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Full text of "Voyage du sieur Paul Lucas, fait par ordre du roy dans la Grece, l'Asie Mineure, la Macedoine et ..."

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O Y AG E 

L D U s I E U R. 

TPAUL LUCA 

FAIT 

PAR ORDRE DU ROY 

DANS 

LA GRECE, L'ASIE MINEURE, 
LA MACEDOINE ET L'AFRIQUE. 



i 



Contenant la Defcription de U Natolie , dcû 
Carâuianie , & de la Macédoine. 



A PARIS, 

Chn NicoLiis StMART, Impr-mcur 

de Monftignciir le Dauphin , rue Sauit Jacquej, 
au Djupbin Couromié. 

M. Dec. X 1 1. 
I^£C APPROSATtON £X P&iyUEGE DV ROf, 




U R O Y 



IRE 



Toutes les Nations con- 
tiennent qu'eUes doivent à 
'ÔTRE MAJESTE' un 
ilitU ^admiration. Mon 



à 



E P I T R E. 

z^le ardent pour fa gloire me 
ferfitadequ ellesne luidoivent 
pas moins l'hommage de ce 
quelles ont de plus rare. Tout 
[Vnivers, S I R E, ambition- 
ne de fatisfaire par lui-même 
à la première de ces deux obli- 
gations i ef j'aj oféme regar- 
der comme charge' d'acc^uit- 
ter de la féconde , du moins en 
partie , les Peuples les plus, 
éloignés. Dans celte 'veu'é,fa^ 
parcouru plus dune fois , t<i 
Grèce , (Afa mineure , la 
Perfe , la Syrie, l'Egypte , (^ 
l y^frique.fyai ramaffé avec 
beaucoup de perds un grand 
nombre de MedatUis,de Pier- 
res gravées , de ManufcnA 



TTR] 
iciens,(f d'autres mrioptez, 
utiles , qui ont trouve' place 
dans le Cabinet (^ dans la 
Bibliothèque de VÔTRE 
Majesté". 

oMais, SlREjleJldes 
raretezj qu'on ne feut [aifir 
que pat teffrit , (^ com- 
muniquer que far le dif- 
tours ,■ 0' comme elles ne 
font pas moins precieujês que 
les autres ,j'ayea grand Join 
de les recueillir , afin de les 
offrir auJJÎ «î V ô T R E MA- 
JESTE'. Ce Livre , S 1 R E, 
que je prens la liberté' de vous 
prejènter , les renferme. 

Que ne fuis- je affe^heu- 
tmx^purrecevoir de Votre ■ 






E PITRE. 
Majesté' tordre i _ 
1er augmenter le nombre , (§ 
de m' exfofer four fin firvice 
à de nouvelles fatigues , £5" à 
de nouveaux dangers ! Cejî 
ià,SlKE,le plus vif de mes 
de fis s (^ ce defir fi jufle efi 
l'effet naturel de l'attachement 
inviolable , (^ du très pro- 
fond refpeU avec lequel je fii. 
rai toute ma vie, 

SIRE, 

DE VOTRE MAJESTES 



Le très humble, très obeïC 
Tant 6: très fîdel fujec. 
Paul Lucas. 




2> E M. f*'. 

îi E fécond Voïage de M. 
V"-*! Paul Lucas aùnc été 
^^^^ plus long i s'étanc fait 
=* dans des Provinces plus 
renommées, & fe trouvant beau- 
coup plus .circonftantié que le 
premier , on a lieu de croire qu'il 
ne fera pas moins de piaifir au 
public : & quoique là dellus on 
ne veuille pas prévenir fes déci- 
dons , ni même lui donner au- 
cuns préjugez favorables ; cepen- 
dant l'Auteur pourroit en quel- - 
aue façon , furie fuccez de l'un, 
ie promettre d'avoir réuifi dans 
l'autre : parce qu'attaché unique- 
ent à rapporter la vérité , il ne 
■flé pas de nous y apprendre 
iafinité de chofes , non leu- 



I 



PRBF j4CE. 
lement nouvelles & curieu/ès' 
mais même très incereflantes , i 
qu'il étoit bon de ne pas ignf 
rer. 

La ledure des Voïages eft cod 
jours utile. Capable lèule d'infti 
re les bommes , des coutumes 
des manières d'agir de leurs fei 
blables dans des pais differensdi 
leur , elle ne manque jamais d 
délivrer leur efprit de la plûpa: 
de ces opinions vulgaires quel' 
gnorance ou l'éducation y fon 
naitre:8c fi,pour la rendre recom 
mandable , il falloicencore joii 
dre les authoritez à laraifon , 
feroit facile d'amener fur les ranj 
les plus grands perfonnages 
l'antiquité , qui l'ont ou confei 
léedansleurs Livres, ou approi 
vce par leur conduite. Nous troi 
verions même parmi les Modei 
nés un grand nombre deSçavan! 
qui n'ont perfeiflionnë leurs con- 
noiiîiinces qu'en fe tranfporranc 
dans les régions les plus élov 






J 



PRËP ACE. 
gnces. Si l'on dit qu'il y a une ex. 
trême différence entre parcourir 
Je monde (by-même , fie lire les 
relations de ceux qui l'ont par- 
couru ; cela eft vrai , nous l'a- 
vouerons: mais en quoi confifte- 
t elle? Le voici : celui qui lit une 
relation , fans travail , Ôi le plus 
ibuvent avec quelque plaifîr , 
profite des lumières qu'un Voïa- 
geur ne s'eft acquilès qu'avec des 
peines, & ens'expolant àdesdan^ 
gers infinis. 

On ne peut faire , ce me fem- 
ble , que de deux fortes devoïa- 
ges i les uns dans des païb abfo- 
lument inconnus , que l'on dé- 
couvre , & dont tout ce que Ton _ 
rapporte peut paiîèr pour nou- 
veau i les autres dans des lieux, 
connus à la vérité par les An- 
ciens , mais dont le gouvernement 
eft changé , ou que l'éioigne- 
ment retire en quelque faijOn de 
nôtre veiie. Mais je me perfuade 
^aue toutes les pcribnnes de boa 




PRET ACË. 
fens , fè déclareront toujours poi 
la féconde efpece ; il s'en trouve- 
ra peu qui n'aiment mieux lire 
des éclairciffèmens fur les Au- 
teurs Grecs & Latins , des ad- 
ditions à l'Hiftoire Grecque ou 
fàcrëc , ou la coniîrmacion des 
traditions anciennes , que la bê- 
tile d'un Sauvage du Miiîîfipi ^ 
ou les cruautez d'un Iroquoisj 
& la railôn , ce me femble , ea 
eft claire: les chofes ne nous font 
utiles ou defavantageules,£icheu- 
iès ou agréables, qu'autant qu'el- 
les nous touchent ; or qui peut 
Jîier , que les évenemens de l'Hi- 
ftoire Romaine,Grecque, ou mê- 
me Perlàne & Arabe , nous tou- 
chent infiniment plus , que ce 
qu'on nous rapporte des terres 
nouvellement decouvcrccs? Je n'a- 
jouterai point que les Voïages de 
M. Paul Lucas i'ont de cegenre^ 
que nous devons regarder com- 
me le plus utile , fie le plus inte- 
reflànt : leur titre même le 



t^ 



moigne aflcz ; &: tout le monde 
fçait que la Grèce , la petite 
Afie, & l'Egypte font les parties 
de la terre les plus célèbres. 

Mais pour donner l'idée qu'on 
doit (è fornier de ces Provinces, 
nous dirons , qu'aïant été pen- 
dant fort long- teins le théâtre 
des armes Romaines, elles ne tu- 
rent gueres plus en repos depuis 
la décadence de l'Empire. LorC- 
que les Sarrafins d'un côté , les 
Turcs de l'autre , d'abord liguez 
contre les Chrétiens , enluite 
acharnez les uns contre les autres, 
eurent pris la rcfolution de s'en 
ffendre les maitresiil eft difficile 
de comprendre à quels maux , à 
uel carnage elles ne furent point 
xpofées, Les Croifades , quifuj- 
rirent peu après , ai.hcvcrentdc 
j}es ruiner : entin les Ottomans, 
"demeurez vititorieux , s'en lune 
confervez la conquêre ^ &c les 
gouvernent encore à prefcnr, 
Comme ks principes delà pgu 



1 



i 



PREFACE. ^ 

les Mahomecans ( les Dogmes de 
de l'Alcoran & de leur craditioi 
à parc) on fe permet une libei 
entière , foie de lire , Toit de pe 
fer , foie de publier fes imagin; 
tiens ; & puifque refpric humai 
a toujours aimé Ja diverfité d'oi 
cupations & le changement , 
peut croire, ians appréhender 
îè tromper , qu'ils ne s'appliquei 

fas tous à la même choIè : d'c 
on conclut que les fciences , 
Stamboul comme à Paris, à Broi 
fe comme à Leide, ou fleurilfei 
de la même manière , ou foi 
iêulement pouffees à divers d) 
grez, (èlon l'étendue des divei 
génies qui les cultivent. Qui 
olèra dire àprefèntque ccsIUu. 
ftres Provinces font en cela beau- 
coup inferieuresaux nôtres?Tou- 
te la différence que l'on y pour- 
roit trouver , eft qu'elles n'ont pas 
la commodité de l'impreffionr 
mais 11 les bons Livres fc fonc 
toujours coonoitre , quel avaa^ 





tage au concraire ne recirenc-el- 
les point de ce prétendu défaut, 
leurs fçavans ne volant point de 
Livre en Livre , &: n'etanc par 
confequent point accable?, parla 
leclure de mille fadaifcs, ni obli- 
gez de voir autre cliofc que ce 
qu'il y a de meilleur dans le gen- 
re d'étude qu'ils fe lont choifisî 

Apres ces reHexions, on ne fe- 
ra plus furpris fi M. Paul Lucas 
traite quelquefois de l^^avans le.> 
Religieux du Mahomenfine j 
puifqu'ils peuvent être en même 
tems , très habiles dans toutes les 
Icienccs feculieres, & fort atta- 
chez aux dogmes & aux opinions 
que leur ont prêché leurs pre- 
miers Dodieurs. 

La nouvelle Relation contient, 
cerne iêmble , quantité d'Hiftoi. 
res qui feront plaifîr au Lecleurj 
car fans mettre de ce nombre 
quelques narrations , dont le fu- 
jef eft de luy même diverriflant, 
on y trouvera fur les Turcs ^ fur 



les Drufès , fiir une bonne partie 
des Villes de la Natolie & de 
TÉgypte mille particularitez dont 
.perfonne n'a jamais parlé. Les 
Mémoires de Tunis doivent eux 
fèuls pafler pour un morceau ex- 
quis 5 & je crois , qu'outre leur 
nouveauté , il fèroit difficile d'en 
trouver de plus remplis , & d'é- 
venemens plus confîderables. 

Pour les Infcriptions, M. Paul 
^ji'a pas jugé à propos de les met- 
tre dans le texte 5 parce que la 
plupart étant mutilées ^ il étoit 
impoflîble d'en donner des tradu- 
âions fuivies. D'ailleurs ce font 
de ces chofes qui ne regardent 
que les S ça vans , & par confe- 
quent ài^s gens qui n'ont aucun 
beibin qu'on les leur traduile. 
Nous mettrons ici les Epitaphes 
du Prince & de la Princeilè Te- 
Jkely. M. Paul \ts aïant eues à 
ion retour de la Natolie y avoic 
oublié d'en parler dans (es Me- 
xnoires 3 de iorte qu'elles n'oaç 



PRMFjiCK 
pu ètxe mifes , â leur rang , après 
celles de Nicomedie. 

Epitaphe du Prince TEkELi, 

Hic requiefcit ab heroicis lahoribui 
CelfiJJîmus Daminus Emericus The^ 

kely de Kefinark^ 
Hunyiri/e & Tranjfylvani/e Prin^ 

ceps y 
V^ir à rébus fro ajferenda fatria lU 
bertate fortiter gcfiis 
Totà Europà celebris. 
Sed pofi varias fortunée cajus tandem^ 

extorris 

Jnter if fa renafcentis Mungaric^e li- 

bertatis primordia 

Exila fimul ^vita finemfecit y 

Jn Afik ad Nicomedienfem Bithy^ 

niajînum 
Infuo Elorum campo. 
Obiit armo falutis 1705. 13. Sep^ 
temb. atatis j^j. 



/ 



Epitaphe de la PrincesjJ 
SON Epouse. 



Jiic requiefcit ab Meroicts laéoi 
yiriiis animi mulicr , fexùs fui \ 

feciili gloria^ 
Celfifjîma Domina Helena Zcrim 
Zerinite atque Frangîpania: gei 

dccus ultimum^ 

Thekelii Princifis uxor , olii 

kotzii-^ 

U troque Mzna conjuge, 

l^ayiis apud Chroatas,Tran(yhÀ 

nos , Mangaros , 

Sîcalos inclyta titulis; 

Taclis ingentihus toto in orbe clari 

Varios tequà mente fortune 

experta , 

Parprofperis , major aiverfis. 

Çumulaiis Cbriflianà. pietate bcllik 

laudibus , 

Fortem X>omino reddiditanimarn^ 

Mortem eluBata in fuo Florum^ 

campo , 
'Ad 2^icomedienfim Bythyniie Jînm 



mmofalatii\-jos. atatis éo. die %. 
iebruarii. 




Les armes de cette courageufe 
Princeflè lônt fur iâ combe i6c au 
bas l'on a mis ces mots, domcre- 
fnriat. 

Comme M. Paul a auflî parlé 
fort honorablement du R.P.Befl 
nier, peuc-êtrequc quelques-uns 
de (es Confrères, ne fçavent point, 
êc feront bien aiiê d'apprendre le 
jour de fa mort ; elle arriva le 8. 
de Septembre à dix heures da 
foir lyoy. & il fiit enterré le len- 
demain dans l'Eglife de S. Benoîc 
avec un concours extraordinai- 
re. 

Au refte l'on ne doute point 
qu'il n'y ait dans ces deux volu- 
mes beaucoup de chofes , dont 
la fingularite expofera l'Auteur 
à la critique. 11 fe trouve par tout 
de cette efpece de gens , qui 
n'aïant eux-mêmes jamais rien 
, jugent hardiment du rnond^ 



entier par quatre Villages qu'ili 
connoiflent : mais leur cenfli- 
re paflèra toujours pour injufte, 
des que l'on fçaura que c'cft par 
l'ordre même de Sa Majeftéque 
M. Paul Lucas a entrepris ces 
longs voïages. Il receut pour ce- 
la les inftruiflions en même tems 
que M. Favre & M. du Roule 
' receurent les leur , l'un pour la 
Perfè , l'autre pour l'Ethiopie : 
mais ces deux Melïîeurs ne fça- 
voient point voïager : M. Favre 
s'étant vanté par tout , qu'il al- 
loit établir en Perfe un gros com- 
merce , Tes paroles Jèulcs lui at- 
tirèrent de la part des autres na- 
tions mille traverfes , dontroiu 
vent il ne s'apper^cvoit pas, mais 
qui enfin n'aboutirent qu'à la per- 
te de fa vie par le poifon. L'cm- 
poironneurfutun nommé Daouc, 
îcelcrat , accoutumé au métier 
depuis long-tems , 6c enfin recoiu 
nu pour tel par les Anglois ^auf- 
quels il n'avoit pas laiue de re; 



i 




k 



drcauparavanc quelquesfèrvices. 

Pour M. du Roule il montroit 
dans là marche un fafle qui l'a 
fait aflâflîner. Quelle apparence 
de pouvoir , accompai;nc de 6o- 
Chameaux chargez de preJens, 
&: avec une fuite magnifique , tra- 
verièr des pais -donc tous les Peu- 
ples font également milèrables Se 
barbares > 

M. Paul Lucas , s'eft trouvé 
cent fois dans des répons auffi 
pleines de dangers ; Von verra 
même dans ces deux volumes 
la defcripcion de quelques-uns , 
où il lui a fallu paier de fa per- 
fonne: mais il s'cft tiré d'un bon 
nombre d'autres , par le grand 
ufage , Si laconnoiflance qu'il s'eft 
acquife des mœurs de prefque 
toutes les nations. Si l'on le raie 
une habitude de tout , 35. ans de 
<voïages ont pu l'y accoutumer , 
& certainement lui en ont donné 
quelque expérience. Ajoutons une 
cholê i il eipere que pour la re~ 



PREFACE. 
compcnlê de tant de travaux, fil 
l^dtcurs lui feront l'honneur de 
Je croire , au moins en ce qu'il 
le dit avoir veu lui même : le men- 
fongc fe trouve toujours facile, 
nient, &il n'y a que la vérité pour 
laquelle on veuille iê donner tant 
de peines. 




B TABLE 

|[ DES CHAPITRES 

Conienus dans ce premier Volume. 

CaA?.ï. T% dite de Parts à Conjla». 

J\. timpU, page I 

Chap. 1 1. Arrivée a Conjfarttinaple. Hi^ 

fioirt du Quifeltr Aga. Dijfèrend dt$ 

t François & des Anglots. Portrait du 
Grand Seigneur d'aprefent. Ftti dti 
Chrétiens Schifinati^Hes, 16 

Cha^. Il L Dépo/ition du Grand f^ifir, 
RijoH'^ance a ConftaniinopU pour Is 
«aijfance de Monfeigneur le Duc de 
H Bretagne. Oppojitiom du nouveau VL 
■yS'r. Rejîfiante gemreufe des Frartfoil, 
E 
Çhap. I V. rodage de Conflantinople k 

yirtaejHi & *ntx ruines de Cyii^ue t 

defir'tption de ces ruines. Petite Ijle vis. 

L Ti.vis Cl Port. Traditions des Grées. 

H- 

^■C^AP- V. Feyage de Cen^antinoplt ame 
'^ nanti df Calctdtim* Avmtnrtt dt Jo^ 




TABLE 

fifh Bey BU d'nn Vifir à'Aïgtr\ 

Chap.V I. Souftr chtl^Monfttur H^ 

haj?adenr de France , fmvi d'un CM 

cert. Singulière Ordonnance du Grau 

Seigneur. Hîjfoire d'Adr amant Pach. 

Vtfite rendue au Kadis Leftjiter de i 

Natolie, Cotiverfarion Turque ehi 

Aionjîeitr i' yimbapadeur. 4 

Ehap, V ir. Nicomedie. f'ifite che^^jl 

fen Pacha , & le Prince Te^ueU Hot. 

^roU. Purtrah de Mademolfdle Caihi 

rine Hongrelfe. Tomheatt trouvé. Dej 

cription de l'Arbre Coucouvia, Hlfi« 

re de (aime Barbe. OJfemem extraordi 

«aires. Infcriptions, y 

dîAP.V II ï, -Dcfcripilon de Nicomedii 

fijîie rendue au Pacha. Courtoifie ett 

fimmes d'auprès delà. Qualité de l. 

fontaine de Quenarfau. Coutume de 

Turcs, Caraga- Jument autrefois grand 

Ville, Defcription d'un Pont. Anlmam 

du pa'ii. £j 

Chap- I X. Fontaine merveUleufe. Me. 

declnes données au Pacha & àfon Eu. 

fiucfue. D'ffèrens fUlaga. Caramoufal, 

2<^!cée. Defcription des ruines de cettt 

Ville , & de quelques Statues, Infcri. 

pilon . y^ 

Chap. X. Vifiie d'une Chapelle ruinée, 

L4C & poijfoni partieuliers. Miracle 

d'un 




PITRES. 

inn Eviijae d'jirminie, Sj 

Chap. X 1. DiffiTtm foulages, jirrivttà 
Broujfc chez. U Pacha. Infcnption, De. 
fcripiîon d'une montagne voifine. j4h- 
tre m^magne. Tremblement déterre, ^o 
Chap. X I 1. Convtrfatio» avec des Der. 
vis. Hijioire de FUmmel : il eft encore 
vivant. Infcripiim, Prifen : puits peur 
les A^alfaiiean. Nouvelle com/erfatïon 
4tvec l'un des DervU. 9$ 

Chap. XIII. Suite du vt'iage. Ment 
Domaliè. Cutayé. Vifise rendue ait 
Mofallem ; ce que c'eji. Guerifin du Se. 
Utat du Pacha. Infcrï plions. EgUfes 
Arménien/Tes. Fables fur S, Georges. 

Chap. XIV. Rtnctntre de voleurs. De. 
Jiriptian de la faille cCE/kjcher. Eaux 
chaudes. Poijfan de la Rivière appellêe 
Sacari. Infcriptions. 117 

Chap. X V. Suite du voiage. Inferiptioni 
dont un Couvent d'Armement auprès 
d!Angoura. Séjour dam cène faille. In- 
fcriptions trouvées, Sechertffe du Paï)> 
Pierrt miraculeufe. Château plein d'ar., 
mes anriijues, Hijioire d'un voleur. Au- 
trt hijioire d'une fimme ^ui venge fort 
mari, iji, 

CBAF. XVI. Peine peur avoir tinfcri. 
ftioti. Elle efi difertnte des imphiatet. 
Tome I. «i 



i 



TABLE. 

J^efcrlptlontC Angonra.Son câmmerce.i^ 

Chap. XVII. Suite dn roUge. Rencon^. 
tre de tfHelcfues Turcomans. amitié faite 
4vec un Cherif. Ruines ignorées, f^illt 
d'Eskicher^ ffagybeftage j /i MofjHie: 
Livres du Santon fin Fondateur. ChaUm I 
diere d'une grandeur extraordinaire. Ri" 
vicre d'Ermaq. Pyramides. Fables fur 
ces Pyramides. i'55 

Chap. XVIII. Belle vallée. Arrivée à 
Jngefçu» Concours au nouveau Medecirté 
j4mitie'^d'un Emir. Compliment d'un 
Turc qui vpuloit ff avoir faire de l'Or. 
Converf^tion avec un Dervis. Defcri^ 
pion de Cefarée ; fon commerce. Tom^ 
beaux Perfans. 167 

Chap. XIX. Jtrrivée à Jngefou^ Kara^ 
hifar qui eft P ancienne Ville de Cappa^ 
doce. Nigufdée. Defcription de ce pa$s% 
Ereigle. Montagne finguliere. 180 

Chap. XX. Arrivée a Cogne. Réjoùif^ 
fancequi s* y fait. Defcription de la ViL \ 
le : figure d'Hercule ; Tombeaux de 
jMouUac Onker. Hifloire du Moullac 
& de l'Evçque Epfepifon ami. Tradin 
tion des Chrétiens du pais là^dejfus^ con^ 
traire 4 1^ opinion des Turcs. Infcriptions. 

Ç^KV* XXI. Suite du voiage^ Angoura^ i 
Scut^ripfLçtouraConftaminopU. xq^ 



T>ES CHAPITRES. 

Chap, XXII. arrivera CenjlArUÏMfU, 

Mort dn Pacha Adr^mant. CeùtHmt 

foHT ItftH. Entrée de F Jimbttjfddew de 

rtnife. Naiftnce d^»n Fih du Grand 

StigtKUr. iQf 

Chap. XXIII. T^ifite rendue ah Grand 
f^tJirparM. l'AmbtJfAdmr de Fran- 
te. PartUnUriteT fur Ut Chrètient & 
Ut Jmfi de Confiaminopif. Depêjîtion 
dm Grand Viftr, Meffe dite fur CAm. 
rsl. Arrivée du ya'Jfeait du Capitdint 
Martin. iij 

Chap, X X IV. Sertie de Ccnftantineplt 
& fuite du voiÂgi. Infcriptionsa Bour. 
^»rs. Ala^rs des Twa.Mifere des Chri- 
lient. Toques. Injirumeni pourfeltr & 
battre le bled, ng 

Chaii. XXV. AndrinopU : ftt Rîv'frei t 
fa hanttitr du Pote : fa pnfe par Soti^ 
tnan. Suite du viiiage. Chrétien! SmL 
, femmes de te païi femhUblej tl 
'j Bacchttniet: Phi/ippopofU. Chrétiens 
: : Juifs. Guerifon d'une filU 
Urée f Me. tjj 

lï. XXVI, Suite du vèiage : boni 
•ju .■ tourteaux, & cuves extraordinxi- 
l. ïnfeription finguliere. Colores , Re- 
Igitiuc Greei. Bafeou MoaaJIere. /j»a. 
•ft delà Vierge, Montagnes de Jongou, 



i 



fUur/îngulitre. 



«•« 



TABLE 
Chap.XXVII. Suite duVoyage.Mei 

tagnet de Parcelly ^ de ChiroucoHvi/è 
de Bream'ifen delly , ttr d'Efiatjué.f^ 
Uge de Pachamacly : Turcs qm l'hsi 
tent : leur langue, Aioniagne de Chai 
rou : fiantes jîngulierts : Arbres extrt 
crdinaires appelles. Occhez. Mentagi 
de Tourienne, Teshour, Hardes. Rtvi 
re de Carafeu. Drar/K : Bnfle d'Hera 
it : Horhge : InfcriptionS. 14 

Chap.XXVIII. Ruines de ce qu'on tq 
pelle l'ancienne Fhilippes, Orphen. Si 
lotiique ; fetarcs de triomphe ; fes Mt 
quiet i fei EgUfes : fainte Sophie : tm 
heiiH d' Euiyches. if 

Chai'.X X I X. Relation du Mente faM 
c'e/}-à-dire du mont jirhos. z4, 

Chap. XXX. Suite du vnage. Fiai 
de Afagregario. Lar'ijfe ou harzj ; h 
viere de Sulefnbria ou Licoufium. Pi 
nomens extraordinaire, faille de Zi 
ton :fa Rivière. Boé-relief: Infcriplios 
% 

Chap. X XXI. P^iUage de Stilida. Ai 
'aie a Negrepent ; particulantez. du fi 
& reflux de cette Mer ifui eft l'Eurii 
Athènes ,fa fltuatton. Retour à iVifçi 
pont. I/le & Paille d'Andros , Hijit 
de cette nile.Infcriptions. % 

Chap. XXXfl. Suite du voiage. L'L 



DES CHAPITRES. 

de Chio. Réception du Confitl françùt- 
la peur de taure U rille. Hifhlre de l'Ifle 
de Chio : Grecs du rit latin perftcMez, 
pxr lei Grecs Schifmati ânes. 15 j 

Chav.XXWW. Retour a Smyrne. Suite 
Jm vàiAge, Les raines de Sardes.Camp 
de Darius. Laodicé. Le Méandre. Lmc 
autrefois habité, arrivée à Satalie, 
Dtfcription de cette faille , traditions de 
[es Habit ans. joi 

Chap. XXXIV. Suite du volage, Sparte, 
Aiontagnes ^Aglafon Bty. L'ancienne 
Sparte. Efdave Lorrain racheté. G»f- 
rifon d'un Hydropt^ue. jitf 

Chap. XXXV.yiUe d'fgridl.Gueut Igrl- 
di fon Lat. Le mont Tdurm appelle 
BoHgali DagUr. Le Lac Bey Charry^ 
Cogne, Cotiful d' j^ngleterre pour Ale^ 
mon de pefte en chemin. Infenptions 51^ 

CuAp. XXXVI. Turtemans , leur vie 
de Brigands. Rencontre de voleurs. Bruit 
de mort répandu. Jl^ 

C H A p . X X X V 1 1 . Lieux délicieux, jida-i 
na : Defcription de cette faille : fon 
climat. Mont Taurué , appelle Laiajfi, 
Infcriptions. Traditions de ces pais pour 
le Prophète Daniel: autres Fables, jjj 

Chap- XXXVIII. Autre Momagnevoi- 
ftne de Tarfe ■ Ville de Nemrod : HU 
"Ww plaifanie fur les Céans tjui Pha- 



TABLE 
bit$lent. ||^ 

JChap. XXXIX. Suite du vdUge. Hh 
ftoire d'un ancien Médecin, -^ntioche^ 
^lef. Rivière d'Abraham. Chien ex* 
traordinaire. Sidon.Jaffa ^ traditions dt 
ce pais. ^^x 



Fin de la Table des Chapitres» 



» 



AFFROBATlùIf. 

J'Ay lû par Votdre de Monfeigneur le 
Chancelier , ce dernier Voyage de M. 
Paul Lucas , & je Tay trouvé Çt remplx 
de chofes curieufes , que j^ay crû que 
rimprefCon en plairoit beaucoup au 
public» Fait à Paris ce 19. Avril 1712* 

RAGUET. 



VOYAGE 




VOYAGE 

ou 51EUR. fl 

PAUL LUCAs" 



fc ,. J)^NS L'ASIE MINEVRE^ 
HAk l'^ffriqae & autres lieux. 

I ^ 

F à 



CHAPITRE PREMIER. 
^oute de Parti à ConJî,i»tinopU, 



E partis de Pari: 
d'Odobre de l'a 



le quinzième 

née mil fcpt 

cens quatre ; j'avois avec moi 

un jeune garçoii de onze ou 

douze ans , que Monfieur le Comte de 

Ponicrurtrain envoïoit pav ordre de Sa 

Majefté à Conftantinople', pourappren- 

Jce le Turc & l'Arabe , en qualité d'Eo- 

£im de Langues, c'eft ainfi (\U£ Vou 



I 



t 



1 P'oyage dans V Ape mmmre^ 
nomme un certain nombre de jeunes 
gens que Sa Majeitc y fait [otljours 
clercr pour Tervir dans la fuite de 
Trucheraens , foie aux François qui 
commercent dans les pjïs du Le- 
vant , foit à la Cour loriqu'ils revien- 
nent chins leur patrie. L'on a tron- 
vi cemoïcu le plus Al r pour apprendre 
à pailer une langue é[iani;ere, car il cft 
rare que pac la feule étude du Ca- 
binet on en fâche jamais le tour & fur- 
tout l'accent , ce qui eft pourtant d'une 
neceOîté abiolut-. Ceux qui voïagent 
comme j'ai fait, le (çavent par expe- 
rience , &ceux qui polTedent le mieux 
par théorie les Langues étrangères , n'en 
fçauroient difconvenir. 

Nous arrivâmes à Marfeille par les 
voitures ordinaires le \\ du même moisj 
mais le convoi qui devoit partir pour le 
Levant n'ctoit pas encore prêt, & nous 
fi}iBcs obligez d'y demeurer jufqu'au 

5 de Janvier, que l'on s'embarqua. 
Nous nous mîmes fur le Vaiffeau ; 

pelle Nôtre- Dame , commandé 
Monlîeur Guion, Ce Vaifleau étoit m< 
té de trente -quatre pièces de Canon^ 
avoit deux cens hommes d'équipasje^ 

6 devoir fervîr d'cfcorte au couvoi da 
Levant, qji étoit d'environ vingt-cinâ 
Voiies, 



rjIffA'efue & autres lieux. j 

JMbfi aïant veu le vent fovôrable nous 
nous éloignâmes du Port :& après être 
reftez en penne jufques à deux heures 
après midi pour attendre quelques-uns 
de nos Vaiflèaux qui n'étoient pas enco* 
re en éwt , nous fîmes route vers l'O- 
rient , au nombre de vingt-Hx tant Vaif- 
feaux que Poulacres. 

Mais le vent ne fut pas long-tems fans 
nous être contraire : lur le foir la Mer fe 
fit fort grode , & à dix heures un de nos 
Vaiilèaux rompit fon Antenne de maî- 
tre. Nous apprimes le dixième au matin 
de quelques autres l'accident qui lui 
étoit arrivé ; & pour le mettre hors de 
crainte , nous l'attendîmes avec une 
voile : lorfqu'il nous eut atteint nous 
fçâmes qu'il s'étoit remis en état , & 
- qu'il ny avoit plus pour lui aucun danger; 
! maison malheur ne vient prefque jamais 
fenl, celui-là fut fuivi d'un autre de 
même nature : le Vaif&au de M. Ba- 
gari rompit aufli fon Antenne du Trin- 

Îuct. Je . ne rapporterois pas ces fortes 
, 'accidens , s'ils n'étoient conHdera- 
i blés (ùr la Mer ; fouvent ils çau(ênt 
' de longs retardemens & nuifent beau* 
coup à la vitefle de nos voyages & à Tac- 
compliflêment de nos deUeins. 
Le onzième jout nous appttq^mM 

A ij 



4 T^oyÂgt dam l' A fis mineure , ^ 

I2 Sardiiigne ', cette I{lc autrefois A fa^ 
meule par les pUifirs&k niagnitîcence 
des PlieacieiiS : elle a comme l'on fçail 
la figure du pied d'un homme , & c'eft 
ce qui lui a fait donner par les Anciens 
les noms d'Ichrjufa & de SandAUotis ; ce- 
lui même de Sardalgnt , qu'elle a gar- 
dé , ne fignifie point autre chofe dans 
les langues Orientales, Tout ce jour ne 
nous donna qu'un vent fort petit , il 
devint ciifuite plus violent, mais con- 
traire ; de forte que la nuit on fut con- 
traint de faire plulîeurs bords; le Vaif- 
feau commandant en doit t'avertillè- 
mentàccux de fa fuite , ainfi toutes les 
fois que nous voulûmes faire cette ma- 
nœuvre , nous eûmes foin de tirer un 
coup de Canon. 

Mais le douze au matin , remar- 
quant que le tems demeuroit toujours 
peu favorable, nous donnâmes un lignai 
pour aller tous moîliller dans le Port le 
plus voifin du lieu oïl nous étiens.Vers ce 
port , qui fc trouva être la Baïe des Ifles 
de S, Pierre, nous nous vîmes dans U 
convoi deux Bâiimens de plus ; une Bar- 
que inconnue s'étoJt mêlée parmi nous j 
& faifoit même une très mauvaife ma- 
nœuvre. Nôtre Capitaine qui ne fut pai 
Loiig-tcms fans s'en appercevoic luiil' 



^ t^jfni^He é" autres UeUx. 

tirer deux coups de Canon , un à boûlèi 
& l'autre à poudre feulemenc, & l'on 
etiToïa fur le champ le Canot pour 
f^avoirqui elle étoit. C'ctoii une Bar- 
que de Caltî , qui avoir {pour Patron 
le fieurRoITet rilvintàbord ; mais il ne 
put rendre de fon raaiiœuvrage que 
de maavaifes tairons , & il fut fort 
heureux de trouver dans Monlîeur 
Guïon , un homme d'une modération 
extrême , & incapable de faire de' 
chagrin à perfonne. Nous jettâmes donc' 
l'ancre fur les deux heures après midi:' 
le fond de la Baie cft par tout aflèz bon, 
& l'on y moiiille depuis quatre bcaiTes 
jufqu'à douze ; il feroit difficile aoflî' 
«l'en voir de plus poiironneulê. 

Les vents furent contraires tous If s 
jours iuivans , &' nous demeurâmes là 
jufqu'au quinze que Ton tira dans nôtre 
Vaiffeau un coup de Canon pour (ignal 
qu'on devoit en fortir.Les Ancres levées 
avec joie , l'on fit route ; mais le vent 
Çt mil frais &c nous obligea à ne tenir 
qu'une voile ; il manqua tout à fait vers- 
minuit ; nous ne lalifàmes pas cependant 
de voir la terre de Barbarie le matin- 
duiâ. 

La bonace qui nous teiardoit n'ayant 
4iué que juTqu'au milieu de la nuîco'â.vV 
A. \\\ 




I 



■e T^oyége liant iAJît mineure , 

s'éleva un vent aiTez favorable, ne 
nous trouvâmes le dix - reptiémc 
matin, devant le Cap-Bon , & po 
detems après nous vîmes la PamelU 
rie ■• cette lile cft (nuée prefque eni 
le Cap Bon & la Sicile , elle appartiei 
aux Efpagnols. CoinHie nous eûmes toil^ 
jours un bon vent , nous la montàme) 
fut Icsquatte heures ; mais il nous toi 
fufa peu après foii Iccours , 8c fe mf 
même afïcx violent contre nous : cel 
nous contraignit d'allumer trois & 
naux, & nous mîmes aXifîî-tôt une la 
terne fat la couffè du Trinquet : il : 
fut pas long-tems fans fe tourner toi 
à-fait contraire ; aullî fîmes nous pi 
fieurs bords. A chaque fois que ne 
virâmes le bord, nous eûmes foin de ■ 
rei un coup de Canon : le vent dcvi 
encore plus gros , Se la Mer s'enfla 
telle forte, que l'on fut obligé de m 
tre à la cap prelque jufqu'au jo 
Avant l'aurore le tems diminua quelc 
peu&leventfe rangea plus favorable! 
ce jour qui alloit être le dix- huitième, 
nous fit appcrcevoir que nous nous 
étions éloignez les uns des autres, nous 
ne nous trouvâmes plus qu'au nombre 
de onze Vaiflcaux j te vent nous con- 
tUiuoitfes favcais>mais nousvouliou: 



Vjiffnqiie & autres Hihx. ^ 
Attendre les autres , & pour leur don- 
ner le teins de nous rejoindre, nous ne 
lâillanies que nos deux balTes Voiles. 

Le 15). au matin , nous nous trouvâ- 
mes au midi de Malte ; mais nous fûmes 
obligez de recoufner en arrière Ce de 
faire le tour des Gofes. Quoique ces 
petites Ifles ne foient pas fort éloignées 
de Malte, cependant ce ne fut qu'avec 
peine que nous nous y rendîmes , Se 
nous n'arrivâmes dans fa Rade qu'apris 
avoir fait plufîcurs bords. 

Nous vîmes auffi-tôt venir à nous un 
petit Brigantin , il ponoit le Capitaine 
du bord , a qui l'on remit le Ply du Roy 
& quelques jucres Lettres qui lui étoîent 
addielfces idcfon côté il nous avertit 
de prendre garde à nous , & nous dit 
qu'il y avoii neuf Corfaires fur ces 
Mets. 

J'eus le tems de lui demander des nou- 
velles -'f/ Segnor Lennjû ; il fe trouva 
Jàparhafard quelques perfonnesde fa 
connoilTance , & l'onm'alTura qu'il me- 
noit une vie des plus tnftes : ceux qui 
ont lA mes premiers voyages fçavent U 
laifon qui m'en fait parler. 

Nous continuâmes notre route , & 
nous nous retrouvâmes prefquc tout 
• > jf convoi «ufemble. Sut le fou \cï N »\i* 
[ A. uV^ 



I 

I 

I 



18 VoyAgt dam V j4 fie mineure ^ 
féaux qui alloient en Egypte *: en Sytî 
mirent pavillon , & tirèrent l'un cinq 
l'autre fept , $c quelques uns jufqui 
neuf coups de Canon , pour remercie 
nôtte-Capitainede les avoir efcortcz 
il leur fit rendre à tous le fatut cou 
pour coup, & ils fc feparcrent de non 
pour continuer leur chemin ; ainlî nôtO 
«onvoi ne fc trouva plus que de ona 
Batimcns , qui fifleni r*aute du côlé d 
Smyrne&deConftancinople. 

La nuit fuivaiue apiés quelque ten 
de bonacc , le vent fe mit tout à fa 
contraire ; un de nos vaJflejux qui p« 
Jant deux jours avoit été égaré,nous pa( 
à bord ; il nous falua & ptic fa roui 
comme les premiers vers la Syrie. 
■ Depuis le vingt jufqu'au vingt-tro 
Je vent fut toujours fort contraire, ( 
la Mer extrêmement grolTe : on fut coi 
iraini de faire plulieurs bords, & dès 
vingt-un nous ne nous voyions plus qi 
iêpt Batimcns. Le vingt-quatre u 
Foulacre du convoi nous rejoignit , 
nous dit qu'elle avoit eu la challê d't 
1 Corfaire. Le vingt-cinq nous vîmes 
I . terre de Morée : peu après nous dccoi 
I vrîmes unVaiireau qui vcnoit à nous 
I nous lepiîmcspout uu Cotfaire, & no» 
r tournâmes aulll de ion côte : mais no 



tjljfritjue & aulrts lieux. 9 

Fecoimûmes qu'il étoit François , & il fe 
joignit à nôtre convoi. 

Enfin le vingt-iîx nous approchâmes 
de la terre de Morcc, & nous nous trou- 
vâmes devant une Hle appellée Lefpro~ 
de ; le vent avoir beaucoup calmé , maîâ 
, dcmeuroic toujours contraire. Sur le 
midi i! fe joignit au convoi un petit 
Vaiflcau qui vcnoit de Livourne : il nous 
dit auflï qu'il avoîc été fuivi par un Cor- 
iàirc ,& véritablement nous l'apperçu- 
Hies peu de tems après. Tout le refle 
da)om: régna la bonace avec une Mec 
iS&z groife , elle continua même le 
vingt-Xept & nous vîmes toujours le 
^aiflèauque nous avions piis pour un 
Gorfaire, 

Le vingt-huit le vent Te mit favota-' 
blejlanuit, & le matin nous nous trou- 
vâmes devant les Ifles de Sapience. Le 
vingt-neuf il fe remit contraire avec une 
foit groilè Mer , qui nous tourmenta 
beaucoup : l'arbre du petit hunier de 
Monfieur Martin fe rompit & de fa chu- 
le blellà fept perfônnes. 

Ce joar-Ià deux de nos Vaifleaux nous 
quittèrent , pour prendre la route de 
Syrie, comme avoieiit fait les premiers: 
AOU5 découvrîmes auflî un Corfaire qui 
loit nous examiner ; mais iV s't\o\5j\ï. 



I 

I 



I 



i« Viyagt âtm tAflt mineure, 
aufll-tôt. La nuit fHivante ne nd 

épargna pas , il fit uii fi gros tcms qu*B 
de nos Vaillèaux rompit fon arbre de 
beaupré & fou petit hunier. 
Le trente nous nous avançâmes devanc 
le Cap Maiapan; mais nous avions toâ- 
joursunvent contraire qui nous met- 
loit hors d'état de prendre aucun port- 

La groileMer qui l'accomp-ignoit ne 
fut pas nôtre feule incommodité , il 
tomba auffi quantité de neiges & de 
pluies froides pcnJani: plijficurs jours; 
il patoifToii outre cela un Vailleau que 
nous prenions pour le Corfaire dont 
j'ai déjà parlé , &: qui probablement ne 
nous fuivoit pas (ans quelque mauvais 
deflcin. 

Le troificme Février le vent fc mie 
favorable, nous allâmes nioUillcr à l'a- 
bri des Ifl?s de Sapience devant la Vil- 
le de Modon, que nous fûmes voir le 
quatrième : c'cft à prefent très peu de 
chofë. 

Le cinquième le vent s'étant mis bon, 
nous fîmes voile fur les quatre heures 
après midi : toute la nuit nous allâmes 
avec un petit vent allez favorable. Le 
£xième à la pointe du jour nous nous 
trouvâmes devant le Cerigue, & à la 
veue de l'Oeuf ,c'eft une autte lile ainfi 



telle 



à caufe de fa fit-ure : 



f CT tfums lieux. 



le vent nous contraignii de paflèr 
entre le Ccrigue & la Terre ferme , & 
nous allâmes juique devant le Cap S. 
Ange. 

LorCqu'on l'eut pafTé avec un petïc 
' veni en poupe , environ fur le midi on 
vit un Vaiflcau à quelque diftancenl 
avoitje bord fur les nôtres , &c nous !c 
mîmes aufïï fur le lîen pour l'aller re- 
conjiokte ; il s'apperçui de nôtre ma- 
nccuvrCj & mie aum-tôc bjnnietc Véni- 
tienne. Surs qu'il ne pouvoir fjirc de 
mal à perfoTuie , Se voïant qu'il comî- 
nuoit fa rouCL' , nous fîmes aufli là nô- 
tre : fur le foie le ven: fe mit frais, mat» 
toujours en poupe , & cette nuit nous 

f allâmes prcfque tomes les Ifles de 
jltchipel. 

Le huitième nous allâmes au delà de 
Tine & de Miconc, nous prîmes ehfuite 
par le Ponant de celte deChio. 

Sur le foir nous vîmes un Vaiiîèaii 
qui venoii fur nous & nous nous prépa- 
râmes pour le combat ; mais il paflà at- 
fez prochede nous fans nous rien dire, 
& de nôtre côté nous le Uilïàmes paf- 
fcT. Pendant ce icni3-là il fit une pluïe 

tuvantablc , qui rnoiiilla tous nos 
;clacs :on les avoit mis çouï Ce to-i- 



tt VoyA^t dans fÀJÎe mlnenre, 
vtir en cas d'alarme ; ainfi nous pafsâ^ 
meala nuit ]ilus nul que nous ne l'au- 
rions voulu. 

Après avoir doublé l'Ifle de CKio,nou3 
entrâmes dans le Golfe de Smyrnc : 
nous pafsàmes le Cap Bernoux ; & le 
vent s'écant mis contraire le neuvième^ 
nous fûmes obligez de faire bord fut 
bord: dans ce Golfe on eft contraint de 
virer de bord toutes les demi-heures ,à 
caufe d'un grand Banc Se de pluiî«ur3 
Ifles qui s'y trouvent , on les appelle 

Nous mouillâmes proche le ChateaU 
deSmyrne , il en ell: éloigné d'une bon- 
ne lieiie ; enfin le dixième nous entrât 
jnes dans le Port de la Ville où nous 
nous débarquâmes. AuIIi-tôc je fus voit 
Monficur Royer Confiil pour le Roy,S£ 
îui remis la Lettre de Monfei^ncur le 
Comte de Poutchartrain : il m'arrêta 
Èk dîner Se me fit tofitcs les offres de fer- 
vices imaf^inables. 

Le onzième on apprit dans Smyrnt 
«ju'il y avoir deux Vaiflcaux Marchands 
Ânglojs à Faillery.Le nôtre étoit mieut: 
anné qu'un Vailleau de Guerre , & nous 
devions partir pour Conflaniinoplej 
ainfi le Conful des Anglois eut pi 
«^u'on ne les piît (i on les rcaconr " 



t AfriejM & autres lieux. if 
U envoya à Monfieur le Coiiful do 
France un Droguemcnt pour le pcieH 
d'en parler à Monfieur Guion , & de 
hii demander ce qu'il feroit aux Vaif- 
ièaux Anglois qu'il rcncontrecoit , 
s'il les atcaqueroit ou les laifliroit paf-^ 
fer. Le Drogucment ajoûca en même 
tems que s'il avoir la bonté de leur 
laiûèr faire leur roure , toure la na- 
tion Angloife lui auroic obligaiîon , Se- 
qu'il prometcoit pour elle de faire la mc- 
aie chofc en pareille occafion. 

Monftcur Royer le fit parler à Mon- 
/îeur Guion qui le lui promit Se vou- 
lut en alTurer lui-même le Coniul d'An-- 
pleterre ; il en futreceuavec beaucoup- 
d'honjictetcz , aufli bien que de plu-' 
£eurs de fa nation qui fe reiicojicfcrens 
là, & qui le prièrent une féconde fois- 
d'épargner ces Vaiflèaux, s'ils venoient 
à 13. rencontre ; il leur renouvella Cci' 
promeflès , & leur dit que s'ils ne vou- 
loienc pas l'en croire il Itut donnoic 
pour garants toute fk naûon ; qu'il ctoit 
vrai qu'il ne manquoii pas d'armes ,& 
qu'on fçavoir même pat tout que foiï 
Vaifleau étoit des mieux équipez ; mais 
que ce n'étoit que pour fc défendre. 
"eux qui ont voulu m' attaquer , con- 
i-t-il,. n'ont jamais été Vo^^a^tûs. 



ùtm s'en tepL'iuic , témoins la nav8 
Galcrc que j'ai coulée a fond, [Wochelat 
Garidte ,& an amre Vaiircau que j'ai 
très mal traité proche de Livourne. 

LàdelTuSj il fut fait de grands coni 
plûuens à Monlïcur Guion , & Il 
Anglois firent par avance d'ampli 
allions do praces à un Capitaine qu'i 
irouvoicnt Ci généreux : ils env^yerti 
tnênic deux des principaux d'entre eux 
avec un Drogucment a Monticur 
Conful de France pour le remercier 
rhonnctcté que l'on faifoit à leur 
lion ; Monfieur le Conful fut extrcim 
ment fatisfaitde cette humilité des Ar 
glois; c'étoit une choie fans exemple i 
jufqu'aloi's rien n'avoir pu les portec' 
«s fortes de Ibumiflïons, 

Ce mcmejoar il arriva un Vaiflêa 
Flamand, Moniîeur Guton le fak 
il rendit le falbt coup pour coup. 
auroii voulu nous retenir plus long-ter 
àSmyrne , & les honnétetez de cei 
avec qui nous y avions fait connoiffanc 
nous invitoient a/léz à y fiiire quelque le 
jour-, mais il falloir achever nôtre coai 
ië i ainfi nous nous embarquâmes lemi 
lin du treizième après avoir été recoi 
«lutis de tout nos amis. 

Nous fûmes faluez de tous les Va! 



fjéjf/njue & aatrff Heu.v. tf 
/eaux HoUandois , qui fe trouvèrent 
dans le Port , nous leur rendîmes le 
£ilur exademcnt & nous fimes voile. 

A peine avions nous vogue quatre 
heures que nous rencontrâmes les deu« 
VaiiTèaux Anglois ; nous leur pafsimes 
au vent , & l'on ne k dit tien de part ni 
d'autre. Environ une heure api es le vent 
fc mit contraire & nous fit prendre la 
refolution de mouitieir fuc le bas fond 
qui eftdans ce Golfe ; mais nos Pilotes 
nous en firent approclicr Je tiopprès^ 
ce qui fut caule que nous échoUames fur 
la fange. 

Ce ne fut pas fans peine que l'on s'en 
retira , nous lûmes moiîiilcr l'ancre un 
peu plus loin , & nous y pafsànics mê- 
me la nuit. Le quatorzième quoique le 
vent continuât de nous être contraire^ 
nous ne laiflàmes pas de quitter cet en- 
droit pour aller mouiller aux Ifles de , 
DorUlc , où nous demeurâmes le rcfte 
de îa journée & toute la nuit fuivante. 
Le quinzième & feizicme nous palUmes 
devant Tenedos j nous embouchâmes 
dans le Canal , & nous allâmes au de- 
là des premiers Châteaux dtS Darda- 
nelles, que l'on nomme les Chaieaux- 
-jifuf? ; les vieux n'en font éloignez que 
S vûigt mille j nous les ça^^mw MiîSi 




%6 Vofagt dans C-^JÎe m'mHre' , 
mais le vent manquant fui les trois tiev 
nous obligea de Hiotiiller enviroj 
à quinze mille de Gallipoli. Le di:^ 
Jêptiémc un vent en poupe nou; 
duiHc jufqu'aux lAes de Marmara: cib 
£n le dix-huit nous arrivâmes à Galattl^ 
aune heure après midi. 



CHAPITRE II. 

'arrivée d Cenjiantlnople, Hi/tai 
SiuiftUr jigt. Différend dis Frunçols À 
dts Anglais. Portrait au GrAniSelqm 
d'afrefent. Fiit des Chrèt'tem Schifmi 
tiques. 

ÎFE débarquai donc & je fus furf 
I champ au Palais de France. J'c 
honneur de remettre à Son Excellai 
ce la Lettre de Monfdgneur le Coqj 
te de Pontihartrain , avec les aui 
dont on m'avoit chargé , & j'en ; 
receu de la manière du monde la pli 
obligeante: il me promit fa proteÛi* 
& me fir offre de ferviceen toi 
depcndroit'de lui. 

De-là je fus chez la Cheràs MagdeM 
lie, c'eftla mcic du jeune Paleologuj 
preiènt Penfionnaite du Collège 



tJtffrique & Autres tseux. rf 
"letmont , dont j'ai parle dans le fe- 
zonA volume de mes premiers Me- 
noiies : elle me retint & ne voulut point 
^BC l'alladê loger atlieuis que chez elle 
ant que je fetois à Conflantinoplc 

Le dix neuvième je m'occupai à faire 
Icbarquer mes hardesi& j'eus l'honneuc 
le tevoîi: Monfieur l'AmbanâdcuT. Je 
iui «lis que i'avois ordre delà Cour de 
rhnchei par toute la Turquie , les mo- 
tiumens qui pouiroienry être reftcz de 
l'amiquiié,pour eue dans iafuiteunor- 
nement du Cabinet de Sa Majellé. Il me 
[émoigna que Moniei^neur le Comte de 
Ponicharirain le lui avoit cciic & ne 
me quitta qu'après de nouvelles offres 
Je (êrvicc. 

Le vingt le JaniiTaire Aga fut dcpofc & 
le Quilelet Aga penfa l'Être. Le Grand 
Seigneur avoit demandé au dernier une 
paùe de pendans.d'oreiUes de quinze ou 
vînec bouifès * : l'Aea lui en trouva de * ^ 

■-11- " ^ r 1 Bouri 

qituue ic les lui porta lur le champ : viuc| 

l'aâion plùcau Grand Seigneur, il lui dit ^"''■ 

lèuleinent voila qui ell bien , & alla 

metcce tes pendans aux oteilles d'une de 

iès Favorites. 

Le Quifcler Aga eut foin de les payer. 

Mais au bout de quelque tems par une 

imprudence qui iêntoit peu foa Coas- 



lî Voyage dans fAfte mineun^ 
tifan ^ il demanda au Grand Seignet 
fi les pendans raccommodaient : 
Grand Seigneur ne prit pas la ch( 
pour une méprife^ il crut entendre 
que cela vouloir dire , & lui répon 
qu'oiii , & combien on en vouloir. 

L'autre continua fur le même ton. 
lui dit net qu'on ne les auroit pas à mo 
de quinze bourfes: le Grand Seigni 
lai répéta , voila qui eft bien \ mais d< 
le fond il avoir Tame pénétrée de dé] 
& fa manière d'agir le fît afTez voir, 
alla fur le champ trouver fa Favor 
lui 6ta les Boucles d'oreilles , U les r 
voïa au*Qpifeler Aga ; celui-ci coni 
la grande faute qu'il venoit de comm 
tre, mais un peu trop tard* Il vou 
cependant la reparer : & pour cela il 
chercher une autre paire de pend 
beaucoup plus beaux: le Grand Seign 
ne tint point fon fier, & apparemm 
que l'amour le fit pafler dans cette r 
contre par-de(tus les égards qu'il vt 
loit que Ion eût pour lui. Il receut 
fécond prefent , & ne depofa poin 
Quifeler Aga quoiqu'il en eût pris la 
folution : celui-ci fe trouva fort h 
reux d'être quitte à fi bon marché di 
démarche imprudente. 

le vinet-un il arriva dans le Port 



r Affriifue & âutns lieux. \^ 
Vaiflèau Anglois , c'étoic un de ceux 
pour qui le Conful de Smyrne avoic 
prié Monfîeur Guion. Ce Vaiflèau en 
chemin faifanc avoic pris une Poulacre 
qui écoic à la rade dans un Port da 
Grand Seigneur au Cap Baba : le Capi- 
taine s'étoic racheté mille écus , avoic 
fait une Lettre de change fur Monfîeur 
Renaud Marchand François , & donné 
fon Ecrivain pour Otage. 

Dés que Monfîeur l'Ambafîadeur 
fçut qu'il y avoit un François prifon- 
nier fur ce Vaiflèau Anglois , il envoïa 
chez TAmbaflàdeur d'Angleterre & vou- 
lut qu'on le lui remît entre les mains ; 
mais on fit plufîeurs tours & beaucoup 
de bruit f uns pouvoir 'rien conclure» 
Le Grand Vifîr apprit que les chofes s*ai- 
griflôient de part & d'autre , il envoïa 
prier M. l'Ambaflkdeur de ne point en 
venir aux voies de fait, & lui fit dire qu'il 
vouloir être l'arbitre de cette affaire» 
Monfîeur TAmbafladeur répondit à l'A«^ 
ga du Grand Vifîr , qu'il en feroit ravi ; 
mais qu'il falloir que l'Ambaifadeur 
d'Angleterre fe mît à la raifon : l'Aga 
répliqua qu'on enauroit foin , & l'affai- 
re fut portée devant le Grand- Vifîr. Il 
envoie *querir l'Ecrivain qu'il fit reftec 
quelque tems chez luij les Àn^\ovb ^' ^"^^ 



iO Voyage dans TApe mhuftye, 
perijurent bien que leur caufe ét« 
mauvaifc, après !a modération dont i 
avoii ufé a leur égard. Ils tâchere 
d'infinucr qu'on ne leur rendoir pas j 
ftice i mais le Grand Viiir que Ton éqi 
lé avoit mis dans nos intérêts , ctoit : 
folu mênne de ne les pas écouter : 
lorfqu'il vit qu'ils ne paroiiroient poii 
il renvoïa l'Ecrivain à M.l'Ambafladi 
^ Jufqu'au quinze Avril je m'atnufi 
aicrcher des Médailles , ce jour efl a 
du petit Bairam.on Tappelte la Fête 
Sacrifices , &: les Turcs le célèbrent 
mémoire du Patriarche Abraham. 

Ce fut pour moi une occafion de v< 
le Grand Seigneur : il dcvoit revenir d" 
se Mefquée , je l'attendis à Ton pa(^ 
Le Sultan Achmct eft fort bel homn 
il a le nez un peu aqiiilin, fa Barbe 
noire & n'eft pas des plus fournies, 
je lui trouvai l'air rêveur & mélani 
lique. Sa Garde eft roûjours fort no; 
breufe ; elle va d'un pas égal , & fa m 
che a quelque chofe de grand ; elle 
habillée d'une magnificence veritab 
ment digne d'un Empereur; mais je 
furprisdela voir autour de lui , i 
aucunes armes. 

Le quatorzième les Femmes du Gci 
Seigneur fe promenoient dans le Jajri 




Vjiffri^itt & autres Htux. if 

du Secail : il eii voifin de k marine ,6e 

£our cefujci on faifoit éloigner toutes 
;s Caïques qui vouloie,iu en approcher. 
Une Poulacrc Vénitienne qui faifoîc 
voile ce jour-là , eut le maihcur d'être 
emportée par le courant de l'cju un peu 
trop près de ce Jardin ; les Bouftangis 
qui étoient dans des Caïques, vinrent 
aufE-toc fondre fur la PouUcre , & don- 
nèrent pluJÎeurs coups de bâtons à tous 
ceux qui s'y trouvèrent, aiiifi elle prit lé 
large un peu malgré elle. 

Ledix-neuviém'e je yis la Pâque des 
Chrétiens Schifmatiques.Pendant trois 
jours qu'on leur donne uncentiere liber- 
té) ils s'amalTent Scctourantles rues en 
troupes ils danfent au fon de leurs Inftru- 
mcDs -, il y a un ordre exprès du Grand 
Seigneur de les laiflèr aller par tout , 6c 
U nefc trouve perfonne alTez hardi pour 
bur faire infulte. 

Levii^tiéme le Révérend Père Be- 
;;niet m'accompagna chez Monfeigneut 
lEvêquc de Cefarée , qui étoicalorsà 
Conftantiiiople : il eft neveu du Pattiac- 
che de Conftaniinople, il nous reçue 
avec toute l'honnêteté poITihle , nous 
prefentadu caffc , des confitures Se de 
l'eau de vie. 
Ofrlàoom pliâmes voie la ç,tiw4e^W 



I 

I 



xt . Vojégt dam VAfit mmuri , 
ce de l'Acmeidan , c'eft le lieu où Toli 
s'exerce à tirer de la flèche. Ce divertif^ 
fement eft eftinjé chez les Turcs, & Sa 
Hauteflè ne dedakne pas d y aller a0^z 
fouvent prendre (a récréation. 



CHAPITRE II L 

Difofition iu Grand Vijîr. Rijomffanct i 
ConflaminopU four la naiffana de 
Monfeigneur le Duc de Bretagne. Op' 
f options du nouveau Vifir. Refiftanei , 
genereufe des François» 

• 

JE ne dois point fortir de Conftanti- 
nople fans parler d'une réjoUiflance 
que donna M. de Ferriol Ambafladenr 
de France à la Porte , lorfqu'il eut apris 
la n ai (Tan ce de Monfeigneur le Duc de 
Bretagne. 

Son Excellence en conçut une joïe 
inexprimable 5 elle eut foin d'en faire ré- 
pandre la nouvelle parmi tous les Sujets 
de Sa Majedé qui fe trouvoient alors dans 
TEmpire Octoman. Pour mieux marquer 
fa joïe à toute la terre, elle voulut par des 
témoignages publics , la faire éclattet 
dans la Ville naême.Oa fçait que Con- 



^ tÀfnefiit & autres IteHX. Xj 

^Kuitinople n'eîl pas moins que paris^un 

Hlbrcgéde tomes les nations. 

De la manière donc Te faifoient les 
fireparaiiff cedevoitctrelaFêie' la plus 
glande & la plus magnîBqueque l'on eût 
jamais célébrée dans des Régions auflî 

\ éloignées. Elle devoir durer au moins 
cinq jonrs de fuite , pendant lefquels otl 
ierviroit piufieurs tables avec toute la 
profufion & tome la délicateflcimagina- 
bles i on devoir rirer un grand nombre 
de Boctes , faire couler des fontaines de 
viHjjouerde toute forte d'inftrumcns, 
repreienter même des pièces de Thea- 
-.rr , & illuminet le Palais de France, les 
lirdins & le Couvent des RR. PP.Ca- 
puciiis. Monficur l'Ambalfadeur de Vc- 

I rife avec toute fa Cour , y avoii été in- 
vité. Nôtre Nation , les Dames, les Pro. 
teeez Si tous les Ordres Religieux s'ap- 
pretoient pour y aflifter : enfin la per- 
miffion du Grand .Sîigneiir en avoir été 
accordée par nn Cliatecherif. La veille 
du jour où l'on devoir commencer ces ré- 
jotiillances, on apprit avec un éronnc- 
ment extrême , qu'-'^ff BAcha Grand 
VïfiE venoitd cEredcpofé. 

La chofe étoit d'autant plus furpre- 
nante , qu'il ctoit le Beaufrere du Grand 
Stigneur , & que par les déférences i:\ut 



{ 



t 



14. foy^^ ^"f^f VAfie mlntHrt^ 
Sa Haucelîc jvoit tues pour lui.ronavoi 
lieu de le croire fon premier Favori,mai 
apparemnienc qur le caprice dti fort fi 
fon clct.iifl:rc , comme la feutb allianc 
avoitcaufé fon élévation. Calalicos au 
ttcment Achmct BacKa, qui comman 
doit en Candie en ccoit arrivé fur uni 
Batquc Françoife , le foir précédent di 
cette dépolltion , & l'on avoir fçù quel 
qHCs heures après quec'étoii pour prcn 
dre fa place. 

Monficur l'Ambafladeur en fut in- 
formé des premiers : il envoïa Mon. 
iïeurFonton, l'un de ies Drogucmens, 
complimenier Calalicos , &: il lui fil 
dire , que devant faire une Fête l( 
Jour fuivant pour la nailTance d'an 
Prince de France ,il ccoit bien aife df 
l'en prévenir, afin qu'il n'en témoignai 
aucune furprîfe. Calalicos demanda fî 
le Grand Seigneur l'avoitpetmis. Mon. 
fieùr Fonton répondit qu'oiit , S< ajoûis 
que c'ctoit mcmc par Catecherif. Ix 
Miniftrc naturellement orgueilleux ; 
mais devenu fans douce plus arrogant 
pat fa nouvelle dignité , répondit d'un 
ton fier , qu'il le fçauroit lui-même de 
Sa Hautellc , & qu'il feroit infttuire 
M. l'AoïbafTadeuc de Tes iniemion;. ' 




_ îr'ijue & autres Vieux. i» 

Uncrcponie iî brufque fie conjectu- 
rer que le nouveau Vifîr avoit quelque 
mauvais dcllèin ; on jugea avec raifon 
qu'il vouloît troubler cccte Fête; ce fut 
aufficeqai obligea Monfieuc l'Ambaf- 
fadeur de fupprimcr les Boetes qui 
étoient difpofées par toutes les Courts 
du Palais pour faire pluiieurs décharges 
durant les premiers jours ; on les ota 
fous le prétexte du mauvais tcms. 

Le lendemain qui ctoic le jour marqué 
pour la Fête , M, l'Ambartâdeur renvoya 
M. Portion de bon matin chez le Vifit 
pour f^âvoir s'il avoir parlé au GrandSei- 
gneur. En attendant la réponfe , on ne 
laiifa pas de commencer la cérémonie: 
Son Excellence avec MonfieurrAmbaC 
làdeur de Venife & la Nation Françoife 
ïe rendit fur les dix heures à la Cha- 

" pelle du Palais ; Monfieur l'Archevêque 
de Spigi j revêtu de fes habits Pontifi- 
caux , y prononça fur la naiiTance de 
Monfeigneat le Duc de Bretagne un 
di(cours très éloquent , entonna le Te 

\ Deuit , & célébra la Sainte Mellè. 

I Tout s'y paffa avec un ordre ad'mira- 
We,& en prefencc d'un nombre infini 
de perfonnes que leur propre curiofilé 
ou la nouveauté de la Fête yavoientab 
tirez. 

Tome I, , %, 



I 



i6 VojAge dans l'A fie rmnmrt^ 

Après ces adtions de grâces à l'J 
teur de tous les biens-, on lailla cot 
les Fontaines de vin que l'on avoit 
paréespour le peuple ; plusieurs Ti 
qui étoient difpofcz pour diltribuei 
caflTé en donnèrent d'abord avec largi 
à une multilude prodigicufe de 
On fervit en même tems dans la giai 
Salles trois tables; la première devin] 
cjuatre couverts, oii étoient Meflèignï 
les Ambailadeuis ;& les deux autres 
irentcdeux , & de fcize : il y cnavt»: 
une quatrième dans un endroit feparé 
pour les Protégez , iàns conter celle de 
cinquante Religieux , qui étoi: chez bs 
Révérends Pères Capucins. L'on étoir 
déjà à ces tables au milieu d'une abon- 
dance delicieufe & d'une infinité d'in- 
ftrumens , lorfque Monfieur Fontotl 
vint dite à Monlîeur l'AmbalIadeuE 
queMonlieur Maurocordato Secrétaire 
d'Etat fouhaitoit lui parler : Son Excel- 
lence fortit de table , & fur le trouvée 
dans une chambre où on l'avoir déjà fait 
entrer. Monfieur Maurocordato dit i 
Monneur l'Anibairadeur , qu'il ve- 
iioit de la pan duViiic, pour le remer^ 
cier des complimens qu'il lui avoîc fait 
faire le jaur précèdent fur (i. nouvtlle 
dignité , & pour le prier de ne point ti- 



fffi^He& MUrti lithx. ■ Vf 
rer les Boctes , parce que le bruit qu'el- 
les feroienc pourroit incommoder le 
Grjnd Seigneur ou celles de (es Sulta- 
nes quiccoienc prêtes d'accoucher, 

Monfieur l'Amballadeur répondit , 
qu'on tirojt tous les jours le Canon 
dans le Port quieft une fois plus pics du 
Sérail que le l'alais de France, fans que 
perfoiine s'en plaignît ; noais cependant 
ajoûta-t-il, puitque le Vitîrdefire qu'on 
n'en tire point, on s'en abftiendra quoi- 
que l'on en ait une permiUlon dans tou- 
Ces les formes- Comme laconverfation 
avoit déjà duré une efpace de tems aflez 
Confiderdble , Monfieur Maurocordato 
pria Monfieur l'Ambjfljdeur de re- 
tourner a fa table , ce qu'il fit: l'on y de- 
meura font long-iems , & les fantez du 
fiLoi, de feu Monfeigneur , de Monfei- 

Sneur le Dauphin, & de toute la Famil- 
t Roïale , y furent buirs en vin & en 
toutes fortes de liqueurs. Le repas fail, 
les Danfes, la Mufique & la Comédie 
Turquecommencerent à joiier ; enlûite 
Uyeuiun bal-, & bien-iôc après on iU 
luminaen moins d'unedcmi heuce tout 
letoor du Palais, leCouvent des Capu- 
àns attenant la grande allée de l'Orati- 
îerie j & le berceau qui cft au boutî en 
î que chaque Oranger fe ilounoVC 



I 
I 



»S VnjAgt dam TAfte mititUff, 
{bus une arcade tlliimjiiée , & ^"^1 
quelqne coté des environs du Pcra qui! 
regardât le Palais , cette Illumina^ 
faifoit un effet admirable. 

Pour rendre la chofe plus agréa) 
onavoic placé dans les Itois arcades des 
veftibules du Palais trois Tableaux ova- 
les. Lcpreir)icr,des Armes du Roi&de 
feu Monfeigneur le Dauphin, alors \ 
vant, avec ces paroles en bas., 

Pat luci virtus radio fpeltatitr in uns \ 

ctoit au milieu ; le fécond , des , 
mes de Monfeigneur , alors Monfl 
eneur le Duc de Bourgognc,fur lefqia 
les ctoir, A-iont-joye au noble Duc^&C'^ 
defTous irufifmiffi* crefcit ^ avoit 
à la droite : & le lroiticnie,des Armes a 
Monfeigneur le Duc de Bretagne , avec 
cette infcription: Nec mirror tminits, étoit 
à la gauche. 

-Mais aullî-tôt que l'on eut dît au 
Grand Vifir l'effet furptenant que pro- 
duifoit cette Illumination , par une biT- 
zarrerie fans exemple, il cnvoïa entra 
fept & huit heures le Bouftan^iy Bachï 
& trois cens hommes pour éteindre géi- 
néralement toutes les lampes. 

LeBouilangy Bachi étant près du Pa- 
lais ^ne jugea pas à propos d'ycnu 




PjIffrîijHi & autres lietiX. ry 

11 fut chez Monlîeur Fontaine premier 
Drogucment de Son Excellence qai de- 
meure attenant , d'pil il envoïa dire 
à Monfieut l'Ambjiradeut , que le 
Grand Seigneur voiant cette lllumiTia- 
tion avoit cru tout l'era embrafé ; qu'il 
avc»it ordre de l'éteindre, de caffer toute» 
les lampes , & même de faire main ba(^ 
ic fur ceux qui voudroîent s'y oppofer, 
& qu'il prioit Son Excellence de les fai- 
re éteindre elle-même pour n'Éire pas 
obligée d'elTuicr une fi fâcheuiè exé- 
cution. 

Monfieur l'Ambaflàdeuc fil dire 
su Bouftangy Bachî qu'il n'avoit rien 
fait que par ia permiffion du Grand Sei- 
gneur 1 qu'il é toit fur pris queSaHaii- 
, teflè l'eût (î-tôt oublié ; que les lampes 
^tantune fois allumées fans caufetàper- 
fonne aucun dommage , il ne pouvoir 
faire autrement que les Jaiff^r brûler, 
jufqu'à ce qu'elles finiiTl'nt naturelle- 
ment ; 8c que s'il entroit dans le Palais 
à deffein de les éteindre , il courroiï rif- 
que d'y demeurer. 

Son Excellence votant que ta chofe 
deveiioic plus ferieufe, pria Monfieur 
l'Ambairadeur de Vcnifc de fe retirer, 
dans la crainte qu'il ne lui arrivât quel- 
que accident ; des qu'il fut fovti ^ le^ 




^a Voyage dans tAfie mlmme , 
François qui étoieni au Palais fe ra 
lent [OU5 auprès de la perfonnr de S 
Excellence , refolui d'y périr plûi6t< 
As foufFcii raâxont qu'en lui voulqj 
faire. 

Le Bouftangy Bachi fit fçavoircetré 
réponfe auViiîr,en loi marquani que 
s'il vouloir que l'on execucâr fes ordres, 
il étoit neceffaire qu'on lui envoïât en- 
core du monde- Deux heures après le 
Selam AgafTy du Grand Vifir vint de- 
mander au Boiiflangy Bachi le fujet qui 
l'empcchoic d'éteindre l'Illumination : 
celui-ci répondit , qu'il en avoit fait fça- 
voir la raifôn à fon Maître , & qu'il ne 
croïoit pas devoir entreprendre de for- 
cer un Palais de France oO tout le mon- 
de étoit armé Se prêt à iè bien dé- 
fendre. 

Enfin le Vifir en colère de ce qu'on 
ne lui obéïfïbit pas , refolut de pafler lui 
même à Pcra ; il étoit déjà embarqué 
avec une partie de fà maifon-, maïs fur 
Jes reprefcntaiions qu'on lui fie, qu'il 
alloii expofer fa perfbnne avec ailèz 
peu de raifon , il prit le parti de s'en re- 
tourner chez lui. 

Le Selam Agarty crut pouvoir gagner 
quelque chofe fur l'elprit de Mon-i 
fieur rAnibaiTadeuE , il vint le trourt 




Fjifr'iijut & autres lîtKX. 'ft 

Bc tâcha de lui perfuader de faire étein- 
dre rillumination j mais i! n'en pet ve- 
nir àbout: après l'avoir amufé jufqu'à 
plus de dix heures , Son Excellence lui 
dit que ce n'ctoit pas la peincff qu'il n'y 
en avoit plus que pour une demi-heure. 
JLe Se^m AgaiVy foriit content de cette 
parole : il la fut porter au ^ouftangy Ba- 
chi qui s'en retourna avec tout ion 
monde : ainfi l'affaire finit très glo- 
rîeufement pour Monfieur l'Ambaflà- 
deur. Cai le Bouftangy Bachy n'encra 
point dans le Palais ; l'Illumination ne 
fut point éteinte , Se dura même une 
demi heure plus qu'elle n'auroit dure ft 
cet accident ne fut pas arrivé ; au telle 
k Fête fut continuée à l'exception des 
Doctes Se des Illuminations. 



CHAPITRE IV. 

foyÂgt de CtujiatitimopU , 4 j^rta^uy & 
aux ruines de Cy^jejut ; defcriptiott de 
eei ruines. Petite ijle vh.à-vis ce Port. 
Traditions des Grecs. 

COnime j'avois un ordre exprès de 
chercher & d'acheter le plus de 
unies qu'il me feroii çofllbVç , "fi 



B 



UH 



3t V^J^i^ i^^ ^^fi^ nAmuri^ 
commençai mes perqaificions dès la 
Ville de Conftantinople. J'avois Tceil 
fur tout ce qui s'y pafibit de nouveaa 

f)our les Bâtimens , fur tout lorfqu'ofi 
es demollifToit , & qu'ils avoient appar- 
tenu à quelque perfonne de confequen^ 
ce \ j'en viiîcois exaftement les Colon- 
nes , les bas reliefs , les pieds-aeftaux 
antiques qui s'y rencontroient encore t 
enfin à tous les marchez ou Bazars ^ )*a«> 
vois un foin extrême de m^informer fi 
Ton n'ayoit point quelques pièces des 
xnonnoïes les plus anciennes. CeftN^ 
Art qut^mande-quelque-difcernemefit^ 
mais une longue expérience nous ap;> 
prend tout , & (oit bonheur, foit con- 
noidàncejje crois en avoir trouyé d'af- 
fez curieuies. 

Le vingt-fîx j'appris qu'il y avoir de 
belles ruines à Àrtaquy , il n'en falut pas 
davantage pour m'y faire aller. Le 
vingt- fcpt à midi je m'embarquai fur 
une Caïque , qui y £aifoit voile; un'vem 
contraire nous obligea de relâcher à une 
des Ifles des Princes. Nous y demeurât 
mes le vingt- huit jufques à quatre heu- 
res après midi ; de-Ià nous nous appro* 
châmes des Ifles de Marmara , mais le 
vent fe mit fort gros , & par malheur 
nôtre Batteau n'étoit ni alfez haut poàt 




Fjijfri^Ht & autres lïtHX. 
être au dclTiis des vagues , ni alTez 
pour ("outtiiir leur imperuofiré. Nous 
nous v'miL'S plufieurs fois allez près d'en- 
fûiVcer ,& nous étions à deux doigts de 
la mort , lorfque lèvent nous mit lui. 
même à l'abri de fes coups. Nous noui 
trouvâmes lut une petite Pljge oil reg- 
Doit une aflèz grande cranquillicé^un mal 
violent fuiri du moindre bien y fait 
trouver des douceurs infinies : nous re- 
itâmcs là tout le vingt-neuviérae , on 
y raconimoda les voiles que la fureui 
du vent avoii déchirées : le itehiicme 
nous porta à A rtaquy, 

J'avois une Lettre d'amitié pour utt 
Eccleliafti que de mérite qui y fait fade- 
Qiieure,& s'appelle Cachy Treandafile; 
Je la lui fus rendre , & nous fîmes en- 
ïemble une allez ample connoilfance ; il 
me donna même chez lui un logement, 
& il me promit de me faire plaiflt ea 
tour ce qui lui feroit poUîble. 

Letems que j'emploni à me reposer 
ne fut pas tout. à-fait inutile à mes deH- 
ieins; outre le (ïcurTreandafile , je li» 
encore focieté avec deux autres perfon- 
nés à qui je les communiquai & qui s'of- 
frircni de m'y fervîr. 

Dès la première promenade nous 

S ruâmes du côté des ruiner dowx ^,m, 
:_ 



"j.4 Voyage dam VA fie mineure, 
parlé. Il y a près de la Ville une mo»' 
tagne donc les rochers s'avancent esrré- 
mement dans la Mer. Là écoit autrefois 
une cfpece de Cicadclle ; l'on en voit 
encore neuf ou dix tours quarrccs,qui 
paroitfent avoir été bâties folidement 
& avec art, elles font dilpofces d'efpa- 
ceen cfpace ,& d'une manière fimetti- 
que. 

Le tems qui lésa conftrvces , nV pas 
épargné la muraille qui les joint ; elle 
eft prefque route éboulée auprès; mais 
par derrière l'on voir encore plulîeurs 
crottes afTcz agréables. Sur le haut da 
la Montagne fonr les reflcs de que!- 
qu'autre édifice alU'z fuperbe , les Chré- 
tiens du païs affurent que c'érojt une 
Egtift. 

Delà je paflai à une petite Tfle qaî 
ferme ce Port : j'y vis encore quantité 
de ruines, qui donnenr une haute idée- 
delà magnificence des anciens Habitans 
de cette Ville. Partout font étendusde 
très beaux morceaux de marbre , des 
chapiteaux , dts colonnes, & mille au- 
tres pierres travaillées avec une admira- 
ble dextérité. 

La tradition des Grecs dit, que fous 
CCS ruines , eft enfevelie une des plus 
belles Egîifes du monde -, on en voit ce- 



" PAff'-'i^He & aiitrei lUu'Hr, fe 

iémble, encore la porte, c'eft à dire, le 
Jiauc. Les cotez font d'un beau marbn; 
blanc , la travée de dcfliis eft hors de (a 

{)Iace , Se le refte enfoui fort avant dans 
a terre ; il eft difficile d'y découvrir rien, 
les Tarc^c permettant pas d'y fouil- 
ler ; en certains endroits la roche eft 
taillée comme une véritable muraille. 
Du côte de la Mer , c'eft-à-dice au fe- 
ptentrio:i,eft une fonrce d'eau chaude en 
tout tems i mais beaucoup plus en hiver 
qu'en cité. 0c l'autre côté il s'en trouve 
une autre d'eau froide pour laquelle on a 
"bâtiun périt Baffin en formede voote: 
c'eft un bruit commun dans toute la 
Province que cette eau a la vertu de 
gaerir les maladies les plus dangereufes, 
■Sorfquel'on afoiii d'y apporter ceux qui 
^Kn (ont attaquez. Je remarquai que 
^Beau en étoit un peu {allée. 

Près de cette fonrce firoide eft une 
Chapelle profonde & prefqtie tout-à- 
feii fouterraine , oà l'on vient en fou- 
le de tous les lieux circonvoifîuï ^ les 
Grecs en font une de leurs principales" 
dévotions , & la plupart recomman- .. 

dent d'y porter leurs corps après IcUt ^m 
mon. ^H 

kCette petite lile n'a tout au plus que ^H 
o pas de tour ; l'on y trouva çaï x.o^w, ^| 



i 



I 

I 



3 ff Voyage dans F À fie mineure, 
un nombre prodigieux de morceaux <! 
verres quarrez & de couleurs differeï 
tes : fans doute qu'il y a eu dans a 
édifices quantité d'ouvrages à U Mola' 
que. 

RepafTcdans la Ville , je fcs rendj 
ma-vifite à l'Evêque 1 on l'appelle l'E 
vêque de Cyzîque , c'cft un.homn; 
d'elprit & qui paroît avoir de l'étude i 
ine receut avec une honr.êrecé infinie 
&ine fit voir dans fa Bibliothèque 1( 
Warulcrits les plus beaux ; mais il e 
m'en voulut jamais vendre aucon : 
conceus même que c'étoit mal s'a( 
drelïer que de lui en faire la propi 
fïtion ; rarement un homme de le 
1res fe défait-il de ce qu'il a de curieua 
il fait fes délices de les livres , & 
mifere même eft peu capable de les 1 
Êter. 

Le premier Mai, accompagné de qa 
tre hommes bien montez , je me mis i 
campagne , pour aller voir les ruines t 
Cyzique ; nous marchâmes pendai 
deux heures , dans un pais admirabl 
cultivé par tout , Si plein de Vignes, d'< 
liviers, & d'autres beaux Arbres de toi 
ïes tes fortes ; enfin nous arrivâmes ai 
premières ruines de la grande Cyzique 
die- metitoti bien cenoni^ l'on a cgi 



F-^f^sifue & nfttnt Seur. ^ 
à fes feuls rcftes. Après avoir mis pîedi 
àterre , noas commençâmes par dcjeiu 
ner ,& prendre quelque repos; en man- 
geant , j'avois le vifagc d'an homme in- 
quiet , & la vciie d'une fi belle Ville ra- 
fee,pour ainfi dire , & abbatuc de fonJ 
en comble , me rendoir tout rêveur ; je 
fon^ois malgré moi à cette étonnante 
vicilEiude , qui chinge toutes cîtofes. 
Nous nous étions affis fur les ruines d'une 
Fotterelfe ou de quelque grand Château, 
du moins étoit-ce que l'on en pouvotc 
con je durer:!' on n'y voïoit plus d'entier 
que de longues vouces fouierraines , oft 
nous defcendînies avecquacrechandellcs 
& un fanal : nous les trouvâmes hautes, 
bien faites , & d'une pierre de taille fort 
épaiffe ; il y en a plus de cinquante 
femblables qui fe répondent les unes aus 
autres, & qui n'ont point à prefent d'au- ■ 
,tres Habitans que des chauves-fouris. 
Dans une nous vîmes une belle Fontai- 
ne bâïie en arcade , &: où, à ce qu'on 
nous dit, il y a de l'eau pendant toute 
Tannée L'on apperçoit de lautre côté 
«neefpecc de trou quarré , un homme 
y pafleroit aifemenc. Les gens du païi 
ont la fimpliciié de croire, que G l'oni 
pouvoit pailèc l'eau de cette Fontaine, 
■jft entier dansée croit,, l'on tiou.iet.crâ. 




fe 



J^oya^e dam fAflt rmnew^^- 
ihimanv]ujblement de grands trelorsj^ 
content à zc fujet une iiiHnicé de fabl<| 
Biais je ne m'y arrêterai point , ellcs( 
méritent' pas l'attention d'un hom^ 
fege. 

Je cherchai par tout s'il ne s'y rencal 
treroit pas quelque Infcription, maid 
ne ttouvai que des ftagmens , don^ 
ctoit impoûîble de rien tirer- 

A quelques p.is de ces ruines , il sï 
ïoit d'autres /emblables de pierres ai/ 
greffes ; & l'édifice, félon toutes les d 
parencesétoit prefque égal en beautJ 
les murailles étoient encore prefgf 
toutes entières ; mais elles n'enW 
moient que des monceaux de piers 
cntaflez les uns fur les autres fans i 
cun veftigc de monumens plus tcm 
fluables. 

Avancez plus loin , nous trbuvâdl 
encore une Fontaine aiîrz belle, & à '1 
cotez les rcftes de pluiiturs grands 1 
rîmcns ; nous en fîmes le tout , & enfij 
te rcraoniezàcheval, après avoir 
ché environ une heure, nous arrivâti] 
à d'autres ruines d'un édifice fuperbj 
les Habicans de ces lieux difent que 
o'ctoit autrefois une Eglife ; l'on y vok 
encore de beaux raorceanx de Marbre, 
(i'auit«5 pierres d'une longueur & d'orfH 



r'Af-t>fUe & AUtm .îUune. ^ 

îargeurprodigieufë, mais c'eft loutaiiffi,. 
tclci murailles en oniétéfi ablolumeni 
démolies , qu'il y a cru une efpece dfc 
feois aiïcz fort , dont les arbtts poufi- 
fent au travers des pierres. Je me don* 
nai la peine de renverfer plufieurs de ces 
Marbres pour y trouver des Infcriptionj. 
J'y en rencontrai (Î3t que l'on trouvera 
à la fin de mes Voyages. Mais il y â 
toute apparence qu'elles font trop im». 
parfaites pour donner aucune connoif- 
fance du palTé. Les pierres en étoîent 
fcparces , de manière que ce feroît un 
bazard s'il y avoir quelque chofc defui^ 
vi, Mefïïeurs de l'Académie, qui depuis 
quelques années ont enrichi laRepublîi- 
que des Lettres de tant de DilTcrtaiîonS 
curieufcs, auront la bonté d'y faire leurs 
reflexions. Je me contente de les lent 
donner exaàes , & auffi entières que le 
tems nous lésa confervées,fans répon- 
dre de leur fens , ni pir confc-quent dei 
Lettres qni les compofent. 

Il fe trouve à pliiiieuts endroits de ces 
raines quantité de bas- reliefs, de feflons, 
de fcîiillages , de morceaux de colon-- 
ncs de beau Marbre blanc. Je remar- 
quai plufieurs ruiflëaux , qui couloienr 
à travers ; mais on ne leur donne aucuir 
^MlB] '> ^'°^ excepte une petùe R.\N\C't^ 



'mftrej ^B 
nom ^^L 



^,0 ^ly^g' '^^"' l^^pf mlntHrf^ 

«juel'on nomme Potamoqui , 

netique , & qu'elle n'a app: 

^ue pour la diHiiiguer de ces mcinia 

xuidèaux. 

Ily a auprès do cet endroit un Po( 
d'une grandeur & d'une commodité ad 
mirable^plus de trente mille VailTeaul 
■y pourroient demeurer à leur aife , taiï 
il eft vafte , & ils n'y auroient certaine 
ment à craiuJie aucun mauvais tems : j 
eft à l'abii de quelque vent que ce foie 
je l'ai veu pendant les tempêtes les plu 
affreufes , la Mer yétoii pac tout d'un 
tranquilitéà faire plaifir. Je revins à li 
maifon le vingt-deuxicme , c'ctoit m 
famedi,& dans cette Ville le jour d'ui 
petit marché, qui dure depuis le macil 
jufquesà deux heures après -midi. Il si 
laflèmble quantité de Marchands de 
environs. 

Pour ne rien laiiTèr échaper à ira cU 
riofité, avec une Chaloupe je pa fiai cri 
eoredans une petite Ifle , qui eft vis-ài 
Tis Artaquy : elle ferme en quelqtH 
façon le beau Port dont je viens de pal 
1er: j'y remar<|uai une caverne a iTcz pro 
fonde, oiï i'on me dit que l'eau ne raan 
quoit jamais : j'y vis les ruines de quel 
que ancienne FortereCTe ; cette Ifle doi 
cite regardée comme la principale caj) 



fjffntpu & AMttrs tUux. 4I 
fedela grands Bonace du Port. De-Iiï 
j'en examinai la Ikuation *vec foin , 2c 
je vis qu'elle en couvre .pour ainlî dire, 
louce l'étendue. Comme je ne trouvois 
point deMedailles à Artaquy je me rem- 
baiquai,& un petitbatceau du pais me 
lepoita à ConÂantinople. 



CHAPITRE V. 

yeyitge de CùnfiMtinopU aux rmnet da 
CAlcedoine. Âviiniurts de Jofeph Bey 
Fils d'un f^ijlr d'Alger. 

LE quatrième au matin j'eus l'hon- 
neur de falucc Son Excellence. Je 
l'avois priée de parler pour moi au Grand 
Vifir ,& de lui demander un Paflèpoit 
qui me donnàtia liberté d'aller par tour. 
Elle me dit qu'elle avoit eu Audience 
de ce Minière ; mais qu'il r>e lui avoîc 
pas paru d'humeur à m'accordcr le PaC 
lêpoii ; qu'il lut avoic répondu au con- 
traire , que l'on n'en donneroît à aucun 
Franc ; que le Sultan Muftapha avoit 
défendu exprelTement de les lailTêt 
voïager dans la Turquie , parce qu'ils 
'y venoientque pour faire changer de 



it que pour I 
tligion à Tes Rajas. 



r 



I 



"jfi Vojêgt iàm t Afîe m'meui'e. 

Son Excellence n'avoir pas nianqiré 
de loi dire, que |e n'ctois point un Re- 
ligieux qui vînc prêcher, mais un Mé- 
decin , & que je n'avois d'aurre but dans 
mes voyages que de chercher des Plan- 
tes medecinatcs -, mais le Vifir avoh 
toujours rependu que l'onvciroii, de 
lien davantage. 

Le neuviéinc,je fus avec le Reverenrf 
Père Befnier a Chalcedoine : cette Villff 
eft de l'autre côté de Conftantinople, 
&nous Tçaviona que l'on y travail loif^. 
un Sérail ; on nouî avoit même aflui' 
qu'il s'y irouvoit quantité de monnoï 
anciennes : nous y vîmes des Efclai 
occupez à cultiver un Jardin a' 
grand. Comme l'on avoit été oblige 
remuer la terre en plufieurs endroit 
l'on y avoit découvert un puits parfait 
ment beau , & bâti des pierres de tail 
les plus groilcs : dans ce puits, l'on voïi 
à fleur d'eau une porte quarrée qui 
roiflbitavoir été faite pour donner qi 
que facilité à ceux qui viendfoienti 
puifer de l'eau. Auprès de-Ia étoii' 
auiïï de grodes pierres de Marbre & n 
me des canaux entiers faits de Mari 
blanc , & emboctez les uns dans 
autres. 
Les gens du Pais difent, qu'il yavi 




f Affriijue & Aums Héux: 4^ 

autrefois là une Eglife fore grande 8e 
fort belle ; nous y vîmes plufieurs Pier- 
res oïl il y avoir des InCcriptiotis ; mais (t 
gâtées que l'on n'y pouvott rienconnoî- 
rre. J'eus le comentemcnr d'y acheter 
une vingtaine de Médailles ,queces E(^ 
claves avoient trouvées an remuant I* 
terre : il s'en eil même rencontré des 
plus rares , & dont les revers ne font 
point dans les livres de Monfieur Vail- 
lant. 

Lorfque jsfus arrivé à Conftantînople, 
j'appris qu'il y éroit arrivé deux jours 
auparavant un Turc de qualité qui Cf 
loiioit fort des bienfaits de nôtre nation^ 
îls'apelloitjeufeph Bey,ilécoit fiisd'un- 
Vilïr. Depuis quelque tems ilavoil été 
envoyé en Alger de la part du Grand 
Seigncur:il s'ctoit embarqué à Conftan- 
linoplefur une Barque Françoife qui ^c 
devoit mener à Tripoli de Barbarie. 

Comme c'étoit un homme poH & en 
même tems arvife , il n'avoit manque à 
aucun des devoirs de la civilité & delà 
piudence. Avant fon départ il étoit ve- 
nu falucr Monfieur rAmbafTide^ , 
flc ilavoit eu foin de lui dtmander Ion 
Paffeport: on juge bien qu'il n'eut pas 

-lieu d'être mécontent de Son Excellence^. 

HM Fianîjois & fur tour une perfontie- 



I 

I 
I 



^ VvfAfi iam l' AJte mlneurl^ 
aufli affable que Monfieur de Ferd 
traite toujours avec aminé ceux qi 
implorent Ton lecours. Son Excella 
ce accomp.igna le PafTepott de pli 
fieurs aucres marques de bicnveillam 
& de ce côté là le Seigneur Turc 1 
s'embarquer avec tome la ùtisTaftii 
qu'il pouvoii erperer. Arrivé à Tri] 
ly ,il trouva un Vaiir^au Turc jilfe 
delTus pour continuer Ton voïage; i 
une tempête qui s'éleva , te jetta 
après fur les côtes de la Sicile, Leur Bj 
timent ne put refifter à la violence di, 
▼ents: il fit un naufrage a(rc2trifte,3i: U 
hommes s'en fauvereiu du mieux qu'il 
purent à la nage. L'on fit Efclavcs toas 
ceux qui fe trouvèrent dans !e Vaiflcac. 

Joufeph Bey obligé de (ê jetter dans 
la Mer , n'avoit pas perdu fa prcfencc 
d'e(prit ordinaire ; il avoit fauve fon 
Paîïeport avec fa perfonne , & il lui ar- 
riva là peu de chofes que fa (âgefle ne 
lui eût fait prévoir. 

Il !e montra aux M.igiftrats : auOî-tôc 
ils changèrent de conduite à fon égard; 
loin de le traiter en Efclave, ni lui ni 
toute fa fuite , on les habilla , on leur 
fournit avec honnêteté toutes les cholè» 
dont ils eurent befoin : on écrivit pour- 
untdc Sicile en France & en Efpagne^ 



^™ ty^p'itjue & autres lieux. ^^^^^H 

& l'on demanda fi fur le Paflèpott de 

4 



& l'on demanda Ci fur le Paflèpoi 
Monlîeuc l'AmbalTâdeuc, onleurdonnc- 
roit toute liberté. Comme lachofene 
fjifoit point de difficulté , on leceut des 
ordres exprès d'y avoir égard, de traiter 
joufcphBeyen homme de fon rang) & 
de le mener oïl ilvoudroit ; ainfi on lui 
donna un Bâtiment qui le conduilit en 
Alger. 

Lorfqu'il y eut fini fa negotiation , & 
qu'il voulut fc rembarquer pour Con- 
ftantinople, onvoulut lui donner un Bâ- 
timent du Pais , pour le reporter ; mais 
il ne le jugea pas alTez bon poUB fc mec* 
tredtiFus ; & l'honnêteté qu'il avoitce- 
marquée dans les François , le déter- 
mina a les prendre pour les guides defon 
retour : il encra dans un Vaiffeau qui re- 
venoic à Marfeille , il y fut comblé 
d'honneurs. Mais ce qui augmenta fit 
bonne opinion pour la nation Françoife, 
fut le bon accueil qu'on lui fit par tout 
dans la Ville ; 8c fur tout le foin que l'on 
y prit de faire f,'s provifions pour le 
I voyage de Conftantinopler Je fçeus 

I qu'il avoit été quelque tems dans l'Ifle 
de Chic, de-là il ctoit venu en diligence; 
& auHÎ tôt après fon arrivée à Con- 
ftanilnople , il avoit envoyé (àluer 
Monfieut rAmbafladeur , & lui avoic 



I 

1 

J 



4< y«y*gt déHs PAfie 
-tncme envoyé tes habits & les lingCI 
necelTaircs pouF le bain. Ce prefcnt, or- 
dinaire chez les Orientaux , confiftoit 
en une chcmife de Cofe , des caleçons& 
des mouchoirs brodrz \ tout cela étoit 
envcfopé d'une belle pièce de foye es 
broderie, & il avoit fait dire à Motu 
ïîeur l'Anibadadeur qu'il lui demandotl 
une Audience pour le remercier lui in£. 
me des obligations qu'il luravoît' 

Ce Seigneur plein d'une véritable !&• 
conno-(r3nce,a-toûiouTs publié avec joïe 
les bienfaits qu'il avoit receus de lapuiC 
fânce Fmnçoife , &c on lui a fouvent eii> 
terdu dire que s'il n'avoic qu'un Scqua 
H le partageroit avec nous* 




CHAPITRE VI. 

Souper chez. Monjîeur V AmhttffAiettr de 
FrdTJce , fuivi d'un concert. Singuliers 
Crdonnance du Grttnd Sii^nenr. Hifloir* 
£Adrnmant l'acSia. y.Jire renihè au 
Kadis Lef^uer de U Natolie. Converja^ 
tion Turque chc^ Monfienr l'Amb^fa~ 
deur. 



LE douzième j'eus l'honneur de /bu- 
per chez Son txccllence ; j'y trou- 
vai une compagnie difpolée à taire un 
concert : on avoit fait quelques vers à 
l'honneur de Monfieur l'A mbalTjdcur, 
& les François voulurent Ifs lui chanter 
en fa prcienee. Ainfi après le foupé, - 
compofc des mers les plus délicieux, des 
fruits les plus exquis f< de toutes les 
fortes , nous eûmes un? fymphonie , qui 
charma toute l'AlTemhlée ; les Inllru- 
mens ic les voix s'y firent également 
admirer. 

Le quinze le Grand "îeignçur alla Ce 
promener dans la Ville incognito ; 
daiM Icquarcier oil il fc trouva il vit pat 
fer devant lui plufii-uis Cheva.ix char_ 
gez de bois : u ciuiodté l'aïant poité 




^.9 ^oyf^' 'i""' i'-^fie mineure, 
à y reftcr plus qu'ailleurs , il vît re[ 
peu de tems après les mêmes Chevs 
chargez de ceux qui les avoient 
duits , ils lui parurent dignes de ( 
pallîon : Les hommes , dit-il , Ibni bi 
injuftes ; ces pauvres Chevaux n*oi 
ils pas eu affez de leur charge , fans 
être encore obligez de raportcr ceux 
que je vois montez defTus ; c'eft ne leur 
pas laillèr' iin moment de repos : j'y 
veux nwitrc ordre. Il fit effeftivemene 
publier fur le champ une Ordonnance, 
par laquelle il défendit ibus peine de 
la baftonnade à quelque perlonne que 
ce fût, de monter fur Ton Cheval après 
lui avoir fait porter fa charge. 

Le même jour fes Galères vinrent fa 
preftnter au nombre de feizc devant le 
Sérail ; il fc trouva au bord de la ma- 
line dans fon Cheoflre que l'on lient 
ordinairc-mcnt à la pointe du Serai! ; 
le Capitaine Pacha alla lui faire la ré- 
vérence , & lui dire qu'il venoit pren- 
dre fon ordre pour commander for» 
Armée Navalle fur la Mer noire. 
Le Grand Seigneur lui fît donner la 
vefte , &: lui donna lui- même le Sabre } 
c'eft par cette cérémonie qu'on revêt un 
OfScicr des dignitez Militaires , la vefte 



J 



t^frt^ue & Mtrts lieux. ^^ 
eft one marque qu'il tient la place de 
l'hmpereur par fa qualité de Commao- 
datit } & le Sabre cft pour l'engager à 
faire fon devoir , Se marquer en même 
tetnî que s'il ne le fait pas , il y va de fa 
tête. 

Le dix-fept les Galères (ortirent da 
Porr , elles s'éloignèrent de Conftanti- 
nopie d'environ vingt mil c fcu'emcnt; 
mais le dix-huit elles partirent rout-à- 
fait. Il yavoii fur ces Galères un E(^ 
clave François , quand le Capitaine Bâ- 
cha en fit la vifice avant que departirj 
dès qu'il l'eût app^'rçù il l'envoïa à 
MotiueDr l'Ambaltadeur , avec ordre 
«l'afTârer Son Excellence qu'il ne laiC 
lëroit jatnsis palT?! aucune occafîon 
de lui rendre fervice. Ce lïacKd eft des 
bons amis de M. l'AmbalTideur , & ne 
lui tefiife rien de ce qui tlépcnd de lui. 

Quoique les Turcs aient quelquefoîi 
:.T.z à.e politique , puifqus c'cft utie 
qualité qui viïnt autant de la nature, 
qu^de l'éducation , lacourtoilîe de ce 
Seigneur i«e parut avoirquelq'ie chofc 
defin^talier :ie fus curieux deconnoître 
JÀ nailTance , & les conmi'ncemens de 
ikfonune. Ce ne fut pjs U-s quelque' 
écortnement que l'aprù qu'il étoit na- 
liJP4e Marfeille , & FiU d'un Roadvtt, 



J 



I 

1 

{ 



Itavoictté ptis fur un de nos VaifTeaux 
dans_fà plus tendre jeuiic0è , & on lui 
avoir donné en Turc le nom d'Adra- 
jnanc. 

Ses Maîtres aïant remarqué en lui 
un naturel heureux , il lortic bicn-rôc 
d'efclavage. Il étoii brave ôtintriguani ; 
ainfi fou cfprii& fa valeur ne furent 
pas long-tcms fans le faire diftinguct 
parmi les Turcs ; & aïant monté pat 
oegrez à la plupart des dignitez,il étoit 
parvenu à la charge dont |e parle.Coa 
roe elle cft une des premières de l'En 
pire , auffi doit-on avouer qu'Adram^ 
cft le meilleur homme de Mer qui {<■ 
en Turquie. 

LePallcporc que j'avois feic demal 
<îer,ctoit une chofc dont j'avois u 
foin extrême ; mais il fe preiènta td 
jours de grandes difKcuttez à me l'accd 
dcr ; je vis même que l'on s'en forma 
jL plaifir , Si que les Magjftrats Turi 
ne voulant pas dcfobliger M. l'AiB 
baflàdeur jufqu'à lui en faire le refm 
cherchoicnt tous les jours quelque t 
tour pour éluder Tes raifons : ainfi d 
fefpccant de l'avoir , je pris la rcfolutiJ 
de m'en paiTer , & d'obtenir par r 
induftrie aux d (ferents endroits oi^ jk 
loi5,quelque chofe d'équivalent. PoT 



F/i^rJtjttt dr Mtlrei litux; ji ' 

c?la je fas d'abord rendre une vilîie au 
X4dis Lifqtur* tie la N-tielir-^y ivois prie 'nFna. 
IfR. Pcre Bèfnier de m'y accompagner, t^V ,^- 
&■ il voulut bien m en taire le plailir.Pour xioupe» 
y cire mieux lecca , j'y portai quelques '''■'^»- 
Canes de Geographie,& je lui dis que j'a- 
voisvû àParis une perfonne * qui avoir ■ X(. g». 
l'honneur d'être connue de lui , & qui '*'"■ 
m'avoit recommande avec foin de lui 
faire fes complimens. Ces honnêtetez 
nous jetterent comme je le fouhaitois 
dam des difcours plus détaillez : nous 
cntiâmes infenlibîement en une vérita- 
ble converfation , &entreautres cfiofes, 
il me denunda quelle étoit ma profèf- 
fioti , & d'oâ me venoir cette envie de 
voïa^er ; ce fut alors que j'eus occafion 
de lui faire connoître l'utilité de ces 
Coucfës que j'entreprenois. Je lui dis que 
i'ctois Médecin, que je ne voïagcois que 
pour me rendre habile dans ta /cience 
que je profeiroi<î : que les herbes étoient 
la véritable Medecine;que Dieu en avoir 
autrefois donné la connoiflànce aux 
hommes, que par là ils poavoient con- 
fcrverune vie, qui {ans doute ne de- 
voir pas ctre de fi peu de durée j qu'en 
efïèt,dans les premiers Siècles du mon- 
de, nôtre vie étoit, félon toutes les Hi- 
iies,beaucoup plus longue qu'elle ne 
C V, 



I 



I 



I 

« Voyage dam P jifie mineure^ 

Icft à prcfent , & que je ne voïois pal 
que Ton en pût aporter d'autre ;raifon ^ 
fanon que le' crime & la ty racnie aïanc o(è 
paroicre la tête levée, Timpiecé & la mi« 
jere avoient fait perdre cette connoi({àn« 
ce des herbes (i utile , & par confe-* 
quent fi peu à négliger. Je voyage donq 
continuai- je, pour remettre dans refprit 
des hommes cette fcience qu'ils pnt; 
laifTé échaper à leur veue ^ mon deflein 
eft de recouvrer les vertus des plantes 
que l'Auteur de la Nature a femées dan$ 
rUnivers pour nous foulager dans les 
maux dont- il permet que nous foïons at- 
taquez. Comme les temperâmens font 
difterents,Ies mêmes plantes fervent ra^ 
rement à guérir diverfes maladies \ ainfî 
les fçavans Médecins ont toujours 
voïagé ou fait voïager en leur place dc^ 
perfonnes capables de connoitre pat 
çUes-mêmes , ou d'aprendre de ceux qui 
en ctoient les tt moins fidèles , la nature, 
des Simples , qui peuvent perfe6bion« 
ner ce bel Art. Parmi les A rabes^a joutai- 
|e, vous avez Mefue , Avicenne & plu- 
fîpurs autres grands hommes qui en onç 
fait des Livres : les Grecs ont'auffi re< 
cherché les plantes avec foin, & nous ne 
manquons pas de femblablcs Traitez en 
tatin^Sc en François. Voila ce qui m'ai 




tJfrlque & autres Vieux: jj 
^ait prendre U refoluiion de voir !e 
monde ; je fuis même envoyé exprès,& 
(lour cela fcul par l'Empeceuc de France 
mon maître. Je lui marquai que j'allois 
commencer mon voïage par la Natolici 
& quecomme ilyavoit un pouvoir ab* 
folu, je le priois de me donner quelque 
recommandation. H me le promit, mon 
difcours l'avoir touché & il avoit con- 
ceudema fcience medecinale une idée 
beaucoup plus hauce que je ne l'avois 
ofc efpercr : il voulut même que je lui 
ordonnaflè des remèdes pour certaines 
infirmitez dont-il Ce plaigrioit. Après 
avoir pris le CafFc,nous lui demandâ- 
mes quand il fouhaitoit que je revinHa 
pour avoir la recommandation qu'il 
avoit la bonté de me promettre , Se il 
nous répondit que cela fe feroit quand 
nous voudrions : je le remerciai après 
lui avoir fait prcfênt d'une petite Lu- 
nette d'approche. Le }o. j'y retournai 
avec le R. Père Befnier : Se pour nou- 
veau prefent je lui donnai la Carte de 
l'Afie, & le Père la lui expliqua en Turc 
d'une manière très fçavante , en lui 
contant à chaque Royaume & aux prin- 
cipales Villes , les différentes hifloircs 
qui les concernoienr, les Grands Hom- 
mes qui en étoient foitis , ?c \es tç.n\^ 
C u^ 



I 



Jrf Voyage ddmC Afîe mimur^ , 
des plus belles : & en peu de mots', mais 
cloquemnient , il leur fit connoîcte la 
grandeur du Roi & la farce de fcs Ae- 
Dices 1 enfin il fe dit làdcirus de part & 
d'autre beaucoup de cfiofcs pleines d'ef- 
prit,qu'il feroit inutile de taporter 
remarquerai feulement que les Tu: 
patient toujours à l'Orientale, c'eft-i 
direjinctaphoriquemcnt & d'une matii 
IC prefque parabolique.Pour donner 
die d'un grand politique dont les di 
feins ne réîidilTcnt pas toujours 
ces Xurcs nous dit , c'eji un kdbUe ho\ 
mt : il efi fç^vant & il file [on fil fort 
»», muis ttujfi ilfe rampi tfuel^nefoit. 

Comme ils encendoient joiisc les II 
ftrumensdela Mufiqiie de M. l'Ambî 
ftdciii , on leur demanda quelle dîî 
rence ils mettoient encre la Mufii 
Françoife&' celle de Turquie , le Mi 
tre de l'Artillerie prit la parole, & 
que la Afnfiijue des Français allait It ci 
min droit j & y»* celle des Turcs alhit 
jrdvers. 

Il fiit fait une reponfe femblabli 
î'occafion du R. Père Bcfnier.Un 
comme le Grand Seigneur étoît dans 
récréation , ce Religieux qui fçait fore 
bien les Mathématiques , fans fortir de 
f» place mefuia la porcée d'une BecI 



:laH 



^" Fjlffrii^ue & autres lieux. jj ^^ 

de ffMce , tn fnveur duijtul vous tji écrite 
cette Uttre,4evani aller chercher & ^erbom 
rifer dans les Terres dt les Adontagnes de 
vôtreJurifMâivn.dcs Simples neeejfaires aux 
Médecins ; après iju'it les aura tronvéet (Sr 
CHèillies devant s'en retourner^ îl eft à prp^ 
pos ^u'enqueltfue lieu jh'i/ entre des Terres 
devss JurisdiBions , vous ne l'empêchiez, 
pas de cueillir & emporter lefdits Simples ^ 
necejfaires aux Médecins , & iefalut. ^Ê 

Parle Aboubequir.Kai>t ^^k 

tLiic^tB. des Aimées d'Afîe* ^H 

Traduit par Petits de la Croix ^| 

Lei. Aoufliyu. ^1 

Je ne fongeai donc plus qu'à me ^H 
■ diipoferà partir. Le quatie Juin il vint '■' 

dîner chez Son Excellence deux Turcs 
de conlideraiion , l'un étoit le Caiflîer 
du Citfenadar* du Grand SeiEiieur, l'au- , 
ïre le Lieutenant Général de rArEillerie-, «'.. 
Son Eïcellence les ttaiita avec fa ma- "i"^»* 
gnificcnce accoutumée, & aptes le dî- ^H 
net on prit les Liqueurs à l'ocdiruire. ^H 
Dans la converfacion les deux M^ihome- ^| 
tans s'informèrent avec curioficé du 
Gouvernement de la France ; M- 
J'AmbalIâdeui leur en fit ut\e ^dw^aie 



i 



jS Vojâgi ÂAnï tAJÏe mlntttrt. 

Le PafTepoïc écoit conçeu en ces termes : 

Nom Cmaries di FenRior^ 
Chevalier Saron d' Argeiual & de S, 
Ferriol , Canfeilier du Rat enftS Cenfeilr^ 
AmhAffadcur exlraordinAtre de Sa Aiâm 
jefié À U Porte Oiiomane: 

Nousprions tomceiix ^u'iUppartiexdrd^ 
de Ui^er fturement & Ubrertunt paj?er U 
peur PahI Lucas , Fratifoîi^ avec unvulet^ 
s'en alUn't d'ici 4 Nicomedie , à Broute ^ it 
C«uye, * Angora , à Cefarée , & deVAnt 
revenir par Smyme & Chio , Negrtpont 
&c. & de n'y apporter aucun empêche- 
ment ; mitis an co/iira're toute l'aide /faveiir 
tè' affiiiance dont il pourrait avoir hefotn ^ 
comme nous ferions en pareil cas, Jî noHS^ 
étions requis de leur part : en foi dcqnoi m 
eiventfifné cesprefences de nàtre main , 
ieetlesfait contrefigner par notre ChaneeUm 
■premier Secretaire,& fcclUr de nos ArmtM 
au Palais de France le y Juin de l'amtT 
170J. Signé B E L I N . avec le Cet ' 
dei Armes dndit Seigneur, 




\fJfAi}Ui & autres Gcux. 



CHAPITRE VII. 

'\c»meàie. Vïfite chtz.jiffen Tacha ^& le 
Princt TeejUeU Hongrois, Portrait de 
A^ademoifetle Catherine Hongroiftm 
Tembeait trouvé. Defcriptsen de l' Ar- 
bre ConcoHvia. Hifloire defamte Barhe, 
O^emem extraordinaires . fnfiriptiefis.- 

JE me mis donc le 6. joQr fur une Bar- 
que du pais , ôc nous fîmes voile- à 
dix heures du matin ; le vent étoit ira- 
inontane , niais fort petit : nous allâmes 
ainfi piès de trois milles, &: nous laillà- 
Bies à main droite les Iflss des Princes ; 
far le foir la bonace nous prit avec un 
lems couvert , tl tomboil une grolle 
pluïc accompagnée d'éclairs & de ton- 
neres fort violents : enfin nous elTuia- 
mes quelques coups de Tent qui nous 
auroient fait faire naufrage s'ils avoienc 
duré: comme nôtre B,ïiquenctoit poinc 
calfeutrée pat la couverte , on peut ju- 
ger combien nous fûmes raouiticz ; tout 
le reftc de la nuit nous marchâmes avec 
un petit vent qui dura jufqu'au Soleil 
couché du fcptîcme que le Ciel fe cou- 

Kit une fecondt fois. En peu de kiv.^ 





I 



^o ynyâle ddnt t Ape mineure, 

le vit tout en feu par !a multitui 
dei éclairs: le lonnerce étoic capable i 
faire crembler les plus hardis, & jami 

i"e n'en avois enrendude (î horrible: 
e vent ne nous avoit pas été contrain 
nous nous ferions peut-être confolez t 
la pluye qui nous perça , mais il falli 
prendre patience, & petit à petit en fï 
lànt bord fur bord , tâcher d'arriver 
Kicomedie : cette Ville bâtie par Nit 
inede du tcrnsdeCefar ,& comme 1' 
fçaiï la capitale de Bithynic , porte 
prefent chez les Turcs le nom de ici 
mtr. 

J'y débarquai le S. à cinq heur 
du matin , & aïani fait porter mes ha 
des en une maifon , cil demcutoient I 
Officiers do l'rincc Tequeli , j'y fus a 
mirablement bien receu , fur tout lo 
que l'eus dit que j'avois quelques Ll 
très de M.l'Ambafladeur pour ce Prim 
ïl étoit juftede fe repofer quelque pei 
mais pour ne point perdre de tems, j'ei 
voïaidirc chez Aflen Pjcha que j'avi 
pour lut des Lettres de M. l'Ambaflî 
deur , & demm^ec quand je pourn 
avoir audiance deluippuc les luircndr 
l'on meraporta queceferoit l'après e 
ré même. Je ne manquai pas de n 
tendre à fon Palais : on me conduii 



fjfri/jue & autres lieux. ïîp 
dans nn petit chioftre où étoit le Bâchas 

i'eluiprelemai de la part de Son ExceU 
rnce la Lettre qu'elle lui écrivoît 
pour moi , il la receut avïc de grandes 
marques d'amitié , il me promit à fa 
confidcrarion des Lettres de même na- 
ture pour les Bâchas de la N itolie -, mais 
il parut étonné de la rcfolution oiiîl me 
voïoit de voïager dans des pais aulïï dan- 
gereux : je lui marquai que s'il m'hono- 
roitdefa proteftion j; n'aurois rien à 
craindre; mais,ajoura-t- il, ma proteflion 
vous vaudra-i-elle beaucoup comte 
les voleurs , dont ces Régions font rem- 
plies: Je ne les crains pas, répliquai je,G 
vous me donnez la permiflion de les 
loer : cela le fit rire , il me promit tou- 
tes les recommandations qui me feroient 
necciTaites , & nous parlâmes enfuitc de 
l'état des affaires , fur tout de celles de 
l'Europe , dont il aprit des nouvelles 
avecplaifir. 

Revrnu chez mot j'y trouvai prêts les 
Chevaux qui me dévoient porter chez 
IcPrinceTequeiy ; il ne demeuroit pas 
dans la Ville, (a refidencc ordinaire étoic 
à une terre noinmée It Chaiip de FUnn, 
éloignée de Schemit d'environ deux 
lïeué's. A la moitié de ce chemin cft un > 
Ut fort beau fur une Rivière que l«8 



\ 



I 



Turcs appelienc Quillcr. Arrivé a'il 
Champ de Fleurs , ■^ fus conduit au 
Prince qui me receut d'un air fort hort- 
ïicce ; il étoic dans un verger planté de 
beaux Atbces , qui me parut des plus 
délicieux: je le trouvai à moitié couché 
dans une calèche ouverte de tous cotez , 
& couverte d'un impériale: il ttoit ap- 
puie fur deux couffins, fes infirmitcz ne 
lui permettant pas de prendre une autre 
poftute : il avoit un bonnet à la Hon- 
gtoîfe ic une vcfle noire qui le couvroic 
entierement.Pour me donner Audience, 
on avoit fait apporter auprès de fa ca- 
lèche un grand fauteîiil , il m'y fil af- 
feoir avec bien de i'honnète.té , il leut la 
Leirre de Son Excellence,& me marqua 
qu'elle lui faifoit un véritable plaifir r 
enfin après une heure d'entretien fur di£. 
feientes fortes de chofes , il me renvo'ia 
avec ordre de le revoir. 

Du verger, on me fit entrer dans un 
de fes appartemens, où l'on fervit iii> 
foupé mtignifique ; il y fut bû en abon 
danee .- les Hongrois tiennent un pea d 
l'Alleniagne , & c'eft un point dans 1 
quel il ne fefoBcientpas d'en différer. 

Le neuvième je fus d'abord me 
promener (aruiie montagne voilîne du 
Champ de Fleurs ; j'y vis deux tours a 



bo niM 

ns l^ 
rer. 
, me 
e du 



r 'fAtfite & autret lltux. '4f 
tiques encore fou hautes & qui font ap. 
paicmnieni les reftes de quelque bel 
édifice > enfuite je revins voir le Prince 
qui ctoit encore dans fa petite calèche , 
mais proche d'un tuilTeau qui pafTe dans 
fon Chyfj * & dont les doux murmu- ii»F,m. 
res invitent infenfiblcment au fonimcilr f''- 
j'eus encore de lui une heure d'Audian- p^îîiifja 
«.pendant laquelle nous nous entreiîn- 
nies d'une infinité de chofes, comme de 
l'état prefent de France , de mon voïa- 
ge , des pais que j'avois déjà vus, de mes 
dclïèins d'alors, enui! mot, de ce qu'on 
peut demander à un yoïaf;cur , lort- 
qu'avec dejl'efprit, l'on ne manque point 
decuriofité. Après avoir pris congé de 
lui, je fus faluer Madame Catherine j 
c'eft une Dame Hon^roife toute airiia. 
ble, & d'un vifagc le plus gracieux qui 
fut jamais ; elle a outre cela des maniè- 
res qui enchantent , & plufieurs belle» 
quahtez qui la mettent au defiiis des 
femmesordinaites j elle danfc dans la 
perfcAion , & ce qui parmi ceux de fâ 
nation eft aufli de quelque eftime , elle 
fçaii boire une nuit entière , Se menre à 
bas les hommes les plus hardis , fans 
qu'en elle il paroilte la moindre marque 
d'yvreltè ni aucun dérangement. J'eus 
'"lonoeur de dîner avec elle, & [ç te- 



I 



Î4 Vtytge dam tAjîe mineure, 
marquai qu'elle ne s'épargnoir^pas à bol 
rc. Apres la bonne chère vint le plaiiî 
de ladanfe : labelle Honj^roife fuivaiO 
exaftement lacadance &: le fon , y pa. 
rut dans toutes Tories de mouvemen 
avec une adrc/Tc & une légèreté qui 
lui ÔToient rien de fon air majeflueux 
ainfi mes propres yeux me convainquis 
rent qu'on ne me l'avoic point trop van 
tée ; & fa converfaiion honnête & pleï 
ne de douceur me pcrfuada encore plus 
qu'en l'honorant de tant de louanges 
on ne faifoicque lui rendre juflicc : o 

Jicutcroire que je ne la quittai pas fan 
ui en faire mon compliment. Comme j 
■nepouvois faire au ChampdeFleursi 
plus long rejour,j'a!lai prendre rongé 
Sa Sérénité Hoiigroife, je remontai 
cheval Se revins à Nicomedie. 

Le 10. j'appris que l'on avoit dcten 
depuis peu un tombeau de Marbre , fu 
lequel il y avoir une infcription: je ta 
[raiifportai au bout du marché au ba 
où l'on me dit qu'il étoic a^ucllemen 
S: en effet je l'y trouvai dans la cofl 
d'un particulier : il y ctoit , difoit-on 
depuis un mois & demi ; on l'yava 
apporte d'un petit champ qui eft à i 
(kmi quart de licuc de la Ville , où t 
l'avoii trouve : il y en a autour 1 




Nicomedie pluficurs autres qui ne cou- 
reroietit prefque que la peine de les ti- 
rer de terre . mais en ce p,ns là on ne 
fçait ce que cVft que de fe la donner 
pour ces antiques ,&on laiffè ordinaire- 
ment dans un profond oubli , ce qui fait 
ici la curiofité des Sçavans, Ce lombeau 
a neuf pieds de long , & cft d'un Marbre 
qui reiremble fort à la pierre granité. 
J'en copiai i'infcription, qui me parut 
des plus entières j on la peut voir à U 
fin nombre 7. 

De-lâ je fus conduit par un Papas à 
l'Eglife defaint Pantaleon qui eft à une 
demie lieue de la Ville : à peine eûmes- 
nous marché cent pas que j'apperçûs 
deux Arbres fon hauts & d'une grofieur 
extraordinaire , je croi que trois hom- 
mes n'auroient pu en embraflet un , les 
Grecs les appellent en langue vulgaire 
dmcoHvia : ces Arbres portent un petit 
fruit fort noir , & ce qu'il y à de mer- 
Ycilleux dans ceux dont je parle, eft que 
par une ouverture du tronc , l'on voit 
tyi'ili ont chacun une grofTè pierre quar- 
rée qui eft ablolument enfermée dans 
l'arbrexes pierres ont plus de lo.pieds de 
haaieur fur trois de large , & (i l'on s'en 
rapporte à la tradition du pais c'eft le 
lieuoùeft enterrée faitite Baibe. Cewc 



I 



I 



'S€ Voyage dMs l^^Jle mîneUA , 

"Vieri^e, à ce qu'on me conta.ctoit Fîllff 
d'an nom-né Diofcorus de !a Ville de 
Nicomcdie: après avoir fouffcttle mar- 
tyre pour la Foi avec beaucoup de colî- 
fiance fous l'Empereur Maximilieii , on 
la mil en cet endroit, fous ces deux pier- 
res , dont l'uneéioitàfatPte, & l'autre 
aux pieds: tes Chrétiens du pais dtfent 
que ces Arbres y ont crû par miracle : le 
Papas me racontoit toutes ces merveil- 
les en marchant- A mefure que nous 
avancions , le chemin fe troavoit pavé 
de pierres de plus en plus belles \ il m'af- 
fura que fous ce beau ciiemin , il y aT{»t 
eu une Eglife magnifique, oi\ avoieni 
été enfêvclis plus de vingt-mille Mar- 
tyrs , que pour preuve de ce qu'il avan- 
çoit.je n'avois qu'à faire attention à l'o- 
deur qui en fortoît. Il eft vrai que j'eus 
l'odorat frapé d'une odeur fort agréable 
dès que nous fûmes auprès de cet endroitj 
une chofe particulière, c'eft qu'elle (è 
ièiit beaucoup plus des deux cotez aue 
fur le lieu même , j'en attribuai la railon 
auxavcnues qui y conduifoient autres^ 
fois , & qui apparemment étant moint 
comblées que les voûtes laifTent palTei 
plus facilement les exhalaifoni des par- 
fums dontces corps ont été embaumez; 
le Papas vouloit que ce fiic un mitacU 
perpétuel. 



tJjfriijHe &MHMS Fieux. gy 
A cent pas As là nous entrâmes dant le 
cliamp d'où l'on avoit tiré le Tombeau 
dont j'ai parle , nous y vîmes encore fou 
couvercle fait d'une pierre de Marbre 
fort groflè, & toute d'une pièce } & 
les o0èmens que l'on en avpit ôcez 
étoient alTurement deux fois plus gros 
que ceux des hommes ordinaires. 11 y a 
eu là autrefois quelque bâtiment consi- 
dérable ; on y voit par tout de grandes 
pierres de Maibre , un grand nombre de 
morceaux de colomnes & de chapi- 
teaux , quantité de matériaux travail- 
leï pleins de feuillages & de cannelu* 
res : nous y trouvâmes d'un autre côté 
des bas-reliefs qui reprefentoient des 
têtes de bœuf, des guirlandes , & plu- 
fieurs autres fortes de fcutptures. Enfin 
nous arrivâmes à l'Eglife de faim Pan- 
taleon qui n'eft pas fort éloignée de 
toutes ces ruines : à la poite qui avoic 
feulement au haut quelques oniemens 
dont-il fetoit inutile de parler je vis un 
maibre de quatre pieds de long fur 
deux de large , il avoit une Infcription 
latine que l'on peut voir à la fin nombre 
S. & qui marque que c'eft le tombeau 
d'un Efclave. i 

L'Egîife eft affez belle pour une Eglife 
rtecque. Le Tombeau de faint Pauta^ 



letin eft Jaiis un caveau fore creux c 
l'on a fait deCTous ; Ton corps n'y cft plfl 



5c l'on me 



dir c 



t de l'Edifc , 



nia 



olc-Bnfon 



s dans la 



I 



i niurail. 
un Marbre d 
de large avec un bas relief & une Infcn 
prion. Voypi la à la fin nombre p. \ 

Il y en avoir encore beaucoup d'an 
ires qai avoienr auflî des Infcriptioni 
mais elle n'étoient pas enrieres , & ] 
crus les devoir laifTVr là. Pour revei ' 
Nicomfdie, nous piîmcs exprès un 
xzs chemin : de côté & d'autre nous tej 
contrâmes quantité de morceaux 
coloni!ics,& au milieu d'une i 
trouvai (br un puits une pierre de Mal 
btc fort grande qui étoit percée au en 
lieu pour faire le trou du puirs,commtf 
patoîcra par l'Infcription imparfaite q 
je me donnai la peine de copier, &q 
i on peut voir avec les autres à la | 
nombre lo. 

Nous vîmes encore là quelques " 
très Marbres, mais les Lettres de leia 
In^riptions étoient trop effacées , 

lit été perdre le tems malàpron 
que de les vouloir copier. 



Fj^frique & autres Uen^. Hf 



a^ 



CHAPITRE VIII. 

Defcfiptîon de Nïcomedie. Vifite renàni 
M fâcha. CoHrtoifie des femmes JUau^ 
fris delà, QjiaUté de la Fontaine de 
QiêenarfoH. Contume des Turcs. Cara^ 
ga^Jument autrefois grande Ville* Def-^ 
çriptioit d'un pont, jinimaux dupais^ 

LE onzième je fus pour rendre vifite 
au Pacha & je le rencontrai qui al- 
loit à un petit chifly qu'il a fur le bord 
de la Mer: il arrêta pour me parler , me 
promit de nouveau des lettres de re- 
commandation , & tout ce qui me feroit 
i^çceflaire ; je le remerciai de fcs bontcz : 
je lui avois fait prefent d'une lunette d'a- 
proche la première fois que je Tavois 
veu & il lavoit acceptée avec plaifir : 
fon Kiaia que je rencontrai auffi com- 
me je m'en retournois,me fit mille hon- 
nêtetez & me pria de ne point épargner 
fon crédit fur tout pendant que je f rois 
àNicomedie. «De- la je fus me promener 
à plufieurs endroits de la Vilîe , & j'y 
trouvai linafiez grand nombre d'Infcri^ 
prions ^ mais vràiécs , & Hor.t on ne poq- 

ypit rien tiiei ^ je vis par tout dc^ n v 



ftiges confiderables de fon antitj 
particutieremcm de hautes cours deï 
que de plus de vingt-cinq pieds d'épaîC 
(eue: il eft difficile de ne pas fe laiflèi 
faifir de ttiftelTc à la vue de tant de 
beaux Palais, de tant de monumens tef- 
peâables tous abatus par le tems , oâ 
luincz par la cruauté de la guerre. Nous 
demeurâmes quatre heures à en faire le 
tour , ce qui montre que Schemit étoit 
autrefois une des Villes les plus vaftes. 
Si l'on s'en raporte à la tradition dupais, 
c'eft un tremblement de terre qui a rcii- 
verfé tous ces grands édifices, & elle pa- 
roît n'être pas mal fondée, puirquepar 
toute la campagne on trouve fous la 
terre de ces édifices prefque entiers, 
Nicomedie eft bâtie fur le bord de la 
Mer, mais ce bord fait un côceau qui a 
bien un mille de hauteur , & fur lequel 
la Ville s'élevant comme par degrez 
ala figure d'un bel amphithéâtre. 

Le ii.je fus revoir le Pacha: il mcpre- 
noit pour le plus grand Médecin dont 41 
eût jamais entendu parler, & me dit qu'il 
fenioit des douleurs dans l'eftoftiac, & 
que je lui ferois un plailîr fenfible (i je 
voulais lui ordonnée quelque choie qui 
Iqî donnât quelque foulagcmcnt. Sut 
le champ je mis en pratique les princijj|^ 



tjlff/injiie & autres litHX. 71 

les règles du cérémonial de la Médeci- 
ne ; de-Fà commençant à rêver, comme 
j'avois une envie excième d'aller voie 
quelques aniiquj[ez,ciont plufieurs bour- 
gcois*ii)'avoieiit concé des merveilles, je 
cras qtiejetrouverois difKcilemenc une 
occalîon auQÎ favorable de contenter 
ma cariofité : je lui dis donc cjne tous les 
mélanges de drogues que font les Méde- 
cins ordinaires étoient plus propres à 
gâter un tempérament qu'à rétablir la 
famé; que lors que l'on connoiffoit quel- 
que fimple dont la force proportionnée 
à une maladie pût la chalVet fans altérer 
la conftiiution de la perfonne ,il falloit 
la chercher par Mer & parTcrre: Je fçais, 
lui dis-j?,une herbe qui viendroit admi- 
rablement bien à vôtre mal ; mais peut- 
être ne fe trouve-t-elle point ici,quo!que 
le climat foit à peu près fembbblc à celui 
des païs oïl je l'ai veuc.Comment, répli- 
qua le Pacha, vous êtes ici dans le meil- 
leur terrain qui foit fous le Ciel, vous 
n'avez qu'à voir de quel côté vous vou- 
drez aller , je vous envoïerai demain 
des Chevaux & deux de mes gensquï 
vous accompagneront par tout; faites 
en forte de trouvée l'heibe dont vous 
me parlez , elle fera fans doute dans 
quelqu'un des lieux ciiconvo\Ç\u=. •.A. 



yi Voyage dâ/is fAfîe mineun, 
ajoûca,qu'il me prioit de faire atientloa 
aux Fontaines que je rciicontrcfois , & 
d'en goûter !es eaux, pour lui dire quel- 
le étoii la plus falutairepoar lui : en un 
mot, dans mes de[ïèins,ScrefoIu autant 
que je l'ctois de parcourir le pais, je pro- 
mis , & j'acceptai tout. Ainll le i;. au 
C'*'' matin , le Chok^dura * du Baeha & un 

- autre avec lui parurent à ma porte avec 
' des Chevaux qu'ils m'amenoienc; ils me 
. dirent qu'ils venotent de la parc du B3> 

- cha pour m'accompagner par tout oïl je 
' fûuhaiterois aller ; nous montâmes à 

Cheval fix que nous étions ; & après 
avoir marché par de belles montagnes 
toutes cultivées, lors que la chaleur com- 
mença a fe faire fsntir nous nous arrê- 
tâmes auprès d'un petit village. Comme 
les hommes étoicntallez aux champs à 
leur travail, il ne s'ytrouvoit alors que 
des femmes : c'eft une chofe aiTcz ordi- 
naire à la campagne de les trouver feu. 
les dans leurs maifons ; mais celles ci 
nous parurent des plus apprivoifces ; dès 
qu'elles virent que nous étendions nos 
tapis pour nous repofcr , elles nous : 
portèrent des conflins , & quelques { 
très tapis pour nous mettre plus comnd 
dément;i.'l les nous Ereni même maufl 
dcce qu'elles avoieni, c'cft-à dire 5 



tAffriijiie ($" aMres Iseuv. 7j 

riifs au beurre ,da fromage, & detou- 
ccs fortes de laitage; le déjeÛRé'fait,nous 
lemoiitâmes à Cheval, & marchâmes 
encore l'cfpace d'une heure par les mon- 
tagnes; enfin nous firtivàmcs à la Fon- 
laitic de Chernacfou, la plus belle qui 
fbit dans toute la Province. Ses eaux 
font en reputitioti pour pluûeurs venus 
admirables qu'on leur attribue. Les Ha- 
bitansdu lieu difent qu'elles guendcnt 
quantité de maladifs , mais fut tout la 
gtavelle ; je vis même quelques per- 
fonnes de meiitc qui me l'afluierent » Sc 
il eft certain qu'elles font quelque chofe 
d'aprochant.puilqu'un momcncapics les 
avoit prtfes , ii faut les rendre ; ce qui 
peut faire conjcâurec qu'elles font ad- 
mirables pour toutes les obilrui5tiotis. 
Cette Fontaine rend l'endroit oi\ elle eft 
des plus délicieux, & fa fraicbeur nous 
y ficdemeurerprcs de deux heures.Nous 
travetf^mes enfuite quelques bois , Se 
après avoir yÛ p'ufieurs villages, nous 
nous arrêtâmes à un dont les Habitons 
comme ceux du premier , nous donnè- 
rent à manger. C'ell une Iolî.ible coii- 
tume qu'avoient les Patriarches, & que 
les Mahometans ou en j^cncral les Orien. 
taux, fe font gloire de confervet avec 
foin , de rafraîchir ainfi tous les paiTans. 
Ttme I. ï> 



I 



74 ^^J^i^ ^^^^ t Afu mineure^ 
Cela eft toït commode pour ceux qui 
voïagcnt dans ces pais ia,& fur toat pooc 
les pauvres qui y font alTurement pltu 
foulagez qu'ici. Ces Turcs font paroicre 
une charité toute pure & ne demandent 
pas feulement qu'on les en. remercie. 

Nous continuâmes nôtre chemin juC» 
qu'à Caragajument. C'eft un Village^ 
mais (ans dout» qu'autrefois c'ctoic 
une belle Ville, car l'on y voie quantité 
de tombeaux d'une grandeur extraordi- 
naire , dont pludeurs font prefque ren- 
verfez. J'y trouvai des I n fer ipt ions » 
mais l'injure des tcms en avoir eiFacÀ 
tous les caraâreres^ainH il me fîitimpof- 
(îble^d'en copier quatre lettres de fuite- 
Quoique les monceaux de pierres & de 
Marbres, qui fe rencontrent là en grand 
nombre, me prouvaffent a(ïèz qu'il y 
avoit eu anciennement quelque Ville 
conHderâble ; j'eus beau m'informer des 
perfonnes du lieu, ils n'ont jamais enten- 
du parler de leurs anceftres , & ils ne 
m'en purent donner aucune connoiflan- 
ce; peut- être aufllne font-ils pas origi- 
naires de ces lieux.Aprcs tant de guerres 
& tant de Dominations différentes,!! Ton 
confîdere fur tout l'inftabilité des Turcs» 
on ne doit nullement être furpris qu'il 
n'y ait là perfonne qui puilTe dire d'oA 
il Y eft venu. 




'*p & tmtrts lieux: ye 
liâmes mettre nos Chevaux 

ifon à un quatt de lieue 

plus loin , oi\ l'on nous dit qu'à quelque 
diliance il y avoil uu Pont des plus fu- 
peibement bâtis, je pris mon fufil & 
un homme du Prince Tekely qui étoic 
■venu avec moi , avec un petit garçon 
que j'avois amené pournous conduire ; 
mais le Ponifc trouva ou du moins me 
parut beaucoup plus élQif;nc que l'on ne 
m'avoit dit,&: d'ailleurs je n'y vis rien 
d'extraordinaire. Il n'a que trois arcades; 
fur la plus grande cft une tête de bsuf 
en relief fort grone,*; appuyée fur un 
grand Marbre blanc; la rivière fut la- 
quelle il eft,s appellc5'ïn.ï'-.«/f«: elle fort 
d'entre deux montagnes fore haiHes , & 
va fe perdre dans la Mer noiie ; c'eft 
tout ce que je vis dans ce petit écart 
d'où je revins au Connac * ion (aâ.~ Cjmik a 
eue d'avoir marché plus d'une demi- ^^^^^ 
heure , dans la nuit , le par un chemin «nuit ci 
oïl je voïois à chaque pas des loups & nu"prr* 
des Ichacales, Cette dernière efpece d'à- '''"* ' 
nimaux itlTèmble alfez aux Renards j "'^ 
le pais en efV rempli. Les gens du Bâ- 
cha m'attendoicnt toi^jouts, alfez cha- 
grins de ce que j'étois filong.tems. Ils 
avoient peur qu'il ne nous fût arrivé 
Jquc choie , ou que par la difficulté 
D H 



i 



Il 



yg Voyage dam VA fie mineure , 
^es chemins &c le peu de connoi(Ianc6 
que nous avions du païs , nous ne fu£- 
Hons tombez encre les mains 'de quel* 
ques voleurs. Toutes ces alarmes fe calii 
merent lorfqu'on nous vit , & duu 
cun s'empreua de nous témoigner & 
joïe. 



CHAPITRE IX. 

Fontaine merveilleufe. Médecines données 

an Bâcha & à fon Eunn^ue^ Differem 

Villages. Caramoufal^ Nicie. Defcrim 

ftion aes ruines de cette Ville , & di 

quelques Statues. InfirifttonSf 

LE 14. nous marchâmes près de deux 
heures du côté du Ponant : après 
^voir pafle plufîeurs montagnes ^ nous 
en montâmes une fur le derrière de la- 
quelle tCt la FoNSaine qui ^uerit toutes Us 
maladies , c'eft le nom qu'on lui donne 
4ans la contrée, & il eft du moins queL 
que chofe de ce que Ton en dit. L'eau 
de cette Fontaine a une vertu fort par^ 
ticulier/e pour les purgations celles ie fonc 
par fon moïen auflî parfaites qu^on le 

{>eut efperer , mais fans la moindre vio- 
ence^ce qui eft à* vu avantage confider^^ 



'*' ^ ' ^Affri<jue & Autres lieux. ff 
tla pour les temperamens foibles , & 
pour tous ceux dont le corps ne veut 
point être fatigué. Une chofe merveilleo- 
fpjc'eftque fi l'on prend de l'eau de cette 
romaine en defcendant , je veux dire en 
fuivam fon cours , elle purj^e feulement 
par en bas,& que lors que l'on en prend 
en remontant , elle faic indubitable^ 
ment vomir , & point autre cKofe. Je 
kulic aux Naturaliiles i dcvelopcr les 
caufes d'un fiiit fi finguUer ; il eft'cer- 
tain , & mérite peut-être quelques- 
unes de leurs réflexions. Au refte l'on y 
vient de plus de 50. lieues à la ronde; 
levoïage s'en fait ordinairement deux 
fois l'aniice;& comme le lieu eft aflèï 
defert , & que les voleurs y font fou- 
vent des courfes , le Grand Seigneur a 
foin dans ces tems.là d'y envoïer une 
garde de deux mille hommes afin que 
perfonne né Toit infulté , & que 1 on 
puilïc prendre en repos cette agréable 
niedecine,qui fans endommager la bour- 
fe , délivre certainement de bien des 
maux, 

L'c;iu de cette Fontaine n'a aucun 

goilt qui la diftingue des eaux ordinaires; 

je fus ravi de l'avoir veue , S: d'en avoir 

bu ; mais les gens du lieu en content 

MÛUe fables que je ne pus croire, ficqjK 

■r D \\\ 



I 



je ne rapoporterai point. Nous revîn- 
mes à la Fontaine de Cheriiatfou : nous 
coucliâmes mi-me auprès , & je bus le 
foir de fon eau qui ne manqua pas de 
faire l'elR;! donc j'ai parlé. 

Le ij, retournez a Nicomedie ptef- 
quepar le même chemin , je fus (aluet 
!e Bâcha , &c après lui avoir donné qu el- 
guefimple jdoiit je lui confeillai deJ| 
icrvir pour Ton eflomac , je lui demaT 
dai les Lettres qu'il m'avoit promîfà 
Il m'aflura qu'il s'en rouviendroic ■ 
me Ht beaucoup de queHiions fur la pfl 
nienade des jours precedens. Je taca 
'dans mes reponfes , de le fatisfaire CjM 
diminuer l'idée qu'il s'étoic formée f 
ma fcience medccinale. 

Après quelque tcms de converfl 
lion, je lui montrai les effets de la teij 
ture de Saturne , S: la vertu qu'elW 
d'embellir la peau. Il m'en fît faire pq 
la Sultane fa femme plein deu^ Sf^nJ 
bouteilles , Se fe confirmant toûjoa 
dans la haute edime qu'il avoit conci 
de moi , il me pria de voir un dej 
principaux Eunuques qui étoit maU 
depuis plus d'un an , de que plufieJ 
Médecins dont il avoir imploré le 
cours avoieiic enfin abandonné. Je trd 
vai qu'il avoit une lièvre Icnce acca 



Il Fjlffriijue & autres tUur. 79 

kgnée de grandf s douieurs dans le bas 
filtre. J'en rendis compte au Bâ- 
cha . & je l'afTurai que le lendemain je 
doanerois à fon Eunuque un remède qui 
le foulageroit- 

Je ne manquai pas de le lui porterie 
feire ,c'étoit une priie de goûtes d'An- 
gleterre. Elle eut l'effet que j'avois eC 
peré ,& la fièvre lequita furie champ. 
Le ly.je lui fis prendre le Tarcre-Eme- 
liquequilc délivra de toutes Tes mau. 
vajii;s humeurs , & le guérit de cette 
maladie que l'on avoic ciuc incma- 
, ble. 

^^FLc 18. te Bâcha lui-même m'en fit 
^^femples remerciemens , & me donna 
^H: la manière du monde la plus obli- 
geante les Lettres de recommandation 
que je lui avois demandées pour les Bâ- 
chas de la Natolie, Il ctoii ù char- 
mé de ma manière de traiter les mala- 
des , que lorfque je pris con^c de lui il 
me fit promcttie de repafTer par Nico- 
medie&de le revoira mon retour. 

Le 19, j'arrêtai un Caïque pour me 
mener à Caramoufal & je m'embar- 
quai , fur les trois heures après midi- 
En ttavetfant cepctit Golfe, nous pafl 
ûnws devant un Ptos Vill.''?e noînmé- 



1 gros 1 
'rt^orît j 3 huit mille de-la r 



m\ 



8o Voyage dans l'Ape m'mtMre, ■ 
tiouvàtnes un autre auflî coniîderabl 
que les Tares appellent -.■^'■•«c/y : enl 
aptes avoir vogué encore douze mtUtf 
nous arrivâmes à OiamouCtl , &con 
me le Soleil éioit couché nous palUi 
lanuic dans leCaïque. 

Le lo. nous mîmes pied àterie : da 
la mailon où je fus loger , je m'imfo 
jnai exaiftenienides Bazars & des lie 
oij je pourrois trouver des Médailles 
après qucl<]ues recherches inutiles je p 
le deflcin d'aller à Nicée. Il en vij 
tous les jours quelques Chevaux 
charge qui apportent du fruit, & c* 
de Caïamouial à Nicée la voiture 
plus ordinaire : je montai donc . 
cheval à dix heuies du mfttin ; ne 
commençâmes nôtre route par i 
montagnes d'une grande hauteur ; ù, 
le fommet d'une nous trouvâmes 
Village nommé Jf ni jul , il n'a pour l 
bitans que des Arméniens. De-là m 
defcendîmes dans des vallées ; mais 
ne fut pas pourlong-tems ^ilfalutqo 
ques momens après regrimper fur l 
montagne des plus élevées & qui tu 
donnaàmonter près de deux heures 
chemin.Nous vîmes encore fur le h 
un Village fortbeau,non)n)é Fougfi^ 
jl ne fe trouve dans celui-ci que 



tAfri^w. & autres l'uHX. W" 
Grecs. J'en avois un de Nicomedic qui 
macconipagnoic & qui avoît là quel- 
ques connoilfances ; il nous mena a I* 
maifoud'undefes amis & nous y rimes 
nôtre Connac, 

Le 11. après avoir été faire nôtre 
prière dans l'Eglife du lieu , nous partî- 
mes environ à cinq heures du matin f 
nous fimes ce jour là peu de chemin, 
mais il ftit beau. Nous marchâmes preC 
que toujours par d'agréables. plaines, 
nous laiffâmes à droite & à gauche uir 
grand nombre de Villages , enfin nous 
atiivâmes à Nicée à dix heures du ma- 
tin , on l'appelle dans le pais !fm<f. 

Maisen vérité , quoique je ne fçaclie 
pas precifement ce qu'elle a été autre- 
fois , je fuis pcrfuadc que fon nom eft 
bien moins changé que fa figure: c'elb" 
quelque chofe de pitoïable que de voir 
les ruines de cette Ville célèbre. Elle eft 
(ituée fur !e bord d'un Lac qui a plus de- 
quarante mille de tour ; fon territoire 
s'étend dans une plaine entourée de mon- 
tagnes ; elle a encore deux enceintes de 
murailles, qui font munies de Tours très 
fortes , faites de briques cuites , mais la 
plupart ruinées^ il y en a quelques-unes 
quartéeSjdiftinguées même parla matiè- 
re dont elles ont été bâties ; celles-ci 



J 



Si Voyage dans rAfie mineure^ 
font de pierre détaille, & des plurgMt>/l 
fes. La Ville a en tout environ fit mille' 
de circuit \ TEglife des Grecs a été des 
plus fuperbes , on y voit encore de beaux 
ouvrages à la Mofaïaue ^ & ce fut là, 
à ce que difent les Habitans du lieu que 
fe tint le fameux Concile de Nicée »oit 
l'Empereur Conilantin aiMa en per« 
fonné. L'on y montre encore les reftcs 
<Iu lieu où s'en faifoient les adèmblées :. 
ils compQfent une efpece de demi-lune- 
ruinée,qui a des bancs les uns fur les au- 
tres bâtis de pierres & des plus belles^, 
mais tout s'en va & tombe prefqu'en 
luine.Outre cette Eglife quiétoitla pre- 
mière delà Ville, les Arméniens en ont 
auprès une petite où ils font le fèrvice r 
les autres qui étoient au(£ affez magni'- 
fiques , ont toutes été changées en mof- 
quées ou abbatuës par la longueur dU' 
tems & la barbarie des guerres. Nicée* 
cft parfemée d'un prodigieux nombre de* 
colomnes de pierre granité & de Mar- 
bre d'une belle grandeur. J'y entrevis- 
d'abord quelques Infcriptions , mais* 
gâtées d'une manière à n'en lienefperer,. 
onmc promit deai'en montrer d'autres^ 
dans la fuite. Ce premier jour j'achetai 
feulement quelques médailles. 

XX. je fus pour voir le ICadis \, oa 



fA^cjue dr autres ficux. Jj 
ms Ht qu'il écoic à la campagne. De 
{z maifon je tournai mes pas versquel. 
qoes Fontaines de la Ville dont on m'a- 
voit parlé. Nicée en eft des mieux four- 
nies;elles font toutes bâties de Marbre ,. 
& Teau de la plupart eft falutaire. Il y 
a auprès un Aqueduc magnifique qui 
conduit Teau de Tune des montagnes 
▼oifines ^il y en avoit autrefois plufieurs 
autres ^ mais ils font a prefent démolis y 
Se Ton nf voit plus hors de la Ville que 
de triftes reftes de ces beaux édifices qui 
en faifoicnt autrefois rornemenr. 

Je fus enfuite me promener environ 
à un quart de lieue , j'allois chercher 
trois tombeaux de Marbre blanc , donc 
on m'avoit fait un récit magnifique. Je 
vis véritablement les plus beaux Mar- 
bres qui ftirent jamais^ mes yeux éblouis 
ne foufFroient qu'avec peine la réverbé- 
ration de leur blancheur ; un fur tout me * 
parut remarquable, A chaque bout il y 
a deux belles têtes d'Apollon -, fur la fe- 
ce du devant font trois bas reliefs , dont 
chacun a fa figure particulière. 

Le premier reprefente une perfonne 
comme envelopée dans un drap & dont 
on ne voit que les feuls bras. Au fécond 
Ton aperçoit un homme prefque nud qui 
porte fbn bras droit paideffus (a tête , 



84 Voyage dam V^fit mlnenre, 
& cirnc à la main de ce même bras od 
fabre qut efl: comme penché fur Ton dos; 
il parole courir, & faire en même tero» 
un cfForc pour fraper..Sa main gauche 
cft étendue de fon long, & rient une tê» 
te pat les chcveuxjderriereeft une figure 
de femme , couverte auill de drappe- 
rie , & qui paroît fuir , & avoir*horreuc 
de quelque cfhofe. Enfin au troifiéme 
Ton voit un homme vctu d'une robbe 
oui lui va jufqu'à mi* jambe» Toutes ces 
figures font des mieux faites. Le Tom- 
beau à huit pieds de long , & les Infcr^ 
prions que j*y trouvai font comme dans 
des cadres leparez , & travaillez dans le 
xnarbre même , on les verra à la fin 
siombre 11. 12.13. 

Il y a dans ce même lieu plufieurs au** 
très Tombeaux , j'en vis un qui étoicà 
moitié enfoui , fur lequel il paroît quel- 
<]ues figures allez bien travaillées , Sc 
j'offris de l'argent pour le faire déterrer,. 
mais pcrfonne ne voulut m'en faire le 
plaiflr ; il n'eft pas fur même en coiu 
tes fortes d'endroits de faire de ièmbla- 
hUs demandes» 



Vjiffrique & autres Uchx. 9f 



CHAPITRE X. 

F^fite et une Chapelle ruinie. Lac& foif' 
fins Particuliers, Miracle d*un Eveque 
d'Arménie. 

LE vingt- croifiéme j'allai encore à unff 
demi-lieuc de la Ville voir uncciu 
riofité. C'eft une efpece de Chapelle qui 
a ét£ faiced'une feule pierre de marbre^ 
elle a plus de quinze pieds de large , &c 
ia hauteur cft de plus de vingt. J'en trou- 
vai les deux cotez ruinez , & elle me 
parut d'un ordre d'architefture tout paE- 
^ticulier^ je croi que c'a été le Maufolée 
Je quelque Prince. Quoiqu'il en foit, la 
ftruâure en eft merveilleufe , & il y a; 
quelque chofè de furprenant dans ta 
grandeur de ce Marbre & dans le tra- 
vail du Sculpteur : les Infcriptions en 
étoient trop défigurées pour y rien con^ 
noître* On voit autour de cette Cbau 
pelle, & même dans les chemins qui y 
conduifènt de tous cotez, quantité de 
monceaux de ruines , de pièces de Mar- 
bre , de chapiteaux , de pieds d'eftaux, 
dont quelques uns font d'une grollèut 
piodigjieufe i fans doute qail >j ^ t^\^ 




I 



I 



Ji Voyagt dans l'A fie mineure; 
font de pierre de taille, &: des plus grd 
fes. La Ville a en tout environ fis: rm 
de circuit ; l'EgSife des Grecs a été i 
plus fuperbes , on y voit encore de bei 
ouvrages à la Mofaïque ; & ce fut l 
à ce que difent lesHabitans du lieu q 
fe tint le famcnx Concile de Nicée , 
l'Empereur Conftantin aillAa i 
fonne. L'on y montre encore les rejj 
dulicuoûs'cnfaifoient les alTembléJ 
ils compçfent une efpece de demi-Ia 
ruinée,quia des bancs les uns furies 4^ 
très bàcis de pierres & des plus bella 
mais tout s'en va & tombe prerqa^l 
ruine.Outce cette Eî^life quiétoîtla pj 
miere delà Ville, les Arméniens en q 
auprès une petite où ils fbntlelcrvid 
les autres qui éroieiit auOl alTez magli 
fiques , ont toutes été changées en ma 
quccs ou abbatues par la longueur q 
tems & la barbarie des guerres. Nid 
cil parfemée d'un procfigieux nombre d 
colomncsde pierre granité & de Ma 
bre d'une belle grandeur. J'y entrev 
d'abord quelques Infcriptions , ma 
gâtées d'une manière à n'en [ienefpers 
onme promit de.ii'en montrer d'autil 
dans la fuite. Ce premier jour )aclie|| 
tulement quelques médailles. 
Ix. ^i. je fus pour voit le Kadîs \ 




' " f Afrique & autres Ceux. ?j 
m: die qu'il écoii à la cam[iagiie. De 
Ca maifon je tourtiai mes pas versquel- 
ques Fontaines de la Ville dont on m'a- 
voit parlé. Nicae en eft dej mieux four- 
niesiellcsfonttouces bâdcs de Marbre ^ 
& l'caa de la plupart cftfalutaite. Il y 
a auprès en Aqueduc magnifique qui 
conduit l'eau de l'une des montagnes 
voifines ; il yenavoitautrefoispluiieurs 
autres, mais ils font a prefent démolis, 
& l'on nfvoitplns hors de la Tille que 
de triftes relies de ces beaux édifices qui- 
en faifoicnt autrefois l'orncmenr. 

Je fus enfuitc me promener environ 
à un quart de licuc ,j'allois chcrclier 
trois tombeaux de Marbre blanc , dont 
on rn'avoit fait un récit magnifique, Je 
vis véritablement les plus beaux Mar- 
bres qui furent jamais; mes yeuxéblciiis 
-ne fouffroient qu'avec peine la reveibt- 
^ ion de leur blancheur : un fur tout me 

■ut remarquable, A chaque bout il y 
_'deux belles têtes d'Apollon ; fur la h- 
ce du devant font ttoi$ bas reliefs , dont 
chacun a fa figure particulière. 

Le premier reprefenre une perfbnne 
comme envelopée dans un drap & dont 
on ne voit que les feuls bras. Au fécond 
l'on apcrçoitunhommeprefqueiiudqui 
~ irte Ton bias droit pardeflus fa téie^ 
D ^■^ 



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s 4. Voyagi àins l'^Jîe mlntare , 
ti tîffic à la main de ce même bras un 
fabre quicft comme penche fur ion dos: 
il paroît courir, & faire en même tem'. 
un effort poiu" frapcc.-Sa main gauciic 
eft étendue de fon long, & tient une tc- 
te pat les chcvcuxiderriere cft une figure 
de femme , couverte auflî dedrappe- 
rie, &qut patoîifuir ,&avoir!horreur 
«le quelque <rhofe. Enfin au rroiiîéme 
l'on voit un homme vêtu d'une robbe 
(Qui lut va jufqu'à mi-janihe. Toutes ces 
figures font des mieux faîtes. Le Totfl 
beau à buit pieds de lonr^ , & les InfetJ 
ptionsquej'y trouvai font comme dai 
des cadres feparez , &i travaillez dansi 
marbre même , on les verra à la ^ 
nombre u- 11.13. 

Il y a dans ce même lieu plufîeurs ^ 
très Tombeaux, j'en vis un qui étoid 
moitié enfoui , fur lequel il paroli quoi 
■ <jues figures allez bien travaillées , J 
j'offris de l'argent pour le faire déterrer, 
mais perfonne ne voulut m'en faire le 
plaifir ; il n'eft pas fur même en tou- 
tes fortes d'endroits de faire de ièmbla- 
bles demandes. 



V^ffriqut & autres Geux. t$ 



CHAPITRE X. 

* 

Vljite d*Hne Chapelle rninee. Lac& poif^ 
fbm particuliers. Miracle d*im Eveqf^ 
d^Armeniem 

LE vingt- croiiîéme j'allai encore à uner 
demi-lieuë de la Ville voir uneciu 
xiofité. C'eft une efpece de Chapelle qui 
a été faite d'une feule pierre de marbre j. 
elle a plus de quinze «pieds de large , Se 
ia hauteur eft de plus de vingt. J'en trou- 
vai les deux cotez ruinez y & elle me 
parut d'un ordre d'archite£kure tout pac- 
.ticulier 5 je croi que c'a été le Maufolée 
de quelque Prince. Quoiqu'il en foit, la 
ftru6fcure en eft merveilleufe y&c il y x 
quelque chofè de furprenant dans la 
grandeur de ce Marbre & dans le tra^ 
vail du Sculpteur : les In(criptions en 
étoient^ trop défigurées pour y rien con^ 
noitre* On voit autour de cette Cbau 
pelle, & même dans les chemins quiy^ 
conduifènt de tous cotez, quantité de 
monceaux de ruines , de pièces de Mac- 
bre , de chapiteaux , de pieds d'eftaux^ 
dont quelques uns font d'une groflèur 
piodigjieule i fans doute qail ^ a t^\k 



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fS Poya^f dam l'jifie mlncHre, 
autrefois quelque Palais , ou quel^ 
Egliïe. T 

Lorfque je fus de retour à la ViJ 
jç trouvai un homnie qui voulut bfl 
me mener promener fur les murailM 
Elles fontprcfque toutes racommodq 
de pieds - d'eil:aux de Marbre & 

f lierres granités : on en a arrangez td 
es morceaux les uns fur les autres 5 
dans l'cfpace de trois cens pas , j'y I 
coniptai cent quatre vingt-d£ux. SJ^ 
pluficurs endroits qui ne (ont pas 
re rétablis ,1'on poiitroit marcher J 
toutes ces ninrailles par un chemin ÎM 
large. Je rencontrai dans les ruines \ 
aficz grand nombre d'Infcriptions , 
jenegHgcai tomes , elles étoient i 
mutilées, ainlî quelle apparence c 
perdte Ifsy£UX,ou de s'cxpofcr an 
le périls pour avoir une oudeuxLeti^ 
dont on re iJreroit aucune connoiflànfl 
La vilîte que je failoJs des ruines d'il 
fi belle Ville , me rcndoit tout cliagrÉ 
L'on (çait qu'elle fui prjfe autrefois \ 
les Chrétiens parOtcan.CeSultan du 
geales plus belles Eglifes en Mofquéi 
entr'autri-s une dont la voûte eftabat^ 
qui eft parcoiifequen: abandonnce,ii 
où l'on voit encore quantité de ir 
ceaux de colomnes , de vetie aotiqtd 



1 t 



:, "TT^; 



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I 

I • 



7im,rp4if. ê?' 



1 





tj0rïque dr autres lîeH)c: tf 
Je Jafpe , de Porphyre & de Granité r 
ce païs eft abondant en toutes forte» 
de chofes,particuUerement en bon poif- 
fon. Il s'en pêche dans le Lac voifin de* 
' toute efpece , & il fe donne à boa 
marché : je n'achetai que deux Paras ^ 
c*eft à dire environ trois fols, deux bel- 
les carpes qui pefoicnt plus de vingt li* 
vrcsjii en a de particuliers,cclui entre au-* 
très que je mets ici, dont la longueur 
tft quelquefois prodigieufe. 

L'on m*a afluré que Ton en pêchoît 
die deux cens ocques pezant , c'eft-à-- 
dirCy^delapefanteur de fix cens livres. 
J*en ai veu un que Ton appelle Jain^ 
qui pezoit environ cent cinquante li* 
vreSjfans écailles, & à peu près de cette 
figure. 

Si Ton en croit les gens du païs , lorC 
que les^ eaux de ce Lac s'abaiflent on y^ 
voir de grands édifices & des tours en- 
core prefqu'entieres ; cela leur fait dire 
qu'il y a eu autresfois à la place de ce 
Lac une grande Ville qui s'eft trouvée 
abîmée par quelque affreux tremble- 
ment déterre; mais ils ne lui donneur 
aucun nom , foit que cela foie faux , foir 
qu'avec la vérité ils n'en aient qu'une* 
tradition confufe. 
Un Bourgeoif. de Nîcée me ca^^'Ciitx. 



i^oy'4^t IMiT'.'JJîêmJWcWèY 
one chofc foit extraordinaire qu'il J 
ibit être arrivée fur ce Lac , du tefl 
du premier Concile de cette Ville. P« 
>• mi le grand nombre d'Evcques < 
j» s'artembk'rentici déroutes les part 
« du monde,ii y en avoir ( medic-il )\ 
«d'Arménie fort pauvre , au refte hoig 
H me plein de vertus, en réputation poa 
»fa fainteié , & qui paflbÎE même pod 
••faire des miracles. Les grands t 
» font compofez de toutes fortes i 
M gens , & alors comme à prêtent,! 
» gloire de l'Eglife n'empcchoît pas, qi 
M parmi fès Evêques il ne fe troufl 
M beaucoup de peuple. AuQÎ la pl{' 
» part des autres Prélats , foir eiFeâiwi 
M ment par la bafTeiïè de leur efpritj (m 
» par une jaloufie indigne du rang qu'f 
Mienoient , n'avoient que du mepd 
»pour cet Evcque Arménien & letra 
*) toieni avecunehauteur , qui à loi 
«autre moiiîshumble,auroit paru inf^ 
" pott3ble,& auroit même été une n 
» tiere de querelles. Il ne fut pas cepetih 
«dam tout-à-fait infenfibleà cesrailld 
»ries;Comme elles tomboientprincipaW 
»msnt fur fa pauvreté,& fur ce i 
» qu'il avoir de faire des miracles, 
«voulut leur montrer que c'eft mal l'ej 
«teiulre que de faire conÉfter le meritei 



tAjfn^M & autres lieux; ^ 

la grandeur d^ns la ma^niiîcence des n 
équipages & ie grand nombre de dôme-'* 
llit)ucs,comine U fonc encore plulieucs» 
de DOS Patriarches -, car pour nos Pâ- n 
pas,its rontlaptùpJtriiiunîindigens qtie« 
l'Evèqae Arménien. Voici donc ce« 
qu'il imagina pour leur faire connoître« 
le ridicule de leur conduice.Il prit uiie« 
charrue, la mit fur le Lac après l'avciK* 
attellée de deux bŒufs,à qui il la fit ti- " 
rer le tenant derrière, & la conduifant " 
comme s'il eût été veiitablemeni occu-« 
pé à labourer. L'extraordinaire du faic « 
ne manqua pas d'attirer tous les autres « 
Prélats, qui s'ils fiirent furpris de ce" 
qu'ils voïoient, le furent bien plus de ce « 
qu'il leur ditaprcs avoir quitté fa char- « 
rue ; Meffieurs ,dit-il,je viens de labou-» 
rer ; c'eft à vous pendant que je me re- « 
polërai à|aUer femer. Ces paroles pto- «• 
noncées par nôtre Evêquc Arménien « 
d'un ton fec , fans foriîr cependant de« 
ion air fimple , les couvrît de cocfu- « 
fion ; ils lui demandèrent excufc des « 
railleries qu'ils avoieni faîtes de lai,&« 
le traitèrent dans la fuite avec véné- « 
ration. On l'a toiîjouts regardé depuis « 
comme un grand faint,& dans nos païs« 
il ne lui eft refté que le nom.de faifem i*. 
)àÊig. uûiades. 




jô Voyage dans VA fie mineuht^ 

Je ne trouvai à Nicce que des ftiecfai^ 
les de petit Bronze.Tous les mercredis Û ^ 
s'y tient un grand marché, qui n'eft poiol 
comme les Bazars ordinaires, reftraint 
à certaines marchandifcs;! on y vend de 
tout comme dans lesplus beaux marchez.P 
Le 24. je me tranfportai à troi» 
quarts de lieue delà Ville fur une pericT 
montagne,oà pour toute curiofité je vi» 
une (epulture^ Elle étoit de vingt-fèpt 
pieds de long ,.mais fans Infcriptions, ft 
meritoit peu qu'on s'y arrêtât. En re- 
venant je fis le tour de la Ville ^ je com'^ 
ptai fur Tes. murailles trois cens ibizante 
6c dix tours , cela eft d'autant plus re« 
marquable que la Ville même nVpas k 
prefent plus de trois cent maifons. 



CHAPITRE XI. 

Dîjferens VilUges. Arrivée à Broujfi 
cheT^le Bâcha. Infcripûon. Defcription 
dune montagne voifine. Antre montagm 
ne. Tremblement de terre. 

ÎE fortis de*^Nicée le 15. au matin ;. 
nous eûmes le Lac à nôtre main droi- 
te , & nous le côtoïâmes pendant une- 
bonne heure & demie : enfuite noui» 



^^ fAjfntfui & Mtrtt fieux. 

commençâmes à monter île fore 
montagnes ; le chemin nous en 
des plus rades , Se nous dura pies de 
deux heures. Au plus haut fommet^ 
nous ûousrepofames environ une heure 
dans un Villajje appelle DivAin , qui 
n'eft habité que pat des Grecs. Enfi» 
nous dricendîmss par une pente fort 
douce dans une plaine des plus agréa- 
bles , 3c aptes y avoir mirché pendant 
deux hjutcs& demie, nous arrivâmes 
À J.-nichtr. La Ville eft fort petite , mais 
P jîie ; j'allai loger chez le VaivoJe qui 
:ne fit tout l'accueil poÛîble & des ci- 
. ilitez que je n'aurois olc efpeter. Tous 
es vendredis ,11 fe tient un grand Ba- 
.. ird ; l'on y%end prefque de tout,mais 
1? commerce le plus confiderable eft de 
Chevaux que les Tartares yamenent. 

J'en partis le iS, à midi : nous prî- 
mes lecîieminde BroulTè,c'efl-à-direda' 
Ponant, Nouspaflàmes d'abord une belle 
plaine qui nous dura cinq heures de mar- 

iche , enfuite nous montâmes une coline 
jdtÉenvtron une demi-heure , les chemins 
an font faciles. Nous fîmes nôtre con- 
Ttac prefque au fommet,oil nous trou- 
vâmes un petit Village appelle par les 
Turcs Arnaji. 
^^bJ[.c vingc-fept nous continuà^nes nô- 



51 

I pacuc ^H 

iies de B 




9» Voyage dam fAJte ml>iêm¥, 
tre route agréablement : les chemii. 
prefque par tout font pavez de beair- 
grais , & nous avions à droite &c à gau- 
che de petites collines pleines de hal- 
licrs. Après avoir marché environ deux 
heures, & paflc deux Lacs qui étoicni à 
nôtre droite j fur les deux heures de l'a- 
prcdîuée nous arrivâmes à Bntu^e, 
Je fus loger à Jeme^iMp , où je m'acco- 
modai d'une chambre.Le Bâcha fenom- 
moit Cliafen, je te fus faluer, & lui ren- 
dis la Lettre qu'Aflèn Bâcha m'avoic 
donnée pour lui à Nicomedie. Dès qu'il 
eût vu ce qu'elle contenoit , il me pro- 
mît fà proteiflion & me marqua qu'il 
me rendroit fctvice aufÏÏ-tôt que l'occa- 
fion s'en prefenteroît- Je n^dirai ici rien 
des beaux bains chauds ni des autres eu- 
liofiiez de BroufiTejj'enai parlé dans mon 

(uemier voïage , on peut en confulter 
e i. volume pag. loo. & fuivantes. 
Commej'étoisenundeces mêmes bains, 
i'apperceus au fond du Baflln quelques 
lettres qui me firent jut;er qu'il y avoit 
une Infcription; je fis vuider l'eau :mais 
je n'en pus copier qu'une ligne ,leieftc 
éloit efFacé,& ces lettres mômes que 
j'aimifes à la fin de ce fécond vdiags 
nombre rj.étoient la plupart fort gâtées. 
Jufqu'au vin^-fept Juillet je ne m'o^™ 



r A^(jne & aiilret lîtux, f^ 
cupai qua chercher des médailles J'en 
achepiai pluiieurs.avec ciuelqucs manuf- 
cnts tïis raies que j'ai apporte au Roi.' 

Le Baclia avoïc conceu de moi de 
l'eftime , foie par la manière natu- 
relle dont i'avois agi avec lui dès Is 
preniietc fois , foit comme il parotc 
plus vrai femblab!c,par les Lettres que 
je lui avois rcnducs.je fus le revoir ; Sc 
pour me faire plus d'honneur , il me 
donna une audiancc particuliers & dans 
«ne chambre à part ; & ce qui eft enco- 
re une marque de plus grande diftinc- 
lion , il me fie alTeoir lurun tabouret. 
Dans ia conveifation il me patlajd'une 
iudirpolîtioii qu'il avoit ; je lui pro- 
■ mis un temede fpecifique pour l'en dé- 
livrer î mais pour mieux faire valoir 
mon habileté dans la médecine, je lui 
dis qu'il failoit aller chercher fur le 
mont Olympe quelques jacines d'une 
vertu finguliere pour ce genre de mala> 
die. Il m'en conjura : le jout fut pris au 
lendemain j & il ordonna à un de fes 
_:'ns de Ce tenir prêt pour m'y accom- 
,j;:;ner. 

Je l'attendis jufqu'à fix heures du ma- 
tin , mais maljiré les ordres de ion Maî- 
tre, il me parut ne fe guercs hâter. Je 
farcis donc âvec une aune pËifonnc 



I 

f 4 VeyAfe dam Fjl/ie mîtieitre^ 
.<[\x*o\\ me donna pour guide , & qui /çju 
«(Toir cous les recoins de la iVrontagne. 
Kfon dedcin étant d'aller voir les luinei 
<jui fecrouvci.tau (onimet^ni^ on m'a- 
iroic aduré <}ue je rencontrcroîs des cho* 
fes extraordinaires ,nia cinioficé me £( 
prendre avec joie la peine de m'y tranf* 
porter. 

Dès la forcie de la Ville , nous coin* 
mençâmes â monter : la terre s'élcve 
toujours , Se devient de plus en plus roi* 
de : pendant plus de deux heures de che* 
min, le mont efl; plein de bois taillis ic 
de broudailles ,& il yadetems en itms 
des nois de haute futn't'e. Nous ddrcunâ- 
mes auprès d'une Fontaine dont Teau 
me pnruc fort fraiche, je remarquai auf- 
fî qu'il y a des canaux de pierre cuiltc 
qui conduifênt Teau jufquVn bas, mais 
en plufieurs endroits ils fe dcmoliflcnt, 
parce que les Turcs ne reparent rien. 
Vers les lirnx cfcarpez & où la mon* 
tagne dcvenoit fort droite , je trouvai 
un changement de Rois : ce n'étoit plus 
que des f'apins &: des cedies d'une hau- 
teur prodigieufe , & comme ceux du Li- 
ban. A près deux autres heures de marche^ 
nous vîmes fur Ir» n)cmc montagne une 
elpcce de vallée,oA nous nous arrêtâmes» 
Là couloit une petite rivière qui deH- 




i^fri^iii & ÂHtrtt lieux. yc 

1 du haut des Rochers dtf cafcade en 
a de Campez aupics, fous des liipins, 
«ous y pjjTaoïcs Icrcfte delà journée 6c 
tome la nun fuivante , parce qu'en 
avançant davantage nous aurions été 
icaplailîs du froid quife faifoitdcja fcn- 
tii. Jepsiffai le tems àpêcher dcsTruî- 
les , il s'en trouve quantité dans cette 
rivière de l'Oiympc , au heu qu'on n'y 
voit prcfquc point de gibier. J'y remar. 
quai cependant une erpece d'Oifeau 
particulier dont le corps cd noir. Se le 
dedtis de la tète rouge : j'en tuai même 
un allez grand nombie & la chair m'en 
: âHez bonne. 

r le foir , nous allumâmes un grand 
Ppour éloigner le froid dont nouf 
Etions déjà tout cranGs. A minute 
mon valet m'évcilU,& me dit que l'on 
entendoit quelqu'un qui vcnoit à chc* 
Tal, Je mis mes armes en état dans la 
craintequece ne fuirent des voleurs: ily 
^na toujours fur cette montagne, & ileft 

Pmeimpoflîbiede les en exterminer, 
ôtre furprife ne fut pas défagtea- 
lorfque nous appetceumes l'hom- 
du Bâcha qui nous trouvoit enfin, 
après nous avoir ciierchez inutilcmenç 
en mille endroits de cette large Mon- 
»)e. Il avoii étéù la maifon oïl je lo^ 



mp"' 



P'»y4^e dam l'^fie mlttHir*, 
geois.poai partir avec nioi,& dans le 
delTein de m'accompagucr ; mais aïant 
fçiru que j'étois parci ,& s'en étant re- 
tourné , le Bâcha écoit entré en fureur , 
l'avoii renvoie brulquement & menacé 
ée lui faire donner cinq cent coups de 
bâton s'il ne me retcouvoit- • 

Des que la nuic fut palTée, nous nous 
mîmes à marcher. Après une heure de 
chemin, nous arrêtâmes pour attendre 
que le Soleil fût un peu p'us fort, 
ic pût nous garantir du froid. Sur le 
haut de la Montagne dont nous étions 
proche, le froid eft fi grand , que l'on 
n'y trouve ni arbrerni builTor.s. Nous 
paHames en plufieurs endroits fut des 
monceaux de neige , & enfin nous fu- 
mes obhgez de mettre pied à terre pour 
grimper'au fommet. Le chemin cftd'u- 
na roideur épouvantable , nous mimes 
encore une demi-heure à le faire. Se lors 
» que nous fûmes à la pointe , nous y fen- 
timesunventfi violent, que nous avions 

{leine à nous tenir. Je ne trouvai fut 
e haut de cette Montagne dont on m'a- 
Toit conté lant de fables , qu'une efpece 
de tour faite de pierres arrangées leule- 
mem les unes fur les autres, & fans ma- 
çonnerie. Il y a pourtant eu autre- 
fois quelque grand édifice comme quel- 
que 



<jue Temple ou quelque EgiiCe , on en 
voit les ruinffs comnieen(evelics Ions la 
tctre. J'yccmarquai aulli pluficurs Cc- 
puUures, maiscnir'autrcs une de trcme 
pieds de longueur : c'cft tout ce qu'il y 
3 de conlîderable fur ce fameux mont 
Olimpe.Dece fommct nous apperceu- 
mes encore du côré de l'Orient un allez 
grand Lac : il cft (ur la Montagne , mais 
Gomme la rivière dont j'ai parlé dans 
un creux fort étendu.Cct endroit eii fanî 
doute; un des Ijeux du monde le plus 
propre aux Ipcculations , mais il faut 
qu'elles loicnc momeucanécs. Nous fû- 
mes contraints de redécendrc au plus 
vîte,& il nous eût été inipodlble d'yret' 
pirer plaslong-tems. Ainlî remontez à 
cheval nous reprîmes nôtre chemin pour 
retourner à Brouflc. Comme la décente 
e(l des plus rudes , il falur prefque pat 
tout y aller à pied ; & cette incommodi- 
té , jointe au chagrin de n'avoir trouvé 
rien de fort curieux , fur ciufe que je 
me fcmis d'une farigue i moutit*& tout 
abbatu. 

Arrivé à BroulTs l'après midi , & cou- 
ché fur l'hsiire,je crus aller prendre 
quelque repos. J'avois un befoin extrc- 
Uiede quelque chofe qui medclall^ : je 

K mai en effet , pendant quelque lenos 
Tome I. t 



nSge dnfis l' j4 fie minetn^y 
la douceur du fommeil ; mais elli 
bicn-tôt interrompue par un malhd 
imprévu qui vint troubler mon cepei 
& celui de toute la Ville. Il s'y fit fenâ 
un tremblement de terre des plus viT 
lens : c'étoii , me dic-on , le troifiime fl 
ce jour-là. L'alarme ctoit répandue da 
tous les cœurs, plufieocs pierres flc mêii 
quelques bâtimeiis sctoiL'nc remtitz'fl 
leurs places : Se pendant IcjJernier Am 
je m'apperceus malgic mon alTbupif 
ment, les enduits du camp où j'ctol 
tombèrent. Mais enfin on n'en t 
que la peur , & Broulle en fut ijiJ 
te pour une douzaine de fes nwîfons q 
furent lenvcrlces de fond en combla 



CHAPITRE XII. 

Cofiverpttion avec des Dervh. Hlfioirt^ 
Flammel : il ejî eneore vivant, hferi 
ptîon. Frifon : piths ptitr Us Mitlfk 
leurs, Nauvelle converfxtion mree 1^ 
des Dervis. 



LE?, je fus me promener' à Ifmmàili 
Bachy : j'y joignis unr perfonne de 
confiderationdu pais <jui m'yavoit doru 
tic rendez-vous , Se nous fûmes enlei 



m 



blc à une petite Mofquée oïl eft cm 
Lin de leurs plusfameui Dcrvis, Ce 
Dervis qui en a toïîjours la garde , & ces 
fonesde lieux font dcftinez aux prome- 
nades & au« récréations. Nous fûmes 
introduits dans un petit chioftre ml nous 
trouvâmes quatre Deivis ; ils nous fi- 
rent toutes les civiliiez imaginables Se 
nous invitèrent même à manger avec 
«OX. L'on nous avoit alfurc, & nous le 
connûmes bien-tôt par leur converfâ- 
tion , qu'ils étoient des Dervis iliiiftres & 
véritablement fçavans. Il y en avoit un 
qui fe difoit du pais des Ufbecs ; il me 
parut être plus AoSts que les autres ; [e 
ctois qu'il fçavoit toutes les langues da 
monde.Comme il ne me connoilloir pas 
pour François , après avoir parlé Turc 
" pendant quelque tems, il me demanda 
fi je fçivois parler Latin, Efpagnol ou 
Italien. Je liti dis qu'il pouvoir me par- 
ler Italien : mais il remarqua bien-tôt 
que ce n'étoit pas ma langue natflrelle. 
A infi jugeant que jen'éiois pas d'Italie, 
il me pria de lui dire de quel pais j'étois. 
Lotfqu'il le Tijeut , il me parla François 
comme un hommequi auroit été élevé 
à Paris : comment , lui dis-je , auriez- 
vous demeuré en France î II me répon- 
4iC qu'il n'y avoit jamais été , mais que 



rn terré ^1 
>'eft un . ^ 

1 
1 



1 



I o o Voyage dans C AJîe ^nemi^ I 

(on inclination le porcoic fd»rc à en encra*' 
prendre le voïage. Je l'excitai beaucoup 
a le faire \ & pour le perfuader , je loi 
xiis qu'il n'y avoit point de Roïauoie foc 
la terre où l'on fût plus poli ; que lei 
étrangers fur tout y etoienc bien reçus 
par tout , & qu'il ne pouvoir atcendn 
que beaucoup de fatisfaâion d'un pa- 
reil voïage. Non, non , me répondic-il| 
je n'en ferai rien ; je fêrois fou de com- 
pter fur ces efoerances ; je fuis un fça- 
vant , ain(i je fçai qu'on ne m'y lailTeroit 
pas en repos , ce m'ed aCTez pour n'y plus 
fonger. J'eus beau l'aflurer quil fc 
crompoit , qu'on lui avoit fans doute 
mal parle de mon païs , & que la France 
au contraire étoit une pépinière de fça* 
vans y que le Roi dont j avois le bon- 
heur d ctre fujet les avoit toujours ai« ' 
mez. J'eus beau lui dire, que quoique je 
ne fulfe pas de ces fçavans de profeflion, 
Sa Majefté ne laifToit pas de me faire fai- 
re à les dépens les voïages où il me 
voïoit engagé^ & cela^afin de découvrir 
les chofes qui reftent encore à connoî- 
trepour pL'rfeéfcionner les fciences^com* 
mêles herbes qui peuvent fervir àla Me^ 
decine;les Monumcns antiques » qui 
peuvent éclaircir des faits de Tanti- 
^uitc^ & par confequeni: rendre Thitloiro 



plus complette ; les païs même , dont la 
vùi.' vérifie les Cartes Géographiques : 
enfin j'eus beau lui rapporter desprea- 
ves de l'amour qu'on a en France poof 
les fciences & pour les fçavans , il attri- 
bua touiau climat, & ne païut aprou- 
ver ce quejedifois que par un effet de 
/a civibté. Il étoit pourtant ravi de m'en 
entendre parier li avaniageufement : il 
nie dit même qu'il en prendroit quelque 
jour le chemin, La convetfation finie; 
les Dervis nous menèrent à leurmai-t 
fonjelleeft au bas de la montagne 3f 
proche de Bournous-Bachy : nous y bû- 
mes le Caffc i je pris congé d'eux & leur 
promis de revenir les -voir. De- là je fus 
dans un lieu voifîn , oA je trouvai trois 
infcripttons , que j'aimifes à la tîii,nom-' 
bres 14. ij- &16. 

Enfuite j'allay vifiter la ptifon, oiJ il y 
a un grand nombre d'appartemens pour 
les ptifonniers. Au milieu eft un puits de 
plus de ijo. pieds de profondeur ; c"eft 
la qu'on met les plus fcelerars. Il y avoir 
pour lors un homme accufé d'avoir en- 
levé la femme d'on autre & de plufieurs 
autres t^randscrimes. Du haut du puits 
on lui jcttoit dupain,& avecuiicfîccile 
on loi décendoit une petite cruche plei- 

id'eaa,Ce jour là je 6s encore le lour ■ 



I 



V dam r AJïe mineure, ^^ 
3u Cliâteau, Il eft flanqué d'une murai!': 
double -, mais elle tombe en luinc. Dar.' 
les endroits oi\ il n'y eu a point , la ru- 
che ett coupée fort droite , & il eft peu 
de murs qui foient aufli difHciles à escala- 
der. Le lo. le Dcrvis des Ufbecs me 
tendit ma vi^îce : )e le reçeus le mieux 
qu'il me fut poilîble ; & comme il m's- 
Toit paru un icavant curieux , je lui fis 
voit des manulciîts que j'avois adiecez: 
il les trouva rares & de bons Auteurs. Je 
dirai àla loiiange de ce Dctvis que c é- 
toic un homme dont l'extérieur même 
étoit véritablement extraordinaire. Il 
m'apprit dcfort belles chofes fut la Mé- 
decine ,& il m'en promit pour la fuite 
encore bien d'autres. Mais il fîut , me 
dit-il y quL>Ic]ues préparations de vôtre 
part , & j'efpere que vous fercLz quel, 
qiie jour en état de profiter des lumières 
queje puis répandre dans vôtre entende- 
ment. A le voie on ne lui auroit pat 
donné plus de trente ans ; mais par fes 
diicours , il patoilToit avoir déjà vécu 
plus d'un ficelé : on fe le feroit encore 
. plus perruadé par ie rccit qu'il fatfoit 
de piuiicurs longs voïages qu'il difoit 
avoir faits. Il me conta qu'ils ctoienr 
ièpt amis qui coucoient ainfi le inonde , 
tous fèpt dans l'inttuùon de devenu 






t y^ffrlijHe & Mtret lieux. i^ 
plus parfaits i qu'en fc quiirant ils f<i 
dotuioieni le rendcz-vous dans quelque 
Ville pour 10. ans aprcï ; Se que les pre- 
miers arrivés ne n^anquotent pas d'yat- 
tendre les autres Cela me fit cioite que 
cette fois là Brouire avoir été choiGs pour 
le tendez- vous par ces feptSçavans. Ils 
y étoient déjà quatre, &ilsccoient en- 
tre eux fi unis qu'on voïoit bien que ce 
ii'ctoJE pas le hazard , mais une longue 
connoidance quiles y avoic rafièmblés. 
Dans un long entretien avec un homtne 
d'cfprit , on a occafion de parler de pln- 
fieurscuriofitez : la Religion & U Natu- 
re fuient tour à tour le fiijfi de nos dif- 
cours 1 enfin nous tombâmes fur la Chy- 
mie, l'Aîchymie&la Cabale: je lui dis 
que tout cela & fur tout les idées de la 
pierre Philofophale pairoient dans l'ef- 
piit de bien des gens pour des fciences 
fort chimériques, CcÏa ne vous doit pas 
étonner , me repondit - il. Première- 
ment , rien ne doit furprendre dans cet- 
te vie ; le véritable fage écoute tout fans 
~ mdale;mais s'iIaaflTeï de modération 
^ lUrne pas brufquer un vulgaire igno- 
rant ,efV-il obligé d'abaîller fon efprit, 
parccque les autres nft^iiçauroient com- 
prendre ce qu'il voit ; & doit- il fe (bu- 




ÏKte au jugement d'une populace ^J 



^^ point I 



Idi Vûyage dans t j4 fit mmeurf\ 
appelle la Pierre PhilofophalejCjui n'efï 
point une fcience chimérique , comme 
lepenfenï les demî-rçavants, maïs une 
chofe très réelle. Au refte elle eft con- 
nue de peu S: même impoflibleàla plu- 
part, que l'avarice ou la débauche tucnc 
ou que l'envie de vivre fait mourir. 

Surpris de tout ce que j'cntendoisj 
comment lui dis-je , vous voudriez af- 
iîirer que tous ceux qui ont trouvé la 
Pierre Philofopiialc , vivent mille an#î 
Sans doute, répliqua- t'jl d'un ton plus fe- 
rieui. Lorfque Dieu a favoriJc quelque 
mortel de cette btlle connoîlTance ,il ne 
tient qu'à lui de vivre (es mille ans com- 
me le premier homme. Je lui dis que 
dans nôtre pats il s'étoit trouvé quel- 
ques-uns de ces heureux mortels qu'on 
difoitavoir eu la fcience vivifiante , mais 
qH'afluremmen'tilsn'avoieni pas atten- 
du à un âge 'fi 'decrepiT pour fe rendre 
à l'aHtrc nmiide. MaTS continua-i'il, ne 
fcavez vous pas qu'on donne le nona de 
Philofophe a. j^rand mjr-ciié , ils ne l'é- 
roTtînt pas , ou 'ils otit dû vivre «le cems 
^lïe je vous nwrqap. 

Enfin je lui parlai de l'ïUuftreFhimel» 
et je lui rffs «ftte malgré la iPierre T'iiilo- 
(optaiè , il éloii mort dans routes les 
Ibrmcs'.' Acenomilfe tiiic àrire de m* 



tA§r.^uc & autre! lieiiic. 4^j ' 
fiiiipUcitc. Comme i'avois prefque com- 
mence a le croire lur le refte , j'étoîs cx- 
tiémeraent étonné de le voir douter dç ce 
que i'avançois. S craiii appeicû de ma 
rurprife,il me demacda encore furie 
même lou , il j'étoîs afTcx bon pour 
croire que Flamel fût mort. Non non , 
me dic-il , vous vous trompez: Flamet 
eft vivant , ni lui, ni fa ft-mme ne £ça- 
vcnt encore ce que c'eft que la mort. Il 
n'y a pas trois iins que je les ai laiflëz 
l'un &:rauEreaux Indes , & c'eft un de 
mes plus fidèles amis : il alloit même 
me marquer le ïcnis t^u'ils avoicnt fdit 
connoiflance, mais il fe retint & me die 
qu'il vouloit m'apprendre Ion liiftoire 
que fans doute on ne fçavoitpasen mot* 
paï=. 

Nos Sages,continua-t-il , quoique ra- 
res dans le monde, fe rencontrent égale- 
a]CDt dans toutes les Stfles, & elles ont 
encela peu de luperioriié l'une fuil'autre. 
Du tems deFlamel , il y en avoit un de la 
Religion Juive. Pendant les premiers 
tems de fa vie, il s'étoir attaché à ne point 
perdre de vue les defcendans de (èsFrcres: 
~i( ^çhant que ia plfjpaii s'ctoieiit allez 



I 



^_& ^çhant que ia plupaii s'etoieiit allez ^m 

^Hakitaer en France , le defîr de les voie ^| 

^^bbiigea à nous quitter pour en faire le ^H 

^^fcïagc. Nous i"Li;;s ce qn^' iv.i.; fîl;ii;s ^H 



pour l'en détourner, Se plufieurs fois il 

changea de delTêin par nos confeils. 

A la fin Ton envie exncme d'y aller le 

fitpjrtir , avec promeiri.' cependant de 

nous retoindre le plutôt qu'il lui feroic 

pofiîblc. Il arriva à Paris, qui écoît dcs- 

iors comme à prefent la Capitale du 

Roïaume, Il trouva que les defcendans 

^L de fon Pcre y écoienc chez les Juifs en 

^H grande eflime : il vit entre autres uq 

^M Rabinde fa lace, qui paroilToic vouloir 

^M devenir fçavanc ; c'efl; à dire , qui cher- 

^H choit la véritable PhiloTopliie , & tra- 

^M vailloit au grand œuvre. Nôtre ami ne 

^B dédaignant point de Ce faire connonre à 

^1 {es petits neveux , Ha avec lui une aini- 

^H tié étroite Se lui donna beaucoup d'é- 

^M clairciOèmens, Mais comme la premie- 

^B remarierc eft longue à faire, il fe con- 

^M tenta de mettre par écrit toute la fcien- 

^1 ce de l'fEuvte : &: pour lui prouver 

^1 qu'il ne lui avoit point écrit des faullè- 

^P lez, il 6t enfaprercnce une projeftion 

• nu et- de jo- ocqucs * de métail qu'il conver- 

''lï/A'^"^ en un or des plus purs. Le Ra- 

1. bin plein d'admiration pour nôtre fre- 

^B le fit tous (es efFoits pour le retenir 

^^K suptès de lui. Ce fat en vain , il 

^^H ne voiilut pas nous manquer de pa- 

^^M lole. Enfin le Juifne pouvant lienobte- 



Fj4jf/-itfue & autres lieux, Jd jf 
nirde lui , changea fou amîïié en une 
taine morcelle , & l'avarice qui l'ccouf- 
foit déjà, lui fie prendre le noir deflèin 
d'éteindre une des lumières de l'Univers. 
Mais voulant diflimuler , il pria ce fage 
de lui faire l'honneur de refter quelques 
jours chez bi-, & pendant ce ïems là, par 
une trahifon inouïe,il le cua , & lui prit 
toute fa mtdecine. Des aftions horri- 
bles ne fçaucoient demeurer tong-tems 
impunies. Le Juif fut découvert, mis en 
ptifon , & pour quelques autres crimes 
dont on le convainquit encore , il fut 
brûle vif. La perfécution des juifs de 
Paris commença peu de tems après, & 
TOUS fça-vcz qu'ils en furent tous chiT- 
fez. Flamel plus raifonnable que la plu- 
part des autres Parifieiis,n'avoitpas fait 
difficulté de fe lier avec quelques Juifs j 
il palToit même chez eux pont une per- 
"^mnc d'une honnêteté & d'une probi- 
Jrcconnuc. Cela futcaufe qu'un Mar- 
land Juif prit !e deJleiii de lui confier 
BRegiitres & tous fes papiers, perfua- 
\ qu'il n'en uferoit p»int mil ; Se qu'il 
mdioit bien les fauver de l'incendie 
pmmun. Parmi ces papiers fe trou- 
fcnent ceux du Rabin qui avoir été brft- 
iSc \ei Livres de nôtre Sage. Le Mar- 
|3nd fans doute occupé de Ton com- 
Wcen'y avoir pas fait grande attciv 



I 




I 



ifHiie d^ns ? Afte mînewe, I 

tioti. Mais Flainel qui les examina de 
plus più-s , y remarquant des figures de 
fourneaux, d'alembics, & d'autres vafes 
iemblablcs ; Se jugeant avec raifon que 
ce pourroit ctie le fectetdu s^rand œu- 
vre , crut ne pas devoir s'en tenir là. 
Comme ce,s Livres ctoienu Hébreux, il 
s'en fit traduire le premier feiiiliet : ce 
peu l'aïant confirmé dans fa pentce-, 
pour ufcr de prudence , & n'être pjs 
découvert, voici de la manière dont il 
s'y prit. Il fe rendit en Efpagiie , & 
comme il y avoit des Juifs preit^ue par 
tout: dans chaque endioic il eu ptioit 
-quelqu'un de lui traduire une p^ge de 
fon Livre. L'aïaii: traduit tout entier 
parce moieii.il reprit te chemin de Pa- 
ris. En revenant il fe fit un ami tîdeh 
?u'il menoit avec lui pour travaillettij 
ŒUvre , & à qui il avait dcifein de 4u 
couvrir fon ftcrei djns la luite ; 
une maladie le lui enleva avant le teni 
Ainli Fiamel dcietoiu chez lui , refoi 
de travailler avec Cà femme : iU i 
vinrent à bout, & pat-!u s'étanr acqid 
des richellès immcnft'S , ;J& firent I 
tirplufieurs grands étîificts piiblic 
enticbirent piutk-urs petfoiines. Laïl 
nommée cil quelquefois une cbolc f 
jncommo^^e, n:ais un Si^e fç^îc {>A^ 
piudenec 11 c rtr âj tous lï* enibwd 




Jyi^ite & autrtt lieux. Hi . 
Flanoel vît bien qu'on l'arrêteroic , s'il 

Î>a(Ibit pour avoir U Pierie Philofopha- 
£;& il y avoir peu d'apparence qu'on 
fut long tems fans lui artribuer cette 
icience, après l'éclat qu'avoient falifcB 
largcfles- Ainfi en véritable Philo- 
fophe,quine fe foucie pas de vivre dans 
rcfprit du genre humain , il trouva le 
moïen de fuir , en faifant publier fa 
mort & celle de fa femme. Par fès con- 
feils elle feignît une maladie qui eut 
fbn cours ; & lorfqu'on la dit morte, 
elle ctoii près de la fuilTe oii elle avoit 
ordre de l'attendre. L'on enterra pour 
elle un morceau de bois & des habits j 
& pour ne point manquer au cérémo- 
nial , ce fut dans une des Eglifes qu'el- 
le avoit fait bàiir, Enfuite il eut recours 
au même ftratagêrae pour lui : comme 
l'on fait tout pour de l'argent , il n'eut 
las de peine à gaf;ner les Médecins & 
es gensd'EgUle. Il laifTaun Tc-ftament 
dans les formes où il recommandoïc 
avec foin qu'on l'entcrrat avec fa fem- 
me & qu'on élevât une pyramide fur 
leurs fepultures. Un fécond morceau de 
bois fut enterré a fa place , pendant que 
ce fage était en chemin pour rejoindre 
fa femme- Depuis cetems-là ils ont me- 
' l'un & l'autre une vie Philofophiquc^ 



r; 



I 



ttl Voyage dans tApe mîrttlirt , ' ^ 
& ils font cantÔE dans un païs,rantôc 
dans un autre. Voila la véritable hiftoi- 
xede Fiamel & non pas ce que vous en 
croïcz , ni ce que l'on en penfe foUe- 
inent à Paris , oil peu de gens ont con- 
noilTànce de la vraie fagefle. 

Ce récit me parut , & eft en effet 
fort fingulier ; j'en fus d'autant plus 
iîirpris qu'il m'étoit fait par un Tore 
que je croïois n'avoir jamais mis le pied 
en France. Au refte je ne le rapotie 
qu'en Hiftorien, & )e palle même | ' 
fieurs autres chofes encore moins crc 
blés , qu'il me raconta cependant d^l 
ton aflirmatif. Je me contenterai de l 
marquer que l'on a ordinairement « 
idée trop baflc de la fcience des Tuii 
& que celui dont je parle eft un liomn 
d'un génie fupericur. 



îjp 



CHAPITRE XIII. 

Snite du m'Uge. Mont Daumalie. Cu- 
tayt. y'tjïte rendue mu MofitUem; ce ^ue 
^tfi. Guenfon du ScUtAt du Bâcha. 
Infcripùons.EgUfls Armemennis- Fables 
fur S. Cearges. 

LE II. je fus chez le Bâcha ; je lui 
rendis compte de mon voïage , & 
je lui donnai le remède que je lui avois 
promis. Il ra'cn fit de grands reraetct- 
mens , & m'aiTuca de nouveau qu'il me 
donneroit des Lettres de recommatr- 
dation. 

Le lî- après avoir entendu la Medè 
dans l'Eglife des Grecs , je fus rendre 
■vifice à leurEvêquej il me receui fort 
honnêtement , 5c me fit promettre de 
le revenir voir. On me difoic tous les 
jours qu'il devoit arriver une Caravane 
pour Satalie. Je l'attendois pooc par- 
tir avec elle & me rendre à Cucayé , par- 
ce qu'il y a du danger à s'expolêr feul 
dans cette route , qui eft toiiiours pleine 
de voleurs. Enfin la Caravaiine arri\a 
le ij. du mois, & nous partîmes le iS. 
» fept heures du matin. Nous coioitt- 



I 



I 



mes fori long-tems le Mont-Olympe } 
nous eûmes la pluïe plus de quatre heu- 
les durant,^ ce jour la noui campâmes 
lous des arbres. Le 19. levez avant le 
Soleil, nous paiîanies par le Village de 
Daxfàu. Nous macchâmes long-ienis 
par des montagnes afTez hautes -, enfui- 
tenons defcendîmes par une fort belle 
pleine : nous la tiaverfamss, auffi bien 
qu'un gros Village qui s'y rencontre, 
nommé yleinigttcl, à deux licuês duquel 
nous allâmes camper. C'étoic le bout du 
plat pa'is , & nous nous y repof^mes 
aptes huit heures de marche. 

Le 10. la Caravane fe remit en che- 
min dès une heure après minuit. Nous 
entrâmes d'abord en une grande force 
dont les arbres tendoicnt la route fort 
difficile. Elle dura près de }. heures, & 
enfuite nous commençâmes à monter 
la montagne nommée DaHmalie. C'eii 
une des plus hautes que j'aie vues de mes 
jours ; &■ en beaucoup d'endroits les 
chemins y étoient Ci aiFreux , que les 
Hommes ni les Chevaux n'y pouvoienc 
ptelque avancer : fa defcente n'cft pas 
il rude. Après avoir monte environ j, 
heures Se £tre defcendus pendant une 
groffe demie h.'iire, nous campâmes à 
quelques p.is dans un VilLigc nomo: " 



,. . . . .J*''^ *■ ■*""■« C*«.v. ,.^ 
Couyaïéc. Toutes ces montagnes font 

{ileines de bois de haute fuc^ye & de 
àpins d'une grandeur prodigicu le. 

Le 21. nous pailàmcs encore de pe- 
tices montagnes , quelques plaines dc 
une forci allèzvafte. Eniîn nous campâ- 
mes dans une plaine fur le bord d'uo 
luillêau qui l'arrofoic, & nous appiî- 
mes de quelques Paifans , qu'il y avoit 
dans ce chemin 60. voleurs qui nous 
aiiendoient aimes jufqu'aux dents & le- 
folus de dépoiiillec nôtre Caravanne. 
J'emploiay toute mon éloquence à en- 
courager ceux que je vis les plus cap3ir 
les de relîftance. 

Le 11. nous partîmes à la pointe du 
jour,&pcu de tems .iprcs nous rencon- 
trâmes lui homme que l'on avoit en- 
voie de Cucaye pour nous dire que nous 
nous linSions furnos j;aides, parceque 
l'on avoit vu plus de deux cens voleurs. 
Auûî-tôt tous ceux d'entre nous qui 
avoieni des fufils , marchèrent en ligne. 
Il fe trouvait parmi nous un Cherif 
homme de confequencc qui portoîcavec 
lui de grandes fommes d'argent; il vint 
me faire des complimens fur la bravou- 
re des Frarçois,6* me priademe tenir 
proche de lui, me promettant de Ion côté 
lu lui . ni les gens ne in'abandon- 



que 



J 



fi,. ^^9^4^- «•«' T'A fie mimun^ 
r.v» ♦.^f innc-r?mf k Mont-Olympe } 
N%? •;.r!-.> ;.. rtu.i: nius is quatre heu* 
% ^ ,'.*; .m: fl ri inu: îm naa» campâmes 
*.-:.?■ j.;> .rrc^s Ir .*.. irrnt avant le 
>r.^:. , noiîf r^^ftr.i^^ nar ie Toilage de 
J".-;-' '5-*. Nou: s^.::-zUifenieE leog-ceois 

tr r.Gui jt.cirniirirf : r^ 23e fan belle 
z'.t.r.t : r:>-: .£ r:*.-'f r.irjis.. aaî keii 

iTcri :.!-: r_:-reî œ tr.arcriîr, 

jE:r :r5 rrjç n^'ir^ ^^:tt rr.:r.u:t. K-gs 

tfïtmri-Tiîs <t'i^'//l f;; ur.": rrrar.de fcrr: 
<i,j«ir liî a/;>:"v r-y.'ioi-r.r ia rcrjre fcn 
CjiEriif. /-.i.î- 'î'ira ;,/':•• ^''- 5. hctir-s , & 
enfuite n^iUt c/.nn.rj.r^ârnçs a monter 
la monr-^îMj^ /*f#;^.i./v: Daiéméilic. C'eSt 
une dîî-. f/lu'; liHir^T'i f|.j;: j'j/c vues de mes 
jour-.; f' '■/. Ii'-.iii(r>u|) d'endroits les 
dwni:-.-. 7 /-f^.Khr /i.,(ficMx, que les 
Hir.^.^n ; n, l-, Mrv.iijx n'y pouvoient 
vtii'yi" ..v.Mn : /.i cicfcernte n'cft pas 
ji Mi.N. Al.!,*.. .,v(,i, ,„oiitc environ 2. 
Iiniy. /î. /„,, .Irflcn.liis pendant une 
iiioll- .lr,i„r 1,.,,,,.^ nous campâmesà 
ltl»tr« |M'. .Iiir. un Villngc nomme 



tjiffA(jue & dufres Unix. tij 
Cùuydldc. Toutes ces montagnes font 

)>leiiies de bois de haute fucaye & de 
apins d'une grandeur prodigieufe. 

Le 11. nous padames encore de pe-^ 
tites montagnes , quelques plaines &C 
une foret a(kz vaftc* Enfui nous campâ- 
mes dans une plaine fur le bord d'un 
tuiilèau qui Tarrofoit , & nous appri-' 
mes de quelques Paifans , qu'il y avoir 
dans ce chemin 60. voleurs qui nous 
attendoient armés jufqu'aux dents & re« 
folus de dépoiiiller notre Caravanne^ 
J'emploiay toute mon éloquence à en-- 
courager ceux que je vis les plus capaii- 
les de refiftancer 

Le 2Z. nous partîmes à la pointe da 
jour, & peu de tems après nous rencon^ 
trames un homme que l'on avoit en^ 
voïé de Cutaye pour nous dire que nous 
nous tinflions fur nos gardes , parce que 
Ton avoit vu plus de deux cens voleurs* 
AuiS'tàt tous ceux d'entre nous qui 
avoient des fufils , marchèrent en ligne. 
Il fe trouvoit parmi nous un Cherif 
homme de confequence qui portoit avec 
lui de grandes fommes d'argent ^ il vint 
me faire des complimens fur la bravou- 
re des François ,8* me pria de me tenir 
proche de lui, me promettant de fon côté 
que ni lui , ni fes gens ne m'abandon- 




tïÇ ^oy^i' dansrAJîe mltuuM 
neroient point. Plufieurs d'entre m 
coururent de tems en temsà ladec< 
vertejparce que le chemin étoit plein; 
petites colines , qui quoique fans arbi 
nous cmpêchoient de découvrir loi 
Nous paffàmes par des lieux très d; 
geteux ; enfin nous traverfames di 
petits Villages qui fe rencontrci 
fur nôtre chemin , & entîn nous 
rivâmes à Curayé après 7. heures 
marche. 

Je fus loger chez un Arménien 
me donna unechambre fore commode, 
&dès le foir même je portai la Lettre 
que le Bâcha de BroufTc ni'avoii donnée 
pour le Mefatlem.Ce Magiftrat repre- 
fente la perfonne du Bâcha en fon ab- 
fence. Je )e trouvai dans le Palais de 
celui-ci , je lui prefèntai la Lettre qui 
lui étoit adrefTéeiSc lui dis que j'en avois 
uije d'AlTen Vilir pour le Bâcha fon 
Maître. Il me marqua que fi je luiniet- 
tois entre les mains, itautoitfoin delà 

Ilui envoK^r , & il ajouta que la chofe 
étoft en quelque façon necefHiire , le 
Bâcha ne devant pas revenir ft tôt. Je 
le fis donc & l'on me donna enfuîte par 
fon ordre la pippe fc le cafFc.Commj 
je prenois la qualité de Médecin , la Rl- 
nommée avoir déjà publié dans le pa; 



I 



I 



qu'il éroit arrivé un Médecin Franc. 
Âtnfije fus accablé de vifite j &detous 
les cotez on vint me confiilter fur di- 
verfes maladies. 

Le 14. je fus revoir le Mofaltem , je 
lui fis ptcfent d'une petite lunette d'a- 
proche j d'un couteau & d'une paire de 
cifeaux. Il piereïtera fes offres de fer- 
viccs;&ii me dit qu'il me donnoitU 
liberté d'aller par tout oi\ je voudrois, 
Ec c]ue fi pour cela j'avois beloin d'honj- 
mes & de chevaux , il m'en fourniroit 
de fon écurie. Comme je le remercîois 
defon honnêteté, il m'engageai faire 
quel()u£s remedo-s pour un malade qui 
^oitcn langueur depuis fîx mois &c pref- 
qac defefperé, C'étoic leSeletatdu Bâ- 
cha, qu'il avoit pris en affefliion. LotC- 
que l'on fçeut ma bonne volonté , on 
envoia chercher le malade, je lui tâtai 
le poux, & lui promis un remède que 
je lui portai le foîr même. Le ij. il 
m'adura qu'il avoît été ttè-^ foulage » 
qu'il n'jvoit plus le mal de côté , ni 
le mal de tcie, qui auparavant le tour- 
menioL=:it fort , fie qu'il fentoit feule- 
ment encore dans rt-llomac beaucoup 
dedouleurs. Je lui donnai pour cela un 
vomitif, 5c ce remède eut comme l'au- 
tre an G bon effet, que le lendemain J 



I 
J 



fe trouva tout à-faii j;ueri. Dans ce 
de tems j'avoîs dcja fait amitié 
deux Arméniens- Je fus me promi 
avec eux le ifi. & comme ils avoi 
vu par ma converfation , que j'étois 
ticux des anciens Marbres & fur 
de ceux oii l'on voïoîi des Infcriptii 
ils me menèrent hors de la Ville-I 
un lieu où ils croïoient cjue je poi 
avoir du contentement. Il y en 

véritablement un grand nombre , 

en même tems peu dont les Infcriptions 
ne fuflent effacées, La plupart ccoient 
acconîpagnées de plufieurs figures. Je 
Copiai feulement celles que je vîs plus 
entières -Voyez les à la fin aux nombres 
16. 17. 1 S. 

Le ly. je fus voit le Château qui 
tombe prelcjne par tout en ruine ; il a 
trois enceinies de murailles , & l'on m'a 
affiué qu'il y avoir p. Tours. Sa (îtua- 
tion cft avantageule : il eflbâiifunme 
montagne efcarpce & en plufieurs en- 
droits auffi droite qu'une muraille. Il y 
a plufiiTurs petites pièces de Canon de 
btoMe & de fer,qui ne fervent que pour 
faluer les Bachaa, quand ils arrivent à 
Cutaié. Les Armentens ont dans cette 
Ville ttoisEgiifes ; elles font alTez bien 
loucnées, & peuvent palTer pour magi 



1 



' î'^f-it/ne & ÂHtret Iwhx. 119 

fiques , fi l'on fait réflexion qu'elles 
("ont fous la domination des Tores. Il y 
en a une dont ils content mille hiftoi- 
rcs qu'ils ont la fupciftition de croire. 
Entre autres chofcs îis font perfaadez 
que les Turcs ne (çauroienc faire éle- 
ver aucun bâtiment auprès. Ils aflùrent 
même ( comme une venté prouvée pat 
expérience ) que lorfque les Mahome- 
tans y bâiiflmt quelque maifon , elle 
fe détruit d'elle - mcoie avant d'être à 
la moitié. Il eft bien vrai qu'auprès de 
cette Egliie on voit plulîeurs maifons 
commencées ,& dont les raines mêmes 
paroiffcntafTez neuves. Mais il y a bien 
de l'apparence que c'a plutôt été la 
boorfe de l'entrcprenenr que les mains 
invilîbles des Efprits qui ont fait refter 
ces bâtimens comme ils font. Voici un 
autre fait de la même clpece qu'ils di* 
fent encore être très véritable. Tous les 
vendredis du mois de Mais , pendant 
que les Prêtres font en ptiercs avec une 
partie du peuple, il vient un homme à 
cheval , armé d'une lance dont il donne 
pjulieurs coups dans une petite niche 
que l'on voit au fond de l'Ej^life. Ces 
[ coups fe remarquent, on me les a fait 
I voir. L'Eglife eft dédiée à faim Georj^r; 
■ & c'eft lui,dit-on, qui eft le Cavaliet 



lio Voyage dans l'^fie^^MfM 
qui apparoir ces jours là, \ 

LeiS. j'allai viliter les Bazards , 
achetai des Médailles, & quelques pîer^. 
res gravées-. Pendant tout mon fejouf 
à Cutayé, je continuai d'y faire le Me- 
dccin } & pour ni'ôter i'importunicé d'un 
nombre infini de perfonnes qui venoient 
me demander des remèdes , je les en- 
voïois à des bains chauds qui ne Toni pas 
éloignez de la Ville. J'appris auffi pen- 
dant ce tcms l'hiftoite que je vas ra- 
conter. 

Affèn Bei Bâcha de Cutayé,avoîc une 
Eclave Géorgienne d'une beauté extra- 
ordinaire qu'il aimoic épcrdui:insnt. Ses 
femmes s'en appercurent bien-tôt; fes 
déférences & fes alHduitez auprès d'elle, 
leur firent aifémenc remarquer qu'il en 
faifoii bijaucoup plus de cas que d'elles. 
Lajaloufieeft une paffion qui s'empare 
bien vite de nous, La nouvelle conduite 
du Bâcha devoit naturellement en inf- 
pîrer à toutes fes autres femmes,qui au- 
trefois avaient eu quclqu'empire uir fon 
efprit. Cela r.e manqua d'arri-ftr : elle 
vint même jufqu'à une efpece de rage , 
qui leur fie prendre la reiblution de per-- 
drerEfclave Géorgienne, Pour mettre 
plus aifément leur vengeance à exécu- 
tion , elles ne trouvèrent point de meil- 
leure 



^f tjéffrii^iti & autres Hcux 

I Xcfox voie que de commencer par gagner 
le chef dtfs Eunuques. Quand elles 
furent fûres de lui , elles longèrent à 
chercher une occafion d'dfi'ouvir leur 
haine : elle ne tarda gueres. Le liai fut 
oblige d'aller mettre à la raiJon quel- 
ques Turcomans qui vinrent faire dans la 
dépendance du gouvernement de Cu- 
tayé desdefordres épouvantables ; com- 
me l'amour ne rempêchoic pas d'être 
exaift a fon devoir , il fe crut oblige de 
ie mettre en campagne dans le deilèin 
de détruire ces voleurs. Nos jaloufes ne 
perdirent point de tems ; elles conful- 
lerent leur Eunuque Je prirent avec lui 
la refolution dctouferun hommequ'el- 
les revctiroient des hjbillcmens du Bâ- 
cha , & qu'en cet état on porteroit 
dans la chambre de l'Efclave Géorgien- 
ne. La cruauté d'un femblabîe projet 
n'en retarda point l'éxecution ; dès la 
nuit fuivante on apporta dans l'appar- 
lemeni des femmes un malheureur 
qu'elles avoient fait étrangler -, 1 Eunu- 
que le revêtit, comme il en éroitcon- 
venu,& lui mit au côté la Gangiare du 
Bâcha garnie de di.tnians ; il avoir eu 
ladreiTè de la prendre à la belle Efclave 
L'juE fervirà ce méchant deflêin. 
, ^ Cet infâme après avoir ainfi ajufté ce 
Ttme I. Ç 



corps mort, le mie lui même fut un petit 
Divan qui étpit à l'cnaée de l'apparie- 
ment de i'EfcUve Favorite -, enfuite fai- 
fant femblancd'en foriîr tout effraie , il 
alla frapper aux portes de toutes les au- 
tres femmes , comme pour leur dire de 
Tenir voir l'aàion du monde la plus hor- 
rible: mais avant tout & fans que per- 
fonne le vit , entré dans cet appartement, 
41 avoir percé de coups le cadavre de 
cethomrae ,& afin de mieux jouer foo 
lôle ,il lui avoir laiflc la Gangiare dai 
lecŒur. Labelle Efclaveau bruit qall 
le entendit, parut comme toutes [es4r 
très femmes; mais ce ciuel leur ordd 
na fur le champ & aux Eunuques J 
confrères de fe faille de la Georgiefl 
innocente ; ils le firent, & de lai 
niere du monde la plus cruelle ; la n 
traitant , & lui difant toutes les injU 
que leur malice leur infpiia. i 

Comme la Gangiare du Bâcha {è trd 
voit fiir cet homme mort ,c'étoit un f 
dice alTez violent , que cette fetr 
avoit eu des inrcigues fecretes avw 
malheureux qui avoit étéafTadlnéX'! 
nuque & les auties femmes en firent! 
pandre le bruit dans toute la Ville ; e 
envolèrent auflî-tôt un homme au I 
cba avec la Gangiate , & une Let| 



rentres Urux. 



îiî 



-fignéede laMece , de toutes l'es aiutes 
femmes, & de tous fcs Eunuques, pour 
l'mftruire de la perfidie de l'Efclave 
Géorgienne : la Lettre ctoic écrite lî af- 
iïcmativement , & avec tant de circon- 
llances aggravantes , que le Bacha ne 
put la lire fans entrer dans des fureurs 
extrêmes. Le trouble qu'elle lui jeita 
■dans rei'prit , le laîflà long-teirs dans 
l'irrcfo Union : tantôt il vouloit aban- 
donner fon armée & aller fe vanger de 
l'outrage qu'il s'imaginoit avoir reçu 
d'une perfonne qu'il aimoic auflî leu- 
drement ; tantôt les droits du devoir 
l'emportoieiit fur ceux de l'amour ; en- 
fin pour faire l'un 5i ne pas manquer à 
l'autre ; il envoïa à fon Mofalleni un 
ordre qu'il devoir remettre à l'Agadefès 
Eunuques ; il y declaroit fa penfée fur le 
crime de fon Éfclave , & fa jaloude lui 
avoir fait inventer le fupplice le plus 
affreux. L'ordre portoit qu'elle fut dé- 
pouillée route nue , mife dans un fac 
rempli de pierres , lié par dcfllis , & en- 
fuite jettes à la rivière. Les autres fem- 
mes loin de frçmir comme elles dévoient 
flc fans témoigner le moindre repentir, 
cxccutcrent cet ordre avec beaucoup de 
joie : on ditleulement , qu'elles firent 
mourir cette Efclave infortunée avant 



«4- V^oyofc âam l'A fie Tmntare ^ ^* 
que d'être mife dans le (àc. Mais pour 
peidre l'objet que l'on aime-, on ne perd 
pas l'amour qu'il 2 fait naître ; ce fut 
îur le Bâcha que les dépits 5: les remords 
exercèrent enfujtc leur tirannie. Il re- 

fiaflbit continuellement dans fon efprîc 
es termes affreux que fa fureur lui avoit 
diâez ; il doutoit quelquefois qu'il les 
eût écrits , & enfin fon amour lui fai- 
foit regarder fon action comme impof- 
fible pendant que fa mémoire lui repre- 
rentoii qu'elle n'ctcic que trop vraïe. Il 
fe livroitde teros en tems aune triftef- 
lè mortelle ; & (ans fe foucier beau- 
coup de fa vie , il altoic contre les Tur- 
comans plutôt pour chercher lui mê- 
me le péril & une fin digne de lui, que 
pour éloigner le danger que couroit la 
Province. Mais comme Affen étoit 
véritablement brave , fa témérité ne 
fut point à fon defavantage. Il pouf- 
fa les ennemis fi vigoureufement,qu'en 
peu de jours il difllpa toutes leurs for- 
ces. Il fit pendre fans pardon cous ceux 
qui furent attrapez , & cette guerre fut 
terminée même plus vite qu'elle nel'au- 
roitété. Les grands crimes demeurent 
rarement impunis ou fccrets : comme 
le Bâcha revenoic de fon expédition, . 
toiljours reveuE , chagrin contre lui mé^H 



■ C Afn/]ue & 4Htrts lieux. tia 

bie & Cç reprochant fans celle /à cruau- 
té; à quelque lieue de Cmayé une fem- 
me échevelée , accompagnée de quel- 
ques-uns de lès païens, fe jciia à ici 
pteds pour lui demander juÂice ; elle 
lui dit les larmes aux yeux que c'écoit 
à la vecitc contre des gens de fa mai- 
fon même , mais qu'enfin ils avoient 
tué Ton maii , ic qu'elle ne fç avoit ce 
qu'ils en avoient fait depuis : elle lui 
expliqua enfuite qu'après l'avoir étouf- 
fé , ils l'avoient chargé fur un Cha- 
meau, qu'ils l'avoieni porté ainG dans 
le Sérail par le côté des femmes ; qu'el- 
le connoiffoit même un de fes Eunuques 
qui avoit été de la troupe , Se qu'elle 
l'aflureroit en fa prefence , s'il vouloîc 
avoir la bonté de le faire rcconfron- 
ler. Au récit de ce meuitic commis par 
les (ïens ', le Bâcha frémit Se fe fotma 
mille idées confufes ^ ilfe rappela dans 
refprit ie trille fouvenir de fa chère Ef- 
clave qu'il ne pouvoit plus efperer de 
voir : il ne conjeélura pas d'abord que 
ce mari qu'on lui tedemaiidoit , poui- 
roit bien être i'hommeiué dans la cham- 
bre de la Géorgienne ; cepenJant per- . 
fuadé que cecie femme qui lui parlote 
étoit fincere , il la tira en particulier elle 

ifes parens , & leui£t faire une fecon- 



■ d; i 

^^ turc 




I 



iig VeyAgt imi l'A fie mineort^ 
de fois le récit de ceice cruelle av. 
turc; enfuite ne gatdaiu auprès de 1 
que ceux qui connoilToient l'Eunua 
il renvoi^ les autres après leur aw 
promis juftice. Dès qu'il fut arrivé dal 
lôn PaUis , il fit mettre cet inferoe fb«- 
le bâton , & voulut abfolumcnt Tça- 
voir de lui pourquoi il avoir alTafliné un 
homme : cet Eunuque contraint par la 
■violence des lourmens , avolia bien-tôt 
le crime & toutes les circonftances : 
mais qui pourroic exprîmet la farptife 
& les tranlpocts de fureur du Bâcha, 
lorfqu'il connut par le lecii de ce mal- 
heureux l'innocence de fa chère Efda- 
ve, qu'il avoit fait mourir par un ordre 
donné trop ctcdulemenc fur un faux ex- 
pofé & à l'occafion d'une jaloufic auflï 
deteltable que celle de fcs femmes.L'on 
dit qu'il étrangla lui même fon premier 
Eunuque , qu'il fît noïer pluiîeurs de fês 
femmes en ia prefcnce fans en faire 
même aucune diflinftton , de forte que- 
(â colère tomba indifféremment fut I 
innocentes comme fur les coupables. 



CHAPITRE X ly. 

XeHCMtre di vaUurt. Defcriptian de U 
F'iUt £ Eficher. Eahx ch^lides. Poïf. 
fin dt U Rivitre apptllé SACAri, hfiri- 
ftions. 



Après avoir fait toutes mes recher- 
ches pour les Antiques & tes Mé- 
dailles , & voïant que ie Dicha ne fai- 
foit point de réponle à la Leiire que je 
luiavois flic envoier i je pris la refolu- 
tion de partir pour Eskichec : le ii- 
d'Aouft je loiiai trois Chevaux & ac- 
compagné de Tept perfonnes , je quit- 
tai Cutayé fur le midi. Nous marcliâmes 
d'abord environ }. heures fans trouver 
perfonne , mais comme nous fortioiis 
d'an petit bois qui eft dans le chemin, 
nous apcrceuipcs trente voleurs qui 
«niroient Aim un petit Village j ils noua 
virent au(n,& firent auflî-tôr un détacha- 
ient d'une vingtaine d'entre eux pouc 
ïnic nous reconnoîcrc: nous nous po- 
ftSnies dans les hroutTiilL-s ; il y avoîc 
derrière nous de grands folf/z qui nous 
couvroient j nous fîmes au(ïï an parapet 
ikiout nôtre bagage ; & après avoir 



KVil 

P 

^ us 



eu- 



■tl8 Voyage dam l'^Jte 
mis tomes nos armes en bon écgt nous 
attendimes de pied ferme cous ces vo- 
leurs. Ils s'approchèrent de nous , mats 
aïant vu nôtre contenance ils n'ofereni 
nous attaquerjils nous demandèrent feu- 
Jemem eu nous allionsï^nous leur 
pondîmes fièrement qu'ils n'en avoiei 
que faire,mais que s'ils le vouloient abi 
lument fi^avoir , nous allions leur di- 
le. En même tenns nous les couchâmes 
en joiie , mais ils nous marquèrent ( fû- 
retnent contre leurs intentions ) qi 
n'étoient point venus pour nous 
du mal ; mal ou bien , répliquai 
nous , des à prefent nous ne vous cl 
gnons point ; & lorfque noui 
avec nous le refte de la caravanne \ 
cft compofée de 40. perfonncs 
armées ,nouslêrons en état defairel 
te à d'autres qu'à vous. A ces moi 
prirent le parti de s'en aller , ils fî] 

filutîeurs caracolles amour du petit 
âge où les autres éioienc encrez, & 
fin ils s'y rendirent lou; 

Aucommencemcnt delà nuit un des 
nôtres fuc détaché pour voir ce que'ces 
honncces gens faifoient dans ce Villa- 
ge ; il revinc nous dire qu'ils mati- 
geoicnt &: (■: repo'oient. On r^foluc de 
paitîr fur l'heure. Après avoir enco^ 



^jlffrî^fue & autres lieux- 119 

tagé du mieux que je pus ceux qui 
étoient avec moi, nous marchâmes fans 
grand bruit & en ailez bon otdre; allant 
toujours par nord & dans de fore beaux 
païs. Après avoir craverfé des plaines 
pendant Tefpace de 4, heures , environ 
une heure avant le jour , nous nous éloi- 
gnâmes un peu du grand chemin ^ pour 
Qous repofer à l'entrée d'un bois de 
grands fapins : nous y demeurâmes ju{l 
qu'à midi , que nous nous remîmes en 
chemin ; & après 4. heures de marche 
nous arrivâmes à Eskicher. 

Je fus loger dans un petit camp oïl j.e 
pris une chambre. Le Bâcha n'étoit pas 
encore arrivé à Efkicher : comme j'a- 
vois une Lettre pour lui , je la portai 
le I}. à fon Mofallem ^il me receut bien 
& me dit qu'il aimoit fprt les FrançoiS' 
& fur tout ceux d'Angourra. La Ville 
'd'EskLcher eft partagée en deux , & il y 
a un bon mille d'efpace entre Tune & 
* l'autre de fes parties. Les Turcs n'y de- 
, meurent pas comme dans les autres 
Villes , indifféremment en toutes for- 
tes d'endroits ; leur habitation eft au- 
près d'une petite montagne. Dans la 
première partie de la Ville qui eft celle 
où j'arrivai/ont les Bazards & les bon- 
tiques des ouvriers ^qui fe retirent to^ix 



1 J f^oyage dans F AJie mi»eitrt, 
les foirs & vont coucher à la Ville 1 
ce. Eskicher eft pleine de belles Fond 
nés : routes font d'eau chaude ; & t*i 



n'en boi 



[ poinc d 



, Cl l'o 



I 



Toit foin d'en faire refroidir. Il y a au(- 
iî j. bains de ces eaux, dont un paroît 
a{fez antique ;c'ell un fort beau Dôme 
fbutenu par de belles colonanes dejaH- 
pe&bâtide Marbre depuis les fondc- 
mens. Outre les Fontaines d'Eskicher, 
il patTe auprès de fes murailles une Ri- 
vière peu large à la vérité , mais en re- 
compenlè alTez profonde , qui fe nom. 
me Ciitayé , parce qu'elle vient de ceq 
ce Ville , d'où elle va fe jetter dans ud 
plus grande à une journée d'Eskicha 
appelléela Kivieie de Sac^tr ^ic touH 
deux s'en vont enfuite fe décharger daj' 
la Mer noire. Ce qu'il y a de fînguUe 
c'eft que la Rivière de Cutayé malgi 
(k petitefîe, ne laiife p-is de nourrir t 
poifTons de trois & 4.00. livres de p 
îànteur: j'en ai vil un qui pcfbit rrenj 
fîx ocques , c'ett-à-dire a nôtre poiâ 
loS. livres. On peut corijcflurer de f 
qaecerte Rivière a de grandes conca 
vitez fous terre ; & il le faut neceflâi- 
remeni , piiifquefi eîlen'étoii pas plus 
large en delfous qu'à fa fupetficie , dcn 
de ces poillbnsni pourroieiit pas teiiirj 



C Afrique & amm Citux. iji 
Le 14. je pris des Chevaux & fus me 
promener à un Village éloigné de la 
Ville d'environ une licnc & demie (eulc- 
menc. Les habicans font prefqiie tous 
Arméniens : il eft (itué au pied d'une 
montagne Tut laquelle fe trouvent des 
ruines èc quelques anciennes forteref- 
fes. Je voulus voir ce que c'ccoit , & je 
remarquai que la montagne avoir été 
autrefois h.ibi[éeen plufients endroits : 
les ruines même en font allez fuperbes: 
le lieu otl ctoit cette fortereire ,cft en- 
courré d'une double muraille. Entré 
dans l'enceinic j'y.trouvai une grande 
place fort belle. Dc-là je paflài fous une- 
belle porte de Marbre ornée de guirlan- 
des 8f enrichie de p!u(ïeurs autres orne- 
mens en bas reliefs. Après quoi je vis 
une féconde place où l'on rencomric 
encore des monceaux de Marbies les 
> furies autres. Enfin je fus dans une 
jilîécneplus pleinede démolitions que 
s deux autres , & enfuîte je rcdéccn- 
t par un autre côté rencontrant toû- 
uts des reftes de vieux bâtimens , fut 
MBouten un endroit qui me parut être la 
place de quelque Eglife ; d'autant pliiî 
(pi'alTez près je remarquai clairement 
tm cimeci;rrc & plufieurs Tombeaux: 

fH copiai 7. Infcnptions , c'tft-â- ttc. 



I 



ijl V'eyagedattsl' Apt mlnturt , 
celles que je pus. Voïez à la fin nonp 
biezo. Stliiivans. 



CHAPITRE XV. 

Smte du voiage. Infiriptiom dan» un Ci 

•vent d" yîrmeniefii aHprèt d'jIngOH 
Séjour dans cette faille. Injcriftions troH- 
•vies. Secherejfe du Pais, Pierre mira. 
culeufi. Château plein d'armes aniiefuet^ 
Hifleire d'un voleur. j4utre hîfïoin d' 
ne femme tjui vange fan mari. 



1 



JE demeurai à Eskicher jafqû'au vingt 
que l'en pariis fur les cinq heures de 
raprédinée accompas;iié de 5. autres 
peifonnes coûtes bien armées-Nous msb 
châmes jufqu'à la nuit cotoiant loT 
jours la Rivière de Cutayé , & avd 
çani par Grec & par Levant- Le^ 
nous ne prîmes point d'autre aubS 

que la plaine , où nous lious trouvi^ 

JL'ou y coucha au frais, & le lendem^nT" 
ai.une heure avant le jour on recom- 
mença à marcher jufqu'a neuf heures 
toujours dans cette belle plaine , qui 
nous auroit conduits encore plus loi[7, 
a nous ne nous cticiis un peu detout- 



\Kz ce nctre 



cher 



pour aller à 1" 



.'[^fl 




rJffr':!jHe& autres lUux. ijj 
_ î Villages voifins faire Eepofer nos 
Chevaux & nous mettre nons-mêmes à 
couvert de l'ardeur du Soleil, qui nous 
ctoit fort incomnioJe. Nous partîmes 
de cet endroit appelle Queux ,-*à une 
heure après midi,&: marchant tant que 
la lumière du Ciel nous le permit, nous 
allâmes faire nôtre cannac auprès d'un 
pecic hameau :nous le quittâmes le n. 
dès deux heures avant le jour. A ii. heu- 
res nous campâmes auprès d'une Riu 
viere aflez grande appellée Zarcxfon ; à 
trots heures , nous la pailâmesàgaetjfc 
après i.heures de chemin, nous trouvâ- 
mes celle qne l'on nomme Quirimr.Ces 
deux Rivières fe joignent à quelque 
^ance de cet endroit , & vont enfuice 
■ tendre dans la Mer proche Nicome- 
nfiu à l'entrée de la nuit nous 
lïpâmes auprès d'une Fontaine , où 
^trouvèrent auiïî d'autres petites carS- 
incs. Et le 1}. nous partîmes avec elles 
l'une heure après riiinuit prenant la 
nitede 5ec6j^<ir,où nous arrivâmes 
ftlever du Soleil. 

■■Cette Ville u'etl pas defagrcable: elle 

eft bâtie fur plulïeurs petites montagne'ï, 

ce qui de loin la fait parokre beaucoup 

^j^Dsconfiderable qu'elle n'cft: i! s'y tient 

^^n§randBJZir tous les limcd.7i ,^\<» 



tf^ Voyagt dttns i'Afte tnmturt,. 
Cherchis en ibnt beaux. Les Habii 
ïne parurent de bonnes gens;ils ont pi 
Gouverneur un Vaivode : j'avoîs pi 
celui qui yëtoic alors une Lente de 
conimandation (]ue je lui portai. 11 
leçur d'abord avec de grandes marqi 
d'amitié, mais lorfqu'i! eut !û que 
tois un Médecin, il redoubla fes « 
plimens , & me demanda des remei 
poutunmalade qu'il avoit chez lai,- 
nie priant de le venir revoir pour cai 
avec lui, je ne manquai point de le 
promettre. Je palTaile 14., àvifitcr 
Bazards, oïi je trouvai d'arfêz belles ' 
dailles, &le i;.je retournai chez le 
Tode. Après avoir eu av.^c lui un I1 
entretien , oii je lui donnai fàiisfai" 
for tout ce qu'il me demanda , je 
marquai que je voulois parti: 
Xngoura, Il avoit 4. hommes qui 
foient auprès ; il me dit qu'il leur al 
donner ordre de m'accompagner & 
me mener (ufqu aux portes. Jefusdi 
kiier des Chevaux , & je partis fai 
midi avec ces 4. liomm»s ; mai? je 
m'attendois pas au compliment qu' 
(ne firent enfuite. Lorfque nous eflmes 
marché enfemble environ 5, heures , ils 
me demandèrent fi pour la peine 
prenoieni de a'accompngner , je 



^ 



Fy^j^que & antrts lieux. ijjf 
lofs leur donner de l'argent , & voïanB 
bien que je n'étois pas homme à le faire^ 
ils me quittèrent & prirent une autre 
loute ; contant problablemenc que leut 
Vaivode m'avoil yÛ tout ce qu'il me 
verroit. 

Je coniinoai mon Torage par une bel- 
le plaine , mais où il y avoit fort à crain- 
dre de rencontrer quelque bande de vo- 
leurs ; je paiTai à ):;iiet la Rivière de 
Quirmir qui y coule , lailFant à main 
droite un beau pont de bois qui ne ferc 
que quand cette Rivière inonde la cam. 
pagne. A quelque pas de là eil, à ce 
qu'on prétend, l'endroit le plus dange- 
reux pour les voleurs ; j'y vis cinq ca- 
davres que Tony avoic empalez depuis- 
peu ; apparemment que la punition de 
ceux-ci en avoit éloigné les autres , car 
^•jele traverfai fans être attacjuéde per- 
BttMiRe. De-là marchant toujours par de 
^Bmsux chemins , mais fur différentes pe^ 
^^■fites hauteurs d'une pente douce , je 
trouvai à 9. heures du loir vne Ville que^ 
les gens du païs nomment ^/tf/?? ; dcr- 
_ p'ere laquelle je fiî monconinc proche 
HÉPune Fontaine: je m'y rcpolii l'cfpace 
^^fc 4. heures , Se enfuite je repris mon 
^■nemin qui ne fut pas aufli agréable 



ïjtf Voyagt dAns I^AJîe mlneare^' 
Ugne fort rude, & pendanr i. heui 
toute nie parut des plus difHciles j 
enfin le refte jufqu'à Angoura ne mttm 
pas grande peine , & j'arrivai dans cfl 
le grande Ville fur les y heures de 13 
près midi dui£. 

Je fus loger chez Meflïeurs Pain: 
& Daignan , ce font deux François, 
tnaifon qu'ils occupent e(l la plus bel 
de toutes celles que les Francs ont à h 
goura ; ils me donnèrent coures les m; 
ques d'afïcdion pofïlbles. Je receusB 
jours faivans la vifKe de cous les Frù^ 
cois & de cous les Hollandois quifl 
font habituez. Le i^. je fus dîner cbj 
un de ces derniers qui me regala i" 
toutes les formes : 6c le jo je mond 
à cheval pour vificec les environs de | 
Ville. Je fus à faiite^ lieu à une Hejf 
d'Angoura, oA l'Archevêque des An 
niens fjii fa reHdence ordinaire 
proprement un convent. Son Egllfed 
des plus belles ; elle eft bàcie de pienl 
de taille avec un dôme fore élevé J 
travaillé avec art. Nous y entendînL 
uncMclTe Armenicne que l'on celebl 
avec beaucoup de dévotion & de cere» 
monie ; enfuiie je fus copier 7. Iiifcri- 
prions fur des Marbres qui ne font p aa. 
éloignez de Vaine. Voyc» ilafimioi^^ 
brc 2;. St fuîvar.t. 



Mais ces Infciiptioiis font peu de cho- 
ses , fi on les compare à celle dont je 
vas parler. Les Critiques l'appellent or- 
dinairement Ljpis ancyranin-x'eii un des 
plus beaux monuments qui reftent de 
l'Hiftoire Romaine, puifqu'il contient 
les belles aflions d'Augufte qu'on doic 
prefque regarder comme le Fondateur 
de l'Empire Romain. L'on a déjà cette 
Infcription dans quelques Auteurs, Mats 
<jaand ma curioiué ne m'auroic pas 
porte a en Taire la veri6cadoa , fe 
a'auTois pu m'en dirpenfer , paifque 
c'ctoit un des articles des inftruâioos 
qtieMonfsigneurdePonc-chartrainm'a- 
voit données. Elle fe trouve dans A», 
goura fut deux grandes murailles devant 
^k^ portique d'un ancien Temple, & pro- 
^Hke d'une Mofquée , que l'on nomme la 
^nMofquée d'Agybrahim. Pour venir à 
mes tins , chofe qui n'écoitpas des plus 
faciles ; je liai amitié avec celui qui deH- 
feri la Mofquée , Se je donnai des re- 
mèdes à un de fes pareits , que j'eus le 
bonheur Je guérir. Cet homme me crue 
apfès un grand Médecin ; c'ctoit déjà 
un acheminement. Aiiilî un jour en me 
promenant avec lui aup'ès de l'Infcti- 
prion.j^ lui dis que j'en .ivois !ù les pre- 
^^auis mots ; qu'elle contenoit quelque} 



I 



Voygt dam l'A fie minmrt y ^^% 
remarques fur l'ancienne Médecine» qoê 
J'y pourtois rrouver quelque bons re-^ 
mcdes pour Ta fanté , s'il vouloir me !a 
laîiTer copier. D'abord il me fie l'entre- 
priie irès difficile , & me dit , comme 
font la plupart des ignorants de tout ce 
qu'ils n'entendent point , que ces c^- 
raflcres étoitnt pleins de milleres ; qu'il 
n'étoiipas permis mtmed'v vouloir pa 
netrer -, d'ailleursqu'ilsenlèignoientà 
jlyavoit destrefors ; & que , quoiq 
les gens du lieu n'en cechcrchafli 
point lapoirelTion , il ne lailTetoit \ 
d'être coupable de haute ïrahifbn , 
les decouvrott à un étranger. Je | 
manquai pas de bonnes raifons poud 
détromper : mais il fit comme dans^l 
difputes , il fut convaincu de (à fini 
eitc f; " 



eitc fans le rendre ; & ce fut l'ari 

Ique je lui donnai plutôt que mes 
fonnemens qui eut la force de le 
fuader. Quand il fc fut déterminé à 
laiflcr prendre l'Infcription , il m' 
fignales heures qu'il crut les plus 
s: 
Tu 
aui 
: 



près pour la copier fans être vu 
ehoiumes donc les intervalles que J 
Turcs ne viennent point à la Prie] 
autrement je n'aurois pu en venir i 
mon honneur , & toute fon autorité 
'aucoicde lien fetvi contre U canaille;. 



FjIffrirjHt & ahiret Ùeu.v. jf^ 
Je commençïî à prenctre cette belle 
Inicripiion le premier Septembre ,.& 
je n'eus gueres d'autre occupation \aC-r 
qu'à cequî je l'eude finie. Maj« com- 
me je n "y rrjvalllois pas tout le jour, 
le j. Septembre je montai à cheval SC 
fis tout le tour d'Aogoura : je fus z. 
heures à faire ce tout ; je n'allois à 1» 
TCtiteqac le pas. Voici ce que j'y re- 
marquai. Cène Ville , à proprement 
parler, a douze portes : il y en a fepl de 
la grandeur de celles de toutes les bel- 
les Villes ; pour les cinq autres il n'y 
peut pafTer qu'une perfonne. Ses mu- 
railles ne font point antiques : l'on, 
m'afluraqu'ellesn'étoient faites que de- 
puis 60. ans , pour la mettre à coHTert- 
4es infultes des voleurs ; cela fe recon- 
nolt mâm- fans beaucoup de difficulté : 
car à proprement parler, cen'eft qu'un: 
amas de pierres de plufieurs formes ic 
de différentes efpcces, comme des mor- 
ceaux de colomnes , des chapiteaux,, 
des pieds-d'eftiux , &c des pièces de 
Marbre de toutes fortes de figures , où 
font mcme quelquefois des Infcriptiont 
dont quelques-unes ont été feparées 
avec les pièces. J'en pris 6. que l'on vcc- 
xaà la fin après celle ds Viiue, nombre' 
8c fuivans. 



mn.' 



Mi 



Hge dans tAfit min 
s murailles ne font cimemies qîl 
vec de la terre qui s'eft Techtc au Solea 
ainfi elles tombent en ruine en pluGn 
endroits. Les dehors de U Ville \ 
fort agréables : elle s'élève en amp] 
théâtre & paroîi d'une matjnificec 
admirable ; auHl y a-t-il comme tc| 
Villes diftinguées l'une de l'autre , 
qui ont mcme leurs murailles paît 
lieres ; en voici leplan. 

L'on parie fort dans ee pais d'à 
pierre qui fe trouve dans une EgB 
Grecque au quartier appelle le C/ 
teau : elle palle pour un miracle < 
Dieu met tous les jours fous la vûéJI 
fes fidèles pour les coiilîriner danjJT 
Foi , & l'on ni'avoit donné une eij 
fi grande de U voir , par le tecii ( 
l'on m'en avoir fait , que ce fut i 
des premières chofes oi^ ma curiofiti 
porta. Mais je fus dans une furprifel 
trême, lors qu'on me montra feuletr 
dans une muraille cpaiite , un trouj 
fond duquel ctoit une pierre d'Albl^ 
la réflexion du Soleil qu'elle reçoia 
qui la rend fouvent toute rouge , 
tout ce prétendu miracle. Les Ga 
ont toujours été fuperftîtieux ou j 
podeurs : c'eft un plail^r de les en| 
drs conter mille folies myftagogià 



^ 



■ux. i+r 
Aies ; entre 
-•ne d'An- 
<]ue ce fuc 
qu'elle a la 
^des qui la 
rent que les 
jficurs fois, 
venue d'elle 
lia qui /aca- 
'C l'en ôcer; 
.KÔt dehors 
ijoâienc-ils, 
rcicns d'An- 
>ic leur re- 
oiains , mais 
t Dieu pour 
Aufli-tôc les 
, & l'on en- 
leur dit , ^Ki 
■•im de péché 
•9S prierts ffiit 
regardèrent 
& il n'y en 
t. cxempc de 
Dans ce mè- 
s ans fe mit 
.lit manger, 
k dc-U que 
oitïlTuitpouf 



I 



I 



Ces muraifles ne fonr cîmentéc^ffS^T 
vcc de la terre qui s'eft fechtc au Soleil 9 
ainfî elles tombent en ruine en pluHcocA^ 
endroits. Les dehors de U Ville Cn^U 
fort agréables : elle s'élève en ampbi^| 
théâtre Se paroît d'une ma^nifîceni^H 
admirable y au0î y a-t-il comme tio^H 
Villes didinguées l'une de l'aucre , tj^M 
qui ont mdmc leurs murailles pattloB^H 
lieies ; en voici le plan. -^^Ê 

L'on parle fort dans ce païs d'oi^H 
pieire qui fe trouve dans une Eglil^H 
Grecque au quartier appelle le Ch&^| 
teau : elle paiïê pour un miracle qii^| 
Dieu met tous les jours fous la vue ^^Ê 
Tes tîdeles pour les coniîriner dans U^| 
Foi , & l'on m'avoit donné une envjj^| 
iî grande de la voir , par le récit qu^l 
l'on m'en avoit fait , que ce fut une* 
des premières chofes où ma cutiofité fe 
porta. Mais je fus dans une furprife ex- 
trême, lots qu'on me montra feulement 
dans une muraille épailTè, un trou au 
fond duquel étoit une pierre d'Albâtre: 
la reflcdion du Soleil qu'elle reçoit & 
qui la rend fouvent tout: rouge , fait 
tout ce prétendu miracle. Les Grec» 
ont toujours cié fuperftitieux ou itn- 
pofleurs : c'e/1- un plaifir de les enten- 
dis conter mille folies myftagogiques 



I 






■ 



' «44 ^^^&^ ^^^^ tjifie mineure 
titudes de Statues indécentes. Enfin dm 
cptè de la Ville le Château a double 
muraille -; & avant ^ue d'entrer dans 
la féconde enceinte , l on voit de cha- 
que côté deux gros Marbres où (ont 
les Dieux des jardins en bas relief : ils 
cmt le vifage prcfque tout mutilié ; jr fis 
le tour des pnuraiUes du Ch&teau fans y 
trouver aucune Infcription. Il eft bâti 
fur une roche vite £brt efcarpée. De ce 
côté de la Ville & au bas de cette ro. 
che pafTe une petite Rivière , & il y a 
pluHeurs voûtes fouteraines qui vont 
de la Rivière au Château: apparem*- 
ment qu'on defcendoit par là pour fe 
fournir d'eau dans le befoin. Devant la 
porte eft une petite place où Ton voit 
une pierre de plus de huit cens livres 
pefant j on l'avoit jettée d'une montag- 
ne qui eft de l'autre coté^ & cela feul 
obligea le Château de fe rendre aux 
ennemis qui Taffiegeoient. 

Le 17. je fus dans les Bazards cher- 
cher des médailles ; j'y en trouvai d'aC 
fez belles : mais ce fut un vrai hazard > 
car les Francs qui font dans Angourra 
prennent toutes celles qu'ils rencon- 
trent ; cela eft caufe qu*on les y acheté 
beaucoup plus cher que dansdes autres 
endroits où il^ n'y a point de Francs, 

U 



Le iSje ze gns rei iir: ijur .'Tîn^zr- 

& j^aosccf csr ii e: i =^: ? i" -ix nif. 

Ls !•- rc *> — *'-'^- iir"*" : "Ji* . m rvi^aîâ 
àaxt as.5 fsi-'rn: s Hf^t^ . ^' m r^nr 
vole ûa:zs Tcn'^ic r: suis e? zrjL.':z:s 
d'Angoara- L:i",: îti:; ;.i h:: nx ■:•:* 
pendact îa =::.:. :_ m -i i;L::Lr:ê i *.- 
1er dans la cz-êz^rrî i- . r-rcri:'* Je *a 
femme czo-.tnz z^^htz : .t rr.i~. ;:■:- 
manc, ia fer-nue ci-:-.: p*? t:c.t . i. 
▼eilier de reur r^s - r^ I":s irrrî iz 
quelque maî^-enr. Afcr£ le ▼rlri: ^t :*:r 
emporté pau;:>!e:rfTi: îcores ie< is.rie5 
dont il aTo:t rù ;'e chir^er . 77.1:^ r^ir 
malheur pour lai cette re~nr.e avr:r 
bien examiné fon v:^^ce. LoriVu :1 f-r 
parti, elle éveilla Ion mar: , &: îj: cor.- 
ca le vol qui n'ccoit arrirc que par Ta 
timidité & par l'amour qu'elle avoir 
pour lui : au refte elle le pria de ne point 
s'affliger j & lui dit qu'elle reconnoî- 
troit le voleur (ans peine. Ce fripon 
ctoit un vendeur de petits patez , & en- 
troit dans les maifons pendant le jour, 
pour s'infttuire de ce qu'il y pourroit 
prendre pendant la nuit. Le jour venu 
la femme fortit de fa chambre, & après 
avoir marche par la Ville environ deux 
Tome /, G 



14^ ^^y^S^ ^^^^ ^^fi^ n^îneun, 
heures y elle trouva fon homme, le prit 
au collée , & le mena à la Juftice : il 
y fuc convaincu de ce vol , & déclara 
les autres qu'il avoir faits : il rendit à 
cette femme toutes fes hardes , & en- 
fin il fut condamné Se pendu : le tout 
fut fait en moins de deux heures & 
demie. 

Dans le même tems , ili arriva une 
autre hiftoire qui marque fort bien le 
courage d'une femme qui a dans la tê- 
te une forte envie de fe venger Fia- 
nol eft un gros Bourg loin d'Angoura 
d'environ cinq heures de chemin ; plu- 
fieurs familles Arméniennes s'y étoient 
alTemblées pour une fête qui s'y £ai- 
foit. Un Arménien y eut querelle 
avec deux Turcs : ces Turcs étoient 
le père & le fils tous deux pleins de 
vin j ( car il eft bon de remarquer que 
malgré la deffenfe de Mahomet » il y 
a bien des Turcs qui en boivent {ans 
fcrupule ). Ils s'outragèrent donc de 
paroles les uns les autres , & les Turcs 
lus hardis ou plus emportez mirent 
a Ganjiare à la main , & donnèrent à 
l'Arménien plufieurs coups qui lui ôte- 
rent la vie ; ce fut le fils qui frappa 
les derniers , ainfi tout le monde le 
jugea le plus coupable. La femme da 



i 



l'^frifjut & Mtrts lirux. j^j 

-l'je j'y écois, il y avoit plus de /îx mois 
]uel'on n'y avoit veu d'eau [ombéedij 
Ciel:c'eft ce qui eft caufe que les monta. 
.^nes d'alentour font nues & neptoduj- 
lènc point de bois comme dans les au- 
tres endroits. 

Le lo. je montai au Château qui eft 
lelieu le plus élevé de U Ville j j'y 
vis pluiîeurs mapazins remplis d'ha- 
liîtsde velours cramoifi & doublez de 
petites plaques de fer , faites en écail- 
les ; mais ils font prefque tous pour- 
ris. Il y a auflî un grand nombre de 
bonnets faits à l'épreuve de la flèche 
& du coup de fabre : les flèches, les 
arcs, lesWlIiers & les autres machines 
de guerre antiques , tiennent leurs pla- 
,ces dans les Chambres de ce Château. 

J'entrai dans un autre magazinqui 
eft dans des tours : il eft plein de petits 
canons de fonte de deux à trois pieds de 
long& du calibre de fept à huit livres 
de bâle. Les murailles de ce Château 
font modernes aulîi bien que celles 
tl'Angourra& font faites des luines de 
quelque grande Ville qui paroît n'a- 
voir pas été éloignée; elles font toutes 
compofées de belles pièces de Marbre 
p'eines de'bas reliefs ; l'on y voit des 
^^jtolloas , des Priapes & d'autre^, ~ 



I 



I 



jjîï Voy*gt dans l'Afte mineurf, 
heures , eÙe irouv» fon homme, le prit 
au collet , & le mena à la Juflice : il 
y fut convaincu de ce vol , & déclara 
les autres qu'il avoit faits : il rendit à 
cette femme toutes Tes hatdes , & en- 
fin il fut condamné & pendu ; le wut 
fut fait en moins de deux heures Se 
demie. 

Dans le mcme tems , ili arriva une 
autre hiHoire qui marque fort bien le 
couiage d'une femme qui a dans la tè- 
te une forte envie de fe venger Fla- 
nol eft un gros Bourg loin d'Angoura 
d'cnTiron cinq heures de chemin ; plu- 
fieurs familles Arméniennes s'y écoieiic 
aflemblces pour une fête qui s'y fai- 
foii. Un Arménien y eut querelle 
avec deux Turcs : ces Turcs étoient 
le pete & le 61s tous deux pleins de 
vin ; ( car il eft bon de remarquer que 
malgré la defîenfc de Mahomet , il y 
a bien des Turcs qui en boivent fans 
fctupule ). Ils s'outragèrent donc de 
paroles les uns les autres , Se les Tuics , 



filus hardis ou plus emportez miieittgl 
a Ganjiate à la mam , & donnèrent,^! 
l'Arménien plulîeurs coups qui lui âcB«ul 
appa 

le le 

M 



l'Arménien plulîeurs coups qui 
rent la vie ; ce fut le fils qui frappa 
les derniers , ainfi tout le monde le 
jugea le plus coupable. 1^ femme ( 




ICj^jfri^Ht & MHtrei IUhx. ia^ 
tort vint à la juftice redemander le 
ing de Ton mari : l'on tic coût ce qae 
on put pour appaifer une colère fi 
jiifte i mais l'Arménienne perfiflant 
toiîjours à vouloir fe varger , l'on foe 
obligé d'arrêter ces deux Turcs. La 
penfée qu'il arriveroil quelqu'autre 
malheur, fi l'on n'avoit foin de la con- 
tenter , & les dépolïcions des témoins 
qui chargeoient l'un plus que l'autre, 
firent condamner le fils à être pendu. 
Il s'éleva une autre difficulté; il ne fe 
trouva perfonne qui voulût faire le me. 
tiet de bourreau à l'égardd'un'Turcen 
faveur d'une Chrétienne. La cçura- 
geufe Arménienne qui l'apprit , ne s'en 
ébranla point ; elle dit hauremenr^tie 
l'on n'avoit qu'à lui remettre le meur- 
trier de fon mari , & qu'elle fçauroic 
bien le pendre elle-même. Sa refblu- 
tion furprit tous ceux qui l'entendi- 
rent ; & elle l'exécuta d'une manière 
encore plus étonnante. AuQI-côi qu'el- 
le eut le meurtrier auprès d'elle , elle " 
l'empoigna & le conduifit en prefencc 
de tout le monde fous un arbre ; là el- 
le tira de fes poches une corde , fie mon- 
ter ce malheureux fur une pierre de 
deux pieds de haui,lia la corde à l'arbre; 
^Jk spics la lui «voit attachée au cou. H- 



Eïgf dunsC Afîe mineure^ ^1 
L pierre de deifous fcs pieds : 
enfin, qnoiqu'en cet écai il fût des mieux 
pendus ; de peur de fraude, l'Arménien- 
ne ne s'erj alla poinï qu'elle n'eût bien 
connu qu'il étoit mort dans toutes les 
formes. Tant il ell vrai que la padio] 
Bc la fureur jointes à un tempcramrf 
tenace viennent à bout de tout- 



1 



CHAPITRE XV] 



Peine poif avoir l' T?]fcnption. Elle efi dif- 
férente dei imprimées. Difcription £ An~ 
gQitrs. Son eommeree. 

Tl^ II. j'achevai de copier l'Infij 
Xjptioii Latine , & je commenç; " 
Grecque qui cft fur l'cpaiffeurdela 
raille. Pour copier Icscommencemi 
je fus obligé de monter far le pi 
de la Mofquce ; ainfi j'étois dans 
crainte continuelle , foit de tomber, 
de recevoir quelque avanie de la 
des Turcs ; mais j'achevai , Dieu 
ci , (ans aucun accident. Je dois a' 
tic ici que pour l'Infcripiion Grec* 
je n'en donne que ce qui eft du cèié de 
la Mofquce; il y aune fuite ou une au- 
tre Infcription fur l'cpailTeur de U 



1 



* tjIffrîqHC & MHtres lieux. 149 
me maraille , mais qa'on ne fçauroit 
prendre à prcfcnt , parce qu'il y a une 
maifbn appuïée defliis : fi l'on croïoic 
qu'elle en valût la peine , comme cela 
pourroit bien êcre , pour cinquante ou 
loixante piaftres , ou pourroit mettre 
à bas ce qui la couvre ; je n'en parle 
qu'après m'en être informé. 

J*avois prefqu envie de mettre ici ces 
deux fameufes Infcriptions ;• elles font 
plus intelligibles que la plupart des 
autres dont j'ai parle : d'ailleurs comme 
elles regardent THiftoire Romaine, & 
fur tout la vie d un Empereur tel qu'- 
Augufte , elles font infiniment plus in- 
terreffantcs , que celles qui fe rencon- 
trent (ur le tombeau d'un inconnu ,^oU 
qui font mention de quelque a£tion 
d*un particulier dont peut-être aucun 
Auteur n'aura parlé; comme feront fins 
doute quelques unes de celles que j'ai 
recueillies : mais leur longueur m'a 
fait penferau defagrément qu'il y a d'ê- 
tre interrompu dans une lefture. Des 
lettres que tout le monde ne connoît 
point auroient fans doute déplu , & les 
curieux ne plaindront point la peine a f- 
fez légère qu'il y a de les aller voir à 
la fin : d'autant plus qu'en fait dlnfcri- 
ptions Tune aide à entendre l'autre , & 

G iij 



d'un Bâcha ; eft fore peuplée & faifànt 
en repos Ton commerce , dont le prin* 
cipal eft de fil de chèvres. Il y eft très 
beau : au(C ne fe voit-il en aucun aiu 
tre endroit du inonde des chèvres de la 
l^eauté de celles d'Angoura : elles ont 
un poil d'une couleur (î «éclatante , que 
lorfque les troupeaux paillent au So« 
leil ils paroiflènt d'une foye argentine. 
jCe qu'il y a de particulier , c'eft que 
païïe fix lieues à la ronde ,on n'en trou- 
ve plus de cette efpece ; & même quand 
x>n a voulu en tranfporter ^ on a remar* 
que qu'à mefure qu'elles s'éloignent, 
elles dégénèrent : d'où r<yi peut con- 
je6burer que leur beauté ne vient que 
de la nature des pâturages d'Angoura. 
Ma curiodté m'a fait apporter iufqu'i- 
ci quelques-unes de ces belles peaux. 






CAffrîque & dutres Cieux. ijj 



CHAPITRE XVIL 

Smte du Voiage. Rencontre de queltfues 
THrcomans^ jimitié faite avec un Chem 
rifi, Ruines ignorées. Ville d^Eskicher. 
jHagybeftage • fa Atofijuie : Livres dn 
Santitn fin Fondateur. Chaudière 
^Hne grandeur extraordinaire. Rivière 
■ À'Ermaij. Pyramides. Fables fur ces Py* 
ramides* 

LE 1. d'06lobrc je partis d'Angoura 
avec une troupe de lo hommes qui 
y^noit de Conftantinople &aIloit à Ce- 
£irée. Nous marchâmes 4. heures par 
de petites montagnes. Nous fîmes nô- 
tre Connac à Ta^uait : c'eft un petic 
Village fort fujet aux infiilces des vo- 
leurs , & leurs courfes fréquentes ont 
obligé les Habitans de tenir leurs biens 
Se tous leurs meubles dans les mon- 
tagnes,oùil$ demeurent la plus gran*. 
de partie de Tannée. Il avoit paru une 
bande de ces voleurs , venue fans dou- 
te pour examiner nôtre contenance ; 
cela fut caufe que nous décampâmes 
à neuf heures du foir. Après trois heu- 
les de marche , nous crûmes en voir 

G V 



i 



r 



d'autres qui vcnoienr ii nous ; & nous 
nous mîmes fur la deffenllve. VerîtJ 
blemeiu c'ciok une ctoupe de Tun 
mans» mais avec leurs familles , li 
Chevaux , & leurs Bœufs qu'ils 
noient quelque part. Quoique ce foit 
une de leurs bonnes coutumes de dcva- 
lifer tous ceux qu'ils rencontrent , ils 
nous lailfereni pafTcr fans nous rien di- 
IC i apparemment parce qu'ils nous vi- 
rent plus forts qu'eux. Nous continuâ- 
mes donc nôtre route; 8: le j. à la poin- 
te du jour nous arrivâmes au Village 
de Cûraiju'chl ^ après avoir marché huit 
heures de fuite par des chemins en- 
trecoupez de montagnes & de valons » 
& tout remplis de bois. J'avois fatc 
cnnnoilfance avec un Cherif de nôl 
iroupe :il buvoit du vin , & ce prii 
Icge qu'il fedonnoit contre fa religi* 
lui donnoit audî celui de m'avoit 
près de lut ; nous logions même 
fcmble. Deux hommes de ce Vill; 
étant entrez dans nôtre oda pendi 
que nous dormions , il s emport» ' 
contre eux ; ils eurent beau allegi 

[lour r^fon , qu'ils vcnoient chercher 
e Médecin , il ne laifla pas d'entrer 
dans une fureur extrême ; & je croi qu'il 
moît aflbmmés fans mo' 



F/iffrtifife & antres HiMX. ij-j 

veritablemeni de rindifcretioti dans 
leui fait: mais comme c'étoit tnoi dont 
ils paroifToienc implorer le fecoors , je 
ne voulus point qu'une chofe qu'ils 
avoieiic faite pour chercher la (ànté, 
leurfîc trouver la moit ; ainfi j'appai-. 
ù\ le Cherif , qui a ma confideration, 
les laillà aller fans Icurrien faire. 

Nous quittâmes cet endroit à fept 
heures du foir. Trois quarts d'heures 
après nous palTàmes devant tes ruines 
de quelque ancienne forterefle. Il y 
avoir encore une belle arcade qui pa- 
loilToir en avoir été U porte: elleécoit 
d'un Matbtc blanc , pleine de ligures 
de Lions & d'autres animaux fembla. 
blés, dont les uns étoient tout droits, 
te les autres fembloient couchez pat 
lerte. Comme le Soleil commençoit à 
retiret ia, lumière , je ne pus voir ce» 
ruines que confufément : elles font d'u- 
ne aflcz grande étendue , mais on ne 
m'en put dire le nom. Au bout eft un 
beau pont de douze arches ; la Rivière 
fur laquelle il eft bâti s'appelle Cherche- 
mr.'tiprHfQH. 

Nous marchâmes toute la nuit dans 
une plaine fort vafte -, mais nous fil- 
mes extrêmement incommodes de la 



I 



I 

^Mbïe qui fut abondante & prefquc h 



I 
I 



"ijS VoyAgt dAn% l'Aftt mmmre^ 
continuelle. Pont comble de mal, nous 
■vîmes au jour que nous nous étions 
éloignez de nôtre cliemin. Quelques 
Turcomans donc nous apperçûmes les 
baraques eurent atlez de civilicé pour 
nous y remettre : mais des bergets que 
;ious trouvâmes peu après, nous aver- 
tirent qu'il y avoir dans le voiflnage 
quancicé de voleurs. Au bout d'unin. 
ftant nous en découviimes la troupe. 
l,otrqu'ils nous eurent vu , ils envolè- 
rent deux des leurs pour nous recon- 
noître,& toute rcfquadc les fuivit d'aC 
Jëz près : mais douze coups de fuUls 
que nous tirâmes fur elle , les écaite- 
lentfurle champ :amtl nous continuâ- 
mes nôtre chemin. Après avoir mar- 
ché douze heures nous palîamcs par 
CouUnp : c'eft un Village alfez confi- 
der^le. Vers les {êpt heures duToir, 
nous travetiàmes un grand vallon. 
A huit heures nous nous trouvâ- 
mes en prefence de plufieurs voleurs : 
iJs firent audî tôt des cris de joie pout 
s*e3tciter les uns & les autres à venir fat 
nous. Tous leurs ous leur furent inu- 
niles.on les fervit de cinq ou lîx coups 
de fufil qui les épouvantèrent de telle 
forte qu'ils prirent la fuite. Deux hcu- 
Kt avant le jour nous traverfàmes 



1 




^■fAfnijitt & autreslitux. tf7 
Ville affez grande , nommée Quicher, 
Elle a autour d'elle des marais 6c 
beaucoup de jardins. Les ruines que j'y 
vis en piufieurs endroits font une preu- 
ve qu'elle a été autrefois du nombre 
des Villes des plus magnifiques. J'avoîs 
un chagrin mortel de paflcc dans des 
Ijemt lî beauï , fans pouvoir m'y arrê- 
ter. A 7. heures du matin nftis arrivâ- 
mes à un gros Village nomme Cou^ 
rMK^é : nous prîmes quelque repos juf- 
qu'à onze heures que nous remontâ- 
mes à Cheval pour nous rendre à W«- 
gihe^age , où nous enitâmes après trois 
heures de chemin. Haj^ibeftage n'eft à 
prefent qu'un Village alTez gros : mais 
autrefois c'étoit une fort grande Ville, 
comme la tradition du pais nous l'ap- 
prend & comme on le reconnoît aux 
vaftes ruines qui s'y trouvent partout. 
Nous y logeâmes dans une maifon con- 
facrce aux voiageuts. Au fond de ce 
Palais , ( car c'en eft un véritable ) eft 
la Mofquce où l'on voit la fepulture 
du Samon Agibeilage. Tous les allans 
& vendhsy (ont toujours parfaitement 
bien teceos, La Mofquce a des revenus 
pour les nourrir : leurs Chevaux & le bc- 
tail même y ont tout gratis, & n'y man- 
leot jamais de liec. 



I 
I 



^' 



mac- 



Pour la manière donc on eft logé où 
traité , c'ell quelque chofe d'admirable 
à voir. Il y a par tout des belles alcô- 
ves bien garnies de tapis & de couffins. 
On y fert du ris , de la viande , du fro- 
mage & du pain. On y donne le caffë 
avant & après le repas. Enlïn la ma- 
gnificence & ragrémcnc le font remac- 
quet juf<5Ue dans les ccuries oiM'oi 
& la paille ne font point épargn 
J'entrai dans la Mofquée du Santoi 
il eft dans une Chapelle , couvert d'ua 
grand drap de velours tout bordé d'or 
& d'argent ; autour fe voit un grand 
nombre de chandeliers & de lampes 
parfaitement bien travaillez , mais tout 
eft de cuivre. La cuifme où l'on apprête 
à manger pour lesallans & les venans, 
eft comme on le peut conjedurer fort 
vafte & toujours fort pleine de cuifî- 
niers & de fourneaux. J'y vis unechau. 
diere d'une largeur & d'une profondeur 
ptodigieufe. C'eft afTurementle plus 
grand vaiflèau que j'aie vu de ma vie. 
L'on me dit que le jour de la Fèie, l'on 
n'y faifoit jamais cuire moins dfe vingt- 
quatre BŒufs à la fois pour donner à 
manger à tout le monde. Toutes ces 
depenfesfefont des revenus de la Mof- 
quée, on peut juger jufqa'oû elles pei 



I 



^f r.-ffrijiie & autres lieux. t;; 

vent .aller. J'oubliois de dire que cet- 
te Moftjiiée eft delH-rvie par des Der- 
vis i qu'ils ont une Biblioteque ma- 
gnifiqOe.que le Santon leur a îeguée. Ils 
oDi eu foin de l'augmenter & l'augmen- 
tent encore tous les jours. Toit des livres 
qu'ils achètent , foit de ceux qu'ils 
"[jmpofent eux-mêmes. C'eft là qu'il y 
1 de toutes fortes de manufcrits , ou 
l'on apprendroit fans doute bien des 
chofes extrêmement curieufes dans tou- 
tes les fciences ; mais ce font des de- 
pots facrez que l'on ne vend point. 
D'ailleurs comment ôter des Livres à 
des Sçavans & des Philofophes qui la 
plupart ne fe foucient gueres d'argent, 
Qc font de l'étude leurs plus chères 
délices ï 

Nous partîmes d'Haf^ibeftageàonze 
heures du foir,& cette même nuit nous 
fiâmes attaquez trois fois par des vo- 
leurs. Nous nous tirâmes du péril ,& 
au lever du Soleil nous enttâmes dans 
^vanoi Village fut t'Erma^, Cette Ri- 
vière paroît avoir eu autrefois plu- 
fieurs ponts. Son cours eft doux , & 
l'on m'a alTuré qu'elle s'alloit jetiôr 
<!ans la Mer noire. Dans les monta- 
gnes d'auprès de l'Ermaq on voit pat 
tout quantité de grottes, elles font ton- 



I 



i 



" t6o l^eyagt dans V j4 fît mnatm, 
tes d'une grande propreté, & femblenï 
avoir écé de véritables habitations. 
Nous nous repofimes là environ une 
heure : enfuite nous paflames cette Ri- 
vière à guet. La beauté de ces grottes 
m'avoit Turpris , mais j'entrai dans un 
çtonnemencincroïable à la vue des mo- 
cumens antiques que l'apperccus de 
l'autre côté en foitanc de l'eau. Je ne 
_ puis même àpreiêni y peiifeE fans en 
avoir l'cfpril frappé. J'avois fait déjà 
beaucoup de voiages , mais je n'avoîs 
jamais vu ni mcnie entendu parler dâ 
rien de femblablc. Ce font une quan- 
tité prodigieufe de Pyramides qui s'é- 
lèvent ics unes plus les autres moins, 
mais toutes faîtes d'une feule roche Se 
creufées en dedans de manière, qu'il y 
a ptudeurs appartemens les uns fur ics 
autres, une belle porte pour y entrer, 
un bel efcalier pour y monter, & de 
grandes fenêtres qui en rendent toutes 
les chambres très éclairées. Entin je re- 
marquai que la pointe de chaque Pyra- 
mide étoit terminée par quelque ngu- 
EC, Je rêvai long-ieras fur la ftruâu- 
le , & principalement fur l'ufage que 
l'on pouvoir avoir fait de tant de Pyra- 
mides: cai il n'yenavojt pas pour deux 
ou trois cens , n'iaisj)lus de deux mill 



ilej^ 



tAffrique & autres lieux. t6i 
fuite , ou à quelque diftance les unes 
des autres. Je crus d'abord que ce pour- 
roit avoir été la demeure de quelques 
Anciens Hermites ; & ce qui m'en don- 
iioitala penfée , c'eft qu'au haut je 
voïois ou des capuchons ou des bon- 
nets à la mode des Papas Grecs ; ou 
même des femmes qui portoient un en- 
fant entre leurs bras , & que je pris tout 
d'un coup pour des images de la Vier- 
ge. Mais j'apperceus au(Ii-tôt quelques 
figures différentes des premières , qui 
dans la Pyramide finiflbient en terme, & 
au dehors tenaient leurs bras croifés. 
Qpelques - unes fembloient avoir des 
mafques d'Oracles ; à d'autres je trou- 
vai des Sphinx , & devant eux des fenv 
mes à genoux toutes nues & dans une 
pofture indécente , je veux dire un ge- 
nou en terre , & la jambe & la cuifle* 
étendue. Il y a aufli des Lions & des 
Oifeaux de plufieurs formes. A travers 
les portes je vis fur les murailles com- 
me des reftes d'anciens portraits -, de 
forte qu'il fembloit qu'il y eût eu des 
peintures : mais cela étoit trop eâFacé 
pour y rien connoître. 

J'aurois voulu y voir quelque Infcri- 
ption qui m'eût inftruit plus amplement 
de cts merveilles \ 6c j'avois couru pour 



I 



m 

L 



Pnp Vùja^ù àtim Vjifît mineure, ^" 
Voici le deltèin que j'ai fait faire de 
celles que j'ai vues. 

Au tefti; comme il ert peu de grands 
hommes, à la viedefqiiels k poileiicé 
n'ait joint quelque vi(îon & quelque 
miracle fabuleux , en ne s'étonnera 
point qu'à l'occalîoii de toutes cesnwi- 
ions li riombreufes & fi excraordinai- 
remcni bâties , ont ait inventé pluùeurs 
contes. On me dît dans la Caravane, 
&c'elt la tradition du pais, qu'au haut 
de toutes ces l'yramides qui vaut en am- 
phithéâtre, il y avoir un Tombeau : que 
dans ce Tombcui ell un cadavre que 
l'on en a ôié pinlleurs fois ^ & qu'if y 
revient toujours : qu'on la m^me Ion- 
vent jcué à la Rivière en prelencc de 
loute la Province , mais que cela n'a 
jamais fetvi de tien ; & qu'il y eft toiî- 
jours revenu prendre (si pUce , fans mê- 
me que l'on ait pil s'appercevoit 
fon retour. 

On m'ajouta qu'en certain teim 
l'anitée , ils fe voit auprès de tous,' 
lieux quantité de (grands feux allumez! 
que l'on y entend fouvent un nom- 
bre infini de voix , qui parlent des 
langues étrangères & inconnues aux 
gens du pais. Enfin que quelquefois 
on y cenconiie un grand animal d'une 



ae 

é 




^ 

« 

3 



I 



I 



VÂffnque & autres lieux. i^j 
^gure monAreufe qui fe promené feul, 
^ue Ton entend rire ; & ce qu*il y a en- 
core de plus furprenanc , qu'on fuie mal- 
gré foi , à peu près comme Ton fe laiC- 
Coic aller à Taimable chant des Sirènes : 
<ie forte qa'il ne faut qu'entendre le ris 
de cet animal pour s'y laifTerentraincr; 
fie le fuivre , pour être perdu ^ 6c n'en 
irevenir jamais. 

Toutes ces hiftoires ont alTez l'air 
de celle du ferpent d'Egypte , que j'ai 
inférée dans mon premier voïage , 8c 
qui y kce que j ai appris , a révolte bien 
des perfbnnes* Mais (ï elle a donné 
lieu à quelques Leâreurs injudcs de 
m'accufer de crédulité , je veux bien 
qu'ils fçachent , que s'ils avoient voïa- 
gé comme moi, ils fe feroient détrom- 
pez de mille impertinences qu'iU ont 
peut-être toujours crues ; & croiroient 
mille autres chofcs, que leur prud'cx- 
perience leur fait regarder comme fa- 
buleufês. D'ailleurs ces MefTicurs doi. 
vent (çavoir que lorfqu'on a le foin, 
comme je l'ai toujours, d'avertir de ce 
que l'on a vu , & de le diftinguer des 
choies que Ton a f:-a!emer.t oui dire , 
cela fuffit pour cîo^r.cr d'un A iteur 
CCS reproches o-iieux d*ur.e trop gran- 
\ de fimpiiciié. Enfin ce n'cft pas pour 



eux que l'on parle ou que l'on a 
ni qae l'on rapporrc des irai 
xidicules de (Certaines régions : c' 
les 5çavans qui trouvent queli 
dans les Relations des Voïagei 
conlîrmacion de leurs leiflures. 
taitte donc de tout mon cœi 
quciqu'homme d'érudition pail 
^dire quels font , & d'où viennei 
riieu des monuments Ci rares. Ni 
"trouvâmes jufqu'à Bourreil où cil 
vent même d'habitations aux Pi 
Nous allâmes à ce Village 
pn peu de repos : nous nous étii 
trcmement fatiguei à montct i 
verfêr à la hâte des montagnei- 
ne de piètres , Se par confequeni 
ciles ; les hommes font tout pooi 
ièrver leur vie. 




CHAPITRE XVIII. 

BtUe valiie. Arrivée i Ingefon. Concourt 
MM aoHvejiH Mideci». imitiez. eCmt 
Emir. Compliment d'un Thtc ^ui vom- 
Uii ffavtir fâirt de l'Or. Converfutiou 
Mvec m Dtrvii. Defcriptlon fU Cef^ 
rit -yfoa ctmmerce, Tom^eMux Ptrfuns. 

NOus iôrtîmes de Bouieilà 9. heu^ 
res du foir. Nous avions pris un 
guide pour nous conduire par desche- 
roim écartez , & où nous ne renconità- 
mes point de voleurs. Pendant deux 
heures il nous falui grimper une mon- 
tagne ,que le grand nombre de pierres 
rendoit fort rude. Au haut nous marchâ- 
mes pendant deux autres heures fur de 
vaftes pierres de taille , donc il iêmble 
que ce lieu auroic été pavé : les Che- 
vaux n'y avoient pas le pied trop fer- 
me. A minuit nous defcendîmes en une 
vallée belle Se fertile , laiilànt à gauche 
la montagne : elle eft plus efcarpce 
qu'ailleurs , & taillée par tout en ma. 
niere de cafcadcs , & même rcvêiui: à 
luuiteur d'homme à cheval des plus bel- 
' % pierres Je uille. A droite je vis des 



{ 
i 



JatJin 



iiplis de vignes ; d'oïl ï 



peut conjecturer , que cette agréa 
vallée acte autrefois quelque chuCe 
très magnifique. Elle tient au oioins 
j. heures de chemin , &c par tout eftac- 
rofée d'un ruilTeau ferpt-ntani que l'on 
cft obligé de pailcr en plufieurs en- 
droits. Enfin arrivez À une grande Vil- 
le nommée Ingrfou , nous y paffames 
fans nous y arrêter. Nqus mîmes près 
d'une demie heure à la traverfcr : nous 
palTàmes à la vérité par bien dîs rui- 
nes inhabitées ; mais cela même eft une 
preuve que cette Ville a cic fort confi- 
àerable. IJ'ailleurs fon Cliâteau eft en- 
core des plus grands & des mieux bâ- 
tis i il cft fur une colline, & comman- 
de aux lieux circonvoiGns. La porte 
qui nous mit hors d'Ingefou eft faite 
en arcade , de fort grolTes pierres , & 
aller large pour recevoir trois carroflcs 
de front. 

Après avoir mardic quelque tems 
dans une petite plaine , la crainte des 
veleuts nous fit reR.ignet les monta- 
gnes. Nous en pafljoics plufieurs, une 
encre autres dont la pente eft aCTez dou- 
ce , & au haut de laquelle i! y a à droi- 
te & à giuche deux vieux Châteaux 
d'iimoitic abattus. De-Iànous t 



tj4ffnipie & autres lieux, iS^ 

tuâmes dans la plaine de Ce farce , où 
nous arrivâmes à 7. heures du matin le 
7^ Oâobre. 

J'allai d'abord loger dans un Cara- 
venferail ^ mais ce ne fuc que pour un 
petit inftant, La renommée avoit pré- 
venu cette belle Ville en ma faveur, & 
fans qu'on m'eût vu , j'y paflbis oour 
un oracle de la Médecine. Plufieurs 
Grands de Cefarce , & particulièrement 
des Emirs me vinrent offrir dts logo- 
mens* Je m'en deffendis quelque tems, 
en les remerciant humblement de leurs 
honnetêtez : mais un des Principaux 
m'cnvoïa fans autre façon des Che- 
vaux pour emporter mes hardes , & 
une. perfonne de fa maifon pour me 
àixe qu'il m'avoitfait accommoder une 
maifon pour moi feul , & que je lui 
fifle le plaifir de l'accepter. Il fallut 
me rendre à de fi aimables inftances.Je 
lai({ai charger mon équipage , & je 
fuivis fans plus faire de difficultcz la 
perfonne que l'on m'adrefloit. Cette 
maifon ccoic proprement un petit Pa- 
lais. La qualité de Médecin , eft dans 
ces païs la chofe la plus vénérable. On 
croit fur tout que les Médecins Francs 
font infiniment plush.ibiles que les au- 
tres. Il s'y trouve même des gens aflfez 

Tome I. H 



Voyage dam l'^ipe minture. ^^B 
îïmples , pour s'ima^inît que ces Mé- 
decins pL-iiveni faire des miracles. Hn- 
ttc un nombre infini de perfonnes qui 
me vènoient voir , & donc j'étoîs acca- 
blé; il y eut une femme aveugle , qui 
d'un grand fang froid me pria de U 
guérir. Je lui dis que je n'avois point 
de remède pour fcs yeux -, mais elle me 
répliqua qu'elle ne demandoit point de 
leniedes , perfuadce qu'il n'y en avoit 
point pour fa vue. Eh bien , lui dis-je, 
vom concevez, donc ^^iie Dieu feiil peut 
vous !a rendre-^ elle ne le concevoir point: 
ainlï s'en allant mécontente, elle difoit 
de moi , helas fi les Médecins Francs 
peuvent tout fj'ire , -poufatiol celui-ci ne 
•veut-il donc pas me rendre la vue \. y en 
lenconitai bien d'autres qui me de- 
mandèrent des chofts aufli déraifonna- 
bles. Un bon Turc vint un jour rae 
rendre vilîte , & me ditquM avoir une 
prière à me faire , mais qu'il fouhaitioit 
que ce filt en particulier, AufTi-rôc que 
nous fûmes retirés à parc : franc, me 
dit -il naïvement & à la Turque , 
yâ«f ^ue tu fiijle en ta vie une choft (| 
flaife à Dieu. Je répondis que j'ért 
tout prêt , fi elle étoit pollible. Oui 
continua t-il, lupeux U pire : e/ler'e^ 
rfiy/î facile j;i'rf moi de boire unt tafft 



., me 



^e €dffi. Je lui marquai qu'il n'avoic 
qua dire pour être facisfait. A pics m a- 
Toir rejgardé fixement un peu de cems , 
comme un homme qui demande plus 
de ccrur que de bouche : yipp*'ens.r/;o:^ 
a)oûta*c-il, a faire de l'or, je ne pus 
m'empêcher de rire. Ah ne ynerefufe par^ 
diuil , Hnc gruce que la neccjfiti jinle 
me féàt demander i je t'en aurai des oblL 
gâtions infinies , & je t'en promets itne re- 
connoijfance étemelle. J'ai deux femmes & 
huit ejclaves , elles rnont donné i^. en^ 
fans : tu feras heni de Dieu fi p.ir ton 
moienje leur pals donner des chofes que 
Dieu n'a créées que pour éihomfne.Jc con- 
tinuai de rire ; je ne laidbis pas cepen- 
dant d'être touche de Tes paroles plam* 
tives. -rf«rrtf/i/j,ajoûta-t-il,;> ne mt fuis pas 
Jbucii de cette fcience:helas je me répens au^ 
joHr£hui d'avoir laiffé échapper la plus beL 
le occafion du monde de l'apprendre. Vn 
jour un Dcrvis vint loger che^ mt i ^ je le 
traitai bien & il devint mon ami. Pendant 
fon fejour à Cefarée^ il me fit l'honneur de 
m*inger a ma table , j'en fus content : & 
comment ne l'aurois^je pas été ? c'ctoit un 
homme fçavant & des plus polis. Il me dit 
un foir qu'il vouloit m' apprendre à faire de 
l'or , & qu'il voulott tjue ce fut des la nuit 
mime. Il m'ordonna de lui aller chercher 

H ij 



Ï72 Vtyagedtins VAfte mtfifurf^ 
du ch^r^an & du fhrnb, & me mtrijHA 
^it'il voulait m' apprendre la manière dont 
ilfefitifeif.Je lui ebeis^je fus chercher deux 
ecjues de ftomb & du charbon. Avec trois 
pierres UdreJfciHft petit fourneau ; mit fur 
le fiu uii'creHJet qt^il avait , & dedans Je 
fUmb iju'il y voulait fondre, lime mmird 
dam une petite bouteille une liqueur rouge 
dont il fit couler une goûte fur un peu dt 
eoton , (ju'il enveloppa de cire jaune : & 
fans me rien dire , il le mit dans le creufet , 
couvrit tout dechdrbon , & me dit , allons 
nous coucher. Nous le fîmes : mais ma cit- 
riojiié ne me permit pas de dormir auffi 
iranquillenientféi'à l'ordinaire. Je me rele. 
V4Î & fus pour voir ce eju'ilyavoit dans it 
creufet. Les pincettes qui m'échappèrent de 
ta main me grillèrent les pieds ; ce qui me 
fit jeiter un cri tjui éveilla tout le mande. 
L.e Dervis relevé comme mot , votant tou- 
te fa matière par terre , & indigné fans 
doute en lui - même fans me le témoigner , 
me dit qu'au four H irait quérir dequoi 
me guérir, Jlfortit en effet : mais pour ne 
plus revenir. Il ne me refia que la brûlure 
& un peu de ploinb véritablement converti 
tn or. je me trouvai fort embaralIS 
comment congédiée ce bon-homme. 
Plus je lui difois'quc je n'avois poînc 
le feciettle faire de l'oc ; plus U m'i^ 



^ I'j4jfn4jite & Aiitm lieux. 

fur oit que je l'avois, & que je ne voifi" 
lois pas le lui donner. Il vînt à la fiu 
UQ Turc de confequence qui m'en dé- 
livra , & que je fis rire de la fimplicité 
tîc fon compatriote. 

La Ville de Cefaréc eft fiiuée dans 
une belle plaine, & éloignée du mont 
Argce d'environ une demie heure de 
Acmin, Il faut bien l'efpace de deux 
fleures pour faire le tour de fes murail- 
les.EUe efl faite en quarié,niais plus lon- 
gue que large. Ses murailles font bâties 
lie prolTes pierres de taille. Par dedans* 
elles font faites en arcade.Par dehors.de- 
10. pas en lo.pas ce font des tours iciati- 
gulattes la plûpart,ou quarrées ; leChà- 
teauef): prefqueaumilieude laVille.Les 
Bazards y font fort beaux Si l'on y fait 
un commerce confiderable de cocon. Les 
liabitans font tous afTez poUsXa plupart' 
font gros & d'une ftature avantageufc. 
Les femmes y font plus retirées qu'en' 
aucun lieu de Turquie où j'aie été : mais 
la qualité de Médecin me donnant en- 
trée dans rous les Hatrems , j'y en vis 
plufîeurs & je trouvai que le pais ne 
nianquoic point de bcautez. Je parle 
de ce que nous appelions beauté : les- 
cbannes ne font pas toui-à-faic atta- 
chez, aux lieux j mais ils dépendent toû- 



h^ 



H iil. 







174. ^^y*Z' '^'"" ^ ^ft' tmmnrt, 
jours de l'imagination des peuple» : & 
fouvent ce qui fait ragrcment chez les 
uns , palTe auprès des autres pour un 
d£6^aui eflentiel. Je remarquerai ici une 
choie qui m'a toujours frappe , lorf- 
que l'écois en Turquie. Il m'a paru que 
les Orientaux ont plus de delicatelle 
que nous fur lesplaifirs. Cette exai" 
ictraite dans laquelle les femmes 
vent , ne les rend que plus aimablf 
car les fentimens font toujours pi _ 
vifs, lorfqu'ils font reftraints à moins 
d'objets i & certainement , l'un pour 
l'autre , un homme & une femme ca 
font beaucoup moins didipez ,&con- 
ièrvent , ce me fembic , bien plus 
long - tems l'amour qui a formé leur 
union. 

Le rejour que je fis à Cefarée me 
procura environ jo. Médailles , parmi 
Jefquelles il s'en eft trouvé de très ra- 
ies. Le premier Novembre je fus avec 
quelques petfonnes voiries dehors de 
la Ville du côté du midi. Après avoir 
marché un quart de lieue, nous troD- 
vâmes de vafles édifices tous de très 
belles pierres de taille. Les uns (ont bâ- 
lis en forme de tours &: finilTènt en 
dôme ■' les autres femblables à des paius 
de fucre , fc letiuincnt en pointe ; 



I 



FjIffr^cfHâ & antres lieux. 17 j 

Toicïle deffèin que j'ai fait graver. On 
me dit que ces monumcns venoient des 
Perfes ; & (ans doute ils tiennent de 
leur magnificence. Par dedans ils font 
tous revêtus d'un beau Marbre. Il y a 
quelque apparence qu'on les a bâcis 
pour des fepuUures ; car dans chaque 
on voit 2.).4..& même quelquefois cincj 
cfpeces de Tombeaux de Marbre blanc» 
Au rapport des gens du pais les Infcri- 
prions en font Perfanes J'étoisaude- 
fefpoir de ne pouvoir pas les lire , ni 
faire la dépenle d'y mener un Moullak^ 
elles donneroient fans doute de belles 
connoiiTances pour 1 hiftoire.de ce païs, 
dont les peuples nous (ont prcfquein- 
connuSyàplus force raifon leurs aâions. 
De- la nous avançâmes du côté du 
Ponant. Nous trouvâmes une Rivière 
qui, à ce qu'on me dit, fournit d'eaux 
toutes les Fontaines de la Ville. Nous 
la palTàmes fur de grofles pierres de 
taille , qui font en travers. Comme ces 
pierres ne fe joignent pas, l'on voit def- 
fous une eau claire & des plus fraîches.. 
Nôtre promenade nous mena infjnlîble- 
ment vers le mont Argeus. Il n'eft éloi- 
gné de la plaine de Cefarée que de demi- 
heure de chemin.Ceft une montagne d'u- 
ne hauteur prodigieufe , &c fur le haut de 

H iiij. 



' '"*' jcs pto "="" . i 

%"l "-"Tr jme on p«»| 



L'5 

^V ha 




Pjljfnque & autres lieux. \fy , 
fa longueur du tems» Ce caveau efl; 
quarré , il y avoit autrefois une porte ;. 
elle eftàprefent bouchée.U y a bien ve- 
rkablement une quarantaine de corps;&' 
je trouvai tout a(Tez conforme à ce qu'on* 
m'avoitdit de ces 40. Martyres ; mais 
on ne me put apprendre aucune autre 
particularité de leur hiftoire. Nous reC- 
fortimes avec plus de peine que nous 
n'en avions eu à entrer. De tous ces^ 
vieux bâtimens qui fans doute du rems 
des Romains ont été condderables ,. 
Ton ne voit plus que d'cpaiilès mu- 
railles ; le refte ne prefente que des' 
mines & des monceaux de pierres qui 
d'efpace en efpace font de petites mon- 
tagnes. J'en fis le tour fans y voir 
aucune Infcription. A quelque èX^ 
itance de-Ià nous apperçûmes d^autres 
ruines d une plus grande étendue : aufli 
eft^ce là qu'étoit l'ancienne Cefarée.. 
L'on y remarque par tout des ouver- 
tures fouterraines. J'eus la curiofité de 
defcendre dans pluheurs que je troui- 
vai conftme le caveau pleines d'oilèmens" 
& die planches de bierres rompues ou* 
pourries. La tradition du païs eft que- 
ce font des os de Martyrs, & véritable^ 
mène les lieux où ils fe trouvent ont 
aflèz Tair de catacombes. Ces lieux: 

H ^ 




I7S VojA^ dans fAjîe mntftre^ 
fouterrains ne /ont point diffèrens 1 
autres , foit qu'ils loienc faits de 
main des hommes , ou que la nature 
elle même le^ ait fabriquez. Tou: y eft 
bâti de bonnes pierres de taille , bien 
travaillé, & di (lingue mcme par quar- 
tiers & par chemins, de forte que l'on 
s'y perdroit prefque, iî l'on ne prenoic 
garde à foi. 

La Ville de Cefatée a été démolie 
qoatre fois & rebâtie autant, ce qui fait 
qu'on n'y trouve point d'anciens monu- 
mens n'y d'Infcriptions. Au rtlle il pa- 
roît que l'ancienne Ville ccoit abfolu- 
ment au pied du mont ArsrcuSjô; qu'en- 
fuite on en a éloigne les noi^velîes 
Villes , parceque la proximité de J 
montagne étoit canfe de quelque j 
commodité. J'avois refo'u d'aller à? 
fu.'jà Amaflc & à A4j.rafi ^^xxxxzi grand 
Villes éloignées d*.* celle-ci d'enviq 
7".ouS,joiJrnéeSi& l'on mefaifoicn 
efpercr que j'y trouverois beaucoup! 
Médailles. Mais la Caravanne de To( 
arrivant à Ccfarée , m'apprit ■ 
pefte ravageoit tous ces quartiersj 
changeai donc de rcfolution. 

Lorfque l'on 1 fçeut dans la VjJ 
que je voulois en fortir , toutes 
PuiJ^csj fixent leur poÛIble pour m'a 



rjiffriifue & AUtrer lieux. tjy 
blfgec à y demeurer. On me pro- 
mit de m'y donner tout ce que je (bu- 
haicterois , de me mettre dans une mai- 
fon encore plus belle que celle oà j'é. 
lois , & de me faire même avoir telle 
fille que je trouverois à mon goûc. Je 
remerdai les Emirs de ces offres qu'ils 
«oe faifbient fort honnêtement Je leur 
reprefentai que je n'avois plus de re- 
mèdes y qu'il falloir du moins que j'en- 
allaflè reprendre en une Ville où j'avois 
laiflé la plus grande partie de mes 
drogues. On me pria de revenir 5 je 
le promis j & ne laidài pas de faire'" mes 
adieux aux Emirs , fur tout à celui qui 
m*avoit reçu le premier chez lui. Il eflr 
peu de Villes où j*aïe eu plus d'agré'- 
ment qu'à Cefarce. Pendant mon (e- 
jour les Grands m'envoïerent tous les 
matins le M/;/,c'eft-à-dire toutes les pros- 
Tifions ncceflàires pour vivre , comme 
le ris , la vbnde , le bois , la chandeU 
le , jufqu'au fel & au poivre , plus cent: 
fois que je n'en pouvois ufer. Les fem-^ 
mes de leur côté m'envoïoient des g^ 
ceaux & des fruits. Enfin mon Emir 
dont j'avois guéri la femme de deux 
loupes qui l'incommodoient fort, m'au* 
rok comblé de biens, fi javois vouli» 
fefter : & la Ville me témoigna , par 




l8o ^"y^S.* ^^*" P-^fîe mineurr^ 
toutes les amitiez pofEbles , le re| 
qu'elle avoit de me perdre. 



CHAPITRE XIX, 



'jiyrUiie à hgffo». Karahi/dr ^ui ejî l'iris 
cienne faille de Cappadoce. Ns^etl/- 
Vefcripîion de et pets, Erei^. 
tagne fingHl'ure. 

COmme j'avois defTcin-ds vifiter 
quelque païs de la Caramanie , j'a- 
vois arrêté des Chîvaux fiour Nijiuedée, 
Nous marchâmes toujours dans la plai- 
ne en cotoïantdes montagnes, &nou» 
aiiivàires à crois heures de l'aprcfdînée 
* '"i?/"". Nous y logeâmes dans un 
Caravanfèrail chaimant tout de pier- 
les- de taille. Il y peut loger mille per- 
fonnes avec leurs Chevaux, llyadans 
U cour une fort belle Fontaine ; Se en 
"cneral Ton v trouve toutes les com- 
moditez que l'on peut fouhaiter. Ce 
Caravenferail doit {3 fondation à Ca- 
ra MuJIapha , celui qui mit le (iege de- 
vant Vienne- 

Nous en pariî!nes à onze heures du 
feir ; nous niarcliâmes tout le refte d^ 
'ibDiiicdaiis luië belle plaine^ Se SLi 



pointe do par ik>us noas troavâmcs h 
KMT^k: jcr.L'on m'aafliiréquec'ctouran- 
dénne Capitale de Capadoce : du moins 
eft-il certain qae c'écoic auKefois une 
Villedcs plus belles L'on voit par tout 
aux environs 'quantité de 'ruines de* 
Tcmpks , de Palais \ où les colomner 
les chapiteaux y les pieds-^i'eftaux y les 
corniches, les pièces de Marbre avoienc' 
iiè prodiguées-, & (ans ces ruines Ton 
n'en auroit jamais parlé. A ia forde 
BOUS trouvâmes encore une belle for- 
terefle bâtie fur la pointe d'un rocher 
• efcarpé ; c'éioit peut-eftre autrefois 
la Citadelle Des deux côcez nous 
marchions toujours entre des monta- 
gnes , & dans un vallon qui lerpentc 
Coûjoars , & qui fait ferpcnter un ruiC- 
fcau qui l'arroie & que nous traver- 
famés- plus de vingt fois. Le vallon- 
nous dura trois bonnes heures de che- 
min , & dans tout cet efpace nous vî- 
mes pltt(ieurs habitations toutes tail- 
lées dans le roc. Il eft diâlcile da 
déterminer à quoi fervent ou ont fervi 
ces lieux y on ne voit pas même de 
entiers qui y condui(ènt : mais appa« 
remment que les Habitans du pan nt 
f ignorent pas. Derrière une autre pe- 
tite montagne , fur laquelle on fin: 




iS't Voyage dans fAfte mïnturt, 

D blîgc de monter , eft une plaine de 
rrcme lieux de tour qui fe joint à d'au- 
tres encore plus vaftcs. Nous marchâ- 
mes quarre heures de fuitp jufqu'au 
Village de Myfly où ij n'y a prcicjue 
que des Clircliens. Nous en (oriîmes 
à deux heures du matin lans nous dé- 
tourner de la plaine dont j'ai parle. 
A onze heures nous aiiivàmes à Ni~ 
gHcdée. 

Un des Chcrifs de Cefarée m'avotc 
donné «ne Lettre pour le Bâcha ; je 
la lui portai » & lui fis prel'enc d'un 
couteau, Se d'une paire de cifeaux. li- 
me fit donner le caffé & la pippe , &: 
me promit fa protection pour tout ce 
qui dcpeiidroit dclui dans fa Ville & 
ailleurs, NigiicJce eft bâtie en dos 
d'âne. Son Château cfl au milieu , & 
dans l'endroit 1^ plus élevé. Elle a été 
coiiliderable autrefois i mais^à preient 
c'eft peu de chofc , & elle fi; détruit 
même tous les jours. Il y a un afTez bon 
nombre de Grecs & quelques Armé- 
niens fculemcr,t. Les deux Seâes y onc 
chacune leur tglife ; mais celle des 
premiers eft p'us belle & beaucoup 
mieux ornée. Niguedce n'a que trois 
Ëazards aflèz beaux ; tous les famedis il 
s'y tient un petit marché qui durejj 



i»g 



Fj^fncfue & attires Uemc^ r^ 
qu au Dimanche. Son terroir eft plei» 
de jardinage , ce qui rend le païs auflî 
agréable qu'il fe puiffe. Les collines 
d^alencour font pleines de fouterrains 
travaillez , qui relTemblent fort à des 
tacacombes : l'on m'alFura que fur les 
autres montagnes plus hautes & plus 
éloignées croiflent dès herbes forcfin-r 
gulieres pour la figure & les proprie- 
tez medecinales. Je ne trouvai dans 
cette Ville aucunes médailles j mais j'en? 
rapportai quelques pierres gravées:pouE 
des Infcriptions je n'en vis point. 

Le 29, j allai à Bore , Ville fort jolie' 
Il quatre lieue de Niguedce.^ Les Com- 
œandans voulurent m'inquicter pour le 
Carache. * Comme il n'eft jamais pafle . ^, ^ « 
de Franc dans ce païs , ils crurent avoir droit 
droit de me faire païer comme les au- 5j^- Pa- 
tres Chrétiens : mais je fus chez le; ànè-^ 
Vaivode « chez les Charachis , & '="* ^^ 
chez le Cadi pour m'en faire exempter, àans cet 
Ce dernier me reçût d'un vifage renfro- [f^^^^ 
gné,qui paroiffoit ne me promettre rien cinqpia- 
de bon : & je lifois dans toute fa con ^^'^" P** 
tenance une. forte envie de ne me faire 
aucun quartier. Mais la lettre du Kadi- 
lefquer de la Natolie que je lui mon- 
trai , & fur tout la qualité de Médecin^ 
qu'on ine donnoit V ^^ radoucirent à 




^4 ^oyAge dam l''^ fa wnem-f,- 
mon égard & tnc ticerejîc d'inirigue- 

n pafle au milieu de la Ville une Ri- 
vière ,. à laquelle on donne les trois 
à'EHfdint . Giole , & Chaux. On 
l'a coupée en plufieurs endroits poHC 
arrolct les terres ; fans cela elle fcroic 
afTcx grolTe pour porter bSteaU. Les 
Chrétiens n'ont dans Bore aucune Egli- 
fe } aufli n'y foni-ils pas en grand nom- 
bre. La Ville a bien une- lieuc & de- 
mie de tour : lès Bazards font afllz 
beaux 1 & le vin que l'on y fait ell ad- 
mirable ; j'y en ns une petite provi- 
Con. 

La. Médecine ne fut pas long tems 
fans faire implorer fcs fecours, LeVai- 
vode de Bore avoît un fils à Ere'j^le;:[ 
me fit prier de le venir voir ; & me 
pria etifuite lui même inftammcm de 
pafler pat cette Ville pour vilîter Ton 
hls , & le traiter dans ta. maladie. Les. 
chemins n'étoient pas bien furs ; & je 
fçavois qu'il y avoit dans cette route 
une trentaine de voicuts , qui retar- 
doienttous les vo'kges ; mais il me pro- 
mit de me faire accompagner par un 
de Tes gens ; & m'engji^ea fî nonnê- 
lement à Ini rendre ce iervice , que je 
pris la refointion de partir- Nous quit- 
tâmes donc Cote le deux de Deci 



:»>« 



al et Se ^M 

malgré ^H 
Villaee ^ 



r^ffri^ue & autres deux. 
bre. Nous niarcliâmcs mon vali 
mai pendant huit heures , & malgré 
la pluie jafqu a Qjt',cbe»iet, Ce Village 
étoit le rendez-vous que j'avoîs don- 
né aax deux hommes que le Vaivode 
envoioît avec moi. Je les y trouvai, 
& nous apprîmes que les voleurs y 
avoient paflc la nuit. Noos noas y re- 
polames quatre heures ^ &: de-là après 
cinq heures de chemin, toujours dans la 
plaine ,nous nous trouvâmes à Ercigic. 
Ce Cofubm * eft proprement une Ville '"«F"»' 
paffàble , mcrae d'une aircz grande ^"j'^j 
étendue. Elle n'eft pas defagreable ; ni Boutb. 
en dedans , où l'on voit d'aflêz jolis 
bàtimeiis ; ni par les dehors, qui font 



I 



pleins de jardins & d'ombrages. Dail- 



^pieurslc'ell un lieu fort pairantjl'ony vient 

^He prefque coure la Turquie. J'ytreu 

^Wai quelques Médailles te quelques' 

pierres gravées. Mais pour revenir au 

l'ijet qui m'yavoit amené : après avoir 

\ iljté & foulage le tîls du Vaivode, j"a- 

■ ■vois beau dire que je n'avois plus de 

^■temedes , je fus accablé de gens qui 

HSnïoient qu'il fufGfoic de voir le Mede- 

rin pour être guéris de leurs incom- 

:nfiditcz. A deux lieues de cette Ville- 

l'it une fameufe monragncappeilée 

^^WMiiA'a paru une brandie du. 



I 
I 



iï6 Voyage iamVAJîe mlneurn , 
Taurus. Elle eft eftimce par les herBe)^ 
fîngulicres qu'elle produit. Il y en a une- 
encre autres qui dore les dents des mou^ 
tons & des chèvres qui en mangent. Je 
pourrois montrer toute une mâchoire 
d'ijn de ces moutons , que fen avoi» 
apportée, fi les Corfaires ne meja- 
▼oient volée avec beaucoup d'autres cu- 
riofitez. On m'a afTuré qu'il s'y trouve 
quantité d'autres fimples auffi particu- 
liers : on mcp-arla fur tout de quel- 
ques-uns qui reluifcnt la nuit & illo- 
minent cette montagne comme fi c'étoie 
de véritables chandelles. L'on me rap-- 
porta pluficurs autres particularitez de 
cette montagne : mais je les pafic fous 
fîlence \ & Ton croira mcme des chan- 
delles ce que l'on voudra , parce que 
je ne les ai pas vues moi-même. Les 
Turcs qui gouvernent la Ville d'Erei^ 
gle , font tous Cherifs. Tous les fame- 
dis il s'y tient un grand Bazard \ 6c les 
Cherchis en font beaux Se prefque tous, 
couverts. 






Fjlfnquc & autres Ueu^. j^f 



CHAPITRE XX.: 

Afrivie à Cogne, RijoHif^.ince fui $*y fltif^ 
Defeription de la faille : fi^H^e d' Her^ 
chU j Tombeaptx de Mo Mac Onker. 
Hifloiredn Moullac , & de l'Evê^Ht 
Epfepifon ami. Tradition des Chrétiens 
du px'h là^Ufui^ contraire a C^o^inion 
des Turcs. Infcriptions. 

DE cet endroit je voulois me ren- 
dre à Cogne. Je partis dans ce deC- 
fein le (îxiéme à onze heures du matin 
avec mon valet & un guide pour nous 
conduire. Nous fûmes près de deux heu- 
res à traverfer les jardinages. Enfuite 
nous entrâmes dans la plaine , où nous 
appréhendions fans ceflè d*être attaquez 
par des voleurs. Après environ fept 
heures de marche , nous rencontrâmes 
des ruines qui patoiflbient avoir été au- 
trefois quflque chofe de confîderable. 
Deux heures après arrivez à Carahopt» 
nàrs nous allâmes nous loger dans uti 
grand camp , où il ne fe trouva per- 
fonne que nous. Il y a dans ce païs 
plufîeurs camps femblables , que les 
Grands Seigneurs oxxt fait faire pout: 



I 



aoi- 



Vayd^t d4ns VAfte rriintnvr^ 
loger les CJfficiers de leurs Armées, lorf- 
qu'clles y palTeiu. Dans celui oïl nous 
étions, il peut tenir looo. petfonncs 
avec leurs chevaux, il y en a quatre de 
même grandeur dans cette Ville. Com- 
me il étoit tard nous ne trouvâmes 
jKMnt dequoi donner à manger à nos 
Chevaux ; noiH décampâmes donc deux 
heures avant le (jour, & nous marchâ- 
mes dix heures de fuite , toujours dans 
la même plaine » (ans trouver ni habi 
tation ni aucune ame, Scm'nii g: " 

lage oit r.nous entrâmes enfuite, coi 
penfe abondamment cette longue fol 
lude , par le nombre de fcs KabiianStf 
. Le Connacy ell fort propre &:nous y 
primes agréablement nôtre repos. Pattis 
de-là deux heures avant le jour j tra- 
verfint tsûjours cette large plaine, nous 
marchâmes plus de deux heures fanslvoir 
aucunes maifons.tlyaàlaverité des Vil- 
lages à droite & à gauche ; mais il au- 
roit fallu s'éloigner du grand chemin 
de plus de trois heures. Cogne eft ptcf- 
que au bout de la plaine. En y entrant 
nous en vîmes les rues tendues de ta- 
pis, & tout le peuple en joïe& en tu- 
iTMilte. On y celebioit une Fête pouiU 
nailTance du premier fils du grand Sei- 
gneur Sultan Achmct. Je fus d'aboi 



Tjiffnque & autres lieftx. \i^ 
tme loger dans un camp a(Ièz propre; 
jêftfuice j'allai me promener par la YiU 
le, pour en voir la magnificence. Se- 
lon Tordre du Grand Seigneur la Fête 
dévoie durer dix jours , & il y en avoic 
déj^ cinq de padèz. 

On avoic orné coûtes les boutiques 
des plus belles étofes : les camps écoienc 
aufli tendus ; ScTon y avoic mis fur de 
grands tapis des fabres, des fudls, des 
piftolecs y & même des rondaches , des 
arcs , des flèches , & toutes forces d'ar- 
mures anciques. Cette Fête à mon 
avis reHèmbloit a(Ièz à celles que don- 
noient les Anciens Romains pour les 
réjoiiiflànces publiques. Chaque corps 
^toit obligé de fè tenir (bus les armes^ 
& de faire une marche par toute la 
Ville avec les marques chacun de fon 
art & de fbn métier. J'y vis pafler les 
Boulangers dont quelques-uns au bouc 
jAt leur pèle à four portoient une ban- 
nière ; d'autres tenoient un moulin ; 
d'autres des bluteaux,& enfin plufieurs 
des morceaux de pâte.Peu de tems après 
payèrent les tailleurs : ils marchoienc 
aronez » & faifoient comme deux haïes: 
aumilieu d'eux étoic un brancard porté 
par deux mules , fur lequel deux hom. 



I 



mes aflîs fai/oient fembUnt , l'un de 
couper du drap, lanire de coudre. De- 
vant & ilerricre on voïoir plulîeurs 
bandes de niafqucs, déj^nifez de cent 
{bues différentes , danfans & faîfant 
mille poUurcs au fon des tambours, 
des hautbois , & des trompettes à !a mo- 
de du pais. Toute cette troupe pouf- 
ibit en marchant des cris de joïe,,qai 
retenciiïoieni dans toute la Ville, Les 
autres corpf de métiers firent cnfuite, 
ou avoient déjà fait le même manège Les 
boutiques parées comme je l'ai marqué 
reller^-nt ouvertes pendant toute la nuit. 
On fit dars toutes les lues de petits 
feux, l^s uns dans des terrines , les au- 
tres dans des recliaux emmanchez au 
bout d'un grand bàion : il y eut aufli des 
illuminations aux mailbns les plus ap> 

f latentes; & le peuple pouiîoit dans tous 
es quartiers des hurlemens continuels, 
qui dureront auiantque les feuxic'cll-à- 
dire toute la nuit. Ces fortes de FÊtes 
s'appellent ^inm ou Diitlarnal. 

Le II. je fis le tour des murailles. De 
trente en trente pas elles lont flanquées 
de Tours quarrces , bâties des plus groC- 
fes pierres de laitle. Chaque Tour a 
au milieu fur un beau Maibte blaoc 



r^^ffri^Hâ & autres Veux- i^i 
«ne infcnption Ar^ibe, fans douce eu- 
rieafê & capable de donner quelque 
connoiflance de l'hiftoire: mais il auroit 
h\\\x avoir un MouUac , & faire pour • 
les copier une dépenfe qui écoic au deC- 
lus de mes forces. On voie à plulieurs 
Jes Lions & des Aigles ; & fur queU 
4]ues-unes des figures humaines. Pro- 
che une porte , nommée Adamtache 
Capi , il y aune figure gigantcfque , qui 
reprefente Hercule appuie fur fa maf- 
fbë:il n'a plus de tête; mais il paroîc 
avoir été fait par une main habile & 
d'un grand goût. Cogne a un Châteauf 
mais il eft fort petit, &peu de chofe : 
fes murailles tombent en ruine en pla- 
ceurs endroits. ]e mis une heure &c de. 
mie à faire le tour des murs de la Vil- 
le, en marchant mêmea(fez vite : les 
dehors en font parfaitement beaux par 
leurs arbres & leurs jardins. Il y a ou- 
tre cela , les faubourgs , qui font aufli 
très'peuplés & qui valent bien ce qui 
eft dans l'enceinte des murailles. Les 
Arméniens y ont une Eglife affèz bel- 
le ; mais à peine font-ils 400, Les Grecs 
font encore moins , leur Eglife eft fore 
petite 5 mais en recompenfe elle eft an- 
tique 5 6c conferve un modèle de lan- 
cienne architedure. 



Le 14, les Janiiîàires firent leur mar- 
che j ils étoient environ trois cens tous 
armez, & chaque compjgnic avoitfes 
Officiers à fa tête. J'en remarquai plu- 
fieurs qui menoienc avec eux des EC- 
claves enchainés : par là ils preten- 
doient faire valoir leur bravoure & té- 
moigner qu'ils avoient toujours ctévi- 
florieux-L'aprefdinéejefus vifirer le fa- 
meux Tombeau du Moullak-Onker : il 
eft diiis un lieu qui par fa figure rcP- 
femble affez à une Mofquée , Se dont 
l'Architeftute eft des plus belles. L'on 
y voit plufieurs autres Tombeaux , qui 
font couverts de riches étoffes' ; 
mais celui du Moulac avec un autre qui 
eft à côté font fans comparaifon les 
plus magnifiques. Ils font tous deux 
revêtus d'un beau velours tout bcodc 
d'or : tous deux ont un gros Tuiban 
verd à la tcre de ce qui reprefente U 
bierre : enfin on les a entourez par 
le bas d'un balîuftre d'argent doré ,& 
en haut de plufîeurs belles lampes d'or 
mafÏÏf, dont une entre autres pefe treize 
ocques : la broderie du dr.Tp eft auOi 
d'une grande beauté. J'avois avec moi 
un Prêtre Arménien qui me faifoît re- 
marquer toutes CCS magnificences, ^e 
éien, dit-il, lorfque j'eus tout vu , '/j' ' 
fini 



^^^^^tj^fn^Hi & autres It 

fkrts doute encore guil^ue chofe m fèuhaii. 
ter ki pour vous ; & vôtre efprit encan 
plein lie defirs , { comme c'eft l'ordinaire j) 
sprès fHt voi yeux fout content , voudrait 
^u'on lui dpprît ^Hcl ejt le Tombenu ^ui 
V» pour mnft dire de pair avec celui dit 
AiêulUk^ : croirie'^-vous ijù'ii efl d'un 
Chrétien mêlé de cette manière & confon- 
du pur/ai les Infidèles ; Mais U faut vous 
en dire U rai-fon ; & je crois (jue Chijtoire 
fie vous en fer» pas def.tgrciîble, 

■Du rems du MouDafc-Onker il yw 
Oil un Evêque nommé EpiepL II « 
pit de l'efprit , étoit fçavanr , &« 
ec cela honnête homme 6c bon « 
ctfui- Le Moullak aimoit auffi l'écu-" 
de ; la fcience l'aianc charmé , il « 
paflbic agréablement fon lems à lire « 
ou dans la coiiverfacion des fç ivans. « 
Delà on psut juger qu'ils firent bien « 
vue une amp'e connoiiriuce ; & que « 
la conformité d'humeurs liacatve^ux" 
l'amiDc la plus parfaite. La confian- « 
ce qui fe mit de la partie , en fcrta « 
fi étroitement les nŒuds , que dans « 
la fuite ils n'eurent plus l'un pour « 
l'autre aucun fecret. Le Moullak prit « 
un jour la refolution défaire le voia- « 
ge de la Mecque- Vous fçavez que « 
c' eft une des premières marques de « 
^H Tome I. I 



encore ^| 



I 



194- vn^i^éÉiitigjffummiiirf 

M la pieic parmi les Mahomeiafis ; & 
» le Moullak comme je vous l'ai dit, 
w étoit un cœur droit dans fa Religion , 
j> auflî bien que pour le monde. L'E- 
(t vcque Epfepi écoît attaché à cette 
» Ville par fou mimftere •, aind fon 
Il ami ne pouvoic cfperer de l'avoir 
M avec lui , pour foulager les ennuis 
w de ce long voïage. Mais , perfuadé 
M qu'il ne pouvoir mieux s'adrcllec , ii 
M voulut lui lailTer ce que l'amour mè- 
» me lui avoir donné de pins cher ;& 
n après l'avoir prié d'adminiilrer pour 
» lui la juftice , il le conjura auiu pat 
» les facrés noms de l'amitié , d'agréer 
» le foin & la garde de fa maîfbn, 
*i Epfepi jugeant que ce feroitpout lui 
>t une choie fort onereufe , S: prévo- 
wyant en quelque façon les malheurs 
n qui en pourroient arriver , fe dcfftn- 
w dit long^rems de cet emploi : Mais 
H que refufe-t-on à un véritable ami î 
« éc eft-il jamais peine qui coure , lotf. 
M qu'on la prend pour les intérêts d'un 
«autre foi-nième î Le Moullak étant 
j) près de fon départ , l'Evèqne lui fie 
» prefênt d'une petite bocte , Se le pria 
M de la faire mettre en fcureté jufqu'à 
« fon retour. Epfepi gouverna donc la 
)) maifon du Moullak & toute la \à" 



1 




I Tjljfriefut & Mxtres lieux. .g$^ 

Le -, faifant'obfervct les loix avec 
c'xaftimJe , &tcmoignani dans tou. 
tes les occafious une grande in. « 
tegrité. Mais comme vous fç3vez,a 
mener une vie fans reproche n'eft pas n 
quelquefois un bon moïen de plaire. « 
La jufticc de l'Evêquc lui attira beau. <f 
coup d'ennemis fur les bras j & les « 
gens du Moullak furent les premiers « 
a confpirer contre lui. Ils jurèrent» 
fa perte: & perfuadez qu'il n'y avoit « 
point d'amitié qui tînt contre lesac-« 
cufâtions qu'ils avoîent préméditées; « 
ne pouvant alors venir à bout de leur « 
mauvais defTein , parce que leur ad- u 
verfaire avoit en main toute l'autho-cc 
rite , ils n'attendoicnt que le retour « 
de leur Maîicc pour le faire pcrir, « 
Voici donc ce que leur infpira la hai- « 
ne implacable qu'ils avoient conçue i» 
contre lui. Au bruit de l'arrivée du « 
Moullak toute fa maifon fut au de- » 
vanc de lui. L'Evêque ne fut point « 
des derniers à aller voir unamiauCin 
intime : ils s'embraffètent mille fois ; « 
& après mille carefles , qui renouvel- « 
loient en quelque façon leurs prote- « 
ftaiions de s'aimer juiqu'à la mort, le « 
Moullak fut tout furpris d'entendre « 

^Sgi domeftiques débiter de l'Evêqi 



t^S Vajage dans ^Afîe mineure, 
I' des infamies , dont il râvoît toujours 
» cru incapable. Néanmoins ils conci- 
»> nuoient : Qitti Seignenr , lui di/bicnt- 
« ils , poitvez-vaus traiter d'u^e muniere 
n fi honntie le fins traître de tous Us 
n hommes ? foui ne fçnvt'^^ donc pÂS eju'U 
n voHi a fuit mille infidélité^ ? £ncore s'il 
n s'était contenté de f*ire de U peine nu 
M Peuple ^iti vous ejî fournis , & ft vos do'. 
n mefiiifues : mais ^ue paff4nt peur vôtre 
» ami , il n'ait peint eu de refpeB ni pour 
a vos Efclaves , ni pour vos fimmes : iju'il 
u ait_ même porté fon ifjfilfncejuf^u'a vS- 
M tre tnere^ pourrif'^^viHi le lai pardonner ! 
n Et ne merite.t-il pas le dernier fuppliçt} 
» L'impudence eil: plus forte que l'on 
jj ne s'imagine. Ilsaffurerenc ces repro- 
«ches iî unanimement & avec tant de 
u rermens,t]ue le Moullak commença, 
» quoiqu'avec répugnance, à douter de 
H la fidélité d'Epfepi. Mais quelle fut fa 
«furprife , lorfqu'entré dans l'appar^ 
» cément de Tes femmes, il les viitou- 
Mtesfe jettera fesgenouKjlui demander 
»» juftice ; lui dire quel monftredebru- 
» taliié il avoir donc laiflc à fa place; 
u enfin lui confirmer d'une manière cn- 
)j core plus precifc tout ce que les au- 
H très avoient avance contre l'Evêque; 
» Ce futalors que le Moullak abulgai 



Pj^i^ke & autres lieux'. tf^ 

ment prévenu fe livra tout entier à fa m 
Colere,& dit mille fois : mrtmn iln'efiu 
point de fidel 4mi , il n'en e(l paini & « 
«'en fui jamais. Plein de fureur & « 
comme defefperé il ordonna fur le « 
champ , que l'on prît Epfepi , & qu'on" 
lui allât pubtiqueqient trancher la tête." 
Quelle noui^elle de la part d'un ami« 
à un autre qui l'aime toujours ; qui m 
lui a rendu amant de lervices qu'avoic* 
fait l'Evêque au Moullak, & qui pat" 
dell'us tout cela connoîc fan innocen- " 
ce! L'infortuné Epfepi traîné au fup- " 
plice comme un criminel , après n'a- " 
voir fait que du bien, voulut néant- « 
moins faire connoîtrela droiture de fon'« 
cœur. PalTànt donc dans la cour du « 
MouUak , d'un air de courage , mais « 
knguiltànt , il s'écria qu'avant que de " 
tnouririlavoit un mot à dire auMou!-" 
hk. Celui-ci croit à un quiotlre avec <« 
les Grands de la Ville : ils le coiiju- « 
tereni d'accorder cette grâce à Epfepi. « 
Après quelques termes injurieux que « 
foit indignation lui fit encore lâcher, « 
îl le permit à leur coniîderation. Lorf.« 
que les Gardes qui Tenvironnoient " 
l'eurent amené en faprefence,il lui dit" 
en furieux : fJe bien r^ahre rjiie veux ru? a 
Epfepi répondit d'un ton nioHc*fle,/rf n 
I v\ 



19 8 Voytgedam t AfiemlMttre, 

M ho'èie ejut jevom at donnée , Uy/^Ht vont 
n étie'^prefttieparrirpourvôir-evoiitge.Le 
M Moullak l'envoïa quérir ; ouvrez-Uy 
j) dît encore l'Evéque accablé de trifteC 
» fe ; & ^«rfejue vous aureK. vit ce f Ht j'y 
t> ai mis^je mourrMt fans regret. LeMoul- 
» Iak la £i ouvrir , mais il fat bien 
» étonné lorfqu'il y vit les parties na- 
jj turelles d'un homme. L'Evèque fans 
içon lui en montra la place , & die 
* toot haut en fe reioucnani vers les 
w exécuteurs : Menel^moi maintenant à 
»U mart: je tai meriiée, pu'ififue /'avais 
M crû trouver un véritable Atm, Onkcr, le 
M ccEur percé de douleur , fondant en 
M larmes , & le vifage collé fur celui de 
« fon ami , lui demanda mille fois pac- 
» don ; le conjura au contraire de vivre 
>t pour lui voir reparer fa faute pat dea 
H témoignages de l'amitié la plus (in- 
>i cere : enfin il lui protefta qu'il alloic 
w fur le champ le vanp;et de ceux qui 
»avoient cû La hardietfe de l'accufer. 
«Mais l'Evcqueprialoi-même pour ces 
o malheureux , & demanda au Moul- 
» Iak leurvie comme la première preu- 
n ve de leur arnîtié rcnouvellée. Ce ne 
» fut qu'avec peine qu'OuKCr fe rendit. 
» Il dit enfuite à E^fepi qu'il l'aime- 
«> roit ctefnellemem j qu'il ne voalott 



t^ffrît/ue & Autres UetiX. 199 
pas même après fa mort être feparéM 
de lai 2 il lui fie même promettre de « 
fè faire enterrer auprès de lui , s'il « 
mourroit le premier. Onker mourut <• 
fè premier ^ & à fa mort il laifla des « 
ordres (1 précis de mettre le Tombeau « 
d*£pfî?pi auprès du fien , lorfqu'il <f 
viendroit à mourir , que malgré la « 
différence des religions^ ces ordres ont <« 
été exécutez y & les corps des deux ^ 
amis réunis après leur mort. <« 

Mon Arménien ajoûu que les Turcs 
ne vouloient pas convenir qu'Epfepi 
fik un Chiênen , mais que cela ctoic 
certain. Il eft vrai aue c'eft la tradi- 
tion du païs ; & la chofe, comme on la 
vient de voir , ne porte en cela aucun 
caraâere d'impoflibilité. Je fçeus en« 
corc de lui , que les autres Tombeaux 
font des proches parensdu Moullak. 
Ce lieu eft delïèrvi par des Dervis -, & 
c'eft à proprement parler un Convent. 
L'on y montre tous les Vendre- 
dis , comme des rarecez , les delTcins 
de la Mecque , du Temple de îeru- 
falem , & autres chofes femblables 
qu'on pourroit appeller les Reliques 
des Mahometans.On verra à la fin nom- 
bre 58 & 39 deux Infcriptions que p 

UQUvai dans la Ville. 

I» • • • 
ni) 




Soo Voyage dam tjifie m'tnenrt ,' 

Le 15. Décembre étoic le dernier 
jour de la Fêre dont j'ai parlé : il fe palTà 
comme les premiers , & la fête finit 
par un grand nombre de coups de ca- 
non : ce fat la lèale chofe qui diftingua 
ce jour de tous les autres. Pendant 
tout le tems de ces réjoUilTances ,* il y 
avoit eu des gardes pour avoir foin des 
illuminations. 



CHAPITRE XXI. 



M 



Smti dHvoiage. ^nfoura, ScHtari. Rett 
à Confiamimple. 

LE 10. Décembre refolu de retoi 
ner à Conftancinople je partis de 
Cogne avec ua guide feulemeiiP. Après 
avoit marché douze heures dans I2 
plaine, nous arrivâmes à DedeUr^^xos 
Villags plein d'iiabicans affables ; qui 
me firent mille amitiez pour hono- 
rer la Médecine. Nous en fortunes le 
vingt-unième , nous marchâmes neuf 
heures, Se nous nous rendîmes & Tnfgil. 
Xe 12, levez deux heures avant te 
jour , nous marchâmes pendant huit 
heures jafqu'à pACaiile , Village habité 
par des Turcomans. Le lendem; ' 



1 



tjlff/njuc & autres lieux. io| 
après (ept heures de chemin j'entrai 
dans Inlbu ■ ce Village eft bâti au mi- 
lieu d'un vallon très fertile , où 
paflent pluCeurs ruifleaux, Julque-là 
je n'avois eu dans ce re^br au- 
cune mauvaife rencontre ; mais le ij, 
fut pour moi un jour d'inquiétude. 
Partis du marin , nous maniànies d'a- 
bord pendant plus d'une heure uns 
montagne fort haute , d'où nousredef. 
cendimes dans la grande plame. Là 
nous nous ço.irâmes de nôtre chemin, 
& après cinq lieues fatiguantes nous 
nous arrêtâmes à un Village au pied 
d'un autre montagne. Nous y trouvâ- 
mes tous gens qui refufoieni abfolu- 
ment de nous loger. Apparcmmeniquo 
l'on nous prenoii pour des voleurs , 
dont il y a toujours un grand nombre 
dans ce pais. Cela me fit faire reflexion 
au proverbe , qu'// n'y a rien tjui reffcm' 
bief lus a un fi-ïpon i^u'un honnête hom~ 
f»e. Cependant à force de les prier & de 
leur offrir de l'argent j ils nous receu- 
reni. Nous n'y eûmes pas été une hea- 
re, qu'il y vint fix Turcomans à che- 
val , & armez de leurs lances : je ma 
doutai qu'ils nous avoient apperceus, 8c 
■ne leur delTèiuétoit de nous devalifer. 
~wà n'eus que le tems de prendre me» 




iot Voyage dans tAfte minem-e , 
deux piftolcts pour m'oppofcr à leuc 
■violence. Ils voulurent enrrer de force 
dans la maifon oil j'étois : mais lorH. 
qu'ils virent que je me mettois en de- 
voir dUtirer fur eux , ils me prièrent 
feulement de leur donner du caffc : je 
leur repondis que je n'en avois point. 
Enfuite ils mcdcmantîercnt du tabac ; 
je leur refufai aulïï , & de l'air le plus 
cffiontc. Leur r^ge leur auroit pu faire 
peut-être tenter quelque chofe j mais 
aïant remarqué qu'on me mettoit un 
fufil auprès de moi , ils fe contentè- 
rent de me menacer pour le lende- 
main. Nous fermâmes bien lamaifon ; 
& nous y paflàmes la nuit j on peut 
conjecturer que ce ne fui pas toujours 
en dormant. Nous en fortîmes dès la 
pointe du jour ; & après fept heures 
de marche nous allâmes prendre du re- 

fos dans Ch^tcale ; ce Village eft (îrué à 
entrée d'une haute montagne. Nous 
le quittâmes deux heures avant le jour; 
nous n'en avançâmes pas plus : car 
après nous être cj;arez , pour comble 
de difgrace , il fit jufqu'au lever du 
Soleil une gtofle pluie qui nous mouil- 
la & nous fatigua horriblement. A Ja 
faveur de la lumière nous reprîmes nô« 
tre route. Nous entiâmes dans des 



tyfffri^ui & autres lieux. laj 
vallons que nous traverQmes, nuCR biett 
que des montagnes foti hautes , à U 
defcente defquelles nous vîmes Ansou- 
ra , où nous arrivâmes afrèslèpc neu- 
res de marche. Jc(êjoucnai dans cène 
grande Ville jufqu'au quinze Janvier de 
l'année 1706. 

D'Angoura nous mîmes deux jours 
pour nous rendre à SdhX^r. Le 17. 
a la pointe du jour il tomba quantité 
de neige ; nous ne lailTàmes pas de 
marcher fix hfures de fuite. Chanre- 
vis où nous nous arrêtâmes eft un Vil- 
lage fort gros , oïl il palTc une Riviè- 
re nommée AUdan qui le tend alTèz 
agréable. Le iS. levez feulement à fix 
heures -, pendant fept,nous marchâmes 

Iéfque toujours dans des montagnes. 
:rivé à un gros Cafabas nommé iVd- 
itwp, j'y couchai : l'on y trouve d'ex- 
cellent vin. Nous n'en partîmes le len- 
demain qu'à huit heures. Ce jour là 
nous ne vîmes qu'une belle vallée en- 
tre deux montagnes fort hautes & fiort 
belles , pleines de toutes fortes d'ar- 
bres de haute futaie, & fur tout de 
faptns d'une grandeur extraordinaire. 
A trois heures de l'aprefdinée nous ar- 
rivâmes au Cafabas de Qnejîebet. L'on 
Kloge dans un camp fott vaCle , Se 
l vv 



1 



J 



I 



104 V'eyÂge dmt tAjîe mlnmrt, 
l'on y mange des meilleurs chapons; 
le bois fur tout m'y parut à bon mai 
ché ; puifquc pour un paras l'on 
donne ta charge d'une bourique 

Le lo. nous partîmes à la pointe 
Jourrnôire chemin futtoujours par des 
bois & fur des montagnes, Aprcsneuf 
heures de marche, nous iogâmcs dans un 
petit Cafabas appelle Cifimki, Sortis 
fle-làdès cinq heures, au bout de deux 
nous paflames dans le Cafabas de Sta- 
radi , fans nous arrêter. Une marche 
ée quatorze heures , dont trois furenc 
emploïées à la defcente d'une feule 
montagne , nous mît dans Queve autre 
Cafabas plus fameux , & célèbre fur 
Cout par la bonne farine cjue 
trouve. Le pain du Grand Seigneui 
toujours fait de cette farine; & verii 
blementl'ony mangedupainadmir, ' 

Le i. Février levez à fcpt heures 
commençâmes à cotoïer fa Riviere-j 
2<Mn'- J'en ai déjà parlé^je ['avois pal 
ailprès d'Efkicher : n^ai5 ici plus prèsj 
fon embouchure, elle eft auflî bea 
coup plus confiderable , Se pourn 
■porter bateau. Une heure & demie 
après, nous lapafîàmes fur un Pont de 
pierre fort beau , de cinq grandes arcft-. 
des : il y en a une fixicme plus petïl 



i 



Pjlffri^ue & autres Ueux. lOf 
mais fans éaa^&qui ne fèrtque JansF 
ies debordemens. Nous marchâmes en^ 
Core deux heures le tong du Zéicarî t 
enfttice encrez dans un bois de haute 
futaie appelle Niche a^ache ; nous y vî- 
mes au pied d*un mont efcarpé les 
ruines dune ancienne fortereuè : on 
l'appelle a prefent Cnban cslaichy. Le 
bois à bien deux lieues de longueur : le$ 
chemins y font mauvais ^ & la montagne 
de Chahanchy qui vient enfuite & qui 
cft fort élevée & Fort difficile, achevé de 
laflèr les voïageurs. La defcente feule 
nous tint une demie heure ; & nousr 
fûmes heureux de trouver au bas utt 
Ca(àbas du même nom pour y prendre 
quelque repos. Chabanchya plufieur* 
camps fort beaux : apparemment parce 
que c'eft Tabord des caravanes qui vont 
àConftantinopIe & de celles qui en vien* 
nent.Nous en fortîmes à 6 heures du ma;- 
tin^& nous marchâmes toujours dans une 
grande foret jufqu'à une lieue de Nico- 
medie , oà nous arrivâmes à quatre 
heures de l'aprèsmidi. Nous logeâmes 
dans un camp ; & quoique j*y eufle 
des amis , je ne m'arrêtai à voir per- 
fbnne. Nous en fbriîmes te lendemain 
dès fix heures : jufqu'à huit nous co- 
toïâtnes la Mer -y çnfuite nous paf]^ 



I 



an î 



i 



tes ^9fi^iém fAjtf »wft^, 
mes une haure montagne, & nous en- 
trames à quatre heures du foît à GehlT^^ 
Village fort beaiî & des plus con(îde- 
rables, Le lendemain nous fie voir ceux 
de i^uemede & de Pendib^^ & nous mit 
àC^rf<ï/qui eft fur le bord delà Mer. 
Partis de Gartal àfept heures du matin, 
fur le midi nous arrivâmes à Scutarl 
j'y pris une Caique pour palTèr le 
nal de rHelefpom, & me debatquei 
Topana-les-Conftantinople. 

Cfi Chapitre aulïï bien que le pre- 
mier déplaira lans doute aux peifon. 
nés qui dans de femblablcs levures 
cherchent feulement à fe divertir: mais 
elles doivent -confidercr que ce n'eft 
paspourmojuneraifonde l'oinettre. Ce 
qui ne les rejoiiira pas , fi elles n'ai- 
ment que leurs plaifirs -, fera mile à 
d'aurres qui voudront avoir une con- 
noiflance plus particulière des lieux de 
CCS Provinces. Il ne fe trouve pas tous 
les jours des Voïageurs qui comme 
moi , veuillent bien les parcourir pi 
perfcdionncr les Cartes ; 8c j'efp 
qu'au moins nos Géographes m'en; 
ront quelque obligation Aurefted; 
tout ce voiage de la Natolie & 
de la Caramanie , allez long cona- 
me l'on a yû , ma vie attaquée bi 



m 

:nail^H 

edah^^ 
& 
ona- 
bii^H 



P^Jfrl^He & MHlrti fieux. xo'f 

des fois fe trouva moins en danger 
que dans le trajcc de rHelcfpont. Le 
temps devint tout d'un coup fort gros; 
!a Mer s'agita horriblement ; le timon 
da Caïque fe rompit , ôc nous penlz. 
mes cent fois cire engloutis fous les 
flots : mais grâces à Dieu je pallu ^ 
leufement. 






CHAPITRE XXII. 

'.ttrrivét i Cotiflamineple. Mort du Sa* 
chs Adrdmam, Coutume pour le fin. 
Entrée de C Ambajfadtur de f^enife. 
JS!AlJfance d'un Fils du Grand Seu 
gmHr. 

JE rentrai donc dans Conftantinople 
avec un p!aifirfenfible;maisnos Fran- 
çois qui avqient fçA mon départ [four 
les pais d oi^ je venois , m'v reçurent 
comme un homme qui venoit d'un au- 
tre monde, lis ne pouvoient prefqae 
s'imaginer que ce fut moi ; perfîiadez 
qu'on ne va dans ces lieui-là que pour 
mourir. En arrivant je fus iâîucc M. 
l'Ambafladcur : il fut comme les au- 
tres dans une agréable furpiife , !orC 
o'il m'appcrccut ; & il me donna lot 



I 



'tôt fofi(^â^i^ tj^jîemimhr, 
le champ des marques d« fa joie rtc 
me revoir après une courfe Ci pcnible 
& (î daiigcrcuic. Véritablement le voia- 
ge de la Natolic pafle à Coii(l:.incinD- 
ple pour une enirepnfe au delTiis dcj 
forces humaines ; & il y a cci fi ] 
de François , qu'on ne croit pas ortl 
nairemeuE qu'ils en puiirenc reveof 
Mais peu de ^cns Tçavent voïager )■ 
ce n'cft pas anurement le lieu oïl j'» 
été le plus maltraité. Je contai à S 
Excellence en peu de mots tout le cli| 
juin que j'avois fait , une partie 
dangers que j'y avois courrus , Sc\ 
que j'y avois vu de plus rcniarquaWr 
Ce jour là Elle m'apprit la mort d'Adi' 
jnaiic Capitain Badia , dont j'ai i 
lé au chap, 6. Le Grand Seigneur < 
noit de le faire érrangler ; & ce c 
y a de plus afi'reux , c'eft qu'après 
ion' mérite pour la Me» l'avoir i 
vé à une lî haute fortune, on l'en a 
fait tomber mali^té fon tnnocend 
pour un malheur oil il n'avoit aucD) 
part. Ses ennemis eurent la nialjcd 
mettre le feu à un des ma^azins 1 
l'Aricual. Chez le^ Turcs c'eft une c 
lume à laquelle on ne déroge poi 
qu'autn tôt que le fiu a pris d.ins qiil 
que quartier de la Ville où fc troj 



Fj4ffnque & autrel Vieux. xog 
le Grand Seigneur , il s'y tranfporte 
dès qu'on Le fait avertir. Il vint donc 
à celui du magazin , te demanda qui 
l'y avoii mis. Les envieux d'Adramanc 
dirent auilî-tôt que ce ne pouvoît ctre 
que lui : Seigneur, Seigneur^ crièrent ils, 
("efl ce iaoHr d'Adramant, Onfçatt ^uel 
il efi , & (es mauvais dépeins fur voiis,f^ 
entre tous les Mufitlmans : fi l'on n'y met 
ordre , ilnemam^nem pas de brûler bien- 
tôt le refie de vos magaz-iru. Le Grand 
Seigneur , trop facile à Ce lailTer pré- 
venir , entra dans une fureur qui lui 
fita la raifoJi , Se ne lui permit pas de 
diCcerner ce qui partoit de l'inimitié 
d'avec une accufacion légitime. Sur le 
champ & fans autre forme de procès, 
il le condamna à la corde; & cet or- 
dce cruel fut même exécuté avant que 
le feu fût entièrement éteint. Aînfi pé- 
rit ce généreux Capitaine, Son éleva- 
non de la vile condition de mouiTc à 
l'on dis premiers emplois de l'Empire, 
& fa mort la plus ignominieufe qui 
fut jamais , font des preuves de la bi- 
zarrerie de la fortune ; ou pour parler 
plus en Chrétien , des fecrets impé- 
nétrables de la providence. Lorfqu'il 
foriit de Marfeille , fa baflefTe (ans dou- 
' lui permettoit pas de porter fei 



k 



vues jufqu'à une cliargc (î étevce : mais 
auflî loiftju'on l'y fit monter , conioii- 
il que ce n'étoit qu'un degré , d'oil en- 
fane on dffvoit le précipiter avec hon- 
te , & pour fatJsfaite Tes ennemis» 
Son corps refta deux jours fous une 
Fontaine à la merci des chiens ; n'aïant 
même pour le couvrir qu'une fini- 
pie chemi(ê. Le Grand Seigneur fere- 
pcncit de fa promptitude; maisil, n'é- I 
toit plustems. Cela montre bien, que ' 
les Grands , fur tout lorfqu'il s"as;ic 
de la vie de leurs icmblables , ne doi- 
vent jamais rien faire qu'après une mu- 
re dehberation. 

A fa place on fit Capitaine Bâcha le 
Grand Eracraudic'eftl'EcuJer du Grand 
Seigneur, ou celui qui lui aide à mon- 
ter à Cheval. Ce choix ne fut point 
appiouré; l'on fçavoîi dans l'Empire, 
que l'Emeraud n'avoît aucune expe- 
litnce de la Mer. 

Le 21. Février l'Ambailadeur de Ve- 
nîfe fit fon entrée dans Conftantino- 
ple. Pour la rendre plus magnifique, 
M. l'AmbalTadeur de France lui don- 
na toute la maifon ,&■ obligea tous tes 
Marchands François , & tous les pro. 
tegez de s'y trouver à cheval. Voici 
en gênerai l'ordre que l'on garda iai^m 




ttl Voyagt d*m l'Afle mlwHtv, 
droite dans toute la 'marche.' Tout ce- 
la fat fuivi de fix Pages a cheval ha- 
billez de veloars rouj^e gaionné d'or; 
après lefquels marchotent les Droj^ue- 
mens des deux nations , & enfuite Cix 
Olficiers Turcs , donc rhabillemenc 
itoit magnifique. Enfin patoilTbienc 
deux Capcgi devant M. l'AmbaiTadeiir. 
Il itoit monte fur un Cheval riche- 
ment cnharnaché ; il avoit une toque 
rouge , & une belle vefte d'étoffé 
d'or. Deux des princip-iux Officiers de 
la Porte étoient à fes côiez 8c deux 
derrière lui. Enfuite vcnoicnt fes Gen- 
tils-hommes , les Secrétaires , & les 
Chanceliers liiivis encore des Orlo- 
geurs & de tous les Protégez. Lamar- 
die étoit fermée par tous les Mar- 
chands Vénitiens & François bi^n mon- 
tez , qui alloient en bon orJre.Cct- 
re entrée eftoit comme l'on voit , des 
plus nombrenfes , & l'on peut l'alTu- 
rrr, des plus belles. Achetons ce Cha- 
pitre pir U niiirance d'un Fils du Grand 
Seigneur ; on le nomma //>, cVft -.t- 
dirc jrfMi : & pour en marquer pabli- 
quemeni fa joïe , comme c'cfl 1" 
dmaire à U nailTàoce des Plinces , 
fît tirer le Canon du Sérail pw 
fieurs décharges. Les rcjou:!Ïaners 



VAfifiqiu & antres lieux* xif 
récent cinq jours. Sut la Mer devant 
le Sérail , il parue comme deux péri- 
(es forcereflès , avec de petits Vai£> 
(êaox Se des Galères qui faifoient fem^ 
blant de les attaquer. De part & d'au^ 
tre on faifoit des décharges de Ca« 
non ôc de Moufqueterie. Enfin en plu-« 
iieors endroits il y eut des Illumina- 
tions : celle du Palais de Fr^ce fut 
la plus belle ; mais elle n'approchoit 
point de celle que M. TAmbadàdeuc 
avoit £iite pour la naiflànce de Mon^ 
ièignear le Duc de Bretagne , dont j*ai 
parlé* 



C H AP I TRE XXIIL 

yijtte rendus au Grand Vifir fâr M. 
CAmhaffkdeur de France. fàrticuU^ 
fit ez^ fur les Chrétiens & Us Juifs de 
Conflrdntinople. Defofitien du Grand 
Vifir. Mtjfe dite fur PAmirul. /irru 
vée du Kdiffeau de faint Martin. 

LE 31. de Mars Son Excellence fut à 
TAudiance du Grand ViGr: Elle eut 
la bonté de me mener avec elle , & de 
demander pour moi un Commande-r 
ment. Je voulois faire le voïage d|p 



l'Egypte pat terre ; & il ctoitimpofl 
fible de l'entreprendre fans un ordre 
du Vilir. Depuis peu on avoit arrêté 
far la Mec noire un efpion des Mof- 
coYÎtcs; cela avoir rendu ce Magiftrat 
très difficile à accorder ces Paflepotts. 
J'ai parlé d'un Edit du Grand Seigneur 
fur les Francs , & piJncipilempnt con- 
tre les Religieux > qui ne fut donné 
qu'à cette occafion. On étoit donc li- 
delTus fort vigilant ; &c fans un com- 
mandement exprès du premier Mmt. 
ftre , on ne pouvoir voïager qu'avec 
péril j mais fur tout les Etrangers. Pont 
- nous rendre au Palais du Grand Vifîr, 
nous traveriames le Port dans des Cal- 
ques à une heure de l'après-midi , qui 
eft le tems de la prière chez les Turcs. 
Son Exceilcnce entrée dans ce Palais , 
fut reçue au bas de l'efcalier par le 
Fils de Maurocordato Interprète de la 
Porte- Il la conduifît dans une belle 
falle meublée de couffins & de tapis 
foit riches : l'on en tira un fur lequel 
Son Excellence s'aflît. Il n'y entra 
qu'elle , M. Fonton fou Droguement, 
& moi à qui elle voulut bien faire cet 
honneur. Dans ces pais l'on ne (cait 
ce que c'eft que d'ofter Ton chapeaa j 
mais il faut laÙTei fes fouliers à U po^h 



Pjlffri^jue & autres lieux. irt 
K : Son Excellence ne quitta point les 
Cens. Lorfque Ton eût fçû que M. T Am- 
baflaileur etoit arrivé , il vint au(E. 
tôt des perfonnes de la première con. 
fideration le faluer , & le prier de vou- 
loir bien avoir un peu de patience, par- 
ce que le Yifir étoit dans le Harrem à 
feirc (a prière , & qu'elle alloit finir 
dans un moment. 

Pendant ce tems Son Excellence s*enw 
trednt avec le Fils de Maurocordato : 
leur converfation fe fit en Latin. Ce 
que je trouvai d'extraordinaire , c'eft 
que ce premier Droguement fe tenoit 
toujours à genoux devant M. l'AmbaC 
fadéur : c'eft chez les Turcs la marque 
du profond refpeâ;. En un quart d'heu- 
re que Son Excellence demeura là , 
nous vîmes trois fois les principaux 
Officiers du Vifir venir faire des ex- 
cuffe de ce qu'il ne venoit pas. Enfin 
on l'avertit de paflfer dans la falle d'Au- 
diance : nous pafî^mes plufieurs anti- 
chambres , & nous entrâmes enfuite 
dans une belle grande falle , qui n'a- 
voit d'autres meubles que des couffins 
& des tapis , mais d'une magnificence 
extraordinaire. Le Plafond & tous les 
cotez en étoient dorez \ cela joint à 
mille petites fleurs qui y étoient pein-^ 



!« » &ifoÙ un effet admirable II y 
avoit dans ceue grande Chambre quatre 
rangs de Ychoglans ou valets de pied , 
debout , les mains croîfées fur le Ten> 
tre , & dans une attitude de filence & 
de refpeft. Le ViHr parut, & falua Son 
ExcelSence avec toutes les marques de 
diftinftion & d'amitié poQîblcs :cnrui- 
te il fc fut mettre dans le coin delà 
Chambre à gauche ; c'eft la droite chez 
les Turcs ; enlin il s'alïït fur Tes jam- 
bes qu'il croifa , appuïé de tous co- 
tez me des coufins. Son Excellence 
s'aflît auflî, mais fur un tabouret: le Ray 
Afftfiidy oM Grand Chancelier demeura 
debout ,& appuie contre la muraillet 

Les complimens faits , Son Excel» 
lence dit au Grand Vilir qu'elle luivoa- 
loit parler d'affaires ; dans le moment 
on lïc un Jîj^nal ; & tout le monde qû 
ctoit dans la Chambre en djfpatqb II 
ne relia que le Ray Affendi , qoi ne 
changea point de place : les deux Dro- 
guemens ; fçavoir , M- Fonton à U 
droite de Son Excellence , & celui de 
la Porte à la gauche : un Cliaoux , qui 
fe retira auprès de la porte j & moi qui 
ih'éloi^nai auOlï de quelques pas. Son 
Excellence parla au Vifir de plulîeurs 
affaires qui concemoienr les deux Mo- 
narchies; 



«r Tjlffni^ue & autrts lieux. J17 

natehies : enfuite Elle me montra au 
-Grand Viiir , & lui dit que* j'ctois un 
Médecin envoie par le Roi fon Maître 
pour la recherche des plantes mede- 
cinales : que mon dellèin cioit , fous 
fôn bon piaiCïr, de faire le voiage de 
Conftaniinoplc en Egypte pat terre; & 
qu'Ellc le priojt de me donner un Com- 
oiaDdemenc pour ma fureté dans cette 
longue courfe , que je nVntreprenois 
que pour l'utilité des hommes Le Vi- 
fit admira la hardiofle de ma réfolu- 
rion : il m'accorda avec joïe le Pallè- 
port que M. l'AmbalTideur lui deman- 
dott pour moi ; S; fe tournam même 
de mon côté , il me dit que je faifbis 
H unecntreprife bien difEcile & bien 
pleine de dangers ; & que je courrots 
bien moins derilque , fi )'aIlois en 
Egypte par Mer. Je lui repondis, que 
par mer je n'apprendrois qu'à voir 
de l'eau & des flots , chofe que j'a- 
vois vue en ma vie mille fois : mais que 
par terre , fi j'avois plus de peine, j'au^ 
rois aullï l'agrément de découvrir quel- 
que (impie inconnu , & peui.^ être d'u- 
ne vertu plus mcrveilleule que lesaU' 
ires pour le tetabliiTèment de nos for- 
ces , lorlTque la maladie les attaque Sc 
Éabbat. En6n le Vifir aie dît que ii 
Tomt I. K 




ai8 Vajaft dam t'jifîe mineure, 
j'avois ce bonheur ,c]u'i! me fouhailtoir, 
je lui f\S!e Te plaifir de lui en faire part 
à mon retour de ce voïage , qa'il prioii 
Dieu de rendre conforme à mes vœux. 
Après tout cet entretien , on apporta 
à Son Excellence le cafFé , les confi- 
tures , le Torbet , & les parfums : cet 
Article cft le dernier du cercmonial 
Turc, Après les parfums , c'cft la cou- 
tume aux Ambaflàdeurs même de s'en 
aller : Mais Son Excellence fut rete- 
nue par le Vîfit encore plus d'un quart 
d'heure ; c'eft une marque de diftin- 
âion, & d'amitié qu'il n'accorde à au- 
cun autre. M-l'AmbaiTadeur fut recon- 
duit par des Officiers du Vifir; & Mau- 
locordato l'accompagna jufqu'au bai 
de l'efcalier. 

Dans le même tems le Grand Vifir 
traitta l'Ambaffadeur de Perle ; & ce- 
pendant dit à M. Fonton d'avertir Son 
Excellence , que quand cet Ambaflà- 
deur paflèroit devant les bâtîmens 
François , ils ne le falualTent d'aucun 
coup de Canon, M, Fonton qui ne man- 
que ni d'efprit , ni de fermeté , rcC 
pondit fut le champ , que les François 
ne tiroient le Canon pour les Atobaf- 
fadeurs que lorfqu'ils ctoieni de leurs 
amis. Son Excellence avoir raifen à't 



■ t^ffri^ne & axtra lieux, ' 
pquée contre l'Ambaflàdeur Perfan-, 
voit manqué au devoir des Ambafla- 
irs : car lorfqu'il étoit arrivé a Con- 
iiiiiople , il n'avoir poinr envoie 
:e de complimens a Son Excellence. 

Grand Vitîr qui l'avoit fçû , vou- 
: qu'on gardai les formalitez oïdi- 
res ; ainfi quoiqu'il le fïi manger avec 
, il écoit bien aife que dans les oc- 
ions les François lui filtent reiïeiicir, 
'il ignoroïc les règles , ou qu'il af- 
ioit fans raiion une fierté qui ne lui 
ivcnoit point. Le même jour les 
ifs Se tous les Chrétiens de Galata 
furent une nouvelle alHigeante, Plu- 
Lirs demeuroient auprès d'iuie Moil 
ce nouvellement bâtie à la place de 
glife faint François ^ c'ctoit la Sui- 
te Mère qui l'avoit fait élever avec 

beau Collège. Par un fcrupule or- 
laire aux gens qui s'entêtent de fu- 
rftitions , elle crut fa Mofquée&fon 
►llege profanez , fi d'autres que des 
ufulmans demeuroient auprès : ainfi 
c avoir fait donner aux Juifs & aux 
irctiens un catccherif ou ordre, qu'ils 
(Tcnt à quitter ces maifons , 6f à en 
ider les lieux en moins de vingt- 
aire heures. Son Excellence fit mo- 
rer le Commandement ; on leur don- 
K ij 



I 



*io Voyage dans I'jI fie mineure, 
na cil fa conlideraiion un mois entier, 
It fallat fortit pendant ce tems & al- 
ler cherchera le loger ailleurs. 

Le 8. de Mars M. Rugîni Ambaffa- 
deut de Vcnife dont j'ai décrit l'etitrce, 
£Ut fon Audience du Grand ViGr , Sc 
le 11- il vint dîner au Palais de Ftan- 
ce. La table fut fervie avec magnifi- 
cence, & de poilTons, qui par leur groC 
feur pouvoieni paroître monftcueox. 
L'on y mangea un Eftturgeon de quatre 
pieds de long , & j'y en vis plufieats 
audî gros que des enfans d'un an : tout le 
rcfte répondoità cette magnificence, le 
iruic & les vins n'étant pas moins exquis. 

Le même AmbalTadeut y dîna le 
Vendredi faint ; la table de Son Ex- 
cellence qui ne fut fervie ce jour là 
que de racines , ne laillà pas de le 
prouver couverte au moins des figuiei 
de toutes fortes de poiiTbns que lesOf- 
Jïciers avoient eu l'adrefre d'imiter- 
Comme les Pages de M. Rugini ctoiehC 
.tous jeunes 0£ fans barbe , les Turcs 
les prenoient pour des jeunes femmes 
deguifées. 

Le 15. Avril M. l'Ambanàdeur de 
f tance fut rendre vifite à celui de Vfr 
iiife, & lui faite fès complimens âir 
(â nçurelle dignité de Pcocurafcui, 



falnt Mue. Tome U nation & tous les 
Protégez y accompagnèrent Son Eï- 
crilence ; fon Coticge ctoic de plus 
de cinq cens petfoniics. L'Ambaflàdeut 
vfDt avec tooie fa Cour iccevoit M. 
de Fecriol à la porte ; & le conduifit de- 
là dans fa chambre, où l'on fit une am- 
ple collation. Il y eut dans cet appar- 
rement cinq tables difièrertes fervies 
de toutes fortes de mets avec pcofu- 
iîon , fur tout des vins &des liqueurs. 
Cetce vifiie fut rendue à Son Excel- 
lence Françoife le n. Avril: le cortè- 
ge de l'Ambaflàdeur de Vcnife ccoii des 
ptus beaux. M. de Ferriol le reçût à 
ion ordinaire , & lui témoigna une ve- 
litable aniicié. Les deux Ambatladeurs 
mangèrent dans la chambre d'audian- 
ce : U y eut fept tables magnifiquement 
fervies j mais particulièrement celles des" 
Nobles que l'on voulut régaler dans tou- 
tes les formes. 

Lei. de Mai le Vific Aly fut depo;. 
(è. On le renvoïa d'abord chez lui ; 
mais enfuitc il fut relégué à Zio. Con- 
Aaniinople n'en i^ut pas la véritable 
rjjfon [ Se l'on ne peur en conje- 
âarec aucune plus vraie femblable . 

t l'envie d'éprouver la capacité dé 
rens Miniftrcs & de profiter Ae 



lit Voyage dam tAJÎt rmnturty 
leurs lumières. Mahetned Vifîr de Voû- 
te, c'eft à dire Confeiller d'Etat , fut 
choiû pour remplir cette grande char- 
ge. 

Le 4. Mai ce nouveau Vilîr , n'iroagi- 
naiit fans doute rien de mieux à faire , 
par un bel Edit de fa componrion , dé- 
ienditàtous ksjuifs BilesChtêiiensha- 
bitans de U Ville, de porter dans la fuite 
des babouches jaunes , ni aucun autre- 
habillement de couleur. On dit même 
qu'il n'en vouloir exempter perfonne; 
& qu'il pretendoit comprendre dans 
fon £d)t )ufqu'aux Droguemenis. Mais 
M. l'Ambadadeur leur "ordonna de ne 
rien changer dans leur manière de s'Iia. 
biUer i & leur marqua qu'ils ne dé- 
voient rien craindre, & qu'il n'y auroic 
point de gens a0èz hardis pour leur 
foire la moindre infulte. 

Le &. le R. P. Hyacyndiealla dire la 
MelTe fur l'Amiral. Je remarque ceci, 
parceque c'cit une chofe que l'on croie 
fans exemple. Il yconfelîà & commu- 
nia un grand nombre d'Efclaves : voi- 
ci comme la choie fe paflà. 

Ce R. p. ctoit en traité avec le Ca- 
pitaine qui monte l'Amiral, pour le ra- 
chat des Efclaves qtii y éioîent ; cela 
lui procuiala liberté d'y encrer :& poiM 



l^ Afrique & itutres Iteux. ttf 

profiter d'une occasion Ci favorable, il 
pria le Capitaine de lui permettre de 
donner quelque confolation à ces mal- 
heureux qu'il tenait enfermez. Il lui 
reprefenta que c'étoic un (oulagement 
qu'il accorderoit à leur mifere j & que 
puifqu'ils avoient petfevcré dans leur 
religion , il ne devoît pas être f^ché 
qu'ils encendiflcnt du moins parler de 
Dieu, ou qu'on les exhortât à prendre' 
patience, Le Turc le lui permit fans 
beaucoup de difficuliez : il lui dit mê- 
me qu'il pouvoir defcendre encre deux 
ponts , & leur parler tant qu'il voUr 
droit. Le Père nediiïêra pas d'un riw- 
ment : mais il ne put s'empêcher de 
verfer des larmes de joïe , lorfqu'il vit 
ces infortunei profternfz à Tes pieds, 
loi marquer combien il y avort long- 
temps qu'ils n'avoient entcnlu \^ MeC 
fe , ou qu'ils n'avoient reçu le Sacre- 
ment de pénitence. Il les alTura que 
s'ils avoient foin de s'y préparer la pre- 
mière fois qu'il reviendroit , il entcn- 
droit leurs confelHons ; Si qu'il appor- 
teroir des Orncmens potîr les conten- 
ter. Le bon Cîpucin retournoit à l'A- 
miral juftemcnr comme le Capitaine 
en fortoit; il le fommade nouveau de 
bJhÎ cenir Tes promelTes à l'égard des- 
■ 1^ î>'l 



I 



p 



I 



i 



ii^. Voyage dans VAJit mlneHrv^ 
EfcUves : le Ca pitaine , d'un Caïque où 
il ctoit, commanda à Ces Officiers de 
le laifler faire II en confelTa une pat- 
rie , pendant qu'on prépara un Autel 
du côté de la poupe. Il y dit la Mcfle 
qu'ils entendirent avec une ferveur 
capable de toucher les cœurs les plus 
durs : ceux qu'il avoir confeilèz y com- 
munièrent avec la même dévotion ; Se 
tout s'y fit fans queperfonne allât les 
interrompre. Ce fut pour ces pauvres 
Efclaves le fujet d'une confolaiion 
d'autant plus inexprimable , que leurs 
innux ordinaires font infinis. Dieu a 
tot^ours pitié des hommes en cette 
vie ; & il eft difficile qu'ils ne trou- 
vent quelquefois des oceafions de fou- 
lager leurs peines, ou d'eux-mêmes par 
l'humeur patiente & philofophique qu'il 
leur a donnée, ou dans ces occurences 
que la providence a foin de leur me- 
nacer. 

Dans ce même tems arriva de Mar- 
fcille le Vaiffeau du Capitaine Martin: 
il amenoic quarante fix Efclaves à qui 
le Roi avoir donné la liberté. SonEx- 
cellehce les envoïa au Grand Vifit par 
M, Fonton ; Se lui fit dire , que com- 
me fon predccelfeut lui avoir fairde- 
mandcc quatre ou cinq Efclaves , le 



CAfrîi]tte& Autres &«y. iij 

É!ot fon Maître avoic donné la liberté 
à CCS cjjiarante /ix ; & qu'il avoi: une 
joie inconcevable t]ue la chofe arrivât 
à fon avenemenï à la charge de GranA 
Vilir. Le Vîlîr fur le champ eii fie fai- 
re des remercimcns à M. l'Amballà- 
deur, & (ït même donner le caffccan 
à M. Fonton,8£des habiis aux Elrla- 
ves pour les prefenter au Gond Sei- 




yoyngt dattt l'A fit mîmurt. 



J 



CHAPITRE XXIV. 
Sortie de Conjîantînopie (^ fuite du ■vàingt, 
Itjfcriptions à Bonrgars. Mœnrr dtt 
Tttyes. Mifere des Chrhlen^ Tortues^ 
Inflmmens poftr feier & battre le bled. 

ENfin pour parler de moi même ^ 
mon Commandement me fut ex- 
pédié; & comme l'on vend touc là auf- 
fî bien qu'ailleurs , il m'en couu fix 
£cus. Voici comme il ctoit conllrutt.. 

1,E Sultan Ahmed Can Fits- 
de Mehemed Ca.a toujours viiio'rieux» 

AVx Magnifiques A4agiflrats & 
Ju^es lllùjires en venu & en Théo. 
Eigie , les Cadis refidejis fur la rente df 
puis Scudaret jhfqu'au Grand Caire J.'E- 
rypte dont la vertu foie augmentée. £t 
aux lllujhes entre leu/s pnreils , diflinguez. 
parmi leurs égaux , les Kyaya Péys ( om 
Lieutenants de Roy ) les Agas des Janif- 
faires , les Seigneurs des pais & autrtt 
nos O0cîers dent Cautkoritt fois augmett. 
téei. A la réception de ce haut & augufle 
Commandement foît fait à ff avoir ejue le 
piu£ Illnfirt d£x Seigneurs de U Religion. 



PAjfrlijue & autrn lieux. 217 
€3frênen^e le Murquis de Ferlol Ambaf" 
fadeur oràinaire de V Empereur de France 
à notre Porte de félicité , dont le fucceT^ 
des affaires foU heureux y a prefenté un 
mémoire a notre haut Jueil , portant cjne 
k Jieur Paul Lucas Médecin François 
defirant de pdffer par terre en Egypte ,. 
fûivi d*^un valet : Son Excellence nous 
fiippHoit de lui accorder un' noble Com^ 
mandement à ce (juil ne fut point arrêté, 
détourne , ni inquiété dans fcn paffage^(^ 
epu cgnfôrmctnent aux augujtes capitulai, 
fions , on ne donnât aucune atteinte , & 
qu'on ne fit aucune infulte fur les routes 
ër chemins, dans fis campemens , gîtes & 
decampemens ni a fi perfonne , ni à celle 
de fon valet , ni a fes Chevaux , ni a 
fes bêtes de charge , & qu'il lui fut four- 
ni par les vendeurs de denrée de leur hon- 
gre au p'-ix cou:'ant,les vivres & provi^ 
fions de bouche dont il pourroit avoir he* 
foin. Surtfuoi nous lui avons o5iroié & 
fait expédier ce Commandement de haute 
renommée pour fortir fon effet en la manière 
ei'deffus expofie , & je commande que 
jt la réception de ce mien autentique Cem^ 
mandement expédié a ce fujet y il fpit exe^ 
eutéfuivantfa teneur , & que ledit Fran* 
fois entrant & paffant avec fon valet en- 
quelque Ueu que ce puiffe être dépendant 

K vj: 



lineun, ^^| 



de nôtre jurifâlSiion , voiti ne permette 
fM ^u'il fait fait aucune snfulie fur Ut-- 
rotttes & les chemins. Us campemens , ^îtes 
(^ decampemtm^m à fa pffonne ni a «/- 
It defon valet^nià fes montures, m à fet 
àêtes de charte , mais tjae vous lui f^0e7 
fournir , i» priant de fes deniers au prix 
courant , par les vendeurs de denrées , de 
leur bon gré , les vivres & prtvi/îons dont 
il pourra avoir hefoîn , & ^ue vota fwi- 
■pefchicK. ^u'sl fois détourné , retardé o» in 
•juieti dans fin paffage , ce y«î feroit con- 
traire aux augujîes capitulaiiaiis , CT ijtt'ia 
tout ^ par tour , vous mettiez. « executif 
ia teneur magfiifiijue de ce noèle commanéi 
ment. Ce ijui vùus étant notoire , voul^ 
igue créance fuit ajoutée à ma martjue i 
periale. Donné au commencement dei 
Z>une de Aiitharrem l'an de i' Hégire n« 
tfefi-à-dire le 15. jivril tjo6. Dant^ 
fille de Confantïnople U bien gardée, ' 

Je partis donc pour la féconde 
dt Conftantinople le 11. cieMaiàti 
heures de l'après-midi, Njus rimesl 
toar des eaux douces , c'eft-à-dire 1 
Port i antremenc il nous auroît 
travcrftr le Port & toute la Ville pd 
gagner U porte d'Andiinople. Nq 
marchâmes ce jour-là quatre freuT 
feulement , te nous allâmes faire i 



tjijfnque & Mtres fieux: ihft 
(te Connac au Villagede Lifiris. Nous' 
en fbrtîmes le ij. à cinq heures diï 
matin , & nous patlàmes par une ville 
nommée Ponto-grando.EWc tire fon non» 
de cinq Ponts bâtis fur un étang que' 
forme la Mer ; c'écoient les pietniets' 
Ponts que j'culTe v^ bâtis Tur -fes caax. 
A unelieuè'de-lànous nous reporâmeS 
dans le Village de CallcartU , aprèï 
avoir marché feulement fept heures, 
Pc Calicartia partis le 14, à la pointe 
du jour , en cinq hf ures nous arrivâmes 
à Pivatis ; nouîy déjeunâmes ; &aprcs 
avoir prisencore quelque repos , nous' 
continuâmes nôtre route pcttdant trois 
autres heures, jufqii'à'5?/iV«>. C'eft untf 
petite Ville Et prefenr prefqiie ruinée ; 
it y a quantité dt Grecs ; & ils y ont 
une Eglife des plus anciennes. Selivrée' 
eft bâtie fur une éminence d'oiV l'on' 
découvre la" Mer dé M.trmora. Au def-- 
fous ctt un gros Bour^ beaucoup* 
plus peuplé ; mais les Habîtans en 
font tous Turcs , fins' commerce au 
telle, & n'aïant poinr d'autre négoce 
que celui qu'ils font avec tes paflans ; 
parce qu'ils n'ont point de Port , & 
qu'aucun bâtiment n'en fçauroit appro- 
cher. J'y trouvai la petite ïnfcripuott 
da nombre ^j^ 



â 



Nous quirtàmes ce Bourg le lî. .i 
GÎnci heures du ma:in pour aller dîner 
au Village de Clléy , d'oiV, après quel- 
ques heures de repos,nous partîmes pour 
ChourUu, De Chourlou, levez deux hcu- 
les avanc le jour nous allàoies logera 
Sour^ara,: c'eft un gros Cafabas qui en 
cft éloigné de dis Iieucs. Il y a un nom- 
bre considérable de Grecs. Sur la por- 
te d'une de leurs Eglifes, je pris en paf 
faut une Infcription. Voyez nombre 

Toute notre «route me parue cstre- 
aiement peuplée de villages-, c'eft appa- 
remmeui la proximité de la capitale de 
l'Empire qui les rend là plus frequens 
qu'ailleurs. Ils font la plupart habitez 
par des Clirètiens , qui travaillent pour 
la nourriture & les pUifics des Turcs, 
Ces Me/îîcurs dédaignent la plupart de 
labourer b terre ; la guerre feule leuc 
paroît un métier capable dejles occuper ^ 
auffi le plus grand nombre eft-il des 
Spahis , ou Soldats à Cheval. Ils ont 
pour leur paie prefque toutes les terres , 
lïir tout celles de ces quartiers ; & ce font 
les Chrétiens qui les cultivent. Dans- 
lie chemin en plufieurs endroits je vis. 
la terre prefque toute couverte de toi 
tues ; nous rencontrâmes auffi un grai 



Îlens qos 
ont plus* 
s! que les> 
îre inftru- 
2 la main? 
^t le blcdJ 
peu cour* 
ils y fou* 
' qui leur 
é de pren^ 
: de bled r 
Coup plus 

î bled efi: 
nôtre. II», 
les épaif. 
■^ de pier* 
les font 
gerbes, ce* 
épies d a- 
lairemenc 
*s de maw 
i fouvent 
fans pour* 
i les de£> 

à lo.heu»* 
s le refte- 
s le 17. à: 

es Xui£s^ 



Fjtffriqut & autres tteux. taft^ 
nombre de ces PaXfans Chrétiens qui 
alloienc fcïer^ Leurs faucilles font plus* 
longues mais moins courbées que les* 
nôtres ;. & ils ont avec un autre inftru- 
ment de bois , qu'ils tiennent de la maiiv 
gauche , pendant qu ils coupent le bled^ 
die la< droite. Ce bois eft un peu cour- 
bé, pointa, & à trois trous ^ ils y fou» 
renc trois de leurs doigts ; ce qui leuc 
dbnne,.ce me femble , la facilité de pren;- 
ère en même tems , quantité* de bled z 
4U0i ils font afiurement beaucoup plus 
& travail que les nôtres* 
. Leur manière de battre le bled e(E 
auffi toute différente de la nôtre. Il»^ 
prennent d'eux grofles planches épaif- 
fe» dequatre doigts , garnies^ de pier* 
tes à fudl tranchantes. Ils les font 
pader par defTus le bled en gerbes, ce- 
qui fepare en un moment les épies d'a- 
rec la paille. , Ce font ordinairement 
4es bœufs qui tirent ces fortes de ma*- 
chines- ; & Ton voit le plus fouvent 
deflus des hommes & des enfans pour 
les tendre plus, pefàntes. Voici les deC 
feins que j'en ai fait graver. 

Nous partîmes de Bourgara à lo.heu** 
tes du foir. Nous marchâmes le refte- 
rfe la nuit, &nous arrivâmes le 17. à 
-^fa * Cafabas. habité par des Tvxtcâ^. 



I 



i^jK Vûyage dam fAfie mlmu^t', 
U y a une Mofquéc magnifique , & 
un beau caihp tout couvert de plomb' 
pour les voïageurs. Après nous y êite 
^ un peu repofèz , quacre heures de mar- 
che nous mirent à Andrlno^le au So- 
leil couchant. Depuis la Ville de Con- 
ftantinopie jufqu'à celle-ci , rout le ehc- 
min eft plai. Noos eûmes à droite & 
ÎL gauche diverfes montagnes : mais 
nous traverfàroes toujours les plus bel- 
les plaines que j'aie vu dans tous les 
pais oii j'ai été. Je n'ai point rtouvc 
non plus d'endroits où il y ait plus de 
Ponts : nous padames alTûrement fut 

rlus de quarante, fans conter ceux que 
on voit aux deux cotez. Il n'y a pas' 
pour cela des Rivietes fous tous ces 
Ponis ; un grand nombre ne font bâi- 
tis que fut de petits ruifTcaux , ils ne 
laiflent pas la plupart d'être aulïï bsaux 
que s'ils écoieiii fur des Rivières, par- 
ce qu'on les a faits pour les déborde- 
ments qui ne manquent jamais d'arri' 
ver dans ces plaines emoorrccs de mon- 
tagnes , dès qu'il fait de la pluie : oQ 
qu'il eft tombe des neipes. L'on trou- 
ve auflî dans cet intervalle quantité de 
Fontaines ; elles y ont été bâties pour 
la commodité des voïageurs ; & il y 
a apparence qu'une bonne paitîe doi- 




TAffriijiie é' autres lieux. ijj 
it leur conftfuâion à la chanté de 
lelques bons Turcs.C'cft la nation dtr 
inonde à mon avis la plus obligean- 
te , & il n'y a ce me Temble , point de 
pais oà l'on exerce mieux l'horpica- 

liié. 



CHAPITRE XXV. 

^ndriaepte ; fcs Rlvierâl ^fa hauteur du 
Pote : fa prife par Sotiman. Suite du: 
vtïdte. Chrétiens Bulgares , femmes de 
ee fais fembUbles à des Bacchantes .* 
Philipopalis, Chrétiens nombreux :Juifi^ 
Cuerifm £une fille Grecque. 

ANdrinople eft prefque entière dans 
une plaine admirable ; le refte*s*a- 
■vance fur le penchmt d'une colline^» 
Trois Rivières l'arrafent de tous les- 
cotez , & vont enfuite unir leurs eaiBC 
à une demie lieue. La première de ces 
Rivières s'appelle hix Marife: on nom^ 
me la féconde Là Tunze , & la iroiiîé- 
rae eft ta HArde, Ces deux dernierej 
perdent leur nom auprès d'Andrino^. 
pie ; & jufqu'à la Mer on appelle le' 
refte t* Marife, On. ne pouToil gne- 
iss choillc de plus bel endroit pour bà^ 



^54 Voyage dam tAfiemneiM, 
tir une Ville. L air y e(l des meilburs^ 
ce aui &ic que les Habitans ne font 
prelque jamais malades , & vivent la 
plàpart affez long.cems^ Son territoire 
porte des grains en abondance & de toa-' 
tes les fortes. 

Je voulus prendre la hauteur de cet- 
te Ville , & je trouvai qu'elle étoit fou* 
le quarante cinquième degré de latitu- 
de moins (ix minutes. Ce fut Solimatr 
trois qui la prit fur les Chrétiens, Voici 
le ftratageme dont il fe fecvit. A une 
de fes murailles éroit une ouverture in 
la grofTeur d'un homme ; par là fbrtoir 
toute» les nuits un Chrétien , à ce que 
content les Habitans , pour voir Tar* 
mce des affiegeants. Une nirit il s'ap- 

Erochadetrop près du camp des Turcs, 
s fentinelles lapperçûrent ; il futàr- 
iété & mené au Sultan , qui apprit par 
cet efpion le lieu du trou dont j'ai parlé» 
Auflî-tôt il ordonna un affaut ^ mais^ 
pour l'autre côté de la Ville , dans lai 
perfuadon que les Chrétiens ne man<- 
queroient pas d'y mettre leurs plus 
grandes forces ; ce fut au(C ce qui ar- 
riva. Ain(î pendant qu'il fembloit preflfer 
Andrinople , comme ^\ toute fon armée 
cât été à cet a(Taut i les Grecs abandon* 
nant tout-àf-£ait la muraille oilétoic le 



F^ffri^ue & autres lieux. %fé 

petit trou , il choifit les plus détec- 
minez de fes Soldats pour les y faire 
paflcr. Cette troupe une fois entrée 
djns la Ville , fe rendit en pende teras 
maîtcefle de l'une de fes portes. On le 
fçûi bien-tôt parnyî les Chrétiens :il y 
en eut plufieurs qui aimèrent mieux 
pecir tes armes à ta main quedefefois- 
mettre à' un Prince InfiJele ; mal- 
gré lear bravoure , la terreur s'empa> 
ram du grand nombre , les Turcj d& 
nieorercnt les maîtres d'AnJrinople, 
J'ai vu ce lieu par oil les Turcs y en- 
trèrent '; il eft à prefent fermé d'une 
porte de fer. 

On fçait qu'Andrinople a été le fie» 
ge de leur Empire jafqa'à la prife de 
Conflantinople. Un des Sultans y a fair 
bâ,tir un Sérail magnifique ; &la Ville 
en gênerai s'ell beaucoup agrandie de- 
puis leur domination. Les anciennes 
enceintes ne vont à prefent qu'au mi- 
lieu de la Vitlej au refte les bâcimens y 
font beaux par tout. Tous les Bazards 
y font faits de quantité de voûtes ;, 
Mais celles du B'':(jjlnin , c'cft-à-dire du 
lieu oii l'on vend les marcbandilès fi- 
nes furpallënt toutes les autres & (ont 
d'une grandeur &c d'une beauté à faire- 
ptaific. Il y a auiïïptulteurs belles Mo£^ 



I 

I 




IjiS ^ày»ge déns t'Afie mlneme, 
qaées , particulièrement celle du Sul- 
tan Selim. Elle efl: rouccnuè' en dedans 
d'une grande quanticé de Colonnes de 
Marbre, de Porphyre , & de Granité; 
& par dehors on voit quatre minarets 
des plus élevez. Je pourrois m'étcn- 
dee davantage fur cette Ville ; mais 
les hiftoires & les autres relations en 
parlent aflez. Je dirai feulement qu'el- 
le eft gouvernée par un MouUak Ca- 
di qui exerce la juftice , & la police 
par confequem , avec un pouvoir ab- 
iblu , & que dans tous ces païs pea 
éteignez Je Conftantinople les Chré- 
tiens font plus traverfez qu'ailleurs, ap- 
paremment parce que l'on y craint 
moins les tumultes & les révoltes- 

D'Andrinopte, rcfolu de prendre la 
route de Phiiippopôlis je loiiai un 
^raboé ; c'eft une cfpece de charette 
fHfpenduc & tirée pat trois chevaux': 
j'en païai y. écus. Ainfï partis le 14. Mai 
après avoir marché dans la plaine pen- 
dant lîx heures, nous arrivâmes ce jour- 
là au cafabas de Mon/tapha Sacha. 

De-là fortis dès l'aurore , au bout 
de (îx heures de chemin nous nous re- 
pofâmes l'efpace de deux au cafabas 
è! Armant , d'où nous nous rendîmes' 
acelui à'Ottjon'iou. La noue filmes lo- 



^er dans uiic maifon des Chrétiens 
que l'on appelle Bu!gMres. Nous n'y 
Irouvàmes que des femmes; elles re- 
çoivent bien tout le monde; elles don- 
nent de l'orge & de la paille aux che- 
vaux , elles apprêtent ce qu'elles peu- 
vent poux le manger des voïa!;eurs : Ac 
toutes ces chofes Ibni outre cela à bon 
marché^cai poui trois per(bnne5& trois 
chevaux il ne m'en coûta queti. ious. 

Le 1.6. partis du maim , nous vîmes 
de tous cotez un pats charmant , plein 
de Villages qui appartiennent la plu- 
part aux mêmes Chrétiens ; & après 
neuf heures de marche nous allâmes 
loger à IniTnatem. C'ell ungros Village 
où il paflè une Rivière du même nom, 
qui va le décharger dans la Marift, 
Nous y fûmes reçus comme ie jooc 
précèdent par des femmes feulement. 
Il faut avouer que les femmes de ce 
paï's n'ont pas tort de fe montrer , cat 
elles font tomes bien aimables. Leucde- 
roatche eft droite , acconipagnée d'une 
fierté noble , mêlée d'afFabilité & de 
douceur. Quoique ce ne foient que des 
Paifannes, leurs geftes & toutes leurs 
manières lont àt perfonnes au délias 
du commun. Je croïois voit les Bac- 
chantes de M. Poullàin j auflï paioiireiu< 



elles toûiours yvrcs par leur humeni 
enjtiiîce & divenifiaine. Leur habille- 
ment n'ert auire chofr qu'une chemiff, 
& une efpefe de robbc par defius- El- 
les ont toutes leurs cheveuï trctTeZjpcn. 
dans fur leurs dos , & remplis de pièces 
de monnoïe comme des pièces de cinq 
fous de France, & de quel qu'autres plus 
grandes , & plus apparentes. Leur tète 
n'eft couveile que d'un petit bonnet 
qui en eft auffi garni ; & les .colliers 
qu'elles portent en ont jufques à quatre 
ou cinq rangs. Leurs chemifes & 
leurs robbes étant fort ouvertes par 
devant , leur gorj;e eft fort décou- 
verte: elles l'ont toutes très-bciie , & 
ne prennent pas grand foin de U ca- 
cher. Enfin elles ont toujours le vifa- 
ge découvert. Leurs maifons ne lonr bâ- 
ties que de terre , & n'ont d'aurres 
couvertures que de h paille ; mais pour 
des maifons de Village, elles font pro- 

{>rcs en dedans. Chofe furprenanie, 
etirs maris ne font prefque jamais à la 
maifbni ils (ont toujours ou aux champs 
à labourer la terre qui eft pour eux des 
plus fertiles , ou à la Viile à faire quel- ' 
qu'autre chofe félon la faifon. C'cft qiïe 
là règne encore la candeur & la vraït 



F^nifue & mlrei lieux. ijy 
Le 17. après avoir concenrc ces agréa- 
bles hôtcffE-s de neufs fous pour touEe nô- 
iredepenfc, quoiqu 'entre autres chofes, 
elles nous enflent donné deux poulers 
fort tendres , nous coioïames la Ma- 
rife que nous avions à nôtre droice : 
& aptes avoir marcfié (k heures nous 
nous en repofàmes deux au Village de 
Bfha. De~là nous allâmes à PhUippo. 
polis od nous arr^âiTiL-s à trois heures 
après midi. Nous y fûmes loger dans 
un camp à l'ordinaire ^ mais comme 
il fe repandit audî-lôt un bruit que 
j'ciois Médecin, l'on me vint chercher 
de la part du Moufii & du Bcy. Je 
Tus les voir : ils me demandèrent l'un 
& l'autre des remèdes pour leurs in- 
firmitez. Je leur en promis, & je leur 
en donnai même fur le champ, qui fi- 
rent des merveilles j fur tout le tartre 
hemetique , qui n'a jamais produit 
d'effets (î extraordinaires que dans cet- 
te Ville. Ainfil'on me prit en peu dtf 
lems pour le plus grand Médecin de 
la terre. 

Le îo. je fus me promener autour 
de Philippopolis. Elle n'a point de mu- 
riilles ; mais elle ell bâtie fur trois pe- 
tites montagnes qui fe tiennent pref- 
que , $c font fut la même ligne. C'eft 



14e VtyAge dans î Afie mittenre, | 

apparemment fui ces hauteurs qu'é. 
xoient autrefois fes fortereffes. f- Ile a au 
Fonanc la Marile qui baigne le pied de 
fes maifons. Cette Rivière y porte tou- 
ïc forte de bateaux. Se par confequent 
la plupart des commoditez de la vie. ' 
De l'autre côté eft un Fauxbourg aflw 1 
grand ; Fon y pa0e par dellus un beau I 
Pont de bois- Il y a environ cent vingt 
maifons de Juifs: niais en gênerai les 
bourgeois font prefqùe toui Chrétiens. 
II y a jufqu'à fix Eglifcs ; & c'eft la i 
feule Ville de Turquie , où j'aïe vu une I 
cloche qui fonne les heures du joBt I 
comme en ce païs ci : elle eft dans une ' 
Tour bâtie fut une des trois coUint:^ 
dont j'ai parlé. 

Comme je pafTois pour un habile 
Médecin , il vint deux Grecs qui me 
prièrent inftamment d'aller voir leur 
ÏŒur. Elle étoit à l'extrêmiré : Mais 
comme j'avois refolu de partir , je leur 
dis que cela m'étoit impoUïble , pai. 
ce qu'il falloir pourfuivre mon voïagr. 
Cette reponfè redoubla leurs inftances: 
ils m'en firenc tant &c de Ci bonne ^2- 
ce, que je leur promis la vifîte ; Scy 
fus même avec eux. Je trouvai lama' 
Ude couchée fur un matelas , c'eft-à- 
dire fur le lit de la mort ,Sc ennn éni 
capable 



j^ffrjque & entres lieux. a^x . 
capable d'émouvoir la compaŒon. Un 
Prêtre Grec étoit là à l'exhorter à faire 
ce paÛâgeen bonne Chrétienne ; &: l'on 
apprêtoit déjadequoi l'enfevelir. Lorf- 
que je la vis en cet écai, j'en fus tou- 
ché d'une manière qui ne me permit pas 
de l'abandonner. Malgré la maigreuc 
&c la pâleur , qui accompagnent tou- 
jours une forte maladie , cette jeune 
Demoifelle montroit dans fes traits une 
beauté Ci furprenante , que l'ame Ici 
plus dure en auroit été charmée. On 
n'eut donc pas lieu de me reprocher 
l'infenfibilité , fi ordinaire aux enfans 
d'Ëfculape. Je fis pourtant la cérémo- 
nie avec gravité ; je m'approchai de 
la malade , & après lui avoir tâté 
le poux & m'ctre informé du paiTâ , 
pctfuadé qu'il y avoit encore quelque 
remède , j'entrepris de ta guérir. J'avois 
fçû qu'il y avoit plus de quinze jours qu'- ' 
elle ne dormoit point ; je dis à fa mè- 
re éplotée , qu'il falloir (e confoler: 
que le danger étoit extrême à la vérité; 
maià que fi Dieu vouloit me favorifer, 
je l'en tirerois : & que j'allois d'abord 
lui donner un remède , qui en calmant 
les humeurs , & procurant le repos, 
lui rendroit auflî une partie de fes for- 
I c es , & me donnecoiï lieu de tiavaiU 
^K Terne I. L 



;^l Voyage dam l' Afie mmiurt^ 
lerenfuite plus faciieinentàfagueriroiT, 
Or, jugez ce que cette merc pouvoir 
redcntirâdes paroles (î pleines de con- 
folation. Je fus chercher un remède , 
Zc U jeune malade s'endormit un quart 
d'heure après. Le lendemain je lui 
donnai une prife de tartre hcmétique, 
qui eut auffi fon effet. Enfin mondor- 
mitif & le tartre donnez alternative- 
ment , la tirèrent d'affiiire en quatre 
jours. Je ne fus pas fâché d'avoir rendu 
ce fervice aune aulli aimable Demoi- 
fclle, J'avois d'abord été touché d(i 
la beauté de fon corps ; mais je le 
fus davantage de fon efpril , lotf- 
qu'elle fe porta bien. Elle me renier- 
cia mille fois de la manière du monde 
la plus obligeante ; ft: loin d etrt in^ 
gratc , elle m'offrit tout ce qu'elle me 
pouvoir donner d'argent. De moncôté 
je n'acceptai que le moins que je py.. 
La bt'auté a bien des charmes ; el- 
le fait faire pour certaines perfonnes 
à bon marché , ce qui couteroit à 
d'autres bien cher : y a t- il quelqu'un 
capable de refiilerà les attraits, fuiToitt 
lotfqu'cile eft jointe à la rcconnoilliin- 
ce î On verra à la fin trois infcriptinir 
que je trouvai à Pliilippopo'is. Il n\ r 
pas neçctniire dj rcmarcjiier que ceîu 



► CHAPITRE XXVI. 



autres lieux. j^ri 
Ville cft celle que les Latins appel- 
lent Philippi , rebâtie par Philippe ; & 
auprès de laquelle Augufte & Antoine 
vaiaquirent Brunis & Caffius. Pour la 
Marifc jC'eft l'Hebre fi fameux dans tous 
^d» Poètes. 

^Hk* du voiage : bont vins : tonneaux, fÎT 

^^^ttvts extraordinaires. fnf:ripiion fin. 

oH'.iere. Colores , Religieux Grecs. Baf- 

cou Monajiere. Image de la f^isrge, 

^^— Montagnes de Jangou, fleur finga^ 

^HË partis (le Philippopolis le xS- après 
3 midi dans un Arabas , accompagné 
d'un des frères de la fille que j'avois 
guérie. Il voulue me reconduire , & 
majchadeux jours avec moi. Le pre- 
mier après trois heures de chemin nous 
arrivâmes à Stenemak,. C'eft un lieu fort 
grand , qui n'a pour Habicans que des 
Chrétiens. Le païs d'alentour eft un 
beau vignoble , qui produit d'excellens 
vins. Mais une chofe qui me parut ex- 
traordinaire , c'eft que les tonneaux 
où on le met , n'ont pas moins de qua- 



L 



m- yoyage dans P yifie m'mtHre, 
jante palmes de longueur , & fix à le['- 
pieds de hauteur ; & que les cuves in'! 
on le fait , font grandes comme dts 
chambres quarrées. S» faites de ciment 
détrempé d'huile : ce qui les fait pa- 
roître comme un marbre ropgeâtre. It 
y a à Srenemak douze Egliles , fans 
compter celles qui font autour fut les 
montagnes voifines. La Ville eft artci 
petite; elle cil même bornée des deux 
cotez : de l'un par le coteau fur le 
quel elle eft bâtie , & de l'autre par 
luie Rivière qui porte fon nom , & 
qui produit de fort belles truites. 
La montagne voiiîne s'appelle j4heilU -, 
& il y a au bas un gros Village de mc- 
lae nom. Pour découvrir quelque cho- 
fe , je fus me promener à une demie 
lieue de Stenemack , où l'on me dit 
qu'il y avoic des ruines. Elles font fur 
wne petite émtnence ; je les contem- 
plai. Se elles me parurent être le rcfte 
de quelque forterelTe coniîderable. Il 
y a proche une belle Eglife dédiée à 
la fainte Vierge & à faint. George, 
D'un autre cote je trouvai fur une ro- 
che une Inicriptiou dont la plupart des 
Lettres me parurent d'une figure nou- 
velle & finguliete. Voiez à la lin nom- 
Us ^6, 




W^riifue & tHIriS lieux. l^f 

tes geiis du pais .ont la (implicite 

r croire cjue cette Infctiption con- 
tient le f'ecrct de la pierre philofo- 
phale. Lorfque l'on me l'eut vu copier^ 
il y eut plufieiirs perfoiincs qui médi- 
rent de leur apprendre à faire de l'or* 
J'étois logé chez des Colores : ce font 
des Religieux Grecs , qui ne mangent 
jamais de viande. 

Le fëptiéme je loiîai des Mules : par> 
tis fur les'^rois heures de l'après-mi- 
di , nous marchâmes par des monta- 
gnes très -haute s i & après plus de deux 
heures & demie , nous arrivâmes à un 
Monaftere bâti Tur une de ces mon- 
tagnes : il s'appelle Bafcmt ^ renferme 
plus de cent Colores , & n'a dans (on 
voifinage aucune autre habitation. L'on 
peat dire que ces Religieux font par- 
mi les rochers & dans une véritable 
foliiude i mais il n'en font pas plus fa- 
rouches. Tout le monde y eft très bien 
reçu , & les voïageurs y trouvent de 
grandes commoditez : l'on a fait poui 
eux un bâtiment exprès , oà ils font 
iraittez fort proprement. 

L'Eglife & tous les appartemetisdes 
Religieux font entourez comme d'un 
Château , Se. fermez de trois bonnes 



tftes. La première e 



:l'oB 



I 



H^6 y&yagt dans rAfie minturr, 
ine dit qu'elle avoit été ruinée , &en- 
fuiie icbâtie comme elle eft aujour- 
d'hui par l'Empereur Maurice ; il eft 
vrai que Ton portrait y eft en plufîeiirs 
endroits. Je vis aufïï une Image delà 
iîtinte Vierge , que ces Moines alTîi- 
reni être de la main de faint Luc, II» 
en content plufieurs fables ; Se préten- 
dent fur tout , qu'ils ne l'eurent que 
Eiar miracle , Se qu'elle eft venue dans 
eue couvent du fond de la Georpie. 
Cette Image eft une des plus grandes 
dévotions dupais , de attire beaucoup 
de monde à Bafcou. 

Les Religieux de ce Monaftcre ont une 
belle Biblioiheque.J'y vis quantité d'ex- 
ccllens manufcrits -, mais il eftimpollï- 
ble d'en avoir aucun ; ils fe fcandalifenC 
même lorfqa'on leur parle de les ache- 
ter. Leur Couvent a plodeurs puits bâ- 
tis magnifiquement ; msis entre-autres 
on , dont l'eau toujours claire, fer: audi 
à la guerifon de plulîeurs infirmircr. 
Je fonis de ce Monaftere le huit de 
Juin 1 & nous commençâmes à mon- 
ter les montagnes de JongoH. Le che- 
min en cft (l rude, qu'à plulîeurs en- 
droits nous filmes obligez de poulCëc 
nous-mcmcs nos Mules , pour leuraider 
à monter. Tout ce pais cft plein de 



i & autre! lieux. i^f 

hautes montagnes, qui font toutes chaw 
îjées de bois de haute futaie. Lotfquc 
irous fûmes au haut de celles donc j'ai 
pailé , nous y trouvâmes" une petite 
plaine, d'où il foitoitde tous cotez des 
foutces. d'eau vive. Ces eaLi!t jointes aux 
beaux fapins qui y font plantez , ten- 
dent ce lieu tout agréable. On y voit 
aulli une iofiiiicé d'herbes exiraordinai- 
l£S., qui fe font admirée par la beau- 
té de leurs fleurs- j'apportai une atten- 
lioD particulière à en contempler une 
à mon avis des plus rares , & qui ne 
croît peut-être que là. Elle eft d'uni 
pied & demi de hauG : fes feuilles 
tcflèmblent à celles des Oliviers , So 
montent \s Igng de Qt tige. En.haut el- 
le a un bouquet d'environ trente pe- 
tites fleurs : chacune de ces fleurs a 
quatre feuilles ; & outre cela une pe- 
tite boule ronde. Autour de chaque 
petite boule font trois ccoiflans ; \\ y 
en avoit outre ces trois un demi qui 
fortoit de la petite boule- Nous palTâ- 
mes en cet endroit le refte de la jour- 
née ; & je remarquai que le croiflant 
qui n'étoit forti qu'à demi à nôtre ar- 
ivée l'cioit tout-à fait le foir, & qu'il 
r:-inimençoit à en repouifer un autre, 
Ctla me fit croire que ce (împle avoic 
L iiJj, 



I 



148 VojÂge dam t Afle mhewt, ' 

le mouvement de la Lune 1 Se je vis 
en effet que la planetie n'avoit pas 
plus de jours que l'hcLbe de croif- 
îànts. Si j'avoîs eu le tems de fcjourner 
là, de fuivre gpur ainfi dire , tous ces 
CToilTams , & de voir ce qu'ils deviens 
nent , j'autois crû n^a curiofité fort bien 
païée : mais il falloit avancer j& les 
lieux , quoique infiniment beaux, n'c- 
toiem pas aflez furs pour y demeurer 
long-tems en iî petite compagnie. Il y 
a apparence que i'herbe que je viens 
de décrire eft une efpece de lunaria ma- 
jor. Je me contentai de quelques raci- 
■^ nés & de quelques fleurs tant de ceU 

^k le-Ià , que des autres (impies que j'a- 

^K vois vus , Se que ye pris pout eavoïer 
^ft ^a France. 




^^^f^^^^?^^^^^^ 



CHAPITRE XXVII. 
t l^oyagf. Montagnes de ParcetL 
' h ^ de Chiroucouvijè , de Bretttnïfitt 
aelly . & d'Eliai^Hi. Vniage de Pacha~ 
m.ic!y : Turcs çui l'habitent : leur 
langue. Mefitagne de Ckxmrou: PUtitet 
Jingalierei : arbres exJraurdinaires af^ 
peliez. Occhel' Montagne de Tountnne, 
Toiboitr. Hardes. Rivière de Carafon, 
Drame : Bufle d'Hersule : Horloge r 
Infcn'prioTis^ 

LE 9. nous quittâmes cette belles 
plaine fur les deux heures agites 
midi , & nous continuâmes à marcher 
iiir ces hautes montagnes. Elles ne font 
habitées qite par des beigers ; & l'ort 
y voit de tems en lems de petites ca- 
banes oil ils le retirent. Deux heures 
apicsle Soleil couché nous finies nô- 
tre Connac lous des arbres : nous y 
allumâmes un feu qui dura toute la 
nuit. Le lendemain nous patinnes une 
heure avant le lour ; & nous palTà^ 
mes la montagne de Parctlly ; elle eit 
fort élevée. Celte de Ci/iroucoitvifi ^ceU 
le de Breamifen delly , Se celle d'£fia<jHé 



\ 



i 

Knous montâmes , ne luy cedenc ^Jl 







I 



»yo P'àJ'^^t ^"is VA fie mîrmtrr, 
point. Apres tcre defcendus de la der- 
nière , nous rencontrâmes un Vill; 
du même nom : nous nous y arn 
mes pour dîner, & nous repofèr. 

Nous repartîmes au bout de 

heures ; & marchans pendant refpace 
de fcpt fur les mêmes montagnes SC 
par des chemins fort difficiles , nous 
paflames dans un ViHatje nommé Pt~ 
ehamacly. Il n'eft liabiié que par des 
Turcs ; mais ils ne fçavent pas leur 
langue : leur parler eft plutôt un EC- 
cUvon corrompu & mêlé de Grec Sc 
de Bulgare. Derrière Pachamacly nous 
Itaverlames la montagne de Chotti 
celle-ci a encore des plantes plus 
guiîeres que celle de Jongou- Lorfc 
nous fûmes en haut , nous entrai 
dans une belle forêt , dont les atl 
fort gros & fort hauts , paroilfent 
ranï de prodiges ; & reffemblent : 
/bkment à ci:y]x difs metamorphofîl 
Premièrement on diroit qu'ils onï dél 
pieds attachez à terre ; on voit cnfitt? 
te deux jambes qui s'élèvent, au delTus 
defquelles s'étendent deux cuiires , 8c 
enfin un corpî qui commerce Sc fiiic 
le tronc de l'arbre : Les branches ne 
viennent qu'apics une efpace propor- 
tionné ; mais de inaDiere , qu'elles pa> 



Ij^fique & Mtttrtt Btax. jjqf il 

rmlTcw de veiitabies bras dcpouîUç» 
4c ïçtiillcs lufqu'aux mains, qui pouf. 
jcat quantité de touilles fut d'autres 
feewa branches qu'on pourroit pren- 
<lr« pour leuis doits. Mais ici (s per<l 
l'égâhcc, car ces mains n'onc pat tou- 
Ks la même quantité de ces perites 
brajiehes ; G une main en a quatre, l'au- 
tre n'en a que trois , ou même deux 
ftulement. Au deHus de ce qui paioîc 
faire les bras , les atbres ont environ 
on pied de tige. Sur cctre ligc eft la 
ÊgUfe d'une grolTe tête , d oiH foct utt 
nombre infini de branches qui forment! 
ïe plus beau bouquet du monde. J'a- 
Tïoia déjà vu bien des fortes d'aibres : 
j'ai encore vu beaucoup de forêts -, mai» 
il s'en faut bien que j'aie j.imais ren- 
contré rien d'approchant. Au refte ce- 
beau bois a tour au plus une tient: fie 
(mie de longueur. Si le nom pou- 
it faire connoître la nature de ce» 
«es , les gens du pais les appellent 
ektK.. Aptes ce fpcAacle la monia- 
e ed rude : elle nous dura deux hets* 
I a defcendre & nous fîmes nôcrff 
rnnac au bas à ta belle étoile. 
Le II. nous palTàmes la montage 
Je Taitrienne : elle a au moins pour deux 

ts de chemin. Au pied e(t le Vit ^J| 




'I 

I 

■ 



V* ■ ■ -, 

lage de Tojlratir j & trois heures aptes 
l'on tiouvecelui Je Haniei ,d"oit prend 
fon nom la Hitrdeme , Rivière que nous 
avons dit palier auprès d'Andciuoplc. 
Nous la (ôioiànies pendant cinq heu- 
res. Dans l'endroit oiî nous ]a quittâ- 
mes , elleeft encoie ti petite qu'on peuc 
la travcrfet d'une enjambée ; auflî eft— 
elle voilîne de fa fource , auprès de ï|^| 
quelle nous allâmes faite nôtre Cad^| 

Le 12. nous partîmes à la pointe du 
jour: nous marchâmes rcfpacedequa- 
Kï h'ures p.'C des montagnes fort difH- 
ctles & pleines de précipices. Arrivez au 
bord de la Rivière de Car^fait , nous 
la palTàmes dans une chaloupe ; &nous 
marchâmes le refVe de la journée d 
une large plaine , qui nous condi 
jofqu'à Dratnt. 

Cette Ville eft petite , mais fore jrf 
lie : l'on y voit fept Morquées à Mina- 
rets. Ily a auflî UTie Citadelle, quipa-, 
roiE avoir é;é autrefois confiderableT 
des plus fortes : mais on en a neglii 
les réparations . & elle tombe à pq 
fent en ruine de tous cotez. Les Gn 
ont une Eglife à Drame : ji; fus la v 
elle eft pauvre & aflfz mal entrete- 
nue : c'ed pourcani; un Arcbevëclv' 



>ndiii|^| 

fore jtf^ 
Mina- 

uipa-, 

voir j 
:retc- 



mais on fçaic qu'en Grèce , à prefenc 
du moins , les digiiitez font peu con- 
fidcrables pour l;ur revenu. Je remar- 
quai dans cette Eglife un bufted'Her- 
cuie d'une grande beauté. Il eft d'un 
Marbre blanc exquis , & fert de pied 
d'ertal à un piiicr de bois qui f'outienc 
une galletie. Plus de la moitié eil cn- 
foiiie , & couverte de terre -, ce qui 
paroît me fait répondre du refte. Je 
i'aurois alTuremcnt acheté , fi l'Arche- 
vcque avoit été à Drame ; Mais en («a 
abfence perfonncn'ofoit toucher à fb» 
Eî;hre : ainfi j'eus le chagrin de l'y 
killer. Ce fêta pour quelqu'autre 
voïage. 

Dc-là j'allai voir une Tour ancien- 
ne , qui eft encore en fon entier : elle 
eft bâtie de pierres de taille les plu» 
belle!. Il y a plufieurs maibres avec 
des Infcripïions , qui nous auroienc 
ians doute donné quelque connoilTan- 
cedc l'hiftoire de Drirne ^ ou des guer- 
res de ces provinces , fi j'avois pu les 
copier : mais la Tour ctoit habitéepar 
on Turc fuperflitieux ; c'en fut afTea 
pour rendre mes defirs inutiles. Il pré- 
ïendoit qu'il y avoit dans Ta Tout \xa- 
ttéfor , & que les Infcrîptions enfei- 
gtioient l'endroit oilon le pouccoit<troil« 



à 



I 

i 



▼er. C'eft une manie qwi a inÊitiii le* 
crpriis Ae U plupart des Taies , JSC 
tnéme des Chfèciens de ce p3ïs-là:de9 
lettres qu'ils lie fçauroieni lire ou 
qu'ils n'eniendeni point, marquenr ud 
ireror & la pierre Philofciphate -, aulB 
n'eft-ce que par adrelVe , (c quclqoe- 
foiï en s'expofaiit à mille dangers , 
qa'on arrache quatre lignes qu'ils ciownc 
capables de leur donner de grandes ri- 
cheires , & dont cependant pas on 
^'eux n'a i'induftrie de fe fervir. Cefiie 
tn vain que ('offris de l'argent au Con- 
«erge Turc. Il s'étoit perl'uadé que je 
donnrrois peu pour avoir beaucoup ;. 
te la peur que je ne lui en (ilTê aucUb. 
se part , quoique je ne manquallè pa» 
même de lui promettre le tout , l'en 
pécha de me rien accorder. \ 

Il y a à Drame bien d'autres imnÛ 
qui montrent évidemment qu'autrefi 
c'étoit une Ville fort confiderable. f 
y voie encore plufieurs grands ba(ï 
ae l'ancien tems : ils font pleins d'fll 
■vive , & l'on en remarque les fout^ 
dans le lieu même : il y en a deux t 
revêtus de marbre. De-!à j'entrai A 
de vieilles murailles, où écoîentsut^ 
fois des jardins délicieux. Enliiitea 
vi£iai une ^ran<ie çlace toute ente 



Fj^ifUt & autres lieux. SjJ 
d'amphithéâtres : c'éioit là qu'on fai- 
foic autrefois les jeux & les exercices- 
Il paflc dans cette Ville plufîeurs pe- 
tits ruiflêaox , dont l'eau eft forï clair 
le. Tous les Dimanches il s'y tient un 
grand Bazar , où l'on vend toutes for- 
tes de denrées. Enfin il y a une hor- 
loge qui Tonne les hrurcs comme 3t 
Philippopolis. On peut juger par cette 
defcriplion que Dtame cil une Ville 
des plus aimables Si des mieux four- 
nies des chofes necciraires. Ce font suffi 
CCS avantages qui en muUiplieni le» 
Habitans ; & quoiqu'en braucoup 
d'endroits il y ait de vaftes ruines, 
néanmoins il ne paroît pas qu'elle di- 
minue. J'y achetai quelques Médailles, 
& j'y trouvai deux Tnfcripiions que 
l'on peut Lice à la fin nombre 47. Sc 







CHAPITRE XXVIII. 

jîiiifies de ce tjii'on appelle l'ancienne Phi- 
lippe!, Orphen. Salanic/ue ; fis arcs de 
triomphes ; fes Adof^Htes ; fes Eglifii: 
faime Sophie .- tsmbeait d'Euiyches, 

L'On m'avoic die à Drame , que \C 
n'ctois pas loin des reftss de l'an- 
cienne Ville de Philippes: le ij. je pris 
ma route de ce. côté là. Après avoir 
inarchc cinq heures dans la plaine dont 
j'ai parlé, j'arrivai au commencement 
de ces ruines. Les Grecs d'aujourd'huï 
l'appellent PhiUpp'gi , c'eft-à-dire la 
letre de Philippes. La première choie 
que nous apperçûmes, fut le Château: 
nous l'avions à nôtre main gauche. On 
i'a bâti fur une montagne : il efl très 
vafte , & fes murailles font encore 
prefque toutes entières. Sur différen- 
tes émineiices , donc la montagne oi 
eft le Château eft entouice , s'élèvent 
pluiîrurs autres FoncaUès , qui y ont 
des correfpondances. L'on voit pluiîeurs 
grandes murailles, qui en dépendent: 
elles s'étendt:nt jufques dans la plaine. 

Lorfque nous fûmes arrivez dans la 
place de Philippes , nous marchf 



,4isg^ 



f^ai^^liiflli & autres lieux. ij-^ 
d'abord par des monceaux de pierres de 
raille & de Marbre , fans .qu'il parûc 
aucua aucre vcftjge de bâiimens. En- 
fuite nous rencoiurâmes un grand nom. 
bre d'édifices feulement à moitié abba' 
tus ; ^ parmi lefquels il y a eumanh 
feftetnent de beaux Temples tout bâ- 
tis de Marbre blanc y de fuperbes Pa- 
lais , dont les reftes donnent encore 
nne haure idée de l'Architeâure an- 
cienne ; Se pludeurs autres monumens 
dignes de la magnificence des Monar. 
ques qui y ont règne. Nous marchâ- 
mes une heure & demie dans ces rai- 
nes. Vers le haut nous trouvâmes une 
grofïê pierre d'environ vingt pieds de 
haut , &c quatre fur chaque façade: 
die me parut avoir fervi de pied d'e- 
Hail ; & je trouvai fur un de fcs câ«: 
teï une Infcription en lettres majilfcii-' 
les , mais elles étoicnt abfolument ron- 
gées , & il n'y avoir que les premiè- 
res qu'on pût copier : elles font à la 
fin, nombre 45. 

Après nous être avancez dans la 
plaine à deux lieucfs de Philippes, nous 
entrâmes dans un Village nommé -W.»- 
chelache , otj nous logeâmes dans uit 
camp. Le 16. nous en partîmes à lai 
pointe du jour : nous reprîmes noiic 



route du côcé du midi ; Se trois heures 
de chemin nous mirent dans le Cafa- 
bas de Pravi : nous nous y arrêtâmes 
quelques heurcsà caufède la pluie. En- 
fuite , continuant de marcher dans la 
plaine , nous arrivâmes a O'-fi^ : ce 
n'eft i prcfcnt qu'un Village ; mais fans 
doute qu'autrefois ça éié quelque Vil- 
le confiderabl-. L'on y voit encore un 
fon; beau Château ; mais il commence 
k tomber en ruine. 

Le dix - fept à la pointe du jouc 
nous commençâmes à cotoïer \iJI4*' 
ring : après deux heures de mar- 
che , nous padàmes une grofle Rivière 
appellée Bnurrous. Au lortir du bateau, 
nous trouvâmes une prairie pleine ds 
bui{ïons de plus d'une lifuc &c dei 
de long : delà pendant deux bonrf 
hairft nous traveriames une forêt ^ 
haute futaie. Enfuite nous découvrît 
ua lac nommé Boujoubachy : 
côtoyâmes en pluiieucs endroits j 1 
nous remarquâmes , qu'il avoir plus! 
quarante railles de tour : il porte I 
leau , & eft fort poiflbnneux, A peË 
eâmes-nous fait encore deux Iituj| 
que nous en trouvâmes un autre, 
phis étroit: on l'appelle Cakckoubâi 
li eft fitué auçtcs de Langage : 



i^^^W'^tf 



_ n^ue & autres tltux. xf^ 
fîmes nôtre Connac à quelques pas de 
ce Village fur le bord du Lac- 

Le iS.partîsavaiit le jour , nous cô- 
toïames le Couchoubechy près de Koia 
heures. Comme il fait quantité de ma» 
lécs , les chemins nous parurent ex- 
trêmement diâiciles & lalTans, Nous 
nous repofames quelque tems fous des 
arbres : cnfuite pendinc une heure nous 
montâmes une montagne alTez rude j 
de fon fommei nom defcendîmes tou- 
jours jufqu'à la Ville de Salon:^. 

J'y fus trouver M, Arnaud Confut 
de France. ]e lui rendis la Lettre de 
M. le Cnmce de Poncchartrain , Se je 
lui montrai la Lenre drculaire de M. 
L'AmbalTadeur, Il me reçue aveç^hon- 
tiètecé , me donna une chambre cnez 
lut. Se me £[ outre cela mille oiFres 
de fer vices. 

SalouikoaTefTalonique a été autre- 
fois une Ville fort grande Se fort ma- 
gnifique. On y voit encore 'plufieuis 
Arcs de Triomphes ; mais ils font touc 
ruinez , fi l'on en excepte un qui eft 
prefque entier , & où il y a encore 
pluCeurs belles figures d'Antonin : ce 
qui fait croire que cet Arc a ^té bâti 
en foii honneur. Dans toute cette Vil- 
le , Si aux environs » on reacontce Utt 



i6ù Voyage dans tAfie mimui^^ 
nombre prodigieux de Colomnes. Elld 
eft encpre^à prèfent entourrée de for-' 
tes murailles. Il y a au(E plusieurs bel--' 
les mofquées : c'écoient autrefois desl 
Eglifes. Celle que les Chrétiens avant | 
l'Empire des Turcs appelloient TEglife 
de faint Demicre , eft fur tout remar^ 
quable ; e'eft un fofc beau vaifTeau; 
foûcenu par tout de belles colomnes 
de Marbre , de Jafpe , & de Porphyre. 
Ce magnifique Bâtiment en a encore 
par deflbus un autre de la même beau* 
té ; mais il ne me fat pas permis de le 
voir , parce qu'il y avoir des femmesl 
qui y cravaill oient à la foïe. Au refte 
1 on ma afluré , que dans ces deux corps 
d'Egliie qui font l'un fur l'autre , il y 
a plus de mille de ces belles colomnes. 
Le pavé de l'Eglifc du haut a été au- 
trefois à la Mofaïque : fon chœur eft 
de la plus belle Architeâure. Entre 
deux colomnes , fur un Tombeau éle- 
vé d'environ quinze pieds , & appuïéf 
contre la muraille , je trouvai une In- 
fcriptionen vers Grecs, que l'on voie 
parmi les autres nombre yo. Elle don- 
ne une grande idée de celui pour qui 
elle a éié faite ; puifqu'elle marque* 
qu'il pofledoit toutes les vertus, & qu'il 
Êiifoit la gloire de la Grèce., 



tyéffii^He & autres lieux. igi 
De-là nous fômes à la Rotonde ; ça 
^té un fort beau Temple ; mais il s'en 
Fane bien qu'il égale celui de Rome. 
Ll n'eft bjàci que dç briques : du refte 
.e Vaidèaa eft beau , & il a été ao- 
rrefbis d'une grande magnificence. On 

Îvoic encore de très belles peintures 
la Mofaïque. Je montai en haut, 
Bc |e fis le tour 4e la coupe. L'efca* * 
lier qui y conduit , a été adroitement 
pratiqué dans la muraille , fans qu'on 
s'en apperçoive : il faut avouer auiE 
qa'elle a beaucoup d epaidèur. Il y avoit 
autrefois plufieurs beaux foûterrains , 
dont on voit encore les entrées : ils 
fent tous comblés de pierres ou d'or- 
dures y ainfi l'on ne peut plus les aller 
"voir. Je fus auffi vifiter la Mofquée , 
que l'on nomme encore fainte Sophie: 
£Ue eft très belle & en même tems 
f rcs vafte. Le clocher y eft encore ; il 
^ fait de pierres de taille & de bri- 
ques comme le refte du bâtiment. Voi- 
ci une particularité que l'on m'en ra- 
conta. 

Lorfqne les Turcs fe rendirent mai- 
très Je Teflaloiiique , la première çho- 
fe qu'ils firent , fut de s'crtiparer des 
édihces publics & principalement dos 
^glifcs Ils vinrent dans ce delTeitx à 



tfii Voy*gl diâîs tAfit mineure^ .1 

fâinte Sophie : tous les Religieux s'é- 
loicnc làuvés hors un qui n'avoit pu 
voulu abandonner l'Eglile. Ce bon 
Moine dit hardiment a ces Barbares, 
que c'étoit fa maiTon, & qu'ils l'y fe- 
[oieni périr plutôt que de le conTrain* 
dre de ta quitter. Après une force refi- 
(lance dans les differens endroits oil ils 
• l'attaquèrent, prcflcde touscôtez il s'al- 
Ja réfugier dans le clocher ; là il fit en- 
core des merveilles pour conicrver Ton 
porte. Mais les Turcs honteux d'être 
ainfî fatiguez par un feu! homme , s'oK. 
ftinerent à l'avoir à quelque prix qoe 
ce fût ; & pour donner exemple aux 
Habicans , ils lui tranchèrent la ter; 
& lajetcereni dehors par une des fenc 
très du clocher- Cette tcce tomba tout 
le long de la muraille , & la teignit 
fang. Les Turcs dît. on, qui ont chan- 
gé cette Eglile en Mofqiiée , ont 
tout ce qu'ils ont pu pour eftlM 
la marque de ce S^ng- Ils onu blf 
chi la place , ils l'ont grjtée 8c 
vée cent fois : tous leurs tfForts 
font trouvez inutiles. Loin de diminuer 
le miracle que trouvent ici les Grecs, 
- j'ajouterai que j'ai vu cet endroit de 
«aes propres yeux ; qu'il eft vilîbic que 
l'on y a mis plufii^uis couches de bUo^ 



fenc - 

i tout I 

nit de j 

:han- J 

m 

ts fc 1 



I tjiffriqKe & AUtret lirux. \4t 

mais que le rouge , ou fi l'on veut le 
iang , paroîi toujours fur la muraille. 
Enfin nous fûmes à rEi»ii(ê des Grecs, 
elle eft paUdble , & l'on pourroit mê- 
me dire aflèz belle. On y voit le Tom.. 
beau d'Eutyches i'Antagonifte de Nefto- 
rius. Il y en a plufieurs au:res toui de 
Marbre , & furlefquels on trouve des 
bas-reliefs & des Infcriptions. Je n'en 
pus copier que deuï : elles lont Grec- 
ques -y mais les noms , fur tout de la 
première , fcmblenl marquer qu'elle» 
ont été faites pour des Latins, Voïez à 
\a fin nombre jo, & ji. 

^ trouvai dans la Ville quelques 
jdailles d'argent. Pour les avoir il 
But pratiquer la Médecine : fans cela 
on n'étoit pas d'humeur à les donner 
ni à les vendre. Je fis donc le Méde- 
cin; mais le Médecin de confcquence 
^mÀC bon goût : je ne m'attachai qu'aux 
Hbla'dies des Dames : je n'allois même 
^1^1 que les femmes de confédération les 
tIds belles & les plus aimables; & le tour 
n la charge qu'on me trouvcroit des Mé- 
dailles : point de Médaille, point de Me- 
Ïne, Pat là je paiTai le tems a^rea- 
nerit , & j'obtins ce que je fouhaii- 
Qae ne fait- on point pour fa fant^ï 



M un 1 



CHAPITRE XXIX. 

R<Ution du Monte fanto , c'eji-â-iire d» 
ment ^thos. 



^ 



COmme je demearai quelque tems i 
Saloiîiquc : cette Ville n'ctani pas 
extrêmement éloigtice du Monte ftnto, 
c'eft-à'dice du moniAihos^Çv célèbre dans 
les anciens Poctes pour fa hauteur, & lî 
fameux parmi les Grecs modernes par la 
quantité deSolita ires & deMoines qui s'y 
trouvent : je crus devoir y faire un tour. 
Ma curiofité n'auroit pas été fatisfaitc 
(i je n'avois vu de mes propres yei; 
toutes les chofes que l'on m'en contoit. 
Je parcourus donc pendant ptuiien^. 
jours ce delert /i renommé. Je puis dir. 
qu'il y a peu d'endroits que je n'ait; 
vifitez , jufqu'à une Chapelle qui cft j 
au fommet de la montagne , & où l'on I 
neva prefque jamais. Lorfque j'y mon- 
tai il y avoit encore beaucoup de neiges : 
mais comme c'ctoii dans le plus beau 
lems de l'année, le Soleil l'avoir fond) ' 
prefque par tout ; & il n'y avoitp 
que le côté du nord qui fût inacceffibl 
Pour le ronimet , c'ell uo roc vif \ 



• -ijlffri^iie & mtres lieux. ifiy 
fans arbres , où la neige ne refte pas 
fi long- cems que dans les vallons, 
^ptès en avoir palTc p'ufieurs à mi- 
côte, la plupart fort ombragez, nous 
arrivâmes enfin a la Chapelle. Com- 
me elle eft far une montagne fort 
élevée , les Religieux qui l'habitent 
l'ont confaccce à la mémoire de la 
Transfiguration ; & je fçûs que l'on 
y chantoit la meflè , & que l'on y 
pa0bit la nuit le fix Aouft avec un 
concours de monde extraordinaire. Au 
refte pour un lieu que l'on ne fréquen- 
te prcfque que dans le grand efté , il 
me parut bien entretenu. Le bâtiment 
n'a pourtant rien de fort extraordinaire 
que fa (Iiuation dans un lieu où il eft 
furprenant que l'on ait pu élever une 
Chapelle , puifque l'on n'y fçauroit de- 
meurer on quart d'heure fans un grand 
feu. 

Ce que nos Géographes appellent 
communément monte fanto , ne renfer- 
me pas feulement le mont Athos , 
mais encore la chaîne de Montagnes 
qui le joint au continent de la Macé- 
doine. Cette chaîne a bien fept ou huit 
lieues de long , fut trois ou quatre de 
large. Les Grecs , ( & c'eft de là fans 
^^auce que nos Géographes l'ont pris,) 
K Tmc I. M 




I 



l6iS Veyâ^e daris tÂftc mmeurt, 
donnent à cetce chaîne de tnonïagnes 
joicte àl'Arhos , le nom 5",«*/'^»',c'eft. 
a-dire le Mont Sainr : mais ior/qu'ils 
parlencdumont Athosen paiticuliet, ils 
le nommenc encore aujourd'hui Athos; 8e 
de vingt Monafteces qui fe lenconc 
dans ceite lolitude, il n'y en a qu 
içavoir le Monaftere qui porte le non ^_ 
iainte Laure , qu'ils rcconnoillcnt erre 
de cette montagne. Ce monaftere eft ' ■ 
plus grand & le p!us riche de touSi& Ton 
peut mcme alTurer , qu'il porte à 
jufte titre que les autres le nom de ( 
qui eft commun à tous : puifque 
de-là que les autres apprennent 
devoir , & ont reçu les règles 
¥ie Monallique. 

Au rcfte tous ces couvents reflem. 
bleuE plutôt à des fortereires , qu'àdf. 
maifons religieulcs. Ils font frrnnés d 
bonnes murailles flanquées de Tours, 
ou«au moins furmoméesd'un groî doT:- 

i'on , qui ne manquent jamais d'artil- 
erie ni de toutes les chofes necfiT 
rcs pour une défenfe vigoureufé, ( 
une précaution qu'ils ont fagem 
prife contre les partis & les iitupiù 
des Corfaires , aufquels ils Ibnt exi 
fés des deux cotez, Comme la ptâpl 
de ces Monafli.*ies font bâtis à cinq d 



osi8c 

erre 

..eft'' 
r,Sc l'on 

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'>iMi«.«M«i 



«7 



lix étages , les appartemens & les 
chambres y font vades & en grand 
nombre ; mais je cronvai le tout ailèz 
mal difpofii. Il n'y a proprement qae 
lea Eglifcs qui puillent plaire : aulfi 
font- cites d'une magnificence & d'u- 
ne beauté qui palTe ce que l'on doit 
attendre des Grecs. Elles font pavées de 
Marbre avec quelque Mofaïque. Elles 
font toutes couvertes d'un plomb , que 
le Soleil fait briller comme de l'argenr. 
Les murailles font ornées de fort jo- 
lies peintures. Il y a dans plulîeurs de 
ces Eglifes des coupoles , jufqu'au 
nombre de cinq , foutenucs par de très 
belles colomnes : de forte qu'aux lieux 
même ov\ la religion Chrétienne cft la 
^tooinantCjCesEgliles Grecquesferoient 
Hpicdces comme magnifiques- 
^Vonr la grandeur, la plupart ne foui 
!P»'Ta(les ; on les a néanmoins diftin- 
guées en quatre parties. La première 
cft une cfpece de portique ou à.'^irinm 
JLa féconde fait le vcftibule. La troi- 
lîéme , qui eft la plus grande , fert de 
chœur, éc renferme les bancs oïl les Prê- 
tres Se les pacciculiers fe mettent. En- 
fin dans la quatrième eft l'Autel oâ l'on 
dit la Mefte ; perfonue que le Prêtre 

ife y emrcr. Tout cela eft fait d'une 
M ij 



'les ^oy^Z' ^""^ ^■'ipe mitiâH»^ 
manière folide, bien voûté , & peint 
depuis le hauc jufqu'au bas. il y a ou- 
tre cela plufieurs beaux tableaux , venus 
la piâparc de Mofcovic , où l'on a pour 
la peinture un alTez boni goût , & Tui 
tout bien meilleur que dans la Grè- 
ce. 

Tous ces Monafleres n'ont pas été 
bâtis parles Grecs. Il yen a quatrequi 
reconnoilTent les Bulgares pour leur* 
Fondateurs , & qui ne font habitez qua 
par des Moines Bulgares. Deux autres 
ont été bâtis & tentez par des Princes 
d'iberie & de Mingrelîe : il y a à pre- 
fent peu de Religieux de ces deux na- 
tions. Enfin il y en a un qui doit fon 
établiflêment aux Mofcovites & aux 
Cofaques y où l'on ne reçoit aucun 
Religieux d'autre nation : ce derniei 
eft pauvre. Tous les autres font re- 
monter leur origine au tems de Con- 
ftantin ou de Tes enfans : mais il y a 
dans leurs prétentions une exageratitai 
manifelle. Les Infcripiions que l'on 
voit dans leurs Egtifes , ne parlent la 
plupart que de quelques Empereurs 
beaucoup plus récents; quelques-unes 
même ne font mention que des Vaivo- 
des de Valaquie Se de Moldavie ; ainiî 
cette piétenduc ancieaneté dont ils 



t j^jfrifue & autres lieux. igf 
font parade , fans doute pour le ren- 
eîrc plus recommandablcs , ne peuB 
éblouir que ceux qui font aiTez (im- 
pies pouc les en croire fur leur pa- 
role , fans fe donner la peine d'ap- 
profondir. Les noms qu'ils donnent à 
leurs Monafteres , font prefque tous bi- 
zarres. Ils ne fçauroient eux-mêmeeii 
rendre raifon ; quoiqu'ils débitent là 
delTus quantité de fables , dont l'une 
détruit l'autre ; &C qui n'ont la plupatC 
aucun ombre de vrai-femblance. 

A proprement parler , il n'y a en- 
tre ces Monafteres aucune fubordina- 
tion ni dépendance l'un de l'autre ; de 
forte qu'on peut dire , que ce font dif- 
ferens corps que la Relijrion fait vi- 
vre en union les uns avec les autres , 
comme s'ils n'en formoient qu'un. Il 
y a au Centre de ces Monafteres un 
Bourg nommé Kapiarh , oil l'on tient 
tous les Samedis "un marché : l'Evêque 
de ce pais y fait fa réfidence ; mais il 
n'a aucune jurifdiÛion fur les Moines, 
& il ne peut aller leur conférer les Or- 
dres , que lorfqii'il y eft appelle ; parce 
qu'ils croient avoir droit de fe faire or- 
donner par tel Evcque que bon leur fem- 
ble. L'E^lifè de Kapiarb porte nean- 
^■oins le ikte d' ylcroiMa» -, c'eft-à-dîre 
■ M iij 



J 



170 yiiydge dans tAfie mmure^ 
Tres-haHte. Elle eft defervie par quel- 
ques Moines détachez des ptiiicipaux 
Monafteres. 

il y a encore au Mont Athos une EgUfe 
confiderabie ibus le nom de fainte An- 
ne. C'eft le lieu où s'afremblent& font 
leurs dévotions les plus folitaires j c'eft- 
à-dire ceux qui dans ce deferr mènent 
la vie d'Anachorectes. Il y en a de 
cette forte cinquante ou foixante dont 
les uns £ê tiennent abfolumeiit fèpa- 
tez du genre humain , & les autres 
deœcuieni deux eufenible. Leurs cel- 
lules au nombre de quarante font 
dans unç folitude afFreufe , dont le 
feui afped caufe de l'horreur. Ces 
Auacboretces font paroître dans leurs 
manières beaucoup plus de pieié & Jl- 
tccuciUemenc que les autres- Il ae 1^ 
foùtienneni que du travail da leur 
maiùS î à l'exemple des anciens Moi 
nés. Us ont une cfpecc de Dîteâcu;, 
qa'ils appellent Di4::iài, c'eft-à-dirc -^ 
ju/h ; mais ce Dicaios dépend lui m«me J 
de l'Abbé de fainte Laute , parce que 
leurs cellules font bâties fur le terrain 
de ce Monaftcre. Les autres Cou. 
vems ont aufli dans leur territoire 
quelques petites Egliles accompagnées 
chacune d'une habitation. Ils ont tai> 



Fjijfr{{jue & autres Ceux. ijt 
Ton d'appeiler ces habitations KeUia ; 
car ce ne font que des fermes habi- 
tées par un -on deuxCaloiers , qui cuU 
rivent les fonds qui dépendent des 
Monafteres , & en rendent une certai- 
iie fomme par an. Les Religieux ont 
mêtne le droit , après la mort de ces 
agens , de prendre le proHt qu'ils pour^ 
roient avoir fait pendant leur vie ; & 
le fruit de leurs travaux retourne toû*- 
iours à la menfè abbatiale. 

Tous ces Religieux obfervent pon- 
âuellement trois chofes qui font com- 
me les trois vœux de UOrdre : la pre- 
mière , eft une abftinence rigoureufe , 
qu'ils prêchent dans tous leurs entre- 
tiens , & dont ils poiiflènt eux mêmes 
extrêmement lom la pratique. La 

w féconde , eft de palfer plufi^urs nuits 
de Tannée dans leur Eglife en oraifon, 

' on à chanter les loUanges de Dieu ; 
ce qu'on appelloit dans les premiers 

- (iecles du Chriftianifme les vioiles. La 
troifiéme, eft de ne fouffrir dans leur 
montagne aucune femme ni même 
aucune femelle des animaux dôme- 
ftiques. Quelques - uns même comp- 
tent pour un relâchement d avoir , com- 
me ils ont à prefent , dans leurs Mo- 
nafteres de jeunes Diacres : ils citent 

M iiij 




fur cela leurs anciens Auteurs , qui 
toarqueni , dilent-ils , qu'autrefois il 
y avoir une maifbn (êparée pour l'é- 
ducation de ces jeunes gens ; & qu'ils 
éroient gouvernez par des vieillards 
d'une pieté exemplaire. Mais rîen ne 
doii furprendre dans le relâchement ■ 
de la difcipline d'un Convenc & des 
autres grands Corps, compofez de tai^ 
de perlbnnes , dont les mœurs coffl"' 
me les païs font ditFerentes ; furt 
lorfquc cela n'arrive qu'à la fuite < 
iîecles. Le tenis altère tout jufqu'à 1 
vérité , qu'il ne lailTe point nue 
qu'il habille ordinairement d'une i 
nicrc bifârre. 




rjffAqne & antres IUhx. %j^ 



CHAPITRE XXX. 

Smte du VQtagt. Plaine de Magregorio^ 
Larijfe en JLarzje : Rivière de Salem-' 
Ima on Liconflitin. Phemmene extraor^ 
dinaire. faille de Zeiton : fa Rivière. 
B as ^relief : Infcriptions, 

A Près avoir ainfî parcouru le mont 
Athos , je retournai à ThefTalo- 
tiique .* ')Yic9taÀ encore quelques jours, 

Îour attendre un Caïque. Le 8. JuiU 
ît , le Soleil couche , nous fîmes voi- 
les. Nous traversâmes le petit golfe & 
nous pafTâmes Platamone : c'eft un lieu 
fort gros , & dont le Château peut 
être de deffl-nfe j aufli eft-il bâti fut 
une montagne , & en état de com« 
mander à tout le païs. 

Leio. avant le jour nous noustrou* 
vâmes devant quelques baraques , oà 
l'on a coutume de débarquer pour 
paier la doUanne &c fe rendre à Lar« 
ze. Je ne voulus pas débarquer là ; 
nous navigeâmes donc encore une 
Jieure , & nous débarquâmes au pied 
d'une montagne. A peine avions « 
:l>ous mis à terre une partie de nos 

M V 



'liy/rn dans fj^Jîe mineure, 
hardes , que nons vîmes paroître an 
des gardes de la Douane. Il commença 
par nous charger d'injures , & faire le 
méchant. Il alloit même tirer fon fa- 
bre -y mais je pris mon fuftl Se le cou- 
chai en joue. Il en eut une peur ex- 
trême ; alors.je lui marquai qu'il n'a- 
voit rien à craindre s'il ctoit fage. Je 
lui fis ôter fon fabre par mon valet \ Sc 
après l'avoir mis à la raifon, je le fis 
boire avec nous : il nous laiffa donc 
en repos. L'on m'amena de CatilTo des 
chevaux qui y portèrent ce que |'avois: 
Cariffo n'eft éloigné de la montagne 
où nous étions que de deux mille ; 
c'étoit la demeure de nôtre Calavefil, 
c'eft-à-dire, du ï'atron de nôtre Barque: 
il nous logea chez lui, oïl nous rcfti 
mes toute la journée. Le DouanniL-: 
vint m'y trouver accompagné d'un au- 
tre garde , dans le deltcin de me faire 
païer de gré ou de force : mais ils me 
trouvèrent fi réfolu , qu'ils (ë conten- 
tèrent de faire la vifiie de mes hardes, 
& après avoir bû du cafFé , ils s'en al- 
lèrent. 

Le II. nous defceiidîmes d'abord ia 
montagne pendant une bonne heute. 
Nous marchâmes enfuite dans un chei 
min alTez plat , qui nous mil dans le 



Fjiffr.ifHe & autres Vieux. i^y 
^pêtic Village de Bdba. De -là nous 
avançsiines Tur une éminence , derriè- 
re laquelle eft une plaine d'environ 
deux lieues de tour. Cetce plaine eft 
celle de Magregorio^ fameufe par une 
bataille {ànglante donnée autrefois en- 
tre les Grecs & les Turcs. On y en 
voit encore des marques \ Ton a pofé 
des pierres fur les fepultures de tous 
ceux qui y furent tués. Il y en a une 
quantité fî prodigieufe que la terre 
en paroit toute herifée ; ce qui peut 
dooner une idée du nombre des 
morts. L'on diftingue même mal- 
gré cette confusion , la qualité de 
chaque mort ; toutes ces pierres étant 
de dijfferentes grandeurs y proportion- 
nées au rang que tenoient ceux fur 
qui elles font pofées. Celles des (im- 
pies foldats font fort petites : on en a 
mis de plus grandes pour les Officiers; 
& celles des Chefs parroifTent autant 
au deiTus de toutes , que ces mêmes 
Chefs étoient élevés au defTus de tous 
les autres de leur vivant. En fortant 
de cette plaine , nous rentrâmes dans 
une autre quj dure jufqu'à Ldrfe , oik 
î'arrivai à fix heures du foir. 

Il ne faut que contempler cette Vil- 
le un moment , pour juger qu'elle ai 

M vj 



lyiftf dans VAfte mlnmrt, 
été autrefois fort grande & des plus 
fameufes : mais ce qu'il y avoit de 
beau , eft à prefem ou toui-à-fait dé- 
truit , ou lombant eu ruines. Il n'y a 
plus aucunes maraillts qui l'eiîtourcntî 
& fes maifons ne font la plupart bâ- 
ties que de terre. Anciennement Ji y 
avoit par tout de magiiiticiHes édifi- 
ces : l'on voit en plulîcurs endroits des 
reftes de beaux Temples & de fuper. 
bes Paltis. 

Larfe eft lîcuée allez avanta^eulë- 
ment dans une plaine fertile , & fort 
arroféc d'une belle Rivière qui palTe 
au pied de Tes maifons. Il y a entre 
la Ville -& le refte de la plaine une 
communication p^r un pont de pier- 
res des mieux confirmes. Sa Rivière 
porte deux noms : Un que lui ont don- 
né les Grecs , qui eft S^UmbrA ; l'au- 
tre Licaiifîufi , qu'elle tient des Turcs. 
Malgré la diminution de Larfe il ne 
laide pas de s'y faire un petit commer- 
ce de divecfes fortes de chofcs ; mais 
le négoce le plusocJinaire eft de peaux 
de Rouiïï ; ii y eft veritablt;mcntcon- 
fidcrabie. Pour les H.ibitans ^ c'ell 
comme prefque pjr toute la Turquie 
il y en a de trois fortes. Les Turcs 
y font la plâpart mécbans Se eâro^^ 



l'^ffr'Kjue & autres lieux. xjf 
tex. Il n'y a qu'une Eglifc pour les 
Chrétiens Grecs ; quoique ce foit ud 
£véclic. Les Juifs y font au nombre de 
plus de deux cens familles , dont la 
plupart poflidcni de ^landes nchcflès. 
Si font la banque. Depuis quelques aib 
nées OH y a établi un Conful Anglois: 
il y fait pour fa nation un fort gros 
commerce de bleds , dont il charge 
ordinairement pluficurs bâtimens , qu'il 
envoie dans les difFeccntes parties du 
monde, & qui lui raportent un grand 
profit. 

Le iîxiéme Juin il arriva dans cette 
Ville un phénomène aiïez particulier. 
Environ fur les deux heures après mi- 
di le Ciel étant par tout fort fërein^ 
il parut du côte duNocd un petit nui- 
tée , qui marchant d'une viteffè in» 
croï^ble , faifoit avec cela on bruit 
terrible, Arr^ à quelque dillance de 
la Ville , tom d'un coup il fc fendit 
en deux : on peut croire qa; ce ne fut 
pas fans quelque vacarme. Ce qu'il y 
a de furprenant, c'eft qu'il en tomba 
alors une pierre de vin^t-quatri? oc- 
ques , c'eft-à.dire de foixante & douze 
livres pefant. Je fus comme les autres 
l'examiner ; elle fenioit extremémcnc 
le fouffre , & avoit alfez l'air du ma- 



Xj$ ï^eyâge dam ^ Jifit mmture 
chefet bialé. On en rompit un mor« 
ceau qui comme une rareté fut en* 
voie au Grand Seigneur : le relie de- 
meura chez un Cadi. 

Je fis dans cette Ville de grandes 
recherches de Médailles , j'y en trou- 
vai plufieurs bonnes d'arj;ent. Pour les 
Infcriptions , quoiqu'il y en eût , elles 
étoieni toutes trop imparfaites & trop 
efFacces pour en copier aucune. A trois 
lieues de Larfe il y a une autre Ville 
appelle Tourne ; fon commerce en tou- 
tes fortes de marchan^i(ês eft fort 
grandi ^ l'on y vient de tous les co- 
tez & de fort loin à caufe des belles 
foires qui s'y tiennent. 

Le 18. Juillet , partis de Larfe à 
deux heures du matin , après avoir 
marché quatre heures ; pour laiifer pai- 
fer la chaleur , nous nous repofànies 
dans le ViHace de Bfacasjee.Xin.ya. nous 
nous avançâmes encoreTerpace de Jïx 
lieues : nous palTàmcs ^Inarly & Ch,(- 
tfdy, Sinarly eft une Rivière, & Cba- 
terly une haute montagne , derrière la- 
quelle ndus fîmes liôcre Connac fous 
des arbres. 

Le 19. levez dès la pointe du jour, 
& après avoir iraverfc pendant trois 
heures des chemins fort dangereux pouc 



fJjfrlijHe & dittris deux. îy'^ 
îes voleurs, nous montâmes enfin foc 
le monf d'Iotiit ilervent. Il eft des plus J 
luuts ; & lorfque du fommec on re- 
garde les lieux voifins , on apperçojc 
une vafte plaine , & au milieu un grand 
Lac, que les gens du pais appellent 
Da-ont.elic : c'eft fans douce le Lac Bi~ 
hit dont parle Pline, Nous mîmes fix 
heures à defccndre de cette montagne. 
De-là nous nous nous rendîmes à Zei- 
lon. Cette Ville eft bâtie  des cÔ. 
teamc qui paroiireni comme des rejet- 
tons d'Ionil- Les reftes de bâtimenT& 
le grand nombre de matériaux qu'on 
y voit font connoître qu'elle a été 
fort confiderable. tUe avoit autrefois 
deux grands Châteaux vis-à-vis l'un de 
~*^utre : l'on en voit encore un prelH 
: entier ; l'autre eft ruiné. Le mi- 
1 de cette Ville eft une efpece de 
pilon : il y palîe un petit rmlfeau : 
1 m'a dit que fa fource eft abon- 
, & qu'il n'eft fans eaux en au- 
pn tems de l'année. Devant Zeiton 
^ une belle plaine très fertile parti- 
iriierement en bleJ- Elle eft ornée de 
fièrens Villages dont les jardins po- 
kers Bc fruitiers prefentest à la vue des 
Kages admirables , qui joints à la beL 
^V^sicK d' EayUd» qui ypalTe, fout 



'^àgt dans l' A (le rnihtuft, ' 

un effet charmant. Cette Rivière qtû 
cil le Sperchiitj des Anciens, eft afTcz 
grblTe pour porter des bâtfauï. Elle re- 
vient toujours fur Ces pas , & l'emble 
ne quitter cette belle plaine qu'avec 
diagrin. Après le Nil & le Meandi 
ileilpeu<Ie Fleuves qui ferpententp 
que celui-ci. • 

La Ville deZeitonn'eft habitée fl 
par des Chrétiens & des Turcs ; pa 
le Châtca^l'on n'y voit que des J 
homeians. Sur la porte par où j'enti 
je trouvai un Marbre blanc avec \ 
bat-relief d'une figure qui jolie d'unj 
ftrument alfez fcmblable à la lyre. M 
près eft une autre petite (ï^ure grod 
quement habillée en capuchon, & iê 
l'aiiitudc d'une pei Tonne qui danfefl 
au chant ou au fon de l'indrument 1 
l'autre. Dans tout Zeiton je ne pusw^ 
que deux Infcrij-Tions ; l'une enl'lu 
ncur d'un Xenophante , l'autre qui p 
le de deux Demofthenes. Voicz à lÀj 
iionib (1. & j}.Jl* ne doute point e 
n'y en ait plufieurs dans les maJn 
particulières : mais les Turcs pofleM 
les plus belles ^ & ce n'efl: pasnnej 
lite affaire à un Chrétien que 4'* 
entrée chez eux. 



Vj^qui & 4HMi lieux, x%i 



CHAPITRE XXXI. t 

llUge de Stilidd: Arrivée d Nègres 
font : fdttimlantez» du flux & reu 
flux atr' cette Mer qui eftr CEuripe^ 
Atkmes , fa fituation. Retour a Ne^ 
grepont. Ifle & Ville d'Andros^ HL 
fioire de cette futile , Infcriptions, 

m 

>kE cette Ville que je quittai le ii.^ 
^ trois heures après midi,nous primes 
ître route par Levant & Siroq. Nous 
iverdmes d'abord la plaine, & après 
>is heures de marche nous arrivâm- 
es à Stilida. C'eft un gros Village 
li n'a pour Habitans que des Chrê- 
*ns. Le païs en eft beau & très fer^ 
e ; & pour un Village , j'en trouvai 
Iglife rort jolie. 

Le 13. à dix heures du foir jem'em« 
rquai dans un Caïque pour Nègres 
9t. J'y arrivai le 15. à dix heures du 
itin , je fus* loger chez M. Guion 
)nful de France. Je le trouvai mal 
ur un Conful : mais je n'en fus pas 
rpris , lorfque je fçûs que le Bâcha 
cupoit toutes les plus belles mai« 
ns. 



iSi ^"y^i' damtAJîe mîneMre, ' 

Negreponc eft une des -belles Ifles 
de l'Archipel : elle eft abondante en 
toutes chofes ; & l'on m'a alTuré cjuVl 
le avoil ,50000, de tour , ijoo.de !pii- 
giieur, & de largeur 40000. en ph; 
Meurs ciidroics. ia principale Ville pcr 
te fon nom , & eft fituée fur ie bcr 
de ta Mer iuft-.-ment dans le lieu (.. 
l'ifl^ eft le plus près delà terce ferme 
il n'y a entre deux cju'uti petit eau.;' 
de Mer. On y a bâti un beau pont i! 
pierres de quitre arches excrcmcmc/ 
hautes : fous la première qui eft i : 
côté df la Ville, les VailTeaiix & ùu. 
1res bâtimens p.iir-nt tout h leur aile 
après qu'on en a ô.é le pont-lcvis. On 
3 tcù|ijars be.ii'.cnup parlé de l'Eurlp^ 
ce n'cft autre cliofc que l'endioit que 
je décris , où l'on dit qu'Ariftote (e 
jeiw , ne pouvant comprendre lacau- 
fe du mouvement perpétuel de ces 
eaux. Voici quelques paiticularitez que 
j'en ay remarqué. Le flux & lereflui 
■y eft d'une violence épouvantable : il 
y fait aller & retourner très vite plu- 
(îeurs moulins, qui font fous les arcli 
du pont , tout cela avec des bruu> 
horribles. Il n'cft point réglé comme 
dans les autres Mers ; fouvent en \m 
feul jour il change douze ou quin» 



^^'•Affnque & antres lieux. i8j 
fois & même jufqu'à vingr. Je l'ai vu 
changée (ept fois ea une heure j &.une 
autre jour que j'y reliai plus de .deux, 
iî ne changea quune feule. Les mou. 
lins donc j'ai parlé fuiveiic toutes ces 
agitations -, & lelon que le fl ix & le 
reflux va de l'un ou de l'autre côcé, on 
les Toii audî tourner de côté ou d'au* 
ïre. Comment trouver les caufes d'an 
effet G peaconft.iiit î Je crois que d'au- 
tres qu'Ariftoi: y auroient été emba- 
ralfer. 

Comme j'avois conçâ le dclTein de 
voir Ai-Mtes , je partis de Negrepont 
le 15 à fix heures du foir. Je traver- 
lài IdforterelTè, & paflai l'arche où eil 
le pont-!evis. Nous marchâmes enfui- 
re une demie heure par des chemins 
rabotceux , qui nous donnèrent bien 
delà peine. Ce jour la nous ne fîmet 
qu'environ trois lieues , après tcfquel- 
les nous nous repofàmcs jufqu'à plus 
de minuit. De-là, avancez dans la mê- 
me plaine, nous trouvâmes une mon. 
tagne affez rude , qui nous dura près 
de trois quarts d'heures à monter. Sur 
le haut nous trouvâmes une Chapelle 
abandonnée que l'on nomme faint Marc: 
nous demeurâmes auprès jufqu'à deux 



Bure; aprcs 



:nidi , pour lailfer paiTec 



I 



484 Voyige dam rAfxe mlntHre, 
la grande chaleur. Nôtre route a' 
toujours été par midi , & da côté 
Soleil couchant. Avant que d'arriver 
à Athènes nous en découvrîmes de 
loin les maifons & fur tout les rui- 
nes. 

Les dehors de cette fameufe Viile, 
& les démoHtions que l'on voie d'une 
didance con/îderable , font des pceu- 
ves qu'elle acte autrefois une des plus 
pniflântes Vilîes du monde. Au de- 
vant & du cote qne nous y entrâmes, efl 
une forêt de beaux Oliviers qui en 
font comme l'avenue . & rempliflent 
une des plus belles plaines. Je fus lo- 
ger chez M. Guion Conful de France; 
11 me reçût avec toute l'amitié poflï- 
ble i & je demeurai chez lui pendant 
tout mon fejour. Athènes eft fîtoéefur 
la pente d'un côteau.& aux environs 
d'un rocher qui s'élève dans la plaine 
dort j'ai parlé. Elle a la Met du coté 
du midi : au nord , elle ell en quelque 
façon couverte de montagnes ; mais 
de montagnes , qui avec leur hauteur, 
ne prcfentent rien que d'agréable. 

Ses ruines comaie on le peut juger, 
font fa partie la plus remarquable. 
En cffit quoique les maifons y fc " 
cji grand nombre , & que l'air y 



.j^^ 



FAffrifue & autres lUux. xgf 
admirable , il n'y a prefque point d'ha. 
bitans. Il y a même une commodité ^ 
que 1 on ne troave pas ailleurs ^ y de- 
meure qui veut , & les maifons s'y 
donnent (ans que Ton en paï'e aucun 
loïer. Au refte fi cette Ville célèbre eft 
de toutes les anciennes celle qui a con- 
iacré le plus de monumens à la pofte- 
rite , on peut dire que la bonté de Ton. 
dimat en a auflî confervé plus qu'en 
aucun autre endroit du monde y au 
moins de ceux que f ai vus. Il femble 
qu'ailleurs on fe fbit fait un plaifir de 
tout renvçrfer ^ & la guerre a caufé 
prefque par tout des ravages , qui en 
ruinant les peuples , ont défiguré tout 
ce qu'ils 'avoient de beau. Athènes feu- 
le , foit par le hazard ; foit par le ref- 
pedk que Ton dévoie naturellement avoir 
pour une Ville . qui avoit été le ficge 
des fciences , & à laquelle tout le mon- 
de avoit obligation : Athènes , dis -je, 
a été (eule épargnée dans cette deftru- 
âion univerlelle. On y rencontre par 
tout des Marbres d'une beauté & d'u- 
ne grandeur furprenantej ils y ont été 
iprodiguez ; & Ton trouve à chaque pas 
des colonnes de Granité &c de Jafpe. 

Son Château eft fur le rocher : il 
n'eft habité que par des Tuircs.Les JvÀk^ 



»8tf VoyAge dans fj^fte mineure, 
n'y ont pas plus de quinze ou vir::_ 
maifons- Celles des Mahomctans i 
montent pas à plus de trois cens , ^ 
en gênerai les Athéniens d'aprelti : 
font prerque tous Chrétiens. Ce i : . 
Ville a été & efl encore tiès bien foui i: . 
de pmis & de fontaines ; les eaux i!: 
celles-ci iont mêuie la plupart fort [ i 
.Uitaires. Il paroit parceque je viens i 
dire, que l'air d'Athènes eft desoiei' 
leurs ; cependant comme les corps i.. 
s'accommodent pas tous des aicmcs 
chofcs , i! y a apparence que cette Vil- 
le étoit pour le mien un lieu peulain) 
car pendant quatorze jours qu* j'y de- 
meurai , je fus toujours indifpole ; it 
à peine en ctois.je forti le jr. d'Aouft 
que je fentis mes forces revenir d'une 
manière furprenance. 

|e retournai à Negrepont pat Jet 
mêmes chemins. J'y arrivai le lo. & 
j'y nauMfai un petit bateau pour me 
porter à ^ndros. Nous fîmes voilcsle 
14. & nous navîgeâmes l'efpace de 
quatre heures par un vent de Nord. 
Enfuite il fe rafraîchit trop , & nous 
obligea de mouiller à une plage vtâ- 
fine du lieu oil nous nous trouvions. 
Au foleil couché le vent fc radoucit; 
nous av^n^âmes jufqu'à fon lever. La 



rAffnque & autres lieux. 187 
t étant devenue fort grofTe , fut caiw 
}a'on fe mit à l'abri d'une Ifle. A 
tre heures de l'après midi , la tem- 
i caimée , nous continuâmes nôtre 
ce jufqu'au foleil couché. Enfin le 

après avoir traverfé une quaran- 
e de petites Ifles qui font dans le 
ud de Negrepont, nous entrâmes 
s celui d'Ândros. Nous aurions 
t-être été ce jour-la jufqu'à l'Ifle 
ne ; mais la mer groffit extreme- 
it & nous reftâmes à l'ancre dans 

Calanque , c'eft - à - dire aans un 
ds. 

,e i7« au matin nous fîmes voiles: 
rajet n'étoit pa^confiderable; mais 
anger fut pour nous plus évident que 
ais. Outre que les vents nous étoient 
craires , & redoubloient continuel- 
ent nos ailarmes , nôtre bateau trop 
ué & fraca(Té par une bourafque, 
loit l'eau de toqs cotez ; & nous 
laçoit manifeftement d'une mort 
:haine. Après m'être recommandé à 
11, l'encourageai mes gens du mieux 
l me fut poffible : & je leur fis 
e quelques coups w bon yin pour 

donner de nouvelles forces. En- 
après avoir mis nôtre petite voile 

bâfle , ils rantexcnt de tout leur 



coeur , ôc nous gagnâmes la terre d'J' i^ 
dios- Nous ne laillàmes pas de conti- 
nuer nôcre route , nous voulions aller 
mouiller au port faim Gabriel ^ où nous 
entrâmes fur les dix heures du nuu 
tin. 

Ce port eft au pied d'une hante i 
montagne dont le fommet appartient- 
à des Colores. J'envoïai chez eux-dc-i 
mander des voitures pour porter mei j 
hardes. Je chargai les mules que l'on! 
m'en ^ena ^ & je montai à leu 
Monaftere.il eft dédié à la Sainte Vier- 
ge , & a tout lair d'un bon Château. 
Il y a même une Tour des plus han- 
tes y toujours munie de petites pièces 
de Canon. Le Convent ne renferme 
pas plus de vingt Religieux : ils vi- 
vent comme des hermites. Je n'y man- 
geai que du fromage & des olives; le 
vin que j'y bus me parut fort aigre. 
J'y reftai tout le iS. parcequ'il n'y avoil 
point de mules pour me porter de l'an- 
tre côté de l'ifle. Le 19, partis à fix 
heures du matin , nous marchâmes 
pendant fept par des montagnes fort 
hautes , & fur tout extrêmement ru^ 
des : nous nous rendîmes à l'habita- 
tion du Sieur de la Grammatique, qni 
dans cette Iflç fait la fonâion du Con- 

fui 



rAfrii^Ht & «utres lieux- i^P 
fui de France. Il me receut bien hon- 
nêtement, & me rei^ala d'un vtiiexcel. 
Icfit qui fie évanouir uoe paille de ma 
lallituite. 

La Ville d'Andros qui porte le nom 
de fon Iile,eft d'une ftcutfture remar- 
quabie. Toutes les perfonnes un peu 
confiderables habitent à prefeni dans' 
de hautes Tours , qu'ils ont fait clc," 
vet ; & l'on a pcetque perdu la coû-' 
tame de bâtir des mjilbns ordinaires; 
parce que les autres commencent à le» 
imiter. Cela n'a été iniroc!uit que pour 
fc mettre à couvert de l'infultc de* 
Corfaices : l'on y a toujours des armes 
& des munitions. Ce qui cft de plai- 
dant , c'cll que l'on y monte par une 
échelle qu'on tire après foi j de forte 
qae l'on demeure eniuitc dans la Tout 
comme dans une véritable prifon. On 
œe conu une hiftoire qui, a ce qu'on 
prétend , a été la première caufe de ces 
grands bâtimcns, La voici. 

Il y avoi: autrefois à Andios « 
quantité de Turcs , dont les Chrc- « 
liens apparemment trop miîrraîicz, ft 
avoient réfolu de fcdeffkire, La bien- «f 
feance vouloir que leur infortune vîni« 
d'ailleurs i & il n'étoic pas raifoiina-« 
ble à des fujecs d'atiemer a la vieS:« 



Tomt I. 



N 



LÏtllï I 

far ] 



Voyage dans i'yifte rnineurt^ 
la liberté de leurs Maîtres. Attllî 
» les Gctcs , pour ne poini attirer 
«eux la paricioii d'un tel crime, remi. 
M reni la perce des Turcs qui les tn- 
n comniodoient à la difcrctioti d'aii 
»• Corfaire nommé Crevelié. Ils le paie- 
«reiicppLir cela, & l'introdui firent cux- 
tt mennes dans leur Ville. Mais on T^ait 
1 ce que c'eft qu'un Corfaire : fa eu- 
> piditc ne fe contenta pas des dépouil- 
» les des Turcs & de leurs maifons, 
«il fit piller aulïï celles des Chrcticnî : 
m de forte qu'Andros fut réduite 3 l'c- 
» lat du monde le plus pitoïable. 

Les jardinages d'autour de la Ville 
& fur tout des maifons des campagne» 
voiHnes font d'une grande beauté , & 
font d'Androsune lÀc charmante, Auf- 
fieft-elle abondante en tout & parti- 
culièrement en huile & en foie. Les 
vins y font exquis & s'y gardent tr« 
ïong-iems. J'y en ai bû de fix annéj- 
je le trouvai délicieux. Celte Iflcétr:: 
autrefois beaucoup plus habitée qu'elle 
n'eft. De plus de vingt Couvents qu'il 
y avoir , il n'en refte que trois , dont 
âeuï font dédiez à la Sainte Vierge & 
le troifiémc à (âint Nicolas, Le icrt.ni 
d'Andros efl montueux ; mais ces mot- 
ïmes ne laiiferoienr pas d'être. 



fÀffnqnt & 4Hlres lien x. i^t 
très fetiiics , Tt l'on avoit foin de fci 
cultiver. Les vallons font pleins d'o- 
rangers, de citronniers & de toutes for- 
tes d'aurres arbres dont les fruits font 
fort bons, 

A une licuc de cette principale ha. 
bitation , & fur une langue de terre 
qui s'avance dans la Mer , eft comme 
xine efpece de Ville , petite à prefent ; 
mais qui paroît avoir été confiderable 
autrefois. Je n'y vis qu'nnc centaine de 
maifons au plus. Les ruines dentelles 
font environnées tiennent autant de 
place que la Ville tncme. Les R. P. 
Capucins y bàtiflentune maifon , dont 
l'Eglife qu'ils dédieront à faint Bernar- 
din , fera fort belle. Je m'amuiai à 
regarder les Ouvriers qui y travail- 
loient ; comme ils alloîciit pofer la 
clef de la voûte , ma prefence ncleuc 
permit pas d'en faire la cérémonie eux- 
mêmes; ils m'en vinrent prier , &c je 
Je fis fans repunnance ; ce qui leur 
donna une joïe extrcme , qui redou- 
bla encore lorfqu'ils* reçurent tous de 
moi dequoi boire à ma fanté. 

Le R. p. Chérubin, qui conduit feul 
ce bâtiment , témoigne dans toutes fi^s 
avions un véritable zèle de Miflîoo* 

r' e. Son emreprife eft grande 
N ij 



I 



ftft Voyage d4ns tjifu mineure , 1 
jil n'eA pas aifc aux Catholiques debiv 
XÎt des Eglifes Tous la domination des 
Inlîcleles ; & encore moins dans les 
endroics oïl fous les Mabometans les 
Schirmatiques font en crédit. 

Dans toute Tlflc d'Andros il n'y a 
<jue lamaifonde la Grammatique qflï 
foit de la Religion Romaine. Les Tura 
n'y font qu'au nombre de Quarante ; 
piais c'en cft trop pour toute l'Ille ; 
ils la ruinent entièrement ; & fes Ha. 
gitans éclatent tous les jours en plain- 
tes contre leur tycannie.Levent decra- 
mentane tegne dans cette petite Ifl: 
ifcndant trois ou quatre mois de l'an- 
née ; ce qui fait que l'air y eft toûjoun 
fort fain. J'y trouvai en pluiieurs cn- 
.droiis de belles pièces de Marbre , & 
(des morceaux de ftatucs ; d'où je coH' 
jeûurai , qu'il y avoiteu auitefoisdf!^ 
édifices conlîderables, Voïez à la fin 
nonjbre ;^. tine petite Infcripiiop que 
j'y copiai : elle n'étoit pas la feule } 
mais les autres n'étoient plus lifibl»' 
Je finirai ce Chapitre par unechofe-'] 
me parut paiticulîcrca i'Irte d'André 
(c'eft que pendant mon fejoui je ii\ 
3UCUii moineau ; & l'on m'affuioit n-. - 
jna qu'il n'y en avoir jamais eu, r^ 
fendant ^Ui ]C9 auu'£s eiidroiis ^ ^ 



t^'jfriifue & autres lleuv. i^f 

■ ai eu occafion d'aller , j'ai toâjouï» 
(Eouvé de celte efpece d'oifeau. 



W^ CHAPITRE XXXI. | 

Suite du voiage^'/J2: de Chio. Rtct-' 
ftiort du Coft^^Franfois ; la peur de 
UHte U Ville. Hijtoire de l'Ifle de 

• Chio : Greci du rit Utin pcrficHteT 
par ks Grecs SehifmMtitjitei, 

LE 1+ après avoir biffn rerrtercifi' 
mon hôte de la màiliere honnctfl 
dont il m' avoir fait traiter chez lui ^ 
je fus m'embarquer dans un gros bâ-( 
feaa du pais qui 341oii à Chio. A C3a> 
le de la boiinace nous colorâmes 
riHe jofqu'aû dernier cap : là nous don- 
nâmes fond environ fur le minuit ; 8C 
le jo. nous nous mîmes en canal : les 
vents éroient Grecs & Levants , & nous 
allâmes afiez bien tout le jour. A l'en^ 
rrée de la nuit nous abordâmes la 
terre de Chio , & nous" nioUiitâ mes- 
dans une Calanque oil nous paflâmes- 
cette nuit toujours fur le qui-vive , 8c 
dans la crainte des bandits qui coa-f 
rent ces quartiers, "^ 

^ Pr-Ià, partis^ U pâlnte dutjour, nout' 



»94 Voyage dans V Afie mineure, 
cotoïàmes encore l'ifle jufqa'a'i foiiquC 
nous arrivâmes au port de Chio : je 
débarquai avec mes armes. Comme U 
écoit tard , les doiianniers voulurent 
toe les ôter ; mais dès que je leai: mgn- 
trailc Commandement du Grand SeU 
gneur , ils celTerenC de m'inquietet. Je 
pliai même l'Aga dfU DouannC' de 
aie donner un homme pour me con- 
duire chez le Conful de France , il le 
fit avec plaifir. Quoiqu'il ne fiit que 
huit heures & demie du foir , l'op ne 
Toïoit plus rien- Je frappai plus du» 
qu«t-d'heure à la porte du Conful, 
4viinc que perfonneme répondît. AU 
£n on mie ta tête à la fenêtre ^ & on 
<Iemanda qui c'éioii : j'eus beau dire 
^ue c'étoii un François , & crier que 
l'avois des Lettres pour M. le Coih 
fui , on me répliqua qu'il «oit heuïc 
indue , & que H je voulois loger , j'al- 
lalTc aux Auberges, je repcefeutai qu'el- 
les étoient éloignées , & qu'on n'alloit 
pas hbrement de nuit dans des, Villes 
Turques : tout cela ne fervît de rien : 
on me conta delà même fenêtre , que 
le Conful n'y étoit pas ; qu'il n'y avoic 
que fou frère , & qu'ils écoient mê- 
me menacez l'un & l'autre d'êttc af- 
faflînez. J'aurois voulu être bien loin -, 



rjéffnsfue & dutres Ueiuâ. 19 j 
îkiais il fallut prendre parience. On 
vint me dire <)ue le frère da Confiil 
me connpidôit 4 mais qu'il demandoic 
comlHen nous étions. Énân l'on oiu 
vrit <îette vénérable porte : je fiis fur- 
pris de vofr un homme dans la poftu- 
re de icaramouche , & la main fur la 
garde de (6\\ epée à moitié tirée ; je ne 
pus m'empecher d*eA rire, je Tallurai 
^u^il n'v avoic rien à craindre ; & après 
avoir donné quelques paras à celui qui 
m'avoic amené , je montai en haut. J'y 
trouvai le frère du Conful a table : U 
avoit dedfus fon affiette deux cuiiff s de 
poulet & une côtelette déjà rongée. Il 
eut adèz d'honnêteté , pour me priée 
d'en manger ma part. Ce foapé écoit 
pkifanc pour un homme qui fortoiC 
de defliis la Mer ic fatigué comme je 
l'étois: au(E n'y fis- je pas grand mal. 
Il y joignit pour deflèrt deux cens GaC- 
connades toutes plus fades les unes que 
lés autres. Ce qui fut ce jour-là lecom. 
ble dumalheur,c'eft qu'il me fit donner 
un lit auflî doux que la table avoit écé 
bien fervie.Le lendemain,après avoir en- 
tendu la Mcfle dès le matin, la première 
chofe que je fis, fut de me faire enfcigner 
une bonne Auberge : l'on y porta mes 
bardes, & l'on m'y traita à ma fantaifte. 

N iiij 



p 



$^^ Jf^gi dant C ^J!e mlnt» 

Le Vice-Amiral cioit à la rade de 
ce Port : il montoit un Vaiflèau de foi- 
xame-diï pièces de Canon touies de fon- 
te ; & il devoii embarqaer le Bachst 
delà Cance alors à Chio. Mais il cou- 
roit à Chio un bruit qu'il y avoir dans 
ces Mers quarre Vaifleaux & fix Ga- 
lères de Make ; que les Chevaliers 
avoient deiïein de prendre quelque 
Sultane } & qu'ils' ne s'éloigneroienc 
point qu'ils n'eullent fait leur coup. 
Cette nouvelle qui avoii déji jette l'c 
pouvante dans l'elprit du Vice-Ami- 
ral , étoic une fâulTs allarme : Il fçut 
que les Malrois n'avoient perfonne qui 
pût incommoder : ainfïil fit dire au Bâ- 
cha de la Canée qu'il écoit prêt de s'em- 
barquer. Le Capitaine du Vaiffcau fir 
arrêter tous les autres bâtimens prêt» 
à partir ; & il y eut un. ordre , de ne 
lailïèr mettre à la voile que trois jours 
après le départ du Bâcha : il fe fit le 4. 
Septembre après midi. Ce jour là je 
rendis vifite au R. P, Tarillon : il me 
reçût avec une joïe extrême , & me 
fit des amitiez infinies. Ce Père eft un 
Jefuite fçavar.t , qui fc connoît allez 
en Médailles , dont il fait un petit amas: 
\\ m'en montra de très curieufts- ]*eu5 
pluficuts converfations avec lai fur L 



afiiws de la Religion dans cette Ifle. 
C'eii lui qui a le foin des Catholiques,-, 
& il en eiî par confëqitent mieux in- 
formé que petfonne. Chioabicn âptV' 
iènr huit mille Catholiques ; mais ilï 
o'om point d'autres Egliles que la maî^ 
fbn Cor.fulaire de France. Là dans. 
ane grande fale ils ont fait une Cha- 
pelle, oâ l'on dit plus de vingt MelÊB 
par jour : elle cft toujours pleine , prftt-- 
cipalement les Dimanches & les Fê-r 
tes.L'on y célèbre ces jours [aune Meflè" 
& les Vêpres foicmncllenient : i! y' 
a auffi un Sermon & d'autres aflèm- 
blces de pieté aiiflî régulières &c cii> 
itiême tems aufll libres que dans nos- 
Eglifes. 

Les Catholiques de Chio ont poof 
Sa Majesté' un amour & un ret- 
pe£t qui me fùrprit : les François les* 
plus pallîonnez pour la gloire & le fuc- 
cez des armes du R o y , ne peuvent 
l'être plus que ces nouveaux Conver-- 
tis. Le R. P. Tarillon , en leur prêchanct 
les dogmes Catholiques , a gravi eO' 
euK fi profondément l'image de la- 
grandeur du Roi , qu'ils le croïenifëul- 
en état de les protéger : cequieft eflfe- 
ôivemcnt. Pat cette différence des Re- 
ligions , on peut juger que les Fran— 
N V' 



I 



f'iyj^c dans TA fie mntHre , 
cois ne font pas foi't aimez de cm 
ae Chio , qui luivetii la commanion 
Grecque : audî n'y a-t-il pas de {amÇ. 
feiez ni d'irapcriinences qu'ils ne debi. 
tent pour détruire nôtre crédit 8c cc- 
tai de leurs compatriotes Catholiques, 
On me fit voir plus de trente Eelifes 
Latines , que les Grecs avoicnt dcirui- 
tes pu ufurpécs , ou mtjme fait con- 
^tir en Mofquces, Les plus conGde- 
cables éioicni \a Catliedraît' , l'Eglife 
le le Collège des R, P. Jefuites .celle 
des R. P. Capucins , & des SocoUm. 
De ces cinq Eglifes la Cathédrale & 
celle des Dominicains ont été conver- 
ties en Mofquées : les antres , dont ils 
ne fe font point empares , ont été 
abatcucs ; Se leurs ruines feules , oïl 
il ne reftc que les quatre miuailles , 
font connoîtrc la beauté dont elles 
étoient , & tirent prefque les larme» 
Jes yeux. Par toutes ces violences le» 
Grecs avoienc en vue d'éteindre cher 
tux le rit Latin rmais ils n'ont poiiic 
rcuin dans leurs entreprifcs ^ Se félon 
toutes les apparences , ils n'y réudi- 
ront pas fï tôt : Us nouveaux Catho- 
liques Romains font plus fcrmes que 
jamais ; Sc on le» voit tous dans la fe> 
folution de mouiii plût&t que d'abi 



'abMH 






HjiffAe^ue & autres lieux. Î9 jf 
donnée leur Religion. Leurs enfans re- 
êrochenc tous les jours à leurs âdvec- 
fâires , que le ril Grec eft le rit des 
Efclaves & Jes gens de rien ; au lieu 
qqe le rit Latin eft le ti: des Princes 
& des plus grands Rois. Le Père Ta- 
lillon me raconta un fait que l'on ne 
fera pas fâche de voir ici- 

Il y a quelque tenis , me dit-il , « 
que les Grecs , toujours attentifs à « 
nuire aux Latins , obtinrent du Grand « 
Seigneur un Commandement , par « 
lequel Ta HautelTèordonnoit.quc tous m 
fes fujets de Tlfle de Chio ne pro- « 
fertàU'eni plus qu'une mêmeRcligioni" 
& far tout , que l'on n'y fouffrît per- « 
fbnne de la Religion du Pape- Le « 
Commandement arrivé , fut porté « 
par les Grecs au Cadi. Ils lui perfiia-« 
dctent fans peine , de faire appeller** 
par devant lui tous (es Ecclelîaftiques» 
les Religieux Latins naturels du » 
[S , avec les principaux des Secu- •» 
liers , pour être interrogez fut leur « 
Religion en prefence de témoins. ^Il 
les ne donc venir i Si le Moufti , le 
JanilTaite Aga , le Douannrer , & 
tous les Agas de l'Ifle prefens , il leur a 
demanda, d'un ton de Juge , qui ils m 
étoient & quelle Religion ils pro- « 
N n 



à 




«fcdoîent. Ils rc'pondirent tous d'un* 
» feule vojx ; qu'ils ét'>ien[ CKcctu-ns^ 
»» fujets du Grand Sci};tieur -, & que 
«comme rets ils paioicnr fidèlement 
« leur cjrache , c'eft i-dire , kur part 
" des rribus. Oh ajouta d'un ton plus 
>• fort: (Jar^ï Rfli^^on profif?e7^-vans;n'efi. 
i pa< celle 4u Pupe ? Comme le l'ape, 
L caufe de la Religion Chrctienne 
» dont il eft lé chef, palTc chez les Turcs 
u pour leor plus mortel ennemi , on 
ij rccevroit la baftonnade, (î rôndifoic 
n nettement que l'on eft de fa Reli- 
"gion. Ainfi les nouveaux Catholiques, 
» mfttuits par le R. P. TariUoi 
» rciit (împtemcnt: l.n Religion /jus i 
<> profvifam , eji- cellt ^ae p>-cfrfe le Kc 
» de France : nous p'iins Dhu ; nous err- 
t> tendant ta Meffè ; (^ nout nous ac- 
» efuittens de nai autre! devoirs de pletèi 
t comme /r R o i de France, Mali , 
» le Cadi , f«' renon'io'lfe'^voHS pott^ 
<3 p'vmier Supérieur en ce qui regarde' 
n cifhe divin. Le mè'nt jrepondirent-l" 
■ ^lu rMônmh le R o j di France, •% 
a leur fit pluficurs autres qiu-ftions caej 
>• ncufes : mais no pouvant tirer d'aï 
» très reponfes ; «iircs leur avoir f 
• païer pour cet interrogatoire une ccni 
9 uJne d'écus , il les tetivcua. Ces pat 






Wès gens témoignent une patience 
admirable à fupporter les avanies que' 
lear font les Schifmariques ; & com- 
me c"eft la feule pieté qui les leur fait' 
fouflFrir , elles ne peuvent que leur 
être méritoires. Je trouvai à Chic 
quelques pierres & d'affcz bonnes Mé- 
dailles.. 



CHAPITRE XXXIII. 

Retour a Smymt. Smte dn voiage. Leî- 
ruines de Sardes. Camp de Darius^. 
ILaodlcée. Le Aifandre. Lac apttrefiir 
habite. Arrivée à Sa faite , De/cri^ 
ftîon de cette Ville ^ traditions de fei 
Mabitans.. 

LE ly. Septembre je m'embarquai 
fur- un Gaïque , qui alloit à Srnyr^ 
;ff : nous fîmes voiles à dix heures du 
misrtin. Cette route fut pour nous & 
dângereufe & incommode. Il s'éleva 
une tempête , qui nous mie prefque à 
deux doigts de la mort ; & nous avions 
arvec nous quatre vingt dix femmes , 
dont le babil & les autres inftrmitez 
nous importunoient fans cefTe. Nous 
arrivâmes à Smyrne le i7.àdeuxhecu 




Jrti Voyage dam tJfie mntftrf^ 
res de l'aprcs-dinée. L'on me condDJ 
à la Douaniie , où l'on fit une " 
afTez légère de mes hardes ; mais l'on 1 
arrêta mon valet , pour lui fiire païei le 
carache. M. RoyerConfulde FianfC, 
«jue j'avois vu au commencement de 
mes voïages , me reçut encot 
manière du monde U plus obligeance. 
Je fus obligé de demeurée chez lui ; 
& je n'en pus rclfortir , qu'apiès lui 
avoir promis d'y manger & d'y Cou- 
cher pendant mon fejour , & lui-même 
il y fit apporter toutes mes hardes. J'al- 
lai trouver le Cadi ; je lui montrai 
moti firment ; & lui dis j que ce n'e- 
ipit pas la coutume d'artitet le vaJet 
d'un François, AutTi-iôt il envoia au 
Douanniev un ordre de me rendre te 
mien -, & comme il avoic vu par cet- 
te lettre , que j'étois Médecin , il me 
demanda (î je connoiirois fon Pete ci:- 
étoit le McJecin du Grand Seigntuj 
Je lai dis qu'il y avoir long-tenv. 
nous entiàiiies fur cela en une eTpe- 
ce d'amitié ; de forte qu'après m'avoir 
fait mille honnêcetez , & prié même 
de le venir voir quelquefois , il me fit 
lervir le cafFé ; & me traita en tout 
comme un homme dont il faifoic quel- 
que diftinâion. 



' r^frl^ue & autret lieux. joj 

U. leConful eue un fenfibleplaiHr, 
torfqu'il apprit que j'étois delfaraflc de 
l'afïàirc de mon valet. Comme il ne 
cherchoic qu'à m'obligec , & qu'il 
▼ûïoit que j'aimois à voie des Médail- 
les -, nous fûmes enlemble tendre vi- 
fice au ConfuI d'Angleterre , qui en 
aciicce le plus qu'il peut , & qui s'atta- 
che particulièrement à celles des Vil- 
les. Je connus encore dans Smyrne le 
R. P. Jerothée Capucin , qui en a une 
infînicé- , outre quantité de pierres gra- 
vées ; mais il en fait grand cas , S& 
même ne les montre pas ;i tout !e mon- 
de : aiiili ceite grande ville n'étoit pas 
un lieu oA j'en puiïé acquérir beaucoup. 
Les nations étrangères y abondent trop;, 
&c aptes leurs recherches on ne trou- 
ve pas même à glaner. J'avois refolil 
d'alkT , en la quittant , droit 4 Satalit- 
mais je ne partis pas aufli tôt que je 
t'avois premcdité. Comme l'on parloir 
à Smyrne d'un grand nombre de vo- 
leurs , qui ravageoient la campagne,. 
il fallut attendre quelque Caravannç- 
qui piîc la même route. 

Je rendais fouvent vilîte au Cadi ; 
ma profeffion de Médecin m'aïani at- 
tiré Ton amitié, il me donna une ier- 
tie de cecommaiidation pouc le Bactub 



vois I 



JeJ(i 'P'oyÂgi dam fAJte mîuiUiV, 
de Satalic, Le jour de mon départ ji 
fis qnafte paquets de ce que j'avois 
de plus pteiieiix. Je les confiai à M. 
le Conful, pour les enYoier en France 

Îiar le premier Vaiileau qui lui paroîtroic 
ûr. Il me promit de me les ftiire tenir 
oi\ je fouhdictois , Se m'en donna (a 
reconnoiflance. Le R. P. )eroihée eut 
l'honnctetc de m'accompagner jufques 
à deux lieues de Smyrne où s'aflcm- 
bla route la Caravane qui alloîï à Sa- 
talie , nous nous dîmes adieu , & je 
partis avec les autres. Au bout d'une 
heure nous pailànies devant un pe tit 
étang, dont l'eau me parut fortctai^^ 
Si l'on en croit les gens du païs , 
l'ell toujours ; mais tellement en i 
tain tcms , que le fond qui a pluri 
tfois toifes , ne paroît pas avoir 
pieds de profondeur. Je remar^ 
que cet étang dans fa petitelTè , 
voit conteiiirdes fources conlîdfrabj 
fcs écoulemens fculs font aller fept i 



lins , 



: cela 



par 



différents canaun 



forme auffi quantité de petits ruifla 
qui vont arrofcr les campagnes vJ 
nés- f 

Les Habitansdulieu, tantChrêti 
que Mdliometans , difentque cetéli 
eft celui oii Diane fe baignoît. itsj 



tjiffnque & antres Reux, jtrr 
furent encore une chofe qui pacoïc 
plus probable ; c'eft qu'il s'y noie tous 
les ans quelqu'un , fans qu'on ait ja. 
mais pu y trouver aucun corps. Tout le 
païs d'autour de cpt ccang paroît ad- 
mirable pour * chalTe jiifqu'à Bahu. 
nord Bitchy , pçcit Cafabas fitoé à trois 
lieues de Smyrne au pied d'une mon- 
tagne , d'oà il fort aafTî quantité de 
Tources d'eaux d'une clarté à faire plai- 
nr. Nôtre Car^vanne s'y rendit , & 
plulîeurs perfonnes l'y vinrent enco- 
re joindre. 

Le 17. Oûobre partis deux heures avant 
le jour , ]ious eu marchâmes huit dans 
la plaine , & allâmes faite nôtre Con- 
nac proche d'un ^os Bourg appelle 
Ca/Abal. De-là faifant encore le zS- plus 
de dcuï lieues avant le Soleil levéj 
après cinq heures de marche , nous piC- 
iames des ruines que les -gens du païs 
nomment l'ancienne S^rde. Ces rui- 
nes font elles - mêmes encore afle» 
vaftes Se affcz belles pour faire croire 
que ce lieu étoii autrefois quelque Vil- 
le pleine de magnificence. Il y a au- 
près , un petit Villa2,c qu'on nomme 
encore Sarde : après nous y être tépo- 
Çci, , nous filmes à Salic'y qui n'en eft 
éloignée que de trois lieues.. 



to 6 f^oyage dam VA fie rmmwé , 

Salicly eft un Village fort gros &tito 
habité : nous en parcimes le xj. à trois 
heures après minuit. Au }oar nous eii- 
trames dans une plaine fort utlie : loâ 
y voit de tems.en tems de petites haur 
teurs ^ mais laites de tHain d'homme,' 
& d'ailleurs accompagnées de grandes 
lignes que Ton a manifeftement tirées 
pour faire un camp. Je dis ceci, par^ 
ce que félon la tradition du païs , c'eft 
le lieu où ét9it campé Darius , lors- 
qu'Alexandre le défit. L'endroit certai- 
nement eft des mieux choifis , pour 
donner une bataille dans les formes : 
& l'on n'en peut gueres roir de plus 
plat ni de plus étendu. De- là, mar- 
chant encore l'efpace de fix heures,nous 
allâmes camper fous les murailles de 
Chaire. C'cft encore une grande Ville*, 
& je croi que c'eft l'ancienne La&dicéc. 
Ses muraille^ , en plufieurs endroits à 
demi ruinées , ont un grand circuit •, & 
marquent , par leur hauteur & leur 
beauté , que c'étoit autrefois une Vil- 
le des plus fuperbes. Sur de petites 
éminences afièz proches on apperçoit 
les ruines de plufieurs châteaux , qui 
fans doute etoient les deffences de la 
Ville, )e remarquai en plufieurs endroits 
de grandes crevaces : j'y vis même fous 







" Pjljf^iejHt & AUtret lieu. 

les chemins des édifices prefque entiers, 
dont les murs écoicnt abbarus ou feu- 
lemeni panchez^l'un d'un côré l'autre 
de l'aiure. Ce font probablement des 
trembleraeiis de terre qui ont fiit ces 
vaftes démolitions ; & la manière donc 
elles font tournées m'en paroii une 
preuve convaincante. Je fii à Chaire 
ma provifion d'un vin excellent , ÔC 
j'y achetai même quelques médail- 
les. 

Le îo. nous en lonimes deux heu- 
res avant le jour ; après cinq de mar- 
che nous commerçjmc5 à monter la 
montagne à'iffl mtliie dermanderie xxq^ 
haute ^' des plus difficiles : nous fû- 
mes cinq heures entières à arriverveis 
le fommet , oâ nous campâmes piOi 
che d'un Village nommé Jenî^ucux, 

De- là, partis le ji. trois heures avant 
le jour , nous les mîmes à defcendre 
la montagne. Nous nous repofàmes 
pendant deux au pied , proche d'un 
Village nommé Kachechlade -, d'où après 
une demie heure de marche dans la 
plaine , nous traversâmes le Fleuve 
Méandre. Nous en palTames un bras 
fur un pont branlant. Nous vîmes en- 
fuite plufieurs Châteaux qui tombent 

. en ruines ^ Se nous renconirimes plu- 



I 
I 




<X 11- 

> ^ 



joï Vêjâgt dans tAfit mmtnte, ^|| 
iieurs Fontaines , doni les eaux font 
fori chaudes. A trois lieues de là eft 
SAtihurjitezei' lieu à la vérité inhabi- 
té ; mais plein de belles ruines , & il- 
Itilire par p!u(ïeucs bains chauds » c 
font dans Ton voilinage : nous y I 
mes nôtre Connac. 

Le prenrier Novembre nôtre chea 
fut toujours pendant quatre heures^" 
tantôt fur , tantôt entre les montagnes 
de Demirderie. Tout ce que j'y vis de 
remarquable , font des totrens qui (bt- 
tcnt en plufieurs endroits. 

Le 1. après huit heures emploïéesà 
traverfêt le telle de ces motitagneg 
nous en paffâmes une autre appelll 
^edtvtren , au bas de laquelle nt 
fimes nôtre Connac proche un Vit 
ge nommé AUni^iteux. 

Le }. nous marchâmes pendant { 
heures de fuite dans un vallon , & n« 
defcendîmes furie bord d'un grand LM 
Ce Lac,nammé jl^y^utitl^A bien Sood! 
de touT ; & eft plus long que targi' 
Ce qu'il a de particulier , c'eft < 
Teaii en eft amere , & qu'il n'y a \ 
cun poidon ; l'on remarque rnêm* 
que quand les Rivières qui fe jette 
dans ce Lac y en amènent quclques-u 
Us'mearent fur le champ. Il feroic a(fl 



f 



tj^frifue & autres lUux^ jo^ 
d'en affigner la véritable caufe. 
On dit qu'il croit au fond certaines 
Jiefbes qui font ain/î mourir ie poifl 
(on. En gênerai les gens du pa'ïs regar* 
dent ce Lac comme un lieu maudit , 
& rendu tel par une punition celefte. 
Ils difen; qu'à la place de ce Lac écoit 
autrefois un païs fertile , bien habite 
ftc où il y aroit plufieurs belles Villes; 
mais que les Habitans aïant porté leurs 
crimes au comble , Dieu les a abîmez 
& enfevelis fous les eaux , dont l'amet- 
itume eft une marque qu'elles portent 
encore de la vangeance divine. 

Après l'avoir cocoïé pendant quatre 
lieures , nous nous trouvâmes à la Vil- 
le de ÈondoHK Elle n'eft pas peuplée 
à proponion de ce qu'elle devroit Terre; 
mais elle ne laiflè pas d'être jolie. Nous 
y fejournâmes jufqu'au cinq , parce 
jque c'itoit la demeure de nos Catregis. 
X.a Caravanne en partit fur les trois 
heures de l'après-dinée» Après deux heu- 
res de marche , arrivez au village de 
CoHrnar , nous y fîmes nûtre Con- 
nac. 

Le 6» nous en fortimes à la pointe 
du jour. Nous marchâmes tancptdans 
des plaines, tantôt fur de hautes mon- 
tagnes ; nous padàmeç même deyaat 



1 

iio ^^J^S^ ^^^^ VA fie mineure , 
des raines confiderables ^ mais je ne 
pus m'y arrêter , obligé de fuivrela 
Caravafline qui alla ce iour4à jufqu'à 
Sonfoii. Ceft un gros Village ; nous y 
logeâmes dans un grand édifice qui 
parole avoir été un Temple ou quel- 
que Eglife. Ce bâcimenc eft encore en- 
tier & tert à prefenc à loger les be- 
Itiaùx lorfqu'il ne paûTe pas de Cara* ' 
vanne. 

Le 7. après trois heures de marche 
dans la plaine, nous montâmes la mon- 
tagne à'Vjianaafi : elle eft rude, &fâ 
defcentc même nous dura plus d'une 
heure. De- là nous avaniçâmes dans une 
plaine de près de deux lieues \ au bout 
de laquelle nous commençâmes à re- 
monter , mais par un chemin magni- 
fique & pavé de longues pierres de 
Marbre blanc. Au haut de la monta- 
gne nous trouvâmes les ruines de quel- 
ue vafte forterclTc , qui fermoit autre- 
bis ce palFage : cela paroît par deux 
grands cotez de portes , qui y lont 
encore fur pied , bâtis d'une pierre de 
taille fort large & fort épaiflc. Mais 
nous fûmes furpris , lorfqu'après avoir 
paffé cette porte , nous vîmes d'autres 
ruines infiniment plus fuperbes ; & qui 
quoi qu'en defcendant ^ nous durèrent 



te 



^tff 






{ 



tyiffnqHe& autres lieux ^ jH 
^\us d'aiieheore& demieXcc endroit 
eft afluretnenc la place de quelque 
ancienne Ville , des p!us grandes & 
des plus puUTintes qu'il y ait jamais 
eu. Au bas , qui en faifoit comme Tex*» 
cremicé ^ à en juger par les démoli- 
tiens qu'on voit , ce n'écoient que Pa. 
lais , Châteaux, ou Tem{}les : quelques- 
uns de ces édifices montrent encore 
leur fqueletce dans de larges muraiL 
les qui les environnent. On y rencon- 
tre des fculptures de toutes les fortes* 
J*y vis desi, Lions de pierre auflî gros que 
des Chevaux de caro({è. J'y remarquai 
encore un grand nombre de Tombeaux 
de dix ou douze pieds de long fur 
cinq ou fix de large : ils ont tous des 
bas-reliefs. En voici les deflfeins que 
j'ai fait graver : pour leurs Infcriptions , 
elles étoient fî gâtées , qu'il étoit ixn^ 
poflîble d'en rien lire. Le commence- 
ment de ces ruines & tout ce qui eft fur 
la nionragne s'appelle CA»-?«r/:onnorhme 
le bas Bi'iere Ouvafi, Au refte,il faut qu'el* 
les foient bien anciennes ; puifqa'cntre 
les pierres il a cru un bois de haute futaie, 
dont les arbres paroiflent eux-mêmes 
des plus vieux. En les quittant nous en- 
trlmes danç une belle plaine qu'^rrofç' 



hTOuden : apicsune hcuie Se demie de 
chemin, nous allâmes faire nôtre Con- 
Dac à un mechani camp allez proche de 
cette Rivière. Elle va donner à quelque 
tljftance de là comte une roche ercarpée 
qui paroîr prefque une muraille : elle Te 
perd dellôus toute entière , pouc ne re- 
paroîtte qu'à cinq ou iix lieues de là; 
où après s'être montrée quelque efpace, 
elle rentre encore fous terre , & porte 
(es eaux àSacalie. 

Le S. depuis une heure après minuit, 
jurqu'à trois , nous marchâmes dans 
<les bois Se par de fort mauvais che- 
mins. Eniûite nous dcfcendîmes onr 
montagne j après quoi nous trouvâ- 
mes une plaine , qui nous mena )ii:- 
<p.'k Satalie^ où nous arrivâmes à fep. 
ieures du matin. J'y fus loger dans un 
camp. 

Cette Ville , fituce au bout' d'un 
Golfe qui porte fon nom , cft cncote 
aujourd'hui alTez grande. Elle eft fepa- 
ice en trois parties , qui compofeiie 
comme trois différentes Villes : du 
moins yoit-on à chacune fes murailles 
ie feparauon , & de bonnes portes de 
fer capables d'empêcher la communt- 
caûonde l'une à l'autre. Tous les Ven- 



F^AffiiéfiÊe & et titres Uettx^ jij 
dtedis on ferme toutes les portes de 
Sâtalie depuis midi jufqu'à unebeure. 
Snipris de ce procédé , j'en demandai 
ia laUbn : Ton me dit que les Habi- 
ians ont une Propbede fuivant laquel- 
le les Cbreriens doivent prendre leur 
Ville on Vendredi entre midi & une 
lieafe. Ceft pour le même fujet qu'ils 
n'y laiflènt entrer aucun corps mort 
déi Faubourgs , pas même ceux des 
Jnift. Ainfi lorsqu'il y a quelqu'un à 
enterrer , pour le porter jufquau ci* 
mederre, on lui fait faire tout le tour, de 
la Ville, Je Taifait , pour voir la grte. 
denr de Satalie : elle a au moins deux 
Beues de circuit. Tous les dehors font 
remplis de citronniers Se d'orangers 
d'une grande beauté : ils y croiflènt na« 
tnrellement , & fans que perfonne fè 
donne la peine de les cultiver. Ceft un . 
païs abondant en toutes chofes ; & il 
a le privilège de produire le Storax en 

Snantité. Les chaleurs y font excefl 
ves l'Eté : elles caufent même des ma- 
ladies contagieufes. Pour éviter l'un & 
Tautre , la plupart des Habitâns fe re* 
tirent pendant cette faifon vers les 
montagnes : là le vent plus frais ^ les 
ombrages des arbres , êc fur tout les 
demeures fouterraines que la nature 
Tme I. O 



} 



ou l'an y ont faites , leur procurent 
une vie delicieufc. 

Lcî Chiêtiens y avoicnt élevé autre- 
fois en l'honneur de la 'Sainte Vierge 
une fort belle Eglîfe : mais lotfque les 
Turcs font redevenus les maîtres de U 
Ville , elle a été changée en mofquée. 
Ce bâtiment eft à vou , foit pour fa 
ftrufture , foit parce qu'il porte enco- 
re des marques de la bravoure des 
François, C'cft un beau Vailîèau, d'u- 
ne grandeur qui furpcend , & dont l'ar- 
chiteâure eft d'un bon goût. Par tout 
fut les portes & fur les murailles pa- 
loiflênt encordes écuflons des Chic- 
liens : celui de Godefroi de Boiiillon 
s'y fait diftinguer par fa grandeur Si. 
par tes premières places qu'il occupe. 
£n6n dans cette Mofquée eftunecha* 
pelle , que les Turcs tiennent fermée, 
& dont les Mahometans & les Chrèt 
tiens de Satalie content des chofes ex- 
Iraord inaires. Les Mahometans avouent 
que lorfqu'elle étoit ouverte , & qu'il 
y eniroit quelqu'un de leur Seâe , il 
y periiïbit immanquablement d'une 
mort fetale : ils prétendent même que 
cela eft arrivé plulîeurs fois ; &la ca- 
naille fe pcrfuade que les Chrétiens y 
ont tnis quelque charme^ Ceux- ci > 




wT.^fnt}ue & dHtrts deux. jij 
uoi(rènt mieux fondez , alTurcnt 
Wct% prodiges doivent leur naiflân- 
à QD gTand nombre de reliques de 
inis cachées dans la Chapelle. Quoi- 
l'i! en foit , la Chapelle demeure fer- 
ée , & c'eft un fait certain , que Ici 
arcs ne l'ouvrent prefque jamais. 
Le Port de Satalic eft peu de cho- 
, & ne peut recevoir que de petits 
ktimenis , des Barques , des Tarta- 
•s , de petits Calques. La rade ne 
idè pas d'être belle j mais on n'y eft 
ïs en feureic. Enfin , quoique celte 
ille foit des plus confiderables , je n'y 
bivaî ni Infcriptions ni Médailles. 





I 

I 



Suite Jh voittgt. Sparte. Aitntagnes d'A. 
glafsn Bey. L'ancleane Sparte. Ef- 
clave Lorrain racheté. Gnerifon d'nu 

Hydropi'^ue. 

DE Saralie je voulus aller à Sp4rie. 
Cec:e Ville eft iticoonuc à nos 
Géographes , comme beaucoup J'auctcî 
dont ce pais ell plein. Nous pa.rtîmes 
donc le 17. à onze heures , & par le 
chemin que nous avions fait en venant. 
Nous allâmes coucher à Duden ; de là 
à SottfoM. Eiifuice tournant à droite & 
▼ers le Nord; après avoir marché cinq 
heures dans la plaine , nous montâm;; 
le mont Pechenai ^ d'oi\ nous dercemlî- 
njes dans un gros Village nomme 
.jlglafon. De ma vie je n'avoîs vu de 
lieu oà il y eûr autant de fources qu'en 
celui-ci ; elles forment même dès Icii. 
commencement des ruifleaux fortcon;: 
dcrables qui portent cnfiiite de tous c.i 
tez iafecondité&U fraîcheur.Nousnous 
repof^mes auprès d'un de ces ruî0êaiiX) 
5cnousypa(ïàmesIa nuit du 19. an lo- 
A peine fûmes nous fottis d'Agi.'- 



t^jfri^fte & autres lieux. Ji^ 
ton , qu'il nous fallut encore moncet 
une montagne des plus hautes. Elle ti- 
ire fon nom du Village , te s'appelle 
jtgUpm Bey. Elle fe fepare en plufieurs 
branches ï mais elle a quelque chofe de 
plus admirable que les moilts Chenet 
Se Biliere Ouvafi. On voit , fur les 
pointes des branches qu'elle forme , 

Sinfieurs châteaux d'une étendue pro- 
îgieufe ; & j'y contemplai long-tems 
des merveilles que je ne croïois moi* 
même qu'avec peine î je veux dire des 
Villes entières , dont les maifons font 
battes des plus grofles pierres de tail- 
le , quelques-unes môme de Marbre. 
Qjioiqueces lieux foient tout charmans, 
ic d^une magnificence à enchanter 5 
Ton n'y remarque aucuns Habitans : 
de forte que l'on les' regarderoit plu- 
tôt comme le païsdes Fées que corn- 
me des Villes véritablement exiftantes. 
S'il ne m'avoit pas fallu fiiivre ma Ca- 
ravanne , je les aurois examinéesavec 
toute la curiofîcé poflîble , & peut-être 
que quelque Infcription nous auroit 
appris ce que c croit que ces Villes &* 
^ant d'admirables édifices. J'eipere que 
ce fera pour un autre voïage ; & je 
ne croirai pas avoir perdu mes peines, 
iî jamais j'ai le plaifir de revoir de (î 

O iij 




jiî Voyage de ¥Afte mineure ; ^ 

beaux païs, La defccnte d'Aglafon Bey 
ell artee douce : c'eft un vallon entre 
deux montagnes ^ il y pallê un petit 
ruilTeau qui ferpente , Se que nous tra- 
verfàmcs plus de quarante fois. De-là 
nous entrâmes dans une plaine , oà 
fe trouvent encore plulieurs pentes 
éminences ; mais qui paroifTent n'être 
faites que des ruines de quelque gran- 
de Ville qui éioit là auciefois. A une 
lieue de ces hauteurs eft la Ville de 
Sparte où nous allions. 

Cette Ville eft fort petite , fans mu- 
railles , & les maifons en font très mal 
b&cies ; mais elle e(l Cnaée très avan- 
lageufement , dans une belle plaine 
remplie de jardins & d'arbres fruitiers, 
qui rendent le lieu tout agréable. Il y 
a allez de Chrétiens : mais à propre, 
ment parler ils ne font de la Ville que 
pour le jour ; car quoiqu'ils y aient 
leurs boutiques , où ils viennent tous 
les matins , leur demeure eft dans un 
Fauxbourg éloigné de Sparte d'un 
bon quart de lieue. Le ChriftianifmC 
s^cft confervc dans cette Ville plus 
qu'en bien des endroits. Il y a qua- 
tre Eglifes qui l'ont defervies par 
des Grecs , & en bon ordre. On dit ■ 
que l'ancienne Sparte éioit entre i 




Ib 



I 



tj4jfrît}He ej* autres lîenx. ji^ 
lontagnes à quatre lieues de celle-d j 
en un eodioii qu'ils appellent Doiir~ 
ddn. Il eft vrai que , félon le rapport 
des Habitans de Sparte , il y a U de 
vaftes ruines , qui paroillent le cadavrs 
de quelque Ville puill'ante. En gêne- 
rai routes ces montagnes femblem plei- 
nes de chofes extraordinaires -, & c'eft 
ce qui a donné lieu Tans doute à mil- 
le fables que les gens de ces provin- 
ces racontent tous les jours, 

Auflî-tôt que je fus à Sparte , ilfe 
pandit un bruit , qu'il étoit venu.un 
[edecin étranger. Le Bâcha de la Vil- 
le nommé Mullapha , qui avoir ttd 
auparavant Bouilani^y Bachy , deman- 
da à me voir ; il me fit beaucoup d'a- 
mitiez , & m'obligea à prendre le 
X^i"- AmIÎ l'on me donna , tant que 
je reftai dans la Ville , le pain , le fel 
la chandelle ,en6n jufqu'à des allumet- 
tes ; & la provifion de viande ,'que 
l'on faifoit pour moi , n'étoic pas dif- 
férente de celle du Bâcha. Au refte je 
lui rendis quelques fecvices. Depuis 
plus de deux ans il avoir de grands 
maux de côté fies remèdes que je 
lui donnai les lui ôtereni : 8c fon Kiata 
reçut aufTi de moi la guerifon d'une 
" laladie fore dangercufe. On peur juger 
O iii\ 



J 
J 




I 



I 



jio Voyage dam l'Afte mneure, 
û f amitié du Gouverneur & de fon Se- 
crétaire me donna du crédit : elle me 
procura une liberté abfoluc dans la re- 
cherche que je faifois des Médail- 
les- 

Voici une hi{loire qui arriva par la 
même occafion. Un Lorrain , appelle 
Pierre Zall , Efclave depuis feize ans 
d'un Turc de Sparte nommé Afy Bâ- 
cha Tiapole , vint me trouver éc me 
montra une vingtaine de Médailles ; 
Il y en avoir alTurementde fort rares. 
Je lui demandai combien il vouloit 
les vendre; il me répondit d'un ton allèi 
trifte : HeUs\Mûnfiei4r^ je vom Us dorme. 
r»fs toutes , fi vetts vouliez, meftire avtir 
U liberté. Ce difcours me toucha : mail 
ilapâta, prefque les larmes aux yenx 
& d'un ait à m'en tirer à moi-même", 
que comme c'étoit tout ce qu'il pollê- 
doil , il ne s'en deferoit que pour la 
liberté qu'il me demandoit, -Att refit ^ 
continua-t-il , je fçm la différence rf»'it 
y M entre ces Médailles & la liberté d' 
honnête homme : auffi je vous prie de J 
accepter plutôt comme un iffit de ma | 
conrioifiance du bien.fait tjue j'aurai re 
de vom , que comme le prix d'une ch^ 
qui en elle tnime efi inefiimahle. Qtie [ 
jiriez vosu,Monfienrfi je vont aj^urois qià 



tjéffrique & antres tUux. jir 
Votre arrivée , j*ai dit i voila mon lu 
beracear , & cfue je vous ai regardé com» 
me Hft bienfaiteur dont Dieu avoit diri^ 
gé les fas dans une Province auffi reculée 
dr aujp feu fréquentée des François que 
celle-ci > ly ailleurs , continua- t-il , vous 
fouvet. tout auprès du Bâchai outre ce^ ^ 
la mon Patron m* aime , & m*afro?nisma 
Uberté après fa mort. Si le Bâcha lui dL 
foie un mot , il me Caccorderoit des àpre^ 
fent pour fort peu de chofe. Enfin pour 
m'ouvrir Ton coeur , il me marqua qu'il 
avoit amaffé dix écus dans Ton efcla. 
vage , & qu il les donneroic encore ^ 
s*il ne tenoit qu'à cela pour le remet- 
tre en liberté. 

Il étoit difficile de refifter à de fem- 
blables inftances : je lui dis donc de fça- 
voir ce que demanderoit fon Patron 
pour fon rachapt , & je lui promis de 
lui rendre en cela tous les fervices que 
je {feurrois. Il me laida Tes Médailles; 
& revint le fbir même me dire , qu'il 
avoit eu toutes les peines du monde à 
faire refoudre fon Maître ; mais que fi 
femme & fes enfans l'en aïant prié , à 
la fin il lui avoit dit , que fi on lui 
comptoit 6o. écus , il lui donneroit fa 
cane de liberté ; mais que fans cela ^ 
onne lai en parlât point. Je lui répon- 
dis que j'étois extrêmement fàcKc d'>\« 

O N 



rroit 

utre 



ne demande fi exorbitante ; que c'éroît 
iiop pour fes Médailles I & d'un autre 
côté que je ne nje fentois pas adèz 
d'argent pour étendre jufquc-là mes 
chariicz. Le pauvre homme peicéiuf. 
qu'au cœur me conjura de ne le point 
abandonner. Je l'afTurai que je ptenois 
paît à fon infortune, & que mon cré- 
dit étoii la moindre chofe que je vou- 
lufîè emploïer pour lui. Le lendemain 
il revint , & m'amena un Cheiif qui 
étoit hydropique. Le Cherif mepriade 
l'entreprendre ; 6c me dit que fi je le 
gueiiiTois , il me donneroit tout ce que 
je fouhailterois de lui. Ce malade vint 
lout-à-propos pour deux chofes : la 
première pour tirer de l'efclavage le 
pauvre Lorrain; auffi lui dis-je, qu'il 
ne me donneroit que ce qu'il voudroit, 
mats que cela feroit emploie à la dé- 
livrance de l'efclave qui l'avoir amené: 
la féconde, parce que j'avois cnvîS de 
faire l'épreuve d'un fimple , dont un 
Deivis m'avoit donpié la connoilTance, 
& qu'il m'avoit alTûic être un Spécifi- 
que pour l'hydropifie. Dès le lendemain 
je donnai au Cherif deux cuillerées du 
fuc de mon herbe : fon yentre , qui 
itoit auparavant fort gros Ôc très ten- 
da , commenta aufC-tôtàreveniidans 




P^ffnefue & autres lieux. jxj 
fon état naturel j enfin il fut tout-à-£uc 
guéri en moins de (îx jours. Cela me 
fit un extrême pUifïr : d'un côté je vis 
que le Detvis ne m'avoit pas trompéj 
au contraire il m'avoit apprit un fectec 
important , puifque les Médecins or- 
dinaires ont aiïèz de peine à traiter 
l'hydropilîe lorqu'clle eft déjà formée: 
de l'autre , je procurois la liberté à uti 
malheureux , qui fans moi alloii peut- 
être gémir le refte de fes jours fous le 
poids de la mifere. Ainlî de quelqae 
argent que me donna le Chcrif , & 
d'un peu que j'y ajoutai du mien , je £s 
les foixante ccus , Se j'en tachetai ce 
pauvre Efclavc qui véritablement troa* 
va en moi Ton libérateur , comme ilfe 
l'croit promis à. mon arrivée à Sparte, 

La plilpart des Médailles qui s'y 
trouvent font au type de la Ville de 
Galaieon : c'eft, ce me (cmble.une preu- 
ve que les fameufes ruines , que loti 
voit aux environs , ctoicnt des dépen- 
dances de l'autre. Le principal négo- 
ce des Spartiates eft de Cire , de Gom- 
me adra gante , d'Opion ,deStorax, & 
de Laine. Les Chevaux y font à grand 
marché. Les vivres s'y donnent prefque 

rmt rien : j'y vis vendre un paras c'ejt 
dire huit deniers de ces païs-ci, trois 



I 
I 

J 




I 



J24 ^"yi* '^'"" ^■^I'* itiltUre^ 

livres As painj encore fe plaignoit-o;: 
qu'on le vendoit bien cher. 



CHAPITRE XXXV. 

Ville d'Jgy'idi. Gueal Igridi fin Lac. Le 
mùm Tmn-Hs appelle Boitgaii D-»glar, 
Le Lac Bey Charry. Cogne- Conful 
d' AngUierre pour Alcp mort de fe^t 
en chemin. Infcrsptions, 

IL cft facile de s'imaginet quelle 
douceur je recevoîs du Bâcha de 
Sparte, de fon Kiaïa & du Cherif à 
qui j'avois rendu la famé : il falloic 
néanmoins les quitter. Mon dcflcin 
étoic d'aller à Cogne , le Bâcha me 
donna une Lettre de recominanda- 
tion pour Ton Confrère ; ainfi je par- 
tis de Spiirre avec une petite Caravan- 
ne le S. Décembre à iepi heures du 
matin. Nous traverfàmes d'abord une 
belle plaine , pendant l'efpace de iîx 
grandes heures. Eiifuite nous montâ- 
mes une petite montagne , qui à main 
droite en a fur elle une autre fort hau- 
te & fort efcarpée. Derrière la petite, 
& à côté de la haute , qui s'étend plus 
loin ^ eft un Lac : nous le cotoiames 



VAffrîijue & AHtrti Ueuji. jtj 
par un chemin des plus étroits ; ce ne 
fut pas fans une crainte continuelle. 
Nous avions à droite cette montagne, 
dont les rochers font horreur : à 
vucfie étoient des précipices affreux , 
le chemin qui eft à la tnoiiic de la mon- 
tagne fc trouvant immédiatement au 
deflus du Lac de la hauteur des Tours 
Nôtre- Dame. Ce lieu a éré autrefois 
quelque palTagc confidcrable : le che- 
min y a été manifeftemenc taillé dans 
le roc , car le rocher efl abfolumenc 
impraticable ,&au(n roide qu'une mu- 
raille. Il y a mûme encore une porte 
bâtie de groiTes pierres de taille : les 
batans en font de bois revêtu de fer; 
liais le tems les a bien rongez. A un 
«art d'heure de la eft liriS. Cette 
Pille n'eft pas défagreable. Son Château 
lue je trouvai en aiïl'Z bon étal , eft 
t le bord d'un Lac qu'on nomme 
tiul Igridi. Ce Lac a plus de cent mille 
f tour , & eft rempli de toutes for- 
I de bons poilfons. On voit même 
P'diffireiits endroits , des Ifl-'S dont 
■fpea fait plaifîr : il y en a une en- 
! autres , à une d^mie lieuc du Châ- 
, qui n'eft habitée que par des 
tirêciens. On m'alfura qu'elle étoit 
ttreraement fertile , & que l'abondan- 



ce & la paix rendent fes Habiians le* 
plus heureux de ces régions. 

Le 5. après avoir encore cotoïé le 
I-ac pendant quelque tems , nous com- 
mençâmes à marcher par des mont^ 
gnes t[cs hautes & très difficiles. Mal- 
gré la neige , qui tomba toujours k 
gros floccoDs , nous ne nous repolî- 
mes qu'après quatorze heures de che- 
min : jamais journée ne me parut plus 
longue que celle-là. Enfin nous arrivâ- 
mes à un gros Viilafçe nommé Belgen: 
c'eft le premier qu'on trouve au pied 
de ces montagnes, qu'on appelle dans |^_ 
pais Bmgalt DagUr^ mais que je crfl 
être les commencemens du monc 74l| 
nts. Nous eûmes bon feu toute la nqj 
& nous ne lailTâmes pas d'avoir ( 
froid exceflif. 

Le 10. après avoir marché pendi 
deux heures , nous nous trouvâmes ( 
le bord d'un Lac , nommé GkihI l 
Cban , qui a plus de deux cent md 
de tour : Tony pêche des poillbns dw 
ne grolTeur prodij;iei]rc..Toute cette rc* 
te eft pleine de vallons entrecoupez J 
petites cminences , huit heures de miN 
che nous mirent à Ser^ffail , Vilt^ 
fort habité. Ce qui le rend confidei 
blCj-Tont apparammenides bains d'eail 



fj^ffri^ae & autrei lieux. jif 
chaudes que nous vîmes environ à une 
lieue avant que d'y entrer. Il y a UfM 
plufîeurs bi-'llts fourCcs d'eaux ; mai» 
une encre autres , fur laquelle on a éle- 
vé un magnifique bâtiment ; il eft rond, 
voûté , 3i plein de grands badins de 
pierre , faits p»ur fe baigner plus coîn- 
modement. Le baffin d'oâ l'eau forr, 
eft vafte , Se la fource qui y met l'eau, 
en fournit toujours en abondance. 

Le II. allant par Grec Se par Levant, 
nous marchâmes encore huit heures en- 
tières entre deux hautes montagnes 
jufqu'au Village d'IUlmuche. Enfin le 
II. Coms à la pointe du jour, au bouc 
de cinq heures de marche , dans d'af- 
fez beaux chemins , nous arrivâmes à 
Cogna, J'y fus loger dans le camp oA 
ie m'éiois déjà mis la première fois que 
j'y patTai : voyez le Chapitre lo. 

Je portai le ij. la Lettre du Bâcha 
de Sparte À celui de Cogne: il me reçue 
avec de grandes amitiez- Je lui don- 
nai , pendant mon fcjout , des terne- 
des qui lui rétablirent abfolument la 
fanté. Je marquerai ici en paflant la 
mort d'un Conful Anglois d'Alep qui 
vint à Cogne pendant que j'y écois. 
Il revenait de Conllaniinople , oA 
^B avoit été oblige de fe tranfpoiier 



I 



jlS VayAge dam t JJ!e mlnturt, 
pour quelques affaires de fa nation : 
wk avoii à la compagnie foixanie per- 
fonnes. Deux jours après fon arrivée, 
parti de Cogne pour coniimier fa rou- 
te d'Alep, il ne fui que jufqu'àErei- 
gle , où il mourut de la pcfte qui y 
faiToit alors de grands ravages. On l'y 
enrerra dans le Cyniecierre des Grecs. 
Le lé. comme le Soleil s'alloit cou- 
cher , il fit un tremblement de terre 
aflèz violent ; mais pat bonheur il ne 
caufa aucun dommage , Se Cogne en 
fiit quitte pour la peur. Dans mon pre- 

Iraiet voïage de Natolie je n'avois pris 
à Cogne que trois Infcriptions ; mais 
cette leconde fois j'y en trouvai plu- 
fieurs autres , que l'on verra à la fin 
nomb. 5j. & fuivans. La première cft 
en vers hexamètres ; ic toutes patoif- 
Tent adez curicufes. 



qp 



r 



VAffl^Ht & AHtm HtHX. JJ5 



CHAPITRE XXXVr. 

Turcamtins , leur vie de Briganis , rt»* 

contre de voliit^s. Brm de mort 

répandu. 

LEs Turcomans fairoieiit alors beaU-i 
coup de defordrcs dans la plaine ; 
5; tous les jours l'on n'entendoit par- 
l:r que de Caravannss pillées ou de 
voïageurs alTaiïînez par ces voleurs. Le 
bruit de leurs brigînlages s'étant ré- 
pandu j'jfques à Coiiftaniinople , le 
Grand Seigneur avoit envoie des ordres 
à tous les Bâchas voîfins , & fur tout 
au Bâcha de Cogne , de fe mertre aa 
plutôt en campagne pour les détruire 
abfolument. 

Ces brigands font errans comme les 
Arabes -, & demeurent , comme eux , 
fouî des tentes. Comme ailleurs les 
femmes relient à U maiCon , pout 
avoir foin du ménage , les leurs gar- 
dent leurs tentes avec leurs enfans ; 
pendant que les hommes , montez fut 
d? bons Chevaux , s cloignent-de l'en- 
droit oà ils ont campé , & vont or- 
dinairement commettre mille brigan- 



Voyage dtim ^Afie mlnturt^ ^ 
dages. Ils aimenc mêi-neînatarellement 
ce inécier-,Ies pères y accoûtumanc leurs 
enfans dès leur plus tendre jeuneffe. Au 
relie il n'eft pas facile de les mettre à 
U raifon. Comme ils n'ont propre- 
ment aucun lieu Hxe , & qui leur fotl 
plus agréable qu'un autre ; dès qu'ils 
fçavent que l'on a quelque deflëin fur 
eux , ils plient bagage , décampent 
fans bruit , & gagnent les montagnes, 
dont ils connoilTeni toutes les caver- 
nes & les endroits inaccefliblcs. Ils mè- 
nent toujours avec eux quantité lie 
troupeaux , parce qu'ils ne fe nourril- 
iênt que de laitage : aînfî ils ne crai' 
gnent point de manquer de vivres. Tou- 
tes les nations ont toujours rcj^ardc le 
pain comme un aliment , dont l'homme 
le paflcroit avec peine : lesTurcomans, 
malgré leur vie errante , fçavent le 
moïen d'en avoir toujours, lis portent 
fiir leurs Chevaux quelques facs de fa- 
rine ; lorfqu'ils veulent faite du pain, 
ils en délaient un peu dans de l'eau. 
Leur pâte faite ainfi , ils l'applatilTent 
fort mince , à peu près comme une 
pièce de quinze fols : enfuite ils font 
un trou dans k terre , y allument du 
feu, mettent deiTus une plaque de fer 
londe,de l'epaiiïcur d'une cuiraûè j 6C 



^ Vjiffntjae & dutret Heuxr. jj* 

B enfin lorfque cette plaqae eft échzuf- 
1 fée , ils y étendent leur pâte , qui y 
cuit ou plû[ôc s'y £êche. Voilà le pain 
qu'ils mangent : il eft comme l'on voit 
ailez aifé à faire , & approche fans 
doute plus de celui des anciens que de 
celui de ce païs-ci. 

Le Bacba de Cogne fuivanc l'ordre 
du Grand Seigneur , a(rembla quatre 
mille hommes pour réduire ces Bri- 
gands. Je le fus voir avant fon départ: 
il me fit prefent d'un beau Cheval tout 
enharnàché. Apres l'en avoir remercié 
amplement , je lui donnai à mon tout 
quelques remèdes , que j'accompagnai 
d'une lunette d'approche. Eufuite , me 
faifant toujours offre de fes fervices , 
il me demanda fi par les chemins je 
n'aurois pas befijîn de Chevaux de pof- 
te, Se (i je fouhaittois qu'il me donnât un 
ordre adrelTé aux Maîtres des Portes de 
m'en fournit. Je l'acceptai : voici la ma- 
nière dont il etoiicon^â. 






plus agréable qu'un autre ; dès 
fçavent que l'on a quelque àeffe. 
eux , ils plient bagage , dédar 
fans bruit , & gagnent les monta 
donc ils connoiiTént toutes les c 
nés & les endroits inaccedîbles. Il 
nent toujours avec eux quanti 
troupeaux , parce qu'ils ne fe no 
fent que de laitage : ainlï ils ne 
gnent point de manquer de vivres, 
tes les nations ont toujours rega 
pain comme un aliment , dont I'h( 
iè palleroii avec peine ; lesTurcoi 
malgré leur vie errance , fçav( 
Hioïen d'en avoir coiljours. Ils p( 
fur leurs Chevaux quelques facs i 
line : lorfqu'ils veulent faire du 
ils en délaient un peu dans de 
Lear pâte faite ainfi , ils l'applai 




iti>Ikk.Vaîitlepn 




^and 

fort 

lors 

'crus 

(pris 

6om- 

'Moti 

m de 

va- 

. qui 

illoit 

ccffe 

l'ap- 

'al« 



I 
I 



jji Voyage de tAfte mineure ^ 

ORDRE DU B A C Hi 
d'iconie aux Cadis 6c Officie» 1 
d'Afie en faveur du 6ieurPauI 
Lucas. 

AVx ffavans Seigneurs Efendîs Jh* 
rijconlultes , les Cadis rejidens fut 
la rente depuis hortie jiiftjues k Alep dent 
PExcelUnce foit ttu^mentée -, Et aux prin- 
cipitux Chefs & Officiers des pais , dent 
i'authorlté foit augmentée : Soit fart à ff4. 
voir ^ue ce Médecin devant aller à Ma. 
cour ou k CaradagU , nous lui avons fait 
icrire & expédier ce Buyurdi (ou Ordre) 
de nôtre part , afin eju'en la JurifaiHion 
de 9»( que ce fait de vous qu'il entre & 
qu'il pajjè , vous lui fafficz. fhumir pour 
deux perfonnes feules deux Chevaux de 
monture ; (^ que dans les lieux (ufpeds 
vous le faffîel^accsmpagner par de bons dy 
fidèles guides , qui le canduifent fiurement 
de l'un de vow à l'autre , c^ que voue 
employiez, tous vos foins & vôtre applica- 
tion a le faire arriver en diligence au Heu 
de M.tcour , & que votts agijjïez, en Con- 
fermité de cet Ordre. 

Paraphe du Baeha, 

Du II. jumaz de l'an iiiS- c'd 
à dire le lo. Décembre lyotfj 



tjifriejue & autres Ueux. jjj 
Je contois en fortant de Cogne, al- 
ler du côté d'Ereigle ou d'Adaiia : les 
conjonûures de la guerre étant caufe 
qu'on n'ofoit fc mettre fur les che» 
inins , j'attendis jufqu'au iS. Janvier 
1707. fans qu'il fe trouvât perfonnc qui 
eût la hardiclTe d'entreprendre ce voïa- 
ge, LalTé d'attendre , je refolus dépar- 
tir feul , quelque lîfque qu'il y eût à 
courir fur la route. Je fis donc cher- 
cher deux Chevaux j l'un pour mon 
valet , l'autre pour porter les vivres 
& le Catregy , qui devoir n:]"accom- 
pagner. Lorfque j'eus fait le marché, 
nuit Turcs, qui delà concevoientune 
haute idée de mon intrépidité , aïanc 
comme moi envie d'aller de ces côtez,me 
dirent 'qu'ils ctoient prêts à me fuîvre; 
qu'il y avoir long-tems qu'ils atten- 
doienc une Caravanne i mais que puifZ 
qu'il n'en venoit point , ils ne pou- 
voient mieux faire que de fe mettre 
avec une perfonne , qui feule en va- 
loir cent autres pour la bravoure. 

^cius partîmes donc pour Erei^le le 
I9. & nôtre route fut heurcufe jus- 
qu'à Carahounars. Lorfque nous fûmes 
fortis de cette Ville , que nous quit- 
tâmes trois heures avant le jou: ; cn- 
^fcz après cinq de marche dans la gran* 



de plaine , dont j'ai tancpatlédanslei . 
Chapitres ly. & lo. nous decouvrime» 
de loin une troupe de Cavaliers, que 
nous jugeâmes être des voleurs. Je de- 
mandai à ceux qui m'accompagnoicnt 
quelle refolution ils prcnoient à lavâe 
de ce péril : ils étoient tous ailèz incer- 
tains & fort embarraflèz de leurs perfoO' 
nés. Je leur remis le cœur au ventre, 
en les aflurant que toute cette troupe 
nemeferoit pas encore peur, quand je 
ferois tout feul ; que ce ne pouvoit Être 
ijue des Turcomans , dont toutes 1« 
armes font le Tabre & la lance ; & 
qu'avec celles que nous avions , nous 
ferions des lâches , il nous craignions 
la moindre chofe. Après ces mots Je 
in!s_ pied à terre ; ils le firent aum- 
J'étendis un tapis, & je mis deflus tou- 
tes mes armes avec ma munition: il^ 
préparèrent les leurs de leur côté, Lv- 
voleurs s'apptochant de nous, je pn 
mon fufil dont je tirai fut eux un cou;; 

Pà balle perdue , pour confiderer en- 
fuite la contenance qu'ils ticndroîeni. 
Mes illudres compagnons à ce coup , 
que je tirois pour leur feureré, prirent 
fi fort l'épouvante , que laiiTant leurs 
bardes à terre , ils montèrent tous à 
^H ciieval , & ptUent la fuite à toute b^H 



l'jiffn^He & dutres lieux, jjy 
de , vêts une colline qui éioit bien 3 
une lieue & demie de nous ; ainfi je 
leftai feul avec mon valet Se le Ca- 
iregy. Les voleurs nous voïant aban- 
donnez des autres , accoururent à grand 
pas , perfiiadcz qu'il leur feroic fort 
aifé de nous exterminer. Ce fut alors 
que refolu de perdre la vie , je crus 
devait la vendre bien chet. Je ptis 
mon fufil à quatre coups , & je com- 
mençai à leur tiret droicau corps. Mon 
fripon de Catregy, dans le delfein de 
ne lailTer tuer que moi & mon va. 
let , me dit qu'il connoifToit ceux qui 
m'attaquoient , & qa'il leur alloit 
parler. Cependant je tirois fans celTe 
fut eux , ce qui les empcchoit d'ap- 
procher de moi ; car à deux fulîls 8c 
deux paires de pîftolets feulement j'a- 
vois feize coups à tirer , Se mon valet 
qui étoit un garçon fort brave , avoir 
loin de les recharger dans le moment. 
Les Turcomans craignent le feu , & 
fouvent au feul bruit ils s'enfuient : 
mais ils font comme les Parthes , ou 
commeles chiensà qui l'on jette une 
pierte ; ils reviennent enfuite, & font 
toujours le même manège. J'en avois 
(Jéja fait tomber quelques-uns , Se les 
autres s*étoient retirez , même aflès 



I 



f ;i> Voyage dans t Afe mlntta 
loin : mais ils revinrent auHÎ - 
toute bride , comme s'ils eulTent 
lu nous pafler fur le corps. Par I 
heur nous fûmes aflcz prompts , 
pour lirei trois coups de mon Aifl 
quatte,& mon valet pour en tirer \ 
■de mon fufil à deux. Cette déchi 
fubue & à laquelle fans doute ilsJ 
s'attendoient pas , leur fit prendre 
fuite une féconde fois. Un des 1m 
plus hardi que tes autres , continua 
courfe , & vint droit à moi pour me 
percer de fa lance : je !a parai avec moi: 
fufil, mais ce ne fut pas lî bien quc|e 
nefullè blelTé à la main gauchcjccqui ne 
m'empêcha pas de lui tirer un coup de 
piftolet alTcz à propos pour le renver- 
ler. N9US eûmes le lems de recharger 
nos armes ; & je les atcendois encore 
de pied f?rme , quand au lien de reve- 
nir pour combattre, je les vis s'appro- 
cher d'un air fuppliant , & me crier que 
je ne tiralTe plus, J'élevaima voix , & 
je leur fis entendre que je tircroi-. 
toujours , s'ils ne me rcnvoïoient a-i 
plus vite mon Catregy , qui s'étoit nii. 
ce leur bande, J'avois befoin de lui ; 
& malgré fa fripponerie je voulois le 
ravoir , pour me conduire dans ces 
chemins qui font par ic ■ -^ ■• 



Fj40naHe & autres lieux. jjy 
que Von ne fçait paï pour y avoir paf_ 
fc ane fois. Ils le lappellerent , & il fuc 
obligé de revenir. 

Je lui fis des reproches fanglans fur 
fon procédé à mon égard ; & entre au- 
tres chofes , je loi fis fcntir qu'il fal- 
loit être bien Uche , pour abandon- 
ner un homme qu'il s'etoit engage de 
guider. Il me demanda pardon , & me 
promît qu'il feroit dans la fuite d'une 
fidélité capable d'effacer le fouvenir de 
{a fauce. Ainti je fis charger mes Che- 
vacx; je les fis marcher devant moi ; & 
je me tins toujours fur mes gardes : 
j'avois affaire à des gensfur la parole de 
qui je ne devois pas trop compter. 

Ils demeurèrent long-tems oïl je les 
avois laiffez. Autanr que je pus voir, 
lorfquc je fus parti , ils commencè- 
rent à creufer la terre , pour enter- 
rer ceux qui ctoient reliez fur la pla- 
ce. Je dfffcndis à mon Catrcgidc dire 
un moi de ce qui m'étoit artivé. Nous 
marchâmes tout le reftc du jour ; Se 
nous arrivâmes enfin à E'ei^U , d'où 
je fortis dès minuit , de peur d'être 
oblige d'y fouffrir quelque avanie. 
C'éioit être d'une grande relblution 
dans un lems o\i perfoitne n'ofoic pa« 
BÎue : mais après m'êtte échappé d'un 
^ Ttm t. P 



4 






5j8 foyage dans t j4jîe mtTtettre ^ 
aufll granti pcril, js croÏDÎs pouvoir ve- 
nir à bout de tout. Il faut avouer qr;- 
la rencontre de ccttei troupe m'avon 
caufé mille fraïeurt ; & j'ai cent fcii 
remetctcla Providence Divine, de tn'ii- 
voit prcié fou fecoars dans unlî pcef- 
iânt beiôin. En effet qui pourroît ctxii- 
xe , que Tans une ci'pece de miracle, 

i"aïe pO me tirer des mains dfc tiClM 
ommes , tous bien montez , & ov- 
tre cela déterminez comme le foDloQ 
doivent être tous les voleurs! j'appris 
quelque tems après que j'en avoijtuc 
deux & blellc fept & deux Cheraui, 
On me dit auflî que les huit Turcs , 
qui m'avoicni quitté pour s'enfuir fur 
les montagnes voifines, avoient public 
à Ereigie , que les voleurs m'avoient 
liaché en morceaux. Cela donna oc- 
cadon au bruit qui courut alon en 
beaucoup d'endroits , que j'avoîs éti 
tué. Il fut confirmé par une Caravan- 
ne .qui alloit de Dicrbeker à Conftaiiii- 
I nople , &: qui fe trouva le foir même de 
nôtre combat à un Villaj^e voîlîn , od 
les voleurs fe retirèrent auffi. Ils priè- 
rent ceux de la Caravanne deleur don- 
ner des onguents & du beaume pour 
mettre fur leurs plaies. On leur de- 
manda ^i les avoit ft bien accoro. 



, . " rFAffriqHC & Autres lieux. )^ 
jnodez ; ils repondirent que c'éroit un 
Franc ; mais pour ne pas paroître avoir 
quitte le champ de bataille , fans s'être 
vangeZj ils contèrent qu'ils renavoieiit 
bien puni ; qu'ils l'avoient tué; qa'en- 
luiie ils l'avoient coupé par morceau», 
& même qu'ils avoient mangé de fa 
chair. Comme l'on connoît la barba- 
rie des Turcomans , on les crut. La 
Caravanne ne manqua pas de publier 
ma mort à Con^antinople : de-là le 
bruit en vint à Marfeille , d'où il s'eft 
répandu par toute la France , oïl l'on 
a été long-tems perfuadé qu'on ne me 
icveiiott plus. 



CHAPITRE XXXVII. 

Lieux délicieux. AiM* : Defcriftion de 

cens Ville : fon climat. Mmt T*H~ 

' rus t *f petit Laiajfe, Inferiptions. Tr*- 

di 'US de ces pais pour le Prophète Da- 

n^ : dutres Fahus, 

LL. jout que (C partis , écoit le i|. 
Je matchai (vt heures dans la plai- 
ne : après quoi je montai une haute 
montagne pendant l'eipace de trois 
;ares. pc là nous entrâmes en une 



^^u 



P ij 



I 

I 

I 



mine I. 



■^40 VoyÂge dam /* Âfie mlntHye, 
autre plaine àe deux lieues : nous 
fîmes un fori beau camp , où il? 
voulus pas loger. Enfin nous gagi 
mes un petit Village voilîn nominé 
OltHcoHchcU , où nous fumes fort bien 
traktez. 

Le zi. nous en forttmes à la poto* 
te du jour. Nous marchâmes huit heu* 
res dans un vallon , que foiment leï 
branches du Ment Taurus \ ic nous 
allâmes faire nôtre Connac à un lieu 
où il y a deux camps , Se que l'on 
nomme Chefctiatmp. 

Le 1}. une heure avant le jour , 
nous nous avançâmes entre deux mon- 
tagnes ; oii pendant trois heures nous 
traverfàmes vingt fois une petite Riviè- 
re appellée S^uir^itigy. Enfuite, à la def- 
cente d'une autre moncagne fort haute, 
où nous avions eu toutes les peines 
imaginables à grimper , nous trouvâ- 
mes à mi-côte deux médians camps 
nommés Culchaugage ; nous nous y de- 
lalTâmes de dix heures de marche. Il 
y avoic auprès , une hute de Douan- 
niers , qui vouiurenl m'inqnietet ; je 
leur dis que j'écois le Médecin d'Aflên 
Bâcha de Cogne ; ainlî , perfuadez que 
mon voïage n'étoit que pour l'aller 
trouver , ils me lailléient en repos, 



I 



ri^ue & Aumt liiux. )4.1 
Le 1+. nous continuâmes lie defcen- 
dre ; & ouccc que le chemin eft fore 
cude , comme nous Scions paiiis aeux 
heures avant le jour, nous relTenûmes 
jufqu'au lever du Soleil un froid cui- 
fant qui nous coupoit le vifage ; mais 
dès qu'il parut , nous nous trouvâmes 
en un inftant comme dans un autre cli- 
mat. Nous étions encrez dans un pais , 
oA nous ne voyions plus que des cam- 
pagnes charmantes, fans neige , & fans 
aucune marque de ftoid ^ les herbes 
étoienc d'une verdeur à faire plailtc j 
la plilparc des fleurs pleines de bou- 
tons ou déjà écloles , & les arbres auf. 
fi couverts de feiiilles qu'à la fin d'un 
beau piintems. Enfin l'on peut direqua 
c'étoit quitter l'Hiver pour le [ranfpot- 
ter dans un Eté agréable : le Soleil 
même, dont auparavant les raïons nous 
acceignoient à peine , y faifoit fentif 
nue véritable chaleur. Ce pais, comme 
l'on voit, doit être des plus délicieux^ 
Ce qui me parut furptenanc , c'cft ce 
changement de climat en fi peu de 
diAance. Après dix heures de marche, 
nous arrivâmes à Ckoejun : C'eft un 
très beau camp , bien entretenu , & oïl 
l'on trouve toutes les provifions ne- 
ïlTaires. Il paffe alTez près une Rivière 
P ii) 




I 

I 



'^^1 Vtf*ge tittfts C^fie mît 
qui porte le même nom, 

Ls zé. nous nous levâmes deux heu- 
res avant le jour : le chemin que noiii 
avions encore àfaicectoit beau. Nt^ti. 
traverfàmes deux fois à gué la Riviè- 
re de Cboquet. Au bout de fix lieues, 
nous nous trouvâmes à Adana ^ oà 
nous devions nous arrêter. Dès qaefy 
{us arrivé , je ^s chez le Cadi : je lui 
dis que j'crois un Franc ; que je fti- 
foiï le voïage d'Egypte par terre ,ôc que 
je le priois de lire mon Finnent. Il 
me regarda avec un yifage renfrogné, 
le me demanda lï je ne poovois pst 
prendre une autre chemin pour me ren- 
dre en Egypte. Je lui repondis que c'é- 
toit ma cuiioUté qui m'ivoii porté à 
prendre celui que je tenois ; qu'il l'aU 
!oit connoîtrc par ce Ftrmcnt du Grand 
Seigneur &par la Lettre du Cadî-Lef- 
quer de la Natolie que je lui prefcn- 
lois. Dès qu'il eut vu l'endroit . où le 
Grand Seigneur marque que je fuis 
Médecin ; Ton vifage quittant l'air ~ 
ché , redevint guai & ferein ; & 
eii vouloir lire davantage , il me fi 
ftoir , & me dit avec toute l'honni 
té podîble : Si vota êtes Mcdtcin , 
ici le bien vruii ■ gem comme vont 
tes envoie"^^ du Ciel. Des paroles 



I tjiffri^ue & Autres Hettv, |ff^ 

agréables me ralTùrerent. Il palTe fore 
peu de Francs par cous ces païs , Bc 
ils y font ordinairenfCnt fore nulrrai- 
tez- Ce Cadt me fit donner li pipe 
& prcfentcr le calîl-. Il me demanda 
enrre autres chofes , ii j'avois apporté 
avec moi des remèdes pour guenr les 
différentes maladies. Je lui répliquai 
(jué j'en avois j mais que quand ils 
me tnanciuetoieni, je fçaVois en fairp» 
& que j'avois tout ce qu'il me falloîc 
pour cela. !l pritde-làoccafion de me 
parler de plûfieurs infirmités dont il 
éroit atteint : je lui promis de quoi l'en 
tirer ; & je lut inarquai qxic j'stirois 
l'honneur de le venir voir , lorfqu'il le 
fouliaitteroir. 

Arrivé cheimoi , j'y trouvai ht gens 
d'un Aga qui reçoit les droits de tous 
les Etrangers Juifs & Clirêtiens' qui 
palTènt par la Ville : ce droit s'appelle 
Spe:ngt ; je fus oblit^é d'aller ch;z l'A- 
ga , pour m'en faire exempter. Je lui 
fit lire le Firment ; &: je lui dis qu'en 
gênerai les Francs ne dévoient aucun' 
droit fur les terres du Grand Seigneur, 
& à plus forte raifon ceux que fa Hau- 
teffe prote^eoit comme moi. Maljrré 
les deffenles , il me dit qu'il fiilloic 
pjïet pour moi & pour mon vaîet 5^. 

i> il,, 



}44 P'oysge dam Vj4fie nufflinv, 
•inci™- temmt *, Je repondis que je ne païe- 
«ide'i .rois poinr-, que le Cadi ne l'eût or- 
fols cjui donné. Il m'y envoïa auflî-tôt avec 
(ouiiU. un de fés gens , croiant que j'y allots 
être condamné haui à la main. L'hom- 
me de l'Aga repcefenca au Cadi ^ que 
je n'avots pas voulu donner le dcoic 
<pje dévoient les Etrangers , & que 
fbn maître nous envoïoit devant lut 
pour me le faire païer. Je répliquai 
eti prcfence du Cadi que les Francs 
ne devoienï rien dans toute l'étendue 
de l'Empire , & que d'ailleurs aiant 
un Firmeni delà Porte, il a'étoit pas 
fupportable qu'on m'inquiétât. Le Ca- 
di , Tans me rien dire , fe tourna du 
côté de l'envoie de l'Aga , & lui rfr> 

»pliqua brufquement: '^4 iirt» ton M^u 
tre , ^Mf e'e(iHn Sauvage & uni bète , s'il 
tie fpait piU que les Francs nepaient ritn 
dam tout l'Empire. L'autre lui fit une 
profonde révérence , & s'en retourna 
confus- Je faluai le Cadi , & j'allai me 
repofer dans le camp oi\ ('étois logé. 
Ce Camp eft à la vérité dans un faux< 
bourg , & par confequent incommode 
à caufc de l'éloignement : mais il eft 
des plus propres &: des plus beaux que 
l'on puirte voir- Il y a une cour fort 
j^H vatle ; au milieu eft une grande piea^H 



rtJfffn^ue & autres lieux. j^j 

Cieufëe, qui tient deux muids , & que 
l'on emplit d'eau cous les jours deux 
fois , pour en fournir ceux du Camp 
qui en ont befoin. Enfin il y a la com- 
roodiic d'un ombrage délicieux , que 
font plulîeurs beaux Orangers dont il 
efl: environné ; & qui le rend un des en- 
droits les plus cliarmans de la Yille. A- 
danaeft , ce me fenible , fous le plus 
agréable climat du monde. L'air y eft 
des meilleurs pendant l'hiver , &c les 
jours y font plus beaux qu'en bien 
d'autres lieux au prinïems. Toute l'an- 
née il y croît des fruits , que tes au- 
tres pais ne produifeni qu'en ceiiaines 
iaifons ; comme des melons d'eau , de» 
melons ordinaires , des concombres, 
des grenades Se toutes fortes de légu- 
mes & d'herbages. Pour l'Eté , appa- 
lemmem que l'on n'y trouve pas autant 
d'agrément ; car à mcfare qu'il appro- 
che , cette belle Ville voit fonir fc& 
Habjtans. Dès le mois d'Avril les cha- 
leurs y font fi grandes que tous le» 
Eourgeois font contraints de fe refu- 
ser dans des montagnes , que l'on 
appelle Lmn^e , &que je crois être de» 
dépendances duMont Tautus. Ils y de- 
meurent près de fix mois de l'annfc r 
Kuis aunî,di:.on,que la vie y eft tou^ 



I 
I 



I 



I 

i 



I 



î4.ff ^"y-^i^ ^•*''' tAfie minmn, 
à-fait deHcieufe , & que pendant 
iîx mois il fe faic les plus belles Vi 
les da monde fur ces hauteurs plantées 
d'arbres & pleines de grotes & de four- 
ces d'eaux. A l'extrémité d'Adana , du 
côté du midi & au pied des murailles, 
pàlïe une Rivière auffi large que la 
Seine , nommée Chaijiter. Sut fes bords 
eft le Château de la Ville : il eft pefl 
mais bail fur une roche vive Sc V^Ê 
forte. '^1 

Comme je pafïois un jour auprès j 
l'Aga qui le commande , mefitappel- 
1er i & me deniand.i , fi je n'ctois pas 
le Médecin Tranc. Je lui dis qu'oUî "^ 
me pria d'encrer & de prendre avcci 
une talTc de cafFé. En caufanl il tn 
des complimens infinis fut les gi 
fôns que je faifois dans la Ville 
nie dit qu'il n'avoit jamais entendu _ 
lec d'aucun Médecin' , dont les fci 
des eullènt autant de vertu que 
miens. En même tems il me moi 
un de fes yeux, dont ilne voïoic pri 
que plus ; & me conjura de lui faire 
quelque remède pour l'en guérir : je 
lui promis, Enfuite il me demanda fi je 
voulois voir le Châte.iu , & ordoniu 
â tin defes gens de me montrer toat. 
Après avoir palTc la première 9^ 



^fl 



fyfffri^ue & autres lieux. jï^ 

bte de muraiiics , qui eft flanquée 
[ pluHeurs tours , nous cnirâmes par 
fte porte aufli vieille que le Château. 
pie eft faite de groilès barres de fet 
Vêtues de gros fers à cheval épais de 
Ibis doigts , longs de trois quarts de 
ted fur un demi de large , & clouez 
Fcloux taillez à pointe de diamants 
r la tête , qui eft de la groflèur d'u- 
( balle de jeu de paume. De-là nous 
■" i dans de petites rues dont les 
jaifons font la demeure des Soldats 
[ la garnifon. Ces Soldats y ont leurs 
nmes & leurs enfans ; mais cela ne 
a. pas à plus de quarante ménages, 
hhiiie nous fimes le tour des muraiU 
1 je n'y vis qu'une feule pièce de 
mon de fonte , encore afTcz petite & 
iviron deux livres de balle feule- 
nt. Il y aplufieurs Magazins , maïs 
lîdcs ; & je ne trouvai dans tour ce 
lâteau rien de remarquable , qu'une 
fon afircufe , dont l'afpeâ: feul eft 
lable de faire frémir. Elle eft de for- 
te ronde comme un puits : elle a bien 
lixante pieds ; de circonférence , Se 
quarante de profondeur, il y avoit alors 
une foixantainc de piifonniets , pref- 
que les uns fur les autres , Se dont la 
lifcre ne pouvait que toucher de com. 
iflioa. P vj 



I 



: a ai. 



F ^^ ^^yX' '^''"^ 7-^ fie mineure ■ 

C'eft dans cette prifon que fut mis 
Stepbam Patriarche des Syriens a«C 
trois autres Evêques qui profeflbient 
la. Religion Catholique Romaine. Les 
Syriens Schifmatiques après leur avoir 
fait faire de grandes avanies & une 
infinité de peines qu'ils fuporterent en 
Martyrs , vinrent à bout a force d'at. 
genc d'obtenir contre eux un Commoi 
dément du Grand Seigneur. En coiu 

quence de cet ordre ils furent charge 

de chaînes , & d'Alep amenez dans 
cette aflreufe prifon. L'infortuné Pa- 
triarche y mourut en confelTant jufqu'au 
dernier foupir la Religion Catholique. 
Plufieurs autres y fuivirent peu après 
fon exemple : & les Chrétiens du païs 
m'ont affuré , qu'ils moururent toOl 
comme de véritables Saints. r 

Cette petite forteteilë n'a pas plus | 
trois cens pas de tour. Lorfque V^ 
fort de la Ville par ce côté-là, on s 
fe fut un beau pont de pierre de quin 
arcades. A main droite au Ponant, (6m 
de grands Aqueducs au bas defquels 
on voit des roiics qui puifeni l'eau de 
la Rivière à peu prts comme les roiîeî 
de la machine de Marly. Ces Aque- 
ducs portent l'eau de Chaquet dans tou- 
te la Ville par differens canaux j & if 



It gueres ^e lieu oïl il y aie plus , ai 
bIus belles Fontaines, qu'à Adana. 
l'y trouvai reuleraeni deux Infcii- 
■ns , dont la premie-tc ef): d'untom- 
^ln , où l'on défend bien de mettre 
Iperfoniie , d'aucune autre famille , que 
de celle du mort. La féconde , quiefl: 
eu vers liexametres & pentamètres , 
paroît avoir été faite en l'honneur do 
quelque Grand , qui avoit mis la Vil» 
le à couvert des inondations du Fleu- 
ve. On y fouhaite à ce Seigneur une 
gloire immortelle , fcmblable à celle 

Éfe font acquifc ceux qui ont fait 
les canaux du Nil. Voïez les In- 
tions nomb. 6+. & fij. 
ommc je pratiquai à Adana la 
ecine , les guerifons que j'y ope- 
rai , m'y firent trouver un gtand nom- 
tre de bonnes Médailles. On me dit 
suffi que j'en aurois indubitable - 
ment, à Tarfe. Cette Ville n'étant qu'à 
huit lieuts Jd'Adana , je n'eus pas de 
peine à en entreprendre le voïage. Ainfî 
partis le ï. Février neus marchâmes 
pat Ponant dans une très belle plaine. 
En deçà des anciennes ruines de Tarfe 
nous palTames fur un beau Pont de 
pierre , dont la Rivière s'appelle Meri. 
"% ou SyndftQS, Arrives aux démoli- 



rjfa Voyage àdmV Afte mntart, ^H 
tions , nous entrâmes d'abord par t!^^| 
srande parce encore entière , faite wl 



I 



grande porte encore entière 
grorïes barres de fer quaricei , de vingi 
pouces dcpailTeac foc chaque côté : 
elles ont chacune près de trente pic.!; 
de haut. Les abords de Tarfe font tout 
en ruines ; & le peu même qui refte, 
& où il y a des Habiiaiis , ne mérite 
pas que l'on en parle. Les Grecs n'y 
ont pour Eglife qu'une chaumière , dont 
la vue fait aficzconnoître leur indigen. 
ce. L'Ej^life des Arméniens eft palfa- 
blement belle. Ils content que c'eftS. 
Paul lui-même qui l'a fait bâtir ^ & 
Ton y voit une pierre de Marbre , qu'ils 
aiTùcent être celle où les Apôtres éioicnt 
aljîs , lorfque Jefus-Chrift leur lava les 
pieds. Ils difent encore , l'alTûrant 
même par ferment , que le Vendredy 
faint il fort de cette pierre une grande 
abondance d'eau , dont ils rempliflcnt 
plufieurs vafes , &: que cette e.iu guc- 
rit d'un grnnd nombre de maladies. Si 
la choIê cft véritable , il eft facile de 
s'en convaincre : je voudrois pourtant 
l'avoir vue, pour en être vcritablemein 
perfuadé ; & je n'ctois pas un homme 
a les en croire fur leur parole ; parcc- 
que leur païs me parut plus qu'aucau 
autre le Roïaume des Fables 



I 



I^j4ffr!ijue & Mirit lieux, j-jf 
y débite même d'un fang fcoid à far- 
ptendre tous les Etrangers, Les Ha- 
bitans alTurentqae c'eft chez eus oAeft 
morr le Prophète Daniel ; j'entrai dans 
une Mofquée , fous laquelle on pré- 
tend qu'il a été enterré. Les Turcs y 
ont mis fur une grande tombe un cer- 
cueil de bois , qu'ils revêtent ; & ils le 
font voir eus mêmes , à ceux qui vien- 
nent à Tarfc , comme une rareté. Ce 
cercueil eft toujours couvert d'un grand 
drap noir en broderie. 

On détruit à prefent les anciennes 
murailles de la Ville , pour y bâtir des 
Camps & des mailons. Tarie n'eft pas 
peuplée , parce que lapeftc yeftpref^ 
que toujours. Ce n'eft pas que l'ait y 
foit abfolument mauvais ; j'en attri- 
bue U caufe h. la mal - propreté des 
Habitans , qui n'ont aucun foin de 
faire jetier les immondices de leur Vil- 
le , & chez qui pour ces fortes de cho- 
fes il n'y a aucune police. A juger de 
Tarfe par fcs anciennes enceintes , elle 
avoir plus de quatre lieues détour: je l'ai 
fait; & parl'fxamen & l'infpcftion des 
ruines d'une lî grande Ville , je ne doute 
nullement que ce ne foit dans les trem- 
blemens de terre qu'il faille chercher 
la caufe de fa deftcuilioti. L'on y voit 



I 

I 
I 



xnanifefteinent des Edifices renvedex^ 
donc ks fondemens femblent fordide 
terre -, c'eft-à-dire ie haut en bas &le 
bas en haut. Je n'y trouvai qu'une pe- 
tite In fcription : elle parle d'un Eutro* 
pe , qu'elle marque avoir été Gouver- 
neur ou General : on la peut lirenomb; 

Autour de q^% démolitions , enpli»- 
/leurs endroits croiflTent fous terre de 
petites racines femblables à des oeufe 
de pigeon ; & que l'on appelle en Turc 
TéiHfalac^ CesracineS' font un peapbu 
tes ^ & ont en même temi de petits 
rejettons comrme des cheveux. J'en pri» 
quelques-unes par curiofué^& d'autaûC 
plus volontiers , qu'au rapport des Ha- 
bitans de Tarfe , elles ont quantité de 
vertus extraordinaires. Je ne dirai rien 
de la crédulité de ce peuple fur le» 
grands trefors , qui iêlon lui font ca- 
chés fous les ruines de cette Ville; 
Il eft certain qu'il y en a iî elle a^ 
été renverfée par des tremblemens dé- 
terre , Tarfe aïant été autrefois une 
Ville où abondoient fans doute les ri- 
cheflfès : mais on dit Souvent ce qu'oa 
fouhaitteroit r & il eft étonnant , que 
CQs gens qui parlent toujours die uç^ 
toï%, j, ne les déterrent jamais j. ils font 



'<:oM infitii- 
ur leur hau. 
vûdeiîile. 
: admirable 
'is àlecon- 
une petite 

^firendus , a 
i:.'r des con-ci 
-iitret , ils « 
leur mon- « 
^ dans une « 
Là ils s'a- « 
hoiie , & « 
oient ap-« 
Ju Jieu & « 
yr inipire- « 
'Ss'y]aiflè_« 
re fût du- M 
ipiflèment," 
■Is l'euflènt" 
'unition de« 
' on le croit u 
<\ai ne doit » 
■s refterentw 
cinquante « 
inmeil un « 
"fiifant de - 
Hnaires à " 
■•ca, &lcs« 



1 

z s'élève une montagne d'une rocbé 
Tire ^ & tellement e&arpée de toatei 
parts »-que Ton n*y remarque aucun 
chemin. Ce lieu qui eft à trois lieues 
de Tarfc ^ paroît eflfeftivement être 
quelque choie d'extraordinaire. ^Surcet- 
te montagne eft une grande Ville \ 8c 
de la plaine Ton en apperçoit les por- 
tes^qui font de fer.Les gens du pais ap- 

5 sellent cette Ville la Ville de Nemroi\tc 
Is prétendent qu'autrefois elle croit hv 
bitée par des Geans qui étoient les maî- 
tres de tout le païs. Il y a de la Ville 
en bas trois grands degrez , du côté oA 
l'on Toit la porte : ils ont trente à qaa« 
rante pieds de haut chacun , & font 
faits fans doute à proportion des jam- 
bes de ceux qui les montoient \ c'étoic 
ar là que les Geans defcendoient dans 
a plaine. Ce qu'il y a de certain , c'eft 
que les portes que j'ai vues de mes pro- 
pres ^eux , ont plus de cent pieds de 
haut chacune ; & que les bâtimens, 
que Ton remarque fur la montagne, 
font «d'une grandeur abfolumcnt pro- 
digieufe. J'avois un chagrin mortel de 
ne pouvoir pas monter en haut, pour 
vifiter ces monumens , qui font des 
plus merveilleux de lantiquité. L*on 
voit , dans ce qui paroît être la Ville, 



r. 



'le g «le. 

'miiahle 
-i le con. 



;:(ÎUS , « 
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!c croît M 
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1 liante M 
'l un n 
lit de *« 
rcs à « 



%S Vtyige détii CAfie m:ntufe\ 
H défit. L'occafion , comme l'on V(| 
n étoic à prendre aux cheveux ; & p 
M eue que fans ce long fomme 
« Géants demeurez fur terre , y feroie 
» les lavages donc on a tant parlé l 
n tems paffé j Se Dieu fçait ce que nol 
M ferions nous autres pigmées. Ma 
" voici de grands évenemens qui ftlin 
" rent cette îlluftre défaite. 
*> Les quatre Géants réveillez au b 
" de cent cinquante ans , commd 
" cerenr à Ce dire l'un à l'autre : ^1 
" après avoir fi bien m»tigi Âvant fï 
n nous endormir , il efi po0hte fut K 
"meitriâns de faim! On dît i^ue ^m t 
» dine .• mais ajfuremrntnt le jrr»vei^ 
j» n'e/} pas ponr nous : il fant ^ue U f* 
npiit venue fi réfugier îcy it ^itel/jHe e 
n de U grotte: Ils ficcnt qiielqties-au- 
»*tres réflexions fur leur faim canine^ 
w& enfuice ils en choifirent uiTd'e 
" cre eux , pour aller d'abord à la\ 
nie leur quérir quelque chofe à mal 
"ger, dans le delTein lorfqu'il fecoitl 
» retour , de faire enfemblc la cohmi 
» fion donc les avoit chargés la lepnl 
w que gigancefque. 
" Ce Géant parti de-Ià & proche a 
M la Ville , fin d'abord frappé de p" 
M Geuçff'thangemens -qu'il remarqix 



tAfff'KjHt & Autres lieux. )f7 

Ks Habicans lui parolifoient habillez " 

[iine manière loutc autre qu'aupara-** 

int; & quelques-uns à qui il voulut <* 

femaiider quelque chofe lui parle- « 

tnc une autre langage , qu'il traitoit <i 

I baragouin , & qu'il n'entcndoic <« 

b. Il cioit en un mot malgré Ci » 

plie fuperbe tout honteux. » 

\ Mais ce fut encore quelque chofe « 

f plus furprenant pour lui &pour«« 

llite laVille, lorfqu'aiant été amc» 

} devant le Roi, il dit à fa premie-o 

. demande, iju'étant partis le m/tsin « 

ilHprès de leHf Covtmandam au nom- « 

r de quatre , Us éroîcnt entre"^ dans u 

r gnte , eit aprèi azolr bu & mangé,'* 

Xt'étoieai endormit : ijut fes campa- « 

ffns attendaient fin retour pour defcen-u 

r avec lui dans la faille , (^ qu'il prît « 

mvde de ni pas offènfer leur AÏahre U - 

wdouiabU Nemrod. Il faut ifuetufois « 

tien effronté , lui dit le Roi , de mefai-u 

re ici de femblables mentenes ; mais tu « 

firaspuni comme tu te r^eritei , & il t'en « 

coûtera aujourd'hui 'l 'êie, u 

Le Géant lui foutint,?«"iV ^/i/i" la *i 

vérité , (ju'il confentoït qu'on lui ôtàt ta et 

vie , fion le trouvait en menfinge : en. » 

fin que ji an ne voulait pat le croire , *t 

U grotte ail il avait taijfé les autres n' é~«i 

^ftV BUS loin, Mais , difoit le pe]||^B 



^S Voyage daut l'-^fie mineure, V 
ïjple, tune /fais donc p M , ifHt Chem. 
» me dont tu purle k fa Msjeflé , a éti 
» défait pat- fan grand-pere , y«( a exter- 
>t miné avec lui tous les autres Géant}. Il 
» perfifta toujours à dire, ja'ow pourroii 
»fi convaincre foi-méme dece ^u'i/a/furml. 
M Le Roi de l'autre côté, perfuadéque 
jj c'étoit un Géant defccnJu de quel- 
» qu'autr», commcnçoit déjà à craindre 
» pour fe: étais ; & lui demandott m- 
tj ftamme : le pais d'oi\ il venoit. AU 
•» fin il li.i promit la vie pour lui Se 
M pour fes compagnons , s'il prouYoit 
" la vérité dece qu'il avançoic. Il oi- 
" donna à fa garde de l'accciipagner 
••vers U grotte. Mais;V/»ù ©^wa^ajoû- 
» ta le Gcant , peur chercher à mangir 
»k mes camarades ; rè" je juge ejueft leur 
H ventre ejl aujfimalade tjue le mien ^iU (tut 
M bien prêts de mourir de faim , & fonr- 
w reient ùien me faire mentir. 
i> Le Roi lui fie apporter fur le champ 
Ȉ manger : mais il n'en voulut rien 
M faire ; & demanda à porter ce qu'on 
» lui prefêntoit à fes compagnons, avfi^ 
« qui il te mangeroît. On l'y lai!- 
M la donc aller^ il raconta aux autres 
» cette étrange avantute : il leur dit 
i avoir appris que leur roîau. 



» qu 



appris que I 



ttme ni f^ fi finit plus : que U Î&» qni 



l'Afrique & autres lieux. jjy 
rt^noit à pnfeni iam Itt faille de Tarft, « 
itois le fecit.fih de celui À qui ils allosent h 
demander dei centribuùons ; que l'autre m 
étoit mon il y avait plut de cent ans ; & n 
que de U manière dont il vêtait Us (ho. m 
fis, changée! , le langage vurîé . & les a 
maifins qui fiil>Jî/îe:eni de ce tems-lkab^m 
éatuës ; // y avait bien cent einquattte m 
ans qu'Ut dormaient. Ses camarades de m 
leur côté le iraicerent d'écervelé ; & m 
il eut beau leur dire qu'ils feroicnt » 
bien-iôc convaincus, ils tegardcrenc « 
toutes fes paroles comme les fruits t« 
d'un efp.rit dérangé , tant qu'ils ne w 
virent point le nouveau Roi à leurs « 
troufics. Sa prefence les étonna; mais « 
ils le prièrent de leur lallfcr voir la« 
vérité de toutes les chofes qu'on leur w 
difoii. Il les fit conduire par toute «• 
la Ville ; & ils furent étrangement « 
furptis de n'y voir plus aucuns « 
Géants. M 

On ajoute qu'ils fupplierent le Roi « 
de leur faire connoître le Dieu qu'il « 
adorou , parce qu'ils vouloîcnt aulTl »• 
l'honnotct dans la fuice j perfuadez»» 
que c'ctoit lui qui les avoir aflbupis, « 
pour les empêcher de fecourir leurs w 
camarades , &c dans le deflein d'aba-«« 
^tffC la puifTance des Géants, Le T 



\w 



560 Voyage ditnsl'jiJiemineHre^ ^^ 
» leur accorda de dcmeurei dans la groft- , 
» le , à condition qu'il y meiiroii un 
» gacde. A ce garde on donna un iiou. 
M peau de mouton, dont le lait feroit 
» deftiné pour leur nourriture. Il faut 
» croire .^ue le Roi de Tatfe avoit don- 
" né de bons piincipes à ces Géants ; 
«car on allure qu'ils menèrent là uae 
» vie fort retirée &c fort auftcre.. 

Avant leur mort , dont 1 
que pas précifement le tems , ils y d 
ferent des antres profonds , dont l'e 
trée elt dans leur grotte. Il n'y en a 
qu'une pour tous ces antres, qui retien- 
nent , & communiquent de l'un à l'ao- 
tte. Cette entrée cil faite comme la 
bouche d'un Chameau ; Se l'on aniue 
que lorfqu'un homme eft un menteur , 
un fcelerat , ou un impur ; s'il veut en- 
trer dans ces antres par cette bouche, 
elle fe ferme d'elle-même & récrafe. 
Au contraire les bons fie ceux qui ai- 
ment la vérité , y partent , loriqu'ils 
veulent, librement; & fe trouvent en- 
suite dans des lieux où ils goûtent loui 
les plailïrs imaginables. L'on me conta 
auflî qu'il y en a qui y font reftez , 
charmez de la beauté de ces lieux & 
ne les- pouvant plus abandonner : que 
d'autres en font lelTottis pour quelques 
affaires 



^1 

F Jonque & autres Btux. 5 Ht 
ailaires qu'ils avoienc fur la terre : mais 
que le plus grand nombre , eft de ceux 

3[ui y ont été écrafez. Enfin Ton me 
ît qu'on y voit encore fouvent le gar- 
de qu'y mit le Roi de Tarfe , avfcc fon 
troupeau de moutons Se cinq ou fîx 
Bergers qui fe promènent enfemble. 

Je n'aurois jamais fait fi je voulois 
raconter toutes les merveilles qu'on dé- 
bite. Pour la Ville , les portes , & les 
degrez ; ce font des chofes que j'ai vues. 
J*efpere que dans un autre voïage , je 
pourrai monter dans la Ville , ou en- 
trer dans ces antres ; & regarder à loi- 
fir des monuments fi curieux. Il s'y trou- 
vera peut-être quelque Infcription qui 
nous inftruira plus pleinement de ce 
que c'a etc. 

Je ne voulus pas refter long-temsà 
Tarfe 5 parce que ma qualité de Méde- 
cin m'obligeoit quelquefois de vifiter 
des peftiferez. J'oubliois de dire que 
cette Ville s'appelle encore Tarfou, 
J'en fortis donc pour retourner à Ada- 
na où je ne demeurai que jufqu'au 15. de 
Février. 






r: ":#«' ^. Q. 



CHAPITRE XXXI3 

Sitite du vo'iagt. Hifloira d'n 
Médecin. Arttîoche.Alcp. Rivière À 
iraham- Chien extraordinnûre, Si^ 
Jaffa , traditions de ce pais . 

JE partis d'Adana en la. compi 
de plus de quarante pclenns 1 
alloient à Jecufalem , 5c la plâj 
menoienc leurs femmes avec eOK 
Nous patHiniesle Pont dont j'ai paili, 
& par confeqticm la Rivière de ChjjJ 
quet. Nous prîmes nôtre route pAtl 
vant & par Siroq. Après lîx heurei 
chemin nous trouvâmes une autre t_ 
viere aufli^rolfe que la Loire , & dom 
le courant eft aullî fort doux. Ccil. 
Rivière s'appelle Chagan : on la pa rte 
fur un beau Pont de pierre de i ^~ 
arcades. En fottant de deifns 
entrâmes dans le Cafabas de MJ^ 
oâ nous logeâmes dans un Camp 1 
grand. On voie autour de-là des | 
ncs confiderables , qui marquent i 
c'eft la place de quelque belle ifij 
Les pèlerins païerent à l'AgadaJ 
un i'iuparicte. On m'y coma qtB 



L 



^™ Vj^ffrique & auircs lieux. jfjj 
les monugnes voiiînes , qui font en 
artcz grand nombre , il croilToit quan- 
tité de (Impies rares 6c d'une vertu 
mcrveilleufe. On me vanta lur tout , 
celle de Gebelneurs *. C'eft une tradiiioa «ohm 
des Habiians , que les Médecins de *^^\ 
l'antiquité y vejioient de fort loin cher- Mn, 
cher des Herbes ; & qu'un entre autres '''"'■ 
des plus habiles y avoii trouvé an lîm- 
pie admirable, qui pouvoit faire vivre 
l'homme beaucoup plus long . tems 
qu'il ne vit à prêtent , fans être jamais 
malade ni fouflrii les incommodités 
de la vieillelle. Mais nos joies font tou- 
jours fuivics de quelque malheur im- 
prévu : ce Sage en revenant , oblige 
de palTer la Rivière , s'y noïa. Par là 
il perdit la vie qu'il alloit fe confer- 
ver , l'herbe qui la lui auroit prolon- 
gée , & les livres qu'il venoit de com- 
pofcr pour laitier une (î belle connoif- 
fance au ^enre humain. 

Le 16. partis à ta pointe du jour, 
pendant une heure nous cotoïames la 
Rivière : elle remonte un peu du côté 
du Nobl. De- là nous continuâmes nô- 
tre chemin par Levant. Ce pats ell par 
tout fort beau : Ton y rencontre fuc- 
cefEvement des vallées , & de petites 
collines , qui par lems eaux en caufçnt 



A 

I 

1 



Voyage dans t Afie mineure 
îâ ïêrtilité & la verdeur. Il y a fur là 
plupart de ces collines des ruines d'an- 
ciennes habitations magnifiques. Aprci 
Cspt heures de marche , nous paflàmt: 
devant le camp d'jifen Bâcha ; il r' 
avoir pas plus de trois cens tentes. So;i 
armée étoit compofée d'enviton loooo. 
hommes. Avec cela il faifoit la guêt- 
re aux Turcomans : il les avoit même 
défeits en pluiieurs cadroirs ; Se pour 
jetier l'épouvante parmi les autres , il en 
avoit fait pendre un très grand nom- 
bre. Le lieu où il étoit campé s'apel- 
le CoHrtecoiiUa : il n'y a qu'un Caravcn- 
feras qui foit palTable -, & les Villages 
d'autour ne font pas fort gros. Detrie- 
le Courtecoulîa eft une montagne af- 
fëz haute : une lieue de chemin nous inij 
au fommet , où nous fimes nôtre Ci 
nac auprès d'un ruiiTeau, 

Le 17. après avoir traverfc petK 
une demie heure une plaine d'une lii 
qui eft fur cette montagne , nom 
defcendîmes par un chemin qui m 
parut fait de main d'homme : it 
toujours entre deux rochers, ^a 
nous trouvâmes une grande arcade 
tie de greffes pierres de taille , Se ap^ 
puïée de chaque côté fur deux rochers. 
Je ne douce point que ce lieu n'aiiété 



Pj^jfrifue & autres lieuSi^ féf 
autrefois un paflage très difficile^ il s*ap^ 
pelle Cardly^capy. Nous y vîmes quan^ 
cité de Turcomans pendus & arrêtés 
par la poitrine à des crochets de fer. 

De-1^ en deux heures nous g^gnâ-i 
tnes le rivage de la mer. Jufque-là tout 
le canton , dont nous avons parlé de^ 
puis les portes d'Adana , eft appelle 
Derveiein. Nous fîmes le tour du golfej 
& nous arrivâmes au Pdiajfe. C'eft une 
âflèz bonne Ville : j'y logeai dans un 
Camp , te laiflai partir ma compa-* 
gnie. J'y reftai tout le i8. & voïanfi 
que je ne trouvois point de médaiU, 
les , j'en fortis le 19. pour me ren- 
dre à Alexandrctte . Je mis quatre heo* 
res entières à en faire le chemin# 
Sur une petite hauteur à une lieue en 
deçà y fè voit un ancien Château : il 
eft prefque démoli en dedans ; mais il 
a encore des portes de fer toutes fer- 
mées. On l'appelle Murcftuz. ^ & les 
gens du païs difent qu'il eft pitin iz 
crefbrs gardez par des Efprits. 

Alexanirette eft afliz peu de chofe:e!î* 
eft tîtnce dans un l:ea zr*i\ i^\.r\ & nu- 
rcca^enT ; & :! s'en faa* bieri q:x\. ^ 
aitaîirar.:i*iia:canîqa*er. dri':r.: ^y-y.z 
Bii ?orr iz Mer. Lorf-T-::^ |V é-.'^:: . :i 
j V ;.*Ti iz ren: ci':.^ 23:»* *-.• *^^- 



i 



r 



Vayage dam ['j4jie mineure, 
. Sz qu'on peut fort bien nomtnet 
Ouragan : il devint en peu d'heures G 
violent , c[ue les VaiHèaux qui étoieat 
au mouillage , fe détachèrent des an- 
cres , furent poufTea à plus de dix mil- 
le , & coururent rifque de périr, C'eû 
dans cette Ville qu'abordent toutes les 
marciiandiies d'Alep , & qu'on les em- 
barque pour l'Europe. Je la quittai le 
it. après midi. Nous allâmes coucher 
au Cafabas nommé Ballam : le lieu eft 
alTez gros -, il eftbâii en amphiteâtte , Se 
fur trois penchants de montagne , qui de 
loin le font extrêmement paroître. 

Le 12. partis à la pointe du jour, 
après neuf heures de marche , j'arcivai 
à Antiocbe , où je logeai dans un Camp. 
Cette Ville , autrefois la première de 
l'Orient , a perdu fous les Turcs tome 
fa beauté : on l'appelle en Turc Entti- 
^uie. Elle ctcit fituée fut le penchant 
d'une montagne ; & fes anciennes en- 
ceintes font voie qu'elle a été une des 
plus grandes Villes du monde. Ses mu- 
tailies font, à mon avis , quelque chofe 
de remarquable par leur largeur & leur 
étendue : je mis quatre heures à en fai- 
re le tour : je le fis par delTut , fans que 
rien m'arrêtât , que les ruines fur Icf- 
queiles je jeiiai les yeux en palEmtfctti»: 



lemetit : je dis par d'-lTus ; oarce qu'on 
le peut faire pat dedans , oïl il y a un 
chemin couvert , qui règne autour de 
la Ville , & rend en tems de guette 
la communication des Habitaps les uns 
avec les autres alTez facile. Il y a eu 
des Edifices d'une magnificence à les 
faire regretter éternellement : je vis 
avec chagrin les reftes de plufieurs ( & 
e;ntte autres , dp beaux Temples à 
moitié démolis , & dont quelques-uns 
ont été taillez dans le roc avec une 
adreflc incroïable. Il n'y a plus à pre- 
fent que le bas de la montagne qui foie 
habite, OAn fait une Vilîe fort longue 
qui ne lailte pas d'avoir fon agrément. 
Elle cft fur le bord d'une belle Rivière, 
que" les Turcs appellent yljftrfiu -, c'eft 
fans doute le Fleuve Oronte dont nous 
parlent fi fouvent les anciens Autears. Il 
cft plein de bon poilTon , & Ton y pèche 
les meilleurs anguilles de l'Orient ; les 
Antiochiens les filent ; & c'cil «ne par- 
tie de leur commerce : mais le plus con- 
fiderable eft en foïe & en cire. Ils ont 
aulîî de bon vin : il y vient comme la 
plupart des autres choies en abondan- 
ce ; nous eûmes foin d'en faire nôtre 
provifion. Antiochc me donna de fort 
—bonnes Médailles j & j'eus lieu dette 



I 



fis ^ 
bic' _ 



» 



l 



VûyAgt dans l'y^Jîe mineure^ 
content de la recherche que j'en fis 
chez les Turcs, les Juifs & les Chré- 
tiens- 

Pour continuer mon voïage , je 
joignis le deuxième Mars à une O 
vanne de plus de cent perfonnes 
inées. Nous marchâmes d'abord tri 
heures par Grec & Tramontane di 
une plaine à coré d'un Lac & de Z* 
route , que nous laiilàmes à gauche. 
Dans cet efpace nous pallàmes fui un 
ï'ont qui a deux portes , & fous lequel 
coule ce Fleuve, De-!à nous avançâmes 
dans la même plaine environ quatre 
heures de chemin ; & nous nous repo- 
fàmes auprès d'un Village nommé 
Hareim , dans les ruines d'une grande 
foriereffe encore pleine de belles voi 
tes : elle n'a pour habitans que qi 
qucs pauvres gens du païs que4a mil 
oblige d'y demeurer. 

Le j. après avoir marché deux hl 
res dans une large plaine , nous tti 
vâmes un chemin rempli de gti 
pierres , qui le tendoient prefque 
praticable. Les plaines voifines eo 
aullî prefque toutes couvertes ; ce qi 
ya d'extraordinaire, c'eft que laplûpart 
lonttaillées.Ccla pourroii faite conjeihl- 
tei qu'il y 3 eu là une ou même plo* 




irjui& autrei Cieux. ^69 

lleUrs grandes Villes ; autrement je no 
vois pas d'oil feroient venues toutes ces 
raines. Si elles font les relies d'une feu- 
le , il faudroit qu'elle cât eu dix lieues 
de tour. Ce mauvais chemin nous du- 
ta quatre heures entières. A une licuc 
de.là eft un Village nommé Dannu^oà 
l'on voit encore les dériiohcions de 
quelques Temples ou d'autres beaux 
Edifices tous de Marbre. 

Le 4. partis à la pointe du jour 
après fept heures de marche , nous 
nous trouvâmes à j^iep , oà je fus lo- 
ger chez M. Sauron mon ancien ami» 
O'Alep où je demeurai jufqu'au 24. 
j'allai à Tripoli de Syrie pat les mêmes 
endroits que dans mon premier voïa- 
ge. 

J'en fortis le fîx Avril , nous mar. 
chàmes cinq heures ce' jour là & dir 
le lendemain par des chemins fort dif- 
ficiles. Nous fîmes nôtre Connac fur 
l'Ahraham , petite Rivière qui va fe de- ' 
charger dans la Mer à BarH, On l'ap' 
pelle autrement la Rivière du Chiev^ 
parce qu'autrefois il y avott fur les- 
bords une colomne fort haute , fut la- 
quelle étoit un chien de pierre , de la 
grofTeur d'un Cheval , dont le çeuçW 

Kfoiite mille choies exHaotàmaue^. C« ■ 



J70 Voyage iam t Afit mlneurt^ ^H 
chien étoîc , me dit-on , fore utiLei^| 
la province -, car des que les ennei^H 
avoient feulement delfein d'y enti^^| 
il en avettiitoit aboïant alors co^^f 
nuellfment. La colonne & pat co^^| 
quenc le chien ton^bereni dans la ^^| 
vîerc- L'Emir Phacradin en fit é^^| 
pcr la lêce, & l'envoia en prefentïHHff 
Veiiitieus ; ainll l'on n'en voie plus que 
le corps. Je l'ai vu par curîofité com- 
me les autres : le chien montre le ven- 
tre où Ton voit une grande ouverture 
quarrée. Cela me fit cotijeiftiirer qu'il 
étoit creux : ainfi il cd: probUble que 
quelque Prince l'aura fait faire pour 
tromper ces peuples narurcllement fu- 
perftiiieux. Je ne doute point que la 
colonne , qui a dû être extrêmement 
grofle pour foutenir un chien fi mon- 
ftrueux , ne fut creufe aufli ; de (bite 
que (ï-tôt que des efpions apportotetic 
quelques mauvaill'S nouvelles ; le Prin- 
ce , pour venir plus facilement à bout 
defon peuple , fjiloit aboïer le chien, 
La voix d'un homme, venue du fond 
de la colonne, paroifToità une canail- 
le ignorante un Oracle infailliblement 
defcendu des Cicux , ou forti des en> 
fers. 
Le St nûûs çittàmai «\\t Rivietc 



Fytffri^ue & autres tleux. 371 
fur un fort beau Pont. De-là nous con- 
fiderâmes une montagne voifine , qui 
nous parut toute taillée en cadres. En 
cfFet, nous en étant approchez , nous 
vîmes en bas-reliefs des renommées , 
des viâioires , & divers portraits de 
Héros , que le tems a un peu défigu- 
rez. J'y remarquai des Infcriptions, 
qu'il écoit impoffible de décRifFrer. Ce 
fut -après ces cadres & de de(Ius le pa- 
rapet qui borde l'Abraham, que je vis 
d'affez proche le chien dont j'ai parlé. 
Il eft dans l'eau ; & comme elle cft fort 
claire , je l'examinai depuis un bouc 
jufqu'à l'autre fort à loifir : on trou- 
ve peu de Chevaux d une corpulence 
aufli énorme. De ce pont à Barut ^il y 
a pour huit heures de chemin. Nous y 
arrivâmes le foir alTez las ; & je fus 
loger chez les Révérends Pères Ca- 
pucins. 

On fçait que cette Ville a été au- 
trefois illuftre , foie pour fa grandeur, 
foit pour les fciences. On y voit à&% 
ruines confiderables , & de deux for- 
tes. jLcs anciennes qui font en grand 
nombre , mais tout à- fait impratica- 
bles , comme de vieux Temples ou 
d'autres femblables Edifices , qui étoîent 
fans doute déjà tombez avaw\.\^sÇA.Qfw 



J71 Vojxgt dam f Apt minture^ ' 

fades ; & les nouvelles , qui (ont de 
vaftes & magnifiques Palais qu'y Ëc 
bâtii de ion tems l'Eaiir Phacra- 
din. Ces Palais font prefque abandon- 
nez , & conitneiiceiu à s'en aller de 
louscôtei. Je ttouvai a Baruc quelques 
M^-dailles ; & comme tno!i fejour n'y 
fut pas long , je n'en partis qu'avec 
i'ciivie d'y revenir. "^ 

Le 10. après avoir marché qtL 
lieuces , nous palîàmes le Fleuve d 
maar, À cinq heures de là eft une gcoC 
fe Rivière , que nous travetfàmes en- 
core. Enfin une autre lieue de marche 
nous mena jufqu'à Sclie qui ell l'an- 
cienne Ville de SiÀon. 

Cette Ville eft Çw^^kz fut le bord de 
la Mer j & Ton terroir eft par tout féù 
tile & fort agréable. Mais Seidc eft p * 
de chofe , fi on la comp.ire à Sidoi, 
^H Zc les ruines que l'on voit autour de 
^H cette Ville , nouî marquent qu'autre- 
^V fois elle écoitijifiniment plas bc;lle. Au- 
^^ près eft une Ifle qui s'avance dans J 
Mer \ & fur cette Ifls ell bâtie la i 
tadellc. Elle communique avec Sei 
fie à la terre ferme par un ponc ni 
gnifîqae ; & ne fert la plupart du tcras 
que de prifon aux Grands de ces Pto- 
^^ vioces , donc gn ett mécontent. Q^J 



lu'âv ec 

;s en- 
larche 
: l'an- 

rd de 

ur de 
lutre- 
:. Au- 

ms ^m 

U^ 

: n«^ 



IjéffrlifUt & atttru lieux. Î7J 
: plus loin plufieurs autres petires 
Ues aiTcz agréables : c'eft là que moliil- 
■nt les Vairtèaux marchandî de l'Eu- 
bpe : mais le mouillage n'y e(l pas 
meilleurs , fur tour dans l'hyver; 
teccequ'il n'ya rien qui éloigne la vio- 
fcnce des vents. Le négoce de Seideeft 
p cocon . de foïe , &c de laines : il s'y 
bit par les diffetentes nations avec une 
Ritiere liberté ; Se de toutes les Echel- 
les du Levant , il n'y eu a point oïl 
les Francs vivent plus tranquilles. 

Mon intention étoit d'aller de Sci- 
de à Jerufalem , pour enfuite me ren- 
dre par terre en Egypte : l'occadon 
s'en prefenta plus favorable que je ne 
l'aurais o[é efpeier. Il partoit une bar- 
que pour fjffâ ; & M. Révérend, pre- 
mier Droguement de la nation , Ce met- 
toit dcflus. Je profitai donc de fa com- 
pagnie ; & noLis nous embarquâmes 
le II, à quatre heures de l'a près midi. 
Nous navigeâmes le refte du jour& la 
nuit fuivanteavec alfezde viiefïè. 

Le 1;. nous nous trouvâmes vis-à- 
vis le cap La^a^a 1 & le vent devenu 
contraire , nous obligea de moUilIer 
devant Caîphe. Comme c'efl un lieu oiV 

kl'on ne rencontre jamais que des fri- 
pons , nous reliâmes louie U \Q\it'ci.^t 



I 

I 



Î74 P^agi âkmfÂfe mîwSw^^B 
à l'ancre , Se fans mectie pie^| 

Le 14, fur le midi nous fîmes Toi^| 
mais le veni , qui avoii patu d'ab^| 
vouloir nous faire avancer , renrabj^| 
toi Tes faveurs , & nous conic3Îj^| 
de revenir à l'endroit d'où nous éti^| 
partis. ™ 

Le itî.en cotoïanE le rivage, nous paf- 
{amcs devant le Cliâteau Pthgnn^âC' 
vaut Cefarie , & devant le Village 'de 
Zebedèe. De- là nous fiâmes fans peine 
à la rade de Jaffa , où nous demeu- 
râmes ians avancer. Une barque du 
Port vint nous prendre , &c décharger 
celle qui nous avoit amenez ; par. 
ce que les bàtimens ne vont point don- 
ner fond dans le Port , qui fe comble 
tous les jours , & devient par conle. 
quent très dangereux. Nous fûmes lo- 
ger h. la mailon des Pères de la Terre- 
Sainte. Nous y trouvâmes Meffieurs 
Brefl qui nous reçurent fort bien. L'on 
nous dit que nous logions où avoît au- 
trefois logé faint Pierre ; & que cette 
maifon avoit été bâiie fur les fonde- 
mens de celle de Simon lecorroïeur. 

fitFa cft le Port de Mer de h P.i- 
leftine ; & étoit autrefois une Ville 
/on coiifideta\)\c. OuVa'f^eV.Qvx.iv^ 



Vi lle 1 



Pjlfprlque & autres lieu^: 37^ 
nement f(fppé : mais il y a apparence 
que ce n'etoit que les Etrangers ; & 
que les Orientaux Tont toujours nom- 
mée fafh ou J^ffa : puifque les Ara- 
bes ne connoiflient point la lettre P, 
& qu'il eft probable que les Juifs, 
qui tenoicnt ces provinces , n*avoient 
que les mêmes lettres. Quoiqu'il en 
foit 5 JaflPa eft à prefent auffi ruinée que 
toutes les autres anciennes Villes , qui 
font fous la domination des Turcs. 
Ceft le tout fi elle a quatre cens Ha- 
bitans : ils font revendeurs ; Ôc ne dé- 
bitent que les provifions necelfaires 
aux pèlerins de Jerufalem. Ils ont fait 
au dehors une efpece de terrafle , fur 
laquelle ils tiennent toujours plufieurs 
petites pièces de Canon : cela empêche 
l'approche des Arabes , qui viennent 
quelque fois ravager lep^ïs. Il y a 
encore deux Tours quarrées que .rÀga 
prend pour fa demeure, il eft mis là 
par le Grand Seii^nçur , pour exiger 
des pèlerins les Caffars -, c'eft-à-dire pouf 
chaque pèlerin quatorze piaftres da- 
bouguel : mais aufli pour cette (omme 
il fait fournir de voiture jufqu à Je- 
Tufalem. 

On fçait que c'eft à Joppé ques'em- 
bargua le Prophète Jonas çowt 't^^Çv^ \ 




;oa- 

une I 



576 Voyage dam ^Afte minturt , 
te que (àiiu Pierre vie un idrap quidefl 
ceticloit du Ciel 5c cioit rempli de tou- 
tes fortes d'animaux. C'eft auffi une 
vieille opinion de quelques Chtcciens, 
que de Cette ville Ibrtirent un jour la 
Tilagdeleine , fainte Marthe & Lazare 
pour Te mettre en Mer fur un bateau 
làns voile , fans rames & lans gouver- 
nail. Comme la Paleftine eft devenue 
un pais de traditions populaires , je rap* 
porterai celles des lieux oii je fus obli- 
gé de palTer dans mon voiaj^c , fans 
précendre les garentir. En voici une de 
jaffà , qui paroîc plus ancienne que le 
ChriAianifme ^ & qui lellêmble alTez 
à la fable de Perfée & d'Andromè- 
de. 

Le bord de la Mer auprès de cette 
Ville eft plein d'écueils : Les gens 
du païs diient qu^il y avoir autrefois, 
tantôt fous les antres , tantôt fur le 
haut des rochers , un monftre mariu 
d'une figure hideufe & épouvantable; 
qu'il paroiffoit foûveni fortant des an- 
tres , & s'avançant dans la Mer avec 
des bruits horribles. Ils ajoutent qu'ils 
itoient obligez de lui donner toiis les 
jours , quelque malheureux à dévorer, 
pour éviter de plus grands ravages ; 
mais [qu'un Komme (^\a.^o\t,dt^ atte» 



■ rjffrlque & autres lieux. yff- 1 
devenu amoureux d'une Princeffe qu'on 
étoit conicainc d'expoferà ce monftre, 
le combaciit , le tua , Se ainil délivra 
fa maîtreire du péril , & la Pcovince 
de cette affIi£tîon publique. Je m'in- 
formai à quelques Turcs , s'ils ne Iça- 
voient pas le tems de cette viâ:oice ; 
ils me répondirent , qu'elle étoit d'a- 
vant Maliomet , & du teins des ptC- 
cniets IiiHdeles. 




't 



BKKAT A, 

PAgê 4$. ligne lo* Chcoftrc , /iyf;j^ Quioftre;; 
Pitg, 7r. lig» 8. Ghokadara, lif, Chokadar.i 
F^g' 7î- %. i^» Sanarafoa, //jC Sanaru-fou: P/ij:^î 
Il 4. /ij[» S. par , /t/1 dans. lbii,li^, 24. Dauma- 
lic , ///. Domalié. Pag, no. //^. tj. 41//. pa$^ 
P/rj. 1^6. lig. 19- Vainc, ///". Vams. /^i//. //j. 30- 
de même, Pag. i}7»lig- «>• d' Agybrahim , /i/- 
d'Agibairamw Z*/»^. I57« %• n. Courangé, /i/Ii 
Courangy» Pii^. 179- %• 13. cent, /i/. trois, 

Qucve,///. Guevc. P/ï^. ^31.%.. jo. Ab{a>ii/'. 
Aba(a. P^»^. 2.7^* %. 7. Da-ont-clic, /i/. Da-» 
hociclic. P/»^. 184- %. 16. Guion , /i/l Goujon»; 
Pag. 30f. %. i8v Cafabal, ///. Cafabas. i'/if • 
^07. %. X4. Kachechiade, lif» Kachechindc^ 
P/»^. 313. %. 3o.huit,/i/*. dix- huit. Pag, 34K 
lig, 17. Choquet ; lif* Choquen.. Pag.. ^^*. lig^ 
JL iU même* 



TmntJL ^ff* 



INSCRIPTIONS. 



Iiifcnpûoni de tfud^itit Marbret trouves, dam lei 
Ru'mu d'un Edifice HHp/ès de eeîlei de CyzSque. 

I. 

TnN KITHEATKÏTAT... 
TnSEIAIaAMBPSIilT... 
2ETEP02... 

NAIK ITAMETH ;..■ KAI T 

TAEAOïnOISAriArO 

OAMH2HKATA0E2O 

iiAnos non 

EAAINIAETXN 

4- 
KTE:.:KONKTI2THN HH^ 
AISEniAP XONinNinNrvEÎ 
T I O T A 1 0N2E AEÏKONÏON. * 

APXiEPEasnpoNOHa 



i 



380 Tuj 

ANfiNTHS ÀNASTASEnS 
KAI TOTAIA 
XnNANAPIANTnNKOSMi 
TOT0EATPO.EN THEATTn: 
APXHF- lOTAIOTSEAETKOÏ 
KAI 'AÏPHAIorrrAKIAI 
NOT ArAeHMEPOÏ 

5- 
;. NAIA2 AI . . . lîNT 

.. AniOS OAINOS A.XnN 
.. APXXÎN ASinS ANTaN NT2 
,. NE2HTA2A KAI EHErPAI-A 
..AEIEAN TAS TA AIKAI 
HSEIS j... PriMAS KAI MT 
THPIAPXA2 

E120AOÏ 

OTAniOS ipAINOÏ f 
...EiroAOT ïMTPHHPnTAS 
...PO;f;*ï 

or 

6. 
AEEninPOtATEWST 
J2I2TOMMKPHON 



o9 



I 



tuferiprion d» Tombeau de Nicomedie. 
ATP SAPINOC. APHAS TH2 KPAB 
TH2 4TAH2 n02 EIA ilNIAAi 
E0HKA THN OP"NEMAÏTn''"KAlTHi 
NBIil MOT' ATPHAIAT. AlorêNSIH» 
KAI TH 0TrATPI MOT' ATPHAIA EA. 
CIAIKH'xTH KAI MATBnNH nPOTE- 
AE'THEASH ' NEIKHSASANENSii 
«P02TNH HASANETNAIKA, ZHSA2AN 
ETH' KB KA nBOTAOMAI META TO 
KATATE0HNAI HMA2 MHiENA ETE. 
VOS A NOIHAI THN 20P0N-EI MHE 
ANEnEISHTEKNfi HMiîN EANAE' 
TI2 HAPA TATTA nOTHÏEI AaSEI. 
nPOS TEIMOTTÎl lEPQTATii TA 
MEin=)c /E. KAI THnOAEI*;/rxAIP£TE. 

8. 

Jn/triplUrt trouvée fur la parle de ^Eglife de 

S, Panlaleofi à une demie lieue de Nicentedit, 

MS MANIBUS. VITALE VERNAE SVO. 
QV I VIXIT ANNOS XX VII.Q^ASIDIVS. 
SEVEPVS AICTOR. DECVR. SEPVO 
FIDELISSIMO H SVI AMANTISSIMO. 
TMP. 



381 



Infirtptions. 



JnferipMn trouvêe/uru^e des murdlllis dt U n 

Eglife par dehors, 

MENANAPOS AAI2 TOT 
APTEMIAiiPA MENANAPOl 

lO- 

Infiript'ion prtfe d'un Marbre percr, treHVÎfur^ 

puits & parmi d'autres ruines , dans wa chumfk 

entre Ntcomedie & l' Eglife de S. Pantalees. 

AM*niOAÏTPA<I)IH2rEOeA^ 

(ADEOSnO TOAIAPIA 
. . . IHNAT KEAOMAI I2E2 AQ,^ 

' ( nrpoN npMEAON"c| 

KAITHNÏANOBOAOIXIAPJ 

( SOIS n AN4>on"N anass i 

HAEANEMOÏ SOI OANI 

' (hnoais (Dïtaa nEi| 

(NOTsIN 
HT0I IPC 

T*I K 

THE EC 

NEP 



Infmptions, 38J 

TAT Aïs 

ATE ASOIA2 

XPH PEfiNa 

XPn EAINAI2 

flAE 20T2A 

AHM lEPEIA 

KAIS eAI 

A2T N02TA3 

XHI 

aAEl AmSEN EimiA AEPE 

( 220MEN0I nOAIHTAI 
ET0ENI H2E niKOTPON AA. 

(HN AMHSE TEKAPnON 



tt trouvée au fonds du Sajfm d'un i 
Baini de Breujfe. 

ETNSAKOTKAPIHC lïHOS 

Bktokk CTOKI 



H- 
JnfiriptiaKl troHvéet Anp-h dt Breu^e, 

lAIflNTP' NTESKETTA 
SEniKEIMENS ITOÏT4 

2EBPA 

M- 
TITOS *AA0TI02 4>IAOTAI. 

ONOnA THPAITOT 

lé. 

ANHKgpftHOT TOCOnTP. rocFTArA 

(TOTST 

CÏBç-ATOT HM»N BACrXÉac Ê6.0A»Pr 

omnhmxtAack yf 

16. 

Infcripùom troHvtti i Chulayt, 

MEAEArPOSK AI AlXSETPA- 

TOS I ATNAMHTPI MNHMH2 

XAFIN « 

7>/)« /. '^ ■ 



i 



ÎÏ6 



In/criptions. 



'7- 



«SKTOCCTAAÏPIOC ZaClMOC 

nPWTOrONATOMTfKNONAlTlTA 
AfAC«AO»MAnnACrcSPATgrc _ 

AMENOC KAI APEIOC TA TEKNNA 
riATPl KAnHAAHIPIAnnO 



MNH 
MHC 
XA 
FIN 



Le tout du cadre 

où font deux 

ppires^ 

iS. 



US. 



AFAtHTTT. XHSTT TÏT XH. EÛT. EIOÇ 
KATAIi OMNHCTNBbhl . . . 
inECTHC AN ZIIINTS CêAT TOC II 
MHC XAPIN 

'9- 

nPsTOMAXOC A«IA rrNAIKIN KAI t 
ATToMNIAG XAPIN 

Infenftïotu troiHliêi'à Eihlcher. 



TACTATAN : : PAIPABOrNrONCm 1 

[MHd 

êTIZoNI 

. OCANnOCOl TA 



I 



Jafiriftims: 

'CSntSIPATH TATIONl 

NBAPï4lO AFCAAOCï; 

NONOÏToC NiAKPTeN 

AaPOIC. nspi 
nscoiToCT 

^lOPAIC 



i 



O^PlOC KAI TPOIPIPHC TMPIiplX'. 

(^T:.:KNnMEPArX 

AnCAMENnN TON TOnOM TON ME. 

( NONapOTTHN 

ÛEEnniPOîATEWÏTEUTÔMMHPHON 

NEIKANiPOC KAI AWIAFTNHAT TOT 

(N:.:TIfi KAI TJEAÏTOIS ZnNTES 

MNHMHS TIANnoEOE EIXTEIPATHN 

BAPT^eONON OTT« EAflPOe HEPI 

(rPESOITOrïNfOP; 



'AI^ 



KOS KAI AMEUr TEMONiePEnTOK 

( AHOAAnNlOS :.: 
KAI AIONTSSlNTPOfOTriEPTnN EI- 



► 



I 



^■ 

ATP. EPHHBS ÏNTHS TMEIilArPANTO 

( NINH, ATPTPOtlMT 

KATPIOT AIASTntOAnAOTPI ATPIPI. 

(NEÎlrAlfKPATPMH 

àAAEnSKAÏPAS KAI::nlAaAa2nS 

(rONSTÏlNTAÏ) 
ÏAOIS 

i£ 
"ZHNI TMENIlPIi :.; StA KAt ATTIK, 
( aFAaa TEKNA 
AÇÇH MEKANAPOS ASkhHaS KAl A^ 

k( tiço.ïzhSantiamenII»" 
TON eHiM. OX0H TON BION 

hfcnptiom trmyces crache fouine Cùmtat «f^ 
meniins auprtt ^Aijgmm. 
»'!■ 

HBOT AHK AIOAH. MOSSÇ 
BASTH. nafa l'ÉKTOSA. TS, 
NE tiMHSEN MKOKKHIC ' 
AAESANAPON TONEAT Tf 
nOAITHMIC. ANAPA2EÏ 
NONKAIJH, TUN HQUNKOS- 



Jnjcriptions. 3I 

QkkKOtCTk. CTPATHN SI- 
KH nANBIPIIi. KOKKHIANa 
ANAPIMNH MHC XAPIN 

•7- 

AFAOHITTX HI. EI2 AinNi^ 
TON K XPION 



\ 



TA4ONT0N ENTAH AHCI. 
ONBnMONQAMAE TEÏEKA- 
TAFHS KAAÏAIAH KAI AE. 
XAS. AQHNin NIFAÏKÏTA 
Tn. KAI 4)IAT TA Til AT-Nfi 
rENnMENfiS ÏMIii MNH2 
XAPIN 

19. 
2INOÏANO;SHAIOrMON. T. 
Nnïin SEMNQK 4>IA0nA- 
TOPlTAHMaN ANE 2T2EN 



il 



MS MANIfl. UVCCIOV ¥ 'Ç'^^ 



390 fa/criptions. 

SIC VNDOC OMIT AA NITRU 

TAU AVG. 

31- 
IMPCAESARI. MAVRELLIO 
AHTONINO INVICTO AVGVS- 
TO PIO FELLICITATl 



ïi^inftîtm 



fur Its TMtritillet cCAiii 
52- 






D M , 

HENNIO M AR NEC. XII. I VI. QVI 
VIXIT ANNIS. LXX Sllr. XXXXV 
MEMRIAE CAVSAVSA HEll| 
NIVS TERTIOTENHENNjM 
JIILLIANVSLIDEIVS PATRiM 
"'OOPTI ■ 

' se ■ 

'S 

CIVIS ENECIO." NEM ' UE PROB 
PRO VCA LATITE M VICEP R A..H 
DIS EIVS PROV ET PONII ZENΠ
AVC CLEB TABUI.AR PROV EI^ 
PRAEPO SnOIN COMPARABi.^ 
34' jk 

NKAArc TOC 4>OIBIaN'l T«. ©PSnTfittfl 
miMHSXa. rLH Sn11.\ TKlvï-tS TlJiS 




39^ 



Injiripùms. 

35- 

il A* *AAOÏINNO. SOT A. 

IIKINOAIS lAATAPXHNTO- 

L rNOTATONKAI AIKAIO- 

fATON OAAOÏIANOS ETTT 

IxHS. TONr AÏKI TATON. 

nA TP«NA AieiTïXI 

s«. 

20TIK0NBA2 20Ï ANAPA. 
AFABONTION OTAH2. A<t>T. 
AAPXHSA ' TA«>IAO TEIMnS 
KAIA2 TTN0MH2 ANTAAF. 

Nns KEproNnoiH. enko. 

MOKE Tin ERTHN lAinN K 
KA0HMEP AN nOAAAnAPE. 
XONTA TH*TAH TEIMH0EN 
TAENTE EKKAHSIArS KH 
BOTAHfliïAH. lANE AOATM. 
ni A EniMENOÏ MK NON BAS 

sorr AïoïKn aqh naiot. 

SENTA MOT TOT TOnOT 



1 



59 X ' fnjcriptions, 

0ENTOC tnOTHS AAMHPO 
TÀTH2BOTAH2 

37- 

2HNITA MENmn.;. ETA KAI 
ATTlKfl. ArAAATEKNAA4)<6 
H MEN AN AP02 AS KHnS KAI 
ATTIKOS ZH2 ANTIAMEN 
nTû2 TONEniMOXGH BION 



In^cniiiWwi 



iÊéùmit 



■STTT 



• r 



> i 

1 



'4 



VVAI .S XlOOdOdHa ïf 

vxox va^îA vaw ni xa ••;. 
vxdVD vmiw H'aaj vm • •• ixA^fi 

Oa V XNHINaOAH lÂt 
lASCd XNA^aAgVH» 

^ iwoM 03W s^Nmodv aaa- 

sviCb ^axio'^iD a 
Nt xa sraiSïAba x^ 

wv^assao wAnaa? 

^ "Haj** 

aAVNDA^ 

WaXAV Sh 

VàL OAÏ) MI IXMao. 

anïw was; 

ODOl OÂÎ) MI wi^a{ 

avxNïïONiAT^xa vmiw v 
SN3IDIA xa X • • aixas acÉ 

iD NI wAxodaM xa wa^o 

• • ■ • • ^ 

* • • • aaNiaa sAdi* 

•SOD OMVIID OaN>lAlî 
10 VW WA^Olïf A ' 

Odai- 

••NIDDV 3At)3a^î 

,. , "'H XNA^aAVNS- 



7 






Q 

SINIWAli ••'VV*<^ 



1 "* 



f PLVRES 
^Ar^' -Tl SVNT AD EVM DIEH 
*^'^* LXX 
fjf TVERVNT 



»* 



. GALLIAS ET HlSPA 
AGADIRVS AD OSTl 
.ROXIMA EST HA 
t) PER INIVRIAM 
A^lf^sOLlS ORIEKTIS RE 
•'^.I^^j M . ,QVE TERKANl Qvr 
tf*J&-CIMBKlQyE ET CHA CmS 
J JRVMTOPV.. Pir-, I 1 r-AT > 
J*. MEO ivSSV ET AvSPKlO (JVC 
t ^ ^ ET IN A... lAM Qj A EA ,.. 



'Q^ AN .. HD....rERGA 



^ 



en; tavasdi q\'0 
et '- — ■■■ ' 



fcCf bRIVNDVS IN ID RE . 

iVB-V VlRGvM 

DENTIBVS E . . . 



' E HISPANIA . . G . 
,*TALIA AV . . . . 
'.JJMAE FVERVNT 






.VICTI .... 

iRClTVM ...... 

AMICITIAM POPVLI ROMAKl 
ET IN TEfAPLO MARTIS VI-TO 



^Pvi.1 ROMANV tl(.î.^e\tN^tO;^l 



I 



Itifiàfthan 



3 



iptieti Grecque trouvée i ^ngeurd 4Vet Cela 
nommée Lapis Ancyranus. 

AsEAnKEM KAI- MON;.;, 
MAXHNZETr HTPIAKO 
KAIKTr niniONEAh':;: 
TATPflNKAIOHPinN 
«O2AHAAO0OININ' 
EAaKENQEAS KAI 
KTNHriONEAOKEN 
EniMETEIAIOÏ 
AAIMENT2 ©ASIAEfiS AMT; 
TOT nos A HMO0OINI :, 
AI2EAnKEN©EA2A2.:.^ . 
EAOKENArONAr TMNrSo' 
ANPMKTnNKAIKEAI,Ei>I^P_ 
AHKE KOMOinS ÂETAT:;. ' 
tXIANKAI KÏNHriONHATSET 

noAiNT.onoïS anpi . Eono 

2EBX2 THONE2 TINKAIH. 

/nAN-rr 



à 



\Tfme I. 



% 



p£)t 



AS 



|9? Ttifîrtptimt':- 

pisrEiNETAi KAiomnoj 

K" (AP0M02 

(SIABIOPISATE nOPEirOSAH. 

(MO:: OI 

nianeauken anapianias 

(AN] 
6HKEKAI2AP02 KAI lO-l' 

Caia: 

2EBA2TH2 

MÏNT ASrAI ZATOAI A2 TOT 

(AHMO 

-©OINIA2. AISEAiiKE EKA 

(TONBHNE 

-©Ï2EN0EN.EAQKEN 2EITO- 

(METP 

-lANE AÛI. ANAIIENTE MO- 

(AIOT2 

EIAs AIOrNHTOT 

Biopis ATE rioPEiros ro. 

^ (AETTK 



In/criptims: ^S 

Itlfcnftïi» ittmie à Bourgurnfur la Tarte (fi 
Eglife Grtcfite. 

41. 
ANEKENHlHO nTPrOC TOTTOC 
BACH AHor KAl KuNCTAA^TON «I 
AOXPHC TON AêCnoTON ttt 

Inferipiom IroHvéel à Fhilïfpofotii, 

43- 

ATAOH TTXn. TTIEP TH2 lONA.B 
KPAT PON ... KAIAin. KIT AIA MON! 
MATPHAION ANTONEIN KAI AATPH- 
AIOT OT HPOT APMENIAKnl OI AIS 
KOÎ. KAI2AI02 01 MAPKOTHI... TAIEP. 
NEOHK .... TEMEI2 lAAIME TAIE P02. 
NHN EKNKOTIIT02 AA4EIOT noïEI 
ûiiNIOÏ EniME AHT ET0NT02 *VA 
OTI OT ET AAIM0N02 TOT KAI *AA- 
OTUNor 

44- 
TTXHIHOTTITTnATPIKOrrOs: 
«TAIIKEn API2EI2 
45- 



SA- 



AKTTOCMA^tMOTTOTCKAYNTHPAC 
KATSCK£ac€N CTN TOICY no0£ MA- 



i 



ÛIAN TITHC tlOAlTSlAC Sni MfAHTi 

ïoNioc *Aabioï et AAiMONOC 

TOT KAI «AABIANOT. 



Jtifenftitn trem/it pmht Stttumftk, 

tENA7/fACtN^ 

^i^n\poM-hrPLK 
omJhtiHPoruM^ 

HhlMKCtŒB-hCT' 
AA: 



1 



E PEN N 1 2 HPAKAIANOS 
TEPOTSIAS TH2 01 AinnO- 
nOAEl TH2 EKT W NIAlw - 
NE AÏTW KAI THS ÏMPIW E 
AÏTOÏ KAEOnATPA AGH- 
NO. A w P O ï K A TESKEÏA 
2ETHN20P0NSÏTNTW V 
PAAW ANEI OAIAS TO 
OSANAEEIW AHSiAw 2IT 
OlSKW AHNAPlArE 

Itjfiriftient irouvécj i Drame. 
47' 

EVTICHES BVLLENI VENVStl 
SERVVS N. 48. 
CVIBIVS C FILVOL DAPHNVS 
SORN.DECHONAN. V. M.IX.H.Se. 
CVIBIVS ÇFILVOLFLORVSDEC 

11 VIR. ET MVNERVRIVS PHILIP- 
PISFIL KARISSrC 

Inffr'tfnon trouvée dam les Ruinet de ramientll 
Fhilipftl. 

49- 
CVIBIVS CF COR QVAPr 
MILLE. C. y. MACE£i,QÏ^\0 

Terne /. "t 



erml 

1 




injinption trouvée àtmi tlfle cËAnàrol. 

54 

M NHMH8A NATOT. XFHZ 

«MEBHTo. NBION H 

înfinfùorti troiiviet à Cogne. ^^| 

ANdPêlAN TANlIî OPAC*I. . . «TIKOT 
êlK«NO,C AêKAliPOTPê XAHFSNKAXH- 
NlClA AAIÊIAA ' ZSTIECI KAl ÛOTAOI 
CArAAAC MSNOC T6 OIATTOICS i 

ArAroN TAioAsr kona ArcroPAO. 

lOAHOC ! ONIIANIêCS «IAHCANOCOI 
s I A O G AFAnHCAN 1 Co *POCTNHN. 
t-NoMHNTê KAI SPrOJC IIANTOIOICIN 
Oï XAPINSC THC ANrONïS COMêlPO 
MSNO n S P I nAIiO£ I OîiPAKSPlBPAX 

TornêNeoTï xor*iOMoC8 fèntoI 

KAAAINSI KOC AAKPTXÏoNI AAoIA 0PI 
NêTOÏCA APHIHPSC1 AKAIACiHMOÏ 
fcfflAPIN THC ACKAHAZOTTS TPAKOPHC 
W^^i OSACnPOnOAOIKAIAIONTOOÏOC 
AN AêKAKbc Tai ANAPIANTHn nTAH 
OF*ANA T£ KNAAIPI OI rOXMPO BiO- 
NOIKpNSNHMONSNIlTPinAN TAi^ 



¥ 



Al 



Jafiriptioni. 597 

Eni*PONTnNOS 
MHTPOAUPOS MENENA. 
OXOrOTS 
-EIAE. PÏAAOr AHMO0OINI- 
( ANEAnKENE 
^OHKENMHNAS TE2SAPA2 
WlOT 2AN0S APTIKNOT AH. 
. L ■ (MOeOINI 

-ANEAfi::. INASSE AETKOÏ- 
. (AHMO0 
.OINIANEAn:: 
HAI*ENMHNAS TESSAPAS 
AÎÏAAIMENEI2 BASIAEnS 
AMTNTOrïIOST.i: 
AHMO0OINIANE AHKENE : 
( 2IPI2 
TE0NE:;: AEENANKÏPHTEK:: 
TONU.::-2EN0TEA2 KAinOM- 
(nHN 
AnTO : OMOIOS AETATPO- 
_i (MAXlQ'dL 




KAI::KA©AÎ.TAS KAfMOfs 

; : : ;/.; . <:, ' (^j/ii 

ZEt :: îffîAI : EN AIOAOT TOT 

- );•!', .'T.',' ■ (EKilAÏ 
TOt : : WÀTtèNH . eHPOMA- 

j ■ ;-:.-:• .; '(:xîAnîé>3 

-IAOTANO zr,,j .. fo^ 

i.ESSÏNÔTNTI MONOM J 

KEKAI ENnEPSINOTNTI- il 

TA MOI iQKHOAa TfiÊStAiî 



Sii 



iM - 



-'ftfiArAA 



EN nESSlfTOïNCriANÊei*. 

:•-•:: ;:v, i,.; ■ t;'io (Eg^ 

ÎTKOS *IAOAAMOÏ AHMO- 

- '■ ■ ■ =■ ' t©ÔINU 

A12EAaîEKSATSinOAESl8 

.1 f'HAIi 

TA AfTOEeNIiAÏÔÀOÏ *i 

K( UNl^TTC 




Tâjèrîptms: 
AEE4'nKEN 
ÏAIO SnONTKOSAHMOeO- 
INIANEA:- 

EKATONBH.:.ONE0HKE- 
(NO::-. 
TpEII-lAT, : . . . .m 
fij^fOKMISAA . . . .■ 
KEiNEAAIONE0H' EN AIOA" 

(OÏTOÏENIAÏ 
EniEASlAA 

iauiTosrAAAios noTAX: 

AîSEAâK ENKAîÈNTl 

( 21NO : .;. 

:f ÔNBHNE ©ÏSENE'AIONE- 

(OHK.v 

AT'INEGNESIN 

. . lAH2$IAni 

0O1NIANE AriKE NEK 
(TOMRI 
EOTSI :. EA.. ONE0HKENO A. 

S vv\ 



â 



â 



'Jkfirtpmiis. 

Infirlptiom trouvées à CogMi 

"- ' -it. 

■ AIAI02 nil. NOSIPilTOS APXn'N' 
EPENNIA KAISU rTMAlKIMNHMHÏ 
XAWN 

39- 
ATPANTIITA TPOCKSA<»T. CTNTHFT- 
NSKIMOT .ATPnAT AIIANeC THC AMC 
NTOIC T£: KNOICHMMNOTA ACNTIKS. 
TAIOT KêCAÏ TOIOS ONTSC MNHM 
XAPIN. 

«AAB5 nATAOC AKT4APIC':-:AANKIA- 
PI«NZ»N AMECTH CAMNHMHCXAPIN 

40. 
•AlfP' AAS|ANAPOC Zb.NKAI «P,0N»- 
NSAT.TisKAI AIAIAOT ni. AOTAASNTI 
AAH THjr. NAIKI ATTOr THNOO- 
PONSA TSOKÏTACANOOAANSTSPOCS 
nsICBI ACHTAirnOKêl CSTAI. T» *IC. 
Ko X AICXêlA. OiC nsNTAKOCI OIC 

y /njcnftlan treuviei k Scllvrie, 

r/>rAKPATHSlOTiS.»ïï. M 



1 



^Jcriptims: 
Si- 
TONE nEÏ TÏX ATHS PNME 
MAPXH2 TENNH ©ENTAOXO 
ÏAAENTINI ANO NTO TPO^ 
riAIOÏ XON ATOÏOTIKI APPl 

pooMioroAinPHrE 

57- 

E0T2 SflTHPAS THN TE Ar: 
Aïs TINKAI THNM PABOH 
0HNHNKAI ©EfîN THN MH- 
TEPA KAI TON TEON AnOA. 
An KAI TH NAPTE MINIAE- 
iiS KAIE... IKOACNEI AIE 
IKOMrai KAQIE PX12EM.... 
THI AE FATKT T ATHI OATPI 

AI I02 ATT0T2 TEKAI 

TON NEIiNSïN 

, . AHIin K^ lOIKE 
, ^ KEÏASANTOM 
!!>■ 

► AAIAIOC OÏIK ta-ÇtvS 



4bî ta/êriptious. 

NËeCEnoIHCE THN AABNAJ 
KAKAI TINC TH AHNAAIAin 
OriK T£i PEINQ Tn NATPI 
KAI AIAIAC TPATON CIKH 
THMHT KAI CAÏ Ta KAI 
OTAAEPI ACANKTH TH. rï 
NAIKI KAIAI AIAMATE IMA 
KAI AI AI A MArNIMHTAI 
COÏ TA TPACIOT AENAEC 
TEPa ZE Er AI EOEI CE NEN; 
NEIIEIxnOKPIE... * A 



1 



«o. 

TMACKAI AnOAAuNOC TON 
NAON OAONEKT« NI Alaîjj 
NAAaMATuN KATEcKcï 

fil. 

O0Er»N*4, T«N TOT IC TP, 
HAEN SAKEINTEOCT 

Tore» 4>poNoc nAï ao' 

AI A KONOTE NOPKIZOM0, 
TONUA^ T Kî Kt O^ KJa^a, 



u(^ 



; ICBIACH TiiTtlOKU 
riOoRIOC TAÏTA 



V Bfèript'tonf: 

m 

VkSC Aîcr XHNMEIA.AQï- 
NAOÏ TOT ANAPOC 

«3. 

eAioc TAIOC Aa:.anac katecJ 
Tace thnT aapnaka eaTtbke xJ 

NE ATTO:<cniC THKE TEKNOI 
ÛEANE TEPOC 

§^E THnoAl 
Infcrif lions tnttvêet II AÀAntt. 
«4- 

KTPIAINA nOnAIOT THN MAKPAN KAl 
2KErA2A nAPAN SEA.AiîAEMETA TOE, 
MEBAH 0HNAIEHON , EIMAI KAI TEK 
JJON MOTEni, MIFHNAIE TEPaAEMH. 
ÛEHI, EIAE TI2 AAAOS EniXEI , PH2 
JKioSET atlï, K»X AB KAI AOTON 
«EIEITJlEIGiTSIA. 
6y. 
KIWCCHCAPE THC ATI ENT 'E Ki3 
{ TOAE ©aTMj 
4EIMAC0A1 nOTAMOT XEI MEPlO' 
(ICI AroMOiE 
HKTCM KPumAACl AHI'O^E T0£ 



1 



ïVNTnEPE TpEI HNE^I TANTcCa. 

(COAON, 

HN noAAoi KAI nPOC 0ENA IlEIPti 

(HC INOCHO, 

KTANAIKNPEI0PWNTETÎA NAOaT 

(POTEPH^: 

.COlûTIlEPA'î'lAKNAI WNIO CEPPIZK 

( TAI 

KAI nOTAMOC HAH OwnIIpHT TE- 

{ POC TEIE ©tl , 

Troc THN AlFE *TpANANAC XOME- 

{ NOCTEAEC^Ce, 

H TE MONOC niOO O TOT AlACH 

f MOTATOI 

$PACE KAI ME TO TICC0E NE XOIK 

(AEOCI eONE KEINOIC, 

OlNElAOYlÏPOXOACZETÎANAriEI. 

(PECIOTfC. 

Injcriptlort tnmvU k Tarfe, 

6 6. 

flTIAOI gTTPOmOT, TOT AA^IinpO. 

TA TOT HrOTM«NOT.HMfflN£iTAHPtf, 

©H HngPl*SPIOCTOTCTAAlOT * 



L wr 



Fin du prtmUr Têmt.