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O Y AG E
L D U s I E U R.
TPAUL LUCA
FAIT
PAR ORDRE DU ROY
DANS
LA GRECE, L'ASIE MINEURE,
LA MACEDOINE ET L'AFRIQUE.
i
Contenant la Defcription de U Natolie , dcû
Carâuianie , & de la Macédoine.
A PARIS,
Chn NicoLiis StMART, Impr-mcur
de Monftignciir le Dauphin , rue Sauit Jacquej,
au Djupbin Couromié.
M. Dec. X 1 1.
I^£C APPROSATtON £X P&iyUEGE DV ROf,
U R O Y
IRE
Toutes les Nations con-
tiennent qu'eUes doivent à
'ÔTRE MAJESTE' un
ilitU ^admiration. Mon
à
E P I T R E.
z^le ardent pour fa gloire me
ferfitadequ ellesne luidoivent
pas moins l'hommage de ce
quelles ont de plus rare. Tout
[Vnivers, S I R E, ambition-
ne de fatisfaire par lui-même
à la première de ces deux obli-
gations i ef j'aj oféme regar-
der comme charge' d'acc^uit-
ter de la féconde , du moins en
partie , les Peuples les plus,
éloignés. Dans celte 'veu'é,fa^
parcouru plus dune fois , t<i
Grèce , (Afa mineure , la
Perfe , la Syrie, l'Egypte , (^
l y^frique.fyai ramaffé avec
beaucoup de perds un grand
nombre de MedatUis,de Pier-
res gravées , de ManufcnA
TTR]
iciens,(f d'autres mrioptez,
utiles , qui ont trouve' place
dans le Cabinet (^ dans la
Bibliothèque de VÔTRE
Majesté".
oMais, SlREjleJldes
raretezj qu'on ne feut [aifir
que pat teffrit , (^ com-
muniquer que far le dif-
tours ,■ 0' comme elles ne
font pas moins precieujês que
les autres ,j'ayea grand Join
de les recueillir , afin de les
offrir auJJÎ «î V ô T R E MA-
JESTE'. Ce Livre , S 1 R E,
que je prens la liberté' de vous
prejènter , les renferme.
Que ne fuis- je affe^heu-
tmx^purrecevoir de Votre ■
E PITRE.
Majesté' tordre i _
1er augmenter le nombre , (§
de m' exfofer four fin firvice
à de nouvelles fatigues , £5" à
de nouveaux dangers ! Cejî
ià,SlKE,le plus vif de mes
de fis s (^ ce defir fi jufle efi
l'effet naturel de l'attachement
inviolable , (^ du très pro-
fond refpeU avec lequel je fii.
rai toute ma vie,
SIRE,
DE VOTRE MAJESTES
Le très humble, très obeïC
Tant 6: très fîdel fujec.
Paul Lucas.
2> E M. f*'.
îi E fécond Voïage de M.
V"-*! Paul Lucas aùnc été
^^^^ plus long i s'étanc fait
=* dans des Provinces plus
renommées, & fe trouvant beau-
coup plus .circonftantié que le
premier , on a lieu de croire qu'il
ne fera pas moins de piaifir au
public : & quoique là dellus on
ne veuille pas prévenir fes déci-
dons , ni même lui donner au-
cuns préjugez favorables ; cepen-
dant l'Auteur pourroit en quel- -
aue façon , furie fuccez de l'un,
ie promettre d'avoir réuifi dans
l'autre : parce qu'attaché unique-
ent à rapporter la vérité , il ne
■flé pas de nous y apprendre
iafinité de chofes , non leu-
I
PRBF j4CE.
lement nouvelles & curieu/ès'
mais même très incereflantes , i
qu'il étoit bon de ne pas ignf
rer.
La ledure des Voïages eft cod
jours utile. Capable lèule d'infti
re les bommes , des coutumes
des manières d'agir de leurs fei
blables dans des pais differensdi
leur , elle ne manque jamais d
délivrer leur efprit de la plûpa:
de ces opinions vulgaires quel'
gnorance ou l'éducation y fon
naitre:8c fi,pour la rendre recom
mandable , il falloicencore joii
dre les authoritez à laraifon ,
feroit facile d'amener fur les ranj
les plus grands perfonnages
l'antiquité , qui l'ont ou confei
léedansleurs Livres, ou approi
vce par leur conduite. Nous troi
verions même parmi les Modei
nés un grand nombre deSçavan!
qui n'ont perfeiflionnë leurs con-
noiiîiinces qu'en fe tranfporranc
dans les régions les plus élov
J
PRËP ACE.
gnces. Si l'on dit qu'il y a une ex.
trême différence entre parcourir
Je monde (by-même , fie lire les
relations de ceux qui l'ont par-
couru ; cela eft vrai , nous l'a-
vouerons: mais en quoi confifte-
t elle? Le voici : celui qui lit une
relation , fans travail , Ôi le plus
ibuvent avec quelque plaifîr ,
profite des lumières qu'un Voïa-
geur ne s'eft acquilès qu'avec des
peines, & ens'expolant àdesdan^
gers infinis.
On ne peut faire , ce me fem-
ble , que de deux fortes devoïa-
ges i les uns dans des païb abfo-
lument inconnus , que l'on dé-
couvre , & dont tout ce que Ton _
rapporte peut paiîèr pour nou-
veau i les autres dans des lieux,
connus à la vérité par les An-
ciens , mais dont le gouvernement
eft changé , ou que l'éioigne-
ment retire en quelque faijOn de
nôtre veiie. Mais je me perfuade
^aue toutes les pcribnnes de boa
PRET ACË.
fens , fè déclareront toujours poi
la féconde efpece ; il s'en trouve-
ra peu qui n'aiment mieux lire
des éclairciffèmens fur les Au-
teurs Grecs & Latins , des ad-
ditions à l'Hiftoire Grecque ou
fàcrëc , ou la coniîrmacion des
traditions anciennes , que la bê-
tile d'un Sauvage du Miiîîfipi ^
ou les cruautez d'un Iroquoisj
& la railôn , ce me femble , ea
eft claire: les chofes ne nous font
utiles ou defavantageules,£icheu-
iès ou agréables, qu'autant qu'el-
les nous touchent ; or qui peut
Jîier , que les évenemens de l'Hi-
ftoire Romaine,Grecque, ou mê-
me Perlàne & Arabe , nous tou-
chent infiniment plus , que ce
qu'on nous rapporte des terres
nouvellement decouvcrccs? Je n'a-
jouterai point que les Voïages de
M. Paul Lucas i'ont de cegenre^
que nous devons regarder com-
me le plus utile , fie le plus inte-
reflànt : leur titre même le
t^
moigne aflcz ; &: tout le monde
fçait que la Grèce , la petite
Afie, & l'Egypte font les parties
de la terre les plus célèbres.
Mais pour donner l'idée qu'on
doit (è fornier de ces Provinces,
nous dirons , qu'aïant été pen-
dant fort long- teins le théâtre
des armes Romaines, elles ne tu-
rent gueres plus en repos depuis
la décadence de l'Empire. LorC-
que les Sarrafins d'un côté , les
Turcs de l'autre , d'abord liguez
contre les Chrétiens , enluite
acharnez les uns contre les autres,
eurent pris la rcfolution de s'en
ffendre les maitresiil eft difficile
de comprendre à quels maux , à
uel carnage elles ne furent point
xpofées, Les Croifades , quifuj-
rirent peu après , ai.hcvcrentdc
j}es ruiner : entin les Ottomans,
"demeurez vititorieux , s'en lune
confervez la conquêre ^ &c les
gouvernent encore à prefcnr,
Comme ks principes delà pgu
1
i
PREFACE. ^
les Mahomecans ( les Dogmes de
de l'Alcoran & de leur craditioi
à parc) on fe permet une libei
entière , foie de lire , Toit de pe
fer , foie de publier fes imagin;
tiens ; & puifque refpric humai
a toujours aimé Ja diverfité d'oi
cupations & le changement ,
peut croire, ians appréhender
îè tromper , qu'ils ne s'appliquei
fas tous à la même choIè : d'c
on conclut que les fciences ,
Stamboul comme à Paris, à Broi
fe comme à Leide, ou fleurilfei
de la même manière , ou foi
iêulement pouffees à divers d)
grez, (èlon l'étendue des divei
génies qui les cultivent. Qui
olèra dire àprefèntque ccsIUu.
ftres Provinces font en cela beau-
coup inferieuresaux nôtres?Tou-
te la différence que l'on y pour-
roit trouver , eft qu'elles n'ont pas
la commodité de l'impreffionr
mais 11 les bons Livres fc fonc
toujours coonoitre , quel avaa^
tage au concraire ne recirenc-el-
les point de ce prétendu défaut,
leurs fçavans ne volant point de
Livre en Livre , &: n'etanc par
confequent point accable?, parla
leclure de mille fadaifcs, ni obli-
gez de voir autre cliofc que ce
qu'il y a de meilleur dans le gen-
re d'étude qu'ils fe lont choifisî
Apres ces reHexions, on ne fe-
ra plus furpris fi M. Paul Lucas
traite quelquefois de l^^avans le.>
Religieux du Mahomenfine j
puifqu'ils peuvent être en même
tems , très habiles dans toutes les
Icienccs feculieres, & fort atta-
chez aux dogmes & aux opinions
que leur ont prêché leurs pre-
miers Dodieurs.
La nouvelle Relation contient,
cerne iêmble , quantité d'Hiftoi.
res qui feront plaifîr au Lecleurj
car fans mettre de ce nombre
quelques narrations , dont le fu-
jef eft de luy même diverriflant,
on y trouvera fur les Turcs ^ fur
les Drufès , fiir une bonne partie
des Villes de la Natolie & de
TÉgypte mille particularitez dont
.perfonne n'a jamais parlé. Les
Mémoires de Tunis doivent eux
fèuls pafler pour un morceau ex-
quis 5 & je crois , qu'outre leur
nouveauté , il fèroit difficile d'en
trouver de plus remplis , & d'é-
venemens plus confîderables.
Pour les Infcriptions, M. Paul
^ji'a pas jugé à propos de les met-
tre dans le texte 5 parce que la
plupart étant mutilées ^ il étoit
impoflîble d'en donner des tradu-
âions fuivies. D'ailleurs ce font
de ces chofes qui ne regardent
que les S ça vans , & par confe-
quent ài^s gens qui n'ont aucun
beibin qu'on les leur traduile.
Nous mettrons ici les Epitaphes
du Prince & de la Princeilè Te-
Jkely. M. Paul \ts aïant eues à
ion retour de la Natolie y avoic
oublié d'en parler dans (es Me-
xnoires 3 de iorte qu'elles n'oaç
PRMFjiCK
pu ètxe mifes , â leur rang , après
celles de Nicomedie.
Epitaphe du Prince TEkELi,
Hic requiefcit ab heroicis lahoribui
CelfiJJîmus Daminus Emericus The^
kely de Kefinark^
Hunyiri/e & Tranjfylvani/e Prin^
ceps y
V^ir à rébus fro ajferenda fatria lU
bertate fortiter gcfiis
Totà Europà celebris.
Sed pofi varias fortunée cajus tandem^
extorris
Jnter if fa renafcentis Mungaric^e li-
bertatis primordia
Exila fimul ^vita finemfecit y
Jn Afik ad Nicomedienfem Bithy^
niajînum
Infuo Elorum campo.
Obiit armo falutis 1705. 13. Sep^
temb. atatis j^j.
/
Epitaphe de la PrincesjJ
SON Epouse.
Jiic requiefcit ab Meroicts laéoi
yiriiis animi mulicr , fexùs fui \
feciili gloria^
Celfifjîma Domina Helena Zcrim
Zerinite atque Frangîpania: gei
dccus ultimum^
Thekelii Princifis uxor , olii
kotzii-^
U troque Mzna conjuge,
l^ayiis apud Chroatas,Tran(yhÀ
nos , Mangaros ,
Sîcalos inclyta titulis;
Taclis ingentihus toto in orbe clari
Varios tequà mente fortune
experta ,
Parprofperis , major aiverfis.
Çumulaiis Cbriflianà. pietate bcllik
laudibus ,
Fortem X>omino reddiditanimarn^
Mortem eluBata in fuo Florum^
campo ,
'Ad 2^icomedienfim Bythyniie Jînm
mmofalatii\-jos. atatis éo. die %.
iebruarii.
Les armes de cette courageufe
Princeflè lônt fur iâ combe i6c au
bas l'on a mis ces mots, domcre-
fnriat.
Comme M. Paul a auflî parlé
fort honorablement du R.P.Befl
nier, peuc-êtrequc quelques-uns
de (es Confrères, ne fçavent point,
êc feront bien aiiê d'apprendre le
jour de fa mort ; elle arriva le 8.
de Septembre à dix heures da
foir lyoy. & il fiit enterré le len-
demain dans l'Eglife de S. Benoîc
avec un concours extraordinai-
re.
Au refte l'on ne doute point
qu'il n'y ait dans ces deux volu-
mes beaucoup de chofes , dont
la fingularite expofera l'Auteur
à la critique. 11 fe trouve par tout
de cette efpece de gens , qui
n'aïant eux-mêmes jamais rien
, jugent hardiment du rnond^
entier par quatre Villages qu'ili
connoiflent : mais leur cenfli-
re paflèra toujours pour injufte,
des que l'on fçaura que c'cft par
l'ordre même de Sa Majeftéque
M. Paul Lucas a entrepris ces
longs voïages. Il receut pour ce-
la les inftruiflions en même tems
que M. Favre & M. du Roule
' receurent les leur , l'un pour la
Perfè , l'autre pour l'Ethiopie :
mais ces deux Melïîeurs ne fça-
voient point voïager : M. Favre
s'étant vanté par tout , qu'il al-
loit établir en Perfe un gros com-
merce , Tes paroles Jèulcs lui at-
tirèrent de la part des autres na-
tions mille traverfes , dontroiu
vent il ne s'apper^cvoit pas, mais
qui enfin n'aboutirent qu'à la per-
te de fa vie par le poifon. L'cm-
poironneurfutun nommé Daouc,
îcelcrat , accoutumé au métier
depuis long-tems , 6c enfin recoiu
nu pour tel par les Anglois ^auf-
quels il n'avoit pas laiue de re;
i
k
drcauparavanc quelquesfèrvices.
Pour M. du Roule il montroit
dans là marche un fafle qui l'a
fait aflâflîner. Quelle apparence
de pouvoir , accompai;nc de 6o-
Chameaux chargez de preJens,
&: avec une fuite magnifique , tra-
verièr des pais -donc tous les Peu-
ples font également milèrables Se
barbares >
M. Paul Lucas , s'eft trouvé
cent fois dans des répons auffi
pleines de dangers ; Von verra
même dans ces deux volumes
la defcripcion de quelques-uns ,
où il lui a fallu paier de fa per-
fonne: mais il s'cft tiré d'un bon
nombre d'autres , par le grand
ufage , Si laconnoiflance qu'il s'eft
acquife des mœurs de prefque
toutes les nations. Si l'on le raie
une habitude de tout , 35. ans de
<voïages ont pu l'y accoutumer ,
& certainement lui en ont donné
quelque expérience. Ajoutons une
cholê i il eipere que pour la re~
PREFACE.
compcnlê de tant de travaux, fil
l^dtcurs lui feront l'honneur de
Je croire , au moins en ce qu'il
le dit avoir veu lui même : le men-
fongc fe trouve toujours facile,
nient, &il n'y a que la vérité pour
laquelle on veuille iê donner tant
de peines.
B TABLE
|[ DES CHAPITRES
Conienus dans ce premier Volume.
CaA?.ï. T% dite de Parts à Conjla».
J\. timpU, page I
Chap. 1 1. Arrivée a Conjfarttinaple. Hi^
fioirt du Quifeltr Aga. Dijfèrend dt$
t François & des Anglots. Portrait du
Grand Seigneur d'aprefent. Ftti dti
Chrétiens Schifinati^Hes, 16
Cha^. Il L Dépo/ition du Grand f^ifir,
RijoH'^ance a ConftaniinopU pour Is
«aijfance de Monfeigneur le Duc de
H Bretagne. Oppojitiom du nouveau VL
■yS'r. Rejîfiante gemreufe des Frartfoil,
E
Çhap. I V. rodage de Conflantinople k
yirtaejHi & *ntx ruines de Cyii^ue t
defir'tption de ces ruines. Petite Ijle vis.
L Ti.vis Cl Port. Traditions des Grées.
H-
^■C^AP- V. Feyage de Cen^antinoplt ame
'^ nanti df Calctdtim* Avmtnrtt dt Jo^
TABLE
fifh Bey BU d'nn Vifir à'Aïgtr\
Chap.V I. Souftr chtl^Monfttur H^
haj?adenr de France , fmvi d'un CM
cert. Singulière Ordonnance du Grau
Seigneur. Hîjfoire d'Adr amant Pach.
Vtfite rendue au Kadis Leftjiter de i
Natolie, Cotiverfarion Turque ehi
Aionjîeitr i' yimbapadeur. 4
Ehap, V ir. Nicomedie. f'ifite che^^jl
fen Pacha , & le Prince Te^ueU Hot.
^roU. Purtrah de Mademolfdle Caihi
rine Hongrelfe. Tomheatt trouvé. Dej
cription de l'Arbre Coucouvia, Hlfi«
re de (aime Barbe. OJfemem extraordi
«aires. Infcriptions, y
dîAP.V II ï, -Dcfcripilon de Nicomedii
fijîie rendue au Pacha. Courtoifie ett
fimmes d'auprès delà. Qualité de l.
fontaine de Quenarfau. Coutume de
Turcs, Caraga- Jument autrefois grand
Ville, Defcription d'un Pont. Anlmam
du pa'ii. £j
Chap- I X. Fontaine merveUleufe. Me.
declnes données au Pacha & àfon Eu.
fiucfue. D'ffèrens fUlaga. Caramoufal,
2<^!cée. Defcription des ruines de cettt
Ville , & de quelques Statues, Infcri.
pilon . y^
Chap. X. Vifiie d'une Chapelle ruinée,
L4C & poijfoni partieuliers. Miracle
d'un
PITRES.
inn Eviijae d'jirminie, Sj
Chap. X 1. DiffiTtm foulages, jirrivttà
Broujfc chez. U Pacha. Infcnption, De.
fcripiîon d'une montagne voifine. j4h-
tre m^magne. Tremblement déterre, ^o
Chap. X I 1. Convtrfatio» avec des Der.
vis. Hijioire de FUmmel : il eft encore
vivant. Infcripiim, Prifen : puits peur
les A^alfaiiean. Nouvelle com/erfatïon
4tvec l'un des DervU. 9$
Chap. XIII. Suite du vt'iage. Ment
Domaliè. Cutayé. Vifise rendue ait
Mofallem ; ce que c'eji. Guerifin du Se.
Utat du Pacha. Infcrï plions. EgUfes
Arménien/Tes. Fables fur S, Georges.
Chap. XIV. Rtnctntre de voleurs. De.
Jiriptian de la faille cCE/kjcher. Eaux
chaudes. Poijfan de la Rivière appellêe
Sacari. Infcriptions. 117
Chap. X V. Suite du voiage. Inferiptioni
dont un Couvent d'Armement auprès
d!Angoura. Séjour dam cène faille. In-
fcriptions trouvées, Sechertffe du Paï)>
Pierrt miraculeufe. Château plein d'ar.,
mes anriijues, Hijioire d'un voleur. Au-
trt hijioire d'une fimme ^ui venge fort
mari, iji,
CBAF. XVI. Peine peur avoir tinfcri.
ftioti. Elle efi difertnte des imphiatet.
Tome I. «i
i
TABLE.
J^efcrlptlontC Angonra.Son câmmerce.i^
Chap. XVII. Suite dn roUge. Rencon^.
tre de tfHelcfues Turcomans. amitié faite
4vec un Cherif. Ruines ignorées, f^illt
d'Eskicher^ ffagybeftage j /i MofjHie:
Livres du Santon fin Fondateur. ChaUm I
diere d'une grandeur extraordinaire. Ri"
vicre d'Ermaq. Pyramides. Fables fur
ces Pyramides. i'55
Chap. XVIII. Belle vallée. Arrivée à
Jngefçu» Concours au nouveau Medecirté
j4mitie'^d'un Emir. Compliment d'un
Turc qui vpuloit ff avoir faire de l'Or.
Converf^tion avec un Dervis. Defcri^
pion de Cefarée ; fon commerce. Tom^
beaux Perfans. 167
Chap. XIX. Jtrrivée à Jngefou^ Kara^
hifar qui eft P ancienne Ville de Cappa^
doce. Nigufdée. Defcription de ce pa$s%
Ereigle. Montagne finguliere. 180
Chap. XX. Arrivée a Cogne. Réjoùif^
fancequi s* y fait. Defcription de la ViL \
le : figure d'Hercule ; Tombeaux de
jMouUac Onker. Hifloire du Moullac
& de l'Evçque Epfepifon ami. Tradin
tion des Chrétiens du pais là^dejfus^ con^
traire 4 1^ opinion des Turcs. Infcriptions.
Ç^KV* XXI. Suite du voiage^ Angoura^ i
Scut^ripfLçtouraConftaminopU. xq^
T>ES CHAPITRES.
Chap, XXII. arrivera CenjlArUÏMfU,
Mort dn Pacha Adr^mant. CeùtHmt
foHT ItftH. Entrée de F Jimbttjfddew de
rtnife. Naiftnce d^»n Fih du Grand
StigtKUr. iQf
Chap. XXIII. T^ifite rendue ah Grand
f^tJirparM. l'AmbtJfAdmr de Fran-
te. PartUnUriteT fur Ut Chrètient &
Ut Jmfi de Confiaminopif. Depêjîtion
dm Grand Viftr, Meffe dite fur CAm.
rsl. Arrivée du ya'Jfeait du Capitdint
Martin. iij
Chap, X X IV. Sertie de Ccnftantineplt
& fuite du voiÂgi. Infcriptionsa Bour.
^»rs. Ala^rs des Twa.Mifere des Chri-
lient. Toques. Injirumeni pourfeltr &
battre le bled, ng
Chaii. XXV. AndrinopU : ftt Rîv'frei t
fa hanttitr du Pote : fa pnfe par Soti^
tnan. Suite du viiiage. Chrétien! SmL
, femmes de te païi femhUblej tl
'j Bacchttniet: Phi/ippopofU. Chrétiens
: : Juifs. Guerifon d'une filU
Urée f Me. tjj
lï. XXVI, Suite du vèiage : boni
•ju .■ tourteaux, & cuves extraordinxi-
l. ïnfeription finguliere. Colores , Re-
Igitiuc Greei. Bafeou MoaaJIere. /j»a.
•ft delà Vierge, Montagnes de Jongou,
i
fUur/îngulitre.
«•«
TABLE
Chap.XXVII. Suite duVoyage.Mei
tagnet de Parcelly ^ de ChiroucoHvi/è
de Bream'ifen delly , ttr d'Efiatjué.f^
Uge de Pachamacly : Turcs qm l'hsi
tent : leur langue, Aioniagne de Chai
rou : fiantes jîngulierts : Arbres extrt
crdinaires appelles. Occhez. Mentagi
de Tourienne, Teshour, Hardes. Rtvi
re de Carafeu. Drar/K : Bnfle d'Hera
it : Horhge : InfcriptionS. 14
Chap.XXVIII. Ruines de ce qu'on tq
pelle l'ancienne Fhilippes, Orphen. Si
lotiique ; fetarcs de triomphe ; fes Mt
quiet i fei EgUfes : fainte Sophie : tm
heiiH d' Euiyches. if
Chai'.X X I X. Relation du Mente faM
c'e/}-à-dire du mont jirhos. z4,
Chap. XXX. Suite du vnage. Fiai
de Afagregario. Lar'ijfe ou harzj ; h
viere de Sulefnbria ou Licoufium. Pi
nomens extraordinaire, faille de Zi
ton :fa Rivière. Boé-relief: Infcriplios
%
Chap. X XXI. P^iUage de Stilida. Ai
'aie a Negrepent ; particulantez. du fi
& reflux de cette Mer ifui eft l'Eurii
Athènes ,fa fltuatton. Retour à iVifçi
pont. I/le & Paille d'Andros , Hijit
de cette nile.Infcriptions. %
Chap. XXXfl. Suite du voiage. L'L
DES CHAPITRES.
de Chio. Réception du Confitl françùt-
la peur de taure U rille. Hifhlre de l'Ifle
de Chio : Grecs du rit latin perftcMez,
pxr lei Grecs Schifmati ânes. 15 j
Chav.XXWW. Retour a Smyrne. Suite
Jm vàiAge, Les raines de Sardes.Camp
de Darius. Laodicé. Le Méandre. Lmc
autrefois habité, arrivée à Satalie,
Dtfcription de cette faille , traditions de
[es Habit ans. joi
Chap. XXXIV. Suite du volage, Sparte,
Aiontagnes ^Aglafon Bty. L'ancienne
Sparte. Efdave Lorrain racheté. G»f-
rifon d'un Hydropt^ue. jitf
Chap. XXXV.yiUe d'fgridl.Gueut Igrl-
di fon Lat. Le mont Tdurm appelle
BoHgali DagUr. Le Lac Bey Charry^
Cogne, Cotiful d' j^ngleterre pour Ale^
mon de pefte en chemin. Infenptions 51^
CuAp. XXXVI. Turtemans , leur vie
de Brigands. Rencontre de voleurs. Bruit
de mort répandu. Jl^
C H A p . X X X V 1 1 . Lieux délicieux, jida-i
na : Defcription de cette faille : fon
climat. Mont Taurué , appelle Laiajfi,
Infcriptions. Traditions de ces pais pour
le Prophète Daniel: autres Fables, jjj
Chap- XXXVIII. Autre Momagnevoi-
ftne de Tarfe ■ Ville de Nemrod : HU
"Ww plaifanie fur les Céans tjui Pha-
TABLE
bit$lent. ||^
JChap. XXXIX. Suite du vdUge. Hh
ftoire d'un ancien Médecin, -^ntioche^
^lef. Rivière d'Abraham. Chien ex*
traordinaire. Sidon.Jaffa ^ traditions dt
ce pais. ^^x
Fin de la Table des Chapitres»
»
AFFROBATlùIf.
J'Ay lû par Votdre de Monfeigneur le
Chancelier , ce dernier Voyage de M.
Paul Lucas , & je Tay trouvé Çt remplx
de chofes curieufes , que j^ay crû que
rimprefCon en plairoit beaucoup au
public» Fait à Paris ce 19. Avril 1712*
RAGUET.
VOYAGE
VOYAGE
ou 51EUR. fl
PAUL LUCAs"
fc ,. J)^NS L'ASIE MINEVRE^
HAk l'^ffriqae & autres lieux.
I ^
F à
CHAPITRE PREMIER.
^oute de Parti à ConJî,i»tinopU,
E partis de Pari:
d'Odobre de l'a
le quinzième
née mil fcpt
cens quatre ; j'avois avec moi
un jeune garçoii de onze ou
douze ans , que Monfieur le Comte de
Ponicrurtrain envoïoit pav ordre de Sa
Majefté à Conftantinople', pourappren-
Jce le Turc & l'Arabe , en qualité d'Eo-
£im de Langues, c'eft ainfi (\U£ Vou
I
t
1 P'oyage dans V Ape mmmre^
nomme un certain nombre de jeunes
gens que Sa Majeitc y fait [otljours
clercr pour Tervir dans la fuite de
Trucheraens , foie aux François qui
commercent dans les pjïs du Le-
vant , foit à la Cour loriqu'ils revien-
nent chins leur patrie. L'on a tron-
vi cemoïcu le plus Al r pour apprendre
à pailer une langue é[iani;ere, car il cft
rare que pac la feule étude du Ca-
binet on en fâche jamais le tour & fur-
tout l'accent , ce qui eft pourtant d'une
neceOîté abiolut-. Ceux qui voïagent
comme j'ai fait, le (çavent par expe-
rience , &ceux qui polTedent le mieux
par théorie les Langues étrangères , n'en
fçauroient difconvenir.
Nous arrivâmes à Marfeille par les
voitures ordinaires le \\ du même moisj
mais le convoi qui devoit partir pour le
Levant n'ctoit pas encore prêt, & nous
fi}iBcs obligez d'y demeurer jufqu'au
5 de Janvier, que l'on s'embarqua.
Nous nous mîmes fur le Vaiffeau ;
pelle Nôtre- Dame , commandé
Monlîeur Guion, Ce Vaifleau étoit m<
té de trente -quatre pièces de Canon^
avoit deux cens hommes d'équipasje^
6 devoir fervîr d'cfcorte au couvoi da
Levant, qji étoit d'environ vingt-cinâ
Voiies,
rjIffA'efue & autres lieux. j
JMbfi aïant veu le vent fovôrable nous
nous éloignâmes du Port :& après être
reftez en penne jufques à deux heures
après midi pour attendre quelques-uns
de nos Vaiflèaux qui n'étoient pas enco*
re en éwt , nous fîmes route vers l'O-
rient , au nombre de vingt-Hx tant Vaif-
feaux que Poulacres.
Mais le vent ne fut pas long-tems fans
nous être contraire : lur le foir la Mer fe
fit fort grode , & à dix heures un de nos
Vaiilèaux rompit fon Antenne de maî-
tre. Nous apprimes le dixième au matin
de quelques autres l'accident qui lui
étoit arrivé ; & pour le mettre hors de
crainte , nous l'attendîmes avec une
voile : lorfqu'il nous eut atteint nous
fçâmes qu'il s'étoit remis en état , &
- qu'il ny avoit plus pour lui aucun danger;
! maison malheur ne vient prefque jamais
fenl, celui-là fut fuivi d'un autre de
même nature : le Vaif&au de M. Ba-
gari rompit aufli fon Antenne du Trin-
Îuct. Je . ne rapporterois pas ces fortes
, 'accidens , s'ils n'étoient conHdera-
i blés (ùr la Mer ; fouvent ils çau(ênt
' de longs retardemens & nuifent beau*
coup à la vitefle de nos voyages & à Tac-
compliflêment de nos deUeins.
Le onzième jout nous appttq^mM
A ij
4 T^oyÂgt dam l' A fis mineure , ^
I2 Sardiiigne ', cette I{lc autrefois A fa^
meule par les pUifirs&k niagnitîcence
des PlieacieiiS : elle a comme l'on fçail
la figure du pied d'un homme , & c'eft
ce qui lui a fait donner par les Anciens
les noms d'Ichrjufa & de SandAUotis ; ce-
lui même de Sardalgnt , qu'elle a gar-
dé , ne fignifie point autre chofe dans
les langues Orientales, Tout ce jour ne
nous donna qu'un vent fort petit , il
devint ciifuite plus violent, mais con-
traire ; de forte que la nuit on fut con-
traint de faire plulîeurs bords; le Vaif-
feau commandant en doit t'avertillè-
mentàccux de fa fuite , ainfi toutes les
fois que nous voulûmes faire cette ma-
nœuvre , nous eûmes foin de tirer un
coup de Canon.
Mais le douze au matin , remar-
quant que le tems demeuroit toujours
peu favorable, nous donnâmes un lignai
pour aller tous moîliller dans le Port le
plus voifin du lieu oïl nous étiens.Vers ce
port , qui fc trouva être la Baïe des Ifles
de S, Pierre, nous nous vîmes dans U
convoi deux Bâiimens de plus ; une Bar-
que inconnue s'étoJt mêlée parmi nous j
& faifoit même une très mauvaife ma-
nœuvre. Nôtre Capitaine qui ne fut pai
Loiig-tcms fans s'en appercevoic luiil'
^ t^jfni^He é" autres UeUx.
tirer deux coups de Canon , un à boûlèi
& l'autre à poudre feulemenc, & l'on
etiToïa fur le champ le Canot pour
f^avoirqui elle étoit. C'ctoii une Bar-
que de Caltî , qui avoir {pour Patron
le fieurRoITet rilvintàbord ; mais il ne
put rendre de fon raaiiœuvrage que
de maavaifes tairons , & il fut fort
heureux de trouver dans Monlîeur
Guïon , un homme d'une modération
extrême , & incapable de faire de'
chagrin à perfonne. Nous jettâmes donc'
l'ancre fur les deux heures après midi:'
le fond de la Baie cft par tout aflèz bon,
& l'on y moiiille depuis quatre bcaiTes
jufqu'à douze ; il feroit difficile aoflî'
«l'en voir de plus poiironneulê.
Les vents furent contraires tous If s
jours iuivans , &' nous demeurâmes là
jufqu'au quinze que Ton tira dans nôtre
Vaiffeau un coup de Canon pour (ignal
qu'on devoit en fortir.Les Ancres levées
avec joie , l'on fit route ; mais le vent
Çt mil frais &c nous obligea à ne tenir
qu'une voile ; il manqua tout à fait vers-
minuit ; nous ne lalifàmes pas cependant
de voir la terre de Barbarie le matin-
duiâ.
La bonace qui nous teiardoit n'ayant
4iué que juTqu'au milieu de la nuîco'â.vV
A. \\\
I
■e T^oyége liant iAJît mineure ,
s'éleva un vent aiTez favorable, ne
nous trouvâmes le dix - reptiémc
matin, devant le Cap-Bon , & po
detems après nous vîmes la PamelU
rie ■• cette lile cft (nuée prefque eni
le Cap Bon & la Sicile , elle appartiei
aux Efpagnols. CoinHie nous eûmes toil^
jours un bon vent , nous la montàme)
fut Icsquatte heures ; mais il nous toi
fufa peu après foii Iccours , 8c fe mf
même afïcx violent contre nous : cel
nous contraignit d'allumer trois &
naux, & nous mîmes aXifîî-tôt une la
terne fat la couffè du Trinquet : il :
fut pas long-tems fans fe tourner toi
à-fait contraire ; aullî fîmes nous pi
fieurs bords. A chaque fois que ne
virâmes le bord, nous eûmes foin de ■
rei un coup de Canon : le vent dcvi
encore plus gros , Se la Mer s'enfla
telle forte, que l'on fut obligé de m
tre à la cap prelque jufqu'au jo
Avant l'aurore le tems diminua quelc
peu&leventfe rangea plus favorable!
ce jour qui alloit être le dix- huitième,
nous fit appcrcevoir que nous nous
étions éloignez les uns des autres, nous
ne nous trouvâmes plus qu'au nombre
de onze Vaiflcaux j te vent nous con-
tUiuoitfes favcais>mais nousvouliou:
Vjiffnqiie & autres Hihx. ^
Attendre les autres , & pour leur don-
ner le teins de nous rejoindre, nous ne
lâillanies que nos deux balTes Voiles.
Le 15). au matin , nous nous trouvâ-
mes au midi de Malte ; mais nous fûmes
obligez de recoufner en arrière Ce de
faire le tour des Gofes. Quoique ces
petites Ifles ne foient pas fort éloignées
de Malte, cependant ce ne fut qu'avec
peine que nous nous y rendîmes , Se
nous n'arrivâmes dans fa Rade qu'apris
avoir fait plufîcurs bords.
Nous vîmes auffi-tôt venir à nous un
petit Brigantin , il ponoit le Capitaine
du bord , a qui l'on remit le Ply du Roy
& quelques jucres Lettres qui lui étoîent
addielfces idcfon côté il nous avertit
de prendre garde à nous , & nous dit
qu'il y avoii neuf Corfaires fur ces
Mets.
J'eus le tems de lui demander des nou-
velles -'f/ Segnor Lennjû ; il fe trouva
Jàparhafard quelques perfonnesde fa
connoilTance , & l'onm'alTura qu'il me-
noit une vie des plus tnftes : ceux qui
ont lA mes premiers voyages fçavent U
laifon qui m'en fait parler.
Nous continuâmes notre route , &
nous nous retrouvâmes prefquc tout
• > jf convoi «ufemble. Sut le fou \cï N »\i*
[ A. uV^
I
I
I
18 VoyAgt dam V j4 fie mineure ^
féaux qui alloient en Egypte *: en Sytî
mirent pavillon , & tirèrent l'un cinq
l'autre fept , $c quelques uns jufqui
neuf coups de Canon , pour remercie
nôtte-Capitainede les avoir efcortcz
il leur fit rendre à tous le fatut cou
pour coup, & ils fc feparcrent de non
pour continuer leur chemin ; ainlî nôtO
«onvoi ne fc trouva plus que de ona
Batimcns , qui fifleni r*aute du côlé d
Smyrne&deConftancinople.
La nuit fuivaiue apiés quelque ten
de bonacc , le vent fe mit tout à fa
contraire ; un de nos vaJflejux qui p«
Jant deux jours avoit été égaré,nous pa(
à bord ; il nous falua & ptic fa roui
comme les premiers vers la Syrie.
■ Depuis le vingt jufqu'au vingt-tro
Je vent fut toujours fort contraire, (
la Mer extrêmement grolTe : on fut coi
iraini de faire plulieurs bords, & dès
vingt-un nous ne nous voyions plus qi
iêpt Batimcns. Le vingt-quatre u
Foulacre du convoi nous rejoignit ,
nous dit qu'elle avoit eu la challê d't
1 Corfaire. Le vingt-cinq nous vîmes
I . terre de Morée : peu après nous dccoi
I vrîmes unVaiireau qui vcnoit à nous
I nous lepiîmcspout uu Cotfaire, & no»
r tournâmes aulll de ion côte : mais no
tjljfritjue & aulrts lieux. 9
Fecoimûmes qu'il étoit François , & il fe
joignit à nôtre convoi.
Enfin le vingt-iîx nous approchâmes
de la terre de Morcc, & nous nous trou-
vâmes devant une Hle appellée Lefpro~
de ; le vent avoir beaucoup calmé , maîâ
, dcmeuroic toujours contraire. Sur le
midi i! fe joignit au convoi un petit
Vaiflcau qui vcnoit de Livourne : il nous
dit auflï qu'il avoîc été fuivi par un Cor-
iàirc ,& véritablement nous l'apperçu-
Hies peu de tems après. Tout le refle
da)om: régna la bonace avec une Mec
iS&z groife , elle continua même le
vingt-Xept & nous vîmes toujours le
^aiflèauque nous avions piis pour un
Gorfaire,
Le vingt-huit le vent Te mit favota-'
blejlanuit, & le matin nous nous trou-
vâmes devant les Ifles de Sapience. Le
vingt-neuf il fe remit contraire avec une
foit groilè Mer , qui nous tourmenta
beaucoup : l'arbre du petit hunier de
Monfieur Martin fe rompit & de fa chu-
le blellà fept perfônnes.
Ce joar-Ià deux de nos Vaifleaux nous
quittèrent , pour prendre la route de
Syrie, comme avoieiit fait les premiers:
AOU5 découvrîmes auflî un Corfaire qui
loit nous examiner ; mais iV s't\o\5j\ï.
I
I
I
i« Viyagt âtm tAflt mineure,
aufll-tôt. La nuit fHivante ne nd
épargna pas , il fit uii fi gros tcms qu*B
de nos Vaillèaux rompit fon arbre de
beaupré & fou petit hunier.
Le trente nous nous avançâmes devanc
le Cap Maiapan; mais nous avions toâ-
joursunvent contraire qui nous met-
loit hors d'état de prendre aucun port-
La groileMer qui l'accomp-ignoit ne
fut pas nôtre feule incommodité , il
tomba auffi quantité de neiges & de
pluies froides pcnJani: plijficurs jours;
il patoifToii outre cela un Vailleau que
nous prenions pour le Corfaire dont
j'ai déjà parlé , &: qui probablement ne
nous fuivoit pas (ans quelque mauvais
deflcin.
Le troificme Février le vent fc mie
favorable, nous allâmes nioUillcr à l'a-
bri des Ifl?s de Sapience devant la Vil-
le de Modon, que nous fûmes voir le
quatrième : c'cft à prefent très peu de
chofë.
Le cinquième le vent s'étant mis bon,
nous fîmes voile fur les quatre heures
après midi : toute la nuit nous allâmes
avec un petit vent allez favorable. Le
£xième à la pointe du jour nous nous
trouvâmes devant le Cerigue, & à la
veue de l'Oeuf ,c'eft une autte lile ainfi
telle
à caufe de fa fit-ure :
f CT tfums lieux.
le vent nous contraignii de paflèr
entre le Ccrigue & la Terre ferme , &
nous allâmes juique devant le Cap S.
Ange.
LorCqu'on l'eut pafTé avec un petïc
' veni en poupe , environ fur le midi on
vit un Vaiflcau à quelque diftancenl
avoitje bord fur les nôtres , &c nous !c
mîmes aufïï fur le lîen pour l'aller re-
conjiokte ; il s'apperçui de nôtre ma-
nccuvrCj & mie aum-tôc bjnnietc Véni-
tienne. Surs qu'il ne pouvoir fjirc de
mal à perfoTuie , Se voïant qu'il comî-
nuoit fa rouCL' , nous fîmes aufli là nô-
tre : fur le foie le ven: fe mit frais, mat»
toujours en poupe , & cette nuit nous
f allâmes prcfque tomes les Ifles de
jltchipel.
Le huitième nous allâmes au delà de
Tine & de Miconc, nous prîmes ehfuite
par le Ponant de celte deChio.
Sur le foir nous vîmes un Vaiiîèaii
qui venoii fur nous & nous nous prépa-
râmes pour le combat ; mais il paflà at-
fez prochede nous fans nous rien dire,
& de nôtre côté nous le Uilïàmes paf-
fcT. Pendant ce icni3-là il fit une pluïe
tuvantablc , qui rnoiiilla tous nos
;clacs :on les avoit mis çouï Ce to-i-
tt VoyA^t dans fÀJÎe mlnenre,
vtir en cas d'alarme ; ainfi nous pafsâ^
meala nuit ]ilus nul que nous ne l'au-
rions voulu.
Après avoir doublé l'Ifle de CKio,nou3
entrâmes dans le Golfe de Smyrnc :
nous pafsàmes le Cap Bernoux ; & le
vent s'écant mis contraire le neuvième^
nous fûmes obligez de faire bord fut
bord: dans ce Golfe on eft contraint de
virer de bord toutes les demi-heures ,à
caufe d'un grand Banc Se de pluiî«ur3
Ifles qui s'y trouvent , on les appelle
Nous mouillâmes proche le ChateaU
deSmyrne , il en ell: éloigné d'une bon-
ne lieiie ; enfin le dixième nous entrât
jnes dans le Port de la Ville où nous
nous débarquâmes. AuIIi-tôc je fus voit
Monficur Royer Confiil pour le Roy,S£
îui remis la Lettre de Monfei^ncur le
Comte de Poutchartrain : il m'arrêta
Èk dîner Se me fit tofitcs les offres de fer-
vices imaf^inables.
Le onzième on apprit dans Smyrnt
«ju'il y avoir deux Vaiflcaux Marchands
Ânglojs à Faillery.Le nôtre étoit mieut:
anné qu'un Vailleau de Guerre , & nous
devions partir pour Conflaniinoplej
ainfi le Conful des Anglois eut pi
«^u'on ne les piît (i on les rcaconr "
t AfriejM & autres lieux. if
U envoya à Monfieur le Coiiful do
France un Droguemcnt pour le pcieH
d'en parler à Monfieur Guion , & de
hii demander ce qu'il feroit aux Vaif-
ièaux Anglois qu'il rcncontrecoit ,
s'il les atcaqueroit ou les laifliroit paf-^
fer. Le Drogucment ajoûca en même
tems que s'il avoir la bonté de leur
laiûèr faire leur roure , toure la na-
tion Angloife lui auroic obligaiîon , Se-
qu'il prometcoit pour elle de faire la mc-
aie chofc en pareille occafion.
Monftcur Royer le fit parler à Mon-
/îeur Guion qui le lui promit Se vou-
lut en alTurer lui-même le Coniul d'An--
pleterre ; il en futreceuavec beaucoup-
d'honjictetcz , aufli bien que de plu-'
£eurs de fa nation qui fe reiicojicfcrens
là, & qui le prièrent une féconde fois-
d'épargner ces Vaiflèaux, s'ils venoient
à 13. rencontre ; il leur renouvella Cci'
promeflès , & leur dit que s'ils ne vou-
loienc pas l'en croire il Itut donnoic
pour garants toute fk naûon ; qu'il ctoit
vrai qu'il ne manquoii pas d'armes ,&
qu'on fçavoir même pat tout que foiï
Vaifleau étoit des mieux équipez ; mais
que ce n'étoit que pour fc défendre.
"eux qui ont voulu m' attaquer , con-
i-t-il,. n'ont jamais été Vo^^a^tûs.
ùtm s'en tepL'iuic , témoins la nav8
Galcrc que j'ai coulée a fond, [Wochelat
Garidte ,& an amre Vaiircau que j'ai
très mal traité proche de Livourne.
LàdelTuSj il fut fait de grands coni
plûuens à Monlïcur Guion , & Il
Anglois firent par avance d'ampli
allions do praces à un Capitaine qu'i
irouvoicnt Ci généreux : ils env^yerti
tnênic deux des principaux d'entre eux
avec un Drogucment a Monticur
Conful de France pour le remercier
rhonnctcté que l'on faifoit à leur
lion ; Monfieur le Conful fut extrcim
ment fatisfaitde cette humilité des Ar
glois; c'étoit une choie fans exemple i
jufqu'aloi's rien n'avoir pu les portec'
«s fortes de Ibumiflïons,
Ce mcmejoar il arriva un Vaiflêa
Flamand, Moniîeur Guton le fak
il rendit le falbt coup pour coup.
auroii voulu nous retenir plus long-ter
àSmyrne , & les honnétetez de cei
avec qui nous y avions fait connoiffanc
nous invitoient a/léz à y fiiire quelque le
jour-, mais il falloir achever nôtre coai
ië i ainfi nous nous embarquâmes lemi
lin du treizième après avoir été recoi
«lutis de tout nos amis.
Nous fûmes faluez de tous les Va!
fjéjf/njue & aatrff Heu.v. tf
/eaux HoUandois , qui fe trouvèrent
dans le Port , nous leur rendîmes le
£ilur exademcnt & nous fimes voile.
A peine avions nous vogue quatre
heures que nous rencontrâmes les deu«
VaiiTèaux Anglois ; nous leur pafsimes
au vent , & l'on ne k dit tien de part ni
d'autre. Environ une heure api es le vent
fc mit contraire & nous fit prendre la
refolution de mouitieir fuc le bas fond
qui eftdans ce Golfe ; mais nos Pilotes
nous en firent approclicr Je tiopprès^
ce qui fut caule que nous échoUames fur
la fange.
Ce ne fut pas fans peine que l'on s'en
retira , nous lûmes moiîiilcr l'ancre un
peu plus loin , & nous y pafsànics mê-
me la nuit. Le quatorzième quoique le
vent continuât de nous être contraire^
nous ne laiflàmes pas de quitter cet en-
droit pour aller mouiller aux Ifles de ,
DorUlc , où nous demeurâmes le rcfte
de îa journée & toute la nuit fuivante.
Le quinzième & feizicme nous palUmes
devant Tenedos j nous embouchâmes
dans le Canal , & nous allâmes au de-
là des premiers Châteaux dtS Darda-
nelles, que l'on nomme les Chaieaux-
-jifuf? ; les vieux n'en font éloignez que
S vûigt mille j nous les ça^^mw MiîSi
%6 Vofagt dans C-^JÎe m'mHre' ,
mais le vent manquant fui les trois tiev
nous obligea de Hiotiiller enviroj
à quinze mille de Gallipoli. Le di:^
Jêptiémc un vent en poupe nou;
duiHc jufqu'aux lAes de Marmara: cib
£n le dix-huit nous arrivâmes à Galattl^
aune heure après midi.
CHAPITRE II.
'arrivée d Cenjiantlnople, Hi/tai
SiuiftUr jigt. Différend dis Frunçols À
dts Anglais. Portrait au GrAniSelqm
d'afrefent. Fiit des Chrèt'tem Schifmi
tiques.
ÎFE débarquai donc & je fus furf
I champ au Palais de France. J'c
honneur de remettre à Son Excellai
ce la Lettre de Monfdgneur le Coqj
te de Pontihartrain , avec les aui
dont on m'avoit chargé , & j'en ;
receu de la manière du monde la pli
obligeante: il me promit fa proteÛi*
& me fir offre de ferviceen toi
depcndroit'de lui.
De-là je fus chez la Cheràs MagdeM
lie, c'eftla mcic du jeune Paleologuj
preiènt Penfionnaite du Collège
tJtffrique & Autres tseux. rf
"letmont , dont j'ai parle dans le fe-
zonA volume de mes premiers Me-
noiies : elle me retint & ne voulut point
^BC l'alladê loger atlieuis que chez elle
ant que je fetois à Conflantinoplc
Le dix neuvième je m'occupai à faire
Icbarquer mes hardesi& j'eus l'honneuc
le tevoîi: Monfieur l'AmbanâdcuT. Je
iui «lis que i'avois ordre delà Cour de
rhnchei par toute la Turquie , les mo-
tiumens qui pouiroienry être reftcz de
l'amiquiié,pour eue dans iafuiteunor-
nement du Cabinet de Sa Majellé. Il me
[émoigna que Moniei^neur le Comte de
Ponicharirain le lui avoit cciic & ne
me quitta qu'après de nouvelles offres
Je (êrvicc.
Le vingt le JaniiTaire Aga fut dcpofc &
le Quilelet Aga penfa l'Être. Le Grand
Seigneur avoit demandé au dernier une
paùe de pendans.d'oreiUes de quinze ou
vînec bouifès * : l'Aea lui en trouva de * ^
■-11- " ^ r 1 Bouri
qituue ic les lui porta lur le champ : viuc|
l'aâion plùcau Grand Seigneur, il lui dit ^"''■
lèuleinent voila qui ell bien , & alla
metcce tes pendans aux oteilles d'une de
iès Favorites.
Le Quifcler Aga eut foin de les payer.
Mais au bout de quelque tems par une
imprudence qui iêntoit peu foa Coas-
lî Voyage dans fAfte mineun^
tifan ^ il demanda au Grand Seignet
fi les pendans raccommodaient :
Grand Seigneur ne prit pas la ch(
pour une méprife^ il crut entendre
que cela vouloir dire , & lui répon
qu'oiii , & combien on en vouloir.
L'autre continua fur le même ton.
lui dit net qu'on ne les auroit pas à mo
de quinze bourfes: le Grand Seigni
lai répéta , voila qui eft bien \ mais d<
le fond il avoir Tame pénétrée de dé]
& fa manière d'agir le fît afTez voir,
alla fur le champ trouver fa Favor
lui 6ta les Boucles d'oreilles , U les r
voïa au*Qpifeler Aga ; celui-ci coni
la grande faute qu'il venoit de comm
tre, mais un peu trop tard* Il vou
cependant la reparer : & pour cela il
chercher une autre paire de pend
beaucoup plus beaux: le Grand Seign
ne tint point fon fier, & apparemm
que l'amour le fit pafler dans cette r
contre par-de(tus les égards qu'il vt
loit que Ion eût pour lui. Il receut
fécond prefent , & ne depofa poin
Quifeler Aga quoiqu'il en eût pris la
folution : celui-ci fe trouva fort h
reux d'être quitte à fi bon marché di
démarche imprudente.
le vinet-un il arriva dans le Port
r Affriifue & âutns lieux. \^
Vaiflèau Anglois , c'étoic un de ceux
pour qui le Conful de Smyrne avoic
prié Monfîeur Guion. Ce Vaiflèau en
chemin faifanc avoic pris une Poulacre
qui écoic à la rade dans un Port da
Grand Seigneur au Cap Baba : le Capi-
taine s'étoic racheté mille écus , avoic
fait une Lettre de change fur Monfîeur
Renaud Marchand François , & donné
fon Ecrivain pour Otage.
Dés que Monfîeur l'Ambafîadeur
fçut qu'il y avoit un François prifon-
nier fur ce Vaiflèau Anglois , il envoïa
chez TAmbaflàdeur d'Angleterre & vou-
lut qu'on le lui remît entre les mains ;
mais on fit plufîeurs tours & beaucoup
de bruit f uns pouvoir 'rien conclure»
Le Grand Vifîr apprit que les chofes s*ai-
griflôient de part & d'autre , il envoïa
prier M. l'Ambaflkdeur de ne point en
venir aux voies de fait, & lui fit dire qu'il
vouloir être l'arbitre de cette affaire»
Monfîeur TAmbafladeur répondit à l'A«^
ga du Grand Vifîr , qu'il en feroit ravi ;
mais qu'il falloir que l'Ambaifadeur
d'Angleterre fe mît à la raifon : l'Aga
répliqua qu'on enauroit foin , & l'affai-
re fut portée devant le Grand- Vifîr. Il
envoie *querir l'Ecrivain qu'il fit reftec
quelque tems chez luij les Àn^\ovb ^' ^"^^
iO Voyage dans TApe mhuftye,
perijurent bien que leur caufe ét«
mauvaifc, après !a modération dont i
avoii ufé a leur égard. Ils tâchere
d'infinucr qu'on ne leur rendoir pas j
ftice i mais le Grand Viiir que Ton éqi
lé avoit mis dans nos intérêts , ctoit :
folu mênne de ne les pas écouter :
lorfqu'il vit qu'ils ne paroiiroient poii
il renvoïa l'Ecrivain à M.l'Ambafladi
^ Jufqu'au quinze Avril je m'atnufi
aicrcher des Médailles , ce jour efl a
du petit Bairam.on Tappelte la Fête
Sacrifices , &: les Turcs le célèbrent
mémoire du Patriarche Abraham.
Ce fut pour moi une occafion de v<
le Grand Seigneur : il dcvoit revenir d"
se Mefquée , je l'attendis à Ton pa(^
Le Sultan Achmct eft fort bel homn
il a le nez un peu aqiiilin, fa Barbe
noire & n'eft pas des plus fournies,
je lui trouvai l'air rêveur & mélani
lique. Sa Garde eft roûjours fort no;
breufe ; elle va d'un pas égal , & fa m
che a quelque chofe de grand ; elle
habillée d'une magnificence veritab
ment digne d'un Empereur; mais je
furprisdela voir autour de lui , i
aucunes armes.
Le quatorzième les Femmes du Gci
Seigneur fe promenoient dans le Jajri
Vjiffri^itt & autres Htux. if
du Secail : il eii voifin de k marine ,6e
£our cefujci on faifoit éloigner toutes
;s Caïques qui vouloie,iu en approcher.
Une Poulacrc Vénitienne qui faifoîc
voile ce jour-là , eut le maihcur d'être
emportée par le courant de l'cju un peu
trop près de ce Jardin ; les Bouftangis
qui étoient dans des Caïques, vinrent
aufE-toc fondre fur la PouUcre , & don-
nèrent pluJÎeurs coups de bâtons à tous
ceux qui s'y trouvèrent, aiiifi elle prit lé
large un peu malgré elle.
Ledix-neuviém'e je yis la Pâque des
Chrétiens Schifmatiques.Pendant trois
jours qu'on leur donne uncentiere liber-
té) ils s'amalTent Scctourantles rues en
troupes ils danfent au fon de leurs Inftru-
mcDs -, il y a un ordre exprès du Grand
Seigneur de les laiflèr aller par tout , 6c
U nefc trouve perfonne alTez hardi pour
bur faire infulte.
Levii^tiéme le Révérend Père Be-
;;niet m'accompagna chez Monfeigneut
lEvêquc de Cefarée , qui étoicalorsà
Conftantiiiople : il eft neveu du Pattiac-
che de Conftaniinople, il nous reçue
avec toute l'honnêteté poITihle , nous
prefentadu caffc , des confitures Se de
l'eau de vie.
Ofrlàoom pliâmes voie la ç,tiw4e^W
I
I
xt . Vojégt dam VAfit mmuri ,
ce de l'Acmeidan , c'eft le lieu où Toli
s'exerce à tirer de la flèche. Ce divertif^
fement eft eftinjé chez les Turcs, & Sa
Hauteflè ne dedakne pas d y aller a0^z
fouvent prendre (a récréation.
CHAPITRE II L
Difofition iu Grand Vijîr. Rijomffanct i
ConflaminopU four la naiffana de
Monfeigneur le Duc de Bretagne. Op'
f options du nouveau Vifir. Refiftanei ,
genereufe des François»
•
JE ne dois point fortir de Conftanti-
nople fans parler d'une réjoUiflance
que donna M. de Ferriol Ambafladenr
de France à la Porte , lorfqu'il eut apris
la n ai (Tan ce de Monfeigneur le Duc de
Bretagne.
Son Excellence en conçut une joïe
inexprimable 5 elle eut foin d'en faire ré-
pandre la nouvelle parmi tous les Sujets
de Sa Majedé qui fe trouvoient alors dans
TEmpire Octoman. Pour mieux marquer
fa joïe à toute la terre, elle voulut par des
témoignages publics , la faire éclattet
dans la Ville naême.Oa fçait que Con-
^ tÀfnefiit & autres IteHX. Xj
^Kuitinople n'eîl pas moins que paris^un
Hlbrcgéde tomes les nations.
De la manière donc Te faifoient les
fireparaiiff cedevoitctrelaFêie' la plus
glande & la plus magnîBqueque l'on eût
jamais célébrée dans des Régions auflî
\ éloignées. Elle devoir durer au moins
cinq jonrs de fuite , pendant lefquels otl
ierviroit piufieurs tables avec toute la
profufion & tome la délicateflcimagina-
bles i on devoir rirer un grand nombre
de Boctes , faire couler des fontaines de
viHjjouerde toute forte d'inftrumcns,
repreienter même des pièces de Thea-
-.rr , & illuminet le Palais de France, les
lirdins & le Couvent des RR. PP.Ca-
puciiis. Monficur l'Ambalfadeur de Vc-
I rife avec toute fa Cour , y avoii été in-
vité. Nôtre Nation , les Dames, les Pro.
teeez Si tous les Ordres Religieux s'ap-
pretoient pour y aflifter : enfin la per-
miffion du Grand .Sîigneiir en avoir été
accordée par nn Cliatecherif. La veille
du jour où l'on devoir commencer ces ré-
jotiillances, on apprit avec un éronnc-
ment extrême , qu'-'^ff BAcha Grand
VïfiE venoitd cEredcpofé.
La chofe étoit d'autant plus furpre-
nante , qu'il ctoit le Beaufrere du Grand
Stigneur , & que par les déférences i:\ut
{
t
14. foy^^ ^"f^f VAfie mlntHrt^
Sa Haucelîc jvoit tues pour lui.ronavoi
lieu de le croire fon premier Favori,mai
apparemnienc qur le caprice dti fort fi
fon clct.iifl:rc , comme la feutb allianc
avoitcaufé fon élévation. Calalicos au
ttcment Achmct BacKa, qui comman
doit en Candie en ccoit arrivé fur uni
Batquc Françoife , le foir précédent di
cette dépolltion , & l'on avoir fçù quel
qHCs heures après quec'étoii pour prcn
dre fa place.
Monficur l'Ambafladeur en fut in-
formé des premiers : il envoïa Mon.
iïeurFonton, l'un de ies Drogucmens,
complimenier Calalicos , &: il lui fil
dire , que devant faire une Fête l(
Jour fuivant pour la nailTance d'an
Prince de France ,il ccoit bien aife df
l'en prévenir, afin qu'il n'en témoignai
aucune furprîfe. Calalicos demanda fî
le Grand Seigneur l'avoitpetmis. Mon.
fieùr Fonton répondit qu'oiit , S< ajoûis
que c'ctoit mcmc par Catecherif. Ix
Miniftrc naturellement orgueilleux ;
mais devenu fans douce plus arrogant
pat fa nouvelle dignité , répondit d'un
ton fier , qu'il le fçauroit lui-même de
Sa Hautellc , & qu'il feroit infttuire
M. l'AoïbafTadeuc de Tes iniemion;. '
_ îr'ijue & autres Vieux. i»
Uncrcponie iî brufque fie conjectu-
rer que le nouveau Vifîr avoit quelque
mauvais dcllèin ; on jugea avec raifon
qu'il vouloît troubler cccte Fête; ce fut
aufficeqai obligea Monfieuc l'Ambaf-
fadeur de fupprimcr les Boetes qui
étoient difpofées par toutes les Courts
du Palais pour faire pluiieurs décharges
durant les premiers jours ; on les ota
fous le prétexte du mauvais tcms.
Le lendemain qui ctoic le jour marqué
pour la Fête , M, l'Ambartâdeur renvoya
M. Portion de bon matin chez le Vifit
pour f^âvoir s'il avoir parlé au GrandSei-
gneur. En attendant la réponfe , on ne
laiifa pas de commencer la cérémonie:
Son Excellence avec MonfieurrAmbaC
làdeur de Venife & la Nation Françoife
ïe rendit fur les dix heures à la Cha-
" pelle du Palais ; Monfieur l'Archevêque
de Spigi j revêtu de fes habits Pontifi-
caux , y prononça fur la naiiTance de
Monfeigneat le Duc de Bretagne un
di(cours très éloquent , entonna le Te
\ Deuit , & célébra la Sainte Mellè.
I Tout s'y paffa avec un ordre ad'mira-
We,& en prefencc d'un nombre infini
de perfonnes que leur propre curiofilé
ou la nouveauté de la Fête yavoientab
tirez.
Tome I, , %,
I
i6 VojAge dans l'A fie rmnmrt^
Après ces adtions de grâces à l'J
teur de tous les biens-, on lailla cot
les Fontaines de vin que l'on avoit
paréespour le peuple ; plusieurs Ti
qui étoient difpofcz pour diltribuei
caflTé en donnèrent d'abord avec largi
à une multilude prodigicufe de
On fervit en même tems dans la giai
Salles trois tables; la première devin]
cjuatre couverts, oii étoient Meflèignï
les Ambailadeuis ;& les deux autres
irentcdeux , & de fcize : il y cnavt»:
une quatrième dans un endroit feparé
pour les Protégez , iàns conter celle de
cinquante Religieux , qui étoi: chez bs
Révérends Pères Capucins. L'on étoir
déjà à ces tables au milieu d'une abon-
dance delicieufe & d'une infinité d'in-
ftrumens , lorfque Monfieur Fontotl
vint dite à Monlîeur l'AmbalIadeuE
queMonlieur Maurocordato Secrétaire
d'Etat fouhaitoit lui parler : Son Excel-
lence fortit de table , & fur le trouvée
dans une chambre où on l'avoir déjà fait
entrer. Monfieur Maurocordato dit i
Monneur l'Anibairadeur , qu'il ve-
iioit de la pan duViiic, pour le remer^
cier des complimens qu'il lui avoîc fait
faire le jaur précèdent fur (i. nouvtlle
dignité , & pour le prier de ne point ti-
fffi^He& MUrti lithx. ■ Vf
rer les Boctes , parce que le bruit qu'el-
les feroienc pourroit incommoder le
Grjnd Seigneur ou celles de (es Sulta-
nes quiccoienc prêtes d'accoucher,
Monfieur l'Amballadeur répondit ,
qu'on tirojt tous les jours le Canon
dans le Port quieft une fois plus pics du
Sérail que le l'alais de France, fans que
perfoiine s'en plaignît ; noais cependant
ajoûta-t-il, puitque le Vitîrdefire qu'on
n'en tire point, on s'en abftiendra quoi-
que l'on en ait une permiUlon dans tou-
Ces les formes- Comme laconverfation
avoit déjà duré une efpace de tems aflez
Confiderdble , Monfieur Maurocordato
pria Monfieur l'Ambjfljdeur de re-
tourner a fa table , ce qu'il fit: l'on y de-
meura font long-iems , & les fantez du
fiLoi, de feu Monfeigneur , de Monfei-
Sneur le Dauphin, & de toute la Famil-
t Roïale , y furent buirs en vin & en
toutes fortes de liqueurs. Le repas fail,
les Danfes, la Mufique & la Comédie
Turquecommencerent à joiier ; enlûite
Uyeuiun bal-, & bien-iôc après on iU
luminaen moins d'unedcmi heuce tout
letoor du Palais, leCouvent des Capu-
àns attenant la grande allée de l'Orati-
îerie j & le berceau qui cft au boutî en
î que chaque Oranger fe ilounoVC
I
I
»S VnjAgt dam TAfte mititUff,
{bus une arcade tlliimjiiée , & ^"^1
quelqne coté des environs du Pcra qui!
regardât le Palais , cette Illumina^
faifoit un effet admirable.
Pour rendre la chofe plus agréa)
onavoic placé dans les Itois arcades des
veftibules du Palais trois Tableaux ova-
les. Lcpreir)icr,des Armes du Roi&de
feu Monfeigneur le Dauphin, alors \
vant, avec ces paroles en bas.,
Pat luci virtus radio fpeltatitr in uns \
ctoit au milieu ; le fécond , des ,
mes de Monfeigneur , alors Monfl
eneur le Duc de Bourgognc,fur lefqia
les ctoir, A-iont-joye au noble Duc^&C'^
defTous irufifmiffi* crefcit ^ avoit
à la droite : & le lroiticnie,des Armes a
Monfeigneur le Duc de Bretagne , avec
cette infcription: Nec mirror tminits, étoit
à la gauche.
-Mais aullî-tôt que l'on eut dît au
Grand Vifir l'effet furptenant que pro-
duifoit cette Illumination , par une biT-
zarrerie fans exemple, il cnvoïa entra
fept & huit heures le Bouftan^iy Bachï
& trois cens hommes pour éteindre géi-
néralement toutes les lampes.
LeBouilangy Bachi étant près du Pa-
lais ^ne jugea pas à propos d'ycnu
PjIffrîijHi & autres lietiX. ry
11 fut chez Monlîeur Fontaine premier
Drogucment de Son Excellence qai de-
meure attenant , d'pil il envoïa dire
à Monfieut l'Ambjiradeut , que le
Grand Seigneur voiant cette lllumiTia-
tion avoit cru tout l'era embrafé ; qu'il
avc»it ordre de l'éteindre, de caffer toute»
les lampes , & même de faire main ba(^
ic fur ceux qui voudroîent s'y oppofer,
& qu'il prioit Son Excellence de les fai-
re éteindre elle-même pour n'Éire pas
obligée d'elTuicr une fi fâcheuiè exé-
cution.
Monfieur l'Ambaflàdeuc fil dire
su Bouftangy Bachî qu'il n'avoit rien
fait que par ia permiffion du Grand Sei-
gneur 1 qu'il é toit fur pris queSaHaii-
, teflè l'eût (î-tôt oublié ; que les lampes
^tantune fois allumées fans caufetàper-
fonne aucun dommage , il ne pouvoir
faire autrement que les Jaiff^r brûler,
jufqu'à ce qu'elles finiiTl'nt naturelle-
ment ; 8c que s'il entroit dans le Palais
à deffein de les éteindre , il courroiï rif-
que d'y demeurer.
Son Excellence votant que ta chofe
deveiioic plus ferieufe, pria Monfieur
l'Ambairadeur de Vcnifc de fe retirer,
dans la crainte qu'il ne lui arrivât quel-
que accident ; des qu'il fut fovti ^ le^
^a Voyage dans tAfie mlmme ,
François qui étoieni au Palais fe ra
lent [OU5 auprès de la perfonnr de S
Excellence , refolui d'y périr plûi6t<
As foufFcii raâxont qu'en lui voulqj
faire.
Le Bouftangy Bachi fit fçavoircetré
réponfe auViiîr,en loi marquani que
s'il vouloir que l'on execucâr fes ordres,
il étoit neceffaire qu'on lui envoïât en-
core du monde- Deux heures après le
Selam AgafTy du Grand Vifir vint de-
mander au Boiiflangy Bachi le fujet qui
l'empcchoic d'éteindre l'Illumination :
celui-ci répondit , qu'il en avoit fait fça-
voir la raifôn à fon Maître , & qu'il ne
croïoit pas devoir entreprendre de for-
cer un Palais de France oO tout le mon-
de étoit armé Se prêt à iè bien dé-
fendre.
Enfin le Vifir en colère de ce qu'on
ne lui obéïfïbit pas , refolut de pafler lui
même à Pcra ; il étoit déjà embarqué
avec une partie de fà maifon-, maïs fur
Jes reprefcntaiions qu'on lui fie, qu'il
alloii expofer fa perfbnne avec ailèz
peu de raifon , il prit le parti de s'en re-
tourner chez lui.
Le Selam Agarty crut pouvoir gagner
quelque chofe fur l'elprit de Mon-i
fieur rAnibaiTadeuE , il vint le trourt
Fjifr'iijut & autres lîtKX. 'ft
Bc tâcha de lui perfuader de faire étein-
dre rillumination j mais i! n'en pet ve-
nir àbout: après l'avoir amufé jufqu'à
plus de dix heures , Son Excellence lui
dit que ce n'ctoit pas la peincff qu'il n'y
en avoit plus que pour une demi-heure.
JLe Se^m AgaiVy foriit content de cette
parole : il la fut porter au ^ouftangy Ba-
chi qui s'en retourna avec tout ion
monde : ainfi l'affaire finit très glo-
rîeufement pour Monfieur l'Ambaflà-
deur. Cai le Bouftangy Bachy n'encra
point dans le Palais ; l'Illumination ne
fut point éteinte , Se dura même une
demi heure plus qu'elle n'auroit dure ft
cet accident ne fut pas arrivé ; au telle
k Fête fut continuée à l'exception des
Doctes Se des Illuminations.
CHAPITRE IV.
foyÂgt de CtujiatitimopU , 4 j^rta^uy &
aux ruines de Cy^jejut ; defcriptiott de
eei ruines. Petite ijle vh.à-vis ce Port.
Traditions des Grecs.
COnime j'avois un ordre exprès de
chercher & d'acheter le plus de
unies qu'il me feroii çofllbVç , "fi
B
UH
3t V^J^i^ i^^ ^^fi^ nAmuri^
commençai mes perqaificions dès la
Ville de Conftantinople. J'avois Tceil
fur tout ce qui s'y pafibit de nouveaa
f)our les Bâtimens , fur tout lorfqu'ofi
es demollifToit , & qu'ils avoient appar-
tenu à quelque perfonne de confequen^
ce \ j'en viiîcois exaftement les Colon-
nes , les bas reliefs , les pieds-aeftaux
antiques qui s'y rencontroient encore t
enfin à tous les marchez ou Bazars ^ )*a«>
vois un foin extrême de m^informer fi
Ton n'ayoit point quelques pièces des
xnonnoïes les plus anciennes. CeftN^
Art qut^mande-quelque-difcernemefit^
mais une longue expérience nous ap;>
prend tout , & (oit bonheur, foit con-
noidàncejje crois en avoir trouyé d'af-
fez curieuies.
Le vingt-fîx j'appris qu'il y avoir de
belles ruines à Àrtaquy , il n'en falut pas
davantage pour m'y faire aller. Le
vingt- fcpt à midi je m'embarquai fur
une Caïque , qui y £aifoit voile; un'vem
contraire nous obligea de relâcher à une
des Ifles des Princes. Nous y demeurât
mes le vingt- huit jufques à quatre heu-
res après midi ; de-Ià nous nous appro*
châmes des Ifles de Marmara , mais le
vent fe mit fort gros , & par malheur
nôtre Batteau n'étoit ni alfez haut poàt
Fjijfri^Ht & autres lïtHX.
être au dclTiis des vagues , ni alTez
pour ("outtiiir leur imperuofiré. Nous
nous v'miL'S plufieurs fois allez près d'en-
fûiVcer ,& nous étions à deux doigts de
la mort , lorfque lèvent nous mit lui.
même à l'abri de fes coups. Nous noui
trouvâmes lut une petite Pljge oil reg-
Doit une aflèz grande cranquillicé^un mal
violent fuiri du moindre bien y fait
trouver des douceurs infinies : nous re-
itâmcs là tout le vingt-neuviérae , on
y raconimoda les voiles que la fureui
du vent avoii déchirées : le itehiicme
nous porta à A rtaquy,
J'avois une Lettre d'amitié pour utt
Eccleliafti que de mérite qui y fait fade-
Qiieure,& s'appelle Cachy Treandafile;
Je la lui fus rendre , & nous fîmes en-
ïemble une allez ample connoilfance ; il
me donna même chez lui un logement,
& il me promit de me faire plaiflt ea
tour ce qui lui feroit poUîble.
Letems que j'emploni à me reposer
ne fut pas tout. à-fait inutile à mes deH-
ieins; outre le (ïcurTreandafile , je li»
encore focieté avec deux autres perfon-
nés à qui je les communiquai & qui s'of-
frircni de m'y fervîr.
Dès la première promenade nous
S ruâmes du côté des ruiner dowx ^,m,
:_
"j.4 Voyage dam VA fie mineure,
parlé. Il y a près de la Ville une mo»'
tagne donc les rochers s'avancent esrré-
mement dans la Mer. Là écoit autrefois
une cfpece de Cicadclle ; l'on en voit
encore neuf ou dix tours quarrccs,qui
paroitfent avoir été bâties folidement
& avec art, elles font dilpofces d'efpa-
ceen cfpace ,& d'une manière fimetti-
que.
Le tems qui lésa conftrvces , nV pas
épargné la muraille qui les joint ; elle
eft prefque route éboulée auprès; mais
par derrière l'on voir encore plulîeurs
crottes afTcz agréables. Sur le haut da
la Montagne fonr les reflcs de que!-
qu'autre édifice alU'z fuperbe , les Chré-
tiens du païs affurent que c'érojt une
Egtift.
Delà je paflai à une petite Tfle qaî
ferme ce Port : j'y vis encore quantité
de ruines, qui donnenr une haute idée-
delà magnificence des anciens Habitans
de cette Ville. Partout font étendusde
très beaux morceaux de marbre , des
chapiteaux , dts colonnes, & mille au-
tres pierres travaillées avec une admira-
ble dextérité.
La tradition des Grecs dit, que fous
CCS ruines , eft enfevelie une des plus
belles Egîifes du monde -, on en voit ce-
" PAff'-'i^He & aiitrei lUu'Hr, fe
iémble, encore la porte, c'eft à dire, le
Jiauc. Les cotez font d'un beau marbn;
blanc , la travée de dcfliis eft hors de (a
{)Iace , Se le refte enfoui fort avant dans
a terre ; il eft difficile d'y découvrir rien,
les Tarc^c permettant pas d'y fouil-
ler ; en certains endroits la roche eft
taillée comme une véritable muraille.
Du côte de la Mer , c'eft-à-dice au fe-
ptentrio:i,eft une fonrce d'eau chaude en
tout tems i mais beaucoup plus en hiver
qu'en cité. 0c l'autre côté il s'en trouve
une autre d'eau froide pour laquelle on a
"bâtiun périt Baffin en formede voote:
c'eft un bruit commun dans toute la
Province que cette eau a la vertu de
gaerir les maladies les plus dangereufes,
■Sorfquel'on afoiii d'y apporter ceux qui
^Kn (ont attaquez. Je remarquai que
^Beau en étoit un peu {allée.
Près de cette fonrce firoide eft une
Chapelle profonde & prefqtie tout-à-
feii fouterraine , oà l'on vient en fou-
le de tous les lieux circonvoifîuï ^ les
Grecs en font une de leurs principales"
dévotions , & la plupart recomman- ..
dent d'y porter leurs corps après IcUt ^m
mon. ^H
kCette petite lile n'a tout au plus que ^H
o pas de tour ; l'on y trouva çaï x.o^w, ^|
i
I
I
3 ff Voyage dans F À fie mineure,
un nombre prodigieux de morceaux <!
verres quarrez & de couleurs differeï
tes : fans doute qu'il y a eu dans a
édifices quantité d'ouvrages à U Mola'
que.
RepafTcdans la Ville , je fcs rendj
ma-vifite à l'Evêque 1 on l'appelle l'E
vêque de Cyzîque , c'cft un.homn;
d'elprit & qui paroît avoir de l'étude i
ine receut avec une honr.êrecé infinie
&ine fit voir dans fa Bibliothèque 1(
Warulcrits les plus beaux ; mais il e
m'en voulut jamais vendre aucon :
conceus même que c'étoit mal s'a(
drelïer que de lui en faire la propi
fïtion ; rarement un homme de le
1res fe défait-il de ce qu'il a de curieua
il fait fes délices de les livres , &
mifere même eft peu capable de les 1
Êter.
Le premier Mai, accompagné de qa
tre hommes bien montez , je me mis i
campagne , pour aller voir les ruines t
Cyzique ; nous marchâmes pendai
deux heures , dans un pais admirabl
cultivé par tout , Si plein de Vignes, d'<
liviers, & d'autres beaux Arbres de toi
ïes tes fortes ; enfin nous arrivâmes ai
premières ruines de la grande Cyzique
die- metitoti bien cenoni^ l'on a cgi
F-^f^sifue & nfttnt Seur. ^
à fes feuls rcftes. Après avoir mis pîedi
àterre , noas commençâmes par dcjeiu
ner ,& prendre quelque repos; en man-
geant , j'avois le vifagc d'an homme in-
quiet , & la vciie d'une fi belle Ville ra-
fee,pour ainfi dire , & abbatuc de fonJ
en comble , me rendoir tout rêveur ; je
fon^ois malgré moi à cette étonnante
vicilEiude , qui chinge toutes cîtofes.
Nous nous étions affis fur les ruines d'une
Fotterelfe ou de quelque grand Château,
du moins étoit-ce que l'on en pouvotc
con je durer:!' on n'y voïoit plus d'entier
que de longues vouces fouierraines , oft
nous defcendînies avecquacrechandellcs
& un fanal : nous les trouvâmes hautes,
bien faites , & d'une pierre de taille fort
épaiffe ; il y en a plus de cinquante
femblables qui fe répondent les unes aus
autres, & qui n'ont point à prefent d'au- ■
,tres Habitans que des chauves-fouris.
Dans une nous vîmes une belle Fontai-
ne bâïie en arcade , &: où, à ce qu'on
nous dit, il y a de l'eau pendant toute
Tannée L'on apperçoit de lautre côté
«neefpecc de trou quarré , un homme
y pafleroit aifemenc. Les gens du païi
ont la fimpliciié de croire, que G l'oni
pouvoit pailèc l'eau de cette Fontaine,
■jft entier dansée croit,, l'on tiou.iet.crâ.
fe
J^oya^e dam fAflt rmnew^^-
ihimanv]ujblement de grands trelorsj^
content à zc fujet une iiiHnicé de fabl<|
Biais je ne m'y arrêterai point , ellcs(
méritent' pas l'attention d'un hom^
fege.
Je cherchai par tout s'il ne s'y rencal
treroit pas quelque Infcription, maid
ne ttouvai que des ftagmens , don^
ctoit impoûîble de rien tirer-
A quelques p.is de ces ruines , il sï
ïoit d'autres /emblables de pierres ai/
greffes ; & l'édifice, félon toutes les d
parencesétoit prefque égal en beautJ
les murailles étoient encore prefgf
toutes entières ; mais elles n'enW
moient que des monceaux de piers
cntaflez les uns fur les autres fans i
cun veftigc de monumens plus tcm
fluables.
Avancez plus loin , nous trbuvâdl
encore une Fontaine aiîrz belle, & à '1
cotez les rcftes de pluiiturs grands 1
rîmcns ; nous en fîmes le tout , & enfij
te rcraoniezàcheval, après avoir
ché environ une heure, nous arrivâti]
à d'autres ruines d'un édifice fuperbj
les Habicans de ces lieux difent que
o'ctoit autrefois une Eglife ; l'on y vok
encore de beaux raorceanx de Marbre,
(i'auit«5 pierres d'une longueur & d'orfH
r'Af-t>fUe & AUtm .îUune. ^
îargeurprodigieufë, mais c'eft loutaiiffi,.
tclci murailles en oniétéfi ablolumeni
démolies , qu'il y a cru une efpece dfc
feois aiïcz fort , dont les arbtts poufi-
fent au travers des pierres. Je me don*
nai la peine de renverfer plufieurs de ces
Marbres pour y trouver des Infcriptionj.
J'y en rencontrai (Î3t que l'on trouvera
à la fin de mes Voyages. Mais il y â
toute apparence qu'elles font trop im».
parfaites pour donner aucune connoif-
fance du palTé. Les pierres en étoîent
fcparces , de manière que ce feroît un
bazard s'il y avoir quelque chofc defui^
vi, Mefïïeurs de l'Académie, qui depuis
quelques années ont enrichi laRepublîi-
que des Lettres de tant de DilTcrtaiîonS
curieufcs, auront la bonté d'y faire leurs
reflexions. Je me contente de les lent
donner exaàes , & auffi entières que le
tems nous lésa confervées,fans répon-
dre de leur fens , ni pir confc-quent dei
Lettres qni les compofent.
Il fe trouve à pliiiieuts endroits de ces
raines quantité de bas- reliefs, de feflons,
de fcîiillages , de morceaux de colon--
ncs de beau Marbre blanc. Je remar-
quai plufieurs ruiflëaux , qui couloienr
à travers ; mais on ne leur donne aucuir
^MlB] '> ^'°^ excepte une petùe R.\N\C't^
'mftrej ^B
nom ^^L
^,0 ^ly^g' '^^"' l^^pf mlntHrf^
«juel'on nomme Potamoqui ,
netique , & qu'elle n'a app:
^ue pour la diHiiiguer de ces mcinia
xuidèaux.
Ily a auprès do cet endroit un Po(
d'une grandeur & d'une commodité ad
mirable^plus de trente mille VailTeaul
■y pourroient demeurer à leur aife , taiï
il eft vafte , & ils n'y auroient certaine
ment à craiuJie aucun mauvais tems : j
eft à l'abii de quelque vent que ce foie
je l'ai veu pendant les tempêtes les plu
affreufes , la Mer yétoii pac tout d'un
tranquilitéà faire plaifir. Je revins à li
maifon le vingt-deuxicme , c'ctoit m
famedi,& dans cette Ville le jour d'ui
petit marché, qui dure depuis le macil
jufquesà deux heures après -midi. Il si
laflèmble quantité de Marchands de
environs.
Pour ne rien laiiTèr échaper à ira cU
riofité, avec une Chaloupe je pa fiai cri
eoredans une petite Ifle , qui eft vis-ài
Tis Artaquy : elle ferme en quelqtH
façon le beau Port dont je viens de pal
1er: j'y remar<|uai une caverne a iTcz pro
fonde, oiï i'on me dit que l'eau ne raan
quoit jamais : j'y vis les ruines de quel
que ancienne FortereCTe ; cette Ifle doi
cite regardée comme la principale caj)
fjffntpu & AMttrs tUux. 4I
fedela grands Bonace du Port. De-Iiï
j'en examinai la Ikuation *vec foin , 2c
je vis qu'elle en couvre .pour ainlî dire,
louce l'étendue. Comme je ne trouvois
point deMedailles à Artaquy je me rem-
baiquai,& un petitbatceau du pais me
lepoita à ConÂantinople.
CHAPITRE V.
yeyitge de CùnfiMtinopU aux rmnet da
CAlcedoine. Âviiniurts de Jofeph Bey
Fils d'un f^ijlr d'Alger.
LE quatrième au matin j'eus l'hon-
neur de falucc Son Excellence. Je
l'avois priée de parler pour moi au Grand
Vifir ,& de lui demander un Paflèpoit
qui me donnàtia liberté d'aller par tour.
Elle me dit qu'elle avoit eu Audience
de ce Minière ; mais qu'il r>e lui avoîc
pas paru d'humeur à m'accordcr le PaC
lêpoii ; qu'il lut avoic répondu au con-
traire , que l'on n'en donneroît à aucun
Franc ; que le Sultan Muftapha avoit
défendu exprelTement de les lailTêt
voïager dans la Turquie , parce qu'ils
'y venoientque pour faire changer de
it que pour I
tligion à Tes Rajas.
r
I
"jfi Vojêgt iàm t Afîe m'meui'e.
Son Excellence n'avoir pas nianqiré
de loi dire, que |e n'ctois point un Re-
ligieux qui vînc prêcher, mais un Mé-
decin , & que je n'avois d'aurre but dans
mes voyages que de chercher des Plan-
tes medecinatcs -, mais le Vifir avoh
toujours rependu que l'onvciroii, de
lien davantage.
Le neuviéinc,je fus avec le Reverenrf
Père Befnier a Chalcedoine : cette Villff
eft de l'autre côté de Conftantinople,
&nous Tçaviona que l'on y travail loif^.
un Sérail ; on nouî avoit même aflui'
qu'il s'y irouvoit quantité de monnoï
anciennes : nous y vîmes des Efclai
occupez à cultiver un Jardin a'
grand. Comme l'on avoit été oblige
remuer la terre en plufieurs endroit
l'on y avoit découvert un puits parfait
ment beau , & bâti des pierres de tail
les plus groilcs : dans ce puits, l'on voïi
à fleur d'eau une porte quarrée qui
roiflbitavoir été faite pour donner qi
que facilité à ceux qui viendfoienti
puifer de l'eau. Auprès de-Ia étoii'
auiïï de grodes pierres de Marbre & n
me des canaux entiers faits de Mari
blanc , & emboctez les uns dans
autres.
Les gens du Pais difent, qu'il yavi
f Affriijue & Aums Héux: 4^
autrefois là une Eglife fore grande 8e
fort belle ; nous y vîmes plufieurs Pier-
res oïl il y avoir des InCcriptiotis ; mais (t
gâtées que l'on n'y pouvott rienconnoî-
rre. J'eus le comentemcnr d'y acheter
une vingtaine de Médailles ,queces E(^
claves avoient trouvées an remuant I*
terre : il s'en eil même rencontré des
plus rares , & dont les revers ne font
point dans les livres de Monfieur Vail-
lant.
Lorfque jsfus arrivé à Conftantînople,
j'appris qu'il y éroit arrivé deux jours
auparavant un Turc de qualité qui Cf
loiioit fort des bienfaits de nôtre nation^
îls'apelloitjeufeph Bey,ilécoit fiisd'un-
Vilïr. Depuis quelque tems ilavoil été
envoyé en Alger de la part du Grand
Seigncur:il s'ctoit embarqué à Conftan-
linoplefur une Barque Françoife qui ^c
devoit mener à Tripoli de Barbarie.
Comme c'étoit un homme poH & en
même tems arvife , il n'avoit manque à
aucun des devoirs de la civilité & delà
piudence. Avant fon départ il étoit ve-
nu falucr Monfieur rAmbafTide^ ,
flc ilavoit eu foin de lui dtmander Ion
Paffeport: on juge bien qu'il n'eut pas
-lieu d'être mécontent de Son Excellence^.
HM Fianîjois & fur tour une perfontie-
I
I
I
^ VvfAfi iam l' AJte mlneurl^
aufli affable que Monfieur de Ferd
traite toujours avec aminé ceux qi
implorent Ton lecours. Son Excella
ce accomp.igna le PafTepott de pli
fieurs aucres marques de bicnveillam
& de ce côté là le Seigneur Turc 1
s'embarquer avec tome la ùtisTaftii
qu'il pouvoii erperer. Arrivé à Tri]
ly ,il trouva un Vaiir^au Turc jilfe
delTus pour continuer Ton voïage; i
une tempête qui s'éleva , te jetta
après fur les côtes de la Sicile, Leur Bj
timent ne put refifter à la violence di,
▼ents: il fit un naufrage a(rc2trifte,3i: U
hommes s'en fauvereiu du mieux qu'il
purent à la nage. L'on fit Efclavcs toas
ceux qui fe trouvèrent dans !e Vaiflcac.
Joufeph Bey obligé de (ê jetter dans
la Mer , n'avoit pas perdu fa prcfencc
d'e(prit ordinaire ; il avoit fauve fon
Paîïeport avec fa perfonne , & il lui ar-
riva là peu de chofes que fa (âgefle ne
lui eût fait prévoir.
Il !e montra aux M.igiftrats : auOî-tôc
ils changèrent de conduite à fon égard;
loin de le traiter en Efclave, ni lui ni
toute fa fuite , on les habilla , on leur
fournit avec honnêteté toutes les cholè»
dont ils eurent befoin : on écrivit pour-
untdc Sicile en France & en Efpagne^
^™ ty^p'itjue & autres lieux. ^^^^^H
& l'on demanda fi fur le Paflèpott de
4
& l'on demanda Ci fur le Paflèpoi
Monlîeuc l'AmbalTâdeuc, onleurdonnc-
roit toute liberté. Comme lachofene
fjifoit point de difficulté , on leceut des
ordres exprès d'y avoir égard, de traiter
joufcphBeyen homme de fon rang) &
de le mener oïl ilvoudroit ; ainfi on lui
donna un Bâtiment qui le conduilit en
Alger.
Lorfqu'il y eut fini fa negotiation , &
qu'il voulut fc rembarquer pour Con-
ftantinople, onvoulut lui donner un Bâ-
timent du Pais , pour le reporter ; mais
il ne le jugea pas alTez bon poUB fc mec*
tredtiFus ; & l'honnêteté qu'il avoitce-
marquée dans les François , le déter-
mina a les prendre pour les guides defon
retour : il encra dans un Vaiffeau qui re-
venoic à Marfeille , il y fut comblé
d'honneurs. Mais ce qui augmenta fit
bonne opinion pour la nation Françoife,
fut le bon accueil qu'on lui fit par tout
dans la Ville ; 8c fur tout le foin que l'on
y prit de faire f,'s provifions pour le
I voyage de Conftantinopler Je fçeus
I qu'il avoit été quelque tems dans l'Ifle
de Chic, de-là il ctoit venu en diligence;
& auHÎ tôt après fon arrivée à Con-
ftanilnople , il avoit envoyé (àluer
Monfieut rAmbafladeur , & lui avoic
I
1
J
4< y«y*gt déHs PAfie
-tncme envoyé tes habits & les lingCI
necelTaircs pouF le bain. Ce prefcnt, or-
dinaire chez les Orientaux , confiftoit
en une chcmife de Cofe , des caleçons&
des mouchoirs brodrz \ tout cela étoit
envcfopé d'une belle pièce de foye es
broderie, & il avoit fait dire à Motu
ïîeur l'Anibadadeur qu'il lui demandotl
une Audience pour le remercier lui in£.
me des obligations qu'il luravoît'
Ce Seigneur plein d'une véritable !&•
conno-(r3nce,a-toûiouTs publié avec joïe
les bienfaits qu'il avoit receus de lapuiC
fânce Fmnçoife , &c on lui a fouvent eii>
terdu dire que s'il n'avoic qu'un Scqua
H le partageroit avec nous*
CHAPITRE VI.
Souper chez. Monjîeur V AmhttffAiettr de
FrdTJce , fuivi d'un concert. Singuliers
Crdonnance du Grttnd Sii^nenr. Hifloir*
£Adrnmant l'acSia. y.Jire renihè au
Kadis Lef^uer de U Natolie. Converja^
tion Turque chc^ Monfienr l'Amb^fa~
deur.
LE douzième j'eus l'honneur de /bu-
per chez Son txccllence ; j'y trou-
vai une compagnie difpolée à taire un
concert : on avoit fait quelques vers à
l'honneur de Monfieur l'A mbalTjdcur,
& les François voulurent Ifs lui chanter
en fa prcienee. Ainfi après le foupé, -
compofc des mers les plus délicieux, des
fruits les plus exquis f< de toutes les
fortes , nous eûmes un? fymphonie , qui
charma toute l'AlTemhlée ; les Inllru-
mens ic les voix s'y firent également
admirer.
Le quinze le Grand "îeignçur alla Ce
promener dans la Ville incognito ;
daiM Icquarcier oil il fc trouva il vit pat
fer devant lui plufii-uis Cheva.ix char_
gez de bois : u ciuiodté l'aïant poité
^.9 ^oyf^' 'i""' i'-^fie mineure,
à y reftcr plus qu'ailleurs , il vît re[
peu de tems après les mêmes Chevs
chargez de ceux qui les avoient
duits , ils lui parurent dignes de (
pallîon : Les hommes , dit-il , Ibni bi
injuftes ; ces pauvres Chevaux n*oi
ils pas eu affez de leur charge , fans
être encore obligez de raportcr ceux
que je vois montez defTus ; c'eft ne leur
pas laillèr' iin moment de repos : j'y
veux nwitrc ordre. Il fit effeftivemene
publier fur le champ une Ordonnance,
par laquelle il défendit ibus peine de
la baftonnade à quelque perlonne que
ce fût, de monter fur Ton Cheval après
lui avoir fait porter fa charge.
Le même jour fes Galères vinrent fa
preftnter au nombre de feizc devant le
Sérail ; il fc trouva au bord de la ma-
line dans fon Cheoflre que l'on lient
ordinairc-mcnt à la pointe du Serai! ;
le Capitaine Pacha alla lui faire la ré-
vérence , & lui dire qu'il venoit pren-
dre fon ordre pour commander for»
Armée Navalle fur la Mer noire.
Le Grand Seigneur lui fît donner la
vefte , &: lui donna lui- même le Sabre }
c'eft par cette cérémonie qu'on revêt un
OfScicr des dignitez Militaires , la vefte
J
t^frt^ue & Mtrts lieux. ^^
eft one marque qu'il tient la place de
l'hmpereur par fa qualité de Commao-
datit } & le Sabre cft pour l'engager à
faire fon devoir , Se marquer en même
tetnî que s'il ne le fait pas , il y va de fa
tête.
Le dix-fept les Galères (ortirent da
Porr , elles s'éloignèrent de Conftanti-
nopie d'environ vingt mil c fcu'emcnt;
mais le dix-huit elles partirent rout-à-
fait. Il yavoii fur ces Galères un E(^
clave François , quand le Capitaine Bâ-
cha en fit la vifice avant que departirj
dès qu'il l'eût app^'rçù il l'envoïa à
MotiueDr l'Ambaltadeur , avec ordre
«l'afTârer Son Excellence qu'il ne laiC
lëroit jatnsis palT?! aucune occafîon
de lui rendre fervice. Ce lïacKd eft des
bons amis de M. l'AmbalTideur , & ne
lui tefiife rien de ce qui tlépcnd de lui.
Quoique les Turcs aient quelquefoîi
:.T.z à.e politique , puifqus c'cft utie
qualité qui viïnt autant de la nature,
qu^de l'éducation , lacourtoilîe de ce
Seigneur i«e parut avoirquelq'ie chofc
defin^talier :ie fus curieux deconnoître
JÀ nailTance , & les conmi'ncemens de
ikfonune. Ce ne fut pjs U-s quelque'
écortnement que l'aprù qu'il étoit na-
liJP4e Marfeille , & FiU d'un Roadvtt,
J
I
1
{
Itavoictté ptis fur un de nos VaifTeaux
dans_fà plus tendre jeuiic0è , & on lui
avoir donné en Turc le nom d'Adra-
jnanc.
Ses Maîtres aïant remarqué en lui
un naturel heureux , il lortic bicn-rôc
d'efclavage. Il étoii brave ôtintriguani ;
ainfi fou cfprii& fa valeur ne furent
pas long-tcms fans le faire diftinguct
parmi les Turcs ; & aïant monté pat
oegrez à la plupart des dignitez,il étoit
parvenu à la charge dont |e parle.Coa
roe elle cft une des premières de l'En
pire , auffi doit-on avouer qu'Adram^
cft le meilleur homme de Mer qui {<■
en Turquie.
LePallcporc que j'avois feic demal
<îer,ctoit une chofc dont j'avois u
foin extrême ; mais il fe preiènta td
jours de grandes difKcuttez à me l'accd
dcr ; je vis même que l'on s'en forma
jL plaifir , Si que les Magjftrats Turi
ne voulant pas dcfobliger M. l'AiB
baflàdeur jufqu'à lui en faire le refm
cherchoicnt tous les jours quelque t
tour pour éluder Tes raifons : ainfi d
fefpccant de l'avoir , je pris la rcfolutiJ
de m'en paiTer , & d'obtenir par r
induftrie aux d (ferents endroits oi^ jk
loi5,quelque chofe d'équivalent. PoT
F/i^rJtjttt dr Mtlrei litux; ji '
c?la je fas d'abord rendre une vilîie au
X4dis Lifqtur* tie la N-tielir-^y ivois prie 'nFna.
IfR. Pcre Bèfnier de m'y accompagner, t^V ,^-
&■ il voulut bien m en taire le plailir.Pour xioupe»
y cire mieux lecca , j'y portai quelques '''■'^»-
Canes de Geographie,& je lui dis que j'a-
voisvû àParis une perfonne * qui avoir ■ X(. g».
l'honneur d'être connue de lui , & qui '*'"■
m'avoit recommande avec foin de lui
faire fes complimens. Ces honnêtetez
nous jetterent comme je le fouhaitois
dam des difcours plus détaillez : nous
cntiâmes infenlibîement en une vérita-
ble converfation , &entreautres cfiofes,
il me denunda quelle étoit ma profèf-
fioti , & d'oâ me venoir cette envie de
voïa^er ; ce fut alors que j'eus occafion
de lui faire connoître l'utilité de ces
Coucfës que j'entreprenois. Je lui dis que
i'ctois Médecin, que je ne voïagcois que
pour me rendre habile dans ta /cience
que je profeiroi<î : que les herbes étoient
la véritable Medecine;que Dieu en avoir
autrefois donné la connoiflànce aux
hommes, que par là ils poavoient con-
fcrverune vie, qui {ans doute ne de-
voir pas ctre de fi peu de durée j qu'en
efïèt,dans les premiers Siècles du mon-
de, nôtre vie étoit, félon toutes les Hi-
iies,beaucoup plus longue qu'elle ne
C V,
I
I
I
« Voyage dam P jifie mineure^
Icft à prcfent , & que je ne voïois pal
que Ton en pût aporter d'autre ;raifon ^
fanon que le' crime & la ty racnie aïanc o(è
paroicre la tête levée, Timpiecé & la mi«
jere avoient fait perdre cette connoi({àn«
ce des herbes (i utile , & par confe-*
quent fi peu à négliger. Je voyage donq
continuai- je, pour remettre dans refprit
des hommes cette fcience qu'ils pnt;
laifTé échaper à leur veue ^ mon deflein
eft de recouvrer les vertus des plantes
que l'Auteur de la Nature a femées dan$
rUnivers pour nous foulager dans les
maux dont- il permet que nous foïons at-
taquez. Comme les temperâmens font
difterents,Ies mêmes plantes fervent ra^
rement à guérir diverfes maladies \ ainfî
les fçavans Médecins ont toujours
voïagé ou fait voïager en leur place dc^
perfonnes capables de connoitre pat
çUes-mêmes , ou d'aprendre de ceux qui
en ctoient les tt moins fidèles , la nature,
des Simples , qui peuvent perfe6bion«
ner ce bel Art. Parmi les A rabes^a joutai-
|e, vous avez Mefue , Avicenne & plu-
fîpurs autres grands hommes qui en onç
fait des Livres : les Grecs ont'auffi re<
cherché les plantes avec foin, & nous ne
manquons pas de femblablcs Traitez en
tatin^Sc en François. Voila ce qui m'ai
tJfrlque & autres Vieux: jj
^ait prendre U refoluiion de voir !e
monde ; je fuis même envoyé exprès,&
(lour cela fcul par l'Empeceuc de France
mon maître. Je lui marquai que j'allois
commencer mon voïage par la Natolici
& quecomme ilyavoit un pouvoir ab*
folu, je le priois de me donner quelque
recommandation. H me le promit, mon
difcours l'avoir touché & il avoit con-
ceudema fcience medecinale une idée
beaucoup plus hauce que je ne l'avois
ofc efpercr : il voulut même que je lui
ordonnaflè des remèdes pour certaines
infirmitez dont-il Ce plaigrioit. Après
avoir pris le CafFc,nous lui demandâ-
mes quand il fouhaitoit que je revinHa
pour avoir la recommandation qu'il
avoit la bonté de me promettre , Se il
nous répondit que cela fe feroit quand
nous voudrions : je le remerciai après
lui avoir fait prcfênt d'une petite Lu-
nette d'approche. Le }o. j'y retournai
avec le R. Père Befnier : Se pour nou-
veau prefent je lui donnai la Carte de
l'Afie, & le Père la lui expliqua en Turc
d'une manière très fçavante , en lui
contant à chaque Royaume & aux prin-
cipales Villes , les différentes hifloircs
qui les concernoienr, les Grands Hom-
mes qui en étoient foitis , ?c \es tç.n\^
C u^
I
Jrf Voyage ddmC Afîe mimur^ ,
des plus belles : & en peu de mots', mais
cloquemnient , il leur fit connoîcte la
grandeur du Roi & la farce de fcs Ae-
Dices 1 enfin il fe dit làdcirus de part &
d'autre beaucoup de cfiofcs pleines d'ef-
prit,qu'il feroit inutile de taporter
remarquerai feulement que les Tu:
patient toujours à l'Orientale, c'eft-i
direjinctaphoriquemcnt & d'une matii
IC prefque parabolique.Pour donner
die d'un grand politique dont les di
feins ne réîidilTcnt pas toujours
ces Xurcs nous dit , c'eji un kdbUe ho\
mt : il efi fç^vant & il file [on fil fort
»», muis ttujfi ilfe rampi tfuel^nefoit.
Comme ils encendoient joiisc les II
ftrumensdela Mufiqiie de M. l'Ambî
ftdciii , on leur demanda quelle dîî
rence ils mettoient encre la Mufii
Françoife&' celle de Turquie , le Mi
tre de l'Artillerie prit la parole, &
que la Afnfiijue des Français allait It ci
min droit j & y»* celle des Turcs alhit
jrdvers.
Il fiit fait une reponfe femblabli
î'occafion du R. Père Bcfnier.Un
comme le Grand Seigneur étoît dans
récréation , ce Religieux qui fçait fore
bien les Mathématiques , fans fortir de
f» place mefuia la porcée d'une BecI
:laH
^" Fjlffrii^ue & autres lieux. jj ^^
de ffMce , tn fnveur duijtul vous tji écrite
cette Uttre,4evani aller chercher & ^erbom
rifer dans les Terres dt les Adontagnes de
vôtreJurifMâivn.dcs Simples neeejfaires aux
Médecins ; après iju'it les aura tronvéet (Sr
CHèillies devant s'en retourner^ îl eft à prp^
pos ^u'enqueltfue lieu jh'i/ entre des Terres
devss JurisdiBions , vous ne l'empêchiez,
pas de cueillir & emporter lefdits Simples ^
necejfaires aux Médecins , & iefalut. ^Ê
Parle Aboubequir.Kai>t ^^k
tLiic^tB. des Aimées d'Afîe* ^H
Traduit par Petits de la Croix ^|
Lei. Aoufliyu. ^1
Je ne fongeai donc plus qu'à me ^H
■ diipoferà partir. Le quatie Juin il vint '■'
dîner chez Son Excellence deux Turcs
de conlideraiion , l'un étoit le Caiflîer
du Citfenadar* du Grand SeiEiieur, l'au- ,
ïre le Lieutenant Général de rArEillerie-, «'..
Son Eïcellence les ttaiita avec fa ma- "i"^»*
gnificcnce accoutumée, & aptes le dî- ^H
net on prit les Liqueurs à l'ocdiruire. ^H
Dans la converfacion les deux M^ihome- ^|
tans s'informèrent avec curioficé du
Gouvernement de la France ; M-
J'AmbalIâdeui leur en fit ut\e ^dw^aie
i
jS Vojâgi ÂAnï tAJÏe mlntttrt.
Le PafTepoïc écoit conçeu en ces termes :
Nom Cmaries di FenRior^
Chevalier Saron d' Argeiual & de S,
Ferriol , Canfeilier du Rat enftS Cenfeilr^
AmhAffadcur exlraordinAtre de Sa Aiâm
jefié À U Porte Oiiomane:
Nousprions tomceiix ^u'iUppartiexdrd^
de Ui^er fturement & Ubrertunt paj?er U
peur PahI Lucas , Fratifoîi^ avec unvulet^
s'en alUn't d'ici 4 Nicomedie , à Broute ^ it
C«uye, * Angora , à Cefarée , & deVAnt
revenir par Smyme & Chio , Negrtpont
&c. & de n'y apporter aucun empêche-
ment ; mitis an co/iira're toute l'aide /faveiir
tè' affiiiance dont il pourrait avoir hefotn ^
comme nous ferions en pareil cas, Jî noHS^
étions requis de leur part : en foi dcqnoi m
eiventfifné cesprefences de nàtre main ,
ieetlesfait contrefigner par notre ChaneeUm
■premier Secretaire,& fcclUr de nos ArmtM
au Palais de France le y Juin de l'amtT
170J. Signé B E L I N . avec le Cet '
dei Armes dndit Seigneur,
\fJfAi}Ui & autres Gcux.
CHAPITRE VII.
'\c»meàie. Vïfite chtz.jiffen Tacha ^& le
Princt TeejUeU Hongrois, Portrait de
A^ademoifetle Catherine Hongroiftm
Tembeait trouvé. Defcriptsen de l' Ar-
bre ConcoHvia. Hifloire defamte Barhe,
O^emem extraordinaires . fnfiriptiefis.-
JE me mis donc le 6. joQr fur une Bar-
que du pais , ôc nous fîmes voile- à
dix heures du matin ; le vent étoit ira-
inontane , niais fort petit : nous allâmes
ainfi piès de trois milles, &: nous laillà-
Bies à main droite les Iflss des Princes ;
far le foir la bonace nous prit avec un
lems couvert , tl tomboil une grolle
pluïc accompagnée d'éclairs & de ton-
neres fort violents : enfin nous elTuia-
mes quelques coups de Tent qui nous
auroient fait faire naufrage s'ils avoienc
duré: comme nôtre B,ïiquenctoit poinc
calfeutrée pat la couverte , on peut ju-
ger combien nous fûmes raouiticz ; tout
le reftc de la nuit nous marchâmes avec
un petit vent qui dura jufqu'au Soleil
couché du fcptîcme que le Ciel fe cou-
Kit une fecondt fois. En peu de kiv.^
I
^o ynyâle ddnt t Ape mineure,
le vit tout en feu par !a multitui
dei éclairs: le lonnerce étoic capable i
faire crembler les plus hardis, & jami
i"e n'en avois enrendude (î horrible:
e vent ne nous avoit pas été contrain
nous nous ferions peut-être confolez t
la pluye qui nous perça , mais il falli
prendre patience, & petit à petit en fï
lànt bord fur bord , tâcher d'arriver
Kicomedie : cette Ville bâtie par Nit
inede du tcrnsdeCefar ,& comme 1'
fçaiï la capitale de Bithynic , porte
prefent chez les Turcs le nom de ici
mtr.
J'y débarquai le S. à cinq heur
du matin , & aïani fait porter mes ha
des en une maifon , cil demcutoient I
Officiers do l'rincc Tequeli , j'y fus a
mirablement bien receu , fur tout lo
que l'eus dit que j'avois quelques Ll
très de M.l'Ambafladeur pour ce Prim
ïl étoit juftede fe repofer quelque pei
mais pour ne point perdre de tems, j'ei
voïaidirc chez Aflen Pjcha que j'avi
pour lut des Lettres de M. l'Ambaflî
deur , & demm^ec quand je pourn
avoir audiance deluippuc les luircndr
l'on meraporta queceferoit l'après e
ré même. Je ne manquai pas de n
tendre à fon Palais : on me conduii
fjfri/jue & autres lieux. ïîp
dans nn petit chioftre où étoit le Bâchas
i'eluiprelemai de la part de Son ExceU
rnce la Lettre qu'elle lui écrivoît
pour moi , il la receut avïc de grandes
marques d'amitié , il me promit à fa
confidcrarion des Lettres de même na-
ture pour les Bâchas de la N itolie -, mais
il parut étonné de la rcfolution oiiîl me
voïoit de voïager dans des pais aulïï dan-
gereux : je lui marquai que s'il m'hono-
roitdefa proteftion j; n'aurois rien à
craindre; mais,ajoura-t- il, ma proteflion
vous vaudra-i-elle beaucoup comte
les voleurs , dont ces Régions font rem-
plies: Je ne les crains pas, répliquai je,G
vous me donnez la permiflion de les
loer : cela le fit rire , il me promit tou-
tes les recommandations qui me feroient
necciTaites , & nous parlâmes enfuitc de
l'état des affaires , fur tout de celles de
l'Europe , dont il aprit des nouvelles
avecplaifir.
Revrnu chez mot j'y trouvai prêts les
Chevaux qui me dévoient porter chez
IcPrinceTequeiy ; il ne demeuroit pas
dans la Ville, (a refidencc ordinaire étoic
à une terre noinmée It Chaiip de FUnn,
éloignée de Schemit d'environ deux
lïeué's. A la moitié de ce chemin cft un >
Ut fort beau fur une Rivière que l«8
\
I
Turcs appelienc Quillcr. Arrivé a'il
Champ de Fleurs , ■^ fus conduit au
Prince qui me receut d'un air fort hort-
ïicce ; il étoic dans un verger planté de
beaux Atbces , qui me parut des plus
délicieux: je le trouvai à moitié couché
dans une calèche ouverte de tous cotez ,
& couverte d'un impériale: il ttoit ap-
puie fur deux couffins, fes infirmitcz ne
lui permettant pas de prendre une autre
poftute : il avoit un bonnet à la Hon-
gtoîfe ic une vcfle noire qui le couvroic
entierement.Pour me donner Audience,
on avoit fait apporter auprès de fa ca-
lèche un grand fauteîiil , il m'y fil af-
feoir avec bien de i'honnète.té , il leut la
Leirre de Son Excellence,& me marqua
qu'elle lui faifoit un véritable plaifir r
enfin après une heure d'entretien fur di£.
feientes fortes de chofes , il me renvo'ia
avec ordre de le revoir.
Du verger, on me fit entrer dans un
de fes appartemens, où l'on fervit iii>
foupé mtignifique ; il y fut bû en abon
danee .- les Hongrois tiennent un pea d
l'Alleniagne , & c'eft un point dans 1
quel il ne fefoBcientpas d'en différer.
Le neuvième je fus d'abord me
promener (aruiie montagne voilîne du
Champ de Fleurs ; j'y vis deux tours a
bo niM
ns l^
rer.
, me
e du
r 'fAtfite & autret lltux. '4f
tiques encore fou hautes & qui font ap.
paicmnieni les reftes de quelque bel
édifice > enfuite je revins voir le Prince
qui ctoit encore dans fa petite calèche ,
mais proche d'un tuilTeau qui pafTe dans
fon Chyfj * & dont les doux murmu- ii»F,m.
res invitent infenfiblcment au fonimcilr f''-
j'eus encore de lui une heure d'Audian- p^îîiifja
«.pendant laquelle nous nous entreiîn-
nies d'une infinité de chofes, comme de
l'état prefent de France , de mon voïa-
ge , des pais que j'avois déjà vus, de mes
dclïèins d'alors, enui! mot, de ce qu'on
peut demander à un yoïaf;cur , lort-
qu'avec dejl'efprit, l'on ne manque point
decuriofité. Après avoir pris congé de
lui, je fus faluer Madame Catherine j
c'eft une Dame Hon^roife toute airiia.
ble, & d'un vifagc le plus gracieux qui
fut jamais ; elle a outre cela des maniè-
res qui enchantent , & plufieurs belle»
quahtez qui la mettent au defiiis des
femmesordinaites j elle danfc dans la
perfcAion , & ce qui parmi ceux de fâ
nation eft aufli de quelque eftime , elle
fçaii boire une nuit entière , Se menre à
bas les hommes les plus hardis , fans
qu'en elle il paroilte la moindre marque
d'yvreltè ni aucun dérangement. J'eus
'"lonoeur de dîner avec elle, & [ç te-
I
Î4 Vtytge dam tAjîe mineure,
marquai qu'elle ne s'épargnoir^pas à bol
rc. Apres la bonne chère vint le plaiiî
de ladanfe : labelle Honj^roife fuivaiO
exaftement lacadance &: le fon , y pa.
rut dans toutes Tories de mouvemen
avec une adrc/Tc & une légèreté qui
lui ÔToient rien de fon air majeflueux
ainfi mes propres yeux me convainquis
rent qu'on ne me l'avoic point trop van
tée ; & fa converfaiion honnête & pleï
ne de douceur me pcrfuada encore plus
qu'en l'honorant de tant de louanges
on ne faifoicque lui rendre juflicc : o
Jicutcroire que je ne la quittai pas fan
ui en faire mon compliment. Comme j
■nepouvois faire au ChampdeFleursi
plus long rejour,j'a!lai prendre rongé
Sa Sérénité Hoiigroife, je remontai
cheval Se revins à Nicomedie.
Le 10. j'appris que l'on avoit dcten
depuis peu un tombeau de Marbre , fu
lequel il y avoir une infcription: je ta
[raiifportai au bout du marché au ba
où l'on me dit qu'il étoic a^ucllemen
S: en effet je l'y trouvai dans la cofl
d'un particulier : il y ctoit , difoit-on
depuis un mois & demi ; on l'yava
apporte d'un petit champ qui eft à i
(kmi quart de licuc de la Ville , où t
l'avoii trouve : il y en a autour 1
Nicomedie pluficurs autres qui ne cou-
reroietit prefque que la peine de les ti-
rer de terre . mais en ce p,ns là on ne
fçait ce que cVft que de fe la donner
pour ces antiques ,&on laiffè ordinaire-
ment dans un profond oubli , ce qui fait
ici la curiofité des Sçavans, Ce lombeau
a neuf pieds de long , & cft d'un Marbre
qui reiremble fort à la pierre granité.
J'en copiai i'infcription, qui me parut
des plus entières j on la peut voir à U
fin nombre 7.
De-lâ je fus conduit par un Papas à
l'Eglife defaint Pantaleon qui eft à une
demie lieue de la Ville : à peine eûmes-
nous marché cent pas que j'apperçûs
deux Arbres fon hauts & d'une grofieur
extraordinaire , je croi que trois hom-
mes n'auroient pu en embraflet un , les
Grecs les appellent en langue vulgaire
dmcoHvia : ces Arbres portent un petit
fruit fort noir , & ce qu'il y à de mer-
Ycilleux dans ceux dont je parle, eft que
par une ouverture du tronc , l'on voit
tyi'ili ont chacun une grofTè pierre quar-
rée qui eft ablolument enfermée dans
l'arbrexes pierres ont plus de lo.pieds de
haaieur fur trois de large , & (i l'on s'en
rapporte à la tradition du pais c'eft le
lieuoùeft enterrée faitite Baibe. Cewc
I
I
'S€ Voyage dMs l^^Jle mîneUA ,
"Vieri^e, à ce qu'on me conta.ctoit Fîllff
d'an nom-né Diofcorus de !a Ville de
Nicomcdie: après avoir fouffcttle mar-
tyre pour la Foi avec beaucoup de colî-
fiance fous l'Empereur Maximilieii , on
la mil en cet endroit, fous ces deux pier-
res , dont l'uneéioitàfatPte, & l'autre
aux pieds: tes Chrétiens du pais dtfent
que ces Arbres y ont crû par miracle : le
Papas me racontoit toutes ces merveil-
les en marchant- A mefure que nous
avancions , le chemin fe troavoit pavé
de pierres de plus en plus belles \ il m'af-
fura que fous ce beau ciiemin , il y aT{»t
eu une Eglife magnifique, oi\ avoieni
été enfêvclis plus de vingt-mille Mar-
tyrs , que pour preuve de ce qu'il avan-
çoit.je n'avois qu'à faire attention à l'o-
deur qui en fortoît. Il eft vrai que j'eus
l'odorat frapé d'une odeur fort agréable
dès que nous fûmes auprès de cet endroitj
une chofe particulière, c'eft qu'elle (è
ièiit beaucoup plus des deux cotez aue
fur le lieu même , j'en attribuai la railon
auxavcnues qui y conduifoient autres^
fois , & qui apparemment étant moint
comblées que les voûtes laifTent palTei
plus facilement les exhalaifoni des par-
fums dontces corps ont été embaumez;
le Papas vouloit que ce fiic un mitacU
perpétuel.
tJjfriijHe &MHMS Fieux. gy
A cent pas As là nous entrâmes dant le
cliamp d'où l'on avoit tiré le Tombeau
dont j'ai parle , nous y vîmes encore fou
couvercle fait d'une pierre de Marbre
fort groflè, & toute d'une pièce } &
les o0èmens que l'on en avpit ôcez
étoient alTurement deux fois plus gros
que ceux des hommes ordinaires. 11 y a
eu là autrefois quelque bâtiment consi-
dérable ; on y voit par tout de grandes
pierres de Maibre , un grand nombre de
morceaux de colomnes & de chapi-
teaux , quantité de matériaux travail-
leï pleins de feuillages & de cannelu*
res : nous y trouvâmes d'un autre côté
des bas-reliefs qui reprefentoient des
têtes de bœuf, des guirlandes , & plu-
fieurs autres fortes de fcutptures. Enfin
nous arrivâmes à l'Eglife de faim Pan-
taleon qui n'eft pas fort éloignée de
toutes ces ruines : à la poite qui avoic
feulement au haut quelques oniemens
dont-il fetoit inutile de parler je vis un
maibre de quatre pieds de long fur
deux de large , il avoit une Infcription
latine que l'on peut voir à la fin nombre
S. & qui marque que c'eft le tombeau
d'un Efclave. i
L'Egîife eft affez belle pour une Eglife
rtecque. Le Tombeau de faint Pauta^
letin eft Jaiis un caveau fore creux c
l'on a fait deCTous ; Ton corps n'y cft plfl
5c l'on me
dir c
t de l'Edifc ,
nia
olc-Bnfon
s dans la
I
i niurail.
un Marbre d
de large avec un bas relief & une Infcn
prion. Voypi la à la fin nombre p. \
Il y en avoir encore beaucoup d'an
ires qai avoienr auflî des Infcriptioni
mais elle n'étoient pas enrieres , & ]
crus les devoir laifTVr là. Pour revei '
Nicomfdie, nous piîmcs exprès un
xzs chemin : de côté & d'autre nous tej
contrâmes quantité de morceaux
coloni!ics,& au milieu d'une i
trouvai (br un puits une pierre de Mal
btc fort grande qui étoit percée au en
lieu pour faire le trou du puirs,commtf
patoîcra par l'Infcription imparfaite q
je me donnai la peine de copier, &q
i on peut voir avec les autres à la |
nombre lo.
Nous vîmes encore là quelques "
très Marbres, mais les Lettres de leia
In^riptions étoient trop effacées ,
lit été perdre le tems malàpron
que de les vouloir copier.
Fj^frique & autres Uen^. Hf
a^
CHAPITRE VIII.
Defcfiptîon de Nïcomedie. Vifite renàni
M fâcha. CoHrtoifie des femmes JUau^
fris delà, QjiaUté de la Fontaine de
QiêenarfoH. Contume des Turcs. Cara^
ga^Jument autrefois grande Ville* Def-^
çriptioit d'un pont, jinimaux dupais^
LE onzième je fus pour rendre vifite
au Pacha & je le rencontrai qui al-
loit à un petit chifly qu'il a fur le bord
de la Mer: il arrêta pour me parler , me
promit de nouveau des lettres de re-
commandation , & tout ce qui me feroit
i^çceflaire ; je le remerciai de fcs bontcz :
je lui avois fait prefent d'une lunette d'a-
proche la première fois que je Tavois
veu & il lavoit acceptée avec plaifir :
fon Kiaia que je rencontrai auffi com-
me je m'en retournois,me fit mille hon-
nêtetez & me pria de ne point épargner
fon crédit fur tout pendant que je f rois
àNicomedie. «De- la je fus me promener
à plufieurs endroits de la Vilîe , & j'y
trouvai linafiez grand nombre d'Infcri^
prions ^ mais vràiécs , & Hor.t on ne poq-
ypit rien tiiei ^ je vis par tout dc^ n v
ftiges confiderables de fon antitj
particutieremcm de hautes cours deï
que de plus de vingt-cinq pieds d'épaîC
(eue: il eft difficile de ne pas fe laiflèi
faifir de ttiftelTc à la vue de tant de
beaux Palais, de tant de monumens tef-
peâables tous abatus par le tems , oâ
luincz par la cruauté de la guerre. Nous
demeurâmes quatre heures à en faire le
tour , ce qui montre que Schemit étoit
autrefois une des Villes les plus vaftes.
Si l'on s'en raporte à la tradition dupais,
c'eft un tremblement de terre qui a rcii-
verfé tous ces grands édifices, & elle pa-
roît n'être pas mal fondée, puirquepar
toute la campagne on trouve fous la
terre de ces édifices prefque entiers,
Nicomedie eft bâtie fur le bord de la
Mer, mais ce bord fait un côceau qui a
bien un mille de hauteur , & fur lequel
la Ville s'élevant comme par degrez
ala figure d'un bel amphithéâtre.
Le ii.je fus revoir le Pacha: il mcpre-
noit pour le plus grand Médecin dont 41
eût jamais entendu parler, & me dit qu'il
fenioit des douleurs dans l'eftoftiac, &
que je lui ferois un plailîr fenfible (i je
voulais lui ordonnée quelque choie qui
Iqî donnât quelque foulagcmcnt. Sut
le champ je mis en pratique les princijj|^
tjlff/injiie & autres litHX. 71
les règles du cérémonial de la Médeci-
ne ; de-Fà commençant à rêver, comme
j'avois une envie excième d'aller voie
quelques aniiquj[ez,ciont plufieurs bour-
gcois*ii)'avoieiit concé des merveilles, je
cras qtiejetrouverois difKcilemenc une
occalîon auQÎ favorable de contenter
ma cariofité : je lui dis donc cjne tous les
mélanges de drogues que font les Méde-
cins ordinaires étoient plus propres à
gâter un tempérament qu'à rétablir la
famé; que lors que l'on connoiffoit quel-
que fimple dont la force proportionnée
à une maladie pût la chalVet fans altérer
la conftiiution de la perfonne ,il falloit
la chercher par Mer & parTcrre: Je fçais,
lui dis-j?,une herbe qui viendroit admi-
rablement bien à vôtre mal ; mais peut-
être ne fe trouve-t-elle point ici,quo!que
le climat foit à peu près fembbblc à celui
des païs oïl je l'ai veuc.Comment, répli-
qua le Pacha, vous êtes ici dans le meil-
leur terrain qui foit fous le Ciel, vous
n'avez qu'à voir de quel côté vous vou-
drez aller , je vous envoïerai demain
des Chevaux & deux de mes gensquï
vous accompagneront par tout; faites
en forte de trouvée l'heibe dont vous
me parlez , elle fera fans doute dans
quelqu'un des lieux ciiconvo\Ç\u=. •.A.
yi Voyage dâ/is fAfîe mineun,
ajoûca,qu'il me prioit de faire atientloa
aux Fontaines que je rciicontrcfois , &
d'en goûter !es eaux, pour lui dire quel-
le étoii la plus falutairepoar lui : en un
mot, dans mes de[ïèins,ScrefoIu autant
que je l'ctois de parcourir le pais, je pro-
mis , & j'acceptai tout. Ainll le i;. au
C'*'' matin , le Chok^dura * du Baeha & un
- autre avec lui parurent à ma porte avec
' des Chevaux qu'ils m'amenoienc; ils me
. dirent qu'ils venotent de la parc du B3>
- cha pour m'accompagner par tout oïl je
' fûuhaiterois aller ; nous montâmes à
Cheval fix que nous étions ; & après
avoir marché par de belles montagnes
toutes cultivées, lors que la chaleur com-
mença a fe faire fsntir nous nous arrê-
tâmes auprès d'un petit village. Comme
les hommes étoicntallez aux champs à
leur travail, il ne s'ytrouvoit alors que
des femmes : c'eft une chofe aiTcz ordi-
naire à la campagne de les trouver feu.
les dans leurs maifons ; mais celles ci
nous parurent des plus apprivoifces ; dès
qu'elles virent que nous étendions nos
tapis pour nous repofcr , elles nous :
portèrent des conflins , & quelques {
très tapis pour nous mettre plus comnd
dément;i.'l les nous Ereni même maufl
dcce qu'elles avoieni, c'cft-à dire 5
tAffriijiie ($" aMres Iseuv. 7j
riifs au beurre ,da fromage, & detou-
ccs fortes de laitage; le déjeÛRé'fait,nous
lemoiitâmes à Cheval, & marchâmes
encore l'cfpace d'une heure par les mon-
tagnes; enfin nous firtivàmcs à la Fon-
laitic de Chernacfou, la plus belle qui
fbit dans toute la Province. Ses eaux
font en reputitioti pour pluûeurs venus
admirables qu'on leur attribue. Les Ha-
bitansdu lieu difent qu'elles guendcnt
quantité de maladifs , mais fut tout la
gtavelle ; je vis même quelques per-
fonnes de meiitc qui me l'afluierent » Sc
il eft certain qu'elles font quelque chofe
d'aprochant.puilqu'un momcncapics les
avoit prtfes , ii faut les rendre ; ce qui
peut faire conjcâurec qu'elles font ad-
mirables pour toutes les obilrui5tiotis.
Cette Fontaine rend l'endroit oi\ elle eft
des plus délicieux, & fa fraicbeur nous
y ficdemeurerprcs de deux heures.Nous
travetf^mes enfuite quelques bois , Se
après avoir yÛ p'ufieurs villages, nous
nous arrêtâmes à un dont les Habitons
comme ceux du premier , nous donnè-
rent à manger. C'ell une Iolî.ible coii-
tume qu'avoient les Patriarches, & que
les Mahometans ou en j^cncral les Orien.
taux, fe font gloire de confervet avec
foin , de rafraîchir ainfi tous les paiTans.
Ttme I. ï>
I
74 ^^J^i^ ^^^^ t Afu mineure^
Cela eft toït commode pour ceux qui
voïagcnt dans ces pais ia,& fur toat pooc
les pauvres qui y font alTurement pltu
foulagez qu'ici. Ces Turcs font paroicre
une charité toute pure & ne demandent
pas feulement qu'on les en. remercie.
Nous continuâmes nôtre chemin juC»
qu'à Caragajument. C'eft un Village^
mais (ans dout» qu'autrefois c'ctoic
une belle Ville, car l'on y voie quantité
de tombeaux d'une grandeur extraordi-
naire , dont pludeurs font prefque ren-
verfez. J'y trouvai des I n fer ipt ions »
mais l'injure des tcms en avoir eiFacÀ
tous les caraâreres^ainH il me fîitimpof-
(îble^d'en copier quatre lettres de fuite-
Quoique les monceaux de pierres & de
Marbres, qui fe rencontrent là en grand
nombre, me prouvaffent a(ïèz qu'il y
avoit eu anciennement quelque Ville
conHderâble ; j'eus beau m'informer des
perfonnes du lieu, ils n'ont jamais enten-
du parler de leurs anceftres , & ils ne
m'en purent donner aucune connoiflan-
ce; peut- être aufllne font-ils pas origi-
naires de ces lieux.Aprcs tant de guerres
& tant de Dominations différentes,!! Ton
confîdere fur tout l'inftabilité des Turcs»
on ne doit nullement être furpris qu'il
n'y ait là perfonne qui puilTe dire d'oA
il Y eft venu.
'*p & tmtrts lieux: ye
liâmes mettre nos Chevaux
ifon à un quatt de lieue
plus loin , oi\ l'on nous dit qu'à quelque
diliance il y avoil uu Pont des plus fu-
peibement bâtis, je pris mon fufil &
un homme du Prince Tekely qui étoic
■venu avec moi , avec un petit garçon
que j'avois amené pournous conduire ;
mais le Ponifc trouva ou du moins me
parut beaucoup plus élQif;nc que l'on ne
m'avoit dit,&: d'ailleurs je n'y vis rien
d'extraordinaire. Il n'a que trois arcades;
fur la plus grande cft une tête de bsuf
en relief fort grone,*; appuyée fur un
grand Marbre blanc; la rivière fut la-
quelle il eft,s appellc5'ïn.ï'-.«/f«: elle fort
d'entre deux montagnes fore haiHes , &
va fe perdre dans la Mer noiie ; c'eft
tout ce que je vis dans ce petit écart
d'où je revins au Connac * ion (aâ.~ Cjmik a
eue d'avoir marché plus d'une demi- ^^^^^
heure , dans la nuit , le par un chemin «nuit ci
oïl je voïois à chaque pas des loups & nu"prr*
des Ichacales, Cette dernière efpece d'à- '''"* '
nimaux itlTèmble alfez aux Renards j "'^
le pais en efV rempli. Les gens du Bâ-
cha m'attendoicnt toi^jouts, alfez cha-
grins de ce que j'étois filong.tems. Ils
avoient peur qu'il ne nous fût arrivé
Jquc choie , ou que par la difficulté
D H
i
Il
yg Voyage dam VA fie mineure ,
^es chemins &c le peu de connoi(Ianc6
que nous avions du païs , nous ne fu£-
Hons tombez encre les mains 'de quel*
ques voleurs. Toutes ces alarmes fe calii
merent lorfqu'on nous vit , & duu
cun s'empreua de nous témoigner &
joïe.
CHAPITRE IX.
Fontaine merveilleufe. Médecines données
an Bâcha & à fon Eunn^ue^ Differem
Villages. Caramoufal^ Nicie. Defcrim
ftion aes ruines de cette Ville , & di
quelques Statues. InfirifttonSf
LE 14. nous marchâmes près de deux
heures du côté du Ponant : après
^voir pafle plufîeurs montagnes ^ nous
en montâmes une fur le derrière de la-
quelle tCt la FoNSaine qui ^uerit toutes Us
maladies , c'eft le nom qu'on lui donne
4ans la contrée, & il eft du moins queL
que chofe de ce que Ton en dit. L'eau
de cette Fontaine a une vertu fort par^
ticulier/e pour les purgations celles ie fonc
par fon moïen auflî parfaites qu^on le
{>eut efperer , mais fans la moindre vio-
ence^ce qui eft à* vu avantage confider^^
'*' ^ ' ^Affri<jue & Autres lieux. ff
tla pour les temperamens foibles , &
pour tous ceux dont le corps ne veut
point être fatigué. Une chofe merveilleo-
fpjc'eftque fi l'on prend de l'eau de cette
romaine en defcendant , je veux dire en
fuivam fon cours , elle purj^e feulement
par en bas,& que lors que l'on en prend
en remontant , elle faic indubitable^
ment vomir , & point autre cKofe. Je
kulic aux Naturaliiles i dcvelopcr les
caufes d'un fiiit fi finguUer ; il eft'cer-
tain , & mérite peut-être quelques-
unes de leurs réflexions. Au refte l'on y
vient de plus de 50. lieues à la ronde;
levoïage s'en fait ordinairement deux
fois l'aniice;& comme le lieu eft aflèï
defert , & que les voleurs y font fou-
vent des courfes , le Grand Seigneur a
foin dans ces tems.là d'y envoïer une
garde de deux mille hommes afin que
perfonne né Toit infulté , & que 1 on
puilïc prendre en repos cette agréable
niedecine,qui fans endommager la bour-
fe , délivre certainement de bien des
maux,
L'c;iu de cette Fontaine n'a aucun
goilt qui la diftingue des eaux ordinaires;
je fus ravi de l'avoir veue , S: d'en avoir
bu ; mais les gens du lieu en content
MÛUe fables que je ne pus croire, ficqjK
■r D \\\
I
je ne rapoporterai point. Nous revîn-
mes à la Fontaine de Cheriiatfou : nous
coucliâmes mi-me auprès , & je bus le
foir de fon eau qui ne manqua pas de
faire l'elR;! donc j'ai parlé.
Le ij, retournez a Nicomedie ptef-
quepar le même chemin , je fus (aluet
!e Bâcha , &c après lui avoir donné qu el-
guefimple jdoiit je lui confeillai deJ|
icrvir pour Ton eflomac , je lui demaT
dai les Lettres qu'il m'avoit promîfà
Il m'aflura qu'il s'en rouviendroic ■
me Ht beaucoup de queHiions fur la pfl
nienade des jours precedens. Je taca
'dans mes reponfes , de le fatisfaire CjM
diminuer l'idée qu'il s'étoic formée f
ma fcience medccinale.
Après quelque tcms de converfl
lion, je lui montrai les effets de la teij
ture de Saturne , S: la vertu qu'elW
d'embellir la peau. Il m'en fît faire pq
la Sultane fa femme plein deu^ Sf^nJ
bouteilles , Se fe confirmant toûjoa
dans la haute edime qu'il avoit conci
de moi , il me pria de voir un dej
principaux Eunuques qui étoit maU
depuis plus d'un an , de que plufieJ
Médecins dont il avoir imploré le
cours avoieiic enfin abandonné. Je trd
vai qu'il avoit une lièvre Icnce acca
Il Fjlffriijue & autres tUur. 79
kgnée de grandf s douieurs dans le bas
filtre. J'en rendis compte au Bâ-
cha . & je l'afTurai que le lendemain je
doanerois à fon Eunuque un remède qui
le foulageroit-
Je ne manquai pas de le lui porterie
feire ,c'étoit une priie de goûtes d'An-
gleterre. Elle eut l'effet que j'avois eC
peré ,& la fièvre lequita furie champ.
Le ly.je lui fis prendre le Tarcre-Eme-
liquequilc délivra de toutes Tes mau.
vajii;s humeurs , & le guérit de cette
maladie que l'on avoic ciuc incma-
, ble.
^^FLc 18. te Bâcha lui-même m'en fit
^^femples remerciemens , & me donna
^H: la manière du monde la plus obli-
geante les Lettres de recommandation
que je lui avois demandées pour les Bâ-
chas de la Natolie, Il ctoii ù char-
mé de ma manière de traiter les mala-
des , que lorfque je pris con^c de lui il
me fit promcttie de repafTer par Nico-
medie&de le revoira mon retour.
Le 19, j'arrêtai un Caïque pour me
mener à Caramoufal & je m'embar-
quai , fur les trois heures après midi-
En ttavetfant cepctit Golfe, nous pafl
ûnws devant un Ptos Vill.''?e noînmé-
1 gros 1
'rt^orît j 3 huit mille de-la r
m\
8o Voyage dans l'Ape m'mtMre, ■
tiouvàtnes un autre auflî coniîderabl
que les Tares appellent -.■^'■•«c/y : enl
aptes avoir vogué encore douze mtUtf
nous arrivâmes à OiamouCtl , &con
me le Soleil éioit couché nous palUi
lanuic dans leCaïque.
Le lo. nous mîmes pied àterie : da
la mailon où je fus loger , je m'imfo
jnai exaiftenienides Bazars & des lie
oij je pourrois trouver des Médailles
après qucl<]ues recherches inutiles je p
le deflcin d'aller à Nicée. Il en vij
tous les jours quelques Chevaux
charge qui apportent du fruit, & c*
de Caïamouial à Nicée la voiture
plus ordinaire : je montai donc .
cheval à dix heuies du mfttin ; ne
commençâmes nôtre route par i
montagnes d'une grande hauteur ; ù,
le fommet d'une nous trouvâmes
Village nommé Jf ni jul , il n'a pour l
bitans que des Arméniens. De-là m
defcendîmes dans des vallées ; mais
ne fut pas pourlong-tems ^ilfalutqo
ques momens après regrimper fur l
montagne des plus élevées & qui tu
donnaàmonter près de deux heures
chemin.Nous vîmes encore fur le h
un Village fortbeau,non)n)é Fougfi^
jl ne fe trouve dans celui-ci que
tAfri^w. & autres l'uHX. W"
Grecs. J'en avois un de Nicomedic qui
macconipagnoic & qui avoît là quel-
ques connoilfances ; il nous mena a I*
maifoud'undefes amis & nous y rimes
nôtre Connac,
Le 11. après avoir été faire nôtre
prière dans l'Eglife du lieu , nous partî-
mes environ à cinq heures du matin f
nous fimes ce jour là peu de chemin,
mais il ftit beau. Nous marchâmes preC
que toujours par d'agréables. plaines,
nous laiffâmes à droite & à gauche uir
grand nombre de Villages , enfin nous
atiivâmes à Nicée à dix heures du ma-
tin , on l'appelle dans le pais !fm<f.
Maisen vérité , quoique je ne fçaclie
pas precifement ce qu'elle a été autre-
fois , je fuis pcrfuadc que fon nom eft
bien moins changé que fa figure: c'elb"
quelque chofe de pitoïable que de voir
les ruines de cette Ville célèbre. Elle eft
(ituée fur !e bord d'un Lac qui a plus de-
quarante mille de tour ; fon territoire
s'étend dans une plaine entourée de mon-
tagnes ; elle a encore deux enceintes de
murailles, qui font munies de Tours très
fortes , faites de briques cuites , mais la
plupart ruinées^ il y en a quelques-unes
quartéeSjdiftinguées même parla matiè-
re dont elles ont été bâties ; celles-ci
J
Si Voyage dans rAfie mineure^
font de pierre détaille, & des plurgMt>/l
fes. La Ville a en tout environ fit mille'
de circuit \ TEglife des Grecs a été des
plus fuperbes , on y voit encore de beaux
ouvrages à la Mofaïaue ^ & ce fut là,
à ce que difent les Habitans du lieu que
fe tint le fameux Concile de Nicée »oit
l'Empereur Conilantin aiMa en per«
fonné. L'on y montre encore les reftcs
<Iu lieu où s'en faifoient les adèmblées :.
ils compQfent une efpece de demi-lune-
ruinée,qui a des bancs les uns fur les au-
tres bâtis de pierres & des plus belles^,
mais tout s'en va & tombe prefqu'en
luine.Outre cette Eglife quiétoitla pre-
mière delà Ville, les Arméniens en ont
auprès une petite où ils font le fèrvice r
les autres qui étoient au(£ affez magni'-
fiques , ont toutes été changées en mof-
quées ou abbatuës par la longueur dU'
tems & la barbarie des guerres. Nicée*
cft parfemée d'un prodigieux nombre de*
colomnes de pierre granité & de Mar-
bre d'une belle grandeur. J'y entrevis-
d'abord quelques Infcriptions , mais*
gâtées d'une manière à n'en lienefperer,.
onmc promit deai'en montrer d'autres^
dans la fuite. Ce premier jour j'achetai
feulement quelques médailles.
XX. je fus pour voir le ICadis \, oa
fA^cjue dr autres ficux. Jj
ms Ht qu'il écoic à la campagne. De
{z maifon je tournai mes pas versquel.
qoes Fontaines de la Ville dont on m'a-
voit parlé. Nicée en eft des mieux four-
nies;elles font toutes bâties de Marbre ,.
& Teau de la plupart eft falutaire. Il y
a auprès un Aqueduc magnifique qui
conduit Teau de Tune des montagnes
▼oifines ^il y en avoit autrefois plufieurs
autres ^ mais ils font a prefent démolis y
Se Ton nf voit plus hors de la Ville que
de triftes reftes de ces beaux édifices qui
en faifoicnt autrefois rornemenr.
Je fus enfuite me promener environ
à un quart de lieue , j'allois chercher
trois tombeaux de Marbre blanc , donc
on m'avoit fait un récit magnifique. Je
vis véritablement les plus beaux Mar-
bres qui ftirent jamais^ mes yeux éblouis
ne foufFroient qu'avec peine la réverbé-
ration de leur blancheur ; un fur tout me *
parut remarquable, A chaque bout il y
a deux belles têtes d'Apollon -, fur la fe-
ce du devant font trois bas reliefs , dont
chacun a fa figure particulière.
Le premier reprefente une perfonne
comme envelopée dans un drap & dont
on ne voit que les feuls bras. Au fécond
Ton aperçoit un homme prefque nud qui
porte fbn bras droit paideffus (a tête ,
84 Voyage dam V^fit mlnenre,
& cirnc à la main de ce même bras od
fabre qut efl: comme penché fur Ton dos;
il parole courir, & faire en même tero»
un cfForc pour fraper..Sa main gauche
cft étendue de fon long, & rient une tê»
te pat les chcveuxjderriereeft une figure
de femme , couverte auill de drappe-
rie , & qui paroît fuir , & avoir*horreuc
de quelque cfhofe. Enfin au troifiéme
Ton voit un homme vctu d'une robbe
oui lui va jufqu'à mi* jambe» Toutes ces
figures font des mieux faites. Le Tom-
beau à huit pieds de long , & les Infcr^
prions que j*y trouvai font comme dans
des cadres leparez , & travaillez dans le
xnarbre même , on les verra à la fin
siombre 11. 12.13.
Il y a dans ce même lieu plufieurs au**
très Tombeaux , j'en vis un qui étoicà
moitié enfoui , fur lequel il paroît quel-
<]ues figures allez bien travaillées , Sc
j'offris de l'argent pour le faire déterrer,.
mais pcrfonne ne voulut m'en faire le
plaiflr ; il n'eft pas fur même en coiu
tes fortes d'endroits de faire de ièmbla-
hUs demandes»
Vjiffrique & autres Uchx. 9f
CHAPITRE X.
F^fite et une Chapelle ruinie. Lac& foif'
fins Particuliers, Miracle d*un Eveque
d'Arménie.
LE vingt- croifiéme j'allai encore à unff
demi-lieuc de la Ville voir uncciu
riofité. C'eft une efpece de Chapelle qui
a ét£ faiced'une feule pierre de marbre^
elle a plus de quinze pieds de large , &c
ia hauteur cft de plus de vingt. J'en trou-
vai les deux cotez ruinez , & elle me
parut d'un ordre d'architefture tout paE-
^ticulier^ je croi que c'a été le Maufolée
Je quelque Prince. Quoiqu'il en foit, la
ftruâure en eft merveilleufe , & il y a;
quelque chofè de furprenant dans ta
grandeur de ce Marbre & dans le tra-
vail du Sculpteur : les Infcriptions en
étoient trop défigurées pour y rien con^
noître* On voit autour de cette Cbau
pelle, & même dans les chemins qui y
conduifènt de tous cotez, quantité de
monceaux de ruines , de pièces de Mar-
bre , de chapiteaux , de pieds d'eftaux,
dont quelques uns font d'une grollèut
piodigjieufe i fans doute qail >j ^ t^\^
I
I
Ji Voyagt dans l'A fie mineure;
font de pierre de taille, &: des plus grd
fes. La Ville a en tout environ fis: rm
de circuit ; l'EgSife des Grecs a été i
plus fuperbes , on y voit encore de bei
ouvrages à la Mofaïque ; & ce fut l
à ce que difent lesHabitans du lieu q
fe tint le famcnx Concile de Nicée ,
l'Empereur Conftantin aillAa i
fonne. L'on y montre encore les rejj
dulicuoûs'cnfaifoient les alTembléJ
ils compçfent une efpece de demi-Ia
ruinée,quia des bancs les uns furies 4^
très bàcis de pierres & des plus bella
mais tout s'en va & tombe prerqa^l
ruine.Outce cette Eî^life quiétoîtla pj
miere delà Ville, les Arméniens en q
auprès une petite où ils fbntlelcrvid
les autres qui éroieiit auOl alTez magli
fiques , ont toutes été changées en ma
quccs ou abbatues par la longueur q
tems & la barbarie des guerres. Nid
cil parfemée d'un procfigieux nombre d
colomncsde pierre granité & de Ma
bre d'une belle grandeur. J'y entrev
d'abord quelques Infcriptions , ma
gâtées d'une manière à n'en [ienefpers
onme promit de.ii'en montrer d'autil
dans la fuite. Ce premier jour )aclie||
tulement quelques médailles.
Ix. ^i. je fus pour voit le Kadîs \
' " f Afrique & autres Ceux. ?j
m: die qu'il écoii à la cam[iagiie. De
Ca maifon je tourtiai mes pas versquel-
ques Fontaines de la Ville dont on m'a-
voit parlé. Nicae en eft dej mieux four-
niesiellcsfonttouces bâdcs de Marbre ^
& l'caa de la plupart cftfalutaite. Il y
a auprès en Aqueduc magnifique qui
conduit l'eau de l'une des montagnes
voifines ; il yenavoitautrefoispluiieurs
autres, mais ils font a prefent démolis,
& l'on nfvoitplns hors de la Tille que
de triftes relies de ces beaux édifices qui-
en faifoicnt autrefois l'orncmenr.
Je fus enfuitc me promener environ
à un quart de licuc ,j'allois chcrclier
trois tombeaux de Marbre blanc , dont
on rn'avoit fait un récit magnifique, Je
vis véritablement les plus beaux Mar-
bres qui furent jamais; mes yeuxéblciiis
-ne fouffroient qu'avec peine la reveibt-
^ ion de leur blancheur : un fur tout me
■ut remarquable, A chaque bout il y
_'deux belles têtes d'Apollon ; fur la h-
ce du devant font ttoi$ bas reliefs , dont
chacun a fa figure particulière.
Le premier reprefenre une perfbnne
comme envelopée dans un drap & dont
on ne voit que les feuls bras. Au fécond
l'on apcrçoitunhommeprefqueiiudqui
~ irte Ton bias droit pardeflus fa téie^
D ^■^
xei
l
i
s 4. Voyagi àins l'^Jîe mlntare ,
ti tîffic à la main de ce même bras un
fabre quicft comme penche fur ion dos:
il paroît courir, & faire en même tem'.
un effort poiu" frapcc.-Sa main gauciic
eft étendue de fon long, & tient une tc-
te pat les chcvcuxiderriere cft une figure
de femme , couverte auflî dedrappe-
rie, &qut patoîifuir ,&avoir!horreur
«le quelque <rhofe. Enfin au rroiiîéme
l'on voit un homme vêtu d'une robbe
(Qui lut va jufqu'à mi-janihe. Toutes ces
figures font des mieux faîtes. Le Totfl
beau à buit pieds de lonr^ , & les InfetJ
ptionsquej'y trouvai font comme dai
des cadres feparez , &i travaillez dansi
marbre même , on les verra à la ^
nombre u- 11.13.
Il y a dans ce même lieu plufîeurs ^
très Tombeaux, j'en vis un qui étoid
moitié enfoui , fur lequel il paroli quoi
■ <jues figures allez bien travaillées , J
j'offris de l'argent pour le faire déterrer,
mais perfonne ne voulut m'en faire le
plaifir ; il n'eft pas fur même en tou-
tes fortes d'endroits de faire de ièmbla-
bles demandes.
V^ffriqut & autres Geux. t$
CHAPITRE X.
*
Vljite d*Hne Chapelle rninee. Lac& poif^
fbm particuliers. Miracle d*im Eveqf^
d^Armeniem
LE vingt- croiiîéme j'allai encore à uner
demi-lieuë de la Ville voir uneciu
xiofité. C'eft une efpece de Chapelle qui
a été faite d'une feule pierre de marbre j.
elle a plus de quinze «pieds de large , Se
ia hauteur eft de plus de vingt. J'en trou-
vai les deux cotez ruinez y & elle me
parut d'un ordre d'archite£kure tout pac-
.ticulier 5 je croi que c'a été le Maufolée
de quelque Prince. Quoiqu'il en foit, la
ftru6fcure en eft merveilleufe y&c il y x
quelque chofè de furprenant dans la
grandeur de ce Marbre & dans le tra^
vail du Sculpteur : les In(criptions en
étoient^ trop défigurées pour y rien con^
noitre* On voit autour de cette Cbau
pelle, & même dans les chemins quiy^
conduifènt de tous cotez, quantité de
monceaux de ruines , de pièces de Mac-
bre , de chapiteaux , de pieds d'eftaux^
dont quelques uns font d'une groflèur
piodigjieule i fans doute qail ^ a t^\k
'I
r
fS Poya^f dam l'jifie mlncHre,
autrefois quelque Palais , ou quel^
Egliïe. T
Lorfque je fus de retour à la ViJ
jç trouvai un homnie qui voulut bfl
me mener promener fur les murailM
Elles fontprcfque toutes racommodq
de pieds - d'eil:aux de Marbre &
f lierres granités : on en a arrangez td
es morceaux les uns fur les autres 5
dans l'cfpace de trois cens pas , j'y I
coniptai cent quatre vingt-d£ux. SJ^
pluficurs endroits qui ne (ont pas
re rétablis ,1'on poiitroit marcher J
toutes ces ninrailles par un chemin ÎM
large. Je rencontrai dans les ruines \
aficz grand nombre d'Infcriptions ,
jenegHgcai tomes , elles étoient i
mutilées, ainlî quelle apparence c
perdte Ifsy£UX,ou de s'cxpofcr an
le périls pour avoir une oudeuxLeti^
dont on re iJreroit aucune connoiflànfl
La vilîte que je failoJs des ruines d'il
fi belle Ville , me rcndoit tout cliagrÉ
L'on (çait qu'elle fui prjfe autrefois \
les Chrétiens parOtcan.CeSultan du
geales plus belles Eglifes en Mofquéi
entr'autri-s une dont la voûte eftabat^
qui eft parcoiifequen: abandonnce,ii
où l'on voit encore quantité de ir
ceaux de colomnes , de vetie aotiqtd
1 t
:, "TT^;
r^
I
I •
7im,rp4if. ê?'
1
tj0rïque dr autres lîeH)c: tf
Je Jafpe , de Porphyre & de Granité r
ce païs eft abondant en toutes forte»
de chofes,particuUerement en bon poif-
fon. Il s'en pêche dans le Lac voifin de*
' toute efpece , & il fe donne à boa
marché : je n'achetai que deux Paras ^
c*eft à dire environ trois fols, deux bel-
les carpes qui pefoicnt plus de vingt li*
vrcsjii en a de particuliers,cclui entre au-*
très que je mets ici, dont la longueur
tft quelquefois prodigieufe.
L'on m*a afluré que Ton en pêchoît
die deux cens ocques pezant , c'eft-à--
dirCy^delapefanteur de fix cens livres.
J*en ai veu un que Ton appelle Jain^
qui pezoit environ cent cinquante li*
vreSjfans écailles, & à peu près de cette
figure.
Si Ton en croit les gens du païs , lorC
que les^ eaux de ce Lac s'abaiflent on y^
voir de grands édifices & des tours en-
core prefqu'entieres ; cela leur fait dire
qu'il y a eu autresfois à la place de ce
Lac une grande Ville qui s'eft trouvée
abîmée par quelque affreux tremble-
ment déterre; mais ils ne lui donneur
aucun nom , foit que cela foie faux , foir
qu'avec la vérité ils n'en aient qu'une*
tradition confufe.
Un Bourgeoif. de Nîcée me ca^^'Ciitx.
i^oy'4^t IMiT'.'JJîêmJWcWèY
one chofc foit extraordinaire qu'il J
ibit être arrivée fur ce Lac , du tefl
du premier Concile de cette Ville. P«
>• mi le grand nombre d'Evcques <
j» s'artembk'rentici déroutes les part
« du monde,ii y en avoir ( medic-il )\
«d'Arménie fort pauvre , au refte hoig
H me plein de vertus, en réputation poa
»fa fainteié , & qui paflbÎE même pod
••faire des miracles. Les grands t
» font compofez de toutes fortes i
M gens , & alors comme à prêtent,!
» gloire de l'Eglife n'empcchoît pas, qi
M parmi fès Evêques il ne fe troufl
M beaucoup de peuple. AuQÎ la pl{'
» part des autres Prélats , foir eiFeâiwi
M ment par la bafTeiïè de leur efpritj (m
» par une jaloufie indigne du rang qu'f
Mienoient , n'avoient que du mepd
»pour cet Evcque Arménien & letra
*) toieni avecunehauteur , qui à loi
«autre moiiîshumble,auroit paru inf^
" pott3ble,& auroit même été une n
» tiere de querelles. Il ne fut pas cepetih
«dam tout-à-fait infenfibleà cesrailld
»ries;Comme elles tomboientprincipaW
»msnt fur fa pauvreté,& fur ce i
» qu'il avoir de faire des miracles,
«voulut leur montrer que c'eft mal l'ej
«teiulre que de faire conÉfter le meritei
tAjfn^M & autres lieux; ^
la grandeur d^ns la ma^niiîcence des n
équipages & ie grand nombre de dôme-'*
llit)ucs,comine U fonc encore plulieucs»
de DOS Patriarches -, car pour nos Pâ- n
pas,its rontlaptùpJtriiiunîindigens qtie«
l'Evèqae Arménien. Voici donc ce«
qu'il imagina pour leur faire connoître«
le ridicule de leur conduice.Il prit uiie«
charrue, la mit fur le Lac après l'avciK*
attellée de deux bŒufs,à qui il la fit ti- "
rer le tenant derrière, & la conduifant "
comme s'il eût été veiitablemeni occu-«
pé à labourer. L'extraordinaire du faic «
ne manqua pas d'attirer tous les autres «
Prélats, qui s'ils fiirent furpris de ce"
qu'ils voïoient, le furent bien plus de ce «
qu'il leur ditaprcs avoir quitté fa char- «
rue ; Meffieurs ,dit-il,je viens de labou-»
rer ; c'eft à vous pendant que je me re- «
polërai à|aUer femer. Ces paroles pto- «•
noncées par nôtre Evêquc Arménien «
d'un ton fec , fans foriîr cependant de«
ion air fimple , les couvrît de cocfu- «
fion ; ils lui demandèrent excufc des «
railleries qu'ils avoieni faîtes de lai,&«
le traitèrent dans la fuite avec véné- «
ration. On l'a toiîjouts regardé depuis «
comme un grand faint,& dans nos païs«
il ne lui eft refté que le nom.de faifem i*.
)àÊig. uûiades.
jô Voyage dans VA fie mineuht^
Je ne trouvai à Nicce que des ftiecfai^
les de petit Bronze.Tous les mercredis Û ^
s'y tient un grand marché, qui n'eft poiol
comme les Bazars ordinaires, reftraint
à certaines marchandifcs;! on y vend de
tout comme dans lesplus beaux marchez.P
Le 24. je me tranfportai à troi»
quarts de lieue delà Ville fur une pericT
montagne,oà pour toute curiofité je vi»
une (epulture^ Elle étoit de vingt-fèpt
pieds de long ,.mais fans Infcriptions, ft
meritoit peu qu'on s'y arrêtât. En re-
venant je fis le tour de la Ville ^ je com'^
ptai fur Tes. murailles trois cens ibizante
6c dix tours , cela eft d'autant plus re«
marquable que la Ville même nVpas k
prefent plus de trois cent maifons.
CHAPITRE XI.
Dîjferens VilUges. Arrivée à Broujfi
cheT^le Bâcha. Infcripûon. Defcription
dune montagne voifine. Antre montagm
ne. Tremblement de terre.
ÎE fortis de*^Nicée le 15. au matin ;.
nous eûmes le Lac à nôtre main droi-
te , & nous le côtoïâmes pendant une-
bonne heure & demie : enfuite noui»
^^ fAjfntfui & Mtrtt fieux.
commençâmes à monter île fore
montagnes ; le chemin nous en
des plus rades , Se nous dura pies de
deux heures. Au plus haut fommet^
nous ûousrepofames environ une heure
dans un Villajje appelle DivAin , qui
n'eft habité que pat des Grecs. Enfi»
nous dricendîmss par une pente fort
douce dans une plaine des plus agréa-
bles , 3c aptes y avoir mirché pendant
deux hjutcs& demie, nous arrivâmes
À J.-nichtr. La Ville eft fort petite , mais
P jîie ; j'allai loger chez le VaivoJe qui
:ne fit tout l'accueil poÛîble & des ci-
. ilitez que je n'aurois olc efpeter. Tous
es vendredis ,11 fe tient un grand Ba-
.. ird ; l'on y%end prefque de tout,mais
1? commerce le plus confiderable eft de
Chevaux que les Tartares yamenent.
J'en partis le iS, à midi : nous prî-
mes lecîieminde BroulTè,c'efl-à-direda'
Ponant, Nouspaflàmes d'abord une belle
plaine qui nous dura cinq heures de mar-
iche , enfuite nous montâmes une coline
jdtÉenvtron une demi-heure , les chemins
an font faciles. Nous fîmes nôtre con-
Ttac prefque au fommet,oil nous trou-
vâmes un petit Village appelle par les
Turcs Arnaji.
^^bJ[.c vingc-fept nous continuà^nes nô-
51
I pacuc ^H
iies de B
9» Voyage dam fAJte ml>iêm¥,
tre route agréablement : les chemii.
prefque par tout font pavez de beair-
grais , & nous avions à droite &c à gau-
che de petites collines pleines de hal-
licrs. Après avoir marché environ deux
heures, & paflc deux Lacs qui étoicni à
nôtre droite j fur les deux heures de l'a-
prcdîuée nous arrivâmes à Bntu^e,
Je fus loger à Jeme^iMp , où je m'acco-
modai d'une chambre.Le Bâcha fenom-
moit Cliafen, je te fus faluer, & lui ren-
dis la Lettre qu'Aflèn Bâcha m'avoic
donnée pour lui à Nicomedie. Dès qu'il
eût vu ce qu'elle contenoit , il me pro-
mît fà proteiflion & me marqua qu'il
me rendroit fctvice aufÏÏ-tôt que l'occa-
fion s'en prefenteroît- Je n^dirai ici rien
des beaux bains chauds ni des autres eu-
liofiiez de BroufiTejj'enai parlé dans mon
(uemier voïage , on peut en confulter
e i. volume pag. loo. & fuivantes.
Commej'étoisenundeces mêmes bains,
i'apperceus au fond du Baflln quelques
lettres qui me firent jut;er qu'il y avoit
une Infcription; je fis vuider l'eau :mais
je n'en pus copier qu'une ligne ,leieftc
éloit efFacé,& ces lettres mômes que
j'aimifes à la fin de ce fécond vdiags
nombre rj.étoient la plupart fort gâtées.
Jufqu'au vin^-fept Juillet je ne m'o^™
r A^(jne & aiilret lîtux, f^
cupai qua chercher des médailles J'en
achepiai pluiieurs.avec ciuelqucs manuf-
cnts tïis raies que j'ai apporte au Roi.'
Le Baclia avoïc conceu de moi de
l'eftime , foie par la manière natu-
relle dont i'avois agi avec lui dès Is
preniietc fois , foit comme il parotc
plus vrai femblab!c,par les Lettres que
je lui avois rcnducs.je fus le revoir ; Sc
pour me faire plus d'honneur , il me
donna une audiancc particuliers & dans
«ne chambre à part ; & ce qui eft enco-
re une marque de plus grande diftinc-
lion , il me fie alTeoir lurun tabouret.
Dans ia conveifation il me patlajd'une
iudirpolîtioii qu'il avoit ; je lui pro-
■ mis un temede fpecifique pour l'en dé-
livrer î mais pour mieux faire valoir
mon habileté dans la médecine, je lui
dis qu'il failoit aller chercher fur le
mont Olympe quelques jacines d'une
vertu finguliere pour ce genre de mala>
die. Il m'en conjura : le jout fut pris au
lendemain j & il ordonna à un de fes
_:'ns de Ce tenir prêt pour m'y accom-
,j;:;ner.
Je l'attendis jufqu'à fix heures du ma-
tin , mais maljiré les ordres de ion Maî-
tre, il me parut ne fe guercs hâter. Je
farcis donc âvec une aune pËifonnc
I
f 4 VeyAfe dam Fjl/ie mîtieitre^
.<[\x*o\\ me donna pour guide , & qui /çju
«(Toir cous les recoins de la iVrontagne.
Kfon dedcin étant d'aller voir les luinei
<jui fecrouvci.tau (onimet^ni^ on m'a-
iroic aduré <}ue je rencontrcroîs des cho*
fes extraordinaires ,nia cinioficé me £(
prendre avec joie la peine de m'y tranf*
porter.
Dès la forcie de la Ville , nous coin*
mençâmes â monter : la terre s'élcve
toujours , Se devient de plus en plus roi*
de : pendant plus de deux heures de che*
min, le mont efl; plein de bois taillis ic
de broudailles ,& il yadetems en itms
des nois de haute futn't'e. Nous ddrcunâ-
mes auprès d'une Fontaine dont Teau
me pnruc fort fraiche, je remarquai auf-
fî qu'il y a des canaux de pierre cuiltc
qui conduifênt Teau jufquVn bas, mais
en plufieurs endroits ils fe dcmoliflcnt,
parce que les Turcs ne reparent rien.
Vers les lirnx cfcarpez & où la mon*
tagne dcvenoit fort droite , je trouvai
un changement de Rois : ce n'étoit plus
que des f'apins &: des cedies d'une hau-
teur prodigieufe , & comme ceux du Li-
ban. A près deux autres heures de marche^
nous vîmes fur Ir» n)cmc montagne une
elpcce de vallée,oA nous nous arrêtâmes»
Là couloit une petite rivière qui deH-
i^fri^iii & ÂHtrtt lieux. yc
1 du haut des Rochers dtf cafcade en
a de Campez aupics, fous des liipins,
«ous y pjjTaoïcs Icrcfte delà journée 6c
tome la nun fuivante , parce qu'en
avançant davantage nous aurions été
icaplailîs du froid quife faifoitdcja fcn-
tii. Jepsiffai le tems àpêcher dcsTruî-
les , il s'en trouve quantité dans cette
rivière de l'Oiympc , au heu qu'on n'y
voit prcfquc point de gibier. J'y remar.
quai cependant une erpece d'Oifeau
particulier dont le corps cd noir. Se le
dedtis de la tète rouge : j'en tuai même
un allez grand nombie & la chair m'en
: âHez bonne.
r le foir , nous allumâmes un grand
Ppour éloigner le froid dont nouf
Etions déjà tout cranGs. A minute
mon valet m'évcilU,& me dit que l'on
entendoit quelqu'un qui vcnoit à chc*
Tal, Je mis mes armes en état dans la
craintequece ne fuirent des voleurs: ily
^na toujours fur cette montagne, & ileft
Pmeimpoflîbiede les en exterminer,
ôtre furprife ne fut pas défagtea-
lorfque nous appetceumes l'hom-
du Bâcha qui nous trouvoit enfin,
après nous avoir ciierchez inutilcmenç
en mille endroits de cette large Mon-
»)e. Il avoii étéù la maifon oïl je lo^
mp"'
P'»y4^e dam l'^fie mlttHir*,
geois.poai partir avec nioi,& dans le
delTein de m'accompagucr ; mais aïant
fçiru que j'étois parci ,& s'en étant re-
tourné , le Bâcha écoit entré en fureur ,
l'avoii renvoie brulquement & menacé
ée lui faire donner cinq cent coups de
bâton s'il ne me retcouvoit- •
Des que la nuic fut palTée, nous nous
mîmes à marcher. Après une heure de
chemin, nous arrêtâmes pour attendre
que le Soleil fût un peu p'us fort,
ic pût nous garantir du froid. Sur le
haut de la Montagne dont nous étions
proche, le froid eft fi grand , que l'on
n'y trouve ni arbrerni builTor.s. Nous
paHames en plufieurs endroits fut des
monceaux de neige , & enfin nous fu-
mes obhgez de mettre pied à terre pour
grimper'au fommet. Le chemin cftd'u-
na roideur épouvantable , nous mimes
encore une demi-heure à le faire. Se lors
» que nous fûmes à la pointe , nous y fen-
timesunventfi violent, que nous avions
{leine à nous tenir. Je ne trouvai fut
e haut de cette Montagne dont on m'a-
Toit conté lant de fables , qu'une efpece
de tour faite de pierres arrangées leule-
mem les unes fur les autres, & fans ma-
çonnerie. Il y a pourtant eu autre-
fois quelque grand édifice comme quel-
que
<jue Temple ou quelque EgiiCe , on en
voit les ruinffs comnieen(evelics Ions la
tctre. J'yccmarquai aulli pluficurs Cc-
puUures, maiscnir'autrcs une de trcme
pieds de longueur : c'cft tout ce qu'il y
3 de conlîderable fur ce fameux mont
Olimpe.Dece fommct nous apperceu-
mes encore du côré de l'Orient un allez
grand Lac : il cft (ur la Montagne , mais
Gomme la rivière dont j'ai parlé dans
un creux fort étendu.Cct endroit eii fanî
doute; un des Ijeux du monde le plus
propre aux Ipcculations , mais il faut
qu'elles loicnc momeucanécs. Nous fû-
mes contraints de redécendrc au plus
vîte,& il nous eût été inipodlble d'yret'
pirer plaslong-tems. Ainlî remontez à
cheval nous reprîmes nôtre chemin pour
retourner à Brouflc. Comme la décente
e(l des plus rudes , il falur prefque pat
tout y aller à pied ; & cette incommodi-
té , jointe au chagrin de n'avoir trouvé
rien de fort curieux , fur ciufe que je
me fcmis d'une farigue i moutit*& tout
abbatu.
Arrivé à BroulTs l'après midi , & cou-
ché fur l'hsiire,je crus aller prendre
quelque repos. J'avois un befoin extrc-
Uiede quelque chofe qui medclall^ : je
K mai en effet , pendant quelque lenos
Tome I. t
nSge dnfis l' j4 fie minetn^y
la douceur du fommeil ; mais elli
bicn-tôt interrompue par un malhd
imprévu qui vint troubler mon cepei
& celui de toute la Ville. Il s'y fit fenâ
un tremblement de terre des plus viT
lens : c'étoii , me dic-on , le troifiime fl
ce jour-là. L'alarme ctoit répandue da
tous les cœurs, plufieocs pierres flc mêii
quelques bâtimeiis sctoiL'nc remtitz'fl
leurs places : Se pendant IcjJernier Am
je m'apperceus malgic mon alTbupif
ment, les enduits du camp où j'ctol
tombèrent. Mais enfin on n'en t
que la peur , & Broulle en fut ijiJ
te pour une douzaine de fes nwîfons q
furent lenvcrlces de fond en combla
CHAPITRE XII.
Cofiverpttion avec des Dervh. Hlfioirt^
Flammel : il ejî eneore vivant, hferi
ptîon. Frifon : piths ptitr Us Mitlfk
leurs, Nauvelle converfxtion mree 1^
des Dervis.
LE?, je fus me promener' à Ifmmàili
Bachy : j'y joignis unr perfonne de
confiderationdu pais <jui m'yavoit doru
tic rendez-vous , Se nous fûmes enlei
m
blc à une petite Mofquée oïl eft cm
Lin de leurs plusfameui Dcrvis, Ce
Dervis qui en a toïîjours la garde , & ces
fonesde lieux font dcftinez aux prome-
nades & au« récréations. Nous fûmes
introduits dans un petit chioftre ml nous
trouvâmes quatre Deivis ; ils nous fi-
rent toutes les civiliiez imaginables Se
nous invitèrent même à manger avec
«OX. L'on nous avoit alfurc, & nous le
connûmes bien-tôt par leur converfâ-
tion , qu'ils étoient des Dervis iliiiftres &
véritablement fçavans. Il y en avoit un
qui fe difoit du pais des Ufbecs ; il me
parut être plus AoSts que les autres ; [e
ctois qu'il fçavoit toutes les langues da
monde.Comme il ne me connoilloir pas
pour François , après avoir parlé Turc
" pendant quelque tems, il me demanda
fi je fçivois parler Latin, Efpagnol ou
Italien. Je liti dis qu'il pouvoir me par-
ler Italien : mais il remarqua bien-tôt
que ce n'étoit pas ma langue natflrelle.
A infi jugeant que jen'éiois pas d'Italie,
il me pria de lui dire de quel pais j'étois.
Lotfqu'il le Tijeut , il me parla François
comme un hommequi auroit été élevé
à Paris : comment , lui dis-je , auriez-
vous demeuré en France î II me répon-
4iC qu'il n'y avoit jamais été , mais que
rn terré ^1
>'eft un . ^
1
1
1
I o o Voyage dans C AJîe ^nemi^ I
(on inclination le porcoic fd»rc à en encra*'
prendre le voïage. Je l'excitai beaucoup
a le faire \ & pour le perfuader , je loi
xiis qu'il n'y avoit point de Roïauoie foc
la terre où l'on fût plus poli ; que lei
étrangers fur tout y etoienc bien reçus
par tout , & qu'il ne pouvoir atcendn
que beaucoup de fatisfaâion d'un pa-
reil voïage. Non, non , me répondic-il|
je n'en ferai rien ; je fêrois fou de com-
pter fur ces efoerances ; je fuis un fça-
vant , ain(i je fçai qu'on ne m'y lailTeroit
pas en repos , ce m'ed aCTez pour n'y plus
fonger. J'eus beau l'aflurer quil fc
crompoit , qu'on lui avoit fans doute
mal parle de mon païs , & que la France
au contraire étoit une pépinière de fça*
vans y que le Roi dont j avois le bon-
heur d ctre fujet les avoit toujours ai« '
mez. J'eus beau lui dire, que quoique je
ne fulfe pas de ces fçavans de profeflion,
Sa Majefté ne laifToit pas de me faire fai-
re à les dépens les voïages où il me
voïoit engagé^ & cela^afin de découvrir
les chofes qui reftent encore à connoî-
trepour pL'rfeéfcionner les fciences^com*
mêles herbes qui peuvent fervir àla Me^
decine;les Monumcns antiques » qui
peuvent éclaircir des faits de Tanti-
^uitc^ & par confequeni: rendre Thitloiro
plus complette ; les païs même , dont la
vùi.' vérifie les Cartes Géographiques :
enfin j'eus beau lui rapporter desprea-
ves de l'amour qu'on a en France poof
les fciences & pour les fçavans , il attri-
bua touiau climat, & ne païut aprou-
ver ce quejedifois que par un effet de
/a civibté. Il étoit pourtant ravi de m'en
entendre parier li avaniageufement : il
nie dit même qu'il en prendroit quelque
jour le chemin, La convetfation finie;
les Dervis nous menèrent à leurmai-t
fonjelleeft au bas de la montagne 3f
proche de Bournous-Bachy : nous y bû-
mes le Caffc i je pris congé d'eux & leur
promis de revenir les -voir. De- là je fus
dans un lieu voifîn , oA je trouvai trois
infcripttons , que j'aimifes à la tîii,nom-'
bres 14. ij- &16.
Enfuite j'allay vifiter la ptifon, oiJ il y
a un grand nombre d'appartemens pour
les ptifonniers. Au milieu eft un puits de
plus de ijo. pieds de profondeur ; c"eft
la qu'on met les plus fcelerars. Il y avoir
pour lors un homme accufé d'avoir en-
levé la femme d'on autre & de plufieurs
autres t^randscrimes. Du haut du puits
on lui jcttoit dupain,& avecuiicfîccile
on loi décendoit une petite cruche plei-
id'eaa,Ce jour là je 6s encore le lour ■
I
V dam r AJïe mineure, ^^
3u Cliâteau, Il eft flanqué d'une murai!':
double -, mais elle tombe en luinc. Dar.'
les endroits oi\ il n'y eu a point , la ru-
che ett coupée fort droite , & il eft peu
de murs qui foient aufli difHciles à escala-
der. Le lo. le Dcrvis des Ufbecs me
tendit ma vi^îce : )e le reçeus le mieux
qu'il me fut poilîble ; & comme il m's-
Toit paru un icavant curieux , je lui fis
voit des manulciîts que j'avois adiecez:
il les trouva rares & de bons Auteurs. Je
dirai àla loiiange de ce Dctvis que c é-
toic un homme dont l'extérieur même
étoit véritablement extraordinaire. Il
m'apprit dcfort belles chofes fut la Mé-
decine ,& il m'en promit pour la fuite
encore bien d'autres. Mais il fîut , me
dit-il y quL>Ic]ues préparations de vôtre
part , & j'efpere que vous fercLz quel,
qiie jour en état de profiter des lumières
queje puis répandre dans vôtre entende-
ment. A le voie on ne lui auroit pat
donné plus de trente ans ; mais par fes
diicours , il patoilToit avoir déjà vécu
plus d'un ficelé : on fe le feroit encore
. plus perruadé par ie rccit qu'il fatfoit
de piuiicurs longs voïages qu'il difoit
avoir faits. Il me conta qu'ils ctoienr
ièpt amis qui coucoient ainfi le inonde ,
tous fèpt dans l'inttuùon de devenu
t y^ffrlijHe & Mtret lieux. i^
plus parfaits i qu'en fc quiirant ils f<i
dotuioieni le rendcz-vous dans quelque
Ville pour 10. ans aprcï ; Se que les pre-
miers arrivés ne n^anquotent pas d'yat-
tendre les autres Cela me fit cioite que
cette fois là Brouire avoir été choiGs pour
le tendez- vous par ces feptSçavans. Ils
y étoient déjà quatre, &ilsccoient en-
tre eux fi unis qu'on voïoit bien que ce
ii'ctoJE pas le hazard , mais une longue
connoidance quiles y avoic rafièmblés.
Dans un long entretien avec un homtne
d'cfprit , on a occafion de parler de pln-
fieurscuriofitez : la Religion & U Natu-
re fuient tour à tour le fiijfi de nos dif-
cours 1 enfin nous tombâmes fur la Chy-
mie, l'Aîchymie&la Cabale: je lui dis
que tout cela & fur tout les idées de la
pierre Philofophale pairoient dans l'ef-
piit de bien des gens pour des fciences
fort chimériques, CcÏa ne vous doit pas
étonner , me repondit - il. Première-
ment , rien ne doit furprendre dans cet-
te vie ; le véritable fage écoute tout fans
~ mdale;mais s'iIaaflTeï de modération
^ lUrne pas brufquer un vulgaire igno-
rant ,efV-il obligé d'abaîller fon efprit,
parccque les autres nft^iiçauroient com-
prendre ce qu'il voit ; & doit- il fe (bu-
ÏKte au jugement d'une populace ^J
^^ point I
Idi Vûyage dans t j4 fit mmeurf\
appelle la Pierre PhilofophalejCjui n'efï
point une fcience chimérique , comme
lepenfenï les demî-rçavants, maïs une
chofe très réelle. Au refte elle eft con-
nue de peu S: même impoflibleàla plu-
part, que l'avarice ou la débauche tucnc
ou que l'envie de vivre fait mourir.
Surpris de tout ce que j'cntendoisj
comment lui dis-je , vous voudriez af-
iîirer que tous ceux qui ont trouvé la
Pierre Philofopiialc , vivent mille an#î
Sans doute, répliqua- t'jl d'un ton plus fe-
rieui. Lorfque Dieu a favoriJc quelque
mortel de cette btlle connoîlTance ,il ne
tient qu'à lui de vivre (es mille ans com-
me le premier homme. Je lui dis que
dans nôtre pats il s'étoit trouvé quel-
ques-uns de ces heureux mortels qu'on
difoitavoir eu la fcience vivifiante , mais
qH'afluremmen'tilsn'avoieni pas atten-
du à un âge 'fi 'decrepiT pour fe rendre
à l'aHtrc nmiide. MaTS continua-i'il, ne
fcavez vous pas qu'on donne le nona de
Philofophe a. j^rand mjr-ciié , ils ne l'é-
roTtînt pas , ou 'ils otit dû vivre «le cems
^lïe je vous nwrqap.
Enfin je lui parlai de l'ïUuftreFhimel»
et je lui rffs «ftte malgré la iPierre T'iiilo-
(optaiè , il éloii mort dans routes les
Ibrmcs'.' Acenomilfe tiiic àrire de m*
tA§r.^uc & autre! lieiiic. 4^j '
fiiiipUcitc. Comme i'avois prefque com-
mence a le croire lur le refte , j'étoîs cx-
tiémeraent étonné de le voir douter dç ce
que i'avançois. S craiii appeicû de ma
rurprife,il me demacda encore furie
même lou , il j'étoîs afTcx bon pour
croire que Flamel fût mort. Non non ,
me dic-il , vous vous trompez: Flamet
eft vivant , ni lui, ni fa ft-mme ne £ça-
vcnt encore ce que c'eft que la mort. Il
n'y a pas trois iins que je les ai laiflëz
l'un &:rauEreaux Indes , & c'eft un de
mes plus fidèles amis : il alloit même
me marquer le ïcnis t^u'ils avoicnt fdit
connoiflance, mais il fe retint & me die
qu'il vouloit m'apprendre Ion liiftoire
que fans doute on ne fçavoitpasen mot*
paï=.
Nos Sages,continua-t-il , quoique ra-
res dans le monde, fe rencontrent égale-
a]CDt dans toutes les Stfles, & elles ont
encela peu de luperioriié l'une fuil'autre.
Du tems deFlamel , il y en avoit un de la
Religion Juive. Pendant les premiers
tems de fa vie, il s'étoir attaché à ne point
perdre de vue les defcendans de (èsFrcres:
~i( ^çhant que ia plfjpaii s'ctoieiit allez
I
^_& ^çhant que ia plupaii s'etoieiit allez ^m
^Hakitaer en France , le defîr de les voie ^|
^^bbiigea à nous quitter pour en faire le ^H
^^fcïagc. Nous i"Li;;s ce qn^' iv.i.; fîl;ii;s ^H
pour l'en détourner, Se plufieurs fois il
changea de delTêin par nos confeils.
A la fin Ton envie exncme d'y aller le
fitpjrtir , avec promeiri.' cependant de
nous retoindre le plutôt qu'il lui feroic
pofiîblc. Il arriva à Paris, qui écoît dcs-
iors comme à prefent la Capitale du
Roïaume, Il trouva que les defcendans
^L de fon Pcre y écoienc chez les Juifs en
^H grande eflime : il vit entre autres uq
^M Rabinde fa lace, qui paroilToic vouloir
^M devenir fçavanc ; c'efl; à dire , qui cher-
^H choit la véritable PhiloTopliie , & tra-
^M vailloit au grand œuvre. Nôtre ami ne
^B dédaignant point de Ce faire connonre à
^1 {es petits neveux , Ha avec lui une aini-
^H tié étroite Se lui donna beaucoup d'é-
^M clairciOèmens, Mais comme la premie-
^B remarierc eft longue à faire, il fe con-
^M tenta de mettre par écrit toute la fcien-
^1 ce de l'fEuvte : &: pour lui prouver
^1 qu'il ne lui avoit point écrit des faullè-
^P lez, il 6t enfaprercnce une projeftion
• nu et- de jo- ocqucs * de métail qu'il conver-
''lï/A'^"^ en un or des plus purs. Le Ra-
1. bin plein d'admiration pour nôtre fre-
^B le fit tous (es efFoits pour le retenir
^^K suptès de lui. Ce fat en vain , il
^^H ne voiilut pas nous manquer de pa-
^^M lole. Enfin le Juifne pouvant lienobte-
Fj4jf/-itfue & autres lieux, Jd jf
nirde lui , changea fou amîïié en une
taine morcelle , & l'avarice qui l'ccouf-
foit déjà, lui fie prendre le noir deflèin
d'éteindre une des lumières de l'Univers.
Mais voulant diflimuler , il pria ce fage
de lui faire l'honneur de refter quelques
jours chez bi-, & pendant ce ïems là, par
une trahifon inouïe,il le cua , & lui prit
toute fa mtdecine. Des aftions horri-
bles ne fçaucoient demeurer tong-tems
impunies. Le Juif fut découvert, mis en
ptifon , & pour quelques autres crimes
dont on le convainquit encore , il fut
brûle vif. La perfécution des juifs de
Paris commença peu de tems après, &
TOUS fça-vcz qu'ils en furent tous chiT-
fez. Flamel plus raifonnable que la plu-
part des autres Parifieiis,n'avoitpas fait
difficulté de fe lier avec quelques Juifs j
il palToit même chez eux pont une per-
"^mnc d'une honnêteté & d'une probi-
Jrcconnuc. Cela futcaufe qu'un Mar-
land Juif prit !e deJleiii de lui confier
BRegiitres & tous fes papiers, perfua-
\ qu'il n'en uferoit p»int mil ; Se qu'il
mdioit bien les fauver de l'incendie
pmmun. Parmi ces papiers fe trou-
fcnent ceux du Rabin qui avoir été brft-
iSc \ei Livres de nôtre Sage. Le Mar-
|3nd fans doute occupé de Ton com-
Wcen'y avoir pas fait grande attciv
I
I
ifHiie d^ns ? Afte mînewe, I
tioti. Mais Flainel qui les examina de
plus più-s , y remarquant des figures de
fourneaux, d'alembics, & d'autres vafes
iemblablcs ; Se jugeant avec raifon que
ce pourroit ctie le fectetdu s^rand œu-
vre , crut ne pas devoir s'en tenir là.
Comme ce,s Livres ctoienu Hébreux, il
s'en fit traduire le premier feiiiliet : ce
peu l'aïant confirmé dans fa pentce-,
pour ufcr de prudence , & n'être pjs
découvert, voici de la manière dont il
s'y prit. Il fe rendit en Efpagiie , &
comme il y avoit des Juifs preit^ue par
tout: dans chaque endioic il eu ptioit
-quelqu'un de lui traduire une p^ge de
fon Livre. L'aïaii: traduit tout entier
parce moieii.il reprit te chemin de Pa-
ris. En revenant il fe fit un ami tîdeh
?u'il menoit avec lui pour travaillettij
ŒUvre , & à qui il avait dcifein de 4u
couvrir fon ftcrei djns la luite ;
une maladie le lui enleva avant le teni
Ainli Fiamel dcietoiu chez lui , refoi
de travailler avec Cà femme : iU i
vinrent à bout, & pat-!u s'étanr acqid
des richellès immcnft'S , ;J& firent I
tirplufieurs grands étîificts piiblic
enticbirent piutk-urs petfoiines. Laïl
nommée cil quelquefois une cbolc f
jncommo^^e, n:ais un Si^e fç^îc {>A^
piudenec 11 c rtr âj tous lï* enibwd
Jyi^ite & autrtt lieux. Hi .
Flanoel vît bien qu'on l'arrêteroic , s'il
Î>a(Ibit pour avoir U Pierie Philofopha-
£;& il y avoir peu d'apparence qu'on
fut long tems fans lui artribuer cette
icience, après l'éclat qu'avoient falifcB
largcfles- Ainfi en véritable Philo-
fophe,quine fe foucie pas de vivre dans
rcfprit du genre humain , il trouva le
moïen de fuir , en faifant publier fa
mort & celle de fa femme. Par fès con-
feils elle feignît une maladie qui eut
fbn cours ; & lorfqu'on la dit morte,
elle ctoii près de la fuilTe oii elle avoit
ordre de l'attendre. L'on enterra pour
elle un morceau de bois & des habits j
& pour ne point manquer au cérémo-
nial , ce fut dans une des Eglifes qu'el-
le avoit fait bàiir, Enfuite il eut recours
au même ftratagêrae pour lui : comme
l'on fait tout pour de l'argent , il n'eut
las de peine à gaf;ner les Médecins &
es gensd'EgUle. Il laifTaun Tc-ftament
dans les formes où il recommandoïc
avec foin qu'on l'entcrrat avec fa fem-
me & qu'on élevât une pyramide fur
leurs fepultures. Un fécond morceau de
bois fut enterré a fa place , pendant que
ce fage était en chemin pour rejoindre
fa femme- Depuis cetems-là ils ont me-
' l'un & l'autre une vie Philofophiquc^
r;
I
ttl Voyage dans tApe mîrttlirt , ' ^
& ils font cantÔE dans un païs,rantôc
dans un autre. Voila la véritable hiftoi-
xede Fiamel & non pas ce que vous en
croïcz , ni ce que l'on en penfe foUe-
inent à Paris , oil peu de gens ont con-
noilTànce de la vraie fagefle.
Ce récit me parut , & eft en effet
fort fingulier ; j'en fus d'autant plus
iîirpris qu'il m'étoit fait par un Tore
que je croïois n'avoir jamais mis le pied
en France. Au refte je ne le rapotie
qu'en Hiftorien, & )e palle même | '
fieurs autres chofes encore moins crc
blés , qu'il me raconta cependant d^l
ton aflirmatif. Je me contenterai de l
marquer que l'on a ordinairement «
idée trop baflc de la fcience des Tuii
& que celui dont je parle eft un liomn
d'un génie fupericur.
îjp
CHAPITRE XIII.
Snite du m'Uge. Mont Daumalie. Cu-
tayt. y'tjïte rendue mu MofitUem; ce ^ue
^tfi. Guenfon du ScUtAt du Bâcha.
Infcripùons.EgUfls Armemennis- Fables
fur S. Cearges.
LE II. je fus chez le Bâcha ; je lui
rendis compte de mon voïage , &
je lui donnai le remède que je lui avois
promis. Il ra'cn fit de grands reraetct-
mens , & m'aiTuca de nouveau qu'il me
donneroit des Lettres de recommatr-
dation.
Le lî- après avoir entendu la Medè
dans l'Eglife des Grecs , je fus rendre
■vifice à leurEvêquej il me receui fort
honnêtement , 5c me fit promettre de
le revenir voir. On me difoic tous les
jours qu'il devoit arriver une Caravane
pour Satalie. Je l'attendois pooc par-
tir avec elle & me rendre à Cucayé , par-
ce qu'il y a du danger à s'expolêr feul
dans cette route , qui eft toiiiours pleine
de voleurs. Enfin la Caravaiine arri\a
le ij. du mois, & nous partîmes le iS.
» fept heures du matin. Nous coioitt-
I
I
mes fori long-tems le Mont-Olympe }
nous eûmes la pluïe plus de quatre heu-
les durant,^ ce jour la noui campâmes
lous des arbres. Le 19. levez avant le
Soleil, nous paiîanies par le Village de
Daxfàu. Nous macchâmes long-ienis
par des montagnes afTez hautes -, enfui-
tenons defcendîmes par une fort belle
pleine : nous la tiaverfamss, auffi bien
qu'un gros Village qui s'y rencontre,
nommé yleinigttcl, à deux licuês duquel
nous allâmes camper. C'étoic le bout du
plat pa'is , & nous nous y repof^mes
aptes huit heures de marche.
Le 10. la Caravane fe remit en che-
min dès une heure après minuit. Nous
entrâmes d'abord en une grande force
dont les arbres tendoicnt la route fort
difficile. Elle dura près de }. heures, &
enfuite nous commençâmes à monter
la montagne nommée DaHmalie. C'eii
une des plus hautes que j'aie vues de mes
jours ; &■ en beaucoup d'endroits les
chemins y étoient Ci aiFreux , que les
Hommes ni les Chevaux n'y pouvoienc
ptelque avancer : fa defcente n'cft pas
il rude. Après avoir monte environ j,
heures Se £tre defcendus pendant une
groffe demie h.'iire, nous campâmes à
quelques p.is dans un VilLigc nomo: "
,. . . . .J*''^ *■ ■*""■« C*«.v. ,.^
Couyaïéc. Toutes ces montagnes font
{ileines de bois de haute fuc^ye & de
àpins d'une grandeur prodigicu le.
Le 21. nous pailàmcs encore de pe-
tices montagnes , quelques plaines dc
une forci allèzvafte. Eniîn nous campâ-
mes dans une plaine fur le bord d'uo
luillêau qui l'arrofoic, & nous appiî-
mes de quelques Paifans , qu'il y avoit
dans ce chemin 60. voleurs qui nous
aiiendoient aimes jufqu'aux dents & le-
folus de dépoiiillec nôtre Caravanne.
J'emploiay toute mon éloquence à en-
courager ceux que je vis les plus cap3ir
les de relîftance.
Le 11. nous partîmes à la pointe du
jour,&pcu de tems .iprcs nous rencon-
trâmes lui homme que l'on avoit en-
voie de Cucaye pour nous dire que nous
nous linSions furnos j;aides, parceque
l'on avoit vu plus de deux cens voleurs.
Auûî-tôt tous ceux d'entre nous qui
avoieni des fufils , marchèrent en ligne.
Il fe trouvait parmi nous un Cherif
homme de confequencc qui portoîcavec
lui de grandes fommes d'argent; il vint
me faire des complimens fur la bravou-
re des Frarçois,6* me priademe tenir
proche de lui, me promettant de Ion côté
lu lui . ni les gens ne in'abandon-
que
J
fi,. ^^9^4^- «•«' T'A fie mimun^
r.v» ♦.^f innc-r?mf k Mont-Olympe }
N%? •;.r!-.> ;.. rtu.i: nius is quatre heu*
% ^ ,'.*; .m: fl ri inu: îm naa» campâmes
*.-:.?■ j.;> .rrc^s Ir .*.. irrnt avant le
>r.^:. , noiîf r^^ftr.i^^ nar ie Toilage de
J".-;-' '5-*. Nou: s^.::-zUifenieE leog-ceois
tr r.Gui jt.cirniirirf : r^ 23e fan belle
z'.t.r.t : r:>-: .£ r:*.-'f r.irjis.. aaî keii
iTcri :.!-: r_:-reî œ tr.arcriîr,
jE:r :r5 rrjç n^'ir^ ^^:tt rr.:r.u:t. K-gs
tfïtmri-Tiîs <t'i^'//l f;; ur.": rrrar.de fcrr:
<i,j«ir liî a/;>:"v r-y.'ioi-r.r ia rcrjre fcn
CjiEriif. /-.i.î- 'î'ira ;,/':•• ^''- 5. hctir-s , &
enfuite n^iUt c/.nn.rj.r^ârnçs a monter
la monr-^îMj^ /*f#;^.i./v: Daiéméilic. C'eSt
une dîî-. f/lu'; liHir^T'i f|.j;: j'j/c vues de mes
jour-.; f' '■/. Ii'-.iii(r>u|) d'endroits les
dwni:-.-. 7 /-f^.Khr /i.,(ficMx, que les
Hir.^.^n ; n, l-, Mrv.iijx n'y pouvoient
vtii'yi" ..v.Mn : /.i cicfcernte n'cft pas
ji Mi.N. Al.!,*.. .,v(,i, ,„oiitc environ 2.
Iiniy. /î. /„,, .Irflcn.liis pendant une
iiioll- .lr,i„r 1,.,,,,.^ nous campâmesà
ltl»tr« |M'. .Iiir. un Villngc nomme
tjiffA(jue & dufres Unix. tij
Cùuydldc. Toutes ces montagnes font
)>leiiies de bois de haute fucaye & de
apins d'une grandeur prodigieufe.
Le 11. nous padames encore de pe-^
tites montagnes , quelques plaines &C
une foret a(kz vaftc* Enfui nous campâ-
mes dans une plaine fur le bord d'un
tuiilèau qui Tarrofoit , & nous appri-'
mes de quelques Paifans , qu'il y avoir
dans ce chemin 60. voleurs qui nous
attendoient armés jufqu'aux dents & re«
folus de dépoiiiller notre Caravanne^
J'emploiay toute mon éloquence à en--
courager ceux que je vis les plus capaii-
les de refiftancer
Le 2Z. nous partîmes à la pointe da
jour, & peu de tems après nous rencon^
trames un homme que l'on avoit en^
voïé de Cutaye pour nous dire que nous
nous tinflions fur nos gardes , parce que
Ton avoit vu plus de deux cens voleurs*
AuiS'tàt tous ceux d'entre nous qui
avoient des fufils , marchèrent en ligne.
Il fe trouvoit parmi nous un Cherif
homme de confequence qui portoit avec
lui de grandes fommes d'argent ^ il vint
me faire des complimens fur la bravou-
re des François ,8* me pria de me tenir
proche de lui, me promettant de fon côté
que ni lui , ni fes gens ne m'abandon-
tïÇ ^oy^i' dansrAJîe mltuuM
neroient point. Plufieurs d'entre m
coururent de tems en temsà ladec<
vertejparce que le chemin étoit plein;
petites colines , qui quoique fans arbi
nous cmpêchoient de découvrir loi
Nous paffàmes par des lieux très d;
geteux ; enfin nous traverfames di
petits Villages qui fe rencontrci
fur nôtre chemin , & entîn nous
rivâmes à Curayé après 7. heures
marche.
Je fus loger chez un Arménien
me donna unechambre fore commode,
&dès le foir même je portai la Lettre
que le Bâcha de BroufTc ni'avoii donnée
pour le Mefatlem.Ce Magiftrat repre-
fente la perfonne du Bâcha en fon ab-
fence. Je )e trouvai dans le Palais de
celui-ci , je lui prefèntai la Lettre qui
lui étoit adrefTéeiSc lui dis que j'en avois
uije d'AlTen Vilir pour le Bâcha fon
Maître. Il me marqua que fi je luiniet-
tois entre les mains, itautoitfoin delà
Ilui envoK^r , & il ajouta que la chofe
étoft en quelque façon necefHiire , le
Bâcha ne devant pas revenir ft tôt. Je
le fis donc & l'on me donna enfuîte par
fon ordre la pippe fc le cafFc.Commj
je prenois la qualité de Médecin , la Rl-
nommée avoir déjà publié dans le pa;
I
I
qu'il éroit arrivé un Médecin Franc.
Âtnfije fus accablé de vifite j &detous
les cotez on vint me confiilter fur di-
verfes maladies.
Le 14. je fus revoir le Mofaltem , je
lui fis ptcfent d'une petite lunette d'a-
proche j d'un couteau & d'une paire de
cifeaux. Il piereïtera fes offres de fer-
viccs;&ii me dit qu'il me donnoitU
liberté d'aller par tout oi\ je voudrois,
Ec c]ue fi pour cela j'avois beloin d'honj-
mes & de chevaux , il m'en fourniroit
de fon écurie. Comme je le remercîois
defon honnêteté, il m'engageai faire
quel()u£s remedo-s pour un malade qui
^oitcn langueur depuis fîx mois &c pref-
qac defefperé, C'étoic leSeletatdu Bâ-
cha, qu'il avoit pris en affefliion. LotC-
que l'on fçeut ma bonne volonté , on
envoia chercher le malade, je lui tâtai
le poux, & lui promis un remède que
je lui portai le foîr même. Le ij. il
m'adura qu'il avoît été ttè-^ foulage »
qu'il n'jvoit plus le mal de côté , ni
le mal de tcie, qui auparavant le tour-
menioL=:it fort , fie qu'il fentoit feule-
ment encore dans rt-llomac beaucoup
dedouleurs. Je lui donnai pour cela un
vomitif, 5c ce remède eut comme l'au-
tre an G bon effet, que le lendemain J
I
J
fe trouva tout à-faii j;ueri. Dans ce
de tems j'avoîs dcja fait amitié
deux Arméniens- Je fus me promi
avec eux le ifi. & comme ils avoi
vu par ma converfation , que j'étois
ticux des anciens Marbres & fur
de ceux oii l'on voïoîi des Infcriptii
ils me menèrent hors de la Ville-I
un lieu où ils croïoient cjue je poi
avoir du contentement. Il y en
véritablement un grand nombre ,
en même tems peu dont les Infcriptions
ne fuflent effacées, La plupart ccoient
acconîpagnées de plufieurs figures. Je
Copiai feulement celles que je vîs plus
entières -Voyez les à la fin aux nombres
16. 17. 1 S.
Le ly. je fus voit le Château qui
tombe prelcjne par tout en ruine ; il a
trois enceinies de murailles , & l'on m'a
affiué qu'il y avoir p. Tours. Sa (îtua-
tion cft avantageule : il eflbâiifunme
montagne efcarpce & en plufieurs en-
droits auffi droite qu'une muraille. Il y
a plufiiTurs petites pièces de Canon de
btoMe & de fer,qui ne fervent que pour
faluer les Bachaa, quand ils arrivent à
Cutaié. Les Armentens ont dans cette
Ville ttoisEgiifes ; elles font alTez bien
loucnées, & peuvent palTer pour magi
1
' î'^f-it/ne & ÂHtret Iwhx. 119
fiques , fi l'on fait réflexion qu'elles
("ont fous la domination des Tores. Il y
en a une dont ils content mille hiftoi-
rcs qu'ils ont la fupciftition de croire.
Entre autres chofcs îis font perfaadez
que les Turcs ne (çauroienc faire éle-
ver aucun bâtiment auprès. Ils aflùrent
même ( comme une venté prouvée pat
expérience ) que lorfque les Mahome-
tans y bâiiflmt quelque maifon , elle
fe détruit d'elle - mcoie avant d'être à
la moitié. Il eft bien vrai qu'auprès de
cette Egliie on voit plulîeurs maifons
commencées ,& dont les raines mêmes
paroiffcntafTez neuves. Mais il y a bien
de l'apparence que c'a plutôt été la
boorfe de l'entrcprenenr que les mains
invilîbles des Efprits qui ont fait refter
ces bâtimens comme ils font. Voici un
autre fait de la même clpece qu'ils di*
fent encore être très véritable. Tous les
vendredis du mois de Mais , pendant
que les Prêtres font en ptiercs avec une
partie du peuple, il vient un homme à
cheval , armé d'une lance dont il donne
pjulieurs coups dans une petite niche
que l'on voit au fond de l'Ej^life. Ces
[ coups fe remarquent, on me les a fait
I voir. L'Eglife eft dédiée à faim Georj^r;
■ & c'eft lui,dit-on, qui eft le Cavaliet
lio Voyage dans l'^fie^^MfM
qui apparoir ces jours là, \
LeiS. j'allai viliter les Bazards ,
achetai des Médailles, & quelques pîer^.
res gravées-. Pendant tout mon fejouf
à Cutayé, je continuai d'y faire le Me-
dccin } & pour ni'ôter i'importunicé d'un
nombre infini de perfonnes qui venoient
me demander des remèdes , je les en-
voïois à des bains chauds qui ne Toni pas
éloignez de la Ville. J'appris auffi pen-
dant ce tcms l'hiftoite que je vas ra-
conter.
Affèn Bei Bâcha de Cutayé,avoîc une
Eclave Géorgienne d'une beauté extra-
ordinaire qu'il aimoic épcrdui:insnt. Ses
femmes s'en appercurent bien-tôt; fes
déférences & fes alHduitez auprès d'elle,
leur firent aifémenc remarquer qu'il en
faifoii bijaucoup plus de cas que d'elles.
Lajaloufieeft une paffion qui s'empare
bien vite de nous, La nouvelle conduite
du Bâcha devoit naturellement en inf-
pîrer à toutes fes autres femmes,qui au-
trefois avaient eu quclqu'empire uir fon
efprit. Cela r.e manqua d'arri-ftr : elle
vint même jufqu'à une efpece de rage ,
qui leur fie prendre la reiblution de per--
drerEfclave Géorgienne, Pour mettre
plus aifément leur vengeance à exécu-
tion , elles ne trouvèrent point de meil-
leure
^f tjéffrii^iti & autres Hcux
I Xcfox voie que de commencer par gagner
le chef dtfs Eunuques. Quand elles
furent fûres de lui , elles longèrent à
chercher une occafion d'dfi'ouvir leur
haine : elle ne tarda gueres. Le liai fut
oblige d'aller mettre à la raiJon quel-
ques Turcomans qui vinrent faire dans la
dépendance du gouvernement de Cu-
tayé desdefordres épouvantables ; com-
me l'amour ne rempêchoic pas d'être
exaift a fon devoir , il fe crut oblige de
ie mettre en campagne dans le deilèin
de détruire ces voleurs. Nos jaloufes ne
perdirent point de tems ; elles conful-
lerent leur Eunuque Je prirent avec lui
la refolution dctouferun hommequ'el-
les revctiroient des hjbillcmens du Bâ-
cha , & qu'en cet état on porteroit
dans la chambre de l'Efclave Géorgien-
ne. La cruauté d'un femblabîe projet
n'en retarda point l'éxecution ; dès la
nuit fuivante on apporta dans l'appar-
lemeni des femmes un malheureur
qu'elles avoient fait étrangler -, 1 Eunu-
que le revêtit, comme il en éroitcon-
venu,& lui mit au côté la Gangiare du
Bâcha garnie de di.tnians ; il avoir eu
ladreiTè de la prendre à la belle Efclave
L'juE fervirà ce méchant deflêin.
, ^ Cet infâme après avoir ainfi ajufté ce
Ttme I. Ç
corps mort, le mie lui même fut un petit
Divan qui étpit à l'cnaée de l'apparie-
ment de i'EfcUve Favorite -, enfuite fai-
fant femblancd'en foriîr tout effraie , il
alla frapper aux portes de toutes les au-
tres femmes , comme pour leur dire de
Tenir voir l'aàion du monde la plus hor-
rible: mais avant tout & fans que per-
fonne le vit , entré dans cet appartement,
41 avoir percé de coups le cadavre de
cethomrae ,& afin de mieux jouer foo
lôle ,il lui avoir laiflc la Gangiare dai
lecŒur. Labelle Efclaveau bruit qall
le entendit, parut comme toutes [es4r
très femmes; mais ce ciuel leur ordd
na fur le champ & aux Eunuques J
confrères de fe faille de la Georgiefl
innocente ; ils le firent, & de lai
niere du monde la plus cruelle ; la n
traitant , & lui difant toutes les injU
que leur malice leur infpiia. i
Comme la Gangiare du Bâcha {è trd
voit fiir cet homme mort ,c'étoit un f
dice alTez violent , que cette fetr
avoit eu des inrcigues fecretes avw
malheureux qui avoit étéafTadlnéX'!
nuque & les auties femmes en firent!
pandre le bruit dans toute la Ville ; e
envolèrent auflî-tôt un homme au I
cba avec la Gangiate , & une Let|
rentres Urux.
îiî
-fignéede laMece , de toutes l'es aiutes
femmes, & de tous fcs Eunuques, pour
l'mftruire de la perfidie de l'Efclave
Géorgienne : la Lettre ctoic écrite lî af-
iïcmativement , & avec tant de circon-
llances aggravantes , que le Bacha ne
put la lire fans entrer dans des fureurs
extrêmes. Le trouble qu'elle lui jeita
■dans rei'prit , le laîflà long-teirs dans
l'irrcfo Union : tantôt il vouloit aban-
donner fon armée & aller fe vanger de
l'outrage qu'il s'imaginoit avoir reçu
d'une perfonne qu'il aimoic auflî leu-
drement ; tantôt les droits du devoir
l'emportoieiit fur ceux de l'amour ; en-
fin pour faire l'un 5i ne pas manquer à
l'autre ; il envoïa à fon Mofalleni un
ordre qu'il devoir remettre à l'Agadefès
Eunuques ; il y declaroit fa penfée fur le
crime de fon Éfclave , & fa jaloude lui
avoir fait inventer le fupplice le plus
affreux. L'ordre portoit qu'elle fut dé-
pouillée route nue , mife dans un fac
rempli de pierres , lié par dcfllis , & en-
fuite jettes à la rivière. Les autres fem-
mes loin de frçmir comme elles dévoient
flc fans témoigner le moindre repentir,
cxccutcrent cet ordre avec beaucoup de
joie : on ditleulement , qu'elles firent
mourir cette Efclave infortunée avant
«4- V^oyofc âam l'A fie Tmntare ^ ^*
que d'être mife dans le (àc. Mais pour
peidre l'objet que l'on aime-, on ne perd
pas l'amour qu'il 2 fait naître ; ce fut
îur le Bâcha que les dépits 5: les remords
exercèrent enfujtc leur tirannie. Il re-
fiaflbit continuellement dans fon efprîc
es termes affreux que fa fureur lui avoit
diâez ; il doutoit quelquefois qu'il les
eût écrits , & enfin fon amour lui fai-
foit regarder fon action comme impof-
fible pendant que fa mémoire lui repre-
rentoii qu'elle n'ctcic que trop vraïe. Il
fe livroitde teros en tems aune triftef-
lè mortelle ; & (ans fe foucier beau-
coup de fa vie , il altoic contre les Tur-
comans plutôt pour chercher lui mê-
me le péril & une fin digne de lui, que
pour éloigner le danger que couroit la
Province. Mais comme Affen étoit
véritablement brave , fa témérité ne
fut point à fon defavantage. Il pouf-
fa les ennemis fi vigoureufement,qu'en
peu de jours il difllpa toutes leurs for-
ces. Il fit pendre fans pardon cous ceux
qui furent attrapez , & cette guerre fut
terminée même plus vite qu'elle nel'au-
roitété. Les grands crimes demeurent
rarement impunis ou fccrets : comme
le Bâcha revenoic de fon expédition, .
toiljours reveuE , chagrin contre lui mé^H
■ C Afn/]ue & 4Htrts lieux. tia
bie & Cç reprochant fans celle /à cruau-
té; à quelque lieue de Cmayé une fem-
me échevelée , accompagnée de quel-
ques-uns de lès païens, fe jciia à ici
pteds pour lui demander juÂice ; elle
lui dit les larmes aux yeux que c'écoit
à la vecitc contre des gens de fa mai-
fon même , mais qu'enfin ils avoient
tué Ton maii , ic qu'elle ne fç avoit ce
qu'ils en avoient fait depuis : elle lui
expliqua enfuite qu'après l'avoir étouf-
fé , ils l'avoient chargé fur un Cha-
meau, qu'ils l'avoieni porté ainG dans
le Sérail par le côté des femmes ; qu'el-
le connoiffoit même un de fes Eunuques
qui avoit été de la troupe , Se qu'elle
l'aflureroit en fa prefence , s'il vouloîc
avoir la bonté de le faire rcconfron-
ler. Au récit de ce meuitic commis par
les (ïens ', le Bâcha frémit Se fe fotma
mille idées confufes ^ ilfe rappela dans
refprit ie trille fouvenir de fa chère Ef-
clave qu'il ne pouvoit plus efperer de
voir : il ne conjeélura pas d'abord que
ce mari qu'on lui tedemaiidoit , poui-
roit bien être i'hommeiué dans la cham-
bre de la Géorgienne ; cepenJant per- .
fuadé que cecie femme qui lui parlote
étoit fincere , il la tira en particulier elle
ifes parens , & leui£t faire une fecon-
■ d; i
^^ turc
I
iig VeyAgt imi l'A fie mineort^
de fois le récit de ceice cruelle av.
turc; enfuite ne gatdaiu auprès de 1
que ceux qui connoilToient l'Eunua
il renvoi^ les autres après leur aw
promis juftice. Dès qu'il fut arrivé dal
lôn PaUis , il fit mettre cet inferoe fb«-
le bâton , & voulut abfolumcnt Tça-
voir de lui pourquoi il avoir alTafliné un
homme : cet Eunuque contraint par la
■violence des lourmens , avolia bien-tôt
le crime & toutes les circonftances :
mais qui pourroic exprîmet la farptife
& les tranlpocts de fureur du Bâcha,
lorfqu'il connut par le lecii de ce mal-
heureux l'innocence de fa chère Efda-
ve, qu'il avoit fait mourir par un ordre
donné trop ctcdulemenc fur un faux ex-
pofé & à l'occafion d'une jaloufic auflï
deteltable que celle de fcs femmes.L'on
dit qu'il étrangla lui même fon premier
Eunuque , qu'il fît noïer pluiîeurs de fês
femmes en ia prefcnce fans en faire
même aucune diflinftton , de forte que-
(â colère tomba indifféremment fut I
innocentes comme fur les coupables.
CHAPITRE X ly.
XeHCMtre di vaUurt. Defcriptian de U
F'iUt £ Eficher. Eahx ch^lides. Poïf.
fin dt U Rivitre apptllé SACAri, hfiri-
ftions.
Après avoir fait toutes mes recher-
ches pour les Antiques & tes Mé-
dailles , & voïant que ie Dicha ne fai-
foit point de réponle à la Leiire que je
luiavois flic envoier i je pris la refolu-
tion de partir pour Eskichec : le ii-
d'Aouft je loiiai trois Chevaux & ac-
compagné de Tept perfonnes , je quit-
tai Cutayé fur le midi. Nous marcliâmes
d'abord environ }. heures fans trouver
perfonne , mais comme nous fortioiis
d'an petit bois qui eft dans le chemin,
nous apcrceuipcs trente voleurs qui
«niroient Aim un petit Village j ils noua
virent au(n,& firent auflî-tôr un détacha-
ient d'une vingtaine d'entre eux pouc
ïnic nous reconnoîcrc: nous nous po-
ftSnies dans les hroutTiilL-s ; il y avoîc
derrière nous de grands folf/z qui nous
couvroient j nous fîmes au(ïï an parapet
ikiout nôtre bagage ; & après avoir
KVil
P
^ us
eu-
■tl8 Voyage dam l'^Jte
mis tomes nos armes en bon écgt nous
attendimes de pied ferme cous ces vo-
leurs. Ils s'approchèrent de nous , mats
aïant vu nôtre contenance ils n'ofereni
nous attaquerjils nous demandèrent feu-
Jemem eu nous allionsï^nous leur
pondîmes fièrement qu'ils n'en avoiei
que faire,mais que s'ils le vouloient abi
lument fi^avoir , nous allions leur di-
le. En même tenns nous les couchâmes
en joiie , mais ils nous marquèrent ( fû-
retnent contre leurs intentions ) qi
n'étoient point venus pour nous
du mal ; mal ou bien , répliquai
nous , des à prefent nous ne vous cl
gnons point ; & lorfque noui
avec nous le refte de la caravanne \
cft compofée de 40. perfonncs
armées ,nouslêrons en état defairel
te à d'autres qu'à vous. A ces moi
prirent le parti de s'en aller , ils fî]
filutîeurs caracolles amour du petit
âge où les autres éioienc encrez, &
fin ils s'y rendirent lou;
Aucommencemcnt delà nuit un des
nôtres fuc détaché pour voir ce que'ces
honncces gens faifoient dans ce Villa-
ge ; il revinc nous dire qu'ils mati-
geoicnt &: (■: repo'oient. On r^foluc de
paitîr fur l'heure. Après avoir enco^
^jlffrî^fue & autres lieux- 119
tagé du mieux que je pus ceux qui
étoient avec moi, nous marchâmes fans
grand bruit & en ailez bon otdre; allant
toujours par nord & dans de fore beaux
païs. Après avoir craverfé des plaines
pendant Tefpace de 4, heures , environ
une heure avant le jour , nous nous éloi-
gnâmes un peu du grand chemin ^ pour
Qous repofer à l'entrée d'un bois de
grands fapins : nous y demeurâmes ju{l
qu'à midi , que nous nous remîmes en
chemin ; & après 4. heures de marche
nous arrivâmes à Eskicher.
Je fus loger dans un petit camp oïl j.e
pris une chambre. Le Bâcha n'étoit pas
encore arrivé à Efkicher : comme j'a-
vois une Lettre pour lui , je la portai
le I}. à fon Mofallem ^il me receut bien
& me dit qu'il aimoit fprt les FrançoiS'
& fur tout ceux d'Angourra. La Ville
'd'EskLcher eft partagée en deux , & il y
a un bon mille d'efpace entre Tune &
* l'autre de fes parties. Les Turcs n'y de-
, meurent pas comme dans les autres
Villes , indifféremment en toutes for-
tes d'endroits ; leur habitation eft au-
près d'une petite montagne. Dans la
première partie de la Ville qui eft celle
où j'arrivai/ont les Bazards & les bon-
tiques des ouvriers ^qui fe retirent to^ix
1 J f^oyage dans F AJie mi»eitrt,
les foirs & vont coucher à la Ville 1
ce. Eskicher eft pleine de belles Fond
nés : routes font d'eau chaude ; & t*i
n'en boi
[ poinc d
, Cl l'o
I
Toit foin d'en faire refroidir. Il y a au(-
iî j. bains de ces eaux, dont un paroît
a{fez antique ;c'ell un fort beau Dôme
fbutenu par de belles colonanes dejaH-
pe&bâtide Marbre depuis les fondc-
mens. Outre les Fontaines d'Eskicher,
il patTe auprès de fes murailles une Ri-
vière peu large à la vérité , mais en re-
compenlè alTez profonde , qui fe nom.
me Ciitayé , parce qu'elle vient de ceq
ce Ville , d'où elle va fe jetter dans ud
plus grande à une journée d'Eskicha
appelléela Kivieie de Sac^tr ^ic touH
deux s'en vont enfuite fe décharger daj'
la Mer noire. Ce qu'il y a de fînguUe
c'eft que la Rivière de Cutayé malgi
(k petitefîe, ne laiife p-is de nourrir t
poifTons de trois & 4.00. livres de p
îànteur: j'en ai vil un qui pcfbit rrenj
fîx ocques , c'ett-à-dire a nôtre poiâ
loS. livres. On peut corijcflurer de f
qaecerte Rivière a de grandes conca
vitez fous terre ; & il le faut neceflâi-
remeni , piiifquefi eîlen'étoii pas plus
large en delfous qu'à fa fupetficie , dcn
de ces poillbnsni pourroieiit pas teiiirj
C Afrique & amm Citux. iji
Le 14. je pris des Chevaux & fus me
promener à un Village éloigné de la
Ville d'environ une licnc & demie (eulc-
menc. Les habicans font prefqiie tous
Arméniens : il eft (itué au pied d'une
montagne Tut laquelle fe trouvent des
ruines èc quelques anciennes forteref-
fes. Je voulus voir ce que c'ccoit , & je
remarquai que la montagne avoir été
autrefois h.ibi[éeen plufients endroits :
les ruines même en font allez fuperbes:
le lieu otl ctoit cette fortereire ,cft en-
courré d'une double muraille. Entré
dans l'enceinic j'y.trouvai une grande
place fort belle. Dc-là je paflài fous une-
belle porte de Marbre ornée de guirlan-
des 8f enrichie de p!u(ïeurs autres orne-
mens en bas reliefs. Après quoi je vis
une féconde place où l'on rencomric
encore des monceaux de Marbies les
> furies autres. Enfin je fus dans une
jilîécneplus pleinede démolitions que
s deux autres , & enfuîte je rcdéccn-
t par un autre côté rencontrant toû-
uts des reftes de vieux bâtimens , fut
MBouten un endroit qui me parut être la
place de quelque Eglife ; d'autant pliiî
(pi'alTez près je remarquai clairement
tm cimeci;rrc & plufieurs Tombeaux:
fH copiai 7. Infcnptions , c'tft-â- ttc.
I
ijl V'eyagedattsl' Apt mlnturt ,
celles que je pus. Voïez à la fin nonp
biezo. Stliiivans.
CHAPITRE XV.
Smte du voiage. Infiriptiom dan» un Ci
•vent d" yîrmeniefii aHprèt d'jIngOH
Séjour dans cette faille. Injcriftions troH-
•vies. Secherejfe du Pais, Pierre mira.
culeufi. Château plein d'armes aniiefuet^
Hifleire d'un voleur. j4utre hîfïoin d'
ne femme tjui vange fan mari.
1
JE demeurai à Eskicher jafqû'au vingt
que l'en pariis fur les cinq heures de
raprédinée accompas;iié de 5. autres
peifonnes coûtes bien armées-Nous msb
châmes jufqu'à la nuit cotoiant loT
jours la Rivière de Cutayé , & avd
çani par Grec & par Levant- Le^
nous ne prîmes point d'autre aubS
que la plaine , où nous lious trouvi^
JL'ou y coucha au frais, & le lendem^nT"
ai.une heure avant le jour on recom-
mença à marcher jufqu'a neuf heures
toujours dans cette belle plaine , qui
nous auroit conduits encore plus loi[7,
a nous ne nous cticiis un peu detout-
\Kz ce nctre
cher
pour aller à 1"
.'[^fl
rJffr':!jHe& autres lUux. ijj
_ î Villages voifins faire Eepofer nos
Chevaux & nous mettre nons-mêmes à
couvert de l'ardeur du Soleil, qui nous
ctoit fort incomnioJe. Nous partîmes
de cet endroit appelle Queux ,-*à une
heure après midi,&: marchant tant que
la lumière du Ciel nous le permit, nous
allâmes faire nôtre cannac auprès d'un
pecic hameau :nous le quittâmes le n.
dès deux heures avant le jour. A ii. heu-
res nous campâmes auprès d'une Riu
viere aflez grande appellée Zarcxfon ; à
trots heures , nous la pailâmesàgaetjfc
après i.heures de chemin, nous trouvâ-
mes celle qne l'on nomme Quirimr.Ces
deux Rivières fe joignent à quelque
^ance de cet endroit , & vont enfuice
■ tendre dans la Mer proche Nicome-
nfiu à l'entrée de la nuit nous
lïpâmes auprès d'une Fontaine , où
^trouvèrent auiïî d'autres petites carS-
incs. Et le 1}. nous partîmes avec elles
l'une heure après riiinuit prenant la
nitede 5ec6j^<ir,où nous arrivâmes
ftlever du Soleil.
■■Cette Ville u'etl pas defagrcable: elle
eft bâtie fur plulïeurs petites montagne'ï,
ce qui de loin la fait parokre beaucoup
^j^Dsconfiderable qu'elle n'cft: i! s'y tient
^^n§randBJZir tous les limcd.7i ,^\<»
tf^ Voyagt dttns i'Afte tnmturt,.
Cherchis en ibnt beaux. Les Habii
ïne parurent de bonnes gens;ils ont pi
Gouverneur un Vaivode : j'avoîs pi
celui qui yëtoic alors une Lente de
conimandation (]ue je lui portai. 11
leçur d'abord avec de grandes marqi
d'amitié, mais lorfqu'i! eut !û que
tois un Médecin, il redoubla fes «
plimens , & me demanda des remei
poutunmalade qu'il avoit chez lai,-
nie priant de le venir revoir pour cai
avec lui, je ne manquai point de le
promettre. Je palTaile 14., àvifitcr
Bazards, oïi je trouvai d'arfêz belles '
dailles, &le i;.je retournai chez le
Tode. Après avoir eu av.^c lui un I1
entretien , oii je lui donnai fàiisfai"
for tout ce qu'il me demanda , je
marquai que je voulois parti:
Xngoura, Il avoit 4. hommes qui
foient auprès ; il me dit qu'il leur al
donner ordre de m'accompagner &
me mener (ufqu aux portes. Jefusdi
kiier des Chevaux , & je partis fai
midi avec ces 4. liomm»s ; mai? je
m'attendois pas au compliment qu'
(ne firent enfuite. Lorfque nous eflmes
marché enfemble environ 5, heures , ils
me demandèrent fi pour la peine
prenoieni de a'accompngner , je
^
Fy^j^que & antrts lieux. ijjf
lofs leur donner de l'argent , & voïanB
bien que je n'étois pas homme à le faire^
ils me quittèrent & prirent une autre
loute ; contant problablemenc que leut
Vaivode m'avoil yÛ tout ce qu'il me
verroit.
Je coniinoai mon Torage par une bel-
le plaine , mais où il y avoit fort à crain-
dre de rencontrer quelque bande de vo-
leurs ; je paiTai à ):;iiet la Rivière de
Quirmir qui y coule , lailFant à main
droite un beau pont de bois qui ne ferc
que quand cette Rivière inonde la cam.
pagne. A quelque pas de là eil, à ce
qu'on prétend, l'endroit le plus dange-
reux pour les voleurs ; j'y vis cinq ca-
davres que Tony avoic empalez depuis-
peu ; apparemment que la punition de
ceux-ci en avoit éloigné les autres , car
^•jele traverfai fans être attacjuéde per-
BttMiRe. De-là marchant toujours par de
^Bmsux chemins , mais fur différentes pe^
^^■fites hauteurs d'une pente douce , je
trouvai à 9. heures du loir vne Ville que^
les gens du païs nomment ^/tf/?? ; dcr-
_ p'ere laquelle je fiî monconinc proche
HÉPune Fontaine: je m'y rcpolii l'cfpace
^^fc 4. heures , Se enfuite je repris mon
^■nemin qui ne fut pas aufli agréable
ïjtf Voyagt dAns I^AJîe mlneare^'
Ugne fort rude, & pendanr i. heui
toute nie parut des plus difHciles j
enfin le refte jufqu'à Angoura ne mttm
pas grande peine , & j'arrivai dans cfl
le grande Ville fur les y heures de 13
près midi dui£.
Je fus loger chez Meflïeurs Pain:
& Daignan , ce font deux François,
tnaifon qu'ils occupent e(l la plus bel
de toutes celles que les Francs ont à h
goura ; ils me donnèrent coures les m;
ques d'afïcdion pofïlbles. Je receusB
jours faivans la vifKe de cous les Frù^
cois & de cous les Hollandois quifl
font habituez. Le i^. je fus dîner cbj
un de ces derniers qui me regala i"
toutes les formes : 6c le jo je mond
à cheval pour vificec les environs de |
Ville. Je fus à faiite^ lieu à une Hejf
d'Angoura, oA l'Archevêque des An
niens fjii fa reHdence ordinaire
proprement un convent. Son Egllfed
des plus belles ; elle eft bàcie de pienl
de taille avec un dôme fore élevé J
travaillé avec art. Nous y entendînL
uncMclTe Armenicne que l'on celebl
avec beaucoup de dévotion & de cere»
monie ; enfuiie je fus copier 7. Iiifcri-
prions fur des Marbres qui ne font p aa.
éloignez de Vaine. Voyc» ilafimioi^^
brc 2;. St fuîvar.t.
Mais ces Infciiptioiis font peu de cho-
ses , fi on les compare à celle dont je
vas parler. Les Critiques l'appellent or-
dinairement Ljpis ancyranin-x'eii un des
plus beaux monuments qui reftent de
l'Hiftoire Romaine, puifqu'il contient
les belles aflions d'Augufte qu'on doic
prefque regarder comme le Fondateur
de l'Empire Romain. L'on a déjà cette
Infcription dans quelques Auteurs, Mats
<jaand ma curioiué ne m'auroic pas
porte a en Taire la veri6cadoa , fe
a'auTois pu m'en dirpenfer , paifque
c'ctoit un des articles des inftruâioos
qtieMonfsigneurdePonc-chartrainm'a-
voit données. Elle fe trouve dans A»,
goura fut deux grandes murailles devant
^k^ portique d'un ancien Temple, & pro-
^Hke d'une Mofquée , que l'on nomme la
^nMofquée d'Agybrahim. Pour venir à
mes tins , chofe qui n'écoitpas des plus
faciles ; je liai amitié avec celui qui deH-
feri la Mofquée , Se je donnai des re-
mèdes à un de fes pareits , que j'eus le
bonheur Je guérir. Cet homme me crue
apfès un grand Médecin ; c'ctoit déjà
un acheminement. Aiiilî un jour en me
promenant avec lui aup'ès de l'Infcti-
prion.j^ lui dis que j'en .ivois !ù les pre-
^^auis mots ; qu'elle contenoit quelque}
I
Voygt dam l'A fie minmrt y ^^%
remarques fur l'ancienne Médecine» qoê
J'y pourtois rrouver quelque bons re-^
mcdes pour Ta fanté , s'il vouloir me !a
laîiTer copier. D'abord il me fie l'entre-
priie irès difficile , & me dit , comme
font la plupart des ignorants de tout ce
qu'ils n'entendent point , que ces c^-
raflcres étoitnt pleins de milleres ; qu'il
n'étoiipas permis mtmed'v vouloir pa
netrer -, d'ailleursqu'ilsenlèignoientà
jlyavoit destrefors ; & que , quoiq
les gens du lieu n'en cechcrchafli
point lapoirelTion , il ne lailTetoit \
d'être coupable de haute ïrahifbn ,
les decouvrott à un étranger. Je |
manquai pas de bonnes raifons poud
détromper : mais il fit comme dans^l
difputes , il fut convaincu de (à fini
eitc f; "
eitc fans le rendre ; & ce fut l'ari
Ique je lui donnai plutôt que mes
fonnemens qui eut la force de le
fuader. Quand il fc fut déterminé à
laiflcr prendre l'Infcription , il m'
fignales heures qu'il crut les plus
s:
Tu
aui
:
près pour la copier fans être vu
ehoiumes donc les intervalles que J
Turcs ne viennent point à la Prie]
autrement je n'aurois pu en venir i
mon honneur , & toute fon autorité
'aucoicde lien fetvi contre U canaille;.
FjIffrirjHt & ahiret Ùeu.v. jf^
Je commençïî à prenctre cette belle
Inicripiion le premier Septembre ,.&
je n'eus gueres d'autre occupation \aC-r
qu'à cequî je l'eude finie. Maj« com-
me je n "y rrjvalllois pas tout le jour,
le j. Septembre je montai à cheval SC
fis tout le tour d'Aogoura : je fus z.
heures à faire ce tout ; je n'allois à 1»
TCtiteqac le pas. Voici ce que j'y re-
marquai. Cène Ville , à proprement
parler, a douze portes : il y en a fepl de
la grandeur de celles de toutes les bel-
les Villes ; pour les cinq autres il n'y
peut pafTer qu'une perfonne. Ses mu-
railles ne font point antiques : l'on,
m'afluraqu'ellesn'étoient faites que de-
puis 60. ans , pour la mettre à coHTert-
4es infultes des voleurs ; cela fe recon-
nolt mâm- fans beaucoup de difficulté :
car à proprement parler, cen'eft qu'un:
amas de pierres de plufieurs formes ic
de différentes efpcces, comme des mor-
ceaux de colomnes , des chapiteaux,,
des pieds-d'eftiux , &c des pièces de
Marbre de toutes fortes de figures , où
font mcme quelquefois des Infcriptiont
dont quelques-unes ont été feparées
avec les pièces. J'en pris 6. que l'on vcc-
xaà la fin après celle ds Viiue, nombre'
8c fuivans.
mn.'
Mi
Hge dans tAfit min
s murailles ne font cimemies qîl
vec de la terre qui s'eft Techtc au Solea
ainfi elles tombent en ruine en pluGn
endroits. Les dehors de U Ville \
fort agréables : elle s'élève en amp]
théâtre & paroîi d'une matjnificec
admirable ; auHl y a-t-il comme tc|
Villes diftinguées l'une de l'autre ,
qui ont mcme leurs murailles paît
lieres ; en voici leplan.
L'on parie fort dans ee pais d'à
pierre qui fe trouve dans une EgB
Grecque au quartier appelle le C/
teau : elle palle pour un miracle <
Dieu met tous les jours fous la vûéJI
fes fidèles pour les coiilîriner danjJT
Foi , & l'on ni'avoit donné une eij
fi grande de U voir , par le tecii (
l'on m'en avoir fait , que ce fut i
des premières chofes oi^ ma curiofiti
porta. Mais je fus dans une furprifel
trême, lors qu'on me montra feuletr
dans une muraille cpaiite , un trouj
fond duquel ctoit une pierre d'Albl^
la réflexion du Soleil qu'elle reçoia
qui la rend fouvent toute rouge ,
tout ce prétendu miracle. Les Ga
ont toujours été fuperftîtieux ou j
podeurs : c'eft un plail^r de les en|
drs conter mille folies myftagogià
^
■ux. i+r
Aies ; entre
-•ne d'An-
<]ue ce fuc
qu'elle a la
^des qui la
rent que les
jficurs fois,
venue d'elle
lia qui /aca-
'C l'en ôcer;
.KÔt dehors
ijoâienc-ils,
rcicns d'An-
>ic leur re-
oiains , mais
t Dieu pour
Aufli-tôc les
, & l'on en-
leur dit , ^Ki
■•im de péché
•9S prierts ffiit
regardèrent
& il n'y en
t. cxempc de
Dans ce mè-
s ans fe mit
.lit manger,
k dc-U que
oitïlTuitpouf
I
I
Ces muraifles ne fonr cîmentéc^ffS^T
vcc de la terre qui s'eft fechtc au Soleil 9
ainfî elles tombent en ruine en pluHcocA^
endroits. Les dehors de U Ville Cn^U
fort agréables : elle s'élève en ampbi^|
théâtre Se paroît d'une ma^nifîceni^H
admirable y au0î y a-t-il comme tio^H
Villes didinguées l'une de l'aucre , tj^M
qui ont mdmc leurs murailles pattloB^H
lieies ; en voici le plan. -^^Ê
L'on parle fort dans ce païs d'oi^H
pieire qui fe trouve dans une Eglil^H
Grecque au quartier appelle le Ch&^|
teau : elle paiïê pour un miracle qii^|
Dieu met tous les jours fous la vue ^^Ê
Tes tîdeles pour les coniîriner dans U^|
Foi , & l'on m'avoit donné une envjj^|
iî grande de la voir , par le récit qu^l
l'on m'en avoit fait , que ce fut une*
des premières chofes où ma cutiofité fe
porta. Mais je fus dans une furprife ex-
trême, lots qu'on me montra feulement
dans une muraille épailTè, un trou au
fond duquel étoit une pierre d'Albâtre:
la reflcdion du Soleil qu'elle reçoit &
qui la rend fouvent tout: rouge , fait
tout ce prétendu miracle. Les Grec»
ont toujours cié fuperftitieux ou itn-
pofleurs : c'e/1- un plaifir de les enten-
dis conter mille folies myftagogiques
I
■
' «44 ^^^&^ ^^^^ tjifie mineure
titudes de Statues indécentes. Enfin dm
cptè de la Ville le Château a double
muraille -; & avant ^ue d'entrer dans
la féconde enceinte , l on voit de cha-
que côté deux gros Marbres où (ont
les Dieux des jardins en bas relief : ils
cmt le vifage prcfque tout mutilié ; jr fis
le tour des pnuraiUes du Ch&teau fans y
trouver aucune Infcription. Il eft bâti
fur une roche vite £brt efcarpée. De ce
côté de la Ville & au bas de cette ro.
che pafTe une petite Rivière , & il y a
pluHeurs voûtes fouteraines qui vont
de la Rivière au Château: apparem*-
ment qu'on defcendoit par là pour fe
fournir d'eau dans le befoin. Devant la
porte eft une petite place où Ton voit
une pierre de plus de huit cens livres
pefant j on l'avoit jettée d'une montag-
ne qui eft de l'autre coté^ & cela feul
obligea le Château de fe rendre aux
ennemis qui Taffiegeoient.
Le 17. je fus dans les Bazards cher-
cher des médailles ; j'y en trouvai d'aC
fez belles : mais ce fut un vrai hazard >
car les Francs qui font dans Angourra
prennent toutes celles qu'ils rencon-
trent ; cela eft caufe qu*on les y acheté
beaucoup plus cher que dansdes autres
endroits où il^ n'y a point de Francs,
U
Le iSje ze gns rei iir: ijur .'Tîn^zr-
& j^aosccf csr ii e: i =^: ? i" -ix nif.
Ls !•- rc *> — *'-'^- iir"*" : "Ji* . m rvi^aîâ
àaxt as.5 fsi-'rn: s Hf^t^ . ^' m r^nr
vole ûa:zs Tcn'^ic r: suis e? zrjL.':z:s
d'Angoara- L:i",: îti:; ;.i h:: nx ■:•:*
pendact îa =::.:. :_ m -i i;L::Lr:ê i *.-
1er dans la cz-êz^rrî i- . r-rcri:'* Je *a
femme czo-.tnz z^^htz : .t rr.i~. ;:■:-
manc, ia fer-nue ci-:-.: p*? t:c.t . i.
▼eilier de reur r^s - r^ I":s irrrî iz
quelque maî^-enr. Afcr£ le ▼rlri: ^t :*:r
emporté pau;:>!e:rfTi: îcores ie< is.rie5
dont il aTo:t rù ;'e chir^er . 77.1:^ r^ir
malheur pour lai cette re~nr.e avr:r
bien examiné fon v:^^ce. LoriVu :1 f-r
parti, elle éveilla Ion mar: , &: îj: cor.-
ca le vol qui n'ccoit arrirc que par Ta
timidité & par l'amour qu'elle avoir
pour lui : au refte elle le pria de ne point
s'affliger j & lui dit qu'elle reconnoî-
troit le voleur (ans peine. Ce fripon
ctoit un vendeur de petits patez , & en-
troit dans les maifons pendant le jour,
pour s'infttuire de ce qu'il y pourroit
prendre pendant la nuit. Le jour venu
la femme fortit de fa chambre, & après
avoir marche par la Ville environ deux
Tome /, G
14^ ^^y^S^ ^^^^ ^^fi^ n^îneun,
heures y elle trouva fon homme, le prit
au collée , & le mena à la Juftice : il
y fuc convaincu de ce vol , & déclara
les autres qu'il avoir faits : il rendit à
cette femme toutes fes hardes , & en-
fin il fut condamné Se pendu : le tout
fut fait en moins de deux heures &
demie.
Dans le même tems , ili arriva une
autre hiftoire qui marque fort bien le
courage d'une femme qui a dans la tê-
te une forte envie de fe venger Fia-
nol eft un gros Bourg loin d'Angoura
d'environ cinq heures de chemin ; plu-
fieurs familles Arméniennes s'y étoient
alTemblées pour une fête qui s'y £ai-
foit. Un Arménien y eut querelle
avec deux Turcs : ces Turcs étoient
le père & le fils tous deux pleins de
vin j ( car il eft bon de remarquer que
malgré la deffenfe de Mahomet » il y
a bien des Turcs qui en boivent {ans
fcrupule ). Ils s'outragèrent donc de
paroles les uns les autres , & les Turcs
lus hardis ou plus emportez mirent
a Ganjiare à la main , & donnèrent à
l'Arménien plufieurs coups qui lui ôte-
rent la vie ; ce fut le fils qui frappa
les derniers , ainfi tout le monde le
jugea le plus coupable. La femme da
i
l'^frifjut & Mtrts lirux. j^j
-l'je j'y écois, il y avoit plus de /îx mois
]uel'on n'y avoit veu d'eau [ombéedij
Ciel:c'eft ce qui eft caufe que les monta.
.^nes d'alentour font nues & neptoduj-
lènc point de bois comme dans les au-
tres endroits.
Le lo. je montai au Château qui eft
lelieu le plus élevé de U Ville j j'y
vis pluiîeurs mapazins remplis d'ha-
liîtsde velours cramoifi & doublez de
petites plaques de fer , faites en écail-
les ; mais ils font prefque tous pour-
ris. Il y a auflî un grand nombre de
bonnets faits à l'épreuve de la flèche
& du coup de fabre : les flèches, les
arcs, lesWlIiers & les autres machines
de guerre antiques , tiennent leurs pla-
,ces dans les Chambres de ce Château.
J'entrai dans un autre magazinqui
eft dans des tours : il eft plein de petits
canons de fonte de deux à trois pieds de
long& du calibre de fept à huit livres
de bâle. Les murailles de ce Château
font modernes aulîi bien que celles
tl'Angourra& font faites des luines de
quelque grande Ville qui paroît n'a-
voir pas été éloignée; elles font toutes
compofées de belles pièces de Marbre
p'eines de'bas reliefs ; l'on y voit des
^^jtolloas , des Priapes & d'autre^, ~
I
I
jjîï Voy*gt dans l'Afte mineurf,
heures , eÙe irouv» fon homme, le prit
au collet , & le mena à la Juflice : il
y fut convaincu de ce vol , & déclara
les autres qu'il avoit faits : il rendit à
cette femme toutes Tes hatdes , & en-
fin il fut condamné & pendu ; le wut
fut fait en moins de deux heures Se
demie.
Dans le mcme tems , ili arriva une
autre hiHoire qui marque fort bien le
couiage d'une femme qui a dans la tè-
te une forte envie de fe venger Fla-
nol eft un gros Bourg loin d'Angoura
d'cnTiron cinq heures de chemin ; plu-
fieurs familles Arméniennes s'y écoieiic
aflemblces pour une fête qui s'y fai-
foii. Un Arménien y eut querelle
avec deux Turcs : ces Turcs étoient
le pete & le 61s tous deux pleins de
vin ; ( car il eft bon de remarquer que
malgré la defîenfc de Mahomet , il y
a bien des Turcs qui en boivent fans
fctupule ). Ils s'outragèrent donc de
paroles les uns les autres , Se les Tuics ,
filus hardis ou plus emportez miieittgl
a Ganjiate à la mam , & donnèrent,^!
l'Arménien plulîeurs coups qui lui âcB«ul
appa
le le
M
l'Arménien plulîeurs coups qui
rent la vie ; ce fut le fils qui frappa
les derniers , ainfi tout le monde le
jugea le plus coupable. 1^ femme (
ICj^jfri^Ht & MHtrei IUhx. ia^
tort vint à la juftice redemander le
ing de Ton mari : l'on tic coût ce qae
on put pour appaifer une colère fi
jiifte i mais l'Arménienne perfiflant
toiîjours à vouloir fe varger , l'on foe
obligé d'arrêter ces deux Turcs. La
penfée qu'il arriveroil quelqu'autre
malheur, fi l'on n'avoit foin de la con-
tenter , & les dépolïcions des témoins
qui chargeoient l'un plus que l'autre,
firent condamner le fils à être pendu.
Il s'éleva une autre difficulté; il ne fe
trouva perfonne qui voulût faire le me.
tiet de bourreau à l'égardd'un'Turcen
faveur d'une Chrétienne. La cçura-
geufe Arménienne qui l'apprit , ne s'en
ébranla point ; elle dit hauremenr^tie
l'on n'avoit qu'à lui remettre le meur-
trier de fon mari , & qu'elle fçauroic
bien le pendre elle-même. Sa refblu-
tion furprit tous ceux qui l'entendi-
rent ; & elle l'exécuta d'une manière
encore plus étonnante. AuQI-côi qu'el-
le eut le meurtrier auprès d'elle , elle "
l'empoigna & le conduifit en prefencc
de tout le monde fous un arbre ; là el-
le tira de fes poches une corde , fie mon-
ter ce malheureux fur une pierre de
deux pieds de haui,lia la corde à l'arbre;
^Jk spics la lui «voit attachée au cou. H-
Eïgf dunsC Afîe mineure^ ^1
L pierre de deifous fcs pieds :
enfin, qnoiqu'en cet écai il fût des mieux
pendus ; de peur de fraude, l'Arménien-
ne ne s'erj alla poinï qu'elle n'eût bien
connu qu'il étoit mort dans toutes les
formes. Tant il ell vrai que la padio]
Bc la fureur jointes à un tempcramrf
tenace viennent à bout de tout-
1
CHAPITRE XV]
Peine poif avoir l' T?]fcnption. Elle efi dif-
férente dei imprimées. Difcription £ An~
gQitrs. Son eommeree.
Tl^ II. j'achevai de copier l'Infij
Xjptioii Latine , & je commenç; "
Grecque qui cft fur l'cpaiffeurdela
raille. Pour copier Icscommencemi
je fus obligé de monter far le pi
de la Mofquce ; ainfi j'étois dans
crainte continuelle , foit de tomber,
de recevoir quelque avanie de la
des Turcs ; mais j'achevai , Dieu
ci , (ans aucun accident. Je dois a'
tic ici que pour l'Infcripiion Grec*
je n'en donne que ce qui eft du cèié de
la Mofquce; il y aune fuite ou une au-
tre Infcription fur l'cpailTeur de U
1
* tjIffrîqHC & MHtres lieux. 149
me maraille , mais qa'on ne fçauroit
prendre à prcfcnt , parce qu'il y a une
maifbn appuïée defliis : fi l'on croïoic
qu'elle en valût la peine , comme cela
pourroit bien êcre , pour cinquante ou
loixante piaftres , ou pourroit mettre
à bas ce qui la couvre ; je n'en parle
qu'après m'en être informé.
J*avois prefqu envie de mettre ici ces
deux fameufes Infcriptions ;• elles font
plus intelligibles que la plupart des
autres dont j'ai parle : d'ailleurs comme
elles regardent THiftoire Romaine, &
fur tout la vie d un Empereur tel qu'-
Augufte , elles font infiniment plus in-
terreffantcs , que celles qui fe rencon-
trent (ur le tombeau d'un inconnu ,^oU
qui font mention de quelque a£tion
d*un particulier dont peut-être aucun
Auteur n'aura parlé; comme feront fins
doute quelques unes de celles que j'ai
recueillies : mais leur longueur m'a
fait penferau defagrément qu'il y a d'ê-
tre interrompu dans une lefture. Des
lettres que tout le monde ne connoît
point auroient fans doute déplu , & les
curieux ne plaindront point la peine a f-
fez légère qu'il y a de les aller voir à
la fin : d'autant plus qu'en fait dlnfcri-
ptions Tune aide à entendre l'autre , &
G iij
d'un Bâcha ; eft fore peuplée & faifànt
en repos Ton commerce , dont le prin*
cipal eft de fil de chèvres. Il y eft très
beau : au(C ne fe voit-il en aucun aiu
tre endroit du inonde des chèvres de la
l^eauté de celles d'Angoura : elles ont
un poil d'une couleur (î «éclatante , que
lorfque les troupeaux paillent au So«
leil ils paroiflènt d'une foye argentine.
jCe qu'il y a de particulier , c'eft que
païïe fix lieues à la ronde ,on n'en trou-
ve plus de cette efpece ; & même quand
x>n a voulu en tranfporter ^ on a remar*
que qu'à mefure qu'elles s'éloignent,
elles dégénèrent : d'où r<yi peut con-
je6burer que leur beauté ne vient que
de la nature des pâturages d'Angoura.
Ma curiodté m'a fait apporter iufqu'i-
ci quelques-unes de ces belles peaux.
CAffrîque & dutres Cieux. ijj
CHAPITRE XVIL
Smte du Voiage. Rencontre de queltfues
THrcomans^ jimitié faite avec un Chem
rifi, Ruines ignorées. Ville d^Eskicher.
jHagybeftage • fa Atofijuie : Livres dn
Santitn fin Fondateur. Chaudière
^Hne grandeur extraordinaire. Rivière
■ À'Ermaij. Pyramides. Fables fur ces Py*
ramides*
LE 1. d'06lobrc je partis d'Angoura
avec une troupe de lo hommes qui
y^noit de Conftantinople &aIloit à Ce-
£irée. Nous marchâmes 4. heures par
de petites montagnes. Nous fîmes nô-
tre Connac à Ta^uait : c'eft un petic
Village fort fujet aux infiilces des vo-
leurs , & leurs courfes fréquentes ont
obligé les Habitans de tenir leurs biens
Se tous leurs meubles dans les mon-
tagnes,oùil$ demeurent la plus gran*.
de partie de Tannée. Il avoit paru une
bande de ces voleurs , venue fans dou-
te pour examiner nôtre contenance ;
cela fut caufe que nous décampâmes
à neuf heures du foir. Après trois heu-
les de marche , nous crûmes en voir
G V
i
r
d'autres qui vcnoienr ii nous ; & nous
nous mîmes fur la deffenllve. VerîtJ
blemeiu c'ciok une ctoupe de Tun
mans» mais avec leurs familles , li
Chevaux , & leurs Bœufs qu'ils
noient quelque part. Quoique ce foit
une de leurs bonnes coutumes de dcva-
lifer tous ceux qu'ils rencontrent , ils
nous lailfereni pafTcr fans nous rien di-
IC i apparemment parce qu'ils nous vi-
rent plus forts qu'eux. Nous continuâ-
mes donc nôtre route; 8: le j. à la poin-
te du jour nous arrivâmes au Village
de Cûraiju'chl ^ après avoir marché huit
heures de fuite par des chemins en-
trecoupez de montagnes & de valons »
& tout remplis de bois. J'avois fatc
cnnnoilfance avec un Cherif de nôl
iroupe :il buvoit du vin , & ce prii
Icge qu'il fedonnoit contre fa religi*
lui donnoit audî celui de m'avoit
près de lut ; nous logions même
fcmble. Deux hommes de ce Vill;
étant entrez dans nôtre oda pendi
que nous dormions , il s emport» '
contre eux ; ils eurent beau allegi
[lour r^fon , qu'ils vcnoient chercher
e Médecin , il ne laifla pas d'entrer
dans une fureur extrême ; & je croi qu'il
moît aflbmmés fans mo'
F/iffrtifife & antres HiMX. ij-j
veritablemeni de rindifcretioti dans
leui fait: mais comme c'étoit tnoi dont
ils paroifToienc implorer le fecoors , je
ne voulus point qu'une chofe qu'ils
avoieiic faite pour chercher la (ànté,
leurfîc trouver la moit ; ainfi j'appai-.
ù\ le Cherif , qui a ma confideration,
les laillà aller fans Icurrien faire.
Nous quittâmes cet endroit à fept
heures du foir. Trois quarts d'heures
après nous palTàmes devant tes ruines
de quelque ancienne forterefle. Il y
avoir encore une belle arcade qui pa-
loilToir en avoir été U porte: elleécoit
d'un Matbtc blanc , pleine de ligures
de Lions & d'autres animaux fembla.
blés, dont les uns étoient tout droits,
te les autres fembloient couchez pat
lerte. Comme le Soleil commençoit à
retiret ia, lumière , je ne pus voir ce»
ruines que confufément : elles font d'u-
ne aflcz grande étendue , mais on ne
m'en put dire le nom. Au bout eft un
beau pont de douze arches ; la Rivière
fur laquelle il eft bâti s'appelle Cherche-
mr.'tiprHfQH.
Nous marchâmes toute la nuit dans
une plaine fort vafte -, mais nous fil-
mes extrêmement incommodes de la
I
I
^Mbïe qui fut abondante & prefquc h
I
I
"ijS VoyAgt dAn% l'Aftt mmmre^
continuelle. Pont comble de mal, nous
■vîmes au jour que nous nous étions
éloignez de nôtre cliemin. Quelques
Turcomans donc nous apperçûmes les
baraques eurent atlez de civilicé pour
nous y remettre : mais des bergets que
;ious trouvâmes peu après, nous aver-
tirent qu'il y avoir dans le voiflnage
quancicé de voleurs. Au bout d'unin.
ftant nous en découviimes la troupe.
l,otrqu'ils nous eurent vu , ils envolè-
rent deux des leurs pour nous recon-
noître,& toute rcfquadc les fuivit d'aC
Jëz près : mais douze coups de fuUls
que nous tirâmes fur elle , les écaite-
lentfurle champ :amtl nous continuâ-
mes nôtre chemin. Après avoir mar-
ché douze heures nous palîamcs par
CouUnp : c'eft un Village alfez confi-
der^le. Vers les {êpt heures duToir,
nous travetiàmes un grand vallon.
A huit heures nous nous trouvâ-
mes en prefence de plufieurs voleurs :
iJs firent audî tôt des cris de joie pout
s*e3tciter les uns & les autres à venir fat
nous. Tous leurs ous leur furent inu-
niles.on les fervit de cinq ou lîx coups
de fufil qui les épouvantèrent de telle
forte qu'ils prirent la fuite. Deux hcu-
Kt avant le jour nous traverfàmes
1
^■fAfnijitt & autreslitux. tf7
Ville affez grande , nommée Quicher,
Elle a autour d'elle des marais 6c
beaucoup de jardins. Les ruines que j'y
vis en piufieurs endroits font une preu-
ve qu'elle a été autrefois du nombre
des Villes des plus magnifiques. J'avoîs
un chagrin mortel de paflcc dans des
Ijemt lî beauï , fans pouvoir m'y arrê-
ter. A 7. heures du matin nftis arrivâ-
mes à un gros Village nomme Cou^
rMK^é : nous prîmes quelque repos juf-
qu'à onze heures que nous remontâ-
mes à Cheval pour nous rendre à W«-
gihe^age , où nous enitâmes après trois
heures de chemin. Haj^ibeftage n'eft à
prefent qu'un Village alTez gros : mais
autrefois c'étoit une fort grande Ville,
comme la tradition du pais nous l'ap-
prend & comme on le reconnoît aux
vaftes ruines qui s'y trouvent partout.
Nous y logeâmes dans une maifon con-
facrce aux voiageuts. Au fond de ce
Palais , ( car c'en eft un véritable ) eft
la Mofquce où l'on voit la fepulture
du Samon Agibeilage. Tous les allans
& vendhsy (ont toujours parfaitement
bien teceos, La Mofquce a des revenus
pour les nourrir : leurs Chevaux & le bc-
tail même y ont tout gratis, & n'y man-
leot jamais de liec.
I
I
^'
mac-
Pour la manière donc on eft logé où
traité , c'ell quelque chofe d'admirable
à voir. Il y a par tout des belles alcô-
ves bien garnies de tapis & de couffins.
On y fert du ris , de la viande , du fro-
mage & du pain. On y donne le caffë
avant & après le repas. Enlïn la ma-
gnificence & ragrémcnc le font remac-
quet juf<5Ue dans les ccuries oiM'oi
& la paille ne font point épargn
J'entrai dans la Mofquée du Santoi
il eft dans une Chapelle , couvert d'ua
grand drap de velours tout bordé d'or
& d'argent ; autour fe voit un grand
nombre de chandeliers & de lampes
parfaitement bien travaillez , mais tout
eft de cuivre. La cuifme où l'on apprête
à manger pour lesallans & les venans,
eft comme on le peut conjedurer fort
vafte & toujours fort pleine de cuifî-
niers & de fourneaux. J'y vis unechau.
diere d'une largeur & d'une profondeur
ptodigieufe. C'eft afTurementle plus
grand vaiflèau que j'aie vu de ma vie.
L'on me dit que le jour de la Fèie, l'on
n'y faifoit jamais cuire moins dfe vingt-
quatre BŒufs à la fois pour donner à
manger à tout le monde. Toutes ces
depenfesfefont des revenus de la Mof-
quée, on peut juger jufqa'oû elles pei
I
^f r.-ffrijiie & autres lieux. t;;
vent .aller. J'oubliois de dire que cet-
te Moftjiiée eft delH-rvie par des Der-
vis i qu'ils ont une Biblioteque ma-
gnifiqOe.que le Santon leur a îeguée. Ils
oDi eu foin de l'augmenter & l'augmen-
tent encore tous les jours. Toit des livres
qu'ils achètent , foit de ceux qu'ils
"[jmpofent eux-mêmes. C'eft là qu'il y
1 de toutes fortes de manufcrits , ou
l'on apprendroit fans doute bien des
chofes extrêmement curieufes dans tou-
tes les fciences ; mais ce font des de-
pots facrez que l'on ne vend point.
D'ailleurs comment ôter des Livres à
des Sçavans & des Philofophes qui la
plupart ne fe foucient gueres d'argent,
Qc font de l'étude leurs plus chères
délices ï
Nous partîmes d'Haf^ibeftageàonze
heures du foir,& cette même nuit nous
fiâmes attaquez trois fois par des vo-
leurs. Nous nous tirâmes du péril ,&
au lever du Soleil nous enttâmes dans
^vanoi Village fut t'Erma^, Cette Ri-
vière paroît avoir eu autrefois plu-
fieurs ponts. Son cours eft doux , &
l'on m'a alTuré qu'elle s'alloit jetiôr
<!ans la Mer noire. Dans les monta-
gnes d'auprès de l'Ermaq on voit pat
tout quantité de grottes, elles font ton-
I
i
" t6o l^eyagt dans V j4 fît mnatm,
tes d'une grande propreté, & femblenï
avoir écé de véritables habitations.
Nous nous repofimes là environ une
heure : enfuite nous paflames cette Ri-
vière à guet. La beauté de ces grottes
m'avoit Turpris , mais j'entrai dans un
çtonnemencincroïable à la vue des mo-
cumens antiques que l'apperccus de
l'autre côté en foitanc de l'eau. Je ne
_ puis même àpreiêni y peiifeE fans en
avoir l'cfpril frappé. J'avois fait déjà
beaucoup de voiages , mais je n'avoîs
jamais vu ni mcnie entendu parler dâ
rien de femblablc. Ce font une quan-
tité prodigieufe de Pyramides qui s'é-
lèvent ics unes plus les autres moins,
mais toutes faîtes d'une feule roche Se
creufées en dedans de manière, qu'il y
a ptudeurs appartemens les uns fur ics
autres, une belle porte pour y entrer,
un bel efcalier pour y monter, & de
grandes fenêtres qui en rendent toutes
les chambres très éclairées. Entin je re-
marquai que la pointe de chaque Pyra-
mide étoit terminée par quelque ngu-
EC, Je rêvai long-ieras fur la ftruâu-
le , & principalement fur l'ufage que
l'on pouvoir avoir fait de tant de Pyra-
mides: cai il n'yenavojt pas pour deux
ou trois cens , n'iaisj)lus de deux mill
ilej^
tAffrique & autres lieux. t6i
fuite , ou à quelque diftance les unes
des autres. Je crus d'abord que ce pour-
roit avoir été la demeure de quelques
Anciens Hermites ; & ce qui m'en don-
iioitala penfée , c'eft qu'au haut je
voïois ou des capuchons ou des bon-
nets à la mode des Papas Grecs ; ou
même des femmes qui portoient un en-
fant entre leurs bras , & que je pris tout
d'un coup pour des images de la Vier-
ge. Mais j'apperceus au(Ii-tôt quelques
figures différentes des premières , qui
dans la Pyramide finiflbient en terme, &
au dehors tenaient leurs bras croifés.
Qpelques - unes fembloient avoir des
mafques d'Oracles ; à d'autres je trou-
vai des Sphinx , & devant eux des fenv
mes à genoux toutes nues & dans une
pofture indécente , je veux dire un ge-
nou en terre , & la jambe & la cuifle*
étendue. Il y a aufli des Lions & des
Oifeaux de plufieurs formes. A travers
les portes je vis fur les murailles com-
me des reftes d'anciens portraits -, de
forte qu'il fembloit qu'il y eût eu des
peintures : mais cela étoit trop eâFacé
pour y rien connoître.
J'aurois voulu y voir quelque Infcri-
ption qui m'eût inftruit plus amplement
de cts merveilles \ 6c j'avois couru pour
I
m
L
Pnp Vùja^ù àtim Vjifît mineure, ^"
Voici le deltèin que j'ai fait faire de
celles que j'ai vues.
Au tefti; comme il ert peu de grands
hommes, à la viedefqiiels k poileiicé
n'ait joint quelque vi(îon & quelque
miracle fabuleux , en ne s'étonnera
point qu'à l'occalîoii de toutes cesnwi-
ions li riombreufes & fi excraordinai-
remcni bâties , ont ait inventé pluùeurs
contes. On me dît dans la Caravane,
&c'elt la tradition du pais, qu'au haut
de toutes ces l'yramides qui vaut en am-
phithéâtre, il y avoir un Tombeau : que
dans ce Tombcui ell un cadavre que
l'on en a ôié pinlleurs fois ^ & qu'if y
revient toujours : qu'on la m^me Ion-
vent jcué à la Rivière en prelencc de
loute la Province , mais que cela n'a
jamais fetvi de tien ; & qu'il y eft toiî-
jours revenu prendre (si pUce , fans mê-
me que l'on ait pil s'appercevoit
fon retour.
On m'ajouta qu'en certain teim
l'anitée , ils fe voit auprès de tous,'
lieux quantité de (grands feux allumez!
que l'on y entend fouvent un nom-
bre infini de voix , qui parlent des
langues étrangères & inconnues aux
gens du pais. Enfin que quelquefois
on y cenconiie un grand animal d'une
ae
é
^
«
3
I
I
VÂffnque & autres lieux. i^j
^gure monAreufe qui fe promené feul,
^ue Ton entend rire ; & ce qu*il y a en-
core de plus furprenanc , qu'on fuie mal-
gré foi , à peu près comme Ton fe laiC-
Coic aller à Taimable chant des Sirènes :
<ie forte qa'il ne faut qu'entendre le ris
de cet animal pour s'y laifTerentraincr;
fie le fuivre , pour être perdu ^ 6c n'en
irevenir jamais.
Toutes ces hiftoires ont alTez l'air
de celle du ferpent d'Egypte , que j'ai
inférée dans mon premier voïage , 8c
qui y kce que j ai appris , a révolte bien
des perfbnnes* Mais (ï elle a donné
lieu à quelques Leâreurs injudcs de
m'accufer de crédulité , je veux bien
qu'ils fçachent , que s'ils avoient voïa-
gé comme moi, ils fe feroient détrom-
pez de mille impertinences qu'iU ont
peut-être toujours crues ; & croiroient
mille autres chofcs, que leur prud'cx-
perience leur fait regarder comme fa-
buleufês. D'ailleurs ces MefTicurs doi.
vent (çavoir que lorfqu'on a le foin,
comme je l'ai toujours, d'avertir de ce
que l'on a vu , & de le diftinguer des
choies que Ton a f:-a!emer.t oui dire ,
cela fuffit pour cîo^r.cr d'un A iteur
CCS reproches o-iieux d*ur.e trop gran-
\ de fimpiiciié. Enfin ce n'cft pas pour
eux que l'on parle ou que l'on a
ni qae l'on rapporrc des irai
xidicules de (Certaines régions : c'
les 5çavans qui trouvent queli
dans les Relations des Voïagei
conlîrmacion de leurs leiflures.
taitte donc de tout mon cœi
quciqu'homme d'érudition pail
^dire quels font , & d'où viennei
riieu des monuments Ci rares. Ni
"trouvâmes jufqu'à Bourreil où cil
vent même d'habitations aux Pi
Nous allâmes à ce Village
pn peu de repos : nous nous étii
trcmement fatiguei à montct i
verfêr à la hâte des montagnei-
ne de piètres , Se par confequeni
ciles ; les hommes font tout pooi
ièrver leur vie.
CHAPITRE XVIII.
BtUe valiie. Arrivée i Ingefon. Concourt
MM aoHvejiH Mideci». imitiez. eCmt
Emir. Compliment d'un Thtc ^ui vom-
Uii ffavtir fâirt de l'Or. Converfutiou
Mvec m Dtrvii. Defcriptlon fU Cef^
rit -yfoa ctmmerce, Tom^eMux Ptrfuns.
NOus iôrtîmes de Bouieilà 9. heu^
res du foir. Nous avions pris un
guide pour nous conduire par desche-
roim écartez , & où nous ne renconità-
mes point de voleurs. Pendant deux
heures il nous falui grimper une mon-
tagne ,que le grand nombre de pierres
rendoit fort rude. Au haut nous marchâ-
mes pendant deux autres heures fur de
vaftes pierres de taille , donc il iêmble
que ce lieu auroic été pavé : les Che-
vaux n'y avoient pas le pied trop fer-
me. A minuit nous defcendîmes en une
vallée belle Se fertile , laiilànt à gauche
la montagne : elle eft plus efcarpce
qu'ailleurs , & taillée par tout en ma.
niere de cafcadcs , & même rcvêiui: à
luuiteur d'homme à cheval des plus bel-
' % pierres Je uille. A droite je vis des
{
i
JatJin
iiplis de vignes ; d'oïl ï
peut conjecturer , que cette agréa
vallée acte autrefois quelque chuCe
très magnifique. Elle tient au oioins
j. heures de chemin , &c par tout eftac-
rofée d'un ruilTeau ferpt-ntani que l'on
cft obligé de pailcr en plufieurs en-
droits. Enfin arrivez À une grande Vil-
le nommée Ingrfou , nous y paffames
fans nous y arrêter. Nqus mîmes près
d'une demie heure à la traverfcr : nous
palTàmes à la vérité par bien dîs rui-
nes inhabitées ; mais cela même eft une
preuve que cette Ville a cic fort confi-
àerable. IJ'ailleurs fon Cliâteau eft en-
core des plus grands & des mieux bâ-
tis i il cft fur une colline, & comman-
de aux lieux circonvoiGns. La porte
qui nous mit hors d'Ingefou eft faite
en arcade , de fort grolTes pierres , &
aller large pour recevoir trois carroflcs
de front.
Après avoir mardic quelque tems
dans une petite plaine , la crainte des
veleuts nous fit reR.ignet les monta-
gnes. Nous en pafljoics plufieurs, une
encre autres dont la pente eft aCTez dou-
ce , & au haut de laquelle i! y a à droi-
te & à giuche deux vieux Châteaux
d'iimoitic abattus. De-Iànous t
tj4ffnipie & autres lieux, iS^
tuâmes dans la plaine de Ce farce , où
nous arrivâmes à 7. heures du matin le
7^ Oâobre.
J'allai d'abord loger dans un Cara-
venferail ^ mais ce ne fuc que pour un
petit inftant, La renommée avoit pré-
venu cette belle Ville en ma faveur, &
fans qu'on m'eût vu , j'y paflbis oour
un oracle de la Médecine. Plufieurs
Grands de Cefarce , & particulièrement
des Emirs me vinrent offrir dts logo-
mens* Je m'en deffendis quelque tems,
en les remerciant humblement de leurs
honnetêtez : mais un des Principaux
m'cnvoïa fans autre façon des Che-
vaux pour emporter mes hardes , &
une. perfonne de fa maifon pour me
àixe qu'il m'avoitfait accommoder une
maifon pour moi feul , & que je lui
fifle le plaifir de l'accepter. Il fallut
me rendre à de fi aimables inftances.Je
lai({ai charger mon équipage , & je
fuivis fans plus faire de difficultcz la
perfonne que l'on m'adrefloit. Cette
maifon ccoic proprement un petit Pa-
lais. La qualité de Médecin , eft dans
ces païs la chofe la plus vénérable. On
croit fur tout que les Médecins Francs
font infiniment plush.ibiles que les au-
tres. Il s'y trouve même des gens aflfez
Tome I. H
Voyage dam l'^ipe minture. ^^B
îïmples , pour s'ima^inît que ces Mé-
decins pL-iiveni faire des miracles. Hn-
ttc un nombre infini de perfonnes qui
me vènoient voir , & donc j'étoîs acca-
blé; il y eut une femme aveugle , qui
d'un grand fang froid me pria de U
guérir. Je lui dis que je n'avois point
de remède pour fcs yeux -, mais elle me
répliqua qu'elle ne demandoit point de
leniedes , perfuadce qu'il n'y en avoit
point pour fa vue. Eh bien , lui dis-je,
vom concevez, donc ^^iie Dieu feiil peut
vous !a rendre-^ elle ne le concevoir point:
ainlï s'en allant mécontente, elle difoit
de moi , helas fi les Médecins Francs
peuvent tout fj'ire , -poufatiol celui-ci ne
•veut-il donc pas me rendre la vue \. y en
lenconitai bien d'autres qui me de-
mandèrent des chofts aufli déraifonna-
bles. Un bon Turc vint un jour rae
rendre vilîte , & me ditquM avoir une
prière à me faire , mais qu'il fouhaitioit
que ce filt en particulier, AufTi-rôc que
nous fûmes retirés à parc : franc, me
dit -il naïvement & à la Turque ,
yâ«f ^ue tu fiijle en ta vie une choft (|
flaife à Dieu. Je répondis que j'ért
tout prêt , fi elle étoit pollible. Oui
continua t-il, lupeux U pire : e/ler'e^
rfiy/î facile j;i'rf moi de boire unt tafft
., me
^e €dffi. Je lui marquai qu'il n'avoic
qua dire pour être facisfait. A pics m a-
Toir rejgardé fixement un peu de cems ,
comme un homme qui demande plus
de ccrur que de bouche : yipp*'ens.r/;o:^
a)oûta*c-il, a faire de l'or, je ne pus
m'empêcher de rire. Ah ne ynerefufe par^
diuil , Hnc gruce que la neccjfiti jinle
me féàt demander i je t'en aurai des oblL
gâtions infinies , & je t'en promets itne re-
connoijfance étemelle. J'ai deux femmes &
huit ejclaves , elles rnont donné i^. en^
fans : tu feras heni de Dieu fi p.ir ton
moienje leur pals donner des chofes que
Dieu n'a créées que pour éihomfne.Jc con-
tinuai de rire ; je ne laidbis pas cepen-
dant d'être touche de Tes paroles plam*
tives. -rf«rrtf/i/j,ajoûta-t-il,;> ne mt fuis pas
Jbucii de cette fcience:helas je me répens au^
joHr£hui d'avoir laiffé échapper la plus beL
le occafion du monde de l'apprendre. Vn
jour un Dcrvis vint loger che^ mt i ^ je le
traitai bien & il devint mon ami. Pendant
fon fejour à Cefarée^ il me fit l'honneur de
m*inger a ma table , j'en fus content : &
comment ne l'aurois^je pas été ? c'ctoit un
homme fçavant & des plus polis. Il me dit
un foir qu'il vouloit m' apprendre à faire de
l'or , & qu'il voulott tjue ce fut des la nuit
mime. Il m'ordonna de lui aller chercher
H ij
Ï72 Vtyagedtins VAfte mtfifurf^
du ch^r^an & du fhrnb, & me mtrijHA
^it'il voulait m' apprendre la manière dont
ilfefitifeif.Je lui ebeis^je fus chercher deux
ecjues de ftomb & du charbon. Avec trois
pierres UdreJfciHft petit fourneau ; mit fur
le fiu uii'creHJet qt^il avait , & dedans Je
fUmb iju'il y voulait fondre, lime mmird
dam une petite bouteille une liqueur rouge
dont il fit couler une goûte fur un peu dt
eoton , (ju'il enveloppa de cire jaune : &
fans me rien dire , il le mit dans le creufet ,
couvrit tout dechdrbon , & me dit , allons
nous coucher. Nous le fîmes : mais ma cit-
riojiié ne me permit pas de dormir auffi
iranquillenientféi'à l'ordinaire. Je me rele.
V4Î & fus pour voir ce eju'ilyavoit dans it
creufet. Les pincettes qui m'échappèrent de
ta main me grillèrent les pieds ; ce qui me
fit jeiter un cri tjui éveilla tout le mande.
L.e Dervis relevé comme mot , votant tou-
te fa matière par terre , & indigné fans
doute en lui - même fans me le témoigner ,
me dit qu'au four H irait quérir dequoi
me guérir, Jlfortit en effet : mais pour ne
plus revenir. Il ne me refia que la brûlure
& un peu de ploinb véritablement converti
tn or. je me trouvai fort embaralIS
comment congédiée ce bon-homme.
Plus je lui difois'quc je n'avois poînc
le feciettle faire de l'oc ; plus U m'i^
^ I'j4jfn4jite & Aiitm lieux.
fur oit que je l'avois, & que je ne voifi"
lois pas le lui donner. Il vînt à la fiu
UQ Turc de confequence qui m'en dé-
livra , & que je fis rire de la fimplicité
tîc fon compatriote.
La Ville de Cefaréc eft fiiuée dans
une belle plaine, & éloignée du mont
Argce d'environ une demie heure de
Acmin, Il faut bien l'efpace de deux
fleures pour faire le tour de fes murail-
les.EUe efl faite en quarié,niais plus lon-
gue que large. Ses murailles font bâties
lie prolTes pierres de taille. Par dedans*
elles font faites en arcade.Par dehors.de-
10. pas en lo.pas ce font des tours iciati-
gulattes la plûpart,ou quarrées ; leChà-
teauef): prefqueaumilieude laVille.Les
Bazards y font fort beaux Si l'on y fait
un commerce confiderable de cocon. Les
liabitans font tous afTez poUsXa plupart'
font gros & d'une ftature avantageufc.
Les femmes y font plus retirées qu'en'
aucun lieu de Turquie où j'aie été : mais
la qualité de Médecin me donnant en-
trée dans rous les Hatrems , j'y en vis
plufîeurs & je trouvai que le pais ne
nianquoic point de bcautez. Je parle
de ce que nous appelions beauté : les-
cbannes ne font pas toui-à-faic atta-
chez, aux lieux j mais ils dépendent toû-
h^
H iil.
174. ^^y*Z' '^'"" ^ ^ft' tmmnrt,
jours de l'imagination des peuple» : &
fouvent ce qui fait ragrcment chez les
uns , palTe auprès des autres pour un
d£6^aui eflentiel. Je remarquerai ici une
choie qui m'a toujours frappe , lorf-
que l'écois en Turquie. Il m'a paru que
les Orientaux ont plus de delicatelle
que nous fur lesplaifirs. Cette exai"
ictraite dans laquelle les femmes
vent , ne les rend que plus aimablf
car les fentimens font toujours pi _
vifs, lorfqu'ils font reftraints à moins
d'objets i & certainement , l'un pour
l'autre , un homme & une femme ca
font beaucoup moins didipez ,&con-
ièrvent , ce me fembic , bien plus
long - tems l'amour qui a formé leur
union.
Le rejour que je fis à Cefarée me
procura environ jo. Médailles , parmi
Jefquelles il s'en eft trouvé de très ra-
ies. Le premier Novembre je fus avec
quelques petfonnes voiries dehors de
la Ville du côté du midi. Après avoir
marché un quart de lieue, nous troD-
vâmes de vafles édifices tous de très
belles pierres de taille. Les uns (ont bâ-
lis en forme de tours &: finilTènt en
dôme ■' les autres femblables à des paius
de fucre , fc letiuincnt en pointe ;
I
FjIffr^cfHâ & antres lieux. 17 j
Toicïle deffèin que j'ai fait graver. On
me dit que ces monumcns venoient des
Perfes ; & (ans doute ils tiennent de
leur magnificence. Par dedans ils font
tous revêtus d'un beau Marbre. Il y a
quelque apparence qu'on les a bâcis
pour des fepuUures ; car dans chaque
on voit 2.).4..& même quelquefois cincj
cfpeces de Tombeaux de Marbre blanc»
Au rapport des gens du pais les Infcri-
prions en font Perfanes J'étoisaude-
fefpoir de ne pouvoir pas les lire , ni
faire la dépenle d'y mener un Moullak^
elles donneroient fans doute de belles
connoiiTances pour 1 hiftoire.de ce païs,
dont les peuples nous (ont prcfquein-
connuSyàplus force raifon leurs aâions.
De- la nous avançâmes du côté du
Ponant. Nous trouvâmes une Rivière
qui, à ce qu'on me dit, fournit d'eaux
toutes les Fontaines de la Ville. Nous
la palTàmes fur de grofles pierres de
taille , qui font en travers. Comme ces
pierres ne fe joignent pas, l'on voit def-
fous une eau claire & des plus fraîches..
Nôtre promenade nous mena infjnlîble-
ment vers le mont Argeus. Il n'eft éloi-
gné de la plaine de Cefarée que de demi-
heure de chemin.Ceft une montagne d'u-
ne hauteur prodigieufe , &c fur le haut de
H iiij.
' '"*' jcs pto "="" . i
%"l "-"Tr jme on p«»|
L'5
^V ha
Pjljfnque & autres lieux. \fy ,
fa longueur du tems» Ce caveau efl;
quarré , il y avoit autrefois une porte ;.
elle eftàprefent bouchée.U y a bien ve-
rkablement une quarantaine de corps;&'
je trouvai tout a(Tez conforme à ce qu'on*
m'avoitdit de ces 40. Martyres ; mais
on ne me put apprendre aucune autre
particularité de leur hiftoire. Nous reC-
fortimes avec plus de peine que nous
n'en avions eu à entrer. De tous ces^
vieux bâtimens qui fans doute du rems
des Romains ont été condderables ,.
Ton ne voit plus que d'cpaiilès mu-
railles ; le refte ne prefente que des'
mines & des monceaux de pierres qui
d'efpace en efpace font de petites mon-
tagnes. J'en fis le tour fans y voir
aucune Infcription. A quelque èX^
itance de-Ià nous apperçûmes d^autres
ruines d une plus grande étendue : aufli
eft^ce là qu'étoit l'ancienne Cefarée..
L'on y remarque par tout des ouver-
tures fouterraines. J'eus la curiofité de
defcendre dans pluheurs que je troui-
vai conftme le caveau pleines d'oilèmens"
& die planches de bierres rompues ou*
pourries. La tradition du païs eft que-
ce font des os de Martyrs, & véritable^
mène les lieux où ils fe trouvent ont
aflèz Tair de catacombes. Ces lieux:
H ^
I7S VojA^ dans fAjîe mntftre^
fouterrains ne /ont point diffèrens 1
autres , foit qu'ils loienc faits de
main des hommes , ou que la nature
elle même le^ ait fabriquez. Tou: y eft
bâti de bonnes pierres de taille , bien
travaillé, & di (lingue mcme par quar-
tiers & par chemins, de forte que l'on
s'y perdroit prefque, iî l'on ne prenoic
garde à foi.
La Ville de Cefatée a été démolie
qoatre fois & rebâtie autant, ce qui fait
qu'on n'y trouve point d'anciens monu-
mens n'y d'Infcriptions. Au rtlle il pa-
roît que l'ancienne Ville ccoit abfolu-
ment au pied du mont ArsrcuSjô; qu'en-
fuite on en a éloigne les noi^velîes
Villes , parceque la proximité de J
montagne étoit canfe de quelque j
commodité. J'avois refo'u d'aller à?
fu.'jà Amaflc & à A4j.rafi ^^xxxxzi grand
Villes éloignées d*.* celle-ci d'enviq
7".ouS,joiJrnéeSi& l'on mefaifoicn
efpercr que j'y trouverois beaucoup!
Médailles. Mais la Caravanne de To(
arrivant à Ccfarée , m'apprit ■
pefte ravageoit tous ces quartiersj
changeai donc de rcfolution.
Lorfque l'on 1 fçeut dans la VjJ
que je voulois en fortir , toutes
PuiJ^csj fixent leur poÛIble pour m'a
rjiffriifue & AUtrer lieux. tjy
blfgec à y demeurer. On me pro-
mit de m'y donner tout ce que je (bu-
haicterois , de me mettre dans une mai-
fon encore plus belle que celle oà j'é.
lois , & de me faire même avoir telle
fille que je trouverois à mon goûc. Je
remerdai les Emirs de ces offres qu'ils
«oe faifbient fort honnêtement Je leur
reprefentai que je n'avois plus de re-
mèdes y qu'il falloir du moins que j'en-
allaflè reprendre en une Ville où j'avois
laiflé la plus grande partie de mes
drogues. On me pria de revenir 5 je
le promis j & ne laidài pas de faire'" mes
adieux aux Emirs , fur tout à celui qui
m*avoit reçu le premier chez lui. Il eflr
peu de Villes où j*aïe eu plus d'agré'-
ment qu'à Cefarce. Pendant mon (e-
jour les Grands m'envoïerent tous les
matins le M/;/,c'eft-à-dire toutes les pros-
Tifions ncceflàires pour vivre , comme
le ris , la vbnde , le bois , la chandeU
le , jufqu'au fel & au poivre , plus cent:
fois que je n'en pouvois ufer. Les fem-^
mes de leur côté m'envoïoient des g^
ceaux & des fruits. Enfin mon Emir
dont j'avois guéri la femme de deux
loupes qui l'incommodoient fort, m'au*
rok comblé de biens, fi javois vouli»
fefter : & la Ville me témoigna , par
l8o ^"y^S.* ^^*" P-^fîe mineurr^
toutes les amitiez pofEbles , le re|
qu'elle avoit de me perdre.
CHAPITRE XIX,
'jiyrUiie à hgffo». Karahi/dr ^ui ejî l'iris
cienne faille de Cappadoce. Ns^etl/-
Vefcripîion de et pets, Erei^.
tagne fingHl'ure.
COmme j'avois defTcin-ds vifiter
quelque païs de la Caramanie , j'a-
vois arrêté des Chîvaux fiour Nijiuedée,
Nous marchâmes toujours dans la plai-
ne en cotoïantdes montagnes, &nou»
aiiivàires à crois heures de l'aprcfdînée
* '"i?/"". Nous y logeâmes dans un
Caravanfèrail chaimant tout de pier-
les- de taille. Il y peut loger mille per-
fonnes avec leurs Chevaux, llyadans
U cour une fort belle Fontaine ; Se en
"cneral Ton v trouve toutes les com-
moditez que l'on peut fouhaiter. Ce
Caravenferail doit {3 fondation à Ca-
ra MuJIapha , celui qui mit le (iege de-
vant Vienne-
Nous en pariî!nes à onze heures du
feir ; nous niarcliâmes tout le refte d^
'ibDiiicdaiis luië belle plaine^ Se SLi
pointe do par ik>us noas troavâmcs h
KMT^k: jcr.L'on m'aafliiréquec'ctouran-
dénne Capitale de Capadoce : du moins
eft-il certain qae c'écoic auKefois une
Villedcs plus belles L'on voit par tout
aux environs 'quantité de 'ruines de*
Tcmpks , de Palais \ où les colomner
les chapiteaux y les pieds-^i'eftaux y les
corniches, les pièces de Marbre avoienc'
iiè prodiguées-, & (ans ces ruines Ton
n'en auroit jamais parlé. A ia forde
BOUS trouvâmes encore une belle for-
terefle bâtie fur la pointe d'un rocher
• efcarpé ; c'éioit peut-eftre autrefois
la Citadelle Des deux côcez nous
marchions toujours entre des monta-
gnes , & dans un vallon qui lerpentc
Coûjoars , & qui fait ferpcnter un ruiC-
fcau qui l'arroie & que nous traver-
famés- plus de vingt fois. Le vallon-
nous dura trois bonnes heures de che-
min , & dans tout cet efpace nous vî-
mes pltt(ieurs habitations toutes tail-
lées dans le roc. Il eft diâlcile da
déterminer à quoi fervent ou ont fervi
ces lieux y on ne voit pas même de
entiers qui y condui(ènt : mais appa«
remment que les Habitans du pan nt
f ignorent pas. Derrière une autre pe-
tite montagne , fur laquelle on fin:
iS't Voyage dans fAfte mïnturt,
D blîgc de monter , eft une plaine de
rrcme lieux de tour qui fe joint à d'au-
tres encore plus vaftcs. Nous marchâ-
mes quarre heures de fuitp jufqu'au
Village de Myfly où ij n'y a prcicjue
que des Clircliens. Nous en (oriîmes
à deux heures du matin lans nous dé-
tourner de la plaine dont j'ai parle.
A onze heures nous aiiivàmes à Ni~
gHcdée.
Un des Chcrifs de Cefarée m'avotc
donné «ne Lettre pour le Bâcha ; je
la lui portai » & lui fis prel'enc d'un
couteau, Se d'une paire de cifeaux. li-
me fit donner le caffé & la pippe , &:
me promit fa protection pour tout ce
qui dcpeiidroit dclui dans fa Ville &
ailleurs, NigiicJce eft bâtie en dos
d'âne. Son Château cfl au milieu , &
dans l'endroit 1^ plus élevé. Elle a été
coiiliderable autrefois i mais^à preient
c'eft peu de chofc , & elle fi; détruit
même tous les jours. Il y a un afTez bon
nombre de Grecs & quelques Armé-
niens fculemcr,t. Les deux Seâes y onc
chacune leur tglife ; mais celle des
premiers eft p'us belle & beaucoup
mieux ornée. Niguedce n'a que trois
Ëazards aflèz beaux ; tous les famedis il
s'y tient un petit marché qui durejj
i»g
Fj^fncfue & attires Uemc^ r^
qu au Dimanche. Son terroir eft plei»
de jardinage , ce qui rend le païs auflî
agréable qu'il fe puiffe. Les collines
d^alencour font pleines de fouterrains
travaillez , qui relTemblent fort à des
tacacombes : l'on m'alFura que fur les
autres montagnes plus hautes & plus
éloignées croiflent dès herbes forcfin-r
gulieres pour la figure & les proprie-
tez medecinales. Je ne trouvai dans
cette Ville aucunes médailles j mais j'en?
rapportai quelques pierres gravées:pouE
des Infcriptions je n'en vis point.
Le 29, j allai à Bore , Ville fort jolie'
Il quatre lieue de Niguedce.^ Les Com-
œandans voulurent m'inquicter pour le
Carache. * Comme il n'eft jamais pafle . ^, ^ «
de Franc dans ce païs , ils crurent avoir droit
droit de me faire païer comme les au- 5j^- Pa-
tres Chrétiens : mais je fus chez le; ànè-^
Vaivode « chez les Charachis , & '="* ^^
chez le Cadi pour m'en faire exempter, àans cet
Ce dernier me reçût d'un vifage renfro- [f^^^^
gné,qui paroiffoit ne me promettre rien cinqpia-
de bon : & je lifois dans toute fa con ^^'^" P**
tenance une. forte envie de ne me faire
aucun quartier. Mais la lettre du Kadi-
lefquer de la Natolie que je lui mon-
trai , & fur tout la qualité de Médecin^
qu'on ine donnoit V ^^ radoucirent à
^4 ^oyAge dam l''^ fa wnem-f,-
mon égard & tnc ticerejîc d'inirigue-
n pafle au milieu de la Ville une Ri-
vière ,. à laquelle on donne les trois
à'EHfdint . Giole , & Chaux. On
l'a coupée en plufieurs endroits poHC
arrolct les terres ; fans cela elle fcroic
afTcx grolTe pour porter bSteaU. Les
Chrétiens n'ont dans Bore aucune Egli-
fe } aufli n'y foni-ils pas en grand nom-
bre. La Ville a bien une- lieuc & de-
mie de tour : lès Bazards font afllz
beaux 1 & le vin que l'on y fait ell ad-
mirable ; j'y en ns une petite provi-
Con.
La. Médecine ne fut pas long tems
fans faire implorer fcs fecours, LeVai-
vode de Bore avoît un fils à Ere'j^le;:[
me fit prier de le venir voir ; & me
pria etifuite lui même inftammcm de
pafler pat cette Ville pour vilîter Ton
hls , & le traiter dans ta. maladie. Les.
chemins n'étoient pas bien furs ; & je
fçavois qu'il y avoit dans cette route
une trentaine de voicuts , qui retar-
doienttous les vo'kges ; mais il me pro-
mit de me faire accompagner par un
de Tes gens ; & m'engji^ea fî nonnê-
lement à Ini rendre ce iervice , que je
pris la refointion de partir- Nous quit-
tâmes donc Cote le deux de Deci
:»>«
al et Se ^M
malgré ^H
Villaee ^
r^ffri^ue & autres deux.
bre. Nous niarcliâmcs mon vali
mai pendant huit heures , & malgré
la pluie jafqu a Qjt',cbe»iet, Ce Village
étoit le rendez-vous que j'avoîs don-
né aax deux hommes que le Vaivode
envoioît avec moi. Je les y trouvai,
& nous apprîmes que les voleurs y
avoient paflc la nuit. Noos noas y re-
polames quatre heures ^ &: de-là après
cinq heures de chemin, toujours dans la
plaine ,nous nous trouvâmes à Ercigic.
Ce Cofubm * eft proprement une Ville '"«F"»'
paffàble , mcrae d'une aircz grande ^"j'^j
étendue. Elle n'eft pas defagreable ; ni Boutb.
en dedans , où l'on voit d'aflêz jolis
bàtimeiis ; ni par les dehors, qui font
I
pleins de jardins & d'ombrages. Dail-
^pieurslc'ell un lieu fort pairantjl'ony vient
^He prefque coure la Turquie. J'ytreu
^Wai quelques Médailles te quelques'
pierres gravées. Mais pour revenir au
l'ijet qui m'yavoit amené : après avoir
\ iljté & foulage le tîls du Vaivode, j"a-
■ ■vois beau dire que je n'avois plus de
^■temedes , je fus accablé de gens qui
HSnïoient qu'il fufGfoic de voir le Mede-
rin pour être guéris de leurs incom-
:nfiditcz. A deux lieues de cette Ville-
l'it une fameufe monragncappeilée
^^WMiiA'a paru une brandie du.
I
I
iï6 Voyage iamVAJîe mlneurn ,
Taurus. Elle eft eftimce par les herBe)^
fîngulicres qu'elle produit. Il y en a une-
encre autres qui dore les dents des mou^
tons & des chèvres qui en mangent. Je
pourrois montrer toute une mâchoire
d'ijn de ces moutons , que fen avoi»
apportée, fi les Corfaires ne meja-
▼oient volée avec beaucoup d'autres cu-
riofitez. On m'a afTuré qu'il s'y trouve
quantité d'autres fimples auffi particu-
liers : on mcp-arla fur tout de quel-
ques-uns qui reluifcnt la nuit & illo-
minent cette montagne comme fi c'étoie
de véritables chandelles. L'on me rap--
porta pluficurs autres particularitez de
cette montagne : mais je les pafic fous
fîlence \ & Ton croira mcme des chan-
delles ce que l'on voudra , parce que
je ne les ai pas vues moi-même. Les
Turcs qui gouvernent la Ville d'Erei^
gle , font tous Cherifs. Tous les fame-
dis il s'y tient un grand Bazard \ 6c les
Cherchis en font beaux Se prefque tous,
couverts.
Fjlfnquc & autres Ueu^. j^f
CHAPITRE XX.:
Afrivie à Cogne, RijoHif^.ince fui $*y fltif^
Defeription de la faille : fi^H^e d' Her^
chU j Tombeaptx de Mo Mac Onker.
Hifloiredn Moullac , & de l'Evê^Ht
Epfepifon ami. Tradition des Chrétiens
du px'h là^Ufui^ contraire a C^o^inion
des Turcs. Infcriptions.
DE cet endroit je voulois me ren-
dre à Cogne. Je partis dans ce deC-
fein le (îxiéme à onze heures du matin
avec mon valet & un guide pour nous
conduire. Nous fûmes près de deux heu-
res à traverfer les jardinages. Enfuite
nous entrâmes dans la plaine , où nous
appréhendions fans ceflè d*être attaquez
par des voleurs. Après environ fept
heures de marche , nous rencontrâmes
des ruines qui patoiflbient avoir été au-
trefois quflque chofe de confîderable.
Deux heures après arrivez à Carahopt»
nàrs nous allâmes nous loger dans uti
grand camp , où il ne fe trouva per-
fonne que nous. Il y a dans ce païs
plufîeurs camps femblables , que les
Grands Seigneurs oxxt fait faire pout:
I
aoi-
Vayd^t d4ns VAfte rriintnvr^
loger les CJfficiers de leurs Armées, lorf-
qu'clles y palTeiu. Dans celui oïl nous
étions, il peut tenir looo. petfonncs
avec leurs chevaux, il y en a quatre de
même grandeur dans cette Ville. Com-
me il étoit tard nous ne trouvâmes
jKMnt dequoi donner à manger à nos
Chevaux ; noiH décampâmes donc deux
heures avant le (jour, & nous marchâ-
mes dix heures de fuite , toujours dans
la même plaine » (ans trouver ni habi
tation ni aucune ame, Scm'nii g: "
lage oit r.nous entrâmes enfuite, coi
penfe abondamment cette longue fol
lude , par le nombre de fcs KabiianStf
. Le Connacy ell fort propre &:nous y
primes agréablement nôtre repos. Pattis
de-là deux heures avant le jour j tra-
verfint tsûjours cette large plaine, nous
marchâmes plus de deux heures fanslvoir
aucunes maifons.tlyaàlaverité des Vil-
lages à droite & à gauche ; mais il au-
roit fallu s'éloigner du grand chemin
de plus de trois heures. Cogne eft ptcf-
que au bout de la plaine. En y entrant
nous en vîmes les rues tendues de ta-
pis, & tout le peuple en joïe& en tu-
iTMilte. On y celebioit une Fête pouiU
nailTance du premier fils du grand Sei-
gneur Sultan Achmct. Je fus d'aboi
Tjiffnque & autres lieftx. \i^
tme loger dans un camp a(Ièz propre;
jêftfuice j'allai me promener par la YiU
le, pour en voir la magnificence. Se-
lon Tordre du Grand Seigneur la Fête
dévoie durer dix jours , & il y en avoic
déj^ cinq de padèz.
On avoic orné coûtes les boutiques
des plus belles étofes : les camps écoienc
aufli tendus ; ScTon y avoic mis fur de
grands tapis des fabres, des fudls, des
piftolecs y & même des rondaches , des
arcs , des flèches , & toutes forces d'ar-
mures anciques. Cette Fête à mon
avis reHèmbloit a(Ièz à celles que don-
noient les Anciens Romains pour les
réjoiiiflànces publiques. Chaque corps
^toit obligé de fè tenir (bus les armes^
& de faire une marche par toute la
Ville avec les marques chacun de fon
art & de fbn métier. J'y vis pafler les
Boulangers dont quelques-uns au bouc
jAt leur pèle à four portoient une ban-
nière ; d'autres tenoient un moulin ;
d'autres des bluteaux,& enfin plufieurs
des morceaux de pâte.Peu de tems après
payèrent les tailleurs : ils marchoienc
aronez » & faifoient comme deux haïes:
aumilieu d'eux étoic un brancard porté
par deux mules , fur lequel deux hom.
I
mes aflîs fai/oient fembUnt , l'un de
couper du drap, lanire de coudre. De-
vant & ilerricre on voïoir plulîeurs
bandes de niafqucs, déj^nifez de cent
{bues différentes , danfans & faîfant
mille poUurcs au fon des tambours,
des hautbois , & des trompettes à !a mo-
de du pais. Toute cette troupe pouf-
ibit en marchant des cris de joïe,,qai
retenciiïoieni dans toute la Ville, Les
autres corpf de métiers firent cnfuite,
ou avoient déjà fait le même manège Les
boutiques parées comme je l'ai marqué
reller^-nt ouvertes pendant toute la nuit.
On fit dars toutes les lues de petits
feux, l^s uns dans des terrines , les au-
tres dans des recliaux emmanchez au
bout d'un grand bàion : il y eut aufli des
illuminations aux mailbns les plus ap>
f latentes; & le peuple pouiîoit dans tous
es quartiers des hurlemens continuels,
qui dureront auiantque les feuxic'cll-à-
dire toute la nuit. Ces fortes de FÊtes
s'appellent ^inm ou Diitlarnal.
Le II. je fis le tour des murailles. De
trente en trente pas elles lont flanquées
de Tours quarrces , bâties des plus groC-
fes pierres de laitle. Chaque Tour a
au milieu fur un beau Maibte blaoc
r^^ffri^Hâ & autres Veux- i^i
«ne infcnption Ar^ibe, fans douce eu-
rieafê & capable de donner quelque
connoiflance de l'hiftoire: mais il auroit
h\\\x avoir un MouUac , & faire pour •
les copier une dépenfe qui écoic au deC-
lus de mes forces. On voie à plulieurs
Jes Lions & des Aigles ; & fur queU
4]ues-unes des figures humaines. Pro-
che une porte , nommée Adamtache
Capi , il y aune figure gigantcfque , qui
reprefente Hercule appuie fur fa maf-
fbë:il n'a plus de tête; mais il paroîc
avoir été fait par une main habile &
d'un grand goût. Cogne a un Châteauf
mais il eft fort petit, &peu de chofe :
fes murailles tombent en ruine en pla-
ceurs endroits. ]e mis une heure &c de.
mie à faire le tour des murs de la Vil-
le, en marchant mêmea(fez vite : les
dehors en font parfaitement beaux par
leurs arbres & leurs jardins. Il y a ou-
tre cela , les faubourgs , qui font aufli
très'peuplés & qui valent bien ce qui
eft dans l'enceinte des murailles. Les
Arméniens y ont une Eglife affèz bel-
le ; mais à peine font-ils 400, Les Grecs
font encore moins , leur Eglife eft fore
petite 5 mais en recompenfe elle eft an-
tique 5 6c conferve un modèle de lan-
cienne architedure.
Le 14, les Janiiîàires firent leur mar-
che j ils étoient environ trois cens tous
armez, & chaque compjgnic avoitfes
Officiers à fa tête. J'en remarquai plu-
fieurs qui menoienc avec eux des EC-
claves enchainés : par là ils preten-
doient faire valoir leur bravoure & té-
moigner qu'ils avoient toujours ctévi-
florieux-L'aprefdinéejefus vifirer le fa-
meux Tombeau du Moullak-Onker : il
eft diiis un lieu qui par fa figure rcP-
femble affez à une Mofquée , Se dont
l'Architeftute eft des plus belles. L'on
y voit plufieurs autres Tombeaux , qui
font couverts de riches étoffes' ;
mais celui du Moulac avec un autre qui
eft à côté font fans comparaifon les
plus magnifiques. Ils font tous deux
revêtus d'un beau velours tout bcodc
d'or : tous deux ont un gros Tuiban
verd à la tcre de ce qui reprefente U
bierre : enfin on les a entourez par
le bas d'un balîuftre d'argent doré ,&
en haut de plufîeurs belles lampes d'or
mafÏÏf, dont une entre autres pefe treize
ocques : la broderie du dr.Tp eft auOi
d'une grande beauté. J'avois avec moi
un Prêtre Arménien qui me faifoît re-
marquer toutes CCS magnificences, ^e
éien, dit-il, lorfque j'eus tout vu , '/j' '
fini
^^^^^tj^fn^Hi & autres It
fkrts doute encore guil^ue chofe m fèuhaii.
ter ki pour vous ; & vôtre efprit encan
plein lie defirs , { comme c'eft l'ordinaire j)
sprès fHt voi yeux fout content , voudrait
^u'on lui dpprît ^Hcl ejt le Tombenu ^ui
V» pour mnft dire de pair avec celui dit
AiêulUk^ : croirie'^-vous ijù'ii efl d'un
Chrétien mêlé de cette manière & confon-
du pur/ai les Infidèles ; Mais U faut vous
en dire U rai-fon ; & je crois (jue Chijtoire
fie vous en fer» pas def.tgrciîble,
■Du rems du MouDafc-Onker il yw
Oil un Evêque nommé EpiepL II «
pit de l'efprit , étoit fçavanr , &«
ec cela honnête homme 6c bon «
ctfui- Le Moullak aimoit auffi l'écu-"
de ; la fcience l'aianc charmé , il «
paflbic agréablement fon lems à lire «
ou dans la coiiverfacion des fç ivans. «
Delà on psut juger qu'ils firent bien «
vue une amp'e connoiiriuce ; & que «
la conformité d'humeurs liacatve^ux"
l'amiDc la plus parfaite. La confian- «
ce qui fe mit de la partie , en fcrta «
fi étroitement les nŒuds , que dans «
la fuite ils n'eurent plus l'un pour «
l'autre aucun fecret. Le Moullak prit «
un jour la refolution défaire le voia- «
ge de la Mecque- Vous fçavez que «
c' eft une des premières marques de «
^H Tome I. I
encore ^|
I
194- vn^i^éÉiitigjffummiiirf
M la pieic parmi les Mahomeiafis ; &
» le Moullak comme je vous l'ai dit,
w étoit un cœur droit dans fa Religion ,
j> auflî bien que pour le monde. L'E-
(t vcque Epfepi écoît attaché à cette
» Ville par fou mimftere •, aind fon
Il ami ne pouvoic cfperer de l'avoir
M avec lui , pour foulager les ennuis
w de ce long voïage. Mais , perfuadé
M qu'il ne pouvoir mieux s'adrcllec , ii
M voulut lui lailTer ce que l'amour mè-
» me lui avoir donné de pins cher ;&
n après l'avoir prié d'adminiilrer pour
» lui la juftice , il le conjura auiu pat
» les facrés noms de l'amitié , d'agréer
» le foin & la garde de fa maîfbn,
*i Epfepi jugeant que ce feroitpout lui
>t une choie fort onereufe , S: prévo-
wyant en quelque façon les malheurs
n qui en pourroient arriver , fe dcfftn-
w dit long^rems de cet emploi : Mais
H que refufe-t-on à un véritable ami î
« éc eft-il jamais peine qui coure , lotf.
M qu'on la prend pour les intérêts d'un
«autre foi-nième î Le Moullak étant
j) près de fon départ , l'Evèqne lui fie
» prefênt d'une petite bocte , Se le pria
M de la faire mettre en fcureté jufqu'à
« fon retour. Epfepi gouverna donc la
)) maifon du Moullak & toute la \à"
1
I Tjljfriefut & Mxtres lieux. .g$^
Le -, faifant'obfervct les loix avec
c'xaftimJe , &tcmoignani dans tou.
tes les occafious une grande in. «
tegrité. Mais comme vous fç3vez,a
mener une vie fans reproche n'eft pas n
quelquefois un bon moïen de plaire. «
La jufticc de l'Evêquc lui attira beau. <f
coup d'ennemis fur les bras j & les «
gens du Moullak furent les premiers «
a confpirer contre lui. Ils jurèrent»
fa perte: & perfuadez qu'il n'y avoit «
point d'amitié qui tînt contre lesac-«
cufâtions qu'ils avoîent préméditées; «
ne pouvant alors venir à bout de leur «
mauvais defTein , parce que leur ad- u
verfaire avoit en main toute l'autho-cc
rite , ils n'attendoicnt que le retour «
de leur Maîicc pour le faire pcrir, «
Voici donc ce que leur infpira la hai- «
ne implacable qu'ils avoient conçue i»
contre lui. Au bruit de l'arrivée du «
Moullak toute fa maifon fut au de- »
vanc de lui. L'Evêque ne fut point «
des derniers à aller voir unamiauCin
intime : ils s'embraffètent mille fois ; «
& après mille carefles , qui renouvel- «
loient en quelque façon leurs prote- «
ftaiions de s'aimer juiqu'à la mort, le «
Moullak fut tout furpris d'entendre «
^Sgi domeftiques débiter de l'Evêqi
t^S Vajage dans ^Afîe mineure,
I' des infamies , dont il râvoît toujours
» cru incapable. Néanmoins ils conci-
»> nuoient : Qitti Seignenr , lui di/bicnt-
« ils , poitvez-vaus traiter d'u^e muniere
n fi honntie le fins traître de tous Us
n hommes ? foui ne fçnvt'^^ donc pÂS eju'U
n voHi a fuit mille infidélité^ ? £ncore s'il
n s'était contenté de f*ire de U peine nu
M Peuple ^iti vous ejî fournis , & ft vos do'.
n mefiiifues : mais ^ue paff4nt peur vôtre
» ami , il n'ait peint eu de refpeB ni pour
a vos Efclaves , ni pour vos fimmes : iju'il
u ait_ même porté fon ifjfilfncejuf^u'a vS-
M tre tnere^ pourrif'^^viHi le lai pardonner !
n Et ne merite.t-il pas le dernier fuppliçt}
» L'impudence eil: plus forte que l'on
jj ne s'imagine. Ilsaffurerenc ces repro-
«ches iî unanimement & avec tant de
u rermens,t]ue le Moullak commença,
» quoiqu'avec répugnance, à douter de
H la fidélité d'Epfepi. Mais quelle fut fa
«furprife , lorfqu'entré dans l'appar^
» cément de Tes femmes, il les viitou-
Mtesfe jettera fesgenouKjlui demander
»» juftice ; lui dire quel monftredebru-
» taliié il avoir donc laiflc à fa place;
u enfin lui confirmer d'une manière cn-
)j core plus precifc tout ce que les au-
H très avoient avance contre l'Evêque;
» Ce futalors que le Moullak abulgai
Pj^i^ke & autres lieux'. tf^
ment prévenu fe livra tout entier à fa m
Colere,& dit mille fois : mrtmn iln'efiu
point de fidel 4mi , il n'en e(l paini & «
«'en fui jamais. Plein de fureur & «
comme defefperé il ordonna fur le «
champ , que l'on prît Epfepi , & qu'on"
lui allât pubtiqueqient trancher la tête."
Quelle noui^elle de la part d'un ami«
à un autre qui l'aime toujours ; qui m
lui a rendu amant de lervices qu'avoic*
fait l'Evêque au Moullak, & qui pat"
dell'us tout cela connoîc fan innocen- "
ce! L'infortuné Epfepi traîné au fup- "
plice comme un criminel , après n'a- "
voir fait que du bien, voulut néant- «
moins faire connoîtrela droiture de fon'«
cœur. PalTànt donc dans la cour du «
MouUak , d'un air de courage , mais «
knguiltànt , il s'écria qu'avant que de "
tnouririlavoit un mot à dire auMou!-"
hk. Celui-ci croit à un quiotlre avec <«
les Grands de la Ville : ils le coiiju- «
tereni d'accorder cette grâce à Epfepi. «
Après quelques termes injurieux que «
foit indignation lui fit encore lâcher, «
îl le permit à leur coniîderation. Lorf.«
que les Gardes qui Tenvironnoient "
l'eurent amené en faprefence,il lui dit"
en furieux : fJe bien r^ahre rjiie veux ru? a
Epfepi répondit d'un ton nioHc*fle,/rf n
I v\
19 8 Voytgedam t AfiemlMttre,
M ho'èie ejut jevom at donnée , Uy/^Ht vont
n étie'^prefttieparrirpourvôir-evoiitge.Le
M Moullak l'envoïa quérir ; ouvrez-Uy
j) dît encore l'Evéque accablé de trifteC
» fe ; & ^«rfejue vous aureK. vit ce f Ht j'y
t> ai mis^je mourrMt fans regret. LeMoul-
» Iak la £i ouvrir , mais il fat bien
» étonné lorfqu'il y vit les parties na-
jj turelles d'un homme. L'Evèque fans
içon lui en montra la place , & die
* toot haut en fe reioucnani vers les
w exécuteurs : Menel^moi maintenant à
»U mart: je tai meriiée, pu'ififue /'avais
M crû trouver un véritable Atm, Onkcr, le
M ccEur percé de douleur , fondant en
M larmes , & le vifage collé fur celui de
« fon ami , lui demanda mille fois pac-
» don ; le conjura au contraire de vivre
>t pour lui voir reparer fa faute pat dea
H témoignages de l'amitié la plus (in-
>i cere : enfin il lui protefta qu'il alloic
w fur le champ le vanp;et de ceux qui
»avoient cû La hardietfe de l'accufer.
«Mais l'Evcqueprialoi-même pour ces
o malheureux , & demanda au Moul-
» Iak leurvie comme la première preu-
n ve de leur arnîtié rcnouvellée. Ce ne
» fut qu'avec peine qu'OuKCr fe rendit.
» Il dit enfuite à E^fepi qu'il l'aime-
«> roit ctefnellemem j qu'il ne voalott
t^ffrît/ue & Autres UetiX. 199
pas même après fa mort être feparéM
de lai 2 il lui fie même promettre de «
fè faire enterrer auprès de lui , s'il «
mourroit le premier. Onker mourut <•
fè premier ^ & à fa mort il laifla des «
ordres (1 précis de mettre le Tombeau «
d*£pfî?pi auprès du fien , lorfqu'il <f
viendroit à mourir , que malgré la «
différence des religions^ ces ordres ont <«
été exécutez y & les corps des deux ^
amis réunis après leur mort. <«
Mon Arménien ajoûu que les Turcs
ne vouloient pas convenir qu'Epfepi
fik un Chiênen , mais que cela ctoic
certain. Il eft vrai aue c'eft la tradi-
tion du païs ; & la chofe, comme on la
vient de voir , ne porte en cela aucun
caraâere d'impoflibilité. Je fçeus en«
corc de lui , que les autres Tombeaux
font des proches parensdu Moullak.
Ce lieu eft delïèrvi par des Dervis -, &
c'eft à proprement parler un Convent.
L'on y montre tous les Vendre-
dis , comme des rarecez , les delTcins
de la Mecque , du Temple de îeru-
falem , & autres chofes femblables
qu'on pourroit appeller les Reliques
des Mahometans.On verra à la fin nom-
bre 58 & 39 deux Infcriptions que p
UQUvai dans la Ville.
I» • • •
ni)
Soo Voyage dam tjifie m'tnenrt ,'
Le 15. Décembre étoic le dernier
jour de la Fêre dont j'ai parlé : il fe palTà
comme les premiers , & la fête finit
par un grand nombre de coups de ca-
non : ce fat la lèale chofe qui diftingua
ce jour de tous les autres. Pendant
tout le tems de ces réjoUilTances ,* il y
avoit eu des gardes pour avoir foin des
illuminations.
CHAPITRE XXI.
M
Smti dHvoiage. ^nfoura, ScHtari. Rett
à Confiamimple.
LE 10. Décembre refolu de retoi
ner à Conftancinople je partis de
Cogne avec ua guide feulemeiiP. Après
avoit marché douze heures dans I2
plaine, nous arrivâmes à DedeUr^^xos
Villags plein d'iiabicans affables ; qui
me firent mille amitiez pour hono-
rer la Médecine. Nous en fortunes le
vingt-unième , nous marchâmes neuf
heures, Se nous nous rendîmes & Tnfgil.
Xe 12, levez deux heures avant te
jour , nous marchâmes pendant huit
heures jafqu'à pACaiile , Village habité
par des Turcomans. Le lendem; '
1
tjlff/njuc & autres lieux. io|
après (ept heures de chemin j'entrai
dans Inlbu ■ ce Village eft bâti au mi-
lieu d'un vallon très fertile , où
paflent pluCeurs ruifleaux, Julque-là
je n'avois eu dans ce re^br au-
cune mauvaife rencontre ; mais le ij,
fut pour moi un jour d'inquiétude.
Partis du marin , nous maniànies d'a-
bord pendant plus d'une heure uns
montagne fort haute , d'où nousredef.
cendimes dans la grande plame. Là
nous nous ço.irâmes de nôtre chemin,
& après cinq lieues fatiguantes nous
nous arrêtâmes à un Village au pied
d'un autre montagne. Nous y trouvâ-
mes tous gens qui refufoieni abfolu-
ment de nous loger. Apparcmmeniquo
l'on nous prenoii pour des voleurs ,
dont il y a toujours un grand nombre
dans ce pais. Cela me fit faire reflexion
au proverbe , qu'// n'y a rien tjui reffcm'
bief lus a un fi-ïpon i^u'un honnête hom~
f»e. Cependant à force de les prier & de
leur offrir de l'argent j ils nous receu-
reni. Nous n'y eûmes pas été une hea-
re, qu'il y vint fix Turcomans à che-
val , & armez de leurs lances : je ma
doutai qu'ils nous avoient apperceus, 8c
■ne leur delTèiuétoit de nous devalifer.
~wà n'eus que le tems de prendre me»
iot Voyage dans tAfte minem-e ,
deux piftolcts pour m'oppofcr à leuc
■violence. Ils voulurent enrrer de force
dans la maifon oil j'étois : mais lorH.
qu'ils virent que je me mettois en de-
voir dUtirer fur eux , ils me prièrent
feulement de leur donner du caffc : je
leur repondis que je n'en avois point.
Enfuite ils mcdcmantîercnt du tabac ;
je leur refufai aulïï , & de l'air le plus
cffiontc. Leur r^ge leur auroit pu faire
peut-être tenter quelque chofe j mais
aïant remarqué qu'on me mettoit un
fufil auprès de moi , ils fe contentè-
rent de me menacer pour le lende-
main. Nous fermâmes bien lamaifon ;
& nous y paflàmes la nuit j on peut
conjecturer que ce ne fui pas toujours
en dormant. Nous en fortîmes dès la
pointe du jour ; & après fept heures
de marche nous allâmes prendre du re-
fos dans Ch^tcale ; ce Village eft (îrué à
entrée d'une haute montagne. Nous
le quittâmes deux heures avant le jour;
nous n'en avançâmes pas plus : car
après nous être cj;arez , pour comble
de difgrace , il fit jufqu'au lever du
Soleil une gtofle pluie qui nous mouil-
la & nous fatigua horriblement. A Ja
faveur de la lumière nous reprîmes nô«
tre route. Nous entiâmes dans des
tyfffri^ui & autres lieux. laj
vallons que nous traverQmes, nuCR biett
que des montagnes foti hautes , à U
defcente defquelles nous vîmes Ansou-
ra , où nous arrivâmes afrèslèpc neu-
res de marche. Jc(êjoucnai dans cène
grande Ville jufqu'au quinze Janvier de
l'année 1706.
D'Angoura nous mîmes deux jours
pour nous rendre à SdhX^r. Le 17.
a la pointe du jour il tomba quantité
de neige ; nous ne lailTàmes pas de
marcher fix hfures de fuite. Chanre-
vis où nous nous arrêtâmes eft un Vil-
lage fort gros , oïl il palTc une Riviè-
re nommée AUdan qui le tend alTèz
agréable. Le iS. levez feulement à fix
heures -, pendant fept,nous marchâmes
Iéfque toujours dans des montagnes.
:rivé à un gros Cafabas nommé iVd-
itwp, j'y couchai : l'on y trouve d'ex-
cellent vin. Nous n'en partîmes le len-
demain qu'à huit heures. Ce jour là
nous ne vîmes qu'une belle vallée en-
tre deux montagnes fort hautes & fiort
belles , pleines de toutes fortes d'ar-
bres de haute futaie, & fur tout de
faptns d'une grandeur extraordinaire.
A trois heures de l'aprefdinée nous ar-
rivâmes au Cafabas de Qnejîebet. L'on
Kloge dans un camp fott vaCle , Se
l vv
1
J
I
104 V'eyÂge dmt tAjîe mlnmrt,
l'on y mange des meilleurs chapons;
le bois fur tout m'y parut à bon mai
ché ; puifquc pour un paras l'on
donne ta charge d'une bourique
Le lo. nous partîmes à la pointe
Jourrnôire chemin futtoujours par des
bois & fur des montagnes, Aprcsneuf
heures de marche, nous iogâmcs dans un
petit Cafabas appelle Cifimki, Sortis
fle-làdès cinq heures, au bout de deux
nous paflames dans le Cafabas de Sta-
radi , fans nous arrêter. Une marche
ée quatorze heures , dont trois furenc
emploïées à la defcente d'une feule
montagne , nous mît dans Queve autre
Cafabas plus fameux , & célèbre fur
Cout par la bonne farine cjue
trouve. Le pain du Grand Seigneui
toujours fait de cette farine; & verii
blementl'ony mangedupainadmir, '
Le i. Février levez à fcpt heures
commençâmes à cotoïer fa Riviere-j
2<Mn'- J'en ai déjà parlé^je ['avois pal
ailprès d'Efkicher : n^ai5 ici plus prèsj
fon embouchure, elle eft auflî bea
coup plus confiderable , Se pourn
■porter bateau. Une heure & demie
après, nous lapafîàmes fur un Pont de
pierre fort beau , de cinq grandes arcft-.
des : il y en a une fixicme plus petïl
i
Pjlffri^ue & autres Ueux. lOf
mais fans éaa^&qui ne fèrtque JansF
ies debordemens. Nous marchâmes en^
Core deux heures le tong du Zéicarî t
enfttice encrez dans un bois de haute
futaie appelle Niche a^ache ; nous y vî-
mes au pied d*un mont efcarpé les
ruines dune ancienne fortereuè : on
l'appelle a prefent Cnban cslaichy. Le
bois à bien deux lieues de longueur : le$
chemins y font mauvais ^ & la montagne
de Chahanchy qui vient enfuite & qui
cft fort élevée & Fort difficile, achevé de
laflèr les voïageurs. La defcente feule
nous tint une demie heure ; & nousr
fûmes heureux de trouver au bas utt
Ca(àbas du même nom pour y prendre
quelque repos. Chabanchya plufieur*
camps fort beaux : apparemment parce
que c'eft Tabord des caravanes qui vont
àConftantinopIe & de celles qui en vien*
nent.Nous en fortîmes à 6 heures du ma;-
tin^& nous marchâmes toujours dans une
grande foret jufqu'à une lieue de Nico-
medie , oà nous arrivâmes à quatre
heures de l'aprèsmidi. Nous logeâmes
dans un camp ; & quoique j*y eufle
des amis , je ne m'arrêtai à voir per-
fbnne. Nous en fbriîmes te lendemain
dès fix heures : jufqu'à huit nous co-
toïâtnes la Mer -y çnfuite nous paf]^
I
an î
i
tes ^9fi^iém fAjtf »wft^,
mes une haure montagne, & nous en-
trames à quatre heures du foît à GehlT^^
Village fort beaiî & des plus con(îde-
rables, Le lendemain nous fie voir ceux
de i^uemede & de Pendib^^ & nous mit
àC^rf<ï/qui eft fur le bord delà Mer.
Partis de Gartal àfept heures du matin,
fur le midi nous arrivâmes à Scutarl
j'y pris une Caique pour palTèr le
nal de rHelefpom, & me debatquei
Topana-les-Conftantinople.
Cfi Chapitre aulïï bien que le pre-
mier déplaira lans doute aux peifon.
nés qui dans de femblablcs levures
cherchent feulement à fe divertir: mais
elles doivent -confidercr que ce n'eft
paspourmojuneraifonde l'oinettre. Ce
qui ne les rejoiiira pas , fi elles n'ai-
ment que leurs plaifirs -, fera mile à
d'aurres qui voudront avoir une con-
noiflance plus particulière des lieux de
CCS Provinces. Il ne fe trouve pas tous
les jours des Voïageurs qui comme
moi , veuillent bien les parcourir pi
perfcdionncr les Cartes ; 8c j'efp
qu'au moins nos Géographes m'en;
ront quelque obligation Aurefted;
tout ce voiage de la Natolie &
de la Caramanie , allez long cona-
me l'on a yû , ma vie attaquée bi
m
:nail^H
edah^^
&
ona-
bii^H
P^Jfrl^He & MHlrti fieux. xo'f
des fois fe trouva moins en danger
que dans le trajcc de rHelcfpont. Le
temps devint tout d'un coup fort gros;
!a Mer s'agita horriblement ; le timon
da Caïque fe rompit , ôc nous penlz.
mes cent fois cire engloutis fous les
flots : mais grâces à Dieu je pallu ^
leufement.
CHAPITRE XXII.
'.ttrrivét i Cotiflamineple. Mort du Sa*
chs Adrdmam, Coutume pour le fin.
Entrée de C Ambajfadtur de f^enife.
JS!AlJfance d'un Fils du Grand Seu
gmHr.
JE rentrai donc dans Conftantinople
avec un p!aifirfenfible;maisnos Fran-
çois qui avqient fçA mon départ [four
les pais d oi^ je venois , m'v reçurent
comme un homme qui venoit d'un au-
tre monde, lis ne pouvoient prefqae
s'imaginer que ce fut moi ; perfîiadez
qu'on ne va dans ces lieui-là que pour
mourir. En arrivant je fus iâîucc M.
l'Ambafladcur : il fut comme les au-
tres dans une agréable furpiife , !orC
o'il m'appcrccut ; & il me donna lot
I
'tôt fofi(^â^i^ tj^jîemimhr,
le champ des marques d« fa joie rtc
me revoir après une courfe Ci pcnible
& (î daiigcrcuic. Véritablement le voia-
ge de la Natolic pafle à Coii(l:.incinD-
ple pour une enirepnfe au delTiis dcj
forces humaines ; & il y a cci fi ]
de François , qu'on ne croit pas ortl
nairemeuE qu'ils en puiirenc reveof
Mais peu de ^cns Tçavent voïager )■
ce n'cft pas anurement le lieu oïl j'»
été le plus maltraité. Je contai à S
Excellence en peu de mots tout le cli|
juin que j'avois fait , une partie
dangers que j'y avois courrus , Sc\
que j'y avois vu de plus rcniarquaWr
Ce jour là Elle m'apprit la mort d'Adi'
jnaiic Capitain Badia , dont j'ai i
lé au chap, 6. Le Grand Seigneur <
noit de le faire érrangler ; & ce c
y a de plus afi'reux , c'eft qu'après
ion' mérite pour la Me» l'avoir i
vé à une lî haute fortune, on l'en a
fait tomber mali^té fon tnnocend
pour un malheur oil il n'avoit aucD)
part. Ses ennemis eurent la nialjcd
mettre le feu à un des ma^azins 1
l'Aricual. Chez le^ Turcs c'eft une c
lume à laquelle on ne déroge poi
qu'autn tôt que le fiu a pris d.ins qiil
que quartier de la Ville où fc troj
Fj4ffnque & autrel Vieux. xog
le Grand Seigneur , il s'y tranfporte
dès qu'on Le fait avertir. Il vint donc
à celui du magazin , te demanda qui
l'y avoii mis. Les envieux d'Adramanc
dirent auilî-tôt que ce ne pouvoît ctre
que lui : Seigneur, Seigneur^ crièrent ils,
("efl ce iaoHr d'Adramant, Onfçatt ^uel
il efi , & (es mauvais dépeins fur voiis,f^
entre tous les Mufitlmans : fi l'on n'y met
ordre , ilnemam^nem pas de brûler bien-
tôt le refie de vos magaz-iru. Le Grand
Seigneur , trop facile à Ce lailTer pré-
venir , entra dans une fureur qui lui
fita la raifoJi , Se ne lui permit pas de
diCcerner ce qui partoit de l'inimitié
d'avec une accufacion légitime. Sur le
champ & fans autre forme de procès,
il le condamna à la corde; & cet or-
dce cruel fut même exécuté avant que
le feu fût entièrement éteint. Aînfi pé-
rit ce généreux Capitaine, Son éleva-
non de la vile condition de mouiTc à
l'on dis premiers emplois de l'Empire,
& fa mort la plus ignominieufe qui
fut jamais , font des preuves de la bi-
zarrerie de la fortune ; ou pour parler
plus en Chrétien , des fecrets impé-
nétrables de la providence. Lorfqu'il
foriit de Marfeille , fa baflefTe (ans dou-
' lui permettoit pas de porter fei
k
vues jufqu'à une cliargc (î étevce : mais
auflî loiftju'on l'y fit monter , conioii-
il que ce n'étoit qu'un degré , d'oil en-
fane on dffvoit le précipiter avec hon-
te , & pour fatJsfaite Tes ennemis»
Son corps refta deux jours fous une
Fontaine à la merci des chiens ; n'aïant
même pour le couvrir qu'une fini-
pie chemi(ê. Le Grand Seigneur fere-
pcncit de fa promptitude; maisil, n'é- I
toit plustems. Cela montre bien, que '
les Grands , fur tout lorfqu'il s"as;ic
de la vie de leurs icmblables , ne doi-
vent jamais rien faire qu'après une mu-
re dehberation.
A fa place on fit Capitaine Bâcha le
Grand Eracraudic'eftl'EcuJer du Grand
Seigneur, ou celui qui lui aide à mon-
ter à Cheval. Ce choix ne fut point
appiouré; l'on fçavoîi dans l'Empire,
que l'Emeraud n'avoît aucune expe-
litnce de la Mer.
Le 21. Février l'Ambailadeur de Ve-
nîfe fit fon entrée dans Conftantino-
ple. Pour la rendre plus magnifique,
M. l'AmbalTadeur de France lui don-
na toute la maifon ,&■ obligea tous tes
Marchands François , & tous les pro.
tegez de s'y trouver à cheval. Voici
en gênerai l'ordre que l'on garda iai^m
ttl Voyagt d*m l'Afle mlwHtv,
droite dans toute la 'marche.' Tout ce-
la fat fuivi de fix Pages a cheval ha-
billez de veloars rouj^e gaionné d'or;
après lefquels marchotent les Droj^ue-
mens des deux nations , & enfuite Cix
Olficiers Turcs , donc rhabillemenc
itoit magnifique. Enfin patoilTbienc
deux Capcgi devant M. l'AmbaiTadeiir.
Il itoit monte fur un Cheval riche-
ment cnharnaché ; il avoit une toque
rouge , & une belle vefte d'étoffé
d'or. Deux des princip-iux Officiers de
la Porte étoient à fes côiez 8c deux
derrière lui. Enfuite vcnoicnt fes Gen-
tils-hommes , les Secrétaires , & les
Chanceliers liiivis encore des Orlo-
geurs & de tous les Protégez. Lamar-
die étoit fermée par tous les Mar-
chands Vénitiens & François bi^n mon-
tez , qui alloient en bon orJre.Cct-
re entrée eftoit comme l'on voit , des
plus nombrenfes , & l'on peut l'alTu-
rrr, des plus belles. Achetons ce Cha-
pitre pir U niiirance d'un Fils du Grand
Seigneur ; on le nomma //>, cVft -.t-
dirc jrfMi : & pour en marquer pabli-
quemeni fa joïe , comme c'cfl 1"
dmaire à U nailTàoce des Plinces ,
fît tirer le Canon du Sérail pw
fieurs décharges. Les rcjou:!Ïaners
VAfifiqiu & antres lieux* xif
récent cinq jours. Sut la Mer devant
le Sérail , il parue comme deux péri-
(es forcereflès , avec de petits Vai£>
(êaox Se des Galères qui faifoient fem^
blant de les attaquer. De part & d'au^
tre on faifoit des décharges de Ca«
non ôc de Moufqueterie. Enfin en plu-«
iieors endroits il y eut des Illumina-
tions : celle du Palais de Fr^ce fut
la plus belle ; mais elle n'approchoit
point de celle que M. TAmbadàdeuc
avoit £iite pour la naiflànce de Mon^
ièignear le Duc de Bretagne , dont j*ai
parlé*
C H AP I TRE XXIIL
yijtte rendus au Grand Vifir fâr M.
CAmhaffkdeur de France. fàrticuU^
fit ez^ fur les Chrétiens & Us Juifs de
Conflrdntinople. Defofitien du Grand
Vifir. Mtjfe dite fur PAmirul. /irru
vée du Kdiffeau de faint Martin.
LE 31. de Mars Son Excellence fut à
TAudiance du Grand ViGr: Elle eut
la bonté de me mener avec elle , & de
demander pour moi un Commande-r
ment. Je voulois faire le voïage d|p
l'Egypte pat terre ; & il ctoitimpofl
fible de l'entreprendre fans un ordre
du Vilir. Depuis peu on avoit arrêté
far la Mec noire un efpion des Mof-
coYÎtcs; cela avoir rendu ce Magiftrat
très difficile à accorder ces Paflepotts.
J'ai parlé d'un Edit du Grand Seigneur
fur les Francs , & piJncipilempnt con-
tre les Religieux > qui ne fut donné
qu'à cette occafion. On étoit donc li-
delTus fort vigilant ; &c fans un com-
mandement exprès du premier Mmt.
ftre , on ne pouvoir voïager qu'avec
péril j mais fur tout les Etrangers. Pont
- nous rendre au Palais du Grand Vifîr,
nous traveriames le Port dans des Cal-
ques à une heure de l'après-midi , qui
eft le tems de la prière chez les Turcs.
Son Exceilcnce entrée dans ce Palais ,
fut reçue au bas de l'efcalier par le
Fils de Maurocordato Interprète de la
Porte- Il la conduifît dans une belle
falle meublée de couffins & de tapis
foit riches : l'on en tira un fur lequel
Son Excellence s'aflît. Il n'y entra
qu'elle , M. Fonton fou Droguement,
& moi à qui elle voulut bien faire cet
honneur. Dans ces pais l'on ne (cait
ce que c'eft que d'ofter Ton chapeaa j
mais il faut laÙTei fes fouliers à U po^h
Pjlffri^jue & autres lieux. irt
K : Son Excellence ne quitta point les
Cens. Lorfque Ton eût fçû que M. T Am-
baflaileur etoit arrivé , il vint au(E.
tôt des perfonnes de la première con.
fideration le faluer , & le prier de vou-
loir bien avoir un peu de patience, par-
ce que le Yifir étoit dans le Harrem à
feirc (a prière , & qu'elle alloit finir
dans un moment.
Pendant ce tems Son Excellence s*enw
trednt avec le Fils de Maurocordato :
leur converfation fe fit en Latin. Ce
que je trouvai d'extraordinaire , c'eft
que ce premier Droguement fe tenoit
toujours à genoux devant M. l'AmbaC
fadéur : c'eft chez les Turcs la marque
du profond refpeâ;. En un quart d'heu-
re que Son Excellence demeura là ,
nous vîmes trois fois les principaux
Officiers du Vifir venir faire des ex-
cuffe de ce qu'il ne venoit pas. Enfin
on l'avertit de paflfer dans la falle d'Au-
diance : nous pafî^mes plufieurs anti-
chambres , & nous entrâmes enfuite
dans une belle grande falle , qui n'a-
voit d'autres meubles que des couffins
& des tapis , mais d'une magnificence
extraordinaire. Le Plafond & tous les
cotez en étoient dorez \ cela joint à
mille petites fleurs qui y étoient pein-^
!« » &ifoÙ un effet admirable II y
avoit dans ceue grande Chambre quatre
rangs de Ychoglans ou valets de pied ,
debout , les mains croîfées fur le Ten>
tre , & dans une attitude de filence &
de refpeft. Le ViHr parut, & falua Son
ExcelSence avec toutes les marques de
diftinftion & d'amitié poQîblcs :cnrui-
te il fc fut mettre dans le coin delà
Chambre à gauche ; c'eft la droite chez
les Turcs ; enlin il s'alïït fur Tes jam-
bes qu'il croifa , appuïé de tous co-
tez me des coufins. Son Excellence
s'aflît auflî, mais fur un tabouret: le Ray
Afftfiidy oM Grand Chancelier demeura
debout ,& appuie contre la muraillet
Les complimens faits , Son Excel»
lence dit au Grand Vilir qu'elle luivoa-
loit parler d'affaires ; dans le moment
on lïc un Jîj^nal ; & tout le monde qû
ctoit dans la Chambre en djfpatqb II
ne relia que le Ray Affendi , qoi ne
changea point de place : les deux Dro-
guemens ; fçavoir , M- Fonton à U
droite de Son Excellence , & celui de
la Porte à la gauche : un Cliaoux , qui
fe retira auprès de la porte j & moi qui
ih'éloi^nai auOlï de quelques pas. Son
Excellence parla au Vifir de plulîeurs
affaires qui concemoienr les deux Mo-
narchies;
«r Tjlffni^ue & autrts lieux. J17
natehies : enfuite Elle me montra au
-Grand Viiir , & lui dit que* j'ctois un
Médecin envoie par le Roi fon Maître
pour la recherche des plantes mede-
cinales : que mon dellèin cioit , fous
fôn bon piaiCïr, de faire le voiage de
Conftaniinoplc en Egypte pat terre; &
qu'Ellc le priojt de me donner un Com-
oiaDdemenc pour ma fureté dans cette
longue courfe , que je nVntreprenois
que pour l'utilité des hommes Le Vi-
fit admira la hardiofle de ma réfolu-
rion : il m'accorda avec joïe le Pallè-
port que M. l'AmbalTideur lui deman-
dott pour moi ; S; fe tournam même
de mon côté , il me dit que je faifbis
H unecntreprife bien difEcile & bien
pleine de dangers ; & que je courrots
bien moins derilque , fi )'aIlois en
Egypte par Mer. Je lui repondis, que
par mer je n'apprendrois qu'à voir
de l'eau & des flots , chofe que j'a-
vois vue en ma vie mille fois : mais que
par terre , fi j'avois plus de peine, j'au^
rois aullï l'agrément de découvrir quel-
que (impie inconnu , & peui.^ être d'u-
ne vertu plus mcrveilleule que lesaU'
ires pour le tetabliiTèment de nos for-
ces , lorlTque la maladie les attaque Sc
Éabbat. En6n le Vifir aie dît que ii
Tomt I. K
ai8 Vajaft dam t'jifîe mineure,
j'avois ce bonheur ,c]u'i! me fouhailtoir,
je lui f\S!e Te plaifir de lui en faire part
à mon retour de ce voïage , qa'il prioii
Dieu de rendre conforme à mes vœux.
Après tout cet entretien , on apporta
à Son Excellence le cafFé , les confi-
tures , le Torbet , & les parfums : cet
Article cft le dernier du cercmonial
Turc, Après les parfums , c'cft la cou-
tume aux Ambaflàdeurs même de s'en
aller : Mais Son Excellence fut rete-
nue par le Vîfit encore plus d'un quart
d'heure ; c'eft une marque de diftin-
âion, & d'amitié qu'il n'accorde à au-
cun autre. M-l'AmbaiTadeur fut recon-
duit par des Officiers du Vifir; & Mau-
locordato l'accompagna jufqu'au bai
de l'efcalier.
Dans le même tems le Grand Vifir
traitta l'Ambaffadeur de Perle ; & ce-
pendant dit à M. Fonton d'avertir Son
Excellence , que quand cet Ambaflà-
deur paflèroit devant les bâtîmens
François , ils ne le falualTent d'aucun
coup de Canon, M, Fonton qui ne man-
que ni d'efprit , ni de fermeté , rcC
pondit fut le champ , que les François
ne tiroient le Canon pour les Atobaf-
fadeurs que lorfqu'ils ctoieni de leurs
amis. Son Excellence avoir raifen à't
■ t^ffri^ne & axtra lieux, '
pquée contre l'Ambaflàdeur Perfan-,
voit manqué au devoir des Ambafla-
irs : car lorfqu'il étoit arrivé a Con-
iiiiiople , il n'avoir poinr envoie
:e de complimens a Son Excellence.
Grand Vitîr qui l'avoit fçû , vou-
: qu'on gardai les formalitez oïdi-
res ; ainfi quoiqu'il le fïi manger avec
, il écoit bien aife que dans les oc-
ions les François lui filtent reiïeiicir,
'il ignoroïc les règles , ou qu'il af-
ioit fans raiion une fierté qui ne lui
ivcnoit point. Le même jour les
ifs Se tous les Chrétiens de Galata
furent une nouvelle alHigeante, Plu-
Lirs demeuroient auprès d'iuie Moil
ce nouvellement bâtie à la place de
glife faint François ^ c'ctoit la Sui-
te Mère qui l'avoit fait élever avec
beau Collège. Par un fcrupule or-
laire aux gens qui s'entêtent de fu-
rftitions , elle crut fa Mofquée&fon
►llege profanez , fi d'autres que des
ufulmans demeuroient auprès : ainfi
c avoir fait donner aux Juifs & aux
irctiens un catccherif ou ordre, qu'ils
(Tcnt à quitter ces maifons , 6f à en
ider les lieux en moins de vingt-
aire heures. Son Excellence fit mo-
rer le Commandement ; on leur don-
K ij
I
*io Voyage dans I'jI fie mineure,
na cil fa conlideraiion un mois entier,
It fallat fortit pendant ce tems & al-
ler cherchera le loger ailleurs.
Le 8. de Mars M. Rugîni Ambaffa-
deut de Vcnife dont j'ai décrit l'etitrce,
£Ut fon Audience du Grand ViGr , Sc
le 11- il vint dîner au Palais de Ftan-
ce. La table fut fervie avec magnifi-
cence, & de poilTons, qui par leur groC
feur pouvoieni paroître monftcueox.
L'on y mangea un Eftturgeon de quatre
pieds de long , & j'y en vis plufieats
audî gros que des enfans d'un an : tout le
rcfte répondoità cette magnificence, le
iruic & les vins n'étant pas moins exquis.
Le même AmbalTadeut y dîna le
Vendredi faint ; la table de Son Ex-
cellence qui ne fut fervie ce jour là
que de racines , ne laillà pas de le
prouver couverte au moins des figuiei
de toutes fortes de poiiTbns que lesOf-
Jïciers avoient eu l'adrefre d'imiter-
Comme les Pages de M. Rugini ctoiehC
.tous jeunes 0£ fans barbe , les Turcs
les prenoient pour des jeunes femmes
deguifées.
Le 15. Avril M. l'Ambanàdeur de
f tance fut rendre vifite à celui de Vfr
iiife, & lui faite fès complimens âir
(â nçurelle dignité de Pcocurafcui,
falnt Mue. Tome U nation & tous les
Protégez y accompagnèrent Son Eï-
crilence ; fon Coticge ctoic de plus
de cinq cens petfoniics. L'Ambaflàdeut
vfDt avec tooie fa Cour iccevoit M.
de Fecriol à la porte ; & le conduifit de-
là dans fa chambre, où l'on fit une am-
ple collation. Il y eut dans cet appar-
rement cinq tables difièrertes fervies
de toutes fortes de mets avec pcofu-
iîon , fur tout des vins &des liqueurs.
Cetce vifiie fut rendue à Son Excel-
lence Françoife le n. Avril: le cortè-
ge de l'Ambaflàdeur de Vcnife ccoii des
ptus beaux. M. de Ferriol le reçût à
ion ordinaire , & lui témoigna une ve-
litable aniicié. Les deux Ambatladeurs
mangèrent dans la chambre d'audian-
ce : U y eut fept tables magnifiquement
fervies j mais particulièrement celles des"
Nobles que l'on voulut régaler dans tou-
tes les formes.
Lei. de Mai le Vific Aly fut depo;.
(è. On le renvoïa d'abord chez lui ;
mais enfuitc il fut relégué à Zio. Con-
Aaniinople n'en i^ut pas la véritable
rjjfon [ Se l'on ne peur en conje-
âarec aucune plus vraie femblable .
t l'envie d'éprouver la capacité dé
rens Miniftrcs & de profiter Ae
lit Voyage dam tAJÎt rmnturty
leurs lumières. Mahetned Vifîr de Voû-
te, c'eft à dire Confeiller d'Etat , fut
choiû pour remplir cette grande char-
ge.
Le 4. Mai ce nouveau Vilîr , n'iroagi-
naiit fans doute rien de mieux à faire ,
par un bel Edit de fa componrion , dé-
ienditàtous ksjuifs BilesChtêiiensha-
bitans de U Ville, de porter dans la fuite
des babouches jaunes , ni aucun autre-
habillement de couleur. On dit même
qu'il n'en vouloir exempter perfonne;
& qu'il pretendoit comprendre dans
fon £d)t )ufqu'aux Droguemenis. Mais
M. l'Ambadadeur leur "ordonna de ne
rien changer dans leur manière de s'Iia.
biUer i & leur marqua qu'ils ne dé-
voient rien craindre, & qu'il n'y auroic
point de gens a0èz hardis pour leur
foire la moindre infulte.
Le &. le R. P. Hyacyndiealla dire la
MelTe fur l'Amiral. Je remarque ceci,
parceque c'cit une chofe que l'on croie
fans exemple. Il yconfelîà & commu-
nia un grand nombre d'Efclaves : voi-
ci comme la choie fe paflà.
Ce R. p. ctoit en traité avec le Ca-
pitaine qui monte l'Amiral, pour le ra-
chat des Efclaves qtii y éioîent ; cela
lui procuiala liberté d'y encrer :& poiM
l^ Afrique & itutres Iteux. ttf
profiter d'une occasion Ci favorable, il
pria le Capitaine de lui permettre de
donner quelque confolation à ces mal-
heureux qu'il tenait enfermez. Il lui
reprefenta que c'étoic un (oulagement
qu'il accorderoit à leur mifere j & que
puifqu'ils avoient petfevcré dans leur
religion , il ne devoît pas être f^ché
qu'ils encendiflcnt du moins parler de
Dieu, ou qu'on les exhortât à prendre'
patience, Le Turc le lui permit fans
beaucoup de difficuliez : il lui dit mê-
me qu'il pouvoir defcendre encre deux
ponts , & leur parler tant qu'il voUr
droit. Le Père nediiïêra pas d'un riw-
ment : mais il ne put s'empêcher de
verfer des larmes de joïe , lorfqu'il vit
ces infortunei profternfz à Tes pieds,
loi marquer combien il y avort long-
temps qu'ils n'avoient entcnlu \^ MeC
fe , ou qu'ils n'avoient reçu le Sacre-
ment de pénitence. Il les alTura que
s'ils avoient foin de s'y préparer la pre-
mière fois qu'il reviendroit , il entcn-
droit leurs confelHons ; Si qu'il appor-
teroir des Orncmens potîr les conten-
ter. Le bon Cîpucin retournoit à l'A-
miral juftemcnr comme le Capitaine
en fortoit; il le fommade nouveau de
bJhÎ cenir Tes promelTes à l'égard des-
■ 1^ î>'l
I
p
I
i
ii^. Voyage dans VAJit mlneHrv^
EfcUves : le Ca pitaine , d'un Caïque où
il ctoit, commanda à Ces Officiers de
le laifler faire II en confelTa une pat-
rie , pendant qu'on prépara un Autel
du côté de la poupe. Il y dit la Mcfle
qu'ils entendirent avec une ferveur
capable de toucher les cœurs les plus
durs : ceux qu'il avoir confeilèz y com-
munièrent avec la même dévotion ; Se
tout s'y fit fans queperfonne allât les
interrompre. Ce fut pour ces pauvres
Efclaves le fujet d'une confolaiion
d'autant plus inexprimable , que leurs
innux ordinaires font infinis. Dieu a
tot^ours pitié des hommes en cette
vie ; & il eft difficile qu'ils ne trou-
vent quelquefois des oceafions de fou-
lager leurs peines, ou d'eux-mêmes par
l'humeur patiente & philofophique qu'il
leur a donnée, ou dans ces occurences
que la providence a foin de leur me-
nacer.
Dans ce même tems arriva de Mar-
fcille le Vaiffeau du Capitaine Martin:
il amenoic quarante fix Efclaves à qui
le Roi avoir donné la liberté. SonEx-
cellehce les envoïa au Grand Vifit par
M, Fonton ; Se lui fit dire , que com-
me fon predccelfeut lui avoir fairde-
mandcc quatre ou cinq Efclaves , le
CAfrîi]tte& Autres &«y. iij
É!ot fon Maître avoic donné la liberté
à CCS cjjiarante /ix ; & qu'il avoi: une
joie inconcevable t]ue la chofe arrivât
à fon avenemenï à la charge de GranA
Vilir. Le Vîlîr fur le champ eii fie fai-
re des remercimcns à M. l'Amballà-
deur, & (ït même donner le caffccan
à M. Fonton,8£des habiis aux Elrla-
ves pour les prefenter au Gond Sei-
yoyngt dattt l'A fit mîmurt.
J
CHAPITRE XXIV.
Sortie de Conjîantînopie (^ fuite du ■vàingt,
Itjfcriptions à Bonrgars. Mœnrr dtt
Tttyes. Mifere des Chrhlen^ Tortues^
Inflmmens poftr feier & battre le bled.
ENfin pour parler de moi même ^
mon Commandement me fut ex-
pédié; & comme l'on vend touc là auf-
fî bien qu'ailleurs , il m'en couu fix
£cus. Voici comme il ctoit conllrutt..
1,E Sultan Ahmed Can Fits-
de Mehemed Ca.a toujours viiio'rieux»
AVx Magnifiques A4agiflrats &
Ju^es lllùjires en venu & en Théo.
Eigie , les Cadis refidejis fur la rente df
puis Scudaret jhfqu'au Grand Caire J.'E-
rypte dont la vertu foie augmentée. £t
aux lllujhes entre leu/s pnreils , diflinguez.
parmi leurs égaux , les Kyaya Péys ( om
Lieutenants de Roy ) les Agas des Janif-
faires , les Seigneurs des pais & autrtt
nos O0cîers dent Cautkoritt fois augmett.
téei. A la réception de ce haut & augufle
Commandement foît fait à ff avoir ejue le
piu£ Illnfirt d£x Seigneurs de U Religion.
PAjfrlijue & autrn lieux. 217
€3frênen^e le Murquis de Ferlol Ambaf"
fadeur oràinaire de V Empereur de France
à notre Porte de félicité , dont le fucceT^
des affaires foU heureux y a prefenté un
mémoire a notre haut Jueil , portant cjne
k Jieur Paul Lucas Médecin François
defirant de pdffer par terre en Egypte ,.
fûivi d*^un valet : Son Excellence nous
fiippHoit de lui accorder un' noble Com^
mandement à ce (juil ne fut point arrêté,
détourne , ni inquiété dans fcn paffage^(^
epu cgnfôrmctnent aux augujtes capitulai,
fions , on ne donnât aucune atteinte , &
qu'on ne fit aucune infulte fur les routes
ër chemins, dans fis campemens , gîtes &
decampemens ni a fi perfonne , ni à celle
de fon valet , ni a fes Chevaux , ni a
fes bêtes de charge , & qu'il lui fut four-
ni par les vendeurs de denrée de leur hon-
gre au p'-ix cou:'ant,les vivres & provi^
fions de bouche dont il pourroit avoir he*
foin. Surtfuoi nous lui avons o5iroié &
fait expédier ce Commandement de haute
renommée pour fortir fon effet en la manière
ei'deffus expofie , & je commande que
jt la réception de ce mien autentique Cem^
mandement expédié a ce fujet y il fpit exe^
eutéfuivantfa teneur , & que ledit Fran*
fois entrant & paffant avec fon valet en-
quelque Ueu que ce puiffe être dépendant
K vj:
lineun, ^^|
de nôtre jurifâlSiion , voiti ne permette
fM ^u'il fait fait aucune snfulie fur Ut--
rotttes & les chemins. Us campemens , ^îtes
(^ decampemtm^m à fa pffonne ni a «/-
It defon valet^nià fes montures, m à fet
àêtes de charte , mais tjae vous lui f^0e7
fournir , i» priant de fes deniers au prix
courant , par les vendeurs de denrées , de
leur bon gré , les vivres & prtvi/îons dont
il pourra avoir hefoîn , & ^ue vota fwi-
■pefchicK. ^u'sl fois détourné , retardé o» in
•juieti dans fin paffage , ce y«î feroit con-
traire aux augujîes capitulaiiaiis , CT ijtt'ia
tout ^ par tour , vous mettiez. « executif
ia teneur magfiifiijue de ce noèle commanéi
ment. Ce ijui vùus étant notoire , voul^
igue créance fuit ajoutée à ma martjue i
periale. Donné au commencement dei
Z>une de Aiitharrem l'an de i' Hégire n«
tfefi-à-dire le 15. jivril tjo6. Dant^
fille de Confantïnople U bien gardée, '
Je partis donc pour la féconde
dt Conftantinople le 11. cieMaiàti
heures de l'après-midi, Njus rimesl
toar des eaux douces , c'eft-à-dire 1
Port i antremenc il nous auroît
travcrftr le Port & toute la Ville pd
gagner U porte d'Andiinople. Nq
marchâmes ce jour-là quatre freuT
feulement , te nous allâmes faire i
tjijfnque & Mtres fieux: ihft
(te Connac au Villagede Lifiris. Nous'
en fbrtîmes le ij. à cinq heures diï
matin , & nous patlàmes par une ville
nommée Ponto-grando.EWc tire fon non»
de cinq Ponts bâtis fur un étang que'
forme la Mer ; c'écoient les pietniets'
Ponts que j'culTe v^ bâtis Tur -fes caax.
A unelieuè'de-lànous nous reporâmeS
dans le Village de CallcartU , aprèï
avoir marché feulement fept heures,
Pc Calicartia partis le 14, à la pointe
du jour , en cinq hf ures nous arrivâmes
à Pivatis ; nouîy déjeunâmes ; &aprcs
avoir prisencore quelque repos , nous'
continuâmes nôtre route pcttdant trois
autres heures, jufqii'à'5?/iV«>. C'eft untf
petite Ville Et prefenr prefqiie ruinée ;
it y a quantité dt Grecs ; & ils y ont
une Eglife des plus anciennes. Selivrée'
eft bâtie fur une éminence d'oiV l'on'
découvre la" Mer dé M.trmora. Au def--
fous ctt un gros Bour^ beaucoup*
plus peuplé ; mais les Habîtans en
font tous Turcs , fins' commerce au
telle, & n'aïant poinr d'autre négoce
que celui qu'ils font avec tes paflans ;
parce qu'ils n'ont point de Port , &
qu'aucun bâtiment n'en fçauroit appro-
cher. J'y trouvai la petite ïnfcripuott
da nombre ^j^
â
Nous quirtàmes ce Bourg le lî. .i
GÎnci heures du ma:in pour aller dîner
au Village de Clléy , d'oiV, après quel-
ques heures de repos,nous partîmes pour
ChourUu, De Chourlou, levez deux hcu-
les avanc le jour nous allàoies logera
Sour^ara,: c'eft un gros Cafabas qui en
cft éloigné de dis Iieucs. Il y a un nom-
bre considérable de Grecs. Sur la por-
te d'une de leurs Eglifes, je pris en paf
faut une Infcription. Voyez nombre
Toute notre «route me parue cstre-
aiement peuplée de villages-, c'eft appa-
remmeui la proximité de la capitale de
l'Empire qui les rend là plus frequens
qu'ailleurs. Ils font la plupart habitez
par des Clirètiens , qui travaillent pour
la nourriture & les pUifics des Turcs,
Ces Me/îîcurs dédaignent la plupart de
labourer b terre ; la guerre feule leuc
paroît un métier capable dejles occuper ^
auffi le plus grand nombre eft-il des
Spahis , ou Soldats à Cheval. Ils ont
pour leur paie prefque toutes les terres ,
lïir tout celles de ces quartiers ; & ce font
les Chrétiens qui les cultivent. Dans-
lie chemin en plufieurs endroits je vis.
la terre prefque toute couverte de toi
tues ; nous rencontrâmes auffi un grai
Îlens qos
ont plus*
s! que les>
îre inftru-
2 la main?
^t le blcdJ
peu cour*
ils y fou*
' qui leur
é de pren^
: de bled r
Coup plus
î bled efi:
nôtre. II»,
les épaif.
■^ de pier*
les font
gerbes, ce*
épies d a-
lairemenc
*s de maw
i fouvent
fans pour*
i les de£>
à lo.heu»*
s le refte-
s le 17. à:
es Xui£s^
Fjtffriqut & autres tteux. taft^
nombre de ces PaXfans Chrétiens qui
alloienc fcïer^ Leurs faucilles font plus*
longues mais moins courbées que les*
nôtres ;. & ils ont avec un autre inftru-
ment de bois , qu'ils tiennent de la maiiv
gauche , pendant qu ils coupent le bled^
die la< droite. Ce bois eft un peu cour-
bé, pointa, & à trois trous ^ ils y fou»
renc trois de leurs doigts ; ce qui leuc
dbnne,.ce me femble , la facilité de pren;-
ère en même tems , quantité* de bled z
4U0i ils font afiurement beaucoup plus
& travail que les nôtres*
. Leur manière de battre le bled e(E
auffi toute différente de la nôtre. Il»^
prennent d'eux grofles planches épaif-
fe» dequatre doigts , garnies^ de pier*
tes à fudl tranchantes. Ils les font
pader par defTus le bled en gerbes, ce-
qui fepare en un moment les épies d'a-
rec la paille. , Ce font ordinairement
4es bœufs qui tirent ces fortes de ma*-
chines- ; & Ton voit le plus fouvent
deflus des hommes & des enfans pour
les tendre plus, pefàntes. Voici les deC
feins que j'en ai fait graver.
Nous partîmes de Bourgara à lo.heu**
tes du foir. Nous marchâmes le refte-
rfe la nuit, &nous arrivâmes le 17. à
-^fa * Cafabas. habité par des Tvxtcâ^.
I
i^jK Vûyage dam fAfie mlmu^t',
U y a une Mofquéc magnifique , &
un beau caihp tout couvert de plomb'
pour les voïageurs. Après nous y êite
^ un peu repofèz , quacre heures de mar-
che nous mirent à Andrlno^le au So-
leil couchant. Depuis la Ville de Con-
ftantinopie jufqu'à celle-ci , rout le ehc-
min eft plai. Noos eûmes à droite &
ÎL gauche diverfes montagnes : mais
nous traverfàroes toujours les plus bel-
les plaines que j'aie vu dans tous les
pais oii j'ai été. Je n'ai point rtouvc
non plus d'endroits où il y ait plus de
Ponts : nous padames alTûrement fut
rlus de quarante, fans conter ceux que
on voit aux deux cotez. Il n'y a pas'
pour cela des Rivietes fous tous ces
Ponis ; un grand nombre ne font bâi-
tis que fut de petits ruifTcaux , ils ne
laiflent pas la plupart d'être aulïï bsaux
que s'ils écoieiii fur des Rivières, par-
ce qu'on les a faits pour les déborde-
ments qui ne manquent jamais d'arri'
ver dans ces plaines emoorrccs de mon-
tagnes , dès qu'il fait de la pluie : oQ
qu'il eft tombe des neipes. L'on trou-
ve auflî dans cet intervalle quantité de
Fontaines ; elles y ont été bâties pour
la commodité des voïageurs ; & il y
a apparence qu'une bonne paitîe doi-
TAffriijiie é' autres lieux. ijj
it leur conftfuâion à la chanté de
lelques bons Turcs.C'cft la nation dtr
inonde à mon avis la plus obligean-
te , & il n'y a ce me Temble , point de
pais oà l'on exerce mieux l'horpica-
liié.
CHAPITRE XXV.
^ndriaepte ; fcs Rlvierâl ^fa hauteur du
Pote : fa prife par Sotiman. Suite du:
vtïdte. Chrétiens Bulgares , femmes de
ee fais fembUbles à des Bacchantes .*
Philipopalis, Chrétiens nombreux :Juifi^
Cuerifm £une fille Grecque.
ANdrinople eft prefque entière dans
une plaine admirable ; le refte*s*a-
■vance fur le penchmt d'une colline^»
Trois Rivières l'arrafent de tous les-
cotez , & vont enfuite unir leurs eaiBC
à une demie lieue. La première de ces
Rivières s'appelle hix Marife: on nom^
me la féconde Là Tunze , & la iroiiîé-
rae eft ta HArde, Ces deux dernierej
perdent leur nom auprès d'Andrino^.
pie ; & jufqu'à la Mer on appelle le'
refte t* Marife, On. ne pouToil gne-
iss choillc de plus bel endroit pour bà^
^54 Voyage dam tAfiemneiM,
tir une Ville. L air y e(l des meilburs^
ce aui &ic que les Habitans ne font
prelque jamais malades , & vivent la
plàpart affez long.cems^ Son territoire
porte des grains en abondance & de toa-'
tes les fortes.
Je voulus prendre la hauteur de cet-
te Ville , & je trouvai qu'elle étoit fou*
le quarante cinquième degré de latitu-
de moins (ix minutes. Ce fut Solimatr
trois qui la prit fur les Chrétiens, Voici
le ftratageme dont il fe fecvit. A une
de fes murailles éroit une ouverture in
la grofTeur d'un homme ; par là fbrtoir
toute» les nuits un Chrétien , à ce que
content les Habitans , pour voir Tar*
mce des affiegeants. Une nirit il s'ap-
Erochadetrop près du camp des Turcs,
s fentinelles lapperçûrent ; il futàr-
iété & mené au Sultan , qui apprit par
cet efpion le lieu du trou dont j'ai parlé»
Auflî-tôt il ordonna un affaut ^ mais^
pour l'autre côté de la Ville , dans lai
perfuadon que les Chrétiens ne man<-
queroient pas d'y mettre leurs plus
grandes forces ; ce fut au(C ce qui ar-
riva. Ain(î pendant qu'il fembloit preflfer
Andrinople , comme ^\ toute fon armée
cât été à cet a(Taut i les Grecs abandon*
nant tout-àf-£ait la muraille oilétoic le
F^ffri^ue & autres lieux. %fé
petit trou , il choifit les plus détec-
minez de fes Soldats pour les y faire
paflcr. Cette troupe une fois entrée
djns la Ville , fe rendit en pende teras
maîtcefle de l'une de fes portes. On le
fçûi bien-tôt parnyî les Chrétiens :il y
en eut plufieurs qui aimèrent mieux
pecir tes armes à ta main quedefefois-
mettre à' un Prince InfiJele ; mal-
gré lear bravoure , la terreur s'empa>
ram du grand nombre , les Turcj d&
nieorercnt les maîtres d'AnJrinople,
J'ai vu ce lieu par oil les Turcs y en-
trèrent '; il eft à prefent fermé d'une
porte de fer.
On fçait qu'Andrinople a été le fie»
ge de leur Empire jafqa'à la prife de
Conflantinople. Un des Sultans y a fair
bâ,tir un Sérail magnifique ; &la Ville
en gênerai s'ell beaucoup agrandie de-
puis leur domination. Les anciennes
enceintes ne vont à prefent qu'au mi-
lieu de la Vitlej au refte les bâcimens y
font beaux par tout. Tous les Bazards
y font faits de quantité de voûtes ;,
Mais celles du B'':(jjlnin , c'cft-à-dire du
lieu oii l'on vend les marcbandilès fi-
nes furpallënt toutes les autres & (ont
d'une grandeur &c d'une beauté à faire-
ptaific. Il y a auiïïptulteurs belles Mo£^
I
I
IjiS ^ày»ge déns t'Afie mlneme,
qaées , particulièrement celle du Sul-
tan Selim. Elle efl: rouccnuè' en dedans
d'une grande quanticé de Colonnes de
Marbre, de Porphyre , & de Granité;
& par dehors on voit quatre minarets
des plus élevez. Je pourrois m'étcn-
dee davantage fur cette Ville ; mais
les hiftoires & les autres relations en
parlent aflez. Je dirai feulement qu'el-
le eft gouvernée par un MouUak Ca-
di qui exerce la juftice , & la police
par confequem , avec un pouvoir ab-
iblu , & que dans tous ces païs pea
éteignez Je Conftantinople les Chré-
tiens font plus traverfez qu'ailleurs, ap-
paremment parce que l'on y craint
moins les tumultes & les révoltes-
D'Andrinopte, rcfolu de prendre la
route de Phiiippopôlis je loiiai un
^raboé ; c'eft une cfpece de charette
fHfpenduc & tirée pat trois chevaux':
j'en païai y. écus. Ainfï partis le 14. Mai
après avoir marché dans la plaine pen-
dant lîx heures, nous arrivâmes ce jour-
là au cafabas de Mon/tapha Sacha.
De-là fortis dès l'aurore , au bout
de (îx heures de chemin nous nous re-
pofâmes l'efpace de deux au cafabas
è! Armant , d'où nous nous rendîmes'
acelui à'Ottjon'iou. La noue filmes lo-
^er dans uiic maifon des Chrétiens
que l'on appelle Bu!gMres. Nous n'y
Irouvàmes que des femmes; elles re-
çoivent bien tout le monde; elles don-
nent de l'orge & de la paille aux che-
vaux , elles apprêtent ce qu'elles peu-
vent poux le manger des voïa!;eurs : Ac
toutes ces chofes Ibni outre cela à bon
marché^cai poui trois per(bnne5& trois
chevaux il ne m'en coûta queti. ious.
Le 1.6. partis du maim , nous vîmes
de tous cotez un pats charmant , plein
de Villages qui appartiennent la plu-
part aux mêmes Chrétiens ; & après
neuf heures de marche nous allâmes
loger à IniTnatem. C'ell ungros Village
où il paflè une Rivière du même nom,
qui va le décharger dans la Marift,
Nous y fûmes reçus comme ie jooc
précèdent par des femmes feulement.
Il faut avouer que les femmes de ce
paï's n'ont pas tort de fe montrer , cat
elles font tomes bien aimables. Leucde-
roatche eft droite , acconipagnée d'une
fierté noble , mêlée d'afFabilité & de
douceur. Quoique ce ne foient que des
Paifannes, leurs geftes & toutes leurs
manières lont àt perfonnes au délias
du commun. Je croïois voit les Bac-
chantes de M. Poullàin j auflï paioiireiu<
elles toûiours yvrcs par leur humeni
enjtiiîce & divenifiaine. Leur habille-
ment n'ert auire chofr qu'une chemiff,
& une efpefe de robbc par defius- El-
les ont toutes leurs cheveuï trctTeZjpcn.
dans fur leurs dos , & remplis de pièces
de monnoïe comme des pièces de cinq
fous de France, & de quel qu'autres plus
grandes , & plus apparentes. Leur tète
n'eft couveile que d'un petit bonnet
qui en eft auffi garni ; & les .colliers
qu'elles portent en ont jufques à quatre
ou cinq rangs. Leurs chemifes &
leurs robbes étant fort ouvertes par
devant , leur gorj;e eft fort décou-
verte: elles l'ont toutes très-bciie , &
ne prennent pas grand foin de U ca-
cher. Enfin elles ont toujours le vifa-
ge découvert. Leurs maifons ne lonr bâ-
ties que de terre , & n'ont d'aurres
couvertures que de h paille ; mais pour
des maifons de Village, elles font pro-
{>rcs en dedans. Chofe furprenanie,
etirs maris ne font prefque jamais à la
maifbni ils (ont toujours ou aux champs
à labourer la terre qui eft pour eux des
plus fertiles , ou à la Viile à faire quel- '
qu'autre chofe félon la faifon. C'cft qiïe
là règne encore la candeur & la vraït
F^nifue & mlrei lieux. ijy
Le 17. après avoir concenrc ces agréa-
bles hôtcffE-s de neufs fous pour touEe nô-
iredepenfc, quoiqu 'entre autres chofes,
elles nous enflent donné deux poulers
fort tendres , nous coioïames la Ma-
rife que nous avions à nôtre droice :
& aptes avoir marcfié (k heures nous
nous en repofàmes deux au Village de
Bfha. De~là nous allâmes à PhUippo.
polis od nous arr^âiTiL-s à trois heures
après midi. Nous y fûmes loger dans
un camp à l'ordinaire ^ mais comme
il fe repandit audî-lôt un bruit que
j'ciois Médecin, l'on me vint chercher
de la part du Moufii & du Bcy. Je
Tus les voir : ils me demandèrent l'un
& l'autre des remèdes pour leurs in-
firmitez. Je leur en promis, & je leur
en donnai même fur le champ, qui fi-
rent des merveilles j fur tout le tartre
hemetique , qui n'a jamais produit
d'effets (î extraordinaires que dans cet-
te Ville. Ainfil'on me prit en peu dtf
lems pour le plus grand Médecin de
la terre.
Le îo. je fus me promener autour
de Philippopolis. Elle n'a point de mu-
riilles ; mais elle ell bâtie fur trois pe-
tites montagnes qui fe tiennent pref-
que , $c font fut la même ligne. C'eft
14e VtyAge dans î Afie mittenre, |
apparemment fui ces hauteurs qu'é.
xoient autrefois fes fortereffes. f- Ile a au
Fonanc la Marile qui baigne le pied de
fes maifons. Cette Rivière y porte tou-
ïc forte de bateaux. Se par confequent
la plupart des commoditez de la vie. '
De l'autre côté eft un Fauxbourg aflw 1
grand ; Fon y pa0e par dellus un beau I
Pont de bois- Il y a environ cent vingt
maifons de Juifs: niais en gênerai les
bourgeois font prefqùe toui Chrétiens.
II y a jufqu'à fix Eglifcs ; & c'eft la i
feule Ville de Turquie , où j'aïe vu une I
cloche qui fonne les heures du joBt I
comme en ce païs ci : elle eft dans une '
Tour bâtie fut une des trois coUint:^
dont j'ai parlé.
Comme je pafTois pour un habile
Médecin , il vint deux Grecs qui me
prièrent inftamment d'aller voir leur
ÏŒur. Elle étoit à l'extrêmiré : Mais
comme j'avois refolu de partir , je leur
dis que cela m'étoit impoUïble , pai.
ce qu'il falloir pourfuivre mon voïagr.
Cette reponfè redoubla leurs inftances:
ils m'en firenc tant &c de Ci bonne ^2-
ce, que je leur promis la vifîte ; Scy
fus même avec eux. Je trouvai lama'
Ude couchée fur un matelas , c'eft-à-
dire fur le lit de la mort ,Sc ennn éni
capable
j^ffrjque & entres lieux. a^x .
capable d'émouvoir la compaŒon. Un
Prêtre Grec étoit là à l'exhorter à faire
ce paÛâgeen bonne Chrétienne ; &: l'on
apprêtoit déjadequoi l'enfevelir. Lorf-
que je la vis en cet écai, j'en fus tou-
ché d'une manière qui ne me permit pas
de l'abandonner. Malgré la maigreuc
&c la pâleur , qui accompagnent tou-
jours une forte maladie , cette jeune
Demoifelle montroit dans fes traits une
beauté Ci furprenante , que l'ame Ici
plus dure en auroit été charmée. On
n'eut donc pas lieu de me reprocher
l'infenfibilité , fi ordinaire aux enfans
d'Ëfculape. Je fis pourtant la cérémo-
nie avec gravité ; je m'approchai de
la malade , & après lui avoir tâté
le poux & m'ctre informé du paiTâ ,
pctfuadé qu'il y avoit encore quelque
remède , j'entrepris de ta guérir. J'avois
fçû qu'il y avoit plus de quinze jours qu'- '
elle ne dormoit point ; je dis à fa mè-
re éplotée , qu'il falloir (e confoler:
que le danger étoit extrême à la vérité;
maià que fi Dieu vouloit me favorifer,
je l'en tirerois : & que j'allois d'abord
lui donner un remède , qui en calmant
les humeurs , & procurant le repos,
lui rendroit auflî une partie de fes for-
I c es , & me donnecoiï lieu de tiavaiU
^K Terne I. L
;^l Voyage dam l' Afie mmiurt^
lerenfuite plus faciieinentàfagueriroiT,
Or, jugez ce que cette merc pouvoir
redcntirâdes paroles (î pleines de con-
folation. Je fus chercher un remède ,
Zc U jeune malade s'endormit un quart
d'heure après. Le lendemain je lui
donnai une prife de tartre hcmétique,
qui eut auffi fon effet. Enfin mondor-
mitif & le tartre donnez alternative-
ment , la tirèrent d'affiiire en quatre
jours. Je ne fus pas fâché d'avoir rendu
ce fervice aune aulli aimable Demoi-
fclle, J'avois d'abord été touché d(i
la beauté de fon corps ; mais je le
fus davantage de fon efpril , lotf-
qu'elle fe porta bien. Elle me renier-
cia mille fois de la manière du monde
la plus obligeante ; ft: loin d etrt in^
gratc , elle m'offrit tout ce qu'elle me
pouvoir donner d'argent. De moncôté
je n'acceptai que le moins que je py..
La bt'auté a bien des charmes ; el-
le fait faire pour certaines perfonnes
à bon marché , ce qui couteroit à
d'autres bien cher : y a t- il quelqu'un
capable de refiilerà les attraits, fuiToitt
lotfqu'cile eft jointe à la rcconnoilliin-
ce î On verra à la fin trois infcriptinir
que je trouvai à Pliilippopo'is. Il n\ r
pas neçctniire dj rcmarcjiier que ceîu
► CHAPITRE XXVI.
autres lieux. j^ri
Ville cft celle que les Latins appel-
lent Philippi , rebâtie par Philippe ; &
auprès de laquelle Augufte & Antoine
vaiaquirent Brunis & Caffius. Pour la
Marifc jC'eft l'Hebre fi fameux dans tous
^d» Poètes.
^Hk* du voiage : bont vins : tonneaux, fÎT
^^^ttvts extraordinaires. fnf:ripiion fin.
oH'.iere. Colores , Religieux Grecs. Baf-
cou Monajiere. Image de la f^isrge,
^^— Montagnes de Jangou, fleur finga^
^HË partis (le Philippopolis le xS- après
3 midi dans un Arabas , accompagné
d'un des frères de la fille que j'avois
guérie. Il voulue me reconduire , &
majchadeux jours avec moi. Le pre-
mier après trois heures de chemin nous
arrivâmes à Stenemak,. C'eft un lieu fort
grand , qui n'a pour Habicans que des
Chrétiens. Le païs d'alentour eft un
beau vignoble , qui produit d'excellens
vins. Mais une chofe qui me parut ex-
traordinaire , c'eft que les tonneaux
où on le met , n'ont pas moins de qua-
L
m- yoyage dans P yifie m'mtHre,
jante palmes de longueur , & fix à le['-
pieds de hauteur ; & que les cuves in'!
on le fait , font grandes comme dts
chambres quarrées. S» faites de ciment
détrempé d'huile : ce qui les fait pa-
roître comme un marbre ropgeâtre. It
y a à Srenemak douze Egliles , fans
compter celles qui font autour fut les
montagnes voifines. La Ville eft artci
petite; elle cil même bornée des deux
cotez : de l'un par le coteau fur le
quel elle eft bâtie , & de l'autre par
luie Rivière qui porte fon nom , &
qui produit de fort belles truites.
La montagne voiiîne s'appelle j4heilU -,
& il y a au bas un gros Village de mc-
lae nom. Pour découvrir quelque cho-
fe , je fus me promener à une demie
lieue de Stenemack , où l'on me dit
qu'il y avoic des ruines. Elles font fur
wne petite émtnence ; je les contem-
plai. Se elles me parurent être le rcfte
de quelque forterelTe coniîderable. Il
y a proche une belle Eglife dédiée à
la fainte Vierge & à faint. George,
D'un autre cote je trouvai fur une ro-
che une Inicriptiou dont la plupart des
Lettres me parurent d'une figure nou-
velle & finguliete. Voiez à la lin nom-
Us ^6,
W^riifue & tHIriS lieux. l^f
tes geiis du pais .ont la (implicite
r croire cjue cette Infctiption con-
tient le f'ecrct de la pierre philofo-
phale. Lorfque l'on me l'eut vu copier^
il y eut plufieiirs perfoiincs qui médi-
rent de leur apprendre à faire de l'or*
J'étois logé chez des Colores : ce font
des Religieux Grecs , qui ne mangent
jamais de viande.
Le fëptiéme je loiîai des Mules : par>
tis fur les'^rois heures de l'après-mi-
di , nous marchâmes par des monta-
gnes très -haute s i & après plus de deux
heures & demie , nous arrivâmes à un
Monaftere bâti Tur une de ces mon-
tagnes : il s'appelle Bafcmt ^ renferme
plus de cent Colores , & n'a dans (on
voifinage aucune autre habitation. L'on
peat dire que ces Religieux font par-
mi les rochers & dans une véritable
foliiude i mais il n'en font pas plus fa-
rouches. Tout le monde y eft très bien
reçu , & les voïageurs y trouvent de
grandes commoditez : l'on a fait poui
eux un bâtiment exprès , oà ils font
iraittez fort proprement.
L'Eglife & tous les appartemetisdes
Religieux font entourez comme d'un
Château , Se. fermez de trois bonnes
tftes. La première e
:l'oB
I
H^6 y&yagt dans rAfie minturr,
ine dit qu'elle avoit été ruinée , &en-
fuiie icbâtie comme elle eft aujour-
d'hui par l'Empereur Maurice ; il eft
vrai que Ton portrait y eft en plufîeiirs
endroits. Je vis aufïï une Image delà
iîtinte Vierge , que ces Moines alTîi-
reni être de la main de faint Luc, II»
en content plufieurs fables ; Se préten-
dent fur tout , qu'ils ne l'eurent que
Eiar miracle , Se qu'elle eft venue dans
eue couvent du fond de la Georpie.
Cette Image eft une des plus grandes
dévotions dupais , de attire beaucoup
de monde à Bafcou.
Les Religieux de ce Monaftcre ont une
belle Biblioiheque.J'y vis quantité d'ex-
ccllens manufcrits -, mais il eftimpollï-
ble d'en avoir aucun ; ils fe fcandalifenC
même lorfqa'on leur parle de les ache-
ter. Leur Couvent a plodeurs puits bâ-
tis magnifiquement ; msis entre-autres
on , dont l'eau toujours claire, fer: audi
à la guerifon de plulîeurs infirmircr.
Je fonis de ce Monaftere le huit de
Juin 1 & nous commençâmes à mon-
ter les montagnes de JongoH. Le che-
min en cft (l rude, qu'à plulîeurs en-
droits nous filmes obligez de poulCëc
nous-mcmcs nos Mules , pour leuraider
à monter. Tout ce pais cft plein de
i & autre! lieux. i^f
hautes montagnes, qui font toutes chaw
îjées de bois de haute futaie. Lotfquc
irous fûmes au haut de celles donc j'ai
pailé , nous y trouvâmes" une petite
plaine, d'où il foitoitde tous cotez des
foutces. d'eau vive. Ces eaLi!t jointes aux
beaux fapins qui y font plantez , ten-
dent ce lieu tout agréable. On y voit
aulli une iofiiiicé d'herbes exiraordinai-
l£S., qui fe font admirée par la beau-
té de leurs fleurs- j'apportai une atten-
lioD particulière à en contempler une
à mon avis des plus rares , & qui ne
croît peut-être que là. Elle eft d'uni
pied & demi de hauG : fes feuilles
tcflèmblent à celles des Oliviers , So
montent \s Igng de Qt tige. En.haut el-
le a un bouquet d'environ trente pe-
tites fleurs : chacune de ces fleurs a
quatre feuilles ; & outre cela une pe-
tite boule ronde. Autour de chaque
petite boule font trois ccoiflans ; \\ y
en avoit outre ces trois un demi qui
fortoit de la petite boule- Nous palTâ-
mes en cet endroit le refte de la jour-
née ; & je remarquai que le croiflant
qui n'étoit forti qu'à demi à nôtre ar-
ivée l'cioit tout-à fait le foir, & qu'il
r:-inimençoit à en repouifer un autre,
Ctla me fit croire que ce (împle avoic
L iiJj,
I
148 VojÂge dam t Afle mhewt, '
le mouvement de la Lune 1 Se je vis
en effet que la planetie n'avoit pas
plus de jours que l'hcLbe de croif-
îànts. Si j'avoîs eu le tems de fcjourner
là, de fuivre gpur ainfi dire , tous ces
CToilTams , & de voir ce qu'ils deviens
nent , j'autois crû n^a curiofité fort bien
païée : mais il falloit avancer j& les
lieux , quoique infiniment beaux, n'c-
toiem pas aflez furs pour y demeurer
long-tems en iî petite compagnie. Il y
a apparence que i'herbe que je viens
de décrire eft une efpece de lunaria ma-
jor. Je me contentai de quelques raci-
■^ nés & de quelques fleurs tant de ceU
^k le-Ià , que des autres (impies que j'a-
^K vois vus , Se que ye pris pout eavoïer
^ft ^a France.
^^^f^^^^?^^^^^^
CHAPITRE XXVII.
t l^oyagf. Montagnes de ParcetL
' h ^ de Chiroucouvijè , de Bretttnïfitt
aelly . & d'Eliai^Hi. Vniage de Pacha~
m.ic!y : Turcs çui l'habitent : leur
langue. Mefitagne de Ckxmrou: PUtitet
Jingalierei : arbres exJraurdinaires af^
peliez. Occhel' Montagne de Tountnne,
Toiboitr. Hardes. Rivière de Carafon,
Drame : Bufle d'Hersule : Horloge r
Infcn'prioTis^
LE 9. nous quittâmes cette belles
plaine fur les deux heures agites
midi , & nous continuâmes à marcher
iiir ces hautes montagnes. Elles ne font
habitées qite par des beigers ; & l'ort
y voit de tems en lems de petites ca-
banes oil ils le retirent. Deux heures
apicsle Soleil couché nous finies nô-
tre Connac lous des arbres : nous y
allumâmes un feu qui dura toute la
nuit. Le lendemain nous patinnes une
heure avant le lour ; & nous palTà^
mes la montagne de Parctlly ; elle eit
fort élevée. Celte de Ci/iroucoitvifi ^ceU
le de Breamifen delly , Se celle d'£fia<jHé
\
i
Knous montâmes , ne luy cedenc ^Jl
I
»yo P'àJ'^^t ^"is VA fie mîrmtrr,
point. Apres tcre defcendus de la der-
nière , nous rencontrâmes un Vill;
du même nom : nous nous y arn
mes pour dîner, & nous repofèr.
Nous repartîmes au bout de
heures ; & marchans pendant refpace
de fcpt fur les mêmes montagnes SC
par des chemins fort difficiles , nous
paflames dans un ViHatje nommé Pt~
ehamacly. Il n'eft liabiié que par des
Turcs ; mais ils ne fçavent pas leur
langue : leur parler eft plutôt un EC-
cUvon corrompu & mêlé de Grec Sc
de Bulgare. Derrière Pachamacly nous
Itaverlames la montagne de Chotti
celle-ci a encore des plantes plus
guiîeres que celle de Jongou- Lorfc
nous fûmes en haut , nous entrai
dans une belle forêt , dont les atl
fort gros & fort hauts , paroilfent
ranï de prodiges ; & reffemblent :
/bkment à ci:y]x difs metamorphofîl
Premièrement on diroit qu'ils onï dél
pieds attachez à terre ; on voit cnfitt?
te deux jambes qui s'élèvent, au delTus
defquelles s'étendent deux cuiires , 8c
enfin un corpî qui commerce Sc fiiic
le tronc de l'arbre : Les branches ne
viennent qu'apics une efpace propor-
tionné ; mais de inaDiere , qu'elles pa>
Ij^fique & Mtttrtt Btax. jjqf il
rmlTcw de veiitabies bras dcpouîUç»
4c ïçtiillcs lufqu'aux mains, qui pouf.
jcat quantité de touilles fut d'autres
feewa branches qu'on pourroit pren-
<lr« pour leuis doits. Mais ici (s per<l
l'égâhcc, car ces mains n'onc pat tou-
Ks la même quantité de ces perites
brajiehes ; G une main en a quatre, l'au-
tre n'en a que trois , ou même deux
ftulement. Au deHus de ce qui paioîc
faire les bras , les atbres ont environ
on pied de tige. Sur cctre ligc eft la
ÊgUfe d'une grolTe tête , d oiH foct utt
nombre infini de branches qui forment!
ïe plus beau bouquet du monde. J'a-
Tïoia déjà vu bien des fortes d'aibres :
j'ai encore vu beaucoup de forêts -, mai»
il s'en faut bien que j'aie j.imais ren-
contré rien d'approchant. Au refte ce-
beau bois a tour au plus une tient: fie
(mie de longueur. Si le nom pou-
it faire connoître la nature de ce»
«es , les gens du pais les appellent
ektK.. Aptes ce fpcAacle la monia-
e ed rude : elle nous dura deux hets*
I a defcendre & nous fîmes nôcrff
rnnac au bas à ta belle étoile.
Le II. nous palTàmes la montage
Je Taitrienne : elle a au moins pour deux
ts de chemin. Au pied e(t le Vit ^J|
'I
I
■
V* ■ ■ -,
lage de Tojlratir j & trois heures aptes
l'on tiouvecelui Je Haniei ,d"oit prend
fon nom la Hitrdeme , Rivière que nous
avons dit palier auprès d'Andciuoplc.
Nous la (ôioiànies pendant cinq heu-
res. Dans l'endroit oiî nous ]a quittâ-
mes , elleeft encoie ti petite qu'on peuc
la travcrfet d'une enjambée ; auflî eft—
elle voilîne de fa fource , auprès de ï|^|
quelle nous allâmes faite nôtre Cad^|
Le 12. nous partîmes à la pointe du
jour: nous marchâmes rcfpacedequa-
Kï h'ures p.'C des montagnes fort difH-
ctles & pleines de précipices. Arrivez au
bord de la Rivière de Car^fait , nous
la palTàmes dans une chaloupe ; &nous
marchâmes le refVe de la journée d
une large plaine , qui nous condi
jofqu'à Dratnt.
Cette Ville eft petite , mais fore jrf
lie : l'on y voit fept Morquées à Mina-
rets. Ily a auflî UTie Citadelle, quipa-,
roiE avoir é;é autrefois confiderableT
des plus fortes : mais on en a neglii
les réparations . & elle tombe à pq
fent en ruine de tous cotez. Les Gn
ont une Eglife à Drame : ji; fus la v
elle eft pauvre & aflfz mal entrete-
nue : c'ed pourcani; un Arcbevëclv'
>ndiii|^|
fore jtf^
Mina-
uipa-,
voir j
:retc-
mais on fçaic qu'en Grèce , à prefenc
du moins , les digiiitez font peu con-
fidcrables pour l;ur revenu. Je remar-
quai dans cette Eglife un bufted'Her-
cuie d'une grande beauté. Il eft d'un
Marbre blanc exquis , & fert de pied
d'ertal à un piiicr de bois qui f'outienc
une galletie. Plus de la moitié eil cn-
foiiie , & couverte de terre -, ce qui
paroît me fait répondre du refte. Je
i'aurois alTuremcnt acheté , fi l'Arche-
vcque avoit été à Drame ; Mais en («a
abfence perfonncn'ofoit toucher à fb»
Eî;hre : ainfi j'eus le chagrin de l'y
killer. Ce fêta pour quelqu'autre
voïage.
Dc-là j'allai voir une Tour ancien-
ne , qui eft encore en fon entier : elle
eft bâtie de pierres de taille les plu»
belle!. Il y a plufieurs maibres avec
des Infcripïions , qui nous auroienc
ians doute donné quelque connoilTan-
cedc l'hiftoire de Drirne ^ ou des guer-
res de ces provinces , fi j'avois pu les
copier : mais la Tour ctoit habitéepar
on Turc fuperflitieux ; c'en fut afTea
pour rendre mes defirs inutiles. Il pré-
ïendoit qu'il y avoit dans Ta Tout \xa-
ttéfor , & que les Infcrîptions enfei-
gtioient l'endroit oilon le pouccoit<troil«
à
I
i
▼er. C'eft une manie qwi a inÊitiii le*
crpriis Ae U plupart des Taies , JSC
tnéme des Chfèciens de ce p3ïs-là:de9
lettres qu'ils lie fçauroieni lire ou
qu'ils n'eniendeni point, marquenr ud
ireror & la pierre Philofciphate -, aulB
n'eft-ce que par adrelVe , (c quclqoe-
foiï en s'expofaiit à mille dangers ,
qa'on arrache quatre lignes qu'ils ciownc
capables de leur donner de grandes ri-
cheires , & dont cependant pas on
^'eux n'a i'induftrie de fe fervir. Cefiie
tn vain que ('offris de l'argent au Con-
«erge Turc. Il s'étoit perl'uadé que je
donnrrois peu pour avoir beaucoup ;.
te la peur que je ne lui en (ilTê aucUb.
se part , quoique je ne manquallè pa»
même de lui promettre le tout , l'en
pécha de me rien accorder. \
Il y a à Drame bien d'autres imnÛ
qui montrent évidemment qu'autrefi
c'étoit une Ville fort confiderable. f
y voie encore plufieurs grands ba(ï
ae l'ancien tems : ils font pleins d'fll
■vive , & l'on en remarque les fout^
dans le lieu même : il y en a deux t
revêtus de marbre. De-!à j'entrai A
de vieilles murailles, où écoîentsut^
fois des jardins délicieux. Enliiitea
vi£iai une ^ran<ie çlace toute ente
Fj^ifUt & autres lieux. SjJ
d'amphithéâtres : c'éioit là qu'on fai-
foic autrefois les jeux & les exercices-
Il paflc dans cette Ville plufîeurs pe-
tits ruiflêaox , dont l'eau eft forï clair
le. Tous les Dimanches il s'y tient un
grand Bazar , où l'on vend toutes for-
tes de denrées. Enfin il y a une hor-
loge qui Tonne les hrurcs comme 3t
Philippopolis. On peut juger par cette
defcriplion que Dtame cil une Ville
des plus aimables Si des mieux four-
nies des chofes necciraires. Ce font suffi
CCS avantages qui en muUiplieni le»
Habitans ; & quoiqu'en braucoup
d'endroits il y ait de vaftes ruines,
néanmoins il ne paroît pas qu'elle di-
minue. J'y achetai quelques Médailles,
& j'y trouvai deux Tnfcripiions que
l'on peut Lice à la fin nombre 47. Sc
CHAPITRE XXVIII.
jîiiifies de ce tjii'on appelle l'ancienne Phi-
lippe!, Orphen. Salanic/ue ; fis arcs de
triomphes ; fes Adof^Htes ; fes Eglifii:
faime Sophie .- tsmbeait d'Euiyches,
L'On m'avoic die à Drame , que \C
n'ctois pas loin des reftss de l'an-
cienne Ville de Philippes: le ij. je pris
ma route de ce. côté là. Après avoir
inarchc cinq heures dans la plaine dont
j'ai parlé, j'arrivai au commencement
de ces ruines. Les Grecs d'aujourd'huï
l'appellent PhiUpp'gi , c'eft-à-dire la
letre de Philippes. La première choie
que nous apperçûmes, fut le Château:
nous l'avions à nôtre main gauche. On
i'a bâti fur une montagne : il efl très
vafte , & fes murailles font encore
prefque toutes entières. Sur différen-
tes émineiices , donc la montagne oi
eft le Château eft entouice , s'élèvent
pluiîrurs autres FoncaUès , qui y ont
des correfpondances. L'on voit pluiîeurs
grandes murailles, qui en dépendent:
elles s'étendt:nt jufques dans la plaine.
Lorfque nous fûmes arrivez dans la
place de Philippes , nous marchf
,4isg^
f^ai^^liiflli & autres lieux. ij-^
d'abord par des monceaux de pierres de
raille & de Marbre , fans .qu'il parûc
aucua aucre vcftjge de bâiimens. En-
fuite nous rencoiurâmes un grand nom.
bre d'édifices feulement à moitié abba'
tus ; ^ parmi lefquels il y a eumanh
feftetnent de beaux Temples tout bâ-
tis de Marbre blanc y de fuperbes Pa-
lais , dont les reftes donnent encore
nne haure idée de l'Architeâure an-
cienne ; Se pludeurs autres monumens
dignes de la magnificence des Monar.
ques qui y ont règne. Nous marchâ-
mes une heure & demie dans ces rai-
nes. Vers le haut nous trouvâmes une
grofïê pierre d'environ vingt pieds de
haut , &c quatre fur chaque façade:
die me parut avoir fervi de pied d'e-
Hail ; & je trouvai fur un de fcs câ«:
teï une Infcription en lettres majilfcii-'
les , mais elles étoicnt abfolument ron-
gées , & il n'y avoir que les premiè-
res qu'on pût copier : elles font à la
fin, nombre 45.
Après nous être avancez dans la
plaine à deux lieucfs de Philippes, nous
entrâmes dans un Village nommé -W.»-
chelache , otj nous logeâmes dans uit
camp. Le 16. nous en partîmes à lai
pointe du jour : nous reprîmes noiic
route du côcé du midi ; Se trois heures
de chemin nous mirent dans le Cafa-
bas de Pravi : nous nous y arrêtâmes
quelques heurcsà caufède la pluie. En-
fuite , continuant de marcher dans la
plaine , nous arrivâmes a O'-fi^ : ce
n'eft i prcfcnt qu'un Village ; mais fans
doute qu'autrefois ça éié quelque Vil-
le confiderabl-. L'on y voit encore un
fon; beau Château ; mais il commence
k tomber en ruine.
Le dix - fept à la pointe du jouc
nous commençâmes à cotoïer \iJI4*'
ring : après deux heures de mar-
che , nous padàmes une grofle Rivière
appellée Bnurrous. Au lortir du bateau,
nous trouvâmes une prairie pleine ds
bui{ïons de plus d'une lifuc &c dei
de long : delà pendant deux bonrf
hairft nous traveriames une forêt ^
haute futaie. Enfuite nous découvrît
ua lac nommé Boujoubachy :
côtoyâmes en pluiieucs endroits j 1
nous remarquâmes , qu'il avoir plus!
quarante railles de tour : il porte I
leau , & eft fort poiflbnneux, A peË
eâmes-nous fait encore deux Iituj|
que nous en trouvâmes un autre,
phis étroit: on l'appelle Cakckoubâi
li eft fitué auçtcs de Langage :
i^^^W'^tf
_ n^ue & autres tltux. xf^
fîmes nôtre Connac à quelques pas de
ce Village fur le bord du Lac-
Le iS.partîsavaiit le jour , nous cô-
toïames le Couchoubechy près de Koia
heures. Comme il fait quantité de ma»
lécs , les chemins nous parurent ex-
trêmement diâiciles & lalTans, Nous
nous repofames quelque tems fous des
arbres : cnfuite pendinc une heure nous
montâmes une montagne alTez rude j
de fon fommei nom defcendîmes tou-
jours jufqu'à la Ville de Salon:^.
J'y fus trouver M, Arnaud Confut
de France. ]e lui rendis la Lettre de
M. le Cnmce de Poncchartrain , Se je
lui montrai la Lenre drculaire de M.
L'AmbalTadeur, Il me reçue aveç^hon-
tiètecé , me donna une chambre cnez
lut. Se me £[ outre cela mille oiFres
de fer vices.
SalouikoaTefTalonique a été autre-
fois une Ville fort grande Se fort ma-
gnifique. On y voit encore 'plufieuis
Arcs de Triomphes ; mais ils font touc
ruinez , fi l'on en excepte un qui eft
prefque entier , & où il y a encore
pluCeurs belles figures d'Antonin : ce
qui fait croire que cet Arc a ^té bâti
en foii honneur. Dans toute cette Vil-
le , Si aux environs » on reacontce Utt
i6ù Voyage dans tAfie mimui^^
nombre prodigieux de Colomnes. Elld
eft encpre^à prèfent entourrée de for-'
tes murailles. Il y a au(E plusieurs bel--'
les mofquées : c'écoient autrefois desl
Eglifes. Celle que les Chrétiens avant |
l'Empire des Turcs appelloient TEglife
de faint Demicre , eft fur tout remar^
quable ; e'eft un fofc beau vaifTeau;
foûcenu par tout de belles colomnes
de Marbre , de Jafpe , & de Porphyre.
Ce magnifique Bâtiment en a encore
par deflbus un autre de la même beau*
té ; mais il ne me fat pas permis de le
voir , parce qu'il y avoir des femmesl
qui y cravaill oient à la foïe. Au refte
1 on ma afluré , que dans ces deux corps
d'Egliie qui font l'un fur l'autre , il y
a plus de mille de ces belles colomnes.
Le pavé de l'Eglifc du haut a été au-
trefois à la Mofaïque : fon chœur eft
de la plus belle Architeâure. Entre
deux colomnes , fur un Tombeau éle-
vé d'environ quinze pieds , & appuïéf
contre la muraille , je trouvai une In-
fcriptionen vers Grecs, que l'on voie
parmi les autres nombre yo. Elle don-
ne une grande idée de celui pour qui
elle a éié faite ; puifqu'elle marque*
qu'il pofledoit toutes les vertus, & qu'il
Êiifoit la gloire de la Grèce.,
tyéffii^He & autres lieux. igi
De-là nous fômes à la Rotonde ; ça
^té un fort beau Temple ; mais il s'en
Fane bien qu'il égale celui de Rome.
Ll n'eft bjàci que dç briques : du refte
.e Vaidèaa eft beau , & il a été ao-
rrefbis d'une grande magnificence. On
Îvoic encore de très belles peintures
la Mofaïque. Je montai en haut,
Bc |e fis le tour 4e la coupe. L'efca* *
lier qui y conduit , a été adroitement
pratiqué dans la muraille , fans qu'on
s'en apperçoive : il faut avouer auiE
qa'elle a beaucoup d epaidèur. Il y avoit
autrefois plufieurs beaux foûterrains ,
dont on voit encore les entrées : ils
fent tous comblés de pierres ou d'or-
dures y ainfi l'on ne peut plus les aller
"voir. Je fus auffi vifiter la Mofquée ,
que l'on nomme encore fainte Sophie:
£Ue eft très belle & en même tems
f rcs vafte. Le clocher y eft encore ; il
^ fait de pierres de taille & de bri-
ques comme le refte du bâtiment. Voi-
ci une particularité que l'on m'en ra-
conta.
Lorfqne les Turcs fe rendirent mai-
très Je Teflaloiiique , la première çho-
fe qu'ils firent , fut de s'crtiparer des
édihces publics & principalement dos
^glifcs Ils vinrent dans ce delTeitx à
tfii Voy*gl diâîs tAfit mineure^ .1
fâinte Sophie : tous les Religieux s'é-
loicnc làuvés hors un qui n'avoit pu
voulu abandonner l'Eglile. Ce bon
Moine dit hardiment a ces Barbares,
que c'étoit fa maiTon, & qu'ils l'y fe-
[oieni périr plutôt que de le conTrain*
dre de ta quitter. Après une force refi-
(lance dans les differens endroits oil ils
• l'attaquèrent, prcflcde touscôtez il s'al-
Ja réfugier dans le clocher ; là il fit en-
core des merveilles pour conicrver Ton
porte. Mais les Turcs honteux d'être
ainfî fatiguez par un feu! homme , s'oK.
ftinerent à l'avoir à quelque prix qoe
ce fût ; & pour donner exemple aux
Habicans , ils lui tranchèrent la ter;
& lajetcereni dehors par une des fenc
très du clocher- Cette tcce tomba tout
le long de la muraille , & la teignit
fang. Les Turcs dît. on, qui ont chan-
gé cette Eglile en Mofqiiée , ont
tout ce qu'ils ont pu pour eftlM
la marque de ce S^ng- Ils onu blf
chi la place , ils l'ont grjtée 8c
vée cent fois : tous leurs tfForts
font trouvez inutiles. Loin de diminuer
le miracle que trouvent ici les Grecs,
- j'ajouterai que j'ai vu cet endroit de
«aes propres yeux ; qu'il eft vilîbic que
l'on y a mis plufii^uis couches de bUo^
fenc -
i tout I
nit de j
:han- J
m
ts fc 1
I tjiffriqKe & AUtret lirux. \4t
mais que le rouge , ou fi l'on veut le
iang , paroîi toujours fur la muraille.
Enfin nous fûmes à rEi»ii(ê des Grecs,
elle eft paUdble , & l'on pourroit mê-
me dire aflèz belle. On y voit le Tom..
beau d'Eutyches i'Antagonifte de Nefto-
rius. Il y en a plufieurs au:res toui de
Marbre , & furlefquels on trouve des
bas-reliefs & des Infcriptions. Je n'en
pus copier que deuï : elles lont Grec-
ques -y mais les noms , fur tout de la
première , fcmblenl marquer qu'elle»
ont été faites pour des Latins, Voïez à
\a fin nombre jo, & ji.
^ trouvai dans la Ville quelques
jdailles d'argent. Pour les avoir il
But pratiquer la Médecine : fans cela
on n'étoit pas d'humeur à les donner
ni à les vendre. Je fis donc le Méde-
cin; mais le Médecin de confcquence
^mÀC bon goût : je ne m'attachai qu'aux
Hbla'dies des Dames : je n'allois même
^1^1 que les femmes de confédération les
tIds belles & les plus aimables; & le tour
n la charge qu'on me trouvcroit des Mé-
dailles : point de Médaille, point de Me-
Ïne, Pat là je paiTai le tems a^rea-
nerit , & j'obtins ce que je fouhaii-
Qae ne fait- on point pour fa fant^ï
M un 1
CHAPITRE XXIX.
R<Ution du Monte fanto , c'eji-â-iire d»
ment ^thos.
^
COmme je demearai quelque tems i
Saloiîiquc : cette Ville n'ctani pas
extrêmement éloigtice du Monte ftnto,
c'eft-à'dice du moniAihos^Çv célèbre dans
les anciens Poctes pour fa hauteur, & lî
fameux parmi les Grecs modernes par la
quantité deSolita ires & deMoines qui s'y
trouvent : je crus devoir y faire un tour.
Ma curiofité n'auroit pas été fatisfaitc
(i je n'avois vu de mes propres yei;
toutes les chofes que l'on m'en contoit.
Je parcourus donc pendant ptuiien^.
jours ce delert /i renommé. Je puis dir.
qu'il y a peu d'endroits que je n'ait;
vifitez , jufqu'à une Chapelle qui cft j
au fommet de la montagne , & où l'on I
neva prefque jamais. Lorfque j'y mon-
tai il y avoit encore beaucoup de neiges :
mais comme c'ctoii dans le plus beau
lems de l'année, le Soleil l'avoir fond) '
prefque par tout ; & il n'y avoitp
que le côté du nord qui fût inacceffibl
Pour le ronimet , c'ell uo roc vif \
• -ijlffri^iie & mtres lieux. ifiy
fans arbres , où la neige ne refte pas
fi long- cems que dans les vallons,
^ptès en avoir palTc p'ufieurs à mi-
côte, la plupart fort ombragez, nous
arrivâmes enfin a la Chapelle. Com-
me elle eft far une montagne fort
élevée , les Religieux qui l'habitent
l'ont confaccce à la mémoire de la
Transfiguration ; & je fçûs que l'on
y chantoit la meflè , & que l'on y
pa0bit la nuit le fix Aouft avec un
concours de monde extraordinaire. Au
refte pour un lieu que l'on ne fréquen-
te prcfque que dans le grand efté , il
me parut bien entretenu. Le bâtiment
n'a pourtant rien de fort extraordinaire
que fa (Iiuation dans un lieu où il eft
furprenant que l'on ait pu élever une
Chapelle , puifque l'on n'y fçauroit de-
meurer on quart d'heure fans un grand
feu.
Ce que nos Géographes appellent
communément monte fanto , ne renfer-
me pas feulement le mont Athos ,
mais encore la chaîne de Montagnes
qui le joint au continent de la Macé-
doine. Cette chaîne a bien fept ou huit
lieues de long , fut trois ou quatre de
large. Les Grecs , ( & c'eft de là fans
^^auce que nos Géographes l'ont pris,)
K Tmc I. M
I
l6iS Veyâ^e daris tÂftc mmeurt,
donnent à cetce chaîne de tnonïagnes
joicte àl'Arhos , le nom 5",«*/'^»',c'eft.
a-dire le Mont Sainr : mais ior/qu'ils
parlencdumont Athosen paiticuliet, ils
le nommenc encore aujourd'hui Athos; 8e
de vingt Monafteces qui fe lenconc
dans ceite lolitude, il n'y en a qu
içavoir le Monaftere qui porte le non ^_
iainte Laure , qu'ils rcconnoillcnt erre
de cette montagne. Ce monaftere eft ' ■
plus grand & le p!us riche de touSi& Ton
peut mcme alTurer , qu'il porte à
jufte titre que les autres le nom de (
qui eft commun à tous : puifque
de-là que les autres apprennent
devoir , & ont reçu les règles
¥ie Monallique.
Au rcfte tous ces couvents reflem.
bleuE plutôt à des fortereires , qu'àdf.
maifons religieulcs. Ils font frrnnés d
bonnes murailles flanquées de Tours,
ou«au moins furmoméesd'un groî doT:-
i'on , qui ne manquent jamais d'artil-
erie ni de toutes les chofes necfiT
rcs pour une défenfe vigoureufé, (
une précaution qu'ils ont fagem
prife contre les partis & les iitupiù
des Corfaires , aufquels ils Ibnt exi
fés des deux cotez, Comme la ptâpl
de ces Monafli.*ies font bâtis à cinq d
osi8c
erre
..eft''
r,Sc l'on
.'M
■M
'>iMi«.«M«i
«7
lix étages , les appartemens & les
chambres y font vades & en grand
nombre ; mais je cronvai le tout ailèz
mal difpofii. Il n'y a proprement qae
lea Eglifcs qui puillent plaire : aulfi
font- cites d'une magnificence & d'u-
ne beauté qui palTe ce que l'on doit
attendre des Grecs. Elles font pavées de
Marbre avec quelque Mofaïque. Elles
font toutes couvertes d'un plomb , que
le Soleil fait briller comme de l'argenr.
Les murailles font ornées de fort jo-
lies peintures. Il y a dans plulîeurs de
ces Eglifes des coupoles , jufqu'au
nombre de cinq , foutenucs par de très
belles colomnes : de forte qu'aux lieux
même ov\ la religion Chrétienne cft la
^tooinantCjCesEgliles Grecquesferoient
Hpicdces comme magnifiques-
^Vonr la grandeur, la plupart ne foui
!P»'Ta(les ; on les a néanmoins diftin-
guées en quatre parties. La première
cft une cfpece de portique ou à.'^irinm
JLa féconde fait le vcftibule. La troi-
lîéme , qui eft la plus grande , fert de
chœur, éc renferme les bancs oïl les Prê-
tres Se les pacciculiers fe mettent. En-
fin dans la quatrième eft l'Autel oâ l'on
dit la Mefte ; perfonue que le Prêtre
ife y emrcr. Tout cela eft fait d'une
M ij
'les ^oy^Z' ^""^ ^■'ipe mitiâH»^
manière folide, bien voûté , & peint
depuis le hauc jufqu'au bas. il y a ou-
tre cela plufieurs beaux tableaux , venus
la piâparc de Mofcovic , où l'on a pour
la peinture un alTez boni goût , & Tui
tout bien meilleur que dans la Grè-
ce.
Tous ces Monafleres n'ont pas été
bâtis parles Grecs. Il yen a quatrequi
reconnoilTent les Bulgares pour leur*
Fondateurs , & qui ne font habitez qua
par des Moines Bulgares. Deux autres
ont été bâtis & tentez par des Princes
d'iberie & de Mingrelîe : il y a à pre-
fent peu de Religieux de ces deux na-
tions. Enfin il y en a un qui doit fon
établiflêment aux Mofcovites & aux
Cofaques y où l'on ne reçoit aucun
Religieux d'autre nation : ce derniei
eft pauvre. Tous les autres font re-
monter leur origine au tems de Con-
ftantin ou de Tes enfans : mais il y a
dans leurs prétentions une exageratitai
manifelle. Les Infcripiions que l'on
voit dans leurs Egtifes , ne parlent la
plupart que de quelques Empereurs
beaucoup plus récents; quelques-unes
même ne font mention que des Vaivo-
des de Valaquie Se de Moldavie ; ainiî
cette piétenduc ancieaneté dont ils
t j^jfrifue & autres lieux. igf
font parade , fans doute pour le ren-
eîrc plus recommandablcs , ne peuB
éblouir que ceux qui font aiTez (im-
pies pouc les en croire fur leur pa-
role , fans fe donner la peine d'ap-
profondir. Les noms qu'ils donnent à
leurs Monafteres , font prefque tous bi-
zarres. Ils ne fçauroient eux-mêmeeii
rendre raifon ; quoiqu'ils débitent là
delTus quantité de fables , dont l'une
détruit l'autre ; &C qui n'ont la plupatC
aucun ombre de vrai-femblance.
A proprement parler , il n'y a en-
tre ces Monafteres aucune fubordina-
tion ni dépendance l'un de l'autre ; de
forte qu'on peut dire , que ce font dif-
ferens corps que la Relijrion fait vi-
vre en union les uns avec les autres ,
comme s'ils n'en formoient qu'un. Il
y a au Centre de ces Monafteres un
Bourg nommé Kapiarh , oil l'on tient
tous les Samedis "un marché : l'Evêque
de ce pais y fait fa réfidence ; mais il
n'a aucune jurifdiÛion fur les Moines,
& il ne peut aller leur conférer les Or-
dres , que lorfqii'il y eft appelle ; parce
qu'ils croient avoir droit de fe faire or-
donner par tel Evcque que bon leur fem-
ble. L'E^lifè de Kapiarb porte nean-
^■oins le ikte d' ylcroiMa» -, c'eft-à-dîre
■ M iij
J
170 yiiydge dans tAfie mmure^
Tres-haHte. Elle eft defervie par quel-
ques Moines détachez des ptiiicipaux
Monafteres.
il y a encore au Mont Athos une EgUfe
confiderabie ibus le nom de fainte An-
ne. C'eft le lieu où s'afremblent& font
leurs dévotions les plus folitaires j c'eft-
à-dire ceux qui dans ce deferr mènent
la vie d'Anachorectes. Il y en a de
cette forte cinquante ou foixante dont
les uns £ê tiennent abfolumeiit fèpa-
tez du genre humain , & les autres
deœcuieni deux eufenible. Leurs cel-
lules au nombre de quarante font
dans unç folitude afFreufe , dont le
feui afped caufe de l'horreur. Ces
Auacboretces font paroître dans leurs
manières beaucoup plus de pieié & Jl-
tccuciUemenc que les autres- Il ae 1^
foùtienneni que du travail da leur
maiùS î à l'exemple des anciens Moi
nés. Us ont une cfpecc de Dîteâcu;,
qa'ils appellent Di4::iài, c'eft-à-dirc -^
ju/h ; mais ce Dicaios dépend lui m«me J
de l'Abbé de fainte Laute , parce que
leurs cellules font bâties fur le terrain
de ce Monaftcre. Les autres Cou.
vems ont aufli dans leur territoire
quelques petites Egliles accompagnées
chacune d'une habitation. Ils ont tai>
Fjijfr{{jue & autres Ceux. ijt
Ton d'appeiler ces habitations KeUia ;
car ce ne font que des fermes habi-
tées par un -on deuxCaloiers , qui cuU
rivent les fonds qui dépendent des
Monafteres , & en rendent une certai-
iie fomme par an. Les Religieux ont
mêtne le droit , après la mort de ces
agens , de prendre le proHt qu'ils pour^
roient avoir fait pendant leur vie ; &
le fruit de leurs travaux retourne toû*-
iours à la menfè abbatiale.
Tous ces Religieux obfervent pon-
âuellement trois chofes qui font com-
me les trois vœux de UOrdre : la pre-
mière , eft une abftinence rigoureufe ,
qu'ils prêchent dans tous leurs entre-
tiens , & dont ils poiiflènt eux mêmes
extrêmement lom la pratique. La
w féconde , eft de palfer plufi^urs nuits
de Tannée dans leur Eglife en oraifon,
' on à chanter les loUanges de Dieu ;
ce qu'on appelloit dans les premiers
- (iecles du Chriftianifme les vioiles. La
troifiéme, eft de ne fouffrir dans leur
montagne aucune femme ni même
aucune femelle des animaux dôme-
ftiques. Quelques - uns même comp-
tent pour un relâchement d avoir , com-
me ils ont à prefent , dans leurs Mo-
nafteres de jeunes Diacres : ils citent
M iiij
fur cela leurs anciens Auteurs , qui
toarqueni , dilent-ils , qu'autrefois il
y avoir une maifbn (êparée pour l'é-
ducation de ces jeunes gens ; & qu'ils
éroient gouvernez par des vieillards
d'une pieté exemplaire. Mais rîen ne
doii furprendre dans le relâchement ■
de la difcipline d'un Convenc & des
autres grands Corps, compofez de tai^
de perlbnnes , dont les mœurs coffl"'
me les païs font ditFerentes ; furt
lorfquc cela n'arrive qu'à la fuite <
iîecles. Le tenis altère tout jufqu'à 1
vérité , qu'il ne lailTe point nue
qu'il habille ordinairement d'une i
nicrc bifârre.
rjffAqne & antres IUhx. %j^
CHAPITRE XXX.
Smte du VQtagt. Plaine de Magregorio^
Larijfe en JLarzje : Rivière de Salem-'
Ima on Liconflitin. Phemmene extraor^
dinaire. faille de Zeiton : fa Rivière.
B as ^relief : Infcriptions,
A Près avoir ainfî parcouru le mont
Athos , je retournai à ThefTalo-
tiique .* ')Yic9taÀ encore quelques jours,
Îour attendre un Caïque. Le 8. JuiU
ît , le Soleil couche , nous fîmes voi-
les. Nous traversâmes le petit golfe &
nous pafTâmes Platamone : c'eft un lieu
fort gros , & dont le Château peut
être de deffl-nfe j aufli eft-il bâti fut
une montagne , & en état de com«
mander à tout le païs.
Leio. avant le jour nous noustrou*
vâmes devant quelques baraques , oà
l'on a coutume de débarquer pour
paier la doUanne &c fe rendre à Lar«
ze. Je ne voulus pas débarquer là ;
nous navigeâmes donc encore une
Jieure , & nous débarquâmes au pied
d'une montagne. A peine avions «
:l>ous mis à terre une partie de nos
M V
'liy/rn dans fj^Jîe mineure,
hardes , que nons vîmes paroître an
des gardes de la Douane. Il commença
par nous charger d'injures , & faire le
méchant. Il alloit même tirer fon fa-
bre -y mais je pris mon fuftl Se le cou-
chai en joue. Il en eut une peur ex-
trême ; alors.je lui marquai qu'il n'a-
voit rien à craindre s'il ctoit fage. Je
lui fis ôter fon fabre par mon valet \ Sc
après l'avoir mis à la raifon, je le fis
boire avec nous : il nous laiffa donc
en repos. L'on m'amena de CatilTo des
chevaux qui y portèrent ce que |'avois:
Cariffo n'eft éloigné de la montagne
où nous étions que de deux mille ;
c'étoit la demeure de nôtre Calavefil,
c'eft-à-dire, du ï'atron de nôtre Barque:
il nous logea chez lui, oïl nous rcfti
mes toute la journée. Le DouanniL-:
vint m'y trouver accompagné d'un au-
tre garde , dans le deltcin de me faire
païer de gré ou de force : mais ils me
trouvèrent fi réfolu , qu'ils (ë conten-
tèrent de faire la vifiie de mes hardes,
& après avoir bû du cafFé , ils s'en al-
lèrent.
Le II. nous defceiidîmes d'abord ia
montagne pendant une bonne heute.
Nous marchâmes enfuite dans un chei
min alTez plat , qui nous mil dans le
Fjiffr.ifHe & autres Vieux. i^y
^pêtic Village de Bdba. De -là nous
avançsiines Tur une éminence , derriè-
re laquelle eft une plaine d'environ
deux lieues de tour. Cetce plaine eft
celle de Magregorio^ fameufe par une
bataille {ànglante donnée autrefois en-
tre les Grecs & les Turcs. On y en
voit encore des marques \ Ton a pofé
des pierres fur les fepultures de tous
ceux qui y furent tués. Il y en a une
quantité fî prodigieufe que la terre
en paroit toute herifée ; ce qui peut
dooner une idée du nombre des
morts. L'on diftingue même mal-
gré cette confusion , la qualité de
chaque mort ; toutes ces pierres étant
de dijfferentes grandeurs y proportion-
nées au rang que tenoient ceux fur
qui elles font pofées. Celles des (im-
pies foldats font fort petites : on en a
mis de plus grandes pour les Officiers;
& celles des Chefs parroifTent autant
au deiTus de toutes , que ces mêmes
Chefs étoient élevés au defTus de tous
les autres de leur vivant. En fortant
de cette plaine , nous rentrâmes dans
une autre quj dure jufqu'à Ldrfe , oik
î'arrivai à fix heures du foir.
Il ne faut que contempler cette Vil-
le un moment , pour juger qu'elle ai
M vj
lyiftf dans VAfte mlnmrt,
été autrefois fort grande & des plus
fameufes : mais ce qu'il y avoit de
beau , eft à prefem ou toui-à-fait dé-
truit , ou lombant eu ruines. Il n'y a
plus aucunes maraillts qui l'eiîtourcntî
& fes maifons ne font la plupart bâ-
ties que de terre. Anciennement Ji y
avoit par tout de magiiiticiHes édifi-
ces : l'on voit en plulîcurs endroits des
reftes de beaux Temples & de fuper.
bes Paltis.
Larfe eft lîcuée allez avanta^eulë-
ment dans une plaine fertile , & fort
arroféc d'une belle Rivière qui palTe
au pied de Tes maifons. Il y a entre
la Ville -& le refte de la plaine une
communication p^r un pont de pier-
res des mieux confirmes. Sa Rivière
porte deux noms : Un que lui ont don-
né les Grecs , qui eft S^UmbrA ; l'au-
tre Licaiifîufi , qu'elle tient des Turcs.
Malgré la diminution de Larfe il ne
laide pas de s'y faire un petit commer-
ce de divecfes fortes de chofcs ; mais
le négoce le plusocJinaire eft de peaux
de Rouiïï ; ii y eft veritablt;mcntcon-
fidcrabie. Pour les H.ibitans ^ c'ell
comme prefque pjr toute la Turquie
il y en a de trois fortes. Les Turcs
y font la plâpart mécbans Se eâro^^
l'^ffr'Kjue & autres lieux. xjf
tex. Il n'y a qu'une Eglifc pour les
Chrétiens Grecs ; quoique ce foit ud
£véclic. Les Juifs y font au nombre de
plus de deux cens familles , dont la
plupart poflidcni de ^landes nchcflès.
Si font la banque. Depuis quelques aib
nées OH y a établi un Conful Anglois:
il y fait pour fa nation un fort gros
commerce de bleds , dont il charge
ordinairement pluficurs bâtimens , qu'il
envoie dans les difFeccntes parties du
monde, & qui lui raportent un grand
profit.
Le iîxiéme Juin il arriva dans cette
Ville un phénomène aiïez particulier.
Environ fur les deux heures après mi-
di le Ciel étant par tout fort fërein^
il parut du côte duNocd un petit nui-
tée , qui marchant d'une viteffè in»
croï^ble , faifoit avec cela on bruit
terrible, Arr^ à quelque dillance de
la Ville , tom d'un coup il fc fendit
en deux : on peut croire qa; ce ne fut
pas fans quelque vacarme. Ce qu'il y
a de furprenant, c'eft qu'il en tomba
alors une pierre de vin^t-quatri? oc-
ques , c'eft-à.dire de foixante & douze
livres pefant. Je fus comme les autres
l'examiner ; elle fenioit extremémcnc
le fouffre , & avoit alfez l'air du ma-
Xj$ ï^eyâge dam ^ Jifit mmture
chefet bialé. On en rompit un mor«
ceau qui comme une rareté fut en*
voie au Grand Seigneur : le relie de-
meura chez un Cadi.
Je fis dans cette Ville de grandes
recherches de Médailles , j'y en trou-
vai plufieurs bonnes d'arj;ent. Pour les
Infcriptions , quoiqu'il y en eût , elles
étoieni toutes trop imparfaites & trop
efFacces pour en copier aucune. A trois
lieues de Larfe il y a une autre Ville
appelle Tourne ; fon commerce en tou-
tes fortes de marchan^i(ês eft fort
grandi ^ l'on y vient de tous les co-
tez & de fort loin à caufe des belles
foires qui s'y tiennent.
Le 18. Juillet , partis de Larfe à
deux heures du matin , après avoir
marché quatre heures ; pour laiifer pai-
fer la chaleur , nous nous repofànies
dans le ViHace de Bfacasjee.Xin.ya. nous
nous avançâmes encoreTerpace de Jïx
lieues : nous palTàmcs ^Inarly & Ch,(-
tfdy, Sinarly eft une Rivière, & Cba-
terly une haute montagne , derrière la-
quelle ndus fîmes liôcre Connac fous
des arbres.
Le 19. levez dès la pointe du jour,
& après avoir iraverfc pendant trois
heures des chemins fort dangereux pouc
fJjfrlijHe & dittris deux. îy'^
îes voleurs, nous montâmes enfin foc
le monf d'Iotiit ilervent. Il eft des plus J
luuts ; & lorfque du fommec on re-
garde les lieux voifins , on apperçojc
une vafte plaine , & au milieu un grand
Lac, que les gens du pais appellent
Da-ont.elic : c'eft fans douce le Lac Bi~
hit dont parle Pline, Nous mîmes fix
heures à defccndre de cette montagne.
De-là nous nous nous rendîmes à Zei-
lon. Cette Ville eft bâtie  des cÔ.
teamc qui paroiireni comme des rejet-
tons d'Ionil- Les reftes de bâtimenT&
le grand nombre de matériaux qu'on
y voit font connoître qu'elle a été
fort confiderable. tUe avoit autrefois
deux grands Châteaux vis-à-vis l'un de
~*^utre : l'on en voit encore un prelH
: entier ; l'autre eft ruiné. Le mi-
1 de cette Ville eft une efpece de
pilon : il y palîe un petit rmlfeau :
1 m'a dit que fa fource eft abon-
, & qu'il n'eft fans eaux en au-
pn tems de l'année. Devant Zeiton
^ une belle plaine très fertile parti-
iriierement en bleJ- Elle eft ornée de
fièrens Villages dont les jardins po-
kers Bc fruitiers prefentest à la vue des
Kages admirables , qui joints à la beL
^V^sicK d' EayUd» qui ypalTe, fout
'^àgt dans l' A (le rnihtuft, '
un effet charmant. Cette Rivière qtû
cil le Sperchiitj des Anciens, eft afTcz
grblTe pour porter des bâtfauï. Elle re-
vient toujours fur Ces pas , & l'emble
ne quitter cette belle plaine qu'avec
diagrin. Après le Nil & le Meandi
ileilpeu<Ie Fleuves qui ferpententp
que celui-ci. •
La Ville deZeitonn'eft habitée fl
par des Chrétiens & des Turcs ; pa
le Châtca^l'on n'y voit que des J
homeians. Sur la porte par où j'enti
je trouvai un Marbre blanc avec \
bat-relief d'une figure qui jolie d'unj
ftrument alfez fcmblable à la lyre. M
près eft une autre petite (ï^ure grod
quement habillée en capuchon, & iê
l'aiiitudc d'une pei Tonne qui danfefl
au chant ou au fon de l'indrument 1
l'autre. Dans tout Zeiton je ne pusw^
que deux Infcrij-Tions ; l'une enl'lu
ncur d'un Xenophante , l'autre qui p
le de deux Demofthenes. Voicz à lÀj
iionib (1. & j}.Jl* ne doute point e
n'y en ait plufieurs dans les maJn
particulières : mais les Turcs pofleM
les plus belles ^ & ce n'efl: pasnnej
lite affaire à un Chrétien que 4'*
entrée chez eux.
Vj^qui & 4HMi lieux, x%i
CHAPITRE XXXI. t
llUge de Stilidd: Arrivée d Nègres
font : fdttimlantez» du flux & reu
flux atr' cette Mer qui eftr CEuripe^
Atkmes , fa fituation. Retour a Ne^
grepont. Ifle & Ville d'Andros^ HL
fioire de cette futile , Infcriptions,
m
>kE cette Ville que je quittai le ii.^
^ trois heures après midi,nous primes
ître route par Levant & Siroq. Nous
iverdmes d'abord la plaine, & après
>is heures de marche nous arrivâm-
es à Stilida. C'eft un gros Village
li n'a pour Habitans que des Chrê-
*ns. Le païs en eft beau & très fer^
e ; & pour un Village , j'en trouvai
Iglife rort jolie.
Le 13. à dix heures du foir jem'em«
rquai dans un Caïque pour Nègres
9t. J'y arrivai le 15. à dix heures du
itin , je fus* loger chez M. Guion
)nful de France. Je le trouvai mal
ur un Conful : mais je n'en fus pas
rpris , lorfque je fçûs que le Bâcha
cupoit toutes les plus belles mai«
ns.
iSi ^"y^i' damtAJîe mîneMre, '
Negreponc eft une des -belles Ifles
de l'Archipel : elle eft abondante en
toutes chofes ; & l'on m'a alTuré cjuVl
le avoil ,50000, de tour , ijoo.de !pii-
giieur, & de largeur 40000. en ph;
Meurs ciidroics. ia principale Ville pcr
te fon nom , & eft fituée fur ie bcr
de ta Mer iuft-.-ment dans le lieu (..
l'ifl^ eft le plus près delà terce ferme
il n'y a entre deux cju'uti petit eau.;'
de Mer. On y a bâti un beau pont i!
pierres de quitre arches excrcmcmc/
hautes : fous la première qui eft i :
côté df la Ville, les VailTeaiix & ùu.
1res bâtimens p.iir-nt tout h leur aile
après qu'on en a ô.é le pont-lcvis. On
3 tcù|ijars be.ii'.cnup parlé de l'Eurlp^
ce n'cft autre cliofc que l'endioit que
je décris , où l'on dit qu'Ariftote (e
jeiw , ne pouvant comprendre lacau-
fe du mouvement perpétuel de ces
eaux. Voici quelques paiticularitez que
j'en ay remarqué. Le flux & lereflui
■y eft d'une violence épouvantable : il
y fait aller & retourner très vite plu-
(îeurs moulins, qui font fous les arcli
du pont , tout cela avec des bruu>
horribles. Il n'cft point réglé comme
dans les autres Mers ; fouvent en \m
feul jour il change douze ou quin»
^^'•Affnque & antres lieux. i8j
fois & même jufqu'à vingr. Je l'ai vu
changée (ept fois ea une heure j &.une
autre jour que j'y reliai plus de .deux,
iî ne changea quune feule. Les mou.
lins donc j'ai parlé fuiveiic toutes ces
agitations -, & lelon que le fl ix & le
reflux va de l'un ou de l'autre côcé, on
les Toii audî tourner de côté ou d'au*
ïre. Comment trouver les caufes d'an
effet G peaconft.iiit î Je crois que d'au-
tres qu'Ariftoi: y auroient été emba-
ralfer.
Comme j'avois conçâ le dclTein de
voir Ai-Mtes , je partis de Negrepont
le 15 à fix heures du foir. Je traver-
lài IdforterelTè, & paflai l'arche où eil
le pont-!evis. Nous marchâmes enfui-
re une demie heure par des chemins
rabotceux , qui nous donnèrent bien
delà peine. Ce jour la nous ne fîmet
qu'environ trois lieues , après tcfquel-
les nous nous repofàmcs jufqu'à plus
de minuit. De-là, avancez dans la mê-
me plaine, nous trouvâmes une mon.
tagne affez rude , qui nous dura près
de trois quarts d'heures à monter. Sur
le haut nous trouvâmes une Chapelle
abandonnée que l'on nomme faint Marc:
nous demeurâmes auprès jufqu'à deux
Bure; aprcs
:nidi , pour lailfer paiTec
I
484 Voyige dam rAfxe mlntHre,
la grande chaleur. Nôtre route a'
toujours été par midi , & da côté
Soleil couchant. Avant que d'arriver
à Athènes nous en découvrîmes de
loin les maifons & fur tout les rui-
nes.
Les dehors de cette fameufe Viile,
& les démoHtions que l'on voie d'une
didance con/îderable , font des pceu-
ves qu'elle acte autrefois une des plus
pniflântes Vilîes du monde. Au de-
vant & du cote qne nous y entrâmes, efl
une forêt de beaux Oliviers qui en
font comme l'avenue . & rempliflent
une des plus belles plaines. Je fus lo-
ger chez M. Guion Conful de France;
11 me reçût avec toute l'amitié poflï-
ble i & je demeurai chez lui pendant
tout mon fejour. Athènes eft fîtoéefur
la pente d'un côteau.& aux environs
d'un rocher qui s'élève dans la plaine
dort j'ai parlé. Elle a la Met du coté
du midi : au nord , elle ell en quelque
façon couverte de montagnes ; mais
de montagnes , qui avec leur hauteur,
ne prcfentent rien que d'agréable.
Ses ruines comaie on le peut juger,
font fa partie la plus remarquable.
En cffit quoique les maifons y fc "
cji grand nombre , & que l'air y
.j^^
FAffrifue & autres lUux. xgf
admirable , il n'y a prefque point d'ha.
bitans. Il y a même une commodité ^
que 1 on ne troave pas ailleurs ^ y de-
meure qui veut , & les maifons s'y
donnent (ans que Ton en paï'e aucun
loïer. Au refte fi cette Ville célèbre eft
de toutes les anciennes celle qui a con-
iacré le plus de monumens à la pofte-
rite , on peut dire que la bonté de Ton.
dimat en a auflî confervé plus qu'en
aucun autre endroit du monde y au
moins de ceux que f ai vus. Il femble
qu'ailleurs on fe fbit fait un plaifir de
tout renvçrfer ^ & la guerre a caufé
prefque par tout des ravages , qui en
ruinant les peuples , ont défiguré tout
ce qu'ils 'avoient de beau. Athènes feu-
le , foit par le hazard ; foit par le ref-
pedk que Ton dévoie naturellement avoir
pour une Ville . qui avoit été le ficge
des fciences , & à laquelle tout le mon-
de avoit obligation : Athènes , dis -je,
a été (eule épargnée dans cette deftru-
âion univerlelle. On y rencontre par
tout des Marbres d'une beauté & d'u-
ne grandeur furprenantej ils y ont été
iprodiguez ; & Ton trouve à chaque pas
des colonnes de Granité &c de Jafpe.
Son Château eft fur le rocher : il
n'eft habité que par des Tuircs.Les JvÀk^
»8tf VoyAge dans fj^fte mineure,
n'y ont pas plus de quinze ou vir::_
maifons- Celles des Mahomctans i
montent pas à plus de trois cens , ^
en gênerai les Athéniens d'aprelti :
font prerque tous Chrétiens. Ce i : .
Ville a été & efl encore tiès bien foui i: .
de pmis & de fontaines ; les eaux i!:
celles-ci iont mêuie la plupart fort [ i
.Uitaires. Il paroit parceque je viens i
dire, que l'air d'Athènes eft desoiei'
leurs ; cependant comme les corps i..
s'accommodent pas tous des aicmcs
chofcs , i! y a apparence que cette Vil-
le étoit pour le mien un lieu peulain)
car pendant quatorze jours qu* j'y de-
meurai , je fus toujours indifpole ; it
à peine en ctois.je forti le jr. d'Aouft
que je fentis mes forces revenir d'une
manière furprenance.
|e retournai à Negrepont pat Jet
mêmes chemins. J'y arrivai le lo. &
j'y nauMfai un petit bateau pour me
porter à ^ndros. Nous fîmes voilcsle
14. & nous navîgeâmes l'efpace de
quatre heures par un vent de Nord.
Enfuite il fe rafraîchit trop , & nous
obligea de mouiller à une plage vtâ-
fine du lieu oil nous nous trouvions.
Au foleil couché le vent fc radoucit;
nous av^n^âmes jufqu'à fon lever. La
rAffnque & autres lieux. 187
t étant devenue fort grofTe , fut caiw
}a'on fe mit à l'abri d'une Ifle. A
tre heures de l'après midi , la tem-
i caimée , nous continuâmes nôtre
ce jufqu'au foleil couché. Enfin le
après avoir traverfé une quaran-
e de petites Ifles qui font dans le
ud de Negrepont, nous entrâmes
s celui d'Ândros. Nous aurions
t-être été ce jour-la jufqu'à l'Ifle
ne ; mais la mer groffit extreme-
it & nous reftâmes à l'ancre dans
Calanque , c'eft - à - dire aans un
ds.
,e i7« au matin nous fîmes voiles:
rajet n'étoit pa^confiderable; mais
anger fut pour nous plus évident que
ais. Outre que les vents nous étoient
craires , & redoubloient continuel-
ent nos ailarmes , nôtre bateau trop
ué & fraca(Té par une bourafque,
loit l'eau de toqs cotez ; & nous
laçoit manifeftement d'une mort
:haine. Après m'être recommandé à
11, l'encourageai mes gens du mieux
l me fut poffible : & je leur fis
e quelques coups w bon yin pour
donner de nouvelles forces. En-
après avoir mis nôtre petite voile
bâfle , ils rantexcnt de tout leur
coeur , ôc nous gagnâmes la terre d'J' i^
dios- Nous ne laillàmes pas de conti-
nuer nôcre route , nous voulions aller
mouiller au port faim Gabriel ^ où nous
entrâmes fur les dix heures du nuu
tin.
Ce port eft au pied d'une hante i
montagne dont le fommet appartient-
à des Colores. J'envoïai chez eux-dc-i
mander des voitures pour porter mei j
hardes. Je chargai les mules que l'on!
m'en ^ena ^ & je montai à leu
Monaftere.il eft dédié à la Sainte Vier-
ge , & a tout lair d'un bon Château.
Il y a même une Tour des plus han-
tes y toujours munie de petites pièces
de Canon. Le Convent ne renferme
pas plus de vingt Religieux : ils vi-
vent comme des hermites. Je n'y man-
geai que du fromage & des olives; le
vin que j'y bus me parut fort aigre.
J'y reftai tout le iS. parcequ'il n'y avoil
point de mules pour me porter de l'an-
tre côté de l'ifle. Le 19, partis à fix
heures du matin , nous marchâmes
pendant fept par des montagnes fort
hautes , & fur tout extrêmement ru^
des : nous nous rendîmes à l'habita-
tion du Sieur de la Grammatique, qni
dans cette Iflç fait la fonâion du Con-
fui
rAfrii^Ht & «utres lieux- i^P
fui de France. Il me receut bien hon-
nêtement, & me rei^ala d'un vtiiexcel.
Icfit qui fie évanouir uoe paille de ma
lallituite.
La Ville d'Andros qui porte le nom
de fon Iile,eft d'une ftcutfture remar-
quabie. Toutes les perfonnes un peu
confiderables habitent à prefeni dans'
de hautes Tours , qu'ils ont fait clc,"
vet ; & l'on a pcetque perdu la coû-'
tame de bâtir des mjilbns ordinaires;
parce que les autres commencent à le»
imiter. Cela n'a été iniroc!uit que pour
fc mettre à couvert de l'infultc de*
Corfaices : l'on y a toujours des armes
& des munitions. Ce qui cft de plai-
dant , c'cll que l'on y monte par une
échelle qu'on tire après foi j de forte
qae l'on demeure eniuitc dans la Tout
comme dans une véritable prifon. On
œe conu une hiftoire qui, a ce qu'on
prétend , a été la première caufe de ces
grands bâtimcns, La voici.
Il y avoi: autrefois à Andios «
quantité de Turcs , dont les Chrc- «
liens apparemment trop miîrraîicz, ft
avoient réfolu de fcdeffkire, La bien- «f
feance vouloir que leur infortune vîni«
d'ailleurs i & il n'étoic pas raifoiina-«
ble à des fujecs d'atiemer a la vieS:«
Tomt I.
N
LÏtllï I
far ]
Voyage dans i'yifte rnineurt^
la liberté de leurs Maîtres. Attllî
» les Gctcs , pour ne poini attirer
«eux la paricioii d'un tel crime, remi.
M reni la perce des Turcs qui les tn-
n comniodoient à la difcrctioti d'aii
»• Corfaire nommé Crevelié. Ils le paie-
«reiicppLir cela, & l'introdui firent cux-
tt mennes dans leur Ville. Mais on T^ait
1 ce que c'eft qu'un Corfaire : fa eu-
> piditc ne fe contenta pas des dépouil-
» les des Turcs & de leurs maifons,
«il fit piller aulïï celles des Chrcticnî :
m de forte qu'Andros fut réduite 3 l'c-
» lat du monde le plus pitoïable.
Les jardinages d'autour de la Ville
& fur tout des maifons des campagne»
voiHnes font d'une grande beauté , &
font d'Androsune lÀc charmante, Auf-
fieft-elle abondante en tout & parti-
culièrement en huile & en foie. Les
vins y font exquis & s'y gardent tr«
ïong-iems. J'y en ai bû de fix annéj-
je le trouvai délicieux. Celte Iflcétr::
autrefois beaucoup plus habitée qu'elle
n'eft. De plus de vingt Couvents qu'il
y avoir , il n'en refte que trois , dont
âeuï font dédiez à la Sainte Vierge &
le troifiémc à (âint Nicolas, Le icrt.ni
d'Andros efl montueux ; mais ces mot-
ïmes ne laiiferoienr pas d'être.
fÀffnqnt & 4Hlres lien x. i^t
très fetiiics , Tt l'on avoit foin de fci
cultiver. Les vallons font pleins d'o-
rangers, de citronniers & de toutes for-
tes d'aurres arbres dont les fruits font
fort bons,
A une licuc de cette principale ha.
bitation , & fur une langue de terre
qui s'avance dans la Mer , eft comme
xine efpece de Ville , petite à prefent ;
mais qui paroît avoir été confiderable
autrefois. Je n'y vis qu'nnc centaine de
maifons au plus. Les ruines dentelles
font environnées tiennent autant de
place que la Ville tncme. Les R. P.
Capucins y bàtiflentune maifon , dont
l'Eglife qu'ils dédieront à faint Bernar-
din , fera fort belle. Je m'amuiai à
regarder les Ouvriers qui y travail-
loient ; comme ils alloîciit pofer la
clef de la voûte , ma prefence ncleuc
permit pas d'en faire la cérémonie eux-
mêmes; ils m'en vinrent prier , &c je
Je fis fans repunnance ; ce qui leur
donna une joïe extrcme , qui redou-
bla encore lorfqu'ils* reçurent tous de
moi dequoi boire à ma fanté.
Le R. p. Chérubin, qui conduit feul
ce bâtiment , témoigne dans toutes fi^s
avions un véritable zèle de Miflîoo*
r' e. Son emreprife eft grande
N ij
I
ftft Voyage d4ns tjifu mineure , 1
jil n'eA pas aifc aux Catholiques debiv
XÎt des Eglifes Tous la domination des
Inlîcleles ; & encore moins dans les
endroics oïl fous les Mabometans les
Schirmatiques font en crédit.
Dans toute Tlflc d'Andros il n'y a
<jue lamaifonde la Grammatique qflï
foit de la Religion Romaine. Les Tura
n'y font qu'au nombre de Quarante ;
piais c'en cft trop pour toute l'Ille ;
ils la ruinent entièrement ; & fes Ha.
gitans éclatent tous les jours en plain-
tes contre leur tycannie.Levent decra-
mentane tegne dans cette petite Ifl:
ifcndant trois ou quatre mois de l'an-
née ; ce qui fait que l'air y eft toûjoun
fort fain. J'y trouvai en pluiieurs cn-
.droiis de belles pièces de Marbre , &
(des morceaux de ftatucs ; d'où je coH'
jeûurai , qu'il y avoiteu auitefoisdf!^
édifices conlîderables, Voïez à la fin
nonjbre ;^. tine petite Infcripiiop que
j'y copiai : elle n'étoit pas la feule }
mais les autres n'étoient plus lifibl»'
Je finirai ce Chapitre par unechofe-']
me parut paiticulîcrca i'Irte d'André
(c'eft que pendant mon fejoui je ii\
3UCUii moineau ; & l'on m'affuioit n-. -
jna qu'il n'y en avoir jamais eu, r^
fendant ^Ui ]C9 auu'£s eiidroiis ^ ^
t^'jfriifue & autres lleuv. i^f
■ ai eu occafion d'aller , j'ai toâjouï»
(Eouvé de celte efpece d'oifeau.
W^ CHAPITRE XXXI. |
Suite du voiage^'/J2: de Chio. Rtct-'
ftiort du Coft^^Franfois ; la peur de
UHte U Ville. Hijtoire de l'Ifle de
• Chio : Greci du rit Utin pcrficHteT
par ks Grecs SehifmMtitjitei,
LE 1+ après avoir biffn rerrtercifi'
mon hôte de la màiliere honnctfl
dont il m' avoir fait traiter chez lui ^
je fus m'embarquer dans un gros bâ-(
feaa du pais qui 341oii à Chio. A C3a>
le de la boiinace nous colorâmes
riHe jofqu'aû dernier cap : là nous don-
nâmes fond environ fur le minuit ; 8C
le jo. nous nous mîmes en canal : les
vents éroient Grecs & Levants , & nous
allâmes afiez bien tout le jour. A l'en^
rrée de la nuit nous abordâmes la
terre de Chio , & nous" nioUiitâ mes-
dans une Calanque oil nous paflâmes-
cette nuit toujours fur le qui-vive , 8c
dans la crainte des bandits qui coa-f
rent ces quartiers, "^
^ Pr-Ià, partis^ U pâlnte dutjour, nout'
»94 Voyage dans V Afie mineure,
cotoïàmes encore l'ifle jufqa'a'i foiiquC
nous arrivâmes au port de Chio : je
débarquai avec mes armes. Comme U
écoit tard , les doiianniers voulurent
toe les ôter ; mais dès que je leai: mgn-
trailc Commandement du Grand SeU
gneur , ils celTerenC de m'inquietet. Je
pliai même l'Aga dfU DouannC' de
aie donner un homme pour me con-
duire chez le Conful de France , il le
fit avec plaifir. Quoiqu'il ne fiit que
huit heures & demie du foir , l'op ne
Toïoit plus rien- Je frappai plus du»
qu«t-d'heure à la porte du Conful,
4viinc que perfonneme répondît. AU
£n on mie ta tête à la fenêtre ^ & on
<Iemanda qui c'éioii : j'eus beau dire
^ue c'étoii un François , & crier que
l'avois des Lettres pour M. le Coih
fui , on me répliqua qu'il «oit heuïc
indue , & que H je voulois loger , j'al-
lalTc aux Auberges, je repcefeutai qu'el-
les étoient éloignées , & qu'on n'alloit
pas hbrement de nuit dans des, Villes
Turques : tout cela ne fervît de rien :
on me conta delà même fenêtre , que
le Conful n'y étoit pas ; qu'il n'y avoic
que fou frère , & qu'ils écoient mê-
me menacez l'un & l'autre d'êttc af-
faflînez. J'aurois voulu être bien loin -,
rjéffnsfue & dutres Ueiuâ. 19 j
îkiais il fallut prendre parience. On
vint me dire <)ue le frère da Confiil
me connpidôit 4 mais qu'il demandoic
comlHen nous étions. Énân l'on oiu
vrit <îette vénérable porte : je fiis fur-
pris de vofr un homme dans la poftu-
re de icaramouche , & la main fur la
garde de (6\\ epée à moitié tirée ; je ne
pus m'empecher d*eA rire, je Tallurai
^u^il n'v avoic rien à craindre ; & après
avoir donné quelques paras à celui qui
m'avoic amené , je montai en haut. J'y
trouvai le frère du Conful a table : U
avoit dedfus fon affiette deux cuiiff s de
poulet & une côtelette déjà rongée. Il
eut adèz d'honnêteté , pour me priée
d'en manger ma part. Ce foapé écoit
pkifanc pour un homme qui fortoiC
de defliis la Mer ic fatigué comme je
l'étois: au(E n'y fis- je pas grand mal.
Il y joignit pour deflèrt deux cens GaC-
connades toutes plus fades les unes que
lés autres. Ce qui fut ce jour-là lecom.
ble dumalheur,c'eft qu'il me fit donner
un lit auflî doux que la table avoit écé
bien fervie.Le lendemain,après avoir en-
tendu la Mcfle dès le matin, la première
chofe que je fis, fut de me faire enfcigner
une bonne Auberge : l'on y porta mes
bardes, & l'on m'y traita à ma fantaifte.
N iiij
p
$^^ Jf^gi dant C ^J!e mlnt»
Le Vice-Amiral cioit à la rade de
ce Port : il montoit un Vaiflèau de foi-
xame-diï pièces de Canon touies de fon-
te ; & il devoii embarqaer le Bachst
delà Cance alors à Chio. Mais il cou-
roit à Chio un bruit qu'il y avoir dans
ces Mers quarre Vaifleaux & fix Ga-
lères de Make ; que les Chevaliers
avoient deiïein de prendre quelque
Sultane } & qu'ils' ne s'éloigneroienc
point qu'ils n'eullent fait leur coup.
Cette nouvelle qui avoii déji jette l'c
pouvante dans l'elprit du Vice-Ami-
ral , étoic une fâulTs allarme : Il fçut
que les Malrois n'avoient perfonne qui
pût incommoder : ainfïil fit dire au Bâ-
cha de la Canée qu'il écoit prêt de s'em-
barquer. Le Capitaine du Vaiffcau fir
arrêter tous les autres bâtimens prêt»
à partir ; & il y eut un. ordre , de ne
lailïèr mettre à la voile que trois jours
après le départ du Bâcha : il fe fit le 4.
Septembre après midi. Ce jour là je
rendis vifite au R. P, Tarillon : il me
reçût avec une joïe extrême , & me
fit des amitiez infinies. Ce Père eft un
Jefuite fçavar.t , qui fc connoît allez
en Médailles , dont il fait un petit amas:
\\ m'en montra de très curieufts- ]*eu5
pluficuts converfations avec lai fur L
afiiws de la Religion dans cette Ifle.
C'eii lui qui a le foin des Catholiques,-,
& il en eiî par confëqitent mieux in-
formé que petfonne. Chioabicn âptV'
iènr huit mille Catholiques ; mais ilï
o'om point d'autres Egliles que la maî^
fbn Cor.fulaire de France. Là dans.
ane grande fale ils ont fait une Cha-
pelle, oâ l'on dit plus de vingt MelÊB
par jour : elle cft toujours pleine , prftt--
cipalement les Dimanches & les Fê-r
tes.L'on y célèbre ces jours [aune Meflè"
& les Vêpres foicmncllenient : i! y'
a auffi un Sermon & d'autres aflèm-
blces de pieté aiiflî régulières &c cii>
itiême tems aufll libres que dans nos-
Eglifes.
Les Catholiques de Chio ont poof
Sa Majesté' un amour & un ret-
pe£t qui me fùrprit : les François les*
plus pallîonnez pour la gloire & le fuc-
cez des armes du R o y , ne peuvent
l'être plus que ces nouveaux Conver--
tis. Le R. P. Tarillon , en leur prêchanct
les dogmes Catholiques , a gravi eO'
euK fi profondément l'image de la-
grandeur du Roi , qu'ils le croïenifëul-
en état de les protéger : cequieft eflfe-
ôivemcnt. Pat cette différence des Re-
ligions , on peut juger que les Fran—
N V'
I
f'iyj^c dans TA fie mntHre ,
cois ne font pas foi't aimez de cm
ae Chio , qui luivetii la commanion
Grecque : audî n'y a-t-il pas de {amÇ.
feiez ni d'irapcriinences qu'ils ne debi.
tent pour détruire nôtre crédit 8c cc-
tai de leurs compatriotes Catholiques,
On me fit voir plus de trente Eelifes
Latines , que les Grecs avoicnt dcirui-
tes pu ufurpécs , ou mtjme fait con-
^tir en Mofquces, Les plus conGde-
cables éioicni \a Catliedraît' , l'Eglife
le le Collège des R, P. Jefuites .celle
des R. P. Capucins , & des SocoUm.
De ces cinq Eglifes la Cathédrale &
celle des Dominicains ont été conver-
ties en Mofquées : les antres , dont ils
ne fe font point empares , ont été
abatcucs ; Se leurs ruines feules , oïl
il ne reftc que les quatre miuailles ,
font connoîtrc la beauté dont elles
étoient , & tirent prefque les larme»
Jes yeux. Par toutes ces violences le»
Grecs avoienc en vue d'éteindre cher
tux le rit Latin rmais ils n'ont poiiic
rcuin dans leurs entreprifcs ^ Se félon
toutes les apparences , ils n'y réudi-
ront pas fï tôt : Us nouveaux Catho-
liques Romains font plus fcrmes que
jamais ; Sc on le» voit tous dans la fe>
folution de mouiii plût&t que d'abi
'abMH
HjiffAe^ue & autres lieux. Î9 jf
donnée leur Religion. Leurs enfans re-
êrochenc tous les jours à leurs âdvec-
fâires , que le ril Grec eft le rit des
Efclaves & Jes gens de rien ; au lieu
qqe le rit Latin eft le ti: des Princes
& des plus grands Rois. Le Père Ta-
lillon me raconta un fait que l'on ne
fera pas fâche de voir ici-
Il y a quelque tenis , me dit-il , «
que les Grecs , toujours attentifs à «
nuire aux Latins , obtinrent du Grand «
Seigneur un Commandement , par «
lequel Ta HautelTèordonnoit.quc tous m
fes fujets de Tlfle de Chio ne pro- «
fertàU'eni plus qu'une mêmeRcligioni"
& far tout , que l'on n'y fouffrît per- «
fbnne de la Religion du Pape- Le «
Commandement arrivé , fut porté «
par les Grecs au Cadi. Ils lui perfiia-«
dctent fans peine , de faire appeller**
par devant lui tous (es Ecclelîaftiques»
les Religieux Latins naturels du »
[S , avec les principaux des Secu- •»
liers , pour être interrogez fut leur «
Religion en prefence de témoins. ^Il
les ne donc venir i Si le Moufti , le
JanilTaite Aga , le Douannrer , &
tous les Agas de l'Ifle prefens , il leur a
demanda, d'un ton de Juge , qui ils m
étoient & quelle Religion ils pro- «
N n
à
«fcdoîent. Ils rc'pondirent tous d'un*
» feule vojx ; qu'ils ét'>ien[ CKcctu-ns^
»» fujets du Grand Sci};tieur -, & que
«comme rets ils paioicnr fidèlement
« leur cjrache , c'eft i-dire , kur part
" des rribus. Oh ajouta d'un ton plus
>• fort: (Jar^ï Rfli^^on profif?e7^-vans;n'efi.
i pa< celle 4u Pupe ? Comme le l'ape,
L caufe de la Religion Chrctienne
» dont il eft lé chef, palTc chez les Turcs
u pour leor plus mortel ennemi , on
ij rccevroit la baftonnade, (î rôndifoic
n nettement que l'on eft de fa Reli-
"gion. Ainfi les nouveaux Catholiques,
» mfttuits par le R. P. TariUoi
» rciit (împtemcnt: l.n Religion /jus i
<> profvifam , eji- cellt ^ae p>-cfrfe le Kc
» de France : nous p'iins Dhu ; nous err-
t> tendant ta Meffè ; (^ nout nous ac-
» efuittens de nai autre! devoirs de pletèi
t comme /r R o i de France, Mali ,
» le Cadi , f«' renon'io'lfe'^voHS pott^
<3 p'vmier Supérieur en ce qui regarde'
n cifhe divin. Le mè'nt jrepondirent-l"
■ ^lu rMônmh le R o j di France, •%
a leur fit pluficurs autres qiu-ftions caej
>• ncufes : mais no pouvant tirer d'aï
» très reponfes ; «iircs leur avoir f
• païer pour cet interrogatoire une ccni
9 uJne d'écus , il les tetivcua. Ces pat
Wès gens témoignent une patience
admirable à fupporter les avanies que'
lear font les Schifmariques ; & com-
me c"eft la feule pieté qui les leur fait'
fouflFrir , elles ne peuvent que leur
être méritoires. Je trouvai à Chic
quelques pierres & d'affcz bonnes Mé-
dailles..
CHAPITRE XXXIII.
Retour a Smymt. Smte dn voiage. Leî-
ruines de Sardes. Camp de Darius^.
ILaodlcée. Le Aifandre. Lac apttrefiir
habite. Arrivée à Sa faite , De/cri^
ftîon de cette Ville ^ traditions de fei
Mabitans..
LE ly. Septembre je m'embarquai
fur- un Gaïque , qui alloit à Srnyr^
;ff : nous fîmes voiles à dix heures du
misrtin. Cette route fut pour nous &
dângereufe & incommode. Il s'éleva
une tempête , qui nous mie prefque à
deux doigts de la mort ; & nous avions
arvec nous quatre vingt dix femmes ,
dont le babil & les autres inftrmitez
nous importunoient fans cefTe. Nous
arrivâmes à Smyrne le i7.àdeuxhecu
Jrti Voyage dam tJfie mntftrf^
res de l'aprcs-dinée. L'on me condDJ
à la Douaniie , où l'on fit une "
afTez légère de mes hardes ; mais l'on 1
arrêta mon valet , pour lui fiire païei le
carache. M. RoyerConfulde FianfC,
«jue j'avois vu au commencement de
mes voïages , me reçut encot
manière du monde U plus obligeance.
Je fus obligé de demeurée chez lui ;
& je n'en pus rclfortir , qu'apiès lui
avoir promis d'y manger & d'y Cou-
cher pendant mon fejour , & lui-même
il y fit apporter toutes mes hardes. J'al-
lai trouver le Cadi ; je lui montrai
moti firment ; & lui dis j que ce n'e-
ipit pas la coutume d'artitet le vaJet
d'un François, AutTi-iôt il envoia au
Douanniev un ordre de me rendre te
mien -, & comme il avoic vu par cet-
te lettre , que j'étois Médecin , il me
demanda (î je connoiirois fon Pete ci:-
étoit le McJecin du Grand Seigntuj
Je lai dis qu'il y avoir long-tenv.
nous entiàiiies fur cela en une eTpe-
ce d'amitié ; de forte qu'après m'avoir
fait mille honnêcetez , & prié même
de le venir voir quelquefois , il me fit
lervir le cafFé ; & me traita en tout
comme un homme dont il faifoic quel-
que diftinâion.
' r^frl^ue & autret lieux. joj
U. leConful eue un fenfibleplaiHr,
torfqu'il apprit que j'étois delfaraflc de
l'afïàirc de mon valet. Comme il ne
cherchoic qu'à m'obligec , & qu'il
▼ûïoit que j'aimois à voie des Médail-
les -, nous fûmes enlemble tendre vi-
fice au ConfuI d'Angleterre , qui en
aciicce le plus qu'il peut , & qui s'atta-
che particulièrement à celles des Vil-
les. Je connus encore dans Smyrne le
R. P. Jerothée Capucin , qui en a une
infînicé- , outre quantité de pierres gra-
vées ; mais il en fait grand cas , S&
même ne les montre pas ;i tout !e mon-
de : aiiili ceite grande ville n'étoit pas
un lieu oA j'en puiïé acquérir beaucoup.
Les nations étrangères y abondent trop;,
&c aptes leurs recherches on ne trou-
ve pas même à glaner. J'avois refolil
d'alkT , en la quittant , droit 4 Satalit-
mais je ne partis pas aufli tôt que je
t'avois premcdité. Comme l'on parloir
à Smyrne d'un grand nombre de vo-
leurs , qui ravageoient la campagne,.
il fallut attendre quelque Caravannç-
qui piîc la même route.
Je rendais fouvent vilîte au Cadi ;
ma profeffion de Médecin m'aïani at-
tiré Ton amitié, il me donna une ier-
tie de cecommaiidation pouc le Bactub
vois I
JeJ(i 'P'oyÂgi dam fAJte mîuiUiV,
de Satalic, Le jour de mon départ ji
fis qnafte paquets de ce que j'avois
de plus pteiieiix. Je les confiai à M.
le Conful, pour les enYoier en France
Îiar le premier Vaiileau qui lui paroîtroic
ûr. Il me promit de me les ftiire tenir
oi\ je fouhdictois , Se m'en donna (a
reconnoiflance. Le R. P. )eroihée eut
l'honnctetc de m'accompagner jufques
à deux lieues de Smyrne où s'aflcm-
bla route la Caravane qui alloîï à Sa-
talie , nous nous dîmes adieu , & je
partis avec les autres. Au bout d'une
heure nous pailànies devant un pe tit
étang, dont l'eau me parut fortctai^^
Si l'on en croit les gens du païs ,
l'ell toujours ; mais tellement en i
tain tcms , que le fond qui a pluri
tfois toifes , ne paroît pas avoir
pieds de profondeur. Je remar^
que cet étang dans fa petitelTè ,
voit conteiiirdes fources conlîdfrabj
fcs écoulemens fculs font aller fept i
lins ,
: cela
par
différents canaun
forme auffi quantité de petits ruifla
qui vont arrofcr les campagnes vJ
nés- f
Les Habitansdulieu, tantChrêti
que Mdliometans , difentque cetéli
eft celui oii Diane fe baignoît. itsj
tjiffnque & antres Reux, jtrr
furent encore une chofe qui pacoïc
plus probable ; c'eft qu'il s'y noie tous
les ans quelqu'un , fans qu'on ait ja.
mais pu y trouver aucun corps. Tout le
païs d'autour de cpt ccang paroît ad-
mirable pour * chalTe jiifqu'à Bahu.
nord Bitchy , pçcit Cafabas fitoé à trois
lieues de Smyrne au pied d'une mon-
tagne , d'oà il fort aafTî quantité de
Tources d'eaux d'une clarté à faire plai-
nr. Nôtre Car^vanne s'y rendit , &
plulîeurs perfonnes l'y vinrent enco-
re joindre.
Le 17. Oûobre partis deux heures avant
le jour , ]ious eu marchâmes huit dans
la plaine , & allâmes faite nôtre Con-
nac proche d'un ^os Bourg appelle
Ca/Abal. De-là faifant encore le zS- plus
de dcuï lieues avant le Soleil levéj
après cinq heures de marche , nous piC-
iames des ruines que les -gens du païs
nomment l'ancienne S^rde. Ces rui-
nes font elles - mêmes encore afle»
vaftes Se affcz belles pour faire croire
que ce lieu étoii autrefois quelque Vil-
le pleine de magnificence. Il y a au-
près , un petit Villa2,c qu'on nomme
encore Sarde : après nous y être tépo-
Çci, , nous filmes à Salic'y qui n'en eft
éloignée que de trois lieues..
to 6 f^oyage dam VA fie rmmwé ,
Salicly eft un Village fort gros &tito
habité : nous en parcimes le xj. à trois
heures après minuit. Au }oar nous eii-
trames dans une plaine fort utlie : loâ
y voit de tems.en tems de petites haur
teurs ^ mais laites de tHain d'homme,'
& d'ailleurs accompagnées de grandes
lignes que Ton a manifeftement tirées
pour faire un camp. Je dis ceci, par^
ce que félon la tradition du païs , c'eft
le lieu où ét9it campé Darius , lors-
qu'Alexandre le défit. L'endroit certai-
nement eft des mieux choifis , pour
donner une bataille dans les formes :
& l'on n'en peut gueres roir de plus
plat ni de plus étendu. De- là, mar-
chant encore l'efpace de fix heures,nous
allâmes camper fous les murailles de
Chaire. C'cft encore une grande Ville*,
& je croi que c'eft l'ancienne La&dicéc.
Ses muraille^ , en plufieurs endroits à
demi ruinées , ont un grand circuit •, &
marquent , par leur hauteur & leur
beauté , que c'étoit autrefois une Vil-
le des plus fuperbes. Sur de petites
éminences afièz proches on apperçoit
les ruines de plufieurs châteaux , qui
fans doute etoient les deffences de la
Ville, )e remarquai en plufieurs endroits
de grandes crevaces : j'y vis même fous
" Pjljf^iejHt & AUtret lieu.
les chemins des édifices prefque entiers,
dont les murs écoicnt abbarus ou feu-
lemeni panchez^l'un d'un côré l'autre
de l'aiure. Ce font probablement des
trembleraeiis de terre qui ont fiit ces
vaftes démolitions ; & la manière donc
elles font tournées m'en paroii une
preuve convaincante. Je fii à Chaire
ma provifion d'un vin excellent , ÔC
j'y achetai même quelques médail-
les.
Le îo. nous en lonimes deux heu-
res avant le jour ; après cinq de mar-
che nous commerçjmc5 à monter la
montagne à'iffl mtliie dermanderie xxq^
haute ^' des plus difficiles : nous fû-
mes cinq heures entières à arriverveis
le fommet , oâ nous campâmes piOi
che d'un Village nommé Jenî^ucux,
De- là, partis le ji. trois heures avant
le jour , nous les mîmes à defcendre
la montagne. Nous nous repofàmes
pendant deux au pied , proche d'un
Village nommé Kachechlade -, d'où après
une demie heure de marche dans la
plaine , nous traversâmes le Fleuve
Méandre. Nous en palTames un bras
fur un pont branlant. Nous vîmes en-
fuite plufieurs Châteaux qui tombent
. en ruines ^ Se nous renconirimes plu-
I
I
<X 11-
> ^
joï Vêjâgt dans tAfit mmtnte, ^||
iieurs Fontaines , doni les eaux font
fori chaudes. A trois lieues de là eft
SAtihurjitezei' lieu à la vérité inhabi-
té ; mais plein de belles ruines , & il-
Itilire par p!u(ïeucs bains chauds » c
font dans Ton voilinage : nous y I
mes nôtre Connac.
Le prenrier Novembre nôtre chea
fut toujours pendant quatre heures^"
tantôt fur , tantôt entre les montagnes
de Demirderie. Tout ce que j'y vis de
remarquable , font des totrens qui (bt-
tcnt en plufieurs endroits.
Le 1. après huit heures emploïéesà
traverfêt le telle de ces motitagneg
nous en paffâmes une autre appelll
^edtvtren , au bas de laquelle nt
fimes nôtre Connac proche un Vit
ge nommé AUni^iteux.
Le }. nous marchâmes pendant {
heures de fuite dans un vallon , & n«
defcendîmes furie bord d'un grand LM
Ce Lac,nammé jl^y^utitl^A bien Sood!
de touT ; & eft plus long que targi'
Ce qu'il a de particulier , c'eft <
Teaii en eft amere , & qu'il n'y a \
cun poidon ; l'on remarque rnêm*
que quand les Rivières qui fe jette
dans ce Lac y en amènent quclques-u
Us'mearent fur le champ. Il feroic a(fl
f
tj^frifue & autres lUux^ jo^
d'en affigner la véritable caufe.
On dit qu'il croit au fond certaines
Jiefbes qui font ain/î mourir ie poifl
(on. En gênerai les gens du pa'ïs regar*
dent ce Lac comme un lieu maudit ,
& rendu tel par une punition celefte.
Ils difen; qu'à la place de ce Lac écoit
autrefois un païs fertile , bien habite
ftc où il y aroit plufieurs belles Villes;
mais que les Habitans aïant porté leurs
crimes au comble , Dieu les a abîmez
& enfevelis fous les eaux , dont l'amet-
itume eft une marque qu'elles portent
encore de la vangeance divine.
Après l'avoir cocoïé pendant quatre
lieures , nous nous trouvâmes à la Vil-
le de ÈondoHK Elle n'eft pas peuplée
à proponion de ce qu'elle devroit Terre;
mais elle ne laiflè pas d'être jolie. Nous
y fejournâmes jufqu'au cinq , parce
jque c'itoit la demeure de nos Catregis.
X.a Caravanne en partit fur les trois
heures de l'après-dinée» Après deux heu-
res de marche , arrivez au village de
CoHrnar , nous y fîmes nûtre Con-
nac.
Le 6» nous en fortimes à la pointe
du jour. Nous marchâmes tancptdans
des plaines, tantôt fur de hautes mon-
tagnes ; nous padàmeç même deyaat
1
iio ^^J^S^ ^^^^ VA fie mineure ,
des raines confiderables ^ mais je ne
pus m'y arrêter , obligé de fuivrela
Caravafline qui alla ce iour4à jufqu'à
Sonfoii. Ceft un gros Village ; nous y
logeâmes dans un grand édifice qui
parole avoir été un Temple ou quel-
que Eglife. Ce bâcimenc eft encore en-
tier & tert à prefenc à loger les be-
Itiaùx lorfqu'il ne paûTe pas de Cara* '
vanne.
Le 7. après trois heures de marche
dans la plaine, nous montâmes la mon-
tagne à'Vjianaafi : elle eft rude, &fâ
defcentc même nous dura plus d'une
heure. De- là nous avaniçâmes dans une
plaine de près de deux lieues \ au bout
de laquelle nous commençâmes à re-
monter , mais par un chemin magni-
fique & pavé de longues pierres de
Marbre blanc. Au haut de la monta-
gne nous trouvâmes les ruines de quel-
ue vafte forterclTc , qui fermoit autre-
bis ce palFage : cela paroît par deux
grands cotez de portes , qui y lont
encore fur pied , bâtis d'une pierre de
taille fort large & fort épaiflc. Mais
nous fûmes furpris , lorfqu'après avoir
paffé cette porte , nous vîmes d'autres
ruines infiniment plus fuperbes ; & qui
quoi qu'en defcendant ^ nous durèrent
te
^tff
{
tyiffnqHe& autres lieux ^ jH
^\us d'aiieheore& demieXcc endroit
eft afluretnenc la place de quelque
ancienne Ville , des p!us grandes &
des plus puUTintes qu'il y ait jamais
eu. Au bas , qui en faifoit comme Tex*»
cremicé ^ à en juger par les démoli-
tiens qu'on voit , ce n'écoient que Pa.
lais , Châteaux, ou Tem{}les : quelques-
uns de ces édifices montrent encore
leur fqueletce dans de larges muraiL
les qui les environnent. On y rencon-
tre des fculptures de toutes les fortes*
J*y vis desi, Lions de pierre auflî gros que
des Chevaux de caro({è. J'y remarquai
encore un grand nombre de Tombeaux
de dix ou douze pieds de long fur
cinq ou fix de large : ils ont tous des
bas-reliefs. En voici les deflfeins que
j'ai fait graver : pour leurs Infcriptions ,
elles étoient fî gâtées , qu'il étoit ixn^
poflîble d'en rien lire. Le commence-
ment de ces ruines & tout ce qui eft fur
la nionragne s'appelle CA»-?«r/:onnorhme
le bas Bi'iere Ouvafi, Au refte,il faut qu'el*
les foient bien anciennes ; puifqa'cntre
les pierres il a cru un bois de haute futaie,
dont les arbres paroiflent eux-mêmes
des plus vieux. En les quittant nous en-
trlmes danç une belle plaine qu'^rrofç'
hTOuden : apicsune hcuie Se demie de
chemin, nous allâmes faire nôtre Con-
Dac à un mechani camp allez proche de
cette Rivière. Elle va donner à quelque
tljftance de là comte une roche ercarpée
qui paroîr prefque une muraille : elle Te
perd dellôus toute entière , pouc ne re-
paroîtte qu'à cinq ou iix lieues de là;
où après s'être montrée quelque efpace,
elle rentre encore fous terre , & porte
(es eaux àSacalie.
Le S. depuis une heure après minuit,
jurqu'à trois , nous marchâmes dans
<les bois Se par de fort mauvais che-
mins. Eniûite nous dcfcendîmes onr
montagne j après quoi nous trouvâ-
mes une plaine , qui nous mena )ii:-
<p.'k Satalie^ où nous arrivâmes à fep.
ieures du matin. J'y fus loger dans un
camp.
Cette Ville , fituce au bout' d'un
Golfe qui porte fon nom , cft cncote
aujourd'hui alTez grande. Elle eft fepa-
ice en trois parties , qui compofeiie
comme trois différentes Villes : du
moins yoit-on à chacune fes murailles
ie feparauon , & de bonnes portes de
fer capables d'empêcher la communt-
caûonde l'une à l'autre. Tous les Ven-
F^AffiiéfiÊe & et titres Uettx^ jij
dtedis on ferme toutes les portes de
Sâtalie depuis midi jufqu'à unebeure.
Snipris de ce procédé , j'en demandai
ia laUbn : Ton me dit que les Habi-
ians ont une Propbede fuivant laquel-
le les Cbreriens doivent prendre leur
Ville on Vendredi entre midi & une
lieafe. Ceft pour le même fujet qu'ils
n'y laiflènt entrer aucun corps mort
déi Faubourgs , pas même ceux des
Jnift. Ainfi lorsqu'il y a quelqu'un à
enterrer , pour le porter jufquau ci*
mederre, on lui fait faire tout le tour, de
la Ville, Je Taifait , pour voir la grte.
denr de Satalie : elle a au moins deux
Beues de circuit. Tous les dehors font
remplis de citronniers Se d'orangers
d'une grande beauté : ils y croiflènt na«
tnrellement , & fans que perfonne fè
donne la peine de les cultiver. Ceft un .
païs abondant en toutes chofes ; & il
a le privilège de produire le Storax en
Snantité. Les chaleurs y font excefl
ves l'Eté : elles caufent même des ma-
ladies contagieufes. Pour éviter l'un &
Tautre , la plupart des Habitâns fe re*
tirent pendant cette faifon vers les
montagnes : là le vent plus frais ^ les
ombrages des arbres , êc fur tout les
demeures fouterraines que la nature
Tme I. O
}
ou l'an y ont faites , leur procurent
une vie delicieufc.
Lcî Chiêtiens y avoicnt élevé autre-
fois en l'honneur de la 'Sainte Vierge
une fort belle Eglîfe : mais lotfque les
Turcs font redevenus les maîtres de U
Ville , elle a été changée en mofquée.
Ce bâtiment eft à vou , foit pour fa
ftrufture , foit parce qu'il porte enco-
re des marques de la bravoure des
François, C'cft un beau Vailîèau, d'u-
ne grandeur qui furpcend , & dont l'ar-
chiteâure eft d'un bon goût. Par tout
fut les portes & fur les murailles pa-
loiflênt encordes écuflons des Chic-
liens : celui de Godefroi de Boiiillon
s'y fait diftinguer par fa grandeur Si.
par tes premières places qu'il occupe.
£n6n dans cette Mofquée eftunecha*
pelle , que les Turcs tiennent fermée,
& dont les Mahometans & les Chrèt
tiens de Satalie content des chofes ex-
Iraord inaires. Les Mahometans avouent
que lorfqu'elle étoit ouverte , & qu'il
y eniroit quelqu'un de leur Seâe , il
y periiïbit immanquablement d'une
mort fetale : ils prétendent même que
cela eft arrivé plulîeurs fois ; &la ca-
naille fe pcrfuade que les Chrétiens y
ont tnis quelque charme^ Ceux- ci >
wT.^fnt}ue & dHtrts deux. jij
uoi(rènt mieux fondez , alTurcnt
Wct% prodiges doivent leur naiflân-
à QD gTand nombre de reliques de
inis cachées dans la Chapelle. Quoi-
l'i! en foit , la Chapelle demeure fer-
ée , & c'eft un fait certain , que Ici
arcs ne l'ouvrent prefque jamais.
Le Port de Satalic eft peu de cho-
, & ne peut recevoir que de petits
ktimenis , des Barques , des Tarta-
•s , de petits Calques. La rade ne
idè pas d'être belle j mais on n'y eft
ïs en feureic. Enfin , quoique celte
ille foit des plus confiderables , je n'y
bivaî ni Infcriptions ni Médailles.
I
I
Suite Jh voittgt. Sparte. Aitntagnes d'A.
glafsn Bey. L'ancleane Sparte. Ef-
clave Lorrain racheté. Gnerifon d'nu
Hydropi'^ue.
DE Saralie je voulus aller à Sp4rie.
Cec:e Ville eft iticoonuc à nos
Géographes , comme beaucoup J'auctcî
dont ce pais ell plein. Nous pa.rtîmes
donc le 17. à onze heures , & par le
chemin que nous avions fait en venant.
Nous allâmes coucher à Duden ; de là
à SottfoM. Eiifuice tournant à droite &
▼ers le Nord; après avoir marché cinq
heures dans la plaine , nous montâm;;
le mont Pechenai ^ d'oi\ nous dercemlî-
njes dans un gros Village nomme
.jlglafon. De ma vie je n'avoîs vu de
lieu oà il y eûr autant de fources qu'en
celui-ci ; elles forment même dès Icii.
commencement des ruifleaux fortcon;:
dcrables qui portent cnfiiite de tous c.i
tez iafecondité&U fraîcheur.Nousnous
repof^mes auprès d'un de ces ruî0êaiiX)
5cnousypa(ïàmesIa nuit du 19. an lo-
A peine fûmes nous fottis d'Agi.'-
t^jfri^fte & autres lieux. Ji^
ton , qu'il nous fallut encore moncet
une montagne des plus hautes. Elle ti-
ire fon nom du Village , te s'appelle
jtgUpm Bey. Elle fe fepare en plufieurs
branches ï mais elle a quelque chofe de
plus admirable que les moilts Chenet
Se Biliere Ouvafi. On voit , fur les
pointes des branches qu'elle forme ,
Sinfieurs châteaux d'une étendue pro-
îgieufe ; & j'y contemplai long-tems
des merveilles que je ne croïois moi*
même qu'avec peine î je veux dire des
Villes entières , dont les maifons font
battes des plus grofles pierres de tail-
le , quelques-unes môme de Marbre.
Qjioiqueces lieux foient tout charmans,
ic d^une magnificence à enchanter 5
Ton n'y remarque aucuns Habitans :
de forte que l'on les' regarderoit plu-
tôt comme le païsdes Fées que corn-
me des Villes véritablement exiftantes.
S'il ne m'avoit pas fallu fiiivre ma Ca-
ravanne , je les aurois examinéesavec
toute la curiofîcé poflîble , & peut-être
que quelque Infcription nous auroit
appris ce que c croit que ces Villes &*
^ant d'admirables édifices. J'eipere que
ce fera pour un autre voïage ; & je
ne croirai pas avoir perdu mes peines,
iî jamais j'ai le plaifir de revoir de (î
O iij
jiî Voyage de ¥Afte mineure ; ^
beaux païs, La defccnte d'Aglafon Bey
ell artee douce : c'eft un vallon entre
deux montagnes ^ il y pallê un petit
ruilTeau qui ferpente , Se que nous tra-
verfàmcs plus de quarante fois. De-là
nous entrâmes dans une plaine , oà
fe trouvent encore plulieurs pentes
éminences ; mais qui paroifTent n'être
faites que des ruines de quelque gran-
de Ville qui éioit là auciefois. A une
lieue de ces hauteurs eft la Ville de
Sparte où nous allions.
Cette Ville eft fort petite , fans mu-
railles , & les maifons en font très mal
b&cies ; mais elle e(l Cnaée très avan-
lageufement , dans une belle plaine
remplie de jardins & d'arbres fruitiers,
qui rendent le lieu tout agréable. Il y
a allez de Chrétiens : mais à propre,
ment parler ils ne font de la Ville que
pour le jour ; car quoiqu'ils y aient
leurs boutiques , où ils viennent tous
les matins , leur demeure eft dans un
Fauxbourg éloigné de Sparte d'un
bon quart de lieue. Le ChriftianifmC
s^cft confervc dans cette Ville plus
qu'en bien des endroits. Il y a qua-
tre Eglifes qui l'ont defervies par
des Grecs , & en bon ordre. On dit ■
que l'ancienne Sparte éioit entre i
Ib
I
tj4jfrît}He ej* autres lîenx. ji^
lontagnes à quatre lieues de celle-d j
en un eodioii qu'ils appellent Doiir~
ddn. Il eft vrai que , félon le rapport
des Habitans de Sparte , il y a U de
vaftes ruines , qui paroillent le cadavrs
de quelque Ville puill'ante. En gêne-
rai routes ces montagnes femblem plei-
nes de chofes extraordinaires -, & c'eft
ce qui a donné lieu Tans doute à mil-
le fables que les gens de ces provin-
ces racontent tous les jours,
Auflî-tôt que je fus à Sparte , ilfe
pandit un bruit , qu'il étoit venu.un
[edecin étranger. Le Bâcha de la Vil-
le nommé Mullapha , qui avoir ttd
auparavant Bouilani^y Bachy , deman-
da à me voir ; il me fit beaucoup d'a-
mitiez , & m'obligea à prendre le
X^i"- AmIÎ l'on me donna , tant que
je reftai dans la Ville , le pain , le fel
la chandelle ,en6n jufqu'à des allumet-
tes ; & la provifion de viande ,'que
l'on faifoit pour moi , n'étoic pas dif-
férente de celle du Bâcha. Au refte je
lui rendis quelques fecvices. Depuis
plus de deux ans il avoir de grands
maux de côté fies remèdes que je
lui donnai les lui ôtereni : 8c fon Kiata
reçut aufTi de moi la guerifon d'une
" laladie fore dangercufe. On peur juger
O iii\
J
J
I
I
jio Voyage dam l'Afte mneure,
û f amitié du Gouverneur & de fon Se-
crétaire me donna du crédit : elle me
procura une liberté abfoluc dans la re-
cherche que je faifois des Médail-
les-
Voici une hi{loire qui arriva par la
même occafion. Un Lorrain , appelle
Pierre Zall , Efclave depuis feize ans
d'un Turc de Sparte nommé Afy Bâ-
cha Tiapole , vint me trouver éc me
montra une vingtaine de Médailles ;
Il y en avoir alTurementde fort rares.
Je lui demandai combien il vouloit
les vendre; il me répondit d'un ton allèi
trifte : HeUs\Mûnfiei4r^ je vom Us dorme.
r»fs toutes , fi vetts vouliez, meftire avtir
U liberté. Ce difcours me toucha : mail
ilapâta, prefque les larmes aux yenx
& d'un ait à m'en tirer à moi-même",
que comme c'étoit tout ce qu'il pollê-
doil , il ne s'en deferoit que pour la
liberté qu'il me demandoit, -Att refit ^
continua-t-il , je fçm la différence rf»'it
y M entre ces Médailles & la liberté d'
honnête homme : auffi je vous prie de J
accepter plutôt comme un iffit de ma |
conrioifiance du bien.fait tjue j'aurai re
de vom , que comme le prix d'une ch^
qui en elle tnime efi inefiimahle. Qtie [
jiriez vosu,Monfienrfi je vont aj^urois qià
tjéffrique & antres tUux. jir
Votre arrivée , j*ai dit i voila mon lu
beracear , & cfue je vous ai regardé com»
me Hft bienfaiteur dont Dieu avoit diri^
gé les fas dans une Province auffi reculée
dr aujp feu fréquentée des François que
celle-ci > ly ailleurs , continua- t-il , vous
fouvet. tout auprès du Bâchai outre ce^ ^
la mon Patron m* aime , & m*afro?nisma
Uberté après fa mort. Si le Bâcha lui dL
foie un mot , il me Caccorderoit des àpre^
fent pour fort peu de chofe. Enfin pour
m'ouvrir Ton coeur , il me marqua qu'il
avoit amaffé dix écus dans Ton efcla.
vage , & qu il les donneroic encore ^
s*il ne tenoit qu'à cela pour le remet-
tre en liberté.
Il étoit difficile de refifter à de fem-
blables inftances : je lui dis donc de fça-
voir ce que demanderoit fon Patron
pour fon rachapt , & je lui promis de
lui rendre en cela tous les fervices que
je {feurrois. Il me laida Tes Médailles;
& revint le fbir même me dire , qu'il
avoit eu toutes les peines du monde à
faire refoudre fon Maître ; mais que fi
femme & fes enfans l'en aïant prié , à
la fin il lui avoit dit , que fi on lui
comptoit 6o. écus , il lui donneroit fa
cane de liberté ; mais que fans cela ^
onne lai en parlât point. Je lui répon-
dis que j'étois extrêmement fàcKc d'>\«
O N
rroit
utre
ne demande fi exorbitante ; que c'éroît
iiop pour fes Médailles I & d'un autre
côté que je ne nje fentois pas adèz
d'argent pour étendre jufquc-là mes
chariicz. Le pauvre homme peicéiuf.
qu'au cœur me conjura de ne le point
abandonner. Je l'afTurai que je ptenois
paît à fon infortune, & que mon cré-
dit étoii la moindre chofe que je vou-
lufîè emploïer pour lui. Le lendemain
il revint , & m'amena un Cheiif qui
étoit hydropique. Le Cherif mepriade
l'entreprendre ; 6c me dit que fi je le
gueiiiTois , il me donneroit tout ce que
je fouhailterois de lui. Ce malade vint
lout-à-propos pour deux chofes : la
première pour tirer de l'efclavage le
pauvre Lorrain; auffi lui dis-je, qu'il
ne me donneroit que ce qu'il voudroit,
mats que cela feroit emploie à la dé-
livrance de l'efclave qui l'avoir amené:
la féconde, parce que j'avois cnvîS de
faire l'épreuve d'un fimple , dont un
Deivis m'avoit donpié la connoilTance,
& qu'il m'avoit alTûic être un Spécifi-
que pour l'hydropifie. Dès le lendemain
je donnai au Cherif deux cuillerées du
fuc de mon herbe : fon yentre , qui
itoit auparavant fort gros Ôc très ten-
da , commenta aufC-tôtàreveniidans
P^ffnefue & autres lieux. jxj
fon état naturel j enfin il fut tout-à-£uc
guéri en moins de (îx jours. Cela me
fit un extrême pUifïr : d'un côté je vis
que le Detvis ne m'avoit pas trompéj
au contraire il m'avoit apprit un fectec
important , puifque les Médecins or-
dinaires ont aiïèz de peine à traiter
l'hydropilîe lorqu'clle eft déjà formée:
de l'autre , je procurois la liberté à uti
malheureux , qui fans moi alloii peut-
être gémir le refte de fes jours fous le
poids de la mifere. Ainlî de quelqae
argent que me donna le Chcrif , &
d'un peu que j'y ajoutai du mien , je £s
les foixante ccus , Se j'en tachetai ce
pauvre Efclavc qui véritablement troa*
va en moi Ton libérateur , comme ilfe
l'croit promis à. mon arrivée à Sparte,
La plilpart des Médailles qui s'y
trouvent font au type de la Ville de
Galaieon : c'eft, ce me (cmble.une preu-
ve que les fameufes ruines , que loti
voit aux environs , ctoicnt des dépen-
dances de l'autre. Le principal négo-
ce des Spartiates eft de Cire , de Gom-
me adra gante , d'Opion ,deStorax, &
de Laine. Les Chevaux y font à grand
marché. Les vivres s'y donnent prefque
rmt rien : j'y vis vendre un paras c'ejt
dire huit deniers de ces païs-ci, trois
I
I
J
I
J24 ^"yi* '^'"" ^■^I'* itiltUre^
livres As painj encore fe plaignoit-o;:
qu'on le vendoit bien cher.
CHAPITRE XXXV.
Ville d'Jgy'idi. Gueal Igridi fin Lac. Le
mùm Tmn-Hs appelle Boitgaii D-»glar,
Le Lac Bey Charry. Cogne- Conful
d' AngUierre pour Alcp mort de fe^t
en chemin. Infcrsptions,
IL cft facile de s'imaginet quelle
douceur je recevoîs du Bâcha de
Sparte, de fon Kiaïa & du Cherif à
qui j'avois rendu la famé : il falloic
néanmoins les quitter. Mon dcflcin
étoic d'aller à Cogne , le Bâcha me
donna une Lettre de recominanda-
tion pour Ton Confrère ; ainfi je par-
tis de Spiirre avec une petite Caravan-
ne le S. Décembre à iepi heures du
matin. Nous traverfàmes d'abord une
belle plaine , pendant l'efpace de iîx
grandes heures. Eiifuite nous montâ-
mes une petite montagne , qui à main
droite en a fur elle une autre fort hau-
te & fort efcarpée. Derrière la petite,
& à côté de la haute , qui s'étend plus
loin ^ eft un Lac : nous le cotoiames
VAffrîijue & AHtrti Ueuji. jtj
par un chemin des plus étroits ; ce ne
fut pas fans une crainte continuelle.
Nous avions à droite cette montagne,
dont les rochers font horreur : à
vucfie étoient des précipices affreux ,
le chemin qui eft à la tnoiiic de la mon-
tagne fc trouvant immédiatement au
deflus du Lac de la hauteur des Tours
Nôtre- Dame. Ce lieu a éré autrefois
quelque palTagc confidcrable : le che-
min y a été manifeftemenc taillé dans
le roc , car le rocher efl abfolumenc
impraticable ,&au(n roide qu'une mu-
raille. Il y a mûme encore une porte
bâtie de groiTes pierres de taille : les
batans en font de bois revêtu de fer;
liais le tems les a bien rongez. A un
«art d'heure de la eft liriS. Cette
Pille n'eft pas défagreable. Son Château
lue je trouvai en aiïl'Z bon étal , eft
t le bord d'un Lac qu'on nomme
tiul Igridi. Ce Lac a plus de cent mille
f tour , & eft rempli de toutes for-
I de bons poilfons. On voit même
P'diffireiits endroits , des Ifl-'S dont
■fpea fait plaifîr : il y en a une en-
! autres , à une d^mie lieuc du Châ-
, qui n'eft habitée que par des
tirêciens. On m'alfura qu'elle étoit
ttreraement fertile , & que l'abondan-
ce & la paix rendent fes Habiians le*
plus heureux de ces régions.
Le 5. après avoir encore cotoïé le
I-ac pendant quelque tems , nous com-
mençâmes à marcher par des mont^
gnes t[cs hautes & très difficiles. Mal-
gré la neige , qui tomba toujours k
gros floccoDs , nous ne nous repolî-
mes qu'après quatorze heures de che-
min : jamais journée ne me parut plus
longue que celle-là. Enfin nous arrivâ-
mes à un gros Viilafçe nommé Belgen:
c'eft le premier qu'on trouve au pied
de ces montagnes, qu'on appelle dans |^_
pais Bmgalt DagUr^ mais que je crfl
être les commencemens du monc 74l|
nts. Nous eûmes bon feu toute la nqj
& nous ne lailTâmes pas d'avoir (
froid exceflif.
Le 10. après avoir marché pendi
deux heures , nous nous trouvâmes (
le bord d'un Lac , nommé GkihI l
Cban , qui a plus de deux cent md
de tour : Tony pêche des poillbns dw
ne grolTeur prodij;iei]rc..Toute cette rc*
te eft pleine de vallons entrecoupez J
petites cminences , huit heures de miN
che nous mirent à Ser^ffail , Vilt^
fort habité. Ce qui le rend confidei
blCj-Tont apparammenides bains d'eail
fj^ffri^ae & autrei lieux. jif
chaudes que nous vîmes environ à une
lieue avant que d'y entrer. Il y a UfM
plufîeurs bi-'llts fourCcs d'eaux ; mai»
une encre autres , fur laquelle on a éle-
vé un magnifique bâtiment ; il eft rond,
voûté , 3i plein de grands badins de
pierre , faits p»ur fe baigner plus coîn-
modement. Le baffin d'oâ l'eau forr,
eft vafte , Se la fource qui y met l'eau,
en fournit toujours en abondance.
Le II. allant par Grec Se par Levant,
nous marchâmes encore huit heures en-
tières entre deux hautes montagnes
jufqu'au Village d'IUlmuche. Enfin le
II. Coms à la pointe du jour, au bouc
de cinq heures de marche , dans d'af-
fez beaux chemins , nous arrivâmes à
Cogna, J'y fus loger dans le camp oA
ie m'éiois déjà mis la première fois que
j'y patTai : voyez le Chapitre lo.
Je portai le ij. la Lettre du Bâcha
de Sparte À celui de Cogne: il me reçue
avec de grandes amitiez- Je lui don-
nai , pendant mon fcjout , des terne-
des qui lui rétablirent abfolument la
fanté. Je marquerai ici en paflant la
mort d'un Conful Anglois d'Alep qui
vint à Cogne pendant que j'y écois.
Il revenait de Conllaniinople , oA
^B avoit été oblige de fe tranfpoiier
I
jlS VayAge dam t JJ!e mlnturt,
pour quelques affaires de fa nation :
wk avoii à la compagnie foixanie per-
fonnes. Deux jours après fon arrivée,
parti de Cogne pour coniimier fa rou-
te d'Alep, il ne fui que jufqu'àErei-
gle , où il mourut de la pcfte qui y
faiToit alors de grands ravages. On l'y
enrerra dans le Cyniecierre des Grecs.
Le lé. comme le Soleil s'alloit cou-
cher , il fit un tremblement de terre
aflèz violent ; mais pat bonheur il ne
caufa aucun dommage , Se Cogne en
fiit quitte pour la peur. Dans mon pre-
Iraiet voïage de Natolie je n'avois pris
à Cogne que trois Infcriptions ; mais
cette leconde fois j'y en trouvai plu-
fieurs autres , que l'on verra à la fin
nomb. 5j. & fuivans. La première cft
en vers hexamètres ; ic toutes patoif-
Tent adez curicufes.
qp
r
VAffl^Ht & AHtm HtHX. JJ5
CHAPITRE XXXVr.
Turcamtins , leur vie de Briganis , rt»*
contre de voliit^s. Brm de mort
répandu.
LEs Turcomans fairoieiit alors beaU-i
coup de defordrcs dans la plaine ;
5; tous les jours l'on n'entendoit par-
l:r que de Caravannss pillées ou de
voïageurs alTaiïînez par ces voleurs. Le
bruit de leurs brigînlages s'étant ré-
pandu j'jfques à Coiiftaniinople , le
Grand Seigneur avoit envoie des ordres
à tous les Bâchas voîfins , & fur tout
au Bâcha de Cogne , de fe mertre aa
plutôt en campagne pour les détruire
abfolument.
Ces brigands font errans comme les
Arabes -, & demeurent , comme eux ,
fouî des tentes. Comme ailleurs les
femmes relient à U maiCon , pout
avoir foin du ménage , les leurs gar-
dent leurs tentes avec leurs enfans ;
pendant que les hommes , montez fut
d? bons Chevaux , s cloignent-de l'en-
droit oà ils ont campé , & vont or-
dinairement commettre mille brigan-
Voyage dtim ^Afie mlnturt^ ^
dages. Ils aimenc mêi-neînatarellement
ce inécier-,Ies pères y accoûtumanc leurs
enfans dès leur plus tendre jeuneffe. Au
relie il n'eft pas facile de les mettre à
U raifon. Comme ils n'ont propre-
ment aucun lieu Hxe , & qui leur fotl
plus agréable qu'un autre ; dès qu'ils
fçavent que l'on a quelque deflëin fur
eux , ils plient bagage , décampent
fans bruit , & gagnent les montagnes,
dont ils connoilTeni toutes les caver-
nes & les endroits inaccefliblcs. Ils mè-
nent toujours avec eux quantité lie
troupeaux , parce qu'ils ne fe nourril-
iênt que de laitage : aînfî ils ne crai'
gnent point de manquer de vivres. Tou-
tes les nations ont toujours rcj^ardc le
pain comme un aliment , dont l'homme
le paflcroit avec peine : lesTurcomans,
malgré leur vie errante , fçavent le
moïen d'en avoir toujours, lis portent
fiir leurs Chevaux quelques facs de fa-
rine ; lorfqu'ils veulent faite du pain,
ils en délaient un peu dans de l'eau.
Leur pâte faite ainfi , ils l'applatilTent
fort mince , à peu près comme une
pièce de quinze fols : enfuite ils font
un trou dans k terre , y allument du
feu, mettent deiTus une plaque de fer
londe,de l'epaiiïcur d'une cuiraûè j 6C
^ Vjiffntjae & dutret Heuxr. jj*
B enfin lorfque cette plaqae eft échzuf-
1 fée , ils y étendent leur pâte , qui y
cuit ou plû[ôc s'y £êche. Voilà le pain
qu'ils mangent : il eft comme l'on voit
ailez aifé à faire , & approche fans
doute plus de celui des anciens que de
celui de ce païs-ci.
Le Bacba de Cogne fuivanc l'ordre
du Grand Seigneur , a(rembla quatre
mille hommes pour réduire ces Bri-
gands. Je le fus voir avant fon départ:
il me fit prefent d'un beau Cheval tout
enharnàché. Apres l'en avoir remercié
amplement , je lui donnai à mon tout
quelques remèdes , que j'accompagnai
d'une lunette d'approche. Eufuite , me
faifant toujours offre de fes fervices ,
il me demanda fi par les chemins je
n'aurois pas befijîn de Chevaux de pof-
te, Se (i je fouhaittois qu'il me donnât un
ordre adrelTé aux Maîtres des Portes de
m'en fournit. Je l'acceptai : voici la ma-
nière dont il etoiicon^â.
plus agréable qu'un autre ; dès
fçavent que l'on a quelque àeffe.
eux , ils plient bagage , dédar
fans bruit , & gagnent les monta
donc ils connoiiTént toutes les c
nés & les endroits inaccedîbles. Il
nent toujours avec eux quanti
troupeaux , parce qu'ils ne fe no
fent que de laitage : ainlï ils ne
gnent point de manquer de vivres,
tes les nations ont toujours rega
pain comme un aliment , dont I'h(
iè palleroii avec peine ; lesTurcoi
malgré leur vie errance , fçav(
Hioïen d'en avoir coiljours. Ils p(
fur leurs Chevaux quelques facs i
line : lorfqu'ils veulent faire du
ils en délaient un peu dans de
Lear pâte faite ainfi , ils l'applai
iti>Ikk.Vaîitlepn
^and
fort
lors
'crus
(pris
6om-
'Moti
m de
va-
. qui
illoit
ccffe
l'ap-
'al«
I
I
jji Voyage de tAfte mineure ^
ORDRE DU B A C Hi
d'iconie aux Cadis 6c Officie» 1
d'Afie en faveur du 6ieurPauI
Lucas.
AVx ffavans Seigneurs Efendîs Jh*
rijconlultes , les Cadis rejidens fut
la rente depuis hortie jiiftjues k Alep dent
PExcelUnce foit ttu^mentée -, Et aux prin-
cipitux Chefs & Officiers des pais , dent
i'authorlté foit augmentée : Soit fart à ff4.
voir ^ue ce Médecin devant aller à Ma.
cour ou k CaradagU , nous lui avons fait
icrire & expédier ce Buyurdi (ou Ordre)
de nôtre part , afin eju'en la JurifaiHion
de 9»( que ce fait de vous qu'il entre &
qu'il pajjè , vous lui fafficz. fhumir pour
deux perfonnes feules deux Chevaux de
monture ; (^ que dans les lieux (ufpeds
vous le faffîel^accsmpagner par de bons dy
fidèles guides , qui le canduifent fiurement
de l'un de vow à l'autre , c^ que voue
employiez, tous vos foins & vôtre applica-
tion a le faire arriver en diligence au Heu
de M.tcour , & que votts agijjïez, en Con-
fermité de cet Ordre.
Paraphe du Baeha,
Du II. jumaz de l'an iiiS- c'd
à dire le lo. Décembre lyotfj
tjifriejue & autres Ueux. jjj
Je contois en fortant de Cogne, al-
ler du côté d'Ereigle ou d'Adaiia : les
conjonûures de la guerre étant caufe
qu'on n'ofoit fc mettre fur les che»
inins , j'attendis jufqu'au iS. Janvier
1707. fans qu'il fe trouvât perfonnc qui
eût la hardiclTe d'entreprendre ce voïa-
ge, LalTé d'attendre , je refolus dépar-
tir feul , quelque lîfque qu'il y eût à
courir fur la route. Je fis donc cher-
cher deux Chevaux j l'un pour mon
valet , l'autre pour porter les vivres
& le Catregy , qui devoir n:]"accom-
pagner. Lorfque j'eus fait le marché,
nuit Turcs, qui delà concevoientune
haute idée de mon intrépidité , aïanc
comme moi envie d'aller de ces côtez,me
dirent 'qu'ils ctoient prêts à me fuîvre;
qu'il y avoir long-tems qu'ils atten-
doienc une Caravanne i mais que puifZ
qu'il n'en venoit point , ils ne pou-
voient mieux faire que de fe mettre
avec une perfonne , qui feule en va-
loir cent autres pour la bravoure.
^cius partîmes donc pour Erei^le le
I9. & nôtre route fut heurcufe jus-
qu'à Carahounars. Lorfque nous fûmes
fortis de cette Ville , que nous quit-
tâmes trois heures avant le jou: ; cn-
^fcz après cinq de marche dans la gran*
de plaine , dont j'ai tancpatlédanslei .
Chapitres ly. & lo. nous decouvrime»
de loin une troupe de Cavaliers, que
nous jugeâmes être des voleurs. Je de-
mandai à ceux qui m'accompagnoicnt
quelle refolution ils prcnoient à lavâe
de ce péril : ils étoient tous ailèz incer-
tains & fort embarraflèz de leurs perfoO'
nés. Je leur remis le cœur au ventre,
en les aflurant que toute cette troupe
nemeferoit pas encore peur, quand je
ferois tout feul ; que ce ne pouvoit Être
ijue des Turcomans , dont toutes 1«
armes font le Tabre & la lance ; &
qu'avec celles que nous avions , nous
ferions des lâches , il nous craignions
la moindre chofe. Après ces mots Je
in!s_ pied à terre ; ils le firent aum-
J'étendis un tapis, & je mis deflus tou-
tes mes armes avec ma munition: il^
préparèrent les leurs de leur côté, Lv-
voleurs s'apptochant de nous, je pn
mon fufil dont je tirai fut eux un cou;;
Pà balle perdue , pour confiderer en-
fuite la contenance qu'ils ticndroîeni.
Mes illudres compagnons à ce coup ,
que je tirois pour leur feureré, prirent
fi fort l'épouvante , que laiiTant leurs
bardes à terre , ils montèrent tous à
^H ciieval , & ptUent la fuite à toute b^H
l'jiffn^He & dutres lieux, jjy
de , vêts une colline qui éioit bien 3
une lieue & demie de nous ; ainfi je
leftai feul avec mon valet Se le Ca-
iregy. Les voleurs nous voïant aban-
donnez des autres , accoururent à grand
pas , perfiiadcz qu'il leur feroic fort
aifé de nous exterminer. Ce fut alors
que refolu de perdre la vie , je crus
devait la vendre bien chet. Je ptis
mon fufil à quatre coups , & je com-
mençai à leur tiret droicau corps. Mon
fripon de Catregy, dans le delfein de
ne lailTer tuer que moi & mon va.
let , me dit qu'il connoifToit ceux qui
m'attaquoient , & qa'il leur alloit
parler. Cependant je tirois fans celTe
fut eux , ce qui les empcchoit d'ap-
procher de moi ; car à deux fulîls 8c
deux paires de pîftolets feulement j'a-
vois feize coups à tirer , Se mon valet
qui étoit un garçon fort brave , avoir
loin de les recharger dans le moment.
Les Turcomans craignent le feu , &
fouvent au feul bruit ils s'enfuient :
mais ils font comme les Parthes , ou
commeles chiensà qui l'on jette une
pierte ; ils reviennent enfuite, & font
toujours le même manège. J'en avois
(Jéja fait tomber quelques-uns , Se les
autres s*étoient retirez , même aflès
I
f ;i> Voyage dans t Afe mlntta
loin : mais ils revinrent auHÎ -
toute bride , comme s'ils eulTent
lu nous pafler fur le corps. Par I
heur nous fûmes aflcz prompts ,
pour lirei trois coups de mon Aifl
quatte,& mon valet pour en tirer \
■de mon fufil à deux. Cette déchi
fubue & à laquelle fans doute ilsJ
s'attendoient pas , leur fit prendre
fuite une féconde fois. Un des 1m
plus hardi que tes autres , continua
courfe , & vint droit à moi pour me
percer de fa lance : je !a parai avec moi:
fufil, mais ce ne fut pas lî bien quc|e
nefullè blelTé à la main gauchcjccqui ne
m'empêcha pas de lui tirer un coup de
piftolet alTcz à propos pour le renver-
ler. N9US eûmes le lems de recharger
nos armes ; & je les atcendois encore
de pied f?rme , quand au lien de reve-
nir pour combattre, je les vis s'appro-
cher d'un air fuppliant , & me crier que
je ne tiralTe plus, J'élevaima voix , &
je leur fis entendre que je tircroi-.
toujours , s'ils ne me rcnvoïoient a-i
plus vite mon Catregy , qui s'étoit nii.
ce leur bande, J'avois befoin de lui ;
& malgré fa fripponerie je voulois le
ravoir , pour me conduire dans ces
chemins qui font par ic ■ -^ ■•
Fj40naHe & autres lieux. jjy
que Von ne fçait paï pour y avoir paf_
fc ane fois. Ils le lappellerent , & il fuc
obligé de revenir.
Je lui fis des reproches fanglans fur
fon procédé à mon égard ; & entre au-
tres chofes , je loi fis fcntir qu'il fal-
loit être bien Uche , pour abandon-
ner un homme qu'il s'etoit engage de
guider. Il me demanda pardon , & me
promît qu'il feroit dans la fuite d'une
fidélité capable d'effacer le fouvenir de
{a fauce. Ainti je fis charger mes Che-
vacx; je les fis marcher devant moi ; &
je me tins toujours fur mes gardes :
j'avois affaire à des gensfur la parole de
qui je ne devois pas trop compter.
Ils demeurèrent long-tems oïl je les
avois laiffez. Autanr que je pus voir,
lorfquc je fus parti , ils commencè-
rent à creufer la terre , pour enter-
rer ceux qui ctoient reliez fur la pla-
ce. Je dfffcndis à mon Catrcgidc dire
un moi de ce qui m'étoit artivé. Nous
marchâmes tout le reftc du jour ; Se
nous arrivâmes enfin à E'ei^U , d'où
je fortis dès minuit , de peur d'être
oblige d'y fouffrir quelque avanie.
C'éioit être d'une grande relblution
dans un lems o\i perfoitne n'ofoic pa«
BÎue : mais après m'êtte échappé d'un
^ Ttm t. P
4
5j8 foyage dans t j4jîe mtTtettre ^
aufll granti pcril, js croÏDÎs pouvoir ve-
nir à bout de tout. Il faut avouer qr;-
la rencontre de ccttei troupe m'avon
caufé mille fraïeurt ; & j'ai cent fcii
remetctcla Providence Divine, de tn'ii-
voit prcié fou fecoars dans unlî pcef-
iânt beiôin. En effet qui pourroît ctxii-
xe , que Tans une ci'pece de miracle,
i"aïe pO me tirer des mains dfc tiClM
ommes , tous bien montez , & ov-
tre cela déterminez comme le foDloQ
doivent être tous les voleurs! j'appris
quelque tems après que j'en avoijtuc
deux & blellc fept & deux Cheraui,
On me dit auflî que les huit Turcs ,
qui m'avoicni quitté pour s'enfuir fur
les montagnes voifines, avoient public
à Ereigie , que les voleurs m'avoient
liaché en morceaux. Cela donna oc-
cadon au bruit qui courut alon en
beaucoup d'endroits , que j'avoîs éti
tué. Il fut confirmé par une Caravan-
ne .qui alloit de Dicrbeker à Conftaiiii-
I nople , &: qui fe trouva le foir même de
nôtre combat à un Villaj^e voîlîn , od
les voleurs fe retirèrent auffi. Ils priè-
rent ceux de la Caravanne deleur don-
ner des onguents & du beaume pour
mettre fur leurs plaies. On leur de-
manda ^i les avoit ft bien accoro.
, . " rFAffriqHC & Autres lieux. )^
jnodez ; ils repondirent que c'éroit un
Franc ; mais pour ne pas paroître avoir
quitte le champ de bataille , fans s'être
vangeZj ils contèrent qu'ils renavoieiit
bien puni ; qu'ils l'avoient tué; qa'en-
luiie ils l'avoient coupé par morceau»,
& même qu'ils avoient mangé de fa
chair. Comme l'on connoît la barba-
rie des Turcomans , on les crut. La
Caravanne ne manqua pas de publier
ma mort à Con^antinople : de-là le
bruit en vint à Marfeille , d'où il s'eft
répandu par toute la France , oïl l'on
a été long-tems perfuadé qu'on ne me
icveiiott plus.
CHAPITRE XXXVII.
Lieux délicieux. AiM* : Defcriftion de
cens Ville : fon climat. Mmt T*H~
' rus t *f petit Laiajfe, Inferiptions. Tr*-
di 'US de ces pais pour le Prophète Da-
n^ : dutres Fahus,
LL. jout que (C partis , écoit le i|.
Je matchai (vt heures dans la plai-
ne : après quoi je montai une haute
montagne pendant l'eipace de trois
;ares. pc là nous entrâmes en une
^^u
P ij
I
I
I
mine I.
■^40 VoyÂge dam /* Âfie mlntHye,
autre plaine àe deux lieues : nous
fîmes un fori beau camp , où il?
voulus pas loger. Enfin nous gagi
mes un petit Village voilîn nominé
OltHcoHchcU , où nous fumes fort bien
traktez.
Le zi. nous en forttmes à la poto*
te du jour. Nous marchâmes huit heu*
res dans un vallon , que foiment leï
branches du Ment Taurus \ ic nous
allâmes faire nôtre Connac à un lieu
où il y a deux camps , Se que l'on
nomme Chefctiatmp.
Le 1}. une heure avant le jour ,
nous nous avançâmes entre deux mon-
tagnes ; oii pendant trois heures nous
traverfàmes vingt fois une petite Riviè-
re appellée S^uir^itigy. Enfuite, à la def-
cente d'une autre moncagne fort haute,
où nous avions eu toutes les peines
imaginables à grimper , nous trouvâ-
mes à mi-côte deux médians camps
nommés Culchaugage ; nous nous y de-
lalTâmes de dix heures de marche. Il
y avoic auprès , une hute de Douan-
niers , qui vouiurenl m'inqnietet ; je
leur dis que j'écois le Médecin d'Aflên
Bâcha de Cogne ; ainlî , perfuadez que
mon voïage n'étoit que pour l'aller
trouver , ils me lailléient en repos,
I
ri^ue & Aumt liiux. )4.1
Le 1+. nous continuâmes lie defcen-
dre ; & ouccc que le chemin eft fore
cude , comme nous Scions paiiis aeux
heures avant le jour, nous relTenûmes
jufqu'au lever du Soleil un froid cui-
fant qui nous coupoit le vifage ; mais
dès qu'il parut , nous nous trouvâmes
en un inftant comme dans un autre cli-
mat. Nous étions encrez dans un pais ,
oA nous ne voyions plus que des cam-
pagnes charmantes, fans neige , & fans
aucune marque de ftoid ^ les herbes
étoienc d'une verdeur à faire plailtc j
la plilparc des fleurs pleines de bou-
tons ou déjà écloles , & les arbres auf.
fi couverts de feiiilles qu'à la fin d'un
beau piintems. Enfin l'on peut direqua
c'étoit quitter l'Hiver pour le [ranfpot-
ter dans un Eté agréable : le Soleil
même, dont auparavant les raïons nous
acceignoient à peine , y faifoit fentif
nue véritable chaleur. Ce pais, comme
l'on voit, doit être des plus délicieux^
Ce qui me parut furptenanc , c'cft ce
changement de climat en fi peu de
diAance. Après dix heures de marche,
nous arrivâmes à Ckoejun : C'eft un
très beau camp , bien entretenu , & oïl
l'on trouve toutes les provifions ne-
ïlTaires. Il paffe alTez près une Rivière
P ii)
I
I
'^^1 Vtf*ge tittfts C^fie mît
qui porte le même nom,
Ls zé. nous nous levâmes deux heu-
res avant le jour : le chemin que noiii
avions encore àfaicectoit beau. Nt^ti.
traverfàmes deux fois à gué la Riviè-
re de Cboquet. Au bout de fix lieues,
nous nous trouvâmes à Adana ^ oà
nous devions nous arrêter. Dès qaefy
{us arrivé , je ^s chez le Cadi : je lui
dis que j'crois un Franc ; que je fti-
foiï le voïage d'Egypte par terre ,ôc que
je le priois de lire mon Finnent. Il
me regarda avec un yifage renfrogné,
le me demanda lï je ne poovois pst
prendre une autre chemin pour me ren-
dre en Egypte. Je lui repondis que c'é-
toit ma cuiioUté qui m'ivoii porté à
prendre celui que je tenois ; qu'il l'aU
!oit connoîtrc par ce Ftrmcnt du Grand
Seigneur &par la Lettre du Cadî-Lef-
quer de la Natolie que je lui prefcn-
lois. Dès qu'il eut vu l'endroit . où le
Grand Seigneur marque que je fuis
Médecin ; Ton vifage quittant l'air ~
ché , redevint guai & ferein ; &
eii vouloir lire davantage , il me fi
ftoir , & me dit avec toute l'honni
té podîble : Si vota êtes Mcdtcin ,
ici le bien vruii ■ gem comme vont
tes envoie"^^ du Ciel. Des paroles
I tjiffri^ue & Autres Hettv, |ff^
agréables me ralTùrerent. Il palTe fore
peu de Francs par cous ces païs , Bc
ils y font ordinairenfCnt fore nulrrai-
tez- Ce Cadt me fit donner li pipe
& prcfentcr le calîl-. Il me demanda
enrre autres chofes , ii j'avois apporté
avec moi des remèdes pour guenr les
différentes maladies. Je lui répliquai
(jué j'en avois j mais que quand ils
me tnanciuetoieni, je fçaVois en fairp»
& que j'avois tout ce qu'il me falloîc
pour cela. !l pritde-làoccafion de me
parler de plûfieurs infirmités dont il
éroit atteint : je lui promis de quoi l'en
tirer ; & je lut inarquai qxic j'stirois
l'honneur de le venir voir , lorfqu'il le
fouliaitteroir.
Arrivé cheimoi , j'y trouvai ht gens
d'un Aga qui reçoit les droits de tous
les Etrangers Juifs & Clirêtiens' qui
palTènt par la Ville : ce droit s'appelle
Spe:ngt ; je fus oblit^é d'aller ch;z l'A-
ga , pour m'en faire exempter. Je lui
fit lire le Firment ; &: je lui dis qu'en
gênerai les Francs ne dévoient aucun'
droit fur les terres du Grand Seigneur,
& à plus forte raifon ceux que fa Hau-
teffe prote^eoit comme moi. Maljrré
les deffenles , il me dit qu'il fiilloic
pjïet pour moi & pour mon vaîet 5^.
i> il,,
}44 P'oysge dam Vj4fie nufflinv,
•inci™- temmt *, Je repondis que je ne païe-
«ide'i .rois poinr-, que le Cadi ne l'eût or-
fols cjui donné. Il m'y envoïa auflî-tôt avec
(ouiiU. un de fés gens , croiant que j'y allots
être condamné haui à la main. L'hom-
me de l'Aga repcefenca au Cadi ^ que
je n'avots pas voulu donner le dcoic
<pje dévoient les Etrangers , & que
fbn maître nous envoïoit devant lut
pour me le faire païer. Je répliquai
eti prcfence du Cadi que les Francs
ne devoienï rien dans toute l'étendue
de l'Empire , & que d'ailleurs aiant
un Firmeni delà Porte, il a'étoit pas
fupportable qu'on m'inquiétât. Le Ca-
di , Tans me rien dire , fe tourna du
côté de l'envoie de l'Aga , & lui rfr>
»pliqua brufquement: '^4 iirt» ton M^u
tre , ^Mf e'e(iHn Sauvage & uni bète , s'il
tie fpait piU que les Francs nepaient ritn
dam tout l'Empire. L'autre lui fit une
profonde révérence , & s'en retourna
confus- Je faluai le Cadi , & j'allai me
repofer dans le camp oi\ ('étois logé.
Ce Camp eft à la vérité dans un faux<
bourg , & par confequent incommode
à caufc de l'éloignement : mais il eft
des plus propres &: des plus beaux que
l'on puirte voir- Il y a une cour fort
j^H vatle ; au milieu eft une grande piea^H
rtJfffn^ue & autres lieux. j^j
Cieufëe, qui tient deux muids , & que
l'on emplit d'eau cous les jours deux
fois , pour en fournir ceux du Camp
qui en ont befoin. Enfin il y a la com-
roodiic d'un ombrage délicieux , que
font plulîeurs beaux Orangers dont il
efl: environné ; & qui le rend un des en-
droits les plus cliarmans de la Yille. A-
danaeft , ce me fenible , fous le plus
agréable climat du monde. L'air y eft
des meilleurs pendant l'hiver , &c les
jours y font plus beaux qu'en bien
d'autres lieux au prinïems. Toute l'an-
née il y croît des fruits , que tes au-
tres pais ne produifeni qu'en ceiiaines
iaifons ; comme des melons d'eau , de»
melons ordinaires , des concombres,
des grenades Se toutes fortes de légu-
mes & d'herbages. Pour l'Eté , appa-
lemmem que l'on n'y trouve pas autant
d'agrément ; car à mcfare qu'il appro-
che , cette belle Ville voit fonir fc&
Habjtans. Dès le mois d'Avril les cha-
leurs y font fi grandes que tous le»
Eourgeois font contraints de fe refu-
ser dans des montagnes , que l'on
appelle Lmn^e , &que je crois être de»
dépendances duMont Tautus. Ils y de-
meurent près de fix mois de l'annfc r
Kuis aunî,di:.on,que la vie y eft tou^
I
I
I
I
i
I
î4.ff ^"y-^i^ ^•*''' tAfie minmn,
à-fait deHcieufe , & que pendant
iîx mois il fe faic les plus belles Vi
les da monde fur ces hauteurs plantées
d'arbres & pleines de grotes & de four-
ces d'eaux. A l'extrémité d'Adana , du
côté du midi & au pied des murailles,
pàlïe une Rivière auffi large que la
Seine , nommée Chaijiter. Sut fes bords
eft le Château de la Ville : il eft pefl
mais bail fur une roche vive Sc V^Ê
forte. '^1
Comme je pafïois un jour auprès j
l'Aga qui le commande , mefitappel-
1er i & me deniand.i , fi je n'ctois pas
le Médecin Tranc. Je lui dis qu'oUî "^
me pria d'encrer & de prendre avcci
une talTc de cafFé. En caufanl il tn
des complimens infinis fut les gi
fôns que je faifois dans la Ville
nie dit qu'il n'avoit jamais entendu _
lec d'aucun Médecin' , dont les fci
des eullènt autant de vertu que
miens. En même tems il me moi
un de fes yeux, dont ilne voïoic pri
que plus ; & me conjura de lui faire
quelque remède pour l'en guérir : je
lui promis, Enfuite il me demanda fi je
voulois voir le Châte.iu , & ordoniu
â tin defes gens de me montrer toat.
Après avoir palTc la première 9^
^fl
fyfffri^ue & autres lieux. jï^
bte de muraiiics , qui eft flanquée
[ pluHeurs tours , nous cnirâmes par
fte porte aufli vieille que le Château.
pie eft faite de groilès barres de fet
Vêtues de gros fers à cheval épais de
Ibis doigts , longs de trois quarts de
ted fur un demi de large , & clouez
Fcloux taillez à pointe de diamants
r la tête , qui eft de la groflèur d'u-
( balle de jeu de paume. De-là nous
■" i dans de petites rues dont les
jaifons font la demeure des Soldats
[ la garnifon. Ces Soldats y ont leurs
nmes & leurs enfans ; mais cela ne
a. pas à plus de quarante ménages,
hhiiie nous fimes le tour des muraiU
1 je n'y vis qu'une feule pièce de
mon de fonte , encore afTcz petite &
iviron deux livres de balle feule-
nt. Il y aplufieurs Magazins , maïs
lîdcs ; & je ne trouvai dans tour ce
lâteau rien de remarquable , qu'une
fon afircufe , dont l'afpeâ: feul eft
lable de faire frémir. Elle eft de for-
te ronde comme un puits : elle a bien
lixante pieds ; de circonférence , Se
quarante de profondeur, il y avoit alors
une foixantainc de piifonniets , pref-
que les uns fur les autres , Se dont la
lifcre ne pouvait que toucher de com.
iflioa. P vj
I
: a ai.
F ^^ ^^yX' '^''"^ 7-^ fie mineure ■
C'eft dans cette prifon que fut mis
Stepbam Patriarche des Syriens a«C
trois autres Evêques qui profeflbient
la. Religion Catholique Romaine. Les
Syriens Schifmatiques après leur avoir
fait faire de grandes avanies & une
infinité de peines qu'ils fuporterent en
Martyrs , vinrent à bout a force d'at.
genc d'obtenir contre eux un Commoi
dément du Grand Seigneur. En coiu
quence de cet ordre ils furent charge
de chaînes , & d'Alep amenez dans
cette aflreufe prifon. L'infortuné Pa-
triarche y mourut en confelTant jufqu'au
dernier foupir la Religion Catholique.
Plufieurs autres y fuivirent peu après
fon exemple : & les Chrétiens du païs
m'ont affuré , qu'ils moururent toOl
comme de véritables Saints. r
Cette petite forteteilë n'a pas plus |
trois cens pas de tour. Lorfque V^
fort de la Ville par ce côté-là, on s
fe fut un beau pont de pierre de quin
arcades. A main droite au Ponant, (6m
de grands Aqueducs au bas defquels
on voit des roiics qui puifeni l'eau de
la Rivière à peu prts comme les roiîeî
de la machine de Marly. Ces Aque-
ducs portent l'eau de Chaquet dans tou-
te la Ville par differens canaux j & if
It gueres ^e lieu oïl il y aie plus , ai
bIus belles Fontaines, qu'à Adana.
l'y trouvai reuleraeni deux Infcii-
■ns , dont la premie-tc ef): d'untom-
^ln , où l'on défend bien de mettre
Iperfoniie , d'aucune autre famille , que
de celle du mort. La féconde , quiefl:
eu vers liexametres & pentamètres ,
paroît avoir été faite en l'honneur do
quelque Grand , qui avoit mis la Vil»
le à couvert des inondations du Fleu-
ve. On y fouhaite à ce Seigneur une
gloire immortelle , fcmblable à celle
Éfe font acquifc ceux qui ont fait
les canaux du Nil. Voïez les In-
tions nomb. 6+. & fij.
ommc je pratiquai à Adana la
ecine , les guerifons que j'y ope-
rai , m'y firent trouver un gtand nom-
tre de bonnes Médailles. On me dit
suffi que j'en aurois indubitable -
ment, à Tarfe. Cette Ville n'étant qu'à
huit lieuts Jd'Adana , je n'eus pas de
peine à en entreprendre le voïage. Ainfî
partis le ï. Février neus marchâmes
pat Ponant dans une très belle plaine.
En deçà des anciennes ruines de Tarfe
nous palTames fur un beau Pont de
pierre , dont la Rivière s'appelle Meri.
"% ou SyndftQS, Arrives aux démoli-
rjfa Voyage àdmV Afte mntart, ^H
tions , nous entrâmes d'abord par t!^^|
srande parce encore entière , faite wl
I
grande porte encore entière
grorïes barres de fer quaricei , de vingi
pouces dcpailTeac foc chaque côté :
elles ont chacune près de trente pic.!;
de haut. Les abords de Tarfe font tout
en ruines ; & le peu même qui refte,
& où il y a des Habiiaiis , ne mérite
pas que l'on en parle. Les Grecs n'y
ont pour Eglife qu'une chaumière , dont
la vue fait aficzconnoître leur indigen.
ce. L'Ej^life des Arméniens eft palfa-
blement belle. Ils content que c'eftS.
Paul lui-même qui l'a fait bâtir ^ &
Ton y voit une pierre de Marbre , qu'ils
aiTùcent être celle où les Apôtres éioicnt
aljîs , lorfque Jefus-Chrift leur lava les
pieds. Ils difent encore , l'alTûrant
même par ferment , que le Vendredy
faint il fort de cette pierre une grande
abondance d'eau , dont ils rempliflcnt
plufieurs vafes , &: que cette e.iu guc-
rit d'un grnnd nombre de maladies. Si
la choIê cft véritable , il eft facile de
s'en convaincre : je voudrois pourtant
l'avoir vue, pour en être vcritablemein
perfuadé ; & je n'ctois pas un homme
a les en croire fur leur parole ; parcc-
que leur païs me parut plus qu'aucau
autre le Roïaume des Fables
I
I^j4ffr!ijue & Mirit lieux, j-jf
y débite même d'un fang fcoid à far-
ptendre tous les Etrangers, Les Ha-
bitans alTurentqae c'eft chez eus oAeft
morr le Prophète Daniel ; j'entrai dans
une Mofquée , fous laquelle on pré-
tend qu'il a été enterré. Les Turcs y
ont mis fur une grande tombe un cer-
cueil de bois , qu'ils revêtent ; & ils le
font voir eus mêmes , à ceux qui vien-
nent à Tarfc , comme une rareté. Ce
cercueil eft toujours couvert d'un grand
drap noir en broderie.
On détruit à prefent les anciennes
murailles de la Ville , pour y bâtir des
Camps & des mailons. Tarie n'eft pas
peuplée , parce que lapeftc yeftpref^
que toujours. Ce n'eft pas que l'ait y
foit abfolument mauvais ; j'en attri-
bue U caufe h. la mal - propreté des
Habitans , qui n'ont aucun foin de
faire jetier les immondices de leur Vil-
le , & chez qui pour ces fortes de cho-
fes il n'y a aucune police. A juger de
Tarfe par fcs anciennes enceintes , elle
avoir plus de quatre lieues détour: je l'ai
fait; & parl'fxamen & l'infpcftion des
ruines d'une lî grande Ville , je ne doute
nullement que ce ne foit dans les trem-
blemens de terre qu'il faille chercher
la caufe de fa deftcuilioti. L'on y voit
I
I
I
xnanifefteinent des Edifices renvedex^
donc ks fondemens femblent fordide
terre -, c'eft-à-dire ie haut en bas &le
bas en haut. Je n'y trouvai qu'une pe-
tite In fcription : elle parle d'un Eutro*
pe , qu'elle marque avoir été Gouver-
neur ou General : on la peut lirenomb;
Autour de q^% démolitions , enpli»-
/leurs endroits croiflTent fous terre de
petites racines femblables à des oeufe
de pigeon ; & que l'on appelle en Turc
TéiHfalac^ CesracineS' font un peapbu
tes ^ & ont en même temi de petits
rejettons comrme des cheveux. J'en pri»
quelques-unes par curiofué^& d'autaûC
plus volontiers , qu'au rapport des Ha-
bitans de Tarfe , elles ont quantité de
vertus extraordinaires. Je ne dirai rien
de la crédulité de ce peuple fur le»
grands trefors , qui iêlon lui font ca-
chés fous les ruines de cette Ville;
Il eft certain qu'il y en a iî elle a^
été renverfée par des tremblemens dé-
terre , Tarfe aïant été autrefois une
Ville où abondoient fans doute les ri-
cheflfès : mais on dit Souvent ce qu'oa
fouhaitteroit r & il eft étonnant , que
CQs gens qui parlent toujours die uç^
toï%, j, ne les déterrent jamais j. ils font
'<:oM infitii-
ur leur hau.
vûdeiîile.
: admirable
'is àlecon-
une petite
^firendus , a
i:.'r des con-ci
-iitret , ils «
leur mon- «
^ dans une «
Là ils s'a- «
hoiie , & «
oient ap-«
Ju Jieu & «
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'Ss'y]aiflè_«
re fût du- M
ipiflèment,"
■Is l'euflènt"
'unition de«
' on le croit u
<\ai ne doit »
■s refterentw
cinquante «
inmeil un «
"fiifant de -
Hnaires à "
■•ca, &lcs«
1
z s'élève une montagne d'une rocbé
Tire ^ & tellement e&arpée de toatei
parts »-que Ton n*y remarque aucun
chemin. Ce lieu qui eft à trois lieues
de Tarfc ^ paroît eflfeftivement être
quelque choie d'extraordinaire. ^Surcet-
te montagne eft une grande Ville \ 8c
de la plaine Ton en apperçoit les por-
tes^qui font de fer.Les gens du pais ap-
5 sellent cette Ville la Ville de Nemroi\tc
Is prétendent qu'autrefois elle croit hv
bitée par des Geans qui étoient les maî-
tres de tout le païs. Il y a de la Ville
en bas trois grands degrez , du côté oA
l'on Toit la porte : ils ont trente à qaa«
rante pieds de haut chacun , & font
faits fans doute à proportion des jam-
bes de ceux qui les montoient \ c'étoic
ar là que les Geans defcendoient dans
a plaine. Ce qu'il y a de certain , c'eft
que les portes que j'ai vues de mes pro-
pres ^eux , ont plus de cent pieds de
haut chacune ; & que les bâtimens,
que Ton remarque fur la montagne,
font «d'une grandeur abfolumcnt pro-
digieufe. J'avois un chagrin mortel de
ne pouvoir pas monter en haut, pour
vifiter ces monumens , qui font des
plus merveilleux de lantiquité. L*on
voit , dans ce qui paroît être la Ville,
r.
'le g «le.
'miiahle
-i le con.
;:(ÎUS , «
s con-«
'!■ , ils «
mon-c
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lis g'a- a
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1 liante M
'l un n
lit de *«
rcs à «
%S Vtyige détii CAfie m:ntufe\
H défit. L'occafion , comme l'on V(|
n étoic à prendre aux cheveux ; & p
M eue que fans ce long fomme
« Géants demeurez fur terre , y feroie
» les lavages donc on a tant parlé l
n tems paffé j Se Dieu fçait ce que nol
M ferions nous autres pigmées. Ma
" voici de grands évenemens qui ftlin
" rent cette îlluftre défaite.
*> Les quatre Géants réveillez au b
" de cent cinquante ans , commd
" cerenr à Ce dire l'un à l'autre : ^1
" après avoir fi bien m»tigi Âvant fï
n nous endormir , il efi po0hte fut K
"meitriâns de faim! On dît i^ue ^m t
» dine .• mais ajfuremrntnt le jrr»vei^
j» n'e/} pas ponr nous : il fant ^ue U f*
npiit venue fi réfugier îcy it ^itel/jHe e
n de U grotte: Ils ficcnt qiielqties-au-
»*tres réflexions fur leur faim canine^
w& enfuice ils en choifirent uiTd'e
" cre eux , pour aller d'abord à la\
nie leur quérir quelque chofe à mal
"ger, dans le delTein lorfqu'il fecoitl
» retour , de faire enfemblc la cohmi
» fion donc les avoit chargés la lepnl
w que gigancefque.
" Ce Géant parti de-Ià & proche a
M la Ville , fin d'abord frappé de p"
M Geuçff'thangemens -qu'il remarqix
tAfff'KjHt & Autres lieux. )f7
Ks Habicans lui parolifoient habillez "
[iine manière loutc autre qu'aupara-**
int; & quelques-uns à qui il voulut <*
femaiider quelque chofe lui parle- «
tnc une autre langage , qu'il traitoit <i
I baragouin , & qu'il n'entcndoic <«
b. Il cioit en un mot malgré Ci »
plie fuperbe tout honteux. »
\ Mais ce fut encore quelque chofe «
f plus furprenant pour lui &pour««
llite laVille, lorfqu'aiant été amc»
} devant le Roi, il dit à fa premie-o
. demande, iju'étant partis le m/tsin «
ilHprès de leHf Covtmandam au nom- «
r de quatre , Us éroîcnt entre"^ dans u
r gnte , eit aprèi azolr bu & mangé,'*
Xt'étoieai endormit : ijut fes campa- «
ffns attendaient fin retour pour defcen-u
r avec lui dans la faille , (^ qu'il prît «
mvde de ni pas offènfer leur AÏahre U -
wdouiabU Nemrod. Il faut ifuetufois «
tien effronté , lui dit le Roi , de mefai-u
re ici de femblables mentenes ; mais tu «
firaspuni comme tu te r^eritei , & il t'en «
coûtera aujourd'hui 'l 'êie, u
Le Géant lui foutint,?«"iV ^/i/i" la *i
vérité , (ju'il confentoït qu'on lui ôtàt ta et
vie , fion le trouvait en menfinge : en. »
fin que ji an ne voulait pat le croire , *t
U grotte ail il avait taijfé les autres n' é~«i
^ftV BUS loin, Mais , difoit le pe]||^B
^S Voyage daut l'-^fie mineure, V
ïjple, tune /fais donc p M , ifHt Chem.
» me dont tu purle k fa Msjeflé , a éti
» défait pat- fan grand-pere , y«( a exter-
>t miné avec lui tous les autres Géant}. Il
» perfifta toujours à dire, ja'ow pourroii
»fi convaincre foi-méme dece ^u'i/a/furml.
M Le Roi de l'autre côté, perfuadéque
jj c'étoit un Géant defccnJu de quel-
» qu'autr», commcnçoit déjà à craindre
» pour fe: étais ; & lui demandott m-
tj ftamme : le pais d'oi\ il venoit. AU
•» fin il li.i promit la vie pour lui Se
M pour fes compagnons , s'il prouYoit
" la vérité dece qu'il avançoic. Il oi-
" donna à fa garde de l'accciipagner
••vers U grotte. Mais;V/»ù ©^wa^ajoû-
» ta le Gcant , peur chercher à mangir
»k mes camarades ; rè" je juge ejueft leur
H ventre ejl aujfimalade tjue le mien ^iU (tut
M bien prêts de mourir de faim , & fonr-
w reient ùien me faire mentir.
i> Le Roi lui fie apporter fur le champ
Ȉ manger : mais il n'en voulut rien
M faire ; & demanda à porter ce qu'on
» lui prefêntoit à fes compagnons, avfi^
« qui il te mangeroît. On l'y lai!-
M la donc aller^ il raconta aux autres
» cette étrange avantute : il leur dit
i avoir appris que leur roîau.
» qu
appris que I
ttme ni f^ fi finit plus : que U Î&» qni
l'Afrique & autres lieux. jjy
rt^noit à pnfeni iam Itt faille de Tarft, «
itois le fecit.fih de celui À qui ils allosent h
demander dei centribuùons ; que l'autre m
étoit mon il y avait plut de cent ans ; & n
que de U manière dont il vêtait Us (ho. m
fis, changée! , le langage vurîé . & les a
maifins qui fiil>Jî/îe:eni de ce tems-lkab^m
éatuës ; // y avait bien cent einquattte m
ans qu'Ut dormaient. Ses camarades de m
leur côté le iraicerent d'écervelé ; & m
il eut beau leur dire qu'ils feroicnt »
bien-iôc convaincus, ils tegardcrenc «
toutes fes paroles comme les fruits t«
d'un efp.rit dérangé , tant qu'ils ne w
virent point le nouveau Roi à leurs «
troufics. Sa prefence les étonna; mais «
ils le prièrent de leur lallfcr voir la«
vérité de toutes les chofes qu'on leur w
difoii. Il les fit conduire par toute «•
la Ville ; & ils furent étrangement «
furptis de n'y voir plus aucuns «
Géants. M
On ajoute qu'ils fupplierent le Roi «
de leur faire connoître le Dieu qu'il «
adorou , parce qu'ils vouloîcnt aulTl »•
l'honnotct dans la fuice j perfuadez»»
que c'ctoit lui qui les avoir aflbupis, «
pour les empêcher de fecourir leurs w
camarades , &c dans le deflein d'aba-««
^tffC la puifTance des Géants, Le T
\w
560 Voyage ditnsl'jiJiemineHre^ ^^
» leur accorda de dcmeurei dans la groft- ,
» le , à condition qu'il y meiiroii un
» gacde. A ce garde on donna un iiou.
M peau de mouton, dont le lait feroit
» deftiné pour leur nourriture. Il faut
» croire .^ue le Roi de Tatfe avoit don-
" né de bons piincipes à ces Géants ;
«car on allure qu'ils menèrent là uae
» vie fort retirée &c fort auftcre..
Avant leur mort , dont 1
que pas précifement le tems , ils y d
ferent des antres profonds , dont l'e
trée elt dans leur grotte. Il n'y en a
qu'une pour tous ces antres, qui retien-
nent , & communiquent de l'un à l'ao-
tte. Cette entrée cil faite comme la
bouche d'un Chameau ; Se l'on aniue
que lorfqu'un homme eft un menteur ,
un fcelerat , ou un impur ; s'il veut en-
trer dans ces antres par cette bouche,
elle fe ferme d'elle-même & récrafe.
Au contraire les bons fie ceux qui ai-
ment la vérité , y partent , loriqu'ils
veulent, librement; & fe trouvent en-
suite dans des lieux où ils goûtent loui
les plailïrs imaginables. L'on me conta
auflî qu'il y en a qui y font reftez ,
charmez de la beauté de ces lieux &
ne les- pouvant plus abandonner : que
d'autres en font lelTottis pour quelques
affaires
^1
F Jonque & autres Btux. 5 Ht
ailaires qu'ils avoienc fur la terre : mais
que le plus grand nombre , eft de ceux
3[ui y ont été écrafez. Enfin Ton me
ît qu'on y voit encore fouvent le gar-
de qu'y mit le Roi de Tarfe , avfcc fon
troupeau de moutons Se cinq ou fîx
Bergers qui fe promènent enfemble.
Je n'aurois jamais fait fi je voulois
raconter toutes les merveilles qu'on dé-
bite. Pour la Ville , les portes , & les
degrez ; ce font des chofes que j'ai vues.
J*efpere que dans un autre voïage , je
pourrai monter dans la Ville , ou en-
trer dans ces antres ; & regarder à loi-
fir des monuments fi curieux. Il s'y trou-
vera peut-être quelque Infcription qui
nous inftruira plus pleinement de ce
que c'a etc.
Je ne voulus pas refter long-temsà
Tarfe 5 parce que ma qualité de Méde-
cin m'obligeoit quelquefois de vifiter
des peftiferez. J'oubliois de dire que
cette Ville s'appelle encore Tarfou,
J'en fortis donc pour retourner à Ada-
na où je ne demeurai que jufqu'au 15. de
Février.
r: ":#«' ^. Q.
CHAPITRE XXXI3
Sitite du vo'iagt. Hifloira d'n
Médecin. Arttîoche.Alcp. Rivière À
iraham- Chien extraordinnûre, Si^
Jaffa , traditions de ce pais .
JE partis d'Adana en la. compi
de plus de quarante pclenns 1
alloient à Jecufalem , 5c la plâj
menoienc leurs femmes avec eOK
Nous patHiniesle Pont dont j'ai paili,
& par confeqticm la Rivière de ChjjJ
quet. Nous prîmes nôtre route pAtl
vant & par Siroq. Après lîx heurei
chemin nous trouvâmes une autre t_
viere aufli^rolfe que la Loire , & dom
le courant eft aullî fort doux. Ccil.
Rivière s'appelle Chagan : on la pa rte
fur un beau Pont de pierre de i ^~
arcades. En fottant de deifns
entrâmes dans le Cafabas de MJ^
oâ nous logeâmes dans un Camp 1
grand. On voie autour de-là des |
ncs confiderables , qui marquent i
c'eft la place de quelque belle ifij
Les pèlerins païerent à l'AgadaJ
un i'iuparicte. On m'y coma qtB
L
^™ Vj^ffrique & auircs lieux. jfjj
les monugnes voiiînes , qui font en
artcz grand nombre , il croilToit quan-
tité de (Impies rares 6c d'une vertu
mcrveilleufe. On me vanta lur tout ,
celle de Gebelneurs *. C'eft une tradiiioa «ohm
des Habiians , que les Médecins de *^^\
l'antiquité y vejioient de fort loin cher- Mn,
cher des Herbes ; & qu'un entre autres '''"'■
des plus habiles y avoii trouvé an lîm-
pie admirable, qui pouvoit faire vivre
l'homme beaucoup plus long . tems
qu'il ne vit à prêtent , fans être jamais
malade ni fouflrii les incommodités
de la vieillelle. Mais nos joies font tou-
jours fuivics de quelque malheur im-
prévu : ce Sage en revenant , oblige
de palTer la Rivière , s'y noïa. Par là
il perdit la vie qu'il alloit fe confer-
ver , l'herbe qui la lui auroit prolon-
gée , & les livres qu'il venoit de com-
pofcr pour laitier une (î belle connoif-
fance au ^enre humain.
Le 16. partis à ta pointe du jour,
pendant une heure nous cotoïames la
Rivière : elle remonte un peu du côté
du Nobl. De- là nous continuâmes nô-
tre chemin par Levant. Ce pats ell par
tout fort beau : Ton y rencontre fuc-
cefEvement des vallées , & de petites
collines , qui par lems eaux en caufçnt
A
I
1
Voyage dans t Afie mineure
îâ ïêrtilité & la verdeur. Il y a fur là
plupart de ces collines des ruines d'an-
ciennes habitations magnifiques. Aprci
Cspt heures de marche , nous paflàmt:
devant le camp d'jifen Bâcha ; il r'
avoir pas plus de trois cens tentes. So;i
armée étoit compofée d'enviton loooo.
hommes. Avec cela il faifoit la guêt-
re aux Turcomans : il les avoit même
défeits en pluiieurs cadroirs ; Se pour
jetier l'épouvante parmi les autres , il en
avoit fait pendre un très grand nom-
bre. Le lieu où il étoit campé s'apel-
le CoHrtecoiiUa : il n'y a qu'un Caravcn-
feras qui foit palTable -, & les Villages
d'autour ne font pas fort gros. Detrie-
le Courtecoulîa eft une montagne af-
fëz haute : une lieue de chemin nous inij
au fommet , où nous fimes nôtre Ci
nac auprès d'un ruiiTeau,
Le 17. après avoir traverfc petK
une demie heure une plaine d'une lii
qui eft fur cette montagne , nom
defcendîmes par un chemin qui m
parut fait de main d'homme : it
toujours entre deux rochers, ^a
nous trouvâmes une grande arcade
tie de greffes pierres de taille , Se ap^
puïée de chaque côté fur deux rochers.
Je ne douce point que ce lieu n'aiiété
Pj^jfrifue & autres lieuSi^ féf
autrefois un paflage très difficile^ il s*ap^
pelle Cardly^capy. Nous y vîmes quan^
cité de Turcomans pendus & arrêtés
par la poitrine à des crochets de fer.
De-1^ en deux heures nous g^gnâ-i
tnes le rivage de la mer. Jufque-là tout
le canton , dont nous avons parlé de^
puis les portes d'Adana , eft appelle
Derveiein. Nous fîmes le tour du golfej
& nous arrivâmes au Pdiajfe. C'eft une
âflèz bonne Ville : j'y logeai dans un
Camp , te laiflai partir ma compa-*
gnie. J'y reftai tout le i8. & voïanfi
que je ne trouvois point de médaiU,
les , j'en fortis le 19. pour me ren-
dre à Alexandrctte . Je mis quatre heo*
res entières à en faire le chemin#
Sur une petite hauteur à une lieue en
deçà y fè voit un ancien Château : il
eft prefque démoli en dedans ; mais il
a encore des portes de fer toutes fer-
mées. On l'appelle Murcftuz. ^ & les
gens du païs difent qu'il eft pitin iz
crefbrs gardez par des Efprits.
Alexanirette eft afliz peu de chofe:e!î*
eft tîtnce dans un l:ea zr*i\ i^\.r\ & nu-
rcca^enT ; & :! s'en faa* bieri q:x\. ^
aitaîirar.:i*iia:canîqa*er. dri':r.: ^y-y.z
Bii ?orr iz Mer. Lorf-T-::^ |V é-.'^:: . :i
j V ;.*Ti iz ren: ci':.^ 23:»* *-.• *^^-
i
r
Vayage dam ['j4jie mineure,
. Sz qu'on peut fort bien nomtnet
Ouragan : il devint en peu d'heures G
violent , c[ue les VaiHèaux qui étoieat
au mouillage , fe détachèrent des an-
cres , furent poufTea à plus de dix mil-
le , & coururent rifque de périr, C'eû
dans cette Ville qu'abordent toutes les
marciiandiies d'Alep , & qu'on les em-
barque pour l'Europe. Je la quittai le
it. après midi. Nous allâmes coucher
au Cafabas nommé Ballam : le lieu eft
alTez gros -, il eftbâii en amphiteâtte , Se
fur trois penchants de montagne , qui de
loin le font extrêmement paroître.
Le 12. partis à la pointe du jour,
après neuf heures de marche , j'arcivai
à Antiocbe , où je logeai dans un Camp.
Cette Ville , autrefois la première de
l'Orient , a perdu fous les Turcs tome
fa beauté : on l'appelle en Turc Entti-
^uie. Elle ctcit fituée fut le penchant
d'une montagne ; & fes anciennes en-
ceintes font voie qu'elle a été une des
plus grandes Villes du monde. Ses mu-
tailies font, à mon avis , quelque chofe
de remarquable par leur largeur & leur
étendue : je mis quatre heures à en fai-
re le tour : je le fis par delTut , fans que
rien m'arrêtât , que les ruines fur Icf-
queiles je jeiiai les yeux en palEmtfctti»:
lemetit : je dis par d'-lTus ; oarce qu'on
le peut faire pat dedans , oïl il y a un
chemin couvert , qui règne autour de
la Ville , & rend en tems de guette
la communication des Habitaps les uns
avec les autres alTez facile. Il y a eu
des Edifices d'une magnificence à les
faire regretter éternellement : je vis
avec chagrin les reftes de plufieurs ( &
e;ntte autres , dp beaux Temples à
moitié démolis , & dont quelques-uns
ont été taillez dans le roc avec une
adreflc incroïable. Il n'y a plus à pre-
fent que le bas de la montagne qui foie
habite, OAn fait une Vilîe fort longue
qui ne lailte pas d'avoir fon agrément.
Elle cft fur le bord d'une belle Rivière,
que" les Turcs appellent yljftrfiu -, c'eft
fans doute le Fleuve Oronte dont nous
parlent fi fouvent les anciens Autears. Il
cft plein de bon poilTon , & Ton y pèche
les meilleurs anguilles de l'Orient ; les
Antiochiens les filent ; & c'cil «ne par-
tie de leur commerce : mais le plus con-
fiderable eft en foïe & en cire. Ils ont
aulîî de bon vin : il y vient comme la
plupart des autres choies en abondan-
ce ; nous eûmes foin d'en faire nôtre
provifion. Antiochc me donna de fort
—bonnes Médailles j & j'eus lieu dette
I
fis ^
bic' _
»
l
VûyAgt dans l'y^Jîe mineure^
content de la recherche que j'en fis
chez les Turcs, les Juifs & les Chré-
tiens-
Pour continuer mon voïage , je
joignis le deuxième Mars à une O
vanne de plus de cent perfonnes
inées. Nous marchâmes d'abord tri
heures par Grec & Tramontane di
une plaine à coré d'un Lac & de Z*
route , que nous laiilàmes à gauche.
Dans cet efpace nous pallàmes fui un
ï'ont qui a deux portes , & fous lequel
coule ce Fleuve, De-!à nous avançâmes
dans la même plaine environ quatre
heures de chemin ; & nous nous repo-
fàmes auprès d'un Village nommé
Hareim , dans les ruines d'une grande
foriereffe encore pleine de belles voi
tes : elle n'a pour habitans que qi
qucs pauvres gens du païs que4a mil
oblige d'y demeurer.
Le j. après avoir marché deux hl
res dans une large plaine , nous tti
vâmes un chemin rempli de gti
pierres , qui le tendoient prefque
praticable. Les plaines voifines eo
aullî prefque toutes couvertes ; ce qi
ya d'extraordinaire, c'eft que laplûpart
lonttaillées.Ccla pourroii faite conjeihl-
tei qu'il y 3 eu là une ou même plo*
irjui& autrei Cieux. ^69
lleUrs grandes Villes ; autrement je no
vois pas d'oil feroient venues toutes ces
raines. Si elles font les relies d'une feu-
le , il faudroit qu'elle cât eu dix lieues
de tour. Ce mauvais chemin nous du-
ta quatre heures entières. A une licuc
de.là eft un Village nommé Dannu^oà
l'on voit encore les dériiohcions de
quelques Temples ou d'autres beaux
Edifices tous de Marbre.
Le 4. partis à la pointe du jour
après fept heures de marche , nous
nous trouvâmes à j^iep , oà je fus lo-
ger chez M. Sauron mon ancien ami»
O'Alep où je demeurai jufqu'au 24.
j'allai à Tripoli de Syrie pat les mêmes
endroits que dans mon premier voïa-
ge.
J'en fortis le fîx Avril , nous mar.
chàmes cinq heures ce' jour là & dir
le lendemain par des chemins fort dif-
ficiles. Nous fîmes nôtre Connac fur
l'Ahraham , petite Rivière qui va fe de- '
charger dans la Mer à BarH, On l'ap'
pelle autrement la Rivière du Chiev^
parce qu'autrefois il y avott fur les-
bords une colomne fort haute , fut la-
quelle étoit un chien de pierre , de la
grofTeur d'un Cheval , dont le çeuçW
Kfoiite mille choies exHaotàmaue^. C« ■
J70 Voyage iam t Afit mlneurt^ ^H
chien étoîc , me dit-on , fore utiLei^|
la province -, car des que les ennei^H
avoient feulement delfein d'y enti^^|
il en avettiitoit aboïant alors co^^f
nuellfment. La colonne & pat co^^|
quenc le chien ton^bereni dans la ^^|
vîerc- L'Emir Phacradin en fit é^^|
pcr la lêce, & l'envoia en prefentïHHff
Veiiitieus ; ainll l'on n'en voie plus que
le corps. Je l'ai vu par curîofité com-
me les autres : le chien montre le ven-
tre où Ton voit une grande ouverture
quarrée. Cela me fit cotijeiftiirer qu'il
étoit creux : ainfi il cd: probUble que
quelque Prince l'aura fait faire pour
tromper ces peuples narurcllement fu-
perftiiieux. Je ne doute point que la
colonne , qui a dû être extrêmement
grofle pour foutenir un chien fi mon-
ftrueux , ne fut creufe aufli ; de (bite
que (ï-tôt que des efpions apportotetic
quelques mauvaill'S nouvelles ; le Prin-
ce , pour venir plus facilement à bout
defon peuple , fjiloit aboïer le chien,
La voix d'un homme, venue du fond
de la colonne, paroifToità une canail-
le ignorante un Oracle infailliblement
defcendu des Cicux , ou forti des en>
fers.
Le St nûûs çittàmai «\\t Rivietc
Fytffri^ue & autres tleux. 371
fur un fort beau Pont. De-là nous con-
fiderâmes une montagne voifine , qui
nous parut toute taillée en cadres. En
cfFet, nous en étant approchez , nous
vîmes en bas-reliefs des renommées ,
des viâioires , & divers portraits de
Héros , que le tems a un peu défigu-
rez. J'y remarquai des Infcriptions,
qu'il écoit impoffible de décRifFrer. Ce
fut -après ces cadres & de de(Ius le pa-
rapet qui borde l'Abraham, que je vis
d'affez proche le chien dont j'ai parlé.
Il eft dans l'eau ; & comme elle cft fort
claire , je l'examinai depuis un bouc
jufqu'à l'autre fort à loifir : on trou-
ve peu de Chevaux d une corpulence
aufli énorme. De ce pont à Barut ^il y
a pour huit heures de chemin. Nous y
arrivâmes le foir alTez las ; & je fus
loger chez les Révérends Pères Ca-
pucins.
On fçait que cette Ville a été au-
trefois illuftre , foie pour fa grandeur,
foit pour les fciences. On y voit à&%
ruines confiderables , & de deux for-
tes. jLcs anciennes qui font en grand
nombre , mais tout à- fait impratica-
bles , comme de vieux Temples ou
d'autres femblables Edifices , qui étoîent
fans doute déjà tombez avaw\.\^sÇA.Qfw
J71 Vojxgt dam f Apt minture^ '
fades ; & les nouvelles , qui (ont de
vaftes & magnifiques Palais qu'y Ëc
bâtii de ion tems l'Eaiir Phacra-
din. Ces Palais font prefque abandon-
nez , & conitneiiceiu à s'en aller de
louscôtei. Je ttouvai a Baruc quelques
M^-dailles ; & comme tno!i fejour n'y
fut pas long , je n'en partis qu'avec
i'ciivie d'y revenir. "^
Le 10. après avoir marché qtL
lieuces , nous palîàmes le Fleuve d
maar, À cinq heures de là eft une gcoC
fe Rivière , que nous travetfàmes en-
core. Enfin une autre lieue de marche
nous mena jufqu'à Sclie qui ell l'an-
cienne Ville de SiÀon.
Cette Ville eft Çw^^kz fut le bord de
la Mer j & Ton terroir eft par tout féù
tile & fort agréable. Mais Seidc eft p *
de chofe , fi on la comp.ire à Sidoi,
^H Zc les ruines que l'on voit autour de
^H cette Ville , nouî marquent qu'autre-
^V fois elle écoitijifiniment plas bc;lle. Au-
^^ près eft une Ifle qui s'avance dans J
Mer \ & fur cette Ifls ell bâtie la i
tadellc. Elle communique avec Sei
fie à la terre ferme par un ponc ni
gnifîqae ; & ne fert la plupart du tcras
que de prifon aux Grands de ces Pto-
^^ vioces , donc gn ett mécontent. Q^J
lu'âv ec
;s en-
larche
: l'an-
rd de
ur de
lutre-
:. Au-
ms ^m
U^
: n«^
IjéffrlifUt & atttru lieux. Î7J
: plus loin plufieurs autres petires
Ues aiTcz agréables : c'eft là que moliil-
■nt les Vairtèaux marchandî de l'Eu-
bpe : mais le mouillage n'y e(l pas
meilleurs , fur tour dans l'hyver;
teccequ'il n'ya rien qui éloigne la vio-
fcnce des vents. Le négoce de Seideeft
p cocon . de foïe , &c de laines : il s'y
bit par les diffetentes nations avec une
Ritiere liberté ; Se de toutes les Echel-
les du Levant , il n'y eu a point oïl
les Francs vivent plus tranquilles.
Mon intention étoit d'aller de Sci-
de à Jerufalem , pour enfuite me ren-
dre par terre en Egypte : l'occadon
s'en prefenta plus favorable que je ne
l'aurais o[é efpeier. Il partoit une bar-
que pour fjffâ ; & M. Révérend, pre-
mier Droguement de la nation , Ce met-
toit dcflus. Je profitai donc de fa com-
pagnie ; & noLis nous embarquâmes
le II, à quatre heures de l'a près midi.
Nous navigeâmes le refte du jour& la
nuit fuivanteavec alfezde viiefïè.
Le 1;. nous nous trouvâmes vis-à-
vis le cap La^a^a 1 & le vent devenu
contraire , nous obligea de moUilIer
devant Caîphe. Comme c'efl un lieu oiV
kl'on ne rencontre jamais que des fri-
pons , nous reliâmes louie U \Q\it'ci.^t
I
I
Î74 P^agi âkmfÂfe mîwSw^^B
à l'ancre , Se fans mectie pie^|
Le 14, fur le midi nous fîmes Toi^|
mais le veni , qui avoii patu d'ab^|
vouloir nous faire avancer , renrabj^|
toi Tes faveurs , & nous conic3Îj^|
de revenir à l'endroit d'où nous éti^|
partis. ™
Le itî.en cotoïanE le rivage, nous paf-
{amcs devant le Cliâteau Pthgnn^âC'
vaut Cefarie , & devant le Village 'de
Zebedèe. De- là nous fiâmes fans peine
à la rade de Jaffa , où nous demeu-
râmes ians avancer. Une barque du
Port vint nous prendre , &c décharger
celle qui nous avoit amenez ; par.
ce que les bàtimens ne vont point don-
ner fond dans le Port , qui fe comble
tous les jours , & devient par conle.
quent très dangereux. Nous fûmes lo-
ger h. la mailon des Pères de la Terre-
Sainte. Nous y trouvâmes Meffieurs
Brefl qui nous reçurent fort bien. L'on
nous dit que nous logions où avoît au-
trefois logé faint Pierre ; & que cette
maifon avoit été bâiie fur les fonde-
mens de celle de Simon lecorroïeur.
fitFa cft le Port de Mer de h P.i-
leftine ; & étoit autrefois une Ville
/on coiifideta\)\c. OuVa'f^eV.Qvx.iv^
Vi lle 1
Pjlfprlque & autres lieu^: 37^
nement f(fppé : mais il y a apparence
que ce n'etoit que les Etrangers ; &
que les Orientaux Tont toujours nom-
mée fafh ou J^ffa : puifque les Ara-
bes ne connoiflient point la lettre P,
& qu'il eft probable que les Juifs,
qui tenoicnt ces provinces , n*avoient
que les mêmes lettres. Quoiqu'il en
foit 5 JaflPa eft à prefent auffi ruinée que
toutes les autres anciennes Villes , qui
font fous la domination des Turcs.
Ceft le tout fi elle a quatre cens Ha-
bitans : ils font revendeurs ; Ôc ne dé-
bitent que les provifions necelfaires
aux pèlerins de Jerufalem. Ils ont fait
au dehors une efpece de terrafle , fur
laquelle ils tiennent toujours plufieurs
petites pièces de Canon : cela empêche
l'approche des Arabes , qui viennent
quelque fois ravager lep^ïs. Il y a
encore deux Tours quarrées que .rÀga
prend pour fa demeure, il eft mis là
par le Grand Seii^nçur , pour exiger
des pèlerins les Caffars -, c'eft-à-dire pouf
chaque pèlerin quatorze piaftres da-
bouguel : mais aufli pour cette (omme
il fait fournir de voiture jufqu à Je-
Tufalem.
On fçait que c'eft à Joppé ques'em-
bargua le Prophète Jonas çowt 't^^Çv^ \
;oa-
une I
576 Voyage dam ^Afte minturt ,
te que (àiiu Pierre vie un idrap quidefl
ceticloit du Ciel 5c cioit rempli de tou-
tes fortes d'animaux. C'eft auffi une
vieille opinion de quelques Chtcciens,
que de Cette ville Ibrtirent un jour la
Tilagdeleine , fainte Marthe & Lazare
pour Te mettre en Mer fur un bateau
làns voile , fans rames & lans gouver-
nail. Comme la Paleftine eft devenue
un pais de traditions populaires , je rap*
porterai celles des lieux oii je fus obli-
gé de palTer dans mon voiaj^c , fans
précendre les garentir. En voici une de
jaffà , qui paroîc plus ancienne que le
ChriAianifme ^ & qui lellêmble alTez
à la fable de Perfée & d'Andromè-
de.
Le bord de la Mer auprès de cette
Ville eft plein d'écueils : Les gens
du païs diient qu^il y avoir autrefois,
tantôt fous les antres , tantôt fur le
haut des rochers , un monftre mariu
d'une figure hideufe & épouvantable;
qu'il paroiffoit foûveni fortant des an-
tres , & s'avançant dans la Mer avec
des bruits horribles. Ils ajoutent qu'ils
itoient obligez de lui donner toiis les
jours , quelque malheureux à dévorer,
pour éviter de plus grands ravages ;
mais [qu'un Komme (^\a.^o\t,dt^ atte»
■ rjffrlque & autres lieux. yff- 1
devenu amoureux d'une Princeffe qu'on
étoit conicainc d'expoferà ce monftre,
le combaciit , le tua , Se ainil délivra
fa maîtreire du péril , & la Pcovince
de cette affIi£tîon publique. Je m'in-
formai à quelques Turcs , s'ils ne Iça-
voient pas le tems de cette viâ:oice ;
ils me répondirent , qu'elle étoit d'a-
vant Maliomet , & du teins des ptC-
cniets IiiHdeles.
't
BKKAT A,
PAgê 4$. ligne lo* Chcoftrc , /iyf;j^ Quioftre;;
Pitg, 7r. lig» 8. Ghokadara, lif, Chokadar.i
F^g' 7î- %. i^» Sanarafoa, //jC Sanaru-fou: P/ij:^î
Il 4. /ij[» S. par , /t/1 dans. lbii,li^, 24. Dauma-
lic , ///. Domalié. Pag, no. //^. tj. 41//. pa$^
P/rj. 1^6. lig. 19- Vainc, ///". Vams. /^i//. //j. 30-
de même, Pag. i}7»lig- «>• d' Agybrahim , /i/-
d'Agibairamw Z*/»^. I57« %• n. Courangé, /i/Ii
Courangy» Pii^. 179- %• 13. cent, /i/. trois,
Qucve,///. Guevc. P/ï^. ^31.%.. jo. Ab{a>ii/'.
Aba(a. P^»^. 2.7^* %. 7. Da-ont-clic, /i/. Da-»
hociclic. P/»^. 184- %. 16. Guion , /i/l Goujon»;
Pag. 30f. %. i8v Cafabal, ///. Cafabas. i'/if •
^07. %. X4. Kachechiade, lif» Kachechindc^
P/»^. 313. %. 3o.huit,/i/*. dix- huit. Pag, 34K
lig, 17. Choquet ; lif* Choquen.. Pag.. ^^*. lig^
JL iU même*
TmntJL ^ff*
INSCRIPTIONS.
Iiifcnpûoni de tfud^itit Marbret trouves, dam lei
Ru'mu d'un Edifice HHp/ès de eeîlei de CyzSque.
I.
TnN KITHEATKÏTAT...
TnSEIAIaAMBPSIilT...
2ETEP02...
NAIK ITAMETH ;..■ KAI T
TAEAOïnOISAriArO
OAMH2HKATA0E2O
iiAnos non
EAAINIAETXN
4-
KTE:.:KONKTI2THN HH^
AISEniAP XONinNinNrvEÎ
T I O T A 1 0N2E AEÏKONÏON. *
APXiEPEasnpoNOHa
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380 Tuj
ANfiNTHS ÀNASTASEnS
KAI TOTAIA
XnNANAPIANTnNKOSMi
TOT0EATPO.EN THEATTn:
APXHF- lOTAIOTSEAETKOÏ
KAI 'AÏPHAIorrrAKIAI
NOT ArAeHMEPOÏ
5-
;. NAIA2 AI . . . lîNT
.. AniOS OAINOS A.XnN
.. APXXÎN ASinS ANTaN NT2
,. NE2HTA2A KAI EHErPAI-A
..AEIEAN TAS TA AIKAI
HSEIS j... PriMAS KAI MT
THPIAPXA2
E120AOÏ
OTAniOS ipAINOÏ f
...EiroAOT ïMTPHHPnTAS
...PO;f;*ï
or
6.
AEEninPOtATEWST
J2I2TOMMKPHON
o9
I
tuferiprion d» Tombeau de Nicomedie.
ATP SAPINOC. APHAS TH2 KPAB
TH2 4TAH2 n02 EIA ilNIAAi
E0HKA THN OP"NEMAÏTn''"KAlTHi
NBIil MOT' ATPHAIAT. AlorêNSIH»
KAI TH 0TrATPI MOT' ATPHAIA EA.
CIAIKH'xTH KAI MATBnNH nPOTE-
AE'THEASH ' NEIKHSASANENSii
«P02TNH HASANETNAIKA, ZHSA2AN
ETH' KB KA nBOTAOMAI META TO
KATATE0HNAI HMA2 MHiENA ETE.
VOS A NOIHAI THN 20P0N-EI MHE
ANEnEISHTEKNfi HMiîN EANAE'
TI2 HAPA TATTA nOTHÏEI AaSEI.
nPOS TEIMOTTÎl lEPQTATii TA
MEin=)c /E. KAI THnOAEI*;/rxAIP£TE.
8.
Jn/triplUrt trouvée fur la parle de ^Eglife de
S, Panlaleofi à une demie lieue de Nicentedit,
MS MANIBUS. VITALE VERNAE SVO.
QV I VIXIT ANNOS XX VII.Q^ASIDIVS.
SEVEPVS AICTOR. DECVR. SEPVO
FIDELISSIMO H SVI AMANTISSIMO.
TMP.
381
Infirtptions.
JnferipMn trouvêe/uru^e des murdlllis dt U n
Eglife par dehors,
MENANAPOS AAI2 TOT
APTEMIAiiPA MENANAPOl
lO-
Infiript'ion prtfe d'un Marbre percr, treHVÎfur^
puits & parmi d'autres ruines , dans wa chumfk
entre Ntcomedie & l' Eglife de S. Pantalees.
AM*niOAÏTPA<I)IH2rEOeA^
(ADEOSnO TOAIAPIA
. . . IHNAT KEAOMAI I2E2 AQ,^
' ( nrpoN npMEAON"c|
KAITHNÏANOBOAOIXIAPJ
( SOIS n AN4>on"N anass i
HAEANEMOÏ SOI OANI
' (hnoais (Dïtaa nEi|
(NOTsIN
HT0I IPC
T*I K
THE EC
NEP
Infmptions, 38J
TAT Aïs
ATE ASOIA2
XPH PEfiNa
XPn EAINAI2
flAE 20T2A
AHM lEPEIA
KAIS eAI
A2T N02TA3
XHI
aAEl AmSEN EimiA AEPE
( 220MEN0I nOAIHTAI
ET0ENI H2E niKOTPON AA.
(HN AMHSE TEKAPnON
tt trouvée au fonds du Sajfm d'un i
Baini de Breujfe.
ETNSAKOTKAPIHC lïHOS
Bktokk CTOKI
H-
JnfiriptiaKl troHvéet Anp-h dt Breu^e,
lAIflNTP' NTESKETTA
SEniKEIMENS ITOÏT4
2EBPA
M-
TITOS *AA0TI02 4>IAOTAI.
ONOnA THPAITOT
lé.
ANHKgpftHOT TOCOnTP. rocFTArA
(TOTST
CÏBç-ATOT HM»N BACrXÉac Ê6.0A»Pr
omnhmxtAack yf
16.
Infcripùom troHvtti i Chulayt,
MEAEArPOSK AI AlXSETPA-
TOS I ATNAMHTPI MNHMH2
XAFIN «
7>/)« /. '^ ■
i
ÎÏ6
In/criptions.
'7-
«SKTOCCTAAÏPIOC ZaClMOC
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nPsTOMAXOC A«IA rrNAIKIN KAI t
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Infenftïotu troiHliêi'à Eihlcher.
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Jnjcriptions. 3I
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•7-
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19.
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Nnïin SEMNQK 4>IA0nA-
TOPlTAHMaN ANE 2T2EN
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MS MANIfl. UVCCIOV ¥ 'Ç'^^
390 fa/criptions.
SIC VNDOC OMIT AA NITRU
TAU AVG.
31-
IMPCAESARI. MAVRELLIO
AHTONINO INVICTO AVGVS-
TO PIO FELLICITATl
ïi^inftîtm
fur Its TMtritillet cCAiii
52-
D M ,
HENNIO M AR NEC. XII. I VI. QVI
VIXIT ANNIS. LXX Sllr. XXXXV
MEMRIAE CAVSAVSA HEll|
NIVS TERTIOTENHENNjM
JIILLIANVSLIDEIVS PATRiM
"'OOPTI ■
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CIVIS ENECIO." NEM ' UE PROB
PRO VCA LATITE M VICEP R A..H
DIS EIVS PROV ET PONII ZENŒ
AVC CLEB TABUI.AR PROV EI^
PRAEPO SnOIN COMPARABi.^
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NKAArc TOC 4>OIBIaN'l T«. ©PSnTfittfl
miMHSXa. rLH Sn11.\ TKlvï-tS TlJiS
39^
Injiripùms.
35-
il A* *AAOÏINNO. SOT A.
IIKINOAIS lAATAPXHNTO-
L rNOTATONKAI AIKAIO-
fATON OAAOÏIANOS ETTT
IxHS. TONr AÏKI TATON.
nA TP«NA AieiTïXI
s«.
20TIK0NBA2 20Ï ANAPA.
AFABONTION OTAH2. A<t>T.
AAPXHSA ' TA«>IAO TEIMnS
KAIA2 TTN0MH2 ANTAAF.
Nns KEproNnoiH. enko.
MOKE Tin ERTHN lAinN K
KA0HMEP AN nOAAAnAPE.
XONTA TH*TAH TEIMH0EN
TAENTE EKKAHSIArS KH
BOTAHfliïAH. lANE AOATM.
ni A EniMENOÏ MK NON BAS
sorr AïoïKn aqh naiot.
SENTA MOT TOT TOnOT
1
59 X ' fnjcriptions,
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37-
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fcCf bRIVNDVS IN ID RE .
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'.JJMAE FVERVNT
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AMICITIAM POPVLI ROMAKl
ET IN TEfAPLO MARTIS VI-TO
^Pvi.1 ROMANV tl(.î.^e\tN^tO;^l
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Itifiàfthan
3
iptieti Grecque trouvée i ^ngeurd 4Vet Cela
nommée Lapis Ancyranus.
AsEAnKEM KAI- MON;.;,
MAXHNZETr HTPIAKO
KAIKTr niniONEAh':;:
TATPflNKAIOHPinN
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Itlfcnftïi» ittmie à Bourgurnfur la Tarte (fi
Eglife Grtcfite.
41.
ANEKENHlHO nTPrOC TOTTOC
BACH AHor KAl KuNCTAA^TON «I
AOXPHC TON AêCnoTON ttt
Inferipiom IroHvéel à Fhilïfpofotii,
43-
ATAOH TTXn. TTIEP TH2 lONA.B
KPAT PON ... KAIAin. KIT AIA MON!
MATPHAION ANTONEIN KAI AATPH-
AIOT OT HPOT APMENIAKnl OI AIS
KOÎ. KAI2AI02 01 MAPKOTHI... TAIEP.
NEOHK .... TEMEI2 lAAIME TAIE P02.
NHN EKNKOTIIT02 AA4EIOT noïEI
ûiiNIOÏ EniME AHT ET0NT02 *VA
OTI OT ET AAIM0N02 TOT KAI *AA-
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44-
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45-
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AKTTOCMA^tMOTTOTCKAYNTHPAC
KATSCK£ac€N CTN TOICY no0£ MA-
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ÛIAN TITHC tlOAlTSlAC Sni MfAHTi
ïoNioc *Aabioï et AAiMONOC
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tENA7/fACtN^
^i^n\poM-hrPLK
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HhlMKCtŒB-hCT'
AA:
1
E PEN N 1 2 HPAKAIANOS
TEPOTSIAS TH2 01 AinnO-
nOAEl TH2 EKT W NIAlw -
NE AÏTW KAI THS ÏMPIW E
AÏTOÏ KAEOnATPA AGH-
NO. A w P O ï K A TESKEÏA
2ETHN20P0NSÏTNTW V
PAAW ANEI OAIAS TO
OSANAEEIW AHSiAw 2IT
OlSKW AHNAPlArE
Itjfiriftient irouvécj i Drame.
47'
EVTICHES BVLLENI VENVStl
SERVVS N. 48.
CVIBIVS C FILVOL DAPHNVS
SORN.DECHONAN. V. M.IX.H.Se.
CVIBIVS ÇFILVOLFLORVSDEC
11 VIR. ET MVNERVRIVS PHILIP-
PISFIL KARISSrC
Inffr'tfnon trouvée dam les Ruinet de ramientll
Fhilipftl.
49-
CVIBIVS CF COR QVAPr
MILLE. C. y. MACE£i,QÏ^\0
Terne /. "t
erml
1
injinption trouvée àtmi tlfle cËAnàrol.
54
M NHMH8A NATOT. XFHZ
«MEBHTo. NBION H
înfinfùorti troiiviet à Cogne. ^^|
ANdPêlAN TANlIî OPAC*I. . . «TIKOT
êlK«NO,C AêKAliPOTPê XAHFSNKAXH-
NlClA AAIÊIAA ' ZSTIECI KAl ÛOTAOI
CArAAAC MSNOC T6 OIATTOICS i
ArAroN TAioAsr kona ArcroPAO.
lOAHOC ! ONIIANIêCS «IAHCANOCOI
s I A O G AFAnHCAN 1 Co *POCTNHN.
t-NoMHNTê KAI SPrOJC IIANTOIOICIN
Oï XAPINSC THC ANrONïS COMêlPO
MSNO n S P I nAIiO£ I OîiPAKSPlBPAX
TornêNeoTï xor*iOMoC8 fèntoI
KAAAINSI KOC AAKPTXÏoNI AAoIA 0PI
NêTOÏCA APHIHPSC1 AKAIACiHMOÏ
fcfflAPIN THC ACKAHAZOTTS TPAKOPHC
W^^i OSACnPOnOAOIKAIAIONTOOÏOC
AN AêKAKbc Tai ANAPIANTHn nTAH
OF*ANA T£ KNAAIPI OI rOXMPO BiO-
NOIKpNSNHMONSNIlTPinAN TAi^
¥
Al
Jafiriptioni. 597
Eni*PONTnNOS
MHTPOAUPOS MENENA.
OXOrOTS
-EIAE. PÏAAOr AHMO0OINI-
( ANEAnKENE
^OHKENMHNAS TE2SAPA2
WlOT 2AN0S APTIKNOT AH.
. L ■ (MOeOINI
-ANEAfi::. INASSE AETKOÏ-
. (AHMO0
.OINIANEAn::
HAI*ENMHNAS TESSAPAS
AÎÏAAIMENEI2 BASIAEnS
AMTNTOrïIOST.i:
AHMO0OINIANE AHKENE :
( 2IPI2
TE0NE:;: AEENANKÏPHTEK::
TONU.::-2EN0TEA2 KAinOM-
(nHN
AnTO : OMOIOS AETATPO-
_i (MAXlQ'dL
KAI::KA©AÎ.TAS KAfMOfs
; : : ;/.; . <:, ' (^j/ii
ZEt :: îffîAI : EN AIOAOT TOT
- );•!', .'T.',' ■ (EKilAÏ
TOt : : WÀTtèNH . eHPOMA-
j ■ ;-:.-:• .; '(:xîAnîé>3
-IAOTANO zr,,j .. fo^
i.ESSÏNÔTNTI MONOM J
KEKAI ENnEPSINOTNTI- il
TA MOI iQKHOAa TfiÊStAiî
Sii
iM -
-'ftfiArAA
EN nESSlfTOïNCriANÊei*.
:•-•:: ;:v, i,.; ■ t;'io (Eg^
ÎTKOS *IAOAAMOÏ AHMO-
- '■ ■ ■ =■ ' t©ÔINU
A12EAaîEKSATSinOAESl8
.1 f'HAIi
TA AfTOEeNIiAÏÔÀOÏ *i
K( UNl^TTC
Tâjèrîptms:
AEE4'nKEN
ÏAIO SnONTKOSAHMOeO-
INIANEA:-
EKATONBH.:.ONE0HKE-
(NO::-.
TpEII-lAT, : . . . .m
fij^fOKMISAA . . . .■
KEiNEAAIONE0H' EN AIOA"
(OÏTOÏENIAÏ
EniEASlAA
iauiTosrAAAios noTAX:
AîSEAâK ENKAîÈNTl
( 21NO : .;.
:f ÔNBHNE ©ÏSENE'AIONE-
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