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v^^^
VOYAGE
AUX RÉGIONS ÉQUDIOXIALES
99
NOUVEAU CONTINEM,
DE LIMPKÏMEKIE DE J. SMITH.
VOYAGE
AUX RÉGIONS ÉQUINOXIALES
DU
NOUVEAU CONTINENT,
PAIT EN 17i)9> ^^OO, 1801, l80!2^ l8o3 ET l8o4y
Par AÔ^E HUMBOLDT et A^BONFLAND, '
Rioioi
Par ALEXAPÏDRE DE HUMBOLDT ;
AVEC un ATLAS GÉOGRAPHIQUE ET PHTSIQUB.
TOME QUATRIÈME.
A PARIS,
A LA LlSRAiniE GRECQUE -LATINE - ALLEMANDE^ RU£ DES
Fossés-Montmartre, n.® i4.
1817.
* • • .
■ - ; - « ^ * * , ,
VOYAGE
AUX RÉGIONS ÉQUmOXIALES
NOUVEAU CONTINENT..^
*h .(.II../
tM-. . LIVRE IV.
CHAPITRE X.
Second séjour à Cumana. — Ti-enibicmens
de terre. — Météores exiixtordhiaires.
\Sovs reslàmes encore nii mois à Cumana.
La navigation que nous dénions enircprrndre
Siiï- rOr^noqiie et le Rio Ne^ro cxigeoit
des préparalifs de txiut genre. Il t'alloit tlioisir
les înslt'iiinciis les pins fariïcs à transporter
dans^ des canots étroits ; il J^dioil se munir
de fonds pour Un voilage dt; dix mois diins
l'iiUériéiir des ferreK, à travers un pays qui
esl sans commanicalion avec les cfites. Comnif
la détermination astronomique deslieiix éloil
b i,ivnB IV.
le but le plus important de celte entre-
prise , j'avois un pirand intérêt à ne piis man-
quer l'observation d'une éclipse de soleil qui
devoit être visible à la fin du mois d'octobre.
Je préférai rester jusqu'à cette époque à
Gumana, où le ciel est généralemeot beaa
et serein. Hn'éloit plus temps d'atteindre les
rives de r''rénoque, et la haute vallée de
Caracas offroit des chances moins favorables,
à cause des vapeurs qui s'accumulent autour
des montagnes voisines. Eu fixant avec pré-
cision la longitude de Cuniana, j'avois un point
de départ pour les déterminations clironomé-
triqoes, les seules sur lesquelles je pouvois
compter, lorsque je ne m'arrètois pas assez
long-temps pour prendre des distances lu-
naires ou pour observer les satellites de
Jupiter.
Il s'en fallut peu qu'un accident funeste ne
me fçrçàt à renoncer au voyage à l'Oré-
noque, ou du moins à l'ajourner pour long-
temps. Le 27 octobre, veille de l'éclipsé,
nous allâmes, comme de coutume, au bord da
golfe pour prendre le frais et pour observer
l'instant de la pleine mer , dont la bauteur ,
dans ces parages , n'est que de 1 a à 1 3 pouces.
eHApmiB X. 7
H étoit huit hcmes dtLMÎr, la brise nesoaffloil
point encere. Le ddcétoh couvert; et, pendant
1» eahfie plat, il iaisoit nne it^ialenr excessiTe.
No«8 traKersâmes la plage qoi sépare de Tem-^
barcadère le fanbonrg des Indiens. Gnaiqoê-
ries. «Tentendis marcfaeir derrière moi; eD^me
tournant, je vis on liomme d'une taille élevée »
de la couleur des Zàméos. et nu pis^'à la
ceinture. H tenoift' presque au— dessus de* ma
tète une maoana y gros bâton de bois de
palmier*,, renflé vers le bout en ibrme de
massue. J'évitar le coup en faisant un saut
▼ers la gaucbe. M. Bonpland, qfui maDcho^à
ma droite, (ut moins heuréur. H avoit aperçu
le Zambo plus tard que moi ; il reçut au-dessus
de lia tempe un coup qui Tétendit par terre;
Nous nous trouvions seuls ,^ sans, armes ^ à une
demi^Iieue de toute habîtatios ,.dans une vaste
plaine bordée par la mer. Le Zamba> au^lieu
de m'attaquer de nouveau ,. s'éloigna lente*
ment pour saisir le ebapeau dé M..BoBpland>
qui'^ eu' amortissant un peu k violence- du
eéup, étoit tombéloin denous..E&djédevoir
mon compagnon de voyage terrassé et sans
eonnoissance pendant quelques in$tans> je ne
H^'oeeupai que de lui*. Je Taidalà se relevcsi;
\
8 LIVRE IV.
la douleur et le ressentiment redoublèrent
ses forces. Nous nous portfinics sur le Zambo,
qui , soit par une lAcheté assez commune dans
celte caste, soit parce qu'il aperçut de loin
quelques hommes sur la plage , ne noua atten-
dit point , et se mit à fuir vers le Timal, petit
bocage de Raquettes et d'Avicennia arbo-
rescent. Le hasard le fit tomber en courant;
M. Bonpiand, qui l'avoit atteint le premier,
se prit corps à corps avec lui , et s'exposa
au danger le plus imminent. Le Zambo tira
un long couteau de son caleçon; et, dans
celte lulte inégale, nous aurions été blessés
indubitablement , si des négocians biscayens ,
qui cherchoientle frais sur la plage , n'étoient
venus ;\ notre secours. Se vovant enlouré , le
Zambo ne songea plus à se défendre: il par-
vînt à s'échapper de nouveau; et, après que
nons l'eûmes suivi long-temps en courant à
tritvçrs les Cactus épineux, il se jeta comme
par lassitude dans une vacherie, d'où il se
laissa conduire tranquillement à la prison.
M. Bonpiand eut la fièvre pendant la nuit ;
mais , plein de courage et doué de celle gaîlé
dé caractère qu'un voyageur doit regarder
<^onime un des dons les plus précieux de la na-
CHAPITRE X. 9
tare ; il oonliiiua ses travaux dès le lendemaiou
Le *coup de la maeana avoit porté .{tisqu'a»
sommet de la tête; il s'en ressentie devai
à trois mois V pendant le séfoiit que^nous'
fîmes à Caracas* Bo se baissant pour ramasser
des plantes 5 il fat plusieurs fois saisi d'iili
étourdissrasent , qui nous fit craindre qu'tl;nû
se fàt formé un dépôt intérieur. Heureusement
ces craintes n'étoient pas fondées , et des syoïfh
tomes , d'abord si alarmans ^ disparurent peu à
peu. LeS|babitans de Gumana nous donnèrent
les marques les plus touchantes de leur intéi^t»
Nous apprimes que le Zambo étoit natif d'-ua
des villages indiens qui entourent le grand lac
de Maracajbo* U avoit servi sur un corsaire
de rile de Saint-Domingue; et^ à la suite
d'une querelle avec le capitaine, il ayoit été
abandonné sur les côtes de Gumana, lorsque le
navire avoit quitté le port. Ayant vu le signal
que nous avions fait placer pour observer la
hauteur des marées , il guéta le moment où il
pourroit nous attaquer sur la plage. Maispout^
quoi y après avoir étendu par terre un de nous,
sembloxt-il se contenter du simple vol d'un
chapeau? jDans un interro|poire qu'il subit,
ses r^nses furent à la fois si confuses et si
lO LIVIIE IV.
stnpides, qu'il étoit impossible d'éclaircir nos
doutes; le plus souvent il suutenoit que son
intention n'avoit pas été de nous volei' ,
mais qu'itrité des mauvais traitemens qu'il
avoil endurés à bord du corsaire de Saint-
Doming'ue , il n'avoit pu résister au désir de
nous ['aire du mal, dès qu'il nous avoit entendu
parler fraiiçois. Comme la justice est si lente
dans ce pays , que les détenus doot regorgent
les prisons, restent sept à huit ans sans pou-
voir obtenir un jugement, nous apprîmes avec
quelque satisfaction que , peu de jours après
notre départ de Cumana , le Zambo avoit
réussi à s'échapper du château Saiul-Antoine.
Malgré l'accident fâcheux arrivé à M, Bon-
pland, je me Irouvois, le lendemain 28 oc-
tobre, à cinq heures du matin, sur la ter-
rasse de noire maison pour me préparer à
l'observation de l'éclipsé. Le ciel étoit beau et
serein. Le croissant de Vénus , et hi constella-
tion du Navire, si éclatante par le rappro-
chement de ses immenses nébuleuses , se per-
dirent dans les rayons du soleil levant. J'avois
d'autant plus ;'i me féliciter d'un si beau jout
que , depuis pluaiurs semaines, lesorages qui
se formoient régubèrement au sud et au sud-
CHAPITHE X. ] I
est,deuxàtroisheiiresaprèsle passage (lu soleil
parle méridien, m'a voient empêche dérégler
les montres par des hauteurs correspondantes.
La nuit, nne de ces vapeurs roussâtres qui
n'affectent guère l'hygromètre dans les basses
couches de l'almosphère, voiloit les étoiles.
Ce phénomène étoit d'autant plus extraor-
dinaire , que, dans d'autres années , il arrive
souvent que, pendant trois ou quatre mois, on
ne voit pas la moindre trace de nuages et de
vapeurs. J'eus une observation complète du
progrès et delà fin de l'eclipse. Je déterminai
la dislance des cornes ou les différences de
hauteurs et d'azimuth par le passage aux ills
du quart de cercle. La fin de l'éclipsé étoîl
à 2h i4'23", 4, temps moyen de Cumana.
Le résultat de mon observation, calculée,
d'après les anciennes tables , par M. Giccolini ,
à Bologne , et par M, Triesnecker , à Vienne,
a été publié dans la Connaissance des temps '.
Ce résultat ne différoit pas moins que de i '9"
en temps de ta longitude que j'avois obte-
nue par le chronomètre; mais recalculée par
' .^ng, p. i42. Zach, ;Mbn. CorrMjo. Vol.I,p. 5<)fi.
^f^oyez aussi la note A à la fin de ce Ai' livre. )
13 LIVRE IT.
M. Ottmanns , d'après les nouvelles tables
lunaires de Burg et les tables du soleil de
Delambre , l'éclipsé et le chronomèlrt; se sont
accordés à lo" près. Je cite cet exemple
remarquable d'une erreur réduiteà ^r par l'em-
jfloi des nouvelles tables , pour rappeler aux
voyageurs combien il est de leur intérêt de
noter et de publier jusqu'aux moindres détails
de leurs observations partielles. L'harmonie
parfaite , trouvée sur les lieux mêmes, entre les
satellites de Jupiter et les résultais chronomé-
triques, m'avoit inspiré beaucoup de con-
fiance dansia marche du garde-temps de Louis
Berthoud, chaque fois qu'il n'éloit point ex-
posé aux fortes secousses des mulels '.
Les jours qui précédèrent et qui suivirent
celui de l'éclipsé de soleil, offrirent des plié-
' Vaici les résultais de l'easemblc île mes oliserva-
tionsde longitude, failes .'t Cumana, en 1799 et 1800:
Par le transport du tRiups de la
Corogne ^i'' aG' 4".
Par iHïIiii. et Em, des Satellites... ■'t'' sR' C".
Far des distanees lunaires '1^ aS' .'îa".
Par réctipse du soleil 'i'' 25' 55".
Lonf^. rie Cumniia 4'' 25' Si".
Voyez mes Obs. astran.. Vol. I, p. 64-86.
CHAriTBE X. iS
nomènes atmosphériques très-remarquables.
C'étoil ce qu'on appelle , dans ces contrées ,
lïsaisoo d'hirer , c'est-à-dire celle des nuages
et des petites pluies électriques. Depuis le
lO octobre jusqu'au 3 novembre, à l'entrée
de la nuit , une vapeur roussàtre s'élevoit
sur rborizon et couvroit en peu de minutes,
comme d'un voile plus ou moins épais , la
Toute azurée du ciel. L'hygromètre ' de Saus-
sure,loin de marcher à t'humidilé, rétrogradoit
souvent de 90° à 83". La chaleur du jour étoit
de aS" à 32" ; ce qui , pour celte partie de la
zone tomde,eslune chaleur très-considérable;.
Qifclquefois, au miheu delà nuit, les vapeurs
dtsparoissoient dans un instant ; et, au moment
où je placois les instrumens , des nuages d'une ■
blancheur éclatante se formoîent au zénith et
s'étendoient jusque vers l'horizon. Le 18 oc-
tobre, ces nuages avoient une transparence
■ 11 faut se rappeler que , par cette latitude , h des
époques où il ne pleut jamais, l'hygiomètre de Saus-
sure se soutient assez constamment entre 85* et 90",
la température étant de s5''-So''. En Europe , au mois
d'août > à la même température , l'iiiimidité moyenne
de l'atmosphère est de y^'-So, Voy^ plus haut, T II,
l4 LIVRE IV.
si extraordinaire , qu'ils ne cachoient pas
les étoiles de );i quatrième grandeur. Je dis-
linguoissi parl'iiitenient les t;iciies de la lune,
qu'on anroil dît que son -disque étoit placé
au-dcv;nit des nuages. Ils étaient à une hauteur
prodigieuse, disposés par bandes et égale-
ment espacés, comme par l'effet de répul-
sions électriques. Ce sont ces mêmes petits
amas de vapeurs que j'ai vus au-dessus de moi
sur le dos des Andes les plus élevées , et qui,
dans plusieurs langues, portent le nom de
mouton':. Loi-sque la vapeur roussàtre cou-
vroitlégèremeut le ciel , iesgrandes étoiles qui,
généralement , à Cuniana , scintil'ent à peine
au-dessous de 20" ou 25° , ne conservoient
pas même au zénith leur lumière tranquille
et planétaire. Elles srinlilloient à toutes les
hauteurs, comme après une forte pluie d'o-
rage >. Je fus frappé de cet effet d'une brume
' Je n'ai observé aucun rapport direct entre !e scin-
tiitcmentdes ttolleseï lasécberesse Je l'air dans celle
partie de l'alniosplière qui est saumise ù nos espé-
ricnces. J'ai va souvent à Cuiuana tin fort scintillement
des étoiles d'Oriun ou du Sagittaire , l'hygromètre de
Saiissiii'C se soutenant ù 8â°. D'autres fols ces mêraes
(•toiles, placées à tlp grandes linuleiirs au-dessus de ITio-
CHAPITRE X. l5
qui n'affecloit pas l'hygromètre à la surface
du sol. Je reslois une parlie de la nuit assis
sur un balcon , d'où je découvrois une grande
partie de l'horizon. Sous tous les climats,
c'«st un spectacle attrayant pour moi de
fixer les yeux , par un ciel serein , sur quelque
grande constellation, et de voir se former,
s'a^andir comme autour d'un noyau central ,
disparoître et se former de nouveau des
groupes de vapeurs vésiculaires.
Du 28 octobre au 5 novembre , la brume
roussâtre fti t plus épaisse qu'elle ne l'eût encore
été : la chaleur desnuits paroissoil étoufTaote,
quoique le thermomètre ne s'élevât qu'à 2ti". La
brise qui , généralement, ralraîchit l'air dès les
rizon,réi»antloLentuneIumièretranquiUeet planétaire,
l'hjgromctre élaat à 90° et gS". Ce n'est probablement
pas la quantité de Tapeurs contenues dans l'air, Inais
la manière dont la vapeur est répandue, et qui déter-
mine le scintillement, conslamment accompagné d'une
coloration de lumii:re , plus ou moins parfaitement
disBOute. )I est assez remarquable que, danslespays
du Nord , le scintillement est le plus fot-t par un très-
grand &-oid, à une époque ou l'almospbère paroit
it sèche. ( f^oyet la note B.)
l8 LIVRE TV.
diyo.SoQ disque éloil énormément élargi, dé-
figuré et Ondo^'ant vers les bords. Les auages
étoient dorés , et des laîsceaux de rayoïig
divergeas qui rcfléloiont les plus belles cou-
leurs de l'iris, s'élendoienl gusqu'au milieu du
cifl. Il y eut uu grand attroupement sur la
place publique. Ce phénomène, le tremble-
fiient de terre , le coup de tonnerre qui l'avolt
accompagné , la vapeur roussâtre vue depuis
tant de jours , tout fut regardé comme l'efTet
de l'éclipsé.
Vers les neuf heures du soir, il y eut une
troisième secousse beaucoup moins forte
que les deux prciiiicres, mais accompagnée
d'un bruit souterrain très-sensible. Le baro-
(BCtre étoll un peu plus ' bas qu'à l'ordinaire ;
' Le4nov. 179g, liaulbarom. jàghcuresdumatin,
de3.3€l>. 83-, à 4 h. du soir,de 336,a4; à 4>-.3iy de
335,93; à II '■. de33G,4a. Le 5 nov. , à ^^ du matin,
de 337,02; à 10''. de337,oojà 1 ^ de 336,73; à 3 i-.
Je 336,25 ; à 4 ^ de 33G,3o -kiK 3o' de 336,5a ; à
11''. du soir, 33G,8G; à i">.dek nuit, 356,32; à
4 ^ 3o' du matin, 336,28. Le 18 août , j'aïois été
frap|>é de trouver la hauteur absolue du baromëlre
uapeu moindre qu'à l'ordiiuiîre. II y eut, ce jour-là,
otiïe fortes secousses de trciubleniuiit de ti;rre il Ca-
knais la *mal*che des variations horaires ou des
Jpetites marées atmosphériques ne fut aucune-
ment intei^romjpue. Le inercdre se trouvoit
précisennent ati minimum de hauteur au mo-
ment do tiiemblement dé terre ; il continua
de monter jusque vtsrs les onze heures du
^ivy et baissa de nouveau jusqu'à quatre
bemreset demie du mâtin > conformément à
la kù à laqmllte solit sujettes lés variations
bcipûnétriques. La nuit du 5 au 4 novembre f
h vapesr roussàtre Ait tellement épaisse i
que j^ ot pos distinguer TeiNlroitoù la lune
TupanOi sur liaies à Fèst de Cutnana^ Le Sk5, une
lég&Ké âecouBte îa% seaiîe a jCuniaiia , 61 1» hauteur
barométrique fiit aussi grande, qu'à Tordînaire. Pen-
dant ces deux phénomènes , les marées aUuospbé-
irîques furent égalemeut régulières ^ seulement^ lé
aS août y knr étendue éloît de beaucoup plus pe-
iiteè Jéptftderal ici^ potir cbaquej ourdies trois ob-
lenratioUè qvé nous atons faites , Mi Bonplànd et
moi, fc 9^^* du maà^, à 4 ^ ^ de l'aprèar inidi*>
^k xlKim soin Le l8 aoùf : 236,^ ^ S^)$9;
Z3S,j5i Le 25 août 337,01 ; 336,8o^ 3^7,00 : le a6 MÛt
337,5oj 336,42; 337,10 : le 27 août 337,18^; 336,5i j
iWifij, Ces exemples confirment ce que j'ai exposé
pfits fcaât sur TinlftiriaBilité des marées atmosphé*
tfqseaà Pépoque des secousses^ (Tom. II , p. 284} « .
a*
éloit placée, que par un beau halo de 20" de
diamètre.
Il y avoit à peine vingt-deux mois que la
ville de Gumana avoit élé presque totalement
détruite par un tremblement de terre. Le
peuple regarde les vapeurs qui embrument
l'horizon et le manque de brise pendant la
nuit, comme des pronostics infailliblement
sinistres. Nous eûmes de fréquentes visites de
personnes qui s'informoient si nos instru-
mens indiquoient de nouvelles secousses pour
le lendemain. L'inquiétude fut surtout très-
grande et très-générale , lorsque , le b no-
vembre, exactement à la même heure que
la veille, il y eut un coup de vent violent,
accompagné de tonnerre et de quelques
gouttes de pluie. Aucune secousse ne se fit
sentir. Le vent et l'orage se répétèrent pen-
dant cinq ou six jours à la même heure, on
auroit presque dit à la même minute. C'est
une observation faite depuis long-temps par
les habitans de Curaana et de tant d'autres
lieux situés entre les tropiques , que les chao-
gemens atmosphériques qui paroissenl les
plus accidentels suivent, pendant des se-
maines entières, un certain type avec une
CHAPITRE X. 21
régularité étonnante. Le même phénomène
$e manifeste y en été y sous la zone tempérée :
aussi n'a-t-il pas échappé à la sagacité des astro-
nomes qui y par un ciel serein y Toient souvent
pendant trois ou quatre jours de suite se
former des nuages au même point du ciél y
prendre la même direction > et se dissot»dre
à la même hauteur, tantôt avant ^ tantôt après
le passage d'uae étoile au méridien y par con-
séquent à peu de minutes près au même
temps vrai '.
Le tremblement de 'terre du 4 novembre i
le premier que j'aie senti , fit une impression
d'autant plus vive sur moi y qu'il étoit y peut-
être accidentellement; accompagné de varia-
tions météorologiques si remarquables. G'é-
toit de plus un véritable soulèvement de bas
en haut 9 et non une secousse par ondu-
lation. Je n'aurois pas cru alors qu*après
un long séjour sur les plateaux de Quito et
les côtes du Pérou , je deviendrois presque
' Nous ayons été très-attentifs à ce phénomène >
M. Arago et moî^ pendant une longue série d^observa-»
lions faites, dans les années 1809 et 1 810 ^ à robsenra-
toire 4e Paris , poiu* vérifier la déclinaison des étoiles.
s 2 LITRE IV.
aussi familier avec les inouvemeiis un peu
brusques du sol , que nous le sommes, en
Europe , avec le bruit du tonnerre. Dans
la ville de Quito, nous ne pensions pas à
nous lever ia nuit , lorsque des mugissemens
souterrains ( bramidns ) , qui semblent tou-
jours venir du volcan de Picliiucha , annon-
coient (3 ou 3, quelquefois 7 ou 8 minutes
d'avance) une seeousse dont la force est ra-
rement en rapport avec l'intensité du bruit.
L'insouciance des hiibilans qui se rappellent
que, depuis trois siècles, leur ville n'a pas
été ruinée , se communique facilement à l'é-
tranger le moins hardi. Ce n'est en général
pas autant la crainte du danger que la nou-
veauté de la sensation qui frappe si vivement ,
lorsqu'on vient d'éprouver pour la première
fois les effets du tremblement de terre le
plus léger.
Dès notre enfance, l'idée de certains con-
trastes se fixe dans notre esprit; i'eau nous
parolt un élément mobile, la terre une
masse immuable et inerte. Ces idées sont,
pour ainsi dire, le produit d'une expérience
journalière; elles se lient à tout ce qui nous
est transmis par les sens. Lorsqu'une secousse
GHAPITAB X. 23
se fait sentir; lorsque la terre est ébranlée dans
ses vieux fon démens ^ que nous avions cru si
stables 9 un instant sufit pour détruire de
longues illusions. C'est comme un réveil ^ mais
un réveil pénible. Çn sent qu'on a été trompé
par le calme apparent de la nature; on
devient dès - lors attentif au moindre bruit ,
on se méfie ^ pour là première fois ^ d'ua sol
sur lequel, si long -temps, on a posé le
pied avec assurance. Si les secousses se ré-
pètent > si elles deviennent fréquentes pen-
dant plusieurs jours successifs , Tincertitude
disparoit rapidement. En 1784 > les habitans
du Mexique s'étoient accoutumés à entendre
gronder le tonnerre au-dessous de leurs
pie<Is ' , comme nous l'entendons dans la ré-
gion des nuages. La confiance renaît facile-
ment dans l'homme; et > sur les côtes du Pé-
rou, on finit par s'accoutumer aux ondulations
du sol 9 conmie le pilote aux secousses du
navire causées par le choc des vagues.
Le tremblement de terre du 4 novembre
m'a paru avoir exercé une influence sensible
/
^ Los hramidosde Guanaxuato» Voyez plus haut>
Ghap. IV , Toin- Il , p* 194,
su I-lVftE IV.
sur les pliénomënes magnétiques. J'aVoia
trouvé, peu de temps après mon arrivée sur
les cotes de Cumana, l'inclinaison de l'ai-
guille aimantée de 43'',53 division centési-
male. Quelques jours avant le tremblement
de terre, j'étois occupé très -assidûment :i
vérifier ce résnitat. Le gonverneuv de Cu-
mana , qui possédoit beaucoup de livres de
sciences, m'avoit prèle l'intéressant Tratado
de JS avigacion^ deMendoza; j'avoisélé frappé
de l'assertion qui s'^ Ironve éuoncée, >■ que
l'inclinaison de l'aiguille varie selon les mois et
les heures plus fortement que la déclinaison
magnétique, " Une suite d'observations que
j'avois faites en 1798, conjointement avec
le cbevatier de Borda, à Paris, et puis seul
à Marseille et à Madrid, m'avoit convaincu que
les variations diurnes ne pouvoient être aper-
çues dans les meilleures boussoles d'incli-
naison; que si elles existent (comme on doit
le supposer), elles n'excèdent p.is 8-10 mi-
nutes ' , et que les changemens horaires,
' Lcschaiignincnsaumictsûc t'iaGlitutisonparuisRcn
Oaus nos climats, de '(■Siuiuulcsjmais, tl'a[)rBsi'anf
beanconp plus coondérablo, mAcpèi par
Sfférens ^Qtears, deweieM Hre attribocf ae
oiveUement imparÊûl de 1 mstnuneftL Jfat'
gréeesdoDtesassezfiMidés^îe n'kaitiî poinl^
le 1^ novembre^ à placer la ig^raMle boo^
sde de Borda dans un endroit trè^-propue
aax expériences déJiratrs de ee çeue.
Llndinaisoa se troma immablaBent de
43^9^- Ce nombre est la morenne de bean-
conp fobservafioBS finies avec le ptosçrasd
soin. Le 7 noiembre, fiots fonrs après les
fortes secoesscs dn trrnihlf nif it de terre, je
rc o oni n icn cai la nrfme série dobfierralioos ,
etfe fi» étonné de iFoir ^pe rjtndLinaiy^ éLoU
derenne pins pelile de 90 nubctes ceotést-
;; eVe neloil pins <qfne de it^,^^ ie
■e peirt-eireefie an^pBaenteroît de eo^-
n retenant progressrrement à son pi>e-
micr état , nu» je 6n trcHnpé dans akhi ai-
leiiScL Un anpkrstard^ après moo retour de
rOrno^pe, je tromvm encore llocUitaiî^ofi de
k^ Jks «arialâfnK^Eaipneset ^wonueUes de k dûelioai'
«ou nmpïéiigne ^ il ii«Bt pasindiâpensabie d'adaiettre
a6 IJVRE IT.
l'aigniile niniantée, à Cumaoa , «le ^s^.So , lln-
lensité des forces magnétiques étant resiée la
même avant et après le treiiibiement de terre.
JElIe se troiivoit exprimée par 221J oscillations
en lo' de temps, lorsqu'à Madrid elle étoit
proportionnelle à 2'io, à Paris à 3/| 5 oscil-
lations. Je délerminai , le 7 novembre , la dé-
clinaison magnétique; elle étoit de 4" i3' ^o"'
au nord - est. Je l'avois trouvée, avant le
tremblement de terre , à différentes heures du
jour, de 5-6 minutes plus grande et pins pe-
tite. Les variations horaires masquent le^
changemens de déclinaison absolue, lorsque
celles-ci ne sout pas très-considérables.
En réfléchissant sur l'ensemble de ces phé-
nomènes magnétiques ' , je n'aperçois pas de
cause d'erreur qui ait pu altérer le résultat
de mes observations d'inclinaison Faites avant
!e 4 novembre. J'ai employé les mêmes pré-
cautions, je n'ai pas déplacé l'instrument ^
' I,c a8 août 1749, inclinaison à l'estj 43°, ()7; à
l'ouest, 44°, 10. Le 1."'' nov. est, 43",! o; ouest, 44", ao.
Ijï 7 nov. est , 42", 1 5 ; ouest , 43° ,35. Le 5 sept. 1 800
rat , 42", 20 ; ouest , 43°, 4o.
' Nous avons trouvé , en i8o5, M. Gay-Luasac et
moi (cQ changeaul les paies (lanfl chaque endroit], a
chapitrée' X, î?7
j*ai noté dans mon journal le détail de chaque
observation partielle.Il est même bien re^
marquable que Taiguille conservée avec le
plus grand soin dans du papier huilé y a
donné 9 après un voyage de 700 lieues, en
revenant à Gumana , par la moyenne de
i5 observations, à 5 minutes centésimales
près j là même inclinaison qu'immédiatement
après le tremblement de terre. Je n'ai pas
changé , il est vrai , à chaque observation , les
pôles de Taiguille , comme je Tai fait dans une
longue suite d'inclinaisons déterminées con-
jointement avec M< Gay-Lussac , en i8o5 et
1806, en France, en Italie . en Suisse et en
Allemagne, et comme les astronomes lavoient
constamment fait dans le second voy^^e du
capitaine CkK>k. Cette opération est longoa
et dâicate lorsqu'on se voit forcé d'observer
presque toujours en plein air« En quittant
l'Europe, le chevalier de Borda m'avoit coth'
seîUé de ne désaimanter faignitle qij'apriri^
de certains intervaHes , et de tenir compte
Ces diflcrencCToe^'élev/rt^fi ,
Milan, dans rintériev de b ^ak, VJ" ¥/ é^.. .^
prairie près de la TÎle, &* 59 «k:. dMT.
aH LIVRE IV.
à Paris , dans les expériences faites avec
M. Lenoir, qu'à i3 minutes ; à Mexico, dans
diiïerens essais, à 8 , iS , 6 et i o minutes : aussi
l'aig-tiille d'un acier bien trempé a conservé
tout son poli pendant cinq ans. De plus, dans
le phénomène qui nous occupe, il ne s'agit
que d'im changement d'inclinaison apparente,
et non d'une quanlilé absolue. N'ayant pas
touché à l'aiguille, je n'entrevois pas la pos-
sibilité d'une erreur d'un dej^ré centésimal.
On sait que Irchoc , en modifiant la position
des molécules de fer, de cobalt on de nicel,
modifie aussi leurs propriétés magnétiques;
qu'il est capable de donner des pôles , et quel-
quefois même de les changer. Lorsque je fis
<;onnoître les axes magnétiques d'une grande
montagne de serpentine polarisante située au
nord de Baireutli , en Franconie, M. Lichten-
Iierg , le célèbre physicien de Gollingne ,
énonça la conjecture que ces axes pouvoient
bien être l'effet des iremblemensde terre qui,
dans les grandes catastrophes de notre pla-
nète, avoientagi long-lenjps selon une même
direction. Nous savons, par les expériences
récentes de M. IIaûj,que si la chaleur di-
minue la charge magnétique, elle peut aussi
CHAPITRE X. 29
quelquefois rendre attirable à Taimant de cer-
taines substances ' dans lesquelles le fer est
combiné avec quelque autre principe. On
conçoit par^là> jusqu'à un certain point ,
comment des trémblemens de terre et des
agens volcaniques y par les changemens qu'ils
produisent dans Tintérieur du globe ^ à de
grandes profondeurs^ peuvent modifier les
phénomènes magnétiques que nous observons
à sa surface. Je n'insisterai pas sur des conjec-
tures si hasardées, et je me bornerai à faire
observer ici qu'aux époques où nous avons
éprouvé de fréquentes et fortes secousses
dans les Cordillères de Quito et sur les côtes
du Pérou , nous n'avons jamais pu découvrir
aucune variation accidentelle dansHnclinaison
magnétique. II est vrai que les changemens
analogues , produits par les aurores boréales
dans la déclinaison de l'aiguille, de même que
ceux que j'ai cru remarquer dans l'intensité
des forces, ne s'observent aussi que de temps
en temps: ib sont d'ailleurs passagers, et
cessent avec la durée du phénomène.
La vapeur roussâtre qjoi embrnmoil
' Par exempk^ le fer sulfuré, le fer
8o LlVllE IV.
l'horizon, peu avant le coiicliRr du soleil, aVoît
cessé depuis le 7 novembre. L'atmosphère
avoit repris son ancienne pureté, cl la voûte du
rielparut an zénith de celte leinle d'un blcii
(once qui est propre à des climats où la cha-
leur, la lumière etune grande égalité de charge
électrique semblent favorisera la fois la plus
parfaite dissolution de l'eau dans l'air. J'ob-
servai, dans la nuit du 7 au 8 , l'immersion
du second satellite de Jupiter '. Les bandes
de la planète éloient pins distinctes que je ne
les eusse jamais vues auparavant.
Je passai une partie de la nuit à comparer
l'intensité de la lumière que répandent les
bulles étoiles qui brillent dans le ciel austral.
J ai suivi ce travail avec soin sur mer, et pen-
dant mon séjour à Lima, à Guajaquil et à Mexi-
co , dans l'un el l'autre liémisphère. Près d'un
demi-siècle s'étoit écoulédepuis que La Caille
avait examiné cette région du ciel, qui reste in-
visible en Europe. Les étoiles voisines du pôle
' Ji; l'ohsorT.ii k ii''s,'i' fi", tpmps inojcn , d'où
résiille, en comiiavunt inun olisi^cvalion à cullcs de
vfteFs et de MarstUli:, luiii^. de Cuinana 'i>'2i;' ti".
(Oiï. unir. T. I, II. 73.)
CHÂi^iThË X. Si
«lUStral soDt observées en général avec si peu
de suite et d'assiduité^ que les plus grands chan«
gemens peuvent avoir Iku dans Tintensité de
leur lumière et dans leur mouvement propre^
sans que les astronomes en aient la moindre
connoissance. Je crois avoir remarqué des
changemens de ce genre dans la constellation
de la Grue et dans celle du Navire. J'ai com-
paré d abords à la simple vue^ les étoiles
qui ne sont pas très-éloignées les unes des
autres, pour les ranger d'après la méthode que
M. He)pschel < a indiquées dans un mémoire lu
à la société rojale de Londres^ en 1 796 : dans
la suite j'ai employé des diaphragmes dimi-
nuant l'ouverture de l'objectif, des verres co-
lorés et non colorés> placés devant l'oculaire ,
et surtout im instrument de réflexion propre à
ramener à la fois deux étoiles dans le champ
de la lunette , après avoir égalisé leur lumière
en recevant à volonté plus ou moins de rayons
réfléchis par la partie étamée du miroir. Je
conviens que tous ces moyens photomé-
* PhiL trans. f For , 1796, p. 166. (Comparez aussi
Pigott et Goodricke y dans les IVahs, , vol. j5 , T. I,
p« 127 y i54, et vol. 76, T. I, p^ 197*}
5/t iivnE rv.
la mer, n'offrent qu'un climat brumeux et ex-
trêmenicnt variable. Une grande pureté de
l'atmosphère , telle qu'elle règ'ne presque
constamment dans les basses régions, pendant
la saison des sécheresses, compense l'effet
de la hauteur dn site et de ta rareté de l'air sur
les plateaux. Les couches élevées de l'atmo-
spliiîre éprouvent des changemens brusques
dans leur transparence, là où elles enve-
loppent le dos des montagnes.
La nuit du 1 1 an 13 novembre étoit fraîche
et de la plus grande beauté '. Vers le matin,
depuis deux heures et demie, on vit, à l'est,
les météores lumineux les plus extraordî-'
naires. M. Bonpland , qui s'étoit levé pour
jouir du frais sur la galerie , les aperçut le
premier. Des milliers de bolides et d'étoiles
près les Tormules de la Mécanique céleste de M. La-
place, l'cxtiuctloii de la lumière est à la liauleur de cea
plateaux. 99(|3 ; a la cime du Cliimborazo 9989 ; à la
pIusliautecimedel'Hîniala)a(supposéeaTecM. Webb,
de 4oi3 toises) 9987 , Iwsqu'au niveau de la mer,
rex.liiictioD de la lumière est 10000. {f^oy. moa
Tableau de ta Géogi: du» Plantes , iSofi.)
* Tlierm.cent. à 1 i''du soir 31", 8. Hjgr. 8a°. Fasds
scintillement d'ûtoiles au-dessus de 10" de faauLeur>
CHÀ1»IT&E X. 56
filantes se succédèrent pendant quatre heures»
Leur direction étoit très -régulièrement dtt
nord au sud; elles remplissôient une partie
du ciel qui s'étendoit du véritable point Est»
3o^ vers le nord et le sud. Sur une amplitude
de 60®, on-voyoit les météores s'élever au-
dessus de l'horizon à l'Ë-N^E. et à TE. , par^
courir des arcs plus ou moins grands, et
retomber vers, le sud après avoir suivi la di-
rection du méridien \ Quelques-uns attei-
gnoient jusqu'à 4o^ de hauteur ; tous dépas^
soient 25® à 3o®. Le vent étoit très-foible dans
les basses régions de l'atmosphère , et souffloit
de l'Est On ne voyoit aucune trace de nuages.
M. Bonpland rapporte que^ dès le com->
mencement du phénomène , il n'y a voit pas
un espace du ciel égal en étendue à trois
diamètres de la lune> que Ton ne vît> à
chaque instant, rempli de ^bolides et d'étoiles
filantes. Les premiers étoient en plus petit
' Cette uniformité clans la direction avoit aussi
frappé plusieurs habitans de Noeva-Bareelona , qui
nous en parlèrent à notre retour de l'Orénoquef
sans que nous leur eussions communiqué les obser-
vations de Cumana.
3*
ÔG LIVIIE IV.
nombre; mais comme on pn voyoil de diffé-
rente jfrandeur, il éloit imiiossible de fixer
la limite eiitre ces deux clnsses de phéno-
mènes. Tous ces météores laissoicnt des traces
lumineuses de 8 à lo deyrés de longueur,
comme e'esl souveni le cas dans les restions
éqiiinoxiales '. La phospLorescence de ces
traces ou bandes tumiueiisesdiiroil 7 à 8 se-
condes. Plusieurs étoiles filantes avoient ua
noyau ti'ès-dislinct, grand comme le disque de
Jupiter, etd'oii partoient des étiDeclIcs d'une
lueur extrêmemeni; vive. Li.-s bolides sem-
bloient se briser çonmie par ex[)losion; mais
les plus gros , de 1" à 1" if>' de diamètre , dis-
paroissoieiit sans scintillement , et laissoicnt
derrière eux des bandes pliosphorescentcs
((/■«it-i), dont la largeur excédoit i5 à 20 mi-
nules.La lumière de ces météores éloit blanche,
et non rougeâtre, ce qui devoit être attribué
sans doute au m;jnque de vapeurs et à rextrêmc
transparence de l'air, (./est ])ar la même cause
que, sous les tiopi(|iies, les étoiles de première
grandeur, en se levant, ont une lumière sen-
siblement phrs blanche qu'eu Europe.
■ /■'.7. plus haul , CI1.1J.. I, T. l,i>. iGo.
CHAPITRE X. 5j
Presque tous les habitans de Cumana furent
témoins de ce phénomène , parce qu'ils quittent
leur maison avant quatre heures pour assister
à la première messe du matin. Ils ne voyoient
pas ces bolides avec indifférence; les plus an-
ciens se souvenoient que les grands tremble-
mens de terre de 1766 avoient été précédés *
par un phénomène tout semblable. Au fau-
bourg indien , les Guajqueries étoient sur
pied : ils prétendoient « que le feu d'artifice
avoit commencé à une heure de la nuit, et qu'en
revenant de la pêche dans le golfe , ils avoient
déjà aperçu des étoiles filantes, mais très-
petites, s'élever à l'est. » Ilsassuroient en
même temps que , sur ces côtes , les météores
ignés étoient très-rares après deux heures du
matin.
' Depuis quatre heures , le phénomène cessa
peu à peu; les bolides et les étoiles filantes
devinrent plus rares; cependant on en dis-
tinguoit encore quelques-unes vers le nord-
est, à leur lueur blanchâtre et à la rapidité
de leur mouvement, un quart-d'heure après le
lever du soleil. Cette dernière circonstance
^ ^oy, plus haut, Cliap. IV^ T. II, p. 2^3.
38 LIVRE IV.
paroîtra moins extraordinaire , si je rappelle
ici qu'on a vu en plein jour , l'an 1788 , dans
la ville dePopajan, l'intérieur des apparle-
mens fortement éclairé par iin aérolithe d'une
énorme grandeur. Il passa vers une heure
après midi, par un beau soleil, au-dessus delà
■ville. Le 26 septembre 1800, lors de notre
second séjour à Cumana, ooiis réussîmes,
M. Bonpiand et moi, après avoîi- observé
l'immersion du premier satellite de Jupiter' ,
à voir distinctement la planète à la simple
vue, 18 minutes après que le disque du so-
leil éloit sur l'horizon. Il y avoit une vapeur
très-légère du côté de l'est; mais Jnpiter
ctoit sur un fond azuré. Ces faits prouvent
l'extrême pureté et la transparence de l'at-
rnosphère sous la zone torride. La niasse de
lumière diffuse y est d'autant plus petite , que
les vapeurs sont plus parfaitement dissoutes.
La même cause par laquelle .se trouve afToiblie
la diffusion delà lumière solaire, diminue l'ex-
tinction de la lumière qui émane soit des
' Je l'observe a 5^ io'8", temps inovon : long,
Ae Ciimaiw , dù.luite îles lalilts de M. Delambre ,
'i" a5'57". (Oi.^emffï/r.,T,l,p. 80.)
CRAriTRE X.' 3()
bolides, soit de Jupiter, soit de la lune, vue
le deuxième jour après sa conjonction.
La journée du r3 novembre fut encore très-
chaude, et l'hygromètre indiqua une séche-
resse bien considérable pour ces climats '.
Aussi la vapeur roussàtre embruma de nou-
veau l'horizon , et s'éleva jusqu'à i^" de hau-
teur. Ce fut la dernière fois qu'elle se montra
dans cette année. Je dois faire obsei'ver ici
qu'en général elle est aussi rare sous le beau
ciel de Cumana , qu'elle est commune à Aca-
pulco, sur les côtes occidentalesdu Mexique.
Comme , à mon départ d'Europe , les
recherches de M. Chladni avoient singu-
lièrement fixé l'attention des physiciens sur
les bolides et les étoiles filantes, nous ne
négligeâmes pas , pendant le tours de notre
voyage de Caracas au Rio Negro , de nous
informer partout si les météores du 12 no-
vembre avoient été aperçus. Dans un pays
sauvage , où la majeure partie des babitans
' Agheurcsdn matin, llierm. cent. aG'ja; hygr.
8(i",4. A I *', tlierm. ug^iliygr. 81" (Toujours la divi-
sion de riiygromèlre de Saussure quand le contr.tii'O
n'est pas espressément indiqué).
couchent eo plein air, un phénomène aussi
extraordinaire ne pou voit rester inaperçu que
là où des nuages l'avoient dérobé aux yeux
de l'observateur. Le missionnaire capucin de
San Fernando de Apure ' , villa^fe situé au
milieu des savanes de la province de Varina»;
les religieux deSaint-FrancoiSjSlalionnés près
des cataractes de rOrénoque el à Maroa * ,
sur les bords du Rio Neyro , avoient vu des
étoiles Blantes et des bolides sans nombre
éclairer la voûte du ciel. Maroa est au sud-
ouest de Cumana, à 17/1 lieues de distance.
Tous ces observateurs comparoient le phé-
nomène à un beau feu d'artifice , qui avoit
duré de trois à six heures du matin. Quelques
religieux avoicut marqué le jour sur leur
rituel ; d'autres le désignoient par les fêtes
d'église qui en éloienl les plus proches ; mal-
heureusement aucun d'eux ne se souveuoit
de la direction des météores ou de leur hau-
teur apparente. D'après h position des mon-
tagnes et des (brêls épaisses qui entourent
les missions des cataractes et le petit village
' Lai. 7° S.'^'iy"; long. 70° 20'.
' Lat, 2" 'iïï'ti": liinc. 70" at '.
CHAPITRE X. 4*
«le Maroa , je présume que les bolides ont en-
core été yisibles à 20^* de hauteur au-dessus
de rhorizon. Arrivé à l'extrémité méridionale
de la Guiane espagnole y au petit fort de Saint-
Charles , j'y trouvai des Portugais qui avoient
remonté le Rio Negro depuis la mission d(5
Saint-Joseph des Maravitains. Ils m'assuroient
que^ dans cette partie du Brésil^ le phéno-
mène avoit été aperçu ^ au moins jusqu'à San
Gabriel das Cachoeiras , par conséquent
jusqu'à l'équateur même *.
J'étois vivement frappé de l'immense hau-
teur que dévoient avoir ces bolides pour être
visibles à la fois à Cumana et aux limites
da Brésil; sur une ligne de 23o lieues de
longueur. Quel fut mon étonnement , lors-
qu'à mon retour en Europe, j'appris que
le même phénomène avoit été aperçu sur
une étendue de globe* de 64<> en latitude^ et
' Un pea au nord-ouest de San Antonio de Castan-
heiro. Je n'ai point trouTC de personnes qui aient ob-
servé ce météore à Santa-Fe de Bogota , à Popayan ,
ovLy dans lliémisphëre austral ^ à Quito et au Pérou.
Peut-être l'état de l'atmosphère^ si variable dans
ces contrées occidentales^ a-t-il seul empêché l'obser-
vation.
42 LIVRE IV.
de 91" en longitude, ;'i l'équatenr , dans l'Amé-
rique méridionale , au Labrador el en Alle-
magne ! Pendant mon Irajel de Phdadelphie à
Bordeaux, je trouvai accidentellement dans
les Mémoires de la Société de Fensylvanie
■J 'observation correspondante de M. ElUcot
(lat., 5o' 42' ) , el, lors de mon retour de
Naples à Berlin , dans la bibliothèque de
Gottingue, le récit des missionnaires Moraves
chez les Esquimaux. A celte époque, plu-
sieurs physiciens ' avoient déjà discuté la
coïncidence des observations du Nord avec
celles de Cumana , que nous avions publiées ,
M. Bonpland et moij dès l'année 1800.
Voici l'indication succincte des faits? 1". les
météores ignés ont été vus à l'est et à l'est-
nord-est, jusqu'à 40"* de hauteur, de 2 à 6
heures à Cumana (lut- 10" 27' ^-i" , long.
6 i" 3o');àPorlocabeilo(lat. 10'^ G' ij2",Iong.
67° 3' ), el sur les frontières dn Brésil, près
de l'équateur, par les 70"* de long, occideo-
■ MM- i!c Hardeobcrg , Ritter et Bockmann, dans
les Jitnales de Gilbert, T. V[, p. 191 ; T. XIII,
p. 255; T. XIV, p. ii6; T. XV, p. 107. ^oigl,
Mag. der Naturhunde , T. IX, p. 46S.
CHAPITRB X. 45
taie du méridien de Paris. a.^DanslaGuiane
^françoise (lat. 4^ 56' , long. 54^ 35' ) , on
vit « le ciel comme enflammé dans la partie du
Nord. Pendant une heure et demie, d'innom-
brables étoiles filantes parcouroient le ciel ,
et répandoient une lumière si vive, qu'on
pouvoit comparer ces météores aux gerbes
flaml)Ojantes lancées dans un feu d'artifice. »J
Xa connoissance de ce fait repose sur un té-
moignage infiniment respectable, celui de
•M. le comte de Marbois, alors déporté à
Cayenne , victime de son amour pour la jus-
tice et pour une sage liberté constitutionnelle;
50. M. EUicot, Tastronome des Etats-Unis,
ayant terminé ses opérations trigonomélriques,
pour la rectification des limites , sur l'Ohio ,
se trouva, le 12 novembre , dans le canal de
Bahama , par les 26^ de latitude et 8i<^ 5o® de
long. D vit S dans toutes les parties du ciel ,
« autant de météores que d étoiles : ils se di-
rigeoient dans tous les sens; quelques-uns
paroissoient tomber perpendiculairement , et
l'on s'attendoit à chaque instant à en voir
' JP/iii. trans, of the Améric, soc, 180* , vol. 6,
P' 29.
44 LIVr.E IV.
descendre sur le vaisseau. » Le même phéno-
mène fut aperçu sur le conlinent américain
jusque par les rSo" ^2' de latitude, li". Au
Labrador, à Nain (lat. 56" 55' ) , et IloOen-
tLal ( lat. 580 ^ i'^ j Aans le Grœnland , à Lich-
tenau (lat. tn" 5'), et Nouveau Herreuhut
(lat. 64° i4' 5 long. 52" 20 )j les Esquimaux
furent effrayés de l'énorme quantité de bo-
lides qui toniboient, peudant le crépuscule,
vers tous les points du ciel, et " dont quelques-
uns avoient un piei! de larg^eur ». 5". Eu Alle-
jnagne, M. Zeissing, curé d'IUersliidt , près
de Wcimar (lat. So" 59' , long. or. 9" 1'),
aperçut, te 12 novembre, entre G et 7 heures
du raalin (lorsqu'il étoildeiixlieuresetdemie
à Cumana ) , quelques étoiles filantes qui
avoient une lumière très blanche. « Bientôt
après parurent, vers le sud et le sud-ouest, des
rayons lumineux , de 4-6 pieds de long' , qui
êloient rougeàtres, et ressembloient à la
traînéelumineuse d'une fusée. Pendant le cré-
puscule du malin, on vit, enlre 7 et 8 heures,
la partie sud-ouest du cîcl,de temps en temps ,
fortement éclairée par quelques éclairs blan-
châtres qui parcouroicnt l'horizon en serpen-
tant. Laiiuit, le froid avoit augmenté, et le
CHAriTBE X. (fS
baromcire étoît monté. >• II est très-probable
que le météore auroit pu être observé plus à
l'est, en Pologne et en Russie. Si une notice
détuillée n';ivoit pas été tirée , par M. Ritter,
des papiers du curé d'Ilterstiidt , nous aurions
cru aussi que les bolides n'avoientpas été vi-
sibles hors des limites du Nouveau-Continent,
n y a de Weimar au Rio Negro 1800 lieues
marines^ du Rio Negro à Herrenhut, dans
le Grœnlaud , iSoo lieues. En admettant que
les mêmes météores ignés aient été vus sur des
points si éloignés les uns des autres, il lau-
droit supposer que leur hauteur fût au moins
de 4ii lieues. Près de Weimar, les fusées
parurent au sud et au sud -ouest ; à Cumana ,
à l'est et à l'est-nord-est. On pourroit croire
par conséquent que des aérolithes sans
nombre seroient tombés dans la mer, entre
l'Afrique et l'Amérique méridionale, à l'ouest
des îles du Cap-Verd. Mais pourquoi les bo-
' A Paris et à Londres, le temps étoit couvert : à
CarWuh , M. Bôckraaiin aperçut, avant le crépuâcule
des éclairs à L-i fois au nord-ouest et au aud-cst. Le
i3 novembre , on vit , ^ Carlsruh ■ une lueur particu-
lière au sud-esi.
46 tlVRE IT,
lides , dunt ta direction n'est pas la même ail
Labrador et à Cumana , o'ont-îls point été
aperçus, dans ce dernier endroit , au nord,
comme à Cayenne? On ne sauroit cire assez
prudent dans une hypothèse sur laquelle
nous manquons encore de bonnes observa-
tions faites dans les lieux très-distans. J'incline
à croire que les Indiens Ghaymas de Cu-
inana n'ont pas vu les mêmes bolides que les
Portugais du Brésil et les missionnaires du
Labrador ; toujours on ne sauroÎE révoquer
en doute (et ce fait me paroît extrèmemenl
remarquable) que,d;ins le Nouveau-Monde,
entre le méridien de 46" et 82°, entre l'équa-
leur et le parallèle de 64° nord , on a aperçu ,
aux mêmes heures, une immense quantité de
bolides et d'étoiles filantes. Sur un espace
de92 1 jOOO lieues carrées, ces météores ont été
partout également resplendissans.
Les physiciens » qui récemment ont fait
des recherches si laborieuses sur les étoiles
filantes et leurs parallaxes , les regardent
comme des météores appartenant aux der-
nières limites de notre atmosphère, placés
' MM. I3ciizeii])0re elBrandes.
ClIAPÏTIlE X. l\'J
enlre la région de l'aurore boréale et celle
des nuages ' les plus légers. On en a vn qui
n'avoient que i4.ooo toises , environ 5 lieues
d'élévation; les plus hautes ne paroissent pas
dépasser 3o lieues. Klles ont souvent plus de
cent pieds de diamètre , et leur vitesse est
telle qu'elles parcourent en peu de secondes
un espace de deux lieues. On en a mesuré
dont la direction étoit de bas en haut presque
perpendiculaire . ou faisant on angle de .^o"
avec la verticale. Cette circonstance , très-
remarquable, a fait conclure que les étoiles
filantes ne sont pas des aérolithes qui, après
avoir plané lon»;-temps dans l'espace, connue
les corps célestes, s'enflamment en entrant
accidenlellement dans notre atmosphère ,
et tombent vers la terre ^.
Quelle que soit l'origine de ces météores
' D'après les observations que j'ai faites sur le dos
des Andes, à plus de 2700 toises de liauleur , sur les
m.ou.tons ou petits nuages blaucs et poninielcs, i] m'a
paru que leur élévatioD au-dessus du niveau des côtes '
pouvoit être quelqueTois de plus 6000 toises.
' M. Cliladni, qui rcgardoil d'abord les étoiles
filanles comme des aéi'olitlics, a dans la suite aban-
donné celle idée.
/(S i.nnc IV. '
lumineux , il est difficile de concevoir itd«
inflammation instantanée dans une région
où il y a moins d'air que dans le vide
de nos pompes pneumatiques , où (à 25,ooo
toises de hauteur) le mercure, dans le baro-
mètre, ne s'élèveroit pas à ^;- lignes. iVous ne
connoissons, il est vrai, le mélange uni-
forme de l'air atmosphérique à —V près, que
jusqu'à 5ooo toises de liauteur, par consé-
quent pas au delà de lu derni(;re couche des
nuages floconeux. On pourroît admettre que,
dans les premières révolutions du globe, des
substances gazeuses qui nous sont restées in-
connues jusqu'ici , se sont élevées vers cette
région que parcourent les étoiles filantes:
mais des expériences précises faites sur des
mélanges de gaz qui n'ont pas la même pesan-
teur spécifique , prouvent que l'on ne peut
admettre une dernière couche de l'atmos-
phère entièrement différente des couches in-
iërieures. Les substances gazeuses se mêlent
et se pénètrent an moindre mouvement; et,
dans le cours des siècles, l'uniformité du mé-
langesc seroil établi", à moinsqu'on ne suppose
CHAi'lTRE X. 4d
Jea effets d'une répulsion dont les corps que
nuus connoissons ne nous offrent aucun
exemple. De plus, sî nous admettons des fluides
aériformcs particuliers dans ces régions ina-
bordables des météores lumineux, des étoiles
filantes, des bolides et de l'auroûe boréale >
comment concevoir que la couciic entière de
ces fluides ne s'enflamme pas à la fois, mais
que des émanations gazeuses remplissent.
Comme les nuag'es, un espace limité?Gomment
admettre une explosion électrique sans amas
de vapeurs , susceptibles d'une charge inégale,
dans un air dont la température moyenne est
peut-être de 260" au-dessous du zéro du ther-
momètre centigrade, et dont la raréfaction
est telle, que la compression du cLoc élec-"
trique ne peut presque plus y dégager ' de
la chaleur? Ces difficultés disparoîtroient e«
gèae et d'osîgène , ou sur un air almosphérique à base
d'dydrogèiie, dans uu mémoire sur les réfraciious
astronomiques, joint à mes Olis. ustron., Tom. I,
p. 117-120.
' "Vojez l'explication de la clialctir que protluii la
ctioc électrique , donnée par M. Gay - Lussac , des
l'anfiée i8o5, et exposée dans un mémoire que j'ai
publié aTCC lui dans le Journ. de pliys, X. LX.
n, l,
fio ITVIIE IV.
grande parlic, si la direction du mouvement
des étoiles filantes perineltoit de les considérer
comme des corps à noyau solide, comme des
phénomènes cosmiques (apparlenant à l'es-
pace liors des limites de l'atmosphère ) , et non
comme des Y>^énomenes tel/uiiqnes (appar-
tenant à notre seule planète ).
En supposant que les météores de Cumana
n'eussent que la même hauteur à hiqnelle se
meuvent généralement les étoiles filantes , on
a pu voir , au-dessus de l'horizon , les mêmes
météores , dans des endroits éloignés les
uns des autres de plus de 5io lieues •, Or
quelle disposition d'incandescence extraordi-
naire doit avoir régné le 12 novembre dans
les hautes régions de l'atmosphère , pour
fournir pendant quatre heures des milliards
de bolides et d'étoiles filantes , visibles à
l'équateur , au Grœnland et en Allemagne.
M. Benzenberg observe judicieusement que
la même cause qui rend le phénomène plus
^ C'est cette circonstance quiavoit engagé Lamlterl
h proposer l'oltservalion des cloilcs filantes pour la
déternii nation des longitudes terrestres. Il les regar-
dolt comme des sigoaux célestes vus à de grandes di»-
CHAPITllB X. Ôl
fréquent > influe aussi sur la grandeur des
météores et Fiotensité de leur lumière. En
Europe, les nuits où il y a le plus grand
nombre d'étoiiès filantes, sont celles dans les-
quelles on en Toit de trës-lumineuses mêlées
à de très-petites. La périodicité du phénomène
ajoute à l'intérêt qu'il inspire. Il 7 a des mois
où y dans notre zone tempérée^ M. Brandes
n'a Compté que 60 à 80 étoiles filantes^ dans
une nuit; il j en a d'antres où leur nombre
fc'est élevé à 2000. Lorsqu'on en observe une
qui a le diamètre de Sirius ou de Jupiter ^ oit
est sûr de Toir succéder k un météore si
brillant uiî grand nombre de météores plus
petites Si 9 pendant une nuit> les étoiles filantes
Sont ires-fréquentes , il est très-probable ^ué
cette fréquence se soutiendra pendant j^u-
sieors semaines. On diroit qu'il y a pério-
dîquemeot dans les hautes régions de Tatmos*
phère , près de cette limite extrême où La force
ceotrifoge est balancée par la pesanteur; une
disposition particulière pour la production
des bolides, des étoiles filantes et de Taurore
boréale '. La x>ériodicité de ce ârraud phéno-
* natter, sur les pénodes de 9 « 10 aas ( 176^ ;
1798^ iboj ) , dans les Aiutales de Gilbert, Xom. XV,
4*
Ra LIVRE ir.
mène dépend-elle de l'élat de l'atmosphère,
ou de quelque chose que celte atmosphère
reçoit de dehors, tandis que la terre avance
dans l'écliplique? Nous ignorons tout cela,
comme on l'ignoroit du temps d'Anaxagore.
Quant auxétoiles filantes seules, il me paroît,
d'après ma propre expérience, qu'elles sont
plus fréquentes dans la région équinoxiale que
sous la zone tempérée, au-dessus des conti-
nens cl près de certaines cotes , qu'au miheu '
des mers. La surface rayonnante du globe, et
la charge électrique des basses régions de
l'atmosphère, qui varie d'après la nature du
soi et le gisement des conlinens et des mers,
exercent-elles leur influence jusqu'à des hau-
teurs où règne un hiver éternel? L'absence
entière des nuages, même des plus petits,
dans de ceriaines saisons, ou au-dessus de quel-
ques plaines arides et dépourvues de végétaux,
p. 3i3;Tont. XYI, p. 334. Il distingue, comme plu-
sieurs physiciens, les bolides mêlés aux étoiles filantes,
de ces météores lumineux, qui sont enveloppés de
fumée et de vapeurs, qui font explosion avec fracas,
et laissent tomber (le plus souvent le jour) dcsaéro-
lithes. Ces derniers n'appartiennent certainement pa»
El notre atmosphère.
CHAPITRE X.'
semblent prouver que cette influence est sen-
sible, au moins jusqu'à cinq ou six mille toises
de hauteur. Dans un pays hérissé de volcans^
sur le plateau des Andes, on a observé , il y a
trente ans, un phénomène analogue à celui
du x2 novembre. On vit à la ville de Quito,
s'élever dans une seule partie du ciel, au-dessus
du volcan de Cayambe, un si grand nombre
d'étoiles filantes , que Ton crut toute la mon-
tagne embrasée. Ce spectacle extraordinaire
dura plus d'une heure: le peuple s'attroupa
dans la plaine de TExido , où l'on jouit d'une
vue magnifique sur les plus hautes cimes des
Cordillères. Déjà une procession étoit sur le
point de sortir du couvent de Saint-François,
lorsqu'on s'aperçut que l'embrasement de l'ho-
rizon étoit dû à des météores ignés qui par-
couroient le ciel dans toutes les directions >
à 12 ou 1 5 degrés de hauteur.
CIIAPITUE XI.
Trajet de Cumana a la Gunyra, — Jfforro
de Nueva Barceîona, — Cap Codera, —i
Haute de la Guayraa Caracas.
Ije i8 novembre, à huit heures du soir, nous
étions sous voile pour passer, le lourdes côtes,
de Cuuiana au port de la Guayra, par lequel
les habilaus de la province de Venezuela
exportent la majeure partie de leurs produc-
liôns. Le trajet n'est que de Oo lieues, et ne
dure le plus souvent que 36 à 4o heures. Les
pelils Wtimens cùtiers sont favorises à la fois
par le vent et les courans ; ceux-ci portent
avec plus ou moins de force de l'est à l'onest
le long des cotes de la Terre-Ferme, sur-
tout du eap Paria à celui de Chichibacoa.
Le chemin de terre de Cumana à Nueva
lîarcelona, et de là à Caracas, est à peu près
dans le même état qu'avant la découverte de
l'Amérique. Il faut lutter contre les obstacles
qu'opposent uu terrain fangeux , des blocs de
CHAPITRE XI. 55
rochers épars et la force de la végétation ; il
faut coucher à la belle étoile, passer les vallées
de rUnare, du Tuy et du Gapaya,* traverser des
torrens qui croissent rapidement à cause de la
proximité des montagnes, A ces obstacles se
lient les dangers qui naissent de l'extrême
insalubrité du pays qu'on traverse. Les ter-
rains très-bas, entre la chaîne CQlière et le ri-
vage de la mer, sont extrêmement malsaiûs >
depuis la baie de Mochima jusqu'à Goro.
Mais cette dernière ville , entourée d'un im-*
mense bocage de raquettes ou Cactus épineux,
doit, de même que Gumana , la grande salu-
brité de son climat à l'aridité de son sol et au
manque de pluies.
On préfère quelquefois le chenlin de terre
au trajet par mer , Iprsqu'on retourne de Gara-
cas à Gumana , et que l'on craint de remonter
contre le courant. Le courier de Garacas met
neuf jours à faire cette route : nous avons
vu souvent les personnes qui l'avoient suivi ,
arriver à Gumana malades de fièvres nerveuses
et miasmatiques. L'arbre , dont l'écorce '
' Cortex Ango^turœ de nos pharmacies, Técorce dn
Bonplandia trifoliata {Jf^oyez plus baul^ T. 111 , p. 36.}
iS6 LIVRE IT,
fournit un remède salutaire contre ces fièvres,
croît dans ces mêmes vallons, sur la lisière
de ces mêmes forêls , dont les exhalaisons
sont si dangereuses. M. Bonpland a reconnu
le Cuspare parmi les végétaux du golfe de
Santa-Fe, siUié entre les poitsde Ctimana et
de Barcelone. Le voyageur souffrant s'arrête
dans une chaumière dont les habitans ignorent
les (pialilés fébrifuges des arbres qui ombra-
geait It's vallons d'alentour.
En passant parinerdeCumanaà laGuayra,
notre projet éloit de séjourner à la ville de
Caracas jusqu'à la fin de la saison des pluies ,
de nous diriger de là, à travers les grandes
plaines ou L[aiiox,&yiT les nmsions de l'Oré-
Tioque, de remonter celle immense rivière,
au sud des cataractes jusqu'au Rio Negro et
aux frontières du Brésil, et de revenir à Cu-
mana par la capitale de la Guiane espagnole ,
appelée vulgairement , à cause de sa position,
Xj4ngoslura ou le Détroit. II ne nous fut aucu-
uemcnt possible de fixer le temps qu'il fau-
droil pour terminer ce voyage de 700 lieues,
dont plus des deux tiers dévoient Otre laits en
canot, On ne connoit sur les côles que les
parliçs del'Oréuoque les plus proches de son
CHAPITRE XT. Sj
embouchure. Aucune relation de commerce
D est entretenue avec les missions. Tout ce qui
est au-delà des Llanos est un pays inconnu
aux hâbitans de Gumana et de Caracas. Les
uns pensent que les plaines de Calabozo cou-
vertes de gazon se prolongent huit cents lieues
au sud, en communiquant avec les steppes ou
Pampas de Buenos-Ayres ; lés autres , se rap-
pelant la grande mortalité qui régnoit parmi
la troupe d'Iturriaga et de Solano , lors de
leur expédition à rOrénoque, regardent tout
le pays au sud des cataractes d'Aturès, comme
excessivement dangereux pour la santé. Dans
une contrée où Ton voyage si rarement, on
se plaît à exagérer aux étrangers les difficultés
qu'opposent le climat, les animaux et l'homme
sauvage. Nous étions encore peu accoutumés
à ces moyens de découragement que les colons
emploient avec une candeur à la fois naïve
et affectueuse : m$ds nous persistâmes dans le
projet que nous avions formé. Nous pouvions
compter sur l'intérêt et la sollicitude du gou-
verneur de Curaana , don Vicenle Ëmparan ,
de même que sur les recommandations des
J»eligieux de Saint-François , qui sont les véri--
tabies maîtres des rives de TOrénoque.
68 LIVRE IV.
Heureuseineot pour nous, un de ces reli-
gieux, Juan Gonzales, se Irouvoil à cette
époque à Gumana. Ce jeune moine n'éloit
qu'un frère lai; maïs il éloit éclairé, Ir^-
inlelligeiit, plein de vivacité et de courage.
Peu de temps après son arrivée sur la côte,
il avoit eu le inallieuc de déplaire à ses supé-
rieurs, lors de l'élection d'un nouveau gardien
des naissions de Piritu, qui est l'époque des
grandes agitations dans le couvent du Niieva
Barcelona. Le parti vainqueur exerça une
réaction si générale, que le Hère lai ne put
y échapper. Il fut envoyé à l'Esnieralda ,
dernière mission du Haut - Oréno([ue, re-
nommée par l'innombrable quantité d'insectes
molfaisansdontl'airy est constamment rempli.
Fray Juan Gonzales connoissoit à fond les
forêts qui s'étendent depuis les cataractes
jusque vers les sources de l'Orénoque. Une
autre révolution dans le gouvernement ré-
publicain des moines, l'uvoit ramené depuis
quelques années sur les côtes, où il jouîssoil,
et à juste litre, de l'estime de ses supérieurs.
Il nous fortifioit dans notre désir d'examiner
la bifurcation si contestée de l'Orénoque: il
nous donna des conseils utiles sur la cooser*
CHAPITRE XI. 5()
?ation de notre santé y dans des climats dans
lesquels lui-même avoit souffert si longtemps
des fièvres intermittentes. Nous avons eu la
satisfaction de retrouver, à Nueva Bareelona,
le frère Juan à notre retour du Rio Negro.
Voulant passer de la Havane à Cadiz , il se
chargea obligeamment de transporter en Eu-
rope une partie de nos herbiers et de nos in-
sectes de rOrénoque : mais ces collections
forent malheureusement englouties avec lui
parla mer. Cet excellent jeune homme, qui
nous étoit vivement attaché , et dont le zèle
courageux auroit pu rendre de grands services
aux missions de son ordre, périt, en 1801,
dans une tempête, sur les côtes d'Afrique.
I^ bateau qui nous conduisit de Gumana
à la Guajra ^ , étoit uu de ceux qui font le
commerce des côtes et des îles Antilles. Ils
ont trente pieds de long , et pas au-delà de
trois pieds de hauteur sur les bords : ils ne
sont pas pontés, et leur charge est géné-
Talement de deux cents à deux cent cinquante
quintaux. Quoique la mer soit très-houleuse
•
* On paie ce trajet 120 piastres si l'on dispose du
bateait entier.
LIVRE IV.
depuis le cop Codera jusqu'à la Giiayra, et
qu'ils portent une énorme voile triangulaire as-
sez dangereuse dans ies rafales qui sortent des
gorges de montagnes, on n'a pas d'exemple,
depuis trente ans, qu'un de ces bateaux ait
sombre dans le trajet de Ciimana aux côtes
de Caracas. Telle est l'habileté des pilotes
Guaiqueries, que les naufrages sont même
très-rares dans les voyages fréquens qu'ils
font de Cumana à la Guadeloupe ou aux
îles danoises, entourées de brisans. Ces na-
vigations de 120 à i5o lieues par une mer
libre, hors de la vue des côtes, s'exécutent
dans des bateaux ouverts, à la manière des
anciens, sans observation de la hauteur mé-
ridienne du soleil , sans cartes marines ,
presque toujours sans boussole. Le pilote
indien se dirige de nuit d'après l'étoile po-
laire, et de jour d'apri^s le cours du soleil et
le vent, qu'il suppose peu variable. J'ai vu
des Guaiqueries et des pilotes de la caste
des Zambos, qui savoienl trouver la polaire
par l'alignement de o; et^ de la grande Ourse,
et il m'a semblé qu'ils gouvernoient moins
d'après la vue de la polaire que d'après cet
alignement. On est surprb que, si souvent,
CHtPiTBE xr. 6t
à la première vue de terre, ils trouvent l'ile
de la Guadeloupe, Sainte-Croix ou Porto-
Rico; mats la compensation des erreurs de
route n'est pas toujours également heureuse.
Les bateaux , en altérant sous le vent , ont
beaucoup de difficullé à remonter vers l'est,
contre le vent et les courans. Souvent , en
temps de guerre , les pilotes paient cher leur
ignorance et le manque d'usage de l'Octanl ,
parce que les corsaires croisent près de ces
mêmes caps , que les bateaux de la Terre-
Ferme , égarés dans leur roule, doivent
reconnoilrc pour assurer leur point,
Nous descendîmes rapidement la petite
rivière dn Manzanares , dont des cocotiers
marquent les sinuosités, comme les peupliers
et les vieux saules dans nos clirnats. Sur la
plage voisine et aride, les buissbns épineux
qui, de jour, n'offrent que des feuilles cou-
vertes de poussière, brilloient, pendant la
nuit , de mille étincelles lumineuses. Le
nombre des insectes pliosphorescens aug-
mente dans la saison des orages. On ne se
lasse pas d'admirer, sous la région équino-
xiale , l'effet de ces feux mobiles et rougeiitres
qui , reflétés par une eau limpide , confondent
63 tlVUE IV.
leurs images avec celles de la voûte ctoilée
du ciel.
Nous quitlànies les bords de Cumana
comme si nous les avions long-temps habités.
Cetoitla première terre à laquelle nous avions
touché sous une zone vers laquelle ten-
doient mes vœux depuis ma première jeu-
nessci II y a quelque chose de si grand et de
si puissant dans l'impression que fait la na-
ture sous le climat des Indes, qu'après un
séjour de quelques mois on croit y avoir
vécu une longue suilc d'années. En Europe,
l'habitant du Nord et des plaines éprouve une
émotion presque semblable, lorsqu'il quitte,
même après un voyage de peu de durée,
les bords du golfe de Naples, la campagne
délicieuse entre Tivoli cl le lac de Nemi,
ou les sites sauvages et imposans des Hautes-
Alpes et des Pyrénées. Cependant, partout,
sous ia zone tempérée , la physionomie des
Tcgétaux offre des effets peu contrastés.
Les pins et les chênes qui couronnent les
montagnes de la Suède , ont un certain
air de famille avec ceux qui végètent sous
le beau climat de la Grèce et de l'Ilalie.
Entre les tropiques, au contraire, dans les
CttAfITllÊ XL 63
bâ^es régions des deux Indes, tout paroît
neuf et merveilleux dans la nature. Au milieu
des champs , dans l'épaisseur des forêts ,
presque tous les souvenirs de rEurof)e sont
effacés i car c'^est la végétation qui détermine le
caractère du paysage ; c'est elle qui agit sur
notre imagination par sa masse > le contraste
de ses formes, et Féclàt de ses couleurs* Plus
les impressions sont fortes et neuves, plus
elles affoiblissent les impressions antérieures.
La force leur donne l'apparence de la durée.
J'en appelle à ceux qui , plus sensibles aux
beautés de la nature cpi'aux charmes de la vie
sociale, ont fait un long séjour dans la zone
torride* Qu^elle leur reste chère et mémo-
rable pour la vie, la première terre où ils ont
abordé î Un désir vague de la revoir se
renouvelle en eux jusque dans l'âge le plus
avancé* Cmnana et son sol poudreux se pré-
sentent encore aujourd'hui plus' souvent à mon
imagination, que toutes les merveilles des
Cordillères- Sous le beau ciel du midi, la
lumière et la magie des couleurs aériennes
embellissent une terre presque dénuée de
végétaux. Le soleil n éclaire pas seulement ,
il colore les objets > il les enveloppe d'une
64. tiVRB iXi
vapetir légère qui, sans altérer la tranSpa^
rence de Tair^ rend les teintes plus harmot
nieuses, adoucit les effets de lumière, et répand
dans la nature le calme <pii se reflète dans
notre âme. Pour expliquer cette vive impres-
sion que laisse Faspect du paj sage dans les
deux Indes , même sur des côtes peu bai-«
sées , 0. suffît de rappeler que la beauté du
ciel augmente 9 de Naples vers Téquateur ^ à
peu près autant que depuis la Provence jus-»
qu'au midi de Fltalie.
Nous passâmes à la haute marée la Jbarrei
qu'a formée à son embouchure la petite rivière
du Manzanares. La brise du soir soulèvoit
mollement les vagues dans le golfe de Cariaco^
La lune n'étoit pas levée \ mais la partie delà
voie lactée qui s'étend des pieds dû Centaure
vers la constellation du Sagittaire , semi>loit
verser une lumière argentée sur la surface
de rOcéan. Le rocher blanc que surmonte
le château Saint-Antoine > paroissoit de temps
en temps eotre les hautes cimes des coôotiers
qui bordent le rivage. Bientôt nous ne recon^
nûmes les côtes que par les lumières éparses
des pêcheurs Giiaiqueries C'est alors que
nous sentîmes doublelnent lé charme dé ce»
CHÂMTRE m; 65
tleiuC et le regret de nous en éloigner. II
y avoit cinq mois que nous étions débarqués
tar cette plage comme sur une terre nou-
vellement découverte, étrangers à tout ce
qui nous euvironnoit, approchant avec mé-
fiance de chaque buisson, de chaque lieu
humide et ombragé. Aujourd'hui cette même
côte disparut à nos jeux, en nous laissant
des souvenirs qui sembloient dater de loin.
Le sol, les rochers, les plantes, les habitans^
tout nous étoit devenu familier.
Nous cinglâmes d abord au N.N.O. en nous
approchant de la péninsule d*Araya ; puis nous
courûmes 3o milles sur FO. et sur TO.S.O.
En avançant vers le bas^fond qui entoure le
cap Arenas , et qui se prolonge jusque vers
les sources de pétrole dé Maniquares > nous
jouîmes d*un de ces spectacles variés que la
grande phosphorescence de la mer oflPre si
souvent dans ces climats. Des bandes de mar-
souins se plaisoient à suivre notre embarca-
tion. Quinze ou seize de ces animaux nageoîent
à égales distances. Lorsqu'en tournant sur
eux-mêmes, ils frappoientde leur large na-
geoire la surface de Teau, ils répandoient
une lueur brillante : on auroit dit des flammes
rv. 5
G6 Livivr IV.
qui sortoient du fond de la mer. Chaque
bande, en sillonnant la surface des eaux , lais-
soit derrière elle une traînée de lumière. Cet
aspect nous frappoit d'autant plus, que le reste
des ondes n'éloît point phosphorescent,
Couime le mouvement d'une rame et le sillage
du bateau ne produîsoienl dans cette nuit que
de foibles étincelles , il est naturel de croire
que la vive phosphorescence causée par les
marsouins étoit due uon- seulement à l'im-
pulsion de leur nageoire, mais encore à la
matière gélatineuse qui enveloppe la surface
de leur corps , et se détache par le choc des
vagues.
A minuit, nous nous trouvâmes entre des
îles arides et rocheuses qui s'élèvent comme
des bastions au milieu de la mer; c'est le
groupe des îlots Caracas el Cliimanas'. La
lune ctoit sur l'horizon; elle éelairoit ces ro-
chers fendillés, sajis herbes et d'un aspect
bizarre. La mer , entre Cumana et le cap
Codera, forme aujourd'hui ime espèce de
baie, un léger enl'oncement dans les terres.
Les îlots Pieua, Picuita, Caracas et Boracha
' Il y a trois iles Caracas el huit ilcs Chi
ClïA^tRÈ Xti 67
offrent comme les <^.t;bris de rancîeiine côte
qui se prolongeoit depuis Bordones dans une
même direction de l'est à Touést. Derrière
ces îles se trouvent les golfes de Mochima
et de Santa- Fe qui deviendront sans doute
un jour des ports fréquentés. Le déchire-
ment des terres, la fracture et rinclinaisort
des couches, tout annonce ici les effets d'une
grande révolution. C'est peut-être la même
qui a brisé la chaîne de montagnes primi-
tives, et séparé les schistes micacés d'Araya et
de Tile de la Marg'uerite des gneiss du cap
Godera. Plusieurs de ces îles sont visibles
à Gimiana de la terrasse des maisons , où
felles présentent > selon la superposition de
couches d'air plus ou moins chaudes , les effets
de suspension et de mirage les plus extraor-
dinaires *. La hauteur de ces rochers n'ex-
cède probablement pas i5o toises; mais, de
nuit, éclairés par la lune, ils paroissent d'une
élévation très-considérable.
On peut être étonné de trouver des îles
Caracas si loin de la ville de ce nom, vis-à--
vis la côte des Cumanagotes ; mais la déno-^
* Yo^Êx la noie D à la fin du lirre.
5*
GS LIVRE W,
luinalion de Caracas ' desîgnoit, au comment
temenl de la conquête, non un site parti-
culier , mais iine tribu d'Indiens voisins des
Teques , des Taramayuas et des Chaga rayâtes.
Le groupe d'ïles si monlueuses que nous
rangeâmes de près, nous otoit le lent; et,
au lever du soleil, de petits filets de courans
nous porLoient vers la Boracha. C'est la plus
grande de toutes ces îles. Comme les rochers
s'éJèvent presque perpendiculairement , le
fond est aeore ; et, dans un autre voyage,
j'y ai vu mouiller des frégates presque en tou-
chant la terre. La température de l'atmos-
phère avoit augmenté sensiblement depuis
que nousa>'ions cinglé entre les îles de ce
petit archipel. Leurs rocliess'éehaulTent pen-
dant le jour, et rendent, la nuit, par rayon-
nement, une partie de la chaleur absorbée.
A mesure que le soleil montoit au-dessus de
l'horizon, les montagnes brisées projetoient
leurs grandes ombres sur la surface de
' Oi-ledo y Banos , Ili.st. de Fenezuela, Lib. III,
Cap. IX, p. i4o. Une (les petites Antilles, la Guade-j
loupe, s'appetoit aDcieniiciuen t aussi Caracquctr
;-■,■//■. Manyr, Ot-ean. Dec. lll , Lib. IX, p. 5o6.
flVéaiL Les Famânis ccmiinencoieikt leur
|iè«&e'parto€it oà^ dans one anse, les roehevs
cdkaores éfkDÎient bordés par ime plage étroile»
TooK ess. kEoCs sobI aojcHirdlrai entièrement
■Aei&fi»f^> fiiak sar nne des Caraques^ on
tiCHE^ce des cheTres samrages ^ l>nmes, d'une
taaBig te cs - c lo irée ^ ra|Rdesà la course, et arant
(à<e^«[CDe£soitiiotre pSote indien) la chair
d^mB gQÛÈ, excpxisw H j a trente ans qn'one
fanillle de blancs s'étoit établie sur cet îlot r
^Sk: edïivcKLt da maïs et da manioc. Le père
scméfcat seul à ses enfans. Gomme son aisance
aïoilL augmenté; il adMrta deux esdares noirs r
ce fiilt la cause de son malheor. Il fat tné
par sies esdaTes. Les cbèvres devinrent sair-
lages^ mais^ non les plantes ciJtiTées.. Le mais
CK ikméfiqae;. comm^ le froment en Enrope ,
le sonhlenl: se cooserrer que par lessoins de
fbomme^ auquel ïîs sont liés depois ses pre-
■iëees mi^ations. Noos rojons se dissémi—
1er (^ndD^oefûis ces graminées nourrissantes ;
nais loEsqu'elIes sont abandonnées à elles*
nÈEnes^ les oiseaux empêchent leur re|woduc-
tioa Qi d^37uisant les graines. Les deux es-
daves de Fîle de Caracas échappèrent long-
tempft à la justice : on aToit de la peine à
yo - LivnE IV.
constater un crime commis dans un lieu si
solitaire. L'un de ces noirs est aujourd'hui le
bourreau de Cumana. Il avoit dénoncé son
complice; et , d'après l'usage barbare de ce
pays, comme on manqnoit d'exécuteur pu-,
blic, on fit grâce à l'esclave, sous la condition
qu'il se cliargeroit de pendre tous les détenus,
dont l'arrêt de mort étoît prononcé depuis
long-temps. On a de la peine à croire qu'il y
ait des hommes assez ieroces pour racheter
leur vie à ce prix , et exécuter de leurs mains
ceux qu'ils ont dénoncés la veille.
Nous quittâmes des lieux qui laissent des
souvenirs si pénibles, et nous mouillâmes,
pour quelques heures , dans la rade de Nueva
liarcelona, à l'embouchure du Rio Neveri,
dont le nom indien (Cumanagote) est Enipi-
ricuar. La rivière est remplie de crocodiles
qui poussent quelquefois leurs excursions
jusqu'en pleine mer , surtout par un temps de
calme. Ils sont de l'espèce qui est si commune
dans rOrénoque , et qui ressemble à tel point
îui crocodile de l'Egypte, qu'on l'a long-temps
confondu avec lui. On conçoit qu'un animal ,
dout le corps est entouré d'une espèce de
vuirasse , doit être ussez indifférent à la salurœ
CHAPITRE XI. 71
de l'eau. Déjà Pigafetta % comme il le rapporte
dans son journal récemment publié àMilan,
avoit vu , sur les côtes de File de Bornéo , des
crocodiles qui habitent également la terre et
)a mer. Ces faits doivent intéresser les géo-
logues, depuis que leur attention a été fixée
sur les formations d'eau douce et sur le mé-
lange curieux de pétrifications marines et
fluviatiles que l'on observe ^-quelquefois dans
de certaines roches très-récentes.
Le port de Barcelone , dont le nom se
trouve à peine sur nos cartes , fait un com-
merce très-actif depuis l'année 1795. C'est par
ce port que s'écoulent, en grande partie,
les produits de ces vastes steppes qui s'é-
tendent depuis le revers méridional de la
chaîne côtière jusqu'à TOrénoque, et qui
abondent en bétail de toute espèce, presque
comme les Pampas de Buenos-Ajres. L'indus-
trie commerçante de ces contrées, se fonde
sur le besoin qu'ont les grandes et petites
Antilles de viandes salées, de bœu&, de mu-
lets et de chevaux. Les côtes de la Terre-
Ferme étant opposées à celles de l'île de Cuba y
' lYad. de M. Amoretti, p. iS4. >
(iunsiin cloignement tle i5à iSjoursde navi-
gation , les négocians de la Havane uiiiierit
mieux, surloulen tcmjis de paix, tirer leurs
provisions du port de Barcelone, que de cou-
rir les chances d'un long voyai^e dans l'autre
liémisphère , à l'emboucliuro du Rio de la
PJala. Sur une population noire de i,ôoo,ooo
que renferme déjà aujourd'hui l'arcliipel des
Antilles, Cuba seule a plus de sôojooo es-
claves ', dont la nourriture se conipose de
légumes, de viandes salées et de poisson des-
séché. Chaque bâtiment qui fait le commerce
de la viande salée ou du tasajo de la Terre-
Ferme, en charge vingt à trente mille arobes,
dont le prix de vente est de plus de 4^,ooo
piastres. Barcelone, par sa situation, est sin-
guhèrement lavorisé, ]»oui' h; coinmfrce du
Létad. Les animaux n'ont que trois jours de
' Les débats des Corlés de Cadîz sur l'aliolilion de
la traite oui engagé le Consulado de la Havane n faire,
en 1811, des reclierclies exactes sur la populalîon de
rile de Cuba -, on l'a trouTée de l)0OjOOo âmes, dont
a74jOoo blancs, ii4,aooliomuies libres de couleur, et
si3,ooD nègres esclaves. L'évalualion pidtlice daus
mon ouvrage sur le Mexique, T. 11, p. 7, étoit donc
encore de beaucoup trop putiie.
CHAPITRE XI. 70
marche depuis les Llanos jusqu'au port, tandis
que^ à cause de la chaîne de montagnes da
Bergantin et de llmposible^ils en mettent huit
ou neuf jusqu'à Gumana. D'après les rensei-
gnemens que j'ai pu me procurer, on em-
barquoit, pendant les années 1799 ^^ 1800,
è Barcelone 8000 / à Porto - Gabello 6000 ,
à Garupano Sooo mulets pour les îles espa-
gnoles , angloises et françoises. J'ignore l'ex-
portation précise de Burburata , de Goro et
des embouchures du Guarapiche et de l'Oré-
noque ; mais je pense que, malgré les causes
qui ont diminué le nombre des bestiaux dans
les Llanos de Gumana , de Barcelone et de
Caracas, ces steppes immenses ne fournissoient
pourtant , à cette époque , pas moins de
5o,ooo mulets par an au commerce avec les
Antilles. En évaluant chaque mulet à 25
piastres ( prix d'achat ) , on voit que celte
branche de commerce seule rend près de
3,700,000 francs , sans compter le gain sur
le fret des bâtimens. M. de Pons % d'ailleurs
très-exact dans ses données statistiques , s'ar-
rête à des nombres moins grands. Gomme il
» Voyagea la Terre-Ferme , T. II, p. 386,
y/i LIVRE IV.
n'a pu TÏsiler lui-même les LIanos, et que sa
place d'agent du gouvernement fraiicois l'a
l'orcé de résider constamment à la ville de
Caracas, les propriétaires des hâtes lui au-
ront peut-êlre communiqué des évaluations
tropioiblfs.Jc réunirai plus bas, dans un cha-
piti'eparticnlier ,lout ce qui a rapport au com-
merce et à l'industrie agricole de ces pa^s.
Débarques sur la rive droite du Neveri,
nous montâmes à un petit fort, cl Morrode
Barcelona , placé à Go on 70 toises d'éléva-
tion au-dessus du niveau de la mer. C'est un
rocher calcaire nouvellement fortifié. Il est
doniiné, au sud, par une montagne beaucoup
plus élevée, et les gens de l'art assurent qu'il
jic seroit pas difficile à l'ennemi, après avoir
débarqué entre l'emboucliure de la rivière et
le Morro , de tourner celui-ci pour établir
des batteries sur les hauteurs environnantes,
]Sous restâmes cinq heures dans le fortin,
dont la garde est confiée à la milice provin-
ciale. Nous attendîmes vainement des rensei-
gnemens svir les corsaires anglois stationnés
le long do la côte. Deux de nos compagnons
de voyage, frères du marquis del Toro de
Caracas, venoient d'Espagne, où ils avoient
CHAPITRE XI. 75
servi dans les gardes du Roi. C'éloienl des
olficiers d'un esprit très-cultivé, qui retour-
noient , après une longue absence , conjointe-
ment avec le brigadier M. de Gaxigal et le
comte Tovar, dans leur pays natal. Ils dévoient
craindre , plus que nous, d'être faits prison^
niers et amenés à la Jamaïque, Je n'avois point
de passeport de l'amirauté ; mais , sûr de la
protection que le gouvernement britannique
accorde à ceux qui voyagent pour le progrès
des sciences , j'avois écrit, dès mon arrivée à
Cumana , an gouverneur de l'île de la Trinité ,
pour lui exposer le but de mes recherches,
La réponse que je reçus par la voie du golfe
de Paria , fut entièrement satisfaisante.
La vue dont on jouit au haut du M orro est
assez belle. On a l'île rocheuse de la Boracha
à l'est , le promontoire d'Unare , qui est très*
élevé , à l'ouest, et à ses pieds Fembouchure du
Rio Nevcri et les plages arides , sur lesquelles
les crocodiles viennent dormir au soleil.
Malgré l'extrême chaleur de l'air (le ther-^
momètre exposé au reflet de la roche cal-
caire blanche , montoit à 38*^), nous parcou-
rûmes la colline. Un heureux hasard nous fit
observer un phénomène géologique trè§-
curieux, et que nous n'avons retrouvé depuis
que dans les Cordillères du Mexique '. Le
calcaire de Barcelone a la cassure matte , égale
ou concboïde , à cavités très -aplaties. Il est
divisé en couches assez minces, et offre
moins d'analogie avec le calcaire de Cuma-
iiacoa qu'avec celui de Caripe , qui renferme
la caverne du Guacharo. Il est traversé par
des bancs de jaspe schisteux ^, noir , à cassure
conchoïde, se brisant en fragmcns de forme
parallélipipède. Ce fossile n'offre pas de ces
petits filets de quarz si communs dans la
pierre lydienne. Il se décompose à sa surface
en une croûte gris-jaunâtre , et n'agit point
sur l'aimant. Ses bords, un peu translucides,
le rapprochent des hornstein (pierre de
corne), qui sont si communs dans les cal-
caires secondaires^. Il est remarquable de
' Essai politique sur la Nouvelle-Espagne , T. III,
p. ■'flG,
* £ieselschiefer de Wcrncr,
* En Suisse, la pierre de come ( hornstein ) Faisant
passage au jaspe commun, se rencontre par rognons
et pav couches dans le calcaire alpin tl le calcaire du
Jura, surtout dans le premier.
CHAPITRE XI. 77
trouver ici le jaspe schisteux qui, en Europe,
Caractérise les roches de transition * dans une
roche qui a beaucoup d'analogie avec le
calcaire du Jura. Dans l'étude des formations ,
qui est le grand but de la géognosie , les
connoissances acquises dansles deux mondes
doivent se suppléer mutuellement. Il paroit
que ces couches noires se répèlent dans les,
montagnes calcaires de l'île Boracha \ Un
autre jaspe, celui qui est connu sous le nom
de caillou d^ Egypte y a été trouvé par M. Bon-
pland près du village indien de Guracatiche ^,
quinze lieues au sud du Morro de Barcelona ,
lorsque, de retour de TOrénoque, nous tra-
versâmes les Llanos, et que nous nous appro-
châmes des montagnes côtières. Il ofTroit des
dessins concentriques et rubannés jaunâtres,
sur un fond rouge-brun. Il m'a paru que les
morceaux arrondis de jaspe égyptien apparte-
noient aussi au calcaire de Barcelone. Cepen-
dant, d'après M. Cordier, les beaux cailloux
* Les schistes et les calcaires de transition.
* Nous en avons vu, comme lest, dans un bateau
pécheur à Punta Âraya. On en auroit pris les fragmens
pour du basalte.
^ Ou Curacaguitiche.
^S x.nr.E iT.
lie Suez sont dus h une formation de brt:cLe
eu d'agloinérat siliceux.
Au moment où nous mîmes à la voile, le
iç) novembre à midi, je pris des hauteurs de
I;i lune pour délerminer la longitude du
JMorro. La dilTérence du méridien entre Cu-
mana et la ville de Barcelone, où je fis un
grand nombre d'observations astronomiques
en 1800, est du o" 54' 48". J'ai discuté
iiilleurs cette différence , sur laquelle il y
avoit beaucoup de doutes à cette époque ■ ; je
trouvai l'inclinaison ^ de l'aiguille aimantée
de42",2o; l'intensité des forces éloit expri-
mée par 224 oscillations.
■ Dans V Inlrodiiciioii à mes Ohs. aslron. , T. I,
|i. xsxix. M. Espiaosa s'arrêle aujourJ'tiui à 'A'i'a",
Les pilotes qui naviguent sur ces câtcs comptent de-
Cumaiia à Barcelone 12 lieues ; de Barcelone aux îles
Piritù G I.; de ces iles au cap Unare 6 1. ; du cap
Uiiare au cap Codera 18 1. Le cliro nome Ire de I3er-
ttioud tn'a donné la pointe occidentale de la plus
grande des iles Pirltii , de i4'3a"; le cap Codera,
de i'*2'i'4" à l'ouest du méridien de Nueva Barcelona.
" Cercsidtat appartient proprement au i." août 1800
pt à la ville de Nueva Barcelona (lat, io"6'52") , eu
j'ai pu faire l'obscrTalion aTCC plus de soiit,
CHAMTRE Xî. 7<)
Depuis le Morro de Barcelone jusqu'au
cap Codera, les terres s'abaissent en se reti-
rant vers le sud : elles portent leurs sondes
au large jusqu'à trois milles de distance* Au*
delà de cette ligne', il y a fond de 45 à 5o
brasses* La température de la mer étoit, à sa
surface, de 26^9; mais lorsque nous passâmes
par le canal étroit qui sépare les deux îles
Piritii 5 sur un fond de trois brasses , le thermx>
mètre ne marqua plus que 24^,5. La différence
étoil constante ; elle seroit peut-être plus
grande si le courant qui porte avec rapidité
vers l'ouest , soulevoit des eaux plus pn>-
fondes, et si , dans une passe de si peu de lar-
geur , les terres ne contribuoient pas à élever
la température de la mer. Les îles Piritîi res-
semblent à ces hauts fonds qui deviennent vi-
sibles à la marée descendante. Elles ne s'é-
ièveat que de 8 àg pouces au-dessus des eaux
moyennes. Leur surface est toute unie et cou-
verte de graminées. On croît voir une de nos
prairies du nord. Le disque du soleil couchant
paroîssoit comme, un globe de feu suspendu
sur la savane. Sesderniers rayons , en rasant la
terre , éclairoient les pointes de l'herbe , for-
tement agitées par la brise du soir. Lorsque ,
\^
So I.IVUE IV.
tians ies lieux bas et Jiuniides de ta zone équî-
noxiale, les graminées et les joncacées offrent
l'aspect d'une prairie ou d'un gazon , il
manque presque toujours à ce tableau un
ornement principal , je veux dire cette variété
de fleurs agrestes qui, s'élevant à peine au
dessus des graminées, se détachent sur un
fond uni de verdure. Entre les tropiques, la
lorce et le luxe de la végétation donnent un
tel développement aux plantes, que les herbes
dicotylédones les plus petites deviennent des
arbustes. On diroit que les îiliacées, mêlées
aux graminées, remplacent les fleurs de nos
prairies. Elles imposent, sans doute, par leur
lurme; elles brillent par la variété et l'éclat
do leurs couleurs; mais, trop élevées au-
dessus du sol, elles troublent ces rapports
harmonieux qui existent entre les végétaux
dont se composent notre gazon et nos prai-
rics.La nature bienfaisante a donné au paysage,
sons chaque zone , un type de beauté qui lui
est propre.
On ne doit pas être surpris que des îles
fertiles, si rapprochées de la Terre-Ferme,
ne soient pashabitéesaujourd'hui. Ce n'estqu'à
la prcuiièrc époque de la découverle , lorsque
CHAPITRE XI. Ol
les Indiens Caribes , ChajmasetCumanag'oles
étoîen t encore maîtres des côtes , que les Es-
pagnols firent des établissemens à Gubagua
et à la Marguerite. Dès que les indifjènes
furent soumis ou repoussés au sud vers les
savanes , on préféra se fixer sur le continent ,
où l'on eut le choix des terres et celui des
Indiens, qu'on pouvoit traiter comme des
bêtes de somme. Si les petites îles Tortu|^a ,
Blaoquilla et Orchilla étoient placées au
milieu dugroupedes Antilles, elles ne seroient
pas restées sans trace de culture.
Des bâtiinens qui tirent beaucoup d'eau ,
passent entre la Terre-Ferme et la plus méri-
dionale des îles Piritù. Comme elles sont très-
basses, leur pointe nord est redoutée par les
pilotes qui attérissent dans ces parages. Lors-
que nous nous trouvâmes à l'ouest duMorro de
Barcelona etdel'embouchure du Rio Unare,
la mer, qui Jusque-là avoit été belle, devint
d'autant plus agitée et houleuse que nous
nous approchions du cap Codera. L'influence
de ce grand promontoire se fuit sentir de loin
dans cette partie de la mer des Antilles. C'est
de la facilité plus ou moins grande avec la-
quelle on parvient à doubler le Cabo Codera ,
m. G
Ba ' LivnE IV.
nue dépend ]a durée du trajet de Cumana à
la Gua^ra. Au-delii de ce cap, la mer esl
constamment si grosse qu'on ne croit plus
(^Irc près d'une côle oii (depuis la pointe de
Paria jusqu'au cap Saint-Roman) on n'éjirouve
jamaisiinciiupde vent. L'impulsion des vagues
,se faisoit vivement sentir dans notre bateau.
Mes compagnons de voyage son (Troîcnt beau-
coup : je dormis tranquillement, ayant le
houtieur assez rare de ne pas être sujet au
mal de mer. Il vcnloit frais pendant la nuit,
ijc 20 novcndirc, au lever du soleil, nous
nous trouvilmes assez avancés pour pouvoir
esjiérer de doubler le cap en quelques heures.
Nous comptions arriver le même jour ii la
Guayra, mais notre pilote indien rraîgnoit
de nouveau les corsaires slafionnés près de
ce l>ort, H lui parut jirudcnt de clierclicr la
terre, de mouiller dans le petit jiort de l'IIî-
giicrote, «pie nous avions déjà dépassé, et
d'allfJidrc la nuit pour continuer la traversée,
f.ors(jN'on cAVvc à des personnes qui souffrent
An mal de mer le moyen de débarquer,
on est sur de la résolution qu'elles vont
prendre. Les remonlronces éloicnt inutiles, il
lidiut céder; et le 20 novembre, à iicul' heures
CHAPITRE XI. 85
du malin , nous étions déjà eh rade dans la
baie de THignerote , à l'ouest de Temboiichure
du Rio Gapaya.
Nous n*y trouvâmes ni village ni ferme,
mais deux ou trois cabanes habitées par de
pauvres pêcheurs métis« Leur teint livide et
lextréme maigreur des enfans nous rappe^
loient que cet endroit est un des plus malsaine
et des plus fiévreux de toute la côte. La mer
a si peu de fond dans ces parages que , dans
la {4us petite barque, on ne peut despendre à
terre sans mardier dans l'eau. Les forêts
avancent jusque vers la plage , qui est cou-
verte d un bocage épais de Palétuviers, d'Avi-
cennia , de Mancenilliers et de cette nouvelle
espèce de Suriana que les indigènes appellent
Romero de la mar^. C'est à ce bocage, sur-
tout aux exhalaisons des palétuviers ou man-
gliers, qu'ici comme partout ailleurs dans les
deux Indes, on attribue l'extrême insalubrité
de Tair. En débarquant, lorsque nous ne fâmes
éloignés que de lô à 20 toises, nous sentîmes
une odeur fade et douceâtre, qui me rap-
prioit celle que répand dans les galeries des
' Sorîâtia marltima.
84 LIVRE IV.
mines délaissées. là où les lumières com-
mencent à s'éteindre , le boisage couvert
de Bpsus floconneux. La température de l'air
s'élevoit à 54°, à cause de la réverbération
des sables blancs qui formoient yne lisière
entre les mangliers et les arbres de haute futaie
de la l'orêt. Gomme le fond s'abaisse par une
pente douce , les petites marées suffisent pour
couvrir et mcllre à sec alleriialivement les
racines et en partie le tronc des mangliers.
C'est sans doute pendant que le soleil échauffe
le bois humide , et fait fermenter, pour ainsi
dire, le terrain fangeux , le détritus des feuilles
mortes et les mollusques enveloppés dans des
débris de varec flottant, que se forment ces
gaz délétères qui échappent à nos recherches.
Sur toute la côte, nous \hncs l'eau de la mer,
là où elle est en contact avec les mangliers,
prendre une couleur d'un hrun-jaunàlre.
l'Vappc de ce phénomène, j'ai recueilli
ù l'Higuerote une quantité considérable de
branches et de racines pour tenter, dès mon
arrivée à Caracas, quelques expériences sur
l'infusion du bois de nianglier. Celle infusion,
faite à chaud, avoit une couleur brune et un
goût astringent. Elle olTroit un mélange d'ex-
tractif et cîe tannin^ Le Rhizophora, le Guy ,^
le GorDOuiller^ toutes les plantes qui appar-
tiennent aux familles naturelles des Loran-
thées et des Gaprifoliacées ^ ont ces mêmes
propriétés. L'infusion de manglter, mise en'
contact pendant douze jours sous une cloche
avec de lair atmosphérique ^ n'en altéra
pas sensiblement la pureté. Il se formoiir
un petit dépôt floconneux: noirâtre^ mais it
n y avoit pas d'absorption d'oxigène sensible.
Le bois et les racines de manglier, placés*
sous l'eau , furent exposés aux rayons du soleib
Je Toulois imiter ce que la nature opère jour--
nellement sur les côtes à la marée montante,
n se dégagea des bulles d'air qui formèrent
pendant dix jours un volume de 53 pouces
cubes. G'étoit un mélange d'azote et d'acide
carbonique. Le gaz nitreux indiquoit à
peine la présence de Toxigcne *. Enfin , dans
un flacon bouché à l'émeril , je fis agir du
bois et des racines de manglier fortement
humectés sur de Tair atmosphérique d'un
volume déterminé. Tout l'oxigène disparut i
^ En loo parties , 84 d'azote , \5 d'acide carbonique
que l'eau n'ayoit pas absorbées, i d'oxigène.
86 LIVRE tT.
fl, loin Je se trouver remplacé par <le f 'acide
carbonique, l'eau de cliaux n'indiqua de celui-
ci que 0,02, Il y eut inême une iIlTiiinution
de volume plus cousidérable que celle tpii
cor^espondoit à l'oxigène absorbe. Ce tra-
vail à peine ébauché me porloit à croire que
cesoull'écorce et le boishuniidesquiagissent
sur l'atmosphère dans les forêts de mangliers ,
et non la couche d'eau de mer foi'tement
colorx'e en jaune, qui formoit une zone par-
ticulière le long des côtes. En suivant les
différens degrés de décomposition de la ma-
tière ligneuse, je n'ai pas observé de trace de ce
dégagement d hydrogène sulfuré, auquel plu-
sieurs voyageurs attribuent l'odeur que l'on
sent au milieu des mangliers. La décomposi-
tion des sulfates terreux et alcalins, et leur
passage à l'état de sulfure, favoHscnl sans
doute ce dégagement dans plusieurs plantes
littorales et marines, par exemple, dans les
l'ucus; mais j'incline plutôt à croire ([Ue le
]ïiiizophûra , l'Avicennia et le Conooarpus
augmentent l'insalubrité de l'air par la matière
animale qu'ils renferment coujoinlenieul avec
la tannin. Ces arbrisseaux appartieuncnt à
Irois familles naturelles, les Lorantbées. le*
CHAFITAK XI. 87
Combretdcées ' et les Pyrenacées, dans les-
quelles abonde le principe astringent ^ et
j ai déjà fait observer plus haut que ce
principe accompagne k gél9tinei même dan^
nos écorces de hêtre y d'aune et dt noyer ^.
D'ailleurs^ un bocage épais, couvrant des
terrains vaseux , répandroit des exhalaison^
nuisibles, dans Tatmosphère, fût-il composé
d'arbres qui, par eux-mêmes, n^ont aucune
propriété délétère. PartoïKt où les mangliers
^ fixent sur le bord de la mer, la plage se
peuple d'une infinité de mollusques et d'in-
sectes. Ces animaux aiment Tombre et le demi-
jour} ils trouvent de Tabri contre le choc
des vagues entre cet échafaudage de racines
épaisses et entrelacées qui s'élèvent comme
un treillis au-dessus de la surface des eaux.
Les coquilles s'attachent à ce treiUis, les crabes
se nichent dans le creux des troncs , les varecs
que. les vents et la marée poussent vers les
côtes, restent suspendus aux branches re-
pliées qui se dirigent vers la terre. C'est ainsi
que les forêts maritimes, en accumulant un
^ Rob. Brotvn, Flor. Nov. HoU. Prodr,, T. I, p. 35 x.
* Yauquelio , Ann. du Mus, , Tom. XV, p. JJ^
J
SS LIVRE IV,
limon vas(?ux entre )i-urs racines, agrandissent
le domaine des coulinens ; mais , à mesure
qu'elles gagnent sur la mer, elles n'augmen-
tent pi'esque pas en largeur. Leurs progrès
même di?Viennent la cause de leur destruc-
tion. Les mangliers et les autres végétaux avec
lesquels ils vivent constamment en société ',
périssent à mesure que le terrain se dessèche ,
<.'t qu'ils ne sont plus baignés par l'eau salée.
Leurs vieux troncs, couverts de coquillages
et à moitié ensevelis dans les sables, marquent,
après des siècles, et la route qu'ils ont suivie
dans leurs migrations et la limite du terrain
qu'Us ont conquis sur l'Océan.
La baie de l'Higuerote est très-i'avorable-
nient située pour examiner le cap Codera,
qui s'y présente dans toute sa largeur, à six
milles de distance. Ce promontoire est plus
iiriposant par sa masse que par son élévation,
qai, d'après des angles de hauteur ■■' pris suf
' Voici les aums de ces vijfjrtaux sur le continciil et
jiitsAulilIes: Avicennia niliila, A. guynnncusis Ricli. ,
r;<monarpiis racrmasn, llljizophora Mnngle, Coci.lloha
iivign'a, llîppnuiane Mancniella, Ecljîtes liîllura ,
Siiriana, Strumplla , le palmier Pinau , etc.
" L'angle agiparcnt cs.t île i" a5' 20".
CHAPii'iir. M. Si)
]a plage, ne m'a pani que de 3oo toises.
Il est taillé à pic au nord, à l'est et à l'ouest.
On croit reconnoître dans ces grands profils
l'inclinaison des couches, A en juger d'après
les fragmens de roches que l'on trouve le long
de la côte, et d'après les collines voisines de
i'Higuerole, le cap Codera est composé, non
de granité à texture grenue, mais d'un véri-
table gneiss à texture feuilletée. Les feuillets
sont très-larges, et quelquefois sinueux ' ; ils
renferment de grands nœuds de feldspath
rougeâtre et peu de quarz. Le mîca se trouve
en paillettes superposées , et non isolé. Les
couches les plus voisines de la baie éloient
dirigées N-Go^O. et inclinées de 80" au nord-
ouest. Ces rapports de direction et d'incli-
naison sont les mêmes à la grande montagne
de la Silla , près de Caracas, et à l'est de Mani-
quarez dans l'isthme d'Araya : ils semblent
prouver que la chaîne primitive de cet isthme,
après avoir été déchirée ou engloutie par la
mer, sur une longueur de 35 lieues ^, reparoît
'. Dlkjlasrig3r Gndss.
* Enlre les méndiens de Maniqiiarez et de \'ÏV\-
gucrote.
yu iivjîE IV.
de noiiTeau dans le cap Codera et continue
vers l'ouest comme une chaîne côlière.
On m'a assuré que, dans l'intérieur des
terres, au sud de l'Higuerote, on trouve des
formations calcaires. Quant au gneiss, il n'a-
jrissoit pas sur la boussole; cependant, le long
<le la côte qui forme une anse vers le cap
Codera, et qui est couverte d'une belle forêt,
j'ai vu du sable magnétique mêlé à des pail-
lettes de mica qui sont déposées par la mer.
Ce phénomène se répète près du port de la
Guajra; il annonce peut-être l'existence de
quelque couche de schiste amphibolique re-
couverte par les eaux , et dans laquelle le
sable est disséminé. Vers le Nord, le cap
Godera forme u n immense segmenlsphérique.
A son pied se prolonge un terrain très-bas,
que les navigateurs connoissent sous les noms
de Pointes du Tutumo et de San Francisco.
Mes compagnons de voyage redoutoient si
fort le roulis de notre petite embarcation ,
dans une mer grosse el houleuse, qu'ils réso-
lurent de prendre la route de terre qui con-
duit de rtliguerotc à Caracas: elle passe par
\m pays sauvage et humide, par la Montana
de Capaya au nord de Caucagua, la vallée du
CHAl^lTRE XI. '91
Rio Guatire el Guareoas. Je vis avec satisfac-
tion que M. Bonpland préféroit cette même
route qui 9 malgré les pluies continuelles et les
débordemens des rivières ^ lui a procuré une
riche iîoUection de plantes nouvelles». Quant
à moi, je continuai seul, avec le pilote Guai-
querie , le trajet par mer ; il me paroissoit
hasardeux de quitter les instrumens qui dé-
voient nous servir sur les bords de rOrénoque.
Nous mîmes à la voile à Ventrée de la nuit.
Le vent étoil peu favorable, el nous eûmes
beaucoup de peine à doubler le cap Codera;
les lames étoient courtes , et brisoient souvent
les une» sur les autres; il falloit avoir senti la
fatigue d'une journée excessivement chaude,
pour dormir dans un petit bateau qui cîngloit
au plus près du vent. La nier étoit d'autant
plus élevée, que le vent fut contraire au cou*
rant jusqu'après minuit. Le mouvement géné-
ral qu'éprouvent les eaux entre les tropiques ,
vers l'ouest , ne se fait bien vivement sentir
sur ces côtes que pendant les deux tiers de
' Cauhlnia ferruglnea^ Brownea racemosa Bred.,
Inga h jmena^îfolia , Inga curiepensîs que M. WilU
denow a nommé par erreur 1. canpensisy etc.
92 LIVUE IV.
ijnnée. Dans les mois de septembre, d'oc-
tobre et de novembre , il arrive assez souvent
que le couraat porte vers l'est ' peudant
([uÎDze ou vinyt jours conséculifs. On a vu des
navires faisant route pour la Guayra ou pour
Porto-Cabello, ne pas pouvoir remonlercontre
le courant qui se diriyeuit de l'est à l'ouest,
quoiqu'ils eussent le vent en poupe. On n'a
pu découvrir jusqu'ici la cause de ces ano-
malies : les pilotes pensent qu'elles sont l'effet
de quelques coups de vent du nord-ouest dans
h: golle du Mexique ; cependant ces coups de
vent sont bien plus forts vecs le printemps '
qu'en automne. Il est remarquable aussi que le
courant vers l'est précède le cliangement de
la brise; il commence d'abord à se faire sentir
par un temps de calme, et, après quelques
jours, le vent même suit le courant et se fixe
à l'ouest. Pendant la durée de ces phéno-
mènes, le jeu des petites marées baromé-
triques n'est aucunement interrompu.
Le 21 novembre, an lever du soleil, nous
nous trouvâmes à l'ouest du capGodera, vis-
' Corriente par arriba.
' Nouv. Espagne, lum. I, p. 5o.
CHAPITRE XI. ^3
à- vis le Curuao. Le pilote indien étoit èfirayé
d'apercevoir une frégate angloise vers le
Nota 9 à un mille de distance. Elle nous prit
sans doute pour un de ces bateaux qui font le
commerce de contrebande avec les Antilles ,
et qui (car tout s'organise avec le temps)
itoient munis de licences signées par le gou-
verneur de la Trinité. Elle ne nous fit pas
même héler par le canot qui sembloit s'ap-
procher de nous. Depuis le cap Godera , la
^CQte est rocheuse et très -élevée; elle offre
des sites à la fois sauvages et pittoresques. Nous
étions assez près de terre pour distinguer des
cabanes éparses, entourées de cocotiers, et des
masses de végétations qui se détachoient sur
le fond brun des rochers. Partout les mon-
tagnes sont taillées à pic , à trois ou quatre
mille pieds de hauteur : leur flanc projetoit
des ombres larges et fermes sur le terrain
humide qui s'étend jusqu'à la mer, et qui
brille d'une fraîche verdure. Ce littoral pro-
duit en grande partie les fruits de la région
chaude, que Ton voit en si grande abon-
dance dans les marchés de Caracas. Entre
Camburi et Niguatar, des champs cultivés
en cannes à sucre et en maïs se prolopgent
rj'l LIVRE IV.
dans des valions étroits qui ressemblent à des
crevasses ou à des fentes de rochers. Les
rayons du soleil peu élevé sur l'horizon péné-
troient dans ces heux, et offroient les op-
positions les plus piquantes d'ombre et de
lumière.
La montagne de Niguatar et la Silla de
Caracas sont les cimes les plus élevées de
celte chaîne rôlière. La première atteint
presque la hauteur du Ganigou : on croit voir
les Pyrénées ou les Alpes dépourvues de
leurs neiges , s'élever du sein des eaux , tant
la masse des montagnes semble s'agrandir
lorsqu'on les aperçoit pour la première fois du
côté de la mer. Près de Caravalleda , le terrahi
cultivé s'élargit; on y trouve des collines à
pentes douces, et la végétation s'élève à une
grande hauteur. On y cultive beaucoup de
cannes à sncrc , et les moines de la Merci y
ont une plantation et 200 esclaves. Cet en-
droit étoit jadis extrêmement fiévreux, et
l'on assure que la salubrité de l'air a aug-
menté depuis qu'on a l'ait croître des arbres
autour d'une lagune dont on craignoît les
émanalious . et qui est aujourd'hui moins
exposée à l'ardeur du soleil. A l'ouest de
CBAFirmE XI. 9S
ClanTiIledâ» un mur de rockcfs «rides
awance de aoo^eaa Te» la mer; nuis il «
pea détendue. Après T^Toir toonié» nous
décoarriaies à la fois le joli àte du village
de Maculo» les lodiers noirs de la Goajra
hérissés de batteries qui se succèdent par
étages^ et dans un lointain vaporeux, un lon^
promontoire à cûnes coniipies et d'une Uan-
cheur éclatante , le Cabo Btaneo. Des co-
cotiers bordent le rivage , et lui donnent^
sous ce cid brûlant^ une apparence de
fi»iiiité.
Débarqué au port de la Guajra , je fis ^
dans la soirée même , les apprêts pour trans-
porter mes instrumens à Caracas. Les per-
sonnes pour lesquelles j'avois des reconmian-
dations me conseilloient de coucher > non
dans la ville , où la fièvre jaune n*avoit cessé
de régner que depuis peu de semaines , mais
au-dessus du village de Maiquetia, dans
une maison placée sur une petite hauteur ,
et plus exposée aux vents frais que la
Guayra. J'arrivai à Caracas le 21 novembre
au soir, quatre jours avant mes compa-
gnons de voyage, qui, dans la route de
terre, entre CâpayaetCurièpe, a voient beau-
IV. *
no LIVRE IV.
coup soufiert par les averses et les inondations
des torrens. Pour ne pas revenir plusieurs
fois sur les mêmes objets, je vais réunir à la
description de la Guayra et de la route ex-
traordinaire qui conduit de ce port à la ville
de Caracas tout ce que nous avons observé,
M. Bonpiand et moi, dans une excursion
faite • au Cabo Jilanco vers la fin du mois de
janvier 1800. Comme M. Dépens a visité ces
lieux après moi , et que son ouvrage instructif
a précédé le mien , je m'abstiendrai de décrire
en détail des objets qu'il a traités avec une
précision suffisante ".
* Du 33 DU 27 janTicr.
• Je dois l'appeler ici que les mesures de hauteur
et )es résultats d'oliaervations magnéliques publîèei
par M. Dopons {Tom. IIl, p. 66, 1^7), se fonilenl
Bur mes calculs approx.imatifs faits sur les lieux, et
dont j'avois donné îles copies à plusieurs personnel
qui s'intéress oient a ce genre de recherches. C'est aux
erreurs de ces copies qu'il faut altrihucr sans doute les
indications de Vhydrom'elre de Deltic, les inclinaisons
du l'aiguille aimantée confondues avec Wne/mnisoni/u
p6te A Caracas, les oscillations d'un pendule dont la
longueur n'est pas déterminée, et qui ne sont pas
comparées aux oscillations comptées dans un autre
lieu pendant le même espace de temps, etc.
CHAPITRE XI. Q7
' La Guayra est plutôt une rade qu'un porl;
la lûer y est constammedt agitée, et les ua-
vires souffrent à la fois par Taclion du vent,
Ids lits de marées y le mauvais ancrage eC
les tarets '. Les chargemens se font avec dif-
ficulté^ et la hauteur des lames empêche qu'ort
ne puisse embarquer ici des mulets comme à
Nueva Barcelona et à Porto-Cabello. Les nè-
gres et les mulâtres libres qui portent le cacao à
bord des bâtimens , sont une classe d'hommes
(f une force musculaire très-remarquable. Ik
traversent Teau à mi-corps, et, ce qui est
bien digne d'attention , ils n'ont rien à redou-
ter des requins, qui sont si fréquens dans ce
port. Ce fait semble se lier à ce que j'ai sou-
vent observé entre les tropiques , relativement
à d'autres classes d'animaux qui vivent par
bandes, par exemple les singes et les croco*
diles. Dans les missions de l'Orénoque et de
la rivière des Amazones, les Indiens qui pren-
nent des singes pour les vendre, savent très-
bien qu'ils parviennent à apprivoiser facile-
ment ceux qui habitent de certaines îles, tandis
que les singes de la même espèce, pris sur le
' La bromà, Teredo navalis^ L.
IV. 7
§8 LIVKE IV.
continent voisin , meurent de rage ou de
frimeur dès qu'ils se voient au pouvoir de
rboiiinie. Les crocodiles d'une mare des Lla-
nos sont lâches, et i'uient même dans l'eau,
tandis que ceux d'une autre mare attaquent
avec une intrépidité extrême. Ilseroit dilHcile
d'expliquer, par l'aspect des localités, cette
différence de mœurs et d'iiabitudes. Les re-
quins du porl de la Guayra semblent offrir un
exemple analogue.Us sont dangereux et avides
de sang aux îles opposées à la côte de Caracas,
aux Koqucs , à Bonayre et à Curaçao , tandis
qu'ib n'attaquent pas les personnes qui nagent
dans les ports de la Guayra et de Sainte-
Marthe. Le peuple, qui, pour sinipliiier l'ex-
plication des phénomènes physiques, a tou-
jours recours au merveilleux, assure que, dani
l'un et l'autre endroit, un évèque a donné la
bénédiction aux requins.
La situation de la Guayra est trcs-exlraor-
dinaire ; on ne peut la comparer qu'à celle de
Sainte-Croix de Ténériffe. La chaîne de mon-
tagnes qui sépare le port de la haute vallée de
Caracas, plonge presque immédiatement dans
la mer, et les maisons de la ville se trouvent
adossées à un mur de rochers escarpés. Il
GHAriTHB XI. 99
reste à peine , entre ce mur çt la mer , un
terrain uni de loo à i4o toises de largeur, La
▼ille a six à huit mille habitans et ne renferme
que deux rues, dirigées parallèlement de Test
à Touest. Elle est dominée par la batterie du
Cerro Colorado^ et ses fortifications le long
de la mer sont bieta disposées et bien entre-
tenues. L'aspect de cet endroit a quelque
cbose de solitaire et de lugubre; on croit
se trouver non sur un continent couvert de
vastes forêts , mais dans une île rocheuse >
dépourvue de terreau et de végétation. A
l'exception du cap Blanc et des cocotiers de
Haiquetia , on n*a d'autre paysage que Tho-
rizon de la mer et la voâte azurée du ciel. La
chaleur est étouffîmte de joar^ et le plus sou*
veut aussi pendant la nuit. On regarde , avec
laôsoD , le climat de la Goajra comme plo^
ardent qoe le climat de Comana , de Porlo-
Cabello et de Coro, parce que la brise de
mer s'y £ût moins sentir , et que les rodier»
tauDes à pic enJbrasent lair par le cakrriqrie
rayonnant qu'ils émettent depois k t'jm^hiêrf
du soleîL On yn g cr oî t mai eependbrr/t de Va
GODstitation aftmosplienqme de tit liev ^ ^>r
/
loo i-ivRi: IV.
tout le lilloral voisin, si l'on ne comparoit que
les tempéralures indiquées par les degrés du
ihci'inomctre. Un air stagnant, engouffré dans
une gorge de montagnes, en contact avec un
massif de rochers arides, agit autrement sur
nos organes, qu'un air également chaud dans
une campagne ouverte. Je suis loin de cher-
cher la cause physique de ces différences dans
les seules modifications de la charge électrique
de l'air; je dois ajouter cependant qu'un peu
à l'est de la Gnayra , du côté de Macuto , loin
des maisons, et à plus de cent toises de distance
des rochers de gneiss, j'ai pu à peine obte-
nir, pendant plusieurs jours, quelques foibles
signes d'électricité posilive, lorqu'aux mêmes
Leures de l'après-midi, à Cumana, et avec le
mènie électromètre de Voila, armé d'une
inêche fumante, j'avois observé un écartcmeut
des boules de sureau de 1-2 lignes. J'expo-
serai plus bas les variations régulières qu'é-
prouve chaque jour la tension électrique de
i'air dans Ja zone torride, et qui indiquent un
rapport frappant entre les variations de la
température et la hauteur du soleil.
L'examen des observations thermomé-
CHAPITRE XI. lOk
m
triques faites pendant neuf mois, à la Guayra^
par un médecin distingué S m^a mis en état
de comparer le climat de ce port à ceux
de Cumana, de la Havane et de la Vera-Gruz.
Celte comparaison est d'autant plus intéres-
sante , qu'elle est un sujet intarissable de con-^
versations dans les colonies espagnoles et
parmi les marins qui fréquentent ces parages.
Comme rien n'est plus trompeur, dans cette
matière , que le témoignage des sens , on ne
peut juger de la différence des climats que
par des rapports numériques.
Les quatre endroits que nous venons de
nommer sont regardés comme les plus chauds^,
' Don José Herrera , correspondant de la société
cle médecine d'Edimbourg. Les observations ( du
2 mai 1799 au ij janvier 1800) ctoient faites à
Pombre , loin du reflet des murs , avec 'un thermo-
mètre que j'ai comparé aux miens ^ et par les miens
aux thermomètres de l'observatoire de Paris.
* On pourroit ajouter à ce petit nombre Coro,
Cartbagène des Indes , Omoa > Campécbe , Guayaquil
et Acapulco. Mes comparaisons se fondent^ pour
Cumana^ sur mes propres observations et celles de
don Faustin Rubio ; pour la Vera-Cruz et la Havane^
8ar les observations de don Bernardo de Orla et de
don Joacquin Ferrer»
loa LlVnE IV.
qu'offre le littoral du Nouveau-Monde : leur
comparaison peut servir à conlii-nier ce que
nous avons rappelé plusieurs l'ois, que fjéné-
ratciueut c'est la duicc d'une liaute tempéra-
ture , et non l'excès de ta clialeur ou sa quan-
tité absolue, qui (ont souffrir les tiabttans de
la zone torride.
La moyenne des observations de midi , de-
puis le 27 juin jusqu'au iG novembre, a été, à
la Guayra , 3i",6 du ihermoinètre ceritii,Tade ;
à Gumana , 29", 3 ; àVera-Cruz, 28",7;àla
IJavane, 29"j5. Les différences des jours ont
à peine excellé, à la même heure, o",S à i'*,^
Fendant tout ce temps il n'a plu que quatre
l'ois, el seulement 7 à 8 minutes : c'est l'époque
où règne la fièvre jaune qtii disparnft ordiii;ii-
rement à 1;^ Guayra comme à Vcra-Ciuz' et û
l'île de Saint-Vincent, lorsque la température
des jours baisse au-dessous de a3ou 24 degrés.
La température moyenne du mois le plus
chaud a été, à la Guayra, à peu près de
29", .; à Cuniana, de 2<)",i ; à Vera-Cruz, de
27",7 ; au Cuire, d'après INouet, de 29'',9; à
Rome, de ^i)"jO. Du iG novembre au 19 dé*
' Nou\'. L'sji^^^ue, ïoin. IV, p- 5u.
CHAPITKB XT. loS
cembre > la tempéralare moyenne n*t été, à
la Guajra» à midi, que de a4s3; la nuit»
de ai<>,6. C'est 1 époque à laquelle on soulfro
le moins de la chaleur. Je pense cependant
qu'on ne voit pas descendre le .thermomètre
( peu avant le lever du soleil ) au-dessous do
21^; il baisse quelquefois, à Cumana» àai^a )
à Yera-Cruz, à 16^; à la Havane (toujours
lorsque le vent du nord souffle) » à 8^ el mémo
au-dessous. La température moyenne du mois
le plus froid 1 est , dans ces quatre endroits»
de 25^3, a6o,8, ai^i, ai^^ : au Cairoi elle
est de i3®,4. La moyenne de l^mnée eniiàvo
est y d'après de bonnes observatiijns cali:uh*c*N
avec soin, à la Guayra, à peu près de a8^,i ;
àCumana, 27^7; à Vera-Cruz, a5^,4; k lu
Havane, 26^,6 ; à Rio Janeiro, 23's5; à Sainlit-
Croix de TéneriiFe , située par les aS'SaS^ de
latitude, mais adossée, comme laGuayra, k
un mur de rochers, ai<',9; au Caire, a3',4>
à Rome, \^fi.
* La majenne da mok le pltM chêud k Purtn #?»(
de ijT à xT, par conféqnent 3 à 4 de(fri% An mmft% rjun
k tewÊfénlure moyenne do moi§ le pliM (rmà k U
Gnajnu
104 LIVIIE IV.
Il résulte de l'ensemble de ces observa-
tions ' que ia Guajra est un des endroits les
' Toici les varialions horaires dti baromi:tre ei-
prirates en lignes du pied de Paris, jointes aux ob-
servations du tUernioinètre centigrade et de l'Iiygro-
mèlre à baleine de Deliic, comme je les ai observées
du a.'iou a5 janvier ou port de Guayra,
aiîjanY. ns. 337,a 2,3°, 5 5i'',o ctoîliî , beau.
'■im. 3,16,7 a,r,i S-i'/t
ai 7 Ira. 3,57,5 23",^ 'iS',5
y 337,7 a4",5 4a", 5
10 337,'; a5'',() 4a'',3
la 337,1 a6",a 45°, a ciel vaporeus.
■j'; S36,4 at;\4 4,'i",S
4 ; 33f;,3 ae",a 4C°,3
5 1 33(;,B 23" ,7 47",o
9 s. 337,1 34", 3 53°, a nuages."
11 ; .136,8 23",7 53=4
33 7 m. 337,0 aa°,5 Sio.aserein, cieloziiré.
5 357,3 3'i%5 5o",3
Les observations de tenipcratnre correspondantes
Du<( micuncs donuoïeot, pour Cumana, le a3 janvier
il 1 1'' du 6oir, 2G"jil; le 34 janvier, à a''-^ après-midi,
a8'',2; à 11^^ du soir, i()'',6; le aS janvier, à 7'' du
niatio, a5',5.
CHAi'iTHi; XI. j(jy
plus chauds de la terre ' ; que la quantité de
chaleur que reçoit ce lieu pendant le cours
d'une année , est un peu plus fjrande que celle
qu'on éprouve à Ctimana; mais que, dans les
mois de novembre, décembre et [anvier ' ,
(à égale distance des deux passages du soleil
par le zénith de la ville), l'atmosphère se
refroidit davantage à la Gtiajra. Ce refroi-
dissement, bien plus léger que celui qu'on
éprouve, presque à la même époque, à la
Vera-Cruz et à la Havane, ne seroit-il pas
l'effet de la position plus occidentale de la
Guayra? L'Océan aérien qui, au premier as-
pect, ne paroîl former qu'une seule masse,
' En Asie, les lempératures movennes d'AbusIiiir,
de MaJras et de Batavia ne sont pas au-dessus de 25
et 27 degrés ; mais le mois le plus cliaud s'élèTC à
Madras, d'après Roxburgh , à .^2°; à Abushar, sur le
golfepersique, d'aprèsM. Jukes, à33'',9; ce qui estaei
4 degrés de plus qu'au Caire. Voyez Barroiv, Vty. lo
Cochinchina, p. iSo; Malvolm, /l'st. 0/ Perxla,
T. JI, p. 5o5, et mon Essai sur la dislribiitiou delà
dialeur et les lignes isothermes dans les Mém. de la
Sociélé cT Arcueil , Tom. 111.
Depuis la «loîLlé de janvierj la clialeur Ta déjà
igmcatanl a la Guayra.
iti6 LivriE IV,
est agité par des courans dont les Uiniles sont
fixées d'après des lois immuables. Sa tem-
pérature est diversement modifiée par la
configuration des terres et des mers sur les-
quelles il repose. On peut le subdiviser eii
plusieurs bassins qui déversent les uns dans les
autres, et dont les plus agiles (par exemple
celui placé au-dessus du golfe du Mexique
ou entre la Sierra de Santa Martha et le golfe
de Darienj,ont une influence marquante
sur le refroidissement et le mouvement des
colonnes d'air voisines. Les vents du nord
causent quelquefois, dans la partie sud-ouest
de la mer des Antilles, des refoulemens et
des conire-courans qui semblent, dans de
certains mois, diminuer les chaleurs jusque
Sur la Terre-Ferme.
Lors de mon séjour à la Gnayra, on n'y
connoissoit encore que depuis deux ans le
fléau de la fièvre jaune, ou calentura ama-
ritla; encore la mortalité n'avoit-elle pas
été très-grande, parce que l'affluence des
étrangers sur la côte de Caracas étoit moindre
qu'à la Havane et à laVera-Cniz. On avoit vu
de temps en temps des individus, même des
créoles cL des gens de couleur, être enlevés
subitement par de certaines fièvres nbiitittUM
x^ëmittentes» qoi, par des coniplicailoil» hU
lieuses, des héoiorragies , et d*otttios iiynip*
tomes également effrayanSi puroisMoiantnvnlt*
quelque analogie avec la fièvre jaune<CTi^tiiifinl
généralement des hommes qui n'éU^mti \ïyrh
aux travaux pénjiblës de la coupe t\m hoU ,
par exemple dans les foréU qui uwmiHihi \ë
petit port de Garupano oa le golfe ih HmtU^
Fe, à l'ouest de Camaua. Leur nurti iêUtm4^
soavent les Earopéeos non »e4^U$àiéij^ f Aitm
des villes qo'oo croyml émineunfé^rui ¥tim^'i
mais les gomes de la nudailk 4«fyA4 /k 4^^/j¥^M
été attaqués sporad^iMMiM4^ fm m f^^^
gecHent pas* Ser Iw dM» 4^ l^ 'î^m^y^^nm^
GiKtrihiinifhi inf^uA ^uU^^^-^ 44 <«^;<^ ^'4
ntt: .j2Si4^ueatx :}#ttfua ^iiyn- >:: >^0n^ 'V. û
108 HVIIK IV.
accablantes qui régnent pentiant une grande
partie de l'année. Si l'on s'exposoit à l'action
immédiate du soleil, on redouloit tout au
plus ces inflammations de la peau et des yeux
<[ue l'on éprouve presque partout sous la zone
torride, et qui sont souvent accompagnées
d'un mouvement fébrile et de Ibrtes conges-
tions vers la tête. Beaucoup d'individus pré-
l'éroient au climat frais, mais excessivement
variable de Caracas, le climat ardent, mais
égal de la Guayra : on ne parloit presque
pas de l'msalubrité de l'air de ce port.
Depuis l'année 1797, tout a été changé. Le
commerce fut ouvert à d'autres vaisseaux que
ceux de la métropole. Des matelots, nés dans
des pays plus froids que l'Espagne, et par
conséquent plus sensibles aux impressions
cbmatériques de la zone torride, conimen-
coient à fréquenter la Guayra. La fièvre jaune
se déclara; des Américains du Nord, atteints
du typhus , furent reçus dans les hôpitaux
espagnols; on ne manqua pas de dire que
c'étoient eux «ni avoient importé la conta-
gion, et qu'avant d'entrer en rade, la maladie
s'étoitdéclnréc abord d'unbriganlin quivenoit
de Philadelpliie. Le capitaine de ce briganlia
CHAPITRE XI. lOf)
nioit le fait, et prétendoit que, loin d'avoir in-
troduit le mal , ses matelots lavoient pris dans
le port même. On sait, d'après ce qui est
arrivé à Cadix en 1800, combien il est dif-
ficile d'éclaircir des faits dont l'incertitude
semble favoriser des théories diamétralement
opposées. Les babitans les plus éclairés de
Caracas et de la Guayr^, partagés , comme les
médecins d'Europe et des Etats-Unis, sur
le principe de la contagion de la fièvre jaune,
.citoient le même navire américain pour prou-
ver, les uns que le tjphus venoit de dehors ,
les autres qu'il avoit pris naissance dans le
pays même. Ceux qui embrassoient le dernier
système, admettoierit une altération extraor-
dinaire de la constitution atmosphérique,
causée par le débordement du Rio de la
Guayra. Ce torrent, qui n'a généralement pas
10 pouces de fond , eut, après soixante heures
de pluie dans les montagnes, une crue si
extraordinaire, qu'il cfiarria des troncs d'ar-
bres et des masses de rochers d'un volume
considérable. Pendant la crue,^ l'eau avoit 3q
à 4o pieds de large sur 8 à 10 pieds de pro-
fondeur. On supposoit qu'elle étoit sortie de
quelque bassin souterrain formé par des infil-
î lo Livr.c IV,
tratioi^s successives d;ins des terres meubles
et nouyellementdéfrichées. Plusieurs maisons
furent emportées par le torrent, et l'inonda-
tion devint d'autant plus dangereuse pour les
magasins, que la porte de la ville, qui seule
pouvoit donner de l'issue aux eaux, s'étoit
fermée accidentellement. Il fallnt lirer brèche
contre le mur du côté de la mer; plus de trente
personnes périrent, et le dommage fut évalué
à un demi-million de piastres. Les eaux stag-
nantes qui infectoient les magasins, les caves
et les cachots de la prison publique, répan-
doient sans doute des miasmes dans l'air, qui,
comme causes prédisposantes, peuvent avoir
accéléré le développement de la fièvre jaune;
inais je pense que l'inondation du Rio de la
Guayra en a été tout aussi peu la cause pre-
mière que les débordemens du Guadalqiiivir,
du Xenil et du Gual-Medina, ne l'ont été à
Seville , à Ecija et à Malaga , dans les Funestes
épidémies de iSoo et i8o4. J'ai examiné at-
tentivement le lit du torrent de la Guajra;
je n'y ai vu qu'un terrain aride , des blocs de
'schiste micacé et de gneiss, renfermant des
pyrites et détachés de la Sierra de Avda , mais
rien qui eût pu allérer la pureté de l'air.
CHAPITRE ^I. 111
Depuis les années 1797 et 1798 (les mêmes
dans lesquelles il y eut une énorme morta-
lité à Philadelphie y à Sainte - Lucie * et à
Saint-Domingue ) y la fièvre jaune a continué
à exercer ses ravages à la Guajra; elle n'a pas
sediement été meurtrière pour la troupe nou-
vdlement arrivée d'Espagne , mais aussi pour
celle qui avoit été levée loin des côtes dans les
lianos y entre Galabozo et Uritucu y dans une
région presque aussi chaude que la Guajra y
mais favorable à la santé. Ce dernier phéno-
mène nous surprendroit encore davantage , si
nous ne savions pas que même les natifs de la
Vera-Gruz, qui ne sont point attaqués du tj-
phus dans leur propre ville, y succombent
quelquefois dans les épidémies de la Havane
et des Etats-Unis^. De même que le vomisse-
ment noir trouve , sur la pente des montagnes
du Mexique y dans le chemin de Xalapa y une
limite insurmontable à l'Encero ( à ^76 toises
de hauteur ) , où commencent les chênes et
un climat frais et délicieux; la fièvre jaune ne
' Gillespie, on thfi diseuse ofhîs Majesty*s squa-^
dron inihe Antilles , 1800^ P* ^7*
' Nouv. Esp, , Tom. IV, p. 5q5.
dépasse presque pas l'arêledemonla^nes qui
sépare la Giisyra de la vallée de Caracas. Cette
vallée en a été exempte pendant long-temps ,
car il De fan t pas eonfondre le vontiio et la fièvre
jaune avec les fièvres ytaxiques et bUieuses.
La Cumliie et le Cerro de Avila sont ud rem-
part bien ulile pour la vdle de Caracas, dont
l'élévation excède un peu celle de l'Eacero,
mais dont la température moyenne est au-
dessus de la teiiipéralure de Xalapa.
J'ai exposé dans un autre ouvrage " les
observalionspliysiques faites parM.Bonpland
etpar moi sur la localilé des villes, qui soot
périodiquement sujettes au fléau de la fièvre
jaune, et je ne hasarderai poifat ici de nouvelles
conjectures sur les ch;mgemcns que l'on ob-
ser\ e dans la constitution pathngénique de cer-
taines villes. Plus je réllécbis sur ces matières,
el plus je trouve mystérieux tout ce qui tient
à ces émanations gazeuses que l'on appelle si
vaguement des germes de la coutagionj el que
l'on suppose se développer dans un air cor-
rompu, se détruire par le froid, se transporter
avec les vètemens, et se fixer aux murs des
' Nom: E-p. , Tom. IV, p. -'176-564.
CHAPIT&B Xr. tlS
maisons. Gomment expliquer quei pendant
les dix-hnitans qui précédèrent Tannée 1 794 •
il n'y eut pas un seul exemple de vomito à la
Vera-Gruz; quoique le eonei^ai^s des £uro«
péens non acclimatés et des ^I)||(»icai6s de
Tintérieur fût extrêmement grandi que les
matelots se livrassent aux mêmes excès qu'on,
leur reproche aujourd'hui^ et que la ville
£ûit. moins propre quelle ne Test depuis
Vannée 1800?
Voici la série des faits pathologiques eott'^
sidérés dans leur plus grande simplii'ttié.
Lorsque y dans un port de la zom^ iorrid^
dont Finsalubrité n^a pas été particulii^n^mifiit
Fedoutéè par les narigateuri^ il arrire k la
ibis m grand nombre de personnes nées
dans nn dimat froid , le t jptius d' Aniéft/|tie
se £ût saitir. Ces personnes n^onl pas ea le
tjphns pendant la traversée; il ne se uuMUi^in
parmi eux que sur les lieux mhuids, La itou^
tilution atmosphérique a^w^jLe cU^oj^é, ou
une Dourelle forme de maladie s^es(-eU#; dé-
4Fdoppée ciantsdes ijsdii idits dont VeiMiMhiiiié
ientoC Le tjphvs coiomeoet a ex<
nnragcs pamn ^fanlres Européeot
nr. «
1 14 Ln
dans des pays plus méridionaux. Si c'est par
contagion qu'il se propage, on est surpris
d'observer que, dans les villes du continent
équinoxia! , il ne suit pas de certaines rues, et
que le contact immédiat' n'augmente pas plus
le danger du séjour que l'isolement ne le di-
minue. Les malades, transportés dans l'inté-
rieur des terres, surtout dans des lieux plus
frais et plus élevés , par exemple , à Xalapa , ne
communiquent pas le tjphus aux habilaus de
ces lieux, soit parce qu'il n'est pas contagieux
par sa nature, soit parce que les causes prédis-
posantes n'y sont pas les mêmes que dans la
région dulittoral. Avec un abaissement consi-
dérable delà température, l'épidémie cesse
ordinairement dans l'endroit où elle a pris
naissance. Elle recommence à l'entrée de !a
saison chaude, quelquefois long-temps avant,
' Dans la peste Je l'Oiient {aulre tjplius carac-
ti5rîsé par te désordre ilu sjstème lymphatique), le
contact immédiat est aussi moins à craindre cju'on ne
le pense généralement. M. Larrey assure qu'il n'est
pas dangereux de toucher ou de cautériser des bu-
l)ons, mais il pense qu'on ne doit pas risquer de se
couvrir des vèlemens des pestiférés. Mém. .
laladies da l'armée française en Egypte , p, 3;
CHAPITRE XC. Il5
lorsque, depuis plusieurs mois> îl n'y a eu
aucun malade dans le port , et qu aucun navire
n'y est entré.
Le typhus d'Amérique paroît restreint au
littoral , soit parce que c'est là que débarquent
ceux qui l'importent S et qu'on y entasse les
marchandises que Ton suppose imprégnées
de miasmes délétères, soit parce que, sur
les plages de la mer, il se forme des émana-
tions gazeuses d'une nature particulière. L'as-
pect des lieux où ce typhus exerce ses ra-
vages , paroît souvent exclure tout soupçon
d'une origine locale ou endémique. On la vu
ré^rner aux iles Canaries, attt Bermudes et*
parmi les Petites Antilles , dans des endroits
secs et connus jadis par la grande salubrité
de leur climat. Les exemples de la propaga-
tion de la fièvre jaune dans l'intérieur des
terres paroissent très-douteux sous la zone
torride : on peut avoir confondu cette ma-
ladie avec des fièvres rémittentes bilieuses.
Quant à la zone tempérée , où le caractère v
contagieux du typhus d'Amérique est plus
prononcé , le mal s'y est répandu indubita-
blement loin du littoral, même dans des lieux
* Bally, de la fièvre jaune y i8i4, p. 42i.
8* ••
»i6 LIVRE IV.
très-élevés ou exposés à des venls frais et
Becs , comme en Espagne , à Medina-Sidooia ,
à la CarloLta et à la ville de Miircie. Cette
variété de phénomènes qu'offre la même épi-
démie selon la différence des climats , la réu-
nion des causes prédisposantes , sa durée plus
ou moins longue , et les degrés de son exacer-
hation, doivent nous rendre très-circonspects
en remontant aux causes secrètes du typhus
d'Amérique. Un observateur éclairé, qui, dans
Iès cruelles épidémies de 1802 et i8o3, a été
médecin en chef de la colonie de Sainl-Do-
mingue, et qui a étudié la maladie à l'île de
Cuba, aux Etats^nis et en Espagne, M. Bailly,
pense comme moi « que le l^-[>hus est fort
souvent contagieux, mais qu'il ne l'est pas
toujours '. »
Depuis que l'on a vu la fièvre jaune exercer
de si cruels ravages à la Guajra, on s'est plu
à exagérer la malpropreté de celle petite
ville, comme on exagère celle de la Vera-
Cruz, et des quais ou %vaifs de Philadelphie.
Dans un lieu dont le sol est extrêmement sec^
qui est dépourvu de végétation,etoùiltonibe
■ Bailly , i. c. , p. :&\\ ( Nouv. Esp. , Tom. IV,
p.5a4).
CHAPITRE XI. 117
à peine quelques gouttes ,d'eau en 7 à 8 mois^
les causes qui produisent ce que Ton appelle
des miasmes délétères ne peuvent pas êtr^
bien fréquentes. Les rues de la Guayra m'ont
para en général assez propres , à l'exception
du quartier des boucheries. La rade n'offrç
pgs de ces plages 3ur lesquelles s'amQqcellent
des débris de fucus et de mollusques; mais
la côte voisine, celle qui se prolonge à Test,
vers le cap Codera, et par conséquent au
vent de la Guayra, est extrêmement mal-
saine. Des fièvres intermittentes , putrides et
bilieuses, régnent souvent à Macuto et à Cara^
valleda; et, lorsque de temps en temps la
brise est interrompue par unventdeTouest,
la. petite baie de Catia, que nous aurons sou*
vent occasion de nonamer dans la suite, envoie,
vers la côte de la Guayra, malgré le rempart
qu'oppose le cap Blanc, un air chargé d'éma-
nations putrides.
L'irritabilité des organes étacft si di^rente
chez les peuples du nord et ceux du midi, on
ne sauroit révoquer en doute qu'avec une plus
grande liberté du commerce , et une commu-
nication plus fréquente et plus intime entre
des pays situés sous différent climats , la fièvre
Il8 LITRE IT.
jaune étendra ses ravages dans le Nouveau-
Monde. Il est même possible que le concours
<lc tant de causes excitantes, et leur action
sur des individus si différemment org-anisés,
fassent naître de nouvelles formes de maladies,
de nouvelles dévialions des forces vitales. C'est
un des maux qui accompafjnent inévitable-
ment une civilisation croissante : l'indiquer
n'est pas regretter la barbarie ; ce n'est pas
partager l'opinion de ceux qui voudroient
rompre les liens entre les peuples, non pour
assainir les ports des colonies, mais pour en-
traver Tintroduction des lumières, et ralentir
les progrès de la raison.
Les vents du nord qui amènent l'air froid du
Canada vers le golfe du Mexique, font cesser
périodiquement la fièvre jaune et le vomisse-
ment noir à la Havane et à la Vera-Cruz. Mais
l'extrême égalité de température qui carac^
lérisele climat de Porto-Cabello, de laGuayra,
de Nueva Barcelona et de Cumana , fait
craindre que le typhus n'y devienne un jour
permanent, lorsque, par une grande con-
currence d'étrangers , il aura pris un haut
degré d'exacerbalion. Heureusement que le
nunibrc des morts a diminué depuis qu'on a
CBAPITRB XI. lig
/Varié les traitemens selon le caractère qu'offre
lepidémie daus les différentes années, depuis
qu'on a mieux étudié les diverses périodes
delà maladie, qui se reconnoissent par des
ajmptômes d'inflammation et d'ataxie ou de
débilité. Je pense qu'il seroit injuste de
nier le succès que la nouvelle médecine a
obteno sur un fléau si terrible } cependant la
persuasion de ce succès n'est pas très-répandue
dans les colcmies : on j entend dire assez
g^éralement « que les médecins expliquent
aujoerdliui la marche de la maladie d'une
manière plus satisfaisante qu'ils ne faisoient au-
trefois^ mais qu'ils ne la guérissent pas mieux;
que jadis oo se laissoit mourir lentement* en
ne prenant d'autres remèdes qu'une infusion
de tamarins ; que de nos jours une médecine
plus active conduit à la mort d'une manière
plus |)rompte et plus directe. »
Cette opinion n'est pas fondée sur . mie
conaoîpwaDce exacte de ce que l'on (aisoit aur
aux AntiUes. On peut se convaincre.
par le voyage du père Labat , qu'au commen*
ccflient da 18.* siècle , les médecins des An-
tilles ne kôssoient pas mourir le malade aussi
tranquillement qu'on semble le supposer. O»
lao LIVRE IV.
tuoit alors , non par des émétiqurs, du quin-
quina cl de l'opium, employés en trop grandes
«toseselàcontre-tempsjinais par de fréquenles
saignées et l'abus des purgatifs. Les médecins
scmbloientmème si bien connoîtreles effets de
leur traitement, qu'ils a voient la bonne foi « de
se présenter au Ht du malade, accompagnés,
dès la première visite , du confesseur et du no-
taire. "Aujourd'hui, dans des hôpitanx propres
et bien entretenus, on parvient souvent à
réduire le nombrfe des morts à 18 ou i5 sur
cent et un peu au-dessous; mais partout oè
les malades sont entassés, la mortalité s'élève
à la moitié, et même (comme l'armée Fran-
çoise en a offert l'exemple à Saint-Domingue ,
^n 1 S02 ) à trois quarts des malades.
J'ai trouvé la latitude delà Guayra 1 o^^GS g",
et la longitude 6g''aB'i5" '. L'inclinaison de
l'aiguille aimantée étoit, le 24 janvier 1800, de
42°,20; sa déclinaison au nord-est, 4" 20 '35".
L'intensité des forces magnétiques a été trou-
vée proportionnelle à 2^7 oscillations.
■ Esplnosa fiie, d'après M. Ferrer, la partie la
plus septentrionale de la ïille par 10" 36' 41)". de iali-
tiide. Me/norias de lus navegantei cspafioles , 1809,
ToiB. U,?arHV,p.a4. ,
CHAPITRE XI. lai
Eq suivant la côte granitique de la Guiiy rtt|
▼ers l'ouest, on trouve, entre ce port qui n'est
qu'une rade peu abritée et celui de Porlo-(jA"
bello> plusieurs eoroncemens dans les torroSf
qui offrent un excellent mouillage aux vais-
seacpc. Tels sont la petite baie de Gatia f Lon
Ârecifes, Puerto-la-Gruz, Gboroni^ Sienega
de Ocumare, Turiamo^ Burbarata et Pata«
nebo. Tous ces ports ^ à rexceplion de celui
de BuriHirala par lequel oo exporte des mnhtê
pour la Jamaïque, ne sont visiiéf aiufour^
tf hui que par de petite lAtimefB^ r;^fiers iftti
chargent des ptoiwaitf et le ea€:àio dés» pi^n^
ceaxdamcMosquiootde^foet f/km^ h/tt§4nMf
fixent oo intérél biro fil fmt le uittjfmih^t Ah
Catia, a Fooesl do cap tShtt^^ (7^Ail tm pfÀht
de lacàleqoea60E»aEf^«iexMiiA^^ M* Vkj9^
plaad A moir pcodbfii tk&te^ it M^ ^m0 M
knice^et ^ ^Attmtn M«t 1^ fiv'^M dk \^
Qaeireda de Tcp^ef i^s^j^ok^ éÀt ^i^éiiin ^
Cararai» vex?i Ctfia, O^ a ^UM^ ti^t^ft Uvrt^'
tonpf» le gitn]etfl^(irMi>irt^vu'^^ ^ âjr^ fk^r^ , ^?^
ctiemiB propre au ciuarri^içp^, lit'f^'ffeiMHr^n^^
faocienoe mntïr rie la ^^ua^i^^ ^u. f0sS(fm(Cii!M
122 LIVRE IV.
presque au passage du Saint-Gotliard. D'aprè»
(e projet, le port de Catia, qui est aussr
\aste que sûr , pourroit remplacer celui de la
Guayra. Maliieureusemenl, toule cette plage
sous le vent du cap Blanc est remplie de
Palétuviers et excessivement malsaine. Je
suis monté sur la cime du promontoire, qui
forme le Çabo Blanco, pour y observer à la
l'igie le passage du soleil an méridien^
Je voulois comparer, le matin, les hauteurs
prises sur un horizon artificiel , à celles
prises sur l'Lorizon de la mer, pour vérifier
la déjiression apparenle du dernier, parla
mesure barométpque de la colline '. Ces!
' Baromètre au niveau île la mur, 337,3 ; tiiermo-
mètre, 28°; baromètre à la ïigie, â la cime du cap
Blanc, 332,8 (toujours en lignes de l'ancien -pieildfi
roi); lliermomètre, 27", 2; hauteur, 65 toises. J'ai
trouvé, à la Tigie, l'angle entre la maison de la com-
pagnie desPliilippinCÂ a la Guajra et la tour de Ma!-
quîUa, ii"3i'a5"i entre celle maison et la pointe de
Viguata , i4" 58' 35". L'ase longitudinal du cap ^ qui
forme un promontoire aloiigé, se dirige dans toute
sa masse N.8i"Ë.; la partie la plus saillante, celle du
milieu , se dirige IS .47'>E. A. la Guayra , j'ai vu ( l'œil
âlaut élevé de 53 pieds ) la viijic du cap sous un angic
une médiode peo employée jusc^u^d . d^apr^
laquelle, en réduîsaDl les hauteurs de Fastre
au même temps» on peut se servir d*uu ins«
trament à réflexion comme d*un instrument
muni d'un niyeau* Je trouvai la latitude du
cap, qui n'est pas marqué sur les cartes,
d'ailleurs si exactes » du Deposiio hjrdrogmfico
de Madrid , de lo* 56 '45*^; je ne pus me servir
que des angles que donnoit Timage du soleil
réfléchi sur' un verre plan; Thoriason de la
mer étoit fortement embrumé » et les sinuo-
sités de la côte m'empéchoîent de prendre
les hauteurs du soleil sur cet horizon.
Les environs du cap Blanc ne sont pas sans
intérêt pour Tétude des roches. L(; gneiss
passe ici à l'état de miça-schiste », et renferme,
le long des côtes de la mer^ des couches de
Chlorite schisteuse ^. J'ai reconnu dans cette
d'élévation de i® iq'; ce qui , combiné avec la meiuro
baromélrique 9 donne pour la distance 33 1 6 toinci*
( Oha. oêtr. , Tom. I j p. 193. ) JeiTeryf , dam le TVêëi»
PUot de 1785, place le cap Blanc, oo mtnutcf
(presque 7 lieues) à FJuest de la Guayra*
* Glimmenchiefer.
* Chlorlt^chiefer»
ï*4 Livniï IV.
dernière des grenats el du sable magnétique.
En prenant le chemin de Catia, on voit le
schiste chlorilique passer au schisle ampliibo-
liqiie '. Toutes ces l'unuations se retrouvent
ensemble dans les montagnes primiûves de
l'ancien monde , surtout dans le nord de l'Eu-
rope. Au pied du cap Blanc, la mer jette sur
la plage des masses roulées d'une roclie grenue,
qui est un mélange intime d'amphibole et de
feldspatli lamellaire. C'est ce qu'on appelle
un peu vaguement du Grûnstein primitif. Oo
y rcconnoît des traces de qnarz et de pyrites.
Il est probable que , près des côtes, il existe
quelques rochers sous-marins qui fournissent
ces masses excessivement dures. Je les ai com-
parés dans mon journal au paicrlestein du
Fichtelberg, en Fraucoiiie, qui est aussi une
diabase , mais tellement fusible, qu'on en
fait des boutons de verre, employés pour le
commerce des esclaves , sur la côte de Guinée.
J'avois cru d'abord, d'après l'analogie^ des
phénomènes qu'offrent ces mêmes monlagnes
" Hornblendschiefir.
' Près Schauenstein et Stehen . où domine le scliislo
carburé de transitiun.
CHAPITRE XI. 125
de Franconie , que la préseDce de ces masses
amphiboliques à cristaux de feldspath com-
mun (non compacte) indiquoit la proximité
des rocher de transition ; mais dans la haute
▼allée de Caracas y pt*ës d'Antimano, on re-
connoît des boules de la même diabase rem«^
plissant un filon qui traverse le schiste micacé.
Sur la pente occidentale de la colline du
cap Blanc j le gneiss est couvert d'une forma-
tion de grës ou d'aglomérat extrêmement
récent. Ce grës renferme desfragmens angu-
leux de gneiss , de quarz et de chlorite, du sable
magnétique, des madrépores et des coquilles
bivalves pétrifiées. Cette formation est-elle
du même âge que celle de Puntâ Araja et
Cumana?J'en ai envoyé de nombreux échan<»
tillons au cabinet du roi d'Espagne à Madrid.
Peu de parties de la côte ont un climat aussi
brûlant que les environs du cap Blanc. Nous
souffirîmes beaucoup de la chaleur y augmentée
par la réverbération d'un sol aride et pou*
dreux : mais les effets de l'insolation n'eurent
pas de suites fôcheuses pour nous. On craint
excessivement à la Guayrà Taction vive du
soleil sur les fonctions cérébrales ^ surtout
à une époque ou la fièvre jaune coomience i
120 tivriE IV. '
se faire sentir. Me trouvant un jour sur la
terrasse de la maison pour observer le midi
el la différence des thermomètres au soleil
et à l'ombre, je vis paroître derrière moi un
homme qui me pressa avec instance d'avaler
une potion qu'il tcnoil toute préparée à la
main. G'étoit un médecin qui, de sa fenêtre,
m'avoit vu , depuis une demi-heure, la lête
nue, exposé aux rayons du soleil. Il assu-
roitque, né dans un pajs très-septentrional,
je devois, d'après l'imprudence que je venois
de commettre, éprouver indubitablement, et
le soir même, les symptômes de la fièvre
jaune, si je m'obslinois à ne pas prendre un
préservatif. Cette prédiction, quoique fort
sérieuse , ne ni'alarma point , car depuis
long'-temps je me croyois acclimaté; mais
comment ne pas céder à des instances motivées
par un intérètsibienveillant? J'avalai la potion,
et le médecin me compta peut-être au nondjre
des malades qu'il avoit sauvés dans le courant
de l'année.
Après avoir décrit le site et la constitution
atmosphérique de la Guayra, nous quitterons
les côtes de la mer des Antilles, pour ne les re-
voir presque plus avant notre retour des mis-
CHAPITRE XI. 127
RODS de rOrénoque. Le chemîa qui conduit
do port à Caracas , capitale d'un gouyeme-
ment de près de 900,000 habitans , ressemble ,
comme nous l'avons fait c^erver pins hant ,
anx passages des Alpes , aux chemins du Saint-
Gothard et du grand Saint-Bernard. On n'en
arcât jamais tenté le niviellement avant moti
arrivée dans la province de Venezuela; on
n avoit même aucune idée précise de l'éléva-
tîoD de la vallée de Caracas. On s'étoit aperçu
depuis long-temps que Ton descend beaucoup
noîns de la Cmnbre et de Las f^ueltas, qui
est le point culminant de la route ^ vers la
P»tora à rentrée de la vallée de Caracas ,
^le vers le port de la Guajra ; mais comme
h mcMiUgne d'Avila a une masse très-con-
sidérable ^ on ne découvre pas à la fois les
points qpkcm vondroit comparer. Il est même
îaupossiMe de se former une idée exacte de
fâéfation de Caracas par le climat de la
taDée. L'air j est refroidi par des courans
fair descendant 9 et, pendant une grande
partie de Fannée, par les brumes qui enve-
loppent la hairte cime de la Silla. J^ai fait
plosieus fois à pied le chemin de la Guajra
VaS LIVRE IV.
à Caracas ; j'en ai esquisse un profil, fondé sur
12 points, dont la hauteur a été déterminée
par des mesures ' barométriques. J'ai désiré
vainement jusqu'ici que mon nivellement fût
' Voici les observations barométriques cl leurs ré- ■
sultats. Maiquetîa, 335,o; iberm., 25'',6. LaVenta,
grande auberge à la pente septentrionale de la Cumbre
ou du Cerro de Avila ; barom,, agi,! ; therm., 19°, a.
El Guayaïo ou petite Venta de la Cumbre, 385,3;
therm. i8%7. Fort de la Cucbilla, 28i,5; tlierm.,
j8",8. VL'ota cliicatlc SancborquÎK, a84,2; iberm. ,
iS",?. Près de laEOUrct; de Sancliorquii (la Fuenlel,
286,4; therm., 18°, C. Dernière petite Venta, avant
d'arriver à la croix de la Guajra , 284,1 ; tberm. ,
i8°,8. La Cruz de la Guayra, 293,.!; therm, , 19°,6.
La Douane de Caracas, Aduana delà Pastora, harom.,
3oi,3; therm., i5,i. Caracas à la Trinidad, barom. ,
3o3,7;llierm.,i5",3. (Voyez mes Oba. asfr., Tom. I,
p. 296 et 3G7. } Les résultats calculés pèchent pro-
bablement un peu par défaut. On a réduit les hauteurs
barométriques, à la même heure, par la connoissance
précise de l'effet des petites marées barométriques.
La hauteur absolue du baromètre au niveau de la
mer est inditpiée plus petite que ne la donnoit le même
inslrum.ent bien rectifié dans le point zéro de son
récheile, mais il uc s'agit ici que des différences.
CHAPITRE XI. 129
répété et perfectionné par quelque voyageur
iDstruit qui visitât celte contrée à la^ fois si
pittoresque et si intéressante pour le physicien.
Lorsqu^on respire, dans la saison des grandes
chaleurs, Tair embrasé de la Guayra,et que
l'on tourne ses regards vers les montagnes,
on est vivement frappé de l'idée qu'à la distance
directe de cinq à six mille toises > une popu-
lation de 4o^ooo âmes , réunie dans une vallée
étroite , jouit de la fraîcheur du printemps^
d'une température qui, de nuit , s'abaisse à 1 2?
du thermomètre centésimal. Ce rapproche-
ment de difFérens climats est très-commun
dans toute la Corc^illère des Andes; mais par-
tout, au Mexique, à Quito , au Pérou et dans
la Nouvelle -Grenade, il faut faire de longs
voyages dans l'intérieur des terres, soit par
les plaines , soit en remontant les rivières,
pour parvenir aux grandes villes qui sont les
centres de la civilisation» L'élévation de Ca-
racas n'est que le tiers de celle de Mexico, de
Quito et de Santa-Fe de Bogota; mais , parmi
toutes les capitales de l'Amérique espagnole,
qui, au milieu de la zone torride, ont un
climat frais et délicieux , c'est Caracas qui
est le plus rapproché des côtes. Quel av^a^n-
IV. Q
ÏOO LIVRE IV.
tage (l'avoir un port de mer à trois lieues
de dislancc, et d'être situé entre les mon-
tagnes, dans un plateau qui produiroit du
froment , si on en préferoit la culture à celle
du cafier.
Le chemin de la Gua^ra à la vallée de
Caracas est iniinimenl plus beau que celui de
Honda à Sanle-Fe , et de Gua^aquil à Quito; il
est m}me mieux entretenu que l'ancienne
route qui conduit du port de la Vera-Cruz à
Perote, sur la pente orientale des monlagnes
de la Nouvetle-Espag'ne On ne met, avec de
bonnes mules, que trois heures pour aller du
port de laGuayra à Caracas; il n'en faut que
deux pour le retour. Avec des mulets de
charge ou à pied, le chemin est de quatre à
cinq heures, On monte d'abord, sur une pente
de rochers extrêmement rapide et par des
s'ations qui portent les noms de Torre que-
mada , Curucuti et dn Snlto, à une grande
auberge ( la f^enta ) placée à Goo toises de hau-
teur au-dessus du niveau de la mer. La déno-
luinalion de Tour i/ïî/e'f indique la vive sen-
sation que l'on éprouve lorsqu'on descend
vers laGuajra. (_)n est conmie suffoqué par la
chaleur que rellctent les murs de rochers, et
CHAPITRE XI. l5l
surloiit les pleines arides sur lesquelles plonge
la vue. Dans cette route, comme sur le chemin
deVera-Cruz à Mexico, et partout où, sur
une pente rapide , on change de climats, Tac-
oroissement des forces musculaires et le sen-
timent de bien-être que Ton éprouve, à mesure
crue l'on entre dans des couches d'air plus
froides, m'ont paru moins vi&que le sentiment
d'affaissement et de langueur dont on est péni-
blement saisi en descendant vers les plaines
brûlantes du littorale Telle est l'organisation
de rhomme que, même dans le monde moral,
nous ne jouissons pas autant de ce qui adoucit
Dotre situation, que nous sommes affectés
d'une peine nouvelle.
De Gurucuti au Salto, la montée est un peu
peu moins pénible. Les sinuosités du chemin
contribuent à rendre la pente plus douce,
eomme dans l'ancienne route du Mont-Cenis.
Le Saut ou Salto est une crevasse que l'on
passe sur un pont-levis. De véritables fortifi-
cations couronnent le sommet de la montagne.
AlaVenta, nous vîmes le thermomètre^ à midi,
à 19^,5 , lorsque , à la Guayra , il se soutenoit,
t la même heure, à 26^,2. Gomme ^ depuis
répoq[Ue où les neutres ont été admis de Xttùpl
9*
l32 LIVRS IT.
en temps dans les ports des colonies espa-
gnoles , on a plus facilement permis aux
étrangers de monter à Caracas qu'à Mexico ,
la Venta jouît déjà de quelque célébrité en
Europe et aiix Etats-Unis, par la beauté de
son sile. En eflet, lorsque les nuages ie per-
mettent, ce site offre une vue magnifique snr
la nier et les côtes voisines. Ou découvre on
horizon de plus de vingt-deux lieues de rajon;
on est ébloui de ia masse de lumière que
reflète le littoral blarr- et aride; on voit à ses
pieds le cap Blanc, le village de Maiquetia
avec ses cocotiers , la Guayra et les vaisseaux
qui entrent dans le port. J'ai trouvé ce spec-
tacle bien pins extraordinaire encore, qnand
le ciel n'est pas tout-à-Iait serein, et que des
traînées de nuages , fortement éclairés à
leur surface supérieure, paroissent projetés,
comme des îlots mobiles, sur l'immense sur-
face de l'Océan. Des couches de vapeurs, se
soutenant à différentes élévations , forment
des plans intermédiaires entre l'œil de l'obser-
vateur et les basses régions. Par une illusion
facile à cxphquer , elles agrandissent la scène
et la rendent plus imposante. Les arbres et
les habitations se découvrent de temps en
CHAPITRE XI* iSS
temps à travers les ouyertures que laissent
tes Doages chassés par le vent et roulés sur
emc- mêmes. On croiroit alors les objets placés
à une plus grande profondeur qu'ils ne se
présentent par un air pur et uniformément
serein. Lorsque y sur la pente àes montagnes
du Mexique , on se trouve à la même élévfi-
tion (entre Las Trancas et Xâlapa) \ on' est
encore à douze lieues de distance de la mer;
on ne distingue que conBisément la côte^
tandis que, dans la route de la Guajra à
Caracas, on domine les plaines (la tierra ca^
Uente) comme du haut d'une tour. Qu'on se
figure rîmpressîon que doit laisser cet aspect
à ceux qui, nés dans l'intérieur des terres,
voient, pour la première fois > de ce point, la
mer et des vaisseaux.
J'ai déterminé , par des observations directes,
lalatitude de la Ven ta, pourpou voir donner une
idée plus précise de sa distance des côtes. Celte
latitude estde lo^^Vc}'. Sa longitude m*aparu%
•
' Voyez le profil que j'ai publié dans VAtUta de la
NoupeUe -Espagne , PI. 12.
* Les hauteurs du soleil que j'ai prises le 20 janvier
1800 étoient trës-prës du passage de Tastre par le
méridien. ( Obs. astr. , Tom. I ^ p. 186.)
l34 tlVRE IV.
d'après le chronomètre, à peu près de %' l^-]"
en arc à i'otiest de la ^iile de Caracas. J'ai
trouvé à cette hauteur l'incUnaisoD de l'ai-
guille aimantée de l\\'>^,-j'i,G\. l'inlensité des
forces magnétiques égale à 23(i oscillations.
Depuis la Venta, que l'on appelle aussi
Venta gniiide, pour la distinguer de trois ou
quatre autres petites hôtelleries établies ( da
mon temps') le long de la roule, on monte
encore plus de j5o toises pour arriver au
Guaya\>o. C'est presque le point culminant
du chemin; j'ai porté le baromètre encore
au-delà, un peu au-dessus de la Cuniùre^, au
forlio de la Cucbilla. Me trouvant sans passe-
port ( car pendant cinq ans je n'en ai connu
le besoin qu'au moment de débarquer) , je
manquai de me voir arrêté par un poste d'ar-
litleurs. Pour calmer le courroux de ces vieux
militaires , je leur traduisis en vares castiltunes
le nombre de toiaes qu'a ce poste au-dessus
du niveau de la mer. Cela ne parut guère
les intéresser, et je ne dus ma liberté qu'à un
Andalou, qui devint extrêmement traitable,
' Elles sont presque toiiies détruites aujc"
■ La cime, le /.
lorsque je lui dis <jut le» uicml^i^ û^ M^
paysi, la Sierra IS évada de (trruad^, t^imt^hl
bien plus élevées que toute» lu» tuuutOKueii
de la province de Caracas.
On se trouve» au fort do la Giiohillai à la
hauteur de la ciiue du Puy-do-D^mu ou À
peu près i5o toises plus biii quo la ponla du
Mont-Genis. Comme lu vil}^ de (kntvM $ U
Venta del Guajavo et le port d« U Oua^^rtt
sont si rapprochés f nouii àUfMUê iïémAf
If. Bonpland et mol^ pooftir oWrter mmiêU
tanément, pendaolqu«lqae» j<f«i^s^M>i''^^(!l^
retendue ifes petites UÈ^itè bi%toif9MtHin^^ ,
dans une vallée de peu de hrt'f^t^t, ¥êt utt
plateau esposé aux vent» et ptie^ Am iMê^ ^h
la mer; mais latmof piMare p$éUM f^ imw^
calme pendant le temp^ r|0^ m^m %ÂyjHfpfimê§
dans ce» ïienx^ IfiMem^f ft fi^^^m ^ Uk
tiiple j^fareil d'iMtrMMM HfM^fioU^tfjlépm
pour Ae ^iftwtifj^ ;i /î# '•^*y»M^ ^ V*4-v
l36 LrVRE IV.
qui faisoient reposer leurs mulets. C'étoienl
des habitans de Caracas. Ils se dispnloient sur
le mouvement vers l'indépendance qui avoit
eu Heu peu de temps auparavant. Joseph
Espana avoit péri sur l'échafaud ; sa femme
gémissoit dans une maison do réclusion ,
parce qu'elle avoit donné asjle à son mari
fugitif, et qu'elle ne l'avoit point dénoncé
au gouvernement. Je fus frappé <Ie l'agitation
qui régnoît dans les esprits, de l'aigreui-avec
laquelle on débatloil des questions sur les-
quelles des hommes d'un même pays ne
devroient pas différer d'opinion, Tandis qu'on
dissertoit sur la haine des mulâtres contre les
nègres libres et les blancs , sur la richesse des
moines et la difiiculté de tenir les esclaves
dans l'obéissance , un vent froid, qui scm-
bloit descendre de la haute cime de la Silla
de Caracas, nous enveloppa dans une brume
épaisse, et mit fin à une conversation si ani-
mée. On chercha de l'abri dans la Venta du
Guayavo. Lorsque nous entrâmes dans l'hùlel-
lerie, un homme âgé, celui qui avoit parlé avec
Je plus de calme, rappela aux autres combien,
dans ces lemps de délation , sur la montagne
comme à la ville, il éloit imprudent de se livret
CHA.PITRB XI. l5j
à defs discussions politiques. Ces niot8> pro-
noncés dans un lieu d'un aspect si sauvage,
me causèrent une vive impression et qui s'est
renouvelée souvent , pendant nos courses dans
les Andes de la Nouvelle - Grenade et dd
Pérou. En Europe, où les peuples vident
leurs querelles dans les plaines , on gravit
les montagnes pour j trouver l'isolement et là
liberté. Dans le Nouveau-Monde , les Cordil-
lères sont habitées jusqu'à douze mille pieds
de hauteur. Les hommes j portent avec eux,
et leurs dissensions civiles, et leurs passions
petites et haioeoses. Des maisons de jeu sont
établies sur le dos des Andes , là où la décou-
Terte des mines a fait fonder des villes ; et, dan%
ces vastes solitudes , presqœ au-dessus de la
T^ioo des nuages, an miEen d'objets qoi de-
vraient agrandir les idées, la nouvelle d'une
déco rjlî on ou d'un litre refiises par la coor,
Iradble soavent le bonhenr des farniHei^
Qae Ton porte ses regard» vers Tlkrjmm
de la mer, on qu'on les difii^ an
vos celte cr£te dentelée de fwAurfi^
q« scnsUe rèsnir b Cnmbre a h SUhi ^ qm^À^
tpndfe en sont ic|mce parle nnm ^-fu^féfvdût)
de TticanK, pnrtont on adnaK le ffumé
iÙb LI\ftE IV.
caraclcre du paysage. Depuis le Guajavo,
oii parcourt pendant une demi -heure un
plateau assez uni , couvert tîe plantes alpines.
Celte partie du chemin s'appelle las P'iœltas ,
à cause de ses sinuosités. Un pun plus haut
se Iromenl les baraques ou magasins de
farine que la compagnie de Guipuzcoa avoit
construib dans un lieu d'une tenq)érature Irès-
fraîche^lorsqu'elle avoit le monopole exclusif
du commerce et de l'approvisionnement de
Caracas. C'est dans le chemin de las Viieltas
(jue l'on \oil pour la première fois la capi-
tale, placée trois cents toises plus has.daos
une vallée richement plantée en cafiers et eu
arbres fruitiers de l'Europe. Les voyageurs
ont l'habitude de s'arrêter près d'une belle
source, connue sous le nom de Fuente du
Sancliofquiz , et qui descend de la Sierra
sur des couches inclinées de gneiss. J'en ai
trouvé la température de i^"A\ ce qui, pour
une élévation de 726 toises, est une fraî-
cheur bien considérable- Elle paroîtroitplu»
grande encore à ceux qui boivent cette eau
limpide, si la source, au lieu de jaillir entre
la Cumbre et la vallée tempérée de Caracas,
se trouvoit sur la dcsceiilc vers la Guuyra.
CHAPITRE XI. J5f)
Mais fai observé qu'à cette descente, sur le
revers septentrional de la montagne, la roche <
(par une exception peu commune dans^cette
contrée) est inclinée, non au nord-ouest,
mais au sud-est, ce qui empêche peut-être
les eaux souterraines d'y former des sources.
Du petit ravin de Sanchorquiz , on continue
de descendre à la Gruz de la Guajra , croix
placée dans un lieu découvert à 63a toises
de hauteur , et de là (en entrant par la dotaane
et le quartier de la Pastora) , à la ville de Ca-
racas. Sur ce revers méridional de la mon-
tagne d'Avila, le gneiss offre plusieurs phé*
nomènes géognostiques qui sont dignes de
Tattention des voyageurs. Il est traversé par
des filons de quar? qui enchâssent des prismes
cannelés, souvent articulés de titane ruthile
de deux ou trois lignes de diamètre. Dans les
fentes du quarz, on trouve , lorsqu^oq le brise,
des cristaux très-déhés qui forment un réseau
en se croisant : quelquefois^, le titane n^ sa
présente qu'en dendrites d'un rouge vi£ Le
gneiss de la vallée de Caracas est caractérisé
' Hor. 8,3; incl. , 4o<^ au sod^-est.
* Surtout au-dessous de la Crus de la Guayra , \
594 toises de hauteur absolue.
lifO IIVRE IT.
par les grenats verts et rouges qu'il enchâsse ,
et qui disparoissent là oii ia roche passe an
schiste micacé. Ce même phénomène a été
observé par M. de Buch, en Suède, dans le
Helsingland ; tandis que , dans l'Europe tem-
pérée, ce sont généralement les schistes mi-
cacés et les serpentines, et non le gneiss,
qui renferment les grenats. Dans les enclos
des jardins de Caracas, construits en partie
avec des fragmens de gneiss , on reconnott des
grenats d'im beau rouge, un peu transparcns,
mais très-difficiles à détacher. Le gneiss, près
de la Croix de la Guayra, à une demi -lieue
de distance de Caracas, m'a offert aussi des
vestiges de cuivre azuré ' , disséminé dans des
filons de quarz et de petites couches de gra-
phite ou fer carburé terreux. Ce dernier, cjui
laisse des traces sur le papier, se trouve eo
assez grandes masses, et quelquefois mêlé au
fer spalhique, dans le ravin de Tocume , à
l'ouest de la Silla.
Entre la source de Sanchorqniz et la Croix
de laGuayra, comme plus haut encore, le
gneiss renferme des bancs puissaus de calcaire
' Cuivre caibonatéljlcu.
CHAPiTue XI. 144
primitif, gris -bleuâtre, saccaroïde,^ à gros
grain , contenant du mica et trayersé par des
filons de spath calcaire blanc. Le mica, à
larges feuillets est placé dans le sens de Tin-
clinaisoQ des couches. J'ai trouvé dans ce
calcaire primitif beaucoup de pyrites cristalli-
sées et des fragmens rhômboïdaux de fer spa-
^hique d'un jaune isabeUe. La ' peine que je
me suis donnée pour découvrir de la tremo-
hthe » qui , dans le Pichtelberg en Franconie \
est commune dans le calcaire grenu (sans do-
Jomie) , ont été inutiles. En Europe, des bancs
de calcaire primitif s'observent généralement
dans les ^histes micacés; mais on trouve aussi
du calcaire saccaroïde dans un gneiss de la phis
ancienne formation , en Suède près d'Upsal ,
* Grammatlte de M. Hauy. Le calcaire primitif au-
desstts de la source de Sanchorquiz est dirigé , comme
k gneiss dans ce point, hor. 5,2 ; et incliné de 45^ -au
nord ; mais la direction générale du gneiss est ^ dans
k Cerro de Ârila , hor. 5,4 avec 60^ d'inclinaison au
N. O. Des exceptions locales s'observent sur une pe-
tite étendue de terrain près de la Croix de la Guayra
(h^r. 6,2 y incKn. 8**. N.}, et plus haut, Tis-à-TÎs la
Qnebrada de Tîpe (hor. la ^ inclin. 5o^ O. )
' Près de WunsiedeL
i^ï i.iriiE IV.
en Saxe près de Burkersdorf,eldans les Alpes
au passage du Simplon. Ces gîseraens sont
analogues à celui de Caracas. Les phéno-
mènes de la géognosie , particulièrement ceux
qui tiennent à la stratification des roches,
et à leur agroupement, ne sont jamais iso-
lés; on les retrouve les mêmes dans l'un et
l'autre hémisphère. J'ai été d'autant plus
frappé de ces rapprochemens et de cetle
identité de formations , qu'à l'époque de mon
voyage, les minéralogistes ne connoissoient
pas encore le nom d'une seule roche de Ve-
nezuela, de la Nouvelle -Grenade et des Cor-
dillères de Quito.
■CnAPlTftE XIÏ.
143
CHAPITRE XII.
P^ue générale sur les provinces de P^enezuela.
— Diversité de leurs intérêts, — faille et
vallée de Caracas. — Climat.
Ju'iiTPOiiTAKCB d'une capitale ne dépend paiv
nniquement desapopalation^de sa richesse
et de son site : pour l'apprécier avec quelque
justesse , il faut se rappeler l'étendue du tci -
litoire dont elle est le centre , la niasse de
productions indigènes qui sont l'objet dÀ
■on commerce, les rapports dans lesq
elle se trouve avec les provinces soumis^
à son influence politique. Ces circonstaao*
diverses se modîBent par les tiens '
moins relâchés qui unissent les cqloi
la métropole; mais tels sont l'emp
halntudes et les combinaisons de 1
commercial , qu'il est à prévoir 1
mâuçnce des capitales sur les yayi I
l44 I.IVIIG IV,
nans , ces associations de provinces , fondues
ensemble sous la dénominalion de royaumes,
de capitaineries générales, de présidences et
de g-ouvernemens ', survivront même à la
catastrophe de la séparation des colonies.
tes déniembremens n'auront lieu que là où,
en dépit des iiruites naturelles , on a réuni
arbitrairement des parties qui se trouvent
entravées dans leurs communications. La
civilisation en Amérique , partout où elle
n'existoit pas déjà jusqu'à un certain point
avant la conquête (comme au Mexique, à
Guatimala, à Quito et au Pérou), s'est portée
des côtes vers l'intérieur, en suivant tantôt ta
vallée d'un grand fleuve, tantôt une chaîne
de montagnes qui offroient un climat tem-
péré. Concentrée à la fois sur difierens points,
elle s'est propagée conmie par rayons diver-
gens. La réunion en p^o^^ncesou eu royaumes
s'est effectuée au premier contact immédiat
entre les parties civilisées ou du moins sou-
Capitanias générales , Presidencias ,
Provincias , sout les noms que la cour
(l'Espagne a donnés de tout Icmps à ses possession»
d'oittrc-mer, dùininios de uUramar,
mi^es à nue dominatioa stable et régulière%
Des cootrées désertes ou habitées par des
peuples sauvages, entourent aujourd'hui les
pajs conquis par la civilisation européenne»
Elles divisent ces conquêtes comme par des
bras de mer difficiles à franchir ; et le plus
souvent des états voisins ne se tiennent qtie
par des langues de terres défrichées. Il est plui
facile de connoitre les configoratipnsdes c6te9
baignées par l'Océan^ que les sinuosités de
ce littoral intérieur sur lequel la barbarie el
la civilisation , dc% torêis impéliétrables et de»
terrains cultivés, se touchent et se limitent
C'est faute d'avoir réfléchi sur rétatdes.^Of:iéff s
naissantes du Nouveao-Monde , que les géc^
graphes défigurent si soovenl lears cartes , en
traçant les diffîÉrmtes parties de» colofvies^ es-
pagnoles et portugaise» , ccfttmÊe si e\)e!¥èt4nenî
ccmlignëssar Ions \e^ip€jmHâe¥'mtfrnefn. Ij^a
coonoîssances loeale» qae }^ ip^a ^J\f9éf\t y^i r
nm-mèaie savr ces Imvtes ^ m^ mttX^rçA ^^ f^c^t
de fixer a^ee quelque certitisde féfetwfue A^a
ffSKkàfts di^iâons territoriale^^ de iy>mp^i^<^
les parties sanvages et ïï^lMth^^ é% Jf^v^t^/^vt t
polilûpe piiM 011 jiw>MK :/r;»r^^4
j4o livre ÏV.
qu'exercent certaines villes d'Aniériqne,
comme centres de |>ouvoir et de commerce,
Caracas est la capitale d'un paj's qui est
presque deux fois plus grand que le Pérou
actuel , et qui le cède peu en étendue au
roj-aume de la Nouvelle-Grenade '. Ce pays,
que le gouvernement espagnol désigne sous
les noms de Capitania gênerai de Caracas
ou des pivvinccs (^réunies) de f^enezuela^,
a près d'un million d'iiabitans parmi les-
' La Cipilania gi:néral de Caracas a prêt de
48,ooo lÎHuea carccs (do aS au dcgrc); le Pérou
(depuis que \a I'az,Potosi, Charcas et Santa Crui
de la Sierra ont été séparés el réunis a la ïiee-
royauté de Buentw-Ayrcs) en a ^îo.noc); la Nouvelle-
Grenade, en y cORiprenant ]a province de Quito,
65,ooo. Ces calculs oui été faiu par M. Ollmann»,
d'après leschangemensque mes déierminalions astro-
nomiques ont apportés aux. cartes de rAmérique
espagnole. Je préfère ici des évaluations en nombres
ronds; les discussions particulières sui' l'étendue des
divers pays, leur population respective et d'autres
faits purement statistiques trouveront leur place dans
des chapitres particulier;, il mesure que nous quit-
terons chacune des grandes diviûuns territoriales.
° l.e capitaine général de Caracas porte le titre
CHAPITRE XII. 1^7
quels 60,000 esclaves. Il renferme , le long
des côtes, la Nouvelle- Andalousie oti la po-
vince de Gumana (avec l'île de la Marcjiie-
rite'), Barcelona, Venezuela ou Caracas,
Coro et Maracaybo ; dans l'intérieur , les
provinces de Varinas et de la Guiane , la pre-
mière le longdesrivièresdeSaiito-Doniingoet
de l'Apure, la seconde le long de l'Orénoque,
du Gasiqiiiare , de l'Atabapo et du Rio N^ro.
En jetant un coup d 'œil général sur les sept
provinces réunies de la Terre-Ferme, on voit
qu'elles forment trois zones distinctes, qui
s'étendent de l'est à l'ouest.
On trouve d'abord des terrains cultivés le
long du littoral, et prés de la chaîne des
montagnes cùtières; puis des savanes ou des
pâturages; enfin , au-delà de l'Orénoque , une
troisième zone, celle des forêts, dans les-
quelles on ne pénètre qu'au moyen des rivières
qui les tniversent. Si les indigènes, habilans de
de Capitan gênerai de las Provincins de f^enezuela,
y Ciudad de Caraeai.
' Cetteîle, rapprochée des cù les de CuniaRU, forme
un Govierna particulier, qui dépend immédiatement
du capitaioe général de Caracas.
10*
lis LIVRE IV-
ces forèls , vivoleot enlièrement des produits
de la chasse , comme ceux du Missoury, nous
dirions cjue les trois zones dans lesquelles nous
venons de diviser le territoire de Venezuela,
offrent l'image des trois états de la société
humaine, la vie du sauvage chasseur dans
les bois de l'Orénoque, la vie pastorale dans ,
les savanes ou LIanos, celle de l'agriculteur
dans les hautes vallées et au pied des mon-
ta^fes côtières. Les moines missioimaires et
quelques soldais -oectipent ici, comme dans
toute l'Amérique, des postes avancés sur les
frontières du Brésil. Cette première zone est
celle où se fait sentir la prépondérance de la
force, et l'abus du pouvoir, qui en est une suite
nécessaire. Les indigènes se font une guerre
cruelle, et se mangent quelquefois les uns les
autres. Les moines tâchent d'augmenter leurs
petits villages de missions , en profilant des
dissensions des indigènes. Les militaires des-
tinés à protéger les moines, vivent en que-
relle avec eux. Tous offrent également le triste
tableau de la misère et des privations. Nous
aurons bientôt occasion de voir de près cet
état de l'homme que vantent , comme un état
de nature, ceux qui habitent les vdies. Dans
la seocyode région y dans les piailles t\ \t^ |\j^
tarages, la noarritore nW pas varice , maia
eUe est très-abondante. Plm avançai dans U
civilisation , les hommes , hors de IVnttHUle dtf^
quelques villes éparses» n'en restent }>aHnioinii
isolés les uns des autres. A voir leurs habita^
tions ,en partie couvertes de peaux et de ciiir«»
on diroit que^ loin d'être Bxés , ils sont h jioitio
campés dans ces vastes prairies qui borneiil
l'horizon. L'agriculture qui seule offintuit li^H
bases de la société , et en rcsficrre lo«t ]ioM 9
occupe la troisième zone, le litloral, et MrUmt
les vallées chaudes et tenipcrccu dc% mon
tagnes voisines de la mer.
On pourroit objecter qao, âam d'^Mlrr^
parties de l'Amérique f^pdgnof^ i*i \mriii"
gaise, partout où Ton pi^iit «uitr^r la d/;v«^
loppement progremf de la tifilmtUmf ou
trouve réunis les trois âgef de U %iprU'U'. ^ ;
mais on doit remarquer^ <rt MrUi? #/f/<^<f
vation est tra- importante y^put ty^ut t^n\
venleot cooiÈctlre a ùmà f «H»f ]^AitM\fiK /W
diverscf coLim»^ qwf h$ â\i^mtiâ/9ê éU'%
iSo LIVRE IV.
et des terres labourées , n'est pas partout la
même , et que nulle part oUe nVst aussi régu-
lière que dans le pa^s de Venezuela. Il s'en
faut de beaucoup que ce soit toujours de la
côte vers l'intérieur que diminuent la popula-
tion , l'industrie commerciale et la culture
intellectuelle. Au Mexique , au Pérou et à
Quito, ce sont lesplateanrx. et les montagnes
centrales qui offrent la réunion lu plus nom-
breuse de cultivateurs, les villes les plus rap-
procliées , les institutions les pltis anciennes.
On observe même que, dans le royaume de
Buenos-Ajres, la région des pâturages, con-
nue sous le nom des Pampas, se trouve inter-
posée entre le port isolé de Buenos- Avres et
la grande masse d'Indiens cultivateurs qui ha-
bitent les Cordillères de Charcas , de la l'az et
du Potosi. Celte circonstance fait naître, dans
un même pa^s, une diversité d'intérêts eotre
les i>euples de l'intérieur et ceux qui habitent
la côte.
Lorsqu'on veut se former une idée précise
de ces vastes provinces qui , depuis des siècles,
ont clé gouvernées, presque comme des états
séparés, par des vice-rois ou des capitaines
généraux, il faut fixer son attention sur plu-
it J Aintsi^ ^e^fOifpN^"' H^ v^ V^-
âe le <JM^. <A?p^ tW^W |sIm^
k ma^emt^ pttttie ^ là (^^fi^th^^s >i^ ^^
csi npprodiée des <rà««> ^M 9% ^W t^< ^VM
d tempêta des Conlittèr«9i) d t^WÏ vvM (tt^l'
les rapports miméiiqi>f$ tMtP, \pn invliff^^um
H les autres castes > rerhenltrr ruri^^lHM
des familles européennfi i eirii»nin(>i \) tpti*IM
lace appartient le plu^ ^fntitil iimimIim* itM
blancs dans chaque pHflin iIm^ iiiliMilr**i \tM
Andaloux-Canarienft dd VeHëmii'lii^ hn Mini
tagnards < et les l)b(;d)rf!»ii du Mf*n)i\ui^ , Im
Catalans de Bneiuw-A^fif* M)'iPHil ^¥i¥H
tiellemeiit entre eux ânu^ Umf* #|rt>MMl^ \fHHf^
ragricolf are , )ei» ftfi^ mk^Muu^m^ , in i^m
merce et le^ ohj^ /j#î llju»fw^«t i#w fU^f^Uf^
cernent de hwldl^^w^^. i%i9^m^éi 4^ /M
tac» a emm^Kf 4^tM U Hé^mê^m M^f^M^
MvttMmft^' C^îiH iiUii^ 4j/^ <«^<*U' -^ ^^
iSa LÎTAE IT.
tituent sa physionomie nationale , l'âprelé ou
la douceur de son caractère, sa modération
ou le dcsir excessif du j,'uin , son hospitalité
affable ou le goût pour l'isolement. Dans des
pays dont la population est en grande partie
composée d'Indiens de castes mêlées , les dif-
férences qui se manifestent parmi les Euro-
péens et leurs descendans , ne peuvent pas
sans doute être aussi contrastées et aussi mar-
quantes que celles qu'offroient jadis les colo-
nies d'origine ionienne et dorique. Des Es-
p;ignoIs, transplantés dans la zone torride,
devenus, sous un ciel nouveau , presque étran-
gers aux souvenirs de la mère-patrie , ont
dû éprouver des changemens plus sensibles
que les Grecs établis sur les côtes de l'Asie-
Mineure ou de l'Italie, dont les climats dif-
iêrent si peu de ceux d'Athènes ou de Co-
rinthe. On ne sauroit nier les modifications
diverses qu'ont produites à la fois dans le
caractère de l'Espagnol -Américain la cons-
titution physique du pays , l'isolement des
capitales sur des plateaux , ou leur rappro-
chement des côtes, la vie agricole, lé travail
des mines et l'habitude des spéculations com-
merâales ; mais on recooaolt partout dans
CHAPITRE Xll. lS3
lès habitans de Caracas, de Santa-Fe*, de
Quito et de Buenos- Ayres, quelque chose
qui appartient à la race, à la filiation des
peuples.
Si Ton examine l'état de ta capitainerie
générale de Caracas d'après les principes que
nous venons d'exposer, on voit que c'est prin-
cipalement près du littoral que se trouvent son
industrie agricole, la grande masse de sa po-
pulation , ses villes nombreuses et tout ce qui
tient à une civilisation avancée. Le développe-
ment des x^tes est de plus de 200 lieues.
Elles sont baignées par la petite mer des An-
tilles , sorte de Méditerranée , sur les bords de
laquelle presque toutes les nations de l'Europe
ont fondé des colonies , qui communique sur
beaucoup de points à l'Océan atlantique, et
dont Texistence, depuis la conquête, a in-
flué sensiblement sur le progrès des lumières
dans la partie de l'est de l'Amérique équino-
xiale. Les royaumes de la Nouvelle -Grenade
et do Mexique n'ont de rapport avec les
enicmes étrangères, et par elles avec l'Eu-
rope non espagnole , que par les seok ports
de Cartbs^ène des Indes et de Sainte-Marthe,
de Ycn-Cniz et de Campécbe. Ces vastes
l54 IHRE IV.
pays> parla nature de leurs eûtes el l'isole-
ment de leur population sur le dos des Cor-
dillères , offrent peu de points de contact
avec l'étranger. Le golfe du Mexique est
jnème moins fréquenté, pendant une partie
de l'année, à cause du danger des coups de
\ent du nord. Les côtes de Venezuela au
contraire, par leur étendue , leur développe-
ment vers Test, la mutiplicité de leurs ports
et la sûreté de leurs atterrages dans les
différentes saisons , profitent de tous les
avantages qu'offre la mer intérieure desAn-
liHes. Nulle part les communications avec les
grandes îles, el même avec celles du vent,
ne peuvent être plus fiéqîientes que par les
ports de Cumana, deBarcelone, de la Guayra,
dePorto-Cabello, de Coro et de Maraeajbo ;
nulle part le commerce illicite avec les étran-
gers n'a clé plus dillicile à restreindre. Peut-
on s'étonner que cette facilité de rapports
commerciaux avec les liabitans de l'Amérique
libre et les peuples de l'Europe agitée aient
augmenté à la fois, dans les provinces réunies
sous la capitainerie générale de Venezuela ,
l'opulence , les lumil'res el ce désir inquiet
d'un gouvernement local qui se confond
CHAPITRE XII. l55
avec l'amour de la liberté cl des formes
répiiblicuines?
Les indigènes cuivrés ou indiens ne cons-
tituent une masse très-importante de la po-
pulation agricole qne là où les Espagnols,
an moment de la conquête, ont trouvé des
g-ouvernemens réguliers, une société civile,
des institutions anciennes et le plus souvent
très -compliquées, comme à la Nouvelle-
Espagne , au sud de Durango et au Pérou ,
depuis le Couzco jusqu'au Potosi. Dans la
capitainerie générale de Caracas,la population
est peu considérable , du moins hors des mis-
sions, dans la i-one cultivée. Au moment des
grandes dissensions politiques, les indigènes
n'inspirent pas de craintes aux blancs et aux
castes mêlées. En évaluant, en 1800, la po-
pulation totale des sept provinces réunies à
900,000 anies, j'ai pensé que les Indiens n'en
foui que l, tandis qu'au Mexique ils font
presque la moitié des habitans.
Parmi les castes dont se compose la popu-
lation de Venezuela, celle des noirs, qui ex-
cite à la fois l'intérêt dû au malheur et la
crainte d'une réaction violente, n'est pas con-
sidérable par le nombre, mais par son ac-
l5S LIVRE IT-
cumnlalion sur une étendoe de terrain pea
considérable. Nous verrons bientôt que, dans
toute la capitainerie générale , les esclaves
n'excèdent pas ri de la population entière;
dans l'île de Cuba, celle des Antilles où les
nègres sont en plus petit nombre compara-
tivement aux blancs , ce rapport étoit , en
181 1 , comme i à 3. Les sept provinces
réuaies de Venezuela ont 60,000 esclaves;
Cuba, dont l'étendue est liuit fois moindre,
en a 212,000. En considérant la mer des
Antilles, dont le golfe du Mexique fait partie,
comme une mer intérieure à plusieurs issues,
il est important de Bxer notre attention sur
les rapports politiques qui naissent de cette
configuration singulière du Nonveau-Conti-'
nent entre des pays placés autour d'un même
bassin. Malgré l'isolement dans lequel la plu-
part des métropoles tâchent de tenir leurs
colonies, les agitations no s'en communiquent
pas moins. Les ëiémens de division sont
partout les mêmes; et, comme par instinct,
il s'établit un accord entre des hommes
d'une même couleur séparés par la dilTérence
du langage, et habitant des côtes opposées-
Celte Méditerranée de l'Amérique, formée par
caÀPiTHB xir. 1S7
lelluoral de Venezuela, de la-Non vellc-Gre-
nade, du Mexique > des Etats-Unis* et des lies
Antilles, compte sur ses bords près d'un million
et demi de noirs libres et esclaves ; ilssontsiinc!*
gaiement répartis, qu'il n'y en a que très-pou
au sud et presque pas dans la région de Totiest
Leur grande accumulation se trouve sur les
côtes septentrioni\)es et orientales. C'est pour
ainsi dire la partie africaine de ce bassin inlé-
xieur. Il est naturel que les troubles qui, dc^piiis
1792, se sont manifestés à Saint-Domingue, se
fcneot propagés aux c6tes de Venezuela. Aim
long-temps queTEspagne a possédé tranqnil-
lement cefk belles colonies 9 les petites émeutcf
d'esclayes ont été facilement réprimées ; mais^
dès qu'une lutte d'un autre genre , celle pour
riodépeodance , a commencé, lesnoin», par
lenr allitode menaçante, ont toor à tour in»*
pire des craintes aux partis opposés, et Tabo^
litioa graduelle on iosCaotaoée de Tesclava^e
* Les frtMiU it» étaif iraw^^dUfçhanUn^ m^i
exjportés ftr le MkskMpi , el la f^mtêêi^m 4^ fl/^
rides eit wtmemt iémrie pur ie% Att^^>'AMê^U'jf$ft^
fOÊT 0eatfar mm ftm^ graii^l ilétekffMveivl 4e tM^
s«r h flMT m Êiékm t t.
a été proclamée dans différentes régions de
l'Amérique espagnole, moins par des motifs
de justice et d'humanité que pour s'assurer
Tappui d'une race d'hommes intrépides , ha-
biUiés aux privations , et combattant pour
leurs propres intérêts. J'ai trouvé dans la re-
lation du voyage de Girolamo Benzoni un
passage curieux qui prouve combien datent
de loin les craintes que doit produire l'ac-
croissement de la population noire. Ces
craintes ne cesseront que là où les gouvernc-
mcns seconderont, par des lois, les amé-
liorations progressives que l'adoucissement
des mœurs, l'opinion et le sentiment reli-
gieux, introduisent dans l'esclavage domes-
tique. '< Les nègres, dit Benzoni , se sont tel-
lement muhipliés à Saint-Domingue, qu'en
i54i), quand j'élois à la Terre-Ferme ( à la
cote de Caracas), j'ai vu beaucoup d'Espa-
gnols qui ne doutnient pas que sous peu cette
'île serait la propriété des noirs'. « I! étoit
' Vi sono moltl Spagmioll, clie lengono per cosa
cerla, chc quest Isola (San Dominic») ia brève
iempo snrà possediiU dn questi Mori ili CuinKa.
{Benzoni, Hht. dd. mondo nuovo , eil. ada 157a,
CHAPITRE XII. iSg
réservé à notre-siècle de voir ■ s'accomplir
cette prédiction , et une colonie européenne
de l'Amérique se transformer en an état aCri-
cain.
Les 60,000 esclaves' que renEerment les
p. 65.) L'anleur, qnl n'est pas tràs-scmpnlenx sur
les données statistiques qa'il adopte , croit que de sob
temps il y avoit à Sain t-Domingue 7000 nègres fugîtir*
[Slori cimarorti) aTec le^qoels don Laîs Colomli fit
on traité de paix et d'amitié.
' Cette éraluation ne difiere qae d'un dixième de
celle que j'ai publiée dans mon ouvrage sur le Me-
xiqae(Tom.IV, p. 473), qui est terminé par lies can-
udéralions géoérales sur L'état de toutes les colonies
espagnoles. Vivement intéressé à connoitre avec pré*
cision la population noire de l'Amérique , je m'étois
formé, eu 1800, sur les lieux mêmes et en consultant
de riches propriétaires ( haciendados ) , des listes par-
tielles pour les vallées de Caracas , Cancagua , Gnap»,
Guatire, AraguB, Ocumare , etc. Ces éTalualioDsiton-
noientpOurlaproTJncedeVenezucla^arSoo fuclavËM;
pour toale la Capitania gênerai de Caracas,
non 3i8,4oo noirs, comme M. Oepoos
supposant ( sans donte par erreur de
les noirs sont presque le tiers ( ^ ) de
entière. ( Voyagt à la Terre-Ferme ,
et 34i.) Les données que je me snia
da>t mon séjour h Caracas
'l6rï LIVHE IV.
sept provinces unies de Venezuela sojl si
înégulenient répartis, qne la province deCara-
cas seule en contient près de quarante mille,
dont s de mulâtres, Maracaybo dix à douze
mille, Cuniana et Barcelone à peine six mille,
Pour juger de l'influence que les esclaves et
les gens de couleur en général exercent sur
Ja tranquillité publique , il ne suflit pas de
connaître leur nombre, il faut considérer
leur accumulation sur certains points et leur
genre de vin comme cultivateurs ou habilans
des villes. Dans la province de Venezuela, les
esclaves se trouvent presque tous réunis sur
un terrain qui n'est pas d'une grande étendue,
entre la côte et une ligne qui passe (à i3
lieues de la cùle) par Panaquire, Yare, Sa-
bana de Ocumare, VilJa de Cura et Nirg-ua.
Guiane espagnole, ont été soumises rcceniment à de
Bouvelles vériricuUons, par )es soins oliligcans de
M- Manuel Palncio-Faiardo qui a publié une notice
très- intéressai) te sur te carbonate de soude ou Urao
lie lu La^unillu, et dont les trois jouruaux de route
de Sanla-Fc h Varinas , de Caracas aux. Llanot de
Pore el de Meridn à Tiuxillo , m'ont fourni des
matériaux jnécicus pour le perfeclionnenient des
cartes géogrujiLîques.
CHAPITRE Xn. 16 1
s
Lets Llanos ou vastes plaines de Galabozo,
San l^Jarlos , Guanare et Barqueçimeto n'en
renferment que quatre à cinq mille ^ qui se
trouvent épars dans les fermes et occupés du
soia des bestiaux. Le nombre des affranchis
est très- considérable : les lois et les mœurs
espagnoles favorisent raffranchissement. Le
maître ne peut refuser la liberté à un esclave
qui lui offre la somme, de trois cents piastres ,
Fesclave eût-il coûté le doublé ^ à cause de son
industrie et d^une aptitude particulière au
métier qu'il exerce. Les exemples de per-
sonnes qui^ par testament^ donnent la liberté
à un certain nombre d'esclaves^ sont plus com-
muns dans la province de Venezuela que par-
tout ailleurs. Peu de temps avant que nous
visitassions les vallées fertiles d'Aragua et le
lac de Valence ; une dame qui habitoit le
grand village de La Victoria ordonna , sur
son lit de mort^ à ses enfans, de donner
la liberté à tous ses esclaves, au nombre de
trente. J'aime à rapporter des faits qui fao-
Dorent le caractère des habitans dont nous
avons reçu , M. Bonpland et moi, tant de
marques d'affection et de bienveillance.
Après les noirs on est surtout intéressé^ danft,
IV. 11
i6ï LIVRE IV.*
les colonies , à connoître le nombre des
blancs créoles que j'appelle Espagnols- Amé-
ricains ', et celui des binncs nés en Europe.
Il est difficile de se procurer des iioûons suf-
ii^ammenl exarles sur un point si délicat. Le
peuple, dans le Nouveau-Monde comme daus
l'ancien, abhorre les dénombremens , parce
qu'il soupçonne qu'on les fait pour augnienler
la masse des impôts. D'un autre côté, les
administrateurs envoyés par la métropole dans
les colonies, n'aiment pas plus que le peuple
les relevés statistiques, et cela par des raisons
d'une politique ombrageuse. Ces relevés
fatigans à faire sont difficilement soustraits
à la curiosité des colons. Quoique, à Madrid,
des ministres , éclairés sur ios véritables
intérêts delà patrie, aient désiré de temps
en temps obtenir des informations précises
sur la prospérité croissante des colonies,
les autorités locales n'ont g"énéralement pas
' A l'imilatioR Aa mot Anglo- Américain reçu
(Isus toutes les langues d« l'Europe. Bans lâs c^lonie^
esp3gtiolcs,onuonune les blancs, nés cil Âméi-ique,(Ies
Espagnol'; et 1rs véritables Espagnols , cens qui sont
nés dans la mttrnpolc, îles Européens, Gachiipini mi
Chapelaiiii.
CHAPITRE Xtl. l63
ftfcomlé des vues si utiles. Il a fallu des ordres
directs de la cour d^Espagne pour qu^on dé«
livrât aux éditeurs du Mercure péruvien les
excellentes notions d^économie politique qu'ils
ont pt^bliées. C'est à Mexico , et non à Ma«
drid > que j*ai entendu blâmer le vice*roi
comte de Revillagigedo , d'avoir appris à
toute la Nouvelle -- Espagne que la capitale
d'un pap qui a près de six millions d'habitans
ne rentermoit, en 1790^ que aSoo Euro*
péens, tandis qu'on j comptoit plus de
5o^ooo Espagnols-Américains. Les personnes
qui proféroieut ces plaintes » considéroient
le bel établissement des postes, par les*
quelles une lettre voyage de Bnenos-Ajres à
la Nonvelle-Galifomîe, ccHnme une des phis
dangereuses conceptionsda cromle de Florida*
Blanca : elles cooseâlloient (heureusement
ssns soccès) d'arracher les vignes an Non*
^^eau-Mexique et ao Chili pour fivoriser le
commerce de la méizopole. Etrange a veogle-
tnent^ qni (ait croire que, par des dénombre*
mens, on révélera aux colonies le sentiment
de leocs forces. Ce n est que dans les temps de
désunion et de troubles intérieurs, qu'en exa*
«lîoant la prépondérance relative des castes^
11*
l64 LITRE IT.
((ui toutes devroient êlre animées d'un même
intérêt, on semble évaluer d'avance le nombre
des combattans !
Si l'on compare les sept provinces réu-
nies de Venezuela, au royaume du Mexique
et à l'île de Cuba, on parvient à Irouver ap-
proxiimativement le nombre des blancs créoles
et même celui des Européens. Les premiers,
ou Espagnols-Américains, font au Mexique
près d'un cinquième, à l'île de ('uba, d'a-
près le dénombrement très-exact de i8ii,
un tiers de la population totale. Lorsqu'on
réllécbit sur les deux millions et demi d'indi-
gènes de race cuivrée qui habitent le Mexique,
lorsqu'on considère l'état des côtes baignées
par l'Océan pacifique et le petit nombre des
blancs que renlerment les intendances de
Puebla et d'Oaxaca, comparativement aux.
indigènes, on ne peut douter que, sinon la
Capitania générale , du moins la province de
Venezuela offre une proportion plus Ibrle
que celle de i à 5. L'île de Griba, dans la-
quelle les blancs sont même plus nombreux
qu'au Chili', peut nous fournir un nombre
' Je lie nomme pas le royaume de Buenos-Ajrea
où, sur i^liig d'uu luilliou d'Iiabitaus, Ips blancs sont
CHAPITâB XII. 165
hmitej c'est-à-dire le maximum^ qu'on peut
supposer dans la capitainerie ^nérale de
Caracas. Je crois qu'il faut s'arrêter à deux
cents ou deux cent dix mille Espagnols-Amé-
ricains sur une population totale de 900^000
âmes. Dans la race blanche , le nombre des
Européens ( non compris les troupes envoyées
par la métropole) ne parott pas excéder dousâ
à quinze mille. Au MexiquCi il ne s'élève cer^
tainement pas au-delà de 6o>ooO| et je trouve»
par plusieurs rapprocheraens^ quesil'on évalue
toutes les colonies espagnoles à i4 ou i& mil^
lions d'habitans > il y a dans ce nombre au plus
SyOoo^ooo de créoles blancs et soo^ooo Euro-
péens*
Lorsque le jeune Tupac-Amaru^ qui. se
croyoit héritier légitime, de l'empire desincas,
à la tête de 409OO0 Indiens montagnards^ fit,
en 1781» la cooquête^e plusieurs provlDces
du Haut-Pérou , tous les blancs furent saisis dç
la même, crainte. Les Espagnols- Américains
sentirent, comme les Espagnols nés en Europe,
que la lutte étoit celle de la race cuivrée contre
extrêmement nombreux dans la partie du littoral ,
tandis que les plateaux ou provinces de la Sierra sont
presque entièrement peuplés d'iadi(;ëacs.
i66 livue IV,
la race blanche, de la barbarie contre la civi-
lisation. Ïupac-Amaru, qui lui-même n'éloit
pas sans culture, commença par flatter les
créoles et le clergé européen; mais bientôt
entraîné par les événemens et l'esprit de vetv-
jyreance de son neveu Aodrès Condorcan qui,
ii chaogea de projets. Un mouvement vers
rindépendancedevinlune guerre cruelle entre
les castes ; les blancs restèreul vainqueurs, et,
escilés par le sentiment d'un intérêt commun,
ils fixèrent dès-lors une vive attention sur le
rapport qui existe, dans les différentes pro-
vinces, entre leur nombre et celui des Indiens.
H étoit réservé à rios temps de voir les blancs
porter cette attention sur eux-mêmes, et, par
des motifs de méfiance, examiner les élémens
dont se compose leur caste. Chaque entre-
prise pour conquérir l'indépendance et la
liberté, met en opposition le parti national ou
américain et les hommes de la métropole.
Lorsque j'arrivai à Caracas, ceux-ci venoient
d'échapper au danger dont ils s'éioient crus
menacés dans le soulèvement projeté parEs-
pana. Cette tentative hardie eut des suites
d'autant plus graves, qu'au lieu d'approfondir
les véritables causes du mécontentement popu-
GHAPITA6 Xn. 167
laire , on crut sauver la métropole en n'em-
ployai^t que des mojens de rigueqf*. Aujourr
d'hui^ des mouvemeps qui on t éclaté depuis lef
bords du Rio de la Plata jusqu'au Nouveau^
Mexique , sur une étendue de quatorze cent|(
lieues^ ont divisé des bommes d'une cçipjnune
origine.
On paroît étonné en Europe de voir que le^
Espagnols de la métropole ^ dont noua avon&
indiqué le petit nombre, ontiait| pendant de;;
«Lëcles , une si loogjue et é> forte résistance;
et Ton oublie que, dans toutes les colonies^
le parti européen s'augmente nécessairem/^nt
d'une grapde masse de nationai^x. De&intérét^
de £suiiille, le désir d'une tranquillité noainter^
rompue , la crainte de se jeter daos une ^trer-
prise qui peut échouer^ empêchent ceu|L-ci
d'embrasser la cause de J'iodépend^ace^pa
d'a&pirer à 1 eublissement dVf) gouvarniiiQ^mt
Ipcal et représeQtatifi.qAK>M{U9dépei;i42|^Fdi9
la «ttère^-patrie. JLes uAf ^ xraignant tQu^ les
mpy ws violons , s^ flattent q^e dos wH^m^
lentes pourront rendre moûas pppr^s^ le r4-
gune colonie ; il^ ne voient dans le&révobiibOQs
qveiU perte de leurs esdUvçs^ la ^oli^on ^
€)ei^ fi rJUAfaroduçtioA d'pne toléraoce r^
i68 LITRE IV.
gieiise qu'il» croieot incompatible avec lâ
pureté du culle dominant. D'autres appar-
tiennent à ce petit nombre de familles qui,
danscliaquecommune, soit par une opulence
héréditaire, soit par leur établissement très-
ancien dans les colonies , exercent une véri-
table aristocratie municipale. Ils aiment mieux
être privés de certains droits que de les par-
tager avec tous; ils préféreroicnt même une
domination étrangère à l'autorité exercée par
fies Américains d'une caste inférieure; ils
abhorrent toute constitution fondée sur l'éga-
lité des droits ; ils redoutent surtout la perte
de ces décorations et de ces titres qui leur ont
coûté tant de peine à acquérir, et qui, comme
nous l'avons rappelé plus haut , font une
partie essentielle de leur bonheur domestique.
D'autres encore , et leur nombre est très-
considérable, vivent à la campagne des pro-
duits de leurs terres, et jouissent de cette
liberté qu'offre, sous les gouvernemens les
plus vexatoires, un pays dont la population
est éparse. N'aspirant point aux places eux-
mêmes, ils les voient avec indifférence occu-
pées par des hommes dont le nom leur est
presque inconnu j et dont le pouvoir ne les
CHAPITRE XII. 169
atteint pas. Ils préféreroient ^ sans doute , à
Tanc^en état des colonies^ un gouvernement
national et une pleine liberté de commerce;
mais ce désir ne l'emporte pas assez sur l'amour
du repos et les habitudes d'une yie indolente^
pour les engager à des sacrifices longs* et
pénibles.
En caractérisant^ d'après les rapports mul-
tipliés que j'ai eus avec toutes les classes des
babitans , cette tendance diverse des opinions
politiques dans les colonies , j'ai développé
par-là même les causes de cette longue et
paisible domination de la métropole sur l'Amé-
nque. Le repos a été le résultat de l'habitudcy
de la prépondérance de quelques familles
puissantes , et surtout de l'équilibre qui s'éta-
blit entre des forces ennemies. Une sécu-
rité^ fondée sur la désunion^ doit être ébranlée
dès qu'une grande masse d'hommes^ oubliant
pour quelque temps leurs haines individuelles,
se réunissent par le sentiment d'un intérêt com-
mun; dès quç ce sentiment^ une fois éveillé,
se fortifie par la résistance , et que le progrès
des lumières et le changement des mœurs
diminuent l'influence de l'habitude et des idées
anciennes.
l^O IJVRli t\.
Nous avons vu plus liant que la population
indienne, dans les provinces réunies de Ve-
nezuela, est peu considérable et récemment
civilisée; aussi toulesles villes y ont été fondées
par les conquérans espagnols. Ceux-ci n'ont
pu suivre, comme au Pérou et au Mexique,
les traces de l'ancienne culture des indigènes.
Caracas, Maracaybo, C'umana et Coro n'ont
d'indien que leurs noms. Parmi les trois
capitales ' de l'Amérique équinoxiale, placées
dans les inonta^mes,et jouissant d'un climat
très-tempéré, Caracas est la moins élevée.
Comme la grande population de Veoezueli
se trouve rapprochée des côtes, et que la
région ht plus cultivée leur est parallèle en se
dirigeant de l'est à l'ouest, Caracas n'est point
un centre de connnerce , comme Mexico,
Santa-F« de Bogota et Quito. Des se])t pro-
vinces réunies dans une capitainerie générale,
chacune a un port pailiculier par lequel sor-
tent ses produits. 11 suffit de considérer la
position des provinces, leurs rapports plus ou
' Mesico, Saiita-Fe (fu Bugota et Quilo. On ignore
encore l'éiévalîon tlu sol de la capilntu de Guutimala.
B'aprps les productions yégélales qui naissent sur ce
Dul, on peut croire qu'ulle çstau-dcssoubdc âootouet.
(CHAPITRE Xn. 171
moins intimes avec les îles du Vent ou les
grandes Antilles^ la direction des montagnes
el le cours des grands fleuves^ pour concevoir
que Caracas ne pourra jamaisexercer une in-*
fluence politique très-puissante sur les pays
dont elle est la capitale. UApure , le Meta et
rOrénoque, qui se dirigent de l'ouest vers Test,
reçoivent tous les affluens des Llanos ou de
la région des pâturages. Saint*Thomas de la
Gruiane sera nécessairement un jour une
place de commerce d'une haute importance ^
surtout quand les farines de la Nouvelle^
Grenade^ embarquées au-dessus du confluent
du Rio Negro et de TUmadea, descendront par
le Meta et l'Orénoque , et qu'à Caracas et à
Conciana on les préférera aux farines de la
Nouvelle-An^eterre* C'est un ^and avantage
pour les provinces de Venezuela de ne pas
voir toutes leurs richesses territoriales diri*^
gées sur un même points comme celles du
Mexique et de ki Nouvelle-Grenade qui re-
fluent à Vera-Cruz et à Carthagène , mais
d'offiir un grand nombre de villes presque
également bien peuplées^ et formant comme
autant de centres divers de commerce et de
civilisation.
\J2 LIVRE IT.
Caracas est le siéf^e d'une Audmncia ( Laule-
coiir de justice) el d'un des huit archevêchés
dans lesquels est divisée toute l'Aniérique es-
pafjQole '.Sa population, en 1800, d'après des
' Les arcl.evéchés et les Âudleoclas n'ont pas le)
mêmeit limites qas les grandes divisions politiques
qui , indépendantes les une» des autres , sont connues
sous les noms de vicc-royaulés et de capîiaîneries géné-
rales. Souvent il y a deus Audiencias clans nne même
vice-royaulé, comme celles de Meiitio et de Guada-
laxarn , de Lima et du Couxco ; quelquefois lei
évèqucs d'une vice-rojauté sont dépendaiis de l'ar-
cbevêque qui réside dans une autre division politique.
Les évèques de Punaoïa^ de Mainas, de Quito et de
Cucnca sont soumis à l'archevêque de Lima , et non
à celui de la Noiivel le -Grenade. Les 8 archevêques
de l'Amérique espagnole ont leur siège à Mexico,
Guatimala, Saint-Domingue, la Havane, Caracas,
Sania-Fe de Bogota , Lima et Chiiquisaca ou Cliarca».
Les 12 Jludienciaa sont celles de Mexico, Guada-
Jasara, Guatimala , la Uavane, Caracas, Santa-Fe
de Bogota , Quito , Lima , Couzco , Chuquisaca , San'
tiago de Cliile el Buenos-Ajres- Enfin , les 1 1 grandes
divisions politiques sont: la vice-royauté du Mexique
{iiïcc deos rommandans générani dans les Provîncias
internai et le capitaine général de Yucatan) ; \eaCapi-
tnnias gfinerale^ de Guatimala, des deus Floride^,
de l'île de Cuba, de Saiut-Souingue, de Porto-Bli:u
CHAPITRB XII. 17$
recherches que j'ai faites sur le nombre des
naissances , étoit à peu près de 40)000 : les
habttans les plus instruits la croyoient même
de^SyOOOydont i2>ooo blancs et 27,000 libres
de couleur. Des évaluations faites en 1778
avoientdéjà donné trente à trente^eux mille.
Tous les recensemens directs sont restés d*nn
quart , et plus , au-dessous du nombre eOectif.
En 1766» la population de Caracas et de la
belle vallée dans laquelle cette vUle est placée»
avoit souffert immensément par une cruelle
épidémie de la petite vérole. La mortalité
s éleva daps la ville a six ou huit mille : depuis
tt.jàe Yenesuela; la vice-royauté de la Nouvelle*
Grenade (avec la Presidência de Quito); celles du
Pérou et de Bueoos-Âyres; la Capitania générale du
Chili. Il n'y a que quatre vice-royautés; mais le Chili^
Quito et Guatîmala ont toujours porté en Espagne ,
en style de chancellerie , le titre deroyanmes, Rêinoê.
Le-président d'une Audiencia pent être soumis k un
vice roi ; par exemple, celui de Quito dépend, comme
commandant générai, dans les affaires administratives
et militaires , du vice-roi de Santa-Fe. J*ai cru devoir
rappeler ici ces triples divisions des hiérarchies poli-'
tique , ecclésiastique et judiciaire ^ parce qu'elles ne
trouvent souvent confondues dans les ouvrages qui
traitent des colonies espagaole9«
ï/i " tivr.È IV,
celle époque mémorable , l'inoculation est
devenue générale , et je l'ai vu pratiquer sans
le secours des médecins. D;ins la province de
Cumana , où les comnumications avec l'Eu-
rope sont moins fréquentes, il n'y avoit, de
mon temps, pas un exemple de petite vérole
depuis quinze ans , tandis qu'à Caracas cette
cruelle maladie étoit constamment redoutée,
parce qu'elle s'y montrnil toujours spora-
diquement sur plusieurs points à la fois : je dis
sporadiquement, car dans l'Amérique équï-
noxîale, où les charigeraens de l'atmosphère et
les phénomènes de la vie organique semblent
sujets à unepeV/orf/ciïe remarquable, la petite
vérole, avant l'introduction si- bienfaisante
de la vaccine, n'exerçoit ses ravages (si l'on
peut ajouter foi à une croyance très-répan-
due) que tous les la ou 18 ans. Depuis mon
retour en Europe, la population de Caracas
a continué d'augmenter: elle étoit de 5o,ooo
âmes , lorsque le grand tremblement de ten-c
du 2G mars 1812 en fît périr, sous les ruines
des maisons, près de douze mille. Les événe-
mens politiques qui ont succédé à cette catas-
trophe, ont réduit le nombre des liabitansii
moins de vingt nulle; m;us ces pertes ne tar-
CHAPITRE XIT. 1^5
derônt pas à être réparées , si le pays extrê-
mement fertile et commerçant dont Caracas
est le centre, a le bonheur de jouir de quelques
années de repos et d'une sage administration.
La ville est située à l'entrée de la plaine de
Chacao , qui s^étend trois lieues à Test vers
Caurimare et la Guesta de Au jamas , et qui a
jusqu'à deux lieues et demie de large. Tra-
versée par le Rio Guayre, celte plaine a 4^4
toises d'élévation au-dessus du niveau de la
mer. Le terrain qu'occupe la ville de Garacas
est inégal et a une pente très-forte du N.N.O.
vers le S.S.E. Pour se former une idée exacte
de la position de Garacas y il faut se rappeler
la disposition générale des montagnes côtières
et des grandes vallées longitudinales qui les
traversent. La rivière du Guayre naît dans le
groupe des montagnes primitives de l'Higue-
rote^ qui sépare la vallée de Garacas de celle
'd'Aragua. Elle se forme près de las Ajuntas^
de la réunion des petites rivières de San Pedro
et de Macarao , et se dirige d'abord à l'est
jusqu'à la Cuesta de Auyamas, et puis au sud>
pour réunir, au-dessous de Yare, ses eaux à
celles du Rio Tuy. Ge dernier est la seule
rivière considérable dans la partie septentrio-*
I7G LIVRE IV,
nale et iiioiitagneuse de In province. Elle suit
rcgulièreaieiït la direction de l'ouest à l'est,
sur une longueur de 3o lieues en ligne droite ,
dont pins des trois quarts sont navigables.
J'ai trouvé sur cette longueur, par des me-
sures barométriques, la pente du Tuy, de-
puis la plantation de Manterola' jusqu'à sou
emboucliure, à l'est du cap Codera, de 29S
toises. Celte rivière forme, dans la cbaine
côlîère, une espèce de vallée longitudinale ,
tandis que les eaux des Llanos ou des cinq
sixièmes de ïa province de Caracas, suivent
l'inclinaison du terrain vers le sud, et devien-
nent des afiluens de l'Orénoque. Cet aperçu
hydrographique peut jeter quelque lumière
sur la tendance naturelle qu'ont les habitaos
d'une même province à exporter leurs pro-
ductions par des roules diverses,
Si la vallée de Caracas n'est qu'une branche,
latérale de celle du Tuy, les deux vallées n'en
restent pas moins parallèles pendant quelque
temps. Elles sont séparées par un terrain mon-
lueux, que l'on traverse dans le chemin de
■ Au pied de la haute montagne de Cùciijza ; 3' à
l'est delà Vieloria.
CHAPITRE Xn. 177
Caracas auj& hautes savanes d'Ocumare, ea
{passant par le Y aile et Salaiùanca. Ces savanes
se trouvent déjà au-delà du Tuy ; et comme la
vallée duTuy est beaucoup plus basfe que celle
de Caracas, on descend presque tOQ|purs dans
la direction du nord au sud. De n^éme que le
cap Codera » la Silla y le Ceri^o de Avil^ entre
Caracas et la Guajra, et les montagnes de
Mariara forment la rangée la plus septentrio-
nale et la plus élevée de la chaîne côtière,
les montagnes de Panaquire, d'Ocumare,
de Guiripa et de la Villa de Cura en for «
ment la rangée la plus australe. Nous avons
rappelé plusieurs fois que la direction presque
générale des couches qui composent cette
vaste chaîne du littoral, est du sud-est au
nord*ouesf, et que leur inclinaison est ordinai*
rement vers le nord-ouest. H résulte de là que
la direction des couches primitives est indé--
pendante de celle de la chaîne entière; et, ce
qui est très-remarquable^ en suivant > cttiUi
chaîne depuis Porto-Cabello jus^ju'a M^uï^
qnarez et au M acanao , dans File de la Margue*
' JTai parlé ^os haut ^ Chap. \l, p. fkj, de VtiMf
mption de la chaine da littoral à Vtêi du e*p O/^i^f •#
IV. l>
1^8 LIVHB IV.
rite, on trouve, de l'ouest à l'est, d'aborii du
graDÎle, puis du gneiss, du schiste micacé et
du schiste primitif; enfin du calcaire com-
pacte, du gypse et des aglomérats qui ren-
ferment des coquilles pélagiques.
On doit regretter que la ville de Caracas
n'ait pas été placée plus à l'est , au-dessous de
l'embouchure de l'Anauco dans le Guajre,
là où, vers Chacao, la vallée s'élargit en une
plaine étendue et comme nivelée par le séjour
des eaux. Diego de Losada , lorsqu'il ibnda »
la ville, suivit sans doute les traces du pre-
mier établissement fait par Fasardo. A cette
époque, les Espagnols, attirés par la renom-
mée des mines d'ordelosTequesetdeBaruta,
n'étoient pas encore maîtres de la vallée en-
tière, etpréféroient rester prés du chemin qui
conduit à la côte. La ville de Quito se trouve
également située dans la partie la plus étroite
et la plus inégale d'une vallée, entre deux
' La fondation de Santiago de Léon de Caracas
est de lôG/j et postérieure à celle de Cumana, Coro,
ISuCTa Barcelona el Carovalleda ou El CoUado. Fraj
Pedro Simon, Nut. 7, Cap. m, p. S/S. Oviedo y
Hanos , p. lid^.
bdles plaines (Turupamba et Romipamba)»
dont on aoroit pu profiter, si Ton avoit touIu
abandomier les anciennes constructions in«
diennes^
On descend continuellement, de la douane
de la Pastora, par la place de la Trinité
et la Plaza majora à Sainte-Rosalie et le
Rio Guajre. J'ai trouvé, par des mesurei
l)arométpiques, la douane de Zj toises au-
dessus de la place de la Trinité , près de
laquelle j'ai fait mes c^servations astrono-
miques; eeBe-oide 8 toises au-dessus du pavé
d^e la cath6<k*aie de la grande place, et la
grande place 3a toises au-dessus du Rio
Guayre à la Noria. Cette déclivité du terrain
n'empêche pas les voitures de ixmler dans la
ville, mais les habitansen feat rarement usage.
Trois petites rivières» qui descendent des mon*
tagnes, FAnaoco, le Gatnebe et le Gara^paata ,
traversent la ville eo se dirigeant do nord att
sud; elles sont très-encaissées, et rappellent
en petit, avec les ravines desséchées qui s^j
réunissent en entrecoupant le terrain , les fa*
meux <7iiâ/co5 de Quito '» On boit a Caracas
Tean du Rio Catocfae; mais les personnes ai«
' Fojez plus bant, Xom. U, Ouf. ir, p. aêf.
13*
l8o LIVRE IV.
sées font venir l'eau du Valie, village situé à
une lieue au sud. On croit celle eau et celle de
Gamboa très-salutaires, parce qu'elles coulent
sur les racines de la siilsejiareille ' . Je n'y ai pu
découvrir aucune trace d'arôme ou d'exlractif :
l'eau du Valle ne couUent pasdecliaux, mais
un peu plus d'acide carbonique que l'eau de
l'Anauco. Le pont nouveau sur cette dernière
rivière est d'une belle coiislrnclion , et fré-
tjuenlé par ceux qui se promènent du coté de
la Candelaiia, sur la route de ChacDO et de
Petare. On compte «Caracas 8 églises, 5 cou-
vens et une salle de spectacle qui peut ren-
fermer quinze à dix-Luit cents personnes. De
mon temps, elle étoil disposée de manière
que le parterre, dans lequel les hommes se
trouvent séparés des femmes, n'étoit pas cou-
vert. On vojoit à la fois les acteurs et les
étoiles. Comme le temps brumeux me faisoit
perdre beaucoup d'observations de satellites ,
' Sans toute l'Amérique, on s'imagine que le»
eauï acquièrent les vertus des plantes à l'ombre
desquelles elles coulent. C'est ainsi qu'au détroit de
Magellan on vanie beaucoup l'eau qui entre en con-
luct avec les racines du "Winlerana Canella. {f^ia/e al
Masellane^s , 1 78H , p. 3i5. )
CHAPITRE Xn. 18 1
jepouvois, d'une loge du théâtre, m'assurer
si Jupiter seroit visible pendant la nuit. Les
rues de Caracas sont larges, bien alignées >
et se coupent en angles droits ^ comme dans
toutes les villes fondées par les Espagnols en
Amérique. Les maisons sont spacieuses, et
plus élevées qu'elles niedevroient l'être dans un
jpays sujet aux tremblemens de terre. En 1800»
les deux places d'Alta Gracia et de Saint-Fran-
çois ofïroient un aspect très-agréable; je dis
en 1800, car les terribles secousses du 26 mars
1812 ont détruit presque toute la TÎlle. Elle
se relère lentement de ses ruines ; le quartier
dek Trinidady que j'ai habité, a été bouleversé
comme si une mine^aToit éclaté au-dessous.
Le ^u d'étendue de la yallée et la proxi-
mité des hautes moutagoes d'ÀTiJa et de la
Silla donnent an sile de Caracas un eztzcr-
1ère morne et sévère, sortoot dam cette
partie de l'année où règne la température la
plus fraidie, aux mois ée novembre et dé-
cembie. Les matinées sont alorsd'ooe grande
faeaolérpar mt dd pur et sereîa, on vroit â
décomnert les denxdanies 00 pjramides arron-
dies <Ie la Silla et la créle àentfiée du Cerro
de AvSa. Mais, tots le um, ïzttootfbèn
iSi LIVRE rv.
s'épaissil; les montagnes se couvrent; des
traînées de vapeurs sont suspendues à leurs
flancs toujours verts, et les divisent comme
par zones superposées les unes aux autres.
Peu à peu ces zones se confondent , l'air froid
qui descend de la Silla s'engoufFre dans le
vallon, et condense les vapeurs légères en
gros nuages floconncux.Ces nuages s'aliaissent
souvent au-dessous de la Croix de la Guayra,
et on les voit s'avancer, en rasant la terre,
vers la Paslora de Caracas et vers le quartier
voisin de la Trinidad. A l'aspect de ce ciel
brumeux, je me croyois, non dans une des
vallées tempérées de la zone torride, mais au
fond de l'Allemagne, sur les montagnes du
Harz couvertes de pins et de mélèzes.
Mais cet aspect si sombre et si mélanco-
lique, ce contraste entre la sérénité du matin
et le ciel couvert du soir, ne s'observent pas
au milieu de l'été. Les nuits de juin et de juillet
sont claires et délicieuses: l'atmosphère con-
serve prestjue sans interruption cette pureté
et cette transparence qui sont propres aux pla-
teaux et àtoutes les hautes vallées par un temps
iairae,aussilong-tempsquelesvenfsne mêlent
pas des couches d'air d'inégale température.
GKÀMTAS XII. |8I
CTest dans cette saison d'été que Ton jouit
de toute la beauté d'un paysaga quD ja Wû
TU bien éciairé que pendant qn^ifiiei jour», k
ladSnda mois de fanvier* Les datsx Ofma/i ar«
Fondîes «k la Silla se fyrésantent à CtrMM
presque seu6 le même mgladeiNUiteiir * qii#
le Pic de Ténériffe m port de VOrirtif i« Im
ptenoiëre mMé delà mcfnk^ê t^t €0mmt9
d'un^gazon iw ; pois Tient fa «ooe dm i»fbt«^^
toojoars verts, qui netète une lmmiM»i$ fOW'
prée à frpoqoe de la iors i fo ii du Bui^m,
h R0§eJe9JÎffe$ét ïâaménÊfm é^émpMJêiff,
Aa^àttsmdt cette tome hom^ i^^é^éKm.4ée^%
rodKoses en Ikir»»^ 4e AAmânk, IM-
pK le«r HMfilé^ k ftkMimr sfy i wirt^^ 4^4iMi»
~ t:^voc <^ ;w|^^Jt imj^^w^^ 4^
S9n et 1» igrandr wi»»M r i ^M W< ^i as dit tei-
de la it«^^ ifw <>wtaM*^)i4
2a »çiian <mHHr^ 4m i^diM»^
x84 LIVHE IV.
les plaines riantes de Chacao, de Petare et
de la Vega.
Le climat de Caracas a été nommé souvent
un printemps perpétuel ; on le retrouve par-
tout à mi-cote sur les Cordillères de l'Amé-
rique équinoxiale, entre 4oo et goo toises
d'élévation, à moins que la grande largeur
des vallées et des plateaux, jointe à l'aridité
du sol, n'augmente' outre mesure l'inten-
sité de la chaleur rayonnante. Que peut-on
en effet imaginer de plus délicieux qu'une
température qui se soutient le jour ' entre
20" et 26°, la nuit^ entre 16" et \%° , et
qui favorise à la fois la végétation du Bana-
nier (Cambury), de l'Oranger, du Galier, du
pommier , de l'abricotier et du froment ! Aussi
uu écrivain national ^ compare ie site de
Caracas au Paradis terrestre, et reconnoît,
'' Comme à Cartliago etibague dans la Nouvelle-
Grenade. Vojez mes Proleg. de dktr. geogr. plant. ,
' Entre 16" et ao'',8 R.
' Entre i3\8cl i4'>,'i R.
* L'IiLstoriographe de Veiiezuela , Josc de Oviedo y
CHAPITRE xn. l85
dans TÂnauco et les torrens qui l'avoisitient ,
les quatre fleuves du Paradis.
U est à regretter qu'un climat si tempéré
soit généralement inconstant et variable.
Les habitans de Caracas se plaignent de ce
qae, dans le même jour, ils ont différentes
saisons 9 et que les passages d'une saison à
Tautre sont extrêmement brusques. Souvent ,
au mois de janvier par exemple ^ une nuit
dont la température moyenne est de iG^ est
suivie cTun jour pendant lequel le thermo-
mètre se soutient à Tombre, huit heures con-
sécutives au-dessus de 22^. Dans la même
journée, on trouve des températures de 24**
et de 18®. Ces oscillations sont extrêmement
communes dans nos régions tempérées de
l'Europe ; mais , sous la zone torride , les Euro-
péens mêmes sont si habitués à Faction uni-
forme des stimulus extérieurs , qu'ils souffrent
d'un changement de température de 60. A
Gumana^ et partout dans les plaiàes, la tem-
pérature 'ne change ordinairement, depuis
-11 heures du matin jusqu'à 11 heures du soir,
que <|e 2^ à 3<^. D'ailleiurs ces variations at-
mosphériques influent plus à Caracas sur l'or-
ganisation de l'homme qu'on ne pourroit le
l8t> LIVRE n'.
supposer en consultant seulement le ihernio-
mètre. Dans cette vallée étroite, l'atmosplière
est pour ainsi dire balancée entre deux vents,
dont l'im vient de l'ouest ou du côté de la
mer, et l'autre de l'est ou de l'intérieur des
terres. Le premier est connu sous le nom de
TCTit de Catia , parce qu'il remonte de Catia
à l'ouest du cap Blanc, par le ravin de Tipe,
que nous avons déjà nommé plus haut, en
partant d'une nouvelle route et d'un nouveau
port que l'on a projetés pour remplacer le
port et la route de la Guayra. Le vent de
Catia n'a que l'apparence d'un vent d'ouest;
le plus souvent c'est la brise de l'est et du
nord-est qui, soufflant avec une ^ande
impétuosité, s'engouffre dans la Quehreda de
Tipe. Réfléclii par les montagnes élevées d'^-
^nns Negras, ce vent remonte vers Caracas,
du côté de l'bospice des Capucins et du Rio
Caraguata. Il est chargé d'humidité, et il l'a
dépose à mesure qu'ildiminue de température ;
atissi la cime de la SîUa se couvre de nuages
lorsque le Catia s'introduit dans la vallée. Les
habitans de Caracas le craignent singulière-
ment; il cause des maux de tète à ceux qui
ont Je système nerveux très- irritable. J'ai
CHAPITAE XI r. 187
connu des individus qui , pour éviter les effets
4e ce vent^ se renfermoient dans leurs mai-*
sons^ connue on fait en Italie lorsque le Sirocco
souffle. J'avois cru reconnoître , pendant mon
séjour à;Garacas , que le vent de Gatia étoit plus
pur (nxï peu plus riche en oxigène) que le vent
de Pelais. Je pensois même que ^a pureté
pouvoit être la cause de sa pcopdété excitante.
Mais les moyens que j'avois emplojésméritent
peu de confiance. Le vent de Petare^ venant
^e Test et du sud*est,, par l'extrémité orien-»
taie de la .vallée du <7ua)rrey amène Tair
plus sec des moniagines et de rintéfîeur du
pays : il dissipe les nuages et fait paroitre le
fQmxnet'de la Sîlla dans toute sa beauté* •
IMbtts savons que les modifications appor-*
tées par les vents à la composition de Tair,
dans tel ou tel lieu, échappent eitfièrement
à nos procédés eudiométriques dont ies plus
exacts n'évaluent que X)^o3 d'oxigèoe. La
chimie ne conncrft encore aucun moyva ]iour
ftistioguer deux flacons d'air dont Tun auroit
été rempli pendant le Sirocco ou le Galâa , et
Tanlre avant que ces vents eussent <K)mmencé
à souffler. Il me paroit probable aujourd'hui
que reffiet singulier du Gatia et de tous ce*
l88 LIVKË IT.
courans d'air auxquels une croyance popu-
laire attache tant d'importance, doit être attri-
bué à deschangemens d'humidité et de tempé-
rature , plus qu'à des modifications chimiques.
On n'a pas besoin d'avoir recours à des
miasmes amenés à Caracas des plages mal-
saines de la côte : on conçoit qUe des
hommes habitués à l'air plus sec des mon-
tagnes et de l'intérieur doivent être désagréa-
blement affectés lorsque l'air de mer très-
humide , pousse par la brèche de Tipe , •
arrive, comme nu courant ascendant, dans
la haut& vallée de Caracas, et qu'en se re-
iroidissant, parla dilatation et par le contact
des couches voisines, il y dépose une grande
partie de l'eau qu'il renferme. Cette incoos-
tancedu climat, ces passages un peu brusques,
d'un air sec et transparent à un air humide
t.'L brumeux, sontdesinconvéniens que partage
Caracas avec toule la région tempérée des
tropiques^ avec tous les beux placés entre
quatre et huit cents toises de hauteur absolue,
soit sur des plateaux d'une très-pelîte étendue,
soit sur la pente des Cordillères , comme
Xalapa au Mexique, et Guaduas dans la
ÏSouvelIe-Grenade. Une sérénité non inter-
CHAPITRE XII. 189
rompue pendant une grande partie de !'an-
Bée, ne règne que dans les basses régions au
nivaau de la mer, et à de très-grandes hauteurs
sur ces vastes plateaux où le rayonnement
uniforme du sol semble contribuer à la disso-
lution des vapeurs vésieulaires. La zone inter-
médiaire se trouve au niveau des premières
couches de nuages qui entourent la surlace
de la terre. Le climat de cette zone, dont la
température est si douce, est essentiellement
inconstant et brumeux.
Malgré la hauteur du lieu, le ciel est géné-
ralement moins bleu à Caracas qu'à Cumana.
Xa vapeur aqueuse y est moins parfaitement
dissoute , et ici , comme dans nos climats, une
plus grande diffusion de la lumière diminue
rÏDtensité de la couleur aérienne , en mêlant
du blanc au bleu de l'air ". Cette intensité,
mesurée par le cyanomètre de Saussure , a été
trouvée, de novembre à janvier, généralement
de 18°, jamais au-dessus de 20°; sur les côtes ,
elle étoit de 32° à 25°. J'ai observé, dans la
■vallée de Caracas , que le vent de Petare con-
tribue quelquefois singulièrement à donner
L
r<ya plu. baul , T. II , Chnp. m , p. 1 aS.
igo i.ivr.iî IV.
une tcinle pâle à la voûte céleste. Le 22 jan-
vier, le bleu du ciel étoîl, à midi', au zénith,
plus foible <jue je ne l'ai jamais vu soas la
zone tofTide. Il correspontloit 5 1 2° du cyano-
niètre : l'almosphère étoit alors de la plus
grande transparence, sans nuages, et d'une
sécheresse remarquable. Dès que le vent im-
pétueux de Petare eut cessé, le bleu augmenta
au zénith jusqu'à 16". J'ai souvent observé, à
la mer, quoique dans un moindre degré,
im effet semblable du vent sur la couleur du
ciel le plus serein.
Quelle est la température moyenne de
Caracas? Nous la connoissons moins bien que
celle de Santa-Fe de Bogota et de Mexico. Je
pense cependant pouvoir démontrer qu'elle
ne s'éloigne pas beaucoup de 21 à 22 degrés.
J'ai trouvé, par mes propres observations,
pour les trois mois très-frais de novembre,
décembre et janvier, en prenant pour chaque
' A midi, thermomctre à l'ombre aS",/ (au soleil,
ùTabridu vent3o'',4)-, hygromètre de De lue Sfi^ja;
Cyan. au zénith ia°; à l'horizon 9°. A 3 heures de
l'ajjrès-midi , le vent cessa. Therm. ai° ; hjgr. 39",3 ;
cyau. 16". A 6 heures du soir; therm- 2o°,2j 'ijgr. Sg'i
CHAPITRE XII. ir)l
jour le maximum et le nniiîmum do la tempé-
Tature,les moyennes de 20", 2 ; 20",! j 2o?,2.
Or, par les connoissances que nous avons
acquises sur la distribution de la chaleur dans
les différentes saisons, e^ différentes hau-
teurs au-dessus du niveau de la mer, je suis
en état de déduire approximativement, des
moyennes de quelques mois, la température
moyenne de l'année, à peu près comme on
coDclut la hauteur méridienne d'un astre, des
hauteurs prises hors du méridien. Voici les
considérations sur lesquelles se fonde le
résultat auquel je m'arrête. A Sunta-Fe de
Bogota, le mois de janvier ne dilTere, d'a-
près M. Caldas, de la température moyenne
de l'année entière que deo°,2 ; à Mexico, déjà
très-rapproché de la zone tempérée, la diffé-
rence atteint un maximumdeS". AlaGuayra,
près de Caracas, le mois le plus froid diffère
de la moveniie annuelle , de ii°,9 ; mais si l'air
de la Guayra ( et celui de Catia ) monte quel-
quefois en hiver , par la Qiicbrada de Tipe,
à la haute vallée de Caracas , cette vallée n'en
reçoit pas moins, pendant une plus grande
partie de l'année, les vents de l'est et du sud-
.est venant de Caurimare et de l'intérieur des
if)3 i.ivr.i: iT.
terres- Nous avons appris , par des observa-
tions directes, qu'à la Gtiajra et à Caracas les
mois les plus froids sont de 250,3 et 2001. Ces
différences expriment un décroissemeut de
température qui , d;^s la vallée de Caracas , est
l'effet simultané de la hauteur du site (ou de la
dilatation de l'air dans le courant ascendant) et
du conflit entre les vents de Catiaet dePetare,
D'après un petit nombre d'observations,
faites, pendant trois ans, en partie à Caracas,
■ en partie à Chacao, tout près de la capitale,
j'ai vu que le thermomètre centigrade se sou-
tient, dans la saison froide, en novembre et
décembre, le plus sou vent ',1e jour, entre 21'»
et 22°; la nuit, entre iG"et 1 7". Dans la saison
chaude, en juillet et août, cet instrument
montre^, de jour, 25" à 26"; de nuit, 22" à 23".
C'est l'état habituel de l'atmosphère, et ces
mêmes observations, faites avec un instrument
que j'ai vérifié , donnent, pour la température
moyenne de l'année a Caracas, un peu plus^
' D'après réclielle tle Réaumur, le jour de i6°,8
à i8>;dc nuit, de ia°,8à i3",G.
" De jour, 20" a 20°,SÎ; de nuit, 17°, G à 18°, 4 du
therm. de Réaumur.
^ De 17*, 2 R. Je m'i^lois arrêté, dans les Piolego-
CHAPITRE XII. 195
de 2î®,5. C'est celle que, dans le système des
climats cisatlantiques , on trouve dans les
plaines par les 56** ou Sy® de latitude. Il est
presque inutile de rappeler ici que cette com-
paraison ne porte que sur la quantité de cha«
leur qui se développe à chaque endroit pen-
dant le courant d'une année entière, et qu'elle
ne s'étend aucunement au climat ^ c'est-à-dire
à la distribution de la chaleur entre les diffé-
rentes saisons. *
On voit très-rarement à Caracas , pendant
quelques heures , s'éleVer la température , en
été S à 29**. On assure l'avoir vu descendre ,
en hiver, immédiatement avant le lever du
soleil * , à 1 1<*. Pendant mon séjour à Caracas ,
le maximum et le minimum observés n'ont
été que 25<> et i20,5. Le froid nocturne est
» d'autant plus sensible, qu'il est ordinairement
accompagné d'un temps brumeux. J'ai été des
semaines entières san* avoir pu prendre des
hauteurs du soleil et des étoiles. J'ai trouvé si
mena, p. 98, à i6*>,8 R. Pour Ifcs observations par-
tielles , voyez la note £ à la fin du Livre.
' A 23%2 R.
• A 8 ,8R.
IV. i5
igi LivKB rv.
brusques les passages de la plus belle traospa-
reiiceder;tiràune obscuriléparlàite, que sou-
vent, l'œil déjà fixé à la lunette, une minute
avant l'immersioD d'un satellite, je perdoisdans
la brume, et la planète, et les objets qui m'ed-
louroient de plus près. En Europe, sous la
zone tempérée, la tempéralui'e est un peu
plus imifnrme sur les hautes montagnes que
danslespliiines. ArijospicediiSaint-Gotiiard,
par Exemple , la difFérence entre les tempéra-
tures moyennes des mois les plus chauds et les
plus froids est de i7'',5 lorsque , sous le même
parallèle, presque au niveau de la mer, elle
est de 2û**à 21". Le froid n'augmenle pas sur
nos montagnes aussi rapidement que la chaleur
j diminue. JSoui verrons , à mesure que nons
avancerons vers les Cordillères, que, sous la
zone torride , le climat est plus uniforme dans
les plaines que sur les plateaux. A Cumana
et à la Gua^ra (car il ne faut pas citer des
endroits oii les vents du nord troublent pen-
dant quelques mois l'équilibre de l'atmos-
phère ), le therniomètrc se soutient, pendant
l'année entière , entre 21" et 55°; àSanta-Fe
et à Quito, on trouve des oscillations de S"
à 22° , si l'on compare , je ne dis pas les jours.
>95
maS& les heures de TaiiDée les plus frmdcs ci
les plas chaudes. Dans les basses régions > à
Gamaoa, par exemjde, les nuits ne dittcranl
généralemenl des jours que de 3 à \^. A Quito>
f ai trouré celle différence ( en prenant avec
soin, chaque jour et chaque nuit> les moyennes
de 4 ou 5 obser Talions) de 7^. A Caracas» situé
à une élévation presque trois fois moindre^
et sur un plateau de peu d étendue > les jours
sont encore , dans les mois de novembre et
décembre» de 5^ à 5^»5 plus chauds que les
nuits. Ces phénomènes du refroidissement
nocturne peuvent étonner au premier abord :
ils sont modifiés par réchauffement des pla-
teaux et des montagnes pendant le jour» par
le jeu des courans descendans et surtout le
rayonnement nocturne du calorique dans Tair
pur et sec des Cordillères. Voici les diffc-*
renceis de climat entre Caracas et son port:
Cabacas. La Ouayba.
(Hattt. 454 1.) (Nir. tU U ntcr).
Temp. moy« àe Tannée.. . ai^ à 22^ aS^
T. m. delasaûonchaude. 24* ' 390
T. m. de la saisoa froide. i(f u9*fi
lum • -* 11* ai*
i3*
igG LIVRE It.
Les pluies sont extrêmement abondantes à
Caracas dans les trois mois d'avril , mai et
juin. Les orages viennent tonjours de l'est et
ihi sud-est, du côté de Petare et dii Valle. It
ne tomhe pas de grêle dans les basses régions
des tropiques; mais on en a observé à Caracas,
presque tous ies quatre ou cinq ans. On a
même vu de la grêle dans des vallées plus
basses encore; et ce phénomène, lorsqu'il
s'y présente, fait une vive impression sur le
peuple. La rliule des aérolilhes est moins
rare cliez nous que ne l'est la grêle, sous la
zone torride, malgré la fréquence des orages ,
à 3oo toises d'élévation au-dessus du niveau
de la mer.
Le cliinat fiais et délicieux que nous ve-
nons de décrire , convient encore à la cul-
ture des productions équinoxiales. La canne
à sucre se cultive avec succès, même à des
hauteurs qui excédent celle de Caracas; mais
on préK-re dans la vallée , à cause de la sécbe-
ï-esse <lu site et du terrain pierreux, la culture
du cafier dont le fruit peu abondant est de
la plus belle qnalilA Lorsque cet arbrisseau
est en Heur, la plaine qii s'étend au-delà de
Cbacao offre l'aspect le plus riant. Le baua-
nier que Toq toîI <kns les plantations autour
de la TÎlle, n'est pas le grand Piatano harion^
ce sont les raHétés Camburi ei Domimco, qui
exigent moins de chaleur >. Les grandes ba*
nanes Tiennent au marché de Caracas , des /m-
ciendas de Turiamo, situées sur la côte , entre
BurburataetPorto-Cabello. Les ananasles plus
saToureux sont ceux de Baruta » de rEnjpe-
drado y et des hauteurs de Buenavista^ dans lo
chemin de la Victoria. Lorsqu'un voyag<;ur
monte pour la première fois à la vallée de (Ca-
racas j il est agréablement surpris de trouver^ h
côté du cafier et du bananier Jes plan f>rs pota-
gères de DOS climats^ des fraisier» , i\e% c^p-v An
vigne, et presque tous les arbres fruitiers ric !;>
zone tempérée- Les pèches et les p^}U$Uh(:% h:%
plus recherchées viennent de M^ortr;iO o.j d^j
l'extrémité occidentale de la %AU't, (JtM !-# ^'p/;
le coîgnassier , dont le trorjc uAïuÂut f\*.^%
quatre à cinq pieds^ est si comuturi, q t']\ t%^
presque devenu sauvage. \jf.% ^orStint^r^ fU.
pommes et surtout de coînîTs'^ V/fft tt^^rtrU^,;^
chéesdansun pajsou Xon croit ^fn^, jK>t » r ix,i r ^,
deFeau , il faut comm^notr p^r ^^xf^t/tt b ^0' '-
* Dulce de mans4ma y 4^ numJf'friU/f,
igo LIVBE IT,
en mang'eantdes matières sucrces. A mesure
<]ue les environs de la ville ont été cultivés en
cafier, et que l'établissement des plantations,
qui ne date qne de l'année 1 798 , a augmenté
le nombre des nègres cultivateurs ' , on a
remplacé, dans la vallée de Caracas, les pom-
miers et les coignassiers épars dans les sa-
vanes, par du maïs et des légumes. Le riz,
arrosé par des rigoles, étoit autrefois plus
commun dans la plaine de Chacao qu'it ne
l'est aujourd'hui. J*ai observé dans celte pro-
vince , comme au Mexique, et dans tous les
terrains élevés de la zone tonide , que là où le
pommier est le plus abondant, la culture du
poirier offre de grandes diflicultés. On m'a as-
suré que, près de Caracas, les pommes excel-
lentes que l'on vend au marché viennent
d'arbres non greffés. On manque de cerisiers ;
les oliviers que j'ai vus dans la cour du couvent
' La consomma fioii des villes de l'Amérique espa-
gnole, en comestibles, cl surtout en viande, est si
énorme, qu'en 1800, on tuoil, k Caracas, "iOiOOO
bceufs par au, tandis que Paris, avec une population
i4 fois plus grande, n'en cousoramoit, d 11 temps de
il. Necker, que 70,000.
CHAPITRE xn. ïgg
de San Felipe de Neri sont grands et beaux;
mais le luxç même de leur végétation les em-
pêche de porter des fruits.
. Si la constitution atmosphérique de la vallée
est si favorable aux différens genres de culture
qui font la base 'de l'industrie coloniale^ eHe
ne Test pas également à la santé des habitans
et des étrangers établis dans la capitale de
Venezuela. «^La grande inconstance du climat
et la suppression fréquente dé la transpiration
cutanée , font naître des affections catharrales
qui prennent les formes les plus différeates.
Un Européen, une fois habitué aux fortes
chaleurs ; jouit plus constanmient d'une bonne
santé à Cumana y aux vallées d'Aragua, et
partout où la basse région des tropiques n'est
pas très-humide, qu'à Caracas et dans tous ces
dîmats de montagnes que l'on vante comme
le séjour d'un printemps perpétuel.
En parlant de la fièvre jaune de la Gaarra ,
)'ai énoncé l'opinion la plus généralement
répandue , d'après laquelle on suppose que
cette cruelle maladie se propage presque au«M
peu > de la cote de Venezuela à. la capitale ^
que des cotes, do Mexique à Xabpd- C^tt^^.
opinion est fondée sur Texpéneoce ài^^ ^^'^
20O LIVHE IV.
niers vingt ans. Les épidémies qui ont exercé
leurs ravages tians le port de la Guayra ,
se sont à peine fiiit senlir à Caracas. Je ne
voudrois pas troubler, par des craintes chi-
nicriques, la sécurité des habitans de la ca-
pitale; mais je ne suis pas persuadé que le
tjplius d'Amérique, devenu plus endémique
sur la cote par une plus grande Tréquentalion
du porl, ne puisse un jour, s'il est favorisé
par des circonstances climatériqucs parli-
culières , devenir trcs-fréquenl dans la val-
lée; car sa température moyenne est encore
assez élevée pour que, dans les mois les
plus chauds , le thermomètre se soutienne '
entre 22" et 26". Si l'on ne peut douter
que ce tj'phus, sons la zone tempérée, se
communique par contact, peut-on être sur
que, dans un haut dej^ré d'exacerbation, il
ne se montre également contagieux par con-
tact sous la zone torridc, là où, à quatre
lieues des côtes , la température de l'été
îtcconde la prédisposition des organes? La
situation de Xalapa, sur la pente des mon-
tagni'S mexicaines , offre plus de sécurité,
(itAvtnE xn. Sot
parce que cette ville , moins populeuse ,
est cinq fois plas éloignée de là mer que
Caracas , parce que son élévation est de
s3o toises plus grande , et que sa tempcra-
lure moyenne est de S» plus fraîche. En
1696, un évéque de Venezuela, Diego de
Bafios, dédia une église (ermita). à Sainte-
Bosalie de Pàlerme, poor avoir déKvré la
capitale, après seÏK mois de ravages , du fléau
du vomissement noir, vomilo Tiegro'. T.'ne
messe , célébrée tons les ans à la caihédralA,
au commencement de septembre, a perp^tné
la mémoire de celte épîdéoue, /;«jiab»^ U»
processions ont fixé , dans les criLoniet etpa- \
gnc^es, la date des grands IremfaleiMn» de
terre. L'année i6g6 fut en eltm txtst^ttasrf-
quable par la 6évre l'aune qoi vrriMMt Aha
toutes les Aoliltes , où elle o'atott t-^tant^mtÀ *
à bien éli^bUr son empire qne d*rj»^ i'^;
mais comment <rroîre â une ^pv^WM: d<>r «'^
missement noir qui d'Jra iClVa» «m» it.i^
roption , et qui travcna , p<>;f *i.'.-j dî/«: **^i^
laison extrêmement fraf<>j*;; dîrJM Ijh|-^J« >>
' Ban», p Si.
I
,i
202 LIVRE IV.
thermomètre baisse à Caracas jusqu'à la»
ou iS"? Le typhus seroil-il phis ancien dans
la haute-vallée de Caracas que dans les ports
les plus fréquentés de la Terre-Ferme? D'à près
Ulloa,oii ne le connoissoil pas dans ceux-ci
avaot 1729. Je doute que l'épidémie de 169G
ait été la fièvre jaune ou le véritable typhus
d'Amérique. Les déjections noires accom-
pagnent souveut les fièvres bilieuses rémit-
teufs, et ne caractérisent, à elles seules, pas
plus que les hematemeses , la cruelle maladie
qu'aujourd'hui on connoît à la Havane et àla
Vera-Cruz sous le nom de vomito. Mais si
aucune description exacte ne démontre que
le typhus d'Amérique ait régué à Caracas,
dès la fin du dix-septième siècle, il est
malheureusement trop certain que cette ma-
ladie , dans la même capitale, a enlevé un
grand nombre de jeunes militaires européens
en 1802. On est eflrayé de voir qu'au centre
de la zone torride, un plateau, élevé de
4^0 toises, mais très-rapproché de la mer,
ne garantit poinl encore les habitans d'un
fléau que l'on croit propre aux basses ré-
jjioiis du littoral.
chapithe -xiir. . 3o5
»^^i^/%^^»/%»w^^v^ v %^<»'^%»»^^wi^^v%»%AM»^i^^^#%#»i»^#i»
CHAPITRE XIII.
Séjour à Caracas. — Montagnes qui avoisinent
la ville. — Excursion à la cime de la Silla.
'^Indices de mines.
J'ai séjourné deux mois à Caracas. Nous
habitions^ M. Bonpiand et moi^ une grande
maison presque isolée, dans la partie la plus
élevée de la ville. Du haut d'une galerie y nous
pouvions découvrir à la fois le sommet da
la Silla ^ la crête dentelée du Galipano et
la vallée riante du Guajre , dont la riche cul-
ture contraste avec le sombre rideau dcft
montagnes d'alentour. G^étoit la saison de»
sécheresses. Pour améliorer les pAttira^efi^
on met le feu aux savanes et au gar/in qui
couvre les rochers lesplus esiczr\U^, iU'A v^nlf^
embrasemensy vus de loin^ produi^^nt d#;«
effets de lumière surprenant, Part/>ut ofi hn
savanes, en suivant leit ondobtioMdi!;^ {M;i»t^
2o4 LlVriE IV.
rocheuses, ont rempli les sillons creusés parles
eaux, les terrains enflammés se présentent,
par une nuit obscure, comme des couransde
laves suspendues sur le vallon. Leur lumière,
vive, mais tranquille, prend une tcinle rou-
g'eâlre lorsque le vent qui descend de la
Silla accumule des traînées de vapeurs
dans les basses régions. D'antres fois, et ce
spectacle est le plus imposant, ces bandes
lumineuses, enveloppées de nuac^es épais, ne
p;irol5sent que par intervalles à travers des
éclaircies. A mesure que les nuages montent,
une vive clarté se répand sur leurs bords. Ces
phénomènes divers, si comumns sous les tro-
piques, gagnent dintcrét par la fonue des
montagnes, la disposition des penles et la
biiuteur des savanes couvertes de graminées
.ilpines. Pendant le jour , le vent de Petare qui
si.ulUe de l'est, chasse la l'uniée vers la ville,
et diminue la transparence de l'air.
&i nous avions lieu d'être satisfaits de
l'exposition de notre maison, nous l'étions
encore plus de l'accueil que nous faisoient
toutes les classes des habitans. C'est un devoir
pour moi de citer la noble liospilalité qu'a
■exercée envers nous le chef du gouverne-
CHAPITRE XIIÎ. 2o5
ment 9 M. de Gaevara-Yasconzelos» ^lots
Ga|HtaiDe général des pro?ioces de Yenezoela.
Quoique j'aie eu FaTaolage que peu d'Espa-
gnols onl partagé arec moi , d'ayoir >isilé
successivemenl Caracas , la Hatane , Sanla^Fe
de Bogota, Quito , lima et Mexico > et que,
dans ces six capitales de rAmérique espa-
gnole , ma position m'ait mis en relation avec
des hommes de tous les rangs, je ne me per-*
mettrai pas de prononcer sur les diilërens
degrés de civilisation auxquels la société s'e^t
déjà élevée dans chaque colonie. Il est plus
facile d'indiquer les nuances diverses de la
culture nationale, et le but vers lequel se
dirige de préférence le développement intel»
lectuel , que de comparer et de classer ce qui
ne peut être envisagé sous un même point de
vue. Il m'a paru qu'il y a une tendance mar-
quée pour l'élude approfondie des sciences
à Mexico et à Santa-Fe de Bogota ; plus de
goût pour les lettres et tout ce qui peut
flatter une imagination ardente et mobile,
à Quito et à Lima ; plus de lumières sur les
rapports politiques des nations , des vues plus
étendues sur l'état des colonies et des métro-:
pôles, à la Havane et à Caracas. Les comuiu-
2o6 > LIVRE IV.
ïiicalions multipliées avec l'Europe commer-
çante, et cette mer des Antilles que nous
avons avons décrite plus haut comme uoe
Méditerranée à plusieurs issues , ont inilué
puissamment sur le prû^Tés de la société à
l'île de Cuba et dans les belles provinces de
Venezuela. Nulle part ailleurs, dans l'Amé-
rique espagnole, la civilisation n'a pris uue
physionomie plus européenne. Le grand
nombre d'Indiens cultivateurs qui habitent
le Mexique et l'intérieur de la Nouvelle-
Grenade, donnent à ces vastes pays un ca-
ractère particulier, j'aurois presque dit plus
exotique. Malgré l'accroissement de la po-
pulation noire, on se cruit, à la Havane
et à Caracas, plus près de Cadiz et des Etats-
Unis quedansaucuoe autre partie du Nouveau-
Monde.
Comme Caracas est placé sur le continent,
et que sa population est moins mobile que la
population des îles, les Iiabitudes nationales
s'y sont plus conservées qu'à la Havane. La
société n'oiTre pas des plaisirs Irès-vifs et très-
variés ; mais on éprouve , dans l'inléiieur des
familleSjCcsentimenlde bien-être qu'inspirent
une gaieté franche et la cordialité unie à la
CHAPITRE Xni. 207
politesse des manières. U existe à Caracas,
comme partout où il se prépare un grand clxan-
gement dans les idées /deux races d'hommes,
on pourroit dire deux générations très-dis-
tinctes. L'une y qui est restée peu nombreuse ,
conserve un vif attachement aux anciennes
coutumes, de la simplicité dans les mœurs ,
de la modération dans lés désirs. Elle ne vit
que dans les images du passé. L'Amérique
)ui paroit la propriété de ses ancêtres qui Tont
conquise. Abhorrant ce que l'on appelle les
lumières du siècle, elle conserve avec soin,
comme une partie de son patrimoine, ses
l)réjugés héréditaires. L'autre , moins occupée
même du présent que de l'avenir, a un pen-
chant souvent irréfléchi pour les habitudes et
les idées nouvelles. Lorsque ce penchant se
trouve réuni à l^amour d une instruction so-
lide , lorsqu'il est contenu et dirigé par une
raison forte et éclairée, ses effets deviennent
titilës pour la société. J'ai connu à Caracas,
dans cette seconde génération, plusieurs
hommes également distingués par leur goût
pour l'étude, la douceur de leurs mœurs et
Télévation de leurs sentimens; j'en ai connu
aussi qui, dédaigneux pour tout ce que
2ll8 LIVRE IV.
le caraclère, la littérature et les arts espa-
gaols présentent d'estimable et de beau,
ont perdu leur individualité nationale, sans
avoir puisé, dans leurs rapports avec les
étrangers , des notions précises sur les véri-
tables bases du bonbeur et de l'ordre social.
Comme depuis le règne de Cliarles-Quint,
l'esprit de corporation et les baines munici-
pales ont passé de !a métropole aux colonies,
on se plaît , à Cnmana et dans d'autres villes
commerçantes de la Terre-Ferme , à exagé-
rer les prétentions nobiliaires des familles les
plus illustres de Caracas , connues sous le
nom de ios Mantaanos. J'ignore comment
ces prétentions se sont manifestées jadis , mais
il m'a paru que le progrès des lumières et la
révolution qui s'est opérée daus les moeurs
ont fait disparoîlre peu à peu, et assez gé-
oéralement, ce que les distinctions ont d'of-
fensant parmi les blancs. Dans toutes les co-
lonies , il existe deux genres de noblesse.
L'une se compose des créoles dont les ancêtres
ont occupé trés-récemmcntde grandes places
en Amérique: elle fonde en partie ses préro-
gatives sur l'illustration qu'elle a dans la mé-
tropole; elle croit pouvoir les conserver
CHAPITRE mi. SO9
au-delà des mers> quelle que soît l'époque de
son établissement dans les colonies. L'autre
noblesse tientplus au sol américain; elle se com-
pose des descendans des conquistadores , c'est-
à-dire des Espagnols qui ont servi dans l'armée
dès la première^conquête. Parmi ces guerriers,
compagnons d'armes de Cor tez,de Losad a et de '
PizarrO; plusieurs appartenoient aux familles
les plus'distinguées de la péninsule ; d'autres ,
issus des classes inférieures du peuple^ ont
illustré leul« noms par cette valeur chevale-
resque qui caractérise le commencement du
seizième siècle. J'ai rappelé ailleurs * qu'en étu-
•
diant ces temps d^entbousiasme religieux et
militaire , on trouve à la suite des grands capi«
taines plusieurs hommes probes, simples et
généreux. Ils blâmoient les cruautés qui souil-
loient la gloire du nom espagnol; mais, con-
fondus dans la masse, ils n'ont pu échapper à
la proscription générale. Le nom de conquista-
dores est resté d'autant plus odieux , que la
plupart d'entre eux , après avoir outragé des
peuples pacifiques , et vécu au sein de l'opu-
lence , n'ont pas éprouvé ^ à la fin de leur car-
* Foyes plus haat^ T« II, Chap* V; p. 38i.
lY. i4
a 10 LIVRE IV.
rièrc , de ces longues adversités qui calment
la haine des hommes et adoucissent quelque-
fois le jugement sévère de l'histoire.
Mais ce n'est pas seulement le progrès des
lumicresetleconflitentre deux noblesses d'une
origine différente, qui engagent les castes
privilégiées à renoncer à leurs prétentions,
on du moins à les déguiser habilemeof.'
L'aristocratie, dans les colonies espagnoles,
trouve un coutre-poids d'une autre espèce ,
et dont l'aclioa devient de jour en jour plus
puissante. Parmi les blancs , un sentiment
d'égaUté a pénétré dans toutes les âmes. Par-
tout où les hofnmes de couleur sont regardé»
on comme esclaves ou comme affranchis,
c'est la liberté héréditaire , c'est la persuasion
intime de ne compter parmi sesanct-tres que
des hommes libres, qui constituent la no-
blesse. Dans les colonies, la véritable marque
extérieure de cette noblesse est la couleur
de la peau. Au Mexique comme au Pérou , à
Caracas comme à l'ile de Cuba , on entend
dire journellement à un homme qui marche
pieds nus : « Ce blanc si riche se croiroitil
plus blanc que moi? » La population que
l'Europe peut faiie écouler vers l'jVmérique
GHÂTlTRlff Xni. 211
étant très - considérable , on conçoit que
Taxionie : tout homme bfônc e^noble^ todo
blanco escabalheroy contrarie sàn^tiliërement
les prétentions des &milies*€ftiropé^n[es^dont
FiUustration date de trèâr-ldin. H 7 a plus
encore : la* vérité^ de* ccft axiome' dst depuis
long-temp^ reconnue en Espa^ne^ cbei uil
peuple justement célèbre pa^ sa' loyauté', son
industrie et son esprit na^naLTout BisCàTen
se dit noble*; et, comme* il existé plus dé
Biscayens en Américjucf' et aux' Philippines
que flans la Pénitfsulê, les blànçs' de cette
ra«e n'ont pas peu contribué à propager
tlansle^ colonies le système de Tégalité de
tous les hoi^mes dont le sang n'est pas mêlé
avec le sang' africain;
D'ailleurs, les pays dont lés babiian^, mêm^
sans- un gouvérheméht représentatif et sans
insrthution de pairie, mettent une si haute
ittvpofrtanceanx génféalogies et aux avantagés
de* la ' nmssance , ne ^ sont ' pas toujours céitx
ddAs4esquéls Taristôcratié deà familles' est la
plîM oflR^nsanté: Oh chérchéi^oftveA vain
cbë2^1es peuples d^cnigîné espagnole ces
aif s &oids et prétentieux qne le Caractère dé
la civilisation moderne semble rendre -plus
i4*
--'^
communs dans le reste de l'Europe, Aux
colonies comme dans la métropole, la cor-
dialité, l'abandon et une grande simplicité
dans les manières rapprochent les dilTérenles
classes de la société. On pent même dire que
l'expression de la vanité et de l'amour propre
blesse d'autant moins, qu'elle aquelque cbose
de franc et de naïf.
J'ai trouvé dans plusieurs familles de Ca-
racas le goût de l'instruction, la connoissance ■
des cbefs-d'œuvre de la littérature francoise
et italienne, une prédilection marquée pour
la musique, qui est cultivée avec succès, et
qui sert, comme fait toujours la culture des
beaux-arts, à rapprocher les diverses classes
de la société. Les sciences exactes, le dessin
et la peinture n'ont point ici de ces grands
établissemens que Mexico et Santa-Fe doivent ■
à la munificence du gouvernement espagnol
et au zèle patriotique des nationaux. Au milieu
d'une nature si merveilleuse et si riche en
productions, personne sur oes côtes ne s'oc-
cupoit de l'élude des plantes et des minéraux.
C'est seulement dans un couvent de Saint-
François que j'ai trouvé un vieillard ' respec-
' liC père Puerto.
CHAPITRE Xin. ÏIO
tible qui calciiloil l'almanach pour toutes les
provinces de Venezuela, et qui avait quelqnes
notions précises sur l'état de l'astronomie
moderne. Nosinstrumeiis l'intéressoientnve-
ment, et un jour noire maison se trouva
remplie de tous les moines de Saint- François,
qui, à notre grande surprise, demandoient à
voir une boussole d'inclinaison. La curiosité
qui se porte sur les phénonomènes physiques
augmente dans des pays minés par Ifs feux
volcaniques, sous un climat où la nature t'st
à la lois si imposante et si mystérieusement
agitée.
Lorsqu'on se rappelle qu'aux Etats-Unis de
l'Amérique du nord , on publie des journaux
dans de petites villes de 5ooo habîtans, ou est
surpris d'apprendre que Caracas , avec une
population de quarante à cinquante mille âmes,
n'avoit pas d'imprimerie avant 180G ; car
on ne peut donner ce nom à des presses
avec lesquelles on a tenté , d'année en année,
d'imprimer quelques pages d'un calendrier
ou un mandement de l'évéque. Le nombre
des personnes qui connoissenl le besoin de ,
lire n'est pas très-grand , même dans celles
des colonies espagnoles, qui sont les plus
2l4 LIVRE IT.
avancées dans la civilisation; mais il seroit
injuste d'alli'ibuer aux colons ce qui a été
l'effel d'une polili(jiie ombrageuse. Un Fran-
çois, M. Delpeche , allié à une des familles '
les plus respectables du pa^s, a le mérite
d'avoir établi le premier une belle impri-
merie à Caracas. C'est, dans les temps mo-
dernes, un spectacle assez extraordinaire de
voir un établissement de ce fjenre, qui offre
le plus grand des moyens de communications
enlre les liommes, suivre et non précéder
ime révolution politique.
Dans une con tréequi olTre des aspecis si ravis-
sans, aune époque où, malgré les tentatives
d'un mouvement populaire, la plupart des
habitans ne dirigeoient leurs pensées que sur
des objets d'un intérêt physitjue , la fertilité de
Vannée , les longues sécheresses, le conflit des
vents de Petare et de Catia, je croyois devoir
trouver beaucoup de personnes qui connus-
sent à fond les Lautes montagnes d'alentour.
Mon attente ne fut point remplie; nous ne
pûmes découviir à Caracas un seul homme
qui fût allé an sommet de la Silla. Les chas-
seurs ne s'élèvent pas si haut sur la croupe
' La famille des MoiUiUa,
CHAnTRS xnn ti5
^es montagnes j, et on ne vojage guère > dins
ces pajs f pour chercher des fiantes alpines »
ponr examiner des roches ou potir porter oti
baromètre sur des lieiiX éleVés. Accoutumé &
une vie uniforme et casanière > on redoute la
fatigue et les changèmens brusqués de climat ;
on diroit que Ton ne vit pas potir jouir de la
vie> mais uniquement pour la prolonger.
' Nos promenades nous condoisoient sou-
vent à deux plantations dè^ Cafier^ dont lès
propriétaires > ëtôlènt des hommes d'une so-»
ciété aiiuablë. Oes piàntâtions soùt placées vis-
à-vis de la Sillâ de Caracas. En examinant»
par une lunette > les pentes rapides de la mon*
tagne* et la forme des deul pics qui la ter-
minent ^ lioiis avions pu apprécier les diffi-
cultés que nous aurions à vaincre pour parvenir
afu sommet. t>es angles de hauteur pris avec
le sextant , à la Trinidad^ m^avoient fait jtiger
que ce sommet devoit être moins éfevé au-
dessus du niveau de la mer que la grande
place de là ville de Quito. Cette évaluation ne
s^âccordoit giière avec les idées àti habitans
de la vallée. Lés montagnes qui doibinent
* Don André» de Ibarra et M* t
f
ê
2l6 LIVRE IV.
de grandes villes acquièrent, par cela même,'
dans les deux continens, une célébrité exlra-
ordinaire. Long-temps avant qu'on les ait
mesurées d'une manière précise , les sa vans du
pays leur assi;^nent une hauteur en toises ou
eu 7iares casiillanes, dont il n'est pas permis
de douter sans blesser un préjuj^é national.
Le capitaine général. M- de Guevara, nous
fil donner des guides par le teniente de Cha-
cao. C'étoient des noirs; ils connoissoient un
peu le sentier qui conduit vers les côtes',
par la crête des montagnes , près du pic occi-
dental de la Silla. Ce sentier est fréquenté
par les contrebandiers ; mais ni ces guides , ni
les hommes les plus expérimentés de la mi-
lice, employés à poursuivre les contreban-
diers dans des lieux si sauvages , n'avoicnt été
sur le pic oriental qui forme le sommet le
plus élevé de la Silla. Pendant tout le mois do
décembre , la montagne , dont les angles de
hauteur me faisoient eonnoitre le jeu des
léiraclions terrestres, n'avoit paru que cinq
fols sans nuages. Comme dans celle saison deux
jours sereins se succèdent rarementj on nous
CHAPITRE Xm. ÏI17
avoU conseillé de choisir, pour notre excur-
sion^ moins un temps clair qu'une époque où
ies nuages se soutiennent à peu de hauteur, et
où Ton peut espérer qu'après avoir traversé
la première couche de vapeurs uniformément
répandues, on entrera dans un air sec et
transparent. Nous passâmes la nuit du 2 jan-
vier dans VEstancia de Gallegos, plantation
de cafiers , près de laquelle , dans un ravin
richement ombragé , la petite rivière de Cha-
caito forme de belles cascades en descendant
des montagnes. La nuit étoit assez claire; et
quoique 9 la veille d'un voyage pénible , nous
eussions désiré jouir de quelque repos , nous
passâmes toute la nuit, M. Bonplandet moi,
à attendre trois occultations des satellites de
Jupiter. J'avois déterminé d'avance les instans
de l'observation^ et nous les manquâmes
toutes , à cause des erreurs de calcul qui s'é-
toient glissées dans la Connoissance des temps.
Un mauvais sort avoit été jeté sur les pronos-
tics des occultations pour les mois de dé-
cembre et de janvier. Le temps moyen avoit
été confondu avec le temps vrai '.
' Voyez mes Obs. astr.^Tora. I, p. 180.
3l8 Livre it.
Je fus singulièrement impatienté de cet
accident; el , après avoir obser\'é, avant le
lever du soleil , l'intensité des forces magné-
tiques an pied de la montagne, nous nous
mîmes en marche à 5 heures dn matin , accom-
pagnés d'esclaves qui portoient nos instru-
mens. Nous étions dix -huit personnes qui
marchions à la suite les unes des autres par
un sentier étroit. Ce sentier est tracé sur
une pente rapide, couverte de gazon. On
lâche d'abord de gagner le sommet d'une
colline qui , \ecs le sud-ouest , forme comme
un promontoire de ia Silla. Elle lient an
«■•orps même de la montagne par une digte
étroite , que les pâtres désignent par un nom
très - caractéristique , celui de la Porte, oo
Puerta de la Silln. Nous y arrivâmes vers
les 7 heures. La matinée étoit belle et fraîche :
le ciel, jnsque-là , paroissoit favoriser notre
excursion. Je vis le thermomètre se soutenir
un peu au-dessous ' de lA". Le baromètre
m'indiquoît que nous étions déjà à 635 toises
d'élévation au-dessus du niveau de la mer,
c'est-à-dire près de 8o toises plus haut qu'à
' De ii°,2 R.
la VemÊm^ oà Xom jouil d'^uM Toe st mgm^
fique sor les cotes. Nos gvides peBSQieiit<|u^
bodroU eocore 6 heoim pour paireur «tt
soumet de b KUa.
Nous tn^ersioies «ae digue étroite de fo*
chers €oo?erts de gttoa : elle nous conduisit
do promoDlobre de U Piioia 4 la croupe do
la grande montagne. La vue plonge sor deux
Yj^lons qoi s<mt plulôt des crevasses remplies
d'une yégétalion épaisse. A droite , on aper-
çoit le ravin cpà descend entre les deux pics
vers \^ ferme de Mujhoz: à gauche^ on domino
la crevasse de Gbacaito» dont les eaux abon*
dantes jaillissent près de \^ ferme de Galiego.
On entend le bruit des cascades sans voir le
torrent, qui reste caché sous Tombrage touffU
des Erjthrina , des Glusia et des Figuiers de
Vlnde^ Rien n'est plus pittoresque f sous une
àKMM où tant de végétaux ont des feuilles
grandes , luisantes et coriaces , que Taspect
du sommet des arbres placés à une grande
profondeur , et éclairés par les rayons pres-
que perpendiculaires du soleil.
* Ficus njmphasifblia, Erythrina mkia» On iroiiTf»
dans le même ?alIon , deux beUes espèoef de Mimosea,
lu^a fasluosa et I. cinerea^
320 LIVUE IV.
Depuis la Puerta, la montée devienl ton-
jours plus rapide. Il falloit jeter le corps for-
tement en avant pour pouvoir avancer. Les
penles sont ' souvent de 3o'' à 32". Le g'azon
est serré, et une longue sécheresse l'avoit
rendu singulièrement glissant. Nous aurions
désiré avoir des crampons ou des hâtons fer-
rés. Des herbes courtes couvrent les rochers de
gneiss, et l'on ne peut ni se saisir de cesherbes,
ni former des gradins , comme on fait sur des
terrains moins durs. Cette montée, plus fali-
gante que périlleuse , découragea les per-
sonnes qui nous avoienl accompagnés depuis
la ville, et qui n'éloient pas accoutumées à
gravir les montagnes. Nous perdîmes beau-
coup de temps à les attendre , et nous ne ré-
solûmes de commuer seuls notre roule que
lorsque nous les vîmes tous descendre la
montagne au lieu de la gravir. Le temps
' Depuis que J'ai Tail les expériences sur les pentes
(Cliap. ji,T, I,p. 33a), j'ai trouvé àons\a Figuredt
la Terre de liougiiel' (p. cix), un passage qui prouTe
que cet astronome, iloiit les opinions sont d'un si
grand poids, rcgardoit aussi 36" comme l'inclinaison
(l'une pente inaccessible , si le sol ne permet pas qu'on
y fasse des marches avec le pied.
CHAPITRE XKt. 221
■ «ommeoçoit à se couvrir. Déjà, du bocage
liumide qui, au-dessus de nous, bordoit la
xégion des savanes alpines, la brume sortoil.
cotome de la fumée , en filets mioces et droits.
On aurait dit d'un incendie cjui se maniles-
toit à la fois sur plusieurs points de la forêt.
Peu à peu ces traînées de vapeurs s'accumu-
loient; et, détachées du sol, poussées parla
brise du matin, elles rasoient, comme un nuage
léger, la croupe arrondie des montagnes.
A ces signes infaillibles , nous reconnûmes,
M. Bonpland et moi, que nous serions bien-
tôt enveloppés dans uue brunie épaisse. De
crainte que nos guides ne profitassent dt;
cette circonstance pour nous abandonner,
nous nous fîmes précéder par ceux qui por-
toient les instrumens les plus nécessaires.
Nous continuàines à gravir les pentes qui
s'inclinent vers la crevasse de Cliacaito. Lalo-
quacité familière des noirs créoles contrastoit
avec cette gi'avité taciturne des Indiens qui
nous avoient cunstanmientaccompagnés dans
ies missions de Caripe. Ils s' égayoient sur ceux
qui avoient renoncé si vite à un projet lon-
guement préparé ; surtout ils neménageoient
pas un jeune moine capucin , professeur de
2 23 LIVRE IT.
mathématiques, qui n'avoit cessé de vanter
les avantages de force physique et de har-
diesse qn 'avoieiit, selon lui, les Espagnols
européens' de toutes les classes sur les Espa-
gnolsaméricaiDs.IIs'étoitmunidebandeleltes
de papier blanc , qui dévoient être découpées
et jetées dans la savane, pour indiquer aux
traîneurs la direction qu'il falloit prendre.
Le professeur avoit même promis aux reli-
gieux de son ordre de lancer la nuit quelques
fusées pour annoncer à toute la ville de Ca-
racas que nous avions réussi dans une entre-
prise qui lui paroissoit, je dois ajouter à lui
seul, une entreprise bien importante. Il aroit
oublié que ses vêteniens , si longs et si lourds,
devoientl'embarrasserdanslamontée.Coralme
il avoit perdu courage long^temps avant' les
créoles, il passa le reste delà journée, dans
une plantation voisine , à nous voir gravir
la monlagne par une binette dirigée sur la
Silla. Malheureusement pour nous , ce reli*
gieux, qui nemanquoit pas d'instruction en
physique, et qui a été assassiné peu d'années
après par les Indiens sauvages de l'Apure,
s'éloit chargé du transport de l'eau et des pro-
visions si nécessaires dans une excursion de
CHAPiTEE xni« aaa
montagnes. Les esclaves qui dévoient nous
rejoindre furent si long-tenips relenjus paf
loi^ qu'ils ne purent arriver qjie tfè&tard^ et
qiie nous restâqaens penflaat dix, heurtes s^ns
^u et sans pain.
Des deiu pics arropdis. qqi ibnnei^ l^,soaJr
met de;Iaipuntdgpfi Jfoi;iisnt^ estlepluâ^ élevé.
C'étoit ceJ[w^|iQi)el non^d^ioiji^ip^rveniivi^^v^c
nosinstrqpiens, L'enf^npçipei^eptpa cas.dpuciR
piqs a donné à la» n^iiqtagnQ entière le nom
espagiu>l 4^: i^ilç,&\)a^ Upa. creva^s^e. q^e
QousavoQf,d/éj^nomj|iéf?^ descend 4^ cet en*
(bnceipçntt ver;» La vallée de Caracas:: à. sou
origine Qu.e;:i(trénuté supérieure, elle se rap-
procha du, dôna^ occideplalî Oft. ne peut
at^quer la sommet ori^atal qn^en prenant
d>bord à; louçsjde l».cre.va?3ft p9r le pro-
montoire de^ la JE^uert^» en se. dirigeantidroit
sur. le.sonunet le^ moins ^éleyé., ol^ ecu i ne toiiM>
pantver^ l'est que. lorsqu'on ^eÉ^tl pneaque pai?r
yenio, à. la^ crèteou. à, Yenfo^QemfffU dg la
Silla^ entre les deux pics. L'aspect général
delà montagne semble prescrire cette route;
car Tescarpement des rocbers à l'e^t de la
crevasse est tel^ que Ion auroit bieaucoup Je
peine à s'élever au sommet de la Silla en
montant , non par la Puerla , mais tout droit
vers le dùme oriental.
Depuis le pied de la cascade de Chacaito
jusqu'à mille toises d'élévation , nous ne tron-
vâmes qne des savanes. Deux petites liliacëes
à fleurs jaunes ' s'élèvent seules an milieu des
graminées dont la surface dos rocliers est cou-
verte. Quelques pieds de ronces ^ nous rap-
peloient la forme de nos végétaux d'Europe.
Nous nous attendîmes en vain à trouver sur
ces montagnes de Caracas, et plus tard sur
le dos des Andes, un églantier à côté des
ronces. Nous n'avons pas observé de rosier
indigène dans toute l'Amérique méridionale,
malgré l'analogie qui règne entre le climat
des hautes montagnes de la zone torride et
le climat de notre zone tempérée. 11 paroit
même que ce charmant arbuste manque à
tout l'hémisphère austral, en deçà et au-delà
du tropique. Ce n'est que sur les montagnes
' Cjpitra m a rti ni cens: s et Slsynnchium iiidifxilinm.
On trouve aussi cette deruièrciridéeprcs de la Venta
de la Gnojra, à Goo toises de hauteur.
* Riilius iamaicensis.
CHAPITAS Xm. t25
mexicaines que nous avons été assez henreox*
pour découmr, par. les 19^ de latitude^ des
^lantiers américains '.
La brume nous enveloppa de temps ea
temps; nous avions de la peine à trouver la
direction de notre route. A cette iiauteor, il
TLj a plus de chemin tracé. On s'aide des mains
lorsque les pieds manquent sur une pente si
rapide et siglissante. Un filon % rempli de terre
a porcelaine , attira notre attention. Cette
terre y d'un blanc de neige, est sans doute le
résidu d'un feldspath décomposé. J'en ai remis
des portions considérables à ^intendant de la
province* Dans un pays où le combustible
n'est pas rare, le mélange de terres refrac ^
* M. Bedoûlé a pablié, dans sa bèlld Monographie
des Boôers , notre églantinier mexicain sons le nom!
de Rosier de MoniézuTna.
* La puissance du filon est de 3 pieds : sa direction
esthor. 1,2 delà boussole de Freiberg, tandis que
celle du gneiss est partout hor. 3/k a^eç 5o®-6o<> d'in-
clinaison au nord-ouest. Cette terre a porcelaine
humectée absorbe ayidement Toxigène de l'aii* ; j'ai
trouvé (à Caracas) le résidu d'azole très-foiblement
mêlé d'acide carbonique^ quoique j'eusse opéré dans
des flacons bouchés à l'émeril et non remplis d'eau.
IV. i5
326 LtTBE ÏT.
taires peut devenir utile pour améliorer la
faïence et même les briques. Chaque fois que
les nuages nous entouroient, ie thermomètre
baissoil • jusqu'à i2«; par un ciel serein, il
s'éleva à 2 1 ". Ces observations se firent à
l'ombre ; mais il est difficile , sur des pentes si
inclinées, couvertes d'un gazon desséché, lui-
sant et jaune, de se garantir de l'eiTet du calo-
rique rayonnant. Nous étions à 9^0 toises; et
Cependant à la même hauteur , vers l'est , nous
vîmes, dans un ravin, non quelques palmiers
isolés, mais tout un bocage de palmiers. Cétoit
la Palma reaî , peut-être une espèce du genre
Oreodoxa. Ce groupe de palmiers, occupant
une région si élevée, contrasloit singulière-
ment avec les saules^ épars dans le fond plus
tempéré de la vallée de Caracas. On voit des
formes européennes placées au-dessous des
formes de la zone torride.
Après quatre heures de marche par les sa-
vanes, nous entrâmes dans un bocage formé
d'arbustes et d'arbres peu élevés. Ce boca^
' Jusqu'à y" ,6 R.
° Salix Humboldtiana de M. Wîlldenow, sur Ici
palmiers alpins, f^oyec me» Prvlegomena tU disfr.
plant, j p. a.^5.
^«ppdle el Pefual^ sans doate emse de la
gfcnde abondaBce èa Pe/oa (Oaullheria odo*
nia), phnie à feuilles très-odoriférantes ^ La
peste de la montage détient plus douce, et
BOOB ^prouvâmes un plaisir indicible à eza«>
miner les vitaux de cette région* Nulle
part peut--ètre, on ne ttoure réuni, sur un
petit espace de temin, des* productions si
belles et si reniar^[uahles soua le rapport de
la géographie des liantes. A miUe toises d'élé^
Tatipn , les hautes savanes de la Silla aboutis^
tent à une zone d'arbustes qui, par leur port»
leurs branches tortueuses , la dureté de leurs
feuilles^ la grandeur et la beauté de leurs fleurs
pourprées , rappellent ce que , dans la Cor-
dillère des Andes, on désigne par le nom de
* *' Foyèz plas haât> Chap. vi (Tom. IH^ p* iio).
Cest an grand ayanUge de la langue espagnole que
dé pouTsir déiÎTer, comme en latin, da nom de
la j^Iapart des arbres , un mot ^i désigne Vcusocia^
tion ou VagroupémentAe^ arbres de la même espice*.
(?e8t ainsi que sont formés les mots olwar^ rohiedcu^et
pinai, de oUpo, roble et/>èito.LesEspagnoh«Américains
ont ajouté Timal, Pefuai, Guofaval, etc. , lieux où
croilMent ensemble beaucoup de Gactot, de Gaul-
tiieria odorata et de Psidium»
i5*
aaS LIVRE IV.
végétation des Paramos et des Punas '.C'est là
que se montrent la famille des Rosages alpins,
k'S Thibaiidia, les Andromèdes^ les Vacci-
lûum, et ces Betaria a feuilles résineuses que
nous avons com|iarés plusieurs fois au Rho-
dodendrum des Alpes de l'Europe.
Lors même que la nature ne produit pas
les mêmes espèces sous des climats analogues,
soit dans les plaines sur des parallèles iso-
thermes " , soit sur des plateaux dont la tem-
pérature approche de celle des lieux plus
voisins des pôles ^, on observe cependant
une ressemblance frappante de port et de phy-
' L'esplication de ces mots a été doDiiée plus liaut,
Chap. v,T. II, p. 319.
* On peut ou comparer entre elles des latitudes
qui , dans le même hcmisplière , ofTrent la même
lempérature moyenne (p. c., la Pensylvanie et la
France centrale , le Chili et lit partie australe de la
Nouvelle-Hollande), ou considérer les rapports qui
existent entre la végétation des deux hémisphères,
fious des parallèles isothermes (d'égale chaleur).
La géographie des plantes n'examine pas seule-
ment les analogies que l'on observe dans un même
liémisphëre entre la végétation des Pyrénées et det
plaines Scandinaves, entre celle des Cordillères du
Pérou et des côtes du Chili ; elle discute aussi les
CHMITH9 Xm. tt^
mmatûie dans la végétatio» de» r^ion^i \^
plus âoignées* Ce phénomène o»l via de« pliia
ieiirieQx<{ue présente Thistoire de» forme» ^ruA-
niques. Je dis Fhistoire i car .la raison a Uvm
interdire à Thomme fea bjfK) thèmes »ur TurigiMe
des choses , dovs n'en somme» pa» moiiiiî tour-
mentés de ces problèmes insoluble» de la (\iikUv
bution des êtres. Une gramioëe d^ ia fiu'um ^
rapporCB entre Ecf plairtes sfpbMri itai^ à$,un. itâmiê-
«phëres. £Ue compare Uwé§kiêtiém4m ÀlU^i^^f* ^
des G>rdillèret da Me%kff§€ »¥éi^ toM^ d^* m^fuiê^i^
da Chili et dn BrésO^ £o yt r^pftcUui é^m 4^<^am; tij^
Vpsal à on poui utiué d»oi» Im AlfMi« dâ; iî^ i^mtc), vm
peatiédoîrele ^tumI fftAAieméti^^fan^ffMdsitft/rmti^
ci «<a jBirtfixi 4e(» 4^<as4^^ it^ ^^i^^ifdkji^
(^Jift Mird «(ML Mid idl; £iM|H9(b^
là la partie umie -dsiot J«( ^1m«i^ : $.^/>tHMfiM4v
►fa <dcg^toîwiytiiaB»t-jM#i?.li#rt» U-f i U4< ^ />>S^»4«t ^
Vflil— I ■\pmnw .ngiwiiin' fin- W. jUy»^. jU^*K<i»
•230 LIVRE IV.
végète sur les rochers granitiques du détroit
de Magellan. La Nouvelle-HoUaode nourrit
plus de quarante plantes phanérogames de
l'Europe , et le plus grand nombre des végé-
taux qui sont identiques dans les zones tempé-
rées des deux hémisphères, manquent enlière-
rement dans la région intermédiaire , qui est la
région équinoxiale, tant dans les plaines que
sur le dos des montagnes. Une violette à feudles
velues, qui termine pour ainsi dire la zone
des phanérogames sur le volcan de Ténériffe,
et que long-temps on a cru propre à cette
île ■ , se montre trois cents lieues plus au nord
près du sommet neigé des Pyrénées. Des gra-
minées et des qypéracées de l'Allemagne, de
teux qu'un certain nombre de piaules est à la fois
commun aux deux continens et aux zones tempérées
«les deux hémisphères. Polentîlla anscrina, Prunella
vulgaris, Scirpus mucronatus et Panicum Crus galU
croissent en Allemagne, dans la Nouvelle-Hollande,
et en Pensylvanie,
' Le Viola cheïranthifolia que nous avons dé-
crit, M. Bonpland et moi ( Chap. ii, Tom. I,
p. agg), aélé reconnn, par MM. Kunlh et Léopold de
Buch , parmi les plantes alpines que Joseph de Jussieu
a recueillies dans les Pyrénées.
CRAPITRK Xni. ^5l
TArabie et du Sénégal, pn) été Kconnues
parmiles plaate^qae BLBpDpI^ind çt moiaTons
recueillies sur les pkteamc froidis dii Mexique,
le long des rives brâlantesd^ rOrénoque^et
dans lliéiaisphèr0 austral sur le dos des Andes
de Quito ^ Cpounent cçncevoir les iqigrations
des plantes à travers des régions d'iui climat si
différent , et qui soqt aujoujdluii couvertes
par rOcédD? Gomment les^ germes des étreji^
^orgàniqu^y qui se ressembl^pl par leur port
et même p^ )ew structure ip terne » se sont4l8
.dé velo}^>és à dloégales distances des pôles et
de la sur£u^ des nftrs, partout où des lieux
si distans offîreut quelque analogie de tempé-
rature? Malgré llufluenceque lapressioi^ de
Tair et lesKtinctioB phis on moins grande de
la lumière exercent ^or les fonctions vilaleis
des plantes, c'est pourtant la dialeur mégat-
Jement distribuée jentre 1^ différente» partie»
de Tannée ^que l'on doit (considérer comme
lest imnk isie plus puissant de la végétation..
' CTpervs mmenmxîm^ Pea Eragrofti^^ Fe»tO«»
Mjvnift, Andropegovk atenaceiis, ^^'f^fl^ ntttmmë^
( Yojes n^ Notfa Gemera et Spec., T^oi. 1, p. %xm,
i5S j iSS^iSg, 1^9')
232 LIVRE IT.
Le D ombre des espèces qui se trouvent
identiques dans les deux conlinens et dans les
deux hémisphères, est beaucoup moins grand
qiï'on ne l'avoit cru d'après les assertions des
premiers voyageurs. Les hautes monlagnes
de l'Amérique équinoxiale ont sans doute des
plantains, des valérianes, des arénaires, des
renoncuk's , des néfliers, des chênes et des pins,
qu'à leur physionomie on pourroitconfondre
avec ceux de l'Europe jmiiîs ils en sont tous
spécifiquement différens. Quand la nature
n'offre pas ies mêmes espèces , elle se plaît à
repéter les mêmes genres. Des espèces voi-
sines sont souvent placées à d'énormes dis-
tances les unes des autres, dans ies basses
régions de la zone tempérée et les régiom
alpines de l'équateur. D'autres fois encore (et
la SiUa de Caracas offre un exemple frappant
de ce phénomène) ce ne sont pas les genres
européens qui ont envoyé des espèces , comme
des colons, pour peupler tes montagnes de
la zone torride, ce sont des genres d'une même
tribu , difficiles à distinguer par leur port,
qui se remplacent à différentes latitudes.
Il y a plus de deux cents lieues de distance
des montagnes de la Nouvelle -Grenade, qui
' CHAI'ITIIB XIH.
entourent le plateau de Bogota > à celles de
Caracas; et cependant la Silla> seul pic
élevé dans une chaîne assez basse ^ offre ces
agroupemens singuliers de Befaria à fleurs
pourprées ^ d'Andromèdes, de Gaultheria j de
Myrtilles , d' Ui^as camarondê » , de Nerterû et
d'Araliesà feuilles velues*, cpii caractériHent
la végétation des Paramos sur les haules Cor-
\lillères de Santa-Fe. Nous avons trouvé le
même Thibaudia glandulosa à rentrée <iu
plateau de Bogota et dans le Pejual de la
Silla. La chaîne côtière de (Jaracas »e lie, à
n'en pas douter (par le Torîto , la Palorn^ra ,
Tocuyo, les Paramos de lasKoi^ai), dé Hiicono
et de Niquitao), aux haut^fs Cordillère* de
Merida, de Pamplona et de Santa^Fe; mau
de la Silla au Tocu^'o, «ur une àuiAà%M'*t de
' Le non Am vigne en arbre et Jftfyaê eémartHun^
cmdonné, dans lea AnJea^ a» ptantea d«f ^seore 11m-
Inodia, âcaofe de Jeu» grand» Cntiifta MM2CMb;n«/ C/mH
ainsi qne les botaiÀtea anciens apfieUeni i^/]^Mr d'tmfi^
(nva nrsî)^ et s^/^/t» ^/a MonlLta (Wfis I^^fc^y kss
AHkoosiers et Ses MrrtiJIet ^jv; a}>2;K»i ùmmcui *:^^u$mK le
TUhandSui a la têsmSié^ ^a.\ Erkic^ée^.
a34. LiVHE iv.
soixante-dix liques , les montagnes de Caracas
sont si basses , que les arbustes de la famille des
Ericioéesquenousvenonsde citer, n'y trouvent
pas le climat froid qui est nécessaire à leur
développement. En supposant même , comme
il est probable , que le Thibaudia et le Rosage
des Andes ou Befaria, existent dans le Paramo
de Niquiiao et dans la Sierra de Merida, cou-
verte de neiges éternelles, ces végétaux n'en
manqueroient pas moins d'une arête assez
élevée et assez prolongée pour faire leur
migration vers la SUta de Caracas.
Plus on étudie la répartition des êtres orga-
nisés sur le globe, et plus on est porté , sino»
à renoncer à ces idées de migration , du moins
à ne pas les considérer comme des hjpotbèses
satisfaisantes. La chaîne des Andes partage
longitudinalement toute l'Amérique méridio-
nale en deux parties inégales. Au pied de celte
chaîne , à l'est et à l'ouest , nous avons trouvé
un grand nombre de plantes spécifiquement
les mêmes. Les différens passages des Cordil-
lères ne permettent nulle part aux produc-
tions végétales des régions chaudes de passer
des côtes de la mer du Sud aux rives de
l'Amazone. Lorsque , soit au milieu des plaines
CHAPITRE Xni. a35
et de montagnes très-basses , soit au centre
d'un archipel d'îles soulevées par les feus sou-
terrains, un pic atteint une grande hauteur,
sa cime est couroonée d'herbes alpines , dont
plusieurs se retrouvent, à d'inimenses dis-
tances, sur d'autres montagnes qui ont un
climat analogue. Tels sont les phénomène-s
généraux de la distribution des végétaux, et
l'on ne sauroJt assez engager les physiciens
à les étudier. En combattant des hypothèses
trop légèrement adoptées , je ne m'engage pas
à leur en substituer d'autres plus satisfaisantes.
Je pense plutôt que les problèmes dont il
s'agit ici sont insolubles , et que le physicien
a rempli sa tâche, s'il indique les lois d'après
lesquelles la nature a distribué les formes
végétales.
On dit qu'une montagne est assez élevée
pour entrer dans les limites des Rhododen-
drum et des Befaria, comme on dit depuis
long-temps qu'une montagne atteint la bmite
des neiges perpétuelles. En se servant de celte
expression , on suppose tacitement que , sous
rinflucnce de certaines températures, cer-
taines formes végétales doivent nécessaire-
ment se développer. Une telle supposition
236 LITHE IV.
n'est pas rigounuse dans toute sa généralité.
Les pins du Mexique manquent sur les Cor-
dillères du Pérou. La Silla de Caracas n'est
pas couverte de ces chênes qui , dans la Nou-
velle-Grenade, végètent à la même hauteur.
L'identité des formes indique une analogie
de climats; mais, sous des climats analogues,
les espèces peuvent être singulièrement diter-
siliées.
Le charmant rosage des Andes, leBefaria,
a été décrit le premier parM. Mntis, qui l'avoit
observé près de Pampiona et de Santa-Fe de
Bogota, par les ^^ et 7" de latitude boréale.
Il étoit si pen connu, avant noire excursion
à la Silla , qu'il n'exisloit presque dans aucun
herbier de l'Europe. Les savans éditeurs de la
Floiv du Pérou l'avoient même décrit sous un
nouveau nom , celui d'Acunna. De même que
les rosages de la Laponie, du Caucase et des
Alpes ' diffèrent entre eux, les deux espèces
de Bi'faria que nous avons rapportées de la
Silia ' sont aussi spécifiquement diff'érentes de
' IlIiU(Io[leii<lrum Inponîcuiii , R. caucasicum, R, fer
riigincum et R. liirsutum.
'' Itufaria ^/rtHM , B. kdifolia. Yoyei nos PianlM
f'jainoxiales, Tom. Il, p. ii8-ia6 (Toi). 117-iai),
CHAUTEE ZUl. 987
celles de SantarFe de Bogota >. Près de Téqua^
teur^ les Rosages des Andes ^ couvrent les
montagnes jusque dans les Paramos les plus
élevés^ à seize et dix-sept cents toises de bau-
tevr* Kn avançant vers le nord ^ dans la. Silla
de Caracas 9 on les trouve beaucoup plus baSf
un, peu au-dessous de mille toises : le Befiiria 9
récemment découvert dans la Floiide, par les
So^delatitude^yégète même sur descolUoes
de peu de hauteur. Cest ainsi que f %ut une dis'
tance de 600 lieues en latitude 9 ce» arbustes
descendent vers les plaines à maure qu'ils ii!é>
loignent de Féquateur, Le Ilosage de lM\H$nm
végète de même huit k neuf cent* U/mth plu*
bas que le rosage des Alpes et d^fs Vyrét^ém.
Noos avons été surpris de fi Avoir déuu$U¥isri
aocone espèce de BeùuM dsjtf^ les nu$nisêf^m^
duMexique^ entre itêrMS^gméésSsutUi^lf eut
d^ Caracas et ceux de la Fkffide^
J)gBÈslefetiilHH:^eiimc4mroMmUfMU,
et f|ifw>îi|fcifne «Mini ^fot mmé itt^^Hm 4li«
a38 LTTRE IV.
le Befuria ledifolia n'a que trois à quatre pieds
de haut. Le tronc est diTisé,dès sa base, en un
grand nombre de rameaux fragiles et presque
TerticiUés. Les feuilles sont ovales, lancéolées,
glauques en dessous , et roulées vers les bords.
Tonte la plante est couverte de poils longs
et visqueux; elle a uoe odeur résineuse très-
ao;rcable. Les abeilles visitent ses belles fleurs
pourprées, qui sont très-abondantes comme
dans toutes les plantes alpines , et qui , bien
épanouies, ont souvent près d'un pouce de
largeur.
Le Rfiododendrum de la Suisse, là où il
végète entre 800 el 1 100 toises de hauteur,
appartient à un climat dont la température
moyenne est de + 2° et — 1", semblable à
celle des plaines de la Laponie. Dans cette
zone, les mois les plus froids sont de — 4°^*
— 10"; les mois les plus chauds , de 13" et de
7". Des observations thermométriques , faites
aux mêmes hauteurs et sous les mêmes paral-
lèles , rendent très-probable qu'au Pejualde
la Silla , mille toises au-dessus du niveau de la
mer des Antilles , la température moyenne de
l'air est encore de 1 7" à 1 8" , et que le ther-
momètre s'y soutient, dans la saison la moius
CHAPITRE XIII. 289
chaude , de jour , entre 1 5^ et lo^ ; de nuit ,
entre 1 o^ et 1 a^. A rbospice du Sain t-Gotbard ,
tpi est près de la limite supérieure du Rosage
des Alpes , le maximum de chaleur est , au
mois d'août 9 à midi (à Fondre) , ordinaire-
ment de la^* à i5^; de nuit^ dans la même
saison , Tair s'y refroidit par Fefièt du rayon-
nement du sol, jusqu'à + 1 ou — 1^,6. Sous
la même pression barométrique , et par con-
siéquent à la même élévation , mais 3o^ en
latitude plus près de l'équateur^ le Befariade
la Siila est souvent exposé^ à midi ^ à une
température de nS^ à d4^. Le plus grand abais-
sement nocturne n'excède probablement ja-
mais 8^. Nous avons comparé avec soin le
climat sous lequel végètent , à différentes la-
titudes , deux groupes de plantes d'une même
famille à égale distance du niveau de la mer ;
les résultats auroient ététrès-différens^ si nous-
avions comparé des zones également dis-
tantes, soit des neiges perpétuelles , soit de la
ligne' isotherme ^
* La couche d'air dont la t^apératore ammeUe est
Uro , et qui ne coïncide guère arec la limite inifiêrietire
des neiges perpétueliei ^ se troo^e iur le parallèle des
24o LlVur, IV.
Dans le bocage du Pejual végèlent, pri?s
des Befaria à fleurs pourprées , un Hedyo-
tis à {'eiiiUes de bruyère, de huit pieds de
haut; le Capaivsa ' , qui est un grand Hype-
ricnm arborescent , un Lepidiuni qui pa-
roît identique avec celui de Virginie; enfin
des Lycopodiacées et des mousses qui ta-
pissent les rochers et les racines des arbres.
Ce qui donne , dans le pays, le plus de cé-
lébrité à ce bocage , est un arbusie de lo à
à x5 pieds de haut, de la famille des Gorym-
bilëres. Les créoles l'appellent Encens , In-
ciensoz. Ses feuilles coriaces et crénelées, de
même que l'extrémité des rameaux, sont
couvertes d'une laine blanche. C'est une nou-
Bliododendrum tic la Suisse à 900 lolscs; sur le pa-
rallèle des liefaria lie Caracas à 2700 toises de liauleur.
' Vismia Caperosa (servant d'appui à un Loran-
thusqul s'approprie le suc jaune du Vismia); Davallia
ntei/oiûj , Hieracium Ai'ilœ , Aralia arborea Jacq. et
Lipidium TÎrginicum. Deux nouvelles espèces de
LycopoUlum , le thyoides cl Varistatum, se montrent
déjà plus lias vers la Puerta de la Silla. (Voyeï nos
Nova Gen. et Spec. , Tom. I, p. .'58. )
" Trixis nereifoUa de M. Bonpiaiid. ''''"
CHAPITRE Xta. 1^1
Telle espèce de Trius, extrêmement rési-
neuse , et dont les fleurs ont l'odeur agi^able
du storaîx. Celte odeur est Irès^difierente de
celle qu'exhalent les fletfs du Trixis there-
bintînacéa des montagnes de la Jamaïque op-^
posées à celles de Caracas. On mêle quelque-
fois Ylncienso de la Silla aux fleurs du Pe^^e^
terUf autre composée donïFarome ressemelé
a celui de THéliotrope du Pérou. Le Peveteré
ne s'élève cependant pas sur les montagnes
jusqu'à la zone du fieiaria : it vient dans la
vallée dé ChafCao, et les dames de Caracas
l'emploient pour préparer une eau de senteui^
extrêmement agréable.
Nous nous arrêtâmes long-temps à exa-**
fliiner ks belles plantes résineuses et odori-
féranles dû PejuaL Le ciel devint toujours
plAs sombre. Le therinomètre baissa jus-*
qu'au^-dessous de ii^ C'est une température
àlaquielle, sous cette zone, on commence iii
^soli&ir du &oid. En quittant le bocage d'ar-
bustes' alpins y on se troQve de nouveau dans
une sa:^anek Nous gravîmes une partie d^
dôme occidental pour descendre dans ren-
foncement de la Selle , vallée qui sépare Içs
deux sommets de la Silla. C'est là que nous
IV. it>
243 Mvnn IV.
eûmes de grandes difficultés à vaincre, à causé
delà force de la végétation. Un botaniste ne -
devineroît pas aisément que le bois épais qui
couvre ce vallon est formé parl'agroupement
d'uneplanle de lafamilledesMusacées '.C'est
probablement un Maranta ou un Hcliconia;
ses feuilles sont larges et lustrées; il s'élève à
i4ou i5 pieds de hauteur, et ses tiges succu-
lentes sont rapprocliéesconime le chaume des
Cannes', que l'on trouve dans les régions hu-
mides de l'Europe australe. Il fallut se frayée
un chemin à travers cette forêt de Musacées.
Les nègres oousdevançoienl avec leurs cou-
telas ou machettes. Le peuple confond celte
Scitaminéc alpine avec les graminées arbo-
rescentes, sous ie nom de Carice : nous n'en
vîmes ni les Heurs nî le fruit. On est sur-
plis de trouver une famille de Monocotylé-
dones , que l'on croit exclusivement propre
aux régions basses et chaudes des tropiques,
à iioo toises de hauteur, bien au-dessus des
Andromèdes, des Thibaudia et du Rosage
des Cordillères ^. Dans une chaîne de mon-
* Soitaminèea ou Tiimille des Bananiers,
* Arundo dooax.
3 Befaria.
cnAHTEB ani. %J^S
ta^és ^ademeat éterée él jlos septeotrio*
Bale^eiicore, dans les mont^^es bleues de
la Jamaïque > le H^Uconia des perroquets '^X
le. Bihai croissent aussi de préférence dans
des lieux alpins ombragés ^
.En jerrant dans ce bois épais de Musacées»
OU; herbes arboi:«sceptes -, nous nous diri-*
geaHies toujours du côté du pic oriental que
nous devions atteindre. Il.étoit de temps en
temps visible par une clairière. Soudain nous
lious trouvâmes en velpppés dans une brume
épaisse : la boussole $eule pouvoitnous guider;
mais^ en avançant vers le nord^ notis ris-
quâmes à chaque pas de nous trouver au bord
deFénorme mur de rochers qui descend pres-
que perpendiculairement à 6000 pieds de
profondeur vers la mer« 11 fallut s'^a fréter;
entoorés de nuages qui lasoient h terre , lunÊ»
commençâmes à douter si naos potncrioiis »t^
teiiidre le pic onental avant fentrée de la
mùL Heureusenicaat les iiègres qui potkMr^t
dans lo T/sm. ëf tA^ HûtU tôt. ,llém^ i f f. ^^.)
Ces étMK Helîfottia Mttt ^ à la Jerve^tifn/m f U*m^
2'|/f iivnE tv.
l'eau et nos provisioiw nous avoient rejoints,
et rrous résolûmes de prendre qiielque nour-
ritHre. Notre repas ne i'utpaslon^'. Soit que le
père capïicin n'eût pas pensé aii fjrand nombre
de personnes qui omis accompagnoient , soil
(fiie les esclaves eussent toticlié aux provisions
pendant la route, nous ne trouvâmes que des
olives et presque pas de pain. Horace, dans
sa retraite de Tibitr, n'a pas vanté de repas
plus frugal et plus léger ' ; mais les olives qui
poiivoient nourrir un poète livré à t'étodg
et à la vie sédentaire, paroissent un aliment
bien peu substantiel à des hommes qui gra-
■çissent les montagnes. Nous avions veillé la
majeure partie de la nuit, et nous marchâmes
pendant neuC heures sans avoir trouvé de
sources. Nos guides étoient découragés^ ils
voulurent :disoIument redescendre , et noDs
eûmes, M. Bonpland et moi, beaucoup dt
peine à les retenir.
Je fis , an milieu de la brume , l'expérience
de l'électromètredeVolta armé d'une mèche.
Quoique très -rapproché des Heliconia réunis
en un bois épais , j'obtins des signes d'électri-
cité abnosphéiiqiie très-fioisiUes. Elle passa
$oo¥enl du positif au oégalif , eo changeant
d'iateo^é à chaque instanl. Ces Tanalîons et
le oonfiil de plosieuis peMs counna d'air qui
divisoient la brume ei la transfarfDoieDt ea
Buages à contours délanninés, me parurent
des pronostics infaiUiUesd'uD changement de
temps. U n^étoit que deux be^KS après midL
Nous conçàmes quelque espoir de pouvoir
atteindre le sommet oriental delà SîUa avant le
coucher du soleil, et de redescendre dans Iç
vallon qui sépare les deux pics. Cest là que
nous comptions passer la nuit ^ en allumant un
grand feu, et en fiûsant construire par les
nègres une cabane avec les feuilles larges et
minces de THeliconia. Nous renvojâmes la
moitié de nos gens, en leur en}oignant de venir
le lendemain malin à notre rencontre , noa
avec des <Jives, mais avec des furovisions de
viandes salées.
A peine avionsHM>us pris ces dispositions p
que le vent d est commença à souffla avec
impétuq^ité du côté de la mer. Le tberoiomètre
a'éleva jusqu'à i aS5. Cétoit sans doute un vent
ascendant qui y en faisant hausser la tempéra-
ture , disscdvoit les vapeurs. En moins de deux
2/|6 LIVRE If.
minutes, les nuages disparoissoient. Les deux
«bornes de la Silla se montrèrent à nos yeox
dans une proximité extraoï'dinaire. Nous ou-
vrîmes le baromètre dans la parue la plus
basse de l'enfoncement qui sépare les som-
mets , près d'une petite marr^ d'eau très-boui^
beuse. Ici, comme dans les îles Antilles ■ , on
trouve des terrains fanc^enx à de grandes hau-
teurs, non parce que les montag^nes boisées
attirent les nuages, mais parce qu'elles con-
densent des vapeurs par l'efFet du refroidisse-
ment nocturne que causent le rayonnement
du sol et celui du parenchyme des feuilles.
Le mercure se soutenoit à 21 pouces 5,7
lignes. Nous nous dirij^eàmes droit vers le
sommet oriental. La végélation nous opposa
peu à peu moins d'obstacles : U fallut cepen-
dant encore abattre des Heliconia; mais ces
herbes arborescentes éloient moins élevées et
moins rapprochées. Ix'S pics mêmesde la Silla,
comme nous l'avons rappelé plusieurs fois,
ne sont couverts que de graminées et de petits
arbustes de Ptcfaria. Ce n'est pas leur, hauteur
qui est la cause de leur nudité. La limite des
' Lebloiit), foyags aux Antilles, Tom. I, p. 4ao-
CHATiT&s xni. s47
1
arbt'es'^ dans cette zone, est encore de 4oo
toises plus* élevée; car^ à* en juger d'après
l'analogie d'autres montagnes » cette limite ne
se^ trouveroit ici qu'à 1800 toises de hauteur;
Le manque degrands^arbves sur les deux som-
mets rocheux de la Silla paroit dû à l'aridité
du soUà l'impétuosité des vents de mer, et
aux incendies si fréquens dans toutes les mon«
tagnes de la région équinoxiale*.
Pour atteindre le pic le plus élevé y celui de
Test^ il faut se rapjNrocher^.autant que pos-
sible f de l'énorme escarpement qui descend
vers Garavalleda et les côtes. Le gneiss avoit
conservé jusqu'ici sa texture lamelleuse et sa
direction primitive; mais là où nous gravîmes le
sommet de la Silla , il passe au granité. Sa tex-
ture devient grenue ; le mica^ plus rare^ est
plus inégalement réparti. On ne trouve plus
.de grenats , mais quelques cristaux isolés d'am-
phibole. Ce n'est cependant pas une syénite^
•c'est plutôt un granité de nouvelle formation.
Noos mimes trois quarts d'heure poar par^
venir à la cime de la pjramide. Cette partie du
chemin n'est aucunement périlleuse , pourvu
qu'on examine bien la solidité des bloc.H de
roHchers sur lesquels on pose le pied. Le gra^
a48 LIVKE IV.
nile superposé au gneiss n'offre pas une sépa-
ration régulière en bancs; il est divisé par des
fentes qui se coupent souvent rn angles droits.
Des blocs prist)»filique«i , d'un pied de large et
de douze pieds de longueur, .sortent oblique-
ment de la terre , el se présentent au bord du
précipice comme d'énormes poutres suspen-
dues au-dessus de l'abîme.
Arrivés au sommet, nous jouîmes, mais pen-
dant peu de miiiules seulement, de toute la sé-
rénité du rie!. Nos regards embrassoient une
vaste étendue de pajs; ils plongeoientà la fois,
Tcrsle nord sur la mer, vers le midi sur la val-
lée fertile de Caracas. Le baromètre se soutint
à 20 ponces 7,6 lignes; la température de
l'air éloit de i5°,-j. Nous nous trouvâmes à
i35o toises de hauteur. La vue embrasse une
étendue de mer de 36 lieues de rajon. Ceux
dont les sens se troublent à la vue des profon-
<teurs doivent se tenir au centre du petit
]>latean qui surmonte le dôme oriental de la
Silla. La montagne n'est pas très-remarquable
par sa hauteur, qui est presque de cent toises
moind re que la hauteur du Canigou ; mais elle
se distingue de toutes les montagnes que j'ai
parcourues par l'énorme précipice qu'elle
GHAPITEB XIII. a4d
offre du cplé de I4 mer. La côte ne foroie
qu une lisières étroite ; et , en regardant du haut
d^ la pyramide su^ les maisonsde GararaUeda»
ou s'imagîniÇ; par une illit&ion d'optique donk
nous aYon3 souveal parlée que le mur dérocher^
est presque perpendiculaire, lia véritahJe in-
clinaison de la pente m'a paru , par un calcul
exact S de 5^^ 28'. JL'inclinai^on moyenne du
pic de TénériflEe e^ à peine de is^So^ Un
précipice de six à sept mille pieds ^ comme
celui de la^ill^ de Ç9Ts^Qas, est un phépomène
beaucoup plus rar^que ne l'imaginent ceu^c
qui parcourent Iç^ mpptagnes sans mesurer
leur hauteur, leur masse et leurs pentes. De-
puis qu'on s'est occupé de nouveau , d?ns plu"*
sieMir$ parties de l'Europe ^ d'expériences sur
la chute des corps et sur l^ur déviation vers
le sqd-est^ on a cherché inutilement ?^ dams
.' I^es obBeryationf i^ hliii^M donnent; pçur la
distance horizontale du pied de la montagne prcs de
CarfiYalleda à la verticale qui passe par le sommet,
l peine 1000 toises.
* F'oyet le témoignage du géognotte qui a la plus
parcooni les Alpes, M. Efciiir, de Zurich; d^os
sSd tITBE IT.
toutes lesAlpes delà Suisse, un mur de rocher
qui ait 260 loises de hauteur perpendiculaire.
La déclivité du Mont-Blanc vers l'allée Blanche
n'atteint pas même un angle de 45°, quoique,
dans la plupart des ouvrages géologiques, le
Mont-Blanc soit décrit comme coupé àpîc
du côté du sud.
A la Silla de Caracas, l'énorme falaise
septentrionale est en partie couverte de végé-
tation , malgré l'extrême rapidité de sa pente.
Des touffes de Beftiria et d'Andromèdes se
présentent comme suspendues au roc. La pe-
tite vallée qui sépare les dômes vers le sud, se
prolonge du côté de la mer. Les plantes
alpines remplissent cet enfoncement; débor-
dant la crête de la montagne, elles suivent
les sinuosités du ravin. On croiroit que des
torrens sont cachés sous des ombrages si frais,
et la disposition des végétaux , l'agroupe-
ment de tant d'objets immobiles, donnent au
paysage le charme du mouvement etde la vie.
Il j avoit sept mois que nous nous étions
trouvés au sommet du volcan de TénériOe,
d'où l'on embrasse une surface du globe égale
au quart de la France. L'horizon apparent de
CHAPITRE XIII. 25-1
la mer j est de 6 lieues plus éloigné ^ qu'à la
cime de la Silla, et cependant nous vîmes cet
horizon, du moins pendant quelque temp$,
très-distinctement U étoit bien tranché , et ne
seconfondoit pas avec les couches dair cir*
convoisines. A la Silla, qui est de 65o toises
moins élevée que le pic de TénérifFe, rborizon
plus rapproché nous demeuroit invisible vers
le nord et le nord-nord-est En suivant de l'œil
la surface de la mer, qui ressembloit à celle
d'une glace, nous fûmes frappés de la diminu-
tion progressive de la lumière-réfléchie. Là où
lerajon visuel touche la dernière limite de cette
surface , l'eau se confondoit avec les couches
d'air superposées. Getaspect a quelque chose
de très-extraordinaire. On s'attend à voir i'ho-
nzoD au niveau de Fœil ; et, au lieu de distinguer
à cette hauteur ime limite tranchée entre les
deux élémens, les couches d'eau les plus éloi'-
gnëes paroissœent comme converties en va-*
peurs, et mêlées àfOcéan aérien. J*ai eu ce
méaie aspect, non dans une seule partie de Hjo*
ri£oa,maissiirplosde iCk^d'éteôdiie.auhord
Quip. II , p. Jo4«
2:12 Livnr, 1
lie la mer du Sud , lorsque je me trouvai , pour
la première fois , sur le rocher pointu qui do-
mine le cratère de Piehiiicha , volcan dont la
hauteur excède celle du Mont-Blanc, La visibi-
lité d'un horizon très-éloigné dépend , lorsqu'il
n'y a pas mirage, de deux choses distinctes,
lie la quantité de lumière que reçoit la partie
de l'Océan à laquelle aboutît le rajon visuel,
etde l'extinction qu'éprouve ialumrcre réflé-
chie , pendant son passage à travers les couches
d'air interposées. Il peutarriver que, malgré la
sérénité du ciel et la transparence de l'atmos-
phère , l'Océan, à 35 ou l\o lieues de distance,
soit foiblement éclairé, on que les couches
d'air les plus rapprochées de la terre éteignent
considérablement ia lumière en absorbant les
ravonsqni les traversent.
Même en supposant nuls les effets de la
i-ériaclion ' , on devruit voir, du iiau t de la Silla,
par un beau temps, les îles Tortuga, Orchila,
lloques et Aves, dont les plus rapprochées
bontà 2 S lieues de distance. Nous n'aperçûmes
uucune de ces îles, soit que l'état de l'atmos-
' Le rayon \isuel est sans réfraclion de i°3i)'en
iirc; avec uim rclraclion d'un i]iiièiae,ile3t de l'tc/.
i
< CHAPITRE xni. 3â5
pkëre nous en empêchât^ soit que le temps
que ODiis pâmes employer par uo ciel serein
à chercher les îles ne fut pas assez long. Un
pilote instruit, qui avoit tenté de grayir avec
nous à la cime de la montagne , don Miguel
Areche ^ nous assilra avoir relevé la Silla près
les Gajes de Sel , à la Rocca de Fuera , par les
1291^ de Ia1Stude^ Si les cimes envi^onBantes
n'interceptoient pas la vue, oft devroit^ du
sommet de la Silla y voir la c6te, à l'est jusqu'au
Morro de Piritù , à Touest jusqu'à laPunta del
SoldadO) lo lieues au-dessous du vent de Porto-
Gabello. Au sud , dans l'intérieur des terres ,
k rangée de montagnes qui séparent Yare et
hisapone d^Ocumare de la vallée de Caracas ,
bornent l'horizon^ comme un rempart qui se
prolonge dama la direction d'un parallèle. Si
oe rempart avoit une ouverture , une brwhe »
comme on en trouve si souvent dans les hautes
montagnes du Salzbourg^ et de la Suisse ^ on
joiuîroit ici du spectacle le plus étonnant. On
déeouvriroit à travers la brèche les Llanos ou
' La latitude de la SiUa e»t lo'' ZV ^' d'aprè»
H Ferrer.
* Par exemple^ au Pmas Lueg.
sSi tlvTlE TT.
xastcs steppes de Calabozo; et comme ces
steppes s'élèveroient à la ijauleur de l'œil de
i'oliser valeur, on verroit du même point les
horizons »eml)lables de l'eau et de la terre.
Le pic arrondi ou dôme occidental de la
Sillanousdi-roba la vue delà ville de Caracas;
niais nous distinguâmes les maisons les plus
voisines, les villages de Chacao et dePetare, les
plantations de caCer et le cours du Rio Gua^re,
filet d'eau qui reflctoit une lumière argentée.
La bande étroite de terrain cultivé contrasloil
.'igréablenient avec l'aspect morne et sauvage
des montagnes d'alentour.
En euibrasfant d'un coup d'teil ce vaste
paysage, on regrette à peine de ne pas voir
les solitudes du ]\ou veau-Monde embellies
de l'image des temps passés. Partout où , sous
Ja zane torride, la terre , hérissée de montagnes
et jonc'hée de végétaux, a conservé ces traits
primitils, l'homme ne se présente plus comme
le centre de la création. Loin de dompter les
élémens, il ne tend qu'à se soustraire à leur
empire. Les changeraensque les sauvages ont
laits depuis des siècles à la surface du globe,
disparuissent auprès de ceux que produisent ,
cil quelques heures, l'action des feux souter-
CHAPITRE Xllt. 25S
rains, les débordemens des grands fleuves,
rirnpéluosité des tempêtes. C'est la lutte des
élémens entre eux qui caractérise dans le Nou-
veau-Continent le spectacle de la nature. Un
pays sans population se présente à Fhabitant
de l'Europe cultivée comme une cité délaissée
par ses habitanSé En Amérique y lorsqu'on a
vécu pendant plusieurs années dans les forets
des basses régions ^ ou sur le dos des Cordil-
lères^ lorsqu'on a vu des pays étendus comme
la France ne renfermer qu'un petit nombre de-
cabanes éparses> une vaste solitude n'effraie
plus notre imagination. On s'habitue à l'idée
d'un monde qui ne pourrit que des {Nantes et
des animaux , où l'homme sauvage n'a jamais
fait, entendre le cri de l'allégresse ou les ac*
cens plaintifs de la douleur^
Kous ne pûmes profiter long-temps dés-
avantages qu'offre la position de la Silla^ qui«
domîne^ur toutes les cimes d'aleotour. Tandis
que nous examinions avec une lunette la partie
de la mer dont l'horizon étoit bien terminé ,■
et la chaîne des montagnes d'Ocumare , der-
rière laquelle commence le monde inconnu
de rOrénoque et de l'Amazone, une brume
épaisse s'éleva des plaines vers les hautes
2^)0 LIVRE IV.
régions. Elle rempHssoit d'abord le foiid de la
vallée de Ciiracas. Les vapeurs, éclaii-ées d'en
haut, offroient une teinte uniforme, d'uD blanc
laiteux. La vallée paroissoit couverte d'eau; on
eût dit d'un bras de mer, dont les montagnes
voisines formoient le rivage escarpé. Nous
attendîmes long-temps en vain l'esclave tpii
portoit le grand sextant de Ramsden ; il fallut
profiler de létat du ciel, el me résoudre à
prendre quelques hauteurs du soleil avec un
sextant de Trougliton , de deux ponces de
rayon. Le disque du soleil étoit à demi-voilé
par ta brume. La différence de longitude entre
le qnarlier de la Trinidad et le pic oriental de
la S-illa paroîl à peine excéder ' o"3'22''.
Tandis que, assis sur le rocher, j'étois oc-
cupé à déterminer l'inclinaison de l'aiguille
aimaalée, je trouvai mes mains couvertes d'une
espèce d'abeilles velues, un peu plus petites
que l'abeille mellifique du nord de l'Europe.
Ces insectes font leurs nids dans la terre. Ils
volent rarement ; et, d'après la lenteur de leurs
mouvemens, je les aurois crus engourdis par
' ta (lifiËrende de longitude de la Sîlla el de ù'
Cuavra est, d'après M. Fidalgo, o" S'io".
CHAPITRE Xlir. 2^7
ïe froid des montagnes. Le peuple, dans ces
régions, les appelle de petits anges, angelitos,
parce qu'ils ne piquent que très-rarement. Ce
soDtsans doute des apiaires du groupe des Me-
lipoues. Quoi qu'en aient dit plusieurs voya-
geurs ' , il n'est pas vrai que ces abeUlcs ,
propres au Nouveau-Continent, soient dépour-
vues de toute arme oHensive. Elles out l'ai-
guillon plus foible, et elles s'en servent plus
rarement. Lorsqu'on n'est pas encore bien
rassuré sur la douceur de ces angelitos, on ne
peut se défendre de quelque crainte. J'avoue
que souvent pendant les observations astro-
nomiques , j'ai été sur le point de laisser
tomber les instrumens, quand je me sentois
les mains et le visage couverts de ces abeilles
velues. Nos guides assuruient que ces insectes
ne se mettoieot en défense qne lorsqu'on les
irritoil en les prenant par les paltes.Jen'ai pas
été tenté de faire cet essai sur moi-même.
L'inclinaison de l'aiguille aimantée éloil, à
laSilla, d'un degré ceolésimai plus petite qu'à
la ville de Caracas. En réunissant les obser-
' Voyez le Mémoire de M- LatreiUe inséré dans
mes Ohsirv. dt Zoulogie, lom. Ijp. aGSetafis-
358 LIVRB IT.
■valions que j'ai faites, par un lenips calme et
dans des circonstances très-lavorables, soit
sur les montagnes, soit le long des côtes
voisines , on ' croiroit , au premier abord ,
reconnoître, dans cette partie du globe , nne
certaine influence des hantenrs sur l'incli-
naison de l'aiguille et snr l'intensité des
forces magnétiques; mais il faut remarquer
que l'inclinaison de Caracas est singulièrement
plus grande qu'on ne devroit le supposer
d'après la position de la vdle , et que les phé-
nomènes magnétiques sont modifiés par la
proximité de certaines roches ■ qui forment
autant de centres particuliers, ou petits sys-
tèmes d'attraction. ' ^ ■ '
' J'ai TU des fragmens de ijuarz que traTersent de»
IiBtiflGs parallèles de fer iiiagnélique , portés dans la
vallée de Caracas, par les caiii qui descendenl du
Galip.-tuD et du Cerro de Avîla. Cette mine de fer
magnétique ruhannée se rencontre aussi dans la Sierra
Nevada deMerida. Enlre les deux pics de U Silla, od
trouve des fragmens anguleus de quarz celluleoï et
couvert d'oxide rouge de ftr qui n'agissent pas sur
l'aimant. La couleur de cet oside est d'un rouge de
flu;d3.e.
CHAPITnE XIII.
.59
j^v^ (1800).
il
% s
^
il
^ et
È
il!
U Guayra
3
io''3C'i9"
69-37'
4a.,20
337
C««cas(Trinidad).
454
lo-So'âo"
69-35'
4a»,9o
>3i
LaVcuIa(deATila).
606
io'33'9"
69°28',4i°,75
a3i
i35o
io"3i't5"
fii)''3i'|4i°,go
aîo
/
La température de l'atmospLère varioit, sur
le pic (ie la Silla, de 11 à i4 degrés, selon
que le temps étoil calme ou que le vent souf-
floil.On sait combien il est difficile, sur la cime
des niouia-rnes , de vérifier la température que
l'on doit employer dans le calcul baromé-
trique. Le vent étoitEst, ce qui semble prouver
que la brise ou les vents alises s'étenden t , par
cette latitude, bien au-delà de iDoo toises de
hauteur. M. de Buch a observé qu'au pic de
17'
I
î6o IITRE IV,
Ténériffe, placé près de la limite septentrionale
des vents alises , on trouve , à 1 900 toises d'élé-
valion, iepliis souvent, ua vent de remou, ce\ui
(le l'ouest. L'académie des sciences avoit en-
gagé les physiciens qui accompagnoient l'in-
fortunéLaPeyroiiseàseservirde petits ballons
aérostatiques, pour examiner, sur mer, entre
les tropiques, l'étendue des vents alises. Ces
recherches sont très-difficiles à faire, si l'ob-
servateur ne quitte pas la surface du globe.
Les petits ballons n'atteignent généralement
pas la hauteur de la Silla, et les nuages légers
que l'on découvre quelquefois à des éléva-
tions de trois ou quatre mille toises, par
exemple, les moulons, restent immobiles, ou
ont le mouvement si lent, qu'on ne peut juger
de sa direction.
Pendant le court espace de temps que nous
vîmes le ciel serein au zénith , je trouvai le
bleu de l'atmosphère sensiblement plus foncé
que sur les côtes. Il étoit de 26",5 du' cyano-
Miètre de Saussure. A Caracas , le même instru-
ment n'indiquoit généralement, par un temps
beau et sec, que 18". II est probable qu'aux
mois de juillet et d'août, la différence de la
coolenr da ciel, sur les cotes et an sommet de
la Silla, est bien plus considérable encore K
Mais le phénomène météorologique dont nous
-avons été le plus frappés , M. Bonpland et
moi, pendant le séjour d'une heure que nou»
fîmes sur la montagne, ce fut celui de la séche-
resse apparente de Tair, qni senibloit aug*
onenter à mesure que la brume se formoit
Lorsque je tirai de sa caisse lliygromètre à
baleine pour le mettre en expérience, il
montra 62^ (87<^Sauss* )• Le ciel étoit clair;
cependant des traînées de vapeurs à contours
distincts passoient de temps en temps au mi-
lieu de nous , en rasant la terre. L'hy gromètra
de Deluc rétrogradoit à 49^ (8^^ S.). Une
demi-heure plus tard, un gros nuage vint
nous envelopper; nous ne dii^inguâmes p\m
les objets qui nous entooroient de plus près ,
et nous vîmes avec surprise qu^ Tinstrument
continuoit à marcher au sec , jusqu'à 47^/7
(84^ S. ). La température de Taîr étoit , pen-
dant ce temps, de 12^ à i5^* Quoique , pour
rhjgromètre à baleine>le point de satura^
' frayez plus haut, C3iap. u, p* lia, et Chap. ui,
p. 248.
aGa LIVRE IV.
tion dans l'air ne soit pas à loo", mais à Slt',S
{()g"S.}, cel effet d'un nuage sur la marcLe
de rinslrument me parut des plus extraordi-
naires. La brume dura assez long-temps pour
que la bandelette de baleine, par son attrac-
lion pour les molécules d'eau , eût pu s'alon-
ger, iSos viHemens ne furent pas humectés.
Un voyageur exercé aux observations de ce
g;enre , m'a assuré récemment avoir vu , à la
Montagne Pelée delà Martinique , un effet sem-
blable des nuages sur l'hygromètre à cheveu.
Il est du devoir du physicien de rapporter
ies phénomènes que la nature présente, sur-
tout lorsqu'il n'a rien négligé pour éviter les
erreurs d'observation. M. de Saussure a vu
une énorme ondée pendant laquelle son hy-
gromètre , qui n'éloit pas mouillé par la pluie,
se soutint ' ( presque comme à la Silla , pen-
dant le nuage) à S^","^ (48" ,6 Deluc) ; mais
on conçoit plus facilement comment l'air
interposé ejitre les gouttes de pluie n'est pas
parfaitement saturé, que l'on ne peut expli-
quer comment des vapeurs vésiculaires qui
touchent immédiatement le corps hygrosco-
' Fvyez phis liaul, Cliap, m, p. a'iy.
CHAPITRE xm. d65
pique 9 ne font pas marcher ce corps vers
i'huaiidité. Qu'est-ce que cet état d'une vapeur
qui ne mouille pas et qui est visible à Tœil?
Il faut supposer 9 je pense, qu'un air plus sec
s'est mêlé à celui dans lequel le nuage s'est
formé, et que les vésicules de vapeur, dont
le volume est de beaucoup moindre que celui
de l'air interposé^ nemouilloieot pas la surface
lisse de la bandelette de baleine. L air trans-
parent qui précède vn nqage peut être plu»
humide quelquefois que le courant d'air qui
nous arrive avec le nuage.
Il auroit été imprudent de rester plus long-
temps dans cette brume épaisse , au bord d'un
précipice de sept à huit mille pieds de profon-
deur '. Nous descendîmes le dôme oiûental de
la Silla , et nous recueiUimes en descendant
une graminée qui forme non-seulement un
nouveau genre très-remarquajble^ mais que ,
à notre plus grand étonnement, nous nvons
* Vers le nord-paest, les pentes paroissent plus
accessibles. On m'a même parlé d'un sentier de con-
trebandier qui conduit à Caravalleda entre les deux
pics de la Silla. Du pic oriental , j'ai relevé le pic
occidental Sj64^4o'0. , et des maisons qu'on m'a dit
appartenir à Caravalleda N.âd^ao^O.
2d4 livre it. ~
retrouvée dans la suite sur le sommet du vol-
can de Pichincha, dans rhémisphère austral,
à4oo lieues de distance de la Silla". Le Lichen
floridns, si commun dans le nord de l'Europe,
couvroit les branches du Befaria et de la
GauUheria odorata; il descendoit jusqu'à la
racine de ces arbustes. En examinant les
mousses qui tapissent le rocher de gneiss
dans le vallon, entre les deux pics, je fus
surpris de trouver de véritables galets, des
fragmens de quarz arrondis ^. On conçoit
que la vallée de Caracas a pu être ancienne-
ment un lac intérieur, avant que le Rio Gnajre
se fût frayé un chemin à l'est, près de Gauri-
mare , au pied de la colline d'Auyamas , et
avant que le ravin de Tîpe s'ouvrît à l'ouest
vers Catia et le cap Blanc; mais comment
imaginer que les eaux aient pu monter jns-
qu'au pied du pic de la Silla, lorsque les
montagnes opposées à ce pic , celles d'Ocu-
mare, sont beaucoup trop basses pour em-
' j4pgopogon cenchrnides. y oye^ nos Noir, gênera
e( S/)ec. , Tom. 1, p. iSa; Tab. XLII.
'' A. ces galets se trouvent mclcs , à n 70 toises de
liauteur, des fragmtius de mine brune de cuirre.
CHAPiTRB xni. a65
pêcher un déversement dans les Lianes? Les
galets n'ont pu être amenés par des torrens
de quelques points plus élevés , puisqu'aucune
hauteur ne domine la Silla, Faut-il admettre
qu'ils ont été soulevés comme toute la chaîne
de montagnes qui borde le littoral ?
. Il étoit quatre heures et demie du soir
lorsque nous eûmes fini nos observations. Sa-
tisfaits de Theureux succès de notre voyage ^
nous oubliâmes qu'il pouvoit être dangereux
de descendre dans Tobscurité sur des peotes
escarpées, couvertes d'un gazon ras et glissant.
La brume nous déroboit la vue de la vallée ;
mais nous distincifuâmes la double colline de
laPuerta^qui paroissoit , comme font toujours
les objets placés presque perpendiculaire^
ment au-dessous de nous , dans une proximité
extraordinaire. Nous abandonnâmes le projet
de passer la nuit entre les deux pitons de la
Silla ; et, après avoir retrouvé le sentier qoe
nous nous étions frajéen montant à travers le
bois tou£Pu dlleliconia, nous parvînmes au
Pejualy qui est la région des arbustes odori-
férans et résineux. La beauté des Befaria , leurs
branches coa?ertes de grandes fleurs pour-
prées^ aiiîroient de nouveau toute notre al^
î66 L1VHE IV.
tenlion. Lorsque dans ces cJiinats on recueille
des [diinles pour (aire des herbiers, on est
d'autant plus diflîcile snr le choix, que le luxe
de la véf^i'taLron est plus grand. On rejette les
branches qu'on vient de couper, parce qu'elles
paraissent moins belles que les branchesqu'on
n'a pu atleifidre. Surchargé de plantes en quit-
tant le bocage , on semble regretter encore de
ne pasavoirfait une plus riche moisson. Nous
nous arrêtâmes si long-temps dans le Pejual,
*[uc la nuit nous surprità notre entrée dans lu
savane, à plus de 900 toises de hauteur.
Comme, enlrt! les tropiques, le crépus-
cule est presque nul , on passe subitement
«le la plus grande clarté du jour dans les
ténèbres. La lune éloit sur l'horizon; son
disque éloit couvert de temps en temps par de
gros nuages que cbassoit un vent froid et impé-
lueux, Li's pentes rapides, revêtues d'herbes
jaunes et sèches, tantôt paroissoienl dans
l'omhre; lantùL, subitement éclairées, elles
resseml)l oient à dos précipices dont l'œil
mesuroit la profondeur. Nous marchâmes en
longue file; on tàchoit de s'aider des mains
pour ne jias rouler en tombant. Les guides
qui porlotcnt nos inslriunens nous abandon-
CHAPITRE XIII. 267
noient peu à peu pour coudber dans la mon-
tagne. Parmi ceux qui étoient restés , j'admi*
rois l'adresse d'un nègre congo , qui portoit
sur sa tête une grande boussole d'inclinaison;
il la tenoit constamment en équilibre^ malgré
l'extrême déclivité des rochers* La brume
avoit disparu peu à peu dans le fond de la
vallée. Les lumières éparses que nous vîmes
au-dessous de noas causèrent une double illu-
sion. Les escarpemens semBloient encore plus
dangereux qu'ils ne sont; et ^ pendant 6 heures
de descente continuelle > nous nous crûmes
également près des fermes placées au pied de
laSilla.Nous entendîmes très-distinctement la
voix des hommes et les sons aigus des guitares.
En général y le son se propage si bien de bas
en haut que y dans un ballon aérostatique , à
5ooo toises de hauteur , on entend < quelque-*
fois l'aboiement des chiens.
' Nous n'arrivâmes qu'à 10 heures du soir au
fond de la vallée , harassés de fatigue et de
soif. Nous avions marché presque sans inter^
Tuption, pendant i5 heures; la plante de nos
M. Gay-Lu8sac> dans son ascension du 16 sep*
tembre i&o5.
a68 LnRE pr.
pieds étoit dccliirée par les aspérités d'un sol
pieri:eux et par le chaiimc dur et sec des gra-
minées. Il avoit fallu quitter nos boites, dont
les semelles étoient devenues trop glissantes.
Sur des penles qnî , dépourvues de broussailles
ou d'herbes ligneuses, ne peuvent offrir aucun
appui aux mains, on diminue le danger de la
descente en marrhant pieds nus. Pour rac-
courcir le chemin, on nous conduisit de la
Puerta de la Sîlla à la ferme de Gallegos , par
un sentier qui mené à un réservoir d'eau,
«/ tanque. On manqua le sentier, et cette
dernière descente, la plus rapide do tontes,
nous rapprocha du ra"vin de Cbacaito. Le bruit
des cascades donna à cette scène nocturne
un caractère grand et sauvage.
Nous passâmes la nuit au pied de la Silla; nos
amis de Caracas avoieut pu nous distinguer,
par desluiiettes,surlesommetdu pîc oriental.
On s'intéressoit au récit de nos fatigues , mais
on étoit peu content d'une mesure qui ne
donnepas même à la Silla l'élévation del.i plus
haute cime des Pyrénées '. Comment blSmer
' On crnyoît anciennemnit que la liauteiir de la
Silla (le Caracas diffLroità peiiie <le celle du pic de Té-
nérilTe. Laet. Amerieœ descr. i633 , p. 68a.
CHAPITRE XIII. 36g
4x^ intérêt n^ional qui s'attache aux monu-
luens de la nature , là ou les monumensde Tari;
ne sont rien ? Gomment s'étonner que les habi-
tans de Quito et de Riobamba^ qui s'enor-
gueillissent depuis des siècles de la hauteur du
Chimborazo , se défient de ces mesures qui
élèvent les montagnes de l'Himalaya^ dans
l'Inde , au-dessus de tous les colosses des Cor*
dillères.
Pendant le voyage à la Silla, que je viens
de décrire , et pendant toutes nos excursions
dans la vallée de Caracas , nous fûmes très-
attentifs aux filons et aux indices de mines
qu'offrent les montagnes de gneiss. Gomme
aucun travail régulier n'a été suivi, il faut
se contenter d'examiner les crevasses , les par-
vins et les ébouleniens causés par les torrens
dans la saison des pluies. La roche' de gneniss
&isant passage quelquefois « à un granité de
nouvelle formation, quelquefois au schiste mi-
cacé, appartient, en Allemagne, auxj^ocheà
les plus métallifères ; mais dans le Nouveau-
Continent , le gneiss ne s'est pas montré jus-
qu'ici comme très-riche en ipinerais dignes
■* Surtout à de grandes baatears»
3yO LIVIîE IV.
freiploitalion. Les mines les plus célèbres
du Mexique et du Pérou se trouvent dans les
schistes primitifs et de transilion , dans les
porplijTCS trapéenSjlegrauwakkeet la pierre
calcaire alpine '. Sur plusieurs points de la
vallée de Caracas, le gneiss présente un peu
d'or disséminé dans de petits filons de quarz.
de l'argent sulfuré , du cuivre azuré et de la
galène; mais il reste douteirx si ces différens
gîtes métallifères ne sont pas trop pauvres
pour mériter des essais d'exploilation. Ces
essais ont été faits dès la conquête de celle
province vers le milieu du 16/ siècle.
Depuis le promontoire de Paria jusqu'au-
delà du cap la Vêla, les navigateurs avoient
trouvé parmi les habitans du littoral , des or-
nemens d'or, et de l'or eu poudre On pénétra
dans l'intérieur des terres pour découvrir les
lieux d'où venoit ce métal précieux; et,
quoique les renseignemens que l'on avoit pris
dans la province de Coro, aux marchés de
Curianaelde Cauchieto^, indiquassent assez
■ JVoii,.. r.sp., Tom. irr, p. 3a6.
' Petf.Martyr, Océan. Dec. I,Lib. ?-///, p. go-gl-
Grynœus, p. 83-84. Fmy Pedro Simon, Not. Il,
CHAPITRE XIII* 371
clairement qu'une vérilable richesse en mine-
rais ne se trouvoit qu'à l'ouest et au sud-ouest
de Coro , c'est-à-dire dans les montagnes qui
avoisjlnent celle de la Nouvelle - Grenade ,
toute la province de Caracas n'en fut pas ex-
plorée avec moins de zèle. Un gouverneur,
récemment arrivé sur ces côtes, ne pou voit
se faire valoir à la cour qu'en vantant les
mines de sa province; et, pour ôter à la
cupidité ce qu'elle a d'ignoble et de repous-
sant, on justifioit la soif de l'or par l'emploi
qu'on feignoit de donner à des richesses
acquises par la fraude et la violence. « L'or ,
dit Christophe Colomb » , dans sa dernière
Capm I , n.*> 3 , p. 55^ Herrera , Dec» /, Lib. IV^
Cap. r (Tom. I,p, 106). Les Espagnols trouTerent ,
en i5oo, dans le pays de Curîana (aujourd'hui Coro),
de petits oiseaux , des grenouilles et d'autres orne-
mens d'or massif. Ceux qui sayoient fondre ces figures
vivoient à Cauchieto, lieu plus rapproché du Rio la
Hacha. J'ai vu des omemens semblables à ceux que
décrit Pierre Martjr d'Anghiera^ et qui annoncent
des orfèvres assez habiles , parmi les ouvrages des
anciens babitaus de Cundinamarca. La même indus-
trie paroît avoir régné sur les côtes et plus au sud, dans
les montagnes de la Nouvelle-Grenade.
' Lettera rarUaima data nclle Indie nella isola di
i
272 LITRE I*.
lelire au roi Ferdinand , l'or est une chose
d'autant plus nécessaire à Votre Majesté, que,
pour accomplir une ancienne prédiction,
Jérusalem doit 'Jtre reconstruit par un prince
de la monarchie espagnole. L'or est le plus
excellent des métaux. Que deviennent ces
pierres précieuses qu'on cherche aux extré-
mités de la terre? On les vend, et l'on finit
par les convertir en or. Avec de l'or non-seu-
lement on fait tout ce que l'on veut dans ce
monde, on peut encore l'employer à tirer
des amcs du purgatoire et à peupler le pa-
radis. » Ces mots, d'une candeur si naïve,
portent l'empreinte du siècle où vivoil Co-
lomb ; nuis on est surpris de voir l'éloge le
plus pimipeux des richesses sortir de la
plume d'un homme dont toute la vie a été
marquée par un noble désintéressement.
Comme la conquête de la province de Vs-
nezuela a commencé par son extrémité oc-
cidentale, ce sont les montagnes voisines de
a j Juliodeli5o3, [Bansano, 1810), p. 3g-3l.
" I:0 oro il mcLallo sopra gli altri exccllcnLissimo , c
dcll' oro si faniio !i tesori e clii lo ticiie fa e opéra
quanlo Tuole iicl mondo , e (ioalmente aggïonge t
munclare lu aiiime al Paradîso. »
CHAPITBE XIII. 27S
Coro 9 de Tocuyo et de Barqiiisimeto ,
qui ont attiré les premières Tatlenlion des
Conquistadores. Ces montagnes réunissent
les Cordillères de la Nouvelle - Grenade
(celles de Santa- Fe, de Pamplona, de la
Grita et de Merida) à la chaune côtière de
Caracas. C'est un terrain jd'autant plus in-
téressant pour le géognoste , qu'aucune carte
n'a fait connoître jusqu'ici les ramifications
âes montagnes qu'envoient vers le nord-est
les Paramos de Niquitao et de las Rosas , les
derniers de ceux dont la hauteur atteint
1600 toises. Entre Tocujo , Araure etBarqui-
simeto^ s'élève le groupe des montagnes de
l'Altar. U se li^ , vers le sud-ouest , au Paramo
de las Rosas. Un rameau de l'Atlar se prolonge
au nord- est par San Felipe el Fuerte^ en se
réunissant aux montagnes granitiques du lit*
toral , près de Porto - Cabello. L'autre ra-
meau se porte, vers l'est, à Nirgua el le Ti-
naco, pour âe joindre à la chaîne de V intérieur ^
à celle de Yusma , Villa de Cura et Sabana
d'Ocumare. Tout ce terrain que nous ve-
nons de décrire sépare les eaux qui vont à
l'Orénoque de celles qui coulent dans l'im-
mense lac de Maracajbo et dans la mer des
XT. 18
3^4 LIVRE IT.
Anlilles. Il offre des climats plus tempérés que
chauds , et on le reg^arde dans le pays , inalgré
réloig'nemeot déplus de cent lieues, comme
im prolongement des terrains métallifères de
Pamplona. C'est dans ce groupe de montagnes
occidentales ■de Venezuela que les Espagnols,
dès l'année i55i, travaillèrent la inine d'or de
Bnria ■, qui donna Heu à la fondation de la
TÎlie de Barquisimeto ^; mais ces travaux,
comme plusieurs autres mines ouvertes suc
cessirement , furent bientôt abandonnés. Ici,
comme dans toutes les montagnes de Vene-
zuela , les gites de minerais ont été trouvés
très-inconstans dans leur rapport. Les filons
se divisentels'étrangient souvent: les métaux
ne paroissentque par rognons, et offrent les
apparences les plus trompeuses. Cependant
ce n'est que dans ce même groupe de mon-
tagnes de San Felipe et de Barquisimelo qu'on
a conlinué jusqu'à nos lemps le travail des
mines. Celles d'Aroa, près de San Felipe el
Fuerte, situées au centre d'un pays extrême-
ment fiévreux, sontles seules que l'on exploite
' jReal de Minas de Sa,t Felipe de Buria,
CHAPITRE XIII. 375
dans toute là capitainerie générale de Gara-
cas. Elles donnent une petite quantité de
calVre> et nous en parleront plus tard après
aroir. parcouru les belles vallées d'Aragua et
les bords du lac de Valence.
Après les exploitations de Buria , près de
Barquisimeto y ce sont celles de la vallée de
Caracas et des montagnes voisines de la capi-
tale qui sont les plus anciierihes. Francisco
Faxardo et sa fetïimé Isabelle , de la nation
des Guaiqueries , tous deûst: fondateurs de la
tille du GoUado S vi^îtoiént souvent le pla-
teau où se trouve située au joufrd'hui la capitale
de Venezuela. Ils avoient donné à ce plateau
le nom de f^alle dé San Francisco j et, ayant
vô des pépites d'or entre les mains des indi*-<
gëaes , Faxardo parvint , dès Tannée i56o , à
découvrir les mines de los Teques ^ , au sud-
^ Caravalleda.
^ Treize antiées plas tard, en iS;?, Gabriel de
Avila /un des alcades de la nouvelle yille de Caracas,
re^Tit le travail de ces mines qu'on appela dës-lors le
Real de Minas de Nueatra SeHora, Peut-être ce niéme
Avila , à cause de quelques fermes qu'il possédoit dans
les montagnes voisines de la Guayra et de Caracas, a-t-il
18*
1
276 MTRE IV.
ouest de Caracas , près du groupe des ifton*
lagnes de la Cocuiza, qui sépare les vallées
de Caracas et d'Aragua. On croit que , dans
la première de ces vallées, près de Baruta
(au sud du village du Falle), les indigèoes
avoient même l'ait quelques excavations sut
des filons de quarz auriJeres , et que , lors du
premier établissement des Espagnols et lors
de la fondation de la ville de Caracas , ils
avoient rempli d'eau les puits déjà creusés. Il
est impossible aujourd'hui de vérifier ce fait j
mais il est certain que, long-temps avant la
conquête, des grains d'or étoient , je ne dis
pas généralement , mais entre do certains
peuples delà Terre-Ferme , un moyen d'é-
change '. On donnoit de l'or pour se pro-
curer des perles, et il ne paroit guère sur-
prenant qu'après avoir ramassé long -temps
des grains d'or dans les ruisseaux , des
fait ilomier à la Cunibre le uom de IVontnna de Avila.
Ce nom, dans !a suile, a été faiissemeut appliqué à
la Sllla et à toute In chaiae qui s'iitcad TCrs le cap
Codera. Ovledo, p. 2^8 et 3a4.
' l'elrus Martyr, p. yi.
CHAPITRE tin. ^77
peuples qui avoient des demeures stables,
et qui s'adonnoîent à Tagriculture , eussent
tenté de suivre des filons aurifères dans leurs
aMeuremens. Les mines de los Teques ne
purent être paisiblement travaillées qu^après
la défaite du Cacique Guaycaypuro, fameux
chef des Indiens Teques , qui disputa silong-
tenips aux Espagnols la possession de la pro-<*
vince de Venezuela.
Il nous reste à nommer un troisième point
sur lequel l'attention des Conquistadores fut
appelée , par des indices de mines , dès la fin
du i6.* siècle. En suivant la vallée de Ca-
racas vers Test, au-delà de Caurimare , dans
le chemin de Caucagua^ on parvient à un
tertain montagneux et boisé ^ où Ton fait
aujourd'hui beaucoup de charbon^ et- qui
portoit jadis le nom de la province de los
JUariches. Dans ces montagnes orientales
de Venezuela, le gneiss passe à Tétat d'un
schiste talqueux. Il renferme, comme dans
le Salzbourg, des filons de quarz aurifères.
Les travaux qu'on a commencés très-ancien-
nement sur ces filons ont été souvent aban-
donnés et repris*
2j8 LIVRE IT.
Pendant plus de cent ans , les mines de Ca-
racas restèrent dans l'oubli : mais dans les
temps les plus rapprochés de nous , vers
la fin du dernier siècle , un intendant de
Venezuela, don José Avalo, se livra de
nouveau à toutes les illusions qui avoient
flatté la cupidité des Conquistadores. Il s'i-
magina que les montagnes voisines de la
capitale renfermoient de grandes richesses
Hiëlalljques. Comme à cette époque un jeune
vice-roi de la Nouvelle-Espapne , le comte
de Galvez , visita les cûies de la Terre-
Ferme pour en examiner les fortifications
et l'état de défense, l'intendant pria le vice-
roi de lui envoyer quelques mineurs mexi-
cains. Le choix ne fut pas heureux. Ceux
qu'on employa ne connois'oient aucune
roche; tout, jusqu'au mira j leur parut de l'or
et de l'argent. Les deux chefs ■ de ces mi-
neurs mexicains avoient chacun 1 5,ooo francs
de traitement. Il n'étoit pas de leur intérêt
de décourager un gouvernement qui ne s'ef-
frajoit d'aucune dépense propre à accélérer
' l'cdfo Mentlaiia et .\ntoiiio Ilenriquez.
CHAPITRE Xin. 37g
Texploitation. Les travaux fuirent dirigés sur
le ravin de Tipe ^ et sur les ancieùnes mines de
Paruta au sud de Caracas y où les Indiens re-t
çneUloient ^ encore dç mon temps , un. peu
d'or de lavage. I^e zèle de l'administration se
ralentit bientôt; et, après' avoir fait beaucoup
de dépenses inutiles, on abandonna entiè-
rement l'entreprise des mines de Caracas.
On avoit trouvé des pyrites aurifères , de
l'argent sulfuré , et un peu d'or natif, mais ce
n'étoient q[ue de fpibles indices ; et, dans un
pajs où la naain d'œuvre est extrêmement
chère, il n^y avoit pas d'intérêt à suivre
des exploitations de si peu de rapport.
Nous avons visité le ravin de Tipe , situé
dans la partie de la vallée qui s'ouvre ver^
lie cap Blanc. On passe , en sortant de Ca-
raça;^, près de la grande caserne de San Carlos,
pj^ un terrain aride et rocailleux. A peine j
trouve-t-on quelques pieds d'Argemone mexi-
çana. Le gneiss vient partout au jour : on se
croiroit sur le plateau de Freiberg. On tra--
verse d'abord le petit ruisseau de Jgua
Saludy eau limpide qui n'a aucun goût miné-
ral, et puis le Rio Caraguata ^ On est dominé
' GneisSi hor. la, încl. 70^ à Foue^t.
ï8a LIVRE 17.
à droite par le Cerro de Avlla et laCumbre,
à gauche par la montagne de Jguas Negras.
Ce défilé offre beacoiip d'intérêt sous le
rapport géologique; c'est le point où la val-
lée de Cïiracas communique par les vallées
de Tacagua et de Tipe avec le littoral , près
de Ciilia. Une arête de rocher, dont le som-
met est élevé de 4.0 toises an dessus du fond
de la vallée de Caracas, et de plus de 3oo
toises au-dessus de la vallée deTacagua, di-
vise les eaux qui coulent vers le Rio Guayre
et vers le rnp Blanc. Sur ce point de par-
tage, à l'entrée de la brèche, la vue est
très-agréable. On change de climat à me-
sure qu'on descend vers l'ouest. Dans la
vallée de Tacagua , nous trouvâmes de nou-
velles habitations , des conucos de maïs et de
bananiers. Une plantation très-étendue de
Tuna ou Cactus donne à ce pays aride un
caractère particulier. Les cierges ont jusqu'à
iIj pieds de hauteur et s'élèvent en candé-
labres, comme les euphorbes d'Afrique. Oa
les cultive pour en vendre les fruits rafrat-
chissans au marche de Caracas. C'est la va-
liété dépourvue d'épines qu'on appelle assez
j>izarremcnt , dans les colonies, Tuna d^
I
CHAf mis xm.
Espahst. Nous mesudboties ^ dans le même
endroit , des Ma^ejs ou jfgwe , do^t la
bampe chaînée de fleurs avoil jusqu'à 44 pieds
d'élévatioD. Quelque commune que soit au-
jourd'hui celte plante partout dans le midi de
llSurbpe , un homme, né sous un climat sep-
tentrional , ne se lasse pas d'admirer le luxe de
la végétation , le développement rapide d'une
liliacée qui renferme à la fois une sève sucrée
et des sucs astringens et caustiques employés
dans la guécison des plaies pour brûler les
chairs.
Nous trouvâmes, dans la vallée de Tipe;
l'affleurement de plusieurs filons de quarz.
Ils présentent des pyrites, du fer spatbique,
des traces d'argent sulfuré (glasserz ) , et du
cuivre gris ou fahlei^z. Les travaux com-
mencés , soit pour extraire le minerai , soit
pour reconnoître la nature de son gile , pa^
roissoient très-superficiels. Des éboulemens
avoient comblé les excavations, et nous ne
pûmes juger par nous-mêmes de la richesse
de ces filons. Malgré les dépenses faites sous
l'intendance de don José Avalo, la grande
question si la province de Venezuela possède
des mines dignes d'être exploitées, paroit
sSa LIVRE IV,
encore indécise. Quoique, dans des pays où
l'on manque de bras , ]a culture du sol
demande indubilablcnient la première solli-
citude du gouvernement, l'exemple de la
Konvellc -Espagne prouve cependant assez
que l'exploilalion des métaux ne nuit pas
toujours aux progrès de l'industrie apicole-
Les cbamps mexicains les mieux cultivés,
ceux qui rappellent aux voyageurs les plus
belles campagnes de la France et de l'AlIe-
niagnc méridionale, s'étendent de Silao vers
la Villa de Léon : ils avoisïnent les mines de
Guanaxuato, qui, à elles seules, produisent
la sixième partie de tout l'argeul du Nouveas-
Monde.
VOTES. i83
%t^^/kn0tifin0tm^j^mf%^mmmtm^ii ^i ^%f^^mtm o^i'WKV^»^^»^!»^»^^!»
NOTES DU LIVRE IV.
If oie A.
La fin de TédifÊt et ulril èm, sS ^tlUkin tj^
(Chap. X, p. Il) m'a oSsrt «b pfcfaiw^wf tf«^
remarquaUe. Je vaia le d£cme %d qatftU twmmw€
marqué sur mom, jeannl aeteSBoaMpe» « Es iMii^
dant a^ec b gmade InattSe de IMiiHni bîce fiie^
■ent (à 4» Sy dm cfcro wctiic ) ia partie tfacirii
im dîsqee dm soleO , je ^ pmimitve €t d^paMtee
altcmatiwcHt timis â ipMtfr peiala Imanmcms iemt*
MaMes à do aeflce Je la rimfm'rmr pmifm. V^
l'expioâoB do imicamm de la Imw dmmt Hcndba
admet F riit t cmrr . d qme Bam imtimîe Cloa m^ir-'
ilwl riMBMi lin liiM fw fi»nirm< li |lniHf ^im\\
fai Mm êieMOKat, lan^K, me» la fia de f^dEftfe,
à 5^ 3^ dm ileiwe— 'iii'y fagïcraiK dem» pamU lm>
mîmemx KBfcfaUca kan da dnffae^ flot^'t d« Jbord
de la mm iS ■■mmlri aa are^ du coaé ^ if^av<ût point
ciêéc£psL La ÛB^ Féc2ipae «if»t i ^ iy5r''dm
Les deizs poôarU lunuBems se pamrcmi
Sw. Ik a wotf^ljiteMlé de kaaière
284 LivnE IV.
d'une f toile de la iroisicme grandeur. Je ne pus pas
me rendre raison de ce phénomène. Ma vue n'étoit
pas du tout fatîf^uéc. «
Louville rapporte {jlfim. de l'Acad., ijiS, p. 96)
avoir tu, à Iiondres , pendant l'éclipsé totale de
soleil du 3 mai 1715 , « des fulminalioiis ou vibra-
tions inst.nntanéesdDrayotis lumineux. Ils paroissoient,
pendant l'obscurité totale, sur la superficie de la
lime; en sorte que l'on auroit cru voir des traînées
de poudre enilammées. Comme la lune est Irès-mon-
tagneiise , il n'est pas extraordinaire que les orages
y soient très-fréquens. « Dans le phénomène que
j'ai observé , il n'v eut aucune fulguration, aucune
apparence de traîuties de litmlêre. C'éloient des points
lumineux d'une luniii're tranquille, et qui disparois-
Boient après avoir brilles G ou 8 secondes. Ils n'étolent
pas rougeâfrcs comme celui qu'Ulloa a cru être l'efifet
d'iine excavation dans la lune. {Phil. Trans, , 1779,
p. 116. Mém. de Berlin, 1788, p. aoi. ) A quoi
attribuer ces apparences lumineuses observées à dlffé-
renlcs époques sur le disque lunaire pendant uoe
éclipse de soleil? l.e» points que j'ai vus en dehors
du disque solaire ne pouvoient èlrc dus à la même
Illusion d'opiique qui a fait voir le satellite de Véniu.
Dans ce dernier ou a cru voir des phases.
KOTES« SSS
«
iSote B.
^e rapporterai ici Vexplîcation Ingénieuse et tatii*
faisante que M« Arago a donnée du phénomène de la
scintillation ; et qui n'a point encore été pidyliée* Voici
la note que ce savant a bien touIu rédiger h ma prière i
a Les physiciens et les astronomes qui se sont oc*
cupés de la scintillation des étoiles, ont bit, pour la
plupart y abstraction de la circonstance peut-être la
plus remarquable de ce phénomène , je rcux. parler
de ces cbangemens brosqoes et fréqnens de couleur
dont il est tonjourf accompagné. Les progrès que la
théorie physique de la lumière a £»iti depub quelques
années, nous permettront, ce me semble , de rattacher
l'explication de ce fait curieui a la loi des inierfé"
rences dont on doit la décourerte an docteur Young* h
a D'après les expériences de ce célèbre physicien^
deux rayons de lumière homogène, et qui parviennent
en un même point de l'espace par deus routes légè»
rement inégales, s'ajoutent ou se détruisent suivant
que la différence des chemins parcouru* a telle ou
telle autre valeur. Les différences qui conviennent a
la neutralisation des rayons de diverses nuances sont
assez sensiblement inégales, pour que le résultat de
Yinlerférence ou du mélange de deux £»isceaux blanc$
soit toujours accompagné d'une coloration seiiMble ;
Texpérience a prouvé de plus ^yoy^ Annales de
chimie et de physique ^ Xoob I, p# 199) qu'il ne
286 LIVHE IV,
suiËt pas , en rccterchnat la place où deux faisceaux
peuvent s'influencer, de tenir compte de la difTéreiice
des chemina parcourus, mais qu'il est de plus néces-
saire d'aTOir égard à l'inégale réfringence des milieux
qu'ils ont traversés. Cela posé , il est facile de dé-
monlrer que les rayons qui , en partant d'un même
point, viennent se réunir au foyer d'une lentille peu
étendue , vibrent d'accord ou s'ajoutent s'ils ont tous
traversé des milieux de mèaie densité ou d'une égale
réfringence; le même raisonnement montrera, aa
contraire, qu'une inégalité de réfringence pourra,
suivant qu'on la supposera plus ou moins grande,
donner naissance, dans le même foyer, à la neu-
tralisatiou de telle ou telle autre classe de rayons
colorés. En appliquant ces considérations à la scintil-
lation des étoiles , on trouvera que si tous les rayons
qui parviennent aux diJTérentes parties de la pupille,
traversent constamment des couches atmosphériques
de même densité, l'image de l'astre aura toujours la
même intensité et la même teinte; tandis que, dam
le CBS contraire, elle pourra changer de nuance et
d'éclat à chaque instaut. Pour un astre au zénith,
les chance de s Ualion seront beaucoup moindres ,
SOUS le enesc co stances, que pour un astre peu
élevé aud u de Iborizou. Dans nos climats, elles
seront u o nd e qu ous les tropiques ' où la chaleur
est plus un f me nen distribuée dans les couches atr
' Yojcï [ilua haut , Cliap. i , p, i5.
HOTES. 387
mo(phér!ques. Les changemeDS d'inicnsilé se Tcrroat
plus facilcmoct dans les étoiles de première grandeur,
où ils seront accompagnés d'un changement de couleur
plus prononcé, que dans les étoiles faibles^ dans les
astres blancs , que dans ceux qui sont laturellement
colorés. Toutes ces circonstances , si je ne me trompe,
sont conformes aux obserTaliuas. »
JVote C.
Il ne faut pas craindre «ju'cn employant le moyen
que j'ai indiqué ( Chap. s., p. 'i'-i) pour évaluer
l'intensilc de la lumière des étoiles, le changemeat
d'inclinaison des miroirs ait une influence sensible sur
la quantité de lumière réfléchie. Cette influence est
sans doute trcs-coasïdérable lorsque la lumière est
réfléchie par un Terre diaphane; elle est pres(|uQ
nulle, quand les rayons sont renvoyés par un miroir
étamé sur sa face intérieure. 11 eu résulte que, poar
comparer deus étoiles et pour égaliser leur lumière ,
on peut ramener dans le champ de la lunette des
étoiles dont les distauces angulaires soat très-grandes.
Voici les résultats de mon travail, en plaçant sur
VastromèCre , les étoiles de la première grandeur
entre 80° — loo', ceux de la deuxième graudeur entre
Gu" — 80% ceuxde la troisième graudeureDtreââ" — Co",
388 LITRB IV.
ceu& lie la quatrième f^i'andeur entn
de la cinquième grandeur entre ao"
Canopus
98".
ft Ceiidiure
1)6".
Achernai-
0'.-.
J3 Centaure
93-.
Foinahault
92".
Kigel
90".
rrocjon
88».
BetelgBiira
86».
s Grand Chien
83».
S
81°.
« Grue
81».
« Paon
78..
P Grue
75'.
fi Grand Cliict
1 73".
tt Lièvre
71-.
et Toucan
70».
jS Lil?vre
70-.
.. ColoniLe
C8-.
|S
67-.
» GranilCliien GR'.
. Pl.cenii
C5".
ïGrue
58».
Ç Grand Cliic
n S,:
(t Indien
5o».
C Grand Clne
n. 47°.
NOTES. a 8g
Il est plus clifliclle de (lélcrminer sï a, Indien a la
luoîtïé de la lumiùre de Sirius, que de reconnoilrc si
« Grue est plus prî^s de l'ûclat de Sirius que de celui
de ce Indien. En comparant Bctcigeuze et a Paon &
«Grue, on trouve que Brleigpurc doit être placé entre
K Grue et Sirius, et a Paon entre a Grue et a Indien.
Plus les limites deTicnneut i;tro1tes , et plus il e«t
aisé d'éviter les erreurs, surtout si l'on essaie de
parvenir au même rt'sultat uamérique par des voies
très- différente s. On peut comparer, par exemple.
« Grue et Procyon , soit imniédiati^inent , soit en éga-
lisant, daus uu iuNtrumcot de rcflesîon , les hiniiéres
de Procyou etde Canopus, deCanopusct de «Ginie,
■oit enfin en comparant a Grue et Procjon par l'inier-
mcde de Rigel cl de Sirius. Hcrschel fait suivre dans
le Grand Chien , a.,i, B, ^, n. Dans la Grue, il y a
aujourd'hui beaucoup moins de diOerence entre a. et
fi qu'entre fi et y; qunnt à l'inteusilé relative de la
luinière de Sirius et de Cauopus, les opinions des
astronomes qui ont visité la zone équînoxinle, ont été
singulièrement parlagùes jusqu'il ce jour. J'ai cru avoir
reconnu, par beaucoup de combinaisons, que Siriu^
est plus brillant que Caiiopu», autant que « Cen-
taure est plus brillant qu'Achernar. J'espère ra-
prendre ce travail,
Note D.
Voici l'extrait des observalîons sur le mirage , faites
en 17996! 1800, pendant mon séjour -î Curaaaa , telles
que je tes ai consignées dans mon Journal w-trono-
mii/ue. Je ne pouTois avoir alors aucune connoisaaiice
de b théorie de M. >îonge et des expériences de
MM. Hrandes , Wollaslon ei Tralles. Celles du cé-
lèbre physicien anglois Ont élé faites à la même époqne
qtic les miennes. M. Vincc s'étolt contenté de Suivre
avi-c le télescope les phénomènes de suspension , sans
détirminer la grandeur des Images et la dépres-
sion de Vhorizon de la mer. Ces déterminations maO'
quoient aussi dans les travaux de M. Biiscb, à Ilam-*
bourg ( TractiUiis duo opCici argumenli ) , et de l'abbé
Grubur ( Ueber Slralt-nùrec/iuiig iind Abprallung des
Z-ichts, i7g3 ) Quoique, en 1800, ie n'eusse qu'une
idée vague des diverses circonstances qui modifient le
mirage, je ne négïlgeai pas de mesurer les angles de
déprrssion de l'horiion , la largeur de l'interstice entre
l'horizon et l'objet buspendn, la température du sahic
au - dessus duquel passoient les rajoos lumineux,
celles de l'air et de l'eau. J'examinai l'Influence de
la forme des iluts sur leur suspension plus ou moins
complète, les cas où II ^ a su^pl uslon sans double
imagi' , enfin l.s cliangemens que le lever ou le
coucher du soleil produisent dans le jeu de ces réfrac-
tions extraordinaires. {Foyez plus haut, Tom. Il,
Chap. IV, p. a'iSjelTom.lV, Chap. 11, p- 67.)
HOTES. agi
« Cumana, lat. io''27'5a". Terrasse delà rnaifion
de don Pasquel MarUnez, (jue j'Iiabite Jcpuis mon
retour du llio Negro. S'y découvre les m("mes objtlà
qae i'ai mesurés dans mon ancienne demeure, plus
rapprocliée du Rio Mânxanuresj je vois au sud les
montagnes du Brigantin, le Tataraqual et touie la.
chaîne de montagnes du la Nouvelle-Andalousie; au
nord-ouest, le groupe d'Iles situées mire les ports de
Gumaua et de Hueva Barcelona, les iles C^.racas,
Fieuita et Boracha. Distance de ces îles ]0-i5 milles.
Quart de cercle de Bird, à double division, sol-
gncuscmcnt vi'u'ifié par uu niveau £^ bulle d'air et le
fil à plomb. L'instrument est placé sur uu mur massif.
Je me suis constamment servi de la division en gG" ,
dont chaque dcgi-é est égal à 5Q' i5". Le veriiicr
subdivise les degrés en lao parties. L'cncur de col-
Umatlon a été déterminée parla latitude du lieu et par
la comparaison avec nn sextant de Ramsdeu. Elle est
S'4o"((liv. sex. ) additive aux distances zénithales.
Ij'ohjectif de la lunette du quart de cercle est élevé de
ia4 pieds it pouces au-dessus du niveau de la mer.
Pour être plus sur qu'aucun aceident n'influe sur les
angles de dépression et de suspension, je ^prends
chaque fois l'angle de hauteur d'une tour {^) qui, pat
son élévation et sa proximité, n'
'est pas susccpiible
d'être affecté senslbl. uieu t par Ii
is chaiigenicus de
réfractions horizontales. »
Le i."' septembre 1800, à 23''
10', les pointes des
îles et des caps du conliueut voisi
n paroisscnt louies
relevées, suspendues. Lunette de Dollond , g
1
2(12 LITRE IV.
ment de 65 fois. Therm. à l'air et à l'ombre a2,"6 R.
Hygromètre 45, a Di^luc. C^anomi^tre ao°. A (ou
tour servant pour la reclUicalioti de i'inslrument)
yV 3 1' 3". B , ou cap Est de l'île Caracas gS- Sa' iS".
C, ou le sommet de la petite île Pîcuita gSjJJ ou
g5''56'5o". D, ou base de l'ile Picuita 35''58'23".
E, ou la liautcur de l'ile Boracha gS" -^j-, F, ou
dépression de l'Iioriion de la mer g5" 7^. L'eau de
ia mer ai'/i. Le sable des plages entre la ville ei la
mer Zo" ,& R.
te Le 3 septembre, à 19^ Ju matin. Th. ai° S.
Hjgr. 43. Cyan. l'i".
A 9'!" i:-
C 95« H^-2-
D 95° ÎH—
F gS'i^
M Le soir à e"" ciel couvert; il va pleuvoir. Air
estrêmfiinent transparent. Les îles paroisaent très-
i-approcliées. Th. 21^7 R. H^'gr. 49'',2.
» dS" '.t.: " ■
I- 9^ Hir-ou 95"9a,5,
« Le 4 septembre à 5 ^ couvert; air trés-trans-
parcnt. Tli. 22° .5. Iljgr. éi'jS. L'eau de la mer a sa
surface ai", 8. Sable blanc de la plage 28,5. Au lieu
de ~i^ je mar[|ue l'angle 63,2.
I70TES. sgS
A 94'* 62;2.
B 95° io4,5.
C 95° 111,3.
D 95^ 116,2.
E 95** 92,5.
F 95'> 116.
ce Tous les caps suspendus; mais la partie suspendue
n'a que 5 h 6 minutes de longueur. La Picuita est
entièrement en Pair , sa longueur apparente o® 1 1' 5".
Au coucher du soleil , l'interstice entre le pied ou la
base de l'île et l'horizon de la mer diminue à mesure
que l'atmosphère s'obscurcit. Lorsque le disque du
soleil se cache derrière des nuages très-noirs, le
centre de la Picuita repose sur l'horizon : il n'y a que
les extrémités de l'île qui restent alors suspendues. Le
soleil reparoît dans son éclat, quoique seulement à 4*
de hauteur , et toute l'île se relève : elle est entière-
ment suspendue, tant à son centre, qui forme une
petite convexité, qu'aux deux extrémités. Pas de
double image, rien que suspension. Après le coucher
du soleil , la Picuita reste encore en l'air. Je l'examine
avec la grande lunette de Dollond : il fait déjà si
obscur que j'ai de la peine à lire le limbe du sextant.
Le sol commence sans doute à se refroidir; mais je vois
toujours de l'air ( un espace aérien ) entre l'horizon
déprimé de la mer et la base de l'île. »
« Le 5 septembre. Pendant le crépuscule du matin.
Th. 21"*,^. Hygr. 45°;2. Le disque du soleil n'est
point encore visible, et déjà loiite la Picuita paroit
suspendue en l'air. Crépuscule trcs-foîble.
A 94" 6a.
B 95» io3,7.
C gS" 1.1,2.
D gS" ii5,9.
E 95" 93.
F 95° 117,7.
" A 3'' après-midi. Th.
23»,2 R. Hygr. 36',a
Dcluc. Cyan. 22°.
B 95» io5,3.
C 95" 112,7.
D 95" 117,5.
E 95" 93.
F 95" 1.7,5.
« A 6'' du soir, le soleil n
'a que 4° de bnnt. Tb.
2a",8R. Hygr. 36%5.
A 9'i'' 6a, 2.
B 95" io'i,5.
C 95" 111,3.
D 95" Il G.
Ey5» 93,7.
F g5" 1,6,3.
« Pendnul le couclier (!u s
ol<:ll, l'horizon est osci!-
kiil. Lo l'iciiita baisse el r
(Iépressionclel'horiïon,auni
loinent même du couclier
96° ii5,7, et 12 minutes plus tard, pendant le cré-
HOfBS. 995
pttcok 95* 114,7. ^ <*■ FknU 95* iix Eac^re
plus tard: C 95* 111^. F 95* iiS^ 11 m'j a pM
d'erreur dans ces obferralioas; car le ngaal A resta
à b même haateur, tandis qae IlioriEHm de la mer
éprooTe des changemeas fi bnmqnes. lyavircs ioors^
î'aî fa les îlots se reposer sur iliorÛMm an peu ayant
le coucher do soleîL Ce coocfaor ne produit pas ton*
joars les mêmes changemens de température et de
réfractions terrestres* »
« Le a4 septembre. Depuis le 18, ciel constam-
ment couyert. Le temps cbange dans la nuit du 35«
Grande transparence , les étoQes extrêmement bril-
lantes^ mais point de scintillement , pas même à llào-
rîzon^Le 34 , grande séchereMe. Hjgr. à 31^ du matin
32** Deluc {^f"" Saussure) Tberm. 2i«,5 R. Dépres-
sion de Hiorison , la p1a8 grande de tontes celles que
)'ai obseryées. Eau de la mer ys®. Le terrain aride de
la plage ^'^^1^ ^ Boracba toute en l'air. Le ciel
très-bleu. Gjan. ^\^. De petites barques de pécheurs
suspendues , nageant ei| l'air^ 5 à 4 minutes; au-dessus
de l'horion de la mer qui est eitrêmement tranché.
Une des barques, yne par la lunette^ ofire une image
.lenyersée.
A 94*» 6a;
B 96® 106,
C 95** 116,2.
E gS* 93,2.
F 96"* 12 , donc de ^ (jm^s de 8') plus
grande que le 4 septenibre«
2<)6 LIVRE IV.
n La Picuita paroît souvent double cl rcnTersée
peadaut le reste du iour. L'image renTersée est de la
néiue grandeur et haulLor que l'image direcle : la
deraièie est toute suspend ui ; mais l'image renversée,
dont l'intensité de lumière est assez foible, empiète
sur l'horizon de la mer: elle couvre une partie de
dernières couches de l'Oeéan. A 32^ da matijt ^ tberm.
aS-'.SR., hygr. 3i=,5.
A gi" C3,3.
C gS" 112.
F sG" o.
« A midi , la dépression de l'horizon encore 96',!.
<r Le 35 et le 26 septembre, l'horizon éclatant de
lumière, Oïcillaat trois à quntre fuis dans l'espace
d'une heure. La dépression tie l'Iiovizon est laniôt
95° 1 18 , tantôt gli" 4 sans que les instrumens météo-
rologiques changent daus l'endroli où e*t placé le
quart de cercle de fiird. Les ehangemcos ont sans
doute lieu dans les couches d'air inlermi^diaires , dans
In teuipéraliire de l'cim et du sol qui rayonnent de la
cliaipur. Je crois voir que le phénomfene d'un clinu-
gemetit de dépression s'annonce par une variation de
couleur. Sans que la teinte azurée du ciel soit alté-
rée, l'horizon de la mer ^e sépare en deux Landes.
Ou voit paroître une strie plus foncée que le reste;
tout ce qui est postérieur à cette strie pâlit peu à peu,
et fniit par disparoitre entièrement : tout ce qui est
NOTES. 297
antérieur à la strie > augmente de couleui^: L'ile de la
Picuita est déjà suspendue ; son pied ( sa limite in-
férieure ) ne change pas; mais, à mesure que la
Btrie devient l'horizon , et que la partie de la mer
située derrière la strie s'évanouit^ la suspension ap<
parente de l'île augmente. Elle semble s'éloigner de
l'horizon, tandis que c'est plutôt l'horizon qui s'est
éloigné de l'Ile. Avant la formation de la strie :
D. 95" 116,3. F. 950 119. Un quart d'heure plus
tard , après que la zone derrière la strie est devenue
invisible, je trouve D. 96** n 6,3. F. 96" 4,8. Peu à
peu la zone antérieure qui forme l'horizon pâlit k
son tour, la partie de la mer derrière la strie re-*
paroît. On diroit que cette dernière gagne en cou-
leur ce que l'autre perd. F. est de nouveau 95° 118.
D. reste invariablement g5** 1 1 6,5. La partie qui a
reparu prend une teinte bleu foncé ; la partie anté-
rieure, au contraire (celle qui formoit l'horizon,
lorsque la dépression étoit 96'' 119), est toute blanche.
J'ai observé cette oscillation pendant plusieurs jours.
Les variations de couleur sont les pronostics d'un
changement de dépression. Ne doit-on pas admettre
que les rayons lumineux que nous envoie la partie
la plus éloignée de la mer , celle qui pâlit , sont in-
fléchis de manière, pendant leur passage par les
basses couches de l'atmosphère, que, dans leur cour-
bure convexe vers la surface du sol , ils se confondent
avec les raryons de la couche antérieure de la m^r.
l^ous ne jugeons que d'après la direction des rayons ;
ces mêmes rayons infléchis^ qui nous arrivent des
2()S m'RE IV.
couches d'eau les plu» éloifsnéeB , noufl semltlent dès-
lors appartenir aux couches plus rapprochées. C'est
celte circonstance qui rause l'apparerce des stries , et
qui augmente cette intensité de couleur ou d'éclat
qu'on remarque dans le nouvel horiïon. "
«Tous ers pliénom''nes s'observent aussi dans les
Gteppes arides de Caracas et sur les tords de
rOrénoque , là où le tleuve est Lordé par des
terrains sablonneun, "Nous avons vu fréquemment
le mirage cette année (en i8oo), entre Calabozo
et San Fernando de Apure, et à l'Orénoqoe . an
nord de la mission de TFncaramada. Les monticules
de San Juan et d'Oriiz , la chaîne appelée le Calera,
paroissent suspendues, lorsqu'on les voit du côté des
Bteppes, à 3 ou 4 lieufis de distance Le snble, à midi,
éloit éciiaufFé [au so'eil) jusqu'à la température de
42° Réaumur. A i8 poucPs d'élévation au-dessus du
sol, le thermomètre montra, dans l'air, 33" R. A 6
pieds, il s'éleva (à l'ombre) à yi)",5 R. Des palmiers,
isolés dans les Liants , paroissent manquer de pied i
on diroit qu'une couche d'air les sépare du sol. I*S
plaines, dénuées de végélaus. paroissent di'S mares oa
des lacs. C'est l'illusion si commune dans les déserts
d'Afrique. A la Mesa de Tavones , au milieu des
sîcppcs de Caracas, nout avons vu, M. Ronpland et
moi, des vaches en l'air. Distancp de looo tnises. En
mesurant avec le sextant la largeur de l'interstice
aérien, nous Iroiivilities les pieds de l'animal élevés
au-dessus du sol do .V 20". Simple suspension; pas
de double Image. On assure avoir vu, près de Calât
HOTES. sgg
bozo^ des cTieraux saspendus et renversés , sans qu'ils
présentassent une image directe. »
Tout ce qui précède a été écrit à Cumanai Ters la
fin de l'année 1800. Le dernier phénomène m'a été
rapporté par des personnes très-dignes de foi. Il me
parolt analogue à celui que décrit M. Yince , et que
M. Biot a très-heureusement expliqué dans ses Re*
cherches sur les réfractions extraordinaires (1810 9
p. âSg^ fig. 4o bis ). On a vu deux images de vaisseaux
dont la supérieure étoit l'image renversée. Dana
l'ouvrage que je viens de citer^ M. Biot a discuté
une partie des mesures que j'avois faites pendant mon
séjour sous la zone torride. Voici la réduction des
distances zénithales (ancienne division sexagésimale )
pour les jours où la suspension a été la plus forte ;
i
E .3 ^ - : "^ -~ -^ : : :
» '^ OOO^OCO-*'
g-^E OOOOOOCOOO
sS"! ^1 <n <n fi ^ f£i V! '• <£> '■
„ c ., .n ., .„ .„ I .« ^ ^ -«
^"^ j I I II fil
En exauiiiiLml les angles de hauteur sous lesquels s
prcsenlenl les sommets des îles Boraclia et Picuita, 01
remarque (^ue l'éiendue des varia lioES diminue avec 1
NOTES. ■ 3ot
grsn^ar des angles. Les oscillations de l'iioriïon ont
été de f 5f'; celles du sommet de la Picuita, de
2' a5"; du commet de la Boracha , de o' 37". La dépres-
sion Traie de l'Iiorizon devroil être, indépendam-
ment de toute réfraction, 5' 29"', je l'ui trouvée
entre 6' 10" et i4'i7". Dans tous ces cas , la réfraction
a été négative, c'esl-à-dire que les trajectoires décrites
par les rajona lumineux ont été , au moins dans leur
partie inférieure, convexes vers la surface de l'eau.
On remarquera encore que la base apparente de l'ile
Picuita ne s'est pa3 toujours trouvée au-dessus de
l'horiion apparent de la mer. Elle est quelquefois
descendue à la même hauteur , par exemple, le 5 sep-
tembre, au coucher du soleil. Alors l'ile a di\ pa-
roîlre reposer sur l'horizon. Quelquefois même la base
de l'île a paru au-dessous de l'horizon apparent de la
mêr, comme le 4 septembre j alors la surface de la
mer a été vue un peu au-<relà de l'ile. « Pendaut ces
Tarialions, les trajectoires des rayons lumiueuxétoieiit
conrezcs vers la mer, au moins dans leur partie infé-
rieure, comme la dépi-ession de l'boriion le prouve :
mais le point de tangence de la trajectoire limite sur
la surface de la mer étoit plus ou moins éloigné de
l'observateur, et c'est ce qui produisoit les variétés
oBServées dans la suspension des iles, qui se trou-
Toient tantôt au-delà de cette limite , tantôt en -deçà. »
{Biol, Rec/i.,-p. 216,217,319.)
L'inÛucnce du lever et du coucher du soleil qui
se manifeste dans mes observations sur la Picuita ,
confirme ce ((ui a étc observé par Legentil pendant son
5o2 LIVltE IV.
séjour a Pondicbéry. Ce savant voyageur a constam-
ment vu, pendant l'hiver, l'horizon de la mer s'abaisser
de 36", lorsque le premier rayon de cet aslre com-
mcuçoit à paroîlre. Le soleil se leva au-dessus de
l'horizon upparenl de la mer, comme s'il sarCoic du
ehaos. {^Biot, p. 225. Voyez aussi mon Recueil d'obs.
astron. , Tom. I, p. i53. )
J'ai fréquemnient observé que les deux caps de
i'ile Qoracha étoient inégalement relevés. La partie
suspendue n\oil, au cap Word, 5' de long; au cap
Snd , à peine 2'. Le premier de ces caps regarde
l'Océan , tandis que le côté sud est opposé au con-
tinent et rapproche^ de l'île Picuita qui rayonne de
la chaleur pendant le jour, u Lorsque la mer est plus
chaude dans ces parages que l'air, la dilFéreoce des
températures estrfinies de l'eau et de l'air doit cire
toujours moindre du coié sud que du côté nord , d'où
résulte une moindre réfraction négative, et par con-
têquent une plus petite suspension, n ( Biol , p, a38. )
J'avois été trës-altentif , pendant le cours de mes
observations de Ctimana , el dans d'autres observations
faites sur les côtes de la mer du Sud à Lima , à l'in-
fluence qu'eserce la largeur de robjel sur le phéno-
mène delà suspension. J'a«ois cru trouver, i.''que,
dans des iles à sommet convexe , le centre de nie
repose sur l'horizon, tandis que les extrémités sont
relevées ; 2." que de deux iles à formes semblables,
par exemple à formes parallélipipèdes , l'île la plus
longue ne sera relevée que vers les bords , tandis que
la plus courte paroitra tonte en l'air. Les belles expé'
3 n' j a qme b partie dm âel qai
BÛtés (le» e o qefae* iPair qui ^j
rapprocbées <le lliornoii) qm peuvent
bande aérienne, le cid réBèM , ne se verfa pas av^
defsoof da centre Se Vttt, làoàellecrtk plasélevéi^
lift même chose airi f cia , si de dea& obîets de forme
semblable Fan a une beaucoup plus grande dimensioii
dans If sens latéraL «D'après la tbéorie des réfirac-
fions extraordinaires près de Fliortzon, la sar&M
eanstîqoe s'élère a mesure qu'elle s'éloigne. Les ex-
trémités latérales d*nn objet étant plus éloignées de
l'dbserrateor que son centf« , seroîent donc coupées
par ta caustique à une plus grande hauteur. Si Hlot
est très-peu large ^ la différence sera inscDsible, et il
paroîtra tout entier éleré dans le ciel^ à peu près éga-«
lement. Mab si l'on ob&erve une île assez grande,
dont les contours répondront à des points beaucoup
plus éloignés que le milieu, la différence de hauteur
de la caustique à ces diTérséloignemens pourra deyeuir
sensible, et les extrémités latérales de Pile paroîtront
seules relevées. Si peu à peu les différences de tem-^
pérature augmentent, et que le point de tangence
de la trajectoire limite se rapproche de l'observateur^
ou, ce qui revient au même , si l'observateur s'abaisse j
la trajectoire limite pourra s'élever au-dessus du
So4 nviir IV.
sommet de Vile qui sera alors entièrement suspendue
en l'air. » ( Biol, p. 312. ) C'est ainsi que je trouve
marqué sur mon journal ; le 7 septembre , sur la plage
près de l'emboucliure du Rio Manzauares , au pied
Sa Fuerle di: la boca ,i\\Grm. ig^R.; hygrom, 43'',2.
Haut, de l'ccil 4 pieds 3 pouces. A 19'' du matin, au
quart de cercle que j'aïois transporté au bord de la
mer, C. gS" 91,3. Le corpa de l'ile repose sur l'ho-
rizon de la mer. Les extrémitcs seules sont relevées.
Eau de ia mer près des côles ao",2 R. A ai"", tlierm.
2o°,2 R.; lijgrora. 42°, 8. C. gû'^gijS, mais toute l'ile
suspendue, le centre comme les extrémités. Zau
de la mer, couvrant une plage que le soleil écbiLuQe,
2i%8; le sable ai;" R.
Ce que nous venons de dire sur l'influence de la
longueur et de la forme des objets sur les phéno-
mènes de la suspension, me paroit conduire à l'ex-
plication d'un passage curieux de Tliéophraste, dans
son ouvrage sur tes pronostics des venta. « Quand les
caps (ou parties saillantes des tûtes), dit Théopliraste,
bemjjlenl suspendus en l'air, ou quand , au lieu d'une
île, oncroil en voir plusieurs , ce phénomène indique
un cliangemcnt du vent du sud. Quand la terre vous
semble noire (lorsqu'elle se détache en brun), vous
aurez le vent du nord ; vous paroit-elle blanche ( se
détacIie-t-ellecnclair),ûtlendez.vousau vent du sud.»
Theophr. , de signis ventoruiii 4ai. B. edit. Heinsii
(Fiulanus traduit : si promontoiia sublimia , insidxve
si ex una plures appareant, austri mulationem in-
dicant). Lorsqu'une ile éloJgace est tiès-tuégale dam
NOTES. 5o5
sa bauteur^ ce sont les variations dans la dépression
de Phorizon et non l'image renvefsée d.u ciel formée
dans lés parties les plus basses de File > qui peuvent la
fitire paroi tre comme brisée ou partagée en plu^
sieurs ilôts. Si Théophraste avoil voulu indiquer une
multiplicité d^images placées les -unes au-dessous des
autres y il n'auroii pas manqué de parler d'images ren-
versées. ÂristotCj dans les Meteorologicay Lib. HI^
Cap, ir, p. 577 G. (édit. Duval)> fait aussi mention
de la suspension des caps^ et la considère comme
< Teffet d'une réfraction dans de l'air condensé.
J'ai soigneusement distingué ^ dans le cours de mes
observations sur le mirage \ les cas trè&'fréqueas où il
y K90\\> suspension sans renversement, M. Biot a exposé
les circonstances dans lesquelles ce phénomène a
lieu : il prouve {^Rech, , p. 261 ) que l'image renversée
^ peut être réduite à des dimensions si petites qu'elle
devient imperceptible. Quant aux variations de cou-
leur qu'éprouve l'horizon de la mer et quant aux pro-
nostics d'un changement de réfraction , tirés des
bandes ou stries noires % ce phénomène ne se présente
pas toujours sous l'aspect de plusieurs horizons séparés
par des intervalles aériens. (jS^'o^^ p. 10 , i5iy i85
et !265.) Je n'ai jamais observé ces intervalles que
forme l'air réfléchi *, j'ai simplement vu qu'un grand
cbangement de dépression étoit précédé de la forma-
tion des stries là où le nouvel horizon alloit se placera
J'ai prouvé plus baut (Ghap. ni^ p. 86) que^ près
. * *yoyez plus haut , p. 296.
IV. 20 '
5o6 LIVRE IT.
lie l'équateur , la surface de l'Ocêau est prËsqUfl
haLituellementde i" à i'',5 plus chaude que l'air am-
biant. Celte difiëreucc de température est Bu£sam-
ment grande pour pouvoir être regardée comme une
cause du mirage. Sur les bords de l'Elbe, M. "Wolt-
maun a. observé qu'il y avoît double image , ou simple
suspension, lorsque la température de l'eau étoit
de deux degrés du thermomètre de Fahrenheit (o",!}
cent. ) plus étiivée que celle de l'air. 11 ne faat donc
pas s'étonner que le mirage soit si commun entre It»
tropiques , lorsque les rayons nous arrivent en rasant
la surface de la mer. ( Brandes , dans les Annaiea de
Gilbert, Tom. XVII , p. 175.)
En sanscrit, le phéuomènB du mirage porte le nota
de mriga-triihnâ , soif ou désir de l'Antilope , sans
doute parce que cet animal ( mriga) , pressé par la
soif ( t'ichnâ ) , s'approcbe di* ces lieux arides où , par
l'effet de l'inllesion des rayons, il croit voir la surfaoe
ondoyante des eaux.
JSote E.
Les températures Tnoyennes de l'année Indiquent les
températures qu'au ru ient les divers lieux delà terre
si les quantités inégales de chaleur, qui se dèveloppenl
en diiTérentes saisons et à différentes heures du jour
et de la nuit , élolent uniformément répandues dan!
l'espace d'une année. Depuis les dernières recherches
9 les VBipitiiiinii ■wjigyma Aw lu»» oaiwlioi
'»iiiB|il iè i e ctlefttiMiqpéf%i«rtt<ileW€raète|piwr*
d«(glûbe.Chi«dk«iwnfettt^pftles temipi^UHiâi
ijeBOBes cantctocisiOMii par «n «Mil dUffire Im
dimals à dijEreaies laliuides ; celle «werlioit m^«il
pas lioia-4-fak exacte. Panr coauoilra la eiùmM^ A
&at savoir <pitJk esl la Jfet ri l mti a m dt la chaleur aa
diBâreoles parties de FaDinee, et daaoL cadratU, par
catemple Milan et Pékin, dont la température moyenne
(de iJ") est la màne, peuirent aToir, le premier um
l^Tcr de + a%4, et un été de aa%9; le aecond« ua
Uver de — S^, et un élé de a8^. 11 est vrai <|ue , par^
tout ou la température moyenne de Tanuce s'élèya
k i5^, on ne trouvera plus une température mojrennc
4e Phiyer au-dessous de téro. £n réunissant par une
courbe {isotherme) ^ des lieux dont les température» <
moyennes de Tannée sont les mêmes, on iroit i]ue la
partage de la chaleur entre Thiver et Tété se fait
d'après des proportions fixes, c'est-à-dire que les \a«
nations ne dépassent pas de certaines limites^ maie
ces oscillations , que )'ai examinées récemment dan^
^u mémoire particulier {Mém* de la Société d*Ar^
49t0ili Tom. 111. )> ^^^ encore asses grandes pour
exercer une influence sensible sur la culture dei
plantes utiles à l'homme. Si Ton yeut caractériser ^u
^Umat de vigne , il ne suffit pas de dire que la tem«*
péritiwre de Tannée d^it être au-destus d^ 8», 7 ou 9<» |
ao*
000 LIVRE IT.
il faut ajouter que, pour avoir du vin po taille , l'hWer
ne doit pas être au-dessous de + i" , Vélè pas au-
dessous de i8",5 à ig". Or, dans le Wouveau-Conlî-
nent (aux ttats-CJnls), les hivers sont au-dessous de
séro, Va où les tempcFaturcs moyennes de l'année
n'eicèdcnt pas 9°. Sur la ligne isotUenne de g° on
voit souvent descendre le iherniométre, dans le bjs*
tème de climats traas-atlantîques, à — 18".
11 résulte de l'ensemble de ces considérations que,
pour donner une idée précise du climat d'un lieu , il
faut (aire contioilre , outre les moyennes de Tannée,
des saisons ou des mois, les variations de températures
qui ont eu lieu cITrctivemeut a diOërcntcs lieures du
jour et de la nuit, pendant un espace de temps asseK
considérable. Lorsqu'on pi;ul disposer d'une grande
masse d'observations, on doit, je pense, cberclier par
dcsmojennesdiurnpsde i5 années (par conséquent par
jo^do données partielles ) les moyennes de l'année et
• des mois, et clioUir pour exemple lu marche du tlier-
momùtre , ù différentes heures du jour et de la nuit,
clans le mois qui rapproche le plus de la moyenne de
ces i5 années- Cette méthode de présenter les obser-
vatious telles qu'elles ont été suceessivcmenl faîtes,
dans l'espace d'un mois, me paroit préférable à la
méthode d'après laquelle on chercheroit, par logâo
observations, la moyenne de cbaqiie jour de l'année.
foar caraclériier an climat, îl ne faut pas faire dispa-
roitre enllèreraenl ce que j'oserois appeler sa pbysio-
noRiie, ses traits iudividuels, les passages brusques
d'une lempéi'alurc à une autre, les variations qui sont
i&CiienlMeê', mais' qui fé répètent- firéqnemiiieDt.
C^est en saWaot ces principes qne je me suis proposé
de publier dans celle Relation une partie des obser*
nattons mctéorologiqoes qne fai faites entre l'es tro-
piques à différantes hauteurs. Lorsqu'on réflécliit sor
-la position d^nn voyageur > qui ne peut pas observer
à des heures fixes ^ et qui doit partager son attention
entre un grand nombre d'objets i la fois^ ou ne sera
pas surpris de trourer des lacunes Ui on l'on désireroit
ittte suite non interrompue d'obsenrations. l'ai ajouté
aux températures de Caracas celles de Cumana y notées
par don Faustin RubiOb Les unes et les autres sont ex-
primées en degrés dn thermomètre de Réaumur,
divisé en 80 degrés. Les instrumens étoient en plein
air, à l'ombre, loin du reflet des murs et du sol.
L'hygromètre est celui de Deluc; il n'a pas été corrigé
par la température, de sorte qu'il indique l'humidité
apparente. Les obserrations de Cumana sont précé-
dées d'un (7 et se rapportent aux mêmes heures;
par exemple, le 28 octobre, la température de Tair
'*étoit à Caracas, k midi, iSf*,^] à Cnmana (au fau-
bourg des Indiens Guaiqueries), d'après un thermo-
mètre comparé aux miens ^ a3%2. Pour ne pas ajouter
'^patos cesse les mots avant ou après midi , le temps est
exprimé à la manière des astronomes^ de sorte qu'ici
comme dans le Journal de route (p. 267) 10^ du matin
répomlent à 22^.
Caracas y quartier de la Trinidad^ La t. io®3o'5o".
Long. 69^ 2Ô^ Haut. 454 toises. Temp. moyenne de-
l'année 17%2 R. {^Foyez plus haut, p. 195. )
3io
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baleine.
o.™v„.o™.
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clair (C.a3',a).
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53,2
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54- ,o
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1799'
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HTGKOil.
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OfiSERVATIOKS. 1
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nvo«.«.
1799-
R^aum.t.
baleine.
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4;
18,4
43,8
(C.a3",5).
7:
i-i.H
46,3
9
i,-î.5
47,9
htm clair de lune.
i3,y
47,3
LIeu(C. ai°.3).
5.
ai''
i5°,o
4a-,7
azuré ayec nuages.
22
.5,5
47,.5
couvert.
23 ;
16,3
46,5
2.3;
17,3
4i,9
iH,a
45,3
azuré, Tent, '
1
iH,a
439
(C. a3',5).
4
18.0
4a,9
5
17,S
43,9
Heu.
"
i3,5
46,3
calme (C.21-,5).
G.
ao''
ia",a
4 9°, a
brouill.„il.
20 ;
12,8
49,4
couïeit{C. 2o°,4).
21
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l5,2
5o,3
Wcu.
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17,0
46,a
nuages (C. 23-,,).
17,5
45,0
h
i8,a
4i,'j
1799-
Réaumiiv.
baleine.
o..„v.™k..
6.
5
17,0
44,3
blea.
G|
i5
4.3,S
ia-,5
5i",6
..uré{C. ,9-,5).
20
ii,o
5i,a
ai
i5.a
i6,5
49.7
48,2
a3
177
47,5
Silla déconverte.
o;
18,5
45,0
(C. a3-,2)-
3;
i8,o
46,S
7-
7
.6
4S,a
azuré.
lo'
i3,5
So.a
'■;
.3,7
So,7
(C. 2,-,7).
8.
1 (■)!';
12°,5
49",a
Um.
i8
ia.3
43 a
soleil levant.
an
l'S'i
49,7
couvert (C. 20».
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8
i5,o
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5a,9
brume.
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I>ÉCEHi.RE
rn.K,,.
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OBSERVATIOtlS,
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haleine.
'■ .3':
17°,3
5o",2
lileu avec nuages.
3;
18,2
45,3
blc-uculme.
4;
18,0
45,3
{C.:,3.,o).
7
16,3
49,5
8
i5,o
5o.3
l.leu.
9
i5,o
53,a
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II
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16.
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23
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16.
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9
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(C.2,",3).
3
4
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couvert.
i8.
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OBSERVATIONS*
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1
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1
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bleu (C. 22V).
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couvert.
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o"-
19V
33»,8
Meu(C.ii2»,6),
6
16,3
36,9
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i5,i
45,4
bI.u(C. uiv).
Les oljservalions faites simultanément à Cumaua et
à Caracas, aux eitrémitéa d'une colonne d'aîr de
goo mètres (45() toises) de liauleur, me paroissent
d'un grand intérêt. Quoique le port de Cumana soit
plus éloigné de Caracas que ne Test la Guayra, ce
port offre pourtant un point de comparaison bcaitcoup
plus sur. I.'air circule plus librement autour de Cu-
mana, et la température y est moins sujette 3 des
influences locales. En comparant) sur toute la niasse
des observations, 31 jours sereins clioisis indistinc-
tement dans les mois de novembre, décembre et janvier,
je trouve, en calculant b's températures moyennes de
cbaque jour, d'après les maximum et les minimum
observés , les résultats suivans:
TEMPÉHATl/n
F. MOYENNE
DlFFÉnEnCEB
'Tzr'
Caraccs.
Rdnumtir.
.9 novemb.
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21,9
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iC,o
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21,7
.5,2
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20,4
■5,9
4,5
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20,8
16,2
4,6
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21,1
i5,G
5,5
17
21,0
i5,6
5.4
iS
21,0
i(i,8
4,2
19
21,5
,7,0
4,5
moyen m
1 de 3",i
: (te 21 jours sereins
à CaracaSj <lc 3'',o du
jioTBs. 3ii7
Aermomètre centésinuL Les difleiences les moioi
grandes entre les tenqpérainrcis moyennes des den^
endroits^ n'ont pas toujours en lieu lorsqu'il a fait 1^
plos;cliattd à Catacas; ellesontosciIléentre4%8 et 8%3*
La moyenne de toutes les difiSreiiccs a été de 6^^
(5®>5 Réaum.), i peu près da i52 mètres par degré
centésimal. La yallée de Caracas est plus fraîchi
^'elle ne devroit l'être à une hauteur de goo mètres^
et cette circonstance rend le décroîssement du ca«
lorique singulièrement rapide. La moyenne de toutes
mes observations', faites entre les tropiques^ m'a
donné 9 pour les premières couches d'air comprises
entre le niveau de la mer et looo mètres d'élévation,
170 mètres, correspondans a i^' du thermomètre
«entigrade on 109 toises pour 1^ Biaura.
San
SUPPLEMENT.
J-Je Fronlispice , gravé d'après le dessin Je M. Gé-
rard , représente l'Amérique consolée par Minerve et
Mercure des maun de la conquête. On lit au bas de
la planclie les mots ; kiimanitaH , lifterœ, fruges.
Fliae le jeune écrit à Maxime, questfur de Bill^joie,
nommé gouverneur de la province de l'Âcliaïei
it Sonf^fï f|UE les Grecs ont donné auï autres peuplei
la rii-'lhaiiun , }es lettres et\efmment. » Ces mêmes
biens, rAiiiérîijue les doit à l'ancien continent.
Les armes, les costumes et les monumens sont d'une
ernicle Cdélîté. { Vo^ez \AttaH pittoresque ou fuet
di'K Cordillères et Monumens des peuples indigènes,
PI. 1.7,0, "'I, 16, 21,38, 49.)
Le désir qne j'ai énoncé de voir examiner l'archipel
des îles CanarifS, sons le r.-ipport du la géologie, de
la pliyslque et de la géograpliie des végétaux , par dei
voyaf^eurs qui pourroient y faire un long séjour , a
été rempli dtpuis peu. M. Léopold de lîucli prépare
un ouvrage étendu ijui renfermera les fruits de ses
L'iliurieuses rcelierclics sur Ténérilfe et les îles voi-
fliiics. C'est à ce grand géognosle et aux travaux de
MJ^Mflf et «» OVmâBf J BO M B IMCS^ X* li
régkm den Retoama , i^«rlnaB OBAi^gnnnv, 980— i'
toiiri' u Le BrliMn wt m tnmve qvâ TcaénK. Se
Kmàte iwgfîwc eit tle 1000
ie tmUes les avircs 9es, à feieeyiioa de Pàlnui, im
foot pas awtt élerées pour entrer dans celte Ibnîte > el
le sommet da Pico de ioë MuchackoÊ de Palma
( ii<^? toises) n'est formé qoe de rodiers mos et
arides. Les graminées sont très- rares^ et, commn
Tobserre M« de Bnch, elles ne forment pas nne xonepar*
tieulière. Ona mis dansla earte entre deox parenthèses
les plantes étrangères an Pic de Ténérifiè, mais qui
croissent^ aax haatenrs indiquées , dans les montagnes
des îles Toîsînes. On a ajouté un ^ (Smith) aux espèces
nouyelles qui seront publiées par MM. de Buch et
Smith. Une croix placée à la fin d'un root nuurque ta
limite supérieure d'une plante , la hauteur à laquelle
elle cesse de végéter.
Je vais consigner ici d'autres notions que je dois à
}-obIigeaatç communication de M. de Buch; et qi^i
35o" HVBE IT,
icrrironl & recliHer ce que j'ai avancé dans le 2.° Clia-r
pitre de eelie Relation. Je saisis avec empressement
les occasions qui se présentent de perfectionner cet
ouvrage, d'après le rapport des personnes instruites
qui ont visite les mêmes lieux , et qui y ont séjourné
pUs long- temps qui: moi, «le Pin des Canaries (T. 1,
p. 4i4) est bien certainement une espèce nouvelle,
inconnue jusqu'ici aux. bolanisics de l'Europe. Le
Dragonnier ( p. 253) ne paroit point appartenir aai
Indes orientales , comme Linné l'avoit avancé. On
le trouve à l'état sauvage près d'Igueslc , à 170 ou aoo
toises de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan.
La plante épineuse de Lanccrote j que M. Broussonaet
apriscponr un5onclms(T. I, p, 3^4))^*^'^ Prenantlies
spinma. — Le volcan de Lancerote , que j'avois jugé
de 3oo toises d'élévation (p. 171 ), d'après des angles
pris sous voUe, est la Corona, dont la hauteur,
d'après une mesure harométrique très-^sacle , est de
agatoïs. La hauteur de la ville de la Laguna , qui n'avoit
jamaïs été déterminée d'une manière précise (T.I,
p. 331, et T. II, p. 3s5), est de 3(J4 toises. Aucun mur
circulaire de laves n'empêche , du côté du nord et de
l'ouest, d'entrer dans le cratère du Pic de TénérifTe.
Ce que j'ai dit de ce mur et de l'analogie entre le
sommet du Pic et du Cotopasï (Ï.I,p. 38'() neparoil
pas exact. Aucune notion postérieure n'a confirmé
l'assertion de M. Broussonnet (p. S;^), que l'île de
la Gomère renferme un no3'au de granité et de
schiste micacé; mais M. Escolar, savant minéra-
logiste espagnol, a trouvé, à l'île de For t aven tuw ,
SUPPLÉMENT. 33 1
on bloc de roche primitive syénidque. Cest une masse
à base de feldspath renfermant des cristaux d^am-
phibole. M. de Buoh a découvert, dans le grand
cirque de l'ile de Palma qu'il regarde comme l'ancien
onuère de soulignement , utte auti:e roche primitive.
Elle offre également une base feldspathique qui
enchâsse des grenats et de Factinote (strahktein).
Dans un ravin voisin on observe de^ blocs isolés de
schiste micacé avec de ^amphibole.. Les formations
calcaires et gypseuses de Lancerote et de Fortaven-
tare (p. 374) sont des. couches subordonnées à la
fprmaUoa des tKifs volcaniques. On y trouve même
des bancs d'oolithes. D'après M. de Buçh, auquel
sont dues toutes les observations rapportées dans ce
supplément, la température moyenne de Saiute-Croix
de TénériSe est de 7i%6 Fahr. ou sli'',S cent, a
0*/%/y^/\^%/%^%/^/^ki^/s/\
Dans cette Relation historique, toutes les indi^
cations de température sont comptées en degrés du
thermomëtre centésimal, si le contraire n'est pas
expressément marqué. Les noms génériques et spéci-<'
nques des plantes imprimés en caractëre italique,
désignent des genres ou des espèces inconnus avant
notre voyage, et décrits dans nos Noi^a Gênera et
l^ecies plantarum orhis novi»
ERRJTJ.
Page 27, avant-iler (litre ligne, au lieu de 46° 46':
Usez 66" 46'.
69, ligne 1 , au lieu de Famanls : li»es Fla-
Sg , ligne \5,au lieu de TT.6o''0. : /wes N-eo-E.
1)2, ligne 7, au lieu de l'est à l'ouest: liaez
de l'ouest à l'est.
Dernière ligne, au lieu de T. I , p. 5o :
lisezT. I,p. 3lO.
94, ligne 9, aw lieu de ta première .■ liset la
seeonde.
i33, ligne 6, au tieu d'Indiens de castes: liset
d'Indiens et de castes.
l55, ligne 12, au ^ieu de la population : Uiez la
population Indienne.
177, ligne 16 , au tieu du sud-est \ers le nord-
ouest : lisez du nord-est vers le sud-ouest.
TABLE DES M^ATIÈRES
COKTKinJSS BAK8 X«l <ÎUÀTfilbcS TOLVMB.
«A^fa
IVRE QUATRIÈME. Pag. 5
Chapitre X. Second séjour li Gâmana.-»'
Tremblement dé terreu — ^Bfétéores extraor-
dinaires. Ibid*
Chafitbe XI^ Trajet de Qmiana à la Guayra.
— Morro de Noera Barcelona. — Cap Codera.
— Route de la Goayra à Caracas. 64
Chafitre Xn. Vue générale snr les provinces
de Yenezaela.-^IHTersité de leurs intérêts.
—Ville et vallée de Caracas. — Climat. i4S
IGhapithe XIII. Séjour à Caracas. — ^Montagnes
qui avoisinent la ville. — ^Excursion à la cime
de la Sàla. — Indices de mines. iao^
FIN DU QUATRIÈHE VOLUME.
AVIS
Sur P Atlas de la Belation historique et sur
les éditions in*8^.
V%/W^/«#V«/V
Ce quatrième volume termine la deuxième
partie qui vieot de paroitre de Téditioa in-4^
de la Belation historique du Yojage de
MM. DE HUMBOLDT et BoNPLAITD.
L'Atlas géographique , physique et géolo-
gique qui accompagne cette dernière édition ,
se vendant séparément , pour mettre les per-
sonnes qui achèteront l'édition in-8.® à portée
de connoitre la composition de cet Atlas ^ on
donne ici la Notice publiée par M. de Hum-
boldt sur les cartes qui ont déjà paru.
A la suite de cette Notice, le public trou-
vera le prospectus général du Voyage et
l'analyse de chacune de ses parties.
H a été fait une édition in-8.<> de celles qui
ont paru propres à être publiées dans ce for-
mat ; savoir :
Vues des Cordillères et Monumens des peuples
indigènes de FAmérique , par Alex, de
Humboldt, avec 19 figures, donl plusieurs
coloriées, 2 volumes.
Relation historique du Voyage , etc. , rédigée
par Alex, de Humboldt, vol. 1 el 2.
Ces4 volumes se vendent ensemble 36 fr.
Les volumes 3 et 4 de la Relation histo-
rique du Voyage, etc lafr.
Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-
Espagne, par Alex, de Humboldt , avec la
carte du Mexique el des pays limitrophes,
et un tableau représentant le profil du
plateau de la Nouvelles-Espagne et dn ter-
rain qui s'étend de l'Océan-Pacifique jus-
qu'à la merdes Antilles, 6 vol 4ofr.
La première édition in-S." de cette partie
est épuisée : la seconde est sous presse et va
paraître incessamment.
' /
4^'l T- , ' ' ' . ■ ■ ■ . ,^ ^ ^^ ^-^
SUR LES MATÉRIAUX
qti oirr sEKTi poun la. coirsTUucnoit
DE L ATLAS
CÈciGRAPfflQUE ET PHYSIQUE}
Par Ai D£ HUMBOLDT.
^^f^0^^0%fW^%mt^0^^
XiA- Relation historique au f^ojrage aux ré^
-gions équinoxiales du Noui^au* Continent ,
dont cette livraison tinmiiine le premier tolv
(éd. in-4*^) > est accompagnée de deux Atlas >
Fjm pittoresque, Tautre géographique etphy^
sique. Le premier «est depuis long temps entre
les* mains du public : il porte le titre de yue$
des Cordillères etMonumens des peuples indi^
gènes de F Amérique. Un texte explicatif est
joint à chaque planche > et la rémrion de ces
morceaux détachés^ mais intimement liés
entre eux par la nature des objets qui y sont
discutés, forme un ouvrage particulier. Cest
un essai sur les traditions , les raonumens et la
division du temps des peuples à demi-bar-
biires du Nouveau-Monde, comparés à ceux
de l'Asie orientale.
Le second Âtlâs, celui des caries géogra-
phiques et physiques, sera également accom-
pagné d'un texte expLcalif. Ce texte renfermera
Y Analyse rai'sonnée des matériaux employés
pour ce travail. En construisant les cartes qui
composent l'Atlas des régions équinoxialesdii
Nouveau-Continent, je n'ai pas voulu me
borner aux parties indispensablenient néces-
saires pour l'intelligence d'une Relation his-
torique ; j'ai eu en vue d'offrir aux géographes
un grand nombre de résultats propres à rec-
tifier la carte générale de l'Amérique. Comme
ce travail est un de ceux auxquels je me suis
livré avec le plus d'assiduité pendant le cours
de mon voyage et depuis mon retour en Eu-
rope, et qu'il est intimement lié au Recueil
astronomique • que j'ai publié il y a sept ans,
' Hecueil d'Observations astronomiques , d'opéra'
lions trigonontétriques et de mesures batvmétriijitw ,
(3)
éoajoinlemeQi arec M. Oltmamis, fl esl <ie
mon iotérél de mettre les savans en étal de
joger par enx-mémesdo degré de confiance
que mérite cette partie de mes oorrages* Je
distingoerai surtool, cxmmie je Fai déjà Cnt
dans X Analyse raisonnéede t Atlas de la Noua
^Ue-Espagne^ , ce qui se fiMide, dans chaque
carte^ sur mes propres dbserratioos , de ce
qni repose ^r des maléffîaoz inédits qui m'ont
été commoniqaés par d'antres. Cest dans
remjJoi de ces matériaux d'inégale Talenr ,
dans la eomhinaisoa d'anlorités qni ne sont
pas IOBJoar»^d'aecord entre elles, que j'ai
tâché de suivre les préceptes que d'Anville a
donnés dans ses Considérations générales sur
les compostiions géographiques et dans deux
mémcHres célèbres insérés dans le Journal des
Smrans^ el les Lettres édifiantes^.
piâUede 1799 à i8oi, réHgkeêHcatenUetpar M. Ols^
manms (2 toL iii-4.«). Le ukiean des ponlîmu, d'après
les trois coordonnées de longihidf , de lalitiide el de
hanteor, se trouTe dans le premier Tokune, p. i-5o.
* Essai politique sur Is royaume de la Nouv. ^^P'»
Tom. I, p. i-xcii.
* Années 1750, mars, p. 175-188 ; aTril, p. 210-226.
* BA.ée 1781» Tom. IX^ p. 254.
32*
^ /* }
Le Nouvcau-Conlinent offre aujourd'hui
près de 700 poiols dont la position est déter-
minée par des observations astronomiques.
Ces points ont été calcules d'une manière uni-
forme, et d'après les tables les plus récentes,
par M. Oltinanns, membre de l'académie de
Berlin. Il est à refjretter que ce travail de géo-
^rapliie astronomique , le plus étendu que
nous possédions sur aucune parlie du globe,
n'ait presque point encore été mis à profit par
ceux qui s'occupent de la construction des
cartes. Parmi les 700 points discutés et exa-
minés avec soin , il n'y en a que 235 qui soient
les résultats de mes propres observations ;
mais CCS résultats offrent d'autant plus d'in-
térêt qu'ils appartiennent presque tous à la
géographie de l'intérieur des terres. Les colo-
nies espai^noles renferment une surface de
terrain de 4G8,ooo lieues carrées de 25 au
de^ré, c'est-à-diie dix-huit fois autaut que la
suriacc de la France. Dans cette vaste éten-
due, des provinces entières ne présentent pas
plus de points dont la latitude soit connue par
des hauteurs circumméridiennes, que la Perse,
l'Asie-Mineure ou les montagnes centrales de
l'Atlas. En jclant les jeux sur l'état de In géo-
(5)
graphie âe rAmériqaè éqninoxiale , on voit
qu'il n'j a que celle des côtes qui ait £ut des
progrès rapides de nos temps. Quant à Tinté-
rieur des provinces les plus fréquentées par
les Européens, les cartes ne s'eii perfection*
nent qu'avec une lenteur extrême ; et si Ton
fait le relèvement exact des positions astrono-
miques , on aperçoit que, pendant le cours
d'un demi-siède, le nombre de ces positions
augmente à peine sensiblement. A l'exceptioa
de la province de Quito, aucune partie de
^Amérique équinoxiale n'est connue comme
le sont déjà les parties les plus reculées de
llnde;
Dans cet état de la géographie du Nouveau-
Monde, les matériaux que fai rapportés dû
mes courses , offriront sans doute quelque in*
térét à une époque où la lutte des colonies
avec les métropoles fixe l'attention de l'Eu-
rope. Les cartes que j'ai tracées d'après mes
propres observatioos , présentent des cban-
gemens considérables dans la longitude de
la, ville de Quito, «que d'Anville et La Con-
damine avoient crue exacte jusqu'à 7 ou
$ mûiutes en arc <, dans le rojaume de la
* hA Condamioe aroit commoniqué une note t
(«)
Kouvelle-Grcnade , dans les provinces de Po-
payaa et de Los Faslos , dans le cours de
rOrénoque et l'iutérieur du Mexique >. Les
d'AnTÎUe {Jpurnal des Savans, ïjSo, pi 176), d'aprè»
laquelle la ville de Quito devoil éLi'e placée « défini-
tivement, et sans craindre l'erreur d'un quart de degré
en longUiule , entre 80° aa' et 80° 3o' à l'ouest du mé-
ridien de Paris. 11 La fausse position des villes de Quito
et de Mexico a eu ane influence funeste sur la confi-
guration des pajs limitrophes. Dix-nrufdi.'tances de la
lune au soleil, que j'ai prises a Quito et qui ont été cal-
culées d'après les tables de Bûrg, donnent Si" 6'3o".
Les séries des deux jours ne diffèrent de la tvoyeune
que de a à 3 minutes en arc, clM.OltmannsaprouTéi
en soumettant au calcul toutes les anciennes observa*-
tions d'éclipscs de lune et de satellites de Jupiter, faite)
lors de la mesure du degré équinoxial que , d'après le)
seules observations des académiciens françois et espa-
gnols , on trouve aussi puur la longitude de Quito
8i''5'3".Ce résultat diflérc de 5o' 3o" en arc de celui
qui a été adopté dans la Connaissance des tutnps , avant
1.1 publication de mon Recueil d' Observations astro-
!!omûjiie.i, Tom. Il, p. 3i9-358.
' Pour apprétier les changemcns que la géograpliie
mexicaine a subis dans ces derniers temps, il faufcom-
pnrf !■ les 20 planètes conlenurs dans mon Atlas de la
Nciwellc-Espagne arec la carie d'Akaie, publiée à
Paris par Var.idrmie des sciences j et regardée avec
(7)
parties les plus sauvages de TAmérique méri-
dionile , par exemple les bords du Guainia ou
Rio Negro , qui reçoit le Gassîquiare , offroient
des erreurs en latitude qui s'élevoient à plus
d'uo degré ; dans d'autres parties plus fré-
quentées du continent^ les erreurs en longi-
tude étoient de i^ 5o^, même de 2®. Pour
justifier des corrections aussi importantes,
il a fallu mettre les astronomes en état de
pouvoir examiner la précision de mes obser-
vations partielles et les limites des erreurs
dont elles ont été susceptibles. La majeure
partie de ces observations ayant été faites sur
les bords des grands fleuves qui traversent
l'Amérique méridionale du sud au nord et
de Touest à l'esté le cours de ces rivières m'a
servi pour appujer, comme sur des points
Tuimm, à l'époque de mon voyage 1 comnie la carte
la jj^ua exacte de ce vaste pays. {Nuevo Mapa de la
America sepienirianal perientciêniê al Vyrreynato de
Mêxico por Don Joseph Antonio de Ahate y Jtamirez. )
ha ville de Mexico étoit iodiquée , dans la Cann. des
tempe pour 1772, par long. 106" l'o"; dans la Conn,
des temps foxa i8o4^ long, lp2°2l5'45'^ Sa véritable
longitude est, d'après mes observaUons^ 101^2^30"'^
par celles de M. de Galiano, lOl^a&Q'^
1
(8)
fixes , un nombre considérable de lieux placés
dans l'iotérieur des terres. Partout j'ai tom-
paré mes résultais à ceux qui ont été publiés
par le Deposito hidrografico de Madrid, soit
dans les belles cartes des côtes de l'Amérique
espagnole , soit dans les deux volumes qui
porten t le titre de Memorias sobre las observa-
ciones astmnomicas hechns por los Navegan-
tes Espuholes in varias li/gares delglobo ' , et
que l'on ne sauroit assez recommander aux
géographes.
L'état de guerre d;ins lequel se trouve au-
iourd'bui une grande partie des cotooies,
' Madrid, 1809. J'ai disculé les points qui OQt été
simultanément de termines par les navigiileurs espa-
gnols et par moi dans l'Iatroduction de mon Recueil
d'Ohserv. astron. , Tom. I, p. xxxiv-sl-Vli. Je puis
ajouter aujourd'liui que l'habile astronome espagnol,
don Joaquiu de Ferrer, ayant soumis récemment i
un examen approfondi la longitude de la Havane, l'a
trouvée de 5''38''i9". {^Conn. dex leinps pour 1817,
p, 33o). J'avois trouvé, par des éclipses de satellites,
5''.''8' 5o" {iierueild'Obseiv. ai/ron.. Tom. 11 , p. 53),
à une époqueoù, par le transport du icmps de la Vera-
Crozj M. de ferrer crut la Havane par les 5''38'9".
( Zcch , Ephemer. , Tom. 11 , p. a33. )
(9)
contribuera- probablement au ^rfectionne-
meiit des cartes de i'in teneur. On dressera
des journaux de route , on fera des recounôis-
sances militaires /on appréciera les erreurs
de distances et de gisemens; mais^ pour tiret
parti de tant de nouveaux matériaux ^ il faiH
dra toujours ayoir recours aux observations
astronomiques faites dans des temps pluf
calmes. Nous nous flattons que les cartes de
cet Atlas offrent un certain qoipbre de points
fixes , qui contiendront , entre de justes li-
mites I les levées partielles. Partout les guerres
ont forcé les gouvememens à s'occuper du
perfectionnement de la géographie; et, d Câ-
pres le témoignage du colonel Mudge ^ , ce
sont les événemens qui ont précédé la bataille
de Gnlloden qui ont donné lien , en 1747 , an
relèvement trigonoméirique de Yl^cosse.
I^'Analjse raisoniiée de mon Atlas ne pou*
Tant être donnée an pnblic qn avec la pro*
chaine livraison^ je me contenterai ici de
railler les cartes qui ont déjà paru , et dont
le oombrp s'élève à 9.
PI. I. Limite infèrieui'e des neiges perpétuelles .
La ligne horizontale indique les degrés de
latitude depnis 10° sud jnsqu'à yS" nord. Les
quatre groupes de montagnes, les Andes de
Quito, les Cordillères du Mexique ou de
l'ancien Anahuac , les Alpes de la Suisse et
les montagnes de la Nwrwège , sont projetés
sur un même méridien. Ce n'est que dans ces
derniers temps qu'on a appris à connoîlre
avec précision la limite des neiges perpé-
tuelles sur les bords de la zone torride , par
les 19" el 20° de latitude, et au-delà du cercle
polaire. On a cru long- temps que cette limite
indiquoit la hauteur d'une couche d'air dont
la température moyenne de l'année éloit le
point delà congélation de l'eau. Des observa^
tinns multipliées ont prouvé que la courbe
des neiges n'est pas une courbe isotl/crme.
Il paroît qu'à la limite inférieure des neiges
éternelles , la température moyenne de l'air
est sous l'équateur-i- 1",5; dans la zone tem-
pérée — ^"ij; par les GS^-Sg" de latitude — 6".
Comme la chaleur des hautes régions de l'al-
mosphiire dépend du rayonnement des plaines
1 1 V -, I '
(-0
et de leur Amlmr monméJe^ oo cwicoi l q«e,
ums les BifaMs pinlHer g é ogtap iiiqocs, os
ne pesl Irouier, éams le sf'sime dbs fjjwwii
/ par cxcsple s«r h peaie dei
les seines à la mcflie liaateiir «i-dcasas Am
ntTeao de fOcéan , cpe daos le sj^ÊkoÈe des
dimals twrofétm^ La pbacfe I icniût les
mcHifaçoes éqpiaiorides da Komean-Moade
et les montagnes des xoaes finoîde et tempérée
de rancieo. Les phéoomcaes qui oot rapport
a b banleiir des iieiges se troinreroiit diseolés
dans un ouvrage intitolé ' : Des Ugmes iso^
ikermes et de la. distribution de la chaleur sur
le ff^be^ dont je Tiens <le publier un extrait
dans le troisicaiie Tolnme îles Mémoires de It^
é d^Areueil.
PL H. Géagmphie des plantes du Pie de
Téaériffi.
Ce laMeaa ph jsiqae des îles Canaries offre
les diT«:ses zones de la Tégétalion^ les han-*
* Cet^mTrage, la iiooreUeéditHMi de h Géographie
des plantes, et le Eecaeil de «Mt obaervalieai fiMlea
( '» )
leurs des points les plus importans pour la
géologie , et les températures moyennes. C'est
l'ouvnifre d'un voyageur célèbre , M. Léopold
de Biicli, qui, après avoir visité les glaces du
Cap Nord en Laponie, a fait récemment un
long séjour dans l'archipel des Canaries, con-
jointement avec M. Smith, natif de ta Nor-
wège, naturaliste de l'expédition du Congo.
( ^oyez le Supplément du premier volume de
la Relation histoiique, p. GSg.)
PI. XV. Cours de VOrènoque, depuis le Rio
Sinaruco jusquà VAngostiira.
Le cours del'Orénoque est si extraordinyire
dans ses trois inflexions, de l'est à l'ouest , du
sud au nord et de l'ouest à l'est, que, pour
le représenter sur une grande échelle , il est
nécessaire de le partager en plusieurs sections,
La carte XV offre le Bas-Orénoque ou la par-
lie du fleuve qui fait la communication entre
sur l'Inclinaison (le l'aiguille, les variations horaires Je
la déclinaison et l'intensité des forces raagnétiques,
seront publiés dans la cinquième Section, portant le
titre de Physique générale.
la capitale de la Guiane ( Saint-Thomas ou
TAn^ostura) et la province de Yarinas^ârlet ^
bords de rApare.Au n<^d suivent ^ de Fest.i
rpuest > les inameoses . savanes ( Lianos ) .de
Gumana . de Nueva Barcelona et tle Caracas
ou Venezuela. J'ai fait le premier cr.oquis.de
cette carte à l'A ngos tara ^ après mon retour
du Rio Negro ^ au mois de juin 1 800. Je n'ai
pas voulu étendre le cours du fleuve vers Y^y,
jusqu'à ce dédale de canaux qui forment rem"-
bouchure de l'Orénoque^ parce que mes. ob- •
servatiops astronoiniques ne s'étendent pas jaui*-:
delà du méridien de 66^ i5^% Je donnerai une
esquisse des bouches de l'OrénoquCj d'après
des matériaux inédits > dans la Carte des Mis^ .
sions du Rio Çarony. Les Jfondemens de la ,
planche XV sont les déterminations de lati-»».
tude et de longitude que j'ai faites à la bouche,
du Rio Apure ^ à San Rafaël del Gapiaçhino^.
au, port de Los Fragiles ^ à Muitaco , à Saintrs
Thomas de la Guaj^ana et à la Villa del Pao.
(Voyez Ofo. asU/t.l, Pv3i7> 244-256.)
( il )
PI. XVI. Carte itinéraire du CoUrs de t'Oré-
noqae , de t Atabapo , du Cassiquiafe el du
Rio Negro , offrant la bifurcation de l'Oré-
no(jU€ et sa communication avec la rivière
des amazones.
Nous sommes parvenus , M. Bonpkod et
moi, par l'intérieur des terres, des côtes de
Cumana et de Caracas aux frontières du Brésil.
La carte XVI, qui offre la partie la moins
connue de l'Amérique méridionale , el qui se
Ue par le confluent du Sinarnco à la carie du
Bas-Orénoque , est le Iriiitde ce voyage long
et pénible. Il sufïit de tracer la route que nous
avons suivie de Cumana à iSan Carlos del Rio
Negro par Caracas et les cataractes, et tle
San Carlos del Rio Negro à Cumana par ces
mêmes cataractes etSaint-Thoraas delà Nueva
Guajana, pour faire entrevoir comment j'ai
pu lier , au moyen du transport du temps, les
points de l'intérieur à ceux de la côte, surtout
à Cumana et à Caracas, deux villes dont les
positions soûl fondées .sur des observations
d'écHpscs de soleil, de satellites de Jupiter et
de distances lunaires. (Obs. astr^, p. 157-278.J
(.S)
Partis de Caracas au mois de février, nous
traTersâmes les vallées d'Aragua et les steppes
{Ltanos) de Calabozo, région de pâturages
qui sépare la partie cultivée de Venezuela de
la région des J'orèts et des missions. A San
Fernando de Apure (PI. XVIH), nous nous
embarquâmes pour descendre le Rio Apure
jusqu'à son embouchure dans rOrénoque,
vis-à-vis de la métairie de San RaTael del
Capucbino. Après avoir remonté rOrénoque
et irancbi les cataractes d'Atures et de May-
pures, terme du voyage de ceux qui ont donné
des descriplioDS de l'Orénoque (les PP. Gu-
nûila,Caulin et Gili ) , nous quittâmes ce fleuve
à sa jonction avec le Guavîare et l'Atabapo.
Nous remontâmes l'Atabapo, le Terni et le
Tuamini jusqu'au village indien de Javita; de
là nous fîmes porter notre canot à travers la
forêt jusqu'au Cafio Pimichin, qu'un isthme
de 6000 toises sépare du Tuamini. Nous en-
trâmes , par le Pimichin , dans le Rio Negro ,
et nous descendîmes celte dernière rivière
jusqu'au fort de San Carlos, que l'on avoit
cru jusque-là placé tout près de l'équateur.
Depuis le fort de San Carlos, nous remon-
tâmes d'abord le RiolNegro, et puis le Cassi-
qiiiare, bras de l'Orénoquc qui cdmmuDÎquft
avec le Rio Negro et fhit la jonction si cod-
testéede rOrénoque avec l'Amazone. Rentré
dans rOrénoque par le Cassiqiiiare , nous
le remonlàmes jusqu'au Rio Guapo et à
rEsmeralda,la plus isolée de toutes les mis-
sions de la Guiane. De l'Esmeralda, nous
descendîmes l'Orénoque en vingt-deux jours
(en passant de nouveau le confluent du
Guavîare , les cataractes d'Alures et l'em-
bourhiire de l'Apure) jusqu'à Saîut-Thomas
de la Nueva Guayana oii siège le gouverneur
de la province. En suivant, dans ma carte
itinéraire, cette navigation de cinq cents lieues
marines sur les grands fleuves de l'Orénoque,
del'Atabapo, du Rio Negro et du Cassiquiare,
on voit que nous avons constaté, M, Bonpland
et moi, la bifurcation de l'Orénoque, et fait
disparoîlre les doutes qu'on avoit élevés de
nouveau, à l'époque de mon vo^-age, sur la
communication de l'Orénûque avec le Rio
Negro et la rivière des Amazones. La bouche
de l'Apure a été liée à Caracas , comme Sainl-
Thomas de la Nueva Guayana à Gnmana".
' Ciiniana et Caracas se foixlcril sur îles obserTs-
tions purement ciiicsles. L'Oréii<>i)ue , ie Rio Hegrg
('7) '
Les doubles observations faites dans les mêmes
lieox, en remontant et en descendant TOré*
Doque» ont servi à apprécier letendae des
erreurs en longitude dont les points intermé-
diaires peuvent être affectés. La marche du
chronomètre de Louis Bertboud , n.^ 27, dont
je me suis servi, a été si uniforme dans les
canots, pendant la navigation sur les rivières ,
que les doubles observations faites dans les
cataractes et à San Fernando de Atabapo ,
après l'intervalle d'un mois, donnent, pour le
relard diurne, 28^,0 et 27^^,9. Deux mois plus
tard 9 à l'Augostura, le retard étoit encore
27^,9. Pour juger des changemens que mes
observations ont apportés au tracé du course
del'Orénoque, il faut recourir à la carte du
père Gaulin et à celle de La Gruz Gano j
et le Gassiquiare présentent un système de longitudes
rapporté à la seule Bocca del Apure. Les doutes que
Ton pourra élever un jour sur la longitude de cette
Bocca ne produiront d'autre eBêt que celui qui est
produit par toute incertitude sur un premier méridien.
On peut changer la position absolue de tout le sys-
tème des rivières de la Guiane espagnole , sans que la
position relative des missions en soit affectée, {fibseru,
astr.p Vol. I, p. 264.)
IV. 25
{ i8)
Olmedilla, qui ont donné naissance a toutes
les cartes publiées de nos jours. La Cruz,
en 177S, a copié et probablement défiguré
les plans manuscrits de Solano. La carte du
pèreCaalin , avant de paroîtreen 177H, avoit
de luéme déjà été défigurée par son éditeur,
ctonLuisde Stirville, second archiviste delà
secrétairerie d'état sous le ministère du comte
de Galvez. On n'a qu'à étudier avec soin l'ou-
vrage estimable du père Cauiin qui, comme
aumônier, avoit accompagné, en 1766, l'ex-
pédition d'Iturriaga et de Solano, pourrecon-
noître de fréquentes contradictions entre le
texte de la Historia corografica de la Nueva
Ândahisia et la carte de CaulIn publiée par
Surville. Les dernières notions sur l'origine
de rOrénoque et sur le lac ou tes lacs Parirae ,
placés tantôt 5°, tantôt 7" à l'est de l'Esme-
ralda, sont dus à des rapports en partie con-
fus, en partie mensongers, recueillis parle
gouverneur don Manuel Centurion et par
d'autres personnes également crédules qui
onl visité le RioParagua jusqu'au Guirior. Je
discuterai ce point, très - important pour la
géographie, dans le second volume de laite-
laiion historique : ')& tâcherai surtout d'expli-
( »9)
qaer comment^ en confoDdant ce qui a été
vu af ec ce que Ton a conclu de données pu-
rement hypothétiques^ les mémei ropporte
officids de Texpédition de Solano, plarrés
entre les mains de La Gru2| de Caulin et de
Sartille^ ont pu donner Heu à des carte»
entièrement difTérentes. Il suffit ici âc faire
observer en général qoe> d'après les oKser*
Tationa asironomiquef qoe j'ai faites sur le»
rive» de TOréneque et do Rio Bfe^ro , les
arreors^ de la carte de Canlin et de tiurtUie
ffëkrettt, pour b cataracte de Vhypnrt§, en
longitade, il o^3a^ 27^, en latitude, à ty^W^i
poor San Fernando de Atafeap/^ en l/m^^
tnde, à 1^16^4^; potyr fBmiefald», enl/^-
gitode^ à 2'^i3^i9^, en latîtiide^ k i^^f/^.
yomt San Carloa del Rto Bf#;gro , en l/iAtri-
être & &M Penumbr <fo AufUyiv. IKm^ ^^ ff«*/ii« ^ff-
$ irfMtes. 9hm tumttmttt ^f-^v^w it ami t%Â ^mf #^ mr#
^:5*
tude, àa''4o'39''i en latit., à 59'4a''. Caulin
indique assez bien le cours général de l'Oré-
noque et sa jonction avec l'Amazone, mais il
recule trop vers l'est et le sud tous les lieux
habités. Sa carte est d'ailleurs surcliargée de
noms de rivières et de montagnes qui n'exis-
tent pas*, tandis que l'on y cherche en vain
celte haute chaîne granitique qui s'éleud du
Duida vers les cataractes, duS.Ë. au N. O.
On ne doit pas s'étonner de trouver d'énormes
erreurs en latitude et en lonj^itiide au - dessus
de San Fernando de Atabapo. D'après les
renseignemens que j'ai pris sur les lieux, et
les manuscrits de don Apollinario Diez de la
Fuente ^, que je me suis procurés sur les rives
' D'autres noms , et les plus remariiuables , y soûl
méconDoissables. On y lit Atropichc pour Orocopiche,
Areduto pour Erevoto, Orocliuma pour Ârichuua , Ca-
viani pour Cabullarc.
' Mous avons herborisô. M, Bonpland el moi, entre
le Rio Sodomoni et le Rio Guapo , nvec des Indiens qui
avoient connu don Apollinario Diez. Il fonda la mû-
sion de l'Esmpralda j et se donna alors le tilre pom-
peux de Capitaii pohlador du liaut-Orénoque, el
Cabo miliMr du fort du Cassiquiare. Ce fort consistoit
CQ quelques troncs d'arbres réunis par des planches.
- de l'Amazone, à Toincpenda , et dans iiii
coDTent à Quito , les instrnmens astrono-
miques de l'expédition dllurriaga restèrent
au nord des cataractes d'Aturès, ou , s'ils furent
portés plus loin, ils ne dépassèrent pas la
bouche de l'Atabapo. Personne n'avoit ob-
servé avant mon voyage, soit à l'Esmeralda
sur les rives du Haut-Orénoque.soitlelongdu
Cassîquiare^ soit a San Carlos del Rio Negro.
Une carte manuscrite de M. Requena', que
Dtez fut dans la siuE« gouverueur de la province de
Quixos et (comme il connotssoit les aires de i/entd'uiXË
boussole] Cosmographe de rEspêdiiion des limites.
Ou doit craindre qu'il n'ait eu beaucoup d'iiiiluence
sur la construction des cnrtes du Haul-Orénoque. Le
père Gili le rencontra au retour d'un voyage fait pour
découvrir les sources de cette rlvii^re {Suggio di StorUi
amerlcana, Toiu, I , p. 19 et 324.) A cette époque,
Diez n'avoit aucune notion du lac Parime on d'un lac
quelconque dont puisse sortir l'Orénoque.
' Mapa de una parle de la America méridional , en
que se jnanifiestan loe payses pertenecientes al iV, R. du
Grenada, y Capitania General de Caracas que con~
finan con los eslablecimientos de S. M. Fidelissima por
et Ten. Coronel y Ingen. ordin. Don Franc. Reqiiena
Primer Comissario de la qiiarta Partida de la Exped-
de limites , Govemador y Comend, gênerai de la Prai-,
{ 22 )
j'ai copiée pendantmon séjour à Quito, place
San José de los Mara^itanos au-delà des fron-
tières du Brésil, par i^So' de lalilude. Comme
les observatioDS les plus septentrionales des
astronomes portugais attachés à YExpédition
des limites ne dépassent pas l'équateur, et
que la carte de Requena place San Carlos del
Rio Negro 20' trop au nord , j'ai cru devoir
changer les positions au sud de la caverne de
Cocu 7.
La PI. XVI offre en même temps les es-
quisses que j'ai faites sur les lieux du lac de
Vasiva et de la cataracte de Maypures. J'ai
voulu montrer, par l'une de ces esquisses,
comment, en réunissant le Caiio Toparo au
Cameji, on pourra éviter les rapides de May-
pures et faciliter la navigation. Comme ma
carte itinéraire de l'Orénoque parort aujour-
d'hui pour la première fois, je dois rappeler
ici qu'une partie des matériaux et des données
de Mnynasy 1783. Cette carte manuscrite s'étend sur
24" de longitude, de 10° de latilude nord à 6° latitude
sud. La partie qui comprend l'Orénoque est infiniment
vague et inexacte ; mais on y trouve marquées les ob-
servations des astronomes portugais dans le R(o Y^-
purn.
(j5)
partielles ont été publiés dès mon retour en
Europe , soit par moi, dans le liecueil d'ob-
servations astronomiques et dans uue petite
carte jointe à nn Mémoire sur la bifurcation,
des rivières', soit par M. Poirson et d'autres
ingénieurs-géogra plies auxquels je les avois
communiqués.
Les matériaux inédits que je possède sur
les montagnes qui s'étendent à l'est du Rio
Padamo vers le Rio Esquibo , où les Sierras
de Qiiiniiropaca et de Pacaraimo divisent les
versans du Bas-Orénoque ot du Rio Negro
(les eaux du Paraguaniuzi et du Rio Parinie
ou Rio de Aguas Blancas), seront publiés
dans la PlancbeXIV. J'y tracerai la route qu'a
suivie don Antonio Santos, employé dans la
dernière expédition qu'a tentée le gouver-
neur Centurion pour la découverte du lac
Parime et du Dorado. Cet officier intrépide
est parvenu . presque nu et peint d'Onoto
comme un Caribe, des missions de Caroni ,
au Rio Negro par le Rio Parime, sans tou-
■ Ce Mémoire, qui m'est commun avec M. de Prony,
est inséré dans le Journal de l'École polytechnique ,
Tom.lV,Cali. io,p.65.
i 2if ;
clier les rives de l'Orénoque. Selon le père
Caulîii et les discussions três-judicienses de
M. Malte-Brun ' , ce sont les inondations du
Bio Parime qui ont donné'lieu aux récils fa-
buleux de la Layuna del Dorado. D'après des
notions que j'ai acquises, sur les fronlières
du Brésil, par des Indiens et des Portugais
qui venoient de San José de Maravitanos au
fort espaffnol de San Carlos du Rio Negro,
le Rio Tacucu ou Tacutu (branche du Rio
Parime) sort d'un lac très-cottsidérable. Ce
Tacutu se retrouve dans les journaux de roule
deSantos, sous le nom de Mao, recevant ,
par le Cano Pirara, une partie de ses eaux
du lac Parime , situé dans le pays des Indiens
MacHsis. Or, on a remonté le Carony, le Pa-
lagua et le Paraguamuei, traversé la Cordil-
lère de Quimiropaca qui va de l'est à l'ouesl,
et descendu, du nord an sud, le Curiacaraet
le Rio Parime jusqu'à son confluent avec le
Mao , laissant loin à l'est les lacs de Pumacena
et de Parime, si toutefois ils exislont comme
des lacs pernianens. Il ne peut par consé-
■ Précis de la Gùogrophie itni^iTSi-lle, Tûin. V,
(25)
quent pas rester douteux que TOrédoquè naît
à l'ouest du Rio Parime , et que cette rivière
l'empêche tout aussi biea de tirer ses eaux de
lacs situés dans le pay? des Indiens Macusis,
que le cours de la Saône empêcheroit la Loire
d'avoir sa source dans le lac de Genève. Ces
considérations suffisent pour prouver les fic-
tions des cartes de Solano et de La Cruz.
Quant à la carte de Surville , moins inexacte
dans l'indication du cours de Rio Parime ,
elle confond l'Oréuoque avec les rivières qui
tombent dans l'Orénoque , avec l'Ocamo cl le
Mavaca, séparé de l'Idapa ou Siapa par le
portage de l'Unturan.
Quoique la carte de l'Amérique méridio-
nale de d'Anville soit extrêmement inexacte
dans les latitudes ' assignées à différens points
sur les rives de l'Orénoque, on doit être
surpris que d'Anville connut miei»x à Paris,
en 17^8, la bifurcation de l'Orénoque et sa
communication avec le Rio Negro, que les
' Les erreurs de J'Anville soiii, ùla bouclie de Meta,
de 1" 43' ; à San Fernando de Atabapo 1° 1 1'; à l'Es-
meraIda,oii se sépare le Cassiqnlare , de l'i^ei
tade. Il coanoissoit bien d'ailleurs le Mao etlel
^ 2D ;
Jésuites à Quito. Dans la carte très -rare,
gravée à Rome en 1751 , sous le titre : Pro-
vincia Qtiilensis Sorietatis Jcsu in America
{luctor. Carolo Brentano et Nicolao de la
Torrc,\e Rio Nej^ro est encore fig'uré comme
lin bras de rOrénoque, Il se sépare là oïi est
siliiéc aujourd'hui la mission de Saiita-Bap-
bara. D'Anville, au contraire, trace très-bien
le cours dii Cassiqniare comme un canal qui
réunit rOrénoquc elle Rio Negro. Il nomme la
partie la plus méridionale du Cassiquiare Rio
lîranco, comme s'il le confondoit (d'après
des Dolinns vagues sur le Pacimony, le Baria,
)e Cunimilî et le Cababury ) avec le Rio Pa-
rime on Rio de AguasBlancas. L'erreur du
point de communication entre le Rio Negro
et le Cassiquiare , brasdel'Oi'énoque, s'élève,
surla carte de d'Anville, à i'>î^' en latitude
et à J^^g' en longitude.
pl. XVrn. Embranchemens des Eivtères
situées entre l'apure et le Meta.
La Villa de San Fernando de Apure, l'em-
bouchure de l'Apure dans l'Orénoque et le
( »7 )
cooflaent do Meta ■ 9 sont des points qae jV
déterminés par des niojens astronomiqaes*
Le cours de TApnre j à Test de San Fernando ,
a été releTé en descendant la rivière , et ce
relèTeinent sera publié séparément sur une
plus grande échelle. Le dédale de fleuves
entre l'Arauca et TApure^les embranche-
mens du Biruaca , Catamaica , GabuUare ,
Payare et Apure Seco , ont été tracés en partie
d'après les croquis que j'ai formés pendant
mon séjour à San Fernando , en partie
d'après un plan de près de trois pieds en
carré , que don José Rodriguez y Alcalde de
cette Pailla (avec lequel j ai passé de Gumana
à la Havane), a bien voulu me communiquer.
Ce plan indiquoit jusqu^aux cabanes isolées
dans les savanes. La différence de latitude
entre les bouches de l'Apure et du Meta , et
les petites rivières que traverse le chemin de
San Fernando à San Francisco de Capana-^
paro> m'ont donné les moyens de contenir
' J'ai obtenu^ à la bouche da Meta, une observa-
tiou de longitude, mais point d'observation de lati-
tude« Nous avons bi1rouaq^é un peu au-dessus du Rio
Qoreda. Les nuages nous dérobèrent la vue d^s étoiles.
C î8 )
entre de justes limites les détails du tracé, et
de corriger les distances itinéraires.
En comparant le coui-s de l'Apure , de
l'Arauca , du Capanaparo et du Sinaruco , tel
f(H'il est tracé sur ma carte et sur celles de La
Cruz et d'Arrowsmith , on verra combien
cette partie de l'hydrographie a été incertaine
jusqu'ici.
PI. XIX. Cours du Rio Meta et d'une partie
de la chaîne orientale des montagnes de la
Nouvelle-Grenade.
La grande rivière du Meta, qui débouche
dansI'Orénoque, lie pourainsidire le royaume
delà Nouvelle-Grenade à la Guiane espagnole
et à la province de Caracas. Elle parcourt les
plaines qui séparent les Cordillères de Santa-
Fe de Bogola et de Pamplona des montagues
granitiques de la Parinic. C'est le canal par
lequel un jour les farines produites sur le pla-
teau de l'ancien Cundinamarca trouveront un
débouclié pour parvenir aux régions chaudes
des provinces de Venezuela, de Nueva Bar-
celoua et de Cumana. La carte indique l'état
actuel des ctablisscmens chrétiens sur les rives
du Meta, les limites entre le pays habité par
(»9)
des Indiens cifrflisés et le désert exposé aux
iûcarsîoiis firéquenCes des saorages. EUe ren*
ferme i5 points dont j'ai dâerminé la position
par des moyens astronomiques, savoir à Test :
Emboachore da Rio MeU, lai. 6<»2k/ o''} long. 70* 4^
De Paniimaiia 5 4i 3 70 8
Rapides d'Attirés 5 57 54 7<^ 19
de Hajptires 5 i352 70 ^7
à Tonest :
Santa-Fe de BogoU^ laL 4*S5'48"; long. 76*34' 8"
Fnsagasaga
4 ao3i
76 5o 7
Honda
5 11 45
11 *3 7
Mariqaita
5 i3 6
77 21 5l
S« Ana
570
77.2542
Goaduas
5 4 4
77 8i3
Détroit de Carare
6 12^5
76 5757
lie de Bruxas
6 55 51
76 1427
San Bartholomë
6 35 46
7629 G
Narè»
6 9^
11 » 3
Goaramo .
53427
11 S 9
D'autres points, dont la latitude n*a été fixée
que par des moyens gnomoniques , ont servi
à corriger la direction des Cordillères, Ces
observations gnomoniques sont de M. don
Carlos Gabrié , officier très-instruit du corps
(5o)
des ingénieurs de S. M. C. La liauleur de son
gnomon a été telle , que Ta limite moyenne
des erreurs ne peut être que de /(,' à 5', comme
le prouve la comparaison de mes observations
astronomiques , faites sur les rives de la Ma-
deleine, avec les résultats gnomonîques ob-
tenus parBouguer '.
Les sources du Rio Mêla, les plaines de
l'Apiay et l'embarcadcrt: du Pachaquiaro , au-
quel on parvient par le chemin de la CabuUa,
ont été assujettis en longitude à la position de
Santa-Fe de Bogota et du Paramo de la Suma
Paz , point central de la Cordillère de Cundi-
namarca. J'avols ajouté , en publiant cette
carte dans la première livraison de cet Atlas,
la position des missionsou établissemens chré-
tiens d'après les renseignemens recueillis près
de la bouche du Meta, dans les cataractes de
rOrcnoque et à Santa-Fe de Bogota. Depuis
cette époque, j'ai eu, par (es soins empressés
de M. don Manuel Palacio • Faxardo , des
' Ilouguer trouva, par des gnomous, les latitudes
de Monpos et de Hbnda 9° 1 9' et 5° 1 6'. ( Figui-e de la
terre, p. 83) Des obseiTatîons d'étoiles me les ont
données g" i'i'ii"el 5"ii' 45". {Voyez mes Obs. astr.,
Tom. II,p. 195 et au.)
(5i )
matériaux extrêmement précieux y le Journal
de route du chanoine don Joseph Cortès
Madariaga de Santa-Fe de Bogota à Caracas
par le Rio Meta^ et la carte^détaillée qui ac-^
compagne ce Journal de route. D'après ces
nouvelles données^ j'ai rectifié toute lapaiMie
de la PI. XIX qui représente le cours du
Meta , et c'est celte carte rectifiée que ren-
ferme la seconde livraison de mon Atlas >. La
suite des villages étoit exacte dans la pre-
mière édition^ de même que les longitudes
des confluens du Rio Negro et du Gasanare
avec le Meta ; mais les distances relatives
d^une mission à l'autre Fêtaient si peu que ,
pour Gasimena et Snrimena^ l'erreur s'élevoit
à 1^ en longitude. En réunissant des parties
dont les unes avoient été vues en remontant ,
les autres en descendant le fleuve, les dis-
tances dévoient être sujettes à des erreurs qui
tendoient tantôt vers Test y tantôt vers l'ouest.
Gomme aucune observation astronomique n'a
' L^ lecteur est iny'ité de substituer la PL XIX,
qui pone le nom de M. Madariaga , et qui est donnée
une seconde fois aux frais des éditeurs , k TéprenTe
ancienne sur laquelle manque ce nom.
(32 )
elé faite sur les rives diiMeta , el que M. Cortès
Madariaga n'a aussi pu juger des différences en
latitude et en longitude que par la direction
du chemin et le temps employé dans la des-
cente de la rivière , j'ai commeocé à examiner
la valeur des liaues sur lesquelles se fondent
les évaluations partielles. Le chanoine compte
«le la bouche du Meta à Biiliia Corlès (c'est
ainsi qu'il propose de nommer le point où le
Meta prend son nom par la réunion du Rio
ÎJegro et de i'Umadea ) 7''5o' de longitude-
Or, d'après mes observations astronomiques
faites à Sanla-Fe de Bogota el au confluent
du Meta et de i'Oréooque, ces 7*'5o' n'équi-
valent qu'à4"46'- Cette réduction {presque
de 3 à 2) m'a servi à resserrer les distances
entre de justes limites. En prenant pour point
de départ la bouche du Meta (long. jo"W}>
on placeroif , d'après la carte manuscrite, la
bouche de I'Umadea par les 77"54' de lon-
gitude, c'est-à-dire i°2o' à l'ouest du méri-
dien de Santa-Fe, Lorsque j'ai trouvé des dif-
férences entre les évaluations du Journal et
le tracé de la carte ( qui a près de 4 pifliits de
long) , j'ai suivi le Journal de route. Je pense
que c'est rendre hommage au zèle éclairé qu'a
( 55 )
montré M. Gortès Madariaga pour les pro-
grès de la géographie américaine , que d'em-
ployer les matériaux précieux qu'il nous a
fournis d'après le^ règles et la méthode pres-
crites pour la construction de bonnes cartes
^géographiques.
Les hauteurs des lieux au-dessus du niveau
de la mer se fondent sur mes propres obser^
vatioDS barométriques. Celle de Honda a été
rectifiée d'après M. Galdas. Pamplona^ dont
Télévation est de i255 toises, a été ajoutée
d'après le Semanano de Santa^Fe , T. I,
p. 373.
PL XX. Missions du Rio Caura.
J'ai esquissé cette carte du Rio Caura ,
d'après les renseignemens que j'ai pris dans
les missions de l'Orénoque et au couvent des
Pères de VObseivance de Saint- François à
Nueva Barcelona. J'ai placé Tenibouchure
de la rivière par 6o®42' de longitude. Voici
les fondemens de cette position : i .<> Mes ob-
servations astronomiques donnent au Torno
67^15^, et à Gabruta (par la métairie de San
Rafaël del Capuchino) 69^3^. D'après les airs
rr. 24
(3i)
de vents indiqués clans un journal de roiiEe
très-exact de 1772, il y a du Torno à la bouche
de Caura 7,5 ; de cette bouche à Cabruta i(),5
parties, d'où résulte qu'uQc de ces parties
équivautàii', et que la bouche du Caura se
trouve par les Gy%5f de longitude. 2." D'a-
près la carte du P. Gauliu, il ja de la bouche
du Caura à RealCurona 35'; de la bouche à
San Rafaël 76'. Celle distance de i*'5o' se
réduit à 2° par mes observations chronomé-
triques ; donc la bouche de Ganra est par
Real C'orona 67" ^5' de long;. 3." Des mé-
thodes semblables donnent, d'après la carte
de La Gruz , par Angostura etCabruta 6^56'.
Les missions du Rio Caura, à cause de la di-
rection de cette rivicre, du S.S.E. au N.N.O.,
sont du plus grand intérêt pour la civilisation
des peuples sauvages de la Giiianc. Les indi-
gènes ont abandonné les rives del'Orénoque,
et on ne peut aujourd'hui se rapprocher d'eux
etîdécouvrir l'intérieur d'un pays si inculte, que
par les étabUssemens formés progressivement
sur les rives du Carony, du Paragua, du Caura,
de l'Erevato , du Venluari et du Padamo.
(55)
PI. XXVra et XIXX. P^olcan de JomUû.
Le vif intérêt qu'inspire » dans l'état actoei
de la géologie^ tout ce qui a rapport à des
soulèvemens volcaniques , m'a engagé à pu-
blier les plans et les coupes que j'ai tracés
dans les plaines malsaines de JoruUo. ( Essai
poL sur la Nouv. jEsp., T. I, p. 248.) La
PL XXVIII offre une coupe à travers le ter-
rain bombé et soulevé (Malpays) et le grand
volcan de JoruUo, selon une ligne dirigée
N.i5^E. L'échelle des distances est à celle des
hauteurs comme 3 à a. La PI. XXIX repré-
sente à la fois le plan levé d'après la méthode^
hypsométrique (des bases verticales et des
angles de hauteur), la vue pUtoresque des
volcans y et dans une coupe l'étendue de ta
masse soulevée (abb). Il faut se rappeler que
la coupe ACB est dirigée N.^oO. presque à .
angle droit avec celle de la PL XX*VIII> etque
dans A E B l'échelle des distances est égale à
celle des hauteurs. Des angles que j'ai pris
entre les sommets des six grandes buttes vol-
caniques I ont servi à déterminer la masse
soulevée.
\
(56)
La ferme des Playas de Jorullo est siluée
48 lieues à l'ouest de la ville de Mexico , dans
une plaine où l'on cidtive l'indigo, et qui est
élevée de 4o4 toises au-dessus du niveau de
la mer du Sud. Les montagnes du Mortero et
de las Canoas , qui renferment les unes du ba-
salte, les autres des irachytcs ou porphyres
irapéens, prouvent que, très-anciennement,
ce pays a déjà été le théâtre de bouleverse-
mens volcaniques. Même le Mirador et la
butte désignée dans le plan par le chiffre (5),
ont préexisté à la catastrophe dumois de sep-
tembre de l'année lySr). Dans cette catas-
trophe, il faut distinguer entre le soulèvement
du Malpays (6 ) hérissé de milliers de petits
cônes (hornitos), et celui des six volcans (5
1 , 2 et 4} j sortis par une fente ou filon, et
situés dans une même direction. Il n'y a que
le volcan central (i) qui soit enflammé au-
jourd'hui. Les laves noires et spongieuses de
la colline (2) renferment des fragmens d'une
roche syénitique primitive. De toutes les ré-
volutions du globe qui ont eu lieu dans des
temps très -rapprochés de nous, le soulève-
ment du volcan de Jorullo , dont le nom a été
jusqu'ici prescjucinconnu en Europe, est peut-
(h)
être la plus grande et la plus extraordinaire.
On a ajouté une esquisse de la Vue pitto-
resque, à l'usage de ceux qui ne possèdent
pas les faites des Cordillères,
^a.
LE VOYAGE
DAM
L'AMÉRIQUE ESPAGNOLE
PAU
MM. A. DE HUMBOLDT sr AIMÉ BOITPLAND
CONTIENT
X . Relation historique du Voyage , 4 vol.
în-4-^ avec Atlas ;
2.® Atlas pittoresque, ou Vues et Monumens
des peuples indigènes de rAmérique,
3 vol. in-fol. ;
3.* Zoologie ou Anatomie comparée, 2 voL
in-4-*^ avec figures ;
4. Essai politique sur la Nouvelle-Espagne^
3 vol. in-4.^ avec Atlas;
S.^ Astronomie, ou Recueil d'Observations
astronomiques, 2 vol. in-4*;
(-lo)
6." Physique générale et Géographie des
Plantes, 1 Tol. in-4-° avec une grande
Carie;
7." Botanique : Plantes équin., 2 vol. in-fol.;
Melastomes, 1 vol. in-fol. ;
Rhexia, 1 vol. in-fol.
Chacune île ces parties forme un ouvrage
particulier, qui se vend séparémekt.
Le tout sera composé de
11 vol. in-^-".
ti vol. in-fol-, papier grand-jésus vélin,
contenant la Botanique.
4 vol. in-fol., papier colombier vélin,
contenant les Atlas.
/|00 Gravures, dont une grande partie sont
coloriées.
70 Cartes géographiques, physiques et
géologiques.
(4i )
ANALYSE DE CHAQUE PARTIE DU VOYAGE.
PREMIERE PARTIE.
Relation historique du Voyage aux régions
équinoxialés du Nouveau- Continent, fait
en /759, 1800^ 1801 , i8o3, i8o3 et i8o4f
par Alexandre de Humboldt et
Aimé Bonpland y rédigée par Alex, de
Humboldt, avec deux Atlas qui ren-
ferment y Vun les Vues des Cordillères et
les Monumens des peuples indigènes de
V Amérique, et Vautre des Cartes géogra-'
phiques et physiques.
Première division.
Relation historique du Voyage avec un
Atlas géographique, géologique et phy-
sique.
Les auteurs ont réuni dans des ouvrages
particuliers tout ce qui a rapport à Tastro-
nomie ^ à la botanique , à la zoologie , à la
description politique de la Nouvelle-Espagne
V 4^ }
et à l'hisloire tie l'aocienne civilisation de
quelques peuples du Nouveau-Continent. Ils
ont irservé pour la Relation du V^oyage le
tiiblaiu des mœurs et des progrès de la so-
ciëlé dans les différentes colonies; des consi-
dérylions générales sur l'aspect du paysage,
l'influence des climats et les grands phéno-
mènes de la nature; le récit des obstacles
qu'il a fallu surmonter pendant un vojage
de cinq ans dans l'intérieur des terres, à
liavers des pays en partie déserts ou habités
yiar des peuples sauvages. On suit les voya-
geurs pas à pas sur la cime du volcan de Té-
nériïïe, dans les montagnes de la Nouvelle-
Andalousie et de Venezuela, sur les rives de
rOrénoque, les Cordillères de la Nouvelle-
Grenade, de Quito, du Pérou el du Mexique.
On aime à les voir en contact avec les objets
qui les entourent, et leur récit nous intéresse
d'autant plus qu'une teinte locale est répan-
due sur la description des lieux et des hahi-
lans. Pour que l'ouvrage fût plus varié dans
les formes, M. de Huraboldt a interrompu de
temps en temps la partie purement historique
par de simples descriptions. ïl expose d'abord
ks phénomènes dans l'ordre oii ils se sont
(43)
ê
présentés, puis il les considère dans l'en-
semble de leurs rapports. Il fait connoitre le
régime intérieur des missions, de ces vastes
établissemens monastiques ,> dont l'existence
favorise l'agriculture, et qui, après avoir j^té
les premières bases de la société dans les
forêts du Nouveau-Monde, ont ralenti dans la
suite les progrès des peuples vers la civilisa-
tion. Avec le tableau de ces hordes à demi-
barbares contraste celui de la culture intellec-
tuelle que l'on trouve sur les côtes ou dans
les grandes capitales-placées sur le dos des
Cordillères. M. de Humboldt a visité succes-
sivement Caracas, la Havane, Santa-Fe de
Bogota, Quito, Lima et Mexico. Il caracté-
rise les nuances diverses de la culture nationale
dans chaque colonie. 11 trouve une tendance
plus marquée pour l'étude approfondie des
sciences à Mexico et à Santa- Fe de Bogota ;
plus de goût pour les lettres et tout ce qui
peut flatter une imagination ardente et mobile
à Quito et à Lima ; plus de lumières sur les
rapports politiques des nations, des vues plus
étendues sur l'état des colonies et des métro^
pôles à la Havane et à Caracas. Le premier
volume > qui vient d'être publié, renferme,
{ 44 }
outre une introduction générale, les obser^
valions faites dans les îles Canaries, dans la
province de Cumana, dans ies missions des
Indiens Ghajmas et dans la capitainerie g-éné-
* raie de Caracas. Comme la côte de la Terre-
Ferme avoit été agitée par des mouvemens
révolutionnaires en 1797 et 179S, M. de
Humboldt examine la Ibrce relative ou la
prépondérance des castes, l'influence que le
progrès des lumières et le changement dans
les mœurs ont eue sur les habitudes et les
idées anciennes, la tendance diverse des opi-
nions politiques dans les colonies, selon leur
position, l'état de l'agriculture et du com-
merce, le nombre des noiisetdes indigènes.
Nous pensons que cette dernière partie de
l'ouvrage offre un vif intérêt dans un moment
oîi l'Europe entière a les jeux fixés sur l'issue
de la grande lutte entre les colonies et les
métropoles.
La Relation historique du voyage renferme,
dans des chapitres particuliers ou dans des
noies ajoutées à la fin de chaque livre, les
vues géologiques de l'auteur, ses observations
sur la température, l'humidilé et la tension
électrique de i'alr; enfin, tous les résultats
importans qoi n'avoieiit pas trouvé une plare
convenable dans les parties de l'ouvrage spé-
cialement consacrées aux sciences mathéma-
tiques et physiques. M. de Humboldt rappelle
« qu'uni par les liens de ramilié la plus intime
avec M. Bonpland , il publie eu commun avec
lui tous les ouvrages qui sont le fruit de leurs
travaux, qu'il a exposé les faits tels qu'ils les
ont observes ensemble ; mais que , cette Rela-
tion ayant été rédigée d'après les notes
écrites sur les lieux par M. de Humboldt , les
inexactitudes qui peuvent se trouver dans le
récit et diins les jugemeiis sur les mœurs et les
institutions ne doivent être aftrifauées qu'à lui
seul. "
L'Atlas géographique de la Relation his-
torique contient les Cartes suivantes:
Limile inférieure des neiges perpéliteîles à
différentes latitudes. — (jarle physique de
l'Océan Atlantique. — Péninsule d'Araya et
environs du port de Cumana. — Configuration
des plaines qui s'élcndenl depuis les mon-
tagnes côtières de Caracas jusqu'aux rives de
rOrénoque.^Profil géologique du Rio de la
Magdalena et d'une partie des Andes situées
entre Honda et Santa-Fe de Bogota. — Crêtes
l '1^ )
des Cordillères de la Nouvelle-Grenade, de
Popayan et de Quito.— Carte f>-éologique du
volcan de Rucu-Pichinciia. — Carte géolo-
gique du volcan de Colopaxi. — Profil g'éo-
lo^ique et physique du Chimljorazo et du
plateau de Calpi. — Coupe du volcan éteint
de Toluca. — Coupe du volcini de Jorullo. —
Esquisse d'un tableau général de la chaine
des Andes, au sud et au nord de l'équateur. —
Tableau physique et botanique du Pic de Té-
néviffe (d'après les observations les plus ré-
cenlcsde HM. de Buch etC. Smith). — Cdrte
du Bas-Oiénoque. — Missions du Rio Caura.
— Cours du Rio Apure. — Partie orientale de
la province de Varinas , et emhranchemens
des rivières situées entre l'Apure et le Meta.
— Rio Meta et Cordillères orientales de Cun-
dinamarca ou Andes de la Nouvelle-Grenade,
— Rio Guaviare et Cano Piinichin. — Carte
itinéfiiire de ÏOrénoque, du Cassiquiare et
du Rio Negro, offrant la communication de
l'Orénoque avec la rivière des Amai^ones, et
les plans topographiques de la cataracte de
Maypwes et du lac de Vasiva. — Ile de Cuba.
— Cours du Rio de la Mag'daleua, avec une
partie du royaume de la Nouvelle-Grenade.
-, . (47)
— Province de Pasto. — Volcan d'Antisana et
province de Quixos. — Terrain bouleversé par
k tremblement de terre de Riobamba, le
4 février 1 797. — Plan du volcan de Jorullo
et du terrain qui entoure la paHie soulevée.
— Province de Jaen de Bracamoros. — Partie
supérieure et occidentale de la Rivière des
Amazones. — Province de Majnas et cours du
Rio Huallaga. — Carte générale (géologique)
de TAmérique méridionale.
Nota. Les caractères italiques indiquent
les Cartes qui ont paru avec la première et
la seconde Partie de la Relation historique
(édit.in-^*').
Seconde Division (complète).
Atlas pittoresque ou F^ues des Cordillères et
Monumens des peuples indigènes du Nou-
veau- Con tinent.
Quoique appartenant à la première partie,
les Vues des Cordillères ou Atlas pittoresque
font un ouvrage distinct. Il est destiné à la fois
à faire connoître quelques-unes des grandes
scènes que présente la nature dans les hautes
chaînes des Andes ^ et à jeter du jour sur l'an*
cienne civilisation des Américains par l'étude
de leurs monumens (l'architecture, de leurs
hiéroglj'phes , de leur culte religieux et de
leurs rêveries astrologiques. M. de Humboldt
y a décrit la construction des téocaitis ou py-
ramides mexicaines, comparée à celle du
temple de Bélus, les arabesques qui couvrent
les ruines de Milla, des idoles en basalte or-
nées de la Calanlica des têtes d'Isis, et un
nombre considérable de peintures symbo-
liques représrjitant la femme au serpent, qui
est l'Eve mexicaine, le déluge de Coxcox,
et les premières migrations des peuples de
race aztèque. Il y a exposé les analogies Irap-
panlcy qu'olFrent le calendrier desToltèques
el les catastérismes de leur zodiaque avec
les divisions du temps des peuples lartares et
tibétains, de même que les traditions mexi-
ciiincs sur les quatre régénérations du globe
avec les pralayas des Hindoux et les quatre
âges d'Hésiode: il y a consigné aussi, outre
les peintures liiéroglypliiques qu'il a rap-
jiortées en Europe, des frugmens de tous les
manuscrits aztèques qui se trouvent à Home,
àVelctri, à Vienne et à Dresde, et dont le der-
nier rappelle, par des symboles linéaires, les
(49) ,
kouâs des Ghinoisr A côté de ces monumens
grossiers des pe;uples de rAmérique , se
trouvent dans le même ouvrage les vues pit*
toresques du pays montueux que ces peuples
ont habité , comme celles de la cascade du
Tequendama , du GbimbQrrai(A^> du volcan dé
JoruUo et duCayambé dont la.'icime aplatie;
couverte de glUbes cternelles> est placée im-
médiatement sous la ligné équatoriale. Dans
toutes les zones, la configuration du sol» la
physionomie des végétaux et l'aspect d'une
nature riante ou sauvage influent sur les pro*-
grès des arts et sur le style qui dislingue leurs
^productions; Cette influence est d'autaiit plus
sensible y que Thomme est plus éloigné de la
civilisation. / • '<
Les Vues et les Monumens se composent
des planches suivantes au nombre de Gg : ;
Buste d'une prétressé aztèque! — Vues de ht
grande place de Mexico. -^ Ponts naturel*
d'Icononzo. — Passage de la montagne dé
Quindiu , dans la Cordillère des Andes. -^
Chute du Tequendama. — Pyramide de Cho-
lula. — ^Masse détachée de la pyramide deCho-
lula. — Monument de Xochicalco. — Volcan
IV. 35
(5o)
de Colopaxi. — Relief mexicain trouvé â
Oiixaca. — Généalogie des princes d'Azcapo-
zalco; pièce de procès en écriture hiérogly-
phique.— Manuscrit hiéroglyphique aztèque,
conservé à la bibliothèque du Vatican. —
Costumes dessinés par des peintres mexicains
du temps de Montézuma. — Hiéroglyphes az-
tèques du maouscrit de Veletri. — Vue du
Chiniborazo et du Garguairazo. — Monument
péruvien du Ganar. — Rocher d'Inti-Guaicu.
— Ynga- Chungana, près du Cafiar. — Inté-
rieur delà maison de l'Inca, au Caiiar. — Bas-
relief aztèque trouvé à la grande place de
Mexico. — Roches basaltiques et Cascade de
Régla. — Relief en basalte représentant le ca-
lendrier mexicain. — Maison de l'Inca , à
Calio, dans le royaume de Quito. — Le Cfaim-
borazo, vu depuis le plateau de Tapia. —
Epoques de la nature, d'après la mythologie
aztèque. — Peinture hiéroglyphique tirée du
manuscrit borgien de Veletri , et signes des
jours de l'almanach mexicain. — Hache az-
tèque. — Idole aztèque de porphyre basal-
tique , trouvée sous le pavé de la grande place
de Mexico. — Cascade du Rio Vinagre, près
du volcan de Puracé. — Les Indiens qui uagent
(Sx)
OU poste àuxlettres de Bracainôro8.-^Histoire
biérogljphique des Aztèques» depuis le déluge
jusqu'à lafôridadoQ de la: ville de Mexico. -^
Pont de cordage près de Pénipé. — Coffre de
P^rote.^— Montagne d'Uinissa. — Fragmehs de
pemtures hiéroglyphiques 9 déposés à la hU
bliothèque royale ide Berlini^^^Peintures hié*
togljpbiques du musée îBorgia à Yeletri.^
Iligrattion des peuples aztèques y peinture hié^
rogljphique déposée à la bibliothèque royale
de Bedin. — Vases de granit^ trouvés sur la
côte de Honduras. — Idole aztèque, en ba-^
salte, trouvée dans la ville de Mexico. — Vol-
can d'air deTurbaco. — Volcan de Gayambe.
►r- Volcan de JoruUo. — Calendrier des In-
diens Muyscas; anciens hàbitans du plateau de
Bogota. — Fragment d'un mao usent hiéro-
glyphique conservé à la bibliothèque royale
de Dresde. — Peintures hiéroglyphiques tirées
du manuscrit mexicain conservé à la biblio-
thèque impériale de Vienne, n.<> i , 2 et 3. —
Ruines de Miguitlan ou Mitla dans la pro-
vince d'Oaxaca ; plan et élévation. — Vue du
Corazon. — Costumes des Indiens de Méchoa-
can. — ^Vue de l'intérieur du cratère du Pic de
ïéoériffe. — Fvjàgmeù» de peintures hiêrogly-
25*
phiques lires du Codex Telleriano-Remensîs.
■ — Fragment d'un calendrier chrétien tiré des'
manuscrits aztèques conservés à la biblio-
thèque rojale de Berlin. — Peintures hiéro-
glyphiques de la Raccolta di Mendoza. —
Pragmens de peintures aztèques tirés d'un
manuscrit conservé à la bibliothèque du
Vatican. — Volcan de Pichincha. — Plan
d'une maison fortifiée de l'Inca, située sur
le dos de la Cordillère de l'Assuay. —
Ruines d'iine partie de l'ancienne ville péru-
■vienne de Chulucanas, — Radeau de la rivière
deGuayaquil. — Sommet do la montagne des
Organos d'Actopan. — Montagnes de por-
phyre colonnaire du Jacal. — Tête gravée en
pierre dure par les Indiens Muyscas ; bracelet
d'obsidienne. — Vue du lac de Guatavita. —
,Vuede la Silla de Caracas. — Le dragonnief
de rOrotava.
SECONDE PARTIE.
Recueil d' Observations de zoologie et d'aria-
tomie comparée, avec planches dont la
plupart sont coloriées.
M. de Humboldt a réuni dans cet ouvrage
( 55 )
l'histoire du Condor ; des expériences sur
rélectricité des Gymnotes; un mémoire sur le
larynx des Crocodiles » des quadrumanes et
des oiseaux des tropiques ; la description de
plusieurs pouvelles espèces de reptiles^ de
poissons j d'oiseaux y de singes et d'autres
mammifères peu connus. M. Cuvier a enrichi
ce recueil d'un mémoire très -étendu sur
FAxolotl du lac de Mexico et sur les Protées
en général. Le même naturaliste a aussi re-
connu deux nouvelles espèces deMastod^ntes
et un véritable éléphant , parmi les os fossiles
que MM. de Humboldt et Bonpland ont rap«
portés des deux Amériques. La description
des insectes recueillis par M. Bonpland > est
due à M. Latreille, dont les travaux ont tant
contribué de nos jours aux pipogrès de Ten-
tomologie. Le second volume de cet ouvrage
. renfermera les coquilles ^ les quadrupèdes de
la province de Quito et les figures des crânes
mexicains , péruviens et autres que les auteurs
ont déposés au Muséum d'histoire naturelle de
Paris, et sur lesquels M. Blumenbacba déjà
publié quelques observations dans le Decas^
ifuinta craniorum diversamm gentium.
(54)
TROISIÈME PARTIE (complète).
Essai politique sur le royaume de la Nou-
velle-Espagne, avec un ^tlas physique
et géographique fondé sur des observa-
tions astronomiques , des mesures trigo-
nométriques et des nivellemens baromé-
triques.
Cet ouvrage, fondé sur un grand nombre
de mémoires officiels, offre en six (]i^isioQS
des considéra lion s sur l'étendue et l'aspecl
phjsiqne du Mexique , snr la population , les
mœurs des habita ns, leur ancienne civilisation
et la division du pays en intendances. Il em-
brasse à la fois l'agriculture , les richesses mi-
nérales, les manufactures, le commerce, les
finances, el la défense militaire de ces con-
trées. En traitant ces différens objets de l'éco-
nomie politique, M. de Iluniboldl les a
envisagés sous un point de vue général; il a
mis en parallèle ta Nouvelle-Espagne, non
seulement avec les autres colonies espagnoles
et la confédération des Elals-Uuis de l'Amé-
rique septentrionale, mais aussi avec les pos-
( 65 )
sessions des Anglois en Asie; il a comparé
ragricnlture des pays sitoés sous la zone tor-
ride à celle des climats tempérés ; il a examiné
la quantité de denrées colonises dont TEu-
rope a besoin dans Tétat actad de sa civili-*
sation. En traçant la description géognostiqne
des districts des mines les plus riches du
Mexique , il a présenté le tableau du produit
minéral , de la population , des importations
et des exportations de toute l'Amérique es-
pagnole; enfin, il a abordé plusieurs ques-
tions qui, faute de donnée exactes , n'avoient
pu être traitées jusqu'ici avec toute la profon-
deur qu'elles exigent, comme celles sur lé
flux et le reflux des richesses métalhques , sur
leur accumulation progressive en Europe et
en Asie, et sur la quantité d'or et d'argent
que, depuis la découverte de l'Amérique jus-
qu'à nos jours , l'ancien continent a reçue du
nouveau. L'introduction géographique, pla-
cée à la tête de cet ouvrage , renferme l'analyse
des matériaux qui ont servi à rédiger l'Adas
mexicain. Voici l'indication des cartes dont se
compose cet Atlas :
Carte réduite du royaume de la Nouvelle-
( 56 )
Espagne '. — Carte de la Nouvelle-Espagne et
des pays linùtrophes.— Carte de la vallée de
Mexico ou de l'aucien Tcnochtitlan. — Carte
qui présente les points sur lesquels on a pro-
jeté des communications entre l'Océan atlan-
tique et la mer du Sud. — Carte réduite de la
route d'AcapulcoàMexico.— Carte de la route
de Mexico à Durango.— Carte de la route de
Durango à Cliihuahua. — Carte de la route
de Chihuahua à Santa-Fe de! Nuevo-Mexico.
— Carte de la pente orientale de la Nouvelle-
Espagne, depuis le plateau do Mexico jus-
qu'aux côtes de la Vera - Cruz. — Carte des
fausses positions. — Plan du port de la Vera-
Cruz. — Tabl(ïau physique de la pente orientale
du plateau d'Analiuac. — Tableau physique de
la pente occidentale du plateau de la Nouvelle-
' Cttte carte âc M. de Ilumboldt a nié copiée par
M. Arrowsmilti à Londres, ij^ui se l'est appropriée en
la publiunt sur «ne plus grande échelle, en )8o5,
sous le titre de AW Map of Mexico , compiled from
original documents hy Airowsmilh. Il est facile de
reconnoître la copie par beaucoup de fautes cbalco-
f^iaphiques et par l'explicatioa des signes qu'on a
uahlié de traduire du francoîs en anglois.
(57)
Espagne. — Tableau physique du plateau cen-
tral de la Cordillère delà NouYëlle-Espagne.
— Profil du canal de Huehuetoca. — Vue pitto-
resque des volcans de Mexico ou de la Puebla.
—Vue pittoresque du Pic d'Orizaba. — ^Plaa
du port d'Acapulco. — Carte des diverses
routes par lesquelles les richesses métalliques
refluent d'un contioent à l'autre.- Figures
représentant la surface de la Nouvelle-Es-
pagne et de ses intendances y les progrès de
l'exploitation métallique, et d'autres objets
relatifs aux colonies des Espagnob dans les
deux Indes. — (Ces cartes se fondent sur
le tableau des positions géographiques du
royaume de la Nouvelle-Espagne, détermi-
nées par des observations astronomkpies - et
sur le tableau des hauteurs les plus remar-
quables, mesurées dans l'intérieur de ce vaste
pays.)
(58)
QUATRIÈME PARTIE (complète).
Recueil d'Observations astronomiques, d'O-
pérations trigonométriques et de Mesures
fiarométrif/uejf , faites pendant le cours
tî'un voyage aux régions èquinoxiales du
Nouveau-Continent f en t^^g~t8o4 , rédi-
gées et calculées par M. Oltmanns.
m. de Hiimboldt discute, dans l'Iolroduc-
tion placée à lii tcle de cet ouvrage, le choix
des instrumens propres à employer, dans des
voyages lointains, le degré de précision que
l'on peut atteindre dans les différens genres
d'observations , le mouvement propre de
quelques grandes étoiles de l'iiéniisphère
austral, et plusieurs méthodes dont l'usage
n'est pas assez répandu parmi les navigateurs.
Cet ouvrage, auquel on a joint des re-
cherches historiques sur la position de plu-
sieurs points importans pour les navigateurs,
renferme, i." les observations que M. de
Humboldt a faites depuis les 12" de latitude
australe jusqu'aux 4'" de latitude boréale,
comme passages du soleil et des étoiles par le
(%)
méridira, dbtaaees die b hme aa mkil et
aux étmles , ocealblions de satellites ^ éclipses
de soleil et de loue , passage de Mercure sur
le disque du si^cil, aùnuths, hauteurs cir-
cumméridieenes de la luoe pour déterminer
k longitude pv le mojen des différences de
déclinaisons, redierclies sur Tintensité rela-
ti?e de la hmiière des étoiles australes , me-
sures géodéaiques , etc. ; 2.^ en Mémoire sur
les réfiractions astronomiques sous la zone
torride, considérées comme effet du décrois-
sèment du calorique dans les coudies su-
perposées de l'air ; 3.® le niTcUement baro-
métrique de la Cordfllère des Andes , du
Mexique, de la province de Venezuela, du
royaume de Quito et de la Nouvelle^re-
naee , sui?i d'observations géologiques et
renfermant l'indication de quatre cent cin-^
qnante-trois hauleurs calculées d'après la for-
mule de M. La Place et le nouveau coefficient
de M. Ramond ; 4-^ un tableau de près de sept
cents positions géographiques du Nouveau^
Continent, dont deux cent trente-cinq ont
été déterminées par les observations de M.- de
Humboldt, selon les trois coordonnées de
longitude , de latitude et de hauteur. M» Olu
matins a discuté et calculé toutes ces. observa-*
Uon4.d'après les tables les plus réceotes. ,
CINQUIÈME PARTIE. '
Physique générale , renfermant un traité sur
les climats { ou la théorie des lignes iso-
thermes ) , l'essai sur la géographie des
végétaux etun Recueil d' Observations sur
l'inclinaison de l' aiguille aimantée et l'in-
tensilé des forces magnétiques,
La théorie des lignes isothermes, donlM. de
Humboldl a exposé les élémens dans les Pro-
legonœna de distributione geographica planta"
Tum et dans le troisième volume des Mémoires
de la Société d'jércueil f renferme tout ce qui
a rapport à la dislribnlion de la chaleur sur le
globe: 1." à sa surl'ucejdaiislcspliiines; 3". suc
la penle des montaf^nes; 3.° dans l'Océan;
4.° dans l'intérieur de la terre. Cette théorie
offre les élémens numériques de la CUnialo-
logic , les inflexions des lignes isothermes qui
ont leurs sommets convexes sur les côtes oc-
cidcntalesdes contineiis, la distribution d'une
même quantité de chaleur entre les différentes
<6i)
saisons d'après des proportions fiites ou ren-^
fermées entre des* limites ti^s-étroites. Elle
offre les résultats tirés d'un grand nombre
d'observations inédites ; elle les groupe d'après
mie méthode cpii n'avoit point encore été es-
sayée , quoique 'iVvantage qu'elle présente ait
été reconnu , depuis un siècle ; dans l'Exposé
des phénomènes de la déclinaison et de l'in-*
dinaison magnétiques.
L'Essai sur- la géographie des plantes a été
publié > pour la première fois /en i8o6. Cet
ouvrage a été depuis entièrement refondu et
augmenté de recherches sur les lois- qu'on
reconnaît dans la distribution des formes vé-^
géiales sousdifférens cliiftats. M. de Humboldt
prouve que si l'on a déterminé , snt un point
quelconque du globe, le nombre d'espèces
qu'ofire une des grandes familles des gluma-
cées> descruciferes ou des légumineuses > oà'
peut évaluer, avec beaucoup de probabilité
et le nombre de toutes les plantes phanéro^^
gameV et le nombre des espèces qui coih-
posenl les diverses familles végétales* On voit
certaines formes devenir plus communes , de
l'équateur versie pôle , comme les fougères,
les glumacées, les amentacées, les éricinées
/■
1
( «2 1
et les rhododendrum. D'autres formes , au
contraire, augmentent des pôles vers l'équa-
teur, et peuvent être considérées dans notre
hémispiière comme des formes métidionales:
telles sont les nibiacées, les malvacées, les
euphorbiacées, les légumineuses et les com-
posées. D'autres enfin atteignent leur maxi-
mum dans la zone tempérée même, et dimi-
nuent également vers lequateur et les pôles.
Telles sont les labiées, les crucifères et les
ombeili feres. En cDTinoissant,sousIazone tem-
pérée, le nombre des c^péracées ou des com-
posées, on peut deviner celui des graminées ou
des légumineuses. L'auteur a réuni dans un
seul tableau l'ensemble des phénomènes phy-
siques que présente la partie du NoTiveau-Con-
tinent comprise dans la zone torride depuis
le niveau de la mer du Sud jusqu'au som-
met de la plus haute cime des Andes ; savoir :
la végétation j les animaux, les rapports géo-
logiques , la culture du sol , la température de
l'air, les limites des neiges perpétuelles, la
constitution chimique de l'atmosphère , sa
tension électrique, sa pression barométrique,
le dééroissement de la gravitation, l'intensité
de la couleur azurée de ciel , ralToiblîssemeiil
( 63 )
àe la lumière pendant son passage par les
couches superposées de l'air, les refractions
horizontales et la chaleur de l'eau bouillante
à difiërentes hauteurs. Quatorze échelles dis^
posée^ à côté (J'un profil des Andes, indiquent
les modifications que subissent ces phénô*
mènes par l'influence de l'élévation du sol
au - dessus du niveau de l'Océan* Chaque
groupe de végétaus: est placé à la hauteur que
la nature lui a assignée, et l'on peut suivre la
prodigieuse variété de leurs formes depuis la.
région des palmiers et des fougères en arbres
jusqu'à celles des Johannesia (Ghuquiraga,
Juss. ) , des graminées et des plantes liche-
neuseSk Ces régions forment les divisions na**
turelles de l'empire végétal; et, de même <jue
les neiges perpétuelles jse trouvent sous chaque
climat à une hauteur déterminée, les espèces
fébrifuges de Quinquina (Ginchona) ont aussi
des limites fixes indiquées sur la Carte bota-
nique qui accompagne cet Essai sur la Géo-
graphie des plantes.
Le vojiume de la physique générale, sera
terminé par l'exposé des phénomènes magné^.
tiques observés par M. de Humboldt, sous la
zone torride, depuis les plaines jusque sur le
(64 )
dos (les Andes. Il y traitera de l'inclinaison de
l'aiguille aimantée , des variations horaires de
la déclinaison , et surtout de la loi du décais-
sement d' intensité dex forces magnétiques du
pôle vers l'équateur, loi qu'il a reconnue pen-
dant le cours de son voyage en Amérique.
SIXIÈME PARTIE. {Botanique, i-édigée
par AI. Bonpland' ).
' iDdépentlammeut de la ilescriptioD des plantes
contenues dans cette Partie, M. Bonpland publie,
conjointement avec MM. de Iluniboldt et Kunlh,
comme cela avoit élt annoncé dans l'IulroductioD de
la Relation historique, un ouvrage particulier sous le
tifrc de Noua gênera et Species plantarum quas in
peregi-inatione ad plagam œquinocfialem orbis novi
collegerunt , descripserunt , parltm adumbraverunt ,
Amat. Bonpland et Alexander de Humholdt ; ex sche-
dis aulographin Amati Bonpîandi in ordinem. digestit
Carolus Siginm. Kunlh. Accedunt tabulœ œri incists et
Alexandri de Hamboldt notatlones ad Geographiam
plantarum spectantea. ) Cet ouvrage , dont le premier
Tolume a paru, et qui renferniera Sooo noitTellcs
espèces , se trouve également à la Librairie grecque,
lalinc et allemande.
(65),
PaoïiàRE Division (gomplèts).
Plantes équinoxiales recueillies au Mexique^
dans file de Cuba , dans les provinces de
Caracas, de Cumana et de Barcelone 9
aux Andes de la Nouvelle-Grenade ^ de
Quito et du Pérou ^ et sur les bords du
Rio Negro j de VOrénoque et de la rivière
des Amazones.
M. Bonpland y a donné les figures de près
de quarante nouveaux genres de plantes de la
zone torride , rapportées à leurs familles na-
turelles. Les descriptions méthodiques des
espèces sont à la fois en françois et eu l^tin ,
et accompagnées d'observations sur les pro-
priétés médicales des végétaux^ sur leur usage
dans les arts et sur le climat des contrées où
ils se trouvent.
Sbgonde Divisioir.
1.0 Melastomes (complets).
2.0 Rhexia. D reste à publier trois Livrai-
sons » contenant i5 planches.
IV. a6
(66)
Monographie des Melastomes , Rhexia et
autres genres de cet ordre de plantes.
Cet ouvrage est destine à faire connoître
plus «le cent cinqtKinle espèces de Melastoma-
cées que MM. de Humbo!dtet Bonpiaud ont
recueillies pendant le cours de leur voyage, et
qui font un des plus beaux ornemens de la
végétation des tropiques. M. Bonpland y a
joint les plcinles de !;i même famille que,
parmi tant d'autres richesses d'iiîstoire natu-
relle, M. Richard a rapportées de son intéres-
sant voyage aux Antilles el à la Guiane fran-
coise, et dont il a bien voulu lui communi-
quer ies descriptions.
Il n'appartient point à l'éditeur de faire
l'éloge de la parlie typographique de cet ou-
vrage et des gravures qui en accompagnent
les diverses parties. Outre les dessins faits par
M. de Humboldt, nous nous bornerons à
citer pour la Botanique ceux de MiVI. Turpin
et Poiteau ; pour la Zoologie, ceux de MM. Ba.
raband, Huet, Laurillurd, Bessa et Oppel;
pour les Monumens et les Vues des Cordil-
lères, ceux de MM. Thibaut et Marchais à
(67)
Paris, Gmelin , Pinelli et Koch à Rome» Ar-
nold à Berlin et Ximeno à Mexico. Les cartes
géographiques ont été gravées par MM. Tar-
dieu père et fils, Barrière et Âubert. L'exécu*
lion des planches qui composent les deux '
volumes des Planles équinoxiales a été confiée
à M. Sellier, celle des Melastomes à M. Bou*
quet. Cest des belles presses de M. Langlois
qu'est sorti Tensembie de ces gravures au
nombre de 470, dont une grande partie sont
coloriées. On a tiré de tous les ouvrages de
MM. de Humboldt et Bonpland deux exem--^
plaires complets sur peau vélin ^ dignes d'or-
ner une des grandes bibliothèques de FEu*
rope.
(63)
ÉTAT DE LA PUISLICATION DU VOYAGE
ntEMlËBS SECTION.
PremièrE division. Retalion hUtorique '
du Voyage , formant 4 vol. in-4. fl :
5 vnl. -d'Alias in-fDi.
La première Partie Aa i." to
de la.Hclaiion historicuie.conl.
35o pages de tente ei 5 cartes (ç^ogiap.
La seconde Partie paroît dans ce
nimneni. Tous ici deux mois il sera
puhliéîiiccessivemenluniïol. in-4.",
coiiien-int 3So paRes de teste , et 4 à
b cartes fiïogiaphiqiies
Oei-iLème division (comidité). viteà dès
Cordillères on Allas pitloresnue ,
a ïol. in-fol. , (.apiet colombier velin.
contenant 3,^»paee6d«l«te et 6g gia-
yuiiii , la plupart coloriées.
Fiïi.res«antlaletlie
FL(;Hres avec la lettre
Qiioiijue conipria dana la pifmlérc
di>iiiondiiVojage, l'Atlaspittoresqnc
Seconde Skction.
Zoologie et ^natomie comparée, ntiA.
in-4.", neconipague'a d'un grand iiom-
Li'e de planclies , la plupart iuipiïméee
Les ncufCatiiei-sqni ont paru, i3onl
iepi forniencle !.''■ toI. . . .
Les quatre Cahiers suivans p
TnoisiiiME SectioH (complète).
iissat politique sar la NouveUn-'Es-
pasne , x vol. in-4,'' de gnti p;ia
.r.ii. All:.s i„-roI., de 3l ^arl,
(69)
QcATmiÈHi SicTiOH (comnUtcV
AitronomieoaRecueilaObtervaHon
astranomiqaei, d'Opiraliona trigo
nomctriquei , et de Mesures baro
milriquee faitea pendant le cour
du Voyage , 2 toI. in-4.° de 700 png.
CinQuiÈME Section.
PAyeiqae générale , cnntrnant un
Ttailé tur les climals , la Géogra-
phie des Plantes et Us observation!
SriiÈMB Srctiok {Botanique).
Prciniirrr divisinii (complèicl.
Plantes équinoxialts , 3 Tnl. iu-W
.Soi p^iî" Je l'»" . e' 1** pl»°
]leuiu:nie division ,
1." Le» lïïelajittrntea (cBmp^ttl)
în-fol. de i5o pt^. de texte , t
fiofig.
t.' Lniïhe^ia, i \o\. iiUol de
yaf- , fl 6n Gfpitti colorie'».
Log tcpt Càhien qui ont paru.. .
Le> iroia dei-nien Cahier* iiaraltronl
La Partie Botaaiijue n'exiile que >ui
p^ipier ïélin. Pour lo per
quivoiidrontraToirctani li
formntqiicIeiAtlM, il eus ^te' tiré
lin petit nombre d'exemplaice»
iiir pi]>iew colombier :
Daim ce format , Peiempisire complel
■<-s riaiil. c.iuin.cOÛte88of. «n Heu de hiot.
Ir'i M.-la»li>me> 710 >ulieude'i3i
k'>Ill.e<'i» Goo ai]tieude36o|
Prii de l'eiemplaire e6iaple[ de louLei.
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