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Sturgis Hooper Professor
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VOYAGE D’EXPLORATION
INDO-CHINE
CORBEIL. — TYPOGRAPHIE ET STÉRÉOTYPIE DE CRÉTÉ FILS.
VOYAGE D'EXPLORATION
EFFECTUÉ
PENDANT LES ANNÉES 1866, 1867 ET 1868
PAR UNE COMMISSION FRANÇAISE
PRÉSIDÉE PAR M. LE CAPITAINE DE FRÉGATE
DOUDART DE LAGRÉE
ET PUBLIÉ PAR LES ORDRES DU MINISTRE DE LA MARINE
SOUS LA DIRECTION DE M. LE LIEUTENANT DE VAISSEAU
FRANCIS GARNIER
AVEC LE CONCOURS DE M. DELAPORTE, LIEUTENANT DE VAISSEAU
Et de MM. JOUBERT et THOREL, médecins de la Marine
MEMBRES DE LA COMMISSION
OUVRAGE ILLUSTRÉ
DE 250 GRAVURES SUR BOIS D'APRÈS LES CROQUIS DE M. DELAPORTE
ET ACCOMPAGNÉ D UN ATLAS
TOME SECOND
© PARIS
LIBRAIRIE HACHETTE ET C!
719, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
Il € 7 &
Droits de propriété et de traduction réservés.
MCZ LIBRARY
HARVARD UNIVERSITY
CAMBRIDGE. MA USA
OBSERVATIONS
ASTRONOMIQUES ET MÉTÉOROLOGIQUES
PAR M. FRANCIS GARNIER
OBSERVATIONS
ASTRONOMIQUES ET MÉTÉOROLOGIQUES
PAR M. FRANCIS GARNIER
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
1° Positions déterminées astronomiquement.
Les instruments dont disposait la Commission consistaient en un théodolite boussole,
un cercle répéliteur, un horizon artificiel, un chronomètre et deux compteurs. Le
dernier état absolu des montres a été calculé le {1 juillet 1866, à Cratieh (Sala du roi),
dont la position prise sur la carte de Cochinchine 1867 (Manen, Vidalin, Héraud),
est {7 LAN, N-4 de Paris.
1. Sombor. Cour de la maison du gouverneur à la pointe même du fleuve. Position
adoptée { 63 4 00N- }. La latitude de ce point n’a pu étre obtenue que par une observation
d'étoile très-incertaine.'La longitude varierait en temps de — 15,3 pour + 1 de variation
sur cette latitude.
De Sombor, le relèvement astronomique de la petite colline dite Pnom Chi, le seul
point saillant qu'offre l’horizon, a été trouvé au théodolite de N. 6%° 52 0".
2. Stung Treng | 43 371% N° |. Les observations ont été faites à l'embouchure d’un petit
arroyo situé à deux milles de la pointe rive gauche du confluent du grand fleuve et de
la rivière d’Attopeu. L'étude de la marche des montres en ce point a révélé les varia-
ons considérables causées par les trépidations et les chocs brusques d’une pénible
navigation en barque, et par les orages et l’élévation de température ressentis pendant
le trajet. Une seconde excursion faite de Bassac au mois de novembre a permis de
recalculer avec plus de précision la longitude de Stung Treng et de rapporter ce point
au méridien de Bassac. L’intervalle très-faible écoulé entre le départ de Bassac et l’ar-
rivée à Stung Treng, l'égalité de la température, le courant favorable qui emportait la
barque sans la soumettre à aucun choc, l'identité des marches calculées aux deux
IL.
2 ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
-
extrémités du parcours permettent de considérer cette seconde détermination comme
lrès-exacte.
La latitude de Stung Treng est la moyenne des résultats obtenus par une hauteur
méridienne de lune prise le 22 juillet, et par deux séries de circumméridiennes de
soleil *, observées le 9 et le 10 novembre. Je la crois approchée à 10”.
3. Khon {4535 0% à 1. Le point d'observation est situé sur la côte Nord-Ouest de l’île,
au Sala construit près du village. La longitude a été déterminée comme la précé-
dente en partant de Bassac pour redescendre le fleuve. La latitude a été obtenue
par une série de cireumméridiennes du soleil prise le 6 novembre.
4. Khong | er UE Sala sur le bord du fleuve, à 100 mètres au Sud du
logement du gouverneur. Position déterminée comme la précédente.
Il a de plus été fait sur le sommet d’une petite colline (Phou Hin Khong).
située à deux milles au N. 62 19° O. du campement, une station au théodolite.
Voici les données qui n’ont pu être encore utilisées, faute d’un second relèvement :
Groupe des montagnes dites de Fer (province de
Tonly Repou), arête Ouest. S. 20° 15’ 00” O.
Coupure au milieu du groupe. SMS UNO?
Même groupe, arête Est. S. 15 42 40 O.
Piton en second plan et à l'Est des montagnes
de Fer. Te S. 14 18 00 O.
Sommet le plus élevé d’un autre groupe mon-
tagneux dans le N.-0. du précédent. STD 20) Ce
Mamelon isolé entre les deux chaînes. SSD MUUNUE
5. Bassac | F5 N). Sala du roi sur les bords du fleuve, vis-à-vis le lo-
gement du roi.
A partir de Stung Treng, une longue maladie m'a empêché de suivre la marche des
montres, et j'ai dü, en arrivant à Bassae, profiter du très-long séjour que la Commission
a fait en ce point pour essayer de le déterminer directement à l’aide des distances
lunaires.
La moyenne de vingt-cinq distances ? orientales du soleil à la lune a donné pour
longitude sur Paris 6" 53" 44;
La moyenne de dix-neuf distances occidentales, 6° 53" 59° ;
La moyenne de dix séries d'étoiles en nombre égal à l'Est et à l'Ouest, 6° 53" 47.
Le chiffre définitivement adopté après discussion de ces différents résultats à été
demo 0e
J'estime cette longitude approchée à 6° en temps, c’est-à-dire à un mille et demi
environ. Toute correction qui lui serait apportée devrait être faite également dans le
! Les séries de cireumméridiennes que j’ai employées sont toutes de six hauteurs, chacune d'elles croisée
trois fois au cercle, prises en nombre égal avant et après le passage au méridien.
? Chaque distance a été croisée cinq fois au cercle.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. 3
même sens aux longitudes de Stung Treng, Khon et Khong, et aux positions qui vont
suivre jusqu à Luang Prabang exclusivement.
La latitude de Bassac a été déterminée par quinze Jours d'observations cireumméri-
diennes solaires. Je l'estime approchée à moins de 5” de degré.
Il a été fait à Bassac plusieurs stations azimutales et des calculs de hauteur des prin-
cipaux sommets qui se trouvent à l'Ouest.
6. Chutes du Se Don } 73% 5 À |. Le point d'observation est silué au milieu des
rizières de la partie Sud-Ouest de lile des Chutes, assez près du bras Ouest de la
rivière. Les éléments du calcul sont deux hauteurs horaires et l'intervalle. Le compteur
apporté pour cette courte excursion a été comparé avec soin au départ et à l’arrivée au
chronomètre laissé à Bassac, et dont la marche était rigoureusement connue.
Le dernier état absolu des montres sur le temps moyen de Bassac a été pris le
295 décembre 1866, jour du départ de l’Expédition de ce point.
7. Étranglement du fleuve au Nord de Bassac 15° O1' 05" N. Il a été observé le
26 décembre des circumméridiennes du soleil sur la rive droite du fleuve, au point où le
pic dit Phou Phlong vient resserrer et réduire à 5 ou 600 mètres la largeur du fleuve.
8. Phou Salao | 0 Ÿ |. Point culminant de la montagne. La latitude de ce
sommet a été conclue par l'estime de la précédente. Pour + 1’ de variation, il faudrait
corriger la longitude de — 2°, 9 en temps. Celle-ci a été conclue des hauteurs horaires
qui ont servi à calculer les azimuts des points culminants relevés au théodolite sur
le sommet de la montagne le 27 décembre. Voici les relèvements astronomiques qui
pourraient servir à des déterminations ultérieures :
Phou Toun cai. SAAOMOUEILOMUDE
Phou Padang. S. 43 16 54 O.
Phou Lôn. NOEL Mer 0 IS AU)
Phou Phay (sommet le plus Sud). S. 19 09 49 O. en arrière-plan des mon-
tagnes précédentes.
RDOUREO RE ES SO 4200; id.
Toutes ces montagnes paraissent être le prolongement dans l'Ouest du massif de
Bassac.
La hauteur de Phou Salao a été donnée par le baromètre; elle est de 251 mètres
au-dessus du niveau du fleuve.
9. Ban Heuong Sai {65 15058 ). Cour de la Pagode située sur les bords
du fleuve. La détermination par hauteurs horaires est du 29 décembre, quaire jours
après le départ de Bassae, et l'accord des montres reste parfait. La latitude à été donnée
par une série de circumméridiennes solaires prise le même jour.
10. Premier rapide du Se Moun ! 30. N 1. Même détermination que la pré-
cédente, faite le 31 décembre. Le point d'observation est situé près de la rive gauche
de la rivière, vis-à-vis la pointe Est de l'ile qui forme le rapide, et Nord et Sud avec la
borne qui indique la limite des provinces de Bassac et d'Oubôn.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
=
11. Oubon {IE À). La marche des montres calculée à l’arrivée a indiqué
une légère accéléralion survenue depuis le départ de Bassac dont il a été tenu compte.
La latitude a été donnée par des cireumméridiennes solaires observées le 7 et le 8 janvier.
Le point d'observation est le logement de l’Expédition, situé dans la plaine qui
entoure la ville au Nord, à trois-quarts de mille environ de la rive droite du Se Moun.
12. Excursion d'Oubôn à Angcor. Dans cette excursion faite à pied, je n’ai disposé
que d'une montre et d’une boussole. Les distances parcourues, estimées au pas et
décomposées suivant la méridienne et la perpendiculaire, ont donné les coordonnées
estimées de chacun de ces points par rapport à l’autre. D'un autre côté, ces coordonnées
peuvent s’oblenir directement par le calcul, les deux positions d’Angcor et d’Oubôn
étant déterminées par l’observation. Si j'appelle x et y ces coordonnées, L, L’, Z, 7, les
latitudes et les longitudes des deux points extrèmes du parcours, », &’ les rayons de cour-
bure de la méridienne et de la perpendiculaire à Angcor pris comme origine des
coordonnées, J'aurai :
x = (l — 1) cos L'p'sin 1”, (1)
TD ele — (& = Dicos? Litg (L = ) (2)
ou, sans erreur appréciable :
sin 1”
y = (L'—L)o sin 1” — (l — IP cos? L'tg L.
A
0h10 3 © o o æ 30 18 09/ N
La position d'Angcor (citadelle) (carte de Cochinchine, 1867) est ! 469 3 5 à:
En effectuant le calcul indiqué ci-dessus, on trouve pour les coordonnées vraies
d'Oubôn sur Angcor NE = 3e die
Les coordonnées estimées ont été trouvées de {L00:80> ” }. Les différences en
moins qu'elles présentent sur les coordonnées vraies sont très-sensiblement propor-
tionnelles, et on peut admettre qu'elles ne proviennent que d’une estimation trop
faible de la vitesse de marche. En faisant subir une correction proportionnelle aux
coordonnées eslimées des points intermédiaires du parcours,on pourra done en
conclure assez exactement la latitude et la longitude de ces derniers. Les formules (1)
et (2) donnent en effet :
jantge EE SRE
(- sin vd) cos L'
, y sin 1” 2 J'\O ( y )
HE Ti 0 a bg RE RE qe Pt Ses
on E- e sin 4” 2 (- sin r) 5 e sin 1”
Le calcul du dernier terme de la latitude est toujours négligeable.
C’est ainsi qu'il a été trouvé pour les chefs-lieux des cinq provinces traversées dans le
cours de cette excursion, les positions suivantes, que j'estime approchées à l’environ en
latitude et en longitude.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. à]
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Ce mode de caleul à été employé dans la suite pour toutes les excursions dont les
points extrêmes pouvaient être déterminés par l'observation. L’habitude d’un pas uni-
forme et le choix de bons points de repère pour les directions lui ont donné quelquefois
une précision remarquable. Ce calcul n’est plus applicable quand on revient au point
même d’où l’on est parti, comme dans les excursions d’Attopeu et de M. Phong faites par
le commandant de Lagrée. L'un des termes du rapport s’évanouit, etil n’est plus possible
de connaitre la vitesse réelle de la marche.
13. Pagode d'Angcor ! 15 5 Net. Tour centrale. Cette position déterminée au mois
de juin pendant le premier séjour de la Commission repose sur les positions des sommets
dmontBo EP dumontéroms) ES ECtdePn Coulent eme
données par la carte de Cochinchine 1867, et relevées au théodolite de ce point.
14. Kemarat | 45° 0 9 N. Ce point a été déterminé par M. Delaporte. La latitude
résulte de trois séries circumméridiennes solaires, la longitude a été donnée par les
montres sur Bassac. Le lieu d'observation était situé sur les bords du fleuve, près de l’extré-
mité Est du village.
15. Ban Mouk | 5% 5 |. Ce point a été déterminé comme le précédent par M. De-
laporte. Le campement de l'Expédition était à l'extrémité Nord du village, près de l’em-
bouchure du Huei Mouk. La longitude a été déterminée par les montres, la latitude par
deux séries de circumméridiennes du soleil.
16. Zakon } N° 2 UN. }.(M. Delaporte.) Le lieu d'observation était le campement,
placé à l'extrémité Sud du village. La latitude a été obtenue par plusieurs séries de cir-
cumméridiennes solaires. Longitude par les montres.
17. Peunom 16° 56 O1" N. (M. Delaporte.) Une hauteur méridienne du soleil. Lieu
d'observation situé près de la rive, sur la chaussée qui sert d’avenue au monument de
Peunom.
j 17034010" Ne.) noie.) Ga eur les ore re. vis-à-vis
18. Houten \ ,9 10 30 5 }- (M. Delaporte.) Sala sur les bords du fleuve, vis-à-vis
l'embouchure du Hin Boun. Latitude par deux séries de cireumméridiennes solaires.
Longitude par les montres.
ID
19. Saniaboury { hi 5 0 N° !. Sala situé dans l’intérieur de l'angle du Soumkam
et du grand fleuve. A partir de ce point (14 mars), l'élévation du soleil ne permet plus
d'observer sa hauteur méridienne à l'horizon artificiel, et les latitudes n’ont plus en
général la même précision. Celle de Saniaboury a été calculée par deux hauteurs
horaires et l'intervalle.
e j A8 01/00" N. ) à de x se
20. Ponpissay À 199 39 00 € :- Sala sur les bords du fleuve, à 800 mètres en
aval de l'embouchure du H. Leuong. La latitude à été obtenue par une bonne série de
6 ELEMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
cireumméridiennes lunaires prise le 2% mars. La marche des montres est restée régulière
et permet de compter sur la longitude.
21. Nong Kay { 44 5 00 à |. Sala sur les bords du fleuve, à un kilomètre en aval
de la demeure du gouverneur. La latitude à été calculée par deux hauteurs et l'intervalle.
La marche des montres commence à accuser quelques perturbations.
22. Xeng Cang 17° 54 00" N. Obtenue par une hauteur méridienne de Saturne. C’est
la seule observation que le temps ait permis de faire en ce point.
DSP Lay ONE) latitude repose sur une hauteur méridienne de lune,
prise le 18 avril. Les difficultés de navigation rencontrées depuis Nong Kay ont amené des
perturbations graves dans la marche des montres, et la longitude de Pak Lay doit être
considérée comme l’une des plus incertaines de la carte.
24. Luang Prabang À N° 54 20" N- |. La latitude résulte de trois hauteurs méridiennes
de lune, la longitude de six séries de distances occidentales du soleil à la lune. Cette
longitude est probablement trop faible. La durée du séjour de la Commission n’a pas
permis d'observer des distances orientales et d'achever la triangulation commencée
autour de la ville. La multiplicité des sommets qui l'entourent et la difficulté d’une
désignation exacte enlèvent tout intérêt à la liste des nombreux relèvements astronomiques
calculés en ce point. Le campement de la Commission était établi sur le versant
Sud-Ouest du petit mamelon qui s'élève au centre de la ville. À Luang Prabang, les montres
reprennent une assiette normale qu’elles conservent quelque temps, et les deux points
suivants peuvent être considérés comme bien placés par rapport au méridien de cette
ville.
25. Pak Bén } 5 WN-).Point d'observation situé sur la berge du fleuve, à
très-peu de distance en aval du confluent du Nam Bén. La latitude a été donnée par
une hauteur méridienne de Saturne, la longitude par les montres sur Luang Prabang.
26. Xieng Khong À %° 47 00 N° |. Sala sur les bords du fleuve, un peu en amont de
l'embouchure de l’arroyo qui traverse le village. La latitude a été calculée par deux hau-
teurs horaires et l'intervalle, la longitude par les montres sur Luang Prabang.
27. Rapide Tang Din 20 3% 20" N. Rive droite du fleuve. Hauteur méridienne
de lune prise le 17 juin.
28. Muong Lim {39 45 20" N- }. Extrémité Sud du village. La latitude a été calculée
par deux hauteurs horaires. La longitude a été donnée par une seule distance orientale
du soleil à la lune, etest par suite très-incertaine. Le transport par terre des montres, par
des chemins affreux, et le long temps écoulé depuis le départ de Xieng Khong ne
permettent d’avoir aucune confiance dans leurs indications.
29. Paléo {2 5 0 À). Pagode du village. Deux hauteurs et l'intervalle. Les
difficultés de transport et de marche rendent {toujours assez incertains les résultats accusés
par les montres, malgré le faible intervalle de temps écoulé depuis M. Lim.
30. Siemlap | 2500 À]. Pagode du village. Deux hauteurs et l'intervalle. Même
observation que ci-dessus.
9 "ap! N 0 o
31. B. Passang } 55% à |. Pagode du village. Deux hauteurs et l'intervalle.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. 7
Ce point a été déterminé en longitude sur M. Yong, dont il n’est séparé que par une très-
faible distance.
32. Muong Yong À HN MN 1. Sala à l'entrée du village. Le séjour fait en ce point
a permis de prendre huit séries de distanees occidentales du soleil à la lune et de régler
les montres avec le plus grand soin. La latitude a été obtenue par une hauteur
méridienne de lune.
33. Muong You {2° 0). Sala sur la rive droite du Nam Leui. Détermination
par des hauteurs horaires.
34. Muong Long | 4° 5%". |. Sala sur la rive gauche du Nam Nga, près du
pont en pierre jeté sur ce cours d’eau. La latitude provient d’une hauteur méridienne
du soleil prise le 27 septembre, premier jour où son observation à l'horizon artificiel est
redevenue possible. Quatre séries de distances orientales ont été également calculées en
ce point. La marche régulière constatée pour les montres depuis Muong Yong a permis de
combiner ces distances orientales avec les distances occidentales observées dans ce
dernier point. Ces dernières rapportées au méridien de Muong Long, à l’aide du change-
ment en longitude fourni par les montres, ont pour moyenne 6" 33" 135; la moyenne
des distances de Muong Long est de 6" 33" 45°. La longitude définitive de ce dernier
point sera donc de 6" 33" 28, et c’est d'elle que l’on a conclu les longitudes de Muong
Yong, Muong You et de B. Passang.
Il à été fait une station azimutale au pied du 74 qui domine Muong Long. Pour les
mêmes raisons qu'à Luang Prabang, il est inutile d’en donner les résultats.
35. Xieng Hong | WI Ÿ |. Pagode dite Wat Tchien Lan, au Sud de la nouvelle
ville. La latitude est le résultat de deux séries de circumméridiennes solaires prises le 2 et
le 3 octobre. La longitude a été donnée par les montres dont les résultats restent très-
concordants et dont la marche n’a pas varié. Mac Leod a donné pour le même point la posi-
tion de { 95 5 À} Greenwich ou 98 19°E. Paris. Cette dernière longitude me paraît trop
faible, mais la latitude reste très-exacte, car le point d'observation de Mac Leod était situé
deux milles plus au Sud, sur l'emplacement aujourd’hui abandonné de l’ancienne ville.
36. Xieng Neua 22% 28 15" N. Pagode du village. Observation de la hauteur
méridienne du soleil le 12 octobre.
37. Muong Pang 22 30 25" N. Centre du village. Hauteur méridienne solaire
du 13 octobre.
38. Nang Sang Ko 22 33° 40" N. Centre du village. Hauteur méridienne solaire
du 14 octobre.
39. Se-mao tong tche ‘| 5253 6 À |. Hauteur méridienne solaire ; longitude par les
montres, dont la marche reste satisfaisante. Le lieu d'observation est la pagode dite Kouan
in kong, située hors des murs, à 800 mètres dans le S.-S.-0. de la porte Sud de la ville.
40. Pou-eul fou {2% 6 N 1, Hauteur méridienne solaire et montres. Le lieu
| 98 4700 E.
d'observation est la pagode dite Kouan chen kong, située dans la partie Nord de la
‘ Les mots écrits en romain à la suite des noms des villes chinoises indiquent le rang ou le titre des
mandarins qui les administrent.
S ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
ville. Biot, dans son Dictionnaire des noms géographiques de l'empire chinois, donne
oo o ; , < 07 0 930 02'N.
pour la position de ce point caleulée d’après les cartes des jésuites | ne Le
990 17! EU N 0 0:10 .
41. Tong-kouan \ 5j 17 5 N |. Pagode du village. Hauteur méridienne du soleil,
montres et distances lunaires.
r 6 990 96’ UN ü ! .
42. Yuen-kiang tcheou | #5 % MT 1. Pagode dite 7% tchang che où Temple de l'esprit
;
de la terre. Trois hauteurs méridiennes du soleil, montres et distances lunaires. Ce point a
été déterminé par les pères Fridelli et Bonjour, et serait placé d’après eux par | 59 one
La faible différence en longitude que présentent ces deux déterminations ne tarde
malheureusement pas à s’accuser bien davantage dans les positions suivantes. Je ne puis
donner qu'avec réserve des positions déterminées rapidement, dans des circonstances de
marche et de séjour extrèmement défavorables, et qui ne sont presque toutes que des
moyennes assez incertaines entre les résultats combinés de l'estime, des montres et des
distances lunaires. Cependant les positions relatives des points rapprochés du parcours de
la Commission présentent une certitude suffisante pour permettre de reconnaitre d'assez
graves erreurs dans les déterminations des jésuites. La méthode des triangles dont ils
se sont servis demande des précautions infinies et des instruments plus parfaits que
ceux dont ils disposaient, et elle ne pouvait leur donner des résultats bien précis. Ils ont, 1l
est vrai, rectifié parfois leur triangulation par l'observation directe des latitudes, et lon
distingue bien vite les points qui ont été ainsi déterminés de ceux dont la latitude n’a été
calculée que par la méthode générale ; mais les longitudes semblent ne reposer que sur
de très-rares et très-incertaines observations d’éclipses, faites en des points très-éloignés
les uns des autres. En résumé, dans les régions frontières comme le Yun-nan, où ces
géographes consciencieux n'avaient pas, comme dans l’intérieur de la Chine, l’occasion de
redéterminer plusieurs fois le même point par différents itinéraires, les résultats de leur
triangulation ont dû être souvent très-médiocres.
On comprendra par suite qu'il soit à peu près impossible d'appliquer aux déter-
minations des jésuites une règle générale analogue à celle formulée déjà depuis
longtemps par quelques cartographes, à savoir, que les longitudes orientales par rapport
au méridien de Pékin sont trop fortes, et les longitudes occidentales trop faibles. Ce
qui est vrai dans une région n’est plus vrai dans l’autre, et les cartes des différentes
provinces de la Chiñe n’ont pas été dressées par les mêmes observateurs. Pour le
Yun-nan, j'ai eru reconnaitre qu'à l’Est du 99° méridien, les longitudes des jésuites
sont trop fortes, et que la différence peut même aller jusqu'à un demi-degré; qu'à
l'Ouest de ce même méridien, elles deviennent trop faibles. Mais cette règle ne saurait
avoir rien d’absolu, et il est tel point singulier qui pourra lui donner un flagrant
démenti. Aussi, en dehors des points que j'ai pu déterminer moi-même, Je n’ai apporté
de correction aux positions des jésuites dont j'ai eu à faire usage dans la rédaction des
cartes que lorsque des renseignements précis sont venus m'indiquer le sens et la portée
probable de l'erreur.
43. Pa-kang 23° 23 20" N. Hauteur méridienne solaire prise sur la berge même du
fleuve du Tong-king à peu de distance du point où j'ai dù m'arrêter en le redescendant.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. 9
Long-yen-tcho 23° 28 10" N. Hauteur méridienne solaire prise sur la route à
une demi-lieue dans le S. 55° O0. de ce village, le 30 novembre.
=! UN
45. Lin-ngan fou { (à je 97 SN 1. Pagode hors murs nommée Ou fou se che où Temple
des cinq sages. Deux hauteurs ne du soleil, DONNE et distances lunaires. La
À ü 7 7 . DE MOUSNE
même ville est placée par les jésuites par 100 4 30 p:- L'estime du chemin parcouru
entre Yuen-kiang et Lin-ngan forcée dans les d re limites ne peut faire
2
admettre la différence de 55° en longitude qui résulterait de cette détermination et de
celle de Yuen-kiang.
46. Che-pin tcheou | ,69 #4 N . Pagode Zou ki kong che où Temple de l'esprit
de la terre. Hauteur méridienne du soleil, et montres réglées sur Lin-ngan.
47. Tong-hay hien } SU À |. Pagode Kouan chen Kiun che où Temple du saint
roi Kiun. Hauteur méridienne du soleil, montres et distances lunaires.
48. Long-tien-ouang 24 20' 56" N. Hauteur méridienne solaire prise le 17 décembre
1867.
49. Xiang-tchouen hien ! 56 242 Fo. Tribunal de la ville. Hauteur méridienne
du soleil, montres et distances lunaires.
+ Tou-é 2% 46 45" N. Hauteur méridienne solaire du 22 décembre.
. Yun-nan fou { il. Palais des examinateurs pour le baccalauréat. Deux
no méridiennes solaires, montres et huit séries de distances lunaires. Cette ville
est placée par les jésuites par ! 66 51 %0 NL:
52. Vang-kay 25° 26 57" N. Hauteur méridienne solaire prise le 11 janvier 1868
53. Kon-tchang 25° 45° 00" N. Hauteur méridienne solaire du 14 janvier.
54. Tong-tchouen fou { 955 5 à |. Pagode située dans l'angle N.-E. de l'enceinte.
Hauteur méridienne solaire et montres. Redéterminé ensuite par les distances lunaires
prises dans le point suivant à mon retour de Ta-ly. La même ville est placée par les
Jésuites par aol SR !. L'erreur commise sur la latitude est assez sensible, et ne
saurait s'expliquer par le choix d’un autre point d'observation, s'il est resté pris dans l’in-
térieur de la ville.
55. Mong-kou | 5 N !. Hauteurs méridiennes du soleil et distances lunaires
occidentales. Le lieu d'observation était la cour de la principale auberge du village.
56. Houey-ly icheou {25% 5 N ). Auberge près du logement du Mandarin. Hau-
teur méridienne solaire et montres sur Mong-kou. Le mème point est placé par les Jésuites
Dan 5 di p). La différence des deux déterminations est si considérable qu'elle ne
semble devoir s'expliquer que par un déplacement du Teheou dont cette ville est le siége.
DT. Forpanodeso |) 092002 Roue École du village. Hauteur méridienne solaire et
montres sur Ma-chang.
58. Ma-chang | SW SN). Centre du village. Hauteur méridienne solaire, el
quatre distances orientales de la lune au soleil.
D9. Tou-louy-tse 26° 07! N. Mission catholique. Hauteur méridienne solaire.
60. Za-ly fou { 40 E}. Vamen à l'extrémité du faubourg Sud de la ville. Hau-
. 0 2"
teurs horaires. Les jésuites nn ie mie one
IF. 2
10 ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
61. Kay-tcha-t 26° O1 00" N. Centre du village. Hauteur méridienne solaire assez
médiocre. Temps voilé.
62: Nqa-da-ti 26° 09 00" N. Mème observation que ci-dessus.
63, Can-tchou-tse À 5559 6 N° !. Hauteur méridienne solaire, et distances orientales
de la lune au soleil.
64. Soui-tcheou fou ou Soui fou ! 25 37 50 n°} Centre de la ville. Hauteurs horaires
et l'intervalle pour la latitude, trois séries de distances occidentales du soleil à la lune
par la longitude. La position donnée par les jésuites est {65 3 4 à). On voit quelle
erreur en latitude la méthode de triangulation adoptée par eux a pu entrainer quel-
quefois. Le capitaine Blakiston et M. Arrowsmith ont donné pour le même point
sue pe. Leur point d'observation était situé sur la rive Sud du fleuve, vis-à-vis la
ville, et rend un compte très-exact de la différence en latitude que présentent leur
détermination et la mienne. Ce point était également situé un peu plus dans l'Est, mais
la différence des deux longitudes n’en reste pas moins très-considérable, et prouve
l'incertitude du procédé des distances lunaires, surtout avec des observateurs différents.
2° Rédaction des cartes,
La projection employée est celle de Mercator.
Carte générale de l'Indo-Chine et de la Chine centrale. — Cette carte a pour but de ré-
sumer l’état des connaissances géographiques sur cette partie de Asie avant le voyage de
la Commission française. Les côles ont été tracées d’après les documents hydrographiques
les plus récents publiés par les marines anglaise et française, notamment la carte
du golfe de Siam, par le capitaine Richards, les travaux de M. Ploix dans le golfe du
Tong-king, et ceux du commodore Brooker sur la côte Ouest de la presqu'ile de Malacca.
Les documents qui ont servi à reproduire l’intérieur du continent sont :
1° Pour la Chine, les travaux des jésuites, collationnés avec soin sur les cartes
originales de lédition de 1735, et tenus au courant des changements politiques ou
administratifs survenus depuis cette époque, le levé du fleuve Bleu fait en 1861 jusqu'à
Ping-chan bien par le capitaine Blakiston, celui du Si Kiang ou fleuve de Canton fait
en 1859 jusqu’à Ou-tcheou par le lieutenant Bullok :
2° Pour la Cochinchine, la carte de Taberd et les travaux des ingénieurs hydrographes
francais Manen, Vidalin, Héraud dans le delta du Cambodge ;
3° Pour la Birmanie, la carte du capitaine H. Yule (1858) ;
4 Pour le Siam et le Laos, les cartes de Mae Leod (1837), Richardson
(1839), Parkes (1855) ;
5° Pour le Tibet, les cartes des jésuites compilées par d’Anville, et les travaux du
Pundit, envoyé, en 1865, par le capitaine Montgomerie dans l'Himalaya et à Lassa. J'ai
laissé inachevé le raccordement du système fluvial du Tibet avec celui du versant Sud de
l'Himalaya. |
L'orthographe adoptée a été, pour la Chine, celle des jésuites; pour l'empire d'Annam,
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. 11
celle des missionnaires, quoiqu'elle ne repose pas sur les mêmes principes que la
précédente ; et d’une manière générale, pour le reste de la carte, l'orthographe latine, à
l'exception pourtant des noms consacrés déjà par l'usage, comme Shanghaï, Swatow, ete.,
et de ceux des lieux qui n'ont été visités que par un seul voyageur et que j'ai donnés tels
qu'il les a écrits lui-même.
Carte générale de l'Indo-Chine. — Cette carte qui est à une échelle double de la précé-
dente, donne l'itinéraire d'ensemble de la Commission française, et réemploie tous les
documents précédemment cités, mais discutés et rectifiés avec soin à l’aide des
renseignements recueillis directement sur les lieux. Les modifications les plus notables
portent surtout sur l'itinéraire de Mouhot, dont les notes ont été souvent mal comprises ou
mal interprétées, malgré les plus conseiencieux efforts. Il n°y a qu’à lire attentivement dans
l'édition anglaise de son voyage ”, le chapitre intitulé Directions and distances, pour aperce-
voir les contradictions et les impossibilités qu'il contient à chaque page et qui proviennent
sans doute d'erreurs de lecture, faciles à commettre dans la mise au net de notes de
voyage. Celles-ci ne sont guère intelligibles, on le sait, que pour celui quiles a prises.
L'interprète français de la Commission pour la langue siamoise, le nommé Séguin, a fait
entre Nong Kay et Ban Kok un trajet dont les deux tiers coïncident avec l'itinéraire de
Mouhot entre cette dernière ville et le fleuve le Cambodge. Ses indications intelligentes
m'ont permis de retrouver une partie des erreurs commises dans la traduction des notes
du malheureux voyageur; mais mon attention avait été éveillée surtout par la méprise
capitale relative au cours du Nam Leui, que la carte de Mouhot fait couler vers le Sud, alors
que nous avions rencontré son embouchure entre Xieng Cang et Pak Lav, c’est-à-dire
dans une direction diamétralement opposée.
Pour l’intérieur du Cambodge, j'ai utilisé dans cette seconde carte les itinéraires de
Kennedy, King et Bastian, publiés successivement dans le Journal de la Société Géo-
graphique de Londres en les rectifiant en certains points d’après les renseignements
recueillis pendant mon excursion au Nord du Grand Lac.
La région située au Nord de nos possessions de Cochinchine entre le fleuve le
Cambodge à l'Ouest et la grande chaine de Cochinchine à l'Est, reste l’une des plus
incertaines de la carte. J'ai porté dans cette zone, en dehors des renseignements recueillis
par la Commission, les indications qui résultent d’une petite carte levée par le P. Arnoux,
missionnaire français qui a longtemps résidé à Brelam, carte qui m'a éfé communiquée
par le Dépôt de la marine; mais ce croquis contient de trop graves erreurs dans la partie
qui lui est commune avec le trajet de la Commission pour inspirer une bien grande
confiance dans le reste. Une récente exploration faite par M. Mourin d’Arfeuille, lieutenant
de vaisseau, dans cette contrée permettra peut-être de combler cette lacune.
Dans cetle carte comme dans les suivantes, lorthographe définitivement adoptée pour
les noms cambodgiens, laotiens, siamois et birmans, a été l'orthographe latine légèrement
modifiée. L’w français a été conservé avec sa prononciation, parce qu'il se retrouve dans
1 Travelsin the Central parts of Indo-China. London. 1864.
12 ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
toutes ces langues. Les seules diphthongues employées ont été ou pour le son latin de w, et eu
pour le son dur de œw dans le mot français œuf ou l’& barbu de l'orthographe annamite.
Toutes les autres voyelles doivent être prononcées séparément: ainsi, 67, o7, at ou ay doivent
être lues comme s'il y avait un trémasur 17; le g après l’7 indique le son nasal; quand il
n'existe pas, l’2 ou l’» doivent toujours sonner !. Pour les noms chinois et annamites,
j'ai conservé, à peu d’exceptions près, l'orthographe des missionnaires.
Carte itinéraire n° À. — La partie du fleuve comprise entre Sombor et Stung Treng est
loin de présenter toute la rigueur qui serait nécessaire pour lui donner une valeur réelle.
Dressée dans les plus mauvaises circonstances, en pleine inondation, alors que beaucoup
d'iles étaient sabmergées, que beaucoup de points de repère avaient disparu, elle ne doit
être considérée que comme un dessin approximatif qui appelle de nombreuses rectifica-
tions. La rive gauche a été levée en remontant le fleuve, alors que la berge avait presque
disparu sous la crue des eaux et que les barques naviguaient pour ainsi dire en pleine
forêt. On n’a pu par suite recueillir de ce côté aucune indication de profondeur, ni démêler
nettement la constitution de lPinextricable réseau d’îles qui obstrue dans cette région le lit
du fleuve. La rive droite le long de laquelle j'ai redescendu en pirogue avec une vitesse
qui m'a fait parcourir en douze heures la distance totale de Stung Treng à Sombor, m'est
apparue peut-être plus nettement. Mais les inégalités énormes dans la force du courant,
l'impossibilité de faire des stations ou des observations à terre, la difficulté de prendre
de bons relèvements pendant une locomotion aussi rapide, laissent encore subsister sans
doute dans son tracé de très-nombreuses erreurs. Ce ne sera que pendant la saison
sèche, aux eaux basses et en disposant de moyens considérables, qu'il sera possible d’ob-
tenir, en y consacrant plusieurs mois de travail, la représentation exacte de cette partie
du fleuve.
La carte des rapides du Khong, faite dans de meilleures conditions, est loin encore
d’être parfaite : elle devra être complétée en beaucoup de points, notamment dans la partie
de la rive gauche qui avoisine la chute de Papheng, où je n'ai pu déterminer les indi-
gènes à me conduire.
Carte itinéraire n° 2. — Les positions astronomiques de cette carte le long de la vallée
du fleuve sont reliées entre elles de la façon la plus satisfaisante, et il n°v aura sans doute
d’autres changements à leur faire subir que celui qui pourrait résulter du déplacement du
méridien de Bassae, qui est le pivot de toute la carte. Malheureusement, à partir des chutes
du Se Don, aucune observation directe ne vient contrôler l'itinéraire accompli par le com-
mandant de Lagrée autour du massif volcanique qui sépare la vallée du Se Don de celle
de Se Cong, et les positions importantes de Saravan et d’Attopeu présentent par suite
1 Je ne me dissimule pas combien ce système d'orthographe est imparfait, mais il faudrait avoir une plus
grande autorité que je n’en ai en ces matières, et surtout une connaissance plus approfondie des différentes
langues de l’Indo-Chine pour oser en proposer un autre plus complet et plus général. Il est, dans tous les cas,
bien vivement à désirer que l’on arrive à adopter un mode uniforme d'écriture pour les noms étrangers.
N'’est-il pas déplorable que la même carte doive aujourd'hui contenir deux ou trois orthographes différentes,
dès qu’elle embrasse une étendue de pays un peu considérable ? Les recherches, les travaux de toute nature
en deviennent d’une difficulté extrème, et il en résulte parfois les confusions les plus étranges.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. 18
une légère incertitude. Tous les noms géographiques indigènes ont été soigneusement
respectés. Mais là où ils n’existaient pas, j'ai eru pouvoir en proposer : c’est ainsi que j'ai
donné le nom de Pic de Lagrée à la montagne très-remarquable, en forme de teton, qui
limite au Sud-Ouest le massif volcanique dont je viens de parler.
Cette carte et toutes les suivantes sont à une échelle uniforme, quadruple de celle de la
carte générale de l’Indo-chine.
Carte itinéraire n° 3.— Les parties de cette carte déterminées astronomiquement sont
le bassin du Grand Lac au Sud et la vallée de Se Moun au Nord. Ces deux zones ne sont
reliées entre elles que par l'itinéraire du voyage que j'ai accompli au travers des provinces
cambodgiennes de Côcan, Souren, Sankea et Tchoncan. J'ai dit plus haut quel avait été le
procédé employé pour le levé de cet itinéraire et pour le caleul de la position des principaux
points du parcours. A l'Est d’Angcor, j'ai tracé la route approximative suivie par le com-
mandant de Lagrée en février et mars 1866, c’est-à-dire antérieurement au voyage d’explo-
ration lui-même. Mais je dois faire observer que ce tracé ne repose que sur des souvenirs et
des appréciations de direction assez vagues. M. de Lagrée était dépourvu, pendant cette
excursion qui avait plutôt un but archéologique que géographique, de tout instrument,
même d’une boussole de poche. |
Carte itinéraire n° 4. — La vallée du fleuve a été déterminée astronomiquement
par M. Delaporte, depuis Pak Moun jusqu’à Houten. Les itinéraires de la rive gauche ont
été tracés d’après l'estime du commandant de Lagrée; celui de la rive droite, d’Oubôn à
Ban Mouk, d'après ma propre estime. J'ai également déterminé, après discussion des
divers renseignements recueillis, la position des différents points placés en dehors des
routes suivies par la Commission. La vue de montagnes annexée à cette carte et dessinée
par M. Delaporte représente le panorama qui se déroule le long de la rive gauche du Cam-
bodge, quand on remonte le fleuve de Lakon à Houten.
Carte itinéraire n° 5. — Cette carte se réduit au tracé de la vallée du fleuve. Les
quelques positions indiquées au Sud de Nong Kay sont placées sur les renseignements de
l'interprète Séguin. Les vues de montagnes, dessinées par M. Delaporte, qui sont jointes
à cette carte, ont été prises la première du campement de Houten, la seconde en route
dans la matinée du 20 mars.
Carte itinéraire n° 6. — En dehors du tracé du fleuve, cette carte contient quelques ren-
seignements qui m'ont été communiqués sur la vallée du haut Menam par M. Duyshart
dont la rencontre avec la Commission a été racontée dans le premier volume de cet ouvrage
et un petit itinéraire accompli par le docteur Joubert et donné d’après ses indications. Le
panorama de montagnes qu'elle contient est du à M. Delaporte, et représente l’aspect
des rives du fleuve, le 29 avril dans la matinée.
Carte itinéraire n° 7. — Le travail géographique dans la région du Laos Birman que
représente cette carte a été d’une difficulté inouïe et présente quelques incertitudes. La
saison des pluies, pendant laquelle cette partie du voyage a été effectuée, a rendu les
observations difficiles, a nui à la bonne conservation des instruments et augmenté de
beaucoup les chances d'erreurs dans l'estime journalière de la route faite. En dehors des
14 ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE.
positions que j'ai déterminées directement, cette carte contient encore la position de Xieng
Tong (Kiang Tung) donnée par Mac Leod et qui a servi à rectifier l’estime du com-
mandant de Lagrée entre ce point et Muong Yong. Cette position est | 22748 Et
Pour Muong Lem j'ai adopté 12° 1990" À } au lieu de { ## 29 20" N- | donné par les jé-
suites pour ce point, qu'ils ont orthographié Wong Lien. Jai indiqué également la
position de Suen-ouei-sse donnée par eux { #12 00 À: }; mais je n'ai pu reconnaitre si
le point qu'ils désignent ainsi existe encore et l'identifier avec un nom laotien. Peut-être
Suen-ouei-sse n'est-il autre que le 7che-li-tchuen-fou-sse de la carte du Yun-nan dressée
par les mêmes missionnaires et qui se trouve sur les bords mêmes du fleuve. Dans ce cas
la détermination en longitude de ce point serait très-défectueuse. Cette contrée a du reste
été bouleversée si souvent etles déplacements des populations ontété si nombreux qu'il ne
faut point espérer retrouver les lieux de toutes les dénominations anciennes, surtout quand
ces dénominations sont chinoises et sont restées ignorées dans la contrée elle-même.
Le panorama de montagnes que contient cette earte et qui est dù à M. Delaporte,
est le dernier paysage pris sur les bords du Cambodge à Xieng Hong.
Cartes itinéraires n° 8, 9, 10. — En dehors de la route de la Commission, les
renseignements géographiques que contiennent ces cartes prennent une plus grande
autorité des travaux des jésuites qui ont servi à les contrôler. Les renseignements politiques
et administratifs sont tirés d’une carte chinoise du Yun-nan prise sur les lieux mêmes. Voici
quelles ont été les modifications apportées aux positions observées, données par Îles
Jésuites pour tout ce parcours.
Positions adoptées. Positions des jésuites.
Mong-tinq (SF A6ooon does vo Bi
Long-han kouan | de és de F. } | ; EL 30 ë.
Yn-yuei lcheou, aujourd'hui Teng-yue ünh ‘ . Se a Re va à Se 2 à À
Tching-Kang tcheou, aujourd'hui, Long-ling tong tehe D Up 0
Yun-tchang fou (D Door) 0% E)
Mong-hoa tin M Oo ni
Kiu-ising fou Liôt 10 00 1.) laoieo do E
Lo-ping tche che tcheou DUR De a à | jee a Ù
Kouang-nan fou Lude 3000 E } (102 #55 B |
Kai-hoa fou Lot 46 00 RE.) (102 0125 El
Mong-se hien Do 0 com à cher
Chun-ning fou (67 53 00 & | À 07 486 D
King-tong Vou M ee un ail
J “ ++ Dj à
Ho-si hien SR ct die de
1 ]1 y a une faute dansle journal de Mac-Leod, tel qu'il a été donné dans le sixième volume du Journal
de la Société Asiatique du Bengale (äécembre 1837, p. 993). On y lit pour la latitude de Kiang Tung 21° AT 487.
La carte qui est jointe à ce document rectifie d’ailleurs cette erreur.
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE
Kouang-si icheou
1014 15 00
Telin-kiang tou _ : n
Tchou-hiong tou Re
Ta-tching kouan fer san
Li-kiang tou Ress
Yong-ning tou fou Qi ess
Yun-pe ünh (Este
Yao-ngan teheou ones
Ou-ting tcheou er
Ou-mong tou fou, aujourd'hui, 7chao-tong fou f si 2500
Tchen-hiong tcheou Re
Kieou-lan icheou gun
Ma-hou fou, donné par les jésuites, n'existe plus aujourd’hui.
N
Ï
N.
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HZ2n2m2m2E7EB2m2%
{ 240 39 36/ N. ;
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f 24939! 36” N. ;
L101
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L 100
f 211
\ 99
265 IS GAIN
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26
27
À 102
{
\ 97
29 50
43 12
44 30
06 00
13 10
E
N.
E.
N.
A
32 00 N.
28 00
07 20
48 28
27 10
42 00
39 10
32 20
09 50
) 32 44
S9R90
7 20 24
26 30
18 00
32 15
32 00
29 30
DZO2H2N2E2E2EH252 1
Dans la carte n° 8, l'ilinéraire de la Commission de Pou-pio à Che-pin, est tracé
d'après l'estime de M. Delaporte, et l’excursion aux mines de cuivre de Sin-long d’après
celle du docteur Joubert. Le panorama de montagnes est dù à M. Delaporte, et repré-
sente la perspective du lac de Tehin-kiang, prise de l’extrémité Sud de ce lac.
De Lao-oua-tan à Soui-tcheou fou, dans la carte n° 10, les détails et l'estime de la
route faite sont très-incertains, un accident m'ayant fait perdre les notes prises pendant
cette partie du trajet : je n'ai done pu contrôler rigoureusement par l'estime léeart
en longitude que présentent mes déterminations avec celles des jésuites, entre Tchao-
tong et Soui-tcheou fou.
Ping-chan hien, dernier point du fleuve Bleu reconnu par le capitaine Blakiston en
1861, a été placé, par rapport à Soui-tcheou fou, comme l'indique sa carte.
,
à
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!
1
L -
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Lu
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OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
La commission ne disposait que d'instruments fort insuffisants pour les observations
météorologiques. Un seul baromètre marin à cuvette à graduation insuffisante et
quelques thermomètres à mercure étaient tout ce qu'avait pu lui fournir l’observatoire de
Saigon. Une série d'instruments mieux appropriés aux exigences d’un voyage
o) il ) yas
d'exploration avait été demandée en France, mais ne nous parvinrent jamais. Tout
ce que je pus rapporter plus tard de mon voyage à Pnompenh fut un Paromètre ho-
lostérique, dont les indications laissèrent beaucoup à désirer à la fin du voyage. Il a été
? P yas
comparé avec soin, depuis mon retour en France, avec un baromètre à mercure, etce sont
les résultats de cette comparaison que j'ai employés !.
Je vais présenter sous forme de tableaux mensuels l’ensemble des observations quo-
tidiennes faites pendant le voyage, en résumant ensuite pour chaque zone climatérique
NS P
les principaux faits météorologiques qui découlent de leur examen. La température est
donnée dans les tableaux qui suivent en degrés centigrades et la hauteur du mercure
dans le baromètre en millimètres. Cette hauteur est celle qui correspond à la tempé-
rature observée au même moment.
1 C’est à M. A. Thénard que je suis redevable de ce travail, sur lequel je donnerai en temps et lieu quelques
détails, et je lui en adresse ici tous mes remerciements.
TABLEAUX :
IT 3
TABLEAUX
Ces tableaux embrassent une période de plus de vingt-trois mois, du 6 juillet 1866
au 9 juin 1868 et une zone terrestre qui comprend 19° en latitude. J'ai partagé cette
lSLAOS
JUILLET 1866
| = nr nr
LIEUX s s
, DATES THERWOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D'OBSERVATION
BromIP EN EEE Les instruments sont encore emballés pendant ce trajet qui a été S.-0.
En route. .... 7-9 | fait à bord de la canonnière 27. | Id.
| Cratieh CCS 10-12 8h du matin. 2h du matin. midi 3h du soir. 5h du soir. Id.
| | degrés. millim. degrés. millim. degrés. millin. degrés, anillim, degrés. millim. |
[in Idem. 13 21,0 752,0 » » 30,0 » 31,0 » 30,0 » S.-0.
En route. . ... 14 24,0 » » » 27,0 » 29,0 » 30,0 » Idem. |
SOMbon ere) no 2 TO, » » 26,0 » 30,0 » AD » Idem. |
En route. . . .. AGE 610) » » ES » SD » 200) Idem.
Idem. ATOM 25 A0) » » 2HB 0) 30,0, » 28,0 » Idem.
Idem. 18 | 24,0 » 23,0 » 25,5 » 26,0 » 25,0 » 0.-S.-0.
Idem. 19 24,0 » » » 28,0 » 28,5 » 26,0 » S.-S.-0.
Idem. 20 26,0 » » » 29,0 » 29,0 » 28,0 » 0.-S.-0.
Idem. 21 | 26,0 » » » AD. » 30,0 » 28,0 -» 0.
| Stung Treng..| 22 | 24,0 750,0 » » 28,0 750,0 | 30,0 751,0 | 28,0, 751,0 S.-0.
| Idem. 23 25,0 750,0 » » 28,0 750,0 | 29,0 754,0 | 28,0 750,0 S.-S.-0.
Idem. 24 » » » » 28,0 153,0 11270. 752,01 24,5 750,0 Idem.
9h du matin
Idem. 5 » DS TE ON 27 OT IE ON 25 0 ON 22 0 O0 Idem.
Idem. 26 » DR 5 05008 STE NON TOO RON TE 072100) Idem.
Idem. Pl » » 25,0 749,0 | 29,0 749,0] 30,0. 749;,011429;5. 749;0 Idem.
Idem. 28 | » » |26,0 748,5 | 28,5 749,0 | 26,0 749,0 | 25,0 749,5 Idem.
Idem. 29 » » 26,0 748,5 | 28,5 749,0 | 26,0: 749,0 | 25,0, 749,5 Idem.
Idem. 30 » » 26,0 748,0 | 28,0 748,0 | 29,0 749,0 | 24,0 T48,0 S. |
Idem. 31 » » 25,0 748,0 | 29,0 749,0 | 29,5 749,0 | 27,0 748,0 0.-S.-0. |
MÉTÉOROLOGIQUES
zone en quatre climats, le Laos méridional, le Laos septentrional, le Plateau du Yun-nan,
la Vallée du Fleuve Bleu.
MÉRIDIONAL
JUILLET 1866
FORCE DU VENT
Petite brise.
Jolie brise pendant
les grains.
Petite brise.
Jolie brise.
Inégale, à grains.
Petite brise.
Idem.
Inégale.
Jolie brise inégale.
Bonne brise.
Petite brise.
Idem.
Jolie brise inégale.
Petite brise inégale.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Inégale.
TEMPS
Très-beau temps, légers nuages.
Violents orages. Temps magnifique dans les |
intervalles des grains.
Assez beau temps. Quelques grenasses.
Nuageux.
Couvert jusqu'a 10" du matin. Nuageux
l'après-midi.
Légers nuages.
Tres-beau. Se couvre le soir.
Couvert et pluvieux jusqu'à midi. Se dégage
le soir.
Orage et pluie torrentielle jusqu'à 3° du ma-
tin. Couvert et pluvieux le reste du jour.
Couvert et pluvieux.
Le temps se remet au beau. Quelques petits
grains dans la journée.
Temps couvert qui se dégage au milieu du
jour.
Orage et pluie de minuit à 4° du matin.
Assez beau dans la journée.
Assez beau, nuageux. Quelques petits grains.
Pluie continuelle.
La pluie ne s’interrompt que peu de temps
vers midi.
Le temps s’éclaireit un peu l'après-midi.
Le temps reste couvert, mais la pluie cesse.
Un peu de pluie au milieu de la journée.
Temps assez beau le soir.
Pluie continuelle.
Le temps s’embellit un peu le soir.
Temps à grains : la pluie reprend dans la
soirée d’une facon continue.
OBSERVATIONS
La saison des pluies est définitivement
établie. Depuis les premiers jours de
juin, la crue du fleuve s’est vivement
accusée, et des le 10 juin le courant
du bras d'Oudongs’est prononcé vers
le Grand Lac.
Départ de Cratieh à 10". L'observation
du baromètre cesse d’être possible
en route, à cause des mouvements
de la barque.
Variations à Sombor, 2° 35’ N.-E.
Arrivée à Stung Treng à 2° de l’après-
midi.
La rivière d’Attopeu monte pendant
ces deux jours de plus de 2".
La crue continue.
Baisse de 0",30 pendant la nuit.
La baisse continue.
La rivière remonte de 0",40.
La crue continue.
La crue paraît s’arrèter.
AOÛT 1866
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
Stung Trenqg.…. ..
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
| Idem.
| Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route. .....
Idem.
Idem.
Idem.
Île de Khon. . ..
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Enairoute tn
| Idem.
BODY à s so000
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
DATES
9» du malin.
degrés. millim.
95,0 748,0
27,0 750,0
27,0 150,0
25,0 750,0
25,0 781,0
26,0 150,5
25,0 749,0
26,0 749,0
25,0 748,0
24,5 747,0
25.0 747,0
25.0 748,0
217,0 749,0
26,5 749,0
27,5 »
2155 »
27,5 748,0
25,0 746,0
24,5 747,0
25,0 745,0
25,0 745,0
25,5 745,
25,0 745,0
25,5 745,0
27,0 »
28,5 748,0
27,5 746,0
27,0 745,0
26,0 145,0
25,0 745,0
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
midi. 3b du soir.
degrés. millim. degrés. millim.
28,0 748,0 | 29,3 749,0
285 750,0 | 30,0 750.0
29,5 750,0 | 30,0 (750,0
28,0 731,0 | 30,0 750,0
97.5 7514 | 280 751.0
28,0 150,0 | 28,0 150,0
30,0 749,0 | 34,0 749,0
27,0 750,0 | 27,0 750,0
978 UTAS ON NS ON TATAO
940 7410 | 25,0 TUTO
26,0 747,0 | 28,0 747,0
97.0 748,0 | 27,0 747.0
26,5 748,0 | 27,0 748,0
29,5 » | 97.5
28,0 » 30,0 »
30,0 » 30,5 »
30,5 » | 315 »
30,0 748,0 | 30,0 748,0
217,0 146,0 | 29,5 745,0
26,0 746.0 | 290 745.0
26,5 745,0 | 29,0 744,0
97,0 744,0 | 28,0 744,0
27,5 ‘745,0 | 29,0 745,0
217,0 745,0 | 27,0 745,0
290 745,0 | 25,0 S
30,0 » 28,5 »
30,5 748,0 | 30,5 148,0
29,5 745,0 | 30,0 745,0
26,5 743,0 | 215 745,0
2105 746,0 | 28,5 745,0
217,0 145,0 | 28,0 745,0
bh du soir.
degrés. millim.
DOS TL SN0
28,5 750,0
21155 150,0
21,5 150,0
26,0 751,0
27,0 750,0
32,0 749,0
25,0 750,0
OT 0
25,0 741,0
217,0 747,0
DÉS NUTAT A0
27,5 748,0
27,0 »
31,0 »
31,5 »
30,0 »
2 TLO
30,0 745,0
25.0 744,0
SH
26,0 744,0
30,0 745,0
24,0 744,0
26,0 »
29,0 747,0
29,5 748,0
28,0 745,0
28,0 745,0
28,5 745,0
27,0 745,0
DIRECTION DU VENT
S.-0.
0.
S.-E.
Idem.
0.
Idem.
Idem.
O.-S.-0.
0.
O., puis passe
au S. le soir.
Très-variable.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
E.
Calme.
0.
Idem.
N.-0.
0.
E.-N.-E.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 21
Bonne brise.
Petite brise.
Jolie brise.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Inégale.
Idem.
Très-inégale.
Idem.
»
Presque calme.
Très-légère.
Inégale.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Jolie brise.
Petite brise.
Presque calme.
Trèes-inégale.
»
Très-petite brise.
Inégale.
Idem.
Tres-variable.
Petite brise.
AOÛT 1866
ne ru on JC | |
FORGE DU VENT TEMPS OBSERVATIONS
|
|
|
Petite brise. Couvert et pluvieux. Le niveau de la rivière reste station- | |
Idem. Se dégage au milieu du jour et devient naire. |
tout à fait beau. |
Jolie brise. Assez beau. — Petits grains dans l’après- |
midi. |
Petite brise. Beau. Nuageux. La rivière baisse de 0",30.
Temps orageux et fortes ondées de pluie
. à partir de 3° de l’après-midi.
Eclaircie à midi. Le temps redevient plu- | Du 6 au 26 août, les observations mé-
vieux le soir. téorologiques ont été faites par | |
Le soleil se montre dans l'après-midi. Pluie M. Delaporte.
et orage pendant la nuit. |
Temps pluvieux. Quelques éclaircies dans
la journée.
Mème temps.
Pluie torrentielle qui ne cesse que le soir. | Crue de 1",80. |
Temps orageux. |
Temps couvert et à grains. Nouvelle crue de 0,40. |
Courte éclaireie le matin. Pluie le reste du | Même crue.
jour.
Temps orageux. La pluie cesse le matin et | Baisse de 0°,40.
reprend à la nuit.
Beau temps le matin. Grains à partir de | Départ de Stung Treng à 10° du ma-
midi. tin.
Très-beau temps. |
Idem.
Très-beau temps. Un petit grain pendant | Arrivée à l’île de Khon à 4 du soir. |
la nuit.
Beau temps. Quelques petits grains vers : |
2» de l’après-midi. |
Temps couvert. Pluie par intervalles. Le niveau du fleuve diminue.
Brouillard le matin. Temps à grains, beau |
par intervalles, l’après-midi. | |
Assez beau temps. Quelques ondées dans
l'après-midi.
Temps orageux et à grains. Pluie torrentielle
endant la nuit.
Brume le matin. Beau temps le reste du | Le fleuve commence à remonter.
jour.
Temps orageux. Pluie presque continuelle.
Belle matinée. À midi, grain d'Estquiramène | Départ de l’île de Khon à midi. |
la pluie.
Assez beau temps. Un peu de pluie dans | Arrivée à 4" à Khong.
la soirée.
Très-beau temps. Légers nuages. Le niveau du fleuve reste à peu près
Quelques grains dans l’après-midi. La nuit, stationnaire, avec une légère ten-
orage lointain. dance à monter.
Temps couv. et pluv. Orage à l'horizon.
Même temps. Quelques éclaircies.
Temps couvert et brumeux. Pluie fine par
intervalles.
(©
[AC
SEPTEMBRE 186
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
Idem.
En route. .....
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
DATES
Le) © = S © CRUE CES
Er rkr US = =
DC À Co [he] = eo
>
CN |
29
9h du matin.
degrés. millim.
26,0. 745.0
25,0 745,0
28.0 746,0
DT 717,0
DO TAT:0
26,0 749.0
27,0 749,0
26.0 746,0
24,5 746,0
26,0 745,0
26,0 744,0
26,0 743,0
25,0 744,0
25.0 744,0
25.0 744,0
945 T45,0
24,0 746,0
94,0 745,0
26,0 744,5
25,0 744,5
26,0 745,0
26,0 745,0
25,5 ‘744,0
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
midi.
millim.
745,0
745,0
746,0
747,0
747,0
749,0
749,0
745,0
746,0
745,0
744,0
743,0
Täk,0
74,0
7ä4,0
745,0
745,0
745,0
746,0
746,0
745,0
745,0
3h du soir.
degrés. millin.
28,5 TAB,0
27,0 ‘145,0
275 ‘746,0
30,5 T4T ,0
25,5 147,0
290 748.0
6h du matin.
24,0 748,0
3h du soir.
29,0 745,0
25,0 746,0
97,0 745,0
28,0 744,0
28,0 743,0
26,0 744,0
25,0 744,0
25,0 743,0
25,5 743,0
25,5 145,0
26,0 745,0
26,0 746,0
28,0 746,0
98,0 745,0
28,5 7145,0
97,0 144,5
28,0 745,0
27,0 744,0
27,5 744,5
97,0 744,0
30,0 743,5
30,0 744,0
30,0 744,0
oo
5h du soir.
degres. milliu.
97,0 748,0
27,0 743.0
27,0 746.0
28,5 746,0
94,5 7TAT,0
27,0 748.0
27,0 749,0
28,0 745,0
93,3 746,0
27,0 744,0
27,0 744,0
27.0) 742,0
25,0 144,0
26,0 744,0
95.8 743,0
25,5 143,0
26,0 743,0
217,0 744,5
21,0 745,0
28,0 743,0
28,0 743,0
DIRECTION DU VENT
S.-E.
S.-0., passe le soir
au S.-E.
S.-E. |
N.-E., puis le soir
0.
Idem.
Idem.
Est.
Calme,
le soir S.-E.
S.-S.-0. le m., S.-
S.-E. le s.etlan.
SES
S.-S.-E. tournant
à l'O. le soir.
E. au N.-E.
SESÉÈER
S.-E.
N.-E., puis N.
N.-E.
N.-E., puis S.-E.
le soir.
E.-N.-E.,
puis S.-E. le soir.
N.-E. le matin,
S.-E. le soir.
Idem.
N.-E.
N.-N.-E.
Idem.
N.-E.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
SEPTEMBRE 1866
FORCE DU VENT
Petite brise.
Jolie brise.
Idem.
Inégale.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Très-inégale.
Idem.
Petite brise.
Jolie brise
qui fraichit le soir.
Inégale.
Jolie brise.
Petite brise.
Bonne brise tombant
beaucoup le soir.
Petite brise.
Bonne brise àrafales.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Idem.
Presque calme.
Idem.
TEMPS
Temps couvert et brumeux. Pluie à 4' du s.
Mème temps. Averses plus fréquentes.
La pluie augmente.
Assez beau temps le matin. La pluie recom-
mence le soir.
Temps couvert. Pluie continue de3" à 7° du s.
Assez beau temps. Quelques grains dans la
journée.
Temps couvert. Un peu de pluie vers midi.
Temps couvert et pluvieux. Eclaircie dans
l'après-midi.
Temps orageux. Grains nombreux le soir
et la nuit. Pluie torrentielle.
Temps couvert très-orageux. Grains de l'Est.
Une éclaircie vers 2" de l'après-midi.
Temps couvert. Pluie fine par intervalles.
Pendant la nuit, quelques grains du S.-E.
Temps couvert qui se met à la pluie le soir.
À minuit, fort orage.
Pluie presque continue.
Idem.
Idem.
La pluie cesse à 10" du m.,et le soleil paraît un
instant à 2°. À 10° du s., la pl. recommence.
La pluie cesse à la même heure que la veille.
Temps couvert le reste du jour.
Temps couvert. La pluie cesse entre 5" du
matin et 8" du soir.
Pluie presque continue. Le temps s’embellit
un peu dans la soirée.
Temps assez beau. Voilé. Orages dans le S.-E.
Pluie le m. Le temps redevient très-beau par
une petite brise du Nord. Eclairs dans l'Est.
Beau temps nuageux. Un petit grain vers
1° de l'après-midi.
Temps couvert. Grains orageux donnant peu
de pluie.
Temps très-nuageux le matin; couvert et
pluvieux dans la soirée.
Beau temps le matin. Le soir, le temps se
couvre. Pluie pendant la nuit.
Même temps.
Beau temps, nuageux. Grain orageux à 2° du
soir, qui ne donne pas de pluie.
Très-beau temps. Eclairs à lhorizon. Le
temps se couvre la nuit.
Mème temps.
Pluie de minuit à 2°. Très-beau temps pen-
dant le jour. L’horizon se charge à l'Est le
soir.
OBSERVATIONS
Variation à Khong 2° 38’ N.-E.
Le niveau du fleuve monte ; son cou-
rant devient plus rapide.
Départ de Khong à midi. Halte à 3".
Arrivée à Bassac, à 9" 1/2 du matin.
Variation à Bassac 2° 38’ N.-E.
Le fleuve atteint son niveau maximum.
Le fleuve commence à baisser sensi-
blement.
RO)
EN
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
OCTOBRE 1866
LIEUX ; ;
DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D OBSERVATION
9h du matin. midi. 3h du soir. 5h du soir.
degrés. millim. degrés. millim, degrés. millim. degrés. millim.
| | JAMES Loto oc { 25,5 745,0 | 27,0 744,0 | 28,0 744,0 | 28,0 144,0 N.-E. variable.
Idem. DIN 746,0 | 27,5 746,0 | 29,0 745,0 | 29,0 144,5 | N.-E. le matin,
S.-E. le soir.
Idem. 3 26,0 147,0 | 28,0 747,0 | 29,0 TA IOT S 746,0 NE?
Idem. 4 27,0 748,0 | 31,0 747,0 | 30,0 147,0 | 29,0 746,0 E., revient |
au N.-N.-E. les. |
Idem. 5 26,0 748,5 | 28,0 748,0 | 29,0 748,0 | 28,0 747,0 SES AR
| Idem. 6 27,0 748,0 | 28,0 748,0 | 28,0 TE | STD HE OMES ER ESvar ane |
Idem. 7 27,0 747,0 | 28,5 741,0 | 29,0 141,0 | 26,0 746,0 E=N°E;
variable au N.-E.
Idem. 8 26,0 HT NOT 747,5 | 28,0 741,0 | 26,0 741,0 E. variable.
Idem. OM ON TT SNS OT EE TO TE ON 26 0 TE 0 E. qui passe
au N.-E. le soir.
Idem. 10 25,0 745,0 | 28,0 745,0 | 27,0 144,0 | 26,0 744,0 N.-E.
variable au N.
Idem. 11 27,0 746,0 | 29,0 146,0 | 29,5 141,0 | 29,8 741,0
| Idem. 12 27,0 747,0 | 29,0 746,5 | 27,0 746,0 | 27,5 745,5 N.-E.
Idem. 13 27,0 141,5 | 28,0 148,0 | 27,0 745,0 | 27,0 745,0 N.-E., puisS.
le soir.
| Idem. 1% 26,5 141,0 | 28,0 746,0 | 28,5 146,0 | 28,0 745,0 E., variable
| au N.-E.
| Idem. 15 27,0 141,0 | 29,0 746,5 | 29,5 745,0 | 24,5 745,0 Idem.
| Idem. 16 25,0 748,0 | 28,0 TA1CO0N RS 072 147,0 | 30,2 746,0 N.-E.
he | Idem. 17 26,0 748,0 | 28,5 741,0 | 29,0 747,0 | 28,0. 747,0 INFÉINEES
Idem. 18 26,5 741,0 | 29,0 147,0 | 27,5 147,0 | 26,0 746,0 N.
Idem. 19 25,0 746,0 | 27,0 745,0 | 28,0 144,0 | 26,0 744,0 N.-N.-0.
Idem. 20 24,5 745,0 | 28,0 145,0 | 28,0 744,0 | 26,0 744,0 | E.-N.-E., hâlant
le N. le soir.
Idem. 21 19,0 145,0 | 24,0 745,0 | 27,0 144,0 | 26,0 744,0 N.
Idem. 29 22,0 744,0 | 25,0 744,0 | 26,5 743,0 | 26,0 743,0 N.-E.
Idem 23 22,5 746,0 | 25,0 746,0 | 26,5 745,0 | 26,0 144,0 Calme.
Idem. 2, 23,0 146,0 | 26,0 146,0 | 27,0 745,0 | 26,5 745,0 Idem.
Idem. 25 DD TATSOMNOTS OM UTAS 0 M2 810 TA O |N27T,5 746,0 S.
Idem. 26 25,0 748,0 | 27,0 TA, 5 M28;5 741,0 | 28,0 746,0 S.-0.
Idem. 27 24,0 741,0 | 27,0 747,0 | 29,0 746,0 | 28,0 746,0 | E., puis N. les.
| Idem. 28 25,0 746,0 | 27,0 145,0 | 27,5 144,5 | 27,0 743,5 N.-N.-0.
Idem. 29 25,0 A0 | AE 746,5 | 28,0 TE SNIRATIES) 144,5 RESF:
Idem. 30 26,5 741,0 | 27,5 747,0 | 29,0 747,0 | 28,0 741,0 [Be
Idem. | 31 27,0 147,0 | 30,0 747,0 | 30,0 746,5 | 28,0 745,0 Idem.
l |
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
FORGE DU VENT
Inégale.
Jolie brise.
Jolie brise, presq. €. le s.
Jolie brise inégale.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Petite brise.
Jolie brise.
Idem.
Petite brise.
Jolie brise.
Petite brise.
Inégale.
Petite brise.
Jolie brise.
Bonnebriseàrafales.
Idem.
Petite brise qui frai-
chit le soir.
Jolie brise à rafales.
Presque calme.
»
»
Presque calme.
Idem.
Petite brise.
Jolie brise à rafales.
Jolie brise.
Petite brise.
Presque calme.
OCTOBRE 1866
TEMPS
Temps à grains, couvert et pluvieux dans
la matinée. Beau, nuageux le soir.
Matinée pluvieuse. Belle après-midi.
Temps orageux. Pluie le matin.
Matinée brumeuse. Très-beau temps le reste
du jour. Orages à l'horizon.
Temps assez beau le matin. Couvert et ora-
geux le soir et la nuit.
| Môme temps.
Mème temps. Fort grain de N.-E. à 6° du
soir.
Beau temps pendant le jour. Le soir, le
temps se couvre après un grain du N.-E.
Temps couvert. Brume le matin. Petite pluie
le soir.
Beau temps nuageux, qui se couvre vers 3"
de l'après-midi. Horizon chargé au N.-E.
Beau temps nuageux. Le soir, orage à l’ho-
rizon et fort grain de l'Est à 10°.
Grain vers 2" de l'après-midi. Temps voilé,
mais beau le reste du jour.
Fort grain de vent du Nord-Est vers 2°. Le
vent passe le soir au Sud et le temps de-
vient orageux et pluvieux.
Très-beau temps. Quelques nuages.
Grain violent du Nord-Est vers 4°. Très-
beau temps le reste du jour.
Très-beau temps. Légers nuages.
Beau temps. Quelques nuages. Temps ora-
geux le soir.
Beau temps voilé.TUn peu de pluie le soir.
Temps couvert.
Beau temps. Quelques nuages.
Très-beau temps. Nuit et matinée très-frai-
ches.
Beau temps légèrement voilé.
Très-beau temps. Légères vapeurs au ciel.
Strati à l'horizon.
Mème temps.
Idem.
Idem.
Le temps se couvre le soir. [Quelques gouttes
de pluie.
Temps couvert. Un peu de pluie vers 4".
Temps très-nuageux.
Orage et pluie de 2" à 4° du matin. Très-
beau temps le reste du jour.
Grain de vent du Nord-Est vers 4". Très-beau
temps le reste du jour.
OBSERVATIONS
A 3", la même température de 29° était
observée aux chutes du Se Don, dans
l'île de Don Niaiï.
La baisse des eaux du fleuve a atteint
5",80 depuis le 20 septembre.
Observé une couronne lunaire pendant
la nuit. Diamètre : 3° 36°.
Triple couronne lunaire qui persiste
pendant la nuit jusqu'à ce que la
lune atteigne le zénith.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
NOVEMBRE 1866
LIEUX | : à
: DATES THERMOMÈTRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D OBSERVATION
| 9h du matin. | midi. | 3h du soir. 5h du soir.
| degrés. tuillim, | degrés, millim, degrés. millim | degrés. millim, degrés. millim,
BASSGC "AA » » |26,5 748,0 | 28,5 747,0 | 28,5 746,0 | 28,0 745,0 E.-N.-E.
Idem. à | » St 27,0 748,0 | 28,5 747,0 | 28,5 746,0 | 27,5 745,0 | E.
Idem. DL on ls DM MOT 074725 28 0MTATE ON 8 0 TETE ON 265 ET ZT ON N.
Idem. IN 7 » MNT OMTATS ST TE 0 TT TES EE GO LTEO N.-N.-0. ou
| N.-0.
Idem. nn & » » |26,0 747,5 | 27,0 747,0 | 27,5 746,5 | 27,5 746,0 N.-N.-0
|
Idem. INC n D AE TT ET D LAS D RD MES TT N.-0
Idem. |OpeT ) D PO OT NT OT ATEN D Se 2 9 I0TATES Idem
Idem. 8 » » 25,5 747,5 | 27,5 147,0 | 28,0 747,0 | 27,5 747,0 Idem.
| |
Idem. IR » » |25,0 747,0 | 28,5 747,0 | 28,5 747,0 | 26,0 747,0 | Calme le matin,
| N.-0. variable
à partir de midi.
Idem. | 410 ) » 25,0 748,5 | 27,5 748,5 | 26,0 748,5 | 26,0 748,5 —
Idem. ETRIR » |22,0 748,5 | 25,0 748,5 [26,5 748,5 [26,0 748,5 | N.-0. dans l'a-
| 5h du matin. près-midi.
Idem. 12 |17,5 748,5 | 22,0 748,5 | 25,0 748,5 | 95,5 748,0 | 26,0 748,0 N°0?
| î 6h du matin.
Idem. | 13 17,0 749,5 | 24,5 749,5 | 25,0 749,5 | 96,0 749,5 | 25,5 749,5 Idem.
Idem. | 14 |16,0 749,5 | 21,5 749,5 | 25,0 749,5 | 26,5 749,5 125,5 749,5 Idem.
Idem. 15607495 4123 0.749,54 25 0749/5975 719 5 6572075 Idem.
Idem. 16 |16,0 749,5 | 20,5 749,5 | 26,0 750,0 | 28,0 750,0 | 26,0 749,5 Idem.
Idem. | 47 |16,0 749,5 | 25,0 750,0 | 27,5 150,0 | 298,5 750,0 | 28,0 750,0 Idem.
Idem. LOMME OM 21 070 SL OO RTE OT ONE OETL0NS N.-N.-0.
5h du matin.
Idem. | 19 116,0 749,5 | 20,5 749,5 | 24,5 749,5 | 96,5, 749,5 | 26,5 749,5 N.-N.-0.
Idem. 20 160.749;5 2100749522 /0749; 505 5 TL M6 574975 N.-0.
Idem. 21 » D DD 04 NS OT A0 ME OT SOS ST N.-N.-0.
Idem. 2210) » |22,0 749,5 | 26,0 749,0 | 26,0 748,0 | 25,5 749,5 Idem.
Idem. SE) 0h 5 » |23,5 748,5 | 26,5 748,5 | 97,5 748,0 | 28,0 747,0 N.-0.
Idem. | 94 À, » |23,0 747,0 26,5 747,0 127,5 746,0 | 26,8 746,0 O.-N.-0.
6h du matin. |
Idem. 25 |18,0 747,0 | 22,0 748,0 | 25,0 748,0 | 25,5 747,0 | » » Calme.
Idem. 26 | » » 22,0 746,5 | 25,0 746,0 | 26,5 746,0 | 24,5 746,0 N.-0.
Idem. 2 | » |22,0 746,0 | 26,0 745,0 | 96,5 745,0 | 25,0 744,0 | Idem.
Idem. 28 » » 22,0 748,0 | 25,2 747,5 | 25,5 747,0 |124:0, 746,5 | Idem.
Idem. | 29 » » 22,0 749,0 | 25,0 748,0 | 27,0 747,0 | 25,5 747,0 Idem.
Idem. 30 » » 22,0 748,0 | 26,0 747,0 | 28,0 746,5 | 26,0 746,0 N.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
NOVEMBRE 1866
FORCE DU VENT
Petite brise.
Idem.
Jolie brise à rafales.
Idem.
Petite brise qui fraichit
le soir.
Jolie brise.
Petite brisefraichissant
vers 4! du soir.
Petite brise inégale.
Jolie brise inégale.
Vent frais qui tombe à
la nuit.
Jolie brise.
Bonne brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Légère brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
»
Petite brise qui fraichit
dans le jour et se met
à violentes rafales.
Bonne brise à rafales.
Jolie brise qui mollit
pendant la nuit.
Jolie brise qui tombe
le soir.
Jolie brise.
jour.
|
|
|
|
TEMPS
Pluie le matin. Beau temps le reste du
Très-beau temps. Légers nuages.
Le temps se couvre avec le vent du Nord.
Temps couvert assez beau.
Très-beau temps.
Idem.
Idem.
Le temps se couvre dans l'après-midi. Quel-
ques gouttes de pluie.
Belle nuit. Grain de Nord-Est vers 5° du
soir.
Temps presque couvert. Assez beau.
Temps calme et beau le matin; se couvre
dans l’après-midi.
Très-beau temps. Nuit calme.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Le temps se couvre légèrement dans l’a-
près-midi.
Très-beau temps; ciel très-pur. Nuitcalme.
Mème temps.
Le ciel se couvre dans l'après-midi.
Nuit calme et très-belle. Temps couvert
dans l’après-midi.
Très-beau temps. Nuit calme, pendant la-
quelle le ciel se couvre.
Beau temps nuageux le matin. Le soir, le
temps se couvre dans le Sud-Est. Quelques
gouttes de pluie.
Très-beau temps.
Beau temps le matin ; se voile dans l'après-
midi.
Temps couvert. Quelques gouttes de pluie
vers 9" du malin. Ciel assez clair le reste du
jour.
Temps assez beau, nuageux. Un peu de
pluie vers 1° du soir.
Très-beau temps. Voilé pendant l’après-
midi.
Très-beau temps. Légers nuages.
OBSERVATIONS
Du 2 au 23, le journal météorolo-
gique a été tenu à Bassac par M. Dela-
porte.
À midi, à Khong, j'observe le même
jour une température de 29°.
A Khon, j'observe à midi 28°; à
3° 1/2 de l'après-midi, 29°,5.
A Stung Treng, à 3 1/2 du soir,
Oil
A Stung Treng, à midi, 29°,5; à
32 1/2, 31°.
A Stung Treng, à midi, 27°,5 ; à 4?,
28°.
Les nuits deviennent très-fraiches.
Le même jour, à 6° du matin, à Sa-
ravan, le commandant de Lagrée ob-
serve 12° de température.
28 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
DÉCEMBRE 1866
LIEUX 3 :
DATES THERMOMETRE ET BAROMÈTRE DIRECTION DU VENT
| D OBSERVATION
9h du matin. midi. 3h du soir. 5h du soir.
degrés. millin, degrés. millin. degrés. millim. degrés. millim, degrés. millim.
POSE 5 000000 1 » » 29 52950 | 25,0 749,0 |.26,0 749,0 | 25,0 748,5 N.E.
Idem. 2 » » |92,5 749,0 | 25,0 749,0 | 27,0 749,0 | 26,8 749,0 E.-N.-E.
7h 1/2 du matin.
Idem. 3 |29,0 748,5 | 23,5 749,0 | 27,0 748,5 | 28,5 746,0 | 27,0 746,0 | N.-E., puis N.-O.
dans l'après-midi.
Idem. 4 | 21,0 748,0 | 23,0 748,5 | 25,0 749,0 | 26,0 748,5 | 25,0 748,5 N.-N.-E
Idem. 5 » » |20,0 748,5 | 24,0 748,5 | 25.0 748,5 | 95,0 7485 | N.
Idem. 6 » » |20,0 749,0 24,0 748,5 | 24,5 748,5 | 25,0 748,5 | N.-N.-E
6h du malin.
Idem. 7 |15,2 748,0 | 19,5 748,0 | 24,0 748,0 | 26,5 748,0 | 26,8 748,0 N.-0.
Idem. 8 » » |2292 7485 | 24,0 748,5 |250 748,5 | 24,5 748,5 N.-N.-0
Sh du matin. ; |
Idem. 9 |20,5 748,5 | 921,5 748,5 | 24,2 749,0 | 26,5 748,5 25,2 748,5 | S.-E., puis S.-0.
7h 1/2 du malin
Idem. 10 |20,0 750,0 | 24,0 750,0 | 24,8 749,5 | 26,0 749,0 | 26,4 749,0 | E. variable, passe
au N.-0. le soir.
Idem. 11 |20,5 749,5 | 21,5 750,5 | 25,0 749,5 | 27,1 749,5 | 26,0 749,5 N.-N.0.
6h du matin.
Idem. 12) | 45,5 750,0 | 19,5 750,5 123,5 749,51. 25,0"749;0112%,0 749,0 Idem.
Idem. 13 | 14,0 "749,5 | 19,0 749,5 | 22,0 749,5 | 23,0 748,0 | 23,0 748,0 | Presque calme.
Idem. 14 » » 19,5 749,0 | 22,8 748,0 | 24,0 748,0 ! 24,0 748,0 N.-N.-E.
Idem. 15 » » |19,0 749,5 | 24,5 749,0 | 26,5 749,0 25,5 749,0 N.—E.
Idem. 16 » » 19,0 754,5 | 23,0 750,5 | 25,0 750,0 | 25,0 750,0 Idem.
Idem. 17 » » 1220 732.0 | 24,5 151,5 25,0 750,0 | 24,0 750,0 N.-0.
Idem. 18 » » |185 753.0| 22,5 752,0 | 23,5 151,0 | 22,5 750,0 Idem.
Idem. 19 | 12,4 753,0 | 18,5 752,0 | 22,5 751,0 | 23,0 750,0 | 24,5 750,0 E.
} 8h du matin.
Idem. 20 | 17,5 782,0 | 18,5 752,0 | 21,0 752,0 | 23,0 750,0 | 24,0 750,0 N.
Idem. 21 » » 18,5 752,0 | 22,0 752,0 | 23,5 750,0 | 25,0 749,0 Idem.
Idem. 22 » » 18,5 752,0 | 22,0 750,0 | 24,5 749,0 | 24,8 749,0 Idem.
Idem. 23 » » |9240 751,0 24,5 750,0 | 28.0 749,5 | 25,2 749,5 | N.-N.-E., variable
Sh du matin. 10ù du matin. au N.-E.
Idem. | 24 | 94,0 751,0 | 22,0 752,0 | 26,0 749,5 | 27,0 749,0 | 27,0 749,5 N.-0.
Enroute.…... 25 20,0 754,0 D) 25,0 » 24,5 » » » Idem.
6h du matin. 9h du matin. s
En route. . ZONE ON 20/00) 24,0 750,0 | 25,0 » » » N.-N.-0.
5h 3/4 du matin. 1h 1/2 du matin. 9h du matin. £h du soir.
PRounS Gao MOT M3 072005 MO SATA T 6 20/5752 022 072070 » » IN?
6h du matin. 10h du matin. midi. 2h du soir. 4n du soir.
Éniroute tee) SR PILES 20.0 751,0 | 24,0 750,5 | 24,0 Oo» 23,0 oo» E.-N.-E.
9h du matin. 5h du soir. |
Huong Sa. ...| 29 | 11,2 748,5 | 22,0 751,5 | 23,0 748,5 | » » 22,0 747,0 | Presque calme.
3h du soir.
Énrouter#? 30 |12,0 748,0 » ») 2510) 23,0 747,5 | 21,5 748,0 O.-N.-0.
2h du soir.
Idem. a AUD n 5 » » 28 D) 25 0) » » Presque calme.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
DÉCEMBRE 1866
FORCE DU VENT
Petite brise.
Petite brise qui tombe
le soir.
Presque calme le ma-
tin. Bonne brise l’a-
près-midi.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Légère brise.
Jolie brise.
Petite brise.
Idem.
Jolie brise au milieu
du jour.
Idem.
»
Légère brise.
Petite brise.
Idem.
Bonne brise.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Légère brise.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Petite brise qui fraichit |
le soir.
Légère brise. |
Petite brise.
»
Petite brise.
TEMPS
Beau, nuageux.
Très-beau, légers nuages.
Très-beau. Ciel pur le matin; se couvre le
soir. Quelques gouttes de pluie vers 6".
Très-beau, ciel sans nuages.
Très-beau, légers nuages.
Idem.
Idem.
Se couvre dans l'après-midi. Quelques
gouttes de pluie.
Beau temps. Voilé.
Très-beau temps. Légers nuages.
Très-beau temps. Quelques cirrhi.
Le temps se couvre le soir.
Légère brume pendant la matinée. Temps
légèrement voilé Le reste du jour.
Même temps.
Très-beau temps. Légers nuages.
Idem.
Beau temps, nuageux.
Même temps, venteux.
Très-beau temps. Légers nuages.
Très-beau temps. Quelques strati.
Très-beau temps. Horizon légèrement em-
brumé.
Idem.
Très-beau temps, nuageux.
Très-beau temps. Quelques strati.
Très-beau temps. Légers nuages.
Temps beau, nuageux.
Très-beau temps. Brume légère le ma-
tin.
Temps couvert, mais beau.
Très-beau temps. Légers nuages.
Idem.
Très-beau temps. Ciel pur.
OBSERVATIONS
Baisse des eaux du fleuve depuis le
20 septembre, 8",80.
Départ de Bassac à 1° de l’après-
midi.
Arrivée à Wat Saiï à 3!
L'observation de 7° 1/2 du matin a
été prise sur le sommet du mont Sa-
lao, les autres sur les rives du fleuve.
Séjour à B. Huong Sai où, l’on ar-
rive à 8 3/4 du matin.
Départ à 7° du matin. Arrivée à
Pakmoun à 4" 1/2 du soir.
30 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
JANVIER 1867
LIEUX | | |
DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D OBSERVATION
| 6h du matin. 9h du matin. midi. | 3h du soir. | 5h du soir. |
| degrés. millim. degrés. millim, degrés. millim. degrés. millim. degrés. millim. |
En route (riviere! | {in du matin. |
HOUR AMI ORNE 24 0 TE 0 NOTE SNS DOM SORT DA ON » Presque calme.
| | 9h du malin, | | | |
| | Idem. 2 |417,0 751,0 | 24,0 752,0 | 26,8 754,01| 27,0 750,01! » » | N.-0.
| | 1ù du soir.
Pimoun. . .. . 3 16,6 750,5 | 214,5 752,0 | 27,5 Oo» 24,5 750,0 » » NENEO!
midi, |
Idem. PR ECS » 260 M SE ON OR Idem.
10h du matin, 2h du soit
En route. ....| 5 ATÉOMIES 023 08553 012 6075270827 » 23,0 751,0 Idem.
5h 3/4 du malin. 9h du matin. | 3h du soir
Idem. 6 |13,0 749,0 | 19,0 752,0 |. » » 28,0 750,0 | 27,0 750,0 Presque calme.
| 6h du matin. |
| Ones 00000 li 17,0 » » » 25,0 750,0 | 24,0 749,5 | 23,0 750,0 N.-E.
Idem. | 8 44,5 749,0 | 46,0 750,0 | 22,0 749,0 » » |24,0 749,0 Idem.
8h du matin. 10 du matin. |
Idem. 9 | 11,5 749,0 | 14,5 748,0 | 24,0 749,0 | 20,5 750,0 | 25,5 ‘747,0 | Calme lemat. Jolie
| | brise de N.-E.
10ù du matin, mdusor. | | dans l’après-midi.
Idem. 10 |12,5 » 20,0 750,0 | 24,0 748,5 | 26,3 750,5 | » » | Calme le matin.
| Petite brise de N.
| 5 S ÉTEND
| | | dans l'après-midi.
Idem. | 411 | 13,5 749,5 | 93,0 750,5 | 24,0 750,0 | 26,0 748,5 » » Idem.
| 7» du matin.
Idem. | 42 |13,5 ‘749,5 | 21,0 749,0 | 25,0 748,0 | 29,5 747,0 » » | Dansl’après-midi,
| | | rafalesdeS. Calme
6h du matin. | | le reste du temps.
| Idem. 143 | 13,5 748,0 | 21,0 749,0 | 27,0 748,0 » » » » | Calme.
| Idem. 14 | 15,0 748,0 | 22,0 748,5 | 26,0 743,5 | DUPONT ON) » | Idem.
| | | 3n du soir. |
Idem. TS | > D » » » 33,0 746,0 | 25,0 746,0 Idem.
Idem. | 46 |16,5 745,5 | 96,5 745,0 | 28,0 745,0 | 31,0 745,5 | 24,0 745,5 | Le soir et la nuit, |
| N.-N.-E.
Idem. 17 | 16,5 741,0 | 21,0 748,0 | 28,0 748,0 | 30,5 747,0 | 26,0 747,0 | N.-N.-E.
Idem. 18 | 13,0 748,0 | 10150 0 P21F 00 ON 2 C0 ON 25 0872970 Calme.
| Idem. 19 14,0 748,0 | 19,0 749,0 20,0 749,0 | » » » » Idem.
En route. . ... 20 | » » | » » | » » » » » » | Idem.
Idem. 9) » D | » Sn » » » ARR RE) » | Idem.
Idem. 99) | » » | » » | » » » » | » » Idem.
Idem. 23 » » » » » » » » » » Idem.
PATATE CO 24 | 13,0 746,0 | 28,5 746,0 | 30,0 746,0 | 28,0 746,0 » » Idem.
Idem. 25 17,0 746,0 | 24,0 746,0 | 28,0 746,0 | 29,0 746,0 » » N.-N.-E.
Idem. | 26 |16,0 748,0 | 24,0 747,0 | 28,0 747,0 | 29,0 748,0 » » | Idem.
| En route. . Sn | » » D RE) » | .5 » » » Idem.
Idem. NS » » » » » » » » | Idem.
Idem. | 929 » » » » » » » » | » » Idem.
| Idem. 50 » » » » | » » » » » » Idem.
| | Kemarat ..... 31 » » 27,0 748,0 29,0 747,0 | 30,0 747,0 | 29,0 747,0 N°
OBSERVATIONS
FORCE DU VENT
»
Petite brise.
Jolie brise.
Petite brise qui fraîchit |
par rafales le soir.
Jolie brise.
»
Jolie brise à rafales.
Idem.
D
Idem.
Idem.
Jolie brise à rafales.
Bonne brise à fortes
rafales.
»
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise à rafales.
Idem.
Bonne brise.
Petite brise.
Idem.
Très-légère brise.
Petite brise qui tombe
à la nuit.
TEMPS
Très-beau temps. Légère brume au lever
du soleil.
Même temps.
Très-beau temps. Quelques nuages.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
| Très-beau temps. Ciel sans nuages.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
| Légère brume au lever et au coucher du so- |
leil.
Très-beau temps. Ciel très-clair.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Très-beau temps. Quelques nuages.
Idem.
| Temps beau, couvert.
Temps beau. Quelques nuages.
Temps beau. Ciel pur.
Idem.
Idem.
MÉTÉOROLOGIQUES.
JANVIER 1867
OBSERVATIONS
Arrivée à Pimoun à 1°.
Départ de Pimoun à 11" 1/2 du matin.
Arrivée à Oubôn à 7° du matin.
Du 10 au 14, les observations météo-
rologiques ont été faites par M. De-
laporte ; à partir du 14, par le com-
mandant de Lagrée.
Départ d'Oubôn pour Amnat par terre
à 2° de l'après-midi. Pas d’observa-
tions barométriques et thermomé-
triques, les instruments étant em-
balles sur un char.
Départ d’Amnat pour Kemarat à 7" 1/2
du matin.
Arrivée à Kemarat à 4" du soir.
2 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
FÉVRIER 1867
LIEUX , .
. DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D'OBSERVATION
6h du matin. 10h du matin. midi 3h du soir. 5h du soir. :
degrés, millim. degrés. millim. degrés, millim. degrés. millim. degrés. millim.
REMANCE CE l 15,0 746,0 23,0 747,0 | 27,0 747,0 21,0 747,0 1 25,0. 747,0 N.
Idem 2 15,0 746,0 23,0 746,0 | 29,0 746,0 31,0 746,0 | 28,0 746,0 Idem.
fdem. 3 |15,0 747,0 | 24,0 747,5 | 31,0 747,5 | 32,0 747,5 | 29,0 747,5 | N. variable au
N.-E.
Idem. 4 |15,5 746,0 | 25,0 746,0 | 30,0 746,0 | 31,0 746,0 | 29,0 746,0 N.E.
idem. 3 |17,0 746,0 | 24,0 746,0 30,0 746,0 | 31,0 746,0 | 29,0 746,0 N.
4h du soir.
Idem. 6 |15,5 746,0 | 25,0 746,0 | 29,0 745,5 | 30,0 745,5 » » Idem.
5h du soir.
Idem. 7 |15,0 745,5] 24,0 745,5 | 29,0 745,5 | 31,0 745,5 | 27,0 745,5 NE.
Idem. 6 AD 5» » » » » 32 080) » » Idem.
Idem. 9 15,0 745,5 23,0 746,0 | 31,0 146,0 | 33,0 746.0 | 28,0 746,0 Idem.
Idem. 10 | 15,0 746,0 | 95,0 746,0 | 32,0 746,0 | 35,0 746,5 | 29,0 746,5 Calme.
Idem. 11 |15,0 746,0 | 28.0 746,0 | 31,0 746,0 | 36,0 746,0 | 30,0 746,0 Idem.
Idem. 12 18,0 746,0 | 30,0 746,0 | 33,0 746,0 | 35,5 746,0 | 30,0 746,0 Idem.
MÉniroute ser 13 » » » » » » » » » » N.
Idem . 14 » » » » » » » » » » Idem.
Idem. 15 » » » » » » » » » » Idem.
Ban Mouc....| 16 » » » » » » » » 31,5 743,0 N.
£h du matin.
Idem. 17 |-22,5 743,0 | 95,0 743,0 | 28,0 743,0 | 31,5 743,0 | 29,5 743,0 Idem.
10h du malin.
Idem. 18 |23,0 744,0 | 22,5 745,0 | 29,0 743,5 | 32,5 744,0 | 28,0 744,0 Idem.
Idem. 19 17,0 746,0 | 21,0 746,0 | 22,0 746,0 | 22,5 746,0 | 22,0 746,0 Idem.
Idem. 20 |16,0 746,0 | 20,0 746,0 | 25,0 746,0 | 25,5 746,0 | 21,0 746,0 Idem.
Enmoute "191 » » » » » » » » » » N.
variable au N.-E.
Idem. 22 » » » » » » » » » » è
Peunom. . 23 | 15,8 746,0 | 23,0 746,0 | 26,0 746,0 | 28,0 746,0 | 25,0 746,0 | N. au N.-N.-E.
Enaroute ter 24 » » » » » » » » » » N.-E., puis au
N.-N.-0. dans le
jour ; revenant le
4h du soir. soir au N.-E.
LAON EE 25 » » » » » » » » -28,0 750,0 | N.-E. à l'E.-N.-E.
bh du soir.
Idem. 26 17,0 746,0 | 25,0 746,0 | 28,0 746,0 | 30,0 746,0 | 28,5 745,0 E.-N.-E.
Idem. 27 |16,5 746,0 | 22,0 746,0 | 25,0 ‘746,0 | 29,0 746,0 | 28,0 746,0 NE.
| Idem. 28 |17,0 746,0 | 21,0 746,0 | 23,0 746,0 | 22,5 746,0 | 23,0 746,0 Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 33
FEVRIER 1867
| |
|
| |
FORCE DU VENT TEMPS | OBSERVATIONS |
| ||
| |
|
|
| ||
Petite brise. | Très-beau temps. Calme la nuit. Les observations météorologiques du | |
Idem. Même temps. mois de février ont été faites par
Légère brise. | Nuit et matinée calmes. M. Delaporte.
Bonne brise Très-beau temps.
dans l'après-midi. |
Petite brise Nuit et matinée calmes. Très-beau temps. |
dans l'après-midi. | |
Jolie brise Idem.
dans l'après-midi.
Idem. Idem.
Légère brise. Idem.
Idem. | Idem.
» Très-beau temps. Ciel sans nuages.
Idem. | Idem.
Idem. Idem. |
Légère brise | Idem. | Départ de Kemarat à 68° du matin.
dans l'après-midi.
Idem. Temps très-beau, mais légèrement embrumé. |
Idem. Matinée légèrement brumeuse. Très-beau | | |
temps le reste du jour. | ; |
Idem. Légère brume qui persiste tout le jour. La Arrivée à Ban Mouc à 2° 1/2 du soir.
nuit, un peu d'orage ; petite pluie. |
Idem. |: Matinée brumeuse. Quelques gouttes de pluie. | |
Très-beau le soir. | |
Bonne brise le soir. | Temps brumeux et calme le matin. Très-beau |
| le reste du jour. |
Idem. | Mème temps.
Brise très-inégale à ra- | Temps brumeux. Assez beau.
fales assez fortes. |
Idem. Idem. Départ de Ban Mouc à 9° 1/2 du matin. |
| |
Idem. Beau temps, nuageux. |: A 4% du soir, arrivée à Peunom. |
Jolie brise à rafales Beau temps. Calme la nuit. | |
dans l'après-midi. | ; |
Petitebrisefraîchissant | Beau temps. Quelques nuages. Départ de Peunom à 7° du matin. |
le soir pour tomber |
tout à fait vers 10". |
Bonne brise | Nuit et matinée calmes. Très-beau temps | Arrivée à Lakon à 1° du soir.
dans l'après-midi. | pendant le jour.
Petite brise Tres-beau temps. Légers nuages. |
dans l'après-midi.
Idem. Le temps devient brumeux le soir; quelques
gouttes de pluie vers 10" du soir. | |
Idem. | Temps couvert. Petite pluie par intervalles.
| :
| Orage au loin.
IT. 5
4 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
MARS 1867
LIEUX ; | ee
| DATES THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE | DIRECTION DU VENT
D OBSERVATION :
6h du matin. 10h du matin. midi. 3h du soir. 5h du soir.
degrés. millim, degrés. millim. degrés. millim, degrés. millim, degrés. millim,
Talon eee 1 |92,0 745,0 | 27,0 745,0 | 29,0 745,0 | 30,3 745,0 | 28,0 745,0 NE.
Idem. | 2 |19,0 746,0 | 25,0 746,0 | 30,0 746,0 | 35,5 746,0 | 33,0 746,0! E., variable au
Idem. 3 |20,0 746,5 | 27,0 746,0 | 31,0 746,0 | 34,5 746,0 | 32,5 746,0 Idem.
Idem. | 4 |17,5 746,0 | 25,0 746,0 | 29,0 746,0 | 29,5 746,0 | 28,0 746,0 SE.
(MEnirouter SES D NS » » » » » » » Idem.
Idem. 6 » » » » » » | » » » » Idem.
IMHOULEN EEE T 123,0 746,0 , 28,0 746,0 | 30,0 746,0 | 31,0 746,0 | 29,0 746,0 | Calme.
Idem. | 8 |21,0 745,5 | 25,0 745,5 | 29,0 745,5 | 32,0 745,5 | 29,0 745,5 S.-S.-E.
Idem. | 9 | 20,0 746,0 | 26,0 746,0 | 30,0 746,0 | 31,0 746,0 | 28,0 746,0 S.-E
Iden. | 10 | 22,0 745,5 ,0 745,0 | 31,0 744,0 | 26,0 744,0 | 26,0 744,0 S
| |
| | 9h du matin,
Idem. | 11 |21,0 744,5 | 23,0 745,0 | 28,0 746,0 | 29,0 744,5 | 26,0 745,0 Idem.
Idem. | 42 | » » |93,0 747,0|27.0 746,5 | 28,0 745,0 24,5 745,5 N.-0.
| Saniabouly 13 DE) » » |25,5 745,0 | 98,5 744,0 | 28,0 742,0 | SE
10h du matin. | |
| | Idem. 14 |920,0 743,0 | 25,5 745,0 | ‘31,0 745,0 | 32,0 743,0 | 33,0, 742,0) 0. |
| | Idem. 4 15 22,0 743,0 29,0 744,0 33,0 743,0 | 35,5 749,0 | 32,5 740,5 0.-S.-0 |
| | | | 8h du matin. | |
En route . .... 16 | » » | 24,0 742,0 | » » » » » » | 0.
| | | |
Idem. | nt | » D | » ») | » » » » » » | Idem.
Idem. | 18 » » | » » » » | » » » » J O., puis N.-N.-0.
| Idem | 19 | » » | » ») | » » | » » » » N.=N.=0:
Idem. 20 » » » » » » » » » » | N.-0. variable au
| N-N-E
Idem. 21 » 5 » » » » » » » » Idem.
Idem. 122 » » ») » » » » » » » S.-0.
| Idem. 23 | » » | » » | » » » » » » S. variab. au S.-0.
PONDISS EEE NUE pou de » » 30,0 741,0 | 34,0 740,0 | 33,5 739,0 Idem.
| | | ‘ 10h du matin
Idem. | 25 |924,0 739,0 27,5 741,6 | 31,0 740,0 | 33,5 739,0 | 33,5 738,5 Idem. |
| Emroute | 26 | » » » » » » » » » » N.-0., puis S.-0 |
lNong Kay... | or a 30 0 0718 DT 5 TA ONE A 0 N.-N.-E |
Idem. 28 | 21,0 742,0 | 25,0 744,0 | 28,5 743,0 3052. TAIL5 30,5 TEAO:S N.-0.
Idem. | 29 |921,0 741,5 | 26,0 744,0 | 29,5 742,0 | 33,8 740,0! » » N.-N.-0 |
Idem. 30 |24,2 743,0 | 23,8 743,5 | 27,0 742,0 | 34,0. 740,5 | 31,5 738,5 Idem. |
Idem. | 31 |924,0 742,0 | 23,0 743,0 | 23,5 741,5 | 28,0 738,5 | 27,0 738,5 N.-0. |
| | | | |
| | | 1
OBSERVATIONS
FORCE DU VENT
Presque calme.
Légère brise.
Légère brise dans l’a-
près-midi.
Petite brise dans l’a-
près-midi.
Jolie brise bien établie
le soir.
Tombe pendant la nuit.
»
Petite brise qui tombe
à la nuit.
Idem.
Violent orage à 3".
Petite brise inégale.
Idem.
Petite brise.
Légère brise le soir.
Idem.
Petite brise.
[dem.
olie brise inégale.
Jolie b gale
Jolie brise.
Idem, très-inégale.
Idem.
Jolie brise.
Légère brise.
Idem.
Idem.
Petite brise.
Jolie brise.
Idem.
Petite brise.
Vent frais.
Idem.
TEMPS
Temps embrumé. Ciel couvert.
Matinée brumeuse et calme. Très-beau temps
le reste du jour.
Temps très-beau, mais légèrement embrumé
pendant tout le ; jour.
La brume se dissipe au milieu du jour.
Très-beau temps.
Temps très-beau et très-clair.
Brume qui s’épaissit dans la soirée. Le temps
devient orageux.
Légère brume pendant toute la journée. Quel-
ques gouttes de pluie pendant la nuit.
Temps orageux.
Temps beau, légèrement brumeux.
Temps brumeux et calme le matin. De 2" 1/2
à 3" 1/2, pluie, grèle, tonnerres par des ra-
fales du Sud. Soirée etnuit calmes et belles.
Temps couvert. Orage à l'horizon. Après-
midi pluvieuse.
Beau temps nuageux le matin. Grain de
Nord-Ouest et pluie à 4° du soir.
Joue couvert, brumeux. Eclaircies dans
l'après-midi.
Très-beau temps. Légères vapeurs.
Très-beau temps. Nuages.
Très-beau temps, nuageux. Le soir, orage
dans le Sud-Ouest.
Mème temps.
Violent orage de l'Ouest à 2" 1/2 du matin.
Après-midi très-belle.
Temps couvert. Pluie de 9* à midi.
Matinée pluvieuse. Belle après-midi.
Mème temps.
Beau temps, nuageux.
Très-beau temps. Horizon voilé.
Idem.
,
Idem.
. Mème temps. Le soir, orage dans le Sud-
Ouest ; rafales de cette partie.
Beau temps s, nuageux.
Trèes-beau temps, nuageux.
Idem.
Temps couvert jusqu’à midi. Un peu de pluie
vers 9" 1/2. Belle après-midi.
Temps couvert et orageux ; pluie à midi.
|
|
|
MÉTÉOROLOGIQUES. 35
MARS 1567
BSERVATIONS
M. Delaporte continue à faire j Jusqu'au
10 mars les observations metéorolo-
giques.
Départ de Lakon à midi.
Arrivée à Houten à 2° 1/2 du soir.
Âu commencement du grain, à 2" 1/2,
le thermomètre marquait 32°; à
2" 3/4, il était descendu à 26°.
Départ de Houten à 6" 1/2. Arrivée à |
Saniabouly à 10" 1/2 du matin. |
|
-élevée.
G-
a
&-
Température tr
La température se rafraichit sensible-
ment. U |
Arrivée à Ponpissay à midi.
À 3" du matin, 24° - 739,0.
Départ de Ponpissay à 7° 1/2 du mat.
Arrivée à Nong Kay a 11" 1/4 du ma-
tin.
30
AVRIL 1867
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
| En route de
Nong Kay à
Vienchang.
Vienchang. . .….
Idem.
INEniroute Pre
Idem.
Idem.
ldem.
Idem.
po Idem.
Idem.
Idem.
| Idem.
| Xteng Cang ...
En route .....
Idem.
Idem.
| DATES
I
6h du matin.
degrés. millim.
» »
» »
22,0 740,0
|
» )
») »
» )
|
» » |
» »
21,5 743,0
» »
» »
>) »
DDRO D)
» »
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
8h du matin.
degrés. millim,
|
21,8 743,0 |
» »
10h du matin.
DE D OR
» » |
» »
» »
» »
» »
24,0 743,0(!)
9h du matin.
26,0 »
|
» »
» »
» »
midi.
degrés millin.
» )
» »
» »
» »
» »
» »
» »
27,5 740,5
» »
» »
» »
» »
D »
» »
» »
» )
3h du soir.
degrés. millim,
» »
°h du soir.
: Le
33,5 740,0
3h du soir.
33,0 740,0 |
|
» »
| ») ))
IS) »
|
») »
30,5 740,0
» »
» »
» »)
» »
AMD » 1 |
|
» »
5h du soir.
degrés. millim.
» »
5h 1/2 du soir.
30,0 739,0
5h du soir.
30,0 739,0
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
LL »)
» »
DIRECTION DU VENT
N.-0.
S.-0.
S.-0. variable.
Idem.
S.
N.-0. le matin.
0.-N.-0.
NE
Idem.
Idem.
Idem, très-variab.
S.-0.
Presque calme.
E.-N.-E.
Brises tres-var. en
force et en direct.
N.-E. dans l’inter-
valle des grains ;
ceux-ci montent
du S.-0.
On peut compléter les observations qui précèdent en ajoutant que dans la partie im-
férieure de la vallée du fleuve, les saisons présentent le même aspect que dans la Basse-
Cochinchine ; au début de la saison des pluies, ce sont des grains orageux qui varient de
l’Ouest-Nord-Ouest au Sud-Sud-Ouest ; les intervalles entre les grains sont très-beaux et
très-chauds, et le mauvais temps se prolonge rarement au delà de quelques heures ; à la fin
de cette saison, au contraire, le temps devient brumeux, et les pluies moins torrentielles
sont plus continues; en même temps les vents passent au Sud-Est et à l'Est. Si l’établisse-
ment de la saison sèche a été prématuré en 1866, année du passage de la commission dans
le Laos méridional, et s’il ne faut pas considérer le mois de septembre comme l'époque
ordinaire de la fin des pluies dans cette zone, on peut admettre cependant que cette
époque devance toujours l’époque correspondante en Basse-Cochinchine, l'influence de
la descente du soleil vers le Sud devant se faire sentir beaucoup plus promptement.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
AVRIL 1867
FORCE DU VENT
Jolie brise.
Joliebrise l'après-midi.
Idem.
Petite brisetrès-inégale
Petite brise.
Jolie brise.
Petite brise.
Idem.
Jolie brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
»
Petite brise.
2 t
Jolie brise.
TEMPS
Violent orage à 4" du matin. Le temps rede-
vient très-beau ensuite.
Tres-beau temps, presque calme le matin.
Orage et pluie du S.-0. à 3° de l'après-midi.
Grains l'après-midi, qui sont peu pluvieux,
mais très-orageux.
Belle matinée. Après-midi orageuse. Soirée
chaude et lourde.
Matinée voilée. Chaude et belle après-midi.
Orage et pluie du Nord-Ouest de 8° à 10° du
matin. Belle après-midi.
Temps couv., mais beau. Le cielse dégageles.
Temps beau, couvert.
Temps couvert le matin. Temps légèrement
voilé, mais beau le soir.
Très-beau temps. Quelques nuages.
Temps voilé qui se couvre le soir ; quelques
gouttes de pluie.
Temps couvert et pluvieux par intervalles.
Le temps se découvre dans l'après-midi et
devient beau.
Temps voilé, mais très-beau le matin. Petits
grains dans l'après-midi.
Temps beau, nuageux.
Belle matinée. Temps orageux et à grains le
soir. Pluie à 1° et à 5" de l'après-midi.
OBSERVATIONS
Départ de Nong Kay à 8" 1/2 du ma-
tin.
Arrivée à Vienchang à 1" du soir.
(1) Ce sont les dernières observations
faites avec le baromètre à mercure
qui fut cassé par accident peu de
jours après. Les observations sui-
vantes sont faites avec un baro-
mètre holostérique, qui, à ce mo-
ment, présentait une différence de
3"" en moins avec le baromètre à
mercure.
Arrivée à Xieng Cang à 2° du soir.
Départ de Xieng Cang à 7° 1/4 du ma-
tn.
Température élevée.
La direction générale de la vallée du fleuve et des montagnes qui l’encadrent parait
influer sur celle de la mousson sèche qui, à Bassac notamment, souffle du Nord et du Nord-
Nord-Ouest plutôt que du Nord-Est. La proximité des chaînes rend la brise inégale et à
rafales. Elle atteint son maximum d'intensité vers 2?
ou 3 heures de l'après-midi, et
tombe en général pendant la nuit. Un peu de brume le matin, un temps très-beau et très-sec
pendant le jour, un horizon toujours brouillé, quelques rares strati au ciel; tel est l'aspect
de la saison sèche dans le Laos méridional. Dès le commencement du mois de mars, la
lutte entre les deux moussons ramène des orages pendant lesquels 11 tombe parfois de la
grêle. Ce phénomène, constaté à Houten (voyez l'observation du 10 mars), ne laisse pas de
surprendre par une latitude de 17° et demi, par une température de 32°, et à une altitude
très-inférieure à 200 mètres.
La température, qui varie entre de si faibles limites dans tout le della du Cambodge,
38 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
présente dans le Laos méridional des extrêmes beaucoup plus éloignés. Sur le plateau où
se trouvent Oubon, Ban Mouk et Vien Chang, le maximum thermométrique doit être très-
élevé, puisque, dès le 11 février, M. Delaporte a observé à Kemarat des températures de 35
à 36°. Dans le Sud, le maximum est loin d'atteindre ce chiffre : la plus haute température
observée a été de 34° à Stung Treng, qui me paraît être un point exceptionnellement chaud
de la vallée du fleuve. Cette différence anormale doit tenir aux grandes plaines sablon-
neuses qui s'étendent au Nord-Ouest du plateau de Ban Mouk et sur lesquelles la mousson
se réchauffe. A Bassae et à Stung Treng, au contraire, le voisinage de hautes chaines dans
cette direction rafraichit l'atmosphère.
Le moment le plus chaud de l’année n’est pas, comme on pourrait le croire, le mois
de juillet ou le mois d'août, époque où les pluies entretiennent dans l’atmosphère une
humidité qui tempère les ardeurs du soleil et empêche l’échauffement continu du sol; il
doit arriver un mois ou deux après l’équinoxe du printemps, en avril ou en mai, dans
les intervalles des grains orageux qui préludent alors à la saison des pluies. Dans toute
cette zone, il suffit d’un orage pour abaisser brusquement la température de 6 à 7°.
DAMES
AVRIL 1867
LIEUX k s
£ DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D'OBSERVATION
6h du soir. {11h du matin midi: 4 1h 1/2 du soir. 3h 1/2 du soir.
Paklay. ..: .….. 17 |22,0 734,0 | 31,5 733,5 | 34,5 183,5) 359 733,5 | 22,0 732,0 N.E.
l'après-midi.
6h du matin. 10h du malin. 3h du soir. 4h du soir.
Idem. DO TS MA DATER A UE TD) 7.2 | 5.5 7875 S.-0. variable.
En route. .... 19 » » » » » » » » » » Idem.
Idem. 20 » » » » » » » » » » N.-E.
dans l'après-midi.
Idem. 21 » » » » » » » » » » N.-N.-E. à
: 4h 1/2 du soir.
Idem. 22 » » ) » » » » 130,0 » 132,5 | N., qui passe aus.
vers 2° du soir.
Idem. 23 » » » » » » » » » » N. ;
Idem. 24 » » » » » » » » » » N.-N.-O.
Idem. 25 » » » » » » » » » » N. pendantlejour,
S. pendant la nuit.
Idem. 26 » » » » » » » » » » S. très-variable.
Idem. D » » » » » » » » » » S.-S.-0.
Idem. 28 » » » » » » » » » » Diverses, très-
| 3h du soir. faibles.
| Luang Prabang| 29 » » » » » » 34,0 ‘122,0 » » Presque calme.
| UTdem. 30 [23,0 724,0 | 28,6 726,8 | 32,0 725,0| 35,0 724,0 | 33,0 724,5 Îdem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 39
Au Sud des cataractes, le minimum de température est à peu près le même qu’en Co-
chinchine, c’est-à-dire de 18 à 20°, mais dès le 15° parallèle, il s’abaisse jusqu'à 11 ou
10°. Ilne saurait être question iei du sommet des montagnes de cette zone, où la tempé-
rature doit descendre beaucoup plus bas ; je n’entends parler que de la vallée du Cambodge
et de celles de ses principaux affluents.
L'heure du maximum thermométrique diurne varie, par un temps uniformément
beau, de 3 à 6 heures de laprès-midi. Cette dernière limite a été observée à Bassae,
où la fraicheur produite par l’humidité et les brumes des montagnes environnnantes ne
se dissipe qu'après une longue journée de soleil.
Il est assez difficile d'indiquer d’une manière générale l'influence de la direction du vent
sur le baromètre. Dans le Sud de la zone que nous étudions, il baisse par les vents de
l'Est et du Sud; il reste très-haut par calme et par les vents contraires. Sur le plateau de Ban
Mouk, le role des vents de Sud et de Nord reste le même, mais celui des vents d’Est et
varie de 9 à 10 heures du matin;
d'Ouest est renversé. L'heure du maximum diurne
l'heure du minimum, de 4 à 5 heures du soir.
SEPTENTRIONAL
AVRIL 1867
|
FORCE DU VENT
Petite brise.
TEMPS
Pluie et brume le matin. Très-beau temps au |
Jolie brise. Arrivée à Paklay à 10° du matin.
milieu du jour. De 2° 1/2 à 4h, violent |
orage et forte pluie du Nord-Est.
Temps couvert Jusqu'à 9° du matin. Très |
beau le reste du jour. |
Temps brum. le mat. Très-beau le reste du j.
A minuit, 24° - 733,0.
Idem. Départ de Paklay à 10° du matin.
Jolie brise à rafales.
Petite brise.
Petite brise le matin ;
fortes rafales le soir.
Petite brise.
Idem.
Légcres brises.
Idem.
Petite brise.
Même temps.
Beau temps, légèrement voile.
Beau temps jusqu'à 2°. Violent orage, avec
pluie torrentielle et forte grèle, à 5" du soir.
Temps couv. et pluv. le matin. Beau le soir.
Même temps.
Brume au lever du soleil ;
reste du jour.
Pluie lem.Orage dansleS.Journéeassezbelle.
Très-beau temps.
Beau temps voilé.
beau nuageux le
Beau temps nuageux.
Beau temps voilé.
| ‘Grèlons de forme-ovoïde et de la gros-
) e
seur d’une cerise.
Arrivée à Luang Prabang à midi.
40
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
MAI 1867
LIEUX |
DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT |
D OBSERVATION
6h du matin. 10h du matin. midi | 3h du soir. 5h du soir.
degrés. millim. degres. millim. | degrés, millimu. | degrés. millim. degrés. millim.
Luang Prabang| 1 |23,0 724,5 | 25526029 525 07 022 » » O.-N.-0.
| 7h du matin. | : | €h 1/2 du soir. |
Idem. 2/2 0012250029 0726 01852 022 5 6 023 2052/0237 08 0.
Idem. SOS ND 0 0 ON OR POMPES » » | Idem.
| 5h du soir. |
Idem. ñ >> | 25,00724,8 020 00028,2 183 0722 Ne DES RE CINE
Idem. 5 |94,0 722,8 [27,5 793,5 | 32,0 723,0 31,5 121,0 | 33,0 720,7 | E.le m., 0.S.-0.
4n du soir. 6h du soir. l'après-midi. |
| Idem. 6 » » |28,5 723,5 | 31,2 725,0) 32,5 720,4 | 26,0 720,2 DES LD
| | 6h 1/2 du matin. | 3» du soir. 5h 1/2 du soir. |
| Idem. 7 |21,2 721,0 | 24,5 723,2 | 27,6 722,8 | 31,0 724,6 |28,0 720,0 Idem. |
| 6h du matin. | | 5h 3/1 du soir (1). |
Idem. 8 |21,2 724,0 | 26,0 722,6 | 30,0. 722,0 | 33,2 720,9 | » 719,6 | O.-S.-0. l'apres-
| 5n du soir. midi. |
| Idem. 9 1220 721,0 [27,3 723,6 | 32,0 723,0 | 31,5 721,6 | 33,0 721.0 Idem. |
| Idem. 10 » » » » » » 022575 34,0 722,2 S. |
| | 6b du soir.
Idem 11 » » 30,0 723,6 | 34,0 723,5 | 36,8 722,2 | 35,0 721,2 | O.-S.-0. ap. midi.
Idem. 12 » » |26,0 723,1 | 29,0 724,0 32,2 722,5 | 30,5 720,5 | S.-O.l'ap.-midi.
9h 1/2 du soir. |
Idem. 13 922,5 722,5 | 28,0 724,2 | 32,2 124,0 | 35,0 122,5 | 31,0 721,3 | O. l'après-midi.
3h du soir. 1h {/2 dusoir.
Idem. 14 n 28,2 521,5 392,2 722,0 3150012145 3302085 Idem.
; 5h du soir. |
Idem. 15 » » 28,0 T2 SN MSI 2028 MARS 02186 266 72119 0.-S.-0. |
Idem. 16 » » 255012024275, 722; 5128/0721; 0 » » 0.
5h 1/2 du matin. |
Idem. 17 1935 722,0 27,0 723,8 28,5 723,3 | 395 721,2 32,0 720.8 | Idem.
41h du matin.
Idem. JS UN 1517000723,5 052,0 0723, 1183 021 0 29 0 205 S.-O. |
| 10h du matin. |
Idem. 19 | » » |928,9 729,9 | 31,8 722,5 | 34,0 720,5 | 39,5 720,0 0.-S.-0.
| | 5h 1/2 du soir.
Idem. 20 » » EDP RDS 7818 l'ADN TA? ASS T2 Idem.
| 1h du malin. 6h du soir.
| Idem. 21 |25,0 723,5 |29,0 724,5 | 31,5 724,5 | 34,8 123,1 | 51,0 729,1 | Id. l'après-mid.
| Idem. 22 » » 280721 08 1022 61 2522 0 ESS 072120) 0.-S.-0.
| , 5h du soir. |
Idem. 23 » » 21,0 123,0 131,2 722;5433;5 120; 26,2."749;8 Idem. |
Sh du matin. | | |
Idem. CN OS NT RO TR ON AT D 22,71 | SD Te, 2) AUS » | N.-0. |
En route. . ... 2/50) » » » » » » » » » S.-0. |
| Idem. 26 » » » » » » » » » » Idem. |
Idem. 27 » » » » » » » » » » Idem
Idem. 28 » » » » » » » » » » Idem.
Idem. 29 » » ») » » » » ) » » 0.-S.-0
10h du matin. 11h du matin (2).
Pakbén......| 30 |21,2 749,8 | » 720,1 | 33,9 720,0 | 35,6 748,2 | 34,0 714,9 Idem.
En route. ....| 31 » » » » » » » » » » 0.-S.-0.
dans l’après-midi.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 41
MAL 1867
FORGE DU VENT
Jolie brise.
Petite brise.
Idem, inégale.
Petite brise.
Petite brise qui fraichit
le soir.
Bonne brise.
Jolie brise.
Jolie brise.
Bonne brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Idem.
Idem.
Légère brise.
Idem.
Bonne brise.
Jolie brise.
Petite brise.
Jolie brise.
Idem.
Idem.
Bonne brise.
Jolie brise.
Idem.
Pet. brise fraîchis. le s.
Id. ,rafales l'après-midi
Idem.
Petite brise.
Idem.
TEMPS
Tempsàgrains. Très-beau dansles intervalles.
Brume au lev. du sol. Très-beau le reste du j.
Belle matinée. Orage et pluie à 3° de l’après-
midi.
Beau temps, nuageux.
Temps beau, nuageux. Orage dans l’après-
midi.
Temps nuageux ; le soir, grains assez forts à
3", à 5" et à minuit.
Beau temps, nuageux. À 2° du soir, de l’o-
rage et quelques gouttes de pluie.
Beau nuageux.
Idem.
Très-beau temps. Quelques nuages.
Idem.
Temps couvert et menaçant le matin. Se dé-
gage et devient très-beau le soir.
Très-beau temps, légers nuages. Un peu d’o-
rage vers 3°.
Même journée.
Belle matinée. Grains pluvieux etorageux le s.
Temps couvert et pluvieux. Ondées intermit-
tentes. Quelques éclaircies.
Bancs de brume qui passent en donnant de
petites averses. Soirée très-belle.
Temps très-beau qui se couvre à 5° du soir.
Un peu de pluie.
Temps beau, nuageux. Quelques gouttes de
pluie dans l'après-midi.
Temps couvert et pluvieux.
Temps couvert, mais beau. Le ciel se dégage
tout à fait vers 4" du soir.
Très-beau, nuageux.
Tres-beau, nuageux; grains à 3" du matin et
à 3" du soir.
Temps couv. et brumeux. Pluie l'après-midi.
Temps beau, très-nuag. Un grain à 1" dus.
Temps couv., mais beau. Se découvre complé-
tement le s. Eclairs dansle S. pendant lan.
Très-beau temps. Quelques nuages.
Brume légère le mat. Le reste du j. très-beau.
Même temps.
Idem.
Très-beau temps. Le soir, orage lointain
dans l'Ouest-Sud-Ouest.
OBSERVATIONS | |
Tous les grains, pendant cette période, | |
sont très-orageux.
(1) Heure exacte du minimum baro- | |
métrique ; le maximum thermomé-
trique (34°) avait eu lieu à 4».
Départ de Luang Prabang à 8" du ma-
tin.
() Heure exacte du maximum baro-
métrique; le minimum (716,6) a
lieu à 6" le mème jour.
Arrivée à Pakbén à 9° du matin. |
Départ de Pakbén à 7° 1/2 du matin.
IT.
42 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
JUIN 1867
LIEUX ; ;
, DATES THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
D'OBSERVATION
6h du matin. 10h du matin. midi. 3h du soir. 5h du soir.
Enroutede Pak- degrés. millim. degrés. millim, degrés. millim. degrés. millim. degrés. millim.
bén à Xieng
Khong..... { » » » » » » » » » »
Idem. 2 » » » » » » » » » »
Idem. 3 » » » » » » » » » »
Idem. 4 » » » » » » » » » »
; 5h 1/2 du soir.
Xieng Khong . . 5 » » 26,574, 1 » » 30,5 715,0 | 26,0 744,5
5h 1/2 du matin. 10h3/% du mat.(1). 3h 4/2 du soir. 5h du soir,
Idem. 6 193,1 715,6 [27,8 717,2 | 28,8 746,7 | 30,9 745,1 | 93,2 714,5
6h du matin. 9 du matin (1). 2h {/2 du soir (2). 5h {1/2 du soir.
Idem. 7 |21,6 716,0 | 25,6 748,0 | 28,8 747,9 | 31,0 716,0 | 30,0 715,0
10h1/2 du mat. (1). 6h du soir.
Idem. 8 |22,5 715,7 | 29,0 747,6 | 30,2 718,0 | 32,0 743,7 | 29,0 745,1
7h 1/2 du matin.
Idem. JA OTAIG TND LS NT INTET » » » » » »
9h du matin. midi. 4h du soir.
Idem. 10 DONC ASE DEEE AS Tir
Idem. 11 23,2 718,9 | 26,5 720,3 | 29,2 720,0 » » 28,6 716,8
5h du soir.
Idem. 12 |22,6 718,0 | 28,2 719,6 | 34,4 749,5 » » 28,8 716,6
6h 1/2 du matin. 10h du matin. 3h du soir.
Idem. 13 |25,0 718,0 | 31,0 720,0 | 31,4 749,5 | 32,5 717,0 | 29,2 746,0
Envroute. 14 » » » » » » » » » »
Idem. 15 » » » » » » » » » »
Idem. 16 » » » » » » » » » »
Idem. 17 » » » » » » » » » »
Sala duT. ang ho| 18 » » » » » » 31,5 » » »
7 du matin.
Idem. 19 » 710,0 » 711,0 » 710,5 » » » 108,5
1h 1/2 du matin.
Idem. 20 » | 7725 » 713,2 » » » » » 712,1
En ROULE EE 21 » » » » » » » ») » »
: 9ù 4/2 du matin. 6h 1/2 du soir.
LE po an 00 22 D » 14,5] » TLO| » T13,0| » 742,0
6h 1/2 du matin. 9h du matin. 5h 4/2 du soir.
Idem. 23 » 742,0 | » 713,0 | » ‘713,0 |27,0 741,6 |25,0 710,7
6 3/4 du matin. 10h du matin. 6h 1/4 du soir.
Idem. 24 |24,0 742,0 | 26,0 743,1 | 25,6 743,0 | "278 741,9 252 741,5
6h du matin. 5h du soir.
Idem. 25 |23,5 714,0 | » 715,5 [28,9 745,7 30,5 714,1 |29,8 743,7
Idem. 26 |23,5 714,6 | 28,8 746,0 | 28,8 715,5 | 32,5 113,6 | 34,5 713,0
Idem. 27 |24,5 712,5 129,2 713,5 | 31,8 713,3 | 31,6 711,2 | 30,6 709,5
7h du matin. 5h {/4 du soir.
Idem. 28 |24,0 709,5 | 28,5 710,6 | 32,0; 711,0 | 24,0 708,0 | 26,0 707,2
Idem. 29 |24,0 710,9 | 97,2 714,5 | 29,8) 744,0 | 34,8 740,0 | » »
Idem. 30 » » » » » » » » »
DIRECTION DU VENT
0.-S.-0.
E. à partir de 8°
du matin.
N.-N.-0.
N.-N.-E.
0.
O. variable à
l'O.-N.-0.
E=NE°E:
E.
0.
E.-N.-E. le mat.
Idem, puis S.-E.
Idem.
E.
E. puis N. à partir
de 4° du soir.
Presque calme.
S.
S. au S.-0.
N.-0., puis S.-0.
le soir.
S.-S.-0.
Idem.
Idem.
S. au S.-0.
Idem.
E.
E.-S.-E.,etO. les.
S. qui passe à
l’O.-S.-0. le soir.
S.-0. variable.
Idem.
S.-S.-0.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
JUIN 1867
ES
FORCE DU VENT
Petite brise.
Idem.
Jolie brise.
Petite brise.
Jolie brisetrès-inégale.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Bonne brise.
Pet. br.tomb.versmidi
Petite brise. Calme à
partir de 1" du soir.
Petite brise.
Pet. brise fraichis. les.
Petite brise.
Idem.
»
Jolie brise.
Petite brise.
Jolie brise.
Bonne brise.
Petite brise.
Idem.
Légère brise.
Idem.
Idem.
Pet. brise tomb. le soir.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
TEMPS
Brume le mat. Très-beau temps le reste du j.
La nuit, éclairs dans le Sud-Ouest.
Pluie torrentielle jusqu’à 8° du mat., heure à
partir de laquelle le temps devient beau.
Quelques grains dans l'après-midi.
Temps à grains. Nuit très-orageuse.
Temps couv. et pluv. Eclaircie vers 1° du «.
A 6" 1/2, violent orage de l'Ouest. La pluie
continue jusqu'à minuit.
Temps couvert, pluvieux et orageux ; quel-
ques éclaircies.
Temps couvert. Orage et pluie à partir de 4°
du soir.
Temps beau, nuageux.
Brume au lev. du soleil. Très-beau temps le
reste du jour.
Temps couvert et orageux. Pluie fréquente.
Mème temps.
Matinée brumeuse. Grain du Sud-Est à midi.
Très-beau le reste du jour.
Très-beau temps le mat. Le temps se couvre
à partir de 1° après un grain du Sud-Est.
Très-beau temps, nuageux.
Très-beau temps, quelques nuages. Un grain
à 4" du soir.
Beau tempsnuageux. Grenasses de 10" à midi.
Très-beau temps, légers nuages. La nuit,
éclairs dans le Sud-Sud-Ouest.
Temps couv. et orag. jusqu'à midi. Beau les.
Mème temps.
Temps couvert. Le soir, orage et pluie.
Temps couvert. Pluie le matin.
Temps couvert. Pluie continue de 4" à 10° du
matin.
Temps couvert et pluvieux.
Mème temps ; quelques éclaircies.
Idem.
Le temps redevient très-beau.
Matin. légèrement brum. Très-belle journée.
Mème temps. Un peu d'orage dans la nuit.
Très-beau temps, nuag. Fortgrain d'O. à 3"s.
Brume et pluie le mat. Beau le reste du jour.
Mème temps.
L]
OBSERVATIONS
Arrivée à Xieng Khong à 8° du matin.
(t) Heure exacte du maximum baro-
métrique. Le maximum thermomé-
trique (31°) a lieu à 4" le 5.
@) Heures exactes du maximum ther-
mométrique le T et le 8.
Variations barométriques et thermo-
métriques très-irrégulières.
Le maximum barométrique à lieu à
40%: 720,1.
Départ de Xieng Khong à 4° du soir.
Latitude de la halte du soir : 20° 34.
Arrivée à 10° du matin au Sala cons-
truit sur les bords du fleuve près du
Tang ho (rapide).
Le fleuve monte de 3" pendant la nuit
et la journée suivantes.
A 9° du matin, 715,2 et 25°.
Le min. barom. a lieuà 6": 712,7et30°.
Le maximum thermométrique (33°) a
lieu à 1°.
Le maximum barométrique (714,1) a
lieu à 11°. a
Emballage des instr. en vue du départ.
JUILLET 1867
-OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
En
route
de
M Lim à Paléo.
DAÉO ee
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route. ..
Siemlap. . .
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route
Sop Fong..
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Entroute ner
DATES
& D
Æ
6h du matin.
degrés. millim.
23,2 713,0
7h du matin.
22,0 713,9
6h du matin.
23,0 714,0
» »
» »
» »
24,0 710,0
» »
22,9 710,2
5h 1/2 du matin.
23,5 109,0
6h {/2du matins
24,8 701,7
6h du matin.
23,5 709,0
23.2 709,2
708,2
1h du matin.
23,6 707,3
29 9
£)
24,4 707,5
» »
» »
» »
» »
» »
1h 1/2 du matin.
99.8 706,6
22 8070105
6h du matin.
29,4 707,6
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
10h du matin. midi. 3b du soir.
degrés. millim. degrés. millim. degrés. millim.
» » » » » »
» » » » » D
26,5 713.6 | 28,0 713,5 | 27,5 742,0
24,3 715,0 | 25,9 714,8 » »
24,6 715,5 » » 24,8 714,0
» » » » » »
24,0 715,0 » » » 113,0
» » » » » »
» » )» » » »
2h 1/2 du soir.
» 711,71 98,3 710,9 | 29,0 709,5
21E0NSTUUE CNRS OR » »
é 3h du soir.
DOUAI RS 01001
DES SN SD OO
27,0 708,4 | 28,2 708,4| » »
4h 1/2 du soir.
» » » » » 705,9
» » ») » » »
2h du soir.
aa) TD 2 » » 25,8 708,9
DS 610 5 NN CO OS ST 0ONS
3h du soir.
DO TOS NE ST OTE2
26,8 708,5 » » 30,2.0703;3
» » 30,2 708,0 | 28,0 706,6
2h du soir.
» » » » 30,1 708,0
» » » » » »
4n 1/2 du soir.
» » » » 26,5 104,4
PES LORS TT) > »
» » » » » )
2h du soir.
22,9 707,0 | 24,8 707,0 | 25,6 706,0
24,8 708,0 » » 24,9 706,5
26,0 709,1 » » 27,1 707,9
9h 1/2 du matin.
25,4 709,1 » » 25,8 708,0
» » » » » »
5k du soir.
degrés. millim.
» »
25,2 740,9
26,0 741,5
21,0 713,3
» »
» »
» »
) »
4h du soir.
25,0 709,0
5h du soir.
» 108,4
24,2 708,1
29,0 708,4
» »
26,6 706,1
)
SRE
91,2 708,1
25,0 708,1
28,2 706,3
28,6 705,4
28,2 706,2
» »
» »
» »
24,8 703,1
» D)
24,8 705,4
26,0 705,9
26,5 706,6
23,9 707.5
» »
DIRECTION DU VENT
0.-N.-0.
O. variable.
O.-S.-0.
0.
E. tres-variable.
0.
O.-S.-0.
E.-N.-E. le mat. ;
O. le soir.
0.-S.-0.
S.
E. le soir.
O., puis S. à 5°
du soir.
0.
S.-0.
O.-S.-0.
S.-0.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Presque calme.
S.-S.-0.
Idem.
S.-0.
Calme.
S.-0.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
JUILLET 1867
FORCE DU VENT TEMPS OBSERVATIONS
Petite brise. Temps couvert et pluvieux le matin. Beau, | Départ de M Lim à 8" du matin.
nuageux l'après-midi.
Idem. Temps couvert. Pluie à 4" et à 10° du soir. Arrivée à Paléo à 1" du soir.
Idem. Temps couvert. Pluie continue à partir de 4"
du soir.
Idem. La pluie ne cesse que vers 5" du soir. Soirée
assez belle.
Idem. Pluie presque continuelle.
Idem. Même temps.
Jolie brise. Temps couvert qui s’éclaircit un peu au mi-
lieu du jour.
Petite brise. Temps assez beau au milieu du jour. Pluie et | Départ de Paléo à 7° du matin.
orage le soir et le matin.
Très-légère brise. Mème temps. Arrivée à Siemlap à 11° du matin.
1 \ ù ; La station météorologique est à 10 me-
Petite brise. Pluie le mat. Beau, nuageux le reste du jour. tres environ au dessus du niveau(du
Idem. Belle matinée. Grain or ageux d'O.-S.-0. de fleuve.
2° 1/2 à 4° 1/2 dus Le temps ee COUV.
Idem. Temps assez beau au milieu du jour. Mati-
née pluvieuse.
Jolie brise. Temps beau, très-nuageux.
Idem. Temps couvert. Pluie à partir de 6" du soir.
Petite brise. La pluie cesse à 4° 1/2 du soir, et le ciel se
nettoie un peu.
Idem. Matinée pluvieuse. Eclaireie au milieu du
jour. La pluie recommence après un grain
du S. à 5" du soir.
Idem. Temps couvert et pluvieux.
Idem. Pluie presque continuelle.
Idem. Le temps se découvre et devient beau à partir | Le fleuve à atteint son niveau maxi-
de 10" du matin. mum de l’année précédente.
Idem. Pluie de 3" à 5" du matin. Temps assez beau
le reste du jour.
Idem. Journée assez belle. Grain assez fort.à 2° 1/2
du soir.
Jolie brise. Pluie de 1" à 4" du matin. Beau temps, nua-
geux le reste du jour.
Petite brise. Pluie de 4" a 6° du matin. Beau temps pen- | Départ de Siemlap à 10°.
dant le jour.
Idem. Temps à grains ; beau par intervalles. Arrivée à Sop Yong à 1" du soir.
Calme. Pluie presque continuelle.
Petite brise. Même temps.
Jolie brise. La pluie cesse à midi. Le temps reste couvert.
Idem. Pluie continue jusqu'à 3" du soir.
Idem. Temps couv. Courtes ondées pendant le jour.
Idem. Temps couvert et pluvieux.
Petite brise inégale. Même temps. Quelq. éclaircies l’après- -midi. | Départ de Sop Yong à midi.
”_
AOÛT 1867
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D OBSERVATION
PüSSan Tree
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route. ...
LE FO do v0
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
5h 1/2 du matin.
degrés, millim.
» »
29,0 701,5
» »
» »
» »
» »
» »
» »
6h 1/2 du matin.
22,5 695,8
22,5 694,9
» »
» »
» »
» »
» »
» »
) »
7h du matin.
23,5 697,5
» »
93,0 697,6
» »
» »
» »
6h 1/2 du matin.
91,0 698,7
» »
7h du matin.
25,5 697,0
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
9h 1/2 du matin.
degres. millim.
» »
» »
25,5 702,7
26,5 702,6
10h du matin.
25,5 701.6
25,7 700,7
» )
» »
9h 1/2 du matin.
25,0 698,1
24,0 696,4
94,8 695,6
23,5 696,8
» »
10h du matin.
» 699,3
26,0 697,2
9h 1/2 du matin.
25.0 697,6
23.8 697,6
25,0 698,1
24,8 698,4
225 698,1
95.0 698,4
26.0 699,4
» DR
93,5 699,4
25,0 700,1
9h du matin,
26,5 699,5
9h 1/2 du matin.
25,8 698,7
26,0 698,1
698,9
697,5
25,5
29,0
25,4 696,4
degrés.
»
29,9
midi.
millim.
»
703,1
4h du soir.
degres. millim.
26500997
2h du soir,
30,2 702,0
3h du soir.
30,5 700,6
2h du soir.
29,0 701,1
3h du soir.
26,6 699,5
» »
» »
2h 1/2 du soir.
30,0 696,0
» »
3h du soir.
23,0 694,5
in du soir,
28,0 694,4
» »
3h du soir.
27,5 698,5
28,0 696,2
29,0 695,0
3h {/2 du soir.
29,0 695,7
» »
1n 1/2 du soir.
25,0 697,0
3h du soir.
23,7 697,6
» »
30,5 697,5
3h 1/2 du soir.
31,2 693.8
3h du soir.
31,5 696,0
2HPCMOIS ES
3h 1/2 du soir.
29,0 694,4
3» du soir.
28,8 694,2
5h {1/2 du soir.
degrés. millim.
» »
25,2 700,0
5h du soir.
29,5 699,5
5h {/2 du soir.
26,8 699,8
6h du soir.
24,6 699,2
» »
» »
5h du soir.
» 695,2
25,2 695,3
23,2 693,7
24,5 693,5
4h 1/2 du soir
23,0 696,8
» »
5b du soir.
27,0 695,3
24,0 694,5
5h {/2 du soir.
28,0 695,4
24,5 695,5
5h du soir.
25,0 696,1
23,3 696,1
» »
28,5 696,1
» »
» »
5h 1/2 du soir.
23,8 697,7
» »
5h du soir.
30,0 697,0
5h 1/2 du soir.
29,5 693,1
695,5
695,2
25,8 694,0
28,0 693,7
DIRECTION DU VENT
S.-0.
0.
Idem.
0.-S.-0.
Idem variable.
Idem.
Idem.
S.
0.
Idem.
Idem.
S.-0. à l'O.
N.-E. l'apr.-midi.
0.
N.-0. très-variab.
Idem.
S. très-variable.
S.-E.
Idem.
N.-0. le soir.
N.-0. p.S.-0. les.
0.-S.-0.
Idem.
Presque calme.
N.-E.
Idem.
S.-S.-E.
Idem.
puis N.-E. le soir.
N.-N.-E.
Idem.
INo=18
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
AOUT 1867
D
1
FORCE DU VENT
Jolie brise inégale.
Jolie brise.
Presque calme.
Petite brise.
Petite brise inégale.
Idem.
Idem.
Bonne brise.
Jolie brise inégale.
Idem.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Petite brisetrès-inégale
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brisetrès-inégale.
Bonne brise.
Idem.
Jolie brise.
»
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Id. qui fraichit beau-
coup le soir.
TEMPS
Temps assez beau. Quelq. grains au mil. du j.
Mème temps.
Très-beau temps; légers nuages.
Très-beau et très-nuageux.
Temps couvert assez beau. Petit grain à midi.
Le soir, orage dans le N.-E.
as
Beau temps nuag. Un peu de pluie à 9° du m.
Le temps se couvre le s. Orage dans le N.-E.
Très-beau temps. Grain orageux et pluvieux
à 3° du soir.
Temps à grains. Les. viol. orage dans le S.-E.
Temps couvert. Grains orageux et pluvieux
£ D
presque continus.
Mème temps.
La pluie cesse pendant la matinée, reprend
sans interruption à partir de 2° du soir.
Pluie continue.
Le temps redevient assez beau pendant l’a-
près-midi.
Temps beau nuageux. Petit grain de pluie
vers 1" du soir.
Même temps. Orage et pluie le soir.
Matinée pluvieuse. Belle après-midi.
Orage et pl. pendant la n. Journée ass. belle.
Pluie presque continuelle.
Mème temps. Une ou deux éclaircies.
Temps couvert. Deux ou trois averses au mi-
lieu du jour.
Temps nuag. assez beau. Une ou deux ondées.
Pluie le matin. Journée assez belle.
Temps couvert et brumeux. Ondées qui se
succèdent à de courts intervalles.
Pluie continue qui ne cesse qu’à 4" du soir.
Le temps redevient très-beau.
Temps beau nuageux.
Brume le matin. Très-belle journée.
Petite pluie le matin. Belle journée. Le temps
se couvre et devient orageux le soir.
Matinée et nuit pluvieuses. Belle journée.
La pluie cesse à 9" du matin. Très-beau
temps ensuite.
Beau temps. Le soir, orage dans le N.-0.
OBSERVATIONS
Arrivée à B Passang à 1° du soir.
Départ de B Passang à 8* du matin.
Arrivée à 1" à M Yong.
48
SEPTEMBRE 1867
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
IMBFONTEEN NN
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
| Idem.
Idem.
Entroute +
| Idem.
IEUPYOT ER
| Idem.
Idem.
idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route. ...
Idem.
MELON
| Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route. . ...
Idem.
Idem.
Xieng Hong...
DATES
I
EE Co
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
——_—_—Zp
6h 1/2 du matin.
degrés. millim.
» »
23,5 698,0
9h du matin.
24,3 700,9
7h du matin.
23,0 699,0
6h du matin.
23,2 697,4
» »
» »
» »
» »
6h 1/2 du matin.
23,0 702,6
» »
6h du matin.
23,8 702,1
» »
S h du matin.
26,0 694,2
9h 1/2 du matin.
degrés. millim,
24,2 698,7
26,5 699,6
23,9 700,0
21,7 699,8
23,7 700,4
24,4 701,0
24,0 700,4
» »
» »
40h du matin.
24,2 704,3
9h 1/2 du matin
26,0 701,1
41h du malin.
28,0 706,5
9h 1/2 du matin.
26,0 703,5
25,8 703,1
26,3
26,5
703,5
704,5
27,0 705,5
» »
» »
693,9
694,7
» 695,2
» 695,2
» 694,4
10h du matin
28,0 693,8
» 694,6
» »
» »
» »
9h 1/2 du matin
» 703,8
midi.
degrés. millim.
10h du matin.
23,8 700,1
midi.
25,8 700,0
4h du soir.
29,4 696,7
» »
» »
» »
midi.
28,5 606,7
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
28,0 694,0
» »
» »
» »
5h 1/2 du soir.
26,5 700,6
3h du soir.
degrés. millim.
29,5 696,3
27,5 697,1
27,1 697,5
25,0 697,4
3h 1/2 du soir.
24,8 697,5
3h du soir.
27,8 698,4
28,3 697,0
25,5 702,3
3h 4/2 du soir.
27,8 104,0
30,8 703,3
3h du soir.
28,0 700,3
28,8 700,8
24,8 700,6
» »
31,8 702,5
» »
» »
» »
» »
» »
5b du soir.
29,0 692,5
» »
» »
» »
) »
» »
» »
4h 1/2 du soir.
25,8 700,5
5h 1/2 du soir.
degrés. millim,
28,0 696,0
27,0 696,7
5h du soir.
27,0 697,0
5h 1/2 du soir,
25,5 697,1
25,2 697,9
26,5 697,9 |
7h du soir.
2ONO ONE
5h du soir.
25,5 702,0
5h {/2 du soir.
26,8 703,5
5h du soir.
28,5 702,5
5b 1/2 du soir.
26,7 700,0
27,3 700,5
6h du soir.
25,8 701,0
» »
4 1/2 du soir.
51,5 701,9
» »)
5h du snir.
» 691,5
5h 1/2 du soir.
» 692,0
4h 1/2 (min.).
» 692,9
» 692,4
5k (min.).
» 692,4
» »
5h 1/2 du soir
» 700,4
DIRECTION DU VENT
N.-0. à l'O. le m.
S.-E. à partir
de 10".
SE.
N.-E. à l'E.-N.-E.
E. variable
ANNE SCE;
Idem.
E. ‘variable.
Sans -S.-0;:
S.-S.-0.
S.-0.
Calme.
N. variable
au N.-E.
INEINEE*
N.-E.
Idem.
Idem.
Passe au S.-0.
le soir.
N.-E.
Idem.
N.-N.-E.
N.-E. qui passe
au S. le soir.
S.-S.-E. très-var.
Calme.
N.-E. le matin,
.N.-N.-0. le soir.
Calme.
N.-N.-E.
HEINÈSEr
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 19
SEPTEMBRE 1867
FORCE DU VENT
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
»
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise inégale.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
»
Petite brise.
»
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
TEMPS
Grains de pluie le matin. Beau temps le soir
et la nuit.
Très-beau temps; nuageux.
Série d’averses pendant toute la matinée. Le
temps s’'embellit le soir.
Même temps.
Mème temps.
Grain de pluie à 10° 1/2. Temps beau, nua-
geux le reste du jour.
Brume le matin. Beau temps le reste du jour.
Très-beau temps ; légers nuages.
Idem.
Temps couvert et pluvieux.
Le temps se remet graduellement au beau.
Très-beau temps,
Ondées de pluie intermittentes pendant tout
le jour.
Temps presque couvert; quelques petits
grains.
Temps couvert et à grains.
| Le temps s’éclaireit vers 4° de l'après-midi.
Très-beau temps ; légers nuages.
Très-beau temps. Un petit grain vers midi.
Très-beau temps: légers nuages.
Matinée pluvieuse. Le temps reste à grains
pendant le jour. Belle soirée.
Pluie avant le lever du soleil. Beau temps le
reste du j. Un petit grain du S.-0. vers 4".
Brouillard qui ne se dissipe qu'à midi. Très-
beau temps ensuite. Eclairs dans l'E.
Orage et pluie torrentielle du N.-E. jusqu'à
7° du matin. Beau le reste du jour.
Beau temps légèrement voilé.
Brouillard le matin. Très-beau le reste du
jour. Légers nuages.
Même temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
OBSERVATIONS
Départ de M. Yong à 9° du matin.
Arrivée à M. You à 8" du soir.
La rivière de M. You grossit à vue
d'œil.
La rivière baisse aussi rapidement
qu'elle avait monté.
Départ de M. You à 8° du matin.
Arrivée à M. Long à 4° du soir.
Le Nam Kam inonde ses rives.
Départ de M. Long à 7° du matin.
Arrivée à Xieng Hong à 4" 1/2 du
soir.
En
50 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
OCTOBRE 1867
| LIEUX 1
| - DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D'OBSERVATION
| 5h 1/2 du matin. | 9h 1/2 du matin. midi. 3h du soir. 5h 1/2 du soir.
degrés. millim. degrés. millim, degrés. millim. degrés. nillim. degrés. millim.
Xieng Hong... il 16,8 701,5 | 18,5 702,2 | 21,0 701,5 | 25,0 700,8 » 699,4 | - E.-N.-E.
6h du matin.
Idem. 2 18,0 702,0 | 19,0 703,8 | 22,5 703,0 | 26,0 701,0 | 25,8 700,8 Idem.
5h 1/2 du matin. 3h du soir.
| Idem. 3 21,0 703,3 | 22,6 705,1 | 24,8 704,0 | 26,2 702,0 | 25,0 704,5 S.-S.-E.
3h 1/2 du soir. |
Idem. n » » » » 24,8 703,2 | 25,3 701,5 » » S.-0. |
Idem. 5 » » » » » » » » » » Idem.
7h du matin. 3» du soir.
Idem. 6 22,0 703,5 24,5 704,2 » » 23,0 701,2 » » SEE
INEnsroute + 7l » » » » » » » » » » un Ni
2h du soir.
Idem. 8 » » » » » » » 687,0 » » Idem. |
3h du soir. |
Idem. 9 » » » » » » » 647,0 » » Idem. |
4» du soir.
Idem. 10 » » » » °» » » 642,0 |: » » Idem.
Idem. 11 » » » » » » » ) » » Idem.
Xieng neua.. ..| 12 » » 21,0 670,5 | 24,5 669,5 » » » » Idem.
MPG 153 » » » » 25,0 649,0 » » » » Très-variable.
4h 1/2 du soir.
Nang Sang Ko. .| 14 » » » » 24,0 646,0 » 643,8 » » S.-S.-0.
10h 1/2 du matin.
Envroutene.. 15 » » » 640,0 » » » » » » So
Idem. 16 » » » » D » » » » » S
Idem. 17 » » » » » » » » » » Idem.
Idem. 18 » » » » » » » » » » s
Les tableaux qui précédent fournissent quelques exemples de variations locales dans la
direction des moussons. C’est surtout sur les bords du fleuve, qui est profondément
encaissé sur la presque totalité de son cours dans le Laos septentrional, que se rencontrent
les plus grandes anomalies. Ainsi les vents de la partie du Nord et de l'Est paraissent
dominer encore au mois de juin à Xieng Khong, alors que, dès la fin d’avril, la mousson
souffle très-régulièrement à Luang Prabang de lO.-S.-0. Malgré ces exceptions, on peut
dire que sur les plateaux du Laos septentrional, les deux moussons se succèdent avec ré-
gularité en avril et en octobre et y conservent la direction qu’elles ont sur les côtes de
l’Indo-Chine.
Les températures moyennes de la nuit sont de 3 ou 4 degrés inférieures dans cette
région aux températures correspondantes, observées à la même époque de l’année, dans le
Laos méridional. Quoique les observations faites dans la partie Sud ne comprennent pas les
mois de l’année supposés les plus chauds, avril et mai, et que la comparaison des tempé-
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
OCTOBRE 1867
JT
=
FORCE DU VENT
Petite brise.
Idem.
Jolie brise.
Idem.
Idem.
Bonne brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Presque calme.
Idem. .
Petite brise.
Jolie brise.
Idem.
Petite brise.
Idem.
TEMPS
Léger brouillard le matin. Très-beau temps
le reste du jour ; légers nuages.
Même temps. Le soir, éclairs dans le Sud.
Pluie d'orage avant le lever du soleil. Beau
temps le reste du jour.
Brume le matin ; beau nuageux le reste du j.
Mème temps. Grain orag. et pl. vers 5° du s.
Temps couvert et pluvieux.
Temps couvert et brameux ; petite pluie par
intervalles.
Brouillard pluvieux qui se dissipe vers 9° du
matin. Beau le reste du jour.
Légère brume le mat., très-beau le reste du j.
Mème temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Brouillard ; pluv. le matin. Beau le reste du j.
Temps orageux ; quelq. gouttes de pl. le s.
Orage et pluie torrentielle de 2° à 5° du mat.
Temps assez beau le reste du jour.
Grains de pl. qui se succèdent pend. tout le j.
Très-beau temps nuageux.
OBSERVATIONS
Départ de Xieng Hong à midi.
La hauteur barométrique a été prise à
M. Yang.
La hauteur barométrique est celle de
la halte du soir.
Idem, prise au village de Kon-han.
Arrivée à Xieng neua à 3" 1/2 du soir.
Départ de Xieng neua à 7° 1/2 du mat. ;
arrivée à M. Pang à 10° 1/2.
Départ de M. Pang à 8", arrivée à Nang
Sang Ko à 11° du matin.
Départ à 7° 1/2 du matin ; la hauteur
barométrique est celle du village de
Voumochou.
Arrivée à Se-mao à 4! du soir.
ralures maxima des deux zones reste par conséquent incomplète, 1} semble cependant
qu’elles doivent atteindre dans le Nord des chiffres beaucoup plus élevés que dans le Sud,
suftout dans la vallée du fleuve proprement .dite. L'espèce d’entonnoir que forment les
chaines qui l'enserrent et les surfaces rocheuses qui y réfléchissent les rayons du soleil
produisent parfois des chaleurs excessives. A Pak Lay, par 18° de latitude, le thermomètre
dépasse, dès le mois d'avril, de près de 2° la plus forte température observée au mois d'août
à Stung Treng par 13° et demi de latitude. À Luang Prabang, par le 29° parallèle, à une
certaine distance même des rives du fleuve et en dehors de toute réverbération des rives,
le thermomètre indique en mai une lempérature de 37°, qui, ramenée au niveau de la mer,
équivaudrait à près de 39°. A la même époque, le lieutenant, aujourd’hui général Mac
Leod, a observé dans la vallée du Me Ping, la branche la plus occidentale du Me Nam, par
17° 30 de latitude, une température de 47°8.
Les chiffres donnés par Mouhot pour la température de Luang Prabang au mois
OT
©
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
d'août la font osciller entre 33° 3 et 21° 6, chiffres dont le plus fort est supérieur de 1°8,
et le plus faible inférieur de 2°9 aux températures correspondantes observées dans
le Sud au même moment. Ces chiffres confirment pleinement les lois indiquées plus
haut. Les températures extrêmes observées par Mouhot à Luang Prabang pendant le mois
d'octobre sont 14° 4 et 32° 2.
Dès que l’on quitte la vallée du fleuve, on s'élève rapidement à l'Est ou à l'Ouest jusqu’à
atteindre des altitudes suffisantes pour modifier profondément les conditions climatériques.
Cest ainsi que sur la rive droite on rencontre le plateau de Xieng Tong sur lequel,
au mois de février, Mac Leod a trouvé que la température oscillait de 5° 5 à 28°, et dont
l'altitude, d’après une observation de la température d’ébullition de l’eau, serait environ de
900 mètres. Sur la rive gauche, à très-peu de distance du fleuve, les crêtes des chaines se-
condaires qui forment les vallées de ses affluents s'élèvent de 13 à 1,400 mètres au-dessus
du niveau de la mer, c’est-à-dire de 7 à 800 mètres au-dessus de la vallée principale. Il
OCTOBRE 1867
3 PLATEAU
LIEUX
D'OBSERVATION
DATES
6h du matin.
degrés. millim,
640,8
640,3
642,0
642,6
642,0
641,6
degrés,
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
10h du matin
millim.
» 643,5
» »
9h du matin.
17,0 642,5
10h du matin.
18,0 642,9
9n 1/2 du matin
17,5 644,3
16,5 644,5
10h du matin.
16,5 644,0
9h 1/2 du matin.
17,5 643,0
16,9 643,1
9h du matin.
16,8 642,8
midi,
degrés.
millim,
3h du soir.
millim.
642,5
degres,
21,0
3h {/2 du soir.
19,00 640,8
» »
» »
0
5h du soir.
degrés. millim.
19,8 640,0
20,0 640,8
5h 1/2 du soir,
19,2 641,9
5h du sair.
18,5 642,0
5h 1/2 du soir
18,3 642,5
» »
4h 1/2 du soir.
19,2 640,1
» »
6h du soir.
14,5 640,3
» 621,6
» »
DIRECTION DU VENT
S.-0.
N.-0. le matin,
S.-0. le soir.
E.
ID
E. qui passe au S.
le soir.
Idem.
Idem.
S. variable.
Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
en résulte que la saison sèche, pendant laquelle les vents soufflent du N.-E., doit amener
sur ces hauteurs des températures relativement très-froides. Quoique l’on soit encore ici
sous les tropiques, la neige fait parfois alors une courte apparition sur les sommels et, si la
végétalion des vallées reste presque exclusivement tropicale, celle des plateaux commence
à fournir des spécimens des fruits de la zone tempérée.
Les heures des maxima et des minima barométriques diurnes paraissent, dans la région
que nous étudions, se rapprocher très-sensiblement de 11 heures du matin et de 6 heures
du soir. Les vents de la partie de l'Est paraissent faire monter le baromètre; 1l descend
au contraire par les vents de l'Ouest. L’amplitude des oscillations diurnes atteint fréquem-
ment3 millimètres.
La variation de l'aiguille aimantée a été trouvée à Luang Prabang de 3° O4 N.-E. et
de 2° 50’ N.-E. à Xieng Khong, dernier point où elle ait pu être observée, un accident
élant survenu depuis au théodolite boussole.
DU YUN-NAN
OCTOBRE 1867
FORCE DU VENT
Idem.
Idem.
Pet. br. puis jolie br.
Petite brise.
Légère brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
TEMPS
Un grain de pl. vers 10° du matin. Beau temps
nuageux le reste du jour.
Beau temps moyen.
Matinée pluvieuse. Beau temps le soir.
Beau temps nuageux.
Idem.
Le temps se couvre au milieu du jour.
. Un peu de pluie vers 2" du soir. Beau temps
le reste du jour.
Très-beau temps ; légers nuages.
Beau temps ; très-nuageux.
Temps beau, presque couvert.
Mème temps. Quelq. gouttes de pl. à 1"dus.
Très-beau temps nuageux.
Idem.
OBSERVATIONS
Départ de Se-mao à 9° matin. La hau-
teur barométrique est celle de la
halte du soir.
ESS
NOVEMBRE 1867
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
Pou-eul. . ...
Idem.
Idem.
En route. ...
Idem.
Tong Kouan . ..
Idem.
Eniroutee#
Idem.
L'EG 35 0 0 80
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Entroute,
FORD: 35500
Enéroute
Idem.
Idem.
Vuen-kiang. . ..
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
DATES
30
oh du matin.
degrés. millim,
» »
13,5 638,1
17,5 640,0
» »
» »
» »
6h 1/2 du matin.
15,0 625,8
6b du matin.
14,0 642,0
14,0 642,0
13,0 642,0
13,0 642,3
» »
6h 1/2 du matin,
13,6 610,8
5h 1/2 du matin.
5,8 625,3
4,2 »
6h du malin.
) »
7)
12,0 721,5
12,5 722,0
) »
12 541250)
7h du matin.
12,0 723,9
» D
» »
» »
6h 1/2 du matin.
11,0 623,0 ©)
1,3 604,0
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
10 du matin.
degrés, millim.
» »
18,0 641,5
19,0 641,9
» »
» »
» »
9h 4/2 du matin.
15,7 626,2
15,0 643,5
10h du matin.
1L,1 643,0
13,1 643,4
14,0 643,6
» »
14,0 641,5
» »
9» du matin.
8,5 625,5
» »
» »
» »
9 1/2 du matin,
13,0 723,0
15.0 724,0
» »
9h du matin.
14,0 726,0
14,0 724,5
» »
» »
112 du matin.
» 729,542
fih 1/2 du matin.
» 588,0
» »
midi
degrés. millim,
» »
20,0 641,1
19,1 640,8
2h du soir.
» 614,7
» »
» »
midi.
16,0 625,9
1 du soir.
» 689,5
)) »
» »
» »
» »
midi.
15,0 643,1
») »
» »
» »
» )
» »
» »
» »
15,0 721,0
16,0 721,5
» »
» »
3h du soir.
17,5 718,1
» »
midi.
20,0 731,4 ()
» »
» »
14,1 603,5
4h 1/2 du soir.
degrés. millim.
29,0 638,2
5b du soir.
22,0 639,2
21,0 638,9
6h du soir.
» 647,0
» 677,0
£h 1/2 du soir.
20,0 625,5
3h {/2 du soir.
18,0 625,5
» 672,5
» »
17,6 640,5
4n du soir.
13,5 640,3
13,9 640.6
3h 1/2 du soir.
15,8 641,9
» »
3h du soir.
14,5 637,1
4h 1/2 du soir.
» 1H253,2
3h 1/2 du soir.
7,3 625,2
in 1/2 du soir.
9,0 641,5
2h du soir.
» 624,1
3h du soir.
16,0 717,5
3h 1/2 du soir.
17,0 717,7
17,5 718,7
9h 1/2 du soir.
17,3 720,3
4h du soir.
11612122
17,6 718.5
4h 1/2 du soir.
11,0 624,3
10,0 598,7
13,0 626,5 0
DIRECTION DU VENT
S.-0.
N.-N.-E.
S.-0.
O.-S.-0.
S.-0.
N.-E.
S. très-variable.
S. au S.-S.-E.
Idem.
_ S.-0.
S. variable.
Idem.
Idem.
S.-S.-E. au N.-E.
N.-E.
N.auN.-N.-E.
N:
Presque calme.
S'auS SEE;
Calme.
S.au S.-S:-E.
S.-E.
O. variable.
Idem.
Idem.
Calme.
OBSERVATIONS
MÉTÉOROLOGIQUES.
FORGE DU VENT
Légère brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Idem.
Légère brise.
Petite brise.
Idem.
Jolie brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Assez jolie brise.
Idem.
Petite brise.
»
Légère brise.
Jolie brise.
»
Petite brise.
Jolie brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
»
TEMPS
Très-beau temps nuageux.
Temps couvert. Un peu de pl. à 10" du matin.
Même temps.
Mème temps.
Très-beau temps nuageux.
Même temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Temps couvert; petite pluie vers 5" du soir.
Temps couvert, brumeux et pluvieux.
Même temps.
Temps couvert assez beau.
Temps couvert et pluvieux.
Temps couvert ; s'embellit un peu le soir.
Temps couvert et pluvieux.
Pluie continue.
Le temps s’embellit un peu.
Temps nuageux assez beau.
Très-beau temps, légers nuages.
Temps magnifique, ciel sans nuages.
Temps beau nuageux.
Idem.
Très-beau temps, ciel sans nuages.
Très-beau temps, légers nuages.
Idem.
Brume le matin. Beau temps le reste du jour.
Idem.
Idem.
Idem.
OBSERVATIONS
Arrivée à Pou-eul à 11" du matin.
: 159
Î h
À 9! du matin. ... 610.3
s 2(°1
7h ; 2
ACLTUNSOIr..... 638.5.
La 1° hauteur barométrique est prise
au point culminant de la route ; la 2°
est prise à Mo-he, où l'on couche les.
La hauteur barométrique a été prise
sur les bords du Pa-pien Kiang.
Arrivée à 1" du soir à Tong Kouan.
Départ de Tong Kouan à 7" 1/2 du ma-
12 Ô TI
in ; Ja 4° hauteur barometrique a
" # ? .
été prise sur les bords du Pou-kou
Kiang ; la 2° à Tchang-lou-pin.
Arrivée à Ta-lan à 2° du soir.
Départ de Ta-lan à 10" 1/2 du mat. La
hauteur barom. est prise à Kien-so.
Départ de Kien-so à 8" du matin. Halte
à 4" du soir.
La hauteur barométrique est prise à
Mong-lang.
Arrivée à Yuen-kiang, sur les bords du
Song Coi à 11" 1/2 du matin.
Départ de Yuen-kiang à 11° du matin.
(1) Cette haut’ barométrique a été prise
à Pa-kang sur les bords du fleuve que
je descends depuis Yuen-kiang.
(2) Cette haut” barométrique est prise
au bord du fleuve ; la hauteur sui-
vante presque au sommet du plateau
qui le domine de tous côtes.
(#) Cette hauteur barométriqueest prise
à la halte de la veille; la suivante
au point culminant de la route du
jour ; la 3° à la halte du soir.
(:) Cette haut" barométrique est prise
au village de Long-ta.
56 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
DÉCEMBRE 1867
LIEUX À \ |
: DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE DIRECTION DU VENT
D OBSERVATION
6h 1/2 du matin 9h 1/2 du matin. midi. 3h du soir,
degrés. millim, degres. millim. degrés. millim. degres. millim.
En route ..... l 7,5 630,2 » » | » » » » N.-E.
6h du matin.
Tinen Jan eee) 8,5 642,5 » 643,5 » » » » S. au S.-S.-E.
Idem. 3 » » » 642,5 | 10,3 640,8 13,5 » Idem.
6h 1/2 du matin. 9h du matin. |
Idem. x 6,5 640,0 8,0. 641,6 10,2 638,9 14,5 635,6 Calme.
9h 1/2 du matin. |
Idem. à) 9,0 635,6 10,2 637,4 | » » 13,8 632,6 &
9h du matin. | 3h 1/2 du soir.
Idem. 6 9,5 634,8 10,0 636,1 > - » 14,0 630,6 S. au S.-0.
Idem. 7 10,8 632,6 11,2 634,5 » » 15,0 630,1 S;
10h du matin. 8h du soir. 3h du soir.
Idem. 8 » » 11,5 636,3 12,0 631,8 14,0 633,0 Idem.
En route . .... 9 » » » » » » » » N.-E
5h du soir. 9h 1/2 du matin. midi. h 1/2 du soir. |
CRE DEEE 10 10,0 626,2 11,5 629,3 12,0 627,6 12,5 625,9 | S.-0.
En route..... 11 D 5 DR Du D | 313,0 626,9 Sau.S.-S.-0:
4h du soir
Idem. 12 » » » 602,2 (| » » 10,0 612,7 N.-E
7h du matin. 3h du soir.
Idem. 13 6,5 612,7 » » » » 14,0 631,8 © Idem.
6h 1/2 du matin.
Idem. 14 1,0 633,4 » » » » 11,0 612,7 E.-N.-E
7 du matin. 40h du matin. 2h du soir. 4h du soir.
Tong-hay. . ... 15 5,0 612,6 1,5 615,1 95018: 10,0 613,5 E. au S.-E
Enrouter-2"# 16 » » » » » » +0,9 614,0 N.-E.
6h 1/2 du matin. midi.
Idem. 17 +4,0 611,2 » » 7,0 621,6 5,0 620,9 N.
9h du matin. |
Kiang-tchouen. .| 18 1,0 618,1 +4,0 620,9 6,0 618,8 9F0M62 0798) S+
6h du matin. 10h du matin. |
Idem. 19 +2,0 618,8 BONG2D2E » » ”, » S.-0.
6h 1/2 du matin, 4h 1/2 du soir.
Eniroute 20 2,0 619,5 » » » 581,0 8,0 594,2 | Idem.
4» du soir.
Idem. 21 » » » » » » 12,0 600,1 N.-0.
Idem. 22 » » » » 12,0 601,1 » » 0.-S.-0.
Ide m. 23 » » » » » » » » 0 u
è 3h 1/2 du soir.
PANENAN EEE 24 » » 6,0 603,4 196029 10,5 602,9 Idem.
Idem. 25 1,5 600,9 4,2 601,0 7,8 601,7 10,8 601,0 Le
7h du matin. 9h 1/2 du matin 3h du soir.
Idem. 26 22550075 4,5 600,1 » » IF 0M5 9975 Idem.
Idem. 27 a HO) 4,6 600,1 » » 12,5 601,1 Idem.
9h du matin. 4h du soir.
Idem. 28 3,5 601,1 4,2 601,1 9,0 601,1 11,5 601,1 Idem.
3h 1/2 du soir.
Idem. 29 2,5 601,1 4,0 601,1 » » 11,0 601,7 Idem.
8h du matin. 10h du matin. 4h 1/2 du soir.
Idem. 30 2,5 601,1 6,0 601,7 D, 11,0 601,1 Idem.
7h du matin. 4 du soir.
Idem. 31 1,0 600,9 an ŒIL ne 14,5 599,5 Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉO ROLO GIQUES.
DÉCEMBRE 1867
FORCE DU VENT
Légère brise.
Idem.
Idem.
»
Jolie brise.
Idem.
Bonne brise.
Idem.
Jolie brise.
Petite brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem. ;
Id. qui fraichit le soir.
Petite brise.
Idem.
Jolie brise dans l’après-
midi.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Bonne brise.
TEMPS
Temps beau voilé.
Très-beau temps.
| Idem.
Très-beau temps. Horizon embrumé, ciel sans
nuages.
Très-beau temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Beau temps, nuageux.
Même temps.
Temps très-nuageux.
Temps couvert assez beau.
Beau temps, nuageux.
Brume épaisse le matin, beau le reste du jour.
Le temps se couvre vers 11° du matin.
Il neige d’une façon continue jusqu’à la nuit.
Très-beau temps, quelques nuages.
Ciel sans nuages.
Beau temps, très-nuageux.
Idem.
Très-beau temps; ciel sans nuages.
Idem.
Très-beau temps, légers nuages.
Idem.
Temps magnifique, ciel sans nuages. Horizon
légerement voilé.
Même temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Même temps, quelques nuages.
OBSERVATIONS
La hauteur barométrique est prise à
Long-ta. J'arrive à Lin-ngan à 2" s.
Le minimum barométrique a lieu vers
5'etest de 638,1.
Départ de Lin-ngan à 8" 1/2 du mat.
Arrivée à Che-pin à 5" 1/2 du soir.
Départ de Che-pin à 9" du matin.
L'observation barométrique est prise
à la halte du soir.
(1) Cette haut” barométrique est prise
au point culminant de la route; la
suivante et celle du lendemain ma-
tin à 7%, à la halte du soir.
(?) Cette hauteur barométrique a été
prise à la halte du soir.
Le 14, arrivée à Tong-hay à 2° dus.
Départ de Tong-hay le 16 à 9" du m. La
hauteur barométrique est prise à la
halte du soir, ainsi que celle du len-
demain matin.
La hauteur barométrique du midi est
prise sur les bords du lac. Arrivée
à Kiang-tchouen à 3° du soir.
Départ à 8" 1/2. La hauteur baromé-
trique de midi est prise au point
‘ culminant de la route ; celle de 4" 1/2
à la halte du soir.
La hauteur barométrique est prise dans
la plaine du lac de Yun-nan.
Même observation.
Arrivée à Yun-nan à {" du soir.
oo
À 5° 1/2 du soir. . .. \GoL A.
IT.
D8
JANVIER 1868
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
Yun-nan
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route de Fun-nan
à Tong-tchouen. ...
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
RON CRAN EERERCE
Éniroute mere rre
Idem.
Idem.
Idem.
Tong-tchouen
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route de Tong-
tchouen à Ta-ly....
Idem.
DATES
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
7h du matin.
degrés. millim,
4,0 600,8
8h du matin.
4,0 601,0
1h 1/2 du matin.
4,0 601,0
3,5 600,1
4,8 597,5
6h 1/2 du matin.
5,5 597,5
7h 4/2 du matin.
6,5 597,5
» »
» »
» »
») »
» »
» »
» »
» »
6h 1/2 du matin.
DIM55 ON
J0 LS
» »
» »
» »
7h1/ 1 matin.
5,0 581,0
» »
6,0 578.5
3,5 581,0
Sh du matin,
1,7 518,5
7h {1/2 du matin.
3,8 580,4
6h {/? du matin,
2,0 580,4
» »
7h 1/2 du matin.
1,2 581,0
» »
» »
10h du matin.
degrés. millim.
» »
5,6 601,1
5,0 601,1
9h du matin.
1,8 600,8
10h du matin.
1021 ET
9,2 597,5
9h du matin.
HR ONE
») »
» »
» »
» »
» »
» »
10h du matin.
7,5 605,6
» »
» »
» »
» )
10h du matin.
8,0 581,7
» »
6,0 582,3
7,5 579,2
» »
655 81871
10h 1/2 du matin.
6,0 379,2
10h du matin.
1,0 580,4
5,2 518,5
1) »
» »
» »
9h du soir.
degrés. millim,
10,8 600,1
» »
» »
» D
» »
» »
41h du matin.
re Qù
Pb) Ris
» »
» »
1h 1/2 du soir.
5,5 398,1
midi.
10,0 599,5
» »
10,0 605,6
11,2 604,2
» »
» »
» 532,9
» »
» »
» »
» »
—
CL BC,
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
» »
4h du soir.
degrés, millim.
12,0 600,1
12,0 600,1
10,8 601,0
3h du soir.
10,8 599,5
3h 1/2 du soir.
12,0 593.5
oh du soir.
13,9 596,8
4 du soir.
13,0 594,9
» »
4h 1/2 du soir.
12,8 594,9
» »
4h du soir.
L
13,2 598,8
5h du soir.
13,0 594,2
» »
3h 1/2 du soir.
14,9 601,7
5h du soir.
12,0 552,0
4n 1/2 du soir.
12,0 358,6
4 du soir.
13,5 566,8
» )
10,0 379,8
90 378,5
10/0.579;2
3h 1/2 du soir.
11,5 571,3
4» du soir.
12,0 577,9
5h du soir
10,4 5
=1
n @©)
10
4h du soir.
10/0 571019
3h du soir.
10,0 577,3
» »
4h du soir.
9 Las
15,0 593,6
5h du soir.
20,0 665,9
DIRECTION DU VENT
0.-S.-0.
Idem.
Idem.
Idem.
. à l'O.-S.-0.
Idem.
Idem.
N.-E.
S.-0. le matin, N.-E.
l’après-midi.
RENE
S. au S.-S.-0. le soir.
S.-S.-0.
Idem. |
S. au S.-S.-0.
S.-0. variable.
S.-S.-0. |
S.-0.
Idem.
Idem.
S.-0. à l'O0.-S.-0.
S.-S.-0.
Idem.
Idem.
Calme le matin, S.-0.
le soir.
S.-0.
Calme.
S.-S.-0. à part. de midi.
S.-S.-0.
Calmele matin, S.-S.-0.
à partir de 11°.
S.-0.
Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 59
JANVIER 1868
|
|
,
|
FORCE DU VENT TEMPS OBSERVATIONS
s |
|
|
Bonne brise. Très-beau temps. Quelques nuages.
Idem. Mème temps.
Idem. Idem.
Idem. Idem.
Très-bonne brise. Ciel un peu plus nuageux.
Idem. Ciel sans nuages.
Idem. Idem.
Petite brise. Le temps se couvre le soir. Départ de Yun-nan à 41° 1/2 du matin.
Jolie brise le matin. Le ciel se découvre vers midi, mais se charge | La hauteur barométrique est prise à
de nouv. les. sous l’infl. des vents de N.-E. Yang-lin.
Petite brise. Temps froid et couv. Qques éclaire. l’ap.-m. | La haut. baromét. est prise à Keou-kay.
Jolie brise. Le temps, très-nuageux le mat., devient très | Les hauteurs barométriques sont pri-
beau le soir. ses à Yang-kay.
Jolie brise. Brume lég. le mat. Très-beau temps le reste
du jour.
Jolie brise à rafales. Mème temps. La hauteur barométrique est prise à
à Ne Kon-tchang.
Idem. Mème temps. Quelques cirrhi. “4
Jolie brise mollissant. | Très-beau temps. Quelques nuages. La haut. baromét. de Set celle du len-
gun À demain mat. sont prises à Te-tchang-
Jolie brise. Mème temps. à
tang:
Bonne brise à rafales. | Ciel sans nuages. La haut. baromét. de midi est prise au
Idem. Idem. \passage d’un col, point culminant
tes es de la route suivie.
ee es Arrivée à Tong-tchouen à 6" du soir.
Vent frais. Temps très-nuageux.
Jolie brise à rafales. Ciel sans nuages.
Bonne brise à rafales. Idem.
Idem. Idem.
Petite brise. Brume au lever du soleil. Temps beau, nua-
geux le reste du jour.
Jolie brise. Tres-beau temps. Quelques nuages.
» Temps couvert le matin ; se dégage vers 10".
Tres-beau le reste du jour. |
Mème temps.
Jolie brise.
Idem. Très-beau temps sans nuages.
o . . . |
Petite brise. Matin. brum. Beau temps le reste du jour. |
|
Jolie brise. Très-beau temps sans nuages. | Dép. de Tong-tchouen à 11° 1/2 dumat.
Idem. Idem. | La hauteur baromét. est prise à Mong-
| kou (vallée du Kin-cha Kiang).
60
TÉVRIER 1868
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
Houey-ly
Idem.
Hong-por
Idem.
Idem.
En route
Idem.
Idem.
En route
Idem.
Idem.
| Idem.
Idem.
| Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
En route.
Ma-chany
| LIEUX
D'OBSERVATION
En route de 7Zong-
tchouen à Ta-ly...
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
LESC
Tou-tsouy-tse .
DATES
(o2]
THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE
sh {1/2 du matin.
degres, millim.
16,0 682,2
» »
|
» »
|
» » |
üh 1/2 du matin.
6,0 604,2
“h du matin.
3,5 601,1
» »
» »
8h 4/2 du matin.
14,0 643,2
7h du matin.
12,5 643,6
11,0 642,1
Sh 1/2 du matin.
12,0 642,3
» »
» »
Sh du matin.
11,5 657,9
» »
» »
8h 1/2 du malin.
» 604,9)
» »
» »
» »
Sh 1/2 du matin.
3,5 538,90)
» »
» »
» »
» )
» »
» »
» ))
degrés. millim.
» »
9h35 du matin.
» 558,6
» »
» »
» »
10h du matin,
5,0 603,5
9h 1/2 du matin.
15,0 643,4
» »
» »
» )
» 663,20)
» »
5h 1/2 du soir,
19,0 633.0
» »
» »
» »
) »
» »
» )
» »
41h du matin.
11,0 360,7
» »
» »
» »
» »)
» »
» »
midi
» 524,91)
» »
» »
» »
» »
» »
17,5 641,5
» »
17,0 643,6
» »
» »
» »
1h du soir
15,0 589,30)
» »
3h {1/2 du soir.
17,0 604,2
midi.
» 586,4
» »
» »
6,0 547,96)
9,2 561,4
3h 1/2 dusoir.
9,2 550,0 0
midi.
13,7 592,9
» »
» »
3h du soir.
degres. millim.
14,0 602,3
5h du soir.
16,0 604,2
6h du soir.
13,8 612,6
5h du soir.
8,8 604,2
12,0 604,1
4h du soir,
14,7 604,2
4h 1/2 du soir.
15,0 590,8
6n du soir.
24,5 041,5
4h du soir.
19,0 640,4
6h du soir.
18,0 638,7
D D
5h du soir.
18,0 659,0
6h du soir.
12,0 650,7
4 du soir.
15,2 654,4
3h {1/2 du soir.
17,0 652,9
5h 4/2 du soir.
15,0 606,3
4h 1/2 du soir,
19,0 627,0
3h 1/2 du soir.
15,5 618.8
. 6h du soir.
17,0 622,7
5h du soir.
15,0 604,9
4h du soir.
an : M) le
2h 1/2 du soir.
10,7 590,8
4h 1/2 du soir.
15,0 622,6
13,0 600,1
9» du soir.
15,5 629,8
5h 1/2 du soir.
14,0 592,3
» »
6h du soir.
17,5 606,3
3h du soir.
16,5 589,3
DIRECTION DU VENT
S.-0. Var. à l'O.-S.-0.
Idem.
S.-0.
S.-0.
Variables.
Presque calme.
SD)
Idem.
Idem.
Idem.
Presque calme.
Idem.
N.-E.
0.-S.-0. au S.-0.
S.-0.
Idem. :
Idem.
Idem.
S.-S.-0.
O.-S.-0.
S.-0.
S.-0.
Calme le matin, S.-0.
l'après-midi.
S'au S.-S-0;
SESEO:
S.-E. qui passe au S.-0. |
le soir.
S.-0.
Presque calme.
Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
FÉVRIER 1868
61
|
FORGE DU VENT
Jolie brise.
Idem.
Bonne brise.
Petite brise.
Très-faible.
»
Assez jolie brise.
Idem.
Ass. jol. br. qui fraich.
le s., puis tombe pend.
la nuit.
Brise ass. fraîche l’ap.-
midi et la nuit.
»
on
Vent frais.
3
Légère brise.
Presque calme.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Bonne brise à rafales.
Jolie brise.
Grande brise à rafales.
Jolie brise à rafales.
Jolie brise.
Grande brise.
Assez jolie brise.
Petite brise.
»
Idem.
TEMPS
Temps très-nuageux. Vers 2",
grain à l'horizon du vent.
Beau temps nuageux.
apparence de
Beau temps. Très-nuageux le matin.
Pluie et neige pendant toute la matinée. A
partir de 4°, le temps s'embellit.
Temps voilé assez beau. Petit grain de pluie
à 5! du soir.
Ciel sans nuäges.
Très-beau temps ; légers nuages.
Idem.
Temps très-nuageux l'après-midi.
Beau temps nuageux.
Très-beau temps; quelques nuages le soir.
Même temps.
Temps couv. et pluv. pendant le jour. Orage
et forte pluie à l'entrée de la nuit. Le temps
redevient beau à 8" du soir.
Beau temps nuageux.
Même temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Temps très-pur le matin; ciel légèrement
voile l'après-midi.
Un peu de pluie le matin après une forte ra-
fale. Le temps reste très-nuageux.
Pluie continue pendant tout le jour.
Temps assez beau, nuageux.
Même temps; quelques grenasses.
Temps couvert ; pluie par intervalles.
Temps beau, nuageux.
Très-beau temps ; quelques nuages.
Beau temps, très-nuageux.
Beau temps légèrement voilé.
Mème temps.
OBSERVATIONS
La haut. baromét. du matin est prise
au niveau même du Fleuve Bleu ;
celle du soir, au sommet des hau-
teurs qui encaissent le fleuve.
La hauteur du 2 au matin est prise au
point culminant de la route suivie ;
celle du soir à Ta-tchio.
(1) Cette hauteur est prise sur la ligne
de faîte d’une chaîne neigeuse que
nous traversons.
La hauteur barométrique du 4 au soir
est prise au village de Tchang-tchou.
Arrivée à Houey-lv-tcheou le5à4"dus.
Départd'Houey-Ilyle7à8"1/2 du matin.
Arrivée à Hong-pou-s0 à 4" du soir.
Départ de Hong-pou-so à midi.
(?) Cette hauteur est prise au confluent
même du Pe-chouy Kiang et du
Kin-cha Kiang.
Arrivée à Ma-chang à 1° du soir (vallée
du Kin-cha kiang).
La hauteur barométrique du soir est
prise du sommet des crêtes qui do-
minent Ja rive droite du fleuve.
(#) Ces hauteurs barométriques sont
prises aux lignes de partage des eaux
des vallées que l’on traverse.
Les haut. barométr. sont prises à par-
ür du 21 le long des rives d’un cours
d’eau que l’on remonte. La haut. (")
a été observ. sur le col qui fermecette
vall., aux sources mêmes de la riv.
(5) Hauteur de la ligne de partage des
eaux entre la riviere de Pe-yen-tsin
et celle de Pin-tchouen, où l’on ar-
rive le soir à 4°.
On repasse à 1" par une haut. de 548"®,9
(ligne de partage entre la vallée de
Pin-tchouen et celle de Pien-kio).
(s) Cette hauteur est celle de la chaine
ouest de la vallée de Pien-kio. Ar-
rivée à Tou-tsouy-tse à 5° du soir.
Départ de Tou-tsouy-tse à 8" du matin.
Arrivée à Hiang Kouan (bords du lac
de Ta-ly) à 1° du soir.
MARS 1868
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
LIEUX
D'OBSERVATION
ENS 06 does
En route de Ta-ly à
Tong-tchouen. . ...
Idem.
Tou-tsouy-tse. . . ....
Idem.
JB} MOMIE) 6 » 0 00 va 0
Idem.
Idem.
Khay-tcha-ti. . .....
[Dj HOUSE 6m acacoc
Idem.
NoG- dati INC ER
Nioung-poun-tse. ....
En route
Can-tchou-tse. . . . . .
Idem.
[Din TOME oc o0o0cas
Idem.
Hong-pou-s0.......
Idem.
EMATOUtE SERRE
Idem.
HOMMES sacocooocal
Idem.
I FOUSo pooovdgooc
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
DATES
THERMOMETRE
degrés. millim, degrés. millim,
) » » »
» » » »
8h 1/2 du matin. 1h 1/2 du soir.
13,1 587,8 | 16,0 586.4
» » » »
» » » »
midi,
» » 18,3 598,1
Sh du matin, 10h du matin,
12,5 589,3 | 15,0 593,5
» » » »
» » » »
» ) » »
» » 14,0 626,1
» » )) »
» » » »
midi.
» » 20,0 601,1
» » 21,4 621,6
1 1/2 du soir.
D» | 16-60 571908
midi. 2h du soir.
16,0 564,8
7h du matin.
9,8 560,0
» »
» »
20,0 643,4
» »
» »
» »
7h du malin.
15,8 604,2
» »
» »
» )
» »
9h 1/2 du matin.
» 684,4
16,5 562,8
9n 1/2 du matin
12,8 561,4
9h du matin.
» 606,3
8h 1/2 du matin.
D 029%
9h 4/2 du matin.
29,3 640,8
Lo]
29 643,5
» »
10h 1/2 du matin.
» 564,1
10h du malin.
20,0 607,7
19,8 604,9
» »
» »
{1h du matin.
10,4343,40)
» »
40h 1/2 du malin.
22,0 669,1
ET BAROMÈTRE
degrés. millim,
» »
» »
3» du soir,
17,2 584,1
» »
» »
19,1 596,2
midi,
16,0 393,6
» »
» »
» »
15,0 625,9
» »
2h 1/2 du soir.
22,0 602,3
» »
3h du soir.
AHDAMOOSS
4n du soir.
16,4 B61,4
midi.
15,3 560,7
» 634,8
1h du soir.
» 660,8
midi.
94,0 639,3
» »
3h 1/2 du soir.
» 574,70)
) »
midi.
21,0 605,6
» »
» »
2h du soir.
17,0 613,3
2h du-soir.
26,0 666,2
3h du soir.
degrés. millim.
14,0 589,3
» »
5h du soir,
16,5 583,5
» »
23,0 624,5
18,2 593,6
5h du soir.
15,0 592,9
4h du soir.
» (4
» »
» »
3h du soir.
16,0 624,8
AO Se
6h du soir.
» 584,8
4h du soir.
21,0 602,3
3h 1/2 du soir.
239 620,9
6h du soir.
ASSOMES TOP
6h du soir.
12,8 561,4
3h du soir.
17,0: 538,6
3h 1/2 du soir.
28,0 646,0
» »
3h 1/2 du soir.
28,0 635,1
4h 1/2 du soir.
Max. Min.
26,0 634,4
4h 1/2 du soir.
21,0 589,3
» »
3h 1/2 du soir.
21,5 604,2
21,5 604,2
4h 1/2 du soir
23,0 604,9
» »
4n 1/2 du soir.
18,6 397,5
6h du soir.
17,2 581,0
4 du soir.
28,0 664,9
DIRECTION DU VENT
S. au S.-0.
Idem.
Presque calme le matin,
S.-0. le soir.
Idem.
Idem.
Idem.
SauS:-S.-H:
Idem.
0.-S.-0. à l'O.-N.-0
0. à l'O.-N.-0.
S. au S.-S.-0.l’ap.-mid.
S.-S.-0. le soir.
O. Variable le soir.
Idem.
Idem.
Idem.
N.-0. le mat. à l'O.-S.-0. |
le soir.
S.-0.
O. variable.
Idem
O.-S.-0. l'après-midi.
S.-S.-0. l'après-midi.
S.-0. le soir.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
N.-E.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
MARS 1868
FORCE DU VENT
Jolie brise à rafales.
Bonne brise à rafales.
Vent frais à rafales. |
Bonne brise à rafales.
Idem.
Idem.
Presque calme.
Petite brise.
Jolie br.à part. demidi. |
Bonne brise.
Jolie brise.
Idem.
Bonne brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Bonne brise à rafales
qui tombe le soir.
Jolie brise.
Idem.
Idem.
TEMPS
Temps beau, couvert. ,
Très-beau temps ; nuages sur la chaine nei-
geuse à l'Ouest du Lac.
Mème temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Temps couv. Un peu de pluie vers 2? du soir.
PI. et brume jusq. mid. Ass. beau temps le s.
Temps beau, nuageux le soir. Nuit fraiche.
Très-beau temps. Légers nuages.
Temps couvert; un peu de pluie le matin.
Très-beau temps; calme le matin; légers
nuages le soir.
Mème temps.
Idem.
Idem.
Idem.
Très-beau temps ; légers nuages.
Même temps.
Mème temps.
Mème temps.
Très-beau temps sans nuages.
Beau temps, voilé.
Beau temps, nuageux.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Temps couvert et froid; un peu de pluie
vers 3" du soir.
Très-beau temps ; ciel sans nuages. Horizon
légèrement embrumeé.
Même temps; ciel légèrem. voilé Pap.-midi.
Très-beau temps, nuageux.
OBSERVATIONS
Arrivée à Ta-ly à 4" du soir.
Départ de Ta-ly à 6" du matin.
La haut. barométrique de 5" est prise
à Kouan-tia-pin.
Arrivée à Tou-tsouy-tse à 10" du mat.
Arrivée à Pien-kio à 3" du soir.
Dans cette route de retour, les hauteurs
barométriquesdes points culminants
ont été vérifiées avec soin.
Repos sur les bords de la rivière de
Pe-yen-tsin.
Arrivée à Nga-da-ti à 10" du matin.
Arriv. à Nioung-poun-tse à 11" du m.
Nous quittons la route suivie en allant
à Ta-ly p' prendre une route plus S.
Arrivée à Can-tchou-tse à 1120 du m.
Nous descendons des hauteurs de Can-
tchou-tse dans la plaine de Jen-0
Kay, où nous arrivons à 3".
Traversé à 1° le Kin-cha Kiang ; arri-
vée à Hong-pou-so à 5" du soir.
(:) Cette hauteur est celle du col for-
ülié par lequel nous rentrons dans la
vallée d'Houey-ly tcheou.
Arrivée à Houey-ly à 4" 1/2 du soir.
Départ de Houey-ly à 7° 1/2 du matin.
(2) Cette hauteur barométrique est prise
à Li-tse-chou, village situé un peu
au-dessous de la ligne de faîte fran-
chie au voyage d’aller, le 3 février.
Arrivée le soir au sommet des hauteurs
qui bordent le Fleuve Bleu.
Traversée le Fleuve Bleu à 9" 1/2 du
mat. Arrivée à Mong-kou à 10" 1/2.
GA OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
AVRIL 1868
——_—_———_—_—_——_—_——_—_—_—__—_—_—_—_—_————————
7 Il
Ÿ
que DATES THERMOMÈTRE ET BAROMÈTRE DIRECTION DU VENT
| D'OBSERVATION
| ——
b | $b du matin. midi. 4h du soir. 4h 1/2 du soir.
| degrés. millim, degrés. millim. degres. millim. degrés. millim.
Max. Min. Max.
MONTE LOURREMNETE 1 29,0 671,6 | 24,0 668,2 | 27,2 666,5 | 28,0 667,2 0.-S.-0. à l'O.
Idem. 2 21,0 675,0 » » 27,0 667,2 » » N.-0.
| Braroia ooousotoe 3 » » » » » » » » O.-S.-0.
5h 1/2 du soir.
Tong-tchouen . . ....) 4 » » » » » » AFASMSTIORS Idem.
6h {1/2 du matin. 40h du matin, midi. 4h du soir.
fée, 5 | 78 581,7 | 14,0 589,9 | 17,5 881,7 | 18,0 582,3 0. variable. |
7h du matin. 3h 1/2 du soir.
Idem. (f 9,8 582,9 | 13,8 584,8 | 14,2 583,5 | 14,5 581,7 N.-N.-E.
| En route de Tong-
tchouen à Siu-tcheou fl » » » » » » » » Presque calme.
9h du matin. 5b du soir.
Idem. 8 » » » 562,0 1 » » 19,0 605,6 | Calme le mat., N.-N.-E.
| 5h 1/2 du soir. le soir. |
4h du soir. Min.
Idem. 9 n » » » 24,2 1635,1.122,5. 633; N.-N.-E.
1» du soir.
Idem. 10 » » ».568,80 | 14,0 595,5 » » Presque calme.
Idem. 11 » » » » 14,0 592,9 » » Idem.
10h du matin. 1h du soir. 4 du soir.
| | Tchao-tong . ....... 12 112,5 591,5 | 15,0 593,6 | 15,0 593,6 | 18,0 592,9 S.-0.
9b du matin. midi.
Idem. 13 » » 11,0 596,2 | 11,7 596,8 | 14,5 594,9 N.-N.-E. |
6h du malin.
Enirouterter 0e NULL HE5M5I871 » » » » 14,0 596,8 Idem.
| Idem. - 15 » » » » » » » » 0.-S.-0.
L'ensemble des hauteurs barométriques contenues dans les tableaux qui précèdent
montre que l'altitude moyenne de toute la région lacustre qui occupe l’espace angulaire
compris entre le Cambodge à l’ouest, le Kin-cha Kiang au nord, le fleuve du Tong-king
au sud et la partie supérieure du fleuve de Canton à l’est est à peu près de 2,000
mètres. Tous les lacs de cette zone sont à un niveau supérieur de plus de 1,000 mè-
tres à celui de ces grands fleuves dans lesquels ils se déversent.
Sur ce plateau, comparable par son élévation et son étendue à celui du Mexique, le
régime des vents subit une transformation complète : alors que sur la côte de l'Indo-Chine
règne la mousson du N.-E., des vents réguliers du S.-0. à l'0.-S-0. soufflent avec foree et
régularité sur toute la partie plane et culminante de ce grand massif, qui sert de
premier et gigantesque échelon aux énormes ondulations du système tibétain. Cette
direction de vent maintient pendant les trois premiers mois de l’année environ un beau
temps invariable, et avant comme après cetle période, ce sont les vents du nord et de l’est
qui amènent la neige ou la pluie.
Grâce aux vallées profondes qui sillonnent le plateau du Yun-nan, on est ici en pré-
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 65
AVRIL 1868
FORCE DU VENT TEMPS OBSERVATIONS
Bonne brise. Très-beau temps, nuageux.
Petite brise. Idem.
Jolie brise. | Idem. Départ de Mong-kou à 6" 1/2 du mat.
Idem. Idem. Arrivée à Tong-tchouen à 10° du mat.
Idem. Idem. |
Petite brise. Temps couv. le matin. Un peu de pluie vers
midi. Eclaircies le soir.
» Très-beau temps, légers nuages. Départ de Tong-tchouen à 9° du mat.
Petite brise. Le temps se couvre vers 7" du soir. Orage et | {!) Point culminant de la route.
pluie de 8° à minuit.
Idem. Belle journée ; le temps se couvre un peu plus | Arrivée à 2" 1/2 à Kiang-ti, sur les
tôt que la’ veille, etil pleut sans interrup- à bords du Ngieou-nan Kiang.
tion à partir de 7° du soir. (2) Point culminant des hauteurs de
» Temps couvert, pluie intermittente. la rive droite de cette rivière.
» Idem. Arrivée à Tchao-tong à 2" du soir.
Pet. br. quifraich. les. | Beau temps voilé le mat. Se couvre le soir ; de
en passant au S.-E. la pluie vers 4°.
Petite brise. Temps couvert et pluvieux.
Idem. Temps couvert assez beau. Départ de Tchao-tong à 8° du matin.
Assez jolie brise. Beau temps, très-nuageux. Arrivée à Ta-kouan à 4° du soir,
sence de deux climats bien tranchés, l’un tropical, l’autre absolument tempéré et ne
différant du climat de l'Europe moyenne qu’en ce que les températures extrêmes de froid
et de chaud y atteignent peut-être des chiffres moins élevés.
Dans cette partie du voyage, l'observation de mon baromètre holostérique dont la
graduation s’arrêtait à 610 millimètres, est devenue fort délicate. Je n’ai pas tardé à m'aper-
cevoir qu'au delà d’un certain point, situé aux environs de 625 millimètres, il cessait de
varier proportionnellement à la hauteur et qu'il fallait un changement de niveau de près
d’une centaine de mètres pour produire un abaissement d’un millimètre. À partir de ce
moment, j'ai mis le plus grand soin à lire les dixièmes de millimètre sur l'instrument,
et j'ai observé aux points les plus élevés de la route des températures d’ébullition de l’eau,
afin de comparer plus tard les résultats fournis par ces deux genres d'observations. Comme
je lai dit au début de ces notes météorologiques, M. A. Thénard à bien voulu, à mon
retour en France, comparer mon baromètre holostérique avec le baromètre à mercure.
L'expérience, conduite avec le plus grand soin el faite dans des conditions de tempé-
rature identiques à celles où l'instrument avait été placé pendant celle partie du voyage, a
Il. 9
66 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
donné des résultats confirmant entièrement mes prévisions : de 760 à 625, la différence
entre l’holostérique et le baromètre à mercure, lue avec un cathélomètre, est restée
constante et égale à celle que j'ai déjà signalée page 37 ; à partir de 625 au contraire, voici
quelles ont été les hauteurs correspondantes des deux instruments :
PRESSION DiFFÉRENCE. Haureur du ba- DIFFÉRENCE.
baromélrique vraie. romètre holostérique.
622.40 . 625.25 Ë
d90/ Co 0nDo dat tatin a Ron De .10 à Dobonbécocvesoto ‘oddon 1e
615.20 te MEN) €: DE
A Ar ooddovdtacmoobe onde dan ; 15 6929 ED “"ctereeersesessrsrsee 1.60
604.15 11.85 622.50 1.90
HGDEND | © POS C06 DDR ne Nono aBnE D se 620.60 ‘7 * “tresses... ne
à VA AR CEE 0000000) 0 non sue 619.59 ©’ 'eteereeee-ersss... Hs
ET QD 22 S960-d)bac-sdooesoc Son GIS.50 "+ + ++... Ts
AS MES 260, ARE) So PO SEEe ne 617.00 “*°""""* 10 B0DSa 08 d00 00e 5
CEUNN cdorodendd (0 on000 000 À I LR oOdovsobgobooopoonogooona 1.45
557.90 615.55 É
Fr LV 6H 080 que 00e 00 10:00, PO Mr RE Rata ete tte aise le 0 1.50
547.90 14.95 14.05 2.05
ÉD GA 0 60100 O EDEN pE PO CoNoE ae @12.00 "sr" eeteesssre JS
AT NS ONSo MAO ns A DEA HO ON 9 6.: X — aoondbvdo0a0on00de0agaue 1.00
226.65 6 25 611.09 0.95
EN 20e AO OP TUE DN OCEAN CO LC Le EL EE-EPELEE 5
Ces termes de comparaison m'ont permis de construire un tableau donnant tou-
tes les hauteurs barométriques vraies correspondant à chaque dixième du baromètre
holostérique compris entre 626 et 610. Ces hauteurs se sont trouvées concorder d’une
manière satisfaisante avec celles qui résultaient des températures d’ébullition de l'eau.
4° VALLÉE
AVRIL 1868
| LIEUX ù
DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE | DIRECTION DU VENT
D’OBSERVATION |
|
a
6h du matin. 10h du matin. midi 3h du soir.
ë degrés, millim. degrés, millim. degrés. millim. degrés. millim. |
TA OU CE RENE 46 |13,0 647,0 |‘45,5 647,9 | 20,0 647,0 | 22,55 645,1 S.-0. |
| |
IMEHMOULE ER EEE 0) NET » D EE) » » » 25,0 666,5 Idem.
| | l'OAUVE du soir.
| Idem. 18 » » | » » » » 26,0 675,9 | N.-E. |
Idem. 19 » » » » » » 20,5 696,0 Idem. |
4h du soir.
Idem. 20 » » » » » » 27,9 107,4 Sh=0)
9h 1/2 du matin.
IMLanouatan et 0 57076 22 388708 005507 » » O.-S.-0.
(NIQUE 400 00 00 00 29 » » » » » » » » Idem.
Long - LAN TETE Pet 23 » » » » » » | » ” »
| | En ROBES & à 8 v 0 0 o’à 24-26 » » » » » » » » | N.-N.=E.
| SUTEUONADMNS 20 0 a10 à al 2 » » » » » » 26,0 715,0 | Idem.
L | 3h 1/2 du soir. |
Idem. 38 |22,0 716,0 » » » » 30,0 713,7 | Idem. |
d 10h 1/2 du matin. |
| | 9h 1/2 du matin. Max.
Idem. 2), MAC HAS, 7 DOI Un » » BHO) E.-N.-E.
\ 6h du matin. 10h du matin. 3h 1/2 du soir. 8h 1/2 du soir.
Idem. 30 |21,5 TAT,9 | 24,6 719,0 | 25,0 717,7 | 25,0 749,7 Idem.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES. 67
Sans pouvoir espérer d'observations aussi imparfaites une rigueur bien grande, je crois
cependant que l'on peut admettre que les hauteurs barométriques ainsi obtenues sont
exactes à { ou 2 millimètres près. J'ai ealculé les altitudes des différents points du parcours,
en prenant pour hauteur barométrique inférieure la hauteur barométrique moyenne de
Macao à l’époque correspondante de l’année, telle que la donne Kaemtz dans son 7raité
de météorologie, c’est-à-dire que j'ai pris 768 pour la hauteur du baromètre au niveau de
lamer en décembre et janvier, 767 en février, 766 en mars, 762 en avril.
Les observations (hermométriques qui ont été faites par M. l’abbé Desgodins, à Yerkalo,
dans la partie supérieure de la vallée du Cambodge, par le 29° parallèle environ, et dont j'ai
donné un résumé dans le Bulletin de la Société de Géographie du mois de novembre 1871,
confirment l'opinion que j'ai émise plus haut de la modération relative du froid et du
chaud dans cette zone. A Yerkalo, le thermomètre n’a oseillé en effet, du mois de sep-
tembre 1870 au mois de janvier 1871, qu'entre + 28° et — 4°. Les vents dominants pen-
dant cette période ont été ceux du Sud au S.-0. La direction pluvieuse a été celle du Nord.
Sur le plateau du Yun-nan, le baromètre est surtout haut par temps calme. Les vents
de la partie de l’est semblent le faire baisser plus que les, vents de la partie de l’ouest.
DU FLEUVE BLEU.
AVRIL 1868
|
FORCE DU VENT TEMPS OBSERVATIONS
Petite brise. Belle mat. Orages et grains de pluie presque |
continus à partir de 3° du soir. |
Idem. Temps beau, nuageux. Départ de Ta-kouan à 6" 1/2 du matin.
Jolie brise. Temps couvert, assez beau jusqu'à 6" du soir ;
pluie et orages pendant toute la nuit.
Petite brise. . | Temps couvert et pluvieux.
|
Légère brise. Beau temps, quelques nuages. Arrivée à Lao-oua tan à 1" du soir.
Petite brise. Temps beau, presque couvert.
Idem. Idem. | Départ de Lao-oua tan en barque à 6"
» Brouillard pluvieux le matin; assez beau | du matin. Arrivée à Long-ki vers
temps le reste du jour. 5" du soir.
Petite brise. Temps beau, nuageux. Le soir du 26, orage | Départ de Long-ki à 9 du matin.
et pluie de 6 à 9. Arrivée à Siu-tcheou le 26 à midi et
Idem. Très-beau temps, légers nuages. demi.
Idem. Mème temps.
Idem. Temps couv. le mat. ; beau au milieu du jour.
2
À Jdu soir, orage et pluie. |
Idem. Même temps que la veille.
GS OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
MAT-JUIN 1868
LIEUX < :
| DATES THERMOMETRE ET BAROMETRE | DIRECTION DU VENT
D'OBSERVATION
———— mm,
6h du matin. 9h 1/2 du matin. » » 9h 4/2 du soir. |
: degrés. millim, degrés. milimee degrés. millim. degrés. millim |
SUUSLCREOUE ER EN AE 22 0 RTS » » 24,2 720,2 N.-E.
10h du matin, 4h 1/2 du soir, ;
Idem. 2 » » 192 87207 » » 18,8 719,8 N.
| 4h du soir. |
Idem. 3 » » 19,0 720,2 » » 19,5 718,4 Calme.
_3h 1/2.du soir. |
Idem. 4 » » 19,5 731,8 » » 20,6 729,4 | O. variable.
9h 1/2 du matin. 3h du soir. 6h du soir.
Idem. DM 2 0X 072 840 » » 29225 525 0270 S.-0.
8h du matin, 4h 1/2 du soir. |
Idem. 6 |20,0 723,0 » » » » 2 TA Presque calme.
gh 1/2 du matin. | ,
Idem. fl » » 21,0 721,2 » » 24,0, 749,9 0.-S.-0.
k 4 du soir. | :
| Idem. à » » 21,2 725,5 » » 25,0 .123 0h) S.-0.
En route (descente du 10ù du matin. midi. |
fleuverBleu) eee 9 » » DOS ON T2 D 0 2102252 E.-N.-E.
Ë 8h du matin. 3h du soir.
Enéroutcrrr ete ere 10 |24,5 722,0 » » 22 RS 082072 Idem.
5h 1/2 du matin, 4h du soir. |
Idem. 11 125,5 719,5 | 28,0 720,24 » » 31,1 747,5 Calme.
Idem. ue » » 202200 » » » » Idem.
Idem. 13 » » 23,0 731,0 » » » » 0.
15 mar.
L. x | 14 mar. 6 du soir. N
Tchong-kin........|1445| » » 20,8 730,9 » » 21,8 728,6 | ,N.-E. à l'E.-N.-E
17 mar.
16 mar. 3h 1/2 Aost
Idem. 16-17 » » 24,0 735,1 » ÿ 29073210 0.-S.-0.
18 rar.
ain TEA 19 mar.
Éniroute EEE 18-19! » 738,00 » » 24,0 737,0 » » N.-E.
21 mar. 20 rar.
3b du soir, 4 du soir.
Idem. 20-21 » » » 31,0.734,5 | 28,0. 732,0 Idem.
Idem. 22 » » ? » 91,0 736,0 » » E.-N.-E.
Idem. 23 » » ù » 30,0 138,8 » » ; E.
ÿ» 2% MAI
3h 1/2 du soir. 25 MAI.
Idem. 24-25 » » » » 30,0 746,0 | 28,0 747,5 Idem.
LE 27 mar.
Idem. 26-27| » » » » » » 28,0 749,0 S.-E. à l’'E.-N.-E.
28 mar.
3h 1/2 du soir, 29 mar.
Idem. 28-29 » » » » 27,0 745,6 | 27,0 743,6 S.-0.
$h {1/2 du soir.
Idem. 30 » » » » » » 27,2 TA D S. au S.-0.
Idem. 31 » » » » DURS 743,5 » » 0.
Idem. LT Juin » » l » » » » 25,5 741,4 N.-E. à l'E.
9 N.
| | 5h 4/2 due 3 JUIN.
Idem. DS ns » »n |26,0 745,0 | 28,5 TLL,3 S.-0. aus.
5h du soir, :
Idem. k » » » » » » 30,0 747,0 | E.-S.-E. le matin, N.-E.
5 JIN. ir
| nai pe le soir.
| Idem. 5-6 » » » » 32,0 746,4 » » E. variable.
| 7 JUIN.
Han- keou he Pen te 1-9 » » » » 34,0 749,0 » » N.-E. variable.
OBSERVATIONS
FORCE DU VENT
Très-var. d'intensité.
Petite brise.
y»
Petite brise.
Idem.
»
Presque calme.
Petite brise.
Petite brise qui fraîchit
le soir.
Petite brise.
»
»
Petite brise.
Idem.
Idem.
Jolie brise.
Faible brise.
Jolie brise.
Idem.
Jolie br. à fortes raf. qui
mollit beaucoup le 25.
Petite brise.
Petite brise qui fraichit
beaucoup le 29.
Bonne brise à rafales.
Petite brise qui fraichit
en hälant le N.
Petite brise.
Idem; fraichit beau-
coup au milieu du jour
le2 juin pour netomber
que le 3 au soir.
Faible brise le matin;
jolie brise le soir.
Petite brise. *
Jolie brise.
TEMPS"
Temps couv. et pluv. Orage et forte pluiele s.
Mème temps.
Temps couvert.
Temps beau, presque couvert.
Très-beau temps ; légers nuages.
Temps beau, presque couvert.
Mème temps. Orage et pluie à 10" du soir.
Temps voilé, assez beau.
Très-beau temps. Légers nuages.
Mème temps.
Très-beau temps sans nuages.
Temps nuageux; un grain de pluie à midi.
Temps couv. et pluv. Grains de pluie la nuit.
Mème temps.
Très-beau temps ; légers nuages.
Temps qui se couvre le 19 et devient pluvieux.
Beau temps voilé. Orages dans le S.-0.
Très-beau temps. Légers nuages.
Temps couvert, orageux. Quelques gouttes
de pluie le soir.
| Très-beau temps qui se couvre un peu le 25.
Beau temps, nuageux.
Très-beau temps, voilé.
Mème temps.
Beau temps, nuageux.
Très-beau temps. Légers nuages.
Très-beau temps; ciel sans nuages. Horizon
embrumé.
Très-beau temps. Ciel légèrement voilé.
Mème temps.
Temps lourd et orag. Pluies d’or. par interv.
MÉTÉOROLOGIQUES.
MAT-JUIN 1868
OBSERVATIONS
Dép. en barque de Siu-tcheou à 11"40.
Arrèt le soir à 6" 1/2 à Nan-ki hien.
A 10" du soir (Lou tcheou), Le thermo-
mètre marque +29°,0.
Arrivée à Tchong-kin fou à 11" du
matin.
Le lieu d'observation est à une qua-
rantaine de mètres au-dessus du
niveau du fleuve.
(1) Prise à Tchong-kin au niveau du
fleuve. Départ de ce point le 18 à
1" 1/2 du soir.
Arr. à Koui-tcheou fou à 8" 1/2 du s.
Départ de Koui-tcheou à 3" du soir.
Arrivée à V-tchang fou le 25 à 10" du
soir.
Départ de Y-tchang le 26 à 4° 1/2 du
soir.
Avr. à Han-keou le 6 juin à 7° du m.
70 OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
En descendant la vallée du Fleuve Bleu, nous avons définitivement abandonné la zone
des vents réguliers et des saisons alternativement sèches et pluvieuses, pour entrer dans
la région tempérée à vents et à temps variables. L’amplitude des oscillations accidentelles
du baromètre atteint des proportions inconnttes sous les tropiques. À Siu-tcheou, quoi-
qu'on ne soit encore que par le 28° parallèle, le tableau qui précède accuse, dans une
période d’une douzaine de jours, un écart de 18 millimètres (714-732). Les observations
faites devant la même ville par le capitaine Blakiston t, fin mai et commencement de
juin 1861, semblent donner pour le même point une moyenne barométrique plus élevée
et oscillent pendant une période de 7 jours entre 727 et 738 millimètres.
En raison même de la situation continentale de la Chine et à l'inverse de ce qui a lieu
en Europe, les vents du N.-E. ou de l'Est amènent la pluie, et les vents du S.-0, ou de
l'Ouest amènent le beau temps dans la vallée du Fleuve Bleu. Les vents d'Ouest font
très-sensiblement monter le baromètre. Il baisse par calme et par les vents d’Est.
D'après les renseignements recueillis sur les lieux et quelques observations du
P. David faites à Kieou-kiang, pendant une année exceptionnelle il est vrai, tes vents du
N.-E. paraissent dominer dans le Kiang-si et le Hou-pe pendant les mois de juillet et
d'août, c’est-à-dire au moment même où règne sur la côte la mousson de S.-0.
On connait les froids extrêmes et les chaleurs excessives auxquels est sujette une certaine
partie de la Chine et qui tiennent à sa position géographique par rapport aux grandes
steppes de la Mongolie, et je n’insisterai pas davantage sur une question elimatérique à
laquelle je n'apporte qu'un trop faible contingent d'observations.
1 Consultez les lableaux météorologiques insérés à la fin de son ouvrage : five months on the Yang-tsze.
London, 1862. é
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
M. ze Docreur E. JOUBERT
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR.
dus
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
PAR
M. Eucène JOUBERT
INTRODUCTION
Qu'il nous soit permis, au début de ce travail, d'évoquer le souvenir de celui qui fut
notre chef et l’âme du voyage et qui était en même temps notre compatriote.
La direction toute paternelle du commandant Doudart de La Grée rendit notre tâche
plus facile et plus agréable, et nous fit souvent oublier les souffrances, les fatigues et les
privations de toutes sortes que nous dumes subir pendant ce long et périlleux voyage qui
restera son œuvre.
Son expérience et ses connaissances étendues en faisaient un conseiller précieux, à qui,
pour notre part, nous eùmes souvent recours.
Il était gai, bienveillant et sympathique ; partout il sut convaincre, se faire aimer el
respecter. À un caractère doux et conciliant 1l ajoutait une rare énergie, et celte persévé-
rance raisonnée qui use les obstacles.
Nul mieux que notre regretté chef ne sut à propos employer la douceur, les promesses
ou les menaces. Il pressentait les difficultés, et longtemps il ne vécut que du besoin d’en
triompher.
Lorsque ce feu sacré, qui fait oublier les souffrances physiques, n’eut plus d’aliment,
lorsque nous touchions au port, à une journée de marche de ce fleuve Bleu tant désiré, la
mort vint le ravir à ses compagnons de voyage.
Resté seul auprès du malade jusqu'à sa dernière heure, il nous a été donné, mieux
qu’à personne, d'apprécier les hautes qualités et les sentiments généreux du commandant
Doudart de La Grée.
Les quelques lignes qui précèdent ne sont qu'un bien faible témoignage de notre
sympathique admiration.
Nous avions été spécialement chargé dela partie géologique du voyage, et nous devions
étudier surtout les gisements métallifères sur lesquels on n'avait que quelques vagues
indications. La géologie n’est pas seulement une science purement spéculative, elle a
IT. 10
74 INTRODUCTION.
aussi un immense intérêt pratique, et bien des fois en permettant de reconnaitre avec
précision telle ou telle couche de terrain , elle fournit ainsi d'excellents points de repère
pour la recherche des métaux ou des combustibles.
Entrainé en avant, perdu au milieu de peuples inconnus, méfiants, bien des choses
nous ont sans doute échappé, ou n’ont pu être étudiées qu'à la hâte. Nous n’avons guère
pu, on le conçoit sans peine, tracer qu'à grands traits la géologie de l'immense étendue
de pays qui s'étend du 10° au 30° degré de latitude Nord, depuis l'embouchure du Me-
kong jusqu'aux bords du Yang-tse Kiang, et des frontières du Tibet aux mers de Chine
entre le 96° et le 119° degré de longitude Est du méridien de Paris. Notre but unique est
de pouvoir être utile à ceux qui, après nous, parcourront ces riches contrées.
Nous avons consigné dans ce travail le résultat de nos recherches ; nous parlerons de
ce qu'il nous a été possible d'observer par nous-même, de ce que nous avons appris par
les indigènes, des indications éparses dans les auteurs, de manière à présenter en un
seul tout ce que nous savons sur les richesses métallurgiques et la géologie du pays que
nous avons parcouru.
Un premier chapitre en donnera lorographie et indiquera les principaux reliefs de la
contrée. Dans un second, nous ferons l'itinéraire du voyage; nous indiquerons les choses
telles que nous les avons observées, jour par jour, localité par localité. Tous ces faits
seront ensuite rapprochés, groupés , discutés de manière à faire connaitre la géologie
du pays, et à permettre d'en étudier chaque formation. Un quatrième chapitre sera con-
sacré à la métallurgie et à la minéralogie; nous y indiquerons les gisements et leur
mode d'exploitation.
Nous sommes heureux de pouvoir iei exprimer nos remereiments et notre reconnais
sance à M. le professeur Daubrée, membre de l’Institut, qui pour faciliter notre travail a
mis à notre disposition toutes les richesses géologiques et minéralogiques du Muséum,
à MM. L. Lartet, E. Sauvages, et Ch. Friedel, dont les conseils éclairés nous ont été si
utiles pour la détermination , la classification et l'analyse des divers échantillons géologi-
ques et minéralogiques que nous avons pu rapporter.
Nous regrettons de n'avoir pas su rendre ce travail plus intéressant et plus complet.
Eucixe JOUBERT.
OROGRAPHIE
Nous allons rappeler qu’au centre du plateau tibétain, dans les massifs montagneux
qui séparent, au Sud, les chaînes de l'Himalaya, et, au Nord, celles du Kouen-lun, cinq
grands fleuves prennent naissance : Le Brahmapoutre, l’Iraouady, la Salouen, le Mekong
et le Yang-tse Kiang.
Ces divers fleuves, partant de points fort éloignés les uns des autres, convergent vers
l'Est jusqu’au 36° degré de longitude du méridien de Paris, par 27° ou 28° de latitude
Nord; arrivés vers cette ligne, ils coupent une chaîne de montagnes, s’éloignent ensuile
les uns des autres et se distribuent en éventail, ceux-ci dans le golfe du Bengale, ceux-là
dans les mers de Chine.
L’étranglement par où s’échappent ces fleuves est produit, nous le supposons du
moins, par le rapprochement des extrémités orientales des deux grandes chaines que
nous désignons plus haut : l'Himalaya et le Kouen-lun.
En cet endroit les fleuves sont très-rapprochés les uns des autres (de 40 à 50 lieues,
selon le témoignage des indigènes), mais séparés par des montagnes très-élevées, infran-
chissables et taillées à pie par les eaux jusqu'à une profondeur de 1,500 à 1,800 mètres.
Ces érosions énormes peuvent paraître invraisemblables, cependant la commission à vu
à Mong-kou, près de Tong-chouen fou, le Yang-tse Kiang couler à une profondeur d’en-
viron 850 mètres, entre deux murailles de calcaire coupées par le courant.
Les montagnes de séparation vont en s’élargissant et en se multipliant, à mesure que
les fleuves se rapprochent de la mer, et forment des groupes au milieu desquels prennent
76 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
naissance un grand nombre de cours d’eau considérables, quoique de moindre impor-
tance que les premiers; nous citerons la rivière d’Aracan, le Sitang, le Ténassérim
qui arrosent la Birmanie et quelques districts des Indes anglaises, le Menam, principale
rivière du Siam, le Donaï ou rivière de Saïgon, dans la Cochinchine française; le Song
Koi qui prend ses sources au centre d’un pays d’une richesse minérale incaleulable, pour
venir verser ses eaux dans le golfe du Tong-king, enfin la rivière de Canton.
Il existe encore un grand nombre de rivières provenant des mêmes régions que les
précédentes, mais elles sont d’une importance relativement peu considérable.
Les grands fleuves dont nous avons parlé en commençant, peuvent être placés au
nombre de ceux qui sont le plus profondément encaissés, dont l’étendue est la plus grande
et dont le débit est le plus considérable.
Ces fleuves arrosent pendant la première partie de leur cours des contrées monta-
oneuses des plus accidentées et peu propres à la culture, partant presque désertes; mais
leurs deltas sont les pays les plus riches et souvent les plus peuplés et les mieux cultivés
du globe. Nous eroyons qu'il est difficile de trouver une surface de terre aussi vaste et
aussi riche que les plaines alluviales du Vang-tse Kiang.
La divergence du cours des grands fleuves de l’Indo-Chine, qui, partis à peu près
d’un même point et sur une même pente, ont leurs embouchures dans des régions tout
à fait opposées, est un fait assez étrange pour qu'on le fasse remarquer. Le Brahmapoutre
est celui de ces cours d’eau qui étonne le plus; il coule- d’abord directement de l'Ouest à
l'Est et reçoit les affluents de la pente Nord de la crête Himalayenne, puis, contournant
brusquement l'extrémité de cette chaîne, il prend une direction diamétralement opposée à
la première, reçoit cette fois les rivières et torrents qui descendent du versant Sud de
l'Himalaya, et va confondre ses bouches avec celles du Gange.
Les autres fleuves sont moins irréguliers dans leur cours que le précédent; ils s’irra-
dient en éventail, limitent les saillies montagneuses qui forment la patte d’oie, et vont se
jeter dans la mer au fond des golfes qu'ils fertilisent et comblent petit à petit. Le Yang-tse
Kiang en sortant du Tibet prend une direction générale vers le Nord-Est, traverse la
Chine dans son plus grand diamètre, et vient par des arroyos donner la main au Hoang Ho
ou fleuve Jaune.
Nous n'avons que peu à dire sur les chaines de montagnes qui séparent le Brahma-
poutre de l’Iraouady et ce dernier de la Salouen ; la ligne de partage entre les eaux de la
Salouen et celles du Menam nous occupera aussi très-peu; nous ne connaissons ces
contrées que par les descriptions données par les voyageurs.
La chaine qui sépare l'empire Birman du Bengale et des plaines de Chittagong
s’abaisse de plus en plus en traversant la province d’Aracan jusqu'au cap Négrais et
semble se continuer par les iles Andaman et Nicobar jusqu'aux iles de Sumatra et de Java.
On connait peu celle qui court entre la vallée d’Ava et le bassin de la Salouen ; on sait
seulement que cette chaine est d’abord formée de collines espacées et basses qui se rappro-
chent les unes des autres et s'élèvent à mesure que l’on remonte vers le Nord, où elle va
se perdre dans les hautes montagnes de l'Himalaya.
OROGRAPHIE. ai
Une des chaînes principales servant de contre-fort au Tibet est la ligne de partage
entre les eaux de la Salouen et celles du Mekong, si on peut désigner sous le nom de
chaine un massif montagneux formé d’un amas de cônes et de pics irrégulièrement
disposés.
Sur un des sommets culminants de la contrée est bâtie la ville de Xieng Tong, capi-
tale des Shans Birmans; de ce point l’œil plonge, dans un espace sans horizon, sur une
mer de pics et de dômes pressés les uns contre les autres, couvrant le Laos Birman tout
entier et la majeure partie du Laos Siamois; c’est de ce massif que se dégagent les deux
chaînes qui vont, l’une vers Malaca en séparant l'empire Birman de la vallée du Menam et
l’autre vers le cap Lyant en formant les montagnes de Battambang et de Pursat, limites
naturelles entre Siam et le Cambodge.
La distribution des eaux au Nord et au Sud indique assez que l’arête principale du
prolongement de l'Himalaya se dirige vers l'Est à travers le Yun-nan, le Kouang-si, ete.,
jusqu'à la mer. Les montagnes de cette région s'élèvent rapidement à mesure qu’on se rap-
proche du Tibet et sont couvertes de neige pendant une partie de l’année; les indigè-
nes prétendent même que; sur le pic qui domine Ta-ly Fou à l'Ouest, les neiges dis-
paraissent à peine pendant deux mois de l’année : elles sont éternelles sur la montagne
de Li-kiang.
La physionomie générale du grand triangle formé par le Vang-tse Kiang et le Me-
kong est assez semblable à celle du pays de la rive droite du Mekong; cependant les
montagnes du Yun-nan sont plus élevées et nous avons cru remarquer qu’elles ont une
direction sensible vers l'Est, orientation que nous n'avons pas constatée aussi marquée
dans les autres montagnes. On rencontre aussi dans le Vun-nan, surtout dans la région
Sud-Est, un grand nombre de beaux et vastes lacs qui n’ont pas leurs analogues dans le
pays habité par les Shans. Les deux promontoires qui terminent ce triangle embrassent le
golfe du Tong-king tout entier pour former, au Nord, la côte de Canton à Shang-haï, et,
au Sud, la petite chaîne qui traverse la Cochinchine dans toute sa longueur pour aller
mourir au cap Saint-Jacques et à l'ile de Poulo-Condor.
Sur la rive gauche du Yang-tse Kiang les montagnes ne se prolongent pas au-
tant vers la mer que du côté de la rive droite; elles semblent s'arrêter au bassin de la
rivière de Souy Fou.
Quand on jette un coup d'œil sur l’ensemble des contrées Indo-Chinoises, sur
les traits principaux des reliefs du pays et sur la distribution des fleuves qui s’y
rattachent, on aperçoit immédiatement deux grands systèmes : l’un, celui du Ti-
bet et de la Chine, est orienté, d’une manière générale, de l'Ouest à l'Est; le Yang-
tse Kiang se dirige suivant cette direction, qui est aussi celle des îles de la Sonde;
l'autre, allant suivant la méridienne, se prolonge à travers la presqu'ile de Ma-
laca jusqu'à Sumatra, les montagnes de Corée, l'ile Formose, l’archipel des Philip-
pines, et s’étend depuis l'extrémité des Ghattes jusqu’à la mer Glaciale. A cette grande
faille méridienne « correspondent dans l'Inde extérieure ou transgangétique, les failles mé-
« ridiennes qui marquent dans le Haut-Assam le croisement des différents systè-
78 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
« mes... Ce croisement donne naissance aux chaines parallèles de la Cochinchine,
« de Siam et de Malaca, d’Ava et d’Aracan. Elles aboutissent toutes dans leurs cours
« d’inégale longueur aux golfes de Siam, de Martaban et du Bengale *. » Pompelly *
admet une ligne anticlinale et une ligne synelinale dirigée exactement N.-E.-S.-0.,
traversant la Chine et une partie de l’Indo-Chine, passant par le golfe de Bengale,
le milieu du cours du Yang-tse Kiang, le golfe de Pe-tehe-li, la rivière Amour, la mer
d'Okhotsk; les monts Khing-ghan, la chaine qui, au Nord-Ouest, limite la presqu'ile
de Corée, le cours inférieur de l'Amour, les îles de l’empire du Japon, suivent cette
direction générale. Une partie de cette longue chaîne, celle qui correspond à l'endroit
où le fleuve Bleu coupe la frontière du Se-tchouen et du Hou-pé, est formée d’un axe gra-
nitique de 600 à 1,000 pieds anglais au-dessus de la rivière, flanqué de chaque côté par
une immense épaisseur de caleaire et de roches à charbon, dont les couches sont ici di-
rigées au N.-E. Une ligne tirée près de Canton et allant à travers l'archipel Chusan repré-
sentera, comme le fait encore remarquer Pompelly, la principale direction des côtes, et, si
on la prolonge au N.-E., elle coupera la péninsule de Corée près de son extrémité
méridionale; dans l’autre direction elle passera par l’île de Hai-nan dont les grandes
et majestueuses montagnes sont des membres de la même série.
Le grand relief du pays que nous avons parcouru jusqu'aux bords du Yang-tse Kiang,
et qui doit nous occuper tout spécialement, a été en grande partie occasionné par le
soulèvement des montagnes dévoniennes qui a eu lieu à une époque que nous ne pou-
vons préciser, mais qui est certainement postérieure au dépôt des couches épaisses du
trias qui viennent s'appuyer contre le calcaire. L’éruption des porphyres a contribué
aussi à modifier ce relief. Ajoutons les dégradations post-triasiques, le ereusement des
vallées par les grands fleuves, les dépôts alluviaux. D’après les anciens auteurs chinois,
certains de ces changements apportés dans l’orographie et le régime des eaux dateraient
de l’époque actuelle. Un historien qui donne quelques détails sur le royaume du Cam-
bodge, du temps que la ville d’Angcor était dans toute sa splendeur, parle de deux lacs
que nous ne trouvons plus aujourd’hui, ne mentionne pas le grand lac, et semble placer
la ville d’Angcor sur les bords d’une grande rivière; cette grande rivière est sans
doute laffluent qui vient rejoindre le Mekong près de Pnom Penh. Dans tous les cas
on sait que vers 3550 ans avant Jésus-Christ, sous l’empereur Fo-hi, eut lieu un
soulèvement qui modifia le relief de l'Empire du Milieu, et changea le cours du fleuve
Jaune. Une secousse analogue à celle-ci arriva mille ans plus tard; ïei les historiens
sont plus préeis et indiquent que le mouvement eut lieu suivant une ligne dirigée du S.-0.
au N.-E., dans la direction de l’axe anticlinal par conséquent, et passant entre la mer
et la province de Yun-nan.
En résumé, un immense contre-fort hérissé de montagnes irrégulièrement dis-
posées, vient s’arc-bouter contre l’extrémité orientale de l'Himalaya ; il s’abaisse
1 A. de Humboldt, Asie centrale. Rech. sur les chaînes de montagnes et la climatologie comparée, t. I, p. 217.
2 Geological Researches in China, Mongolia, and Japan, p. 4 et pl. VIE, ap. Smithsonian Contributions to lnow-
ledge, in-4°. Washington, 1867.
OROGRAPHIE. 79
progressivement en s’'épanouissant sous une triple pente vers les mers des Indes et
de la Chine dans lesquelles il s’'avance sous forme de chaînes montagneuses parfaitement
distinctes, embrassant des golfes enrichis par les alluvions des gigantesques fleuves que
déverse le Tibet.
Nous ne parlerons que d'un seul de ces golfes, qui aujourd’hui à presque entièrement
disparu par l’apport des eaux du Mekong et de ses tributaires; celui-là seul nous inté-
resse particulièrement ; les autres lui sont assez semblables pour que nous soyons dis-
pensé de parler des plaines alluvionnaires qu'arrosent l'Iraouady, le Menam, la Salouen.
IL fut un temps, relativement récent, où la mer s’avançait au loin dans les terres, en-
tre les monfagnes du cap Saint-Jacques et celles de Pursat et de Battambang, et cou-
vrait l’espace occupé aujourd'hui par la Basse-Cochinchine et le Cambodge.
Cette immense plaine, le grenier de Hué et de Canton, est sillonnée dans tous les
sens par un grand nombre de canaux naturels, connus sous le nom d’Arroyos, qui
relient entre eux les cours d’eau de la contrée, et dont la plupart peuvent recevoir des
bateaux à vapeur qui, en quelques heures, portent d’une extrémité à l’autre de notre co-
lonie, nos soldats ou nos commercants.
Les marées, établissant dans les arroyos et les rivières, des courants alternativement
contraires, rendent les transports faciles et peu coûteux par ces voies de communication :
trois hommes peuvent aisément conduire une barque de vingt à trente tonnes. Tant que
le courant est favorable, ils n’ont qu'à diriger leur bateau, et lorsqu'il devient contraire,
ils jettent l’ancre et attendent le retour de la marée qui doit les entrainer de nouveau
vers le but.
Au Nord du Cambodge existent les plaines non moins vastes et non moins fertiles du
bas Laos et du Laos moyen. Élevées de quelques mètres seulement au-dessus des pre-
mières plaines, elles ne sont pas sillonnées d’arroyos, mais de nombreux cours d’eau,
descendant de l’inextricable massif montagneux qui va de l'Inde à la Chine, les arrosent
et les fertilisent. Ce pays est moins uniforme que le précédent; des collines, des mon-
tagnes de grès et de caleaire relient la chaîne de Pursat à celle de la Cochinchine. Les
cultures y peuvent être aussi plus variées.
L'espace dont nous venons de parler a, en moyenne, 75 lieues de largeur sur 200
de profondeur. Au delà et de chaque côté les montagnes sont pressées les unes contre
les autres et offrent un grand intérêt au point de vue de leurs richesses minérales.
A l’époque des pluies, en juillet, août, septembre et octobre, tous les fleuves et
rivières de la contrée sont sujets à une crue périodique. Les vallées des pays élevés et les
plaines dans le voisinage de la mer, sont inondées et reçoivent un vaste dépôt allu-
vionnaire. Ce phénomène est semblable à celui que le Nil nous offre chaque année.
Dans un avenir qui n’est peut-être pas bien éloigné de nous, la Cochinchine et le
Cambodge pourront donner une idée de la fertilité extraordinaire de ces plaines
alluviales.
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ITINÉRAIRE
Partis de Saigon le 5 juin 1866, pendant cinq jours nous avons navigué dans le
grand Delta formé par le Cambodge, et plusieurs autres fleuves ou rivières qui descen-
dent, les uns, des montagnes de la Cochinchine, les autres, des montagnes de Pursat,
de Battambang ou de plus loin.
Les alluvions sont de formation récente, et varient de composition selon la prove-
nance des eaux qui les formèrent. Mais il est une roche qui semble s'étendre sur une
grande partie du Delta : nous voulons parler d’une limonite ou minerai des marais ana-
logue au bog-ore, connue en Cochinchine sous le nom de Pierre de Bien-hoa.
Cette roche n’est le plus souvent employée que dans les ouvrages de peu d'importance,
tels que murs d'enceinte, ou comme pierre de moyen appareil. Son faible rendement en
métal fait qu’elle n’est pas exploitée comme minerai par les indigènes, surtout depuis
que les nombreuses communications avec les Européens leur ont permis de se procurer
le fer si facilement et à bien meilleur marché.
Pendant notre séjour à Compong Luong sur la rivière du Cambodge, près de la capi-
tale de ce royaume, au delà de Pnom Penh, nous avons rencontré cette roche en divers
points. En creusant un puits entre Oudong et les monticules situés tout près de cette ville,
les indigènes ont trouvé la pierre de Bien-hoa à 3",50 au-dessous du niveau du sol;
nous-même nous avons constaté, en outre, que cette roche forme un collier à la base des
collines dont nous venons de parler, avec des affleurements nombreux du côté du village
de Phsar Dei.
IH 11
82 GÉOLOGIE ET MINERALOGIE.
Ces faits prouvent que le banc ferrugineux s’est formé longtemps après le soulève
ment qui à produit les collines de Oudong, et qu'il s’étend autour de ces massifs sur une
grande surface s’enfonçant à diverses profondeurs selon les ondulations du sol à l’époque
de son dépôt.
Ce minerai de fer est d’ailleurs de formation récente et se trouve intercalé dans les
alluvions. Les ouvrages de maçonnerie qui sont presque exclusivement en pierre de Bien-
hoa, quel que soit le lieu où ils aient été construits, indiquent assez que cette roche est
très-répandue et très-abondante.
En parcourant la province d’Angcor, nous avons trouvé partout la pierre de
Bien-hoa qui a servi à la construction des nombreux monuments dispersés dans le
pays. Les carrières que nous n'avons pu visiter sont très-éloignées de l’ancienne ville ;
elles sont situées au pied des montagnes qui entourent une partie de la province. Ce
lieu d'extraction a sans doute été choisi à cause des affleurements superficiels de la
roche qui parait se trouver beaucoup plus profondément dans les environs de la ville.
Enfin, nous avons encore rencontré cette limonite sur les bords du grand fleuve (Mekong)
à 40 milles environ au-dessous des rapides de Sombor. La hauteur des eaux ne nous a
pas permis d’en suivre la couche.
Pour nous résumer, nous dirons que tout porte à croire que le banc de roche de
Bien-hoa couvre une grande partie de la Cochinchine française et du Cambodge, entre
les montagnes de Bien-hoa et de Baria, à Est, et celles de Pursat et de Battambang,
à l'Ouest.
. Les 16 et 17 juin, nous avons parcouru les collines qui sont situées à 6 kilomètres
Sud-Ouest de Compong Luong, et que lon désigne habituellement sous le nom de
montagnes de Oudong.
L’altitude de ces montagnes au-dessus de la plaine est d'environ 140 mètres; elles se
dirigent du Sud-Est au Nord-Ouest vers les montagnes de Battambang, au soulèvement
desquelles elles semblent appartenir. Les divers points culminants sont couronnés de
pagodes et de tombeaux d'anciens rois du Cambodge. Ces monticules couverts d’une fort
petite quantité de terre végétale sont formés de Quartzite dont les blocs superficiels ont
élé détériorés par les influences atmosphériques et les incendies annuels des herbes
et des arbrisseaux qui croissent sur ces collines. |
Les indigènes du Cambodge nous ont remis de la limonite des marais, du fer car-
bonaté venant de la partie Nord-Est des montagnes de Compong Soai, et diverses
roches, telles que porphyres, granites, grès, albâtre, calcaire, provenant des montagnes
de Pursat et du haut de la rivière de Oudong.
La plaine d'Angcor offre peu d'intérêt au géologue ; c’est une grande plaine d’allu-
vion, tantôt marécageuse, lantôt couverte de forêts, bornée à l'Ouest et au Nord par des
montagnes, à l'Est, par la province de Compong Soai, et au Sud par le grand lac. Le
sable des forêts est fin, fortement mélangé de mica; il parait contenir aussi quelques
parcelles d’or, car on le trouve fouillé en plusieurs endroits, surtout dans l'enceinte de
la vieille ville. Nous ignorons la quantité d’or que peut recueillir en un jour une personne
ITINÉRAIRE. 83
habituée à ces lavages ; ce métal précieux ne doit toutefois pas être très-considérable, puis-
qu’on ne le recherche qu'à l'époque où tous les travaux de l’agriculture sont suspendus.
Nous avons déjà parlé du bane de roche ferrugineuse que nous supposons couvrir
la province à une certaine profondeur.
Une rivière courant du Nord au Sud, et allant se jeter dans le grand lac traverse cette
province ; elle roule une grande quantité de galets de poudingue siliceux et un gravier de
quartz blanc avec nombreuses paillettes de mica. Les indigènes ne lavent pas le sable
de cette rivière.
Entre la pagode et l’ancienne ville d’Angcor, il existe un petit monticule en pain de
sucre, appelé Mont Bakeng, composé de poudinques polygéniques : c’est un grès jaunätre
empâtant de gros galets si/iceux, des blocs de quartz, de la pegmatite dont les cristaux de
feldspath sont décomposés, et plusieurs autres roches. Le sommet du Mont Bakeng ayant
été rasé pour l'établissement d’une pagode autour de l'empreinte sacrée d’un pied de
Bouddha, il nous a été facile de bien étudier ce poudingue.
Les nombreux monuments anciens de la province d’Angecor sont bâtis, quelques-uns
en briques encore fort belles, et ayant admirablement résisté aux intempéries des saisons,
d’autres, et ils sont les plus nombreux, en grès variant beaucoup quant à leur couleur
et à la finesse de leurs grains, mais, tous appartenant à la même époque; ils sont géné-
ralement très-propres aux constructions. On compte quatre sortes de grès, tous micacés,
le jaune, le bleuâtre, le vert et le rouge. Les trois derniers ont le grain très-fin et très-
adhérent, et sont susceptibles d’être polis : aussi les sculpteurs les ont-ils choisis de
préférence au grès jaune pour les statues, les bas-reliefs et les riches et originales
sculptures qui ornent les pagodes et les palais d’Angcor. Nous n'avons pu visiter les
carrières d’où ces grès étaient retirés ; nous savons seulement qu'elles sont au Nord et à
environ 10 lieues de la vieille ville.
Après avoir visité la province et les monuments d’Angcor, nous revenons sur nos
pas pour reprendre le Mekong à Pnom Penh.
En remontant ce fleuve à 35 milles environ au-dessous de Cratieh, l’on voit, sur la
rive droite, des berges à pic de 12 à 15 mètres d’élévation, blanches le plus souvent, mais
quelquefois colorées superficiellement en rouge par le lavage des terres ferrugineuses qui
les recouvrent. Cette matière blanche n’est autre que du kaolin renfermant une certaine
quantité de quartz en grains de petites dimensions. Le kaolin semble constituer à lui seul
plusieurs collines en fer à cheval dont les deux extrémités viennent aboutir au fleuve qui
les coupe et forme les falaises-dont nous venons de parler. Une couche de terre végétale
de quelques mètres d'épaisseur recouvre ces amas de kaolin, et fournit une riche végé-
tation de grands arbres, qui pourront être utilisés, si un jour l’industrie vient exploiter
cette roche si précieuse pour la fabrication de la porcelaine. La quantité de kaolin est
assez considérable pour qu'on puisse bâtir des villes avec cette matière devenue inalté-
rable par la cuisson. Des briques provenant de la tour de Nankin que nous avons vues
et possédées sont dans un état de conservation aussi parfait que le jour où elles sont sorties
du four.
84 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Au Nord-Est du village de Cratieh, il existe des carrières d’un calcaire compacte très-
propre à la fabrication de la chaux; c’est de là que le roi du Cambodge tire toute la chaux
employée à la construction de son palais de Pnom Penh.
Entre Cratieh et Stung Treng, l’eau du Mekong ayant entrainé les terres alluviales
a mis à nu des bancs de roches qui embarrassent le lit du fleuve, et déterminent des
rapides dangereux. L'époque à laquelle nous les avons franchis n’était pas favorable pour
étudier les roches qui forment barrage et occasionnent ces rapides (du 13 au 20 juilllet
1866). L'eau couvrait à peu près tous les obstacles, et le courant était si puissant, que les
indigènes refusaient de nous faire traverser le fleuve dans leurs barques; de sorte que nous
n'avons pu examiner que quelques roches sur la rive gauche, encore n’a-t-il pas été pos-
sible, le plus souvent, de savoir si elles avaient été apportées par les eaux. Nous sommes
persuadé que bien des choses nous ont échappé pendant ee long trajet, que nous n’avons
pu faire que fermé dans une embarcation à l'abri du soleil et de la pluie. Nous nous bor-
nerons, en conséquence , à donner la nomenclature simple des roches que nous avons
vues et recueillies :
1° Des débris de Syénite à petits grains. Cette roche paraît être en place au niveau de
Cratieh ;
2° Des galets roulés de porphyre pyroxénique noir à nombreux cristaux d’augite
3° De l’ophite formant des bancs épais au travers du fleuve;
4° Des cailloux roulés siliceux ;
9° Des débris de plusieurs variétés de grès qui proviennent vraisemblablement de
bancs assez considérables que nous avons déjà vus un peu au-dessous de Stung Treng.
En cet endroit la roche est de couleur bleuatre, très-dure et à grains fins. Les couches
semblent traverser le fleuve, s'étendent de l'Est à l'Ouest, et sont inclinées de 15 à
20° environ vers le Nord.
Il existe encore deux grès moins répandus, un jaune, micacé, de désagrégation facile,
un autre rougeûtre, grossier, passant au poudingue, très-résistant, formé de quartz et de
mica réunis par un ciment ferrugineux.
Près de ces banes l’on rencontre souvent d'énormes blocs de poudingues polygéni-
ques, qui semblent se rattacher à la formation précédente dont ils seraient la partie supé-
rieure.
Du 22 juillet au 14 août, nous avons séjourné à Stung Treng, village Laotien situé
au confluent du Mekong et de la rivière d’Attopeu ou Se Cong, sur la rive gauche de
ce dernier cours d’eau.
Le pays est plat et alluvionnaire au-dessus comme au-dessous des rapides; on ne voit
aucune montagne à l'horizon. Quelques collines à cheval sur le fleuve, de 12 à 15 mètres
au-dessus du niveau des eaux, entourent le village au Sud et à l'Est, et semblent se pro-
longer assez loin vers les montagnes de la Cochinchine , parallèlement à la rivière d'At-
topeu; sur la rive droite du fleuve, elles vont probablement rejoindre les montagnes de
Compong Soai dans le Cambodge. Les pentes sont douces, couvertes de forêts ; la couche
d'humus formée d'argile, de sable noiratre et de débris végétaux, est assez épaisse pour ne
ITINÉRAIRE. ep)
laisser apparaitre à sa surface ni aspérité de bancs, ni blocs de roche; mais l’on ren-
contre en grande abondance, sur la crête de toutes ces collines, des cailloux roulés de
quartz de diverses couleurs, dont les plus gros n’atteignent pas le volume du poing.
A l'extrémité Est de Stung Treng, dans le lit d’un torrent qui vient se jeter dans la
rivière d’Attopeu, nous avons observé, à 5 kilomètres environ de son embouchure, des
ophites renfermant des filons d’eurite, et présentant de nombreux cristaux de pyrite jaune.
Cette roche paraît avoir subi un soulèvement postérieur à sa formation. Les dislocations
qui en ont résulté ont occasionné dans la masse de nombreuses fissures, s’entre-croisant
irrégulièrement et dans lesquelles ont été injectés du quartz et autres matières.
Le gisement a la même direction que les collines, et la crête en est relevée de 45° vers
le Sud. N'ayant trouvé aucun autre endroit où celte roche füt dénudée, 1lne nous a pas
été permis de contrôler nos premières observations.
Les collines de la rive gauche et celles de la rive droite sont reliées, au dire des mdi-
cènes, par des rochers qui oceupent le lit du fleuve et qui étaient complétement couverts
par les eaux à l’époque où nous nous trouvions à Stung Treng.
Au-dessous de ce village, sur la rive droite du fleuve, une colline d'environ 45 mètres
de hauteur, Pnom Combor, est formée de calcaire avee nombreux points spathiques.
Entre Sieng Pang et Attopeu , sur la rive droite du Se Cong,
nommée Mai-pai Phou (montagne des Bambous), d’où descend une rivière du même
il existe une montagne
nom, qui à mis à découvert un gisement de galène; les indigènes qui l’exploitent le
disent inépuisable. Nous ne savons rien des procédés d'extraction employés, si ce n’est
que le minerai est mélangé à du fer venant de Compong Soai. La navigabilité de la rivière
d'Attopeu et la proximité de notre colonie de la Cochinchine rendent cette mine d’une
exploitation possible et lucrative.
Sur la rive droite du fleuve, entre Stung Treng et l’ile de Khon, mais beaucoup plus
près de ce dernier point, se trouvent de beaux marbres à nombreux fragments spathiques.
Ils forment la berge du fleuve pendant un espace assez long, ce qui en rendrait l’extraetion
facile et le transport peu couteux. Les échantillons rapportés par M. Garnier, bien que de
petites dimensions, sont suffisants pour en faire apprécier les qualités et les riches
couleurs.
À Khon la physionomie du pays change un peu. Un soulèvement allant de l'Est à
l'Ouest a barré le fleuve, et a formé un grand lac qui a été comblé petit à petit par les ma-
tières que les eaux ont apportées : il a donné lieu en outre à des rapides infranchissables
pour les bateaux et les barques de toutes dimensions. Sur lemplacement du lac le fleuve
est encore très-large, et entoure une multitude d’iles dont les indigènes ne connaissent
pas le nombre. La différence du niveau des eaux entre le plan supérieur et le plan
inférieur est d'environ 20 à 25 mètres, et la distance qui sépare ces deux niveaux ne
dépasse pas 2,000 mètres.
Le fleuve, au moment où il s'engage dans les rapides, est divisé en huit bras prinei-
paux plus ou moins gros, qui viennent, les uns en torrents, les autres en cascades mul-
liples et partielles, se réunir comme les rayons d’un éventail au pied de lile de Khon.
50 | GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
La ligne de soulèvement qui forme barrage au fleuve, à peine sensible dans son pro-
longement du eôté de la Cochinchine , se caractérise subitement au point où le fleuve
franchit pour s’effacer ensuite petit’ à petit en s’avançant vers l’Ouest. L'effet s’est done
surtout fait sentir à l'endroit des rapides. Cinq mamelons, dont le plus haut peut avoir de
4 à 500 mètres d’élévation au-dessus du niveau des eaux, forment un cercle à peu près
complet autour d’une immense cavité dans laquelle passe le principal bras du fleuve.
Quatre de ces monticules se trouvent en dehors, à l’Ouest du fleuve, le cinquième est
dans la partie Sud de l’île de Khon; tous sont couverts d’une riche végétation. Les cre-
vasses de dislocation ayant été en cet endroit nécessairement plus profondes que partout
ailleurs offrirent à l’écoulement des eaux des lits tout préparés, et le fleuve, qui avait d’a-
bord de la tendance à se diriger vers le Sud-Ouest, ne trouvant pas d’issue, déerivit une
courbe en se rapprochant du Sud et vint se perdre au milieu des collines dont nous parlons.
Les 22, 23 et 24 août, nous avons exploré l’ile de Khon et les parties du fleuve qui
nous étaient accessibles. Le lit et les bords des bras principaux sont formés d’une roche
métamorphique à texture granitoïde, contenant des débris d’ophite et de quartz. Les cou-
ches sont relevées verticalement et courent E. et O.; par intervalles l’on rencontre,
ayant la même direction, des filons de quartz, tantôt compacte, tantôt granulaire, tantôt
cristallin ; lorsque le filon est épais, il arrive que les parties en contact avec les murailles,
sont compactes et que le centre renferme des cristaux perpendiculaires aux murailles,
et ayant leur sommet tourné vers la partie centrale du filon. L'on voit souvent dans un
même filon des couches de kaolin alterner avec des couches de quartz compact. Le lit du
fleuve parait être complétement formé par cette roche métamorphique et par des
schistes polygéniques également métamorphiques:; nous les avons rencontrés dans tous
les points des rapides et toujours par couches puissantes; quelques échantillons ont été
pris dans le lit même du grand bras, sur des blocs que les eaux ne couvraient pas encore.
Le ciment de ces schistes renferme du carbonate de chaux, car au contact de l'acide
chlorhydrique, il se fait une légère effervescence sans désagrégation sensible de la
masse.
Sur les bords de la rive gauche du grand bras, à la partie inférieure de l'ile de
Khon, nous avons trouvé, mais n’appartenant pas à un gisement régulier, des bloes de
poudingues ferro-siliceux, des morceaux de carbonate de chaux à l'état fibro-lamellaire,
et un débris de schiste noir, tabulaire, à grains très-fins. Le sable est gris-brun et forte-
ment micacé.
L’exploration du monticule de l'ile de Khon a offert peu d'intérêt. Sur le versant Sud
et au deuxième tiers de la hauteur, nous avons rencontré des blocs de calcaire dolomi-
lique avec cristaux de carbonate de chaux, couverts en grande partie par la terre végétale,
ce qui ne nous a pas permis de prendre l’épaisseur des couches ni leur direction. Sur
le sommet nous avons trouvé une roche argileuse en couches bien stratifiées : cette roche
se transforme en argile jaune brunâtre par une exposition prolongée à l'air et aux agents
atmosphériques et se couvre d’une végétation excessive qui rend l'accès de la montagne
très-difficile. De cette argile, au moment des pluies, sort un nombre incaleulable de
ITINÉRAIRE. 87
petites sangsues dont on est bientôt couvert et qui parviennent à mordre, quelques pré-
cautions que l’on prenne.
Nous n'avons pu explorer les autres monticules à cause de l’inondafion.
A 10 ou 12 milles au-dessus des rapides de Khon, au milieu d’alluvions, il
existe une chaine de collines à cheval sur le fleuve et se prolongeant fort loin de chaque
côté. Elle est formé d’une série de dômes à peu près de même hauteur, 200 à 300 mètres
au-dessus du niveau des eaux du fleuve, courant E. et O0. et reliés entre eux par des
cols ayant généralement à peu près la moitié de l'élévation générale. Le fleuve, en cet
endroit, se divise en deux bras qui enlacent l’île de Khong dans laquelle se trouve le
village du même nom, résidence du Mandarin gouverneur de la province. Les obstacles
que cette chaine, lors de sa formation, dut opposer au libre écoulement des eaux, ont
entièrement disparu : le fleuve n’est pas sensiblement plus rapide en cet endroit que
dans les autres points, du moins pendant la saison des hautes eaux.
L'ile de Khong, au niveau de la chaîne, peut avoir de 6 à 8,000 mètres de largeur ;
elle renferme cinq dômes distincts, dont quatre sur une même ligne ; le cinquième est
sur un second plan plus Nord et touche au monticule le plus rapproché du village.
Nous avons plusieurs fois parcouru les collines de l’île de Khong et celles de la rive
gauche du fleuve; elles sont toutes de composition identique; partout nous avons
rencontré un porphyre noir rougeatre, composé d’une pâte feldspathique renfermant
du feldspath vitreux, des cristaux de feldspath albite souvent détériorés et du quartz.
Dans l’île et sur le versant Sud du dôme placé au second plan, cette roche forme
une saillie arrondie considérable qui n’a pas moins de 40 mètres de puissance. Au-
dessus du porphyre existe un poudingue formé de blocs de porphyre quartzifère, de
débris de quartz et d’arkose silicifiée; ces matériaux sont reliés entre eux par un grès
verdätre qui fait l'office de ciment; la couche est de plusieurs mètres d’épaisseur par-
tout où nous l'avons rencontrée. Les galets ramassés dans les torrents qui descendent
des collines sont absolument de même composition que les roches que nous venons
de désigner; l’eau et les influences atmosphériques en ont seulement changé l'aspect
extérieur et modifié la couleur des matières composantes. Au pied des collines et dans le lit
de ces mêmes torrents, l’on trouve un ciment argilo-ferrugineux formant avec les débris des
roches supérieures une nouvelle roche très-tendre qui participe à la fois de la composition
d’une limonite et d’un poudingue. Des filons très-étroits d’une matière terreuse et blan-
châtre, que nous croyons être du kaolin montent en dykes à peu près verticaux à travers
la roche porphyrique et sont quelquefois accompagnés de pyrite de fer en très-petite
quantité. Il existe des filons analogues de quartzite et de quartz compacte; souvent des
couches de quartz blanc alternant avec des couches de quartz d’un rouge de corail donnent
à ces filons un aspect rubané. Les agents atmosphériques ont une action destructive
très-prononcée sur la roche des montagnes de Khong, le porphyre prend d’abord une -
couleur gris de cendre, puis se désagrége pour devenir terre végétale.
De Khong à Bassac le fleuve coule au milieu d’alluvions.
Le village de Bassac, chef-lieu de la province de ce nom, est situé sur la rive droite du
88 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Mekong, au pied des montagnes qui l'entourent de l'Ouest au Nord. Le fleuve en creu-
sant son lit a isolé ces montagnes des grands massifs qu'il laisse à gauche et dontelles fai-
saient partie dans le principe. Les formes générales sont les mêmes et les grès qui en cons-
lituent la masse apparente sont identiques des deux côtés du fleuve à en juger par les
échantillons recueillis sur les bords du Se Don. Nous n'avons exploré que les montagnes
de Bassac, encore ne sommes-nous pas arrivé à leurs sommets qui n’atteignent cepen-
dant pas 1,500 mètres. Les bambous, les lianes et des arbres épineux de toute sorte en
interdisent l’accès.
La composition en est bien simple : à Wat Phou (Pagode de la montagne), au S.-0. du
village, un schiste argileux brunâtre d’une très-grande puissance, dont on voit plu-
sieurs centaines de mètres au-dessus du niveau du fleuve, supporte un grès psammite
fortement micacé à grains de quartz un peu gros mais bien liés. L'épaisseur de cette
seconde roche est aussi de plusieurs centaines de mètres. Les couches sont stratifiées,
sensiblement horizontales et d’épaisseurs diverses. Ce grès est fréquemment employé
dans les constructions et résiste bien aux influences atmosphériques.
A 600 ou 700 mètres au-dessus de la plaine, dans le contre-fort N.-E. du pic sur-
monté d’un téton, nous avons trouvé le même schiste qu'à Wat Phou, seulement nous
n'avons pu constater s'il descendait jusqu'au niveau du premier; le lit du torrent
que nous avons suivi pour arriver à cette hauteur est tellement encombré de blocs de
]
grès qu'on ne peut pas suivre la continuité des roches, mais nous certifions que le
grès qui surmonte les schistes est semblable dans les deux cas. Telle est la com-
position des montagnes de Bassae; jusqu'à présent nous n'avons trouvé aucun fossile
qui caractérise l’époque géologique de leur formation.
En remontant le torrent dont nous venons de parler nous avons rencontré des
blocs de grès imprégnés de sel de cuivre et nous avons pu les suivre jusqu'au gise-
ment. Le minerai se trouve immédiatement au-dessous des grès, auxquels il est sou-
vent adhérent, mélangé à une couche de calschistes de 0",50 à 1 mètre d'épaisseur qui
sépare les schistes des grès; au milieu de ces calschistes l’on voit des empreintes végé-
tales très-frustes et des filons de charbon de 0",001 à 0,01 d'épaisseur. Nous reparle-
rons de ce gisement au chapitre de la Minéralogie.
Du 2 novembre au 4 décembre nous avons accompagné le chef de lexpédition
dans une excursion pour explorer le triangle formé par le Mekong et le Se Don. De
Bassac nous sommes allés rejoindre le Se Don dont nous avons remonté le bassin Jusqu'à
deux journées de marche au delà de Saravan; puis franchissant les collines et les cols
qui séparent ce bassin de celui du Se Cong ou rivière d’Attopeu, nous sommes descendus
pendant cinq jours, soit par éléphants, soit par embarcations, jusqu'à Tapae, à 30 milles
au-dessous du village d’Attopeu. Là nous avons quitté le Se Cong pour nous diriger à
‘peu près directement vers l'Ouest à travers les forêts. Le 4 décembre, à 10 heures du
matin, nous étions à Paktuey sur le petit bras du Mekong en face de Bassac ?
1 Voir la carte itinéraire n° 2, Atlas, planche VI.
ITINÉRAIRE. 89
Cette excursion promettait d’être intéressante au point de vue géologique et mi-
néralogique et l’aurait été en effet sans le mauvais vouloir que nous avons rencontré
chez les indigènes. Nous savions d'avance, par des renseignements et par des
échantillons qui nous avaient été remis à Bassac, qu'il existait en divers endroits,
dans les massifs de la rive gauche, des gisements de minerais de fer oligiste et carbo-
naté, de plomb, d’antimoine, d’or et d'argent. Il n’a pas été possible de visiter un
seul de ces gisements. Les gens de la province de Kamtong noi nous disaient que
les métaux se trouvaient sur Saravan; ceux de Saravan les mettaient sur Atlopeu et
vice versd. Patience, promesses, menaces, tout fut inutile. Nos observations se sont
donc bornées à l'étude des terrains que nous avons traversés. Nous indiquerons aussi
les groupes de montagnes, qui, au dire de quelques indigènes plus confiants, renfer-
meraient des minerais. A l'extrémité Nord de Bassac nous recucillimes dans une pagode
deux échantillons de minerais de cuivre et de fer qu’on nous dit venir du massif mon-
tagneux de la rive gauche. Nous connaissions déjà la présence du fer en cet endroit,
mais non celle du cuivre. Cette indication peut avoir une grande importance à cause
de la présence du cuivre déjà constatée près de Bassac, mais elle a besoin d’être
vérifiée.
Un peu avant d'entrer dans le Se Don, sur la rive gauche du fleuve, il existe de
nombreux débris et des colonnes encore debout de wacke à retraits bolaires ; les colonnes
sont pentagonales, mais petit à petit les angles s’'émoussent, et il arrive un moment où la
colonne n’est plus formée que par la superposition d’un certain nombre de blocs sphé-
roïdaux de 30 à 40 centimètres de diamètre. Les colonnes non encore entamées par le
courant du fleuve conservent leur forme pentagonale, bien qu’elles soient déjà détériorées
dans leur composition.
De l'embouchure du Se Don jusqu'au village de Solo niai nous n’avons rien vu de par-
ticulier. Les berges hautes de 10 à 12 mètres sont formées d'argile jaunâtre et de terre végé-
tale au-dessous desquelles on trouve quelquefois une marne rougeätre très-carbonatée. Le
lit contient des cailloux roulés de psammites, du sable provenant de la désagrégation de
ces dernières roches et des débris voleaniques, principalement des laves. Plusieurs bancs
de grès micacés forment des barrages à travers le lit de la rivière et rendent la navigation
impossible pendant la saison des basses eaux.
Le massif montagneux que nous avons déjà indiqué comme contenant divers métaux
fournit aussi un calcaire employé par les indigènes; mais ce qu'il renferme de plus pré-
cieux, ce sont des mines d'argent qu’on à refusé de nous montrer après nous en avoir parlé,
des gisements de galène, et des minerais de fer oligiste. Tous ces métaux, l'argent excepté,
avaient déjà été indiqués à H. Mouhot.
. En nous rendant par terre du village de Solo niai à la cataracte du Se Don, qui se trouve
à quelques milles au-dessus à la tête de l’île Don niai !, nous avons rencontré, sur la rive
gauche, des scories volcaniques en abondance et des blocs basaltiques surgissant à travers la
! Don veut dire île, et Niai grande.
IT. 12
90 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
terre végétale. Il existe une multitude de montieules, souvent près les uns des autres,
exclusivement constitués de débris volcaniques. Ces montieules sont quelquefois disposés
en cercle de manière à former comme les bords d’un cratère dont le centre aurait été com-
blé par la terre végétale; mais le plus souvent ils suivent des lignes diverses, comme si les
éruptions s'étaient faites par des crevasses. La constitution géologique paraît être analogue
Jusqu'au pied des montagnes.
La cataracte du Se Don comprend toute la largeur de la rivière et forme un croissant
ayant sa convexité tournée contre le courant. La chute est perpendiculaire et peut avoir
de 14 à 15 mètres de hauteur; les eaux tombent d'un seul jet à chaque extrémité du
croissant, mais au centre un premier jet de 6 à 7 mètres vient se briser sur une plate-
forme de lave pour rejaillir ensuite dans la masse du courant. Sur la rive gauche, au-dessous
de la cataracte, il existe une chaussée basaltique assez analogue à la chaussée basaltique du
Volant dans l’Ardèche; elle a 200 mètres de longueur et plusieurs mètres de largeur.
Les colonnes pentagonales, quoique fortement pressées les unes contre les autres, sont
bien indiquées. Au moment où nous avons visité cette chaussée, les colonnes dépas-
saient de 0",75 le niveau des eaux (6 novembre 1866). Une couche de lave de 6 mètres
de puissance est superposée à ce plan basaltique ; cette lave est bien moins dure et moins
dense que le basalte, elle est finement poreuse et se laisse facilement attaquer par le
ciseau. La coulée, qui n'appartient point à la même éruption que le plan basaltique,
a précédé elle-même une troisième éruption dont la lave est descendue dans les Jomts
de retrait de la précédente et est venue sur le plan basaltique, en formant des cônes
aplatis et ondulés, comme le ferait une matière asphaltique à moitié liquide. Cette der-
mère couche est plus dure et plus dense que la seconde; elle est fendillée irrégulière-
ment dans toute son épaisseur, de manière à former de petits blocs, s’enchevétrant les
uns dans les autres, que l’on peut difficilement détacher de la masse; elle constitue le
lit de la rivière au-dessus de la cataracte. La partie en contact avec les eaux courantes
est noire et luisante comme l’obsidienne. L’étendue occupée par ces matières volcaniques
est considérable ; nous avons suivi la couche plusieurs centaines de mètres au-dessus des
chutes, et l'avons vue s’enfoncer et disparaître sous les eaux et la terre végétale des rives.
L'île est formée de scories volcaniques sur lesquelles est un dépôt de terre végétale.
Au-dessus des chutes jusqu’au petit village de Knoiï, le Se Don est analogue à la
partie que nous avons déjà parcourue; les rapides sont plus fréquents et les bancs de
marne rougeatre plus nombreux. On remarque que ces derniers sont surtout apparents
lorsque le lit de la rivière se rapproche davantage des montagnes. Entre Smia et Knoï,
mais plus près de ce dernier village, il existe une cascade fort originale. Une série d’as-
sises de grès psammites disposées en gradins horizontaux occupe toute la largeur de la
rivière; la différence des deux niveaux extrêmes est d'environ 10 mètres. L’eau coule et
tombe en larges nappes sur ces gradins comme sur un immense escalier.
De Knoï à Saravan nous suivons la corde de la portion de cercle que décrit le Se Don
pour relier ces deux points. Dans le trajet nous rencontrons les mêmes accidents volea-
niques qu'aux environs de Solo niai : tantôt ce sont des monticules de scories, tantôt des
ITINÉRAIRE. 91
excavations ou bassins naturels, où l’eau des pluies séjourne d’une année à l’autre dans
d'immenses euvettes de lave. Ces bassins sont probablement les cratères des anciens
volcans qui ont vomi toutes ces roches.
Saravan est un grand village, chef-lieu de la province de ce nom, agréablement situé
sur les bords du Se Don et environné, excepté à l’Ouest, de hautes montagnes que l’on
dit très-riches en métaux; l’antimoine est surtout abondant. Les indigènes connaissent
son emploi en médecine et s’en servent aussi pour falsifier les monnaies de cuivre.
Pendant deux jours encore, après avoir quitté Saravan, nous marchons au milieu
de débris volcaniques; ils ne disparaissent que le troisième jour au moment où nous
franchissons un plateau élevé et des collines de grès qui séparent le bassin du Se Don de
celui du Se Cong. A peine étions-nous au bas du versant opposé que nous retrouvions de
nouveau les mêmes roches volcaniques. Dans le lit d’un torrent, qui se Jette dans le Se Cong,
et sur les bords duquel nous campames, la lave est brusquement interrompue et détermine
une chute de 12 à 15 mètres de hauteur. L’épaisseur de ce produit volcanique est de
8 mètres environ, et parait appartenir à une seule coulée. Cette lave repose sur un lit
de 0",50 à 1 mètre d'épaisseur de cailloux roulés , quarizeux et sur un schiste analogue à
celui que nous trouvons au-dessous des grès de Bassac. Par l'influence de la chaleur la couche
supérieure de schiste s’est divisée en plaques losangiques très-régulières, ce qui donne aux
plates-formes découvertes l'aspect d’un parquet. Une couche volcanique analogue à celle-ei
couvre toute la plaine au Nord des montagnes de Luong jusque sur les bords du Se Cong.
Cette rivière, de Coumkang à Tapac, roule une grande quantité de cailloux et de sables
quartzeux qui s’amoncellent en certains endroits et forment de nombreux bancs, découverts
seulement aux basses eaux, sur lesquels les habitants des montagnes voisines, appelées
Khas ou sauvages, descendent à l’époque des basses eaux pour laver les sables et en retirer
la poudre d'or dite d’Attopeu. Les chercheurs d’or reconnaissent la présence de ce précieux
métal à certains graviers et galets; puis ils installent des huttes sur le banc qu'ils ont
choisi et travaillent à l'extraction de l’or pendant toute la saison sèche. Ils lavent de
préférence les sables qui s’amoncellent autour des toutfes de broussailles. La poudre
recueillie est mise dans des tubes ou tuyaux de plumes d'oiseau et livrée ainsi au com-
merce. Nous n'avons pas vu pratiquer l’amalgame. Nous ne supposons pas non plus
qu'ils broient les cailloux volumineux qui pourraient contenir des paillettes; rien dans
le petit campement que nous avons visité ne le fait supposer; un vase en bois très-
évasé et peu profond est le seul ustensile dont ils se servent. Nous sommes porté à croire
que ce travail est peu lucratif, et serait abandonné, si la cour de Siam n’exigeait des Khas
que les impôts soient payés avec de la poudre d’or.
Au dire des indigènes, l'exploitation se bornerait au lavage des sables de la rivière,
aucun d'eux n'aurait cherché à remonter aux gisements; il faut ajouter peu de foi sur tout
ce qu'ils racontent, mais principalement en pareille matière. Ils sont d'autant plus défiants
que nous avons la réputation de voir dans les entrailles de la terre les trésors qui y sont
cachés.
A quelques milles au-dessous de Tapac se trouvent les mines de plomb de Mai-paï,
92 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
dont des échantillons de galène nous ont été donnés à Stung Treng, nous aurions pu fa-
cilement les visiter pendant notre court séjour à Tapac, mais on s’est bien gardé de nous
en instruire, ce n’est que deux jours après notre départ que nous avons appris que nous
étions si près des mines.
De Tapac à Paktuey, sur les bords du Mekong, nous ne rencontrons partout que
produits volcaniques, scories, laves, basaltes, etc.; les lits des torrents et des rivières sont
encombrés de ces roches. Dans le lit du Compho quelques cailloux roulés de porphyre
étaient inclus dans les masses basaltiques.
Sur les bords d’un ruisseau, le Se Keua (rivière de sel), des indigènes faisaient éva-
porer de l’eau salée qu'ils retiraient de puits peu profonds, creusés à peu de distance du
ruisseau.
Pour résumer nous concluons qu’à une époque que nous ne pouvons déterminer, des
volcans ont couvert de leurs épanchements une grande portion du triangle formé par le
fleuve et le Se Cong, jusques et y compris le bassin du Se Don; en outre, nous sommes
persuadé que les métaux utiles et précieux sont en très-grande abondance dans le massif
montagneux dont nous avons fait le {our complet; mais il est bien difficile, pour le moment
du moins, d’en découvrir les gisements. On ne rencontre partout que crainte et mauvais
vouloir de la part des indigènes.
La roche dominante de cette montagne, singulièrement isolée au milieu de plaines
de lave, paraît être le grès psammite, e’est lui que nous avons trouvé à Tapac où nous
avons pu approcher de la montagne; du côté du Mekong, en face de Bassac, elle
forme une grande coupe absolument analogue à celle des montagnes de Bassac et présen-
tant la même physionomie et les mêmes stratifications. Nous n'avons pu approcher de cet
endroit, les indigènes refusent d'y conduire à cause des forêts inextricables et des bêtes
fauves qu’elles abritent.
En remontant le fleuve de Bassac à Pak Moun, l’on ne rencontre partout qu'un grès
gris quartzeux, à grains un peu gros, mais bien liés, avec nombreuses parcelles de mica
blanc et jaune (Psamimites). Cette roche constitue les montagnes et les monticules de
cette partie du Laos, et forme le lit du fleuve qu’elle encombre souvent d’ilots et d’écueils
recouverts à l’époque des hautes eaux. Le courant est parfois resserré entre deux mu-
railles de grès, et il est un point, entre Pak Moun et Kemarat, où la largeur du fleuve
n’est que d’une cinquantaine de mêtres. Un débris d’obsidienne a été trouvé sur la rive
gauche du fleuve, un peu au-dessus de l'embouchure du Se Don, au milieu d’un grand
nombre de morceaux de pierre ponce roulés.
À Pak Moun, le Mekong recoit un affluent considérable, le Se Moun, qui vient de
l’Ouest et traverse la province d’Oubôn. Près du point de jonction des deux rivières, le
lit du Se Moun est barré de part en part par des couches de grès qui donnent lieu à des
rapides et à plusieurs chutes d’eau qui rendent cette rivière impraticable à la naviga-
tion. Ces barrages se renouvellent douze à quinze fois sur un parcours d'environ 20 milles,
entre les villages de Pak Moun et Pi Moun; les grès qui les forment sont de deux sortes :
l’un sous-jacent, gris, quartzeux et très-dur, est semblable à celui des bords du fleuve ;
ITINÉRAIRE. 05
l’autre, placé tout à fait à la surface, et manquant bien souvent, passe au poudingue; il
est très-grossier, à grains quartzeux de volumes très-variables, à angles à peine émoussés,
avec de grosses paillettes de mica. On peut dire que c’est un conglomérat psammite lié
par un ciment argilo-ferrugineux. Le contact de l’eau courante laisse à la surface de
cette dernière roche un vernis brunätre, ferro-limoneux, qui ferait supposer de prime
abord dans l'agrégation des parties constituantes une certaine ténacité qui disparait dès
que la première enveloppe a été brisée. Nous avons aussi rencontré dans les premiers
rapides, sur la rive gauche, un beau grès jaune très-fin et facile à travailler, mais il était
par blocs isolés, ne se reliant à aucun gisement voisin. Les eaux de la rivière creusent
dans ces divers grès des trous et de petites anses où viennent se déposer des cailloux
roulés siliceux : les indigènes recueillent comme pierres précieuses ceux de ces cailloux
qui sont translucides ou colorés, qui descendent sans doute de fort loin, car jusqu'à
Oubôn nous n'avons vu aucune roche analogue.
Un vaste plateau, élevé au-dessus du fleuve de la hauteur de tous les rapides qu'il
nous à fallu franchir pour arriver à Pi Moun (de 25 à 30 mètres), commence à ce dernier
village, et, au dire des indigènes, s'étend très-loin vers lOuest de chaque côté du
Se Moyn. Il est limité à l'Est par les collines de grès qui forment les rapides. De ce point,
les collines se dirigent, les unes, vers le Sud et les montagnes de la province de Bassae,
les autres, vers le Nord parallèlement à la rive droite du fleuve. Le soulèvement qui pro-
duisit ces collines opposa une barrière à l'écoulement des eaux, et retint en même temps
toutes les matières charriées et autres qui comblèrent ce grand bassin qui forme aujour-
d'hui une immense plaine sans autres accidents que les ravines qui reçoivent les eaux
à l’époque des pluies. La rivière s’est creusé sur ce plateau un lit si uniforme et si régu-
lier qu'on le croirait fait de main d'homme. Une argile jaunâtre veinée de blane, sur-
montée d’une couche de sable de 3 mètres d'épaisseur en moyenne, constitue les berges
d’Oubôn et au-dessous. Des débris de fer limoneux que l’on rencontre souvent dans ces
couches de dépôts indiquent assez, à défaut de fossiles, que ce terrain est de formation
relativement récente, et qu'il peut être considéré comme l’analogue des vastes dépôts
alluviaux de toute la partie basse de la Cochinchine.
Il se fait à Oubôn un commerce important de sel dont une grande quantité est exportée
au Cambodge pour saler les poissons, lors de la pêche du lac d’Angcor. Ce produit est:
répandu sur une vaste étendue à la surface du sol, dans la partie du plateau d'Oubôn qui
se trouve sur la rive gauche de la rivière. En traversant la plaine pour nous rendre de
Oubôn à Kemarat, par Amnat, nous avons marché environ 80 kilomètres sur des
terrains salés, et au dire des indigènes, la surface salée serait bien plus considérable de
l'Est à l'Ouest !.
Dans la grande plaine qui sépare Oubôn de Kemarat, on rencontre encore, dispersé
irrégulièrement à la surface du sol, un fer limoneux assez riche en métal pour être
exploité pour les besoins du pays. Il abonde surtout dans les environs du village de
1 Voir la quatrième partie (Minéralogie).
94 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Amnat, où 1l forme plusieurs amas en exploitation. Une minière que nous avons
visitée à 4 kilomètres Est-Nord-Est de Amnat, près du petit village de Thuey, renferme
deux variétés de limonite également utilisées; lune scoriacée analogue à celle de
Bien-hoa, mais bien plus riche en métal : Fautre compacte, plus grise que la précé-
dente, en morceaux du volume d’une noix ou plus petits, faciles à réduire en poudre. Ce
dernier minerai ne se trouve pas à la surface du sol. d
Les environs de Kemarat offrent de nombreuses ondulations de terrain exelusive-
ment formées par un grès rose-rouge dans ses couches supérieures, fin, de ténacité
moyenne, et divisé par plaques fabulaires horizontales variant beaucoup dans leur épais-
seur. Habituellement il est recouvert de terre végétale et n’est apparent que dans les ravins
creusés par l'écoulement des eaux. Ce grès parait constituer la roche principale de la
contrée, 1l existe sur les bords du fleuve et dans les terres; nous l’avons vu à 45 kilomè-
tres au Sud-Ouest de Kemarat sur la route de Amnat en contact avec du fer limoneux.
Quelques échantillons des roches qui bordent le fleuve entre Pak Moun et Kemarat
ont été recueillis par M. Delaporte pendant que nous suivions la route intérieure; ce sont
des grès semblables à ceux que l’on trouve plus bas, mais moins micacés, et peut-être de
texture plus fine; l’un d'eux surtout, gris-vert, est remarquable par la beauté de son
grain; certaines parties passent au grès feldspathique.
A 12 kilomètres environ au Sud-Ouest de Kemarat, près du petit village de
Nà tan, sur le Se Bang Koï, il existe un gisement de pyrite de fer non exploité qui vient
affleurer dans le lit du ruisseau que nous venons de nommer, à 70 ou 80 mètres, au Nord
de la route actuelle de Kemarat à Amnat.
Le transport de nos bagages étant plus facile par eau que par tout autre moyen, à Ke-
marat nous reprenons le fleuve pour ne plus le quitter, s'il est possible, jusqu'à Luang
Prabang. A 10 milles environ au-dessus de Kemarat, un immense barrage que nous avons
mis deux jours à franchir (15 et 16 février), occupe tout le lit du fleuve sur une longueur
considérable. L'eau coule tantôt en nappes très-minces sur un fond de roche, tantôt à
travers des fissures et des sillons étroits qu’elle s’est creusés. Bien que la différence des
niveaux séparés par le barrage soit grande, Peau ne tombe nulle part en cascade, mais en
revanche le courant est d’une violence extraordinaire, surtout dans les endroits resserrés.
Le barrage est formé par un grès quartzeux à grains bien liés, et par un autre grès rouge-
brique, qui lui est superposé, analogue à celui si abondamment répandu dans toute la
contrée.
Une chaine de monticules et de collines, se dirigeant vers le Sud-Sud-Ouest, com-
mence à 4 kilomètres au Sud de Ban Mouk. Les points les plus élevés n’atteignent pas
350 mètres au-dessus du niveau du fleuve. Cette chaine est constituée tout entière par le
grès rouge dont nous avons déjà parlé ; sur la crète on rencontre un poudingue quartzeux
à grains de quartz blanc de diverses grosseurs, souvent anguleux et liés entre eux par un
ciment argilo-ferrugineux Jjaunâtre. Cette roche a beaucoup d’analogie avec une de celles
que nous avons rencontrées au premier rapide du Se Moun.
Au pied des collines, dans les endroits bas et humides, l’on trouve le fer limoneux
ITINÉRAIRE. 95
si répandu dans tout le bassin du Mekong; mais celui-ei semble si pauvre qu'il n’est
pas exploité, malgré la cherté excessive de ce métal dans le pays.
Pendant notre court séjour à Ban Mouk un vieillard est venu mystérieusement nous
offrir deux coquilles fossiles recueillies dans le lit d’un ruisseau dont nous ignorons le
nom, à deux petites journées de marche vers l'Est deBan Mouk, sur la route du village
de Lomnou. Ces fossiles se trouvent par bancs, mélangés à d’autres espèces qui ne leur
seraient pas semblables. Ces fossiles dont nous avons rapporté deux échantillons n’ont pas
encore pu être déterminés; ils n’ont pas d’analogues dans les collections du muséum.
Ce sont là tous les renseignements que nous avons pu obtenir, et le temps ne nous a pas
permis d'aller vérifier les faits par nous-même; nous le regrettons vivement, et cela d’au-
tant plus que c’est la première fois depuis notre départ qu'il nous a été donné de voir des
fossiles. À en juger par la physionomie générale du pays, les terrains de la rive gauche
du fleuve seraient en cet endroit composés, comme ceux de la rive droite, d’une couche
argilo-végétale recouvrant des grès rouges et des grès calcarifères. Nous tenons du même
vieillard des renseignements vagues sur la présence fort douteuse d’un minerai d'argent à
l'Ouest et loin de Ban Mouk, mais toujours sur le territoire de la province ; il a ajouté qu'il
ne pouvait donner des renseignements précis ne connaissant pas lui-même le gisement,
que d’ailleurs il était défendu aux indigènes d'approcher des mines. Ce récit nous paraît
peu vraisemblable : s’il existait en effet des mines d'argent sur la rive droite du fleuve, le
Gouvernement de Siam en serait instruit et des tentatives d'exploitation auraient été faites.
Dès que les grès disparaissent, on ne voit plus sur les bords et dans le lit du fleuve que
de la terre végétale, de l'argile transportée et des sables ; quelquefois en février et mars
les eaux en se relirant découvrent des banes de graviers soudés par un ciment argileux.
Près d’un monument religieux en grande vénération à Peunom nous avons trouvé des
débris d’une roche fusible au chalumeau en verre verdâtre. Cette roche éruptive, composée
de feldspath labrador, et que nous croyons être de l’Aarmophanite, n'a pas d’analogue dans
les environs ; elle vient sans doute de plus haut. ;
En arrivant à Lakon on voit, sur la rive gauche du fleuve , à 18 ou 20 kilomètres au
Nord-Est du village, une Jolie chaîne de montagnes à pies multiples, bien découpés et
isolés les uns des autres. Ces montagnes, dont nous n'avons visité qu'une faible partie,
courent du Nord-Ouest au Sud-Est et se composent de masses séparées de 800 à 2,000
mètres d'altitude ; leurs flancs à pie et dépourvus de végétation en rendent l’ascension dif-
ficile, sinon impossible. Un calcaire compacte bleuatre, avec des veines cristallines, et
un caleaire gris cristallin, également très-commun, au milieu duquel on voit souvent
des filons de calcaire à cristaux spathiques, constituent ces montagnes et la plaine qui
les entoure. Ces calcaires sont légèrement dolomitiques. Plusieurs kilomètres avant d’ar-
river au pied des montagnes, le plan calcaire est parfaitement horizontal, recouvert d’une
légère couche de terre végétale et parsemé de blocs noirâtres de quartzites qui font abso-
lument corps avec lui.
Près du village de Nan ho, il existe une magnifique grotte, de forme ogivale, ayant
plus de 300 mètres de longueur et d’une grande hauteur, qu'il faut traverser pour pé-
96 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
nétrer au centre des montagnes qui sont au Nord de Houten et qui appartiennent toujours
à la même chaine. Cette grotte est creusée dans une montagne formée de couches alter-
nantes de marbre jaunâtre, qui n’est autre chose que le calcaire ordinaire de toute la
chaîne, de marbre blane et noir, et enfin d’un beau marbre noir à grains fins veiné de
minces lignes blanches. Ce marbre, d’une exploitation facile, est très-répandu.
Les eaux ont creusé dans les flancs de ces montagnes, et à toutes les hauteurs, de
nombreuses grottes de toutes dimensions ; celles que nous avons pu visiter ne nous ont
rien fourni d'intéressant, aucun fossile, aucun débris animal ; nous avons pris seule-
ment des échantillons de calcaire eristallin spathique à la lèvre de l'ouverture d'une
petite grotte, des échantillons de stalactite ordinaire que l’on voit par blocs énormes de
plusieurs mètres cubes et affectant des formes bizarres pendus aux voütes des grottes et
aux flancs des rochers à pic, et des rognons plus blancs de la même roche. Autour du
calcaire, et soulevé par lui, on trouve un grès rouge, très-dur et très-dense, à grains très-
fins, avec des paillettes de mica blanc. Il occupe tout le demi-cerele qui comprend
l'extrémité occidentale de la chaîne calcaire; nous l'avons suivi depuis le village de Na-
Muong jusque sur les bords des rivières de Hin Boun et le Pak Kan. Il est impossible
d'étudier les rapports des masses de grès rouges que nous avons vus; ils sont trop forte-
ment dérangés, et nulle part ils ne présentent une coupe nette.
Mélangé et généralement superposé à ce premier est un grès moins rouge que les
précédents, plus friable, contenant des cailloux roulés, blancs, quartzeux et passant au
poudingue. En dehors de la zone des grès rouges, on rencontre un grès jaune assez fin,
également très-répandu ; il est surtout apparent entre les villages de Lakon et de Houten.
Dans le lit de la jolie petite rivière Hin Boun, à 4 ou 5 milles de son embouchure,
les couches de grès ont été violemment redressées dans la direction de la chaine de
montagnes. Des murailles parallèles, de 4 à 5 mètres d'épaisseur, traversent la rivière
en cinq endroits et ne laissent passer l’eau que par des brèches que celle-ci s’est ouvertes.
Ces murailles forment avec l’horizon un angle de 70° à 80° ouvert au Sud et se dirigent
au N. 47° 0.
Le grès en cet endroit est tantôt cristallin, tantôt gris jaunâtre, tantôt coloré en jaune
brun par la présence d’un sel de fer. Une roche schisto-argileuse jaunätre se voit aussi
dans le voisinage de ces grès.
Le Hin Boun, au-dessus de l'embouchure du Pak Kan, est souvent encombré de
blocs calcaires analogues à ceux des montagnes ; dans quelques endroits on rencontre
encore des calschistes verdatres, ou noir verdatre, à feuilles le plus souvent contournées.
Près de ces calschistes se trouve une roche éruptive verte, qui est de l’euritine.
Du village de Houten nous sommes allés visiter une exploitation de plomb qui se fait
dans les montagnes de Lakon, à leur extrémité Nord-Ouest. La route à suivre pour se
rendre aux mines est des plus faciles : on remonte le Hin Boun jusqu'à Thà Kho; là.
laissant la rivière, on se dirige successivement vers les villages de Nan Ho, Na Muong,
Na Han, Na Hi, Phon et Nua, en tout 31 kilomètres : c’est dans le dernier de ces
villages que l’on exploite la roche minérale (voir le chapitre qui traite de la Minéralogie).
ITINÉRAIRE. 97
A l'extrémité opposée de la chaine calcaire de Lakon, c’est-à-dire du côté de la
Cochinchine, il existe, nous a-t-on dit, de riches mines de cuivre exploitées par des
Annamites, qui font avee ce métal des marmites très-estimées et très-répandues. Nous
n'avons sur ces mines aucun autre renseignement.
Dans le lit du fleuve, à quelques milles au-dessous de Nong Kav, au pied du petit
village de Ho Kham, le courant découvre tous les ans un grand banc de graviers formé
de galets de toutes natures, au milieu desquels se trouve un sable aurifère exploité par
les habitants. Nous supposons l’or moins abondant en cet endroit que dans la rivière
d’Attopeu; les paillettes sont, dans tous les cas, bien plus petites, presque microscopi-
ques, et ne peuvent être facilement séparées des matières étrangères par le simple
lavage. On élimine par des lavages successifs les matières les plus grossières qui accom-
pagnent le précieux métal, puis on soumet le résidu à l’action du mereure qui absorbe
petit à petit les paillettes d’or amenées à son contact par un mouvement oscillatoire. Le
mercure une fois saturé est passé à travers une peau ou un linge très-serré, et la partie
restée dans le linge est ensuite débarrassée du mercure par la volatilisation. Le résidu
soumis au mercure est composé d’un sable gris-brun excessivement fin au milieu duquel
sont disséminées les paillettes d’or.
Sur la rive droite du fleuve entre Saniaboury et Nong Kav, il existe un certain nom-
bre de villages, à quelques kilomètres dans l’intérieur du pays, qui se livrent à la fabri-
cation de la poterie commune. Les habilants tirent d’une colline qui court parallèlement
au fleuve, une terre argileuse, blanchätre, très-propre à cette industrie. Cette argile
n’est autre chose que du kaolin impur veiné de rouge par des sels de fer. Nous avons
visité les fabriques de poteries du village de Houn Ho, à huit kilomètres Ouest-Nord-Ouest
de Saniaboury. Des femmes vont prendre aux carrières de la colline la terre argileuse
pour l’apporter au village; là elles la concassent et l’exposent dans des aires au soleil
pour en faire évaporer l’eau qu’elle contient, puis la réduisent en une poudre très-fine
qu’elles tamisent avec soin pour en séparer les grumeaux échappés au pilon. Cette
première opération terminée, on ajoute une faible proportion de sable de rivière, et lon
recueille le mélange dans de grands vases en terre où pendant plusieurs jours il est
soumis à une infiltration d’eau lente et graduelle. Lorsque la terre est bien imbibée d’eau,
on la pétrit longtemps et avec soin pour la mettre ensuite en grosses meules sous les
hangars de travail. Si elle ne doit pas être immédiatement employée, on la recouvre d’un
linge mouillé.
Les manipulations et les instruments employés pour la fabrication de ces poteries
sont, à peu de chose près, les mêmes que ceux dont on se sert en Europe pour la
poterie commune. Les diverses palettes sont en bois au lieu d’être en fer ou en acier,
et le tour consiste en une forte planchette horizontale qu’un enfant fait tourner sur un
pivot central, pendant que l’ouvrier faconne son vase et lui donne les formes appropriées.
Le vase achevé est mis à l'ombre sous un grand hangar pendant quelques jours, puis
exposé au soleil avant d’être soumis à la cuisson.
Les fours se composent d’une grande ealotte semisphérique recouvrant une surface
If. 13
98 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
cireulaire dont les deux tiers sont occupés par des gradins plus ou moins nombreux de
0",50 de hauteur; sur la plate-forme de ces gradins sont posés les vases que lon veut
faire cuire. Le feu se fait le long de la base du gradin inférieur, et par le courant qui
s’établit de la gueule du four à la cheminée placée tout à fait au côté opposé, la chaleur
dégagée est assez intense pour produire la cuisson voulue et faire fondre le vernis vert
noiratre dont les vases sont enduits extérieurement. Les dessins qui accompagnent ce
ce texte représentent la coupe antéro-postérieure de deux de ces fours.
De Nong Kay à Vien Chang on voit contre les berges du fleuve plusieurs banes de
roche limono-ferrugineuse, employée par les indigènes pour la construction des pagodes
et autres travaux de maçonnerie ; mais il est fort probable que depuis la chute du royaume
de Vien Chang ces carrières n’ont pas été exploitées.
Vien Chang, dont il ne reste aujourd’hui que des ruines, était la capitale du royaume
de ce nom, détruit et absorbé par les Siamois, il y a environ un demi-siècle. La ville pou-
LD
, 09
FOURS SERVANT AU LAOS A LA CUISSON DES POTERIES COMMUNES. — COUPE ANTÉRO-POSTÉRIEURE.
vait contenir dans son enceinte de 35 à 40,000 habitants : elle avait eu ses jours de splen-
deur. La résidence royale était construite en grès, en limonite et en briques, chose rare
pour la contrée, et couvrait une surface considérable. On peut encore voir assez bien
conservées des galeries en briques découpées à jour et divers reliefs faits en mortier de
chaux, qui, outre l'originalité du dessin, ont un réel mérite d'exécution.
A Vien Chang, comme dans toutes les villes riches, où il est d’usage que chaque
puissant personnage, devenu vieux, fasse construire une pagode pour le rachat de ses
fautes, les pagodes sont très-nombreuses et quelques-unes richement ornées. Les statues
de Bouddha, que partout ailleurs nous avons vues en bois, en grès ou en simple mortier,
sont 1ci en cuivre rouge ou en bronze : on les comple par milliers. Les pagodes aban-
données sont remplies de statues de toutes dimensions, avant depuis 0",10 jusqu’à 5 et
6 mètres de hauteur. Le fleuve, chaque année, en engloutit quelques-unes avec une por-
ITINÉRAIRE. 99
üon de la berge, et les banians et les brousses en couvrent des centaines, qui disparais-
sent petit à petit sous des lits de feuilles et autres détritus. Les indigènes ne font rien
pour conserver loutes ces choses ; il est d'usage chez eux de laisser à Bouddha le soin des
objets qui lui ont été consacrés. Ce grand nombre de statues ‘en cuivre a naturellement
attiré notre attention ; nous aurions voulu savoir d’où l’on retirait tout ce métal ; mais nous
n'avons obtenu aucun renseignement à ce sujet. Quand les indigènes ne vous répondent
pas que ce sont les anges qui ont fait à la fois et les statues et les pagodes, ils disent qu'ils
ne savent pas. Nous ne pensons pas qu’il y ait des mines de cuivre près de Vien Chang;
les plus rapprochées seraient à l’Est des montagnes de Lakon, sur les frontières de la
Cochinchine, ou bien, sur la rive droite du fleuve près de Pou Kieo, mines encore
exploitées aujourd’hui.
Le métal des statues n’est pas toujours pur ; Le plus souvent même le cuivre est allié
à un autre corps, sans doute l’antimoine, qui rend l’alliage très-cassant et donne à la sur-
face polie extérieure une couleur brunâtre. Les statues se faisaient et se font encore de la
manière suivante : on construit en terre glaise un modèle que l’on recouvre d’une couche
de cire de l’épaisseur de la paroi que l’on désire donner à la statue, puis par-dessus la
couche de cire l’on ajoute une épaisse couche de terre glaise que l’on laisse sécher. Ceci
fait, le métal fondu est introduit par des ouvertures pratiquées dans les parties supérieures
du moule et prend la place de la cire qui s'écoule inférieurement.
Deux collines de grès gris quartzeux à grains grossiers et mal liés encaissent le fleuve
pendant quelques milles au-dessus de Vien Chang. Ces collines sont peu élevées, mais
assez rapprochées l’une de l’autre pour se confondre avec la berge en bien des points.
Les couches de grès qui les forment sont légèrement relevées vers le Nord. Elles sont sui-
vies par des arkoses à grains de quartz nombreux et à cristaux roulés de feldspath rose.
Ces arkoses ont éprouvé des décompositions diverses par suite de l’action des agents
atmosphériques. En certains endroits on observe des bandes de quartzites formant une
roche dense très-compacte. En quittant ces collines on entre dans une région extrème-
ment tourmentée ; les couches sont violemment dérangées par place ; les unes relevées
de 45°, les autres verticales ; celles-ci courant à l'Est, celles-là au Nord, d’autres s’irradiant
comme les rayons d’une roue. Les talschistes sont surtout fortement plissés en zigzag.
De Vien Chang à Luang Prabang, pendant plus de 150 milles, nous avons observé les
mêmes dislocations des couches, qui ont été fortement déplacées, bouleversées et recour-
bées en divers sens. Dans un carré de 500 mètres de côté nous avons pu compter vingt
et trente directions et inelinaisons différentes. Il s’est produit de nombreuses surfaces de
glissement dont les grès surtout ont conservé les traces : nous avons vu des petites failles
ainsi produites entre deux couches voisines.
En contact avec des grès phylladifères à très-fins grains, nous avons trouvé des phyl-
lades lustrées, noiratres et brillantes. Le capitaine Blakiston ! a remarqué que « lorsque
« du charbon se trouve près des grès, certaines parties de la roche, comme si elles
« avaient été exposées à l’action de l’eau et de l'atmosphère. étaient lustrées à la sur-
« face et polies comme avec une substance grasse... Partout où l’on trouve cette appa-
100 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
« rence du grès dans le Yang-tse supérieur, on est sûr de rencontrer du charbon. » Cette
opinion de Blakiston semble recevoir iei une confirmation, car nous avons trouvé un
morceau d’anthracite dans la pagode du village de Coksay où Muong Nan. Nous n’avons
pu savoir d’où provenait ce combustible ; les indigènes, comme toujours, n’ont rien voulu
dire; mais fout nous porte à croire qu’il en existe des gisements dans le pays.
Ici, comme dans toutes les contrées métamorphiques, les métaux sont très-abondants.
Dans la province de Muong Leui il existe des gisements de minerais de cuivre, de
plomb, d’étain, d’antimoine, de cuivre argentifère et de magnétite : le premier et le der-
nier de ces métaux sont seuls exploités. Le plomb n’est nulle part l'objet d’extractions
considérables ; le pêcheur des bords du fleuve va lui-même à la mine extraire le plomb
nécessaire pour garnir ses filets. Les deux gisements de cuivre les plus renommés sont
celui de Pou Kieo, au Sud de Muong Leui, et celui dont nous avons déjà parlé sur les
confins du Laos et de la Cochinchine. On üre aussi du Tong-king du soufre cristallisé,
dont nous avons vu des échantillons sur le marché de Luang Prabang.
Revenons aux roches que nous avons observées sur les bords du fleuve. Les grès dont
nous avons parlé plus haut sont supportés par des schistes phylladiens calcarifères ver-
dâtres, jaunätres, rougeatres, formant dans le lit du fleuve de grandes surfaces rubanées :
ces schistes reposent à leur tour sur des schistes argileux fissiles plus ou moins épais. Du
porphyre quartzifère rougeatre compose une partie des collines qui encadrent le cours
d’eau que nous suivons. Le lit du Mekong est formé souvent presque exclusivement
de talschistes plissés et contournés, au milieu desquels nous avons observé de nombreux
bancs de phtanite et de lydienne : les couches de cette dernière roche presque verticales
courent du Sud-Ouestau Nord-Est. En relation avec ces talschistes, sont des couches d’eu-
ritine plus ou moins feuilletées, dont plusieurs parties renferment de petites parcelles
roulées d’une substance d’un vert jaunätre, paraissant se rapprocher beaucoup du 7ade.
Une roche verte, translucide sur les bords, rayée très-difficilement par l'acier, à cassure
esquilleuse, parait subordonnée à l’euritine. Elle est légèrement fusible au chalumeau.
De nombreux filons de quartz traversent les talschistes et les euritines.
Après avoir quitté ces roches métamorphiques, nous retrouvons des grès gris bruns,
stratifiés par couches tabulaires de 0",10 à 0",15 d'épaisseur, alternant avec des phyl-
lades ; puis viennent des calschistes violets et verdatres reposant eux-mêmes sur des
calcaires. D'autres roches ont encore été observées dans le lit du fleuve, mais roulées et
ne pouvant se rattacher sûrement à aucune des formations dont nous venons de parler :
ce sont des cailloux de jaspe rougeûtre veiné de blanc, de la pegmatite rosée, des quartz
cariés, des quartzites rougeàtres, des fragments d’un poudingue phylladien à pâte ser-
pentineuse renfermant des nodules calcaires, du porphyre à pâte rouge contenant de
beaux et grands cristaux blancs de feldspath et un porphyre moins beau d’un violet
foncé. Ces porphyres ont été recueillis dans le lit d’un torrent un peu au-dessus de
Luang Prabang.
1 Five months on the Yang-Tse, p. 133, in-8, avec carte et pl. London, 1862.
ITINÉRAIRE. 101
Le calcaire constitue à lui seul toutes les montagnes un peu élevées de la contrée,
et elles sont nombreuses. Elles forment une multitude de cônes à sommets escarpés don-
nant au pays une physionomie toute particulière. La texture du calcaire n’est pas partout
la même : de semi-cristalline elle devient grenue, lamellaire, fibreuse quelquefois, et
souvent elle est coupée par des veines de cristaux de carbonate de chaux spathique assez
volumineux. Les couleurs sont aussi très-variées et donnent lieu à des marbres qui
seraient estimés si le grain de la roche était plus fin et plus uniforme. Il y a des marbres
noirs, des marbres violets, jaunätres, verts-imon, blancs-fumés, roses, etc., et un
grand nombre de bigarrés par le mélange de deux ou de plusieurs des couleurs précé-
dentes. Soit pendant le cours du voyage, soit pendant notre séjour à Luang Prabang, nous
avons visité un grand nombre de belles et spacieuses cavernes ou grottes très-abondantes
dans les rochers calcaires ; mais jamais nous n’y avons trouvé des débris fossiles de quel-
que nature que ce soit. Il est utile de dire que jamais il ne nous a été possible de fouiller
le sol de ces cavernes.
Jusqu'à ce jour, 25 mai 1867, il nous a été permis de recueillir des échantillons
des roches que nous avons vues; ces échantillons sont petits, il est vrai, mais cepen-
dant assez gros pour en faire l'analyse et contrôler notre appréciation qui pourrait être
erronée. Désormais la chose ne sera plus possible ; les transports deviennent de plus
en plus difficiles et fort coùteux pour notre petite bourse. Nous abandonnons une partie
de nos vêtements.
Dans les collines en face de Luang Prabang, à 10 ou 12 kilomètres de la rive droite
du fleuve, on rencontre, traversant des schistes, de nombreuses veines de quartz conte-
nant souvent des cristaux de cette dernière roche d’une grande Himpidité à leur extrémité
libre, que les indigènes ont jadis recherchés comme objet d'ornement et de luxe; au-
Jjourd’hui ils n’y attachent aucune valeur. On trouverait aussi dans les environs, mais plus
au Nord, des rognons de calcédoine.
Le 25 mai 1867 nous quittions Luang Prabang pour reprendre le fleuve et remonter
vers le Nord. Les eaux avaient grossi un peu, mais ne couvraient pas encore les nom-
breux bancs de roches dans lesquels elles sont complétement encaissées pendant la
saison sèche. La physionomie du pays reste la même que plus bas ; on ne voit que mon-
lagnes et collines plus ou moins élevées s’avançant jusque dans le Mekong. La nature
des roches n’est pas changée non plus ; ce sont toujours des calcaires, des schistes, des
grés, etc., etc. Les poudingues sont en plus grande abondance et plus grossiers ; ils
renferment souvent des blocs d’un mètre cube.
Six Jours après notre départ de Luang Prabang M. de Carné et moi fumes détachés
momentanément de la Commission pour aller visiter, à quelques lieues de la rive droite
du fleuve des phénomènes volcaniques qui, au dire des iudigènes, semblaient devoir
être fort curieux.
Le 31 mars nous partimes de Ban Tanoun à 5 heures 1/2 du matin. Nous remon-
lames d’abord vers le Sud-Ouest, en suivant le lit du Nam Noun ; puis, tournant vers le
Sud et franchissant une petite chaine de montagnes, nous descendimes vers le Nam
102 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Tap que nous remontimes au Sud-Ouest, pendant plus de deux heures. En quittant
cette dernière rivière, nous nous dirigeames au Sud-Sud-Ouest, et franchimes une pre-
mière série de montagnes qui nous séparait du Nam Tong, puis une seconde chaîne plus
élevée que la précédente, d’où nous descendimes dans la jolie vallée de Muong Luoc,
terme de notre première journée. (Voir la carte itinéraire n° 6.)
En résumé nous avons marché huit heures dans la direction générale Sud-Sud-
Ouest, franchi trois petites chaînes de montagnes, et nous nous sommes élevés sur la
dernière à 4,000 mètres environ au-dessus du niveau du fleuve.
Pendant ce parcours nous n'avons rien vu de parüculier à noter ; la couche exté-
rieure des montagnes est constituée par de l'argile, de la marne rougeûtre et un grès
crossier de désagrégation facile, le tout recouvert par une épaisse couche de terre
d
a 2
végétale où poussent, entr'autres arbres, des pins d'assez grandes dimensions.
I est fâcheux que les habitants de ces contrées montagneuses incendient annuel-
lement une partie de ces forêts pour la culture du riz. Le pin, qui par sa nature rési-
neuse est facilement inflammable, ne résiste pas à ce mode de destruction; aussi ne le
voit-on en grande quantité que sur les crêtes des montagnes.
Les torrents et les rivières roulent les mêmes roches que le fleuve, des schistes plus
ou moins cristallins, des grès et des débris de quartz. Nous n'avons pas vu le calcaire
apparaitre à la surface du sol, si ce n’est près de l'embouchure du Nam Tap.
Le 1* juin nous nous acheminämes de bonne heure vers les montagnes de feu
(phou fai), comme les appellent les indigènes. A peine avions-nous marché deux heures
que nous étions sur le prineipal emplacement du phénomène, désappointés de ne voir que
des fumarolles là où nous comptions rencontrer de vastes voleans en pleine activité. Ceci
nous prouve une fois encore qu'on ne peut nullement se fier aux renseignements fournis
par les Laotiens ; les uns amoindrissent les faits, les autres les exagèrent, etle plus grand
nombre les nie pour ne pas être invité à les montrer.
Les fumarolles sont au nombre de deux, distantes Fune de l’autre de quatre à cinq
kilomètres, toutes deux situées au milieu de collines argileuses jaunâtres. La plus grande
court Nord et Sud, et oceupe actuellement une surface de 700 à 800 mètres de long
sur 300 mètres de large. Elle n’est point fixe ; elle chemine lentement vers le Sud
et a déjà parcouru plusieurs kilomètres. Les feux s’éteignent à mesure que la fumarolle
avance ; les crevasses se comblent, et la végétation, un moment disparue, reprend son
activité ordinaire. Sous l'influence du feu souterrain les arbres meurent, la terre argileuse
de jaune devient blanchätre, se fendille en une multitude de erevasses très-rapprochées
les unes des autres, par lesquelles s’échappent des vapeurs et des gaz, puis s'effondre
d’une dizaine de mètres, comme si un vide se produisait par une combustion intérieure.
La fumarolle laisse un vallon après elle. Les produits qui se dégagent par les fissures
se composent en grande partie de vapeur d’eau, d’acides sulfureux, carbonique et peut-
être sulfhydrique. Un morceau de bois plongé dans l’une de ces crevasses s’enflamme
rapidement. On ne peut séjourner longtemps sur le lieu du phénomène sans ressentir
un malaise vague. Diverses substances entrainées ou sublimées viennent se déposer
ITINÉRAIRE. 103
aux lèvres et contre les parois des crevasses et des anfractuosités ; les indigènes y
recueillent du soufre en assez grande quantité, et une poudre blanche fine que nous
croyons être un sel de plomb. Le sol est chaud et résonne sous le pied comme si une
voüte existait au-dessous. En approchant l'oreille du sol et en prétant une grande
attention, l’on entend dans l’intérieur de la terre un bruit sourd très-éloigné. Ce bruit
serait souvent plus sensible qu'au moment où nous lavons entendu. Les jours où il
vente un peu, l’odorat perçoit à plusieurs kilomètres, sous le vent de la fumarolle, une
odeur carbono-sulfureuse absolument analogue à celle qui se dégage des hauts-four-
neaux alimentés par la houille; deux kilomètres avant d'arriver aux fumarolles, ces
vapeurs nous en ont annoncé la présence.
Le seconde fumarolle est plus petite que la première, mais elle présente les
mêmes phénomènes ; placée sur le versant Sud-Ouest d’une colline. elle court dans la
direction du Nord-Est.
Du village de Muong Luoc on relève la grande fumarolle (phou fai niai) ‘au $S. 80° 0.
et la petite fumarolle (phou fai noï) au N. 35° O0. La première est à neuf kilomètres du
village ; quand à la seconde, nous n’en avons pas estimé la distance : pour en déterminer
la position, nous l'avons relevée au N. 35° E. de la grande fumarolle.
Revenons au fleuve au point où nous l’avons quitté. De Ban Tanoun à Xieng Khong
il existe des intervalles considérables où les grès ont entièrement disparu, mais en
revanche les filons quartzeux se sont multipliés et coupent les schistes en tous sens.
L’épaisseur de ces filons est généralement- très-mince et ne dépasse pas 0",10. Le
calcaire aussi devient plus rare à mesure que l’on remonte le fleuve. Il forme à
lui seul des montagnes et des pies escarpés surgissant au milieu des schistes et
des grès, aux environs de Luang Prabang jusqu'au Nam Hou ; mais à partir de cette
rivière, il disparait peu à peu de la surface du sol: les sommets des montagnes, qui
avec le caleaire étaient nus et anguleux, deviennent arrondis et se couvrent de vé-
gétation.
Au pied du village de Xieng Khong nous avons observé, adossé à la berge du fleuve,
un monticule de lave de 50 à 60 mètres de diamètre à sa base apparente, et dont le
sommet n’atteint pas la hauteur de la berge qui en cet endroit était de 11 mètres au-dessus
des eaux, au moment de notre passage (10 juin). La lave est noire et très-compacte,
quoique fendillée à la surface. Elle ne paraît pas avoir coulé.
Les collines et les montagnes environnant Xieng Khong sont constituées par des grès
psammites à mica blanc et par des roches schisto-argileuses traversées par des veines de
quartz. Dans les lits des divers torrents on rencontre une grande quantité de débris d’ar-
gilophyre, ce qui nous porte à croire que, outre les grès, des roches porphyriques
forment des collines entières dont nous ne voyons que la couche extérieure de terre
argilo-végétale provenant de leur décomposition.
A quelques milles au-dessus de Xieng Khong, encore dans le lit du fleuve, lon trouve
1 Phou fai niai veut dire montagne du grand feu ; phou fai noi veul dire montagne du petit feu.
104 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
deux monticules de lave, peu éloignés l’un de l’autre, analogues à celui dont nous venons
de parler. Ces amas semisphériques sont enveloppés de toutes parts par des schistes
métamorphiques diversement colorés.
Le fleuve conserve toujours la même physionomie ; son lit est tortueux, encombré de
blocs de grès ou d’autres roches, resserré entre une mulütude de collines qui semblent
se le renvoyer l’une à l’autre. Cependant, à 20 milles au-dessus de Xieng Khong, il tra-
verse une belle et riche vallée d’alluvions où fut autrefois Xieng Sèn; mais on ne
tarde pas à le retrouver encaissé comme précédemment. De la plaine de Xieng Sèn
jusqu'au moment où nous quittons le fleuve, 25 milles plus haut, les grès, devenus rares
un moment, sont en grande abondance; ils encombrent le lit du fleuve; ils sont grossiers,
quartzeux, avec de nombreuses et larges paillettes de mica noirûtre.
A 100 mètres environ en aval du débarcadère de Muong Lim, sur la rive droite du
fleuve, nous avons vu un filon de roche verdatre, finement poreuse, que nous pensons être
du trapp. Ce filon monte verticalement à travers les grès qu'il dépasse, court E. et 0. et
mesure 0,38 dépaisseur. Nous n’en avons pas rencontré de semblable dans les environs.
Les difficultés de navigation devenant de plus en plus grandes, nous abandonnons le
fleuve au débarcadère de Muong Lim, pour suivre désormais la voie de terre.
Notre première étape a été de nous rendre à Muong Lim, situé à 16 ou 18 kilomètres
du débarcadère, dans une vallée séparée du fleuve par une chaine de collines de 500
à 600 mètres d’élevation. Ces collines sont constituées par des schistes phylladiens ealca-
rifères, que l’on ne trouve qu'à leur base dans le lit des torrents, et par un grès psammite
grossier, à mica blanc, très-abondant, et dont les grains sont mal liés par un ciment argi-
leux. Une épaisse couche de terre argilo-végétale recouvre les roches que nous venons de
nommer.
De Muong Lim nous suivons une vallée étroite à peu près parallèle au fleuve, bordée
de montagnes et de collines semblables, quant à leur forme et quant à leur constitution,
à celles que nous avons déjà vues. On rencontre sur la route de nombreux villages, dont
les plus importants sont Paléo et Siemlap. Près de ce dernier, nous rejoignons le fleuve
que nous ne perdons plus de vue jusqu’à Sop Yong, c’est-à-dire pendant 40 kilomètres.
Entre Siemlap et Sop Yong, à 10 kilomètres du premier village, on rencontre, traversant
le chemin pour se jeter dans le fleuve, un courant d’eau chaude fortement sulfureuse.
La température est de + 86° à la source ; celle-ci sourd à 300 mètres environ de la rive
droite du fleuve, au milieu de blocs de grès détachés de la montagne voisine.
Ces sources thermales sont très-nombreuses dans la contrée. Des indigènes prétendent
qu'il en existe dont l’eau serait jaillissante à la manière des geysers d'Islande; les noms
qu'ils leur donnent semblent indiquer ce fait.
A Sop Yong, nous nous éloignons de nouveau du fleuve pour nous rendre à Ban Pas-
sang et à Muong Vong, deux villages situés aux extrémités opposées d’une vaste et riche
vallée d’alluvions. Près du second de ces villages nous trouvons encore dans un bourg,
appelé Ban B6, des sources thermales analogues aux précédentes. L'eau surgit en très-
petite quantité par une multitude de points sur une surface de 1,500 à 2,000 mètres car-
ITINÉRAIRE. 105
rés. La température varie selon les sourees entre + 74° et + 82°. Les indigènes utilisent
les propriétés thermales de ces eaux pour combaltre les rhumatismes et les affections cu-
fanées, et en séparent une portion du soufre qu'elles contiennent.
Le 8 septembre, nous quittons Muong Yong pour continuer notre marche à travers le
Laos Birman et rejoindre le Yun-nan à Se-mao. Nous traversons les territoires de Muong
You, de Muong Long et de Xieng Hong avant d'atteindre le Mekong que nous avions
laissé à Sop Yong. L'intérêt géologique reste le même; nous voyons de belles et fertiles
vallées d’alluvions séparées par des chaînes montagneuses plus ou moins élevées et en
général formées, comme les précédentes, de minces couches de grès quartzeux et de
schistes de couleurs variées facilement décomposés par les influences atmosphériques en
une terre argileuse jaune ou rougeätre qui rend les chemins glissants et impraticables
les jours de pluie. Le quartz en cristaux ou en veines grenues est très-répandu au milieu
des schistes; on le rencontre parfois en blocs volumineux liés par un ciment siliceux
et formant des brèches.
Entre Muong You et Muong Long nous avons revu, sur les bords du Nam Leu, le
calcaire cristallin où compacte si abondant dans les environs de Luang Prabang et au-
dessous; il est là à l’état de marbre noir veiné de blanc, de marbre jaunätre, et de marbre
blanc fumé moucheté de noir.
A Muong Long et dans la plupart des villages que nous avons traversés jusqu’à Xieng
Hong, on trouve dans les pagodes et chez les particuliers de belles plaques d’ardoise que
les indigènes utilisent pour les inscriptions et le dallage des pagodes et des tombeaux. Les
plaques sont assez grandes; nous en avons mesuré plusieurs qui taillées en rectangle
avaient 1,40 de hauteur, sur 0",55 de largeur et 0,05 à 0",08 d'épaisseur. Nous ne
connaissons pas les carrières d’où on les retire ; seulement, nous avons souvent rencontré
dans le fleuve et les rivières des gisements qui peuvent facilement être exploités. La cou-
leur de ces phyllades varie du cendré au noir en passant par toutes les nuances intermé-
diaires.
Pendant le court séjour que nous avons fait à Muong You, le roi de cette province
a mis à notre disposition un certain nombre de roches et de minerais qui se trouvent
dans le pays qu'il administre. Le fer est surtout abondant. Ce métal se présente sous trois
formes principales : le fer pyriteux, le fer carbonaté et l’oxyde de fer hydraté en roche.
Les deux derniers minerais renferment le métal en très-forte proportion, et sont très-
répandus.
Il existe aussi des minerais de cuivre ordinaire, de cuivre argentifère, d’antimoine,
de plomb et probablement d’étain. On recueille l'or dans le lit des rivières et des tor-
rents. La plupart de ces minerais sont extraits pour les besoins du pays, à l’exception de celui
d'argent que l’on semble devoir tenir secret à cause des exigences de la cour d’Ava pour
l'exploitation des métaux précieux. On nous a montré, en outre, des grains de grenat, qui
ne sont pas rares au milieu de ces terrains, et diverses roches siliceuses, quartz, cal-
cédoines, agates, de nulle valeur.
La région que nous avons traversée de Muong Lim à Xieng Hong est dominée par un
Il. 14
106 GEOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
plateau central élevé de 1,200 à 1,300 mètres au-dessus du niveau des mers; c’est le
plateau de Xieng Tong sur lequel est batie la ville de ce nom, résidence habituelle du
chef principal des Shans.
Des points culminants des montagnes de Xieng Tong l'œil découvre une mer de
sommets mamelonnés, à physionomie uniforme, s'étendant sans limite vers tous les points
de l'horizon. La constitution géologique est la même que plus bas : grès, schistes et cal-
caires cristallins composant le sous-sol. A Xieng Tong, comme dans tous les endroits
où nous avons vu des montagnes élevées, les calcaires soutiennent et traversent les
grès; ils forment généralement des pies ou des crêtes escarpées d’où l’on tire de la pierre
à chaux et des marbres divers dont le plus commun est de couleur bleuâtre. On ren-
contre aussi dans la même région une stéalite verdaltre, très-onctueuse au toucher, em-
ployée par les indigènes pour écrire sur les ardoises et les planchettes.
Le pays est très-riche en métaux. Les sourees chaudes sulfureuses y sont très-abon-
dantes et très-nombreuses. Outre leur utilité au point de vue médical, on en retire du
soufre en faisant passer l’eau par une multitude de tubes en bambou ou à travers des
branchages : l’eau en se refroidissant abandonne une partie de son soufre sur les
parois des tubes ou des branchages. Le fer est exploité en plusieurs endroits pour les
besoins ordinaires de l’agriculture; mais il existe une peuplade de montagnards qui
s’est livrée à une industrie particulière que l'on s'étonne de rencontrer en pareils lieux
et chez des gens à peu près sauvages. Nous voulons parler de la fabrication d'armes à feu.
Ces sauvages imitent assez fidèlement les longs et grossiers fusils à silex que les Anglais
vendent en si grande quantité dans l'Afrique centrale et dans l’Indo-Chine. Le calibre
du canon est d’un petit diamètre, foré au moyen d’une mèche en fer; les diverses pièces
de la platine sont en fer forgé, les garnitures en cuivre ; le bois est la pièce de l’arme la
mieux faite: ils la colorent en rouge brique. Tous ces fusils sont à un seul canon et
valent dans le pays de 10 à 12 francs.
Le 7 octobre 1867 nous franchissons le Mekong à Xieng Hong pour nous rendre à
Se-mao, première ville absolument chinoise que nous devons atteindre.
Le sol de la rive gauche du fleuve est peut-être plus tourmenté, s’il est possible, que
celui de la rive droite ; les pics, plus nombreux et plus rapprochés que de l’autre côté du
fleuve, sont séparés par d’étroits et profonds ravins que les eaux ont creusés dans des
schistes et des grès variés, facilement désagrégés et entraînés par les courants pour former
les immenses alluvions des embouchures du Mekong. Cette disposition du sol, ces
ascensions pénibles suivies de descentes non moins fatigantes, par des chemins à peine
tracés et souvent dangereux, rendent les communications difficiles et la majeure partie
de la contrée peu habitable. Les vallons et les vallées sont bien rares; sur la route suivie
nous n'avons rencontré avant Se-mao que les petites vallées de Muong Yang et de Xieng
Neua et le bas-fond de Muong Pang.
De distance en distance, on aperçoit quelques montagnes calcaires nues et escarpées.
Ces calcaires sont en général bleuätres, compactes ou eristallins. Entre le fleuve et
Muong Vang les schistes sont gris de cendre et talqueux, difficilement creusés par les
ITINÉRAIRE. 107
eaux; partout ailleurs ils sont de couleurs très-variées, le plus souvent bruns, ou rubanés,
jaunes, rouges, violets, facilement désagrégés par les influences atmosphériques, ce
qui rend les routes non empierrées à peu près impraticables pendant la saison des pluies :
le sol devient boueux dans la plaine, et l'argile des pentes glissante comme la glace.
Nous en avons fait la triste expérience pendant quatre mois.
Les grès sont de deux sortes : l’un, jaune, grossier, mal lié; l’autre, rougetre, dense.
à grains fins et uniformes, très-propre aux constructions des maisons et des pagodes :
nous en avons vu des morceaux qui mesuraient jusqu'à 5 et 6 mètres de longueur : il
sert surtout à faire des colonnes supportant le chien symbolique préposé à la garde des
tombeaux chinois ; les champs des morts en sont pleins.
Autour de Se-mao le grès rouge et le calcaire sont les deux roches dominantes.
Les fossiles sont toujours très-rares; nous n'avons rien trouvé dans les grès, ni les
schistes; nous n'avons remarqué qu'une portion de coquille dans le socle en calcaire
compacte d’un monstre sculpté. L’empreinte comparée de ce fossile nous porte à croire
que c’est le spirigerina reticularis de la couche dévonienne superficielle.
La chaudronnerie est la seule industrie métallurgique de Se-mao ; le martelage est
peu uniforme et les divers ustensiles grossièrement faits; mais ils suffisent aux besoins
de la population. Le cuivre employé n’est point extrait dans les environs; il vient tantôt
de Sin-long Tehang, tantôt d’un autre point, selon que l’état de guerre dans lequel se
trouve aujourd'hui la province laisse libre la route de telle ou telle des nombreuses
mines de cuivre que possède le Yun-nan.
Nous avons trouvé dans les pharmacies chinoises des échantillons de cinabre qu’on
nous à dit venir de Ta-ly fou. Nous n’avons pu savoir si on le recueillait près de Ta-lv, ou
bien s’il était apporté d’une autre contrée sur le grand marché de cette ville.
Au delà de Se-mao, en se rapprochant du Song Koi, les montagnes sont plus élevées
que précédemment et se présentent sous forme de chaines avant la direction Est et Ouest
assez bien indiquée. Les schistes deviennent rares, les grès, le rouge surtout, persistent
et le calcaire est de plus en plus abondant. Cette portion de notre route, v compris notre
séjour à Ta-lan, nous a particulièrement intéressés.
Le lendemain de notre départ de Se-mao nous visitimes entre Na-cou-ly et Ho-boung un
gisement carbonifère anthraciteux qui parait être très-abondant. Dans les mouvements du
sol les couches carbonifères ont été redressées à peu près verticalement, de sorte que’Iles
présentent leurs tranches en affleurement. À 6 kilomètres de là sont les salines de
Ho-boung et à deux journées de marche plus loin celles de Mo-he. Nous parlerons de ces
gisements dans le chapitre qui traitera des minéraux utiles.
Entre les deux salines se trouve la ville fortifiée de Pou-eul fou, bâtie dans une belle
vallée d’alluvions entourée de hautes montagnes argileuses ou calcaires, sur lesquelles
on cultive le thé réputé le meilleur de la Chine.
Avant d'atteindre le Song Koi nous traversons deux de ses principaux affluents très-
profondément encaissés et séparés par un plateau argileux jaunâtre, percé par de nom-
breuses pointes calcaires, sur lequel nous trouvons. pour la première fois, à peu prés
108 GEÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
toutes les productions des pays tempérés. L’altitude moyenne de ce plateau est estimée
à 1,400 mètres.
Jusqu'à Yuen-kiang, sur les bords du Song Koiï, nous n’avons rien vu de bien
important, si ce n'est les mines d’or argentifère situées à environ 30 kilomètres au
nord de Ta-lan. Les précieux métaux se trouvent dans de la serpentine injectée dans
des failles calcaires, tout à fait sur la crête d’une haute montagne. (Voir le chapitre IV.)
La constitution géologique de l’espace parcouru entre Pou-eul fou est la même que
précédemment : les calcaires dominent, puis viennent les grès et les schistes. La route
a été des plus accidentées et des plus fatigantes ; les montagnes sont élevées et froides,
les ravins fréquents et d’une profondeur considérable ; les eaux des torrents et des
rivières coulent étroitement encaissées entre deux murailles de roches taillées à pic et
d’un accès difficile. On peut en donner une idée par le temps que nous avons mis pour
descendre du village de Mong-lang à Yuen-kiang : il a fallu six heures de marche pour
atteindre cette dernière ville que le matin nous voyions à nos pieds. La différence de
niveau entre ces deux points est d'environ 1,000 mètres seulement ; mais la différence
de température est immense. En haut, les arbres rabougris de la zone tempérée; sur
les bords du Song Koiï, le bananier, les palmiers et tout ce qui accompagne la luxu-
riante végétation des tropiques.
Trois Jours de séjour à Yuen-kiang nous ont permis d'aller visiter le vaste gisement
de cuivre de Sin-long tchang, à 25 kilomètres au Nord de Yuen-kiang, et les mines de
fer de Kang-houa, près de Kang-tchong-pa. Ces dernières sont très-abondantes et
riches en métal. Leur proximité du Song Koi qui est la grande voie commerciale entre
l'intérieur du Yun-nan et les ports du Tong-king donne à ces mines une valeur relative-
ment importante. LA ÉTSTRUSES
La ville de Yuen-kiang est bâtie sur les bords du Song Koi au milieu d'une plaine
qui fut autrefois le fond d’un lac. Chaque torrent qui se versait dans ce lac avait
amoncelé à son embouchure un amas d’alluvions considérables, qui aujourd’hui coupées
par le Song Koi forment des berges taillées à pic de 30 à 40 mètres de hauteur sur le
flanc desquelles on peut lire le nombre des inondations par les couches périodiques de
marnes et de galets amoncelées les unes au-dessus des autres. En aval de Yuen-kiang le
fleuve coule entre deux rochers à pie, ancienne digue du lac usée par les eaux qui
se sont frayé un passage. :
Le calcaire bleuâtre, qui partout ailleurs était le calcaire dominant, est remplacé, sur les
bords du Song Koï, par des marbres blancs légèrement fumés, d’un beau grain, par des
marbres blancs et roses, et surtout par des brèches d’une très-grande beauté : ce sont des
morceaux de marbres de couleurs, de formes et de grandeurs variées, noyés dans une pâte
passant du rose tendre au rouge de sang. Cette dernière roche encombre le lit du fleuve
el forme presque exclusivement la chaîne de la rive gauche de Yuen-Kiang au Tong-king.
Si la descente de Mong-lang sur les bords du Song Koi a été longue et pénible, les
ascensions qu'il nous à fallu faire sur la rive opposée pour sortir de ee bassin n’ont pas
élé moins fatigantes ; mais nous avons été grandement dédommagés de nos fatigues
ITINÉRAIRE. 109
par la vue d’un pays à physionomie nouvelle. La chaîne qui nous a coûté tant de peine
à gravir présente de ce côté une pente douce ; les montagnes, qui nous paraissaient si
hautes vues des bords du fleuve, semblent s'être aplanies : nous sommes sur un vaste
plateau semé de nombreux lacs autour desquels s’est groupée une population douce et la-
borieuse. La ville principale de cette portion de province est Lin-ngan fou, bâtie comme
Yuen-kiang sur l'emplacement d’un ancien lac, et adossée à des collines d’alluvions qui
recouvrent un abondant gisement de lignite. lei la digue du lac a élé coupée par la main
des hommes. Les seules exploitations importantes dont nous ayons entendu parler dans
les environs, sont les mines de plomb argentifère de Mong-tse à quatre ou cinq journées
de marche à l'Est de Lin-ngan fou. Le gisement serait considérable et d’une exploitation
très-facile ; il est cité dans toute la Chine pour la richesse de son minerai.
En quittant Lin-ngan fou nous traversons le beau lac de Che-pin, de 15 kilomètres
de diamètre, encadré au Nord par des montagnes calcaires, et au Sud par des collines
schisteuses d’où l’on retire d’assez grandes plaques d’ardoise violette. Dans la ville même
de Che-pin plusieurs sources fortement chargées d'acide carbonique viennent sourdre
dans l'enceinte d’une riche pagode élevée sans doute aux divinités protectrices de ces
eaux médicinales.
De Che-pin nous marchons le plus directement possible vers la capitale du Yun-
nan où nous arrivons quinze Jours après. Cette route a été beaucoup moins fatigante
qu'aucune de celles que nous avons suivies depuis que nous avons quitté le Mekong ;
les collines et les montagnes sont relativement beaucoup moins élevées que précédem-
ment, les pentes sont douces, les chemins meilleurs, et nulle part nous ne rencontrons
des rivières encaissées comme le Song Koi et ses affluents. Le calcaire compacte
bleuätre est la roche dominante : il forme exclusivement les hautes montagnes et retient
les eaux des lacs de Tong-hay, de Kiang-tchouen, de Tehing-kiang fou et de Yun-nan :
les grès et les schistes n'apparaissent que sur les flancs des montagnes où ils sont d’ail-
leurs recouverts d’une épaisse couche de terre végétale.
Entre Che-pin et Tong-hay nous visitons en passant les fonderies et les forges de
Lou-nan et de Lang-pong-ly. Les riches minerais de fer que l’on y exploite sont en grande
abondance et à peu de distance de ces deux points.
Les lacs que nous venons de nommer, placés à un niveau supérieur à celui
de Che-pin, sont tous plus grands que ce dernier lac, ceux de Tehing-kiang fou et
de Yun-nan mesurent de 50 à 60 kilomètres dans leur plus grande dimension. Ces lacs
sont très-rapprochés les uns des autres, deux d’entre eux, celui de Kiang-tchouen et celui
de Tehing-kiang fou, communiquent même par un canal artificiel de 1,700 mètres de
long à travers une colline de grès quartzeux. Ces deux derniers lacs n'auraient, dit-on,
pas d’issue, les eaux qu'ils reçoivent ne dépasseraient pas un certain niveau et filtreraient
à travers les roches calcaires qui les retiennent.
Des terres alluviales de grande étendue et d’une fertilité remarquable entourent les
lacs que nous venons de voir et nourriraient une population bien plus considérable
que celle que nous avons rencontrée. La plaine de Yun-nan peut, à elle seule, recevoir
110 GEÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
plusieurs millions de Chinois : les eaux du lac la couvraient en partie autrefois, mais un
canal creusé pour déverser les eaux dans le Yang-tse Kiang a livré aux cultivateurs une
surface immense de riches terres.
Nous trouvons à Yun-nan un missionnaire français qui nous a donné des renseigne-
ments précieux sur les richesses minérales de cette province etde la partie du Se-tchouen
qui luiest contiguë ; nous en parlerons longuement au chapitre qui traitera de ces matières.
La principale roche minérale est la houille que l’on rencontre à chaque instant et dont
le bassin connu s'étend depuis les montagnes de Li-kiang, sur les frontières du Tibet,
jusqu'à Nankin près de l'embouchure de l'immense Yang-tse Kiang, c’est-à-dire sur
une surface de 800 à 900 lieues de diamètre.
Entre la capitale du Yun-nan et le Yang-tse Kiang le sol est aussi tourmenté que sur
les bords du Song Koï. Les chemins sont montueux et horriblement mauvais, les cours
d'eau profondément encaissés, et pour comble de nos misères nous traversons cette
contrée au moment le plus rigouréux de la saison d'hiver, luttant contre un vent violent
du Nord-Est, qui nous jette au visage des flocons de neige ou une pluie glacée.
La constitution géologique des lieux que nous avons observés à Yun-nan, à Tong-
tchouen et dans les divers endroits qui séparent ces points de Souy-tcheou fou, est partout
identique, nous ne trouvons jamais que trois roches : des calcaires compactes ou eris-
lallins, des schistes bruns qui manquent quelquefois et des grès variant du rouge au jaune.
Les couches carbonifères se trouvent habituellement entre les schistes et un grès gris
semblable à celui qui forme le toit de la couche carbono-cuivreuse de Bassae. Sur les
plateaux élevés il n'existe aucun cours d’eau, l’eau des pluies disparaît dans un nombre
incalculable d’entonnoirs sans que l’on sache le plus souvent où elle va sortir.
Les quatre mois que nous avons mis à parcourir la contrée dont nous venons de
tracer le tableau géologique (janvier, février, mars el avril), ont surtout été consacrés à
visiter des gisements et des exploitations minérales et à nous renseigner sur les mines
que nous n'avons pu voir. Les renseignements qui nous ont été communiqués par
M. Thorel sur l’excursion de Ta-ly nous prouvent que les formations de la partie Ouest
de la province sont de même nature que celles que nous avons déjà décrites.
Nos observations personnelles s'arrêtent à Souy-tcheou fou sur les bords du Yang-tse
Kiang : là nous entrions dans une région déjà connue et explorée. Nous nous embar-
quâmes sur le fleuve jusqu'à Shang-haï, ne descendant à terre que pour renouveler
nos provisions de bouche ; nos observations ont donc été très-incomplètes dans cette
partie de notre voyage, aussi nous contenterons-nous d'analyser le travail du capitaine
Blakiston et celui de l'Américain Pumpelly.
Le premier de ces voyageurs à remonté le fleuve jusqu'à Pin-chan hien et a parfai-
tement étudié le cours supérieur du Yang-tse Kiang ; le géologue américain a en parte
contrôlé par lui-même les observations de Blakiston, mais, son travail étant incomplet,
nous apprenons avec plaisir qu’un géologue allemand, M. Richtofen, est en ce moment
occupé à faire la géologie de cette partie intéressante de la Chine.
De Pin-chan hien à Souy-tcheou fou les bords du fleuve sont formés de grès grisâtres
ITINÉRAIRE. 111
devenant micacés et pourprés dans cette dernière localité. Blakiston a observé dans la
gorge profonde de Lotu de nombreuses extractions de houille ; le combustible, retiré par
des galeries creusées à une assez grande hauteur sur le flanc des collines, est descendu
jusqu'à l’eau au moyen de paniers que l’on fait glisser le long des cables en bambou.
Le panier plein en descendant fait monter celui qui vient d’être vidé. Tout ce pays est
montagneux ; les escarpements des rapides de Pa-tan-pa atteignent jusqu’à 500 pieds an-
glais de hauteur.
Le charbon bitumineux se retrouve à Pa-ka-chou. Six milles en aval de Souy-tcheou fou
on exploite un charbon meilleur que la plupart de ceux des provinces arrosées par le
Yang-tse supérieur. Ce charbon est retiré par gros bloes d’un grès micacé pourpre; du
fer existe dans le voisinage. Les mêmes grès s’observent à Ma-teh1 et à Ching-pa-cha.
Une rangée de collines, courant dans la direction du Sud, se trouve en face du Yang-
tse. Les noms des deux villages Lo-wan-tehe et Pe-cha-dô (Terre-Noire et Terre-Blanche)
indiquent la présence du charbon et de la pierre à chaux dans le voisinage de cette der-
nière localité.
De nombreux lavages d’or existent à Lou-tcheou et à Tehong-kin fou. Autour de cette
ville seraient, d’après Pumpelly, des puits artésiens salifères et des exploitations de cuivre
et de cinabre ; nous croyons que cet auteur a été mal renseigné, à moins qu'il ne confonde
le réalgar avec le cinabre. Blakiston à reconnu que les montagnes qui bornent le district
dont nous parlons, sont formées de caleaires et de grès dont les couches courant Nord-
Est et Sud-Ouest plongent de 75° à 80° vers l’Ouest.
De Fou-teheou à Ouan le lit du fleuve est encaissé entre des grès caleaires, grossiers,
micacés ou siliceux à strates dirigées Nord-Est et Sud-Ouest à Tehong-kin, et Ouest-Nord-
Ouest à Fou ; près de cette dernière localité les couches plongent de 30° environ vers le
Nord-Nord-Est. Le fond de la rivière, formé de sables siliceux avec parcelles de fer, paillettes
de mica blane et jaune, conglomérat à demi solidifié, roule de l'or. Dans toute cette région,
beaucoup d'habitants, quoique le rendement soit très-faible, sont occupés à laver les sables
aurifères. Pour séparer le métal précieux on se sert de berceuses ou corbeilles en bambou
peu profondes reposant sur un pied articulé et pouvant être mises facilement en mouve-
ment. Cinq personnes sont attachées au service d’une berceuse ; deux des hommes
extraient le gravier, un autre est chargé de fournir l’eau nécessaire, un quatrième lave
le sable, qu'un dernier individu recueille. Chaque ouvrier dépose sa charge dans la cor-
beille ; on v verse de l’eau, puis le mélange est agité un certain temps jusqu'à ce qu'une
grande partie des matières étrangères se soient séparées. Le sable aurifère est alors jeté
sur un plan incliné en bois où le métal plus dense se sépare des autres matières.
De Ouan à Koui-tcheou fou nous n'avons à noter que la présence de puits salés et
de quelques couches d’anthracite.
A la frontière du Se-tchouen et de la partie Ouest du Hou-pé le fleuve traverse, pen-
dant environ 80 milles, du calcaire, de minces couches de schistes métamorphiques et
des granites ; des grès grisätres grossiers, avec veines de carbonate de chaux spathique
en couches presque horizontales couronnent ces diverses formations. Ces grès renferment
112 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
de nombreuses couches de charbon que l’on extrait par galeries ; le combustible n’est pas
de bonne qualité et on ne prend aucun souci pour lextraire en gros blocs ; il est pul-
vérisé, mélangé avec de l’eau et de l'argile et façonné en briquettes.
Nous sommes étonné que les auteurs que nous analysons, n’aient ni l’un ni l’autre
signalé l’immense cratère que traverse le fleuve au moment où il pénètre dans les gorges
que nous venons de décrire. Un pilier de lave de 20 à 27 mètres de hauteur surgit au mi-
lieu des eaux à peu près vers le centre du cratère.
Le village de Kouan-du-ko, qui se trouve à quelques milles au-dessus de Koue tcheou
est bati sur un calcaire finement grenu dont les couches sont fortement bouleversées.
À partir de ce point, on entre dans les champs de Koue, si riches en minerais d'argent, de
plomb, d’or et d’autres métaux. De l’anthracite se trouve en abondance au milieu de grès à
surfaces brillantes avec des débris végétaux dont nous parlerons plusbas. A Koue même
les couches courent Nord-Nord-Ouest et Sud-Sud-Est, plongeant de 75° environ vers Est-
Nord-Est. A deux milles de la ville le grès est siliceux grisätre ou marneux pourpré ; de
minces lits de calcaire et d’argilite alternent avec ces grès qui reposent eux-mêmes sur des
grès calcareux finement grenus, supportés à leur tour par des calcaires ; les couches sont
fortement plissées en certains points.
La gorge de Mi-tan est formée de strates qui s’inclinent au Nord-Ouest: les escarpe-
ments ont environ 900 pieds anglais de haut. Suivant Pumpelly, en descendant vers Chan-
to-pien les deux côtés du fleuve seraient constitués par des granites à petits grains, et du
granite syénitique composé de feldspath blanc, de quartz, de larges lames de mica blane,
de cristaux d’hornblende, avec de petits octaèdres de fer magnétique. Nous n'avons pas pu
vérifier les observations de Pumpelly, n'étant pas descendu à terre pendant le temps que
nous avons mis à franchir cette distance, la plus grande partie de ce parcours a d’ailleurs
été faite pendant la nuit.
Près d’'I-tchang, et à 15 milles environ en amont de cette ville, le fleuve est très-en-
caissé et présente de nombreux rapides; il roule des cailloux de granite et de gneiss.
Les bords du Yang-tse sont formés de calcaires à lits dirigés Nord-Est et plongeant Sud-
Est 8°. Au-dessus viennent des grès grisàtres finement grenus passant à un conglo-
mérat grossier; les strates presque verticales et penchant vers le Nord-Ouest s'élèvent
à la hauteur de 800 à 900 pieds. Aux environs, Pumpelly indique du charbon, du nitre
et des agates. Le même conglomérat, en relation avec le grès micacé rouge, se retrouve
à IHou et vers King-tcheou.
«Le lit de la rivière est par places rocheux ; le sol de la contrée adjacente est de nature
« argileuse ou graveleuse; près du village de Yang-chi on retire de la pierre à chaux;
=
« à l'opposé de Chi-kiang, à l'Est du fleuve, dans les couches inférieures se voit un cal-
A
«caire moucheté. De ce point à I-tchang, le Yang-tse longe une montagneuse contrée,
cet, avant d'atteindre cette dernière ville, on passe entre deux murailles verticales de
«conglomérat grossier renfermant des cailloux de quaïtz, de limonite et de jaspe (1). »
Sur les bords de la rivière en face d’I-tchang un grès légèrement poreux et calcarifère
1 Blakiston.
ITINÉRAIRE. 115
est associé à ce poudingue. À Han-keou et à Ou-tchang nous voyons les mêmes grès plus
ou moins argileux avee des quartzites compactes. Le calcaire reparait autour du lac
Poyang ; il est, comme toujours, surmonté par les grès. À lEst sont les collines gra-
nitiques de King-tching ou King-te-tching qui fournissent le célèbre kaolin pour la
fabrication des plus belles porcelaines. Sur les rives et sur les collines qui bordent le lac
à l'Est, l'Américain Abel a mentionné des granites et des schistes micacés.
A partir de ce point, on entre dans une vallée d’alluvions jusque près de Nankin.
Dans les environs immédiats de cette ville, surtout vers l'Est, on extrait du calcaire et du
charbon. Sur la rive gauche du fleuve le grès rougeàtre reparait; ses couches courent
O.-S.-0. et plongent de 40°E.-S.-E. Après Nankin le fleuve coule jusqu’à son embouchure
dans un vaste delta.
IT. 15
[11
GÉOLOGIE
Jusqu'à l’arrivée de l'expédition du Mekong les études géologiques sur le Cambodge
et la Cochinchine ont été à peu près nulles. Quelques vagues renseignements donnés
par Crawfurd *, Mouhot *, Mac Culloch *, sont les seuls documents que nous ayons sur
cette vaste étendue de pays. E. Cortambert, qui a rédigé la première partie de l'ouvrage
publié par lui et par Léon de Rosny sur la Cochinchine, se borne à dire : « Les montagnes
« principales, du cap Saint-Jacques à Hué, paraissent composées de granite et de syénite;
« le quartz et le calcaire forment les montagnes inférieures. Les alluvions constituent la
« plus grande partie de la Basse-Cochinchine *. » De nombreuses roches ont été
rapportées par Îtier, par Chevalier, par l'expédition de la Bonite, et tout dernièrement
par M. Le Mesle. Ces séries si précieuses pour nous ont pu être étudiées avec tout le soin
désirable, grâce à l’extrème bienveillance de monsieur le professeur Daubrée, du Muséum
d'histoire naturelle. D’après Barbié du Bocage *, M. Le Mesle aurait l'intention de faire
connaître le résultat de ses recherches ; du moins lisons-nous au n° 403 de la Biblio-
graphie Annamite que «le travail de M. Le Mesle traite en grand détail des produits du
« Cambodge, flore, faune, géologie, » et qu'il sera prochainement « publié dans le
« Bulletin de la Société de Géographie de Paris. »
1 Journ. of an embassy to the courts of Siam and Cochin-China. In-4°, London, 1828.
2 Voyages aux royaumes de Siam, de Cambodge et de Laos, de 1858 à 1861. Zn : Tour du Monde.
3 Dictionary geographical, statistical and historical, 9° édit., 4 vol. in-8°. London, 1864, t. 1, p. 115.
4 Tableau de la Cochinchine. In-8, Paris, 1862.
5 Rev. maritime et coloniale, t. XVI et XVIII.
116 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
L'ordre naturel voudrait que nous commençassions cette troisième partie de notre ou
vrage par la géologie du bassin du Mékong depuis son embouchure jusqu'aux frontières de
la Chine. En présence de la pénurie des renseignements nous devons chercher nos points
de comparaison dans l'empire du Milieu qui à été beaucoup mieux étudié, dans certaines
de ses parties du moins. Pour ce travail nous nous aiderons des mémoires de Bonny ?,
de Ritter *, d'Iüier*, d'Imbert *, de Blakiston 5, d’Abel , de Davis, de Williams, etc.,
et de nos observations propres; les deux derniers auteurs que nous venons de citer se
sont surtout occupés des métaux, aussi parlerons-nous plus loin de leurs ouvrages. Toul
récemment R. Pumpelly a publié dans le tome XV des Srithsonian Contributions des
recherches sur la géologie de la Chine, de la Mongolie et du Japon.
Nous chercherons quelques-uns de nos points de comparaison dans les autres provinces
de Chine, en Mongolie, dans le Thibet et surtout dans l'Inde, cette vaste région qui a déjà
été si bien étudiée par les géologues anglais, et qui, grace aux nombreuses recherches
de ces patients et savants investigateurs, a relevé tant de faits intéressants pour la strati-
graphie, a fait connaître des faunes, depuis celle des terrains anciens jusqu'à l’ossuaire
des monts Sewalik, si instructives pour le naturaliste philosophe.
Quand à l’aide de ces divers matériaux nous connaïtrons l’âge des différentes couches
qui composent le sous-sol du Céleste Empire, nous pourrons plus sûrement paralléliser
ces formations avec celles que nous avons rencontrées le long du cours du Mekong, et
arriver ainsi à leur assigner une place dans la série des terrains. Nous verrons, en effet,
que les formations de Cochinchine, celles du Laos, peuvent, sauf pour quelques
points de détail, être comparées à celles de Chine.
1° Chine.
Si on jette les veux sur L « Aypothetical map » donnée par Pumpelly 7, on voit que
le sous-sol de la Chine, dans toute la partie située au Sud-Est du Yang-tse Kiang, seule
région dont nous ayons à nous occuper, se compose de quatre massifs de granite et de
roches métamorphiques sur lesquelles s'appuient de chaque côté du calcaire dévonien,
supportant à son tour le terrain désigné par l’auteur sous le nom de « Chinese coal
measures, » formation du charbon, rapportée au trias. Telle serait d’une manière
générale aussi la composition de toute la Chine; ajoutons qu'une grande partie des
provinces du Nord-Est, Ngan-hoei, Pe-tche-ly, Kiang-sou, est formée de terrains post-
tertiaires. La section faite le long du fleuve Bleu, depuis les côtes du Pacifique jusqu’à
Pin-chan hien dans l'Ouest du Se-tchouen, montre la même succession du granite, des
LA Trip from Canton to Shanghaï. Shanghaï, 1861.
2 Asten. T. III.
3 Journal d'un voyage en Chine en 1843, 44, 45 et 46. 3 vol. in-8°, Paris, 1853.
* Annales de la Propagation de la foi. In-8°, Paris, t. IT, 1828-1829.
5 Five months on the Yang-tse. In-8°, London, 1862.
6 Narrative of a journey in the interior of China. London, 1818.
DO ACTE pl VITE
GÉOLOGIE. 117
roches métamorphiques, du calcaire dévonien et du frias, ce dernier composé de trois
parties, qui sont de bas en haut : des conglomérats, des schistes argileux, des grès.
Kingsmill, qui a vu les principales formations de la côte orientale de la Chine, admet
un autre ordre de succession des couches qui serait le suivant : 1° Granite, 2° Roches
gneisiques, 3° Grès rouges à conglomérats, 4° Calcaire, 5° Grès micacé alternant avec
des minerais de fer, 6° Couches houillères, 7° Caleaire. L'âge assigné par l'auteur à ces
différentes couches n’est pas celui indiqué par R. Pumpelly. Laissons parler Laugel qui
a analysé le mémoire de Kingsmill : « C'est le granite qui supporte les roches sédimen-
« taires probablement siluriennes, qui se montrent dans l'ile de Hong-kong *. « J. Iüer,
qui a étudié avec soin une partie de la Chine, n’a guère, à notre avis, fait appel qu’à
des souvenirs éloignés lorsqu'il a admis le silurien comme constituant une partie du
sous-sol de la Chine et de la Cochinchine. « Dans le massif des collines situées
« derrière la baie Tourane, dit-il, sont des grauwackes... au-dessus desquelles sont
« des calcaires... Le marbre veiné de noir répand, quand on le casse, une odeur
« d'hydrogène sulfuré due à la grande quantité de débris organiques... Nous y avons
« trouvé une grosse érébratule..…. et un corps rond dont la eristallisation spathique
« rappelle assez la forme des Orthocères du calcaire de transition de Villefranche
« (Pyrénées-Orientales)..… En rapprochant les caractères généraux des roches que nous
« venons de décrire, des observations faites non loin de là, sur les côtes de Chine, on
« serait fondé, jusqu'à un certain point, à rapporter ces roches au système silurien ?. »
Il se pourrait donc que les deux formations dévonienne et silurienne existassent en
Chine et en Cochinchine, d'autant plus que dans cette dernière région sont, comme
nous le verrons plus loin, des schistes métamorphiques, inférieurs au calcaire dévonien,
et qui se rattachent très-probablement au silurien.
Cet aperçu général sur la géologie de la Chine donné, chacune des formations dont
nous venons de parler va nous occuper plus en détail. Nous étudierons successivement
les roches cristallines, les roches métlamorphiques, la grande formation calcaire, le
système du Chinise coal measures, les dépôts post-tertiarres, les formations actuelles.
S Ier, — Roches cristullines.
À. Granite et Syénite. — Les collines qui entourent la rade de Macao sont composées
de granite à grains fins où à grains moyens, variant du gris bleuàtre au jaunätre, renfer-
mant des filons de quartz hyalin souvent chargés de feldspath ; certains de ces granites dé-
composés forment des sommets d'environ 100 mètres au-dessus du niveau de la mer. La
grotte de Camoëns renferme des blocs de la même roche. Nous trouvons aussi des syénites
à grains moyens grisatres ou gris-verdatres, passant à la svénite porphyroïde, et contenant
du quartz en filons, des cristaux de fluorure de chaux, de sphène, des enduits d’hydrate de
fer mêlé de manganèse, des veines verticales de basanite amygdalaire passant à la wacke,
! Delesse et Laugel, Rev. de Géologie, t. I, p. 368, et The Geologist, 1863.
2 Op. cit., p. AM ct 142.
118 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
de basanite celluleuse avec carbonate de chaux lamellaire. Ces mêmes roches, granite por-
phyroïde avec quartz et syénite, se retrouvent près de Canton. Des pegmatites rougeätres,
à grains fins ou à gros grains, souvent avec enduits talqueux et pyrites, surchargées de
quartz en certains points, forment au Nord de Macao desfilons au milieu de la syénite. L'ile
de Xee-Ow, à l'entrée du Teheou Kiang qui mène à Canton, l'ile de Lappa, à l'Ouest
de Macao, l'ile Verte, l'ile de Jy-coek-tow, à VOuest de Bocea Tigris, rivière Tcheou
Kiang, sont formées des mêmes roches : granite, svénite ordinaire, granite porphyroïde
blanc-violätre, syénite porphyroïde, porphyre pétro-siliceux quartzifère et talcifère ”.
« Dans les îles qui bordent la côte, les rochers consistent seulement en granite à gros
«grains, traversés par quelques veines de quartz ?. » Cette première bande de roches
anciennes s'étend jusqu'aux environs de Fo-hing-low, à travers la province de Fo-kien.
Une seconde bande beaucoup moins longue, parallèle à la précédente, s'étend dans la
province de Kouang-tong, de Lien-tcheou vers Tehao-tcheou. Sensiblement parallèle à
ces deux dernières, dans sa partie N.-E. du moins. est une longue bande granitique com-
mençant aux iles Chusan, passant à Ning-po fou, se trouvant à la séparation des pro-
vinces de Fo-kien et de Kiang-si, et allant jusqu'à Ping-lo fou. Cette zone, d’abord cou-
rant sensiblement au N.-E., prend vers Kan-tcheou fou, la direction E.-N.-E. Près du lac
Poyang, non loin de Nan-teheou fou, le granite forme quelques sommets. La quatrième
bande granito-métamorphique occuperait sur la carte VIT de l'ouvrage de Pumpelly, une
grande partie du Yun-nan, du Kouang-si, et remonterait jusque près de la séparation des
provinces de Se-tchouen et de Hou-pé; le vaste massif autour de la ville de Yun-nan fou
se prolongerait dans trois directions : une de ces bandes orientée O0.-N.-0. à E.-S.-E., irait
presque rejoindre la zone du Kouang-tong, à la hauteur du milieu du golfe du Tong-
king ; une seconde, formant surtout le sous-sol du Kouang-si, irait E.-0. dans la direc-
lion de Koueï-lin fou ; une troisième enfin se dirigerait vers le Hou-pé, suivant une ligne
S.-S.-0. N.-N.-E. jusque vers les bords du Yang-tse Kiang, près de Kin-tcheou fou.
«Lorsque le Yang-tse coupe l'axe central anticlinal d’élévation, dans l'Est du Se-tchouen
Cet l'Ouest du Hou-pé.…. les schistes métamorphiques reposent sur le granite... celui-ci,
«<immédiatement après les premiers rapides, consiste en feldspath ériclinic et orthoclase,
«en mica noir brillant et en quartz, avec de petits cristaux de sphène dans la masse. Au-
«tour de Chan-to-pien le granite devient finement grenu ; peu après la rivière, il est suivi
«d'un granite syénitique, formé de feldspath blanctriclinie, de quartz, de larges lames de
«mica brun, de cristaux d’hornblende et de petits cristaux de fer magnétique®. » Les roches
granito-métamorphiques sont loin d’être aussi développées dans cette région de la Chine
que l'indique Pumpelly, à qui nous venons d'emprunter ces lignes ; nous n'avons pas vu
de granite dans toute la partie du Yun-nan et du Se-tchouen que nous avons parcourue.
B. Roches feldspathiques. — « L'absence totale, en apparence du moins, dit Pumpelly.
! Cf. au Mus. d’hist. nat., Géologie, les collections Itier (cat. 9, L). Voyage de la Bonite (cat.6, G, arm. 3, b).
Voyage de la Thétis (cat. 4, Z, ete).
? Davis, a Chine, trad. A. Pichard Append., par Bazin, 2 vol. in-8. Paris, 1837, €. I, p. 261.
3 R. Pumpelly, Op. cit, p. 4.
GÉOLOGIE. 119
de porphyre éruptif, de trachytes et de basaltes, paraît indiquer une absence correspon-
dante de bouleversement subséquent à travers une large partie de la contrée. » Les por-
phyres, en effet, n'existent pas, du moins n’en avons-nous pas observé dans le cours de
notre voyage. Quant aux roches du groupe des basaltes, elles ont fait certainement érup-
tion sur les bords du Yang-tse Kiang, car à 6 milles environ au-dessous de Koui-tcheou
fou, le fleuve traverse un vaste cratère au centre et sur le pourtour duquel sont des débris
basaltiques. De plus, Callery à rapporté de la provinee de Canton les roches feldspathiques
suivantes que nous avons pu étudier dans les collections du Muséum d'Histoire naturelle !:
des trachytes porphyroïdes altérés rougetres avec «cavités nombreuses dues à des cristaux
de feldspath décomposés, » du trachyte grisätre, légèrement porphyroïde, de la phonolite
porphyroïde altérée, de la leucostine brunâtre à grains fins avec cristaux blanchatres de
feldspath altéré, un poudingue porphyroïde à grains movens infiltré de matière siliceuse ;
de la pegmatite talcifère, blanche, avec enduits talqueux vert jaunâtre. Le même voyageur
a trouvé dans la province de Canton diverses autres roches dont nous ne connaissons pas la
provenance exacte; ce sont une brèche de quartz compacte, en partie ferrugineuse, à
grains moyens, cellulaire, des quartzites gris-violâtre à grains fins, très-agrégés, des
quartz compactes, gris, schistoïdes, contenant du tale, du quartz jaunätre. Ces deux roches
se rattachent très-probablement aux terrains métamorphiques.
C. Serpentines. — Des serpentines de couleurs variées se trouvent près de Ta-lan,
dans le Yun-nan. Elles renferment des cristaux de pyrite et, fait bien plus important, des
parcelles d’or. Elles sont accompagnées de quartzite grenu un peu micacé, ressemblant
beaucoup à la roche connue sous le nom d’/facolumite, et qui au Brésil accompagne aussi
l'or. Quelques filons d'amiante traversent ces serpentines.
D. Ophites. — Nous avons trouvé ces roches en un seul point, dans le lit d’un tor-
rent qui vient se rendre dans la rivière d’Attopeu, à environ 5 kilomètres de Stung
Treng. Ces ophites renferment de petits points calcaires et des cristaux de pyrite. Elles
prennent par places une texture granitoide. Nous venons de voir que des filons d’eurite
les traversaient. Ces ophites ont été relevées de 45° environ vers le Sud ; leur soulèvement
est subordonné vraisemblablement à l'apparition des porphyres de Khong.
Aux dépens des ophites, ont été formés des schistes polygéniques métamorphiques que
nous avons observés dans le lit du fleuve au bas de l’île de Khôn. Ces schistes ont été,
en cet endroit, relevés presque verticalement et courent Est et Ouest; ils sont fréquemment
coupés par des filons quartzeux.
S IL. — Roches métamorphiques.
Dans la province de Canton ces roches consistent en talcite phylladiforme gris foncé
avec hydrate de fer et en falcites quartzifères schistoïdes verdâtres et rougetres (col. Cal-
lery). L'expédition de la Thétis (eat. 4, Z, n° 128 à 132) a rapporté des iles d’Anambas.
archipel de la mer de Chine, des talcites feldspathiques, de la phonolite et un trachyte por-
1 303, arm. 3, d.
120 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
phyroïde amphibilifère d'apparence bréchiforme. « Près de Chan-to-pien, sur les rives
« du fleuve Bleu, le granite supporte des couches de roches métamorphiques ; celles du
« versant E. paraissent être de gneiss dont les strates se dirigent E.-0. et plongent de 30°
« du S. à lO.; sur le granite, les couches consistent en schistes hornblendies et chloriti-
« ques ; cette dernière forme contenant souvent des masses lenticulaires et des veines sé-
« cantes de quartz, de feldspath et de chlorite.. Près du contact avec le granite, les cou-
« ches tendent N.-N.-E., et plongent d'environ 85° à E.-S.-E., pendant que, peu après
« Ja rivière, leur direction se change en celle d'E.-N.-E., et que le pendage se fait vers
« N.=N.-0... Juste avant d'entrer dans l'ouverture E. de la gorge de Lou-kan.…. les schis-
tes courent E.-N.-E, et plongent N.-N.-0. !. »
Certains de ces schistes cristallins sont antérieurs aux éruptions du granite syénitique,
dans certaines parties de la Mongolie du moins, car au village de Sirjin’sz, près de Kal-
gan, cette dernière roche traverserait en dykes des couches métamorphiques *.
S II. — Terrain dévonien.
Des couches de quartzites compactes , atteignant 40 à 50 pieds d'épaisseur dans la
gorge de Lou-kan, ou, au même point, un lit de grès grisatre, finement grenu, micacé,
allant N.-N.-0. ef pendant 25° à 30° vers 0.-5.-0., séparent les roches métamorphiques de
la grande formation calcaire de la Chine *, si abondamment répandue le long et au S.-E.
du fleuve Bleu, et ayant, d’après Pumpelly, plus de 11,600 pieds anglais d'épaisseur.
La couleur de ce calcaire varie du blane au noir, en passant par le gris, le rosé, le
rougeatre, le bleuatre, le brun. Il est en général un peu dolomitique, et contient de nom-
breux points spathiques blancs, formés de débris d’encrines. Il fournit près de Canton, à
la gorge d’I-tchang, à Nankin, sur les bords du Yang-tse Kiang, dans la province deYun-
nan, des marbres estimés, de teintes très-variées et souvent fort agréables ; les variétés
grisätres, mouchetées de rouge, de noir et de blanc, porphyritiques et cristallines, sont
surtout recherchées. En maints endroits, 1l donne aussi d'excellente pierre à chaux.
Indiquer les points où ce calcaire se trouve dans le Yun-nan et sur les bords du Yang-
tse Kiang, serait répéter ici ce que nous avons dit dans la seconde partie de ce travail, et
reproduire la plus grande partie de ce que Pumpelly a écrit sur la géologie des bords du
fleuve Bleu. En effet, sur la carte donnée par le voyageur américain, on voit le caleaire
flanquer de chaque côté les quatre axes granito-métamorphiques, dont nous venons de
parler. Deux de ces bandes, celles du Kiang-si et celle du Kouang-si et du Yun-nan se con-
Hüinuent et ne forment qu'une seule zone qui envoie deux prolongements au travers des
grès; l’une de ces bandes, des deux la plus étroite, va près de Nan-ngan et se continue de
l’autre côté jusque vers Ning-koué, en traversant la province de Kiang-si; l’autre, située
dans le Hou-nan, passe à Tehang-tcha, traverse le fleuve Bleu à la hauteur de Hoang-teheou
1 R. Pumpelly, Op. cit., p. 4 et 6.
DES nb af
ENTTPAD 16:
GÉOLOGIE. 121
fou et de Kieou-kiang fou, et va se terminer au lac de Lu-tcheou, dans le Ngan-hoeï. Ce
même massif du Yun-nan, plus à l'O., donne aussi deux prolorgements; lun, entourant
les roches granitico-métamorphiques, ayant une orientation générale N.-N.-E., S.-S.-0.,
va Jusqu'au Yang-tse; l’autre, dirigé N.-E., N.-0., traverse tout le massif de grès du
Se-tchouen, encadré d’ailleurs partout par le calcaire, qui, sur la carte de Pumpelly, que
nous analvsons, forme quelques petits massifs surgissant au milieu du Chinese coal mea-
sures. D'après Wells Williams et Itier, le calcaire est abondant aux environs de Canton et
de Nankin. Partout sur les bords du Yang-tse Kiang, ce calcaire forme les sommets les
plus élevés et constitue des pitons qui ont été comparés par Davis à des pyramides naturelles.
Ce calcaire surgit au milieu des calschistes, des grès, des psammites, couches à
charbon de la Chine, fortement relevés dans sa direction. Il en est de même dans la pro-
vince du Yun-nan, et nous avons vu le calcaire constituant les points les plus hauts à Se-
mao, à Pou-eul, sur les rives du Song Koï, à Lin-ngan-fou, à Tong-hay, à Yun-nan, etc.
Les directions des strates varient suivant les localités. Ainsi à la gorge de Lou-
kan elles sont orientées N.-N.-0. et plongent de 25 à 30° vers FO.-S.-0. Près
d'I-tchang elles vont vers le N.-E., et leur pendage est d'environ 8° au S.-E. A 30
milles de Hoang-chan les collines de calcaire, qui en ce point ont de 800 à 900 pieds
anglais de haut, forment le côté sud de la rivière ; là les lits sont dirigés de l'O. au
S.-0. et inclinés d'environ 40° du S. au S.-E. Aux bords du Yang-tse Kiang, sur les
flanes « de l’axe granitique, les couches se dirigent uniformément N.-E.,S.-0., plongeant
«de 8 au S.-E. » Sur le flanc O., au contact des roches métamorphiques la direction
est N. E., puis dans la partie supérieure de la formation elle devient N.-E.-5.-0. !.
Ce caleaire contient quelques débris organiques qui en fixent l'âge et qui ont d’abord
été signalés par Itier. « On trouve ces débris, dit ce géologue, dans les couches plus argi-
« leuses qui l’avoisinent ; ce sont des Sprrifer, des Térébratules et des Serpules. » Exa-
minés par de Koninek, ces fossiles ont paru appartenir au dévonien. « Ce sont les Spr-
« rifer chechiel de Kon. qui se rapprochent tellement du S. specrosus Schloth, que M. de
« Koninek a hésité longtemps à en faire une espèce distincte ; or ce dernier étant ea-
« ractéristique du système dévonien de l'Eifel et de la Belgique, il est très-probable
«que son analogue de la Chine se trouve dans le même cas. Il existe adhérent à la
« surface du Spirifer une petite espèce de Serpule, dont M. de Koninck a constaté l'identité
« avec les S. omphaloides Goldfuss… L'autre fossile est une Zérébratule plissée, la T. Yue-
«namensis de Kon. ?. » M. Davidson est arrivé aux mêmes conclusions en examinant
une collection de fossiles du calcaire de Chine envoyée au British Museum par M. Lock-
hart. « Les exemplaires, écrit le savant brachiopodiste anglais, appartiennent à huit
« espèces dévoniennes, dont sept sont communes à la plupart des localités européennes,
« au nombre desquelles nous citerons Ferques et Néhou en France, la Belgique et l'Er-
« fel, mais ne se retrouvent pas toutes dans une de ces localités. Elles paraissent ressem-
« bler plus aux espèces de Ferques, où cependant on n'a encore trouvé ni la Cyrtia
! Pumpelly, Op. cit., p. 5,6, 7.
2 Le Glis de Pile
IF. 16
122 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
« Murchisoniana, ni la Rhynchonella Hamburi”. » Les espèces déterminées par M. Da-
vidson sont : Spirifer disjunctus, Sow., Cyrtia Murchisoniana de Kon., Rhynchonella
Hamburi, Vavid., Crania obsoleta, Goldf., Aulopora tubæformis, Goldf., Spirorbis om-
phaloïides, Goldf.? Cornulites epithonia, Goldf.? À Ferques, près de Boulogne-sur-mer,
le Spirifer disjunctus est caractéristique du dévonien supérieur, zones du caleaire de
Ferques et des schistes de Beaulieu ?. « Des brachiopodes venant de Gouchone, à 30
« lieues 0.-S.-0. de Patang, surle Kin-cha Kiang, et près de la frontière du Tibet, ont
« été, écrit Pumpelly, déterminés par M. Guverdet comme les suivants : Zerebratula cu-
« boïdes, Sow., du carbonifère et du dévonien... Terebratula reticularis, Lin., du dévo-
« men... Zerebratula pugnus, Martin. M. Woodward a décrit un Orthoceras de Chine.
« Sir R. Murchison dit en parlant de quelques fossiles du dévonien supérieur, venant du
« Se-lchouen, et qui lui avaient été donnés par le docteur W. Lockhart, qu'ils sont iden-
« tiques comme espèces aux Syprrifer Verneuil, S. Archiaci, Productus subaculeatus,
« et à d’autres formes européennes *. »
D'après la faune, la vaste formation calcaire de Chine appartient done au système
dévonien, et probablement à la partie supérieure de ce terrain.
SIV. — Terrain triasique.
Selon l'expression de Pumpelly, le dévonien sert de plancher, « floor » aux couches à
charbon, qui constituent le sous-sol d’une grande partie de la Chine, en exceptant toute-
fois les provinces du Nord-Nord-Est occupées par des terrains post-tertiaires. Selon le
véologue que nous venons de nommer, les trois membres du Chinese coal measures sont
de bas en haut : 1° Des conglomérats; 2° des schistes argileux ; 3° des grès. Des lits de
composition différente peuvent venir s’interealer entre ces couches, comme des argilites
rouges et grises, des brèches quartzeuses, des quartzites, de lanthracite ou de la
houille. Nous allons étudier successivement chacune de ces assises.
A. Conglomérats. — Les conglomérats porphyriques signalés par Pumpelly dans la
province du Tehe-li, ne paraissent pas exister le long du cours du Yang-tse Kiang. Mais à
Ltchang, s'appuyant vers l'Ouest sur le dévonien, suivis vers FEst par les grès, sont des con-
glomérats grossiers; des conglomérats quartzeux existent à Chi-chan hien. Ce sont là les
seuls points où les conglomérats soient indiqués dans les Geological Researches. Nous n’en
avons pas observé dans la province du Yun-nan.
B. Schistes et psammmites. — Les schistes, dans le diagramme donné par Pumpelly,
sont indiqués en quatre endroits, du lae de Tong-ting à Han-keou, où seraient des quartzites
pouvant se rattacher au coa/ series. Les collines qui sont autour de Han-keou sont formées
de couches argileuses et de grès argileux. À Ma-chang, à la limite des provinces du Yun-
nan et du Se-tchouen, près de l'angle formé par la rencontre du Kin-cha Kiang et du
! Quart. Journ. Geol. Soc., L. IX, p. 353.
? Rigaux, Norice stratigraphique sur le Bas-Boulonnas, p. 3, in Bull. Soc. Acad. de Boulogne-sur-mer, 1865.
Se
3 Op. cit., p. 55.
GEÉOLOGIE. 123
Pé-chouy Kiang, la base de la formation carbonifère est formée des mêmes schistes, ou,
plus exactement, des mêmes grès psammites micacés avec quelques traces de charbon ,
absolument semblables à ceux que nous verrons aux mines de cuivre de Bassac, dans
le Laos. Ces psammites schistoïdes existent au-dessous des grès de tout le cours du
Yang-ise Kiang et dans la province du Yun-nan. De couleurs variées, ces psammites
passent au jaune, au gris, au violet, au rouge, au brun, au noir ; ces schistes sont plus ou
moins durs, plus ou moins marneux, et se laissent, en général, facilement altérer par les
agents atmosphériques. Au-dessous de ces psammites sont des calschistes grisätres, ap-
partenant aussi au système des couches à charbon.
Nous donnons (page 143), une coupe ! prise dans la province du Yun-nan, et passant
par le Song Koï et le lac de Che-pin. On voit le calcaire dévonien 4, former les grands
massifs, les points élevés ; sur lui s'appuient, en se relevant dans sa direction, d’abord les
schistes bruns et violets b, au-dessus desquels sont les grès psammites «: ceux-ci, courbés
en bateau, reposent au Nord sur les schistes et au Sud sur le calcaire; sur le flanc de la
colline Sud, sont des brèches calcaires formées de fragments de cette roche englobés dans
une pâte d’un rose rouge d ; des alluvions e constituent le fond du lae de Che-pin et de la
rivière.
C. Grès. — Les grès terminent la formation. Ils sont souvent polygéniques et passent
à des poudingues quartzeux, phylladiens, calcarifères, ete., à éléments plus où moins
gros. Ces grès, à texture plus ou moins grossière, à grains plus ou moins fins, sont de
couleurs assez variées, le plus souvent grisätre, jaunätre, rougeätre. Si l’on consulte nos
notes de voyage, l’on verra que ces grès se présentent avec les mêmes caractères, et dans
la province du Yun-nan et tout le long des bords du fleuve Bleu. Décrire ici en détail
chaque gisement serait répéter ce que nous avons dit plus haut en parlant de chaque
localité.
D. Charbon et anthracite. — Ces combustibles font partie de la vaste formation tria-
sique, et sont généralement compris entre les couches de psammites et les schistes ou les
grès. Dans le Yun-nan, près de Pou-eul fou, les couches presque verticales d’anthracite
sont séparées entre elles par un schiste brun micacé qui s'appuie d’un côté contre du grès
rouge, et de l’autre contre des schistes analogues à celui des couches de séparation,
comme le montre la coupe n° ? de la figure, page 143; les diverses couches sont coupées
par d'étroites fissures remplies de carbonate de chaux eristallisé *.
Entre Tchao-tong et Souy fou le charbon est tantôt compris dans des schistes, tantôt
dans du grès rouge. «
Blakiston a rapporté aussi des grès rougeätres ou pourpres, siliceux ou calcaires, de
Koui fou, de Tchong-kin, de Po-ko-chan près de Sou-chong, de Quai-chow près de Ouan,
au milieu desquels on extrait l’anthracite ou le charbon *. D'après Pumpelly, «il parait
« que dans le Se-tchouen, qui semble occupé par un immense bassin houiller, les couches
1 N° f de la figure.
2 Op. cit, p. 353.
124 GEÉOLOGIE ET MINERALOGIE.
« à charbon acquièrent une plus grande épaisseur que dans les champs de Koue, où
« les membres inférieurs de la série paraissent seuls représentés. »
E. Puits salés. — Blakiston à considéré les sources qui alimentent ces puits comme
prenant naissance dans les couches triasiques, et pouvant être rapportées à cette forma-
tion. « Dans le Se-tchouen et le Hou-nan, dit-1l, presque tous ces puits... sont dans le voi-
« sinage de mines abondantes de charbon. D’épaisses couches de cette roche semblent
« être traversées pendant la recherche du sel”. » Ce dernier fait avait été antérieurement
signalé par Imbert?, que les divers auteurs négligent trop de citer : « quelquefois, tout
« n'est pas roche jusqu'à la fin; mais il se rencontre des lits de charbon de terre. » Et plus
loin : « En ouvrant des puits de sel, ils trouvent quelquefois, à plusieurs centaines de pieds
« de profondeur, des couches de charbon fort épaisses. » «Ces puits, » dit Pumpellv, « se
« voient en divers endroits le long du Yang-tse comme à Washan hien, à Ching-king fou,
« à Song-tcheou fou ; en tous ces endroits ils sont très-près des rivages du calcaire, mais
« au-dessus de cette formation. À Tchong-kin fou et à Kia-ting fou, ils sont aussi près de
« semblables rivages. Ce fait que des lits épais de charbon sont percés par ces puits, et la
« remarque de Blakiston que toutes les roches du Se-tchouen ressemblent à celles des
« champs houillers de Koue, fait croire, je le pense, que le charbon et les dépôts salins
« appartiennent au Chinese coal measures. » Nous sommes tout à fait de l’avis de Pum-
pelly, et lorsque nous parlerons des vastes plaines salées qui entourent Kémarat, près de
Bassac, dans le Laos, nous verrons que le sel se trouve presque à fleur de terre, au mi-
lieu d’un grès rouge qui fait partie de la formation à charbon.
F. — Reste à déterminer maintenant l'age de ces couches. Pumpelly va nous servir
encore de guide. Ce géologue a trouvé dans les couches à charbon du bassin de Koue,
sur les bords du Yang-tse kiang, province du Hou-pé, et dans le bassin de Chaïtang , à
Sanyu, à l’ouest de Pékin, des plantes qui ont été soumises à l'examen de J.-S. New-
berrv. Ce paléontologiste, prenant en considération l'entière absence de plantes propres à
l’époque carbonifère, et remarquant dans la série rapportée par Pumpelly, la présence
certaine de Cycadées appartenant aux genres Podozamites et Pterozamites, très-voisines
d'espèces d'Europe et d'Amérique, si elles ne leur sont pas identiques, ce paléontologiste,
disons-nous, est arrivé à celte conclusion que la grande formation houillère de la Chine
est d'âge Mésozoïc. Venant de Koue, sont de nombreuses pinnules d’une espèce de Podo-
zamites (P. Enunonst, Newb. *), que l’on peut difficilement séparer d’une espèce trouvée
par le professeur Emmons, dans le Nord de la Caroline au milieu des couches regardées
comme triasiques; ces couches contiennent, en effet, en abondance dans leurs lits supé-
rieurs, plusieurs espèces identiques à certaines des formes du trias (Keuher) d'Europe,
telles que Pecopteris Stutyardtensis, Laccopteris germinans, ete.; cependant il n'est pas
certain qu'il n'y ait avec cette flore quelques plantes du jurassique d'Europe ; une étude
plus approfondie de la question la résoudra sans doute; quoi qu'il en soit, les couches
MOp Ci pr 64%
2? Ann. propagation de la for, &. I, p. 371 el 374.
% Ap. Pumpelly, Op. cit., p. 124, pl. IX, fig. 3.
GEOLOGIE. 125
caractérisées par le Podozamites découvert par Emmons, représentent le trias d'Europe :
les couches du bassin de Hou-pé, renfermant la même espèce, doivent leur être assi-
milées.
Un autre Podozamites venant de Kout fou à été provisoirement rapporté par Newberry
au Podozamites (Zamia) lanceolatus, Lindl., sp. !, qui serait une forme jurassique
d'Europe; mais il faut complétement réserver son opinion quant à celte espèce qui n’a
été déterminée qu'avec des matériaux insuffisants.
Provenant des environs de Pékin, Newberry à examiné un P{erozamites nommé
P. Sinensis ?, qui ressemble au P{. linearis Emm. du trias de la Caroline. Le Sphe-
nopteris ortentalis Newb. *, tout en étant voisin de certaines formes carbonifériennes,
telles que les S. Schlottheïmi, S. tridactylites, ele., ou de certaines espèces jurassiques,
ressemble davantage à une espèce friasique, le S. dichotorna, Alth., et à une autre espèce,
non encore décrite, venant de Baltimore. Les deux autres espèces figurées par Newberrv
et qui proviennent, l’une des schistes plombagineux de Pivunsz, et l’autre des schistes
sableux jaunäâtres de la mine de Futau à Chailang, sont les Æymenophyllites tenellus
Newb., et Taxites spathulatus Newb. *.
Les grès et psammites que nous avons pu observer dans notre voyage en Chine sont
de même àâge que ceux que nous avons rapportés de Cochinchine et du Laos. Il nous a
été possible de voir une série de roches venant de l'Inde, et nous avons pu constater la
parfaite ressemblance de ces roches avec les nôtres. Or, voici ce qu’en 1861 écrivait
M. J. Marcou : « Les publications faites en 1859, en 1860 et en 1861, tant à Calcutta qu’à
« Londres, par la commission géologique de l'Inde et la société géologique d'Angleterre,
« ont confirmé pleinement les déterminations des plantes fossiles recueillies dans
« la formation des grès rouges de l’'Hindoustan par le docteur Mac Clelland et que
« M. Heer a reconnues comme appartenant à la flore triasique, ce qui a permis,
« dès février 1859, de placer dans sa vétritable position stratigraphique la grande et
« vaste formation du nouveau grès rouge du centre de linde, qui, jusqu'alors, était
< regardée comme de l’époque jurassique 5 ».
_
A
S V. — Terrain post-tertiaire.
Toutes les formations charbonneuses ou anthracifères de Chine n’appartiennent cer-
tainement pas au terrain triasique, et Pumpelly a signalé quelques gisements intercalés
entre des couches tertiaires, et pouvant être assimilés aux dépôts tertiaires à charbon de
l'Amérique du Nord.
Probablement d'âge encore plus récent sont les lignites de Lin-ngan fou, dans la
ODACTHPALTSENIE
2/d,p-420;pl.1X, fig 3"
2 Je pe 122,06 1e AG
2 Jd, p. 129, 193, pl. IX, fig: 4et 5.
5 Lettre sur les roches jurassiques hors d'Europe (Bull. Soc. Géol. de Fr., 2° sér., t. XIX, p. 9).
126 GÉOLOGIE ET MINERALOGIE.
province du Yun-nan. La ville est adossée à des collines marneuses qui recouvrent un fort
dépôt de lignites. La couche actuellement exploitée est située à 5 kilomètres à l'Ouest
de la ville; elle se trouve à une profondeur de 8 à 10 mètres et l'épaisseur varie entre
1,75 et 0,50. On retire le combustible au moyen de treuils manœuvrés par deux
hommes. Les galeries sont plus larges et plus commodes que celles que nous avons vues
près de Ho-boung et dans les mines d'or de Ta-lan, et de cuivre de Sin-long tchang.
Les puits sont par paires; par l’un on retire le lignite, par l’autre les terres et autres
déblais. Ce lignite est de bonne qualité ; il brule facilement en plein air et donne une forte
chaleur dans les fourneaux ; les indigènes ne consomment pas d'autre combustible pour
leurs besoins journaliers.
Les arbres fossiles à peine altérés existent en quantité dans la couche de lignite. La
couche charbonneuse, qui s’amineit en allant vers la ville, est comprise entre deux
épaisses couches d'argile brunâtre où nous avons vainement cherché des fossiles. Ce
dépôt est postérieur aux alluvions qui recouvrent toute la plaine comme le montre la coupe
n° 3 !; le calcaire forme les deux sommets élevés, sur lesquels s'appuient d’un côté ces
alluvions, de l’autre le dépôt à lignites.
n’y a plus en Chine de volcans en activité ; mais des éruptions volcaniques paraissent
avoir eu lieu à l’époque historique d’après les récits des historiens chinois qui nous en ont
conservé le souvenir. Ainsi, le volcan de « Pé-chan, situé dans la grande chaine du
« Thian-chan, ou montagnes Célestes, au Nord de Koutsche, a eu des éruptions de lave
« successives, durant une période bien connue historiquement, depuis l'an 89 de notre
« ère Jusqu'au commencement du vu siècle * ». De plus, M. Stanislas Julien, étudiant
les sources de l’ancienne géographie chinoise, a trouvé « qu'il est dit d’une manière
« expresse dans l’histoire de la dynastie des Thang que sur une des pentes du Pé-chan,
« qui rejette continuellement des flammes et de la fumée, les pierres s’enflamment,
« fondent et coulent sur une étendue de plusieurs /, comme de la graisse liquide ; cette
« masse molle se durcit en se refroidissant *. »
4
D'après J. F. Davis * le côté oriental de l'empire, depuis le Yun-nan jusqu'aux
environs de Pékin, renferme des puits de pétrole, des sources d’eau chaude et salée, des
émanations gazeuses, « traces de volcans assoupis, dit-il. » De la Bèche * avait déjà remar-
qué la connexité des exhalaisons gazeuses avec les sources salées, fait observé en Europe et
en Amérique et qui se voit aussi dans la province du Se-tchouen. Aussi, avec toute l’au-
torité qui s'attache à son nom, A. de Humboldt a-t-1l pu écrire : «Au Nord et au Sud de la
« longue chaîne du Thian-chan, de même que dans le Caucase, il existe une connexion
« géologique très-étroite entre l’activité volcanique et les limites des cercles d’ébranle-
U Voir la figure page 143.
2? A. de Humboldt, Cosmos, L. IV, p. 390.
3 Id. p. 394.
4 Op. cit., p. 262.
5 Géologie, p. 132.
GÉOLOGIE. 1277
« ment, les sources chaudes, les solfatares, les failles d’où s'échappe de l'ammoniaque
« et les dépôts de sel gemme !. »
La merveille du Se-tchouen, on peut dire de toute la Chine, c’est ce que les Chinois
nomment ŸYen-tsin et Ho-isin, ou « puits de sel» et« puits de feu » ; ces puits existent à
Ou-tong-kiao, à 4 lieues de Kia-ting fou et à Tsé-lieou-tsin. Signalés d’abord dans les
Nouvelles Lettres édifiantes par l’évèque de Tabracca, ils ont été décrits en détail par
M. Imbert dans le tome IT des Annales de la propagation de la for.
Les puits de sel se trouvent dans la première des localités que nous venons de nommer ;
selon M. Imbert, ces puits auraient de 15 à 1,800 pieds français de profondeur,
sur 5 ou 6 pouces seulement de largeur, et sont complétement perpendieulaires,
ereusés dans le rocher. On se sert pour cela d'une tête d'acier, de 3 ou 400 livres.
pesant, crénelée en couronne, un peu concave par-dessus et ronde par-dessous,
qui est mise en mouvement au moyen d’une bascule qui soulève l’éperon à 2 pieds de
haut et le laisse tomber de son poids; « on jette de temps en temps quelques seaux d’eau
« dans le trou pour pétrir les matières du rocher et les réduire en bouillie... Quand on à
« creusé 3 pouces, on lire cet éperon avec toutes les matières dont il est surchargé.….
« on reste au moins trois ans pour creuser un puits. » L'eau retirée de ces puits est très-
saumatre et contient un cinquième, quelquefois un quart de sel que l’on obtient par l’éva-
poration dans de grandes marmites en fonte chauffées par la houille qu'on trouve en
abondance dans les environs. L'air qui sort des puits est très-inflammable. Les puits de feu
existent à Tsé-lieou-tsin ; le feu est employé pour la fabrication du sel : un seul puits, dit
Imbert, peut faire cuire plus de trois cents chaudières, et l’eau évaporée en vingt-quatre
heures forme un paté de sel pesant environ 300 livres. « La surface du terrain est
« entièrement chaude et brüle sous les pieds... Ce feu ne produit presque pas de fumée,
« mais une vapeur très-forte de bitume que je sentis à deux lieues loin du pays; la
« flamme est rougeätre comme celle du charbon ?. » Il est probable que ce gaz est un
hydrogène carboné, sans doute du grisou, d'autant plus que les mines de charbon des
environs contiennent, suivant les paroles d’Imbert, « beaucoup d'air inflammable. et
« qu'on ne peut pas y allumer de lampes. »
D’après les textes chinois anciens, commentés par Klaproth et M. Stanislas Julien, un
puits de feu ou o-tsin très-célèbre existait autrefois dans le Se-tchouen à 80 li au S.-0.
de Khioung-tcheou ; de ce puits coulaient aussi deux sources salées donnant jusqu’à 30
pour 100 de sel. Le feu du puits a brûlé du n° au xmr siècle de notre ère.
Un autre phénomène est connu dans la province du Se-tchouen sous le nom de
Ho-chan ou « montagne de feu ». Au mont Py-kia on aperçoit pendant la nuit une
grande lueur peut-être produite par des gaz venant d’une houillère embrasée. De
semblables Æo-chan existent dans la province de Kouang-si, par 108° 25' long. E. de Paris
et 23° 27 lat. N.; dans celle de Chan-si, par 108° 14 long. E. et 39° 14 lat. N., par
L Cosmos, t. IV, p. 396.
? Luc. cit., p. 380.
128 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
1114° 50° long. E. et 40° 5° 42’ lat. N. ; etenfin par 108 3’ long. E. et 38° 12’ lat. N. :.
Dans cette dernière localité la montagne est remplie de couches de charbon qui brulent
en partie. Des puits de feu ont été signalés par le P. Martini dans la même province.
Tout le long des rives du Yang-tse Kiang on rencontre des dépôts alluviaux. Dans la
partie de notre travail où nous parlons de l'itinéraire du voyage, nous avons, et à plu-
sieurs reprises, signalé d'anciens lacs qui ont couvert le pays de leurs couches fertiles à
Lin-ngan fou, à Yen-tcheu et en d’autres endroits. Nous avons dit aussi plus haut que
le desséchement de certains de ces lacs pouvait dater de l'époque historique. ‘
Mais des formations plus anciennes existent le long des bords du fleuve Bleu. Elles
ontété bien étudiées par Pumpelly, et d’après ses propres observations, et d’après celles
de Blakiston. Ces alluvions sont formées de dépôts de graviers et d'argile, généralement
stratifiéesencouches horizontales, garnissant les collines qui forment les flancs des vallées.
« Différentes? en hauteur et en composition, ces alluvions semblent d’âges différents. La
« plaine étendue, autrefois oceupée par le lac Tong-ting est garnie de ces terrasses. . .
« formant une ceinture qui s'étend sur plusieurs milles au Sud, et occupe presque tout
« l’espace situé entre les rivières de Siang et de Vuen... À Tung'siz le dépôt est formé
« de cailloux roulés de quartz, de calcaire cimentés par une argile dure, et il conserve ce
« caractère à la jonction de la rivière Siang avec le lac et le long de la rive Est. Mais la
«composition générale est celle d’une argile bleue dure, avec des mouchetures irrégu-
«lières blanchätres. Près de Tung’siz les terrasses paraissent avoir de 70 à 90 pieds de
«haut... Blakiston mentionne des terrasses semblables comme se rencontrant en dif-
=
«férents points du Yang-tse dans le Se-tchouen. Le village de Tsing-tan à l'entrée Est de la
A
<gorge de Mi-tan, dans l'Ouest du Hou-pé, est bâti sur une terrasse de conglomérat bré-
2
<chiforme formé de fragments arrondis ou anguleux de calcaire, de silex, de gneiss et
«d’autres roches métamorphiques, cimentées par un tuf calcaire. Cette formation emplis-
=
< sait primitivement la vallée d’un bout à l’autre, et ses amas s'élèvent de 40 à 50 pieds au-
« dessus de la ligne des hautes eaux. » Ces terrasses latérales des vallées sont le résul-
lat d'un déblai produit par « labaissement de la barrière liquide ou solide qui soutenait à
« l'aval le cours d’eau déposant, à l'altitude correspondant aux altitudes du bord des ter-
« rasses; et aulant il y a d’élages de ces terrasses, autant, à coup sur, il y a eu de ces
« abaissements distinets*. » Bien différentes sont les terrasses lacustres qui sont au
contraire le résultat d’un remblai, par l'apport suecessif de matériaux déposés peu à peu
par les eaux qui, coulant sur une plus grande surface, ont perdu considérablement de leur
vitesse, et laissent se précipiter d'abord les parties les plus grossières, puis des matériaux
de plus en plus ténus. C’est ce que l’on voit, par exemple, pour le lae Tong-ting; cette
grande masse d’eau qui occupait toule la plaine du Hou-pé et du Hou-nan, a été remplacée
par des dépôts alluviaux, dont les débris forment maintenant les berges. Ces terrasses des
lacs peuvent être, en effet, affouillées postérieurement à leur formation, et il ne reste
A. de Humboldt. Asie centrale, &. IT, p. 531.
MOD CMD AS 10:
3 Dausse, Nouvelle Note sur les terrasses alluviales, Bull., Soc. géol. de Fr., 2 série, € XXV, 1868, p. 754.
GEOLOGIE. 129
. alors que des amas ressemblant fout à fait aux terrasses latérales des vallées et flanquant
des deux côtés les anciennes rives. Le lac Tong-ting nous présente un exemple de ce
fait: une grande partie de l’alluvion a été déblayée par les rivières « Yang-tse, Han, Siang
«et Yuen... Dans le courant rapide qui a balayé les portions étroites de la vallée du
« Yang-{se, les matériaux les plus gros résistèrent seuls au mouvement en avant; el lors-
«qu'un accroissement dans la vitesse du courant arriva, seulement ces parties du dépôt
« furent respectées, qui avaient été formées assez près du caleaire pour pouvoir être cimen-
« lées en une masse dure par les eaux qui en descendaient. » (Pumpelly.)
De semblables dépôts alluviaux se forment dans le Vang-tse Kiang et en rétrécissent le
cours en bien des endroits. L’embouchure du fleuve Bleu, comme d’ailleurs celle de
tous les grands cours d’eau, est obstruée par des alluvions de toute espèce, qui forment
un vaste delta compris entre Tong-tcheou et la baie de Hang-tcheou, se continuant vers
le Nord-Est avec la grande surface alluviale qui occupe une partie des provinces du Pe-
tche-li, du Ngan-hoeï et le côté Sud-Ouest du Chan-tong.
Pour résumer la géologie de la partie de la Chine située au Sud du cours du Yang-tse
Kiang, nous dirons que les terrains qui composent le sous-sol de cette vaste contrée sont
l° les roches granito-porphyriques ; 2°les roches métamorphiques ; 3° le dévonien ; 4° le trias;
5° les dépôts quaternaires et modernes : le silurien peut exister dans certaines parties.
Des formations semblables occupent une grande partie de l’Asie. Dans la tribu des
Kali, par exemple, au pied de l'Himalaya, Stachey * a trouvé des roches anciennes
devant avoir plus de 14,006 pieds d'épaisseur, formées de couches métamorphiques, de
schistes cristallins ou conglomérats le plus souvent stratifiés N.-N.-0.; suivant cette
direction paraissent coincider toutes les grandes lignes des roches éruptives. Au-dessus
viennent des couches n’appartenant plus au dévonien, mais au silurien, et qui semblent
se terminer le long d’une ligne de section d’une grande faille, à laquelle succèdent des
couches fossilifères ayant tous les caractères du Muschelkalk.
Nous avons dit plus haut l'assimilation du Trias de Chine avec celui de l’Indoustan et
d'Amérique. :
Les mêmes formations existent en Mongolie d’après M. Armand David ?. Le granit est
très-abondamment répandu ; ilsupporte des micaschistes ou des gneiss, au-dessus desquels
est un calcaire compacte, bleuâtre, couronné par des schistes gris ou noiratres, des
grès jaunes plus ou moins grossiers en couches épaisses plus ou moins contournées ou
soulevées. De nombreuses mais très-confuses empreintes végétales observées sur ces
schistes appartiendraient à des frondes de fougères ou à des calamites.
20 Cochinchine et Laos.
En Cochinchine, dans le Cambodge, dans le Laos jusqu'aux frontières de la
1 Quart. Journ. geol. Soc. of London, t. VIT, 1852, p.ret v.
? Journ. d'un voyage en Mongolie fait en 1866. Nouv. Archev. du Musée d'hist. nat. de Paris, 1868. Bull., p.62.
HI. 17
130 GEÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Chine, nous retrouverons les mêmes formations que celles que nous venons d'étudier
dans Empire du Milieu. Nous allons voir que les terrains que nous avons observés le
long du cours du Mékong peuvent complétement être parallélisés avec ceux des bords
du Yang-tse Kiang.
S 107, — Z'oches cristallines.
A. Granile et Syénite. — Vu cap Saint-Jacques part une chaine de montagnes qui
se dirige d’abord S.-0., N.-E., et qui, arrivée à la hauteur du 16°, court S.-E., N.-0.,
sépare la Cochinchine du bassin du Mékong, traverse le royaume de Xieng Mai et la
province chinoise du Vun-nan, au Nord de la Birmanie. D'un autre côté si, par
Hué, nous menons une ligne orientée S.-0., N.-E., elle passera par l'ile d’Haï-nan,
par Macao, l'archipel des Chusan, et aura la même direction que la bande granito-méta-
morphique indiquée sur la carte géologique de Pumpelly. Or cette ligne que nous venons
de tracer passe par les points où le granite et la syénite abondent. « Depuis l'ile d'Haï-nan
« jusqu'à l'archipel des Chusan, dit Kingsmill, une rangée de montagnes granitiques de
« 1,000 mètres d'altitude court à peu de distance de la mer. » Nous avons parlé plus haut
des roches granitiques de la partie de la côte chinoise orientée suivant cette direction.
De Tourane, qui se trouve situé sur la ligne tracée tout à l'heure, Chevalier, Guilbert !,
l'expédition de la 7héfis, ont rapporté du granite et de la syénite. Les granites, qui, du
cap Saint-Jacques, s'étendent jusqu’à Hué, ont été dès 1828 signalés par J. Crawfurd ?.
De Poulo-Condor, Germain et Le Mesle ont envoyé au Muséum de Paris des syénites
verdâtres renfermant du fer oxydulé et de la pyrite. Dans le lit du Mékong, à Cratieh, nous
avons trouvé des morceaux de syénite paraissant provenir des roches qui forment le fond
du fleuve. Les principales chaines de montagnes du royaume d’Annam sont composées
de granite et de syénite d’après le dictionnaire de M’Culloch *. Le petit massif de mon-
tagnes de Pursat doit aussi renfermer des roches granitiques dont des échantillons nous
ont été donnés à Oudong.
B. Pegmatite. — En relation avec le granite on voit à Tourane des pegmatites rouges à
grains moyens, avec parties chargées de mica verdatre , et des pegmatites micacées blan-
chatres. De la pegmatite rosée a été trouvée entre Vien Chang et Luang Prabang ; la roche
élait roulée de sorte que nous ne connaissons pas ses relations avec les roches voisines.
C. Eurite. — De la montagne de Pnom Krecht, à 40 kilomètres à l'Ouest de
Oudong, Germain et Le Mesle ont rapporté de l’eurite grisätre avec cristaux d’amphi-
bole. Dans le lit d’un torrent situé à l'Est et près du village de Stung Treng, sur les
bords du Grand Fleuve, nous avons observé des eurites grisätres formant des filons
dans l’ophite; l’éruption de ces eurites est par conséquent postérieure aux ophites et
nous verrons qu'elle se place entre la formation de cette roche et le dépot des talschistes.
1 Coll. du Muséum, cat. 3, O, 66.
2 JE: Ben do 2e
Pocvcit.,p.1UG:
GEOLOGIE. 131
D. Labradorite. — Nous n'avons vu cette roche qu'en un seul point, près du village
de Peunom ; elle était roulée dans le fleuve.
E. Porphyres et Mélaphyres. — Des porphvres quartzifères forment les collines qui
s'étendent depuis l’île de Khong jusque près d’Atiopeu ; en ce point cette roche est d’un
noir rougeûtre. Du porphyre non quartzifère se trouve aussi au même endroit. Le
même porphyre quartzifère rougeatre compose une partie des collines qui bordent le
Mékong entre Vien Chang et Luang Prabang. Dans cette dernière localité la roche à
paru après le dépôt des grès triasiques qui ont été soulevés dans la direction des mon-
tagnes porphyriques comme le montre la coupe n° 4. En allant du Sud au Nord, on voit
successivement les montagnes de calcaire, les schistes métamorphiques supportant les
grès, les porphyres formant des pitons relevant vers eux les schistes etles grès, puis les
mêmes couches placées dans l’ordre inverse, grès, schistes, calcaires.
D'un autre côté, à Khong, le porphyre est recouvert d’un conglomérat polygénique
renfermant des débris, parfois considérables, de ce même porphyre, de quartz, de
pegmatite, des fragments d’arkoses silicifiées, le tout lié et réuni par un eiment de grès
quartzeux verdatre; cette couche, qui, en ee point, atteint plusieurs mètres d'épaisseur,
est contemporaine des amas de poudingue quartzeux qui se relient si intimement à la
partie supérieure du trias. Nous pouvons done établir que c’est vers la fin de cette période
que le porphyre a surgi. Cette éruption doit être contemporaine de celle des plus récents
porphyres quartzifères de Si-chan en Chine, qui, d’après Pumpelly, a eu lieu après le dépôt
du «Chinese coal measures, » et qui a coïncidé avec l'émergence de toute la Chine propre.
La partie supérieure est, à Khong, plus ou moins décomposée et passe à l'argilophyre,
la roche est coupée en divers sens de veines de quartz blane ou rosé, de quartz compacte
avec cristaux de pyrite de fer, formant au milieu de la masse de minces filons, comme on
le voit par la coupe n° 5. (Voir la figure de la page 143.)
Le kaolin, qui, par sa composition, se rattache au porphyre, se retrouve en différents
points du cours de Mékong. Un dépôt considérable de cette précieuse terre se voit entre
le Mékong et la rivière du Grand Lac, dans une coupe qui, passant au niveau de
Cratieh, vers 12°, irait du côté de la chaîne de Pursat. Le kaolin existe aussi en abondance
entre Samabouli et Nong Kai, sur la rive droite du fleuve, dans une colline qui court
parallèlement au Mékong; cette terre est plus ou moins veinée en rouge par un sel de
fer et renferme quelques parties quartzeuses. Le kaolin se retrouve aussi à Moun-hô, un
peu au-dessous de Vien Chang.
Les argilophyres se voient encore abondamment dans le lit du Mékong, près de Xieng
Khong, dans la province de Muong Nan. Ces roches composent une partie des collines de
Poulo-Condor, où Germain a observé des porphyres quartzifères en partie décomposés
avec veines de quartz blane, des porphyres rubannés, des porphyres passant à l'eurite.
Les indigènes nous ont donné des porphvyres venant du haut de la rivière de Oudong.
A Cratieh le fond du fleuve est formé de porphyres pyroxéniques d'un noir foncé avec
nombreux cristaux de pyroxène augite et des points blanchâtres de quartz; un peu de
calcaire remplit les cavités de la roche, aussi en certains endroits se fait-il. une légère
132 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
effervescence avec les acides. Ce mélaphyre est près des ophites, avec lesquels il est
peut-être en relation.
Quelques cailloux roulés de très-beau porphyre vert antique ont été trouvés dans le lit
du fleuve au-dessus de Luang Prabang.
S Il — Roches métamorphiques.
A. Gneiss. — À Tourane, Îtier a observé du gneiss granitoïde, passant à un conglo-
méral composé de grains de quartz, de feldspath, de mica vert et de fragments de
roches granitiques. La stratification de ce gneiss est très-tourmentée ; il est traversé par
de larges filons de quartz compacte avec fer hydraté blanchâtre ou grisätre, surtout à la
montée du fort de Non-nay ; en ce point certains dykes sont orientés Nord-Est. Ce gneiss
forme les hautes montagnes qui à l'Est bordent la baie de Tourane. Au contact du granite,
le gneiss est leptynoïde, ainsi qu'on le voit à l'ile de l'Observatoire. Au côté oriental
de la baie sont des gneiss sur-micacés rougeûtres, fortement contournés. A File de Mo-kot,
Itier a signalé des fragments de roches de sédiment empatés dans le gneiss, et, à la pres-
qu'ile de Thein-tha, Chevalier a vu du granite entourant des fragments de gneiss. Le
granite a done fait éruption à deux époques différentes : d’abord avant la formation du
gneiss qui repose sur ce granite plus ancien et aux dépens des matériaux duquel il a été
formé, puis à une époque postérieure, après le dépôt du gneiss que ce granite a traversé.
B. Euritine. — Cette roche, remaniement de l’eurite, a été trouvée par Le Mesle
dans les montagnes de Pursat. En relation avec les talschistes, et plus récents que ceux-
ci, puisqu'ils les surmontent, sont dans le lit du Mékong, entre Vien Chang et Luang
Prabang,
ques nodules calcaires; en certains points le lit du fleuve est encombré de gros blocs
de nombreuses couches d’euritine plus ou moins feuilletée, renfermant quel-
d’une roche fusible en vert au chalumeau, qui est de l’eurifine à grains très-fins; ces
blocs sont subordonnés à l’euritine schistoïde.
C. Talschistes. — Les lalschistes forment dans le lit du fleuve, entre Vien Chang et
Luang Prabang, de grandes surfaces plissées et contournées parfois en zigzag dans tous
les sens, coupées par de nombreux bancs de phthanite et de lydienne, souvent verticaux,
courant surtout au Nord-Est. Ces talschistes sont par places phylladiformes, et renfer-
ment des veines calcaires.
S IT. — Schistes anciens et grauwacke.
A l'ile de Khôn on voit au-dessous du calcaire dévonien des schistes brunâtres, plus
ou moins fissiles dont nous ne pouvons préciser l’âge; il se pourrait pourtant qu'ils ap-
partinssent au terrain silurien ou à la partie la plus inférieure du dévonien; du moins
ressemblent-ils singulièrement aux schistes qu'on trouve dans ces deux formations.
Près de Bien-hoa, dans le lit même de la rivière, ils reposent sur le granite et sont
recouverts parles alluvions et la limonite ; ici ces schistes passent aux phyllades tégulaires.
GEOLOGIE. 133
Entre Vien Chang et Luang Prabang on voit le contact de ces schistes, qui en ce point
sont plus ou moins fissiles, et des phyllades calcarifères verdâtres, jaunâtres, rubanées
avec le grès du trias; le calcaire manque entre les deux formations.
Le lit du fleuve et des rivières qui s’y déversent présente, près de Muong Long, de
nombreux gisements de phyllades tégulaires dont la couleur varie du cendré au noir, en
passant par le brun, le rose, le vert, ete.
Dans la baie de Tourane, du côté Est, Itier a signalé, au-dessus du gneiss et au-
dessous du calcaire dévonien, de la grauwacke rouge: «tantôt à grains fins se rappro-
« chant du psammite, tantôt à gros grains et analogue, dans ce cas, à un poudingue gros-
« sier, composé de morceaux informes de roches siliceuses, dont les arètes sont à peine
« arrondies, et que réunit un ciment arénacé très-fin *. »
S IV. — Terrain dévonien.
Près de Tourane, au-dessus de la grauwake, comme nous venons de le dire, se
montre le calcaire qui forme, en cet endroit, les roches de Non-nuoc, roches de marbre
à nombreuses grottes «où sont les immenses pagodes que le roi Minh-mang éleva au
dieu Foo*.» En ce point de minces lits parallèles de schiste noir traversent la roche. En
d’autres endroits le calcaire est saccharoïde ou compacte, bleuâtre ou rosé, veiné de
rouge (Voy. de la Thétis), surtout sur la côte orientale de la baie (Voy. de la Favorite);
là le calcaire est noiratre, et forme des couches de 80 pieds environ d'épaisseur dirigées
vers le Nord; dans certaines parties le calcaire est phylladien, laminaire. D’après le
Voyage de la Thétis, du calcaire fibreux, aragonile, s'élève au milieu d’une plaine de sable
située le long de la côte, à 2 lieues de Tourane; ce calcaire est frès-célèbre dans tout le
royaume d’Annam par ses pagodes souterraines.
Dans toute la région que nous avons parcourue le calcaire est très-abondamment
répandu ; il supporte presque partout la vaste formation triasique dans la plupart des
coupes suivantes. Ce calcaire est plus ou moins dolomitique, à Khôn, à Peunom, près de
Vien Chang principalement. Sa couleur varie du blanc au noir (Bassac, Peunom, montagne
de Ban Sôm près Luang Prabang, etce.), en passant par le brun (Pakmoun, Peunom, Ban
Sôm), le rose (île de Khong, Vien Chang, Luang Prabang), le violet et le verdâtre (entre
Luang Prabang et Vien Chang, etc.), le gris (mêmes localités). De nombreuses veines de
carbonate de chaux spathique le traversent. À Peunom, Vien Chang, il renferme quelques
cristaux de pyrite et des filons de quartz.
Les principales chaines calcaires sont orientées N.-0., S.-E., comme on le voit, par
exemple, à Lakon, sur la rive gauche du fleuve. Le calcaire constitue tous les sommets
les plus élevés, pouvant atteindre jusqu’à 1,000 et 2,000 mètres d'altitude. Les sommets
forment souvent, comme à Lakon, des pitons complétement isolés au milieu des psam-
1 Loc. cit., p. 109.
2/1d-,0p. 140:
134 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
miles et des grès triasiques relevés et dérangés; des pics isolés surgissant au milieu du trias
se voient aussi à Xieng Tong entre Muong You et Muong Long, et en bien d’autres en
droits. À Lakon toute la plaine est composée de calcaires surmontés, par places, de blocs de
quartz; celte plaine est parsemée de pitons calcaires. Les quartzites de Oudonget de Pnom
Penh doivent aussi appartenir à la formation dévonienne et être inférieures au calcaire.
La coupe n° 6 va obliquement de l'Est à l'Ouest en passant par Saïgon, Oudong, la
plaine de Cambodge et Pursat. Elle montre de l'Est à l’Ouest l'axe granito-syénitique al-
teignant environ 400 mètres d'altitude, le contact des phvyllades et des granites dans la ri-
vière de Bien-hoa, la plaine d’alluvion, avec limonite, du Mékong le massif de
quartzites ayant 150 mètres, la plaine alluviale du Cambodge, et les montagnes calcaires
de Pursat, élevées de 300 mètres.
Les eaux et les influences atmosphériques ont formé de nombreuses cavernes dans le
calcaire. À Nan-hô, on observe une caverne creusée dans un marbre blanc et noir veiné
de lignes blanchâtres.
Le calcaire présente partout de nombreuses parties spathiques, qui sont des débris
d'enerines. Nulle part nous n’y avons vu d’autres débris organiques. En un seul endroit
nous avons trouvé, dans le lit d’un torrent, des morceaux roulés d’un calcaire grisätre
pétri d'avicules, malheureusement en trop mauvais état de conservation pour être déter-
minées spécifiquement. Nous n'oserions affirmer que ce calcaire appartint à la formation
que nous éludions en ce moment; il est beaucoup plus argileux et ne renferme aucune
des parties spathiques ou encrinitiques qui caractérisent, partout, le long du Mékong
comme dans les provinces de Chine que nous avons parcourues, le caleaire dévonien. Il
se pourrait que ce calcaire à avicules appartint à une autre formation; il nous est complé-
tement impossible de déterminer son âge géologique, ne le connaissant que par quelques
fragments 1sol6s.
Nous venons de dire que dans tout le cours de notre voyage nous n'avions trouvé,
dans le dévonien, aucun débris organique, mais Le Mesle a rapporté de la chaine de
Pursat un calcaire rosé avec débris d’encrines et des montagnes de Pnom Krecht, près
de Battambang, à l'Ouest du Grand Lac, un ealcaire avec Encrines, Hémithiris, qui a été
reconnu comme paléozoïque par d’Archiae. Le calcaire grenu serait, en ce point, direc-
tement en contact avec les roches plutoniques. Ces calcaires des montagnes de Pursat res-
semblent tout à fait à ceux que nous avons observés le long du cours du fleuve, dans
le Laos et en Cochinchine; ceux-ci à leur tour sont complétement identiques au
calcaire de la province du Vun-nan (Lin-ngan fou, Che-pin, Yun-nan, rives du
Song Koï, ete.), et de tout le cours du Yang-tse Kiang, qui, comme nous l'avons dit
plus haut, à été déterminé comme dévonien, d’après les fossiles qui y ont été trouvés.
Nous paralléliserons complétement le calcaire de Chine avec celui du Laos, et nous de-
vrons considérer aussi ce dernier comme appartenant à la grande formation dévonienne,
probablement à la partie supérieure de ce terrain.
GEOLOGIE. 159
S V. — Terrain triasique.
Cette formation, qui est si abondamment représentée dans toute la région que nous
avons parcourue, en Chine comme dans le Laos, se compose de plusieurs couches
se reliant les unes aux autres. De bas en haut on a 1° des schistes bruns très-légère-
ment micacés; 2° des calschistes; 3° des psammites; 4° des grès; 5° des psammiles ;
6° des grès ; 7° des poudingues. Des anthracites et du charbon, du minerai de cuivre
peuvent venir s’intercaler entre ces diverses assises. À l'étude du trias se rattache aussi
celle des puits salins et des extractions de sel de la plaine de Oubon et de Kemarat.
Une coupe” faite vers le 15° et allant jusqu'à Bassac, en passant par Attopeu, et la
plaine volcanique du Sé Don, orientée E.-0., nous montre d’abord les montagnes
de granite pouvant en ce point atteindre environ 800 mètres d'altitude. Contre cette
roche s'appuient des grès triasiques atteignant 700 mètres de haut et suivis par les pro-
duits volcaniques de la plaine dont nous venons de parler. Au-dessous de ces grès sont
des schistes brunätres s’élevant jusqu’à la hauteur de 500 mètres. À Bassac les grès ont
environ 200 mètres de haut; le tout est couronné par 200 mètres de psammites. Les al-
luvions forment le fond et les bords de la rivière d’Attopeu et du Mékong.
La coupe plus détaillée du terrain à Bassac, à l’endroit où sont les mines de euivre,
donne de bas en haut :
1° Schistes bruns, avec quelques parcelles très-petites de mica blanc;
2° Calschistes grisätres et noirâtres, argileux par places, avec parties siliceuses, pas-
sant au conglomérat. Quelques empreintes végétales très-frustes et fragments de char-
bon vers la partie supérieure.
3° Les couches supérieures sont imprégnées de carbonate de cuivre bleu et vert, elles
atteignent de 0,50 à 1 mètre de puissance. Des filons de charbon de 0",005 à 0",03
d'épaisseur s’intercalent entre ces couches.
4° Grès jaunatre micacé.
5° Psammites d’un jaune verdätre, à paillettes nombreuses de mica, contenant quel-
ques fragments de charbon.
6° Psammites rosés à grains plus ou moins fins, à nombreuses et petites paillettes
de mica.
7° Psammites rouges avec parties entièrement siliceuses.
Tous ces psammites sont par couches plus ou moins épaisses, horizontalement stra-
ufiés.
Nous allons décrire en détail chacune des couches de la formation, confondant dans
une même étude les grès supérieurs et inférieurs, les psammites placés au-dessous et
au-dessus du grès.
A. Calschistes et Schistes. — Entre Vien Chang et Luang Prabang on voit le contact du
dévonien et du trias. En remontant le fleuve, on a d’abord des schistes phylladiens calea-
! Voir la coupe n° 7 de la figure page 143.
136 GEOLOGIE ET MINERALOGIE.
rifères supportant des grès qui se divisent par couches tabulaires; puis viennent les
roches métamorphiques dont nous avons parlé plus haut. On rencontre ensuite des grès
gris-brun alternant avec des phyllades ; ces grès dont les couches sont fortement relevées
sont supportés par des calschistes violets et verdâtres reposant eux-mêmes sur des calcaires.
Des schistes phylladiens calcarifères se voient à la base des collines de Muong Lim, dont
le sommet (500 à 600 mètres au-dessus de la plaine) est couronné par un grès grossier.
Dans le Se Hinboun, près de Houten, les calschistes sont verdàätres ou noirâtres,
feuilletées et contiennent quelques traces de carbonate de cuivre; ils sont absolument
semblables à ceux qui forment la base des montagnes de Bassac. Dans la même rivière, au-
dessus de Pakkan les couches sont contournées; les psammites se voient un peu plus haut.
Nous ne pouvons préciser l'épaisseur de la couche des schistes et des calschistes. A la
vieille pagode de Bassac (Wat Phou), ils atteignent 100 mètres au-dessus du niveau du
fleuve ; dans le contre-fort Nord-Est de cette même chaine de montagnes 1ls s'élèvent à
400 à 500 mètres au-dessus de la plaine.
B. Psanumites. — À Lakôn les psammiles rouges reposent directement sur le cal-
caire dévonien et se relèvent fortement vers lui, comme le montre la coupe n° 8.
A Luang Prabang, les psammites sont aussi supportés par le calcaire ; ils sont recou-
verts par les grès ; ces deux couches sont relevées vers le calcaire. (Coupe n° 9.)
La couleur et la consistance des psammites varient beaucoup. La couleur passe par le
gris, le gris rosé, le gris verdätre, le jaunätre, le jaune-rougeätre, le rouge vif. Certaines
couches renferment des parties calcaires et font plus ou moins effervescence avec l'acide
chlorhydrique. Le mica est plus ou moins abondant, et les paillettes, très-pelites ici, sont
plus loin très-grandes. Le grain de la roche diffère aussi; en certains endroits elle est
presque friable, en d’autres elle est très-cohérente. Les psammites rouges forment la vaste
étendue de pays comprise entre le cours du Mékong, celui du Sé Moun et des rivières tri-
butaires au Sud, jusqu’à Houten au Nord, et, suivant les indigènes, s’étendraient dans toute
la région Ouest. À ces psammites se rattache l'étude des exploitations de sel de la contrée.
Nous indiquerons, au quatrième chapitre de cel ouvrage, la manière dont on extravait le sel.
La plaine basse dont nous venons de tracer les limites est entourée, mais à de grandes
distances, de montagnes de grès, reposant sur des psammites rouges, qui, avec des argiles
bleuatres et blanchätres, en forment le sous-sol. Chaque année, cette plaine est cultivée et
couverte de belles rizières ; faisons remarquer que le riz vient fort mal dans les endroits
salés où à eaux saumâtres, de sorte qu'il est très-probable que les premières pluies, qui
sont si abondantes dans ces régions, lavent les terres superficielles et les débarrassent du
sel qu’elles peuvent contenir. Un dépôt de chlorure de sodium ou une nappe salée doit
exister entre les psammiles et l'argile. Quand viennent les fortes chaleurs, le sol est for-
tement échauffé et desséché ; l’eau salée monte par capillarité à travers les couches super-
ficielles qui sont un peu sablonneuses, et, en s’évaporant à la surface, ce qui doit arriver
promplement, grâce à un soleil de feu, laisse déposer le sel sous forme d’efflorescences
ou de croutes légères. Les pluies torrentielles de la mauvaise saison entrainent une partie
de ces petits amas de sel, et à la saison sèche le même phénomène d’évaporation se re-
GÉOLOGIE. 137
produisant, on comprend que la surface ne soit salée que pendant une partie de l'année.
Nous avons vu précédemment en parlant de la géologie de la Chine, que Pumpellv
rattachait les nombreux puits salés du Se-tchouen, à la formation du trias, d’après ses
propres observations et celles d’'Imbert ; la présence du sel au milieu des psammites d’Ou-
bon, de Kémarat, vient corroborer cette opinion.
Des grès psammites semblables existent aux environs de Singapore(Voy. de la Bonate);
ils ressemblent tout à la fois à ceux des couches supérieures d’Amnat, de Kémarat, de Bassac.
D’après Ilier, des psammites rougeatres se trouvent aux îles Chusan et du Tigre
dans la baie de Tourane.
Faisons remarquer en terminant que les psammites que nous avons observés dans
notre voyage, présentent la plus grande similitude avec ceux qui, en Europe, constituent
les grès bigarrés.
C. Grès et poudinques.— Une coupe orientée E.-0. l, et passant au niveau de Stung
| x EU a)
Treng, donnera le contact des grès et des calcaires du dévonien. Cette coupe montrera
les collines granitiques, hautes de 500 mètres environ, une vaste plaine d’alluvions avec
dépôts de fer limoneux ou bog-ore, un mamelon d’ophites élevé de 15 à 20 mètres au-
dessus de la plaine, une seconde plaine alluviale au milieu de laquelle coule le Mékong.
puis les calcaires supportant environ 100 mètres de grès.
Les grès de la formation du trias sont de trois espèces : grès arkose, grès quartzeux,
grès polygénique, ce dernier passant souvent au poudingue.
Entre Pakmoun et Kémarat, certaines parties de la roche passent aux grès feldspa-
thiques. Des grès arkoses se voient aussi entre Vien Chan et Luang Prabang; ce sont là les
deux seuls points où nous ayons trouvé des arkoses se rapportant au frias.
Des conglomérals avec porphyre quartzeux, quartzites, quartz, le tout relié par une pâte
de grès micacé, se voient, avons-nous dit plus haut, à Khong, et sont synchroniques de
ces poudingues qui forment la partie supérieure de la formation triasique du Laos.
Le sommet du mont Bakheng, près des ruines d’Angcor, au Nord-Est du Grand Lac, est
formé de conglomérats polygéniques à gros blocs de quartz, à fragments de pegmatite ,
liés par un ciment de grès micacé; ces poudingues, superposés aux grès, sont du même
âge que les précédents.
Entre Samboc et Stung Treng, sur la rive Est du Mékong, les bancs de grès gris
bleuätre inelinés de 15° à 20° N., sont recouverts aussi de poudingues avec parties
calcaires et quartzeuses. Aux rapides du Sé Moun, à Pakmoun et Pimoun, de même
qu'entre Lakon et Houten, le grès gris verdâtre passe aussi à un poudingue renfermant
des cailloux de quartz et de calcaire ; à Pakmoun ces divers matériaux sont noyés dans une
pâte argilo-ferrugineuse rose jaunâtre ; en ce dernier endroit, le poudingue couronne des
collines de 500 à 600 mètres de hauteur.
Au-dessus de Luang Prabang, le conglomérat contient des blocs qui ont jusqu’à 0,50
et0",60 de diamètre, et qui sont à peine roulés.
Ricketts à rapporté de la Birmanie, et le voyage d'expédition de la Bontte de Singa-
! Voir la coupe n° 10 de la figure page 143.
II. 18
158 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
pore, dans l’Indoustan, des grès quartzeux à gros grains ferrugineux avec galets de quartz
tout à fait semblables à ceux que nous avons pu observer. Chevalier a trouvé aux environs
de Tourane un poudingue quartzeux, et un grès siliceux noiratre à gros grains avec nom-
breux cailloux de quartz.
Les grès forment deux couches séparées entre elles par une assise de psammites. La
couche inférieure ne se voit qu'à Bassac et à Muong Lim; partout ailleurs les psammites
sont inférieurs aux grès.
Comme nous l'avons dit dans notre itinéraire, la couleur et la texture des grès varient
beaucoup. Lei gris, là rougeätres ou noirâtres, 1ls sont en certains endroits rosés ou jau-
natres, et en d’autres verdatres, bleuâtres ou blanchatres. Renfermant en certains points
des parties calcaires, ils sont complétement siliceux en d’autres. Tantôt très-fins, et alors
utilisés pour les ouvrages qui demandent du fini, tantôt grossiers et passant au poudingue,
comme nous venons de le dire, ils présentent tous les degrés de cohésion. Ainsi ils peu-
vent être très-compactes, comme entre Lakon et Houten, ou très-friables, comme à Luang
Prabang. De Vien Chan à Luang Prabang, au milieu des grès sont intercalées des phyl-
lades. En un mot les grès présentent presque toutes les variétés, et sont, selon les endroits,
grès friables ou cohérents, fins ou grossiers, schisteux ou phylladiens, compactes ou fis-
siles, ferrugineux, calearifères ou siliceux.
D. Charbon et anthracite. — Nous avons dit que ces précieux combustibles se trou-
vent en Chine dans la formation triasique, et sont tantôt intercalés dans des couches de
grès, tantôt entre ces roches et les schistes. Près de Ma-chang, près du confluent du Pe-
chouy kiang et du Kin-cha kiang, le charbon est compris entre les grès et des schistes
brunâtres qui s'appuient sur un massif caleaire (voy. Coupe n° 11). Ce schiste est exacte,
ment semblable à celui qui, aux mines de Bassac, forme la partie inférieure de la coupe
ét qui, en ce même endroit, renferme de minces couches de charbon‘. Les mines de
houille de la tribu des Kouys à l'Est du Grand Lae, signalées par Gellev ?, celles qui doivent
exister aux environs de Luang Prabang, sont sans doute dans les mêmes relations.
E. — Les grès, psammites, schistes, poudingues que nous avons pu voir dans le Laos
sont absolument semblables, et situés dans les mêmes relations que les couches que nous
avons observées, dans le Vun-nan, et celles-ci sont identiques aux roches étudiées par
Blakiston, Pumpelly et d’autres géologues. Nous pouvons donc rapporter aussi au trias
les strates comprises entre les schistes inférieurs de Bassac et les poudingues porphyriques
de l'ile de Khong. Vers la fin de la période triasique, ont fait irruption les porphyres quar-
(zeux du massif compris entre le Mékong, la rivière d’Attopeu et le Sé Don, ceux de Luang
Prabang et de Xieng Khong, qui de leurs débris ont formé des poudingues polygéniques
comme ceux de l'ile de Khong. C’est vers la même époque qu'a eu lieu le soulèvement
des montagnes calcaires. Ce soulèvement est certainement postérieur au dépôt du trias,
dont les couches sont relevées dans la direction du calcaire, comme l’ont montré les coupes
prises à Khong, à Lakon, à Luang Prabang, à Xieng Tong, pour ne citer que ces points.
1 Cf., le 4° chapitre.
2PPoc- cie pie
GEÉOLOGIE. 139
S VI. — Roches volcaniques.
Les roches volcaniques de la Cochinchine et du Laos appartiennent à six espèces : ce sont
des Wimosites, des Basalles etdes Wackes basaltiques, des Laves, del’Obsidienne, des Ponces.
A. Ponces. — Nous ne connaissons cette roche que par les débris trouvés roulés sur
le sable de la baie de Tourane (Chevalier).
B. Obsidienne. — Un seul fragment d’obsidienne a été observé par nous sur la rive
gauche du Mékong, un peu au-dessus de l'embouchure du Sé Don.
C. Mémosite. — Au débarcadère de Muong Lim, au milieu des couches d'un grès
altéré monte un filon de mimosite, mesurant 38 centimètres d'épaisseur, et dirigé E.-0.
Ce dyke dépasse de quelques centimètres les grès qui, plus tendres, n’ont pas autant ré-
sisté aux influences atmosphériques. Cette Dolérite mimosite est tout à fait semblable au
trapp en filon, vu par Rickett à Seconderabad *.
D. Basalles et wackes. — Nous avons déjà dit que le vaste friangle formé par le Mé-
kong, le Sé Cong ou rivière d’Attopeu et le Sé Don, était occupé, dans sa plus grande éten-
due, par des produits volcaniques, au milieu desquels se trouve isolé un massif de grès.
Vis-à-vis de Bassac, à l'embouchure du Sé Don, sont des colonnes de wacke à retrait
bolaire. Les basaltes forment une série de colonnes prismatiques, très-serrées, un peu
au-dessous de la cataracte du Sé Don.
E. Laves.— Les laves appartiennent à deux époques, comme le montre la coupe n° 13
que nous avons prise au même endroit. Là le plan basaltique est recouvert d’une première
couche de lave de 6 mètres d'épaisseur, dans les retraits de laquelle une autre coulée est
venue s’épancher et s’étaler sur ie basalte qu’elle a atteint en plusieurs points, à travers la
lave la plus ancienne fendillée. Ces laves ont englobé des fragments de granite et des cail-
Joux roulés. Les cratères par où ont été vomies ces laves basaltiques ont eu leurs bords
peu à peu dégradés par les agents atmosphériques, de sorte qu'ils servent aujourd’hui de
réservoir à de petits lacs circulaires. Entre le lit du Sé Don et les montagnes on voit aussi
de nombreux monticules exclusivement formés de débris volcaniques ; ces monticules
disposés en cercle sont les restes d'anciens cratères peu à peu comblés par les tufas et la
terre végétale. Dans le lit d'un torrent qui se jette dans le Sé Cong. 10 mètres de lave
reposent sur un mince lit de cailloux roulés quartzeux, et sur un calschiste, qui par l'effet
de la chaleur s’est divisé en morceaux losangiques figurant tout à fait un parquet.
Un autre point volcanique a été signalé par H. Mouhot?, à Petchabourvy, aux montagnes
de Deng, où existe un ancien cratère entouré de basaltes et de laves.
Après Luang Prabang, on retrouve des produits volcaniques. A Xieng Khong, nous
avons vu un monticule arrondi de lave de 50 à 60 mètres de diamètre. A une demi-
Journée de marche de là, dans les berges du fleuve, sont deux autres montieules semi-
sphériques de lave entourés de schistes métamorphiques soulevés. La lave en ces points
1 Cf. l'échantillon au Muséum d'histoire naturelle et la coupe n° 42 de la figure page 143.
2/P0C CU., p.135.
140 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
n’a pas coulé el n’est pas arrivée au jour; elle a seulement redressé et dérangé ces schistes,
et n’a été découverte que par l'érosion des eaux qui ont entamé les roches plus ten-
dres (voy. la Coupe n° 14 de la figure page 143).
Nous devons signaler ici la proximité des roches porphyriques ; même chose se voit
entre Khong et Bassae. Il est intéressant de noter que dans les deux points où se trouvent
les produits volcaniques, là aussi existent des massifs porphvriques. La roche qui a
dérangé si violemment les couches entre Vien Chan et Luang Prabang, est aussi du por-
phyre quartzeux, et près de là, coïncidence encore, nous avons trouvé des schistes dé-
composés, ressemblant à des {4ermantides.
F. Tufas. — Par suite de l’action des agents atmosphériques, les roches volcaniques
ont subi des altérations diverses. Nous venons de signaler la présence des wackes. Depuis
l'embouchure du Sé Don jusqu'au village de Soloniaï, les berges de la rivière, hautes de
10 à 12 mètres, sont composées de marne jaunatre, produit de la décomposition des laves.
S VIL. — Terrain tertiuire.
Itier ! a signalé à Tourane, au pied des collines qui au Sud-Ouest bordent la baie,
des couches horizontales de molasse. Ces observations du géologue français n'ayant pas été
confirmées par d'autres observateurs, nous n’admettrons qu'avec réserve l'existence du
tertiaire dans le royaume de Cochinchine. Dans tout le cours de notre voyage nous n'a-
vons pas observé de formations pouvant être rapportées à ce terrain.
S VITE, — Terrain post-tertiaire.
Le Mékong et la rivière de Saïgon, comme tous les grands cours d’eau, sont encom-
brés à leur embouchure par les matériaux charriés de plus haut et versés par les affluents
qui descendent des montagnes ; les sables aurifères du Sé Cong et d’autres points appar-
tiennent à ces formations récentes, à ces terrains meubles, formés aux dépens des roches
voisines auxquelles l’eau a arraché le précieux métal. Nous ne trouvons pas le long du Mé-
kong des terrasses analogues à celles qui ont été signalées sur le cours du Yang-tse Kiang.
Mais les alluvions constituent la plus grande partie de la basse Cochinchine et du Cam-
bodge. D’après M'Culloch * les plaines du Tong-king sont aussi alluviales et très-fertiles.
Les alluvions déposées par le Mékong et les autres rivières qui descendent les unes
des montagnes de Pursat, de Battambang, les autres de la chaine qui partant du eap
Saint-Jacques traverse tout le royaume d’An-nam varient de composition sui-
vant les points. Mais partout, soit presque superficiellement, soit, comme près de
Oudong, à 3,50 de la surface, on rencontre un fer limoneux, véritable bog-ore, formant
banc, et exploité par les indigènes comme matériaux de construclion, et en certains points
comme minerai, quoique la roche soit peu riche en métal.
1 Op. cit., L. II, p. 142.
2 Loc. cit., p. 116.
GÉOLOGIE. 141
Une coupe (n° 15 de la figure, page 143) commençant au massif du cap Saint-Jacques
et allant vers la rivière du Grand Lac, en passant un peu au-dessous de Cratieh, montre les
rapports de cette roche avee le calcaire, le kaolin et le granite. La pierre de Bien-hoa se
trouve comprise entre les alluvions. Nous donnons encore une autre coupe (n° 16 de la
mème figure) allant de 10° 30° E. vers 11° 0. en passant par Vinh-long et Pursat.
Cette coupe nous fera voir le terrain granito-syénitique, le calcaire dévonien s'appuyant
sur lui et formant les sommets de Vinh-long et de Pursat, les alluvions couvrant les
plaines de Cochinchine et du Cambodge et le banc de fer limoneux.
En terminant cette troisième partie de notre travail consacré à la géologie nous allons
nous résumer en présentant le tableau suivant de la succession des couches et de l’ordre
d'apparition des diverses roches. En partant des formations les plus anciennes on a :
1° Éruptions des granttes et des syénites.
2° Gnerss (Tourane).
3° Deuxième éruption du granite (Tourane).
4 Oplites.
Mélaphyres, porphyre pyroxénique (Uratieh). La place de cette roche est incertaine.
6° Éruption des ewrites.
Talschistes.
8° Euritines.
9 Schistes anciens. Pyllades. (Ces roches appartiennent au Silurien ou au Dévonien
inférieur.)
10° Dévonien comprenant :
a. Calcaires ; b. Quartzites; c. Brèches calcaires.
11° 7rias composé de :
a. Schistes bruns légèrement micacés ; fragments de charbon; 4. Calschistes avec mi-
nerais de cuivre et charbon; c. Grès: d. Psammites; e. Grès; Charbons et anthracites
entre ces couches, ou entre le grès et les schistes ou les psammites; / Poudingues sili-
ceux, arkoses polygéniques.
12 Éruption des porphyres.
13° Soulèvement des montagnes de calcaire dévonien, relevant les couches du 7rius
dans leur direction.
14 Éruption des basaltes.
15° Éruption des dolérites mimosites.
16° Première éruption des Zaves.
17° Deuxième éruption des Zaves. L’instant de ces éruptions est inconnu.
18° Molasse de Tourane (?).
19° Terrasses du Yang-tse Kiang. Terrasses fluviales et lacustres. Affouillement des
vallées, remplissage des lacs ; affouillement de ces derniers. — Cavernes à ossements de
la Chine.
20° Formation des al/luvions et de la prerre de Bien-hoa.
142 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
21° Éruption de /aves en Chine, à l’époque historique. Soulèvements racontés par les
historiens chinois.
22° Phénomènes actuels (Fumarolles, sources d'eaux chaudes et sulfureuses, puits de
sel et de feu du Se-tchouen, se/ de la plaine d’Oubon, sables aurifères, atterrissements des
fleuves et des rivières, dellas, ete.).
Pumpelly ! a dressé pour la Chine un fableau de l’ordre de succession des diverses
formations et a mis en regard les soulèvements. Nous donnons ici le tableau qu'a indiqué
le géologue américain :
B.
ZT
Dépôt et métamorphisme des plus anciennes
F P Soulève nents de divers âges et de différentes
couches métamorphiques de Chine. è ; ie.
ET directions, dont les effets à la surface sont les plus
Dépôt des strates métamorphiques de Mon-
à effacés.
golie.
Dépôt de la grande formation du calcaire
dévonien.
Éruption des plus anciens porphyres de Révolution du Sinian formant le système
Si-chan, à l'Ouest de Pékin. N.-E.-S.-0. de soulèvement.
Dépôt du Chinese coal measures.
Éruption des plus jeunes porphyres de Émergence de la Chine propre.
Si-chan.
Submersion de la Mongolie.
. Éruption des porphyres trachytiques de Kal-
gan et du désert de Gobi.
Éruption des roches volcaniques du S. de la
Mongolie et de la région du Baïkal.
Dépôt des steppes du désert de Gobi.
Commencement de l'émergence du plateau.
Formation de la grande dislocation le long de la
rive Sud du plateau.
Changement supposé dans le cours du Hoang-
ho, et formation de la chaîne des lacs du Nord.
Dépôt du «/ake loan», lœss des lacs, des
lacs du Nord. Commencement de la for-
mation du delta du Hoang-ho.
Commencement du creusement du lit du Hoang
ho, entre le Chan-si et le Chen-si, et de la gorge
Yang-ho, et drainage subséquent des lacs du Nord.
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DU
XPLORATION
IV
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE
Deux choses concourent puissamment à la prospérité d’un peuple, s’ils ne la font,
l’agriculture et l’industrie. Les exploitations métallurgiques aident aussi à cette richesse.
Que seraient, en effet, nos industries dont nous sommes, et à bon fitre, si fiers, sans les
métaux, sans le fer surtout, cette commune substance, qui est à elle seule un des leviers
les plus puissants de notre civilisation, sans la houille ; ce reste plusieurs milliers de fois
séculaire d’antiques forêts, qui a condensé, pour nous le rendre aujourd’hui en force et
en mouvement, le calorique émis pendant une longue et longue suite de siècles? La pro-
duction métallurgique d’un pays marque le niveau de son bien-être matériel. Richesses mi-
nérales, accroissement de l’industrie sont deux facteurs qui varient toujours dans un
même sens.
Mais les amas de matières combustibles, si abondants qu'ils soient, doivent finir par
s’épuiser, et on s’est déjà préoccupé de la disparition de la houille. Les mines de notre
Europe, d’après plusieurs caleuls, doivent être épuisées dans deux cents ans au plus tard.
On s’est mis à l’œuvre, on a cherché partout de nouvelles houillères. Les puissantes
couches de l'Amérique, celles si riches d'Australie, ont été trouvées et sont maintenant
en plein rapport. L’antique Asie est non moins bien pourvue, et le Céleste Empire regorge
de trésors minéraux d’une exploitation des plus faciles. Les montagnes des royaumes du
Cambodge, de Siam et de la Cochinchine sont remplies de métaux qui ajouteraient tant à
la prospérité de notre jeune colonie de Saïgon.
I. 19
146 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Dans cette quatrième partie de notre travail nous allons indiquer ces richesses miné-
rales. Nous parlerons d’abord de la partie méridionale de lndo-Chine, puis des provinces
chinoises du bassin du Yang-lse Kiang. Nous étudierons nécessairement les exploitations
de sel, de marbre, de gypse, de fer, d’antimoine, de cuivre, de mercure, de plomb,
d'argent, d’étain, de zine, d’or; nous nous occuperons enfin de la houille, sans laquelle
il n'est pas de métallurgie possible.
1° Cochinchine et Laos.
Pour tout voyageur qui ne fait qu'y séjourner peu de temps, le royaume d’An-nam
passe généralement pour très-pauvre en métaux. Si par hasard vous trouvez une mine, les
indigènes vous en interdisent l’accès; le plus souvent encore, par crainte des autorités,
ils ne veulent vous donner aucun renseignement; qu’on joigne à cela la difficulté de con-
verser au moyen d'un interprète, et l’on comprendra facilement qu’on puisse n'avoir que
des notions tout à fait inexactes sur les richesses métallurgiques d’un pays.
C'est ce qui est arrivé à J. Crawfurd et à M’Culloch. Le premier de ces auteurs n’a
vu que le Cambodge, et il a dit de ce pays ce qu'il eùt pu écrire d’ailleurs de toutes
les plaines alluviales, qu'il « est remarquablement pauvre en produits minéraux, et que
« le fer est le seul métal qui existe en quantité !. »
M’Culloch, dans son excellent dictionnaire, n’a pu résumer que ce que les autres avaient
observé : aussi écrit-il que «le Tong-king est la seule partie de l'empire d’An-nam qui soit
«riche en métaux; il y a beaucoup d’or, d'argent, de cuivre, de fer. La Cochinchine n'a
« pas de richesses minérales. L'argent seul est dit se trouver au cap Avarella. Le Cam-
«bodge est pauvre en métaux; il produit du fer, mais pas assez pour sa consommation et
«en recoit des provinces de l’Ouest ?. »
A ces deux auteurs opposons Cortambert et Gelley, qui ont eu des renseignements
beaucoup plus précis. Selon E. Cortambert, « le Tong-king est la partie la plus riche en mé-
«taux; on y trouve, dans les montagnes occidentales, de l'or, de l'argent et du fer. Les
=
«mines d'or et d'argent sont à environ douze journées à l'Ouest de Ké-cho; celles de fer,
«à six Journées seulement. Toutes ces mines sont exploitées par les Chinois. Beaucoup
«de rivières et de ruisseaux sont aurifères. 11 y a du cuivre, du zine et de Pétain dans
«le même pays; c'est du Tong-king que viennent ces tam-tams si renommés dont la
=
=
fabrication est encore un secret pour les Européens.
« Dans la Cochinchine propre, il y à aussi quelques richesses minérales; on re-
«eueille de Por dans la province de Kouang-ngaï ; celle de Kouang-nam est riche en
marbre. Celle de Phu-ven a de l'or, de l'argent et du euivre. Il y a du zine et du cuivre
«dans plusieurs parties de la Haute-Cochinchine. On croit que le charbon de terre se
=
clrouve sur plusieurs points. Des pierres précieuses, particulièrement les rubis et les to-
1 Op. cit., p. 472.
2PD0C CU D MC:
MÉTALLURGIE ET MINEÉRALOGIE. 147
« pazes, se rencontrent dans le pays des Laos. La Basse-Cochinchine est la moins riche
« en minéraux ‘. »
Laissons parler Gelley. «On trouve au Cambodge, dit-il, de l’antimoine, des carrières
« d’albâtre, de l’ocre, de l’alumine, du kaolin et de la chaux... Les montagnes de Battam-
« bang (frontières de Siam) renferment de l'or en quantité, et celles de la tribu des Kouys,
A
« situées à l'Est du Grand Lac, abondent en houille et en fer remarquable qui parait être
« un acier naturel... En remontant le grand fleuve jusqu'à Samboc, au-dessus des pre-
« mières cascades, on entre dans le pays des Penongs (Bas-Laos), où l’on trouve des mines
« d’or, de cuivre, de houille, de fer; puis un peu plus haut de l'argent, du platine, du
« plomb, de l’étain et des pierres précieuses, particulièrement les rubis et les topazes ?. »
M. Pallegoix qui a, en sa qualité de missionnaire apostolique, longtemps résidé dans
le royaume de Siam, et qui a été plus que qui que ce soit à même d’avoir des indications
exactes, a dit de la richesse du royaume Thaï que «l'or se trouve à Ban Taphan, dans la
province de Xampon, qu'on y trouvait aussi de l'argent combiné au cuivre, de lanti-
moine, du plomb, de l’arsenic. Le carbonate de cuivre donne Jusqu'à 30 pour 100 de
métal; l’étain est très-abondant, ainsi que le zinc et le carbonate de fer. On trouve de
nombreuses pierres précieuses, comme cristal de roche, æils-de-chat, topazes, hyacinthes,
ogrenats, rubis, saphirs bleus *. »
Les indications que nous allons donner à notre tour confirmeront ce qu'ont écrit les
trois auteurs que nous venons de citer.
A. Gypse. — De très-beaux échantillons de gypse saccharoïde nous ont été montrés
comme venant des montagnes de Battambang près du Grand Lac. Nous n'avons que cette
seule indication de la présence de cette roche.
B. Marbres. — Presque tous les calcaires de la formation dévonienne, d’une texture
compacte, pourraient fournir d'excellents matériaux de construction. Nous uous bor-
nerons iei à signaler d’une manière toute spéciale les marbres situés sur la rive droite du
fleuve, un peu au-dessous des chutes de Khon. Leur proximité de notre colonie, leur trans-
port si facile par le Mékong, en rendraient l'exploitation très-avantageuse. Ces marbres
sont fort beaux ; d’une nuance généralement rosée ou jaunatre, ils renferment de nom-
breux fragments d’encrines, qui tranchent très-agréablement sur le fond.
C. Alun.— Nous avons, pendant toutle cours de notre voyage, vu de l’alun chez les
indigènes, mais nous n'avons pu savoir comment ls se le procuraient. Près des fumarol-
les ou des sources sulfureuses existe peut-être de l’alun tout formé qui peut dès lors être
extrait au moyen d’un simple lavage à l’eau chaude. Peut-être aussi cet alun vient-il de la
Chine où nous verrons qu’il existe abondamment.
D. Pétrole. — Des puits de pétrole existeraient, d’après ce qu'on nous a rapporté, entre
le Laos supérieur et le Tong-king. Ce fait n’a rien d’invraisemblable, car on sait que de
1 Tableau de la Cochinchine par E. Cortambert et Léon de Rosny; /atrod. par P. de Bourgoing. { vol. in-8?,
carte, plans et grav. Paris, 1862. 1°° partie par E. Cortambert, p. 25.
2 Op. cit., p. 1 et 12.
3 Description du royaume Thaï ou de Siam. 2 vol. in-19, avec carte etgrav. Paris, 1854, {. I, p. 18 et sui.
148 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
nombreuses sources d'huile minérale se trouvent échelonnées le long d’une ligne qui va
de la Perse au Tong-king.
E. Se/. — Dans la partie de cet ouvrage qui traite de l'itinéraire du voyage, nous avons
dit qu'il existait de vastes surfaces salées dans le triangle compris entre le Mékong et le
Sé Moun, vers Oubon, Amnat, ete. Nous entrerons ici dans quelques détails relativement
à l’exploitation.
On choisit de préférence, pour la récolte du sel, les dépressions du terrain, et particuliè-
rement les rizières. La récolte du riz étant faite et l’eau complétement évaporée, ilse forme
à la surface du sol, dans les endroits les plus riches, une croûte de chlorure de sodium en
cristaux fibreux, que les indigènes recueillent et lavent pour en séparer les matières terreuses
et végétales. Ce travail est habituellement abandonné aux femmes. Après avoir réuni en une
multitude de tas la poussière salée, elles la portent à proximité d’un puits, généralement
près des villages, à l'ombre d’un gros arbre ; là, sont disposés sur des tréteaux des troncs
d'arbres creusés en bassins, ou bien, des paniers enduits d’une couche de résine qui les
rend imperméables. Ces vases sont d’abord remplis de la terre recueillie, puis on ajoute
une quantité d’eau suffisante pour délayer la masse, et l’on agite la bouillie avec des baguettes
en bois. Lorsque l’on suppose que l’eau s’est emparée de tout le sel contenu, on débouche
une petite ouverture pratiquée au fond du vase et on laisse s’écouler lentement et comme
filtrer l’eau salée. Cette eau est conduite, au moyen d’un bambou, dans des vases en-
foncés en terre, ou bien dans des bassins cimentés construits près des foyers d’éva-
poration.
Les femmes ajoutent de l’eau dans les vases qui contiennent la terre salée tant que
le liquide qui provient de ce lavage renferme une certaine quantité de sel, ce dont elles
s’assurent au moyen d’un petit instrument fort simple, qui leur sert de pèse-sel. Cet
instrument est basé sur la différence de densité de l’eau douce et de l’eau salée; il se
compose d’une petite boule faite de terre et de résine, retenue à l'extrémité d’un fil, et dont
le poids spécifique est un peu supérieur à celui de l’eau douce. Tant que l’eau provenant
des. lavages est suffisamment salée, la boule reste à la surface, et le liquide est versé
dans des chaudières à évaporation qui sont à proximité; lorsque la boule descend au
fond du vase, la personne préposée au travail détourne le bambou conducteur de l’eau,
rejette la terre sur laquelle on vient d'opérer et la remplace par une nouvelle quantité.
L'opération recommence et se poursuit de la même manière.
L’évaporation du liquide des chaudières étant finie, le sel est d’abord ramassé en gre-
niers sous un abri quelconque, puis mis par quantité de dix livres cambodgiennes (6 kilog.)
dans des paniers cylindriques tapissés de feuilles, et livré ainsi au commerce. Ce sel est
de bonne qualité, en poudre fine et d’un blanc grisâtre. L’on nous a dit que les pêcheurs
le préféraient au sel marin de la Cochinchine ; on le recherche probablement à cause de
son état pulvérulent.
Les moyens d'exploitation sont, comme on vient de le voir, d'une grande simplieité et
peuvent être facilement améliorés, mais la modicité du prix de revient n’en a pas encore
fait sentir le besoin. Au mois de janvier, à Oubôn, nous avons payé le sel à raison de
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 149
40 centimes le panier de 6 kilogrammes. Ce bon marché tient à trois causes : à la facilité
d'exploitation, au peu de valeur de la main-d'œuvre et enfin à l'absence de travaux agricoles
au moment où l’on exploite les salines.
D’après les renseignements que nous ont donnés les indigènes, du sel gemme se
trouverait à M. Phong, sur le Nam La, non loin de Xieng Hong, dans le royaume de ce
nom, près de la limite, par conséquent, du Vun-nan et du Laos Birman.
F. Antimoine. — Ce métal est très-répandu depuis la Cochinchine jusqu’au Yun-nan ;
nous n’en avons pas vu dans celte province chinoise. Partout dans le Laos on nous a pré-
senté des échantillons de sulfure d’antimoine.
Les deux gisements les plus importants sont, l’un dans le Laos inférieur, près de
Saravan, l’autre aux environs de Xieng Khong, à la frontière du Laos Siamois et du
Laos Birman. La navigabilité de la rivière d’Attopeu, la proximité de notre colonie, ren-
draient le premier gisement très-facilement exploitable.
Les indigènes se servent, disent-ils du moins, de l’antimoine pour faciliter la fusion
du fer; nous donnons ce fait sous toute réserve. Il est surtout utilisé pour falsifier la
monnaie de cuivre du pays. Par économie ils allient ce métal au bronze, ce qui donne
au mélange une couleur brunätre, et le rend cassant. Les nombreuses statues de Bouddha
que nous avons vues dans la ville ruinée de Vien Chang (voir l'itinéraire) étaient en grande
partie faites avec un semblable alliage.
G. Zinc. — D'après lüer ‘ les montagnes de Tourane et celles de la province de Hué,
renferment d’abondantes exploitations de zine. Ce métal doit être dans le royaume de Siam
très-abondamment répandu, car sa valeur est à peu près nulle. A Hué, par exemple,
toute la monnaie de billon est en zine, et la ligature, qui comprend 600 pièces, ne
vaut que 1 franc.
Les indigènes affirment que le zine existe aussi dans le Tong-king et dans la Haute-
Cochinchine.
H. Fer. — Le fer, soit à l’état de limonite, d'oligiste ou de carbonate, est très-abondant
dans l’Indo-Chine. Nous avons vu plus haut que les alluvionsde la plaine du Cambodge ren-
fermaient, à des profondeurs variables, de la limonite des marais ou bog-ore, générale-
ment exploitée pour servir comme pierre de moyen appareil, mais qui, en certains
points, est assez riche en métal pour pouvoir être traitée avec avantage.
Aux environs d’'Amnat la limonite abonde; elle forme plusieurs buttes. Une extrac-
tion que nous avions visitée à 4 kilomètres E.-N.-E. d’Amna, près du petit village de
Thuey, renferme deux variétés de minerai, l’une analogue à la pierre de Bien-hoa,
mais plus riche en métal; l’autre compacte, plus grise, en morceaux du volume d’une noix
ou plus petits, faciles à réduire en poudre. Ce dernier minerai ne se trouve qu’à la surface
du sol, comme le précédent. Le mode d'exploitation est tout à fait primitif. Le fourneau
n'a que 0°,75 de hauteur sur 0®,15 de diamètre; il sert de cheminée au foyer d’un petit
four en terre glaise. On charge des couches alternatives de charbon de bois et de mi-
L Op. cit., p. 112 et 113
150 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
nerai. Au moyen d’un soufflet fait d’un cylindre de bambou dans lequel se meut un pis-
ton, on active la combustion. Le soufflet est placé à la partie qui est opposée à la gueule
du four. Lorsque le métal est en fusion, on opère la coulée par une étroite ouverture
pratiquée du côté où est placé le soufflet, et aboutissant à la partie la plus déclive du foyer.
Le produit est ensuite chauffé à la forge et martelé ; les coups de marteau font sortir la
scorie, les cavités se resserrent, et le fer est ainsi forgé.
Ces moyens imparfaits font qu'une grande portion du métal reste dans les scories ;
aussi ne retire-t-on qu’une livre de fer par opération.
Les fourneaux sont généralement par paires et disposés de facon qu’un seul homme
puisse en même temps faire manœuvrer les deux soufflets.
Cette méthode est tout à fait l'enfance de la méthode catalane et ne peut s'appliquer
qu'à des minerais frès-riches. Il est probable qu'elle fut jadis la seule employée. Il est
intéressant de noter que dans l’Inde, à Veragutty, B. Heynne a vu en 1814 des fourneaux
très-semblables à ceux dont se servent les Laotiens!.
Des mines de fer, déjà indiquées par M. Mouhot, se trouvent sur la rive droite du fleuve,
entre le Grand Lac et les tribus Kouys soumises à Siam, dans les provinces de Compong
Soai et de Tonly Repou. Le minerai, carbonate de fer, est très-riche; il est traité par ces
sauvages, au moyen du charbon de bois, dans de petits fourneaux, à la manière catalane.
On obtient ainsi un fer assez pur, mais il est évident qu’une grande partie du métal, par
ce procédé, est perdue et passe dans les laitiers. C’est dans ces montagnes que se fabrique
la monnaie de fer en usage dans le pays et dans une partie du Laos.
D'après les indigènes, les montagnes de Battambang et de Pursat seraient riches en
minerais de fer.
Itier* a signalé de nombreuses mines dans la Cochinchine et le Tong-king, et J. Craw-
furd * en indique d’autres à six journées de marche de Cachaeiï.
Les Shans exploitent autour de Muong You un fer hydraté en roche abondant et
riche.
De la limonite se trouve aussi en quantité à Nua, village situé à 30 kilomètres de
Houten, à l’extrémité Nord des montagnes calcaires de Lakon. Le fer est exploité et
sert à extraire le plomb dont la gangue est probablement très-siliceuse ; on sait que
cetle méthode est fondée sur l’affinité du fer pour le soufre ; on obtient ainsi une scorie
siliceuse, du sulfure de fer et du plomb métallique. Comme les indigènes ont refusé de
nous montrer les exploitations de ce dernier métal, nous parlerons iei de l'extraction du
fer, qui se trouve irrégulièrement disséminé en petits morceaux au milieu d’une terre
argileuse rougeàtre qui forme plusieurs collines de 200 à 300 mètres de hauteur. Le
minerai ne forme ni couches ni filon; il est en rognons ou petits blocs isolés les uns des
autres et noyés dans cette terre. Les collines que nous avons parcourues pendant le peu
de temps que nous sommes restés sur les lieux d'exploitation sont forées d’un grand nom-
1 Tracts on India, in-4°. London, 1814, pl. IV.
2 Opcit.,t. Il, p.113:
3 Loc. cit., p. 413.
METALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 151
bre de puits de diverses dimensions, mais dont le plus grand peut avoir 25 mètres de
profondeur sur # à 5 de diamètre. Les indigènes ne font pas de galeries. Au fur et à
mesure qu'ils creusent, ils rejettent au dehors la terre qui est sur-le-champ criblée à
travers un panier à larges mailles pour en séparer les fragments de minerai qui n’ont pas
été vus d’abord; les morceaux un peu volumineux sont directement recueillis dans des
corbeilles et rassemblés en tas autour des puits, jusqu’au jour où, jugeant la quantité suffi-
sante, les travailleurs les emportent au lieu choisi pour opérer l’extraction du métal. Cette
opération se fait en général dans le village même.
Nous avons ramassé aux mines un certain nombre d'échantillons des formes diverses
qu'affecte le minerai. Le minerai le plus abondant, et, disent les indigènes, un des
plus riches, est une roche rougeatre cellulo-fibreuse avec quelques petits cristaux de
quartz ; vient ensuite une roche de même couleur, mais plus dense et ne contenant pas
de quartz, enfin un agglomérat de limonite et de petits cristaux de quartz très-irrégulière-
ment disposés; la quantité du métal contenue dans cette dernière roche serait très-faible,
aussi n’est-elle pas exploitée.
Les minerais de fer doivent être très-abondants aux environs de Saravan; on nous
a donné, à Bassac, des échantillons de limonite, d’oligiste, de sidérose provenant du
massif montagneux situé près du Sé Don. Le mauvais vouloir des habitants ne nous a
pas permis de visiter un seul de ces gisements. Ce fer est très-abondamment répandu
dans toute cette région ; 1l serait exploitable avec le plus grand profit à cause de la faei-
lité des moyens de transport et de la proximité probable des gisements de combustible.
Un filon très-riche de fer magnétique a été découvert par M. Garnier dans le lit de
la petite rivière Camcaboua, qui se jette dans le Banghi et à 8 kilomètres de la Jonction
des deux cours d’eau. Ce gisement est à 30 kilomètres S.-0. de Ban Mouk. Il est
probablement inconnu des habitants; l’exploitation en serait bien plus avantageuse que
celle de la limonite des environs d’Amnat.
A Muong You le roi nous a donné un certain nombre de minéraux qui se trouvent
dans la province qu'il administre; le fer est surtout commun. Ce métal se présente sous
trois formes : la pyrite, la sidérose et l’oligiste ; les deux derniers renferment le fer en
très-forte proportion et sont très-répandus.
Dans les montagnes de Xieng Tong, dans le Laos Birman, ce dernier métal est aussi fort
commun.
Dans la même partie du Laos et près de Muong You, une tribu sauvage, celle des
Doé, a une industrie qu’on s'étonne de trouver entre de telles mains. A Samtao elle
fabrique des fusils. Le procédé employé est assez primitif pour que nous en parlions
ici. Une barre de fer, d’un diamètre plus ou moins fort, selon le calibre que l’on
désire donner à l’arme, est solidement fixée sur un plan horizontal. Une mèche de
fer, plus résistante, ayant une de ses extrémités placée dans l'axe de la barre et l’autre
engagée par une douille pratiquée dans une poutre verticale, mobile, susceptible d’être
avancée ou reculée à volonté, sert à perforer le canon. Une lanière solide en cuir de
buffle fait deux ou trois tours autour de la mèche. À chaque extrémité de cette lanière
152 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
est placée une pédale. Quatre hommes, et plus, pèsent alternativement sur chacune de
ces pédales, et impriment ainsi au foret des mouvements de va-et-vient plus ou moins ra-
pides. On creuse, de cette manière, dans une certaine étendue, puis on fait avancer le
madrier qui porte la mèche, et on recommence jusqu’à ce que tout le canon soit évidé. On
conçoit que, par un semblable moyen, on ne fasse pas beaucoup de besogne, aussi les ou-
vriers mettent-ils souvent plus d’un mois pour forer un canon d’un mètre de longueur".
I. Cuivre. — Les montagnes de Tourane et les trois provinces de Hué, celle de Phu-
yen surtout, abondent, selon Îtier, en minerais de euivre. D’après le même voyageur du
cuivre blanc et rouge existe dans les environs de Saïgon, dans la province de Kouang-nam,
et dans celle de Kouang-due ou Hué-phu.
Ces indications générales données, précisons davantage.
H. Mouhot a marqué dans sa deuxième carte une mine de cuivre près de Nokhien,
non loin de Chenobote, sur la rivière Leuie.
Le métal à l’état de carbonate bleu et vert existe abondamment au milieu du terrain
triasique de Bassac. Les exploitations sont situées non loin du village, à 700 mètres envi-
ron au-dessus du niveau du fleuve, dans la chaine de collines qui court presque parallèle-
ment à lui du Nord au Sud. La surface occupée par le gisement métallifère parait être
considérable; on suit le filon pendant plus de 150 mètres, le long de la face E. du contre-
fort; puis il disparait derrière des éboulements, mais tout fait présumer qu'il reparait plus
loin, car, à peu près à la même hauteur, dans une autre partie de la montagne, on trouve
des traces de fouilles qui permettent de retrouver la ligne de contactdes calschistes et des
grès qui forme un excellent point de repère. La couche minéralogique est horizontale : elle
pourrait avoir 0w,50 au minimum et 1 mètre au maximum à l’endroit où nous avons pu
l’étudier. Nous avons donné plus haut, au chapitre traitant de la géologie, la coupe détaillée
de ce gisement.
Si ces mines étaient riches, l'exploitation en serait des plus faciles ; quelques travaux de
déblais mettraient la couche métallifère à nu sur une grande étendue. Le fleuve coule au
pied de la montagne; le transport des produits serait dès lors des moins coùteux.
Le carbonate de cuivre se retrouve, et bien plus abondamment, en face de Bassac, dans
le massif montagneux que nous avons plusieurs fois indiqué. Ce gisement avait été si-
gnalé à H. Mouhot. Qu'il nous soit permis d'appeler de nouveau toute l'attention sur les
montagnes de Saravan. Elles abondent en métaux, cuivre, fer, plomb argentifère, anti-
moine. La navigabilité de la rivière d’Attopeu, la facilité des moyens de transport, la proxi-
mité de la colonie, rendraient l'exploitation de ces mines très-facile et très-avantageuse.
Avec le cuivre extrait des environs de Bassac, on fabrique, dans cette ville, beaucoup
de petits lingots appelés /a/, qui, avec les lingots de fer dont nous avons parlé plus haut,
sont la monnaie courante du pays.
Dans le Laos Birman le cuivre est aussi très-abondamment répandu. Les montagnes
de Xieng Hong renferment le métal à profusion. Aux environs de Muong You sont des
! Ces renseignements sont dus à la visite faite par MM. de Lagrée et Thorel aux lieux de fabrication. F. G.
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 153
minerais de cuivre ordinaire et de cuivre argentifère. Chez les Shans le cuivre est si com-
mun qu'on s’en sert à la place du fer pour les socs de charrue.
J. Plomb. — De la galène à petites facettes, probablement très-argentifère, existe à
gauche du Mékong, en face de Bassac, dans le grand massif. Mouhot a eu connaissance
de ce gisement. Il serait très-riche, mais 1l nous à été impossible de vérifier ce fait, les
indigènes ayant refusé de nous montrer les exploitations. La galène est aussi fort abon-
dante sur les rives de la petite rivière de Mai pai (rivière des Bambous), à 40 milles au-
dessus d’Attopeu.
Le minerai de plomb est aussi exploité, avec le fer, qui sert à le réduire, à Nua, vil-
lage situé à l'extrémité des montagnes de Lakon. Nous n'avons pu voir les gisements de
plomb, mais nous pouvons donner quelques renseignements sur la manière dont procè-
dent les indigènes pour séparer le métal. Ils pilent d’abord le minerai dans des mortiers en
bois, puis le lavent avec soin pour en séparer les matières terreuses et plus légères ; ce la-
vage se fait dans des sébiles, comme celui des sables aurifères. Ces deux opérations préli-
minaires achevées, on creuse en terre un trou de 0,20 de profondeur et de 0",30 de
diamètre que l'on remplit de charbon de bois concassé ;par-dessus on ajoute un mélange
de minerai et de charbon. Le tout est recouvert d’une cheminée en terre glaise assez sem-
blable à la cheminée dont on se sert dans les laboratoires de chimie pour activer la com-
bustion. Le feu étant allumé dans cette’ espèce de fourneau à réverbère, au moyen d’un
double soufflet formé de deux troncs d'arbres creux dans lesquels se meuvent des pistons
garnis de chiffons, on obtient une température assez élevée pour opérer la réduction du
métal qui vient se déposer en culot au fond du fourneau. Par chaque opération on obtient
au plus quelques grammes de plomb.
Au moment où nous étions à Nua, 1l y avait chômage dans les divers travaux d’exploi-
tation à cause de la mort d’un des travailleurs. Les coliques de plomb font tous les ans
de nombreuses victimes parmi les indigènes qui attribuent cette terrible maladie à un
mauvais génie gardien des mines dont ils tâächent cependant de détourner la colère par
des prières et des offrandes à Bouddha et à ses prêtres. Ils ne prennent en conséquence
aucune précaution.
La galène est aussi très-abondante aux environs de Xieng Tong et de Muong You, dans
le Laos Birman.
K. Argent. — Les galènes dont nous avons indiqué les gisements sont argentifères,
mais les indigènes, ne connaissant pas la coupellalion, laissent perdre l'argent. Dans le
Tong-king, par exemple, des Chinois achètent les saumons de plomb et les traitent pour
en extraire le métal précieux, dont la quantité serait, dit-on, suffisante pour couvrir et les
frais d'achat et ceux des divers traitements, de sorte que le plomb leur resterait comme
bénéfice net.
Hué et le Tong-king seraient surtout riches en argent. Itier a signalé d’abondantes
mines de ce métal à Phu-yen ‘. D’après J. Crawfurd ? les Cochinchinois prétendent
1 Op. cit., t. III, p. 112.
2 Loc. cit., p. 412 et 473.
II.
154 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
que l'argent s’extrait dans les montagnes du cap Varela. Selon le même auteur, le mi-
nerai d'argent est exploité à 12 milles de Crachaeï; il donne 216,600 onces par an; ces
mines, qui ont commencé à être en exploitation vers 1625 ou 1630, rapportaient autrefois
bien davantage, d’après le P. Marini. Elles sont situées dans les provinces de Boa et de
lC'incangle. Des mines d’or et d'argent sont à dix ou douze journées de marche de Kécho;
on estime le produit annuel des mines d'argent à 6,000 kilog.; nous ne savons quel est le
rendement des mines d’or. Trois mille Chinois travailleraient à ces diverses exploitations
du Tong-king.
L. Or. — Le Mékong et ses affluents sont, en beaucoup de poinis, aurifères. L'or
charrié par les cours d’eau doit provenir de filons existant, sans doute, dans les chaînes
de montagnes qui séparent la Cochinchine du Laos, et qui, nous l'avons vu, sont
constituées par des terrains primitifs, granite, syénite, ete. A. de Humboldt ! a, dans son
ouvrage sur l’Asie centrale, rapporté les opinions de deux auteurs du seizième sièele,
Oviedo et d’Anghiera, sur la présence des pépites et des parcelles d’or au milieu des sables
de l'ile d'Haïti et d'Amérique. Les arguments géologiques de ces deux observateurs sont
tellement remarquables et diffèrent, comme le fait remarquer de Humboldt, si peu de nos
théories actuelles, que nous ne pouvons résister au plaisir de citer ici quelques lignes de
leurs ouvrages, de Rebus oceanicis, et Relacion sumaria de la historia natural de Indias :
«I ne faut pas croire que l’or ait pris naissance à l'endroit où nous le voyons mêlé à la
A
«terre. Il appartient originairement aux hautes montagnes, et les eaux des pluies le font
« descendre... Les alluvions aurifères sont dues à la destruction des filons qui traver-
« sent les roches restées sur place dans les hautes montagnes... Les atterrissements s’enri-
« chissent par la décomposition des filons, » et ces gites primitifs « sont des arbres vivaces
A
« qui ont leurs racines dans les profondeurs de la terre, et qui poussent leurs rameaux
« pour atteindre la surface du sol, et développer leurs fruits d’or à l'extrémité des bran-
« ches. »
Revenons au Laos. Mouhot? a indiqué des mines d’or à Ban Makam, au N.-0. de Bat-
tambang. Nous avons vu laver les sables dans l'enceinte de l'ancienne ville d’Angcor.
Ces sables gris, quartzeux, fortement micacés, sont peu riches en métal, et le lavage
qui se fait au moyen de sébiles en bois, ne parait pas rapporter plus d’un france par jour.
Il est vrai de dire que les indigènes ne recherchent le métal qu’à leurs moments perdus, et
lorsque les travaux de la moisson sont terminés. D’après les renseignements qui nous ont
été fournis dans la province, l'or serait aussi extrait du lit des rivières qui descendent de
Battambang. Un voyageur anglais a récemment signalé des exploitations aurifères de
l’autre côté de la chaîne de Pursat.
Dans la rivière d'Atlopeu nous avons vu des sauvages laver les sables aurifères.
Ils se servent pour tout ustensile d’une sébile peu profonde, qu'ils agitent avec de l’eau
de manière à ce que celle-ci entraine une partie des matières étrangères plus légères.
On traite le résidu par une série de semblables opérations successives, car les Khas ne
1T. I, pp. 535 et 537.
(De ie toile 0
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 155
paraissent pas pratiquer lamalgamation. On arrive à ne plus laisser au fond de la
sébile que la poudre d’or, qui est mise dans des tuyaux de plumes d'oiseaux ou des cornes
de gazelles, et qui est connue dans le commerce sous le nom de poudre d’Attopeu. Nous
regrettons vivement qu'on ait égaré environ 10 grammes de cette poudre que nous avions
expédiés à Saigon. L'or en cet endroit doit être abondant et se trouver en parcelles volu-
mineuses ou en pépites, pour être ainsi isolé par des procédés aussi imparfaits.
Plus haut, sur le cours du Mékong, au-dessus de Lakon, existe un banc de gravier
quartzeux, de 10 mètres d'épaisseur environ, qui découvre chaque année. Au moment fa-
vorable les habitants du voisinage viennent laver ces sables qui ne semblent pas être très-
riches.
Sur tout le parcours du fleuve, de Vien chang à Xieng khong, mais surtout près de ce
village et de Paklay, on lave les sables qui paraissent très-riches, principalement dans les
remous que forme la rivière. Le sable recueilli est lavé plusieurs fois à la sébile par des
mouvements de va-et-vient ondulatoires. Ce sable, débarrassé ainsi, autant que possible,
des matières étrangères, est mis dans de grands réservoirs en bambou. A la fin de la
campagne, on reprend avec de l’eau et du mercure une certaine quantité du sable très-
enrichi, et on le traite dans la sébile, comme s’il s'agissait de le laver. L’amalgame et le
mercure, plus lourds, restent au fond du vase; les matières terreuses sont entrainées par
l’eau. Le tout est placé dans une toile très-forte et à tissu très-serré. Le mercure non utilisé
passe par expression et est recueilli pour une opération postérieure. L’amalgame resté au
fond de la toile est chauffé; le mercure se volatilise et l'or reste au fond du vase distilla-
toire sous forme d’une petite boule grosse à peu près comme un pois chiche. Dans cette opé-
ration, une grande quantité de mercure est perdue, et cependant ce métal coûte fort cher
dans le pays; 1l doit très-probablement venir des provinces chinoises du Sud, peut-être du
Se-tchouen. La plus grande partie de cet or sert à payer les tributs au chef de la province.
Sur les bords du Mékong nous signalerons un autre gisement aurifère, un peu au-
dessusde Nongkay, en face du petit village de Ha kham.
Au versant Est de la chaîne de montagnes d’où doivent provenir ces sables aurifères,
le métal précieux existe aussi. Dans la baie de Tourane, et à une lieue au-dessous de
cette ville, se jette une rivière, réunion de deux petits cours d’eau qui viennent du N.-0.;
à 4 lieues plus haut que le confluent de ces deux rivières existe, d’après Itier', une exploi-
tation considérable d’or charrié, sans doute, des mojfagnes voisines. L'or existerait d’ail-
leurs en abondance dans tout le Tong-king ; nous avons vu précédemment que Crawfurd
indiquait des mines d’or et d'argent à dix ou douze journées de Kécho.
M. Houille. — Dans la partie de cet ouvrage qui traite plus spécialement de la géo
logie, nous avons dit que dans le Yun-nan et sur: les bords du Yang-tse Kiang, les eou-
ches de houille se trouvaient intercalées au mili eu des grès et des calschistes de la for-
mation triasique. Nous avons vu aussi que le gisement si riche de Ma-chang, à la jonction
du Kin-cha Kiang et du Pe-chouv Kiang, se trot wait exactement dans les mêmes conditions
MODACTATAIPDAUE?
156 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
stratigraphiques et pétrographiques que l’exploilation cuprifère de Bassae, dans le Bas-
Laos. Or, dans cette dernière localité, au niveau où l’on devrait trouver le charbon, nous
avons vu effectivement de minces lits de houille. Nous sommes restés sur les lieux évi-
demment trop peu de temps pour avoir pu étudier avec tout le soin désirable ce gisement
de Bassac. Nous nous bornons ici à appeler à nouveau toute l'attention sur ce point. Nous
sommes persuadés, et toutes les inductions nous permettent d'affirmer le fait, que des
couches de charbon doivent exister aux environs de Bassac, dans les grès ou les calschistes.
En suivant avec soin ces points de repère, on trouvera certainement des affleurements.
Gelley a signalé des mines de houille dans la tribu des Kouys, à l'E. du Grand Lac.
Des gisements d’anthracite se trouvent près de Luang Prabang. Ces diverses couches doi-
vent être des prolongements du grand bassin houiller du Yang-tse et du Yun-nan.
La découverte de charbon aux environs de Bassac donnerait un nouvel essor à la pros-
périté de notre colonie de Cochinchine en permettant d'exploiter facilement les nombreux
minerais d'argent, de plomb, de fer, d’antimoine, de cuivre, ete., si abondamment répan-
dus dans le massif de Saravan. A un autre point de vue encore, le combustible pourrait
ètre très-précieux pour la France, si, dans un moment de guerre, sa marine de l'Indo-
Chine ne pouvait recevoir ses approvisionnements du dehors.
2 Chine.
Nous allons étudier successivement, pour mettre plus d'ordre dans notre travail et pour
éviter surtout toute confusion, les provinces du Yun-nan et du Se-tchouen ; nous parle-
rons ensuite collectivement de celles qui sont situées au S. du Yang-tse Kiang, c’est-à-
dire du Kouy-tcheou, du Hou-nan, du Kouang-si, du Kouang-tong, du Fo-kien, du
Kiang-si, du Tche-kiang. Nous devrons surtout porter toute notre attention sur les loca-
lités voisines du fleuve Bleu. Le Yang-tse est, en effet, navigable jusqu’à plus de 700 lieues
de son embouchure, de sorte que les moyens de transport sont des plus faciles. L’extrac-
tion des minerais est d’autant moins dispendieuse qu'à côté des métaux se trouve presque
partout le combustible, et celui-ci est répandu à profusion tout le long du fleuve.
L'ouvrage de Pumpelly nous donnera pour plusieurs des provinces du bassin du Yang-
tse, des renseignements utiles. L'auteur américain les a puisés dans la Géographie offi-
cielle de la dynastie impériale actuellement régnante, le Ta-{sinq-y-tong-che.
SI, — Province du Yun-nan.
Cette province est une des plus riches de l'empire, en métaux, or, argent, cuivre,
charbon, ete. L'état de guerre dans lequel elle se trouve depuis quelques années a fait
abandonner la plupart de ces exploitations. Nous avons pu cependant en visiter un grand
nombre dont nous parlerons en détail après avoir indiqué d’une manière générale, pour
éviter toute répétition, les points où se trouvent les métaux.
A. Marbre. — Près des rives du Song Koï sont de beaux marbres blanes légèrement
fumés et des marbres roses et jaunätres, fort employés pour les tombeaux. Au-dessus et
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 157
au-dessous de Yuen-kiang existent en abondance des brèches calcaires qui polies seraient
du plus bel effet dans l’ornementation ; elles sont formées de fragments de marbres de
couleurs variées novés dans une pâte rose tendre ou rouge de sang.
B. A/un. — Pumpelly a signalé de l’alun à Yuen-mong dans le département de Ou-
ting *.
C. Sel. — Des puits salés ont été indiqués par le même auteur dans les districts de
Ngan-ning, Yun-long, Lang-kiong, Teng-yue, Kouang-thong, Yao, Zsauchitsing,
Yuen-mong, Ving-cul. Dans le pays on nous a indiqué des exploitations de sel à Ho-boung
et à Pa-ken près de Pou-eul, et à Hé-tsin, Lang-tsin, Pé-tsin près de la capitale; le prix
moyen du sel est de 0',15 le kilogramme.
Ho-boung, grand village, non loin de Pou-eul, tire son importance de la présence
des salines. Autant que nous avons pu en juger par quelques heures de séjour, l’eau salée
n'est point à l’état de nappe; elle suinte à travers des calcaires eristallins et des schistes
jaunâtres pour s’amasser dans le fond de puits creusés ad Aoc et d’où on la retire à l’aide
de pompes en bambous quand cela est possible, ou bien au moven de treuils manœuvrés
par des hommes.
Les puits sont de deux sortes, les uns inclinés ayant la forme et la construction de ga-
leries, les autres verticaux. Les puits inclinés sont, en général, au bas de la montagne, et
les verticaux sur les flancs et les points les plus élevés : il n’est pas possible de se servir
de la pompe pour extraire l’eau de ces derniers, la profondeur de quelques-uns atteignant
jusqu’à 90 brasses.
Le forage des puits est souvent très-difficile à cause des roches que l’on rencontre et
des faibles moyens dont disposent les travailleurs pour les creuser ; l'outillage est le même
que celui dont on se sert pour faire les galeries dans le gisement d’anthracite dont nous
parlerons un peu plus bas.
À mesure que l’eau est retirée des puits on l’amène par des conduits dans de grands
bassins en maçonnerie où elle s’évapore en partie sous la double action de la chaleur et du
vent; puis de ces bassins, partent de nombreux petits conduits qui déversent cette eau
déjà concentrée dans des bassines en fonte d’un mètre de diamètre ou plus petites, où se
complète l’évaporation par le feu. Les fourneaux sur lesquels reposent les bassines, plus
ou moins nombreux selon l'importance de l'exploitation, sont sur une même ligne, les uns
à côté des autres et dans un plan un peu inférieur aux réservoirs en maçonnerie. [ls sont
de forme rectangulaire, divisés en deux compartiments superposés, séparés par des barres
en fonte sur lesquelles est Le foyer. Il n'existe aucun tirage ; l’ouverture du foyer sert à la fois
de cheminée et de bouche à alimentation. Le bois seul (pin et chêne), ou le bois et l’anthra-
cite mélangés, sont les combustibles employés. La chaleur produite ne doit pas être trop
forte, mais uniforme, de façon à maintenir le liquide de la bassine en évaporation cons-
tante, sans ébullition bien marquée. Un conduit d'alimentation venant des réservoirs supé-
rieurs remplace au fur et à mesure l’eau évaporée, jusqu’à ce que le dépôt salin remplisse
1 Jd., p. 58.
158 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
la bassine. Nous n'avons pu déterminer le degré de salure de l’eau au moment où elle sort
des puits; son titre d’ailleurs doit varier selon qu’on le prend pendant ou après la saison
des pluies ; celle que nous avons goutée ne nous a pas semblé très-salée. La quantité de
sel extrait de cette facon est plus grande qu'on ne pourrait le croire et suffit à une population
considérable placée entre ces salines et le Mékong et même au delà; nous ne pouvons
malheureusement donner de chiffres exacts à ce sujet. Le prix moyen de la vente sur les
lieux d'exploitation est de 0°,15 à 0,20 le kilogramme de sel.
D. Jade. — « On rapporte, dit Davis, que c'est dans le Yun-nan que le jade ou yu
est Le plus abondant, et qu'on le trouve dans le lit des torrents ". » Selon le témoignage
des missionnaires, celte roche se trouverait sur les confins du Yun-nan et de la Birmanie,
au S.-0. de Ta-ly fou, près de Teng-vue tcheou. En ce point, le jade serait de la
plus belle qualité et tellement abondant que dans une ville les individus riches feraient
parqueter leurs maisons avee du jade de qualité inférieure. Chacun sait le prix que les
Chinois attachent au jade, symbole pour eux d'immortalité, et indice de dignité.
Pumpelly?a indiqué du jade bleu à Zungsan, dans le distriet de Ou-ting, des jades vert et
bleu au mont Mo-pe près de Li-kiang, et du jade noir à Maumotosz, près de Yun-tehang.
E. Pierres précieuses. — « Les montagnes du Sud du Yun-nan semblent abonder en
pierres précieuses. lopazes, aigues-marines, tourmalines mouchetées, saphirs opaques,
jadéites, lapis-lazuli, turquoises, cristal de roche, grenats,.… corindons bleus ;... les rubis
sont très-communs,.… les saphirs sont fréquents, et souvent de belle eau et de bonne
taille. De l’ambre existe à Teng-vue, des agates au mont Wanau près de Pao-chan,
des topazes dans le même district *. »
F. Zinc. — Selon W. Williams les mines de zine doivent être très-riches dans la pro-
vince dont nous parlons *.
Les mines de zine et d'étain sont abondantes près de Tong-tchouen fou; les deux
métaux se vendent sur les lieux à raisonde 0',15 à 0',20 le kilogramme. Nous signalerons
encore du zine à Ping-v hien au S.-E. de Tong-tchouen, à 250 lis de cette même ville;
ce zinc renfermerait, au dire des indigènes, de l'argent dans la proportion d’une once de
ce dernier métal pour 100 livres de zine, où 1/1600. M. Friedel, de l'École des Mines,
qui a bien voulu analyser du zine et de l'étain rapportés de cette localité, n’a pu y cons-
tater la présence de l'argent. Sur les lieux d'exploitation le zine ne vaut que 0,15 à
0!,20 le kilogramme ; comme des mines de houille existent dans le vôisinage, une exploi-
tation régulière donnerait de grands bénéfices.
2 C)no Gen to 1h Do AB
? Pumpelly, Loc. cit., p. 118.
3 Pumpelly, loc. cit., p. 118.
4 Sur les richesses métallurgiques du Yun-nan, on trouvera un ensemble de renseignements beaucoup
plus complets et beaucoup plus précis que tous ceux que l’on peut recueillir dans les divers auteurs, dans
l'ouvrage de métallurgie chinoise dont la traduction est donnée à la suite de la géologie. Consultez pour l’'em-
placement des gisements cités par M. Joubert dans le Yun-nan, les cartes itinéraires 8, 9 et 10, Atlas 1"° partie,
pl.XI, XII, XIII. Les noms des localités indiquées dans le texte d'après des autorités étrangères et dont la position
n’a pu être reconnue, sont écrits en italique et leur orthographe a été scrupuleusement respectée. F.G.
MÉTALLURGIE ET MINEÉRALOGIE. 159
G. Étain. — Dans les mêmes localités, l’élain est très-abondant; signalons les mines de
Ouien-tehang à 12 ou 14 lieues à l'E.-N.-E. de Tong-tchouen, et à Tchè-kai, à 12 lieues E.
de la même ville. Le métal en saumons ne vaut que 0',15 le kilogramme.
H. Fer. — Les exploitations les plus riches sont celles qui existent à Kang-tchong-pa;
d’autres minéraux également riches et abondants sont traités aux forges de Lang-pong-h.
Les fourneaux, beaucoup mieux construits que partout ailleurs, ont au moins 10 mètres
cubes de capacité; on réduit le minerai, carbonate de fer, au moyen du charbon de bois
et de la dolomie employée comme fondant; chaque opération donne une barre de fer de
40 cent. de long, en movenne, sur 10 cent. d'épaisseur ; la coulée est ramassée en boule
et fortement martelée de suite, de manière à faire sortir les scories, et souder les parti-
cules les unes aux autres. Le métal est vendu assez bon marché sur les lieux d’exploita-
tion; on en fait des chaudières, des socs de charrue, des canons de fusil.
Du minerai de fer se trouve à Siao-tsao-pa, sur les bords de la rivière de Kokui.
À Ho-boung, l'exploitation des salines a fait naître une petite fonderie pour la fabrica-
tion des bassines; elle se compose d’un fourneau à réverbère de faible dimension, pouvant
contenir 25 à 30 kilogrammes de métal, et d’un soufflet hydraulique. Les moules des bas-
sines sont deux blocs de torchis, ayant une apparence fort grossière, mais dont les sur-
faces qui doivent être en contact avec les matières fondues sont polies avec soin.
Quand la fusion est arrivée au point convenable, on rapproche du fourneau les deux
parties du moule, on les chauffe avec de la braise, puis on opère la coulée et le transva-
sement qui se fait au moyen de cuillers en fonte longuement emmanchées.
On n’emploie pas de minerai pour obtenir le fer; on utilise des débris d'anciennes
bassines, de mauvais socs de charrue, et des morceaux de fer jetés pêle-méle dans le
fourneau au milieu d’un feu de charbon de bois.
Dans ce petit atelier de fonderie, on ne fabrique exclusivement que des bassines et des
soes de charrue.
l. Mercure. — On nous a donné à Se-mao un morceau de einabre qu'on nous a dit
venir de Ta-ly fou. Nous n'avons pas d'autres renseignements.
J. Cuivre. — Ce métal est abondamment répandu de chaque côté du Yang-tse Kiang
dans le Yun-nan et le Se-tchouen occidental.
D’après Davis *, le cuivre ordinaire avee « lequel on fabrique la basse monnaie du
pays vient du Yun-nan et du Kouy-tcheou; on donne à ce cuivre le nom de 7sé-lai ou
naturel, parce qu on le trouve dans le lit des torrents. »
Autour de Tchao-tong sont plusieurs gisements peu considérables. Une ligne de mines
de cuivre s'étend de Houy-litcheou à Soui fou.
Cest à Houy-hi tcheou, sur les frontières du Yun-nan et du Se-tchouen que se fabrique
en partie le fameux euivre blanc ou petong, si célèbre en Chine, et dont tous les voyageurs
ont parlé. Les minerais sont exploités comme pour obtenir le cuivre rouge ; on obtient un
métal dont la couleur tient le milieu entre celle du laiton et de l'argent. Un des mission-
naires de Pékin rapporte que le petong du Yun-nan fondu, refondu, réduit en feuilles,
1 Loc. cit., p. 265.
160 : GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
coulé en lingots, battu à chaud et à froid plusieurs fois, chauffé et rechauffé, conserve tou-
Jours sa couleur blane jaunâtre; il raconte avoir lui-même fait ces essais !. Les indigènes
nous ont dit la même chose; ils ont ajouté que le cuivre blanc qui vient du Hou-pé et du
Kouy-tcheou, deviendrait rouge après plusieurs chauffes, ce qui fait supposer que ce n’est
qu'un alliage de cuivre et d’étain, et que ce dernier métal, bien plus fusible, finit par se
séparer. Le petong du Yun-nan, qui ne s’altère pas, est extrêmement estimé. Nous croyons
que le petong s'obtient par le mélange direct des minerais, et non par celui des métaux.
Avant la guerre des musulmans, les mines de cuivre de Sin-long étaient l’objet d’une
sérieuse exploitation. Ces mines se trouvent à 28 ou 30 kilomètres au N.-N.-E. de
Yuen-kiang. Pour nous y rendre, nous avons d’abord remonté le fleuve de Yuen-kiang
pendant une heure 30 minutes vers le N. 30° O., puis, nous rapprochant du N., nous
avons marché pendant une heure directement au N., 2 heures 15 minutes vers le N. 35°E.,
dans la petite vallée de Kang-tchong-pa, et 2 heures vers le N.-N.-E., en tout un peu plus
de 6 heures et demie, la moitié du temps en plaine, et l’autre moitié dans les montagnes.
A Sin-long tchang, comme tous les endroits où nous avons trouvé des minerais, les
montagnes sont élevées et fortement tourmentées; celles-ci sont presque exclusivement
constituées par des calcaires cristallins qui se sont fait jour à travers d’épaisses couches de
schistes argileux violemment redressés, et que les eaux et les influences atmosphériques
désagrégent et entrainent petit à petit.
Le minerai de cuivre est certainement très-abondant dans cette contrée, et se trouve
répandu dans une circonférence qui n’a pas moins de 10 à 12 kilomètres de diamètre dans
tous les sens. Les moyens d'exploitation sont insuffisants; on ne se sert que d’un poinçon
en fer et d'un pic; nous n’avons vu nulle part de traces de roches enlevées à la mine. Le
minerai est injecté dans les fentes et les crevasses du calcaire dolomitique ; les filons en
sont parfois puissants et traversent le calcaire ou des schistes jaunâtres. Le minerai en
roche est souvent accompagné de plaques de sels de cuivre d’un beau vert noyées dans
une terre noiratre ; ce dernier est de beaucoup le plus riche.
Les nombreuses galeries jadis exploitées autour du village de Sin-long tchang, sont
aujourd'hui complétement abandonnées ; on n’exploite plus que sur un seul point, situé
à 10 kilomètres N.-N.-E. du village, et l'exploitation est insignifiante. Des enfants vont
dans les galeries extraire le minerai qu'ils rapportent à la maison paternelle ; après avoir
été concassé ce minerai est traité dans de petits fourneaux analogues à ceux dont on se sert
dans les cabinets de chimie. Le seul fourneau un peu grand que nous ayons vu, était un
cylindre de terre glaise, de 2 mètres de hauteur, qui ne pouvait certainement pas contenir
2 hectolitres de matières, combustible compris. Au-dessus d’un premier lit un peu épais
de charbon de bois, l’on met une couche de minerai, puis une nouvelle couche de charbon,
et ainsi de suite jusqu'à ce que le fourneau soit rempli; on allume ensuite et l’on active
la fusion au moyen d’un soufflet cylindrique dont le piston est mü par six hommes. Le
cuivre descend au fond du fourneau, où il forme un eulot. On conçoit aisément qu'avec
de pareils moyens, une grande quantité du métal doive rester dans les scories. On nous a dit
1 Mém. concernant les Chinois, par les missionnaires de Pékin, t, XI, 1786.
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 161
que pour faciliter la séparation du cuivre des matières qui accompagnent on ajoutait une
certaine quantité de minerai de fer, que l’on fait venir de Kang-tchong-pa, situé à 12 kilo
mètres au Sud-Sud-Est de Sin-long tchang.
K. Plomb. — Des mines de plomb argentifère très-abondantes existent à Sin-kai-
tse, à 6 lieues de Co-kouy sur les bords de la rivière de ce nom. La quantité d'argent
serait assez grande pour couvrir et les frais d'exploitation et le transport du plomb sur le
marché de Tchong-kin, à 100 lieues de là, sur les bords du Yang-tse Kiang.
Des mines de galène argentifère, très-riches et d'exploitation facile, sont près de Tong-
tchouen, et de Mong-tse, à 5 journées à l'Ouest de Lin-ngan. Les gisements considérables
qui seraient le plus facilement exploitables sont ceux qui se trouvent autour de la ville de
Koui fou, sur les bords du Yang-tse Kiang.
L. Argent. — W. Williams * signale des mines d’argent dans le Vun-nan, aux
confins de cette province et de la Cochinchine. Selon Hue * ce métal serait abondant
dans toutes les provinces de l'Ouest et du Sud de l'Empire chinois. Les exploitations
d'argent du Yun-nan sont aussi indiquées par Davis’. Nous venons de voir que toutes les
galènes sont très-argentifères. Dans le paragraphe suivant nous parlerons des mines de
Ta-lang, en décrivant les exploitations d’or.
M. Or. — Toutes les rivières du Yun-nan et du Se-tchouen roulent de l'or, et le
Kiang, dans cette partie de son trajet, est nommé à cause de l'abondance du précieux mé-
tal, Kin-cha kiang, ou rivière aux sables d'or. W. Williams, Pallegoix, Hue, Pumpelly,
Blakiston, et tous les auteurs qui ont écrit sur la Chine, ont parlé des richesses de cette
vieille Californie. L'état de guerre dans lequel se trouve le Yun-nan depuis quelques années
a fait abandonner la plus grande partie des exploitations. Au siècle dernier Por était
exporté jusqu’en « France et dans les autres pays d'Europe » selon Osbeck *.
Les missionnaires nous ont indiqué des mines d’or et de cuivre à Té-kô-tchang, village
situé à sept journées de marche à l’Ouest de Ta-ly fou. A 4 lieues à l'Est de cette même
localité sont des mines que l'expédition n’a pu visiter.
Il existe d’autres mines d’or et d’argent, dans un petit cours d’eau qui vient se rendre
dans la rivière de Lao-oua-tan, près de Long-ki. Le gisement serait considérable, et chaque
année pendant la saison sèche, de décembre à avril, 2,000 à 3,000 hommes se rendraient
aux mines. Celles-ci se trouvent en contre-bas de larivière, de sorte que plus de 1,200 indivi-
dus sont obligés de se débarrasser de l’eau, au moyen de pompes de bambous superposées.
Du fer et du charbon se trouvent en abondance dans le voisinage. On retirerait 25 livres
d'or et autant d'argent de 300,000 kilogrammes de matières extraites ; les indigènes pré-
tendent que les deux métaux se trouvent dans les mêmes filons.
Les mines les plus exploitées jadis, avant la révolte des musulmans, sont celles des
environs de Ta-lang.
1 Zoc. cit., p. 244.
2 Loc. cit., p. 139.
ÉPDOC NC Ip 205: È
* À voyage to China and the East Indies, trad. par J. Reinhold Forster. 2 vol. in-8, London, 1771, t. I, p. 243.
TE 21
166 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
P.25. Ya tcheou. — Mines de cuivre très-abondantes, autrefois exploitées. gypse très-blanc….;
p. 26. Pierres blanches comme la neige. or.
27. Kia-ting fou. — Plusieurs montagnes ont du sel... mines de fer. ; p.28. Or.
28. Tong-teheou fou. — Mines de cuivre, grottes. ; p. 29. Argent, cuivre, fer, sel.
30. Ouei tcheou. — Or; sel, salpètre.
31. King tcheou. — Mines de fer, de cuivre et de sel.
. Lou tcheou. — Or, sel, pierre à teindre.
35. Tse tcheou. — Or, fer.
37. Kien tcheou. — Or, argent, fer, sel.
38. Mao tcheou. — Or, cinabre
39. Ta tcheou. — Or... source qui fournit du sel.
. 4. Tchoung tcheou. — Or... sel. ; p. 40. Fontaine volante qui jaillit avec le bruit du tonnerre ;
autre fontaine volante, la plus extraordinaire de l'univers, s'élève à une très-grande hauteur, et retombe
ch che oh)
C2
Co
en rosée.
P. 42. Si-yang tcheou. — Or, cinabre, mercure.
P.44. Sang-fou tin. — Pierre qui brille comme le miroir... le salpètre brille sur une montagne
comme de l’argent.
P. 45. Chi-tcheou tin. — Plomb. »
A. Fer. — Pumpelly (Loc. cit., p. 111), indique les départements suivants comme
possédant des extractions de minerai de fer :
Tchen-tou fou, dans le district de Tsing-tsing hien.
Tse tcheou.
Ning-yuen fou, dans les districts d'Houy-ly tcheou, Mien-ning hien et Yen-yuen hien.
Pao-ning fou, dans le district de Kouang-yuen hien.
Tchong-kin fou.
Chun-king fou, au mont Tie, à 80 ZS.E. de Yun-tsang hien, dans les districts de Ho tcheou et de
Tong-yang hien.
Tchoung tcheou dans le district de Fong-tou hien.
Koui-tcheou fou, dans les districts de Ou-chang hien et de Yung-yang ion
Choui-ting tcheou, dans les districts de Ku hien et de Ta-tchou hien.
Long-ngan fou, dans les districts de Yen-ting hien et de Che-hong hien.
Kia-ting, à 40 li N. de Oui-yuen hienet à 100 li N. de Yun hien.
Kong-chan fou, au mont Kousang, à 10 li de la ville, dans le voisinage de minerais de cuivre.
B. Cuivre. — Depuis Houi-li tcheou jusqu’à Souy-tcheou, des deux côtés du fleuve,
sont de nombreuses exploitations de cuivre. IL serait trop long de citer chaque mine en
particulier; celles de Houi-li tcheou sont surtout importantes ; on y extrait le cuivre blanc
si renommé dans toute la Chine.
C. Arsenie. — Il y a dans les environs de Tchong-kin, sur les bords du fleuve Bleu,
un minerai d'arsenic dont les indigènes extraient le réalgar.
D. Plomb. — Un missionnaire nous a donné à Koui-tcheou fou de la galène à petites
facettes, très-argentifère, provenant de gisements exploités dans les environs de cette
ville.
E. Or. — Les alluvions de la plupart des rivières sont lavées et contiennent de
l'or. Le procédé employé est absolument le même que dans le Yun-nan.
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 167
Nous relevons sur la carte de Blakiston les points où ce voyageur a vu laver les sables
aurifères ; ce sont : Lou tcheou et Ouan.
Pumpelly (/oc. cit., p. 60) indique des exploitations dans les districts de Kien, Ouang-
kiang, Tsong-King, Pung, Ngan, Yen-vuen, Kouang-yuen, Pa, Kien ‘, Yun-tchang, Ho,
Fou, Pong-choui, Ouan, Ta-tchou, Ping-hou, et aux rivières de Tsong et de Fi-kia choui,
dans les départements de Lou cheou et de Va tcheou.
F. Charbon. — Des deux côtés du Yang-tse Kiang sont de riches houillères. Le
bassin s'étend depuis le Tibet jusqu'à Nankin. Parmi les points les plus importants
nous pouvons citer : Lo tou, Souy-tcheou, Pa-tong, Koui fou. Tout porte à croire que la
province entière du Se-tchouen n’est qu'un vaste bassin houiller, dont les couches se
retrouvent à une très-faible profondeur. Ce bassin aurait plusieurs centaines de lieues de
diamètre, et égalerait en richesse ceux de l’Australie et de l'Amérique.
G. Pétrole. — Nous avons dit, dans la partie géologique, que souvent en ereusant un
puits de sel, on tombait sur une source de pétrole. « Ayant atteint 1,000 pieds de profon-
deur, dit Imbert ?, ils trouvent ordinairement une huile bitumineuse qui brûle dans l’eau.
On en recueille par jour jusqu’à quatre ou cinq jarres, de 100 livres chacune. Cette huile
est très-puante.. Les mandarins, par ordre du prince, en achètent souvent des milliers de
jarres pour calciner sous l’eau les rochers qui rendent le cours des fleuves périlleux. »
Nous citons textuellement Imbert sans nous rendre garants de l'exactitude de ses obser-
vations.
S IT. Provinces au Sud du fleuve Bleu.
A la province du Se-tchouen s’arrêtent nos observations personnelles. Le trajet depuis
Souy fou a été fait en bateau; nous ne sommes descendus à terre que pour ravitailler,
aussi nous n'avons pu faire aucune recherche. Pour les provinces situées au Sud du
Yang-ise Kiang, nous nous bornerons, afin d’éviter toute répétition, à donner collective-
ment la liste des principaux gisements signalés par les divers auteurs qui ont étudié cette
partie de la Chine avec le plus de soin.
A. Marbres. — Toutes les montagnes appartenant au système dévonien doivent ren-
fermer des marbres. Nous citerons dans la province de Kouang-si les marbres blancs de
Hoai-tse hien et de Chang-che tcheou, les marbres blancs, roses, noirs des environs de
Canton, signalés par Itier, W. Williams, Davis, le marbre blanc du mont Tsang près de
Tai-tcheou fou, le marbre de Su-tcheou fou, dans le Kiang-sou.
B. Alun. — Nous nous contenterons d'indiquer l’alun dans les provinces de Hou-nan,
de Kiang-si, de Hou-pé, de Ngan-hoei.
C. Gypse. — D’après Williams, le gypse cristallin est commun à Canton. Pumpelly le
signale à Hang-tcheon fou.
1 Cette ville n’est pas la même que celle qui commence la liste. L'une est au Nord de Pao-ning fou, l’autre
est sur le Tsong kiang, à peu de distance de Tchen-tou. Voyez la carte, Atlas, 4° partie, pl. I. RAC
2 Loc. cit., p. 314.
164 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Les houilles que nous avons rapportées du Yun-nan et du Se-tchouen sont sèches
et se transforment en un coke très-dense, finement poreux, donnant 72 0/0, d'après l’a-
nalyse faite à l'École des Mines par M. Friedel. Le charbon est, près des lieux mêmes
de l'exploitation, converti en coke, au moyen du procédé suivant. On creuse un grand trou
de 18 à 15 mètres cubes de capacité ; on le remplit de charbon en ménageant une che-
minée au milieu. On couvre la meule de terre et on y metle feu en jetant par l’ouverture
centrale du bois enflammé. On opère done, comme pour la carbonisation du bois, par le
procédé dit des forêts. Le charbon de mauvaise qualité et le poussier sont réduits en poudre,
mélangés avec un peu d’eau et d'argile, et façconnés en briquettes, que l’on trouve partout
à très-bon compte.
Après avoir donné ces renseignements généraux, nous allons indiquer les principaux
gisements, et les étudier un peu plus en détail.
Près de Se-mao, entre Na-cou-ly et Ho-boung, existe un abondant gisement d’anthracite
que l’on exploite, quoiqu'il soit de mauvaise qualité et brüle difficilement, pourles salines de
Ho-boung. Les couches courent N. et $.; elles sont nombreuses, rapprochées les unes
des autres, mais peu épaisses ; sur un emplacement de 12 mètres, nous avons pu en
compter jusqu'à cinq. La puissance des bandes du combustible varie entre 0",03 et 0",32.
Quant à l'étendue du gisement en longueur, nous ne pouvons la connaître, même approxi-
mativement; nous savons seulement qu’on extrait le combustible en deux points, distants
l'un de l’autre de 6 kilomètres, et que l’on n’est pas aux limites du bassin.
Le mode d'exploitation des couches carbonifères est des plussimples. Les mineurs choï-
sissent une couche et la poursuivent en construisant des galeries dans la montagne, les
unes horizontales, les autres un peu en pente, jusqu’à ce que la veine soit épuisée, ou,
qu'à cause de la profondeur, il devienne préférable de recommencer sur un autre
point. Les galeries sont bien faites et solides, quoiqu’elles ne soient construites qu'avec
des branches de pin et de bambous; seulement elles sont trop petites, ne mesurant que
1,10 de haut sur 0",60 de largeur. L’outillage se compose d’un marteau-pique de 0,30
à 0,40 de long, d’un petit panier en forme de van; les mains du mineur font l'office de
pelles. Des enfants sortent le charbon à l’ouverture des galeries, d’où il est chargé sur
des bêtes de somme, ou des hommes, pour être transporté aux salines de Ho-boung dont
nous avons parlé plus haut.
Sin-hing tcheou, à deux journées S. de la capitale, possède des couches d’anthraeite
et de houille de mauvaise qualité. |
Sur la route de Yun-nan à Tong-tchouen fou, près de Yang-lin, à 19 lieues de la
capitale, on exploite un gisement de houille avec lequel on fabrique du coke de belle
apparence, dont on se sert à Yun-nan el dans les environs pour travailler les métaux.
Ce gisement de houille serait considérable et s’étendrait jusque dans la plaine de Kiu-
{sing fou, à quatre journées de là.
Au dire des missionnaires, la houille serait très-commune dans le bassin du Kin-cha
kiang, depuis Souy-tchéou fou jusqu'à Li-kiang, principalement un peu au-dessus de la
réunion du Kin-cha kiang et du Va-loung kiang. La mine de Tai-ping, à 10 lieues au
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 165
delà de la réunion de ces rivières, est surtout renommée et estimée. La houille qui en
provient est placée au-dessus de toutes les autres par les forgerons, qui donnent deux me-
sures de charbon ordinaire contre une seule de charbon de la mine que nous venons de citer.
L'expédition à trouvé des couches affleurant sur les bords du fleuve, et qui avaient plus
de 2,20 de puissance ; placé debout et le bras étendu, on ne pouvait atteindre le toit.
Tcho-ka, à 3 lieues de Tong-tchouen, possède des mines de houille sèche et d’anthracite.
Entre Tong-tchouen et Souy fou les gisements de houille et d’anthracite sont très-
abondants ; chaque jour nous en rencontrions sur notre route. Les lieux d'exploitation sont
si nombreux que nous nous contenterons de citer les principaux : Tehao-tong, Tehin-ouan,
Ma-{sao-cou, Pou-eul tou, Ta-kouan, ete., ete. La mine de Ke-hi, sur les bords de la rivière
de Lao-oua-tan, à 3 lieues en aval de Teou-hiang kouan, fournit un charbon d'excellente
qualité. Ces houilles sont généralement sèches. On peut dire que le charbon extrait du
milieu des grès rouges ou des schistes est de qualité supérieure à celui que l’on trouve
près des calcaires cristallins du dévonien: avec le premier on peut fabriquer du coke ;
le second tombe facilement en poussière, et doit être converti en briquettes, pour pou-
voir être utilisé.
En présence d'une telle abondance de gisements houillers, on ne comprend pas que
R. Pumpelly, dans sa Géologie générale de la Chine, n'ait pas eu connaissance d’une
seule des exploitations de houille ou d’anthracite du Yun-nan, alors qu’il avait des ren-
seignements relalivement nombreux sur les puits de sel, les lavages d’or, ete.
S IL. Province du Se-tchouen.
Cette province est tout aussi riche, si ce n’est plus riche encore, en métaux que le Yun-
nan; les houilles et les anthracites surtout abondent. Nous avons déjà, dans le troisième
chapitre de cet ouvrage, parlé des puits de feu et de sel; nous n’y reviendrons pas ici.
Louis Lamiot a traduit et résumé la description de la province du Se-tchouen, du
Ta-tsing-y-tong-che. Nous lui emprunterons les indications métallurgiques !.
« P. 11. Tchong-kin fou. — Puits d’où on tire du sel... un d’où sortent des nappes d’eau jaillis-
sant à 30 pieds. mines defer ; une montagne dont les pierres ressemblent au cuivre. rivière d’où on
tire un fer qui supplée à l’acier.
P. 13. Pao-ning fou. — Mines de cuivre... beaucoup de grottes souvent précieuses ou curieuses.
p- 14. Or, fer.
P. 45. Chun-king fou. —- Mines de fer.
P.19. Koui-tcheou fou. — Montagnes. il y en a de très-hautes, dont une ne produit rien, à toutes
ses pierres rouges, et contient du sel... pierres qui ressemblent au sel blanc. fontaines de sel. p.24"
Or, fer, étain.
P.21. Long-ngan fou. — Montagnes. une terre rouge, qui au soleil brille comme de l'or... mines
d’étain…; p. 22. Pierres blanches comme l’agate.…. or, fer, élain, mercure.
P. 23. Ning-yuen fou. — Mines d’or, d'argent, de cuivre blanc, de cuivre rouge, avec des particules
d'argent ; sable blanc ; pierres à teindre ; d’autres de diverses couleurs. ; p. 25. Argent, cuivre, fer, sel,
alun.
! Description de la province chinoise de Se-tchouen, in-8. et Bull. Soc. de Géographie.
162 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
Au Nord de cette ville, existe une portion de chaine de montagnes courant E. et 0.,
un peu plus élevée que ses voisines, sur la crête de laquelle est assis un village dont la
population ne se compose que de mineurs exclusivement occupés à l'extraction de l'or
et de l'argent. Le village est à 1,700 ou 1,800 mètres au-dessus du niveau de la mer, au
N. 10° E. de Ta-lang età 18 kilomètres environ de cette ville, dont il relève.
Au pied et sur les flancs de la montagne on rencontre un grès rougeâtre fortement
tourmenté, altéré et disloqué; vers la crête surgit un calcaire compacte, légèrement cris-
tallin, traversé et soulevé par des dykes de serpentine, qui viennent affleurer au centre.
Cette dernière roche est très-abondamment répandue, et traversée par des filons de quartz,
étroits, mais nombreux en certains endroits. La partie fouillée pour la recherche des pré-
cieux métaux est concentrée autour du village, mais comprend cependant une assez grande
surface. La montagne est attaquée par sa partie supérieure et par ses deux côtés, mais
principalement sur son versant sud. Celui-ci ayant une pente plus forte offre plus de facilité
aux mineurs. On peut estimer à 4 kilomètres la ligne horizontale où l’on voit des galeries
et des déblais sur ce versant.
Il n’est pas possible, par ce que nous avons observé, d’avoir une opinion fondée sur
la richesse plus ou moins grande des mines que nous avons visitées; la population qui y
travaille est des plus misérables, et rien chez elle ne fait soupconner une forte rémunéra-
tion de ses pénibles labeurs; mais, d'autre part, les moyens d'exploitation sont si imparfaits
que les points métallifères les plus riches peuvent échapper.
L'opinion des indigènes est que l'or est assez abondant pour donner à ceux qui le
recherchent de beaux bénéfices, quant à l'argent, il ne mériterait pas d’être recueilli,
s’il ne se trouvait mélangé à l'or. Ces deux métaux sont à l’état natif et dispersés irrégu-
lièrement dans la roche serpentineuse sous forme de lamelles ou de grains très-fins; on
ne le rencontre d’une manière constante que dans les interstices des filons de quartz ou
autres roches qui traversent ou avoisinent la serpentine, aussi ces points sont-ils par-
ticulièrement recherchés des mineurs. L'argent n’est pas partout associé à l'or; on ne le
trouve que dans un espace assez restreint à l'Ouest du village.
Lorsque le mineur à fait choix de l’endroit où doivent porter ses recherches, il creuse,
selon la direction de la couche, des puils verticaux, ou des galeries soit horizontales, soit
inclinées. Les déblais sont dispersés autour de l'ouverture de la galerie jusqu'au moment
où l’on reconnait la présence du métal cherché ; alors la galerie se poursuit dans la direc-
tion du filon aurifère; les terres et les roches retirées sont amoncelées par catégories sur
une plate-forme construite près de l'entrée de la galerie. Il arrive souvent que les premiers
travaux de déblai sont faits en pure perte, et qu’on est obligé de les suspendre après
plusieurs mois de recherches infructueuses.
Les matières extraites des galeries sont réduites en poudre et lavées dans un panier
en bambou, mobile, véritable berceuse, que l’on fait osciller au-dessus d’un plan ineliné
en bois, strié transversalement. On élimine par ce premier lavage une partie des matières
les plus légères; le sable qui s’est rendu dans un bassin situé au bas du plan incliné, et
les parties restées dans les cannelures, sont lavés une seconde fois dans une sébille peu
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 163
profonde, très-évasée, de près d’un mètre de diamètre. On imprime à l'appareil une
série de mouvements de gyration qui permettent aux substances les moins lourdes d’être
entraînées. Ce deuxième résidu, très-enrichi, est traité au moyen du mercure, qui, vola-
tilisé, laisse au fond du vase une petite boule d’or.
L'outillage employé pour creuser les galeries estdes plus simples ; ilse compose d’un
marteau pointu à l’une de ses extrémités, et d’un poincon en fer de 0",25 de long ; les
mains font l'office de pelles pour ramasser les débris dans un panier qu’un enfant porte
vider à l’extérieur.
Les galeries les plus spacieuses que nous ayons vues ne mesurent pas plus de 1 mè-
tre de hauteur sur 0",50 à 0",70 de largeur ; souvent même, lorsque la roche est un peu
dure, ou qu'il se présente un étranglement, on ne pratique qu’une ouverture suflisante
pour permettre au mineur de passer. Si l’on ne tient pas compte de leur étroitesse, les
galeries sont généralement bien faites et sûres ; les cadres en sont solides, rapprochés et
reliés entre eux par des branches de pin refendues qui arrêtent les éboulements du toit el
des murailles.
La recherche de l'or n’est pas bornée au lieu que nous venons d'indiquer. De la mon-
tagne descendent plusieurs torrents dont on retient les sables au moyen de barrages en
pierres ; ces sables sont ensuite lavés et traités par le procédé que nous venons d'indiquer.
Les habitants des villages situés sur les bords des torrents qui descendent des mines,
se livrent particulièrement à ce genre de travail ; s’il n’est pas aussi lucratif que l’exploi-
tation des gisements, il a l'avantage immense de se faire à temps perdu, au moment où
les travaux des champs n’absorbent pas tous les bras.
Actuellement 400 à 500 hommes sont occupés à ces mines, qui, dit-on, rapportent
de 50 à 60 taëls d’or par mois, ce qui ferait environ 2? kilogrammes ou 6,000 francs; 1l est
vrai de dire que les travaux sont très-irréguliers ; la guerre, qui, depuis 1855, désole cette
province, a fait disparaitre et les mineurs et la nombreuse population groupée autour
de l'exploitation ; les villages sont abandonnés et les maisons envahies par les broussailles.
Autrefois le revenu des mines aurait été de 1,000 taëls par mois ou de plus de 1,300,000
francs par an; on trouvait fréquemment des pépites.
Aux limites du Yun-nan et du Kouy-tcheou, à dix journées de marche au Sud de
Soui-tcheou fou, les missionnaires nous ont indiqué des mines d’or extrêmement
riches.
N. Combustibles. — La tourbe est très-abondante dans les endroits bas ; elle est uti-
lisée.
Depuis la frontière du Yun-nan et du Laos Birman jusqu'aux bords du Yang-tse
Kiang, on rencontre des gisements de houille et d’anthracite ; mais c’est à partir de la capi-
tale de la province, dans tout le bassin du fleuve Bleu, que les exploitations sont très-abon-
dantes. On rencontre partout de la houille ; certaines couches ont plus de 2 mètres de
hauteur. Comprises entre les strates du trias, elles affleurent le plus souvent dans les
berges du fleuve, ou se trouvent à une faible profondeur lorsqu'elles sont exploitées en
plaine. |
168 GEOLOGIE ET MINÉRALOGIE.
D. Nitre. — Ce sel est abondamment répandu dans toutes les cavernes du calcaire
dévonien. Citons les provinces de Hou-nan, de Hou-pé, de Kiang-sou, ete.
E. Lapis-lazuli. — Cette substance parait ne pas être rare dans la province de Tche-
kiang (rivière de Lo-tsing hien; mont Nien près de Tchang-chan hien. W. Williams l’a
indiquée dans le Hou-nan.
F. Ambre. — Pumpelly donne les gisements suivants : Tong-hoei hien dans le Kouang-
tong, Liang-chan hien, Ou-chang hien, Tai-ning hien, Ta hien ou Ta-tchou hien, dans le
Se-tchouen.
G. Réalyar. — Nous emprunterons encore à Pumpelly la liste des localités suivantes,
où l’on trouverait le réalgar : 1° Se-tching fou dans le Kouang-si, mont Lecnghkung au
Sud-Ouest de Min tcheou, et à Kiai tcheou dans le Kan-sou.
H. Jade. — Nous avons dit que le jade le plus estimé venait des confins de Yun-nan
et de la Birmanie; cette substance a encore été signalée dans la province centrale de
Chen-si.
I. Charbon et anthracite. — Le bassin houiller s'étend à travers la Chine depuis le
Tibet jusqu’à Nankin, des deux côtés des rives du Yang-tse Kiang. Rappelons quelques
exploitations. A Canton, Davis mentionne un charbon légèrement bitumineux, mais
n'étant pas de bonne qualité. Pumpelly signale des exploitations à Azko et à Hing-hoa fou
dans le Fo-kien, à Tchao-tcheou fou dans le Kouang-tong, à Sin-ngan hien et à Siang-
chan hien, dans le Tche-kiang, à Fong-sin hien, à Kouang-sin fou et à Pin-yang hien
* dans le Kiang-si, à Heng-chan, Lai-yang et Sin-hing dans le Hou-nan, Koue et Pa-tong,
dans le Hou-pé.
J. Fer. —Le fer est si abondamment répandu partout que nous ne ferons qu'indiquer
seulement quelques gisements. Ce sont : les provinces de Kouang-si, de Kouang-tong
(à Lien-tcheou, Tchao-tcheou fou, Lo-tching tcheou, ete.), de Fo-kien (à Yen-pin fou,
Fou-ning teheou, Fou-tcheou fou, etc.), de Tche-kiang (à Tai-tcheou fou, Ouen-tcheou
fou, etc.), de Hou-nan (partout), de Hou-pé (Ou-tchang fou, Hoang-tcheou fou), etc.
K. Zinc. — Ce métal a été signalé dans le Hou-pé par Davis.
L. Cuivre. — Pumpelly a indiqué les localités suivantes : le mont Ku à 35 li Nord-
Est de Ho (Kouang-si), Kiong-tcheou fou (ile d'Hai-nan), Yen-pin fou (Fo-kien);
abondamment répandu dans le Tehe-kiang, et le Ngan-hoei.
M. Étain. — Dans le Kouang-si (King-vuen fou, Ping-lo fou), le Kouang-tong
(Kia-ing tcheou, Hoei-tcheou fou, Yang-chan hien), le Tche-kiang (Ning-po fou, Chao-
hing-fou), le Hou-nan (Thing-tcheou, Yong-tcheou fou, Tchang-tcha fou), le Hou-pé (mont
Sièh à 5 li Sud de Fong-tchong hien).
N. Mercure. — Du vif-argent est signalé par Davis dans le Kouvy-tcheou, et du cina-
bre par Williams dans le Chan-si. Dans cette même province les missionnaires de Pékin
mentionnent de nombreux puits de cinabre. Ces puits étaient « de simples trous creusés
«en terre dans lesquels on faisait du feu de broussailles ; comme ces puits étaient sans
« revêtement, la chaleur et la flamme ayant desséché, fait fendre et entr'ouvrir la terre des
« parois, le cinabre s’y montrait de tous côtés, et pour peu qu’on grattât et qu'on fit ébouler
MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE. 169
« la terre, on trouvait dans le fond'une grande quantité de cinabre !. » Dans le même ou-
vrage nous lisons qu'il y avait aussi en Chine des gisements de vikargent, mais les locali-
lés précises ne sont pas indiquées. Nous donnerons 1ct, d’après l'ouvrage tant de fois cité
de Pumpelly, quelques-unes de ces localités. Ce sont : Mont Zurgshr à 15 li Est de
Pe-liou hien, Kouei-lin fou, le mont Hi au Nord de I-chan hien et le mont Xusih près
de Se-ngan hien (Kouang-si); Yang-chan hien (Kouang-tong); le mont Zungkien près
de Lou-ki hien (Tche-kiang); rivière près de Tching-tcheou fou, Tehang-tcha, Ou-kang
hien, Hu-yao (Hou-nan) ; Tai-ho (Ngan-hoei).
O. Plomb et argent. — Comme ces deux métaux sont le plus souvent réunis, pour
éviter de trop nombreuses répétitions, nous les comprendrons dans un même chapitre.
Indiquons comme gisements : Kouei-lin, Lieou-tcheou, mont Wongin à 35 Li N.-0.
de Ho-tchi tcheou, Ping-lo, Ho hien, Kouei hien (Kouang-si); Kao-ming, Yai tcheou,
Lien-techeou fou (Kouang-tong); Kien-nhing fou, Ta-ting, Ting-tcheou fou (Fo-kién);:
mont Tien-tai et mont Tse-nien près de Tien-tai hien ; mont Yn-kong près de Tchang-chan
hien (cette mine donne 300 livres à la tonne), mont Yn près de Ouen-tcheou fou, rivière
Chauchi près de Tai-chun hien (Fehe-kiang); Tehang-tcha fou, Heng-tcheou fou, Tehin,
Koue-vang tcheou, ete. (Hou-nan); mont Yng, près de Jao-tcheou fou, Nan-fong hien,
Ko-yang hien (Kiang-si); mont Hoang-ko à 2 li Ouest de Hing-koue (Hou-pé); Ouei-
tcheou fou (Ngan-hoei).
P. Or. — La plupart des rivières de Chine sont aurifères ; toutes les provinces situées
au Sud du Yang-tse Kiang, à part celles de Ngan-hoei et de Kiang-sou, sont indiquées
dans le tableau tracé par Pumpelly, à qui nous avons, du reste, emprunté la plupart des
renseignements que nous venons de donner ?.
Arrivés au terme de notre travail, nous appellerons encore à nouveau l'attention sur
les richesses minérales du pays que nous avons parcouru. Trois fleuves, le Yang-tse,
le Song Kot, le Mékong, conduisent au milieu de pays où abondent les métaux. La rivière
du Tong-king donnerait un débouehé facile aux productions du Yun-nan; tout le long du
fleuve Bleu les berges renferment d’abondantes couches de charbon d’une extraction
avantageuse; par le Mékong, on pénètre dans le Laos, cette contrée qui nous intéresse
tout spécialement.
Qu'on maintienne, par une sage et bienveillante administration, une paix profonde
parmi les populations du Laos si laborieuses, qu'on donne toutes facilités aux colons, qu’on
aide puissamment à la création de sociétés francaises d'exploitation, et alors on nous aura
donné un joyau en plus, car, selon expression de Gelley, « si le Laos était connu des
Européens, 1l deviendrait nécessairement une nouvelle Californie. »
1 Mém. concernant les Chinois par les missionnaires de Pékin, &. XI, 1786.
? Nous avons tenu à donner à titre d'indications, tous les renseignements trouvés épars dans les différents
auteurs; comme nous n'avons pas vu par nous-mêmes beaucoup de ces mines, nous n’en pouvons affirmer la
presence.
IL.
19
19
TIEN NAN KOUANG TCHANG TOU LIO
OÙ
TRAITÉ DÉTAILLE
DES MINERAIS ET DES MINES
DU ROYAUME DE TIEN
AUJOURD'HUI PROVINCE DE YUN-NAN
Trapuir PAR M. THomas KO, LETTRÉ CHiNois
ANNOTÉ PAR M. Francis GARNIER
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J'ai cru devoir donner ici, à peu près ## extenso, la traduction faite par M. Thomas Ko
d’un ouvrage de métallurgie chinois acheté par la commission dans le Vun-nan. Je me
suis contenté de mettre en français son texte latin, en supprimant quelques longueurs eten
éclairant de quelques notes la lecture de cet ouvrage diffus et ennuyeux. Peut-être trouvera-
t-on que je n'ai pas assez fait de suppressions et qu'il eût mieux valu condenser davantage
un exposé qui revient sans cesse sur lui-même et ne s’épargne mi les redites mi les con-
tradictions. Peut-être trouvera-t-on aussi que j'ai eu tort de ne pas faire grace au lecteur
des théories niaises, des pratiques superstitieuses et des puériles croyances sur lesquelles
s'étendent souvent, avec tant de complaisance, les auteurs chinois. Mais j'ai préféré laisser
aux métallurgistes le soin de démêler au milieu de tant de procédés empiriques ceux qui
peuvent avoir réellement quelque valeur, aux moralistes le plaisir de retrouver, même
au milieu d’une nation éclairée et polie, les préjugés et les erreurs qui subsistent encore
au bas de toutes les échelles sociales.
Pour donner à cet ouvrage toute la valeur qu'il peut avoir comme traité de métallurgie
indigène, j'ai conservé dans la traduction toutes les dénominations chinoises qui ne pou-
vaient se traduire en français d’une manière identique : des expressions simplement
équivalentes auraient pu souvent induire en erreur et donner au texte un sens el une por-
tée tout différents. À part les noms de lieux et les noms d'hommes qui ont toujours été
imprimés en romain, J'ai écrit toutes ces dénominations, la première fois en italique, les
fois suivantes en romain, afin que le lecteur puisse distinguer facilement les expressions
nouvelles de celles qui se sont déjà présentées et dont la signification à été donnée. J'ai
toujours placé entre guillemets les mots que j'ai cru devoir ajouter au texte soit pour le
rendre intelligible, soit pour indiquer le sens des expressions chinoises les plus importantes
174 AVANT-PROPOS.
et diminuer ainsi le nombre des notes. A l'exception des noms géographiques que J'ai
laissés tels qu'ils avaient été déjà écrits dans le cours de Fouvrage, j'ai conservé l’ortho-
graphe adoptée par M. Thomas Ko pour les mots chinois, quoiqu'elle diffère parfois de
celle généralement adoptée. Il ne m'a pas semblé nécessaire de la compliquer par l'em-
ploi des accents qui servent à noter les différents tons de la langue chinoise.
Les dernières parties de ce travail contiennent des renseignements administratifs,
statistiques et géographiques, très-préeis et très-minutieux sur la situation métallurgique
du Yun-nan et j'appelle sur eux toute l'attention des lecteurs. Ils permettent de se faire
une idée exacte des richesses inouïes que renferme cette province et de la prospérité à
laquelle elle peut prétendre dès qu’elle aura des débouchés suffisants et une administration
forte et honnête.
Des cartes et des dessins accompagnent l’ouvrage original ; mais leur reproduction ici
n'aurait rien ajouté à la clarté du texte. Je me contente de renvoyer aux cartes itinéraires
n° 8,9 et 10 et aux deux cartes générales de l’Indo-Chine et de la Chine où l’on retrouvera
toutes les localités importantes mentionnées dans l'ouvrage.
Ce traité de métallurgie a été écrit vers 1850, sous Tao-Kouang, le grand père de l’em-
pereur de Chine actuel, par les lettrés Ou Ki-tche et Hu Kin-sen ; le premier du grade
de 75e (sin tse ou docteur, a été vice-roi du Yun-nan avec le litre de Pin pou che lang,
c’est-à-dire de commandant en chef de toutes les forces militaires ; le second, du grade
de Ain jen ou licencié, a été che fou ou préfet de la ville de Tong-tchouen fou dans la
même province. Un exemplaire de l'ouvrage a été déposé par mes soins à la bibliothèque
impériale où les sinologues pourront le consulter et corriger les erreurs qui ont pu
échapper à l’inexpérience du traducteur.
Francis GARNIER.
TIEN NAN KOUANG TCHANG TOU LIO
TrRaDuiT PAR M. Tomas KO, LETTRÉ cHiNois
ANNOTÉ PAR M. Francis GARNIER
NOTIONS GÉNÉRALES.
Le souffle et la respiration même de l'or et de l’argent sont les premiers indices qui
puissent faire découvrir dans les montagnes la présence de ces métaux. Il importe ensuite
de faire le choix du lieu où l’on devra creuser la mine et de réunir les outils nécessaires;
il faut enfin éprouver à l’aide du feu le minerai extrait pour en reconnaître la nature et
savoir si c’est de l'or, de l'argent, du cuivre, de l’étan ou du plomb qu'il contient. Pour
cela, 1l faut construire des fourneaux et se procurer les ustensiles appropriés à ces essais.
Les creusets spécialement affectés au diagnostic des minerais se nomment 7sao".
Après ces premiers préparatifs, il ne faut négliger aucune dépense pour réunir de
toutes les parties de l'empire les nombreux ouvriers nécessaires au travail de la mine.
On les distribuera sous des chefs particuliers et on édictera des règlements indiquant
les préceptes à suivre et les défenses à observer, afin de prévenir les abus et de garantir
autant que possible les travailleurs de tout accident ou de toute infortune. Dans ce but
il conviendra de faire plusieurs sacrifices par an. Comme la plupart des accidents pro-
viennent de l’intempérance du langage et de la licence des paroles, il faudra s'attacher à
prescrire des règles à cet égard en tenant compte des temps, des lieux et des cireonstances.
Mais si, en dépit de l’observance rigoureuse de toutes ces règles, le malheur continue
! Pour éviter toute confusion, j'ai toujours employé les mêmes mots français pour traduire les mêmes
expressions chinoises. Ainsi le mot « four » répond toujours au mot chinois t@o, le mot « foyer » au mot
chinois lou, le mot « creuset » au mot chinois fsao, sans que je prétende pour cela indiquer la nuance
métallurgique exacte qui sépare ces trois catégories de fourneaux. Il suffit que le lecteur soit prévenu.
J’emploie aussi le mot « fourneau » dans un sens tout à fait général et indéfini.
176 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
à s'attacher aux travailleurs, il faudra en faire remonter la cause aux mauvais esprits el
chercher à apaiser leur colère par des sacrifices.
S 10. Des indices révélateurs.
Quand les montagnes revélent une couleur bleuätre, on doit s'attendre à y trouver de
l'argent ; si elles contiennent de laimant ou de la porcelaine, leurs couches inférieures
renferment certamement du cuivre. En effet, quoique les éléments des métaux soient
d'ordinaire profondément enfouis dans le sol, 1 se manifeste toujours à la surface un signe
particulier appelé Mao, qui a reçu pour ce motif le nom de Trait indicateur !. Un écri-
vain, nommé Jen, traitant de cette matière, s'exprime ainsi : Si une montagne contient
des métaux, on trouvera le signe révélateur en mille endroits de sa surface et de même
que la citrouille pousse d’abord sa tige, puis ses feuilles, et porte enfin des fruits, ainsi
partout où se montre le trait indicateur, on doit juger qu'il est la tige, dont les parcelles
légères du métal, éparpillées çà et là, sont les feuilles et dont les masses plus grosses,
réunies en un mème point, sont les fruits. — C’est pourquoi quand le Trait indicateur est
d'origine récente, on ne trouvera que rarement des métaux et toujours en frès-pelite quan-
tilé, tandis que là où il estancien, le minerai se rencontre abondamment.
Ce n’est que par la tradition et une longue expérience que l’on peut arriver à faire
ces distinctions. Voici les observations faites à ce sujet:
Le trait indicateur dit Z/an houan ? est ténu ; quand il ne se trouve que dans des endroits
arides, au milieu d’un sol léger, 11 n'indique qu'un gisement nul ou de peu de valeur.
Le Pou chan * houan se rencontre disséminé dans toute la montagne et à sa superficie,
comme s'il n’y avait pas de racine. Il a la même signification que le précédent.
Le Chou sen houan est droit comme un arbre sans rameaux et on doit en conclure que
le gisement est très-pauvre.
Le Mo pan houan quand il est très-répandu et enfoui peu profondément, présage
une inondation dans un délai de quelques années.
Le Koua tao * houan est un signe qui se divise et s’interrompt parfois pour reparaitre
un peu plus loin à la surface de la montagne. Il indique toujours que l’on trouvera le
métal directement en dessous, soit en petite quantité, soit comme l'expérience en a été
souvent faite, en masses considérables.
Il va enfin le 7a houan ou « grand trait indicateur ». Quand il est répandu avec profu-
sion, qu'il atteint une grande épaisseur et qu'il s'étend en largeur sur un espace de plu-
sieurs dizaines de che Ÿ, 11 faut s'attendre à de grandes difficultés d'extraction provenant
1 Jn houan, littéralement «verrou de la direction » à «conduire», kouan «verrou ». Miao signifie «plante ».
2 Han veut dire littéralement « discontinu ».
3 Pou chan veut dire « épars dans la montagne ». A l'avenir je ne donnerai le sens de ces expressions que
quand il ne résultera pas du texte lui-même et qu'il présentera un intérêt suffisant.
4 Littéralement « épée à moitié tirée ».
5 Le pied chinois ou /che vaut environ 31 centimètres; dix éche font un échang; le tche se subdivise
lui-même en dix fsen.
NOTIONS GENERALES. A
de la dureté des roches, mais espérer trouver successivement et pendant longtemps de
grandes masses de métaux accumulées.
S 2. — Des galeries de mines.
Quand, après l'examen de tous ces indices, apparaît l'espoir d’une exploitation lucrative,
il importe de régler les fouilles à faire dans les montagnes, surtout dans les régions infé-
rieures, de façon que personne n’empiète sur les limites de son voisin et que chacun suive
bien le filon qui lui est propre. C’est pourquoi nous allons parler maintenant de la con-
struction des galeries de mine.
L'ouverture même en est appelée 7%ao ". Si le métal se rencontre à l'entrée même de
la galerie, on y établit avec des troncs d'arbres une sorte de porte incomplète qui prend le
nom de /ang tsao men. Au-dessus, on établit une voûte, nommée Po, à laquelle on donne
une forme élégante de montagne et dont la ligne de faite s’appelle Zien houa tin.
La voie au milieu de la galerie se nomme Æouang ou « fénestrale » ; le sol même est dit
Song houang de ce qu'il est fragile. Si la galerie est pavée en pierre, elle est dite Gen hia,
ou «vallée de pierre remarquable par sa dureté». Si l'accès de la voie fénestrale est hori-
zontal, elle est appelée Pin touy ; S'il est un peu incliné, on la nomme Gieou tche chouy :
s’il est presque à pie, Trou touy, parce qu'elle épuise les forces des jambes ; s’il est tout à
fait vertical, Zéao tsin ; si l’on y pénètre par des échelles de bois, Pay y ti; enfin, si le
sol va en s’élevant, on l'appelle Zsan pong.
La partie gauche de la mine est celle du forgeron ; c’est là qu’on manie le marteau.
La partie droite est celle du mineur ; c’est là que l’on travaille à l'aide du coin.
La vote qui maintient les terres supérieures est dite 7er pong ou «toit céleste ».
Le plancher inférieur s'appelle 77 pan.
Le lieu même où l'on creuse s'appelle sen : le travail de la mine prend le nom de
Hin isien, où opération de creuser la terre?. On partage les lieux des travaux en parties
inégales. Ceux qui louent ces différentes parties s'appellent Æee {sien ; celui qui les divise
et les numérote se nomme Se sien.
S3. — Des outils.
1° Le marteau employé ordinairement est un fer d’une longueur de sept à huit Tsen*, et
son manche est en bois. L’ouvrier tient ce marteau d’une main et le coin de l’autre, et
travaille sans aide. L’ouvrier empioyé à la fonte des métaux manie au contraire à deux
mains une barre de fer demi-carrée du poids de quatre ou cinq A? *, qui est emmanchée
1 Ce n’est pas le même caractère que celui qui signifie « creuset ».
? Littéralement « exercice du coin ».
3% Voir la note 5 de la page précédente.
# La livre chinoise ou kën est variable de poids suivant les objets qu’elle doit servir à évaluer. Il y a la livre
de 16 onces pour l’argent et les objets précieux, la livre de 20 onces pour le riz et les comestibles, la livre de
24 onces pour les objets encombrants et grossiers, tels que le charbon. C’est la livre de 16 onces qui est
employée dans tout le cours de cet ouvrage. L’once, qui est le poids du tael, l'unité de compte monétaire
Il. - 23
178 TIEN NAN KOUANG TOCHANG.
d'un bambou. Près de lui se tiennent pour l'aider deux hommes armés l’un du coin.
l’autre du marteau.
2° Le coin est en fer et a quatre ou cinq tsen de longueur ; son tranchant est défendu
par une sorte de bourrelet circulaire, qui facilite le maniement de l'outil et sert à protéger
la main.
3° Il y a un autre coin de dimension moindre, qui a un manche en bois d’un tche
de long et qui sert de levier.
4° Les sacs dont on se sert pour le transport des minerais sont en chanvre et d'une
longueur de quatre ou cinq tche. On les porte sous le bras par une extrémité et sur l'épaule
par l’autre extrémité.
5° On installe dans la partie postérieure des galeries une sorte de coffre ventilateur,
analogue à un vase, destiné à renouveler l'air autour des travailleurs. La voie sou-
terraine est en effet longue et profonde, le vent ne peut atteindre jusqu’à ses extrémités
où il serait souvent impossible pour ce motif d'allumer du feu. Le travail des mineurs de-
viendrait alors trop pénible, ou trop malsain, soit, quand, après la pluie, l'humidité a pénétré
le fond de la mine, soit, quand, après la sécheresse, la chaleur y est devenue trop grande.
6° On appelle Wen /eang, « lumière triste», celle qui sert à guider les ouvriers jusqu’à
ce qu'on ait ouvert une voie nouvelle par où l'air et le jour puissent pénétrer dans les
parties intérieures de la mine.
Les lampes sont en fer et leur réservoir peut contenir une demi-livre d'huile. Elles ont
une poignée longue d’un demi-tche, terminée par un crochet qui sert à les suspendre à
une tige en fer d’un tche environ de long. La mèche est faite avec du coton. Il y a une
lampe par atelier de quatre ou cinq hommes.
7° Les conduits d’eau sont en bambou ou en bois et la longueur de chaque tronçon
peut varier de huit à seize tche. Les tronçons sont réunis les uns aux autres à l’aide d’une
pièce de bois ou de fer qui vient s'engager dans une entaille de deux tsen environ de
diamètre pratiquée aux extrémités et que l’on garnit de peau, de façon à ne pas empêcher
l’ascension de l’eau. Il y a un homme par atelier chargé de surveiller le fonctionnement
de chaque fraction de ce tube, et cet homme est régulièrement relevé à de certains in-
tervalles. Trois ateliers doivent fournir dans ce but six hommes par jour. À chaque portion
de tube correspond un récipient qui permet de juger la quantité d’eau retirée et de voir
s'il est nécessaire d’en augmenter le nombre. On peut superposer en hauteur de ein-
quante à soixante tubes de ce genre, et ils peuvent oceuper horizontalement un espace de
soixante-dix tehe. Mais il serait difficile de leur donner une plus grande étendue.
chinoise, est invariable et vaut 38 grammes environ. Quoique les mots once et ael soient identiques en chi-
nois-(/ang), je me servirai toujours du premier pour indiquer un poids, toujours du second pour indiquer
la valeur argent de ce poids. On sait que le tael vaut à peu près 7 fr. 75 de notre monnaie et qu'il a été adopté,
comme unité de compte fictive, par le commerce européen dans ses transactions avec les Chinois.
NOTIONS GÉNÉRALES. 179
$ 4. — Des minerais.
Le poids de l'argent s’est estimé successivement de plusieurs manières. Dans les monts
Hy-tin !, selon la balance chou 4, 11 fallait huit onces pour faire un Æeou, qui représen-
2
fait quinze cent quatre-vingls /r * d'aujourd'hui. Maintenant le lieou vaut mille fen.
Ainsi qu'on le lit dans les livres du royaume Houi *, pour le poids de deux an * du mi-
nerai d'argent extrait de la montagne Li, on devait payer une redevance de sept taels. On
pouvait extraire au contraire huit tan de minerai du mont Pee-ten pour le même prix ;
les qualités des minerais peuvent donc varier dans d'énormes proportions.
Dans la province de Tien, on pèse le cuivre avec la balance Zeou : 100 livres de cuivre
doivent 10 livres de redevance, perception que l’on appelle aussi /eou du nom de la « ba-
lance ». Le minerai de cuivre qui n’a pas besoin de manipulations s'appelle YŸ Lo tchen tong.
Celui au contraire qui doit être remis au feu huit ou neuf fois, se nomme A7 pin et Ky tsao.
On appelle Pey {se le minerai de cuivre, qui, sur une livre brute, contient un centième
de fen d'argent pur. L’affinage par le feu de ce minerai se nomme 76e kouang®. On com-
mence par lui faire subir une première cuisson qui lagglomère en une masse appelée
Kien tiao, puis on le soumet à des feux plus vifs dits 7a ho « grands feux ». Après cette
dernière opération, on peut trouver le métal, soit en menues parcelles nommées 7? mou’,
soit aggloméré en une seule masse, que l’on désigne sous le nom de 7cheou touan. C'est
à ce résultat que l’on peut juger du succès de l'opération, des dépenses et des travaux
qu'il reste encore à faire et de la bonne ou mauvaise qualité du métal.
Il est nécessaire d'apprendre à reconnaitre la qualité des minerais de cuivre, ce
à quoi l’on parvient surtout par la coloration. Les teintes violette et couleur de feu, la
couleur appelée Lao ya lin *, qui est cette dernière teinte mélangée d’une nuance bleue,
1 Les monts Hy-tin sont situés près de la ville de Kao hien aux confins du Se-tchouen et du Yun-nan et
étaient très-abondants autrefois en argent et en étain. La balance Tchou ti est un mode de compte usité sous
les Han (202 av. J.-C. à 220 après).
? Le fen est la centième partie du tael, il se subdivise en 10 #, le li en 10 %ao : 10 fen font un fsten.
3 L’un des trois royaumes en lesquels se partagea la monarchie chinoise à la fin des Han. Il comprenait la
province du Ho-nan et la partie méridionale de la province du Chan-si. Il est orthographié d'ordinaire Wei.
* Le tan dont il s’agit ici vaut 400 livres chinoises de 20 onces chacune. Il se subdivise en 10 feou, le
teou en 10 chen, le chen en 10 ko. Le tan du commerce vaut 100 livres de 16 onces ou environ 61 kilogram-
mes. C’est l’unité que les Européens connaissent en Chine sous le nom de picul.
5 Située dans le Chen-si, au N.-0. de Si-ngan fou.
6 Ce Zeou n’est pas le même mot que le précédent. Le premier est le caractère « couler », le second le
caractère « grenade. »
7 Ces expressions sont la traduction du fait lui-même, la première signifie littéralement « un feu devenir
cuivre », les deux autres «plusieurs fois refroidir, plusieurs fois creuset ».
8 Le sens du mot kouang, que l’on retrouvera très-fréquemment dans la suite, est « minerai, matière mé-
tallique » ; {se veut dire « affiner par le feu » ; nous allons voir cette expression employée plus loin dans un
sens figuré pour désigner une espèce particulière de minerai.
° Littéralement « base, fondement femelle ». Cette expression va revenir très-souvent dans la suite et avec
des sens différents.
19 «Plume de corbeau ».
180 TIEN NAN KOUANG TCOHANG.
doivent être préférées avant tout. Ces qualités de minerai donnent quelquefois 50 pour 100
de cuivre, et dans ce cas on les désigne sous le nom de a teou tse.
On trouve parfois un minerai de cuivre qui contient 70 ou 80 pour 100 de mé-
tal, mais cela n'arrive que bien rarement; aussi lappelle-t-on Houang kin pe*; Veau
est comme la nourrice de ce métal, et c’est elle qui le transforme sans aucune opé-
ration en Sen tong, métal lui-même à l’état natif. Sa qualité pour les différents usages de
l'industrie est très-supérieure, surtout s’il a été trouvé en grande masse et non en menus
fragments.
Les minerais d'argent sont également très-divers. Le meilleur est de couleur noire;
il est préférable à celui qui a la couleur appelée Yen cha ?. On peut retirer une once d’ar-
gent de sept ou huit onces du métal appelé Houan 1se dont ce dernier minerai est une
variété. Il faut citer encore le minerai dit Houan ho iuo sou, qui est très-inférieur aux pré-
cédents; tous ces minerais inférieurs sont compris sous l'appellation générale de Tse
kouang.
Le métal dit Aie kouang n'est autre que du plomb noir; 1l s'appelle aussi Wing kouang,
«minerai éclatant ». Il y a deux espèces de Ming Kouang, l’une appelée Ta houa, « grande
fleur», l’autre S7 houa,« petite fleur ». La nature du bois employé pour la réduction de ces
minerais fait une différence de quelques fen dans la valeur du métal.
Il y a ‘une autre espèce de minerai appelée Tong kay yn° qui est noir, et présente en
même temps la couleur yen-cha ; il contient du cuivre, mais aussi de l'argent, ce que l’on
reconnait à l'apparence brillante qu'il revêt dans ee cas. Grillé à un 7a lou, «grand foyer»,
il prend l'aspect du fer, mais traité dans un second, puis dans un troisième foyer, ceux que
l’on nomme Zouy lou et Kin lou, puis à un quatrième, le Siao lou, « petit foyer », où le
cuivre entre en fusion, il est enfin passé à un dernier creuset où l’on recueille l'argent pur.
Le minerai Yn kay tong, « argent revêtu de la couleur du cuivre », est d’une couleur
verte et offre à sa surface l’apparence des dents d’un cheval. Fondu à un grand foyer,
puis successivement grillé dans des fours, il se convertit en cuivre.
Le minerai Pe yuen, « plomb blane », fondu dans un vase en terre, se convertit en
plomb. On pense qu’il contient aussi un peu d'argent. Les habitants du royaume de Kiao-
tche * connaissent seuls le procédé de séparation qui permet d'obtenir ce dernier métal.
1 « Jaune, or, blanc ». Les Chinois appellent ainsi trois petits oiseaux qui revêtent chacun une de ces cou-
leurs; il est du plus heureux augure de les voir tous trois réunis. Ces oiseaux pondent toujours trois œufs à la
fois et de chaque nichée sortent des rejetons présentant chacun l’une des trois couleurs. L'expression ouang
kin pe indique, comme notre mot phénix, une chose excessivement rare. |
? Littéralement « sel sable ».
3 « Cuivre revêtu de la couleur de l'argent ». J'écris avec un y le mot yn qui signifie argent, pour le
distinguer du mot à qui signifie conduire et que l’on rencontrera souvent dans le cours de l'ouvrage.
# Les Annamites, ou, d’une manière plus précise, les Tongkinois, très-réputés, comme on le sait, pour leur
habileté métallurgique. Les mots Ævao tche que les Annamites prononcent geao chi, veulent dire « qui a le gros
orteil séparé », sorte de particularité spéciale à cette race.
NOTIONS GÉNÉRALES. 181
S$ 5. — Des foyers.
L'or est fondu par le feu, purifié par le nitre, et recoit enfin de lhabileté de louvrier sa
forme dernière. La terre jaune est comme la mère de l'or; aussi est-ce avec cette terre
que l’on construit les fourneaux qui servent à reconnaitre la présence de l'or et à opérer sa
difficile préparation. Nous allons les décrire.
Les foyers sont faits en terre argileuse. Ils présentent à la base la forme d’un pa-
rallélipipède oblong de deux tche d'épaisseur et d’un tche de largeur, qui va en s’arrondis-
sant au sommet et dont la hauteur atteint huit tche. Intérieurement est un vide ayant la
forme d’une cucurbite. Latéralement sont deux portes, l’une pour l'introduction du com-
bustible, l’autre pour l'introduction du minerai, et on doit luter celle-ei avee soin. Dans la
partie inférieure du foyer sont disposées des ouvertures que l’on peut ouvrir ou fermer à
volonté pour laisser échapper les gaz, et l’on ménage en dessous un vide pour établir le
tirage. Dans les foyers destinés aux minerais de cuivre, il v a dans la partie supérieure
un autre vide, sorte de fenêtre qui permet de suivre la marche de l'opération. La base des
foyers employés pour le traitement des minerais d'argent est plane, celle des foyers
employés pour les minerais de cuivre est en forme de marmite.
On lute les foyers avec de la terre humectée d’eau salée et l’on doit apporter le
plus grand soin à garantir toute la périphérie du creuset ; Le foyer ainsi préparé s’appelle
tang lou; on allume ensuite du charbon pilé assez fin que l’on nomme Chao tuo tse
et qui doit durer de deux à quatre heures”, on ajoute au bout de ce temps du charbon
de bois plus gros, et l’on commence à faire agir le soufflet pour que les flammes pénètrent
la masse du minerai. On ajoute successivement de nouveau combustible. Quand le charbon
et le minerai paraissent ne plus former qu’une seule masse en fusion, on introduit une
sorte de ringard nommé ZSsour {se. S'il ressort noir, on devra conclure que le foyer
lui-même est porté au rouge. D’heure en heure, trois hommes se relèveront au soufflet
et l’on veillera à ce qu'ils ne ralentissent ou n’accélèrent pas trop ce travail. Le ringard
ne doit jamais prendre la couleur rouge. On enduit de poix ou d’une sorte de colle les
parois du foyer, opération qui se nomme Sex pang. La conduite des fourneaux de cuivre
se divise en périodes de six heures ; la seconde période est dite « heure du feu correspon-
dant»; la troisième est dite Tir kouay ho, « heure du feu dispersé et ne donnant de flammes
qu'au sommet»; la quatrième s'appelle Liang touy che ho, « feu des deux heures correspon-
dantes *»; la cinquième, Eul sse ho, «second feu quatrième ». Ces opérations achevées,
on ouvre la porte du fourneau dite «porte d’or * », et à l’aide d’une sorte de râteau nommé
Pa, on retire le charbon et les scories. avant d’enlever le euivre lui-même. À ce moment,
1 Les heures chinoises sont le double des nôtres.
? On appelle heures correspondantes en Chine les heures séparées par un intervalle complet de douze
heures ou d’un jour.
3 Ain men, ce qui pourrait se traduire aussi et plus logiquement « porte du métal », le mot {x en chinois
ayant les deux sens.
182 TIEN NAN KOUANG TOHANG.
celui-ci recoit le nom de Pix tong ou «cuivre froid, » parce qu'il se refroidit aussitôt et
redevient solide. Avec une seconde barre de fer, on achève d’expurger minutieusement
le métal de toute matière étrangère, opération qui se nomme Xay mien. Enfin, on re-
froidit le cuivre soit avec de l’eau pure, soit avec de l'argile détrempée, soit même avec
de l’eau de riz, afin de pouvoir le retirer.
Si le feu n’a pas été assez ardent, on peut trouver le minerai agglutiné en une seule
masse; ce que l’on appelle vulgairement : « avoir porté la tête des bonzes à une noce, » en
d’autres termes, avoir fait une chose intempestive. Si la porte d’or se rompt pendant l’o-
pération, le métal se répand au dehors, et il en résulte souvent des accidents très-graves,
tels que la mort des ouvriers. Cet accident est heureusement assez rare et provient de
la manière dont aura été conduit le feu.
L'opération par laquelle on retire l'argent du plomb * demande que les travailleurs se
relèvent soixante-dix ou quatre-vingts fois; ils se relèvent ensuite une ou deux fois
pour le traitement des résidus.
S 6. — Accessoires des foyers.
Le soufflet est de forme ronde et en bois, le tuyau a un tche et demi de long ; sa lon-
gueur totale peut atteindre douze tche. Si on ne peut trouver de pièce de bois assez
crande pour le fabriquer, on peut le composer de morceaux rapportés, tout en lui conser-
vant sa forme ronde. Trois hommes sont nécessaires pour en ürer tout ce qu'il peut don-
ner ; mais si l’on n'a besoin que d’une faible ventilation, un seul homme peut suffire.
On se sert d’une pelle plate en bois pour alimenter le feu de charbon.
Le Po tiao est une barre de fer de huit à neuf tche de long, ayant une poignée de bois
d'un tche environ ; elle sert à retirer le cuivre et les scories ; dans les fourneaux destinés
au minerai d'argent, l'instrument qui sert à retirer les scories s'appelle an tsao. On se
sert aussi de eisailles en fer pour retirer le cuivre des fourneaux.
Le râteau est de forme carrée, large d’un tche, haut d’un sixième de tche, épais d’un
tsen, il est fixé à l'extrémité d’un manche en bois de dix tehe de long. Pour le cuivre,
le bois employé doit être récemment coupé, et non trop desséché ou trop vieux.
Le Po hr est une sorte de crible fait en bambou et de forme ronde qui sert à laver
le métal.
ST. — Des instruments et des vases en terre.
À
L'épuration de l'argent se nomme 75ao *. Sa fusion se nomme Y che, ce qui veut
dire «vide profond ».—11 faut se servir pour l’épuration de l'argent de cendres amassées
depuis plusieurs années.
1 C’est celle de la coupellation connue depuis très-longtemps en Chine et qui est toujours assez longue,
même avec les procédés perfectionnés de l’Europe. Par la méthode allemande, par exemple, une charge de
10 tonneaux de plomb d'œuvre se coupelle en soixante-dix heures. On va trouver le procédé chinois exposé un
peu confusément dans la deuxième partie de l'ouvrage.
2 Du nom du genre de fourneau que l’on emploie. On se rappelle que /sav veut dire creuset.
NOTIONS GENERALES. 183
Il y a deux sortes de creusets pour l’épuration de l'argent : lune est de petite dimen-
sion et s'appelle ia ma tsao, de ce que sa forme offre une certaine ressemblance avec celle
d'une grenouille. L’autel de ce creuset est en terre glaise, d’une longueur de {rois à quatre
tche, et d’une largeur d’un {che ; il est entouré d’un mur en terre glaise d’une hauteur d’un
tche, dont le sommet est arrondi en dos de poisson. Deux ouvertures y sont pratiquées,
l’une au dessus, qui sert à l'introduction du combustible ; l'autre placée au dessous, qui
sert à diriger le feu. On place dans ce creuset le minerai entre deux couches de char-
bon et on recouvre le tout de sable. Ces dispositions une fois prises et le «feu allumé», on
voit au bout d’une heure l’argent suinter en gouttelettes et tomber au-dessous du foyer dans
un vase en terre cuite ; alors on couvre ce vase et on jette de l'eau qui solidifie l'argent et
entraine les cendres et les résidus que l’on appelle {# #rou. Après que l’on a recueilli Par
gent, on détruit le fourneau, qui doit être reconstruit à neuf chaque fois.
La seconde espèce de creuset est de plus grande dimension et s'appelle Ts? sin /sao,
« creuset des sept étoiles » ; comme il ressemble aussi à un tombeau, on l'appelle égale-
ment Mo men, « porte du tombeau». L’autel de ce creuset, de forme rectangulaire
comme le précédent, a six tche de long et deux tche de large. La muraille en terre qui
l'entoure est percée de sept ouvertures ou trous de chauffe, et c’est de là qu'il tire son
nom. Elle a deux tche de hauteur. Au dessus est l'ouverture par laquelle on introduit d’a-
bord le combustible que l’on fait reposer sur une couche de sable, puis le minerai.
Au dessous est l'ouverture appelée «porte d’or», que l'on tient fermée avec une brique.
Après deux heures de feu, on ouvre la porte d’or pour s'assurer, par l'introduction d’un
ringard, de la marche de Fopération. On referme de nouveau, et après deux ou quatre
heures, l'argent vient se ramasser en culot à la partie inférieure du fourneau.
A mesure que l'extraction de l'argent s'opère, on peut alimenter le creuset de
combustible et de minerai, et ainsi rendre l'opération indéfinie, jusqu’à ce que le four-
neau devienne impropre à la euisson du minerai et que l’on doive l’abandonner pour en
construire un nouveau. C’est pour cela qu'on appelle encore ce genre de fourneau Ouan
gien Isao, « creuset des dix mille ans ».
S8.— Des dépenses.
Pour l'exploitation d’un gisement métallifère, il est nécessaire d’avoir un grand appro-
visionnement en riz et en huile. Il faut par conséquent pouvoir disposer de capitaux con-
sidérables, parce que si l’on ne rencontre pas dès le début un gisement assez riche, il
sera difficile de retenir les ouvriers que l’on aura rassemblés de toutes parts, leurs dépenses
étant supérieures aux produits de leurs travaux. Ÿ aurait-il cent mille hommes réunis
dans le même lieu pour travailler, s'ils n’y trouvent point les choses nécessaires à la
vie, ils se disperseront bientôt dans toutes les directions. Celui qui veut rassembler des
travailleurs doit donc pourvoir d’abord le plus largement possible aux premiers frais.
C’est pour cela que nous allons mentionner ces dépenses, afin qu'on n’entreprenne pas
trop précipitamment et sans réflexion les travaux de ce genre.
184 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
Dans un chantier d'exploitation on doit toujours trouver la nourriture de chaque Jour ;
car les ouvriers qui travaillent le jour et la nuit sentent souvent le besoin de manger; il
faut done avoir sans cesse des aliments préparés. Si vous avez dix mille ouvriers réunis dans
une mine, vous devrez avoir une réserve de cent {an de riz pour la dépense quotidienne.
Les galeries d'exploitation étant en général très-obseures, il faut un grand nombre de
lampes, parce que sans lumière il est impossible de travailler et même de cireuler dans
la mine. Une lampe dépense huit onces d'huile par jour, et il faut une lampe par série
de quatre travailleurs.
Le minerai une fois extrait, il faut se procurer le charbon nécessaire pour l'entretien
des fourneaux employés au traitement de ce minerai. Or, pour chaque fourneau pouvant
contenir dix mille livres de minerai, il faut une quantité égale de charbon et souvent même
davantage. Quelquefois il faut plus de charbon que de minerai, d’autres fois c’est le con-
traire et, quand les fourneaux sont allumés depuis longtemps et les feux bien entretenus,
deux ou trois mille livres de charbon suffisent souvent pour traiter dix mille livres de mi-
nerai. Dans les mines d'argent, chaque foyer dépense six à sept cents livres de charbon en
six heures ; il arrive même que chacun de ces foyers dépense par heure trois ou quatre cents
livres de combustible. Le charbon de bois sec se consume rapidement, le charbon humide
au contraire produit beaucoup de fumée et vaut moins que le premier pour l'extraction
de l'argent. Pour traiter les minerais d'argent, il faut toujours se servir de charbon de
bois, en ne se servant du charbon commun, «le charbon de terre », que pour allumer les
feux. Il est en effet deux sortes de charbon, l’un très-léger, le charbon de bois, l’autre
très-lourd, le charbon de terre; le premier est employé pour l'extraction de largent, le
second pour l'extraction du cuivre. Afin que ce dernier charbon soit propre au traitement
des métaux, on le brüle en lieux fermés, pour le débarrasser de la famée et de l’humi-
dité ; on le retire ensuite en gros blocs, et au moment de s’en servir, on le casse en
morceaux plus petits ! En effet, le minerai a horreur de l'humidité et se réjouit de la
siccité.
Pour prévenir les éboulements, on doit soutenir les galeries à l’aide de colonnes
placées à deux ou trois tche des parois. Elles ont une hauteur de cinq tche, un diamètre
d’un huitième de tche, et sont placées deux à droite et deux à gauche. Il faut ajouter en outre
des cadres appelés Æouan. Quand ils sont distants les uns des autres d’un tche, la construc-.
tion porte le nom de Tseou ma jan, «galerie pour pas de cheval»; si la distance est moin-
dre, elle prendle nom de Tsen pou jan, «galerie à petits pas ». Il faut approvisionner la mine
de barres de fer pointues pour les fouilles, et de solides pinces en fer pour les fourneaux.
Ces instruments s’émoussent par un fréquent usage; il faut alors les faire réparer afin
qu'ils soient toujours propres au travail. L'opération qui consiste à réparer les instru
ments porte le nom de Aiuen tsien, et elle est faite par les ouvriers de la mine.
Il faut avoir aussi l’eau nécessaire pour la préparation des mets, pour le lavage
du minerai, et enfin pour humecter le charbon des fourneaux.
1 C’est la préparation du coke qui se trouve indiquée ici en quelques mots.
NOTIONS GÉNÉRALES. 185
Il faut également une certaine quantité de sel pour la préparation des aliments
et pour mélanger à la terre qui sert à la confection des fourneaux.
On désigne par le nom de A7 a les souches et les racines d'arbres dont on se sert
dans les mines pour aviver la flamme des fourneaux au moment où le métal entre en
fusion. Ce n’est point comme combustible qu’on les emploie, mais parce que leur fumée
est d’un certain avantage pour la coloration du métal. Si ces racines sont trop sèches
et arrachées depuis trop longtemps, elles deviennent inutiles; aussi faut-il ne s’en
approvisionner qu'au fur et à mesure des besoins, pour éviter d'en perdre une partie.
S 9. — Des ouvriers des mines.
Ceux qui travaillent à creuser les mines sont appelés Cha tin". C'est de leur nombre
plus ou moins grand que dépend le succès de l'exploitation. Si leur arrivée peut être
comparée à l’inondation des eaux, leur départ est aussi rapide que les étoiles filantes.
Quand l'exploitation est heureuse, ils ne veulent point quitter la mine, les en repousserait-
on; si au contraire l'exploitation ne donne pas un bon résultat, ils ne viennent pas,
quoi qu'on fasse pour les attirer. Aussi n'est-ce pas tant le manque de métaux que la dis-
persion des ouvriers qu'il faut craindre dans les mines.
La Société formée pour l'exploitation d’une mine porte le nom de Tan fen ; les ouvriers
désignent leurs patrons sous le nom de Xo teou*, « chefs de la marmite», parce qu'ils en
reçoivent la nourriture ; les patrons appellentà leur tour les ouvriers 77 Aiongou «frères» :
mais la dénomination générale de ceux-ci est 7x, « soldats ». Ceux qui sont préposés aux
dépenses et aux approvisionnements de toute nature, huile, riz, ele., sontappelés Xouan se
où «procureurs ». Dans chaque mine il v a un homme chargé des achats et des ventes des
métaux. Il doit noter avec soin les quantités extraites et fait la répartition des bénéfices.
Ceux qui remplissent ces fonctions prennent le nom de Chou ki, « secrétaire », ou de Xour
chou, «porte-clefs », ou bien encore de Xien pan, « secrétaire ».
.Jang teou est la désignation de celui qui, dans une mine, est chargé de l'examen du
trait indicateur et de la couleur du sol. Il fait rechercher à l'aide du coin le filon métal-
lique, disposer les bois qui doivent soutenir les galeries, préparer les lumières, les venti-
lateurs, placer les réservoirs pour recevoir les eaux, s’il y en a, et fixer le prix de la vente
du minerai que l’on rencontre. C’est à l'ingénieur qu'il faut avoir trouvé tout d’abord, si
l’on veut réussir dans une exploitation. Les ouvriers sont répartis en ateliers dont les chefs
s'appellent Zin pan. 11 y a un homme par atelier destiné à placer, sous les ordres du Jang-
teou, les cadres des galeries.
On appelle 7chouï cheou ceux qui doivent choisir et diriger les ouvriers mineurs
chargés de manier le marteau et le coin. Dans chaque atelier il y a deux hommes pré-
posés spécialement à chacun de ces instruments. Ils peuvent alterner ensemble et
! Litléralement « soldats des pierres sablonneuses ».
? Teou signifie « tête », au figuré «celui qui dirige », de même #hang veut dire «supérieur » : de là les
mots lou teou, lou tchang, « chefs des foyers », ete., que l’on va rencontrer dans la suite.
IT. 9%
186 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
prendre suecessivement tantôt Fun, tantôt l’autre de ces deux outils. Ce changement
s'appelle Chouang houan cheou. Pour ce travail, il faut choisir des jeunes gens forts el
VIgOureux.
Le nombre des hommes destinés à transporter le minerai est indéterminé. En effet,
il en faudra beaucoup, si l’exploilation est considérable, si les galeries sont profondes
et les blocs de minerai très-lourds.
Les ouvriers qui travaillent sans salaire fixe et dont le bénéfice est proportionné aux
résultats de l'exploitation s'appellent Zsirchen chang che"; ceux qui sont payés à raison d’une
somme fixe par mois, quels que soient ces résultats, s'appellent Yue 20, « qui vit au mois ».
Le Lou teou est celui qui reconnait la nature des divers minerais, qui distingue leur
richesse et choisit les meilleurs, qui‘dirige le feu pendant le traitement du minerai; c’est
principalement de lui que dépendent l'augmentation ou la diminution des bénéfices de
l'exploitation, son succès ou son insuecès; il tient dans sa main les bénéfices ou les
perles des sociétaires. Dans le creusement de la mine, le Jang-teou joue le rôle le plus
important. Le Lou-teou est à son tour indispensable pour la conduite des fourneaux.
Le nom de 7sao pi ho s'applique aux ouvriers qui sont attachés, en dehors du travail de
la mine, à diverses fonctions ; ils sont classés parmi ceux qui travaillent pour une somme
fixe par mois.
S 10. — Des fonctionnaires.
Selon les règles de la dynastie Tcheou ?, dès qu'il y a quarante hommes réunis, ils
doivent avoir pour chef un Aouan jen ou « mandarin », auquel obéissent des satellites et qui
a sous ses ordres deux che *, quatre fou * et deux 47%. Le nombre des satellites varie d’après
les besoins du Kouan. Les mandarins ne doivent pas prendre pour satellites les pre-
miers venus, mais bien des hommes intelligents et droits en qui ils puissent avoir
confiance. Si l’agglomération d'hommes est considérable, il faut nommer des Pe tchang,
« chefs pour 100 personnes », et des sien tchang «chefs pour 1,000 personnes », pour
empêcher le vol et la débauche. Ces chefs peuvent prendre le titre de Jeow kiao. Cette
organisation permet de réprimer les abus que les hommes perdus de mœurs ne manquent
pas de commettre dans les marchés. |
Les Chou-ki, qu'on appelle aussi 47 /i, sont des écrivains qui tiennent la comptabilité.
Ceux qui sont employés dans les mines de cuivre s'appellent A?n chou, de ce qu'ils sont
chargés de veiller à l'argent et au cuivre et d'inscrire les quantités de métal reçues, vendues
ou emmagasinées. Ceux qui sont préposés aux mines d'argent se nomment Xo chou,
de ce qu'ils sont chargés de prélever l'impôt pour l’empereur. Us inserivent les sommes
1 Traduction littérale : Zpsum corpus semper adest.
? Troisième dynastie chinoise qui à régné de 1134 à 256 avant J.-C.
# Secrétaires qui sont chargés d’apposer le cachet noir, celui sur lequel est gravé le caractère tchen, « ob-
Servetur ». 5
* Scribes.
# Secrétaires qui sont chargés d’apposer le cachet rouge.
NOTIONS GÉNÉRALES. 187
qui ont été payées et celles qui sont mises en réserve ; ils doivent chaque mois faire
transcrire sur des registres et promulguer les édits de l’empereur et des mandarins qui on
rapport à l'exploitation des mines. Pour remplir toutes ces fonctions, il faut des hommes
intelligents, ayant des connaissances étendues en géométrie et en arithmétique. Ils seront
toujours désignés par les mandarins, et jamais choisis ou préposés par les propriétaires des
mines. |
On appelle Séun ou les gardiens des mines de cuivre, dont la principale fonction est
de discerner la qualité du minerai et de pourvoir à l’approvisionnement en charbon.
Ceux qui sont chargés de prélever la part de minerai qui revient au gouvernement se
tiennent surtout sur les lieux d'exploitation ; ceux au contraire qui sont chargés de recevoir
le métal épuré, surveillent les fourneaux où 1l est élaboré. Ils signalent le zèle ou ia
fraude et provoquent, selon les mérites de chacun, des récompenses ou des châtiments.
Les Æo tchang sont préposés aux balances, aux trésors, aux coffres et à leurs clefs, à
la paye des salaires aux ouvriers des mines, à l'administration du capital de la mire, à la
perception du métal dans les mines d'argent, à toute valeur en un mot payée ou reçue. Il
leur est adjoint des aides auxquels ils peuvent déléguer certaines fonctions. Les Ko-tcharg
sont honorés et respectés dans toute la mine comme les premiers fonctionnaires.
Les Xee tchang sont des juges de paix, chinois pour les Chinois, mahométans pour
les Mahométans, choisis parmi les gens de même langue et de même nationalité, pour
maintenir l’ordre dans chacune de ces catégories d'ouvriers et prononcer sur les querelles
qui s'élèvent. Leur choix est d’une grande importance.
Le Tan tchang a l'office du charbon; ce fonctionnaire n’est pas absolument indispen-
sable dans les mines d'argent, mais 1l l’est dans celles de cuivre, qui doivent être appro-
visionnées avec exactitude de ce combustible. Il veille à l'exécution des marchés passés
dans ce but et ne se préoccupe pas trop des avances à faire aux fournisseurs, s'ils sont
riches ou ont des cautions suffisantes ; mais il exige avant tout qu'ils aient une grande
quantité de charbon en réserve et des bêtes de somme pour le transport.
Le Lou ichang a soin des fourneaux et des feux en l'absence des ouvriers. IL est peu
nécessaire dans une exploitation de cuivre; mais sa présence est importante dans une
exploitation d'argent, pour veiller à l'impôt qui doit être payé à l'État.
Les Xay tchang sont préposés aux marchés et fixent le prix des diverses denrées et
les conditions auxquelles elles doivent être livrées par les fournisseurs.
Le directeur général d’une mine d'argent prend le titre de Zsong jang ou Tsong kong.
Il est presque égal au Tong tchang ou premier directeur des mines. Il faut choisir pour
ces fonctions des hommes experts dans la science des indices et du trait indicateur.
Le Tong-tchang a autorité sur toutes les mines. Il décide où l’on peut en ouvrir de
nouvelles, et quand s'élèvent entre deux mines voismes des différends sur leurs limites.
il envoie des inspecteurs pour examiner le cas.
Les satellites chargés d’arrèter les voleurs et les criminels s'appellent Lier you.
! Gardes locaux, sortes de sergents de ville,
188 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
On peut se dispenser d'entretenir dans une mine de cuivre les Tchouang lien ou
« soldats proprement dits », mais leur présence est indispensable dans les mines d’ar-
gent, où se trouvent parfois réunis plus de dix mille hommes, pour assurer le payement
de l'impôt dû au gouvernement et maintenir le bon ordre.
[e]
S 11. — Des réylements.
C’est la loi elle-même qui règle la conduite des hommes haut placés; mais pour le
peuple, il est nécessaire de compléter la loi par des règlements. Nous allons donc parler
maintenant de ceux qu'il convient d'établir pour prévenir les abus, chaque fois que s’or-
ganise une nouvelle réunion d'hommes.
Dès que quelqu'un croit avoir découvert dans la montagne un endroit propre à une
exploitation minière, 11 doit en prévenir le gouvernement. Le Tong-tchang, après avoir
fait examiner les lieux, accorde, s'il le juge utile, l'autorisation d'ouvrir la mine, autorisation
que l’on grave sur une tablette en bois. Puis, à un jour choisi, on commence les fouilles.
« Comme nous l'avons déjà vu, » Tan-fen est le nom de la société formée par ceux qui
fournissent le capital nécessaire pour couvrir les frais de l'exploitation. Le gain et la perte
sont partagés entre eux proportionnellement à la part de ee capital qu'ils auront souserite.
Les choses dont il faut tout d'abord pourvoir la mine sont le riz et l'huile; de là le nom
de tan ?, l'argent fourni devant être en rapport avec la quantité de riz et d'huile nécessaire.
Pour éviter toute discussion dans l'avenir, les sociétaires doivent rédiger à lavance un
contrat qui détermine les conditions auxquelles ils pourront se retirer de l'affaire, et aux-
quelles d’autres pourront les y remplacer.
Tao tsien, « demander le coin », est la demande de location de là mine. On appelle
Kee-tsien le propriétaire qui loue la mine en s’en réservant une certaine partie. Mais
on peut aussi en louer la totalité, en s’assurant par un contrat en règle, signé des chefs
de l’exploitation, un ou deux dixièmes des métaux extraits. Quelquefoisles propriétaires se
contentent d’un prix de location fixe, sans aucune part dans les résultats de l'exploitation.
On appelle Æong tchang? la perception des recettes. Avant que leur répartition soit
faite entre les associés du Tan-fen, on doit attendre que l’on connaisse le prix de vente
des métaux et ce qu'il en reste en magasin, On défalquera ensuite toutes les dépenses
communes, telles que les frais du culte, des satellites, le payement de la location du ter-
rain, les indemnités que l’on peut avoir à payer pour les eaux que l’on va prendre dans
les propriétés environnantes. Il peut se faire que la montagne où se trouve la mine soit
territoire commun et qu'il n’y ait rien à débourser pour ces deux dernières causes.
1 Voir la note 4 de la page 179; fen veut dire ici «division, partage ».
2 Tehang n’est pas le même mot que le tchang déjà rencontré, qui signifie «supérieur », où que tchang
qui signifie « mine ». Il veut dire ici «règlement », et hong, « bénéfice ». Pendant le premier mois de l’an-
née, tous les marchands chinois s’abordent avec cette locution à la bouche : Æ% nien souan hong tchang, «com-
bien de bénéfices cette année » ? car c’est à cette époque que tous les comptes se règlent. On voit par les détails
qui suivent que la propriété est investie en Chine des mêmes droits et entourée des mêmes garanties qu'en
Europe.
NOTIONS GÉNÉRALES. 189
On appelle Fey tong * les mines abandonnées et hors feu. On devra les désigner au
gouvernement, qui après examen fera placer à l'entrée une tablette constatant le fait. Si,
au bout de deux ou trois mois, personne n’est venu réclamer la propriété de la mine,
le premier venu aura le droit de reprendre le travail interrompu. Si la cessation des tra-
vaux a une cause légitime, on pourra accorder un délai d’un mois ou deux au proprié-
taire pour augmenter son capital.
Le procureur général de la mine, de qui dépend le Jang-teou lui-même, est désigné
sous le nom de 7che pin ou de Kouan-se. Après lui vient le Jang-teou, sous les ordres
duquel sont les Lin-pan, qui dirigent tous les ouvriers. Tel est l’ordre établi pour que
la confusion ne règne pas au milieu de cette multitude de travailleurs. Le caleul des
salaires s'appelle Aou kia; leur distribution se nomme 7che. Elle n’a lieu qu'à trois
0
époques de l’année, au Zouan ou?, au 7chong kieou * et au Tchong qien ‘. A ces mo-
ments, les ouvriers s’en vont et d’autres les remplacent. En dehors de ces époques, il serait
difficile d’enrôler de nouveaux travailleurs, si le besoin s’en faisait sentir.
On appelle Æo piao la charte qui autorise à allumer les feux et sans laquelle on ne
peut procéder à cette opération. Au moment où l'on retire le métal des fourneaux, les man-
darins doivent noter avee soin les quantités extraites. Dans les mines d'argent, ils doivent
même, pour plus de sécurité, faire saisir à ce moment l'argent dù au gouvernement. On
appelle la redevance en métal pur Chou ko. La redevance en minerai s'appelle 7cha tchong.
Dans les mines d'argent, il faut inscrire heure par heure la production en métal, de ma-
nière à connaitre toujours d’une façon certaine, à un moment quelconque, la perception à
opérer. Dans les mines de cuivre, le métal extrait doit être immédiatement vendu. Si les
propriétaires de la mine se refusent à opérer celte vente au prix ordinaire, ils doivent au
gouvernement un impôt supplémentaire appelé F eul {sien ÿ, qui est la dixième ou la
neuvième partie de l'impôt habituel.
Quand deux mines voisines convergent l’une vers l’autre, elles sont dites Za tin tse, et
il faut les limiter par des poteaux ou par des pierres. La dernière venue doit toujours céder
la place à l’autre. Si l’une en ereusant en ligne droite, l’autre en creusant latéralement
atteignent le même point de la montagne, on placera un poteau et on établira une servitude
de passage soit par le pied, soit par le sommet de la montagne. Pour tous ces cas litigieux, il
conviendra d'envoyer des inspecteurs qui décideront suivant les règles de la justice et pré-
viendront tout tumulte. Si deux mines se rencontrent en un lieu où se trouve la grande
L Fey signifie « hors d'usage ».
? Solennité du cinquième jour du cinquième mois, appelée aussi Fête du Dragon, instituée en l'honneur
de Kiei-tse-toue ou Kiue-yen, ministre célèbre qui, désespéré d’avoir été calomnié auprès de son maître,
le roi de Tsou, se jeta dans les eaux du fleuve Bleu sous le règne du dernier empereur des Tcheou
(290 av. J.-C.). Le peuple, qui le chérissait pour ses vertus, voulut perpétuer son souvenir en venant chaque
année faire des offrandes sur le fleuve. C’est là une des fêtes navales les plus pittoresques et les plus animées
de la Chine.
3 Fête du quinzième jour du huitième mois en l'honneur du commerce et de l’agriculture.
Fête nationale du jour de l'an.
Littéralement «un second tsien. » Le tsien est, comme nous l’avons déjà dit, la dixième partie du tael.
>
ce
190 .TIEN NAN KOUANG TCHANG.
agglomération de minerai que l’on nomme Yang kouang « grande maison de minerai»,
on la partage également entre elles, en laissant au milieu une ligne de séparation d’un tche
de large.
S 12 .— Des défenses.
Toute richesse dont l'accès est permis à tous suscite toujours de nombreux différends
au milieu d’une foule de plusieurs milliers d'hommes. Il est done nécessaire d'établir
et de faire strictement observer, sous peine de certains châtiments, les prohibitions indis-
pensables au bon ordre.
Quand les ouvriers de deux mines se disputent le même bloc de minerai, il y a /sen
tsien to ti. Il faut dans ce cas veiller à ce qu'aucun ouvrier n'apporte avec lui un fer ou
un glaive, où ne se fabrique un instrument ferré avee lequel 1l puisse blesser. IT faut
empêcher aussi la formation de ligues défensives, qui s'organisent parfois sous une ap-
parencee de fraternité par la cérémonie des Aiang *. Un écrivai nnommé Gien s’est exprimé
en ces termes sur ces associations : « [l est rare qu'il n’y ait pas dans une mine une con-
juration de cette nature. Les mines sont souvent ainsi le lieu de refuge de malfaiteurs qui,
sous prétexte d'amitié, se sont déjà liés ensemble, et sont obligés de se cacher à cause de
leurs crimes. » C’est là ce qu'il faut défendre dès le début avec le plus grand soin, si l'on
veut éviter de grands malheurs.
S 13. — Des malheurs.
Les incommodités et les maux se trouvent toujours à côté des avantages et des ri-
chesses. En recherchant ce que la nature a caché dans les entrailles de la terre, les
hommes ne vont-ils pas en effet contre une sorte de défense”? Aussi en résulte-t1l souvent
pour eux des déceptions, par exemple, quand les eaux recouvrent l’objet de leurs recher-
ches ; il faut alors d'énormes dépenses pour arriver à le retirer. Quand on ne peut réussir
à introduire et à renouveler l'air dans l’intérieur des mines, les ouvriers courent le
risque d’être suffoqués; et qui peut imaginer une calamité plus effroyable que celle qui
arrive quand, en raison du long temps écoulé depuis l'ouverture de la mine, les galeries
s’affaissent et s’écroulent ?
La nature des métaux est certainement double, ou YA iang?. Quand le métal peut
s’extraire facilement du minerai, il est appelé Chou ti : quand au contraire, en raison de
sa nature, on ne peut réussir à réunir en un tout ses diverses parcelles, elles sont dites
Eul kouang. Une longue expérience des mines peut seule apprendre à distinguer ces deux
espèces.
On appelle Men-leang les mines récemment ouvertes qui n’ont qu'une seule entrée
1 Sortes de baguettes faites avec la poudre de plantes odoriférantes, et que l’on brûle dans les temples.
2 Yn iang est une locution chinoise (rès-usitée qui exprime la lutte de deux idées ou de deux principes
opposés, tels que mâle et femelle, soleil et lune, rond et carré, ete.
NOTIONS GÉNÉRALES. 191
nommée /u0 lou, « route souterraine ». La ventilation intérieure en est difficile et les lampes
ne peuvent y brüler qu'avec peine. Il faudra se hâter d'ouvrir de nouvelles galeries qui re-
joignent la voie Iuo-lou. Le carrefour de jonction senomme Yong fongq, et c’est là qu'on doit
disposer un ventilateur. Si la voie Iuo-lou est très-profonde, ce qui arrive après une longue
exploitation, la chaleur et l'humidité v deviendront presque intolérables après quelques
jours chauds ou pluvieux. Cet inconvénient est à peu près impossible à éviter; aussi faut-il
se fixer chaque année une période d'exploitation, que l’on ne devra pas dépasser.
La nature des eaux des mines est également double. On appelle /ang chouy celle qui
provient des ruisseaux voisins et pénètre dans la mine par l'extérieur ; Ya chouy, celle
qui à au contraire sa source à l'intérieur. On prétend que les minerais du milieu des-
quels sourd l’eau sont de qualité meilleure. Quand Feau est en petite quantité, on la
reçoit dans des outres ; sielle vient trop abondamment, on l’épuise à l’aide de tubes dis-
posés comme il a été dit précédemment. L'augmentation du nombre d'ouvriers que rend
nécessaire ce travail d'épuisement, absorbe parfois tout le bénéfice de l'opération et en-
lame même le capital de la mine. Aussi faut-il beaucoup d’habileté dans le choix des
lieux et la disposition des tubes pour diminuer le plus possible la dépense.
Si des règlements n'étaient établis dès l'origine, on voit combien de malheurs pourraient
provenir de la précipitation avec laquelle chacun se précipiterait pour enlever le minerai,
une fois la galerie ouverte, surtout si elle est étroite. Le danger est moindre quand le
chemin de la mine est dur et pierreux.
S 1%. — De l'emploi de certaines locutions.
On croit que l'emploi de certains mots dans les mines peut attirer des malheurs, et
qu'il convient par suite de les remplacer par d’autres expressions. Nous allons les indi-
quer.
Il ne faut pas se servir du mot /ong, «fermer», mais bien le remplacer par /ong,
« abondance ». Au lieu de ex, nom vulgaire des lampes, il faut employer l'expression
liang tse ”, et désigner la mèche par les mots ang houa?, au lieu de l'expression ordi-
naire de yeou gien *.
Le mot che, «pierre », doit être remplacé par Ata *, de peur qu’on n’entende, à cause
de la ressemblance de son, le mot che, « perdre ». De même fou, «terre », doit être dit
houang, pour qu'on ne puisse confondre avee tou, «vomir » *
Mong, « sommeil», doit être dit Aowen, parce qu'il rappelle l’idée de vision vaine. De
même ceux dont le nom de famille est Hong doivent être appelés Houen.
=
-Q Fils de la lumière ». T'en est rejeté parce qu'il signifie aussi « monter avec peine ».
? «Fleur de la lumière ».
3 Parce qu’elle contient le sens de «fil, lien, attache », ce qui est d’un mauvais présage.
«Pierre dure ».
Houang veut dire « herbe, ce qui pousse sur la terre ».
5 Caractère différent de mong, « sommeil ». Æouen, qui est le mot que l’on substitue à mong, veut dire
«troublé, obscur ».
=
ce
192 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
Hao, « manière, mode », doit être remplacé par {che, pour que l’on ne puisse com-
prendre Lao, «rat».
S15. — Des transmutations de substance.
Ce serait un grand avantage si quelqu'un parvenait à trouver la pluie qui se convertit
en or. On rapporte que parfois l'argent trouvé dans les mines s’est envolé, qu'il s’est
changé en une autre substance, et beaucoup d’autres faits analogues. Sous le roi Lieou du
royaume Tan !, fous les fourneaux d'argent de la partie médiane du Sud de la province
furent convertis en cuivre. On dit aussi que l’on peut prédire, d’après les éléphants, les évé-
nements heureux ou malheureux de l'empire. L'air du mont Lin aurait la propriété de pou-
voir être converti à l’aide du feu en or et en argent. Sur cette même montagne, on rapporte
qu'un cadavre enseveli a ressuscité, et que dans la mine qu'elle contient, les os des
morts reviennent à la vie. Quelques-uns prétendent qu'il y a une espèce d’air qui, comme
les perles, a la propriété de conserver ce qu'il entoure, et qui peut préserver les corps
de la corruption. Les âmes à qui ils ont appartenu ne transmigrent pas et restent
errantes.
Nous aurons à citer encore quelques exemples de ces transmutations de substance.
On dit que les montagnes résonnent parfois. Quand le bruit est entendu à l'intérieur
de la montagne, il ressemble au bourdonnement du tonnerre; quand on l’entend du
dehors, au bourdonnement d’un essaim d’abeilles. On ajoute que quand ce bruit paraît
venir de l’intérieur de la montagne, il présage un malheur; si au contraire il vient du
dehors, 1l est d’un heureux augure.
Dans les nuits profondes, à la clarté de la lune, on voit quelquefois les métaux répandre
de vives clartés et projeter des rayons qui sont tantôt réunis en faisceau, tantôt disséminés,
tantôt dirigés en sens contraire. Dans ce cas, il est hors de doute que l’on trouvera des
métaux enfouis dans la montagne qui répond à cette lueur, et, si un fleuve est interposé,
il faudra le traverser pour les rencontrer.
L'écrivain Kien Ki-tse rapporte que des ouvriers, morts dans des mines et enterrés
au milieu des galeries, ont été retrouvés après de longues années desséchés et sans la
moindre corruption. Quelques-uns même étaient assez vivants pour pouvoir fumer le
tabac qui leur était offert par les passants, mais aucun ne pouvait parler.
S 16. — Des sacrifices.
Si les peuples veulent obtenir la richesse, ils doivent offrir des sacrifices. Les dieux
protégent ceux qui vivent du travail des mines et qui les honorent. On a coutume de
sacrifier au printemps et à l'automne. Mais ce n’est pas tant l'hommage des biens de
la terre qui plait aux dieux, que la piété et la vraie religion des hommes.
! Ce roi estle fameux Lieou-pang, fondateur de la dynastie des Han, qui établit sa cour à Si-ngan fou, capi-
tale du Chen-si, et régna sous le nom d’Han Kao-tsou, de 203 à 194 av. J.-C.
NOTIONS GÉNÉRALES. 193
On honore en général la montagne comme le dieu même des métaux ; on y construit
un autel, au second et au huitième mois de chaque année, et les chefs et les procureurs
tant de la mine que des fourneaux viennent v exprimer leur reconnaissance pour les
biens reçus.
Sur le mont Si-you
, 11 y à également un temple affecté au même usage.
La divinité appelée Kin-ho-giang-giang ? à un temple consacré à l'or et au feu, et
l’on y fait des sacrifices aux mêmes époques.
On fait aussi, le 2 et le 16 de chaque mois *, trois sortes de sacrifices à Tsay-chen ‘, le
génie des richesses, à savoir : des cochons, des bœufs et des moutons. Après l’of-
frande, le personnel de la mine se réunit pour manger l’holocauste. C’est pourquoi ce
enre de sacrifice est appelé Ya /sy ou « sacrifice des dents ».
La société chargée des superstitions et des sacrifices s'appelle Tchong iuen hour.
IL y a enfin une autre catégorie de temples appelés Hour kouan ”, où se réunissent
les hommes de chaque province pour faire leurs dévotions particulières. Autant il y aura
de provinces différentes représentées dans la mine, autant s’élèveront de temples de
celle espèce.
1 Cette montagne, une des plus élevées de la Chine, aurait, d’après la Géographie impériale, plus de 4
lieues de hauteur; il ne s’agit bien entendu ici que de la distance non verticale que l’on parcourt pour par-
venir de la base au sommet. Le mont Si-you ou You de l’Ouest est situé dans le Chen-si à une lieue au Sud
de Houa-in hien et s'appelle aussi Houa Chan. C'était un des quatre You ou montagnes sacrées sur lesquelles
les empereurs des deux premières dynasties devaient venir sacrifier au commencement de chaque saison. Le
You du Nord était le mont Tchang dans le Chan-si; celui de l'Est, le mont Tay dans le Chan-tong; celui du
Sud, le mont Heng dans le Hou nan. La troisième dynastie, celle des Tcheou, ajouta un cinquième You, celui
du milieu. C’élait le mont Soung dans le Hou-pe.
2 «Déesse qui préside au feu de l'or. » Ce culte n’est connu que dans les mines.
3 C'est-à-dire à la nouvelle et à la pleine lune. On sait que les Chinois comptent par mois lunaires.
* Cette divinité est très-honorée dans tout l'empire, surtout par les commercants. Les lettrés seuls dédai-
enent son culte.
5 oui «réunion », Aouan « temple ou collége ».
=
19
ot
IT
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT.
S 107, — Du traitement des minerais d'urgent.
La production en argent de la province du Yun-nan est la plus considérable de toute
la Chine. Le Tche-kiang et huit autres provinces possèdent, 1ilest vrai, des mines d’ar-
gent, mais elles ne fournissent pas, à elles toutes, la moitié de ce que produit le Yun-
nan. Aussi est-ce toujours vers cette province que se sont portés tous les efforts des
mineurs, etils ne sont jamais parvenus à épuiser ses richesses. Les départements de Tsou-
hiong, de Yun-tchang, de Ta-ly ', abondent en mines d'argent; après eux viennent les
districts de Yao-ngan, et Tchen-yuen ?.
Quand se trouve dans une montagne le minerai Kouang cha, il est hors de doute que
Von rencontrera à sa surface l'espèce de pierre que l’on appelle Lour. Ces pierres ontune
couleur cendrée, désignée sous le nom de Lo see, et indiquent la direction et l'étendue du
gisement, de telle sorte qu’en creusant dix ou vingt £chang * on est sur de le rencontrer.
Celui qui trouve le signe indicateur de l'argent, in-miao ‘, trouve aussi le lieu
du minerai d'argent dit Zsiao cha. Si le minerai est enfoui profondément, les
mineurs n'auront pour y arriver qu'à suivre les traces de l’in-miao, qui sont de
forme ronde et indiquent pour ainsi dire les nerfs de la terre. Pour éviter la ruine de la
1 Fou ou « Préfectures » du Yun-nan. Voir la carte générale de l’Indo-Chine, atlas, {'partie, pl. II.
? Ces deux dernières villes sont des écheou, c’est-à-dire des villes de deuxième ordre. La première ne porte
plus que le nom de Yao tcheou.
3 Voir la note 5 de la page 176.
4 On se rappelle que miao veut dire «plante » et in « conduire, diriger ».
951
Len
196 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
mine, il faut soutenir les terres au fur et à mesure des travaux à l’aide de cadres en
bois. Quand l’in-miao est d’une couleur jaune, ou lorsque les fentes des rochers ou des
cavernes de la montagne affectent la forme que l’on désigne sous le nom de #4 out
se, c'est-à-dire « linéaments'en forme de queue de cheval», il faut en conclure que le
gisement est proche.
Le minerai qui devient de l'argent par le traitement du feu s'appelle 7siao; on ajoute
le mot cha « sable », par ce qu'il est en très-petits fragments. Il revêt diverses apparences
qui servent à en reconnaitre la qualité. Quand il présente à la surface comme la figure de
rameaux, il est appelé Kouang: s'il est enveloppé d’une gangue pierreuse, c’est alors le
Kouang * d'où provient la pierre précieuse appelée Yu *. C'est une pierre très-dure,
dont la masse atleint parfois la dimension de la mesure appelée tou? ; quand elle n’est
pas plus grande que la main, son utilité est assez faible. On trouve parfois aussi un
minerai d'argent qui à la couleur du charbon et que lon appelle aujourd'hui #0 iuo sou,
«noir poudre à canon ». Une autre espèce de pierre, dite autrefois 77 {sin et aujourd'hui
Pong tse*, est d’une couleur presque noire et d’une qualité admirable. Le prix en est va-
riable. Quand, dans les fouilles d’une mine, on rencontre de ces pierres, on ne doit pas
continuer sans prévenir le magistrat du lieu, qui, après examen, fixe le droit à payer au
gouvernement. Ce droitfixé, on mesure les pierres à l'aide d’un teou. Selon leur abon-
dance et leur qualité, il pourra y avoir par teou de un à sept taels à payer à FÉtat. Ces
pierres ont quelquefois un éelat extraordinaire qui les rend très-précieuses, et on les
appelle dans ce cas Ming kouang. Cependant, quoique plus fines et plus belles que la
malière appelée Tsiao-cha, elles ont une valeur moindre, parce qu'elles ne contiennent
qu'une infime quantité d'argent.
Avant d'introduire le minerai Tsiao-cha dans le foyer, il faut nettoyer celui-ci avec
soin. Sur tout son pourtour règne un mur d'argile de einq tehe de hauteur; au fond, on
place du charbon et des cendres. Chaque fourneau doit recevoir, pour deux tan de mi-
nerai, deux cents livres de charbon de bois de poirier. On aura eu soin de construire un
mur en briques de dix tche et plus d’élévation, derrière lequel on dispose le soufflet que
deux ou trois hommes doivent faire mouvoir. Ce mur sert à garantir les ouvriers de la
chaleur et de la fumée. On alimente le fover de charbon à l’aide d’un instrument en
fer, approprié à cet usage. L’argentet le plomb se liquéfient en une seule masse et for-
ment un poids égal à la moitié du minerai introduit. On porte cette masse refroidie
au foyer appelé Kin lou, pour achever de la purifier. Il y a aussi l’espèce de foyer
nommé Hia-ma lou, où l’on n'emploie que le charbon de bois de pin, ce qui permet de
1 Caractère différent du précédent quoique ayant lamême signification, « métal, minerai » ; ilest employé
souvent par extension pour désigner toutes les matières ou pierres précieuses.
? Jade. C’est une des substances les plus appréciées des Chinois, mais qui est loin d’avoir en Europe la va-
leur qu’on lui attribue en Chine. Les Chinois lui supposent des propriétés merveilleuses. D'après eux, quand
un morceau de jade a été porté exclusivement par des hommes pendant un siècle et demi, il devient lu-
mineux et préserve les corps de la corruption.
3 Le dixième du tan. Voir la note 4 de la page 179.
4 Ilest inutile de chercher à donner des identifications précises de ces diverses roches sur les indications
plus que vagues de l’auteur chinois.
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 41917
mieux régler la chaleur. Dans cette nouvelle opération le plomb se sépare de la masse
métallique et descend au fond du foyer. On l’en retire pour le purifier de nouveau.
Pour cette troisième cuisson, il faut employer de préférence du bois de saule, qui a la
propriété de donner au plomb une nouvelle nature dite pao gr, véritablement ad-
mirable.
L'argent extrait ainsi du minerai est appelé argent eru ou « pur » de ce que, fondu en
petits eulots appelés #n, on ne voit à leur surface aucune de ces lignes que l’on appelle Se
ouen. On soumet ces culots à une nouvelle épuration, et ils se couvrent de petites étoiles
rondes que les habitants de la province de Tien appellent 7cha kin ti: on ajoute alors du
cuivre et du plomb en quantités égales ‘. Cet alliage est fondu une dernière fois et versé
dans un creuset où se produisent les lignes appelées Se, et, sur quatre points de la masse,
les signes appelés pao ki, qui permettent d’en déterminer la valeur.
Le procédé d’affinage employé à Tsou-hiong diffère un peu du précédent, parce que le:
minerai d'argent de cette localité contient une très-grande quantité de plomb; c’est
pourquoi il est désigné sous le nom de Kien kouang. Il donne également moitié de son
poids en métaux purs. Voici la méthode employée aujourd’hui. Après nne première
fusion, on remet la masse métallique obtenue dans le foyer Hia-ma, afin que le plomb
se sépare de l'argent et descende au fond du fourneau. Cette méthode est presque sem-
blable à celle indiquée précédemment, et plus commune. On trouve encore d’autres mé-
thodes d’affinage dans le livre Pen tsao *, mais ce ne sont que les vaines spéculations
de cerveaux « malades », et elles ne reposent sur rien de sérieux.
L'expérience a appris que là où il y avait de l'or, il ne pouvait y avoir de l'argent
dans un rayon de trois cents 4 *, et réciproquement. Qui saura jamais quel a pu être le
motif du créateur de l’argent et de l'or, en les séparant ainsi? II y a cependant des gens
pauvres qui lavent les sables des rivières et trouvent parfois ainsi de minimes parcelles
d’or ou d'argent. Cette opération, qui s'appelait autrefois {ao Li, porte aujourd’hui le nom
de /ao houang. Les gens qui se livrent à cette besogne gagnent par jour trois fen ; avec
beaucoup de travail, ils peuvent même gagner le double, ce qui leur suffit pour vivre.
Quelquefois l'argent est mêlé à du cuivre rouge et à du plomb. On le fait fondre alors,
en y ajoutant du sable, dans un vase en terre ; le cuivre et le plomb adhèrent au fond
du vase : on les appelle yx hieou « écume d'argent » ; ce qui tombe dans les cendres,
quand on forge la masse métallique, est appelé lou # «fond du feu ». Si ces deux ma-
tières sont introduites ensuite dans le foyer dit Kin lou, ce qui est plomb se liquéfiera
! Les culots dont il est parlé ici sont ceux qui sont employés couramment dans les transactions commer-
ciales. Les Chinois ont une habileté merveilleuse pour en reconnaître le titre. Les traits ou les lignes qu'ils
appellent Se-ouen leur indiquent une mauvaise qualité ; les étoiles Teha-kin-li, qui ne sont autres que de petits
trous qui criblent la surface du lingot, sont au contraire un signe de pureté. La proportion de cuivre et de
plomb que l’on ajoute en dernier ressort à l’argent complétement purifié est en général de 2 ou 3 pour 100.
On obtient ainsi l’argent dit de première qualité qui est le seul en faveur dans le commerce.
? Pen tsao cang mou, ouvrage célèbre sur les plantes et leurs usages, que l’on fait remonter à la dynastie
Chang,c’est-à-dire à plus de douze siècles avant notre ère.
5 Mesure itinéraire chinoise, assez variable selon les lieux et les temps, mais dont la valeur ici est d'environ
400 mètres.
198 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
d'abord, et l’on séparera le cuivre de l'argent à l’aide d’une barre en fer *. C’est ainsi
que l’on fera la distinction entre l'ouvrage de l'homme et celui de Dieu.
Nous allons citer «en terminant ce chapitre » ce qu'a dit l'écrivain Fou Lang-kiong *
sur la minéralogie, sur les moyens de fondre les métaux et de les convertir en or :
Tay Che-kong a dit qu'il y avait dans le cœur de tous les hommes comme une aspi-
ration générale vers la passion de l'or et de l'argent, désir si violent qu’il pousse au vol
les gens pauvres. Le genre humain entier sue pour gagner de lor. C’est ce que l’on
voit surtout dans les mines. Parmi celles-ci, il v en à de considérables et de moindre
importance. Les premières emploient dix mille hommes et au-dessus, les secondes
quelques milliers d'hommes seulement. La soif de l'or seule peut produire l'union de
tant d'hommes de mœurs et d'origines diverses. Quand, après s'être ainsi réunis, ils se
séparent, c’est pour se disperser aux quatre coins des mers. C’est done avec justesse que
lang Tse-iun a fait remarquer que, si la plus grande équité était nécessaire dans les mar-
chés, à plus forte raison devait-elle régner dans les mines, situées en général dans les
montagnes et loin des cités. Dans les mines de la province de Tien, il y a de grandes
quantités d'argent et de cuivre, et je vais exposer les méthodes usitées pour leur extrac-
üon. Il y a aussi de grandes quantités de la pierre précieuse Yu, et de celle nommée
Pou tchou *.
Les directeurs principaux d’une exploitation sont les Kouan-se: les actionnaires
et ceux qui fournissent les fonds nécessaires se nomment Wo kong: enfin les ouvriers
se nomment frères ou Siao Lo, c'est-à-dire « petits associés ». Les montagues choisies
pour le lieu d’une mine reçoivent le nom de 74 tsao tse ou de Tao tong, et les
travaux d'extraction sont à peu près les mêmes que ceux d’une exploitation de charbon.
Les orifices de la mine, que l’on nomme Tsao ou Tong, sont de la dimension strictement
nécessaire pour livrer passage aux travailleurs. Elles sont consolidées à l’aide de colonnes
en bois nommées Aïa jang, ayant deux tche d’écartement. Bref, toutes les dispositions
sont prises pour que les ouvriers puissent vaquer avec sécurité à leur besogne, de nuit
comme de jour, sous la direction du 7ao teou, chef qui est chargé de l'éclairage, pour
qu'ils soient approvisionnés de vivres et de combustibles, pour que la ventilation
et l'épuisement des eaux à l’intérieur de la mine puissent s'effectuer facilement.
Quand l’eau est trop abondante, on emploie pour l’épuiser la machine appelée 2che
‘Il est intéressant de rapprocher de cette traduction, le passage suivant du Zen kong kay we, traduit par
E. Biot, et inséré dans le cahier de la Société asiatique d'août 1835 : « Pour retirer l'argent des ustensiles
« où il se trouve combiné avec le cuivre rouge et le plomb, on le met dans un vase en terre avec un peu de
« nitre. On le fond, le cuivre et le plomb se séparent de l’argent et coulent au fond du vase. On reprend l’ar-
« gent ainsi à demi purifié avec les parties de cuivre et de plomb qui semblent en contenir encore, et on les
« meêt dans le milieu d’un creuset en terre dans le fourneau à séparer les métaux. Le plomb paraît le premier ;
bientôt il s'écoule et le cuivre reste collé, comme enveloppe du résidu d’argent. On comprime cette masse
avec des tiges de fer, et l’argent se répand et se sépare. »
? Ce récit n’est qu’une répétition assez fastidieuse de ce qui a déjà été exposé dans la première partie.
Comme çà et là il y a cependant quelques détails nouveaux, je le conserve en l’abrégeant un peu.
3 L'ambre.
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 199
long ou la long; celui qui en est chargé est dans la boue des pieds jusqu'à la tête...
Deux hommes ne sauraient marcher côte à côte dans les galeries, tellement elles sont
étroites et pleines de pierres et de boue. Il n’en est pas ainsi dans les mines des royaumes
de Thsin et de Tsin ‘, qui sont si grandes et si spacieuses que l’on pourrait v construire
une maison à l’intérieur, n'étaient les ténèbres qui les font appeler : région infernale.
La présence du minerai est indiquée par le signe 2x hien « fil qui conduit » ou
Kouang miao, où encore Xouang tse. Ceux qui, par une longue expérience des mines,
ont appris à le reconnaitre, savent, en creusant soit en ligne droite, soit en ligne oblique,
en allant du haut en bas, ou du bas en haut, parvenir au gisement de ces pierres. Quand
on procède à ce travail, pour un homme qui enlève la terre, 1l en faut plusieurs qui
entament le rocher. Celui qui se sert du marteau s'appelle Tchoui-cheou, et celui qui
tient le coin Zchan cheou. Ceux qui enlèvent les déblais se nomment Pey houang
ou plus généralement Cha-tin. On trouve quelquefois dans les entrailles de la terre de
gros blocs appelés Zeou ta kouang tse, qui doivent être mis à part avec soin comme
contenant les matériaux les plus précieux...
Il est arrivé parfois que des hommes ont succombé faute d’air dans l’intérieur des
mines, mais que leur corps a été préservé de la corruption. Ils conservent même alors
une apparence de vie si frappante, qu'ils semblent encore demander à manger à ceux
qui après eux pénètrent dans la mine. On appelle ceux qui meurent de ce genre de
mort Aten kin tse, et on ne les retire pas des galeries. Mais on a coutume de continuer
d’une autre facon l’ouvrage commencé et de choisir une voie plus commode. C’est ce
que l’on désigne sous le nom de 7sen tse..…….
Quand le minerai est à la surface même du sol, on le recueille parcelle par parcelle,
ce qui se nomme Se ésien tse. Quand deux troupes d'ouvriers partis d’endroits différents
se rencontrent au même point en suivant les signes indicateurs du minerai, on appelle
un juge, le Kee-tchang, qui assigne à chacune d'elles la part qui lui revient et empêche
toute querelle d’avoir lieu. Ce partage se nomme Pin (sien tse.
On cherche souvent à s'emparer par fraude du minerai, en creusant des routes dé-
tournées pour aboutir au point de la mine où on sait qu'il abonde; cette fraude se nomme
Tchao tsien tsay ti tse py *..……
Quand on a obtenu le minerai, il faut l’affiner par le feu. Cette opération s'appelle Zsou
lou ho, ou autrement #a tsao tse. On désigne sous le nom de 7Sseou tchang « marcher aux
mines », la réunion d'hommes qu'attire l'exploitation d’une mine. Quand elle est considéra-
ble, le gouverneur de la province doit envoyer un mandarin qui aura pour mission spéciale
de l’administrer et de faire payer l'impôt au gouvernement. Ce chef suprème de la mine
nomme aux différents emplois ..…. Certaines peines, telles que les fers ou le bambou, sont
1 Le premier de ces royaumes était situé dans le Chen-si, et avait pour capitale Kouan-tchoung au
N.-E. des monts Ngiao-chou; c’est aujourd’hui la ville de Si-ngan fou; le second était situé dans le Chan-si.
Ils ont existé avec des fortunes politiques diverses du vrr° siècle av. J.-C. au 11° siècle après et ont fourni cha-
cun une dynastie à la Chine.
? Ce qui signifie : « action de déraciner la base par le sommet ».
200 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
appliquées aux délinquants. Il est aussi certaines expressions qu'il faut s’abstenir d’em-
ployer dans les mines ..…. On appelle pao ho, essayer de vaincre par le feu la dureté des
roches ; les petites parcelles de minerai se nomment Choua kouang tchang. Quand on ren-
contre une roche trop dure pour parvenir à la percer, on la tourne par une autre voie, ce
qui s'appelle Aouan. Tang où Ta tang* « grand étang » se dit d’une grande accumulation
de métaux et de pierres précieuses. Le mélange d’un amas de terre et de pierres se nomme
Song-houang, et est d’une exploitation facile ; mais il ne contient que fort peu de ma-
tières précieuses. Il faut bien prendre garde que les galeries ou les autres parties inté-
rieures de la mine ne soient lachées avec du sang de cheval, ces taches suffiraient
pour faire disparaitre tout le métal. Il faut éviter aussi de sceller la charte de la mine
du signe Fong *, cela ferait également disparaitre le trait indicateur. Quelquefois le
métal se transforme en une autre substance, et cela est arrivé pour d'énormes masses
de minerai déjà entassé et prèt à être jeté dans les fourneaux, qu'une seule goutte de
sang de cheval à converti en un informe tas de pierres. H faut empêcher encore qu'aucune
personne ayant sur elle des ornements en or, ou revêtue d’un grade ou d'une dignité
quelconque, ne pénètre dans les galeries et qu'on ne frappe du fam-lam devant li mine. Des
malheurs incaleulables pourraient être la suite de cette imprudence, car la divinité terrestre
Kin-tsien-la-ty, pendant un sacrifice adressé au dieu des métaux, a manifesté combien elle
craignait les dignités et leurs insignes. Quelle que soit la prospérité des mines, on ne
devra jamais employer que des lattes en bois pour les toits, et du bambou pour les mu-
railles des lieux d'habitation. À Fexception des vivres et des combustibles, tous les vête-
ments et tous les objets qui servent au travail de la mine doivent être imbibés du sang
des victimes, pour assurer le succès de l'entreprise. Cette pratique est aujourd'hui passée
dans les usages. Si la renommée de prospérité de la mine s’est étendue au loin, il n'y
aura pas à craindre pour son approvisionnement. Les marchands, les artisans, les bêtes
de somme, les ustensiles de toute sorte y afflueront des régions les plus éloignées. Les
théâtres, les jeux, les récréations de toute nature s’y trouveront comme dans une ville.
On raconte qu'il arriva une fois que les Kouan-se ou « procureurs » d'une mine, qui
s’adonnaient trop à la mollesse et aux plaisirs, manquèrent d'argent pour les besoins de l'ex-
ploitation. Désespérés et ne sachant comment faire pour pourvoir le lendemain aux achats
indispensables de riz, de sel, d'huile, de bois, ete., ils attendaient la mort au milieu
de cette urgente nécessité. Mais pendant la nuit les mineurs découvrirent un trésor de
- métaux. On annonce aussitôt cette nouvelle aux procureurs, et la renommée s’en répand
partout. De toutes parts les cadeaux d’hommages et de félicitations leur arrivent, des
soieries, des perles, des pierres précieuses. Il est difficile d'imaginer un changement
plus brusque et de se figurer la joie de ces officiers. L'esprit lui-même, quand il se dégage
des liens du corps, ne jouit pas d’une félicité plus grande que ne fut la leur à ce moment.
* Ce caractère, quoique différent de étang « grande maison », est pris dans un sens figuré à peu près iden-
tique. Je le distinguerai à l'avenir par un accent.
? Caractère qui signifie « fermer », comme on l’a déjà vu et que les mandarins appliquent sur les caisses,
livres, etc., que l’on doil laisser circuler sans les visiter ou les ouvrir.
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 201
Ceux qui gagnent leur fortune dans les mines sont dits Fa tsay", « heureux en riches-
ses ». Pour les uns, elle provient du travail même de la mine; pour d’autres, de celui des
fourneaux; pour d’autres encore, du commerce ou d’autres occupations. Mais on n'a
jamais oui dire que la fortune ait pu être amassée par le jeu, l’oisiveté et les plaisirs. Il ad-
vient parfois que tel qui s’est enrichi dans les mines est bientot réduit par ce genre
de vie au plus affreux dénüment el va périr misérablement sur les routes ou dans les
égouts.
Il faut conclure que la prospérité des mines dépend surtout de la vigilance des chefs
et du zèle des ouvriers. Les lieux où vivaient heureusement plusieurs milliers de familles,
sont redevenus déserts et le refuge des animaux sauvages, par la négligence de quel
ques-uns.
S 2. — De la facon de procéder aux fouilles dans les montagnes et du traitement des minerais de cuivre.
On appelle Aong tsay l'opération qui consiste à extraire le minerai, et Zsien lien celle
qui consiste à le traiter par le feu.
On est guidé dans le choix important du lieu où l’on pratiquera les fouilles par la cou-
leur des terres de la montagne qui est un indice précieux à consulter. Ainsi les montagnes
qui revêtent les nuances appelées Pise ou Leou tay ? contiennent certainement du
Kouang-cha, ou minerai de cuivre. La mesure de la profondeur verticale à laquelle on
creuse à l’aide du coin, soit en haut, soit en bas, s'appelle Hin-fsien, ce qui est aussi le
nom du coin lui-même. Tous les instruments de mineurs servant à creuser sont désignés
par l'appellation générale de Pong tsien. Les petites pierres d'une nature fragile sont
appelées Song kia, les dures, Gen kia ; les pierres debout formant murailles des deux côtés
sont dites Aang py. Les couches rocheuses, vers lesquelles conduit le trait indicateur et
au milieu desquelles se trouve le minerai, s'appellent Pong, «toit», dans leur partie supé-
rieure, T1, « base », dans leur partie inférieure, Chan dans leurs parties latérales. Quand on
aura bien pu déterminer toutes ces parties, l'exploitation sera sans aucun doute avantageuse.
Là où sont de grandes masses de métaux, la roche est dure et les cache comme dans ses
replis. C'est ce que l’on appelle £az men hia*. Cette première roche brisée, on en trouve
une plus dure encore, le Houang lou tche*, et d’une valeur plus grande ; en continuant
à pénétrer plus avant, et à force d’habileté ingénieuse, on rencontre une roche plus belle,
dite Yong houa. Ces deux dernières espèces de pierres, que le vulgaire appelle Zouang
nou hiang, annoncent toujours que les métaux sont proches. Si les indices apparais-
sent alors répandus de tous côtés, le minerai que l’on va trouver prend le nom de
Tang kouang, de ce qu'il sera très-abondant, et si ces indices sont non-seulement à la
superficie, mais encore profondément incrustés, le minerai sera appelé Täng kouang. Ces
! Encore un de ces nombreux saluts qui s'échangent en Chine et qui caractérisent bien ce peuple indus-
trieux et âpre au gain : Æong si fa tsay! «soyez joyeux et riches ».
? Gris foncé et jaune-gris. Il est très-difficile de donner des traductions exactes de toutes ces nuances.
* Littéralement « pierre gisant devant la porte ».
* Cette roche fournit une pierre verte qui sert à fabriquer une couleur propre à la peinture.
IT. 26
202 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
deux dénominations indiquent assez qu'un gisement de cette nature ne pourra être faci-
lement épuisé.
Si, au contraire, le minerai se trouve à la superficie de la montagne, le gisement sera
pauvre, et le minerai dans ce cas s'appelle Z$ao pi kouang, de ce qu'ilest comme les herbes
qui disparaissent une fois déracinées", L'espèce de minerai appelée A7 1sao « nid de la
poule », est également d’une extraction facile, mais d’une pauvre teneur en métal. L'espèce
nommée À? est épuisée après que l’on en a retiré quelques dizaines de mey?; aussi
n'est-ce qu'à contre-cœur que toutes ces espèces sont exploitées.
On trouve parfois une admirable espèce de minerai, analogue au A7 {Chao khouang* et
que l’on estsür de rencontrer à un point quelconque du gisement. En ereusant même à une
certaine profondeur, on arrive souvent à des masses métalliques énormes, appelées
Ta kouang, « grand minerai », et presque impossibles à épuiser. Cette espèce se nomme
Pay täng khouang, « élang spacieux de métal ». D'ailleurs, toute espèce de minerai qui
se trouve isolée et homogène doit être prise en considération et peut ètre bonne à exploi-
ter, surtout lorsque l’on n’apercevra rien autre de grande importance dans le voisinage.
Le minerai prend alors le nom de Æo ko kouang où Tou kouangq, c’est-à-dire « métal
unique ». Le métal unique que l’on trouve successivement en masses distinetes peut con-
duire aux plus grands trésors, et les mineurs persévérants sont rarement dans ce cas dé-
çus dans leurs recherches.
I serait trop long d’énumérer ici toutes les variétés et tous les noms des minerais et
des métaux: Il y a en effet encore le Aouang pan lou, le Teou tsin lou *. I y a un étain
qui à la couleur extérieure de la cire, mais dont la substance est blanche et qui porte des
linéaments d’une subtilité telle qu'ils ont l'apparence d’aiguilles. L’étain nommé Yeow a
la même couleur, mais a un certain éclat. L'étain dit 75e kin si est d’une couleur rouge.
I y a un élain extrémement noir, appelé Ho-iuo-sou ; une autre espèce s'appelle Song.
Il y a enfin les espèces 7chay kouang, Ya tse kouang, Yen-cha kouang. Celle-ci est d’une
couleur presque noire. Si elle a une nuance jaune ou verte, elle est d’une qualité inférieure:
si elle est tout à fait verte, elle vaut encore moins. Il est une autre espèce « d’étain » com-
plétement verte tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, d’une valeur presque nulle et qui ne
sert qu'à fabriquer des couleurs.
Nous arrivons maintenant au traitement des minerais : il faudra reconnaitre, avant de
ies porter aux fourneaux, à quelle espèce ils appartiennent, car chacune demande une
température différente.
Les fours employés « pour le traitement des minerais de cuivre » doivent être rectan-
gulaires, assez élevés, d’une construction solide, et aller en se rétrécissant vers le sommet.
L'élévation atteint quinze tche, la largeur neuf, la profondeur deux. Sur la face antérieure
est une ouverture pour introduction du combustible et du minerai. Au-dessous est l'ou-
! Littéralement « herbe-peau », pour indiquer que le gisement n’est que superficiel.
+ Le mey est une mesure usitée pour les minerais et qui vaut 60 livres de 24 onces.
% Aïtchao, «pieds de la poule ».
: Le premier, «d’une couleur verdâtre, analogue à la couleur des lentilles » ; le second, « d’une couleur
de graine de moutarde ».
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 203
verture appelée Porte d’or, qui sert à faire évacuer les résidus; derrière le four est
une bouche à laquelle vient s'adapter le soufflet. Il faut toujours une quantité de charbon
double de la quantité de minerai. Après une nuit entière de cuisson, on enlève les résidus
par la porte d’or; le cuivre par l'effet de son poids descend au fond du fourneau. On l'en
retire à l’aide des pinces, on le refroïdit avec de l’eau ou de l’eau de riz, et l'on obtient ainsi
des sortes de galettes d'une couleur rougeätre, appelées 7se pan. Tant que le cuivre reste
chaud, il est cassant, et sa cassure est d’une couleur verdâtre. Refroidi, il devient rouge
à l'intérieur et beaucoup plus difficile à casser. Si le euivre ainsi retiré contient encore
trop d’impuretés, on l'appelle Mao tong, « fil de cuivre », et on lui fait subir une seconde
cuisson, après laquelle on le retire à l’état de Ain tong ou «cuivre pur ».
Il arrive parfois que le minerai se prend en une seule masse dans le four, soit en raison
de sa nature, soit que le feu ait été mal dirigé.
Les fours, qui ont la forme nan cheou \, sont hauts de cinq à six tche; les plus petits
n'ont que deux tche; leurs parois extérieures sont faites de cendres et d'argile ; au som-
met est une ouverture pour la fumée.
Les foyers se divisent en deux classes : l’une est appelée Fsang kiun lou, Vautre
Cha mao lou? ; la première espèce est ronde à la partie inférieure, et pointue en haut ; la
seconde est ronde à la partie inférieure et carrée dans la partie supérieure. Les di-
mensions de ces deux espèces sont d’ailleurs les mêmes que celles des fovers dits
Ta lou. Il y a un autre genre de foyer dit Hey keou lou, qui est carré à la base
et arrondi au sommet; son élévation est de dix tche, sa largeur est la même que
celle du Ta lou. C'est dans ces foyers qu'est afliné le cuivre. Après avoir subi une pre-
mière cuisson dans les fours, une seconde dans les foyers, le minerai s’est bien transformé
en cuivre, mais il garde une couleur noire. Si alors on Fintroduit dans le foyer Hiey-
keou, il devient le cuivre appelé de ce nom. Le traitement par l’ancienne méthode, qui
consistait en un premier grillage dans un four, puis en une seconde cuisson dans un
loyer, et enfin une dernière dans un foyer plus petit, était plus difficile. On dépense
un millier et quelques centaines de livres de charbon pour obtenir cent livres de
cuivre.
Quelques métallurgistes affirment qu'on peut retirer de l'argent du euivre. il faut
pour cela que celui-ci soit d’une couleur noire comme le fer : il estalors appelé Min kouang.
Ilest soumis dans un four à un premier grillage, et on l'en retire à l’état de Pin-tong. Puis
on lui fait subir sept ou huit grillages successifs dans de plus petits fours. Il est introduit
ensuite dans le foyer appelé Touy lou dont la forme est semblable à celle du vase Pey *.
et où, à l’aide de plomb fondu, il devient du cuivre pur ; séparé du plomb, on le porte dans
le foyer appelé Zsao lou, où il est divisé en pains ayant la forme d’une tortue et la di-
mension d’un tche, et où il est soumis à un feu de flammes. Il passe alors dans le creuset
dit Tsiang-kiun tsao où il reste un jour. Au bout de ce temps, le cuivre se sépare de l'ar-
! On appelle ainsi en Chine un pain de forme semi-ovoide, fait avec du blé et cuit à la vapeur.
? Cha mao est le nom d’un chapeau de soie dont la forme rappelle celle du foyer en question.
% Vases en terre qui se trouvent dans toutes les habitations chinoises et qui servent à contenir des fleurs.
204 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
sent, qui coule au dehors par une ouverture appelée 7v0. Le euivre est remis ensuite
dans le foyer Touy jusqu'à ce qu'il devienne noir, et porté enfin au foyer Hiey-keou où
il se transforme en cuivre pur, et par une nouvelle addition de plomb revêt la nature de
l'argent". Pour obtenir par cette méthode de 5 à 600 livres de cuivre et une vingtaine
d’onces d'argent, il faut emplover 10,000 livres de minerai et 8 à 9,000 livres de charbon.
La qualité de l’eau dont on se sert dans le traitement des métaux n’est pas indiffé-
rente. Ainsi l’eau de source quivient des parties les plus élevées des montagnes vaut moins
pour le lavage des minerais qu'une eau moins froide. On prétend aussi qu’une eau lim-
pide donne au cuivre une moins belle couleur que l’eau qui a servi à laver le riz, qui lui
donne la seule bonne teinte rouge. Ce fait était devenu très-célèbre dans la mine appelée
Tang-tan ?.
Le feu des fourneaux doit être allumé avec du bois. On ajoute ensuite du charbon
pour le rendre durable. Quand l'élaboration du minerai est à moitié faite, il convient
d'employer des charbons de bois de pin ou d’essences analogues. On emploie quelquefois
aussi du charbon de bois de poirier, dont la chaleur, quoique suffisante, est plus douce.
Mais dans le foyer Hiey-keou *, le charbon de bois de pin doit être préféré à tous les
autres. Les hommes chargés de la conduite des feux s'appellent Lou fou: les marchands
qui se rendent dans les mines, Chang min *
ss...
S 3. — Des modes d'extraction et de traitement des minerais usités dans la province.
La terre est la mère de l'or, mais sans l'air qui l'entoure, elle ne pourrait en contenir.
La province de Tien recèle abondamment les cinq espèces de métaux; mais comment
parvint-on à l’origine à trouver les lieux qui les recèlent? Les mineurs apprirent, dit-on, à
les reconnaitre, à la nature et à la position des montagnes et à certains signes particu-
liers. Est-il pour cela une méthode d'investigation certaine ?
Un préfet de la ville d’Y-men 5 nommé Ou Ta-va répond à cette question que si la
nature ou l'esprit de l'or, de l'argent, du cuivre, du fer et de l’étain est en mouvement,
ces mélaux se dissipent et passent dans un autre lieu; si, au contraire, il est immobile,
les métaux se réunissent en une seule masse et s’emprisonnent dans une gangue terreuse.
Si le dragon, esprit des richesses, parait correspondre aux veines de la mine ‘, il
1 Quelque obscure que soit cette description, on peut y reconnaître cependant le procédé de la liquation
qui est pratiqué en Europe pour séparer le cuivre de l’argent. Pour que ce procédé soit avantageux, il faut que
le cuivre contienne 6 millièmes de son poids en argent. D’après les résultats qu'indique l’auteur, le cuivre argen-
üfère du Yun-nan n’en contiendrait que 2 millièmes, ou du moins la méthode indigène ne saurait en retirer
que 2 millièmes,
? Située dans le Yun-nan entre Tong-tchouen et Tchao-tong. On trouvera de plus amples détails sur cette
mine importante à la page 219.
* Gelui où le cuivre subit le dernier affinage.
Ici suit une nouvelle énumération des fonctionnaires de la mine.
lien ou ville de troisième ordre, située dans le département de Yun-nan fou.
Les Chinois s'imaginent que ce dragon se meut sous la terre, et que, comme la boussole qui indique
toujours le midi, sa présence indique aussi toujours un trésor.
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DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 205
faudra se réjouir, car il y aura les plus grandes chances de trouver les métaux. Après la
reconnaissance des lieux, il faudra apporter le plus grand soin à l'examen des signes in-
dicateurs, et recueillir auprès des habitants tous les renseignements possibles sur leur
apparition. Îls sont annoncés d'ordinaire par une sorte d’are lumineux semblable à
l'aurore et que l’on nomme aujourd'hui Aouang ho. Un auteur nommé Tou, de l’ordre
Kong pou ', à dit avec justesse : Celui qui ne se laissera pas trop aller au sommeil
pourra facilement voir ce phénomène, qui est comme le souffle de lor, de l'argent et
de toutes les choses précieuses, et qui indique leur présence dans le sein de la terre.
Un mandarin de l’ordre Tong tche *, chargé de la mine Te-chen, dans un rapport
adressé à ses supérieurs, dit qu'il est de la plus grande importance d’avoir choisi le lieu
d'extraction de telle sorte que les couches du sol paraissent couper l'intervalle qui sépare
deux montagnes et dominer le lieu d'écoulement des eaux; 1l faut également que la mon-
lagne qui est vis-à-vis de celle de la mine soit de la même hauteur.
L'étude du signe Miao-in aura dù révéler à l’origine à quelle espèce de minerai on a
affaire, soit le Tsao-pi kouang,
brille », ou le Tang kouang ou le Tang kouang. Les couleurs du minerai aideront à cette
ou le Ki-tchao kouang, ou le 7che kouang, « minerai qui
distinction, selon qu'elles seront vertes, vert foncé, de la nuance de l’étain, de la cire,
ou noires comme la poudre à canon. Les minerais de cuivre sont parfois argentifères,
et réciproquement. Le mode de lavage et de fusion des minerais sert à diagnostiquer
toutes ces particularités. Dans ce but, on les mélangera soit avec du Ti-mou, soit avec
du Zay che *. Cette étude permettra de déterminer quels seront les ustensiles néces-
saires, les modes de traitement à emplover, la valeur et le rendement probables de la
mine.
Le mandarin de la mine de Ta-pao *, nommé Ouen, du rang de che tcheou ÿ, s'exprime
ainsi : Là où se trouvent les éléments des métaux doit se rencontrer le signe Lou se miao
in, qui apparaitra entre les pierres de la montagne tantôt comme une traînée, tantôt
sous la forme d'un fil. I n'est pas facile de déterminer l’espace que cette trainée doit
occuper. Quand les habitants ou les marchands rencontrent ce signe vert, que par expé-
rience ils savent désigner un gisement métallique, ils rassemblent des ouvriers, en leur
promettant un salaire, pour commencer des fouilles. Il arrive parfois qu'après de longues
pluies, on aperçoit le « minerai» Kouang-cha à la surface du sol.
Les métaux sont comme les citrouilles qui ont des racines. Le minerai qui a de pro-
fondes racines est nommé pour cela Ta kouang. Si, à la superficie de la montagne, on
trouve le signe appelé Song kong lou”, en creusant à deux che de profondeur, on ren-
1 Officiers chargés de l’agriculture, des enterrements, de la construction des édifices, etc.
? Celui qui administre un tcheou, mais qui ne relève que du fao tai ou sous-gouverneur de la province
et non du fou ou préfet du département.
3 Littéralement «pierre singulière ».
# Située près de Ou-tin. Voyez la page 219, et la carte itinéraire n° 9, allas, [°° parte, pl. XII.
Administrateur d’un tcheou.
6 Littéralement « plante qui conduit à la couleur verte ».
T Pierre vert clair qui sert à fabriquer une couleur employée en peinture.
ce
206 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
contrera le minerai Tsao-pi. Îl arrive quelquefois qu'après avoir découvert le signe indica-
teur, on creuse au milieu des roches à plusieurs dizaines de tche de profondeur, et l’on
ne trouve que très-peu de minerai. Cette espèce se nomme Ou ken tche kouang *, ou vul-
gairement À? yuo, «le nid de la poule ».
Le métal pur n'est point appelé À?» kouang, mais Tehe kouang, l'expression
kin étant absolument interdite à cause de sa similitude avec x. «vide » ou « fin ». Quand
on rencontre une grande quantité de minerai, de la grosseur d’une maison, dans le même
endroit, on l'appelle Tang kouang ; quand le minerai est situé sous l’eau et qu'il faut épui-
ser celle-ci pour obtenir, il est dit Täng kouang.
Une autre espèce de minerai est appelée Song lou, « vert de pin», de ce qu'elle revêt la
couleur verte intérieurement et extérieurement. Si, plongée dans l'eau, cette couleur se pro-
nonce encore davantage, elle s'appelle Chen {sour. Cette espèce est de nulle valeur et ne sert
qu'à fabriquer de la couleur. L'espèce appelée S? /a est de la couleur de la cire que l'on
nomme Pe la?; concassée en menus morceaux, elle se divise en fragments aigus très-durs et
très-lourds. L'espèce Ho-iuo-sou, qui est entièrement noire, n’est au contraire ni dure ni
pesante; elle est fragile et d’une grande valeur. I y a un minerai qui contient de l'argent et
du cuivreen quantités égales, el qui s'appelle pour ce moûf Tong tche yn ou Yn tche
tong*. Ce minerai doit être débarrassé avec soin par le lavage de la terre et du sable
qu'il contient, afin qu'il ne reste que les parcelles métalliques, que retient leur poids et
que l’on porte ensuite aux fourneaux. |
La matière Ti-mou n’est autre que du plomb que l’on a coutume d'ajouter pour
extraire largent du euivre. La matière Tay-che est comme le sue des éléments que
l’on ajoute à ceux-ci lorsqu'ils sont trop desséchés pour faciliter leur fusion. Aujour-
d'hui, dans la mine déjà citée de Ta-pao, on frouve un minerai d’une couleur jaune
rougeatre *, qui contient un métal d’une nature double, et dont le prix, après ce mélange,
devient inestimable. Quand les minerais demandent un mélange de cette nature, il
faut se servir de terre, d'argile ou de pierre extraites de la même partie de la mon-
lagne que celle où se trouve la mine.
Ou Ta-va, l'auteur déjà cilé, a encore enseigné que lorsqu'on trouve au milieu des
roches une nuance verte ou violacée, elle indique la présence du «minerai» Ming kouang.
Si, en creusant à quelque profondeur, on rencontre le minerai en petite quantité, c’est celui
que nous avons nommé Tsao-pi kouang, et il faudra creuser de nouveau en plusieurs
autres endroits pour le retrouver. L'espèce désignée sous le nom de Ki-vuo kouang se ren-
contre à la surface, mais le gisement s’épuise en une demi-journée ou en un Jour au plus;
on le retrouve de nouveau un peu au delà, mais 1l est toujours aussi vite épuisé. Quelque-
1 Littéralement «minerai qui n’a pas de consistance ».
2 Cette cire, connue en Europe depuis longtemps, est produite en grande quantité dans le Se-tchouen, où
elle exsude d’un arbre particulier par la piqûre d’un insecte. Si je ne me trompe, M. Simon, aujourd'hui consul
de France en Chine, à rapporté dernièrement en Europe quelques arbres à Pe-la.
3 «Cuivre dont on extrait de l'argent », et réciproquement, « argent dont on extrait du cuivre ».
# Les expressions littérales rendant cette nuance sont fse si la, «rouge, étain, cire », et Aouang cha, « jaune
‘sable ».
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 207
fois on parvient ainsi aux grandes masses de minerai que l’on désigne sous le nom de
Pay-täng kouang.
Le lieu des fouilles se nomme Hin-tsien. Les trous laissés par les fouilles se nomment
Lao téng, «étang de limon et d’eau ».[Lest permis à tout le monde de recommencer à creuser
ces trous abandonnés; c’est ce que l’on appelle Zsin ésien, « repasser le coin ». Si ces
nouvelles recherches amènent la découverte d’un gisement métallique, 11y a des règlements
qui partagent les bénéfices des fouilles entre les propriétaires et les mineurs. Ces premiers
ont un ou deux dixièmes, suivant qu'il s’agit d’un minerai de cuivre ou d’un minerai
d'argent. 2
La meilleure qualité de minerai est le Tehe kouang. Elle se distingue par diverses
nuances.
Quand une mine est ouverte depuis longtemps, il arrive que l’on y rencontre des
murs ; si les ouvriers poursuivant leur route pénètrent au delà, ils trouvent parfois d’énor-
mes amas de minerais, dont le sommet est en forme de toit, et dont la base est plane, et
oceupe l’espace de trois ou de cinq maisons : ce que l’on appelle Tang kouang. Lorsque
dans une galerie ouverte de cette manière, les parois latérales sont très-difficiles à
attaquer alors que le centre cède facilement, que les veines métalliques convergent
vers le même point, et que le minerai affecte comme la forme d’un étang, étroit
au sommet et s'élargissant par le bas, on a trouvé le Tang kouang. Il ne diffère pas
beaucoup du minerai précédent quant à l'abondance ; il ne s’en distingue que par la
forme et les couleurs. Il revêt en effet les nuances appelées Le lou et me lou, « noir-vertet
encre-vert » ; quelquefois il est tout à fait noir, quelquefois aussi il a les teintes désignées
par les noms de teou-tsin-lou, « vert-lentille », £chouan houa lou, « vert végétal », ta ya
tse, « sorte de gris ». Les couleurs me-lou et teou-tsin-lou doivent être préférées aux autres.
Quelquefois dans les gisements de Ya-tse kouang, on trouve des masses de minerai
qui affectent la structure d’une muraille. Si on les brise, on trouve les nuances Si-la,
pe si la, «mème nuance plus claire », yeou si la, «même nuance avec une transparence
huileuse », ou {se kin si la, «teinte violacée », qui indiquent d'excellentes qualités. Le mi-
nerai qui revêt la nuance ho-iuo-sou, est en petits fragments.
Si les minerais désignés sous le nom de Ta-houa-ming kouang revétent des couleurs
vertes, ou vert tirant sur le noir, on devra en conelure qu'ils contiennent de l'argent.
Comme le Ming kouang contient du plomb, il sera très-facile de vérifier la présence de
l’argent. Réciproquement, on peut extraire du euivre des minerais d'argent. Quand
ceux-e1 sont soumis au feu, le cuivre vient à la surface, et par l’adjonction de plomb dans
le foyer dit {che lou, il se sépare complétement de l'argent. En soumettant à une nouvelle
cuisson le plomb, on obtient l'argent pur. On voit par là comment, par un travail intelli-
gent, on parvient à séparer ce que la nature a réuni.
Voici quelle est la méthode générale pour le traitement des minerais. S'ils sont de
nature pierreuse, on les concasse en petits fragments; si au contraire leur nature est
argileuse, on leur fera subir un lavage pour les séparer de toutes les matières étrangères.
A un minerai d'argent on mélange du ti-mou; à un minerai de cuivre, du tav-che ; à un
208 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
minerai d’étain, du #cheou kouang'. Quant à l'or, un simple lavage suffit pour l'obtenir pur.
De tous les minerais « de cuivre », le plus riche est celui qui à la couleur teou-lou,
ou qui est mélangé au minerai de la teinte jaunâtre appelée houang pang lou. Si ces
minerais sont mêlés au minerai de la couleur {sa kin si la, « gris pailleté de points bril-
lants de mica », ils n'auront plus grande valeur. Le minerai Houang-pang-lou doit étré
mélangé avec le minerai dit échouan houa, et on doit y ajouter du tay-che.
Tchao Hin-tsong, directeur de la mine de Hiang-chou-po, près de Nan-ngan tcheou *,
mandarin de l’ordre {cheou pan, s'exprime ainsi sur les métaux : Les éléments métalli-
ques prennent naissance dans les entrailles des montagnes comme dans le ventre « d’une
mère», mais ils ont besoin d’un toit et de murailles pour conserver-le même gite pen-
dant longtemps"... Si la masse métallique est ainsi enveloppée de murs de tous côtés,
et qu’elle soit grande et large, elle s'appelle tang, «grande maison » ; si sa dimension laté-
rale est la plus grande, elle prend le nom de #1en, « porte » ; si au contraire le mi-
nerai est disséminé un peu partout, on le désigne sous le nom de Ki-tchao. Si, après
avoir creusé une montagne à une profondeur de vingt ou de trente tche, on rencontre
les pierres dites /ou mo, le sable appelé A? cha, et l'argile appelée #eou hoa gi *, on devra
les considérer comme le trait indicateur miao-in. Si l’on rencontre le minerai avant d’avoir
percé des roches dures, il prend le nom de tsao-pi, et 1l ne tarde pas à être épuisé.
Pour trouver un gisement réellement abondant, il faut creuser pendant des dizaines ou
même des milliers de iche, au travers des roches les plus dures et à l’aide des coms
les plus puissants. Ce travail se nomme po ia. Quand on approche des murailles qui
enelosent le minerai, il faut redoubler de persévérance. A ce moment, si l'on rencontre
des pierres, les plus précieuses comme indices seront celles qui revêtent la nuance appe-
lée Aouang lou tche lan, « jaune, vert, couleur de terre, couleur de cire» ; si l'on rencontre
de l'argile, la couleur la plus heureuse est celle que l'on nomme yong si, « couleur de
terre rougeûtre ». Ces indices s'appellent en général Houang-mou-hiang (voy. page 201).
Quand leur présence est constatée, si l’on trouve le toit et la base du gisement, le
minerai n'est plus éloigné. Par l’étude des indices, il ne sera pas difficile de juger de
la durée de l'exploitation.
Dans la mine Hiang-chou-po, existent les minerais /se kin hong lou, « violet, or,
rouge, vert, » et s2 la chen lou, «étain, cire, masculin vert », qui, concassés, sont fondus
ensuite par une méthode certaine. Les minerais qui ne contiennent ni sable, ni pierres,
sont reconnus à ce signe être du Tche kouang. On les soumet à un premier grillage dans
1 [| serait intéressant de reconnaître quelles sont ces substances dont on additionne les divers minerais poux
faciliter leur fusion. Ce ne serait que par l'apport d'échantillons que l’on pourrait y parvenir. Les fondants
employés en Europe sont nombreux et variables : ainsi pour le euivre on emploie selon la nature du miñe-
rai, du quartz, du spath fluor, de la chaux, etc., etc.
2 Ville du Yun-nan, située dans le département de Yun nan fou. Voyez la page 224.
3 Inférieur au che lien où mandarin des villes de troisième ordre. Il ne peut condamner qu’à la prison.
# Suivent quelques définitions déjà données plusieurs fois.
> Lou mo, espèce de petite pierre verte qui sert à fabriquer une couleur ; Ai cha, sable excessivement fin
ieou hoa gi, argile qui sert à raccommoder la porcelaine.
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 209
un four, puis à une cuisson dans un foyer, pour reconnaitre leur qualité, d’après le degré
de sécheresse dont ils font montre. S'ils fournissent un sue un peu clair appelé {sx hr, on
les mélange avec de argile jaune. Si ce sue est couleur de rouille, il faudra ajouter du
tay-che. Si les minerais sont d’une faible densité et mêlés avec les pierres appelées
tchouan houa teou, ils sont d’une valeur moindre. Ils devront être grillés plusieurs fois,
puis mélangés avec du pe che", et réduits à un foyer. Le lavage de ces minerais sera
done de la plus grande importance.
Il n’est pas facile d'indiquer une méthode générale pour diagnostiquer la valeur et la
qualité des minerais. Pour ce qui est de leur traitement, deux ou trois, ou bien quatre
ou cinq jours sont nécessaires, selon qu'ils apparaissent suffisamment cuits ou non. Il
faudra avoir toujours du charbon en réserve dans le cas où on serait obligé de renouveler
l'opération, ce qui s'appelle fan sen, « rendre cru », c’est-à-dire remettre le minerai dans
l’état où il était avant d’être mis au feu une première fois.
Qui pourra enseigner une méthode générale pour traiter les minerais de cuivre,
décrire les foyers Ta, P? et Tsao tse, indiquer leurs dimensions, les proportions de
minerai et de charbon, l’ordre et le nombre des cuissons successives, les espèces
et les valeurs du euivre retiré, la perte de métal subie dans chaque opération, la quanuté
de charbon consumée pour obtenir cent livres de cuivre, le prix du combustible? A toutes
ces questions, une réponse nette serait vivement à désirer.
Voici, sur tous ces points, ce qu'a écrit Fan Hiu-hio, mandarin de l’ordre tche-tcheou,
administrant la ville de Yun-long ?, au sujet de la mine de Pe-iang. Il y a trois catégories
de feux, le Ouy iao, «four aux flammes ardentes », le Ta lou et le Hiey-keou lou. On fait
subir au minerai deux grillages dans le premier four, puis on le porte au Ta lou. Il va
deux sortes de Ta lou : l’une qui est aiguë au sommet et ronde à la base, et que l’on appelle
pour ce motif Tsiang-kiun lou, l’autre dite Cha-mao lou, qui est carrée au sommet et ronde
à la base, d’une hauteur de quinze à seize tche, d’une largeur de emq à septetd’une pro-
fondeur de trois (Voy. page 203). Chaque foyer peut contenir plus d’une vingtaine de long à
de minerai, pour le traitement desquels il faut plus de mille livres de charbon de bois de
pin. Après une cuisson d’un jour et d’une nuit, le cuivre en fusion se rend à un lieu particu-
lier appelé 0, où il est coulé en gateaux qui ont une couleur noire. Ces gäteaux sont affinés
au foyer Hiey-keou, d’où le cuivre sort tout à fait pur. Ce foyer est rond à la partie supé-
rieure, carré au bas, d’une hauteur de huit ou neuf tche, d’une largeur de quatre ou cinq,
d’une profondeur d’un tche. Il contient 40 livres de cuivre noir auxquelles on ajoute
50 livres de charbon. On fait couler le cuivre dans le bassin de réception appelé O, où on
le refroidit avec de l'eau déversée par une machine et où on lui donne la forme y yuen*.
Dans la conversion du cuivre noir en cuivre Hiey-keou, 11 v à un déchet d’un dixième
de la quantité de cuivre noir traitée.
Littéralement « pierre blanche », sorte de silex.
? Ville de second ordre située dans le département de Ta-ly. Voyez la page 223.
Mesure de capacité qui contient 60 livres de minerai.
4 Forme plate et ronde.
IF.
19
ù
210 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
IL est bon de faire remarquer, au milieu de tant de formes de fourneaux différentes, le
Ouy ia0, le Ta lou, le Fouy lou, le Hiey-keou lou, le Tsao-tse lou, la manière de procéder
usitée dans la mine Pe-iang « pour les minerais de cuivre argentifère ». Elle les grille
d’abord au four Ouy, puis les jette au grand fover de la forme ésiung kiun kouy, au
fond duquel on ajoute du plomb, Au bout d’un mois de cuisson, s'opère la séparation du
cuivre et de l'argent; le premier va se mouler dans le lieu appelé 0; le second coule au
dehors. Le cuivre est introduit ensuite dans le foyer Touy, où il se transforme en cuivre
noir. Ce foyer a la forme d’une tuile; il a une hauteur de deux tche, une longueur de dix
et une largeur de deux. De là le cuivre est affiné au foyer Tsao-tse, dont la hauteur est
de trois tche, la largeur de deux, et la profondeur d’un peu plus d’un tsen. Chaque foyer
de cette espèce contient 50 ou 60 livres d'argent; les résidus de cette dernière opération
ont en outre une valeur d’un ou deux taels.
Le Tehe-hien de la ville d'Ouen-chan hien, directeur de la mine de Tse-lang-kien-tsie,
nous apprend que dans celte mine le foyer Pi n'existe pas et que l’on ne s’y sert que du
Ta lou de l'espèce appelée Tsiang-kiun-kouy. La hauteur de ce foyer a sept tche, la lar-
seur quatre et demi. La porte d’or a un tche et sept tsen, et la profondeur du bassin de
réception 0 est de deux tche. Le soufflet est disposé derrière le foyer à une hauteur de trois
isen au-dessus de la porte d’or. Les fours usités sont de deux sortes: le grand, qui a
cinq tche de largeur, quatre de hauteur et autant de profondeur ; le petit, qui à un tche
et demi de largeur et de hauteur, et quatre de profondeur. C’est dans le grand
four que devront ètre tout d’abord grillés les minerais. Pour le grillage de 10,000
livres de minerai, on doit employer 400 livres de charbon. Cette première opéra-
lion amène une réduction de 3 à 400 livres sur le poids du minerai introduit. On ajoute
alors la matière appelée Zsix pe tay che, et lon opère un second grillage qui élimine
de 7,800 à 7,900 livres de minerai. Il reste 16 à 1700 livres de pin-tong ou « cuivre
brut ». On fait griller ce cuivre sept ou huit fois de suite dans un petit four, ee qui réduit
encore son poids de 200 livres environ. Les cuissons dans un foyer réduisent enfin cette
masse à 6 ou 700 livres de cuivre pur. Les huit grillages et les deux cuissons qui sont en
général nécessaires consomment 14 à 1500 livres de charbon pour 100 livres de cuivre
pur obtenu.
Dans la mine Kien-la, on emploie le foyer Cha-mao ; sa hauteur est de cinq à
six tche, sa largeur de sept, la porte d’or a un tche et un tsen; le bassin de réception O
est profond d’un pied et demi. Le soufflet est disposé derrière le foyer à deux tsen au-dessus
de la porte d'or. On introduit le minerai à l'intérieur du foyer et on le recouvre de charbon.
Pour 4 à 500 livres de minerai, il faudra 300 livres de combustible. Le grand four a einq
tche de hauteur et de largeur, quatre de profondeur. Il peut contenir 10,000 livres de
minerai, auxquelles on doit ajouter 400 livres de charbon. Le petit four, d'un tche et
demi de hauteur et de largeur et de quatre tche de profondeur, contient 500 livres de pin-
long
D?
lover appelée Touy est en forme de cercueil ; la hauteur à sa partie antérieure est de deux
et pour huit grillages successifs consommera 600 livres de charbon. L'espèce de
tche etdemi, à sa partie postérieure de deux tehe ; sa longueur est de six tche, sa largeur
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 211
de deux tche et -deux tsen. La porte d’or a 7 ou 8 isen de large sur un demi-tche de haut.
Ce foyer contient environ 50 livres de pin-tong, pour la cuisson desquels il faut mettre 70
ou 80 livres de bois ou de racines. Un soufflet est disposé à la partie antérieure ; à la
porte postérieure, sont des canaux en bambou destinés à recevoir le plomb fondu. Enfin
les creusets ont la forme d’un demi-fover ; leur hauteur est d’un tche et deux tsen,
leur largeur d’un tche et six tsen. Leur profondeur est de quatre tche. La porte d'or
a un tche et un tsen. Ils peuvent recevoir 20 livres de plomb et 40 livres de charbon.
« Comme dans le procédé précédent, » un premier grillage opéré dans le grand four
fait perdre 400 livres sur 10,000 de minerai; on ajoute alors du Tsin-pe-tay-che et on
erille dans le Ta lou jusqu’à ce qu'il ne reste plus environ que 16 ou 1700 livres de pin-
tong. On grille le pin-tong six ou sept fois dans le petit four, ce qui amène une nouvelle
déperdition de 200 livres. On ajoute ensuite la matière Ti-mou, «du plomb», eton cuit le
mélange dans le foyer Touy. À la fin de toutes les opérations 1l ne reste plus que 5 à 600
livres de cuivre pur. Le plomb est affiné à part dans les creusets et on en retire environ
trente onces d'argent”. Les huit grillages et les trois cuissons dans le creuset, consom-
ment 14 ou 1500 livres de charbon et 200 livres de bois pour cent livres de cuivre pur
obtenu.
Tehao Hin-tsong «que nous avons déjà cité » enseigne qu'il ne faut pas employer
partout la même méthode, mais se conformer aux exigences et aux usages de chaque loca-
lité. Mais il ajoute que quand on aura à extraire l’argent du plomb fondu, où quand on
affine le cuivre noir qui provient d’un minerai d'argent, il convient d'employer le procédé
suivi dans la mine de Hiang-tchou po.
Dans cette mine, on extrait le cuivre par une seule opération, en employant
le Ta lou ou « grand foyer ». On le construit directement sur le sol en lui donnant une
largeur de neuf tche, qui va en diminuant un peu vers le sommet, une hauteur de
quinze tche, et une profondeur à la base de deux tehe. À la partie antérieure est l’ou-
verture par laquelle on introduit le minerai et le combustible; au-dessous se trouve
la porte d’or par laquelle on retire les scories. Derrière est le soufflet. Si le minerai est de,
première qualité, il faudra, pour chaque soufflet, 40 tongs de minerai el 3,000 livres de
charbon. Si le minerai est de qualité moyenne, il faudra 70 ou 80 tongs, et 3,500 à 3,600
livres de charbon ; s’il est de qualité très-inférieure, 100 tongs et 4,000 livres de combus-
ble. Après un jour de feu on pourra retirer le euivre. Si le feu a été ou trop ardent ou
trop faible, le métal ne sera pas d’un bon usage ; il arrive même que par suite de la pré-
sence de matières étrangères, le minerai se prend en une seule masse et ne peut
être réduit, ce que l’on appelle /cAe.
Dans d’autres mines, au contraire, après six ou sept grillages, on immerge neuf fois le
métal dans de l’eau acidulée, et on l’affine ensuite successivement dans des fovers et dans
des creusets. On appelle ce traitement Æieou pin, kieou tsao, «neuf immersions, neuf
cuissons ». Certaines mines ne font subir que deux cuissons aux minerais « de cuivre » ;
1 La proportion d'argent contenue dans le cuivre serait ici de 3 à 4 millièmes. Comparez avec le mode de
traitement indiqué pages 203-204.
212 TIEN NAN KOUANG TCHANG-.
mais aussi elles n'emploient que du charbon de bois de pin, qui donne une chaleur plus
vive. Pendant que le métal tombe au fond du fourneau, les scories s’échappent par la porte
d’or. A la fin de l’opération, on retire par celle-ci tous les résidus et tout le combustible,
de manière à isoler complétement le cuivre. On jette par la même ouverture de l’eau qui
a servi à laver le riz. Quand on juge le métal un peu refroidi, on le retire avec les
pinces à l’état de gâteaux ronds de forme y-iuen, que l’on recouvre de rameaux de pin
ou de paille de riz. On achève de les refroidir par une immersion complète dans
l’eau, et on obtient ainsi le cuivre de première coulée appelé tse-pan. On retire de einq à
sept gâteaux de chaque fourneau. Les deux premiers sont moins purs que les autres et
contiennent encore beaucoup de matières étrangères que l’on nomme mao-tong. Aussi
devront-ils être affinés de nouveau, Les autres auront à peine besoin d’un nouvel affinage.
Cette seconde cuisson produit un déchet de 2 ou 3 livres sur 100 livres affinées, et fait
consommer 150 à 160 livres de charbon, dont le prix variera de 26 à 30 fen selon que
le temps sera sec ou humide.
On se demande pourquoi il est indispensable, pour le traitement du minerai de
cuivre, de se servir de charbon de bois de pin, alors qu'auparavant on se servait indif-
féremment de charbon de bois de pin et de charbon de bois de poirier, et pourquoi les char-
bons qui proviennent d’autres espèces d'arbres sont complétement impropres à cet usage.
Aussi, dans les endroits où il y a beaucoup de mines, les bois des montagnes avoisinantes
sont-ils rapidement épuisés, et faut-il faire venir le combustible de distances conside-
rables. Le prix du charbon qu'il faut ainsi apporter est décuple du poids du minerai
à traiter, et il faudra à son tour transporter le cuivre à l'endroit d’où vient le charbon. Ne
vaudrait-il pas mieux, pour diminuer les frais de transport, apporter le minerai dans le
lieu même où l’on produit le charbon ? Tel est le point que nous livrons aux méditations
des commerçants jaloux d'augmenter leurs bénéfices.
A ces questions, voiei ce que répond Hiu Hio-san : Les charbons à employer sont tels
que l'exige la nature des minerais. Le minerai de Ta-kong tchang", par exemple, est naturel-
lement dur et riche. Réduit avee du charbon de bois de poirier, qui fournit une très-grande
chaleur, il fondra plus rapidement, mais il ne sera pas aisé de déterminer sa qualité et sa
teneur. Le charbon de bois de pin a un effet moins brusque, n’opère la fusion que peu à
peu, mais les résidus se séparent plus facilement du métal. Quant à l'économie à réaliser
sur les transports, il faudrait d’abord que la route par laquelle on apporte le charbon
füt la même que celle que doit suivre le cuivre, ce qui n’est pas ; ensuite 1l est nécessaire
d'avoir pour le traitement du minerai une eau qui convienne à sa nature. La mine de
Ta-koug tire ses charbons des montagnes de Li-kiang, qui sont fort éloignées de la route
que doit suivre le cuivre, et dont les eaux, comme il arrive sur toutes les montagnes
élevées, sont beaucoup trop froides pour être propres au traitement des minerais. Il
vaut done mieux dans ce cas porter le charbon à la mine que le minerai au lieu de
production du charbon. Il importe seulement que les habitants de la localité mettent le
1 Mine située dans le département de Ta-ly. Voyez la page 293.
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 213
plus grand soin à reboiser de pins les environs des mines et à assurer ainsi pour l'avenir
leur approvisionnement de combustible.
Tehao Hin-tsong, en écrivant sur le même sujet, dit qu'il y a en effet une grande dif-
férence entre le charbon de bois de poirier etle charbon de bois de pin, quoique à l’origine
on les mélangeñt ensemble. Le premier donne une flamme plus vive ; le second, plus
de fumée. Celui-ci est indispensable pour la préparation du cuivre Hiey-keou, qu'il
revêt d’une belle couleur. La mine Hiang-chou-po a l'habitude de transporter tous ses
minerais au dépôt général de la capitale de la province. On à vu qu’elle obtient le cuivre
par une seule cuisson et qu'il est admirablement préparé. On se sert dans cette mine d’un
mélange de bois de poirier, de pin et d’autres espèces. Ces bois coùtaient d’abord 220
ou 230 sapèques ‘les 100 livres pour être transportés au dépôt; ils en coûtent aujourd’hui
300, à cause de la longueur de la route. La mine va cesser en conséquence de fabriquer du
cuivre Hiey-keou, et pendant ce temps de repos, elle fera rechercher des bois de pin pour
obtenir le combustible à meilleur marché et s'affranchir de la nécessité de transporter
le minerai vers le bois.
L’examinateur nommé Lien affirme que si les charbons de bois de pin sont indispen-
sables pour la fabrication du cuivre Hiey-keou, ils sont inutiles pour les autres prépara-
tions. Les mines Lang, Kié, Ta et deux autres ont la coutume, depuis plusieurs années, de
transporter vers le bois le cuivre appelé Tse-pan. La distance n’est que de 90 li.
Il résulte de là qu'il faut employer le charbon dans les fours, le bois dans les
foyers, « puisque c’est dans ceux-ci seulement que l’on obtient le cuivre Hiey-keou. »
On demande si l'or existe ou peut naître dans les eaux? Une mine riche en filons
métalliques est souvent envahie par les eaux, et il faut payer des ouvriers pour les détour-
ner. Les uns perforent la montagne pour leur donner une issue; les autres, ne pouvant
y réussir, leur creusent un réservoir où elles se retirent. Combien faudra-t-il de canaux
dans une mine de ce genre pour conduire l’eau et de quelle façon retirera-t-on le minerai?
Tels sont les problèmes auxquels nous demandons maintenant une solution.
Tehao Hin-{song assure que l'or est la mère, la cause première de l’eau. Sans eau, le
feu consumerait l'or. Plus l’eau abonde dans une mine, plus elle est riche et difficile à
épuiser. Les canaux d’épuisement doivent être installés suivant la nature des lieux. Si la
mine est située sur les flancs de la montagne à une hauteur moyenne, il sera facile d’é-
tablir un écoulement-vers le bas ; mais si la mine est dans un bas-fond, il faudra disposer
des récipients appelés A%en, faits en nœuds de bambous choisis le plus long possible. Le
nombre de ces récipients peut dépasser une trentaine, avant d'atteindre le sommet, et 1l
arrive souvent que le gisement métallique s’étende de telle sorte qu'ils entrainent des frais
que l’on ne peut couvrir. La mine de Hiang-chou-po n’est plus aujourd'hui gagnée par les
eaux et elle est délivrée du souci de les épuiser ; elle faittous les jours de nouveaux progrès
dans le sol. Il ne paraît pas exister une règle certaine au sujet des dépenses à faire pour
l’écoulement des eaux. L'eau « stagnante » dont se nourrissent pour ainsi dire les métaux
1 Monnaie divisionnaire en cuivre allié d’étain et de zine de la fabrication de laquelle il sera parlé plus loin
et dont le taux par rapport au tael est assez variable (de 1,800 à 2,200 sapèques pour une once d'argent).
214 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
peut s’'épuiser facilement, mais l’eau jaillissante qui coule comme une fontaine ne peut être
arrêtée par aucune force humaine.
On demande s'il existe quelques différences entre les habitants d’une mine.
Il en est de considérables ; il y a les Ko-teou, les Ti-hiong, les Chain, les Lou min
ou Lou-fou, « familles ou peuple des foyers », etc".
Tchao Hin-tsong dit que chaque profession à son marché particulier et que la fidélité
la plus stricte aux engagements pris est observée dans chaque catégorie d'individus. Au-
jourd’hui, dans la mine Hiang, il n’y à que peu de travailleurs, mais ils se prêtent entre
eux le concours le plus actif et le plus paternel. Les hommes du pays qui achètent
les métaux pour les revendre et en retirer quelque bénéfice se nomment Lou ke, « hôtes
des foyers». Les ouvriers qui ne reçoivent de salaire qu'après avoir découvert le minerai
et qui partagent alors les bénéfices avec les propriétaires de la mine nommés Se lou, en
leur en abandonnant les six dixièmes et en s’en réservant quatre, se nomment Tsin
chen ti hong. Ceux qui travaillent à raison d’un salaire mensuel fixe, et qui sont libres
de s’en aller ou de rester, se nomment 7chao mo cha tin, c’est-à-dire « ouvriers appelés
pour un travail pressant, alors que les bras manquent ». Cette seconde catégorie d’ou-
vriers est la seule qui existe dans la mine de Hiang-chou-po. Ils achètent souvent même le
minerai pour en fabriquer du cuivre et vendent de l'huile et du riz. Ils viennent de Nan-
ngan, d’Y-men, au nombre de plus d’un millier, et la plupart sont des criminels en
fuite. Les Kee-tchang, les Tong-tchang sont institués pour veiller sur eux et leur inter-
dire l'entrée des mines. Il est indispensable d’ailleurs d'observer des règles dans toute
nouvelle mine pour la réception et la répartition en bon ordre de chaque catégorie
d'ouvriers, afin que cette mine puisse devenir semblable à une ruche d’abeilles.
Les mines déjà anciennes ont coutume d'emprunter ce qui leur manque à des mines
récemment établies. Aussi entend-on dire que celles-ci ne sont guère riches et ne pros-
pèrent pas. Dès qu'une nouvelle mine est déclarée ouverte, elle doit satisfaire à toutes
les obligations des lois. Mais il arrive que les métaux extraits de la mine ne suffisent pas
à en préserver le capital, en d’autres termes, que le gain retiré ne compense pas la perte
et l’intérêt du capital engagé. Les mineurs se dispersent, et le mandarin du lieu, crai-
gnant pour ses biens, garde le silence ?. C’est pourquoi, comme nous l'avons fait obser-
ver, il faut se garder pendant quelque temps de déclarer publiquement une nouvelle mine,
et attendre d’être fixé sur son rendement; de la sorte, les mandarins n'ont pas
à craindre le fardeau auquel ils seraient exposés si on avait annoncé officiellement
l'ouverture de la mine. Quelques-uns disent qu'il faut donner trois mois à une nouvelle
mine à titre d’essai, d’autres qu’il faut la tenir secrète pendant le double de ce temps.
Au bout de ce délai, s’il n’y a aucun résultat, il vaudra mieux fermer la mine que de la
laisser ouverte.
Les gens des mines, pour s’éviter des frais inutiles, ne déclarent pas l’ouverture de la
mine tant qu'ils ne voient pas d'espoir de faire des bénéfices. Il y a aujourd’hui des
1 Je supprime cette énumération déjà donnée page 185.
2 C'est-à-dire craignant d’être obligé de payer de ses propres deniers la redevance due au gouvernement.
DES MINERAIS ET DE LEUR TRAITEMENT. 215
mines nouvelles qui, après deux années de travaux, n’ont pas encore présenté de spéei-
mens des métaux obtenus, et qui cependant n’ont pas reçu l'ordre de cesser leur exploitation.
Aussi n'hésite-t-on pas à essayer des fouilles dans les montagnes. On à dit qu'en raison
de l’affluence des gens, le prix des vivres augmentait souvent près des mines, et que
pour ce motif, les habitants les empêchaient de s'établir dans leur voisinage. Mais, après
examen, on reconnait que cette augmentation de prix ne peut provenir de la présence
de la mine, la production locale en blé, en riz ou en huile étant insuffisante pour la
consommation. Les indigènes ne sauraient done raisonnablement empêcher une exploi-
tation de ce genre.
Tehao Hin-tsong dit que les nouvelles mines doivent être organisées de telle sorte
qu’elles donnent de nouvelles forces à l’ancienne. Si elles se créent des cultures et des
revenus qui puissent subvenir à fous leurs besoins, non-seulement les habitants ne s’op-
poseront pas à leur création, mais encore ils s’en réjouiront. Il faudra se conformer à la
nature et à la situation des lieux. Si les richesses de la montagne sont tellement abon-
dantes, que le signe In-miao ait par sa splendeur frappé les habitants avant que les
mandarins en aient connaissance, la renommée s’en répandra au loin, et une foule
d'hommes de toute condition accourra de toutes parts, sans que les habitants puissent sv
opposer. Mais si les travaux ne donnent aucun résultat, en raison de l’excessive durelé
de la montagne, de grandes pertes en seront la conséquence. C’est que le signe indica-
teur des métaux aura été fixé de telle sorte au sol, que plus on creusera, plus éloigné pa-
raîtra le minerai; de façon qu'il sera bien difficile de juger s’il faut abandonner ou econti-
nuer les recherches. La première résolution est douloureuse, la seconde exige souvent
un temps trop long. D'un autre côté, il est à craindre qu'en changeant le directeur de la
mine, le nouveau ne veuille emprunter une grande somme d'argent qu'il ne rendra
jamais. Pour fous ces motifs, il est arrivé, et Tchao Hin-tsong en a été témoin, qu'un an
ou deux se sont écoulés sans qu'aucun spécimen de métal ait été présenté, et par suite
qu'aucune règle ait été établie pour le payement de limpôt au gouvernement, et cela
non, comme le disent certaines gens, à cause de la résistance des habitants, mais à cause
de la peur qu'ont les mandarins d’être obligés de payer eux-mêmes l'impôt, si les pro-
priétaires de la mine ne peuvent le payer!.
! Ce dernier chapitre, composé, comme la plus grande partie du livre, d'extraits décousus de différents
auteurs, ne présente quelque intérêt que parce qu'il contient les modes de traitement des minerais de cuivre
argentifère en usage dans diverses mines de la province. L'ignorance du traducteur sur ces questions spéciales
a dù augmenter beaucoup pour lui la difficulté d'exprimer en latin le sens de l'ouvrage original. Malgré mon
inexpérience des caractères chinois, j'ai pu m'’apercevoir qu'il ne rendait pas toujours exactement le texte placé
entre ses mains et j'ai pu Corriger, grâce à ma connaissance pratique des lieux, de palpables contre-sens.
Mais il est encore de nombreux passages qui appellent une révision et d'autres que j'ai dû supprimer entière-
ment. Je crois cependant que rien d’essentiel au point de vue métallurgique n’a été omis ou insuffisamment
compris, surtout si l’on tient compte de l’obscurité.et de l’empirisme qui résultent en pareille matière de l’é-
criture hiéroglyphique et du degré d'avancement scientifique du peuple chinois.
Dans ce qui va suivre au contraire, on retrouvera la netteté et la précision minutieuses qui lui sont particu-
lières dans les questions administratives et statistiques.
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DE LA PRODUCTION EN MÉTAUX DU YUN-—NAN.
Dans la province de Tien, le cuivre est en quantités énormes, et c’est pourquoi nous
nous occuperons en premier lieu de ce métal, pour lexploitation et le transport duquel le
gouvernement perçoit plusieurs millions de taels. L'argent, au contraire, ne rapporte que
quelques milliers de taels, et nous n’en parlerons qu'après. Ensuite viendront Por, l’étain,
le plomb et le fer. Nous traiterons en dernier lieu des règlements et des moyens adoptés
pour les transports.
S 1. — Des mines de cuivre.
Comme nous l'avons déjà dit, les mines les plus importantes du Yun-nan sont les mines
de cuivre, et le dépôt de cuivre le plus célèbre est dans la ville capitale de la province.
On accourt du Kouang-tong, du Kouang-si, du Hou-pe, du Hou-nan, du Kouy-tcheou
pour acheter le cuivre de Yun-nan. Le droit de transport dans ces seules provinces rap-
porte au gouvernement plus de 9 millions de taels. Les marchands de l'Orient et de POc-
cident viennent à Yun-nan de préférence, quoique dans les autres cités, tant de premier
que de second ordre, il ne manque point de mines abondantes, surtout dans l'Est. Mais
en comparant ces dernières mines à celles du Yun-nan, il semble qu'elles ne soient que
de faibles ruisseaux dont la source commune est dans Yun-nan même.
La loi exige que sur 400 livres de cuivre produit, les mines en payent 10 à l'État. Cet
IL. 28
218 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
impôt se nomme 7eheou ko ou Ko *. En second lieu, il est prélevé 4 livres et 2 onces
pour les fonctionnaires qui surveillent la mine; cet impôt est appelé Kiuen hao ?; enfin
les marchands payent pour le droit de transport 10 livres; cet impôt s'appelle Toxg chang *.
De 100 livres, il ne reste done que 75 livres 14 onces; mais, si l’on veut conserver in-
tactes les 100 livres de métal, on peut acquitter les droits en argent. Le premier impôt se
nomme Âèn tong tchang, parce qu'il est entièrement percu pour l’empereur; le second,
Kiou tong tchang, parce qu'il est dépensé pour la province; le troisième, 7say tong tchang *.
parce qu'il est destiné à subvenir aux achats des autres provinces.
Le cuivre n’est pas de qualité uniforme : il y a le tse-pan et le hiey-keou qui se partagent
en huit espèces, subdivisées elles-mêmes en neuf variétés. Quand les anciennes mines,
après une longue période d'extraction, ne fournissent plus qu’une quantité de métal insuf-
fisante, on en fait ouvrir de nouvelles qui suppléent à la production des anciennes.
Les mines sont dirigées par les administrateurs des villes de deuxième et de troisième
ordre, sous la surveillance des préfets des villes de premier ordre, les tche-fou. En outre
des tche-fou, {che li tcheou, ou tong pan *, elles sont encore inspectées par les 440 tay”.
A. Mines du département de Yun-nan *. — La mine Ouan-pao est à 50 li au N -0.
d’Y-men, dans un lieu appelé autrefois Tsao-li-chou et aujourd'hui Ouan-pao-chen. Elle
est administrée par le tche-hien-d'Y-men. Les veines s'étendent au loin, et embrassent
les montagnes avoisinantes à plusieurs dizaines de li. Ouverte la 37° année du règne de
l’empereur Kien-long *, cette mine, en vertu d’un édit de la 43° année du même
empereur, dut payer 300,000 livres de cuivre par an, plus 25,000 livres par chaque mois
intercalaire *. Elle ne paye que les impôts Ko et T'ong-chang. Le prix du cuivre qui reste
1 L'impôl Æo est l'impôt toujours obligatoire qui doit parvenir à Pékin et que les mandarins eux-
mêmes sont tenus de payer, s’il fait défaut.
? L'impôt Auen hao est un impôt temporaire levé surtout dans les temps de troubles etappliqué à l'entretien
des fonctionnaires et des édifices de la province. Les vice-rois peuvent l’établir avec l’autorisation de l’empe-
reur. Cet impôt, souvent volontaire de la part des marchands, comme l’indiquent les mots Æiuen hao, « donner
volontairement un peu», leur vaut souvent des marques distinetives honorifiques; aussi le peuple l’appelle-
t-il quelquefois : acheter des décorations.
$ « Unité du commerce. » Impôt pour le droit de transport en dehors de la province à un lieu qui doit être
soigneusement désigné sur le reçu des mandarins.
# Kin, «royal », kiou, €municipalité », (say, (acheter ». Chaque ville chinoise est administrée par un con-
seil élu appelé Æiou que le mandarin du lieu doit consulter et qui est en même temps une sorte d'association
commerciale prenant à ferme certaines des exploitations de la province. Atow se dit aussi par extension des
magasins de cette association.
5 Ces deux derniers grades sont équivalents à celui de tche-fou, mais ils comportent une juridiction
moindre : le {che li tcheou n’a que trois ou quatre villes sous sa dépendance, le {ong pan n’en a qu'une.
5 Sous-gouverneurs de province qui réunissent plusieurs fou ou départements sous leur juridiction. Il y
a dans la province du Yun-nan trois {ao ou subdivisions de cette nature; le Si-tao ou Tao de l'Ouest, chef-lieu
Ta-ly ; le Tong-tao ou Tao de l'Est, chef-lieu Tchao-tong, le Nan-tao ou Tao du Sud, chef-lieu Yun-nan.
7 Voir la carte itinéraire n° 9, Atlas 1"° partie, pl. XII.
BAT.
C'est-à-dire un douzième en sus de l'impôt annuel. Ces mois intercalaires, destinés à ramener l’année
civile en coïncidence avec la période solaire, se représentent à peu près tous les trois ans. Je renvoie le lecteur
à l’exposition très-claire et très-simple que Biot a donnée des règles suivies par les Chinois pour cette interca-
lation. (Études sur l'Astronomie Indienne et sur l'Astronomie Chinoïse. Paris, 1862, pag. 330 à 340.)
PRODUCTION EN MÉTAUX. 219
est fixé à 6.987 les 100 livres. Cette mine fournit aujourd’hui à la province 271,500 li-
vres de cuivre (impôt Tsay-tong-tchang).
La mine Ta-mey est située à 30 li au N. de Lo-tse; elle étend ses filons sous les
monts Kouan-yn et Tchao-pi. Près d’elle coule le ruisseau appelé Len-chouy-keou dont
l’eau fraiche sert au lavage des minerais et aux usages des fourneaux. Ouverte la
28° année de Kien-long, sa redevance fut fixée la 44° année à 24,000 livres de cuivre
par an, plus 15,000 pour les mois intercalaires. La mine acquitte les trois impôts.
Les 100 livres de cuivre valent 6.987. La quantité de ce métal fournie aujourd’hui à la
province est de 32,400 livres. De cette mine est sortie la suivante.
B. Mines du département d'Ou-ting. — La mine Se-tse-ouy est plus de 200 li au N. de
Lo-kiuen, dans la montagne appelée Yuen-pao. Son nom vient de ce que cette monta-
gne est semblable à un lion et que la mine, assise à ses pieds, parait être comme sur la
queue du lion. La montagne elle-même est au delà du Kin-cha kiang ; mais la mine est
en decà. Elle est sous la direction du préfet de Tong-tchouen en raison de la proximité
de cette dernière ville. Ouverte d’abord sous les Ming *, elle fut fermée dans la suite, puis
rouverte la 37° année de Kien-long. La 43° année du même empereur, elle fut imposée
à 2,400 livres de cuivre. Deux ans après, cet impôt fut porté à 3,600 livres. 2,900 livres
durent être ajoutées en outre dans les années à mois interealaires. La mine ne paye que
les impôts Ko et Tong-chang. Le prix de 100 livres est de 6'.987. L’impôt actuelie-
ment envoyé à Pékin est de 5,400 livres.
La mine de Ta-pao-chan est à 120 li à l'O. de Ou-ting, près des limites
du Zow se Ke-pin-tien?, à l'E. de la rivière Yuen-ma; elle est placée sous la direction
du Tche-li-tcheou d'Ou-ting*, ses veines sont courtes et ne fournissent pas une grande
quantité de minerai. Elle a été ouverte la 30° année de Kien-long et s'appelait à cette
époque, tantôt Ta-pao-chan, tantôt Se-tse-chan, tantôt Se-kien-chan; elle prit ensuite le
nom de Houa-tsin-chan. La 43° année du même empereur, elle fut taxée à 7,200 livres
de cuivre par an, plus 800 livres pour les mois intercalaires. Le prix d'achat de 100 li-
vres fut fixé à 6 taels. Aujourd’hui cette mine fournit à la province 8,640 livres de eui-
vre. À cet impôt contribuent de nouvelles petites mines dont voici les noms : Ti tchang,
Lou-se-tse tchang, Ma-in-chan tchang.
C. Mines du département de Tong-tchouen*. — La mine de Tang-tan est située au N.-
O. au milieu des Kiao-kia. La montagne Tang-tan est à 160 li de Tong-tchouen. A sa
gauche, s'élève le mont In-tien-po ; à sa droite, le mont Se-tse-po qui est riche en charbon.
Ils occupent un espace de plus de 70 Li et sont d’une très-grande hauteur. Il en est fait
1 Dynastie qui a précédé la dynastie actuelle et qui a régné en Chine de 1368 à 1616.
2 Les Zou se sont de petits chefs indigènes soumis aux Chinois et administrant les tribus sauvages qui se
trouvent encore disséminées dans les montagnes du Yun-nan.
3 Je me dispenserai à l'avenir de cette mention quand la mine relèvera directement du préfet du départe-
ment dans lequel elle se trouve.
# Voir la carte itinéraire, n° 10, Atlas 4'° partie, pl. XIII.
5 Groupe de tribus Man-tse soumises, nommé aussi Hiang-houa.
220 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
mention dans les livres che chou‘. Ceux-ci rapportent que la montagne Ta-siue,
« grande neige », située au milieu des tribus Hiang-houa, produit le minerai appelé
Kouang-ouang qui est le premier de tous.
La mine de Tang-tan, quoique ouverte sous les Ming, n’a commencé à produire
abondamment que sous Kien-long ; à ce moment elle donna d’admirables résultats. La
44° année du règne de cet empereur, une loi fixa à plus de 3,160,000 livres ? sa re-
devance en cuivre; la 7° année de Kia-kin *, cette quantité fut réduite à 2,300,000,
plus 191,669 livres pour les mois intercalaires. Cette mine paye les trois impôts et la
valeur des 100 livres de cuivre est fixée à 7°.452. Aujourd’hui Tang-lan envoie annuelle-
ment à Pékin 2,081,499 livres 15 onces et 6 (sien. Les nouvelles mines de Kieou-long-
tsin et de Tsiu-pao-chan, situées sur le versant ouest de la montagne Kouan-in, de Tu-
yuen, de Teha-ho près de Heou-tin, dépendent de la précédente et ont été ouvertes, la
première, la 16° année, la seconde, la 23° année, la troisième , la 18° année, la dernière
la 47° année de l’empereur Kien-long. Celle-ci a été fermée depuis.
La mine de Lou-lou est à 160 li à l'Ouest de la ville de Houy-y hien. Elle est auprès
d’un mont très-élevé où le froid est si rigoureux que, même en été, il faut porter d’épais
vêtements de coton, etqu’en hiver la neige y recouvre souvent la terre. Cette mine dépend
du Tche-fou de Tong-tchouen depuis la 4 année de Yong-tchen *, époque où elle fut
détachée du Se-tchouen et ajoutée à la province du Yun-nan. Sous la 43° année de Kien-
long, son impôt annuel fut fixé à 1,240,040 livres de cuivre. Mais, trois ans après, elle
obtint une diminution et n'eut plus à payer que 823,992 livres. La 7° année de Kia-kin, cet
impôt fut de nouveau réduit à 620,000 livres de cuivre, auxquelles on dut ajouter 51,666
livres pour les mois intercalaires. La quantité de cuivre envoyée aujourd'hui à Pékin
s'élève à 561,100 livres. De cette mine sont issues les mines récentes de Long-pao, Hin-
tong, To-pao et Siao-mi-chan.
La mine Ta-chang-keou est au milieu des tribus Kiao au S.-0. Elle existait dès la
4° année de Yong-tchen, mais ne fut imposée d’une manière régulière qu'à la 43° année
de Kien-long où elle dut payer 512,222 livres de euivre, chiffre qui fut réduit sous Kia-
kin à 480,000 auxquelles il fallait ajouter 33,330 livres pour les mois intercalaires.
L'impôt actuellement envoyé à Pékin est de 361,999 livres 15 onces. De cette mine sont
issues deux filles, Lien-hin tchang et Tsiu-yuen tehang.
La mine de Ta-fong-lin est au milieu des Kiao-kia à l'O. au delà du Kin-cha kiang.
Là sont des montagnes exposées aux plus violentes tempêtes, au moment de l'équi-
noxe du printemps. Cette mine a été ouverte la 15° année de Kien-long, mais ne fut
imposée d’une façon régulière qu'à la 43° année de cet empereur; à ce moment elle
4 Annales officielles qu’édite chaque dynastie.
2 C'est-à-dire près de deux millions de kilogrammes de cuivre pour l'impôt dù à l’empereur par cette seule
mine ! J'ai vérifié avec soin sur l'ouvrage original tous ces chiffres qui semblent presque fabuleux. En adop-
tant 71.75 pour la valeur du tael, on voit que le prix officiel du cuivre de l'espèce hiey-keou varie dans le Yun-
nan de 0".94 à 0'.77 le kilogramme. On verra plus loin que le cuivre tse-pan ne vaut que 0°.65 environ.
3 4803.
TETE
NO]
PRODUCTION EN MÉTAUX. 222
dut payer 80,000 livres de cuivre, chiffre qui est réduit aujourd’hui à 72,000 livres en-
voyées à Pékin. Deux autres mines, Ta-tchay et Tchan-mou-tsin, sont issues de celle-là.
La mine de Meou-lou est au N.-0. des Kiao-kia près du Kin-cha kiang; l'air y est
tellement actif que la chaleur y est très-grande !. Ouverte la 33° année de Kien-long, elle fut
imposée dix ans après à 280,000 livres de cuivre auxquelles on dut ajouter 23,330 livres
dans les années à mois intercalaires. L'impôt actuellement envoyé à Pékin est de
253,395 livres 15 onces et 6 tsien. De cette mine est sortie celle de Tsin-eul-chan.
Dans les quatre mines qui précèdent, les impôts et le prix du cuivre sont les mêmes
qu'à Tang-tan.
La mine de Tse-ngieou-po est à l'O. dans le pays des Kiao-kia. Ouverte dès la
45° année de Kien-long, sa redevance fut fixée, trois ans après, à 33,000 livres de cuivre,
plus 2,750 livres pour les mois intercalaires. Les impôts sont les mêmes qu’à Tang-tan.
Le prix des 100 livres de cuivre est de 6'.987. Aujourd'hui cette mine envoie à Pékin
29,700 livres de cuivre.
D. Mines du département de Tchao-tong. — La mine Jen-lao-chan est à 490 li au
N.-0. de Ta-kouan; elle est séparée de Tehen-hiong par une chaîne excessivement éle-
vée. Elle est sous la direction du mandarin de Ta-kouan tinh qui a le grade de Tong-tche *.
Elle a été ouverte la 17° année de Kien-long et fut imposée la 43° année du même règne
à 4,200 livres de cuivre, plus 350 dans les années à mois interealaires. Les 100 livres
valent 6 taels. On envoie aujourd’hui à Pékin 3,780 livres.
La mine de Tsien-tchou-tang est à 230 li au N.-0. de Ta-kouan, près du lieu nommé
Tin-mou-chou ou Pa-li-hiang. Ses filons s'étendent si loin qu'ils atteignent les limites de la
mine de Kin-cha* et embrassent un espace de 6 à 7 li. Elle est sous la direction du Tong-
tche de Ta-kouan. Ouverte la 19° année de Kien-long, elle fut taxée la 43° année du même
empereur à 4,200 livres de cuivre, plus 355 livres pour les mois intercalaires. Le prix des
100 livres est fixé à 6 taels. Aujourd’hui l'impôt envoyé à Pékin est de 3,780 livres.
La mine de Lo-ma est située près de Lou tien à l'O. de la montagne Long-teou. Le
cuivre que l’on en extrait contient de l'argent. Elle est sous la direction du Tong-pan de
Lou tien. La 43° année de Kien-long, elle fut imposée à 36,000 livres de cuivre. La 12° an-
née de Kia-kin, ce chiffre fut réduit à 10,000, plus 833 livres pour les mois interealaires.
Le prix des 100 livres est de 6 taels. Aujourd’hui l'impôt envoyé à Pékin est de 9,000 livres.
La mine de Mey-tse-to est au S.-E. de Yun-chang hien, sous la juridiction du tche-fou
de Tchao-tong, qui doit veiller à ce que l’on y transforme en cuivre les minerais résidus
de la mine d'argent de Kin-cha. La 43° année de Kien-long, cette mine fut imposée à
40,000 livres de cuivre, mais la 12° année de Kia-kin, ce chiffre fut réduit de moitié.
Quand l'année avait un mois intercalaire, il fallait ajouter 1,666 livres de cuivre. Les
100 livres coùtent 6°.987. L'impôt actuellement envoyé à Pékin est de 18,000 livres.
1 Ceci fait allusion au brusque changement de température que l’on éprouve dès que l’on quitte le plateau
du Yun-nan pour descendre sur les bords du fleuve.
2 Aujourd'hui Ta-kouan n’est plus régie que par un Tche-hien.
3 Mine d’argent située sur les bords du Kin-cha Kiang. Voyez page 227.
222 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
La mine Tchang-fa-po est au N.-0. de Tchen-hiong près de To-kong ; à l'E. sont
les montagnes Lin-keou, Hong-ngay, Ou-ten-po, Hiang-chouy, Pe-mou-pa, O-ta-lin; au
S. est le pont Houa, jeté sur le fleuve Fa-lou, les montagnes San-iang, La-pa, Ta-
vu-kin ; au N., le canal Mou-tchong, les endroits nommés Eul-tao-lin, Tong-tchang-
keou, Ma-kou-tsin, compris entre les montagnes Pa-mao-po et Tchang-fa-po. Cette
mine est sous la direction du Tche-tcheou de Tchen-hiong. Ouverte la 10° année de
Kien-long, elle fut imposée la 43° année à 13,000 livres, auxquelles on ajoutait pour
les mois intercalaires 1,083 livres. Le prix de 100 livres est de 6 taels. L’impôt actuel-
lement envoyé à Pékin est de 11,700 livres.
La mine Siao-ngay-fang est au N. de Yun-chang, à plus de 400 li, sur les bords
d'un ruisseau appelé Si-cha-ki. Elle est sous la direction du tche-hien de Yun-chang.
Ouverte la 25° année de Kien-long, elle fut imposée, la 43° année du même règne, à
22,000 livres de cuivre, plus 1,833 livres pour les mois intercalaires. Le prix des 100 livres
est de 6'.987. L’impôt actuellement envoyé à Pékin est de 19,800 livres
E. Mines du département de Tchin-kiang. — La mine Fong-houang-po est à 60 li de
Lou-nan tcheou. Elle a été réouverte la 6° année de Kien-long et imposée, la 43° année,
à 12,000 livres de cuivre; 1,000 livres sont ajoutées pour les mois intercalaires. Elle
paye les trois impôts. Le prix des 100 livres de cuivre est de 6 taels. Aujourd’hui l'impôt
envoyé à Pékin est de 10,800 livres.
La mine Hong-che-ngay est à 60 li à l'E. de Lou-nan au pied du mont Mo-po.
Son ancien nom était Long-pao tchang. Ouverte la 6° année de Kien-long, elle fut imposée,
la 43° année du même règne, à 12,000 livres de cuivre, avec 1,000 livres de supplément
pour les mois intercalaires. Le prix de 100 livres est de 6 taels. L'impôt Ko actuel est de
10,800 livres.
La mine Hong-po est située à l'E. et à 15 li de Lou-nan tcheou. Elle a été ouverte
la 25° année de Kien-long. La mine Ta-sin est également sur le territoire de Lou-nan
à 30 li de cette ville. Elle a été ouverte la 23° année de Kien-long; de cette mine est
issue celle de Ten-tse-tsin. La mine de Fa-kou est située dans la montagne de ce nom,
que l’on appelle aussi Kouy-kan chan. Elle a été ouverte la 37° année de Kien-long. Ces
trois mines furent imposées, la 43° année du même règne, chacune à 48,000 livres,
avec addition de 4,000 pour les mois intercalaires. Le prix de 100 livres fut fixé à 6°.987.
Elles envoient aujourd’hui au Kiou de Pékin 43,200 livres de cuivre chacune.
Toutes les mines du département de Tehin-kiang sont sous la juridiction du Tehe-
tcheou de Lou-nan.
F. Mines du département de Kiu-tsing. — La mine Chouang-long est à 95 li au N. de
Siun tien, dont le mandarin la régit et à 245 li du chef-lieu. Elle à été ouverte la
46° année de l’empereur Kien-long et imposée deux ans après à 13,500 livres de cui-
vre, plus 1,125 livres pour les mois intercalaires. L’impôt Tong-chang est de 20 livres
sur 100". I n’y a pas d'impôt Kiuen-hao. II ne reste donc que 70 livres sur 100. Le prix
1 C’est-à-dire le double de son taux habituel et de l'impôt dû au gouvernement.
PRODUCTION EN MÉTAUX. 293
du cuivre est le même que ci-dessus. La quantité de cuivre actuellement envoyée à Pékin
est de 10,800 livres. À cette mine est venue s’annexer la mine Tse-in.
G. Mines du département de Chun-ning. — La mine Ning-tay est à 520 li au N.-E.
de Chun-ning. A l’origine elle était de peu d'importance, mais la découverte de filons
de cuivre s'étendant jusqu’à la montagne Pao-tay vint subitement l’enrichir. À sa gauche.
on aperçut un lion ; à sa droite, un éléphant, comme si les autres montagnes la reconnais-
saient comme souveraine. L’eau de petites rivières coulait auprès d'elle. Comme sa pros-
périté augmentait chaque jour, on préposa un délégué du mandarin pour lPadministrer.
La 46° année de Kien-long, sa redevance fut fixée à 2,900,000 livres de cuivre; 240,000
livres doivent être ajoutées pour les mois intercalaires. Sur cette quantité, il doit v
avoir 900,000 livres de cuivre de l'espèce Tse-pan, qui vaut 5'.152 les 100 livres, et
2 millions de livres de cuivre Hiey-keou dont le prix est de 6.987. Les trois impôts sont
en vigueur dans la mine. Elle envoie aujourd’hui à Pékin 2,900,000 livres de cuivre et
elle fournit à la province 589,537 livres 7 onces. Le long des ruisseaux qui coulent
près de cette mine, se sont établies les mines de Chouy-hiue-ti-ma, Tsiuen-ma-lin.
Lo-han et Ti-ma-kou.
H. Mine du département de Yun-pe. — La mine de Te-pao-pin est au S. de Yunpe,
au N. du lac Lin-tsao près de la douane de la montagne de l'Ouest. Elle est placée
sous l’administration du Tehe-li tinh ‘de l’ordre Tong-tche de Yun-pe. Elle fut ouverte la
58° année de Kien-long et, la 3° année de Kia-kin, elle fut taxée à 1,200,000 livres de
cuivre. La 14° année de Tao-kouang?, cet impôt fut réduit à 600,000 livres, puis à
300,000. Pour les mois intercalaires on dut ajouter 25,000 livres. Cette mine ne paye
que les impôts Ko et Tong-chang. Le prix de 100 livres de cuivre est de 6.987. La
quantité de cuivre actuellement envoyée à Pékin est de 270,000 livres.
L. Mines du département de Ta-ly. — La mine de Pe-iang est au N.-0. de Yun-long
tcheou, au pied des fameuses montagnes de Pe-iang et de Long-teou; à gauche sont les
monts Houang-song, à droite le mont Siao-chouy-ki qui appartient à la chaine de Pe-
tsay-luen. En un mot, cette mine est admirablement située. C'était d’abord une mine
d'argent, mais le traitement du pin-tsao ou « résidus », l’a fait qualifier mine de cuivre.
Elle est sous la direction du Tche-tcheou de Yun-long. Elle fut ouverte la 35° année de
Kien-long et, la 45° année du même règne, elle dut payer annuellement 108,000 livres
de cuivre plus 9,000 livres pour les mois intercalaires. Les impôts Ko et Kiuen-hao sont
les seuls en vigueur. On paie 6 taels pour cent livres de métal. Aujourd'hui cette
mine fournit à la province 97,200 livres de cuivre.
La mine Ta-kong est dans la montagne de ce nom près de Yun-long. Le versant de
droite de cette montagne est appelée Hiang chan, « mont de l'Éléphant » ; vis-à-vis se
trouve le mont Siao-tchou-tchang ou « montagne des Petits Bambous, » qui a la forme
d’une chaise; les veines de la mine sont nombreuses et étendues. Elle fut ouverte la 38°
année de Kien-long et imposée, la 43° année, à 400,000 livres auxquelles on en ajoutait
! Le tinh n’a de juridiction que sur les hommes, mais l’addition des mots tche-li en fait l’égal du fou.
2 1835.
224 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
33,333 dans les années à mois intercalaires. Celle mine ne paye pas l'impôt Kiuen-hao.
Le prix des 100 livres est de 6.987. La quantité de cuivre envoyée aujourd’hui à Pékin
est de 361,999 livres 15 onces et 7 tsien. De nouvelles mines se sont établies dans le
voisinage de celle-ci; ee sont : Tien tchang dans le mont Lo-y, Man-lang tchang dans la
montagne de ce nom, Hu-tao-pin tehang et Cha-ho tchang.
J. Mines du département de Tchou-hiong. — La mine Tchay-chouy-tsin est au N.-E.
de Nan-ngan et à plus de 300 Ni. La 36° année de Kien-long, elle fut ouverte près de
l'étang Yang-kieou, mais elle fut transférée ensuite dans la montagne Ou-tay. Au N.
est le mont San-tsien, à VE. le mont Tehao-pi, à l'O. le mont Ma-hay, au S. le
mont Hiang-chouy. Toutes ces montagnes sont comme les protectrices de la mine. La
43° année de Kien-long, elle fut imposée à 11,200 livres, plus 933 pour les mois inter-
calaires. Elle fournit aujourd’hui à la province 10,080 livres de cuivre.
La mine Ma-long est située au S.-0. de Nan-ngan à 250 li. On extrait le cuivre des
résidus du minerai d'argent. Elle fut ouverte la 7° année de Yong-tchen, et, la 43° année
de Kien-long, elle fut imposée à 4,400 livres de cuivre, avec addition de 366 pour les
mois intercalaires. Les 100 livres de euivre valent 6 taels. Cette mine fournit aujourd'hui
à la province 3,960 livres de cuivre.
La mine de Hiang-chou-po est au S.-E. de Nan-ngan à 215 li. Elle s'appelait au-
trefois la mine du mont Fong-houang qui est en face du lieu d’exploitation actuel. Sous
l'empereur Khang-h1 ‘, on transportait tout le minerai à l'endroit où l’on creuse mainte-
nant. Cette mine était la propriété de trois familles, et on l'avait appelée pour cela San-
kia techang. Mais cette première exploitation ne fut pas heureuse. La 9° année de l’empe-
reur Kien-long, on retrouva de nouveau des minerais. Le directeur de la mine était alors
le Tche-hien d’Y-men. La 48° année de Kien-long, la redevance en fut fixée à 7,200 li-
vres, plus 600 pour les mois intercalaires. Les impôts Ko et Tong-chang furent les seuls
établis. Le prix de 100 livres était de 6 taels. La 52° année de Kien-long, on porta la re-
devance à 100,000 livres et le prix des 100 livres à 6'.987. Aujourd’hui, l'impôt de
l'empereur est de 100,500 livres et l'impôt de la province 24,240 livres 9 onces 6 tsien.
La mine Hieou-tchouen, appelée aussi Noan-fong-tse, est située à 130 li au S. de Ting-
. vuen. Là est une montagne au pied de laquelle coule le fleuve Mong-kang. L’adminis-
trateur de la mine est le Tche-hien de Ting-yuen. Elle fut ouverte la 46° année de Kien-
long, et, la 50° année du même empereur, elle fut taxée à 4,500 livres, plus 375 pour les
mois intercalaires. En outre de l'impôt perçu pour l’empereur, on prélève 20 livres sur 100
pour l'impôt Tong-chang. Le prix de 100 livres est de 6.987. L'impôt percu par la
province est de 3,600 livres.
K. Mines du département de Li-kiang:— La mine d'Houy-long est située à PO. et à
plus de 300 li de Li-kiang, dans la montagne du même nom. Elle étend ses fibres depuis
le mont Ta-siue jusqu’à Tchang-fong-ouan-tsong-che. Derrière est Lao-chan-touan ; en
face estle mont Kouang, et des deux côtés les monts Houy et He. La mine est done protégée
1 L'un des princes les plus célèbres de la dynastie actuelle et celui sous lequel les jésuites avaient pris une
si grande influence à la cour de Pékin. Il a régné de 1662 à 1723.
PRODUCTION EN MÉTAUX. 295
dans toutes les directions par la nature des lieux et les roches escarpées qui l'entourent.
Elle fut ouverte la 38° année de Kien-long et sa redevance fut fixée sept ans après à
70,000 livres de cuivre, plus 5,833 livres pour les années à mois intercalaires. Cette mine
pave les impôts Ko et Tong-chang; mais elle est dispensée de l'impôt Kiuen-hao. Elle
doit envoyer chaque année 20,000 livres à Pékin, jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'impôt
Ko d’une manière définitive. Le prix de 100 livres de la qualité Tse-pan vaut 6 taels, et
le même poids de la qualité Hiey-keou, 6.987. L'impôt perçu aujourd’hui par la pro-
vince est de 63,000 livres. Les mines de Tchou, à 150 li dans le S.-0., et Hay-long à
120 li dans le S.-E., dépendent de la mine précédente.
L. Mines du département de Lin-nqan*. — La mine Gi-tou est à 150 li à l'O. de
Lin-ngan et à 100 li au S.-0. d’V-men. Elle est près d’une grande montagne appelée Tsong-
long et sous la juridiction du Tehe-hien d’Y-men. Ouverte la 23° année de l’empereur
Kien-long, elle fut taxée la 43° année de son règne à 80,000 livres de cuivre; on dut
ajouter en outre 6,666 livres pour les années à mois intercalaires. Cette mine acquitte
les trois impôts. Le minerai n’est point d’une qualité excellente et le cuivre qui en pro-
vient a, par sulle, une valeur moins grande. Le prix des 100 livres est de 6.987. A
ses débuts, cette mine a rapporté des quantités de euivre très-considérables, 1,500 ou
1,600,000 livres par an; mais son rendement a beaucoup diminué depuis. L'impôt perçu
aujourd’hui par la province est de 72,000 livres.
La mine Kin-icha est sur le territoire de Mong-tse, à 90 li au S.-0. de cette ville dont
le Tehe-hien la régit. Elle fut ouverte la 44° année de Kang-hi ? et, à partir de la 43° an-
née de Kien-long, elle dut fournir 900,000 livres de cuivre, plus 70,000 livres pour les
mois intercalaires; mais elle fut dispensée de tout impôt. Cetie mine produit du cuivre
qui est mélangé à du plomb noir et s'appelle 7% tong: il vaut 4°.6 les 100 livres. Quand
le plomb est trouvé contenir de l'argent, on doit payer à l'État 0.1 par 100 livres :
cest ce que l’on appelle le petit impôt Ko. Aujourd’hui, cet impôt n’est pas en vigueur
et l’état achète 450,000 livres de cuivre au prix ci-dessus. De cette mine sont issues
celles de Lao-tong-pin, Kien-chouy-mong, Fse-tchang-tchay. A partir de la 13° année
de Tao-kouang, on a commencé à exiger les impôts Ko et Tong-chang dans cette mine.
La quantité de cuivre envoyée annuellement à Pékin est de 400,000 livres.
La mine de Lou-kouang-tong est située au nord de Ning tcheou, dont le mandarin
la régit. Elle a été ouverte la 11° année de Kia-kin et, deux ans après, elle fut taxée à
12,000 livres de cuivre, plus 1,000 livres pour les mois intercalaires. L’impôt Ko est le
même qu'ailleurs, mais l’impôt Tong-chang est de 20 pour 100, de sorte que de 100 Hi
vres il en reste 70. Le prix des 100 livres est 6".987. La mine fournit aujourd'hui à la
province 9,700 livres de cuivre.
M. Mines du département de Yuen-kiang. — La mine de Sin-long est au N.-E. de
Yuen-kiang à 70 li. Elle étend ses filons jusqu'aux montagnes de Sin-pin. Elle a été
1 Voir la carte itinéraire n° 8, Atlas, 1'° partie, pl. XI.
2 1706.
IT 99
1
26 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
ouverte sous l’empereur Kang-hi et, la 43° année de Kien-long, elle a été taxée à
60,000 livres de cuivre, plus 5,000 livres pour les mois intercalaires. Le prix des
100 livres de cuivre est de 6 taels. Sim-long tchang fournit aujourd’hui à la province
54,000 livres de cuivre‘. Près de cette mine est celle de Mong-giang qui en dépend.
En résumant, la loi exige de toutes les mines réunies plus de 7,645,650 livres de cuivre
pour Pékin, et 1,700,710 pour l'achat des provinces; en tout, plus de 9,346,370 livres ?.
C’est la ville de Ning-yuen fou de la province du Se-tchouen qui est chargée de faire
parvenir l’impôt destiné à l'empereur. Le magistrat chargé de la mine de Ou-po, après
avoir pourvu à la quantité de cuivre exigée dans sa province, doit compléter l'impôt du
Yun-nan, lorsque cette dernière province n'aura pu le fournir en totalité. Celle-ci peut
déléguer un Ouy uen * avec les fonds nécessaires, et cet officier, assisté du préfet de
Ning-vuen, achètera le cuivre qui manque. Ce dernier peut se faire remplacer par un
mandarin inférieur. Tous les achats seront inscrits sur un registre qui sera communiqué
chaque fois au coadjuteur du mandarin de Yun-chang hien. Les magistrats de Ning-vuen
et de Yun-chang établiront chaque mois, pour les gouverneurs des provinces du Yun-
nan et du Se-tchouen le compte du cuivre reçu. Le prix pour 100 livres de cuivre est
lixé à 9'.2, à condition que le métal soit apporté de la mine « Ou-po » jusqu’à Houang-
A
tsao-pin. La distance est de 415 li et demi. Les porteurs devront recevoir 1.475 par 100
livres, payement auquel devra veiller le délégué de la province du Yun-nan. D'Houang-
isao-pin à Lou tcheou *, la dépense de transport pour 100 livres sera de 0°.973, dépense
à laquelle pourvoira le préfet de Yun-chang. Dans le premier trajet, 5 livres sur 100
et dans le second une demi-livre sur 100 seront transportées gratuitement. Le délégué
du Yun-nan résidant à Houang-tsao-pin recevra 10 taels par mois pour son entretien,
2 taels pour ses frais de bureau, autant pour son secrétaire. Il lui sera accordé quatre
satellites qui recevront chacun un tael et demi par mois; cette dépense sera comprise dans
les frais de transport.
Il y avait autrefois 21 villes, fou, üinh, tcheou ou hien dans le Yun-nan où l'on trouvait
une quantité de cuivre plus considérable que celle qu'exigeait la loi. Mais aujourd’hui, au
contraire, la production a tellement diminué qu'on ne trouve pas le nécessaire et qu'il est
indispensable d'ouvrir de nouvelles mines. Cet état de choses est certainement regrettable.
1 D’après l'estime du docteur Joubert, la distance de Yuen-kiang au lieu d'exploitation actuel serait de
35 kilomètres. Je renvoie pour plus amples détails sur cette mine, que le docteur Joubert a visitée, à la Géo-
logie, page 163.
2 Le total exact, tel qu'il résulte des chiffres donnés pour chaque mine, est 7,645,659 Livres 13 onces 9 tsien
pour le cuivre à fournir à Pékin, et 1,239,358 livres 6 tsien pour le cuivre à fournir à la province ; mais cette
dernière redevance n’a pas été indiquée pour toutes les mines. En admettant, ce qui est certainement exa-
géré, que ces impôts représentent la moitié de la production totale, on voit que la production annuelle
en cuivre de la seule province du Yun-nan s'élevait en 1850 à plus de onze millions quatre cent mille Kkiloyrammes.
Quand arrivera-t-on à avoir une idée exacte des richesses de la Chine ?
% Sorte d'officiers recevant une mission temporaire et n'ayant d'autorité que pendant le cours de cette
mission.
* Ville importante du Se-tchouen située sur le fleuve Bleu à 60 milles de Siu-tcheou fou. Voyez la carte
générale de l’Indo-Chine, Atlas, 1" partie, pl. IT.
PRODUCTION EN MÉTAUX. 227
S 2, — Des mines d'argent.
L'argent est desa nature un métal tellement secret qu'on ne parvient à le trouver que
par de grands travaux. Chacun le recherche avec zèle, mais tous ne parviennent pas à faire
fructifier leurs efforts, soit qu'ils périssent avant d’avoir atteint la profondeur où git le
métal, soit pour tout autre motif. Un petit nombre seulement voient leurs labeurs couron-
nés de succès.
A. Mines du département de Lin-ngan. — La mine de Mo-he est près du château de
Mong-tchay, sur le territoire de Kien-chouy, et dépend du Tche-hien de cette dernière
ville. Elle a été ouverte la 7° année de Kien-long. Sur chaque once d'argent, l'État perçoit
au titre Ko, 0'.15. Trois fen sont prélevés en outre à divers titres !, L’impôt Ko rapporte
annuellement 51 taels.
La mine Ko-kieou est au sud de Mong-tse, près des confins du Yue-nan ?. Elle dépend
du Tche-hien de Mong-tse. Elle à été ouverte la 46° année de Kang-hi. Elle paye les
mêmes impôls que la précédente. L'impôt Ko s'élève par an à plus de 2,306 taels. La
mine de Long-tchou est issue de celle-là et lui paye pour la location du terrain plus de
70 taels par an.
B. Mines du département de Tong-tchouen. — La mine Mien-hoa-ti est sise au N.-0.
du territoire des Kiao-kia près du Kin-cha Kiang sur les confins du Se-tchouen. Elle a été
ouverte la 59° année de Kien-long. Elle paye les mêmes impôts que les précédentes. L’im-
pôt Ko rapporte par an plus de 5,106 taels.
La mine Kin-ngieou est au S.-0. de la ville de Houy-v et sous la dépendance du tche-
hien de cette ville. Elle a été ouverte la 60° année de Kien-long, et estsoumise aux mêmes
impôts que les précédentes. L’impôt Ko y rapporte plus de 289 taels.
C. Mines du département de Tchao-tong. — La mine Lo-ma est à 80 li au $.
de Lou tien à FO. du mont Long-teou près du fleuve Ngieou-nan. Le tong-pan de
Lou tien est chargé de son administration. Ouverte la 7° année de Kien-long, elle
est soumise aux mêmes impôts que les précédentes et rapporte au titre Ko plus de
6,353 taels par an.
La mine Kin-cha est située au S.-0. de Yun-chang, sur les bords du Kin-cha kiang ;
elle est sous les ordres du tche-hien de Yun-chang. Au S. de cette mine est située celle de
Lo-ma. Elle a été ouverte la 7° année de Kien-long et paye les mêmes impôts que les
autres mines. L’impôt Ko s'élève à plus de 1,199 taels.
La mine Tong-tchang-po est à l'O. et à plus de 300 li de Tchen-hiong; elle est
au S.-0. du marché de Ngieou près du mont Tchang-fa-po, entre les anciennes
mines d'argent, de cuivre et de fer. Elle dépend du Tche-tcheou de Tehen-hiong.
Ouverte la 59° année de l’empereur Kien-long, elle rapporte par an au titre Ko plus
de 1,119 faels.
1 En d’autres termes, l’État prélève 18 pour 400 de la quantité d’argent produite.
? Tong-king.
228 TIEN NAN KOUANG TOHANCG.
D. Mines du département de Li-kiang. — La mine Houy-long est à l'Ouest de Li-kiang
près du Lan-tsang kiang. Au delà est le Lou kiang. Ouverte la 41° année de Kien-long.
elle paye au titre Ko plus de 3,894 taels.
La mine Nogan-nan est très-ancienne et s’appelait autrefois Kou-hio; elle est sise au
S.-E. de Tchong tien, etle Tin-tong-tche de cette ville la régit. Réouverte la 16° année de
Kien long, elle paye au titre Ko plus de 2,522 taels.
E. Mine du département de Yun-tchang. — La mine San-tao-keou est sur le territoire de
Yun-pin hien dont le Tehe-hien la régit. Ouverte la 7° année de Kien-long, sur 100 livres
de 7cheou cha, elle doit en payer 10 livres au litre Tcheou-ko ; cet impôt perçu en
argent rapporte aujourd’hui 40 taels.
F. Mine du département de Chun-ninqg.—La mine de Yong-kin, appelée aussi Li-se-ki,
est située au S.-0. de Chun-ning. Le Tehe-hien de cette ville en est l'administrateur.
Ouverte la 46° année de Kien long, elle paye les mêmes impôts que la mine de Mo-he.
L'impôt Ko s’élève par an à 560 taels.
G. Mines du département de Tchou-hiong.. — La mine de Yun-chen est située au
Sud de Tehen-hiong, près du mont Kieou-tay. Elle a été ouverte la 46° année de Kang-
hi. Le gouvernement perçoit le tiers du minerai pour l'impôt Teheou-ko. La valeur
de cet impôt s'élève à plus de 217 taels par an. Le gouvernement perçoit sur la mine
nouvelle de Sin-long 0'.18 par once d'argent au titre Ko pour suppléer à l'impôt de l’an-
cienne.
La mine de Tou-ka est sise sur le territoire de Ngo-kia et dépend du mandarin de
Nan-ngan teheou; elle a été ouverte la 44° année de Kang-hi et paye 0°. 18 par once d'argent,
ce qui donne plus de 20 taels par an pour l'impôt Ko.
La mine Che-iang est à l'O. de Ngo-kia et est régie par le Tche-tcheou de Nan-
ngan. Elle a été ouverte la 24° année de Kang-h1; le gouvernement perçoit 0'.2 par once
d'argent pour l'impôt Ko, plus 0'.1 pour les résidus. La perception à ce dernier titre
s’élève à un peu plus de 5 taels par an.
La mine Ma-long est au S.-0. de Nan-ngan près de l'étang Tehou-vuen. Elle fut
ouverte la 46° année de Kang-hi. Sur un tan de minerai, elle paye à l’État 2 teou et
2 chen, et sur 10 tsi du minerai appelé Kouang tou, 2 tsi et 2 ho° au titre Tcheou-ko.
La valeur en sera estimée après l’élaboration et payée au gouvernement en argent. Cet
impôt s'élève à plus de 516 taels par an.
Ces quinze mines payent annuellement depuis la 16° année de Kia-kin un total de
24,114:.3 au litre Tcheou-ko *.
H. Mine du département de Ta-ly. — La mine de Pe-iang est sise sur le territoire
de Yun-long et régie par le Tehe-tcheou de cette ville. Ouverte la 38° année de Kien-
! Cinabre; très-employé dans la médecine chinoise contre les maladies du cœur.
? Voyez la note 4, page 179.
% Le total qui résulle des chiffres donnés pour chaque mine est 24,197 taels, représentant les 1 cen-
tièmes de la production totale en argent. Cette production s’élèverait done à 161,300 taels, c’est-à-dire à
1,250,000 francs, et à deux millions environ si l’on tenait compte des mines suivantes.
PRODUCTION EN MÉTAUX. 229
long, elle paye sur une once d'argent un sien et demi pour l'impôt tcheou-ko et trois fen
à divers autres titres.
1. Mine du département de Yuen-kiang. — La mine de Tay-ho est sur le territoire de
Sin-pin, au S.-0. de cette ville dont le Tehe-hien la régit. Elle a été ouverte la 17° année
de Kia-kin. Son impot est réglé comme celui de Pe-iang tchang.
J. Mine du département de Tonq-tchouen.—La mine de Kio-lien est à VE. de Houy-v,
près de Ouei-ning tcheou. Elle est régie par le tche-hien de la première ville. Ouverte la
16° année de Kien-long, elle paye les mêmes impôts que les précédentes.
Ces trois mines rapportent au titre Ko 5 à 600 taels par an au gouvernement.
K. Mine sur le territoire de Chun-ning\. — La mine Hi-ngi est au lieu appelé Ken-ma,
et dépend du Tou-se. Elle a été ouverte la 48° année de Kien-long. Elle doit payer par an
au titre Ko 800 taels d'argent et ajouter à cette somme un peu plus de 66: taels les années
à mois intercalaires.
L. Mines récemment ouvertes. — La mine Tong-chen sur le territoire de Yun-pe est sise
au lieu nommé Lang-kiou-tou et dépend du tong-tche de Yun-pe tinh. Elle a été ouverte la
11° année de Tao-kouang. Le gouvernement perçoit au titre Teheou-ko 0°.135 par once
d'argent. On retire indistinetement du cuivre et de l'argent de cette mine. Au bout de
quinze années d'exploitation, elle s’est réunie à la mine de cuivre de Pao-pin.
La mine Kouang-chan sur le territoire de Tong-tchouen est à l'E. de Houy-y, au N. de
la mine Hay-iuen et à ’O. de la mine Kio-lien. Elle dépend du tche-fou de Tong-tchouen.
Elle a été ouverte la 24° année de Kia-kin et vend son minerai. Sur 1,000 sapèques du prix
de vente, le gouvernement en perçoit 180 au titre Tcheou-ko. Cet impôt se transforme
ensuite en argent pour que le transport en soit plus facile. La 15° année de Tao-kouang,
cette mine a été réunie à celle de Mien-hoa-ti.
La mine Ta-mou sur le territoire de Yuen-kiang est sise près de Sin-pin dont le Tehe-
hien la régit. Ouverte la 12° année de Tao-kouang, elle dut payer à l’empereur au titre
Tcheou-ko un {sien et demi par once d'argent, plus trois fen à divers autres titres. La
15° année du même règne, elle a été réunie à la mine de Tay-ho.
La mine Sin-long est sur le territoire de Tchen-yuen dont le tinh-tong-tche la régit. Elle
a été ouverte la 17° année de Tao-kouang, et doit payer au litre Teheou-ko 0°.135 par
once d'argent.
La mine de Pe-ma est sur le territoire de Ho-kin dont le tche-tcheou la régit. Elle a été
ouverte la 20° année de Kia-kin et doit payer, par once d’argent, 0'.144 pour l’impôt
Tcheou-ko.
La mine Sin-in est sur le territoire de Ouen-chan dont le tche-hien la régit. Elle a été
ouverte la 21° année de Tao-kouang et paye au titre Tcheou-ko un dixième de son produit
en argent.
La mine Hang-sin est sur le territoire de Nan-ngan et sous la direction du délégué
1 Voir la carte générale de l’Indo-Chine, Atlas, 4° partie, pl. IL. La partie Sud du territoire de Chun-ning
est encore complétement habitée par des Shans ou Laotiens du Nord.
230 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
du préfet d'Ouy-yuen. Elle à été ouverte la 23° année de Tao-kouang et doit payer au titre
Tcheou-ko un tsien et deini par once d'argent et trois fen à divers autres titres.
Le produit de ces sept mines est employé à subvenir au déficit des autres mines
d'argent de la province.
72)
3, — Des mines d'or, d’étain, de plomb et de fer.
L'or le plus estimé était celui des trois premières générations !. On ne commenca
que sous les Yuen ? à prélever un impôt sur ce métal; cet impôt s'élevait à plus de 180
Pao *; sous les Ming, 1,000 onces d’or valaient 8,000 taels d'argent. C’est ce que
l’on appelait l’or houe, c’est-à-dire lor au titre légal. Dans la suite, or prit une valeur
plus grande et on offrit une augmentation de 1,000 taels d'argent au titre Kong*. Mais
elle ne fut pas admise et l’on porta cet impôt kong à 3.000 taels *. Le gouvernement rece-
vait plus de 70 onces d’or au titre Ko. Ensuite cet impôt fut diminué jusqu’à un peu plus
de 28 onces. La justice et la bienveillance des gouvernants pour le peuple étaient grandes
à l’origine des choses. Maïs, aujourd’hui, il est prélevé un tribut sur chaque métal, or,
élain, fer, plomb ; aussi le gain du peuple est-il peu considérable.
A. Mines d'or. — Les quatre mines d’or «suivantes» doivent payer, d’après la loi éditée
la 15° année de Kia-kin, 28°.8653 d’or et, quand il y a un mois intercalaire, elles doivent
ajouter 1°.4629. Cet impôt est perçu par le Fou pou.
La mine Ma-kou est située au S.-0. du mont Ouen sur les limites du Yue-nan et du
territoire de Lin-ngan; elle est sous la direction du tche-fou de Kay-hoa. Elle à été
ouverte la 8% année de l’empereur Yong-tchen. L'impôt Ko exigé est de 13 fen d’or par
atelier de laveurs et par mois. Cet impôt est diminué de moitié le premier et le dernier
mois de l’année 7. L’impôt annuel total est de 10°.01 auquel on ajoute 0',91 quand il y a un
mois intercalaire.
La mine Kin-cha-kiang est au S.-0. de Yun-pe sur les bords du fleuve, aux limites
du territoire de Tsie-pin-tchouen. Elle est sous la direction du tinh-tong-tche de la première
ville. Ouverte la 24% année de Kang-hi, elle paye par atelier de laveurs et par mois un tsien
d’or pour l'impôt Ko. L’impôt annuel total est de 7°.26 d’or. Il n’est rien ajouté pour les
mois intercalaires.
! C'est-à-dire des trois premières dynasties, Hia, Chang, Tcheou. Elles régnèrent en Chine de 2205 à 256
av. J.-C. |
? Dynastie mongole qui a occupé le trône de 1260 à 1268 après J.-C.
* Boule d’or qui vaut 50 taels d'argent.
* Kong se dit des dons offerts volontairement à l’empereur.
$ Ce qui donne + pour le rapport de la valeur de l'or à celle de l'argent, qui en Europe est de ++ Nous
avons trouvé à notre passage dans le Yun-nan que ce rapport variait aujourd’hui de + à &-
5 Ministère des finances. Cet impôt, qui équivaut environ à 1,140 grammes d'or, ne donne pas une bien haute
idée de la production aurifère de la province.
7 Sans doute parce que les travaux s’arrètent à cause des fêtes.
PRODUCTION EN MÉTAUX. 231
La mine Ma-kang est située au $S. de Tchong tien ; à l'E. est la mine d’ar-
sent de Ngan-nan. Ma-kang est administrée par le tinh-tong-tche de Tchong tien. Elle
a été ouverte la 19"° année de Kien-long. Elle doit payer au gouvernement un cinquième
de sa production en or. L’impôt annuel est de 11.2. On ajoute pour les mois inter-
calaires 0°.5.
La mine Houang-tsao-pa est à l’O. de Teng-yue; à l'O. de cette mine est le Ta-in
kiang qui coule sur le territoire d’un Tou-se. Elle est administrée par le tinh-tong-tche
de Teng-yue et a été ouverte la 5° année de Kia-kin. Les veines de cette mine ont
trois valeurs différentes. La première sorte paye 0°.15, la seconde 0'.08, la troisième 0".04
par once d’or pour l'impôt Tcheou-ko. L’impôt annuel total est de 0°.3953 auxquels on
ajoute 0'.0329 pour les mois interealaires.
B. Mines d'étain. — La mine Ko-kieou est sise près du château de Mong-tsiun, sur le
territoire de Mong-tse dont le tche-hien la régit. Elle a été ouverte la 36"° année de Kang-
hi. Le gouvernement prélève 19 livres sur 100 livres d’étain dont le prix est fixé
à 4.036. II est fourni à l'Etat chaque année pour 4,000 taels d’étain. Il faut une permis-
sion du Pou tchen se! pour vendre le reste du métal. 99 livres d’étain forment ce que
lon appelle un kÆoway; 24 kouay forment un ko. Il est perçu par ko, au titre Ko,
4.5; plus, pour les soldats de la province, 3.578. A ces deux titres, la mine paye à l’État
3,186 taels par an.
C. Mines de plomb. — Dans les quatre mines de plomb on distingue le plomb blanc *
que l’on appelle ouy yuen. Il est réduit dans un foyer entièrement construit en argile
et de la forme d’une grande jarre d’où le foyer a pris le nom de Oua kouan lou. Le
minerai est entouré de charbon de tous côtés, de facon à ce qu'il ne puisse être en
contact avec l'air. Il est placé dans des vases en terre et introduit dans le foyer où
quatre de ces vases, suivant la capacité du foyer, forment un ktao. Il y a aussi le plomb
noir que l’on appelle Ti-mou, pour lequel on se sert des mêmes foyers que dans les mines
d'argent. Sur 100 livres de ces deux métaux on en prélève 15 pour l'impôt Tcheou-
ko, 5 pour l'impôt 7chong kong* et 10 pour l'impôt Tong-chang. Ces impôts peuvent
être payés en argent. Ce qui est payé au titre Tchong-kong est consacré à l'entretien des
travailleurs, ce qui représente une dépense de 1.82 à plus de 2 taels par 100 livres de
métal produit. Pour le plomb blane, il faut dépenser de 1'.28 à 2 taels; pour le plomb
noir, 1‘.450 à 1.684. Sur 100 taels du capital de la mine, 1l est retenu encore pour
la balance 1°.5. Cet argent sera dépensé pour l'usage commun et le compte devra en être
rendu chaque année.
! L'un des trois membres de la direction des finances attachée à la province du Yun-nan. Ces trois mem-
bres, nommés San ta chen, sont le Fan tay, le Pou tchen et le Gan cha. Ils composent un tribunal dont le
pouvoir est supérieur même à celui du vice-roi. Ils peuvent différer l’exécution des ordres de l’empereur.
Tous les mandarins nommés dans la province doivent se présenter à eux et ils peuvent changer leur destina-
tion. Ils communiquent avec l’empereur comme tribunal, mais jamais isolément. On fait appel devant eux
des causes successivement jugées par les hien, les fou et les tao.
? Ce plomb blanc n’est autre que du zine.
# Impôt laissé à la disposition des mandarins pour les usages publics.
232 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
La mine Pey-tche est située sur le territoire de Lo-ping; celle de Kouay-v, sur le
territoire de Ping-tche, et toutes deux sont régies par le tche-hien de cette dernière ville.
Elles ont été ouvertes la 7 année de Yong-tchen et envoient annuellement aux magasins
de la province plus de 219,769 livres de plomb blanc qui sont affectées à différents usages.
L'impôt Ko équivaut environ à 399°.98 ; l'impôt Kong, à 199°.902; l'impôt de la balance, à
67.886 ; l'impôt Tong-chang donne 135'.772 ; on doitaffecter 67.886 de l'impôt Kong au
transport. Quand il y a un mois intercalaire, les mines doivent ajouter 19,114 livres, et
augmenter proportionnellement tous les autres impôts. Elles doivent aussi envoyer
33,415 livres de plomb noir et payer 64°.5 pour les impôts Ko et Kong.
La mine Tse-hay est au S.-E. de Houy-y. Le minerai de plomb se retire du mont
Kouang, près de la mine d'argent qui s’y trouve, et on le porte au lieu où se trouve le
charbon. Le tche-hien d’Houy-y est chargé de cette mine qui a été ouverte la 2"° année
de kien-long. Son exploitation s’est interrompue plusieurs fois par suite de la fermeture
des magasins de métaux de Tong-tchouen. Elle a été rouverte la 8" année de Kia-kin et
mise sous la dépendance du tche-hien de Kien-chouy avec la mine de Pin-ma. Elle dut
envoyer alors annuellement aux magasins de Yun-nan 219,769 livres de plomb blanc et
payer pour les autres impôts comme les deux mines précédentes; mais le prix des 100 li-
vres de métal ne fut fixé qu'à 2 taels. La 22" année du même empereur, les magasins de
Tong-tchouen furent rouverts et durent recevoir de cette mine 156,977 livres de plomb
blane, plus 13,080 livres pour les mois interealaires. Les mêmes redevances continuèrent
à être payées aux magasins de la province.
La mine O-la-lo est sous la direction du tche-hien de la ville d'Houy-y. Elle envoie
aux magasins de Tong-tchouen 11,933 livres de plomb noir. Sur 100 livres, il en est pré-
levé 10 pour l'impôt Ko. On ajoute pour les mois intercalaires 994 livres. Le plomb est
acheté par le gouvernement au même prix que le plomb blane.
La mine To-to est au N.-0. de Siun tien ; à l'O. est la mine de cuivre de Chouang-
long. Elle est administrée par le tche-tcheou de Siun tien et a été ouverte la 13"° année
de Kien-long. Son revenu est dépensé pour la province. Elle donne par an 33,415
livres de plomb noir; le prix du transport de 100 livres à la capitale de la province
est fixé à 2.1. Pour les mois intercalaires on ajoute 20,000 livres.
D. Mines de fer. — Le gouvernement perçoit au titre Ko, dans les quatorze mines sui-
vantes, 296.158 dans les années à mois intercalaires, et 281.536 dans les années ordi-
naires.
La mine de Che-iang est sous la juridiction du tehe-tcheou de Nan-ngan; la mine
de O-kan, sous celle de Tchen-nan ; la mine de San-chan dépend de Lou-liang; celle de
Hong-lou-keou, de Ma-long ; celle de Kong-ming-ly, de Che-pin; celle de Siao-chouy, de
Lou-nan: celle de Ho-ti, de Ho-kin; les trois mines de Ngo-sin, Cha-tse, Chouy-tsin, du
ünh-tong-tche de Teng-vue; celle de Lan-gi-tsin, du Teheou-pan de Ngo-kia; celle de Kiao=
ise-pa, du tinh-tong-tche de Ta-kouan ; celle de Lao-ou-chan, du tehe-hien d’Y-men:; enfin
celle de Mong-lie, du tong-tche d'Ouy-yuen.
PRODUCTION EN MEÉTAUX. 233
E. Droits divers. — Pour le droit de vente de 110 livres de cuivre blanc! pris au
magasin de la capitale de la province, le gouvernement perçoit une livre de cuivre ou
trois tsien d'argent.
Les marchands qui transportent le cuivre blanc de la mine Li-=ma-ho à la capitale du
Se-tchouen doivent faire marquer le métal en acquittant les droits; de même ceux qui
transportent le cuivre blanc pris à la mine Ta-mong-lin de Ning-yuen à Tehen-tou * paye-
ront l'impôt tel qu'il est exigé dans les mines du Se-tchouen. (Ces deux mines qui s’appe-
lient autrefois Mo-mi et Tsi-ngieou ne produisent aujourd’hui presque plus rien, et Von a
du en informer le gouvernement.) Sous Tao-kouang, 23° année, cet impot rapportait 420
laels. Dans la mine de Ta-mong-lin on paye un petit impôt particulier pour l'extraction du
métal des fourneaux; cet impôt rapporte 17°.7 par an.
Les marchands qui apportent le cuivre blane de la mine Li-ma-ho au marché nommé
Ma-kay situé près de Yuen-mong hien payent 0'.7 par chaque caisse appelée na.
Les marchands qui apportent le cuivre blane des mines du Se-tchouen à Houy-v doi-
vent prouver qu'ils ont acquitté les droits au préfet de Ning-vuen et payent en sus un tael
par 100 livres. S'ils n'ont pas de recu, ils payeront au gouvernement 10 livres par 110 li-
vres. Elles seront évaluées en argent au prix de 0°.3 la livre.
La 22° année de Fao-kouang, il a été ainsi transporté 4,899 livres de cuivre blanc qui
ont rapporté à l'État 481.99.
! Voyez sur la production du cuivre blanc, Géologie, pages 159-160
? Capitale du Se-tchouen.
I. co
IV
DES DÉPENSES DU TRÉSOR PUBLIC.
Les habitants de la province de Tien sont d'une nature telle qu'on ne trouve pas facr-
lement parmi eux des gens qui s'occupent de commerce. Ils se plaisent à habiter les lieux
déserts, à la recherche des pierres précieuses, notamment de celles qui ont une belle couleur
verte. Les bois, le coton, les matières médicales abondent cependant dans cette contrée et
pourraient être vendus avec de grands bénéfices.
Il arrive souvent que les mines qui produisent les métaux ruinent leurs propriétaires,
comme ces oiseaux impies, qui, après avoir grandi, crèvent le ventre de leur mère. Aussi,
quand les minerais de cuivre viennent à manquer, les ouvriers se dispersent, et chacun
cherche à gagner sa vie au détriment même du propriétaire auquel ils dérobent tout ce
qu'ils peuvent.
La province de Tien fournit chaque année plus de 9 millions de livres de cuivre, qui
valent environ 6 taels les 100 livres, et 50 à 60 mille livres d'argent; il faut défalquer
de cette valeur le prix du transport. Il est arrivé souvent que les marchands ne puis-
sent payer le tribut et l’apporter au trésor. C’est pourquoi, il y a deux ans, le mi-
nistre de l’agriculture parlait d'aider avee le trésor public, le trésor de la province, pour
qu'il püt subventionner les mines et pourvoir aux besoins des milliers d'hommes qui y
travaillent. À ce moment, en effet, neuf préfectures n'avaient eu qu’un subside insufti-
sant. On sent de quelle importance il est « pour le gouvernement », de venir en
236 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
aide aux exploitations minières. Nous allons donc parler maintenant des charges du
trésor publie.
S 1. — Avances pour l'achat et le transport du cuivre.
La province du Yun-nan doit chaque année envoyer-à Pekin une quantité de cuivre
en échange de laquelle elle recoit 1 million de taels. Le ministère des finances et celui
des travaux publics doivent d’après la loi retenir sur ce erédit 64,455".2 pour la nourriture
des hommes chargés du transport. Cette somme doit être augmentée de 2,301".8%4 « dans
les années à mois intercalaires » où 1l est envoyé une quantité supplémentaire de métal.
A Tien-tsin', le trésor doit fournir 2,800 taels; Tso-leang tinh* donne 4,970°.18,
plus 199°98% S'il y à un apport de cuivre supérieur à ce que lon a coutume d’en-
voyer. Tous les mandarins des provinces traversées fournissent en outre d’une manière
générale pour les frais de transport 8,400 faels. Le Se kou ou « trésorier » du Tche-Iv
fait La répartiion de cette somme. Pour le transport de Han-keou à Y-tchen, le trésor
de la province du Hou-pe devra payer 10,434 taels ; pour le transport de Y-tchen à
Tong tcheou *, la province du Kiang-sou paiera 16,206 faels. Ces deux provinces prètent
en outre 13,000 taels pour les frais de transport pendant toute la route depuis le Yun-nan.
(I a été décidé la 8° année de Tao-kouang, que cette dernière somme serait rendue aux
trésors du Hou-pe etde Kiang-ning * chaque année en quatre pavements de 2,500 et deux
de 1,500 taels.) Les provinces du Tehe-ly, du Hou-pe et Kiang-ning suppléent au reste
des dépenses. Sur le crédit d’un million qui lui est affecté, la province du Yun-nan recoit
en définitive 837,252!.792 dont elle doit rendre un eompte exact. Chaque année le
lrésorier doit établir ce qui a été dépensé de ce capital, ce qui reste, et quel en est le
bénéfice en tenant compte du cuivre en magasin et de tous les frais.
Les autres provinces doivent faire livrer par des délégués à la province du Sue -nan
deux ans à l'avance le capital nécessaire à l'exploitation des mines de cuivre; si l’on n'en-
voyait cet argent que l’année Kia, par exemple, le Yun-nan ne pourrait dans l’année Y? en-
voyer le cuivre qu'il doit avant l'automne pour éviter les orages et les pluies, sans con-
tracter des dettes. (Dans la 18° année de Kia-kin il y a eu un déficit de 4,000 taels dans le
capital avancé, mais celte somme a été recouvrée la 19° année de Tao-kouang.)
! Ville importante située à la jonction du Grand Canal et du Pe Ho. Elle a été occupée en 1858 par l'amiral
Rigault de Genouilly, et en 1860 par l’armée expéditionnaire anglo-française. Un consul francais y réside
depuis cette époque.
? Située dans le Pe-tche-ly aux environs de Pékin.
3 Y-tchen est située sur le Yang-tse kiang à l'entrée du Grand Canal; Tong tcheou est sur le Pe Ho,à l'E. el
à très-peu de distance de Pekin. C’est la dernière étape de la route.
# Plus connue sous le nom de Nankin : capitale de l’ancienne province de Kiang-nan qui est aujourd'hui
divisée en deux, le Kiang-sou et le Ngan-hoei.
5 Les Chinois ont pour désigner les heures du jour douze caractères qu'ils appliquent aussi à la désignation
des années. Ces douze caractères appelés 74 tchi, combinés avec dix autres appelés Tien kan, servent à dénom-
mer les soixante années du cycle de Hoang-ti. Ce calendrier se retrouve en Cochinchine, à Siam, au Cam-
bodge, etc. L’année Kia est la première du cycle de dix ; l’année Y est la seconde.
DÉPENSES DU TRÉSOR PUBLIC. 237
Dans la province de Tien après dix ans d'exploitation, alors que la mine est devenue
plus profonde et d’un plus grand rapport, 1l est permis de prèler aux Lou-fou, « familles
chargées des foyers », une somme d'argent qui sera remboursée en euivre après 40 mois.
Si ces familles manquent à leurs engagements, les directeurs de la mine devront payer
pour elles.
Toutes les mines du Yun-nan ne sont point à une égale distance de la capitale de
la province, et ne peuvent en recevoir à temps l'argent nécessaire; c’est pourquoi, pour
éviter des transports inutiles, 80,000 taels sont déposés chez le gouverneur du Tong-tao
et 4,000 chez celui du Si-tao, afin que cet argent soit plus facilement à la portée des ex-
ploitateurs. Pour quelques-unes des mines du Nan-tao ‘, le chemin à faire pour venir
à la capitale serait également trop long, et elles peuvent être autorisées par des lettres don-
nées par le Fan-se * et signées par le Tao-tay à recevoir l'argent à un lieu moins éloi-
gné. [l en devra être rendu compte mois par mois, et si, par la négligence du Tao-tav.
l'argent réellement recu est moindre que l'argent qui aura été donné pour cet emploi,
ce fonctionnaire devra payer la différence de ses propres deniers. Si la mine est sous la
direction d’un tche-fou, qui aura agi d’après les ordres du Tao, ces deux fonctionnaires
seront solidairement responsables. Enfin, si le Fan-se lui-même a donné plus d'argent
qu'il n'aurait dùü, de telle sorte qu'il soit difficile de recouvrer la totalité de la somme
avancée, il sera dégradé de sa dignité et obligé de réparer le dommage causé au trésor.
En même temps, les mines qui doivent à l’État sont soigneusement notées el jugées d'a-
près la même loi que ceux qui doivent l'impôt du sel.
La valeur du capital avancé aux mines sera recouvrée peu à peu, mensuellement, en
cuivre. Si au bout de trois mois l'argent avancé n’est pas rendu, le Tao et le Fou veille-
ront à ce que les directeurs de la mine indemnisent complétement le gouvernement
avant la fin de l’année, dussent-ils mème pour cela vendre leur matériel. Si une année
entière s'écoule, les directeurs de la mine devront dédommager l'État de leurs propres
deniers, et les habitants mêmes pourront être condamnés à une réparation.
Si une fraude ou une erreur n'est découverte qu'après un temps très-long, les auto-
rités de la province condamneront comme voleurs les directeurs de la mine. Si les ou-
vriers de la mine sont en fuite et que les directeurs en préviennent aussitôt, le Tao et le
Fou examinent si le fait est vrai, et peuvent, dans ce cas, réparer le tort commis avec les
deniers publics (Pargent employé à cet usage provient de la retenue de un pour cent faite
sur l'argent avancé aux mines); mais il ne sera permis en aucune manière d'attribuer ce
tort à la négligence des ouvriers. Le fardeau imposé aux directeurs des mines est considé-
rable, etil convient de ne choisir pour ces fonctions que des hommes probes, actifs, en uu
mot, à la hauteur de leur position. Si lon choisit imprudemment des gens qui n'ont aucun
bien, ceux quiles auront choisis en auront la responsabilité et devront en rester les eautions.
1 Voyez la note 6 de la page 218.
? Supérieur judiciaire de toute la province, chargé de l'installation des fonctionnaires nommés par Pékin,
qu'il doit présenter au San-ta. Il prend rang immédiatement après les trois fonctionnaires qui composent
ce tribunal (Voy. la note { de la page 231).
238 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
Lorsque les mines de cuivre, loin de rapporter un bénéfice, n’occasionnent que des
dépenses, 1l faudra en rechercher soigneusement la cause. Si elle réside dans la pauvreté
du minerai, résultant d’une trop longue exploitation, et qui fait que l’on ne peut trouver
des Lou-fou, le Tao et le Fou dénonceront le fait et attendront une décision. Si la chose
n’est pas telle qu'on l'avait exposé, tous ceux qui ont mission de veiller sur la mine,
depuis le Tao et le Fou’, devront payer le dommage. (Ces hauts fonctionnaires parta-
geront la perte avec le Fan-se, et devront indemniser de leurs deniers le trésor public.
Si la mine est sous la direction d’un Tehe-fou ou d’un Tche-li-tcheou, ceux-ci partageront
la somme à payer avee le Tao qui est chargé de veiller sur eux. Si elle dépend d’un Teheou
ou d’un Hien, ceux-ci partageront la somme à payer avec leurs supérieurs, le Tehe-fou ou
le Tehe-li-tcheou. Les directeurs particuliers de la mine payeront toujours la sixième partie
de la perte.)
S2. — Traitements des mandarins et employés des mines.
Dans chaque mine où les ouvriers font secrètement de grands bénéfices, il faut veiller
avee soin sur la fraude ou le vol. Les directeurs ou les secrétaires, soit dans les mines,
soit dans les entrepôts, doivent retirer un bénéfice certain de l'exploitation du cuivre,
pour qu'ils ne soient pas tentés de prévariquer et de faire des gains illicites avec les mar-
chands et les ouvriers. S'ils ne s'occupent que de bien remplir leur office, le gouverne-
mentobtiendra un revenu presque incroyable. C’est pourquoi nous allons parler maintenant
des salaires.
Le préfet de Tong-tchouen doit recevoir par mois pour la mine de Tang-tan 21 taels,
plus 54.6 pour ses domestiques; pour la mine de Ta-chang-keou, 7 taels pour lui et
43.4 pour ses domestiques ; pour la mine de Mong-lou, 10 taels pour lui et 41 pour ses
domestiques ; enfin, pour la mine de Ta-fong-lin, 10 taels pour lui et 52 pour ses do-
mestiques.
Le mandarin de Ta-kouan ne reçoit que 5 taels par satellite employé dans les mines
de Jen-lao-chan et Tehou-lang.
Le mandarin de Ouy-yuen recoit par mois pour la mine de Ning-tay 15 taels, et ses
satellites 148 taels.
Le mandarin de Yun-long recoit par mois pour la mine de Ta-kong 15 taels pour lui
et 48 pour ses domestiques.
Le mandarin de Yun-pe reçoit par mois pour la mine de Pao-pin 3°.75 pour lui et
13.85 pour ses domestiques.
Le mandarin de Y-men reçoit par mois pour la mine de Hiang-chou-po 15 taels pour
lui et 55'.4 pour ses domestiques.
Le mandarin de Lou-nan ne reçoit pour sa surveillance sur les deux mines de Fong-
! Ce n’est pas le même caractère que Fou qui signifie « préfet d’un département ». Il désigne ici le premier
fonctionnaire de la province après le Tsong-tou ou « vice-roi ».
DÉPENSES DU TRÉSOR PUBLIC. 239
houang-po et Hong-che-ngay que 5'.7 par mois et par domestique employé ; pour les deux
mines de Ta-sin et de Hong-po, il n’y a également qu'une somme mensuelle de 13°.3 al-
louée à ses satellites ; ce n’est que pour la mine de Fa-kou qu'il reçoit par mois 10 taels
pour luiet 13 pour ses domestiques.
Pour les mines de Hong-long, Lo-ma, Chouang-long, Tehang-fa-po, Siao-ngay-fang,
Kin-cha, Mey-tse-to, Tse-ngieou-po, Se-tse-ouy, Lao-tong-pin, il n’est rien alloué,
même pour les satellites.
IL est affecté par an au directeur de l’entrepôt du Si-tao 186 taels pour son entretien
et 696 taels pour les frais d'emmagasinement du cuivre.
Le directeur de l’entrepôt du Tong-tao reçoit 480 taels par an pour son usage et
528 taels pour les autres dépenses.
Le mandarin de Ouei-ning, « préposé aux transports», reçoit par an 300 taels pour son
usage et 276 taels pour les autres dépenses. |
Le mandarin de Tchen-hiong, « préposé aux transports », recoit par an 900 taels pour
lui et 475'.6 pour les autres dépenses.
Le mandarin de Tong-tchouen,: « préposé aux transports », reçoit par an 720 faels
pour lui et 627t. 36 pour les autres dépenses.
Le mandarin de Tehao-tong reçoit par an 720 taels pour son usage et 180 faels
comme frais de voyage pour presser la rentrée du cuivre.
Le mandarin de Ta-kouan reçoit par an pour la mine Tsin 360 taels pour lui et
187°.2 pour les autres dépenses de la mine.
Le mandarin de Yun-chang reçoit par an pour les magasins d’Houang-tsao-pin 300
taels pour lui et 211 pour les secrétaires et autres employés.
Les directeurs des magasins de Lou tien recoivent par an pour leur traitement, 200taels:
les seribes et autres employés, 320.
Le directeur de la mine de Tang-tan reçoit par mois pour son traitement 30 taels ;
chacun des directeurs des mines Lou-lou, Tsien-chan, Gi-tou, Ning-tay 15 taels; ceux
des mines de Ta-chouy-keou, Ta-fong-lin, Sin-long, Kin-teha et Mong-lo, 10 taels; celui
de la mine de Pe-iang-chan et les délégués des mandarins à Hia-kouan, Tehou-hiong et
Yun-nan, 8 taels par mois chacun; le directeur de la mine de Tay-tse reçoit 6 taels. Pour
les employés de tous ces directeurs, l'usage est, à Tong-tchouan et dans le Tong-tao, de
donner 80 taels; les fous de Lin-ngan, Tehin-kiang, Chun-ning recevront 20 taels; celui
de Yun-nan, 19*.2.
Le chou-ki ou « secrétaire » attaché à la mine de Ma-long, reçoit par mois 1°.5; ce-
lui de la mine de Je-kien-siun, 2 taels; ceux des mines de Tsin-long, Kin-tcha, Pe-iang-
chan, Ta-sin, Hong-po, les trois scribes de la mine de Ning-tay, les deux de celle de Gi-
tou, celui de la mine Mong-mi, celui de Ma-kay reçoivent chacun 2'.5 par mois. Les deux
scribes de la mine de Tsien-chan, ceux des mines de Ta-chouy-keou, Sin-long, Long-pao,
Ta-fong-lin, Jen-lao-chan, Tsien-tchou-tang, Len-chouy-keou, Chan-mou-tsin, Mong-
lou, Tsay-tse-tsin ; ceux des entrepôts de Yun-chang, Siun tien, Tong-tchouen, les deux
secrétaires affectés à Hia-kouan, Tehou-hiong, Yun-nan, reçoivent chacun par mois 3 taels.
240 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
Les deux kao-kin, « secrétaires », du vice-roi, les quatre {song li, « administrateurs des
étrangers », reçoivent chacun par mois 2°. 7; les trois chou souan, « calculateurs » ,du vice-
roi, les quatorze autres (song recoivent par mois 2°,2:les pan tong rhou gi tchany.
« secrétaires qui notent les quantités de cuivre produites », ceux qui le pèsent dans les
entrepôts de la province « au nombre de quatorze » reçoivent par an 800 taels.
Le secrétaire chargé de noter les quantités de cuivre achetées dans chacune des mines
de Tsay-tse-chan, Jen-lao-chan, Tsien-tchou-tang, Je-kien-siun; les deux secrétaires
affectés au même emploi dans chacune des mines de Tsin-long et Pe-iang-chan, les
quatre de la mine de Kin-teha, reçoivent chacun par mois un tael; les quatre secrétaires
de chacune des mines de Ta-chouy-keou et Tsien-chan, les trois secrétaires de Ta-fong-
lin et de Mong-mi, les deux secrétaires de Sin-long, Long-pao, San-mou-tsin, le secré-
taire de Len-chouy-keou, reçoivent chacun par mois 2 taels.
Le Ko-tchang de Tsay-tse-tsin reçoit 2 taels par mois; les six Ko-tchang de Gi-tou,
les quatre de Ning-tav, les deux de Hong-po, Ta-sin, ete., celui de Fong-houang-po et
celui de Hong-che-ngay reçoivent un fael par mois.
Les gardiens des bureaux de l'administration centrale au nombre de huit, les deux gar-
diens des bureaux du Tong-tao, les deux des bureaux de Tong-tehouen fou, les huit de
Tsin-long, les six attachés à chacune des mines de Kin-teha et de Pe-iang-chan, les quatre
attachés à chacune des mines Hong-po et Ta-sin reçoivent chacun 1°9 ; les quatorze
gardiens de la mine de Ta-chang-keou, les quinze de Mong-mi, les seize de Tsien-chan,
les dix affectés à l’entrepôt de Siun-lien, les huit affectés aux magasins de Tong-kouan et
à la mine de Ta-fong-lin ; les six de Cha-mou-tsin, les quatre attachés à chacune des
mines de Sin-long et de Long-pao, les deux de la mine de Len-chouy-keou reçoivent
2 taels par mois. Les vingt-deux satellites de Ning-tay, les vingt-quatre de Gi-tou, le satellite
affecté à chacune des mines de Hong-che-ngay, Fong-houang-po, Ma-kay. reçoivent par
mois chacun 1°.7. Les troissatellites de Mong-mi recoivent le mème salaire. Les vingt-cinq
satellites affectés à Hia-kouan, Tchou-hiong et Yun-nan, un tael seulement. Les
deux Siun-iou affectés aux mêmes lieux, 1'.5. Le Siun-iou affecté à chacune des mines de
Jen-lao-chan et Tsien-tchou-tang, un tael; celui de la mine de Je-kien-siun, 1°.2; celui
de la mine de Tsay-tse-chan, 0‘.7; les deux de Ta-fong-lin, ? faels; les deux de Kin-
tcha, 11.9; les cinq fouwlien, « gardes élus par les habitants », de cette mine reçoivent par
mois 0'.6 ; les six tou-lien de Gi-tou, les six de Tsin-long reçoivent le même salaire; les
deux affectés à chacune des mines d'Hong-po et de Ta-sin reçoivent également 0.6.
Le tsin-iou, garde de la mine de Ma-long, recoit par mois 1°.7; le chef des fourneaux
de cette même mine, 3 faels; les deux #chang kong, « chefs des ouvriers », 1°.5.
Les deux bateliers attachés à la mine de Ta-fong-lin ont 2 taels par mois.
Les deux chefs de cuisin? de la mine de Ta-chouy-keou, celui de la mine de Tsien-
chan, celui de la mine de Mong-mi recoivent 2 taels; ceux des mines Tsin-long, Ning-
tay, Pe-iang-chan, un tael.
Les dix portefaix attachés aux magasins de Tong-tehouen, celui des magasins de Tehou-
hiong. les deux de Ta-kouan lien, près de Ta-ly fou, recoivent chacun 2 taels.
DÉPENSES DU TRESOR PUBLIC. 241
Le kia-lin ou « chef des mineurs » de chacune des mines de Fong-houang-po, Hong-
che-ngay, et celui qui est attaché aux magasins de Siun-tien reçoivent chacun 3 taels:
celui de la mine Tsay-tse-chan n’a qu'un tael.
Les chefs des satellites des mines, les chou-siun du ministère Tsong-li reçoivent
par an #46 taels ; pour diverses dépenses, pour l'éclairage, les fournitures de bureau, ils
reçoivent par mois 10 taels; les mêmes dépenses dans les mines de Ta-chouy-keou et
Mong-mi, et dans la mine de Tsien-chan, sont mensuellement de 8 taels ; à Sin-long et
Long-pao, de 5 taels; à Gi-tou, 4 taels; à Kin-tcha, 3 taels; à Tsin-long, Hong-po, Ta-
sin, 2'.5; à Pe-iang-chan, Tsay-tse-tsin, Ning-tay, Tsin-yang-lin, Ta-fong-lin, 1 tael;
à Tsay-tse-chan, Je-kien-chan, Ma-long, Jen-lao-chan, Tsien-tehou-tang, Len-chouy-
keou, Mong-mi, Ma-kay, 5 tsien; à Fong-houang-po, Hong-che-ngay, 0'.3; à Siun-
tien, 0°.2; à Tong-tchouen par an, 159.36. Dans ce salaire sont comprises les dépenses
des satellites.
Le tou et le fou, « vice-roi et second vice-roi», reçoivent par mois, pour leur prétoire,
chacun 15 taels; le tsong-li-ya-men, 30 taels.
Pour les sacrifices, Ta-chouy-keou donne par an 38 taels ; Tsien-chan, 24; Sin-long et
Long-pao, 16 taels chacun; Ta-fong-lin, 12; Gi-tou, 8 ; Ma-long, 0'.4.
Pour la location des terrains, Yun-tchang fou paye par mois 0.5 ; chaque mine
paye pour le transport de l'argent qu’elle recoit, par journée de marche et par mille
taels, 0‘.134.
La mine de Tang-tan entretient à Yun-nan 4 gardiens et 5 préposés à la vente des
métaux, qui reçoivent par mois 2? taels:; le gardien du pont Kan reçoit 0°.5. Dans le
second mois, on sacrifie deux fois aux montagnes, et l’on dépose 8 taels pour l'achat des
pores et des moutons. Les soldats chargés de protéger les transports de l'argent destiné à
la mine reçoivent comme gratification 2'.4.
Le Ke-ko de Hong-hoa-vuen reçoit 3.2 par mois; les deux Tong-tchang résidant
en cette localité reçoivent par mois 11.2; les six Ke-ko de Lou-lou reçoivent 1 tael par
mois; les deux gardiens de cette mine, 1'.4; le tong-tchang de Ta-siue-chan, 1°.2.
Chaque mine, en envoyant les métaux aux entrepôts, peut ajouter 5 livres par 100 livres
sans augmentation dans le prix du transport. Les deux mines de Tang-tan et de Lou-
lou payent par an 533'.703 pour l'entretien des satellites et des soldats.
S3. — Surveillance et contrôle des opérations des mines.
Il faudra mensuellement et au besoin journalièrement inspecter les comptes des scribes
pour éviter tout abus et chercher constamment le meilleur moyen de tenir ces employés
en éveil et de les exeiter à bien faire. Le minerai ne s’obuent qu'à force de travail, et les
employés ont l'obligation de remplir toujours et conseiencieusement leur devoir. S'ils
montrent de l’habileté et du zèle à remplir leur besogne, ils devront être récompensés,
punis dans le cas contraire. C’est ainsi que le trésor publie s’enrichira et deviendra inépui-
IL. 31
242 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
sable. Nous ne savons comment, sans récompenses ou sans châtiments, on pourrait rete-
nir les hommes dans le devoir. Aussi les sages ont-ils de tout temps proposé d'agir ainsi, et
le Tong tchen' ne manque pas de remplir ce précepte. Nous allons done traiter mainte-
nant des inspections.
Les mines dans la province du Yun-nan ne sont point confiées à des mandarins spé-
claux, mais bien aux préfets des villes, qui, ne pouvant en raison des distances les sur-
veiller en personne, délèguent cette fonction à des hommes capables. Si de l’action de
ceux-ci résulte soit une augmentation, soit une diminution notable dans le revenu de la
mine, le fait devra être aussitôt signalé au gouvernement.
Les directeurs des mines doivent pourvoir chaque mois à la quantité de caivre que la
province est tenue de fournir et suppléer au deuxième mois à ce qui peut avoir manqué
antérieurement. Si le déficit se renouvelle au mois suivant, on rappellera le délégué du
mandarin pour en délibérer avec lui eton le remplacera sur les lieux. Si son successeur ob-
lient une augmentation considérable dans la production de la mine, le fait doit être noté et
signalé afin que l’on procède à une nouvelle nomination. Si, comme il est souvent arrivé
dans la province de Tien, l’augmentation dépasse beaucoup la quantité exigée, 11 faudra le
signaler exactement afin que l'impôt soit fixé en conséquence. Si la quantité de métal as-
signée comme production de la mine vient à manquer par suite de la pauvreté du gise-
ment, la chose sera portée par les directeurs de l'exploitation devant l'autorité supérieure
qui décidera s'il v a lieu de diminuer l'impôt ou même de faire complétement cesser les tra-
vaux. Mais si ce manque ne vient que de la négligence des directeurs, ceux-ci seront con-
damnés à réparer le dommage.
Quand les métaux exigés manquent complétement, les mandarins qui sont chargés
de lexploitation seront condamnés à l'exil sur la frontière, de même que ceux qui, char-
gés du transport des métaux, y apporteraient quelque retard. Là, ils seront chargés de
veiller à ce que les barbares ne fassent pas irruption dans l'empire. S'il a manqué seule-
ment la huitième partie des métaux exigés, le mandarin, chargé du transport, veillera
aux travaux de la mine pendant un an avee le directeur. Si sa présence ne change en rien
cet élat de choses, le directeur et lui seront envoyés en exil.
Avant que le cuivre soit transporté hors de la province, il doit être soumis à l’exa-
men du Tao et du Fou, dont la mission spéciale est de veiller à ee qu'il soit suffisamment
épuré. Ils s’assureront qu'il est de bonne qualité, disposé en la forme ordinaire, et qu'il
ne contient pas des parties moins pures, mélangées au reste par petits fragments. On
inserira avec soin le poids et le nombre des morceaux contenus dans chaque Mou tong ou
«caisse en bois», et le nom de la mine dont elle provient, afin que si une fraude est cons-
latée, on puisse en retrouver aussitôt l’auteur. Ces indications seront consignées sur
un registre et présentées à chaque mandarin inspecteur.
On notera, en outre, le nombre et le poids des tablettes ou briques de cuivre et le nom
des Lou-fou qui les auront produites, afin que si la qualité en est inférieure à ce qui
était stipulé on puisse exiger une réparation. Si, par suite de la négligence des inspec-
! Mandarin qui a la direction générale de toutes les mines.
DÉPENSES DU TRÉSOR PUBLIC. 243
leurs, on mélange au cuivre des matières plus lourdes, ceux-ci et les auteurs de la fraude
seront mis en jugement.
A
S 4. — Tarif des transports.
Le transport des métaux par terre dans l'intérieur de la province n’entraine que des
frais insignifiants à côté de ceux qu'il faut faire pour les transporter ensuite par eau jusqu'à
Pékin. Dans le premier cas, en effet, les habitants convoqués pour cette corvée ne doivent
recevoir pour tout salaire que la nourriture. Mais à partir de la province de Kien et de
celle de Chou, il est d'usage d'employer la voie fluviale, ear 11 y a là des rivières navi-
sables jusqu’au Lou Kiang*. Aussi un grand nombre de gens de ces deux provinces
gagnent-ils leur vie comme bateliers, et il est aisé de comprendre par là avec quelle diffi-
culté les pauvres arrivent à gagner de l'argent.
Il doit être envoyé, chaque année, à Pékin 6,331,440 livres de euivre. Cette quantité
est fournie par les mines récemment ouvertes, surtout celles qui sont plus particulière-
ment désignées à Pékin. Les directeurs des mines ont l'obligation de faire transporter le
minerai des grands magasins appelés Tien jusqu'aux foyers où il est traité. Les directeurs
de ceux-ci doivent ensuite faire transporter le métaljusqu'à Tong teheou. A partir de
cette ville, la charge du transport soit vers la métropole de la province, soit vers d’autres
lieux se répartit entre divers mandarins.
Nous allons résumer dans le tableau suivant le prix du transport de 100 livres de
cuivre des diverses mines de la province aux entrepôts qui leur sont assignés. Les mines
marquées d’un astérisque sont récemment ouvertes et dépendent de celle qui les précède
immédiatement. Les distances sont indiquées en nombre de stations ou journées de
marche.
1 Anciens noms du Kouy-tcheou et du Se-tchouen. Le royaume de Chou est célèbre, comme on sait, dans
l’histoire chinoise.
? L'un des noms que porte le fleuve Bleu depuis Lou tcheou jusque vers Tehong-kin fou.
TABLEAU :
244
TIEN NAN
KOUANG TCHANG.
JURIDICTION
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Li-kiang fou. . . .
Kiu-tsing fou. . . ..
Tong-tchouen fou. .
Ta-kouan tong-tche.
Lou-tien tong-tche. .|
Tchao-tong fou. . .
Yun-chang hien. . .|
Tchen-hiong tcheou.
Lou-nan tcheou. . . .
Yun-long tcheou. . .
Yun-pe tong-tche. . .
Y-men hien.. ...
Mong-tse hien. . .
NOMS DES MINES
Chouan-long.
Tang-tan.
* Kieou-long-tsin.
|“ Tsin-pao ct Kouan-in chan.
* Ta-kouan.
* Tcha-ho.
Lou-lou.
© To-pao.
* Siao-mi chan.
Ta-chouy-keou.
* Lien-sin.
| * Tsin-iuen.
Mong-lo.
* Pou-eul.
Ta-fong-lin.
Ta-tsey.
Tse-ngieou-po.
| Se-tse-ouy.
Jen-lao-chan.
Tsien-tchou-tang.
Lo-ma.
Kin-cha et Mey-tse-to.
Siao-ngay-fong.
Tchang-fa-po.
Fong-houang-po.
Hong-che-ngay.
Hong-po et Ta-sin.
Fa-kou.
Ning-tay et Ta-kong.
* Ning-tay et Le canal qui con-
duit à la mine de Kou-yn.
* Tsiuen-ma-lin.
* Lo-han chan.
Te-pao-pin.
Houy-long.
Hiang-chou-po.
Lao-tong-pin.
|
|
NOMS DES ENTREPOTS
Siun tien.
Tong tien.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Ta-chouy-keou.
Idem.
Tong tien.
Idem.
Idem.
Idem.
Lou tien.
Idem.
Tchao tien.
Lou tien.
Idem.
Naieou-kay tien !.
Siun tien.
Idem.
Ouey tien.
Idem.
Kouan tien.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Siun tien.
Idem.
DISTANCES
9,5 (var eau)
{A (ü)
»
10,5
16,5
14,5
21,5
PRIX DU TRANSPORT
lael
0,2000
0,2500
0,1870
0,1250
0,6875
0,6250
0,4000
0,6875
0,6250
0,4000
0,8125
1,4375
0,4500
0,5625
0,7500
0,3750
0,1250
1,2920
0,6180
1,0990
0,2580
0,1645
0,6590
0,3000
0,6460
0,7750
1,1870
1,6790
1,5360
0,3000
0,9000
0,7000
1,3560
1,6500
1,8730
SON |
1 De là le minerai est envoyé à Lo-sin, éloigné de 4 stations de Ngieou-kay tien, au prix de 0t.516 les cent livres.
Le gouverneur du Si-fao transmettra à Siun tien tout le cuivre déposé à Kouan tien
moyennant 2°.1318 les 100 livres. La distance à franchir est de seize stations et demie.
Le gouverneur du Tong-tao recevra tout ce qui lui sera ainsi envoyé par son collègue,
chargera sur des chars tout le cuivre déposé à Siun tien et à Ouey tien et l’expédiera à
Ouey-ning tcheou, ville distante de‘quinze stations, moyennant 0°.933 les 100 livres
Le préfet de Ouey-ning enverra ce cuivre à Tchen-hiong tcheou, ville distante de cinq
stations, au prix de 0°.645 les 100 livres. Le préfet de cette dernière ville devra enfin le
faire porter à Lou tcheou. La distance est de treize stations, et Le transport sera fait par eau
moyennant 0.956 Les 100 livres.
Le préfet de Tong
-tchouen enverra à Tchao-tong,
située à cinq stations el demie, le
DÉPENSES DU TRÉSOR PUBLIC. 245
cuivre déposé dans le Tong tien, « magasin oriental. » Le prix du transport est de 0*.709.
Le préfet de Tchao-tong transmet ce cuivre et celui qu'il reçoit de la mine Lo-ma, par
Takouan à Teou-cha kouan ou aujourd’hui à Yen-tsin tou. La distance est de six stations,
et le prix du transport de 0'.774 les 100 livres.
Le mandarin de Yun-chang fait transporter le cuivre qu'il reçoit de Siao-ngay-fang à
Houang-tsao-pin, située à trois stations et demie, pour 0'.451 les 100 livres.
Le mandarin de Ta-kouan joint au cuivre qu’il recoit de Tchao-tong celui des mines de
Jen-lao-chan et Tsien-tchou-tang. Le tout va s'emmagasiner à Ven-tsin tou. Le prix du
transport par eau de ce dernier point à Lou-tcheou est de 0'.858.
C’est à Teou-cha-kouan que l’on prépare aujourd’hui les barques pour le transport du
cuivre. On paye O'.018 pour le transport de 100 livres de métal du magasin à la barque.
Le transport du même poids entre les rapides Long-kong-to et Tchou-kiuen-keou coûte
0'.02; il faut ajouter encore 0'.0f pour le transport jusqu’à Yen-tsin-tou. C’est à ce der-
nier point qu'on pèse et qu'on lie les gueuses de cuivre. Ce travail est fait à raison de 0'.01
par 100 livres. L’embarquement coûte 0'.03 pour le même poids. A Tchang-kia-o, on
paye, en outre, 0'.03 pour le passage du rapide Kieou-long, à l'époque des eaux basses, et
0'.03 pour le réembarquement du cuivre. La dépense totale pour 100 livres sera done
entre Yen-tsin-tou et Techang-kia-o 0.046. De Kieou-long tan, où les «nouvelles» barques
viennent charger, à So-ien-tsin tou, le prix est de 0'.335; on y ajoute une distribution de
viande pour les bateliers, distribution que l’on appelle Chen fou.
Si les barques louées pour le transport entre Yen-tsin tou et Kieou-long tan ne sont
que des barques de passagers ou si elles ne sont destinées qu’au transport du riz et du sel,
on les payera à raison de 0.28, en ajoutant toujours le Chen-fou. Si l’on est obligé de
louer à Siu-tcheou fou, à Nan-ky ou à Kiang-ngan des barques pour le transport du
cuivre entre Tehiang-kia-o et Lou tcheou, le prix par 100 livres transportées sera de
0.22; on ne payerait que 0°.2 si les barques étaient des barques de riz, de sel ou de pas-
sagers.
Comme nous l'avons déjà dit, le mandarin de Yun-chang fait porter le cuivre qu'il
reçoit à Houang-tsao-pin. De ce point (vulgairement appelé Pin tien) à Lou tien, le prix du
transport par eau pour 100 livres est de 0‘.9242.
( Ce prix se décompose ainsi qu'il suit: du rapide Ta-ou-ky au rapide O-kiuen-ngav
où l’on trouve des barques disposées pour le transport du cuivre, deux stations : le port
de 100 livres coute 0'.144; on distribue, en outre, 1 chen et 7 ho de riz. Du rapide
O-kiuen-ngay au rapide Ta-han-tsao, deux stations : le prix estle même, moins la dis-
tribution de riz. A cette dernière station, on loue des barques qui iront jusqu'à Lou
tcheou, au prix de 0'.6 ; on y ajoutera trois chen de riz. S'il fallait un transbordement au
rapide Sin-kay, on le payerait à raison de 0'.1; mais le riz serait supprimé.)
Il y a annuellement quatre principaux envois de cuivre, et à chacun d’eux le préfet de
Lou tcheou doit recevoir 1,104,450 livres de cuivre. Le tao-tay de Yun-ning, dans la pro-
vince du Se-tchouen, payera sur le trésor public pour les frais de transport de Lou tcheou
à Han-keou, 3,063".6 auquel la coutume veut qu'il ajoute 273°.6 pour les gratifications
240 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
et les vivres entre Tchong-kin et Han-keou. Le préfet de Kouy-tcheou, dans la province du
Hou-pe, avancera pour le passage du célèbre rapide Sin 182°.301. Le Fan-kou, «coadjuteur
du trésorier », de la province du Hou-pe devra ensuite payer pour le transport de Han-keou
à Y-tchen 2,688'.5 ; le Fan-kou de Kiang-ning devra payer 4,051°.5 pour le transport de
Y-tchen jusqu'à Tong tcheou; 1l sera enfin ajouté par le tao de Tien-tsin 500 taels; le
total de ces sommes est 10,679°.501 ; il y a encore pour diverses dépenses 1,617 taels;
pour les vivres, 1,226".2485.
Il y a, en outre, deux envois supplémentaires faits par le Yun-nan, de 940,991 livres de
cuivre chacun, au préfet de Lou tcheou. Le tao-tay de Yun-ning payera sur le Trésor publie
pour les frais de transport de chacun de ces envois entre Lou tcheou et Han-keou
261".187, auxquels il ajoute pour les gratifications entre Tchong-kin et Han-keou 234.4.
Le mandarin de Kouy-tcheou, dans la province du Hou-pe, versera pour le passage du
Sin tan 155.378 ; il ajoutera pour les frais de transport par terre « aux passages des
rapides » 500 taels. Le tao-tay de la ville de Tien-tsin, dans la province de Tche-ly, payera
100 taels. En tout 3,899". 965. Pour diverses dépenses, il faut ajouter encore 1,416°.25. II
est alloué pour les dépenses des mandarins chargés d'accompagner les barques 817°.499.
Voici maintenant les prix du transport de 100 livres de cuivre au Kiou de la capitale
de la province pour les mines qui doivent acquitter là leur redevance :
NOMS DES MINES DISTANCES |PRIX DU TRANSPORT NOMS DES MINES DISTANCES | PRIX DU TRANSPORT
ASIN lon EEE 6 0,377 Ra KOUSET EE 6 0,150
HÉHEAOE 60 6 5 à 5 0,500 Hiang-chou-po.. . 10,5 1,050
ame eee 3,9 0,350 Gi-tou et Ouan-pao 6 0,600
Lou-kouang-tong. 6 0,600 Ma-long. . . . . .| 11 1,100
Sieou-tchouan. . . 10 1,000 Tsay-tse-tsin. . . . 13 1,300
Hong-po et Ta-sin. n 0,400
V
DES TRANSPORTS DES MÉTAUX A PÉKIN.
Les montagnes de la province de Tien sont habitées par de nombreuses tribus barbares
qui sont souvent un obstacle à la libre circulation des marchands. Les montagnes qui con-
tiennent les métaux dans leurs profondeurs ne sauraient livrer passage aux chars et aux
chevaux, et les hommes doivent transporter eux-mêmes sur leurs épaules et avec les plus
grandes fatigues les produits de l’exploitation. S'ils se blessent, aucun médecin ne se
trouve auprès d'eux pour les soigner. Il serait done vivement à désirer que cet état de
choses, qui dure depuis plus de cent ans, vint à changer et que les routes pussent permettre
aux chars et aux chevaux de faire les transports. Alors, comme l’eau qui descendavee impé-
tuosité du sommet d’une montagne, le trésor public verrait ses ricl esses et ses revenus
s’accroitre rapidement.
Nous allons parler maintenant des distances à parcourir et des itinéraires à suivre pour
le transport des métaux.
S 1%, — Distancesset téinérarres.
Toutes les mines du Si-tao transmettent le cuivre destiné à Pékin à Siun tien.
La mine de Ning-tay est à 730 li de l’entrepôt de Ta-ly, qui se nomme Kouan tien.
Cette distance se décompose ainsi qu'il suit': de la mine à Lao-ngieou kay, 50 hi; de ce
- ! Pour que ces itinéraires, dans lesquels j'ai puisé d'excellents renseignements géographiques et qui peu-
vent être fort utiles aux voyageurs européens futurs, paraissent moins arides, je rappelle ici le sens des mots
248 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
dernier point à O-mang kay, 60; de là à Chun-te, 70; de Chun-te à Lao-in po, 55 ; de
Lao-in po à Vuen-iang tang, 60; de là à la forteresse des Mahométans (territoire de
Chun-ning hien), 55; de cette forteresse au château d’O-mey, 70 ; d'O-mey à Teha-lou
(territoire de Yun-pin hien), 60; de Teha-lou au fort de Ly-mi, 55; de Ly-mi à Kiao-
teou, 60 li; de Kiao-teou à Che-pin tsen (territoire de Mong-hoa tinh), 50 ; de Che-pin
à Ta-ly fou, 55 (territoire de Tay-ho hien); de Ta-ly à Kouan tien « l’entrepôt » (ter-
riloire de Tchao tcheou), 30 li.
La mine de Ta-kong est à 635 li du même entrepôt; de la mine à Pe-iang, il v a
50 li; de Pe-iang à Se-tsin, 40; de Se-tsin à Ki-tsen, 45; de Ki-tsen à Tang-ten (terri-
toire de Yun-long tcheou), 40 ; de Tang-ten à Ko-lang (territoire de Yun-pin hien), 45 ; de
Ko-lang à Yun-long tcheou, 40 ; de Yun-long à Kouan-pin, 60; de Kouan-pin à Pey-v, 50;
de Pey-y à Kiang-pang (territoire de Yun-long tcheou), 60 ; de Kiang-pang à Fong-vu
(territoire de Lang-kiong hien), 50 ; de Fong-vu à Cha-pin (territoire de Teng-tchouen
tcheou), 55 ; de Cha-pin à Ta-ly fou, 70 ; de cette dernière ville à l'entrepôt, 30 li.
La mine de Te-pao-pin est à 690 li de l’entrepôt; de la mine à Pin-ho, il y a 55 li:
de Pin-ho à He-ou, 60; de He-ou à Man-kouan sen, 65 ; de Man-kouan à Tchen-hay, 60:
de Tchen-hay à Yun-pe tinh, 60; de Yun-pe à Tsin-chouy-v, 70; de Tsin-chouvy-v à
Kin-kiang (territoire de Vun-pe), 70; de Kin-kiang à Pin-te tsen, 75; de Pin-te à Cha-
pin (territoire de Teng-tchouen), 75; de Cha-pin à l’entrepôt, comme ci-dessus.
La mine d'Houy-long est à 985 li de l’entrepôt ; de la mine à Yang-tchang, ilvy à
45 li; de Yang-tchang à Mou-ki-pa, autant; de Mou-ki-pa à Fe-chouy-tan, 55; de Fe-
chouy-tan à Yang-chan, 50; de Yang-chan à Pey-tse-keou, 50 ; de Pey-tse-keou à Tong-
tien, 50; de Tong-tien à Lu-tsin, 70; de Lu-tsin à Hiang-to, 60 ; de Hiang-to à Chaso,
55; de Cha-tso à Mong-kou, 55 ; de Mong-kou à Li-kiang fou, 50; de Li-kiang à Ho-kin
tcheou, 80; de Ho-kin à San-tchong-pe (territoire de Ho-kin tcheou), 75; de San-
tchong-pe à San-in (territoire de Lang-kiong hien), 55; de San-in à Cha-pin, 90 ; de
Cha-pin à l’entrepôt, comme ci-dessus.
Kouan tien est situé à 1,180 Hi de Siun-tien ; de Kouan tien à Tchao tcheou, il v
a 30 li; de Techao tcheou à Hong-ngay (territoire de Tehao teheou), 60 ; de là à Yun-nan-v
(territoire de Yun-nan-hien), 95 ; de là à Pou-pong (territoire de Yao-tchou), 70 ;
de Pou-pong à Cha-kiao (territoire de Tehen-nan tcheou), 90 ; de Cha-kiao à Lu-ho, 60:
de Lu-ho à Tchou-hiong fou, 60; de Tchou-hiong à Kouang-tong hien, 70 ; de Kouang-
tong à Che-tse (territoire de Kouang-tong hien), 70; de Che-tse à Lo-fong hien, 90:
de Lo-fong à Lao-ia kouan (territoire de Lo-fong hien), 70 ; de La o-ia à Ngan-ning
qui terminent le plus fréquemment les noms de dieux cités, et qui donnent une idée de leur importance
ou de la physionomie du pays: kay indique un marché, tang, che ou hay le voisinage d’un étang ou d’un lac;
tsin signifie puits ou lieu d’extraction d'eaux salines, éou un port, en un entrepôl; po, qui veut dire pente,
versant, indique que le village est construit à un col; keou, qu'il se trouve à l'embouchure d’une rivière ; ‘an,
sur les bords d’une rivière auprès d’un rapide ; ésen indique un poste fortifié, kouan une forteresse, kiao un
pont ou lieu de passage sur une rivière, hou le point d'établissement d'un bac, etc., etc. Il faut surtout
donner le sens ci-dessus à celles de ces expressions qui ne sont pas réunies par un trait d'union au reste du
nom de la localité.
TRANSPORT DES MÉTAUX 249
tcheou, 95; de Nogan-ning à la capitale de la province, 75; de là à Pan-kiao (territoire
de Kouen-ming hien”), 40 ; de Pan-kiao à Yang-lin (territoire de Song-ming tcheou), 60 ;
de Yang-lin à Y-long (territoire de Siun tien), 75 ; de Y-long à l’entrepôt Siun, 70.
Ce dernier entrepôt est à 15 stations ou 15 journées de marche de l’entrepôt d'Ouei-
ning. De la porte Est de la ville au fleuve Mien-eul par Ou-long-tan jusqu’à Fa-ta-teou,
une station ; de ce dernier point par Leang-chouy-tsin, Hay-tong-tsin, et Me-ti jusqu’à Pa-
te, une seconde ; de Pa-te par Pe-tou-ke-cho à Te-ouy, une troisième; de Te-ouy par
Hoang-long-tong et Siao-fa-tou, jusqu'à Tehe-tchang, une quatrième ; de Tche-tchang
par Ta-po chan, Tsi-tao-ouan-touy chan, Ki-chouy tang, « étang d’eau potable », et Fey-
song-lin à Kay-v, une cinquième; de Kay-y par O-ouang po à San-chouy tang, une sixième;
de San-chouy tang par Kiou-tsong po et Lieou-chou tsen à Hoang-tou-tchong, une sep-
tième ; de là par Kan-hay-tse, Siao-ouan ho et Tehang-lin-tse à Siuen-ouei tcheou, une hui-
tième ; on sort de Siuen-ouei par la porte de l’Est et par Ouang-kia-hay-tse, Mo-tsouy po,
Tsong-fong-lin, Liang-hoang-tchong, Ta-pin-ty; on arrive à Lay-pin-pou, neuvième sta-
tion; de là par Ngieou-gi tang, Tchang-po et Tong-chang-pou à Kiaou-pao-tse, dixième
station ; de Kiaou- pao-tse par Mou-koua-tsin, Tsi-litien et Lao-va-lin à Teheou-fou kiao,
onzième station ; de Tcheou-fou kiao par Mou-koua-siao, San-tchouan-ouan, Tsiun-kia-
che, Chouy-tang-pou, Louan-che-ouan à Ko-tou kiao, douzième. (I y a la un pont en bois
jeté sur le Ko- tou ho.) De là par Yang-kiao-ouan à Tsin-teou-pou, treizième station ; de
Tsin-teou-pou par Hong-che-ngay à Fev-lay-che, quatorzième; de Fey-lay-che par Kang-
hia hay, Che-kiao-ti et Po-ky-ouan, on arrive enfin à Ouei-ning tcheou. Il y a là une route
pavée sur laquelle peuvent circuler les chars à bœufs. Si cette route n’était pas empierrée,
la cireulation y serait presque impossible pour les chars, surtout après les pluies. Aussi
doit-on la refaire tous les einq ou six ans. La dix-neuvième année de Tao-kouang, 1l à
été dépensé pour réparer celte route, 2,100 taels.
Du magasin d'Ouei-ning à Tchen-hiong tcheou, il y a cinq stations : la première, à
ù () D LY ?
partir d'Ouei-ning, est Kao-gien-tsao ; la seconde, O-ki-tche; la troisième, Pou-sa tang ;
la quatrième, Tao-iuen ; la cinquième, Tchen-hiong tcheou. De ce point à Lo-sin tou
? ; ; D ?
lieu d'embarquement, il y a également cinq stations. On arrive à la première, Kou-mong-
po par Pan-kiao et Choua-pou-lin; de là, par Lou-tsin-tang, He-gi-kong et Tehou-tong
au fleuve Yu-gi, seconde station ; de Yu-gi ho par Hoang-tou-po et Gen-ko-tsoui à Hoa-
che-lin, troisième station; de Hoa-che-lin par Lien-san po et San-tcha-lou à Tehong-
tsen, quatrième station; de là on arrive à Lo-sin tou par Lo-hav.
De Lo-sin tou aux magasins de Lou tcheou, la route se fait par eau en huit étapes :
(e] ?
le rapide Mou est la première, le rapide Tsan la seconde, Nan-kouang” la troisième. Les
? P ? D
cinq autres stations sont entre Nan-kouang et Lou tcheou. Pour que le cuivre soit trans-
porté avec plus de sécurité, on travaille chaque année à élargir les parties étroites et torren-
1 Nom de l'arrondissement dont Yun-nan fou est le chef-lieu.
2? Aujourd'hui Khing-fou hien, ville du Se-tchouen, située sur le Yun-nan ho, affluent du Fleuve Bleu. Le
nom de Nan-kouang est celui que portait celte ville sous la dynastie des Han, il y a plus de dix-huit siècles.
Cette antiquité est la principale raison qui le fait préférer par l’auteur au nom moderne.
II. 92
250 TIEN NAN KOUANG TOCHANCG.
tueuses de la rivière. La dixième année de Kien-long, le passage dans les rapides suivants,
entre Lo-sin tou et Nan-kouang, fut rendu facile *.... Ces rapides proviennent des pierres
et des sables qu’entrainent les grandes pluies dans le lit du fleuve; aussi doivent-ils être
examinés chaque année, et la province consacre à leur amélioration une somme de
300 taels.
Des magasins de Tong-tchouen à ceux de Tehao-tong, il y a cinq stations et demie :
Hong-che-ngay est la première. Tien-chen tang est à une demi-journée de là; de cet étang
à Y-iche-siun, il y a une journée entière; Kiang-ti, Ta-chouy tang et Tchao-tong sont les
trois dernières étapes.
La mine de Tang-tan est à deux journées de Tong-tehouen ; l'étape intermédiaire, Siao-
kiang, est à 85 li de la mine et à 70 de Tong-tchouen.
De la mine de Lou-lou à cette dernière ville, il ya trois journées et demie; de la mine à
Hoang-tsao-pin, on compte 35 li; de là à Siao-tien-pa, 55; de Siao-tien-pa à Tsien-
chan tang, 60; ce dernier point est à 65 li de Tong-tchouen.
La mine de Ta-choui-keou est à trois journées et demie de cette ville; de la mine à
Hoang-tsao-pin, on compte 35 li; la route se continue ensuite comme ci-dessus.
De Meou-lou à Tong-tchouen, il y a sept journées et demie ; de cette mine à Tao-chou-
pin, on compte 60 li; de Tao-chou-pin à Chou-kie, 60; de Chou-kie à Miao-tse tsen, 50 ; de
Miao-tse à Ta-chouy-keou, 50 ; on connaît la routede cette dernière ville à Tong-tchouen.
De Ta-fong-lin à Tong-tchouen, il y a six étapes : de la mine à Chou-kie tou, il y a
60 li; de ce point, la route se continue par le Kin-cha kiang jusqu'à Leang-chouy-tsin,
situé à65 li; de là à lao-tien-tse, 60 li ; de Tao-tien-tse à Lao-isen-tse, 60 ; de là à Tsien-
chan tang, où l’on retrouve la route déjà indiquée pour la mine Lou-lou, 65 li.
Tse-ngieou-po est à deux journées et demie de Tong-tchouen ; de cette mine à Tse-
tou-tsin, il y a 30 li; ce dernier point est à 60 li de Tsien-chan tang.
Se-tse-ouy est à dix étapes de Tong-tchouen. La première est Ma-lou tang (territoire de
Lo-kiuen hien) à 60 li de la mine ; la seconde, Sa-sa tchang, à 55 li au delà; la troisième
Fong-mao-lin, à 55 li; la quatrième, Fa-o à 70 ; la cinquième, Houey-ly tsen, à 60; la
sixième, Siao-tong tchang, à 50; la septième, Ki-tchao-ka (territoire du Se-tchouen et de
la ville d'Houey-ly tcheou), à 60 ; la huitième, Mong-kou (territoire d'Houey-y hien),
à 65 ; la neuvième, San-tao-keou, à 60; ce dernier village est à 60 li de Tong-tchouen.
De Tehao-tong à Teou-cha kouan, il y a six journées : la première station est Ou
tche-pou ; la seconde, Y-ouan-chouy; la troisième, Hiong-chouy-siun ; la quatrième,
Kien-hay-tse ; la cinquième et dernière avant Teou-cha Kouan est Tsi-ly-pou.
De Teou-cha Kouan (l'embarquement se faisant à Yen-tsin-tou, l’entrepôt se nomme
aujourd'hui Tsin tien) à Lou teheou, il y a par eau 1,405 li (la route par eau abrége le
voyage d’un jour). De Teou-cha Kouan à Yen-tsin-tou on franchit les rapides appelés Long-
hong-to, Pan et Tchou-kiuen-keou. De Yen-tsin-tou à Siu-tcheou fou, on rencontre
ceux de Hoang-ko, Ta-pa-to, Tsin-tsay, Sin, Hoa-tang, Pe-long, Kieou-long, Tchang-
1 Suit une liste de 57 rapides, dont les noms seraient peu intéressants à transcrire.
TRANSPORT DES MÉTAUNX. 251
kia et Kao. De Siu-tcheou fou on se rend par Mou-teou-hao à Kiang-ngan hien ; de là à Na-
| ky hien, et enfin à Lou tcheou. Au-dessous de Yen-tsin-tou, « port de Lou tcheou », il y a
encore les rapides de Tin-chan-tsy, Hoang-ko-tsao, Men-lan, Tou-t1, Ming, Mey-tse-stuen
et Long-men-che. Il faut chaque année dégager ces rapides de l’accumulation de pierres
et de sable produite par les pluies. 300 taels sont consacrés par la province à ce travail.
De Hoang-{sao-pin à Lou tcheou il y a huit journées de marche par eau. La première
étape est Ta-ou-ky distante de 137 Hi:il y a 16 rapides à franchir dans l'intervalle; la seconde
est Ko-kiuen-ngay, à 139 li : ily a 21 rapides; la troisième est Han-tsao, la quatrième Sin-
kaytan ; de ce point à Lou tcheouil y a cinq étapes, pendant lesquelles on franchit sur le Kin—
cha kiang 50 rapides. 1,000 taels sontaffectés annuellement au déblaiement de ces rapides.
La mine de Lo-ma est à 60 li de Lou-tien, ville qui est elle-même à 60 Ni de Tchao-tong.
La mine de Chouan-long est à 50 li de Hong-ko-in, qui est à 50 li de Siun tien.
La mine de Mey-tse-to sur le Kin-cha kiang est par le fleuve à 250 Hi de Ngan-pien ;
de ce dernier point à Siu-tcheou-fou, il y a 100 Li; de Siu-tcheou à Nan-ki, 11 y en a 190;
enfin Nan-ki est à 150 li de Lou tcheou.
De la mine de Jen-lao-chan à Lou teheou, il v a par la route fluviale neuf étapes; de la
mine à Lo-chouy-tsen il y a 80 li; de là à He-tao-pa il y a 90 li; de He-tao-pa à Miao—
keou, 40 ; de Miao-keou à Lou tcheou, il y a par eau 1,045 Ii.
De Tsien-tchou-lang à Lou tcheou il y a onze stations ; la première est Choua-pou à
75 li; la seconde To-che-tsen, à la même distance; la troisième est Teou-cha kouan à 85 li.
De ce dernier point à Lou tcheou il y a 1,462 li.
De Tehang-fa-po à Lou tcheou il y a quinze stations; la première est Leang-leou-
keou, à 45 li; la seconde est Eul-ten-po, à 50 li; la troisième, Ngieou-kay-tien, à 45 li; la
quatrième, Hoang-chouy, à 70 li; la cinquième, Hoa-kia-pa, à 80 li; la sixième, Che-
tsao-kong, à 70 li; la septième, Lo-sin-tou, à 50 li. On connait les huit étapes navales de
ce point à Lou tcheou.
De Siao-ngay-fang à Lou tcheou il y a huit jours de route. La première étape est Si-
cha-ki, à 40 li; la seconde, Kiang-keou, à 70; la troisième, Ta-han-tsao, à 140 ; de ce
dernier point à Lou tcheou il y a par eau 979 li.
De Lao-tong-pin à Siun tien, la route passe d’abord à Kiey-pay, situé à 50 li de la
mine, puis à Ta-pin-tse, à 60 li de là; à Lao-lin-tsin (territoire d’un poste frontière qui re-
lève de Kien-chouy hien‘), à 55 li, à Fong-tchouen-li (territoire de Mong-tse hien), à 60 Hi;
à Kao-ou-ka (territoire du Tou-pa-tsong), à 55 li; à Hoa-kou-pe, à 60 Hi; à Ye-tou-ti, à
60 li; à Ko-kieou-tchang (territoire de Mong-tse hien), à 55 li; à Mong-tse hien, à 60 li;
à Ta-ten, à 30 li; à Ki-kay, à 60 li; à Pan-tse-hoa (territoire de Kien-chouy hien), à 70 li:
à Sin-fan-y, à 70 li; à Kouan-y, à 80 li; à Tong-hay hien, à 60 li; à Kiang-tchouen hien,
à 70 li; à Tsin-ning tcheou, à 80 li; à Tchen-kong hien, à 50 li; à Pan-kiao (territoire de
Kouen-ming hien), à 55 Li; à Vang-lin, à 60 li; à Y-long, à 70 hi; Siun tien est à 50 lide
ce dernier point.
1 Nom de l'arrondissement dont la ville de Lin-ngan fou est le chef lieu.
259 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
Pour se rendre de Hiang-chou-po à ce même entrepôt, on passe à Fa-piao, situé à 90:
li de la mine; à Yu-kien, à 30 hi; à To-tien, à 60 li ; à Nan-ngan tcheou, à 70 li; à Tchou-
hiong fou, à la même distance ; on rejoint là la route déjà indiquée entre Kouan-tien et
Siun fien.
De Fong-houang-po à Siun lien, on passe par O-iuo-pou, situé à 50 Ji de la mine, puis
à Lou-leang tcheou, à la même distance; à Tao-tchang-pou, à 45 li; à Ma-long tcheou, à
43 li; cette dernière ville est à 45 li de Siun tien.
De Hong-che-ngay à Siun tien, les étapes sont Ta-me-ti, à 60 li; O-iuo-pou, à 50 ;
les autres comme ci-dessus.
De Hong-po et Ta-sin à Siun tien, les étapes sont : Lou-nan tcheou, à 50 li; Kou-
tchen, à 70; Y-che hien, à 65; Y-long, à 60; Siun tien, à 50.
De Fa-kou à Ouei tien, les étapes sont : Sin-tsen, à 50 Li; Tse-tsin, à 55; Tien-cha,
à 50; Ouang-kia-tchouang, à 50 ; Ma-long teheou, à 47; He-kiao, à 60; Tsen-hoa-pou,
à 55; Yun-ngan-pou, à 70; Che-ia-keou, à 90; Ko-tou, à 95 ; Tsin-teou-pou , à 40;
Fey-lay-che, à 45; enfin, Ouei-ning tcheou, à 40.
Voici enfin l'itinéraire de Lou tcheou à Pékin : de Lou teheou à Ho-kiang hien, il y a
630 li par le fleuve. On a à franchir le rapide Che-pi-tse. De Ho-kiang à Kiang-kin hien, on
compte 360 li ; il y a deux rapides. De Kiang-kin à Pa hien, 240 li; il y a dix rapides. De
Pa hien à Tchang-tcheou hien, 180 li. De Tehang-tcheou à Fou tcheou, 220 li; deux ra-
pides. De Fou teheou à Fong-tou hien par le rapide Tsang-pey-leang, 90 li. De Fong-
tou à Tchoung tcheou, 120 li ; deux rapides. De Tehoung tcheou, par le rapide Ta-hou-
ang, à Ouan hien, 120 li. De Ouan hien à Yun-yang hien, 120 Li; cinq rapides. De Yun-
vang à Fong-tsie hien", 130 li; einq rapides. De Fong-tsie à Ou-chan hien, 30 li; huit
rapides. De Ou-chan à Pa-tong hien dans la province du Hou-pe, 150 li; sept rapides.
De Pa-tong à Koue tcheou, 90 li; trente rapides dans l'intervalle, « parmi lesquels le
fameux rapide Sin. » De Koue tcheou à Tong-fou hien *, 90 li; treize rapides. De Tong-
fou à Y-tchen hien, 90 li. De Y-tchen à Tche-kiang hien, 90; trois rapides. De Tche-
kiang par le rapide Tsay-li-keou à Song-tche hien, 90 Hi. De Song-tche à Kiang-lin hien,
120 li; quatre rapides. De Kiang-lin à Kong-ngan hien, 160 li. De Kong-ngan à Che-cheou
hien, 120 li. De Che-cheou à Kien-ly hien, 120 li. De Kien-ly par le rapide Kieou-long
et en remontant par Fan-tsouy à Pa-lin hien, 130 Hi. De Pa-lin par Fan-tsouy * à Kia-iu
hien, 100 li. De Kia-iu par Kou-koua teheou à Han-iang hien*, 250 li. De Han-iang
à Hoang-kang hien, 240 li. De Hoang-kang jusqu'à Ta-ie hien, 270 li. De Taie hien
jusqu’à Te-hoa hien dans la province du Kiang-si, 180 li. De Te-hoa, où est la douane,
on continuera jusqu'à Hou-keou hien, distant de 60 li. De Hou-keou à Pen-y hien, 90 li:
! Nom de l’arrondissement dont Koui-tcheou fou est le chef-lieu.
? Nom de l'arrondissement d'Y-tchang fou. J’abrége cette énumération très-minutieuse, et je ne conserve
que les noms de lieux nécessaires pour suivre cet ilinéraire sur la carte.
% Nom différent du Fan-tsouy précédent ; le premier est écrit avec le caractère fan « retourner, » le se-
cond avec le caractère fan « étranger. »
4 Nom de l'arrondissement de Han-iang fou, ville située vis-à-vis de Han-keou et Ou-tchang.
TRANSPORT DES METAUX. 253
de Pen-y à Tong-lieou hien de la province du Ngan-hoeï, 90 li; de Tong-lieou à Houay-
ning hien, 80 li ; d'Houay-ning à Kouei-tche hien, 160 li; de Kouei-tche à Tong-liu
hien, 100 li; de Tong-lin à Fan-tchang hien, 90; de Fan-tchang à Ou-fou hien, 90; de
Ou-fou, où 11 y à une douane, à Tang-tou hien, 70 li; de Tang-tou à la douane Long-kiang
? ? O ? ? O O D
kouan de Kiang-ning fou (Nankin), 120 li; de Kiang-ning à Y-{chen hien « ou mieux Ngi-
tchen, » 120; de là on remonte le Houay ho pendant 70 li jusqu'à Yang-tcheou fou; de ce
point à Kao tcheou, 120 li ; de Kao à Pao—in hien, 120 li ; de Pao-in à Houay-ngan fou, dont
le nom d'arrondissement est Chan-iang hien, 80li ; de la douane de ce point à Tsin-ho hien,
40 li; de là au Pe-iang ho, 157 li; de là au pont Ou-hoa de la ville de Kou-tchen, 15 li;
2? O 2 2 Î
de ce pont à Siou-kien hien, 40 ; de Siou-kien à Su-tcheou fou, 95 ; de à à Y hien, 121:
de Y hien à Ten hien, 186; de Ten à Pey hien, 155; de Pev à lu-tay hien, 37; de lu-
? 2 \} ? ? J f 2? y
lay à Tsi-ning fou, 30; de Tsi-ning à Kiu-ie hien, 70; de Kiu-ie à Kia-hiang hien, près
de la bouche du Yuen-kia, 45 li; de Kia-hiang à Ouen-chang hien, 60 li ; à Cheou-tchang
hien, 78 ; à Licou-tchenhien, 30; à Lin-tsin tcheou, 134; à Ou-tching hien, 75 ; de là à Se-
ngiu che, «temple des Quatre-Vierges », sur la frontière de la province du Pe-tche-ly, 181 li;
de là à Ou-kiao hien, 110 ; à Fan-pv hien, 130; de ce point par le Tehouan ho à Tsang
tcheou, 70 li; de Tsang tcheou à Tien-tsin, où il y a une douane, 268 li; de là à Ou-tsin
hien, 180 li; de Ou-tsin à Tong tcheou, 140; de là au pont Ta-tong «de Pékin », 40 li.
Exposé des raisons données par tous les admünistrateurs de la province pour obtenir le transport du cuivre
de Siun tien à Po-ngay.
Comme, dans le transport du cuivre à Pékin, on est obligé de s’exposer à une navigation
dangereuse sur les fleuves du Se-tchouen, et que ce transport doit se faire en général à partir
du second et du troisième mois de l’année, moment où les neiges fondent sur les mon-
tagnes, où la pluie tombe abondamment et où l’inondation se prononce, 1l arrive que de
fréquents naufrages engloutissent les barques et leurs chargements : la rapidité exigée sur
la route ne permet pas que lon s’arrête pour tenter de sauver le euivre perdu, et le gou-
vernement ne reconnaissant pas cette perte, 1l faut acheter de nouveau du cuivre dans
le Yun-nan. La province s’épuise ainsi à remplacer chaque année le cuivre englouti
dans les eaux. Ne serait-il pas plus sage de choisir une époque ou une route plus favorable
et moins féconde en malheurs ? Si l’on examine ce qui se passe dans les achats de cuivre
faits par les autres provinces, on trouvera qu'il n’est jamais arrivé d'accident au métal qui
a été transporté par les rivières et les fleuves du Liao-si. La 37° année de Kien-long, le
Tao-tong de Tong-tchouen tint conseil avec tous les hommes sages de la province, et
il fut décidé que l’on demanderait que le transport du cuivre à Pékin eùt lieu par Po-
ngay, qui donne accès aux fleuves du Liao-si *. Le Vie se ?, nommé Su, ayant assemblé le
1 Ancien nom des provinces de Kouang-si et de Kouang-tong. Po-ngay est une petite ville située sur le
Hong Kiang ou Fleuve de Canton. Ce fleuve communique par un de ses affluents, canalisé dans sa partie su-
périeure, avec le Siang Kiang, grande rivière qui traverse le Hou-nan et va se jeter dans le lac Tong-ting,
_qui se déverse lui même dans le Yang-tse Kiang.
? Titre de pro-vice-roi. ù
254 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
conseil de la province et soigneusement discuté toutes les circonstances de temps, de lieux
et de distances, arriva à cette conclusion, que le transport du euivre de Yun-nan à Pékin
par Po-ngay et Han-keou était de 0.04 par 100 livres plus cher que le transport par Siun
tien, Lou tcheou et Han keou ; que sur les deux millions de livres de cuivre que Yun-nan
recevait directement des mines, plus de 1,900,000 pouvaient être envoyées par Tchou-
yuen {sen à Po-ngay, moyennant un surcroît insignifiant de dépense de 770 et quelques
taëls; que cet argent pouvait être pris sur le prix du transport de cette même quantité de
cuivre de Yun-nan à Siun-tien et Tehao-tong, qui s'élevait à sept cent et quelques dizaines
de taëls; que c'était à d’ailleurs le prix de 8 à 9,000 livres de cuivre perdues dans le
fleuve, perte qui peut se renouveler jusqu’à deux ou trois fois dans le cours d’un voyage.
Il en résultait donc que comme dépense, ces deux routes étaient à peu près équivalentes,
et qu'il valait mieux choisir une route plus sûre, quoique plus longue, pour que le cuivre
arrivat dans toute son intégrité à destination.
Le conseil décida donc que tout le cuivre qui venait se réunir dans les magasins de Siun
tien, serait transporté, par la route de PEst, de cette ville à Po-ngay, et qu’on se servirait
des deux routes pour accélérer le transport. Pour la route du Sud, « celle de Yun-nan à
Po-ngay», on arrêta que le cuivre séjournerait à Kouang-nan fou pendant l'été et l'automne,
pour éviter les maladies qui déciment pendant les chaleurs les bêtes de somme. L'hiver,
on lui ferait continuer sa route sur Po-ngay, et là, tout le cuivre de l'impôt réuni serait expé-
dié en une seule fois à Pékin.
Quant au cuivre de Ning-tay et des autres mines du Si-{ao, qui est d’une qualité in-
férieure, il faudrait inscrire sur chaque Kouay le nom de la mine, afin qu'on ne puisse
altérer par des mélanges les différentes espèces. Le cuivre de cette partie de la province
est transporté directement à la capitale de Ning tay et du magasin de Hia-kouan; il fau-
drait que de Yun-nan, par les soins des mandarins de Kouang-si tcheou et de Kouang-nan
fou, il füt transporté à Pe-see, d’où les Ouy-yuen l’accompagneraient à Pékin.
Pour ce qui est de la route de terre à l'Est de Siun tien, il faudrait disposer des stations ;
l'huile, Le papier, les pinceaux nécessaires seraient fournis par Siun tien et Ouei-ning, pro-
portionnellement à la quantité de cuivre. La 47° annéede Kien-long, on a placé sur cette route
des postes de gardiens : ils pourraient servir à protéger et à hâter le transport du cuivre.
Cette décision ne fut pas mise en vigueur, quoique l’argent nécessaire eùt été versé.
Seule, la route de Yun-nan à Po-ngay est suivie aujourd’hui pour le cuivre à destination du
Liso-si, malgré l'accélération qui résulterait de la division par Siun tien. On économise-
rait en effet le temps que met le cuivre à venir de Tehen-hiong et d'Ouei-ning à Yun-nan.
On invoque, il est vrai, les difficultés de la route de terre à l'Est de Siun tien. Mais si la
décision relative à cette route était prise, on pourrait se servir de chars et de bœufs comme
pour le cuivre qui vient du Sud de la province. Il serait à craindre, il est vrai, que le nom-
bre de barques dont dispose Po-ngay ne fût insuffisant; mais le préfet de Kouang-nan pour-
rait s’occuper de les faire rassembler très-longtemps à l'avance. Telle est la décision que
le Tsong-tou et le Hiun-fou de la province pourraient soumettre à l'approbation de l’em-
pereur. Dans ce cas, le trésorier du Kiang-si n'aurait plus à s'occuper du transport. Le
TRANSPORT DES MÉTAUNX. 55
ie
Tche-kiang et les autres provinces au delà du Hou-nan feraient continuer la route flu-
viale en faisant passer le cuivre par le lac Tong-ting.
S 2. — Des barques affectées aux transports.
IL faut maintenant donner quelques indications relatives aux dimensions et à la capa-
cité des barques qui, soit dans la province de Tien, soit dans celle de Chou, sont affec-
tées au transport du cuivre. Ce service demande les gens les plus fidèles et les plus
minutieux, car la moindre négligence peut entrainer les plus grands malheurs en raison
des difficultés et des dangers de la navigation.
Chaque fois qu'il y a lieu de faire un envoi de euivre des provinces du Yun-nan et du
Kouv-tcheou à Pekin, le tao de Yun-ning, assisté du tehe-hien de la même ville et du
tche-tcheou de Lou tcheou, doit prendre toutesles mesures nécessaires pour que le trans-
port se fasse en toute sécurité jusqu’à Tehong-kin. Le tao de cette dernière ville et le tong-
tche de Kiang-pe disposeront tout pour le transport de Tchong-kin à Han-keou ; enfin le tao
de Hoang-te, le tong-tche de Han-iang s’occuperont du transport jusqu’à Kiang-ning. A
partir de ce point, le tao de Yen-siun et le tche-hien de Ngi-tchen feront transporter le
cuivre jusqu'à Pékin. Si en route un détournement est constaté, le chef du convoi devra
indemniser l'État sur ses propres deniers, en sus de la peine à laquelle il pourra être
condamné.
Le choix le plus attentif devra présider à la désignation des mandarins chargés d’ac-
compagner les barques. Les barques elles-mêmes doivent être choisies parmi les plus
grandes. Elles seront inspectées par le préfet de Lou teheou, assisté du Zcheou mou ‘. 1
exige de chacun des patrons un écrit par lequel il accepte la responsabilité et se porte
caution des objets qui lui seront confiés. Le tao de Tehong-kin, assisté du préfet de Kiang-
pe, examinera ces contrats et payera à chaque patron un prix de location proportionnel au
temps écoulé. Ce soin ne devra être confié par eux à aucun de leurs subordonnés. A partir
de Tehong-kin, ce sont les mêmes barques qui effectuent le transport soit jusqu'à Tong-
tcheou, soit jusqu’à Han-keou ou Kiang-ning, suivant le temps, les circonstances et la
décision des autorités que cela concerne.
Dans le passage des rapides dangereux, les mandarins préposés au transport veillent à
ce que les barques se prêtent une aide mutuelle et ils président au travail revêtus de leurs
insignes, pour éviter qu'on ne soit obligé d'appeler à l’aide des ouvriers ou des mariniers
étrangers : ces mandarins ont le titre de Jeou ki ou de Tou se ?.
Pour le passage de chaque rapide, on engage comme pilotes quatre ou einq hommes
habiles de la localité, à qui l’on donne une récompense suffisante, s'ils conduisent sûre-
ment les barques, mais qui peuvent au contraire être punis s'ils occasionnent quelque
1 Inspecteur des charpentes, mandarin qui a la juridiction d’un Tcheou, tout en lui étant inférieur comme
grade.
? Mandarins militaires ; le premier à une dignité équivalente à celle de Tao-tay ; le second, à celle de
Tche-fou.
256 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
dommage. Les préfets de chaque ville devront veiller à ce que des gens expérimentés seuls
acceptent ces fonctions.
À Tchong-kin, il faudra ajouter toujours quatre barques au convoi, pour le prix de
location desquelles il est alloué 182 ‘.2, plus 13 taels pour différents ustensiles dont il faut
les munir. Si la quantité de cuivre transportée était plus grande que de coutume, il faudra
ajouter une cinquième barque, ee qui portera le prix de location à 234 ‘.4, et à 16 ‘.95 le
prix des dépenses supplémentaires. Tout ce qui est relatif au euivre de l'impôt devra être
soigneusement inscrit sur des registres.
On ne devra jamais mettre sur chaque barque plus des huit dixièmes de ce qu’elle
peut porter en totalité et les mandarins s’assureront en personne de son contenu et de son
tonnage. Si l’on doit transborder le cuivre dans de plus petites barques, les mandarins qui
ont accompli litinéraire précédent fixeront la quantité dont on doit diminuer chaque
chargement et inscriront soigneusement ce chargement sur les registres. S'ils décou-
vrent une fraude, ils feront décharger de la barque toutes les marchandises autres que le
cuivre !, et baître de verges le propriétaire. En outre, celui qui aura été assez hardi pour
vendre en secret le cuivre, sera condamné à une peine.
De Tchong-kin à Y-tehang, les rapides sont nombreux et dangereux ; aussi devra-t-on
veiller avec le plus grand soin que, dans l'espèce de barque appelée Ava tseou ?, il n'y ait
que 10,000 livres de cuivre, et que les autres barques n’en contiennent que 50,000. S'il y
a un excédant de poids de vingt et quelques mille livres. on pourra le répartir entre toutes
les barques; mais si cet excédant atteint 30,000 livres, il faudra louer une barque de plus.
La même règle, pour l’excédant, s’appliquera proportionnellement au chargement des plus
petites barques.
Quand le cuivre est parvenu à Han-keou, il doit être entièrement chargé dans dix
barques de la province de Hou-nan, contenant chacune 32,000 livres, et dans trente-deux
jonques du Hou-pe, de l'espèce appelée Zchouw tchouan, qui peuvent porter chacune
40,000 livres de cuivre. A Kiang-ning, on les remplacera par vingt-six grandes barques
de l'espèce appelée Kieou tchouan, dont le chargement est de 55,000 livres, auxquelles
on ajoutera treize barques de même espèce, mais plus petites, qui prendront chacune
30,000 livres de métal. |
Sur le passage du convoi du cuivre ou du plomb du gouvernement, les mandarins
disposent à l'avance des gardiens et des soldats pour le protéger. À chacun des envois ré
glementaires de cuivre, chacun des mandarins des lieux de passage envoie sept gardiens
et treize soldats; dans les envois supplémentaires, ce nombre est. élevé à huit gardiens et
seize soldats. Dans la province du Se-tchouen particulièrement, où abondent les dangers
de navigation,"on devra tenir toujours prêts des soldats et des mariniers adroits.
1 Il est toléré que les Ouy-iuen ou mandarins chargés du transport embarquent avec eux des marchan-
dises dont ils commercent et qui passent en franchise aux douanes. Mais ils ne doivent pas, par amour du gain,
charger les barques au delà des 8/10 réglementaires. C’est contre cette tentation que les prémunit le texte de
l’ouvrage, en leur indiquant les pénalités qu'ils encourent.
2 Barques fortifiées latéralement par d'énormes défenses en bois et spécialement appropriées à la naviga-
tion dans les rapides.
TRANSPORT DES MÉTAUNX. 291
Le chef du convoi recoit, avant son départ, du vice-roi ou de son suppléant, le fou pay
ou « passeport » qui servira à constater sa mission auprès de tous les mandarins de la
route. Il devra prévenir ceux-ci de son passage, afin qu'ils puissent être prêts à exa-
miner si les barques ne contiennent que ce qui est écrit dans le fou-pay. Après avoir
inspecté les barques, ils noteront la date précise du passage et le temps qu'il fait,
informeront leurs supérieurs de toutes ces circonstances, préviendront les préfets des
villes suivantes de l’arrivée des barques, et apposeront leur signature au bas du fou-pay,
afin que le chef du convoi puisse faire constater quel a été son itinéraire à son arrivée à
Pékin.
Le tao-tay de Yun-ning, aidé dutehe-tcheou de Lou tcheou et du chef du convoi, pèsera
avec soin le cuivre envoyé, et préviendrà le préfet de Tehong-kin du mode de pesage
employé. Celui-ci, avec le concours du mandarin de Kiang-pe et du chef du convoi, con-
trôlera le poids du euivre, inscrira le résultat de son inspection et enjoindra la même véri-
fication au mandarin de Koui-tcheou fou.
Comme après Tchong-kin, le vent s'élève souvent « et sépare les barques », le chef du
convoi inserit soigneusement sur un registre le nombre des barques, le nom de leurs
patrons, la quantité de cuivre qu'elles portent, leur tirant d’eau, de telle sorte que si une
barque s'arrête au milieu de la route, il puisse rendre compte des motifs de ce retard.
Quand des mandarins remplissent pour la première fois la mission de conduire un
convoi de cuivre à Pékin, ils enjoindront à tous les gardiens, à tous les satellites et à tous
les soldats qui sont préposés sur le passage du convoi, de surveiller les bateliers qui sont
toujours tentés de tromper de nouveaux chefs.
A l’arrivée à Han-keou et à Ngi-tchen, où l’on change les barques, les vice-rois du Hou-
kouang « Hou-pe et Hou-nan » et du Kiang-nan délégueront des mandarins d’un rang plus
élevé pour constater le poids du cuivre; s’il est trouvé le même, ils signeront le registre
et préviendront les ministres du palais de l’inspection faite et de l’arrivée des barques.
Si, en raison de la baisse des eaux, les barques ne pouvaient continuer leur route, les
chefs du convoi en délibéreront avec le mandarin du lieu, et feront transporter le cuivre
par terre, mais ils devront prendre garde que la chose ne puisse se renouveler plus de huit
fois. De Tien-tsin à Tong tcheou, ce transbordement est prévu, et le prix du transport
de cent livres est fixé à 0.069; pour les autres transports qui pourraient survenir, il est
accordé un crédit principal de 1,800 taëls, plus 240 taëls pour le salaire des ouvriers em-
ployés à lier les fardeaux; le erédit affecté pour le même motif aux transports supplé-
mentaires n’est que de 1,600 taëls, etle salaire ci-dessus de 210. Pour le plomb, la dépense
des transports par terre ne devra pas dépasser 2,000 taëls, et le salaire des ouvriers em-
plovés à lier les fardeaux 270 ; si les préfets des localités traversées dépensent au delà de
cette somme, ils payeront le surplus de leurs deniers.
Si les barques qui portent le cuivre ou le plomb du gouvernement ne peuvent, à Tien-
tsin, continuer leur route à cause du manque d’eau, elles seront allégées des six dixièmes
de leur chargement. Si elles ont des avaries et ne peuvent en aucune façon continuer leur
route, les chefs du convoi iront trouver le préfet de Tien-{sin, qui préviendra le palais de
IL. 33
258 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
cet élat de choses et fournira les fonds nécessaires pour faire transporter le chargement
des barques ; mais celles-ci devront rendre le prix de leur location en proportion de la
distance qui reste à parcourir. De Tien-tsin à Tong tcheou il y a 320 li, qui seront
parcourues en raison de 1)'.037 par 100 livres si c’est du cuivre, et de 0'.046 par
100 livres si c’est du plomb. Cest sur ce prix que sera calculée la restitution que
devront faire les barques.
Si le cuivre était apporté par terre à Tien-tsin, le prix total du transport serait de
2,800 taëls. (Ce prix sera payé en six fois : par chacun des quatre transports réglementaires,
500 taëls; par chacun des deux transports supplémentaires, 400.) Le trésorier du Tehe-ly
fera payer cette somme par le trésor de Tien-tsin, après vérification du cuivre et des dé-
penses faites par les mandarins chargés du transport, qui pourront à ce moment recou-
vrer les avances qu'ils auront faites.
S 3. Des pertes subies pendant les transports.
De même que les habits n’ont plus le même poids que la matière qui a servi à les faire,
ou qu'une maison pèse moins que les matériaux apportés pour la construire ; de même le
cuivre, dans tous les transports successifs, doit-il perdre une partie de son poids. Nous
allons done parler maintenant des tolérances admises à cet égard, tolérances qui ne sau-
raient être dépassées sans que ceux qui en sont responsables soient condamnés à une
réparation où à un chatiment.
La première cause de perte est le transport du cuivre des mines aux entrepôts; de là à
Lou tcheou, les chocs inévitables de la route lui font encore perdre une partie de son poids;
il est permis d'inscrire cette déperdition sur les registres. En outre des pertes occasion-
nées par le transport, on admet encore qu'il v ait annuellement une diminution de poids de
24,000 livres. (Les magasins d'Ouey et de Kouan remplacent chacun 4,000 livres; ceux de
Tchao et de Tchen, 6,000.)
Ce cuivre sera payé à raison de 11 taels les 100 livres, par les directeurs des muga-
sins, aux directeurs des mines à qui ils s’adresseront pour obtenir la quantité de cuivre
nécessaire. En outre, ils ajouteront toujours 3 livres sur 100 pour compenser les pertes
occasionnées par le transport. Sur ce poids, 8 onces seront affectées aux pertes subies
dans le transport jusqu'à Lou tcheou; si le déficit dépasse cette quantité, les mandarins
chargés de présider au transport devront rembourser la différence aux directeurs des
mines. Les deux livres et demie qui restent serviront à compenser les pertes subies pendant
la route de Lou tcheou à Pékin. L’excédant, s’il y en a, pourra être affecté par les chefs du
convoi, lors de l’arrivée à la douane de Tsong-ouen-men !, à acquitter les droits de douane.
Si les mandarins chargés du transport ont dérobé quelque chose sur ces droits de douane,
à leur retour à la capitale de la province, le Siun-fou, « pro-vice-roi », leur retiendra sur
leur propre salaire, ce dont ils auront ainsi fait tort au domaine.
l L'une des-portes de Pékin.
TRANSPORT DES MÉTAUNX. 209
Le mandarin de Tso-leang tinh, assisté du Tsien-kiou, « association qui fabrique les
Sapèques », fait une recette exacle à sa balance du poids de cuivre exigé. Sile déchet du
cuivre est supérieur à la quantité prévue, il y est suppléé à laide d’une réserve de métal
spécialement destinée à cet usage. Le Tsien-kiou a le droit de retenir pour son usage le
cuivre en excès, mais dans ce cas, celle association est responsable au lieu et place des
chefs du convoi des payements auxquels ce cuivre devait être affecté. Il arrive que la
réserve de cuivre, destinée à combler les déficits survenus pendant le transport, manque
aussi. Dans ce cas, le prix de restitution est fixé à 15.137 les 100 livres et ordre est
donné au mandarin chargé des mines de faire acheter dans le Vun-nan la quantité de cuivre
qui manque et que l’on joint au convoi suivant. Quand le fait est déclaré à l’empereur,
celui-ci dispense souvent de cette obligation.
Quand, à la suite du naufrage d’une barque chargée de cuivre, d’habiles nageurs ont
4 par 100 livres de cuivre
ainsi relrées de l’eau, si la profondenr dépasse 40 tche; 0!,3, si la profondeur est moindre
pu sauver {out ou partie de son chargement , il leur est payé 0°.
«que 40 tche et plus grande que 10 »; 0f.1, si elle ne dépasse pas 10 tehe; il leur sera
donné en outre par jour de travail 0".04 pour leur nourriture. S'il y a des difficultés trop
grandes à opérer ce sauvetage, 1l faudra y renoncer pour ne pas exposer inutilement des
hommes à la mort. Les chefs du convoi tiendront conseil avec les autorités locales, et si,
après dix jours d'attente, rien n’a pu être sauvé du cuivre perdu, ils continueront leur
route en laissant auprès du mandarin du lieu des satellites dévoués qui pourront surveiller
les recherches; mais ils auront eu soin de noter le nom du rapide où à eu lieu le naufrage,
et de demander à tous les chefs civils et militaires leur témoignage par écrit, pour qu'il soit
ajouté foi plus tard à leur propre déclaration. Si la perte n’est pas totale, et qu'il ait été
sauvé une partie du cuivre perdu, ils devront payer les sept dixièmes de ce qui reste à re-
couvrer, et les mandarins du lieu les trois autres dixièmes. Si, dans un naufrage, les chefs
du convoi font procéder au sauvetage du cuivre de leur propre autorité, sans avoir pré-
venu les autorités locales, tous les frais de ce sauvetage, même s'il à complétement
réussi, restent à leur charge.
S 4. — Des atténuations de dépense.
Les dépenses qu'occasionne le transport du cuivre, quoique divisées en très-petites
sommes, finissent par atteindre un chiffre considérable; aussi importe-t11 de ne rien
épargner pour abréger les distances et atténuer ainsi les dépenses du trésor public.
De Siun lien à Ouei-ning,
et le transport de 300 livres de cuivre coùtait 3 taels; aujourd'hui, il y a une sfation de
avant l'amélioration de la route, il ÿ avait quinze stations
moins, et le prix du transport pour le même poids est réduit à 2°.8. 300 livres forment
à peu près le chargement d’une voiture. Il est résulté de cette réduction une économie
annuelle de 10,759:.121. D'Ouei-ning au port de Lo-sin, il a été fait également une dimi-
nution de 0'.187 sur le prix du transport de 100 livres. Autrefois, en effet, d'Ouei-
ning à Yun-ning il y avait treize stations, et le prix des porteurs était de OC5168 les
260 TIEN NAN KOUANG TCOHANCG.
100 livres; aujourd’hui il n°y a plus que dix stations, et ce salaire est réduit à 0°.1292,
d’où une diminution de 0'.3876. Mais il faut en déduire le prix du transport de Lo-sin tou
à Nan-kouang-tong qui, quoiqu'il se fasse par eau, coûte 0!.2; l'économie n’est donc plus
que de 0',1876 qui produit par an une somme de 5919194.
De Tong-tchouen à Lou tcheou par Teou-cha kouan et Yen-{sin tou, il a été fait éga-
lement une réduction de 0.33; autrefois, en effet, le chemin se faisait par terre, et au-
jourd’hui il se fait par eau. L'économie totale qui en résulte est de 5,203".85. Si, en outre,
on profite pour transporter le cuivre de barques portant d’autres marchandises, on obtient
encore une réduction de 0°.09% par 100 livres.
De Yun-chang hien à Lou tcheou par Hoang-tsao-pin, on a pu réduire le prix du
transport de 0'.682 les 100 livres en se servant de bateaux au lieu de prendre la voie de
terre. L'économie totale qui en est résultée s’est élevée à 10,759'.121 ; elle pourra être
plus grande encore si l’on se sert de barques faisant en même temps un service de voya-
geurs ou de marchandises. Néanmoins, la somme d'argent fixée par les lois antérieures
devra êlre toujours livrée intégralementà ceux qui accompagnent le cuivre, quelles que
soient les abréviations ou les économies qui peuvent être réalisées dans le cours du trajet.
A l’arrivée à Pékin, il en sera rendu un compte exact.
Il sera transporté gratuitement soit des mines aux magasins, soit des magasins à Lou
tcheou 5 pour 100 en sus du poids de euivre exigé, et le prix de ce cuivre sera affecté aux
usages communs.
VI
DE? LA FABRICATION DES SAPÈQUES!.
Comme le cuivre que produit la provinee de Yun-nan est répulé dans tout l'empire, on
a concédé à cette province le droit de fabriquer des sapèques dans les mêmes conditions
qu'à Tong tcheou « près de Pékin. » Des fourneaux particuliers ont été créés en consé-
quence à Tong-tchouen et à Ning-tay tchang. Le métal dont se composent les sapèques est
un alliage de cuivre, de zine * et de plomb.
On avait commencé à fabriquer des sapèques à Yun-nan, la dix-septième année de
l’empereur Chun-tche * ; mais l'association formée dans ce but fut dissoute peu après. La
vingt et unième année de Khang-hi, on reprit de nouveau ce travail et beaucoup d’autres
villes se mirent aussi à battre monnaie. Les provinces voisines consentirent à recevoir les
sapèques ainsi frappés à Ta-ly, Lin-ngan, Kiu-tsing, Kouang-si, Tong-tchouen, Chun-
ning, et dans quelques autres tcheou ; des hien même en fabriquèrent, Lo-sing et Mong-
ise, par exemple. Mais au bout de quelque temps cette fabrication fut restreinte aux
! La traduction de ce chapitre et du chapitre suivant a été omise par Thomas Ko, et j'ai dù me conten-
ter d'extraire du texte chinois les données les plus importantes relatives à cette fabrication intéressante et aux
quantités de cuivre fournies par le Yun-nan aux autres provinces de l’empire. Je laisse à de plus compétents
que moi le soin de donner une traduction complète de cette partie de louvrage.
2 J’emploie pour plus de clarté les mots zinc et plomb aulieu des expressions littérales « plomb blanc » ct
« plomb noir ».
3 Le premier empercur de la dynastie tartare qui ait été véritablement maitre de la Chine. C’est le père du
célèbre Khang-hi. La 17° année de son règne répond à 1661.
262 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
villes de Yun-nan, Lin-ngan, Ta-ly et Tong-tchouen. La 4° année de Kia-kin, on éta-
blit de nouveaux fourneaux à Lin-ngan, Kouang-nan, Tong-tchouen, Techou-hiong et
Yun-{chang pour refondre les sapèques hors d'usage.
La 6° année de Kia-kin il fut réglé que pour 100 livres de sapèques on emploierait
54 livres de cuivre, 42 livres 12 onces de zine, et 3 livres 4 onces de plomb, et chaque
mine de cuivre dut fournir pour cette fabrication 10 livres 4 onces par 100 livres de
cuivre produit. La 9° année du même empereur, la mine de Ning-tay fut imposée d’une
facon spéciale à ce sujet. Un prélèvement de 9 livres sur 100 fut également fait dans le
même but dans les mines de plomb et de zine. Le poids de chaque sapèque fut fixé aux
12 centièmes d’une once !.
Une coulée de sapèques demande environ dix jours pour s'effectuer. On met en œuvre
à la fois 857 livres 2 onces 285 millièmes d’alliage. Il y a un déchet de 77 livres 2 onces
285 millièmes, et il ne reste en définitive que 780 livres de métal, à l’aide desquelles on
peut frapper 104,000 sapèques.
Il y a 28 fourneaux qui, trois fois par mois, opèrent chacun une fonte de sapèques. On
oblient ainsi par an 1,008 coulées, pour lesquelles on emploie 623,570 livres, 15 onces
825 millièmes de cuivre, dont 72,657 livres 4 onces 45 sont fournies par la seule mine
de Ning-tay, et le reste par les mines du Nan-tao et du Si-tao, 439,538 livres 5 onces
224 de zine, et 33,415 livres 3 onces 142 de plomb. On produit ainsi annuellement
101,095,344 sapèques qui représentent, au taux légal de 1,200 pour un tael, une valeur
totale de 84,246".12?, dans laquelle le cuivre entre pour 51,078'.98 (en le comptant à
raison de 9.2 les 100 livres), le zine pour 10,768.68, le plomb noir pour 701,71, et
la main-d'œuvre pour 21,696°.74.
A Tong-ichouen, on emploie chaque année à la même fabrication 198,287 livres de
cuivre provenant principalement de la mine de Tang-tan, 156,977 livres de zinc et
11,933 livres de plomb. On produit ainsi 35,005,070 sapèques qui, au taux de 1,200
pour un tael, valent 30,087".055, ainsi décomposés : cuivre, 14,825 taels (il est complé à
raison de 7!.4765 les 100 livres; zine, 3,6101.493 (il est compté à raison de 2!.3 les 100
livres); plomb 262,257 (il est compté à raison de 2!.2 les 100 livres); main-d'œuvre
11538951"
Les ateliers actuels de Tong-tchouen ont été ouverts la 22° année de Kia-kin el sont
sous la surveillance du Tehe-fou de cette ville *.
1 Un peu plus de 4 grammes et demi.
2 650,000 francs environ. Le chiffre des sapèques produits est moins considérable que celui qui résulterait
des quantités de métal employées, même en tenant compte du déchet indiqué plus haut. D’après la valeur
du cuivre qui entre définitivement dans la composition des 401 millions de sapèques obtenus, les 620,006 li -
vres de ce métal, fournies par cette fabrication, se réduiraient, après leur mise en œuvre, à 555,000.
3 La fabrication actuelle des sapèques dans le Yun-nan est loin de présenter l’eniformité qui semblerait
résulter des détails qui précèdent. Depuis la révolte des Mahométans et le relâchement des liens de la pro-
vince avec le pouvoir central, chaque ville s’est mise à fabriquer de la monnaie en en allérant le plus possible
la composition légale. Aussi rencontre-t-on la plus grande diversité en matière de monnaie courante. Les sapè-
ques de Tong-tchouen conservent encore cependant la faveur publique. et on ne peut souvent les obtenir
qu'à un laux supérieur au taux légal.
VIT
DE LA FOURNITURE DU CUIVRE AUX AUTRES PROVINCES,
Dans toutes les provinces, des ateliers analogues à ceux du Yun-nan ont été créés pour
la fabrication des sapèques, et le Yun-nan fournit à la plupart d’entre elles le cuivre né-
cessaire.
Le tableau suivant donne les quantités en livres chinoises, et le prix des différentes
qualités de cuivre envoyées par le Yun-nan dans le reste de l'empire. La dernière
colonne indique, sous le titre de bonification, la quantité de cuivre ajoutée gratuitement
pour subvenir aux déchets qui peuvent se produire pendant la route.
; | PRIX | ; BONIFICATION
NOMS DES PROVINCES. QUANTITÉ DE QUIVRE. | | PERIODE D'ENVOI.
DES 100 LIVRES. PAR 100 LIVRES.
Kiang-sou ....... | 170,000 livres. 1! taels. Triennale. 11e (QE
Idem. 520,000 — 9 — Idem. 23 0
KIANCES EEE 53,680 — 11 — Tous les 18 mois. 1 0
Idem. 234,320 — 9 — Idem. 23 (0
Hchekiancee"" 260,000 — A1 — Annuelle. 4 6
Idem. 140,000 — 9 — Idem. 2)
Hokieneeerrere 420,000 — 11 — Triennale. L 6
Idem. 180,000 — 9 — Idem. 2 (
HQE e 8 c06 bob 0 224,308 — IL — Annuelle. 3 0
Hot, 00 000 0 135,000 — A1 — Idem. o À
Idem. 65,000 — 9 — Idem. 28) ()
Chem 0000000 245,000 — 11 — Tous les 48 mois. 4 O0
Idem. 15,000 — 9 — Idem. | 23 (|)
Kouang-tong. . . .. | 101,221 — 1 — Annuelle. 5 0
Idem. 5O,A13 — 9 — Idem. 2300)
Kouang-si....... | 212,550 — = Idem. 5 0
Kouy-tcheou. . . ... 303,867 jonc 62 SAGE 2) Idem. HE (0)
264 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
Des règlements spéciaux fixent les mines qui doivent fournir ces quantités de cuivre
aux différentes provinces, les itinéraires suivis, le temps employé à les parcourir, les
moyens de transport adoptés, le détail de toutes les dépenses nécessaires à l'entretien des
officiers charges d'accompagner le métal, et à l’achat des sacs et des liens qui serviront à
l’'emballer, les avances de fonds qu’en certaines circonstances la province du Yun-nan
pourra faire aux autres provinces, le mode de remboursement de ces avances , enfin les
indemnités qui pourront être dues en cas de retard dans la livraison des métaux. Dans ce
dernier cas, la province du Vun-nan ne pourra se refuser à payer les suppléments de dé-
pense qu'entrainerait, pour les officiers envoyés par les provinces voisines, la prolonga-
lion de leur séjour et que l'allocation affectée à leur voyage et aux frais de transport du
cuivre serait insuffisante à couvrir.
VIII
MÉMOIRE SUR LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS DU SYSTÈME ACTUELLEMENT ADOPTÉ POUR
L EXPLOITATION DU CUIVRE. DANS LE YUN—NAN PAR OUANG TA-IO.
Au 8° mois de la 40° année de l’empereur Kien-long, le trésorier du Yun-nan,
nommé Ouang Ta-i0, écrivit le discours qui suit sur le cuivre :
« Autant que je puis en juger, la production du cuivre occupe la première place dans
cette contrée, car partout les terrains y sont stériles, et l'on ne voit pas quel avantage on
pourrait retirer de l’agriculture *. Quand, il y à à peine soixante années, les mandarins
durent s'occuper des mines ?, le peuple et eux-mêmes eurent à souffrir de maux tels que
lon dut se demander si l’on pouvait en continuer l'exploitation. Ef pour ma part, je ne
vois pas comment on pouvait échapper à la faim.
La difficulté de la production du euivre réside en quatre points principaux: Le pre-
mier est que les frais de transport sont tels qu'il est impossible d'ajouter quoi que ce soit
au prix du cuivre. La 19° année de Kien-long, le Siun-fou de la province nommé Ngeay
Pi-ta, fit respectueusement observer que le prix du cuivre de la mine de Tang-tan était
de0'.8 inférieur à celui des autres mines, et obtint de la bonté de l’empereur une augmenta-
tion de 0'.4236, qui était la moitié environ de cette différence. Deux années après, le Siun-
fou Ko Y-iu demanda et obtint une augmentation nouvelle de 0°.4236 pour que la ville
1 Le labeur opiniâtre des Chinois a triomphé des difficultés que présentait le défrichement de cette région
montagneuse et l’appréciation de Ouang Ta-io n’est exacte aujourd’hui que pour certaines parties très-res-
treintes de la province dont le sol se refuse en effet à toute culture.
? Cette indication fait remonter à 1716 l’organisation définitive de l'exploitation du cuivre au Yun-nan.
34
266 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
de Tong-tchouen püt recouvrer le capital engagé dans la mine. Six années après, le
Tsong-tou Ou-ta, voyant se mulliplier les associations Kiou pour la fabrication des sa-
pèques, fit décréter une nouvelle augmentation dans le prix du cuivre de 0°.4. Six an-
nées après, une autre augmentation de 0'.6 fut obtenue par le Siun-fou. Trois ans après,
il fut décidé que pour les mines de Tang-tan, Ta-chouy et Lou-lou le prix du cuivre
ne dépasserait pas 6".4 «les 100 livres» et l'augmentation s’arrêta là. La 24° année de
Kien-long, sur la requête du Siun-fou Liou-tao, on concéda à la mine de Tsin-long-
chan et à plus de vingt autres petites mines, où le prix du cuivre n’était autrefois que
de 318 à 41.2, le prix de 5.15; quant au cuivre de dernière qualité qui se vendait
4 taels les 100 livres, son prix fut élevé à 4.6.
La bonté de l’empereur est inépuisable, et cependant, au bout de quelques années, le
mal de la pauvreté prévalut de nouveau, et chacun put se plaindre qu'à l’origine le prix
du cuivre ait été fixé de telle sorte, que même après plusieurs augmentations, il restat
insuffisant. Pourquoi le prix de 100 livres de cuivre est-il fixé dans le Se-tchouen à 9 ou
10 taels, dans le Kouang-si à 13 taels les 100 livres, alors qu'il est si bas dans le Yun-
nan? Yang-ouen de la ville de Kiang-in ‘, gouverneur de la province de Tien, sous
l’empereur Tin-kong, adressa à ce sujet les plaintes suivantes à l’empereur : Alors que
le capital des différentes mines était inégal, le prix du cuivre lui-même était invariable
et fixé à 9°.2; tout le monde l’adoptait quand il s'agissait de le vendre. Mais, pour
acheter le euivre, il a été décidé que l'on payerait par 100 livres de 4 à 6 taels au plus; en
oulre, le cuivre est donné au gouvernement à litre d'impôt; les dépenses publiques des
vivres et des transports ainsi que celles affectées aux travaux de la navigation sur le
Kin-cha kiang sont prélevés sur la valeur du métal, d’où il résulte que, sur un prix fixé à
6 taels, il ne reste guère que 5'.1, prix qui n’est point comparable à celui du cuivre dans les
provinces de Chou et de Liao. On voit done clairement que le prix fixé jadis est trop petit.
On pourra s'étonner que des réclamations à ce sujet ne se soient pas élevées dès
l’origine. La raison en est qu’autrefois, dans la province de Tien, chacun pouvait à son
gré exporter le cuivre, et qu'aujourd'hui cela n’est plus permis. La #4° année de l’empe-
reur Khang-hi « 1705 », les mandarins reçurent l’ordre d’avoir à faire payer régu-
lièrement l'impôt chaque année. Après avoir fourni le capital nécessaire à l’exploitation,
ceux-ci, quand le remboursement en était incomplet, eurent coutume d’exiger le paye-
ment de ce qui restait, en cuivre qu'ils n’acceplaient qu'à un taux très-bas, alors qu'ils
le revendaient le plus cher possible. Sous l’empereur Yong-tchen « 1723-1736 » se forma
l'association Kiou pour le transport du euivre à Pékin où l’on vérifiait son poids. A
ce moment le cuivre de l'impôt ne s'élevait qu'à 80 ou 100 mille livres; au bout de
quelques années ce chiffre s’éleva à 2 ou 3 millions de livres ; aujourd’hui il a presque
! Kiang-in est une ville de troisième ordre ou hien située dans le département de Tchang-tcheou fou, pro-
vince du Kiang-sou, sur la rive droite du fleuve Bleu. Ce même nom était porté sous les Tcheou postérieurs
(de 950 à 960 ap. J.-C.), par un arrondissement établi au sud de Ou-chan dans le département de Koui-
tcheou fou (Setchouen) (Biot, Dictionnaire des noms géographiques de l'empire chinois). C’est probablement
de cette dernière ville qu'il est ici question.
MEMOIRE DE OUANG TA-10. 267
07
décuplé, et on ne laisse aux mineurs que les deux tiers ou la moitié du cuivre qu'ils pro-
duisent. L’exiguïté du prix que payent les mandarins est l’origine de toutes les fraudes et
de tous les vols des mineurs qui ne pourraient sans cela retirer le moindre bénéfice de
leur travail. Petit à petit, les mines s’établissent dans des endroits plus éloignés, pour se
rapprocher des forêts et obtenir le combustible à meilleur marché, et en même temps pour
échapper à l’avarice toujours plus grande des gouvernants et éviter les exigences des pro-
priétaires des terrains et les vexations des satellites. En supputant intérêt du capital, les
frais de transport, les salaires des employés et toutes les autres dépenses de la mine,
100 livres de cuivre arrivent à coûter 9'.2. Comme les mineurs ne reçoivent pour ce
poids que 6.4, ils sont donc obligés de dépenser de leurs deniers 1°.8. On se demande
où ils peuvent prendre cet argent. Nulle part, si ce n’est en l’inserivant dans le registre
des dépenses et des recettes, et en portant vendue une quantité de cuivre assez grande
pour réparer cette perte. Il serait long d’énumérer tout ce que souffrent ainsi les habi-
tants des mines. Mais puisque le prix du cuivre est si insuffisant, pourquoi personne d’entre
eux n'a-t-1l demandé une augmentation de prix? C'est qu'ils seraient difficilement écou-
tés, et l'augmentation de 4 ou 6 tsien qu'ils pourraient obtenir serait bien peu de chose
pour une aussi grande misère.
Pour des raisons analogues, le commerce du cuivre est des plus difficiles, puisqu'on
ne peut ni diminuer ni parler de diminuer l'impôt sur le transport. I a cependant été
question une ou deux fois de diminution. La 32° année de Kien-long, le gouverneur de la
province de Pordre Siun-fou , nommé O, préféra acheter directement le euivre dans cha-
que mine et en obtint ainsi plus de einq millions de livres, mais il n’en resta plus à ven-
dre aux acheteurs qui étaient venus de tous les côtés. Le gouverneur obtint alors du
ministre des finances l'autorisation de différer la remise du cuivre que l’on devait trans-
porter à Pékin, afin que les acheteurs pussent trouver à s’approvisionner. Il en résulta
un allégement de plus 2,600,000 livres pour la province. Trois ans après, le Tsong-tou,
gouverneur des deux provinces du Kouy-tcheou et du Yun-nan, fit reprendre les transports
interrompus pour Pékin. Il fut envoyé ainsi, ou consommé dans la province pour la fabri-
cation des sapèques, une dizaine de millions de livres de cuivre, et il ne resta de disponi-
ble que 1,300,000 livres. Dans les années suivantes, malgré une production annuelle
de plus de 9,200,000 livres, on ne put satisfaire aux demandes des acheteurs. Le Tsong-
tou demanda à ce que le commerce füt interrompu et à ce que le ministère des finances
püt recevoir ce qui lui était du. Le Kiang-nan et le Kiang-si durent s'abstenir d'acheter
du euivre dans le Yun-nan, et celte dernière province fut dispensée de fournir au delà
de 500,000 livres de cuivre «aux autres provinces. » Dans l’espace de six mois, le vice-
roi Ming-tée fit envoyer des officiers pour recevoir 4,100,000 livres de cuivre : il y avait
eu un surcroit annuel d’un million de livres pendant quatre années, el on devait
espérer qu'au bout de cette période, on pourrait subvenir à tout ce qui avait manqué. Mais
rien n'avait été réservé, et on put à peine suffire à acquitter l’impôt, quoique par la sup-
pression pendant cet intervalle de temps de la fourniture du cuivre aux autres provinces,
qui s'élève chaque année à plus de deux millions de livres, on eût économisé environ 8 ou
268 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
9 millions de livres. On dut en conséquence demander une nouvelle diminution «de l’im-
pôt» et un délai pour la fabrication des sapèques dans le Yun-nan, et pour la fourniture du
cuivre aux autres provinces. Le ministre des finances soumit à l'approbation de l'empereur
un décret par lequel les villes de Lin-ngan, Ta-ly, Kouang-nan et l'association récem-
ment formée à Tong-tchouen pussent cesser de fabriquer de la monnaie, et par lequel
on diminuait le poids de cuivre exigé annuellement pour les provinces du Chen-si, du
Kouy-tcheou et du Hou-pe. Ce poids est de 630,000 livres.
La province fut ainsi dispensée temporairement d’une fourniture de plus de deux mil-
lions de livres. L’allégement qui en résulta pour les mineurs s’éleva à plus de
5,000,000 de livres, et ils reprirent courage; l’achat du cuivre cessait d’être, comme à
l’origine, complétement à la discrétion des mandarins.
On frappait autrefois annuellement dans le Vun-nan plus de 90,000 ligatures (la li-
galure se compose de mille sapèques), dont 40,000 devaient être transportées dans le
Hou-kouang etle Kiang-si; cette fabrication employait 1,100,000 livres de cuivre.
Jusqu'à la 5° année de Yong-tchen, les mines du Yun-nan produisaient an-
nuellement trois millions et quelques centaines de mille livres de cuivre, dont plus de
un million était envoyé à Han-keou et autant à Tehin-kiang pour la consommation des pro-
vinces du Kiang-nan, du Hou-nan et du Hou-pe. Les choses se passèrent ainsi jusqu’à la
10° année de Yong-tchen. À ce moment, on commença à envoyer annuellement au
Kouang-si 62,000 ligatures auxquelles on dut employer plus de 400,000 livres de cuivre
par an.
L'année suivante, le Kouang-si dut, par décision de l’empereur, fabriquer lui-même
et envoyer à Pékin 344,062 ligatures pour lesquelles plus de 1,663,000 livres de cuivre
furent reconnues nécessaires. La 2° année de Kien-long, le Tsong-tou Yun Ouen-touan
obtint, au grand bénéfice du trésor, que les étrangers pussent venir acheter du cuivre
dans le Tehe-kiang et demanda que pour ce motif 4,000,000 de livres fussent envoyées
dans cette province, dont 2,000,000 seraient achetés dans le Yun-nan et le reste dans les
provinces occidentales. Le Yun-nan consentit à cette demande et ajouta, en sus des sapè-
ques envoyés au trésor, plus de 300,000 livres de cuivre qui complétèrent les 2,000,000
de livres demandés.
Le Tsong-tou de la province de Tche-ly, nommé Ly-hen, se trouvant trop éloigné du
Yun-nan pour envoyer y acheter du cuivre, demanda à acheter directement de l’asso-
lation Kiou de la ville de Pékin le cuivre qui lui était nécessaire, en le prélevant sur
l’envoir annuel fait à cette association par le Yun-nan. Ainsi, non-seulement la province
de Vun-nan eut à fournir le cuivre que devaient toutes les autres provinces, mais
encore à ajouter ce que chacune d'elles désirait en sus de la quantité fixée. Elle ar-
riva ainsi à fournir annuellement 4,440,000 livres de cuivre. Peu après cependant, on
reconnut qu'il valait mieux accorder certains répits, pour que lon püt fabriquer de la
monnaie, et lon ne maintint en vigueur que l'obligation ordinaire de porter à Pékin
1,890,000 livres environ de cuivre. Le Fo-kien demanda ensuite à acheter plus de
200,000 livres; le Tche-kiang, une quantité égale; le Kouy-tcheou, plus de 480,000
MEMOIRE DE OUANG TA-I10. 269
livres ; le Kiang-si. plus de 300,000 livres ; le Kouang-si, 460,000 (cette dernière pro-
vince peut échanger 160,000 livres contre du sel) ; le Chen-si, qui auparavant ache-
fait son cuivre dans le Se-tchouen, 350,000, puis 400,000 livres. Le Yun-nan eut
donc chaque année à livrer 9 millions de livres et il ne resta rien en réserve dans
ses Magasins.
Ce que l’on trouve dans la terre peut cependant se conserver indéfiniment et
rien ne saurait en être anéanti, de telle sorte qu’on doit pouvoir le retrouver lorsque
le besoin s’en fait sentir. Il est done vraiment merveilleux que le produit annuel en
cuivre du Yun-nan suffise à peine à la consommation annuelle et qu'il n’en reste rien
pour l'avenir. Il semble que plus la quantité extraite est considérable, plus il s’en dé-
pense. Que devait-on faire à l’origine alors que la production n’était que de 1 à
2 millions de livres par an? A partir de la 4° ou de la 8° année de Kien-long, cette
production s’est élevée successivement de 6 à 7 millions de livres à 12 ou 13 qu’elle
atteint aujourd’hui dans la 38° et la 39° année de ce même empereur. Le nombre de
ceux qui demandent du cuivre s’est accru en proportion et on n’arrive point encore à
les satisfaire. Les royaumes voisins ont envoyé acheter du cuivre dans le Yun-nan au lieu
de l’acheter dans les provinces occidentales ; de là une nouvelle cause d'insuffisance.
Pour y remédier, le Tehe-kiang et le Kiang-sou ont recu l’ordre d'acheter leur cuivre dans
les provinces occidentales ; de la sorte on a pu acheter du cuivre pour Pékin et pour le
Hou-kouang. Il fut accordé en outre que si le cuivre venait à manquer dans le Yun-nan,
on enverrait immédiatement acheter ailleurs ce qui manque.
C'est ainsi que les choses se sont passées pendant les trente dernières années.
Aujourd’hui, le cuivre que l’on doit envoyer ne saurait manquer sans de grands incon-
vénients. À l’exception du Kiang-nan et du Kiang-si, toutes les provinces, Tse-min, Tsien,
Liao, Tsin, Tsou ?, ont commencé à frapper des sapèques pour l'usage du peuple et le
salaire des soldats. Celui-ci ne peut jamais être différé; aussi la fabrication de la monnaie
ne doit-elle pas s’interrompre.
Ainsi la production du cuivre dans le Yun-nan éveille une sollicitude continuelle, et,
alors qu'elle est à peine suffisante pour les besoins propres de la province, il faut qu’elle
subvienne encore à la fabrication de la monnaie dans toutes les autres parties de empire.
Toutes les provinces qui reçoivent leur cuivre du Yun-nan, en retirent avantage et profit:
le Yun-nan seul souffre et peut se plaindre. Tang-ouen, gouverneur de la province, avait
donc bien raison de déclarer à l’empereur que la production du cuivre soulevait de
grandes difficultés.
Les habitants à qui incombe la charge du transport, se livrent souvent à la chasse,
-et pendant ce temps, les voleurs qui profitent de toutes les occasions que leur offre un
pays montagneux et accidenté, enlèvent le cuivre ; d’autres fois, les bêtes de somme meu-
1 Le sel consommé dans les provinces intérieures de la Chine provient en grande partie des puits salins du
Yun-nan et du Se-tchouen, dont l’exploitation est également monopolisée par l’état.
2 Anciens noms du Tche-kiang, du Kouy-tcheou, du Kouang-tong et du Kouang-si, du Hou-nan cet du
Hou-pe.
270 TIEN NAN KOUANG TOCHANG.
rent de maladie et laissent leur fardeau en route. Quelquelois aussi, on à affaire à des
gens de mauvaise foi qui vendent le cuivre qu'ils sont chargés de porter et qui échap-
pent à tout châtiment. Il arrive encore telles circonstances malheureuses qui font que
les mineurs ne peuvent rembourser le capital qui leur à été avancé, tombent dans la
misère, et pour y échapper vendent en cachette le cuivre qu'ils recueillent ou bien déser-
tent le lieu de l'exploitation.
Dans les mines du gouvernement, après un grand nombre de désertions de ce genre,
on obtient facilement que la mine désertée soit confiée à d’autres, sous condition de
payer annuellement une quantité de cuivre qui compense celle dont les déserteurs
ont fait tort au trésor. Les habitants contractent ainsi des dettes considérables, dont
les directeurs de la mine dissimulent souvent une partie aux mandarins, et il arrive
qu'au bout de quelques années, on arrive à reconnaitre et à constater des déficits
tellement grands qu'il est impossible d’en accorder dispense. Les mandarins qui ont cru
assuré le recouvrement de celte dette, ne peuvent admettre qu’elle s’évanouisse sans rien
produire, et l'obligation de la payer retombe injustement sur des innocents. La 23° année
de Kien-long, il fut demandé à l’empereur lautorisation d'ajouter 125,000 taels au ca-
pital de la mine de Tang-tan et des autres mines, pour payer les dettes ainsi contractées.
La 33° année du même empereur, les directeurs et les officiers des mines furent condamnés
à payer 75,000 tfaels. La dixième partie du revenu des mines ayant fait défaut, on
accorda quatre ans après, un délai pour payer les dettes faites, mais on retint 1 pour 100 sur
le prix du cuivre, ce qui produisit à peu près annuellement 7,000 taels qui furent réservés
par Le trésor, pour se prémunir contre la désertion des mineurs et réparer les pertes subies.
En résumé, si l’on songe au long temps nécessaire pour ereuser les mines et aux dépenses
que cela entraîne, on trouve que le capital fourni par l'État est fort insuffisant, ce que per-
sonne jusqu'à présent n’a fait remarquer, et c’est pour cela qu’au bout de très-peu de temps,
les mines finissent toujours par s’endetter. La 37° année de Kien-long, après examen
des comptes des mines, on reconnut qu’elles étaient débitrices de 130,000 taels, dont
rien ne put être recouvré et dont la bonté de l'empereur ordonna la remise.
Il a été enfin accordé que les mines puissent vendre la onzième partie du cuivre pro-
duit, et décidé que le bénéfice ainsi fait soit appliqué au payement des dettes. Le Kiou
de Tong-tchouen doit, avec le cuivre ainsi vendu, fabriquer de la monnaie et appliquer
à l'extinction des dettes de la mine de « Tang-tan » les gains de cette fabrication. Quant
au capital, que l'on a du fournir une seconde fois, on ne voit pas comment il pourra être
remboursé. Ainsi, à peine une dette est-elle acquittée, qu'il s’en produit de nouvelles, et
deux années se sont à peine écoulées qu'il faut les constater à nouveau. On a exigé qu'à
la fin de chaque année, chaque directeur s'engage par écrit à ne contracter aucune dette.
Mais si l'argent manque, comment les travailleurs pourront-ils, les mains vides et le
ventre affamé, continuer leur rude besogne? Leur prêterez-vous l'huile, les vivres et le
charbon nécessaires? mais dès qu'ils auront trouvé un peu de cuivre, il ira entre les
mains du gouvernement, et ils seront ainsi éternellement retenus à leur tâche. Aussi en-
tendez-vous ces paroles dans leur bouche : Qui nous donnera assez de forces pour suffire
MÉMOIRE DE OUANG TA-I0. oral
au travail de la mine ? Heureusement que le gouvernement nous donne de quoi manger
pour que nous puissions racheter par notre labeur les dettes contractées avant nous"!
Ainsi, quand, dans le système employé, il n’y a de tous côtés que déception, com-
ment parviendrait-on à trouver d’abondantes sources de minerai? On ne veut tolérer
aucun déficit dans le cuivre que doivent les mines, mais il se crée chaque jour des dettes
presque incroyables, tellement elles sont considérables. L'huile, le riz, le charbon
prêtés ne sont jamais rendus; les ouvriers ne se livrent qu'avec négligence et dégout à
un travail qui ne leur rapporte aucun salaire ; ils ne sauraient être excités à mieux faire par
le sentiment du devoir et de l'honnêteté, qui n’agit pas sur les gens de basse condi-
tion, et, comme tous les esclaves, ils n’appliquent leur zèle qu'à la fraude. Il n’en
serait pas ainsi, s'ils étaient attachés à leur travail par l'espoir du gain. C’est ainsi que
la situation des mines de cuivre devient tous les jours plus mauvaise.
Parmi les anciennes mines du Yun-nan, les plus grandes sont Tang-tan, Lou-lou, Ta-
chouy, Meou-lou ; les plus petites Ning-tay, Kin-teha, Gi-lou; parmi les nouvelles mines, les
plusgrandes sontSe-tche-chou, Ta-kong ; les plus petites sont Fa-kou-chan, Kiou-tou,Ouan-
pao, Ouan-hiang, etc. Pour ce qui regarde Tsin-long-chan, Je-kien-hiun, Fong-houang-po,
Hong-che-ngay,Ta-fong-lin, ce sont des mines placées dans leslieux les plus éloignés, au mi-
lieu des solitudes des forêts, comme aussi Ta-ten-pée, Lao-tsien-tchou, Kin-cha, Siao-gao et
les mines que l’on sait exister sur les frontières des provinces de Kien et de Chou, qui méritent
à peine ce nom et sont exploitées par des gens sans aveu, qui cherchent le gain par tous les
moyens, et fabriquent de la monnaie en cachette. C’est pour cela qu'ils choisissent les mon-
tagnes élevées et désertes, afin d'échapper plus facilement aux recherches des soldats envoyés
par les mandarins. Comme ils n’ont pas le capital nécessaire pour creuser profondément
la terre, et qu'ils se contentent de chercher le minerai à la superficie de la montagne, on
appelle leur exploitation Ki-o « nid de la poule » et Tsao-pi le minerai qu'ils recueillent. Ils
se déplacent du reste avec la plus grande facilité. Aussi, dans des mines de cette espèce,
y a-t-il plusieurs catégories de travailleurs, à chacune desquelles est assignée une zone
particulière qui peut embrasser un espace de plusieurs dizaines de li, de telle sorte que
les mandarins, même après un examen attentif, ne peuvent découvrir le lieu précis de
l'exploitation. Ces mines ne reçoivent aucun capital du gouvernement; libres et sans rè-
glements, elles cessent ou continuent leur exploitation et changent de place à leur volonté,
bravant ainsi les lois et privant l'État de ce qui lui est dù. En raison de cet état de choses,
quel gain peuvent obtenir ceux qui travaillent dans les mines de l'État, à l'exception des
chefs tels que les Ko-teou et les Ke-tchang ?
Ceux qui font le commerce du euivre le reçoivent d’après la répartition que font les
Ke-tchang. Les Ko-teou et les Lou-fong qui président aux diverses opérations du traite -
1 On sent la douloureuse ironie contenue dans ces mots. Tout ce plaidoyer éclaire certains côtés de l’ex-
ploitation des mines restés obscurs dans l'exposé de leur organisation. On voit que le mal vient surtout du
défaut de contrôle exercé sur les mandarins, à qui le gouvernement se contente de donner une certaine
somme d'argent en retour d’une quantité fixe de cuivre, et qui cherchent à gagner le plus possible sur les
mines elles-mêmes.
272 TIEN NAN KOUANG TOCHANG.
ment du minerai, retiennent sur chaque fonte environ 20 ou 30 livres de cuivre pour leur
propre salaire, et partagent ensuite le reste. Mais tout le cuivre ainsi réparti n’atteint pas
la centième partie de celui que produit la mine de Tang-tan. D'ailleurs, autant de mines,
autant de qualités différentes de cuivre. Si l’on veut bien considérer l’affluence des acheteurs
qui accourent de partout, il n’y a guère que les trois ou quatre grandes mines qui puis-
sent subvenir aux demandes d'achat, et il n’y a rien d'étonnant à ce que celles-e1, que
n’aident en rien plusieurs dizaines de mines plus petites, où le gaspillage et la dissi-
pation sont incroyables, s’épuisent bientôt.
Une autre difficulté que rencontre le commerce est celle du transport. Dans la pro-
vince de Tien, manquent les routes pavées, et la charge du transport du cuivre incomibe à
plus de 400,000 familles réparties en huit cités. Parmi ces familles, il n’y en a que 110
ou 120,000 qui entretiennent des bêtes de somme. En définitive, comme on loue ou
on prête ces bêtes de somme d’une ville à l’autre, il n’y a en tout dans la province que
60 à 70,000 bœufs ou chevaux, dont 20 à 30,000 sont employés réellement à porter le
cuivre. Or, il faut annuellement envoyer 6,300,000 livres de cuivre à Pékin; si l'on
ajoute à ce chiffre ce qui se vend aux autres provinces, ce qui est transporté aux lieux
où l’on fabrique les monnaies, on arrive au chiffre total de 12 millions de livres de
cuivre à déplacer. La charge ordinaire d’un bœuf est de 80 livres; celle d’un cheval est
le double. Il faudrait donc avoir environ 100,000 bêtes de somme pour effectuer ces
transports au lieu de 20 ou 30,000 ; mais la pauvreté des habitants ne leur permet pas
d’en nourrir un aussi grand nombre. La 3° année de Kien-long, il fut décidé que l’asso-
clation Kiou de la ville de Kouang-si fournirait pour le transport des sapèques à Pékin
14,000 bœufs, 9,000 chevaux et 3,000 barques. Cette décision ne fut pas mise en
vigueur ; il était à craindre en effetqu’on ne püt réunir dans un court délai de tels moyens
de transport. Il veut donc interruption dans la fabrication des sapèques. Le vice-roi du Yun-
nan demanda à l’empereur à renvoyer à l’année suivante le transport de 2 millions de
livres de cuivre qui restaient à envoyer à Pékin, et qui étaient déposés à Kiang-ngan
et à Min-tche.
Ce délai fut accordé à condition que, dans le prochain envoi, il serait tenu compte de la
quantité totale de cuivre due par suite du retard. On admit cependant que le ministère des
finances comblerait une partie du déficit à l’aide des 3 millions de livres qu'il avait donnés
au ministère des travaux publics.
La 35° année de Kien-long, les deux associations Kiou du ministère des finances,
ayant par devers elles une réserve de 4 millions et demi de livres de cuivre, et le cuivre
du Yun-nan ayant été conservé pendant deux années consécutives, l'État se trouva disposer
de plus de 8 millions de livres de euivre. Il fut décidé, en outre, pour éviter tout nou
veau déficit, qu'on ne différerait jamais les transports du euivre dù par le Yun-nan au
Kiou de Pékin, où on frappe la monnaie, et que si cette fabrication arrivait à s’interrom-
pre, le Yun-nan serait redevable de 3 millions et demi de livres de cuivre, que la elé-
mence de l’empereur pourrait seule remettre.
Aujourd’hui association Kiou de Pékin dispose de 2 millions et demi de euivre, ou
MÉMOIRE DE OUANG TA-I0.
(O
fes)
19
de 3 à 4 millions si l’on ajoute ce que lui doit le ministère des travaux publics. La pro-
vince de Yun-nan exporte annuellement une dizaine de millions de livres, et lon peut ju-
ser par là combien peu autrefois il avait été question de diminution. On ne témoigne pas
la moindre inquiétude que le cuivre exigé vienne à manquer. Le nouvel impôt oblige
cependant le Yun-nan à donner par an 800,000 livres de euivre pour payer les dettes con-
tractées auparavant; de sorte que Fimpôt total s'élève à plus de 7,100,000 livres de
cuivre que la province s’épuise à fournir.
Quant à ce qui concerne les règlements du transport, ils ont été jusqu’à présent très-
fidèlement observés !.… La 2° année de Yong-tchen, l'usage prévalait encore de dégrader de
leur rang les mandarins qui dépassaient le temps voulu pour le transport. On rendait
également responsables de toute fraude les mandarins supérieurs qui les avaient désignés,
de telle sorte que s’il y avait, par suite de vol ou de vente clandestine, un déficit dans le
cuivre, ceux-ci devaient rembourser une partie de la perte. Dans la suite, on changea le
délai fixé pour le transport et on accorda neuf mois pour le transport de Yuu-ning à
Tong tcheou. En effet, à Han-keou et à Ngi-tchen, soixante jours furent reconnus néces-
saires pour changer les paniers qui contiennent le euivre. Dans ce délai furent compris
les retards qui proviennent du temps, de la crue des eaux, ete. De même les provinces
de Tien et de Chou s’accordèrent entre elles un délai de cinquante-cinq jours pour lier
et emballer le cuivre à Yun-ning et à Lou tcheou.
De Yun-ning à Ho-kiang, et de Tehong-kin fou à Kiang-tsin, le temps à employer
fut laissé à l'arbitre des mandarins qui président à la route; mais les mandarins supé-
rieurs du grade de Tchen et de Tao durent envoyer des délégués pour activer la marche
du convoi, ou même pour en changer les chefs, si ces derniers occasionnaient des retards
par leur négligence. Les mandarins des lieux de passage, qui, par ménagements ou par
complaisance, dissimulaient les faits relatifs au transport, furent bâtonnés comme com-
plices. Le Tao-lay dut envoyer un mandarin militaire du grade yeou kie lou se° pour
protéger le transport. Après le passage à Nei-tchen, cet officier dut veiller sur la route,
afin qu'aucune cause de retard ne püt désormais être invoquée.
Malgré toutes ces précautions, on découvrit encore des fraudes ; le ministère des
finances exigea alors une plus grande surveillance et la rendit pour ainsi dire journa-
lière. Le Vice-roi et le Pou-tchen augmentèrent l'impôt des mines, les obligèrent à
pourvoir au transport du tribut, et forcèrent le Tao-tay à montrer plus de sévérité et à
exiger des préfets et des agents inférieurs une activité de tous les instants. Aussi la
seconde année de Kien-long
D?
qu'après avoir pourvu à tous les besoins, il en resta encore 3,470,000 livres. Il fut donc
on recueillit par ces moyens une telle quantité de cuivre,
possible de réserver fout le cuivre acheté dans les provinces occidentales, ce qui, au bout
de dix-sept années, produisit 18 ou 19 millions de livres à l’aide desquels il devint facile
de satisfaire aux demandes des acheteurs. Au bout de vingt-quatre années, on avait re-
! Suit l’énumération des principales dispositions de ces règlements, déjà indiquées dans le chapitre :
Transport des métaux.
? Grade équivalant à peu près dans la hiérarchie militaire chinoise à notre grade de chef de bataillon. .
Il. 35
274 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
cueilli des deux mines de Ta-sin et de Ta-tong plus de 4 millions de livres de cuivre
en sus de la production ordinaire, de telle sorte que l'impôt annuel dù à Pékin fut perçu
sans difficulté. Les choses continuèrent à se passer ainsi pendant plusieurs années ,
sans que se produisit le moindre déficit.
Mais une eau, dont la source n’est pas très-abondante, s’épuise bientôt, si chaque
jour on en puise une quantité considérable ; ainsi en est-il pour le cuivre. Aujourd’hui
les mandarins, qui craignent d’être obligés de payer eux-mêmes les déficits, ont aug-
menté l'impôt de toutes les mines et exigent des hommes le travail des animaux. Les seribes
et les satellites font à leur tour peser sur le peuple le joug qui pèse sur eux, et en exlor-
quent, par la force et par les coups, tout ce qu'ils peuvent. De là, une grande misère.
Ainsi le corps de l'empire est ravagé et ses forces diminuent peu à peu.
La cause de cette insuffisance de production, qui ne permet pas de satisfaire aux besoins
du commerce, parait être surtout la diminution du capital des mines et le taux du prix du
cuivre. Sion augmentait le capital de façon à pourvoir aux besoins des mines et à les munir
de tout ce qui est nécessaire pour l'exploitation, sans doute l’état des choses s’améliorerait,
et la production du cuivre deviendrait abondante. C’est ainsi que le Siun-fou Ngay Pi-ta l’a-
vait annoncé pour les mines de Tang-tan etde Ta-chouy. A l’origine, elles ne produisaient
pas une grande quantité de cuivre, mais au bout de quelques années elles donnèrent 6, 7,
puis 8 ou 9 millions de livres de cuivre par an. Aujourd’hui, après trente années, plu-
sieurs millions sont prélevés par an pour le tribut; mais le minerai est devenu moins
abondant, les galeries plus longues et plus profondes, le prix des vivres, du bois et du
charbon a augmenté, et cependant on exige chaque année, soit pour Pékin, soit pour les
autres parties de la province, plus de 10 millions de livres de cuivre pour la fabrication
des sapèques. On est obligé de recourir avec de grandes difficultés aux provinces ocei-
dentales. Le Siun-fou Lieou-tsao obtint, à la suite de deux demandes à l’empereur, que
le prix du cuivre des mines de Tang-tan et de Ta-tou füt augmenté, ce dont les mineurs
lui furent très-reconnaissants.…
La 18° année de Kien-long, on augmenta de plus de cinquante le nombre des associa-
tions chargées, à Tong-tchouen, de la fabrication des sapèques. Elles frappèrent plus
de 229,000 ligatures au delà du chiffre accoutumé, et firent plus de 45,000 taels de bé-
néfices nets. Dans l’espace de neuf années, les bénéfices s’élevèrent à plus de 400,000
taels. L'argent afflua alors dans les trésors de la province, et l’on put augmenter le capital
des mines les plus nécessiteuses. Pendant une période de plus de vingt ans, la ville de
Tong-tchouen augmenta de plus de moitié la fabrication de la monnaie, et fit annuelle-
ment de ce chef plus de 37,000 taels de bénéfices, qu’elle employa à accroître le capital
des mines de Tang-tan, de Ta-chouy et de deux autres. La 25° année, cette ressource
devint insuffisante, et l'on accorda une augmentation du prix du euivre. De plus, les asso-
cations de Lin-ngan furent invitées à augmenter également de moitié la fabrication de la
monnaie. La 28° année, on dut demander de nouveau une autre augmentation, et il fut
permis à toutes les associations de Tong-tchouen d'augmenter de moitié la production
mensuelle des sapèques pendant les trois mois d'hiver. La 30° année, comme la production
MÉMOIRE DE OUANG TA-I0.
LRO]
75
du cuivre dans les mines avait été très-abondante, le prix en fut trouvé trop élevé et le
gain de Tong-tchouen trop faible, et il fut permis de nouveau d'augmenter de moitié la
production annuelle totale des sapèques.
De plus, des associations se formèrent aussi à Ta-Iy fou, pour frapper de la monnaie;
elles firent un gain annuel de plus de 8,000 taels, qui furent employés à secourir les mines
de Ta-sin, Ta-tong et Gi-tou. Dans l'intervalle de douze années, cinq ou six associations se
formèrent ainsi, sans cependant que la fabrication des sapèques dans la province de Tien
répondit à sa production en cuivre. Il y avait déjà longtemps que les mineurs avaient com-
mencé à frapper des sapèques pour subvenir en partie aux dépenses d'exploitation.
Aujourd’hui, plusieurs dizaines de mines et des centaines de mille de travailleurs, ac-
courus de tous côtés pour gagner leur vie, tombent dans la pauvreté. La production du
cuivre diminue chaque jour. Ce n’est pas que la direction de l'exploitation du cuivre
par l'État n'offre certains avantages ; le mal réside dans l'impossibilité de diminuer les dé-
penses auxquelles on s’est accoutumé, et surtout dans les exigences des autres provinces. Il
ne faut pas oublier que le Kiang-nan, le Kiang-si, le Tehe-kiang, le Fo-kien, le Chen-si, le
Hou-pe, le Kouang-tong, le Kouang-si, le Kouy-tcheou viennent s’approvisionner de
cuivre dans le Vun-nan qui est ainsi toujours occupé pour les autres.
La sainte dynastie actuelle, qui réunit tout l'empire sous sa domination, le considère
comme une seule et même famille : c’est pourquoi, quelque éloignées que soient les pro-
vinces les unes des autres, elles jouissent des mêmes biens qué si elles étaient situées dans
le Yun-nan même, et on leur concède les mêmes quantités de cuivre qu'à la province
de Tien elle-même. J'ai vu le diplôme par lequel la provinee du Chen-si, l’année passée,
a obtenu la permission d'ouvrir la mine de Ning-kiang-kouang-tong; 1l en a été retiré
en l’espace de deux mois 2,400 livres de cuivre bien épuré, provenant de 5 à 6,000 livres
de minerai. Il n’est donc pas douteux qu'en poussant l'exploitation plus avant, on n'arrive
à une production fort considérable ; ce résultat serait d’une grande importance. J'ai en-
tendu dire également que dans le Hou-pe, à Han-fong et Siuen-ngen!, on venait d'ouvrir
deux mines qui avaient déjà fourni plus de 15,000 livres de euivre; il ya là également un
heureux indice d’une fructueuse et prochaine exploitation. De même les provinces de
Tsin et de Tsou ont commencé depuis quelques années à ouvrir des mines, et je crois
qu'elles ont déjà obtenu quelques dizaines de mille livres de cuivre. Néanmoins, toutes ces
provinces continuent à acheter au Yun-nan la même quantité de cuivre que par le passé.
Je voudrais qu’elles n’achetassent que ce qui est nécessaire pour compléter leur propre pro-
duction. Ainsi le Kouy-tcheou qui avait vingt-six fourneaux de cuivre avait diminué sa de-
mande au Yun-nan de 23 mao, c’est-à-dire d’une centaine de mille livres de métal. Peu
d'années après, cinq feux furent éteints dans cette province, et il fut décidé qu’elle fournirait
«à Pékin » suivant l'usage 447,000 livres de euivre, dont 390,660 seraient achetées dans le
Yun-nan. I] y eut en définitive une diminution de 70,000 livres sur ce que fournissait au-
paravant cette dernière province. Ce sont là de faibles allégements qui ne nous dispensent
1 Villes situées au sud de Che-nan fou dans la région montagneuse qui se trouve aux frontières du Se-
tchouen, du Hou-nan et du Hou-pe.
276 TIEN NAN KOUANG TOHANG.
encore m de travail ni d’inquiétudes. Cette année-ei, le Chen-si a annoncé à l’empereur
que l'association Kiou avait une réserve de 251,400 livres de cuivre, ou de plus de
300,000 livres en y joignant le cuivre provenant des provinces occidentales. Malgré cela,
celle province a envoyé recevoir dans le VYun-nan 626,200 livres de cuivre, ce qui forme
un total de plus de 900,000 livres dont elle va pouvoir disposer, sans compter ce que vont
produire ses mines propres. Je ne puis done qu'insister pour qu’on diminue les quantités
que le Yun-nan doit fournir aux autres provinces.
Parlerai-je des provinces de Hou-pe, Kiang-nan, Kiang-si? Elles achetaient autrefois
le cuivre occidental, au prix de 17°.5 les 100 livres; elles ne le payent que 11 dans le
Yun-nan; mais elles dépensent pour le transport de 5 à 6 laels; ce cuivre leur revient
done à 16 ou 17 faels, par conséquent, à bien peu de chose près, au même prix que le
cuivre occidental, surtout si l’on ajoute les frais que doivent faire les préfets des villes
situées sur la route pour les mandarins qui président au transport.
Il serait donc plus avantageux que les provinces ci-dessus désignées s’abstiennent d’a-
cheter leur cuivre dans le Yun-nan, et envoient chaque année un mandarin demander le
cuivre occidental qui leur est nécessaire. De la sorte, on diminuerait de 1 ou ? millions de
livres le cuivre exigé du Yun-nan, la production s’accroitrait rapidement, et les mines
cesseraient de manquer du nécessaire, comme l'avait constaté Yang Ouen-ting, qui s'était
beaucoup occupé de cette question. « De son temps, » les dettes avaient crû dans une
telle proportion que l’on avait dù renvoyer les débiteurs des mines. Ceux-ci, ne pouvant
acheter le cuivre à crédit pour s'acquitter, s'étaient enfuis et avaient quitté leur profes-
sion; il fut alors décidé, la 16° année de Kien-long, que le trésor public ferait des avances
pour acquitter ainsi les dettes contractées dans les mines. Les mandarins furent privés
de leur traitement jusqu'à parfait payement. Ces dettes avaient atteint un chiffre tel que
tous les officiers chargés des mines furent condamnés à rembourser 130,000 faels, et que
l'on dut emprunter pour les envoyer à Pékin, plus de 2,600,000 livres de cuivre dont le
prix ne fut pas payé « par l’état, » mais bien inserit en diminution de la dette. Les direc-
teurs des mines durent payer ainsi près de 140,000 faels d’or. Plus les dettes augmentent,
plus les châtiments sont sévères. Mais on exige plus de euivre qu'il n’en est produit, et
par crainte, les mandarins accusent aux douanes une quantité de cuivre supérieure à la
quantité réelle. Si la loi était sévèrement appliquée, ce mensonge devrait être puni de la
peine de mort.
Les mines et les fourneaux occupent environ 10 millions de travailleurs, dont le sort
est à la merci des directeurs des mines et qui, placés entre une double nécessité, ne savent
s'ils doivent rester ou s'enfuir. Chaque année le cuivre dù à titre d'impôt s’accumule de
facon à atteindre bientôt 11,000,000 de livres.
L'office des mandarins n’est facile à remplir que dans les grandes mines. Le règle-
ment de l’année présente exige qu'ils rendent mensuellement des comptes exacts à leurs
supérieurs. Aussi n’osent-ils pas payer le cuivre d'avance, afin d'éviter de contracter
! C'est à-dire le cuivre importé en Chine par mer.
MÉMOIRE DE OUANG TA-10. 277
de nouvelles dettes. Mais leurs supérieurs ne veulent accepter aucune responsabilité, et,
craignant d’être obligés de payer de leur poche sil vient à manquer quelque chose,
ils retiennent 1.8 par 100 livres sur le prix du cuivre acheté. Ilen résulte que les mi-
neurs qui ne reçoivent pas un salaire suffisant pour leurs travaux se retirent : telle
est la difficulté de la situation actuelle. Cependant, comme la produelion de lFannée
est d'environ 11,000,000 de livres de cuivre, on peut mieux augurer de l'avenir, el
espérer que les mines pourraient rendre le capital et les vivres qui leur seraient prètés. La
23° année de Kien-long, la mine de Tang-lan avait reçu 50,000 faels qui devaient être
remboursés au bout de cinq ans ; de même celles de Ta-chouy et de Lou-lou avaient em
prunté pour dix ans 75,000 faels. En outre de cette addition à leur capital, les mines
avaient reçu des seecurs en argent pour les trar ‘leurs. Leur production s’est accrue de
facon, non-seulement à payer toutes ces delte:. mais encore à faire un gain considé-
rable. La 36° année, il fut également accordé à titre de prêt une subvention aux habi-
tants des mines. Aujourd’hui, contre des prêts d'argent plus faibles, on relient des quantités
de cuivre d’une valeur plus grande comme gage, et on exige le remboursement dans un
délai de trois années. Il en résulte les plus grandes pertes pour !es habitants des
mines.
Aussi devons-nous nous jeter aux pieds de sa Très-sainte Majesté, qu. de son palais jette
de cléments regards à des milliers de li de distance, pour lui demander de se montrer
bienveillante envers ses fidèles esclaves. Autrefois, je l'avoue, par suite d’un excès d’in-
dulgence, les débiteurs de Etat ont pu s'enfuir, mais le nouvel état de choses, qui n’ad-
met qu'un délai de deux mois, entraine une solhcitude extraordinare. On prête, il'est vrai,
plus de 70,000 faels, mais ils doivent être rendus entièrement au bout de trois ou quatre
années. Cette manière de fane est mo as favorable au peuple que l’ancienne. Dans la 34°
et la 37° année du règne, il fu’ ordonne que les propriétaires des mines fussent abondam-
ment pourvus de vivres et de corbushble, et ceux-ci, qui recevaient mensuellement le
prix du cuivre, pouvaient rembourser avec intérêt ces denrées et payer le salaire des
travailleurs. Aussi lPouvrage étailal activer ent poussé. Aujourd'hui, au contraire, le
cuivre est retenu comme gage «es emprunts, les vivres que lon fournit sont comptés à
un intérêt énorme et payés sur le cuivre. Si quelque retard est apporté dans le règlement,
on le reporte à l’année suivante en accumulant l'intérêt. Les mandarins supérieurs en
font sans examen supporter 1 peine aux directeurs des mines.
Cette année, il a été ouvert sept nouvelles mines. Le ministre des finances a décrété
que le trésor publie ferait aux Lou-fou et aux Cha-tin lavance indispensable aux pre-
mières fouilles. Il est certain alors qu'en admettant même qu'ils ne trouvent pas une
énorme quantité de minerai, ils ne songeront plus à fuir et qu'ils pourront payer la
redevance exigée. Trop de rigueur dans l’observation des règlements et dans la réclama-.
tion des sommes prêtées engendre la fraude et le découragement.
Quant à un projet d'organisation générale, embrassant toutes les mines, c’est un sujet
qui demanderait de plus longs développements. Jai vu, là 25° année de l'empereur Kien-
long, Le rapport adressé à Pékin par mon prédécesseur, le Siun-fou Lieou-tsao; il contient
278 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
ce passage : Tant en Chine que sur les frontières de l’empire, on fabrique de la monnaie
avec le cuivre des mines de Tang-tan et de Ta-lou, qui doivent subvenir ainsi à toutes
les demandes, en ne recevant des autres mines qu'une aide insuffisante. Les entrailles de la
terre s’épuisent déjà d’une façon sensible. Dans les nouvelles mines, il est vrai, sont encore
des sources abondantes de minerai, mais rien n’est réservé pour l'avenir. Dans leur voi-
sinage, des indices de gisement ne manquent pas; mais il faut des mois et des années
pour arriver au gisement lui-même; il faut réunir des milliers de travailleurs, et quand,
après s'être prêté une aide mutuelle, les mineurs arrivent enfin à produire du euivre, ils
doivent le livrer aux mandarins contre un prix insuffisant. 11 fut exposé à l’empereur que
la mine de Tsin-long et quelques autres, pendant la 24° année de son règne, qui conte-
nait un mois intercalaire, c’est-à-dire pendant treize mois, n'avaient produit que 480,000
livres de cuivre. L'année suivante, au 2° mois, on augmenta le prix du cuivre; la
26° année, au 3° mois, la production s’était élevée à plus de 1,000,000 de livres. Le bénéfice
augmenta, en dehors même de l'accroissement du prix du cuivre, de 29 mille et quelques
centaines de taels, c’est-à-dire fut de 10,000 faels plus considérable que celui de la
9
9
cel
4 année. De plus, chaque mine recut encore, en raison de l’augmentation du prix,
12,000 taels. Tel est le bénéfice qu'elles durent à la bonté paternelle de l’empereur.
De même dans l’année 35°, le Siun-fou Min-tse exposa à l’empereur qu'il y a dans le
Yun-nan de hautes montagnes contenant de profonds filons métalliques. Leur habile
exploitation produirait non-seulement des dizaines de millions de livres de cuivre, mais
encore donnerait la richesse à une innombrable population. Les petites mines elles-
mêmes pourraient facilement faire des bénéfices. Aujourd'hui, elles ne gagnent rien
parce qu'elles manquent de bras pour atteindre les métaux qui sont trop éloignés dans
l'intérieur de la terre; mais dans les montagnes récemment ouvertes, 1l n’est plus néces-
saire d'aller si avant et de faire ainsi des dépenses considérables; si dans ces lieux
retirés, les bras ne sont point nombreux, les bois et le charbon abondent : c’est ainsi
que les petites mines pourraient faire d'aussi gros bénéfices que les grandes.
Aujourd'hui, les mineurs espèrent sans travail trouver de grandes masses de métaux,
imilant en cela les officiers préposés aux mines, qui vivent dans l’oisiveté, attendant que
le cuivre soit obtenu pour en faire la répartition. Si le métal n’est pas trouvé, ce n’est
point qu'il n'existe pas, c'est que l’on ne travaille pas suffisamment pour l'obtenir. Com-
bien y a-t-il de gens qui vendent du cuivre ou qui fabriquent de la monnaie en cachette!
C'est certainement cette négligence qui est cause que la production de toutes les petites
mines n’atteint pas la onzième partie de celle de Tang-tan et de Ta-chouy. D'ailleurs les
mines sont trop près des villes. S'il en était autrement, que l’on accueillit bien ceux qui
viennent de loin, en assignant à chacun un travail approprié à ses facultés; si l’on dési-
gnait pour commander aux autres des gens au cœur droit et aux mœurs pures, qui ap-
porteraient une partie du capital et fourniraient le riz, l'huile, le bois, le charbon néces-
saires, la prospérité ne tarderait pas sans doute à renaître. Les travailleurs, confiants
dans leurs chefs, réuniraient tous leurs efforts, sauraient vaincre toutes les difficultés, éviter
toutes les dépenses inutiles, et les pertes deviendraient plus rares. Si association Kiou
MEMOIRE DE OUANG TA-10. 279
de Kouang-si fabriquait de nouveau de la monnaie, et que le gain füt appliqué à aug-
menter le prix du cuivre, ilne serait plus nécessaire de transporter le cuivre d’Ouy-yuen, de
Tchan-y et des autres montagnes dans la province de Kien «Kouy-tcheou; » de même que
celui des mines de Lou-nan,Kien-chouy et Mong-tse n'aurait plus à être dirigé vers le Liao.
En somme, on voit que tout le monde est d'avis qu'il faut augmenter le capital des
petites mines.
Dans la province de Tien, les bêtes de somme manquent pour le transport des métaux,
etil n°ya point de réserve de cuivre assez considérable pour que l'association Kiou, chargée
de la fonte des monnaies, ne soit sans cesse obligée de presser le transport el de ne lisser
aucun répit. Les réclamations devaneent la production elle-même. En outre, le Kiou de
Pékin à fabriqué des sapèques sans relâche jusqu'au 5° ou 6° mois de l’année actuelle.
Aussi, en deux ans, la province du Yun-nan a-t-elle dû faire huit envois de cuivre à Pékin
pour satisfaire aux demandes des deux associations chargées de fabriquer les sapèques,
et les approvisionner de cuivre jusqu'au 7° mois environ de la 42° année. À l'automne
et à l’hiver de l’année prochaine, jusqu'au printemps et à l'été de l’année suivante, il y
aura encore à transporter plus de 6,300,000 livres pour l'association Kiou de Pékin, qui
sera ainsi munie jusqu'à l'automne de l’année 43°.
J'ai souvent examiné comment autrefois on transportait à Pékin la monnaie fabriquée
dans le Yun-nan. J'ai trouvé qu'en suivant la route de terre, par Kouang-si fou et
Kouang-nan, jusqu'à ce qu'on atteignit les fleuves du Liao-si, il y avait dans l'intervalle,
19 ünh, tcheou ou hien, dont lesmandarins s’occupaient à rassembler, proportionnellement
à l'autorité dont ils disposent et à la longueur de la route à parcourir, les bêtes de
somme nécessaires. Les petits mandarins fournissaient quelques dizaines de bœufs et de
chevaux; les grands, au moins 300, et quelquefois jusqu'à 1,200 bêtes de somme. Ils
payaient d'avance le prix de location. Malheureusement, pendant les chaleurs, les bêtes
de somme et ceux qui les conduisaient tombaient souvent malades et ne pouvaient conti-
nuer leur route. Les mandarins avaient acheté 378 bœufs, autant de chars, répartis en
9 stations, et 588 chevaux répartis en 7 autres stations.
Mais cet état de choses fut changé ; on ordonna de cesser la fabrication des sapèques à
Kouang-si, et en même temps les provinces de Kiang-nan, Tse-min, Hou-pe, Hou-nan,
Kouang-tong, cessèrent d'apporter du cuivre à Pékin ; ee fut le Yun-nan qui dut acheter et
apporter à Pékin une quantité de cuivre équivalant à leur impôt. Il en résulta pour cette
dernière province l'obligation d'envoyer chaque année à Yun-ning plus de 4,400,000 livres
de cuivre, dont moitié par la route de Tong-tchouen et Tehao-tong, et moitié par celle de
Siun-tien et Ouei-ning; elle dut y ajouter 1,891,440 livres de cuivre pour l'équivalent
des sapèques qui se frappaient avant à Kouang-si. La 7° année de Kien-long, on com-
mença à ouvrir le port de Yen-tsin à la navigation, et le cuivre fut alors dirigé mi-
partie sur Vun-ning par la route de terre, mi-partie sur Lou tcheou par la route fluviale.
La 10° année du mème empereur, le port de Lo-sin près de Ouei-ning s’ouvrit aussi à
la navigation, et le cuivre de Siun-tien, qui suivait jusque-là la route de terre, put à son
tour être envoyé par eau à Lou tcheou. La 14° année du même empereur, la navigation
280 TIEN NAN KOUANG TCHANG.
du Kin-cha kiang fut améliorée de telle sorte que de Yun-chang et de Hoang-tsao-pin
tous les transports purent également se fai:e par eau. De Tong-tchouen et de Tchao-
tong, le euivre fut done transporté à Ven-isin et à Hoang-tsao-pin, d’où il put être
transporté par barques jusqu'à Lou tcheou. Tong-tchoue et Tehao-tong se procurent
les bêtes de somme nécessaires dans le Kouy-teheou, le Se-ichouen et à Pang-kiun hien.
L'usage veut que les préfets de ces deux villes marc ent au fer rouge les bœufs et les che-
vaux qu'ils louent pour cet usage, et avancent aux propriétaires le prix d'achat, qui est de
7 taels pour un cheval, el de 6 taels pour quatre bœufs et un char. Cette somme est
remboursée ensuite à FEtat par des retenues faites sur le payement des transports succes-
sifs. Îl existe d’ailleurs des familles connues ou des associations qui acceptent la respon-
sabilité du trans; ? pou un délai déterminé, douze ans par exemple, et il y a des lois
spéciales qui les punissen: dans le cas de manquement à leurs engagements. Du reste, au
bout de quelque iemps, ‘à confiance s'établit entre les mandarins et le peuple, de telle
sorte qu'il n'y a plus rien à craindre.
Les préfets d'Ouei-ning et de Siun-tien emploient aujourd’hui le même moyen pour les
transports etavancent de l'argent à certaines familles pour qu'elles puissent acheter des bêles
de somme. Quelque difficulté s'élève j:: 'ois de ce que, les chevaux et les bœufs une fois
achetés, 11 y a souvent du retard dans l’éposue des transports, et par suit- dans les payements;
aussi a-{-il été décidé cette année que pendant Fhiver et l'automne il serait fait des envois
réguliers de cuivre, et que les mines grandes ou petites devraient fournir des métaux pour
ces envois, même en en achetant aux mines voisines si elles en manquent elles-mêmes.
Les mandarins envoyés pour ces achats perdent souvent en route un temps inutile et se
détournent à droite et à gauche pour ne laisser échapper aueune occasion de commereer et
de faire du gain. Aussi le même règlement dispose-t-il que les mines de Te-chen, Je-
kien, Pe-iang etles autres mines plus éloignées enverront leur cuivre à Hia-kouan, et que
de là, le préfet de Ta-ly fera parvenir directement aux provinces de Kien et de Liao le cuivre
que celles-ci auront acheté. La route est en effet plus directe. Les mines de Gi-tou, de
Tsin-long et les autres plus rapprochées de Yun-nan fou livrent leur cuivre aux manda-
rins envoyés à cet effet, et ceux-ci doivent en hâter le transport jusqu'aux points d’em-
barquement, car les chevaux et les bœufs ne peuvent être détournés longtemps des tra-
vaux agricoles, et être exposés trop longtemps aux maladies qui atteignent souvent les
bestiaux en été.
Autrefois, tout le cuivre des villes de Lin-ngan et de Lou-nan était entièrement
transporté à Mi-kee hien, au bourg de Tehou-iuen, où attendaient les mandarins chargés
du transport. Dans la suite, ceux-ci pour n'avoir pas à attendre, allèrent directement aux
mines; mais, à ce moment, la province manquait de cuivre, et l'on ne put acheter tout ce
qui était demandé.
Aussi, de même que l'on à établi un dépôt du euivre de toutes les mines de l'Ouest à
Yun-nan fou, dans lequel les mandarins peuvent puiser, en cas de déficit temporaire,
pour assurer loujours le service des transports; ainsi en a-t-il été pour le cuivre
de Lin-ngan et de Eou-nan, qui est aujourd'hui emmagasiné à Tehou-iuen tsen.
MÉMOIRE DE OUANG TA-10. 81
où un mandarin de l’ordre Æiun-kien en à la garde. Les choses étant ainsi, les envoyés
des préfets peuvent acheter sans perte de temps et faire transporter rapidement tout le cuivre
qui leur est nécessaire. Si on observait de plus en plus strictement les règlements des
transports, si les payements et les mesures à prendre étaient répartüs intelligemment entre
les différents préfets des lieux de passage, si enfin, pendant les chaleurs, on interrompait
ce service de façon à laisser les chevaux et les bœufs libres pour les travaux des champs
et à éviter les maladies de cette saison, on faciliterait beaucoup la tâche des mandarins.
D'un autre côté, Siun-tien pourrait délivrer une partie du euivre qui serait transportée
par Kouang-si, Kouang-nan et Pee-see, comme l'étaient autrefois les monnaies, et l’on y
gagnerait une accélération sensible dans le transport de l'impôt dû à Pékin. Ainsi, d’un
seul changement, adviendraient de nombreux avantages. Il ne resterait plus qu'à choisir
l'administrateur habile qui serait chargé de faire fonctionner tout le système.
Un homme d’une sagesse profonde, Ouang-Tchang, pensait qu'il était nécessaire
d’avoir à la tête de l'administration des métaux, un homme qui en connaisse à fond toutes
les particularités. Les vicissitudes des temps font que telle chose, bonne autrefois, est aujour-
d’hui nuisible. En résumé, l'augmentation de la fabrication des sapèques et celles du prix
du cuivre dans le Yun-nan, me paraissent les remèdes à apporter à la situation précaire du
peuple des mines; on devrait aussi provoquer de la part des provinces un achat col-
lectif de tout le cuivre qui leur est nécessaire.
Je soumets ce travail à l’empereur, pour qu'il décide ce qu'il conviendrait de
changer dans l’état de choses actuel.
NOTES ANTHROPOLOGIQUES
SUR L'INDO-CHINE
Par M. 1e Doctreur THOREL,
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR.
VOYAGE EN INDO-CHINE. PL.I
de la parle de
L'INDO = CHINE
située sur liUnéraire de la commission d'exploration
par le DRE.JOUBERT
completée pour les regions VOISINES
par le D® H.E.SAUVAGE.
SIGNES CONVENTIONNELS
Crarite et Sierite
Gneiss
Zorphyres »7/2 laphyres
Tadschastes et£iritines
Jchistes anciens
Devonien ’
Trtas
_Alluvions et pierre de Fienr-hoa))};
Oplites
foches J olcariques.
,B°de Touran
rave chez Erhard 12r. Dusuay -Trowun HACHETTE et C£ Paris, Ip. Fraillers
On J à
AVANT-PROPOS
I nya pas de branche de l’histoire naturelle plus intéressante, sans doute, que celle
qui comprend létude de l'homme ; mais il n’en est peut-être pas en même temps de plus
difficile à étudier avee soin en voyage. Ce qu'il faudrait, au point où en est arrivée l’anthro-
pologie, et à une époque de précision scientifique comme la nôtre, ce serait beaucoup
plus des mensurations prises sur le vivant à l’aide d'instruments convenables et des sque-
lettes pouvant servir à ceux qui font en Europe une étude spéciale de cette science, que des
observalions générales faites de visu. Mais, obligé d'organiser notre voyage en moins de
quinze jours avec les ressources encore presque nulles de la Cochinchine, nous avons dù
partir sans aucun instrument, et même, nous devons le dire, sans les renseignements suf-
fisants pour tirer le meilleur parti possible de tout ce que nous allions voir. Aurions-nous
eu du reste ces moyens, qu'il nous eût été très-difficile, dans un voyage aussi rapide el
dans lequel la distance parcourue et les difficultés ont été aussi grandes que dans celui du
Mékong, de recueillir des pièces anatomiques et même beaucoup de mesures. Nos res-
sources péeuniaires étaient d’ailleurs très-restreintes. Toutes ces difficultés se sont”
trouvées encore augmentées de ce qu'une très-grande partie de notre route s’est faite
à pied à travers les forêts. Ajoutons enfin qu'étant chargés de plusieurs autres travaux, il
nous restait Infäniment trop peu de temps, en arrivant aux étapes, pour faire nos recher-
ches anthropologiques avec tout le soin et la conscience qu'elles réclament. Nous devions
nous borner, la plupart du temps, à noter le soir les principaux faits qui s’étaient offerts à
nous dans la journée *.
Malgré les difficultés qu'on rencontre partout pour recueillir des pièces anatomiques,
1 Déjà dans nos Votes médicales du voyage d'expiration du Mékong et de la Cochinchme, nous avons traité très-
sommairement l'anthropologie du voyage. Ce sont les conclusions que nous avons données dans ce travail que
nous développerons ici, et auxquelles nous ajouterons tout ce qu’il nous a été possible de recueillir sur ce
sujet.
286 AVANT-PROPOS.
difficultés qui sont plus grandes en Indo-Chine que partout ailleurs, à cause de la pratique
de lincinération des morts qui est en usage dans la plus grande partie du pays, et du culte
dont les morts sont l'objet dans l’autre partie, il nous est arrivé plusieurs fois, cependant, de
rencontrer des squelettes dans les campagnes. Mais comme ces trouvailles ont eu lieu en
Chine dans des régions où existent quatre ou cinq races distinctes, et que nous ignorions
celle à laquelle appartenaient ces ossements, nous avons préféré les abandonner. D’ail-
leurs, à cette période du voyage, non-seulement nous ne pouvions rien recueillir, mais
encore nous étions dans la nécessité de réduire nos bagages, en raison des difficultés du
transport el de l’exiguité de nos ressources, à nos notes et aux quelques instruments de
travail les plus indispensables.
Après ce préambule, destiné à justifier la grande imperfection des notes suivantes que
nous devions cependant rédiger, ne serait-ce qu'afin de montrer tout ce qu'il reste à faire
dans cette branche en Indo-Chine, on comprendra que nous nous bornions à traiter la
matière d’une façon générale. Nous laissons à d’autres, mieux préparés et placés dans de
meilleures conditions, le soin d'étudier plus complétement et d’une façon plus scientifique
les races si intéressantes de lndo-Chine. Nous traiterons notre sujeten nous plaçant exelu-
sivement au point de vue des caractères naturels de ces peuples, renvoyant à la partie des-
criplive du voyage pour les renseignements historiques et ethnographiques qui peuvent
compléter ou confirmer nos conelusions.
Pour la collection des types de ces races, nous renvoyons aux nombreux dessins qui
ont été exécutés par notre compagnon, M. L. Delaporte, et qui sont contenus dans le
eurieux et riche album du voyage qu'il s’est donné tant de peine pour recueillir. Parmi ces
nombreux dessins, beaucoup ont été faits en vue du costume des différentes populations, el
un grand nombre d’autres ont été pris à peu près indistinctement sur les individus que
l’on rencontrait aux haltes et que l’on décidait, non sans difficulté parfois, à se prêter à
celte opération. On conçoit done que beaucoup ne présentent pas les traits dominants
de chacun des rameaux indo-chinois ou des divers groupes de populations mixtes. Aussi, ne
renverrons-nous qu'à ceux qui offrent les traits caractéristiques de ces rameaux ou de ces
groupes !.
Nous avons adopté pour ce travail la classification de Cuvier, modifiée par Omallius
d'Halloy ?, qui divise l’espèce humaine en cinq races : la blanche, la jaune, la brune, la
noire et la rouge; les trois premières correspondent à trois types bien distinets admis par-
tout, le Caucasique, le Mongolique, et F'Éthiopien ou Nègre. Malgré les incertitudes, les
défectuosités de cette classification, qui suppose résolue la question à peu près insoluble
et inabordable dans l’état actuel de la science, de Funité de l'espèce humaine, nous avons
dû la conserver, faute d’une meilleure : ellé suffit du reste parfaitement pour ce que nous
avons à dire. Toutefois, faisons remarquer qu'il nous est impossible de faire rentrer les
indo-Chinois dans la race brune, comme l’a fait d'Omalius d’'Halloy, tout en reconnaissant
qu'ils se ratlachaient davantage à la race jaune. Pour nous, la somme des caractères qui
! Voyez surtout Atlas, 2° partie, planches 1, II, X, XXIX, XXXII, XXX V, XXXIX, XUIII, XL VIT.
? Des races humaines, éléments d'ethnographie, 5° édition, 1869.
AVANT-PROPOS. 287
rapprochent les Indo-Chinois de la race jaune, aussi bien au point de vue de leurs carac-
tères physiques que de leur organisation cérébro-mentale, est infiniment plus considé-
rable que celle en têfe desquels se place la couleur de leur peau et qui les relie à la race
brune. Cette teinte brune n'existe chez eux qu'à l’état exceptionnel, la couleur franche-
ment jaune étant celle qui existe toujours sur les types purs, et elle ne saurait les ca-
ractériser. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce fait en parlant des Indo-Chinois en
général.
Disons, en terminant cette introduction, dans quel sens il faudra entendre plusieurs
expressions dont la signification ne peut être définie complétement dans l’état présent de la
science, parce qu’elle varie selon qu’on est monogéniste ou polygéniste : nous nous bor-
nerons à employer le mot type dans le sens purement descriptif, afin de caractériser un
ensemble de caractères. Quant au mot race, qui implique l'unité de l’espèce et équivaut
au mot espèce pour les polygénistes, nous nous en servirons également dans le même
sens ; mais il faudra, selon le point de vue auquel on se placera, sous-entendre le mot
rameau où variété, où mème espèce. Cette absence d’une nomenclature anthropologique
bien définie, ou du moins uniforme, rend difficiles toutes les recherches sur les races
humaines, et contribuera pendant longtemps encore à jeter de la confusion dans tous les
travaux qui se feront sur cette science.
Quant à la marche que nous avons adoptée dans ce travail, elle est conforme à celle
que nous avons suivie en explorant la vallée du Mékong. Après avoir tracé très-suecine-
tement les caractères physiques particuliers des différents rameaux de la race mongole qui
habitent le sud de l’Indo-Chine, nous étudierons les caractères généraux communs à tous
ces peuples. Ce n’est qu'en second lieu que nous déerirons les nombreux sauvages de cette
partie de l'Asie, lesquels, au point de vue ethnologique, devraient être placés les premiers,
puisqu'ils sont les véritables aborigènes, mais à qui leur nombre moins grand et l’état
rudimentaire de leur civilisation, assignent une place moins importante. Nous termine-
rons ces notes en disant quelques mots des Chinois : le rôle considérable qu'ils sont
appelés à jouer dans l’économie générale du globe est digne de toute Pattention de
Tobservateur.
D' THOREL.
NOTES ANTHROPOLOGIQUES
SUR L'INDO-CHINE
PAR
M. Le D' THOREL
DIVISION DES RACES DE L'INDO-CHINE.
Les rameaux humains que nous avons eu l’occasion d'observer pendant notre
voyage, sont nombreux et d'origine très-différente. Les uns, très-civilisés relative-
ment, se rattachent au type mongolique ou à la race Jaune, non-seulement par leurs
caractères naturels, mais aussi par leur civilisation et par leur langue; ce sont les ra-
meaux annamite, cambodgien, laotien, auxquels il faut joindre les rameaux siamois
et birman, dont nous avons pu observer un certain nombre de sujets, et qui forment, avec
les précédents, le faisceau presque entier des populations indo-chinoises. Les autres habi-
tants de l’Indo-Chine vivent dans un état de sauvagerie plus ou moins complet, et sont
composés de nombreuses tribus ou peuplades sauvages, habitant exclusivement les forêts
et les régions montagneuses. Ces sauvages se rattachent à deux races distinctes ; dans le
sud, ils présentent le type océanien ou australien, et appartiennent au groupe des Alfou-
rous des auteurs, et dans le nord ils se relient à la race caucasique, ou plus exactement
aux peuples indo-européens.
Afin que l’on puisse mieux apprécier les races que nous avons à passer en revue, nous
les avons groupées dans le tableau suivant, qui permet de les envisager d’un seul coup
d'œil. Nous les-avons placées dans l’ordre où nous les avons observées en parcourant l’Indo-
Chine; ordre qui est, sauf pour les Chinois, celui de leur importance relative.
| 4° RamEaü ANNamiTe, habitant toute la partie orientale et le sud de la presqu'île
Indo-Chinoise.
2° Rameau CAMBODGIEN, habitant le royaume de Cambodge, qui est compris entre
RACE MONGOLIQUE / la Cochinchine française et le Laos.
OU JAUNE. 3° Rameau LAOTIEN, habitant le centre de la vallée du Mékong.
4° Rameau Sramois, habitant la vallée du Ménam.
5° Rameau Biruaw, habitant les vallées de la Salouen et de l’Iraouady.
6° Rameau Cuiois, habitant l'empire chinois.
IT. 37
290 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL | Sages du sud de la presqu'ile Indo Chinoise et du sud de la Chine,
OU MALAYO-POLYNÉSIEN. | analogues aux Alfourous.
RACE BRUNE OÙ RAMEAU NOIR (
Sa ‘AUS es Né S € à suc ra hine Ï 'S).
DE LA RACE CAUCASIQUE. Sauvages des hautes montagnes du sud de la Chine (Lolos noirs)
S L. Race Mongolique ou juune.
A. Rameau Annamite. — L'Annamite, dont la présence dans le nord du pays qu'il
occupe, remonte à une époque qui aurait suivi de très-peu d'années le déluge, d’après
le P. Legrand de la Liraye !, est le plus mal bâti et le plus laid des Indo-Chinois de
souche mongolique. Il est de taille moyenne, un peu plus petit et moins vigoureux que les
individus provenant des races qui l'entourent. Son teint est jaunatre sale, plus foncé
que celui du Chinois et du Laotien, mais plus clair que celui du Cambodgien; sa peau
parait épaisse, et parmi tous les Indo-Chinois, c’est la sienne qui est ordinairement la
plus grossière. Son crane est dolichocéphale, légèrement aplati à son sommet, mais
très-développé latéralement, surtout en arrière. Sa face est plate, osseuse, anguleuse et
losangique, autrement dit eurygnathe; ce caractère existe chez lui à son smum. Son
front est bas, à peine proéminent, large inférieurement, mais étroit à sa partie supé-
rieure et légèrement fuyant. Ses veux sont moyennement obliques, avec la paupière
supérieure assez large et bridée dans l'angle interne; leur ouverture est petite. Son nez
estnon-seulement le plus écrasé, mais aussi le plus petit des nez des Indo-Chinois ; il est
large et enfoncé à sa racine, épaté inférieurement et mousse à son extrémité, avec les
narines souvent dirigées en avant et lrès-écartées. Ses pommettes sont très-saillantes,
avec contours arrondis et plus élevés que chez les autres peuples. Ses arcades zygo-
matiques sont très-accusées; sa bouche est grande; ses lèvres sont assez épaisses, char-
nues, mais placées au même niveau, à l'inverse des Chinois, chez qui la supérieure
déborde presque toujours un peu sur linférieure. Son cou est plutôt court que long;
ses épaules sont très-effacées, et on ne rencontre presque jamais d’Annamite vouté.
Son corps est trapu, large et tout d’une venue; sa faille est à peine indiquée ; aussi
est-il sans souplesse dans les mouvements. Son bassin est très-large et détermine à la
partie supérieure des fémurs un écartement considérable, qui existe chez les femmes
de toutes les races, et qui occasionne un dandinement singulier dans sa démarche,
qui à fait dire, non sans raison, qu'elle était théâtrale. Ce dandinement bizarre, qui peut
suflire à lui seul pour distinguer la majorité des Annamites de tous les autres peuples
de l’Indo-Chine sans exception, se compose à chaque pas d'un double mouvement de
rotation en demi-cercle à droite et à gauche de chaque membre inférieur, qui fait que le
talon pivote à chaque pas et que la pointe du pied déerit un are de cerele. Les jambes d’un
Annamile sont presque toujours arquées : en un mot il est bancal, et ses tibias paraissent
sur le vivant légèrement courbés en dedans. Mais ce qui le distingue plus particulièrement
U Notes lustoriques sur la nation annamite. Saïgon, 1865.
SÈRRES
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: RÉFUGIÉS
TYPES ANNAMITES
HiLoiegato
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RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. 293
des autres rameaux indo-chinois, c’est l’écartement en dedans du gros orteil, qui fait que cet
orteil n’est pas accolé ou du moins est plus écarté du deuxième que sur toutes les autres
races marchant nu-pieds, chez lesquelles il s’écarte toujours un peu. Cette disposition sin-
gulière, suffisamment générale pour caractériser cette race, ne lui est pourtant pas compléte-
ment particulière, car nous l’avons fréquemment observée chez les sauvages du sud de la
presqu'ile, à Bassae, et sur les populations de race jaune de la province du Yun-nan, parti-
culièrement sur les Pen-ti. Seulement, comme cette disposition est moms prononcée et
plus exceptionnelle chez ces peuples, nous croyons qu'elle leur a été communiquée par
des croisements avec les Annamites.
On voit que nous ne partageons pas l’opinion assez répandue que les Annamites pro-
viennent du mélange des sauvages avec les Chinois. Cette opinion est en contradiction for-
melle avec leur histoire, et, parmi les nombreux métis que nous avons observés de Chinois
etde sauvages, nous n'avons jamais trouvé un seul individu rappelant le type annamite. La
conformation du pied prouve que les Annamites sont constitués à l’état de race distincte
depuis un temps très-long; d’après l’auteur précédemment cité (le P. Legrand de la
Liraye), ce signe bizarre servait dès l’an 2285 avant J.-C., c’est-à-dire 63 ans après le
déluge biblique, à désigner le peuple annamite. On lui donnait dès cette époque le nom de
Giao chi, mot qui veut dire que le gros orteil est écarté du second. Ce fait, puisé dans les
annales chinoises, indique qu'ils n’ont pu recevoir ce caractère de leurs voisins, et il est
très-eurieux de constater qu’il se soit transmis à la population actuelle, malgré le nombre
considérable d’alliances qui ont eu nécessairement lieu pendant eette période de qua-
rante siècles.
En déerivant plus haut le caractère des Annamites, nous nous sommes placé à un point
de vue général; mais outre qu'ils offrent de grandes variations individuelles, il est né-
cessaire de distinguer parmi eux, ceux qui habitent la basse Cochinchine de ceux qui sont
originaires du Tong-king. Ceux de la basse Cochinchine ou du sud sont sensiblement
plus faibles et de plus petite taille que ceux du nord; différences qui tiennent, selon
toute vraisemblance, à leur genre de vie au milieu de rizières marécageuses, qui favo-
risent beaucoup moins le développement physique que la vie des régions montagneuses,
et surtout à l’action permanente de l’impaludisme, lequel, sans avoir chez eux les graves
conséquences qu'il a sur les Européens, agit néanmoins fortement. Ceux du sud pré-
sentent peut-être aussi un type plus uniforme, et leur peau est moins colorée, ce qui
résulte de leur plus grand éloignement des sauvages au teint noir, et de croisements
moins fréquents avec eux.
Quelques-uns des principaux caractères de la race annamite, tels que les jambes ar-
quées, le nez très-écrasé, la grande proéminence des pommettes, caractérisent certaines
familles de la race jaune, habitant le nord de l'Asie, et particulièrement les Mongols pro-
prement dits. De tous les Indo-Chinois, les Annamites sont les seuls qui permettent ce
rapprochement, et, dans le Vun-nan, qu'on assigne comme ayant été le berceau des di-
vers rameaux indo-chinois, et par conséquent celui des Annamites, nous n’avons ren-
contré aucun habitant présentant réunies toutes les particularités qui les distinguent.
294 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
Il faut done, croyons-nous, reporter beaucoup plus haut dans le nord l'origine de cette
race, et admettre que loin de venir du Yun-nan, elle n’a fait qu'y stationner.
Nous avons omis de donner les caractères de la femme annamite, mais nous devons
dire qu’elle est en rapport de tulle et de constitution avec l'homme du même rameau.
Ses épaules sont très-effacées, son corps est même très-souvent courbé en arrière ;
sa démarche est aussi caractéristique que celle de l’homme; elle y joint ordinairement
à chaque pas un balancement exagéré des bras qui lui est tout à fait spécial, et qu’elle
accentue davantage lorsqu'elle est en toilette ou lorsqu'elle appartient à une classe élevée
de la société.
TYPE CAMBODGIEN : LE SECOND ROI DU CAMBODGE.
B. liameau Cambodqien. — Le Cambodgien est plus grand et surtout plus robuste
que lPAnnamite; c’est le plus vigoureux des Indo-Chinois. Son corps est carré, ses
épaules sont larges, son système musculaire est bien développé; cependant on ne
voit que très-rarement ses muscles se dessiner à l'extérieur par des contours arrêtés,
comme chez les Européens. Son crane est ovoïdal (dolichocéphale), ses yeux sont très-
peu ou à peine obliques; néanmoins la paupière supérieure est toujours bridée dans
l’angle interne de l'œil. Son nez est un peu plus proéminent et ses narines moins écar-
tées et moins béantes que celles de l'Annamite. Ses pommettes sont movennement sail-
lantes et moins élevées que chez le peuple précédent, son bassin est également moins
élargi transversalement; aussi ses jambes sont-elles bien droites et parfaitement arti-
RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. 205
culées sur le bassin. Ses mollets sont bien placés et très-développés, et sous ce rapport
il est le mieux doté des Indo-Chinois. Son teint est jaunätre comme celui de tous les ra-
meaux de la race mongole; après celui du Birman, c’est le plus foncé, et il rappelle sou-
vent celui de beaucoup de Malais, race avec laquelle le Cambodgien a beaucoup d’autres
points de ressemblance dus au voisinage de la presqu'île de Malacea et à l'établissement au
Cambodge à une époque déjà ancienne d’un certain nombre de Malais. Nous croyons
qu'en outre de cette légère infusion de sang malais, les Cambodgiens possèdent aussi
une notable proportion de sang sauvage, qui a également contribué à foncer leur teint, et
qui se décèle fréquemment par quelques autres caractères. Fixés depuis des siècles dans
le delta du Cambodge, ils se sont mélangés peut-être plus que les peuples voisins aux
aborigènes, grace surtout à l'habitude ancienne qu'ils ont conservée de les prendre comme
TYPE LAOTIEN : FEMME DES ENVIRONS DE PETCHABOURY.
esclaves. Faut-il attribuer à cette infusion graduelle de sang sauvage chez les Cambod-
giens une part d'influence dans l’état de décadence dans lequel ils sont tombés, et qui
tend à les ramener à l’état sauvage ? Nous le croyons, et la facilité avec laquelle les Cam-
bodgiens vont se réfugier et vivre dans les forêts à la facon des sauvages, semble jus-
tifier cette manière de voir.
C. Rameau Laotien. — Le Laotien nous a paru le mieux proportionné des rameaux
indo-chinois. Il offre de très-grandes ressemblances avec le Siamois, qui est du reste la
seconde branche sortie originairement du même tronc. Sa stature est la même que celle
du Cambodgien, mais il est moins large des épaules, et en même temps un peu moins vi-
goureux. Comme les deux peuples précédents, 1l présente quelques-uns des caractères
des peuples limitrophes; il tient du Chinois, du Birman, de lAnnamilé, mais surtout du
Cambodgien et peut-être de l’Hindou. Parmi les Indo-Chinois, sa démarche est celle
296 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
qui rappelle le plus celle de l'Hindou. Il est élancé, souple dans ses mouvements. Son
teint, ordinairement plus pâle que celui des peuples circonvoisins, se rapproche beaucoup
de celui du Chinois. Sa physionomie est douce et intelligente, son front est généralement
bien découvert, la ligne d’implanfation des cheveux qui le limite supérieurement, con-
trairement à ce qui a lieu chez les autres Indo-Chinois, offre une convexité au milieu,
et deux concavités très-prononcées latéralement. Son visage est moins losangique que
celui de lAnnamite; cependant sa face est toujours plate, avec un profil complétement
droit, provenant surtout de ce que son nez ne proémine presque pas. Cet organe est plus
saillant, plus développé que chez les Annamites et moins épaté. L'ouverture des narines
n'est plus dirigée en avant comme chez beaucoup d’Annamites, souvent même le lobule
terminal du nez, qui est loujours mousse dans la race jaune, est aminci et légèrement
pendant. Chez un certain nombre d'individus, on observe même des nez droits, comme
celui qu'ils donnent à la statue de leur Bouddha, et qui ressemblerait, d’après la tradition,
à celui de leurs ancêtres *. |
Cette conformation du nez coïncide toujours avec des pommettes moins saillantes et
un visage se rapprochant de l’ovale; ce qui, en leur donnant quelque ressemblance avee
les Européens, fait conclure à première vue qu’ils possèdent une certaine proportion de
sang de cette race. Quant aux yeux des Laotiens, ils sont peu obliques et peu bridés dans
l'angle interne; ils sont également moins petits que ceux des Annamites et des Chinois.
Mais ce qui distingue surtout ce rameau mongolique, e’est l’allongement vertical de la
boîte cranienne, qui parait oblongue et non ovoidale comme chez leurs voisins. Elle
offre un type parfait de crâne brachycéphale, qui rend leur front moins étroit et moins
fuyant à sa partie supérieure que chez les autres mongoliques. Nous devons noter que
celte brachycéphalie est un caractère de race ne se justifiant par aucune pratique partieu-
lière sur la tête des enfants, comme cela a lieu chez certains sauvages.
Il ressort de la description précédente et de tout ce que nous venons de dire du ra-
meau laotien, qu'ainsi que tous les autres rameaux humains, il n’est pas pur. A nos
veux, beaucoup d'individus de cette race possèdent une certaine quantité de sang blanc.
Pour justifier cette opinion, à défaut des caractères anatomiques et en particulier de eeux
du nez, nous invoquerons leurs caractères moraux et intellectuels, qui les rapprochent
plus de la race blanche que tous les autres Indo-Chinois, y compris même les Bir-
mans, qui sont cependant plus rapprochés de l’Inde. S'il nous était permis de faire
une hypothèse sur la source de cette légère proportion de sang blane, nous dirions qu'ils
la tiennent des sauvages à type caucasique qui habitent le Yun-nan, lieu d’où l’on
1 Le type de toutes les statues du Bouddha, aussi bien au Laos qu’à Siam et parfois même en Chine et en
Cochinchine, est certainement arien ou caucasique. Ce fait ne saurait étonner, puisque le bouddhisme a pris
naissance dans l’Inde, au milieu de populations d’origine arienne, et que depuis, toutes les statues de Bouddha
sont faites d’après des mesures toujours les mêmes, inscrites dans les livres religieux et sur des tables déposées
dans certaines pagodes. Parmi les caractères qui distinguent ces statues, nous signalerons la proéminence
du nez, dont le lobule terminal est mince et toujours légèrement pendant, ce qui lui donne une forme qui
contraste singulièrement avec celle du nez de la plupart des Indo-Chinois. Les pommettes de ces statues
sont également très-peu proéminentes et souvent abaissées.
RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. AT
suppose que les Laotiens, ainsi que les autres rameaux indo-chinoiïs, sont venus (Prichard)
et où ils ont bien certainement stationné avant de descendre vers le sud. Cette opinion
est d'autant plus vraisemblable que, parmi les populations du Yun-nan, le type laotien
est encore très-répandu partout.
La femme laotienne ne présente rien de bien particulier. Tous ses caractères ana
1]
1
cl
Er —
PES
ES
TYPES SIAMOIS : LE FEU-ROI ET LA REINE DE SIAM.
tomiques, physiognomoniques et physiologiques, sont absolument identiques et en re-
lation avec ceux de l’homme du même rameau. Les différences de taille et de vigueur
qu’elle présente avec lui ne sont pas plus grandes que dans les races européennes. Ses
seins sont uniformément développés, et jamais ils n’offrent ces différences considéra-
bles de volume qu’on observe si communément en Europe. Quoique ces organes de-
IL. 38
298 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
viennent assez pendants avec l’âge, ce qui tient au grand nombre d'enfants qu'elles ont,
et surtout à l'absence de tout soutien artificiel, ils peuvent être considérés comme n’é-
tant pas plus pendants que chez les femmes caucasiques. Leur forme, ainsi que dans toute
la race jaune, est subeonique, jamais hémisphérique ; ils sont larges à la base, avec un
mamelon toujours proéminent. Quant à la physionomie des Laoliennes, elle n’est ni moins
douce ni moins intelligente que celle de l'homme ; elle peut être considérée, à notre avis,
comme la plus jolie des divers rameaux indo-chinois. ,
D. Rameau Siamois. — Les Siamois sont, comme nous l'avons dit, une branche prove-
nant du même rameau que les Laotiens. Ces deux peuples présentent par conséquent les
plus grandes ressemblances entre eux, au point qu'il est extremement difficile de les dis-
linguer et de tracer les caractères qui les différencient. Bien que nous n’ayons vu qu'un
nombre restreint de Siamois, néanmoins nous avons eru reconnaitre les quelques diffe-
rences suivantes : la brachycéphalie est moins aceusée que chez les Laotiens ; leurs traits
sont plus fins, moins grossiers el en même temps moins doux. En somme, les Siamois
semblent tenir davantage, par leurs traits, des Birmans et des Hindous, dont ils sont du
reste plus rapprochés par leur position géographique.
E. Rameaux Birman et Péqouan. — Quoique n'étant pas allé en Birmanie, ni dans
le Pégou, il nous à été pourtant possible, pendant notre voyage, de voir de nombreux in-
dividus appartenant aux races de ces deux pays, qui parcourent l’Indo-Chine comme
colporteurs ou résident comme délégués du roi de Birmanie chez plusieurs petits rois,
ses vassaux. Nous tracerons donc, non pas les caractères particuliers de ces peuples
qui offrent entre eux la plus grande ressemblance, mais ceux que nous avons notés et
qui les différencient de leurs voisins. Comme ces derniers, ils ne sont qu'un rameau
de la race mongolique. Leur taille est peut-être la plus élevée des rameaux indo-chi-
nois. Leur teint est également plus foncé, ce qui provient vraisemblablement de ce
qu'ils sont plus rapprochés géographiquement des Hindous, et qu'en même temps il
existe dans leur pays un assez grand nombre de peuplades sauvages au teint noir, avec
lesquelles ils ont du se fusionner. Leurs veux nous ont paru petits et bridés assez for-
tement, plus que chez les Laoliens et les Siamois et autant que chez les Annamites. Ils
ont, du reste, avec ce dernier peuple, d’autres traits de ressemblance, aussi bien phy-
siques que moraux. Leur nez est également très-épaté el petit; mais leurs pommettes,
tout en élant lrès-proéminentes, sont peu élevées, et leur machoire inférieure parait
moins forte sur les côtés. Leurs lèvres sont peu épaisses et entourent une bouche qui
n'est pas très-grande. Comme vigueur et comme stature, ils se rangent à côté des
Cambodgiens ; toutefois ils sont plus grands et moins trapus qu'eux. Ils sont très-bien pro-
portionnés, leurs jambes ne sont jamais arquées comme chez les Cochinchinois; ce qui,
malgré les analogies qu'ils présentent entre eux et que nous venons de signaler, permet
d'affirmer que, quoique originaires de la même souche, ils s’en sont détachés les uns et
les autres depuis très-longtemps. Parmi les Birmans, surtout chez les femmes, nous avons
trouvé plusieurs types rappelant manifestement le type hindou : les femmes présentant ce
type sont très-appréciées et passent pour plus jolies que les indigènes.
En D me
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Das Lt
AKANAIS,
TYPES AR
RAMEAU BIRMAN
RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. 301
: Nous ajouterons, pour terminer ce qui est relatif à ce peuple, que, comme caractère
‘moral, les Birmans nous ont paru moins doux que les Laotiens. Leur physionomie est
plus dure et présente une analogie assez grande avec celle des peuplades guerrières qu’on
rencontre dans le nord de l'Inde et de leur pays.
F. Caractères généraux des Indo-Chinois de race mongolique. — Aux caractères
particuliers des races précédentes, nous ajouterons ceux qui sont communs à toutes et
que nous n'avons pas mentionnés dans les descriptions qui précèdent. Mais auparavant,
nous devons faire observer que les traits particuliers de chacun de ces peuples sont
loin de se rencontrer sur tous les sujets du même rameau. Sur les frontières, où des
croisements ont nécessairement eu lieu, 1l est souvent difficile de préciser à quelle
race appartiennent beaucoup d'individus : ainsi, dans le sud du Laos, les Laotiens res-
semblent très-souvent aux Cambodgiens, et dans le nord, il est fréquemment impossible
de les distinguer des Chinois. On rencontre communément au milieu de tous ces peuples,
des individus à peau brune et présentant quelques autres caractères d’après lesquels il
est facile de reconnaitre qu'ils ont eu des sauvages parmi leurs ancêtres. En Indo-Chine,
les peuples envahisseurs, Annamites, Cambodgiens et Laotiens, quoique placés au point
de vue de la civilisation à un degré comparativement aussi élevé, par rapport aux peu-
plades sauvages, que le sont les Européens relativement à eux, n’éprouvent cependant
aucune répugnance à s'unir avec les sauvages autochthones. Ces sauvages ne leur sont
guère inférieurs comme beauté physique, du moins à notre point de vue d'Européens ;
leurs femmes supportent souvent la comparaison avec la femme laotienne, et ne parais-
sent pas tomber, comme chez la plupart des autres races sauvages, telles que les Aus-
traliennes, par exemple, dans un état d’abjection plus grand que les hommes.
Ces cinq races indo-chinoises sont sensiblement moins robustes et de faille moins
haute que les Européens et que les Chinois. Les variations locales et individuelles qui peu-
vent offrir des exceptions à cette règle sont moins grandes qu’en Europe; en d’autres termes
ces races sont plus uniformes. Leur système musculaire est médiocrement développé, et ja-
mais les museles ne s’accusent à l'extérieur par ces saillies arrondies qui les dessinent, ex
cepté toutefois chez quelques Cambodgiens. Mais, même chez ces derniers, les muscles-
n'acquièrent jamais celte dureté qu’on constate chez nos lutteurs. Il en résulte que les
Indo-Chinois ne sont pas capables d'efforts aussi violents que les Européens. Mais, par
contre, ils peuvent, à un moment donné, travailler peut-être plus longtemps sans éprou-
ver la même fatigue, et on est toujours étonné de voir que, malgré la faiblesse de leurs
jambes, ils peuvent accomplir, en portant des fardeaux, de longs et pénibles trajets, aux-
quels ne résisterait aucun Européen. |
Le tissu adipeux n’est jamais très-abondant chez ces peuples de l’Indo-Chine ; chez les
quelques individus gros que lon rencontre, il est réparti très-uniformément dans toute
l’économie, à l'exception toutefois du ventre qui proémine assez souvent. On n’observe
presque jamais chez eux cette extrême maigreur et ces énormes obésités si fréquentes en
: Europe, difformités qui, avec l'habitude qu'ils ont de garder leur corps à moitié nu, ren-
draient toute réunion d'hommes si choquante. Leur peau est assez grossière ; jamais elle
302 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
ne présente ce degré de finesse qui est ordinaire chez les races indo-européennes el
même chez quelques rameaux de la race noire ; elle est souvent moins fine que celle des
sauvages. Sa couleur est jaunâtre, olivatre, montrant parfois quelques reflets verdà-
tres, rougeûtres et surtout noirâtres. Quoi que cette teinte jaunâtre soit la-couleur natu-
relle et caractéristique de leur race, ils apprécient presque lous la blancheur de la
peau, et ils la considèrent, surtout au Laos, comme un signe de beauté. Faut-il attribuer
ce fait à ce que le teint plus ou moins brun rappelle chez ceux qui le présentent l’exis-
tence de sauvages parmi leurs ascendants? Nous serions tenté de le croire, et ce senli-
ment offre quelque analogie avec celui qui, dans tous les pays où les blanes et les noirs
se trouvent en présence, classe ces derniers dans une infériorité qui se trouve d’ailleurs
parfaitement justifiée.
Sur loutes ces races à peau jaune ou d’un noir très-imparfait, les parties du corps
non couvertes par les vêtements sont bien plus foncées que les parties qui restent cou-
vertes. On ne saurait cependant considérer ce fait comme une preuve venant à l’appui
de la théorie de l'influence du milieu sur le degré de noireeur de la peau, car cette
teinte foncée disparait dès qu'ils se couvrent et ne se transmet pas par voie de génération.
Le système pileux est très-peu développé sur tous ces rameaux mongoliques : la
barbe n'apparait pas avant trente-cinq ans, souvent même avant quarante, et elle est li-
mitée à la lèvre supérieure et au menton, où elle reste toujours très-clair-semée. Elle
présente en outre ce caractère, d'être toujours parfaitement droite, mi frisée, ni on-
dulée; sa couleur est d’un noir parfait; on trouve exceptionnellement quelques poils
roux. Dans ce dernier cas et aussi lorsqu'on trouve des favoris naissants, on constate pres-
que toujours un changement de type de l'individu qui offre ces particularités, changement
qui provient d’un mélange de sang caucasique ou océanien. Sur le corps, à l'exception du
pubis et des aisselles, les Indo-Chinois n’ont que très-rarement des poils ; quand ils en
ont, c’est surtout à la région sternale. Leurs cheveux sont uniformément noirs, épais et
roides, parfaitement lisses et plats; jamais ils n’offrent la moindre ondulation ou des
reflets jaunätres; quoique très-abondants, leur longueur ne dépasse jamais la ceinture,
et atteint ordinairement que le milieu du dos. Leur chevelure présente cet heureux
privilége, ainsi que ieurs dents, de ne jamais tomber, à moins d’affections parasitaires
du cuir chevelu.
Le crane des Indo-Chinois présente les deux types extrêmes : la dolichocéphalie
(Annamites et Cambodgiens) et la brachycéphalie (Laotiens); mais entre ces deux formes de
crane, on en trouve de mixtes. Excepté chez les Laotiens, cette boite osseuse est, comme
chez les principaux rameaux de la race jaune, très-développée postérieurement et sur les
cotés. Quant au front, il est toujours large inférieurement, et, par contre, étroit supérieu-
rement et légèrement fuyant; les bosses frontales sont très-peu accusées, ainsi que les
arcades sourcilières. Les oreilles sont sensiblement plus larges et plus écartées en dehors
que chez les races caucasiques ; l'augmentation de grandeur de ces organes porte surtout
sur le lobule inférieur qui est ordinairement très-pendant.
Les veux surtout sont caractéristiques : ils sont très-peu enfoncés, souvent même ils
RAMEAU PÉGOUAN : TYPES MONS OU TALAINS.
LOTS
RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. 305
effleurent les arcades orbitaires ou sont à peine dépassés par elles. L'ouverture des paupiè-
res est petite et ovale, plus ou moins oblique en haut. La paupière supérieure est large et
bridée dans l’angle interne. Les sourcils sont haut placés au-dessus des veux, peu fournis,
droits, non arqués et relevés en dehors. Les cils sont très-courts. La conjoncetive est
d’un blanc mat, jamais légèrement bleuâtre comme chez tant d'Européens; souvent
même elle est faiblement ictérique, comme chez tous les peuples et même les Européens
qui habitent les pays chauds. L'iris est d’un brun foncé presque uniforme. L'espace sé-
parant les deux yeux est large et presque plat, par suite du peu de proéminence de la
racine du nez. Cette disposition, ainsi que la conformation extérieure des yeux, sem-
ble être le résultat de la grande saillie des pommettes, lesquelles auraient entrainé
les paupières en dehors et en haut en les tendant dans l'angle interne et en même temps
en affaissant la racine du nez. Cette explication, surtout en ce qui concerne les paupières,
est d'autant plus vraie, qu'il est démontré que les cavités orbitaires des cranes indo-chinois
ne présentent rien justifiant la conformation particulière des parties molles des yeux.
Le nez de tous ces peuples, relativement à celui des Européens, est petit comme
volume et comme longueur; inférieurement, il est épalé, mousse à son extrémité, avee les
narines écartées et très-souvent dirigées un peu en avant, ce qui a fait dire plaisamment
qu'il pouvait pleuvoir dans leur nez. Leurs lèvres sont assez épaisses, charnues et légère-
ment retroussées.
Le prognathisme est à peu près nul chez tous ces rameaux ; toutefois on le rencontre
assez souvent développé à un faible degré, comme chez beaucoup de Chinois. Il résulte
de cette conformation des mächoires, que les dents sont presque verticales ou à peine
proelives, mais elles le deviennent ordinairement avec l’âge, par suite de l'usage du bétel
qui les déchausse prématurément.
De même que chez tous les peuples des pays chauds, les dents des Iudo-Chinois ne
se carient pas. Ce qui démontre l'influence du elimat sur la production de cette maladie,
c’est que sur les mêmes races, particulièrement sur le Chinois, on l’observe quelquefois,
et de plus en plus fréquemment en s’avançant vers le nord. Les dents sont réguliè-
rement plantées, égales, peu grandes ; pourtant on observe fréquemment des incisives
médianes d’une longueur dépassant celles des Européens. La mâchoire inférieure
est surtout forte en arrière, au-dessous des arcades zygomatiques, lesquelles sont très-
développées pour loger les muscles masticateurs qui sont très-puissants.
C'est cette dernière disposition surtout qui rend carrée la face des Indo-Chinois et
fait paraître leur menton étroit. Il est également un peu fuyant comme chez les Chinois.
Mais le caractère prédominant du visage des Indo-Chinois est l’écartement, la proé-
minence et la hauteur des joues, ce qui lui donne une forme losangique non ovale comme
chez les Européens, et lui a valu le nom d’eurygnathe. Cette conformation, jointe au peu de
saillie du nez qui est petit, non-seulement dans ses parties molles, mais aussi dans son
squelette, rend leur face plate et leur profil droit.
La disproportion dans les différentes parties constitutives du visage de ces peuples,
rend tous leurs traits grossiers, diminue encore le peu de mobilité de leur physionc-
IT. 39
306 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
mie qui est d'autant moins expressive, qu'ils cherchent presque constamment à dissi-
muler leurs impressions. Leurs joues sont toujours de couleur mate, comme le reste de
leur peau; elles n’offrent pas, même chez les jeunes gens, ce vif incarnat qui em-
bellit tant le visage des Européens et qu’eux-mêmes apprécient beaucoup chez les
quelques individus qui le présentent. Dans la colère, elles ne se colorent pas plus que
le reste de leur visage, qui devient d’un rouge uniforme assez semblable à la couleur de la
brique.
Les membres de ces Indo-Chinois offrent quelques particularités à signaler. Leurs
bras nous ont paru, ainsi qu'à tous ceux qui les ont observés et mesurés, plus longs que
chez les peuples indo-européens. Ils sonten même temps moins gros et moins bien muselés,
proportionnellement, que leurs jambes. Leurs mains sont toujours plus petites que chezles
Européens, mais par contre elles sont plus osseuses et plus sèches. Les articulations des
doigts sont toujours très-accusées et donnent à ces organes une apparence noueuse qui
rappelle involontairement la main des singes. Leurs ongles sont peut-être plus déve-
loppés et plus forts que chez les Européens, et les gens riches leur laissent atteindre
une longueur démesurée sans qu'ils se cassent. La peau de la partie dorsale des mains
et des pieds offre toujours une feinte légèrement brune, qui contraste avec la paleur
de celle de la face palmaire de ces organes. Les pieds offrent la plupart des caractères
qui distinguent la main. Le talon est bien saillant en arrière, la voute du pied est bien
accentuée, et on ne rencontre presque jamais de pieds plats. Les orteils sont courts, sou-
vent un peu écartés les uns des autres, comme chez tous ceux qui marchent ordinairement
nu-pieds !.
S 2. Remarques générales sur les Indo-Chinois de race mongolique.
Déjà nous avons fait remarquer plusieurs fois que l’obliquité des yeux était inégale-
ment prononcée chez les différents rameaux de la race jaune. Elle atteint son maximum
chez les Chinois du littoral de la Chine et les Mongols, et son minimum chez les Cam-
bodgiens et les Malais. Les Annamites et les Laotiens tiennent le milieu entre ces deux
extrèmes. Il en est de même pour les différences qu'offre la coloration de la peau, mais
elles se produisent dans un ordre inverse. Le Cambodgien offre le teint le plus foncé, et
le Chinois présente le plus pâle. On peut même observer des teints presque blancs sur les
Jeunes Chinois habitant les villes. Mais on aurait tort, comme cela a été dit et écrit souvent, de
comparer celte blancheur à eelle des individus de la race blanche : toujours elle est mate,
non transparente, et diffère complétement de la nôtre pour un observateur attentif. Leurs
! Les dessins qui accompagnent la fin de ce paragraphe et le paragraphe suivant complètent la description
des différents types mongols de la péninsule. Je dois les photographies originales dont ils sont la reproduction
à la bienveillance du général A. Fytche, gouverneur des possessions anglaises en Birmanie, à qui M.le co-
lonel H. Yule à bien voulu les demander pour moi. Les Arakanais et les Talains sont les populations qui ont
le plus fortement ressenti l'influence du voisinage de l'Inde. Les Karens paraissent au contraire être restés
purs de tout alliage et se rapprocher davantage du rameau chinois de la race mongole. 16 (Be
s
RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. 307
conjonctives présentent toujours des différences de coloration analogues, ainsi que la peau
des mains et des pieds.
On peut conclure de ces modifications que les races du sud offrent une moins grande
proportion de sang mongol et une plus forte de sang sauvage et hindou. Les yeux
droits de ces derniers peuples ont corrigé l’obliquité des yeux des Mongols, et le teint
noir a foncé leur peau. Au fur et à mesure qu’on s'éloigne de la Chine, les caractères
distinctifs des Chinois s’atténuent graduellement et le Cambodgien qui, placé au sud de
l'Indo-Chine, est le dernier terme de cette progression décroissante, sert à lier les peu-
ples indo-chinois aux Malais de la presqu'ile de Malacca et à ceux de l'archipel des îles
de la Sonde, des Philippines et à certains Polynésiens dont l’affinité avec les Malais a été
admise par M. de Humboldt. Tous ces peuples forment done une chaîne ininterrompue
depuis le nord de la Chine jusqu’en Australie, sans qu'il soit possible de tracer la ligne
de démareation qui les sépare.
Si maintenant on divise les Indo-Chinois en orientaux et en occidentaux, on constate
que les Annamites, qui sont placés à lorient, possèdent au plus haut degré les caractères
physiques, moraux et sociaux des Chinois, et que les Laotiens, les Siamois et les Birmans
se rattachent davantage au contraire aux populations de l'Inde. Ce résultat, qu’aurait pu
faire soupconner la position géographique de ces peuples, n’en est pas moins remar-
quable en ce qu'il fait ressortir avec évidence les modifications imprimées à ces diffé-
rentes populations par les croisements résultant nécessairement du contact et des rela-
lions.
A l'égard des sauvages de lPIndo-Chine, l'observation conduit à des résultats exacte
ment analogues, aussi bien en ce qui concerne l’obliquité des yeux que la couleur fon-
cée de la peau. Dans le sud, ils sont bien plus rapprochés des Océaniens par tous leurs
caractères que dans le nord, où ils se confondent presque avee les Chinois et les Lao-
üens. À l’est ils se relient aux Annamiles, et à l’ouest ils ont des liens nombreux avec les
populations de l'Inde (Sauvages Does).
La proéminence des pommettes, ou l’eurygnathisme, donne lieu également à des re-
marques très-importantes. Les Annamites sont ceux qui le présentent ordinairement à
son plus haut degré de développement, les Laotiens et les Cambodgiens à son plus faible.
Le crâne de ces peuples présente des différences que nous avons signalées déjà dans
plusieurs occasions, mais sur lesquelles nous croyons devoir revenir. Quoique les Laotiens
soient un rameau de la race mongolique, comme les Annamites et les Cambodgiens, il est
curieux de voir qu'à l'inverse de ces derniers peuples, leur crâne soit brachycéphale. Ce
fait, qui existe déjà dans la race blanche où les Teutons font exception par la dolichocéphalie
avec les Slaves et les peuples gréco-latins, montre une fois de plus que ce caractère ne suffit
pas pour caractériser une race et qu'il est également insuffisant pour apprécier le degré
d'intelligence, puisque les Laotiens sont loin d’être les moins intelligents parmi les ra
meaux mongoliques.
Faisons remarquer que la brachycéphalie des Laotiens les rapproche des Kalmoucks
qui occupent le nord de Asie et qui sont considérés comme le type le plus pur de la race
308 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
mongolique ; sans prétendre tirer aucune conclusion de ce rapprochement, nous devions
cependant signaler cette aflinité de race.
Il semble résulter de l'examen de ces changements progressifs de la couleur du teint,
de l’obliquité des yeux et de plusieurs autres caractères, que les populations noires
ou sauvages habitaient primitivement le sud de l’Indo-Chine, que les jaunes étaient fixées
au nord, et que c’est de leur mélange, et non des influences elimatériques, que sont
TYPE KAREN (HOMME).
résultées les modifications que nous avons constatées sur les types des différents rameaux
indo-chinois. Si l’on peut soutenir que la notreeur du teint, qui augmente en marchant
vers l'équateur, provient de l'effet du soleil, on ne peut appliquer le même raisonne-
ment au changement dans la conformation particulière de l'œil, qui ne peut évidemment
provenir que du mélange des races.
D’après les nombreux caractères connus qu'offrent les rameaux indo-chinois, pré-
cédemment décrits, on ne peut douter de leur communauté d’origine. Tous ne sont
que des branches de la race jaune, qui se sont séparées du tronc à des époques difficiles à
préciser, mais dans tous les cas fort anciennes. Les modifications qu’elles présentent nous
RACE MONGOLIQUE OÙ JAUNE. 309
paraissent être le résultat d’une sélection naturelle, ou plutôt de relations avec des po-
pulations primitives de races différentes.
Quel est le lieu de leur origine ? viennent-ils du centre de l’Asie centrale, qu’on con-
sidère comme ayant été le berceau de tout le genre humain ? Sans prétendre trancher
celte question qui fournira longtemps matière à controverse, cette origine nous parait
cependant assez probable quant aux Indo-Chinois de race mongolique. Nés au centre de
l'Asie, comme les fleuves qui baignent la région qu'ils habitent, Brahmapoutre,
TYPE KAREN (FEMME).
Iraouady, Salouen, Cambodge et fleuve Bleu, repoussés à l’est par l'immense barrière de
l'Himalaya, comme les eaux de ces fleuves, puis, comme elles, réunis un instant dans
la région montagneuse qui s'étend au nord-ouest du Yun-nan, ils ont suivi les vallées de
ces fleuves pour se répandre dans l’Indo-Chine, repoussant les sauvages noirs, qui sont
les aborigènes proprement dits, ou se mêlant avec eux.
Nous avons négligé jusqu'à présent de parler des aptitudes physiologiques etdes facultés
psychologiques des Indo-Chinois; sans vouloir nous étendre longuement sur ces questions
310 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
délicates et qui sont peu du domaine de l'anthropologie, nous en dirons néanmoins quel-
ques mots.
Les Cambodgiens, les Laotiens, les Siamois et probablement les Birmans se rangent
dans le même groupe et présentent des qualités intellectuelles presque également déve
loppées. Ils ont le sentiment religieux plus développé que les Chinois.
Dans l’ordre physiologique, on constate plus de similitude entre les chants des Cam
bodgiens et des Laoliens et ceux des races indo-européennes, et une aptitude plus grande
pour apprécier et reproduire nos chants. Au contraire, les Annamites et surtout les Chinois
n'apprécient aucunement notre musique, et il leur est à peu près impossible de chanter
le plus simple de nos airs. Ce n’est qu'après mille peines qu’on arrive à leur faire psal-
modier d'une façon uniforme quelques chants religieux; encore celte manière simple
ne produit-elle ordinairement pour des oreilles européennes qu’une eacophonie horrible.
Tous ces peuples possèdent une véritable civilisation, presque également avancée chez
chacun d’eux, uniformément calquée sur la eivilisation chinoise et présentant, mais à
un moins haut degré que cette dernière, le caractère stationnaire. Cet immobilisme de
leur civilisation, en harmonie avec celui de leur physionomie, parait être le résultat de
leur organisation psychique, très-différente de celle des Européens.
Au point de vue moral et des sentiments élevés venant du cœur, les Cambodgiens et
les Laotiens sont ceux qui se placent en première ligne. Les Annamites et surtout les
Chinois leur sont très-inférieurs.
Cette différence tient peut-être à ce que les premiers peuples possèdent une plus forte
proportion de sang indo-européen, mais aussi et surtout à l'influence du bouddhisme,
qui est plus fidèlement pratiqué au Laos et au Cambodge qu’en Chine et qu’en Cochin
chine, et qui contribue à développer les sentiments élevés.
Aux remarques qui précèdent sur les Indo-Chinois, nous devons ajouter quelques
renseignements sur leur fécondité, leur longévité, leur parturition, leurs enfants, afin de
compléter autant que possible tout ce que nous avons pu recueillir et observer sur eux.
Comme fécondité, les Chinois et les Annamites doivent être placés en première ligne.
Cette grande fécondité est due bien plutôt à leur organisation sociale et politique et à
leurs mœurs, qu'à une propriété naturelle. La polygamie, qui est pratiquée au Laos et au
Cambodge et qui est partout un obstacle à l'accroissement de la population, n’est qu’une
exception en Cochinchine et en Chine. Dans ces deux derniers pays, le mariage est sinon
obligatoire, du moins nécessaire, excessivement facile sous tous les rapports, et il s’effee-
tue chez les deux sexes souvent même avant l’époque de la puberté. L’extrème pauvreté
est la seule cause qui puisse forcer les habitants au célibat. Toutes les femmes sont done
mariées et ont au moins huit à dix enfants avant d'atteindre l’époque de la ménopause.
Aussi, n'était l’excessive mortalité qui pèse sur les nouveau-nés dans ces pays où le bien-
être et laisance sont bien plus faibles que dans les pays civilisés, on constalerait un
accroissement énorme de la population. Il ne faudrait pas s’imaginer que cette excessive
mortalité des enfants tient, aussi bien en Chine qu’en Cochinchine, au peu de soins qu’en
ont leurs parents, et à l'habitude de les jeter dans les fleuves ou aux pourceaux comme
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OU MALAYO-POLYNÉSIEN. 311
cela a été dit et écrit tant de fois. Rien n’est plus faux et plus absurde que cette accusa-
tion contre les Chinois, et la commission du Mékong tout entière peut témoigner n'avoir
rien vu ni rien recueilli de semblable pendant les huit mois qu’elle a passés dans l’in-
térieur de la Chine. Sans doute l’infantieide s'y observe, mais rien ne prouve qu'il y soit
plus fréquent qu’en Europe. On peut affirmer qu'il n'existe peut-être aucun homme aimant
plus ses enfants que le Chinois, et à défaut d’autres preuves, il suffirait de citer l’accrois-
sement considérable et exceptionnel de la population chinoise depuis quelques siècles.
La longévité de tous ces rameaux indo-chinois ne nous à pas paru différer considé-
rablement de celle des Européens. Si elle est moindre de quelques années, crovons-nous,
cela tient au peu de ressources médicales du pays, à l'absence de toute hygiène, à une ali-
mentation souvent malsaine. On rencontre cependant quelquefois des octogénaires et même
des nonagénaires en Indo-Chine.
La parturition, par suite, eroyons-nous, du plus petit volume de l'enfant, parait s'ac-
complir plus facilement que chez les Européens. Néanmoins, un grand nombre de femmes
sucecombent pendant et surtout après le travail de l’accouchement, particulièrement au Laos.
Cette mortalité nous paraît devoir être attribuée à la pratique en usage dans tout le sud de
la vallée du Mékong, pratique qui consiste à établir pendant plusieurs jours un feu per-
manent et actif sous le fit des femmes qui viennent d’accoucher. Cette chaleur, jointe à
l'absence à peu près complète de soins de propreté, favorise le développement de métro-
péritonites et d’autres graves maladies.
La peau des enfants dans les races indo-chinoises est presque aussi päle que celle des
Européens ; mais cette blancheur est mate et n'offre jamais cet incarnat si vif et si joli des
enfants européens. Leurs cheveux sont presque toujours châtains jusqu’à l’âge de quatre
à cinq ans, parfois même ils offrent quelques reflets blond-foncé. Ce n’est que plus tard.
vers sept à huit ans, qu'ils prennent cette teinte noire de jais, et en même temps cette roi-
deur qui persiste ensuite plus ou moins longtemps, jusqu'au moment où ils deviennent
blancs, c’est-à-dire vers cinquante ans environ. Comme nous l'avons déjà dit, la calvitie
est presque inconnue chez eux.
= Les enfants indo-chinois sont beaucoup moins fapageurs, bien plus faciles à élever,
et d’une intelligence et d’un jugement plus précoces que les enfants européens. Mais,
plus tard, au moment de la puberté, c’est-à-dire à l’époque où le jugement et les
facultés intellectuelles se fortifient tant chez les Européens, ces qualités sont restées chez
les Indo-Chinois ce qu’elles étaient quelques années auparavant, et paraissent parfois
amoindries. En un mot leur intelligence, après s’être développée très-vite, semble, vers
quinze à dix-huit ans, frappée tout à coup de ce caractère stationnaire et uniforme qui est
particulier à la civilisation chinoise.
S 3. Race notre, rameau oriental ou malayo-polynésien.
Par leur nombre et leur variété, les sauvages de l’Indo-Chine constituent un des grou-
pes humains de l'Asie les plus intéressants à étudier, et l'explorateur qui pourrait leur
312 NOTES ANTHRO POLOGIQUES.
consacrer le temps et les moyens nécessaires, ne manquerait pas de recueillir les docu-
ments anthropologiques, ethnographiques et même philologiques les plus curieux. Ces
sauvages sont partout de mœurs assez douces et vivent en tribus presque isolées les unes
des autres, n’avant à peu près de commun que les mœurs et la langue, laquelle encore
n’est pas absolument identique chez tous. Chaque tribu se décompose en un certain
nombre de villages, avee un chef dont le rôle est celui d’un père de famille. Leur orga-
nisation peut être comparée sous les principaux rapports au socialisme, et les habita-
tions d’un certain nombre de tribus sont de véritables phalanstères (Stiengs). Contraire-
ment à beaucoup d’autres peuplades sauvages, ils restent à peu près fixés dans le même
TAN)
A Ki
NN
TFRICHON L
TYPE DE SAUVAGE OCÉANIEN : STIENG.
lieu, guerroient très-peu entre eux et cultivent, quoique d’une manière très-défectueuse,
le soldes forêts, surtout de celles qui couvrent les montagnes et les monticules.
Nous ne pensons pas, comme on la écrit bien des fois, que toutes ces tribus aient été
chassées des vallées et des plaines et refoulées dans les forêts et sur les montagnes par les
Annamites et les Laotiens. Nous croyons au contraire que quelques-unes, que nous consi-
dérons comme représentant le mieux le type de la race, ont toujours habité les régions
très-boisées et surtout celles qui sont élevées ; d’abord parce que dans toute lIndo-Chine,
les parties élevées sont partout couvertes d’une épaisse couche d'argile beaucoup plus fer-
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OU MALAYO-POLYNÉSIEN. 313
tile que les terres alluvionnaires des vallées et des plaines ; ensuite parce que, même ac-
tuellement, les terres inhabitées dns les vallées et les plaines qui entourent les forêts
qu'elles occupent, sont assez abondantes autour d'elles, pour qu’elles puissent Sy fixer, si
elles n'avaient apprécié les avantages nombreux que présentent les terres des forêts et
des montagnes. Pour se procurer leur nourriture dans ces régions, eiles n’ont besoin pour
* {out instrument que d’une hache. Elles coupent d’abord toute la forêt, y compris la basse
et haute futaie. Six semaines après, lorsque tous les branchages sont secs, elles y mettent
le feu, puis, après quelques jours de pluie, elles plantent le riz avec un bâton dans la
légère couche de cendre qui recouvre le sol. Malgré l'absence de tout labour et d'irriga-
tion, la première récolte est très-abondante et surpasse en produit les meilleures rizières
inondées. La deuxième récolte est passable, parfois même on en fait une troisième dans
UN CHEF DE VILLAGE STIENG.
les terres très-riches. Ce système barbare de eulture, qui amènerait rapidement la des-
truction des forêts dans les pays tempérés, ne les détruit nullement sous ces climats
chauds et fertiles, où croissent de si nombreuses espèces d'arbres et d'arbustes aux
racines profondes et vivaces. Dix à douze ans après, les arbres sont redevenus assez gros
et les broussailles assez épaisses pour permettre de recommencer une nouvelle série de
culture. Les forêts habitées par les sauvages subissent donc un assolement décennal ou
quinto-décennal. Ce genre de culture n’est pas particulier aux sauvages : les Annamites, les
Cambodgiens et les Laotiens le pratiquent également dans les forêts qui couvrent les plaines.
Mais, en raison de la moindre fertilité du sol, l’assolement doit être à plus long terme, et
les récoltes y sont moins abondantes. Dans les plaines herbeuses et peu boisées qu’on ren-
contre si abondamment dans le fond des vallées et à l'embouchure des rivières et des
fleuves, il est totalement impraticable. Les arbres v sont trop peu abondants pour produire
Ile 40
314 | NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
une couche de cendre suffisante, et en même temps il y croit plusieurs graminées et cypéra
cées qui s'opposent totalement à ce genre de culture. Ces terres, pour produire du riz,
doivent être défrichées, labourées et de plus entourées de talus, travaux longs et difficiles.
Autant elles sont riches et productives entre les mains des Annamites, race laborieuse et
persévérante, autant elles sont pauvres pour des sauvages indolents et paresseux. Ce que
nous venons de dire permet de comprendre pourquoi tous ces sauvages sont fixés dans
les forêts des montagnes et des monticules, et pourquoi ils ont dù toujours y rester. Car,
outre l'avantage de se passer de charrue, de bestiaux et d'installation pour lirrigation,
ce système agricole convient beaucoup mieux à leurs instinets destructeurs et à leur peu
de prévoyance. Ils peuvent ainsi se déplacer à volonté et ne se fixer nulle part d’une façon
définitive.
Si simple que soit un procédé, qui n’exige qu'une hache en fer pour couper les arbres,
il n'a pu commodément être pratiqué qu'à une époque de la vie de ces sauvages où ils
savaient extraire et fabriquer le fer, ou du moins il leur était possible de s’en procurer par
voie d'échange, comme cela a lieu actuellement. Avant cette époque, sans être impossible,
il devait être très-pénible et très-défectueux.
La culture du riz, telle que nous venons de la décrire, et entremélée de quelques
pieds de maïs, de citrouilles et de quelques autres cueurbitacées, de tabac et de coton ou
d’orlie de Chine pour fabriquer les lambeaux de vêtements qu'ils portent, est la seule que
pratiquent les sauvages. Dès que ces cultures, qui demandent à peine trois mois d’un
travail facile, sont accomplies et que la récolte est faite, leur vie s'écoule à ne rien faire,
à manger et trop souvent à boire et à s’enivrer avec de leau-de-vie ou du vin de riz.
Pendant quelques mois ils engraissent très-sensiblement, tant que leurs provisions sont
abondantes; mais dès qu’elles s’épuisent, ils commencent à maigrir et parcourent alors
les forêts avec un are sur l'épaule pour chasser les différents animaux, et en particulier
les cerfs qui sont si abondants dans leurs forèts. Ils n’oublient jamais d'apporter la hache
qui leur sert à se frayer un chemin et à tailler des bâtons pour déterrer les racines co-
meslibles si abondantes dans ces climats, particulièrement certaines espèces d’ignames.
Quelque temps avant la récolte, il leur arrive souvent de ne plus avoir absolument rien à
manger; réduits alors à des insectes et à une foule d’autres animaux ignobles, tels que les
lézards, les erapauds, les rats, ete., ete., comme nourriture, ils maigrissent beaucoup.
C'est surtout à ce moment qu'ils guerroient entre eux, afin d'essayer de voler aux autres tri-
bus les vivres qui leur restent. |
Comme civilisation, ces sauvages confinent presque au dernier rang de l'humanité : ils
sont cependant moins bas placés que les Australiens, qui en occupent Le dernier échelon.
Leurs mœurs, leurs personnes n’ont rien d'absolument repoussant. Leur état social el
leur organisation que nous avons signalés plus haut comme présentant des analogies avec
le socialisme, sont tels qu’ils n’inspirent pas trop de pitié et qu’ils ne parraisent pas trop
malheureux, malgré leur profonde ignorance. Leur costume se réduit ordinairement, dans
tout le sud de l’Indo-Chine, à une simple bande de toile large environ comme les deux
mains, et suflisant à peine pour leur conserver les apparences de la décence. Leur
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OU MALAYO-POLYNÉSIEN. 315
ignorance est telle (Stiengs), qu'ils ne savent pas leur âge et qu’ils ne peuvent compter
au delà de dix, sans avoir recours à des pierres ou à d’autres objets. Et pourtant ils
vivent depuis des siècles à côté de peuples relativement civilisés, comme les Annamites,
les Cambodgiens et les Laotiens. Ceux-ci les traitent avec une certaine bienveillance,
surtout ceux qu'ils prennent comme esclaves.
Les quelques pratiques superstilieuses auxquelles les sauvages se livrent ne peuvent
être considérées comme l'expression d’une idée religieuse bien définie. Hs sont néanmoins
susceptibles d'instruction, et nous avons pu voir par nous-même chez un missionnaire, le
P. Arnoux, mort depuis, qui était établi à Brelam chez une tribu des plus barbares, les Stiengs,
un certain nombre d'enfants auxquels il était parvenu à apprendre à lire et à écrire leur
langue en caractères latins. Après avoir reçu ce commencement d'instruction, le féconde-
raient-ils et se le transmettraient-ils ? Ce brave prêtre, après avoir passé dix ans parmi
eux, paraissait en douter lui-même, etil eraignait qu'étant abandonnés à eux-mêmes ils ne
retombassent rapidement dans la barbarie la plus grossière, comme cela s’est présenté tant
de fois et à peu près sans exception chez les Australiens et même chez les nègres. Ces
deux races ont été jusqu'à présent réfractaires à toute civilisation, excepté en employant
la voie détournée du croisement avec les races supérieures. Encore l'excellence des résul-
tats oblenus dans ce cas est-elle très-diseutable, surtout lorsqu'il s’agit de croisements
de la race blanche avec la noire. Nous ne croyons pas pourtant qu’on doive conclure de
ce qui se passe avec ces deux races à ce qui doit se passer dans les croisements de la
race jaune avec la brune et la noire. Nous estimons que les individus qui proviennent
du mélange des races indo-chinoises, retournent plus lentement au type primitif que la
descendance du blanc et de la négresse, et que les métis indo-chinois ne sont pas frap-
pés de stérilité comme les mulätres de nos colonies. La fusion parait s’opérer plus
complétement, plus intimement, que dans le mélange de lélément blanc avec le noir.
D'ailleurs, comme tous les croisements de ces sauvages ont lieu avec des rameaux de la
race jaune, dont les principaux caractères se transmettent comme on sait d’une façon si
durable à leurs descendants, il en résulte qu'après plusieurs générations, comme les ca-
ractères mongols se sont maintenus, et qu'au contraire ceux de ces sauvages se sont atté-
nués, il en résulle, disons-nous, un retour plus intense vers le type mongolique. Ce
résultat, qui se passe dans toute l’Indo-Chine, est d'autant plus grand, que ces mélanges
se font ordinairement au milieu de villages dont les habitants sont d’origine mongo-
lique et dans lesquels, à l’inverse de ceux des sauvages, la population est continuellement
en voie d’aceroissement; seule, la teinte brune de ces sauvages fait exception, et se transmet
fortement et longuement à leurs descendants.
A. Caractères des sauvages Alfourous de l'Indo-Chine. — Nous devons faire remar-
quer, avant de donner les caractères de ces sauvages, que la plupart des mots dont nous
nous servirons pour les désigner sont de deux sortes : 1° les noms génériques signifiant
sauvages dans les diverses langues indo-chinoises, et qui sont par conséquent uniques
dans chacune d'elles, tels que Moïs en annamile, Penongs en cambodgien, Khas en
laotien, et Lolos en chinois ; 2° les noms de tribus qui sont très-nombreux et que nous
316 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
citerons quelquefois, mais qu’en raison de leur grand nombre et de leur signification
très-restreinte nous laisserons généralement de côté.
Nous devons ajouter en outre que nous avons employé la dénomination de sauvages
océaniens pour désigner ces sauvages Alfourous, afin de bien indiquer qu'il faut les
assimiler à ceux du même genre, beaucoup mieux connus jusqu'à présent, qui habitent
le centre de beaucoup d'îles de l'Océanie, et en particulier de l'Australie. Mais il ne faudrait
pas les confondre avec les Océaniens ou Polynésiens, ou Micronésiens, qui habitent le
pourtour de beaucoup d'îles, dont quelques auteurs ont fait une race distincte, mais qui
proviennent pour d’autres, d’émigrations indiennes parties autrefois de l'Indo-Chine *.
Les caractères communs à toutes ces tribus sauvages, qui offrent d’ailleurs d'assez
grandes dissemblances, sont : une taille moyenne, un teint brun foncé, jamais tout à fait
noir et plus pale que celui de l'Hindou et du nègre. Leur crane est déprimé, dolichocéphale.
Leur front est large et bas, à peine bombé, la ligne d'implantation des cheveux qui le
limite supérieurement décrit un are de cercle. Leurs cheveux sont plats, noirs, épais,
mais jamais crépus ni ondulés. Leurs oreilles sont généralement très-grandes et fortement
tournées en dehors avec le lobule très-développé, mème lorsqu'il n’est pas percé d’un
large trou, comme eela est général chez eux. Leur face est arrondie et presque plate,
moins pourtant que chez les mongoliques ; souvent elle est plus large que haute. Leur
profil est presque droit et décèle souvent un léger prognathisme. Leur nez est peu déve-
loppé, néanmoins il est plus grand que celui des Indo-Chinois et moins large à sa
racine ; inférieurement, il est assez épaté avee les narines assez écartées, et toujours
ouvertes en bas. Leurs veux sont droits, horizontaux, assez grands, rarement un peu
obliques ; ils sont enfoncés, contrairement à ceux des divers rameaux mongoliques, el
protégés par des arcades sourcilières bien saillantes qui partent des soureils à peine
arqués, bien fournis et peu écartés de l'ouverture des yeux. Leurs paupières sont assez
ouvertes et peu bridées dans l’angle interne. Leurs pommettes ne sont pas aussi proémi-
nentes et surtout aussi relevées que dans la race jaune, mais leurs arcades zygomatiques
sont très-saillantes, très-développées, afin de loger leurs muscles masticateurs qui sont
très-puissants. C’est cette disposition qui contribue tant à élargir leur visage. Leur bouche
est très-grande, avec des lèvres épaisses, charnues et ordinairement retroussées un peu
en dehors. Leurs mächoires sont à peine prognathes et portent des dents verticales, ou
très-peu proclives, de grandeur moyenne, bien rangées et régulières. Leurs ineisives
médianes sont souvent un peu larges. Nous n'avons pas pu vérifier si le nombre des
tubercules des molaires est de quatre comme chez toutes les races, ou de cinq comme
cela à été vu sur les mächoires de quelques Australiens. Leur barbe est généralement
plus fournie et se montre plus tôt que chez les peuples d’origine mongolique ; souvent elle
est frisée; presque toujours elle est ondulée ; jamais elle n’est localisée exclusivement au
menton et à la lèvre supérieure, comme chez tous les Mongols de race pure, et elle se
développe aussi sur les côtés du visage. Le système pileux du corps est également assez
1 R. P. Lesson, Voyage médical autour du monde, sur la corvette a Coquille. Paris, 1829.
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OÙ MALAYO-POLYNÉSIEN. 317
abondant. Les hommes au torse velu, particulièrement dans la région sternale, ne sont
pas rares. Quant à la physionomie de ces sauvages, elle ‘est douce et craintive comme
celle de tous les sauvages. Leur regard est fixe. Le sourire n'apparait presque Jamais sur
leur visage ; lorsqu'ils veulent manifester leur joie, ils ouvrent largement la bouche. Leurs
sens sont excessivement développés, particulièrement Vouïe et la vue. Presque tous sont
d’une adresse extrême à l’are.
Les femmes de ces sauvages Alfourous n’offrent rien de bien remarquable ; elles sont
en parfaite harmonie de taille et de conformation avec l'homme de la même race. Leurs
formes seulement sont, ainsi que chez toutes les femmes, plus arrondies. Leurs seins
sont d’une grosseur moyenne, sub-coniques, avec le mamelon très-saillant. Jamais ces
organes ne deviennent démesurément pendants, comme cela s’observe si fréquemment sur
les femmes de plusieurs rameaux de la race noire, particulièrement sur les négresses.
SAUVAGES DES ENVIRONS DE STUNG TRENG
Comme aspect, elles n’ont rien de repoussant, et sont peu inférieures aux femmes de race
jaune. Elles sont seulement beaucoup plus eraintives, avec une physionomie n'’indiquant
que très-peu d'intelligence. Sans être l’égale de l’homme, elles sont plutôt leur com-
pagne que leur domestique. Toujours elles sont plus vêtues que l'homme ; contraire-
ment à la plupart des Laotiennes, leur poitrine est toujours couverte.
Les caractères descriptifs de ces sauvages s'appliquent surtout aux sauvages du Sud
de la presqu'ile indo-chinoise, Moïs, Penongs et Khas, qui sont aussi grands mais plus
grèles que ceux du Nord et qui vivent en même temps dans un état de sauvagerie beaucoup
plus complet. Leurs membres sont remarquablement longs et grêles, surtout les jambes.
Leur tronc est court et carré, avec la taille peu ou point dessinée. Leur système muscu-
laire est très-faible. Leurs mollets sont très-peu développés et toujours placés haut.
Malgré la maigreur ordinaire de ces sauvages, leur ventre est souvent proéminent, et
318 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
dans tous les cas il n’est jamais aussi plat que chez les races voisines, qui Font cependant
plus saillant que la movenne des Européens. Ce qui lient, selon toute probabilité, à la
nourriture grossière dont ils font usage, et en particulier au riz qui constitue presque leur
unique aliment, et dont il faut prendre une quantité double environ de celle de la plupart
des céréales pour se nourrir. Ils peuvent du reste facilement engraisser, et il n’est pas rare
d'en rencontrer de très-gros parmi ceux qui sont esclaves chez les Laotiens et qui ont une
nourriture abondante.
Comme nous l'avons déjà dit, les types purs de ces sauvages existent surtout dans le
Sud de l’Indo-Chine ; leurs caractères, dans celte région, sont plus constants et plus uni-
formes ; ils paraissent avoir subi très-peu l'influence des populations voisines. Il n’en est
pas de même dans le Nord de l’Indo-Chine, l'uniformité de tvpe n'existe plus d’une manière
SAUVAGES DES ENVIRONS DE TA-LAN (YUX-NAN MÉRIDIONAL).
aussi complète, etils commencent à présenter les variations qu’on observe toujours sur les
peuples civilisés qui ont beaucoup de relations avec d’autres tvpes que lesleurs. En même
temps que leur physionomie perd l'air d’abrutissement et la fixité dans le regard de ceux
du Sud, leurs veux deviennent souvent légèrement obliques, et leurs paupières supérieures
se brident comme dans la race jaune. Leur intelligence et leur industrie sont aussi beau-
coup plus développées. Nous citerons parmi ces sauvages mixtes, la grande tribu des
Does, qui habitent la plupart des montagnes du royaume de Xieng Tong, dans le Laos
supérieur, et qui est composée d'hommes trapus, aux épaules larges et aux mollets très-
développés et bien placés. Ces Does, d’après les renseignements recueillis auprès d'eux
par le commandant de Lagrée, seraient issus d’émigrants des frontières de la Birmanie,
et sont plus civilisés que les autres sauvages. Loin de produire exclusivement ce qui est
nécessaire à leur consommation, comme ceux du Sud, ils eultivent différents produits, par-
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OÙ MALAYO-POLYNÉSIEN. 319
ticulièrement du colon que viennent leur acheter les Chinois du Yun-nan. Ils pratiquent le
bouddhisme avec autant de ferveur que les Laotiens. Quelle est l'origine précise de ces
tribus intelligentes et industrieuses”? Elles offrent à nos veux les principaux caractères des
sauvages à types océaniens, et nous croyons que les modifications qu’elles présentent, résul-
tent de ce qu'elles possèdent une forte proportion de sang de sauvage à type caucasique,
qu'on rencontre dans le Nord de linde et de la Birmanie et jusqu'en Chine, et que nous
déerirons en parlant des sauvages du Yun-nan.
De ces Does il serait peut-être possible de rapprocher, comme avantla même origine,
SAUVAGES DES ENVIRONS DE MUONG LIM.
les Kouys, qui habitent les montagnes du Cambodge. Ces Kouys ne sont pas assimilables
aux sauvages océaniens : d’après tous ceux qui les ont observés, ils sont relativement eivi-
lisés, et exploitent les minerais de fer qui existent dans leurs montagnes. Ne les ayant pas
vus, il nous est impossible de trancher complétement la question, mais l'aptitude qu'ils ont
pour travailler les métaux et la description de leurs caractères physiques qui nous fut faite
par le commandant de Lagrée, donnent de fortes présomptions à cetle opinion.
Pour en revenir aux sauvages du Laos supérieur, nous dirons qu'ils présentent des va-
riélés, mais qu’elles résultent évidemment de croisements avec les races qui les entourent.
Si c'est un Chinois qui s’est uni à eux, on constate que les yeux sont petits, obliques, et
320 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
que la paupière supérieure est bridée; si c’est un Laotien, on observe une modification
dans la boîte crâänienne qui tend à devenir brachycéphale. Lorsque ces sauvages de race
noire s’allient avec les sauvages à type caucasique, leurs traits s’accentuent, leur vigueur
s’accroit. Mais comme les uns et les autres ont le teint brun foncé, on ne constate aucune
modification dans la couleur de la peau. Les différences de type que présentent ces sau-
vages s’observent souvent sur des individus isolés dans les tribus, mais ordinairement
ils se constatent sur la tribu tout entière. Ce qui ne saurait élonner, car une fois que
du sang jaune ou caucasique s’est infusé chez eux, il tend à se répartir également sur
toute la tribu, par suite de la vie commune qu'ils mènent et de leur petit nombre.
En rattachant ces sauvages aux Océaniens, et plus particulièrement aux Alfourous des
auteurs, qui sont considérés, sinon comme indigènes en Océanie, du moins comme les
premiers occupants, nous n'avons fait que confirmer l'opinion qui a déjà été émise sur
eux. D'ailleurs, la description précédente et les nombreux dessins qu’on trouve dans
l'album de M. Delaporte, viennent suffisamment à l’appui de ce fait. I suffit de comparer
ces dessins, qui sont d'une consciencieuse fidélité, à ceux si nombreux qui ont été recueillis
en Océanie, pour être frappé de la ressemblance qu'ils offrent, et par conséquent pour
conclure que l'origine des races qu'ils représentent est commune. Le complément de notre
démonstration doit être cherché dans l'histoire et la philologie, que Fanthropologiste doit
toujours appeler à son aide pour élucider ces questions, et qui semblent indiquer que lO-
céanie à élé peuplée par des migrations venues de l’Asie eten particulier du golfe de Siam ?.
Il sera probablement possible d’en avoir de nouvelles preuves dans le langage articulé de
ces Alfourous et dans l’examen comparatif de leur ethnographie. Quoi qu'il en soit, pour
comprendre comment ces sauvages océaniens ont pu quitter lIndo-Chine pour s’avancer
vers l'Océanie, en admettant qu'ils ne soient pas véritablementindigènes dans toutes les îles
où ils ont été rencontrés, il suffit de jeter un coup d'œil sur une mappemonde. Par la pres-
qu'ile de Malacea, l'archipel des iles de la Sonde et des Moluques, lIndo-Chine se relie
directement à l'Australie et à la plupart des îles de l'Océanie. Avec une simple pirogue, ils
ont pu franchjr tous les bras de mer intermédiaires entre chaque ile, et s'avancer ainsi suc-
cessivement jusqu'à l'extrémité Sud de l'Océanie. Ces migrations ont dù avoir lieu à une
époque où ils étaient très-nombreux en Indo-Chine, ou plutôt au moment où les différents
rameaux de la race jaune ont envahi l’Indo-Chine, et les ont par conséquent refoulés vers
le Sud. Cette époque a dù précéder également celle d’envahissement de toutes les îles de
l'Océanie par les Océaniens proprement dits et par les Malais, tous les deux d’origine
asiatique, et aussi celle des Mongols pélagiens qui peuplent particulièrement les Phi-
lippines. Tous ces peuples envahisseurs, en occupant le littoral et le pourtour des iles, les
ont refoulés dans l’intérieur où on les retrouve encore dans la plupart, quoiqu'ils aient
beaucoup diminué depuis quelques siècles.
B. Sauvages à type océanien du Sud: de la Chine. — Si, dans le Laos, la diversité des
sauvages est déjà grande, elle Fest bien plus encore dans le Sud de la Chine. Dans Îles
IR. P. Lesson, Voyage médical autour du monde, sur la corvette la Coquille. Paris, 1829, p. 166.
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OU MALAYO-POLYNÉSIEN. 321
provinces du Yun-nan, du Se-tchouen et du Kouy-tchéou, on ne compte pas moins de
quarante tribus différentes éparses au milieu de Laotiens, de Tibétains, de Tonkinois, de
Mandehoux, de Chinois divers, et même d’Arabes musulmans, appelés autrefois par le
gouvernement de Pékin pour soumettre ces sauvages montagnards.
Nous diviserons ces sauvages indigènes en deux races : l°ceux qui ont le teint jaunatre,
et que nous appellerons Lolos blancs : 1s serattachent aux Laotiens presque exclusivement :
2% ceux dont le teint est plus ou moins foncé, que nous appellerons Lolos noirs où Sau-
vages noirs, el qui sont probablement les peuples véritablement autochthones du Yun-nan.
Ils se subdivisent en deux classes : 1° les sauvages à type océanien, semblables à ceux
du Laos supérieur et que nous allons étudier; 2°les sauvages à tvpe caucasique, Man-
tse, Miao-tse, Lissous, ete., ete.
Toutes ces races humaines qui habitent le Sud de la Chine ne sont pas disposées
indifféremment dans les différentes parties du pays. Elles se sont échelonnées depuis Le
fond des innombrables vallées qui jouissent d’un climat tropical, jusqu'au sommet des
montagnes où règne le froid. Chacune d'elles s’est installée dans la zone climatérique
qui convient aux aptitudes qu'elle tient de son origine. Dans le fond des vallées se trouvent
les Chinois, les Laotiens et les populations mixtes qui en descendent. Au milieu des
montagnes, vivent les sauvages à {ype océanien, etles Chinois encore qui ne eraignent pas
davantage le froid, et qui sont avec les Israélites et les Bohémiens, les seules races vrai-
ment cosmopolites ; dans cette même zone intermédiaire, se trouvent encore des popu-
lations mixtes, provenant des croisements des races qui lhabitent. Enfin, tout à fait au
sommet, vivent les sauvages à type caucasique, qui ne peuvent vivre dans les parties chaudes
et marécageuses du pied des montagnes, ainsi du reste que la plupart des rameaux de
la race blanche.
Les cultures pratiquées par ces différentes races varient avee le lieu qu’elles occupent.
Les habitants du fond des vallées cultiventle riz, la canne, les patates, le coton, ete., ete. :
ceux du milieu des montagnes pratiquent en élé les cultures des pays chauds, et en hiver
celles des pays froids ; ceux du sommet ne possèdent plus que les plantes des climats tem-
pérés, c'est-à-dire le blé, Pavoine, le sarrasin, le chanvre, le pavot à optum, ete.
Remarquons en passant que les habitants des vallées chaudes sont 1e1 ceux qui ont
le teint le moins foncé. Cette coloration relative des peuples du Yun-nan, générale dans
tout le Sud de la Chine et du Laos, n’est pas, comme on le voit, favorable à la théorie qui
fait jouer un rôle si considérable aux #/ieux, et qui explique la noirceur du nègre par son
long séjour sous les tropiques, et la paleur du blanc par l'influence du froid. Cette théorie,
qui est démentie par les faits sur de nombreux points du globe, parait d'autant plus
inexacte dans le Sud de la Chine, que, d’après les traditions chinoises, ces sauvages à peau
bistrée sont les véritables autochthones, et ont fowjours habité les montagnes. Les Chinois,
en faisant la conquête de ce pays, n’ont fait que prendre possession du fond des val-
lées, qui conviennent parfaitement à leur agriculture, à leurs aptitudes de races, et
qui étaient délaissées par ces sauvages qui ne peuvent les habiter, à cause de la fièvre
paludéenne et des autres maladies des pays chauds qui y règnent. Il n’est done pas dou-
IL. 41
322 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
ieux pour nous que c'est à l'hérédité qu'il faut attribuer les différents degrés de colora-
tion de la peau que nous avons observés sur toutes les populations indo-chinoises. Nous
ne prétendons cependant pas nier complétement l'influence du climat sur le teint des
races; bien certainement le soleil et la chaleur des pays chauds provoquent un dépôt de
pigment sous l’épiderme humain plus abondant que dans les pays froids. Mais rien ne
prouve Jusqu'à présent que ce changement, qui varie avec les individus et qui est du
reste momentané et limité à la durée du séjour dans les pays chauds, se transmette par
voie de génération. S'il en étail ainsi, nous aurions dù constater, entre les sauvages
océaniens du Sud de Findo-Chine, qui vont entièrement nus, et ceux du Nord qui sont
presque complétement vêtus, une différence de coloration. Il n’en est rien : les uns et les
autres sont également noirs.
Avant déerit précédemment les sauvages à tvpe océanien du Sud de lIndo-Chine,
FEMME SAUVAGE DE BAN KON-HAN (FRONTIÈRE SUD DE YUN-NAN)
nous n'avons plus à le faire pour ceux de la Chine; mais nous devons faire ‘observer
que les sauvages de cette partie Nord de lindo-Chine diffèrent fortement de ceux du
Sud. Plus en contact avec les autres races voisines qui sont en même temps bien plus
nombreuses et plus différentes que dans le Sud, il en est résulté pour eux de nom-
breux croisements, qui donnent très-souvent à leur type quelque chose d'indécis qui ne
manque pas d’embarrasser l'observateur. Leurs traits caractéristiques ont été mitigés pres-
que partout ; {rès-souvent ils présentent des caractères mongoliques, particulièrement la
conformation des paupières qui s'impose si fortement, comme on sait, à tous les des-
cendants de la race jaune. D'autrefois leur physionomie ressemble à celle des Laotiens
et des sauvages à type caucasique. Ils vivent également dans un état de sauvagerie beau-
coup moins grand que ceux du Sud de la presqu'ile indo-chinoise, qui paraissent si enelins
à la vie des forêts. Un contact séculaire avec la civilisation de leurs voisins. mais surtout
RACE NOIRE, RAMEAU ORIENTAL OU MALAYO-POLYNÉSIEN. 323
l'effet d’une légère infusion de sang des races supérieures qui élève si promptement les
races inférieures, à paru les ürer de l’état de profonde barbarie dans laquelle devaient
vivre leurs ancêtres et qu’on observe encore dans le Sud. Ils ont perdu presque tous leurs
instincts sauvages : ils sont sédentaires, assez laborieux pour cultiver d’une façon continue
comme le Chinois et le Laotien; leur organisation sociale est relativement avancée. On
SAUVAGE DE BAN KON-HAN (FRONTIÈRE SUD DU YUN-NAN).
ne saurait pas, à notre avis, concevoir la moindre crainte sur leur disparition, comme
cela semble se passer si souvent dans le contact de la race blanche avec toutes les races
sauvages. Modifiés ainsi qu'ils le sont, ils paraissent tolérer parfaitement le contact de
leurs voisins de race jaune, mais surtout celui des sauvages à type caucasique avec lesquels
ils nous ont paru se mêler très-souvent, au point qu'il est totalement impossible de tracer
la ligne de démarcation qui les sépare dans une foule de montagnes. Les Chinois qui
3
1
4 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
envahissent leur pays, loin de les refouler, se mélangent à eux et se les assimilent en les
faisant profiter des avantages de leur civilisation, ainsi que le veulent les principes de
l'humanité. Ne doit-on pas convenir, en voyant ces faits si en désaccord avec notre ma
nière de procéder à l'égard de tous les sauvages, que les Chinois ont sous ce rapport une
grande supériorité sur les Européens, si fiers de leur civilisation, et qui, en dépit des prin-
cipes religieux et philanthropiques qu'ils professent et imposent souvent par la force, chas-
sentet dépossèdent, partout où ils s’établissent, les premiers et légitimes possesseurs du
sol. C’est certainement à celte aptitude précieuse d’assimilation que possèdent les Chinois,
qu'ils doivent d’avoir créé leur colossal empire et en même temps d’être aussi uniformes
quoique aussi nombreux.
S 4. Race brune ou rameau noù' de la race Cuucasique.
A. Sauvages à type caucasique du Sud de la Chine. — Les Lolos noirs à type cau--
casique, exclusivement fixés au sommet des hautes montagnes de la Chine, ressem—
blent non-seulement aux races indo-européeunes par les trails, mais encore par leur
manière de se vêur tout à fait différente de celle des femmes des Indo-Chinois qui les
entourent. Tout d'abord, on est frappé de la ressemblance qu'ils ont avec les Bohé-
miens, lesquels sont, comme on sait, originaires de l'Inde. Mais, à l'inverse des Bohé-
miens, ils sont presque complétement sédentaires et se livrent à peu près exelusive-
ment aux travaux agricoles. Ils sont grands et vigoureux, avec les formes accusées et les
muscles assez bien dessinés. Leurs épaules sont larges, leur tronc n’est plus carré et tout
d’une venue comme celui de la plupart des Indo-Chinois. Leur taille est dessinée, surtout
chez les femmes, et donne à leurs mouvements une souplesse qu'on ne s'explique pas
toujours à première vue, mais qui frappe l'observateur. Leurs membres sont bien propor-
lionnés et parfaitement articulés. Leurs jambes sont très-droites, avec les mollets bien placés
et très-développés. Leur teint est bistré, moins noir que chez les Hindous et que chez les
sauvages océaniens de type pur; néanmoins, si on s’en tenait au teint, il serait souvent im-
possible de les distinguer les uns des autres.
Leur physionomie est assez énergique, sans férocité ni dureté pourtant; elle est beau-
coup plus expressive que celle des Mongoliques. Les traits de leur visage sont accentués,
leur profil est droit, leur visage est ovale et surmonté d'un front assez haut, droit, peu
fuyant supérieurement, avec les bosses frontales assez accusées. Ils ont souvent une
barbe noire bien fournie; elle est toujours frisée ou au moins ondulée; elle est moins
tardive que chez les Chinois, et lorsqu'elle existe, on en observe sur les côtés du visage, ce
qui est tout à fait exceptionnel dans la race mongolique.
Leurs yeux sont horizontaux, bien ouverts; il s'en faut pourtant qu'ils soient entiè-
rement comparables à ceux des Européens; ordinairement même ils sont un peu bridés
dans l'angle interne. Au lieu d’affleurer comme chez les Mongols, ils sont plus enfoncés
et mieux protégés par les bosses sus-orbitaires qui proéminent davantage et qui portent
des soureils mieux fournis. Leur nez n'est ni large ni plat à la racine. Cet organe est pres-
RACE BRUNE OÙ RAMEAU NOIR DE LA RACE CAUCASIQUE. 325
que toujours droit, parfois même il est busqué ; rarement pourtant, il devient entièrement
comparable à celui des Européens pour son développement, sa minceur et la petitesse
du lobule terminal. Les pommettes sont très-peu proéminentes et peu élevées. La
bouche est de grandeur mov°nne, parfois même elle est petite, avec des lèvres peu épaisses;
jamais cependant elle n’atteimt un degré de minceur très-grand. Les mächoires ne sont
jamais prognathes et portent de belles dents, bien rangées, verticales et d’une grandeur
ordinaire. Le menton paraît le plus souvent assez large et proémine, contrairement à celui
des Chinois. L’angle formé par la branche montante du maxillaire inférieur avec le corps
de l'os, parait sur le vivant se rapprocher beaucoup de l'angle droit; caractère qui permet
de les distinguer très-facilement de tous les rameaux mongoliques chez lesquels cet angle
parait ordinairement très-ouvert.
Les femmes de ces sauvages sont les mieux proportionnées de toute l'Indo-Chine; elles
HOMME ET FEMME LISSON (MONTAGNES DU NORD DU YUN-NAN).
sont en parfaite relation de grandeur, de forme et de vigueur avec les hommes de la
même famille. Elles sont par conséquent grandes et fortes, avee la taille parfaitement
indiquée, ce qui fait différer très-notablement leur démarche de eelle des femmes ap-
partenant aux races qui les entourent.
A limitation des Chinois qui emploient, comme on sait, l’épithète de sauvages ou d’é-
trangers à l'égard de tous les peuples, nous avons appelés sauvages ces indigènes à type
caucasique; mais ils ont atteint un certain degré de civilisation qui rend cette appellation
complétement inexacte.
L'énergie de ces robustes montagnards, qui n’habitent presque exclusivement que les
sommets des hautes montagnes, à une altitude comprise entre 2,200 et 3,500 mètres, les
a rendus très-redoutables pour les Chinois. Quoique formant un assez grand nombre de
tribus distinctes, avant peu de relations les unes avec les autres à cause de la difficulté
326 | NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
des communications d’un groupe de montagnes à l’autre, ils forment pourtant une famille
unique, composée de nombreux faisceaux plus ou moins ressemblants. En réunissant toutes
les tribus qui en font partie, on peut les considérer comme assez nombreux. On en trouve
à peu près sur toutes les hautes montagnes de l'Ouest et du Sud de la Chine, depuis le
Yun-nan jusqu'en Mongolie, où il en existe également (d'Omallius d'Halloy). C’est
sans doute à ces sauvages qu'il faut attribuer ce fait admis depuis longtemps par tous
les écrivains et tous les naturalistes, que les Chinois sont une race mélangée de sang blanc
Il
et de sang jaune *. Cette opinion devient une certitude après la constatation de l'existence
KR
NS
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At
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TYPES DE MAN-TSE (MONTAGNES DU YUN-NAN ET DU SE-TCHOUEN).
de cette race. Pour l’appuyer, nous dirons que dans le voisinage des montagnes qu'elle
habite, on constate sans peine que le type Chinois se modifie sensiblement et présente
quelques-uns des caractères de ces Lolos noirs.
Les tribus qui offrent le moins de mélange et qui ont gardé les traits les plus purs de la
race, habitent le Nord du Yun-nan, et le Sud-ouest du Se-tchouen, près de Houey-ly tcheou,
où se trouvent en même temps les montagnes les plus hautes et les plus inaccessibles que
nous avons vues. Partout ailleurs, leurs caractères nous ont paru plus ou moins mitigés.
1 Bonté, Bulletin de la Société d'anthropologie, t. VI, p. 46. 1865.
POPULATIONS MIXTES DU SUD DE LA CHINE. 397
Ces Lolos noirs à type indo-européen, sont-ils véritablement indigènes dans le sens
le plus absolu du mot? Sont-ils venus de l’Asie centrale, qu'on assigne comme ayant
été le berceau des races arvennes? Viennent-ils de lInde comme les Bohémiens
avec lesquels nous les avons comparés ? Il nous est complétement impossible de répondre
à ces questions. L'histoire chinoise et la philologie de ces peuples permettront peut-être
de les résoudre et de constater qu'ils sont d’origine arvenne *.
S D. Populations mixtes du Sud de la Chine.
En rappelant ee que nous avons dit précédemment sur le grand nombre de rameaux
se rattachant aux quatre races humaines qui existent dans le Sud de la Chine, on conçoit sans
peine que des croisements innombrables aient eu lieu entre ces diverses races, si rappro-
chées les unes des autres. Les mélanges ont dù être d'autant plus fréquents, qu'il
n'existe en Chine ni préjugés de caste comme dans l'Inde, ni noblesse comme dans
beaucoup d’autres pays. Nous devons ajouter qu'il n°y a pas non plus de répugnancee ou
d'antipathie de race bien prononcée. D'après cela, on conçoit facilement que si, en parcou-
rant le pays, on trouve dans certains points isolés les types purs, par contre, dans beaucoup
d’autres, surtout dans les villes, il est impossible de rapporter les individus qu'on rencontre
à aucune race distincte. La recherche des types est d'autant plus difficile, qu'outre les
variations individuelles qu'on constate chez tous les peuples, les variations des races au-
tochthones nous ont paru osciller dans des limites assez étendues, plus larges que chez
les populations d’origine mongolique pure. Est-ce le résultat de l'immense diversité des
climats du Sud de la Chine, ou bien de croisements nombreux avec les races voisines ?
C'est sans doute celte dernière cause. Au milieu de ces populations bigarrées, on ne saisit
les traits caractéristiques des types purs qu'en prenant ses points de comparaison
assez loin les uns des autres.
Malgré toutes ces causes tendant à embrouiller le type, 1l s’est néanmoins créé des
populations mixtes ou hybrides très-nombreuses, provenant de ces mélanges, et dont
les caractères sont suffisamment constants pour qu'on puisse les distinguer et même
les décrire. Tels sont les Zong-tchouen jen, où habitants de Tong-tchouen ; les Win-/ra,
de la plaine de Ta-ly ; les Che-pin jen qui habitent les environs du lac de Che-pin, et les
Pen-ti, sur chacun desquels nous allons dire quelques mots.
Les Tong-tchouen jen, quoique issus de Chinois et de sauvages, se distinguentassez
difficilement du Chinois pour un œil qui n’est pas exercé. Les quelques caractères qui
1 Plusieurs observations que nous avons pu faire sur leurs coutumes, laissent espérer que l’on trouverait
de nombreuses preuves à l'appui de cette opinion. Nous citerons entre autres : 1° la manière de tricoter qui
est totalement inconnue des Chinois, ou du moins qui n’est jamais pratiquée par eux, et que connaissent ces
sauvages ; 2° l'habitude de traire les femelles des bestiaux et en même temps de faire du fromage avec le lait,
que les Chinois ignorent complétement. Nous nous bornons à rapporter ces deux faits, mais il n’est pas
douteux qu’on ne puisse recueillir beaucoup d’observations établissant d’une façon indiscutable que les Lolos
noirs ont eu des relations avec d’autres peuples que les Chinois, probablement avec les populations de Finde.
328 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
les différencient du Chinois pur, sont : les pommettes moins saillantes et moins relevées,
le visage moins losangique et se rapprochant de lovale, les veux moins obliques et
moins bridés dans l'angle interne, un teint naturellement plus foncé, une taille moins
grande et une vigueur physique plus faible. Quant à leur eivilisation, elle est complé-
tement semblable et égale à celle des Chinois. En un mot, ils ont été complétement
assimilés par ces derniers.
£,
HOMME ET FEMME 1-KIA (MONTAGNES DU NORD DU YUN-NAN).
Malgré leur grande proportion de sang chinois, les Tong-tchouen jen ne possèdent
pas, comme ceux-ci, la faculté de vivre dans le fond des vallées chaudes. Ceux d’entre eux
qui vont travailler chez les Chinois dans le fond des vallées ne peuvent y résister. Ils
contractent dans ces régions chaudes les maladies des marais, s'y anémient et sont forcés
de remonter sur les plateaux élevés pour se guérir. Les sauvages à {ype caucasique sont
POPULATIONS MIXTES DU SUD DE LA CHINE. 329
encore plus sensibles à ce changement de climat; aussi la théorie de l’acclimatement de
l’homme sous tous les climats jouit-elle de très-peu de crédit parmi eux.
Les Min-kia de la plaine de Ta-ly et les Che-pin jen doivent être réunis comme ayant la
mème origine et les principaux traits communs. Ils ne sont cependant pas absolument
identiques, mais les uns et les autres résultent du croisement des Laotiens avec les sauva-
ges à type caucasique, additionné probablement d’un peu de sang de sauvages océaniens.
Ils forment incontestablement le groupe le plus intéressant et le plus nombreux parmi ces
populations croisées. Leur eivilisation est parfaitement distinete de celle des Chinois ; elle
& REA CHA RD: fc
TYPES DE MIN-KIA (ENVIRONS DE TA-LY).
est relativement très-avancée surtout chez les Min-kia, et présente de grandes analogies
avec celle des Laotiens. Les caractères distinctifs des Min-kia sont d’être trapus, vigou=
reux et très-bien proportionnés. Leurs membres, surtout les jambes, sont forts et les
mollets bien développés. Leur tronc est assez court, pourtant la taille commence à se des-
siner. Leur peau est ordinairement peu colorée ; presque toujours pourtant, elle offre une
légère teinte brune et paraît quelque peu enfumée. Leur tête est sphérique, le visage arron-
di ou légèrement ovale. Leurs traits sont réguliers, ramassés le plus souvent. Leur nez
est assez prononcé, mais épaté inférieurement et moins large à la racine que celui des Indo-
‘Chinois ; pourtant il est encore mousse à son extrémité. Leurs lèvres sont assez épaisses,
Il. 12
330 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
leurs yeux sont horizontaux, plus ouverts et moins bridés que ceux des Chinois. Leur barbe
est sensiblement plus abondante que chez les individus de race mongole; elle est frisée et
se montre loujours sur les côtés du visage. En résumé, l'impression qu’on éprouve à la
vue des Min-kia, c’est qu'ils présentent une grande ressemblance avee les Laotiens: el
certains {ypes caucasiques, et peu d’analogie avec les Chinois.
Les Pen-li sont formés comme les Min-kia du mélange des Laotiens avec les sauvages
à type caucasique, mais avec une grande prédominance de sang jaune ou laotien.
ILexiste encore beaucoup d’autres groupes de ces populations hybrides, répandues dans
tout le Sud de la Chine. Mais nous devions nous borner à signaler celles qui se sont trou-
MUSULMAN CHINOIS.
vées sur notre route et que nous avons pu observer par nous-même. Du reste, la plupart
des autres, quoique portant des noms différents, doivent très-probablement se rattacher
aux précédentes ou du moins s’en rapprocher tellement qu'il serait très-difficile de les
distinguer et par conséquent de les décrire.
A côté de ces populations hybrides, se placent les musulmans chinois dont nous dirons
quelques mots. Ces musulmans, d'origine Arabe, sont assez nombreux et constituent un
danger sérieux pour la Chine. Quoiqu'ils possèdent tous une très-forte proportion de
sang chinois, ils ont cependant conservé presque toutes les qualités guerrières de leurs
ancêtres et n'ont pas pris la poltronnerie proverbiale des Chinois. Quant à leurs caractères
physiques. si on en rencontre encore beaucoup montrant très-distinctement les prinei-
CHINOIS. 391
paux traits des Arabes, et même quelques-uns ayant encore le type arabe assez pur, la
plupart sont assez difficiles à distinguer des Chinois pour un œil qui n’est pas exercé. Ce
résultat n’est pas étonnant; car, quoiquene s’alliant qu'entre eux et ne mariant jamais leurs
filles qu'à des musulmans, ils prennent cependant aussi des Chinoises comme eoncubines.
Les modifications principales qui leur ont été imprimées par le sang chinois sont un teint
aussi jaune que celui des Chinois et des yeux presque aussi bridés dans l’angle interne.
Ces deux caractères sont donc complétement insuffisants pour les reconnaître. On ne peut
les distinguer ordinairement qu'à leur physionomie plus énergique, à leurs traits plus
accentués, à leur taille plus élevée et à leur vigueur physique plus grande. Assez souvent
pourtant, leur nez ressemble à celui des Arabes, il est aquilin ; presque toujours il est plus
mince et plus développé que le nez des Chinois. Dans ce cas, les pommettes sont moins
saillantes et le visage devient ovale, en vertu dé cette loi de balancement organique que
nous avons plusieurs fois énoncée, que plus le nez est saillant, moins les pommettes le
sont, et réciproquement. Le menton de ces musulmans est presque toujours proéminent
au lieu d’être fuyant comme dans la race mongolique. Leur barbe est quelquefois assez
développée, mais on peut dire que c’est un des caractères les plus fortement modifiés par
le sang jaune.
On voit que, bien qu'il y ait plusieurs sièeles que ces musulmans sont en Chine,
le moment de leur fusion complète avec la population chinoise est encore assez éloigné.
Leur religion est bien certainement le prineipal obstacle qui s'oppose à cette fusion ; sans
elle ils se seraient noyés depuis longtemps dans le sang chinois, sans le modifier d’une
facon appréciable, en raison de leur petit nombre relatif.
S 6. Chinois.
Nous terminerons ces notes anthropologiques en disant quelques mots du Chinois qui
est le prototype de la race jaune. Cette étrange race est loin d’être parfaitement identique
dans toutes les parties de la Chine. Déjà, sur le littoral, on constate des différences
suffisamment appréciables entre les Chinois du Sud et ceux du Nord. Ceux du Nord
ressemblent plus à leurs voisins les Mongols et les Mandchoux, que ceux du Sud, les-
quels, étant frès-éloignés de ces deux rameaux de la race jaune, n’ont pu par conséquent
acquérir, en se croisant avec eux, quelques-uns de leurs caractères. Les traits des Chinois
du Nord de la Chine sont généralement plus grossiers et leur faille est moins élevée que
celle des habitants de la province de Canton, qui ont les traits plus fins et qui sont aussi plus
robustes. Des différences beaucoup plus considérables existent entre les Chinois du lit-
toral et ceux de l’intérieur, particulièrement avec les populations des provinces éloi-
gnées, comme celles du Yun-nan et du Se-tchouen. On reconnait facilement que les
Chinois de ces deux provinces offrent une certaine ressemblance avec les sauvages abori-
gènes ; ils ont les yeux moins obliques et moins bridés, la face moins losangique; souvent
mème elle devient ovale, et alors les pommettes sont moins proéminentes. Leur teint est
plus foncé, leur nez est moins épaté, plus saillant et plus mince ; leur barbe est plus abon-
332 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
dante, souvent elle est frisée et contient fréquemment quelques poils roux, ce qui est ex-
trèmement rare chez les Chinois purs. Sans prendre même des points de comparaison
aussi éloignés, on trouve souvent dans la même province de notables différences entre les
populations chinoises voisines. A côté de populations rappelant les sauvages par le type
et d’autres caractères, on en trouve d’autres à la physionomie franchement chinoise. Les
premières sont ordinairement moins robustes que les secondes qui présentent parfois une
très-haute taille contrastant singulièrement avec celle de leurs voisins, comme nous
l'avons observé dans la ville de Lin-ngan. Parmi les variations qu'offrent les Chinois, nous
devons mentionner l'existence, surtout dans le Yun-nan, d'individus aux cheveux roussâtres.
UN CHARLATAN CHINOIS.
Ce fait, qui est très-rare même dans cette dernière province, ne se présente jamais dans
lIndo-Chine tant chez les rameaux de la race mongole que chez les sauvages. Les barbes
contenant des poils roux sont beaucoup moins rares et peuvent se rencontrer. Mais lors-
qu'on observe avec soin, ilest rare qu'on ne constate pas en même temps quelques modi-
fications dans les traits du visage qui éloignent les individus du type mongolique pur et
les rapprochent du type caucasique.
Quoique les varialions de types que présentent les Chinois soient assez grandes et assez
nombreuses, on ne saurait méconnailre néanmoins que la nation chinoise offre, rela-
livement aux nations européennes, une uniformité de type remarquable, surtout si
on considère l'immense étendue de l'empire chinois. Cette uniformité de type est due :
CHINOIS. 333
1° à sa position géographique à l'extrémité orientale de l'Asie, loin de tous les pays habités
par des races très-différentes, et dans une situation telle, qu'il est très-difficile d'y
arriver par terre, à cause des nombreuses et hautes montagnes qui forment une véritable
barrière sur toute sa frontière occidentale; 2 à son organisation politique el sociale,
laquelle est essentiellement égalitaire et démocratique, et n'offre aucune trace de caste
ou de noblesse s’opposant au mélange des divers groupes de la nation. En outre, tous
les rameaux de la race jaune présentent une plus grande fixité dans leurs principaux
caractères, et ils oscillent dans des limites bien moins étendues que les rameaux
européens. Et cependant, en admettant la théorie de l’influence des milieux, la Chine,
avec ses températures extrêmes, son climat si varié, ses immenses plaines à l’embou-
chure des fleuves et ses innombrables montagnes près de leurs sources, devrait offrir
parmi ses habitants des variétés beaucoup plus nombreuses qu'aucune autre région du
vlobe. |
Ajoutons enfin quelques mots sur le cosmopolilisme dont jouit cette race, cosmopolitisme
que nous avons déjà eu l’occasion de faire remarquer, mais sur lequel nous désirons revenir à
cause du haut intérêt qu'offre cette question si importante pour l'avenir de l'humanité.
Boudin, dans son 7raité de géographie médicale, et M. Bertillon dans son article si remar-
quable sur l’acclimatement (Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. 1), après
avoir démontré par des faits nombreux le non-acclimatement de la plupart des familles
européennes sous les tropiques, et même au delà du 55° degré de latitude environ, font
remarquer que, contrairement aux Européens, les Israélites et les Bohémiens peuvent
vivre et se multiplier sous tous les climats. Aux deux familles précédentes ces auteurs
auraient pu ajouter le Chinois, dont le cosmopolitisme n'est pas moins complet et est
beaucoup plus important au point de vue des progrès futurs de la civilisation dans les
régions tropicales.
Pour habiter la Chine, l’homme devait être essentiellement cosmopolite et jouir d'un
tempérament extrêmement flexible, capable de se plier aux variations les plus extrêmes
de température, d'humidité et d'altitude. Ces variations atteignent des limites beaucoup
plus étendues en Chine que dans aucun autre pays du monde. L'été est souvent plus
chaud à Pékin, — qui est pourtant situé dans le Nord de la Chine, — qu’en Égypte, et le
thermomètre y dépasse quelquefois 49° centigrades. L'hiver au contraire, on y observe des
froids de 29° au-dessous de zéro. De ces différences extrêmes, il résulte pour le Chinois
l'obligation de se couvrir de fourrures tout l'hiver, et l’été de vivre presque nu comme la
plupart des habitants des pays chauds.
En parcourant la province du Yun-nan, qui, en raison de ses nombreuses mon-
tagnes et de ses profondes vallées, présente tous les climats, de très-chauds comme de
très-froids, de très-secs comme de très-humides, des altitudes très-basses et d’autres
dépassant 3,500 mètres, nous avons pu voir plus facilement que partout ailleurs, combien
cette aptitude des Chinois à vivre partout était réelle. Nous les avons rencontrés dans toutes
ces conditions climatériques, également vigoureux et aussi riches en enfants. Ils sont
cependant moins nombreux au sommet des montagnes et dans les zones froides, mais
334 NOTES ANTHROPOLOGIQUES.
c’est beaucoup moins à cause du froid qu'en raison de Pimpossibilité d'y cultiver le riz :
un Chinois sans riz est comme un Européen sans pain.
A l'appui de ces observations recueillies en Chine, et démontrant le cosmopolitisme
du Chinois, nous citerons, comme ayant encore bien plus de valeur, ce qu'on observe dans
tous les pays où les Chinois sont emmenés comme coolies et dans ceux où ils vont pour
trafiquer. Nous avons pu les voir en Cochinchine, pays excessivement chaud, y vivre et y
travailler comme chez eux, s'y mulliplier comme en Chine, soit en s’unissant à des
femmes annamites pour lesquelles ils n’ont aucune répugnance !, soit, dans quelques
cas exceplionnels, avec des femmes qu'ils amènent de Chine. À Batavia, à Manille, à
Singapour et dans beaucoup d’autres colonies européennes, situées sous les tropiques,
des observations analogues ont été faites. Dans tous ces lieux ils supportent la chaleur
aussi facilement que les indigènes. Par contre, ils supportent facilement les climats de la
Californie et du Sud de FAustralie, qui sont tempérés et même assez froids en hiver.
Si l'organisme du Chinois est essentiellement flexible, ses habitudes, ses mœurs, ses
passions, ses gouts, tout ce qui dépend enfin de son organisation cérébrale et de son
éducation, ne subit, partout où il va, que des modifications insignifiantes. Singulier an-
tagonisme entre le corps et l'intelligence ! N’est-il pas curieux de voir la nation la plus
fixe dans sa civilisation montrer autant de souplesse dans son organisme !
C'est à ce cosmopolitisme des Chinois, bien plus qu’à leurs vertus militaires, qu'a élé
due l’immense expansion de leur race. Cette faculté a dù agir d'autant plus puissamment
que les régions qu'ils ont envahies étaient habitées par des peuples qui en étaient
plus dépourvus.
Malgré toutes les difficultés, ils s’avancent chaque jour vers le Sud, particulièrement
dans le Yun-nan, vers les frontières du Laos. La malaria, qui est si meurtrière dans ces
régions, les frappe, il est vrai, presque aussi cruellement que les Européens, et il n'est
pas douteux qu'ils n’eussent déjà peuplé le Laos sans elle. La végétation de ees régions,
grace à l'abondance des pluies et à la richesse du sol, est d’une puissance colossale; il faut
longtemps pour s’en rendre maitre, pour défricher et assainir les terres, pour substituer
les émanations des rizières permanentes auxquelles les Chinois résistent facilement, à celles
des marécages et des forêts. Il n’est certes pas trop hardi de prédire, d’après tout ce que
nous avons vu, qu'ils arriveront à coloniser cette partie de l’Indo-Chine puisqu'ils ont
éprouvé toutes ces difficultés pour les parties basses du Sud du Yun-nan dont ils sont en
pleine possession maintenant.
! Ces métis de Chinois et de femmes annamites, qui forment une corporation particulière appelée Minh-
huong, sont remarquables par leur vigueur sensiblement plus grande que celle des Annamites et presque égale
à celle des Chinois. Les caractères de leur visage nous ont paru participer également des deux rameaux. Comme
ils s’allient ordinairement ensuite avec des femmes annamites de type pur, vers la troisième ou quatrième
génération le type annamite prédomine à peu près complétement. Rien ne prouve que ces métis deviennent
stériles, ni que cette influence de sang chinois ait le moindre inconvénient pour ceux qui la possèdent. Le
contraire nous à paru probable, et les Annamites paraissent bénéficier, sous tous les rapports, de l’addition de
sang chinois.
AGRICULTURE ET HORTICULTURE
DE L'INDO-CHINE
Par M.1Ee Docreur C. THOREL.
CHEVALIER DE La LÉGION D'IIONNEUR.
INTRODUCTION
Nous nous proposons dans ee travail de faire connaitre l’état de l’agriculture etde l'hor-
ticulture des différentes parties de la vallée du Mékong, ainsi que tout ce qui est relatif aux
diverses plantes utiles qu’on y rencontre et qui sont en très-grand nombre, en raison de
l'extrême variété des climats de l’Indo-Chine. Comme c’est en vue de l'avenir de notre
nouvelle colonie que notre voyage a été fait, nous décrirons, non-seulement les cultures
des indigènes au moment de notre passage, mais aussi toutes celles, si nombreuses, qu'il
serait possible d'étendre ou de faire dans l’avenir, et qui sont appelées, comme dans d’au-
tres colonies européennes, à changer la face du pays. C’est surtout sous ce dernier rap-
port que les notes suivantes auront une certaine importance, l’état actuel de l’agriculture
en Indo-Chine étant, sauf sur quelques points de la Basse-Cochinchine, de peu d'intérêt.
Après donc avoir établi le bilan de ce qui existe, nous montrerons tout ce qu'il y aura à
faire le jour où l'influence commerciale, industrielle et scientifique des Européens s'é-
tendra sur cet immense et riche bassin du Mékong. Il ne faut pas s'attendre, ainsi que
nous venons de le dire, à trouver chez les indigènes uu grand nombre de procédés agri-
coles dignes d’être imités en Europe; au contraire, tous ces peuples, y compris même
les Chinois, qui ont cependant des pratiques agricoles très-remarquables, ont beaucoup
plus à profiter de la connaissance de nos méthodes, que nous des leurs. Ce fait, un peu
en contradiction avec l’opinion répandue en Europe, en ce qui concerne les Chinois,
s'explique facilement. Pour que les procédés agricoles se perfectionnent dans un pays, il
faut que les habitants y soient suffisamment agglomérés, afin que, poussés par le besoin,
ils s’efforcent de faire produire au sol une plus grande quantité de produits alimentaires.
On conçoit done que, dans les régions où la plupart des terres sont encore couvertes de
forêts, comme dans le Cambodge et le Laos, où un cinquantième seulement des terres
eultivables est habité, les procédés de culture soient très-défectueux. Malgré la fertilité
de ces terres, et surtout malgré les avantages du climat qui rend la bonne qualité du sol
IL. 43
338 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
bien moins importante que dans les régions froides, et qui permet toutes les cultures dans
les terres les plus maigres, les habitants n'arrivent que difficilement à vivre. Dans le
sud de l’Indo-Chine surtout, tout est à perfectionner, et l'influence européenne, ou seule-
ment celle des Annamites et des Chinois, aura les plus heureuses conséquences. Cette in-
fluence étrangère devranon-seulement s'exercer sur les procédés de culture des indigènes,
mais aussi sur leur organisation sociale et territoriale, qui est pour beaucoup dans l’état
défectueux de l’agriculture. Le défaut d'organisation du sol sur des bases solides, facili-
tant la vente des terres, et assurant la transmissibilité au fils des champs améliorés par
le travail du père est, à notre avis, la grande cause de linfériorité agricole de ces
peuples. Pourquoi le père se donnerait-il beaucoup de peine pour défricher, planter
et cultiver son héritage, si le caprice ou le bon plaisir des gouvernements peut l'en dé-
posséder en un moment? Ce fait est la plus éclatante condamnation des doctrines commu
nistes ; et si les classes élevées, au lieu de condamner sans examen les théories sociales
des classes inférieures, comme cela se passe malheureusement en Europe, voulaient
parfois jeter un regard au delà de nos frontières et analyser à la façon des naturalistes des
faits aussi concluants que celui-ci, elles y trouveraient souvent des arguments qui porte-
raient la lumière dans leurs propres esprits et dans celui des prolétaires que lon cherche
à égarer. Les pauvres verraient que la terre doit être possédée individuellement pour pro-
duire beaucoup, et les riches, qu'elle doit l'être par celui qui la cultive pour être l’objet
d'une amélioration sérieuse, constante, augmentant progressivement sa production. Un
autre fait n’est pas moins concluant pour justifier la possession des terres non cultivées,
et en particulier des bois et des forêts, qui ont essentiellement besoin d’être protégés
contre l'instinet destructeur de l’homme. Cet instinct a amené, dans les parties mon-
tagneuses de la Chine, un déboisement des plus inquiétants pour l'avenir. Dans d'im-
menses régions du Se-tchouen et du Yun-nan, il alteint des proportions telles que
les habitants en sont réduits à faire cuire leurs aliments avec de l'herbe ou avee de la bouse
de vache séchée. Le bois manque pour la construction des maisons ou la fabrication des
instruments aratoires les plus indispensables. Ce ne sont pas là les seuls inconvénients du
déboisement. Au moment des pluies, de grandes inondations viennent empècher la cul-
ture de: vallées entières, et à l’époque des sécheresses, l’asséchement de torrents qui
autrefois avaient toujours de l’eau, compromet gravement l'irrigation des rizières. Le
déboisement est donc une grande cause de misère pour la population et s'oppose très-
sérieusement à son accroissement. Le chiffre des habitants de ces régions parait avoir
atteint son maximum, et cependant, si le sommet des montagnes était reboisé, le pays
pourrail facilement en nourrir quatre ou cinq fois plus, en permettant d’irriguer sur le
flanc de ces montagnes de grandes surfaces de terres actuellement arides et sèches.
En résumé, si la terre doit être possédée par celui qui la cultive pour produire beau-
coup, les forêts et les bois doivent l'être bien plus encore, car leur non-possession amène
des inconvénients plus graves que pour la terre, puisqu'ils ne peuvent disparaitre
qu'après le reboisement, qui présente toujours beaucoup de difficultés et exige un
temps très-long.
INTRODUCTION. 399
Si, comme nous l'avons fait remarquer précédemment, nous avons peu à emprunter
aux pratiques agricoles des Indo-Chinois, nous aurions au contraire beaucoup à profiter
de l'introduction de plusieurs plantes utiles qu'ils cultivent ou qui croissent spontanément
chez eux. Quelques-unes pourront être introduites en Europe, mais la plupart devraient
être multipliées dans le pays même, ou dans les colonies jouissant d’un climat ana-
logue à celui de ces contrées. Comme nous aurons occasion, à propos de chacune
d'elles, d'y revenir dans la suite, nous nous dispenserons de les indiquer en ce
moment. |
IL eût été sans doute très-désirable de placer, à côté des noms scientifiques, les
noms indigènes de toutes les plantes dont nous aurons à parler; malheureusement ce
travail est d’une extrême difficulté en voyage : il faudrait pour cela pouvoir trouver dans
chaque pays des indigènes connaissant toutes les plantes, ce qui est très-rare en Indo-
Chine, en raison de la grande richesse de la flore. D'autre part, l'orthographe de toutes
ces langues est loin d’être fixée, et la plupart des auteurs sont encore en désaccord entre
eux. La chose serait encore assez facile dans la langue cambodgienne, dont la phonation
est sensiblement analogue à celle des langues européennes, mais elle serait d’une très-
grande difficulté pour les langues annamite et chinoise, qui ont une prononciation si dif-
ficile à saisir. Nous n’indiquerons donc que très-peu de noms indigènes, dans la crainte
d'augmenter la confusion qui règne déjà pour quelques-uns, surtout en Cochinchine.
Nous laisserons à d’autres, avant plus de temps, et mieux doués que nous pour
les langues, cette tâche difficile. D'ailleurs, avec le temps, l'orthographe de ces langues
se fixera, se simplifiera peut-être, el cette lacune sera plus facilement comblée.
Malgré toute l’étendue que nous donnerons à ce travail, nous devons cependant faire
remarquer qu'il sera irès-incomplet et très-imparfait. Il s’y trouvera de nombreuses lacu-
nes, et tout au plus pourra-t-il servir de point de départ à des études plus complètes, ou
plutôt de cadre dans lequel viendra se placer chacun des faits revus et étudiés isolément
plus tard. Si, pendant notre séjour de sept années en Indo-Chine, nous avons pu observer
beaucoup de faits, nous sommes cependant loin d’avoir pu étudier tout ce qui intéressait
notre sujet. Bien des régions restent encore à explorer, et dans toutes celles que nous avons
traversées, nous avons rarement séjourné assez longtemps pour bien observer. Néanmoins,
en raison de la grande ressemblance et de l’extrème uniformité de toutes ces régions, nos
observations restent suffisamment exactes et applicables à la presque totalité du pays. Si
sous ces climats l’'Européen pouvait impunément prolonger son séjour, sans doute nous
tenterions plus tard d’alier nous-même achever ce travail ; mais, outre que notre voyage a
laissé notre santé dans un état tel, qu'il faut nous résigner à ne plus quitter l'Europe, bien
des difficultés viennent contrarier ce genre de recherches, qui exige une liberté d'action
difficile à obtenir et des ressources pécumaires assez considérables.
Nous laisserons done à d’autres le soin de compléter et de reviser notre travail.
Tout défectueux qu'il est, il rendra, croyons-nous, quelques services à ceux qui iront dans
ces contrées si intéressantes et si pleines d'avenir.
Disons maintenant, en terminant cette introduction, quelques mots du plan que nous
IL. | 43*
340 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
avons adoplé, et qui se trouvait à peu près tout tracé d'avance par la mission que nous
avions de rendre compte de tout ce qui peut intéresser notre nouvelle colonie. Dans un pre-
nier chapitre, nous parlerons de la configuration du sol, de la climatologie agricole, du
labourage, des instruments d'agriculture, des animaux domestiques, des fourrages, des
paturages, des engrais, de l’organisation de la propriété, que nous ferons suivre d’un coup
d'œil comparatif sur l’état de l’agriculture des différentes parties de lIndo-Chine.
Dans un deuxième chapitre intitulé Agriculture, précédé nécessairement de quelques
considérations générales, nous parlerons de chaque genre de culture, et tout d’abord de
la culture des céréales, dont le nombre est si grand dans le bassin du Mékong. Dans
ce même chapitre, nous traiterons de toutes les cultures industrielles, se subdivisant en
cultures des plantes textiles, des plantes oléagineuses, des plantes tinctoriales, des plantes
saccharifères, des plantes féculentes, et enfin des plantes coloniales, dont l’importance
deviendra si grande dans l'avenir. Quelques-unes des plantes dont nous aurons à parler
ne sont pas cultivées, et croissent spontanément dans les forêts ; néanmoins nous les
mentionnerons à la suite des plantes cultivées fournissant des produits du même genre.
Dans un troisième chapitre, nous nous occuperons de l’horticulture, qui comprend
la culture des arbres fruitiers, des fruits et des légumes. En Chine surtout, la culture des
légumes esl très-avancée, et nos horticulteurs auraient à imiter quelques-uns des pro-
cédés qui y sont employés ; mais il est loin d’en être ainsi pour la culture des arbres et
des fruits, qui est partout défectueuse. Cette différence s'explique aisément ; lous ces
peuples, vivant presque sans luxe, sont bien plus préoccupés de tirer du sol les aliments
indispensables à leur existence, que les fruits qui ne sont souvent que des aliments
superflus. Sauf quelques-uns qui sont originairement exquis, la plupart ont besoin d’être
longuement améliorés pour devenir bons, et exigent une culture très-soignée; ils ne se
trouvent nécessairement pas dans ces pays où les habitants aiment peu la fable et appré-
cient peu les bons fruits, qu’ils mangent du reste presque toujours verts. Si la qualité des
fruits est en général médiocre, en revanche leur nombre est considérable. La variété
des climats de l’Indo-Chine est telle que tous les fruits du globe pourraient y croître. I
n'est pas douteux pour nous que, dans un avenir prochain, tous ne s’y trouvent réunis,
lorsque ces pays seront amenés à avoir des relations commerciales plus complètes avec
les peuples de l’Europe. L'introduction de quelques-uns et l'extension donnée à d’au-
tres pourront même changer la face du pays, en fournissant des aliments d’une autre
nature et en plus grande abondance. En parlant de chacun d’eux, nous ne manquerons
pas d'indiquer ceux qui sont appelés à opérer cet immense résultat.
Dans un quatrième chapitre, nous énumérerons les plantes des forêts, dont quelques-
unes, comme le teck, l’ébène, ete., ontune si grande importance. Les essences forestières,
dont le nombre dépasse quatre cents, occuperont une très-grande place, car si, présen-
tement, très-peu encore ont été exportées, nous pouvons espérer qu'il n'en sera pas
toujours ainsi, et que bientôt on saura utiliser les richesses forestières que renferme
l’Indo-Chine. En les faisant connaître, nous espérons hâter ce moment, que nous vou-
drions voir très-proche pour l'avenir de notre nouvelle colonie. Le jour où ces essences
INTRODUCTION. 341
seront utilisées, les gouvernements s’opposeront à la dévastation des forêts, que pratiquent
les indigènes avec tant d'acharnement et qu'il serait bientôt temps d'arrêter si on ne veut
voir ces richesses sérieusement compromises pour longtemps.
A ce travail, afin de rendre plus intelligible ce que nous aurons dit, nous joindrons une
carte de l’Indo-Chine. Cette carte, que nous devons à l’obligeance de notre compagnon de
voyage, M. Francis Garnier, donnera une idée suffisamment exacte de la configuration du
sol et permettra d'embrasser d’un seul coup d'œil Pimmensité des plaines alluvionnaires
de l'embouchure du Mékong, et le nombre considérable et indéfini des montagnes qui se
trouvent au-dessus. Elle indiquera en même temps que la division géographique du pays,
la zone de végétation des principales plantes cultivées et spontanées. On y trouvera éga-
lement les points remarquables où eroissent plusieurs plantes rares, comme la cannelle.
l'arbre à benjoin, le teck, l’anis étoilé, le thé, ete. Une ligne ponctuée montrera approxi-
mativement la limite sud des plantes des régions tempérées, qui est à la fois la limite nord
de la plupart des plantes des tropiques. Cette ligne coïncide assez exactement avec la
ligne frontière séparant le Laos et le Tong-king de la Chine; elle traverse la zone où
se trouvent en ce moment entremélées les populations appartenant à ces différents pays.
Dans l'avenir, on peut assurer que cette zone ferlile sera une des plus riches de l’Indo-
Chine et qu'elle finira, comme tous les pays de l’Inde jouissant d’un climat analogue,
par être très-peuplée et par produire beaucoup. C’est sur ceile zone que devront surtout
s'étendre les cultures du thé, du café, de la canne, et celle des quinquinas, si on la tente
comme on l’a fail à Java et dans l'Inde. Elle se prête merveilleusement, par l’extrème
variété des climats: l'abondance des pluies et la richesse du sol, à tous les genres de
culture.
C. THOREL.
AGRICULTURE ET HORTICULTURE
DE L'INDO-CHINE
PAR
M. LE D, THOREL
CONFIGURATION ET NATURE DU SOL CULTIVABLE DES DIFFÉRENTES CONTRÉES DE L'INDO-CHINE. —
CLIMATOLOGIE. — INSTRUMENTS AGRICOLES. — BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. — FOUR-
RAGES, PATURAGES, ENGRAIS.
S 1. — Configuration et nature du sol cultivable de l’Indo-Chine.
Pour l’étude complète de la géologie, nous renvoyons au travail de notre compagnon
le docteur Joubert. On y trouvera les renseignements géologiques, qui servent ordinai-
rement de base ou de prélude à une étude générale sur la culture et la végétation d’un
pays. Quant à nous, nous nous bornerons ici à envisager les différents sols cultivables de
l'Indo-Chine à un point de vue moins élevé, mais plus pratique, et qui est nécessaire pour
se rendre compte des cultures qui y sont faites, et de celles que l’on pourra y faire dans
avenir. Nous considérerons seulement la couche superficielle du sol, ainsi que le sous-
sol, qui sont les seules parties de la terre préoccupant ordinairement le cultivateur.
quoique la couche profonde ait parfois une sérieuse importance.
Il est naturel, lorsqu'on veut étudier le sol cultivable d’un pays, de le comparer à
celui des contrées où on a été élevé. C’est ainsi que nous avons voulu procéder à l'égard
de la vallée du Mékong, mais nous n'avons pas tardé à constater que non-seulement
la topographie, mais encore la nature du sol de l’Indo-Chine étaient très-différentes de
ce qui existe en France. Dans cette région asiatique tout est taillé dans des propor-
tions gigantesques, qui empêchent toute comparaison avec nos pays, où tout est
réduit à l’état de miniature. Les fleuves et les rivières y ont des largeurs colossales,
les plaines y sont immenses ou d’une petitesse excessive, les deltas des fleuves et
344 AGRICULTURE ET HORTICULTURE
des rivières y sont considérables. Les montagnes ne dépassent pas en dimension, il est vrai,
celles qui se trouvent en Europe: mais leur nombre y est si grand que les trois quarts
de la surface du nord de lIndo-Chine ne sont constitués que par des montagnes, sé-
parées à peine les unes des autres par d’étroits ruisseaux formant à chaque pas des
rapides et des chutes. Au milieu de ces régions montagneuses, se trouvent à peine quinze
ou vingt plaines larges de quelques lieues seulement, formant sur une carte de géogra-
phie des points insignifiants et au centre desquelles se trouve souvent un petit lac.
Le sol du bassin du Mékong se divise done en deux parties : la première, placée à
l'embouchure des fleuves, est composée d'immenses plaines alluvionnaires, au milieu
desquelles apparaissent çà et 1à quelques montagnes isolées ou groupées sans ordre; la
seconde est composée uniquement de montagnes de grès, de granite, de marbres dolomi-
tiques ou de schistes, dont les débris entraînés par les eaux ont formé toutes les plaines
alluvionnaires de l'embouchure. Dans le voisinage des alluvions, se trouvent bien quel-
ques monticules; mais ils sont en nombre très-restreint. Telle est en quelques mots la
configuration de lIndo-Chine. Quant à la couche cultivable dont nous devons spécialement
nous occuper, elle se décompose en quatre portions bien distinctes :
1° Les terres alluvionnaires, qui se composent d'argile et de sable en proportions dif-
férentes, dans lesquelles on trouve quelques particules de carbonate de chaux et de ma-
gnésie, débris du marbre dolomitique ;
2 Les monticules, qui sont principalement sablonneux et qui renferment toujours de
l'argile en plus ou moins grande quantité ;
3° Les terres des montagnes ou terres rocheuses, formées presque en entier de blocs
de granite, de grès, de marbres ou de schistes entre lesquels se trouve souvent trop peu de
terre pour permettre aux cullivateurs d’en tirer parti;
4° Les terres argileuses, que l’on rencontre surtout au sommet des collines ou sur le
flanc des montagnes servant de ligne de partage des eaux. Comme étendue, ces dernières
terres viennent après les terres alluvionnaires; comme richesse, elles sont les premières.
C'est sur ces terres rouges que croissent les forêts les plus puissantes et sur elles
s’établissent exclusivement les tribus sauvages, depuis la Basse-Cochinchine jusqu'au
centre de la Chine. Par leur fertilité, elles sont appelées dans l'avenir à jouer un grand
rôle, le jour où les cultures coloniales, excitées par l'influence des Européens, se feront en
Indo-Chine.
A la suite de ces quatre espèces de terres, constituant le sol cultivable de tous
les pays, nous ne devons pas passer sous silence une cinquième espèce particu-
lière aux pays chauds, et qui présente en Indo-Chine une énorme importance, résul-
tant de son étendue et de son excessive fertilité. Nous voulons parler des berges des
fleuves et des rivières, lorsqu'elles se trouvent découvertes par suite de l’abaissement des
eaux. En raison du grand nombre des fleuves et des rivières du bassin du Mékong et de
l'énorme abaissement des eaux qui dépasse souvent dix-huit mètres dans certaines parties,
leur surface est considérable et permet pendant les six mois qu’elles sont découvertes d'y
faire de nombreuses cultures maraïchères. C'est même presque exclusivement sur elles
CONFIGURATION ET NATURE DU SOL. 345
que les Cambodgiens et les Laotiens surtout récoltent le tabac et la plupart de leurs
légumes. La nature de la vase qui les couvre est presque en entier argileuse, et possède
une si grande fertilité qu'il est inutile d'employer des engrais, même pour la culture du
tabac.
D'après ce qui précède, on voit qu'il n'existe nulle part de terres crayeuses, ou caillou-
teuses, si nombreuses en Europe. L'absence de pierres de petite grosseur est même si
grande, qu'on peut parcourir des centaines de lieues sans en trouver une seule, si ce n’est
parfois quelques rares morceaux de grès ou de granite arrachés aux montagnes, ou quel-
ques petits galets de même nature dans le lit des fleuves. On ne trouve done ni silex, ni
calcaire, et les cultivateurs, dans les régions d’alluvions, n’éprouvent aucune difficulté
pour le labourage. La couleur même des terres offre de notables différences avec celle
des terres d'Europe; les terres noires v sont rares, presque jamais on ne trouve de
terre de bruyère, et‘dans quelques points seulement de la région des alluvions, on
trouve de petites valiées, ayant un sol noir rappelant le sol tourbeux de nos ma-
rais. En Chine seulement, sur les montagnes élevées jouissant d’une température
froide et couvertes de rhododendrons, on trouve une couche de terre noire assez
ressemblante à la terre de bruyère. Dans la même région, on rencontre dans le fond
des vallées placées à une altitude suffisamment élevée pour jouir d’un climat froid,
des couches tourbeuses, assez épaisses pour être exploitées comme combustible. I semble
donc que la couleur noire des terres résulte de l’incomplète décomposition des végétaux, el
qu'elle ne peut se produire qu'exceptionnellement dans le sud, où la désorganisation des
plantes se fait avec une trop grande puissance par suite de l'élévation de la température.
Sous ce climat, la décomposition imparfaile des végétaux amenant la coloration noire de la
terre, ne peut se produire à l'air libre et ne se voit que dans des terrains humides et sub-
mergés, c'est-à-dire à l'abri du contact de l'air.
Pour nous résumer, nous dirons que dans le sol arable de lIndo-Chine existent deux
éléments principaux, l'argile et le sable. On trouve bien du carbonate de chaux et de ma-
gnésie provenant de la décomposition des montagnes de marbre dolomitique du nord de
l’Indo-Chine; mais ces deux substances, en raison de la grande dureté et de l'homogénéité
de ces montagnes, sont toujours en très-petite quantité et en particules très-ténues.
Nous devons mentionner à la suite de ces éléments constitutifs du sol cultivable
de l’Indo-Chine, le fer qui donne la coloration rouge aux terres, et qui se trouve parfois en
si grande abondance dans les argiles, qu’il forme des pierres poreuses souvent assez riches
pour permettre lexploitation de ce métal.
Le sous-sol, contrairement à ce qui se passe en Europe, ne doit en Indo-Chine que
médiocrement préoccuper le cultivateur. Dans ce pays, les cultures en terres sèches
étant (rès-rares et celles en terres irriguées très-communes, il en résulle que la non-per-
méabilité du sol, loin d’être un inconvénient qui oblige, comme en Europe, à drainer ou à
canaliser, devient un avantage, en retenant les eaux nécessaires à la croissance du riz qui
conslütue la culture dominante. Même dans les contrées où se pratiquent les cultures sè-
ches, comme en Europe, l’imperméabilité du sous-sol n’est point défavorable à la eul-
IT. 5 44
346 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
ture. Ce résullat, en contradiction avee ce qui se passe dans nos pays, s'explique en ce
que les cultures sèches ne se font que dans la saison où il ne tombe aucune pluie, de telle
sorte que les racines des plantes ne risquent jamais de se pourrir par l'excès d'humidité du
sous-sol provenant de l'accumulation de l’eau. Ce n’est que sur quelques points très-rares
de l’Indo-Chine, où les pluies tombent comme en Europe presque toute l’année, que le
sous-sol présente les mêmes inconvénients que sous nos climats et pourrait donner lieu à
des travaux de drainage et de canalisation.
Si maintenant nous essayons d'apprécier la richesse agricole relative des différentes
D?
que l’on s'éloigne de l'embouchure des fleuves. En première ligne, se place donc la
portions du bassin du Mékong, nous trouvons que la fertilité des terres diminue à mesure
Basse-Cochinchine avec ses immenses marais et ses alluvions modernes en voie d’acerois-
sement quotidien. En seconde ligne, vient le Cambodge, qui possède beaucoup de terres
alluvionnaires ; mais elles sont moins riches, parce qu'elles sont plus anciennes et
plus élevées au-dessus du niveau de l’eau des fleuves et des rivières. En troisième ligne,
vient le Laos inférieur, lequel, quoique offrant entore beaucoup de plaines alluvionnaires
élevées, présente déjà beaucoup plus de monticules et de montagnes que les pays précé-
dents.
Le Laos supérieur et la Chine méridionale, formés presque en entier de montagnes,
viennent en dernier lieu comme richesse. Ce n'est pas qu’on ne trouve dans ces deux der-
niers pays des parties très-riches, mais elles sont toujours d’une très-faible étendue et
n'occupent que d’étroits espaces entre les montagnes ou le long des fleuves.
IL nous resterait bien des renseignements à donner sur la distribution, la composition
el la valeur de loutes ces terres; mais, comme nous aurons occasion d'y revenir et que
nous devrons même entrer dans de grands détails à propos des principales cultures,
nous ne nous étendrons pas davantage en ce moment sur ce sujet intéressant.
S 2. — Climato/oyie agürcole de l'Indo-Chine.
Pour l'étude complète de la climatologie de l’Indo-Chine, nous renvoyons au travail
qui a élé fait sur ce sujet par notre compagnon, M. Francis Garnier. On y trouvera des
renseignements météorologiques très-nombreux sur les différentes portions du bassin du
Mékong. Quant à nous, nous allons seulement essayer d'indiquer en quelques mots les
principales particularités de ces climats, intéressant spécialement-le cultivateur et le
botaniste.
Les saisons de PIndo-Chine, au lieu de se diviser en quatre comme en Europe, se di-
visent en deux seulement : la saison des pluies et la saison sèche. La saison sèche corres-
pond à notre hiver, et la saison humide à notre été. Ces deux saisons durent à peu près
un temps égal; pourtant la saison sèche a une durée un peu plus longue, et dépasse sou-
vent sept mois; elle commence en octobre et finit en avril. Pendant les sept mois de sé-
cheresse, 1l tombe à peine cinq ou six pluies; aussi est-il impossible, sans arrosage ou
sans irrigation, de faire croître aucune plante. A la fin surtout de cette saison, la terre est
CLIMATOLOGIE AGRICOLE DE L'INDO-CHINE. 347
desséchée à une très-grande profondeur; sa surface se fendille, se crevasse, et il est pres-
que impossible de la labourer, excepté dans les portions où elle est très-sablonneuse. II
n'y à que les terres couvertes de forêts qui résistent à cette chaleur torride et conser-
vent assez d'humidité pour permettre à quelques plantes herbacées de continuer à végéter.
Cette sécheresse est si grande, qu'elle arrête la végétation, comme le fait le froid
dans les régions tempérées. Les arbres et quelques grands arbustes ayant des ra
eines profondes résistent seuls à cette dessiecation du sol et continuent à fleurir. C’est pen-
dant la saison sèche que le thermomètre descend le plus bas ; le matin, vers 4 heures,
il s’abaisse assez souvent jusqu'à 20 degrés au-dessus de zéro en Cochinchine, et
au Laos inférieur jusqu'à 11 degrés. Dans le Laos supérieur et la Chine méridionale,
il descend plus bas encore et se rapproche assez souvent de zéro pour qu'il soit pos-
sible de donner le nom d'hiver à cette saison. Cet abaissement de température de la sai-
son sèche, naturellement d'autant plus prononcé qu’on s’avance davantage vers le Nord,
rend possible la culture des plantes des régions tem pérées dans les endroits où les arrosages
et l'irrigation sont faciles. En Cochinchine, quoique cet abaissement du thermomètre soil
très-faible, il suffit cependant pour permettre la culture de plusieurs de nos légumes.
Dans le Laos supérieur et la Chine méridionale, 1l devient assez grand pour rendre pra-
ticable la culture de toutes les plantes des pays froids, y compris les céréales. Il en résulte
même que ces pays possèdent deux saisons agricoles : la chaude pour les plantes tropi-
cales, et la froide pour lès végétaux des pays froids. Ces dernières contrées sont done les
portions les plus favorisés du bassin du Mékong, non-seulement par la variété, mais encore
par la quantité des produits qu'on y peut obtenir, puisqu'on a chaque année deux récoltes
dans le même champ. Toutes les cultures de la saison sèche ou froide ne peuvent se faire
dans cette région privilégiée, sans arrosage ni irrigation, que sur la berge des fleuves et
des rivières, dans la vase qui reste toujours humide par suite du suintement des terres
environnantes. Dans tous les autres lieux, ces cultures ne se font que dans les endroits
assez bas pour qu'on puisse facilement y creuser des puits et y installer des systèmes élé-
vatoires de l’eau, ou dans les régions montagneuses possédant de nombreux torrents, qui
se prêtent si merveilleusement à l’installation de canaux d'irrigation. Dans quelques rares
régions, ces cultures acquièrent une importance très-grande, égalant parfois celle des
cultures de la saison humide. Ces localités sont rares sans doute et d’une petite éten-
due, relativement à l’immense surface du pays; mais il n’est pas douteux que dans l’ave-
nir elles ne se multiplient beaucoup.
Bien des régions incultes, même dans le sud, se préteraient admirablement
à l'installation économique de bassins surélevés au pied des montagnes et au
creusement de canaux d'irrigation allant distribuer l’eau dans les plaines environ-
nantes. C’est à coup sûr la question qui doit dès à présent préoccuper les gouver-
nements de ces pays, et notre plus grand désir est d'attirer dès à présent leur attention sur
des travaux appelés à transformer d'immenses plaines stériles en champs fertiles et pro-
ductifs. On ne doit pas oublier que lorsque l'irrigation des terres est facile sous ces cli-
mats, les récoltes présentent cet important avantage d’être constamment abondantes ;
318 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
elles n’offrent pas ces différences, souvent considérables, qu'on observe d’une année à
l’autre dans les terres arrosées seulement par les pluies du ciel. Les cultures irriguées
sont les cultures vraiment industrielles; ce sont celles de l’avenir et des populations in-
dustrieuses. On les trouve donc surtout en Chine. Espérons que bientôt les Annamites,
qui en pratiquent déjà quelques-unes, les multiplieront davantage. Dans le voisinage
de plusieurs de leurs montagnes, où se trouvent des torrents qui conservent de l’eau jus-
qu'à la fin des sécheresses, il serait très-facile d'installer des bassins assez grands et assez
élevés, comme d’ailleurs cela se pratique dans le Laos supérieur, pour pouvoir irriguer
facilement des centaines d'hectares de terre situés à un niveau inférieur. En faisant des
barrages dans les vallées, on pourrait obtenir le même résultat. Dans beaucoup d’autres
points ne se prêtant ni à l’une ni à l’autre de ces installations, on aurait encore la res-
source d'installer des machines élévatoires à vapeur ; l'abondance des eaux douces, le
nivellement naturel des terres, et la grande quantité des bois aux environs, pouvant
fournir le combustible nécessaire pour le chauffage des machines, rendraient ces instal-
lations beaucoup plus commodes qu’en Égypte, où cependant elles sont très-répandues.
A défaut de machines à vapeur, on pourrait se contenter de simples norias mues par les
buffles, qui sont précisément inoccupés pendant toute la saison sèche. Dans le Laos infé-
rieur surtout, certaines portions du Cambodge et même plusieurs points situés dans les
forêts de la Cochinchine, où les récoltes manquent souvent faute d’un peu d'eau, ces in-
stallations rendraient d'immenses services à la fin de lhivernage. Ce n’est qu'avec
l'emploi de ces moyens, que beaucoup de ces points deviendront eultivables et pourront
nourrir une nombreuse population. Les terres y sont ou trop maigres, ou trop perméa-
bles, ou trop élevées au-dessus du niveau des cours d’eau pour conserver l'eau du ciel qui
suffit toujours, dans les endroits bas comme les alluvions de la Basse-Cochinchine, pour
assurer les récoltes. L'avenir est done dans ces installations, et à ce prix seulement on peut
espérer voir la population de ces pays continuer à s’accroitre avec une rapidité en rapport
avee les progrès de notre siècle. Sans doute la nécessité, le besoin de vivre, finiraient bien
par forcer les indigènes à trouver ces installations d'eux-mêmes ; mais il serait préférable
de hâter ce moment en leur montrant dès à présent les nombreux avantages qui en
résulleraient. L'expérience est toujours longue à acquérir et les méthodes nouvelles, surtout
chez des peuples routiniers, sont trop difficiles à introniser pour qu'on doive tarder long-
temps à les leur montrer.
Nous devons ajouter que dans certaines portions de lndo-Chine, les populations sont
disposées à bien accueillir ces innovations : ainsi nous eiterons les mandarins d'Oubôn, dans
le Laos inférieur, qui nous ont demandé le moven d'assurer l'irrigation de leurs rizières à
la fin de la saison des pluies ; il arrive souvent dans cette province que d'immenses
rizières restent improduelives, faute d’eau qui permette au riz d'arriver à maturation.
Pour rentrer dans le sujet dont nous nous étions écartés un instant, nous dirons
que l’abondance, mais surtout le mode de répartition des pluies dans les pays chauds,
sont les conditions qui influent le plus sur la croissance des végétaux. Les variations de
température, d’ailieurs peu considérables sous ces elimats, ont si peu d'importance
CLIMATOLOGIE AGRICOLE DE L'INDO-CHINE. 349
sur les plantes indigènes, qu'avec de l'eau elles peuvent être cultivées indifféremment
dans l’une ou l'autre saison. Les arbres mêmes, fleurissant, comme on sait, en Eu-
rope à des époques peu variables de l’année réglées surtout par la température, ont,
sous ce climat, l’époque de leur floraison réglée principalement par Fhumidité. Dans
les lieux élevés et les sols légers, où la terre se dessèche vite, ils fleurissent plus tôt.
Au contraire, dans les terres argileuses gardant longtemps l'humidité et dans les lieux bas
longtemps imprégnés' d’eau, leur floraison est retardée, si retardée même que, sur les
bords des fleuves et des rivières, certains arbres ne fleurissent qu'à la fin de la saison
sèche, trois ou quatre mois plus tard que les mêmes espèces dans les forêts. L'étude de
l'influence de l’humidité du sol sur les arbres fruitiers est si importante, qu'elle doit
autant servir à l'horticulleur des tropiques, que celle du choix des espèces tardives ou
hatives, à lhorticulteur des pays froids et tempérés. On comprendra facilement le rôle
considérable que joue l'humidité, en disant qu'à de certaines époques les orages se suc-
cèdent si rapidement et déversent une telle quantité d’eau, que les plantes sont comme
noyées et qu'elles cessent momentanément de croître. Dans l'intervalle de ees orages,
les feuilles et les ramuscules continuent seules à se développer; les fleurs attendent des
époques moins pluvieuses pour paraitre, beaucoup même n’éelosent qu'à la fin des
pluies. C’est à cette époque de l’hivernage que les plantes étrangères à ces climats souf-
frent le plus. La plupart de celles qui ont pu résister à la haute température de la fin de
la saison sèche succombent fatalement à l'excès de humidité.
Ce que nous venons de dire s'applique particulièrement à l'extrême sud de l'Indo-
Chine, où la saison humide est beaucoup plus tranchée que dans le nord. En Chine
encore, quoiqu'il existe une saison sèche el une saison humide, lune et l’autre sont
moins accentuées; aussi les inconvénients de la sécheresse et de l'humidité sont-ils très-
alténués.
La température du bassin du Mékong, présente des oscillations de plus en plus
grandes à mesure que l’on s’avance vers le Nord. Dans le Laos supérieur, sur beaucoup
de montagnes élevées, on constate de grandes différences entre la température du fond
des vallées et celle du sommet des montagnes. En Chine, où les plateaux et les monta-
gnes sont plus élevés, les variations sont encore plus considérables. A chaque pas, on
trouve des montagnes jouissant d’une température tropicale à leur pied, et de froids in-
lenses à leur sommet.
Dans le sud, le thermomètre oscille entre 19 et 36 degrés au-dessus de zéro. La
moyenne thermométrique de la Basse-Cochinchine est d'environ 28 degrés. Cette
température élevée s'oppose, non-seulement à la culture de beaucoup de plantes des
pays tempérés, mais encore à leur fructification. Beaucoup ne parviennent même pas
à fleurir et ne poussent pour ainsi dire qu'en herbe. Un grand nombre n'y germent
pas; celles qui germent accomplissent ce phénomène deux fois plus rapidement
qu'en Europe, et cessent ensuite tout d’un coup de croître. Il faudrait, pour culüiver
sous ce climat les plantes des régions tempérées, obtenir un abaissement de tempé-
rature artificiel, résultat presque impossible à atteindre. Ce que nous pouvons faire en
390 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Europe, avec des serres et des couches pour cultiver les plantes des pays chauds, est
impossible dans ces pays à l'égard de nos plantes. Les indigènes des pays chauds doivent
donc se contenter des fruits et des fleurs de leur pays, qui sont d’ailleurs bien plus
nombreux que les nôtres.
Ce n’est qu'en s’avançant graduellement vers le Nord et lorsque la température de
l'hiver s’abaisse assez, que la culture des plantes des régions tempérées devient possible.
Vers le 18° degré, c'est-à-dire au milieu du Laos, les indigènes profitent chaque
année de l’abaissement de température de l'hiver, pour planter la plupart de nos légumes
qui poussent avec vigueur el facilité, soit à l’aide d’arrosages, soit le plus souvent sans
le secours de ce moyen, sur les berges des fleuves, dans la vase limoneuse qui se dé-
pose chaque année au moment où le niveau des eaux s’abaisse.
Ces cultures des pays tempérés qui ne sont qu'à l’état exceptionnel dans le Laos supé-
rieur, acquièrent brusquement une très-grande importance dès qu'on a franchi le tropique
et que l’on estentré en Chine. Elles se substituent alors en hiver dans les champs à presque
toutes les cultures d’été ou des pays chauds. Ce dernier pays possède donc deux saisons
agricoles entièrement distinctes, permettant de cultiver alternativement les plantes des pays
chauds et celles des pays tempérés. C’est même sous ce rapport unpays unique au monde
et excessivement curieux. Dans le fond des vallées, on trouve la canne à sucre, le palmier
aréquier, le bananier et la plupart des autres plantes tropicales. À un étage au-dessus,
sur le flanc des montagnes, on cultive encore le riz et quelques plantes des pays chauds,
en élé; mais on y rencontre déjà, spontanés et cultivés, beaucoup de végétaux des
pays tempérés. Plus haut, près du sommet, on se trouve exclusivement au milieu de
plantes des pays tempérés: aux chênes, aux pins, aux aulnes, aux bouleaux, aux érables,
aux peupliers, et aux rhododendrons constituant presque en entier les essences forestières,
se trouvent mêlés la plupart de nos arbres fruitiers spontanés. Nous y avons observé plu-
sieurs espèces de poiriers, de cognassiers, de cerisiers, de pruniers, de châtaigniers, de
noisetiers et de vignes à l’état sauvage. Quelques-unes de ces espèces, améliorées faible-
ment par la sélection, sont cultivées. Les sauvages, qui habitent presque partout cette
dernière zone à lexelusion des Chinois, cultivent en hiver le blé, les colzas, le radis
oléifère, le pavot à opium ; en été, l’avoine, le chanvre, le sarrasin et la pomme de terre.
Le voyageur qui parcourt ces contrées peut donc voir, en moins d’une journée, des spé-
cimens des principales cultures du monde, ainsi que cela nous est arrivé cent fois. Pour
le naturaliste qui habilerait ces contrées heureuses, que d'observations il y aurait à faire
sur les lois de la distribution des plantes et des animaux dans ces montagnes, qui repré-
sentent chacune un monde en miniature ! On y trouve non-seulement les végétaux ré-
paris de la façon que nous avons indiquée, mais encore la plupart des animaux éche-
lonnés selon les aptitudes qu'ils tiennent de leur origine. Si l’acclimatation était un fait
aussi réel que le suppose la théorie de Darwin, on se demande pourquoi les arbres du
sommet des montagnes ne se seraient pas acclimatés vers le bas, et pourquoi ceux du bas
n'auraient pas monté vers le sommet. On se demande surtout pourquoi les sauvages
d’origine caucasique restent confinés, depuis des siècles, sur les sommets froids et peu
CLIMATOLOGIE AGRICOLE DE L’INDO-CHINE. 391
fertiles des montagnes, continuant à délaisser le fond des vallées toujours chaudes et
fertiles. En réalité, les plantes meurent ou deviennent stériles dès qu'elles franchissent
une certaine hauteur, et les sauvages, dès qu’ils descendent, meurent, comme ils nous
l'ont assuré, ne pouvant s’acclimater. Plusieurs années passées par eux dans les vallées,
les obligent toujours à regrimper sur leurs montagnes pour se rétablir. Ce fait, constant
pour eux depuis des siècles, encore discuté tous les jours par nous, est à notre avis un
des plus grands arguments que nous ayons rencontrés dans nos voyages contre la
théorie erronée de l’acclimatation. Car il n’est pas douteux que ces sauvages autochthones
ont du, depuis des milliers d'années qu'ils sont fixés sur ces montagnes, tenter sans cesse
de s'établir dans le fond des vallées, où les attirait la fertilité des terres et du climat; s’ils
n'ont pu y réussir, c’est que le problème est insoluble.
Rôle de la lumière. — Nous devons dire maintenant quelques mots du rôle de la lu-
mière sur la végétation, rôle qu'on est trop souvent tenté de négliger et qui est cependant si
considérable. Sous les tropiques, les jours et les nuits ayant une durée presque égale toute
l’année, la lumière exerce son action bienfaisante avec une égale intensité pendant les
différentes saisons. Au moment des pluies, comme le ciel est très-souvent obseurei par
les nuages, elle est moins abondante ; aussi celte saison est-elle à proprement parler celle
de la feuillaison et produit-elle peu de fleurs.
Il semblerait que sous les tropiques, en raison de l'abondance de la lumière, l'ombre
des arbres doit être moins nuisible aux plantes. Il n’en est absolument rien. Comme en
Europe, c’est en vain qu'on essayerait de faire croitre la plupart des légumes à l'ombre
de l'arbre le moins touffu. Presque (ous exigent pour prospérer d’être plantés en plein
soleil. Quel que soit le degré d'intensité des rayons solaires, ils sont moins nuisibles à la
plupart des plantes cultivées, que l'ombrage le plus faible lorsqu'il est permanent.
I faut done, pour installer un potager destiné à produire les radis, les laitues, les choux
et la plupart des autres légumes, tant indigènes qu’étrangers, le placer dans un endroit
complétement découvert, à la condition toutefois qu'on protégera avec des paillassons
pendant le milieu du jour les repiquages, les transplantations et quelques semis.
Neige. — À partir du 18% degré de latitude, les sommets des montagnes de 2,000 mè-
tres d'altitude sont souvent couverts de neige pendant quelques heures le soir et le matin ;
au delà du tropique, en Chine, sur les montagnes élevées, elle résiste à la température
du milieu du jour. Sur quelques pies seulement avoisinant le Tibet, elle est éternelle.
Nulle part, en Chine cependant, elle ne tombe en suffisante quantité pour que son rôle sur
la végétation et l’agriculture vaille la peine que nous nous y arrêtions.
Grele. — Nous ne saurions en dire autant de la grêle. Sous des latitudes très-méridio-
nales, il est assez fréquent d’en observer au début des orages de l’hivernage. Souvent,
d’après le témoignage des indigènes, les grélons sont assez gros et assez abondants pour
causer de sérieux ravages. Notre interprète laotien, natif du 22° degré, nous a rapporté
avoir vu dans sa Jeunesse son pays ravagé par la grèle : les arbres avaient été dépouillés
de leurs feuilles et de leurs fleurs, et beaucoup d'animaux des forêts avaient été tués.
Nous devons faire remarquer toutefois que la chute de grèlons ayant lieu surtout au
3)2 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
début de la saison des pluies, alors que les champs et les potagers sont presque nus, elle
ne cause d'ordinaire aucun ravage sérieux.
Gelée. — La gelée, qui ne se montre que sur le sommet des hautes montagnes du
Laos, s’observe très-fréquemment sur les hauts plateaux de la Chine, au nord du tropique,
pendant plusieurs mois. Malgré sa fréquence, comme le thermomètre ne descend pres-
que jamais à plus d’un ou deux degrés au-dessous de zéro, elle ne parvient jamais
à arrêter complétement la végétalion des cultures de l'hiver. Suspendue pour un instant
le matin, la croissance des plantes reprend vers 9 ou 10 heures et continue toute la jour-
née, grâce à la chaleur du milieu du jour. Ces gelées sont dues surtout au ravonnement.
A ces altitudes élevées, le ciel est ordinairement la nuit d’une pureté incomparable, et le
phénomène du rayonnement se produit avec une intensité que nous ne connaissons pas
en Europe. De toutes les plantes, les fèves sont celles qui paraissent le matin avoir le plus
souffert du froid de la nuit ; au lever du soleil, on trouve en hiver leurs feuilles flétries et
leurs tiges inclinées vers le sol. À cette époque de l’année, 1l serait souvent utile de pro-
téger la nuit les légumes et les arbres fruitiers tels que le pêcher et l’abricotier. Les indi-
oènes n'ont presque jamais recours à ce moyen, qui est cependant bien plus indispensable
dans leur pays que dans le nôtre.
S 3. — Labourage.
On distingue en Indo-Chine trois sortes de labourage que nous classerons suivant
leur importance :
1° Labourage en terre inondée ;
2° Labourage en terre humide ;
3° Labourage en terre sèche.
Le premier mode est le plus employé, le deuxième l'est assez fréquemment ; quant
au troisième, qui est en général celui de l’Europe, on ne l’observe guère que sur quel-
ques hauts plateaux du sud de la Chine, dans les régions où les pluies sont trop peu
abondantes pour permettre aux laboureurs d'attendre que le sol soit suffisamment imbibé
d’eau avant d’y mettre la charrue.
Le labourage en terre inondée non-seulement est le plus facile, mais aussi le plus
important, la culture du riz étant la première de toute lIndo-Chine. On ne pratique ce
mode de labourage que lorsque la rizière est inondée depuis quelques jours et que la
terre est assez imbibée d’eau pour que les buffles aient le moins d'efforts possible à faire.
Un seul de ces labours, suivi d’un hersage soigné qui entraine toutes les mauvaises herbes
avec leurs racines dans un coin du champ et transforme toute la couche de terre arable
en une bouillie homogène, suffit toujours pour transplanter le riz. A l'exception de quel-
ques rares points du sud du bassin du Mékong, ce mode de labourage ne commence qu’en
juin et juillet, quand les pluies sont devenues suffisamment rapprochées et assez abon-
dantes pour que l’eau du ciel puisse s’amasser dans les rizières. Dans le nord de l’Indo-
LABOURAGE. 353
Chine, grâce aux réservoirs d’eau et aux canaux d'irrigation que les habitants ont con-
struits, on le pratique toute l’année. Là où ces installations manquent, les Chinois ont
recours à des norias, ou bien se servent, ainsi que les Laotiens, d’un panier que ma-
nœuvrent deux hommes et qui leur permet souvent d'élever l’eau à plus d’un mètre. La
moindre machine élévatoire, mue par les buffles ou la vapeur, remplacerait avec avantage
ce travail, toujours long et pénible, qui ne permet d’inonder que de petites rizières. Pour
que le labourage en terre inondée soit facile, il faut que la rizière contienne au moins un
décimètre d’eau.
On conçoit que ce genre de labour, qui exige que le laboureur soit constamment dans
l’eau jusqu'aux genoux, n'offre que peu d'inconvénients pour lui dans le Sud, où la chaleur
est toujours trop grande ; il n’en est pas de même dans le Nord, sur les montagnes, où il
gèle fréquemment en hiver. A cette époque, le conducteur souffre beaucoup et contracte
souvent des plaies ulcéreuses aux jambes et des douleurs rhumatismales. Nous devons
ajouter pourtant que les Asiatiques en souffrent bien moins que n’en souffriraient des
Européens.
Le deuxième mode de labour, ou labour en terre humide, ne se pratique également
qu’un mois ou deux après le début des pluies, alors que la terre, dureie pendant la saison
sèche, s’est ramollie et est devenue attaquable par le soc de la charrue. On le trouve em-
ployé sur toutes les éminences, les collines et les montagnes, depuis Saïgon jusque dans
le Sud de la Chine, pour les cultures d’arachides, de canne, de coton, de haricots, d’ortie
de Chine, et dans le Nord, pour cultiver l’avoine, le pavot, le blé, et surtout le sarrasin.
Ce second mode doit se faire à l’aide de buffles dans les terres fortes, et même dans les
terres légères, lorsqu'on veut y planter des plantes exigeant un labour profond, comme
la canne. Pour les autres cultures réclamant un labourage léger, les bœufs peuvent
très-bien suffire, et on s’en sert fréquemment au Laos et au Cambodge. Ces animaux sont
mème préférables, comme étant plus actifs et plus aptes à vivre dans ces régions.
Quant au troisième mode de labour, ou labour en terre sèche, si rare sous ces climats, on
ne l’emploie que pour cultiver l’avoine, les radis oléifères, les pommes de terre et les colzas.
C'est le mode offrant le plus de difficultés, exigeant le plus grand effort de traction et en
même temps les instruments les plus perfectionnés. On conçoit donc que chez ces peuples
peu avancés il soit très-défectueux. De même que les modes précédents, les indigènes,
sauf dans quelques points exceptionnels, ne le pratiquent qu'une fois et peu de temps
avant l’ensemencement. Jamais on n’observe, comme en Europe, deux ou trois labours
préparatoires, à un ou deux mois de distance, dans le but de détruire les mauvaises herbes,
d’ameublir la terre et de permettre à l'air de s’y infiltrer plus aisément et d'exercer son
action fertilisante.
Les animaux employés pour ce labourage sont ordinairement les bœufs. A défaut de
ces animaux, les Chinois se servent parfois d’anes, de mulets et de chevaux.
Quel que soit le mode de labourage, on peut dire que, dans ces pays privilégiés, il
est beaucoup plus facile que sous nos climats. La plus mauvaise charrue suffit presque
foujours ; car jamais on ne rencontre de pierres, et nulle part on ne trouve de sous-sols
Il. 13
304 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
résistants et durs. L'absence ou du moins la grande rareté de mauvaises herbes aux fortes
racines vient encore ajouter à la facilité qu'offre le labourage.
En affirmant donc que le travail préparatoire qu’exige le sol pour produire la même
quantité de récoltes est le tiers de ce qu'il est en Europe, nous sommes incontestable-
ment au-dessous de la vérité. Est-ce à dire que si ce travail était augmenté, la richesse des
récoltes n’en augmenterait pas? Assurément non ; en l’élevant seulement à la moitié de
ce qu'il est chez nous, on accroitrait beaucoup la production du sol. L'augmentation en
profondeur, en offrant aux racines des plantes une couche de terre arable plus considérable,
nous parait surtout, comme en Europe, appelée à réaliser ce progrès. Nous en avons
trouvé la preuve en Cochinchine et en Chine, où les récoltes sont constamment meil-
leures que dans les pays intermédiaires où le labour est moins profond et moins par-
fait. Ce qui confirme celte opinion, c’est l’avantage que les Chinois paraissent avoir
trouvé dans le défonçage du sol à 2 ou 3 décimètres de profondeur. Ils pratiquent
ce genre de travail en hiver, à l’époque où les champs sont nus ; si onéreux qu'il soit, les
cultivateurs riches et prévoyants n'hésitent pas, en raison de l’augmentation de produit
qu'il provoque, à l’employer périodiquement lous les dix à quinze ans. Nous l'avons sur-
tout observé dans les nombreuses et étroites vallées du Yun-nan, où la population, très-
dense, cherche à produire le plus de riz possible.
Le labourage à la charrue n’est pas le seul que pratiquent les Indo-Chinoiïs : souvent ils
se servent de la houe pour remuer la terre des champs de très-pelites dimensions
et pour les coins de rizières où la charrue ne peut passer.
Les cultivateurs pauvres, n'ayant ni charrues ni buffles, sont souvent obligés de se ser-
vir du même instrument pour des champs d’une certaine étendue. Pour les rizières nou-
vellement défrichées, renfermant des trones d'arbres, d’arbustes, des lianes ou de nom-
breuses racines de plantes aquatiques, cet outil est le seul employé ; il sert aussi exclusi-
vement à défricher les terres, à construire et réparer les talus des rizières. Dans quelques
points de la Chine, au lieu de houe, les cultivateurs emploient souvent un trident assez
solide pour qu'il soit possible de remuer la terre à plus de 20 centimètres de profon-
deur ; il sert plus particulièrement au défonçage des rizières pendant la saison sèche.
$ 4. — Instruments agricoles.
Ainsi qu'on doit le supposer, les instruments agricoles employés par les Indo-Chinois
sont aussi simples dans leur forme que dans leur construction. Leur nombre est également
très-restreint et se réduit au strict indispensable. Une charrue, une herse, une houe et une
faucille constituent à peu près tout le matériel agricole. Ce n’est qu’exceptionnelle ment
qu'on se sert de voitures ou de traineaux grossiers pour rentrer les récoltes.
La charrue, construite en bois dur du pays, est dépourvue de roues; elle est formée
d’un soc muni d’un versoir taillé dans le même morceau de bois, et auquel on adapte une
pointe en fer forgé ou en fonte afin d'empêcher l’usure du bois. A ce soc, est soudée obli-
quement, comme en Europe, une longue pièce de bois à l'extrémité de laquelle est atta-
INSTRUMENTS AGRICOLES. 355
chée une barre transversale sur laquelle on attelle les buffles ou les bœufs. Si simple que
soit cette charrue, elle permet cependant, lorsque le versoir est suffisamment grand, de
faire un bon labourage dans les terres inondées et humides. Le fer est le métal employé
presque partout pour garnir la pointe du soc; pourtant, dans quelques parties du Laos
supérieur, les indigènes ont recours au bronze, avec lequel ils confectionnent mème le
soc et le versoir tout entier. Cette charrue, quoique à peu près semblable dans son en-
semble chez tous les peuples indo-chinois, présente pourtant quelques différences, selon
les pays et suivant le genre de terre auxquels elle est destinée. En Cochinchine, où le la-
bourage en terre inondée est presque la règle et où en même temps la culture est assez
soignée, le soc est presque toujours épais et son versoir très-ouvert de façon à permettre
un labour profond et à bien retourner la terre. Au Cambodge et au Laos, où la culture est
généralement mal faite, la charrue est plus petite dans toutes ses parties, surtout le ver-
soir. En Chine, où on trouve à côté des cultures lés plus parfaites des cultures déplora-
bles, elle présente des variations en rapport avec la qualité des cultures. Nous avons vu
de ces instruments n'ayant pas de versoir et permettant à peine de tracer un étroit sillon;
d’autres fois, nous en avons remarqué pouvant presque rivaliser avee les nôtres.
Nous devons dire qu’en général le versoir est trop petit, trop peu tordu, de telle sorte
que le laboureur est obligé d’incliner la charrue pour arriver à retourner complétement
la terre. On conçoit qu'à ces différences, qu'on constate dans les diverses parties du
bassin du Mékong, viennent s’ajouter des variations suivant les laboureurs.
Quelle que soit la forme de leur charrue, comme elle n’a qu’un unique versoir, ils
sont obligés partout, pour labourer, de procéder en cercle, c'est-à-dire de tourner
autour du champ, de façon qu'il reste toujours un large sillon au milieu. Cette charrue
primitive et simple, que beaucoup de cultivateurs construisent eux-mêmes, pendant
les mois de loisirs, est trainée ordinairement par des buffles. En Cochinchine, où
ces animaux sont nombreux et très-vigoureux, les cultivateurs en mettent toujours deux
sur la même charrue, ce qui leur permet de labourer plus profondément. Au contraire,
au Laos et en Chine où les buffles sont rares, et peut-être moins robustes, les indigènes
n'en mettent le plus souvent qu'un seul.
Les bœufs, surtout en Chine, au Laos et au Cambodge, sont employés aussi pour le
labourage, seuls ou accouplés aux buffles; malgré leur petite taille, comme ils sont très-
vifs et de mœurs beaucoup plus douces que ceux d'Europe, ils rendent de grands services
pour labourer les terres légères des collines, et il est regrettable que les Annamites s’obsti-
nent généralement à ne pas s’en servir dans ces conditions. Il est bien entendu que les
bœufs ne peuvent être employés pour le travail des rizières inondées, qui revient complé-
tement aux buffles. L'obligation où sont les animaux, ainsi que les hommes qui les con-
duisent, de travailler avec de l’eau jusqu'au ventre, ne convient nullement aux bœufs.
L'emploi pour le labourage des chevaux, des ânes et des mulets, n’est jamais prati-
qué dans le Sud. En Chine seulement, dans les contrées où les buffles sont devenus
très-rares par suite de la guerre et de plusieurs autres causes que nous aurons occasion
d'expliquer dans la suite, les habitants emploient souvent ces divers animaux.
396 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
La herse est ordinairement construite, comme en Europe, en triangle équilatéral; elle
est munie de 12 à 1 8 dents en bois, longues d’un décimètre au moins, disposées sur
deux ou trois barres transversales, de façon à tracer chacune un sillon différent. Dans
quelques cas, nous l'avons trouvée bâtie en bois dur, mais presque toujours elle est en
bois mou et même en bambou; elle est ordinairement si légère que le laboureur est
obligé de monter dessus pour faire entrer les dents dans la terre. Cette légèreté n’est pas
un inconvénient, car elle lui permet de franchir presque tous les obstacles, le cultivateur
n'ayant pour cela qu'à descendre de dessus lorsqu'il les aperçoit, et à remonter ensuite.
Pour rendre ces mouvements plus faciles au laboureur et en même temps pour qu'il se
üenne plus commodément sur l'instrument, les Chinois ajoutent souvent sur la barre mé-
diane deux montants, réunis à leur partie supérieure par une traverse. Cet instrument est
trainé comme la charrue, par un ou deux buffles. Pour les rizières bien tenues et labourées
profondément, il en faut toujours deux, afin que le conducteur puisse rester constam-
ment sur la herse et que les dents, pénétrant de toute leur longueur, entraînent toutes
les racines des herbes aquatiques et transforment complétement la terre en une bouillie
claire absolument nécessaire au repiquage du riz. En Cochinchine, où le travail des rizières
est généralement très-bien fait, souvent même mieux qu’en Chine, les habitants se servent
toujours de deux buffles pour le hersäge; au Laos, ils n’en emploient généralement
qu'un seul, aussi leurs champs sont-ils toujours mal labourés el constamment envahis par
les herbes aquatiques dont ils ont laissé presque toutes les racines.
La Aoue est l'instrument le plus employé par les Indo-Chinois tant en agriculture qu’en
horticulture. Sa forme et sa laille varient très-peu; généralement elle est lourde et massive ;
elle se compose d’une plaque de fer parallélogrammique et plate, percée supérieurement
d’un trou servant à fixer un manche long de 1,50 environ. Cet instrument est très-
employé pour la culture des rizières, et en particulier pour la construelion et la réparation
des talus. Pour le jardinage, c'est à peu près le seul outil employé; il remplace notre
bêche, qui n’est pas inconnue, mais qui ne sert que pour les terres très-humides et qu’on
confectionne en bois dur.
La faucille est, comme tous les instruments précédents, de forme très-grossière ; elle
est formée d’un grand couteau légèrement arqué, pointu à son extrémité, auquel on fait,
comme à notre faucille, des crans sur le bord de la face inférieure. Au Laos et en Chine,
le manche de cet instrument est analogue à celui du nôtre ; mais en Cochinchine il en
diffère sensiblement ; il est plus long et muni à son origine d’un crochet servant à ras-
sembler un certain nombre de chaumes avant de les couper. Cette addition nous a paru
ingénieuse et assez ulile.
Aux instruments précédents, nous ajouterons le Zarare, qui est presque en entier
semblable au nôtre, et qu'on ne trouve qu'en Cochinchine et en Chine. D'après divers
renseignements, c’est aux Européens que ces peuples doivent de connaître eet utile
instrument. Dans les régions où il ne s’est pas encore propagé, comme au Laos, le
travail de séparation du grain d'avec la paille se fait souvent sur le lieu de la récolte
même, à l’aide d’un grand éventail en bambou qu'un individu agite pendant qu'un autre
INSTRUMENTS AGRICOLES. 37
fait tomber les grains de sa hauteur. Autant que possible, on profite, pour faciliter cette
opération, d’un jour où il fait du vent. Si le vent est fort, on peut se passer d'éventail, La
forme de notre van à mains servant à vanner les petites quantités, n'est pas connue;
pour ce genre de travail, on se sert de vans circulaires en bambou tressé sans manches,
bien moins commodes que le nôtre.
Les voitures usitées par les Indo-Chinois sont de deux sortes : 1° Les voitures à
buffles, 2° les voitures à bœufs. Les premières, lourdes et solides, servent au transport
USTENSILES ARATOIRES ET TEXTILES DU LAOS.
. Dévidoir pour le coton. — 2. Panier et arc servant à carder le coton. — 8. Rouet à filer le coton. — 4, 5. — Quenouille et fuseau
pour le chanvre. — 6. Dévidoir pour la soie. — 7. Herse, longueur : 1,30. — 8. Charrue, longueur: 1m,80 : e, soc en fer; à, bât et
traits pour un buffle. — 9. Faucille, longueur : 0m,20. — 10. Houe, longueur : 1,20.
=
de tous les objets pesants, comme les grains, le bois, les pierres, ete. Les secondes ne ser-
vent que pour les voyages; aussi sont-elles très-légères. Les roues de ces dernières sont
composées, comme les nôtres, de rais, de jantes, et d’un moyeu mince et allongé. Ces
roues ne sont presque jamais ferrées cireulairement; elles ont chacune un essieu indé-
pendant, formé d'un bâton que l’on coupe dans les forêts et que l’on remplace en voyage
dès qu'il s’use ou se casse. Ces essieux sont fixés entre deux pièces de bois réunies à leur
extrémité par une barre, et dont l’interne forme une des deux pièces principales de toutes
358 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
les voitures. Ce système ingénieux ne manque pas d'utilité pour circuler dans les forêts ;
il empêche les essieux de s’accrocher aux arbres et prévient le versement des voitures
dans les endroits trop en pente. Les voitures à bœufs ont une forme variable, qui est
en général celle d’une capote arrondie, très-basse, en rotin tressé ou en bambous recou-
verts de feuilles diverses et imprégnées d’oléo-résine de dipterocarpus. Sous cette capote,
qui est mobile et dont on se passe souvent, deux hommes peuvent à peine se tenir ac-
Croupis.
Les voitures à buffles sont plus grandes, plus solides et munies parfois de ridelles
basses de chaque côté. Leurs roues, au lieu d’être comme les nôtres, sont formées d’une
seule rondelle de bois de deux mètres de diamètre au moins. Ces rondelles proviennent
de différentes espèces d'arbres, appartenant à la famille des Légumineuses et des La-
gerstræmiées, dont les troncs présentent de larges expansions correspondant aux fortes
racines. Le même arbre, lorsqu'il est très-vieux et d’une forte grosseur, en produit sou-
vent plusieurs. Ces deux roues sont unies par un essieu, analogue à celui de nos voitures,
confectionné en bois dur.
Quel que soit le système des roues, les indigènes ne se servent jamais de graisse pour
les essieux : aussi les voitures, à buffles surtout, grincent-elles continuellement en marche ;
on les entend parfois à plusieurs kilomètres de distance. On prétend que c’est dans le but
d'effrayer le tigre, que le bruit intimide très-facilement, que les habitants évitent d’em-
ployer de la graisse; tout en croyant cette opinion parfaitement juste, nous avons pu
constater plusieurs fois que ce moyen n’était pas toujours suffisant pour l'empêcher d’at-
taquer les attelages.
Ces deux sortes de voitures sont toujours trainées par deux animaux que l’on attelle de
front à l’extrémité du timon, sur une barre transversale qui s’appuie à la naissance de leur
cou et qui est maintenue par un anneau l’entourant complétement. Chez les bœufs zébus
de l’Indo-Chine, possédant une bosse souvent très-grosse au-dessus des épaules antérieu-
res, ce genre d’attelage est plus simple que celui de l'Europe, qui consiste à fixer le joug
sur le front. Pour les buffles, qui sont au contraire dépourvus de bosse, ce joug les
oblige à pencher fortement la tête en bas, ce qui contribue encore à augmenter leur lour-
deur et à gèner leur marche. Ce mode d’attelage n’a qu’un avantage, c’est de permettre
à ces animaux d'employer plus facilement toute leur force.
Pour mémoire, nous mentionnerons l'usage, dans quelques rares points du Laos su-
périeur, de petites voitures analogues à celles que construisent eux-mêmes les enfants en
Europe, et dont les roues ont à peine un mètre de diamètre. Ces voitures portent une caisse
carrée faite en bambous tressés, servant à ramener le riz en grain des cultures éloignées.
Selon la configuration du pays, l'usage des voitures est plus ou moins répandu. Dans
la partie alluvionnaire de la Basse-Cochinchine, sillonnée de fleuves et de nombreux ar-
royos lrès-défavorables à la construction des routes, on ne rencontre pour ainsi dire au-
cune voiture : les bateaux les remplacent avec avantage. De même, dans le Laos supé-
rieur et la Chine méridionale, pays montagneux, où les routes se réduisent la plupart du
temps à des sentiers étroits souvent en escalier, on n’en trouve pas non plus. Dans quel-
INSTRUMENTS AGRICOLES. 399
ques grandes plaines seulement, les habitants en ont construit de petites, de formes
très-grossières, servant exclusivement pour ces plaines. Les pays où les voitures sont le
plus nombreuses, se trouvent done être les parties hautes de la Cochinchine, le Cambodge
et le Laos inférieur. Dans cette partie moyenne de l’Indo-Chine, peu peuplée généralement
et en grande partie encore couverte de forèts, elles servent non-seulement pour rentrer
les récoltes, mais aussi pour les relations commerciales des différents villages qui sont
éloignés les uns des autres et pour les échanges avec les sauvages.
Il nous reste encore à indiquer l'usage des traineaux tant en Cochinchine qu'au Cam-
bodge. Cet instrument, formé de quatre pièces de bois, dont deux latérales plus fortes rele-
vées à leurs extrémités, sert à transporter le riz que l’on doit repiquer, d’un champ dans un
autre. Ce traineau est tiré par un seul buffle, et ne sert que pour les grandes cultures.
Partout ailleurs, les Indo-Chinois transportent le riz, ainsi que la plupart des autres
objets, à l’aide d’un bambou élastique en forme de balancier, qu'ils placent sur l’une ou
l’autre épaule, et aux extrémités duquel pendent deux paniers.
Dans un pays où les trois quarts des cultures ont lieu en terres inondées, on pourrait
croire que les machines hydrauliques destinées à élever l’eau sont nombreuses. Il n’en est
cependant rien, et ce n’est qu'en Chine que l’on trouve des norias. Depuis quelques an-
nées, plusieurs de ces instruments en bois ont bien été importés en Cochinchine par
les Chinois, mais ils sont loin de s’y être généralisés. Partout où cette noria manque, les
cultivateurs comptent sur les pluies du ciel pour permettre au riz d'achever sa croissance.
Dans quelques cas, les habitants se servent d’un panier en bambou tressé, en forme de
nid d’hirondelle, suspendu par deux cordes à trois perches réunies à leur sommet,
et mis en mouvement par deux hommes. Mais ce système est insuffisant pour de
grandes rizières, et ne s'emploie que pour des champs restreints ou pour les semis
de riz.
La noria chinoise, qui est identique dans tout l'empire, est entièrement construite en
bois; elle se compose d’une gouttière formée de trois planches, ouverte à sa partie supé-
rieure, longue de 4 à 5 mètres, dans laquelle glisse une chaîne sans fin articulée, tournant
à chaque extrémité sur un très-petit tambour et munie entre chaque articulation d’une plan-
chette tenant lieu de godet. Ces plancheltes, au nombre de vingt à trente, doivent être très-
exactement de la grandeur de la gouttière, pour ne pas laisser retomber l’eau. Cette noria
est mise en mouvement à l’aide de deux manivelles placées de chaque côté supérieurement,
et que deux hommes font tourner. Dans quelques cas, au lieu de se servir de manivelles,
on adapte une roue double d’un mètre de diamètre au moins, et munie d’échelons sur les-
quels un homme monte constamment. Ce système, en permettant à l’homme d'agir par son
poids, permet d'élever l’eau à une grande hauteur et est surtout employé pour irriguer les
rizières disposées en amphithéätre sur le flane des montagnes. Après avoir élevé l’eau des
canaux sur le premier gradin, on l'élève ensuite sur le second, puis successivement jus-
qu’au dernier. Dans quelques cas assez rares, nous avons observé un autre genre de noria,
mü par l’eau des fleuves et des rivières. Il se compose d’une immense roue en bambou,
munie à sa circonférence de quinze à vingt tuyaux de même nature, placés obliquement
360 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
et tenant lieu de godets, qui s’emplissent inférieurement en traversant l'eau et qui se
vident lorsqu'ils sont arrivés en haut. Ces roues mises en mouvement par le courant,
déversent leur eau dans une auge qui la distribue dans les canaux d'irrigation. Ce genre
de noria, s’il était plus solidement établi et placé dans des rivières munies de barrages,
pourrait rendre de grands services.
Nous déerirons les diverses machines à décortiquer le riz, les moulins à farine, les
presses à huile, les instruments à broyer la canne et à fabriquer le sucre, les machines
à distiller les eaux-de-vie et à égrener le coton, etc., en parlant des plantes auxquelles
elles sont destinées.
Tant appropriés que soient les instruments agricoles des Indo-Chinois à leur sol et à
leur genre de culture, 11 y aurait lieu cependant de doter les indigènes de quelques-uns
de nos instruments perfectionnés. Nous signalerons en première ligne la charrue en fer,
à double versoir mobile et sans roues, qui pourrait se substituer presque dans tous les cas à
la leur et qui exige moins d'efforts de traction et permet un labour plus profond. Nous in-
diquerons ensuite une bonne machine à décortiquer le riz et notre faux pourla récolte des
herbes fourragères. Notre bêche serait également des plus utiles aux jardiniers et per-
meltrait de bien mieux remuer la terre que la houe. Les machines à élever l’eau, ainsi que
nous l'avons déjà fait remarquer, rendraient d'immenses services. Les machines distil-
latoires, celles qui servent à fabriquer le sucre, seraient d’une immense utilité, autant
pour les indigènes eux-mêmes que pour les Européens voulant se livrer à l'extraction
de ce produit pour l'exportation.
S 5. — Bestiaux et animaux domestiques.
En raison de la diversité des climats de l’Indo-Chine, on y trouve la plupart des ani-
maux domestiques : le buffle, le bœuf, le cochon, l’äne, le mulet, l'éléphant, la chèvre et
le mouton, auxquels nous devons ajouter les poules, les paons, les faisans, les oies, les
canards, les pigeons, les lapins, les dindons et les abeilles.
Ces bestiaux sont dans toutes les fermes indo-chinoises en nombre proportionné
à la production de fumier qui serait nécessaire. A l'exception des cochons, qui sont
nombreux partout, on ne trouve dans toutes les fermes que quelques buffles et parfois
une paire de bœufs pour les voyages. Ces buffles et ces bœufs sont toujours élevés comme
animaux de trait et on ne les tue que lorsqu'ils sont malades ou trop vieux pour faire
un bon service. Jamais ces animaux ne sont élevés pour le lait qu'ils fournissent, les
Indo-Chinois ayant en général une grande répugnance pour ce précieux aliment. Quel-
ques {ribus sauvages seulement, habitant les montagnes du Yun-nan, apprécient le lait
et fabriquent avec celui de chèvre des fromages que nous avons trouvés excellents. Ces
tribus, appartenant aux Miao-tse, sont de race caucasique, et tiennent peut-être cette
habitude de leurs ancêtres. Nous sommes tentés de croire qu'ils l’ont apportée du centre
de Asie en la quittant il y a des milliers de siècles. On ne trouve aucun mouton dans les
fermes indo-chinoises, sauf dans quelques-unes situées sur les hauts plateaux de la Chine.
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 361
Les chevaux sont partout très-rares et sont employés par les gens riches comme monture,
ou par les voyageurs pour circuler ou pour transporter des marchandises. Ils ne sont
employés aux travaux agricoles que dans un très-petit nombre de localités en Chine. Nous
en dirons autant des ànes et des mulets qu’on ne rencontre qu’en Chine. En Cochinchine
on trouve bien des ânes et des mulets, mais ils y ont été amenés récemment par les Euro-
péens et ils y sont encore en très-petit nombre.
Nulle part en définitive on ne rencontre ces fermes riches en bestiaux comme en
Europe, possédant à la fois des animaux de trait pour le labour et les charrois et des
bestiaux pour l'élevage ou l’engraissement, les uns et les autres consommant les fourra-
ges et transformant la paille en fumier.
A l'exception du cochon, les élevages de bestiaux se font presque toujours en dehors
des fermes, dans les localités élevées entourées de plaines, telles que certaines régions du
Cambodge et les parties hautes de la Cochinchine. Les buffles et les bœufs, que l’on y
réunit en petits troupeaux, doivent y trouver toute l'année leur nourriture, car les Indo-
Chinois ne récoltent pas de fourrages, et presque partout ils brülent leur paille de riz.
Ce manque de prévoyance compromet souvent la vie des bestiaux et favorise le dévelop-
pement des épizooties qui règnent fréquemment pendant la saison sèche. Les animaux se
nourrissent alors d'herbes sèches couvertes de poussière ou ayant échappé à l’incendie,
ou de quelques rares plantes vertes qu’on rencontre çà et là dans les endroits humides, et
ils maigrissent beaucoup. Dans quelques points du Laos, mais plus souvent en Chine,
on leur donne bien en ce moment un peu de paille de riz mise de côté, mais en quantité
insuffisante, et, en Chine, où les herbes manquent complétement à la fin de la saison
sèche, ces animaux deviennent des squelettes.
Les Indo-Chinois n’ont pour les animaux domestiques ni soins ni attachement. Ils
paraissent absolument ignorer à l’aide de quels ménagements ou de quelles précautions
on parvient à dresser les individus ou à améliorer les races. Presque toujours leurs bes-
tiaux se multiplient sans l'intervention des propriétaires : ils se reproduisent, comme ils
se nourrissent, à la facon de leurs congénères à l’état sauvage. Cette omission de tous les
soins qu'ailleurs on donne aux animaux fait que, comme chez les hommes, on observe
fréquemment des différences individuelles, et que rarement on trouve des caractères
constituant des groupes. Dans presque toute l'étendue de l’Indo-Chine, les bestiaux sem-
blent done appartenir à la même race. Seul, le cochon, plus favorisé, est l’objet de toute
la sollicitude des indigènes, sinon dans sa reproduction, du moins dans sa nourriture.
Chaque ménagère s’en occupe constamment, et, si elle ne le caresse pas, elle s’en
oceupe du moins avee une aflention qui contraste singuliérement avec l'espèce d’aban-
don dans lequel vivent les bœufs et les buffles. Cette sollicitude atteint souvent un degré
invraisemblable. On nous croira sans doute difficilement, lorsque nous affirmerons avoir
vu plusieurs fois des femmes annamites allaiter elles-mêmes de petits cochons venant
de naître.
Un second animal, l'éléphant, est également l’objet de soins particuliers de la part des
Laotiens et des Cambodgiens. Nous n’expliquons ce fait, en désaccord avec les précédents,
I. 46
302 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
que parce que cet animal est rare et qu'il sert exclusivement aux mandarins, qui obligent
les cornacs à beaucoup s’en occuper. En Cochinchine, où l'éléphant n’est pas réservé pour
le monde officiel, on ne s’en occupe pas plus et peut-être moins que des autres animaux.
Ce que nous venons de dire ne s'applique en aucune façon aux pelits animaux de
basse-cour, comme les poules, les canards, ete. Ces oiseaux domestiques ne sont pas
souvent soignés moins bien que les nôtres, et dans les contrées où les habitants aiment
les combats de coqs, ces volatiles sont souvent mieux soignés qu'en Europe.
L'opération de la castration est pratiquée en Indo-Chine sur presque tous les animaux
domestiques. Les buffles surtout sont fréquemment châtrés, les taureaux le sont quelque-
fois ; les chevaux le sont moins souvent. Les cochons subissent généralement cetle opé-
ration, aussi bien les truies que les verrats. Le chaponnage est également usité partout,
particulièrement en Chine et en Cochinchine.
Buffles.— Comme importance, le buffle vient en première ligne. Il sert presque exclu-
sivement au labourage et au charroï de toutes les matières pesantes. L'amour de cet animal
pour l’eau explique son importance en Indo-Chine. Tout autre que lui ne pourrait servir
à labourer ces rizières où la bête de trait a de l’eau jusqu'au poitrail. Lui seul peut, en
traversant les fleuves et les rivières, aller chercher sa nourriture dans les marais incultes,
trop profonds pour établir des rizières, et dans lesquels croissent ces nombreuses plantes
aquatiques qui répugnent tant aux bœufs. Un animal comme le buffle qui est semi-
amphibie, convenait seul à ces contrées tropicales. Il présente d’ailleurs comme force
une supériorité considérable sur les bœufs de ces pays, peut-être même est-il plus gros
et plus robuste que les buffles d'Europe. La race qu’on trouve en Indo-Chine est à peu
près uniforme. C’est au Cambodge et au Laos, dans les régions forestières, que les buffles
deviennent le plus gros, c’est en Chine qu'ils sont le plus chétifs. La raison de ces
différences lient moins à des variétés de race qu'aux différences des conditions d’alimen-
tation dans lesquelles ils sont placés. Au Cambodge et au Laos, où existent de nombreuses
plaines herbeuses, ces animaux ne manquent jamais de nourriture, et à la fin de
la saison sèche, alors que tout est grillé, ils trouvent encore dans les bambous et les
herbes desséchées de quoi se maintenir en assez bon état. Dans le della du Cambodge, qui
est très-cultivé, et où il ne reste plus assez d'herbes sèches pour leur permettre de vivre,
on est oblige, à cette époque, de les envoyer dans les régions forestières situées
dans le haut du pays. En Chine, surtout dans la province du Yun-nan, les buffles souffrent
beaucoup pendant la saison sèche.
Comme animal de trait, la force du buffle est très-grande, mais ses allures sont très-
lentes. Il est d’une excessive douceur avec les indigènes, et un enfant peut parfaitement le
mener. [n’en est pas de même avec les Européens : leur vue l’effraye beaucoup, le
rend même souvent furieux, et ce n’est qu'avec le plus grand sang-froid qu’on évite d’en
être blessé. Ne pas en avoir peur et foncer sur un buffle lorsqu'il vous charge est un
moyen qui nous à réussi plusieurs fois, mais nous n’oserions le conseiller dans tous les
cas, et il est toujours plus prudent d'éviter cet animal lorsqu'on le peut. Nous avons pu
faire la remarque singulière que les buffles deviennent plus doux à l'égard des Européens,
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 303
à mesure que l’on s’avance vers le nord. Au Laos, ils sont déjà assez pacifiques, et en
Chine ils ne sont plus à craindre.
Ces animaux ne sont presque jamais placés dans des étables : on les réunit la nuit dans
des pares non couverts, légèrement excavés, entourés de barrières et dans lesquels leurs
excréments s’amoncellent, de facon qu'ils s’y trouvent plongés parfois jusqu'au ventre.
Cette double condition est très-défectueuse et entraine souvent, au moment des pluies,
la mort par suite de pneumonie de plusieurs de ces animaux; car, quoiqu’ils aiment beau-
coup l’eau et qu’il soit même nécessaire qu'ils s’y plongent plusieurs heures dans le milieu
de la journée, 1ls souffrent des nuits pluvieuses. Les pares couverts sont donc nécessaires
pour eux comme pour les bœufs. C’est à tort que l’on s’appuie, pour défendre linstalla-
tion actuelle, sur ce que, à l’état sauvage, les buffles couchent en plein air, car ils choi-
sissent alors presque toujours des arbres pour s’abriter, et dans tous les cas ils recher-
chent des endroits secs qui sont nécessairement propres, puisqu'ils en changent toutes
les nuits. L'exemple de ces animaux à l’état sauvage devrait done éclairer les cultivateurs
et leur faire installer des pares couverts, dallés ou pavés, et disposés en pente légère, de
façon à favoriser l'écoulement des urines. Ils devraient également leur fournir de la litière,
puisqu’à l’état sauvage les buffles choisissent pour camper les plaines couvertes d'herbes.
D’après le témoignage des indigènes de la partie sud du bassin du Mékong, seul
endroit où l’on rencontre des buffles à l’état sauvage, ceux-ci ne différeraient aucunement
de l’espèce domestique. Il est en effet avéré que ces buffles proviennent de buffles domes-
tiques redevenus sauvages. En reprenant leur vie des forêts, ces animaux auraient perdu
entièrement leurs mœurs douces ; ils passent pour très-dangereux, etles indigènes évitent
autant que possible de s'approcher des troupeaux.
Le système servant à attacher et surtout à diriger les buffles et les bœufs, est identique
dans toute l’Indo-Chine; il consiste en un anneau en rotin qu'on passe, dans leur jeu-
nesse, à travers la cloison des fosses nasales, et auquel on attache des guides à droite et à
gauche. Cest là le meilleur moyen de rendre dociles ees animaux.
Bœufs. — Le bœuf qu'on rencontre en indo-Chine, appartient à l'espèce dite bœuf à
bosse ou zébu (Bos indicus). Sa taille est environ moitié moindre que celle de nos bœufs
d'Europe. Cette espèce existe abondamment à l’état sauvage dans toutes les forêts du
sud du bassin du Mékong, où on la chasse pour sa chair ou pour la réduire en captivité.
Comme tous les animaux sauvages, son type est uniforme et sa vigueur plus grande que
celle des bœufs domestiqués depuis de longues années. Elle vit en bandes assez nom-
breuses, dans les plaines herbeuses ou dans les forêts. Continuellement aux aguets,
autant par crainte des tigres que des chasseurs, elle est très-difficile à approcher. On par-
vient cependant à prendre de jeunes veaux, qui forment plus tard les meilleurs bœufs trot-
teurs. Quoique parfaitement apprivoisables, ces bœufs sauvages se multiplient très-peu
en captivité.
Les troupeaux de bœufs domestiques ou sauvages, lorsqu'ils vont paître dans les fo-
rêts hantées par les tigres, inspirés par l’instinet de leur conservation, se choisissent toujours
un chef qui veille constamment l’approche du tigre, et qui, à la moindre alerte, donne le
304 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
signal de la retraite. Plusieurs fois, nous avons aussi épouvanté des troupeaux de bœufs do-
mestiques, au moment où nous sortions des taillis où nous étions entrés pour herboriser.
Souvent, avant que nous ne les eussions aperçus, le chef, le nez au vent, fuyait, entraînant
tout le troupeau à sa suite. Cette surveillance, que pratiquent également les buffles, domes-
tiques et sauvages, n’a lieu que dans les endroits où le tigre existe; dès qu'il disparaît,
comme en Chine, les animaux, n'ayant plus de crainte, vont paitre çà et là et s’éparpillent
volontiers. :
Quoique l’espèce domestique présente des variations assez notables, consistant
surtout dans la couleur de la robe, le plus ou moins de développement de la bosse et une
taille assez variable, il est assez difficile de distinguer différentes races. On trouve donc
depuis Saïgon jusque dans le sud de la Chine la même race de bœuf. Dans le centre de
la Chine seulement, nous avons trouvé une race bien distincte, à bosse peu développée,
mais beaucoup plus robuste que celle du sud.
Les formes de ces bœufs sont très-élégantes, et comme agilité, ils sont bien supérieurs.
à nos bœufs d'Europe. C’est surtout avec eux que les indigènes font leurs voyages à travers
les forêts. Accouplés et attelés à une voiture légère, ils peuvent faire dix et même quinze
lieues par jour, si l’on a la précaution de faire une partie dela route la nuit. Ils marchent con-
ünuellement au trot, et sur une route en bon état, ils peuvent tenir tête à bien des chevaux ;
dans tous les cas, ils marchent plus longtemps et exigent infiniment moins de soins. Ces.
bœufs sont remarquables par leur douceur et leur docilité, et ceux même qui n’ont pas
subi la castration, ne présentent aucun des dangers de nos taureaux. Les Européens et les
indigènes peuvent les approcher, les caresser, les atteler sans qu'ils cherchent à fuir.
Lorsqu on les emploie fréquemment pour trainer sur des routes macadamisées, il est né-
cessaire de les ferrer, mais presque toujours les indigènes négligent cette précaution, ne
les faisant pas travailler assez la plupart du temps pour qu'ils usent leur corne.
Le mode d’attelage est partout le même; on les attelle sur une traverse, munie
à chacun de ses bouts d’une échancrure garnie d’un coussin qui s’appuie sur le cou, en
avant de la bosse qui surmonte le garrot. Cette installation, qui laisse la tête complétement
libre, est plus avantageuse, plus commode et moins disgracieuse que celle qui est usitée en
| Europe.
Ces bœufs ne sont pas utilisés seulement comme bœufs coureurs : on les emploie
aussi pour porter, surtout dans les régions très-boisées du Laos, et dans les montagnes
du sud de la Chine. Assez rarement on les utilise pour le labourage. En Cochinchire,
particulièrement dans les parties hautes, il est permis d'espérer qu'on les utilisera davan-
lage lorsque les cultures industrielles prendront plus d’extension. Moins fort que le
buffle, le bœuf coûte moins cher; il est plus facile à élever, à nourrir, moins sujet aux
épizooties ; il pourrait done rendre les plus grands services, si on lui faisait trainer des
charrues plus légères. Nos charrues en fer, telles qu’on les fait actuellement, à double
versoir, lui conviendraient parfaitement.
Le bœuf n’est äbondant que dans l'immense province cambodoienne de Compong Soaï,
située sur un plateau assez sec; partout ailleurs il est rare : dans le Laos inférieur et
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 305
supérieur, où existent des plaines analogues se prêtant pourtant merveilleusement à cet
élevage, les dernières guerres soutenues contre les Siamois en ont détruit une quantité
considérable et on en trouve à peine quelques-uns. En Chine même, on en trouve très-
peu ; les Chinois, ainsi du reste que les Annamites, n'aiment pas les animaux et, sauf le
pore, ils ne s'occupent ni d'améliorer ni de multiplier des bestiaux dont ils n’apprécient
ni la chair ni le lait.
Le préjugé des Indo-Chinois contre le lait, assez inexplicable puisqu'ils mangent à
peu près tous les animaux, même les plus immondes, tels que des vers, des sauterelles,
des lézards, les prive d’une alimentation aussi facile qu'abondante. Dans une région
aussi humide que l’Indo-Chine, où les graminées fourragères croissent avec profusion,
en Chine, surtout, dans les régions montagneuses jouissant d’un climat brumeux, dont
la superficie est aux trois quarts déboisée, inculte et couverte d'herbes, on peut affirmer
que l'élevage du bétail permettrait sans peine de vivre à une population double. Aussi
avons-nous éprouvé, en descendant le fleuve Bleu et en voyant ces innombrables surfaces
couvertes d'herbes, que les habitants brülent à la fin de l'été, le plus grand désenchan-
tement sur l’agriculture chinoise. De pareilles montagnes, en Europe, seraient fréquentées
par d'immenses troupeaux de bœufs et de moutons, fournissant en abondance aux habi-
tants des plaines de la viande, du lait, du beurre, du fromage, de la laine. C’est à notre avis
le plus grand progrès à réaliser en Indo-Chine; aussi serions-nous heureux de pouvoir
attirer sur ce fait l'attention de ses différents gouvernements. En multipliant le bétail, on
favorisera le développement de la population et on augmentera son bien-être. En Cochin-
chine, le gouvernement doit dès à présent encourager les Indiens, qui y sont venus depuis
l'occupation, à continuer à s'occuper des vaches laitières. Leur exemple finira par être
imité des Annamites et par vaincre leur préjugé contre le laitage. Les vaches indigènes
fournissent un excellent lait, très-riche en beurre et souvent abondant; on pourrait im-
porter des vaches en produisant encore plus et, par la sélection, chercher à améliorer la
vache du pays.
Avant de finir ce que nous avions à dire sur les bœufs, nous tenons à mentionner
l'existence en Indo-Chine d’une très-grande espèce, plusforte peut-être que la plupart de
celles de l’Europe et qu'on trouve parfois à l’état domestique au Cambodge. Cette espèce
aux cornes très-grandes, dont nous n'avons vu personnellement aucun spécimen, exis-
terait d’après divers renseignements dans les forêts, mais elle y serait très-rare. Les quel-
ques sujets de cette race qui existent au Cambodge, sont employés aux mêmes usages que
les buffles !.
Cochons. — Les cochons, sans être complétement semblables dans toute l’Indo-Chine,
1 Les Cambodgiens distinguent en tout cinq espèces ou variétés de bœufs sauvages. La plus commune,
qu'ils appellent Æou prey ou « bœuf de forêt », est de couleur grise et a les cornes recourbées en arrière. C’est
celle dont provient le bœuf domestique commun. Les autres espèces sont : le Æhting et le Ahting cha dont
la robe est noire, et dont les cornes, chez le Xhting cha au moins, sont contournées en spire ; le Xéhëng pos
ou «Khting à serpents » ainsi nommé parce que, au dire des indigènes, il se nourrit de serpents qu’il transperce
de ses cornes très-longues, très aiguës et recourbées comme celles du buffle; enfin l’Ansong, bœuf sauvage rouge
dont les cornes sont recourbées en avant. Je crois que c’est là la grande espèce dont parle M. Thorel. — F. G.
366 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
offrent cependant peu de différences. La race se rattache à celle qui est connue en
Europe sous le nom de race du Tong-king; elle est très-courte de paltes, avec
le groin court, le front proéminent et les soies presque toujours entièrement noires, très-
rarement blanches. Nous devons cependant indiquer l'existence en Chine d’une race
particulière, remarquable surtout par ses soies grises, semblables à celles des sangliers
dont elle pourrait bien provenir ; sa forme diffère peu de celle de l'espèce vulgaire. La
race commune, très-appréeiée en Europe pour la rapidité de son engraissement et de son
développement, n’est pas moins estimée en Indo-Chine. Sa chair présente pourtant plu-
sieurs inconvénients sérieux : elle est trop grasse et la graisse est trop huileuse. Ces in-
convénients sont reconnus par les Annamites, qui, depuis l'occupation française, essayent
de croiser la race indigène avee les grandes races européennes. Ces tentatives nous pa-
raissent devoir être favorisées, puisqu'elles doivent apporter une amélioration dans la
qualité de la chair, et qu'en même temps elles peuvent créer des races croisées plus
appropriées aux grandes fermes.
Les cochons sont, comme en Europe, placés dans des étables très-sales et très-basses,
adossées presque toujours aux maisons, comme en Cochinchine, ou placées en dessous
entre les colonnes qui les soutiennent, comme au Laos et au Cambodge. Dans tout le sud,
ces étables, ordinairement élevées au-dessus du sol, sont construites en forme de cage
avec de grosses perches. En Chine, ces cages sont presque toujours placées au-dessus de
la fosse d’aisance, ce qui dispense de tout nettoiement : les excréments et les urines des
cochons tombent dans la fosse à travers les barreaux du fond. Ces animaux ne nous ont
pas paru souffrir sensiblement de ce voisinage; cependant nous sommes loin d'affirmer
qu'il n'ait pas d’inconvénients pour eux.
Pendant la nuit, les cochons sont renfermés dans leurs étables, d’où le tigre vient
souvent les enlever en écartant les perches, quand le village n’est pas entouré de bar-
rières. Le jour, les habitants les laissent presque toujours courir autour des maisons
où ils mangent les débris d'aliments et de légumes. Cette habitude n’est pas sans inconvé-
nient : il arrive que ces animaux mangent les excréments des indigènes, lesquels, étant
souvent atteints de ténia, leur donnent ensuite la ladrerie. Au Cambodge, chez les sau-
vages du sud et surtout dans le Laos inférieur où ces animaux font réellement la vidange,
et suivent même les hommes dès qu'ils les voient se diriger vers les broussailles, le tiers
est atteint de cysticerques, et l’on est obligé de les tuer dès qu’on s’en aperçoit. Les habi-
tants mangent la chair de ces animaux ladres sans répugnance ; comme ils ont l’habitade
de la couper en morceaux et de la faire bouillir, ils ne sont pas trop sujets au ténia. Nous
ne saurions trop recommander aux Européens qui fréquentent ces contrées de ne pas
prendre moins de précautions que les indigènes et de ne manger la chair de pore qu ss
s'être assurés qu'elle est parfaitement cuite.
La nourriture des pores se compose en grande partie, dans toute l’Indo-Chine, des
débris provenant du pilage du riz ; comme dans tous les pays, on y ajoute les restes d’ali-
ments, les épluchures de légumes et les légumes de rebut. Le riz, ainsi que plusieurs
autres céréales que l’on fait fermenter pour en extraire l'alcool, entrent après leur distil-
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 367
lation pour une grande part dans leur nourriture en raison de l'énorme quantité de riz
que consacrent à cette fabrication les indigènes. Il en résulte que les plus gros porcs du
pays se rencontrent dans les distilleries ; on en trouve là souvent qui atteignent des poids
énormes, qui sont devenus trop gros pour pouvoir marcher et qui peuvent soutenir la
comparaison avec ceux qu'on prime dans nos concours.
Avant de procéder à l’engraissement des pores, les indigènes commencent, comme en
Europe, par assurer leur développement. A cette période de l'élevage, on les nourrit,
dans tout le sud de l'Indo-Chine, avec le centre des tiges des bananiers ayant donné des
fruits, découpé en tranches très-minces. Dans toutes les régions où manque le bana-
nier, comme dans presque toute la Chine, les ménagères les nourrissent en partie avec
les tiges des fèves et des pois, récoltées avant la maturité des graines, et réduites en poudre
à l’aide d’un fléau, après avoir été parfaitement séchées au soleil. Cette manière de tirer
parti des tiges de ces plantes nous paraît mériter l'attention de nos cultivateurs. On arri-
verait sans doute moins facilement en Europe à réduire ces plantes en poudre, vu
qu’elles ne croissent pas, comme en Chine, dans les champs inondés, et en hiver, à
l’époque de l’année où les fibres ligneuses s'organisent très-lentement et sont tou-
jours tendres et fragiles. Afin d'augmenter la valeur nutritive de ces plantes, les Chi-
nois ont la précaution de laisser atlachées à la tige les gousses avec leurs graines, qui
ne sont d’ailleurs arrivées pour la plupart qu’à la moitié de leur développement. Nulle
part, en Indo-Chine, nous n'avons vu faire usage de viande de rebut pour la nourriture des
pores; dans quelques cas pourtant, au Cambodge, on leur donne des débris de poissons.
Dans aucun cas non plus, nous ne les avons vu conduire aux champs pour chercher les
racines des plantes tuberculeuses échappées à l’arrachage, ni dans les bois pour manger
les graines des arbres et en particulier les glands du chêne.
Enfin, le porc, en Indo-Chine, n’est pas seulement élevé dans les villages par les paysans ,
il l’est aussi dans les villes. Dans presque toutes les maisons on en élève au moins un. Cette
habitude, mauvaise sans doute pour l'hygiène des villes, présente Le plus grand avantage
pour l’utilisation des débris de toutes sortes provenant de la nourrilure de l’homme et
contribue à accroitre la production de viande du pays.
Chevaux. — La race chevaline, de même que les animaux précédents, est presque
semblable dans toute l’Indo-Chine. Nous devons cependant noter qu'elle devient de plus
en plus forte en s’avançant vers le nord, et en Chine, on trouve déjà des chevaux assez
robustes, surtout dans les régions montagneuses où ces animaux sont employés comme
bêtes de somme. Nulle part le cheval ne se trouve à l’état sauvage, ce qui confirme lopi-
nion qui veut que cel animal ait été introduit en Indo-Chine. Les indigènes n’en entre-
tiennent qu’un très-pelit nombre. Cet animal est impropre, en effet, à traverser les marais
que produisent les pluies de l’hivernage, et cela diminue beaucoup l'intérêt qu'ont les ha-
bitants à l'élever. Sa reproduction est peu soignée; la plupart du temps, elle est aban-
donnée au hasard, de sorte que les plus mauvais étalons servent souvent de reproducteurs.
Cet abandon a produit la petitesse de la race et l’uniformité du type. Cette espèce ne
manque cependant pas de qualités; quoique petite et presque moitié moins forte que
368 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
les espèces européennes, elle est pleine d’ardeur et d’un entretien très-facile. Ses formes,
sans être élégantes, sont assez fines et bien proportionnées. Comme chez tous les animaux
domestiqués depuis longtemps, la couleur de la robe est variable, avec prédominance de
la couleur rouge.
Dans tout le sud, les chevaux, comme les buffles et les bœufs, ont à pourvoir eux-mêmes
à leur nourriture. Jamais les indigènes ne récoltent de fourrages et, sauf en Chine, dans
quelques points très-secs, ils ne gardent même pas la paille du riz. Dans les rares localités
où on donne aux chevaux de la paille de riz, on a la précaution de la hacher, à l’aide d’un
instrument, plus grand, mais entièrement semblable au coupe-racine de nos pharmaciens.
A cette paille hachée, on ajoute, lorsque ces animaux travaillent, du riz non décortiqué.
Ce grain nous a paru tenir lieu d'avoine avec avantage; les animaux le recherchent et se
tiennent en très-bon état lorsqu'on leur en donne une quantité suffisante. Dans les régions
de la Chine où le riz manque, on le remplace par du blé et du maïs. Ces derniers grains
ne paraissent que plaire médiocrement aux chevaux. Ce n’est qu'exceptionnellement que
les Indo-Chinois leur donnent des tiges d’arachides, que ces animaux aiment beaucoup.
Ces tiges sont cependant fort abondantes, et il vaudrait mieux les leur donner que de les
bruler. Cette légumineuse pourrait remplacer en partie les plantes de la même famille,
telles que la luzerne, le sainfoin et le trèfle, qui rendent tant de services pour la nour-
riture des bestiaux en Europe.
Comme nous l'avons dit, le cheval est rare partout, mais plus particulièrement dans
le centre et le sud de l’Indo-Chine où les pluies transforment pendant les six mois d’hi-
vernage la plupart des plaines en marécages, et où, par conséquent, son usage est limité
à la saison sèche. Il n’y aura intérêt à le multiplier que le jour où les gouvernements fe-
ront des routes. C’est ainsi qu'en Cochinchine, depuis notre occupation, le nombre des
chevaux est devenu beaucoup plus considérable et qu'il s’accroitra encore par la nécessité
que le elimat impose aux Européens de ne circuler qu’à cheval ou en voiture.
Comme les chevaux indo-chinois sont trop faibles pour porter la plupart des Euro-
péens, il serait bon de chercher à les forlifier par des croisements. C’est ce qui a déjà été
essayé depuis l'occupation de la Cochinchine et l’intérèt des éleveurs indigènes accélérera
ce résultat si désirable.
Les indigènes, lorsqu'ils doivent se servir longtemps de leurs chevaux, surtout dans
des chemins caillouteux, ont recours au ferrage. En Chine, presque tous ces animaux sont
ferrés. Le fer des Indo-Chinois diffère principalement du nôtre en ce qu'il est muni sur
sa face inférieure d’une rainure au fond de laquelle sont les trous. Cette rainure sert
à rabattre les clous, qui, à l’inverse des nôtres, sont dépourvus de tête.
La bride des chevaux est loin d’être identique dans toute l’Indo-Chine, le mors
offre ce point remarquable, qu'il est souvent articulé en son milieu. Cette articulation
présente l'inconvénient de permettre aux deux parties du mors d’excorier souvent la com-
missure des lèvres des chevaux et ne nous à pas paru rendre plus facile leur conduite.
Quant à la selle, elle offre des différences très-grandes, quoique se rapprochant en général
beaucoup comme forme des selles dont on fait usage en Europe. Les étriers sont en géné-
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 369
ral très-petits dans le sud, où les cavaliers sont pieds nus et n°y mettent parfois que le gros
orteil; en Chine, ces accessoires de la selle sont généralement plus larges, les habitants
portant de larges et épaisses chaussures.
Anes. — L’äne ne se trouve qu'en Chine, dans les régions montagneuses où les
animaux de transport sont indispensables aux échanges commerciaux. Il est du reste assez
rare dans cette région, et parait moins apprécié pour lui-même, en raison de sa petite
faille, que parce qu'il permet d'obtenir des mulets. I n’est pas plus soigné que les autres
animaux, et, sous ce rapport, il est aussi déshérité que le sont les ànes de France. Il n’est
pas douteux qu’une plus grande race rendrait de grands services dans les montagnes
élevées de la Chine. Dans le sud, sa multiplication parait moins désirable, les bœufs du
pays pouvant le remplacer presque partout avec avantage, aussi bien pour porter des far-
deaux que pour traîner les voitures. Nous ne croyons done pas que les ânes qui ont été
importés en Cochinchine depuis la conquête, s’y multiplient jamais beaucoup. Néanmoins
dans les parties hautes où de nombreuses routes ont été construites, ils pourraient devenir
utiles, comme en Europe, aux femmes et aux enfants qui craignent les chevaux. Si l'usage
des voitures se répandait, l’ane présenterait pour cet usage un avantage sur le bœuf, qui
ne peut s’atteler que par paire.
Mulets. — Dans toutes les contrées de la Chine où l’on trouve à la fois l’âne et le che-
val, on voit aussi le mulet. Cet animal hybride est souvent plus nombreux que ceux
dont il dérive. Ce fait s'explique par les qualités qu’il possède comme bête de somme et
qui le rendent si précieux dans les pays de montagnes. Dans le sud de la Chine, la taille
des mulets est naturellement petite et en rapport de grandeur avec celle des juments et
des ànes qui les produisent. La plupart sont moitié moins grands que les nôtres et quel-
ques-uns sont aussi petits que nos plus petits ânes. Il est étonnant que les Chinois n'aient
pas encore cherché à améliorer ces animaux, en amenant dans le sud les ânes de grande
taille que possède le nord de la Chine.
Depuis l'occupation de la Cochinchine, des mulets y ont été importés d'Égypte. Ils nous
ont paru mieux s’habituer au climat que les chevaux provenant du même pays. Malgré
cette plus grande aptitude à vivre dans cette région, nous ne pensons pas qu'ils y devien-
nent jamais nombreux; notre colonie est un pays de plaines où, au fur et à mesure de la
construction des routes, les transports par voitures seront toujours préférés aux trans-
ports à dos d'animaux.
Éléphants. — L'éléphant sauvage est très-commun dans toutes les parties tropicales
de l’Indo-Chine. Il est surtout très-abondant dans la partie moyenne où existent de grandes
plaines herbeuses et d'immenses forêts-clairières entremêlées de petites montagnes. Ils
vivent en troupeaux. Au Laos, au Cambodge et dans le Siam, on les chasse pour leur ivoire
ou pour les domestiquer. En Cochinchine, chez les sauvages et dans quelques points
des pays précédents, on les chasse aussi, mais uniquement pour les détruire; car ils
causent de grands ravages dans les champs de riz, et détruisent parfois en une nuit la
récolte de tout un champ. Les villages annamites situés sur la lisière des forêts, ont des
chasseurs atlitrés, dont l’unique occupation est de suivre les troupeaux afin de tächer de les
IL. 41
370 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
détruire. En outre de l’ivoire que recueillent ces chasseurs, ils reçoivent pour chaque
animal tué une prime qui leur est offerte par cotisation.
De telles mesures doivent faire penser que l'éléphant n’est peut-être pas aussi utile
qu'on le croit en Europe. A notre avis, c’est un animal de luxe coûtant vingt fois le prix et
l'entretien d’un cheval ou d’un bœuf, par lesquels il peut être remplacé dans les trois quarts
des circonstances. Au moment des grandes pluies seulement, alors que le pays est trans-
formé en marécages, il présente un avantage réel sur tous les autres animaux pour les
longs voyages, car il permet de passer partout à travers les marais, les ruisseaux et les
forêts. Même dans ce cas, ses services ont été exagérés, puisqu'il n’est guère possible à
plus de deux hommes de se tenir dans la cage qu'on adapte sur son dos. Pour s’y trouver
bien, il faut y être seul. Nous ajouterons que cet animal ne peut guère parcourir plus de
six à dix lieues dans la même journée, et encore est-il indispensable qn’on trouve plu-
sieurs fois de l’eau sur la route, non-seulement pour le faire boire, mais aussi pour le
faire baigner, ou au moins pour lui jeter huit à dix seaux d’eau sur le corps. Aussi, dans
les plaines manquant de rivières, les mandarins ont la précaution d'établir de distance
en distance des caravansérails possédant des puits. L’éléphant est donc, avant tout, la
monture des gens riches. En dehors de son usage bien connu pour les voyages, la guerre
ou la chasse, il est assez rarement employé à traîner des fardeaux, et on ne s’en sert
jamais pour le hersage et le labourage.
La plupart des éléphants domestiques qu'on voit en Indo-Chine sont des éléphants
sauvages qu'on à pris en les attirant, à l’aide d’éléphants apprivoisés, dans des parcs con-
struits exprès dans les régions forestières où ils vivent. Les autres sont nés d’éléphants
domestiques, qui se reproduisent, quoi qu’on en ait dit, très-facilement dans cette condition.
Sans avoir pu le vérifier d’une façon certaine, nous croyons que les récits des naturalistes
sur la pudeur des éléphants sont inexacts et que l’homme peut très-bien assister à leur
rapprochement.
La nourriture de prédilection de l’éléphant est le feuillage du bambou. A défaut de
feuilles de bambou, il mange les feuilles de quelques arbres appartenant à toutes les fa-
milles. Les graminées à graines riches en principes nutritifs, et en particulier les céréales,
lui plaisent beaucoup.
L'éléphant est un animal précieux à cause de l’ivoire qu'il produit. Tous sont loin ce-
pendant de posséder des défenses, surtout ceux qui sont eaptifs; souvent ils les brisent, les
déplantent, et les perdent; d'autres fois, elles deviennent malades et présentent des bos-
selures fort originales. En résumé, la moitié seulement des éléphants a des défenses, et dans
cette moilié, on en trouve untrès-petit nombre en possédant de vraiment belles et longues de
1°,50 à 2 mètres. Les défenses de l'éléphantne sont pas les seules parties utiles de son corps.
La peau, découpée en lanières séchées ensuite au soleil, est emportée en Chine pour fabri-
quer ces mets gélalineux que recherchent tant les Chinois. La plupart de ses os sont aussi
recueillis pour être expédiés dans le même pays, où l’on s’en sert pour différents usages,
en particulier pour fabriquer des boîtes de fantaisie de toute espèce. Sa chair est peu re-
cherchée, ses fibres musculaires étant trop grosses. La trompe est excellente, surtout
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. al
cuite sous la cendre; elle n’est pas moins bonne qu’une langue de bœuf, à laquelle elle
ressemble à s'y méprendre comme texture.
Moutons. — Nous n’avons rencontré des moutons que sur les hauts plateaux du
Yun-nan, à une altitude de 1,800 mètres environ, c’est-à-dire dans une région jouissant à
la fois d’un climat see et tempéré. Plus au sud, les indigènes ne les connaissent même pas.
La chaleur des régions tropicales n’est pas sans doute la seule cause qui amène la dispa-
rition totale de ces animaux. Il faut l’attribuer aussi : 1° à l’extrème humidité de l’hiver-
nage qui convient très-peu, comme on sait, aux moutons ; 2° à la difficulté de les préserver
des bêtes féroces, et principalement du tigre ; 3° à l'existence de plantes qui leur sont nui-
sibles et en particulier de l’andropogon acicularis, qui provoque souvent des affections de
la peau, amenant la mort consécutivement. Ces causes ne constitueraient pas d’ailleurs des
obstacles insurmontables à l'introduction du mouton en Indo-Chine, le jour où l’augmen-
tation de la population et le besoin d'accroître la production de viande en feraient recon-
naître l'utilité. Le tigre est destiné à disparaître peu à peu devant le défrichement du pays.
ILexiste au centre de l'Afrique des races qui supportent très-bien l'humidité. Enfin, la race
de moutons à poils courts et droits, comme il y en a au Sénégal et dans plusieurs autres
pays, ne souffre pas de l’andropogon, plante que la nature vivace et rampante de ses racines
rend malheureusement impossible à détruire. Dans toutes les régions où elle existe, il ne
faut donc introduire que des races à laine courte. L'expérience en a déjà été faite avec
succès. Depuis l’occupation de la Cochinchine, des moutons d’Aden, à poil court et à
grosse queue, y ont vécu plusieurs années et s’y sont multipliés sans paraître souffrir de
cette plante malfaisante.
11 existe deux races de moutons dans le Yun-nan, peu nombreuses l’une et l’autre.
La première, très-rare, a la laine fine et frisée, presque semblable à celle des moutons
mérinos. La deuxième a la laine droite et courte, assez semblable au poil de la chèvre,
mais plus fine. Les deux races sont fortes, surtout la deuxième, et dépassent souvent d’un
tiers en dimension nos moutons d'Europe. Nous n'avons jamais vu de races plus robustes.
Elles ont toutes deux le nez busqué et sont généralement de couleur blanche. On rencontre
cependant des robes noires, et très-rarement des robes tachetées de rouge, ce qui les fait
ressembler à des chiens épagneuls. La chair de ces deux races est excellente et peut ri=
valiser avec celle de nos meilleurs moutons. La laine des moutons de Chine n’est généra-
lement pas tissée pour faire des étoffes ; on la laisse attachée aux peaux que l’on prépare
pour faire des vêtements fourrés dont l’usage est très-répandu en Chine pendant l'hiver.
Dans quelques rares endroits seulement, nous avons trouvé des sauvages sachant s’en servir
pour tricoter. Ce fait est si rare dans l’Indo-Chine que nous tenons à le faire remarquer;
il montre jusqu’à l'évidence que ces sauvages ont dù venir de l’ouest, ou qu'ils tiennent
cette industrie des peuples occidentaux, car elle est totalement inconnue des Chinois. Les
musulmans, en venant s'établir en Chine, sont peut-être ceux qui ont appris aux sauvages
à tricoter, en même temps qu'ils ont dù introduire les moutons, pour éviter lusage
de la chair du pore. Aujourd’hui encore, presque tous les troupeaux de moutons appar-
tiennent aux musulmans. Ces troupeaux sont gardés par des bergers, avec des chiens du
372 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
pays, presque à la façon des nôtres. Toutefois, nous devons ajouter que leurs chiens leur
sont de peu d'utilité, car ils sont très-peu intelligents et très-peu dociles. L'introduction de
quelques bons chiens de berger serait un service à leur rendre ; aussi le signalons-nous
aux voyageurs qui s’y rendront après nous. Les bergers musulmans placent, comme les
nôtres, des sonnettes au cou de quelques bêtes de leur troupeau afin d’en rendre la garde
plus facile le soir. Ils pratiquent également, comme les nôtres, l'opération de la eastra-
tion sur les jeunes béliers.
Chèvres. — Les chèvres sont peu communes en Cochinchine, très-rares au Laos, mais
assez abondantes dans tout le sud de la Chine. La race qu’on trouve dans toute l'étendue
du pays, sans être identique partout, présente pourtant peu de différences et ressemble as-
sez à la race commune de France. Comme cette dernière, elle a les poils assez courts et
de couleur généralement noire. Le pis est peu développé : les indigènes, ne faisant presque
jamais usage de lait, n’ont pas cherché à créer des races laitières. Dans tout le sud du
bassin du Cambodge, la chèvre est un animal de luxe ou de curiosité et les indi-
gènes n’en apprécient que peu la chair. Dans le nord, au contraire, c’est presque exclu-
sivement pour sa chair que les mahométans chinois l’élèvent. Seuls, les sauvages de race
caucasique les traient et font des fromages avec leur lait. Partout, dans le bassin du
Mékong, les chèvres pourraient devenir très-abondantes, sans que pour cela la végétation
arborescente en souffrit sérieusement, comme cela s’est observé dans certaines iles, parti
culièrement à l'ile de Sainte-Hélène, où presque tous les arbustes ont été tués par elles.
En Indo-Chine, la végétation est si puissante et les arbustes croissent avec tant de vigueur,
que ces animaux seraient utiles dans bien des endroits en détruisant les broussailles.
A l'inverse des moutons, les chèvres supportent frès-aisément les diverses conditions
chimatériques de l’Indo-Chine; on les trouve aussi vigoureuses au milieu des rizières
marécageuses de la Basse-Cochinchine que sur les montagnes sèches du Yun-nan. Le
jour donc où la chair de ces animaux, plus saine sous ces climats que celle des moutons,
puisqu'elle est toujours moins grasse, sera plus appréciée, 1l n’est pas douteux qu'ils ne
s’y multiplient rapidement.
Dans les régions montagneuses de la Chine on réunit les chèvres en troupeaux souvent
mélangés de moutons pour les mener dans les champs. Les Indo-Chinois pratiquent la
castration sur la plupart des jeunes boues et n’en réservent qu'un petit nombre pour la
reproduction. Pas plus que le mouton, la chèvre n’est indigène en Indo-Chine. Dans le
nord, ce sont sans doute les musulmans qui l’ont amenée ou du moins très-multipliée ;
dans le sud, elle a dü arriver par les voyageurs.
Poules. — Les poules existent à l’état sauvage dans toutes les forêts du sud de l’Indo=
Chine. Dans l'extrême sud surtout;elles sonttrès-communes, particulièrement dans les forêts
entrecoupées de champs de riz où elles trouvent plus facilement leur nourriture. De même
que tous les autres animaux sauvages, leur plumage et leur taille sont uniformes. La
poule est gris-lacheté, et le coq est rouge avec une belle queue bien arquée et une grande
crête simple. Ces poules sauvages différent peu des nôtres par la taille et la grosseur.
Les œufs pourtant sont presque moitié moins gros que ceux de la poule domestique €
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 373
sont toujours de couleur jaunätre. Ces gallinacés sauvages sont souvent représentés dans
les basses-cours indo-chinoises, car il est très-fréquent de voir les coqs sauvages venir se
mêler pour quelques instants aux poules domestiques. On reconnait les métis à leur
plumage gris-tacheté et à leurs œufs qui sont plus petits et plus jaunes. Il y aurait
certainement lieu d'étudier la domestication de ces poules sauvages. Sans avoir été
complétement à même de faire cette étude, nous inclinons à penser que la domestication
de ces animaux se fait d'emblée.
En temps ordinaire, les poules sauvages se réunissent et vivent en petites bandes; à
l’époque des couvées, elles se séparent pour aller pondre par terre dans les broussailles.
Leurs mœurs sont à peu près identiques à celles des perdrix, dont elles sont voisines
d’ailleurs au point de vue zoologique. Quant à leur chair, elle est excellente.
A côté de la race commune domestique, se trouvent souvent des races très-différentes.
Nous mentionnerons en premier lieu la grande race dite cochinchinoise, qui n’est pas
très-commune, et qui n’est guère élevée que pour obtenir des coqs de combat. Sa chair
n’est pas très-délicate et les œufs ne sont ni nombreux ni en relation de grosseur avec la
taille des poules. Il y a encore une autre race, très-remarquable par la couleur noire
de ses os, de sa peau et de son plumage qui est d’un noir de corbeau. La taille de cette
race curieuse est assez semblable à celle de la poule commune, mais sa chair, qui est
bien moins délicate au palais, plait également très-peu aux yeux. Il existe enfin une qua-
trième race très-pelite ayant des plumes jusqu’à la naissance des phalanges. Cette race,
qu'on trouve souvent en Europe, n’est élevée que par curiosité.
Le chaponnage est connu et pratiqué par tous les Indo-Chinois. Nous devons même
dire que nulle part nous n’avons mangé d’aussi beaux et d'aussi bons chapons. Dans
le Yun-nan surtout, nous avons vu de ces animaux atteignant la grosseur d’une dinde
et ayant une chair aussi bonne.
Les poules sont également abondantes dans tout le bassin du Mékong et leur présence
partout est d’une bien grande ressource pour les voyageurs. Le plus souvent, il serait
impossible de se procurer d’autre viande. Quoique les poules soient dans leur pays d’o-
rigine, elles sont sujettes à des épizooties, et assez souvent, en Cochinchine, on voit des
basses-cours dépeuplées en quelques jours.
Comme en Europe, les Indo-Chinois construisent des poulaillers fermés, où les
poules se perchent la nuit. Cet abri leur est indispensable contre les orages, le tigre qui, à
défaut d'autre gibier, les mange quelquefois, et le serpent boa, heureusement très-rare, qui
détruit souvent en une nuit toutes les poules d’un poulailler.
En raison de la constance des hautes températures, les poules pondent et couvent
presque toute l’année. Nous devons dire cependant qu’elles pondent et couvent de préfé-
rence à la fin de la saison sèche , de facon que les petits poussins éclosent avee les pre-
mières pluies et trouvent facilement les insectes dont ils sont très-friands. Les poules sau-
vages ne couvent guère qu'à cette époque, c’est-à-dire en avril, presque au même moment
que nos poules d'Europe. :
Cünards. — Après la poule, c’est, comme en Europe, le canard qui est l'oiseau de
374 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
basse-cour le plus répandu en Indo-Chine. Cela ne doit pas surprendre, puisque lIndo-
Chine est sillonnée de fleuves et de rivières, et que la principale culture, le riz, se fait dans
des champs inondés. Dans les parties alluvionnaires surtout, comme la Basse-Cochinchine
et les plaines de la Chine, les canards sont très-nombreux. Chaque cultivateur en possède
une petile bande, qui vit dans les rizières et les marécages entourant sa maison. En
Chine, on trouve des gens qui en élèvent des troupeaux de plusieurs milliers, qu'ils con-
duisent de rizière en rizière, et même de village en village, à l’aide de chiens et de
longues perches. Ces immenses bandes purgent en quelques instants les plus grandes
rizières de tous les poissons et insectes qu’elles renferment. Cette industrie assez pé-
nible, puisqu'elle exige que les gardiens restent constamment avec les canards et cam-
pent la nuit avec eux, est très-lucrative, et pourrait être imitée ailleurs avec avantage,
particulièrement en Basse-Cochinchine, dans les rizières éloignées des maisons où les
canards des fermes et des villages ne vont jamais. Les canards domestiques de l’Indo-
Chine ne diffèrent en aucune façon de notre race commune; ils présentent comme elle de
grandes variétés dans leur plumage; leur chair est excellente et même supérieure,
croyons-nous, à celle des nôtres. L'époque des couvées, au lieu d’être subordonnée au
début du printemps comme dans les pays froids, est répartie presque également sur toute
l’année; ces animaux choisissent cependant de préférence le début des pluies, c’est-à-dire
l'époque où pullulent en grand nombre les poissons et les insectes.
Le canard existe-t-il à l'état indigène en Indo-Chine? On peut répondre négativement
pour le sud de cette région; mais dans le nord, sur les lacs des hautes montagnes, il
pourrait bien être indigène, car on y voit de nombreuses espèces de canards dont quel-
ques-unes ont un plumage des plus remarquables. Nous avons remarqué que le canard
domestique et quelques autres oiseaux aquatiques, tels que les sarcelles, s’abstiennent de
nager sur les eaux qui renferment des crocodiles.
Oies. — Les oies ne sont pas très-communes en Indo-Chine; on en trouve seulement
dans le sud de la Basse-Cochinchine et dans le nord en Chine, c’est-à-dire dans les deux
portions du Mékong où l’aisance des habitants est la plus grande. Dans la zone intermé-
diaire, au Laos, nous n’en avons pas observé. La rareté de ces utiles animaux ne s’explique
guère, car ils sont tout aussi faciles à élever que les canards et non moins commodes à
conduire en troupeaux dans les champs.
L'oie qu'on rencontre en Cochinchine nous a paru entiérement semblable à l'espèce
commune de France. Celle qu’on trouve en Chine est plus grosse et présente une forte
callosité noire au-dessus et à la naissance du bec. La chair des oïes de l’Indo-Chine est
(out aussi grasse que celle des oies d'Europe; aussi les Européens doivent-ils s'abstenir
d'en manger souvent, afin d'éviter la surcharge biliaïre qu’amènent les corps gras, et qui
produit à la longue la plupart des hypérémies du foie qu’on observe sous les tropiques.
Dindons. — Le dindon a été récemment importé en Cochinchine par les Européens,
et on ne parvient que difficilement à l’élever dans les parties alluvionnaires. Dans les
parties élevées avoisinant les forêts, où on trouve facilement des œufs de termites à
donner aux jeunes dindons, leur élevage est assez facile. Cette nourriture est indispen-
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. 375
sable à leur développement. En raison de cette nécessité et des soins qu'il réclame, cet
oiseau sera longtemps en Indo-Chine un oiseau de luxe.
Paons. — Quoique le paon n'existe guère en Indo-Chine qu’à l’élat sauvage, nous
croyons utile d’en dire quelques mots. L'espèce particulière qu’on y trouve se distingue du
paon commun par la couleur rousse des plumes de la partie inférieure des ailes. Elle
est très-abondante dans les régions forestières du sud, en Cochinchine, au Cambodge et
dans le Laos inférieur. Au-dessus de ces pays, à partir du 19° degré, elle devient très-rare
et disparait vers le 20°. Cette belle espèce, plus grosse que nos dindons, constitue le
meilleur gibier de ces pays et peut-être du monde. Sa chair est supérieure à celle de la
dinde à laquelle elle ressemble. Les paons indo-chinois vivent en bandes et se tiennent
le plus souvent dans les forêts avoisinant les champs de riz où ils viennent manger les
grains le matin et le soir. Ils pondent à la fin de la saison sèche, c’est-à-dire en avril et
en mars, de façon que léclosion arrive avec les pluies au moment où les insectes com-
mencent à pulluler. Les couvées se tiennent principalement dans les bois où elles trouvent
constamment des fourmis blanches ou termites, dont elles paraissent, ainsi que les din-
dons et les faisans, avoir un besoin essentiel pour se développer. Ce n’est que lorsque les
couvées ont grandi qu'elles s’aventurent dans les champs cultivés. Toutes les tentatives
faites jusqu’à présent pour obtenir que le paon de l’Indo-Chine se multiplie dans les
basses-cours ont été infructueuses. On arrive facilement à élever les jeunes paons pris
dans les forêts, mais jamais les paonnes ne pondent une fois adultes.
Faisans.— Comme en Europe toutes les espèces de faisans qu’ontrouve en Indo-Chine
vivent à l’état sauvage dans les forêts, et nous n’en parlerons qu’en raison de l'intérêt
considérable qu’elles présentent comme gibiers de pare en Europe.
[n’y a, dans toute la partie tropicale de l’Indo-Chine, qu'un seul faisan, que les Anna-
mites nomment Ga-loi. Son plumage bleu-clair-tacheté en fait un des plus jolis oiseaux du
monde. Une deuxième espèce de faisans, tout aussi rare que la première, ne se trouve
que dans les montagnes du Laos supérieur. Comme la précédente, elle s'élève très-bien
dans les basses-cours, lorsqu'on la prend jeune, mais elle ne s’y reproduit pas. Son plu-
mage est blanc, tacheté uniformément de noir. Ce n’est qu'au-dessus du tropique, dans
les régions brumeuses, que les faisans deviennent vraiment nombreux et que les espèces
se multiplient. Chaque province, outre plusieurs espèces communes à toutes les autres,
possède la sienne propre. A côté de lespèce commune, introduite en Europe depuis
longtemps, on en trouve d’autres aussi belles, parmi lesquelles il faut citer le magnifique
oiseau connu sous le nom de poule du Yun-nan ou faisan de lady Amherst.
Les faisans ne causent en Chine aucun dégât sérieux dans les champs cultivés, et les
indigènes ne les chassent que pour leur chair.
Pigeons. — Le dernier des oiseaux de basse-cour dont nous avons à parler est le
pigeon; on ne le rencontre guère qu'en Cochinchine et en Chine; au Cambodge et au
Laos, il est d’une rareté extrême. 11 présente beaucoup de variétés dont la plus commune
est la bleue, appelée vulgairement biset en France. En général, les races de pigeons indo-
chinoises sont plus petites que les nôtres et ont une chair moins délicate. Dans toutes les
370 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
régions où nous les avons observées, elles nous ont paru supporter également bien le
climat et sy multiplier avec la même rapidité. Dans le sud, où la chaleur est toujours
élevée, leur multiplication est incessante ; elle subit un ralentissement au commence-
ment de la saison sèche; dans le nord, elle cesse en hiver. Comme en Europe, les Indo-
Chinois construisent des pigeonniers élevés, munis de trous extérieurs et de comparti-
ments intérieurs. Afin de les préserver des rats, plus nombreux encore sous ces climats que
sous les nôtres, et des serpents, ils dressent ces pigeonniers sur quatre colonnes en bois,
hautes de plusieurs mètres. En Chine, où 1l existe des oiseaux de proie en assez grand
nombre, les habitants attachent à la queue des pigeons un petit appareil en bambou creux,
muni d'une fente, qui produit un sifflement aigu pendant tout le temps qu’ils volent, et
qui parait suffire pour éloigner les oiseaux de proie. Le sifflement de cet appareil est
désagréable et s'entend de fort loin.
Lapins.— Le lapin domestique n’est pas inconnu dans le sud de l’Indo-Chine, mais il
est si rare qu'il peut être considéré comme n’y existant pas. En Chine, quoique moins
introuvable, il est encore une rareté. La race à laquelle il appartient est sensiblement plus
petite que celle d'Europe. Elle est généralement blanche.
Quant au lapin de garenne, nous ne l'avons trouvé nulle part, et, contrairement à ce
qu'on pourrait croire, cela est à regretter. Avec l’extrème fécondité que présente cet ani-
mal et le peu d’inconvénients qu'il offrirait, sous ces climats, pour les récoltes et les bois,
il serait d’une grande ressouree pour les habitants par sa chair sinon délicate, du moins
très-saine.
Abeilles. — Les abeilles se rencontrent à l’état sauvage dans toute l’Indo-Chine, sur-
tout dans le Laos supérieur. Dans ce dernier pays et en Chine, les habitants recueillent
les essaims et les placent dans des ruches. Ces ruches se composent d’un troncon d’arbre
évidé intérieurement, fermé à ses extrémités et que l’on suspend contre les maisons, à
l'abri de la pluie. L’abeille de l’Indo-Chine nous a paru plus petite que celle de nos pays.
A l’état sauvage, elle vit surtout dans les montagnes où elle établit ses rayons dans les
trous des rochers. C’est vers les mois de juin et de juillet que les essaims s’envolent et que
les habitants vont recueillir la cire qui a une très-grande valeur dans ces pays, en raison
de la grande quantité de cierges qu’on brüle dans les pagodes en l'honneur de Bouddha.
Les indigènes recueillent assez souvent le miel en asphyxiant les essaims ; mais cetle pra-
tique n’a lieu ordinairement qu'à l'égard des abeilles placées dans des ruches. La cire est
aussi belle que celle qu'on obtient en Europe ; les indigènes la retirent en chauffant les
rayons dans des chaudières et en les pressant dans des sacs. Dans le sud de l’Indo-Chine,
on emploie cette cire sans la décolorer; dans le nord, particulièrement en Chine, on la
blanchit en l’exposant à la rosée, comme cela se fait chez nous.
Le miel de ces abeilles est loin d’être aussi bon que celui de nos pays; outre qu'il est
souvent mal purifié, il retient des fleurs dont il à été formé une odeur et une saveur
trop fortes. En raison de la chaleur du climat, le miel est presque toujours liquide et sa
couleur est ordinairement jaune foncé, semblable à eelle du miel commun de Bretagne.
Parfois les habitants font fermenter leur miel pour fabriquer de l’'hydromel, mais cette
BESTIAUX ET ANIMAUX DOMESTIQUES. | DM
pratique est très-rare. Il y a quelque temps, les abeilles étaient beaucoup plus communes
qu'aujourd'hui dans le Yun-nan. Leur diminution est attribuée par les indigènes à l’exten-
sion de la culture du pavot à opium. Ils prétendent que, à la suite de la floraison des pavots,
les abeilles périssent en grand nombre, faute de ne pouvoir s’habituer à une autre nour-
riture. Sans vouloir nier l'influence de cette privation, nous croyons devoir attribuer aussi
cette mortalité au déboisement qui a produit la dessiceation du sol et diminué la quantité de
fleurs que ces animaux avaient précédemment à butiner. Quelle qu’en soit la cause, le fait
n’en est pas moins certain ; aussi, depuis quelques années, la cire a-t-elle acquis un prix
exorbitant. Si, comme en Europe, les Chinois cultivaient des légumineuses fourragères
telles que la luzerne-et les trèfles, qui sont si riches en fleurs, nous pensons que le nombre
des abeilles pourrait s’accroître de nouveau.
Animaux divers. — A la suite des animaux domestiques, nous tenons à dire quelques
mots des animaux sauvages présentant, soit des avantages, soit des inconvénients pour
l'agriculture.
En Indo-Chine, comme en Europe, les rats font de sérieux ravages dans les greniers;
on est obligé fort souvent de leur donner la chasse. Par contre, la souris est très-rare et le
mulot presque absent des champs. La taupe n'existe pas. L'absence de ces ani-
maux nuisibles est largement compensée par la présence des courtilières et d’une foule
d’autres insectes,avant parfois des larves aussi grosses et aussi malfaisantes pour les plantes
que celles des hannetons. Les fourmis surtout, en nombre prodigieux, sont un fléau dans
les jardins, et les horticulteurs doivent prendre une foule de précautions pour les empêcher
d’emporter les graines qu'ils viennent de semer et même celles qui sont déjà entrées en
germination. Rien n’égale la persévérance de ces petits animaux à franchir les obstacles
qu'on leur oppose. Si on élève un talus avec des cendres, ou toute autre matière désagréable
pour eux, ils creusent une galerie au-dessous. Si on enterre profondément les graines,
ils creusent des réseaux de galeries innombrables qui leur permettent en une nuit de dé-
pouiller toute une planche de semis. L’emploi de caisses, placées sur quatre pieux plongés
dans des vases toujours pleins d’eau, peut seul préserver les semis de graines précieuses.
Une seule espèce de fourmis, excessivement commune sur tous les arbres de l’Indo-Chine
et connue sous le nom de fourmi rouge, rend des services. Cette espèce, transportée sur
les arbres fruitiers et en particulier sur les orangers au moment de la floraison, permet
aux fruits de se nouer et de se développer sans accident, en mangeant les chenilles au
fur et à mesure qu'elles se montrent. Les fourmis rouges sont d’ailleurs excessivement
désagréables par leurs piqures et ne laissent pas que d’incommoder sérieusement celui
qui veut se livrer à des recherches botaniques. Les termites ou fourmis blanches sont
d’une abondance extrême en Indo-Chine jusqu'au 24° degré de latitude. Si elles sont peu
nuisibles aux récoltes, en revanche, elles sont un fléau pour les maisons en bois qu'elles
minent et qu'elles détruisent souvent en quelques jours en dévorant l’intérieur des co=
lonnes et des cloisons où elles se construisent des galeries souterraines qui leur permettent
de circuler à l'abri de la lumière.
Les crapauds sont très-nombreux en Indo-Chine et leur goût pour les insectes nui-
IL. 48
378 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
sibles les rend très-précieux. Ils détruisent, non-seulement les termites lorsque par
hasard leurs galeries sont ouvertes, mais encore toutes les autres espèces de fourmis et
les limaces qui sont assez communes. Les grenouilles sont très-communes et d'espèces
très-diverses; elles n’offrent pas d’inconvénients au point de vue agricole et leur chair
est un aliment très-apprécié de tous ces peuples.
Les vers de terre sont nombreux en Indo-Chine; ils sont des plus nuisibles, en remuant
constamment la terre des jardins et des prairies, et en formant à la surface du sol des tas
de terre.
Le moineau commun, qu’on trouve en Cochinchine, au Cambodge et en Chine, c’est-
à-dire dans les régions où les habitants sont nombreux, a les mêmes inconvénients et les
mêmes avantages qu’en Europe. Partout ailleurs, comme au Laos et dans les forêts, 1l
n'existe pas; il attend que la population soit plus dense pour arriver. S'il s'attaque
aux riz murs, il détruit aussi beaucoup d'insectes nuisibles. Les perruches sont très-
nombreuses dans le sud de lIndo-Chine et s’attaquent surtout au riz. Comme oiseaux
utiles, nous citerons le corbeau, les merles d'espèces si variées et les nombreux oiseaux
aquatiques qui dévorent les vers et les innombrables insectes des rizières et des marécages.
La pie, l’alouette, ne se rencontrent qu'en Chine sur les hauts plateaux où rè-
gne un climat tempéré; l’une et l’autre sont sans avantages ni inconvénients pour lagri-
culture.
$ 6. — Paturages, prairies et plantes fourragéres.
Les päturages restant toujours verts, tels qu'ils existent dans les pays constamment bru-
meux, ne sauraient exister en Indo-Chine, car, à l'humidité excessive de l’hivernage qui
donne tant de vigueur à la végétation herbacée, succède une période de plusieurs mois de
sécheresse qui l’arrèête bien plus complétement que ne le fait le froid sous nos climats. On
ne peut done, sauf sur quelques rares points de la Chine, trouver en Indo-Chine ces pà-
turages permanents, dans lesquels se font nos élevages de bestiaux. En revanche, les patu-
rages temporaires donnant de l'herbe verte pendant six à sept mois, y sont très-nombreux
au moment des pluies. Nous devons toutefois ajouter que ces pälurages temporaires peu-
vent, jusqu’à un certain point, être considérés comme permanents, car, dès que les pluies
cessent, les herbes se sèchent, mais sans se pourrir sur pied, comme cela aurait nécessai-
rement lieu sous nos climats, de telle sorte que les bestiaux, à défaut d'herbes vertes, se
contentent de ces herbes sèches et se maintiennent en assez bon état. Les prairies ou pätu-
rages naturels de l’Indo-Chine, se divisent en quatre classes distinctes :
1° Les pâturages ou prairies situés dans les excavations humides des plaines élevées
et entourées de forêts, dont le nombre et l'étendue sont restreints et qui sont surtout abon-
dants dans le sud de la vallée du Mékong, particulièrement en Cochinchine ,
2° Les päturages ou prairies des forêts-clairières des bords du Cambodge et de ses
grands affluents, qui sont souvent très-étendus, et qui, quoique parsemés de grands arbres,
sopt très-riches en herbes. Ces pâturages disparaitront avec laccroissement de la popu-
PATURAGES, PRAIRIES ET PLANTES FOURRAGÈRES. 379
lation, car c’est surtout sur eux, en raison de la richesse de leur sol alluvionnaire, que se
fixeront les habitants, avant d’envahir les éminences où la terre est généralement moins
fertile. Les graminées qui croissent dans ces prairies sont d’ailleurs trop fortes et à feuilles
trop larges pour être recherchées des bestiaux ;
3° Les pâturages des forêts-clairières situés sur les collines et les plateaux sablonneux
du sud, dont le nombre et l’étendue sont considérables, particulièrement au Cambodge
et au Laos. Ces derniers pâturages, quoique parsemés d'arbres nombreux, sont cependant
fort riches et nous paraissent appelés à rendre les plus grands services pour les élevages,
comme cela du reste a déjà lieu au Cambodge. Les arbres qui les couvrent appartiennent
presque exclusivement aux genres Shorea, Dipterocarpus, Terminalia, Randia, Xylia et
Blackwellia, qui, réunis ensemble, semblent s'opposer à la croissance des broussailles au
tour d’eux dans un certain périmètre. Les herbes qui couvrent ces plaines sont ordinaire-
ment fines, variées, très-appréciées des bestiaux eten même temps très-propres à faire
des foins.
4° En dernier lieu viennent les paturages des montagnes, qu’on ne commence à rencon-
trer qu’en s’approchant du tropique, c’est-à-dire dans le Laos supérieur et en Chine où ils
sont les seuls paturages existant. Leur étendue est toujours restreinte et leur surface par-
semée d’arbustes ou d'arbres dont la plupart appartiennent à la famille des cupulifères. Les
herbes qu’on y trouve sont ordinairement excellentes et assez variées; dans les endroits
humides, elles sont grandes avec des feuilles larges; dans les régions sèches, elles sont
fines et très-courtes.
Comme partout, les graminées dominent dans ces quatre classes de prairies, mais
plus cependant que sous les climats tempérés. Un certain nombre de ces graminées
deviennent très-aromatiques après la fanaison, au moins autant que l’anthozanthum odo-
ratum ou flouve des pays tempérés; elles exhalent, comme cette dernière plante, une odeur
d'acide benzoïque très-prononcée qu’elles communiquent aux foins. Dans ces prairies,
on trouve aussi quelques légumineuses appartenant aux genres Desmodium et Crotalaria,
quelques synanthérées du genre Pluchea et beaucoup d’euphorbiacées; mais ces diverses
plantes sont en nombre insuffisant pour constituer des foins aussi variés que les nôtres.
Dans les prairies des forêts-clairières des bords des fleuves, on trouve, en outre des gra-
minées, un nombre exagéré de grandes cypéracées à feuilles larges, dures et coupantes.
Si toutes les prairies naturelles de l’Indo-Chine sont inférieures à celles des climats tem-
pérés sous le rapportde la qualité des herbes et à cause de leur caractère temporaire, elles
sont en revanche beaucoup plus productives. En raison de la vigueur extrème de la végé-
tation herbacée sous les tropiques à l’époque de l’hivernage, on peut couper les foins toutes
les six semaines ou au moins tous les deux mois. Il est même préférable de faire des coupes
très-rapprochées, si on veut avoir des foins tendres, ne contenant que très-peu de tiges
ligneuses. Des fauchages rapprochés offrent encore l'avantage de s'opposer à la floraison
ou du moins à la fructification complète des herbes des prairies où on les pratique, de faire
disparaitre toutes les plantes annuelles et bisannuelles qui ne se multiplient que par graines,
et de ne laisser subsister que les plantes vivaces, bien préférables pour la plupart comme
380 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
plantes fourragères. Ce système, mis en pratique pendant deux à trois ans dans la même
prairie, l’améliore done beaucoup.
Dans les lieux bas et humides, où les herbes deviennent très-grandes en peu de
temps, on peut faire toutes les six’semaines des fauchages ; dans les lieux élevés et secs,
où les herbes sont plus petites et croissent moins vite, ils ne sont possibles que tous les
deux mois.
Quelle que soit la zone de l’Indo-Chine où existent les prairies, la fanaison est partout
très-facile, et l’on parvient sans trop de peine, malgré les fortes pluies de l’hivernage, à
faire sécher les herbes, pourvu que l’on aitle soin de profiter des quelques heures de soleil
qui précèdent presque toujours l’orage quotidien. Il est toutefois nécessaire de réunir
ces herbes en meules ou mieux de les placer sous des abris en bambou, couverts avec des
feuilles.
Les Européens sont les seuls qui, en Indo-Chine, font parfois faner des foins pour
nourrir leurs chevaux.
Quoique sous les tropiques la récolte des foins soit bien moins essentielle que sous nos
climats où règne un hiver pendant lequel les bestiaux ne trouvent presque plus de quoi
vivre dans les champs, elle serait cependant très-utile pour obtenir des bestiaux leur
maximum de travail. On pourrait économiser ainsi le temps qu'il faut pour les conduire
aux champs et celui qu'ils mettent à chercher et à païtre leur nourriture; ce qui équivaut
environ à la moitié de la journée. Cette perte de temps oblige les cultivateurs, au mo-
ment où on laboure les rizières, à posséder un nombre double de buffles.
Les prairies des plateaux du sud, qui sont si communes au Cambodge, se placent en
première ligne, et celles des montagnes du nord de l’Indo-Chine en deuxième ligne, pour
les élevages des bestiaux. Dans les unes et les autres, des élevages considérables pourraient
avoir lieu. Déjà au Cambodge il en existe quelques-uns fournissant dès à présent les bœufs
nécessaires aux usages des habitants et de la colonie française. Il faut espérer que plus
tard, ces prairies et ces élevages se multiplieront beaucoup. Les habitants, sollicités par
l’appät du gain, prendront sans doute plus de soin de leurs bestiaux, et conserveront les
vaches exclusivement pour la reproduction, au lieu de les vendre pour la boucherie.
Quant aux prairies du nord de lIndo-Chine, elles sont en ce moment presque sans
aucune utilité. Nous avons été étonnés du peu de parti qu’en tirent les Chinois, même
dans les régions où le trop-plein de la population aurait dû amener leur utilisation.
Nous avons déjà appelé l'attention sur la quantité de laitage et de viande qu’elles pour-
raient fournir; c’est à peu près d’ailleurs, le seul moyen d'utiliser les sommets de ces
montagnes, dont le sol est presque toujours trop rocailleux ou trop see pour être dé-
friché et planté de céréales.
Serait-il utile d'introduire en Indo-Chine quelques-unes des plantes fourragères
qu’on trouve en Europe? Pour le sud nous n’oserions le conseiller : la plupart de nos
plantes ne pourraient y croître et les plantes indigènes sont assez nombreuses et assez
bonnes. Nous signalons en particulier plusieurs espèces à tiges dressées du genre Desmo-
dium, qu'on trouve si abondamment sous ces climats. Pour le nord de lIndo-Chine la
ENGRAIS ET AMENDEMENTS. 381
réponse ne saurait être douteuse et l'introduction de la luzerne nous parait appelée à
rendre de très-grands services, le jour où les indigènes se décideront à multiplier leurs
bestiaux. Sur les flancs des montagnes, à la hauteur où la culture des céréales devient im-
possible, cette plante croitrait sans doute avec vigueur. Ce qui pour nous rend le succès
de la luzerne certain dans le nord de l’Indo-Chine, c’est la présence dans toutes les cul-
tures de l'espèce de luzerne appelée lupuline (Wedicago lupulina, L.). Quoique cette der-
nière plante n’y soit pas indigène, elle s’est cependant naturalisée partout et constitue une
mauvaise herbe pour les rizières des régions élevées.
Les graminées de l’Indo-Chine qu'on trouve le plus communément dans les prairies
appartiennent aux genres suivants : Azdropogon, — Eriochloa, — Paspalum, — Eleu-
sine, — Cynodon, — Rottboellia, — Cenchrus, — Isachne, — Poa, — Oryza, —
Anthistiria, — Panicum, — Dimeria, — Coix, — Arundo, — Imperata. — Ce dernier
genre domine partout dans les prairies du sud, et contribue beaucoup à les rendre mau-
vaises en éliminant, par sa grande vigueur, les autres graminées généralement moins ro-
bustes que lui.
$ 7. — Engrais et amendements.
La fabrication et l’utilisation des engrais sont en Indo-Chine, comme en Europe, assez
en rapport avec le degré de civilisation de chaque pays et la densité de la population. C'est
donc en Chine,où la population est le plus nombreuse que les engrais sont le plus utilisés
et au Laos, où elle est le moins dense, qu’ils le sont le moins. A côté de cette distinction,
nous devons établir également celle non moins importante qui est due au climat. Dans le
sud, où les plantes eroissent avec vigueur et où elles semblent puiser plus que dans le nord
leurs éléments constitutifs dans l'atmosphère, les engrais sont moins appréciés des agri-
culteurs ; mais si les récoltes exigent moins d'engrais pour se développer complétement,
elles acquièrent, lorsqu'on leur en donne, un surplus de vigueur qu’on ne pourrait jamais
leur donner avec la même quantité d'engrais dans les climats moins chauds, etce résultat de-
vrait encourager les cultivateurs du sud de l’Indo-Chine à fumer davantage leurs terres, au
lieu de laisser perdre la plupart de leurs engrais. En Europe, nous utilisons presque tous
les engrais, à l'exception de l’engrais humain, qui est le plus riche de tous. Au contraire,
les Indo-Chinois, et en particulier les Chinois, tirent la plus grande partie de leur fumier
de ce dernier engrais; mais, par contre, ils n’utilisent presque jamais leur paille.
Nous devrions imiter les Chinois dans l'emploi des engrais humains et ils devraient nous
imiter pour l’utilisation de la paille. Dans le sud du bassin du Mékong, ainsi que nous
l'avons dit plus haut, les indigènes n’emploient pour ainsi dire aucun engrais, excepté
pour la culture de quelques plantes maraichères et en particulier pour celle du tabae.
Mais en Cochinchine, où la population est assez dense, les horticulteurs commencent à
employer les engrais, surtout sur les points de notre colonie où la population tend à
devenir trop serrée. À Saïgon, où se trouvent beaucoup de cultivateurs chinois, on
fabrique une poudrette composée d’excréments de buffles, de bœufs, de chevaux qu'on
382 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
fait pourrir en les arrosant et auxquels on mêle des cendres ou des tourteaux d’arachides.
Le mélange, réduit en poudre, est déposé dans un trou pratiqué au pied du tabac.
Pour la culture des légumes, les Annamites préfèrent de beaucoup les engrais humains.
Avant de s’en servir, ils les réunissent dans une fosse creusée au milieu de leur jardin, y
ajoutent de l’eau, puis les brassent plusieurs fois par jour pendant quelque temps, et enfin
répandent cet engrais liquide, à l’aide d’une grande cuillère, au pied des légumes.
Comme en Europe, les Indo-Chinois ont classé les excréments d’après leur propriété
fertilisante, et quoique absolument dépourvus de connaissances chimiques, ils sont arrivés
aux mêmes conclusions que nos plus célèbres agriculteurs. Ils placent en première ligne
les excréments de chien, si riches en phosphate de chaux par suite du grand nombre
d'os qui entre dans la nourriture habituelle de cet animal. Les excréments de chien se
vendent quatre ou cinq fois plus cher que les autres. En seconde ligne, viennent ceux des
oiseaux de basse-cour, puis ceux du cheval, de l’ane, des moutons, des chèvres et de l’é-
léphant.Tout à fait en dernière ligne, viennent ceux des pores, quisont également les moins
estimés en Europe. La grande valeur que les Chinois accordent aux exeréments du chien,
doit faire penser qu’ils apprécient beaucoup les os. En effet, ils les recueillent partout avec
soin, et, après les avoir grillés et pulvérisés, ils les répandent sur leurs champs.
La récolte des exeréments humains sur les routes ou dans les rues des villes, qui com-
mence à être pratiquée en Cochinchine depuis quelques années, se fait partout en Chine.
Le matin, c’est à qui se lèvera le plus tôt afin d’en recueillir le plus. Danses villes, toutes
les maisons possèdent une petite fosse dontles paysans viennent presque chaque semaine
acheter et enlever le contenu, à l’aide de deux seaux suspendus aux extrémités d’un ba-
lancier, qu'ils portent sur les épaules ou qu'ils placent sur le dos des bœufs ou des ânes.
Ce système de vidange, le seul employé en Chine, fonctionne toute la journée, et ne
contribue pas peu à rendre désagréable la circulation des rues : à chaque instant on se
croise ou plutôt on se heurte, en raison de l’étroitesse des rues, à des vidangeurs dont les
seaux ne sont couverts que lorsqu'ils les font porter par des animaux.
Dans les villages, au contraire, les fosses sont très-grandes et construites avec le plus
grand soin. Leurs murs sont en briques avec les joints bien cimentés, de façon à rete-
nir complétement les liquides. Au-dessus, on établit très-souvent les porcheries. Les
habitants vont autour de cette fosse qui est toujours plus large que la cage qui
est dessus, et ils y déposent tous les exeréments liquides et solides qu'ils recueil-
lent ailleurs, et qui forment, avec le temps, une bouillie liquide qu’ils enlèvent deux
fois par an, à l'automne et au printemps. La partie liquide de ces fosses sert surtout pour
les cultures maraichères. Quant à la partie solide, après avoir été séchée et bien pulvérisée
à l’aide de fléaux, elle est employée pour les grandes cultures. Ordinairement la pou-
drette qu’elle fournit est déposée au pied des plantes à la main ; rarement on la sème à
la volée. Ces diverses opérations sont faites aveë des soins très-minutieux, qui montrent
toute la valeur qu'accordent les Chinois à ces engrais, mais qui contrastent beaucoup avec
la négligence qu'ils apportent dans beaucoup d’autres pratiques agricoles presque aussi
importantes, telles que le labourage. Les fosses destinées à fabriquer des engrais liquides
ASSOLEMENT ET JACHÈRES. 389
et solides, n'existent pas exclusivement dans les maisons ; on en trouve aussi très-souvent
à la sortie des villes et des villages. Afin d’engager les passants à entrer dans ces lieux
publics, construits loujours par les particuliers, on raconte que, dans certaines villes du nord
de la Chine, les propriétaires y mettent du papier et qu'ils vont même jusqu'à donner
une pièce de monnaie de petite valeur à chaque personne qui en sort. Cette pratique chi-
noise est bien différente de la nôtre où il faut toujours payer.
Les Chinois apprécient aussi beaucoup les cendres, soit qu’elles proviennent des bois,
des herbes, de la tourbe, du charbon de terre et du lignite. Elles sont mêlées aux engrais
des fosses, ou, plus souvent, à la poudrette qui en provient. Les débris de peaux venant des
tanneries et des corroieries, et la plupart des résidus de beaucoup d’autres industries ne
sont pas moins recherchés.
La pratique du marnage nous parait complétement inconnue des Chinois; cette pratique
serait d’ailleurs impossible, ainsi que celle du plätrage, les deux matières servant à les
faire n’existant pas dans le sol de l’Indo-Chine. En revanche, l'usage de la chaux, qui peut
les remplacer jusqu’à un certain point, est assez fréquent. Cette chaux provient du seul
calcaire qui existe si abondamment dans tout le pays, le marbre dolomitique, qu’on caleine
dans des fours.
Parmi les divers procédés destinés à augmenter la fertilité des terres sans engrais
ni amendement, il faut citer l’écobuage. Ce grillage de la couche arable des champs
est assez souvent employé en Chine sur les montagnes après le défrichage desterres. Il
sert moins dans ce cas à modifier la nature de la couche arable, qu’à détruire les nom-
breuses racines ligneuses qu’elle renferme.
Une pratique, qui se rattache à l’écobuage et que nous ne connaissons presque pas en
Europe, est encore plus fréquemment employée : c’est l’incendie des forêts. Ce procédé
barbare qui n’est pratiqué que parce que le bois n’a que très-peu de valeur dans les pays
chauds, produit une couche de cendres qui assure les récoltes pour deux ou trois ans.
Un autre avantage non moins grand de ce procédé, c’est de dispenser si complétement
du labourage, que les agriculteurs qui le pratiquent, se bornent à creuser avec un baton
un trou dans lequel ils déposent quelques graines de la plante qu’ils veulent cultiver.
$ 8. — Assolement et jachéres.
L'assolement des diverses plantes cultivées, tel qu’on le pratique dans les régions
tempérées, ne se rencontre qu’exceptionnellement en Indo-Chine. Ce n’est pas que cette
pratique, qui a pour but d’accroitre la quantité de produits qu'on peut tirer du même
champ dans une période de plusieurs années, ne soit aussi féconde, appliquée dans les
mêmes conditions ; mais les cultures inondées, qui sont, en Indo-Chine, les cultures
dominantes, ne paraissent pas l’exiger. Le riz, qui occupe plus des neuf dixièmes
de la surface totale des terres cultivées, jouit de la singulière propriété de croître
chaque année dans le même champ sans l’épuiser. Les indigènes prétendent même
que les meilleures rizières sont celles que lon cultive depuis le plus longtemps.
384 AGRICULTURE ET HORTICULTUR E.
Le riz parait en effet tirer de l’eau d'inondation la majeure partie de ses prin-
cipes nutritifs. Il serait impossible de cultiver cette céréale plus de trois années de suite
dans des terres non irriguées; mais, cultivée dans l’eau, elle paraît laisser intacts les
principes fertilisants de la couche arable, pour puiser sa nourriture dans l’atmosphère
et surtout dans l’eau. L'eau nous semble tenir son influence fécondante des nombreux
insectes qu'elle attire et dont la plus grande partie périt après l'enlèvement du riz, par
suite de la dessiccation de la couche de vase qui forme le sol des rizières. Ces insectes, qui
sont en nombre prodigieux, viennent annuellement dans les rizières pour s’y multiplier,
et apportent des bois, des marais et des rivières où ils ont vécu, les éléments fertilisants
qu'ils y ont puisés et en particulier les phosphates dont est formée leur enveloppe, et
dont le riz, ainsi que toutes les céréales, a un si grand besoin. Les poissons, qui sont si
nombreux dans les rizières, contribuent aussi pour une forte part à leur fertilité, en y pé-
rissant pour la plupart à la facon des insectes. Il résulte done de l’émigration de ces
divers animaux un courant indépendant de l’homme, qui apporte chaque année des forêts
et des rivières dans les rizières, les principes organiques nécessaires au riz. En s’avan-
çcant vers le nord, ce courant d'animaux est de moins en moins énergique ; aussi arrive-t-il
un point où les engrais deviennent indispensables à la croissance annuelle du riz dans le
même champ. Ainsi les Chinois emploient très-souvent des engrais; parfois aussi ils pra--
tiquent la pisciculture dans leurs rizières, ce qui en augmente à la fois la fertilité et le
rendement.
L’assolement n’est pratiqué dans le sud de l’Indo-Chine que pour les plantes secon-
daires, telles que la canne, le coton, l’arachide, le tabac, le maïs, l’ortie de Chine et les ha-
ricots. Selon les plantes, il est biennal ou triennal ; rarement il est à plus long terme, Dans
le nord, la pratique de l’assolement est plus répandue et s'applique au riz lui-même, mais
dans ce cas, elle est semi-annuelle. Ainsi, à la fin de l'été, après avoir enlevé le riz, on
laboure aussitôt les champs et on y sème le blé qui parcourt facilement en hiver, sous ces
climats privilégiés, ses diverses périodes de végétation. D’après ce que nous avons vu et
ce que nous ont affirmé les Chinois, ce procédé, tout en étant très-favorable à la quantité
de produits qu'on peut tirer du sol, est nuisible à la qualité des grains. Les grappes de riz
et les épis de blé sont plus petits et plus maigres. A côté de cet assolement semi-annuel,
praticable seulement dans les terres irrigables à cause de l’extrème sécheresse de l'hiver, on
observe, sur les terres sèches des montagnes ou des plateaux élevés, l’assolement ordinaire
d'Europe, biennal, triennal, ou quadriennal. Ainsi, au sarrasin succèdent le maïs, la
pomme de terre, l’avoine ou l’éleusine ; aux pavots à opium succèdent le sorgho ou le riz
imondé, ete. Dans ces divers cas, il est biennal seulement. Rien ne serait cependant plus
facile que de le pratiquer à plus long terme en raison du grand nombre de plantes cul-
livées qu'on trouve partout et qui comprend presque toutes celles des pays chauds et
froids. Ce progrès sérieux ne s’observera pas de longtemps en Chine, les cultivateurs de
ce pays n'ayant pour ainsi dire qu’un but, faire produire à leurs champs le plus de céréales
possible. Cette préoccupation constante des eultivateurs chinois vient de ce que l’on
consomme dans toute la Chine une quantité exagérée de céréales. On y use des grains,
ASSOLEMENT ET JACHÈRES. 389
non-seulement pour la nourriture ordinaire de l’homme, mais encore pour la fabrication
des alcools et d’une foule d’autres produits alimentaires. I ne faut espérer d’assolement bien
entendu et à long terme en Chine, que le jour où les habitants, au lieu de se nourrir pres-
que entièrement de céréales, chercheront à se servir davantage de viande. Alors le besoin
de fourrages se fera sentir pour nourrir les bestiaux qui devront fournir cette viande et on
cultivera un certain nombre de plantes fourragères qui s’intercaleront avec avantage entre
les récoltes de céréales.
Jachères. — La pratique des jachères, basée comme on sait sur le besoin de repos
qu'ont les terres après une ou plusieurs années de culture, est encore moins commune
en Indo-Chine que celle de l’assolement, à moins toutefois qu’on n’applique cette déno-
mination aux cultures de forêts qui se font deux ou trois années de suite dans le même
endroit, et qu’on ne recommence que quinze ou vingt ans après, lorsque la couche
d’humus s’est reformée et que la forêt est redevenue assez puissante pour qu’en la coupant,
elle forme après l'incendie une couche de cendres fertilisantes assez épaisse.
La fertilité du climat, l’inondation des terres, la longue durée et l’extrème sécheresse
de la saison sèche, qui laissent la terre dans un repos complet de six mois environ, sont
les principales causes qui rendent inutile en Indo-Chine la pratique de la jachère. Les
Indo-Chinois, malgré ce concours de conditions favorables, laissent cependant, et assez
inutilement à notre avis, reposer les rizières des régions élevées qui sont d’une irrigation
difficile et incertaine ; mais ce cas est assez rare.
Mauvaises herbes. — Un des faits les plus remarquables de l’agriculture indo-chinoise
est, sans contredit, le nombre restreint de mauvaises herbes que l’on rencontre dans les
champs eultivés. Dans le nord surtout, où les terres sèches, placées dans les mêmes con-
ditions climatologiques que celles de l'Europe, sont nombreuses, ce fail saute aux yeux et
on n’est pas peu étonné de ne trouver parmi les herbes vulgaires mêlées au blé, à l’avoine
el au sorgho, que le mélilot, la lupuline, le mouron des oiseaux et quelques autres herbes
particulières au pays. Dans le sud, ce fait surprend moins, parce que la plupart des eul-
tures ne se faisant que dans les champs inondés, il en résulte que toutes les plantes vul-
gaires des terres sèches d’une si facile propagation en sont forcément exelues, el qu'on ne
trouve que les genres de plantes aquatiques, bien moins nombreux comme on sait que
ceux des terres sèches. Ce résultat favorable se trouve encore accru par le mode de labou-
rage en terre inondée, qui permet, ainsi que nous l'avons fait remarquer précédemment,
une extirpation bien plus complète des mauvaises herbes.
Le petit nombre des mauvaises herbes dans les terres sèches de l’Indo-Chine parait
tenir à l'isolement dans lequel cette partie du monde est restée jusqu'iei, à la longueur
et à l'extrême sécheresse de la saison sèche, qui arrête complétement la végétation et
oblige les mauvaises herbes à parcourir leurs diverses phases de croissance en même
temps que les plantes cultivées, qui les étouftent ; enfin, à la configuration montagneuse
du sud de la Chine qui s’oppose à la propagation des plantes de proche en proche. Dans
celte région, les vallées chaudes et profondes, qui séparent les chaînes de montagnes, sont
un obstacle infranchissable pour les plantes des climats tempérés. Les plantes qui ont des
IL. | 49
380 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
graines à aigrelles pouvant être entrainées par le vent, ou celles à crochets qui s’atta-
chent aux animaux, peuvent seules se propager rapidement.
Non-seulement les mauvaises herbes, qu’on trouve dans les champs cultivés de l’Indo-
Chine sont moins nombreuses, mais elles sont également moins nuisibles qu’en Europe.
A l'exception de quelques seirpes, de plusieurs souchets qu’on trouve dans les terres hu-
mides et inondées, de quatre ou cinq espèces d’amarantes qui empoisonnent les jardins,
de dix à quinze espèces d’andropogons, communs partout, nulle part on ne trouve de
plantes aussi nuisibles que notre chardon, notre chiendent, notre sirapis arvensis, ete.
S9. Eaux et canaux d'irrigation.
On distingue trois sortes d'eaux employées en agriculture et en horticulture : 1° les
eaux de pluies; 2° les eaux de sources et de puits; 3° les eaux des fleuves et des ri-
vières.
Les eaux de pluies, en raison du grand nombre d’orages qui se succèdent presque
d’une façon ininterrompue pendant l’hivernage, paraissent être les plus riches en principes
fertilisants. Les décharges électriques continuelles qui précèdent et accompagnent ces ora-
ges, en déterminant la combinaison d’une certaine portion des deux éléments qui forment
l'air, l’azote et l'oxygène, fournissent aux plantes une partie de l'azote dont elles ont
besoin. A cette cause de supériorité des eaux de pluies, on doit ajouter l'influence de
toutes les particules organiques voltigeant dans l'air, elen particulier les insectes, que ces
pluies tuent et entrainent avec elles. Les eaux pluviales sont done les meilleures pour l'ir-
rigation: les rizières les plus fertiles sont celles qui sont disposées de façon à ce que ces eaux
puissent s'y amasser en assez grande quantité pour qu'il ne soit pas nécessaire d’en amener
d’autres. Cette condition est réalisée dans tout l'extrême sud du bassin du Mékong, où les
pluies sont un peu plus abondantes et mieux réparties que dans le nord, où le sous-sol
est imperméable, et où les rizières sont au niveau de l’eau des fleuves et même un peu
en dessous, de façon que l’eau s’y accumule forcément.
Les eaux de sources doivent être mises en dernière ligne comme propriété fertili=
sante ; elles sont peu abondantes dans le bassin du Mékong et ne donnent en général des
quantités d’eau importantes que pendant la saison des pluies. Un grand nombre tarissent
même complétement pendant la saison sèche. La plupart de ces eaux de sources; n’attei=
gnant pas les couches profondes du sol, et ne traversant que des terres alluvionnaires, des
grès ou des granils, sont très-pauvres en principes minéraux.
I n’en est pas cependant toujours ainsi, surtout dans les montagnes du nord du bassin
du Mékong. Les eaux de cette partie de l’Indo-Chine, filtrant souvent à travers des marbres,
contiennent alors une si grande quantité de sels calcaires qu’on ne peut les conduire
dans les rizières : Les sels de chaux forment des tuyaux inextensibles qui s'opposent au
développement des chaumes du riz.
Nous devons mentionner tout particulièrement dans le Laos, l'existence de sel marin
dans l’eau des rizières situées au centre de quelques plateaux. Ce sel, provenant sans doute
EAUX ET CANAUX D'IRRIGATION. 387
de dépôts de sel gemme dans le sous-sol de ces régions, quoiqu'en assez grande quantité
pour qu’il soit possible d'exploiter les efflorescences qu'il forme à la surface des rizières
après leur desséchement, ne paraît cependant pas nuire sensiblement à la croissance du
riz. Nous savons cependant qu'il n’en est pas toujours ainsi, et que, lorsque la proportion
de sel dépasse un certain chiffre, le riz est non-seulement tué, mais encore la rizière
devient impropre pendant plusieurs années à la culture de toute espèce de plantes. Ce fait
se passe souvent en Cochinchine à l'embouchure des fleuves, lorsqu'on laisse aceidentel-
lement pénétrer dans les rizières l’eau fortement salée des cours d’eau.
Il y aurait certainement lieu de rechercher quelle est la proportion de sel marin que
peut contenir l’eau d'irrigation sans nuire au riz. Nous signalons ce point intéressant de
chimie agricole à l'attention des chimistes.
Les eaux de puits ne valent guère mieux que les eaux de sources et de filtrations:;
elles sont également très-peu chargées en principes minéraux, excepté pourtant dans
quelques points du Laos et de la Chine où elles contiennent des sels calcaires, mais sur-
tout du sel gemme, en si grande quantité, qu'on les exploite pour les recueillir.
A l'exception des localités situées trop près de la mer ou des fleuves à eau saumätre,
on fore partout des puits en Indo-Chine. Dans les plaines alluvionnaires du sud, où la
nappe d’eau souterraine est très-près de la surface du sol, les horticulteurs et parfois les
cultivateurs en creusent de nombreux au milieu de leurs champs. Pour la culture du tabac
en particulier, ils y ont souvent recours et il est très-curieux d’apercevoir de loin les im-
menses balanciers qu’ils adaptent au-dessus pour en extraire plus facilement l’eau.
Quant aux eaux des fleuves, des rivières et des torrents, elles sont de valeur très-
différente selon les saisons, selon leur origine et souvent aussi selon le point des cours
d’eau où on les observe. Dans la saison sèche, alors que les eaux proviennent des rares
sources du pays, des suintements des berges et de la fonte des neiges, elles sont très-
pauvres en principes fertilisants, organiques et terreux. Dans la saison humide au con-
traire, alors qu'elles proviennent des nombreux torrents qui sillonnent les montagnes
après chaque orage, de l’inondation des plaines, et du débordement des marais et des ri-
zières, elles sont très-riches en débris organiques et en particules terreuses qui les ren-
dent excellentes pour l'irrigation et les arrosages.
Quoiqu’on puisse dire, qu’en général l’eau agit bien plus par elle-même que par ses
qualités, il y a cependant lieu de tenir un compte sérieux des variations dans sa composi-
tion que nous venons de signaler. Le cultivateur doit savoir discerner la meilleure, quand
il a le choix, et chercher à s’en servir de façon à accroître ses récolles.
La construction des canaux destinés à utiliser ces diverses eaux d'irrigation est très-ar-
riérée dans le sud où ils sont à peu-près inutiles, et assez avancée dans le nord où ils sont
indispensables. Dans le sud, on ne trouve de canaux que dans les parties élevées, et ils
sont ordinairement très-mal construits avec des berges en terre, sans barrages et sans
vannes. Dans le nord au contraire, les canaux sont souvent très-bien bâtis ; ils ont des
murailles en pierre et des vannes en bois assez bien installées pour régler le niveau de
l'eau et faciliter son déversement dans les rizières qui les bordent. En Chine, il n’est pas
388 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
rare d'observer de ces canaux, amenant à travers tous les obstacles l’eau des sommets des
montagnes sur les pentes douces situées à leur pied et dans les plaines. Ils sont souvent
creusés dans le roc, et il faut toute la patience chinoise pour les exécuter avec les moyens
défectueux que possèdent les habitants. Ces travaux ne se font d’ailleurs que par le con-
cours de tous les ecultivateurs de la même commune, et, tout admirables qu’ils sont,
ils sont loin d'approcher de ceux qui s'exécutent en Europe. Presque partout, il y
aurait lieu d'y apporter des améliorations sérieuses, telles que l’adjonction d’aquedues et
de grands bassins de réserve situés au pied des montagnes, comme ceux qu'on observe
déjà dans le Laos supérieur, et qui rendent de si grands services lorsque les pluies dimi-
nuent accidentellement pendant l’hivernage, ou lorsqu'elles ont cessé entièrement.
S 10. — Organisation de lu propriété.
En Cochinchine, la propriété est à peu près organisée suivant les mêmes principes
qu'en Europe, c’est-à-dire dans les conditions les plus favorables, selon nous, au dévelop-
pement de l’agriculture. Les terres, qui se transmettent par voie d’héritage, se vendent
et s’achètent comme en Europe. Les petits propriétaires possèdent la plus grande partie
du sol. La location des terres à bail est par suite peu commune, et en général la terre est
cultivée par son possesseur, qu'il en ait peu ou.beaucoup. Les terres qui appartiennent
aux communes ou à l’État, sont presque toujours d’une acquisition très-facile et les terres
récemment défrichées sont exemptes d'impôt pendant plusieurs années.
Les impôts sont proportionnels à la qualité des terres; celles-ci sont divisées en géné-
ral en trois classes, d’après leur degré de fertilité.
Au Cambodge et au Laos, la propriété est constituée d’une façon plus arbitraire et
moins personnelle. La plupart du temps, la terre est considérée comme une partie inalié-
nable du domaine royal, queles habitants ne détiennent qu'à titre de fermiers. Le taux sou-
vent exorbitant de l'impôt et les vexations des mandarins contribuent à restreindre l'essor
de la culture et les efforts des agriculteurs.
En Chine, l’organisation est semblable à celle de la Cochinchine, et l’agriculture
est très-prospère. Nous devons toutefois faire remarquer, que les terres incultes, possédées
par l'Etat et les communes, sont à peu près abandonnées. Nous avons déjà insisté
sur les effets fâächeux de cette négligence. L'opinion chinoise, qui veut que tout ce
qui vient sans beaucoup de peines, comme les arbres et les arbustes fruitiers, ne soit
pas à respecter à légal des autres récoltes, a les conséquences les plus déplorables pour
l’arboriculture. Elle a amené le déboisement de presque tout le pays, et elle est un obstacle
presque absolu à la eulture des arbres fruitiers en dehors des jardins. Le premier venu
étant censé autorisé à prendre les fruits qu'il trouve sur sa route, il en résulte que per-
sonne n'ose en cultiver en dehors des propriétés closes. Tel est sans doute l’une des causes
du peu de développement de la culture de la vigne en Chine.
COUP D’OŒIL GÉNÉRAL SUR L'AGRICULTURE. 389
S 11. — Coup d'œil général sur l'agriculture indo-chinoise.
L'agriculture chinoise est la seule qui puisse être comparée à l’agriculture européenne.
Partout ailleurs, l’art de la culture est trop arriéré, et les conditions elimatologiques sont
trop différentes pour qu'il soit utile de faire des comparaisons. L'agriculture chinoise,
considérée dans son ensemble, est inférieure à la nôtre; envisagée dans ses détails, elle
lui est souvent supérieure. Pour les cultures inondées, l'avantage reste souvent aux
Chinois et ils sont toujours nos égaux dans ce cas. Pour les cultures en terres humides
ou sèches au contraire, leur infériorité est des plus manifestes et ils sont à peine plus
avancés que les peuples les plus barbares. Des Chinois, transportés en Europe dans nos
terres sèches, et qui garderaient entièrement leurs procédés de culture, y végéteraient
et ne pourraient nourrir une population aussi nombreuse que la nôtre. Rien n'offre
un plus frappant contraste que les soins et la patience que les Chinois mettent à cultiver leur
riz et leurs légumes, et la négligence et l’ignorance qu'ils montrent dans les cultures des
zones sèches. Dans le fond des vallées, on peut comparer les cultures chinoises à des jardins,
tellement tout y est soigné; surles montagnes où l'irrigation est impraticable, leurs procédés
ne sont pas plus avancés que ceux des sauvages qui habitent à côté. A quoi tient cette in-
fériorité déplorable des cultures sèches ? Si les cultures en terres inondées sont très-soi-
onées, c’est qu’elles sont plus productives, plus faciles, mais surtout plus sûres, et qu’elles
exigent, pour être faites, bien moins de calcul et de prévoyance. Dans un champ inondé
un homme seul peut, presque comme dans un Jardin, pratiquer lui-même les diverses
opérations de la culture, sans avoir recours aux moyens auxiliaires qui sont toujours indis-
pensables dans les terres sèches. Une houe, à défaut de buffles et de charrues, peut lui
suffire pour produire de quoi nourrir sa famille. Les cultures en terres sèches ou hu-
mides, demandent au contraire un matériel compliqué et des bestiaux en grand nombre.
Nous avons enfin signalé les préjugés qui s’attachent aux cultures arborescentes et qui
contribuent puissamment à les maintenir dans un élat d’infériorité.
Il
PRINCIPALES CULTURES PRATIQUÉES EN INDO-CHINE. — CÉRÉALES. — PLANTES TEXTILES. — PLANTES
OLÉAGINEUSES. — PLANTES TINCTORIALES. — PLANTES FÉCULENTES. — PLANTES COLONIALES.
S 1. — Céréales.
Riz. — Pour la plupart des peuples indo-chinois, le riz joue un rôle bien plus grand
que Le blé dans les pays tempérés. Ce rôle tient non-seulement à l'abondance de sesgraines,
à la facilité de sa culture et à l'avantage qu’il présente de remplacer presque toutes les autres
céréales dans leurs différents usages, mais surtout à l'impossibilité de cultiver, sous ces
climats chauds et humides, une plante douée d'autant de qualités. En même temps qu’il
est la base de la nourriture de l’homme et de la plupart des bestiaux, il sert à extraire
une foule de produits. Ainsi c’est avec lui qu’on fabrique presque toutes les liqueurs
fermentées, l'alcool et la plupart des pâtes alimentaires. Il tient donc lieu de blé, d'avoine,
d'orge, de betterave, de pomme de terre et même de raisin. Sans doute, dans ces diffé-
rents cas, il est loin d’égaler les produits de nos plantes, mais les indigènes doivent s’en
contenter, puisque nos diverses plantes ne peuvent croître dans leur pays. Si les graines
de riz contiennent environ moitié moins de gluten que le blé et moins que la plupart des
autres céréales, cela ne présente que peu d’inconvénients, car il ne faut pas oublier que;
sous les climats chauds, l'organisme de l’homme et des animaux n’en réclame pas autant
que sous les nôtres, et que le riz leur suffit très-bien, à la condition toutefois qu’ils en
mangent un peu plus que de blé.
Be riz (Oryza sativa; Lin.) est une plante essentiellement asiatique, Nous avons trouvé
392 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
six espèces du même genre croissant spontanément dans le sud de la vallée du Mékong.
Trois de ces espèces végètent dans les forêts humides parmi les graminées croissant sous
les arbres; deux s’observent dans les fossés, les marécages et sur les bords des rivières ;
la sixième se rencontre sur les montagnes de grès du Laos inférieur. Aucune de ces
espèces ne nous a paru devoir être assimilée à l’espèce cultivée, et n’a pu par consé-
quent lui servir de souche. Les graines fournies par ces six espèces ne sont recueillies par
les habitants que dans les années de grande disette. Nulle part, d’ailleurs, ces diverses
espèces de riz ne se rencontrent en assez grande quantité pour devenir une ressource
sérieuse; leur récolte serait très-difficile, car leurs graines présentent la particularité sin-
gulière de se détacher très-facilement, avant leur complète maturité.
L'espèce de riz cultivée, quoique non indigène en Indo-Chine, se reproduit cependant
avec la plus grande facilité autour des cultures. Partout on en trouve quelques pieds éga-
rés; nulle part pourtant elle ne se reproduit indéfiniment sans le secours de l'homme.
Cette espèce a produit plusieurs .centaines de variétés, très-intéressantes, mais d’une
étude excessivement difficile, en raison des caractères différentiels peu tranchés qu'elles
présentent. La couleur de l'enveloppe des graines, qui varie du violet noir au blanc Jjau-
nâtre, en passant par le rouge, le rose, le jaune et le roux, sert surtout à les distinguer.
Leur grosseur et leur forme, quoiqu'offrant ordinairement très-peu de variations, sont
cependant très-utiles, combinées aux caractères précédents, pour reconnaitre les variétés.
Les caractères de l’intérieur des graines servent surtout à indiquer la qualité, et ont
servi de base à une division très-importante du riz en deux sortes principales. Ainsi on
divise les riz, d'après leur qualité, en riz blane et en riz gluant ou glutineux. Les graines
des riz blancs ont, avant leur cuisson, la cassure presque translucide et lisse comme celle
des blés durs. Les graines des riz gluants, au contraire, ont la cassure terne étant secs, et
deviennent transparents et gluants après la cuisson. Les Chinois, les Annamites et les
Européens préfèrent les riz blancs qui sont du reste plus riches en gluten; mais les
Laotiens et les sauvages choisissent les riz gluants comme étant plus commodes à manger
et un peu plus sucrés. Ces derniers riz sont surtout recherchés pour la fabrication des
eaux-de-vie, des liqueurs fermentées et des pâtes alimentaires. En même temps qu'ils sont
plus faciles à cultiver, moins difficiles sur le choix du sol et bien plus précoces, ils se prè-
tent beaucoup mieux à une production d’aleool en raison de leur pauvreté en gluten et de
leur richesse en amidon.
On a voulu distinguer le riz en riz inondé et en riz sec ou de montagne, suivant les
lieux où il est cultivé. Cette distinction n’est qu’apparente. Le riz ne peut être cultivé sur
les montagnes de l’Indo-Chine, où tonte inondation est impossible, qu’à cause de l'extrême
abondance des pluies sous ce climat et de leur répartition pendant quelques mois seule-
ment, conditions qui font que la terre, quelle que soit sa situation, reste constamment im
bibée d’eau pendant une période de plusieurs mois. Cette période d’imbibition du sol
est assez longue pour que le riz, quoique plante aquatique, puisse parcourir ses diverses
phases de végétation, lorsqu'on a le soin de le planter dans un sol riche en principes orga-
ques et facilement assimilables. On réalise cette dernière et indispensable condition en ne
CÉRÉALES. 393
J
pratiquant ce mode de culture que dans les bois et les forêts que l’on vient de brüler et
dont le sol est nécessairement très-riche en humus et en cendre.
Quoique toutes les variétés de riz puissent être cultivées de cette façon, il en est quel-
ques-unes qui s'accommodent mieux de cette culture, et que l’on préfère généralement.
Ces variétés appartiennent presque toutes au groupe des riz gluants, hätifs pour la plupart,
et qui ont les enveloppes plus ou moins colorées.
Comme nous l'avons déjà indiqué plusieurs fois, il existe trois manières de cultiver
le riz en Indo-Chine ; les voici par ordre d'importance : 1° la culture du riz dans les
champs inondés ; 2° la culture du riz dans les terres humides, qui est analogue à celle du
blé dans nos pays ; 3° la culture du riz pendant la saison sèche, sur le bord des lacs et
dans le lit à demi desséché des fleuves et des rivières, qui est presque assimilable à la cul-
ture du riz inondé.
La culture du riz dans les champs inondés est presque complétement identique dans
les différentes portions de la vallée du Mékong. On commence d’abord par entourer et au
besoin par diviser, lorsqu'il est très-étendu, le champ que l’on veut planter en riz, par
des talus en terre hauts de 3 à 6 décimètres. Dans les plaines que l’on vient de défricher,
dont le sol est rempli de souches et de racines, ces talus se construisent en entier à la
houe. Dans les plaines défrichées depuis longtemps, on combine avec avantage l’action de
la charrue à celle de la houe. Ainsi les cultivateurs, après avoir tracé trois ou quatre sillons
parallèlement à la direction que doivent avoir les talus, ramènent en dessus, avec la houe.
la terre remuée de chaque côté par la charrue. En avant la précaution de pratiquer cette
opération après quelques fortes pluies, alors que la terre est transformée en boue, ces
talus prennent très-vite de la consistance et s'opposent presque aussitôt à l'écoulement des
eaux de la rizière. Cette installation de talus, qui n’est ni difficile ni couteuse, ne de-
mande que peu d'entretien, L’adjonction d’une vanne destinée à laisser entrer ou écouler
l’eau, serait sans doute une bonne chose, mais la plupart du temps les cultivateurs indo-
chinois s’en dispensent et trouvent plus commode de faire une petite tranchée à la houe,
qu'ils ouvrent et bouchent à volonté avec quelques mottes de terre. Entre les talus, on
ménage ordinairement de distance-en distance de petits canaux, destinés, dans les rizières
des plaines basses et alluvionnaires, à laisser écouler l'excès d’eau, et à l’amener au
contraire dans les rizières situées dans les parties plus élevées, où l’eau des pluies est
presque toujours insuffisante.
Le riz qu’on cultive dans lés champs inondés, ne se sème nullement à la volée comme
lé blé en Europe, et ne se plante pas davantage à la main comme la plupart de nos lé-
gumes. On commence d’abord par le semer dans un endroit spécial, puis on le repique.
Cet endroit spécial, qui est le plus souvent le coin d’une rizière rapprochée des habitations,
doit toujours se trouver à portée de l’eau, de façon à pouvoir être irriguée à volonté lorsque
les pluies font défaut, circonstance assez commune au début de l’hivernage qui est le mo-
ment de ces semis. La terre doit être également très-fertile, de façon à ce que les jeunes
pieds de riz acquièrent le plus de vigueur possible. Pour obtenir ce résultat, les Chinois
ont l'habitude d'employer des engrais liquides ou solides; il est à regretter que les An-
IT. d0:
394 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
namites et les Laotiens n’en fassent pas autant. L'époque des semailles est de plus en
plus précoce à mesure que l’on s’avance vers le nord ; elles ont lieu en Chine, deux mois
plus tôt que dans le sud et sont comprises entre les premiers jours de mars et le com-
mencement de juin; elles précèdent de six semaines environ le repiquage, qui se fait de
mai à octobre, selon les pays, la qualité des terres et la variété du riz. Avant de semer le
riz, on laboure et on herse avec soin de façon à transformer toute la terre en une bouillie
claire. Puis on sème le r1z à la volée, et on irrigue. En attendant que le riz ait germé, ce
qui à lieu trois à quatre jours après, on le veille avec soin, surtout pendant le jour, de
facon à éloigner les oiseaux, qui sont à ce moment nombreux et affames. Dès que la
germination est commencée, on laisse écouler la plus grande partie de l’eau, afin d'éviter
la pourriture des graines et de permettre aux premières feuilles d'atteindre l'air. Les
Jours suivants, au fur et à mesure que ces feuilles grandissent, on laisse entrer un peu
plus d’eau. A l’aide de ces soins, on obtient, en cinq ou six semaines, du riz bon
à repiquer, haut de 40 centimètres au moins, et qu’on arrache très-facilement à la
main.
Au fur et à mesure qu'on procède à l’arrachage du riz, on le réunit en petites
bottes pouvant tenir dans la main et qu'on lie avec un brin de paille mouillée ou le
plus souvent avec une tige de scirpe. Avant d'enlever ces petites bottes du champ, ce qui
se fait en traineaux dans les grandes plaines, en bateau le long des cours d’eau, et à l’aide
de paniers portés sur les épaules dans les autres lieux, on tranche d’un seul coup de
serpe sur un billot leur tiers supérieur, de façon à les rendre moins lourdes, mais surtout
afin d'éviter que les brins de riz ne s’entremélent ou ne se cassent, ce qui rendrait le re-
piquage bien plus difficile.
L'opération du repiquage doit être précédée d’un labour profond, destiné à extirper les
mauvaises herbes, et surtout à retourner et à ameublir la terre. Ce labourage, qui n'a
lieu que lorsqu'il y a au moins 10 à 20 centimètres d’eau depuis plusieurs Jours dans
la rizière, est suivi d’un ou plusieurs hersages soignés, ayant pour but d’entrainer toutes
les racines des herbes, et de transformer la couche arable en une bouillie semi-fluide,
épaisse de 20 à 30 centimètres au moins, dans laquelle on plante presque aussitôt le
riz en l’enfonçant avec la main. Cette opération, aussi simple que facile et qui assure
toujours la reprise du riz, doit être faite très-rapidement avant que la terre soit déposée
et lassée. Aussi toute la famille du cultivateur, femmes et enfants, y prête-t-elle son con-
cours ; il n’est pas rare de voir plusieurs familles se réunir et s’aider pour assurer la ra-
pidité de cette opération. Les grands cultivateurs ont recours aux familles pauvres qui
parcourent ordinairement les campagnes à cette époque, et qui se louent successivement
à ceux qui ont besoin de leurs services.
Les travailleurs repiquant le riz, sont nécessairement plongés dans l’eau jusqu'aux
genoux. De la main gauche, ils tiennent une bottelette et de la droite ils enfoncent succes-
sivement un certain nombre de brins de riz réunis en faisceaux ; ce nombre varie entre
quatre et huit, selon la fertilité des terres. Les faisceaux, espacés de 10 à 15 centi-
mètres, sont disposés en lignes régulières placées à la même distance que les faisceaux.
CÉRÉALES. 305
A la suite du repiquage du riz, on laisse pendant deux ou trois jours une couche
d’eau assez épaisse dans la rizière, afin d'assurer sa reprise. Cette période passée, on
fait sortir la plus grande partie de l’eau, afin d’aérer la terre et de donner de la vigueur
aux tiges. Cette opération est répétée deux fois pendant la période de la croissance du riz ; à
l'approche de la maturité, on laisse l’eau s’écouler afin de rendre le moissonnage plus
facile.
La floraison du riz est, comme celle de toutes nos céréales, très-sensible aux fortes
pluies et se trouve frès-compromise dans les années pluvieuses. Quelques pluies légères,
se produisant par intervalles, assurent la fécondation. Le versage du riz se produit assez
fréquemment dans les années pluvieuses, surtout dans les parties profondes des rizières,
où l’eau s’amasse. Les points où il se produit font en général exception et l’on peut
presque toujours conclure de ce symptôme que la récolte sera ailleurs très-abondante.
Dans l’extrème sud, le moissonnage commence en novembre et finit à la fin de janvier
ou au commencement de février. Dans le nord, 1l débute et finit un ou deux mois plus tôt.
Comme pour le repiquage, on réunit le plus de monde possible, de façon à éviter que les
grains ne se détachent, ce qui se produit lorsqu'on attend quelques jours trop tard.
On se sert, pour couper le riz, d’une pelite faucille très-grossièrement faite, dentée
sur la face inférieure comme celle d'Europe. Au Laos et en Chine, le manche de la fau-
cille est court el n'offre rien de remarquable. En Cochinchine, au contraire, les indigènes
y ont adapté un grand crochet qui facilite la réunion des ehaumes dans la main.
Le riz est toujours coupé vers le milieu de sa longueur, de façon à laisser en terre la
partie inférieure des tiges, que l’inondation a revètue d’une couche de matière terreuse.
Au fur et à mesure qu’on le coupe, on le réunit en bottes qu’on transporte dans l’em-
placement choisi pour le battage et que l’on dispose en tas ou en meules, au-dessus
desquels on élève un toit pour les préserver des pluies tardives. L'usage de ces toits, très-
rare dans le sud, est presque général dans le Laos, où les pluies sont très-fréquentes à
l’époque de la moisson. L’égrenage du riz se fait à côté de la meule, sur une aire dont
le sol est pétri avec de la fiente de buffle. On se borne, après le pétrissage, à lisser sa sur-
face et à la laisser sécher. L’égrenage se pratique différemment suivant les pays et selon
l'importance des exploitations agricoles. Les petits eultivateurs battent le riz le plus sou-
vent en piétinant dessus, ou en frappant les bottes sur des planches lisses ou garnies
de dents. Les grands cultivateurs, surtout ceux de la Cochinchine, le font piétiner par
leurs buffles.
L'usage du fléau n’est connu que sur quelques rares points de la Chine. Les Lao-
tiens se servent très-souvent de deux bambous croisés et réunis par une corde à leur
extrémité, entre lesquels ils serrent une bottelette qu'ils frappent à tour de bras sur le sol
ou sur une planche. Si ingénieux que soit ce procédé, il est à notre avis le plus pénible.
Le vannage se fait presque toujours avec le tarare en Cochinchine et en Chine. Au
Laos et chez les sauvages, cette opération se pratique de la manière la plus simple du
monde. Pendant qu'un individu, à l’aide d’un van à main cireulaire, laisse tomber de sa
hauteur le riz mélangé aux balles et à la poussière, un autre agite l'air avec un grand éven-
396 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
tail en bambou, de façon à faire tomber celte poussière et ces balles plus loin que les
grains. On peut profiter pour ce travail d’un jour où règne de la brise.
Le battage et le vannage achevés, le riz est emmagasiné dans des greniers en bambou
ou en planches en forme de grandes caisses, placées dans l’intérieur des maisons en Co-
chinchine, et en dehors au Laos, dans de petits bâtiments spéciaux. Dans l’un et l’autre
pays, ces greniers sont toujours élevés au-dessus du sol et bien dégagés, afin de surveil-
ler les rats et les autres animaux qui chercheraient à s’y introduire. Non décortiqué, tel
qu’on le place dans ces greniers, le riz se conserve à peu près indéfiniment et n’est que
très-peu atteint par les insectes. Décortiqué, au contraire, ils’ y conserve mal ; aussi les
cultivateurs ne lui font-ils subir l'opération du décortiquage qu'au fur et à mesure des be-
soins de la consommation ou de la vente.
Dans le sud, en Cochinchine et au Cambodge, le décortiquage se fait à l’aide d’un ap-
pareilassez analogue, comme principe et comme fonctionnement, à la paire de meules de
nos moulins. Cet appareil se compose de deux paniers en forme de trone de cône, super-
posés par leur petit bout et lutés intérieurement de terre glaise, dans lesquels on fixe
verticalement de nombreuses lames de bambous faisant saillie d’un centimètre. Le
panier supérieur est percé près de son centre d’un trou par lequel on introduit le riz à
décortiquer ; il est mis en mouvement par une bielle que l’on manœuvre à la main. Le
riz, entrainé au dehors par le mouvement de rotation, se décortique en passant entre les
diverses lames de bambou ; malheureusement beaucoup de grains se brisent, et le riz
perd ainsi une grande partie de sa valeur commerciale. Cet instrument si simple, et que
chaque cultivateur peut confectionner lui-même, ne se trouve Jamais au Laos. Les indi-
scènes décortiquent le riz en le pilant dans un grand mortier. En Chine dans les régions
où existent beaucoup de pelites rivières et de ruisseaux se prêtant facilement à l’installa-
tion de moteurs hydrauliques, on décortique le riz à l’aide de grandes meules en grès,
munies comme les nôtres à leur face inférieure de sillons plus ou moins obliques, et mises
en mouvement par des roues horizontales.
A la suite du décortiquage, le riz est vanné, et il ne reste plus qu’à le piler. Cette opé-
ration, destinée à lisser le riz et à le débarrasser de la poussière et des restes d’enveloppes
échappées au décortiquage, s'exécute partout à l’aide d’un mortier en bois, ou quelquefois
en pierre. À ce mortier pouvant contenir 25 à 50 litres de riz, est adapté un gros pilon en
bois qui est mis en mouvement, tantôt avec les bras, très-rarement avec une roue hydrau-
lique et le plus souvent avec le poids du corps. Dans ce dernier cas, on fixe au pilon un
levier horizontal, prenant un point d'appui vers le milieu de sa longueur et à l'extrémité
duquel une ou deux personnes pèsent de tout leur poids avec un pied, de façon à le sou-
lever et à le laisser retomber aussitôt. Ilne reste plus ensuite qu'à vanner une dernière fois
le riz, avant de le consommer.
Le deuxième mode de culture du riz, qui est pratiqué dans les forêts, est un procédé
barbare, transitoire, et destiné à disparaitre avec les progrès de la civilisation. Il consiste
à brüler les forêts pour faire deux ou trois récoltes de riz consécutives. Cetle opération
ne peut se renouveler dans le même endroit, comme nous l’avons déjà dit, qu’à quinze ou
CÉRÉALES. 307
vingt ans d'intervalle. Elle se pratique depuis Saigon jusqu'en Chine, mais plus fréquem-
ment au Cambodge et au Laos, où la civilisation est plus arriérée et où les forêts sont plus
étendues. Dans ces deux pays, ce mode de culture convient mieux que le premier aux
habitudes semi-nomades d’une partie des habitants, à leur imprévoyance, à leur apathie
et à leur état social qui ne les encourage que très-peu à exécuter les travaux pénibles que
nécessite l'installation des rizières inondées ou permanentes. 11 peut avoir lieu tout aussi
bien sur les pentes les plus‘abruptes, où les roches affleurent à chaque pas, que dans
les plaines douées d’un sol profond. Pour qu'il soit praticable, 11 suffit que la forêt soil
assez épaisse pour que, après son incinération, la terre ou les interstices des pierres déjà
riches en humus, soient couverts d’une couche de cendre assez considérable. L'aba-
lage des arbres se fait à la hache; on n’épargne que ceux qui sont trop gros ou dont le
bois est trop dur. Cette opération se fait pendant la saison sèche, alors que les habitants
ont des loisirs et de facon que les branches et les feuilles des arbres aient le temps de
sécher avant l’'hivernage. Lorsque les cultivateurs jugent que la dessiccalion est suffisante,
ils allument les feuillages, et grâce à la précaution qu'ils ont prise d’amonceler les bran-
ches coupées sur les troncs des arbres, ils arrivent à les brüler en entier. Lorsque les
forèts sont très-épaisses, ils ne brülent souvent, la première année, que la moitié des
arbres de facon à pouvoir recommencer cet embrasement l’année suivante, et à obtenir
une nouvelle quantité de cendre qui rend la deuxième récolte aussi belle que la pre-
mière.Après l'incinération et avant de planter le riz, ils ont le soin de répandre la cendre
le plus uniformément possible à la surface du champ. On plante le riz sans donner
le moindre labour à la terre. Avec un bâton chez les sauvages et une houe légère chez
les populations plus civilisées, un individu perce des trous de distance en distance,
dans lesquels un autre, qui le suit, met trois à dix graines de riz qu'il recouvre aussitôt
de terre. Suivant la fertilité du sol et selon qu'on plante ce riz la première ou la se-
conde année de l'incendie, on rapproche les trous plus ou moins et on y met plus
de grains. Ce n’est qu'après les premières pluies et alors que la terre est devenue
suffisamment humide, qu'a lieu l’ensemencement du riz de forêt. Grâce aux pluies
abondantes qui se succèdent presque chaque jour dans ces pays pendant l'hivernage,
et aux principes organiques facilement assimilables que l’incendie accumule dans le sol,
la germination et la croissance du riz planté dans ces conditions s’accomplissent très-
facilement. On voit ce phénomène d’une plante aquatique croissant dans les terres sèches
avec une aussi grande vigueur que dans l’eau. Nous n'avons jamais vu de touffes de riz
plus belles que celles qu’on trouve parfois dans ces rizières aux endroits où un gros arbre
a été brülé. Pendant toute sa période de croissance, le riz de forêt ne réclame aucun soin :
mais dès que la maturité approche, on doit exercer à l’entour une surveillance des plus
actives, pour le préserver des ravages des oiseaux, des cerfs et des éléphants. À cet
effet, les cultivateurs installent au milieu des champs de riz un belvédère juché sur quatre
immenses perches ; un homme y veille nuit et jour et éloigne les animaux par ses cris,
en frappant sur un fam tam, ou en tirant sur des rotins à l'extrémité desquels est adapté
un objet quelconque faisant du bruit. Ces rotins vont du belvédère aux extrémités des
398 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
champs, comme les fils télégraphiques d’une station, et les vibrations qu'ils produisent
éloignent les oiseaux.
Nous avons dit plus haut que le sol des rizières de forêts ne subissait aucun labour : en
Chine, il n’en est pas toujours ainsi : on le laboure souvent soit à la houe, soit parfois à la
charrue dans les endroits défrichés depuis longtemps. Cette modification importante, né-
cessaire dans un pays où n'existent plus de puissantes forêts, devrait être imitée par les
populations du sud pour la culture du riz dans les forêts maigres.
Au point de vue chronologique, le troisième mode de culture du riz devrait être placé
en première ligne, car c’est celui qu'ont dù pratiquer les premiers habitants de l’Indo-
Chine, quand ils n'avaient pas encore les outils nécessaires pour détruire les forêts et
labourer le sol. Ils ont dù forcément faire leurs premiers essais d'agriculture dans les
seuls points découverts du pays, sur les berges des fleuves et des lacs, dans le limon fer-
tile qui les recouvre après le retrait des eaux. [ls pouvaient sur ces berges, vers lesquelles
la pêche devait également les attirer, cultiver avec les mains seulement, et sans même
avoir besoin d’un bäton.
Pour ce genre de culture, on choisit les points des berges où l’eau forme une cou-
che de 10 à 15 centimètres, et qui présentent une assez grande surface pour pro-
duire une notable quantité de riz. Cette culture n'offre pas toutes les chances de succès
de la culture en terre inondée, car si l’eau du fleuve descend plus bas qu'on ne l’a
prévu, une partie du riz se trouve à see, et si elle ne descend pas assez, il est trop
inondé. Aussi, ne cultive-t-on le riz de cette façon que lorsque les riz inondés ou de
forêts ont manqué pendant l’hivernage, ou pour suppléer aux mauvaises récoltes. La
culture du riz sur les berges se pratique dans toute l’Indo-Chine, mais surtout au Cam-
bodge sur les bords du Grand Lac, où elle prend une importance exceptionnelle, et au
Laos, où les points qui s’y prêtent sont nombreux et où la culture du riz en terre inondée
est moins facile et plus aléatoire qu'en Cochinchine et en Chine.
Le rendement des rizières varie avec les années, la richesse de leur sol, et le soin
qu'on à apporté à leur culture. Ordinairement, dans une panicule de riz de moyenne
grosseur, on compte cent grains, et dans beaucoup, le nombre des grains atteint cent cin-
quante. L'emploi des engrais permet d'obtenir des panicules contenant jusqu'à deux
cents grains. On considère comme excellente une récolte qui donne quatre-vingt-dix pour
un, et comme très-mauvaise celle qui produit moins de trente.
* Zea mays, Lin. — Comme importance, le maïs est la céréale qui vient immédiatement
après le riz dans les cultures indo-chinoises. On le cultive dans toutes Les parties de la pres-
qu'ile, mais plus particulièrement dans les points des montagnes de la Chine où la sé-
cheresse et le froid rendent la culture du riz impossible. Cette plante est là, comme partout,
la céréale des pays pauvres. Dans le sud, le maïs n’est cultivé qu’en très-petits carrés et
ne sert guère qu'à la nourriture des animaux. Dans le nord, au contraire, où il est la base
de la nourriture de beaucoup de populations des montagnes, des chevaux et des mulets,
et où il sert à fabriquer de l’eau-de-vie, on en voit des champs d’une étendue considé-
rable. Nulle part, il n’est cultivé comme plante fourragère, Cette plante se prèterait ce-
CÉRÉALES. 399
pendant merveilleusement à cet usage, en raison de l’extrème rapidité de sa croissance,
sous ces climats. On pourrait obtenir, dans des champs différents, jusqu’à quatre récoltes
consécutives dans le même hivernage.
Comme partout, le maïs offre en Indo-Chine d'assez nombreuses variétés, différant par
la taille des tiges, la grosseur des graines, mais surtout par leur couleur, qui varie du
blane presque parfait au violet noir en passant par le jaune, le rose et le rouge. Les variétés
jaunes sont, ainsi qu’en Europe, les plus communes età peu près les seules qu’on trouve
dans les grandes cultures. Il existe aussi des variétés hatives et tardives que l’on choisit
de préférence, suivant le plus ou moins de rapidité des besoins. Dans la saison hu-
mide, la culture du maïs se fait comme celle du riz. Il n’est pas rare d'observer de petits
champs de cette graminée pendant la saison sèche, sur les berges des fleuves et des
lacs après le retrait des eaux, et dans les rizières irrigables en toute saison. Dans les
années où le riz manque, ce dernier mode est pratiqué souvent sur une grande échelle.
Malgré la possibilité qu'ont les indigènes, surtout ceux du sud, d'obtenir plusieurs ré-
coltes pendant la même saison, ils n’en font le plus souvent qu'une seule au début des
pluies. C’est ordinairement la première culture de l’année agricole. Dès que quelques
pluies sont tombées et que la germination des graines est possible, ce qui à lieu en avril
dans le nord et en mai dans le sud, on procède à la plantation du maïs. Sauf en Chine,
la terre n’est jamais labourée pour cette culture. Les indigènes se bornent ordinairement
à nettoyer la terre en bruülant les herbes et les broussailles qui la recouvrent; puis, à
l’aide d’une houe ou d’un bâton, ils plantent quatre cinq ou graines de maïs dans des
trous distants de 50 centimètres au plus et disposés en lignes placées à la même distance.
Il n’est pas rare pourtant de les voir remuer légèrement la terre à la houe avant et même
après la plantation. Ces semis, que tous les Indo-Chinois font toujours beaucoup trop drus,
dans la fausse idée qu'ils tireront plus de produits du sol, ne reçoivent d'engrais qu’en
Chine. Malgré cette absence d'engrais, le maïs croît avec une si grande rapidité sous ces
climats privilégiés, qu'en moins de quatre mois sa végétation est achevée, et que six se-
maines suffisent pour obtenir des épis ayant les graines assez développées pour pouvoir
être mangées cuites à l’eau.
La culture du maïs peut se faire dans tous les terrains; dans le sud, on la pratique
pourtant de préférence dans les jardins ou dans les broussailles qui les entourent. Au
Laos et au Cambodge, où cette plante est plus recherchée, on la plante le plus souvent
dans les terres alluvionnaires couvertes d'herbes et de broussailles qui bordent les ri-
vières et les fleuves. Dans ces derniers pays, on en trouve souvent sur les montagnes après
que les forêts qui les couvrent ont été brülées. Ce n’est qu'en Chine qu’on le eultive
dans des champs labourés comme en Europe.
Les champs de maïs ne reçoivent pour ainsi dire aucun soin, et les Chinois seulement
ont parfois la précaution de les biner pour détruire les quelques mauvaises herbes qui
essayent de croitre, et qui sont d'ailleurs presque toujours étouffées par la vigueur de
cette plante.
La paille du maïs est toujours abandonnée sur le sol, ou, si on la récolte, c’est pour là
400 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
bruler. Les épis sont coupés un peu avant leur maturité. Après les avoir fait sécher sur
des nattes, ou suspendus sous des hangars, on détache les graines à la main ou au fléau.
Dans les pays comme la Chine, où le maïs entre pour une part notable dans la nourriture
des habitants, on mange ses graines de différentes facons : tantôt on les grille et on les
fait cuire à l’eau; le plus souvent on les réduit en farine pour en faire une pâte sans levain
qu'on fait euire au bain-marie ou sur le gril. Sans en avoir acquis la certitude absolue,
nous croyons que les populations qui font un trop fréquent usage du maïs, contractent
la pellagre comme en Europe. Cette raison, mais surtout sa sapidité peu recherchée,
font qu'il constitue la nourriture des pauvres et des paysans. Les eaux-de-vie qu'il sert à
fabriquer ont un goût et une odeur désagréables à cause de l’énorme proportion d'huile
empyreumalique qu'elles contiennent. Elles produisent chez ceux qui en abusent des
accidents nerveux que nous n'avons pas pu bien étudier, mais qui sont assez graves pour
avoir été remarqués des Chinois.
Triticum sativum, Vax. æstivum, Lin. — La variété de blé qu’on rencontre dans tout le
sud et le centre de la Chine, quoique cultivée exclusivement en hiver, appartient au
groupe des blés de printemps ou de mars. On ne lobserve qu'à partir du 21° degré
de latitude et à une altitude de 1,200 mètres au moins. La température de lhiver
de cette région est assez semblable à celle de notre printemps. Au sud de cette limite,
nous pensons qu'on pourrait le cultiver avec avantage dans plus d’un endroit, en parüi-
eulier dans le Laos supérieur. On cultive le blé de deux manières en Indo-Chine. Dans
le sud de la Chine, où les pluies font à peu près complétement défaut pendant l'hiver, on
ue le cultive guère que dans les champs que l’on peut inonder, tels que les rizières ou
les berges des fleuves après l’abaissement des eaux. Dans le centre de la Chine, où la
sécheresse de l'hiver est moins grande, on le cultive en terre sèche comme en Europe.
Dans l’un comme dans l’autre cas, cette culture n’est toujours qu’accessoire, et la pri-
mauté, malgré les sérieuses qualités du blé, reste toujours au riz qui est du reste sous ces
climats beaucoup plus productif qu'aucune autre plante. Au sud comme au centre de la
Chine, le blé n’est cultivé qu’en hiver; la température du printemps et de l’été de ces
pays y est trop élevée et les pluies y sont trop abondantes, Cultivé à la même époque quë
notre blé de printemps sous ces climats, il croïtrait tout en herbe, et s’il y fleurissait;
il n’y fructifierait assurément pas.
Quelles que soient les conditions de la culture du blé, la terre n’est presque Jamais
fumée. On laboure quelques jours avant les semis et on herse ensuite. Les semis de
blé ont Heu d'octobre à décembre, suivant les localités, et se font le plus souvent à la
volée; il est très-commun cependant de les voir faire à la main, à l’aide d’un piquet.
Dans ce dernier cas, lensemencement se fait en lignes. Ce mode de plantation au piquet,
pratiqué seulement par les petits cultivateurs, offre en Chine les mêmes avantages et les
mêmes inconvénients qu'en Europe : il économise la quantité de semences, produit du
blé plus vigoureux, mais est beaucoup plus long et plus coùteux, ce qui s'oppose à sa
généralisation.
Dans les terres non irrigables, les champs de blé sont, comme en Europe; à peu près
CÉRÉALES. 101
abandonnés à eux-mêmes. Dans les champs où l'irrigation est possible, les cultivateurs
ont le soin de faire de temps en temps entrer l’eau. Cette pratique, répétée cinq ou six
fois jusqu’à la croissance complète du blé, assure sa beauté. La récolte se fait partout plus
tôt qu’en Europe. Dans certaines régions du sud, on moissonne dès la fin de février ;
dans d’autres, situées plus au nord, cette opération ne se pratique qu’en juin et juillet.
Les chaumes, dont plus de la moitié reste dans le champ, sont coupés à laide d’une
mauvaise faucille, réunis en bottes et transportés près des habitations. Le battage, qui
a toujours lieu peu de jours après la récolte, se fait à l’aide de fléaux en bambou ou en
faisant piétiner les buffles sur les épis. Le vannage se fait, comme celui du riz, soit avec
le farare, soit avec le van à main. Ces diverses opérations terminées, le blé est con-
servé dans des caisses et réduit en farine au fur et à mesure des besoins. On moud
le blé à l’aide de deux meules en grès, disposées et faillées comme les nôtres, qui sont
presque toujours mises en mouyement par les hommes. Dans quelques rares points de
la Chine, on a recours aux moteurs hydrauliques. Le blutage se fait avec des tamis de
plus en plus fins que l’on meut à la main. Malgré la défectuosité de tous ces moyens,
les Chinois arrivent à obtenir d'assez belle farine. L'usage du pain étant sinon in-
connu, du moins négligé des Chinois, cette farine est employée à faire les pâtisseries
et à fabriquer des galettes que l’on euit sur le gril, dans des fours, ou le plus souvent
à la vapeur d’eau dans des marmites.
Le plus beau champ de blé chinois ne produit guère, comme rendement, que la
moilié de ce qu'on obtient en Europe dans un champ de blé d'hiver. Ce résultat tient
surtout à la variété de blé qu’on eultive qui est moins robuste et moins productive que
nos blés d'hiver; il tient aussi à ce que cette céréale, succédant aux cultures d’été, trouve
toujours le sol épuisé.
La richesse nutritive du blé de Chine est également moins grande que celle de nos
blés durs. Plusieurs analyses de farine, provenant de blé de Chine, faites en Cochinchine,
ont démontré qu’elle ne contenait que 7 à 8 p. 100 de gluten au lieu de 12 à 14 que
fournissent nos farines d'Europe. Cette pauvreté en gluten fait que la farine de Chine
se prête mal à la panificalion.
Avena nuda, L., var. chinensis, Kunth. — Cette variété d'avoine, remarquable par ses
graines dépourvues de l’enveloppe noire et coriace des nôtres, n’est cultivée que sur les
montagnes et les hauts plateaux du sud de la Chine, à une altitude de 2,500 mètres au
moins, là où le climat est trop sec et trop froid pour permettre aux autres céréales de
croître. C’est ordinairement la seule plante, avec les pommes de terre et les radis oléi-
fères, qu’on cultive dans ces endroits. La saison chaude est celle de sa culture; rien
cependant ne serait plus facile que de la cultiver en hiver comme le blé, dans les ré-
gions suffisamment humides et là où l'irrigation du sol est possible. Cela s’observe d’ail-
leurs quelquefois dans quelques localités humides du sud de la Chine.
L'époque du semis de l’avoine est le début du printemps. Les semis se font à la volée
dans les champs que lon vient de labourer et qu'on herse ensuite pour enterrer les
graines. Contrairement à ce qui a lieu pour les autres cultures, les champs d’avoine
Il. 5
51
402 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
reçoivent souvent deux labours : un au milieu de l’hiver et le second avant les semailles.
Nous n’avons jamais vu fumer les champs destinés à la culture de cette céréale. Elle
croit cependant avec une grande vigueur. La récolte se fait, comme dans toutes les ré-
gions tempérées, en août et septembre. |
Pour enlever aux graines les poils blanes et soyeux qui les recouvrent et qui sont plus
nombreux el plus roides dans cette espèce que dans les autres, on les mouille avant de
les moudre et on les place dans des sacs que l’on presse et que l’on roule entre les mains.
Les quelques poils qui, après cette opération, adhèrent encore aux graines, sont retenus,
après la mouture, par les tamis dont on se sert pour bluter la farine. La farine d'avoine
est employée à faire des galettes sans levain que l’on cuit sur le gril, ou à confectionner des
crêpes grossières qui conslituent, avec les galettes, la principale nourriture des habi-
tants des hauts plateaux. Une portion des graines et la paille de cette céréale servent,
comme en Europe, à nourrir les chevaux et les mulets, qui s'en montrent très-friands.
Polygonum tataricum, L. — Le sarrasin n’est communément cultivé que dans la
zone du Laos supérieur et du Yun-nan, où le terrain cesse d’être favorable à la culture du
riz des montagnes et ne l’est pas encore à celle du blé et de l’avoine. Cette zone, située
entre le 19° et le 22"° degré de latitude, offre des montagnes d’une altitude de 12 à 1,500
mètres. Son climat est mixte; dans le fond des vallées, on trouve les plantes des pays
chauds; au sommet des montagnes, commencent à croître celles des pays tempérés. L’es-
pèce de blé noir qu’on y cultive et qu’on trouve dans toute la moitié septentrionale de
l'Asie, a produit, comme toutes les plantes cultivées, deux ou trois variétés assez difficiles
à distinguer entre elles. Elle diffère de celle qui est cultivée en Europe (Polygonum fago-
pyrum) par plusieurs caractères faciles à reconnaître : la plante est plus grêle, les fleurs
sont plus petites, les graines sont moins grosses et leur surface est rugueuse. C’est sur
les pentes des montagnes qu’on établit les champs de blé noir; leur étendue est souvent
considérable. La culture de cette céréale, qui parcourt en très-peu de temps ses diverses
phases de végétation, a lieu comme en Europe à la fin de l’été, avant la chute des der-
nières pluies. On fait les semis à la volée, en août, dans les champs que l’on vient de
labourer et qu’on herse aussitôt. La floraison à lieu en septembre et la maturité en
octobre ou au commencement de novembre. Les graines müres se détachant facilement,
on a soin de faucher les tiges quelque temps avant la maturité. Avant de procéder à
l'égrenage, qui se fait à l’aide de bâtons, de fléaux ou par le piétinement, on expose les
bottes au soleil sur des nattes pour les faire sécher.
Les populations pauvres utilisent les graines pour se nourrir; on fait avec la farine
des galettes que lon cuit sur le gril; mais, en général, le sarrasin n’est employé qu'à nour-
rir les oiseaux de basse-cour, ou à fabriquer une eau-de-vie assez estimée.
Eleusine caracana, Gaertn. — Cette petite graminée est cultivée très-fréquemment
par les montagnards des frontières de la Chine pour en fabriquer de l’eau-de-vie. Elle à
produit un certain nombre de variétés différant par la grosseur et la couleur des graines,
qui sont ou complétement blanches, ou rose violet, ou presque noires. Les chaumes ne
dépassent jamais 40 centimètres de hauteur et sont souvent beaucoup plus petits. Les
CÉRÉALES. 103
champs d’éleusine sont très-souvent mêlés à ceux de sarrasin sur les mêmes montagnes ;
ordinairement pourtant ils se font dans des endroits moins élevés, cetle plante s’accom-
modant mieux des températures chaudes.
Les semis se font en août, après que la terre a été labourée et purgée avec soin des
mauvaises herbes, à la main, dans des trous percés à la houe et placés à 2 ou 3 déci-
mètres de distance. Dans chaque trou, on dépose de 2 à 5 graines suivant la richesse du
sol, et on les recouvre aussitôt d’un peu de terre. La récolte se fait en octobre ou en no-
vembre, un peu avant l’entière maturité des épis, que l’on fait sécher sur des nattes avant
de les battre. L’eau-de-vie que l’on fabrique avec les graines est une des plus estimées.
Andropogon sorghum, Brot. (Sorghum vulqare, Pers.), — Plusieurs espèces et va-
riétés de sorgho sont cultivées dans toutes les parties de lIndo-Chine. Les principales
espèces sont : l’andropogon sorghum, ou sorgho vulgaire, l’andropogon bicolor, Yan-
dropogon cernuus, Roxb., l’andropogon saccharatus, Kunth. Les trois premières es-
pèces, avec leurs variétés, sont cultivées exelusivement pour leurs graines; la quatrième
l’est aussi pour ses tiges qui contiennent du sucre, que l’on peut extraire de la même façon
que celui de la canne. Ces divers sorghos, très-peu cultivés dans le sud, sont cullivés au
contraire sur une très-grande échelle dans le nord. Dans le sud, les graines de sorgho ne
sont guère utilisées que pour nourrir les volailles; dans le nord, elles servent à fabri-
quer la plus grande partie des eaux-de-vie qu’on y consomme. Les Chinois se servent par-
fois des tiges de sorgho comme combustible.
Quoique tous les terrains conviennent à cette céréale, elle préfère pourtant ceux qui
sont profonds et de nature argileuse. Les semailles de sorgho ont lieu au début de l’hiver-
nage dans des terres bien labourées auparavant. Elles se font à la volée ou plus souvent à
la main. On plante, dans des trous distants de 20 centimètres environ, de une à trois
graines. On fume ordinairement le sorgho en Chine avec des engrais en poudre, qu'on
dépose sur chaque pied quelque temps avant la germination. Les plantations ne re-
coivent presque aucun soin, et il est bien rare qu’on leur accorde un léger binage pour
détruire les mauvaises herbes. La récolte, qui a lieu depuis la fin de septembre jusqu’en
décembre, suivant les régions, se fait à l’aide de la faucille. Les panicules seules sont
coupées et emportées du champ dans des sacs ou des paniers. On les expose, avant de
les battre, au soleil sur des nattes. Le battage se fait à l’aide de batons, de fléaux ou par
le piétinement.
Dans les parties centrales de la Chine, où la température ne permet pas aussi facile-
ment que dans le sud, de faire dans le même champ deux récoltes de céréales, les cul-
tivateurs sèment le sorgho dès le commencement d'avril, au milieu du blé et de l’orge
et avant que ces plantes soient arrivées à maturité. Ce procédé fait gagner six semaines et
permet au sorgho, dont la croissance est lente, d'atteindre facilement sa maturité avant
l'hiver, mais il a inconvénient de ne donner qu’une récolte médiocre. Malgré le binage
qu’on donne aussitôt après l'enlèvement du blé, on parvient difficilement à détruire les
mauvaises herbes et à ameublir suffisamment la terre, pour que le sogho acquière la
même vigueur que dans les conditions ordinaires. Ajoutons que le blé et l'orge en
40% AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
souffrent toujours un peu, et qu'ils doivent être très-clair-semés, en vue de cette planta-
tion.
Hordeum vulgare, L. — La seule espèce d’orge que nous ayons trouvée en Chine, est
l'orge vulgaire. Nous ne l'avons vu cultiver que dans les parties centrales du bassin du
fleuve Bleu. Elle croîtrait cependant avec une grande vigueur dansles régions montagneu-
ses du Yun-nan et du Se-tchouen, particulièrement dans les zones où l’on cultive l’avoine.
L’espèee connue sous le nom de pamelle (/ordeum distichum, L.), rendrait assurément
les plus grands services dans ces régions, autant à cause de sa croissance rapide que de la
possibilité qu’elle offre d’être cultivée en été pendant l’hivernage. L'espèce vulgaire est
cultivée par les Chinois en hiver dans les plaines des parties basses. On la sème vers le
mois d'octobre, dans les terres que l’on vient de labourer. Malgré la fertilité du elimat et
la richesse du sol, comme le labourage est presque toujours très-mal fait et qu'on ne
fume presque jamais, nous n'avons Jamais vu de cultures d’orge comparables à celles
d'Europe. L'orge est employée en Chine, en médecine, à la fabrication de l’eau-de-vie,
et surtout à nourrir les habitants. On fabrique avec la farine des galettes que l’on cuit sur
le gril ou qu’on expose à la vapeur d’eau. Ce dernier mode de cuisson, qui ne permet
d'obtenir qu'un aliment päteux, est très-aimé des Chinois, sans doute parce qu'il se
rapproche davantage du riz cuit à l'eau qui forme leur nourriture habituelle et préférée.
Paspalum frumentaceum, Rotl. (Paspalum serobiculatum, L.). — Cette petite gra-
minée n'est cultivée pendant l’hivernage que sur les hauts plateaux de la Chine, qui
possèdent un climat trop sec pour permettre la culture des autres céréales, tels que les
parties du Yun-nan et du Se-tchouen avoisinant le Tibet. Les semis, qui se font à la
volée dans des champs bien labourés auparavant, ont lieu en avril. La récolte a lieu en
août. Les graines qui sont petites et restent toujours enveloppées de la glumelle, même
après le batlage, ne sont presque jamais utilisées pour la nourriture de l’homme; elles
sont employées à fabriquer de l’eau-de-vie ou à nourrir les animaux.
Panicum miliaceum, L., Panicum italicum, L. — Ces deux espèces de millet se ren-
contrent fréquemment dans toute lIndo-Chine. Dans le nord surtout, où les habitants
utilisent leurs graines pour se nourrir et pour fabriquer de l’eau-de-vie, on en voit des
champs d’une notable étendue. Dans le sud, où les graines ne servent guère qu’à nourrir
les oiseaux, les habitants se bornent le plus souvent à en planter quelques pieds dans leurs
jardins. Comme toutes les plantes des pays chauds cultivées sous les tropiques, ces deux
millets sont plantés pendant l’hivernage. On les sème au début des pluies et on les ré-
colte à l'approche de la saison sèche.
Phalaris canariensis, L. — On ne trouve ordinairement que quelques pieds de cette
graminée dans les jardins ou parmi les cultures de riz de forêt. Ainsi qu’en Europe, les
graines de cet alpiste servent exclusivement à nourrir les petits oiseaux.
Coix agrestis, L. ou Coix arundinacea, Kœnig. — Deux espèces de cette singulière
graminée croissent spontanément dans les parties humides de la basse Cochinchine ;
l’une d'elles, le coëx arundinacea, croit sur le bord des arroyos, dans la vase ; l’autre croit
dans les parties non inondées, mais très-humides. Ces deux espèces, qui ne sont très-pro-
CÉRÉALES. 405
bablement que deux variétés du Coëx lacryma, L., ont une extrême tendance au poly-
morphisme. Aucune d'elles n’est cultivée ni utilisée par les indigènes des contrées où
elles croissent à l’état sauvage, mais il n’en est pas de même d’une variété de l'espèce
terrestre dont les fruits sont moins pierreux et renferment plus de substances nutri-
lives ; elle est, rarement, 1l est vrai, cultivée en Chine. Les Chinois la plantent près
du sommet des montagnes trop humides pour Le blé et trop sèches pour le riz. Is la sèment
à la volée dans des terres labourées auparavant. La récolte à lieu vers le mois de sep-
tembre. Les graines réduites en farine grossière, sont employées presque exclusivement à
nourrir les pores. Les Chinois les utilisent aussi en médecine, ainsi du reste que la plu-
part des céréales.
Pisum satioum, L., Pisum arveum, L. — Ces deux espèces de pois, principalement une
variété robuste de la première, tiennent une place considérable dans les grandes cultures
du Vun-nan et des régions limitrophes jouissant d’un climat tempéré. Les pois, la‘ fève,
le blé et le pavot sont les quatre plantes principales que l’on cultive en hiver dans les
rizières inondées de ces régions. La plantation des pois se fait en novembre, alors que le
riz est enlevé et qu’on a eu le temps de bien labourer et de bien herser la terre. Les semis
se font à la volée, ou à la main, à l’aide d’un piquet ou d’une houe. Comme les pluies
manquent souvent à l’époque de cette culture, il est presque toujours nécessaire de faire
de temps en temps arriver de l’eau dans les champs de pois.
Malgré les petites gelées nocturnes, la végétation des pois se fait convenablement à
toutes les altitudes qui ne dépassent pas 2,300 à 2,400 mètres.
La maturité des pois s’accomplit en avril et en mai; on les récolte alors que la
floraison commence à peine à diminuer et que les gousses sont encore vertes. Celte
manière de procéder a deux buts : d’abord de débarrasser le champ pour pouvoir
labourer la terre et planter le riz, et ensuite d'obtenir des tiges tendres et vertes pou-
vant se pulvériser facilement après la dessication. Cette pulvérisation, qui se fait à l’aide
de fléaux en bambou sur un sol bien aplani et très-dur, s’accomplit au fur et à mesure
des besoins, de façon à éviter que la poudre ne s’altère. Cette poudre est employée à
la facon du son en Europe, pour nourrir les porcs; elle est mêlée ordinairement à
une certaine quantité de débris de riz ou de légumes quelconques, qui la font manger
plus facilement par ces animaux. Les graines, dont la plupart sont petites, incompléte-
ment müres et par conséquent très-tendres, sont mangées par les hommes après avoir
été réduites en farine. Quelques champs sont réservés pour produire des graines müres,
devant servir de semis pour l’année suivante. Le plus souvent, les Chinois plantent en-
semble dans le même champ des pois et des fèves, ou des pois et du blé, ou enfin des fèves
et du blé. Dans ces deux derniers cas, ils plantent les fèves, lorsque le blé est compléte-
ment germé, dans les endroits où les semis ont manqué, ou sont trop elair-semés.
Faba vulgaris, Mœnch (Vicia faba, L.). — La fève serait au nombre des cinq graines
dont l’empereur Chin-nong aurait introduit la culture en Chine l’an 2822 avant notre
ère. Depuis cette époque, elle est cultivée dans tout le nord et le sud-ouest de la Chine,
qui possèdent le climat see qui lui est le plus favorable. Dans le Yun-nan, elle fait partie
406 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
des cultures d’hiver dans toutes les vallées élevées d’au moins 1,200 mètres. Au-dessous
de cette altitude, ainsi que dans toules les régions très-brumeuses et humides, sa culture,
sans être impossible, ne présente plus assez d'avantages pour être admise dans les grandes
cultures, et ce n’est plus alors, ainsi que les pois, qu’une plante de jardin. De même que
toutes les plantes d'hiver du Yun-nan, on ne peut planter les fèves que dans les terres
que l’on peut inonder. On les cultive done exelusivement dans les rizières.
Les semis se font à la volée dans le champ que l’on vient de labourer, ou le plus sou-
vent à la main, dans les champs de blé qu’on établit dans les rizières. Le mélange des fèves
et du blé se fait bien plus fréquemment que celui des pois et du blé. La récolte, qui a lieu
en avril ou en mai, selon l'altitude, se fait bien avant la maturité des graines. On récolte la
plante, soit en l’arrachant, soit en la coupant ; on réunit les tiges en tas et on les fait sécher
au soleil afin de pouvoir les réduire facilement en poudre. Cette poudre, qui se compose
de débris de tiges, de feuilles et de graines, sert à nourrir les pores comme celle des pois.
Les graines sont utilisées par les Chinois, soit cuites à l’eau, soit grillées pour être man-
gées à la main, soit, mais plus rarement, pour nourrir les chevaux, après les avoir fait
tremper quelque temps dans l'eau.
Ervum lens, L. (Vicia lens, Germloss). — La lentille commune est cultivée dans quel-
ques points du Yun-nan jouissant d’un climat tempéré analogue à celui d'Europe. De
même qu'en France, cette plante est rarement cultivée seule, le plus souvent les cultiva-
teurs chinois la mélangent au blé et aux pois. Les semis se font en automne, en même
temps que ceux des plantes précédentes, etla récolte a lieu en mai et juin. L’unique variété
que nous ayons observée avait des graines assez petites et un peu moins volumineuses
que celles de la lentille commune de France. Ces graines, séparées de celles du blé ou des
pois au moment du battage, sont mangées parfois cuites, mais le plus souvent elles sont
réduites en farine et mangées en purée. Les tiges de la lentille, malgré leurs bonnes qua-
lités fourragères, ne sont pas utilisées pour nourrir les bestiaux.
S2. — Plantes textiles.
Depuis quelques années, la demande du commerce chinois et européen tend à dévelop-
per la culture des textiles, jusqu’à présent assez négligée en Cochinchine, au Cambodge
et dans le Laos birman.
Gossypium herbaceum, L. — Le coton est le plus important des textiles indo-chinois.
I! sert à confectionner la plus grande partie des vêtements des habitants et tous les objets
de literie, tels que les couvertures, les matelas, les oreillers, ete. C’est également le
textile dont l’exportation est le plus développée.
Plusieurs espèces et variétés de coton sont cultivées en Indo-Chine. Dans le sud, on
trouve principalement le gossypium herbaceum et ses variétés; dans le nord, le gossy-
pium religiosum prédomine. Presque partout on trouve ces deux espèces associées
dans la même culture. Lorsque les cultivateurs ont en vue l’abondance de la récolte, ils
plantent davantage la première, ets’ils recherchent surtout la beauté et la largeur de la soie,
PLANTES TEXTILES. 407
ils plantent la seconde. Nulle part nous n’avons observé la variété jaune qui sert à fabri-
quer l’étoffe connue sous le nom de nankin. Dans le sud, on trouve souvent une trei-
sième espèce, le gossypium arboreum, dont la hauteur dépasse quatre mètres, mais dont
la soie est trop courte et la récolte, à cause de la hauteur de la plante, trop pénible. Les
habitants se bornent le plus souvent à en semer quelques pieds pour former les haies qui
entourent leurs jardins; ils en récoltent les capsules pour confectionner des matelas et des
couvertures. Ce cotonnier, transporté dans des régions plus froides, cesse, comme le ricin,
d’être arborescent et devient annuel et herbacé.
La culture des deux premières espèces de coton, ou coton herbacé, est presque partout
pratiquée dans des conditions déplorables. Outre que les terres destinées à recevoir le
coton ne sont presque jamais fumées, le labour qu’on leur fait subir est toujours trop peu
profond. Jamais on ne défonce le sol d’une façon suffisante, les semis se font toujours
trop drus. Quoique le coton herbacé soit une plante vivace pouvant vivre quatre à cinq
ans, on le cultive presque toujours dans les zones fertiles et humides, comme s'il était
annuel, c’est-à-dire qu'on détruit chaque année les champs après la récolte. Dans les
zones sèches, comme on en trouve tant en Chine, dans le Yun-nan, la plantation ne
peut acquérir une vigueur suffisante la première année, et on la laisse subsister trois et
quatre ans ; dans ce cas, on a la précaution de biner avec soin le champ à l’approche des
pluies, et de retrancher toutes les tiges mortes. Ge mode de culture étant sans impor-
tance, nous le laisserons de côté pour nous occuper du coton annuel.
On le cultive de deux façons. Le premier procédé, qui est celui des peuples civilisés, se
pratique dans les plaines défrichées que lon vient de labourer soit à la charrue, soit à la
houe; il est employé au Cambodge et en Cochinchine ; le second, qui est plus barbare, se
fait sur les montagnes après l'incendie des forêts; c’est à peu près le seul usité au Laos dans
les zones couvertes de forêts. Les plus belles plantations, celles que l’on fait en vue de la
vente, se voient surtout dans les terres rouges situées sur les montagnes habitées par les
sauvages et dans les terres alluvionnaires des îles du Cambodge. Dans ces terres, le coton
acquiert plus de 15 décimètres de hauteur et n’est pas arrêté brusquement dans sa végéta-
tion à l’arrivée de la saison sèche, comme dans les terres maigres.
L'époque la plus favorable à la plantation du coton est le début de la saison humide,
Il n’est pas rare pourtant de voir les petits cultivateurs attendre la fin des pluies; dans
ce cas beaucoup de pieds ne donnent que quelques fleurs ou n'arrivent même pas à
fleurir.
Les semis de coton se font presque toujours à la main. Dans les terres préalablement
labourées, binées ou nettoyées par le feu, on plante trois à cinq graines, dans des trous dis-
tants de 30 à 50 centimètres et disposés en lignes placées aux mêmes distances. Les Indo-
Chinois ne réduisent pas, au moment du binage, les touffes de coton à un seul pied,
comme cela se fait dans les pays où l’on cultive cette plante avec soin. Aussi, arrive-{-il sou-
vent que certains pieds sont étouffés par la vigueur de leurs voisins, ne donnent ni fleurs
ni capsules, etépuisent le sol en pure perte. En même temps qu'on pratique le binage et le
sarclage, on butte les pieds comme nous le faisons en Europe pour les pommes de terre.
408 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Suivant la richesse de la terre, on répète cette opération une ou deux fois, et, du soin qu'on
met à la faire, dépend en grande partie la beauté de la récolte.
En Basse-Cochinchine, sur les collines habitées par les sauvages, dont les terres sont
fortes et riches, on mélange souvent au coton du riz ou des haricots que l’on plante peu
de temps après. En Chine, dans les provinces du littoral, il est presque de règle que les
Chinois plantent en automne des fèves ou des pois dans les champs de coton, avant la
fin de la récolte des capsules. Ces fèves ou ces pois s'appuient sur les tiges de coton,
comme sur des tuteurs, végètent tout l'hiver etarrivent à maturité à l’époque de la culture
du riz. En procédant ainsi, les Chinois obtiennent trois récoltes dans le même champ et
dans la même année. La dernière est très-faible el 1l est impossible de répéter deux
années de suite ce mode de culture sans épuiser la terre pour longtemps. Aussi, n'est-il
employé que de temps en temps et toujours après une forte fumure.
La récolte du coton se fait, comme on sait, au fur et à mesure de la maturité des cap-
sules. À parüir du moment où elles commencent à s’entr'ouvrir pour laisser échapper leur
soie, une personne passe dans le champ tous les deux ou trois jours et en fait la cueillette.
Les Indo-Chinois mettent souvent de la négligence dans ce travail, de sorte que s’il survient
une pluie, la soie du coton se salit et perd une grande partie de sa valeur. Dès que les
capsules sont cueillies, les cultivateurs les font sécher à l'abri, puis les amassent dans des
caisses ou dans des magasins couverts spéciaux. L’égrenage se pratique ensuite au fur et
à mesure des besoins ou de la vente, après qu’on a séparé à la main les enveloppes de la
soie. On emploie, dans toute l’Indo-Chine, pour cette opération, un instrument composé
de deux petits cylindres superposés en bois dur, à l’extrémité de l’un desquels est adaptée
une petite manivelle que l’on meut d’une main, pendant qu'avec l’autre on présente le co-
ton, de façon à le faire passer entre les deux cylindres. Cet égrenoir, si simple, que chaque
cultivateur peut le confectionner lui-même, sépare parfaitement la soie des graines; mais il
dépense beaucoup de force, ne permet d’égrener qu'une quantité insignifiante de coton et
ne convient nullement à des exploitations agricoles un peu grandes. Dans le Laos supé-
rieur, les indigènes adaptent à cet instrument un volant circulaire qu'ils mettent en mou-
vement à l’aide de deux pédales.
Pour carder le coton, les Indo-Chinois se servent d’un are dont ils font vibrer la
corde au milieu du coton, qui est placé sur une table ou dans un grand panier. En Chine,
cet arc est plus grand qu’au Laos, et on adapte dans la corde plusieurs anneaux en laiton
destinés à accroitre les vibrations. Ce procédé de cardage donne d’excellents résultats et
suffit parfaitement pour filer le coton.
Triodendron anfractuosum, D. C. (Bombax pentandra, L.). — Cet arbre, d’origine
américaine, connu sous le nom vulgaire de cotonnier arbre, se rencontre dans toute la
partie tropicale de la vallée du Mékong. On le trouve autour de tous les villages, en parti-
culier dans les haies, où on le reconnait de loin à la rareté de son feuillage et à sa ramifi-
cation horizontale, disposée en étages ou en verticilles. Le coton qu'il fournit est très-abon-
dant, mais il est trop court pour être filé et il ne sert qu’à confectionner des matelas, des
oreillers et des couvertures piquées. Il faut l’égrener avant de employer, si l’on veut que
PLANTES TEXTILES. 109
ces objets soient doux, légers et qu’ils ne soient pas attaqués par les insectes. L'huile que
renferment les graines est rarement utilisée pour l'éclairage.
Bombax, L. — Ce genre est représenté, dans les parties tropicales de l’Indo-Chine,
par cinq espèces croissant spontanément. Les deux plus importantes sont le Bombax
malabaricum, D. C., que l’on trouve à l’état sauvage dans les terres alluvionnaires du
Laos, et qui est parfois cultivé dans ce dernier pays, ainsi que dans le fond des profondes
vallées du sud de la Chine, etle Bombax albiflorum (nobis), qui est le seul qu'on ren-
contre en Cochinchine. Des trois autres espèces, deux au moins ne sont très-probable-
ment que des hybrides des deux espèces précédentes. Leurs fleurs varient du blanc au
rouge pale. Toutes ces espèces el variétés produisent un coton entièrement semblable à
celui de l’£Eriodendron, et employé aux mêmes usages. Il est recueilli par les habitants,
avec d'autant plus de soin qu’on s’avance plus avant vers le nord, et que le froid devient
plus sensible. La récolte se fait en mai et juin, époques où les capsules tombent naturel-
lement des arbres. Les Chinois du sud font souvent confire les fleurs du Bombax mala-
baricum ou en fabriquent des mucilages qu’ils aiment beaucoup. L’écorce sert, comme
celle du tilleul en Europe, à faire des cordes grossières, des liens, ete.
Bœlhmeria nivea, Mook et Arn. (Urtica nivea, L.). — L'ortie de Chine ou Bæœhmérie,
nommée ai et {chou-ma par les Chinois et cay-gai par les Annamites, est, après Le coton,
la plante textile la plus cultivée dans toute l’Indo-Chine. On la trouve dans toutes les zones
chaudes, où le chanvre, dont la plus grande solidité est reconnue et appréciée des Chinois
eux-mêmes, ne peut être cultivé. L'ortie de Chine, qui n’est préférable au chanvre que
pour la fabrication des vêtements, croit à l’état spontané dans toutes les forêts clairières du
Laos supérieur, entre le 18° et le 21° degré de latitude, mais les habitants de cette zone
ne la récoltent pas et préfèrent les variétés améliorées par la culture. Partout ailleurs en
Indo-Chine, cette plante n’est pas spontanée, mais elle croit avec une très-grande vigueur
et montreune telle tendance à se naturaliser qu'il esttrès-fréquent de voir d'anciennes cul-
tures abandonnées, persister pendant de longues années dans le même endroit et parfois
même s'étendre.
Il y a en Indo-Chine trois variétés principales d’ortie de Chine. La plus commune a
les tiges et surtout le dessous des feuilles légèrement argentés. La deuxième a les mêmes
parties complétement blanc d'argent et les feuilles plus grandes. La troisième, qui
est la plus rare, à ses feuilles violettes en dessous et les tiges plus ou moins violacées.
Ces trois variétés sont plus charnues, moins rameuses et présentent par conséquent beau-
coup plus de facilité que la plante sauvage, pour la séparation de l'écorce et de la tige.
Un climat assez chaud, mais surtout humide, des terres argileuses profondes sont les
conditions dans lesquelles l’ortie de Chine prospère le mieux. Les petits cultivateurs choi-
sissent toujours, pour la planter, les bords des ruisseaux ou des rivières ou les environs des
puits et des sources. La multiplication de l'ortie de Chine a lieu au début des pluies, d’avril
à juin suivant les régions. Elle se fait toujours par des boutures provenant de touffes de
racines qu'on divise et qu’on éclate à l’aide d’un couteau. Lorsqu'on manque de souches,
il faut recourir à la multiplication par graines, qui est longue et délicate : on choisit des
IL. 52
410 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
graines parfaitement mures, et qui, jetées dans l’eau, ne surnagent point. La terre des-
tinée aux semis doit être bien labourée, parfaitement fumée et disposée en plates-bandes
d'un mètre de largeur environ ; on sème à la volée. Comme les graines pourrissent très-
facilement, on ne les recouvre point de terre et on les abrite pendant le jour avec des
naltes. Il faut enfin pendant un ou deux mois arroser très-fréquemment.
Dans la plantation par boutures, la terre doit être bien labourée, bien hersée et
fumée ; les trous, percés à la houe, sont distants d'environ deux décimètres et placés sur
des lignes séparées par un intervalle égal. On doit mettre autant que possible un peu de
fumier autour des boulures, et en l’absence de pluie, il faut les arroser plusieurs fois.
La première année, les champs d’ortie de Chine ne produisent guère qu'une récolte, mais
à partir de la seconde et pendant deux à trois ans, ils en fournissent régulièrement trois.
Les fibres provenant des tiges de la première année et de la première récolte des années
suivantes, sont toujours grossières à cause de la lenteur que la plante a mise à se développer:
mais celles qui proviennent des secondes et des troisièmes récoltes, sont plus fines et
conviennent surtout pour la confection des vêtements. Pour donner trois récoltes annuelles,
les champs d’ortie doivent être très-soignés ; entre deux récoltes consécutives, il faut
purger la terre de toutes les mauvaises herbes, et chaque année, il est nécessaire de lui
donner une bonne fumure. Les engrais liquides sont ceux qui conviennent le mieux, et
ceux que les Chinois préfèrent. La récolte de l’ortie de Chine se fait à l’aide de couteaux.
Les liges, longues de 5 à 18 décimètres, sont coupées aussi bas que possible, puis,
sur le champ même et avant l’évaporation de la sève, on procède à l'enlèvement de l’é-
corce. Celle opération, qui exige une cerlaine habitude, se fait en cassant et tordant les
tiges vers leur tiers inférieur, de façon à pouvoir introduire l'index sous lécorce et à
l'enlever. Deux procédés sont ensuite employés pour isoler les fibres de lépiderme ou
teiller cette écorce. Le premier consiste, alors que l'écorce est encore fraiche, à l’étirer
plusieurs fois entre la cuisse et la paume de la main. Le second, qui donne de plus
beaux produits et sert surtout à préparer les fibres destinées au tissage, est analogue au
rouissage du lin ou du chanvre. Après avoir enlevé les écorces, on les réunit en paquets,
on les étale sur le sol, ou mieux encore sur les toits ou sur des nattes, et on les mouille
cinq ou six fois par aspersion. Pour achever de désagréger les fibres, on les frotte par
petites poignées sut le dos d’un couteau. Quand on tient à les avoir entièrement blan-
ches avant le tissage, on les expose de nouveau à la rosée de la nuit sur les toits ou sur
l'herbe. Mais, la plupart du temps, on préfère achever leur blanchiment, d’après les
mêmes procédés, après qu’elles sont tissées, ou en les plongeant dans l’eau de chaux à
plusieurs reprises.
En Cochinchine et au Laos, l’ortie de Chine sert exclusivement à la fabrication des
cordes et des filets.
En Chine, on l’emploie en outre à confectionner des étoffes qui tiennent, par leur
brillant, le milieu entre les étoffes de soie et de lin.
Cannabis sativa, L., var. sinensis. — Cette variété chinoise du chanvre cultivé n’en
diffère guère que par ses folioles plus étroites, qui sont au nombre de 5 au lieu de 7. Au
PLANTES TEXTILES. Al
Laos, on la fume à la façon du tabac et on en fait des préparations analogues au
haschich; en Chine, on la cultive, pour ses fibres, dans les régions montagneuses et
tempérées. On sait que le chanvre n’acquiert ses propriétés exhilarantes que dans les
pays chauds, où il se modifie considérablement. Sa taille diminue et arrive à ne
plus dépasser un mètre, ses feuilles se frisent, se erispent et se couvrent à leur sur-
face d’un nombre beaucoup plus considérable de glandules jaunâtres exhalant l'odeur
très-forte qu’on retrouve à un moindre degré sur la plante cultivée dans les climats
tempérés. Les modifications s’accentuent d'autant plus que la plante est cultivée dans
des régions plus chaudes et que les graines proviennent de souches importées depuis
plus longtemps ; elles amènent promptement son infécondité : après cinq ou six ans, d’a-
près ce qui nous à été dit, les fleurs avortent et on est obligé de faire venir des graines
des régions plus septentrionales.
Dans le Laos, les plantations de chanvre se font pendant la saison sèche, en novem-
bre, sans aucun engrais, dans la vase des berges des fleuves ; on récolte en février.
En Chine, les semis se font au début de la saison des pluies, en avril et mai. Les
terres sont d’abord labourées à la charrue, et, si elles sont trop pierreuses ou trop en
pente, remuées à la houe. Dès qu'il, commence à pleuvoir, on sème à la volée et on
enterre les graines en hersant le champ. Quoique les habitants n’emploient jamais d’en-
grais pour cette plante, elle croit très-bien et les tiges arrivent, assez souvent, à plus
de trois mètres de haut. Après la récolte, on réunit les tiges en bottes et on les fait rouir
en les plongeant pendant plusieurs semaines dans l’eau des ruisseaux. Lorsqu'on Juge
que les fibres sont suffisamment désagrégées, on procède au teillage. Cette opération
se pratique comme chez nous, en plaçant les tiges sur un billot, et en frappant avec un
maillet, de façon à isoler les tiges de l'écorce.
Les fibres du chanvre servent surtout en Chine à confectionner les cordes etles filets.
Néanmoins, dans les régions montagneuses où manquent le coton et l’ortie de Chine, les
habitants fabriquent avec le chanvre des étoffes grossières. Pour filer les fibres, ils se
servent de la quenouille ou d’un rouet assez analogue au nôtre. Les graines de chanvre
servent comme en Europe à nourrir les petits oiseaux et à fabriquer de l'huile.
Linum usitatissimum, L. — Le lin est cultivé en Chine pour lhuile que renfer-
ment ses graines et surtout pour le mucilage que donne leur enveloppe. Dans la plaine de
Yun-nan, dont l'altitude est de 2,000 mètres et dont le climat est sec et assez analogue à
celui de l'Europe méridionale, on le sème en mai et juin; on le récolte en août et sep-
tembre.
Crotalaria juncea, L. — Cette légumineuse, qui fournit la matière textile connue dans
le commerce européen sous le nom de jute, est cultivée au Cambodge et au Laos. Bien que
le climat de la Basse-Cochinchine lui soit favorable, on lui préfère presque partout l’ortie de
Chine. Les fibres de cette plante, trop grossières pour être employées à la confection des
vêtements, pourraient être avantageusement utilisées, à cause de leur bas prix, à la fabri-
cation de toiles communes. Jusqu’à présent, la culture de cette plante ne se fait guère au
Cambodge et au Laos que pendant la saison sèche, dans le limon déposé par les eaux sur
412 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
les berges des fleuves et des rivières ; il faudrait la pratiquer sur une plus grande échelle
et pendant l’hivernage pour qu'elle puisse fournir, comme dans l'Inde, un aliment suffi-
sant à l'exportation. Les semis se font à la volée et, quelle que soit la saison choisie pour
la culture, la croissance de cette plante demande à peine deux mois. Les terres les plus
maigres et le labour le plus léger lui suffisent. Les tiges, rameuses seulement au som-
met, atteignent au plus un mêtre de hauteur et ne dépassent guère la grosseur d’une
plume d’oie. Leur récolte se fait par arrachement, après la floraison. On les laisse ex-
posées pendant quelque temps à la surface du sol, puis on les fait sécher, et, à l’aide d’un
maillet, on les bat sur un billot. Ces diverses opérations sont extrêmement faciles, et ex-
pliquent le bas prix de ce textile que les indigènes n’emploient qu’à la confection des
cordes et des filets.
Corchorus capsularis, L. — Cette tihacée annuelle, et deux autres espèces très-voisines,
le corchorus acutanqulus, L. et le corchorus tridens, L. fournissent une matière textile
qui porte dans le commerce, comme la précédente, le nom de jute, mais qui est moins
précieuse. Elles eroissent dans tout l'extrême sud de l’Indo-Chine, dans les endroits hu-
mides et découverts, près des villages et des routes : nulle part les indigènes ne les utili-
sent.
Sida acuta, Burm., Sida scoparia, Lou. — Cette petite malvacée est naturalisée dans
toutes les régions tropicales, près des villages, des routes, dans tous les lieux fréquentés
par l’homme. On fait quelquefois des balais avec les tiges, et des cordes grossières avee
les fibres.
Hibiscus (cannabinus, L. ?). — Cette plante, dont nous n'avons pas encore déter-
miné le nom spécifique avec certitude, est cultivée dans tout le Laos inférieur. Chaque
cullivateur en plante un certain nombre de pieds autour de son habitation ou dans les
champs de riz de forêts, et fabrique avec ses fibres les cordes qui lui sont nécessaires.
Cette plante est très-vigoureuse, les tiges atteignent facilement trois mètres de hauteur,
dépassent le pouce en grosseur, et sont très-riches en matière fibreuse. Les fibres sont
grossières, mais très-résistantes et très-propres à la fabrication de cordages. On plante
cet hibiscus pendant l'hivernage et on le récolte au début de la saison sèche. L’écorce
est détachée à la main au moment où l’on vient de couper les tiges. Le teillage se fait en
les frottant plusieurs fois, comme l’ortie de Chine, sur une lame de fer non coupante.
Chamcærops excelsa, Thunli. — Ce joli palmier est cultivé dans presque toute la Chine
pour les fibres textiles que fournit la gaine de ses feuilles. Il ne dépasse pas le tropique
au sud, et ne s’avance pas vers le nord au delà des points où le thermomètre descend
longtemps au-dessous de zéro. Il supporte facilement l’action de la neige. Il aime surtout
les lieux humides des montagnes, situés près des torrents et des ruisseaux. Les pieds fe-
melles fournissent une quantité innombrable de graines qui mürissent en novembre et
décembre. La floraison a lieu en avril. On détache les feuilles au fur et à mesure qu'elles
menacent de tomber. Leur limbe sert à fabriquer de nombreux objets, tels que des éven-
fails, des chapeaux, des paniers. Les expansions latérales des pétioles entourant le stipe
sont formées de fibres brunes intriquées, très- nombreuses et très -solides ; e’est sur-
PLANTES TEXTILES. 113
tout la partie de l'arbre que l’on utilise. En cousant ensemble quelques-unes de ces
gaines, les sauvages font des manteaux imperméables à la pluie. Les Chinois en font
des malles, des chapeaux et des sacs d'emballage. Après avoir désagrégé les fibres à l’aide
d’un peigne, on en fait des cordes assez solides et très-bon marché.-En résumé, ce pal-
mier est une des plantes les plus utiles de la Chine, en même temps qu'un arbre d'or-
nement d’un bel effet et il se propagera sans doute rapidement dans le midi de la France,
où il a été introduit.
Bromelia ananas, L. — Les feuilles de l’ananas cultivé renferment des fibres avec
lesquelles on fabrique à Manille des tissus d’une souplesse ef d’une finesse remarquables.
Il est à regretter que les Indo-Chinois ne tirent aucun parti de ce textile, qui n'es!
utilisé que très-rarement en Cochinchine.
Musa paradisiaca, L. — Sauf de très-rares exceptions, les Indo-Chinois ne tirent au-
cun parti des fibres contenues dans les pétioles du bananier; cet arbre est cependant très-
abondant dans le Laos supérieur; le bananier sauvage couvre la plupart des montagnes
qui bordent les fleuves et les rivières.
Morus indica, L., Morus atropurpurea (Morus rubra, Lou.), Morus alba, L. —
Quoique les müriers ne soient pas des plantes textiles, comme ils servent à produire
le textile le plus précieux de tous, la soie, leur étude trouve naturellement place iei.
Il y a trois principales espèces de murier cullivées en Indo-Chine; la plus commune
est le murier nain de l'Inde. On la trouve depuis la Basse-Cochinchine, jusque dans
le Laos supérieur. Abandonnée à elle-même, elle atteint quatre mètres de hauteur :
cullivée, elle dépasse rarement deux mètres. Cette espèce a produit plusieurs variétés
assez difficiles à distinguer par leurs feuilles plus ou moins grandes et plus ou moins
découpées'. La seconde espèce de murier, dont les caractères spécifiques nous paraissent
mal tranchés, est arborescente et ne se rencontre guère que dans quelques localités de la
Cochinchine. Quant à la troisième espèce, le muürier blane où commun, on ne la trouve
que dans le nord de lIndo-Chine, et en Chine dans les régions basses et chaudes.
La culture du muürier n'offre presque pas de difficultés en Indo-Chine, particulièrement
celle des deux espèces arborescentes. Elles n’ont besoin d'aucun soin, et c'est à peine
si les cultivateurs enlèvent les branches mortes. Dans quelques endroits, on met un
peu de fumier au pied, et l’on a la précaution de couvrir le sol qui les entoure d’une forte
couche de paille. Dans ces conditions, lorsque les müriers sont plantés dans des endroits
humides, 1ls donnent deux ou trois récoltes de feuilles. La multiplication de ces deux es-
pèces se fait de boutures, de marcottes ou de graines. Les deux premiers procédés sont
les plus communs.
La culture de l'espèce naine exige plus de travail, mais en revanche elle donne plus de
feuilles, et en raison de sa hauteur, qui ne dépasse pas celle de l’homme, la cueillette en
est plus commode. Dans des endroits suffisamment humides et lorsqu'on peut avoir recours
à l'irrigation, cette espèce produit jusqu’à cinq feuillaisons par année et permet pour ainsi
1 Parmi ces variétés, nous signalerons le mürier multicaule (Morus multicaulis, Perr.) qui a été élevé au
rang d’espèce par certains auteurs.
114 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
dire un élevage ininterrompu du ver à soie. On la multiplie exelusivement par des
boutures, qui se font presque aussi facilement que celles du saule. En moins de deux
mois, elles produisent des rameaux assez longs et assez garnis de feuilles pour permettre
une récolte. Ces boutures, longues ordinairement de trois décimètres, coupées en sifflet
à leur extrémité et faites avec des rameaux de deux ans, gros comme le doigt environ, sont
enfoncées dans le sol aux deux tiers de leur longueur et inelinées de façon à pouvoir en -
suite être enterrées, après qu'elles ont fourni des pousses assez longues. En général, elles
sont plantées beaucoup trop dru, à quelques centimètres seulement les unes des au-
tres, et en lignes distantes de trois à quatre décimètres. Il en résulte que les muriers ne
se développent qu'incomplétement et que leurs racines, trop peu profondes, ne trouvent
plus, au début de la saison sèche, l’eau nécessaire pour entretenir la foliation. Une partie
des tiges se dessèche, et il devient nécessaire de les recéper à l'approche des pluies.
Aussi choisit-on souvent pour l’emplacement de cette culture, les berges des cours
d'eau ou les vallées humides.
Le ver à soie indo-chinois est plus petit que celui des régions tempérées, et il peut se
reproduire toute l’année. Moins de deux mois suffisent pour une évolution complète; aussi
les tentatives d'exportation de cette espèce en Europe ont-elles échoué. Les graines
éclosent en roule ou au moment de leur arrivée. La soie n’est pas inférieure à celle de
l’espèce des pays tempérés, lorsqu'elle est bien dévidée. Malheureusement cette opéra-
lion est faite d’une façon très-défectueuse, qui a jusqu’à présent déprécié toutes les soies
de provenance indo-chinoise.
Araignée à soie. — À la suite des plantes textiles, nous devons dire quelques mots
d'une araignée qu’on trouve abondamment dans les broussailles du sud du Yun-nan. Elle
produit une soie comparable à la soie ordinaire. Celte araignée, rougeatre, de grosseur
moyenne, se mulfiplie seule dans les basses futaies des montagnes; c’est vers le mois de
novembre ou de décembre qu’elle est le plus abondante et que son abdomen est le mieux
rempli. Nous n'avons pu assister à l’opération du dévidage, on nous à dit qu'il était très-
facile. La soie est très-résistante, un peu moins fine et d’un jaune tout à fait semblable à
la soie ordinaire. On en fabrique des étoffes. Dans le Yun-nan, près de Ta-lan où nous
en avons vu de très-beaux échantillons, cette soie valait environ 2°,50 les 500 grammes.
Il y a, dans le sud de l’Indo-Chine, d’autres espèces d’araignée, produisant de la soie;
mais elles ne sont nulle part assez abondantes pour qu’on se donne la peine de les re-
cueillir.
S 3. — Plantes oléagineuses.
Un trouve en Indo-Chine presque toutes les plantes oléagineuses des tropiques et des
pays tempérés: dans le sud, se trouvent le cocotier, la sésame, l’arachide, etc. ; dans le
nord, le colza, le pavot, le chanvre, le lin, ete.
Les Indo-Chinois consomment très-peu d'huile dans leur alimentation, ainsi que le
demande le climat qu'ils habitent.
PLANTES OLÉAGINEUSES. 415
Leurs procédés d'extraction sont aussi simples qu'imparfaits. Après avoir brové les
oraines dans un mortier, ou avec des meules, comme cela se voit parfois en Chine, on
presse la pulpe dans des arbres creusés en forme de goullière, inclinés légèrement et
frelfés presque toujours à leurs extrémités pour résister à la pression. Celle-ei se fait avec
un long levier, ou le plus souvent à l’aide de coins qu’on enfonce successivement à l’ex-
trémité la plus élevée de l'arbre; l'écoulement de l'huile a lieu par une rigole percée de
trous, creusée au fond de la gouttière.
Avant de soumettre la pulpe à la pression, on l’enferme dans des sacs, ou l’on en fait
des rondelles qu’on entoure avec des liens. Malgré cette précaution, comme l'huile de
certaines pulpes ne s’écoulerait pas à la température ordinaire, on les chauffe préalable-
ment dans des bassines, ou on les soumet à l’action de la vapeur d’eau. Avec ce procédé,
les fabricants d'huile n’obtiennent qu'une faible portion de l'huile contenue dans la pulpe.
Certaines graines, comme celles du riein, ne sont point comprimées : on les soumet à
l’ébullition dans l’eau, après qu’elles ont été réduites en pulpe, et on recueille l'huile qui
surnage à la surface. Ce procédé présente l'inconvénient d’altérer les huiles. La elarifica-
tion se fait le. plus souvent par le repos et la décantalion; aussi la plupart des huiles sont-
elles impropres à l'usage de nos lampes perfectionnées. En Chine, on les clarifie avee plus
de soin, soit en les exposant au soleil, soit en faisant intervenir l’action de certaines plantes,
soit, ce qui vaut mieux, en les filtrant.
Les tourteaux provenant de l'extraction des huiles sont partout utilisés. Si les graines
dont ils proviennentsont comestibles, on les donne aux animaux, en particulier aux pores:
dans le cas contraire, ils servent d'engrais, après avoir été mélangés à de la cendre ou à
du fumier.
Cocos nucifera, L.
Le cocotier constitue la principale plante oléagineuse de l’ex-
trème sud de l’Indo-Chine. I n’est cultivé sur une grande échelle que sur le littoral, à
une distance de quelques kilomètres seulement de la côte. Quoique cet arbre paraisse
prospérer près de la mer, on en trouve de fort beaux dans le Laos supérieur, au centre
même de l’Indo-Chine; il croit même en Chine par le 21° degré, au fond des vallées
chaudes du VYun-nan. Le cocotier n’est cultivé comme plante oléagineuse qu’en Cochin-
chine. Le bois, les feuilles, le fruit et ses enveloppes, sont utilisés ailleurs à des usages que
tout le monde connait.
Sur le littoral, on plante le cocotier sans ordre à trois ou quatre mètres de distance envi-
ron; dans les terres alluvionnaires du delta des rivières, on le plante presque toujours en
lignes entre lesquelles on creuse souvent des rigoles ou des fossés. La multiplication se
fait de semis, comme celle de tous les palmiers ; on plante les graines dans des trous peu
profonds, après les avoir fait germer auparavant. Pendant la première année, il faut les
protéger contre les animaux ; ensuite on les abandonne à elles-mêmes. Sept ans après, les
Jeunes plants commencent à fleurir et à fructifier. Pendant une période qui atteint proba-
blement soixante ou soixante-dix ans, ils donnent chaque année une ou deux récoltes. La
floraison a lieu toute l'année ; elle est plus active au début de l'hivernage. La fructification
n’a lieu que plusieurs mois après l’apparition des fleurs et en général pendant la saison
116 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
sèche. En raison de l'irrégularité de la floraison, il arrive presque toujours qu'on trouve
sur le même pied des fleurs, des fruits jeunes et des fruits presque murs.
1} existe d'assez nombreuses variétés de cocotiers différant par la couleur, la grosseur,
la qualité de leurs fruits. Comme arbres fruitiers, on préfère les espèces dont le fruit est gros
et qui contiennent le lait le plus sucré et le plus abondant. Comme plantes oléagineuses,
on préfère les variétés rustiques qui fleurissent et fructifient presque à la même époque, de
façon à pouvoir faire l'extraction de l’huile une seule fois par an. Avant de soumettre les
oraines au pilon, on les sépare de leur enveloppe à l’aide d’une hachette qui sert à les ouvrir
et à les briser. La pulpe doit être chauffée avant d’être pressée, car l’huile de coco
est peu fluide et se solidifie à la température de 24 degrés centigrades.
Arachis hypogea, L. — L’arachide ou pistache de terre est cultivée depuis Saigon
jusqu'au centre de la Chine. Plusieurs variétés se succèdent dans cet espace ; aucune n'est
comparable aux belles et grosses variétés qu’on trouve en Afrique, particulièrement au Sé-
négal.
L’arachide est cultivée pendant la saison chaude et humide. On la sème en mai, dans
les terres sablonneuses les plus pauvres et à peu près impropres aux autres cultures. Dans
les terres argileuses riches, elle donne moins de graines, et la récolte est plus difficile.
La plantation a lieu après que la terre a été bien labourée, bien hersée et disposée en
billons larges d’un mètre, séparés par d’étroits sillons, construits en partie à la houe et
qui servent à l'écoulement des eaux. Les graines sont plantées, à l’aide d’un piquet, sur
trois lignes distantes de 20 à 30 centimètres environ.
La récolte se fait vers le milieu de la saison sèche lorsque les tiges commencent à se
laner et que la terre est desséchée ; ce travail long, mais peu pénible, est fait ordinaire-
ment par les femmes et les enfants. Après que les tiges ont élé arrachées à la main, on se
met à récolter les gousses qui se sont enterrées dans le sol après la fructification. Un
homme retourne la terre avec une houe, pendant que la femme et les enfants accroupis
la pulvérisent à l’aide d’un sareloir ou de tout autre instrument, et recueillent les grai-
nes une à une. Comme ce travail est très-long et qu'il se pratique en plein soleil, les
moissonneurs s’abritent ordinairement sous un toit en paille qu’ils déplacent avec eux.
La récolte d’un hectare d’arachide demande plus d’un mois de travail à toute une famille.
Une partie des graines d’arachide sont grillées et mangées. Une plus grande
quantité est employée à faire des pâtisseries, surtout des nougats. Le reste sert à fabri-
quer de lhuile qui est surtout employée à l’éclairage. L’extraction de l'huile doit se
faire peu de temps après la récolte, afin d'éviter le rancissement des graines. Avant de les
livrer au pilon, on les débarrasse de leurenveloppe en les soumettant à un léger grillage qui
en facilite l'enlèvement à la main.
Sesamum indicum, D. C. (Sesamum orientale, L.).— Les deux variétés de cette plante
oléagineuse, lune à graines brunes, l’autre à graines blanches, sont cultivées depuis
Saigon jusqu'au centre de la Chine. L'une et l’autre se naturalisent avee la plus grande
facilité. Nulle part, pourtant, elles ne se reproduiraient indéfiniment une fois abandonnées
à elles-mêmes, La culture en est excessivement facile, et, si les indigènes possédaient des
PLANTES OLÉAGINEUSES. 417
pressoirs à huile suffisamment énergiques pour des graines aussi petites, il est probable
qu'elle serait plus répandue.
L'huile est employée pour l'alimentation et les graines servent à confectionner des pätis-
series très-estimées. La culture se fait dans la saison humide, soit dans des champs spéciaux,
soit, ce qui est plus fréquent, dans les champs de riz de forêt. Dans ce dernier cas, on sème
la plante, quelque temps après la plantation du riz, dans les lieux où celui-ci a manqué. Les
semis se font de mai à juillet; on gratte très-légèrement la terre après avoir répandu quel-
ques graines à sa surface. Quelle que soit la nature du sol, le sésame croît toujours facile-
ment. La récolte a lieu vers le mois de septembre et doit se faire avant la maturité parfaite
des capsules. On coupe les tiges et on les expose au soleil sur des nattes, afin d'achever
leur maturité et de déterminer l'ouverture des capsules. Le sésame, en raison de l’extrème
facilité de sa culture et des étendues considérables de terrain sablonneux qui y sont propres,
est assurément une des plantes oléagineuses de l’Indo-Chine qui pourraient fournir le plus
de produits à l'exportation.
Ricinus communis, L. — Le ricin ou palmna-Christi est naturalisé à peu près dans
toute l’Indo-Chine. Il est vivace et arborescent. Dans les terres qui restent suffisamment
humides, il dépasse souvent trois mètres de hauteur, et ses ramuscules ne meurent pas.
Dans les terrains secs, les ramuscules périssent chaque année comme chez les plantes
sous-frutescentes.
On observe deux variétés ou plutôt deux types principaux de riein en Indo-Chine, l’une à
feuilles violettes et grandes, l’autre à feuilles petites et d’un vert tendre. Entre ces deux types
extrêmes, se trouvent beaucoup de variétés intermédiaires. Le ricin n’est utilisé qu’en
Chine où sa culture à pris quelque extension depuis les demandes du commerce eu-
ropéen pour le graissage des machines à vapeur. Cette culture a surtout lieu sur les
montagnes du centre de la Chine bordant les fleuves, dans les endroits trop pierreux et trop
en pente pour permettre la eulture de la plupart des autres plantes. Dans ces régions suffi-
samment chaudes pour que le ricin reste vivace, il n’est presque l’objet d'aucun soin ; les
habitants se bornent, après l'avoir semé, à l’'émonder chaque année au printemps et à empé-
cher les herbes de se multiplier en trop grande abondance à son pied. Vers le mois de
septembre ou d'octobre, ils vont cueillir les fruits à la main, puisilsles réunissent en tas
qu'ils arrosent légèrement afin de faciliter la décomposition des enveloppes et la récolte des
_ graines. L’extraction de l'huile se fait soit en chauffant la pulpe avant de la soumettre.
à la presse, soit en la soumettant à l’ébullition dans l’eau. Son peu de fluidité la rend im-
propre à l'éclairage et les Chinois ne l'utilisent guère que pour la peinture.
Elæcocca vernicia, Ad. Juss. (Vernicia montana, Lou.). — Trois espèces appartenant
à ce genre sont cultivées dans la partie nord de l’Indo-Chine, pour l'huile particulière
que l’on extrait de leurs graines. Deux d’entre elles, dont nous n’avons pas encore déter-
miné le nom spécifique, sont représentées par un pétit nombre de pieds autour des villages,
sur les montagnes du Laos supérieur, à partir du point où les Dipterocarpus ne peuvent
plus croître et où les habitants manquent par conséquent de la précieuse oléo-résine qu'ils
fournissent. Quant à la troisième espèce, on la trouve abondamment en Chine et au Japon
IL. 53
418 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
dans toutes les zones jouissant d’un climat presque tempéré. On la sème au printemps sur
lés flancs des montagnes, dans tous les points où la culture des céréales est impossible
ou du moins très-difficile. Sa croissance est assez rapide, et en moins de einq à six ans
elle donne des graines. La floraison a lieu de février à mars et la maturité des fruits en
octobre et novembre. Pour séparer les graines de l’enveloppe, on met les fruits en tas que
l’on arrose pour faire pourrir les coques. L’extraction de l’huile se fait à la presse ordi-
naire. Les hommes qui sont chargés de cette opération, ainsi que la plupart de ceux qui se
servent de cette huile, sont souvent atteints d’une éruption de la peau, plus douloureuse
encore que celle que produit l'huile de eroton. Les Chinois prétendent qu'après un certain
temps on finit par ne plus y être sensible. Cette huile, bouillie avec de la litharge, de l’alun
et de la stéatite, forme un vernis très-précieux, qu'on emploie beaucoup en peinture,
mais qui sert surtout, mélangé à de la résine, à calfater les barques. Ce vernis est également
très-employé pour fabriquer des papiers huilés servant à l'emballage.
Aleurites triloba, Forst. (Juglans camirium, Lou.). — Cet arbre, dont les fruits sont
connus sous le nom de noix de Bancoul ou des Moluques, est cultivé dans toute la partie
tropicale de l’Indo-Chine. Ilse multiplie de graines, fleurit en mars et avril, et fructifie en
novembre. Ses fruits, de la grosseur d’une noix, contiennent deux ou trois graines. L'huile
qu'elles fournissent est épaisse, et sert exclusivement en peinture.
Raphanus sativus, L., var. Rap. oleifera. — Ce radis, connu sous le nom de radis
oléifère, a les racines très-petites et fibreuses ; il est cultivé dans les parties hautes du Yun-
nan et du Se-tchouen qui confinent au Thibet. Dans les régions froides, on le cultive en été;
dans les régions relativement chaudes et humides, on le cultive en hiver. Les semis se
font à la volée dans les terres labourées, on herse pour enterrer les graines. En moins de
trois mois, ce radis parcourt toutes les phases de sa végétation. On arrache les pieds après
maturation et on les réunit en {as que l’on arrose pour favoriser la décomposition des
enveloppes du fruit. Au bout de quelques mois, elle est suffisamment avancée et l’on pro-
cède au battage. L'huile qu’on extrait des graines de radis, est très-fluide, passable pour
l'alimentation et excellente pour l'éclairage.
Stillingia sebifera, À. Juss. (Croton sebiferum, Lin.). — L'arbre à suif est très-répandu
dans toutes les régions du sud et du centre de la Chine qui jouissent d’un climat
tempéré. Il atteint souvent plus de 10 mètres de hauteur, et n’est pas cultivé ; les
habitants se bornent à protéger les sujets qui se développent naturellement autour des
maisons. Sa reproduction se fait de graines ; il fleurit au printemps etses graines mürissent
en novembre et décembre. Elles sont grosses comme un petit pois, et enveloppées d’une
couche blanche ciro-graisseuse formée par l’arille, qui constitue, avec l'huile contenue
dans leur intérieur, les parties exploitées de la plante. Pour extraire la couche graisseuse,
on pile les graines et on les fait dissoudre dans de l’eau bouillante à la surface de laquelle
la graisse vient surnager. Eile est très-blanche, lorsqu'elle est bien préparée, et possède
une assez grande fermeté pour qu’on puisse lui associer dans la fabrication des bougies
une certaine quantité d'huile d’arachide, de colza ou de radis. Quant à l'huile contenue
dans l’albumen et l'embryon, on ne l’obtient qu'après avoir, à l’aide de meules chauffées,
PLANTES OLÉAGINEUSES. 419
réduit les graines en une pulpe fine qu'on soumet encore chaude à l’action de la
presse.
Celastrus paniculatus, Wild. — Cette liane ligneuse, qu’on rencontre à l’état spon-
tané dans l'Inde et depuis Saïgon jusqu’au sud de la Chine, produit des graines riches en
huile. Nulle part elle n’est cultivée ; on la trouve dans toutes les haies et dans toutes les
broussailles. Elle fleurit en mai et Juin et fructifie en octobre. Les fruits, composés de
trois coques s’ouvrant facilement pour laisser échapper la graine qu’elles contiennent,
sont recueillis un peu avant leur parfaite maturité. On les expose au soleil sur des claies
et on isole les graines à l’aide d’un van à main. Ces graines sont grosses comme des pois,
et entourées d’une arille rouge rayée ; on les pile et on les soumet à la presse. L'huile
qui provient de l’arille, de l’albumine et de embryon, a une odeur vireuse, qui la rend
impropre aux usages culinaires ; on l’emploie pour l'éclairage.
Brassica napus, L., var. Br. oleifera. — Une variété de colza différant très-peu de
celle d'Europe, est très-répandue dans le sud de la Chine et dans le nord du Laos, sur les
hautes montagnes. On la trouve cultivée en {rès-petits carrés, souvent même par pieds
isolés, entre les pierres du lit des torrents. Parfois on la mélange à d’autres plantes, telles
que le blé, les fèves, les pois. Les semis se font à la main, vers le mois de septembre ou
d'octobre, la récolte a lieu vers le mois de mai. L'huile est une des plus estimées pour l’é-
clairage; mélangée à la cire de Chine et à celle de l'arbre à suif, elle se solidifie facilement,
et sert à faire des bougies que l’on colore ordinairement en rouge avec du cinabre; la mè-
che est formée d’une tige d’ombellifère, autour de laquelle est enroulé en spirale un fil de
coton ; cette huile est brülée quelquefois seule dans de petits vases en terre, en porcelaine
ou en métal, servant de lampe, au moyen de mèches poreuses, faites avec la moelle de
plantes aquatiques. |
Calophyllum inophyllum, L. (Balsamaria inophyllum, Lou.) — Cay-mun des Anna-
mites. — Ce bel arbre, répandu à peu près sur tout le littoral des parties tropicales de l'Asie
et de l'Océanie, est souvent cultivé en Cochinchine dans les régions où l’eau saumätre
des rivières empêche la plupart des autres arbres de croître. La présence du sel dans le
sol ne lui est cependant pas indispensable comme aux palétuviers. Son bois dur et rou-
geàtre est employé en charronnage et en menuiserie. La multiplication de cet arbre se fait
très-facilement de graines. Il fleurit vers les mois de mars, d'avril et de mai, ses fruits
muürissent et tombent en octobre et novembre. Leur récolte se fait sur les routes avec un
panier, et sur le bord des rivières et des arroyos, avec de petites pirogues. Ces fruits, qui
surnagent, contiennent une huile verte très-abondante qui sert à peindre les boiseries
placées près du sol; elle les préserve assez bien des termites.
Olea europæa, L. — Sur les flancs des montagnes, dans les vallées des affluents du
Tong-king et du fleuve Bleu, nous avons trouvé une espèce d’olivier très-voisine de loli-
vier sauvage. Elle atteint facilement la grosseur d’un poirier en plein vent. On pourrait
l'utiliser pour propager, par greffe, l'espèce cultivée, qui trouverait dans le sol pierreux
des montagnes du sud de la Chine un terrain très-favorable.
Jatropha curcas, L. (Curcas purgans, Baill.). — Le pignon d'Inde est cultivé depuis
420 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Saïgon jusqu'en Chine pour clôturer les jardins, en raison de la facilité avec laquelle cet
arbriseau prend racine de bouture. Ce n’est qu’exceptionnellement que les habitants en
recueillent les graines pour extraire l'huile qu'elles renferment; elle est douée, comme
son nom l'indique, de propriétés éminemment purgatives. Cinq ou six de ces graines
mangées en entier, — comme nous l’avons observé une fois, — provoquent des accidents
gastro-intestinaux, simulant le choléra, et pouvant amener la mort lorsqu'elles ne sont pas
vomies rapidement. L'huile qu’on en extrait, et qui est quelquefois usitée dans la méde-
cine européenne, sert exclusivement, en Indo-Chine, à l’éclairage. La floraison de cet
arbrisseau a lieu en mai et juin, et la maturation des graines en novembre et décembre.
Pour séparer les graines de leurs enveloppes, on est obligé de réunir les fruits en tas
dans des endroits humides, jusqu'au moment où l’on juge que les enveloppes sont assez
décomposées. L’extraction de l'huile se fait, comme celle du riein, à la presse, après avoir
soumis la pulpe à l’action de l’eau bouillante ou de la vapeur.
Helianthus annuus, L. — Cette plante, vulgairement connue sous le nom de grand
soleil ou de tournesol, s’accommode très-bien des différents climats de l’Indo-Chine. On
la rencontre aussi bien à Saïgon qu'en Chine. Partout les habitants en cultivent quelques
pieds et mangent ses graines légèrement grillées.
Moringa polygona, D. C. (Anoma moringa, Lou.). — Cet arbrisseau arborescent est
cultivé comme plante d'ornement dans presque tous les jardins de l'extrême sud de l’Indo-
Chine. On mange ses fruits verts à la facon des haricots. L'huile qu’on extrait de ses
oraines jouit de propriétés précieuses pour l’horlogerie, mais à un degré moindre que
celle de sa congénère, le Moringa aptera.
Thea oleosa, Lou. — Cet arbre diffère du thé ordinaire par sa taille deux ou trois
fois plus grande et ses feuilles plus petites; 11 croît spontanément dans les parties du Yun-
nan et du Se-tchouen jouissant d’un climat chaud et humide. On en recueille les graines
en octobre et novembre. Elles contiennent une huile comestible excellente.
Cire végétale, dite de Chine. — Nous n'avons pu assister qu'à la multiplication de
l'insecte (Coccus sinensis, Westw.) qui la produit. Elle se fait sur un troëne (Zigustrum
lucidum. Aït.), qui croît dans une région différant, comme elimat, du pays de production
de la cire elle-même. Les plantations destinées à cette éducation se font dans le nord du
Vun-nan et le sud-ouest du Se-tchouen, au pied des montagnes, dans des endroits abrités
contre les grands vents, où la terre reste to ujours humide. Le ZLigustrum lucidum se pro-
page de graines, et sa culture est des plus faciles; une fois planté, on peut l’abandonner
à lui-même. Il est préférable cependant de biner chaque année le sol à son pied, de lui
fournir quelques engrais, de retrancher les branches mortes et de le laisser reposer une
année sur deux; ce repos est nécessité par la taille des petits rameaux qui portent les nids.
On doit également, lorsque les pieds sont vieux et ont perdu de leur vigueur, les ébrancher
complétement, afin de leur faire produire de jeunes rameaux, qui se prêtent mieux à lé-
ducation des insectes.
Vers le mois d'avril ou celui de mai, trois semaines environ avant l’époque présumée de
l’éclosion, on coupe les branches portant les nids, on les dépouille de leurs feuilles, on les
PLANTES OLÉAGINEUSES. 421
divise en fragments portant quatre à cinq groupes d'insectes eton les enveloppe dans de la
paille de riz, de manière à former des bouchons longs de 20 à 30 centimètres; on attache
huit ou dix bouchons à la base des branches des arbres choisis pour la multiplication.
Quelques jours après, les insectes, qui sont très-pelits et presque blanes, éclosent, perforent
leurs coques, se répandent dans la paille, puis grimpent sur les branches et gagnent les
petits rameaux sur lesquels ils se groupent, en oceupant rarement une surface de plus de
deux centimètres carrés. Presque immédiatement après leur groupement, ils s’entourent
d’une coque eiro-mucilagineuse, qui va en augmentant de grosseur, mais qui ne devient
vraiment volumineuse qu’au printemps suivant; ces coques ressemblent alors à des pa-
quets de mousse blanchätre. Cette mousse, de nature cireuse, se solidifie légèrement avant
l'éclosion, pour s’affaisser ensuite. C’est ce moment qu'il faut choisir pour faire une nou-
velle multiplication sur d’autres arbres, et c’est en même temps celui où les cultivateurs
des plaines viennent acheter les insectes pour les emporter dans leur pays. Ils se servent
de grands paniers en bambou, divisés en huit ou dix compartiments par des cloisons ho-
rizontales, sur lesquelles ils placent les rameaux à côté les uns des autres, sans les
superposer. Les paniers sont recouverts de papier huilé et percés latéralement de nom-
breux trous destinés à permettre la cireulation de l'air. Les porteurs doivent, sous peine
de perdre les insectes, arriver trois ou quatre jours après l’éclosion, qui se fait dès qu'ils
parviennent dans les vallées et les plaines chaudes. Aussi font-ils souvent la route au pas
gymnastique. Une fois l’insecte arrivé dans les plantations d’arbres destinés à la produc-
tion de la cire, commence la phase de cette culture que nous n'avons pu observer !. Ces
arbres appartiennent sans doute à plusieurs espèces. L'arbre le plus communément dési-
oné est le Rhus succedaneum, L. On indique également un frêne (Fraxinus sinensis) et
un hibiscus (Æibiscus syriacus).
Divers. procédés sont employés pour séparer la cire des matières étrangères qu'elle
renferme. Dans certains pays, on la met dans des sacs en toile de soie qu’on maintient
dans le fond d’une bassine pleine d’eau bouillante ; après un certain temps d’ébullition,
la cire vient surnager à la surface ; on la laisse refroidir et on l’enlève avec facilité. Dans
d’autres pays, on la place sur une toile tendue sur un vase de terre vide, qu'on plonge
dans un chaudron d’eau bouillante, la eire fond et filtre à travers la toile. Dans les deux
procédés, la eire se trouve assez bien purifiée pour pouvoir être employée immédiatement.
Comme les tourteaux contiennent encore une certaine quantité de cire, on les soumet,
après les avoir fait sécher, à l’action de l'huile bouillante en les placant dans des sacs de
soie. L'huile dissout alors tout ce qui reste de cire. Cette cire est très-blanche, solide et
à cassure lamelleuse, comme le blanc de baleine; elle est employée parfois en médecine ;
le plus souvent, elle sert à fabriquer des bougies, après qu’elle a été mélangée à une cer-
taine quantité d'huile. La propriété qu'elle a de solidifier les huiles, permet, malgré son
prix élevé, de fabriquer des bougies d’un prix assez bas. Seule, cette cire brûle mal et n’est
jamais employée pour l'éclairage.
1 Elle a été décrite par M. Simon, consul de France en Chine, qui a rapporté, je crois, en Europe quelques
arbres à pe-la. Tel est le nom chinois de la cire dont il est question ici. EG
422 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
S 4. — Plantes tinctoriales.
Les plantes tinctoriales sont très-nombreuses en Indo-Chine. Outre celles qui sont
communes à tous les pays chauds, telles que le rocou, l’indigo, le sappan, on y trouve cer-
taines plantes particulières, telles que le Auellia indigotica et la gomme- laque.
Gomme-laque. — La gomme-laque est produite par le Coccus lacca, Kerr. qui est un
petit insecte rouge comparable à la cochenille. Cet animal se reproduit sur des arbres ap-
partenant à des familles très-différentes et qui sont: le Focus religiosa, L., le Ficus indica,
Lamk. des Ficées; le Butea frondosa, Roxb., un A/bizzia, Durazz., deux A/fzelia,
Smith, etle Xylia dolabriformis (?) des légumineuses; deux Z#zyphus des Rhamnacées; un
Combretum" etun Terminalia des combretacées ; un Randia, Houst. des rubiacées et le
Croton lacciferum, L. des euphorbiacées. Tous ces arbres croissent en grand nombre
dans les forêts du Laos inférieur et sur le bord des rizières. On les trouve aussi dans le
Cambodge et en Cochinchine. La variété des arbres propres à l'élevage du Coccus lacca
semble prouver que la gomme-laque n’est pas un produit d’exsudation des arbres, mais
qu'elle est élaborée par l’insecte même. La culture de cet insecte se résume presque
entièrement au transport de l’insecte sur des arbres choisis à l'avance.
Au moment de la récolte précédente, on a eu soin d’enfermer dans de la paille de
riz les fragments de gomme qui doivent servir à la reproduction; on les tient à l'abri du
soleil. Dès que les insectes,contenus dans la gomme, éelosent et se répandent sur la paille,
on se hâte d'aller fixer les paquets de gomme à la base des branches. Les insectes grim-
pent et vont se grouper sur les rameaux de deux ou trois ans, moins gros que le doigt. Ils
sécrètent aussitôt de la gomme-laque, dans le but de se protéger. Très-active pendant
le premier mois, cette sécrétion se ralentit ensuite et reste à peu près stationnaire à l’é-
poque des grandes pluies. Ce n’est guère qu’en automne, à l’approche de l’éclosion, qu’elle
reprend une grande énergie. Pendant qu'elle se produit, les feuilles et les parties des ra-
meaux, situées au-dessous des nids, se couvrent d’une matière noire abondante, analogue
comme aspect au noir de fumée et qui n’est autre chose que la fiente que ces insectes
laissent échapper parle petit trou que chacun d’eux à ménagé dans sa loge, à la surface de
la coque commune de gomme-laque. A distance, cette matière noire permet de reconnaitre
les arbres consacrés à l'éducation de ces animaux.
La récolte de la gomme-laque se fait en automne vers la fin d'octobre ou au commen-
cementde novembre, un mois environ avant l’époque présumée de la sortie des insectes.
Plus tôt, on n'obtiendrait qu'une gomme pauvre en matière colorante. Cette récolte se fait
en coupant les branches couvertes de gomme. Dès que la gomme est délachée des ra-
meaux, on l’expose pendant plusieurs jours au soleil sur des claies, afin de tuer les in-
sectes qu'elle renferme et d’assurer en même temps sa conservation. Cette opération
achevée, il n’y a plus qu’à la mettre dans des sacs ou des paniers pour la conserver et
1 Peut-être est-ce un Z'erminalia à fleurs tétramères.
PLANTES TINCTORIALES. 423
l'exporter. Les rognons de laque au centre desquels existe encore le rameau de larbre
prennent dans le commerce le nom de laque en bâton ; brisés grossièrement et débar-
rassés du bois, ils s'appellent laque en sortes ; brisés finement et lavés à l’eau bouillante,
laque en grains.
On peut estimer à 25 kilogrammes le poids moyen de gomme-laque que peut fournir
un arbre suffisamment branchu et gros comme un poirier de plein vent.
Le Combretum semi-aquatique et arborescent, préféré des Laotiens, qui produit à lui
seul plus des neuf dixièmes de la laque de l’Indo-Chine, croit en Cochinchine comme au
Laos, dans les plaines peu boisées, à demi inondées pendant l’hivernage, qui bordent
les rivières. On le trouve sur les talus des rizières où parmi les broussailles qui les
entourent.
Les Indo-Chinois n’utilisent guère dans la gomme-laque que la matière tinctoriale
qu'elle renferme. Ils emploient seule pour teindre en rouge, ou mélangée à l’indigo,
pour teindre en violet. Ils se servent comme mordant d’une décoction de feuilles d’un
Symplocos, additionnée d’alun. La gomme-résine est sans usage dans le pays.
La cochenille-laque n’est pas la seule espèce qu'on trouve dans le bassin du Cam-
bodge : nous en avons observé une autre, se développant naturellement sur une euphor-
biacée de la tribu des antidesmées, croissant près des berges du fleuve, dans le Laos
supérieur. Cette cochenille sauvage, moitié plus petite que l'espèce commune, produit de
la gomme-laque en moins grande quantité et d’un rouge plus pâle. Nous ne croyons pas
qu’elle soit récoltée.
Indigofera tinctoria, L. — La culture de l’indigo est surtout praliquée en Basse-
Cochinchine, au Cambodge, et dans le Laos inférieur. Dans le Laos supérieur eten Chine,
le Auellia indigotica qui fournit une substance tinctoriale bleue analogue, le remplace avec
avantage.
Les cultures d’indigo en Basse-Cochinchine, se font dans les terrains sablonneux qui
couvrent les monticules; à partir du Cambodge jusqu'en Chine, ces cultures se font dans
la vase qui couvre les berges des fleuves. Sur les monticules, on laboure la terre soit
à la charrue, soit à la houe, et on sème à la volée de mai à août, pour récolter en novem-
bre ou en janvier. Sur les berges des cours d’eau, où le labour est inutile, on plante
les graines à la main vers les mois d'octobre ou de novembre, et on récolte en mars ou
en avril. Presque partout, les plantations ne fournissent qu'une seule récolte et ne durent
qu'une année ; il ne serait cependant pas plus difficile que dans la plupart des pays
chauds, de faire deux et même trois récoltes, en installant les cultures d’indigo dans
les champs irrigables et en particulier dans les rizières, comme cela se fait dans l’Inde.
Au fur et à mesure qu'on coupe la plante, on la fait macérer dans l’eau, on la tient im-
mergée avec des pierres au fond de cuves, de grandes jarres en terre, ou, le plus souvent,
d'arbres creusés. Au bout de deux à quatre jours, toutes les folioles sont complétement
détachées et l’eau de macération prend de l'odeur, on la déeante et on verse dedans un lait
de chaux, qui précipite l’indigo sous forme de pate. C'est dans cet état, après une nou-
velle décantation, que l’indigo est livré au commerce.
424 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
liuellia (?) indigotica *. — Cette plante, à peu près la seule de la famille des acan-
thacées qui fournisse un produit utile, croit spontanément à l’ombre des grands arbres
dans les lieux frais et humides des montagnes. Elle est cultivée depuis Luang Prabang
Jusqu'au centre de la Chine, où on en rencontre de très-grandes plantations, et où elle
constitue assurément la plante tinctoriale la plus importante. Sa multiplication se fait
exclusivement de boutures prises dans la partie inférieure des tiges, et longues de 20 cen-
timèlres environ. Elles sont plongées aux trois quarts dans l’eau pendant une à deux
semaines. Dès qu’elles commencent à émettre des racines, on les plante au piquet, soit
au début, soit au milieu de l’hivernage, suivant les régions et le mode de culture. Dans
le Laos supérieur, où la plante est spontanée, les habitants en font au début des pluies
de petites plantations à l’ombre des grands arbres, et en particulier des banians. Après
avoir nettoyé le sol, ils remuent la terre à la houe et plantent les boutures à la distance
de 30 à 40 centimètres. On récolte, sans autres soins, au bout de quatre à cinq
mois. Dans l'extrème sud de la Chine, où les conditions d'humidité et d’ombrage ne
sont plus aussi favorables qu’au Laos, les habitants du fond des vallées chaudes, et en
particulier de la vallée du fleuve du Tong-king, font à l’ombre des aréquiers d'immenses
plantations. Elles sont coupées de nombreux canaux, distancés d’un mètre cinquante
environ.
Ce genre de plantation, bien exécuté, donne d’abondants produits pendant de longues
années ; la plante disposée en lignes le long des canaux, au-dessous des aréquiers, trouve
constamment l’eau et ombre qui lui sont nécessaires. Dans les régions plus froides,
on plante les boutures en très-petits carrés irrigables, au-dessus desquels on élève sur
des piquets hauts de deux mètres environ des toits en feuillage.
Dans le nord du Yun-nan et le reste de la Chine, on cultive le Ruellia dans les ri=
zières. On les divise, vers la fin d'octobre, en plates-bandes larges d’un mètre environ,
séparées entre elles par d’étroites et profondes rigoles. On plante ensuite à l’aide d’un
piquet les boutures sur l’angle des plates-bandes, à une distance de 10 à 15 centimètres
au plus, dans une direction presque horizontale et enterrées de telle sorte qu’on aper-
coive à peine le nœud supérieur.- Pour prévenir l'effet des gelées, on couvre la terre
d’une épaisse couche de paille de riz qui conserve pendant l'été, l'humidité du sol.
Dès que le printemps arrive, la plante se développe rapidement, et, afin de lui créer
un ombrage pour l'été, on plante à ce moment deux ou trois rangées de maïs ou de sorgho
entre chaque rigole. On coupe la plante à la fin de l'été.
L’extraction de la matière tinctoriale bleue se fait d’une façon complétement identi-
que à celle de l’indigo. En Chine, où les plantations de liuellia dépassent souvent plusieurs
hectares, les habitants installent dans le voisinage six à huit grandes fosses en pierres €i-
mentées, d’une capacité de 10 à 20 hectolitres, communiquant entre elles et avec une
prise d’eau. Dans la moitié de ces fosses, on fait macérer la plante ; dans l’autre moitié;
on purifie la substance provenant des macérations en la passant à travers un tamis,
111 ne nous a pas encore été possible de déterminer avec exactitude le genre auquel appartient cette plante
intéressante. Fe
PLANTES TINCTORIALES. 425
puis à travers une loile, et enfin, en la lavant deux ou trois fois avec de l’eau qu'on
sépare par décantation. Le procédé, employé dans l'Inde pour obtenir l’indigo sec, est
ignoré en Indo-Chine et la matière tinctoriale du ruellia est, comme lindiso lui-même,
conservée, vendue et transportée à l’état pâteux, après avoir été renfermée dans de petites
cuves en bois cerclées.
Le bleu du ruellia est plus foncé et nous a paru plus résistant que celui de l’indigo.
La culture du ruellia serait, croyons-nous, très-facile en Algérie et pourrait donner
lieu à une production très-fructueuse; peut-être même pourrait-on l’introduire avec
succès dans le midi de la France.
Bixa orellana, L. — Le rocouyer est cultivé dans foutes les régions tropicales de
l’Indo-Chine. Ce bel arbre offre en Cochinchine une variété à fleurs roses, dont les fruits,
comme qualité tinctoriale, ne diffèrent pas sensiblement de l'espèce mère. Les habitants
se bornent à en semer quelques pieds dans les haies, ou dans leurs jardins ; souvent cet
arbre est naturalisé aux environs des villages. Quel que soit le terrain où on le sème,
il pousse avec vigueur et donne des fruits abondants. Leur récolte a lieu en octobre ou no-
vembre. On en coupe les grappes, et on les expose au soleil afin qu’elles achèvent de mürir.
La substance tinctoriale rouge qui entoure les graines, est conservée dans des pots sans
aucune préparation ; on la sépare des graines par macération dans l’eau, et on l’emploie
soit en teinture, soit, et plus souvent, pour colorer la cire et différentes autres matières.
Carthamus tinctoria, Li. — Le carthame ou safran de l'Inde, est cultivé depuis le Laos
inférieur Jusqu'en Chine. On n'en trouve que de très-pelits champs, installés le plus sou-
vent sur les berges des cours d’eau. Les semis ont lieu en octobre ou novembre, soit à la
volée, soit à la main.
Les fleurs doivent être récoltées de décembre à février, au fur et à mesure de leur
épanouissement. Tous les jours pendant la floraison, avant le lever du soleil, on coupe les
capitules et on sépare les fleurs. On réunit celles-ei en masse et on les presse dans un sac
de façon à exprimer le sue jaune qu'elles renferment, on les fait macérer dans un liquide
vinaigré pendant un jour ou deux, puis on les pétrit en une pâte qu’on fait sécher à l'ombre
après l’avoir divisée en très-petits pains. Ces pains de carthame sont vendus aux tein-
turiers, qui les emploient pour la teinture en rouge, après avoir séparé par digestion à
froid le reste du principe jaune.
Outre leur usage en teinture, ces pains entrent, unis à la céruse, dans la composition
des fards chinois. On les emploie aussi pour colorer les papiers en rouge. Dans le Laos, les
fleurs de carthame servent avec le bois de jacquier (Arfocarpus integrifolia) à tendre en
jaune les vêtements des bonzes. La couleur que donne le carthame s’altère rapidement.
Cæsalpinia sappan, L. — Cet arbrisseau arborescent est cultivé depuis Saïgon jusqu’en
Chine, et il s’est naturalisé autour des villages. Pour obtenir des troncs ayant une grosseur
suffisante et d’une exploitation avantageuse, le sappan doit être planté dans les terres ar-
gileuses riches et profondes. Partout ailleurs les troncs restent trop petits, et lorsqu'on a
enlevé l’épaisse couche d’aubier de couleur blanche qui couvre la partie centrale rouge
ou duramen, il ne reste que des büches sans valeur.
IL.
o#
426 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
La multiplication de cet arbre se fait exclusivement de graines, on le plante presque
toujours en haie autour des jardins. L'exploitation du sappan n’a lieu que lorsqu'il a au
moins une dizaine d'années. A partir de cette époque, on abat les branches, à mesure
qu’elles atteignent une grosseur suffisante pour être exploitées.
Curcuma tinctoria, L. — Le cureuma est cultivé sur une petite échelle en Indo-Chine,
dans tous les points jouissant d’un climat tropical. Ce n’est qu'en Basse-Cochinchine,
qu'on en voit de véritables plantations, cette plante préfère les terres légères. C’est en mai
el sur les monticules sablonneux, que les Annamites établissent les plantations. Après
avoir labouré la terre et l'avoir disposée en billons de façon à faciliter l'écoulement
des eaux d'orage, ils plantent, en lignes distantes de 30 à 40 centimètres, les extré-
mités des rhizomes provenant de la récolte précédente. Ils se bornent ensuite à dé-
lruire les mauvaises herbes, et à biner le champ une ou deux fois par an. La récolte n'a
lieu qu'à la fin de la seconde année en ectobre ou novembre, lorsque les feuilles sont
complétement fanées, Les racines provenant de cette récolte sont simplement lavées,
lorsqu'elles doivent être vendues dans le pays et consommées immédiatement; mais
lorsqu'on doit les conserver ou les exporter, on les divise, avant de les faire sécher, en
fragments longs de quelques centimètres, auxquels on enlève l’épiderme, afin de faci-
liter leur dessiccation. Outre leur usage en teinture, ces racines servent aussi dans la mé-
decine et la cuisine des indigènes. Au Laos ainsi qu’à Siam, les femmes en font un usage
tout spécial. Les jours de fête, elles se frottent tout le corps avee une racine fraiche,
de façon à changer le jaune sale de leur peau en jaune éelatant.
Orcanette. — Nous n'avons vu que la racine de cette plante, et il nous est impossible
de dire si c’est la véritable orcanette d'Europe (A/kanna tinctoria, Tausch., Lithosper-
mum tinctorium, L.), ou si c’est une espèce voisine. Cette racine, longue de 6 à 12 cen-
limètres, un peu plus grosse qu’une plume et couverte supérieurement de quelques poils,
est récoltée en automne en très-grande quantité dans les hautes montagnes du Yun-nan
et du Se-tchouen, avoisinant le Tibet. On l’exporte, après l'avoir nettoyée et séchée avec
soin. La matière tinctoriale rouge qui en provient sert à teindre les étoffes et à colorer les
bougies et certains mets. On trempe les étoffes que l’on veut teindre dans une déeoction de
celte racine, puis dans une lessive faite avee la cendre de différents arbres, en particulier
avec celle de l’'£urya japonica.
Basella rubra, L. — Cette plante volubile, dont les feuilles demi-charnues son
mangées en guise d’épinards par tous les Asiatiques, est cultivée parfois pour la matière
tincloriale rouge que renferment ses pelites baies. Les indigènes en sèment ordinairement
au printemps quelques pieds près des haies sèches qui entourent leur jardin. Partout elle
croitavee vigueur, souvent même elle se naturalise sur les bords des rivières et des fleuves.
Morinda. — Trois espèces de morinda eroissent dans les régions tropicales de lIndo=
Chine; deux, de petite taille, sont spontanées et très-communes dans les terres alluvion-
naires semi-inondées du haut Cambodge et du Laos inférieur ; la troisième (Worinda citri-
folia, L.), n’est pas spontanée, mais elle est partout propagée par l’homme et s’est natu-
ralisée autour des villages. Elle produit un fruit agrégé, gros comme une pomme, à la
PLANTES TINCTORIALES. 427
pulpe acide, très-peu recherché des indigènes. Les trois espèces ont le centre de leur tige
ou le duramen d’un rouge jaunâtre, contenant un principe colorant que les indigènes uti-
lisent parfois en teinture,
Botllera kamala, Roxb. — Six espèces appartenant à ce genre d’euphorbiacées
croissent dans la partie tropicale de l'Indo-Chine. Une seule, qu’on trouve plus particu-
lièrement dans les régions forestières de la Cochinchine, estutilisée. Les fruits tricoques de
celle espèce sont couverts d’une couche épaisse de glandes contenant un principe tincto-
rial rouge, qu’on emploie parfois pour teindre les vêtements. Cette couche de matière ré-
sinoïde, connue sous le nom de Kamala, en Europe, brüle facilement et jouit, à la dose
de 4 à 6 grammes, de propriétés téniafuges qu'on utilise dans l'Inde et qui paraissent
inconnues des Annamites.
Coriaria nepalensis, Wall. — Cette espèce de redoul croît à partir du 24° degré
de latitude sur tous les points des montagnes du Yun-nan, du Se-tchouen et des
provinces voisines, jouissant d’un climat tempéré et humide. Les teinturiers se servent
de ses feuilles pour teindre les étoffes en noir, après les avoir plongées dans un bain
de sulfate de fer. On les utilise aussi pour tanner les peaux. Les Chinois fabriquent
parfois, avec les petites baies de cette plante, une liqueur fermentée; ils ont la pré-
caution d'en extraire les graines, qui contiennent le principe vénéneux en très-grande
quantité.
F'ibraurea tinctoria, Lou. — On rencontre cette liane sur les plus grands arbres des
forêts du sud de l’Indo-Chine. 11 nous a été impossible de l’observer en fleur, et nous ne
pouvons affirmer que sa détermination soit exacte. Ses tiges, dont la grosseur dépasse sou-
vent celle du pouce, sont cannelées, striées à leur surface et formées d’un bois très-poreux,
renfermant une matière tinctoriale jaune, très-appréciée pour teindre la soie.
Symplocos (racemosa, Roxb.)? — Parmi les sept espèces de symplocos qu'on rencontre
croissant spontanément dans la partie tropicale de l’Indo-Chine, plusieurs sont utilisées en
teinture. L'une d’elles surtout, le Symplocos racemosa, croissant dans les provinces cen-
trales de l'empire annamite, est très-employée par les teinturiers cochinchinois et cambod-
giens pour le principe jaune qu'elle contient et qui sert, comme celui de la gaude (/eseda
luteola, L.), à modifier les autres couleurs. En outre de son action colorante, la décoction
des feuilles de cet arbre possède, d’après les indigènes, la propriété de rendre les couleurs
bien moins altérables. Les feuilles et les ramuseules terminaux sont les parties employées
en teinture, après avoir été séchées.
Gardenia grandiflora, Lou. — Ce bel arbrisseau, qui a produit une variété à fleurs
doubles que l’on cultive comme plante d'ornement dans les jardins indo-chinois, croît
à l’état spontané dans toutes les parties basses et inondées du delta du Cambodge.
Ses fruits, charnus, pentagonaux, allongés, d’un jaune rougeätre, sont recueillis par les
indigènes et utilisés dans la teinture pour la matière colorante jaune qu'ils renferment.
On les recueille dans la saison sèche, c’est-à-dire en novembre, et on les dessèche en les
exposant au soleil sur des claies, pour assurer leur conservation.
Gledüschia fera, D. C. (Mümosa fera, Lou.). — Cet arbre, sans être précisément cul-
428 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
tivé, se rençontre autour de tous les villages depuis Saïgon jusque dans le nord de la Chi-
ne, où il semble avoir été propagé par l’homme. Il présente plusieurs variétés, essentiel-
lement polymorphes. Ses feuilles et ses fruits contiennent un principe astringent qu’on
utilise pour la teinture en noir en les mélangeant à du sulfate de fer. Ces gousses contien-
nent en plus un principe mucilagineux qu’on emploie en guise de savon.
Sophora japonica, L. — Cet arbre, ainsi que les diverses variétés qu'il a fournis, est
cultivé en Chine dans les régions jouissant d’un climat tempéré. On le trouve, par pieds
isolés, autour des villages, dans les jardins et près des pagodes. Les habitants recueillent
ses fleurs au moment où elles vont s'épanouir, et après les avoir soumises à l’ébullition
dans l’eau, en fontune pâte qui sert à teindre en jaune.
Citons pour terminer cette énumération des plantes tinctoriales de l’Indo-Chine, les
fruits de divers Buchanania, des Elæocarpus, des Diospyros, des Randia, des Zizyphus,
employés avant leur maturité, pour les principes astringents qu'ils renferment. Notons
encore le Pterocarpus flavus, el quatre ou cinq Berberis dont les écorces, qui contiennent
un principe colorant jaune, sont utilisées en Chine. Nous ne saurions omettre les divers
Nerpruns dont les écorces servent à fabriquer le vert de Chine.
$S 5. — Plantes sacchariféres.
Les plantes saccharifères se réduisent à quatre en Indo-Chine : la canne, deux pal-
miers à sucre et le sorgho. La betterave n’est cultivée que dans les montagnes du Yun-nan,
et seulement en très-petite quantité comme légume.
Saccharum officinarum, L. — Nulle part nous n’avons trouvé la canne croissant à
l’état spontané en Indo-Chine, et parmi les nombreux exemplaires que nous avons exami-
nés après la floraison, aucun ne nous a présenté des graines fertiles.
On rencontre la canne depuis Saïgon jusqu’au centre de la Chine. Par le 32° degré de
latitude elle croit encore, mais seulement dans le fond des vallées très-peu élevées au-
dessus du niveau de la mer. Elle est cultivée en Indo-Chine pour deux usages princi-
paux : 1° pour l'extraction du sucre; 2 pour être mangée à la main. Pour le premier
usage, les variétés de canne sont en général très-minces, ligneuses, et fournissent très-
peu de jus; pour le deuxième, elles sont au contraire presque toujours grosses et charnues.
Dans le nord, la variété dite canne de Chine (Saccharum Sinense, Roxb.), a fourni
quelques belles sous-variélés très-rustiques, qui supportent facilement des températures
voisines de zéro, et qui peuvent être comparées aux espèces de Bourbon, de Java, de
Taïti, etc.
Dans le sud, la mauvaise qualité des cannes nous a paru tenir bien moins à leur
nature qu'au mode défectueux de culture. Rien ne serait plus facile que d'améliorer
les espèces dégénérées, en leur prodiguant pendant quelques années des soins intel=
ligents, elen particulier en les plantant moins serrées.
Ces diverses variétés, principalement les cannes minces et ligneuses cultivées dans le
sud, nous ont paru fréquemment atteintes de la maladie du noir produite par un cham-
PLANTES SACCHARIFÈRES. 429
pignon, surtout lorsqu'elles étaient plantées trop drues dans des terres maigres. Certains
papillons causent fréquemment aussi des ravages dans les champs de cannes, jamais
cependant au point de compromettre sérieusement les récoltes.
Les procédés de culture sont des plus défectueux, sauf sur quelques points de la
Chine. Les indigènes choisissent ordinairement les terres alluvionnaires argileuses qui
bordent les fleuves et les rivières. Ce choix est moins déterminé par la richesse habituelle
de ces terres, que par leur humidité qui facilite la reprise des boutures.
IL y a deux procédés principaux de culture de la canne usités en Indo-Chine. Le pre-
mier mode, ou culture en terre sèche, est le plus mauvais des deux. Il est employé pres-
qu’exelusivement en Annam, au Laos, et souvent même en Chine. Il consiste, après un
premier labour très-superficiel, à herser la terre, puis à tracer à la charrue d’étroits sillons
au fond desquels la canne est immédiatement plantée. On n’emploie que très-rarement
des engrais. Les sillons destinés à recevoir la canne sont distants de 3 à 4 décimètres.
Les boutures sont plantées à la distance de 20 centimètres environ et inclinées à 45 degrés.
Ces boutures, longues de 3 décimètres, proviennent des extrémités supérieures des
cannes. Entre l’époque de la préparation de ces boutures et celle de leur plantation, on
les réunit en bottes d’une cinquantaine que l’on maintient aux trois quarts dans l’eau.
On assure ainsi leur conservation, et on favorise la naissance aux nœuds des racines adven-
üives qui rendent la reprise de la canne très-prompte. La plantation terminée, le champ
est presque complétement abandonné à lui-même jusqu'au moment de la récolle, qui a
lieu l’année suivante à la même époque.
Le deuxième mode, ou eulture en terre irriguée, nécessite une installation particulière.
En Basse-Cochinchine, on le voit pratiqué dans les rizières situées hors d’atteinte des eaux
saumatres. Les rizières destinées à cette plantation sont entourées d’un fossé profond,
et divisées en plates-bandes par d’étroites rigoles. Des vannes facilitent l’écoulement ou
l'introduction de l’eau. Les cannes doivent être plantées au centre des plates-bandes, dans
un sillon moins profond que les rigoles, de façon que leurs pieds ne soient pas baignés
par l’eau. On emploie surtout ce mode de culture pour produire les cannes destinées à
être mangées à la main, mais il serait tout aussi avantageux, appliqué à la culture des
cannes destinées à produire le sucre.
Dans le sud de la Chine, comme on n’a pas à se préoccuper des eaux saumätres, toutes
les rizières sont propres à cette culture; il n’est pas nécessaire de faire un fossé cireulaire
destiné à laisser écouler l’excès d'humidité ; on se borne à établir des rigoles entre chaque
rangée de cannes, on creuse plus profondément les sillons que l’on comble en partie,
lorsque les cannes grandissent, pour qu’elles résistent mieux au vent.
Ce dernier procédé reçoit parfois, des Chinois de la vallée du Tong-king, des modifica-
tions importantes qu le font ressembler à la culture connue à Bourbon sous le nom de
culture Desbassayns. Au lieu de creuser des sillons entre les rigoles d'irrigation, pour
planter la canne, on fait, de distance en distance et en ligne, des fosses rectangulaires, pro-
fondes de 15 à 20 centimètres, au fond desquelles on place, en les croisant et en les in-
clinant à 70 degrés, deux boutures qu’on enterre à peine et qu’on recouvre presque entiè-
430 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
rement de paille. Plantées ainsi, les cannes deviennent très-belles et durent pendant dix
à quinze ans, lorsqu'on a la précaution de nettoyer les fosses, d’y mettre des engrais et de
bien biner la terre qui les sépare. Quel que soit le mode de culture employé, la plantation
des cannes se fait, en Indo-Chine, vers les mois de janvier et de février, au plus tard
en mars. La récolte se fait quand la canne est en pleine floraison, ce qui a lieu, dans le sud,
dix à onze mois après la plantation, et en Chine, dans le fond des vallées élevées, du quin-
zième au dix-huitième mois.
La durée d’une plantation de cannes varie avec la qualité du sol, son degré d’humi-
dité et le mode de plantation. Dans les terres riches, humides et sans irrigation, elle dure
Lrois à cinq ans ; dans les terres maigres et dans les plantations serrées comme celles de
Cochinchine et du Cambodge, le désouchage doit se faire après la troisième année. Lorsque
les pieds sont très-espacés, comme cela a lieu dans les plantations irriguées, la durée est
beaucoup plus longue, et elle peut parfois dépasser quinze ans, ce qui compense ample-
ment le surcroît de dépenses qu’occasionne cette installation spéciale. L'emploi des en-
grais et des sarclages soignés contribue beaucoup à prolonger la durée d’une plan-
lation.
On récolte les cannes en les coupant à l’aide d’une petite serpe aussi près que possi-
ble des racines. On les débarrasse des feuilles mortes et on les transporte au pressoir, soit
à dos d'homme, comme en Chine, soit avec des voitures à buffles, comme en Cochinchine
el au Laos. Avant de soumettre les cannes à la presse, on en retranche toujours la partie
supérieure qui renferme très-peu de sucre et qui doit servir à la multiplication. Le pres-
sage se fait d'une façon défectueuse et presque identique dans toutes les parties de la pénin-
sule. La presse se compose, en Cochinchine, de trois rouleaux de bois dur, etau Laos, de
deux seulement; ils sont maintenus verticalement à côté les uns des autres par un cadre
en bois, haut de 1 mètre et épais de 5 décimètres environ. A leur partie supérieure
existent des dents d’engrenage dont la forme est le plus souvent, au Laos, celle d’un
- horizontal; le mouvement est donné par un buffle attelé à une pièce de bois longue de 4
ou 5 mètres, encastrée par l’une de ses extrémités dans l’un des cylindres. La planche
inférieure du cadre est fixée solidement dans le sol; elle est creusée de façon à re-
cueillir le vesou, qui se déverse ensuite par un bec dans un grand vase enterré dans le
sol. On fait cuire immédiatement le vesou, afin d'éviter la fermentation qui se produit
très-rapidement dans les pays chauds. Il est nécessaire de soumettre deux fois les cannes à
la presse. Avec le système à trois cylindres, on y parvient facilement, en plaçant deux
hommes, l’un en avant de la presse pour faire entrer les cannes, et l’autre en arrière pour
les faire repasser. Dans le système à deux cylindres, il faut recommencer entièrement
l'opération.
Les presses à sucre, que tout indigène armé d’une hache parvient à fabriquer lui-même
en quelques semaines, sont ordinairement établies sous un hangar provisoire, à côté duquel
un loit plus solidement construit recouvre les appareils évaporatoires. Ils se compo-
sent en général de deux ou trois grandes bassines en fer, en forme de calotte, pouvant
contenir environ un hectolitre de jus. Ces bassines, installées sur un grand fourneau en
PLANTES SACCHARIFÈRES. 431
maçonnerie ou en terre, sont chauffées avec des broussailles ou avec la bagasse. Au Laos,
on se contente souvent d’une simple marmite en terre qu’on dispose au-dessus d’un four-
neau creusé dans la terre.
Quand le vesou entre en ébullition, on enlève l’écume abondante qui monte à la surface ;
mais un peu plus tard on ajoute une faible quantité de lait de chaux, destiné à achever la
coagulation des matières albuminoïdes et à précipiler les matières terreuses qu'il tient
toujours en suspension. A la suite de cette opération, on décante ordinairement le vesou,
et on continue à l’évaporer dans la bassine voisine, après l'avoir filtré sur un linge ou sur
un tamis. Au Laos et au Cambodge, on s’épargne une grande partie de ces soins, et on se
borne à évaporer le vesou jusqu’au moment où il a atteint une consistance sirupeuse sufli-
sante pour se solidifier par le refroidissement. Comme on peut s’y attendre, le sucre ainsi
obtenu est plein d’impuretés. En Cochinchine et en Chine le sucreest un peu moins noir,
mais il est encore inférieur à la plus mauvaise cassonade d'Europe.
Dès que le vesou est suffisamment concentré, on le verse dans des pots en terre, ou
dans de pelits vases d’égale grandeur, en forme de galettes, faits en feuilles de bananier,
qui lui servent d’enveloppe quand il est refroidi et solide. Ce sucre en galettes est ordi-
nairement supérieur à celui qu'on met dans les pots. C’est sous ces deux formes que le
sucre est vendu sur les marchés indigènes.
Les Annamites fabriquent en outre une assez belle cassonade par le procédé sui-
vant : ils prennent un certain nombre d'appareils en terre cuite, de forme conique,
ouverts aux deux extrémités, et pouvant contenir une cinquantaine de kilogrammes de
sirop. Ces appareils, bouchés à leur sommet à l’aide d’un tampon de paille, sont remplis
de sirop, et placés comme des filtres sur une table percée de trous. Dès que le sirop est
cristallisé, on dépose à sa partie supérieure une couche d’argile humide, épaisse de 5 à
6 centimètres, sur laquelle on verse de l’eau. Celle-ei s’écoule par l'ouverture inférieure
de l'appareil et entraine la plus grande partie de la mélasse que contient le sirop. En
prolongeant cette opération, on arrive à produire une cassonade assez pure, qui est
employée par les gens riches; jamais pourtant elle n’est complétement blanche. Cette
opération du terrage est également employée en Chine.
Nulle part la canne n’est employée à fabriquer du rhum. Cette boisson serait cepen-
dant plus saine que les liqueurs alcooliques que les Indo-Chinois extraient des céréales.
Borassus flabelliformis, L. — Ce beau palmier ne nous à pas paru indigène en Indo-
Chine ; il croit cependant avec la plus grande vigueur depuis Saïgon jusqu'aux frontières
de la Chine. Il est propagé par les habitants qui sèment la graine dans un trou très-peu
profond ; cet arbre n’exige aucun soin et croit à peu près dans tous les lieux, mais plus
vigoureusement peut-être sur les monticules sablonneux et sans valeur comme sol. Sa
croissance est lente, ce n’est guère qu'à l’âge de quinze à vingt ans qu'il commence à
fleurir et qu’on peut l’exploiter. Il atteint alors 4 à 5 mètres de hauteur. La récolte
de la liqueur sucrée qu'il fournit, se fait pendant la floraison, de décembre à mars.
On applique sur les trones d'arbres des tiges de bambou auxquelles on conserve une
partie des branches latérales en guise d’échelons. On monte ainsi facilement au sommet:
432 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
et on fait une ou deux entailles sur les pédoncules floraux, et on suspend au-dessous un
vase en bambou d’une capacité d’un à deux litres. La sécrétion ayant surtout lieu la
nuit, on enlève les vases pleins, chaque matin avant la chaleur. Pendant un à deux mois
chaque palmier fournit quotidiennement de un à quatre litres de liqueur; on en boit im-
médiatement une partie et on fait fermenter le reste. Le rapport de cet arbre est assez
considérable pour que chaque pied soit frappé au Cambodge d’un impôt annuel de
50 centimes.
Arenga saccharifera, Labill. — Ce palmier n’est pas cultivé en Indo-Chine, et on ne
recueille son suc que lorsque le palmier précédent manque absolument. L’Arenga ne se
trouve d’ailleurs que dans des endroits peu accessibles, près des sommets des montagnes
ou dans le fond des ravins humides tournés vers l’orient et le midi. La récolte du suc se
fait exactement comme celle du Borassus et à la même époque.
Andropogon saccharatus, Roxb. — Il n’est cultivé qu’en Chine. Le procédé employé
pour extraire le sucre est identique à celui de la canne.
$S 6. — Plantes tuberculeuses et féculentes.
On observe en Indo-Chine à peu près toutes les plantes tubereuleuses ou féculentes
du globe, soit spontanées, soit cullivées. Malgré leur nombre et les fréquents usages aux-
quels les populations de cette partie du monde les appliquent, leur rôle est bien moins
important que sous les climats tempérés.
Batatas edulis, Choisy (Convolvulus batatas, L.). — La patale douce est la pomme
de terre des pays chauds. Elle est cultivée dans toute l'Indo-Chine, mais en petite quan-
lité. La plupart des tribus sauvages du sud Ja remplacent par les racines sanvages qu'ils
trouvent dans les forêts. Quoique non indigène en Indo-Chine, la patate y croit cepen-
dant avee une très-grande vigueur. Toutes les terres lui conviennent, surtout les terres
sablonneuses. Elle se plante presque partout au début de la saison des pluies ; elle peut
être cultivée aussi pendant la saison sèche à l’aide d'arrosage ou d'irrigation, ou bien, comme
au Laos et au Cambodge, dans la vase qui couvre les berges des fleuves après le retrait
des eaux. La culture des patates pendant la saison sèche permet d'obtenir deux récoltes
annuelles dans le même champ : une de riz pendant l’hivernage, et une de patates pen-
dant la saison sèche. Ce mode d’assolement n’est pas inconnu des Indo-Chinois, mais
il est peu pratiqué. La multiplication de la patate se fait par boutures que l’on plante sur
les billons. Cette disposition de la terre permet l'écoulement des eaux si les orages sont
fréquents, ou une irrigation facile si les pluies viennent à manquer.
La récolte se fait environ six mois après la plantation. Les tubercules de la patate se
conservent mal ; aussi ne les récolte-t-on qu'au fur et à mesure des besoins. Ce défaut de
conservation, dû à la promple fermentation du sucre qu'ils renferment, oblige les eulti-
vateurs à échelonner l’époque des plantations. Les indigènes utilisent de différentes façons
les patates dans leur cuisine ; le plus souvent ils les mangent cuites dans l’eau. Les jeunes
feuilles se cuisent comme nos épinards.
PLANTES TUBERCULEUSES ET FÉCULENTES. 433
D’assez nombreuses variétés de patates existent en Indo-Chine. Les unes ont les
feuilles cordiformes presque entières, et les autres les ont profondément pentalobées.
Certaines espèces ont le feuillage très-päle et d’autres le feuillage très-foncé, presque
violet. Les tubercules diffèrent de grosseur, de forme, de qualité et de couleur. Les
plus gros tubercules proviennent des qualités médiocres, et servent à nourrir les animaux ;
les plus farineux et les plus sucrés sont moins fertiles et servent à la nourriture de l’homme.
La même maladie qui sévit sur la pomme de terre en Europe s’observe sur la patate
douce, ainsi que nous avons pu fréquemment le constater dans le Yun-nan. Nous ne pen-
sons pas qu'aucun moyen préservatif soit connu des indigènes.
Spomæa mamonosa, Choisy (Convolvulus mammosus, Lour.). — Cette espèce diffère de
la précédente non-seulement par ses caractères botaniques, mais aussi par ses tubercules,
inférieurs en qualité à ceux de la patate commune. D’après Loureiro, cette patate serait
cultivée en Cochinchine assez communément. Mais toutes nos recherches pour la rencon-
trer ont été infructueuses.
lolanum tuberosum, L.—Plusieurs variétés de pommes de terre, à tubercules de formes
et de couleurs variables, sont cultivées dans les montagnes élevées du sud de la Chine,
jouissant d’un climat franchement tempéré. Sous le tropique, la limite inférieure de sa
culture est 1,800 mètres, et, même à celle grande hauteur, les tubercules sont petits
etde médiocre qualité. Ce n’est, sous cette latitude, qu'à la hauteur de 2,500 mètres
qu’elle donne des produits entièrement comparables à ceux des régions tempérées. Culti-
vée dans les pays intertropicaux, même pendant la saison la moins chaude, à peine ob-
lient-on la première année un poids de tubercules égal à celui qu'on a planté. Aussi, sa
cullure sous les tropiques ne se pratique que pour obtenir de jeunes pommes de terre à
la place des vieilles qu'on a importées.
La culture de cette plante se fait d’une façon presque identique à celle d'Europe.
La maladie de la pomme de terre, quoique assez rare, existe en Chine ; elle y a causé
dans ces dernières années des ravages assez sérieux.
Les tubercules de la pomme de terre sont surtout consommés par les sauvages ; les
Chinois préfèrent la patate.
Dioscorea alata, L. — Douze à quinze espèces d’ignames croissent spontanément dans
les forêts de l’Indo-Chine. Presque toutes fournissent des racines que les sauvages et les
autres Indo-Chinois pauvres utilisent dans les moments de disette. La plupart ont la chair
fibreuse et d’un noir violacé. Deux de ces espèces seulement sont cultivées depuis Saïgon
jusqu’au centre de la Chine. Ces deux esièces types, Droscorea alata el Diascorea sativa,
ont fourni plusieurs variétés d’une distinction assez difficile et qui ont été, à tort selon
nous, élevées au rang d'espèces.
La culture de ces ignames se fait presque toujours dans les jardins ou aux environs
des villages, dans des terres profondes et faciles à remuer. On propage l’igname en plan-
tant soit le collet de la racine surmonté des débris de la tige, soit des fragments de tuber-
cules portant des bourgeons ou enfin les bulbilles qui naissent à l’aisselle des feuilles de
certaines variétés. La plantation se fait au début des pluies, vers le mois de mai. On a soin
I. 53
434 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
de ramer les tiges si elles n’ont pas près d’ellesune haie pour s'appuyer. La récolte peutavoir
lieu un an après, mais le plus souvent on attend que les plantes aient dix-huit mois. A cette
époque, les racines ont acquis une grosseur passable, sans être devenues fibreuses. L’ar-
rachage est assez pénible: il se fait soit à la houe, soit à l’aide d’un bambou creux, denté à
son extrémité inférieure, qu'on enfonce autour des racines pour enlever la terre. Celle
plante n’est que peu cultivée, on lui préfère la pomme de terre ou la patate.
Manihot aipi, Pohl. — Manihot utilissima, Pohl. — De ces deux espèces de manioes,
considérées autrefois comme deux variétés dérivées du Jatropha Manihot, L., la première
est la plus répandue en Indo-Chine. Elle est cultivée dans toute la vallée du Mékong, de-
puis l'embouchure du fleuve jusqu’au 25° degré de latitude. Cette plante a des feuilles géné-
ralement à cinq lobes. Son suce n’est pas vénéneux. Reproduite de boutures depuis long-
temps, elle ne fleurit presque jamais en Indo-Chine. Une fois seulement, dans le Laos
supérieur, nous avons trouvé quelques sujets en fleur, portant des fruits fertiles.
Le manioc se cultive ordinairement dans les jardins, près des haies. La plantation se
fait au début de l’hivernage. La plante n’exige que très-peu de soins ; on se borne à en-
lever les mauvaises herbes, qui sont du reste bientôt couvertes par la plante, qui est douée
d’une grande vigueur. Souvent pourtant les Annamites les buttent, pour obtenir des
racines plus grosses et plus nombreuses. L’arrachage des racines a lieu généralement
pendant la deuxième année, quand les tubercules ont acquis tout leur développement.
Les Indo-Chinois n’utilisent presque jamais cette plante pour nourrir les animaux. Ils ne
cultivent le manioc que pour en extraire la fécule qui est surtout employée, comme en
Europe, pour l'alimentation, après avoir été granulée à la suite d’une légère torréfaction.
Maranta arundinacea, L. — Parmi les plantes de la famille des Amomacées, plu-
sieurs espèces appartenant au genre Waranta où à d’autres de la même famille, telles que
le Thalia, V'Alpinia el le Curcurna, fournissent la fécule connue sous le nom d’arrow-root.
Le maranta est la seule espèce cultivée en Indo-Chine, et encore ne l’est-elle qu'au Cam-
bodge et en petite quantité. Les terres qui conviennent le mieux à cette plante sont celles
de nature alluvionnaire, assez riches en argile et exemptes complétement de sel marin. Elle
ne pourrait done croître dans la plupart des parties basses du delta du Cambodge. La multi-
plication se fait par bouture en plantant les bourgeons terminaux des rhizomes. Le maranta
est planté enlignes, à la distance de deux à trois décimètres, au début de lhivernage, vers
le mois de mai. La récolte a lieu dix-huit mois après, lorsque les rhizomes ont acquis
leur plus grand développement. Les racines sont extirpées à l’aide d’une houe, puis
lavées et râpées aussitôt pour en extraire la fécule.
Cycas circinalis, L. — Cycas inermis, Lour.— Cycas pectinata, L. —Trois espèces de
cycas fournissant la fécule connue sous le nom de sagou, croissent spontanément depuis
Saïgon jusque dans le sud dela Chine. On les trouve surtout dans les îles du Laos inférieur
et dans les dunes des provinces annamites, sur le littoral. Les habitants les cultivent quel-
quelois, plutôt comme arbre d'ornement que pour la fécule qu’ils en retirent. Dans les ilots
des calaractes de Khon, nous avons vu un grand nombre de eycas appartenant au cycas
circinalis (?), dont le tronc dépassait dix mètres. Ces arbres n'avaient certainement pas moins
PLANTES TUBERCULEUSES ET FÉCULENTES. 435
de deux ou trois cents ans. Les cycas se trouvent presque toujours dans les terres sablon-
neuses, couvertes de forêts. Leur multiplication se fait de graines, à l'exception toutefois
du cércinalis qu’on peut multiplier de boutures. Les graines, plus grosses que des mar-
rons, mürissent en mai el juin. On peut les manger après les avoir fait griller pour enle-
ver leur amertume. La fécule que contient la base des troncs s'obtient très-facilement en
lavant et broyant la partie médullaire. Cette fécule peut être mangée sans autre prépara-
lion que la cuisson, mais le plus souvent on la granule, après l'avoir grillée légèrement,
pour augmenter sa sapidité.
Nelumbium speciosum, Wild. — Cette belle plante aquatique etune variété à fleurs pres-
que blanches qu’elle a produite, sont très-communes en Indo-Chine. Dans les étangs et les
marais, elles sont souvent spontanées, mais souvent aussi propagées par semis, en jetant
les graines à la surface de l’eau. Dans les bassins des pagodes, elles sont eultivées par
pieuse tradition. La récolte des graines a lieu de septembre à octobre, et plus tôt si l’on veut
les manger vertes. Ces graines ont la forme et la grosseur des glands du chêne; leur
goût rappelle celui de la noisette. On les recueille en grande quantité en Cochinchine et
au Cambodge pour les exporter en Chine.
Les racines ont souvent plusieurs mètres de longueur, et leur grosseur atteint celle du
poignet. Leur extraction offre d’assez sérieuses difficultés. Elle se fait en automne, moment
où, la végétation élantsuspendue, les racines sont le plus riches en fécule. On divise succes-
sivement les marais en petits carrés qu’on rend étanches et que l’on vide avec une noria
ou des seaux. Les racines se mangent cuites à l’eau. Elles ont une chair assez fade et
manquant un peu de fermeté.
Sagitaria chinensis, Sims. — La sagittaire de Chine est cultivée dans les mêmes
lieux, de la même façon que le Nelumbium ou lis rose du Nil. Ses racines sont charnues,
anguleuses, longues de un à trois décimètres, et leur grosseur atteint souvent celle du
poignet. Intérieurement elles sont percées de sept trous, dont un central plus grand. Leur
chair est légère, très-peu fibreuse, et remplace facilement celle de la pomme de terre.
Tacca pinnatifida, Forst. — Cette plante a des racines tuberculeuses qui atteignent
la grosseur du poing; elles contiennent un principe àcre qui disparait par la cuisson. On
les récolte de septembre à octobre, à l’époque où elles ont atteint leur plus grande gros-
seur. Comme qualité, elles sont assez semblables à celles du taro (Colocasia esculenta).
Loureiro indique cette plante comme cultivée en Cochinchine et même dans le sud de la
Chine. Nous ne l'avons trouvée que dans les forêts du Cambodge, près des ruines d’Angcor
où elle croit spontanément.
Trapa bicornis, Li. — Deux ou trois variétés de macres ou châtaignes d’eau sont cul-
livées en Indo-Chine, à partir du 14° degré de latitude jusque dans le nord de la
Chine. Elles croissent partout avec la plus grande facilité. Les indigènes les cultivent dans
les bassins des pagodes, dans ceux de leurs jardins, où aux environs des villages. Leur
culture consiste à empêcher le desséchement des bassins et à ésherber. Les variétés de ces
fruits ne diffèrent que par leur longueur, le nombre des pointes qui les couvrent et par
leur couleur. Leur goùt est comparable à celui des marrons.
436 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Cyperus rotundus, L. Cette espèce de souchet et plusieurs autres croissent spontané-
ment en Indo-Chine dans les marais et les endroits humides. Elles produisent des tuber-
cules très-appréciés des indigènes. La récolte a lieu généralement en automne, époque où
les tubercules atteignent leur complet développement et où les marais sont à moitié dessé-
chés. Les tubercules de ces différentes espèces, dont la grosseur varie entre celle d’unenoi-
sette et celle d’une noix, sont allongés à leur partie supérieure, souvent un peu arqués et
marqués de deux ou trois eicatrices circulaires, obliques, laissées par les feuilles. La chair
est féculente, blanche ou légèrement rosée, elle contient chez certaines espèces un prin-
cipe huileux qui lui donne un goût assez analogue à celui des amandes, et qui permet d'en
faire des émulsions. Ces tubereules sont ordinairement mangés crus par les indigènes,
les Européens les préfèrent grillés.
Pachyrrhizus angulatus, Rich. (Dolichos bulbosus, L.). — Cette légumineuse volubile,
à fleurs bleues, croit spontanément dans toutes les broussailles des parties de lIndo-
Chine jouissant d’un climat tropical humide. En Cochinchine et au Laos, les pieds se
multiplient spontanément et suffisent presque toujours aux besoins des habitants; en
Chine on la cultive très-souvent. Cette culture se fait ordinairement dans les haies, afin
que la tige ait un appui. La propagation se fait de graines que l’on sème au début des
pluies vers le mois de mai. La récolte n’a lieu qu'après la deuxième année, au second
automne qui suit la plantation. Le tubercule unique que produit cette plante est blane,
court, déprimé en forme de toupie. Sa grosseur dépasse rarement celle du poing; sa chair
est blanche, non fibreuse, à peine sucrée et très-peu sapide. Ce tubercule peut être mangé
cuit, mais le plus souvent les indigènes le mangent cru et en guise de fruit, quoique
d’après leur dire il puisse occasionner des dérangements intestinaux sérieux.
Colocasia, L. — Les différentes espèces de taro sont, après la patate, les plantes
tuberculeuses les plus utiles et les plus fréquemment cultivées par les Indo-Chinois. On
les trouve dans toutes les parties humides semi-inondées et jouissant d’une température
élevée. On cultive, soit dans les jardins, soit dans les champs qui entourent les villages,
quatre ou einq espèces et plusieurs variétés (Colocasia esculenta, Schott; Colocasia
antiquorum, Schott ; Colocasia indica, L.; Colocasia odora, Brong.). Les deux premières
espèces sont les plus communes. Elles ont des tubercules ovoïdes, variant de la grosseur
d'un œuf à celui du poing. Les deux autres espèces ont leurs tubercules caulescents,
en forme de tige pouvant dépasser un mètre de longueur. Elles sont cultivées pour
nourrir les animaux où comme ornement pour leurs immenses feuilles. Ces différents
tubercules ont la chair peu farineuse et souvent un peu fibreuse; ils renferment un
principe àcre, presque caustique, que la cuisson fait disparaitre. La multiplication de
ces colocasia se fait au début de l’hivernage, soit avec la partie supérieure des tubereules
portant les feuilles qu'on retranche, soit avec de petits tubercules nés latéralement,
soit enfin avec des bulbilles naissant sur des stolons comme en possède une espèce à
feuillage violet. On récolte un an après. Dans les terres seulement humides, ces tuber-
cules acquièrent une grosseur moyenne, mais dans celles que l’on peut irriguer, 1ls de-
viennent très-gros. Dans certains pays; on utilise les feuilles comme légume, ce qui a
PLANTES COLONIALES. 437
fait donner au Colocasia esculenta le nom de chou-caraïbe. En Indo-Chine, cet usage
nous à paru inconnu.
S7. — Plantes coloniales.
Nous avons rangé, sous le nom de plantes coloniales, un certain nombre de plantes
ne se rattachant à aucun des groupes précédents et qui sont cultivées dans les colonies en
vue de l'exportation.
Thea chinensis, L. — Ce précieux arbuste croît à partir du 21° degré de latitude sur
les montagnes du Laos supérieur Jusqu'au 31° degré. Malgré le grand nombre de sujets
que nous avons trouvés disséminés dans les forêts du Laos supérieur et du sud du Yun-nan,
il nous est resté des doutes sur sa spontanéité dans ces régions; il pourrait bien n’y être
que naturalisé.
Nous n’admetlons avec plusieurs auteurs qu'une seule espèce botanique de thé, d’où
sont dérivées plusieurs variétés dont les deux principales sont : Le Thea vrridis, L. et le Thea
bohea, L. Entre ces deux variétés typiques et la variété pubescente du Laos, il existe un
grand nombre de formes intermédiaires et il est à peu près impossible de tracer la ligne
de démarcation qui sépare une variété d’une autre. Le thé, abandonné à lui-même,
atteint facilement quatre à cinq mètres de hauteur; cultivé, on s’oppose à son élévation
afin de cueillir plus facilement les feuilles, et il dépasse rarement un mètre. Le climat qui
parait lui être le plus favorable, ne doit être ni trop chaud, ni surtout trop sec. Le thé ne
supporte pas les gelées ; comme la plupart des plantes des montagnes, il pousse mal au
niveau de la mer. Il peut cependant y être cultivé, puisqu’en Basse-Cochinchine on en fait,
à l'ombre des aréquiers, de fort belles plantations qui donnent des feuilles abondantes,
plus grandes, mais moins parfumées qu'en Chine.
Le sol que préfère cet arbuste, est le sol argilo-ferrugineux rouge, qu’on rencontre si
abondamment en Indo-Chine autour des montagnes de marbre, ou sur les monticules ar-
gilo-schisteux ; 1l croît souvent entre les rochers qui émergent à leur surface. C’est même
très-souvent dans les parties de ces lieux trop en pente et trop pierreux pour la culture des
céréales, que les Chinois établissent de préférence leur plantation.
La culture du thé n’est, dans les régions que nous avons parcourues, l’objet que de
bien peu de soins de la part des Chinois. Une fois les sujets plantés, on se borne à em-
pêcher les broussailles d’envahir la plantation, en binant grossièrement là terre une ou
deux fois par an. Rarement on emploie des engrais et plus rarement encore on taille les
arbres, Les pieds sont plantés à des distances très-irrégulières, ordinairement à un ou
deux mètres. La récolte des feuilles se fait trois ou quatre fois par année, suivant la vigueur
de la plantation. De l’âge des feuilles dépend en partie la qualité du thé; les plus vieilles
fournissent des thés médiocres, et les plus jeunes, surtout celles qu’on a à l'ouverture des
bourgeons, donnent les meilleurs.
On soumet toujours les feuilles de thé à une température de 60 à 70 degrés centi-
grades, Dès qu’elles commencent à se crisper, on les brasse sans cesse jusqu'au moment;
438 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
variable suivant les pays, où l’on juge la dessiceation suffisante. A Pou-eul, district qui
fournit un thé très-renommé, on les retire lorsqu’elles sont encore imprégnées d'humidité,
puis on en forme des couronnes ou des pains que l’on fait sécher à l'air. Sur la plupart des
autres points de la Chine, on pousse plus loin la dessiccation dans les bassines, et on la
termine en étalant chaque feuille isolément sur des nattes. Ce sont là les thés verts tels que
les consomment les Chinois. On les mélange souvent à des feuilles ou à des fleurs odorifé-
rantes, telles que celles du jasmin, Jasminum sambac, Aït., de la rose, du CAloranthus
inconspicuus, du Camalia sasanqua, Thunb., du Magnolia Yulan, L, de l'Olea fragrans,
L., du Gardenia floribunda, ete. Les thés verts destinés à l'exportation, sont chauffés plus
longtemps et on les dessèche presque complétement avant de les enlever des bassines. Pour
corriger la teinte noire produite par ce surcroiït de cuisson, on ajoute, soit de l’indigo, du
platre, de la chaux éteinte, soit ces trois substances réunies. En roulant les feuilles une à
une entre les mains, ces substances adhèrent autour et donnent la teinte verte que lon
désire.
Les feuilles de thé destinées à la fabrication des thés noirs, dont le gout est si différent
des thés verts, sont soumises également à l’action de la chaleur. Seulement, au lieu de les
trailer aussitôt après la cueillette, on les fait fermenter pendant plusieurs jours dans des
caisses fermées, afin de développer leur saveur particulière. Dans certaines provinces de
la Chine, on fabrique du thé en briques, en comprimant les débris de feuilles dans des
moules. Au Laos on trouve du thé, qu'on a fait fermenter avec du sel marin et qu'on
mange à la main.
Coffea arabica, L. Quelques essais de plantation de café ont été faits récemment au Cam-
bodge et en Cochinchine et paraissent devoir réussir.
Cinnamomum cassia, Blum. Ce cannellier fournissant la cannelle dite de Chine, croit
spontanément dans les forêts situées vers le 19° degré de latitude: On le rencontre surtout
dans la vallée du Se Ngum, affluent de la rive gauche du Mékong, il n’y est l'objet d'aucun
soin. Les habitants se bornent à récolter l'écorce des arbres croissant spontanément dans les
forêts.
Au lieu de ne recueillir que l’écorce des jeunes rameaux de deux ans, comme cela se
pratique à Ceylan, les Indo-Chinois détachent toute celle de l'arbre entier. L’écorce des
rameaux, grosse comme le pouce, parait être sinon la plus recherchée, du moins la plus
commune. L’écorce des grosses branches est enlevée en larges plaques rectangulaires
et expédiée aux pharmaciens chinois, non moins charlatans que ceux d'Europe, qui
l’ornent de brillantes étiquettes dorées et la vendent à un prix excessif, comme douées
de propriétés merveilleuses que rien ne justifie. Quant à l'écorce des ramuseules, qu’il se-
rail trop long d'enlever, on lutilise en réunissant ces ramuseules en petits fagots que l’on
exporte. Quelle que soit l'écorce, il est très-rare qu'on enlève l’épiderme, comme pour la
cannelle de Ceylan. Cette cannelle à un goût piquant et son odeur rappelle celle de la
punaise, elle est {rès-peu recherchée des Européens.
Vanilla aromatica, L. — Les quelques pieds de vanille importés en Cochinehine de-
puis notre occupation sont restés stériles; la longueur et l'extrême sécheresse de l'hiver
PLANTES COLONIALES. 439
en sont sans doute la cause. Il faudrait, croyons-nous, choisir pour celte culture les par
ties montagneuses et qui sont couvertes de brumes même dans la saison sèche. L’exis-
tence sur les montagnes de Cochinchine d’une vanille ( Vanilla aphylla), qui croit spon-
tanément dans les ravins humides, justifie cette opinion. Plus au nord, dans le Laos supé-
rieur, les localités propres à la culture de la vanille deviennent nombreuses.
[licium anisatum, Li. — Deux espèces appartenant à ce genre de la famille des
magnoliacées, croissent en Indo-Chine : lune à fleurs pourpres, se rencontre dans
les montagnes du Laos supérieur, et produit des fruits peu aromatiques qui ne sont
pas utilisés ; l’autre croit en Chine, et ses fruits sont très-estimés. Cette dernière espèce,
connue sous le nom d’anis étoilé ou de badiane, croit à l’état sauvage sur les montagnes
du nord-ouest de ia province du Vun-nan, à 2,500 mètres d'altitude et au-dessus, dans
les endroits humides. Sa hauteur dépasse souvent 4 à 5 mètres. Ses fleurs, d’un jaune
très-päle et assez grandes, apparaissent en février et en mars; ses fruits muürissent en
août et septembre. Cest à cette époque qu'on les recueille et qu’on les exporte après les
avoir fait sécher. Cet arbre aromatique se multiplie de lui-même ; son bois est utilisé en
ébénisterie.
Piper nigra, L. — Le poivrier n’est cultivé qu’en Basse-Cochinchine et au Cambodge,
quoique le Laos offre à sa culture des terrains beaucoup plus favorables. Cette plante n'exige
aueun soin. Les habitants se bornent ordinairement à planter au pied des arbres fruitiers
de leurs jardins un ou plusieurs sujets provenant d'anciennes souches ou de marcottes.
Cette opération a lieu dans la saison humide, cependant il est quelquefois nécessaire
d’arroser pour assurer la reprise des plants. A l’aide des crochets qui naissent des nœuds,
les sarments se fixent à l’écorce des arbres, enlacent leur trone et s'élèvent souvent à plus
de 10 mètres de hauteur. Vers la troisième et la quatrième année, des rameaux latéraux
naissent, deviennent arborescents comme ceux des lierres et fleurissent ensuite chaque
année au printemps. La récolte à lieu en novembre, un peu avant la parfaite maturité.
Elle se fait à la main; on expose les baies au soleil afin de bien les dessécher pour assurer
leur conservation.
Chavica belle, Miq. (Piper betle, L.). — Le bétel est cultivé depuis Saïgon jusqu’en
Chine, dans la vallée du fleuve du Tong-king. Sa culture est admirablement soignée. On lui
consacre les meilleures terres, on emploie pour les fumer les engrais les plus parfaits et
l'irrigation des champs est disposée d’une façon remarquable. Les terres les plus propres
pour la culture de cette plante, sont les terres alluvionnaires; les plantations faites dans les
lieux élevés sont peu productives, et les arrosages doivent être bien plus abondants. Les
plantations sont souvent ombragées par de grands arbres; on choisit l’aréquier de préfé-
rence.
La multiplication de ce poivrier se fait de marcottes obtenues par le couchage, que l’on
plante dans la saison humide au pied d’un gros piquet en bois haut de 2 à 3 mètres, sur
lequel il grimpe. Parfois on le plante au pied des arbres, comme les aréquiers, mais dans
ce cas il produit peu, car la fumure profite en partie aux tuteurs. D’autres fois, on le plante
le long des murailles, contre lesquelles il vient très-bien lorsqu'il n’est pas trop exposé au
440 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
soleil. Dès la seconde année le poivrier bétel donne quelques feuilles que lon peut ré-
colter, mais il n'entre réellement en production qu'à la troisième année. Il devient alors
arborescent comme le lierre, et fournit des feuilles toutes les cinq à six semaines.
Zanthoxzylum piperitum, D. C. (Fragaria piperita, L.). — Le zanthoxylon ou poivre
du Japon, est cultivé dans le Laos supérieur et le sud de la Chine, pour ses fruits aroma-
tiques, qui remplacent le poivre noir dans les usages culinaires. Les climats humides et
brumeux sont ceux qui paraissent le mieux lui convenir. Par le 20° degré de latitude, il ne
croît pas à une altitude dépassant 8 à 900 mètres. Ordinairement il est planté dans les jar-
dins ou autour des pagodes. La floraison a lieu en août et la maturité de ses fruits en no-
vembre et décembre ; les habitants eueillent les grandes panicules que forment ses fruits
et les font sécher au soleil. L’essence aromatique qui fait rechercher ces fruits, existe sur-
tout dans les petites glandes pellueides recouvrant le péricarpe.
Areca catechu, L. — L'aréquier est une plante essentiellement tropicale. On ne le
rencontre pas en Indo-Chine au delà du 24° degré de latitude, et encore n’existe-t-il sous
celte limite que dans le fond des vallées très-profondes. Indigène des îles de la Sonde,
l'aréquier n'existe que cultivé en Indo-Chine. On le plante ordinairement dans un sol allu-
vionnaire humide, en lignes rapprochées de 2 à 3 mètres sur des talus séparés par d’étroits
fossés dans lesquels l’eau peut pénétrer. Il peut croître cependant sur les monticules où
toute irrigation est impossible, mais il y donne peu de fruits et y dure peu. L’aréquier a
fourni un grand nombre de variétés différentes par la forme et la couleur des fruits,
mais qui n'offrent que peu d'intérêt, leur qualité étant à peu près toujours la même. La
floraison des aréquiers a lieu de mars à mai, suivant les terrains et les variélés. La fruc-
lification offre les mêmes écarts et se fait neuf à dix mois après, d'octobre à janvier.
On récolte souvent les fruits pour les consommer verts. Lorsqu'on les laisse mürir,
c'est presque toujours pour les faire sécher, afin de les conserver et de pouvoir les
exporter.
La dessiccation des noix, se fait en enlevant d’abord leur enveloppe extérieure fibreuse
qu'on emploie souvent à calfater les bateaux, puis en les divisant en morceaux ou en
rondelles, que l'on fait sécher au soleil sur des nattes. Nulle part nous n’avons vu traiter
ces noix pour obtenir l'extrait astringent que l’on connaît sous le nom de cachou.
Nicotiana tabacum, Li. — Nicotiana chinensis, L. — Toutes les populations indo-chi-
noises sans distinction, cultivent l’une de ces deux espèces de tabac. La première, qui est
l'espèce commune, estla plus répandue; la seconde, malgré son nom spécifique, s’observe
lrès-rarement en Chine, mais par contre prédomine en Cochinchine.
Le tabae, dans toutes les régions tropicales, est cultivé pendant la saison sèche; au con-
traire dans les régions jouissant d’un climat tempéré, il est planté pendant la saison hu-
mide. Partout la culture du tabac est l’objet de soins spéciaux, et plus indispensables sous
ces climats qu’en Europe. Cest, en Cochinchine et au Laos, à peu près la seule plante
pour laquelle on recueille des engrais. Les Annamites préparent même très-souvent pour
sa culture un fumier spécial qui se compose de fiente d'animaux, de lourteaux de plantes
oléagineuses, et de cendres de bois, qu'ils mélangent et qu'ils font fermenter. Chaque
PLANTES COLONIALES. 441
cultivateur produisant généralement son tabac, cette plante se trouve cultivée dans toute
espèce de terrains, mais ses feuilles varient de qualité, bien qu’elles acquièrent à peu
près partout la même laille. Le tabac est ordinairement très-mauvais dans les terres sablon-
neuses, et très-bon dans les terres argileuses. Les tabacs cambodgiens et laotiens cultivés
sur les berges du Cambodge, dans le limon argileux déposé par les eaux, sont bons, et ceux
qui sont cultivés sur les monticules au sol argilo-ferrugineux, habités par les sauvages, sont
très-bons. En général les tabacs indo-chinois brülent mal et paraissent contenir une trop
faible proportion de nitre. En Chine seulement, dans les terres argileuses rouges situées
autour des montagnes de marbre de la province du Yun-nan et du Se-tchouen, on trouve
des tabacs pouvant être comparés à ceux de la Havane et de Manille. Leur parfum est exces-
. sivement remarquable ; ils brülent très-facilement, et nous ne doutons pas qu'exportés en
Europe, ils n’acquièrent une grande réputation.
Pour multiplier le tabac, on commence par le semer dans un peu de terreau et on
le repique lorsque les plantes ont atteint une taille suffisante. Ces semis se font dans
les jardins et souvent sous de petits toits en feuillage pour les préserver du soleil et des
pluies d'orage. Pour assurer le repiquage, les Indo-Chinois ont souvent le soin de mettre,
sept à huit jours auparavant, chaque pied dans un petit pot en feuilles de bambou qu'ils
enlèvent au moment de les mettre en terre, ce qui rend leur reprise infaillible. Excepté
sur les berges des fleuves, partoutils ont recours à des arrosages, surtout au début de la
plantation. Les Annamites inslallent très-souvent, dans ce but, des puits de distance en
distance dans leurs champs de tabac.
L’étêtage du tabac est assez généralement pratiqué par les Indo-Chinois qui laissent à la
plante de dix à douze feuilles. Dans de très-rares endroits les feuilles de tabac subissent
des préparations spéciales. Après les avoir fait sécher à l’ombre, placées sur des claies ou
suspendues à des ficelles, on les réunit en paquels qu'on hache au fur et à mesure des
besoins ou de la vente.
Papaver somniferum, L. — Le pavot à opium, nommé ordinairement pavot blanc à
cause de la couleur blanche de sa graine, est cultivé sur une très-vaste échelle dans toute
la partie sud-ouest de la Chine avoisinant le Tibet et le Laos. Depuis quelques années
surtout cette culture s’est beaucoup accrue, et a envahi graduellement les plaines des
régions élevées jouissant d’un elimat see presque tempéré. Sous le tropique, l'altitude
des terres doit être d'au moins 1,500 mètres, pour que le pavot prospère.
Cette culture a lieu en hiver, dans les meilleures rizières des vallées. Dans un pays où
la terre à riz est si peu abondante relativement aux terres pauvres des montagnes, et où
les habitants ont beaucoup de peine à se procurer les céréales nécessaires à leur nourri-
ture, ce n’est pas sans regret que l'on voit celte culture se substituer à celle du blé et des
autres céréales d'hiver. D’après les indigènes, la culture du pavot aurait déjà amené une
assez notable perturbation dans les conditions d'existence des habitants.
La terre que l’on destine à cette culture doit être bien fumée. Cette opération se pra-
tique parfois avant le labourage, mais le plus souvent elle à lieu après, en déposant un
peu de terreau à chaque pied de pavot lorsqu'ils sont encore très-petits, ou, ce qui est
Il 36
442 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
plus ordinaire, en semant les graines sur ce terreau déposé auparavant dans un petit trou
creusé à la main ou avec une houe. Dans d’autres cas, ils arrosent chaque pied avec le
purin provenant de leur fosse à fumier. Les semis se font en octobre et novembre, le
plus souvent à la volée, dans le champ préalablement hersé, après que toutes les mottes
de terre ont été pulvérisées. On sème beaucoup plus de graines que n’en pourrait nourrir
la terre ; plus tard, en binant les champs, on retranche Les pieds superflus et on les espace
aussi régulièrement que possible. L'opération du binage se fait deux ou trois fois, à
quinze ou vingt jours d'intervalle.
La récolte de l’opium a lieu de mars à avril. L'opération se fait avec un couteau à
trois lames courtes, à l’aide duquel on trace de trois à cinq séries d’incisions verticales sur
chaque capsule en commençant par leur partie inférieure. Le sue s'écoule immédiate-
ment et forme une série de gouttelettes dont l'inférieure est toujours la plus grosse. Ces
gouttelettes sont recueillies quelques instants après, en raclant la capsule de bas en haut
à l’aide de la lame d’un couteau ordinaire ou avec le manche de celui qui a servi à tracer
les incisions. Les personnes qui font le raclage sont munies d’un petit pot fixé à leur
ceinture, dans lequel elles déposent l’opium qu'elles récoltent. L’opium ainsi recueilli est
mou, assez semblable à l'extrait d’opium des pharmacies. Pour être bon à fumer, 1l doit être
trailé comme les opiums secs, c’est-à-dire dissous dans l’eau, passé à travers un feutre,
puis évaporé en consistance d'extrait mou. Celle opération est faite presque toujours par
des individus spéciaux, dans les lieux mêmes où l’opium doit être consommé. C’est sous
la première forme qu'il est exporté dans les pays avoisinants.
Les graines du pavot à opium sont utilisées par les Chinois pour faire de l'huile, mais
cette huile ne doit être employée pour l’usage culinaire qu'avec la plus grande pru-
dence. Souvent en effet, à la suite d’incisions trop profondes, une partie du suc du pavot
s'écoule en dedans de la capsule sur les graines ; cette huile, comme les tourteaux qu’elle
fournit, peut done contenir une certaine proportion des principes stupéfiants de l’opium, fait
que nous n'avons pu vérifier par nous-même, mais qui nous à été affirmé par des Chinois.
III
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. — LÉGUMES ET CULTURES MARAICHÈRES.
$ 107. — Arbres fruitiers et plantes à fruits.
En Cochinchine et en Chine seulement, les arbres fruitiers reçoivent quelques soins.
On trouve parfois de véritables vergers, mais jamais ces plantalions ne sont soignées
comme en Europe. La taille des arbres est inconnue et la greffe à peu près impraticable
dans le sud, autant à cause de l'extrême sécheresse que de l’extrème humidité qui lui
succède ; elle ne se pratique guère que dans le nord, en Chine. La multiplication se fait
surtout par graines; le marcottage, sous ses diverses formes, ne s'emploie guère que pour
reproduire les variétés. Le bouturage est rare, sauf pour les plantes. La plupart des
arbres fruitiers ont produit des variétés nombreuses, assez imparfaites et que l'application
de nos procédés de sélection rendrait bien supérieures.
L’extrêème variété de climat de l’Indo-Chine fait qu’on y trouve des représentants
de presque tous les fruits du monde, et assurément ceux qui manquent pourront y pros-
pérer en choisissant les zones climatériques qui leur conviennent.
Mangifera india, L. — Le manguier croit à l’étal franchement spontané dans les
forêis de l'extrême sud de l’Indo-Chine, particulièrement dans celles de la Basse-Cochin-
chine. Cette espèce, qu'il faut bien se garder de confondre avec les variétés cultivées
qui se sont naturalisées dans presque toutes Les forêts indo-chinoises, présente des carac-
tères particuliers dans ses feuilles, ses fleurs et ses fruits. Elle diffère suffisamment
des variétés qui en sont issues pour que notre première pensée ait été d’en faire une
espèce dislincte sous le nom de Mangifera emarginata, à cause de ses feuilles légère-
ment échancrées à leur sommet. Ses fruits sont aplatis comme ceux de l'espèce cultivée,
444 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
mais ils sont beaucoup plus petits, d’un jaune plus franc, et ordinairement pointillés de
rouge. Ils exhalent une forte odeur térébenthinée, et comme goût ne sont pas inférieurs
à bien des espèces cultivées.
Le manguier est un arbre essentiellement tropical; dès qu’on approche de cette limite,
on ne le trouve plus que dans le fond des vallées profondes comme celles du Tong-king,
où il ne donne plus que des fruits très-médiocres. Toutes les terres conviennent au
manguier, même les terres alluvionnaires et légèrement salines de la Basse-Cochinchine.
Multiplié de graines, cet arbre présente beaucoup de variétés souvent peu dissemblables
dans leur feuillage, mais très-différentes par leurs fruits. Ce mode de reproduction est
exclusivement employé au Laos. s
En Cochinchine, les belles espèces sont reproduites par le marcottage qui se pratique
en entourant la base d’une branche d’une natte remplie de terre qu’on arrose chaque
jour. On coupe la branche cinq ou six mois après, lorsque les racines sont nées. La greffe
par approche, usitée dans beaucoup de colonies, est complétement inconnue en Indo-
Chine. Le manguier fleurit en janvier et mars, et fructifie en mai et juin.
Bonea oppositifolia, Roxb. (Cambessedea, Wight et Arn.). — Cet arbre peu connu
des Européens est cultivé dans quelques jardins du Laos inférieur (Bassac et Oubon). Il
est originaire de l'Inde. C'est un des plus beaux arbres fruitiers de l'Asie et il en
exisle peu ayant un feuillage plus abondant et d’un plus beau vert. Ses fruits d’un jaune
d’or, moins gros que la mangue, sont, comme elle, ovoïdo-aplatis et pourvus d'un
seul noyau ligneux entouré d’une chair jaune entremêlée de quelques fibres. Leur
qualité varie beaucoup; on en trouve d'excellents et d’autres très-acides.
Cet arbre nous a paru croître avec beaucoup de facilité, dans les terres les plus riches
comme dans les plus pauvres. 11 préfère cependant les terres alluvionnaires profondes el
argileuses qui bordent les fleuves et les rivières. Il fleurit en janvier et mars, et fructifie
en mai el juin. On ne le multiplie que de graines.
Garcinia mangostana, L. — Cet arbre au feuillage si ornemental et aux fruils si
jolis est originaire des îles de la Malaisie ; il a été importé en Cochinchine par les
missionnaires il y à soixante ans environ. On trouve encore à La-thien près de Saigon
les premiers sujels introduits. Cet arbre a été beaucoup multiplié par les Annamites ; le
prix de ses fruits est cependant encore très-élevé.
Le mangoustanier est un arbre essentiellement tropical ; déjà, par le 19° degré, à la
Jamaïque, il ne donne plus que des fruits médiocres *. Il aime les terrains très-humides ;
en Cochinchine, il ne croit convenablement que dans le fond des petites vallées tourbeuses
du haut de la rivière de Saigon. L'ombre lui est favorable, aussi les Annamites le
plantent-ils au milieu des aréquiers et des cocotiers. Sa multiplication, qui se fait exelu-
sivement de graines, n’est pas sans difficultés. Même en semant les graines dans du terreau
et dans des endroits bien ombragés et humides, on perd, à la fin de la première et de la
seconde année, une grande partie des sujets qui ont levé: Ce n’est guère que lorsqu'ils
1 De Candolle, Géographie botanique, page 872
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 445
ont atteint l’âge de trois à quatre ans qu'ils résistent et qu’on peut les transplanter sans dan-
ger. Cette opération ayant réussi, si le lieu a été bien choisi, cet arbre croît sans aucun soin,
el il n’est nécessaire n1 de le tailler n1 de le fumer. La floraison a lieu en mars et avril,
el la maturité des fruits de juillet à septembre. Quoique toujours mulliplié de graines et
dans des pays très-différents, cet arbre n’a produit aucune variété.
Parmi les douze espèces de Garcinia croissant spontanément en Indo-Chine, plusieurs,
et en particulier le Garcinia cochinchinensis (Oxycarpus cochinchinensis, Lou.), four-
nissent des fruits comestibles qu’on trouve fréquemment sur les marchés indigènes ; man-
geables pour la plupart, leurs fruits sont trop acides pour être appréciés des Européens
el même pour être très-recherchés des indigènes.
Anacardium occidentale, L. — Le pommier d’acajou originaire d'Amérique, dont
le bois ne rappelle en rien celui du véritable acajou, se rencontre dans toute la partie
tropicale de l’Indo-Chine. Partoutil s’est naturalisé autour des villages, et le plus souvent
il se multiplie seul. Sans sa mulliplication si facile, il est probable qu'il serait peu
abondant, car les deux fruits qu’il fournit, un pédoncule charnu et une noix à graines
huileuses comestibles, sont assez médiocres.
Le pommier d’acajou présente une certaine tendance au polymorphisme ; sans qu’il
se soit conslitué des variétés très-distinctes, on trouve assez souvent des exemplaires dont
les feuilles diffèrent de grandeur ou de forme de celles de l'espèce type. Les fruits
présentent également des variations de couleurs et de formes; tantôt ils sont très-
colorés en rouge, d’autres fois ils sont très-pales. Le pommier d’acajou croit dans tous
les terrains. C’est cependant sur les monticules les plus secs qu’il devient le plus vigou-
reux et qu'il donne les plus beaux fruits. La floraison a lieu en février, et la maturité des
fruits en juin et juillet; mais ces deux phénomènes s’accomplissent à des époques qui
varient selon le degré d'humidité et la latitude des lieux.
Durio zebethinus, L. — Cet arbre est très-rare en Indo-Chine. On le trouve seu-
lement à Siam et sur les quelques points du Cambodge qui l’avoisinent, comme Compot.
Dansle Laos, à Oubon, nous en avons vu quelques exemplaires autour d’une pagode. Ils
étaient plantés dans un endroit frais et humide et ombragés par quelques aréquiers.
La multiplication se fait exclusivement de graines, que l'on doit planter dès que le
fruit est mür, car elles perdent rapidement leur faculté germinative. Pour les conserver
et les transporter, on les dépose dans une caisse remplie de sable frais. Les fruits, pen-
tagonaux, allongés et amincis à chaque extrémité, acquièrent la dimension de la moitié
de la tête ; dès qu'ils sont murs, ils s'ouvrent à cinq valves et laissent voir intérieurement
de grosses graines entourées d’une pulpe abondante exhalant une odeur alliacée et puante,
qui répugne aux Européens. « Ils sont très-estimés des Asiatiques qui les ont nommés
« fruits des Dieux ».
Averrhoa carambola, L. — Cet arbre, connu sous le nom de Carambolier, s’est natu-
lisé dans toute la partie de l’Indo-Chine située au sud du 20° degré de latitude. Partout,
dans cette zone chaude, on en rencontre quelques exemplaires dans les Jardins et autour
des villages. Ses fruits charnus, à cinq côtes, servent à faire des compotes lorsqu'ils ont
446 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
atteint leur complète maturité et perdu en grande partie leur extrême acidité. Ils sont
d’un goût assez médiocre, et il faut en user avec prudence à cause de l'acide oxalique
qu'ils contiennent. La culture de cet arbre est probablement due beaucoup plus à la
grande facilité de le multiplier et à la beauté de ses fleurs roses, qu'à la qualité de
ses fruits.
Nous devons signaler l’absence, dans loutes les régions que nous avons explorées, de
l'Averrhoa bilimbi, L., qu'on rencontre ordinairement dans toutes les colonies et dont
les fruits diffèrent très-peu par leur qualité de ceux de l’espèce précédente.
Artocarpus incisifolia, L. — L'arbre à pain est très-rare en Indo-Chine. Originaire
de la Malaisie où les chaleurs ne sont jamais excessives, et où les pluies se répartissent
presque également dans les différents mois de l’année, ils’accommode très-mal d’un cli-
mat où six mois de sécheresse excessive succèdent à six mois de pluies torrentielles. Quel
que soit le terrain où il ait été planté, il périt souvent à la suite d’une de ces saisons
trop accentuées. Il ne donne qu'une seule récolte au lieu de plusieurs successives comme
en Océanie. C’est donc à tort que plusieurs personnes cherchent à développer sa culture
en Cochinchine et particulièrement à Poulo-Condore.
La variété de cet arbre qu’on rencontre en Indo-Chine a, ainsi que toutes celles de
l'Océanie, des fruits dépourvus de graines ; aussi ne la mulüplie-t-on que de boutures
provenant des drageons qui se développent fréquemment à son pied. Les Annamiles con-
somment ces fruits après les avoir fait cuire.
Artocarpus integrifolia, L. (Polyphema jaca, Lou.). — Cet arbre, vulgairemeni
nommé Jacquier, est originaire de Ceylan. I croît en Indo-Chine avec une très-grande
vigueur et montre une grande tendance à s’y naluraliser. On le rencontre dans toutes
les parties chaudes de la presqu’ile, jusque dans le Laos supérieur. C’est en Cochinchine
qu'il atteint la plus forte taille et qu'il produit des fruits entièrement comparables à
ceux de Ceylan. Il croit partout, même dans les terres alluvionnaires, mais il préfère un
sol sec et sablonneux. Ses fruits sont énormes, beaucoup plus gros en moyenne que la
tèle d’un homme; ils contiennent une chair pulpo-fibreuse assez délicate, mais qui
exhale une odeur désagréable. Ils naissent sur les grosses branches, sur le tronc, parfois
même jusqu’au pied de l'arbre. Leurs graines, grosses environ comme le bout du pouce,
sont mangées par les indigènes après avoir été grillées ou cuites sous la cendre.
La multiplication du jacquier se fait de graines avec la plus grande facilité. La floraison
se répartit dans les différents mois de l’hivernage, et la fructification a lieu pendant la
saison sèche. Le cœur du bois de cet arbre est d’un beau jaune renfermant une substance
ünctoriale. Trois autres espèces d’Ar/ocarpus croissent en Indo-Chine. Toutes produisent
des fruits sphéroïdaux, gros au plus comme une pomme, que les indigènes vont recueillir
dans les forêts.
Baccaurea ramiflora, Lou. — Cet arbre, de la famille des euphorbiacées à fruits
comestibles, point ou peu connu en Europe, mérite d'attirer l’attention; il croît spon-
tanément sur toutes les montagnes indo-chinoises, depuis Saigon jusqu'aux frontières
de la Chine ; on le rencontre assez souvent dans les jardins annamites et laotiens. Sa taille
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 447
est petite, ses fleurs sont dioïques. Même dans les forêts où il est spontané, cet arbre
présente plusieurs variétés se distinguant surtout par les fruits, dont la couleur varie du
jaune presque blanc au violet foncé, aussi bien à l'extérieur qu’à l’intérieur. Ses fruits
naissent sur le trone et les gros rameaux, en grappes pendantes. Ils sont ovoïdes, gros
comme des noix, pourvus d’une enveloppe coriace, trivalves, s’ouvrant à la maturité,
pour laisser voir intérieurement quatre à six graines, disposées comme les quartiers d’une
orange, entourées d’une pulpe abondante qui est la partie comestible. Cette pulpe, à
peu près sans parfum, très-acide d’abord, devient sucrée avec la maturité des fruits. La
sélection appliquée à cet arbre amènerait sans aucun doute la créalion de meilleures
variétés. Dans le Laos supérieur, les habitants emploient parfois les fruits à faire une
liqueur fermentée.
Cet arbre aime l'ombre et l'humidité; sa culture ne nous à paru offrir aucune dif-
ficulté. Sa floraison a lieu en janvier et février, et sa fruclification en juin et juillet.
Anona squammosa, L. — Le pommier-cannellier, originaire d'Amérique comme
toutes Les espèces du même genre, est très-répandu dans toutes les parties de l’Indo-
Chine jouissant d’un climat tropical. Il aime la chaleur et le soleil. Il fournit d'excellents
fruits ; s’'accommodant à peu près de tous les.terrains, il se multiplie très-facilement, le
plus souvent de lui-même. Lorsque les indigènes le sèment, ils le mettent en place, ear
sa {ransplantation échoue presque toujours. Ainsi que tous les genres de la famille des
anonacées, le pommier-cannellier présente la plus grande fixité dans ses caractères.
Bien qu'il soit cultivé depuis un temps très-long et dans des pays différents, il n’a pro-
duit aucune variété. Sa floraison a lieu d’avril à mai, suivant Le degré d'humidité des
terres, et ses fruits muürissent de juillet à octobre.
Anona reticulata, L. (Anona asiatica, Lou.). — Cet arbre produit des fruits
connus sous le nom de Cœurs-de-bœuf. Il s’avance plus au nord que le pommier-cannellier
et on le trouve encore dans le sud de la Chine, au delà du tropique, dans le fond de
vallées assez élevées ; 1l est moins répandu que le pommier-cannellier, ce qui tient à ce
que ses gros fruits rougeatres ont une crème bien moins délicate que la pomme-can-
nelle. [se multiplie presque toujours seul de graines ; il croît à peu près partout, mais
préfère les endroits frais el peu ombragés. Ses fleurs apparaissent un peu plus tôt que
celles des espèces du même genre et se montrent dès février. Ses fruits mürissent égale-
ment plus tôt et peuvent être cueillis en mai.
Anona muricata, L. — Le corrosol ou cachiman a dü être introduit tout récem-
ment en Indo-Chine, car on en lrouve à peine quelques exemplaires en Basse-Cochin-
chine. Les fruits qu'il produit sont inférieurs en qualité à ceux du pommier-cannellier.
Le climat de l’Indo-Chine paraît lui convenir. Sa multiplication se fait à l’aide des
uombreuses graines que renferment ses gros fruits verts, allongés, couverts de pointes
et pleins d’une crème laiteuse excellente. Les phénomènes de la floraison et de la ma-
turité ont lieu aux mêmes époques que ceux du pommier-cannellier.
Tamarindus indica, L. — Quoique le tamarin ne soit probablement pas spontané en
Indo-Chine, il y croit avec une vigueur exceptionnelle, surtout dans Le sud de la presqu'ile,
448 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
en Basse-Cochinchine, où il atteint d'énormes dimensions. Contrairement à la plupart
des autres arbres qui y végètent, il y vit très-longtemps et les sujets séculaires n’y sont
pas rares. C’est donc avec raison qu'il a été adopté pour les promenades de Saigon.
La limite nord qu’il nous à paru atteindre, est le 27° degré de latitude. Ses fruits
sont recherchés des indigènes, qui les mangent indifféremment verts ou complétement
murs. La maturité a lieu en novembre et rarement les habitants en conservent pour
le reste de l’année.
Le tamarin est naturalisé à peu près partout, il croît dans tous les sols, même ceux qui sont
légèrement salins ; quoique cultivé depuis un temps très-long et dans des conditions très-
diverses, ses caractères ont très-peu varié. Indiquons cependant l'existence d’une variété
pleureuse fort belle, qu’on trouve dans quelques parties basses de la Cochinchine. Mal-
gré cette variation dans les caractères des ramuscules, les fleurs et les fruits ont conservé
leurs formes.
Nephelium litchi, L. (Dimocarpus litchi, Lou.). — En dehors de la zone comprise
entre le 20° et le 30° degré de latitude, le litchi ne produit que des fruits trop acides
pour qu’on le cultive. On ne le rencontre donc que dans le Laos supérieur, le Tong-king
et le sud de la Chine, encore ne croiït-il dans ces différents pays que dans les zones
chaudes jouissant d’un climat humide et brumeux. Il présente plusieurs variétés se dis-
tinguant entre elles par les feuilles, mais surtout par les fruits, qui sont tous plus ou
moins tuberculeux et d’un rouge plus ou moins foncé. La multiplication du litchi se fait
de graines que l'on plante dans les terres alluvionnaires, qu'il paraît préférer et qui
sont celles où on le trouve croissant spontanément. Sa floraison a lieu en mars et avril,
et la maturité de ses fruits en juillet et août. Ces fruits sont mangés frais ou secs; frais,
ils sont vraiment exquis, quoique ayant un parfum rappelant l’ail ; séchés au four, comme
les préparent les Chinois pour les conserver et les exporter, ils sont médiocres.
Nephelium longanum, Camb. (Dünocarpus longan., Lou.). — Ce litchi se trouve
depuis Saigon, où il est cullivé assez fréquemment dans les jardins, jusqu’en Chine, au
delà du tropique. La zone où il parait croître avec le plus de vigueur et où il est, sinon
spontané, du moins naturalisé, est le Laos supérieur. Ses fruits, inférieurs en qualité à
ceux de l’espèce précédente, en diffèrent par leur forme qui est sphérique, leur couleur
Jjaune-fauve et la surface de leur péricarpe qui est presque lisse. Sa multiplication se
fait de graines; sa floraison a lieu en mars et avril, et sa fruclification en juillet et
août.
Nephelium crinitum (Dimocarpus crinita, Lou.).— Quoique ce litehi ne soit pas cultivé
en Indo-Chine, nous tenons à le mentionner à cause de la bonté de ses fruits, qui ne sont
guère inférieurs à ceux du litchi longan. Il croît spontanément dans les forêts habitées
par les sauvages du sud, Stiengs et Moïs. On le reconnaît facilement à ses fruits couverts
de pointes molles, longues d’un centimètre environ.
Schleichera edulis, Nobis. — Cet arbre, voisin des espèces précédentes et que nous
croyons inconnu, croit spontanément dans les forêts du Cambodge et du Laos inférieur.
Dans ces deux pays, il est quelquefois cultivé dans les haies et dans les jardins. Quoique
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 449
ses fruits soient assez bons et très-abondants, cet arbre n’a pas élé introduit en Cochin-
chine. Il fleurit en janvier et en février, et fructifie en juin et juillet avec les premières
pluies. Ses fruits,'en grappes, gros environ comme des prunes, ont une enveloppe coriace,
d’un blanc jaunätre, assez analogue à celle du litchi; ils contiennent à l’intérieur une
grosse graine entourée d’une abondante pulpe jaune et sucrée, lorsque le fruit est bien
mür. Il se reproduit de graines, et les fruits des différents sujets sont loin d’être iden-
liques.
Psidium quajaca, Raddi. — Avec plusieurs botanistes (Martins, Harskarl et Blume),
nous n’admettons pas la distinction qui a été faite autrefois de deux espèces de goyavier,
l’une à fruit sphérique (Psidium pomiferum), et l'autre à fruit pyriforme (Psidium pyri-
ferum). Si l’on rencontre, en effet, ces deux formes différentes de fruits en Indo-Chine,
on y trouve aussi de nombreuses variéiés, intermédiaires entre ces deux types extrêmes,
qu'il est complétement impossible de rattacher à l’une ou à l’autre espèce. À notre avis,
ce ne sont que des variétés qui ne suffisent pas plus que la couleur rouge ou blanche de
la chair, pour créer deux espèces distinctes. Le goyavier n’est pas indigène en Indo-Chine,
comme l’a indiqué Loureiro; il a dù être importé d'Amérique, son pays d’origine. Il se
naturalise avec facilité, et partout on le trouve dans les bois autour des villages, à l’excep-
tion toutefois de la plupart de ceux habités par les sauvages.
Au milieu des nombreuses variétés qu’on rencontre en Indo-Chine et qu'il est difficile
de classer, une d’elles pourtant (le Psidium pumilium, Vahl.), remarquable par sa petite
taille, est très-facile à distinguer.
L’aire de végétation du goyavier est assez considérable, on le rencontre depuis l'équa-
teur jusqu'au delà du 25° degré de latitude. Quoiqu'il s’accommode très-bien de la
chaleur, ses fruits n’acquièrent toute leur sapidité que dans des pays modérément chauds.
C’est done dans le Laos supérieur et dans le sud de la Chine que nous avons trouvé les
meilleures goyaves. La floraison a lieu en mai et juin au début des pluies, et la maturité
des fruits en septembre et octobre.
Diospyros kaki, L. — Parmi les vingt-cinq espèces d’ébéniers qu'on rencontre
croissant spontanément en Indo-Chine, nous n’en avons observé que deux cultivées pour
leurs fruits. L'une (le Déospyros decandra, Lou.) est cultivée en Cochinchine et fournit
des fruits assez médiocres, très-peu estimés même des indigènes. L'autre, au contraire,
(le Diospyros kaki, L.), qui fournit les fruits connus sous le nom de kaki ou de figues caques
du Japon, est très-digne d'intérêt. C'est peut-être un des arbres fruitiers les plus cultivés
dans la partie de la Chine jouissant du climat méditerranéen. C’est un arbre assez rustique,
s'accommodant facilement des différents climats et des différents terrains. On le cultive
aussi bien sur les montagnes que dans les vallées. Sa multiplication se fait de graines qui
doivent être semées dès que le fruit est mûr. Sa floraison a lieu de mai à juillet, selon la
température des localités, et aussi selon les variétés très-nombreuses et assez difficiles à
distinguer, Ainsi que tous les ébéniers, il présente une grande tendance au polymor-
phisme ; les feuilles varient beaucoup de grandeur, de forme et surtout dans leur degré
de pubescence. Les fruits présentent également d’assez grandes variations. Leur malu-
Il: 57
450 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
ration a lieu de septembre à novembre, et ils deviennent meilleurs lorsqu'ils ont subi
quelques nuits très-froides. Frais, avec leur épiderme transparent et leur chair d’un jaune
rougeälre, ils ressemblent assez à une tomate. Ordinairement les habitants n’en mangent
que très-peu à l’état frais, ils préfèrent les sécher pour les manger en hiver.
Jambosa malaccensis, Wight. el Arn. (Eugenia malaccensis, L.). — Cet arbre, origi-
naire de l'archipel des îles de la Sonde, est cultivé dans toutes les parties tropicales de
l’Indo-Chine. Il nous à paru planté autant pour la beauté de ses fleurs que pour ses fruits
dont la chair est insipide et spongieuse. Cet arbre se reconnait aisément à ses fleurs roses,
naissant sur les gros rameaux, et à ses fruits rouges, pyriformes, gros comme des poires;
il fleurit en avril et mai, et fructifie en juin et juillet.
Jambosa vulgaris, D. C.(Eugenia jambos, L.). — Cet arbre intéressant, qui croît spon-
tanément sur les bords du Cambodge, dans le Laos supérieur, est cultivé dans tout le Laos.
Dans le reste de l'Indo-Chine nous ne l'avons rencontré ni spontané ni cultivé. Ses fruits
contiennent une ou deux graines. Ils sont d’un blanc rose, gros environ comme uñe noix.
Ils ont un goût de rose très-prononcé qui rappelle trop celui de la parfumerie; ils n’en
sont pas moins excellents el très-sains. Cultivé dans les jardins laotiens, cet arbre acquiert
une bien plus grande dimension qu’au pied des montagnes de grès qui bordent le fleuve,
mais il y est moins fertile el ses fruits sont moins savoureux. Cette espèce diffère de la
précédente par son feuillage plus pelit, ses fleurs blanches terminales et ses fruits sphé-
riques et non pyriformes.
Rhodomyrtus tomentosa, Aït. (Myrtus canescens, Lou.). — Ce bel arbrisseau, spontané
dans les forêts du sud de l’Indo-Chine, n’est cultivé nulle part; l’excellence de ses fruits
et la beauté de ses fleurs nous le font mentionner. Il croit exclusivement dans les forêts
maigres situées sur les monticules sablonneux. Ses fruits, gros comme une cerise, d’un
rouge violacé foncé, sont très-sucrés et ont un parfum très-agréable, qui les fait rechercher
beaucoup des indigènes.
Sonneratia alba. — Ce petit arbre, originaire des îles Philippines, est cultivé parfois
dans les jardins de la partie basse de la Cochinchine. Il diffère par la couleur pâle de toutes
ses parties du Sonneratia acida, L., dont les fruits sont également comestibles et qui est si
commun sur le bord de toutes les rivières saumâtres. Ses fruits verts, gros comme des
pommes, ont une chair acide assez médiocre, qui n’est guère appréciée que des indi-
gènes. Sa culture ne peut être faite que sur le littoral, là où la terre contient des principes
salins. 11 fleurit assez irrégulièrement d'avril à juin, et ses fruits mürissent d'août à sep-
tembre.
Punica granatum, L. — Le grenadier est cultivé depuis Saigon jusque dans le nord
de la Chine et fournit partout des fruits mangeables; il préfère cependant les régions
jouissant d’un climat se rapprochant de celui de l'Algérie, son pays d’origine. Dans les
provinces du Yun-nan et du Se-tchouen, sa grosseur et sa hauteur sont exceptionnelles el ses
fruits excellents. IL s’y naturalise très-souvent aux environs des villages. Plusieurs variétés
de grenadiers existent en Indo-Chine. Les deux principales sont : 1° la variété commune
à fleurs ponceau et à feuillage d’un vert foncé, dont les fruits ont la pulpe rose ou ronge;
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 451
2° la variété à fleurs jaunâtres, parfois presque blanches, à feuillage d’un vert pâle et à
fruits ayant une pulpe blanche ; 3° deux sous-variélés naines provenant des précédentes ;
4° quatre variétés à fleurs doubles, dérivées des quatre précédentes, qu'on ne cultive
que pour ornement.
La floraison a lieu en mai et juin, au début de l'hivernage, et la maturation des fruits
en décembre et janvier.
Citrus aurantium, Riss. — L'oranger est cultivé depuis Saigon jusqu’au delà du
centre de la Chine par le 35° degré de latitude environ. Son elimat de prédilection est
le climat méditerranéen. C’est donc en Chine seulement, dans les montagnes où les pluies
sont médiocrement abondantes et la chaleur modérée, qu'il trouve réunies les conditions
les plus favorables à sa végétation ; ses fruits, quoique excellents, ne sont cependant ja-
mais entièrement comparables à ceux de l'Algérie ou des îles Baléares, ce qui tient à ce
que ces montagnes sont en général très-brumeuses pendant l'été.
L'oranger est-il spontané en Chine, comme le pense de Candolle (1) ? Nous en
doutons. Quoiqu'il se naturalise assez facilement autour des villages, on ne le rencontre,
dans les forêts, qu’à l’état de pieds isolés.
L’oranger présente en Indo-Chine trois variétés principales :
La première, ou oranger commun, fournit les fruits les moins bons. Dans le sud
surtout, ses fruits sont presque loujours immangeables, et malgré la chaleur, ils attei-
gnent rarement une malurité parfaite. L’écorce de cette variété d'oranger reste verte ou
ne devient qu'imparfaitement jaune. Le parfum qu’elle exhale est également moins
agréable qu'en Europe.
La deuxième variété d'oranger se distingue des deux autres par les dimensions moins
grandes de toutes ses parties. Ses fruits, connus sous le nom de mandarines, sont fortement
déprimés et même souvent excavés supérieurement. Leur écorce est très-mince et très-peu
adhérente ; souvent elle devient jaune dans le sud, mais leur chair reste toujours assez
acide, excepté dans le nord.
La éroisième variété est celle connue en Cochinchine sous le nom de cambodgienne
et qui a élé élevée au rang d'espèce par Loureiro (Citrus nobilis). Cest la variété qui
s’accommode le mieux des climats chauds; ses fruits sont sphériques, assez gros, à écorce
verte, épaisse, fortement tuberculeuse et se détachant assez facilement. La pulpe est re-
marquable par l’abondance et le peu d’acidité du sue qu'elle renferme. En Chine, on
trouve une sous-variété de cet oranger produisant des fruits non moins bons, dont l'écorce
est encore plus fortement tuberculeuse et exhale une odeur désagréable. La culture de
ces diverses variétés se pratique différemment, selon les pays. Dans le sud, les Annamites
les plantent dans les lieux bas, au fond des vallées, dans des vergers sillonnés de canaux
communiquant avec les rivières et à l'ombre des arbres, particulièrement des aréquiers.
Dans le nord, les plantations ne sont plus abritées, et quoiqu'on choisisse un sol frais,
comme les gorges et le pied des montagnes, on évite le fond des vallées trop humides. La:
1 De Candolle, Géographie botanique, page 869.
452 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
multiplication de l’oranger se fait presque toujours de graines; pourtant, en Cochinchine,
le marcottage est employé et permet d'obtenir de beaux pieds d'oranger dans l’espace
d’une saison humide.
Une pratique très-curieuse estemployée par les Annamites pour augmenter le nom-
bre des fruits et les préserver des ravages des insectes et en particulier des chenilles; ils
transportent sur les orangers une espèce de grosse fourmi rouge très-commune dans toute
l'Indo-Chine. Cette fourmi ne vit que sur les arbres; en parcourant les fleurs, elle parait
faciliter leur fécondation, et, en détruisant les insectes, elle empêche les fruits de tomber
prématurément.
Citrus decumana, Wild. — Ce bel arbre, connu sous le nom de Shadeckier ou de
Pamplemousier, est très-commun dans toute l’Indo-Chine, surtout dans le sud. C’est,
parmi les arbres du même genre, celui qui atteint les plus fortes dimensions.
Bien que croissant dans les lieux humides et les terres alluvionnaires qui bordent les
fleuves, 1l s’accommode aussi parfaitement des terres élevées. IT se mulliplie de graines.
Quelques sujets produisent des fruits dépassant en grosseur fa tête d’un homme, d’autres
en produisent qui sont à peine plus gros qu’une orange. Leur chair est tantôt blanche,
tantôt rose ou rouge. Jamais la partie comestible n’est en rapport avec la grosseur du
fruit, et les plus gros, une fois dépouillés de leur énorme enveloppe, sont parfois les
plus petits. Comme qualité, c’est un fruit assez médiocre, bien plus curieux que bon ;
plusieurs races sont cependant passables, surtout en Chine.
Citrus medica, Risso. — Le cédrat, très-rare dans tout le sud de l’Indo-Chine, est
très-commun dans le nord, surtout dans le Laos supérieur, où il s’est même naluralisé
dans le fond des vallées humides, au sol alluvionnaire, inondé en partie pendant la saison
pluvieuse. Ses fruits y atteignent une grosseur exceptionnelle, et, contrairement à ceux
des autres espèces du genre Citrus, leur écorce devient toujours parfaitement jaune sous
ce climat cependantencore chaud. Les fruits sont à peu près identiques, sur tous les sujets
du Laos ; ils sont ovoïdaux et gros comme les deux poings. En Chine on trouve fré-
quemment la variété si remarquable dont les fruits présentent à leur sommet une ou plu-
sieurs expansions digitiformes d’inégale longueur. La floraison de cet arbrisseau a lieu
en juillet et août, la maturation des fruits en novembre et décembre. Les indigènes les em-
ploient soit confits dans du sucre, soit découpés en tranches dans leur cuisine, à la façon de
nos citrons.
Citrus limonum, Risso. — Le vérilable citronnier d'Europe ne se rencontre que
dans le nord, en Chine; dans le sud de la presqu'île, on trouve une variété distincte de
cet arbre. Cetle variélé, remarquable par ses épines nombreuses, sa forme en buisson,
sa taille ne dépassant pas un à deux mètres, se naturalise facilement autour des villages.
Elle produit des fruits petits, acides et excellents, dont l'écorce, à peu près sans parfum,
reste presque toujours verte, sauf dans le Laos supérieur et en Chine. La culture de ce
citronnier se fait dans les jardins. 1 fleurit à la fin de la saison sèche et fructifie pendant
l’hivernage.
Œyle marmelos, Corr. — Cet arbre, de la famille des aurantiacées, est cultivé, mais en
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 453
lrès-petite quantité, depuis Saigon jusque dans le Laos supérieur. Dans cette région il
montre la plus grande tendance à se naturaliser, et on le rencontre fréquemment dans les
bois qui entourent les villages. Ses fruits, qu'on dit utiles dans la diarrhée et la dyssenterie
. chronique, sont très-peu appréciés comme fruits comestibles. Leur odeur fade, leur pulpe
glutino-résineuse, les poils qui entourent les graines, les rendent peu appétissants. Ces
fruits n’ont de comparable à l'orange, à laquelle ils ressemblent, que leur grosseur et la
nature de leur écorce. On cullive surtout cel arbre comme ornement, pour son feuillage
et ses fleurs verdatres très-odoriférantes. [l croit partout, mais les terres sablonneuses qui
couvrent les parties élevées de l’'Indo-Chine paraissent surtout lui convenir.
Ferronia elephantum, Corr. (Ferronia pellucida, Roth.). — On rencontre cet arbre
dans les mêmes régions que le précédent. Comme lui, il est cultivé en petite quantité et
présente une assez grande tendance à se disperser autour des endroils habités. Ses fruits
sphériques, gros comme des pommes, sont aussi très-peu recherchés, etil n’est réellement
cultivé que pour son port original, ses nombreuses épines el ses fleurs trés-odoriférantes.
Nous avons observé au Cambodge une variété différant notablement de l'espèce type; ses
rameaux élaient fasligiés au lieu d’être horizontaux, sa taille était plus grande etses fruits
deux fois plus gros. La floraison de cet arbre a lieu en janvier et la maturité des fruits en
juillet.
Triphasia trifoliata, D. C. (Triphasia aurantiola, Lou.). — Ce petit arbuste épi-
neux, de la famille des aurantiacées, est cultivé dans toute la zone tropicale de l’Indo-
Chine. Quoique ses petits fruits rougeûtres soient assez bons et très-propres à êlre confits
avant leur complète maturilé, il est assez rare cependant qu’on le cultive pour cet usage,
et presque toujours il est planté comme ornement et pour ses fleurs dont l’odeur fine
est assez analogue à celle des fleurs de l’oranger.
Phœnix dactylifera, L. — Nous n'avons rencontré qu'une vingtaine d'exemplaires
de palmier-dailier dans tout le Laos. A l'exception d’un seul, tous n'avaient pas plus de
dix années d'existence el ne dépassaient pas un mètre de hauteur. Nous avions conçu
l'espoir d’en rencontrer un plus grand nombre en Chine, un peu au delà du tropique
qui est la zone climatérique lui convenant le mieux, mais notre espoir fut complétement
déçu. Le seul de ces palmiers que nous ayons vu dépassant un mètre, croissait à Slung-
treng dans un jardin. Pendant notre séjour dans cette ville, il fut renversé par le vent;
ses racines élaient presque toules pourries. Cet exemplaire avait déjà fleuri plusieurs fois ;
c'était un pied male, et nous n'avons pu vérifier s’il avait produit des fruits sous ce climat
humide. Originaire de la zone tropicale sèche de l'Afrique, le daltier redoute les pluies
équaloriales, et trouverait seulement en Chine, dans la moitié sud-ouest du Yun-nan
avoisinant le Tibet, le climat sec qui lui convient.
Opuntia Dillenii, Haw.— Ce cactus croit dans toute l’Indo-Chine. On le trouve depuis
la base du delta du Cambodge, dans les terres à rizières, jusqu’au centre de la Chine. Il est
cultivé pour ses fruits et comme plante originale. Dans la vallée du Tong-king, il s’est
répandu sur les montagnes les plus inaccessibles, au point qu'on pourrait le prendre
pour une plante spontanée. Il a produit une variété qu'on trouve dans le Laos,
454 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Ficus carica, L. — D'après plusieurs missionnaires, le figuier existerait dans diffé-
rentes parties de la Chine, particulièrement dans la province du Se-tchouen; nous en
avons vu un exemplaire dans un jardin de Shang-haï. Ce qui doit étonner, c’est qu’exis-
tant en Chine depuis longtemps, puisque Loureiro mentionne son existence, il ne s’y soit
pas multiplié davantage, surtout dans les provinces du Yun-nan et du Se-tchouen, où
abondent les endroits jouissant d’un climat méditerranéen fui convenant parfaitement.
Papaya vulgaris, D. C. (Carica papaya, L.). — Cet arbre américain est cultivé dans
toutes les parties de l’Indo-Chine jouissant d’un climat tropical, et même beaucoup plus
froid, puisque nous l’avons trouvé donnant encore d'excellents fruits à 1,000 mètres d’al-
titude par le 22° degré. Partout 1! croît avec la plus grande vigueur et présente une telle
tendance à se naturaliser aux environs des villages, que les habitants se donnent rarement
la peine de le semer etse bornent ordinairement à protéger les jeunes pieds qui se sont
développés seuls. Tous les terrains lui conviennent, mais c’est dans les lieux frais qu'il
donne les plus gros fruits. Cet arbre entre en fructification vers la troisième année et périt
vers la quinzième. Souvent les grands vents brisent son tronc charnu et il meurt; mais
parfois deux ou plusieurs rameaux se développent laléralement et permettent à la plante
de survivre.
Passiflora cerulea, L. — Cette liane d'Amérique, si remarquable par ses fleurs et qui
fournit des fruits charnus assez estimés, est très-rare en Indo-Chine. Nous l’avons trouvée
seulement dans une ville du Laos supérieur (Stieng-Tung), cultivée dans un jardin où elle
avait été importée récemment de l'Inde anglaise par la Birmanie. Elle croissait dans cette
région avec une telle vigueur, qu'on pourrait la propager rapidement dans le pays. Ilserait
du reste à désirer que d’autres espèces cullivées en Amérique pour leurs fruits, comme les
Passiflora maliformis, L.; Passiflora edulis, L. ; Passiflora laurifolia, L.; Passiflora
quadrangularis, L., soient introduites dans le pays, car elles n’y eroîtraient certainement
pas moins bien. |
Musa paradisiaca, L. — On rencontre le bananier à l’état sauvage dans quelques
montagnes du Laos inférieur et du Cambodge, mais il n’est réellement très-abondant que
dans celles du Laos supérieur, entre le 18° et le 21° degré de latitude. Dans celte zone,
souvent le pied et le flanc des montagnes sont complétement couverts de celte plante.
Les fruits de ce bananier spontané sont à peu près immangeables; ils renferment une
énorme quantité de graines, et le peu de chair qu'ils possèdent est âpre et fibreuse. Ce
bananier présente de notables variations, suivant les points où il croit. Dans les montagnes
du sud de la Chine, près de Bassac, ses feuilles sont petites et le tronc que forment leurs
gaines n'atteint souvent pas un mètre. Dans le Laos supérieur, où le climat est plus hu-
mide et plus brumeux, son tronc atteint ordinairement deux mètres. Ces différences déno-
tent une grande tendance au polymorphisme, ce qui nous porte à n’admettre, avec beau-
coup d'auteurs, qu’une seule espèce de bananier : le Musa paradisiaca, qui serait l'espèce
mère. La distinction que l’on fail en bromatologie des fruits en figues bananes et en ba-
nanes vertes ou grosses bananes serait done inexacte; il ne s’agit que de variétés.
De nombreuses variétés de bananier sont cultivées en Indo-Chine. Parmi les variélés
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 455
remarquables du nord, se trouve le bananier de Chine (Wusa sinensis), lrès-pelit de taille,
dont les fruits sont très-médiocres, mais qui croit dans les régions presque froides ; nous
l'avons trouvé par le 27° degré de latitude à plus de 2,000 mètres de hauteur dans les plaines
de Houey-ly teheou, où il gèle fréquemment.
Le bananier, en raison de sa grande vigueur, peut croitre à peu près partout ; il préfère
les terres humides et il aime le voisinage de quelques arbres. Les bonnes variétés cultivées
ne produisent pas de graines ; on multiplie le bananier par les rejelons qui naissent
abondamment à son pied. Leur plantation se fait pendant l’hivernage, dans des trous
distants de deux mètres au moins et d'autant plus profonds que la terre est plus sèche.
Au delà de quatre à cinq ans, la plupart des bananiers ne fructifient plus.
La floraison et la fructification du bananier s’accomplissent un peu toute l’année,
suivant les variétés et le degré d'humidité des lieux où on le cultive. Ces deux phénomènes
s’accomplissent cependant davantage à certaines époques. La floraison a surtout lieu
pendant l’hivernage, et la fructification pendant la saison sèche.
Bromeliaananas, L. (Ananassa vulgaris, Lindi.). — L’ananas est originaire d’Amé-
rique; sauf chez les sauvages, on le cultive dans toute la partie de l’Indo-Chine jouissant
d’un climat tropical. Il a produit un certain nombre de variétés ayant des fruits de grosseur
et surtout de couleur très-variables.
Dans le Laos supérieur etle sud de la Chine, on le plante dans les jardins à l'ombre des
arbres, à la façon des légumes. Dans le Sud, en Cochinchine, on enlève les broussailles, on
éclaireit les bois qui entourent les villages, et on le plante sous leur ombrage au début de
l’hivernage, sans labourer ni remuer la terre. Quelle que soit la nature du sol, les
ananas croissent sans autres soins, envahissent la surface de la terre, et deux ans après ils
fournissent chaque année une récolte abondante. Ce genre de plantation dure indéfini-
ment, mais donne des fruits moins délicats que ceux obtenus dans Le Nord.
La multiplication de l'ananas se fait avec le bouquet de feuilles qui termine le fruit
ou avec de jeunes tiges que l’on coupe. Ces boutures prennent racine avec une telle
facilité, qu'on pourrait pour ainsi dire se contenter de les déposer à la surface du sol. La
maturité des ananas a lieu à la fin de l’hivernage et au début de la saison sèche, de sep-
tembre à novembre.
Fragaria vesca, Lou. — Cette espèce de fraisier croit à l’état spontané sur les som-
mets des montagnes élevées du Yun-nan et du Se-tchouen. Par le 26° degré de latitude,
nous ne l’avons pas rencontré croissant au-dessous de 2,500 mètres. Il est probable cepen-
dant qu’on pourrait le culüiver à de moindres hauteurs. Loureiro indique qu'il est cultivé
en Chine et en Cochinchine; cela doit être très-rare, nous ne l'avons jamais vu. Les indi-
gènes se bornent à recueillir les fruits de ceux qui croissent seuls sur leurs montagnes.
Il ne faut pas confondre ce fraisier avec Le fraisier des Indes (Duchesnea fragarioides,
Smith.), qui s’avance bien plus au Sud, jusque dans le fond des vallées humides du Laos
supérieur ef qui ne donne que des fruits complétement insipides. Les indigènes prétendent
même qu'ils sont malfaisants; nous avons pu cependant en manger plusieurs fois sans
éprouver aucun malaise. Ce faux fraisier se dislingue surtout du vrai par ses fleurs jaunes.
456 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Elæagnus scandens, Nobis. — Trois espèces appartenant au genre £læagnus croissent
en Indo-Chine. Les trois fournissent des fruits comestibles utilisés par les indigènes. L'une
surtout, croissant jusque dans le Laos inférieur, en produit qui ne sont pas sans valeur.
Ces fruits oblongs, d’un jaune d’or, gros environ comme des prunes, ont une chair
pulpeuse, abondante, légèrement acide, assez agréable. Les Laotiens ne cultivent pas pré-
cisément celte espèce grimpante, mais 1ls respectent les pieds qui se développent sponta-
nément près des villages et qui, en s’appuyant sur les arbres, peuvent atteindre parfois
plus de 20 mètres de hauteur. La floraison de cette liane a lieu de novembre à décembre,
selon la latitude, et la maturité des fruits en mars et en avril.
Sterculia fœtida, L.— Ce bel arbre, spontané dans le sud de l’Indo-Chine, est parfois
cultivé aux environs des villages pour ses graines assez semblables aux glands du chêne et
que l’on mange conime les noisettes, soit vertes, soit après qu’elles sont entièrement sèches.
Sterculia platanifolia, L. -— Cet arbre, aux feuilles de platane et connu en Europe
sous le nom vulgaire de Puparili, est souvent cultivé dans le centre de la Chine pour ses
craines huileuses semblables à celles de l'arbre précédent et servant aux mêmes usages.
Flacourtia jangomas, L. (Stigmarota jangomas, Lou.). — Cet arbre fruitier, qui
rappelle beaucoup le prunier sauvage, par son port, ses épines et ses fruits, est cultivé
depuis le sud de l’Indo-Chine jusqu’au tropique. On le rencontre dans les jardins et
autour des villages, où il se naturalise facilement. Les habitants le multiplient de graines.
Vers la dixième année, il entre en fructification et donne sans aucun soin de nombreux
fruits sphériques d’un violet noirâtre, gros comme une petite prune, contenant un noyau
osseux à cinq loges entourées d’une pulpe qui reste souvent apre même lorsque ces fruits
ont atteint leur parfaite maturité.
Cicca racemosa, Lou. — Cet arbre, de la famille des euphorbiacées, s’observe dans
tout le sud de l’Indo-Chine, particulièrement en Cochinchine. Sans êlre précisément
cultivé, il est toujours propagé par les habitants, soit dans leurs jardins, soit dans les bois
qui entourent les villages, dans lesquels il se naturalise assez souvent. Sa floraison a lieu
en mars etavril. Ses nombreux petits fruits charnus, presque pentagonaux, d’un blanc de
cire à la maturité, sont très-acides, et il n° a guère que les enfants qui les recherchent;
ils mürissent en juillet et août. Les Européens ne les utilisent guère que pour les faire
confire dans du vinaigre en guise de cornichons.
Pyrus (espèce?).— Cette espèce de poirier, que nous n'avons pas encore déterminée,
croit à l’état spontané sur toutes les hautes montagnes de l'Indo-Chine. Dans le Sud, sur
les montagnes du Pursat, notre ami M. Pierre, directeur du jardin botanique de Saigon,
l’a trouvé à partir de 1,800 mètres d'altitude. Plus au nord, par le 21° degré, nous l'avons
observé à 1,200 mètres de hauteur seulement et même beaucoup plus bas, près du fond
de certaines vallées humides.
Ce poirier n’est pas arborescent, c’est un arbrisseau de 3 mètres de hauteur environ, se
ramiliant dès sa base et possédant presque la forme d’un espalier. Ses ramuscules sont
épineux pour la plupart el très-courts. Ses fruits sont pierreux ordinairement, à peine gros
comme une noix; ils ont une chair trop äpre pour être mangés. Nous avons cependant
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 457
rencontré quelques exemplaires ayant des fruits plus gros et moins mauvais, montrant
qu’il est possible de les améliorer par la culture et la sélection. Nous signalons cet arbre
à l'attention des horliculteurs des pays chauds.
Pyrus malus, L. — Le poirier ordinaire est cultivé, à partir du Laos supérieur, sur les
montagnes assez élevées pour posséder un elimat presque tempéré. Dans le Laos, on
n'en lrouve guère que quelques exemplaires autour de chaque village, mais en Chine,
on en voit parfois, sur les hauts plateaux, de grandes plantations dans lesquelles ces
arbres reçoivent des soins assez intelligents. Quel que soit Le pays, jamais les poiriers ne
sont taillés ni dressés en espalier. Le nombre des bonnes espèces existant dans ces diverses
contrées, nous a paru très-restreint. Pour les multiplier, les indigènes ont recours à la
greffe en fente, telle que nous la pratiquons en Europe.
Cydonia tetrasperma, Nobis. — Cette espèce intéressante de cognassier se rencontre
à l’élat sauvage sur les montagnes du Laos supérieur à partir du 21° degré de latitude,
à une hauteur de 1,200 mètres au moins. Plus au nord il croît dans les vallées placées à
une altitude moins élevée. Sa taille, beaucoup plus grande que celle du cognassier ordi-
naire, atteint presque celle des pommiers cultivés en plein vent en Europe. Ses fruits
globuleux, gros comme de petites pommes, sont presque aussi âpres que ceux du coing ;
pourtant Les habitants mangent ceux provenant de quelques variétés qu’ils sont parvenus
à améliorer légèrement.
Nous rapportons cet arbre au genre Cydonia, mais, comme aspect et comme caractère
botanique, il tient complétement le milieu entre le cognassier et Le poirier. Les loges de
ses fruits renferment quatre graines au lieu d'en renfermer deux. comme celles du poi-
rier, etquinze à vingt, comme celles du coing ordivaire. Son feuillage et ses fleursprésentent
des affinités et des différences analogues, qui les rapprochent et les éloignent de ces deux
genres. Ces circonstances, mais en particulier sa vigueur, nous font présumer que cet ar-
bre, introduit en Europe dans les pépinières, rendrait de grands services comme sujel à
greffer. Grâce à sa grosseur, il supporterait beaucoup mieux la greffe que Le cognassier, et
grace à ses racines non pivotantes qui lui permettent de croitre sur les montagnes entre
les rochers, il s’accommoderait beaucoup mieux que le poirier des terres sans profondeur.
Cydonia vulgaris, L. — Quoique en très-petite quantité, le cognassier commun est
cullivé sur toutes les hautes montagnes du Laos supérieur et de la Chine méridionale.
Bien qu'il ne soit pas spontané dans ces contrées et qu’il y ail été apporté de l'Asie occi-
dentale et de l'Europe dont il est originaire, il y donne cependant des fruits excellents
dépassant presque en qualité et en grosseur ceux qu’on récolte en France.
Pyrus communis, L. — Le pommier commun n’est pas indigène en Chine. Quoiqu'il
y existe depuis longtemps, il ne paraîl pas s’y être propagé beaucoup et nous ne l’avons
guère {trouvé que däns la grande plaine de Tchao-lung, qui jouit d’un climat froid et
humide. Sans être l’objet de grands soins, il est cependant mieux soigné que la plupart
des autres arbres fruitiers. Les Chinois le plantent dans les jardins et lui appliquent ia
greffe en fente pour multiplier les quelques variétés qu'ils possèdent et qui appartiennent
à la classe des fruits dits à couteau.
IT. 58
458 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Eriobotrya japonica, Lindi. (Cratæqus bibas, Lou.). — Le bibassier ou néflier du
Japon est cultivé autour des villages dans presque toutes les parties de la Chine jouissant
d'un climat mixte. Ses fruits trop acides sont peu recherchés. Quelques sujets en pro-
duisent pourtant d’assez bons. Sa reproduction se fait de graines.
Mespilus pyracantha, Lou. — Ce bel arbre, qui atteint souvent la taille d’un poirier,
est spontané et cultivé sur toutes les montagnes du sud de la Chine ayant au moins
1,500 mètres de hauteur. Il aime les climats secs et les terres élevées, et c’est assurément
un des arbres de la Chine qui résisterait le mieux au climat de l’Europe. Ses fruits, qui
atteignent la grosseur d’une petite pomme, sont très-déprimés et contiennent cinq petits
noyaux osseux entourés d’une chair acidulée assez agréable. Ordinairement les indigènes
les font sécher pour les consommer à la façon des pruneaux.
Prunus persica, Li. — Le pêcher est, parmi tous les arbres fruitiers appartenant à la
famille des rosacées, celui qui s’avance le plus au sud en Indo-Chine. IL croit presque sous
l'équateur et au niveau de la mer comme à Saigon, mais il n’y donne pas de fruits. Ce
n’est guère qu'à partir du 20° degré de latitude et à la hauteur de 400 mètres environ
qu’il commence à être cultivé avec avantage; plus au nord, dans le Yun-nan, il croît dans
toute sa force. Dans cette dernière province, nous en avons observé de nombreux sujets
dispersés dans les forêts, nous ne croyons pas cependant qu'il y soit spontané. Vient-il
de la Perse, ainsi que le fait présumer son nom, ou plutôt de la Chine, ainsi que le pense
de Candolle? Nous croyons avec cet auteur qu'on le trouvera vraiment spontané, dans
les montagnes du Se-tchouen si riches en plantes intéressantes peu connues. Les Indo-
Chinois propagent toujours le pêcher par semis; aussi, ses fruits sont médiocres et sont
loin d’être comparables à ceux d'Europe, malgré les avantages du climat.
Prunus armeniaca, L. — L’abricotier est un des arbres fruitiers les plus abondam-
ment cultivés en Chine. On le rencontre dans les zones où le elimat n’est ni trop humide,
nisurtout trop chaud. Dans les montagnes sèches et élevées du Yun-nan et du Se-tchouen,
où ces conditions sont fréquemment réunies, on en trouve souvent de grandes planta-
tions. Les Chinois le reproduisent exclusivement de graines ; on en trouve d’assez nom-
breuses variétés. Quoique passables pour la plupart, aucune ne nous a paru égaler nos
bonnes espèces d'Europe.
Amygdalus communis, L.— Nous n’avons pas rencontré l’amandier dans les parties
des provinces du Yun-nan et du Se-tchouen que nous avons explorées. Pourtant, les points
favorables à sa culture y sont innombrables, et cet arbre existe en Chine.
Prunus, L.— Six à sept espèces et variétés de pruniers se rencontrent en Indo-Chine.
Une seule à fruits pubescents est spontanée dans les montagnes élevées du Yun-nan. Les
autres, qui ont toutes été introduites, sont cultivées depuis le fond des vallées du Laos su-
périeur, par le 21° degré, jusque dans le nord de la Chine. Ces diverses variétés cultivées,
que les indigènes multiplient toujours de graines, donnent des fruits assez médiocres.
Prunus cerasus, L. (Cerasus vulgaris, Mill.). — Plusieurs espèces de cerisiers CrOIs—
sent à l’état spontané danstoutes les montagnes du nord du Yun-nan et dans le Se-tchouen
méridional. On les rencontre surtout dans les forêts, bordant le lit des torrents et des
ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. 459
pebtes rivières descendant des montagnes. Leur taille est en général petite et ne dé-
passe Jamais celle du cerisier cultivé en Europe. Ces espèces ont produit un certain nom-
bre de variétés dont la distinction est assez difficile. Toutes produisent des fruits assez
médiocres, très-peu dissemblables, d’un rouge peu foncé, de petite grosseur et à chair
acide peu sucrée en général.
Vitis vinifera, L. — Sept espèces de vignes croissent spontanément en Indo-Chine,
l’une (Vétis cochinchinensis, Lou.) produit des grains trop äpres et lrop acides pour
être mangés. Une autre espèce, qui croit près du sommet des montagnes du Laos supé-
rieur, fournit un raisin assez sucré quoique un peu âpre. Cette vigne n’est nullement
cultivée, les sauvages habitant les forêts où elle croit se bornent à ne pas la détruire
lorsqu'ils brülent leurs forêts. Cette espèce possède des sarments ligneux analogues
à ceux de la vigne commune, ce qui permettrait de lui appliquer complétement les
mêmes procédés de multiplication et de taille. Ses grains sont rouges, sphériques et
aussi gros que ceux de la vigne d'Europe.
Dans les provinces du Yun-nan et du Se-tchouen, qui jouissent sur beaucoup de points
d’un climat analogue à celui de la France, la vigne commune se trouve si rarement que
nous n’en avons pas vu plus d’une vingtaine de pieds en les traversant. Les flancs incultes
des montagnes sont pourtant merveilleusement disposés pour l'installation de vignobles,
qui fourniraient aux indigènes le vin et l’alcool qu'ils extraient à grand’peine des céréales.
Juglans regia, L. — Le noyer est cultivé en Indo-Chine à partir du 21° degré de
latitude, sur les montagnes élevées d’au moins 1,500 mètres. A cette limite, la plus
méridionale qu'il puisse atteindre, il croît avec vigueur et produit des noix qui ne sont
guère inférieures à la plupart des nôtres. Il a du être introduit du sud-ouest de la Chine,
où il est, sinon spontané, du moins naturalisé depuis longtemps près du lit des torrents qui
descendent des sommets des montagnes brumeuses.
Corylus, Tournef. — Deux espèces de noisetier croissent à l’état spontané sur les
hautes montagnes du sud de la Chine. L’une et l’autre sont de très-petite taille et dé-
passent rarement deux mètres de hauteur. Elles fournissent des fruits aussi bons que les
nôtres. Les indigènes ne les cultivent pas, sans doute parce qu’elles sont très-petites et
peu productives.
Castanea chinensis, L.(Faqus castanea, Lou.). — Des dix-sept espèces de châtaigniers
croissant spontanément dans le nord de l’Indo-Chine, cette espèce est la seule cultivée ;
elle ne croit qu’à partir du 24° degré de latitude, sur les montagnes et les plateaux élevés
d’au moins 2,000 mètres, jouissant d’un climat sec. Ce châtaignier, comme grosseur,
égale presque celui d'Europe (Castanea vulgaris, Lamk.), mais il est en général moins
élevé. Parmi les quelques variétés qu'il a produites, aucune ne fournit des fruits compa-
rables à ceux d'Europe. Sa multiplication se fait de semis, et jamais les Chinois n’ont
recours à la greffe pour propager les bonnes variétés.
Zizyphus vulgaris, Lamk. — Le jujubier commun est cultivé à partir du 21° degré de
latitude sur les montagnes élevées d’au moins 1,500 mètres. La zone qui paraît le mieux
lui convenir est comprise entre le 25° et le 35° degré de latitude. On le cultive ordinairement
460 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
au pied des montagnes, parmi les pierres, dans les endroits trop en pente pour per-
mettre la culture des céréales. Il y vient avec assez de vigueur et donne dans ces lieux
des fruits abondants, plus sucrés que dans les plaines. On en trouve souvent des plan-
talions très-étendues.
On rencontre plusieurs variétés de jujubier, différant surtout par la forme des
fruits qui sont ovoidaux ou oblongs, rouges ou jaunes, gros comme des cerises ou comme
des noix.
S 2. — Légumes et cultures maraichères.
Au Laos et au Cambodge, la culture des légumes est faite avec une extrême négligence
et ne saurait donner lieu à aucune remarque intéressante. En Cochinchine et en Chine,
sur la plupart des points il en est de même, mais sur d’autres, près des grandes villes
surtout, elle y est faite d’une façon très-remarquable et avec autant de soins peut-être
qu’en Europe. Dans ces deux derniers pays, l'emploi des engrais dans le jardinage est très-
fréquent, et l’on trouve même, au centre des cultures maraïîchères entourant les villes, des
fosses pour la fabrication des engraisliquides que nous aurions avantage à imiter en Europe.
Nulle part dans le jardinage, la fabrication de couches pour les semis et les boutures n’est
pratiquée, la chaleur du climat, sauf en quelques points de la Chine, ne l’exigeant pas.
La confection du terreau, destiné à faire ces semis et à planter certains légumes déli-
cals, n’est pas inconnue; mais au lieu de le placer, comme nous le faisons ordinairement,
sur du fumier frais destiné en se décomposant à produire de la chaleur, on le met dans des
vases, ou plus souvent sur un lreillage fixé sur quatre pieux à un mètre au-dessus du sol.
Cette installation à un double avantage : elle préserve les semis de l'excès d'humidité
pendant l’hivernage, et les défend des fourmis qui causent, dans le Sud, le désespoir des
horticulteurs.. Ces insectes dont les espèces et le nombre sont très-grands en Indo-Chine,
enlèvent souvent en une nuit, malgré cette installation, toutes les graines qu’on à semées la
veille, et parfois on est obligé de mettre les pieux de ces couches aériennes dans des vases
pleins d’eau, lorsqu'il s’agit de graines délicates ou de semences qu’on serait dans l’impos-
sibilité de remplacer. Le verre n’étant pas fabriqué par les Indo-Chinois, l’usage des
cloches et des châssis y est inconnu. L'emploi de ces appareils rendrait cependant de
grands services, dans le Sud, pour préserver les boutures de la dessiccation, et dans le
Nord, pour concentrer la chaleur. L'abondance de l’eau étant, plus encore en Indo-Chine
qu'en Europe, une condition pour obtenir des légumes abondants, les horticulteurs ont
le soin d'installer les cultures maraïchères dans des lieux bas et humides. Les terrains
les plus favorables à ces cultures se trouvent dans certaines vallées et particulièrement dans
celles dont le sol est tourbeux. Ce genre de terrain se rencontre en Cochinchine dans les
régions forestières, et dans le Yun-nan autour des lacs et dans quelques vallées. La qualité
de l’eau qui doit servir aux arrosages n'est pas négligée et les indigènes se gardent bien
d'installer des jardins maraîchers dans les lieux où les eaux du sous-sol et des rivières avoi-
sinantes sont saumâtres. Non-seulement les légumes végètent mal dans ces endroits, mais
LÉGUMES ET CULTURES MARAICHÈRES. 461
ils périssent même si on les arrose avec Les eaux qu’on y trouve. Les arrosages sont souvent
assez soignés, ainsi que les installations destinées à les favoriser, comme les canaux, les
puits, les norias, etc. Le choix des saisons pour la culture des légumes n’est pas indiffé-
rent; pour ceux d’origine tropicale, les horticulteurs adoptent en général la saison humide,
mais pour ceux des pays tempérés, ils choisissent loujours la saison sèche, qui est plus
froide et n’offre pas ces grands orages qui déracinent les semis, brisent les feuilles et ra-
lentissent plutôt qu'ils n’accélèrent la croissance des plantes. La saison sèche est même,
dans le Sud, la saison des légumes par excellence ; ear il est possible, à l’aide d’arrosages,
de culliver même ceux qui sont originaires des tropiques. Cette préférence de la saison
sèche pour la culture des légumes cesse, bien entendu, sur les montagnes du Yun-nan et
du Se-tchouen, et là, comme en Europe, leur culture se fait surtout au printemps et en élé. :
Si puissante que soit la lumière sous ces climats, on ne peut pas plus qu’en Europe,
cultiver les légumes à l'ombre des arbres. Tous à peu près réclament le plein soleil, pour
bien se développer. IL est cependant plus utile que sous nos climats de préserver du soleil
pendant le milieu du jour les jeunes plants que l’on vient de repiquer, à l’aide de
feuillage ou de paillassons.
Dans le Sud, la récolte des graines potagères originaires des tropiques et croissantpen-
dant l’hivernage, se fait dans le pays même sur des sujets que l’on garde exprès et que l’on
cultive avec un peu plus de soins que les autres. Quant aux graines des plantes des régions
tempérées qu’on y cultive, elles doivent être sans cesse importées des pays étrangers; car
ces plantes n’en donnent pas pour la plupart sous ce climat, ou si elles en fournissent, elles
ne produisent que des plantes dégénérées.
Brassica oleracea, L. ; Var. Br. capitata, D. C. (vulgairement : chou commun d’Eu-
rope). — Cultivé dans le Sud par les Européens seulement, qui parviennent avec
beaucoup de soins à le faire pousser. Les Chinois du Yun-nan et du Se-tchouen cultivent
quelquefois des variétés dégénérées importées d'Europe; — aucune ne fleurit et ne
fructifie dans la zone tropicale.
Brassica oleracea, L. ; Var. Br. caulorapa, D. C. (vulgairement : chou-rave). — Cultivé
par les Européens à Saigon, et en Chine sur les montagnes; — c’est la variété de chou
qui s’'accommode le mieux de la chaleur; — ne fleurit cependant pas dans la zone
tropicale.
Brassica napus, L. (vulgairement : navet). — N'est jamais cultivé par les Indo-
Chinois. Les Européens le sèment parfois à Saigon; — c’est la crucifère cultivée s’accom-
modant le moins bien des climats tropicaux.
Brassica chinensis, L. (vulgairement : pet-saï). — Cultivé dans toute l’Indo-Chine,
surtout dans le Nord; — constitue, avec la plante suivante, le légume le plus important
des Indo-Chinois ; — a produit d’assez nombreuses variétés, l’une surtout connue sous le
nom de Pak-choï, remarquable par la grosseur et la largeur des côtes de ses feuilles ; ap-
précié seulement des Asiatiques ; — ne croit, dans le Sud, que dans la saison sèche.
Sinapis pekinensis, L. (vulgairement : moutarde de Pékin). — Cultivé par tous les
Indo-Chinois, excepté par les sauvages ; — présente plusieurs variélés, l’une entre autres
462 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
avec les feuilles fortement découpées, laciniées; — ne croit pas dans le Sud pendant
l’hivernage, et n’y fructifie pas.
Nasturtium officinale, L. (vulgairement : cresson). — Cultivé seulement par les
Européens ; — croit facilement dans le Sud, à la surface du sol et à l'ombre d’un grand
arbre, à l’aide d’un arrosage matin et soir; — cultivé de cette façon, croit mieux que
dans l’eau et donne une récolle tous les mois lorsqu'on a le soin de le fumer fréquem-
ment; — multiplication par boutures; — ne fleurit jamais en Cochinchine.
Raphanus sativus, L.; Var. Raph. radicula, Pers. (vulgairement : radis). — Cultivé
dans le Sud par les Européens et dans le Nord par les Chinois. C’est un des légumes d’Eu-
rope supportant le mieux le elimat de la Cochinchine ; — n’y fleurit et n’y fructifie cepen-
dant jamais; — croit trèes-difficilement pendant l’hivernage.
Cucurbita maxima, Vuchesn. (vulgairement : potiron, courge, citrouille). — Cultivé
très-abondamment par les Indo-Chinois, surtout par ceux qui habitent les forêts, comme les
Cambodgiens, les Laotiens et les sauvages; — semé pendant l’hivernage, dans les jardins,
mais surtout parmi les riz de forêt ; — à l’aide d’arrosages, peut croître pendant la saison
sèche; — a produit plusieurs variétés.
Cucurbita pepo, L. (vulgairement : giraumont). — Cullivé par les mêmes peuples et
dans les mêmes condilions que la plante précédente; — y donne également des fruits
excellents très-sucrés.
Cucumis sativus, L. (vulgairement : concombre). — Cultivé fréquemment dans
toute l’Indo-Chine pendant l’hivernage ; — présente plusieurs variétés.
Benincasa cerifera, Savi. — Cultivé près des maisons et dans les haies dans toute
l'Indo-Chine, pendant l’hivernage ; — ses gros fruits verts oblongs, se couvrant d’une
matière cireuse à la maturité, sont très-peu estimés, même des indigènes.
Lagenaria vulgaris, Ser. (vulgairement : gourde, calebasse). — Cultivé dans toute
l'Indo-Chine près des maisons, des haies ou sur des berceaux, pendant l’hivernage; —
ses fruits sont parfois mangés; — ordinairement ils servent à fabriquer des vases, des
bouteilles et divers ustensiles de ménage ; — a produit plusieurs variétés de formes très-
différentes.
Citrullus vulgaris, Schrad. (vulgairement : pastèque). — Cultivé dans toute l’Indo-
Chine, dans les terres sablonneuses, pendant la saison des pluies; — ne produit dans le
Sud que desfruils aqueux peu sucrés, peu parfumés; — dans le Nord, fruits bien meilleurs.
Cucumis melo, L. (vulgairement: melon). — Cultivé depuis Saigon jusqu’en Chine
pendant l'hivernage. — Peut être cultivé pendant la saison sèche à l’aide d’arrosages; —
ne produit dans le Sud que des fruits aqueux, sans saveur, à peu près immangeables ; —
dans le Nord, à partir du Laos supérieur, fruits souvent excellents.
Trichosanthes anquina, L. (vulgairement : herbe-aux-serpents). — Se rencontre
dans toute l’Indo-Chine ; — cultivé dans les haies ou contre les maisons; — ses longs fruits
cylindriques sont assez estimés des indigènes.
Momordica charantia, L. (vulgairement : pandipave). — Cultivé dans tous les jardins
du sud de l’Indo-Chine, en très-petite quantité; — son fruit tuberculeux est mangé avant
LÉGUMES ET CULTURES MARAICHÈRES. 463
sa complète maturité, après avoir été soumis à une coction préalable dans le but de lui
enlever son amertume.
Dolchos sinensis, L. (vulgairement : dolic). — Les variétés de cette plante et de
plusieurs autres espèces voisines, sont eullivées abondamment, dans toute l’Indo-Chine,
pendant l’hivernage. — Chez les populations du Sud, ces plantes remplacent nos haricots,
mais leur sont bien inférieures. — La plupart sont cultivées pour leurs graines ; quelques-
unes pourlant, fournissent des gousses assez tendres pour pouvoir êlre mangées vertes.
C'est avec les graines de plusieurs variétés de dolics contenant une certaine quantité
d'huile, qu’on fabrique ce fameux fromage de pois qui joue un rôle si importani dans
l'alimentation des Chinois et des Japonais. Après avoir fait tremper les graines dans l’eau
pendant vingt-quatre heures, on les réduit à la meule en une bouillie claire qu’on
transforme ensuite, après l’avoir soumise plusieurs fois à la filtration, à la coction et y
avoir ajouté certains sels (du chlorure de magnésium, d’après Champion ”), en une
matière assez analogue au fromage, qu’on mange fraiche ou après qu’elle a élé conservée
quelque temps. Lorsqu'on assiste aux nombreux détails de cette fabrication et qu'on
goûte ensuite de ce fromage, qui n'a guère du nôtre que l'aspect, on reste convaincu que
les herbes du pays, en passant par les mâchoires des vaches et ensuite sous forme de lait
par leur pis, produiraient, avec cent fois moins de peine, un fromage bien meilleur et
à bien plus bas prix.
Psophocarpus tetragonolobus, D. C. — Ce genre de haricot, aux fruits longs de 2 à
3 décimètires et à quatre ailes, est cultivé par tous les Indo-Chinois du Sud, en très-petite
quantité; — ils le plantent pendant l’hivernage près des haies.
Lablab vulgaris, Savi (Dolichos albus, Lou.). — Cultivé dans les haies depuis
Saigon jusque dans la vallée du fleuve Bleu ;— naturalisé dans le Sud ; —peut vivre cinq
à six ans et devient alors arborescent comme le lierre ; — plante polymorphe présentant
plusieurs variétés à feuilles, à fleurs et à fruits de couleurs variables.
Canavalia gladiata, D. C. Dolichos ensiformis, Lou. ; (vulgairement : haricot-sabre). —
Ce haricot, si remarquable par les grandes dimensions de ses fruits, est cultivé et spon-
tané dans le sud de l’Indo-Chine ; — on le plante dans les haïes pendant la saison humides;
— ses énormes graines sont peu estimées ; — a produit plusieurs variétés.
Phaseolus vulgaris, L. (vulgairement: haricot). — A l'exception de deux variélés
importées depuis longtemps, les haricots d'Europe croissent difficilement dans la partie
tropicale, même dans la saison sèche. — Dans le Nord, en Chine, ils croissent très-bien
et ont produit un assez grand nombre de variétés inférieures cependant aux nôtres en
qualités.
Phaseolus radiatus, L. (vulgairement : haricot).— Ce haricot à fleurs jaunes, spontané
et cultivé dans le sud de l’Indo-Chine, croit pendant la saison humide.
Phaseolus mungo, L.— Cultivé dans toute la partie tropicale de l’Indo-Chine, pendant
l'hivernage, pour ses graines.
1 Stanislas Julien et Paul Champion, /ndustries anciennes et modernes de l'Empire chinois. Paris (Eugène
Lacroix).
464 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Pisum satioum, L. (vulgairement : pois).— Croît très-difficilement dans le Sud, même
dans la saison sèche ;— vient très-bien, au contraire, dans le Laos supérieur et en Chine,
où les indigènes le cultivent fréquemment; — plusieurs variétés peu remarquables.
Sesbania grandiflora, Pers.; Agati grandiflora, Desv. (vulgairement : fayotier).
— Cultivé en Cochinchine, au Cambodge et même au Laos autant pour ornement que
pour ses gousses que l’on peut manger vertes. — Ce petit arbre, qui croît si rapidement,
a produit une variété à fleurs rouges.— Les Annamites le cultivent parfois pour ombrager
cerlaines plantations.
Cajanus bicolor, L. (vulgairement : cajan ou pois d'Ancole). — Cet arbrisseau est
planté dans tous les jardins de la partie tropicale, en petite quantité ; —ses graines sont
peu estimées.
Solanum esculentum, Dun. (vulgairement : aubergine, mélongène). — Cultivée
depuis Saigon jusqu’au centre de la Chine ; —c’est un des rares légumes croissant avec la
même vigueur sous des climats très-différents et donnant partout des graines fécondes ;
— le Sud est cependant son climat de prédilection, et elle tend souvent à s’y naturaliser.
Solanum ovigerum, Dun. (vulgairement : pondeuse). — Cultivée comme l'espèce
précédente dans toute l’Indo-Chine, mais en plus petite quantité. — L’hivernage est,
comme pour l’aubergine vulgaire, la saison de sa culture ; — à l’aide d’arrosages, elle
vient très-bien dans le Sud, pendant la saison sèche.
Lycopersicum esculentum, Mill. (vulgairement : tomate). — Cultivée dans le Sud par
les Européens, et depuis quelques années par les indigènes pendant la saison sèche. —
Dans le Nord, au Laos supérieur et dans le sud de la Chine, où elle est plantée depuis
plus longtemps, elle s’est nataralisée le long des fleuves ; — la plante naturalisée a des
fruits très-petits, que nous soupconnons ne pas êlre sans inconvénients pour ceux qui
en mangent beaucoup.
Beta vulgaris, L. (vulgairement : betterave). — Cultivée dans Le Nord par les Chinois
comme légume, et dans le Sud, à Saigon, par les Européens au même titre, — résiste
assez bien aux chaleurs tropicales, qui s'opposent cependant à sa fructification.
Daucus carota, L. (vulgairement : carotte). — Croit difficilement dans le Sud, même
pendant la saison sèche ; — elle y fleurit pourtant quelquefois, mais n’y fructifie jamais ;
— cultivée fréquemment dansle Yun-nan où elle s’est naturalisée sur Les talus des rizières;
elle a produit dans ce pays plusieurs variétés remarquables, une entre autres que nous
avons trouvée autour des plaines tourbeuses de la capitale du Yun-nan, qui a des racines
longues de plus d’un mètre, grosses seulement de 4 à 5 centimètres de circonférence,
avant une chair excellente, sucrée et nullement fibreuse.
Portulacca oleracea, L. (vulgairement: pourpier). — Cultivé surtout dans le Sud
par les Annamites pendant l'hivernage ; —se naturalise fréquemment aulour des jardins ;
souvent les indigènes ne le cultivent pas : ils récoltent la plante sauvage qui existe partout
et que l’on reconnait à ses tiges et à ses feuilles rougeñtres.
Basellarubra,L. ; Basella nigra, Lou. ; Basella alba, Linn. (vulgairement : baselle). —
Ces deux plantes, que nous considérons comme deux variélés, sont cultivées dans toute
LÉGUMES ET CULTURES MARAICHÈRES. 465
l'Indo-Chine, près des haies, pour leurs feuilles que les indigènes mangent en guise de
salade.
Spinacia oleracea, L. (vulgairement : épinards). — Cultivé seulement en Chine sur
les montagnes élevées ; — ne peut croître dans le Sud.
Rumex crispus, L. (vulgairement : patience), — Cultivé en Cochinchine à l'ombre
des arbres, bien moins pour ses feuilles, qui sont très-peu acides, que pour ses racines
amères qui sont employées en médecine.
Trouvé cultivé au Laos supérieur, pendant la saison sèche, une espèce d’oseille que
nous n’avons pas encore déterminée, à feuilles glauques, cordiformes, presque charnues,
très-acides.
Neptunia oleracea, Lou.; Desmanthus natans, Wild. (vulgairement : sensitive aqua-
lique). — Croît spontanément sur les eaux dormantes de toute la partie tropicale de l'In-
do-Chine ; — cultivé souvent avec la plante suivante, dans des bassins spéciaux ou dans
les marais avoisinant les villages ; — on la multiplie, au début de l'hivernage, en jetant à
la surface de l’eau des fragments de tige; — jeunes pousses el feuilles recherchées pour
leur légère acidité.
Ipomea reptans, L.; Convolvulus reptans, Lou. (vulgairement : liseron aquatique).
— Cette plante également spontanée en Indo-Chine, est cultivée dans les mêmes lieux,
de la même façon et à la même époque que la plante précédente ; — jeunes pousses et
feuilles mangées en guise d'épinards.
Jussiæa repens, L. (Cubospermum palustre, Lou.). — Plante également spontanée
en Indo-Chine, servant aux mêmes usages et cultivée de la même manière que les deux
précédentes.
Amarantus melancholicus, Moq. (vulgairement : amarante tricolore). — Plusieurs
espèces d’amarantes croissant spontanément en Indo-Chine, parmi lesquelles nous cite-
rons l'Amarantus repens el l’'Amarantus spinosus, sont utilisées par les Indo-Chinoiïs, en
guise d’épinards. — L’amarante tricolore, cultivée en Chine et en Cochinchine pour le
même usage ; ne croit que pendant la saison humide.
Cichorium intybus, L. (vulgairement : chicorée). — C’est, parmi les plantes d’origine
européenne, celle qui résiste le mieux aux chaleurs équatoriales et aux pluies de l’hiver-
nage; — c'est la seule de cette origine qui donne des graines fécondes sous ce climat ;
— cultivée en Cochinchine par les Européens pour ses feuilles, et en Chine pour ses ra-
cines, qu'on emploie en médecine.
Cichorium endivia, L. (vulgairement : chicorée frisée et scarole). — Ces deux chi-
corées croissent, comme la chicorée sauvage, en Cochinchine pendant l'hivernage, mais
elles y donnent rarement des graines fécondes ; — non rencontrées en Chine.
Lactuca sativa, L. (vulgairement : laitue). — Se cultive assez facilement, pendant la
saison sèche, en Cochinchine, et y produit fréquemment des graines, mais la plupart sont
stériles ou ne donnent naissance qu'à des plantes dégénérées.
Les Laotiens du Nord et les Chinois du Sud eultivent plusieurs variétés de laitue se
ratlachant au groupe des laitues dites romaines; — l’une d’elles, qu’on trouve en Chine,
IL. 39
466 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
est très-remarquable par ses tiges charnues, énormes, pour lesquelles on la cultive et que
l’on mange cuites à la facon des carottes.
Asparaqus officinalis, L. (vulgairement : asperge). — Croît en Cochinchine malgré
l'extrême chaleur et y donne des graines fécondes; dès le sixième mois de sa plantation
elle y produit des turions assez gros pour être mangés, lorsqu'on l’a plantée au début de
l’hivernage, dans une terre bien fumée et à une profondeur de 15 cent. seulement ; —
n’est cullivée que par les Européens; — en Chine, où elle n’existe pas, elle croîtrait très-
facilement sur les montagnes.
Andropogon Schœnanthus, L. (vulgairement : citronnelle). — Cultivée dans tous les
jardins des régions tropicales, à litre de condiment, pour ses feuilles qui ont un parfum de
citron ; — les indigènes ne mangent que la base renflée des jeunes chaumes qu'ils dé-
pouillent des deux ou trois feuilles extérieures qui les entourent ; — multiplication par
éclats pendant l’hivernage.
Polygonum odorum, L. — Cultivé par tous les Indo-Chinois qui habitent les régions
tropicales, comme plante condimentaire ; — elle aime beaucoup l'humidité; — multi-
plication par boutures pendant l’hivernage.
Pyrethrum, Gærtn. (vulgairement : pyrèthre). — Ce pyrèthre annuel, dont nous
n'avons pas encore déterminé l'espèce, est cultivé à titre de condiment par les Anna-
mites et les Laotiens, pendant la saison sèche, à l’aide d’arrosages ; — sa taille est très-
petite ; —1l est très-odoriférant dans toutes ses parties ; — les Chinois le cultivent éga-
lement, mais en été.
Acorus calamus, L. (vulgairement: acore). — Celte plante croit spontanément dans
les lieux marécageux des hauts plateaux de la Chine; — cultivée en Indo-Chine, ainsi
que l’Acorus gramineus, Aït., sur le bord des eaux ou dans les lieux très-humides,
au même titre que les plantes précédentes ; — les indigènes les préfèrent aux deux es-
pèces suivantes : Acorus terrestris, Rumph. et Acorus cochinchinensis, Schott, qui
croissent à l’état spontané dans le Laos supérieur.
Curcuma longa, L.— Cette plante, spontanée au Laos, aux racines moins aromatiques
que le gingembre et moins colorées que le eurcuma, est cultivée, dans tous les jardins
de l’Indo-Chine, comme condiments; — croît pendant l’hivernage, dans les lieux hu-
mides et ombragés ; — on la multiplie en plantant les bourgeons qui terminent les
rhizomes.
Zingiber officinale, Roscoë (vulgairement : gingembre). — Cultivé dans les mêmes
régions, les mêmes lieux, à la même époque et de la même facon que la plante précé-
dente ; — employé comme elle à titre de condiment dans la cuisine ou pour la fabri-
calion des confitures.
Capsicum annuum, L. (vulgairement : piment). — Cette espèce, ainsi que trois ou
quatre autres, est cullivée par tous les Indo-Chinois, y compris les sauvages ; — croit
très-facilement, pendant l’hivernage; — se naturalise parfois aux environs des villages
et le long des fleuves, surtout l’espèce sous-frutescente.
Coriandrum sativum, L, (vulgairement: coriandre). — Cultivée dans les jardins co-
LÉGUMES ET CULTURES MARAICHÈRES. 467
chinchinois, pendant la saison sèche, pour être mangée verte comme le cerfeuil, ou pour
ses graines qu'on emploie soit en médecine, soit dans les pâtisseries.
Anthriscus cerefolium, Hoff.; Chœrophyllum sativum. Lamk. (vulgairement : cer-
feuil). — Ne croît pas facilement dans le Sud, même pendant la saison sèche; — n’y
fleurit et n’y fructifie pas. — Dans le Nord, en Chine, où cette plante croîtrait facilement,
nous ne l'avons pas observée.
Petroselinum sativum, Moff.; Apuun petroselinum, L. (vulgairement : persil). —
Ne croit pas mieux que le cerfeuil en Cochinchine. Nous ne l’avons pas rencontré en
Chine.
Fœniculum vulgare, Gærln.; Anethum fæniculum, L. (vulgairement : fenouil). —
Le fenouil est la seule ombellifère originaire des pays tempérés croissant avec vigueur
sous les tropiques et s’y multipliant de graines ; — cultivé dans tous les jardins indo-chi-
nois ; — se naturalise fréquemment dans le sud de la Chine.
Apium graveolens, L. (vulgairement : céleri). — Ainsi que toutes les plantes semi-aqua-
liques originaires des pays tempérés, le céleri croît assez facilement dans le sud de l’Indo-
Chine, sur le bord des eaux. Pour le faire fructifier, on Le plante dans un pot qu’on expose
au soleil; — sous ce climat, il reste petit, acquiert une odeur forte et des propriétés vé-
néneuses qui font qu'on ne doit l’employer qu’en très-pelite quantité, comme condiment;
— dans le sud de la Chine, sur les hauts plateaux, où il est fréquemment cultivé, il croit
aussi vigoureusement qu'en Europe et ne possède aucune propriété malfaisante.
Houttuynia cordata, Thunb. (Polypara cochinchinensis, Lou.) — Plante propagée de
boutures près des fossés, des bassins, ou dans les endroits très-humides du Laos supérieur,
où elle est spontanée; — jeunes tiges et feuilles mangées cuites.
_ Allium sativum, L. (vulgairement : ail). — Ainsi que tous les peuples des pays chauds,
les Indo-Chinois recherchant extrêmement l'ail, ils Le cultivent avec plus de soins qu'aucun
autre légume. Quoiqu'originaire de l'Asie centrale, l'ail croît près de l'équateur, à Saigon,
mais 11 n’y fournit pas de graines fécondes el doit être multiplié de caïeux ; — on le plante
pendant l’hivernage.
Allium porrum, L. (vulgairement : poireau). — Cultivé seulement par les Chinois qui
habitent les hauts plateaux du Yun-nan : — ne croit pas dans le Sud.
Allium cepa, L. (vulgairement: oignon). — Cultivé dans les mêmes régions que le
poireau, où il a produit plusieurs variétés se rattachant aux deux types d'Europe, le blane
et le rouge ; — quoique très-apprécié, dans le Sud, par toutes les populations, comme ses
graines n’y germent pas et qu'il ne produit pas de caïeux, on ne peut l'y cultiver.
Allium Ascalonicum, L.; Var. À. Chinense (vulgairement : échalote). — Plante potagère
cullivée partout, même chez les sauvages ; — comme elle ne produit jamais de graines
dans le Sud, on la multiplie toujours de caïeux ; — cultivée avec Le plus grand soin, dans
du terreau disposé en plates-bandes, ou placée dans des caisses en clayonnage, perchées
sur des pieux.
Ocymum basilicum, L. (vulgairement : basilic). — Ce basilic, ainsi que les suivants :
Ocymum suave, Ocymum canum, Ocumum minimum, L., Ocymum gratissimum. Lou.
468 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
avec deux ou trois autres espèces et variétés, est cultivé dans toute l’Indo-Chine, au même
titre que le thym chez nous. Ces diverses plantes sont souvent cullivées dans des pots.
Mentha javanica, Blum. (vulgairement : menthe). — Cette menthe, ainsi que deux
ou trois autres espèces et variétés, est cultivée dans toute l’Indo-Chine, pour le même
usage que la plante précédente; — plantée dans les lieux humides.
Peziza auricula, L. Exidia auricula Judæ, Fries). — Ce champignon membraneux,
sessile, creux, brun et large de 5 à 8 centimètres de diamètre, est le seul que nous
ayons vu cultiver en Indo-Chine. Les sauvages du Vun-nan pratiquent en grand sa culture,
dans les forêts de pins avoisinant leurs villages. Pour tout soin, ils se bornent à abattre
les pins pendant l'hiver et à les laisser étendus sur La terre. Lorsque vient ensuite l'été,
l'écorce à demi pourrie de ces arbres se couvre de champignons qu’on récolte dès qu'ils
ont acquis tout leur développement et qu'on fait sécher ensuite. Ce champignon est
exporté dans toute la Chine où il s’en consomme de très-grandes quantités. Sa chair est
assez délicate quoique sans aucun parfum.
Agaricus edulis, C. D.; Var. Ag. campestris, L. — Cetle variété de champignon se
rencontre, au début des pluies, dans toute l’Indo-Chine. Nulle part la variété dite de
couche n’est cultivée ; cela est regrettable, car sa culture y serait sans doute aussi facile
qu'en Europe.
A la suite de ce champignon comestible, mentionnons les suivants qu’on observe éga-
lement en Indo-Chine : Agaricus colubrinus, Bull. (vulgairement : agaric élevé), qu’on
trouve près de Saigon, et la morille commune, Morchella esculenta, Pers., qu'on ren-
contre dans le Vun-nan et le Se-tchouen.
FORÊTS. — ESSENCES FORESTIÈRES ET PRODUITS UTILES DES FORÊTS. — PLANTES MÉDICINALES.
$S 1. — Foréts.
En fait de sylviculture tous les peuples de l’Indo-Chine, y compris les Chinois, ne
connaissent guère que les moyens de détruire les forêts. Partout ils Les brülent, soit pour
cultiver Le riz de forêt, le maïs et le colon, soit pour nettoyer la terre afin de rendre plus
facile la circulation, soit pour chasser les bêtes, soitenfin, comme nous l’avons vu tant de
fois, pour se distraire. Cette coutume barbare est générale et l’on peut affirmer que chaque
année la moitié de la surface totale des forêts de l'Indo-Chine, même celle de beaucoup
de montagnes, est ravagée par le feu. A l'inverse de ce qui se passe sous les climats
froids et tempérés, celle pratique pleine d’inconvénients sérieux n’amène cependant
pas la destruction complète des forêts; et à moins que les arbres ne soient vieux et
creux, ils ne périssent, généralement, que lorsque les indigènes attisent le feu. La
flamme rase seulement le sol en brülant les broussailles, les herbes sèches et la légère
couche de feuilles mortes qui se trouvent à sa surface. Cette pratique des incendies à
outrance a amené ce résultal qu’on ne cesse de déplorer en traversant le pays, c’est de
s'opposer à la conservalion, sauf dans quelques rares endroits éloignés des populations,
de forêts vraiment vierges, offrant le caractère de puissance et de grandeur si admirable
qu’elles acquièrent si facilement sous ces climats. Partout, dans les terres riches propres
aux cultures, on ne trouve que des forêts plus ou moins récentes. et partout, dans les terres
470 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
maigres impropres aux cultures, on ne rencontre que des forêts dont le développement a
été entravé par ces incendies périodiques. Un des grands inconvénients, selon nous, de
ces incendies, c’est de s'opposer à la croissance des plantes annuelles dans les plaines, en
brülant leurs graines, et à celle des jeunes arbres, dans les forêts, en les brülant chaque
année quelques mois après leur germination. Par contre, ces incendies favorisent la
mulüplication, en les isolant et leur laissant le champ libre, de plusieurs mauvaises
plantes aux racines souterraines et vivaces que le feu ne peut détruire. Parmi ces plantes
envahissantes et inuliles nous citerons plusieurs bambous épineux et une graminée,
l'Imperata arundinacea, Cyril.
Au point de vue des essences forestières, si celte pratique n’a que peu d’inconvénients
au Cambodge et au Laos, pays très-peu peuplés et jusqu'ici sans communications assez
faciles avec le littoral pour qu'on puisse en exploiter les forêts, iln’en est pas de même
en Chine et en Basse-Cochinchine. En Chine surtout, cette habitude a eu des conséquences
très-graves. Le pays manque maintenant de bois dans un grand nombre de contrées,
des inondations fréquentes s’y produisent depuis à la suite des orages, les flancs des mon-
tagnes se ravinent de plus en plus, se dénudent et deviennent d’une stérilité qui s'oppose
au développement des populations.
Au point de vue de leur aspect, les forêts de l’Indo-Chine se divisent en deux classes
principales. Dans la première se placent les forêts telles qu’elles existent en Europe avec
de grands arbres et un taillis plus ou moins serré à leur pied, formé d’arbrisseaux el
d'herbes. Dans la seconde, se placent les forêts clairières où 11 n’existe que des arbres courts,
rabougris, clair-semés, entremêlés çà et là seulement de quelques broussailles et dont
le sol est couvert principalement de graminées. Les premières forêts, beaucoup plus
nombreuses et plus riches que les secondes, ne croissent que sur les éminences, les
collines, les montagnes, en un mot dans tous les endroits ne s’imbibant pas complétement
d’eau pendant l’hivernage, ot où les racines des arbres peuvent s’enfoncer profondément
dans le sol. Les secondes sont celles au contraire qui eroissent dans les excavations du sol,
les vallons et les grandes plaines, en résumé dans tous les lieux où l’eau s’accumule
pendant les mois de pluies et qui se trouvent momentanément transformées en marécages.
En outre de la taille différente qu'acquièrent les arbres dans ces deux genres de forêts,
les essences y sont presque totalement distinctes et réparties d’une tout autre façon.
Dans les grandes forêts, le nombre des essences est considérable et elles sont toujours mê-
lées les unes aux autres de façon qu'aucune ne parait y dominer. Dans les forêls clai-
rières, au contraire, le nombre est restreint et une ou plusieurs essences prédominent
toujours beaucoup sur les autres.
A ces règles il y a très-peu d’exceptions, et la nature du sol, riche ou pauvre, ne les
modifie presque pas.
82. — Essences forestières et produits utiles des foréts.
Les essences forestières de l’Indo-Chine sont, comme dans tous les pays chauds, en
nombre considérable. On n’en comple pas moins de cinq cents espèces se répartissant dans
ESSENCES FORESTIÈRES. 471
plus de deux cents genres, qui appartiennent à presque toutes les familles du règne vé-
gétal. Toutes ne sont pas des essences précieuses, mais la plupart fournissent des bois
uliles à l’industrie. Beaucoup, sans doule, pourraient êlre exportées pour l'Europe, si les
forêts où elles croissent élaient facilement accessibles par les fleuves, par les rivières ou par
des routes. Devant, à propos de chaque essence, donner des renseignements sur les lieux
où elles croissent, sur les quantités qui s’y trouvent, sur la possibilité de les exploiter et
sur leur valeur, nous nous abstiendrons de plus longs détails.
Famille des Verbénacées.
Tectonia grandis, L. — Le teck, dont le bois est si recherché pour les construc-
tions navales, tant pour sa légèreté, sa flexibilité, que pour son incorruptibilité supé-
rieure même à celle du chêne, croît dans le Laos supérieur, entre le 18° et 19° de-
gré de latitude. Cette zone de végétation du teck, qui s'étend, comme on sait, à l’ouest
dans le royaume de Siam et jusque dans l'Inde, en passant par la Birmanie, atteint,
selon toute probabilité, le Tong-king à l’est. Au sud de cette zone, à 8 ou 900 mètres d’al-
titude environ, les quelques sujets que nous avons observés avaient été importés par les
voyageurs ou les pèlerins bouddhistes. C’est donc complétement à tort que Loureïro a si-
onalé l’existence de cette essence précieuse entre les frontières du Cambodge et de la
Basse-Cochinchine, vers le 10° degré de latitude !. D’après ce que nous avons vu etselon les
renseignements que nous avons recueillis, 1l n'existe assurément aucune forêt de cet arbre
par cette latitude équatoriale, et nous ne nous exphiquons la fausse indication donnée par
cet auteur, qu’en admettant qu’il a donné la description de celle plante, comme beaucoup
d’autres d’ailleurs, d’après des renseignements vagues, et non d’après des échantillons
qu'il a observés lui-même.
Si l'aire de végétation de cet arbre précieux est comprise entre des limites nord et
sud très-restreintes, 1l ne s'ensuit pourtant pas qu'il ne puisse croître et même se mulüi-
plier facilement en dehors. Nous sommes même convaincu qu'il peut pousser avec une
vigueur presque égale à celle de son pays d’origine dans toutes Les régions situées plus au
sud. À l'appui de cette opinion, nous citerons les petits bois de teck en voie de formation,
que nous avons observés dans le Laos inférieur, par une latitude beaucoup plus sud et
dans lesquels cet arbre montre une tendance si remarquable à se propager spontanément.
Ces petits bois situés autour de tombeaux ou de pagodes, provenant de quelques exem-
plaires importés 1l y a une trentaine d'années, se composent actuellement de plusieurs
centaines d'arbres de tout äge, issus de graines qui ont germé et grandi naturellement
parmi les herbes et les broussailles.
Ces bois en miniature, qui n’ont nullement été protégés contre les ravages de l’homme
et des animaux domestiques, sont des plus beaux pourtant, et, en les voyant, nous
avons acquis la certitude que s'ils ne s'étaient trouvés isolés des forêts voisines par des
! Loureïro, Flora Cochinchinensis, page 170.
472 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
plaines cultivées faisant obstacle à leur propagation, ils les eussent gagnées et envahies
depuis longtemps.
: Un autre exemple montre beaucoup mieux encore combien est grande la puissance
de propagation de cet arbre. Dans Îles plaines immenses de Xieng-kan, autrefois si
peuplées, mais abandonnées depuis une cinquantaine d'années par suite des guerres que
s'y livrent sans cesse les Siamois et les Laotiens-Birmans, nous avons traversé des
forêts de teck qui en couvrent presque entièrement l'étendue et qui ont envahi jusqu’à
l'emplacement des villes et des villages. Ces forêts, fort belles déjà, quoiqu'’elles ne soient
qu'à moitié environ de leur croissance, se sont développées dans ces plaines, sans aucune
intervention humaine et en concurrence avec toutes les autres essences indigènes,
très-robustes pour la plupart. IL est bon d’ajouter que ces plaines sont situées par
le 19° degré, c’est-à-dire au centre de l'aire de végétation de cet arbre et sur un sol
argilo-sablonneux alluvionnaire, humide et profond, qui parait être celui qui lui con-
vient le mieux. Ce fait remarquable de multiplication nous autorise à penser que, dans
l'avenir, celle précieuse essence se subslituera facilement aux autres arbres dans toutes
les plaines où on la transportera. Si jusqu'alors ce résultat ne s’est pas produit davan-
tage, cela tient sans doule à ce que la configuration excessivement montagneuse du
nord de l’indo-Chine s’y est opposée. Cet arbre, ne croissant jamais sur les lieux
élevés et en pente et ne s’élevant que très-rarement sur les collines les plus basses, n’a
pu, malgré l'enveloppe vésiculeuse de ses graines et les poils roides, presque accrochants,
dont elles sont couvertes, franchir facilement le sommet des montagnes pour gagner les
plaines. IL est vrai que ses graines sont lourdes et ne donnent pas assez de prise au
vent pour se transporter au loin. Il reste donc confiné dans les vallées, attendant,
pour se propager, qu'une cause accidentelle emporte ses graines; ce qui doit arriver
lrès-rarement dans ces pays très-peu peuplés et ayant peu de relations entre eux.
Ces raisons expliquent l’apparente contradiction qui semble exister entre la puissance
de dissémination de cet arbre et sa localisation, jusqu'alors, dans une région très-res-
treinte. Cette localisation, selon nous, n’est que passagère et disparaîtra vraisemblable-
ment le jour où celte essence aura gagné les immenses plaines qui commencent à l'o-
rigine du della des fleuves et des rivières. Ce résultat qui semble, s'être produit depuis
longtemps dans les bassins de l'fraouaddy, de la Salouen et du Meïnam, où ces arbres
sont lrès-avancés et disséminés vers l’équateur, semble dù à la configuration de ces
bassins qui ne sont pas barrés vers le sud par d'aussi hautes montagnes que celui
du Mékong. En Cochinchine et au Cambodge, pour häter) cetle propagation au sud,
qui serait d’ailleurs très-lente à se produire par elle-même, il serait bon, dès à présent,
de planter ces arbres de distance en distance, dans toutes les plaines incultes propres
à sa croissance. Nous signalons comme remplissant ces conditions, les plaines alluvion-
naires qui bordent les rivières et les fleuves de Cochinchine dans la zone forestière
située au-dessus des eaux saumâtres. Ces plaines, au sol et au sous-sol argilo-sa-
blonneux profond, non marécageux quoique assez humide pour s'opposer à ce que
beaucoup d'arbres y croissent, nous paraissent devoir lui convenir. Ce qui nous confirme
ESSENCES FORESTIÈRES. AT3
dans cette opinion, c’est la présence parmi les forêts de teck que nous avons vues, de
plusieurs arbres qui se trouvent également dans les plaines de Cochinchine et parmi
lesquels nous citerons le Butea frondosa, Roxb., le Careyaar borea, Roxb., les Strychnos et
les Vauclea arborescents. Quelques sujels plantés çà et là dans ces plaines, arriveraient
sans doute, en moins d’un demi-siècle, à constituer des forêts exploitables. A notre avis,
il serait bien préférable d’agir ainsi, que de tenter l'exploitation des forêts du Laos
supérieur à travers les nombreuses difficultés dont elles sont entourées.
La première de ces difficultés est l’énorme distance qui sépare ces forêts du littoral. Cette
distance est quatre ou cinq fois plus considérable dans la vallée du Mékong que dans les
bassins des trois fleuves dont nous venons de parler. A cette première difficulté, se joignent
l'innavigabilité du Mé kong, le peu de population qu’on trouve actuellement dans ces
forêts de teck, ainsi que l’insalubrité extrême qui y règne. Vaincrait-on toutes ces dif-
ficultés, ainsi que celles suscitées par les gouvernements de ces contrées, que le résul-
lat serait encore médiocre; car les forêts de teck bordant les fleuves et les rivières, qui
sont à peu près les seules exploitables, sont dans un état déplorable pour la plupart. L’habi-
tude qu'ont les populations qui les habitent de les brüler périodiquement, fait qu'on n’y
trouve que des sujets ayant rarement plus de trente à quarante ans d'âge et ne dépassant
presque jamais 70 centimètres de diamètre. Quelques rares sujets seulement, ayant
échappé à cette déplorable dévastation, possèdent seuls, ence moment, les fortes dimen-
sions nécessaires aux construclions navales et à la plupart de nos usages. Si nous ajoutons
que ces sujets sont disséminés çà et là dans les forêts et très-éloignés les uns des autres la
plupart du temps, de facon qu’il faudrait en général construire des chemins d'exploitation
pour chaque arbre, on comprendra que nous ne conseillions pas d’exploiter ces forêts.
Cette exploitation ne pourrait du reste avoir lieu que dans quinze à vingt ans, si toutefois
d'ici là, 1l était possible de protéger ces forêts contre les habitudes dévastatrices des
indigènes. Ce résultat nous parait presque impossible à atteindre; car en Cochinchine, où
le gouvernement possède pourtant de nombreux moyens d'action, 1l n’est pas encore
parvenu à enrayer celte barbare habitude. Notre avis est donc, qu'il faut renoncer pour
toujours à exploiter ces forêts et qu’il est préférable de chercher à en créer, dans les
régions rapprochées du littoral, en plantant des tecks dans les plaines ou mieux encore
le long des routes.
Joignons à ces divers renseignements sur le teck, quelques détails descriptifs sur son
mode de croissance, sa forme, ses dimensions et même sur Les terrains qui lui conviennent.
Une des particularités les plus remarquables du teck, qui explique sa puissance de mul-
tiplication, est l'extrême rapidité avec laquelle il se développe dans ses premières années.
IL est, sous ce rapport, sans rival dans le pays. Dès la première année, les graines de teck
fournissent des sujets de 5 à 15 décimètres de hauteur et assez robustes déjà, pour être
à l’abri des nombreuses causes de destruction dont les jeunes arbres sont généralement
entourés. Pendant une période assez longue, cette croissance rapide se maintient, et
chaque année on voit les jeunes sujets grandir d’au moins un mètre. Ce n’est guère
que vers l’âge de trente ans que cette végétation étonnante se ralentit; vers soixante-dix
I, 60
474 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
ou cent, elle ne se continue plus qu’en grosseur. Avant la fin de celte période, qui est
ordinairement la plus longue pendant laquelle la plupart des arbres des pays chauds
puissent vivre, le tronc se creuse souvent à la base, de sorte que le moment le plus
propice pour l’exploiter nous paraît être vers cinquante ou soixante ans. À ce moment
les sujets ne sont pas très-gros, puisqu'ils n’ont en général que 69 à 80 centimètres de
diamètre, mais l’intérieur de leur tronc est parfaitement sain.
Le teck n'offre jamais, en hauteur, de grandes différences. En général, comme il croît
dans des forêts peu serrées, son tronc dépasse rarement 25 mètres. Ce tronc est cylindri-
que, très-droit, légèrement plus gros à la base et dépourvu de branches jusqu’au-dessous
de la tête qui est globuleuse.
Si le teck croît particulièrement avec vigueur dans les terres argilo-sablonneuses de
nature alluvionnaire, plutôt pauvres que riches, il se contente très-bien, comme toutes
les essences vigoureuses, d’un sol maigre et d’une autre nature. Nous avons observé des
sujets très-beaux, sur des éminences au sol légèrement pierreux, tout à fait dépourvu
d'humidité pendant la saison sèche. Mais ces sujets avaient été plantés par la main de
l'homme et nous n’avons pas constaté qu’ils se soient multipliés aux alentours, comme
cela a toujours lieu dans les plaines basses et humides, habitat de prédilection de cet arbre.
Vitex, L. (Càay bin-lin des Annamites). — Huit espèces d’arbres appartenant à ce
genre, croissent disséminées dans toutes les forêts de la partie tropicale de l'Indo-Chine.
La plupart fournissent un bois blanchätre, élastique, plus dense que l’eau, très-apprécié
pour le charronnage et la construction des barques.
Famille des Diptérocarpées.
Dipterocarpus, Gærtn. (Cày Dàau des Annamites). — Ce genre est représenté en Indo-
Chine par huit espèces réparties entre le sud de la Cochinchine et le 22° degré de
latitude. Dans le sud, surtout, ces arbres sont très-abondants et dominent partout
dans les forêts par leur nombre etles gigantesques dimensions de quelques espèces. Ce
sont les rois de ces forêts où ils jouent le rôle du chêne, du hêtre et du châtaignier en
Europe. Ces arbres au bois rougeûtre, dense, servent à fabriquer presque toutes les
planches employées dans le pays, ainsi que les bateaux et les pirogues d’une seule pièce,
dont quelques-unes ont parfois 30 mètres de longueur. Ils fournissent, en outre, une
oléo-résine très-précieuse qui, chez ces peuples, tient lieu, pour la peinture, de l’essence
de térébenthine, de l'huile de lin et du goudron chez nous.
Toutes les espèces fournissent de l’oléo-résine, mais quelques-unes, comme le Dipte-
rocarpus alatus, Roxb., en produisent beaucoup, et d’autres, comme le Dipterocarpus
magnifolius?, en produisent peu. Selon les espèces, elle est plus ou moins limpide et
renferme des proportions d'essence et de résine variables.
La récolte de ce produit commence en décembre, lorsque les arbres vont fleurir, et
finit en Juillet et août. Le procédé d'extraction, analogue partout, offre quelques différences
suivant les pays. En Cochinchine, où il est pratiqué avec le plus de soin, il consiste à creuser,
ESSENCES FORESTIÈRES. 475
à un mètre environ au-dessus du sol, une excavation dans le tronc ayant les formes d’un
bénitier; c’est-à-dire oblique à la partie supérieure et excavée à sa partie inférieure, de
façon à recevoir l’oléo-résine au fur et à mesure qu’elle s’écoule. Cette excavation, qui
s'étend au sixième du diamètre du tronc environ et pénètre jusqu'aux deux tiers de son
centre, est unique sur les petits arbres et double sur les gros. Chaque année, à l’appro-
che de la récolte, les Annamites rafraichissent, avec la hache, la partie supérieure de
lexcavation, dans le but d'enlever la couche superficielle du bois dont les pores sont
bouchés. Souvent même, tous les cinq à six ans, ils creusent de nouvelles excavations,
sur le côté ou au-dessus des anciennes dans le but de les empêcher de devenir
trop grandes. Au Cambodge et au Laos, les habitants ne se donnent pas cette peine
et ils n’en creusent toujours qu'une seule, raais cela entraîne souvent la mort préma-
turée des arbres. L'obligation dans laquelle on est chaque fois, après avoir enlevé
l'huile du bois, de flamber la partie supérieure de l’excavation, afin de brüler la résine
qui obstrue la partie extérieure des pores, finit par agrandir tellement l’excavation,
qu'elle occupe la moitié du trone et qu’au moindre coup de vent l'arbre est renversé. L’en-
lèvement de l'huile, qui est presque toujours suivi de l'opération du flambage, se fait
tous les deux ou trois jours au début de la récolte; mais plus tard, pendant les pluies, le
suintement se ralentissant, la récolte n’a plus lieu que tous les cinq ou six jours. Pendant
cette saison, il est nécessaire de boucher l'entrée des excavations avec quelques grandes
feuilles, afin d'empêcher l’eau d'y pénétrer et de se mêler à l’oléo-résine.
La plupart des espèces de Dipterocarpus commencent à pouvoir être exploitées à
l'âge de quinze à vingt ans et peuvent rester en exploitation jusqu’à leur mort qui paraît
avoir lieu à l’âge de cent cinquante ans environ.
Chaque année, un arbre de moyenne grosseur fournit 20 à 30 Litres d’oléo-
résine, ce qui, au prix moyen de 50 centimes, auquel se vend ce produit dans le
pays, constitue un revenu suffisant pour que le gouvernement cambodgien puisse taxer
chaque arbre en exploitation d’un franc d'impôt.
Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, le bois des arbres exploités est
meilleur ; contenant moins de résine, il est plus facile à travailler.
Hopea, Roxb. (Cäy sao des Annamites). — Cinq espèces de ce genre croissent en
Indo-Chine, depuis le sud jusqu’au milieu du Laos supérieur, par le 21° degré. Deux
de ces arbres croissant au Laos sont de trop petite taille pour être utilisés. Quant
aux trois autres qui acquièrent de fortes dimensions, ils sont fort employés, car ils
fournissent, après le teck, le bois le plus précieux et le plus estimé, dans le pays, pour
sa durée, sa flexibilité et sa légèreté, qui surpassent celles de la plupart des autres essences
de l’Indo-Chine. Deux de ces trois Æopea estimés croissent dans toutes les plaines du Sud,
où ils sont disséminés partout en petite quantité ; l’autre, qui ne pousse que sur les mon-
tagnes, est beaucoup plus nombreux, et, quoique n’acquérant qu’une grosseur moyenne,
il est tellement abondant, surtout dans le Laos inférieur, au-dessus et au-dessous
de Bassac, près du fleuve, qu'il y aurait certainement lieu d'aller l’exploiler, si les cata-
ractes du Mé kong n'étaient un obstacle à cette opération. La plupart de ces Æopea,
476 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
lorsqu'on blesse leur écorce, laissent écouler une résine presque blanche, fort belle,
mais trop peu abondante en général pour qu'il y ait avantage à l’exploiter.
Anisoptera, Korth (Cäy vin-vinh des Annamites). — Deux espèces appartenant à ce
senre croissent abondamment dans foules les plaines alluvionnaires non inondées qui
bordent les rivières depuis la Basse-Cochinchine jusqu’au centre du Laos. L'une et l’au-
tre acquièrent des dimensions énormes, et l’on rencontre souvent des sujets dont les troncs,
droits comme des mâls et nus sur une longueur de plus de 30 mètres, ont un diamètre
de 1 mètre 80 à leur base. Leur bois, lourd, d’un blanc jaunâtre ou verdâtre, plus cor-
ruptible que celur des Ppterocarpus, sert en menuiserie et dans la charpente, mais
il est surtout employé à fabriquer des cercueils chez les Annamiles. Ces deux espèces
produisent une résine jaunatre, peu abondante.
Shorea, Roxb. — Sept espèces appartenant à ce genre se rencontrent entre le sud
de la Cochinchine et le Laos supérieur par le 20° degré. Parmi ces arbres qui croissent,
pour la plupart, dans les forêts clairières et dans les terres maigres, deux seulement
offrent un intérêt sérieux : le Shorea robusta, Roth. (Cäy ca-chàc des Annamites), estimé
pour son bois corné assez analogue au gayac etle Shorearubriflora”? (Cày chaï des Annamiles),
estimé pour son bois également, mais surtout pour la résine qu’il sécrète. Ces deux arbres
sont très-abondants en Cochinchine, au Cambodge et au Laos inférieur; mais le premier
ne croît que dans les forêts elairières et Le second que dans les forêts puissantes, qu’on ren-
contre particulièrement sur les monticules argileux. Un seul de ces arbres à résine, de la
orosseur d'un chêne, peut sécréter dans une saison, 20 à 80 kilogrammes de résine.
La sécrétion se fait souvent d'elle-même, aux nœuds, mais, la plupart du temps, on la fa-
vorise en faisant de légères entailles à l'écorce, vers le mois de mars; elle a lieu surtout
à la fin de la saison sèche, en avril.
Si la résine de cet arbre est beaucoup plus abondante que celle des autres espèces du
même genre, ainsi que des Æopea, des Anisoptera el des Vatica, en revanche elle est moins
belle, plus jaune et plus cassante. Unie à la chaux et à l’oléo-résine des Diprerocarpus,
celte résine est employée surtout à calfater les bateaux.
Vatica, L. (Cay läu-tâo des Annamites). — On rencontre trois espèces de ce genre
croissant dans toutes les forêts de la Cochinchine, du Cambodge et du Laos inférieur.
Quoique leur bois soit utilisé, il est peu estimé ; car il est très-corruptible et n'’atteint
jamais de grandes dimensions.
Vateria, L.— Cet arbre croît par le 21° degré environ, sur la frontière du Laos supé-
rieur el du Yun-nan. C’est de toute la famille des Diptérocarpées, celui qui se rapproche
le plus de la zone tempérée. Il est rare, de petite taille et peu recherché dans ces régions,
où les chênes et les chätaigniers sont très-abondants.
Famille des Légumineuses.
ia dolabriformis, Roxb. (Cày cam-xe des Annamiles). — Cet arbre, au bois
rouge, dense, rès-propre à l’ébénisterie, est très-abondant depuis le nord de la Basse-
ESSENCES FORESTIÈRES. 477
Cochinchine jusqu’au centre du Laos inférieur. Il eroitsurtout, dans cette immense zone, sur
les terres alluvionnaires, basses, non inondées pendant l’hivernage, qui bordent les
fleuves et les rivières. Nulle part il n’est plus abondant et il n’atteint de plus fortes di-
meusions qu'au-dessous des cataractes du Cambodge où il serait très-facile de l’exploiter.
Afzeha, Sm. (Cay-Sôai des Annamiles). — Cet arbre, dont le trone dépasse souvent
1 mètre 50 de diamètre à la base, est rare au Cambodge et au Laos, et plus rare encore
en Cochinchine. Son bois, très-dense, très-dur et à peu près blanc lorsqu'il vient d’être
coupé, devient, ainsi que celui de l'espèce suivante, presque d’un noir d’ébène en
vieillissant. On l’emploie en ébénisterie et pour les charpentes qui exigent une grande
solidité. C’est avec lui qu’on confectionne les cylindres des moulins à sucre.
Sorinda, Miq. (Cay-gô des Annamiles). — Cel arbre croissant abondamment dans
toutes les forêts de la Cochinchine, du Cambodge et du Laos inférieur, atteint ordinaire-
ment de très-fortes dimensions. Son bois à peu près incorruptible devient d’une belle
couleur noire en vieillissant. Il sert à faire la plupart des petits meubles incrustés des
Annamiles, mais surtout ces belles tables d’une seule pièce qui leur servent de lit. Pour
la confection des jonques, c'est le bois que l’on préfère.
Dalbergia, L. — Trois ou quatre espèces appartenant à ce genre, qui fournit le bois
de palissandre, croissent disséminées dans toutes les forêts indo-chinoises, depuis Saigon
Jusque dans le Laos supérieur. Toutes n’alteignent que de faibles dimensions et four-
nissent des bois assez estimés pour leur couleur rouge ou brune.
Pongamia, Vent. (Cày-trac des Annamiles). — On rencontre trois espèces apparte-
nant à ce genre dans les forêts comprises entre Saigon et le Laos supérieur. Ces trois es-
pèces sont rares et fournissent un bois dont le cœur est d’un beau rouge veiné de noir, qui
le fait rechercher beaucoup pour la confection des objets de tabletterie et d’ébénisterie.
Albizzia, Durazz. — Douze espèces d’arbres appartenant à ce genre sont réparties dans
les diverses parties de l’Indo-Chine, qui jouissent d'un elimat tropical. Quelques-unes
fournissent des bois assez estimés.
Pterocarpus, L. — Deux espèces d'arbres appartenant à ce genre croissent disséminées
dans les forêts clairières de la Cochinchine, du Cambodge et du Laos. Partout elles sont
rares. Leur bois rougeätre est assez recherché.
A la suite de ces divers genres de légumineuses fournissant des bois utiles, mention-
nons les suivants, qui sont bien moins importants : Euchresta, Benn. — Parkia, Br. —
Crudia, Schreb. — Sophora, L. — Gleditschia, L, — Cassia, L. — Adenanthera, L. —
Saraca, L.
Farille des Guttifères.
Mesua ferrea, L. (Cäy-viap des Annamites). — Cet arbre au bois rouge très-dur,
formé de fibres intriquées et à peu près incorruptible, croît sur toutes les petites mon-
tagnes, depuis Saigon jusque dans le Laos supérieur (Xieng-tung.) Partout il est assez
rare ; il sert surtout à faire des pilotis pour les ponts.
478 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Famille des Ébénacées.
Maba,Forst. (Ebenoxylum verum, Lou. ou Cäy-mun des Annamites). — Nous n'avons
rencontré cet arbre, qui fournit le plus bel ébène de l’Indo-Chine, que dans les forêts de
Stung-treng dans le Laos inférieur. D’après nos renseignements, il serait assez commun
au Cambodge et on le trouverait même en Cochinchine. Les sujets que nous avons observés
étaient d'une grosseur médiocre et n’auraient fourni, après l’enlèvement de l’aubier, que
des büches fort petites.
Diospyros, L. (Cày-thi des Annamites). — Parmi les vingt-cinq espèces de Diospyros
qui croissent dans les diverses parties de l’Indo-Chine, deux ou trois, poussant surtout
sur les montagnes du Cambodge, fournissent de l’ébène que les indigènes exploitent et
apportent dans les ports du lilloral.
Famille des Cupulifères.
Quercus, L. (Cay-dé-se des Annamites). — Vingt-sept espèces de chênes sont réparties
dans les diverses contrées de l’Indo-Chine. Dans le Sud, en Cochinchine, au Cambodge et
au Laos, les espèces qu’on y trouve sont en général de petites dimensions et peu abon-
dantes ; mais dans le Nord, à partir du Laos supérieur, plusieurs espèces atteignent de
fortes grosseurs, et souvent leur tête domine dans les forêts comme en Europe. Aucune
cependant de celles qu’on trouve dans ce dernier pays, n’est comparable à nos chênes
d'Europe pour la taille et la qualité du bois. Nulle part nous n’avons vu employer l'écorce
de ces divers chênes pour le tannage.
Castanea, Tournef. — Sept espèces de châtaigniers croissent sur les montagnes indo-
chinoises, à partir du 21° degré, dans Le Laos supérieur, jusque dans le centre de la
Chine. La plupart acquièrent de fortes dimensions el rendent des services comme bois de
construction.
Carpinus, L. — Deux espèces de charmes croissent sur les montagnes élevées du
Laos supérieur et de la Chine. L'une et l’autre n’atteignent pas une taille suffisante pour
être très-utiles.
Famille des Juglandées.
Engelhardtia, Leschn. — On trouve six espèces d’arbres appartenant à ce genre en
Indo-Chine. Cinq eroissent dans le sud : les unes sur les montagnes, les autres sur les
bords des cours d’eau, la sixième croit près du sommet des hautes montagnes du Yun-nan,
sous un climat froid. Toutes ces espèces acquièrent des dimensions assez fortes et four-
nissent un bois assez estimé, quoique très-corruptible.
Famille des Lythrariées.
Lagerstræmia, L. (Cây-ban-lang des Annamites). — Douze espèces d'arbres apparte-
nant à ce genre croissent en Indo-Chine. La plupart se trouvent dans les forêts comprises
ESSENCES FORESTIÈRES. 479
entre la Basse-Cochinchine et le centre du Laos inférieur. Plusieurs atteignent des di-
mensions énormes, et ont un bois plus ou moins rouge, qui n’est pas moins élastique
que celui du frêne, el sert comme lui à de nombreux usages.
Crypteronia, Blum. — On rencontre une seule espèce de ce genre croissant dans
les forêts clairières de l'extrême sud de l’Indo-Chine. Son trone n’atteint qu’une moyenne
grosseur et son bois tendre est peu usité.
Duabanga, Ham. — Nous avons rencontré cet arbre dans le Laos inférieur, croissant
dans les plaines bordant les fleuves, où il acquiert de fortes dimensions. Son bois assez
tendre est peu recherché.
Famille des Rosacées.
_ Parinarium, Yuss. (Cay-cam des Annamites). — Arbre très-commun dans toutes les
plaines de la Cochinchine, du Cambodge et même du Laos inférieur. Il atteint de très-
fortes dimensions. mais son bois est trop lourd, trop corruptible et a des fibres trop courtes
pour être lrès-recherché.
Famille des Ulmacées.
Ulmus, L.— Une seule espèce d’orme croit dans la Basse-Cochinchine et dans le Laos
inférieur ; son tronc, qui acquiert de très-belles dimensions, fournit un bois très-estimé :
malheureusement cet arbre est très-rare.
Famille des Celtidées.
Sponia, Commers. — Cinq espèces appartenant à ce genre croissent depuis le Laos
supérieur jusqu'au centre de la Chine. Plusieurs acquérant de fortes dimensions sont
cultivées en Chine, autour des pagodes. Toutes fournissent un bois très-estimé.
Famille des Conifères,
Pinus massoniana (Pinus sylvestris, Lou.) (Cay-thong, ou des Annamites). — Get arbre
est Le seul de cette intéressante famille, qui croisse abondamment dans le sud de l’Indo-
Chine. On le trouve sur le plateau compris entre l’ancienne ville d’Angcor, la ville sia-
moise de Korat et la ville laotienne de Bassac. Après s'être montré en grand nombre sur
ce plateau, il cesse de croitre et ne redevient abondant que 150 lieues plus loin, sur les
montagnes du Laos supérieur et de la Chine. C’est un arbre de moyenne taille, n’attei-
gnant jamais les dimensions suffisantes pour servir à faire des mâls de vaisseau. Son bois
ne peut guère’servir que pour la charpente et la menuiserie.
A la suite de cet arbre, mentionnons deux autres espèces de pin croissant spontané-
ment en Chine, sur les montagnes, et dont le bois sert aussi aux constructions. L'une, de
forte taille, ressemble au pin pignon, et fournit comme lui des graines oléagineuses ali-
menlaires, pour lesquelles on le cultive souvent. L'autre, moins élevée, qu’on prend pour
un sapin à première vue, fournit un bois recherché, et laisse suinter une résine translu-
cide, presque blanche, qu'on recueille avec soin. Quant aux autres espèces de conifères
480 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
que nous avons trouvées en Chine, elles ne comptent toutes, dans ce pays, qu’un petit
nombre de sujets. Elles appartiennent aux genres :
Salisburia, Smith. — Cunninghamia, R. Br. — Cryptomeria, Don. — Biota, Don.
— Cupressus, Tournef. — Dacrydium, Sol. — Taxus, Tournef.
Famille des Combrétacées.
Terminalia, L. (Cäy Tièu-lièu des Annamites). — Quinze espèces d’arbres appar-
tenant à ce genre croissent entre Saigon et le sud de la Chine. Plusieurs alteignent des
dimensions très-grandes et fournissent des bois qu'on utilise, quoiqu'ils soient en géné-
ral très-corruptibles.
Anogeissus acuminatus, Roxb. (Cäy-ram des Annamites. — Cet arbre croît
abondamment dans tous les endroits humides et à demi inondés, qui bordent les
fleuves et les rivières de toutes les zones très-chaudes de l’Indo-Chine. Son tronc de
moyenne taille fournit un bois qu'on utilise, mais qui est peu estimé.
Famille des Méliacées.
Cedrela toona, Roxb. — Cet arbre croit depuis le sud de la Cochinchine jusqu’en
Chine, dans la vallée profonde du fleuve du Tong-king. Partout il est assez rare. Son
bois rougealre, assez léger, comme tous ceux qui appartiennent à celle famille, est recher-
ché pour la menuiserie et l’ébénisterie.
Chickrassia, À. Juss. — Trois espèces d'arbres appartenant à ce genre croissent dans
les forêts du Laos inférieur et supérieur. Leur bois sert aux mêmes usages que le pré-
cédent.
Sandoricum indicum, Cav. — Cet arbre aux fruits charnus, comestibles, qui s’est na-
turalisé dans tout le Sud, est souvent cultivé dans les jardins indo-chinois. Son tronc, qui
atteint une très-forte grosseur, fournit un bois assez recherché.
A la suite de ces trois genres de Méliacées, mentionnons les suivants de la même
famille, qu'on rencontre également dans la zone tropicale et qui fournissent des bois
très-appréciés; quelques-uns de ces bois répandent une odeur qui rappelle celle du
san{al. \
Amoora, Roxb. — Heynea, Roxb. — Dysoxylum, Blum. — Chisocheton, Blum. —
Carapa, Aubl. — Melia, L.
Famille des Anacardiacées.
Melanorrhæa usitata (Cay-son des Annamites). — Cet arbre au bois rouge, dense,
très-recherché pour la fabrication des meubles, croît depuis le nord de la Cochinchine
jusque dans le Laos inférieur. Partout on le rencontre dans les forêts clairières, dissé-
miné parmi les Shorea.
Buchanania, Roxb. (Cäy-cäy des Annamites). — Cinq espèces d'arbres appartenant à
ESSENCES FORESTIÈRES. 481
ce genre croissent dans les forêts de l’Indo-Chine, entre le 9° et le 15° degré de latitude.
Plusieurs acquièrent des dimensions considérables et fournissent un bois blanchâtre assez
estimé malgré sa lourdeur.
Dracontomelon, Blum. — Cet arbre croît dans les terres alluvionnaires du Laos su-
périeur, près des fleuves et des rivières. Son tronc est de moyenne grosseur et fournit
un bois blanc peu recherché.
Rhus verni, L. — Nous avons rencontré dans les régions montagneuses du Yun-nan
rapprochées du Se-tchouen, ce sumac qui fournit le suc végétal dont on fait Les laques
de Chine et du Japon. Dans ces endroits qui jouissent d’un climat pluvieux, presque
tempéré, il croissait à une altitudé de 1,700 mètres environ. Son tronc ne dépassait
pas 3 à 4 mètres de hauleur. Ceux que nous avons observés avaient élé exploités la
saison précédente et paraissaient avoir dix à quinze années. Sur leurs troncs et sur quel-
ques-unes de leurs grosses branches, on avait enlevé à des hauteurs différentes des
bandes d’écorce transversales larges de la moitié de la circonférence du tronc, qui est
de 10 à 12 centimètres. A la suite de cette opération que l’on pratique en juin, à l’épo-
que où cet arbre entre en végétalion, le sue s'écoule, s’amasse sur les bords des incisions
d’où on l’enlève tous les trois ou quatre jours en le raclant. Ce suc émettant des éma-
nations malfaisantes qui occasionnent des affections de la peau, les indigènes qui le ré-
coltent, sont obligés de se couvrir le visage et les mains.
Famille des Rubiacées.
Nauclea, L.(Cày-gao des Annamites). — Six espèces d'arbres appartenant à ce genre, se
rencontrent en Indo-Chine, entre le 9° et le 17° degré de latitude. Toutes croissent dans
les endroits humides, sur le bord des fleuves et des rivières, ou dans les plaines inondées
pendant l’hivernage. Leur taille est en général médiocre et leur bois assez peu estimé.
Canthium, L. (Cày-Traï des Annamites). — Cet arbre de taille médiocre appar-
lenant à un genre composé d’arbrisseaux, croit abondamment dans toutes les forêts de
la Cochinchine et du Cambodge. Son tronc, dont le bois est à peu près incorruptible, est
très-recherché pour construire les palissades que font les habitants des forêts autour
de leurs maisons et de leur village pour se préserver des tigres.
Famille des Apocynées.
Wrightia mollissima ? (Cäy-long-müc des Annamites). — Ce petit arbre croit abon-
damment dans toutes les forêts clairières de l’extrême sud de l’Indo-Chine. Son bois,
d’un jaune clair, sans pores ni veines bien marquées, très-facile à sculpter, est très-
recherché pour la confection des cachets et des planches d'imprimerie des Annamites.
Famille des Burséracées.
Garuga,Roxb.—On trouve cinq espèces appartenant à ce genre, croissant depuis le sud de
la Cochinchine, jusqu’en Chine, sur les montagnes qui bordent Le fleuve Bleu. Toutes n’at-
IL. 6l
482 : AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
teignent que de moyennes grosseurs, sont rares, et fournissent des bois peu recherchés.
Les genres Canarium, L., Bursera, L. et Protium, Wight et Arn., représentés en
Indo-Chine, par plusieurs espèces, fournissent également des bois utiles aux constructions.
Famille des Bignoniacées.
Spathodea, Palis. — Trois espèces d'arbres appartenant à ce genre, croissent dans
toule la zone tropicale de l’Indo-Chine. Elles fournissent toutes des bois qu'on utilise,
quoiqu'ils soient médiocres. IL en est de même des genres voisins, Pignonia, Juss. — Ca-
losanthes, Blum, et Millingtonia, L., qu’on trouve également dans les diverses parties de
l’Indo-Chine.
Famille des Hypéricées.
Cratoxylon, Blum. (Cày Ngang-ngang des Annamites.). — A ce genre, appartien-
nent six espèces d'arbres réparties dans les forêts de la Cochinchine, du Cambodge et du
Laos. Deux de ces espèces atteignent d’assez fortes dimensions et sont utilisées en ébénis-
terie. Leur bois a le cœur dur, noueux, veiné de vert et de rose autour des nœuds.
Famille des Bétulacées.
Alnus, Tournef.— Trois espèces d’aulnes croissent dans les lieux humides des mon-
tagnes élevées du Laos supérieur et de la Chine. Leur bois est utilisé dans le pays.
PBetulus, Tournef. — On rencontre deux espèces de bouleau croissant sur les hautes
montagnes du Laos supérieur et de la Chine méridionale. L’une et l’autre fournissent
un bois qui est employé dans les constructions.
Famille des Célastrinées.
Kokoona, Thw. — Une seule espèce de ce genre croît en Indo-Chine, dans la par-
tie comprise entre le sud de la Cochinchine et le centre du Laos supérieur. On la
rencontre dans les forêts clairières à demi inondées pendant l’hivernage. Son tronc, de
taille médiocre, est peu recherché.
Famille des Cornées.
Cornus, Tournef. — Un cornouiller arborescent dont la taille n’est pas moindre que
celle de nos érables, croit sur les montagnes brumeuses du Yun-nan et du Se-tchouen. Son
bois flexible est très-apprécié. Le tronc droit et lisse de cet arbre, sa tête arrondie, ses
feuilles larges et ses grandes panicules de fleurs blanches, en font un très-bel arbre d’or-
nement qu'il ÿ aurait avantage à introduire en Europe où il croîtrait certainement.
Famille des Datiscées.
Tetranmeles, R. Br. (Cäy-chiam des Annamites). — Cet arbre, remarquable par son
ESSENCES FORESTIÈRES. 483
écorce lisse et ses énormes dimensions, ne croît que sur les montagnes. On le trouve en
Cochinchine, au Cambodge et au Laos. Avec les fortes cannelures en forme d’arc-boutant
qu’il présente à sa base, les Annamites et les Cambodgiens font des roues de voiture d’une
seule pièce, qui n’ont pas moins de 1 mètre 75 cent. de diamètre.
Famille des Dilléniacées.
Dillenia. L. (Cay so’ des Annamites). — Trois espèces d'arbres appartenant à ce
genre, croissent dans foute la zone tropicale de l’Indo-Chine. Elles fournissent un bois
blanc d’une densité moyenne, qu’on emploie parfois dans la charpente.
Famille des Euphorbiacées.
Putranjiva, Wall. ; Briedelia, Wild. ; Microelus, W. et Arn. — Les genres pré-
cédents, croissant en Indo-Chine fournissent des bois qu’on utilise souvent pour la cons-
truction.
Famille des Bixinées.
Hydnocarpus, Gærtn.— La seule espèce d'arbre de ce genre qu’on trouve en Indo-
Chine, ne croit que sur le bord des rivières. Très-commun en Cochinchine, dans les par-
ties hautes du pays, cet arbre est très-rare au Cambodge et au Laos. Son trone court est
parfois employé dans la charpente.
Famille des Samidacées.
Homalium, Jacq. — Cinq espèces d'arbres appartenant à ce genre, se rencontrent de-
puis le sud de la Cochinchine jusque dans le Laos supérieur. Plusieurs fournissent des
bois assez estimés. Une espèce au tronc très-élevé est lrès-remarquable par son écorce
lisse presque semblable à celle du platane.
Famille des Jasminées.
Schrebera, Roxb. — Deux espèces d'arbres, appartenant à ce genre, l’une glabre et
l’autre pubescente, croissent dans les forêts du Laos. Elles ont un tronc court et fournis-
sent un bois assez apprécié.
Famille des Tiliacées.
Elæocapus, L. — Neuf espèces d’arbres appartenant à ce genre croissent dans la moitié
sud de l’Indo-Chine, Plusieurs atteignent des dimensions assez fortes, pour qu’on puisse
les employer avec avantage dans la charpente. Leur bois est assez corruptible en général.
Schoutenia, Korth. — Cet arbre ne croît que dans l’extrème sud de l’Indo-Chine,
484 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
en Cochinchine, au Cambodge et au Laos inférieur. Il pousse presque exclusivement sur
les montagnes. Son tronc est parfois utilisé.
Famille des Lauracées.
Tetranthera, Jacq.; Litsæa, Juss. ; Machilus, Nees; Cryptocarya, R.B.; Persea,
Gærln. ; A/seodaphne, Nees; Dehaasia, Blum. — Les genres d’arbres précédents, re-
présentés par plusieurs espèces croissant dans toutes les parties tropicales de l’Indo-Chine,
fournissent pour la plupart des bois de construction et de menuiserie, quoique leur
taille soit généralement médiocre.
Famille des Morées.
Ficus, Tournef. — Plus de trente espèces de figuiers (nommé vulgairement Banians
par les Européens) croissent dans les différentes parties de l’Indo-Chine. Plusieurs attei-
gnent des dimensions énormes, mais toutes produisent un bois léger, blanc, cassant,
qu'on ne peut employer que pour le chauffage.
Broussonetia papyrifera, Vent. (vulgairement: mürier à papier).—Cet arbre, originaire
de la Chine, s’est propagé de graines entrainées par les eaux, le long des berges du Cam-
bodge, jusqu'au centre du Laos inférieur. Dans tous les pays indo-chinois où il croit,
son liber abondant formé de fibres fines intriquées, est employé à confectionner les papiers
blancs usités par les indigènes pour écrire.
Aralia papyrifera?. — Nous avons rencontré cet arbre spontané et cultivé au centre
de la Chine, dans les régions brumeuses jouissant d’une lempérature méditerranéenne.
C'est avec la moelle de son tronc, qui atleint souvent 5 à 6 mètres de hauteur et plus de
deux décimètres de diamètre, que les Chinois fabriquent le papier remarquable par son
apparence veloutée et par ses nervures régulières, dont ils composent les albums aux
brillantes couleurs qui sont si répandus aujourd’hui en Europe. Ils obtiennent ce pa-
pier en découpant adroitement en feuilles minces les cylindres de moelle qu'ils retirent
de ces arbres.
Famille des Myricacées.
Casuarina equisetifolia, L. (vulgairement : filao). — Cet arbre exotique est cultivé en
Cochinchine pour ornement, pour son bois, mais surtout pour son écorce que les Anna-
mites emploient au tannage de préférence à l’écorce de palétuvier et de chêne.
Famille des Rhizophorées.
Carallia, Roxb.; Diatoma, Lou. (Cày sang-mà des Annamites). — Deux espèces
d'arbres appartenant à ce genre croissent en Indo-Chine, l’une en Cochinchine et l’autre
au Laos. On les trouve dans les forêts où elles atteignent des dimensions assez fortes.
Leur bois jaunâtre, d’une densité assez faible, sert à faire des planches et des charpentes
ESSENCES FORESTIÈRES. à ; 485
Bruguiera gymnorhiza, Lamk. — On ne rencontre cet arbre que sur le littoral du
sud de l’Indo-Chine, dans tous les lieux baignés par les eaux saumätres. Avec l’âge, il
atteint une assez grande hauteur et son bois peut être utilisé dans la charpente.
Famille des Myrtacées.
Eugenia, L. (Cay-tram des Annamites). — On ne rencontre pas moins de quinze
espèces d'arbres apparlenant à ce genre, dans les diverses parties de l’Indo-Chine. Elles
se répartissent dans les trois sous-genres suivants : Syzygqium, Jambosa et Eugenra.
La plupart ne fournissent qu’un bois médiocre qu'on utilise pourtant dans la construction.
Careya arborea, Roxb. (Cäy vông des Annamiles). — On rencontre cet arbre dans
toutes les forêts clairières à demi inondées, depuis Saigon jusqu’au centre du Laos
supérieur. Son tronc gros et court fournit un bois blanchâtre assez dur, qu’on emploie
souvent dans la charpente ou pour faire des planches.
Famille des Salicinées.
Salix, Tournef. — Onze espèces de saules croissent dans les lieux humides, depuis le
Laos inférieur jusqu'au centre de la Chine. Plusieurs atteignent une taille suffisante
pour qu'on puisse utiliser leur bois dans la charpente. Quelques-uns de ces saules servent,
comme en Europe, à maintenir les terres des digues que l’on construit Le long des rivières.
Citons parmi ces saules Le Salix babylonica, L., dont on ne trouve que des pieds mâles, à
l'inverse de ce qui existe en Europe, où l’on ne possède que des sujels femelles.
Populus, Tournef. — Trois espèces de peupliers parmi lesquels se trouve le peuplier
tremble (Populus tremula,L.) eroissent spontanément sur les montagnes élevées du Yun-nan
et du Se-tchouen. Toutes atteignent de trop faibles dimensions pour être très-utiles.
Les habitants de ces provinces préfèrent cultiver une variété du Populus angulata d'ori-
gine exotique, qui donne de plus forts sujets et fournit un bois meilleur.
Famille des Oléacées.
Fraxinus, Tournef. — Trois espèces de frênes croissent dans les montagnes élevées
duYun-nan et du Se-tchouen. Les trois sont de moyenne taille et fournissent un bois élas-
tique que les Chinois utilisent aux mêmes usages qu’en Europe.
Famille des Sapindacées.
Nephelium, L. — En outre des espèces de Vephelium que nous avons mentionnées
aux arbres fruitiers, il en existe en Indo-Chine cinq autres dont les troncs sont très-gros et
qui fournissent un bois de construction assez estimé. Leur bois est en général rougeûtre
et d’une densité moyenne.
Dittelasma, Hook, Î. — Cetarbre croît depuis Bassac, dans le Laos inférieur, jusqu’au
486 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
centre de la Chine. Partout son tronc acquiert une forte grosseur et fournit un bois blan-
châtre qu'on utilise dans Les constructions.
Pometia, Forst. — Cet arbre que nous avons vu croître sur les hautes montagnes du
Laos supérieur, est celui de cette famille dont Le tronc acquiert les plus fortes dimensions.
Son bois est employé, comme celui des précédents, dans la charpente.
Acer, L.— Quatre espèces d’érables eroissent sur les hautes montagnes du Yun-nan et
du Se-tchouen. Toutes atteignent de faibles hauteurs et fournissent un bois qu’on uti-
lise souvent pour la construction des maisons. Parmi ces érables se trouve une espèce à
feuillage persistant et coriace, la seule, croyons-nous, qu'on ait rencontrée jusqu’alors
ayant ces caractères, que l’on pourrait introduire avec avantage en Europe pour ornement.
Famille des Sapotacées.
Siderozylon, L.— Nous avons rencontré deux espèces d’arbres appartenant à ce genre
dans les montagnes du Laos. L'une et l’autre fournissent un bois noiratre estimé.
Les genres Mimusops, L., — Palaquium, Blanc, — Azaola, Blanc, — de la même
famille, qu'on trouve dans les mêmes régions, fournissent également un bois utile. Le
dernier est parfois cultivé pour ses fruits comestibles.
Famille des Sterculiacées.
Pterospermum, Schreb. — Cinq espèces d’arbres appartenant à ce genre se rencon-
trent depuis la Cochinchine jusque dans le sud de la Chine. Plusieurs de ces arbres ac-
quièrent d'assez fortes dimensions pour être utilisés dans la charpente.
Famille des Ternstræmiacées.
Schima, Reinw. — Depuis le sud de la Cochinchine jusqu’au centre de la Chine, on
rencontre trois espèces d'arbres appartenant à ce genre. Leurs troncs, qui ne deviennent
jamais très-gros, fournissent un bois blanchätre qu’on emploie souvent dans la charpente.
Pyrenaria, Blum. — La seule espèce de ce genre qu’on trouve en Indo-Chine, croit
au centre du Laos inférieur, près des montagnes de marbres. Son trone,qui devient très-
gros, est souvent utilisé pour la construction des cases.
On trouve en Indo-Chine plusieurs autres arbres appartenant à des genres voisins des
précédents qui fournissent également des bois utiles ; mais, en général, ils sont trop rares
* dans les forêts et leurs trones sont de trop petite laille, pour être d’une grande importance.
Ces genres sont : l’Anneslea, Wall, — l’Adinandra, Jack, — et plusieurs Camellia, L.
Famille des Palmiers:
.
Calamus, L. — Sept espèces de rotins croissent dans la zone tropicale de lIndo-
Chine comprise entre le 9° et le 22° degré de latitude. Quoique communs partout, ces
rotins ne sont cependant pas assez abondants nulle part, pour qu'il y ait lieu de les
ESSENCES FORESTIÈRES. 487
exploiter pour les exporter en Europe comme cela se fait dans la presqu'île de Malacca et
certaines parties de l'Inde. La quantité qui s’y trouve, suffit à peine aux besoins des habi-
tants. L’incendie annuel des forêts, l'exploitation déréglée qu’en font les indigènes et la
récolte des extrémités supérieures des jeunes stipes qu'ils mangent comme celles de la
plupart des autres palmiers, expliquent en grande partie ce résultat. Nous devons cepen-
dant ajouter que le elimat de l’Indo-Chine avec ses six mois de sécheresse extrême, ne
leur convient pas aussi bien que celui des pays précédents. Parmi ces sept espèces de ro-
tins, deux seulement atteignent la grosseur du pouce, ce sont le Calamus rudentum, Lou.,
et le Calamus verus, Lou.; les autres sont plus peliis que les doigts. Ces rotins croissent dans
tous les lieux, dans les plaines comme sur les montagnes. Placés dans des conditions à
ne pas être détruits prématurément, ils atteignent depuis 25 jusqu’à 100 mètres de
hauteur en s'appuyant sur les arbres. D’aussi longs sujets sont très-rares en Indo-Chine,
les indigènes les coupant toujours avant qu’ils aient acquis un pareil développement.
Nous n’entrerons pas dans le détail des services que rendent ces rotins aux indigènes, il
nous suffira de dire qu’ils sont très-grands et que peu d’autres plantes leur sont com-
parables.
Famille des Graminées.
Bambusa, Schreb. — Quinze espèces de bambous, dont plusieurs appartiennent à des
cenres voisins du Bambusa, croissent dans les différentes parties de l’Indo-Chine. Sur ce
nombre, qui comprend des bambous énormes pouvant atteindre 30 mètres de hau-
teur et 15 centimètres de diamètre, et d’autres ne dépassant pas deux mètres et étant
moins gros que le doigt, plusieurs espèces sont cullivées. Quoique ces plantes ne
manquent nulle part, les habitants préfèrent souvent planter, dans leurs jardins ou dans
les haïes qui les entourent, certaines espèces douées de qualités spéciales, de façon à les
avoir toujours sous la main lorsqu'ils en ont besoin. Au Laos surtout, cette habitude
existe partout et on trouve dans chaque jardin deux espèces de bambou. L'une, très-
grande et très-forte, sert dans la construction des maisons et à disposer les pirogues pour
les voyages, en plaçant sur chacun de leurs côtés quatre à cinq de ces bambous dans le
but de les empêcher de chavirer et de pouvoir les charger davantage. L'autre plus petite
remarquable par ses chaumes nus jusqu’au tiers supérieur et parfaitement droits, sert à
faire des avirons excellents.
En Chine nous avons trouvé également deux espèces de bambous cultivées : l’une
remarquable par la grosseur du chaume, qu'on emploie pour confectionner les pots à
tabac et l’autre beaucoup plus petite servant à fabriquer presque toute la vannerie du
pays. Cette dernière espèce croit à plus de 2,000 mètres de hauteur dans le Yun-nan,
dans les régions où le thermomètre descend souvent au-dessous de zéro.
Ces divers bambous reçoivent beaucoup d’autres usages; en même temps qu'ils ser-
vent à fabriquer presque tous les ustensiles dont ces peuples ont besoin, tels que vases,
bouteilles, chaises, paniers et même au besoin des marmites pour cuire les aliments, ils
488 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
peuvent servir à construire toute une maison depuis la base jusqu’au toit sans qu'il y
entre aucune autre matière. Leurs jeunes pousses sont mangées presque partout en
guise d’asperges.
S 3. — Plantes médicinales remarquables de l’Indo-Chine.
Le nombre des plantes employées dans la médecine indo-chinoise est très-con-
sidérable ; mais comme chez tous les peuples où la médecine n’est qu'un grossier
empirisme, beaucoup de plantes inertes sont répulées jouir de propriétés merveilleuses
et beaucoup d’autres très-aclives sont presque délaissées. L'étude des propriétés des plantes
d’après les renseignements des indigènes, serait done très-difficile et ne mènerait très-
souvent, comme nous avons pu nous en convaincre bien des fois, qu'à recueillir des
données exagérées ou fausses sur leurs propriétés. Est-ce à dire qu’on ne trouverait pas
chez ces populations qui, à part les Chinois, ne possèdent aucun livre sur les propriétés
des plantes, des renseignements utiles sur celles qui peuvent être employées en médecine.
Nous pensons, au contraire, qu’on pourrait en recueillir.
IL n’est pas possible que dans le nombre considérablé de végétaux qu’on trouve en
Indo-Chine, il ne s’en trouve pas quisoient doués de propriétés spéciales connues depuis
longtemps des populations et qu'on parviendrait à connaître en s'adressant dans différentes
_ localités aux quelques personnes qui s'occupent de médecine. Pour atteindre ce résultat,
“il faudrait séjourner longtemps chez ces peuples, connaître leur langue parfaitement,
contrôler l’assertion des uns par le dire des autres et au besoin faire soi-même des expé-
riences. N'ayant pu procéder ainsi, nous nous bornerons à signaler celles de ces plantes
qui croissent en Indo-Chine, dont les propriétés sont bien connues.
Strychnos, L. — Deux Strychnos arborescents dont nous n’avons pu encore déterminer
l'espèce et qui diffèrent notablement du S#ychnos nux-vomica fournissent en Indo-Chine
les graines de noix vomique que les Cambodgiens exporlent en si grande quantité en
Chine par Saigon. L'un de ces arbres, épineux, atteignant souvent plus de 30 mètres de
hauteur, ne croit que dans le Sud, en Cochinchine et au Cambodge ; l’autre, plus petit,
croît depuis la Cochinchine jusque dans le Laos supérieur, dans loutes les forêts clairières.
Les indigènes ne cultivent jamais ces arbres, ils sont assez nombreux partout pour qu'ils
n'aient, au moment de la maturité des fruits, en avril, qu’à aller dans les bois et les forêts,
pour recueillir à peu près autant de graines qu’ils en veulent.
Les graines de ces strychnos, si puissamment vénéneuses lorsqu'elles sont arrivées à
malurité, ne le sont pas à toutes les périodes de leur développement. Nous avons vu nous-
même un Laotien manger trois de ces graines encore à l’état charnu et non cornées comme
elles le deviennent plus tard, sans en éprouver le moindre inconvénient.
Antiaris toxicaria, Lesch.— Cet arbre, dont le sue laileux sert à composer le terrible
poison des Javanais connu sous le nom d’upas antiar, croit dans l'extrême sud de l'Indo-
Chine, dans les régions habitées par les sauvages Moïs de la province de Bariah. Sans
PLANTES MÉDICINALES. 489
que nous puissions l’affirmer complétement, nous croyons que c’est avec son suc que
les sauvages empoisonnent leurs flèches, dont les blessures ne déterminent que (rès-
rarement la mort, bien qu’elles occasionnent souvent des accidents sérieux d’empoison-
nement. La réputation comme puissance {oxique dont jouit cet arbre nous a paru très-
exagérée, et on peut, contrairement à ce qui a été affirmé, toucher impunément son sue,
et même vivre près de son ombrage ; car nous en avons plusieurs au milieu de villages
annamiles. Tout ce que l’on a dit, sur la fameuse vallée de la mort à l’île de Java, où péris-
sent tous ceux qui y séjournent, et dont le sol serait couvert d’ossements d'hommes el
d'animaux, est une pure invention. L’ombrage de cet arbre n’est pas plus dangereux que
celui du fameux mancenillier.
Ruta angustifolia, Pers. — Celte espèce de rue n'est pas indigène en Indo-Chine,
partout elle est cultivée dans les jardins ou plus souvent dans des pols, pour être employée
en médecine comme emménagogue el aborlif.
Dichroa febrifuga, Lou. — Ce bel arbrisseau aux fleurs bleues croit sur le bord des
torrents des montagnes du Laos supérieur et du sud de la Chine. D’après Loureiro, ses
feuilles et ses racines seraient douées de propriétés fébrifuges contre les fièvres tierces et
quartes rebelles. Nos renseignements recueillis près des habitants des régions où il croît,ne
justifient aucunement celte assertion ; nous croyons que c’est une de ces nombreuses plan-
tes fébrifuges qui, sans être dénuées d'efficacité, ne peuventen aucune façon être comparées
au quinquina. Au lieu donc de chercher à utiliser cette plante comme antipériodique,
il serait bien préférable d'introduire, dans les régions montagneuses où elle croit, le quin-
quina qui y trouverait les conditions Les plus favorables à sa propagation. Ce serait assuré-
ment rendre un immense service aux populations ; car toutes souffrent beaucoup de la
maladie des marais, tellement que le nombre des habitants, malgré la fertilité du sol, n°y
augmente pas et qu'elle a été jusqu'ici, le plus grand obstacle au peuplement de ces
contrées par le trop-plein de la population chinoise.
Croton tiglium, L. — Cet arbrisseau aux graines si puissamment purgalives est très-
rare en Indo-Chine. C’est à peine si dans toute la vallée du Mékong nous avons pu en
compter dix sujets cultivés dans les jardins. C’est pour les usages médicinaux que les indi-
gènes de l'Indo-Chine cultivent cet arbrisseau. Les pharmaciens chinois extraient l'huile
que renferment ces graines et l’emploient à pelite dose comme purgatif et emménagogue.
Garcinia cambodqia, Desr. — Quoique nous ayons traversé Le Cambodge qu'on donne
comme la patrie du gultier, nous n’avons,pu l’observer. D’après les renseignements que
nous avons recueillis, il croitrait dans la partie nord-ouest de ce royaume qui confine à
la province siamoise de Korat. Dans cette région, on le trouve dans les forêts qui couvrent
les plateaux, où les habitants vont l’exploiter. Ce gultier appartient-il au genre Garcia,
comme le pensaient les auteurs anciens, ou au genre Xanfhochymus — qui a des fleurs
pentamères — comme le veulent certains auteurs modernes? Nous l’ignorons. En nous
basant sur ce désaccord des auteurs et sur ce que la plupart des Garcinia laissent écouler
une gomme-résine, nous supposons que la gomme-gulte pourrait bien être fournie par
plusieurs espèces d'arbres.
fi, 62
490 AGRICULTURE ET HORTICULTURE.
Cassia jistula, L. (vulgairement : canéficier). — Cet arbre, qui pourrait bien n'être
que naluralisé dans le Laos, est parfois cultivé près des villages du centre de ce pays.
Ses longs fruits, connus sous le nom de casse, parfois utilisés par Les habitants de ce pays,
sont en grande partie exportés pour la Chine où cet arbre serait cultivé dans quelques
endroits, d’après divers renseignements, mais où nous ne l’avons pas rencontré. La pulpe
contenue dans les gousses que nous avons recueillies au Laos, est très-purgative, comme
nous avons pu le vérifier sur nous-même, el est bien plus énergique que celle des casses
qu'on trouve ordinairement en Europe.
Rheum palmatum, L. — Le point le plus sud où on trouve la rhubarbe est la mon-
lagne de Likiang, haute de 5,000 mètres au moins el située par le 27° degré de latitude
environ. Sur cette montagne ou plulôt ce pic avoisinant le Thibet que nous avons aperçu,
mais que nous n'avons pu atteindre par suite des difficultés que nous avons rencontrées
chez les révoltés musulmans, elle eroiît près de la limite des neiges éternelles. Est-ce,
comme on le prétendait autrefois, le Rhewm palmalum, ou, comme on le pense maintenant,
une espèce à feuilles de même forme mais beaucoup plus grande, qui produit la racine
qu’on exporte de ce point et de beaucoup d’autres situés plus au Nord ? nous l’ignorons.
Styrax benjoin, Drya. — A notre grand regret, il nous a été impossible de voir l’ar-
bre intéressant el encore imparfaitement connu, qui fournit le benjoin si estimé de Siam.
Son lieu de végétation est silué, ainsi que celui de la cannelle, sur les montagnes qui
séparent le Tong-king du Laos supérieur, vers le 19° degré de latitude. Pour récolter le
benjoin, d’après ce qui nous a été dit, on ferait en janvier, au moment où les arbres en-
trent en végétation, des incisions longitudinales sur la partie inférieure des troncs, en
ayant soin de soulever l'écorce de chaque côté. A la suite de cette opération, le benjoin
s’'écoulerait au-dessous des portions d’écorces soulevées et même à travers les incisions
lorsque l’espace vide, laissé par le soulèvement de l’écorce, serait comblé. L’écoulement
durerait environ deux mois; lorsqu'il serait entièrement terminé, on enlèverait le ben-
join en détachant les portions d’écorce soulevées auxquelles il adhère. Dès qu'il est ré-
collé, sans aulre préparation, les sauvages, qui habitent les régions où croît cet arbre,
l’exportent en partie vers la Chine, à travers les montagnes, et en partie vers Bang-kok ;
on le transporte dans cette ville en descendant d'abord le Se-ngum, rivière qui prend
naissance dans les montagnes où croît cet arbre, puis en franchissant par terre la distance
qui sépare Nong-cay de Bang-kok. La route la plus commode serait, sans aucun doute,
celle du Mékong jusqu’à la capitale du Cambodge (Pnom-peng); mais les droits excessifs
et arbitraires qu'on perçoit aux frontières de ce royaume s’y sont opposés jusqu'ici. Ce
benjoin, composé en partie de grosses larmes et de blocs agglomérés, d'un blanc jaunâtre,
encore adhérents à l'écorce, est connu dans le commerce sous le nom de benjoin amyg-
daloïde.
Alstonia scholaris, R. Br. — Cet arbre, si remarquable par ses feuilles el ses ra-
meaux en verlicille, croît aux environs des villages de la moitié sud de l'Indo-Chine. Les
indigènes ulilisent son écorce, douée d’un principe amer, dans le traitement des dys-
pepsies, de la diarrhée, et dans la convalescence de la dyssenterie. D’après la réputation
PLANTES MÉDICINALES. 491
dont cette écorce jouit chez eux et dans d’autres parties de l’Asie, il y aurait lieu de l’em-
ployer dans le traitement de ces maladies chez les Européens.
Melaleuca cajeputi, Roxb. — Cet arbrisseau, devenant souvent arborescent avec l’âge,
croit sur tout le littoral de la Basse-Cochinchine et même dans certains marais de l’inté-
rieur du delta du Cambodge, où les eaux sont saumätres. Les différences de taille et de
forme qu'il présente, suivant son âge et les différents lieux où il croit, ont fait admettre
plusieurs espèces par les auteurs : Melaleuca minor, Sm. — Melaleuca trinervis, Hamilt.
— Melaleuca leucodendron, Lamk.
Nulle part ses feuilles et ses jeunes pousses ne sont soumises à la distillation, comme
à Java et à Amboine, pour fabriquer l'huile ou essence de cajeput, qui est utilisée en mé-
decine à l’intérieur et à l'extérieur. Il serait à souhaiter que les indigènes, qui savent
tous distiller le riz, aient l’idée de soumettre ces feuilles à la même opération pour en ex-
traire l'essence qu’elles contiennent. Ce serait le moyen de tirer parti des grandes forêts
de Melaleuca qui se trouvent en Cochinchine.
Camphora officinarum, Nees (Laurus camphora, L.). — Le camphrier, si commun en
Chine, ne s’est trouvé cependant sur aucun des points de la route que nous avons parcou-
rue à travers le Yunnan et le Se-(chouen. Le climat de ces provinces est trop sec générale-
ment pour convenir à cel arbre.
Amomum, L. — Nous avons trouvé quatre espèces de cardamome croissant dans les
forêts de l’Indo-Chine. En tête, comme étant le plus estimé, se place l'Amomum villo-
sum, Lou., remarquable par ses fruits en épis serrés, couverts de poils grisätres. qu’on
rencontre au Cambodge, sur les hautes montagnes. Les trois autres qu’on trouve dans le
Laos supérieur el même dans le sud de la Chine, quoique recueillies avec soin, sont
bien moins appréciées. Tous ces cardamomes croissent à l'ombre des arbres, dans les lieux
frais des montagnes. Aucun n’est cultivé. Dans les pharmacies chinoises, on trouve
plusieurs autres espèces de cardamomes provenant des mêmes pays el servant comme
elles en pharmacie et à parfumer certains aliments, maise Iles appartiennent aux genres :
Eletaria, Rheed. — Alpinia, L. — Hellenia, Wild.
Ici se termine la partie pratique et utile de l’histoire des plantes indo-chinoises ; il
nous reste maintenant à trailer le côté scientifique, en un mot la botanique pure de
l’Indo-Chine. Ce travail considérable, qui exige de grandes et patientes recherches et des
condilions qui nous ont fait défaut jusqu'à présent, sera traité par nous en collabora-
boralion avec M. Pierre, directeur du Jardin botanique de Saigon, à son retour d’un
grand voyage dans le Tong-king et le sud de la Chine, qu’il entreprend en ce moment
dans le but d'accroître et de compléter nos collections. En joignant ses matériaux aux
nôtres, nous nous proposons de publier la Flore de l’Indo-Chine. Afin qu'on juge de la
richesse de la Flore de cette partie du monde, nous dirons qu'elle ne possède pas moins
de 8,000 espèces de plantes, sur lesquelles 6,000 sont déjà recueillies tant par nous que
par M. Pierre.
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dans Les vallées profèndes tempéré sur Les
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dans quelques vallées.
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5 Linie nord des Diplerocarpus.
6 Région ow se recolte Le Benjoin.
7 ’ ” n. La cannelle de (lune
8 2 » La Comme gutte:
9 Montagne 0714 CEE croi la var damome
10 n 2 » la Rhubarbe.
11 Zone der Pire
12 Montagnes et monticules habités par les fauDages,
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VOCABULATRES INDO-CHINOIS
MM. DOUDART DE LAGRÉE ET FRANCIS GARNIER
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VOCABULAIRES INDO-CHINOIS
PAR
MM. DOUDART DE LAGRÉE ET FRANCIS GARNIER
INTRODUCTION
Quatre langues principales dominent dans la vallée du Cambodge et la partie orien-
tale de lIndo-Chine; lAnnamite, le Chinois, le Laotien et le Cambodgien. Les deux
premières ont été l’objet de travaux considérables et accessibles aujourd’hui à la science
européenne. Le Laotien, dont le Commandant de Lagrée avait fait une étude spéciale, et
dont on diseutait encore avant le voyage de la Commission française le plus ou moins d’af-
finité avee le Siamois est identique à cette dernière langue. En comparant le dictionnaire
laotien fait par M. de Lagrée, avec le grand travail de Mgr Pallegoix sur le Siamois,
je n'ai trouvé que des différences résultant surtout du système d'orthographe adopté.
Telles expressions sont employées de préférence au Laos et inusitées à Siam et récipro-
quement ; mais ces différences ne me semblent pas suffisantes pour constituer plusieurs
dialectes dans toute l’étendue du territoire occupé par la race Thaï. Un Siamois se fera
comprendre sans peine partout où l’on parle Lu ou Laotien et réciproquement ; nous en
avons eu des preuves fréquentes pendant tout notre voyage.
Le Cambodgien appartient à une famille de langues absolument différente des trois
précédentes. Si son importance politique et commerciale est aujourd’hui à peu près nulle,
son importance historique et philologique est considérable. Il est profondément re-
grettable que la mort soit venue interrompre les travaux si assidus et si consciencieux de
M. Janneau sur cette langue, qui a laissé une profonde empreinte sur la plupart des
dialectes des tribus sauvages de l’intérieur de la péninsule. Il serait du plus grand intérêt
que ces travaux fussent continués et qu’un dictionnaire cambodgien püt être enfin publié.
Je donne en tête des vocabulaires qui suivent, un vocabulaire cambodgien dont les élé-
ments ont élé tirés des livres de M. Janneau et de mes propres notes. Il servira, ainsi que les
mots annamites correspondants, qui m'ont été fourmis par M. Luro, de terme de compa-
496 VOCABULAIRES INDO-CHINOIS.
raison pour les dialectes des tribus sauvages. Ceux de ces dialectes qui ont été recueillis
par M. de Lagrée sont marqués d’un astérisque. À l'exception des mots annamites qui
sont écrits dans le système d'orthographe des missionnaires !, tous les vocabulaires
sont écrits dans le système d'orthographe déjà exposé page 11-12 de ce volume. J’ajoute-
rai seulement que l’x suivie d’une 4 à le son du ? espagnol ou du g», dans le mot français
gagner. Le ch devant l’a, lo ou le suivi d’une voyelle, revêt un son intermédiaire entre
kr et ti. Ex. : Chao doit être prononcé : Tsiao, Chams, se prononce 7siams, el Cheo, fseo.
On peut reconnaitre dans les transcriptions de mots cambodgiens données par lambas-
sadeur chinois du x siècle ?, la plupart des mots cambodgiens modernes. Il y a cepen-
dant des mots tels que Sin-nou, barque, Phi-lan, canot, quine trouvent d’équivalent dans
aucune des langues dont nous donnons des spécimens et d’autres mots qui semblent con-
sacrer une forme disparue, que l’on ne retrouve que dans les dialectes des tribus sau-
vages. Ainsi Pou-se, cheval, parait venir plutôt de Pe-se, qui a la même signilicalion en
slieng, que de se cheval, en cambodgien.
Le mot Bra qui a le sens assez vague de divinité dans le stieng et l’ancien cambod-
gien, n'est sans doute que l'équivalent du mot Pre, qui précède le nom de Bouddha, et
des grands personnages en cambodgien et qui vient du sanserit Phrabout, « saint, divin,
sacré ».
Les dialectes des races sauvages de l’Indo-Chine offrent peu de fixité, et dans la même
tribu, 1l n’est pas rare de trouver, à peu de distance, des variantes nombreuses pour le
même mot. Il en est loujours ainsi pour des langues que ne fixe aucune littérature et
dont la plupart ne s’écrivent pas. Aussi m'a-t-il paru utile de désigner la localité où avait
été noté le vocabulaire. Dans le tableau n° 1, on trouvera un exemple des variations dont
je viens de parler. Les mots placés à gauche, dans la colonne relative aux Soué, sont ceux
qui ont été donnés par les Soué de Saravan ; ceux qui sont à droite appartiennent aux Soué
de Muong P hong. Dans le tableau n° 11, la même division a été établie pour la langue
Lémet; la colonne de gauche renferme les mots particuliers aux Lemet de Luang Prabang,
et la colonne de droite, ceux qui sont usités par les Lemet de Pak Ta. Les Does parlent une
langue trop voisine de celle des Khmous et surtout de celle des Lemet pour qu'il m'ait
paru utile d’en donner un vocabulaire à part. Je me contenterai de citer leurs neuf
premiers nombres qui diffèrent beaucoup des mots employés dans toutes les langues voi-
sines: Ati, lahan, doc, pon, pan, les, ares, conti, sitim.
1 DR 5 eu 7 8 9
Peut-être e üt-il été curieux, comme je l’ai fait pour les Soué et pour les Lemet, d’in-
diquer quelques variantes du langage Man-lse : car dans un rayon de trente ou quarante
lieues, les tribus de cette famille m'ont quelquefois donné jusqu’à trois ou quatre mots
pour désigner le même objet, mais je n’ai pas cru que ce fût indispensable.
Francis GARNIER.
! Avec cette exception que le d conserve sa valeur habituelle, au lieu d’avoir ce son mouillé que M. Luro,
suivant en cela l'exemple du père Legrand de la Liraye, représente par 4.
? Rémusat, Description du royaume du Cambodge, p. 62.
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TABLEAUX :
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thngay »
youp »
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touc trak
phlung bleo
acos »
sremot »
phnôm nong
prey bri
tonly krong
khial »
popok »
phlieng »
kedau »
rongeer »
phkor, rontea »
menus rasum
nang »
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apouk ou
meday pe
kon pros ken
kon srey De
bong »
pon »
bong ou pon srey »
chi ta ta
chi don nang
chao pros chao
phdey »
prepon »
SAÏRE
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kamoiï
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»
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ming
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»
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drakan, kodri
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N° 1
SUD DE L'INDO-CHINE
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64
906 VOCABULAIRES DU SUD DE L’INDO-CHINE.
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CURE » » » » tem
Oreille... » » » remeui yoc napho nabo
Gheveurireere » » » khleu ol kinh dseké chekou
IDORDEEEPEEE » » » coul tremouinh mouc keup patseu memo
Ventre etre » » ” loui khtoul vophi ouma
OST » » » cheang siengang omoucou
Peau “ » » » mpour nkou oghecou chakou
IDANQUE ER » » » ntac » hathé mela
Droite eee » » » ham kaoué lacha ama
Gaucher » » » oué kasam Jamé acha
Malade" tit » » chou s0 | ml na ‘nayo
Chien eee achor achor SO sO so phou akou
Ca daess da » » Ù meo meo mimi ami
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Buffle triac tharia tharat thalat thrac kouéca anho
CREVALIE NN ché ache brang mprang mrang mgou mong
PORC CES alic ali suhong suhong lit li oua ala
CErf MERE » » » tejac kehac pos koutseu anho
Eléphant.. .….. thiang achang sang sechang kesang ho
IPS 5 one » » » revai revai la kala
Bhinocéros. ….. » » » ret het mehé nea
Can arAeere ta » » pat » » »
POULE RENE ntrouey ntoue yer yer er mouha achi
| Poisson... ... chia tea pat ka ka nga acba
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CORPS to 0 0 » touong
Bananier. .... reat preat » tout taloi pretté apo oloi
| Bambou... .... la chrong n rahang smin ouako masa
(BRUT » » » la sohong la ké so pa apo apa
AVABo 0 00000 0 » calalong » tout sohong keum ké soché apo
JPURTPS 68000 » » » rang sohong phlay ké so vi ayé
PUB 0 og ac » » » phlé sohong phli ké ichi asi
Bois à brûler... » » ) À che ke so mi da
Jèiz (non décor- :
IMAqUE) EEE » acho » ngo ngo kang cha chi checoung
| Jiz (décortiq.). » » » rongco ngo sin cha ca chepou
I EHES once » » » » » » »
Cotonseeneres » » » sai ouai sabe sapho
Etoffe. » CE » ming tong » »
labacereeeee out out » va soyan chou yako
SU 20400 06 » » » yang yang » »
Pizière » » » rna na ti mi »
Crete. rang ntrang » trahou pbor | nhou peho n
| Thé. » » » » » » »
| DRE CRE » » » » » » »
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VOCABULAIRES DU NORD DE L’INDO-CHINE. »11
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Soufre » » » mat » » mida
Core sono chanh chai » tchmeu phsé acha acha
O8 sovove » » » lagang phlang yeu kecheu
JB 0 - 00 0 ptong ktong » nkerr mpoung hi-mi houkhé
Maison tre vil dong » gang nha ye young
ARC Eee à » » rahang ac ka ka
BB cave à » » » kam tai katié chaheu
ONE 00 a ee » » » senat senat » mibeu
Couteau ee » » » » » » »
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Veste » » » tep tong ti | tang ké akong pakong
Pantalon. .... » » » mouar theo adiji lati
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Bonquerer » toua » tchelong tchelong ho pheu
Colonne. -. » » » chentrang che ye koudo kodseu
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Grand...... phout » » nam hom le houa yo houa
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(JEN-0 KAY)
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NORD DU Yux-NAN
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15
16 VOCABULAIRES DU NORD DE L’'INDO-CHINE.
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| pe RME pis RHMOUS * MOU-TSE* | KHOS*
(LAKON) GÉRGIEON) (XIENG CANG) | (LUANG PRABANG) | (MUONG LI") (PALEO)
| PRÈS KEMARAT XIENG KHONG| PAK TA
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DRASS mouei mouei moue mou mous | mos te ma ti
| Deux bar bar bar bar ar ni ma nhi
HÉROS DRE pei pei pe pe lohe che lé soung
| Quatre. ..... pouôn pouôn si pouôn poun | pon ho le he
CRTESEEETE soung choung ha pfouong pan nga ma nga
ISLE Re thpat thpac oc tol tal ko ma ko
IN ÉGsoroarte thpouol thpol chet koul poul seu ma si
LM sac thkol thkol pet ti ta hi ma hie
NÉ arcade thke thke kao kash tim ho ma hueu
| Dix. mechit mouchit Sip kan kel te chi che
IMRONZEETEE chit mouei » sip het » kel mous te chi te ma »
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CENT mo clam » hoy » » te ha »
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Million. ..... ») ») lan
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Goudecemeeee » » » sac soi te ya ti cha
Brasse... ... » » » tang top te lou ti long
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Cinorseercee » » » ) » » »
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Laotiens. . D»: » » » » » »
VOCABULAIRES DU NORD DE L’'INDO-CHINE.
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(SIENLAP)
LOLOS *
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MIN-KIA MAN-TSE
(TA-LY) (JEN-0 KAY)
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MIAO-TSE
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TABLE
DES GRAVURES ET CARTE:
CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME
Fours servant au Laos à la cuisson des poteries communes. — Coupe antéro-postérieure ...........
BplorationAuMEÉkRONEM(COUPESRSÉDIOSIQUES) ARE PETER CPC EC CE TC TC ECC TETE TE
CARTE GÉOLOGIQUE, par M. le docteur Joubert
Types annamites : réfugiés de la province de Nghe-an, résidant à Lakon, dessin de Janet-Lange d’après
un dessin de M. Delaporte
Type cambodgien : le second roi du Cambodge, dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Dela-
pOTe ARS IO EE
Rameau birman : types arakanais, dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Delaporte.
Rameau pégouan : types mons ou talains, dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Delaporte. ...
Type karen (homme), dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Delaporte
Type karen (femme), dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Delaporte................:..
Type de sauvage océanien : Stieng, dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Delaporte........
Un chef de village stieng, dessin de Janet-Lange, d’après un dessin de M. Delaporte..
Sauvage des environs de Stung-Treng, dessin de Janet-Lange, d’après un croquis de M. Delaport te.
Sauvage des environs de Ta-lan (Yun-nan méridional), dessin de Janet-Lange, d’après un croquis .
M. Delaporte
Sauvages des environs de Muong Lim, dessin de A. de Neuville, d’après un croquis de M. Delaporte..….
Femme sauvage des environs de Ban kon Han (frontière sud du Yun-nan, dessin de A.de Neuville, d'après
un croquis de M. Delaporte
Sauvage de Ban-kon Han (frontière sud du Yun-nan), dessin de A. de Neuville, d’après un croquis de
M. Delaporte
Homme et femme lissou (montagnes du nord du Yun-nan), dessin de A. de Neuville, d’après un croquis
de M. Delaporte
Types de Man:tse (montagnes du Yun-nan et du Se-tchouen), dessin de A. de Neuville, d’après un cro-
quis de M. Delaporte
Homme et femme Y-kia (montagnes du nord du Yun-nan), dessin de À. de Neuville, d’après un croquis
de M. Delaporte...
Types de Min-kia'(environs de Ta-ly), dessin de A. de Neuville, d’après un croquis de M. Delaporte....
Musulman chinois, dessin de A. de Neuville, d’après un croquis de M. Delaporte.......,..........
Un charlatan chinois, dessin de A. de Neuville, d’après un croquis de M. Delaporte. ..............
Ustensiles aratoires et textiles du Laos, dessin de B. Bonnafoux, d’après un croquis de M. Delaporte….
CARTE BOTANIQUE, par M. le docteur Thorel
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME
OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES ET MÉTÉOROLOGIQUES
I Il
ÉLÉMENTS DU TRAVAIL GÉOGRAPHIQUE. OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES.
1° Positions déterminées astronomiquement...... 1 OLA mÉGNomEll osoobooccancoscogobv5000000 18
DIR EON CES CESDoodosctonootocobonpccue 10 Doaossseptentrionaleectrerrrr-ecere- crc 38
40 Bac coudamemanoocoucococoocvoscoconose 32
4° Vallée du fleuve Bleu..................,... 66
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
INTRODUCDION ee Reel ein ni nee 73 20Cochinchineretel anse cercreecrrereccreie 129
S Ier. — Roches cristallines.................... 130
I $S II. — Roches métamorphiques............... 132
; Re S III. — Schistes anciens et grauwacke.......... 132
OROGRAPHIE. ............, Ooodcocoocee 000000000000 15 :
S IV. — Terrain dévonien............. 60600000 133
II $ M. — Terrain triasique...................... 135
$ VI. — Roches volcaniques.................... 139
NINÉRAIRERE ere eRR rc C-cCLeccre 000000000000000 SNS VITE Terraintertiailes--e-ee-rr--e-r-rrce 140
$ VIII. — Terrain post-terliaire.................. 140
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GÉOLOGIE. ......, DDosocOb00coobAb000Seu0 0000600 ba 115 y
ACRiIN EEE eee Ib een e see de 116 | MÉTALLURGIE ET MINÉRALOGIE ....................... 145
& Ier. — Roches cristallines...... sanalne ss tente 117 4ACochinchinetetea0se-Eeeeeeereckrehececte 146
$ IT. — Roches métamorphiques.............. HO M (Dmnaeoocvonvooc bonosoovanasa0odvo sudo 156
& III. — Terrain dévonien.......... ne sels cle 420] S$ Ier. — Province du Yun-nan.................. 156
S IV. — Terrain triasique....... 000000000000000 122| S II. — Province du Se-tchouen................ 165
$ V. Fi post-tertiaire........,.,..... . 1251 $S II. — Provinces au sud du fleuve Bleu........ 167
IT. 66
D22 TABLE DES MATIÈRES.
TRAITÉ DES MINERAIS ET DES MINES
[ SN SDesimines diargenteeceeeecbereeeecrre 227
AVANT-PROPOS. ..... bacbaobobosco00s du one ondpone 173 SE ts nes dlon, Gé, (Dee @f Ge
NOTIONS GÉNÉRALES. « +. eieio omis o eee oies = = = sisi elles ee 175 fers. "ee"; "CUC 0 230
S Ier, — Des indices révélateurs................. 176 1V
$S IL. — Des galeries de mines......... ........ 371
MIE = HE On odsocccosoncobocoodoncouoc 177 DES DÉPENSES DU TRÉSOR PUBLIC.
$& IV. — Des minerais.......................:.. 179 :
SV Destfoyers-eecree-el tee LE Cire 1 RS RES Fans pour l'achat et le transport du D
8 VI. — Accessoires des foyers.................. 182 a Pal s US ARR " nr 1 DA 256
8& VII. — Des instruments et des vases enterre.... 182] * RE AE CHSOP'OPES re
$ VIII. — Des dépenses........ nt career 183 RE LENS NOR SAR RAS
; e : .| $ I. — Surveillance et contrôle des opérations
S IX. — Des ouvriers des mines................ 185 AS M Ne D Ne A7. ou
S X.— Des fonctionnaires... . .... HARAS 186$ 1V. — Tarif des ÉPANSPOTIS Pere Reese cree 243
8 XI. — Des règlements........................ 188
SX == Des défenses eee e-cccrecrerece 190 Y
SXIT = Des malheurs ee -rerree-ce-rrcrcec.e 190 : :
SXIV. — De l'emploi de certaines locutions........ 191 DES TRANSPORTS DES MÉTAUX À PÉKIN.
$ XV. — Des CORTE de substance..." ne S Ier, — Distances etitinéraires.....,....... oo00 NA
SXVI. — Des sacrifices. ......................... 192 8 II. — Des barques affectées aux transports. .…. 955
Il $S IT. — Des pertes subies pendant les transports. 258
DRE TON Ge 06 AE NE ENR, $ IV. — Des atténuations de dépense............ 259
S [er — Du traitement du minerai d’argent...... 195 VI
5 NE MG Ie pin 60 Fhoies SA pos ce DE LA FABRICATION DES SAPÈQUES. . c.sessneessosvensee 20
les montagnes et du traitement des mi-
Merals TeCUIVTERereelelteeeerlere 201 VII
& II, — Des modes d'extraction et de traitement : Len
a QE AA ù DE LA FOURNITURE DU CUIVRE AUX AUTRES PROVINCES. . ... 263
des minerais usités dans la province... 204
III VII
à MÉMOIRE SUR LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS DU SYS-
DE LA PRODUCTION EN MÉTAUX DU YUN-NANe « 2 a Nes
TÈME ACTUELLEMENT ADOPTÉ POUR L'EXPLOITATION DU CUI-
SMIE = Des mines de CUIVre ere eme ec rc ee 217| VRE DANS LE ŸUN-NAN, PAR OUANG TA-I0.... 0. 0 0» « .. 265
ANTHROPOLOGIE
AVANT-PROPOS. « ee» » + booooudodbdooansaocouv6co6o 285, S III. — Race noire, rameau oriental ou malayo-
Division des races de l’Indo-Chine................. 287 polynésiens. Re booodboon . 31
& Ier, — Race mongolique ou jaune.........,.... 290| S IV. — Race brune ou rameau noir de la race
$& IT. — Remarques générales sur les Indo-Chinois CAUCASIQUEE EEE eee LE 0000000006 324
de race mongolique,.......... 000000 306| SV. — Populations mixtes du sud de la Chine... 327
SONT = (DnmTOEbocooocagoocouvaocoucodoodovos 1331
AGRICULTURE ET HORTICULTURE
IRdmBriEbHoocucooosdoooconodossadoovcoooosooo 337] S IT. — Climatologie agricole de l’Indo-Chine.... 346
I & III. — Labourage..................... sos JD
CONFIGURATION ET NATURE DU SOL CULTIVABLE DES DIFFÉ- SONG LNEETAONS CEE none aus AÉE a
RENTES CONTRÉES DE L'INDO-CHINE. — CLIMATOLOGIE. — $ V.— Bestiaux et animaux domestiques....... 360
INSTRUMENTS AGRICOLES. — BESTIAUX ET ANIMAUX DOMES- $. VI. — Pâturages, prairies et plantes fourragères. 378
TIQUES. — FOURRAGES, PATURAGES, ENGRAIS. $ VII. — Engrais et amendements............... 381
& Ir, — Configuration et nature du sol cultivable S VIII. — Assolement et jachères................ . 383
denliIndo=Chineer eee CCE CCC R CE 3431 S IX. — Eaux et canaux d'irrigation............. 386
TABLE DES MATIÈRES. 523
SX. — Orgauisalion de la propriété......... ... 388
ë ; à Ê à II
S XI. — Coup d’œil général sur l’agriculture indo-
chinoise......,..................... 389 ARBRES FRUITIERS ET PLANTES A FRUITS. — LÉGUMES
II ET CULTURES MARAICHÈRES.
; $ Ier. — Arbres fruitiers et plantes à fruits. ..... 443
PRINCIPALES CULTURES PRATIQUÉES EN INpo-CHINE. — Cé- te :
à 3 $ IL — Légumes et cultures maraichères....... 460
RÉALES. —— PLANTES TEXTILES. — PLANTES OLÉAGINEUSES.
— PLANTES TINCTORIALES. — PLANTES FÉCULENTES. — IV
PLANTES COLONIALES.
FORÊTS. — ESSENCES FORESTIÈRES ET PRODUITS UTILES
S Ier. — Céréales... DO0HVOn0bo0d AG 000006OE 391 DES FORTE PLAN ee ES ral
SAT Plantes textiles. sentence ere r ere ere 406
S III. — Plantes oléagineuses.................., BA]. 18 1 SM te ooocooccacoocdeodouvoovovuoaoac 469
SMIVA=Plantesitinclonialesse. te mer een 4221 S Il. — Essences forestières. — Produits utiles
SV — Plantes SACCHATITÈLES =. eme es 428 destorctsheerrreceetre-cere Jacobca 470
S VI. — Plantes tuberculeuses et féculentes...... 432| $S IT.— Plantes médicinales remarquables de
ENIEENES Cons o00000v00a0a0000000 437 l'Indo-Chine..... AO UU 0000000 E 488
VOCABULAIRES INDO-CHINOIS
INDRODUCDIONE eee cena bilans nie els 05 S Il. — Vocabulaires du nord de l’Indo-Chinc... 508
$S Ier. — Vocabulaires du sud de l’Indo-Chine.... 498
HAE PHRDESMGRAVURESIEDIC A RDES etes emtele sbieee elle eee ui sil as cles se nide eee ce ne eee 519
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU SECOND VOLUME.
Consez, typ. et stér. de CRÉTS Fies.
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