voyez  les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  647 

beaux  lustres  et  les  beaux  candélabres  faits  en  zinc  par 
M.  Hubert  fils  et  recouverts  de  cuivre  au  moyen  de  l'électri- 
cité;  comparez-les  à  des  bronzes  véritables,  voyez  où  pour- 
ront nous  conduire  encore  quelques  années  d'efforts.  Déjà 
les  prix  sont  réduits  dans  une  incroyable  proportion. 

MM.  Gueyton,  Feuquières  et  Marguerite,  Pouey,  Lefèvre, 
Zier  et  Lionnet  n'ont  exposé  que  des  produits  galvanoplasti- 
ques. 

C'est ,  on  peut  le  dire,  de  l'époque  où  la  gutta-percha  a  été 
introduite  dans  les  ateliers  de  la  galvanoplastie ,  que  date 
le  succès  véritablement  sérieux  de  cette  industrie  nouvelle. 
On  sait  que  la  gutta-percha  se  ramollit  par  la  chaleur  : 
ainsi  ramollie ,  on  l'applique  sur  l'objet  à  reproduire ,  et  la 
pression  fait  pénétrer  cette  matière  éminemment  plastique 
dans  tous  les  creux  du  modèle;  après  le  refroidissement, 
son  élasticité  permet  de  l'arracher  du  moule  en  conservant 
toute  la  fidélité  et  la  délicatesse  de  l'empreinte  formée.  Ainsi 
préparé,  le  moule  de  gutta-percha  est  rendu  conducteur  de 
l'électricité  en  le  recouvrant,  à  l'aide  d'un  pinceau,  de  plom- 
bagine en  poudre  ;  il  ne  reste  plus ,  pour  obtenir  sa  repro- 
duction, qu'à  le  plonger  dans  le  bain  électro-chimique. 

Quant  à  la  pile  qui  sert  à  provoquer  la  précipitation  du 
cuivre  par  l'action  décomposante  de  l'électricité,  elle  n'offre 
rien  de  particulier.  C'est  l'appareil  ordinaire  que  l'on  trouve 
aujourd'hui  à  bas  prix  dans  le  commerce.  On  place  cette  pile 
en  dehors  du  bain  ,  ses  deux  fils  conducteurs  plongeant  seuls 
dans  le  liquide.  On  attache  le  moule  au  pôle  négatif,  et  à 
l'autre  pôle  une  plaque  de  cuivre  dont  la  proximité  inûue 
souvent  beaucoup  sur  le  ré.-ultat  obtenu;  à  mesure  qu'il  se 
dépose  du  métal  sur  le  moule,  le  cuivre  de  la  plaque  positive 
se  dissout  ;  la  liqueur  reste  ainsi  toujours  au  même  degré  de 
saturation  ;  le  cuivre  est,  pour  ainsi  dire,  transporté  de  la 
plaque  au  moule.  Au  bout  de  quelques  jours,  ce  dernier  se 
trouve  recouvert  en  entier  et  l'opération  est  terminée. 

On  peut  souvent  ne  pas  employer  une  pile  extérieure;  on 
se  contente ,  par  exemple,  de  placer  dans  le  bain  un  vase  po- 
reux dans  lequel  de  l'acide  sulfurique  et  du  zinc  développent 
un  courant  qui  arrive  jusqu'au  moule  par  un  fil  métallique  qui 
relie  le  moule  à  la  plaque  de  zinc.  Mais,  dans  ce  cas,  comme 
la  dissolution  finirait  par  s'épuiser ,  on  a  la  précaution  de 


648  VISITE 

placer  au  sein  de  la  liqueur  un  sac  contenant  des  cristaux 
de  sulfate  de  cuivre,  qui  se  dissolvent  dans  l'eau  pour  rem- 
placer au  fur  et  à  mesure  celui  qui  disparaît  par  suite  du  dé- 
pôt métallique. 

Nous  avons  dit  plus  haut  comment  on  faisait  les  dépôts 
de  métaux  précieux  par  l'éiectricilé. 

Toutes  ces  statuettes,  ces  beaux  bas-reliefs,  ces  bustes,  ce 
calvaire  de  Justin  ,  ces  vases ,  ces  coupes ,  ces  plateaux  de 
M.  Gupyton  sont  ainsi  obtenus  Plusieurs  d'entre  eux  sont 
de  véritables  pièces  d'orfèvrerie  artistique. 

M.  Lefèvre  est  l'inventeur  breveté  d'un  moula2;e  élastique, 
au  moyen  duquel  il  obtient  des  pièces  d'un  relief  considéra- 
ble. Un  petit  bas-relief  contenant  une  foule  de  figures  bien 
détachées  est  un  petit  chef-d'œuvre  de  reproduction. 

M.  Lionnet ,  lui  aussi,  est  un  galvanoplaste  distingué. 
Voyez  ces  reproductions  de  clirhés  pour  l'imprimerie  et  de 
planches  gravées  sur  acier  et  sur  cuivre,  et  ces  pendules, 
ces  Coffrets,  vrais  bijoux  argentés  et  dorés  par  l'électricité. 

Les  étalages  de  MM.  Pouey,  Feuquières  et  Zier,  sont  des 
musées  d'objets  de  bronze  et  d'orfévreiie  obtenus  à  peu  de 
frais  par  la  galvanoplastie.  M.  Oudry  nous  présente  des  ap- 
plications de  rélectro-métallurgie  au  doublage  des  navires, 
et  de  la  chaudronnerie  en  fer  et  en  fonte ,  applications  qui  ne 
seront  pas  moins  utiles  à  l'industrie  que  celles  que  nous 
avons  vues  ne  seront  utiles  aux  arts.  Nous  verrons,  parmi  les 
produits  de  l'exposition  anglaise  et  allemande,  des  spécimens 
d'œuvresplus  remarquables  de  cette  nouvelle  industrie. 

Enfin,  nous  sommes  parvenu  à  nous  soustraire  au  charme 
de  l'exposition  française  ,  et  il  ne  fallait  rien  moins  pour  nous 
en  donner  le  courage ,  que  les  merveilles  des  expositions 
étrangères. 

Commençons  notre  revue  par  l'exposition  de  Vorfévrerie  et 
bijouterie  anglaises ,  qui  est  la  plus  remarquable. 

Quelle  profusion  de  surtou^s,  de  coupes,  de  candélabres 
en  argent  massif,  des  vases,  des  boucliers,  des  groupes  de 
combattants,  des  monuments,  enlin  tout  un  musée  de  sculp- 
ture en  argent  massif.  Quelques-uns  de  ces  spécimens  de 
l'orfèvrerie  anglaise  sont  encore  plus  riches  au  point  vue  de 
l'art. 

Voici  d'abord  des  candélabres  et  un  groupe  de  figures 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  649 

allégoriques,  tout  en  argent  massif,  exposé  par  la  Compa- 
gnie des  orfèvres  de  la  cité  de  Londres.  Le  groupe  représente 
IHchard  II  donnant  le  privilège  à  la  Compagnie  des  orfèvres. 
Ces  figures,  ces  ornements  gracieux  prouvent  que  la  Compa- 
gnie a  fait  faire  le  modèle  par  un  des  meilleurs  sculpteurs  de 
l'Angleterre. 

Plusieurs  des  vitrines  des  orfèvres  anglais  présentent  un 
nombre  incroyable  de  richesses;  on  comprend  en  les  voyant 
que  l'aristocratie  anglaise  est  seule  assez  riche  pour  acha- 
lander  de  telles  fabriques  d'orfèvrerie.  Nous  n'avons  ni  le 
temps  ni  l'espace  pour  détailler  toutes  ces  merveilles.  Faisons 
remarquer  cependant  dans  la  vitrine  de  M.  Garrard  cette 
belle  fontaine  arabe  en  argent  et  en  or.  décorée  d'ornements 
émailiès  du  plus  beau  style  arabe  que  l'on  puisse  voir;  trois 
chevaux  viennent  se  désaltérer  à  cette  fontaine.  Ce  magnifi- 
que surtout  appartient  à  la  reine  d'Angleterre.  Voyons  en- 
core ce  beau  candélabre ,  ces  bracelets  et  ces  bijoux  de  tou- 
tes sortes.  Puis  passons  à  la  vitrine  de  M.  Hancock  où  brille 
un  magnifique  surtout,  représentant  un  combat  entre  deux 
chevaliers.  C'est  une  singulière  idée  de  poser  sur  une  table, 
autour  de  laquelle  sont  de  joyeux  convives  ,  un  surtout  re- 
présentant ce  qu'a  de  plus  atroce  la  barbarie  :  des  hommes 
qui  s'égorgent.  Nous  préférons  de  beaucoup  sous  ce  rapport 
le  surtout  de  MM.  Donne,  Prime,  Lister,  et,  à  l'exposition 
française,  ceux  de  MM.  Denière  et  Christnfle,  qui  ne  pré- 
sentent que  des  sujets  agréables.  Mais  M.  Hancock  sait  être 
aussi  gracieux  et  élégant;  ses  riches  parures  doivent  être 
comptées  parmi  les  plus  belles  de  l'Exposition. 

Nous  sommes  devant  la  vitrine  de  MM.  Hunt  et  Boskel,  les 
successeurs  de  Stor  et  Mortimer;  admirons  ces  bijoux  si  ri- 
ches, ce  bouquet  de  fleurs  faites  avec  des  diamants.  Ce  sur- 
tout, cps  candélabres  en  argent  sont  bien  beaux,  et  cepen- 
dant voici  des  vases  et  un  bouclier  en  argent  repoussé  qui 
les  font  oublier. 

L'un  de  ces  vases  représente  Jupiter  foudroyant  les  Ti- 
tans. Cette  figure  de  .lupiter,  placée  au  sommet  du  vase,  les 
Titans  qui  tombent  foudroyés  sont  dignes  de  Michel- Ange; 
comme  celui-ci,  deux  autres  vases  et  un  bouclier  sont  aus^ide 
M.  Wechte,  artiste  français  qui,  depuis  quelques  années,  ha- 
bite Londres  et  contribue  aux  succès  de  cette  maison.  Nous 


650  VISITE 

avons  vu,  dans  l'exposition  française,  une  des  œuvres  de 
M.  Wechte  :  le  vase  ap;>at tenant  au  baron  Bro. 

Les  œuvres  de  M.  Wechte  ne  doivent  pas  nous  empêcher 
d'admirer  les  bijoux  en  pierreries  montées  en  or  et  en  argent 
dans  les  ateliers  de  M.  Phillips,  et  qui  sont  dignes  des  joail- 
liers français.  Mais  en  voici  que  nous  préférons  à  cause  de 
leur  caractère  d'originalité,  ce  sont  des  bracelets  et  des  bi- 
joux irlandais  expoî^és  par  MM.  Bettie,  d'Aberdeen.  Ces  bijoux 
ne  sont  pas  des  reproi actions  plus  ou  moins  belles  des  pro- 
duits de  la  joaillerie  française,  comme  nous  en  voyons  en 
Angleterre  et  dans  h  s  autres  pays ,  qui  tous  ont  le  tort  de 
vouloir  imiter  la  France  au  lieu  de  créer  des  produits  ayant 
un  cachet,  un  slyle  [)arliculier. 

Aussi  voyez  les  beaux  bijoux  de  MM.  Bettie;  les  broches  et 
les  bracelets  de  MM.  Walerhouse,  de  Dublin,  de  MM.  Slur- 
ger,  de  Birmingham;  les  bracelets,  les  colliers  de  MM.  Phe- 
lan  ,  Goggin,  de  Dublin,  faits  de  chêne  fossile  noir  ou  noirci, 
ornés  de  perles,  d'émeraiides  et  de  pierres  précieuses  et 
montés  en  or  et  en  argent  Certes  ces  bijoux  sont  moins 
brillants  que  des  bijoux  de  pierreries  montés  par  les  Lemon- 
nier  et  les  Bapst,  mais  ils  ont  un  caractère  d'originalité  qui 
fait  plaisir. 

Qui  refuserait  de  s'arrêter  devant  la  vitrine  de  M.  Bisson; 
ces  ch^^înes  d'or  si  souples,  formant  des  bracelets  dont  le  tra- 
vail d'ajustement  est  un  chef-d'œuvre  de  goût  et  de  soin.  Ce 
petit  éléphant  d'argent  avec  incrustations  dor  est  un  bijou 
remarquable  comme  i-cidpture  et  comme  ciselure. 

M.  Bisson  est  un  habile  bijoutier  français,  réfugié  politique 
à  Jersey  depuis  1851  ;  il  a  exposé  ses  œuvres  sous  le  nom 
de  l'Angleterre  qui  lui  a  donné  un  asile  et  qui  peut  être  fière 
de  l'artiste  qu'elle  compte  aujourd'hui  comme  un  des  siens. 

La  galvanoplastie  en  Ar'glett^rre  a  d'habiles  interprètes; 
MM.  Elkington  et  Mason  ,  Parkins  et  Marshall ,  Cartwrigth  et 
Prime,  de  Birmingham,  ont  exposé  des  surtouts,  des  can- 
délabres, etc.,  argentés  par  \e<  procédés  galvaniques. 

L'une  des  parties  les  plus  curieuses  de  l'Exposition  est  celle 
occupée  par  les  produits  de  l'Inde^  exposés  sous  le  patronage 
de  l'Angleterre. 

Les  deux  vitrines  dans  lesquelles  sont  groupés  les  bijoux 
et  les  objets  d'orfèvrerie  sont  des  plus  admirables.  Nous  par- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  651 

lions  naguère  de  formes  originales ,  de  créations  féeriques 
qui  étonnent;  certes,  nous  pouvons  être  satisfaits.  Voici  des 
colliers,  des  bracelets,  des  boucles  d'oreilles,  des  bijoux  de 
toutes  sortes,  tous  différents  les  uns  des  autres  et  de  plus  en 
plus  jolis.  Il  paraît  que  de  tout  temps  et  dans  tous  les  pays, 
îes  femmes  ont  aimé  se  mettre  des  bagues,  des  colliers  aux 
doigts  ,  aux  bras,  aux  oreilles  ,  voire  même  au  nez. 

Quelle  admiration  n'a-t-on  pas  pour  l'ancienne  civilisation 
de  l'Inde  en  voyant  ce  monceau  d'objets  d'art  qui  datent,  les 
uns  de  plusieurs  siècles,  les  autres  de  quelques  années 
seulement  ;  ces  bijoux  si  bien  montés,  si  artistement  conçus, 
ces  bracelets  et  ces  colliers  de  filigranes  d'or  et  d'argent,  qui 
sont  aussi  fins  que  les  fines  dentelles;  ces  coupes  émaillées, 
ces  coffrets  d'ivoire  et  d'ébène,  ces  aiguières  sveltes,  élan- 
cées, tout  cet  art  rempli  de  charmes  dans  sa  bizarrerie  et  qui 
nous  plaît  d'autant  plus  qu'il  nous  est  plus  étranger. 

De  l'Inde  passons  en  Egypte,  qui  nous  envoie  des  narghilez 
d'or  et  des  armes  damasquinées  enrichies  de  pierreries. 

Traversons  la  Grèce  et  la  Turquie  qui  n'ont  ni  bronze  ni 
orfèvrerie  et  arrivons  en  Toscane. 

M.  Papi  de  Florence  a  envoyé  une  copie  réduite  en  bronze 
du  Persée  de  Benvenuto  Cellini,  ainsi  que  du  beau  piédestal 
sur  lequel  il  est  posé;  une  copie  en  bronze,  grandeur  du  mo- 
dèle de  la  tête  de  David  par  Michel-Ange  ;  mais  ce  qui  étonne 
le  plus  les  fondeurs,  c'est  une  plante  d'aloès  aux  mille  feuilles 
coulée  en  bronze  d'une  seule  pièce. 

La  bijouterie  des  États  pontificaux  n'est  pas  représentée  à 
l'Exposition;  nous  le  regrettons,  en  nous  rappelant  ces  beaux 
colliers  et  ces  boucles  d'oreilles  si  bien  portés  par  les  femmes 
romaines;  mais  en  revanche,  les  mosaïstes  ont  envoyé  des 
broches,  des  épingles,  des  tables,  des  tableaux  d'un  travail 
de  patience  inouïe. 

Voyez  ces  broches  de  M.  Michelini;  en  songeant  que  ces 
petites  têtes  de  femmes  ou  d'hommes,  que  ces  petits  chiens 
formant  broches,  sont  composés  de  milliers  de  morceaux  de 
marbre  de  toutes  couleurs,  gros  comme  des  têtes  d'épingles; 
on  est  étonné  de  la  patience  de  l'ouvrier  qui  les  coupe,  les 
assemble  et  les  réunit  de  manière  que  toutes  les  nuances  du 
modèle  soient  reproduites  ;  mais  que  dire  en  présence  de  ces 
tables  de  marbre ,   de  M.    Sampieri  et  de  M.  Corradini  de 


65i2  VISITE 

yome,  sur  lesquelles  paraissent  jetées  des  guirlandes  de 
joses  et  de  clochettes  bleues.  Chacune  de  ces  branches,  de 
ces  feuilles,  de  ces  fleurs  est.  un  composé  d'une  infinité 
de  morceaux  de  marbre.  Admirez  surtout  un  tableau  de 
près  de  2  mètres  de  longueur  sur  0'",80  de  hauteur.  C'est 
une  vue  du  Campo  Vaccino  à  Rome;  de  loin  ce  tableau  paraît 
être  à  l'huile;  et  il  n'a  pas  coûté  moins  de  dix  ans  de  travail 
à  M.  Galland. 

M.  Poggi  a  fait  un  tableau  composé  de  cailloux  de  la  Seine, 
représentant  un  chien  grand  comme  nature. 

Ces  travaux  de  patience  nous  effrayent  et  nous  nous  hâte- 
rions de  fuir  en  Sanlaigne  si  nous  n'étions  retenus  encore 
dans  les  États  pontificaux  par  MM.  Spagna  et  Borgognoni; 
M.  Spagna  nous  montre  une  belle  reproduction  en  bronze 
doré  de  la  colonne  Trajane,  autre  travail  de  patience;  M.  Bor- 
gognoni, un  écritoire  en  bronze  doré  et  argent,  très-riche, 
mais  dont  les  figures  auraient  dû  être  modelées  par  un  des 
nombreux  artistes  qui  habitent  Rome. 

En  Sardaigne,  la  dix-septième  classe  ne  possède  qu'un  beau 
lustre  en  cristal  de  roche  de  M.  Pansa. 

L'exposition  d'orfèvrerie  belge  est  beaucoup  plus  riche; 
MM.  Watte,  d'Anvers  et  Dufour,  de  Bruxelles,  ont  exposé  des 
bijoux  de  toutes  sortes,  en  or,  en  argent,  enrichis  d'émaux 
et  de  pierres  précieuses .  et  dont  la  perfection  rivalise  avec 
celle  des  œuvres  des  joailliers  français. 

L'orfèvrerie  religieuse  est  dignement  représentée  par 
MM.  Roger,  d'Anvers  et  Philip  ,  de  Liège.  La  reliure  du  Missel, 
de  M.  Roger,  en  argent  découpé,  gravé  et  ciselé,  est  très- 
remarquable. 

MM.  Colin,  Backes  et  Krug,  de  Hanau  félectorat  de  Hesse) 
ont  exposé  des  bijoux  un  peu  moins  légers  que  ceux  de 
France ,  mais  presque  aussi  bien  montés.  Le  lustre  en  bronze 
doré  de  M.  Pracht  est  très-beau. 

M.  Probst  de  Hambourg  a  exposé  un  échiquier  en  nacre, 
dont  les  échecs  sont  en  argent  et  en  vermeil. 

Les  orfèvres  wurtembergeois  ont  une  assez  belle  exposi- 
tion ;  les  vases  et  les  coupes  en  argent  repoussé  de  M.  Grober 
et  les  belles  pièces  d'orfèvrerie  plaquée  de  MM.  Bau  méritent 
d'être  mentionnés. 

M.  Bruckmann  expose  une  belle  lampe  d'église  dans  le  style 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  653 

guthique,  dont  tous  les  ornements  sont  estampés  sans  aucune 
retouche  ni  ciselure. 

Le  Danemark  compte  au  nombre  de  ses  exposants, 
MM.  Moller  et  Drewsen  de  Copenhague;  M.  Moller  a  exposé 
des  bustes  grandeur  naturelle  5  obtenus  par  la  galvanoplastie. 
M.  Herazcek  a  envoyé  des  sabres  et  des  épées  dont  les  poi- 
gnées et  les  fourreaux  sont  en  or  et  argent  richement  ciselés. 

La  Suède  a  des  orfèvres  habiles;  MM.  Mollenborg,  Vogt, 
Soner  et  Folker  de  Stockholm  ont  envoyé  des  plateaux,  des 
candélabres  et  autres  objets  d'orfèvrerie  de  second  ordre. 

Nous  pourrions  en  dire  autant  de  l'orfèvrerie  hollandaise, 
qui  est  plus  lourde  comme  matière  ,  mais  moins  finement  tra- 
vaillée que  l'orfèvrerie  française  et  anglaise. 

MM.  Romain ,  Liicardit  de  Rotterdam  ont  des  vitrines  bien 
garnies;  nous  avons  remarqué  chez  M.  Romain  de  beaux  vases 
en  argent,  et  un  magnifique  surtout  chez  M   Lucardit. 

M.  Salm  d'Amsterdam  a  exposé  entre  autres  belles  pièces 
d'orfèvrerie,  un  petit  groupe  de  deux  figures  en  argent  ciselé 
d'une  seule  plaque  sans  soudure. 

Nous  engageons  les  dames  à  voir  les  petits  paniers  en  orfè- 
vrerie d'argent  à  jour,  d'un  travail  aussi  fin  que  celui  de  la  den- 
telle de  M.  de  Meyer  de  la  Haye;  et  la  belle  vitrine  de  M.  Gil- 
lis  Grevink  d'Amsterdam,  dans  laquelle  elles  remarqueront 
comme  nous  une  brosse  de  nappe  et  un  porte -miettes  en 
argent. 

Quant  à  la  Suisse,  nous  devons  avouer  que  ses  bijoux  sont 
aussi  beaux  que  ceux  de  la  France;  voyez  ceux  exposés  par 
MM.  Dutertre,  Bautte,  Berthold,  Rischgitz  de  Genève,  Mayer 
de  Neufchâlel;  ces  jolis  bracelets,  ces  broches,  ces  boucles 
d'oreilles,  ces  tabatières  en  or  et  argent  ciselés  avec  pierre- 
ries enchâssées,  sont  remarquables;  mais  ce  qu'il  y  a  de  re- 
marquable encore,  c'est  que  tous  ces  bijoux  sont  garnis  de 
montres  microscopiques;  ainsi  bracelet  à  montre,  broche  à 
montre,  tabatière  à  montre,  et  de  plus  à  musique  ,  lorgnon  à 
montre,  et  pourquoi  pas,  bagues  et  épingles  à  montres;  dé- 
cidément la  Suisse  est  bien  le  pays  de  l'horlogerie;  que  celte 
profusion  de  montres  ne  nous  empêche  pas  de  signaler  ce- 
pendant la  belle  broche  et  le  beau  livre  d'heures  de  M.  Du- 
tertre, avec  montre  bien  entendu. 

M.  Lejeune  a  envoyé  les  plus  jolies  chaînes  que  l'on  puisse 


654  VISITE 

imaginer ,  en  or ,  en  argent  et  même  en  bois.  Mais  M.  Lejeune 
ne  doit  pas  trouver  à  vendre  ses  chaînes  en  Suisse,  car  à 
quoi  bon  une  chaîne  si  ce  n'est  pour  porter  une  montre?  Et 
lorsqu'une  dame  a  des  montres  sur  tous  ses  bijoux,  elle  n'a 
que  faire  dune  montre  à  la  ceinture. 

Toutes  ces  montres  sont  enrichies  de  perles,  de  pierreries, 
d'émaux  à  faire  tourner  toutes  les  têtes;  mais,  dira-t-on, 
vous  ne  deviez  nous  parler  que  des  bijoux  et  vous  nous  parlez 
horlogerie.  —  Que  voulez-vous,  en  Suisse,  tous  les  bijoux 
sont  des  montres,  toutes  les  montres  sont  des  bijoux. 

En  Espagne,  nous  trouvons  beaucoup  d'orfèvrerie  reli- 
gieuse et  d'armes  enrichies  de  pierreries. 

M.  Isaura  de  Barcelone  a  exposé  un  joli  lustre  tout  en  ar- 
gent, et  destiné  probablement  à  une  chapelle  de  la  Vierge. 

Nous  remarquons  une  écritoire  en  argent  et  en  or  de  M.  Ra- 
mirez  de  Madrid;  cette  écritoire  produit  de  loin  beaucoup  d'ef- 
fet; mais  les  figures  sont  vulgaires,  mal  dessinées;  M.  Ra- 
mirez  aurait  dû  confier  le  modelage  de  ses  statuettes  à  un 
sculpteur  habile,  il  n'en  manque  pas  à  Madrid. 

L'exposition  de  MM.  Zuloaga  de  Madrid  est  plus  brillante: 
nous  y  remarquons  des  bas-reliefs  en  fer  ciselé ,  très-beaux 
comme  sculpture  et  comme  exécution,  ainsi  que  deux  oiseaux 
ronde  bosse  en  fer  ciselé,  qui  sont  d'un  fini  admirable;  un 
beau  bouclier  en  fer  repoussé,  une  reliure  d'album  en  fer 
damasquiné  en  or  et  un  spécimen  des  boucles  d'oreilles  ca- 
talanes en  or  avec  pierreries  :  ces  boucles  d'oreilles  sont  d'un 
style  très-original. 

MM.  Pierre  Soler  et  Perie  de  Barcelone  ont  exposé  parmi 
de  belles  pièces  d'orfèvrerie  et  de  bijouterie  ,  la  couronne  de 
feuilles  de  laurier  émaillées  sur  or  ,  qui  a  été  donnée  à  Espar- 
tero  par  la  ville  de  Barcelone. 

La  joaillerie  de  Portugal  est  bien  représentée  par  M.  José 
Pera  Moitas  de  Porto,  qui  a  exposé  de  jolis  bijoux,  entre 
autres  un  bracelet  avec  pierreries  et  émaux  aussi  parfaits 
que  ceux  de  nos  bijoutiers  français. 

Descendons  au  rez  de- chaussée  afin  d'y  admirer  la  bijou- 
terie prussienne ,  où  nous  attendent  les  beaux  bijoux  de 
M.  Friedeberg  de  Berlin,  de  M.  Kochler  de  Liegnitz,  de 
M.  Wilm  de  Berlin.  Les  vases  formés  de  branches  et  feuil- 
lages d'argent  de  M.  Friedeberg  sont  d'un  très-bel  effet.  Cet 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  055 

orfèvre  a  également  exposé  un  plateau  en  argent  sur  lequel 
est  gravé  le  Palais  de  l'industrie;  cette  gravure  fine  produit 
l'effet  d'un  dessin  d'architecture  très-légèrement  lavé:  le  pa- 
lais d'une  teinte  grise  irès-délicale  est  bien  repoussé  par  les 
arbres  du  premier  plan  qui  sont  légèrement  dorés.  Ce  mode 
de  gravure  est  très-joli. 

MM.  Sy  et  Wagner  de  Berlin  ont  exposé  un  livre  dont  la 
reliure  or,  argent  à  jour  avec  incruslaiions  d'émaux,  attire 
tous  les  regards  ;  M.  Haussmann  un  beau  bouclier  en  argent 
repoussé,  d'après  M.  Médem,  sculpteur.  Comme  en  France, 
l'argenture  et  la  dorure,  par  l'électricité,  ont  produit  de  beaux 
résultats,  exposés  par  M.  Winkeimann  de  Zinna,  MM.  Lœ- 
venthal  de  Cologne,  M.  Mœhring  de  Berlin,  etc. 

Dans  une  enceinte  voisine  de  la  Prusse  est  exposée  la 
bijouterie  autrichienne,  qui  est  remarquable  par  l'emploi  des 
grenats  de  Bohême  ,  dont  la  couleur  s'harmonise  bien  avec 
l'or  et  l'argent  qui  les  entourent. 

M.  Rosenberg  de  Vienne  ,  MM.  Grohmann,  Forst ,  Pichler 
et  Podiebrad  de  Prague  ,  ont  exposé  une  brillante  collection 
de  bracelets,  colliers,  boucles  d'oreilles  en  grenats,  très-bien 
montés  en  or  et  en  argent. 

Comme  orfèvrerie  ,  M.  Grohmann  nous  montre  une  très- 
belle  crosse  en  or  avec  petites  figurines  en  argent  très-bien 
modelées;  et  MM.  Bolzani  de  Vienne  ,  des  chaînes  d'or  d'un 
travail  remarquable. 

Un  vase  et  une  soucoupe  en  or,  de  forme  gracieuse,  avec 
de  beaux  ornements  en  argent  en  relief,  sont  l'œuvre  de 
M.  Colombo  de  Milan. 

M.  Ratzersdorfer ,  parmi  de  belles  pièces  d'orfèvrerie,  a 
exposé  une  coupe  en  or  et  en  argent  qui  doit  être  donnée 
pour  prix  de  courses. 

MM.  Rocco  de  Milan  ont  envoyé  de  beaux  spécimens  de 
la  bijouterie  milanaise ,  des  bracelets ,  des  colliers  et  ces 
grandes  épingles  en  argent  à  deux  tètes  ,  que  les  femmes  du 
royaume  lombard -vénitien  mettent  dans  leurs  cheveux. 

Nous  passerons  également  en  revue  les  bronzes,  les  zincs 
et  les  objets  de  galvanoplastie  distribués  par  les  différentes 
nations  dans  le  Palais  de  lindusti  ie. 

En  entrant  dans  la  grande  nef,  on  remarque  de  suite  une 
statue  de  fonte,  le  Tueur  d'aigles^  chef-d'œuvre  de  M.  John 


656  VISITE 

Bell ,  sculpteur  anglais.  Cette  statue  est  exposée  par  la  Coal- 
brookdale-Company  ;  MM.  Elkington  et  Mason  ont  aussi  ex- 
posé dans  la  nef  plusieurs  statues  remarquables  en  cuivre  gal- 
vanique; et  si  nous  entrons  dans  le  compartiment  réservé  à 
leur  exposition  aussi  dans  la  grande  nef.  nous  serons  frap- 
pés du  grand  nombre  et  de  la  beauté  des  produits  argentés 
par  l'électricité;  surtouts,  vases  ,  coupes  ,  aiguières,  groupes 
qui ,  certes ,  ne  cèdent  rien  sous  le  rapport  artistique  aux 
produits  remarquables  de  l'orfèvrerie  française  et  anglaise. 

En  Autriche,  des  reproductions  de  grandes  gravures  en 
taille-douce,  épreuves  obtenues  dans  les  ateliers  de  galvano- 
plastie de  l'imprimerie  impériale  autrichienne,  attestent  dans 
une  autre  direction  les  progrès  accomplis.  Le  même  établisse- 
ment a  produit  des  bas-reliefs  galvanoplastiques  dont  les  figu- 
res sont  presque  ronde  bosse  et  des  clichés  qui  ne  laissent 
rien  à  désirer. 

L'institut  de  galvanoplastique  de  M.  de  Kreiss  à  Offembach- 
sur-le-Mein  a  envoyé  des  bas-reliefs  et  statuettes  très-remarqua- 
bles; entre  autres  une  reproduction  du  bas-relief,  fait  d'après 
le  tableau  de  Gendron  ,  la  ronde  des  IVillis.  Quelques-unes  de 
ces  figures  sont  presque  détachées  du  tableau  et  ont  dû  pré- 
senter de  grandes  difficultés.  Cette  reproduction  est  une  des 
plus  remarquables  de  l'Exposition. 

M.  de  Kreiss  a  envoyé  aussi  des  bas-reliefs  représentant  des 
points  de  vue  pris  aux  bords  du  Rhin  :  un  homard,  une  écre- 
visse  et  une  chauve-souris  pris  sur  nature. 

La  Hollande  n'envoie  rien  en  galvanoplastie,  mais  elle  a  de 
beaux  bronzes  exposés  par  M.  Lurasco  d'Amsterdam.  Une 
belle  statuette  en  bronze  de  l'amiral  Ruyier ,  une  de  Rem- 
brandt, une  de  Laurent  Coster  et  une  de  Guillaume  I",  ont  été 
fondues  d'après  les  statues  faites  par  M.  Royer,  sculpteur  de 
talent. 

A  l'extrémité  de  la  grande  nef  se  trouve  une  sorte  de  tour 
byzantine  décorée  de  peintures  et  entourée  de  grands  can- 
délabres de  même  style  et  portant  des  vases  de  fleurs.  Cette 
tour  qui  n'est  autre  qu'une  immense  jardinière  est  en  zinc 
fondu  peint  et  doré,  ainsi  que  les  candélabres  qui  l'en- 
tourent. Ces  objets  qui  produisent  un  si  bel  effet  sont  exposés 
par  M.  de  Diebitsch  de  Berlin. 

MM.  Schewedt  et  Markstein ,  M.  Fischer  et  M.  Knoll ,  de 


A   L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  657 

Berlin,  ont  exposé  de  belles  statuettes  de  bronze;  de  beaux 
groupes  d'animaux  en  fonte,  une  cheminée  avec  cadre  de 
glace  et  pendules  en  fonte  sortent  de  la  fonderie  de  M.  le 
comte  d'Éinsiedel,  en  Saxe. 

MM.  Devaranne,  Geiss  et  Meves  ont  envoyé  des  groupes, 
des  bustes  et  des  ornements  fonrlus  en  zinc  et  recouverts  de 
cuivre  par  l'éiectricilé.  M.  Geiss  a  en  outre  exposé  des  figures 
obtenues  par  la  galvanoplastie. 

Nous  ne  pouvons  mieux  clore  ce  compte  rendu  de  la  dix- 
septième  classe  de  l'Exposition  qu'en  examinant  le  bas-relief 
en  argent  galvanique,  c'est-à-dire  obtenu  par  une  précipita- 
tion d'argent,  exposé  par  MM.  Vollgold  de  Berlin.  Ce  bas-relief 
en  argent  de  2  mètres  de  longueur  sur  plus  de  1  mètre  de 
hauteur,  représente  la  ville  de  Berlin  venant  complimenter  la 
princesse  et  le  prince  de  Prusse  à  l'occasion  du  quinzième  an- 
niversaire de  leur  mariage.  Quelques-unes  des  figures  qui 
composent  ce  bas-relief  saillissent  presque  complètement  du 
tableau,  aussi  les  difficultés  à  vaincre  étaient  considérables; 
néanmoins,  sous  le  rapport  artistique,  comme  effet  et  comme 
beauté  des  figures,  nous  préférons  l'œuvre  de  M.  Kreiss. 


CLASSE   XVIIl. 

Industries  de  la  céramique  et  de  la  verrerie, 

Les  arts  en  général  prennent  leur  source  dans  les  besoins 
de  l'homme  vivant  en  société,  ils  progressent  et  se  dévelop- 
pent en  raison  parallèle  du  progrès  et  du  développement  des 
populations;  mais  ils  restent  longtemps  à  l'état  rudimentaire 
et  sont  dans  la  série  des  siècles  l'expression  fidèle  du  concept 
et  de  l'idéal  des  contemporains. 

Dans  les  sociétés  à  peine  ébauchées .  l'art  n'a  donc  qu'un 
caractère  purement  domestique.  Quand  les  rapports  d'homme 
à  homme,  de  peuple  à  peuple  ,  sont  plus  fréquents  ,  il  devient 
industriel  et  sa  sphère  s'agrandit;  il  suffirait  pour  s'en  con- 
vaincre de  suivre  pas  à  pas  la  filiation,  la  marche  sériaire 
206  qq 


658  YISITE  j 

d'une  branche  quelconque  de  l'art  à  travers  les  siècles.  Dans  ' 
ce  chapitre,  nous  bornerons  le  cadre  de  nos  observations  à  un  j 
aperçu  rapide  sur  deux  branches  :  la  Céramique  et  la  Ver-  i 
rerie.  j 

Nous  commencerons  d'abord  par  celle  qui  dans  l'ordre  des  \ 
temps  a  rung  de  primogénilure,  la  Céramique. 

Dès  la  plus  haute  antiquité,  la  céramique  franchit  les  bornes  j 
étroites  des  besoins  usuels  de  la  famille  pour  s'idéaliser  et  re-  ;) 
vêtir  des  formes  gracieuses.  En  Orient,  chez  les  Chaldéens,  ; 
chez  les  Égyptiens  ,  en  Palestine  ,  elle  correspond  non-seule-  j 
ment  à  l'essor  du  luxe  intérieur  pour  la  vasculation  dans  les 
maisons  particulières,  dans  les  palais,  dans  les  temples j^ 
mais  encore  par  la  reproduction  des  mythes  et  des  emblèmes  ; 
allégoriques  pris  dans  l'échelle  des  êtres  vivants  ou  des  pro-  ' 
duits  variés  de  la  nature,  elle  contribue  à  l'ornementation  j 
extérieure  des  monuments  et  des  édifices  publics.  ■ 

La  Grèce,  heureuse  héritière  des  civilisations  orientales  qui 
lui  apportèrent  leur  tribut  multiple  et  dont  elle  opéra  la  fusion  ; 
avec  une  si  admirable  sagacité,  un  goût  si  exquis,  cultiva  j 
l'art  céramique  avec  un  grand  succès.  Athènes,  centre  des  1 
beaux-arts,  dut,  en  s'agrandissant,  envahir  deux  quartiers 'i 
qui,  par  leur  nom  de  Céramique,  indiquent  assez  clairement  ' 
leur  destination  primitive.  C'étaient  là  les  premières  ébauches  ; 
de  son  art  sculptural  qui  ne  put  rester  en  arrière  chez  les  ar-  i 
tistes  façonnant  l'argile,  alors  que  les  Myron,  les  Polyclète,  , 
les  Praxitèle  sculptaient  les  urnes  de  marbre  et  ciselaient  les  ' 
coupes  d'airain,  d'argent  et  d'or  avec  une  si  rare  perfection.     '. 

Rome  ,  avant  qu'elle  conquît  la  Grèce  dont  elle  fut  la  con-  j 
quête  à  son  tour  au  point  de  vue  de  l'art,  possédait  déjà  des  ; 
types  de  céramique  étrusque,  chez  lesquels  la  sévérité  des  j 
formes  n'excluait  pas  l'élégance  ,  et  qui ,  par  une  alliance  i 
heureuse  avec  l'art  grec,  revêtirent  un  caractère  de  grandeur 
monumentale. 

Depuis  l'invasion  des  barbares  jusque  vers  l'époque  des  ; 
croisades,  l'art  céramique  est  à  l'état  de  sommeil  et  de  tor-J 
peur  en  Occident.  Les  procédés  des  grands  maîtres  tombent  j 
enfouis  dans  le  cataclysme  général  où  le  plongèrent ,  pour  de  j 
longs  jours,  les  rudes  enfants  du  Nord.  L'art  était  à  refaire;  le-j 
contact  des  croisés  avec  une  civilisation  supérieure  y  contri-  n 
bua  puissamment  :  l'activité  commerciale  et  les  goûts  artisti-  j 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  659 

ques  des  villes  maritimes  de  l'Italie,  qui  tirèrent  un  si  grand 
parti  de  ce  grand  mouvement  des  peuples  occidentaux  ,  firent 
le  reste.  La  céramique  eut  une  place  bien  marquée  dans  cette 
renaissance  de  l'art.  Les  hommes  de  talent  qui  pullulèrent 
dans  les  villes  de  l'Italie,  non  contents  de  tirer  parti  des 
divers  modèles  de  l'antiquité  respectés  par  le  temps,  et 
de  courir  avec  une  fiévreuse  ardeur  à  la  recherche  des  procé- 
dés que  leurs  devanciers  avaient  t-uivis  pour  la  formation  des 
émaux  et  pour  l'application  des  couleurs  ,  imprimèrent  à  la 
poterie  un  caractère  original  par  l'exquise  perfection  des  figu- 
rines, des  fruits,  des  plantes,  des  animaux  jetés  par  fouillis 
ou  en  reliefs. 

Les  majoliques  ou  faïences  de  Pise,  de  Faenza,  les  figurines 
et  les  émaux  de  Palissy  et  de  ses  imitateurs  eurent  le  privi- 
lège de  satisfaire  aux  exigences  du  luxe  en  Europe,  jusqu'au 
moment  où  les  nombreux  rapports  de  notre  commerce  mari- 
time avec  la  Chine  et  le  Japon  donna  à  l'art  céramique  une 
impulsion  nouvelle  par  l'introduction  de  la  porcelaine. 

La  porcelaine  ,  bien  supérieure  à  la  faïence  par  la  matière 
qui  la  constitue ,  devint  bientôt  l'objet  d'une  grande  vogue. 
Elle  détrôna  la  faïence  et  fit  oublier,  pendant  un  assez  long 
espace  de  temps,  les  merveilles  dont  tant  de  vasiers  bien  plus 
artistes  que  fabricants  avaient  doté  deux  ou  trois  siècles. 

Si  cette  vogue ,  cet  engouement  avaient  l'apparence  d'une 
injustice  pour  le  présent,  ils  avaient  au  moins  leur  raison 
d'être  pour  l'avenir.  Les  vases  de  Chine  et  du  Japon  joignaient 
à  l'attrait  de  la  nouveauté  le  mérite  de  provoquer  des  études 
pour  arriver  à  en  reproduire  d  à  peu  près  semblables. 

Grâce  à  la  science,  l'entreprise  a  été  couronnée  de  succès. 

La  France  et  la  Saxe  firent  les  premières  tentatives  et  ob- 
tinrent rapidement  des  résultats  qui  firent  pâlir  les  deux  in- 
dustries chinoise  et  japonaise.  La  série  non  interrompue  d'es- 
sais que  la  science  a  faits  à  Sèvres  sous  les  auspices  des 
gouvernements  qui  ont  doté  cet  établissement  depuis  son  ori- 
gine, a  été  le  principe  des  progrès  successifs  que  l'art  céra- 
mique, appliqué  à  la  porcelnine,  a  faits  sur  divers  points  de  la 
France.  Sèvres,  la  manufacture  type  où  la  science  et  l'art 
n'ont  cessé  de  faire  une  heureuse  alliance  ,  a  été  le  centre  où 
nos  industriels  ont  puisé  tout  à  la  fois  les  procédés  qui  assu- 
rent une  manipulation  supérieure  et  les  inspirations  du  goût 


660  VISITE 

qui  lui  assignent  depuis  longtemps  un  rang  à  part  dans  le 
commerce  international,  soit  au  point  de  vue  de  l'utilité,  soit 
à  celui  des  satisfactions  si  variées  que  réclame  le  luxe  des  di- 
verses parties  du  globe. 

L'examen  d'ensemble  aussi  bien  que  celui  des  détails  que 
nos  lecteurs  peuvent  faire  de  cette  partie  si  importante  de  Tin- 
dustrie  française  à  l'Exposition  universelle,  leur  laissera  la 
conviction  pleine  et  entière  qu'elle  se  maintient  à  la  hauteur 
des  conquêtes  antérieures,  et  qu'elle  sait  constamment  marier 
l'agréable  à  l'utile.  L'agréable  par  la  recherche  de  nuances 
perfectionnées  et  le  goût  exquis  de  l'ornementation  ;  l'utile 
par  l'appropriation  de  ses  produits  aux  divers  usages  domes- 
tiques. 

Dans  l'ordre  supérieur  de  l'art  uni  à  la  perfection  de  la 
main-d'œuvre.  Sèvres  étale  dans  le  pourtour  de  la  rotonde 
du  Palais  de  l'Industrie  des  merveilles  dont  la  description  ré- 
clamerait des  détails  outrepassant  les  bornes  de  ce  rapide  ex- 
posé. 

Mais  autour  de  cette  industrie  mère  dont  le  plus  bel  éloge 
est  l'admiration  du  public  et  des  nombreux  visiteurs  étran- 
gers, se  groupent  des  produits  de  l'industrie  française  attes- 
tant les  efforts  couronnés  de  succès  tentés  par  bon  nombre 
de  nos  fabricants  qui  puisent  dans  cet  arsenal  du  bon  goût 
tous  les  germes  de  progrès  qui  promettent  un  développement 
continu  et  assurent,  par  la  supériorité  des  produits,  la  prospé- 
rité de  notre  commerce  extérieur. 

Qu'on  nous  permette  deux  mots  sur  la  fabrication  de  la 
porcelaine. 

On  distingue  deux  genres  de  porcelaine ,  la  porcelaine  dure 
et  la  porcelaine  tendre. 

La  porcelaine  dure ,  celle  qui  nous  occupe  en  ce  moment,  a 
pour  base  le  kaolin  et  le  feldspath  qu'on  remplace  quelquefois 
par  un  mélange  de  craie  ,  de  sable  et  de  feldspath.  On  réduit 
ces  matières  en  une  pâte  bien  homogène  qu'on  bat  et  qu'on 
laisse  macérer  longtemps.  Cette  pâle  est  ensuite  façonnée 
soit  au  moyen  du  tour,  soit  avec  des  moules  ou  le  scalpel 
de  ^arti^te.  Les  pièces  finies  et  séchées  subissent  une  première 
cuisson;  elles  forment  alors  ce  qu'on  appelle  biscuit.  Ordi- 
nairement on  les  recouvre  d'un  vernis,  dont  le  feldspath 
forme  la  base;  après  quoi  elles  subissent  une  seconde  et 


1 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  661 

dernière  cuisson  de  trente  à  trente-six  heures.  La  moindre 
négligence  dans  ces  manipulations  peut  déterminer  des  acci- 
dents ou  des  défectuosités  :  c'est  ce  qui  explique  le  prix  élevé 
des  belles  porcelaines. 

Ces  porcelaines  sont  souvent  revêtues  de  divers  ornements, 
•couleurs  unies  ,  peintures ,  dorures,  etc.  Les  couleurs  s'appli- 
quent soit  sur  la  pâte,  soit  sur  la  couverte,  en  les  fondant 
^vec  celle-ci  à  la  même  température  qu'elle,  lorsqu'elles  peu- 
vent la  supporter  {fonds  au  grand  feu)^  ou  bien  en  les  faisant 
adhérer  à  Témail  à  une  température  plus  faible  au  moyen 
d'oxydes  ou  fondants  métalliques. 

La  porcelaine  tendre  ditîèrd  de  la  précédente  par  sa  pâte 
plus  alDondante  en  feldspath  ,  par  conséquent  plus  fusible,  et 
par  son  émail  dans  lequel  il  entre  de  l'oxyde  de  plomb.  La 
porcelaine  anglaise  renferme  du  phosphate  de  chaux  et  de  la 
baryte. 

Au  double  point  de  vue  de  l'art  et  de  Tutilité,  MM.  Pouyat, 
de  Limoges ,  présentent  une  série  de  produits  qui  se  distin- 
guent par  une  minutieuse  recherche  dans  les  matières  pre- 
mières,  la  grâce  de  la  forme,  la  régularité  du  dessin  et  les 
reliefs  qui  ornent  leurs  pièces  avec  un  grandiose  remarquable. 
Leurs  articles  courants  ,  notamment  leurs  séries  de  plats  ova- 
les ,  soupières,  assiettes,  se  distinguent  par  l'harmonie  de 
leurs  proportions,  la  blancheur  de  l'émail  et  par  le  fini  d'une 
fabrication  qui,  à  force  d'étude  et  d'expérience,  marche  à 
■coup  sur  dans  les  procédés  qui  réalisent  la  pièce  irréprocha- 
ble, même  dans  l'ordre  le  plus  modeste  de  la  production  cé- 
ramique. Mais  il  est  un  de  leurs  services  émail  et  biscuit  qui 
mérite  surtout  de  fixer  l'attention  par  son  élégante  richesse  et 
ce  confort  de  bon  goût  qui  satisfait  aux  conditions  de  l'art. 
Un  artiste  habile,  M.  Comolera  ,  y  a  distribué  avec  beaucoup 
d'entente  des  reliefs  et  des  détails  qui,  jusqu'à  présent, 
avaient  été  employés  par  l'orfèvrerie  seule.  La  soupière  est  de 
forme  ovale  avec  gerbe  de  blé,  ma'i's  et  légumes  sur  le  cou- 
vercle. Les  autres  pièces  du  service  sont  composées  d'après 
le  même  motif,  et  les  assiettes  de  desserf,  en  harmonie  avec 
leur  spécialité,  sont  à  fond  émaillé  avec  fruits  en  relief. 

Ce  service  est  complété  par  un  surtout  du  biscuit  le  plus 
pur,  portant  sur  pied  à  tiges  de  palmier  dont  les  feuilles  re- 
courbées abritent  trois  cigognes  et  font  garniture  à  la  coupQ 


662  VISITE 

qui  couronne  un  groupe  de  mésanges.  Tous  les  détails  de  cette 
pièce  sont  exécutés  avec  une  finesse  remarquable  dans  le  mo- 
delé, une  souplesse  et  une  ténuité  de  grain  qui  lui  donnent 
toutes  les  apparences  dun  fin  marbre  de  Carrare. 

Dans  un  même  groupe,  citons  avec  éloge  les  porcelaines 
de  MM.  Hache  et  Pépin-le-Halleur,  dont  les  beaux  services  de 
table  sont  appréciés  depuis  bien  des  années  en  Amérique. 
Cette  importante  mai.-on  nous  offre  des  échantillons  réelle- 
ment beaux  de  sa  production  habituelle. 

M.  Honoré,  dont  nous  regrettons  la  mort,  expose  des  services 
de  table  où  l'art  de  la  fabrication  est  égal  à  celui  du  décor. 

M.  Pillivuyt  ne  le  cède  en  rien  aux  deux  maisons  que  nous 
venons  de  citer;  il  ajoute  seulement  à  sesservices  de  table 
des  vases  de  toute  grandeur,  dont  nous  pouvons  apprécier 
la  beauté  de  la  porcelaine,  la  franchise  des  nuances  et  la  forme 
vraiment  artistique. 

Un  vase  Céladon,  avec  canards  en  relief,  est  du  plus  gra- 
cieux effet.  Deux  antres  va>es  Céladons,  de  un  mètre  de  hau- 
teur environ,  représentent,  l'un  un  tigre,  et  l'autre  un  cro- 
codile. Ces  vases  sont  remarquables  par  l'harmonie  de  leur 
forme  pure  et  svelte.  Nous  citerons,  en  outre,  des  vases  de 
formes  étrusques  du  plus  pur  sentiment,  et  des  vases  style 
japonais  dont  on  ne  pput  qu'admirer  le  fini  du  travail  et 
le  bon  goût  qui  a  présidé  à  leur  fabrication. 

M.  Jullien ,  dont  la  maison  est  connue  depuis  longues 
années  pour  ses  services  décorés,  s'est  encore  surpassé,  si 
cela  est  possible.  Les  modèles  qu'il  offre  à  notre  critique  sont 
tellement  beaux,  d'un  goût  si  pur,  que,  fussions-nous  pessi- 
mistes au  plus  haut  degré,  nous  ne  trouverions  qu'à  ap- 
plaudir. 

Nous  mentionnerons  aussi  avec  éloge  MM.  Jouhanneau  et 
Dubois,  qui,  se  font  remarquer  par  des  vases  en  biscuit  et  nous 
montrent  tout  ce  que  peuvent  l'art  ei  le  talent  unis  à  la  persé- 
vérance. Ces  vases  n présentent,  l'un  une  bacchanale  avec 
personnages  en  relief,  et  l'autre  une  fêle  de  Céiès.  Ce  travail  ^ 
dont  le  fini  ne  laisse  rien  à  désirer,  nous  paraissait  tout 
d'abord  taillé  dans  du  marbre  ;  le  mouvement,  la  finesse  des 
traits,  l'expression  des  visages,  tout  nous  paraît  vraiment 
merveilleux.  Deux  grands  vases  Céladons  attirent  également 
es  yeux  et  l'attention  des  connaisseurs.  Dans  cette  exposition, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  663 

la  richesse  d'une  sculpture  correcte  s'allie  toujours  heureu- 
sement à  une  idée  riche  et  exubérante. 

Nous  signalerons  aussi  à  l'attention  du  public  les  efforts 
intelligents  qui  ont  été  faits  avec  succès  par  M.  Gille,  pour  ap- 
pliquer la  porcelaine  à  l'architecture,  à  la  statuaire,  à  Torne- 
mentation,  tant  intérieure  qu'extérieure,  des  lieux  de  plai- 
sance. Il  est  parvenu  à  exécuter  des  pièci^s  de  grandeur 
naturelle  en  biscuit,  qui  offrent  à  l'action  de  l'air  plus  de 
résistance  que  le  marbre.  Nous  citerons  dans  diverses  œuvres 
qui  peuvent  recevoir  des  applications  avantageuses,  tant  sous 
le  rapport  de  la  forme  que  du  bon  marché,  sur  les  matières 
qui  servent  de  base  à  la  statuaire,  son  cerf  de  grandeur  natu- 
relle. Sa  cheminée  en  porcelaine  preuve  tout  le  parti  qu'on 
peut  en  tirer  au  point  de  vue  de  l'exécution  ornementale  et 
du  bon  marché. 

M.  Gille  fait  aussi  avec  succès  des  bustes  et  des  groupes 
bien  rendus,  témoin  ce  faisan  qui  est  peut-être  un  peu  plus 
grand  que  nature,  mais  bien  pris  de  forme  et  de  pose. 

Les  porcelaines  exposées  par  M.  Boyer  sont,  comme  tout  ce 
qui  sort  de  ses  magasins,  décorées  et  peintes  avec  le  plus 
grand  luxe.  Celte  année,  on  pourrait  presque  dire  qu'il  s'est 
surpassé,  si  cela  était  possible.  Entre  autres  ma-niûques 
pièces,  citons  celles  achetées  par  Sa  Majesté  l'Empeieur,  qui 
nous  paraissent  suivre  de  près  la  porcelaine  de  Sèvres,  par 
le  fini  de  la  peinture  et  l'heureuse  composition  du  s-  jot,  ainsi 
que  pour  les  formes  sévères  et  gracieuses  tout  à  la  fois.  Les 
deux  vases  et  la  grande  aiguière  représentant  une  chasse  au 
sanglier  et  une  chasse  au  cerf,  avec  des  personnages,  sont  des 
tableaux  d'un  mérite  très-apprécié  par  les  connaisseurs. 
Citons,  comme  originalité  de  bon  goût,  deux  petits  vases  égyp- 
tiens, fond  noir,  ou  plutôt  terre  d'ombre,  avec  personnages  en 
couleur  terre  d'Italie  brûlée;  la  forme  et  le  dessin'sont  du 
plus  heureux  effet,  et  on  dirait  qu'ils  sortent  d'à  côté  d'une 
de  ces  momies  après  un  séjour  de  trois  mille  ans  et  plus. 

Parmi  les  porcelaines  de  luxe,  nous  citerons  quelques-unes 
des  pièces  exposées  par  MM.  Lahoche  et  Panier,  qui  se  re- 
commandent par  l'élégance  de  la  forme,  la  riche.-se  de  la  cou- 
leur, la  pensée  du  dessin  et  le  luxe  harmonieux,  bien  que 
sévère  et  sobre,  des  ornements. 

On  remarque  surtout  deux  vases  ayant  un  mètre  de  hauteur, 


664  VISITE 

fond  gros  bleu,  pâte  tendre.  Ils  sont  montés  en  bronze  doré, 
avec  anses  formées  de  deux  cariatides  dans  le  goiît  de  l'an- 
tique. La  garniture  de  cheminée,  une  pendule  et  deux  vases 
en  cristal,  que  tout  le  monde  regarde  avec  tant  d'attention, 
sont  vraiment  d'un  dessin  et  d'une  exécution  irréprochables- 
D'autres  pièces,  du  même  exposant,  ne  peuvent  manquer 
d'attirer  l'attention  des  visiteurs. 

Avec  la  lithochromie,  M.  Macé  a  trouvé  le  moyen  de  repro- 
duire les  peintures  et  dorures  sur  porcelaine,  sans  avoir  besoin 
du  pinceau  de  l'artiste,  même  en  retouche.  D'oîiil  suit  qu'une 
assiette  dont  la  peinture  coûterait  50  fr.,  est  vendue  au  prix 
de  4  fr.  Bien  que  ce  procédé  n'ait  pas  encore  atteint  le  point 
de  perfection  qu'il  peut  obtenir  avec 'quelques  recherches, 
nous  sommes  certains  qu'il  est  appelé  à  être  le  point  de 
départ  d'une  amélioration  très-grande,  par  la  facilité  qu'il 
donne  aux  petites  fortunes  de  pouvoir  se  servir  de  porcelaine 
peinte  et  dorée. 

Par  ce  procédé,  on  peut  repro  luire  tous  les  sujets,  tels  que 
Watteaux,  paysages,  bouquets  de  fleurs,  de  couleurs  variées. 
La  solidité  de  la  couleur  est  égale,  supérieure  même  à  celle 
obtenue  avec  l'aide  du  pinceau. 

M.  Dutertre  est  l'inventeur  d'une  dorure  dont  la  prépa- 
ration et  le  brunissage  se  font  d'an  seul  jet  et  avec  économie, 
tout  en  ayant  l'éclat  du  bruni  le  plus  brillant.  Nous  ne  pouvons 
savoir  encore  si  cette  dorure  résistera  à  l'action  du  temps  et 
de  l'usage  :  l'avenir  le  dira  ;  et  dans  le  cas  où  la  détérioration 
viendrait,  l'heureux  inventeur  saurait  bien  trouver  le  moyen 
de  conjurer  cet  inconvénient.  En  attendant,  son  procédé  se 
prête  admirablement  à  l'ornementation  de  ces  gracieuses  mi- 
niatures qui  défrayent  le  luxe  des  salons  et  des  boudoirs. 

M.  de  Bétignies,  qui  depuis  quelques  années  fabrique  la 
porcelaine  tendre  (imitation  du  vieux  Sèvres),  a  fait  faire  à 
son  usine  tous  les  progrès  qu'on  était  en  droit  d'attendre  d'un 
fabricant  qui  aime  son  art  et  s'y  dévoue  complètement.  Parmi 
les  objets  qu'il  expose,  nous  voyons  avec  plaisir  quatre  vases 
dont  les  originaux  avaient  été  admirés  à  Londres  en  1851,  et 
que  les  amateurs  prenaient  pour  du  vieux  Sèvres.  Rien  ne 
manque  aux  porcelaines  de  M.  de  Bétignies,  coloris  brillant, 
glaçure  parfaite  et  peinture  par  les  premiers  artistes.  Parmi 
tous  ces  vases  si  remarquables,  il  en  est  un  tout  à  fait  hors 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  665 

ligne  et  qui  aura  bientôt  son  pendant  :  c'est  un  vase  d'une 
énorme  proportion  pour  la  pâte  tendre.  A  un  vase  si  hardi  de 
forme,  une  peinture  hors  ligne  était  nécessaire.  Ce  soin  a  été 
confié  à  M.  Abel  Schilt  qui  a  créé  le  médaillon  principal,  qui 
est  une  reproduction  libre  du  tableau  de  Lesueur,  les  trois 
muses,  Melpomène,  Polymnie  et  Érato,  auquel  il  a  ajouté  un 
amour  du  Guide. 

L'on  voit  au  pied  de  son  étalage  les  spécimens  de  ses  autres 
genres  de  fabrication;  ce  sont  des  faïences  communes,  de  la 
terre  de  pipe,  de  la  terre  à  feu  et  des  briques  réfractaires. 

Les  manufactures  de  Creil  et  Montereau,  dont  les  produits 
céramiques  sont  si  variés  et  jouissent  depuis  longtemps  d'une 
réputation  méritée,  ont  exposé  cette  année  des  demi-porce- 
laines, qui,  tout  en  remplissant  les  condilijons  d'une  fabrication 
élégante  et  riche  dans  la  forme,  se  prêtent  à  la  facilité  des 
transactions  commerciales  par  le  bon  marché ,  et  rendent 
l'usage  de  la  porcelaine  accessible  aux  positions  sociales  les  plus 
modestes.  C'est  là  une  heureuse  innovation  à  laquelle  nous  ne 
pouvons  qu'applaudir. 

Tous  les  services  à  thé  sont  légers  et  diaphanes  ;  plusieurs 
sont  imprimés,  et  la  nuance  est  tellement  fine,  qu'elle  se  fond 
de  la  manière  la  plus  agréable  à  l'œil  avec  la  fritte  qui  recouvre 
la  pâte. 

Parmi  les  choses  charmantes  et  remarquables  sortant  des 
ateliers  de  Creil,  mentionnons  un  tête-à-tête  en  demi-porce- 
laine, avec  un  semis  de  fleurs  en  relief,  sans  coloration  aucune  ; 
les  tasses,  au  lieu  d'avoir  des  anses,  ainsi  que  cela  a  toujours 
lieu,  ressemblent  à  de  petites  coupes  un  peu  creuses  et  du 
plus  gracieux  effet.  C'est  original  dans  la  forme  et  du  meilleur 
goût  comme  exécution. 

La  fabrique  de  Creil  et  Montereau  est  aujourd'hui  tellement 
appréciée,  qu'en  entretenir  plus  longtemps  nos  lecteurs  serait 
oiîCux;  chacun  d'eux  ayant  vu  et  s'élant  servi  de  ses  produits, 
les  a  appréciés  comme  nous. 

La  fabrique  de  Bordeaux  marche  sur  les  mêmes  traces,  et 
son  genre  est  celui  de  la  faïence  anglaise  presque  exclusive- 
ment. Ses  services  de  table,  bleus,  imprimés,  sont  très-connus 
dans  le  commerce  par  la  qualité  de  la  fritte  ou  émail  qui  re- 
couvre la  pâte,  dans  laquelle  il  entre  une  certaine  quantité  de 
kaolin. 


666  VISITE 

Une  autre  fabrique  s'est  montée  dernièrement,  et  a  à  sa 
tête  l'ancien  directeur  delà  manufacture  de  Creil,  M.  Vernon. 
C'est  dire  en  un  seul  mot  que  la  forme  de  ses  produits  ne 
laisse  rien  à  désirer,  et  que  sa  fabrication  est  des  plus  savantes. 
Ses  demi-porcelaines  sont  presque  des  porcelaines  tendres, 
beaucoup  pourraient  s'y  tromper. 

La  fabrique  de  Sarreguemines  est  toujours  aussi  sûre  de 
ses  œuvres  que  possible.  Elle  domine  notre  marché  pour  tout 
le  genre  allemand,  et  fait  une  concurrence  redoutable  à  Creil 
et  Montereau. 

A  Rubelles,  prèsMelun,  une  fabrique  existe,  qui  fait  un 
genre  tout  à  fait  spécial  et  qui  lui  appartient  en  propre.  Vous 
avez  vu  souvent  et  chaque  fois  admiré,  dans  les  desserts 
servis  dans  nos  villas  les  plus  coquettes,  ces  assiettes  vertes 
avec  feuillages  ombrés  :  c'est  à  Rubelles  que  toutes  ont  vu  le 
jour.  La  lithophanie,  émail  ombrant,  est  aujourd'hui  tellement 
répandue,  que  nous  nous  abstien  irons  d'en  décrire  la  forme. 
Quant  au  procédé  de  fabrication,  Ihabile  directeur  de  cette 
usine  a  pris  un  brevet  pour  l'exploiter  seul. 

Nous  ne  pouvons  passer  devant  la  place  occupée  par  les 
faïences  fines  de  M.  Ristori,  de  Nevers,  sans  applaudir  à  leur 
fabrication.  M.  Tite  Ristori  vint  se  fixer  à  Nevers,  il  y  a  quatre 
ans  environ,  avec  la  pensée  bien  arrêtée  de  relever  l'ancien 
éclat  que  la  ville  de  Nevers  avait  conquis  il  y  a  deux  ou  trois 
cents  ans  dans  la  fabrication  de  la  faïence  de  luxe. 

M.  Ristori  apporta  d'Italie  des  recettes  qu'un  de  ses  oncles 
lui  avait  léguées,  et  qui  étaient  le  fruit  de  quarante  ans  de  tra- 
vaux et  de  nombreux  voyages  dans  toute  l'Europe.  Il  com- 
mença sur  ces  données  et  bientôt  il  vit  ses  efforts  couronnés 
d'un  plein  succès;  aujourd'hui,  il  recueille  les  fruits  de  ses 
travaux  opiniâtres  et  persévérants. 

Dans  le  trophée  de  la  porcelaine,  mentionnons  une  œuvre 
des  plus  originales  sortant  des  ateliers  de  M.  Avisseau. 

Une  grenouille,  debout  sur  ses  pattes  de  derrière,  tient  dans 
ses  bras  un  p  jrchemin  sur  lequel  on  lit  :  Avisseau  père  et  fds, 
a  Tours  (Indre-et-Loire).  L'exécution  de  ce  petit  sujet  est 
charmante ,  et  c'est  bien  là  l'enseigne  qui  convient  à  l'artiste 
aux  travaux  et  à  la  persévérance  duquel  sont  dus  les  pre- 
miers essais  de  reproduction  de  ces  œuvres  remarquables 
par  lesquelles  s'est  illustré  en  son  temps  Bernard  Palissy. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  667 

M.  Avisseau  ne  se  contente  pas  d'imiter  le  grand  maître  dans 
cet  art  longtemps  voué  à  l'indiffirence,  mais  qui,  depuis 
quelques  années,  a  repris  une  certaine  voi^ue;  il  invente  et 
crée  à  son  tour.  Ses  animaux  dar^ile  sont  bien  vivants  ;  ses 
fruits  ,  ses  plantes  pris  sur  le  fait,  et  ses  oiseaux  sont  bien 
riches  de  couleur. 

Des  environs  de  Tours ,  Bourgueil  nous  envoie  aussi  les 
charmantes  poteries  en  terre  de^tit)ées  à  la  décoration  de  nos 
appartements,  principalement  des  boudoirs.  M.  de  Boissimon, 
dont  la  fabrique  ne  date  pas  de  bien  loin,  a  tout  le  luxe  et  le 
bon  goût  que  l'on  aime  à  rencontrer  dans  les  œuvres  tenant 
à  l'art. 

Qui  ne  connaît  pas  les  poteries  de  Follet,  dont  les  usages 
sont  si  variés,  et  dont  toutes  les  formt^s  sont  si  gracieuses? 
Depuis  la  petite  serre  portative  jiis.ju  a  l'alambic  destiné  à  la 
chimie,  tout  sent  l'artiste  créateur  et  inventeur.  Nous  ne 
citerons  particulièrement  aucun  objet,  nous  serions  forcés  de 
les  décrire  tous ,  si  nous  voulions  noter  ce  qui  est  beau  et 
bien  conçu. 

Les  grès  sont  représentés  dignement  à  l'exposition.  Ce 
genre  de  poterie  nous  est  propre  et  l'étranger  nous  l'envie. 
Mme  veuve  Signez  nous  otire  un  vase  dont  la  dimension 
surpasse  tout  ce  qu'on  a  fait  jusqu'à  ce  jour. 

L'art  du  potier  aujourd'hui ,  par  les  soins  et  les  procédés 
de  M.  Virebent,  de  Toulouse,  [leut  s'élever  jusqu'à  la  con- 
struction des  édifices.  Son  portique  d  église,  en  terre  cuite, 
mérite  de  figurer  au  no  bbre  des  belles  pièces  que  nous  offre 
en  si  grand  nombre  l'Exposition  universelle. 

Le  sanglier  de  M.  Garnaud  veut  aussi  une  mention  toute 
spéciale.  L'art  du  simple  mouleur  en  terre  prend  les  propor- 
tions du  statuaire.  Le  sanglier  dont  nous  parlons  a  le  mérite 
de  la  plus  grande  vérité,  on  croirait  qu'il  a  été  moulé  sur 
nature. 

Les  produits  de  M.  Borie,  l'inventeur  des  briques  creuses, 
sont  tellement  connus  dans  Paris  ,  que  nous  ne  les  mention- 
nons que  pour  les  étrangers.  Ici  pas  une  maison  ne  s'élève 
sans  avoir  recours  à  ses  heureuses  briques;  notons  en  pas- 
sant qu'elles  sont  plus  solioes  que  les  briques  pleines,  moins 
conductrices  du  son  et  du  calorique,  et  qu'elles  coûtent 
meilleur  marché.  Tous  les  avantages  se  trouvent  donc  réunis. 


668  VISITE 

Maintenant  que  nous  avons  passé  en  revue  la  fabrication 
française,  qu'on  veuille  bien  nous  suivre  quelques  instants  à 
l'Étranger. 

Comme  art,  le  premier  rang  appartient  à  la  Prusse  dans 
l'Exposition  universelle.  La  manufacture  royale  de  Berlin  nous 
a  envoyé  des  vases  en  porcelaine  tendre,  qui  seraient  dignes 
de  figurer  dans  l'exposition  de  Sèvres,  La  peinture  en  est 
aussi  remarquable,  le  doré  aussi  pur,  la  porcelaine  aussi  belle 
que  ce  que  fait  de  mieux  notre  manufacture  impériale.  Comme 
fabrication  les  autres  pièces  ne  sont  pas  moins  belles.  Le  bon 
marché  de  ces  produits  est  surprenant  à  cet  égard  -.jamais  en 
Frarce  nous  ne  pourrons  lutter  avec  l'Allemagne.  Les  prix 
n'atteignent  pas  la  moitié  des  noires.  Deux  services  à  thé  se 
font  remarquer  par  la  pureté ,  la  conception  savante  du  des- 
sin, le  fini  de  la  peinture  et  l'harmonie  générale  de  l'œuvre. 
Ces  thés,  genre  camaïeu ,  sont  des  plus  remarquables  :  aussi 
plusieurs  ont-ils  été  retenus  par  les  premiers  fabricants 
d'Angleterie,  et  un  par  le  musée  céramique  de  Sèvres.  Ce 
fait  atteste  assez  la  valeur  de  la  manufacture  royale  de  Berlin. 

La  Belgique  nous  envoie  aussi  quelques  échantillons  de 
céramiques  qui  sont  très-recommandables  sous  tous  les  rap- 
ports. 

Les  premiers  fabricants  et  manufacturiers  de  l'Angleterre 
ont  envoyé  à  lExpositiou  universelle  un  grand  nombre  de 
pièces.  Nos  fabriques  sont  loin  d'avoir  autant  de  modèles  ex- 
posés ;  la  place  sans  doute  leur  a  été  mesurée  avec  plus  de 
parcimonie.  MM.  Minton,  Copeland  et  Rose  ont  de  véritables 
magasins  qui  méritent  de  fixer  notre  attention,  tant  pour  la 
variété  de  la  forme,  que  pour  la  beauté  d'un  dessin  correct 
et  toujours  sagement  approprié  aux  besoins  usuels  de  la  vie. 

L'exposition  de  M.  Copeland  est  remarquable  par  la  variété 
de  ses  vases;  toute?  les  formes,  depuis  celles  d'Egypte,  si  pures, 
jusqu'au  genre  Pompadour  rococo  ,  figurent  avec  éclat  sur  les 
gradins  consacrés  aux  produits  céramiques  anglais.  Un  vase 
de  deux  mètres  enviroade  hauteur,  fond  rose,  avec  ornements 
blancs  en  relief,  cerclés  de  deux  filets  d'or,  nous  paraît  un 
tour  de  force  d'exécution  qui  a  parfaitement  réussi.  Des  bustes 
de  grandeur  naturelle,  Junon  et  Ariane,  sont  admirés  dans 
l'exposition  de  M.  Copeland.  L'Angleterre,  dans  la  fabrication 
de  la  porcelaine,  se  rapproche  un  peu  du  genre  de  l'ancien 


A   L'EXPOSITION   LNIVEUSELLE.  669 

Sèvres.  Si  ce  genre  de  porcelaine  est  inférieur  comme  usage 
journalier,  il  se  prête  beaucoup  mieux  au  moulage.  Les  bustes 
qui  sont  exposés  prouvent  tout  ce  que  l'art  peut  tirer  de  ce 
genre  de  manipulation.  Une  Sapho,  au  tiers  de  grandeur,  est 
d'une  finesse  de  détails  que  l'on  a  peine  à  concevoir,  même 
après  l'avoir  admirée.  MM .  Rose  exposent  des  services  de 
table  de  la  plus  grande  richesse.  Les  peintures  de  ces 
pièces  sont  de  véritables  chefs-d'œuvre,  et  s'il  y  en  avait 
un  moins  grand  nombre,  ils  nous  paraîtraient  encore  bien 
plus  beaux.  Les  amateurs  et  les  visiteurs  admirent  surtout 
un  vase  bleu  clair  dont  le  médaillon  représente  Amphitrite 
et  sa  cour.  Celte  peinture  est  irréprochable  sous  tous  les 
rapports. 

M.  Minton,  avec  toutes  ses  porcelaines  peintes  ou  blanches, 
de  toutes  qualités ,  depuis  le  service  genre  demi-porcelaine 
jusqu'au  service  de  porcelaine  tendre,  peint  avec  luxe  et  doré, 
expose  aussi  des  vases  dont  les  formes  variées  et  gracieuses 
attirent  l'attention  des  visiteurs  et  surtout  des  connaisseurs. 
Nous  avons  remarqué  des  vases  camaïeux  du  goût  le  plus  pur, 
des  vases  gros  bleu,  avec  médaillons  du  plus  bel  effet.  Parmi 
tant  de  belles  choses  offertes  à  notre  appréciation  par  cette 
importante  maison,  nous  devons  mentionner  les  bas  prix 
des  porcelaines  ordinaires  et  communes.  Sous  ce  rapport, 
l'Angleterre  nous  devance  et  va  presque  de  pair  avec  l'Alle- 
magne. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  tous  les  établissements  d'industrie 
privée,  celui  de  M.  Minton  est  de  beaucoup  le  plus  considé- 
rable et  le  plus  avancé  dans  tous  les  genres  de  fabrication. 
Ses  carreaux  incrustés  en  diverses  couleurs  dans  la  pâte 
avant  sa  cuisson  constituent  une  spécialité  qui  suffirait  à  elle 
seule  pour  mériter  tous  nos  éloges. 

Verrerie  et  cristallerie.  —  La  découverte  du  verre  est 
très-ancienne,  puisque  la  Bible  en  plusieurs  endroits  en 
fait  mention ,  et  que  Pline  nous  raconte  que  des  voyageurs 
Phéniciens,  s'étant  servis  de  natron,  pour  construire  un  foyer 
sur  du  sable,  produisirent  par  hasard  du  verre  par  la  fusion 
de  ces  deux  substances.  Cependant  cet  art  est  resté  station- 
naire  et  presque  nul  chez  les  Grecs  ainsi  que  chez  les  Ro- 
mains. 

On  nous  permettra  de  considérer  la  version  de  Pline  comme 


670  VISITE 

une  fable,  et  de  penser  que  la  découverte  du  verre  est  due 
aux  premières  recherches  faites  sur  les  traitements  des  mi- 
nerais par  la  fusion  :  en  effet ,  ne  voyons-nous  pas  souvent 
que  les  gangues,  en  se  liquéfiant  dans  les  foyers,  donnent 
des  laitiers  transparents  qui  sont  chimiquement  de  véritables 
verres?  Ce  qui  est  positif,  c'e^t  que  les  Égyptiens  et  les  Phé- 
niciens pratiquaient  l'art  de  la  verrerie  avant  tous  les  autres 
peuples;  les  veneri-s  de  Sidon  et  d'Alexandrie  furent  cé- 
lèbres, entre  toutes,  dans  l'antiquité. 

Du  temps  de  Pline,  on  commença  à  établir  des  verreries 
dans  les  Gaules  et  en  Espagne;  cependant,  à  Rome,  on  n'em- 
ploya le  verre  à  vitre  que  vers  le  milieu  du  iw  siècle. 
Plusieurs  siècles  devaient  encore  s'écouler,  avant  que  cette 
nouvelle  industrie  se  répandît  dans  le  Nord  qui  éprouvait 
cependant  un  besoin  bien  plus  vif  de  ces  produits.  De  la 
Gaule,  lart  de  la  verrer  e  ne  s'introduisit  en  Angleterre  que 
vers  le  vir  siècle,  d'où  il  se  répandit  en  Germanie.  Les  pre- 
miers édifices  fermés  de  vitres  enchâssées  furent  les  églises 
de  Brioude  et  de  Tours  vers  la  fin  du  vr  siècle. 

Au  moyen- âge  ,  Venise  se  distingua  par  ses  verreries  qui 
furent  reléguées  en  1291  à  8  kilomètres  environ  de  la  ville, 
dans  la  presqu'île  de  Murano.  et  c'est  là,  dit-on,  qu'on  fabri- 
qua la  première  glace  soulflée.  Vers  cette  même  époque,  la 
fabrication  du  verre  s'introduisit  en  Bohême,  et  y  acquit, 
bientôt ,  grâce  à  l'excessive  pureté  des  matières  premières,  eu 
abondance  dans  ce  [>ays,  une  supériorité  et  une  réputation 
qui  se  sont  maintenues  ju-qu'à  nos  jours. 

Sous  Louis  XIV,  de  grandes  verreries  s'établirent  en  France 
par  les  soins  deC'^lbert,  qui  déroba  ainsi  aux  Vénitiens  le 
monoj)ole  de  la  fabrication  des  glaces  soufflées.  En  1665, 
à  Tourlaville,  près  Cherbourg,  s'établit  la  première  manu- 
facture de  glaces  en  France;  elle  subsista  jusqu'en  1808; 
et  ce  fut  en  1688,  qu'Abraham  Thévart  imagina  de  couler  les 
glaces;  son  établissement,  consiruit  d'abord  à  Paris,  dans  la 
rue  de  Reuilly.  fut  tran-féré  peu  de  temps  après  à  Saint-Go- 
bain,  près  Lafère.  Cette  manufacture,  d'où  sont  sortis  les  ou- 
vrages en  verre  les  plus  considérables,  a  toujours  passé  et 
passe  encore  pour  être  la  plus  importante  de  l'Europe  :  les 
trois  magnifiques  glaces  qu'elle  offre  à  l'admiration  du  public 
prouvent  plus  éloquemment  que  nous  ne  saurions  le  faire 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  671 

dans  ce  rapide  aperçu,  que  cette  grande  industrie,  presque 
nationale  d'origine,  n'a  fait  que  progresser  dans  l'art  de  cou- 
ler et  de  polir  les  glaces. 

Aucune  industrie  n'a  étéplus  lente  à  se  développer,  croyons- 
nous  ,  que  la  verrerie;  et  cependant  peu  de  substances  pré- 
sentent une  application  plus  vaiiée,  plus  utile  que  le  verre 
sous  ses  différentes  espèces. 

La  matière  première  composant  le  verre,  de  quelque  nature 
qu'il  soit,  est  à  peu  de  chose  près  la  même.  C'est  un  composé 
de  silice,  de  potasse  ou  de  soude  et  de  chaux  ou  d'oxyde  de 
plomb,  donnant  par  la  fusion  une  masse  amorphe  et  transpa- 
rente qui  ne  se  dissout  ni  dans  l'eau  ni  dans  les  acides.  Le 
verre  est  donc  un  silicate,  c'est-à-dire  un  sel  composé  d'acide 
silicique  ayant  pour  base  un  oxyde  quelconque.  Chaque  ver- 
rerie, chaque  cristallerie,  suivant  ce  qu'elle  doit  produire, 
suivant  la  qualité  des  matières  premières  qu'elle  emploie,  varie 
les  doses  soit  de  l'oxyde  de  sodium,  de  potassium,  de  plomb, 
de  manganèse.  Ces  oxydes  se  conibinent  entre  eux  en  propor- 
tions diverses,  et  il  arrive  quelquefois  que  certains  dispa- 
raissent dans  une  fabrication  spéciale. 

Nous  remarquons  trois  espèces  distinctes  de  verres  :  le 
verre  commun,  ou  verre  à  bouteilles;  le  verre  blanc  ou  verre 
à  vitres  et  à  glaces  et  le  cristal. 

Le  verre  varie  d'après  ses  parties  constituantes;  ainsi,  le 
verre  commun  se  fait  avec  du  Scible  ferrugineux,  des  cendres 
ou  des  soudes  brutes,  de  l'argile  jaune,  et  des  tessons  de  bou- 
teilles. 

Le  verre  à  vitres  et  à  glaces  ou  verre  blanc,  se  fait  avec  du 
sable  blanc,  du  sel  de  soude,  ou  du  sulfate  de  soude,  des  ro- 
gnures de  verre  blanc,  un  peu  de  craie  ou  de  chaux  et  d'oxyde 
de  manganèse. 

Le  cristal  est  composé  de  sable,  potasse  et  plomb. 

Le  verre  de  Bohême,  au  contraire,  ne  contient  que  peu 
ou  point  de  plomb,  qui  est  remplacé  par  la  chaux  et  un  sur- 
croît de  potasse. 

Une  innovation  a  eu  lieu  ces  dernières  années  dans  la 
constitution  chimique  du  cristal  de  la  fabrique  de  Clichy, 
près  Paris.  Cette  usine  a  substitué,  au  plomb,  le  zinc,  à  une 
partie  de  la  silice,  l'acide  borique,  spécialement  pour  les 
verres  d'optique.  Les  coupes  exposées  par  cette  importante 


G72  VISITE  ; 

fabrique  sont  d'une  grande  pureté;  mais,  pour  le  commerce  ' 
de  luxe,  le  cristal  obtenu  avec  le  zinc  présente  des  difficultés  ; 
bien  plus  grandes  pour  la  taille  et  le  moulage  ,  car  il  est  plus  j 
dur  et  moins  fusible.  Il  offre  donc  une  plus  grande  résistance  ; 
à  la  gravure  et  à  la  dorure  par  le  feu.  Cette  dureté  et  cette  \ 
infusibdité  sont  précieuses  pour  la  fabrication  des  verres  j 
d'optique  et  surtout  des  objectifs.  L'amélioration  résultant  de  : 
l'introduction  de  nouveaux  oxydes  dans  les  verres  d'optique  ; 
permet  d'en  modifier  les  conditions  de  réfringence,  de  disper- 
sion et  de  transparence.  Les  premiers  constructeurs  opticiens  j 
en  apprécient  les  avantages  sérieux  et  positifs. 

Une  très-belle  série  de  disques  de  grande  dimension  et  de  , 
prismes  faits  avec  le  zinc  et  le  borax  sont  exposés.  Us  nous 

paraissent  d'une  limpidité  et  d'une  blancheur  qui  ne  laissent  : 

rien  à  désirer.  : 

Nous  citerons  avec  plaisir,  parmi  les  objets  exposés  par  '■ 
cette  cristallerie,  deux  vases  gros  bleu;  leur  forme  et  la 

qualité  de  leur  couleur  donnent  une  imitation  parfaite  de  la  i 

porcelaine  tendre  de  Sèvres    On   remarque  également  une  | 

série  de  vases,  de  coupes,  de  verres  d'eau  et  autres  pièces  j 

variées  en  rouge  rubis  transparent,  qui  brillent  par  l'éclat  de  i 

la  coloration  et  la  limpidité  de  la  matière.  .Joignez  à  cela  une  ; 

collection  variée  de  services  de  table,  au  nombre  desquels  ; 

figure  celui  de  l'Empereur,  en  verre  mousseline,  ainsi  que  j 
celui  du  vice-roi  d'Egypte,  à  écus^^on  rubis. 

La  France  et  l'Angleterre  ont  seules  le  monopole  de  la  lus-  j 

trerie  en  cristal ,  et  ces  deux  pays  sont  représentés  spécia-  '\ 

lement  par  Baccarat  et  Birmingham.  Il  n'y  a  pas  encore  bien  ,' 

longtemps  que  Birmingham  fabriquait  seul  la  lustrerie.  De  -  • 

puis  une  quinzaine  d'années  environ,  Baccarat  s'est  mis  à  ' 

faire  le  même  genre,  et  a  ravi,  nous  l'espérons,  une  quan-  ; 

tité  notable  de  débouchés  à  l'Auiileterre.Baccaral  et  M,  Osier,  ■ 

de  Birmingham,  ont  seuls  exposé  des  pièces  capitales;  la  i 

comparaison  n'est  donc  possible  qu'entre  ces  deux  fabricants,  j 

Baccarat  présente  deux  candélabres  en  cristal  qui  sont  les  ) 

deux  pendants;  M.  Osier  n'en  présente  qu'un.  Les  dimensions  j 

de  ces  trois  pièces  sont  à  peu  près  les  mêmes ,  environ  six  | 

mètres  de  hauteur  depuis  la  base  qui  pose  sur  le  sol  jusqu'au  \ 

sommet.  Elles  se  composent  d'un  grand  nombre  de  pièces  de  ; 

cristal,  ajustées  avec  l'art  nécessaire  pour  cacher  les  points  de  j 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  673 

jonction  et  soutenues  intérieurement  par  une  armature  de  fer 
poli ,  que  l'épaisseur  du  cristal  et  les  jeux  de  lumière  produits 
par  l'habile  disposition  des  arêtes  vives,  dissimulent  absolu- 
ment à  l'œil  de  l'observateur. 

Les  candélabres  de  Baccarat  reposent  sur  une  base  assez 
haute  et  très-ornée,  imitant  une  colonne  d'où  se  détache- 
raient des  volutes  à  jour  très-légères  et  capricieusement  con- 
tournées. Le  fût  du  candélabre  représente  une  tige  de  bam- 
bou, des  nœuds  de  laquelle  sortent  des  feuilles  étroites  et 
lancéolées.  Dans  ce  molif,  répanouis?ement  des  branches 
devant  supporter  les  lumière  a  sa  raison  d'être,  et  les 
quatre-vingt-dix  corolles  en  forme  de  tulipes  forment  les 
bobèches  pour  les  quatre-vingt-dix  bougies  qui  doivent  étin- 
celer  parmi  toutes  les  facettes  de  ce  cristal.  Ces  candélabres 
sont  surmontés  d'un  panache  de  feuillage  qui  termine  celte 
ornementation  gracieuse,  légère  et  charmante. 

Le  candélabre  de  M.  Osier  s'élève  sur  une  base  hexa-^one 
ornée  de  mjulures;  le  fût,  composé  de  plusieurs  prismes 
juxtaposés,  doit  à  cette  combinaison  de  réfléchir  très-vive- 
ment la  lumière.  Dans  ce  candélabre,  M.  Osier  paraît  s'être 
attaché  surtout  au  but  final  du  candélabre,  la  projection 
de  la  lumière;  l'utile  docnine  donc  dans  cette  pièce  remar- 
quable :  pas  un  morceau  de  cristal,  pas  une  facette  dont 
l'utilité  n'existe  pour  la  réflexion  de  la  lumière.  Ce  candé- 
labre réunit,  à  la  sévérité  du  style,  les  beautés  de  la  fabrica- 
tion,  pureté  de  matière,  limpidité  parfaite  et  taille  irrépro- 
chable. Les  arêtes  sont  d'une  vivacité,  d'une  netteté  qui 
constitue  le  cristal  sans  défauts. 

Baccarat  offre  les  mêmes  qualités  solides,  et  c'est  un  ^^rand 
honneur  pour  notre  fabrication ,  si  Ton  réfléchit  qu'il  y  a  dix 
ans,  cette  branche  de  la  cristallerie  était,  pour  ainsi  dire 
étrangère  à  notre  pays,  qui  la  doit  a  l'intelligence  et  à  l'esprit 
de  suite  des  directeurs  de  cet  établissement. 

Baccarat  a  exposé  en  outre  un  lustre  qui  est  sa  pièce  capi- 
tale; malheureusement  il  n'est  pas  placé  dans  le  transept, 
c'est  un  véritable  chef-d'œuvre  d'élégance ,  de  grâce  el  de 
bon  goût. 

La  cristallerie  de  Saint-Louis,   dans  son  exposition  de 
cristaux  destinés  aux  usages  domestiques  ,  cristaux  remar- 
quables par  la  pureté  et  la  limpidité  de  la  matière,  ainsi 
206  rr 


674  VISITE 

que  par  le  bon  goût  et  l'art  qui  ont  présidé  à  leur  fabrication  , 
nous  montre  également  des  vases  imitant  le  cristal  de  Bo- 
hème, avec  le  même  genre  de  tadle  et  une  coloration  tout  à 
fait  identique.  Ces  vases  fond  jaune,  sur  lesquels  est  gra- 
vée une  chasse  au  sanglier  qui  se  détache  en  blanc  par  le 
fait  de  la  taille,  sont  tout  à  fait  reniai quables. 

Beaucoup  d'autres  pièces  méritent  d'être  citées  :  nommons 
entre  autres  deux  candélabres  d'un  grand  modèle;  deux 
grandes  urnes,  doiit  la  forme  élégante  et  gracieuse  est  en 
harmonie  parfaite  avec  un  fond  blanc  sur  lequel  se  détachent 
plusieurs  cercles  verts  dentelés,  dont  l'effet  est  des  plus 
agréables;  enfin  deux  autres  vases  en  cristal  rose,  gravés 
d'un  genre  tout  à  fait  nouveau. 

Après  les  grandes  cristalleries  de  Baccarat,  Saint-Louis  et 
Clichy,  nous  devons  citer  celle  de  Lyon,  de  MM.  Billaz  et 
Maumené.  Cette  cristallerie  s'est  proposé  pour  but  la  fdbri- 
cationdes  cristaux  demandés  par  le  commerce,  et  son  expo- 
sition nous  prouve  qu'elle  l'a  atteint;  en  effet  son  cristal  est 
d'une  limpidité  parfaite,  bien  fondu,  franc  de  ton  et  d'une 
teinte  constante.  Il  possède  donc  les  qualités  qui  font  le 
cristal  vraiment  beau. 

Parmi  les  pièces  qu'expose  la  cristallerie  de  la  Villette, 
nous  remarquons  partculièrement  une  coupe  en  cristal  d'un 
rouge  magnifique,  dont  la  sévérité  du  dessin  n'est  égalée  que 
par  la  beauté  de  la  couleur,  la  vivacité  et  la  rectitude  de  la 
taille. 

Au  nombre  des  maisons  dont  le  bon  goût  doit  être  men- 
tionné ,  nous  trouvons  toujours  avec  plaisir  celle  que  di- 
rige M.  Launay-Hautin  depuis  nombre  d'années.  Ses  vases 
gros  bleu ,  ainsi  que  la  coupe  montée  en  bronze  doré,  d'un 
style  correct,  gracieux  et  léger  tout  à  la  fois,  brillent  par 
l'éclat  du  cristal  et  par  une  coloration  des  plus  intenses.  Il 
expose  en  outre  une  collection  de  vases  et  une  cave  d'un  mo- 
dèle tout  à  fait  nouveau,  remarquable  par  un  luxe  inouï 
de  dorure  et  de  ciselure. 

La  verrerie  de  Vallerystal,  dont  les  produits  sont  appré- 
ciés depuis  longues  années  dans  le  commerce,  nous  donne  des 
échantillons  tout  à  fait  distingués  de  ce  qu'elle  peut  faire, 
tant  comme  imitation  parfaite  du  genre  Bohème,  avec  les 
qualités  qui  le  distinguent,  la  coloration  et  la  grande  trans- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  675 

parence,  que  comme  pureté  dans  la  forme  et  dans  l'exécu- 
lion. 

La  foule  s'arrête  étonnée  vis-à-vis  d'un  lion  en  verre  filé  de 
grandeur  naturelle  dont  les  formes  heureusement  saisies  font 
comprendre  la  puissance  et  la  force  de  ce  roi  de  la  nature. 
M.  Lambourg,  l'auteur  de  ce  travail  extraordinaire,  se  livre 
plus  habituellement  à  des  travaux  plus  riants  :  ses  colombes 
se  becquetant,  ses  fruits  si  parfaits  de  forme  et  de  couleur 
sont  là  pour  attester  notre  dire. 

Les  verres  de  couleur  sont  représentés  avec  éclat  au  palais 
de  l'Industrie  par  les  maisons  Ulter  et  Wallisf.  Les  grands 
vitraux  qui  décorent  les  deux  extrémités  de  la  nef  prouvent 
que  l'art  de  la  peinture  sur  verre  est  loin  d'être  perdu,  ou  du 
moins  que,  s'il  l'a  été,  nous  avons  été  assez  heureux  pour  le 
retrouver. 

M.  Utter  et  Cie  ont  en  outre  un  choix  de  gobeleterie  des 
plus  remarquables;  les  bouteilles  qu'ils  exposent,  indépen- 
damment dune  forme  svelte,  ont  la  grande  qualité,  si  re- 
cherchée du  commerce,  d'être  à  fort  bas  prix. 

M.-Mongin  ainsi  que  MM.  Beaux  et  Duhoiix  ont  des  mo- 
dèles de  verrerie  bien  choisis  et  d'une  coloration  uniforme 
qui  atteste  une  fabrication  soignée  dans  tous  les  détails. 

Les  cylindres  remarquables  par  leur  régularité  qui  sortent 
de  la  manufacture  de  Bagneux,  appartenant  à  Mme  veuve 
Bernard,  méritent  à  tous  égards  d'attirer  l'attention  du  public. 

La  verrerie  de  Sèvres  se  di>tingue  par  des  cylindres  tout  à 
fait  colossaux.  En  les  examinant,  on  se  demande  où  M.  de 
Sussex  a  pu  trouver  le  géant  dont  la  poilrine  pouvait  renfer- 
mer la  quantité  d'air  qui  a  séparé  le  verre  liquide.  11  est 
vrai  que  cette  poitrine  appelle  à  son  aide  de  l'eau,  qu'elle  ré- 
duit en  vapeur.  La  limpidité  ^  la  transparence  et  la  couleur 
ne  sont  pas  moins  étonnantes  que  l'ampleur  des  cylindres. 

Parmi  les  verres  à  vitres  français  qui  font  honneur  à  nos 
exposants,  citons  ceux  de  la  maison  Paloux  et  iJrion .  si  con- 
nue dans  le  commerce  pour  ses  verres  au  largue,  et  les  mai- 
sons Renard  et  Duthy  qui  ont  fourni  les  verres  demi-opaques 
qui  couvrent  le  palais  de  llndustiie. 

MM.  Duthy,  Van-Cauwelaert  Wagret  ont  de-  échantillons 
de  bouteilles  également  beaux  et  de  formes  variées  pour  les 
vins  des  différents  crus. 


676  VISITE 

L'Angleterre  n'a  presque  rien  fait  venir  à  l'Exposition. 
A-t-elle  craint  la  concurrence?  Nous  le  croyons,  et  elle  a 
eu  raisoti.  Cependant  les  quelques  pièces  qu'elle  soumet  à 
nos  regards  sont,  comme  cristal  et  même  comme  taille,  très- 
remarquables;  seulement  la  taille  en  est  creuse  et  se  com- 
pose de  deux  surfaces  triangulaires  qui  se  rencontrent  par 
leur  grand  côlé. 

Cette  taille,  dite  en  diamant  de  flot,  a  été  fort  usitée  en 
France;  mais  on  l'abandonna,  il  y  a  environ  vingt  ans,  à 
raison  de  la  perfection  avec  laquelle  elle  se  laisse  imiter  au 
moulage.  Les  quelques  pièces  exposées  par  M.  Daniells,  de 
Londres,  venant  de  la  cristallerie  de Stourbridge  ,  ne  méritent 
donc  de  fixer  notre  attention  que  par  la  pureté  et  la  limpi- 
dité du  cristal. 

Parmi  les  pièces  qui  méritent  une  mention  toute  particu- 
lière ,  citons  les  lentilles  en  crown-glass,  que  la  manufacture 
de  MM.  Chance  IVères  sait  toujours  maintenir  au  rang  qu'elles 
occupent  dans  le  monde  savant.  Ces  lentilles,  dont  la  pureté  et 
la  limpiiité  parfaite  et  presque  sans  coloration  aucune,  as- 
surent aux  disques  lenticulaires  anglais  pour  objectifs  une 
valeur  difficile  à  surpasser.  L'exposition  de  M.  Chance  est 
sous  tous  les  rapports  la  plus  importante.  Nous  en  avons  déjà 
dit  quelques  mots  dans  notre  description  générale  de  l'expo- 
sition anglaise. 

La  Belgique,  pournous  prouver  ce  qu'elle  peut  faire,  nous 
a  envoyé,  d'une  manufacture  anglaise ,  qui  s'est  établie  de- 
puis peu  de  temps  à  Floreffe,  une  glace  en  blanc,  dont  les 
dimensions  et  la  limpidité  sont  dignes  d'un  établissement  que 
de  longues  années  d'étude  auraient  préparé  à  un   triomphe. 

Dans  l'exposition  de  MM.  Jonet  et  Dorlodot,  nous  remar- 
quons d(^s  verres  de  couleur,  de  nuances  franches  et  supé- 
rieures. Notons  entre  autres  son  rouge,  dont  l'éclat  n'est  égalé 
par  aucune  fabrique  ;  un  bleu  ,  dont  la  coloration  intense  est 
aussi  remarquable  que  celle  des  veires  violets  qu'elle  nous 
offre  comme  échantillon  des  produits  de  son  usine. 

La  Société  anonyme  d'Herbatte  expose  des  services  de  ta- 
ble en  mi-cristal ,  qui  sont  surtout  remarquables  par  le  bon 
marché  joint  à  une  qualité,  une  pureté  de  matière  que  nous 
ne  saurions  trop  louer.  Unir  la  beauté  de  l'œuvre  à  la  modi- 
cité des  prix  est  et  sera  toujours  le  rêve  du  manufacturier 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  677 

intelligent,  et  sous  ce  rapport  nous  devons  rendre  justice  à 
la  fabrication  belge. 

La  Bohème,  dont  nous  eussions  certainement  du  parler 
depuis  longtemp?,  à  cause  du  rang  élevé  qu'elle  occupe,  et 
surtout  de  ses  traditions  qui  se  sont  conservées  avec  inté- 
grité,  est  dignement  représenté  dans  la  nef  par  trois  fa- 
briques principales  :  celle  du  comte  de  Harracb,  à  Neuwelt, 
celle  de  Meyrs,  à  Adolphshiitte,  et  celle  d'Hegenbarlh,  à  Meis- 
terodorf. 

Le  cristal,  ou  verre  de  Bohème,  a  des  qualité>  particuliè- 
res. Il  n'est  peut-être  pas  plus  limpide  que  le  cristal  de  nos 
premières  falDriques,  mais  il  est  plus  blanc,  plus  léger  et 
plus  résistant:  cela  tient  à  sa  composition  chimique.  Les  cris- 
taux de  Bohème  sont,  en  général ,  assez  mal  dorés.  Ola  pro- 
vient de  la  qualité  du  verre  qui  ne  peut  que  très-difficilement 
supporter  le  degré  de  chaleur  nécessaire  pour  avoir  une 
bonne  dorure;  aussi  la  plus  grande  partie  des  cristaux  de 
Bohème  sont-ils  gravés  sans  dorure. 

Dans  l'exposition  du  comte  de  Harrach  ,  nous  admirons 
les  deux  magnifiques  vases  rouges.  Ces  vases,  d'une  forme 
sévère,  dans  le  goût  de  l'antique,  sont  d'un  teinte  tel- 
lement riche  qu'on  se  demande  avec  étonnement  comment 
on  peut  obtenir  cette  vivacité  et  cette  limpidité.  Des  coupes 
en  craquelé  blanc  sont  ravissantes  de  forme  et  d'exécution. 

Le  craquelé  est  un  genre  que  la  Bohème  a  inventé  depuis 
peu  de  temps,  et  qui  paraît  devoir  lui  appartenir  en  propre. 
Cette  espèce  particulière  représente  au  naturel  les  fines  ara- 
besques de  la  légère  couche  de  glace  qui  se  dépose  dans  les 
nuits  d'hiver  sur  les  vitres  d'une  chambre  doucement  chauf- 
fée, et  dans  lesquelles  la  lumière  se  joue  avec  des  reflets 
irisés.  Chose  remarquable,  les  craquelés  roses,  bleus  ou  jau- 
nes, n'ont  ni  la  coquetterie,  ni  le  charme  des  craquelés 
blancs.  La  simplicité  est  toujours  la  parure  la  plus  seyante 
de  tout  ce  qui  est  jeune ,  riche  et  vraiment  beau. 

Dans  l'exposition  de  M.  Meyrs  et  Cie  des  coupes  de  cra- 
quelés se  partagent  les  regards  du  public,  avec  deux  ur- 
nes à  fleurs  roses  transparentes  sur  fond  blanc  opaque.  Le 
dessin,  large,  souple,  distingué,  est  merveilleusement  se- 
condé par   une  exécution  tout  à  fait  supérieure. 

La  Bavière  est  dignement  représentée  à  l'Exposition  de 


678  VISITE 

<855  par  les  œuvres  de  la  fabrique  de  M.  Steigerwald  ,  la 
plus  ancienne  manufacture  de  l'AHemagne  occidentale.  Il 
nous  offre  des  services  à  dorure  vermiculée  vraiment  bien 
exécutés  ,  et  qui  peuvent  rivaliser  avec  ce  que  Clichy  nous 
montre  de  plus  parfait;  deux  pièces,  d'une  dimension  co- 
lossale, de  1  mètre  et  demi  de  hauteur,  couvertes  entière- 
ment par  une  abaresqiie  en  dorure,  et  admirées  du  public. 

Deux  nouvelles  espèces  de  fabrication  nous  apparaissent 
pour  la  première  fois  :  Tune  est  un  cristal  épais,  d'appa- 
rence mate  et  grenue,  qui  simule  admirablement  l'albâtre; 
un  vase  de  ce  nouveau  cristal  ne  mesure  pas  moins  de  2  mè- 
tres de  haut.  Des  urnes  blanches ,  autour  desquelles  s'en- 
roule un  serpent  bleu,  se  font  remarquer  par  leur  dessin 
souple  et  correct.  Nous  sommes  fâchés  d'y  voir  figurer  ce 
serpent  bleu  indigo,  animal  tout  fantastique,  qui  choque  un 
peu  la  vue  et  bien  plus  rintelligence.  Je  sais  que  ce  bleu  est 
fort  difficile  à  obtenir,  mais  pour  prouver  que  Ion  peut  vain- 
cre une  difficulté,  il  ne  faudrait  pas  dmiinuer  le  mérite  d'une 
œuvre  d'art  vraiment  remarquable. 

L'autre  nouveauté,  qui  a  attiré  notre  attention,  est  une 
colonne  de  4  mètres  environ  de  hauteur,  qui  se  termine  par 
un  vase  à  fleurs,  et  qui  est  destinée  à  l'ornementalion  des 
jardins  ou  des  vestibules.  Le  fût  est  formé  de  gros  tubes  de 
verre  opaque  diversement  coloré  ;  cela  vaut  beaucoup  mieux, 
comme  élégance  et  légèreté  que  les  colonnes  de  zinc  assez 
souvent  em[)ioyées  dans  les  mêmes  conditions.  Le  prix  pour 
cet  ubjVt  est  la  chose  importante  et  d'où  dépend  son  succès. 

La  Bohème,  comptant  sans  doute  un  peu  trop  sur  sa  supé- 
riorité, n'a  que  peu  ou  point  fabriqué  pour  l'Expo-ition;  elle 
s'est  contentée  de  prendre  quelques-unes  de  ces  pièces  cou- 
rantes qui  étaient  en  magasin.  Souvent  elle  fabrique  mieux 
et  plus  beau  que  ce  que  nous  avons  vu;  mais,  ce  qui  chez  elle 
est  un  fait  remarquable,  c'est  le  bon  marché  de  ses  pro- 
duits; cela  tient  non-seulementau  prix  peu  élevé  des  matières 
premières,  mais  encore  aux  conditions  économiques  dans 
lesquelles  ils  se  produisent.  L'ouvrier  cri>tallier  des  fabriques 
allemandes  est  presque  toujours  un  artisan  mixte,  qui  cul- 
tive la  terre  pendant  la  belle  saison,  ne  fréquente  l'usine 
que  pendant  l'hiver,  et  souvent  même  travaille  chez  lui 
en  famille.  C'est  l'hiver,  alors  que  le  paysan  bohémien  ne 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  679 

peut  cultiver  la  terre,  qu'il  taille  le  cristal,  aidé  de  sa  femme 
et  de  sa  fille,  qu'il  polit  spécialement  ces  brillantes  pen- 
deloques qui  firent  pendant  longtemps  la  décoration  des  lus- 
tres de  Bohème  et  le  désespoir  de  la  fabrication  étrangère. 

C'est  ce  même  mode  de  travailler  qui  nous  fait  faire  con- 
currence par  la  Suis«e  pour  notre  fabrique  de  Lyon.  Aussi 
les  fabricants  de  soie  ont-ils  bien  compris  ce  fait  économique, 
et  ils  favorisent  la  dispersion  des  métiers  dans  les  villages  et 
les  campagnes.  Les  directeurs  de  notre  belle  fabrique  de 
Baccarat  l'avaient  également  compris,  et  pendant  longtemps 
ils  cherchèrent  à  propager  l'industrie  de  la  taille  du  cristal 
dans  les  montagnes  des  Vosges;  mais  ici  ils  échouèrent  com- 
plètement. L'habitude  et  la  routine  l'emportèrent  chez  le 
paysan  sur  l'appât  du  gain. 

L'Allemagne  et  ses  ouvriers  se  trouvent  sans  doute  bien  de 
ce  régime,  puisque  depuis  des  siècles  il  ne  s'est  pas  modifié. 
Cependant  les  salaires  sont  tombés  si  bas  que  les  graveurs 
habiles,  dont  l'industrie  demande  un  travail  suivi,  gagnent 
à  peine  de  quoi  vivre. 

Nos  industries  ne  peuvent  rien  ou  peu  de  chose  contre  un 
tel  bon  marché.  C'est  sans  doute  ce  qui  a  déterminé  tous  les 
gouvernements  à  prohiber  l'entrée  en  France  de  la  cristalle- 
rie étrangère.  Cette  prohibition,  croyons-nous,  doit  cesser 
en  vue  des  progrès  obtenus  par  nos  fabriques,  et  un  tarif, 
suffisamment  protecteur,  viendra  bientôt  les  appuyer  plus 
énergiquement  que  cette  prohibition ,  qui  entraîne  toujours 
la  fraude  dans  les  relations  commerciales  et  la  contrebande 
vis-à-vis  de  l'État. 


680  VISITE 


CLASSES  XIX,  XX,  XXI,  XXII  et  XXIII. 

Classe  19,  industrie  des  cotons.  —  Classe  20,  industrie  des  laines. 
—  Classe  21  ,  industrie  des  soies.  —  Classe  22,  industrie  des 
lins  et  des  chanvres.  —  Classe  23 ,  industrie  de  la  bonneterie ,  des 
tapis,  de  la  passementerie,  de  la  broderie  et  des  dentelles. 

L'opinion  est  à  peu  près  unanime  sur  l'intérêt  qu'offre 
l'Exposition  de  1855,  dans  laquelle  les  industries  textiles  oc- 
cupent une  place  si  importante.  Toutes  ou  presque  toutes  les 
variétés  y  sont  représentées.  L'industrie  du  coton  expose  de- 
puis le  calicot  le  plus  commun  jusqu'aux  mousselines  impri- 
mées et  brodées  les  plus  élégantes,  et  aux  tulles  façonnés  et 
brochés  les  plus  remarquables.  On  y  voit  de  belles  flanelles, 
des  cotons  unis,  ou  imitant  les  peaux  de  tigre.  Les  toiles  à 
bâches ,  les  plus  belles  batistes  et  le  linge  damassé  le  plus 
magnifique  forment  les  produits  extrêmes  de  l'exposition  des 
étoffes  de  chanvre  et  de  lin.  Des  draps  ordinaires  depuis  5  fr, 
jusqu'à  35  fr.  le  mètre;  des  couvertures,  des  tapis,  non  moins 
variés.  Des  draps  élastiques,  des  draps  de  velours,  des  feutres 
pour  rouleaux,  pour  couvertures  de  toits,  de  parquets  et 
ponts  de  navires,  etc.,  donnent  une  idée  de  l'ensemble  des 
lainages  foulés  et  drapés.  Les  mérinos  ,  les  baréges.  les  tissus 
écossais,  les  damas  de  laine  et  les  moreen  imitant  les  belles 
étoffes  de  crin  témoignent  des  progrès  toujours  croissants  de 
la  belle  industrie  des  tissus  ras  en  laine.  Des  châles  français 
tout  laine,  depuis  1  fr.  28  cent,  jusqu'à  1000  fr.  et  plus,  at- 
testent que  l'hygiène  a  su  faire  son  profit  d'un  tissu  qui  n'a- 
vait à  son  origine  qu'une  destinée  de  luxe.  Les  tapis  mo- 
quettes ,  les  tapis  imprimés  et  façonnés  en  même  temps,  ceux 
d'Aubusson,  de  Nîmes  et  de  Beauvais  ;  nos  belles  tentures 
produites  d'après  les  systèmes  divers  propres  à  chacune  des 
localités  que  nous  venons  d'indiquer,  et  les  résultats  sans  ri- 
vaux des  Gobelins  établissent  par  la  plus  heureuse  transition 
l'alliance  de  l'art  et  de  l'industrie. 

Les  soies  et  les  soieries  y  brillent  sous  toutes  les  apparen- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  681 

ces  ;  les  tissus  inusables  en  soies  exotiques  écrus ,  trop  peu 
en  usage  encore  dans  nos  contrées,  ne  sont  pas  moins  inté- 
ressants que  les  merveilleuses  étoffes  de  Lyon,  d'une  supé- 
riorité incontestable  et  tellement  incontestée  qu'on  cherche  à 
les  imiter  partout,  sans  avoir  nulle  part  la  prétention  de  ri- 
valiser avec  elles.  A  côté  de  ces  produits  obtenus  par  les  sub- 
stances filamenteuses  fondamentales  ,  viennent  se  placer  des 
tissus  obtenus  par  des  matières  premières  d'un  usage  encore 
secondaire.  Les  toiles  et  les  tapis  en  jute;  les  coutils  et  étof- 
fes blanches  et  teintes  en  china  grass  ;  les  nattes  d'abacca, 
du  palmier;  les  articles  en  chanvre  de  manille  ,  d'aloès;  les 
produits  si  variés  du  cachemire,  du  poil  de  chèvre,  de  l'alpaga, 
du  crin,  du  caoutchouc  même,  dont  l'emploi  pour  divers 
usages,  et  surtout  pour  des  sous-jupes,  est  devenu  si  géné- 
ral; les  essais  en  étoffe  d'herbe,  d'écorce  de  mûrier,  d'or- 
meau, de  poils  de  lapin,  etc.;  les  tissus  mixtes,  en  matières 
premières  mélangées,  tels  que  lin  et  coton,  coton  et  laine, 
laine  et  soie,  et  chacune  d'elle  unie  à  l'alpaga,  au  poil  de  chè- 
vre, etc.,  viennent  compléter  cette  vaste  carte  d'échantillons. 

C'est  surtout  aux  étoffes  de  cette  dernière  catégorie,  obte- 
nues par  des  mélanges  de  matières  premières,  qu'on  donne 
les  noms  les  plus  arbitraires;  c'est  ainsi  que  les  tissus  électri- 
ques, qui  figurent  dans  une  vitrine  anglaise,  ne  sont  que  le 
résuhat  de  l'entrelacement  des  fils  de  lin  à  des  fils  en  laine 
peignée;  celle-ci  forme  la  trame,  et  la  première  la  chaîne. 
Les  Allemands  ont  exposé ,  sous  le  nom  (ï étoffes  en  laine  arti- 
ficielle, des  produits  obtenus  par  de  la  laine  provenant  du 
défilochage  de  chiffons  que  l'on  nomme  chez  nous  renais- 
sance. En  industrie,  comme  on  le  voit,  le  nom  qui  sert  à 
désigner  une  chose  ne  garde  pas  toujours  la  signification 
réelle,  souvent  même  il  déguise,  au  contraire,  le  caractère 
propre  du  produit  auquel  il  s'applique. 

Les  nombreuses  variétés  d'étoffes  qui  figurent  à  l'Exposition 
appartiennent  à  plusdequatre  mille  maisons,  non  comprises 
celles  qui  exposent  les  matières  premières,  et  les  machines 
qui  les  transforment,  c'est-à-tlire  abstraction  faite  de  la  troi- 
sième et  de  la  septième  classe  du  catalogue.  On  peut  donc 
estimer  que  les  industries  textiles  comptent  pour  un  quart 
environ  dans  la  vaste  exhibition  des  Champs-Elysées ,  si  on 
envisage  l'ensemble  des  établissements  qui  y  sont  représentés. 


682  VISITE 

On  se  ferait  une  idée  inexacte  de  l'imporlance  industrielle 
de  chaque  nation,  si  on  ne  l'évaluait  que  d'après  le  nombre 
respectif  de  ses  exposants.  La  France,  qui  ne  transforme 
qu'un  cinquième  environ  de  la  quantité  de  coton  mis  en  œu- 
vre par  l'Angleterre,  est  repiés^'ntée  par  410  établissements, 
et  Cette  dernière  ne  l'est  que  par  une  centaine  à  peine. 

L'Amérique,  dont  l'industrie  cotonnière  est  aujourd'hui, 
sous  le  rapport  des  quantités  transformées,  la  plus  impor- 
tante du  monde,  après  celle  de  l'Angleterre,  n'est  pour  ainsi 
dire  pas  représentée. 

Le  petit  espace,  trop  vaste  cependant,  réservé  à  cet  effet 
aux  États-Unis,  fait  un  contracte  pénible  avec  son  entou- 
rage. C'est  à  peine  si  les  quelques  balles  qui  doivent  y  figurer 
sont  ouvertes;  on  dirait  que  les  expéditeurs  éprouvent  une 
certaine  hésitation  à  étaler  leurs  produits  en  présence  de 
leur  splendide  voisinage.  L'Autriche  a  presque  autant  d'ex- 
posanis  dans  Tindnstiie  cotonnière  que  l'Angleterre.  La 
Prusse,  les  États  sardes,  la  Scixe,  les  divers  petits  duchés 
sont  mieux  représentés  sous  ce  rapport,  et  d'autres  encore, 
que  l'Améfique.  L'éloignement  et  la  dépense  ne  sont  pas  les 
seuls  motifs  de  l'abstention  américaine.  Des  pays  plus  éloi- 
gnés et  d'une  importance  moiniire  témoignent  plus  d'empres- 
sement. Mais  l'industriel  américain  surtout  est  essentielle- 
ment positif  :  son  intérêt  direct  n  était  pas  en  jeu.  Chaque 
jour  il  fait  des  efforts  nouveaux  pour  se  passer  de  lindustrie 
européenne;  et,  si  pour  plusieurs  spécialités  il  n'est  pns  éloi- 
gné du  but  auquel  il  tend ,  il  ne  peut  cependant  encore  avoir 
la  prétention  ni  de  faire  de  nous  un  client,  ni  de  nous  mon- 
trer une  supériorité  de  travail;  c'est  pourquoi  il  s'abstient. 
Peut-être  aus^i  a-t-il  pris  tri'p  à  la  lettre  les  bruits  que  l'on 
faisait  crouler  à  l'avance  de  l'avortement  de  ce  grand  tour- 
nois industriel  de  1855  On  ne  saurait  donc  se  fier  aux  ap- 
parences, même  à  rE\posiiion  ,  et  il  faut  se  garder  déjuger 
le  progrès  d'après  les  indications  encore  incomp'ètes  de  ces 
joutes  naissantes  ,  qui  doivent  avoir  le  sojt  des  foires  et  des 
marchés,  où  le  pourvoyeur  vise  peut-étie  autant  au  débou- 
ché avantageux  qu'aux  distinctions  honorifiques;  cela  paraît 
surtout  vrai  au  point  de  vue  américain.  Si  certaines  contrées 
industrielles,  telles  que  les  États-Unis,  se  sont  abstenues  à 
cause  de  leur  jeunesse,  quoique  déjà  leur  essor  soit  assez 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  r>83 

grand  pour  faire  réfléchir  l'Angleterre,  d'autres  nations,  qui 
jouissaient  autrefois  d'une  réputation  comparable  à  celle  de 
la  Grande-Bretagne  de  notre  époque  ,  ne  sont  plus  que  l'om- 
bre d'elles-mêmes. 

Qu'est  devenue  la  célèbre  industrie  des  soieries  de  la  Grèce 
et  de  rUalie  ,  berceau  de  la  nôtre.  La  Grèce  surtout  a  dégé- 
néré d'une  manière  pénible.  Cette  contrée ,  autrefois  initia- 
trice, est  oblii2;ée  aujourd'hui,  pour  recommander  ses  pro- 
duits, d'inscrire  sur  les  vitrines  :  Suies  filées  à  la  française^ 
soies  plées  à  V italienne.  Quelques  écharpes,  mouchoirs  ,  che- 
mises et  moustiquaires,  forment  l'assortiment  de  ses  tissus, 
qui  ne  paraissent  figurer  là  que  pour  mémoire.  L'Iialie,  en 
général ,  a  moins  dé^^énéré,  il  est  vrai ,  mais  que  cette  maigre 
exposition  de  quelques  tissus  de  soie  de  Gènes  et  de  Florence 
est  loin  de  l'ancienne  réputation  des  riches  et  brillantes  étof- 
fes que  ces  opulentes  cités  fournissaient  jadis  à  presque  toutes 
les  cours  du  monde!  L'imiustrie  italienne  paraît  avoir  concen- 
tré ses  efforts  de  production  sur  la  soie  grége,  dont  elle  était 
d'ailleurs  en  possession  avant  nous,  et  que  son  climat  favo- 
rise tout  particulièrement. 

Mais  de  toutes  les  anciennes  réputations  industrielles,  la 
plus  effacée  est  peut-être  celle  des  Pays-Bas.  Qui  eût  pu  pré- 
dire à  Colbert  que  l'industrie  des  draps  qu'il  enviait  tant  à  la 
Hollande  ne  serait  représentée  que  par  un  seul  exposant, 
caries  deux  autres,  compris  dans  la  même  catégorie ,  expo- 
sent l'un  de  la  bonneterie  en  laine  de  pin  filée,  et  l'autre  du 
tissu  de  crin. 

On  pourrait  faire  plus  d'un  rapprochement  historique  ana- 
logue pour  plusieurs  autres  contrées  florissantes  autrefois  et 
aujourd'hui  sans  éclrft  ;  mais  ces  considérations  nous  écarte- 
raient trop  du  but  tout  spécial  que  nous  nous  proposons  et 
auquel  nous  avons  hâte  de  revenir. 

Déclarons  d'abord  humblement  qu'au  point  où  en  est  ac- 
tuellement l'industrie  des  tissus,  celle,  par  exemple,  de  co- 
tonnades et  des  lainages  en  générai ,  il  est  bien  difficile  aux 
plus  compétents  de  formuler  un  jugement  comparatif  sur  des 
étoffes  produites  dans  la  même  localité  par  des  moyens  iden- 
tiques, mis  en  usage  par  des  fabricants  auxquels  le  temps  a 
fourni  une  somme  à  peu  près  égale  d'expérience  et  d'habi- 
leté. Aussi  peut-on  trouver  en  moyenne  dans  ces  industries 


684  VISITE 

70  p.  100  d'excellents  fabricants.  Cela  ne  veut  pas  diie  qu'ils 
soient  dans  les  mêmes  conditions  de  réussite  et  de  prospé- 
rité. 

C'est  surtout  dans  l'industrie  que  les  capitaux  ont  une  im- 
mense importance.  Sans  eux.  l'intelligence,  le  savoir  et  l'ex- 
périence sont  souvent  frappps  de  stérilité.  Si  donc  il  est  dif- 
ficile, après  l'examen  le  plus  attentif,  de  porter  un  jugement 
sur  la  valeur  relative  des  produits ,  combien  n'est-il  pas  plus 
difficile  encore  de  les  apprécier  équitablement,  lorsqu'on  les 
voit  à  dislance  ,  exposés  sous  des  jours  et  avec  des  effets  de 
lumière  différents  dans  des  espaces  disproportionnés,  pim- 
pants et  attifés  sous  le  prisme  des  vitrines,  et  surtout  lorsqu'on 
a  eu  soin  ,  quoi  qu'en  disent  les  exposants,  de  présenter  aux 
yeux  la  fleur  de  ces  produits?  Nous  ne  pouvons ,  au  reste  ,  les 
blâmer  du  soin  qu'ils  prennent  de  faire  un  choix  honnête  et 
de  l'offrir  sous  l'aspect  le  plus  favorable.  Le  public  sait  cela , 
et  fait  ses  réserves. 

Noris  sommes  aussi  partisans  que  qui  que  ce  soit  des  exposi- 
tions. Leurs  avantages  sont  manifestes;  vouloir  les  faire  res- 
sortir serait  une  banalité,  et  cependant,  malgré  nous,  l'as- 
pect de  ces  splendides  galeries,  avec  leurs  attraits  et  leurs 
charmes  séduisants,  nous  produit  l'effet  de  cette  amabilité 
universelle,  de  cette  urbanité  générale,  que  l'on  rencontre 
•  dans  un  bal  au  milieu  d'une  société  choisie.  Que  de  visages 
charmants  le  soir  sont  maussades  le  lendemain  ;  que  d'étof- 
fes apprêtées!...  Ne  médisons  pas  des  apprêts,  source  d'une 
foule  d'effets  industriels  nouveaux  ,  nous  allons  le  voir. 

L'industrie  lilloise  expose  des  collections  de  fils  de  coton 
remarquables,  non  seulement  par  la  perfection  de  la  filature, 
mais  par  un  brillant  que  la  soie  seule  offrait  ju?qu'ici.  Ce  ré- 
sultat obtenu  par  des  apprêts  particuliers  rendent  ces  fils 
propres  à  des  emplois  variés.  C'est  ainsi  qu'on  est  parvenu  à 
faire  des  tissus  en  coton,  imitant  les  moiies  antiques  jusqu'ici 
exclusivement  du  domaine  de  la  soie.  Les  fils  retors  pour 
tulle ,  les  fils  de  lin  à  coudre ,  sont  également  soignés  au  point 
de  pouvoir  rivaliser,  fous  le  rapport  de  la  qualité,  avec  ce  que 
l'Atigleterre  fait  de  mieux.  Les  fils  de  laine  gazés  lisses  pour 
la  passementerie,  la  popeline  et  les  tissus  mélangés  ne  sont 
pas  moins  remarquables;  les  fils  jaspés  et  chinés  par  des  mé- 
langes aux  métiers  à  filer,  grâce  aux  moyens  nouveaux  par 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  685 

lesquels  ils  sont  obtenus  et  à  la  perfection  qui  permet  de  les 
employer  à  des  produits  de  toute  nature  ,  ont  pris  une  grande 
extension.  Le  colon,  le  lin  et  la  laine  y  sont  employés  avec  le 
même  succès  pour  la  bonneterie  et  les  étoffes  de  nouveautés 
quelles  que  soient  leur  destination.  Les  fils  unis  écrus  ou 
blancs  destinés  au  tissage  ne  sont  pas  moins  en  progrès.  Les 
produits  de  l'Inde  et  de  la  Turquie  obtenus  à  la  main  sont 
peut-être  plus  lins ,  comme  le  prouvent  les  fils  et  les  mousse- 
lines exposés  par  ces  contrées  ;  mais  il  n'y  a  vraiment  rien 
de  plus  digne  d'attention  que  la  régularité  avec  laquelle  on 
arrive  à  filer  le  coton,  au  n''  600,  et  à  obtenir,  par  conséquent, 
un  cylindre  flexible  parfait  d'une  longueur  de  150  lieues  avec 
500  grammes  de  fibres,  sans  que  l'on  puisse  constater  une  irré- 
gularité sur  cette  longueur.  On  est  arrivé  automatiquement 
à  des  fils  d'une  plus  grande  finesse  ,  mais  leur  usage  est 
problématique,  tandis  que  ceux  dont  nous  parlons  ont  des 
emplois  usuels  pour  la  mousseline,  le  tulle,  lesdeutelles.  Le 
coton  à  longue  soie,  que  la  Géorgie  fournissait  seule  d'une 
assez  belle  qualité,  était  spécialement  réservé  à  ces  emplois; 
aussi  son  prix  augmentait-il  chaque  année.  Sa  production  ne 
répondait  pas  aux  demandes  :  certains  cours  ont  dépassé 
12  fr.  le  kilogramme. 

L'exposition  des  produits  de  notre  colonie  d'Afrique  dé- 
montre, entre  autres  faits,  que  désormais  une  partie  de  ces 
précieux  filaments  pourra  nous  être  fournie  par  elle,  et  si  les 
efforts  continuent  comme  par  le  passé  dans  celte  direction  , 
nous  pouvons  espérer  nous  aflranchir  entièrement  du  tribut 
payé  à  la  Géorgie.  Notre  colonie  ne  s'est  pas  bornée  à  la  cul- 
ture du  cotonnier  à  longues  soies  ;  les  expositions  en  fils  et  tis- 
sus du  Nord  ,  de  l'Alsace  et  de  la  Normandie ,  dans  les  arti- 
cles les  plus  variés ,  prouvent  que  les  colons  de  toutes  espèces 
y  réussissent  également,  les  plus  ordinaires  comme  les  plus 
belles  qualités.  Que  les  machines  à  égrener,  qu'on  a  tant  per- 
fectionnées dans  ces  derniers  temps  aux  États-Unis,  s'y  intro- 
duisent, que  la  main  d'œuvre  y  arrive  à  des  conditions  nor- 
males quant  aux  prix,  et  les  espérances  que  nous  avons 
conçues,  il  y  a  long-temps  déjà,  sur  les  solides  destinées  de 
notre  conquête  africaine,  ne  tarderont  plus  à  se  réaliser.  Nous 
écrivions,  en  effet,  en  1845,  dans  un  travail  sur  les  matières 
textiles....  «A  tant  de  titres  généraux,  dignes  d'attirer  l'in- 


686  VISITE 

térêt  de  toutes  les  nations  qui  s'occupent  des  industries  en 
question  ,  viendra  sans  doute  s'en  ajouter  un  nouveau  pour  la 
France,  si  notre  précieuse  terre  d'Afrique  réalise  les  espéran- 
ces qu'elle  fait  concevoir.  » 

Si  on  ne  jugeait  que  sur  les  échantillons  exposés,  on  pour- 
rait hardiment  avancer  que  les  espérances  sont  réalisées.  On 
trouve,  en  effet,  dans  les  vitiines  exposées  sous  le  p^itronage 
de  M.  le  ministre  de  la  guerre,  les  fils  et  les  calicots  ordinaires 
de  Rouen  et  de  ses  vallées  ,  et  des  fils  des  numéros  2  à  300, 
valant  de  30  à  36  francs  le  kilogramme  ,  et  des  organ- 
dis mousselines  de  cinq  mille  fils  ,  sur  une  largeur  de  0™,85. 
L'éducation  des  vers  à  soie  ei  la  production  des  coccms  se  sont 
développées  parallèlement;  les  échantillons  exposés  [)rouvent 
que  ces  produits  peuvent  rivaliser  avec  les  similaires  de  nos 
départements  méridionaux,  et  s'il  est  vrai,  comme  quel- 
ques-uns le  prétendent,  que  les  soies  grèges  n'ont  pas  toute 
la  régularité  et  la  netteté  des  soies  d'ordre  de  nos  centres  sé- 
ricicoles,  cela  tient  uniquement  à  ce  que  les  ouvrières  n'ont  pu 
encore  acquérir  l'habileté  de  celles  du  midi  de  la  France,  aux- 
quelles les  bonnes  habitudes  sont  transmises  de  génération 
en  génération.  Il  y  a  cependant  déjà  sous  ce  rapport  une 
grande  différence  entre  les  grèges  d'Afrique,  du  Levant,  de 
l'Inde  et  de  la  Chine,  à  l'avantage  de  notre  colonie.  Nous  ne 
saurions  quitter  cette  intéressante  partie  de  l'Exposition  uni- 
verselle sans  mentionner  unecoliertion  complète  de  liges,  de 
feuilles  et  de  fibres  textiles  exotiques,  qui  n'a  d'équivalent 
que  dans  les  vitrines  de  la  Compagnie  dis  Indes  de  la  Grande- 
Bretagne.  On  dislingue  entre  autres,  dans  les  vigoureux  spé- 
cimens du  .larcjin  des  Plantes  d'Alger,  des  tiges  d'uriica  nivea, 
que  les  Anglais  seuls  emploient  jusqu'ici  sous  le  nom  de  china 
grass,  pour  faiie  ces  beaux  tissus,  qui  tiennent  de  la  baliste 
pour  la  blancheur  et  la  finesse,  et  de  la  soie  par  leur  brillant, 
et  des  feuilles  de  gigantesques  yucca  filainentosa  dont  les 
Américains  commencent  à  tirer  un  grand  parti.  Des  filaments 
(ï agaves,  de  corête  textilis,  corcJwrus  textilis  (jute)  de  la 
filasse  de  mauve^  de  larrabis  simeiisis,  de  chanvre  de  Manille, 
de  palmier,  de  dattier  et  de  plusieurs  autres  plantes  moins 
connues,  dont  notre  iiidustrie  saura  bientôt  tirer  un  parti  non 
moins  avantageux  que  des  cotons  de  la  même  provenance.  Ce 
n'est  pas  sans  une  vive  satisfaction  que  l'on  pense  que  la 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.,  687 

longue  et  terrible  lutte ,  soutenue  par  nos  armes ,  commence 
enfln  à  produire  ces  résultats  pacifiques,  juste  compensation 
de  tant  de  glorieux  sacrificps. 

Si  nous  nous  sommes  arrêtés  quelque  peu  à  ces  détails, 
c'est  qu  à  notre  avis  c'est  là  un  des  points  les  plus  intéressants 
de  nos  industries  textiles  et  végétales.  Que  dire  des  autres  ré- 
sultats si  ce  n'est  que  l'Alsace  reste  digne  de  son  estimable 
réputation,  sans  rivale  pour  son  élégance  et  son  goût;  que 
la  Normandie,  pourvoyeuse  des  produits  intermédiaires,  n'a 
que  l'Angleterre  comme  concurrente;  que  le  Nord  est  en  lutte 
honorable  avec  Manchester  et  Nottinj^ham  ;  que  Tarare  et  la 
Suisse  se  disputent  l'article  brodé  et  broché;  que  nos  ouvriè- 
res lorraines  ne  le  cèdent  pas  en  habileté  aux  plus  h  biles 
brodeuses  du  monde?  11  faudrait  surtout  pouvo  r  entrer  dans 
les  détails  des  moyens  mis  en  œuvre,  des  efforts  faits  inces- 
samment pour  perfectionner  les  procédés  et  les  machines  qui 
concourent  à  l'exécution  de  ce  kciléidoscope  gigantesque 
qu'offre  la  galerie  des  tissus  pour  démontrer  la  source  vérita- 
ble du  progrès. 

Quelques  faits  et  quelques  chiffres  feront  mieux  sentir  la 
marche  ascendante  de  l'industrie  cotonnière.  En  1736  ,  le  co- 
tonnier n'existait  que  conime  une  plante  d'agrément  dans  l'A- 
mérique du  nord  ;  le  peu  qui  s'en  consommait  alors  en  Eu- 
rope était  fourni  par  l'Amérique  du  sud,  et  surtout  par 
l'Inde.  Aujourd'hui  l'Arnérique  du  nord  produit  annu(llement 
environ  500  000  000  de  kilogrammes,  ou  à  peu  prés  les 
4/5  de  la  production  totale;  l'Angleterre,  à  elle  seule,  est  ayvi- 
vée  à  mettre  en  œuvre  300  000  000  de  kilogrammes,  qui  sont 
filés  par  18  000  000  de  broches.  O"oi'îue  la  population  de  ia 
France  soit  p  us  nombreuse  que  celle  de  l'Angleterre,  le  maxi- 
mum de  la  consommation  e.-t  de  72  OUO  000  de  kilogrammes 
de  coton ,  fd  pur,  4  500  000  broches. 

Nous  disions  que  les  États  Unis  avaient  fait  de  grands  pro- 
grès, nous  en  avons'  la  preuve  dans  une  consommation  de 
110  000  000  de  kilogramnies,  et  5  500  000  broches.  Viennent 
ensuite,  dans  l'ordre  de  leur  importance,  TAulriche,  la  Rus- 
sie, le  Zollverein,  l'Espagne,  la  Belgique,  eic.  Ce  travail  du 
coton  est  entièrement  automatique  d.ms  toutes  ses  parties; 
les  progrès  ont  été  tels  qu  un  kilogramme  de  fil  coton  lilé  du 
u"  30  ,  par  exemple  ,  qui  coûtait  12  fanes  en  1810 ,  6  en  1834, 


688  VISITE 

peut  être  livré  aujourd'hui  à  4  fr,  50  cent.,  quoique  le  prix  de 
la  main  d'œuvre  soit,  en  général ,  plutôt  é  evé  qu'abaissé,  et 
que  les  qualités  se  soient  sensiblecuent  améliorés.  C'est  à  son 
caractère  économique,  à  ses  propriétés  hygiéniques,  qui  per- 
mettent de  faire  des  étoffes  de  coton  à  la  portée  de  toutes  les 
positions  de  fortunes  et  propres  à  toutes  les  saisons  et  aux 
divers  climats,  à  sa  propiiété  de  prendre  admirablement  les 
couleurs  et  les  apprêts  et  surtout  aux  efforts  incessants  qui 
ont  eu  lieu  pour  réaliser  les  moyens  mécaniques  de  trans- 
formations que  l'industrie  cotonnière  doit  sa  fortune  sans 
égale,  eu  égard  surtout  à  la  date  récente  de  son  origine.  Nous 
dirions  que  cette  industrie  est  entrée  dans  sa  phase  de  virilité, 
si  nous  pouvions  parler  de  la  sorte  ;  elle  est  en  possession 
d'elle-même,  son  époque  d'élans  énergiques  et  irréguliers  de  la 
création  et  des  perfectionnements  profonds,  saillants,  qui, 
d'un  jour  à  l'autre,  apportent  des  modifications  inattendues 
dans  les  moyens  et  la  manière  de  faire,  semble  avoir  fait 
place  à  Fère  calme  des  études  approfondies  de  tous  les  dé- 
tails et  (le  l'ensemble  de  leur  iigencement.  C'e»t  par  un  tra- 
vail gradué  et  laborieux,  en  quelque  soi  te  latent,  qu'on  ar- 
rive aux  résultats  fructueux  de  la  perfection.  S'il  est  moins 
brillant,  il  est  aussi  sans  secousses  ni  bouleversement,  et  tel- 
lement naturel  que  c'est  à  peine  si  nous  en  avons  le  senti- 
ment. Cela  explique  comment  l'industrie  cotonnière,  tout  en 
grandissant  aux  yeux  des  hommes  compétents,  ne  frappe  plus 
tout  d'abord  par  ses  résultats,  comme  cela  est  arrivé  si  sou- 
vent dans  les  précédentes  expositions. 

Industrie  des  lins  el  du  chanvre. 

Les  produits  du  chanvre  et  du  lin  sont  moins  variés  que 
ceux  du  coton  ;  leur  nature  est  loin  de  se  prêter  aussi  bien  à 
la  teinture  et  à  l'impression  ,  et  leurs  fils,  quelque  bien  pré- 
parés qu'ils  soient,  ne  sauraient  donner  des  tissus  moelleux 
et  drapants  comme  ceux  du  coton.  Quoique  le  travail  de  ces 
matières  soit  bien  plus  ancien  que  celui  du  coton  en  Europe, 
il  s'en  faut  qu'il  soit  aussi  avancé  au  point  de  vue  mécanique 
et  automatique.  Les  machines  suffisent  à  toute  espèce  de 
fils  et  de  tissus  depuis  les  plus  grossiers  jusqu'aux  plus  fins. 
Il  serait  impossible  de  trouver  dans  nos  contrées  un  seul  fu- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  689 

seau  ,  rouet  ou  filoir  à  la  main  pour  le  coton.  Pour  le  chanvre 
et  le  lin,  les  machines  n'ont  pu  encore  fabriquer  certains  ^ros 
fais  ordmaires,  et  surtout  les  fils  extra-fins  pour  la  dentRlfe  et 
la  mulquinerie  en  général.  C'est  que  la  nature  fournit  les  fi- 
bres du  cotonnier,  avec  des  caraclèrps  qui  permettent  de  les 
confier  au  machines  sans  opérations  préparatoires.  La  partie 
textile  du  chanvre  et  du  lin  a  besoin,  au  contraire,  d'être 
débarrassée  d'une  matière  gommo-résineuse  qui  lui  donne  de 
la  roideur,  et  dont  elle  n'est  jamais  assez  purgée  avant  d'être 
livrée  aux  machines.  C'est  là,  en  partie,  ce  qui  donne  le  ca- 
ractère spécial  aux  produits  qui  en  dérivent,  et  explique  la 
nécessité  de  machines  fortes  et  de  moyens  très-éner^^iques 
pour  exécuter  les  transformations.  Quoique  la  France  soit  la 
terre  classique  de  l'industrie  linière,  et  que  l'inventeur  des 
machines  à  filer  le  Im  soit  un  Français,  cette  industrie  mé- 
canique s'est  développée  tout  d'abord  en  Angleterre,  d'où 
elle  a  passé  en  France  et  en  Belgique.  Aujourd'hui',  son 
importance  est  plus  grande  dans  le^Royaume-Uni  que  chez 
nous,  et  surtout  en  Belgique;  et  cependant  cette  indutr'e  est 
représentée  pour  la  France  par  226  exposants,  tandis  que 
l'on  en  compte  77  seulement  dans  les  trois  rovaumcs  de  l'An- 
terre,  et  presque  autant  (66)  en  Belgique.  La  plus  grande  par- 
tie des  maisons  d'outre  Manche  appartiennent  à  llrlande  et  à 
l'Ecos-e. 

L'Angleterre  proprement  dite  en  a  très -peu  :  nous  avons 
remarqué  avec  étonnement  l'absence  d'une  des  plus  puis- 
santes maisons  ^u  monde  ,  dont  les  établissements  de  Leeds 
sont  aussi  vastes  que  l'Annexe.  En  485i,  lors  de  l'Exposition 
de  Londres,  nous  avons  blâmé  certains  de  nos  grands  manu- 
facturiers qui  s'étaient  abstenus  ,  et  cependant  on  avait  alors 
l'excuse  de  ne  pas  être  fixé  sur  la  portée  des  expositions  imi- 
verselles.  Nous  ne  nous  permettrons  pas,  milord ,  de  vous 
adresser  des  reproches  ,  nous  ferons  seulement  remarquer 
que,  convié  par  une  maîtres-e  de  maison  d'aussi  bonne  ex- 
traction, il  eût  été  d'un  gentilhomme  de  lui  déposer  au  moins 
sa  carte....  d'échantillons;  ne  l'ayant  pas  fait,  vous  méritez 
que  nous  parlions  de  vous  avec  la  discrétion  du  curé  de  vil- 
lage qui,  pour  ne  pas  nommer  sa  paroissienne  en  chaire,  ne 
la  désigna  que  par  une  vache  noire  qu'elle  seule  possédait 
dans  le  hameau. 
206 


690  VISITE 

Malgré  certainps  abstentions  regrettables  ,  les  produits  en 
chanvre  et  en  lin  sont  assez  variés  et  assez  nombreux  pour 
montrer  les  pro.i;rès  sérieux  et  sensibles  de  cette  industrie. 

Les  fils  unis  et  retors  sont  en  général  remarquables,  comme  j 

nous  l'avons  dit,  par  une  régularité  qui  est  le  caractère  dis-  i 

tinclifdu  travail  mécanique;  ce  qui  constate  encore  mieux  I 

ce  progrès,  ce  sont  des  fils  d'étoupes  presque  aussi  fms  et  i 

d'une  régularité  aussi  grande  que  ceux  des  longs  brins  ;  ce  \ 
sont  là  des  résultats  qui  ouvrent  une  ère  toute  nouvelle  à 

cette   industrie ,    qu'elle   doit    aux  améliorations    des  ma-  ' 

chines  et  surtout  à  l'intervention  de  la  peigneuse  Heillman,  ; 

et  aux  opérations  préparatoires  en  général.  La  même  régu-  ! 

larilé  et  une  apparence  de  force    particulière  se  manifestent  \ 

dans  toutes  les  espères  de  tissus  de  toile,  de  chanvre  et  de  î 

lin,  grâce  aux  bonnes  préparations  des  fils  avant  le  tissage,  \ 

età  lexécution  de  mieux  en  mieux  raisonnée  et  de  plus  en  ; 

plus  parfaite  du  métier  à  tisser  les  toiles  unies  et  à  petites  • 

armures    Les  linges  damassés  qui,  par  le  fini  de  l'exécution,  j 

peuvent  rivaliser  avec  la  belle  soierie  façonnée,  se  foutre-  \ 

marquer  pnr  leur  élégance  et  leur  beauté;  comme  à  toutes  i 

nos  Expositions  précédentes,  les  maisons  considérées  en  pre-  1 

mière  ligne  ont  conservé  leur  rang ,  d'autres  les  suivent,  et  ; 

cette  fois  nous  pouvons  nous  assurer  que  nous  n'avons  rien  j 

à  envier  à  la  Saxe  pour  cet  article  ,  et  que  l'Angleterre  n'est  \ 

plus  la  seule  qui  applique  le   travail  automatique.  Plusieurs  j 

de  nos  grands  établissements  rivalisent  avec  elles ,  sous  ce  i 

rapport.  i 

Tous  le»  pays  manufacturiers  filent  et  tissent  aujourd'hui  j 

plus  ou  moins  mécaniquement  le  chanvre  et  le  lin.  Considérées  ) 
au  point  de  vue  de  la  valeur  des  produits,  la  Grande-Bretagne 

et  la  France  sont  à  peu  près  sur  la  m.êine  ligne,  avec  cette  diffé-  : 

rence  que  le  travail  est  presque  entièrement  automatique  chez  ' 

la  première,   qui   fait  fonctionner    I  268  693  broches  ,  et  que  ; 

nous    en    possédons    350  000    enviion,    ce    qui    indique    la  i 

proportion  qui  se  file  encore  à  la  main;  mais  si  on  comparait  i 

la  pro<iuction  à  la  population  du  pays,   la  Belgique  qui,  non  ' 

compris  la  gran-ie  quantité  de  bras  employés  au  filage  de  ses  ' 

produits  fins,   po-sède  cependant  150  000  broches,  viendrait  i 

en  première  ligne.   L'importance  du  Zolleverein  se  compte  • 

par  80  000,  celle  de  l'Autriche  est  représentée  par  30000;  on  * 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  691 

en  suppose  50  000  à  la  Russie,  15  000  aux  États-Unis,  à  TEs- 
pagne  6000  seulement.  Si,  des  ronsidérations  de  quantités, 
nous  passons  à  l'apprécintion  industrielle  des  qualités,  nous 
remarquerons  que  les  toiles  fines  anghiises,  quoique  tissées 
mécaniquement  et  malgré  la  difficulté  de  ce  travail,  à  cause 
de  la  roideur  et  du  peu  d'élristicité  des  fils,  sont  vraiment 
admirables.  Tous  les  caractères  désirables  y  sont  réunis , 
finesse,  netteté,  régularité,  dans  toute  l'acception  du  mot, 
c'est-à-dire  uniformité  de  lisière  et  des  réductions  ,  dont  la 
précision  est  presque  mathématique.  Leurs  toiles  à  voile  en 
chanvre  et  en  lin,  et  leurs  toiles  ordinaires  nous  ont  paru  non 
moins  estimables.  Ce  n'est  qu'en  employant  leurs  métiers,  il 
faut  bien  le  dire,  que  nous  avons  pu  les  suivre  sur  ce  terrain. 

Mais  si  des  articles  unis  nous  passons  aux  façonnés ,  nous 
prenons  notre  revanche.  Avant  de  chercher  à  faire  mouvoir 
le  métier  Jacquard  à  la  mécanique,  comme  on  l'a  fait  chez 
nos  voisins,  nous  avons  cherché  à  en  tirer  toutes  les  consé- 
quences techniques  pour  ainsi  dire;  aussi  avon^-nous,  dans 
cette  direction,  une  place  qui  ne  peut  nous  être  disputée  que 
par  la  vieille  industrie  des  tissus  damassés  de  la  Saxe  ;  et  en- 
core en  analysant  consciencieusement  les  sujets  et  l'exécution 
et  les  apprêts  de  nos  grands  services  de  table,  on  y  trouverait 
des  quali  es  qui  sont  spécialement  propres  au  génie  industriel 
français,  dont  les  vitrines  lyonnaises  offrent  de  si  belles 
preuves.  Mais  nos  industriels  ont  bien  compris  que  ces  beaux 
tissus  ne  sont  à  la  portée  que  du  petit  nombre  des  grandes 
bourses  ;  aussi  s'efîorcent-ils  de  progresser  dans  les  qualités 
ordinaires  ;  leurs  efforts  se  traduisent  par  une  baisse  sensible 
dans  les  prix  et  par  des  produits  qui  ne  pouvaient  s'exécuter 
naguère.  Nous  citerons,  par  exemple,  de  belles  toiles  du  nord 
d'une  largeur  de  2"', 70  qui  permet  de  faire  des  draps  de  lit 
sans  couture,  et  à  des  prix  plus  bas  que  ceux  en  toile  de  cre- 
tonne. Le  même  progrès  dans  les  piix  se  présente  pour  les 
toiles  à  sari  aux,  les  tissus  de  coutils  du  nord  ,  les  articles  de 
la  Mayenne,  du  Calvados,  etc.  L'industrie  du  chanvre  et  du 
lin  est  si  complète  en  Belgique,  qu'on  peut  la  citer  comrme 
ayant  présenté  des  échantillons  estimables  dans  toutes  les 
variétés. 

Les  moyens,  les  machines  et  les  procédés  industriels  se  pro- 
pagent avec  une  telle  rapidité  dans  lEurope  manufacturière, 


692  VISITE 

que  si,  dans  les  aiitrespays  dont  nous  n'avonspas  fait  une  men- 
tion spéciale,  il  y  a  quelques  faits  à  signaler,  ils  ne  peuvent  être 
que  la  conséquence  des  conditions  économiques  de  chaque 
contrée.  Telle  nation  ou  telle  localité  ayant  la  vie  à  bon  mar- 
ché, des  chutes  d'eau  en  abondance,  du  charbon  à  bas  prix,  ou 
les  matières  premières  sous  la  main,  pourra,  sans  un  mérite 
particulier,  livrer  ses  produits,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
à  de  meilleures  conditions,  la  Confédération  suisse  nous  offre 
à  chaqiic  pas  une  preuve  de  ce  fait.  Elle  a  abordé  presque 
toutes  les  industries  textiles  avec  bonheur  ;  celle  du  lin  même, 
une  des  dernière  venues  et  des  moins  importantes  chez  elle, 
s'y  développe  d'une  manière  solide,  au  moins  dans  le  tissage 
des  articles  façonnés.  Les  industriels  suisses,  outre  leurs 
capacités,  ont  des  conditions  économiques  que  tout  le  monde 
connaît;  mais  ce  que  l'on  ne  sait  pas  autant,  c'est  que  la 
Suisse  combat  parfois  ses  adversaires  avec  des  armes  qu'ils 
lui  livrent  gratuitement;  ces  armes  sont  les  inventions  étran- 
gères. Grâce  aux  législations  de  la  plupart  des  pays  indus- 
triels, elles  ne  peuvent  être  appliquées  que  moyennant  rede- 
vance à  leurs  auteurs,  pendant  un  certain  temps,  de  la  part 
de  ceux  qui  s'en  servent.  Cette  législation  n'existe  pas  en 
Suisse;  il  en  résulte  que  non-seulement  tout  inventeur  suisse 
peut  tirer  partie  de  son  invention  dans  presque  tous  les  pays 
du  monde  industriel,  mais  il  peut  s'approprier  gratuitement 
les  inventions  des  autres,  que  ses  concurrents,  sur  les  mar- 
chés étrangers,  sont  souvent  obligés  d'acquérir  par  de  grands 
sacrifices.  Il  s'ensuit  aussi  que  l'industriel  suisse  en  général 
ne  rend  pas  à  ses  confrères  ce  qu'il  reçoit  d'eux ,  et  notam- 
ment de  ses  concurrents  français.  Le  véritable  industriel 
français  e.-t  libéral  dans  toute  l'acception  du  mot.  Nous  en  pour- 
rions signalerplusieurs  qui  ouvrent  leurs  portes  à  tout  homme 
sérieux  qui  désire  visiter  leur  établissement,  où  il  y  a  souvent 
à  puiser  comme  à  une  source  féconde;  et,  plus  chez  nous 
l'homme  est  élevé ,  plus  il  se  sent  de  ressources  dans  son 
propre  fonds,  moins  il  met  de  réserve  dans  son  hospita- 
lité. 

Ces  manières  n'appartiennent,  en  Suisse,  qu'à  d'hono- 
rables exceptions.  L'absence  d'une  loi  qui  garantit  le  fruit 
des  découvertes  inspire  sans  doute  de  la  méfiance.  Quoique 
la  Prusse  ait  une  loi  sur  les  brevets  d'invention,  je  préfère 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  693 

cependant  le  système  suisse;  il  a  au  moins  de  la  nelteté  ;  on 
sait  à  quoi  s'en  tenir.  La  Prusse  applique  le  principe  de 
l'examen  préalable.  Cet  examen  a  lieu  par  une  commission 
d'hommes  des  plus  recommandables,  et  tellement  érudits  et 
versés  dans  les  annales  de  l'industrie  qu'ils  remonteraient  au 
déluge  pour  démontrer  qu'il  n'y  a  rien  de  nouveau  sous  le 
soleil,  (]e  système  a  pour  conséquence  l'absence  des  inven- 
teurs étrangers  brevetés  en  Prusse ,  ils  y  sont  aussi  rares 
que  le  dalhia  bleu. 

Lainages. 

Le  travail  de  la  laine  a  donné  naissance  à  trois  grandes 
spécialités  de  tissus  :  celle  des  tissus  foulés  et  drapés,  les  plus 
anciens  de  tous;  celle  des  tissus  légers  et  ras,  non  foulés,  et 
celle  des  tissus  mixtes,  la  moins  importante,  et  qui,  étant 
la  plus  récente,  est  plus  loin  du  développement  vers  lequel 
elles  tendent  toutes  trois.  On  sait  que,  pour  la  première  spé- 
cialité, on  emploie  surtout  des  laines  à  fibres  courtes  et  vril- 
lées, travaillées  à  la  carde;  pour  la  seconde,  on  choisit  en 
général  les  fibres  longues  préparées  au  peigne;  des  fibres 
courtes,  et  même  d'une  longueur  intermédiaire,  servent  à  la 
troisième.  Les  préparations  qu'on  leur  fait  subir  avant  le 
filage,  participant  de  celles  de  la  laine  à  cardes  pour  leurs 
passages  sur  ces  machines,  et  de  celles  des  laines  à  peignes 
par  les  étirages;  leur  résultat  a  reçu  le  nom  de  travail 
mixte,  quelquefois  aussi  on  le  nomme  cardé  peigné.  Chacune 
de  ces  trois  grandes  branches  de  l'industrie  des  tissus  de 
laines  pourrait  elle-même  se  subdiviser  en  une  foule  de  varié- 
tés importantes.  Dans  la  draperie  proprement  dite,  on  dis- 
tingue les  draps  unis  des  articles  façonnés  ou  nouveautés, 
les  draps  lisses  des  draps  croisés,  les  zéphirs  des  cuirs-laines, 
les  étoffes  tondues  et  couvertes,  comme  les  satins  Bonjean, 
de  celles  foulées  et  tirées  à  poils  couchés,  dont  les  molletons 
en  général  constituent  la  principale  variété,  et  des  tissus  en- 
core nouveaux,  dits  velours,  ou  le  poil  est  au  contraire  re- 
dressé; viennent  ensuite  les  tissus  satinés,  ondulés,  mélan- 
gés, etc.,  etc.  Nous  ne  faisons  que  mentionner  les  principaux 
échantillons  exposés  pour  démontrer  que  même  celte  partie 
de  l'industrie,  dont  les  expositions  ne  se  faisaient  remarquer 


Q9à  VISITE 

que  par  des  nuances  variées,  s'efforcent  de  créer  des  genres 
nouveaux  et  à  nous  faire  sortir  de  la  monotonie  du  noir. 

Les  variétés  de  la  riche  industrie  de  la  laine  longue  et  des 
laines  de  mérinos  lisses  sont  plus  nombreuses  encore,  et  sont 
comprises  elles-mêmes  dans  deux  spécialités  :  celle  des  laines 
longues  qui  a  donné  naissance  à  ces  beaux  articles  dits  tar- 
tans écossais  et  de  Reims,  si  admirés  et  si  confortables,  et 
celle  de  nos  beaux  mérinos  chalys ,  stoffes,  baréjïes,  châles 
croisés,  etc.,  de  création  française,  et  dans  laquelle  nous 
n'avons  pas  de  rivaux.  L'Angleterre  est  admirablement  pour- 
vue en  matière  première  pour  les  tartans  et  articles  à  long 
poil  en  général,  auxquels  concourent  leurs  magnifiques  laines 
de  Southdown ,  de  Dishleij  ^  de  Lincoln^  de  Cheviot,  etc., 
dont  l'Exposition  nous  montre  de  remarquables  spécimens. 
Si  nous  sommes  moins  heureux  sous  ce  rapport ,  notre 
agriculture  fait  chaque  jour  des  progrès  dans  les  laines  pro- 
pres au  peigne,  pour  nos  tissus,  mérinos  et  leurs  dérivés. 
L'Autriche,  la  Prusse  et  la  Saxe  sont  les  contrées  les  mieux 
partagées  en  laines  fines  à  fibres  courtes  et  vrillées,  si  parti- 
culièrement recherchées  pour  la  draperie  fine;  malgré  cette 
diÊférence  dans  les  ressources  de  chaque  pays,  ils  n'en  ont 
pas  moins  lutté  énergiquement  pour  s'approprier  toutes  les 
variétés  de  lainages,  qu'ils  aient  ou  non  la  matière  première 
à  leur  portée.  C'est  ainsi  que  l'Angleterre  et  la  France  deman- 
dent à  l'Allemagne  une  partie  de  leurs  plus  belles  laines  à 
cardes,  et  à  la  Russie  et  à  l'Australie  des  quantités  considé- 
rables de  laines  pour  leurs  produits  intermédiaires  et  leurs 
tissus  de  fantaisie.  La  Belgique  est  loin  également  de  produire 
assez  de  laine  pour  l'alimentation  de  ses  fabriques  ;  la  plu- 
part des  manufactures  allemandes  elles-mêmes  sont  obligées 
de  demandiT  certaines  qualités  au  dehors.  Les  progrès  faits 
par  l'industrie  en  général,  et  surtout  par  l'industrie  française, 
n'en  sont  pas  moins  remarquables.  On  fait  aujourd'hui  incom- 
parablement mieux  qu'il  y  a  vingt  ans,  Les  salaires  ont  aug- 
menté, et  le  mètre  de  mérinos,  qui  valait  alors  '12  fr.,  se  vend 
aujourd'hui  3  fr.;  les  mousselines-laine  et  le  bcirége  que  l'on 
peut  livrer  aujourd'hui  de  75  c.  à  1  fr.  ,  valaient  à  cette 
époque  2  fr.  75  c.  L'industrie  des  lainages  offre  donc  de  l'in- 
térêt, aussi  bien  par  ses  progrès  économiques  que  par  ses 
variétés,  capables  de  subvenir  aux  nécessités  et  à  toutes  les 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  695 

saisons,  de  tous  les  climats,  de  tontes  les  fortunes.  La  santé 
publique  n'a  qu'a  s'en  louer,  la  laine  avec  les  soins  conve- 
nables étant  le  vêtement  hygiénique  par  excellence. 

Nous  pouvons,  au  sujet  des  exposants  de  l'industrie  de 
laines,  faire  la  même  remarque  que  nous  avons  faite  à  rocca- 
sion  du  colon.  Quoique  ces  industries  soient  an  moins  aussi 
importantes  en  Angleterre  qu'en  France,  celle-ci  a  500  expo- 
sants, et  on  n'en  compte  qu'une  centaine  environ  pour  la 
première  ,  dont  l'ensemble  des  produits  (en  lainage  s'élève 
cependant  à  plus  de  900  000  000  de  francs.  La  Prusse  et  le 
Zolleverein  en  ont  presque  le  double  ;  leur  production  ne  s'é- 
lève cependant  qu'a  la  moitié  de  la  nôtre  et  de  celle  de  la 
Grande-Bretagne.  L'Autriche  en  a  147;  la  Belgique  29  ;  la 
Saxe  23;  l'Espagne 23;  la  Suisse  k  ;  le  Wurtemberg  10.  Il  nous 
paraît  vraiment  bien  difficile,  au  point  où  en  est  l'industrie  des 
draps,  de  comparer  la  draperie  unie  de  divers  pays  autrement 
que  par  les  prix  ,  car,  en  examinant  des  draps  à  peu  près  de 
même  valeur  exposés  par  des  fabricants  également  estimés  de 
la  France,  de  l'Angleterre,  de  la  Pru-se,  de  la  Belgique,  de  la 
Saxe  et  de  l'Autriche,  on  trouvera  toujours  les  draps  en  laine 
de  bonne  qualité  bien  dégraissés,  bien  foulés,  bien  laines, 
bien  tondus  et  bien  apprêtes,  toutes  ces  opérations  se  faisant 
également  bien  partout.  Nous  disons  aujourd'hui,  car  des  pro- 
grès notables  onteu  lieu  depuis  l'Fxposition  de  Londres;  lin- 
dustrie  drapière  de  certaines  contrées  de  l'Autriche,  par  exem- 
ple, sensiblement  mo  ns  avancée  que  celle  de  plusieurs  nations 
voisines,  marche  à  granis  pas  depuis  lors.  Le  point  impor- 
tant consiste  dans  le  choix  de  la  matière  première,  et  l'agen- 
cement convenablement  entendu  des  apprêts,  connaissances 
à  la  portée  de  tout  véritable  fabricant,  le  temps  des  se- 
crets de  métiers  est  passé.  On  s'est  beaucoup  recrié, avec  plus 
ou  moins  de  raison,  sur  la  différence  des  prix  des  draps  des 
diverses  contrées  :  il  nous  semble  qu'elle  n  a  réellement  qu'une 
importance  secondaire,  si  l'on  considère  que,  dans  nos  vête- 
ments, le  prix  de  l'étoffe  n'entie  souvent  que  pour  un  tiers  ou 
un  quart  de  celui  du  vêtement  lui-même.  En  supposant  un 
tissu  à  16  fr.  le  mètre,  le  tailleur  n'en  fera  pas  moins  payer 
un  habit  de  80  à  100  fr.  Nous  nous  hâtons  de  dire  que  ce 
raisonnement  n'est  applicable  dans  son  entier  qu'à  la  classe 
aisée,  et  pour  un  petit  nombre  d'étoffes  spéciales,  dont  le 


696  VISITE 

prix  relativement  élevé  ne  forme  qu'une  fraction  assez  petite 
de  celui  du  vêtement  auquel  elle  est  destinée.  Nous  croyons 
donc  devoir  laisser  de  côié  cette  partie  des  appréciations  sur 
l'Exposition  ;  elles  seraient  trop  problématiques  s'il  fallait 
les  établir  sur  les  annonces,  qu'on  a  trop  d'intérêt  à  rendre 
séduisantes.  En  supposant  un  instant  que  les  conditions  de 
production  fussent  les  mêmes  à  Leed^,  à  Elbeuf,  à  Sedan,  à 
Verviers,  à  Aix-la-Chapelle,  en  Saxe,  en  Autriche,  à  Barce- 
lonne,  etc.,  et  que  nous  n'eussions  plus  qu'à  étudier  les  pro- 
duits d'une  grande  confédération,  n'est-il  pas  démontré  pour 
tousquel'on  trouverait  dans  chacun  de  ces  pays  des  manufac- 
tures qui,  pour  leurs  progrès,  peuvent  être  placées  sur  la 
même  ligne,  et  qui ,  à  peu  de  chose  près,  emploient  de  la 
même  manière  les  mêmes  machines,  les  mêmes  moyens,  les 
mêmes  procédés  pour  arriver  à  un  résultat  identique.  Les  rap- 
ports entre  les  travailleurs  du  monde  sont  tels  aujourd'hui, 
que  non-seulement  une  découverte  est  appliquée  aussi  vite  à 
l'étranger  que  chez  son  auteur;  mais  il  y  a  plusieurs  exem- 
ples à  l'Exposition  même  qui  démontrent  que  celte  application 
est  souvent  plus  rapidement  faite  au  dehors  que  sur  le  sol 
natal.  Quelques  faits  appartenant  à  l'industrie  qui  nous  oc- 
cupe suffiront  à  démontrer  cette  vérité.  Les  machines  à  fouler 
cylindriques,  inventées  en  Angleterre  il  y  a  une  quinzaine 
d'années,  ont  été  rapidement  adoptées  et  perfectionnées  en 
France.  C'est  à  tel  point  que  bienlôt  les  célèbres  moulins  à 
maillets  ou  pilons  de  Don  Quichotte  n'existeront  bientôtplus,  et 
c'està  peine  si  l'industrie  anglaise  les  connaît.  Il  y  a  quelques 
années  du  moins  on  ne  voulait  pas  en  entendre  parler.  Dans 
ces  derniers  temps,  deux  ingénieurs  contre-maîtres  de  l'une 
des  principales  fabriques  de  drap  du  Midi  ont  inventé  une  ma- 
chine qui  fait  simultanément  le  lainage  et  le  tondage  en  sup- 
primant les  séchages  réitérés  qui  ont  lieu  entre  les  deux  opéra- 
tions, et  que  l'on  croyait  indispensables  pour  pouvoir  tondre 
les  filaments.  Les  inventeurs  paraissent  s'être  souvenus  que  , 
pour  se  faire  la  barbe,  on  préfère  agir  par  la  voie  humide  que 
par  la  voie  sèche;  leur  machine  est  bien  conçue  et  pratique- 
ment avantageuse  ;  or  c'est  à  peine  si  la  nouvelle  machine  est 
en  usage  en  France,  tandis  qu'un  seul  fabricant  belge  en  pos- 
sède quinze  au  moins.  Nous  pourrions  multiplier  ces  exem- 
ples s'ils  ne  suftîsaient  à  démontrer  que  les  résultats  des 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  697 

inventions  sont  cosmopolites.  Si  la  faculté  créatrice  n'était 
pas  répartie  à  peu  près  également  dans  le  monde  industriel 
proprement  dit,  et  si  elle  appartenait  exclusivement  aune 
nation  ou  à  une  contrée,  il  ne  faudrait  pas  moins  l'éliminer 
des  éléments  destinés  à  expliquer  le  progrès.  Il  faut,  au  con- 
traire ,  tenir  un  compte  exact  de  la  facilité  plus  ou  moins 
grande  avec  laquelle  les  différents  centres  manufacturiers 
s'approvisionnent  de  telle  ou  telle  matière  première.  Si  l'An- 
gleterre a  été  longtemps  presque  seule  en  possession  des  beaux 
articles  tartans  écossais  à  longs  poils,  c'est  qu'elle  est  la  patrie 
des  plus  belles  laines  longues.  La  création  de  son  curieux  arti- 
cle en  étoffés  de  laine  commune  lisse,  apprêtées  et  imprimées, 
imitant  le  crin  et  jouissant  d  une  solidité  presque  égale  qu'elle 
a  fait  connaître  sous  le  nom  de  moreen^  et  qu'on  n'a  encore 
imité  nulle  part,  que  nous  sachions,  est  une  conséquence  de 
son  expérience  des  transformations  de  tout  ce  qui  est  laine 
longue.  Si  l'industrie  drapière  de  la  Saxe,  de  la  Moravie,  de 
la  Bohême,  de  la  Silésie  et  de  la  Hongrie,  est  à  la  hau- 
teur de  celle  des  pays  les  plus  renommés  en  ce  genre, 
n'est-ce  pas  aussi  à  la  production  de  leurs  magnifiques  laines 
qu'il  faut  l'attribuer?  La  supériorité  française  dans  certains 
articles  de  fond  ne  peut  cependant  être  motivée  tout  à  fait  de 
la  même  manière;  elle  n'était  pas  plus  favorisée  que  certains 
autres  pays  pour  la  création  de  sa  belle  industrie  des  tissus 
ras,  dans'  laquelle  Reims,  le  Nord,  la  Picardie  stimulés  et 
dirigés  par  l'industrie  parisienne  ont  acquis  une  si  juste  ré- 
putation. Nous  n'en  voulons  pour  preuve  que  cette  belle  col- 
lection des  étoffes  unies  exposées  sous  le  nom  de  cachemire 
indigène,  faites  avec  de  la  laine  de  Mauchamp;  la  mousse- 
line de  Chine ,  ou  espèce  de  chalys,  si  digne  de  son  nom  par 
le  moelleux  de  son  touché,  et  le  mignon  de  ses  effets;  les  ba- 
réges  de  toutes  réductions,  et  les  gazes  si  heureusement 
baptisées.  L'élégant  article  des  lainages  drapés,  connu  sous  le 
nom  de  safin  Bonjean,  trouvait  partout  des  éléments  aussi 
favorables  à  la  création  qu'à  Sedan.  Les  velours  de  laine  aux- 
quels la  même  localité  vient  de  donner  naissance  et  qui  diffè- 
rent complètement  par  le  travail  de  l'étoffe  du  même  nom,  en 
ce  qu'on  les  obtient  simplement  par  une  modification  des  ap- 
prêts, n'avaient  pas  non  plus  de  raisons  particulières  pour 
nous  venir  plutôt  de  ce  point  que  d'un  autre.  Ces  exemples, 


698  VISITE 

les  efforts  que  font  les  autres  centres  manufacturiers,  comme 
Elbeuf,  le  Midi,  le  Nord,  le  Calvados  même  pour  varier  leurs 
produits  en  pure  laine  et  pour  multiplier  les  tissus  mélangés, 
nous  paraissent  déceler  une  aptilude  spéciale  de  création, 
stimulée  constamment  par  le  bon  accueil  que  notre  consom- 
mation fait  à  ce  qui  est  nouveauté  de  goût.  Les  consommateurs 
de  la  plupart  des  autres  nations  ne  paraissent  pas  avoir  un 
besoin  égal  de  changement.  Est-ce  un  bien,  est-ce  un  mal? 
C'est  ce  que  nous  n'avons  pas  à  décider  ;  nous  croyons  ne 
pas  nous  tromper  en  constatant  le  fait.  Il  suffit  souvent  chez 
nous  d'un  produit  original  pour  faire  la  réputation  et  la  for- 
tune d'un  fabricant.  Nous  avons  connu  un  grand  manufactu- 
rier, il  y  a  une  vingtaine  d'années,  qui  doit  l'origine  de  sa 
fortune  à  une  couleur  vert-pomme.  Un  autre  la  doit  à  une 
heureuse  manière  d'appliquer  la  vapeur  dans  les  apprêts,  ce 
qui  donne  à  ses  draps  une  apparence  plus  agréable  à  l'œil,  sans 
que  pour  cela  la  solidité  en  ait  été  augmentée.  La  préférence 
dans  ce  cas  est  accordée  au  produit  nouveau,  non-seulement 
à  prix  égril,  mais  avec  une  augmentation  souvent  très-pro- 
noncée. Cette  recherche  des  apparences  plus  flatteuses,  des 
dispositions  nouvelles  est  bien  plus  grande  encore  pour  les 
articles  de  fantaisie,  désigné?  sous  le  titre  générique  de  nou- 
veautés. Nous  dirons,  pour  nous  résumer  sur  les  étoffes  de 
laines,  que  les  variétés  sont  innombrables;  que  l'industrie 
française,  dans  les  spécialités  qu'elle  produit,  est  au  moins 
égale  à  ses  concurrentes,  lorsqu'elle  ne  leur  e^t  pas  supé- 
rieure. Il  lui  mnnque cependant,  pour  être  complète,  la  produc- 
tion de  certains  articles  qu'elle  n'a  que  timidement  abordés, 
ou  qu'elle  ne  fait  pas  du  tout.  Les  mélanges  d'Alpaga  de  toutes 
espèces  d'autres  substances  textiles  dans  lesquelles  l'Angle- 
terre excelle  sont  dans  le  premier  cas,  les  moreen  sont  dans 
le  dernier.  Ces  moyens  et  les  procédés  spéciaux  des  trans- 
formations de  ces  mélanges  sont  cependant  connus;  il  serait 
temps  aussi  que  notre  industrie  ressaisit  la  transformation 
du  poil  de  chèvre  dont  elle  ava'tpris  l'initiative  con)me  filage 
et  que  nous  avons  abandonnée,  au  point  d'être  obligés  d'ache- 
ter à  nos  voisins  d'outre  Manche  les  fils  de  cette  nature  pour 
la  fabrication  des  velours  d'Utrecht  et  pour  quelques  autres 
produits  spéciaux. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  699 


Cachemirs  français. 

C'est  ajuste  titre  que  ce  produit  a  été  dénommé  ainsi ,  car 
c'est  encore  là  une  indusj-ie  toute  française  et  presque  pari- 
sienne ,  quoi  qu'en  disent  nos  voisins  ,  qui  pourraient  tout  au 
plus  penser  qu'on  a  tenté  celte  industrie  chez  eux  av<intnous, 
mais  sans  pouvoir  l'amener  à  bien.  Malgré  son  éclat  et  son 
importance,  elle  est  d'oiig'nesi  récente  que  plusieurs  des 
hommes  de  la  spécialité  onta?si.«té  aux  nombreuses  et  princi- 
pales phases  de  transformations  qu'elle  a  parcourues  puir  ar- 
river à  l'état  remarquable  où  les  galeries  des  Champs-Elysées 
nous  la  montrent. 

On  ne  peut  se  faire  une  juste  idée  des  progrès  de  l'industrie 
châlière  qu'en  comparant  les  premiers  essais  de  ce  genre,  qui 
n'ont  pas  un  demi-siècle,  aux  produits  que  nous  avons 
sous  les  yeux.  On  dirait  deux  tissus  de  types  différents,  et 
cependant  un  châle  de  celte  époque  coûtait  au  moins  au- 
tant,  sinon  davantage,  que  ceux  de  même  e.-pèce  fabriqués 
aujourd'hui.  li  a  fallu  une  cause  plus  énergique  encore  que  les 
efforts  de  nos  manufacturiers  pour  arriver  à  d'au.-si  rapides 
progrès.  Il  a  fallu  au  chàle  des  avantages  bien  grands 
pour  qu'il  devînt  comme  un  fonds  de  toilette  chez  les  dames 
de  toutes  les  positions;  ses  vertus  hygiéniques  seules  n  eus- 
sent peut-être  pas  suffi,  si  en  même  temps  le  châle  n'était  le 
vêtement  par  excellence  de  toutes  celles  qui  le  comprennent 
bien.  Il  possède  les  avantages  du  corset  sans  en  avoir  les  in- 
convénients. Il  cache  les  difformités  ou  fait  ressortir  les  grâ- 
ces. Delà,  sa  fortune.  (7est  en  vain  qu'on  aurait  perfectionné 
son  travad,  varié  ses  nuances;  s'il  n'avait  des  vertus  Intentes, 
ce  produit  n'aurait  eu  qu'un  temps,  tandis  que,  sans  être  pro- 
phète ,  on  peut  hardiment  lui  prédire  encore  une  longue  car- 
rière, surtout  si  chaque  Exposition  nouvelle  nous  fait  assister, 
comme  celle-ci,  à  de  nouvelles  merveilles.  Sans  entrer  dansdes 
détads  techniques,  qui  ne  peuvent  trouver  leur  place  ici,  indi- 
quonsles  points  saillants  par  lesquels  les  pfoduits  tes  plus  recher- 
chés de  c<4te  grande  industrie  se  font  remarquer,  il  faut  citer 
en  première  li-jne  les  réductions  fabuleuses  auxqnellt'S  on  est 
arrivé.  Certaines  de  ces  élolVes  contiennentju^qu'à  deux  cents 
fils  sui"  un  centimètre  de  largeur,  et  environ  autant  sur  un  cen- 


700  VISITE 

timèlre  de  longueur;  c'est-à-dire  que  la  réduction  est  égale  en 
chaîne  et  en  trame.  Qu'on  juge  de  la  finesse  du  fil  de  cache- 
mire !  Elle  est  telle  que  les  fils  de  la  chaîne  ne  pourraient  résis- 
ter au  travail  s'ils  n'avaient  une  âme  ou  axe  en  soie  autour 
duquel  le  cachemire  est  enveloppé  par  la  torsion. 

C'est  cette  grande  finesse ,  jointe  à  la  régularité  des  fils  et  au 
mélange  habile  des  couleurs,  qui  donne  aux  dessins  obtenus 
par  Tentielacement  des  fils,  l'aspect  d'une  peinture  si  on  les 
examine  aune  certaine  dislance.  Les  points  des  entrecroise- 
ments sont  si  ténus  et  si  déliés  qu'ils  sont  imperceptibles. 

La  variété  des  couleurs  et  la  douceur  des  tons  qu'on  re- 
marque dans  ces  tissus  n'auraient  pu  être  atteintes  sans  des 
complications  et  des  dépenses  capables  de  faire  reculer  les 
plus  hardis,  si  la  science  n'était  venue  au  secours  de  l'art,  et 
ne  lui  avait  indiqué  les  moyens  d'obtenir  au  besoin ,  avec 
un  nombre  restreint  de  couleurs,  trois  fois  autant  de  nuances. 
Un  exemple  de  cette  application  nous  rendra  plus  clairs.  Sup- 
posons que  l'on  veuille  obtenir  un  ton  vert  clair  et  que  l'on 
n'ait  que  des  fils  vert  foncé  et  des  blancs.  Au  lieu  de  se  ser- 
vir d'une  navette,  on  en  emploiera  deux  qu'on  chassera  suc- 
cessivement, de  façon  à  ce  que  les  deux  trames,  la  verte  et  la 
blanche,  n'en  forment  qu'unejuxta-posée,  qui  ne  sera  ni  blan- 
che ni  d'un  vert  foncé,  mais  d'un  vert  clair.  On  peut  faire  ces 
applications  pour  toutes  les  nuances  par  des  trames  doubles 
ou  triples  agissant  comme  une  seule  ;  il  faut  seulement  que  la 
finesse  de  chacune  d'elles  augmente  dans  la  même  propor- 
tion. Ce  stratagème,  résultant  de  la  combinaison  de  la  science 
et  de  l'art,  donne  la  clé  de  la  richesse  extraordinaire  et  du 
fondu  parfait  qu'offrent  la  plupart  des  châles  sortis  des  mains 
des  grands  maîtres  de  la  spécialité.  Si  nous  citions  également 
les  tours  de  force  qui  pour  le  moment  n'offrent  d'autre  intérêt 
que  d'indiquer  des  difficultés  vaincues,  mais  dont  les  consé- 
quences immédiates  ne  sont  pas  plus  profitables  que  celles 
obtenues  par  la  réalisation  d'un  exercice  gymnastique,  nous 
mentionnerions  certains  châles  brèches  en  gaze  qui  ont  exigé 
au  moins  5000  carions  pour  arriver  à  une  imitation  d'impres- 
sion. 

Une  autre  nouveauté  de  l'Exposition  consiste  dans  un  tra- 
vail mixte  du  spouliné  et  du  lancé.  On  sait  que  le  spouliné,  en 
usage  particulièrement  dans  le  travail  des  châles  indiens,  est 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  701 

une  espèce  de  broderie  au  fuseau  ,  qui  a  pour  but  de  n'em- 
ployer la  matière  qu'aux  points  où  elle  doit  apparaître.  Au 
contraire,  dans  le  procédé  du  laricé  , employé  pour  nos  châles, 
on  fait  toujours  passer  la  trame  par  entrecroisement  dune  li- 
sière à  l'autre,  ne  dût-elle  être  vue  que  sur  l'épaisseur  d'un  fil. 
La  partie  non  apparente  passe  à  l'envers,  et,  si  on  a  huit  cou- 
leurs ,  par  exemple ,  on  a  huit  fils  ou  duites  superposées  de  la 
même  manière,  avec  une  quantité  de  matière  considérable 
que  l'on  est  ensuite  obligé  d'enlever  par  un  découpage.  Il  en 
résulte  un  défaut  de  solidité  et  une  perte  de  matière  :  deux 
inconvénients  qui  n'existent  pas  dans  les  châles  de  l'Inde. 

On  ne  cesse  de  faire  des  recherches  pour  arriver  au  spouli- 
nage  mécanique  et  même  automatique.  Déjà  l'Exposition  de 
Londres  a  valu  à  l'un  de  nos  industriels  une  grande  médaille 
pour  ses  progrès  dans  cette  voie.  Depuis  lors  les  moyens  ont 
été  perfectionnés  encore,  au  point  qu'à  prix  égal  nous  pouvons 
faire  aussi  bien  que  les  Indiens.  Il  est  vrai  que  le  châle  de 
l'Inde  a  souvent  des  défauts,  des  irrégularités  qui  lui  donnent 
de  la  couleur  locale  aux  yeux  de  nos  élégantes.  Il  faudra  bien 
que  nos  manufacturiers,  pour  pouvoir  rivaliser  avec  les  In- 
diens ,  s'attachent  à  imiter  ces  défectuosités  et  surtout  la  mar- 
que orientale.  Que  l'on  ne  se  récrie  pas  contre  nos  avis  im- 
moraux de  contrefaçon.  La  chose  existe  et  nous  n'y  sommes 
pour  rien.  Heureusement  que,  tout  bien  examiné,  la  cliente 
y  gagne  au  lieu  d'y  perdre.  Son  amour  propre ,  plus  que  ses 
intérêts,  aurait  à  souffrir  si  elle  pouvait  se  douter  que  le  châle 
dont  elle  est  si  fière  sort  parfois  en  partie ,  si  non  tout  entier,  de 
tel  atelier  des  environs  de  Paris,  au  lieu  d'arriver  en  droite 
ligne  des  manufacturesdel'Indoustan.  Mais  notre  industrieelle- 
même  ne  manque  pas  non  plus  d'amour  propre,  Dieu  merci! 
Elle  est  pr^esque  honteuse  d'avoir  parfois  à  cacher  son  pavil- 
lon. Aussi  s'eiForce-t-elle  de  créer  en  ce  moment  le  genre 
mixte  que  nous  avons  annoncé  plus  haut,  et  qui  serait  à  l'abri 
de  toute  méprise,  en  ce  qu'une  parlie  des  trames  ou  couleurs 
les  phjs  répétéessont  travaillées  au  lancé  et  le  reste  au  spouliné. 
Il  en  résulte  une  liaison  ou  liaii;e  entre  les  deux  sortesd'entrela- 
cements  qui  donne  une  solidité  d'autant  plus  grande  à  l'étoffe 
qu'elle  n'a  plus  besoin  d'être  découpée,  sans  que  pour  cela  ces 
châles  soient  sensiblement  plus  lourds  que  les  châles  ordinai- 
res. Nous  croyons  de  l'avenir  à  ce  produit,  tout  nouveau  quant 


702  VISITE  1 

au  mode  d'exécution.  Après  avoir  parlé  des  châles  français  j 
en  cachemire  pur,  en  laine  et  cachemire,  en  laine  pure  et 

mélangés,  des  châles  imprimés  de  Paris  et  de  Nîmes,  il  nous  \ 

reste  à  constater  que  l'Angleterre  ,  l'Autriche  et  la  Saxe  ont  1 

fait  des  progrès  remarqu;ibles  et  rapide-.  Celte  industrie,  qui  , 

était  seulement  tâtonnée  avec  un  succès  problématique,  y  l 
est  arrivée  à  un  état  trop  sérieux  peut  être  pour  nous  ;  car  leur 

rivalité  n'est  pas  à  dédaigner,  dans  tous  les  articles  intermédiai-  ! 

res  et  communs.  Il  ne  nous  reste  réellement,  sans  comparaison  ; 

possible ,  que  la  belle  fabrication  de  luxe  poussée  dane  cer-  ; 

tains  détails  à  un  point  dont  nos  rivaux  n'avaient  pas  d'idée  ,  ■ 

même  abstraction  faite  de  la  partie  artistique  qui  vaut  une  si  \ 

belle  place  à  nos  compatriotes  dans  le  monde  entier.  \ 

Bonneterie.  ; 

Nous  mentionnons  la  bonneterie  après  les  châles  afin  de  < 
ne  pas  nous  laisser  séduire  par  le  démon  de  l'orgueil.  Si  nous  ^ 
n'avons  pas  de  maîtres  dans  Ih  fabrication  des  châles,  il  ne  / 
nous  est  pas  difficile  d'en  trouver  dans  le  travail  du  tricot.  < 
Les  produits  anglais,  dans  toutes  les  spécialités,  ont  le  pas  \ 
sur  les  nôtres,  tant  pour  la  solidité,  l'élasticité,  la  finesse  et  ; 
la  douceur  que  pour  le  prix  de  leurs  bonneteries  de  fil,  et  sur-  \ 
tout  de  coton  et  de  laine.  L'industrie  saxonne  n'est  pas  moins 
remarquable  dans  ce  dernier  article.  Si  nous  citions  certains 
prix,  ils  paraîtraient  fabuleux  de  bon  marché,  même  en  te-  ; 
nant  compte  de  ce  qu'il  peut  y  avoir  eu  de  forcé  pour  le  • 
besoin  de  la  cause  dans  leur  énoncialion.  Notre  infériorité,  i 
disons  le  mot  au  risque  de  choquer  certaines  susceptibilités,  . 
ne  peut  être  attribuée  à  la  matière  première  que  nous  pou-  i 
vons  nous  procurer  aussi  bien  que  nos  concurrents,  si  nous  > 
faisons  abstraction  du  prix.  Or,  abstration  faite  de  cet  élé-  i 
ment,  certains  de  nos  articles  des  bas  français  par  exemple  j 
sont  loin  d'avoir  les  qiralités  de  ceux  des  pays  que  nous  venons  î 
de  citer;  cela  paraît  tenir  à  des  préparations  spéciales  des  fils  J 
et  à  des  apprêts  particuliers  de  l'étoffe.  Si  notre  industrie  ,1 
apportait  à  l'étude  de  celte  importante  question  une  partie  i 
seulement  de  la  persévérance  qu'elle  a  consacrée  à  perfec-  | 
tionner  l'industrie  des  châles  ,  il  e?t  probable  que  nous  n*au-  ■ 
rions  bientôt  plus  rien  à  envier  sous  ce. rapport  à  nos  voi-  j 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  703 

sins.  Cela  est  d'autant  pins  exact  que  si  nous  n'examinions  que 
les  articles  de  fantaisie  et  les  moyens  qui  concourent  au  tra- 
vail de  la  bonneterie  en  général,  la  supériorité  serait  en  notre 
faveur.  C'est  au  point  que  nous  fournissons  nos  machines  à 
tricot  à  la  plupart  des  contrées  qui  font  mieux  que  nous,  même 
à  l'Angleterre.  Elles  ont  été  tellement  modifiées,  surtout  par 
nos  mécaniciens  de  Troyes,  qu'elles  servent  à  une  foule  de 
spécialités  nouvelles,  et  entre  autres  à  u  ne  certaine  draperie  lé- 
gère et  élastique,  éminemment  propre  à  faire  des  articles  pour 
ganterie.  Ces  métiers  produisent  artuelleraent ,  comme  le  tis- 
sage ordinaire,  des  étoffes  unies  ,  croisées  ,  façonnées  et  bro- 
chées ,  et  même  une  espèce  de  filet  noué  dont  on  fait  des 
cache-nez  de  toute  espèce,  aussi  originaux  et  chauds  que  peu 
coûteux. 

En  parlant  des  lainage? .  on  ne  saurait  passer  sous  silence 
la  grande  spécialité  des  tapis  en  général.  Ici ,  il  y  a  lutte  sé- 
rieuse entre  les  nationalités  ,  les  contrées  et  les  divers  procé- 
dés dont  les  produits  attirent  et  captivent  l'attention.  Ces 
procédés  sont  nombreux.  Le  plus  ancien  comprend  le  travail 
façon  de  Turquie  pour  faire  les  lapis  ras ,  la  tapisserie  ou  les 
tapis  veloutés  ,  dont  le  principe  est  encore  appliqué  dans  les 
établissements  du  gouvernement.  C'est  une  espèce  de  spouli- 
nage  ou  tapisserie  au  fuseau  ;  une  chaîne  verticale  tient  lieu 
de  canevas,  et  le  fuseau  remplace  l'aiguille  dont  se  servent 
les  brodeuses.  Ce  procédé,  perfectionné  aux  Gobelins  et  em- 
ployé avec  toutes  les  ressource.^  qu'offrent  les  connaissances 
des  savants  et  des  artistes  attachés  à  ce  célèbre  établissement, 
est  le  plus  parfait,  mais  aussi  le  plus  long  et  le  plus  dispen- 
dieux de  tous  lorsqu'on  veut  aborder  des  sujets  compliqués.  Il 
n'en  est  pas  moins  employé  à  son  état  rudimentaire  pour  pro- 
duire des  descentes  de  lit,  des  foyers  à  bas  prix  dans  les 
localités  où  la  main  d'œuvre  des  femm.es  est  à  bas  prix.  Le 
matériel  nécessaire  se  bornant  à  un  cadre  en  bois  servant  de 
métier  et  à  quelques  ustensiles  fort  simples  ,  ce  travail  peut, 
sous  ce  rapport,  avoir  lieu  partout  et  devenir,  dans  cer- 
tains cas  ,  la  ressource  du  foyer  modeste  et  de  la  chaumière. 
C'est  à  ces  considérations  qu'il  f.iut  attribuer  son  existence 
comme  industrie  ,  car  les  moyens  de  production  sont  lents ,  la 
matière  absorbée  est  relativement  considérable  et,  quels  que 
soient  les  soins  que  l'on  prenne,  il  y  a  toujours  un  déchet  de 


704  VISITE 

laine  très-sensible.  Aussi  ce  genre  de  travail ,  appliqué  égale- 
ment aux  tapis  turcs,  de  l'Inde,  de  la  Perse,  que  l'on  voit 
dans  les  vitrines  des  expositions  de  l'Orient  en  général,  est-il 
loin  de  se  propager.  Pour  produire  plus  rapidement,  on  ima- 
gina de  tisser  les  tapis  comme  on  tisse  les  velours  façonnés, 
bouclés  ou  coupés  ,  avec  cette  seule  différence  que  les  fils  de 
laine  de  couleurs  diverses  sont  substitués  à  la  soie  sur  la 
cantre.  L'ancien  métier  à  la  tire  a  été  longtemps  seul  en  usage, 
et  est  encore  exclusivement  employé  dans  la  manufacture 
royale  de  Tournai.  En  Angleterre  et  chez  nous,  le  métier  à  la 
Jacquard  a  depuis  longtemps  remplacé  le  précédent  dans  le 
tissage  de  la  moquette  anglaise  ,  dont  on  voit  de  nombreux  et 
beaux  échantillons  dans  les  étalages  d'Aubusson,  de  Felletin, 
de  Turcoing,  de  Tours,  de  Tournai,  de  Halifax,  etc. 

Malgré  les  progrès  signalés  des  métiers  à  la  Jacquard  ,  ils 
présentent  néanmoins  une  complication  de  montage  propor- 
tionnel au  nombre  de  couleurs  du  tissu.  Les  Anglais  ont  ima- 
giné ,  depuis  une  dizaine  d'années  ,  un  moyen  nouveau  ,  qui 
consiste  à  imprimer  les  fils  de  la  chaîne  par  un  procédé  spé- 
cial, qui  applique  à  chaque  fil  la  couleur  au  point  où  elle  doit 
apparaître.  Une  fois  la  chaîne  imprimée  et  montée  de  cette 
façon  ,  le  tissage  est  exécuté  sur  un  métier  ordinaire  à  faire 
les  étoffes  unies.  On  peut  voir  fonctionner  l'un  de  ces  métiers 
entièrement  automatique,  dans  l'annexe  des  machines.  La 
coupe  même  des  boucles,  pour  produire  le  duvet,  a  lieu  par 
le  moteur.  Ce  système  a  fourni  une  foule  de  résultats 
remarquables  dans  l'exhibition  anglaise;  il  simplifie,  il  est 
vrai,  le  montage  du  métier  proprement  dit.  Il  permet  de  se 
passer  du  secours  de  la  mécanique  Jacquard,  et  évite,  ce  qui 
est  important,  la  perte  de  la  laine.  Mais  il  présente  néanmoins 
une  complication  assez  grande  dans  l'impression  de  la  chaîne 
et  la  disposition  préparatoire  de  ses  fils.  Il  n'offre  d'avan- 
tages sérieux  que  par  un  grand  débit  du  même  dessin.  Cela 
explique  comment  il  a  pris  un  grand  développement  chez  nos 
voisins,  lorsque  nous  en  sommes  encore  à  tâtonner  son  ap- 
plication. 

Par  contre,  Beauvais  et  Nîmes  surtout ,  représentées,  la 
première,  par  l'industrie  parisienne,  et  la  seconde,  sous  son 
propre  nom,  dans  le  pavillon  du  Panorama,  ont  fait  des  pro- 
grès notables  dans  un  procédé  de  fabrication  tout  à  faitfran- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  70o 

çais.  Nous  voulons  parler  des  tapis  en  chenilles,  bien  supérieurs, 
à  notre  avis,  aux  précédents  ,  sous  l8  rapport  de  la  solidité  et 
d'une  plus  grande  variété  de  couleurs,  tout  en  présentant  des 
moyens  d'exécution  d'une  simplicité  digne  d'être  mentionnée. 
Au  lieu  d'imprimer  le  fil  de  la  chaîne ,  on  prend  une  bande 
de  chenille  analogue  à  celle  employée  pour  les  ouvrages  de 
dames.  Cette  bande  est  composée  de  fils  de  laine  de  diverses 
teintes  ;  on  la  met  à  cheval-eur  les  fils  d'une  chaîne  unie,  puis 
on  la  relève  en  brosse  et  on  la  serre  par  le  battant  comme  si 
on  frappait  une  trame  ordinaire.  On  croise  les  fils  de  la 
chaîne,  on  insère  un  fil  ordinaire  pour  maintenir  la  partie 
duveteuse  que  l'on  vient  de  former,  puis  on  insère  une  se- 
conde trame  de  ch.enille,  et  ainsi  de  suite.  Si  chacune  d'elles  a 
ses  couleurs  convenablement  disposées  ,  on  exécutera  le  des- 
sin qu'on  voudra. 

Pour  rendre  ce  fait  plus  intelligible ,  supposons  qu'on  ait 
un  damier  noir  et  blanc  à  produire  :  en  prenant  une  chenille, 
formée  en  fils  de  laine  alternativement  blanche  et  noire  ,  de 
façon  à  distribuer  les  teintes  absolument  comme  sur  le  da- 
mier, c'est-à-dire  que  si  on  examine  deux  suites  successives , 
la  première  commence  par  le  fil  blanc  et  la  seconde  par  le 
noir,  on  réalisera  l'effet  demandé.  Au  lieu  d'une  chenille  à 
deux  couleurs,  on  peut  en  composer  une  d'un  nombre  quel- 
conque de  nuances.  Le  travail  essentiel  de  cette  fabrication 
consiste  dans  la  production  de  la  chenille  conformément  au 
dessin  de  la  mise  en  carte,  c'est-à-dire  au  dessin  peint  sur  un 
papier  quadrillé,  disposé  d'une  façon  spéciale,  pour  guider  l'ou- 
vrier dans  son  travail,  comme  cela  se  pratique  aux  Gobelins. 

La  chenille  en  pièce,  qui  comprend  un  certain  nombre 
d'exemplaires,  est  découpée  ensuite  par  bandes  au  moyen 
d'une  espèce  de  scie  circulaire;  ce  sont  ces  bandes  qui  sont 
employées,  dans  l'ordre  où  on  les  leur  dispose,  par  des  femmes 
sur  des  métiers  à  faire  de  la  toile.  Par  ce  procédé,  comme  on 
le  voit,  la  matière  est  économisée,  le  travail  est  divisé  et  sim- 
plifié, et  l'on  peut,  sans  augmenter  sensiblement  la  main- 
d'œuvre,  faire  usage  d'un  nombre  quelconque  de  couleurs. 

Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  grands  tapis ,  les 

tentures,  les  foyers,  etc.,  exposés  par  Nîmes  et  Paris,  pour 

se  faire  une  idée  de  la  richesse  des  produits  obtenus  par  cet 

ingénieux  système.  L'Allemagne  paraît  avoir  repris  une  ma- 

206  tt 


70()  VISITE 

nière  de  faire  non  moins  originale,  si  nous  en  jugeons  par 
quelques  spécimens  assez  séduisants  et  qui  se  distinguent  par 
une  apparence  toute  particulière.  On  dirait,  en  voyant  ces 
genres  de  tapis  veloutés,  qu'on  les  a  enluminés  et  coloriés  au 
pinceau  ;  il  n'en  est  rien  cependant  :  lu  personne  la  plus 
étrangère  à  l'art  du  dessin  et  de  la  peinture  peut  exécuter  les 
sujets  les  plus  irréprochables.  Pour  faire  saisir  le  système 
allemand ,  prenons  encore  l'exécution  d'un  damier  pour 
exemple.  Supposons  deux  plaques  égales,  percées  également 
de  trous  carrés ,  maintenues  parallèlement  entre  elles  aune 
certaine  distance,  de  façon  que  les  trous  carrés  de  l'une  cor- 
respondent à  ceux  de  l'autre.  Passons  dans  la  première  ran- 
gée d'ouvertures  des  mèches  de  laines  alternativement 
blanches  et  noires ,  de  façon  à  être  saisies  par  les  deux  pla- 
ques ;  passons  une  seconde  rangée  de  mèches  alternativement 
noires  et  blanches  dans  la  seconde  rangée  de  trous ,  et  ainsi 
de  suite  sur  toute  la  surface  des  plaques.  Serrons  les  mèches 
convenablement  et  supposons  une  dislance  d'un  mètre ,  par 
exemple,  entre  les  deux  plaques,  et  que  Ton  veuille  un  tissu 
(i'un  centimètre  d'épaisseur.  On  fera  4  00  sections  parallèles 
aux  surfaces  des  plaques  et  on  aura  100  tranches  ou  100  ta- 
pis, si  toutefois  on  a  eu  soin,  après  chaque  section,  d'enduire 
la  tranche  d'une  couche  de  caoutchouc  pour  établir  la  soli- 
darité entre  toutes  les  mèches  d'une  tranche  et  pouvoir  les 
faire  adhérer  sur  un  tissu  quelconque  par  un  collage.  Si,  à  la 
place  de  l'insertion  de  mèches  de  deux  couleurs  et  dans  un 
ordre  régulier ,  on  les  dispose  suivant  un  dessin  déterminé  ,^ 
un  conçoit  qu'on  reproduira  toute  espèce  de  dessin  à  volonté. 
Il  y  a  néanmoins  des  précautions  à  prendre,  des  coups  de 
main  à  bien  exécuter,  qui  sont  du  domaine  du  métier  et  le 
résultat  de  l'exjiérience.  On  peut  s'assurer  ,  par  les  différents 
tapis  des  diverses  expositions  allemandes ,  que  l'indus- 
trie de  ce  pays  a  acquis  une  véritable  habileté  dans  ce  tra- 
vail, qui  est  peut-être  plus  du  ressort  du  brossier  que  du  tis- 
serand. La  collection  des  tapis  de  feutre  et  des  tapis  tissés 
et  imprimés  montre  que  cette  partie  des  impressions  est  à  la 
hauteur  du  progrès  de  cet  art  en  général  ;  pénétration  intime 
et  vivacité  des  couleurs ,  goût  remarquable  pour  la  plupart 
des  dessins,  telles  sont  les  principales  qualités  que  l'on  re- 
marque à  chaque  pas  dans  cette  spécialité. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  70' 


Dentelles,  tulles  et  blondes. 

Rien  de  plus  difficile  et  de  plus  délicat  à  apprécier  que  ces 
innombrables  tissus  de  fantaisie  et  de  luxe  ,  fabriqués  avec 
des  fils  dont  la  valeur  peut  varier  de  25  à  10  000  francs  le 
kilogramme,  suivant  qu'on  travaille  à  la  main  ces  admirables 
fils  de  mulquineries  ,  qui  rivalisent  de  finesse  avec  les  fils  de 
la  vierge,  ou  ces  magnifiques  produits  en  coton  ,  moins  fins, 
mais  non  moins  remarquables  par  leur  ténuité,  et  dont  l'in- 
téressante industrie  automatique  du  tulle  uni  et  façonné  fait 
aujourd'hui  une  si  large  consommation. 

Si  ce  n'est  qu'à  grand'peine  que  l'on  peut  établir  un  juge- 
ment entre  le  mérite  relatif  des  nombreux  exposants  qui 
figurent  au  Palais  de  l'Industrie,  on  peut  du  moins  signaler 
les  progrès  les  plus  saillants  et  les  tendances  industrielles  les 
plus  caractéristiques. 

La  production  du  tulle  uni,  façonné,  broché  et  brodé,  a  été 
en  se  développant;  le  travail  s'est  perfectionné  au  point  qu'il 
peut  rivaliser  en  apparence  avec  les  plus  belles  dentelles.  11 
mérite  d'être  encouragé  eu  égard  aux  ressources  croissantes 
qu'il  offre  à  une  classe  intéressante  de  travailleurs  et  de  con- 
sommateurs, puisque  toutes  peuvent  satisfaire  leur  fantaisie, 
grâce  à  l'intervention  des  machines  qui  permettent  de  four- 
nir de  ces  gracieux  tissus  à  trois  centimes  le  mètre.  Malgré 
cette  invasion  de  la  dentelle  du  coton,  celle  en  fils  de  lin  n'en 
a  pas  souffert,  non  plus  que  la  fabrication  des  bijoux  de  strass 
n'a  diminué  la  valeur  du  diamant.  L'Exposition  témoigne,  en 
effet,  des  nombreux  efforts  faits  pour  augmenter  encore  sous 
le  rapport  artistique,  et  la  perfection  de  la  main-d'œuvre,  la 
magnifique  fabrication  des  dentelles  à  la  main ,  précieuses 
ressources  du  foyer  domestique  dans  plusieurs  de  nos  dépar- 
tements. Les  pays  si  justement  célèbres  pour  les  belles  den- 
telles classiques,  tels  que  la  Belgique  et  la  France,  ont  con- 
servé leur  rang;  l'on  ne  peut  rien  voir  de  plus  séduisant 
comme  goût,  comme  élégance  et  comme  exécution,  que  l'é- 
talage des  riches  vitrines  de  Bruxelles  et  des  divers  points  de 
la  France.  Paris,  ce  centre  de  la  composition  artistique,  s'est 
surpassé;  la  rapidité  des  communications  qui  l'ont  relié  plus 
intimement  aux  doigts  qui  exécutent  a  contribué  à  l'éton- 


708  VISITE 

liante,  variété  qui  se  remarque  dans  ses  nombreux  produits. 
La  grande  cité  des  arts  ne  s'est  pas  contentée  d'établir  les 
beaux  articles  connus  :  comme  toujours,  elle  a  voulu  aller  au 
delà.  C'est  ainsi  que  l'un  des  premiers  industriels  s'est  ingé- 
nié à  reproduire  des  types  presque  perdus  :  nous  voulons 
parler  du  point  d'Angleterre  que  l'on  ne  retrouve  plus  que 
comme  application.  On  sait,  en  effet,  que  les  belles  den- 
telles d'Angleterre,  si  recherchées  et  si  enviées,  étaient,  dans 
l'origirip ,  des  tissus  de  toute  pièce  ,  c'est-à-dire  que  le  fond  et 
les  ornements  étaient  exécutés  simultanément  dans  le  même 
réseau  par  l'habile  dentellière.  Plus  tard,  on  se  contenta  de 
faire  la  partie  façonnée  à  part  et  de  l'appliquer  à  l'aiguille  , 
sur  un  fond  à  mailles  unies;  de  là  le  nom  d'application  que 
l'on  continue  à  lui  donner. 

Or,  l'industrie  de  la  France  expose  non-seulement  des  ap- 
plications non  moins  belles  que  celles  de  la  Belgique,  mais 
l'industrie  parisienne  nous  offre  de  la  dentelle  d'Angleterre 
avec  toutes  les  qualités  anciennes  rehaussées  par  le  goût 
moderne.  Les  fils  traînants  ou  brides  de  l'envers,  laissés  à 
dessein,  témoignent  de  la  restauration  de  l'ancien  procédé, 
et  démontrent  que  l'étoffe  tout  entière,  fond  et  sujets,  forme 
un  seul  et  même  réseau  sans  rentrants.  Il  y  a  là  des  diffi- 
cultés vaincues,  au  point  de  vue  technique,  que  les  personnes 
compétentes  comprendront  et  que  toutes  les  dames  appré- 
cieront. Ce  n'est  pas  tout  :  pour  développer  la  production  et 
la  mettre,  sans  délai,  en  rapport  avec  les  exigences  de  la 
mode,  on  a  songé  depuis  un  certain  temps  déjà  au  moyen  de 
ne  pas  laisser  éterniser  l'ouvrage  sur  le  métier.  Or ,  en  con- 
fiant à  une  seule  ouvrière  l'exécution  d'une  pièce  entière,  elle 
exigerait  souvent  des  années,  et  ne  serait  terminée  que  lorsque 
le  dessin  imaginé  ne  serait  plus  de  mode  ;  il  a  fallu  diviser  le 
travail  et  mettre  un  seul  objet,  une  robe,  un  mantelet,  des 
volants,  etc.,  simultanément  en  plusieurs  mains.  On  s'est 
déterminé  à  faire  le  tissu  par  bandes,  à  les  distribuer  aux 
ouvrières,  puis  à  les  rassembler  par  une  couture  assez  déli- 
cate pour  être  imperceptible  à  l'œil  nu.  C'est  là,  comme  on 
le  voit,  la  méthode  des  Indiens  pour  leurs  châles  si  renom- 
més. 

Mais  ce  procédé  a  des  imperfections.  Lorsqu'on  réunit 
les  bandes,  il  faut  souvent  déchiqueter  une  partie  du  fond 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  709 

pour  raccorder  les  dessins.  Le  fabricant  auquel  nous  fai- 
sons allusion  a  imaginé  une  méthode  de  mise  en  barre ,  c'est- 
à-dire  de  transport  du  dessin  par  le  piquage  sur  le  papier, 
qui  permet  l'assemblage  des  bandes  sans  perte  de  temps  ni 
de  matière  ;  il  y  a  là  un  progrès  réel ,  au  point  de  vue  écono- 
mique. S'il  revient  une  large  part  des  améliorations  au  fa- 
bricant qui  sait  choisir  ses  dessins,  coordonner  et  diriger  le 
travail  avec  l'ensemble  voulu  ,  il  n'est  pas  moins  juste  de 
mentionner  celle  de  l'artiste  créateur  de  tant  de  magnifiques 
dessins  ,  et  celle  des  modestes  ouvrières  aux  doigts  de  fée, 
aux  yeux  de  lynx,  dont  la  patience  et  la  persévérance  ne  peu- 
vent se  comparer  qu'à  la  goutte  d'eau  qui  creuse  des  rochers. 
Il  est  regrettable  ,  disons-le  en  passant,  que  la  plupart  de  ces 
habitantes  des  campagnes  ne  puissent  venir  avec  leur  fa- 
mille apprécier  le  cas  que  l'on  fait  de  leur  travail.  Sous  ce 
rapport,  l'Angleterre  est  plus  heureuse  que  nous;  il  paraît 
y  avoir  plus  d'harmonie  de  goût  entre  ses  citadins  et  ses 
campagnards  que  chez  nous.  Qui  n'a  pas  remarqué  les  proces- 
sions des  paysans  anglais  à  lExposition  de  Londres  ,  et  l'ab- 
sence des  nôtres  à  celle  des  Champs-Elysées? 

Les  dentelles  à  la  mécanique  ou  tulles  façonnés  et  brochés 
gagnent  chaque  jour  du  terrain.  Des  effets  qu'on  supposait 
lie  jamais  pouvoir  être  abordés  par  les  machines  commencent 
à  être  exécutés  automatiquement.  Certains  contours  en  relief, 
festonnés  à  la  main  jusqu'à  présent,  sont  brochés  par  ce  met  veil- 
leux  métier  à  tulle  Bobin  que  l'on  peut  voir  fonctionner  dans 
l'Annexe.  L'industrie  calaisienne,  siège  principal  et  presque 
unique  de  cette  industrie  en  France  ,  a  tenu  à  honneur  de  la 
mettre  en  évidence  par  un  modèle  parfaitement  exécuté,  qui 
permet  de  suivre  tous  les  détails  du  travail  et  de  juger  la 
beauté  du  produit  sur  le  métier  même.  On  peut  également 
examiner  des  broderies  dans  les  mêmes  conditions.  Les  créa- 
tions de  Heillmann  portent  leurs  fruits  ;  on  voit  des  broderies 
sur  drap  s'exécuter  sur  un  métier  anglais  dont  le  principe 
et  une  partie  des  mouvements  sont  empruntés  au  fameux  mé- 
tier que  l'inventeur  a  fait  figurer  à  l'Exposition  de  1839.  La 
broderie  à  pois  est  exécutée  par  un  autre  métier  imaginé  et 
construit  à  Nancy.  Mais  ces  machines  sont  loin  de  pouvoir 
faire  tous  les  chefs-d'œuvre  de  l'habileté  féminine  ,  que  pro- 
duisent les  ouvrières  lorraines ,  dirigées  par  le  goût  et  l'art 


710  VISITE 

parisien.  Cette  belle  broderie  classique  delà  Meiirlhe,  des 
Vosges  et  de  la  Moselle  ne  redoute  aucune  comparaison. 
Mais  il  n'en  est  plus  ainsi  des  articles  qui  paraissent  tout 
nouveaux  et  de  création  suisse;  nous  voulons  parler  de  ces 
grands  sujets  au  crochet  à  jours  et  en  nouveaux  points ,  de 
ces  broderies  au  point  de  remplissage  sur  fond  filoché ,  des 
rideaux  de  tulle  brodés  au  crochet  avec  application,  de  ces 
broderies  sur  mousseline,  batiste,  tulle  ,  aux  points  de  relief 
satinés.  Ces  produits  de  Saint-Gall,  du  canton  d'Appenzell  et 
de  Berne  attirent  tous  les  regards  et  sont  justement  admirés. 

Soies  et  soieries.  — La  France  est  dans  l'industrie  de  la  soie 
et  des  soieries  ce  que  l'Angleterre  est  dans  celle  du  coton. 
Considérée  dans  son  ensemble ,  elle  excelle  dans  les  nom- 
breuses spécialités  qui  y  concourent,  à  partir  de  l'élève  des 
vers  jusqu'après  la  confection  des  plus  beaux  tissus.  Elle  a  des 
concurrentes,  mais  pas  de  rivales  pour  la  perfection  de  ses 
produits.  Comme  importance,  elle  transforme  environ  pour 
250  millions  de  francs  de  matières  premières  ,  dont  140  mil- 
lions de  francs  lui  sont  livrés  par  l'agriculture  nationale  ;  le 
complément  lui  vient  du  Levant ,  de  l'Espagne  et  de  diverses 
contrées  italiennes.  On  évalue  en  moyenne  la  valeur  des 
produits  obtenus  annuellement  par  cette  spécialité  à  375 
millions,  dont  elle  exporte  de  190  à  220  millions  environ  aux 
différentes  nations  de  l'Europe  et  des  États-Unis.  L'Angleterre 
a  une  production  à  peu  près  aussi  élevée  en  tissus,  mais  elle 
est  obligée  de  faire  venir  sa  matière  première  de  l'étranger.  Les 
divers  États  de  l'Italie  et  les  possessions  autrichiennes  produi- 
sent au  contraire  la  matière  première,  les  cocons,  la  soie  grége 
et  ouvrée  sur  une  échelle  plus  importante  que  la  nôtre  ,  mais 
leur  fabrication  des  tissus  ne  peut,  sous  aucun  rapport,  se 
comparer  à  la  nôtre.  Les  diverses  contrées  de  l'Asie  ont  une 
faculté  productive  plus  grande  encore  :  on  l'évalue  au  double 
au  moins  de  ce  que  l'Europe  entière  peut  fournir,  mais  leurs 
moyens  d'exécution ,  malgré  certains  progrès  dans  la  main 
d'œuvre  ,  sont  loin  encore  des  ressources  puissantes  de  l'in- 
dustrie européenne. 

A  l'heure  qu'il  est ,  le  premier  rang  dans  l'industrie  sérici- 
cole  estdù,  à  tous  égards,  à  notre  pays.  On  pouvait  craindre  un 
instant  qu'elle  ne  fût  menacée  dans  sa  source,  dans  la  produc- 
tion des  cocons  ,  par  suite  des  maladies  qui  déciment  les  vers 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  7tt 

^t  font  dégénérer  les  races.  Ces  plaies  ont  exercé  la  sagacité  de 
la  science  des  naturalistes  et  des  praticiens  en  même  temps. 
Les  remèdes  prescrits  ou  recommandés  sont  aussi  nombreux 
et  presque  aussi  contradictoires  que  ceux  recommandés  con- 
tre le  choléra ,  et  la  race  de  ce  précieux  insecte  n'en  va  pas 
moins  en  dégénérant  ,  et  finirait  peut-être  par  disparaître 
dans  ce  vieux  monde  si  la  Providence  ne  veillait.  Or  la  Pro- 
vidence se  révèle  cette  fois  sous  la  forme  d'une  femme  simple 
et  modeste  ,  douée  au  plus  haut  degré  de  l'esprit  d'observa- 
tion. Cette  femme  a  pénétré  la  cause  du  mal,  et  trouvé  les 
remèdes  à  y  apporter  ;  les  moyens  sont  simples  et  à  la  portée 
de  toutes  les  intelligences.  Son  procédé  a  le  caractère  et  les 
conséquences  de  toutes  les  découvertes  mémorables.  Il  a  dix- 
huit  années  d'application ,  et  les  cocons  provenant  d'une 
graine  dont  l'origine  remonte  à  cette  date  sont,  sans  con- 
testation ,  les  plus  beaux  de  l'Exposition  :  les  soies  qui  les 
accompagnent  et  qui  en  proviennent  sont  sans  pareilles 
pour  la  beauté  et  la  qualité.  Nous  ne  faisons  qu'annoncer  ce 
que  nous  avons  pu  constater,  et  qu'il  ne  nous  est  pas  permis 
de  divulguer  encore.  Mais  dans  quelque  temps ,  la  société 
d'encouragement  pour  l'Industrie  nationale,  qui  a  fait  expéri- 
menter par  des  commissaires  spéciaux  la  découverte  à  la- 
quelle nous  faisons  allusion  ,  saura  la  faire  connaître  par  des 
témoignages  plus  considérables  que  le  nôtre. 

Le  procédé  nouveau  propagé  dans  tous  les  centres  de  l'in- 
dustrie séricicole,  et  les  magnaneries  continuant  à  se  dé- 
velopper sur  notre  terre  d'Afrique,  notre  intéressante  spé- 
cialité des  soies  prendra  sans  doute  un  nouvel  essor  ;  nos 
soies  grèges,  si  estimées  déjà ,  le  seront  bientôt  davantage 
encore.  Ne  soyons  cependant  pas  injustes  envers  le  passé  : 
rappelons  que  sous  Colbert,  et  plus  tard  encore,  notre  soie 
grége  était  si  mauvaise  qu'il  était  interdit  aux  fabricants  dei 
l'employer  pour  certains  tissus  auxquels  les  soies  d'Italie 
seulement  étaient  propres.  Il  y  a  vingt-cinq  ans  ,  la  produc- 
tion des  grèges,  disséminée  dans  une  foule  de  petits  ateliers 
des  campagnes  ,  était  entre  autant  de  mains  que  l'élève  des 
vers  aujourd'hui  ;  il  en  résultait  une  imperfection  et  une  irré- 
gularité qui  mettait  nos  soies  au-dessous  des  soies  de  la  Chine 
el  du  Levant.  Aujourd'hui  l'industrie  du  filage  et  du  mouli- 
nage  a  lieu  dans  de  grands  établissements  comparables  pour 


712  VISITE 

la  direction,  le  matériel  et  les  soins,  aux  grandes  filatures 
des  autres  matières  textiles.  Que  l'on  prenne  au  hasard  dans 
l'une  quelconque  des  vitrines  des  exposants  de  la  France  et 
de  l'Italie  un  écheveau  de  soie;  qu'on  le  déplie,  qu'on  exa- 
mine la  rondeur  du  brin  ,  la  netteté,  le  brillant  et  la  régula- 
rité du  fil ,  et  l'on  s'assurera  de  la  merveilleuse  précision 
avec  laquelle  les  baves  ou  fils  élémentaires  du  cocon  ont  été 
accolés  et  soudés  ,  l'habileté  avec  laquelle  les  imperfections 
du  brin  fourni  par  l'insecte  ont  été  corrigées.  Sans  vouloir 
amoindrir  les  services  rendus  par  l'industrieuse  chenille, 
nous  ferons  remarquer  que  son  produit  n'est  pas  préparé  de 
la  manière  la  plus  convenable  pour  son  emploi  industriel. 
Le  fil  tel  que  le  ver  le  pelotonne  est  trop  fin  et  a  une  grosseur 
trop  variable  dans  toute  sa  longueur  pour  être  mis  en  usage 
sous  sa  forme  naturelle  qui  doit  être  corrigée  par  les  soins  de 
la  fileuse  et  la  perfection  des  préparations  et  des  machines. 

L'art  du  dévidage  des  cocons,  en  se  proposant  ce  but ,  doit 
en  même  tenps  développer  les  brins  élémentaires  et  faire  dis- 
paraître le  vrillement  ou  les  ondulations  pour  leur  donner 
tout  le  brillant  dont  ils  sont  susceptibles,  et  éviter  dans  le 
rattachage ,  ou  plutôt  le  collage,  les  boucles  et  les  bouchons 
qui  diminueraient  leur  netteté.  Celte  définition  succincte  des 
conditions  à  remplir  peut  faire  connaître  la  délicatesse  de 
l'opération  et  montrer  que  ce  n'est  pas  sans  difficulté  que 
l'industrie  e?t  arrivée  à  nous  offrir  ce  magnifique  produit 
dont  l'Exposition  nous  présente  tant  de  brillants  échan- 
tillons. 11  serait  difficile  par  l'inspection  des  produits  seule- 
ment, tant  en  fils  grèges  qu'en  fils  ouvrés  ou  tordus,  de  signa- 
ler un  progrès  depuis  le  grand  concours  de  Londres  et  même 
depuis  4  849.  Il  y  a  cependant  une  tendance  au  progrès  assez 
notable  depuis  lors,  mais  elle  consiste  surtout  dans  les  moyens. 
On  a  fait  des  efforts  pour  arriver  à  préparer  les  cocons  plus- 
rationnellement,  c  est-à-dire  pour  mettre  leur  fil  en  liberté. 

La  cuisson  dans  l'eau  bouillante  et  la  recherche  du  bout  par 
les  balais,  qui  a  des  inconvénients  nombreux,  commence  à 
être  remplacée  par  une  préparation  plus  régulière,  par  la  va- 
peur agissant  sur  les  cocons  placés  dans  le  vide,  et  le  balai 
brutal  par  un  simple  sac  en  filet,  contenant  les  cocons  à  pré- 
parer. S'ils  sont  convenablement  traités,  les  bouts  s'y  atta- 
chent spontanément  de  manière  à  ce  que  l'ouvrière  n'ait  plus 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  713 

qu'à  les  réunir  et  à  les  éclaircir.  On  continue  également  la 
recherche  d'un  moyen  pour  remplacer  la  disposition  du  fil  en 
écheveausur  l'asple,  par  le  filage  direct  sur  bobines,  afin  d'é- 
pargner une  main-d'œuvre  et  un  déchet  inutiles,  qu'occasionne 
la  transformation  indispensable  de  Técheveau  en  bobines. 
Cette  modification  dans  le  travail  n'est  pas  sans  difficulté, 
attendu  l'humidité  du  fil  qui  se  collerait  et  serait  indévidable 
de  la  bobine,  si  l'on  n'avait  un  moyen  de  le  sécher  au  préala- 
ble ou  du  moins  d'empêcher  le  gommage.  De  très-belles  soies 
sur  bobines,  produites  par  des  essais  faits  dans  ces  deux  di- 
rections, prouvent  que  le  problème  est  résolu,  et  que  bientôt 
sans  doute,  en  passant  dans  la  pratique  industrielle,  il  fera 
faire  un  pas  de  plus  à  cette  intéressante  industrie.  Les  fils  de 
soie  tordus  pour  trames  et  organsins  sont  également  remar- 
quables par  leur  régularité,  qui  est  la  conséquence  d'une 
longue  expérience  et  d'améliorations  notables  apportées  aux 
machines,  naguère  encore  construites  avec  un  laisser-aller 
peu  digne  de  la  matière  précieuse  à  laquelle  elles  étaient 
destinées.  C'est  peut-être  ici  le  lieu  de  dire  un  mot  de  la  hon- 
teuse falsification  à  laquelle  ces  produits  donnent  souvent 
lieu.  En  raison  même  de  l'élévation  de  leur  prix,  on  y  intro- 
duit quelquefois  au  travail  du  retordage  ou  à  la  teinture  des 
corps  étrangers  assez  denses,  peu  coûteux,  et  n'ayant  pas 
d'action  fâcheuse  sur  la  substance  soyeuse.  Pendant  longtemps 
on  s'est  contenté  de  se  servir  comme  mélange  du  sucre,  de  la 
mélasse,  de  la  gomme,  etc.,  et  de  bénéficier,  pour  parler  po- 
liment, de  la  différence  entre  des  matières  valant  au  maxi- 
mum 1  franc  et  un  produit  de  60  francs  le  kilogramme  en 
moyenne  ;  mais  tout  progresse,  tout  se  perfectionne  :  un  in- 
venteur a  eu  l'idée  de  substituer  les  sels  de  plomb  aux  corps 
que  nous  venons  de  citer,  et  de  faire  breveter  cette  substitu- 
tion. Le  procédé  fut  bientôt  contrefait  à  tel  point  que  des  né- 
gociants en  fils  à  coudre,  que  nous  pourrions  citer,  ont  intro- 
duit jusqu'à  25  pour  i  00  dece  sel  dans  leurs  produits.  La  fraude 
a  été  découverte  par  suite  de  coliques  de  plomb  éprouvées 
par  les  couturières  qui  ont  employé  ce  fil.  L'administration 
supérieure  s'est  heureusement  émue  de  cette  manœuvre  cou- 
pable dont  elle  empêchera  certainement  le  retour. 

Les  déchets  produits  dans  le  travail  de  la  soie  grége,  connus 
sous  les  noms  de  frisons  et  de  bassinais,  les  cocons  percés 


714  VISITE 

résultant,  du  passage  des  papillons  destinés  à  la  reproduction 
par  la  fécondation  de  la  graine ,  sont  réservés  à  faire  les  fils 
et  les  tissus  de  bourre  et  de  fantaisie.  Les  progrès  de  cette 
spécialité,  qui  forme  une  grande  industrie  à  part,  sont  plus 
sensibles  encore  que  ceux  apportés  au  travail  des  produits 
précédents.  Les  moyens  en  usage  pour  transformer  les  déchets 
de  soie  ont  une  grande  analogie  avec  ceux  de  la  laine  longue, 
et  ont  participé  aux  améliorations  apportées  aux  procédés  de 
cette  dernière  industrie.  Aussi  est-on  arrivé  à  employer  la 
bourre  de  soie  dans  une  infinité  de  tissus  nouveaux,  non- 
seulement  en  soie  pure,  mais  en  la  mélangeant  avec  toutes 
les  autres  matières  filamenteuses,  tantôt  à  l'état  de  chaîne, 
tantôt  à  l'état  de  trame,  quelquefois  même  intimement  incor- 
porée au  fil  de  nature  différente.  L'industrie  suisse  surtout  est 
arrivée  à  un  degré  de  perfection  incontestable.  Les  fils  dont 
nous  parlons  n'ont  cependant  pu  jusqu'ici  remplacer  la  soie 
grége  la  plus  commune,  dans  les  articles  tout  soie.  Les  tissus 
écrus  pour  foulards,  par  exemple  ceux  tramés  avec  les  fils  de 
fantaisie  des  plus  parfaits,  ne  peuvent  soutenir  la  concur- 
rence des  foulards  de  l'Inde  moins  bien  faits  comme  tissu , 
ni  même  des  foulards  d^Europe  tramés  en  soie  grége  de 
Chine  ou  du  Levant,  quelles  que  soient  d'ailleurs  la  beauté  et  la 
valeur  de  l'impression  qui  vient  cependant  dissimuler  le  corps 
de  l'étoffe.  La  soie  grége  est  également  restée  seule  en  partage 
des  tissus  mélangés  laine  et  soie,  tels  que  les  baréges,  les 
tarlatanes,  et  ces  nombreux  articles  pour  robes  et  châles,  que 
la  fabrique  parisienne  fait  tisser,  et  dans  lesquels  ses  mer- 
veilleuses impressions  font  disparaître  jusqu'à  la  trace  de 
l'entrelacement  des  fils  au  tissage.  Nous  éprouvons  un  vif 
regret  de  ne  pouvoir  parler  qu'en  passant  de  ces  chefs-d'œu- 
vre de  l'art,  où  la  beauté  du  dessin  est  égale  à  la  perfection 
du  coloris.  On  ne  peut  passer  devant  ces  magnifiques  vitrines, 
bien  dignes  de  figurer  en  face  des  plus  beaux  étalages  de 
Lyon,  sans  s'y  arrêter  et  admirer.  Et  en  pareille  matière, 
un  examen  même  rapide  en  dit  d'ailleurs  plus  que  les  des- 
criptions les  mieux  faites.  Signalons  cependant  certains 
résultats  tout  nouveaux,  tels  que  ces  articles  à  franges  rebou- 
•clées  obtenues  au  tissage;  ces  tissus  et  rubans  à  double  chaîne 
pour  produire  des  façonnés  à  fond  plus  net  et  plus  pur;  les 
étoffes  avec  impression  en  or;  les  foulards  avec  eff"ets  de  tis- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  'ib 

sage  et  d'impression  combinés,  les  bourres  de  soie  tirées  à 
poils,  etc. 

Les  étoffes  unies  en  soie  pure  de  l'Exposition  sont  égale- 
ment nombreuses  et  bien  établies;  l'Angleterre,  la  Prusse, 
l'Autriche,  la  France  et  surtout  la  Suisse,  rivalisent  entre 
elles  pour  cet  article  sur  les  marchés  étrangers.  L'industrie 
de  la  Grande-Bretagne  cherche  à  lutter  avec  la  nôtre  par  l'em- 
ploi du  tissage  mécanique  beaucoup  plus  avancé  chez  elle  que 
chez  nous,  et  ses  grands  établissements  où  les  frais  généraux 
sont  réduits  autant  qu'il  est  possible.  Les  autres  contrées  que 
nous  venons  de  citer  ont  en  général  la  vie  et  par  conséquent 
la  main-d'œuvre  à  des  conditions  plus  avantageuses  que  nous. 
La  lutte  leur  est  donc  possible  sur  ce  terrain.  Il  y  a  cependant 
des  articles  unis  spéciaux  où  notre  industrie  s'est  rendue  maî- 
tresse de  la  plupart  des  marchés  extérieurs  d'une  manière  digne 
d'être  signalée.  Nous  voulons  parler  des  velours  et  surtout  des 
peluches  pour  chapeaux,  qui  ont  pris  un  si  grand  développe- 
ment. Au  commencement  du  siècle,  la  Prusse  rhénane  savait 
seule  fabriquer  ce  produit  d'une  manière  convenable;  elle 
fournissait  tous  les  pays  qui  l'employaient,  sans  en  excepter 
la  France.  Depuis  lors,  les  progrès  de  nos  fabricants  ont  été 
tels ,  que  non-seulement  on  recherche  nos  peluches  sur  le? 
marchés  de  l'Europe  et  des  États-Unis,  mais  la  Prusse  elle- 
même  est  obligée  d'employer  les  peluches  françaises  lorsqu'elle 
a  besoin  de  qualités  supérieures.  Cet  avantage  est  dû  à  quel- 
ques fabricants  hors  ligne,  dont  les  produits  attirent  peu  l'œil 
au  milieu  de  la  brillante  exposition  du  département  du  Rhône, 
à  cause  de  l'uniformité  de  leur  apparence  ;  ils  n'en  sont  pas 
moins  dignes  d'une  mention  toute  spéciale. 

Nous  répéterons,  pour  les  soieries  façonnées  en  général  et 
pour  celles  de  Lyon,  de  Saint-Étienne  et  de  Nîmes  en  par- 
ticulier, ce  que  nous  avons  dit  pour  les  impressions  pari- 
siennes. Il  suffit  de  les  voir  pour  se  convaincre  que  cette  in- 
dustrie française,  si  célèbre  dans  le  monde,  s'est  surpassée,  et 
si  l'on  veut  s'assurer  de  notre  supériorité,  on  n'a  qu'à  compa- 
rer nos  sujets  imitant  la  gravure  en  taille-douce  aux  produits 
de  même  nature  des  autres  pays  :  il  y  a  sans  exagération  la 
différence  que  l'on  trouve  entre  le  dessin  original  du  maître 
et  la  copie  d'un  élève.  La  manière  française  est  telle,  qu'il  faut 
être  prévenu  pour  ne  pas  confondre  le  tissu  avec  une  gravure 


716  VISITE 

estimée.  Dans  tous  les  articles  étrangers,  il  y  a  quelques  mau- 
vais coups  de  navette,  j'allais  dire  quelques  fausses  notes  qui 
sauteîit  à  rœil,  qu'on  me  permette  l'expression.  Cette  diffé- 
rence entre  les  façonnés  tailles-douces  se  maintient  en  notre 
faveur,  pour  tous  les  articles  de  haute  nouveauté  de  Lyon  ; 
nous  pourrions  en  fournir  mille  exemples.  Peut-être  cela  n'est- 
il  pas  aussi  exactement  vrai  pour  la  rubannerie  de  Saint- 
Étienne  qui  trouve  une  sérieuse  concurrence  dans  les  articles 
similaires  de  Coventry  et  surtout  de  la  Suisse.  La  communi- 
cation rapide  de  nos  dessins  à  l'étranger,  peut  avoir  plus  d'in- 
fluence dans  cette  spécialité  que  dans  les  grands  articles  de 
haute  nouveauté,  les  moyens  mécaniques  de  la  rubannerie 
étant  assez  limités  et  généralement  les  mêmes.  Mais  il  n'en 
est  plus  ainsi  dans  l'industrie  lyonnaise  ;  ce  n'est  pas  seule- 
ment le  dessin  qui  fait  son  succès,  mais  aussi  les  connaissances 
variées  et  profondes  que  possède  le  personnel  de  cette  place 
dans  l'art  du  montage,  lui  permettent-elles  souvent  d'attein- 
dre les  effets  les  plus  inattendus  et  les  plus  admirables  de  la 
manière  la  plus  économique  :  le  dessin,  c'est  la  composition  ; 
le  montage,  c'est  l'exécution.  On  joue  la  musique  de  Bethoven 
partout  ;  certains  orchestres  privilégiés  peuvent  seuls  en  rendre 
toute  la  beauté;  nos  dessins  sont  copiés  au  dehors,  mais  avec 
l'accent  étranger  du  pays  qui  les  reproduit.  Et  cette  repro- 
duction est  peut-être  un  mal  moindre  qu'on  ne  le  suppose. 
Nos  concurrentes  s  habitueront  à  nous  suivre,  et  la  France 
deviendra  pour  les  industries  de  luxe  le  laboratoire  et  l'atelier 
d'échantillons  du  monde  entier. 

Nous  n'avons  qu'elfleuré  rapidement  notre  sujet,  et  déjà 
nous  avons  dépassé  le  cadre  qui  nous  est  tracé.  Nous  ne  sau- 
rions nous  arrêter  cependant  sans  payer  notre  humble  tribut 
aux  hommes  auxquels  revient  la  plus  large  part  du  merveil- 
leux spectacle  que  nous  avons  sous  les  yeux.  A  vous  ,  pauvre 
Koy,  malheureux  Highs;  à  vous,  Samuel  Crompton  et  fortuné 
Arkriwgt,  glorieux  inventeurs  des  métiers  à  filer  le  coton!  A 
vous,  notre  illustre  Vaucanson,  qui ,  l'un  des  premiers,  avez 
compris  que  mettre  la  science  au  service  de  la  pratique,  c'é- 
tait lui  faire  remplir  le  rôle  que  la  Providence  lui  a  assigné, 
vous  ,  que  vos  jouets  d'enfants  ont  rendu  plus  célèbre  que  les 
véritables  et  solides  bienfaits  dont  vous  avez  doté  l'industrie! 
A  Diderot  et  à  d'Alembert ,  qui  commencèrent  à  donner  à  la 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  717 

technologie  une  large  place  dans  leur  encyclopédie  gigan- 
tesque 1  A  vous,  savanl  Duhamel  du  Monceau,  qui  n'avez  re- 
culé devant  aucune  recherche  pratique ,  pour  faire  comprendre 
les  secrets  des  arts  et  métiers  et  l'étroite  union  de  la  théorie 
et  de  la  pratique  !  A  Paulet,  l'obscur  et  consciencieux  artiste, 
qui  sut  manier  avec  la  même  supériorité  la  plume  et  la  na- 
vette !  Nous  n'oublierons  pas  Rolar.d  de  la  Platière,  à  qui  de 
laborieuses  recherches  auraient  du  valoir  la  popularité  qu'il 
n'acquit  que  par  un  peu  de  bruit  politique  et  par  sa  fm  funeste; 
ni  Levis,  qui  délivra  l'industrie  des  lainages  de  l'atrophiant 
travail  du  tondage  à  la  miiin;  ni  Gensoul,  qui  tira  un  parti 
tout  nouveau  de  la  vapeur,  dans  la  production  de  la  soie 
grége  ;  ni  de  Girard ,  inventeur  de  la  filature  mécanique  du 
lin ,  qui  revint  mourir  pauvre  dans  son  pays,  et  dont  le  cer- 
cueil n'a  pu  être  décoré  que  d'insignes  étrangers. 

Honneur  aussi  à  vous,  Jacquard,  dont  le  nom  seul  rappelle 
assez  les  services,  et  qui  fûtes  aussi  calme  devant  l'ingratitude, 
que  modeste  dans  la  gloire!  A  vous,  persévérant  et  ingé- 
nieux Oberkamplf,  véritable  père  de  notre  belle  industrie  des 
toiles  peintes  !  A  vous,  infatigable  Ternaux,  et  vous,  modestes 
pionniers  de  l'industrie,  Declanlieux  et  Laurent,  à  qui  le  tra- 
vail des  laines  peignées  doit  des  améliorations  qui  sont  de 
véritables  découvertes!  A  vous,  Josué  Heilmann  et  Peckeur, 
qui  avez  rendu  le  monde  industriel  tributaire  de  vos  in- 
ventions ,  que  l'Exposition  du  jour  peut  citer  au  nombre  de 
ses  œuvres  les  plus  remarqualDles  !  A  vous,  Bonjean,  qui  par 
vos  créations  avez  fait  entrer  l'industrie  des  draps  dans  une 
phase  nouvelle!  A  vous,  Eck,  dont  la  vie  s'est  éteinte  dans  la 
gêne,  et  à  qui  l'industrie  des  châles  doit  ses  premiers  pro- 
grès importants  1  A  vous  surtout,  grand  inventeur  de  la  ma- 
chine à  vapeur,  qui  animez  toutes  ces  créations!  Avons  tous, 
hommes  de  génie,  appréciés  ou  méconnus  pendant  votre  vie, 
à  vous  une  large  part  de  gloire  dans  l'Exposition  de  1855. 

En  nous  interdisant  de  citer  les  savants,  les  industriels  et 
les  inventeurs  qui  continuent  si  glorieusement  les  travaux  de 
leurs  devanciers  ,  et  dont  les  œuvres  brillent  de  tant  d'éclat 
dans  les  galeries  des  Champs-Elysées,  nous  avons  obéi  à  un 
devoir.  L'un  des  juges  des  grandes  assises  industrielles  qui 
sont  ouvertes,  nous  ne  pouvions  faire  connaître  à  l'avance 
une  opinion ,  qui  ne  pourra  acquérir  un  peu  de  valeur  que 


7JS  VISITE 

lorsqu'elle  sera  partagée  par  nos  honorables  collègues  de 
toutes  les  nations.  Nous  aurions  eu  tant  à  louer,  que  notre 
silence  nous  a  été  pénible;  il  ne  nous  a  fallu  rien  moins 
pour  nous  dédommager  de  cette  réserve  nécessaire,  que  l'idée 
de  l'accomplissement  d'un  devoir,  et  la  pensée  que  bientôt 
le  jugement  officiel  viendra  confirmer  celui  de  l'opinion  pu- 
blique,  dont  la  voix  moins  discrète  a  déjà  signalé  un  grand 
nombre  des  plus  méritants. 


CLASSE  XXIY. 

Industries  concernant  l'ameublement  et  la  décoration. 

C'est  un  fait  incontestable  que  l'ébénisterie  est  en  progrès 
depuis  quinze  ans.  On  recherche  soigneusement  les  styles, 
on  étudie  les  formes,  on  raffine  sur  les  ornements,  un  peu 
trop  peut-être;  les  intérieurs  sont  finis  à  l'égal  du  dehors  et 
»îhaque  chose  arrive  à  sa  place  avec  une  précision  merveil- 
leuse. 

Cette  justice  rendue  aux  habiles  ouvriers  de  notre  époque  , 
entrons  en  matière  par  quelques  considérations  générales 
sur  l'art  dont  nous  allons  nous  occuper.  L'ébénisterie  n'a 
guère  commencé  à  fleurir  que  dans  la  période  gothique;  jus- 
que-là et  même  alors  ,  la  corporation  des  menuisiers  connais- 
sait peu  la  science  des  assemblages,  qui  ne  s'opéraient  qu'au 
moyen  de  goujons  en  fer;  c'est  au  xv^  siècle  seulement 
qu'on  commença  à  faire  les  joints  à  la  colle  et  à  découper  le 
bois  pour  les  bancs ,  les  huches ,  les  armoires  et  les  esca- 
belles  qui  composaient  tout  le  mobilier  des  maisons  de  nos 
pères.  Pendant  la  Renaissance ,  l'ébénisterie  prit  un  grand 
essor,  la  sculpture  sur  bois  sortit  de  ses  langes  et  produisit 
les  inimitables  chefs-d'œuvre  de  Jean  Goujon  et  de  Germain 
Pilon  ,  dont  nous  admirons  encore  les  précieux  échantillons 
au  Louvre  et  au  musée  de  l'hôtel  de  Cluny. 

Sous  Louis  XIII,  le  meuble  devint  lourd  et  triste;  mais 
sous  Louis  XIV,  il  regagna  en  richesse  ce  qu'il  avait  perdu 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  719 

en  légèreté  ;  c'est  alors  qu'on  employa  sérieusemeut  l'alliance 
du  bronze  avec  le  bois,  et  que  Boule  produisit  ses  belles  in- 
crustations de  cuivre  et  d'écaillé,  auxquelles  il  a  laissé  son  nom. 

Sous  Louis  XV  on  abandonna  le  style  sérieux  pour  ce 
qu'on  appela  depuis  le  Kococo.  Aux  jambes  droites  succé- 
dèrent les  pieds  contournés ,  et  l'on  commença  à  employer 
le  bois  de  rose,  dont  l'aspect  galant  était  plus  en  rapport 
avec  la  coquetterie  et  le  maniéré  de  cette  époque.  Enfin , 
sous  Louis  XVI  vint  Riesner  avec  ses  bonheurs  du  jour  en 
marqueterie,  garnis  des  cuivres  merveilleux  ciselés  par  Gou- 
tière.  On  sculpta,  on  dora  des  fauteuils  avec  une  patience 
qu'on  y  a  mise  rarement  depuis  :  orfèvrerie  délicieuse  qui 
atteste  l'habileté  des  coupeurs  de  bois  d'alors  ;  sièges  char- 
mants ,  dont  les  médaillons  délicats  étaient  montés  avec  les 
bergeries  de  Beauvais,  avec  les  damas  et  les  brocatelles  de 
Lyon  ;  ameublements  de  grands  seigneurs  pour  lesquels  le 
prix  n'était  point  considéré,  à  la  condition  que  rien  n'y  se- 
rait épargné. 

Après  avoir  brillé  de  tout  cet  éclat  pendant  plus  de  quatre 
siècles,  l'ébénisterie  était  tombée  sous  la  République,  sous 
l'Empire  et  sous  la  Restauration,  dans  une  voie  de  décadence 
et  de  roideur  déplorable.  Le  goût  de  cette  époque ,  si  l'on 
peut  donner  le  nom  de  goût  à  une  chose  qui  en  était  la  né- 
gation, n'offrait  partout  que  lignes  plates  et  heurtées  ;  le  style 
des  ornements  avait  la  prétention  de  rappeler  l'art  grec  et 
romain ,  il  n'en  était  que  la  caricature.  Cette  erreur,  il  faut 
l'avouer,  était  celle  d'un  grand  artiste,  David,  qui  entraînait 
après  lui,  et  par  le  prestige  de  son  talent,  l'opinion  géné- 
rale qui,  sous  le  nom  de  mode,  a  tant  de  pouvoir  sur  l'es- 
prit français.  Tout  en  y  sacrifiant  beaucoup  trop  encore  , 
Jacob  fut  le  premier  qui  ramena  l'art  de  l'ébénisterie  à  des 
règles  plus  sages,  et,  sous  ce  point  de  vue  seul,  il  a  déjà 
rendu  grand  service  aux  ouvriers  de  notre  temps.  Que  de 
délicieuses  fantaisies  ont  péri  alors ,  perdues  dans  nos  gre- 
niers jusqu'au  jour  où  quelques  amateurs  éclairés  sont  venus 
en  sauver  les  restes  en  donnant  naissance  à  la  passion  du 
bric-à-brac ,  passion  aveugle  comme  toutes  les  passions ,  et 
dont  plus  tard  on  a  beaucoup  trop  abusé.  Quoi  qu'il  en  soit^ 
elle  a  provoqué  des  études  sérieuses  et  formé  quelques  artis- 
tes habiles. 


720  VISITE 

Dans  les  ameublements,  ce  qu'on  doit  rechercher  surtout, 
c'est  une  sage  combinaison  de  la  forme  et  des  ornements 
avec  le  fini  du  travail.  Mieux  vaut  un  meuble  simple ,  aux 
lignes  correctes,  d'un  usage  facile,  et  répondant  bien  à  nos 
besoins,  que  ces  tours  de  force  obtenus  à  grands  frais  ,  pres- 
que toujours  aux  dépens  de  la  commodité  et  du  bon  goût. 

Pourquoi  ces  lits  anguleux,  qui  font  craindre  de  se  blesser 
en  sy  heurtant;  ces  sièges  surchargés  de  cuivres,  qui  ac- 
crochent toujours  après  eux  quelques  dentelles  de  nos  vête- 
ments? L'extravagance  des  formes,  la  confusion  des  orne- 
ments, voilà  deux  fautes  dans  lesquelles  tombent  trop  sou- 
vent nos  fabricants  dans  les  expositions  ,  pour  produire  des 
meubles  que  je  pourrais  appeler  de  circonstance  et  qui  trou- 
vent difficilement  une  application  dans  nos  maisons  à  six 
étages. 

Les  ressources  de  l'ébéniste  sont  très-variées,  il  les  tire  de 
l'emploi  du  bois  massif,  du  placage,  de  l'incrustation,  de  la 
marqueterie,  de  la  dorure  sur  apprêts,  de  la  sculpture  du 
bois  et  de  l'application  des  bronzes. 

Ébénisterie  française. 

La  France  marche  pour  ainsi  dire  sans  rivale  dans  cette 
industrie  ,  comme  dans  toutes  celles  où  le  goût  est  souverain. 
Nos  ouvriers  sont  des  artistes  ,  et  les  étrangers  leur  rendent 
hommage  en  nous  les  enlevant,  comme  le  fait  l'Angleterre, 
ou  en  se  disputant  leurs  produits.  Les  meubles  exposés  cette 
année  dans  le  Panorama ,  dans  la  galerie  qui  y  conduit  et 
dans  une  petite  salle  attenant  à  l'exposition  des  États-Unis, 
nous  donneraient  suffisamment  raison ,  si  cette  assertion 
avait  besoin  d  une  preuve  nouvelle. 

Tous  les  fabricants  ont  fait  eff'ortpour  répondre  dignement 
à  l'appel  de  ce  grand  concours ,  et  cet  effort  a  été  suivi  d'un 
brillant  succès.  Pour  être  arrivé  tard,  il  n'a  rien  perdu  de 
son  éclat,  malgré  tout  ce  qu'en  ont  pu  dire  les  impatients. 

En  tête  de  la  partie  réservée  aux  meubles  dans  le  Pano- 
rama ,  se  trouvent  les  frères  Grohé ,  ces  vétérans  de  nos  ex- 
positions nationales;  ils  n'avaient  pas  figuré  à  Londres  en 
1851,  mais  ils  ont  compris  que  les  récompenses  tant  de  fois 
obtenues;  médailles  et  croix,   leur  imposaient  un  devoir  à 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  721 

remplir.  Leurs  travaux  se  font  remarquer,  comme  toujours , 
par  la  simplicité  et  le  bon  goût,  la  netteté  et  la  précision; 
chacun  des  meubles  qu'ils  ont  exposés  peut  trouver  place 
dans  nos  salons  ,  leurs  dimensions  répondent  à  nos  usages  , 
la  commodité  n'y  est  pas  sacrifiée  à  l'exagération  du  luxe. 

Tels  sont  un  bureau  de  dame  en  ébène  ,  à  deux  corps,  sans 
cuivres,  avec  quelques  incrustations  de  pierres  dures  et  de 
lapis  d'un  style  pur  et  sévère.  Un  meuble  d'appui  pour  salon 
en  bois  de  rose  et  d'amaranthe,  sans  incrustations  ni  mar- 
queterie, mais  avec  des  bronzes  ciselés,  comme  on  n'en  cisefle 
plus  guère  aujourd'hui  ;  les  deux  portes  sont  garnies  de  mé- 
daillons d'attributs. 

Deux  trépieds  où  l'ébénisterie,  à  vrai  dire,  n'est  qu'un 
prétexte  pour  mettre  en  œuvre  des  bronzes  d'une  disposition 
heureuse.  Ces  trépieds  peuvent  à  volonlé  servir  de  jardinières 
et  de  piédestaux ,  également  convenables  pour  recevoir  des 
vases  ou  des  statues,  A  l'un  des  angles  de  leur  exposition,  ils 
ont  suspendu  un  lustre  dont  les  ornements  sculptés  sont  d'un 
fini  charmant  et  d'une  touche  délicieuse,  puis  uneglace  en  ébène 
avec  des  incrustations  de  marbre.  Ils  ont  d'autres  meubles 
encore,  je  ne  puis  les  signaler  tous,  mais  je  ne  terminerai  pas 
sans  parler  d'un  bijou  ,  une  jardinière  en  bois  d'amourette , 
avec  encadrement  en  ébène  et  incrustation  de  lapis,  vraiment 
digne  de  figurer  chez  l'amateur  le  plus  difficile;  ce  charmant 
petit  meuble  est  garni  de  bronzes  d'une  délicatesse  et  d'un 
goût  délicieux. 

Puisque  nous  parlons  de  bronzes  et  de  goût,  c'est  l'occasion 
de  citer  Barbedienne;  nous  nous  sommes  occupés  ailleurs  de 
ses  réductions  de  l'antique  et  de  la  manière  remarquable  qu'il 
apporte  à  les  mettre  en  œuvre;  nous  n'appellerons  l'attention 
ici  que  sur  les  deux  meubles  qu'il  a  exposés  à  la  porte  du  pa- 
norama :  l'un  est  une  bibliothèque  en  poirier  noirci  et  à  deux 
corps ,  qu'on  a  déjà  admirée  à  Londres  où  elle  a  valu  à  son 
auteur  une  des  deux  grandes  médailles  qu'il  a  obtenues. 

L'aua-e  est  un  meuble  en  noyer,  parfaitement  sculpté,  dans 
le  style  de  la  Renaissance  ;  il  ne  le  cède  en  rien  à  son  aîné 
pour  la  pureté  du  dessin  et  la  netteté  du  travail  ;  on  y  re- 
marque le  même  goût  dans  le  choix  et  l'agencement  des 
bronzes;  ce  meuble  est  destiné  à  renfermer  des  objets  de 
curiosité,  et  il  est  parfaitement  disposé  pour  cet  usage;  le 
206  ^y, 


722  VISITE 

corps  du  bas  est  plein  ,  et  les  portes  sont  ornées  avec  les  ré- 
ductions des  célèbres  bas-reliefs  des  chanteurs  de'Lucca  délia 
Robbia,  de  Florence.  Le  corps  du  haut  est  composé  d'une  par- 
tie vitrée  au  milieu,  de  chaque  côté  de  laquelle  sont  les  deux 
esclaves  de  Michel-Ange  avec  deux  étagères;  au  centre  de  la 
tablette  et  en  avant,  une  pendule  en  bois,  qui  supporte 
deux  des  figures  à  demi  couchées  du  tombeau  des  Médicis, 
vient  relier  ensemble  les  deux  corps,  d'une  façon  très-heu- 
reuse. 

L'exécution  de  ces  deux  meubles  est  parfaite ,  et  l'on  ne 
saurait  trop  encourager  l'alliance  des  bronzes  d'art  ainsi  dis- 
posés avec  les  pièces  d'ébénisterie. 

Fourdinois  se  trouve  adosse  à  Grohé  ;  il  nous  promet  pour 
le  commencement  d'août  une  cheminée  en  bois  sculpté,  mo- 
numentale; en  attendant  la  grande  pièce,  il  nous  a  donné, 
pour  amuser  notre  curiosité ,  une  table  de  trictrac  en  marque- 
terie, une  encoignure  et  une  bibliothèque  en  poirier  noirci , 
d'un  beau  profil  grec;  elle  est  ornée  d'émaux  en  grisaille  et 
garnie  de  filets  en  acier;  ce  meuble  est  remarquable  par  la 
sobriété  de  sa  décoration,  qui  consiste  en  quelques  ornements 
gravés  avec  soin. 

En  face ,  sur  le  côté,  Fossey,  qui  fait  par  lui-même  ses  des- 
sins, son  ébénisterie  et  sa  sculpture,  a  exposé  une  armoire 
de  chasse,  à  trois  parties  saillantes  sur  les  côtés  pour  y  serrer 
les  armes,  et  une  rentrante  dans  le  milieu,  avec  une  panoplie 
formant  médaillon,  que  soutiennent  deux  figures  sculptées, 
d'une  bonne  exécution  comme  tout  l'ensemble;  quelques  in- 
crustations de  marbre  vert  viennent  réveiller  le  ton  uniforme 
du  bois.  A  part  un  peu  de  lourdeur  dans  le  chapiteau,  c'est 
un  travail  remarquable  et  qui  fait  honneur  à  l'artiste. 

Il  a  encore  exposé  dans  le  panorama  une  toilette  en  bois 
sculpté  et  doré,  5vec  trois  plaques  en  porcelaine  de  Sèvres  et 
un  petit  médaillon  portant  le  chiffre  de  l'Impératrice. 

Cette  toilette,  de  style  Louis  XIV,  est  d'une  exécution  et  d'un 
goût  exquis.  Le  mouvement  des  deux  cariatides  qui  soutien- 
nent la  tablette  est  des  plus  gracieux. 

A  la  suite  du  grand  meuble  de  Fossey  vient  celui  de  Mey- 
nard  ;  quoique  moins  orné  que  le  premier,  sa  composition  ne 
lui  cède  en  rien  :  c'est  un  bureau-bibliothèque  en  noyer  avec 
filets  d'ébène  ;  le  corps  du  bas  renferme  une  caisse,  des  tiroirs 


I 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  l^S 

et  deux  médailliers;  le  corps  du  haut,  une  bibliothèque  sépa- 
rée de  deux  étagères  par  des  colonnes  sur  lesquelles  s'enrou- 
lent des  lierres. 

Meynard  est  un  de  nos  bons  fabricants,  et,  comme  l'on  dit 
en  langage  du  métier,  tout  ce  qui  sort  de  ses  ateliers  est  par- 
faitement établi. 

Avec  Fossey  et  Meynard  est  disposée  une  série  de  meubles 
montmientaux  ayant  tous  de  quatre  mètres  et  demi  à  cinq 
mètres  de  hauteur,  tous  habilement  sculptés,  bien  compris  et 
bien  dessinés,  donnant  la  mesure  de  ce  que  peuvent  produire 
nos  ateliers  et  des  ressources  de  nos  ouvriers  ;  il  serait  bien 
long  de  les  décrire  tous  ;  nous  nous  contenterons  de  les  in- 
diquer, 

Cliaix,  qui,  à  côté  de  son  grand  meuble,  a  une  bibliothèque- 
étagère  d'une  assez  jolie  forme,  en  ébène  et  en  bois  noir  garni 
de  cuivre;  Weiber-Piletti ,  Klein  ,  Beaufils  de  Bordeaux  ei 
aussi  Ribaillier  [Pierre),  qui  a  le  buffet  le  plus  colossal  de  l'Ex- 
position, avec  quatre  figures  étourdissantes  de  sculpture, 
symbolisant  les  quatre  parties  du  monde.  Je  dis  Pierre  ,  car 
cette  famille  des  Ribaillier  est  féconde  en  bons  ouvriers  ébé- 
nistes, comme  nous  pourrons  le  faire  observer  plus  loin. 

Sicard  ,  de  Lyon ,  a  exposé  un  petit  meuble  en  ébène  avec 
quelques  sculptures  ;  c'est  un  mélange  assez  adroit  de  sacré 
et  de  profane  ;  la  religion  et  la  coquetterie  y  trouvent  chacune 
leur  compte.  Si  vous  êt.es  d'humeur  dévote,  vous  développez 
le  panneau  du  haut  qui  présente  dans  son  encadrement  un 
•Christ,  puis  vous  tirez  un  prie-Dieu  de  la  partie  basse  avec  un 
coussin  et  tous  ses  accessoires.  Si,  au  contraire,  votre  esprit 
est  dans  des  dispositions  mond^iines,  vous  faites  rentrer,  par 
le  moyen  d'un  mécanisme,  le  Christ  à  l'intérieur  et  le  revers 
vous  présente  un  miroir.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  joli  dans  ce 
petit  meuble,  c'est  un  bureau  en  écaille  garni  d'argent,  que 
vous  trouverez,  mesdames,  tout  à  fait  galant. 

La  province  compte  donc  aussi  quelques  bons  ouvriers 
parmi  lesquels  nous  citerons  Beaufils,  de  Bordeaux  ,  et  Dau- 
bet  et  Dumarest,  de  Lyon. 

Le  premier  fait  un  commerce  considérable  d'exportation 
avec  l'Amérique;  ses  produits  sont  en  général  simples  et 
d'une  bonne  confection  ;  il  les  livre  à  des  prix  assez  modérés. 
Les  lits  à  baldaquins  me  paraissent  tout  à  fait  à  la  mode  cette 


724  VISITE 

année  ;  sur  sept  ou  huit,  à  peine  compte-t-on  à  l'Expositiort 
un  lit  ordinaire;  les  mieux  traités  sont  ceux  de  Maire,  deSut- 
ter,  de  Semey  et  de  Gélot;  ils  sont  en  bois  de  rose  et  palis- 
sandre, en  bois  noir  sculpté  et  en  palissandre  orné  de  médail- 
lons en  cuivre. 

Parmi  les  meubles  simples,  il  faut  remarquer  ceux  d'Albert 
Eoussel;  un  petit  buffet-dressoir  de  salle  à  manger,  en  noyer, 
dont  quelques  panneaux  sont  très-finement  gravés;  l'ensemble 
est  sobre  de  sculpture,  mais  le  peu  qu'il  y  en  a  est  bien  exé- 
cuté; une  armoire  à  glace,  en  palissandre,  avec  bois  de  citron 
à  l'intérieur. 

Salomon  a  un  bureau  à  quatre  faces,  en  noyer,  avec  filets 
en  poirier  noirci  qui  eût  été  charmant  si  l'on  eût  oublié  d'y 
mettre  des  sculptures. 

Diehl  est  un  ouvrier  très-ingénieux  ;  sa  psyché  mécanique 
mérite  l'attention  des  dames,  qui  peuvent  avec  son  secours 
embrasser  d'un  coup  d'oeil  tout  l'ensemble  de  leur  toilette.  Il 
expose  encore  une  table  en  marqueterie,  qui  se  développe  et 
peut  former  étagère  à  trois  planches. 

Roudillon  est  tout  nouveau  dans  la  fabrication  ;  il  succède 
à  une  maison  (Ringuet-Leprince)  qui  l'oblige  à  de  grands  ef- 
forts s'il  veut  maintenir  sa  réputation;  il  semble  du  reste  en- 
trer complètement  dans  cette  voie  ,  et  il  débute  par  une  che- 
minée très-remarquable  en  chêne,  dans  le  style  Louis  XIV,  et 
qui  doit  faire  partie  d'une  décoration  complète  de  salon , 
comme  l'indiquent  deux  panneaux  qui  l'accompagnent  et 
qui  sont  destinés  à  recevoir  des  tapisseries  ;  la  sculpture 
de  cette  cheminée  est  une  des  plus  soignées  de  l'Exposition  , 
et,  dans  le  cartouche  de  la  pendule  qui  forme  le  centre  de 
l'ornementation,  on  a  mis  un  magnifique  cadran  en  émail,  de 
Sèvres.  On  n'a  que  des  éloges  à  donner  pour  le  dessin  et 
l'exécution  de  ce  travail  dans  son  ensemble  et  dans  ses 
détails. 

A  côté  se  trouvent  d'autres  meubles  de  sa  fabrication  ordi- 
naire, qui  contribuent  à  lui  donner  une  place  distinguée  parmi 
ses  confrères;  je  citerai  particulièrement  une  commode  en  bois 
de  rose  et  palissandre  avec  moulures  dorées  unies,  style 
Louis  XVI,  qui  est  d'un  goût  exquis. 

Sauvrezy  est  un  de  ces  habiles  découpeurs  de  bois  dont 
nous  parlions  en  commençant  :  il  expose  une  console  assez 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  725 

fine  et  d'un  bon  style  Louis  XVI,  en  poirier,  sans  dorure 
et  sans  apprêt,  afin  qu'on  en  puisse  mieux  juger  le  travail; 
un  charmant  écran  taillé  dans  le  palissandre  massif  et  un 
grand  bureau  plat  en  chêne  blanc,  avec  des  moulures  en 
poirier  noirci ,  auquel  il  manque  fort  peu  de  chose  pour  être 
un  meuble  remarquable.  Les  traverses  et  les  pieds  en  sont 
lourds;  puis,  je  ne  sais  par  quelle  idée  de  mauvais  goût  il  y 
a  ajouté  des  pierres  fausses  qui  lui  donnent  un  air  de  clin- 
quant déplorable.  Est-il  donc  si  difficile  d'être  simple? 

Le  meilleur  fauteuil  de  l'Exposition  est,  sans  contredit,  dû 
au  ciseau  léger  des  ouvriers  de -Jeanselme  jeune;  il  n'y  a 
rien  à  y  reprendre  ;  le  style  Louis  XVI  en  est  pur  et  le  tra- 
vail excellent. 

Une  innovation  très-ingénieuse  a  été  apportée  par  Rivart 
dans  l'incrustation  des  meubles  :  elle  consiste  dans  l'appli- 
cation de  porcelaines  peintes  et  découpées  qui  forment  ainsi 
des  tableaux  de  fleurs  et  qui  remplacent  avec  avantage,  dans 
certains  cas,  la  mosaïque  ordinaire  de  bois,  en  permettant 
de  confier  à  des  artistes  distingués  la  décoration  des  meubles. 

L'association  des  ébénistes  a  survécu  à  tous  les  essais  qui 
ont  été  faits  en  ce  g^nre  :  son  succès  offre  un  exemple  qui 
donne  la  mesure  de  ce  que  peut  produire  ce  principe  bien 
■dirigé,  dans  les  mains  d'ouvriers  honnêtes  et  laborieux. 
Elle  se  divise  en  deux  associations  distinctes  :  celle  des  ou- 
vriers ébénistes  en  sièges  et  celle  des  ouvriers  ébénistes  en 
meubles.  Ces  derniers  ont  exposé  cette  année  une  biblio- 
thèque-étagère, à  deux  corps,  en  palissandre.  C'est  un 
meuble  dans  de  bonnes  et  sages  proportions,  d'une  sculpture 
soignée  et  d'un  travail  d'assemblage  sans  défaut,  comme  ils 
ont  l'habitude  d'en  composer;  il  faut  leur  savoir  gré  d'avoir 
su  résister  à  l'entraînement  qui  a  poussé  un  grand  nombre 
.de  leurs  confrères  vers  l'exagération  dans  la  sculpture. 

Lemoine  a  succédé  à  la  maison  Marchand  ,  excellent  fabri- 
cant, dont  il  a  conservé  les  traditions.  Son  meuble  d'appui 
pour  salon,  en  bois  de  rose  avec  incrustation  d'étain  gravé  , 
est  une  charmante  chose  qui  mérite  qu'on  s'y  arrête  et  qu'on 
en  examine  les  détails.  Est-ce  bien  le  même  fabricant  qui  a 
composé  et  dessiné  cette  armoire  à  glace ,  prétendue  gothi- 
que, en  bois  noir?  Oui;  mais  conseillons-lui  de  s'abstenir  de 
j)areilles  erreurs  à  l'avenir.  Parmi  toutes  ces  sculptures  qui 


726  VISITE 

foisonnent  il  faut  certainement  distinguer  celles  da  meuble 
de  Ribaillier  et  Mazaroz  ,  à  cause  du  fini  de  l'exécution  ;  c'est 
un  des  meilleurs  ouvrages  produits  par  l'ébénisterie  fran- 
çaise :  il  a  mêlé  dans  la  frise  et  dans  les  panneaux  des  pein- 
tures sur  or  d'un  effet  discutable,  mais  que,  pour  notre 
compte,  nous  ne  saurions  blâmer. 

Dagrin  et  Philippe  ont  exposé ,  au  milieu  de  fauteuils  au 
moins  bizarres,  un  beau  meuble  de  chambre  à  coucher  en 
incrustation  de  Boule;  le  lit  est,  avec  celui  de  Roll,  le  plus 
soigné  comme  travail  et  comme  goût. 

Citons  encore  deux  meubles  qui  se  trouvent  dans  la  salle 
des  nécessaires  :  celui  de  Viardot,  en  noyer,  dont  les  sculp- 
tures délicates  s'appliquent  si  bien  aux  petits  objets  de  fan- 
taisie qui  l'accompagnent,  et  celui  de  Dupont,  un  des  plus 
remarquables  que  nous  ayons  vus  dans  notre  longue  et  inté- 
ressante promenade.  C'est  un  bureau  à  cylindre,  dans  le 
style  Louis  XVI,  couvert  de  cuivres  ciselés  avec  une  finesse 
tout  exceptionnelle  et  avec  une  profusion  étourdissante;  il  y 
en  a  devant,  derrière  et  sur  les  côtés  :  l'intérieur  est  aussi 
d'un  goût  très-pur.  Toutefois,  disons-le,  nous  mentionnons 
ici  l'objet  et  non  le  fabricant,  car  Dupont  n'est  pas  ébéniste, 
c'est  un  monteur  en  bronzes  qui,  par  conséquent,  n'appar- 
tient pas  à  la  classe  que  nous  traitons  en  ce  moment, 

Krieger  est  depuis  longtemps  célèbre  pour  ses  meubles  à 
surprises  :  tantôt  c'est  un  fauteuil  qui  a  de  quoi  satisfaire 
tous  les  besoins  de  la  vie;  une  autre  fois  c'est  une  toilette  qui 
verse  l'eau  d'elle-même,  un  tableau  qui  contient  un  porte- 
manteau, que  sais-je  encore?  Cette  année  il  a  exposé  une 
armoire  à  glace  renfermant  un  lit  tout  monté,  avec  son  bal- 
daquin et  ses  rideaux.  Le  mécanisme  en  est  ingénieux  et 
facile  à  manœuvrer.  Il  n'y  a  plus  de  petits  appartements. 

Bouquet  a  triomphé,  je  crois,  des  difficultés  que  pré- 
sentaient jusqu'à  présent  les  tables-guéridons  comme  tables 
à  manger;  lorsqu'on  voulait  mettre  les  rallonges,  il  fallait 
toujours  se  donner  beaucoup  de  peine  et  les  pieds  supplé- 
mentaires étaient  incommodes  et  impossibles  à  cacher.  Au 
moyen  d'une  manivelle  tournante,  il  déploie  aisément  sa 
table,  et  les  pieds,  qui  sont  cachés  à  Tintérieur,  viennent 
d'eux-mêmes  s'abattre  à  la  place  qu'ils  doivent  occuper. 

Voici  encore  un  bureau  sortant,  rentrant,  s'allongeant ,. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  727 

contenant  caisse,  casier  à  cartons,  casier  à  registres,  biblio- 
thèque, tiroirs,  encriers,  tables  pour  quatre  personnes; 
César,  aidé  de  ses  trois  secrétaires,  y  aurait  facilement  pu 
faire  son  courrier.  Aujourd'hui  M.  Camus  (n°  7897),  son 
inventeur,  le  destine  aux  administrations,  aux  maisons  de 
commerce,  à  toute  personne  enfin  voulant  renfermer,  dans 
un  petit  espace,  un  grand  matériel  d'employés.  Point  de 
luxe,  point  d'ornements,  c'est  un  meuble  utile. 

Rossi  a  quelques  jolis  sièges  ;  ils  sont  rares  dans  l'Expo- 
sition. 

Kneib  a  apporté  une  bibliothèque-étagère  en  noyer,  bien 
et  simplement  traitée. 

Il  y  a  dans  le  passage  de  jonction  ,  entre  le  bâtiment  prin- 
cipal et  le  Panorama,  une  charmante  table -guéridon  appar- 
tenant à  Gros. 

La  marqueterie  se  fabrique  avec  les  bois  naturels  de  di- 
verses natures,  et  avec  les  bois  teints  en  grume  par  le  pro- 
cédé Boucherie. 

Cremer  a  fait  faire  de  grands  progrès  à  la  marqueterie; 
c'est  un  découpeur  des  plus  habiles,  à  la  scie  délicate  duquel 
sont  dus  la  plupart  des  meubles  de  ce  genre  qui  ont  été 
exposés  par  les  différents  fabricants.  Il  ne  fait  pas  du  tout 
l'ébénisterie,  il  découpe  seulement  les  bois  de  diverses  cou- 
leurs, les  assemble,  les  colle  et  en  compose  des  panneaux 
que  les  ébénistes  mettent  ensuite  en  œuvre.  Il  a  inventé 
aussi  un  nouveau  genre  de  plaques  imitant  le  travail  de 
Boule,  et  qui  peuvent  être  appliquées  à  toutes  sortes  de 
meubles,  en  permettant  de  les  donner  à  des  prix  beaucoup 
moindres  que  le  Boule  véritable.  Le  principe  de  cette  inven- 
tion est  dû  à  la  galvanoplastie,  qui  reproduit  exactement  une 
plaque  modèle,  en  cuivre,  dans  laquelle  on  a  pratiqué  des 
creux  que  l'on  remplit  ensuite  avec  une  pâte  destinée  à  rem- 
placer récaille,  qu'elle  imite  assez  exactement. 

Wasmus,  marqueteur  habile  aussi,  ne  travaille  que  d'a- 
près les  procédés  anciens ,  qui  consistaient  à  brûler  les  bois 
pour  leur  donner  différentes  teintes.  Il  a  exposé  dans  ce  genre 
une  commode  dans  le  passage  de  jonction  ;  cette  commode  est 
bien  faite. 

Les  laques,  que  les  Chinois  travaillent  avec  une  incon- 
testable supériorité ,  occupent  aussi  une  place  distinguée  dans 


728  VISITE 

l'industrie  française,  qui  en  trouve  le  principal  débouché 
dans  son  commerce  d'exportation;  l'Amérique  consomme  à 
elle  seule  plus  des  trois  quarts  de  la  fabrication. 

Cette  fabrication  consiste  dans  l'application  d'un  vernis 
copal  sur  du  bois  qu'on  a  soin  de  choisir  très-poreux  pour 
qu'il  s'imprègne  mieux  du  vernis,  et  alors  elle  prend  le  nom 
de  laque  proprement  dit,  ou  sur  une  pâte  pétrie  dans  des 
moules,  c'est  ce  qu'on  appelle  le  papier  mâché;  ce  dernier 
sert  particulièrement  à  la  composition  de  petits  meubles,  de 
boîtes,  de  coffrets  et  de  plateaux.  Le  beau  brillant  qui  les 
distingue  est  du  au  nombre  des  couches  de  vernis  qu'on  y 
applique  (les  plus  beaux  laques  n'ont  pas  moins  de  seize  à 
dix-huit  couches);  on  a  soin  de  les  faire  sécher  au  feu  après 
chaque  opération  de  vernissage,  on  les  décore  ensuite  avec 
de  la  peinture,  de  la  nacre,  et  surtout  de  la  dorure,  et  enfin 
on  leur  donne  le  poli  en  les  frottant  avec  la  main  jusqu'à  ce 
que  le  brillant  soit  parfait. 

L'Angleterre  a  joui  longtemps  d'une  réputation,  suivant 
nous  peu  méritée,  pour  son  papier  mâché,  dont  la  déco- 
ration est  toujours  lourde  et  d'un  goût  discutable. 

Osmont  a  exposé  des  pièces  très-remarquables  en  ce  genre, 
et  qu'on  ne  retrouve  nulle  part  dans  la  fabrication  euro- 
péenne. Son  paravent  est  comparable  aux  produits  chinois, 
dont  il  approche  et  qu'il  égale  presque;  son  meuble  de 
chambre  à  coucher  présentait  de  grandes  difficultés  à  cause 
des  nacres  qu'il  a  appliquées  sur  des  parties  courbes,  il  en  a 
très-heureusement  triomphé  ;enfin,  sa  peinture  est  bien  traitée. 

Parmi  ses  concurrents,  Ducoroy ,  Drugeon  et  Mainfroy  ont 
aussi  des  pièces  intéressantes,  et  le  dernier  mérite  une  men- 
tion pour  les  bas  prix  auxquels  il  peut  livrer  ses  produits. 

Cosson  a  envoyé  un  très-beau  billard  en  marqueterie. 
Cette  marqueterie,  sortie  des  ateliers  de  Cremer,  est  tout 
à  fait  digne  de  la  réputation  de  son  auteur. 

Bouhardet  expose  aussi  deux  beaux  billards ,  et  de  plus  il 
présente  un  nouveau  système  de  bandes  formées  de  lames  de 
bois  reliées  ensemble  par  une  baleine,  de  manière  à  les 
rendre  solidaires,  l'une  et  l'autre,  dans  l'effet  qu'elles  im- 
priment à  la  bille.  C'est  aux  professeurs  à  juger  de  la  justesse 
de  cette  invention  que  nous  nous  contenterons  de  signaler 
sans  l'apprécier. 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  729 

Après  les  billards  de  luxe,  citons  aussi  celui  de  Godin,  en 
chêne  très-simple,  et  qui  pour  cela  mérite  d'être  distingué. 

Les  bois  de  nos  possessions  d'Afrique  sont  venus  apporter 
à  l'industrie  un  nouvel  élément  que  nos  ébénistes  ne  manque- 
ront pas  de  mettre  à  profit  dans  l'avenir.  Les  essais  tentés 
cette  année  sont  très-heureux,  et  l'intéressante  collection 
exposée  dans  la  galerie  du  quai  par  les  soins  du  ministère  de 
la  guerre  donne  une  idée  du  parti  qu'on  peut  tirer  du  thuya , 
de  l'olivier  et  du  houx  d'Afrique. 

Jusqu'ici,  excepté  pour  le  noyer  et  le  chêne,  nous  étions 
tributaires  de  l'Amérique  pour  toutes  les  matières  pre- 
mières destinées  au  placage,  dont  l'usage  remonte  à  la  fin  du 
xvn'  siècle.  Espérons  que  les  trois  bois  que  je  viens  de  citer 
pourront  remplacer,  dans  beaucoup  de  cas,  l'acajou,  le  palis- 
sandre, le  bois  de  rose  et  l'ébène,  dont  on  s'est  presque 
exclusivement  servi  jusqu'à  ce  jour. 

Hoeffer  a  su  très-habilement  marier  ces  bois  dans  les 
meubles,  par  lui  envoyés  au  Panorama,  et  dans  l'exposition 
de  l'Algérie. 

Le  domaine  du  tapissier  s'étend  jusque  dans  les  coins  les 
plus  obscurs  de  nos  appartements;  la  garniture  des  sièges, 
des  rideaux  et  des  portières,  avec  ses  galons  d'or  et  de  soie, 
tout  cela  est  de  son  ressort. 

Le  goiit  est  le  principe  sur  lequel  repose  tout  entier  l'art  du 
tapissier;  c'est  assez  vous  dire  que  cette  industrie  est  essen- 
tiellement française.  Où  trouver  ailleurs  la  charmante  déco- 
ration composée  par  Deville  :  draperie  et  choix  des  étoffes , 
arrangement  des  passementeries?  Où  jettera-t-on  avec  autant 
de  grâce  les  charmants  riens  avec  lesquels  Descartes  a  orné 
son  lit  et  le  plafond  de  son  exposition? 

Terminons  cette  longue  nomenclature  des  meubles  fran- 
çais en  appelant  l'attention  des  promeneurs  sur  les  meubles 
en  fer  de  Dupont,  de  Brag  ,  de  Huret  et  de  Tronchon. 

Mettre  de  l'élégance  dans  la  fabrication  des  lits  en  fer, 
c'était  difficile;  ils  y  ont  réussi  :  Dupont,  avec  son  grand  lit  à 
baldaquin ,  et  tous  trois  avec  leurs  barcelonnettes  garnies  qui 
feront  envie  à  toutes  les  mères. 


7:^0  VISITE 


Ébénistçrie  étrangère. 

L'ébénisterie  anglaise  a  généralement  un  aspect  qui  diffère 
entièrement  des  nôtres,  et  qui,  si  nous  en  jugeons  par  les  pro- 
duits exposés,  comporterait  difficilement  l'élégance.  Graham, 
de  Londres,  a  pourtant  exposé  dans  la  nef  un  magnifique 
meuble  en  ébénisterie  de  bois  de  rose ,  avec  quelques  parties 
de  marqueterie,  surmonté  d'une  glace  richement  entourée  d'un 
cadre  sculpté  et  doré.  Le  dessm  de  ce  meuble  est  dû  à  Eugène 
Brigneaux,  il  y  a  quelque  temps  dessinateur  de  la  maison 
Fourdinois,  et  maintenant  attaciié  à  celle  de  Graham  :  il  est 
du  plus  beau  style  Louis  XVI ,  délicat  et  ferme ,  comme  on 
savait  les  composer  à  cette  époque. 

L'ébénisterie,  qui  est  bien  traitée,  est  tout  entière  l'ouvrage 
des  ouvriers  anglais,  ainsi  que  la  dorure  du  cadre,  qui  est 
extrêmement  bien  faite  et  dont  le  ton  s'harmonise  admirable- 
ment avec  la  dorure  des  bronzps;  quant  à  la  ciselure,  elle 
sort  en  grande  partie  des  ateliers  français.  Quoi  qu'il  en  soit, 
ce  meuble  fait  le  plus  grand  honneur  à  l'intelligent  fabricant 
qui  l'a  fait  exécuter.  Nous  nous  permettrons  de  lui  adresser 
un  reproche  sur  le  choix  des  médaillons  de  porcelaine  ,  dont 
les  tons  sont  crus  et  dont  le  dessin  est  médiocre. 

Dans  cette  partie  de  l'exposition  anglaise  ,  qui  est  très- 
pauvre,  il  faut  l'avouer,  on  trouve  encore  un  cabinet  en  bois 
noir,  bien  exécuté  par  Rolland.  Il  a  eu  le  tort,  suivant  nous, 
de  faire  entrer  dans  son  ornementation  des  grisailles  qui 
s'accordent  mal  avec  le  genre  du  meuble. 

Hansen  ,  de  Copenhague,  a  envoyé  une  bibliothèque  en 
chêne  très-bien  travaillée,  dans  le  style  gothique. 

Les  chaires  hollandaises  dans  le  même  style,  qui  sont  expo- 
sées dans  la  nef,  sont  très-étudiées,  et  l'exécution  des  figures 
et  des  rinceaux  est  parfaite;  les  sculpteurs  qui  ont  apporté 
leur  talent  à  ces  deux  pièces  remarquables  ,  même  au  point 
de  vue  de  l'architecture  et  de  l'archéologie,  sont  d'habiles  ar- 
tistes; elles  figurent  au  catalogue  sous  les  noms  de  MM.  Cuy- 
pers  et  .Stoizemberg,  de  Ruremond,  et  de  Neneman,  de  Bois- 
le-Duc. 

Les  autres  pays  n'ont  rien  dans  cette  section  qui  mérite 
d'être  signalé.  L'Inde  qui,  si  souvent,  l'emporte  sur  des  pay& 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  731 

d'une  civilisation  plus  avancée,  est  restée  pour  la  sculpture  à 
l'état  sauvage;  mais  elle  rachète  ce  défaut  par  le  travail  déli- 
cat de  ses  mosaïques  d'ivoire  et  de  bois  que  personne  n'a  en- 
core pu  égaler ,  pas  même  Marcelin ,  qui  a  exposé  quelques 
jolis  échantillons  d'imitation  en  ce  genre  dans  l'exposition 
française,  qui  conduit  au  Panorama.  Plusieurs  de  ses  parquets 
sont  des  chefs-d'œuvre  de  dessin,  et  personne,  mieux  que  lui, 
ne  sait  combiner  les  lignes  et  marier  les  bois.  Ses  boiseries 
pour  l'intérieur  des  navires  et  des  bateaux  à  vapeur,  forment 
une  décoration  très-agréable,  et  tout  à  fait  applicable  à  l'u- 
sage auquel  elles  sont  destinées. 

Coffrets  et  nécessaires. 

L'industrie  des  coffrets,  où  la  fantaisie  règne  en  souveraine, 
est  essentiellement  une  industrie  parisienne;  le  goût  dirige 
leur  forme  et  préside  au  choix  des  bois  et  des  bronzes  qui  les 
composent. 

L'industrie  des  nécessaires  est  plus  particulièrement  d'ori- 
gine anglaise;  longtemps  Londres  n'eut  pas  de  rivaux  dan& 
cette  fabrication.  Aujourd'hui ,  Paris  lutte  avec  elle  et  lutte 
avec  avantage,  même  pour  tous  les  articles  de  maroquinerie. 
Aucoc  est ,  sans  contredit ,  le  premier  fabricant  d'orfèvrerie 
de  nécessaires  ;  le  fini  de  ses  pièces  comme  ciselure  et  comme 
guilloché  est  très-remarquable.  Est-il  rien  de  plus  riche,  de 
plus  délicat,  de  plus  gracieux  tout  à  la  fois,  que  son  néces- 
saire de  vermeil  avec  cette  charmante  guirlande  d'ors  de  diffé- 
rentes couleurs. 

Il  expose  encore  un  nécessaire  en  argent  guilloché,  dont  les 
flambeaux  sont  délicieux  ;  ils  représentent  un  pied  de  roseaux 
surmonté  d'un  nid  destiné  à  recevoir  la  bougie. 

Tahan  est  le  metteur  en  œuvre  de  tous  les  fabricants  réu- 
nis dans  cette  salle;  il  va  les  chercher  ailleurs  encore  ,  par- 
tout où  il  y  a  un  ouvrier  de  talent,  il  frappe  à  la  porte  et 
sait  se  faire  ouvrir.  Son  talent,  à  lui,  est  de  savoir  choisir,  de 
s'approprier  le  talent  des  autres,  de  le  diriger  et  de  le  faire 
servir  à  ses  affaires  sans  nuire  à  leur  intérêt ,  soit  qu'il  fasse 
des  commandes  d'après  ses  dessins,  soit  qu'il  leur  achète  leurs 
œuvres  déjà  faites. 

Aussi,  voyez;  son  exposition  embrasse  toutes  les  branches: 


732  VISITE 

nécessaires  garnis,  tables  à  ouvrage,  coffrets  de  toutes  sortes, 
jardinières,  caves  à  liqueurs,  cages,  prie-dieu,  buvards,  en- 
fin ,  les  mille  petits  riens  qui  ne  sont  quelque  chose  que  par 
le  goût  avec  lequel  ils  sont  traités,  il  butine  de  tous  côtés. 
D'ailleurs,  fabricant  lui-même,  il  a  des  ouvriers  qu'il  dirige  et 
qu'il  emploie  ,  des  ouvriers  habiles  qui  produisent  cette  belle 
bibliothèque  en  acajou,  avec  cuivres  dorés  si  riches  et  si  bien 
ciselés  :  c'est  du  Louis  XVI  d'une  exubérance  peut-être  re- 
grettable ;  tant  de  bronzes  donnent  de  la  lourdeur  à  ce  meu-. 
ble,  dont  toutes  les  parties  sont  soignées  jusque  dans  l'inté- 
rieur, qui  est  couvert  de  marqueterie. 

Giroux  est  le  seul  concurrent  sérieux  de  Tahan ,  c'est  le 
même  principe  étendu  aux  jouets  ,  aux  bronzes  et  aux  ta- 
bleaux. Sa  spécialité,  c'est  de  vendre  de  tout.  La  jardinière- 
cage  qu'il  expose  est  d'un  style  ravissant,  et  ses  proportions 
bien  combinées,  ses  bronzes  bien  disposés,  nous  la  font  préférer 
à  celle  de  Tahan  qui ,  du  reste  ,  est  plutôt  une  volière.  La 
sculpture  de  son  écran  doré  manque  de  légèreté,  la  peinture 
en  est  fine  et  bien  choisie;  une  belle  pièce  encore,  c'est  son 
jeu  d'échecs  en  argent. 

Puisque  nous  voici  dans  son  voisinage,  un  mot  sur  Jean- 
selme  aîné,  l'un  des  premiers  ébénistes  de  Paris.  Disons  que, 
quoique  belle ,  son  exposition  n'est  pas  à  la  hauteur  de  sa  ré- 
putation ;  très-certainement  il  fait  mieux  que  ne  promet  cet 
échantillon;  si  vous  voulez  vous  en  convaincre ,  visitez  ses 
ateliers,  et  vous  trouverez  dans  sa  fabrication  ordinaire  des 
pièces  moins  riches ,  mais  meilleures  que  celles  qu'il  a  dans 
la  nef. 

Cette  digression  achevée,  retournons  aux  nécessaires. 

Audot,  avec  des  nécessaires  dont  l'un  est  garni  en  vermeil 
emaillé  d'un  très-bon  goût,  expose  encore  des  petits  meubles 
de  dames  ;  l'un  d'eux  a  été  fait  avec  du  bois  de  thuya  :  c'est 
un  bureau  surmonté  d'un  cartel,  il  a  été  disposé  sur  tout  dans 
le  but  de  prouver  qu'avec  ce  bois  on  peut  vaincre  les  diffi- 
cultés du  placage  :  il  a  des  enroulements  bien  compris  et  bien 
exécutés. 

Pour  qu'un  nécessaire  soit  commode,  il  faut  qu'il  présente 
à  l'œil  et  d'un  seul  coup  tout  ce  qu'il  contient,  qu'on  puisse 
prendre  les  pièces  et  les  remettre  aisément  :  ceux  de  Sormani 
remplissent  parfaitement  ces  conditions,  et  méritent  pour  cette 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  733 

raison  qu'on  les  recommcinde  ;  il  en  est  de  même  de  ses  sacs 
de  voyage  qui  renferment  sous  un  petit  volume  tout  ce  dont 
on 'peut  avoir  besoin;  l'industrie  anglaise  elle-même  n'en 
offre  pas  de  mieux  disposés. 

Laurent  et  Leruth  sont,  de  tous  les  fabricants  de  coffrets, 
ceux  dont  l'ébénislerie  est  la  plus  soignée  ;  on  peut  donc  citer 
toutes  les  pièces  de  leur  exposition  si  variée  dans  ses  formes, 
comme  de  véritables  modèles  en  ce  genre. 

La  maison  de  Midoc  et  Gaillard  est  remarquable  pour  le 
soin  qu'elle  apporte  à  la  maroquinerie  ;  les  peaux  sont  bien 
choisies  et  bien  travaillées,  et  les.  consommateurs  qui  ne 
peuvent  atteindre  aux  nécessaires  en  ébénisterie,  dont  les 
prix  sont  toujours  assez  élevés ,  trouveront  dans  leurs  maga- 
sins de  quoi  satisfaire  tout  à  la  fois  leur  goût  et  leur  éco- 
nomie. Ils  ont  dans  leur  vitrine  un  nécessaire-pupitre  en  ma- 
roquin qui  répond  à  tous  les  besoins  du  voyage  ,  pour  la 
toilette  et  la  correspondance.  Jusqu'ici  l'Ecosse  seule  produi- 
sait cette  multitude  de  petits  objets  quadrillés  à  la  couleur  des 
différents  clans  :  Gênez  a  très-heureusement  imité  cette  fabri- 
cation ;  il  Ta  aussi  reproduite  sur  cuir  verni ,  ce  qui  permet 
de  rappliquer  à  des  objets  nouveaux,  tels  que  sacs  à  ouvrages, 
pantoufles,  etc.  Les  étuis  à  cigares,  les  porte-monnaie,  les 
portefeuilles,  nous  venaient ,  il  n'y  a  pas  bien  longtemps  en- 
core, de  l'Allemagne;  maintenant  nous  les  fournissons  à  l'Al- 
lemagne et  nous  les  répandons  dans  tout  le  monde,  grâce  aux 
améliorations  intelligentes,  nous  dirons  presque  aux  inven- 
tions que'Schlosse  y  a  introduites;  son  système  de  fermeture, 
pour  lequel  cette  maison  a  un  brevet ,  les  rend  commodes  et 
solides  à  la  fois.  Chacun  trouve  chez  ce  fabricant  quelque 
petit  objet  élégant  à  son  usage  :  dames,  voyageurs  et  fumeurs 
pourront  y  satisfaire  leurs  goûts  ,  leurs  fantaisies  et  leurs 
besoins.  Comme  nouveauté,  il  a  exposé  un  sac  de  nuit  renfer- 
mant une  table,  dont  l'usage  est  applicable  aux  chemins  de  fer. 

Coffrets  et  nécessaires  étrangers. 

L'Allemagne ,  qui  avait  autrefois  une  grande  réputation 
pour  sa  maroquinerie,  est  aujourd'hui  tout  à  fait  dépassée  par 
la  France  et  par  l'Angleterre ,  non  pas  qu'elle  ait  cessé  de 
bien  fabriquer  ;  elle  travaille  toujours  très-bien  le  cuir,  et  ses 


734  VISITE 

portefeuilles  unis  sont  encore  parfaits,  comme  nous  le  voyons 
chez  Klein ,  de  Vienne,  et  chez  Couda  Scheidet  et  Cie ,  de 
Francfort;  mais  ses  deux  rivales  ont  apporté  dans  la  confec- 
tion de  ces  objets,  comme  nous  le  disions  en  commençant  ce 
paragraphe  ,  des  perfectionnements  qui  les  rendent  plus 
appropriés  à  nos  usages.  Les  fabricants  anglais  de  cette  section 
ont  tous  exposé  des  sacs  ,  des  trousses  et  des  nécessaires 
portant  le  même  cachet  ;  il  ne  nous  a  pas  semblé  qu'il  y  ait 
chez  eux  rien  de  nouveau  ni  rien  de  bien  différent  dans  les 
formes.  Leuchars  nous  paraît  être  celui  qui  a  le  mieux  réussi 
dan»  l'exécution  ,  et  celui  dont  les  produits  sont  le  plus 
soignés. 

La  maison  Delarue  est  la  maison  la  plus  importante,  comme 
affaires  ,  de  tout  le  commerce  de  la  papeterie  de  luxe.  Nous 
avons  parlé  ailleurs  de  sa  machine  à  enveloppes ,  de  ses  pa- 
piers irisés  et  de  mille  détails  dans  lesquels  elle  excelle  : 
nous  y  ajouterons  ici  un  mot  relatif  à  sa  maroquinerie  de  bu- 
reau ;  elle  est  fort  soignée  comme  travail  du  cuir ,  et  en 
outre  comme  formes  et  comme  application  de  chacun  de  ces 
objets  à  l'usage,  il  n'y  a  que  des  éloges  à  donner  à  ces  in- 
dustriels. Le  travail  de  leurs  cartes  à  jouer,  dans  la  partie 
qui  remplace  nos  tarots,  est  fort  bien  traitée,  et  le  lissage  est 
si  parfait  qu'elles  se  salissent  très-difficilement  et  qu'elles 
supportent  même  un  lavage. 

L'Amérique  a  appliqué  l'usage  de  la  gutta-percha  et  du 
caoutchouc  durci  à  la  fabrication  des  meubles.  Jusqu'à  pré- 
sent rien  ne  semble  promettre  que  ce  soit  là  une  innovation 
heureuse;  cependant  il  ne  faut  pas  trop  se  hâter  de  la  con- 
damner, peut-être  que  des  ouvriers  habiles  pourront  en  tirer 
parti,  Ringuet-Leprince,  un  de  nos  bons  ébénistes  ,  a  vendu 
sa  maison  à  Paris  et  en  a  monté  une  à  Nevv-Yorck;  il  a  ap- 
porté ,  comme  échantillon  de  ses  produits  américains ,  un 
buffet  dune  belle  exécution,  qui  prouve  qu'une  bonne  di- 
rection dans  l'industrie  peut  produire  d'heureux  résultats. 

Papiers  peints. — C'est  une  erreur  de  demander  à  une  indus- 
trie plus  ou  autre  chose  que  ce  qu'elle  peut  donner;  faire 
des  tableaux  en  papier  peint,  c'est  un  tour  de  force  peut-être, 
mais  le  résultat  est  un  produit  qui  est  tout  à  la  fois  une  mau- 
vaise décoration  et  un  mauvais  tableau.  Jusqu'à  présent  on 
s'était  borné  à  faire  des  panneaux  de  fleurs  ;  cela  était  à  un 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  73o 

certain  point  tolérable.  Cette  année,  les  principales  maisons 
ont  exposé  des  scènes  à  personnages,  et  ont,  suivant  nous, 
avec  les  moyens  encore  incomplets  de  la  fabrication  des 
papiers  peints,  eu  tort,  non  pas  de  l'essayer,  mais  de  nous 
montrer  ces  essais  qui  sont  très-ctiers  et  n'ont  qu'un  effet 
médiocre.  Chercher  par  des  teintes  plates  à  rendre  les  tons 
et  les  reliefs  de  la  peinture,  c'est  manquer  le  but  de  l'art,  dont 
les  trois  conditions  principales  sont,  avec  la  composition  heu- 
reuse, la  correction  du  dessin,  la  justesse  de  la  perspective  et 
l'harmonie  des  tons. 

Il  n'y  a.  à  vrai  dire,  de  papiers  peints  que  ceux  sortis  des 
fabriques  françaises.  Nos  industriels  de  cette  section  ont  des 
dépôts  dans  tous  les  pays  étrangers,  et  leurs  produits  sont 
recherchés  pour  le  goût  qni  les  distingue  ;  on  a  fait  des  essais 
infructueux  pour  les  imiter,  même  avec  le  secours  de  nos 
meilleurs  dessinateurs.  Nous  n'avons  donc  pas  à  craindre  de 
concurrence. 

Il  y  a  dans  cette  section  un  produit  complètement  nouveau, 
dû  à  la  maison  Genoux,  et  nous  nous  plaisons  d'autant  plus  à 
Ip  signaler,  que  son  application  rentre  tout  à  fait  dans  les 
conditions  que  nous  demandions  en  commençant  aux  papiers 
peints. 

Avec  le  papier  de  tenture,  on  n'était  parvenu  jusqu'à  ce 
jour  qu'à  imiter  imparfaitement  les  effets  donnés  par  les  étof- 
fes; des  efforts  tentés  dans  ce  sens  par  M.  Genoux  ont  été  cou- 
ronnés d'un  plein  succès.  Il  a  su  donner  à  cette  fabrication 
nouvelle  l'aspect  des  brochés  de  toute  nature,  soie,  or  ou 
argent;  le  broché  de  soie,  couleur  sur  couleur,  nous  a  surtout 
frappés  par  sa  finesse,  la  perfection  du  travail  et  le  goût  qui 
règne  dans  l'ensemble.  Il  y  a  un  parti  merveilleux  à  tirer  de 
ces  sortes  de  tentures  pour  la  décoration  des  appartements, 
€t  nous  félicitons  l'ingénieux  inventeur  de  ce  procédé,  qui  est 
très-simple,  et  qui,  par  conséquent,  n'est  pas  très-coûteux 
dans  ses  résultats. 

M.  Genoux  a  eu  à  décorer,  avec  ses  produits,  la  salle  où 
Fourdinois  expose  sa  cheminée  renaissance,  merveille  de 
sculpture  et  de  goût  qui  confirme  à  cet  habile  ébéniste  la 
réputation  qu'il  avait  acquise  à  Londres.  Il  a  parfaitement 
tenu  la  promesse  que  nous  faisions  pour  lui  dans  la  première 
partie  de  ce  travail;  ce  qu'il  a  envoyé  depuis  le  commence- 


73G  VISITE 

ment  de  l'impression  de  ce  livre  surpasse  tout  ce  que  l'on 
pouvait  espérer,  et  ce  mélange  de  marbre,  de  bois  et  d'or 
mérite  que  nous  revenions  sur  ce  que  nous  avions  dit  déjà 
pour  le  signaler  d'une  manière  toute  spéciale  à  l'attention  des 
visiteurs  du  Palais  de  l'Industrie. 

Nous  ne  terminerons  pas  cet  article  sans  dire  un  mot  des 
maisons  Zuber  et  Délicourt,  ces  maisons  considérables,  et 
depuis  si  longtemps  connues  dans  l'industrie  des  papiers 
peints. 

Quoique  nous  ayons  commencé  par  donner  notre  opinion 
très-franchement  sur  l'inutilité  des  tableaux  en  papier  peint, 
nous  ne  pouvons  nous  empocher  de  reconnaître  tout  le  talent 
qu'il  y  a  dans  ce  panneau,  reproduction  d'un  tableau  de  Mul- 
1er,  qui  représente  la  jeunesse,  et  qui,  dans  ce  genre,  va  plus 
loin  qu'aucun  autre  produit  analogue  des  concurrents  de 
M.  Délicourt. 

Stores. —  L'industrie  des  stores  a  pris  depuisquelques  années 
un  développement  considérable,  et  ses  progrès  ont  été  en 
raison  directe  de  ce  développement.  On  est  arrivé  à  composer 
dans  ce  genre  de  véritables  tableaux  pleins  de  grâce  et  de 
finesse,  dont  le  commerce  d'exportation  s'est  emparé;  nos 
produits  se  sont  répandus  promptement  dans  les  pays  chauds 
qui  décorent  avec  eux  l'intérieur  de  leurs  maisons. 

Bach-Perès  et  Hattat  sont  les  deux  fabricants  les  plus  con- 
sidérables dans  cette  partie.  Le  premier  surtout  mérite  une 
distinction  particulière  pour  le  goiit  et  l'appropriation  qu'il 
apporte  dans  le  choix  de  ses  sujets  et  pour  la  façon  dont  il  les 
traite. 

Vitraux,  —  Ce  n'est  qu'au  xii*  et  au  xiir  siècles  qu'on  peut 
faire  remonter  la  science  des  peintres  verriers.  On  se  servait 
alors  pour  leur  composition  de  petits  morceaux  de  verres  de 
diverses  couleurs,  mais  chacun  d'un  seul  ton  dont  on  faisait 
un  travail  de  mosaïque  en  les  réunissant  ensemble  par  des 
bandes  de  plomb.  C'est  ce  qu'on  pourrait  appeler  peinture 
dans  la  masse;  la  richesse  des  tons  en  était  éblouissante 
lorsque  le  soleil  venait  jouer  au  travers.  Pour  donner  les  om- 
bres, on  rehaussait  les  couleurs  par  des  noirs.  Toutes  les  fe- 
nêtres de  nos  églises  gothiques  étaient  ornées  de  cette  ma- 
nière, et  assez  de  modèles  ont  survécu  aux  mille  chances  de 
destruction  pour  que  nous  en  puissions  admirer  la  beauté. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  737 

Plus  tard,  du  xvi*  au  xvii''  siècle,  on  a  peint  sur  le  verre 
blanc,  avec  des  couleurs  vitrifiables  appliquées  au  pinceau  et 
cuites  à  la  moufle.  C'est  dans  cette  manière  qu'ont  été  com- 
posés les  beaux  vitraux  de  la  renaissance,  comme  le  jugement 
dernier,  qui  avait  été  fait  par  Jean  Cousin  pour  la  chapelle 
de  Vincennes. 

Aujourd'hui  on  les  compose  dans  un  i^enre  mixte. 

A  en  juger  par  les  échantillons  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  les  peintres  français  sont  très-supérieurs  à  ceux  des 
autres  pays.  L'escalier  nord-est  renferme  les  plus  belles  par- 
ties de  cette  section. 

Gerente  est  celui  qui  a  le  mieux  étudié  le  style  du  xiir  siè- 
cle ;  son  dessin  est,  je  ne  dirai  pas  le  plus  correct,  car  ce 
n'est  pas  la  correction  qu'il  faut  chercher  dans  les  travaux  de 
cette  époque,  mais  le  mieux  imité  ;  sa  couleur  est  belle  et  ses 
cartons  bien  composés.  11  a  concouru  à  la  restauration  de 
plusieurs  de  nos  vieilles  églises,  et  a  parfaitement  réussi. 

L'échantillon  duxiir  siècle  de  Veissiereest  d'un  très-grand 
mérite.  Le  meilleur  éloge  qu'on  puisse  en  faire  ,  c'est  que 
plusieurs  de  ses  collègues  ont  pris  son  travail  pour  de  vieux 
vitraux.  Il  en  a  un  aussi  du  xv*  siècle  qui  est  fort  beau. 

Vincent  Larcher  est  encore  un  très-bon  verrier  ;  il  a  exposé 
une  fenêtre  destinée  à  la  cathédrale  de  Troyes,  d'une  disposi- 
tion très-heureuse  et  d'une  bonne  qualité  de  vitraux,  style  du 
XIII*  siècle. 

Lobin  de  Tours,  Dideron,  Oudinot  ont  tous  des  morceaux 
distingués  dans  leur  exposition,  mais  ne  sont  pourtant  pas 
sans  encourir  quelques  reproches.  Dideron  surtout,  qui,  à 
côté  de  très-grandes  qualités  et  d'une  étude  savante  des  styles, 
a  le  défaut  de  faire  laid. 

Marchai,  à  chaque  extrémité  de  la  nef,  a  placé  deux  vitraux 
qui  font  partie  de  la  décoration  du  palais;  ce  travail  a  subi 
des  critiques  très-sévères  et  qui  ne  sont  pas  toutes  méritées. 
On  n'a  pas  assez  tenu  compte  à  l'artiste  des  difficultés  qu'il 
avait  à  vaincre,  et  dont  la  plus  considérable  était  d'avoir  des 
vitraux  éclairés  des  deux  côtés;  ordinairement  les  fenêtres  ne 
sont  éclairées  qu'à  l'extérieur;  ici,  les  peintures,  pour  ainsi 
dire  baignées  dans  la  lumière,  manquent  d'effet  et  de  trans- 
parence. 

Dans  la  partie  anglaise,  il  y  a  quelques  vitraux  héraldiques 
20G  IV 


738  VISITE 

assez  bien  traités,  mais  trop  pâles  ;  ils  font  partie  de  la  déco- 
ration du  palais  de  Westminster. 


CLASSE  XXV. 


Confection  des  articles  de  vêtement. 

de  mode  et  de  fantaisie. 


Les  produits  que  nous  allons  passer  en  revue  dans  ce  cha- 
pitre peuvent  être  répartis  en  deux  groupes  distincts.  Le  pre- 
mier constitue  l'industrie  du  vêtement;  dans  le  second,  nous 
trouvons  une  série  d'objets  moins  importants  en  eux-mêmes, 
mais  qui  contribuent  cependant  au  bien-être  de  la  vie  usuelle- 
Tandis  que  dans  les  grandes  nations  civilisées  le  costume 
est  ou  tend  à  être  partout  le  même ,  qu'il  emprunte  ses  élé- 
ments aux  mêmes  matières,  qu'il  affecte  des  formes  extrême- 
ment analogues,  chez  les  peuples  qui  ont  conservé  leur  in- 
dividualité primitive,  on  constate  des  variétés  infinies  de 
substances  ,  de  couleurs  et  de  formes.  Voyons  à  jeter  un  coup 
d'œil  sur  ces  produits  qui  échappent,  comme  on  le  conçoit,  à 
tout  examen  comparatif,  mgis  dont  l'étude  est  pleine  d'inté- 
rêt au  point  de  vue  ethnologique  et  artistique. 

Les  possessions  maritimes  de  l'Angleterre  nous  offrent  un 
riche  contingent.  Ici  l'Inde,  celte  patrie  du  luxe,  nous  montre 
ces  longues  tuniques  toutes  rui.-^selantes  de  broderies  d'or  et 
d'argent,  de  paillettes  qui  miroitent  en  traçant  ces  grandes 
palmes  aux  gracieux  contours,  ces  brillantes  coiffures  émail- 
iées  de  pierreries  et  ornées  de  blanches  et  soyeuses  aigrettes; 
des  écharpes,  des  ceintures  dont  l'Europe  paye  à  grands  frais 
le  tissu  souple  et  moelleux. 

Plus  loin,  c'est  l'Australie,  la  terre  de  Van-Diemen .  Ici, 
plus  de  luxe,  quelques  coiffures  de  paille,  d'autres  ornées  de 
longues  plumes  sans  apprêt;  pour  vêtement,  des  peaux  prépa- 
rées avec  ou  sans  le  poil  et  parées  de  coquillages,  de  dents, 
des  plumages  de  diverses  couleurs. 

Le  Canada  nous  présente  d'épais  vêtements  de  pelleteries. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  73î) 

des  mocassins,  des  cekitures  de  guerre  qui  font  songer  aux 
Mohicans  de  Cooper.  Puis  viennent  l'Algérie,  avec  ses  longs 
burnous,  ses  jolies  broderies  d'or  sur  velours;  Tunis  avec  ses 
pelisses  et  ses  vestes  brodées .  ses  fines  écharpes  pour  tur- 
bans. La  majeure  partie  de  ces  vêtements  est  fabriquée  par 
des  Juifs  et  des  Maures  et  portée  par  eux. 

L'Egypte  et  la  Turquie  ont  envoyé  aussi  des  vêtements  bro- 
dés et  quelques  jolies  coiffures  de  femmes.  Un  costume  com- 
plet d'Albanais  frappe  les  yeux  du  visiteur  par  la  régularité 
de  travail  de  ses  broderies  soutachées. 

Les  produits  vestiaires  envoyés  par  les  grandes  nations  de 
l'Europe  et  de  l'Amérique  demandent  un  examen  plus  dé- 
taillé, pour  lequel  il  convient  d'adopter  les  divisions  du  Ca- 
talogue. 

Vêtemenis  confectionnés  pour  hommes  et  pour  f>immes.  Cette 
industrie  représente  en  France  et  en  Angleterre,  tant  pour  la 
consommation  intérieure  que  pour  l'exportation,  une  somme 
de  capitaux  considérable.  Le  chiffre  d'exportation  de  l'Angle- 
terre s'élevait,  en  1850,  àplusde  vingt-deux  millionsde francs; 
celui  de  la  France  n'atteignait  pas  tout  à  fait  vingt  millions. 
Cette  différence  s'explique  par  l'infériorité  de  prix  des  produits 
anglais. 

Malgré  cette  énorme  production ,  les  exposants  de  cette  sec- 
tion sont  peu  nombreux.  Les  tailleurs  qui  fabriquent  sur  me- 
sure n'ont  rien  envoyé,  exception  faite  de  la  Prusse  et  de 
l'Autriche.  L'exposition  française  n'est  représentée  que  par 
quelques  maisons  de  confection  de  Paris,  qui  ne  nous  ont  of- 
fert rien  de  particulier  à  mentionner.  Nous  devons  cependant 
noter  quelques  faits  remarquables  dans  les  produits  de  cette 
section. 

La  couture  à  la  mécanique,  faite  par  les  machines  à  coudre, 
que  l'on  peut  voir  fonctionner  tous  les  jours  dans  le  Palais  de 
l'Annexe,  est  l'innovation  la  plus  frappante  de  cette  exposi- 
tion. La  maison  Callebaut ,  qui  emploie  les  machines  Singer 
de  New- York,  a  envoyé  des  spécimens  de  pantalons  et  de  pale- 
tots, cousus  d'une  manière  très-solide,  dans  l'espace  d'une 
demi  heure,  une  heure,  une  heure  et  demie;  ces  machines 
faisant  en  moyenne  deux  cent  cinquante  points  à  la  minute, 
ïl  y  a  là  toute  une  révolution  pour  les  industries  de  couture. 

Les  vêtements  imperméables ,  dont  la  consommation  tend 


740  VISITE 

chaque  jour  à  s'accroître,  nous  ont  donné  la  preuve  des  efforts 
constants  que  font  les  fabricants  pour  les  approprier  à  nos 
besoins  et  à  nos  usages.  Les  vêtements  de  ce  genre,  envoyés 
par  la  maison  Lucas  ,  de  Londres  ,  sont  fabriqués  d'étoffe  de 
drap,  revêtue  à  l'intérieur  d'une  couche  de  caoutchouc  cachée 
par  la  doublure;  ils  ont  dune  l'avantage  d\ffrir  le  même  as- 
pect et  la  même  souplesse  qne  nos  pardessus  habituels. 

On  a  fait  quelques  tentatives  pour  fabriquer  des  vêtements 
de  feutre  sans  coutures  :  nous  en  avons  vu  d!ins  l'exposi- 
tion des  différents  pays.  Mais  ceux  qui  offrent  le  plus  de  sou- 
plesse et  le  plus  de  léiïèreté  appartiennent  à  M.  Salvan  de 
Chntou  (France).  Ces  produits  ont,  en  général,  l'inconvé- 
nient de  conserver  l'empreinte  des  plis  dune  manière  trop 
durable. 

M.  Cavy,  fourreur  à  Nevers,  a  exposé  des  paletots  en  four- 
rures indigènes,  de  soixante  et  de  quatre-vingts  fiancs,  qui 
nous  ont  paru  offrir  toutes  les  garanties  désirables  de  solidité 
et  dimperméabilité. 

Un  exposant  autrichien,  M.  Frank,  de  Vienne,  montre  des 
costumes  nationaux  de  Hongrie  et  de  Valachie,  des  gubas, 
des  sziers,  curieux  par  leurs  couleurs  variées  et  leur  in- 
croyable résistance. 

La  confection  des  vêtements  de  femme  consiste,  surtout  à 
l'Exposition  universelle,  en  manteaux,  mantelets,  écharpes, 
robes  de  cour  et  de  bal,  qui  luttent  de  richesse  et  d'élégance. 
Plusieurs  maisons  de  Paris  occupent  le  premier  rang  :  la  mai- 
son Gagf^lin  ,  déjà  récompensée  à  Londres  d'une  manière 
exceptionnelle  ;  la  maison  Delisle,  la  maison  Bouillet ,  et  la 
maisun  Cremière-Large  ont  envoyé  de  magnifiques  produits. 
Les  plus  belles  étoffes  de  soie,  de  velours,  de  magnifiques 
dentelles,  des  broderies  d'une  merveilleuse  exécution,  tels 
sont  les  éléments  de  ces  produits  luxueux  de  l'industrie  de 
Paris.  Le  chiffre  des  affaires  en  ce  genre  était,  en  1847,  de 
8  000  000  de  francs ,  et  tout  porte  à  croire  que  ce  commerce 
doit  avoir  pris  dans  ces  dernières  années  des  propoi  lions  con- 
sidérables. 

Nous  avons  remarqué  en  Autriche  de  jolies  sorties  de  bal, 
faites  de  cet  admirable  drap  blanc  que  les  Autrichiens  fabri- 
quent si  bien ,  et  ornées  de  broderies  de  soie  de  couleurs  va- 
riées. Ces  produits  qui  sont  envoyés  par  MM.  Laporta  et  Dimi- 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  741 

Iriewitz  présentent  un  certain  caractère  de   terroir  qui  ne 
manque  pas  d'élégance. 

En  somme,  la  France  soutient  la  lutte  d'une  manière  avan- 
tageuse pour  les  vêlements  d'hommes ,  et  occupe  incontesta- 
blement le  premier  rang  pour  la  confection  des  vêtements  de 
femmes. 

Lingerie.  — Nous  aurons  à  répéter  pour  la  lingerie  ce  que 
nous  disions  des  vêtements  confectionnés  ;  malgré  l'excessive 
importance  de  ce  commerce  à  Paris  et  à  Londres,  nous  n'a- 
vons remarqué  rien  de  nouveau.  Que  dire,  en  effet,  des  che- 
mises-gilets, des  chemises-cravates,  des  devants  de  chemise 
à  double  face,  et  d'autres  systèmes  de  cette  nature  complète- 
ment en  désaccord  avec  la  simplicité  indispensable  de  ce  vê- 
tement. Quelques  tentatives  heureuses  ont  cependant  été 
faites  par  divers  chemisiers  pour  améliorer  la  coupe  ,  soit  en 
la  rendant  plus  facile,  soit  en  disposant  les  coutures  de  ma- 
nière à  résister  davantage  dans  les  points  de  fatigue.  Nous 
avons  été  frappés  du  bon  marché  de  certains  produits;  plu- 
sieurs exposants  ont  envoyé  des  chemises  en  forte  étoffe  de 
couleur,  à  18  et  24  fr.  la  douzaine. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  cette  section ,  c'est 
évidemment  la  lingerie  fine ,  admirablement  représentée  en 
France  par  plusieurs  chemisiers  en  renom.  Il  nous  suffira 
d'indiquer  les  noms  de  Longueville ,  Durousseau  ,  Darnet, 
Charvet  et  Moreau  frères.  Les  produits  de  cette  dernière  mai- 
son sont  surtout  d'une  admirable  finesse  d'exécution;  le  goût 
de  ses  broderies  n'est  peut-être  pas  à  l'abri  de  tout  reproche, 
mais  la  délicatesse  du  travail  reste  au-dessus  de  nos  éloges. 

Chapellerie. — La  chapellerie  est  une  industrie  largement 
représentée  à  l'Exposition  ;  presque  tous  les  pays  ont  envoyé 
des  produits  de  cette  section.  L'Angleterre,  les  États-Unis,  la 
France,  occupent  le  premier  rang  dans  la  lutte,  à  ne  parler 
que  des  chapeaux  de  feutre  ,  de  castor  et  de  soie.  La  fabri- 
que des  chapeaux  de  feutre  remonte,  en  France  et  en  Angle- 
terre, au  xv*  et  au  xvr  siècle;  celte  production,  dans  les  deux 
pays,  a  subi  d'assez  nombreuses  vicissitudes  liées  directement 
aux  changements  politiques.  La  révocation  de  l'édit  de  Nantes 
envoya  en  Angleterre  un  grand  nombre  de  nos  ouvriers  en 
feutre,  et  la  perte  du  Canada,  dans  la  seconde  moitié  du  der- 
nier siècle,  nous  priva  de  nos  importations  directes  de  poil  de 


742  YISITL 

castor.  Les  chapeaux  de  poil  furent  pendant  longtemps  seuls 
employés;  c'est  vers  1760  que  Florence  fabriqua  les  premiers 
chapeaux  de  soie.  Depuis  trente  ans  surtout ,  cette  industrie 
a  pris  un  grand  essor.  La  finesse  et  la  légèreté  des  peluches 
de  Prusse  et  de  France,  leur  excellente  teinture,  leur  brillant 
et  enfin  la  modicité  du  prix,  permettent  au  chapeau  de  soie 
de  faire  une  continuelle  et  redoutable  concurrence  au  chapeau 
de  poil,  dont  la  durée  et  la  résistance  sont  cependant  beau- 
coup plus  grandes.  C'est  donc  une  affaire  d'élégance  et  de 
mode  qui  donne  la  prééminence  au  premier  de  ces  articles. 
Les  sources  principales  de  production  sont,  en  France, 
Lyon  ,  dont  la  chapellerie  est  la  plus  vieille  industrie  ,  Paris , 
Bordeaux  et  la  Provence. 

A  l'Exposition  universelle  de  1 851 ,  nous  n'étions  distancés 
dans  cette  industrie  que  par  les  fabricants  anglais,  qui  fai- 
saient mieux  que  nous  les  feutres  fins;  nous  l'emportions 
pour  les  feutres  ras  et  les  feutres  de  fantaisie;  nous  ne  pen- 
sons pas  que  cette  infériorité  subsiste  à  cette  exposition. 
MM.  Laville  et  Poumaroux,  qui  fabriquent  des  feutres  avec  les 
machines  exposées  au  palais  de  l'Annexe ,  ont  des  coiffures 
sans  égales  pour  la  souplesse ,  la  finesse  et  la  légèreté.  Les 
chapeaux-foulards  peuvent  se  rouler  et  se  plier  de  manière  à 
entrer  sans  difficulté  dans  la  poche.  MM.  Cohen  et  Prud'- 
homme ont  un  chapeau  qui  ne  pèse  que  38  grammes  ;  enfin 
MM.  Chenard  frères  soutiennent  bien,  par  leur  exposition  va- 
riée, le  rang  et  la  distinction  qu'ils  ont  obtenus  à  Londres  en 
4851.  Nous  avons  encore  remarqué,  dans  l'exposition  fran- 
çaise, les  chapeaux-mécaniques  de  M,  Dida  ,  en  soie  ,  laine  et 
feutre  ;  il  est  impossible,  quand  ils  sont  ouverts,  de  voir  sur 
l'étoffe  aucune  trace  des  plis.  Le  jayotyps  de  M.  Jay  est 
connu  depuis  longtemps;  des  dispositions  plus  parfaites  lui 
permettent  de  dessiner  plus  rigoureusement  la  circonférence 
de  la  tête. 

Quelques  fabricants  ont  tenté  de  substituer  (et  c'est  peut- 
être  là  une  bonne  innovation)  aux  carcasses  de  chapeaux  de 
soie  en  toile  et  en  carton  ,  des  carcasses  végétales  largement 
tressées  et  qui  permettent  une  libre  circulation  de  l'air.  Il  est 
à  craindre  que  ces  carcasses  résistent  moins  bien  aux  chocs  et 
aux  pressions.  Nous  avons  remarqué  des  chapeaux  en 
caoutchouc  vulcanisé,  recouvert  de  peluche  ,  qui  peuvent  être 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  74.^ 

froissés  de  toute  manière  sans  perdre  leur  forme  primitive.  Le 
reproche  qu'on  a  fait  aux  vêtements  imperméables  s'applique 
surtout  à  la  coiffure,  et  nous  craindrions  que  les  prmcipes 
d'une  bonne  hygiène  ne  permissent  pas  l'emploi  de  ce  cha- 
peau. . 

Remarquons  en  passant  les  chapeaux  de  M.  Bonard  pour 
hommes  et  pour  dames  ,  construits  à  la  manière  d'ombrelles, 
et  pouvant,  suivant  le  besoin,  se  plier  et  se  réduire  à  un  très- 
petit  volume,  ou  s'ouvrir  largement  de  manière  à  former  sur 
la  tête  un  large  parasol. 

Presque  toutes  les  nations  ont  envoyé  des  chapeaux  de 
paille  à  l'Exposition  ;  la  Lombardie,  la  Suisse,  l'Autriche  ont 
en  ce  genre  un  certain  nombre  de  produits  intéressants.  La 
Suisse  fournit,  comme  on  lésait,  la  majeure  partie  des  tresses 
employées  en  Angleterre  où  toute  la  population  ,  riche  ou 
pauvre,  porte  des  chapeaux  de  paille.  C'est  surtout  en  Italie 
et  en  France  qu'il  faut  visiter  cette  exposition.  On  ne  sail 
qu'admirer  davantage  des  pailles  merveilleuses  de  la  Toscane, 
ou  des  efforts  inouis  que  font  nos  fabricants  pour  atténuer, 
par  tous  les  moyens,  les  défauts  de  la  matière  première  qu'ils 
emploient. 

C'est  la  campagne  de  Florence  qui  produit  les  blés  et  les 
seigles  exploités  par  les  fabricants  italiens.  Flexibilité,  blan- 
cheur, élasticité  et  résistance,  telles  sont  les  qualités  que  les 
essais  de  culture  les  mieux  suivis  n'ont  jamais  pu  donner  aux 
blés  du  Dauphiné  ou  des  environs  de  Venise.  Ce  qu'il  y  a  de 
remarquable  dans  ces  tresses,  c'est  leur  parfaite  régularité,  la 
finesse  des  brins,  la  blancheur  de  tout  le  tissu.  Du  reste,  les 
chapeaux  sont  fabriqués  en  manière  de  cornets  sans  forme 
qui  doivent,  pour  être  mis  en  valeur,  passer  par  les  mains  de 
nos  modistes.  Ces  produits  ont  en  général  un  prix  assez  élevé: 
les  chapeaux  d'enfants  valent  de  45  à  25  francs;  les  chapeaux 
de  dames,  bruts,  peuvent  coûter  jusqu'à  400  et  600  francs. 
Il  en  est  de  ces  chapeaux  comme  des  châles  de  l'Inde  ,  ils 
échappent  aux  caprices  de  la  mode. 

Les  maisons  Vyse  fils  et  Nannucci,  déjà  couronnées  à  Lon- 
dres; MM.  Masini  et  Casar-Conti  ont  envoyé  de  très-beaux 
échantillons  de  tous  ces  produits.  La  tre^se  de  paille  d'Italie 
est  employée  à  faire  quelques  jolis  objets  de  luxe  ou  de  fan- 
taisie qui  figurent  dans  l'exposition  de  M.  Gonti  :  ce  sont  des 


744  VISITE 

porte-cigares,  des  étuis  à  ouvrage;  des  petits  paniers  très- fins 
et  très-légers ,  des  pantoufles  de  dames.  Les  tresses  de  Ma- 
nille et  de  Java  peuvent  seules  lutter  avec  avantage  contre  la 
Toscane  pour  tous  ces  articles  de  fantaisie. 

Les  chapeaux  et  tresses  de  paille  offrent,  chez  les  exposants 
français ,  un  aspect  tout  différent.  Ici ,  c'est  à  la  main  d'œu- 
vre ,  à  la  variété  des  formes,  aux  dispositions  capricieuses 
qu'on  demande  le  succès.  Plus  d'uniformité  monotone  :  cha- 
que fabricant  nous  présente  vingt,  trente  modèles  de  tresses 
variées.  M.  Erhard  ,  successeur  de  M.  Abt,  déjà  récompensé 
plusieurs  fois  ,  nous  montre  des  fleurs  de  paille  pleines  de 
grâce  et  de  finesse.  M.  Julien  associe  le  verre  filé,  le  crin  , 
la  dentelle  ,  les  plumes,  avec  ses  tresses  de  paille  ;  quelques- 
uns  de  ces  produits  étonnent  par  leur  légèreté,  la  richesse  de 
leurs  dessins  et  de  leurs  formes. 

Remarquons  les  coiffures  plus  modestes ,  mais  non  moins 
utiles,  envoyées  par  MM.  Ducruy  et  Leborgne,  de  Grenoble, 
et  par  MM.  Langenhagen  ,  de  l'Alsace.  Les  premiers  ont  pré- 
senté des  spécimens  de  chapeaux  ordinaires  tressés  avec  des 
pailles  de  France,  et  qui  doivent  attirer  l'attention  ;  les  se- 
conds exposent  des  chapeaux  en  tresse  de  palmier,  destinés 
surtout  à  la  coiffure  des  hommes,  et  qui  rivalisent  de  souplesse 
et  de  solidité  avec  ces  chapeaux  qui  nous  viennent  du  Mexi- 
que sous  le  nom  de  Panamas;  ils  ont  de  plus  un  avantage 
très-évident  de  bon  niarché. 

Chaussures.  —  Cette  branche  de  l'industrie  vestiaire  est 
peut-être  celle  qui  est  le  plus  complètement  réprésentée  à 
l'Exposition.  Tous  les  pays  ont  envoyé  des  chaussures.  Nous 
n'indiquerons  ici  que  pour  mémoire  les  mocassins  de  l'Amé- 
rique, les  babouches  de  la  Turquie  et  de  l'Egypte,  les  pantou- 
fles maure.'ques,  les  chaussures  des  Serbes  et  des  Valaques. 
A  ne  considérer  que  les  chaussures  usitées  parmi  nous,  il  faut 
établir  des  divisions  fondamentales.  Nous  laisserons  de  côté  , 
dans  cette  revue  ,  les  chaussures  communes  faites  de  bois  ou 
de  tresses  végétales;  c'est  là  une  branche  de  commerce  con- 
sidérable ,  mais  qui  n'offre  guère  d'intérêt  que  pour  les  visi- 
teurs spéciaux.  Nous  n'aurons  donc  à  étudier  que  les  chaus- 
sures fortes  ou  imperméables  pour  hommes  et  pour  femmes, 
^t  les  chaussures  de  luxe. 

11  faut ,  pour  prendre  une  bonne  idée  de  ces  produits  et 


A   L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  745 

pour  établir  entre  eux  une  utile  comparaison,  visiter  les  expo- 
sitions étrangères  avant  de  passer  à  celle  de  France.  Il  sera 
facile  (ie  constater  alors  l'évidence  de  notre  supériorité,  sur- 
tout pour  les  chaussures  élé.j;anles. 

L'Angleterre  produit  une  énorme  quantité  de  chaussures 
qu'elle  exporte  sur  tous  les  marchés  étrangers;  mais  c'est  à 
l'extrême  infériorité  de  ses  prix  qu'elle  doit  l'extension  de 
ce  commerce.  Une  des  grandes  maisons  de  Londres  peut 
fournir  des  souliers  de  femme  à  62  centimes  1/2  la  paire,  des 
souliers  d'homme  à  3  fr.  15  cent.,  et  des  bottes  à  10  fr.  Ce  ne 
sont  pas  des  chaussures  de  ce  genre  que  nous  ont  envoyé 
cette  année  lesexposants  anglais  ;  ce  sont,  ou  bien  des  chaus- 
sures très-solides,  à  semelles  épaisses,  ou  bien  des  chaussures 
fines  et  légères,  dont  la  forme  est  empruntée  à  nos  modes.  Ce 
qui  frappe  dans  ces  expositions,  c'est  cette  tendance  conti- 
nuelle au  comfortable  aux  dépens  de  l'élégance.  Les  seules 
innovations  que  nous  avons  pu  remarquer  sont  les  bottines 
militaires  de  M.  Atluff,  déjà  exposées  en  1851,  maisperfection- 
nées  depuis,  par  la  simplicité  de  leur  coupe  ;  des  semelles  por- 
tant un  ressort  d'acier  et  de  caoutchouc  dans  leur  partie 
moyenne  ;  enfin  des  chaussures  de  tricot  de  soie  parfaitement 
élastique,  et  pouvant  se  mouler  sans  peine  sur  le  pied  le  plus 
difforme. 

Depuis  une  quinzaine  d'années,  la  cordonnerie  allemande 
a  fait  des  progrès  considérables,  et  son  commerce  s'en  est 
accru  considérablement.  L'Autriche  et  le  ZoUewerein  ont  en- 
voyé de  nombreux  spécimens  de  leur  industrie.  La  chaussure 
solide  se  fabrique  bien  en  Autriche,  mais  elle  pêche  par  la 
tournure  et  son  prix  de  revient  est,  dans  certaines  provinces 
de  l'empire,  plus  élevé  qu'en  France.  Le» États  de  l'Allemagne 
qui  touchent  nos  frontières  et  qui  nousfournisseht  bon  nombre 
d'ouvriers,  façonneurs  et  carreleurs ,  fabriquent  des  chaus- 
sures si  complètement  semblables  aux  nôtres,  qu'on  les  croi- 
rait sorties  de  nos  ateliers.  Brème,  Hambourg,  la  Prusse  rhé- 
nane et  le  grand-duché  de  Baie,  qui  fabriquent  des  cuirs 
magnifiques,  se  livrent  surtout  à  ce  genre  d'industrie. 

L'exposition  française  ,  représentée  par  plus  de  soixante 
exposants  ,  occupe  au  rez-de-chaussée  du  palais  la  moitié  de 
sa  longueur.  A  côté  de  quelques  innovations  sans  importance, 
nous  avons  constaté  des  perfectionnements  réels  dus  à  des 


746  VISITE 

coupes  particulières  ou  à  l'emploi  du  caoulchouc  ou  de  la 
gutta-percha.  M.  Gaillard,  de  Paris,  fabrique  des  semelles  de 
gutta-percha  rivées  à  vis  sur  une  semelle  intérieure  de  liège. 
Une  idée  analogue  est  mise  en  pratique  par  M.  Poirier,  de 
Châteaubriant  :  une  lame  de  caoutchouc  revêt  la  face  supé- 
rieure de  la  semelle,  et  l'intérieur  de  la  chaussure  est  doublé 
d'une  feuille  de  cuir  qui  est  cousue  à  l'empeigne  ,  à  la  partie 
moyenne  de  sa  hauteur.  Les  chaussures  fie  chasse  de  M.  De- 
lail,  passage  Jeoffroy,  nous  ont  semblé  offrir  toutes  les  condi- 
tions de  résistance  et  d'imperméabilité.  Plusieurs  exposants 
ont  envoyé  de  très-jolies  chaussures  à  semelles  de  bois;  cette 
chaussure  doit  rendre  de  grands  services  aux  habitants  de  la 
campagne. 

Siiinalons  plus  particulièrement  celles  de  M.  Manteguès 
et  Cie  qui  se  distinguent  par  une  solidité  que  ne  comporte 
pas  ordinairement  ce  genre  de  chaussure.  Au  lieu  d'être 
cloués  à  l'extérieur,  les  bords  de  l'empeigne,  pinces  entre 
deux  épaisseurs  du  buis,  sont  clouées  intérieurement,  ce  qui 
rend  parfaitement  étanche  le  joint  entre  le  cuir  et  la  semelle. 
Ces  chaussures  mixtes  présentées  au  ministre  de  la  guerre  , 
ont  paru  offrir  un  degré  d'utilité  assez  important,  pour  les 
mettre  à  l'essai.  Dans  ce  but,  une' centaine  de  paires  a  été 
envoyée  en  Crimée. 

M.  Cholet,  de  Versailles,  présente  un  système  de  souliers- 
guêtres  d'une  coupe  très-simple  et  très-analogue  à  celle  que 
nous  avons  vue  chez  M.  Atloff,  de  Londres.  M.  Suser  dirige  à 
Nantes  un  établissement  de  la  plus  haute  importance  :  l'animal 
estéquarri,  le  cuir  tanné  et  verni,  et  la  chaussure  achevée  dans 
l'enceinte  de  ses  ateliers.  Il  fabrique  toute  espèce  de  chaussures, 
depuis  les  gros  souliers  destinés  à  la  consommation  locale  et 
à  l'exportation,  jusqu'aux  bottes  et  bottines  les  plus  délicates. 

La  fabrication  des  chaussures  à  vis  prend  une  extension  de 
plus  en  plus  considérable  ;  ce  système  d'attache  de  la  semelle 
offre  une  solidité  deux  fois  plus  grande  que  tous  ceux  qu'on 
avait  employés  jusqu'ici.  Ces  résultats  ont  été  constatés  par 
des  épreuves  dynamométriques.  Aus>i  M.  Lefébure  a-t-il  déjà 
reçu,  aux  expositions  de  Pnris  en  1849  et  de  Londres  en  1851, 
des  récompenses  qui  le  placent  au  premier  rang  des  fabricants 
de  chaussures. 

C'est  ici  le  lieu  de  noter  l'emploi,  chaque  jour  plus  grand 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  747 

et  pins  parfait,  du  caoutchouc  dans  la  chaussure,  soit  comme 
matière  essentielle,  soit  comme  matière  accessoire.  Au  point 
de  vue  hygiénique,  cette  substance  nous  rend  les  plus  grands 
services  pour  les  saisons  humides  et  froides. 

Au  milieu  de  ce  nombreux  étalage,  le  visiteur  s'arrêtera 
avec  le  plus  grand  intérêt  devant  les  admirables  produits  de 
MM.  Meier,  Thonerieux,  veuve  Barré  et  Petit,  Viault-Esté. 
Toutes  ces  maisons  sont  depuis  longtemps  connues;  elles  ont 
en  France  et  à  l'étranger  une  réputation  d'exquise  élégance 
dont  elles  donnent  une  nouvelle  preuve  aujourd'hui.  Les 
chaussures  de  femme  surtout  sont  des  chefs-d'œuvre  de  fan- 
taisie et  de  bon  goût.  Les  étotîes  les  plus  chatoyantes,  les  bro- 
deries, les  dentelles ,  le  velours  ,  les  perles  et  même  les  fleurs 
artificielles  marient  leurs  reflets  et  leurs  couleurs  de  manière 
à  former  le  plus  charmant  effet. 

Ganterie.  — La  fabrication  des  gants  est  pour  la  France  une 
des  branches  les  plus  considérables  de  l'industrie  ;  le  chiffre 
de  l'exportation  atteignait,  en  1 851 ,  37  à  39  millions  de  francs. 
L'importance  de  ce  chiffre  s'explique  par  l'excellente  prépara- 
tion de  nos  peaux  de  chevreaux.  Depuis  une  trentaine  d'an- 
nées, cependant,  les  pays  étrangers,  l'Angleterre,  la  Russie, 
Vienne,  Prague  et  Berlin  ont  fait  de  très-grands  progrès.  En 
Angleterre,  Londres  fabrique  la  majeure  partie  des  gants  de 
chevreau  ;  les  gants  d'agneau  viennent  du  comté  de  Worm- 
cester  ;  le  comté  d'Oxford  fournit  les  gros  gants  de  castor  et 
de  daim.  La  majeure  partie  des  produits  anglais  est  destinée 
à  l'exportation.  On  est  frappé,  au  premier  abord  ,  de  l'exces- 
sive variété  des  gants  exposés  par  MM.  Fowns  frères,  et 
MM.  Dent,  Allcroft  et  Cie  de  Londres  ;  ce  sont  des  gants  de 
cuir,  des  gants  de  fourrures  à  Grispin,  des  gants  de  drap  dont 
la  paume  est  garnie  de  peau  de  daim,  des  gants  de  peau  de 
veau,  de  daim,  de  castor,  de  chien;  des  gants  épais,  dont 
l'entre-deux  des  doigts  est  garni  de  peau  de  couleur  et  de  soli- 
dité différentes  ;  enfin  ,  des  gants  peluches  à  l'intérieur  ,  des 
gants  de  satin-peau,  qui  choquent  peut-être  un  peu  par  la  bi- 
zarrerie de  la  nuance.  En  somme,  pour  les  gants  comme  pour 
les  chaussures,  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  l'expo- 
sition anglaise  ce  senties  articles  commodes,  solides  et  desti- 
nés à  un  usage  journalier. 

La  ganterie  française  se  compose  de  gants  de  chevreau  et 


748  VISITE 

d'agneau  fabriqués  à  Paris  ou  à  Grenoble,  de  gants  de  daim 
etde  castor  qui  viennent  de  Niort,  et  enfin  de  gants  tressés  et 
tricotés  que  fournissent  les  fabriques  de  la  Champagne  et  du 
nord  de  la  France.  La  vente  de  ces  gants  de  tricot  de  laine 
atteignait  en  1847  la  somme  de  262  000  fr.  Elle  doit  avoir 
considérablement  augmenté  depuis  cette  époque  :  on  coupe  et 
l'on  coud  ces  gants  à  Paris  avec  une  i')récision  presque  égale 
à  celle  des  gants  de  peau.  Les  gants  lissés  de  soie,  de  fil  et 
de  fil  dÉcosse  ne  peuvent  soutenir  la  concurrence  avec  les 
gants  de  peau. 

La  ganterie  de  Niort,  en  daim  et  en  castor,  a  une  réputa- 
tion méritée  depuis  longues  années.  C'est  de  là  que  nous 
viennent  les  gants  d'uniforme  en  daim  blanc,  les  gants  en 
daim  de  couleur  pour  l'équitation.  MM.  Noirot  et  Laidet,  de 
Niort,  ont  envoyé  à  l'Exposition  de  nom.breux  échantillons 
de  leur  industrie. 

La  ganterie  de  Paris  est  surtout  représentée  par  les  m.ai- 
sons  Jouvin  et  Préville  ;  la  première  de  ces  maisons  surtout 
fait  un  chiffre  d'affaires  qui  atteint  presque  2  000  000  de  francs 
et  occupe  4200  ouvriers.  L'ancienne  renommée  de  ces  mai- 
sons nous  dispense  d'insister  davantage  sur  la  valeur  de  leurs 
produits. 

M.  Francoz,  de  Grenoble,  a  envoyé  des  peaux  préparées,  di- 
vers systèmes  de  fermetures,  et  des  gants  confectionnés  qui 
se  soutiennent  sans  désavantage  devant  la  ganterie  de  Paris. 

Dans  toutes  ces  expositions  c'est  la  netteté  de  la  nuance, 
la  régularité  de  la  coups,  la  souplesse  de  la  peau  et  le  fini  de 
la  couture  qui  établissent  la  supériorité  de  nos  fabricants. 

Corsets.  Accessoires  de  vêtement.  —  Ces  objets  de  confection, 
et  surtout  le  corset,  jouent  un  rôle  de  première  importance 
dans  la  toilette  des  femmes.  Aussi  n'avons-nous  pas  été  sur- 
pris des  nombreuses  variétés  de  corsets  de  toute  espèce  expo- 
sés parles  maisons  de  Paris.  Cette  branche  de  l'industrie  des 
modes  est  extrêmement  soignée  dans  notre  ville,  et  l'on  peut 
dire,  qu'à  part  quelques-uns  de  ces  objets  tissés  à  la  mécani- 
que, il  n'existe  rien  dans  les  expositions  étrangères.  Mais 
avant  d'examiner  ces  produits,  il  importe  d'établir  bien  clai- 
rement que  l'élégance  et  l'hygiène  doivent  souvent  se  trouver 
en  désaccord  dans  nos  jugements.  Il  est  rare,  disons-le,  de 
voir  les  fabricants  se  préoccuper  à  un  plus  haut  point  de  la 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  749 

santé  de  leurs  clientes  que  de  l'excessive  finesse  et  des  con- 
tours corrects  de  leur  taille.  Nous  avons  cependant  des  cor- 
sets plastiques,  des  corsets  hygiéniques  ;  ce  sont  là  des  mots 
trompeurs,  et  ce  n'est  qu'avec  défiance  que  nous  avons  abordé 
ces  sories  d'expositions.  On  a  fait  cependant  depuis  quelques 
années  des  perfectionnements  réels  qui  portent  parliculière- 
ment  sur  deux  points  :  les  systèmes  de  fermeture  tendent  à 
être  placés  à  la  partie  antérieure  et  à  agir  d'une  manière 
beaucoup  plus  rapide  que  le  lacet,  courant  sur  deux  séiies 
d'oeillets  ;  d'autre  part,  la  multiplication  de  baleines  plus  pe- 
tites et  agissant  d'une  manière  moins  violente,  l'emploi  très- 
abondant  des  tissus  élastiques  permettent  au  corset  de  se 
mouler  parfaitement  sur  les  formes  et  d'acquérir  une  sou- 
plesse beaucoup  plus  grande.  C'est  dans  cette  voie  qu'il  faut 
marcher,  et  nous  croyons  fermement  qu'on  aura  atteint  une 
amélioration  réellement  hygiénique  quand  on  aura  supprimé 
le  buse  qui  presse  sur  la  poitrine,  ou  qu'on  l'aura  fabriqué 
d'une  matière  à  la  fois  élastique  et  très-flexible. 

Un  exposant  belge  a  em[)loyé  dans  ce  but  la  gutta-percha. 
Cet  essai  ne  peut  donner  que  des  résultats  incomplets  ;  la 
gutta-percha  se  déforme  sous  l'influence  de  la  chaleur,  elle 
plie  et  n'a  pas  d'élasticité. 

Nous  avons  remarqué  dans  l'exposition  française  quelques 
corsets  destinés  à  l'usage  des  femmes  enceintes;  la  plupart 
d'entre  eux  permettent,  à  l'aide  de  boucles  ou  de  lacets  placés 
sur  les  côtés,  d'élargir  la  partie  inférieure  ;  mais  la  poitrine 
n'en  reste  pas  moins  serrée,  et  la  gêne  de  la  respiration  n'est 
nullement  diminuée.  Les  ceintures  abdominales  de  M.  V.  Pil- 
lant nous  ont  semblé  préférables,  car  elles  agissent  de  bas  en 
haut  et  soutiennent  sans  comprimer. 

Les  produits  fabriqués  à  la  mécanique  de  MM.  Robert , 
Verlyet  Cie,  deBat--le-Duc,  ont  attiré  notre  attention  à  raison 
de  leur  simplicité,  de  leur  facile  adaptation  à  toutes  les  tailleset 
de  leur  bon  marché.  Cette  maison,  quia  reçu  une  récompense 
à  l'exposition  de  Londres,  fait  des  affaires  considérables,  et 
livre  environ  30  000  corsets  à  la  consommation  de  chaque 
année. 

M.  Josselin,  Mmes  Hippolyte,  Clémençon,  Sophie  Dumoulin 
et  Joly  sœurs,  fabriquent  des  corsets  qui  ont  une  réputation 
bien  connue  d'élégance,  et  qui  nous  ont  semblé,  dans  l'état 


750  VISITE 

actuel  de  nos  modes,  aussi  simples  et  aussi  hygiéniques  qu'il 
est  possible. 

Nous  ne  noterons  que  pour  mémoire  ces  appareils  de  crino- 
line dont  nos  dames  font  un  si  grand  usage,  on  devrait  dire 
un  si  grand  abus.  Nous  en  avons  vu  de  toutes  les  sortes  et  de 
toutes  les  façons  ;  des  jupons  gaufrés,  bouillonnes,  tuyautés, 
des  garnitures' pour  les  hanches.  Nous  ne  saurions  porter  de 
meilleur  jugement  sur  cette  partie  de  l'Exposition,  que  de  ren- 
voyer le  visiteur  à  un  très-spirituel  feuilleton  que  M.  Al- 
phonse Karr  a  publié,  il  y  a  deux  ou  trois  mois,  dans  le  Siècle. 

Boutons.  —  A  juger  par  le  nombre  considérable  de  ces  petits 
objets  qui  ont  été  exposés,  nous  devons  croire  que  la  consom- 
mation en  est  immense.  Et  de  fait,  ils  sont  à  peu  de  chose 
près  le  seul  ornement  du  vêtement  de.-;  hommes  et  sont  em- 
ployés sous  les  formes  les  plus  diverses  et  les  plus  élégantes 
dans  la  toilette  des  femmes.  Nous  ne  connaissons  guère  de 
matière  avec  laquelle  on  ne  fabrique  des  boutons.  Les  pierres 
et  les  métaux  précieux,  les  métaux  plus  communs,  le  fer, 
le  cuivre,  le  plomb,  l'étain,  le  zinc,  l'écailIe,  l'ivoire,  la 
nacre,  la  corne,  les  bois  de  toute  espèce,  le  marbre,  la  porce- 
laine, la  faïence,  le  verre  elles  émaux,  la  soie,  le  fil,  le  colon, 
la  laine,  les  tresses  de  paille,  de  jonc  et  de  cheveux.  Telle 
€st  à  peu  près  la  liste  générale  des  matières  auxquelles  cette 
fabrication  emprunte  ses  éléments.  Le  commerce  emploie 
principalement  des  boutons  de  métal  frappés  au  coin,  des 
boutons  de  passementerie  et  des  boutons  de  verre,  de  corne 
ou  d'os.  L'exposition  anglaise  contient  de  ces  boutons  fiappés 
d'une  exécution  très-parfaite.  Une  de  leurs  maisons,  déjà  ho- 
norée d'une  médaille  de  prix  à  l'exposition  de  Londres, 
MM.  Weldon  et  Weil,  exposent  du  reste  ces  produits  en 
France  et  en  Angleterre.  MM.  Gourdin  et  Cie  ne  le  cèdent  en 
rien  à  leurs  émules  pour  le  bon  goût  et  la  netteté  de  leurs 
empreintes  ;  ils  ont  des  boutons  émaillés  qui  sont  d'un  très- 
bon  effet. 

Ici  s'arrête  tout  ce  que  nous  avions  à  dire  des  arts  vestiaires 
considérés  dans  leur  ensemble  et  dans  leurs  différents  acces- 
soires. Il  nous  reste  à  examiner  une  série  d'objets  qui,  par 
leur  nature  variée,  empreinte  des  caprices  de  la  mode  et  des 
fantaisies  du  jour,  échappent  à  toute  espèce  de  classement  ré- 
gulier. Ce  sont  ces  mille  articles  de  genre  que  Paris  fabrique 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  751 

en  si  grande  abondance  et  auxquels  il  a  donné  son  nom.  Ou- 
vrages de  broderie,  de  filet,  de  cartonnage,  de  maroquinerie 
légère  que  chacun  de  nous  connaît  et  apprécie  suivant  ses 
goûts  et  ses  besoins-  Nous  trouvons  cependant  quelques  pro- 
ductions d'une  plus  haute  importance  :  les  écrans  et  les  éven- 
tails sont  depuis  longues  années  des  objets  de  grand  luxe, 
dont  la  fabrication  appelle  à  son  secours  le  talent  du  peintre, 
celui  du  ciseleur  sur  bois  ou  sur  ivoire  et  l'habileté  de  l'orfè- 
vre et  du  joaillier.  Nous  avons  remarqué  à  l'Exposition  des 
montures  d'éventail  délicatement  découpées  de  la  fabrique  de 
Saint-Germain  (Oise).  MM.  Duvelleroy,  Ardiet,  Meyer  et  Voi- 
sin Venier,  fixent  par  la  beauté  de  leurs  produits  l'attention 
et  les  désirs  des  promeneuses  élégantes. 

L'ivoire,  par  sa  blancheur,  sa  résistance  et  sa  très-grande 
durée,  se  prête  merveilleusement  au  travail  de  l'ornementa- 
tion. Quelques  exposants  se  sont  montrés  véritablement  ar- 
tistes et  nous  ont  fait  songer  à  ces  habiles  sculpteurs  de  la 
renaissance  qui  ont  incrusté  leur  talent  sur  tous  les  meubles 
délicats  et  sur  toutes  les  œuvres  de  fantaisie  de  cette  époque. 
MM.  Vangorp,  Moreau  etBleutonontfaitdelouableseffortspour 
rivaliser  avec  leurs  devanciers,  et  nous  avons  vraiment  eu 
plaisir  à  examiner  en  détail  les  résultats  de  leur  industrie. 

Les  jouets  d'enfants,  dont  la  nature  et  la  valeur  offrent  les 
plus  grandes  variétés,  se  fabriquent  sur  une  grande  échelle  en 
France  et  en  Allemagne.  Ce  commerce  offre  cette  particularité 
remarquable,  que  sa  vente  pour  toute  une  année  dure  quel- 
ques jours  dans  les  mois  de  décembre  et  de  janvier.  Certaines 
maisons  font  à  cette  époque  des  recettes  immenses  qui  con- 
stituent les  deux  tiers  ou  les  trois  quarts  du  chiffre  total  de 
leurs  affaires.  Le  Wurtemberg,  la  Bavière  et  la  Saxe-Royale, 
ont  fait  des  envois  très-complets  de  leur  industrie  dans  ce 
genre.  Ils  consistent  surtout  en  deux  sortes  de  jouets  :  les 
uns  de  ferblanterie  et  de  quincaillerie,  sont  des  diminutifs  des 
objets  de  la  vie  usuelle  ménagère;  les  autres  de  bois  ou  de 
pâte  représentent  presque  tous  des  bataillons  de  soldats  ou 
des  ménageries  d'animaux.  M.  et  MmeMontanari,  de  Londres, 
qui  ont  eu  une  médaille  à  la  dernière  Exposition,  fabriquent 
de  jolies  figures  de  cire,  servant  à  monter  de  très-coquettes 
poupées,  ou  nous  offrent  de  curieux  modèles  des  types  indiens 
du  Mexique. 


752  VISITE 

L'exposition  française  en  ce  genre  consiste  surtout  en  joueis 
mécaniques  et  en  poujjées.  M.  Théroude  a  exposé  des  mon- 
tons qui  bêlent,  des  singes  qui  jouent  du  violon  avec  force 
contorsions  des  joues  et  des  lèvres,  un  lapin  qui  se  froitela 
moustache  avec  le  plus  grand  sang-froid  ;  on  conçoit  combien 
les  mères  ont  de  peine  à  détourner  leurs  enfants  de  cet 
attrayant  spectacle. 

Nous  n'en  sommes  plus  depuis  longtemps  à  la  poupée  de 
bois  aux  ariiculations  criardes  et  mal  jointes  :  la  poupée  d'au- 
jourd  hui  est  faite  de  peau,  elle  a  une  têle  de  porcelaine  et 
des  articulations  de  caoutchouc.  Elle  se  soumet  à  tous  les 
caprices  de  sa  jeune  maîtresse  et  reprend  avec  facilité  son 
attitude  jiremière.  M.  Greffier  fabrique  des  poupées  très- 
solides,  qui  remuent  les  bras  et  les  jambes  et  qui  poussent 
un  vagissement  plainiif  quand  on  leur  presse  le  ventre. 
Mlle  Huret  et  M.  Jumeau  ont  de  charmantes  poupées  habillées 
dans  le  dernier  goût  et  qui  sont  des  modèles  d'élégance  et  de 
bonne  tenue. 

Les  fleurs  artificielles  ne  sont  plus  aujourd'hui  des  objets 
de  décoration  quelconque  et  ne  rappelant  point  ou  peu  la  na- 
ture. Ce  sont  de  vraies  fleurs,  semblables  à  s'y  méprendre  à 
celles  que  le  printemps  fait  éclore  dans  nos  jardins.  On  se 
rappelle  la  remarquable  exposition  que  nous  avions  à  Lon- 
dres ;  celle  d'aujourd'hui  ne  le  cède  en  rien  à  son  aînée.  Les 
concurrents  sont  nombreux  et  leurs  produits  sont  tous  em- 
preints de  ce  cachet  d'élégance  et  d'habileté  qiù  appartient  à 
tous  les  articles  de  mode  de  Paris.  Regardez  dans  la  vitrine 
de  Constantin  ces  fleurs  demi-pa>séps  qui  s'inclinent  avec 
nonchalance,  ce  fin  duvet  des  feuillages,  ce  gros  chardon 
réjoui  qui  épanouit  sa  fleur  violette,  cette  rcse,  ce  soleil  dont 
le  vent  et  la  pluie  ont  enlevé  la  moitié  des  pétales  ;  vous 
jureriez  à  un  pas  de  distance  que  ces  fleurs  viennent  d'être 
arrachées  à  la  terre.  Chez  M.  Duteis,  cet  héliotrope  et  cette 
collection  de  petites  orchidées  sont  d'une  vérité  de  couleur, 
de  port  et  de  forme  qui  ne  laissent  rien  à  désirer.  Il  nous  fau- 
drait, pour  èire  juste,  les  citer  tous  à  des  titres  divers  et 
indiquer  au  visiteur  chez  M.  Charpentier,  cet  éclair  dont  un 
souffle  de  vent  vient  d'emporter  les  plus  légères  étamines; 
chez  M.  Gaudet-Dufresne  de  charmants  feuillages  artificiels; 
chez  Mme  Cu\illier  de  belles  fleurs  pour  coiffures  et  parures: 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  733 

chez  MM.  Nautré  et  Cabanis  des  plumes  d'autruche,  des 
marabouts,  des  aigrettes  du  plus  beau  choix.  Nous  ne  pouvons 
mieux  faire  que  de  prier  nos  lecteurs  de  visiter  eux-mêmes 
cette  exposition  de  fleurs  et  de  plumes  et  de  lui  accorder  toute 
l'attention  qu'elle  mérite. 

S'il  nous  était  permis,  après  cette  course  rapide  à  travers 
les  produits  delà  vingt-cinquième  classe,  de  formuler  une 
conclusion  générale,  nous  dirions  :  A  la  France,  et  à  Paris 
surtout,  la  suprématie  sans  conteste  pour  tout  ce  qui  est  goût, 
élégance  et  fantaisie;  à  l'Allemagne,  à  l'Angleterre,  à  l'Italie, 
payons  un  juste  tribut  d'éloges  pour  la  beauté  de  quelques 
matières  premières  et  pour  l'excellence  de  certaines  méthodes 
industrielles. 

Que  l'Exposition  soit  un  enseignement  lumineux  et  fécond. 
Nos  fabricants  sont  parfois  surpassés,  souvent  suivis  de  près  : 
qu'ils  redoublent  d'efforts  pour  maintenir  le  haut  rang  que  la 
France  occupe  dans  l'industrie  du  monde. 


CLASSE   XXVI. 

Dessin  et  plastique  appliqués  à  l'Industrie.  —  Imprimerie  en 
caractères  et  taille  douce ,  photographie. 

L'industrie  proprement  dite  ne  règne  pas  seule  dans  le 
Palais  des  Champs-Elysées ,  et  l'art,  dans  ses  formes  les  plus 
diverses,  est,  est  venu  lui  apporter  le  concours  de  son  génie 
spécial.  Jamais  cette  heureuse  union  ne  s'est  aussi  pleine- 
ment manifestée  que  cette  année  ;  car,  au  lieu  de  rester  sta- 
tionnaire  dans  la  voie  tracée  par  la  routine  et  servilement 
suivie  depuis  longues  années,  l'industrie  s'est  habilement 
servie  des  ressources  de  la  plastique,  de  la  photographie,  de 
la  gravure  et  de  la  lithographie. 

Jetons  donc  un  coup  d'œil  sur  ce  que  le  Palais  renferme  de 

remarquable  en  ce  genre.  Au  milieu  de  l'espace  réservé  à  la 

plastique,  après  la  salle  de  l'Imprimerie  impériale,  se  dresse, 

sur  un  piédestal  isolé,  la  statue  de  la  Vénus  de  Milo,  augmen- 

206  XX 


754  VISITE 

tée  par  le  procédé  de  MM.  Sauvage  et  Caffort.  Le  type  éter- 
nellement beau  de  l'art  grec  domine  toute  la  salle,  comme 
un  symbole  sérieux  de  la  beauté  des  formes,  et  cette  statue 
est  si  puissamment  belle  qu'on  n'y  sent  pas  du  tout  l'emploi 
de  l'outil  mécanique  qui  l'a  grandie  à  nos  yeux.  Qu'on  nous 
permette  quelques  mots  sur  ce  procédé  et  son  origine. 

La  Vénus  de  Milo  exposée,  et  la  statue  équestre  de  l'Em- 
pereur, devant  la  porte  Est  du  Palais  de  l'Industrie,  sont  des 
résultats  de  cette  application.  La  Vénus  de  Milo  est  augmen- 
tée de  moitié,  d'après  le  modèle  du  musée.  La  statue  de 
l'Empereur  est  augmentée  de  plus  du  double  ,  puisque  le 
modèle  de  J.  Debay  n'a  que  ^'^^ib,  et  la  statue  repro- 
duite 3"^, 15. 

Les  antiques  de  la  maison  Susse  ,  et  la  majeure  partie  des 
sujets  de  MM.  Denière,  Paillard,  Vittoz,  de  Labroue,  Char- 
pentier, Marchand,  Raingo,  Vauvray,  Miroy,  sont  des  ré- 
ductions ou  des  augmentations  exécutées  par  le  procédé  Sau- 
vage. 

Jusqu'en  1836,  le  tour  à  portrait  de  Hulot  était  le  seul  ap- 
pareil connu  qui  permît  la  reproduction  mécanique  de  la 
sculpture,  bornée  aux  bas-reliefs  de  petite  dimension  et  de 
faible  saillie;  aussi  ne  l'appliquait-on  guère  qu'à  l'exécution 
des  médailles  et  des  coins  de  monnaie.  Une  condition  essen- 
tielle de  cet  appareil  est  la  réduction  ou  l'augmentation  forcée 
de  la  copie  par  rapport  au  modèle. 

Ajoutons  que  celte  réduction  ou  cette  augmentation  forme 
encore  le  caractère  spécial,  mais  moins  absolu,  des  appareils 
modernes,  où,  comme  dans  le  tour  de  Hulot,  elles  résultent 
uniquement  de  la  place  respective  affectée  sur  la  machine 
au  modèle  ou  à  la  copie. 

Presque  simultanément,  c'est-à-dire  M.  Sauvage,  le  3  fé- 
vrier 1836,  et  M.  Collas,  le  3  mars,  prirent  chacun  un  brevet 
pour  l'exécution  mécanique  de  la  sculpture. 

C'est  à  Taide  de  ces  inventions  que  la  fabrication  artistique 
a  conquis  tant  d'inimitables  modèles.  Le  service  rendu  à  l'art 
par  ces  procédés  est  immense,  et  la  fabrication  du  bronze  ne 
s'est  véritablement  élevée  que  depuis  cette  époque. 

Aux  pieds  de  la  Vénus  de  Milo  sont  des  réductions  de  l'an- 
tique et  de  quelques  statues  du  siècle  dernier,  réductions  que 
MM.  Sauvaze  et  Caffort  ont  obtenues  avec  le  même  bonheur. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  755 

Ils  ont  aussi  exposé  des  bustes  et  des  médaillons  d'une  res- 
semblance exacte  ,  au  moyen  d'une  empreinte  prise  instanta- 
nément par  procédé  mécanique.  Cet  appareil ,  tout  ingénieux 
qu'il  est,  n'a  pas  la  prétention  de  remplacer  l'artiste,  mais  il 
assure  la  ressemblance ,  et  permet  de  faire  en  deux  ou  trois 
séances  un  buste  auquel  l'artiste  le  plus  habile  emploierait  au 
moins  quinze  jours. 

A  côté,  un  coffret  en  ivoire  sculpté,  genre  renaissance, 
de  M.  Moreau  fils ,  élève  de  Toussaint  le  statuaire ,  est  une 
preuve  nouvelle  de  cette  alliance  des  arts  et  de  l'indu- 
strie :  ce  ne  sont  plus  là  ces  sculptures  de  Dieppe  ,  toujours 
taillées  sur  le  même  patron,  mais  une  création  nouvelle, 
bien  entendue  et  bien  réussie  .  les  ornements  qui  sont  sur 
les  panneaux  sont  très-élégants  de  forme ,  et  les  petits  en- 
fants qui  forment  le  soubassement  d'un  très-joli  galbe.  'Vis-à- 
vis,  dans  une  vitrine  collective,  sont  les  moulages  de  M.  Du- 
failly,  Marchi  et  Vincent.  Là  aussi  le  goût  se  fait  sentir  dans 
le  choix  des  modèles,  reproduits  d'après  Mène,  PoUet,  Pra- 
dif^r,  Cumberworth,  etc.  En  jetant  un  coup  d'oeil  à  droite,  la 
science  se  trouve  satisfaite  du  travail  consciencieux  et  pa- 
tient de  M.  Sthal,  mouleur  du  Jardin  des  Plantes,  qui  est 
parvenu  à  reproduire  ces  mollusques  et  ces  bivalves,  que  la 
mollesse  de  leur  nature  semblait  mettre  à  l'abri  de  cette  re- 
production :  cette  vitrine  renferme  également  des  feuilles  de 
plantes  moulées  des  deux  côtés  à  la  fois,  du  linge,  du  papier, 
reproduits  avec  toute  la  ténuité  de  leurs  fibres  et  de  leurs  li- 
néaments. Au-dessus  sont  trois  tètes  moulées  sur  nature  avec 
un  rare  bonheur,  et  bien  précieuses  pour  l'étude  anthropologi- 
que. M.  Mercier,  son  voisin,  nous  offre  des  glaces  richement 
et  finement  gravées  comme  les  glaces  de  Venise  ,  et  M.  Wirth 
toute  une  vitrine  remplie  de  sculptures  de  l'école  de  Berne  et 
des  pâtres  de  la  Suisse.  Ceci  est  de  l'art  moins  sérieux,  mais 
on  y  sent  aussi,  dans  quelques  sujets,  une  tendance  à  sortir 
de  la  routine  de  ces  jouets  que  l'on  offre  aux  touristes  qui 
visitent  la  Suisse.  M.  Planson  ,  habile  sculpteur  sur  bois,  a 
renfermé  dans  sa  petite  vitrine  de  ^^'  ;olis  spécimens  de 
l'art  et  du  goût  français  qu'f^-^  ont  su  utiliser  les 

Tahan  et  les  Maqup*^  ^     eurs  couvertures 

d'albums.'^-    '  feuillage  en  bois 

très"  •'  'voire.  Ce  cadre 


7r;G  VISITE 

appartient  à  l'Impératrice.  A  côté,  M.  Crière  a  placé^un  bou- 
quet de  fleurs  en  cire,  bien  largement  modelé. 

Un  peu  plus  loin,  M.  Opigez  olTre  à  nos  yeux  toute  une 
série  de  bustes  réduits,  où  nous  retrouvons  toute  la  finesse 
des  originaux  :  parmi  les  plus  remarquables  nous  citerons  le 
buste  de  Rolrou  ,  de  la  grandeur  de  celui  du  foyer  des  Fran- 
çais, et  qui  offrait  de  grandes  difficultés;  la  réduction  de  la 
statue  de  Mlle  de  Montpensier;  un  bas-relief  de  Luca  délia 
Robia  ;  celui  de  l'hôtel  Bourgthéroulde  à  Rouen  ;  une  série  de 
petits  bustes,  et  un  faune  dansant,  recouvert  d'une  couche  de 
cuivre  au  moyen  de  la  galvanoplastie.  M.  Opigez  obtient  dans 
ce  genre  des  produits  très-remarquables.  M.  Lagnier,  de  Bor- 
deaux, qui  est  vis-à-vis,  a  sculpté  sur  bois  un  bouquet  où  l'on 
trouvera  peut-être  un  peu  de  maigreur  dans  le  travail ,  mais 
qui  a  néanmoins  de  fort  jolis  détails. 

En  nous  retournant  dans  la  salle,  nous  retrouvons  une  belle 
cheminée  en  glace  de  M.  Luce ,  de  Versailles,  et  vis-à-vis,  sur 
une  table  de  bon  goût,  nos  yeux  s'arrêtent  avec  plaisir  sur 
une  charmante  sculpture  sur  bois  de  Knecht  :  c'est  un  petit 
bénitier  :  la  Vierge,  entourée  de  feuillages  sculptés  avec  un  art 
i-nfini ,  tient  l'enfant  Jésus  dans  ses  bras;  c'est  d'une  hardiesse 
et  d'une  réussite  qui  nous  font  vite  oublier  les  sculptures  an- 
ciennes de  l'école  allemande  si  renommée.  Le  même  artiste  a 
exposé  aux  Beaux-Arts  un  groupe  de  gibier  qui  est  également 
plein  de  mérite.  Pour  terminer  notre  revue  de  la  sculpture  ar- 
tistique qui  se  trouve  dans  cette  salle,  n'oublions  pas  un  joli 
petit  coffret  de  Riester,  dans  le  genre  allemand,  en  ébène 
avec  incrustations  d'argent  et  d'acier,  ciselé  et  doré  :  nous 
V  retrouvons  le  goût  de  cet  habile  dessinateur  ornema- 
niste. 

MM.  Blard,  de  Dieppe,  sculpteurs  en  ivoire,  ont  renfermé 
dans  leur  vitrine  un  très-beau  Christ,  et  plusieurs  objets,  où 
se  manifeste  cette  tendance  à  sortir  de  la  voie  commune  dont 
nous  parlions  plus  haut,  et  que  nous  retrouvons  également 
dans  les  t  âges  de  Mme  la  comtesse  de  Dampierre;  dans 
tous  les  oi  xposés  par  cette  dame,  un  écran  ,  des  fleurs, 

des  cadres  ases  en  cuir  repoussé,  on  ne  sait  ce  qu'on 

doit  le  pi  r  de  b     'ussite  ou  de  la  patience  de  l'ar- 

tiste, qui  "H  rare  bonheur  dans  les 

cadres  d(  '^dus  près  de  la  salle 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  757 

de  la  lithographie  :  dans  ces  derniers  c'est  la  nature  prise  sur 
le  fait  avec  toute  sa  finesse  et  la  variété  de  ses  teintes. 

Nous  avons  dit  que  cette  salle  était  la  salle  de  la  plastique  ; 
le  trophée  d'honneur  dans  la  nef  a  été  confié  à  M.  Hubert,  qui 
y  a  placé,  outre  sa  cheminée  monumentale,  une  fort  jolie  gar- 
niture de  glace  en  carton  pâte,  genre  Louis  XV,  et  plusieurs 
spécimens  de  très-bon  goût.  C'est  à  lui  qu'est  due  également 
l'exécution  du  cadre  de  la  magnifique  glace  de  Saint-Gobain, 
placée  dans  la  nef.  MM.  Bénier  frères  ont  également  exposé 
une  cheminée  en  carton  pierre  bien  composée  et  qui  a  de 
jolis  détails  ,  et  M.  Hardouin ,  deux  panneaux  d'appartement 
style  Louis  XIV  et  Louis  XV,  bien  réussis.  M.  Souly  a  sou- 
tenu sa  réputation  pour  la  richesse  de  ses  cadres ,  et  M.  Dû- 
ment Pétrelle,  par  la  finesse  de  ses  dorures  à  l'eau,  sur  bois, 
et  le  fini  de  ses  sculptures  sur  pâte  ,  mérite  l'attention  mar- 
quée qu'il  avait  déjà  obtenue  à  Londres  en  ISol.  N'oublions 
pas,  parmi  nos  ornemanistes,  MM.  Crozet  et  Boucarut. 
M.  Laurent  (  François),  que  le  défaut  d'espace  a  fait  placer 
dans  l'escalier  N.-O.  ,  a  exposé  un  bel  encadrement  de 
glace,  style  Louis  XV,  auquel  nous  reprocherons  peut- 
être  d'être  un  peu  lourd  pour  sa  hauteur.  En  pendant,  la  mai- 
son Bourdon  a  mis  un  riche  cadre  doré  autour  d'une  belle 
glace  de  Saint-Quirin  ,  et,  dans  le  grand  escalier  du  pavillon 
central ,  M.  Ples-on ,  un  cadre  dont  les  riches  ornements  dorés 
sont  dûs  à  la  composition  de  M.  Riester. 

Dans  notre  salle  de  la  plastique ,  M.  Dulud  ,  dans  son  ex- 
position, nous  offre  une  heureuse  application  du  relief  aux 
cuirs  de  tenture.  Cet  habile  artiste,  car  on  peut  lui  donner 
ce  nom,  a  introduit  par  sa  persévérance,  et  fait  adopter  dans 
le  commerce,  une  série  de  modèles,  dont  les  applications  sont 
journalières,  des  plus  variées  et  des  plus  heureuses  :  tentures 
d'appartement,  meubles,  moulures,  figurines,  ornements,  il 
a  essayé  de  tout,  et  avec  le  même  bonheur;  c'est  encore  là 
une  des  plus  heureuses  introductions  de  l'art  dans  l'industrie. 
Citons  également,  dans  le  même  genre  ,  MM.  Martella  et  Hal- 
bedel,  mais  qui  n'ont  pas ,  comme  M.  Dulud,  ces  applications 
variées  à  l'infini;  le  premier  cependant  donne  une  imitation 
de  cuirs  de  tenture  très-remarquable  comme  dessin  et  comme 
modicité  de  prix. 

Je  ne  puis  pas  terminer  cette  revue  de  la  plastique  fraii- 


758  VISITE 

çaise ,  sans  parler  de  M.  Cruchet,  qui  marche  en  tête  de  tous , 
et  qui  a  fait  son  exposition  dans  le  péristyle  et  le  salon  de 
l'Impératrice,  au  premier  étage.  Il  n'y  a  qu'à  jeter  un  coup 
d'oeil  sur  les  riches  détails  et  le  bon  goût  des  ornements,  pour 
voir  combien  il  est  en  avant  de  tous  ses  rivaux  dans  cette 
partie  de  l'industrie. 

Maintenant,  si  nous  jetons  un  coup  d'œil  sur  la  plastique 
étrangère ,  nous  pouvons  louer  sans  restriction ,  en  Angle- 
terre,  les  beaux  cartons-pâte  de  M.  Jackson;  surtout  trois 
médaillons  d'animaux  groupés  très-bien  composés,  un  petit 
encadrement  de  miroir  très-joli  et  très-délicat,  et  un  morceau 
d'une  grande  frise  composée  pour  le  salon  du  club  de  la  ma- 
rine et  de  l'armée. 

En  Belgique,  MM.  Boëx  et  Bonnefui  ne  nous  ont  envoyé 
que  des  encadrements  de  formes  tourmentées,  et  M,  Cramer, 
de  Cologne,  quelques  petits  modèles  qui  ne  nous  permettent 
pas  de  nous  prononcer,  vu  leur  peu  d'importance. 

L'alliance  de  l'industrie  et  des  arts  se  fait  peut-être  plus  vi- 
vement sentir  dans  la  lithographie.  Il  s'est  rencontré,  comme 
aux  temps  des  Elzévir  et  des  Etienne  ,  des  imprimeurs  intel- 
ligents, qui  se  sont  servis  de  toutes  les  découvertes  modernes 
de  la  science  pour  venir  en  aide  aux  artistes,  et  bien  traduire 
leurs  œuvres  aux  yeux  du  public. 

Lemercier  marche  en  tête  de  cette  cohorte  de  chercheurs  , 
et,  si  nous  jetons  un  coup  d'œil  sur  sa  riche  exposition ,  les 
preuves  de  ce  que  nous  avançons  ne  nous  manqueront  pas. 
Cet  habile  éditeur  n'a  laissé  passer  aucune  branche  de  son 
industrie  sans  y  imprimer  son  goût  et  son  savoir-faire  :  im- 
pressions en  noir  remarquables,  reproduction  de  dessins  faits 
par  les  artistes  sur  papier  préparé,  ce  qui  donne  toute  la  sou- 
daineté de  la  pensée  et  du  coup  de  crayon  ,  photographie 
reportée  sur  pierre  avec  bonheur  et  sans  aucune  espèce  de 
retouches  ,  chromolithographies  ,  gravure  sur  pierre ,  lavis , 
rien  n'a  été  laissé  de  côté.  Expliquons  d'abord  à  nos  lecteurs 
ce  qu'on  entend  par  chromolithographie  ,  pour  faire  voir 
quelles  ont  été  les  difficultés  vaincues.  Comme  l'indique  la 
composition  du  mot,  tiré  du  grec  {kronws  couleur),  il  s'agit 
de  faire  une  lithographie  coloriée ,  en  remplaçant  le  pinceau 
par  des  teintes  appliquées  par  le  tirage ,  chaque  pierre  por- 
tant la  couleur  qu'elle  doit  déposer  sur  l'épreuve  première  ; 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  759 

on  conçoit  avec  quelle  fidélité  et  quelle  justess«i  de  contours 
les  repères  doivent  être  faits  ,  car  il  est  des  dessins  qui  exi- 
gent jusqu'à  dix-huit  ou  vingt  pierres  différentes  ;  on  conçoit 
également  quelle  variété  de  tons  peuvent  donner  ces  super- 
positions successives  en  se  modifiant  les  unes  par  les  autres 
à  l'infini.  Cette  nouvelle  application  de  la  lithographie  a 
rendu  des  services  immenses  aux  sciences  et  aux  arts ,  et  se 
plie  avec  un  bonheur  infini  à  toutes  les  exigences.  Ainsi,  pour 
citer  un  exemple,  il  est  telle  carte  géographique  éditée  par 
l'Imprimerie  impériale  qui ,  coloriée  à  la  main ,  coûtait  une 
dizaine  de  francs  ,  et  qui  maintenant ,  coloriée  par  le  nouveau 
procédé,  avec  une  plus  grande  égaUté  de  teintes,  ne  coûte 
que  3  fr.  25  cent.  Les  manuscrits  eux-mêmes,  ces  chefs- 
d'œuvre  de  patience  et  d'art  des  moines  des  vr  et  vu'  siècles , 
sont  reproduits  par  ce  procédé  de  la  manière  la  plus  satisfai- 
sante. 

Après  Lemercier,  marchent  Jacônie  et  Dufat  :  ceux-là  aussi 
n'ont  rien  négligé  et,  venus  les  derniers,  n'ont  laissé  passer 
aucune  des  découvertes  nouvelles  sans  y  appliquer  leur  in- 
telligence. Il  y  a  dans  leur  exposition  une  épreuve  qui  re- 
présente, à  s'y  méprendre,  une  ébauche  à  l'huile,  au  moyen 
d'un  procédé  nouveau  qui  leur  appartient.  BertaïUs,  lui,  est 
un  véritable  artiste  :  il  ne  s'est  adonné  qu'à  l'impression  en 
noir  ;  mais  comme  il  l'a  poussée  loin  et  quelles  belles  épreuves 
il  nous  offre  1  C'est  un  véritable  bonheur  pour  un  coloriste 
que  d'être  imprimé  chez  Bertauts,  qui  s'occupe  lui-même  de 
la  mise  en  train  des  pierres  ,  et  ne  la  livre  à  ses  ouvriers 
qu'avec  les  recommandations  les  plus  sévères  et  la  surveil- 
lance la  plus  minutieuse.  Bnj  est  encore,  après  Bertauts.  l'un 
de  nos  imprimeurs  le  plus  intelligent  :  c'est  un  homme  éga- 
lement pratique  et  consciencieux,  un  chercheur,  et  ce  qui 
sort  de  ses  presses  est  très-remarquable  :  c'est  l'imprimeur 
privilégié  de  Raffet  ,  qui  nous  a  donné  de  si  belles  lithogra- 
phies devenues  populaires  ,  et  dont  l'exposition  de  Bry  nous 
offre  de  très-beaux  échantillons. 

Maintenant,  pour  en  venir  à  la  chromolithographie  propre- 
ment dite,  j'ai  gardé  Engelmann  et  Hangard-Maugé  qui,  tous 
deux,  méritent  un  article  spécial  :  le  premier  nous  offre  une 
série  d'imitation  de  manuscrits  fort  remarquable,  un,  entre 
autres,  tiré  sur  vélin,  ce  qui  présentait  de  très-grandes  diffi- 


760  VISITE 

cultes,  puis(|u'on  ne  peut  pas  humidifier  le  vélin  et  qu'il  fal- 
lait que  chaque  feuille  pour  le  tirage  fût  tendue  sur  un  châs- 
sis. Il  a  également  une  imitation  très -heureuse  des  vieux 
vitraux,  qu'il  nous  rend  avec  toute  leur  transparence  et  toute 
la  vigueur  de  leurs  tons.  La  seule  chose  que  je  retrouve  à 
reprendre  dans  toute  son  exposition  ,  c'est  un  portrait  gran- 
deur nature  de  Napoléon  h^.  C'est  dur,  d'un  ton  peu  agréable, 
et  c'est  vouloir  trop  demander  tout  d'un  coup  à  un  art  qui  n'a 
pas  dit  son  dernier  mot. 

Hangard-Mauge  nous  offre  l'application  la  plus  variée  de 
la  chromolithographie,  et  cela  d'une  manière  fort  remar- 
quable. Deux  planches  surtout  ont  fixé  notre  attention  :  un 
dessin  frontispice  de  l'Alhambra  et  une  vue  intérieure  de 
mosquée;  puis  une  série  de  lithographies  artistiques  et  in- 
dustrielles très-variées.  Paulon ,  son  voisin,  a  aussi  de  belles 
épreuves ,  une  couronne  de  fleurs ,  entre  autres  ,  sur  fond 
brun  et  d'autres  fleurs.  Barhnt ,  de  Châlons-sur-Marne,  qui 
vient  ensuite,  expose  un  très-beau  livre  de  messe,  genre 
manuscrit,  et  les  Évangiles  avec  encadrements  variés:  ce 
sont  deux  belles  choses,  surtout  quand  on  pense  qu'elles  ont 
été  exécutées  en  province.  Un  autre  éditeur  de  province, 
M.  Charpentier  ,  de  Nantes  ,  mérite  nos  éloges ,  ainsi  que 
M.  Simon  ,  de  Strasbourg,  qui  nous  a  donné  des  fac-similé 
d'aquarelles  et  de  dessins  très-remarquables.  M.  Kœppe- 
lin ,  qui  s'est  adonné  à  la  reproduction  par  la  gravure  sur 
pierre  des  cartes  géographiques  nous  en  otfre  une  très-belle 
série. 

Deux  pays  étrangers  ,  où  l'art  du  dessin  est  en  grand  hon- 
neur, l'Angleterre  et  l'Allen^agne,  nous  offrent  aussi  de  beaux 
spécimens  de  chromolithographie.  Dans  le  premier,  nous 
avons  remarqué  l'exposition  de  sir  Hanchart  et  celle  de 
M.  Vincent  Brooks  :  ce  dernier  a  lithographie  une  Fuite  en 
Egypte,  qui  rappelle  par  sa  vigueur  de  tons  les  P.  Véronèse, 
et  M.  Hanchart,  des  paysages  et  des  vues  du  Palais  de  Cristal 
en  1851  d'un  fini  précieux.  Si  notre  observation  ne  nous  a 
pas  trompé,  il  nous  semble  que  ce  sont,  pour  la  plupart,  des 
gravures  à  l'aqua-tinte  coloriées  ensuite  au  moyen  de  la  litho- 
graphie. En  Allemagne  ,  l'Autriche  nous  offre  aussi  une  série 
de  chromolithographies,  mais  elles  sont  un  peu  dures  dans 
la  dégradation  des  tons,  excepté  la  reproduction  d'un  tableau 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  7G1 

de  fleurs  et  de  fruits.  L'original ,  peint  à  Thuile,  qui  est  en 
opposition  avec  la  copie  ,  nous  permet  d'apprécier  le  talent 
avec  lequel  il  a  été  reproduit  :  il  y  a  réellement  bien  peu  de 
différence  comme  vigueur.  M.  Digby  Wyatt ,  savant  profes- 
seur anglais,  s'est  aussi  servi  de  cette  nouvelle  application  de 
la  lithographie  pour  nous  donner  une  série  de  modèles  de 
mosaïques.  En  visitant  la  galerie  supérieure,  nous  avons 
remarqué  dans  l'Espagne  une  histoire  de  Don  Quichotte,  mise 
sur  pierre  par  G.  Nanteuil,  notre  compatriote ,  avec  cette 
vigueur  de  coloris  qui  lui  est  particulière  :  c'est  franchement 
imprimé  par  M.  Martinez.  En  résumant  nos  appréciations  sur 
cette  partie  de  l'Exposition,  je  crois  que  nous  pouvons,  sans 
partialité,  revendiquer  la  supériorité  comme  exécution  et 
comme  variété  d'application. 

La  salle  destinée  à  la  gravure  au  rez-de-chaussée ,  et  qui 
suit  immédiatement  celle  de  la  lithographie  ,  renferme  de 
beaux  spécimens  du  talent  de  nos  imprimeurs  en  taille-douce, 
en  tête  desquels  nous  placerons  MM.  Goupil,  Chardon  aîné 
et  Chardon  jeune.  Citer  M.  Goupil  ,  c'est  parler  de  l'édileur 
intelliizent  de  toutes  les  œuvres  de  Delaroche,  dont  il  nous 
offre  riiémicycle  du  Palais  des  Beaux-Arts,  la  Sainte  Amélie, 
par  Mercury,  le  Consolateur  des  Affligés,  de  A.  Scheffer,  ga- 
vure  pleine  de  poésie  et  de  mélancolie,  une  gravure  encore 
inédite  d'après  Léonard  de  Vinci  et  tant  d'autres  chefs- 
d'œuvre  trop  longs  à  énumérer  ici,  et  imprimés  avec  un  soin 
et  un  goût  parfaits.  Ce  que  nous  venons  de  dire  de  M.  Goupil 
peut  s'appliquer  avec  justice  aux  deux  Chardon,  dont  les  im- 
pressions sont  fort  remarquables.  Dans  la  même  salle,  M.  Ré- 
mond  nous  off're  une  série  d'impressions  en  couleur,  appli- 
quées au  pinceau  sur  planches  de  cuivre  :  ce  sont  des 
gravures  d'anatomie  et  de  botanique,  parfaitement  réussies 
et  d'une  grande  finesse  de  ton.  Le  cadre  de  M.  Furne  ren- 
ferme la  belle  collection  de  ses  Vierges  de  Raphaël,  que  cet 
éditeur  a  mises  à  la  portée  de  toutes  les  fortunes  par  le  prix 
modique  auquel  il  les  livre,  des  gravures  du  Paradis  perdu, 
celles  (le  la  Bible  et  des  œuvres  de  M.  Thiers,  toutes  gravures 
remarquables.  La  persévérance  et  le  soin  avec  lesquels 
M.  Furne  a  poursuivi  son  œuvre  d'éditeur  consciencieux  mé- 
rite tous  nos  éloges.  Après  eux  viennent,  comme  importance 
de  commerce,  M.  Basset  et  IMme  Bouasse-Lebel,  deux  édi- 


762  VISITE 

teurs  qui  se  sont  adonnés  aux  dessins  de  sainteté   et  de 
sciences  mises  à  la  portée  de  toutes  les  intelligences. 

Passons  maintenant  à  un  autre  ordre  de  gravures ,  celui 
où  l'on  s'est  servi  de  Tapplication  récente  de  la  galvanoplastie. 
En  tète  nommons  iM.  Hulot,  graveur  à  la  monnaie  :  c'est  le 
plus  habile  de  tous;  son  cadre  renferme  des  timbres-postes 
et  des  cartes  à  jouer,  deux  gravures  d'après  Raphaël  avec  les 
épreuves;  ces  planches  sont  gravées  avec  une  perfection 
remarquable.  Après  lui ,  M.  Gillot,  qui  a  donné  à  son  travail 
le  nom  de  paniconographie ,  car  il  reproduit  en  clichés  de 
cuivre  ou  de  métal  d'imprimerie  toute  espèce  de  gravure, 
qu'elle  soit  sur  pierre  ou  sur  bois  ,  et  permet  ainsi  de  lim- 
primer  dans  le  texte.  M.  Dumont  est  son  émule  :  ce  sont  deux 
chercheurs  qui  ont  obtenu  déjà  de  bonnes  réussites.  M.  Salle, 
M.  Coblence,  dont  les  épreuves  sont  placées  avec  les  cartes 
de  géographie ,  sont  également  deux  galvanoplastes  qu'il  ne 
faut  pas  passer  sous  silence.  11  en  est  un  qui  occupe  une  place 
à  part ,  c'est  M.  A,  Collas  ,  qui  grave  mécaniquement  et  avec 
un  grand  art  sur  acier,  sur  bois,  sur  ivoire.  La  finesse  du 
travail  étonne  quand  on  pense  qu'il  n'y  a  là  aucune  trace  de 
burin. 

Venons  maintenant  aux  graveurs  sur  bois.  Cette  branche 
de  la  gravure,  la  première  de  toutes  comme  découverte  et  qui 
fit  la  gloire  des  Albert  Durer  .  des  Lucas  de  Leyde ,  des  Hans 
Burgmer,  a  fait  des  pas  de  géant  depuis  quelques  années,  et 
nous  avons  égalé  sinon  dépassé  les  Anglais  et  les  Américains, 
nos  maîtres  autrefois  dans  cet  art.  Quelques-uns  de  nos  gra- 
veurs sur  bois  ont  exposé  aux  Beaux-Arts  avec  succès  : 
parmi  ceux  qui  sont  restés  avec  nous ,  les  premiers  de  tous 
sont  MM.  Best,  Hotelin  et  Régnier,  trinité  qui  a  formé  toute 
une  pépinière  de  graveurs  de  talent  :  il  sufht  de  la  nommer , 
car  ses  œuvres  sont  connues  et  appréciées  de  tous,  et  ornent 
presque  toutes  nos  publications.  Citons  en  première  ligne , 
après  eux,  Gusmand  d'abord,  puis  Pontenier  et  Guigert,  qui 
s'est  adonné  avec  succès  aux  dessins  de  machines  et  de 
fabrique,  ainsi  que  son  voisin  M.  Dulos.  La  finesse  du  travail 
de  tous  ces  artistes  égale  celle  de  la  gravure  au  burin  :  le 
Magasin  pittoresque,  la  Touraine  de  M.  Marne,  la  Vie  de  tous 
les  peintres  sont  là  pour  prouver  notre  assertion. 

Il  en  est  trois  que  nous  avons  réservés  pour  terminer  la 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  763 

série  des  graveurs,  parce  qu'ils  se  sont  adonnés  à  un  genre 
de  gravure  pratiquée  chez  les  étrangers  ,  je  veux  parler  de 
l'imitation  des  aquarelles  ou  des  dessins  au  crayon  par  la 
gravure  à  l'aqua-tinle.  Le  premier,  selon  nous,  dans  l'expo- 
sition française,  est  Desjardins,  qui  nous  a  donné  des  fac  simile 
très-remarquables  des  aquarelles  de  A.  Delacroix,  Bellangé, 
Lepoilevin,  et  des  bouquets  de  fleurs;  ce  sont  de  véritables 
trompe-l'œil.  Himely  peut  se  ranger  sur  la  même  ligne,  et 
Dupuy,  qui  n'a  reproduit  que  des  dessins  de  fleurs,  l'a  fait 
avec  un  rare  bonheur  et  une  douceur  de  teintes  remarquable. 
M.  Digeon  nous  ofl're ,  outre  des  gravures  analogues  à  celles 
de  ces  messieurs,  une  gamme  chromatique  de  tons  super- 
posés, très-remarquable  et  très-utile,  comme  renseignement, 
à  ceux  qui  voudraient  s'exercer  dans  ce  genre  de  gravure. 

Nous  ne  trouvons  guère  que  chez  les  Anglais  un  point  de 
comparaison  à  cet  égard ,  encore  chez  eux ,  c'est  notre  idée 
du  moins,  est-ce  un  mélange  d'aqua-tinte  etde  lithographie, 
comme  nous  lavons  dit  plus  haut  en  citant  M.  Hanhart. 
N'oublions  pas  la  gravure  dite  commerciale  ,  c'est-à-dire  ap- 
pliquée aux  lettres  de  change,  actions  industrielles,  etc.,  et 
plaçons  en  première  ligne,  J\L  Viesener,  puis  MM.  Villerey, 
Saunier  et  Hérard. 

Nous  voici  arrivés  maintenant  à  une  partie  de  l'Exposition, 
dont  on  s'est  fort  occupé  depuis  quelques  années,  et  qui  «si 
en  grande  voie  de  progrès,  je  veux  parler  de  la  photographie 
sur  papier;  je  ne  ferai  pas  ici  l'historique  de  la  belle  décou- 
verte de  M.  Daguerre  et  de  M.  Nièpce  de  Saint-Vicior,  qui  y 
a  apporté  tant  de  précieux  perfectionnements  :  il  est  peu  de 
personnes  qui  Tignorent;  je  ne  m'occuperai  que  des  épreuves 
obtenues  par  la  substitution  de  la  glace  collotiionnée  ou  albu- 
minée, ou  papier  préparé,  à  la  plaque  de  métal.  L'absence 
du  miroitement  si  désagréable  dans  ces  dernières,  et  la  fa- 
cilité de  conserver  et  d'empoi  ter  en  portefeuille  un  grand 
nombre  d'épreuves ,  ont  fait  dès  les  premiers  pas  donner  la 
préférence  à  ce  système,  et  voici  en  quelques  mots  en  quoi 
consiste  l'opération.  Une  glace  bien  nette  remplace  la  plaque: 
pour  la  rendre  sensible  a  l'action  de  la  lumière  on  la  recou- 
vre d'une  couche  d'albumine  ou  de  coUodion,  opération  qui 
exige  pour  avoir  des  glaces  bien  nettes  et  exemptes  de  stries, 
une  assez  grande  habileté  de  main ,  que  l'exercice  du  reste 


7G4  VISITE 

fait  bientôt  acquérir  ;  puis ,  quand  le  collodion  est  étendu  bien 
également  sur  le  verre  et  encore  humide,  on  plonge  la  glace 
pendant  quelques  secondes  dans  un  bain  de  sel  d'argent,  qui 
lui  donne  la  sensibilité  :  on  expose  à  la  lumière  dans  la 
chambre  noire  :  on  relire  la  glace  au  bout  du  nombre  de 
secondes  voulues,  en  la  préservant  de  toute  impression  de 
lumière  extérieure,  puis  dans  un  endroit  noir,  éclairé  seule- 
ment par  une  bougie,  on  fixe  l'image  obtenue  par  des  lava- 
ges, dont  on  trouvera  l'indication  dans  tous  les  ouvrages  sur  lu 
photographie.  L'image  ,  une  fois  fixée,  sert  de  matrice  à  un 
nombre  indéfini  d'épreuves,  que  l'on  obtient  en  la  posant 
sur  une  feuille  de  papier  préparé,  et  en  l'exposant  dans  un 
cadre  à  l'action  du  soleil  ou  même  de  la  lumière  diffuse.  On 
opère  également  avec  des  papiers  préparés  qui  remplacent  la 
glace  albuminée  ou  collodionée  et  donnent  aussi  de  très-belles 
épreuves,  comme  on  peut  s'en  convaincre,  dans  celles  de 
M.  Bougemier  (n°  9137).  Il  est  encore  une  opération  dans  la 
photographie,  dont  il  faut  dire  un  mot  avant  d'aller  plus 
loin,  c'est  ce  qu'on  a  appelé  V héliographie,  c'est-à-dire  gra- 
vure obtenue  par  l'action  de  la  lumière  sur  plaque  de  métal, 
avec  assez  de  profondeur  pour  pouvoir  tirer  des  épreuves. 
C'est  à  Nièpce  de  Saint-Victor  que  l'on  doit  ce  procédé,  qui 
donne  déjà  de  beaux  et  curieux  résultats,  mais  auxquels  le 
graveur  retouche  trop,  pour  qu'on  puisse  dire  que  c'est  la  lu- 
mière elle-même  qui  grave  directement  et  donne  ces  belles 
épreuves. 

Mal:^ré  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  do  la  photographie 
sur  papier,  nous  ne  voulons  pas  passer  sous  silence  ceux  de 
nos  photographes  qui  sont  restés  fidèles  aux  épreuves  sur 
plaque,  et  nous  commencerons  notre  revue  par  eux. 

M.  iMillet  est  incontestablement  celui  qui  marche  en  tête: 
ses  épreuves,  soit  portraits,  soit  monuments,  soit  groupes, 
sont  magnifiques  de  netteté,  et  obtenues  presque  instantané- 
ment. Parmi  les  épreuves  exposées  par  cet  artiste  il  y  en  a 
qui,  plus  tard,  acquerreront  beaucoup  de  prix  ;  ce  sont  celles 
qui  ont  rapport  aux  travaux  successifs  du  Louvre.  Après  lui, 
M.  Plumier,  puis  M.  Vaillat,  M.  Thierry,  et  M.  Sabalhier, 
qui  exposent  de  très-beaux  portraits,  qui  luttent  avec  avan- 
tage avec  les  beaux  portraits  américains. 

Mais  la  partie  la  plus  remarquable  de  l'exposition  photo- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  76^) 

graphique  est  dans  la  reproduction  des  paysages  et  des  mo- 
numents :  excepté  M.  Fenton  et  M.  jMaxveil  Lyte  en  Angle- 
terre, nos  artistes  n'ont  aucune  concurrence  à  redouter. 
M.  Giroux,  qui  se  présente  le  premier,  a  des  paysages  bien 
remarquables ,  où  l'on  reconnaît  de  suite  dans  le  choix  des 
sites  le  goût  d'un  artiste  et  d'un  paysagiste  :  MM.  Bisson 
frères,  qu'il  suffit  de  nommer;  rien  n'égale  leur  vue  panora- 
mique de  Paris,  prise  des  toits  du  Louvre  :  il  y  a  là  des  loin- 
tains trè.s-bien  réussis,  chose  rare  en  photographie,  et  comme 
monuments,  leur  g,rande  épreuve  de  la  cour  du  Louvre,  et  la 
porte  de  la  Bibliothèque  impériale,  sur  le  quai  des  Tuileries: 
ce  sont  trois  chefs-d'œuvres  ;  puis  une  reproduction  de  Rem- 
brandt, d'Albert  Durer,  et  divers  objets  de  l'Exposition,  ren- 
dus avec  leur  habileté  ordinaire.  M,  Baldus  rivalise  avec 
Bisson  pour  la  grandeur  et  la  beauté  des  épreuves  :  nous 
avons  remarqué  surtout  sa  vue  du  Mont-Dore  et  du  lac  Cham- 
bon  ,  et  celle  des  arènes  de  Nîmes  :  il  y  a  aussi  une  petite 
vue  de  vallée  avec  un  moulin,  parfaite  en  tous  points.  Puis- 
que nous  en  sommes  aux  paysagistes,  admirons  les  épreuves 
de  M.  Martens,  qui  nous  donne  une  vue  générale  du  Mont- 
Blanc,  d'après  ses  études  séparées,  qui  sont  d'une  finesse 
extraordinaire.  M.  le  comte  de  Béranger  a  également  une 
série  de  paysages  très  intéressante ,  une  étude  d'arbre  entre 
autres  prise  en  hiver,  puis  une  reproduction  de  Rembrandt. 
M.  Aguado  termine  cette  série  de  paysagistes  habiles  par  de 
très-belles  épreuves,  d'une  rare  finesse  de  modelé. 

En  Angleterre,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  M.  Fen- 
ton, est  le  plus  remarquable,  et,  nous  pouvons  l'avouer  sans 
blesser  l'amour-propre  de  nos  artistes,  le  plus  fort  :  il  y  a 
surtout  une  photographie  intitulée  Hack  fall^  qui  est  d'une 
finesse  de  modelé  et  d'une  étendue  de  lointains  que  nous  ne 
trouvons  chez  aucun  des  nôtres;  puis  ensuileWalley  ofthe 
Wharfs  et  Boston  Abbeij.  Il  est  moins  heureux  dans  ses 
groupes  animés,  que  je  trouve  secs  et  noirs.  M,  Maxwell 
Lyte  marche  sur  ses  traces,  et  nous  offre  une  série  de  vues 
des  Pyrénées,  très-remarquable  par  la  profondeur  et  la 
transparence  des  lointains.  M.  Newton  a  des  études  au  mi- 
croscope très-bien  réussies;  M.  Sherloch ,  des  études  de 
nuages,  saisies  avec  une  instantanéité  très-heureuse,  et  qui 
peuvent  servir  de  prJcieux  renseignements  pour  les  peintres. 


766  VISITE 

Dans  la  Grèce,  M.  Philippe  Margarilis  nous  a  donné  de 
belles  épreuves  des  beaux  monuments  d'Athènes  et  de  leurs 
bas-reliefs;  à  Florence ,  MM.  Alinari  frères,  des  vues  du 
Campo-Santo,  rendues  avec  toute  la  richesse  de  leurs  détails; 
à  Rome,  M.  Dovizielli,  sa  vue  très-remarquable  d'une  cas- 
cade dans  l'intérieur  d'un  palais,  et  d'une  chute  d'eau  près 
de  Rome. 

En  nous  occupant  maintenant  de  la  reproduction  des  mo- 
numents, statues  et  bas-reliefs,  nous  placerons  M.  Bayard 
en  première  ligne  :  la  beauté  des  épreuves  de  cet  artiste  est 
tout  à  fait  hors  ligne,  et  qu;ind  on  aura  vu  ses  belles  photo- 
graphies de  la  Vénus  de  Milo  et  de  ses  bas-reliefs  d'après 
Clodion,  on  rendra  justice  à  la  vérité  de  notre  assertion. 
Rien  n'égale  la  pureté  et  la  douceur  de  ses  blancs  dans  la 
reproduction  des  statues.  M.Lesecq  vient  après  lui,  ainsi  que 
M.  Legray,  pour  nos  monuments  gothiques;  tous  leurs  néga- 
tifs sont  obtenus  sur  papier. 

Nous  terminerons  cette  revue  de  la  photographie  par  la 
série  des  portraits  ;  il  y  a  ici  deux  manières  de  les  envisager, 
soit  au  point  de  vue  de  l'art  lui-même,  soit  au  point  de  vue 
du  commerce  :  nous  comprenons  dans  cette  dernière  série 
tous  les  portraits  retouchés,  car  ce  n'est  plus  le  photographe 
qu'il  faut  juger,  mais  le  peintre  aquarelliste.  M.  Belloc,  se- 
lon nous,  est  le  seul  qui  offre  une  très-belle  série  de  portraits 
sans  retouche  et  parfaitement  réussis  :  après  lui  et  avec  des 
degrés  différents  de  pureté  de  teinte  ou  de  bonheur  de  pose, 
MM.  Mayer,  d'Olivier,  qui  a  reproduit  avec  bonheur  la  gale- 
rie de  nos  célébrités  industrielles;  Heutlinger,  d'Anguy,  Wulf, 
dont  les  épreuves  sur  toile  cirée  sont  très-fines  de  détails  ; 
Laverdet  et  M.  Fournier  et  Gardel,  de  Limoges. 

Il  est  quelques  photographes  dont  je  ne  me  suis  pas  occupé 
plus  haut,  parce  qu'ils  ont  essayé  et  réussi  dans  tous  les 
genres  :  M.  Disdéry  est  le  plus  habile  de  tous,  et  s'il  parve- 
nait à  éclairer  un  peu  plus  ses  beaux  portraits  sur  toile  cirée, 
ce  seraient  de  vrais  chefs-d'œuvre;  dans  l'état  où  il  nous  les 
offre,  l'aspect  en  est  triste.  M.  Disdéry  s'occupe  en  outre 
dans  ce  moment-ci  d'un  ouvrage  qu'il  intitulera,  je  crois,  le 
Portefeuille  de  V Exposition  :  nous  en  avons  vu  quelques 
planches;  c'est  excessivement  remarquable  et  d'un  prix  ac- 
cessible, car  c'est  là  un  des  défauts  de  la  photographie,  que 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  767 

d'être  hors  de  la  portée  des  bourses  communes.  MM.  Thomp- 
son et  Biugham,  méritent  aussi  une  place  à  part  pour  leurs 
portraits  grands  comme  nature  et  obtenus  directement. 
N'oublions  pas  le  cadre  si  remarquable  de  M.  Tournachon, 
où  nous  trouvons  reproduites  avec  un  rare  bonheur  toutes 
les  poses  et  toutes  les  grimaces  si  fines  de  notre  pierrot 
français ,  Debureau  :  plus  un  beau  portrait  de  Dan  tan  jeune 
et  d'autres  belles  études. 

Pour  ne  rien  passer  sous  silence  de  ce  qui  regarde  la  pho- 
tographie, disons  quelques  mots  de  ce  qu'on  a  appelé  l'hélio- 
graphie,  et  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  M.  B.  Delessert 
occupe  le  premier  rang  avec  son  cadre  qui  renferme  la  repro- 
duction de  ces  belles  gravures  de  M.  Antoine,  devenues  si 
rares  et  si  chères,  et  que  ce  nouveau  procédé  met  à  la  portée 
de  tous;  puis  MM.  Nègre  et  Riffault. 

On  nous  a  cité  parmi  les  étrangers  à  Munich ,  les  beaux 
portraits  de  M.  Hanfstangl,  en  disant  même  que  nous  n'avions 
rien  de  comparable  ;  je  crois  qu'il  y  a  là  exagération  :  les  poses 
sont  heureuses,  mais  pour  la  pureté,  Belloc,  dont  il  est  l'é- 
lève, l'égale  s'il  ne  le  surpasse. 

Pour  résumer  cette  revue  photographique,  féhcitons-nous 
de  la  voie  de  progrès  dans  laquelle  elle  est  entrée  et  des  ser- 
vices qu'elle  peut  rendre  à  l'art  et  à  la  science,  comme  les 
belles  épreuves  de  M.  Bertsch  et  Arnaud,  et  Rousseau  nous  le 
prouvent.  Ses  ennemis  disent  qu'elle  n'est  pas  durable,  c'est 
une  question  que  le  temps  peut  seul  résoudre  ;  cependant  nous 
avons  vu  des  épreuves  sur  papier  de  M.  Legray,  qui  sontfailes 
depuis  plusieurs  années  et  qui  n'ont  pas  changé. 

Gravure  photographique.  —  Dans  l'un  des  coins  les  plus 
obscurs  de  l'Annexe,  dans  la  galerie  nord  et  en  face  du  clo- 
cher qui  domine  les  horloges  de  M.  J.  Wagner  neveu,  se 
trouve  relégué  un  modeste  atelier  dont  les  productions  mar- 
quent le  point  de  départ  d'une  ère  nouvelle  dans  l'art  typo- 
graphique. Il  s'agit  de  la  reproduction  facile,  et  surtout  fidèle, 
de  toute  espèce  de  dessins  au  crayon ,  d'épreuves  typogra- 
phiques, lithographiques,  ou  en  taille-douce,  etc.,  etc.,  au 
moyen  de  l'ingénieux  procédé  imaginé  par  MM.  Salmon  et 
Garnier,  de  Chartres. 

Ce  procédé  repose  sur  un  principe  découvert  en  1846  par 
M.  Niepce  de  Saint-Victor,  qui  a  constaté  le  premier  que  si 


768  VISITE 

on  soumet  à  la  vapeur  d'iode  un  dessin  ou  une  épreuve  im- 
primée ,  les  traits  du  dessin  se  chargeaient  plus  vite  d'iode 
que  le  blanc  du  papier,  et  qu'on  peut  ainsi  en  obtenir,  par  la 
pression,  un  décalque  soit  sur  papier  encollé  à  l'amidon,  soit 
sur  une  plaque  de  métal. 

Procédant  comme  l'avait  indiqué  M.  Niepce,  MM.  Salmon 
et  Garnier  prient  les  visiteurs  d'exécuter,;sur  une  feuille  de 
papier,  un  dessin  au  crayon  ;  ils  exposent  ce  dessin  à  la  vapeur 
de  l'iode,  puis  l'appliquent  sur  une  plaque  de  cuivre  jaune 
poli,  et  soumettent  le  tout  à  l'action  d'une  petite  presse  à  co- 
pier. L'iode,  qui  s'était  fixé  sur  les  traits  du  dessin  ,  se  dé- 
calque sur  la  plaque  de  cuivre.  Prenant  alors  un  peu  de  mer- 
cure sur  un  tampon  de  ouate,  on  en  frotte  la  plaque  et  le 
dessin  y  apparaît,  le  mercure  se  portant  sur  tous  les  endroits 
touchés  par  l'iode,  et  respectant  au  contraire  ceux  que  cette 
substance  a  laissés  intacts.  Pour  isoler  ce  dessin  du  reste  de 
la  plaque,  il  suffit  de  passer  par-dessus  un  rouleau  de  litho- 
graphe chargé  d'encre  grasse  qui ,  ne  se  déposant  que  sur 
les  endroits  exempts  de  mercure,  rend  le  dessin  beaucoup  plus 
visible,  et  se  détachant  en  blanc  sur  un  fond  noir.  On  se  dé- 
barrasse alors  du  mercure  au  moyen  d'une  dissolution  de  ni- 
trate d'argent  avec  excès  d'acide,  et  le  métal  de  la  planche  se 
trouve  à  nu  et  même  légèrement  creusé. 

Si  l'on  veut  obtenir  une  planche  en  taille-douce ,  on  conti- 
nue à  la  faire  mordre  à  la  manière  et  avec  les  acides  ordi- 
naires. Si  on  veut  tirer  la  planche  dans  les  conditions  de 
l'impression  lithographique,  on  détermine  sur  le  dessin,  par 
les  procédés  connus  de  l'électrotypie ,  un  léger  dépôt  de  fer 
réduit  de  son  chlorhydrate,  puis  on  enlève,  au  moyen  de  l'es- 
sence de  térébenthine,  l'encre  grasse  qui  recouvre  le  fond  de 
la  planche. 

On  passe  de  nouveau  la  planche  tout  entière  à  la  vapeur 
d'iode,  et  on  la  frotte  de  mercure  qui  s'étale  alors  sur  toute 
la  surface,  moins  les  traits  du  dessin,  ce  qui  constitue  la 
planche  dans  une  condition  exactement  inverse  de  son  état 
précédent. 

Dans  le  premier  cas  ,  les  traits  du  dessin  ,  chargés  de  mer- 
cure, ne  prenaient  pas  l'encre  du  rouleau  typographique  qui 
la  déposait  exclusivement  sur  le  reste  de  la  planche.  Dans  son 
nouvel  état  l'encre  va  se  déposer  exclusivement  sur  les  traits 


A   L'EXPOSITIOIN    UMVEK8ELLE.  769 

du  dessin  el  permettre  le  tirage  d'un  nombre  indétini  d'é- 
preuves. 

Telle  est  la  série  des  opérations  qui  s'exécutent ,  avec  un 
succès  très-remarquable,  devant  les  visiteurs  émerveillés. 

Il  nous  reste  à  indiquer  un  résultat  non  moins  important, 
dont  les  conditions  exigent  trop  de  temps  pour  en  rendre  le 
public  témoin,  mais  que  nous  avons  vu  réalisé  avec  beaucoup 
d'intérêt.  Nous  voulons  parler  de  la  gravure  en  relief  de  ces 
mêmes  planches ,  destinées  alors  à  l'impression  typogra- 
phique. 

Au  lieu  d'un  dépôt  de  fer  électrique,  on  produit  sur  les  traits 
du  dessin  un  léger  dépôt  d'or  qui,  préservant  ces  mêmes  traits 
de  l'action  des  acides,  permet  la  morsure  du  reste  de  la  plan- 
che à  la  profondeur  qu'exige  le  tirage  typographique. 

Les  divers  résultats  dont  nous  venons  d'entretenir  nos  lec- 
teurs ont  déjà  atteint  un  assez  haut  degré  de  perfection  pour 
que  nous  croyions  pouvoir  considérer  l'invention  de  MM.  Sal- 
mon  et  Garnier  comme  un  des  progrès  les  plus  importants 
que  l'art  typographique  ait  faits  dans  les  temps  modernes. 

Les  chefs-d'œuvre  de  la  typographie  moderne  ne  sauraient 
être  examinés  sans  tenir  compte  des  améliorations  successives 
qui  ont  été  signalées  ailleurs  dans  la  construction  des  appareils 
mécaniques  et  dans  la  fonderie  en  caractères.  Nous  dirons  seu- 
lement que  la  plupart  des  améliorations  importantes  se  re- 
trouvent dans  les  deux  expositions  des  imprimeries  impériales 
devienne  et  de  Paris.  Dans  nos  considérations  générales  sur 
l'exposition  autrichienne  ,  nous  avons  pris  soin  d'indiquer  la 
louable  activité  avec  laquelle  le  premier  de  ces  établissements 
se  tient  à  la  tête  de  tous  les  progrès;  celui  de  la  France,  pour 
n'être  pas  aussi  avide  de  nouveautés,  n'offre  pas  un  caractère 
moins  imposant  :  Y  Imitation  de  Jésus-Christ ,  traduite  par 
notre  immortel  Corneille ,  est  assurément  la  plus  belle  œuvre 
qui  se  soit  jamais  faite  en  typographie. 

Quant  à  l'industrie  privée  ,  ses  tendances  sont  surtout  diri- 
gées vers  la  production  rapide  et  à  grand  tirage.  Toutes  les 
fois  que  cette  rapidité  d'exécution  ne  nuit  pas  aux  qualités 
essentielles  du  livre,  elle  mérite  à  tous  égards  les  éloges  et  les 
plus  chauds  encouragements. 

On  ne  pourrait  citer  une  réalisation  plus  remarquable  de 
ces  tendances  que  le  Journal  pour  tous^  que  publie  depuis  queU 
206  yy 


770  VISITE 

ques  mois  M.  Lahure,  et  dont  chacun  des  numéros,  qui  ne 
saurait  être  mieux  comparé  qu'à  ceux  de  V Illustration ,  s'é- 
coule déjà  à  plus  de  cent  mille  exemplaires,  au  prix  incroyable 
de  dix  centimes. 

Dessins  industriels. 

Il  nous  faut  quitter  le  bâtiment  principal ,  nous  diriger  vers 
le  Panorama,  et  prendre  à  droite,  du  côté  des  meubles  :  une 
inscription  au-dessus  de  deux  beaux  pastels  nous  frappera 
les  yeux,  c'est  l'entrée  de  la  galerie  des  dessins  industriels. 

Cette  année,  contrairement  aux  autres  expositions  de  l'In- 
dustrie, on  a  réuni  les  dessins  de  fabrique,  qui  étaient  dissé- 
minés autrefois  à  droite  et  à  gauche;  de  cette  façon,  on  peut 
mieux  les  comparer  entre  eux  et  juger  de  leur  mérite;  mais, 
disons-le  de  suite,  avec  le  goût  des  arts  qui  règne  dans  toutes 
les  branches  de  l'industrie  depuis  quelques  années,  on  était 
en  droit  d'attendre  une  exposition  plus  complète  et  plus  re- 
marquable. Il  y  a  lieu  de  croire  que  beaucoup  de  nos  dessi- 
nateurs, rebutés  par  l'espèce  de  défaveur  que  cet  éparpille- 
ment  de  leurs  produits  semblait  indiquer,  se  sont  découragés 
et  n'ont  pas  voulu  entrer  en  hce,  ou  que  la  plupart  se  sont 
contentés  de  voir  leurs  dessins  reproduits  par  d'habiles  fabri- 
cants. C'est  cependant  à  l'utile  concours  de  nos  artistes  que 
nous  devons  le  bon  goût  remarqué  dans  la  plupart  de  nos 
étoffes  et  de  nos  meubles,  et  qui  donne  cette  année  une  supré- 
matie remarquable  à  la  France.  Parmi  nos  dessinateurs  je 
nommerai  M.  Braun  le  premier,  parce  que  son  exposition  se 
rattache  plutôt  à  la  photographie  dont  nous  avons  parlé 
qu'aux  dessins  de  fabrique  proprement  dits.  Rien  n'est  plus 
beau  et  m.ieux  réussi  que  son  album  photographique  exécuté 
d'après  des  bouquets  de  fleurs  naturelles,  destiné  comme 
renseignement  à  nos  dessinateurs  :  seulem.ent  son  prix  élevé 
l'empêchera  peut-être  de  remplir  le  but  que  son  auteur  se 
propose.  Une  récompense  éclatante  doit  le  payer  de  ses  efforts. 
Son  frère  expose  aussi  de  beaux  dessins  de  fabrique. 

M.  Couder  est  un  vétéran  de  nos  Expositions,  qui  a  reçu 
déjà  toutes  les  récompenses  ;  la  place  qu'il  occupe  est  grande 
et  ne  renferme ,  en  dessins  nouveaux,  que  deux  manteaux  de 
cour  exécutés  par  la  Compagnie  lyonnaise,  un  châle  à  per- 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  771 

sonnages  exécuté  par  M.  Deneyrousse  et  Cie  et  une  nappe 
damassée  pour  le  service  de  l'Empereur,  exécutée  par 
M.  Casse.  Les  autres  sont  fort  anciens,  et,  somme  toute, 
nous  trouvons  son  exposition  cette  année  au-dessous  de  sa 
réputation.  Ace  propos,  qu'on  nous  permette  une  petite 
digression  :  parmi  nos  dessinateurs,  il  est  une  circonstance 
que  le  public  ignore,  c'est  qu'il  y  a  l'artiste  véritablement 
créateur  et  exécutant  lui-même  ses  idées,  et  l'exploitant,  si 
je  puis  me  servir  de  cette  expression,  qui  a  un  atelier  à  lui 
où  se  trouvent  des  jeunes  gens  de  talent,  et  dont  tout  le  mé- 
rite ,  s'il  y  en  a ,  est  accaparé  par  le  maître.  Je  vais  donc 
m'occuperde  suite  de  ceux  que  j'appelle  créateurs.  M.  Lemaire 
d'abord  ,  qui  a  exécuté  quatre  pasiels  charmants  pour  papier 
peint ,  et  qui  se  trouve  dans  la  galerie  des  meubles  à  l'entrée 
de  la  galerie  des  dessins;  M.  Henry,  qui  a  exposé  également 
un  grand  pastel  pour  portière,  d'une  exécution  tout  à  fait  re- 
marquable et  qui  aurait  figuré  avec  grand  honneur  aux  Beaux- 
Arts;  M.  Grandbarbe,  qui  n'a  mis  que  deux  esquisses  pour 
portières,  mais  qui  sont  traitées  avec  une  rare  facilité; 
M.  Dussauce,  qui  a  des  panneaux  peints  à  1  huile,  qu'il  a 
dessinés  ensuite  pour  nos  fabricants  de  papiers  peints  ; 
M.  Riester,  l'un  des  plus  habiles  dessinateurs  ornemanistes, 
et  dont  les  dessins  se  trouvent  reproduits  en  nature  dans 
plusieurs  parties  de  l'Exposition;  MM.  Berrus  frères,  qui  ont 
fourni  le  dessin  d'un  chàle  destiné  à  Sa  Majesté  l'Impératrice , 
ainsi  que  plusieurs  autres,  qui,  tout  en  étant  des  réduc- 
tions, sont  autant  de  petits  chefs-d'œuvre  d'exécution; 
M.  Vichy,  qui  a  de  très-beaux  dessins  de  châles  exécutés 
par  MM.  Gaussen,  Gosselin,  Gérard  et  Cantigny.  Ollion  a  de 
beaux  châles  aussi;  M.  Mathieu  a  de  curieux  dessins  de  châles 
applicables  à  la  fabrication  par  un  procédé  qui  lui  appartient 
M.  Meynier  a  un  très-grand  dessin  de  châle,  mais  qui  a  un  dé- 
faut,celui  d'étrecouvert  de  personnages,  genre  d'ornementation 
qui  me  semble  déplacé  dans  un  châle;  M.  Hartweck,  quia  un 
châle  imprimé,  se  trouve  dans  le  même  cas  pour  le  modèle 
carré  qu'il  expose;  son  dessin  de  châle  long  est  plus  heureux, 
M.  Délaye  et  M.  Longepied  exposent  deux  systèmes  à  peu  près 
identiques,  consistant  en  planches  composées  de  caractères 
typographiques  pour  imprimer  les  dessins  sur  toutes  les  espè- 
ces de  tisssus.  M.  Guichard,  dont  je  parie  le  dernier,  non  pas 


772  VISITE 

par  ordre  de  mérite,  mais  parce  que  je  désire  hxer  l'attention 
du  lecteur  sur  une  invention  qui  lui  est  due,  et  appelée  à  une 
grande  applicatidn,  la  substitution  de  la  laine  de  bois  à  la 
laine  animale  dans  les  papiers  peints,  avec  une  économie  de 
23  pour /l  00,  a  une  exposition  fort  remarquable;  nous  y 
trouvons  entre  autres  choses,  le  dessin  d'un  rideau  placé 
dans  le  boudoir  de  l'Impératrice,  au  palais  ,  ainsi  qu'un 
projet  de  plafond  pour  le  même  endroit,  mais  que  le  peu  de 
temps  laissé  à  l'artiste  a  empêché  d'exécuter.  M.Guichard  est 
également  l'auteur  des  peintures  remarquables  du  beau  piano 
d'Érard,  qui  se  trouve  dans  la  grande  nef  à  côté  de  la  glace  de 
Saint-Gobain.  Parmi  nos  dessinateurs  de  dentelles,  ceux  dont 
les  dessins  sont  les  plus  remarquables  sont  MM.  Tamelier  et 
Jehan  :  leur  robe  en  point  d'Alençon  fait  illusion  :  elle  a  été 
choisie  au  concours  par  Sa  Majesté  Fliripératrice;  après  eux, 
M.  Lourdereau,  Scherrer  de  Nancy,  et  Madeleine. 

Parmi  nos  ornemanistes,  M.  Walcher  tient  une  très-belle 
place;  M.  Brandely,  pour  ses  dessins  de  placage,  et  surtout  ses 
dessins  de  meubles;  puis  M.  Cavelier  père;M.  Chatagnon-Gin- 
guand,d'Aubusson,  a  deux  jolies  esquisses  de  tapis.  Parmi  les 
artistes  qui  exécutent  eux-mêmes  leurs  pensées,  nous  avons 
omis  MM.  Adam  etGourdet  :  le  premier  expose  de  charmantes 
esquisses  à  l'huile  de  tapis  et  de  portière;  l'une  d'elles,  exécu- 
tée par  Aubusson,  se  trouve  dans  la  rotonde  du  Panorama  ;  le 
second  nous  offre  une  grande  peinture  à  l'huile  pour  panneaux 
d'appartement,  qui  se  trouve  placée  dans  l'escalier  qtii  relie  le 
Panorama  à  l'Annexe.  Somme  toute,  si  cette  année  la  réunion 
des  dessinateurs  industriels  est  peu  nombreuse,  on  peut  néan- 
moins louer  sans  restriction  cinq  ou  six  artistes  hors  ligne,  et 
l'exposition  entière  pourrait  répondre  pour  les  autres,  si  les 
exposants  avaient  la  conscience  de  mettre  sur  leurs  produits 
le  nom  de  l'artiste  qui  en  a  fourni  le  dessin  :  ce  ne  serait  que 
justice.  Il  nous  semble  qu'il  y  a  là  une  lacune  dans  le  règle- 
ment de  l'Exposition, 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  771^» 


CLASSE  XXVII. 

Instruments  de  Musique. 

Si  nous  ne  tenons  compte  que  des  indications  du  Cata- 
logue, très-peu  complet  d'ailleurs,  sur  la  vingt-septième 
classe,  nous  trouvons  que  la  fabrication  des  instruments  de 
musique  en  tous  genres  est  représentée,  à  l'Exposition  uni- 
verselle, par  472  exposants,  dont  325  Français,  ou  habitant 
la  France,  et  147  étrangers;  52  seulement  nous  viennent  des 
départements,  ce  qui  donne,  pour  Paris  et  la  petite  banlieue, 
le  chiffre  de  273.  Les  pianos  seuls  comptent  261  exposants, 
dont  52  étrangers.  Dans  les  209  exposants  français,  Paris  en 
compte  184  et  les  départements  25;  ce  qui,  en  n'évaluant  la 
moyenne  de  ces  instruments  qu'à  un  piano  et  demi  par  ex- 
posant, forme,  pour  la  France  seulement,  un  tolal  de  plus  de 
300  pianos  qui,  dans  leur  lutte  incessante,  ont  pour  champ 
de  bataille  plus  d'un  quart  de  la  galerie  circulaire  contour- 
nant le  Panorama. 

Dans  la  classification  adoptée  par  le  Catalegue,  la  première 
section  comprend  les  instruments  à  vent  non  métalliques. 
Ceux-ci  sont  muets  dans  leurs  vitrines,  et  ne  prennent  aucune 
part  au  bruyant  charivari  du  rez-de-chaussée;  et  la  hauteur 
à  laquelle  ils  sont  placés,  jointe  à  l'exiguïté  de  leur  dimen- 
sion, ne  permet  guère  de  porter  un  jugement  sur  leur  mérite 
respectif.  Mais  les  noms  bien  connus  de  Tulou,  de  Trie- 
bert,  de  Godefroy  aîné,  de  Martin,  etc.,  etc.,  sont  là  pour 
témoigner  de  la  bonne  qualité  des  instruments  exposés  par 
eux. 

Nous  rencontrons,  en  Bavière,  le  nom  devenu  fameux  de 
M.  Bohm,  qui  expose,  entre  autres,  une  flûte  d'argent  du 
système  qui  porte  son  nom. 

Indépendamment  des  prétentions  du  malheureux  Gordon, 
mort  du  chagrin  de  se  voir  enlever  la  gloire  d'un  perfection- 
nement qui  donne  à  la  flûte  des  sons  plus  justes,  plus  purs 
et  plus  intenses,  nous  dirons,  avec  le  jury  de  1849,  qu'a- 


774       •  VISITE 

vant  M.  Bohm ,  M.  Cœur,  amateur  distingué  de  Paris  ,  avait , 
dans  ce  même  but,  agrandi  les  trous  de  cet  instrument. 

L'épaisseur  des  parois,  dans  les  instruments  en  bois, 
donne  aux  trous  qui  les  traversent  une  capacité  notable ,  qui 
modifie  la  qualité  des  sons  produits.  M.  Sax,  persuadé  avec 
raison  qu'une  parfaite  continuité  de  la  paroi  intérieure  ajoute- 
rait aux  bonnes  qualités  de  ces  instruments,  amincit,  sur 
chaque  trou,  l'extérieur  de  la  paroi  jusqu'à  ce  que  les  bords 
du  trou  présentent  un  angle  très-aigu  ;  puis,  sur  ce  trou,  il 
place  une  plaque  de  métal ,  articulée  comme  une  clef  et 
maintenue  soulevée  par  un  ressort.  Lorsque  le  doigt  appuie 
sur  cette  plaque,  elle  bouche  le  trou  de  manière  à  continuer 
exactement  la  paroi  intérieure. 

La  deuxième  section  comprend  les  instruments  à  vent 
métalliques. 

Bien  que  muets  comme  ceux  de  la  première  section  et 
placés  aussi  haut,  leurs  dimensions  permettent  cependant  un 
certain  genre  d'appréciation,  celle  des  formes  extérieures, 
dont  les  luttes  judiciaires  que  soutient  M.  Sax,  depuis  1846, 
ont  démontré  l'importance  unanimement  admise  aujour- 
d'hui par  ceux-là  même  qui  la  niaient  avec  le  plus  d'opi- 
niâtreté; car,  français  comme  étrangers,  tous  les  instru- 
ments de  celte  catégorie  qui  figurent  à  l'Exposition  révèlent 
plus  ou  moins,  mais  toujours  à  un  degré  remarquable,  la 
pensée  fondamentale  qui  a  présidé  à  la  révolution  opérée  par 
M.  Sax  dans  les  orchestres  militaires. 

Avant  lui ,  le  caprice  seul  du  facteur  déterminait  la  forme 
et  la  direction  des  nombreux  replis  que  présentent  les  instru- 
ments de  cuivre.  Les  courbes  les  plus  heurtées,  les  plis  les 
plus  aigus,  les  directions  les  plus  brusquement  contraires 
opposaient,  à  la  marche  de  la  colonne  d'air,  une  multitude 
d'angles  contre  lesquels  elle  venait  se  heurter,  et  qui,  par 
leur  rigidité,  opposaient  les  plus  grands  obstacles  à  la  mise 
en  vibration  du  métal  de  l'instrument. 

C'est  tout  le  contraire  dans  les  instruments  de  M,  Sax  et 
dans  l'immense  majorité  de  ceux  qui  figurent  à  l'Exposition. 
Partout  les  courbes  sont  arrondies  et  ont  le  plus  grand 
rayon  compatible  avec  la  place  qu'elles  occupent,  de  manière 
à  donner  à  l'écoulement  de  l'air,  ainsi  qu'aux  vibrations  du 
métal ,  la  plus  grande  liberté  possible. 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  775 

Il  y  a  plus,  tous  ces  instruments  semblent  sortis  d'un 
môme  atelier,  tant  ils  ont  de  ressemblance  entre  eux.  On 
croirait  en  vérité  qu'un  même  patron  leur  a  servi  de  mo- 
dèle, du  moins  quant  aux  conditions  extérieures;  car  il 
faudrait  les  voir  de  plus  près,  afin  de  comparer  leurs  dimen- 
sions transversales,  et  surtout  les  entendre  pour  s'assurer 
que  l'imitation  a  été  poussée  jusqu'au  bout,  et  qu'ils  pos- 
sèdent toutes  les  qualités  qu'on  rencontre,  à  un  degré  si 
éminent,  dans  les  instruments  de  M.  Sax, 

Dans  les  37  exposants  de  cette  catégorie,  M  appartiennent 
à  la  France  et  16  nous  viennent  de  l'Autriche.  On  nous  a 
signalé  comme  particulièrement  remarquables  les  instruments 
de  M.  Czerveny  de  Kœniggraetz  (Bohême),  puis  ceux  de 
MM.  Bauer,  Rott,  Schamal  et  Stohr,  tous  quatre  de  Prague; 
on  nous  a  également  désigné  comme  excellents  ceux  de 
^1.  Stovasser,  de  Vienne. 

La  troisième  section  comprend  les  instruments  à  vent  à 
davier,  à  la  tête  desquels  se  place  tout  naturellement  l'orgue, 
qui,  à  l'Exposition,  abuse  de  son  titre  de  roi  des  instruments 
pour  y  faire  trop  fréquemment  un  vacarme  épouvantable;  la 
plupart  des  exécutants  paraissent  plus  désireux  de  déployer 
toute  la  puissance  de  l'instrument,  que  d'en  faire  apprécier 
les  qualités  mélodiques. 

Nous  sommes  loin  d'être  complètement  renseignés  sur  les 
conditions  nouvelles  que  peuvent  comporter  les  divers  in- 
struments de  ce  genre  qui  figurent  à  l'Exposition,  l'exposant 
faisant  presque  toujours  défaut  au  visiteur  curieux  de  nou- 
veautés. Signalons  toutefois  ce  que  nous  avons  pu  apprendre. 

Bien  que  M.  Cavaillé-Coll  ne  soit  représenté  à  l'Exposition 
que  par  un  très-petit  orgue  placé  dans  la  nef,  nous  n'hésitons 
pas  à  le  mettre  en  première  ligne,  parce  que  depuis  longtemps 
il  a  fait  ses  preuves  ,  et  que  les  visiteurs  de  l'Exposition 
peuvent,  sans  trop  de  dérangement,  aller  entendre  les  ma- 
gnifiques orgues  de  la  Madeleine  et  de  Saint-Denis. 

Obligés  de  nous  restreindre  dans  nos  appréciations,  nous 
choisirons,  parmi  les  nombreux  perfectionnements  que  l'orgue 
doit  à  M.  Gavaillé-Coll,  l'emploi  judicieux  qu'il  a  fait  des 
tuyaux  harmoniques,  pour  suppléer  ce  que  les  autres  or- 
gues ont  de  maigre  et  de  criard  dans  les  sons  élevés. 

On  sait  qu'ordinairement  les  dimensions  des  tuvaux  d'un 


77«  VISITE 

même  jeu  décroissent  rapidement  de  volume;  que  si,  par 
exemple ,  on  prend,  comme  unité  de  volume,  le  tuyau  qui 
donne  le  son  le  plus  grave  du  jeu,  le  tuyau,  à  l'octave 
immédiatement  supérieure,  n'aura  que  le  8'  du  volume  du 
premier;  celui  de  la  troisième  octave,  seulement  le  64*; 
celui  de  la  quatrième  octave,  seulement  le  515*;  et  qu'enfin 
celui  de  la  cinquième  octave  sera  4096  fois  plus  petit.  Or, 
l'intensité  du  son  d'un  tuyau  étant  proportionnelle  au  volume 
de  l'air  qui  le  produit,  l'on  ne  s'étonnera  pas,  en  voyant  les 
nombres  ci-dessus,  de  la  faiblesse  et  de  la  maigreur  des  sons 
élevés  de  l'orgue,  comparativement  aux  basses. 

En  employant  les  sons  harmoniques  de  gros  tuyaux  pour 
les  notes  aiguës  du  clavier,  c'est-à-dire  en  obligeant  la 
colonne  d'air  qu'ils  contiennent  à  se  partager  en  un  nombre 
de  parties  vibrantes  en  rapport  avec  le  son  à  produire, 
M.  Cavaillé-Coll  donne  à  celui-ci  d'autant  plus  de  rondeur, 
d'autant  plus  de  puissance,  que  le  volume  total  de  la  colonne 
d'air  est  plus  considérable. 

A  l'occasion  de  l'orgue  de  M.  Ducroquet,  nous  indiquerons, 
comme  un  perfectionnement  important,  le  levier  pneuma- 
tique de  M.  Barker,  qui  a  pour  but  et  pour  résultat  de  laisser 
au  clavier  toute  la  mobilité  désirable,  quel  que  soit  le 
nombre  de  jeux  mis  en  action  et  celui  des  claviers  accouplés. 
Ce  mécanisme  se  compose  d'autant  de  petits  soufflets  qu'il  y 
a  de  touches  au  clavier.  Chaque  touche  n'a  d'autre  fonction 
que  celle  d'ouvrir  une  petite  soupape  communiquant  à  un 
soufflet  qui  se  remplit  immédiatement  d'air  suffisamment 
comprimé  pour  que  le  mouvement  de  la  paroi  mobile  déter- 
mine l'ouverture  de  toutes  les  soupapes  mises  en  rapport 
avec  lui  par  les  divers  mécanismes  d'accouplement,  en  sur- 
montant toutes  les  résistances,  si  nombreuses  qu'elles  soient, 
des  tirages  et  des  leviers  de  renvoi. 

L'orgue  dit  à  piston,  de  MM.  Claude  frères,  de  Mirecourt , 
présente  un  dispositif  qui  a  le  même  but,  en  y  joignant  la 
suppression  des  soupapes,  des  registres,  des  pilotis  tournants, 
des  tirasses,  des  conduits  ou  gravures,  etc.,  etc.  Nous  nous 
sommes  assuré  que  le  clavier  est  effectivement  très-léger  au 
toucher,  et  que  chaque  tuyau  reçoit  directement  le  vent  au 
moyen  d'un  piston  qui  s'adapte  à  sa  base. 

M.  de  Lorenzi ,  de  Vicence,  a  donné  à  son  orgue  le  nom  de 


A  L'EXPOSITION   UNIVERSELLE.  777 

fonocromîque  (sons  coloriés),  pour  ne  pas  le  confondre,  dit 
le  prospectus,  avec  les  orgues  dites  expressives,  à  anches 
libres;  chez  ces  dernières,  en  effet,  l'expression  est  produite 
par  la  pression  plus  ou  moins  grande  qu'on  peut  à  volonté 
donner  au  vent,  mais  qui  s'étend  simultanément  à  toutes  les 
touches  du  clavier. 

Dans  l'orgue  fonocromique  on  colorie  les  sons  par  l'abais- 
sement plus  ou  moins  grand  de  chaque  touche  isolément  ou 
du  clavier  tout  entier,  ce  qui  permet  d'obtenir  en  mêm,e  temps 
des  sons  de  nuances  diverses. 

Nous  nous  rappelons  avoir  vu,  à  l'Exposition  de  1844,  un 
petit  orgue  dans  lequel  un  mécanisme,  de  l'invention  de 
Sébastien  Érard,  produisait  l'expression  par  le  même  moyen. 

Nos  renseignements  sur  les  orgues  d'église  s'arrêtent  ici. 

Passons  aux  orgues  d'appartement,  qui  se  pressent  en  foule 
à  l'Exposition. 

Dans  le  plus  grand  nombre,  V anche  libre  est  l'organe 
unique  du  son.  L'anche  libre  diffère  des  autres  anches  en  ce 
que  celles-ci ,  formées  d'une  languette  métallique  ou  en 
roseau,  battent  contre  les  bords  du  bec  en  métal  ou  en  bois 
sur  lequel  on  les  applique,  d'où  leur  vient  le  nom  d'anches 
battantes,  tandis  que  l'auche  libre  oscille  librement  dans 
une  ouverture  de  même  dimension ,  qu'elle  ouvre  et  qu'elle 
ferme  périodiquement  sous  l'action  du  vent.  Le  son  qu'elle 
produit  est  beaucoup  plus  doux  que  celui  des  premières, 
appliquées  aux  clarinettes,  aux  jeux  de  trompettes  dans  les 
orgues ,  etc. 

On  la  dit  d'invention  chinoise.  Nous  avons  vu  effective- 
ment des  espèces  de  flûtes  venant  de  cette  contrée,  et  qui 
comportent  un  certain  nombre  de  ces  organes. 

Sa  première  application  sérieuse,  en  Europe,  remonte  à 
4810,  époque  à  laquelle  Grenié  en  fit  l'organe  sonore  d'un  in- 
strument qu'il  désigna  sous  le  nom  d'orgue  expressif,  parce 
qu'en  effet  on  peut  faire  varier  l'intensité  des  sons,  donner  de 
Vexpression  à  son  jeu  en  comprimant  plus  ou  moins  l'air  qui 
agit  sur  les  anches ,  au  moyen  d'une  pression  plus  ou  moins 
forte  exercée  par  les  pieds  sur  les  pédales  motrices  des  soufflets. 

Cet  instrument  eut  toutefois  peu  de  succès  à  cause  de  la 
monotonie  de  son  timbre  ,  et  surtout  de  la  lenteur  avec  la- 
quelle le  son  s'y  produit. 


778  VISITE 

Un  homme  se  trouva  qui  reprit  l'œuvre  délaissée  de  Grenié 
pour  en  faire  ,  sous  un  volume  réduit  au  quart ,  un  instru- 
ment d'une  grande  puissance  de  son  ,  et  surtout  d'une  très- 
grande  variété  de  timbres  imitant ,  souvent  à  s'y  méprendre, 
les  divers  instruments  d'un  orchestre  complet.  Cet  homme  est 
M.  Debain. 

Au  lieu  d'un  seul  jeu  d'anches  libres,  Y  harmonium  de 
M.  Debain  en  a  quatre.  Dans  chacun  d'eux  les  anches  recou- 
vrent l'ouverture  d'une  cavité  de  forme  et  de  grandeur  diffé- 
rentes de  celles  des  autres  jeux  ,  d'où  résultent  quatre  espè- 
ces de  timbres  très-distincts  ;  ce  qui  donne  une  très-grande 
variété  aux  effets  de  l'instrument.  En  plaçant  les  anches  dans 
le  vent,  c'est-à-dire  dans  le  sommier  même  où  elles  sont  tou- 
jours sous  l'action  directe  de  l'air  comprimé  parles  soufflets, 
il  a  rendu  leur  mise  en  vibration  instantanée,  et  permis  l'exé- 
cution de  morceaux  aussi  rapides  que  pour  le  piano. 

Le  succès  ne  se  fit  pas  attendre ,  mais  avec  son  cortège 
obligé ,  la  contrefaçon ,  et  les  procès  qu'elle  entraîne  à  sa 
suite. 

Les  procès  gagnés  ,  M.  Debain  transigea  avec  quelques  fac- 
teurs ,  en  se  réservant  expressément  le  nom  (.['harmonium 
pour  ses  propres  instruments,  dont  l'excellente  exécution  lui 
a  conservé,  jusqu'à  présent,  une  supériorité  marquée  sur  tous 
ses  concurrents. 

Le  mélodium  de  M.  Alexandre  n'est  pas  autre  chose  que 
l'harmonium  de  M.  Debain  ,  dont  il  diffère,  dans  certains  cas, 
j'-ar  l'application  d'un  mécanisme  qu'il  a  acquis  de  M.  Martin, 
rie  Provins,  et  qui  détermine  les  vibrations  de  l'anche  par  un 
coup  de  marteau  qui  détache  mieux  la  note  dont  le  son  est 
continué  par  l'air  de  la  soufflerie.  Ajoutons  que,  bien  anté- 
rieurement à  IVL  Martin  ,  celte  condition  avait  été  appliquée 
par  M.  Pape. 

Tout  récemment,  M.  Debain  a  complété  son  instrument 
primitif  par  l'addition  ,  pour  chaque  touche  ,  d'une  corde  de 
piano  à  l'unisson  des  anches ,  ce  qui  donne  à  Vharmônicorde^ 
indépendamment  des  propriétés  résultant  du  système  Martin, 
([ui,  isolé,  n'est  pas  jouable,  les  qualités  de  deux  instruments 
qu'on  peut  faire  entendre  simultanément  ou  isolément. 

M.  Alexandre  expose  également  un  instrument  d'un  genre 
mixte  ,  mais  qui  restera  probablement  exceptionnel ,  attendu 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  779 

son  prix  élevé,  et  peut-être  les  études  qu'il  exigerait  de  la 
part  des  artistes,  qui  ne  paraissent  pas  très-empressés  d'en 
jouer  à  l'Exposition,  où  jusqu'à  présent,  pour  nous  du  moins, 
il  est  resté  complément  muet. 

Nous  sommes  toutefois  en  mesure  d'indiquer  de  quoi 
il  se  compose ,  d'après  une  note  que  nous  tenons  de 
M.  Alexandre. 

V instrument  Liszt  (c'est  le  nom  qu'on  lui  a  donné)  a  trois 
claviers. 

Le  premier  est  celui  d'un  piano  d'Érard  auquel  on  a  ajouté 
un  système  de  prolongation  (système  que  nous  expliquerons 
plus  loin  en  parlant  des  pianos)  ;  plus ,  un  jeu  de  voix  hu- 
maine. 

Le  second  clavier  comporte  les  sons  de  la  flûte,  de  la  clari- 
nette ,  du  hautbois  et  de  la  musette;  et  le  troisième ,  ceux  de 
deuxième  flûte,  du  baryton,  du  violoncelle  et  du  hautbois. 

Deux  pédales  fournissent  le  vent  dans  ces  instruments,  et 
la  division  des  soufflets  permet  d'avoir  des  crescendo  sur  un 
clavier  pendant  qu'on  obtient  des  diminuendo  sur  un  autre. 

Au  moyen  des  pédales,  on  peut  faire  tenir  l'harmonie  sur 
un  clavier  pendant  qu'on  exécute  des  dessins  mélodiques  sur 
le  piano,  ou  des  variations  sur  la  flûte,  etc.,  etc. 

Dans  ces  sortes  d'instruments ,  la  position  des  anches  est 
horizontale;  M.  Boudsocq  préfère  leur  donner  une  position 
verticale.  En  entendant  un  de  ses  instruments  ,  nous  avons 
reconnu  que  cette  dernière  position  donnait  effectivement 
aux  sons  une  qualité  particulière  qui  les  différencie  des  sons 
produits  par  les  anches  horizontales.  Nous  croyons  qu'on 
peut  tirer  un  très-heureux  parti  de  la  combinaison  aux  or- 
ganes sonores. 

Nous  ne  quitterons  pas  cette  section  sans  dire  un  mot  de 
l'orgue  mécanique  à  cylindres  de  M.  Kelsen ,  qui  se  recom- 
mande à  la  fois  par  sa  belle  exécution ,  la  qualité  des  sons 
qu'il  fait  entendre,  et  surtout  par  l'habileté  qui  a  présidé  à 
la  notation  des  six  cylindres  qu'il  comporte. 

Nos  lecteurs  comprendront  notre  éloge  lorsque  nous  aurons 
dit  que  M.  Kelsen  est  élève  de  M.  Davrainville,  dont  la 
réputation ,  pour  ce  genre  d'instruments ,  est  plus  qu'eu- 
ropéenne. Ajoutons  que  l'orgue  de  M.  Kelsen  comporte  un 
clavier  pour  l'usage  des  artistes. 


780  VISITE 

Dans  la  quatrième  section,  se  trouvent  compris  les  instru- 
ments à  cordes  sans  clavier,  notamment  ceux  dits  à  archet, 
c'est-à-dire  les  violons,  les  basses,  etc.  Cette  dernière  espèce 
d'instruments  présente,  au  point  de  vue  du  progrès,  une 
singularité  remarquable  :  tandis  que  les  autres  facteurs  s'ef- 
forcent à  l'envi  de  produire  du  nouveau  ,  et  croient  avoir  fait 
faire  un  grand  pas  à  l'art  par  la  création  d'un  timbre  inconnu 
avant  eux,  les  bons  luthiers  n'ont  qu'un  but  :  approcher,  au- 
tant que  possible,  des  qualités  et  surtout  de  l'apparence  ex- 
térieure de  certains  instruments  tous  sortis,  ou  à  peu  près  , 
d'une  même  ville,  Crémone,  et  des  mains  de  quelques  hommes 
restés  célèbres  entre  tous,  sous  les  noms  à' Amali,  ûe  Stradi- 
varius, de  Guarnerius,  de  Steiner,  etc. 

La  plupart  des  instruments  que  nous  ont  laissés  ces  grands 
maîtres  sont,  il  faut  le  reconnaître,  doués  d'admirables  qua- 
lités qui  expliquent  jusqu'à  un  certain  point  le  culte  que  leur 
rendent  les  artistes.  Cette  expression  n'est  point  exagérée  ; 
car,  pour  eux,  le  son  n'est  qu'une  condition  bien  secondaire, 
et  tel  amateur  n'hésitera  pas  à  donner  10  000  francs,  et  sou- 
vent beaucoup  plus,  d'un  violon  ou  d'une  basse  entièrement 
décollée,  mais  dont  les  morceaux  seront  irrécusablement  de 
l'un  des  auteurs  cités,  ce  qu'on  reconnaît  d'abord  aux  formes 
générales  de  l'instrument,  puis  à  certaines  coupes  du  bois , 
mais  surtout  au  vernis  qui  les  recouvre.  L'authenticité  du 
vernis  double  ou  triple  la  valeur  d'un  instrument  quelquefois 
très-médiocre;  et  nous  avons  vu  vingt  amateurs  en  extase 
devant  une  tache  plus  ou  moins  rouge  ,  prouvant  que  la  main 
de  Stradivarius  ou  d'Amati  avait  passé  par  là. 

Cette  monomanie  inspira  à  M.  Vuillaume  la  pensée  de  satis- 
faire à  la  fois  aux  conditions  réclamées  par  l'art  proprement 
dit,  et  à  celles  que  le  caprice  des  artistes  a  érigées  en  lois. 

A  force  de  travail  il  est  parvenu  à  résoudre  le  problème 
difficile  d'exécuter  des  instruments  qui  ont  les  qualités  de  son 
qu'on  recherche  dans  les  instruments  de  Crémone,  mais  qui, 
encore,  soit  pour  la  forme  générale,  soit  pour  les  détails  d'exé- 
cution ,  soit  pour  les  traces  de  vétusté,  soit  surtout  pour  le 
vernis,  sont  des  imitations  tellement  fidèles,  que  l'oeil  et  To- 
reille  des  plus  habiles  y  sont  toujours  trompés. 

En  donnant  pour  300  fr.  l'imitation  d'un  violon  de  8  à 
1 0  000  fr.,  et  pour  600  fr.  celle  d'une  basse  qui ,  comme  celle 


A  L*EXP0S1T10N   UNIVERSELLE.  78i 

de  Duport ,  a  été  payée  22  000  fr.,  M.  Vuillaume  a  rendu  un 
véritable  service  aux  jeunes  artistes  qui ,  outre  l'avantage  de 
posséder  un  excellent  instrument,  trouvent,  dans  cette  inof- 
fensive supercherie,  l'innocente  satisfaction  de  leur  vanité. 

Ajoutons  toutefois  que  la  fabrication  de  M.  Vuillaume  com- 
porte, à  des  prix  beaucoup  plus  abordables  encore,  des  instru- 
ments qui ,  comme  qualités  de  son ,  ne  le  cèdent  en  rien  à 
ceux  dont  nous  venons  de  parler,  mais  auxquels  il  laisse  toutes 
les  apparences  d'instruments  neufs.  Une  estampille,  représen- 
tant la  sainte  Cécile  du  Dominicain,  distingue  ces  instruments 
de  ceux  de  ses  concurrents. 

Dans  le  trophée  musical  de  la  nef  figure,  sous  le  nom  d'oc/o- 
basse ,  un  énorme  instrument  qui  est  aussi  de  M.  Vuillaume. 
Le  succès  des  deux  frères  aînés  de  ce  géant  musical  prouverait 
seul  que  M.  Vuillaume  sait  aussi  créer  pour  son  compte,  si 
nous  n'avions  à  indiquer  aux  artistes  des  chevalets  qui,  œuvre 
commune  du  colonel  Savart  et  de  M.  Vuillaume ,  ont  très- 
réellement  le  mérite  remarquable  d'améliorer  les  qualités 
d'un  instrument. 

C'est  de  visu  et  surtout  de  auditu  que  nous  avons  parlé  de 
M.  Vuillaume  ;  c'est  par  la  vue  seule  que  nous  avons  pu  appré- 
cier les  produits  de  ses  concurrents. 

Disons  d'abord  que  la  lutherie  française  est  en  général  en 
voie  de  progrès  sérieux  ;  que  ,  dans  toutes  les  vitrines  ,  appa- 
raissent des  instruments  évidemments  supérieurs  à  ceux 
qu'offraient  les  expositions  précédentes. 

Parmi  les  luthiers  parisiens  dont  la  réputation  justement 
acquise  depuis  longues  années  nous  est  un  sûr  garant  que  la 
bonté  de  leurs  produits  égale  leurs  belles  apparences,  nous 
désignerons  M.  Bernardel ,  puis  MM.  Gand  frères  qui ,  bien 
qu'exposants  pour  la  première  fois,  ont  depuis  longtemps  fait 
leurs  preuves;  M.  Jacquot ,  dont  les  instruments  sont  d'une 
belle  facture  et  d'un  bois  magnifique  ;  M.  Chanot,  et  M.  Mau- 
cotel. 

M.  Rambeaux  présentait,  aux  deux  dernières  Expositions, 
des  instruments  dont  la  table  était  exécutée  d'une  manière 
particulière  ,  c'est-à-dire  façonnée  d'abord  en  portions  de  cy- 
lindre, puis  amenée  à  la  forme  voulue  au  moyen  de  la  chaleur 
et  de  la  pression,  d'où  il  résultait  que  le  fil  du  bois  n'était  pas 
tranché  comme  dans  les  instruments  ordinaires.  Au  rapport 


78^  VISITE 

du  jury,  ses  instruments  n'étaient  pas  sans  mérite.  Nous  igno- 
rons si  ceux  qu'expose  aujourd'iiui  M.  Rambeaux  sont  exécu- 
tés dans  les  mêmes  conditions. 

L'épaisseur  qu'on  donne  ordinairement  aux  altos  produit 
une  gêne  pour  l'artiste  qui  veut  exécuter  certaines  difficultés. 
M.  Henry  y  a  remédié  en  abaissant  la  table  d'un  alto  sur  un 
des  côtés  seulement  du  manche ,  pour  donner  à  l'artiste  les 
mêmes  avantages  que  sur  le  violon.  Espérons  que  ce  résultat 
est  obtenu  sans  nuire  aux  qualités  de  son  qu'on  recherche 
dans  l'alto. 

La  fabrication  si  abondante  de  Mirecourt  est  très-bien  re- 
présentée par  MM.  Derazey,  Gaillard-Lajoue  et  Grandjon  ; 
mais  nous  signalerons  particulièrement  les  violons  pour  or- 
chestre de  M.  N.  Vuillaume,  dont  le  timbre  vigoureux  justifie 
complètement  le  nom  de  stentor  qu'il  leur  a  donné. 

Sous  le  titre  d'essai  d'améliorations,  M.  Nicolas^  également 
de  Mirecourt,  expose  un  instrument  formé  d'un  violon  et  d'un 
alto  adossés.  Cet  essai  avait  déjà  été  tenté,  sans  résultat,  par 
Chanol,  fondateur  de  la  maison  actuelle. 

L'exposition  de  M.  Sylvestre,  de  Lyon,  est  remarquable  et 
justifie  en  tout  point  l'excellente  réputation  dont  il  jouit. 

Les  imitations  de  M.  Jeandel,  de  Rouen  ,  n'offrent  rien  de 
saillant;  mais  celles  de  M.  Olry,  d'Amiens,  sont  d'une  invrai- 
semblance absolue. 

M.  Lapaix,  à  Lille,  est  un  chercheur  infatigable  qui,  depuis 
longtemps,  fait  subir  au  violon  toutes  les  transformations  ima- 
ginables. Celles  que  nous  avons  pu  constater  dans  son  exposi- 
tion consistent  aujourd'hui  dans  la  suppression  des  angles  à 
l'intérieur  de  l'instrument  dont  il  arrondit  les  contours  ;  dans 
l'emploi  d'éclisses  en  bois  de  sapin  dont  le  fil  est  perpendicu- 
laire à  la  table  ;  dans  des  f  dont  le  coin  n'est  pas  détaché  de 
la  table,  et  enfin  dans  une  seconde  âme  placée  entre  la  queue 
et  la  table  de  l'instrument. 

A  l'étranger ,  cette  catégorie  d'instruments  ne  se  révèle 
guère  que  par  des  produits  d'un  travail  très-ordinaire  ;  nous 
ferons  cependant  une  exception  en  faveur  de  M.  N.  F.  Vuil- 
laume, de  Bruxelles  ,  dont  les  instruments  sont  d'un  beau  et 
bon  travail.  Nous  indiquerons  encore  ceux  de  M.  Rocca ,  de 
Gênes. 

En  Toscane,  on  trouvera  quelques  instruments  sur  lesquels 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  783 

nous  [le  pouvons  donner  d'autres  renseignements  (|ue  les  sui- 
vants, copiés  sur  l'étiquette  qui  les  accompagne  :  Épreuves  de 
Giovannetti  Léonard ,  de  Lucques ,  pour  obtenir  de  suite  ,  et 
toujours  avec  succès^  de  bons  violons  invariables,  sans  perte,  à 
cause  de  l'inaction. 

L'archet  est  l'accessoire  obligé  des  instruments  dont  nous 
nous  occupons,  et  un  bon  archet  est  d'une  grande  valeur  pour 
l'artiste.  Nous  n'apprendrons  rien  à  nos  lecteurs  en  disant  que 
ceux  de  M.  Vuillaume  sont  dignes  de  ses  instruments.  Il  en  a 
modifié  la  construction  d'une  manière  très-heureuse  en  ren- 
dant la  hausse  fixe  ,  tout  en  permettant  de  tendre  les  crins  à 
volonté.  Cette  condition  a  pour  but  et  pour  résultat  de  main- 
tenir le  centre  de  gravité  de  l'archet  au  même  point  de  sa 
longueur,  et  de  lui  laisser  des  conditions  constantes  pour  la 
main  de  l'artiste. 

Les  archets  de  MM.  Henry  et  Simon  jouissent  d'une  réputa- 
tion méritée. 

Les  cordes  destinées  aux  mêmes  instruments  ont  également 
une  très-grande  importance  pour  les  artistes.  Grâce  aux  tra- 
vaux de  feu  Savaresse  ,  à  l'exception  des  chanterelles ,  la 
France,  depuis  longtemps,  n'a  plus  rien  à  envier  à  Naples  sous 
ce  rapport  ;  et  il  a,  dans  ses  neveux,  MM.  Henri  et  Jules  Sava- 
resse ,  à  Grenelle ,  et  Gauvain  ,  à  Gaen  ,  des  successeurs  qui 
soutiennent  très -honorablement  sa  réputation.  Ajoutons 
que  l'infériorité  de  la  France  pour  les  chanterelles  tient 
uniquement  à  un  fait  d'octroi.  Les  bonnes  chanterelles  sont 
fabriquées  avec  des  intestins  d'agneau  d'un  certain  âge.  A 
partir  de  la  Saint-Jean  (24  juin),  tout  agneau  français  devient 
légalement  mouton  et  paye  des  droits  en  conséquence.  De 
sorte  que  les  bouchers  n'achètent  alors  que  des  moutons  réel- 
lement adultes,  dont  les  inlestins  ne  sont  plus  propres  à  celte 
fabrication  qui  ne  manque  à  la  France  que  parce  qu'il  a  plu 
au  fisc  de  fixer  la  majorité  des  moutons  quelques  mois  trop 
tôt. 

Terminons  ce  sujet  en  signalant  encore  les  cordes  filées  de 
M.  Vuillaume  ,  qui  est  parvenu  à  leur  donner  un  poids  égal 
dans  toute  leur  longueur,  une  cylindricitéparfaite,  ainsi  qu'une 
flexibilité  inconnue  avant  lui. 

Le  Catalogue  range  encore  dans  la  quatrième  section  les 
instruments  à  cordes  pincées ,  c'est-à-dire  la  harpe ,  la  gui- 


784  VISITE 

tare,  etc.  La  première  ne  compte,  croyons-nous,  que  deux 
représentants  à  l'Exposition  :  M.  Érard  et  M.  Domény,  qui 
maintiennent  toujours  leur  ancienne  réputation.  M.  Domény 
ajoute  à  la  harpe  un  dispositif  aussi  utile  qu'ingénieux  ,  qui 
permet  de  diminuer  la  tension  de  toutes  les  cordes  lorsqu'on 
ne  joue  pas  de  l'instrument.  Cette  condition  les  rend  beau- 
coup moins  sujettes  à  casser. 

La  guitare  est  peut-être  encore  plus  délaissée  que  la  harpe. 
Nous  signalerons  aux  rares  amateurs  de  cet  instrument  la 
bonne  fabrication  de  M.  Théresse,  àMirecourt. 

Nous  remarquons,  dans  l'exposition  allemande,  d'assez 
nombreux  spécimens  d'un  instrument  à  peu  près  inconnu  en 
France,  mais  qui  est  très-cultivé  en  Bavière  et  dans  les  mon- 
tagnes du  Tyrol  et  de  la  Styrie.  On  le  désigne  sous  le  nom  de 
zithern  que  le  Catalogue  traduit  par  luth.  Il  est  aujourd'hui 
surtout  en  faveur  dans  la  haute  société  de  ces  deux  nations , 
parce  que  le  duc  Max,  de  Bavière,  père  de  l'impératrice  d'Au- 
triche, est  un  véritable  virtuose  sur  cet  instrument.  Un  cer- 
ta''n  nombre  de  cordes  peuvent  être  divisées  par  des  sillets , 
comme  dans  la  guitare.  Les  autres,  en  plus  grand  nombre,  se 
jouent  à  vide. 

La  cinquième  section ,  qui  comprend  les  instruments  à  cor- 
des et  à  clamer  ,  ou  plutôt  exclusivement  les  pianos ,  rendrait 
notre  tâche  bien  ardue  et  presque  impossible  si  nous  avions 
l'intention  d'examiner  ces  instruments  et  les  prétentions  des 
facteurs  au  point  de  vue  de  la  qualité  des  sons  qu'on  en  ob- 
tient, parce  que  c'est  ici  une  question  de  goût,  et  qu'en  ce 
genre  les  goûts  sont  aussi  divers  que  sur  la  question  des  cou- 
leurs. Si  nous  disons  que  rien  n'est  plus  facile  que  de  modifier, 
à  la  volonté  de  l'acquéreur,  la  qualité  des  sons  d'un  instru- 
ment auquel ,  comme  meuble ,  il  donnera  la  préférence ,  on 
nous  accordera  qu'il  est  tout  à  fait  inutile  d'aborder  ce  sujet, 
autrement  que  pour  rendre  justice  au  facteur  distingué  entre 
tous,  M.  Pape  ,  qui ,  en  substituant  le  feutre  aux  peaux  dont 
les  marteaux  étaient  garnis  autrefois  ,  a  permis  ,  avec  la  plus 
rigoureuse  égalité  du  clavier,  de  satisfaire  à  toutes  les  nuan- 
ces de  goût.  Il  suffît  pour  cela  de  faire  varier  plus  ou  moins  la 
densité  du  feutre  employé,  ou  plutôt  de  le  serrer  plus  ou  moins 
en  le  collant  sur  les  marteaux.  Ajoutons  qu'à  cet  égard  notre 
examen  serait  encore  sans  but ,  les  artistes  actuels  donnant 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  785 

invariablement  la  préférence  au  piano  qui  fait  le  plus  de 
bruit. 

Nous  croyons  plus  utile,  si  nous  considérons  la  valeur  com- 
merciale d'un  piano  ,  le  prix  souvent  très-élevé  qu'il  atteint 
comme  meuble  de  luxe  ,  de  faire  porter  notre  examen  sur  les 
conditions  de  solidité,  de  durée  que  peuvent  produire  les  divers 
systèmes  qui  figurent  à  l'Exposition ,  sans  négliger  toutefois 
les  questions  qui  offriraient  un  caractère  d'utilité  relative  pour 
le  possesseur  de  Tinstrument. 

De  nombreuses  prétentions  se  manifestent  sur  la  question 
du  contre-tirage  dont  plusieurs  systèmes  figurent  à  l'Exposi- 
tion. Tous  ont  pour  but,  ainsi  que  leur  nom  l'indique,  d'équi- 
librer le  tirage  des  cordes  qui  tend  à  faire  gauchir  l'instru- 
ment, et  à  refouler  sur  elle-même  la  table  d'harmonie. 

Les  premières  tentatives  faites  pour  s'opposer  à  ce  refoule- 
ment ont  d'abord  consisté  dans  l'emploi  de  barres  de  fer  pla- 
cées au-dessus  du  plan  des  cordes  ,  au  tirage  desquelles  elles 
opposaient  leur  propre  rigidité.  La  maison  Érard  réclame  la 
priorité  de  cette  application  et  en  fixe  la  date  à  l'année  4  822. 
Mais,  dès  1820,  ces  barrages  avaient  été  appliqués  en  An- 
gleterre par  James  Tom  et  W.  Allen,  dans  des  conditions 
plus  favorables,  les  cordes  ne  tirant  plus  sur  les  parois  de  la 
caisse,  mais  sur  des  lames  métalliques  arc-boutées  par  les 
premiers. 

M.  Pape  ,  après  diverses  tentatives  dont  le  principe  avait  la 
plus  grande  analogie  avec  les  conditions  actuelles  ,  retourna 
complètement  la  question  en  rendant  la  table  elle-même  l'or- 
gane du  contre-tirage  ;  c'est-à-dire  en  produisant  sa  tension 
au  lieu  de  son  refoulement ,  sous  l'action  énergique  des  cor- 
des. Il  obtient  ce  résultat  en  plaçant,  entre  le  plan  des  cordes 
et  la  table  un  châssis  en  fer  s'arc-boutant  en  tous  sens  contre 
les  parois  de  la  caisse,  de  manière  que  celles-ci,  tirées  en  de- 
dans par  les  cordes,  tendent  à  s'écarter  derrière  le  châssis; 
mais,  comme  la  table  est  collée,  de  ce  côté,  sur  les  bords  de 
ces  mêmes  parois,  leur  écartement  détermine  une  tension  de 
la  table,  proportionnelle  au  tirage  des  cordes. 

C'est  par  le  refoulement  de  la  table  d'harmonie  que  se  pro- 
duisent les  détériorations  si  rapides  d'un  piano.  Dans  les 
pianos  de  M.  Pape,  non-seulement  ce  refoulement  n'existe 
pas,  mais  la  tension  constante  de  la  table  lui  fait  acquérir 
206  ;iz 


786  VISITE 

à  la  longue  une  plus  grande  sonorité,  en  même  temps  qu'elle 
permet  de  lui  donner  une  plus  grande  épaisseur,  d'où  résulte 
pour  les  sons  plus  de  plénitude,  de  rondeur  et  de  moelleux. 

Avec  les  contre-tirages  ,  la  table  conserve  son  ancienne  po- 
sition. Le  châssis  qui  l'entoure  est  plus  résistant  et  la  table 
en  est  plus  indépendante.  Les  cordes  tirant  plus  spécialement 
sur  les  sommiers  formant  deux  côtés  de  ce  châssis,  tendent  à 
les  faire  basculer,  et  on  équilibre  cette  action  au  moyen  d'un 
tirage  contraire  qu'on  opère  sur  eux  de  l'autre  côté  de  la 
table. 

Nous  avons  déjà  dit  que  des  dispositions  analogues  avaient 
été  très-antérieurement  employées  par  M.  Pape ,  avant  qu'il 
songeât  à  produire  la  tension  de  la  table. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  le  concours  actuel,  nous  croyons 
voir  donner  une  préférence  sérieuse  au  système  de  contre- 
tirage  de  M.  Domény,  qui  consiste  à  loger  profondément, 
dans  les  deux  sommiers,  les  deux  extrémités  de  larges  bandes 
de  fer,  dont  le  milieu  s'appuie  sur  une  forte  traverse  en  bois 
placée  à  mi-hauteur  du  piano.  Des  boulons  à  écrou  ,  fixés 
dans  la  charpente,  permettent  d'infléchir  [ces  lames  entre  la 
traverse  et  les  sommiers,  de  manière  à  équilibrer  complète- 
ment le  tirage  des  cordes. 

Nous  signalerons  comme  très-simple,  en  même  temps  que 
très-efficace,  le  dispositif  imaginé  par  M.  Barrache,  et  ap- 
pliqué par  la  Société  des  facteurs  de  pianos  sous  le  nom  cVar- 
chet-tirant,  la  résistance  au  tirage  des  cordes  s'opérant  dans 
le  sens  du  fil  d'un  certain  nombie  de  pièces  de  bois  d'épais- 
seur suffisante,  solidement  fixées  à  l'arrière  des  sommiers. 

M.  Pol-Louis,  de  Nîmes,  n'a  pas  de  système  de  contre- 
tirage,  parce  qu'il  a  voulu  rendre  sa  table  d'harmonie  com- 
plètement indépendante  du  tirage  des  cordes,  en  l'écartant 
des  deux  sommiers,  et  qu'il  la  fait  supporter,  à  la  manière 
des  tables  de  violon,  par  des  éclisses  collées  sur  les  deux 
autres  parois  de  l'instrument.  M.  Pol-Louis  n'a  peut-être  pas 
assez  tenu  compte  du  coudage  des  cordes  sur  le  chevalet ,  et 
de  sa  tendance  au  déplacement  de  la  table ,  dans  le  sens  du 
décollement  des  éclisses. 

La  question  de  l'accordage  n'est  pas  moins  vivement  dis- 
cutée par  de  nombreux  compétiteurs. 

Le  système  qui,  au  point  de  vue  théorique,  semblerait  de- 


i 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  787 

voir  primer  tous  les  autres ,  est  celui  de  M.  Del  Sarte  ,  parce 
que  son  emploi  n'exii^e,  de  la  part  de  l'accordeur,  que  l'ap- 
préciation  des  sons  à  l'unisson  ou  à  l'octave. 

Il  se  compose,  en  principe,  d'une  traverse  fixée  à  demeure 
sur  l'instrument ,  et  occupant,  en  face  du  plan  des  cordes, 
l'étendue  d'une  octave  ou  de  douze  notes.  Les  douze  notes 
étant  bien  accordées ,  on  règle  la  position  de  douze  sillets 
placés  sous  la  traverse,  de  sorte  que  chacun  d'eux,  si  on  l'ap- 
puie sur  la  corde  à  laquelle  il  correspond,  la  divise  de  ma- 
nière à  lui  faire  donner  l'unisson  de  la  corde  la  plus  aiguë. 
Supposons  maintenant  le  piano  désaccordé,  même  dans  l'oc- 
tave occupée  par  l'appareil ,  il  suffira  ,  pour  mettre  celle-ci 
d'accord,  d'abaisser  la  traverse ,  de  mettre  à  l'unisson  toutes 
les  cordes  placées  sous  elle;  et,  la  traverse  relevée,  d'accor- 
der toutes  les  cordes  de  même  nom  à  l'octave  ou  à  la  double 
octave  de  celles  qui  ont  été  accordées  au  moyen  de  l'appa- 
reil. 

Le  principal  inconvénient  de  ce  système  ingénieux  est  la 
place  qu'il  occupe  dans  l'instrument,  et  qui  se  concilie  diffi- 
cilement avec  les  dimensions  de  plus  en  plus  restreintes  qu'on 
lui  donne. 

D'autres  compétiteurs  veulent  que  le  piano  une  fois  ac- 
cordé, on  n'ait  pas  besoin  de  recourir  à  l'accordeur  pour 
remettre  au  ton  les  cordes  qui  auront  varié;  et  pour  cela  il 
n'est  nullement  nécessaire  qu'on  ait  l'oreille  juste  ni  même 
qu'on  entende.  Le  sourd  le  plus  sourd,  pourvu  qu'il  voie 
clair  ,  accordera  un  piano  muni  du  système  spécial  et  qui 
aura  été  une  fois  accordé.  Ces  prétentions  sont  réalisées  par 
MM.  Laborde  et  Thomas  ,  ce  dernier  appliquant  seulement  à 
chaque  corde  les  dispositions  que  M.  Laborde  applique  simul- 
tanément aux  trois  cordes  d'une  même  touche. 

Disons  cependant  qu'antérieurement  le  même  but  avait  été 
atteint  au  moyen  de  dispositions  analogues  ,  matérialisées 
différemment  d'abord  par  M.  Pape  en  i837,  puis  par  M.  Le- 
père,  en  1839,  aux  pianos  de  la  maison  Relier  et  Blanchet. 

Précédemment  M.  Pape  avait  employé,  pour  terminer  rac- 
cord approché  par  la  cheville  ,  une  vis  s'enfonçant  dans  le 
sommier  entre  deux  sillets,  et  dont  la  tête,  appuyant  sur  la 
corde,  la  faisait  fléchir  de  la  quantité  nécessaire  pour  la 
mettre  au  ton,  en  employant  une  force  beaucoup  moindre 


788  VISITE 

et  surtout  beaucoup  plus  gouvernable  que  celle  qu'on  applique 
sur  la  cheville. 

Dans  son  accordage  à  vue  il  remplaçait  la  vis  par  un  pilote 
dont  la  tête  reposait  aussi  sur  la  corde,  mais  qui,  traversant 
le  sommier ,  s'adaptait  à  un  ressort  dont  l'extrémité  coïnci- 
cidait  avec  un  repère  quand  la  corde  était  au  ton,  et  qu'elle 
dépassait  en  avant  ou  en  arrière  quand  elle  n'y  était  pas. 

Les  dispositions  de  M.  Lepère  étaient  beaucoup  moins 
simples  et  occupaient  beaucoup  de  place. 

Dans  le  système  de  M.  Laborde,  l'addition  d'un  levier 
tendant  la  corde  permet  l'emploi  de  ressorts  bien  moins  éner- 
giques que  celui  des  appareils  de  M.  Pape  et  de  M.  Lepère. 

Si  ces  dispositions  ont  incontestablement  l'utilité  de  per- 
mettre de  se  passer  d'accordeur  dans  les  localités  éloignées 
des  grands  centres  de  population,  elles  ont,  en  compensation, 
l'inconvénient  de  ne  pas  donner  à  la  corde  la  fixité  nécessaire 
à  sa  complète  sonorité.  Les  ressorts  qui  la  tendent  cèdent  né- 
cessairement sous  l'action  des  vibrations  énergiques  que  le 
marteau  lui  imprime  ,  et  altèrent  ainsi  la  pureté  du  son 
qu'on  obtiendrait  d'une  corde  absolument  fixée. 

Disons  cependant,  qu'à  tout  prendre,  il  vaut  mieux  avoir 
un  instrument  moins  sonore  qu'un  instrument  désaccordé,  et 
que  partout  où  l'artiste  capable  de  remettre  l'instrument  au 
ton  pourra  faire  souvent  défaut,  l'amateur  fera  bien  d'y 
suppléer  par  un  piano  s'accordant  à  vue. 

D'autres  modes  d'accordage,  dans  lesquels  l'oreille  reprend 
sa  prépondérance  légitime ,  ont  pour  but  de  donner  à  la  main 
plus  de  sûreté  dans  son  action,  en  diminuant  l'effort  considé- 
rable qu'elle  exerce  sur  les  chevilles  dans  les  conditions  ordi- 
naires. 

Aucune  de  ces  dispositions  n'est  nouvelle  en  principe;  mais 
plusieurs  se  distinguent  par  une  heureuse  modification  des 
conditions  antérieurement  employées.  C'est  ainsi,  par  exem- 
ple ,  que  M.  Bachman  a  très-utilement  appliqué  aux  chevil- 
les de  ses  pianos  la  vis  tangente  employée  à  la  tension  des 
cordes  de  contrebasse,  et  quelquefois  de  la  guitare. 

D'autres  continuent  à  se  servir  des  chevilles  pour  ai:]fpro- 
cher  l'accord/et  le  complètent,  en  déterminant,  comme  l'a  fait 
autrefois  M.  Pape,  la  flexion  de  la  corde  entre  deux  sillets. 

M.  Bord  se  sert  pour  cela  d'une  vis  conique,  placée  contre 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  789 

Ja  corde  qu'elle  infléchit  latéralement  en  proportion  de  son 
enfoncement  dans  le  sommier. 

En  1 839,  M.  Pfeiffer,  de  Versailles,  en  1 844,  MM.Kriegelstein 
et  Plantade  disposaient ,  sur  le  sommier,  au-dessus  du  plan 
des  cordes,  un  série  de  petites  potences  traversées  chacune 
par  une  vis,  dont  l'extrémité  s'appuyant  sur  la  corde  la  fai- 
sait fléchir  dans  les  conditions  plusieurs  fois  indiquées. 

Plus  récemment  M.  Pol-Louis,  de  Nîmes,  a  reproduit  les 
mêmes  conditions,  avec  cette  seule  diff'érence  qu'aux  poten- 
ces multiples  il  a  substitué  une  barre  unique,  occupant 
toute  la  longueur  du  piano,  et  traversée  en  face  de  chaque 
corde  par  les  vis  de  M.  Pfeiff'er. 

Par  un  de  ces  hasards  fréquents  en  industrie,  M.  Debain 
appliquait  presque  simultanément,  à  la  corde  unique  de  son 
harmonicorde  ,  un  système  d'accordage  composé  également 
d'une  barre  métallique  également  traversée  par  des  vis. 

Mais  remarquant,  avec  raison,  entre  autres  inconvénients, 
que  le  mouvement  circulaire  de  la  vis  exerçait  sur  la  corde 
un  frottement  très-énergique  qui  pouvait  eh  altérer  la  soli- 
dité ,  il  coiff'a  l'extrémité  de  cette  vis  d'une  espèce  de  dé  à 
coudre,  dans  lequel  elle  peut  tourner,  et  qui  porte,  à  son 
sommet  extérieur,  une  fente  où  se  loge  la  corde. 

Il  paraît  que  M.  Pol-Louis  constata  aussi,  mais  plus  tard, 
les  inconvénients  de  la  vis  simple.  Aujourd'hui ,  comme 
M.  Debain ,  il  la  fait  de  deux  parties ,  avec  cette  diff'érence 
seulement,  qu'au  dé  à  coudre  de  M.  Debain  ,  il  a  substitué 
une  pièce  pleine  fendue  à  l'une  de  ses  extrémités  pour  rece- 
voir la  corde,  et  prolongée  par  une  queue  cylindrique  qu'il 
loge  dans  un  trou  de  même  forme  pratiqué  dans  l'axe  do 
la  vis. 

M.  Pol-Louis  fit  grand  bruit  à  cette  occasion ,  et  ne  parut 
pas  comprendre  que  si  sa  barre  était  antérieure  de  quelques 
jours  à  celle  de  M.  Debain ,  il  lui  était  de  beaucoup  posté- 
rieur quant  au  principe  au  moyen  duquel  la  corde  est  sous- 
traite au  frottement  de  la  vis  de  pression. 

M.  Debain,  reconnaissant  la  priorité  de  la  barre  de  M.  Pol- 
Louis  sur  la  sienne,  se  hâta  de  la  supprimer  dans  ses  instru- 
ments, et  y  substitua  un  dispositif  très-ingénieux,  que  nous 
allons  décrire.  Quant  à  M.  Pol-Louis,  nous  n'avons  pas  en- 
core remarqué  qu'il  ait  fait  disparaître ,  de  ses  instruments, 


790  VISITE 

l'organe  dont  le  principe  appartient  incontestablement  à 
M.  Debain. 

Le  nouveau  dispositif  de  M.  Debain  consiste,  pour  chaque 
corde,  en  un  arc  de  cercle  métallique,  dont  les  deux  extré- 
mités portent  une  vainure  et  reposent  sur  une  portion  de  la 
corde  prise  entre  deux  sillets.  La  corde  est  infléchie  dans  la 
cavité  de  l'arc  de  cercle ,  au  moyen  d'un  crochet  dont  la  tige 
filetée  traverse  le  sommet  de  celui-ci ,  et  reçoit  extérieure- 
ment un  écrou  au  moyen  duquel  on  tend  plus  ou  moins  la 
corde  pour  la  mettre  au  ton. 

Les  dispositions  appliquées  par  M.  Sax  père,  dans  l'exécu- 
tion de  ses  pianos,  ont  pour  but  de  laisser  à  la  table  d'harmonie 
une  plus  grande  liberté  dans  ses  vibrations,  et  par  conséquent 
d'augmenter  sa  sonorité. 

Sous  le  nom  de  prolongement  quelques  pianos  ont  un  dispo- 
sitif qui,  un  accord  étant  frappé,  continue  à  vibrer,  sans 
que  la  main  soit  obligée  de  maintenir  abaissées  les  touches  de 
l'accord  ;  ce  qui  laisse  la  liberté  d'exécuter  d'autres  notes , 
pendant  la  durée  de  l'accord.  Cette  idée  appartient  à  M.  Bois- 
selot,  de  Marseille.  D'un  autre  côté,  on  doit  à  M.  Pape  des 
conditions  mécaniques  qui,  rapprochant  plus  ou  moins,  à 
volonté,  tout  le  système  des  marteaux  du  plan  des  cordes, 
permet  d'affaiblir  les  sons  autant  qu'on  le  veut,  quelle  que 
soit  la  vigueur  avec  laquelle  les  touches  sont  attaquées.  Mais 
cette  condition  s'applique  forcément  à  la  totalité  du  clavier  ; 
enfin,  dans  le  système  Boisselot,  on  ne  peut  produire  un 
second  accord  prolongé  qu'à  la  condition  de  détruire  le  pro- 
longement du  premier. 

Combiner  les  deux  conditions,  c'est-à-dire  permettre  à  l'ar- 
tiste de  prolonger  tel  nombre  d'accords  successifs  qu'il  vou- 
dra ,  et  d'obtenir,  sur  telle  portion  du  clavier  qu'il  désirera , 
tous  les  degrés  de  forte  ,  en  même  temps  que  sur  d'autres  il 
pourra  exécuter  toutes  les  nuances  du  piano  au  pianissimo  , 
sans  qu'une  longue  étude  sur  d'ennuyeux  exercices  soit  la 
condition  indispensable  du  résultat  à  obtenir  :  tel  est  le  pro- 
blème difficile  qu'ont  abordé  et  très-heureusement  résolu 
MM.  Lentz  et  Houdard  dans  un  instrument  auquel  ils  donnent 
le  nom  de  piano  scandé. 

Dans  ce  double  but ,  ils  disposent ,  au  l)as  de  l'instrument, 
deux  séries  de  pédales  dont  l'une  ,  s'abaissant  sous  le  pied  , 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  701 

agit  à  la  manière  ordinaire  sur  les  étouffoirs  qu'elle  soulève  ; 
la  pointe  du  pied  repousse  l'autre  qui  rapproche  les  marteaux 
du  plan  des  cordes.  On  donne  le  nom  de  contre-pédales  à  cel- 
les-ci. Chaque  pédale  et  la  contre-pédale  correspondante  exer- 
cent leur  action  sur  un  certain  nombre  de  cordes,  une  octave 
par  exemple;  et,  comme  le  même  pied  peut  facilement  atta- 
quer à  la  fois  deux  pédales  ou  contre-pédales,  l'exécutant 
peut  produire  instantanément  le  même  effet  sur  quatre  oc- 
taves et  même  près  de  cinq  ,  au  moyen  d'un  organe  spécial 
qu'il  pousse  du  doigt ,  ou  bien  diviser  ses  effets  à  volonté  ,  de 
manière  à  produire  en  même  temps  le  forte  sur  une  ou  plu- 
sieurs octaves,  et  le  piano  sur  une  on  plusieurs  autres. 

Ces  nuances  si  délicates,  qui  font  la  réputation  d'un  artiste, 
sont  souvent  dans  la  tète  d'un  élève  avant  que  de  fastidieux 
exercices  les  aient  mises  dans  ses  mains;  et  c'est,  à  notre 
avis  ,  un  véritable  service  rendu  à  l'étude  du  piano,  que  d'en 
avoir  rendu  plus  abordables  les  ditlcultés  dont  une  très- 
longue  pratique  pouvait  seule  rendre  maître. 

M.  Debain,  dont  nous  avons  plusieurs  fois  signalé  les  in- 
génieuses inventions,  est  aussi  l'auteur  d'un  piano  dont  on 
peut  jouer  sans  être  musicien,  c'est-à-dire  au  moyen  d'une 
manivelle,  comme  les  orgues  de  Barbarie.  Mais  là,  hâtons- 
nous  de  le  dire,  s'arrête  la  ressemblance. 

Outre  le  clavier  ordinaire  d'un  très-bon  piano,  l'instrument 
comporte  un  mécanisme  qui,  entraînant  une  série  de  plan- 
chettes recouvertes  de  pointes  convenablement  disposées, 
permet  d'exécuter,  avec  toute  la  précision  possible,  avec  les 
nuances  les  plus  variées  et  les  plus  délicates,  la  musique  la 
plus  difficile,  la  plus  chargée  de  notes. 

Avec  le  piano  mécanique ,  l'amateur  le  plus  éloigné  des 
contrées  fréquentées  par  les  artistes  peut  se  donner  le  plai- 
sir d'entendre,  très-bien  exécutés,  les  morceaux  exclusivement 
réservés  aux  grands  centres  de  population.  Mais  ce  qui  le 
rend  surtout  précieux ,  c'est  qu'avec  lui  un  bal  peut  s'im- 
proviser dans  une  réunion  de  famille  ou  d'intimes,  sans  mettre 
à  contribution  la  complaisance  de  la  maîtresse  ou  de  la  fille 
de  la  maison,  qui  peuvent  ainsi  prendre  leur  part  de  la  fêle 
et  s'amuser  avec  leurs  invités. 

L'exécution  de  ces  instruments  est  aujourd'hui  une  branche 
importante  de  fabrication  dans  la  maison  Debain,  qui  en  ex- 


792  VISITE 

pédie  annuellement  un  nombre  considérable  ;  et  c'est  par 
centaines  de  kilomètres  qu'elle  compte  annuellement  ses  li- 
vraisons de  musique  piquées  sur  les  planchettes  décrites  plus 
haut. 

Le  magnifique  piano  mécanique,  commandé  pour  S.  M.  l'Im- 
pératrice, qui  figure  à  l'exposition  de  M.  Debain,  prouve  que 
cet  instrument  a  su  lui  conquérir  les  plus  augustes  suffrages. 

Nous  avons  plusieurs  fois  signalé  les  inventions  de  M.  Pape 
à  l'occasion  de  celles  de  ses  confrères.  L'espace  nous  man- 
([uepour  faire  ici  la  nomenclature  de  celles  qui  ont  marqué 
la  carrière  si  féconde  de  cet  habile  fabricant,  et  dont  la  plu- 
part ont  été  un  progrès  sérieux  dans  la  facture  des  pianos. 
Nous  nous  bornerons  à  dire  que  son  exposition  actuelle  se 
compose  en  partie  d'anciens  instruments  dont  l'état  de  con- 
servation prouve  la  bonté  des  méthodes  appliquées  à  leur 
construction,  et  d'un  certain  nombre  d'instruments  mixtes, 
participant  du  piano  et  de  l'orgue,  où  se  retrouvent  comme 
toujours  les  dispositions  les  plus  simples  et  les  plus  ingé- 
nieuses. 

Si  nous  citons,  dans  un  piano  de  M.  Mercier,  une  dispo- 
sition qui  a  pour  but  de  nuancer  l'intensité  des  sons  produits 
au  moyen  d'un  mécanisme  analogue  aux  volets  d'orgues, 
dont  on  voit  un  spécimen  dans  l'orgue  mécanique  de  M.  Kel- 
sen,  nous  aurons  indiqué  tout  ce  qu'il  nous  a  été  donné  de 
découvrir  ou  d'apprécier,  en  fait  de  nouveautés,  dans  la  fac- 
ture des  pianos  français  à  l'Exposition. 

En  nous  bornant  à  indiquer  les  nouveautés  que  nous  avons 
pu  découvrir  dans  l'Exposition  française  des  pianos,  nous 
n'avons  pas  voulu  signaler  exclusivement  aux  visiteurs  les 
seuls  facteurs  dont  nous  avons  mentionné  les  efïbrts.  Parmi 
les  noms  omis  par  nous,  un  grand  nombre  jouissent  d'une 
réputation  justement  méritée;  et  nous  n'apprendrons  pro- 
bablement rien  à  nos  lecteurs  en  leur  disant  qu'ils  peuvent 
toujours  s'adresser  avec  confiance  aux  maisons  qui  portent 
les  noms  si  connus  d'Érard,  de  Gaidon  jeune,  de  Kriegels- 
lein  ,  de  Montai ,  de  Pape  fils  ,  de  Pape  neveu,  de  Pieyel,  de 
Soufflette,  etc. 

Si,  de  la  France,  nous  passons  à  l'étranger,  nous  trouvons 
cette  branche  importante  de  l'industrie  très-peu  représentée. 
En  Autriche,  un  seul  piano,  bien  que  le  Catalogue  indique 


A  L'EXPOSITION  UNIVERSELLE.  793 

sept  exposants.  En  Angleterre,  les  maisons  les  plus  impor- 
tantes, les  Broadwood,  les  CoUarl,  font  défaut;  mais  on  nous 
a  signalé,  comme  très-remarquable,  un  piano  d'Hopkinson. 
Comme  prétention  à  la  nouveauté,  nous  n'avons  pu  en  dé- 
couvrir qu'aux  États-Unis ,  dans  deux  pianos  carrés  dits 
diaphonies.  Nous  y  remarquons  des  cordes  croisées,  antérieu- 
rement appliquées  par  M.  Pape,  auquel  on  a  encore  emprunté 
deux  tables  d'harmonie,  dont  la  seconde  porte  des  cordes 
à  l'unison  des  cordes  directement  frappées,  ce  qui  augmente 
considérablement  le  volume  du  son.  Mais,  ce  que  M,  Pape  ne 
revendiquera  certainement  pas,  c'est  la  substitution  de  la 
peau  au  feutre  pour  garnir  les  marteaux. 


FIN, 


TABLE   DES    MATIERES. 


Instruction  historique Pages.  1 

Description  générale  de  l'Exposition 60 

France ,  66 

Algérie 68 

Colonies  françaises 'S 

Royaume-uni  de  la  Grande-Bretagne 74 

Possessions  des  Indes 9-i 

Australie 96 

Canada 98 

Colonies  anglaises 10! 

Suède ,  Norvège  et  Danemark 103 

Pays-Bas 107 

Colonies  néerlandaises 109 

Royaume  de  Belgique 1 1 1 

Villes  hanséatiques 113 

Royaume  de  Prusse 115 

Grand-duché  de  Bade 123 

Royaume  de  "Wurtemberg 125 

Royaume  de  Saxe 127 

Royaume  de  Bavière 129 

Confédération  suisse 130 

Empire  d'Autriche l'33 

États  sardes 142 

Grand-duché  de  Toscane 147 

États  pontificaux 149 

Royaume  d'Espagne 151 

Royaume  de  Portugal 155 

Royaume  de  Grèce 158 

Empire  ottoman 160 

Egypte 161 

Tunis 163 


796  TABLE  \)Eb  MATIÈRES. 

États-Unis  d'Amérique 163 

Mexique ,  .  .  .  .  167 

États  de  l'Amérique  du  Sud 169 

Examen  comparatif  des  produits 171 

Système  de  classification 172 

1"  CLASSE.  Art  des  mines  et  métallurgie 173 

—  Exploitation  des  mines 174 

—  Extraction 176 

—  Aérage  et  éclairage  des  mines 180 

—  Préparation  mécanique  des  combustibles 183 

—  Métallurgie  du  fer 185 

—  Moulage 188 

—  Fabrication  du  fer ,  .  .  193 

— •         Marbres  et  ardoises 201 

2e  CLASSE.  4r<  forestier,  chasse,  pêche,  et  récolte  des  pro- 
duits obtenus  sans  culture 202 

—  Conservation  des  bois 214 

3"^  CLASSE.  Agriculture,  y  compris  toutes  les  ^cultures  de  vé- 
gétaux et  d'animaux 217 

—  Cotons 223 

—  Laines 229 

—  Engrais 236 

4«  CLASSE.  Mécanique  générale  appliquée  à  l'industrie.  .  .  240 

—  Moteurs  hydrauliques 242 

—  Chaudières  à  vapeur 246 

—  Machines  à  vapeur 251 

—  Grues 270 

—  Pompes 272 

—  Ventilateurs  et  souffleries 276 

5*  CLASSE.  Mécanique  spéciale  et  matériel  des  chemins  de 

fer  et  des  autres  modes  de  transport 280 

—  Locomotives 284 

—  Wagons 302 

—  Carrosserie 303 

—  Sellerie 309 

6'  CLASSE.  Mécanique  spéciale  et  matériel  des  ateliers  in- 
dustriels   313 

—  Machines-outils 314 

—  Machines  agricoles 314 


TABLE  DES  MATIÈRES.  797 

—  Machines  des  industries  chimiques  et  alimentaires  327 

—  Typographie  et  impressions 335 

—  Machines  à  sculpter 345 

—  Machines  diverses 347 

7«  CLASSE,  Mécanique  spéciale  et  matériel  des  manufactures 

de  tissus 348 

8*  CLASSE.  Arts  de  précision;  iiidiisirie  se  rattachant  aux 

sciences  et  à  renseignement 379 

—  Horlogerie 382 

—  Instruments  de  précision 402 

9*  CLASSE.  Industrie  concernant  l'emploi  économique  de  la 

chaleur,  de  la  lumière  et  de  Vélectricité.  .  .  .  4î5 

—  Combustibles 416 

—  Fabrication  des  bougies 420 

—  Chauffage  et  ventilation 424 

—  Emploi  de  la  chaleur  dans  les  arts 431 

—  Éclairage  par  les  liquides 440 

—  Eclairage  au  gaz 444 

—  Phares 447 

—  Production  et  emploi  de  l'électricité 449 

—  Galvanoplastie 451 

—  Moteurs  électriques 452 

—  Télégraphie  électrique 454 

ïO*  CLASSE.  Arts  chimiques,  teintures  et  impressions,  indus- 
tries  des  papiers,  des  peaux,  du  caoutchoiic,  etc. 

—  Produits  chimiques 465 

—  Cuirs  et  peaux 476 

—  Papiers 486 

—  Tabacs 492 

—  Caoutchouc 496 

11* CLASSE.  Préparation  et  conservation  des  substances  ali- 
mentaires   503 

12*  CLASSE.  Hygiène^  pharmacie,  médecine  et  chirurgie.   .  .  525 

—  Hygiène 525 

—  Instruments  de  chirurgie 540 

13'  CLASSE.  Marine  et  art  militaire 551 

—  Navigation 552 

—  Armes  et  projectiles 557 

14*  CLASSE.  Constructions  civile,^ 565 


7^8  TABLE  DES  MATIÈRES. 

—  Matériaux 665 

—  Arts  divers  se  rattachant  à  la  construction  ....  580 

—  Distribution  d'eau  et  de  gaz 592 

—  Travaux  publics 595 

\h^  CLASSE.  Industrie  des  aciers  bruts  et  ouvrés 603 

—  Aciers 60^ 

—  Coutellerie 616 

16^  CLASSE.  Fabrication  de  métaux  d'un  travail  ordinaire.  ,  619 

—  Fontes  moulées 620 

—  Métaux  divers 622 

—  Serrurerie 629 

17^  CLASSE.  Orfèvrerie,  bijouterie,  bronzes  d'art 631 

—  Orfèvrerie  et  bijouterie 632 

—  Bronzes  d'art 642 

—  Galvanoplastie 647 

18*  CLASSE.  Industrie  de  la  verrerie  et  de  la  céramique  .  .  .  657 

—  ,      Céramique 658 

—  Verrerie  et  cristallerie 669 

Classes  19  A  23.  Manufactures  de  tissus 680 

—  Tissus  de  coton 682 

—  Tissus  de  lin  et  de  chanvre 688 

—  Tissus  de  laine 693 

—  Châles 699 

—  Bonneterie 702 

—  Dentelles,  tulles  et  blondes 707 

—  Soies  et  soieries 710 

l'i"  CLASSE.  Ameublement  et  décoration 718 

—  Ëbénisterie 720 

—  Coffrets  et  nécessaires 731 

—  Papiers  peints 734 

—  Vitraux 736 

25^  CLASSE.  Articles  de  vêtements,  de  modes  et  de  fantaisie.  .  738 

—  Vêtements  confectionnés 739 

—  Chapellerie 741 

—  Chaussures 744 

—  Ganterie 747 

—  Corsets,  boutons 748 

—  Fleurs  artificielles,   ,  , 752 


TABLE  DES  MATIÈRES.  799  1 

I 

'2(j^  CL.\ssE.  Dessin  et  plastique  appliqués  à  V industrie.  .  .  .  763  I 

—  Plastique 753  •] 

—  Gravures ,  lithographie ,  impressions 75S  : 

—  Photographie.    .    . 7G3  ' 

—  Dessins  industriels 770  i 

27''  CLASSE.  Fabrique  des  instruments  de  musique 773  ] 


FIN    DE    LA   TABLE. 


Ch.Lahure,  imprimeur  du  Sénat  et  de  la  Cour  de  Cassation 
(ancienne  maison  Crapelet),  rue  de  Vangirard,  9. 


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